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Le Mouvement littéraire

1910

DU MEME AUTEUR

Le Mouvement littéraire 1904.

Préface de M. Paul Hervieu, de rAcadémie française.

Le Mouvement littéraire 1905.

Préface de M. Henry Roujon, secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts.

Le Mouvement littéraire 1906.

Préface de M. Jules Claretie, de l'Académie française.

Le Mouvement littéraire 1907.

Le Mouvement littéraire 1908.

Préface de M. Anatole Frange, de l'Académie française.

Le Mouvement littéraire 1909.

Préface de M. Marcel Prévost, de l'Académie française.

Tous droits de traduction et de reproduction réservés

pour tous les pays^ y compris la Suède, la Norvèsre, la Hollande et le Danemark,

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S'adresser^ pour traiter, à la Librairie Paul Ollendorff, 50, Chaussée d'Antin, Paris

PH.-EMMANUEL GLOSER

Le Mouvement \

Littéraire \

(petite chronique des lettres) i

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Préface de M. Henri LAVEDAN, de V Académie française j

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PARIS '^ :

Société d'Éditions Littéraires et Artistiques \

LIBRAIRIE PAUL OLLENDORFF ]

5o, CHAUSSÉE d'antin, 5o

II. A ETE TIRE A PART :

5 exemplaires sur papier du Japon. 5 exemplaires sur papier de Hollande.

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PRÉFACE

EXTRAITS DU « MANUEL DU PARFAIT CRITIQUE »

I

Le parfait critique devra être un honnête homme. Jeune, quoique déjà évadé du cha- pitre de l'adolescence, et pas encore assez avancé dans celui de 1 âge mûr pour avoir acquis le droit et Texcuse de médire de la vie.

II

Il sera instruit, possédera toutes les litté-

VI PRÉFACE

ratures, les étrangères et même celle et celles de son pays.

III

Non seulement on le verra curieux et avisé de tout, mais il se sera de bonne heure appris à discerner et à préférer, à éliminer et à choisir. Il saura le poids, le prix et la qualité de tous les grains : les bons et les autres.

IV

Il aura Toeil et Tesprit généreux, l'étincelle cérébrale prompte et le cœur inflammable comme amadou.

Il sera enthousiaste, et patriote. Il croira qu'il y a partout même en littérature d'utiles frontières et que l'on peut très bien, exceptionnellement, les franchir sans parler cependant de les supprimer.

VI

Il aura lart et le secret de la politesse, de

PRÉFACE VU

la mesure. Il évitera l'intempérance du blâme et la débâcle de l'éloge. 11 montrera qu'une belle intelligence est toujours maîtresse de la plume qu'elle anime.

Vil

II sera juste, impartial. Il se détachera des personnes pour ne s'attacher qu'aux œuvres. Il oubliera les services qu'on ne lui aura pas rendus et ne se rappellera les injures que pour les recouvrir par le manteau du bien- fait. Il louera deux fois plus ses ennemis. Il pardonnera à tous ses amis intimes.

VIII

Il sera toujours sincère, ne serait-ce que dans son propre intérêt, pour garder la finesse de sa pierre de touche et aussi pour éprouver le plaisir de sentir son appréciation marcher au pas avec sa pensée.

IX

Il jugera toujours avec appel, n'aura jamais

VIII PRÉFACE

la fatuité de paraître se croire « en dernier ressort ».

X

Il pourra glisser un grain de malice dans un compliment... mais il devra verser une goutte de baume dans un reproche.

XI

Pour bien parler d'un ouvrage, il ne. man- quera jamais de se mettre momentanément à la place particulière de l'auteur. En écri- vant sa critique, il s'imaginera qu'il est l'in- téressé qui la lit. Ce simple petit effort fera son opinion plus sensée et ses épithètes moins irréfléchies.

XII

Il ne raillera point, fuira le détestable per- siflage qui offense sans amender.

XIII

Il recherchera, jusqu'aux moindres, toutes les occasions de louer. Il pratiquera l'ob-

PRÉFACE IX

servation encourageante, le regret qui sti- mule.

XIV

Il ne jugera pas sur le titre, au hasard et à Taveuglette. Il y a pour les livres, comme pour les gens, des physiques ingrats et des noms malheureux qui trompent.

XV

Entre les livres qui, au premier abord, l'attirent et ceux qui le rebutent, c'est aux seconds qu'il volera toujours. Et neuf fois sur dix il en sera récompensé.

XVI

Il ne lira pas pour en remontrer, mais rien qu'avec l'humble désir d'apprendre, et sans chercher la petite bête.

XVII

Il pensera qu'il a, pour les lecteurs con- fiants en lui, haute charge de probité, qu'il

1.

X PRÉFACE

est leur guide, leur cicérone, et qu'il serait aussi coupable de les induire en fausse admi ration qu'en injuste mépris.

XVI II

S'il a eu parfois des torts et des écarts, il ne craindra pas de les avouer en les exagérant parce qu'il faut frapper deux fois plus fort pour faire revenir sur une mauvaise opinion.

XIX

Il faudra qu'il lise tout. Mais, comme d'autre part cela lui deviendra matériellement impossible étant donnée la crue sans cesse grandissante du fleuve de Librairie, ce sera pour lui une nécessité d'apprendre à lire... sans lire.

XX

Et lire sans lire, c'est accoutumer son esprit et ses yeux, à ne voir, attraper et saisir au passage que l'indispensable, l'essentiel,

PRÉFACE XI

dresser son regard et son cerveau à « quêter » et à « arrêter » comme des pointers^ aux bons endroits, au buisson est blottie la caille de ridée, pour la faire lever toute palpitante et chaude. Lire sans lire, c'est ne pas, en ce faisant, songer à son plaisir, mais à son devoir, quitter d'où l'on voudrait rester et rester d'où Ton aurait envie de détaler. Lire sans lire, c'est lire mieux que si on lisait comme tout le monde, c'est lire léger, vif et rapide, effleurer, glisser, tout comprendre sans ap- puyer, lire de haut, à vol d'esprit, à pointe d'aile, sans y mettre la force afin d'escamoter la fatigue ; c'est couper le livre allègrement, en détachant et faisant sauter pour nous, çà et là, du bout du couteau à papier, une pierre précieuse, une paillette, une pensée, une image, un mot, car le vraz critique ne nous doit pas retirer notre plaisir en l'épuisant. Son rôle est « de nous en laisser d, de ne pas tout nous dire. S'il nous récite le livre ou le presse, à en faire sortir le jus, nous nous contentons de sa citronnade et nous n'avons plus besoin du citron;..

XII PRÉFACE

Faire lire, engager à lire, voilà la grande et bonne manière.

Il y faut une abnégation rare, proche du sacrifice, un entier renoncement de soi, et une modestie absolue qui ne prétende même pas à être dorée sur tranche.

Le critique exemplaire ne cherchera pas à briller, à paraître, à se mettre devant son compte rendu, ou au-dessus de lui. Il aura pour orgueil constant de s'efPacer, estimant que plus il affectera de se tenir à l'écart, plus on ira le chercher dans son coin pour lui dire : « Ne restez pas là. Approchez-vous donc. »

Et si quelqu'un prétend que toutes ces exigences accumulées ne sont que le théorique programme de l'impossible et qu'il n'y a pas, à la rigueur de toutes ces prescriptions difficiles, d'homme et de lettré capable de s'y assujettir, je répondrai à ce quelqu'un; « Mais si ! Tournez la page et voyez Glaser...» Ah ?

Henri Lavedan.

JANVIER

LES ROMANS

SELMA LAGERLOF Les Liens Invisibles.

(Nouvelles traduites du suédois par M. Bellessort).

Dans les derniers jours de l'année 1909, l'attri- bution du prix Nobel a révélé à la foule le nom d'un grand écrivain : Selma Lagerlôf. En dehors de la Suède, sa renommée est immense, l'œuvre de M^ie Selma Lagerlôf était, en effet, peu connue dans le monde; grâce au prestige du prix Nobel, elle y sera désormais répandue. Il faut s'en féliciter, car le talent de cet écrivain vaut mieux qu'une gloire locale : le public français s'en rendra compte en lisant le recueil de nouvelles dont M. Bellessort

2 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

a publié une très littéraire traduction et qui sont réunies sous le titre : les Liens invisibles.

Il y a dans ces nouvelles, « légende et fantaisie », ou « réalité », un souffle, une puissance, une foi admi- rables. Ce sont des histoires frustes, étranges, d'une haute portée philosophique; avec leur saveur de terroir qui nous ravira, elles sont profondément, largement humaines; comme le dit très justement M. A. Bellessort dans la préface : « Selma Lagerlôf avait peint d'abord un moment spécial dans la vie particulière d'une province suédoise. Puis, par le chemin des légendes et des fantaisies, qui se déroule à travers le temps et l'espace, elle s'éleva peu à peu à la conception d'un art plus libre et de l'immor- telle vérité. »

CHARLES LE GOFFIC Ventôse.

M. Charles Le Goffîc, le romancier profond et inspiré du pays breton, s'en est allé cette fois-ci à l'autre bout de la France, sur les bords de la Médi- terranée, pour nous dire une tragique et belle his- toire toute bouillante d'ardeur et de passion méri- dionale. Ventôse^ c'est le titre du roman, c'est le nom, le surnom du héros Thibaut, épris d'une furieuse passion pour Norine, à laquelle il fut fiancé jadis et qui est maintenant la femme de Savournin,

JANVIER LES ROMANS

Ce dernier, brave homme simple, ne se doute pas de la haine qui s'est allumée contre lui dans le cœur de son rival. Les événements se chargent de la lui faire connaître, et, une nuit, il périt mystérieu- sement en mer. Des années se passent, et Thibaut, de retour au pays après une longue absence, va épouser Norine devenue veuve, mais un gars bre- ton, Cosmao, connaît la vérité terrible, il sait que Thibaut est coupable de la mort de Savournin : cette vérité, il la révèle la veille du mariage, et Thi- baut, fou de douleur, de remords et de désespoir, provoque Cosmao dans un sauvage combat au cours duquel les deux hommes roulent enlacés dans l'abîme...

L'histoire est très dramatique et M. Charles Le Goffîc nous la conte avec beaucoup de puissance et d'émotion, mais il ne s'en est pas tenu là; le cadre de son roman : ce port, cet arsenal le drame se déroule, lui donnaient une occasion d'étudier et de dénoncer les ravages du syndicalisme dans ces milieux; il ne s'en est pas fait faute, et son héros, torturé par l'amour et par la haine est troublé profondément par les théories de violence et de révolution de son journal, Fewifo^e, par ce syndica- lisme qui désagrège et détruit la discipline et la force de la marine, et tout cela ne contribue pas peu à lui mettre le cerveau à l'envers. M. Charles Le Goffic a évoqué de façon remarquable cette fureur dévastatrice de la révolution.

4 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

GEORGES OHNET L'Aventure de Raymond Dhautel.

Depuis quelque temps déjà, M. Georges Ohnet s'est avisé que les véritables « Batailles de la Vie », ces batailles dont il nous a conté tant d'épisodes touchants, ne se livrent plus seulement sous des toits familiers, entre des individus, mais aussi, et surtout, dans la rue et dans les comices, entre des partis; la bataille de la vie est devenue la mêlée sociale et politique, et c'est ainsi que M. Georges Ohnet nous raconta naguère la Route rouge.

UAçenture de Raymond Dhautel, est un roman plus intime, plus familier, cependant les ques- tions politiques et sociales jouent un rôle prépon- dérant. Il s'agit, d'un jeune et bouillant avocat qui, cédant à la double influence de son secrétaire anar- chiste et, d'une femme intrigante, quitte le barreau pour la politique, devient dans son pays le Morvan le défenseur et le représentant des doctrines radi- cales-socialistes, pose sa candidature à la députa- tion. Il mène une campagne acharnée jusqu'au jour où, écœuré par certains procédés employés pour le soutenir, et, par surcroît, repris par un amour ancien pour une amie d'enfance, petite-fille d'un vieux mar- quis, son voisin, Raymond Dhautel renonce à la vie

JANVIER LES ROMANS

publique pour épouser la jeune fille qu'il aime, quitte la politique pour le barreau, et retrouve, à la glande satisfaction du vieux marquis, sa vraie nature, ses idées aristocratiques et ses convictions traditionalistes par amour de la vérité et puis aussi pour épouser la gentille Hélène.

Et comme vous voyez, M. Georges Ohnet est, lui aussi, de cet avis que nous devons rester chacun de notre côté de la barricade : conclusion prévue d'un roman, dont les péripéties sont si ingénieuse- ment distribuées que ce dénouement apparaît comme une agréable surprise ; c'est du bon Georges Ohnet, et la clientèle du célèbre romancier retrou- vera dans ce livre les qualités familières qui l'ont tout d'abord et si naturellement conquise.

J.-H. ROSNY (aîné)

La Vague Rouge.

M. J.-H. Rosny aîné est plus farouche; ce n'est pas la politique qui domine son roman : c'est la révolution. Ses héros ne sont pas seulement d'amor- phes radicaux-socialistes ni même des socialistes, ce sont des syndicalistes, des « Cégétistes », cham- bardeurs et terrifiants. Son roman s'appelle la

6 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Vague rouge! C'est une œuvre tumultueuse, grouil- lante, intense, frénétique, l'auteur de Marthe Baraquin peint non plus une figure mais une foule entière : ce n'est plus un portrait, c'est un vaste tableau de ces mœurs révolutionnaires dont le spectacle nous attire et nous épouvante, de façon bien excessive d'ailleurs, car il faut le prendre au sérieux et non pas au tragique. M. J.-H. Rosny a pénétré ce spectacle en artiste à la vision perçante, il a étudié très solidement le syndicalisme et l'anti- militarisme, ces mouvements obscurs et formida- bles qui bouleversent l'âme vague, l'âme irrésis- tible des foules. Il passe dans ce livre un grand souffle; l'auteur a su exprimer avec une puissance et une sincérité qui va parfois jusqu'à la com- plaisance — toutes les fièvres du prolétariat, tou- tes les forces de la classe ouvrière, enivrée d'utopie, persuadée qu'elle va organiser sur-le-champ la mer- veilleuse société future. Les épisodes dramatiques, les scènes pittoresques sont accumulés dans ce livre de façon à défier l'analyse. M. J.-H. Rosny aîné s'y révèle manieur de foules : il reste surtout créateur remarquable de figures, telles celles de son héros François Rougemont, superbe agitateur sincère, et Christine, la jeune fille intrépide qu'il aime éperdument et sans espoir, et Deslandes, son frèie, le chef jaune, irréductible ennemi de Rou- gemont; remarquable aussi dans ses paysages d'un sentiment si profond, ses dissertations si nourries, ses discours si véhéments : on retrouve surtout,

JANVIER LES ROMANS

ce tempérament original, nerveux d'un artiste, d'un poète qui a le sens aigu de la réalité et je ne sais quel lyrisme bref d'une forme particulière qui produit un effet puissant.

HISTOIRE, LITTÉRATURE, PHILOSOPHIE,

DIVERS.

GÉNÉRAL DE PIÉPAPE

La Duchesse du Maine «Reine de Sceaux et Conspiratrice» (1676-1753).

La Duchesse du Maine, cette petite-fille du grand Gondé, qui tenta la verve de Sainte-Beuve et dont M"^^ Arvède Barine nous donnait naguère une si spirituelle image, méritait, certes, la longue et consciencieuse étude que lui a consacrée le général de Piépape. D'abord, c'était une femme infiniment spirituelle et dont il était amusant au plus haut degré de recueillir les traits ; et puis, cette princesse « mariée si près du trône qu'elle osa un instant le convoiter» appartient, par ses conspirations, par maintes aventures de sa vie, à la grande histoire;

JANVIER HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 9

enfin, ses rancunes et son esprit l'ont amenée à jouer un rôle tout à fait particulier dans l'histoire de la société française : elle est un précurseur. Son salon, ce salon fréquentèrent et complotèrent, si j'ose dire, le marquis de Pompadour, le comte de Laval, le duc de Richelieu, Voltaire; se prépara la conjuration de Cellamare, « ce salon marque une étape entre ceux de la cour du grand roi et ceux des philosophes, il précède et annonce les cercles litté- raires de Mine de Tencin et de M»^® Geofîrin», et la duchesse du Maine, nous montre éloquemment « le vertige, l'inconscience des sommités de la noblesse française, la frivolité des beaux esprits à la mode ». Ainsi s'exprime le général de Piépape, bien sévère pour l'héroïne à laquelle pourtant il va dans son livre nous intéresser si passionnément.

GEORGES DELAHAGHE Alsace-Lorraine : la Carte au liséré vert.

J'ai éprouvé, à hre ce livre, une émotion que je voudrais partagée par tous les hommes de ma géné- ration; j'ai appris dans ces deux cents pages des choses que nous devrions tous connaître, et que nous ignorons, hélas ! presque tous. Cette ignorance du drame de 1870, dont les conséquences pèsent cependant d'un poids si lourd sur les Français de

10 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

ce temps, je l'ai déplorée bien des fois; il n'est pas douteux, quoi qu'en pensent les théoriciens du bonheur social 'et de la paix universelle, et sans nier la noblesse de leurs théories, il n'est pas dou-' teux que nous n'avons pas le droit d'ignorer, que nous avons le devoir de nous souvenir.

Les hommes qui parlent avec scepticisme et détachement du drame d'il y a quarante ans et de ses conséquences actuelles n'ont qu'une excuse, si c'en peut être une: c'est leur ignorance. Lors- qu'ils auront lu le livre de M. Delahache, lorsqu'ils l'auront entendu, en toute simplicité, avec une émo- tion qui ressort des faits plus que des mots, rap- peler « l'histoire des deux provinces françaises qu'aucun signe ne marquait pour la séparation d'avec la France; montrer ce qu'était depuis long- temps à leur égard la volonté de l'Allemagne, dire comment se pratiqua l'opération douloureuse, quels cas de conscience et d'intérêt se posèrent pour les diverses catégories de la population sacrifiée ; com- ment l'Allemagne s'y prit pour coudre ce lambeau de France à son empire reconstitué, et pourquoi la suture est toujours visible »; lorsqu'ils auront écouté cette leçon, ils seront convaincus, je pense; ils ces- seront de se disputer en de vaines controverses pour étabhr les responsabilités françaises d'un événe- ment qui fut prémédité, calculé, rendu inévitable, par la seule Allemagne et ils se diront que les Alle- mands d'il y a un siècle, les Allemands d'Arndt et de Ruckert eurent raison de n'être ni sceptiques ni

JANVIER HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 11

ignorants et que peut-être leur exemple serait bon à suivre...

CHANOINE O.-C. REURE La Vie et les Œuvres d'Honoré d'Urfé.

Dans une spirituelle « épître dédicatoire » à Diane de Chasteaumorand, l'auteur offre gentiment l'hom- mage de son livre à la gente dame Diane, « cette personne volontaire, fantasque, sujette à des coups de tête», qui fut la femme tour à tour d'Anne et d'Honoré d'Urfé ; cet hommage, il estime le lui devoir, car c'est en grande partie dans les belles archives elle rangeait avec tant de soin les docu- ments de son histoire, qu'il a pu en recueillir les léments et parvenir à nous offrir une histoire très omplète et circonstanciée de cet homme célèbre et inconnu qui fut l'auteur de VAstrée.

L'œuvre est à jamais célèbre: quelque opinion qu'on puisse avoir sur sa valeur, elle constitue un

fait» d'une importance considérable dans l'his- toire de notre littérature, mais son auteur était resté un être falot, à demi perdu dans la légende. L"^n des pages prestes, vivantes, d'une forte et riche documentation le chanoine Reure le rend à la réa- lité; grâce à lui, « ce personnage n'est plus une ombre, on le voit vivre, et pour la première fois il apparaît dans la réalité précise de son existence

12 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

de soldat, d'homme politique et de gentilhomme». Et c'est d'un très vif intérêt anecdotique; il y a aussi un précieux document d'histoire littéraire, car l'auteur nous donne sur VAstrée une foule de rensei- gnements positifs grâce auxquels bien des gens qui parlent de VAstrée sauront désormais ce que c'est et il termine son œuvre magistrale par une enquête sur l'influence que ce roman a exercé et sur la bonne et la mauvaise chance de sa fortune depuis son apparition jusqu'à nos jours.

CHARLES GUIGNEBERT L'Evolution des Dogmes.

La juxtaposition de ces deux mots : évolution et dogme, est tout de suite de nature à éveiller les méfiances des hommes attachés à leur religion, des catholiques en particulier. Ces méfiances sont trop justifiées, M. Gh. Guignebert qui, dès le titre de son livre, s'y est exposé, les .a prévues ; il a prévu l'émotion, l'indignation qu'il pourrait soulever mais il trouve « ses raisons trop fortes pour qu'elles puissent s'arrêter au scrupule de scandaliser d'hon- nêtes gens en choquant leurs très respectables con- victions », et vous allez voir s'il risque de les scan- daliser, par ce simple extrait de sa préface : « Dans les pages qui suivent, dit-il, je me propose d'établir

JANVIER HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 13

(p'un dogme est un organisme vivant, qu'il naît, se développe, se transforme, vieillit et meurt; que la vie l'entraîne, sans qu'il puisse jamais s'arrêter, qu'elle le fuit, quand le nombre de ses jours est rempli, sans qu'il puisse la retenir. »

Avec un tel point de départ on se rend compte que les catholiques ne risquent pas d'être touchés par les raisonnements de M. Guignebert; leur foi leur interdira d'entrer dans la discussion et il ne lui restera sans doute qu'un public conquis d'avance pour écouter sa conclusion : « Qu'un dogme con- sidéré du point de vue historique se présente tou- jours non comme un fait divinement révélé à l'ignorance de l'homme, mais bien comme une com- binaison laborieuse et toujours changeante d'une collectivité humaine; c'est avant tout un phéno- mène social et il accumule durant son existence le travail de la foi, souvent très actif, d'un grand nombre de générations.»

Mlle BLANCHE DE FLEURIGNY Guignols Parisiens.

if Bien vite, maintenant, soyons gais, tout au moins souriants, et allons voir ces Guignols pari- siens dont Mlle Blanche de Fleurigny manœuvre gentiment les ficelles. Ce sont de légères et prestes

91

14 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

chroniques nées au hasard de l'actualité ou de la saison et que M^i^ Blanche de Fleurigny, audacieuse, n'a pas craint de réunir en volume; elle n'a pas eu tort: ses Guignols parisiens se tirent agréable- ment de cette redoutable épreuve et nous décou- vrons, dans tels de ces tableautins, de jolies qua- lités d'observation psychologique, « micro -psycho- logique », dirait notre amie Sonia : « la femme qui ne sait pas mentir », « les vieilles », « les sourires d'étren- nes», m'ont semblé à cet égard particulièrement réussis.

J'en voudrais nommer d'autres, mais ils sont trop; la verve de M^^^ de Fleurigny s'exerce sur les mille et un petits événements qui marquent une année parisienne, elle franchit même les forti- fications et s'en va jusque sous bois, en face de la belle nature, et, bien avant Rostand, fait converser devant nous la caille, le lapin, le faisan et le cerf, et ses bêtes ont de l'esprit, autant que ses person- nages.

MÉMENTO DU MOIS DE JANVIER

ROMANS

Clermont (Emile). Amour promis. > Doucet (Jérôme). La fille de Manon.

MEMENTO DU MOIS DE JANVIER 15

I^e Queux (William). La Dame en bleu. Roman traduit

de l'anglais par M. Armand Le Gay. Mauprat (Henri). Fulbert Fulgence, V anticlérical. « Joie

d'Automne. Romancier et Chef de Bureau.-» Roland (Marcel). Le Presqu' homme, « roman des temps

futurs ».

HISTOIRE LITTÉRATURE THÉÂTRE POÉSIE POLITIQUE DIVERS

Andrillon (Henri). L'Expansion de ^Allemagne et la France.

Arschot (Comte d'). Quelques Vers, d'une séduisante harmonie.

Auge-Chiquet (Mathieu). Les Amours de Jean-Antoine de Baïf (Amours de Méline), édition critique.

Bergerat (Emile). Ballades et Sonnets, des vers qui 'sont souvent d'un délicieux poète, étincelant jongleur de rimes, et parfois d'un grand poète : les Ballades pour François Villon, la Ballade à la gloire de Catulle Mendès, la Courteline-ballade, le Petit sonnet du jeu de la vie mais si je commence à vouloir citer des titres, je les énumérerai tous sont des choses exquises : le poète nous dit, dans son « sonnet préli- minaire » :

Un intérêt du moins de ces vers se dégage. J'en ai volé la joie à mes tâches du jour.

C'est un bon voleur ! Car cette joie dérobée, il nous la distribue à nous, lecteurs, avec une truculente et magnifique générosité. Bourgeois (Léon). Pour la Société des nations. Quoi qu'il puisse sembler, l'éminent homme d'État ne défend pas dans ce beau livre les rêveurs de la paix, il est pour les « hommes d'action de la paix» et dans la société des nations qu'il veut fonder, loin de convier

16 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

«

les peuples à une résignation inerte, il prétend « les grandir, les ennoblir, les exalter en définissant entre eux les droits égaux et les devoirs réciproques ; créer pour eux la plus haute des indépendances, celle qui ne connaît qu'une loi commune, celle de la conscience commune et fonder sur la seule justice la seule paix qui soit assurée».

Chuquet (Arthur). Épisodes et Portraits (2^ série), des pages vivantes et documentées, l'auteur évoque tour à tour : Joséphine et Berthier, Frédéric II, le Général Legrand, Primi Visconti, Grabovski, etc..

Claretie (Jules), -r La Vie à Paris, la treizième série de ces brillantes et alertes chroniques : un volume tout rempli de souvenirs pittoresques évoqués avec une philosophie indulgente, une souriante malice, qu'on relit avec un plaisir très délicat, un peu mélancolique, en songeant que toutes ces histoires parisiennes évo- quées sont d'hier à peine et que déjà elles appartien- nent au passé et qu'elles constituent de l'histoire.

Drouhet (Charles). Le Poète François Mainard (1583- 1646), un bel et sohde ouvrage d'étude critique d'histoire httéraire.

Dupuy (Emile). Américains et Barbaresques (1776-1824) : « Études d'Histoire d'Amérique.» En choisissant ce sujet M. Emile Dupuy a eu, selon M. Arthur Chuquet qui préface l'ouvrage, la main heureuse. « Il retrace, nous dit M. Chuquet, un épisode de l'histoire des États-Unis, et un épisode aussi remarquable qu'i- gnoré, fort attachant, plein de péripéties drama- tiques. Il nous montre les Américains aux prises avec les pirates barbaresques, et il les montre agis- sant, dès ce moment, presque dès le début de leur existence politique, comme ils agirent par la suite; d'abord la diplomatie et les procédés à l'amiable, puis le langage ferme, résolu et menaçant; enfin, les moyens énergiques, la force, la violence faisant ce que n'a pu faire la douceur. » Ce très intéressant sujet, M. Emile Dupuy l'a traité avec beaucoup de savoir, de conscience et de verve.

MEMENTO DU MOIS DE JANVIER 17

État-Major de l'Armée (Section Historique de 1'). U Investissement de Paris.

Gennepp (A. Van). La Formation des Légendes, un bien attrayant volume paru dans la « Bibliothèque de Philosophie Scientifique». C'est, dans une ordon- nance très heureusement philosophique, l'étude du conte, de la fable, de la légende et du mythe, l'examen du thème des légendes, leur division en légendes relatives au monde naturel, au monde surnaturel, en légendes historiques, et c'est enfin, les légendes dans la littérature et la formation et la transmission des légendes. C'est d'un très vif intérêt pour l'histoire et la compréhension du travail littéraire des écrivains de tous les temps, qui ont puisé dans les fonds popu- laires leurs matériaux pour ensuite les transformer en des œuvres fameuses.

Guillaume (G.). Souvenirs d'un franc-tireur pendant le siège de Paris, par un volontaire suisse.

Guitry (Sacha). Correspondance de Paul Roulier- Davenel. Que de rosserie, mon Dieu ! dans ces pages et dans ces croquis, car Sacha Guitry ne se contente pas de mettre les points sur les i, il met les figures sur les noms. Avouons que c'est bien amusant, et puis le livre est édité avec un art et un luxe admirables.

Hartmann (Lieutenant-colonel L.). Les Officiers de V Armée royale et la Révolution.

Klein (Abbé Félix). L'Amérique de Demain, des pages alertes et vivantes l'auteur nous donne le résultat d'une longue enquête faite sur place et qui lui a permis de recueillir les renseignements les plus curieux et parfois les plus imprévus. « En parcourant les États- Unis de long en large, nous dit-il, et c'est long ! et c'est large ! j'ai voulu me renseigner autant qu'il était possible sur les questions, fussent-elles insolubles, qui se posent actuellement pour les Américains eux- mêmes, touchant l'avenir immédiat de leur pays. » Le livre et la leçon qui s'en dégagent, il les dédie à de tout jeunes amis avec l'espoir qu'ils se « montreront dans un esprit d'optimisme, d'énergie et de liberté, bons ser- viteurs delà France de demain et du Christ éternel».

2.

18 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Kretschman (Hans de). Lettres écrites au cours de la Guerre de 1870-1891, des pages dues à la plume d'un ex-général d'infanterie, publiées par Lilly Braun, née de Kretschman, traduites de l'allemand par le Comte Albert Latreille.

Legrand-Girarde (Général). Turenne en Alsace (Cam- pagne de 1674 à 1675).

Le Moy (A.). Le Parlement de Bretagne et le Pouvoir royal au xviii^ siècle, un austère et imposant ouvrage.

Lovinesco (Eugène). J.-J. Weiss et son œuvre littéraire, un intéressant volume où, selon M. Emile Faguet qui a préfacé l'ouvrage, l'auteur « a tracé le portrait de cet homme captivant et abondant en surprises intéres- santes, avec la dihgence et la sympathie d'un explo- rateur avisé, qui serait amoureux du pays parcouru et qui lui serait reconnaissant d'être tant plein de difTicultés...»

Maugey (Irénée). L'Impératrice Eugénie.

May (Gaston). Le Traité de Francfort, une étude d'his- toire diplomatique et de droit international.

Musset (Alfred de). La Confession d'un enfant du siècle, une excellente édition parue dans la collection des « Meilleurs Auteurs classiques français et étrangers » et publiée pendant que paraissent ces admirables lettres adressées par le poète à Aimée d'Alton, « L'inconnue» dont cette confession était le roman préféré.

Romilly (Edouard). Rêves et Réalités, des vers d'une heureuse et noble inspiration se retrouvent les quahtés louées par M. Emile Faguet à l'apparition du précédent recueil : Vers V Effort : « l'élévation, la grandeur de l'inspiration et la beauté sobre et sévère de la forme.»

Tinayre (Marcelle). Notes dune voyageuse en Turquie. Cette voyageuse est, on le sait, un écrivain d'une très grande valeur ; elle a eu, en outre, la rare fortune de vivre une dramatique page d'histoire : elle séjourna à Constantinople en pleine révolution, ainsi, ses notes de voyage deviennent un très beau et très vivant document historique où, en des pages colorées et

MEMENTO DU MOIS DE JANVIER 19

vibrantes, sont évoqués des jours de bataille et de révolution, passent croqués en des traits pitto- resques, des choses et des gens de province, la vie au harem, cette existence étrange dont elle put pénétrer le mystère...

Tripot (D'^ J.). Au pays de Vor, des forçats et des Peaux- Rouges, un volume, illustré de nombreuses images, l'auteur évoque « la Guyane» : « C'est, nous dit-il, la description d'un voyage parmi les antiques Ca- raïbes, le récit d'événements je fus mêlé, et l'énoncé d'impressions essentiellement personnelles que j'ai consignées avec toute la sincérité possible, heureux, si après avoir parcouru ces feuillets, le voyageur que les hasards de son existence porteront au pays de l'or, des forçats et des Peaux-Rouges s'y peut com- porter, à l'arrivée, non en dépaysé qui ignore et s'in- quiète, mais en initié qui, dès le premier pas, se sentira en terrain déjà pressenti et entrevu.

Wyzewa (Téodor de). Excentriques et Aventuriers de divers pays. Essais biographiques d'après des docu- ments nouveaux M. Téodor de Wyzewa fait revivre « trois figures de voyageurs de la Renais- sance, un groupe d'acteurs ou témoins de la Révolu- tion et du premier Empire, quelques silhouettes de mauvais compagnons et des originaux de toute condi- tion». Et c'est, tour à tour, évoqués en des pages vivantes, alertes ou terribles, Gaspard Hauser, le prince Clovis de Hohenlohe, Jean-Gaspard Lavater et les précepteurs du roi de Rome, une dame d'atours de. la princesse de Lamballe, que sais-je encore !...

FEVRIER

LES ROMANS

PAUL ADAM Le Trust.

Ce roman est une œuvre énorme, si imposante qu'elle nous inspire, tout d'abord, je ne sais quelle crainte respectueuse. Au moment de pénétrer dans ce monument aux proportions colossales, aux lignes majestueuses, nous hésitons, un peu intimidés. Vrai, ce livre n'a rien des romans auxquels nous sommes habitués : gentilles histoires dont la séduc- tion est immédiate et que nous dégustons tout de suite, sans effort. Le Trust n'est point d'une grâce si facile, il ne se donne point si aisément : sa con- quête nous coûtera quelque effort et quelque peine.

Ne marchandons point cet effort : d'abord, nous

FÉVRIER LES ROMANS 21

a serons royalement récompensés, et puis nous le devons bien au noble écrivain qui a consacré un labeur si opiniâtre et si admirable à réaliser une conception née dans son cerveau, il y a déjà tant d'années. Songez, en effet, que M. Paul Adam pen- lit à ce roman en 1904, quand il me parlait « de oumettre aux lecteurs français une sorte de roman ausité, en choisissant pour thème la rencontre d'un milieu et d'une idée, d'un peuple et d'un sentiment au lieu d'élire pour sujet la rencontre de deux ou trois héros en passion»; il y travaillait même, car il ajoutait : « J'achèverai, sans doute, alors mon roman sur la psychologie d'un trust, synthèse de caractères à laquelle je travaille depuis cinq ans. » L'œuvre que nous avons sous les yeux représente donc dix années de travail, de recherches, de pensée. Avais-je tort de dire que l'écrivain capable d'un si généreux effort est en droit de demander à son lec- teur un peu d'application et de persévérance?

L'œuvre, une fois qu'on l'a comprise et pénétrée, wne fois qu'on s'est emparé de sa beauté et de sa I Mjnsée profonde, est splendide ; on a, après l'avoir lue, la tête toute bourdonnante d'idées, les yeux éblouis d'images; on a surtout l'impression que le lemps et l'effort consacrés à cette lecture ne furent pas vains, que l'on n'a pas seulement éprouvé un laisir, si noble qu'il soit, mais qu'on a fait un pro- -lès, qu'on a appris quelque chose, qu'on a pénétré un peu plus avant dans la compréhension de l'hu- manité moderne, de son colossal effort.

22 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Et je n'essayerai pas maintenant de vous dire ce qu'il y a dans ce roman; une telle œuvre défie l'analyse, et pour exprimer, pour rendre sensible en quelques lignes ce monde de mots, d'idées et d'images, il faudrait être Paul Adam lui-même, avec une invraisemblable puissance de synthèse et de concision. Comment songer, en effet, à évo- quer ici cette épopée d'une élite que sa passion créatrice amène en contact avec quatre foules, aux extrémités de la terre, de Cuba à New-York, et en Russie, pour aboutir à la vieille Egypte des « Pharaons avaient creusé, selon le témoignage des hiéroglyphes, un lit pour la crue du Nil, 3.500 ans avant l'initiative de l'Electric Standard», tant il est vrai que l'histoire est un éternel recommence- ment, que le Pharaon d'il y a trente-cinq siècles et le génial trusteur d'aujourd'hui « ne sont que deux gestes brefs du même espoir confus, et qui souffre à travers les temps »; que l'unique « visage des vérités sourit de toutes les faiblesses momentanées, de toutes les forces provisoires, de tous les dieux péri- més, de tous les soleils futurs, de tout Gela qui est apparemment inutile ». Conclusion mélancolique et relative d'un admirable poème de l'effort et de l'absolu...

FEVRIER LES ROMANS

COLETTE Y VER Les Dames du Palais.

M"^*^ Colette Yver, qui est aujourd'hui un écri- vain célèbre, n'aimje décidément pas les carrières libérales pour les femmes... pour les autres, sans

loute. Vous n'avez pas oublié ses Princesses de science elle a prétendu établir, à la faveur d'une très attachante histoire, qu'une femme ne saurait

tre, à la fois, médecin et épouse. Maintenant, c'est aux avocates qu'elle s'en prend; vous verrez que toutes les carrières y passeront, et j'attends avec curiosité le livre cette femme de lettres dénon- cera la profession d'écrivain.

Pour aujourd'hui, ce sont donc les Dames du Palais que Mi»e Colette Yver évoque à nos yeux. Ce roman présente avec le précédent une frappante analogie, analogie voulue sans doute : en faisant vivre au couple d'avocats, M. et M^^^ Vélines, une

iventure presque semblable à celle du ménage de médecins de Princesses de science^ M"^® Colette Yver a prétendu établir que les dangers étaient les mê- mes à la salle des Pas -Perdus et à l'amphithéâtre. Les milieux peuvent être différents, les héros peu- vent changer de nom, de costume et de caractère : la préoccupation professionnelle produit le même

lïet dissolvant sur l'amour conjugal, sui le foyer,

ir la famille, et le même dénouement s'impose à la

24 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

femme, même supérieure, même géniale, qui veut garder l'amour de son mari et confrère, et défendre son bonheur : et ce dénouement, c'est la retraite. Cette analogie symbolique n'entraîne d'ailleurs nulle monotonie, car M»^® Colette Yver, romancier fort habile, et qui sait à merveille ménager ses effets, est, en outre, un écrivain d'une rare cons^ cience; elle étudie avec minutie les milieux évoluent ses héros; et, comme elle a au plus haut degré le don de l'observation et de la vie, les ta- bleaux qu'elle nous offre sont d'une vérité et d'un mouvement surprenants. Et c'est ainsi que son nouveau roman avec son évocation si vivante, et qu'on sent si vraie, de ce monde pittoresque du Palais de justice : magistrats, avocats, avocates et chents, intéressera très vivement cçux-là même qui seraient tentés de s'irriter contre les théories antiféministes de cette femme de lettres.

CHARLES DE POMAIROLS Ascension.

M. Charles de Pomairols, dont les délicats appré- cient l'œuvre poétique d'une haute et noble inspi- ration nous a offert, avec Ascension, son premier roman. Ce début d'un écrivain, qui a derrière lui une carrière déjà longue, ne nous apporte aucune

FEVRIER LES ROMANS 25

surprise : le romancier, en M. de Pomairols, est tout semblable au poète. Très lamartinien, animé d'une foi ardente, il exalte, dans sa prose harmonieuse et unie comme un lac, les sentiments de bonté, de générosité, d'amour idéal, les traditions de la fa- mille, des ancêtres et du sol, qu'il chante dans ses vers. La confession du héros Destève, professeur de littérature à l'université de Toulouse, à son ami Cadars, est l'histoire la plus simple et la plus édi- fiante qui soit. Destève garde le souvenir attendri et respectueux de la maison natale, du paysage, des bois et des champs, sur lesquels il ouvrit les yeux; il se rappelle avec ferveur son éveil à la vie , contemplative, sa première rêverie et sa première prière ; son adolescence calme et pure dans le culte du Seigneur; son amour d'une liliale blancheur pour Thérèse Issalys, jeune fille candide et tendre, qu'il épouse et auprès de laquelle il passe deux années de bonheur. Un enfant naît de cette union, la petite Lucile, mais hélas ! l'épouse meurt en lui donnant le jour, et le père, seul, dès lors, surveil- lera r « ascension » de cette petite âme vers Dieu, -ans se laisser détourner par les tentations du monde, ni par la beauté de M^^^ Satran.

Ici se termine la première partie du livre, la con- fession de Destève résumée en ces mots : « Une naissance rurale, un vif attachement à la terre natale, un enthousiaste culte de la gi andeur humaine, un noble amour trop bref, hélas ! et main- tenant une profonde tendresse paternelle. »

26 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Dans la seconde partie, c'est l'enfance de Lucile, sa pure adolescence auprès d'un père qui l'adore, sa vocation irrésistible vers le couvent du Sacré- Cœur de Toulouse. Mais, hélas ! des lois impies chas- sent la congrégation et Lucile suit sa maison au Brésil. Son père fera comme elle malgré son atta- chement au sol : il ira s'installer auprès d'elle, à Gaïba. « Il aimait sa terre mais il préfère son enfant, il doit pour l'aider dans son ascension, tout faire, tout subir, rompre, puisqu'il le faut, des liens qui lui étaient profondément chers. »

LUCIE DELARUE-MARDRUS L'Acharnée.

Lorsque M^^^^ Lucie Delarue-Mardrus pubha les beaux vers de Ferveur et des Horizons^ nous saluâ- mes en elle l'espoir, la certitude d'un très beau poète. Mais bientôt M"^^ Lucie Delarue-Mardrus abandonna la poésie pour le roman; elle l'aban- donna complètement les femmes ne font rien à demi elle délaissa toutes les brillantes images, toutes les nobles imaginations et ne voulut confier à sa prose que l'expression d'étranges et pénibles réalités.

C'est dommage! Ses romans, pleins de talent d'ailleurs, laissent toujours une impression de

Lh.S ROM A. N S

malaise, et Ton a après les brutalités de Marie^ fille-mère^ comme après les étrangetés des Six petites filles^ l'idée qu'on vient de fréquenter des gens malsains, de côtoyer des choses inquiétantes. Ce n'est pas r Acharnée, qui modifiera cette impres- sion ! Le héros de l'aventure s'appelle Sheridan Saintange... Sheridan! Sa mère lui a donné ce prénom singulier « par admiration pour Richard- Brinsley Sheridan, auteur du xviiie siècle, dont les comédies montrent des femmes qui, à force de mauvais caractère, font souffrir leurs maris, horriblement ». Ce simple détail vous démontre que la maman est assez gentille ! Mais que dirai-je du père, acharné à proclamer la dégénérescence de sa race; du grand-père mort centenaire après avoir commis quelques crimes, et de la grand-mère démente qui erre dans les allées du parc. Le jeune Sheridan est digne du milieu; cet adolescent beau comme un dieu, doué admirablement pour la musique, est un détraqué. Et s'étant épris éperdu- ment, à l'âge de seize ans, d'Irène de Clairvilliers, alors dans tout l'éclat de sa beauté et de ses triom- phes, il ne lui pardonnera jamais de n'avoir pas compris son amour et de s'être laissé aimer par d'autres que par lui.

Et lorsque des années auront passé, lorsque Irène fanée et vieillie, acharnée après la jeunesse et l'amour qui fuient, aimera à son tour Sheridan devenu célèbre, ce beau musicien se vengera cruel- lement en la torturant, en l'humiliant, en l'insul-

28 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

tant. Il faut qu'Irène meure dans un drame de fait divers pour qu'il retrouve sa passion d'autrefois et qu'il reconnaisse, en cette figure de femme, l'image de son inspiration. Ainsi l'aventure de ce jeune goujat et de cette vieille femme amoureuse acquiert la noble signification d'un symbole.

TOUGAS-MASSILLON Les Attaquenrs.

C'est encore de fâcheuses réalités que nous entre- tient le roman de M. Toucas-Massillon. « Atta- quenrs », je n'aime pas beaucoup ce mot qui man- que d'euphonie et de précision. Mais le roman de M. Toucas-Massillon nous fixe bien vite sur son sens : les attaqueurs, ce sont les hommes de proie, les arrivistes féroces qui veulent à tout prix con- quérir l'argent, le luxe, la joie de vivre, sur les attaqués, leurs dupes et leurs victimes.

La lutte n'est pas nouvelle, elle durera autant que le monde : les épisodes en resteront toujours poignants pour les spectateurs qui, bon gré mal gré, sont presque toujours forcés d'être aussi des acteurs. M. Toucas-Massillon a exprimé avec beau- coup de puissance l'âpreté de cette lutte, l'inquié- tude, l'angoisse des combattants qui se ruent à l'assaut, frénétiquement, jusqu'au jour la vie-

FÉVRIER LES «.OMANS 29

toire reste à celui qui fut plus habile, plus heureux que les autres et qui bénéficie de tous les crimes accumulés. Ce vainqueur trouble, le docteur Da- niel Simonnet, l'auteur nous en a restitué la figure en des traits si expressifs, si précis, que nous som- mes tentés de le reconnaître, comme aussi les au- tres athlètes de ce combat sans merci et sans gloire : le richissime Seliegman, et le bookmaker Magrand, et Vandewelde, le puissant directeur de cercles. Le roman est très intéressant, très solidement char- penté, écrit dans un style simple, familier, qui ne se soucie pas d'élégance parfois pas assez.

TANCRÈDE MARTEL Rien contre la Patrie.

M. Tancrède Martel, poursuivant la série de ses romanesques évocations d'histoire et de légende qu'il dédie inlassablement « à la mémoire de Gus- tave Flaubert)), publie un roman dont le cadre est, tour à tour, la Venise des doges, Ferrare et Elkébi- rah, la fastueuse capitale d'un mystérieux royaume <lii désert. C'est une étonnante histoire d'amour et d'aventures, celle du jeune et brun patricien San- dro Cardelini qui, un beau jour du printemps de l'an 1465, sous le dogat de Christoforo Moro, enleva In blonde Laura Bicigallo, fille unique d'un sétui-

30 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

teur et la plus belle personne de la noblesse. Il ris- quait gros, car les mœurs n'étaient point douces à Venise : le Conseil des Dix, le Grand Inquisiteur ne badinaient point avec ces sortes d'affaires; mais il y a un dieu pour les amoureux : le beau couple put gagner sans encombre Ferrare et mena joyeuse vie jusqu'à ce que les ressources emportées fussent complètement épuisées.

Alors, Gardelini résolut de tenter la fortune : il s'en alla au loin, vers la Palestine, puis dans les déserts d'Afrique, et après des aventures auprès desquelles celles de Sigurd, à la poursuite de Bru- nehilde, ne sont que jeux d'enfant, il pénétra victo- rieux dans Elkébirah et fut salué roi de Bazican et époux de la princesse Hourida, fille du roi. Auprès d'elle, au milieu des trésors amoncelés dans son palais, il oublia quelque temps la douce épouse lais- sée à Ferrare, mais le mal du pays le prit, il retra- versa les mers et courut chercher la blonde Laura qu'il ramena triomphalement dans son royaume. La pauvre Hourida ne put supporter ce coup du sort et se poignarda.

Alors, libre de tout souci et sans remords, San- dro ayant épuisé les plaisirs de la royauté, abdi- que et retourne comblé de richesses, de pierreries, de jdyaux, à Ferrare il coule des jours heureux en compagnie de sa femme. Ainsi finit très bien cette histoire d'amour et de combats qui a toutes les séductions et tout l'agrément d'un conte de fées dont les héros, fort bien campés par M. Tancrède

FÉVRIER LES ROMANS 31

Martel, sont très humains et revêtus des costumes les plus pittoresques et les plus exacts.

FÉLIX DUQUESNEL A la Flamme de Paris.

M. Félix Duquesnel est un vieux Parisien qui connaît sa ville, comme on dit, « dans les coins» : les cabarets de Montmartre, les théâtres du bou- levard, les journaux de la rue du Croissant, les salons de « gendelettres », lui ont livré tous leurs secrets. Généreusement, il nous en fait part dans cet aimable roman. M. Duquesnel, se souvenant qu'on ne visite vraiment bien Paris que lorsqu'on a des provinciaux à promener, fait faire cette explora- tion à un bon garçon de Chartres, frais émoulu du régiment et qui, dédaigneux de la maison de com- merce où son oncle, grainetier millionnaire et colé- reux, lui offre une place de tout repos, s'en va cher- cher la renommée et tenter la fortune à Paris. Ai-je besoin de vous dire qu'il ne trouve ni l'une ni l'au- tre et que la flamme de la grand 'ville risquerait fort de le consumer tout entier, sans gloire ni profit, si une gentille jeune fille, fiancée prévue dès le début, n'arrivait un beau jour de Chartres pour le ramener, repentant et assagi, à sa province, à la boutique de l'oncle irascible, mais indulgent au

32 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

fond, et qu'un bon mariage termine, le plus genti- ment du monde, ce « roman de la vingtième année ».

MAXIME GORKI

L'Espion.

(Traduction de M. Serge Persky).

U Espion^ le roman de Maxime Gorki, que M. Ser- ge Persky nous révèle en une traduction fort litté- raire, est l'un des plus caractéristiques du célèbre écrivain russe. C'est un livre âpre, douloureux, pénible, dont les phrases courtes, sèches, aiguisées, vous pénètrent et vous glacent. Il n'y a pas, dans ce roman, un mot de pitié, de tendresse, ni de pardon, et cependant il vous laisse l'impression d'un plai- doyer pour l'a espion» dont il conte la navrante histoire.

On comprend, on excuse cet Evséi, malingre, chétif et sombre; on se rend compte qu'il ne pou- vait pas ne pas être un espion, que l'abject et obs- cur métier de délateur et de traître lui était imposé par toutes les forces de la destinée, de la nature, et des hommes acharnés contre lui depuis sa naissance, et qui lui ont appris dès l'âge de quinze ans la haine et le mépris des autres et de soi-même. Dès lors, il est poussé par une force aveugle et irrésistible à toutes les œuvres de l'ombre et du crime; la peur

FÉVRIER LES ROMANS 33

et la haine se partagent son cœur, et même dans ses amours pauvres et abjectes amours ! il déteste et il tue, jusqu'au jour il se décide à en finir avec son plus implacable et douloureux ennemi : avec lui-même.

GONAN DOYLE Rodney Stone.

(Traauction de M. RtNK Lecuyer)

En voyant le nom de Conan Doyle sur la cou- verture du nouveau roman, Rodney Stone, dont M. René Lécuyer nous a offert une élégante tra- duction, j'ai eu un instant d'inquiétude : allais-je avoir à signaler le mille et unième de ces romans policiers dont le célèbre créateur de Sherlock Hol- mes a déchaîné la détestable invasion dans notre littérature? Non pas qu'ils soient mauvais : Sher- lock Holmes est admirable, Arsène Lupin délicieux, et Rouletabille étourdissant, mais ils sont trop trop, vraiment ! Dieu soit loué, il n'est pas question de police, ni de crime mystérieux dans ce roman. C'est une évocation de la vie anglaise, au temps des luttes épiques contre Napoléon; les marins d'Abou- kir et de Trafalgar, l'élégante phalange des « daims » patronnés par le futur roi Georges, traversent pitto- resquement la dramatique histoire de lord Avon et

3.

34 LE MOUVEMENT LITTÉRATRE

de son frère, et ce sont tout le long du livre, d'éton- nantes histoires de boxe qui nous passionnent, même si nous ne comprenons rien aux choses du ring, car Conan Doyle a l'enthousiasme communi- catif, et ses boxeurs sont, je vous assure, aussi empoignants, sinon plus, que ses policiers.

HEADON HILL Juste Grime.

(Ti'aduction do M. Marion Gilbert et M"'* Madeleine Duvivier).

Juste crime? Allons bon, c'est la police qui rentre en scène, cette police que je craignais tant, à la page précédente, de voir reparaître avec Conan Doyle. Mais non ! Ce n'est encore qu'une fausse alerte, le livre de Headon Hill est un de ces bons romans anglais, tout à la fois touffus et précis, il y a beaucoup de personnages, d'événements et d'images; roman meublé, s'il en fut, et qui défie l'analyse.

Si j'essayais de vous expliquer comment Léonard et Lesbia, sa fiancée, finissent par entrer en posses- sion d'un héritage que leur disputent James Rey- nell et Roger Daubeny, qui ont associé à leur téné- breuse entreprise un homme redoutable, Bartlett, le « tigre du Bengale)), je risquerais fort de me per- dre et de vous perdre au milieu des mille compli-

FÉVRIER LES ROMANS 35

cations de ce roman qui reste, pourtant, lorsqu'on le lit, d'une parfaite clarté : il est conduit avec beaucoup d'art et l'intérêt n'en faiblit pas un instant.

HISTOIRE, LITTÉRATURE, PHILOSOPHIE,

DIVERS

GUSTAVE SCHLUMBERGER Mémoires du Commandant Persat (1806-1844).

La merveilleuse galerie des officiers du premier Empire s'enrichit aujourd'hui d'une figure presque inédite, celle du commandant Persat, dont l'his- toire était, jusqu'ici, à peu près ignorée et qu'on connaissait uniquement par les quelques Hgnes très pittoresques que lui consacra le général du Barail dans ses souvenirs.

C'était insuffisant et ce héros singulier méritait d'être mieux connu; voici qu'il se présente lui- même. M. Gustave Schlumberger a retrouvé les Mémoires du commandant Persat, « 1806 à 1844».

Ils sont extraordinaires ces mémoires, et je corn-

IKVRIER HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 37

prends que M. Gustave Schlumberger, après les ivoir lus, n'ait plus eu qu'une pensée : nous en faire part; mais il voulut d'abord être complète- ment documenté sur ce commandant Persat, « véri- table type de l'officier en demi-solde après les Gent- Jours, adorant l'Empereur, « mauvaise tête mais bon cœur», plus tard extraordinairement aigri par les malheurs, incapable de subir la tyrannique police (le la Restauration, d'un tempérament aventureux, courageux à l'excès, devenu fanatique de libéra- lisme comme il l'avait été de Napoléon. » Ces ren- seignements, l'éminent historien fut assez heureux pour les réunir très complets, et il nous les offre en sfuise d'introduction aux mémoires du comman- dant Persat. L'épopée de cet officier est une chose inouïe : après avoir servi sous Napoléon en Alle- magne, en Espagne, en Russie, dans la campagne de France, après avoir été décoré de la main de r Empereur, il ne peut se résigner à l'existence des demi-soldes et s'en va se battre aux quatre coins du monde : aux États-Unis dans les troupes de l)olivar, à Naples dans celles du général Pépé, en l'urquie pour l'indépendance grecque, en Espagne il rencontre Armand Carrel, dont il devint l'ami I*' plus fidèle et le plus fervent, dans la Louisiane, ù il guerroie avec les Mexicains et les tribus indiennes, que sais-je encore?

En 1836, il est de retour en France; gérant du National de son ami Carrel dont la mort le laisse inconsolable, il retourne au Péloponèse, ne peut se

38 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

résigner à y séjourner et vient mourir vingt ans après ! dans son pays natal, en Auvergne. Telle est, rapidement esquissée, l'étonnante carrière que nous conte ce soldat du premier Empire, en des pages alertes, prestes, souvent très aigres car Persat était un homme pas commode mais d'au- tant plus amusantes; et il faut remercier M. Gus- tave Schlumberger de nous avoir donné le régal de ces vivants souvenirs d'un officier de l'immortel Empereur, qu'(( auront plaisir à lire tous ceux qui chérissent d'un amour passionné ces vieux soldats de l'Empire, témoins admirables d'une époque de gloire et d'énergie. »

BARON MARC DE VILLIERS

Histoire des Clubs de femmes et des Légions d'Amazones (1793-1848-1871).

On sait que les dames féministes se proposent désormais au cours des élections de tenter un effort décisif en faveur de leurs revendications ; déjà, dans un grand nombre de quartiers, nos suffragettes se préparent à la lutte, et, ne pouvant être électrices, se font candidates. Gela nous semble très moderne : nous avons tort. Il y a longtemps que les femmes se sont mis en tête de collaborer à la confection des lois et de participer à la vie publique. L'histoire de leurs tentatives et de leurs luttes en France,

FÉVRIER HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 39

depuis un siècle, est pleine d'intérêt, on s'en rendra ompte en lisant V Histoire des Clubs de femmes et des légions d'amazones (1793-1848-1871).

Ce livre est d'une très forte et très attrayante docu- mentation : on y voit revivre les figures d'Olympe (le Gouges, de M^^ Robert-Keralio, puis celles des amazones de la Révolution avec en tête Thé- roigne de'Méricourt et tous ces clubs de citoyennes qui naquirent du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest de la France, pendant la période révolutionnaire. Ce sont, ensuite, les amazones de 48: Borme et les \ ésuviennes, M^^^ de Niboyet et la « Société de la voix des Femmes» et les féministes du second Empire, et les amazones de la Commune. C'est là, juste au moment il pourrait nous entretenir de nos contemporaines, que M. Marc de Villiers s'ar- rête ; pour lui, « c'est de l'actualité, ce n'est pas de l'histoire».* D'ailleurs, de tous les efforts tentés de- l>uis un siècle en France qu'est-il résulté jusqu'à [>résent? Pas grand 'chose, Stuart Mill avait dit : Avant la prochaine génération, l'accident du sexe, I Kis plus que celui de la couleur de la peau, ne sera legardé comme un motif suffisant pour dépouiller lin être humain des justes privilèges d'un citoyen. » <>?tte prophétie ne s'est point réalisée chez nous, et

la troisième République ne s'est guère montrée plus galante envers le beau sexe que ses deux aînées. I^^Ue lui a accordé le divorce qu'il réclamait, mais c'est évidemment parce que cette loi intéressait autant les maris trompés que les femmes battues. »

40 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

GILBERT-AUGUSTIN THIERRY La Mystérieuse affaire Donnadieu.

Histoire et roman, les deux genres se touchent de près. Souvent même ils arrivent à se confondre, non seulement parce que les événements sont par- fois plus romanesques que toutes les imaginations du monde, mais aussi parce que l'historien, en face de certains faits obscurs dont il désire pénétrer le mystère, est amené, bon gré mal gré, à imaginer, à interpréter. Ce n'est point, quoi qu'en pensent les pessimistes, la faillite de l'histoire ; au contraire elle s'accommode assez bien de cette incertitude grâce à quoi elle reste à travers les temps éternellement jeune et nouvelle et séduisante. Après tant d'au- tres, après son père dont il porte si dignement le nom, M. Gilbert-Augustin Thierry vient d'en faire d'en refaire l'heureuse expérience.

Ayant voulu étudier la Mystérieuse affaire Don- nadieu^ cette étonnante histoire de conspiration et de poHce qui défraya la chronique en 1802, il a compulsé les textes, fouillé les archives, et il a ainsi réuni les éléments d'un livre qui est bien, avec son évocation de la société de 1802 : militaires en ré- forme, petits-maîtres, merveilleuses de salon, gri- settes de boutique, argousins de police, prisonniers du Temple ou de la Force, le plus amusant, le plus pittoresque et le plus vivant des romans de la réalité.

FÉVRIER HISTOIRE, LITTERATURE, ETC. 41

Contient-il la vérité? L'auteur a trop de conscience pour l'affirmer : « Ayant été sincère, il croit avoir été vrai. Mais, hélas ! dans les œuvres de l'homme est la vérité? On doit exiger de moi, a déclaré Diderot, que je la cherche et non que je la trouve... »

BŒHMER Les Jésuites.

(Traduction do M. Gabriel Monod),

L'histoire n'est peut-être pas le tissu de légen- des, d'hypothèses et de faux dont parlent ses «létracteurs; elle ne mérite sans doute pas tous les -arcasmes que lui a prodigués M. Max Nordau dans son Sens de Vhistoire^ et c'est une grande calomniée. Tout de même, il est un chapitre notre confiance en elle est mise à une rude épreuve et qui est bien fait pour établir son incertitude j'allais dire sa mauvaise foi c'est celui des Jésuites. Gomme il 'st difficile, non pas d'apprécier le rôle des Jésuites dans le monde, mais de connaître simplement les faits qui constituent leur histoire ! Systématique- ment, ils ont été dénaturés par des écrivains préoc- cupés seulement de chanter leur gloire ou de les vouer à l'exécration, et il faut un fier courage à un historien pour tenter d'écrire une histoire sereine et impartiale des Jésuites; cette tentative, elle a

42 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

été faite par M. Bœhmer, professeur à l'univer- sité de Bonn, lequel a publié, en allemand, les Jésuites, dont M. Gabriel Monod nous offre la ver- sion française.

Auteur et traducteur sont protestants, c'est vous dire que l'oeuvre est d'avance frappée de suspi- cion. Suspicion injuste : il y a dans ce livre un très bel effort d'impartialité, et l'introduction de M. Ga- briel Monod est d'une impressionnnante sérénité, elle précise l'importance historique de l'œuvre de M. Bœhmer. « Malgré- sa brièveté, elle nous paraît fournir sur les points essentiels, en particulier sur l'œuvre de saint Ignace, sur la lutte contre l'héré- sie, sur le rôle des Jésuites dans l'éducation, sur la vie intellectuelle et l'art, sur les missions du Para- guay, tout au moins les éléments d'une apprécia- tion équitable.»

Cette société des Jésuites qui a tenu et tient dans le monde une si grande place, «a suscité des dévoue- ments et des admirations, mais aussi des haines et des jalousies sans bornes, même au sein du catho- licisme, même au sein du clergé séculier et régu- lier », et l'on comprend qu'on n'ait jamais parlé d'elle avec sérénité et impartialité et que rien ne soit plus difficile que de connaître avec exactitude son his- toire; MM. Bœhmer et Gabriel Monod ont eu le mérite de vouloir traiter calmement ce grand sujet de l'histoire des Jésuites sur lequel on a presque toujours écrit avec passion. Et c'est déjà très beau de l'avoir essayé.

FÉVRIER HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 43

VICOMTE GEORGES D'AVENEL Découvertes d'histoire sociale.

L'histoire économique et sociale des temps pas- sés, r « histoire réaliste », a pour notre édification une importance qui fut trop longtemps méconnue. Ne serait-il pas, dit M. d'Avenel, aussi utile de savoir l'état des moyens de transport au Moyen âge, ou le nombre des hectares cultivés sous François I^^", avec autant de précision que l'on connaît le nom, l'humeur et la durée des maltresses successives de Louis XV? )) Le vicomte G. d'Avenel s'est pas-

ionné pour cette histoire réaliste, il nous a donné l(^ résultat de ses recherches dans des ouvrages l'f'marquables et il en précise, aujourd'hui, la portée

n un volume de philosophie scientifique : Décou- vertes d'histoire sociale. Ce sont des pages d'histoire crites avec des chiffres qui réussissent à être plus mouvants et plus passionnants que tous les récits du monde et qui amènent l'auteur à proclamer la faillite de la politique dans le domaine économique : l'étatisme est impuissant dans ce domaine: lors même que rien ne serait libre en un État, le prix des

hoses le demeurerait néanmoins et ne se laisserait .isservir par quiconque. La question sociale est une question philosophique et scientifique, nulle- ment une question politique, et toutes les réformes

44 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

du monde ne feront rien contre cet instinct de l'en- fant jaloux qui refuse les pâtisseries offertes à la table de famille en disant avec rage : « Le seul gâ- teau que je veuille, c'est celui que mon frère a manffé. n

EMILE LAUVRIÈRE Alfred de Vigny.

Très heureusement ordonné, cet ouvrage se divise en quatre parties : « l'aube, l'épanouisse- ment, la maturité et le marasme, le glorieux déclin», à travers lesquelles l'homme et l'œuvre sont évoqués en des pages très compréhensives et documentées et qui viennent à point pour justifier le mouvement de réaction en ces dernières an- nées contre l'injuste indifférence dont le poète fut victime au xix^ siècle. Il avait tous les dons qui font le très grand poète et le très grand écrivain :1a vaste intelligence, la sensibilité exquise et tendre, la somptueuse imagination, il ne lui manqua que la force physique et la force morale: « En toi, dit-il, dans Chatterton^ la rêverie continuelle a tué raction»; c'est l'épigraphe du livre, ce pourrait être celle de la vie d'Alfred de Vigny. Tout de même, « il entre de plein droit dans l'austère famille des Lucrèce et des Leopardi, des Marc-Aurèle et des Pascal, ce Vigny qui adressa à l'élite de tous les pays et de

I

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FÉVRIER HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 45

tous les âges son bienfaisant message de stoïcisme tendre et fier :

.1 aime la majesté des souffrances humaines.

. « Aimez le Bien pour sa beauté, la Beauté pour son excellence, sans crainte de rien, sans espoir de rien: l'Honneur suffît, car THonneur, c'est la poésie du Devoir. »

Mlle ELLEN KEY L'Individualisme.

(Traduction de M. Jacques di: Goussange).

L'auteur de V Individualisme^ le célèbre écrivain iiédois dont le livre De V Amour et du Mariage fit tant de bruit, est une bien intéressante personna- lité littéraire et intellectuelle. Les jugements les ])lus contradictoires ont été portés sur elle, on l'a parfois exaltée avec un enthousiasme qu'elle a été la première, sans doute, à trouver excessif; on l'a dénigrée aussi avec beaucoup d'injustice; et les jugements ne sont pas seulement en désaccord sur la valeur de ses idées, mais aussi sur leur sens et leur tendance.

Il y a à cela une bonne raison : c'est que l'œuvre (le M"® Ellen Key est un tissu de contradictions. M. Pierre de Quirielle, qui admire beaucoup l'écri- vain, nous le fait comprendre dans la préface du volume V Individualisme^ une traduction de ses

46 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

« Images Idéales» publiée par M. Jacques de Cous- ';' sange. M^i® Ellen Key est tout à la fois individua- liste et socialiste ; elle est démocrate et aristocrate ; elle a 'des idées très avancées, et des sentiments plutôt réactionnaires; elle est féministe et antifé- ministe; elle est ultra-moderne, et elle a l'horreur du régime industriel de notre temps, la haine des laideurs qu'il entraine et qu'il produit; et, toutes ces contradictions sont pour M. Pierre de Quirielle singulièrement attachantes.

Combien il a raison ! Tant de contradictions impliquent beaucoup de bonne foi et beaucoup de sagesse. Pour les avouer et les proclamer ainsi, pour savoir s'évader de la prison vous enferme une logique rigoureuse et conventionnelle, il faut n'être point un esprit médiocre ; et, certes, ces pages sur Vauvenargues et sur Maeterlink, et sur Ibsen, sur les femmes et sur les besoins de la vie, ne sont pas d'un esprit médiocre ; la femme de lettres qui les a écrites « nous y apparaît vraiment puissante et saine, spontanée et éloquente, riche et variée».

HENRI PIÉRON L'Evolution de la Mémoire.

L'auteur nous avertit immédiatement, dans sa préface, que ce « livre paraîtra sans doute bien bourré

FÉVRIER HISTOIRE, LITTERATURE, ETC. 47

de faits et, en, comparaison bien pauvre d'idées»; mais c'est une nécessité du sujet : il faut accu- muler les faits, les précisions sont indispensables quand il s'agit de rechercher des psychologies com- parées, si nouvelles et si mal connues. Les questions auxquelles l'auteur se propose de répondre sont les suivantes : Quel est le domaine de ce qu'on peut appeler la mémoire? Sous quelles formes se pré- -ente-t-elle à tous les degrés de l'échelle animale? Quels sont les aspects et les limites de la mémoire humaine? En quoi consistent ses troubles et quels peuvent être ses progrès? A cette dernière ques- tion, il donne une réponse bien ingénieuse, assez décourageante pour l'individu, mais pleine d'opti- misme pour la société. Selon lui, la mémoire des hommes est limitée, et il viendra un temps où, devant l'abondance des documents et des livres, elle se rebutera et cessera d'emmagasiner; alors, nécessairement, interviendra la schématisation scientifique, qui rendra inutile la conservation des souvenirs trop nombreux; le bagage des données nécessaires deviendra de plus en plus mince, ainsi, ( nous pouvons avoir une certaine confiance dans les progrès, non pas de l'intelligence individuelle, mais (le l'intelligence collective et de la science, dont la socialisation progressive est un fait évident et une nécessité inéluctable ».

Cette conclusion audacieuse, et d'ailleurs mcer- taine, enchantera-t-elle nos réformateurs révolu- tionnaires? Je n'en suis pas très sûr; occupés qu'ils

48 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

sont à leurs grands projets de socialisation des che- mins de fer, des mines, des assurances, etc., ils n'ont guère le temps de souhaiter que la science se socialise spontanément, et c'est, je crois bien, le dernier monopole contre lequel ils partiront en guerre...

MÉMENTO DU MOIS DE FÉVRIER

ROMANS

Acker (Paul). Une aïeule contait En ce volume, l'au- teur a groupé un choix de nouvelles et de récits qui s'échelonnent sur tout un siècle, de 1791 à 1885, histoires lointaines ou presque contemporaines que sa grand'mère, « une petite et vive personne, soucieuse encore de sa toilette, avec une figure pâle, mince et d'un ovale parfait, un front large, deux yeux noirs immenses, tantôt mélancoliques et tantôt brûlants d'esprit, un nez long, droit, une bouche fme», lui avait contées. Elle en savait d'innombrables, les unes tendres et très douces, les autres terribles, d'autres enfin simplement amusantes. M. Paul Acker nous les restitue en des pages délicieuses que j'ai lues avec un plaisir très vif et très déhcat; j'aimerais à vous en dire quelques-unes, mais je m'en voudrais de choisir entre de si jolies choses.

Aigueperse et Roger Dombre. Les Joies du Célibat.

Blanvilain {M™^ Germaine). Les Asservis.

Boissière (Albert). Aimée ou la Jeune fille à marier, le joli volume où, avec tant d'art, de tact et de déli- catesse, le romancier a su analyser cette chose déli-

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cieuse, profonde et terrible qu'est l'âme d'une jeune fille. J'ai eu maintes fois, dans ces dernières années, l'occasion de louer le très original et très souple talent de M. Albert Boissière : ce roman publié par lui au Figaro est sans nul doute l'un de ses meilleurs ou- vrages.

Glermont (Emile). Amour Promis.

Conan Doyle. Notre-Dame de la Mort, roman traduit de l'anglais par M. René Lécuyer.

Dacre (Fernand). Traîneurs de Sabre, quatre nouvelles que réunit entre elles un lien social; ce sont quatre épisodes d'une même destinée, quatre aspects d'une même figure : l'officier, M. Fernand Dacre est bien placé pour le connaître et pour le peindre, ce « traîneur de sabre», contre qui s'évertuent rageusement les antimilitaristes. A la faveur de ces quatre histoires, très émouvantes, il nous conte l'effort de l'officier vers la réalisation du type nouveau ; elles marquent en « quelque sorte quatre étapes dans la mentalité de l'officier moderne, pénétrant mieux les difficultés, mais aussi la grandeur de son rôle, à mesure que son horizon s'élargit et que son esprit s'ouvre mieux aux problèmes de sa tâche complexe». Et c'est un hvre de bonne foi, de sincérité et de réconfort.

Daudet (Ernest). Les Aventures de Raymond Rocherey, un roman très émouvant M. Ernest Daudet évoque les temps pittoresques de la guerre de 1870, mêlant avec cet art qui lui est personnel l'histoire et l'imagination.

Dombre (Roger) : Voir Aigueperse.

Fabre (Ferdinand). Julien Savignac, nouvelle Édition.

Gaubert Saint-Martial (Raoul). Le Cabaret de la Poire d'Angoisse, un curieux volume.

Kadoré (Pierre de). Le Transplanté.

Lauret (René). Line, une jolie histoire lorraine.

Le Rouge (Gustave). La Guerre des Vampires.

Mille (Pierre). La Biche écrasée, un recueil de nouvelles. Vous connaissez M. Pierre Mille : c'est un humoriste charmant qui sait à merveille revêtir la vérité d'une chatoyante parure de fantaisie. Mais ce n'est pas

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50 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

qu'un humoriste : il y a dans ces histoires que je viens de hre un sentiment exquis, je ne sais quelle amertume douce et résignée d'une rare saveur. Parmi ces nouvelles, de ton et de sujet très divers, il en est de tout à fait supérieures, notamment la première, qui donne son titre au livre, la Biche écrasée, si simplement douloureuse, humaine et poignante, et le Merle, qui n'ironise pas comme celui de Rostand mais se dévoue, souffre et meurt, et le Repos hebdomadaire, dont le héros, M. Barbier-Dacquin, plaira beaucoup au Ber- geret d'Anatole France.

Nion (François de). La Dépêche de Mars, des contes sportifs et fantastiques très amusants et très hardis. L'écrivain nous montre une face tout à fait nou- velle de son talent, et telles de ces histoires fantas- tiques, étranges et rigoureusement logiques, plairaient à Wells ou à notre grand Jules Verne.

Saintis. La Méprise.

Valmesnil. Dorine, ou le Roman d'un Émigré,

HISTOIRE LITTÉRATURE THEATRE POÉSIE POLITIQUE DIVERS

Abnour (Contre-amiral d'). Histoire abrégée des peuples de la Russie (Essai de Chronologie Russe, 1864-1894), ouvrage dédié à S. -M. Maria Feodorovna, impératrice de toutes les Rusgies.

Bertaut (Jules). Voir Alphonse Séché.

Bidegain (Jean). Une Conspiratian sous la troisième République, un volume Fauteur prétend nous offrir « la vérité sur l'affaire des fiches» : on jugera qu'il est assez bien placé pour la connaître.

Bonnal (Général). Histoire de la i^ie militaire du maréchal Ney, duc d'Elchingen, prince de la Moskowa.

MEMENTO DU MOIS DE FÉVRIER 51

^t^Çornet (Capitaine). Au Tchad. L'auteur, officier dt; ^b l'infanterie coloniale nous raconte trois années ^^t passées chez les Senoussistes, les Kirdis et les Ouad- ^^B daïens, ces Ouaddaïens qui viennent de faucher W^m tant de nobles vies françaises. On hra avec une émotion profonde ces pages vécues sur des peuplades dont le nom est illustré aujourd'hui par une renom- mée sanglante, et, à la lumière du tragique événement d'hier, on reconnaîtra tout ce que ces observations notées entre deux coups de feu, tout ce que cet entrain et cette verve de l'officier écrivain peuvent receler d'héroïsme et d'abnégation... Dautremer (Joseph). L'Empire Japonais et sa vie écono- mique. - Faucigny-Lucinge (Mn^^ A. de, née Ghoiseul-Gouffier). Rachel et son temps, une très agréable et émouvante monographie de Rachel. Gaillard (Alphonse). Échos des Monts Jura. La

Franche- Comté. Hepp (Alexandre). Ferdinand de Bulgarie intime, un fort intéressant volume le tsar des Bulgares est évoqué en des pages alertes, éloquentes et documen- tées> semées de pittoresques documents photogra- phiques, par un très bon écrivain qui le connaît à merveille et qui a suivi avec un intérêt passionné l'admirable carrière de ce prince, dont on peut dire que « cette Bulgarie, si le traité de Berlin a tenté de lui donner un état civil, c'est lui qui lui a soufïlé la vraie vie ». J.a Mazelière (Marquis de), Japon : Histoire et Civili- sation. 5^ volume. I.anzac de Laborie (De). Paris sous Napoléon. Le Monde des Affaires et du Travail, un volume l'au- teur poursuit le développement de son magistral ouvrage sur l'administration napoléonienne. C'est un tableau tout à la fois très technique et très vivant du. commerce, du crédit, de l'agiotage, de l'industrie, du travail manuel à Paris, sous Napoléon. On trouvera dans ce livre une foule de documents du plus haut intérêt remarquablement ordonnés, présentés et

52 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

commentés, et notamment des .détails tout à fait curieux sur la façon dont l'Empereur envisageait les questions ouvrières.

La Roncière (Charles de). Histoire de la Marine Fran- çaise, le quatrième volume de ce magistral ouvrage évoque le temps Richelieu conçut le plan d'un empire colonial pour la France et travailla à consti- tuer, pour l'étayer, la forte armature d'une marine de guerre.

Latreille (C). L'Opposition religieuse au Concordat, un savant et excellent volume.

Marquiset (Alfred). Le Vicomte d' Arlincourt, une bien séduisante étude sur ce « prince des romantiques», littérateur fécond « qui occupa la première moitié du XXe siècle par des promenades de troubadours et des vers galants tracés dans les albums des grandes dames », et qui fut, sinon un écrivain de bien grand talent, du moins un homme de grâce et de bonne volonté.

Mathiez (Albert). La Révolution et V Église, un recueil d'études critiques et documentaires. L'auteur est un historien très érudit : il s'est consacré plus spéciale- ment à l'étude de la Révolution et il est « président de la Société des études robespierristes ». Voilà un titre qui est fait pour établir sa compétence, mais qui ne nous rassure qu'à demi sur son impartialité. J'ai lu avec intérêt et attention ce livre remarquable, bourré de faits et de documents; j'y ai appris beau- coup de choses intéressantes et je crois que le public les lira avec profit, mais je n'y ai point trouvé cette sérénité absolue qui ferait l'historien idéal. M. Ma- thiez ne croit pas qu'un ecclésiastique soit capable d'écrire une histoire religieuse de la Révolution parce que « les lois, les institutions contraires à l'esprit de l'Éghse lui seront lettre morte». C'est bien possible, mais s'imagine-t-il vraiment que les incrédules soient mieux qualifiés pour comprendre les choses ecclésiastiques?

Pailhès (G.). La Duchesse de Duras et Chateaubriand.

Péguy (Charles).— Ze Mystère de la Charité de Jeanne d'Arc,

MEMENTO DU MOIS DE FÉVRIER 53

une prestigieuse évocation de la bonne Lorraine sous la forme originale et touchante d'un mystère, dont l'auteur en plein XX^ siècle et dans notre langue moderne, a su parler de Jeanne comme Joinville parlait de saint Louis.

Plattard (Jean). U Œuvre de Rahelay.

Recouly (Raymond). En Angleterre, un volume d'un bien vif intérêt. L'auteur, qui a vécu longtemps à Londres, évoque en des pages prestes et vivantes, la vie et les mœurs de la grande ville, note au. passage mille détails pittoresques de la rue et de la maison. La seconde partie de son livre, plus austère mais non moins attrayante, nous parle de la politique, étudie les ques- tions extérieures et coloniales, et nous expose le mécanisme parlementaire : étude particulièrement pré- cieuse pour nous au lendemain des élections qui viennent de finir et qui marquent une date si impor- tante dans l'histoire de l'Angleterre.

Hocca de Vergallo (N.-A. Délia). La réforme générale de Vortografe, une « édicion nacionale» d'une œuvre qui est une chose affreuse la pauvre langue française subit, sous nos yeux, les pires outrages.

Rocheblave. Agrippa d' Auhigné, une étude littéraire parue dans la Collection « Les Grands Écrivains Français ».

Roussel (Raym-ond). Impressions d'Afrique.

Sancy (Pierre de). Pais d'chez nous. L'auteur est un grand chasseur devant l'Éternel et, bien qu'on lui ait dit souvent : « Tu ne fais rien, tu chasses ! )r, il a su mettre à profit les longues heures passées à la poursuite du gil3ier; cependant qu'à travers les plaines et les champs, il suivait les animaux à la trace, il regardait les hommes, les paysans, rencontrés sur son passage, il recueillait mille observations qu'il nous rapporte aujourd'hui chasseur doublement heureux dans un très agréable volume sont réunies une foule d'anecdotes amusantes ou dramatiques, contées en une langue famihère, et d'où l'auteur a tiré une espèce de philosophie en traçant une « esquisse sociale» du paysan français, lequel a, « comme tous les êtres, du

54 LE MOUVEMEÎST LHTHKAIRE

pour et du contre, des qualités et des vices, mais pas de bien grands vices, ni de très belles qualités. C'est surtout un être neutre, avec des contradictions qui vous déroutent et parfois un esprit de suite qui vous surprend ».

Séché (Alphonse) et Jules Bertaut. Balzac. Charles Baudelaire, deux volumes les auteurs poursuivent la publication de leur intéressante série « La Vie anec- dotique et pittoresque des grands écrivains».

Séché (Léon). Lettres d'amour d'Alfred de Musset à Aimée d'Alton, ces lettres sont celles dont la pubh- cation dans le Figaro fut si passionnément suivie par le monde entier et qui, réunies en volume, suivies de poésies inédites écrites de 1837 à 1848, augmentées d'une introduction et de notes par Léon Séché, ont intéressé le public, au point que dix éditions furent enlevées en moins de quinze jours. Des esprits cha- grins pourront regretter ce déchaînement de curio- sité autour des intimités amoureuses d'un grand poète, mais qu'y faire ! Il y a longtemps que le mur Guilloutet a été démoh pour les hommes illustres et que nous nous sommes souvent avec leur comph- cité introduits dans leur vie privée.

Thoumas (Général). Les Grands Cavaliers du Premier Empire.

MARS

LES ROMANS

MARGELLE TINAYRE L'Ombre de l'Amour.

Que de mystère et de mélancolie dans ce titre :

Ombre de V amour ! Il n'est pas mis là, ainsi qu'il

ii'ive trop souvent, au hasard d'une euphonie,

'omme une fallacieuse enseigne; il exprime avec

une concision éloquente la pensée du roman et met

tout de suite le lecteur dans l'atmosphère du drame.

L'amour que M^"^ Marcelle Tinayre évoque dans ^on livre n'est point la claire et robuste et saine pas- sion qui enchante l'univers et sans cesse crée de la vie; c'est un timide et douloureux amour de cré- puscule auquel sont refusés d'avance les vastes

56 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

espoirs et les fécondes joies, amour de pitié, amour d'aumône accordé par une femme admirable à un mourant « pour qu'il ne pleure plus, qu'il ne souffre plus, qu'il soit heureux, qu'il s'en aille, ébloui d'amour, dans l'ombre éternelle)).

C'est très poétique, mais tout de même on aurait souhaité une autre destinée pour Denise Cayrol, cette belle jeune fille de vingt-sept ans, « au corsage plein, avec de la claire raison, avec de la bonté lumineuse dans ses yeux gris nuancés de vert)), et qui mûrissait dans une vie laborieuse, chaste et quasi-conventuelle auprès de son père, Etienne Cayrol; ce dernier, un médecin de campagne dont toute la personne révèle l'origine paysanne, respire la force stable, lente, réfléchie, sûre d'elle-même, chérit sa fille d'une tendresse profonde et quelque peu égoïste; heureux de l'avoir arrachée au cou- vent, il ne se préoccupe guère de la restituer à la vie par le mariage et la maternité et lorsque la pitié de Denise pour Jean Favières, cet enfant de vingt-quatre ans, phtisique, confié aux soins du docteur, se transforme en un sentiment plus tendre, il n'y a pas seulement, dans l'angoisse d'Etienne Cayrol, la crainte du médecin, ennemi brutal des amours maladives, il y a surtout la jalousie doulou- reuse du père qui voit s'élever entre sa fille et lui une tendresse nouvelle. Et cette jalousie est clair- voyante, car la jeune fille est exaltée par son amour jusqu'à douter de la science paternelle; on la voit, elle, la fille du savant, libérée par lui de toutes les

MARS LES ROMANS 57

superstitions, s'en aller, certaine nuit, vers le vieux sorcier du village pour implorer de lui le remède mystérieux capable de sauver Jean, pour demander secours aux forces qu'ignorent les savants.

Hélas ! aucune force ne saurait sauver Jean qui meurt bientôt, non sans avoir connu l'illusion adorable, l'ombre fugitive de l'amour. Et quelque temps après, la mort, enfin secourable, s'empare aussi du fruit de cet amour, triste et chétive huma- nité dont l'existence n'eût été que souffrances et regrets. Ce roman d'amour et d'ombre est conté par M"^« Marcelle Tinayre avec une mâle et tragi- que puissance, avec aussi d'exquises délicatesses de femme; il se déroule dans des paysages limousins dont elle évoque magnifiquement la tristesse et la splendeur.

Mlle V. BOUYER-KARR La Voile rouge.

Mlle V. Bouyer-Karr, dont j'ai salué naguère les très intéressants débuts littéraires, poursuit coura- geusement son effort et s'emploie, avec un zèle méritoire, à donner un lustre nouveau et tout à fait personnel au beau nom qu'elle porte.

Vraiment, le talent de Mue Bouyer-Karr ne doit rien à personne : il est bien à elle, d'une étrange et fruste originalité; et c'est bien, du nom qu'elle

58 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

donnait à l'héroïne de son dernier roman, un « fruit sauvage » mûri en pleine nature, sans qu'aucune discipline en soit venu affadir, ni corriger l'âpre saveur.

Cette qualité précieuse et rare irait presque à l'excès dans la Voile rouge. Il y a dans cette histoire^ de pêcheurs, qui se déroule au fond de la rade enso- leillée et lumineuse d'Agay, la matière de dix ro- mans dont les péripéties dramatiques, violentes et passionnées se succèdent de façon à défier Fanalyse, et je me sens tout à fait incapable de vous contoi les aventures de maître Roure, le vieillard aveugle, patron autrefois de la Volonté-de-Dieu^ le vaillant et fier bateau dont la voile rouge, teinte par un pro- cédé mystérieux, flamboyait dans la lumière et qui aujourd'hui languit, mélancolique, malgré la ten- dresse dont l'entourent ses quatre petites filles : Clorinde, Douce, Catherine et Matelot. Que de dra- mes et que de romans autour de lui : c'est l'histoire de Clorinde fiancée à Dominique qu'elle aime ten- drement, et adorée d'une passion sauvage et dan- gereuse par Delcalzo, le nègre; c'est l'aventure de Douce enlevée par un contrebandier espagnol, Carlo Xammar; Douce, la préférée du vieillard qui ne se consolerait pas de sa faute si par un pieux sub- terfuge Clorinde ne prenait sa place auprès de l'aveugle; et c'est encore la tragique histoire de Petrouille et de Musette, le douanier qui fait de la contrebande !

Mais pourquoi essayer de raconter? je ne réussi-

MARS LES ROMANS 59

rais qu'à mettre de l'obscurité dans ce récit, M"e Bouyer-Karr a su rester claire, limpide, à tra- \ers tous ces drames et tous ces orages, jusqu'au dénouement nous voyons le vieillard aveugle, ;ibusé jusqu'au, bout, reprendre une dernière fois lo commandement de son bateau et mourir heureux aux bras de sa grande amoureuse, la mer toujours regrettée. Le livre est très émouvant, avec des étrangetés de style qui sont voulues, sans doute; t son auteur est appelée certainement à nous donner encore des œuvres intéressantes, pour peu qu'elle veuille endiguer un peu une imagination trop riche et trop généreuse, mais c'est un défaut singulièrement rare et précieux et qu'on souhaiterait à pas mal de romanciers.

ERNEST DAUDET

Les Rivaux « Roman en trois époques: 1795-1815-1830».

Sous le titre : les Rivaux, M. Ernest Daudet pu- blie un livre d'une coupe très originale; c'est un « roman en trois époques : 1795 1815 1830». Ces dates marquent les trois étapes d'une histoire poignante d'amour et de haine : celle de àSoirterrr et Marignac, deux amis d'enfance qui, en 1795, se sont enrôlés dans les armées de la République et

60 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

servant d'un même cœur fraternel la Patrie en danger, gagnent ensemble leurs galons de capi- taine. Au cours de la campagne ils rencontrent une jeune fille, M^i^ de Ligner ay, fille d'un émigré enrôlé parmi. les Autrichiens; ils s'éprennent tous deux d'une ardente passion pour cette belle jeune fille, et voilà allumée la guerre fratricide. M^i^ de Ligne- ray a élu Noirterre, elle l'épouse; et Marignac, qui de son côté s'est marié, dissimule en son cœur une haine farouche contre son rival heureux dont il reste en apparence l'ami.

Vingt ans se passent, nous sommes en 1815, c'est la seconde étape du drame; Noirterre et Marignac sont devenus généraux, le premier reste fidèle à l'Empereur, tandis que le second, rallié aux Bour- bons, se trouve à la Restauration comblé de faveurs et d'honneurs ; son ami s'est réfugié auprès de lui et Marignac saisit alors l'occasion d'assouvir une tenace rancune de vingt ans ; il dénonce son frère d'armes et le fait fusiller.

Quinze- ans après, c'est 1830, c'est la Révolu- tion. Le général Marignac a une fille de vingt ans, Noélie; il est le tuteur de Stéphane, le fils de celui qu'il a lâchement dénoncé; les deux jeunes gens s'aiment, ils s'épouseraient si Stéphane n'avait voué une haine farouche aux Bourbons, mais au cours d'une émeute le pupille sauve son tuteur qui, dans un élan de reconnaissance, lui accorde la main de sa fille ; c'est alors que Stéphane découvre dans de vieux papiers la preuve de l'infamie de son

MARS LES ROMANS 61

futur beau -père, il le force à avouer; Marignac écrasé par la honte s'en va reprendre du service en Afrique, et trouve la mort à la prise d'Alger.

Telle est, rapidement esquissée, cette histoire de haine et d'amour toute traversée par le fracas d'un demi-siècle de guerres et de révolutions et que l'au- teur a évoqué en mêlant, comme il sait si bien le faire, l'histoire et le roman.

ALBÉRIG GAHUET Les Dernières Joies de Sèverin Chantai.

J'attendais ce livre avec une très sympathique et impatiente curiosité : M. Albéric Gahuet qui, pen- lant trois ans, a gardé le silence, m'apparait, en effet, comme l'un des mieux doués de la phalange des jeunes, et l'auteur de la Corbeille d'argent et de la Fêlure^ que je suis très heureux d'avoir été des premiers à saluer, ne saurait, semble-t-il, nous don- ner désormais rien d'indifférent ni de médiocre. La grâce littéraire a touché cet écrivain, il est aimable et séduisant le plus naturellement, le plus sponta- nément du monde; ajoutez à cela qu'il n'abuse pas de ses dons naturels, de cette heureuse facilité qui réjouit son lecteur, et qu'il se donne la peine d'ob- server et de penser.

Lta Dernières Joies de Séverin Chantai sont une

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heureuse étape de cette belle et jeune carrière. Avec toute la grâce désinvolte et légère des livres précédents, c'est une œuvre plus grave et plus pro- fonde. Les gens qui aiment Tordre et la classifica- tion lui reprocheront peut-être do ne pas appartenir à un genre nettement déterminé, le fait est qu'elle trompe joliment son monde : elle commence comme un fantaisiste roman parisien, par un gentil croquis l'on voit la mignonne petite-main, Reine Leroy, en butte aux assiduités d'un suiveur élégant devant qui elle s'enfuit, tout en essayant de se rendre compte s'il est bien de sa personne ; puis, très vite, la scène change, nous quittons Paris à fond de train, dans une automobile mystérieuse, et nous nous retrouvons très loin de la rue de la Paix et des faubourgs parisiens, dans le château de Séverin Chantai va se jouer sous nos yeux le plus poi- gnant des drames philosophiques.

Ne tremblez pas : M. Albéric Gahuet n'est pas sanguinaire; si l'on meui^t dans son livre, c'est en beauté, au milieu des roses et des parfums, non point à l'aide d'armes bruyantes ni de poisons aux vilains noms chimiques, mais à l'aide de cette ciguë qui fut ennobhe par Socrate; et si l'on y fait de la philosophie, c'est sans y prendre garde, sans qu'un maître pédant prétende vous l'enseigner, mais tout simplement en regardant de la vie et de la mort, en écoutant la confession de Séverin Chantai à la veille de sa mort volontaire, ce Séverin Chantai qui voulut être, et fut, un disciple d'Aristippe le Cyré-

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naïque et de Calliclès, les doctrinaires de la morale du plaisir; bien décidé à fuir, le jour apparaîtrait Tarraée des douleurs et des épouvantes, parce que le plaisir est la seule raison de vivre.

Il a été humanitaire à sa façon : il a recueilli dans son château des hommes et des femmes privés par la société du droit de vivre, des malheureux, des criminels, des déclassés, et il leur a donné le moyen de vider, quelque temps, la coupe des joies, et sans regret, puisque la coupe est vide, ils vont mourir demain, avec lui; pas tous cependant, car Reine Leroy aura la vie sauve et elle arrachera en même temps au suicide Tony, le suiveur du début, auquel ^on amour refera un honneur et une existence. Et lo couple s'évadera du château philosophique pour rentrer dans la vraie vie et nous montrer en face les plaisirs négatifs et décevants du Gyrénaïque la joie de vivre, la vraie joie saine et positive.

RENÉ BAZIN La Barrière.

Les romaucicis invoquent volontiers tantôt les

droits imprescriptibles de l'amour, tantôt la puis-

unce souveraine de l'argent, et souvent les deux à

i fois; ce sont les grands ressorts de la plupart dos

iictions romanesques de ce temps. M. René Bazin,

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lui, estime que tout cela n'est rien, ou bien peu de chose, au regard de la religion et de la foi. Il consi- dère qu'en dépit des apparences, ce sont des consi- dérations religieuses qui gouvernent notre société de mécréants, et la Barrière qui peut séparer les êtres humains, malgré toutes les tentations de l'amour, malgré toutes les lois de la famille, c'est la religion. « Il n'y a pas, selon M. René Bazin, d'époque plus théologique que celle-ci, plus tra- vaillée dans les profondeurs par les courants qui se contrarient ou se côtoient. est la famille qui a la paix complète, religieuse ou irréligieuse?»

Pour illustrer cette thèse, l'académicien nous conte l'histoire de la charmante et pieuse Marie Limerel aimée tendrement par son cousin Félicien Limerel, un homme paré de tous les dons de l'intel- ligence et de la bonté, mais qui, malgré le plus méri- toire effort, ne peut arriver à cette foi complète que Marie exige de son futur époux. Avec un noble désespoir il l'avoue à sa fiancée, et cela suffît pour réduire à néant des projets d'union et de bonheur terrestre. Parallèlement à cette aventure, l'auteur nous conte celle de Réginald Osberne Breynolds, héritier d'une vieille et noble famille d'Anglais protestants qui, touché par la grâce catholique, est entraîné par un élan irrésistible vers sa foi nouvelle et brave, la mort dans l'âme, toutes les rigueurs paternelles, toutes les douleurs familiales pour obéir à la loi supérieure de sa conscience. Corneille eût tiré de ce sujet une tragédie, M. René Bazin en

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a fait un roman d'une très noble conviction, d'un style très simple et harmonieux, l'on retrouve avec joie quelques-unes de ces descriptions de pay- sasfcs il excelle.

JULES PERRIN Brocéliande.

M. Jules Perrin, romancier très moderne, se plaît néanmoins dans les légendes d'un passé lointain, et il aime à entourer les histoires réelles de notre temps de prose, d'une brume pittoresque de mys- tère et de légende. C'est ainsi, qu'en son roman, il a restitué à cette forêt de Paimpont, que les gars bre- tons de Montfort traversent aujourd'hui sans émo- tion, son nom de Brocéliande^ rendu fameux par tant de romans de chevalerie. Et l'histoire de Go- lomban le Nestour, fils d'une malheureuse paysanne et d'un père mystérieux, se rattache le plus natu- rellement du monde aux aventures fabuleuses de l'enchanteur Merlin et de la fée Viviane, qui furent, dans le temps, les hôtes de Brocéliande ; bien mieux, nous apprenons dans la suite, qu'il a, par son père mystérieux et par la vieille baronne de Guern, quel- ques liens de parenté avec l'enchanteur et la fée, et en échangeant devant la fontaine de Barenton ses premiers serments d'amour avec la belle Florence, il obéit, sans s'en douter, à une très antique tradi-

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tion de famille. Tant il est vrai que les légendes sont toujours debout, les fées toujours vivantes, et que l'histoire sans cesse se recommence.

Malgré la cognée des bûcherons qui déboise sans cesse, la forêt de Paimpont a gardé encore assez du mystère et de l'ombre de Brocéliande pour enca- drer l'histoire de M. Perrin. J'ajoute que., dans (' décor de légende, l'auteur a su camper des type.> très modernes, très vivants, tels ce vieux docteur Le Yaouang et aussi Hervé de Guern, fils légitime et dégénéré de la vieille famille, qui traîne sa fai- blesse à côté de la fière vigueur du bâtard Golom- ban, et encore la belle Florence qui, « évaporée dans le mystère, un doigt sur ses lèvres closes », symbolise assez bien l'énigme éternelle de l'éternel féminin.

ANDRÉ LICHTENBERGER Tous Héros.

Sous ce titre M. André Lichtenberger évoque les temps 'révolutionnaires en une série de nouvelles. Et ce sont vraiment tous des héros, les personnages qui animent ces récits rapides et formidable M. Lichtenberger a, sous une forme très roma- nesque, retracé quelques épisodes de la grande tourmente l'on faisait si bon marché de son

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existence... et de celle des autres. M. André Lichtenberger admire cet héroïsme, quelque forme qu'il ait revêtue et de quelque côté de la barricade qu'il se soit manifesté.

Avec une tendresse évidente pour la Révolu- tion, il montre tout de même un impartial éclec- tisme : s'il exalte Machut, le stoïque délégué du Comité de Salut Public aux armées de l'Est, lequel, après avoir, à Paris, fait couper quelques têtes, laisse périr sa femme et ses enfants par amour pour la patrie et pour la République, il s'enflamme aussi au souvenir de l'admirable curé Poulendre, si géné- reux et si noble, et qui, dénoncé par sa tonsure alors qu'il salue le drapeau, expie sous le couperet sa vaillance et son abnégation ; il garde également une émotion profonde et douce pour les « promeneuses », pour M^^ Elisabeth, M^^^ de Senozan, M^^ de Grussol, qui surent mourir en beauté, avec une grâce qui était, elle aussi, de l'héroïsme. Ces récits sont contés avec un art très délicat par M. André Lich- tenberger qui a su, lui aussi, comme ses héroïnes, être tragique et violent avec beaucoup d'élégance.

JULES SAGERET Paul le Nomade.

Dans ce roman, M. Jules Sageret nous donne

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une gentille et facile leçon de philosophie pratique qui pourrait s'orner d'une épigraphe telle que : i( Pierre qui roule n'amasse pas mousse », ou encore de quelqu'un de ces axiomes forgés par la sagesse des nations pour inculquer aux hommes de moyen- nes vertus : l'activité tranquille, la stabilité, la fidélité au foyer, conditions d'un bonheur sans nua- ges, et que la main peut atteindre.

Si vous doutez encore de cette vérité, lisez l'his- toire de Paul Méliande et vous serez convaincus. Après vous être divertis ou émus aux multiples péri- péties auxquelles son humeur inquiète entraine ce personnage toujours en quête de combinaisons et d'aventures nouvelles, et toujours déçu, .vous vous réjouirez sûrement de le voir, un beau jour, rentrer au bercail auprès de sa femme, dans la maison conjugale, il trouve le paradis cherché si loin. Cette fort sage histoire est contée avec agré- ment et conviction.

RESGLAUZE DE BERMON Le Lien.

Très édifiant aussi, le roman de M. Resclauze de Bermon. L'auteur est indigné par le divorce autant que M. Paul Bourget, mais son héroïne, plus heu- reuse, s'arrête sur le bord de l'abîme, cet abîme effroyable qu'est, selon l'auteur, la rupture avec

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un mauvais mari, et l'union avec un homme très tendrement épris, généreux, riche et prêt à sacri- fier à celle qu'il aime sa situation mondaine. Ce serait un crime, paraît-il, les circonstances permet- tent qu'il ne soit consommé qu'à demi : le divorce est bien prononcé, mais des circonstances impré- vues empêchent le scandale; l'hostilité, notamment, d'une vieille tante fort riche, qui menace de déshé- riter son neveu s'il épouse ce qui tempère un peu les ardeurs de ce fiancé l'amène à demander un délai que met à profit le mari de Viviane pour se tuer. Ainsi Viviane, veuve, peut convoler en justes noces, mais ce n'est pas avec le fiancé prévu (encore que tous les obstacles, y compris la tante elle-même talent disparu), c'est avec Jacques de Lorne, un ami de Viviane, qui n'avait cessé de lui déconseiller le divorce et de lui prêcher le respect des lois sacrées du mariage. Ainsi, la vertu et la tradition sortent de ce roman doublement triomphantes.

LÉOPOLD COUROUBLE Madame Kaekebroeck à Paris.

M. Léopold Gourouhle est un écrivain belge qui jouit sur les bords de la Senne d'une enviable renommée ! ses romans de mœurs bruxelloises, où, avec beaucoup de verve, il portraicture ses com-

5.

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patriotes les Belges et blague leur accent, sont très goûtés là-bas ; les Belges ne sont pas susceptibles, ils rient de bon cœur à tous ces « alleïe, alleïe », à tous ces « savez-vous», qui émaillent les romans de M. Léopold Gourouble, trouvent cela très comique et n'en conservent pas moins précieusement ces locutions et cet accent. M. Gourouble s'en désole, il veut bien les faire rire, mais, selon la formule du poète latin, il veut les corriger, et il a pris derniè- rement un parti héroïque : il a imaginé de conduire Madame Kaekebroeck à Paris,

Et la voilà presque naturalisée : tout de suite, un éditeur parisien, l'a adoptée, et il convient que nous fassions bon accueil à M "^^ Kaekebroeck, d'abord parce que cette grasse et gentille Flamande est ave- nante à souhait, puis, parce que nous nous devons d'encourager de tels voyages, entrepris uniquement pour développer en Belgique l'influence française, y implanter les mœurs et la langue (la vraie langue) de France. Le livre de M. Gourouble est d'ailleurs tout à fait agréable, d'une jovialité un peu grosse parfois, mais de bon aloi, et la promenade à travers Bruxelles et Paris, à laquelle nous convient M. et ]y[me Kaekebroeck, est tout à fait gentille. L'auteur nous la conte en un style très simple, très allant, ont bien réussi à se glisser, de-ci de -là, quelques- unes de ces locutions belges dont il voudrait tant débarrasser ses compatriotes; mais cela n'empêche pas le livre d'être excellent pour la propagande française, pour le culte de ces « manières de France

MARS LES ROMANS

qui plaisent à toutes les nations, ou plutôt à toutes les femmes...»

GEORGES BEAUME Monsieur le Député.

Dans quelques semaines les élections vont sévir et la politique, comme à l'ordinaire, fera du tort à la littérature ; en attendant, et sans doute pour faire compensation, quelques écrivains lui empruntent le sujet de leurs romans. J'en ai signalé plusieurs déjà qui étaient douloureux et pénibles. M. Georges Beaume, lui, veut être gai et il célèbre Monsieur le Député sur le mode comique : il nous conte dans son livre une étonnante histoire d'élection qui se déroule dans la petite ville de Nézignan-l'Evêque, sont aux prises les Rouges et les Ecarlates. Les gens du pays ont tous à peu près la même opinion, mais comme on veut à tout prix Une campagne électorale avec tout son cortège de petits bénéfices et de grosses émotions et que Dominique Bonna- fous, le maire, veut absolument enlever son siège à Tartugé, le député sortant, il faut bien trouver deux nuances différentes, et c'est ainsi qu'en face de Tartugé, chef des Rouges, se dresse Bonnafous, candidat des Ecarlates, surnommé modeste- ment — Danton.

La lutte entre ces deux hommes et ces deux par-

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tis est d'autant plus violente, âpre et sauvage, qu'ils ne sont nullement séparés par leurs convictions mais uniquement par leurs appétits; cela pourrait être mélancolique, tragique même, M. Georges Beaume n'a voulu voir que le côté amusant de cette histoire; avec une généreuse prodigalité, il a, sans choisir, accumulé tous les épisodes, tous les tableaux comiques d'une élection de petite ville; c'est d'une verve un peu facile parfois, mais le lecteur qui veut seulement s'amuser n'y regarde pas de si près, et l'autre, celui qui réfléchit, saura bien trouver derrière cette gaieté, un petit grain de philosophie.

EDMOND DESGHAUMES La Femme à la tête coupée.

Malgré son titre macabre, la Femme à la tête cou- pée^ ce livre, n'est point un roman tragique : c'est au contraire une très amusante et très leste his- toire, et la confession de Lise, qui, sans vergogne, raconte les multiples aventures de sa vie à un cor- respondant du nom de Coco, pourrait très bien être celle d'une héroïne de quelque conte galant du XVIII® siècle. Mais elle n'y tient pas, sans doute, et elle aime bien mieux être de son temps, du nôtre; elle en est tout à fait, et son style a em- prunté à la fréquentation des cabarets montmar-

MARS LES ROMANS 73

trois, une très moderne verdeur qui ne s'effraye ni des mots, ni des choses.

Pour moi, qui suis obligé à plus de retenue, je ne saurais ici analyser en détail toutes les aventures de la fille de M^^® Clara Bouillo^-te et du marquis de Saint-X..., laquelle fit successivement les beaux jours d'un nombre respectable de ses contempo- rains, depuis un sculpteur génial, qui modela sa triomphante beauté en une statue que par un hon- nête scrupule il décapita avant de l'exposer de son nom de la femme à la tête coupée ! jusqu'à certain souverain authentique. Tout cela est très scabreux, mais, je le répète, tout à fait spirituel et joyeux; les choses ne se gâtent qu'à la dernière page, lorsque la narration est brutalement interrom- pue par un effroyable accident d'automobile qui inflige à la jolie personne justement la même muti- lation dont sa statue avait été victime.

I

JEAN DE FOVILLE Eros.

Un peu d'amour, voulez-vous, maintenant? C'est Eros que M. Jean de Foville exalte, en nous contant l'histoire du comte Moriani, gentilhomme artiste, qui passe des jours sans douleur et sans joie dans sii somptueuse villa de Toscane, et contem-

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pie d'un œil ironique et indifférent certaine statue d'Eros qui orne son parc. Il ne faut jamais regarder avec ironie une statue d'Eros... car le comte ne s'en doutait pas, mais vous vous y attendiez bien, perspicace lecteur ! Eros, à ce moment précis Moriani traite si cavalièrement son effigie, est en train de lui préparer un tour de sa façon. Et voici dans sa demeure trois Français qui pénètrent à la faveur d'un accident d'automobile : Valentine, marquise de Romanel, le comte Dubois de Morgex et la mélancolique M^^e Alix Gandria. Valentine, délaissée par son mari, a pour chevalier servant le comte de Morgex, quant à Alix, elle erre, désolée, à travers le monde, séparée par force d'un mari dément.

Le séjour des trois Français doit se prolonger à la villa, car Alix a eu le bras cassé dans l'accident; et cependant qu'on la soigne une idylle s'ébauche entre Valentine et le gentilhomme artiste qui, tout de suite, a pris feu; Valentine ne semble pas très rebelle, mais Eros veille, et ce n'est point ce couple qu'il veut bénir. Alix, dolente et blessée, s'est peu à peu éprise d'un grand amour discret pour son hôte: Valentine s'en aperçoit, le lui reproche violem- ment et, à la suite d'une discussion véhémente, s'en va furieuse. Heureux départ qui permet à Moriani de se rendre compte de ses véritables sentiments et d'épouser Alix (car, entre temps, le mari de cette dernière est mort) et ce sera, dans ce paysage tos- can j imprégné d'humanité et de siècles, un éternel

MARS LES ROMANS 75

et fervent duo d'amour conjugal. C'est très bien, comme vous voyez, et si Eros ne jouait jamais que des tours de ce genre il faudrait lui élever des sta- tues dans tous les jardins.

HISTOIRE, VOYAGES, POESIE,

DIVERS.

DUC D'AUMALE ET GUVILLIER-FLEURY Correspondance. 1^' Volume : 1840-1848.

Cette Correspondance du duc d^Aumale et de Cuvillier-Fleury est considérable : elle comprend 925 lettres du duc, 1.025 lettres de Guvillier-Fleury, et nous ménage quelque agrément si l'on en juge par le premier volume, lequel nous restitue les let- tres échangées en 1840 et 1848, depuis le temps le duc d'Aumale, ayant quitté le collège à dix-sept ans et demi, avait été détaché à l'état-major de la première division de l'armée d'Afrique et, mis à la disposition du maréchal Valée, prit part à l'expé- dition de Médéah de telle façon qu'il fut nommé che- valier de la Légion d'honneur, quelques mois plus

MARS HISTOIRE, VOYAGES, POÉSIE, DIVERS 77

tard, sur la proposition du maréchal Valée. C'est à ce moment qu'il reprit ce que Cuvillier-Fleury appelait « ses bonnes habitudes de travail» et lui soumit un plan d'études que celui-ci s'empressa d'accepter. »

Dans les lettres qui se succèdent au cours de ces huit années, le duc d'Aumale raconte à Cuvillier- Fleury les batailles devant Bhdah, pendant que ce dernier lui relate la réception de Victor-Hugo à l'Académie française; et la correspondance se pour- suit de la sorte, Cuvillier-Fleury tenant le duc au cou- rant des faits notoires de la vie parisienne politique et littéraire, le duc racontant ses victoires et ses combats. On apprend dans ces lettres familières à connaître merveilleusement les deux interlocuteurs: le prince qui, « à travers les jours glorieux ou les années douloureuses, n'a cessé d'avoir l'amour fixe de la France », et nous apparaît avec son caractère, son esprit, son cœur, si français ; et CuvilHer-Fleury, précepteur dans toute la force du terme, qui veille, (( avec une sollicitude croissante et patriotique, sur l'enfance et l'adolescence d'un prince dont l'avenir semble devoir être associé aux destinées nationa- les». Et c'est une belle histoire que celle de l'inti- mité de ces deux hommes, racontée par une corres- pondance qui dura près de cinquante années.

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BERNARD DE LAGOMBE La Vie privée de Talleyrand.

On a écrit bien des volumes sur Talleyrand; l'évêque, le diplomate, le ministre, l'homme de Cour et rhomme d'Etat ont tenté et tenteront encore la science et la verve d'une foule d'histo- riens, mais la Vie privée de Talleyrand, si remplie, elle aussi, mouvementée à l'égal de son existence publique, est restée obscj^re sur bien des points. Elle appartient pourtant à l'histoire ; nul détail de la vie d'un tel homme, mêlé de façon si décisive à tous les grands événements de tout un siècle, ne saurait nous laisser indifférents : on s'en rendra compte en lisant le livre de M. Bernard de Lacombo.

Non seulement il fourmille de renseignements amusants et pittoresques, mais il aide, dans bien des cas, à comprendre les événements ; c'est quelque chose comme l'envers, la coulisse de la grande histoire. L'auteur a suivi, nous dit-il, « Talleyrand en Angleterre et en Amérique, pendant qu'il était émigré; il a raconté ses efforts pour dépouiller le caractère épiscopal et redevenir un simple laïque; il a tâché de démêler l'imbroglio de son mariage avec la belle M^^ Grand; puis, après avoir pénétré dans l'intérieur du grand dignitaire de l'Empire et de la Restauration, il a voulu montrer le prince vieilH, malade, revenu des ambitions du monde,

MARS HISTOIRE, VOYAGES, POÉSIE, DIVERS 79

dans la retraite de ses quatre dernières années ; et, enfin, examiner de près ce qu'on a appelé sa con- version, assister à sa mort, bénie par l'abbé Dupan- loup )).

Et ce sont des pages d'un intérêt captivant l'auteur, sans trop chercher à les interpréter, laisse ])arler des documents qui sont singulièrement élo- quents, spirituels, émouvants; on y démêle un peu mieux ce que fut cette étonnante existence toute remplie de contradictions jusqu'à la plus extraor- dinaire de toutes, cette fin édifiante que l'auteur croit sincère, « car pourquoi aurait-il menti en mou- i^ant, à cette heure il allait quitter les visages mobiles et fuyants des hommes pour ne rencontrer que le visage éternel de Dieu, celui qu'on ne trompe pas?))

JOSEPH GHAILLEY L'Inde britannique.

Cet ouvrage, résultat de vingt années de réflexions et de dix ans de travaux, « dont l'auteur souhaite qu'il soit digne du grand parti colonial français pour qui il a voulu l'écrire et à qui il le dédie » est un monument véritable, d'une richesse remarqua- ble de documents et d'enseignements. Dans la pn^mière partie, l'auteur étudie les langues et les races, la religion, la caste, la condition économique

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du pays, la réforme sociale, la réforme politique. Dans la seconde partie, consacrée à la politique indigène, ce sont des vues sur les tribus et chefs de Birmanie, sur la classe agricole et la propriété fon- cière, le problème de l'éducation des indigènes, la part des Indiens dans l'administration de leur pay^ Je cite ces titres de la table des matières, bien empêché que je suis, dans ce cadre étroit, d'analy- ser une œuvre aussi considérable. L'auteur conclut : « Avec les études réformées, l'administration ali- mentée à des sources variées, les conseils réorgani- sés, le gouvernement britannique appuyé sur h princes, sur l'aristocratie, sur la richesse, sur les différentes confessions rehgieuses, sur la science moderne et l'expérience traditionnelle, pourrait avec confiance affronter les orages d'où qu'ils vinssent, et maintenir sa domination, aussi long- temps qu'il le jugerait bon pour l'intérêt de l'Inde et pour sa gloire propre. »

D^ EMILE REIGH La Vanité Allemande.

(Traduction de M. Henri Maxsvic)

L'inquiétude que causent à l'Europe en général et à l'Angleterre, en particulier, les ambitions ac- tuelles de l'Allemagne, s'est manifestée dans ces

MARS HISTOIRE, Vu\AGES, POÉSIE, DIVERS 81

Itruiers temps par une foule d'articles, de discours, iie polémiques, et il n'est pas douteux que c'est une des plus graves préoccupations des amis de la paix. Récemment, le docteur Emile Reich a publié sur ce sujet, en Angleterre, un ouvrage où, à l'aide (le documents et d'actes, il prétendait établir et démontrer les visées allemandes, tendant à la suprématie sur mer et sur terre. Cet ouvrage inti- tulé Germani/s Swclled Head^ a eu dans la Grande Bretagne un immense retentissement et a causé une sorte de^panique qui n'est point encore calmée. Passionnant pour les Anglais, il n'est pas moins utile à méditer chez nous, car nous sommes, hélas ! aussi intéressés à cette question, et M. Henri Mans- vie a été bien inspiré en nous en donnant une tra- duction française sous le titre la Vanité allemande. Ce livre a, nous dit l'auteur, la prétention d'avoir écrit sans passion; les faits y sont nettement 't rigoureusement exposés, et il résulte de leur exa- men que la question allemande constitue pour la Grande-Bretagne, le même problème que celui qui, par l'élévation de Carthage, se posa jadis aux Ro- mains. On découvre dans les travaux des profes- seurs, des savants, des journalistes allemands, dans les projets et dans les lois des législateurs allemands, la manifestation de la plus terrible crise de vanité connue dans les temps modernes. Les Allemands sont convaincus, ils veulent établir que tout ce qui fut grand fut d'origine germanique, que tout ce qui lut fait de grand fut d'inspiration germanique,

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que l'avenir, enfin, est fatalement à la race d'Her- mann le Grand,

Pour justifier cette prétention, pour en établir jusqu'au bout les conséquences que chacun devine, les Allemands sont prêts à tout et ils poursuivent systématiquement leur effort ; il importe, selon l'au- teur, qu'on le sache, car la première condition pour échapper au danger est de le connaître. Il convien- dra ensuite de prendre ses précautions : l'expan- sion allemande est fatale mais elle ne se fera pa> aux dépens des Anglais (ajoutons, si vous voulez bien, des Français) si conscients du danger, ceux-ci préparent leurs armes sur terre et sur mer, sans oublier celles de la diplomatie. « Que les derniers venus se contentent des restes ; s'ils trouvent mieux, ce n'est que grâce à l'incurie de leurs prédéces- seurs )).

MÉDÉRIG GOT Journal d'Edmond Got.

Histoire anecdotique contemporaine : voici le premier volume du Journal d'Edmond Got^ socié- taire de la Comédie-Française, publié par son fils, Médéric Got. M. Henri Lavedan a préfacé ce vo- lume en des pages étincelantes qui en soulignent l'intérêt et en précisent l'intention. Il est bien natu- rel qu'un comédien en renom veuille fixer ses sou-

MARS HISTOIRE, VOYAGES, POÉSIE, DIVERS .*^;^

vcnirs, d'abord, « la vie lui est un spectacle à béné- fice, dont il ne dédaigne pas de souligner les effets », t puis, un homme qui, par profession, est obligé l'incarner perpétuellement une multitude de per- onnages différents, sans qu'il lui soit permis jamais fêtre lui-même, doit aimer plus que tout autre à ( se réfugier en son individu, à rédiger chez lui, à la cantonade, les confidences de son esprit, ces lignes d'un rôle qu'il n'a pas le temps d'interpréter».

Ajoutez que l'auteur de ces mémoires, homme instruit et cultivé, type achevé du comédien hon- nête homme, a eu l'occasion, pendant sa longue ie si pleine, d'assister à bien des événements, de onnaitre de près bien des hommes illustres. Ainsi, "Q monologuant à jet continu, en parlant à bâtons rompus comme avec un interlocuteur imaginaire » il arrive pas moins à nous donner le plus ori- ginal, le plus complet, le plus curieux des tableaux de notre siècle. Le premier volume s'arrête au mois de novembre 1 858 : on vient de donner Orphée aux enfers, c'est, nous dit Got, la marée montante de la blague, et il ajoute : « Un monsieur Meilhac s'est révélé dans un simple acte au Gymnase, VAuto- raphe. »

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ALBERT DAUZAT La Vie du langage.

Parmi les partisans de cette réforme de l'ortho- graphe, dont la menace est toujours suspendue sur notre pauvre langue française, il y a des hommes tout à fait remarquables et qu'on voudrait bien ne pas voir en cette galère, tel M. Albert Dauzat dont on n'a pas oublié le savant ouvrage sur « la Langue française d'aujourd'hui». On peut discuter les con- clusions de cet ouvrage, nous ne nous en sommes pas fait faute, on doit reconnaître que M. Albert Dau- zat possède en ces matières une rare compétence et qu'il a raison lorsqu'il proclame que « les questions relatives au langage ne doivent pas rester l'apa- nage des spécialistes, mais méritent d'être vulgari- sées et peuvent intéresser de nombreux lecteurs». Reste à savoir quel sera le résultat de cette vulga- risation et si elle aboutira au triomphe des théories proclamées par M. Dauzat. Je n'en crois rien, et cela me met à l'aise pour vous dire tout l'intérêt qui se dégage de ses remarquables études.

Dans celle-ci, il essaye « de résumer et de synthé- tiser les principaux phénomènes qu'offre l'étude des langues : faits complexes, parfois difficiles à classer, mais combien attrayants lorsqu'ils sont illustrés par des exemples caractéristiques, car ils nous montrent la nature et le nombre infinis des

MARS HISTOIRE, VOYAGES, POÉSIE, DIVERS 85

réactions, le travail mécanique et physiologique incessant, les évolutions continues et inéluctables dont l'ensemble constitue la vie du langage. » Et (le fait, ses travaux sur les phénomènes mécaniques, les phénomènes sociaux, les phénomènes littéraires (|ui dominent la vie du langage présentent un inté- rêt de premier ordre. Selon l'auteur, un enseigne- ment pratique se dégage de cette étude : « c'est 'ju'il n'est au pouvoir de personne, pas plus d'une ollectivité que des individus, d'arrêter les évolu- tions du langage ».

On a beau imposer à une langue un vocabulaire prétendu immuable, l'emprisonner dans une ortho- graphe rigide, elle brise ses cadres impuissants à la contenir, à refréner la poussée impérieuse des forces naturelles, du moment qu'elle vit par la parole et qu'elle vole sur les lèvres des hommes.

Sans doute cette conclusion est destinée à confon- dre les réactionnaires; mais j'ai comme une idée qu'elle condamne du même coup les réformateurs ! Puisque la langue se réforme sans cesse d'elle-même, <le quel droit prétend-on lui imposer une certaine réforme nécessairement arbitraire, en un coriniu moment de sa vie?

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MEMENTO DU MOIS DE MARS

ROMANS

Anjou (René d'). Voir Cyriaque de Pocé.

Bardoux (Jean). Dona Maïla, un bref roman l'auteur évoque le sombre souvenir de l'insurrection carliste qui ensanglanta l'Espagne en l'an 1835. L'histoire de Dona Maïla, amante cornélienne de José Maria d'Or- maïzegui, le hardi flibustier, se déroule en plein cœur de la haute Navarre, dans des paysages sombres et tragiques, au milieu des hêtres monstrueux, et M, Jean Bardoux en exprime avec beaucoup de force l'émotion et le mystère, un mystère impénétrable car personne ne sut jamais quelle fut la destinée de Dona Maïla et c'est « tout au plus si les éléments de ce récit survivent encore, dissémines çà et dans ] mémoire des bonnes gens, tels les menus fragment.-, qui permettent au savant de reconstruire la trame des temps obscurs».

Berzefî (Aha). Tamara.

Conrad (Joseph). Le Nègre du Narcisse, Iraduii de Tan- glais par Robert d'Humières.

Delcamp (André). Princesse de rêve.

Frapié (Léon). Contes imprévus, un recueil de nouvelk- . petits romans sommaires, rapides, écrits dans cetU forme âpre et brutale excelle l'auteur de la Mater- nelle.

Guesviller (Gustave). IJ Idole.

Gfyp- U Amoureux de Line, un roman plein de désinvol- ture et de spirituel agrément, les mœurs du temps et sa langue sont châtiées par un écrivain qui s'en- tend, comme elle dit, à « rouspéter».

MEMENTO DU MOIS DE MARS 87

Kipling (Rudyard). La Cité de V épouvantable Nuit, un beau livre traduit par Albert Savine.

i>,iiirie (André). Le Maître de V Abîme, un roman d'aven- tures qui fera la joie des jeunes gens.

Menabréa (Henri). Le Muletier et son mulet, nouvelles.

Oppenheim (Philippe). L'Aventure de miss Isabelle, traduit de l'anglais par François de Gail.

Pocé (Cyriaque de) et René d'Anjou. Pierrerit ou le Drame du moulin d'Ivray, une très romanesque évocation du temps de la Restauration l'imagi- nation se mêle fort agréablement à l'histoire.

Provins (Michel). La Gerbe, un recueil de ces dialogues l'auteur sait si bien, dans un petit drame expédié en quelques répliques incisives, évoquer toute une existence, exprimer toute une psychologie.

Régis-Lamotte (Roger). Mam'selle H.-P., un roman d'une assez amorale jovialité l'auteur nous conte les aventures d'une personne ultra-moderne qui justifie son sobriquet en faisant du cent à l'heure sur des routes dangereuses, elle dépasse, et de beau- coup, les limites que M. Marcel Prévost avait assi- gnées à ses demi-vierges avant le havre souhaité du beau mariage avec un monsieur riche.

Riotor (Léon). Un Chauffeur.

Upton Sinclair. Brasseurs d'argent, un roman sur les financiers américains.

Val (Charles). Petite Perle.

Wiart (Henry Carton de). Les Vertus bourgeoises, un roman l'auteur nous ramène, en des croquis pittoresques et émouvants, « au temps des États- Belgiques-Unis de 1790».

Wylm (Antoine). Maîtresse mystique, « roman psychi- que ».

88 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

HISTOIRE LITTÉRATURE THEATRE POÉSIE POLITIQUE DIVERS

Aubin (Eugène). En Haïti, un volume sont évoqués les planteurs d'autre fois, et dépeints les nègres d'au- jourd'hui. L'auteur « a vu des repas, des danses de nègres, il a visité les sanctuaires de sorciers réputés, il s'est trouvé plus que quiconque de sa couleur en mesure d'observer la coutume des campagnes haï- tiennes. Dans un cadre magnifique il a eu sous les yeux une suite ininterrompue de manifestations popu- laires, d'une incomparable étrangeté, qui se produi- saient dans un idiome issu de notre langue, sous des formes dont l'origine africaine se trouvait influencée par notre culture et par notre histoire ». Rien de plus curieux, de plus émouvant aussi que ce mélange disparate. M. Eugène Aubin le retrouve partout dans son voyage de Pétionville à Port-au-Prince, de Port- au-Prince à Furcy, des Gonaïves à Cap-Haïtien, voyage prestigieux dont il nous fait partager toutes les émotions et tout l'agrément en des pages alertes, documentées, semées de belles et pittoresques images.

Beaupuy. La Source, poèmes.

Bernard (Jean). La Vie de Paris, le volume annuel de cette série d'une si preste et si copieuse documenta- tion.

Burnichon (Joseph). Le Brésil d^ Aujourd'hui.

Coynard (Gh. de). Les Guérin de Tencin (1520-1758).

Deschanel (Paul). L'Organisation de la Démocratie, un beau livre que notre éminent ami Henry Roujon a magistralement analysé.

Duchesne (Mgr L.). Histoire ancienne de V Église, troi- sième volume.

Faral (Edmond). Les Jongleurs en France au Moyen âge.

Fleischmann (Hector). Charlotte Robespierre et ses mémoires.

MEMENTO DU MOIS DE MARS 89

Frémont (Abbé Georges). La Grande erreur politique des catholiques français. L'éminent ecclésiastique, dont on peut -ne pas partager les idées mais auquel on ne saurait refuser une très remarquable puissance de pensée et de verbe, et aussi un bien rare courage civique et une vaillance à toute épreuve, publie cette brochure « en vue des élections prochaines dans l'espé- rance qu'elle ouvrira les yeux à ceux de ses frères les catholiques de France qui s'imaginent faussement qu'il n'y a de salut, pour les intérêts chrétiens, que dans le rétabhssement de la monarchie».

Génin (Auguste). Poèmes Aztèques, des poèmes rapportés de Mexico, fleurettes très humbles, nous dit l'auteur, qu'il a réunies un peu au hasard, cueilhes dans les ruines de Palenqué, de Mitla, de Xochicalco, qui se sont ouvertes au soleil, ont donné leur atome de cou- leur et de parfum et peuvent à présent se faner. Clovis Hugues aimait ce hvre de poésie ardente et de pensée sincère : « Français par votre famille, et poète par votre imagination, vous avez, disait-il à l'auteur, cueilli l'antique légende avec une curiosité mêlée de haute rêverie, tout comme si vous étiez le descen- dant de ces Aztèques amoureux d'aventures, qui adoraient le dieu Mexitli, au pied du grand temple de Ténothtitlan. Entre toutes les langues étrangères, le Mexique parle plus volontiers notre langue. Entre toutes les légendes, vous avez choisi celle du Mexique. C'est un noble échange de fraternité artistique et nationale».

Gide (André). Oscar Wilde, une plaquette l'auteur célèbre en prose ce très grand et très malheureux poète et il a remis « In memoriam» et le « De Pro- fundis )).

Ginisty (Paul). Le Mélodrame, un ouvrage d'une bien amusante et pittoresque documentation, pubhé dans la Bibliothèque théâtrale illustrée.

Giraud (Victor). Biaise Pascal, des études d'histoire morale d'une bien séduisante érudition. La question de savoir si Pascal a été amoureux fait notamment l'objet d'un très intéressant chapitre, malheureusc-

6.

90 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

ment l'auteur y répond par la négative, et c'est déso- lant : combien il est plus agréable de croire, avec M '"e Ackermann, avec Havet, avec Sully Prudhomme, avec Emile Faguet, que Pascal fut amoureux : il est vrai que rien ne nous empêche de continuer à le croire, M. Victor Giraud, lui-même, ne nous en saura pas mauvais gré.

Grand-Carteret (John). Le Jeune Premier de V Europe « devant l'objectif caricatural», un volume de docu- mentation iconographique le jeune roi d'Espagne Alphonse XIII apparaît en une multitude d'images dont l'irrévérence se tempère presque toujours d'un sourire de sympathie.

Heineken (Adrienne). Amour de rampe, un recueil de sonnets sur des héros et des héroïnes de théâtre, depuis Manon Lescaut jusqu'à Aphrodite et Carmen, depuis Werther jusqu'à Hamlet, il y a des choses vraiment délicieuses de profondeur, de grâce et de jeunesse.

Hogier (Hector). Paris à la fourchette, un volume l'auteur poursuit la publication de ces curiosités pari- siennes qu'il excelle à découvrir au coin des rues, sous les arches des ponts et il nous démontre qu'on peut faire des voyages pleins d'agrément et de trou- vailles pittoresques sans sortir des fortifications.

Levaillant (Maurice). Le Temple intérieur, des poèmes d'une très réelle beauté, l'auteur glorifie :

Le temple dont ses mains bâtirent en secret La rose colonnade et les murailles blanches;

Londres (Albert). Lointaine un « poème effréné ».

Lot (Henri). Les Deux généraux Ordener, un ouvrage posthume éloquemment préfacé par M. Félix Roc- quain, œuvre d'histoire d'un Sujet tout à fait inédit et qui nous restitue en des pages émouvantes et docu- mentées deux figures du plus haut intérêt.

Malagola (Charles). Le Lido de Venise à travers V histoire, un beau livre tout semé de somptueuses images, document d'histoire et d'art, que l'auteur, « offre aux Vénitiens comme un gage de son affection pour

MEMENTO DU MOIS DE MARS 91

la cité splendide, célèbre par ses moniini^nts ef ses gloires».

Mariel (Jean). Les Appareillages, poèmes, lathiez (Albert). Le Club des Cordeliers, « pendant la crise de Varennes et le massacre du Champ de Mars », un remarquable ouvrage M. Albert Mathiez a réuni des documents en grande partie inédits accom- pagnés d'éclaircissements et de notes; l'auteur a jugé avec raison que, pour étudier l'agitation démocratique et républicaine après la fuite de Varennes, le meilleur observatoire était le club des Cordeliers. De ce point central, les gestes des personnages et les mobiles de leurs actions doivent apparaître plus distinctement que de tout autre.

Maure! (André). Petites villes d'Italie. Nous avons eu déjà deux étapes de ce pittoresque et gracieux voyage, voici la troisième : elle nous promène dans les Abruzzes, les Fouilles et la Campanie, et ce sont, tour à tour, en des pages pittoresques, Aquila, Lucera, Trani, Capri, Pompéi, Caserte, Bari, tant d'autres encore, jolis noms pleins de lumière et de grâce, choses plus jolies encore et plus émouvantes, paysages de ruine et d'histoire dans une nature éternellement jeune, parmi lesquels on éprouve tant de joie à se promener, na fût-ce, hélas ! que dans un fauteuil.

Mesureur (M'"^ Amélie, née Amélie de Wailly). Clairs Horizons, des poèmes d'une forme harmonieuse et d'une inspiration noble, écrits « sur les enfants petits et grands, sur leurs âmes sensibles, neuves et déh- cates ».

^^^li1 (Marcel). Les Jardins d' Academus, des vers qui nous convient à la plus harmonieuse et la plus poétique des promenades, lortillet (Gabriel et Adrien de). La Préhistoire, un volume sur l'origine et l'antiquité de l'homme.

Xesselrode. Les Vesprées, poésies.

Xiclaud (Roger). La Laïque, un ouvrage de polémique l'auteur flétrit « la duplicité des fondateurs de l'école laïque, dénonce le péril de ce qui reste en France de la liberté de penser et entreprend de nous

92 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

démontrer que les fondateurs de l'école laïque ne pouvant régner que sur un peuple plongé dans l'igno- rance ont jugé que le moyen le plus sûr de le rendre ignorant était d'être seuls à l'instruire».

Normand (Comte R.). Le Patriotisme Allemand.

Pallarès (V.). , Le Crépuscule d'une idole : Nietzsche. Nietzschéisme. Nietzschéen...

Peladan (Joseph), Les Manuscrits de Léonard de Vinci. Les XIV Manuscrits de l'Institut de France, l'on voit en Léonard de Vinci « l'ingénieur et le peintre, le philosophe et l'expérimentateur, le mécanicien et l'anatomiste, l'hydraulicien et le moraliste, le géo- logue et le poète se juxtaposer pour nous fournir un tableau de la plus étonnante activité mentale qui ait existé ».

Prouille (Marcel). Glumes éparses, poésies.

Ricquebourg (Jean). Héroïsmes, poèmes.

Romeuf (Louis de). L'Ame des Villes.

Rondet-Saint (Maurice). La Grande Éoucle, un voyage à travers les deux hémisphères. Ce sont des notes et croquis de l'ancien continent et des deux. Amériques, publiés en un très alerte et très vivant volume et dont M. Pierre Baudin précise éloquemment l'intérêt dans sa préface : « Ce voyage eut ceci de notoire qu'il fut accomph par un homme indépendant, qui, au long du chemin, se souvint de sa qualité de Français» et s'imposa la tâche de relever des observations utiles, relatives aux intérêts français. C'est comme une tournée d'inspection volontaire à travers le monde, et avec tous les chiffres, tous les documents, tous les faits recueillis ; c'est d'un bien remarquable intérêt, et cela vaut bien, selon M. Pierre Baudin, le récit roma- nesque d'un coureur d'aventures, d'un fumeur d'o- pium, ou d'une grande tragédienne.

Roz (Firmin). L'Énergie Américaine. L'auteur entre- prend de nous l'expliquer dans un très vivant volume de la Bibliothèque de philosophie scientifique. « Les États-Unis nous attirent, dit-il, par le magnifique déploiement de leur vigueur, par l'intensité de leur vie». Nous avons aujourd'hui entre les mains les

MEMENTO DU MOTS DE MARS 9o

éléments nécessaires pour comprendre cette énergie, pour tenter une philosophie de cette histoire. En étu- diant, tour à tour l'individu et la société, l'évolution économique, l'idéal national, l'évolution intellectuelle, l'évolution politique, on est amené à apercevoir « derrière l'activité économique déployée au premier ^ plan, la puissance de l'idéal qui, mettant au service

de cette société toutes les forces vives de la religion, de l'éducation et de l'action sociale, l'oriente vers un ' avenir dont ies difficultés ne doivent pas, à nos yeux,

cacher les promesses». F Ruffin (Alfred). Poésies Variées.

J Sauzey (Lieutenant-colonel). ^ Nos alliés les Bavarois, un ( volume l'auteur poursuit la publication de son

ï essai sur les troupes de la Confédération du Rhin :

'' « Les Allemands sous les Aigles françaises. »

Savine (Albert). Madame Elisabeth et ses amies, d'après

des documents d'archives et des mémoires. Ségur (Marquis de). Au Couchant de la Monarchie, un fort beau livre dont M. Ernest Daudet a souligné naguère l'émouvante valeur historique; cette étude des années qui précédèrent le cataclysme, avec les documents quelques-uns tout à fait inédits les rhiiïres et les faits si poignants, fait honneur vraiment ,1 l'éminent écrivain, qui a « fait les plus sincères t'iïorts pour oublier et ses idées et ses sympathies personnelles, pour se dégager de son mieux des senti- ments ou, si l'on veut, des préjugés héréditaires, pour ne servir d'autre intérêt que celui de la vérité, sans chercher à qui elle profite ». iardot (Paul). Soui'enirs d'un Artiste. olland (Gabriel). La Flûte d'éhène, un recueil de poèmes figure, entre autres œuvres remarquables, un hymne à Victor Hugo d'une noble et généreuse intention, liszewski. Souvenirs de la comtesse Golovine, née princesse Galitzine (1766-1821). Ces souvenirs sont ( élèbres, ils ont été rédigés en français et révélés au monde par une traduction parue en 1900. M. Walis- /•'wski a cru qu'il valait la peine de les publier à

94 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

nouveau dans leur texte primitif et avec toutes les références qui en garantissent l'authenticité. Ces mé- moires furent rédigés sur la demande et avec la colla- boration précieuse de l'impératrice Elisabeth, femme d'Alexandre l^^, qui a guidé et documenté leur rédac- tion. C'est dire leur valeur historique et documen- taire, ils ont en outre un très vif intérêt. Songez en effet que l'auteur nous y fait approcher tour à tour la grande Catherine, Paul I^^, Alexandre l^^ sans compter Bonaparte, empereur, aperçu pendant le séjour à Paris !

***. Le Roman Allemand.

***. Les Prosateurs latins, deux volumes de très précieuse et très agréable vulgarisation, parus dans l'Encyclopédie httéraire illustrée.

AVRIL

LES ROMANS

MARGUERITE COMER Les Grimaces de l'Amour.

Œuvre d'une rare puissance, d'une étrange, amère . l forte saveur. En épigraphe, cette maxime de La Rochefoucauld : « L'amour prête son nom à un nombre infini de commerces qu'on lui attribue t't il n'a pas plus de part que le doge à ce qui" se fait à Venise. » Et c'est bien la philosophie qui se légage de l'histoire de Danielle Sauvai et du fa- meux romancier Evans. Ce héros ne connaît pas 'amour, il n'en est pas digne; il faut pour l'amour in cœur plus naïf, une âme moins compliquée; et tous les autres, Sauvai et la ridicule poétesse, son

UG LE MOUVEMENT LITTERAIRE

amante, et Dollner, le théoricien passionné du devoir, et Danielle elle-même, si fraîche, si ardente, si généreusement femme, ne connaissent que les grimaces de l'amour; ils ignorent l'amour tout uni, fervent et droit, l'amour qui ne subtilise pas, qui est toute vérité, toute harmonie.

Tout de même, il y a de l'amour dans ces, cœurs et dans ces existences : derrière ces grimaces, il est caché, mais présent; sa lumière perce les ombres accumulées autour de lui, et la vérité est là, der- rière tous ces mensonges, cette vérité que le roman- cier sans expérience confiait à son premier manus- crit; elle est au début de cette aventure lorsque, dans un geste symbolique, l'écrivain offre ce manuscrit dédaigné à Danielle ; elle est encore au dénouement lorsqu'il lui murmure : « C'est toi que j'aimerai le plus ! Je te le jure, et tu sais bien que tu es la seule à qui je ne mens pas, la seule à qui je veux donner mieux que mon amour : ma vérité, toute ma vérité. » Et c'est ainsi que passe un grand frisson d'émotion sincère à travers toutes ces obser- vations d'une si vivante et si pessimiste justesse, et M nie Marguerite Gomert a réussi, dans tout ce réalisme à mettre souvent un beau lyrisme .

Il AVRIL LES ROMANS 97'

LÉON DAUDET Le Bonheur d'être riche.

Dans ce roman ironiquement intitulé le Bonheur d'être riche, M. Léon Daudet nous montre, avec une satisfaction évidente, quelques-uns des plus nota- bles ennuis auxquels une fortune insolente expose un ancien chemisier âgé de cinquante-cinq ans, dont le père est mort fou, dont la concupiscence est violente, la cervelle faible, et la femme exécrable. Ah ! que Jean Badelot le connaît, le bonheur d'être riche ! Gela consiste pour lui à compter sans répit, en frissonnant, son or, à l'enfouir, à vérifier ses cachettes, ses comptes, ses clefs, ses serrures, ses coffres, à fuir son ombre, à ne plus dormir, à ne plus manger, à se méfier des innocents, à se confier à des coquins, et à se laisser enfermer dans une maison de santé pour avoir, un jour, le plaisir de sauter par la fenêtre, ce qui est, en somme, le suicide le moins coûteux.

Et ce Badelot possède une épouse c'est sa seconde femme Florence, qui l'a trompé tant qu'elle a pu, et qui, maintenant qu'elle ne peut plus, se console en affolant littéralement son mari, afin de l'acheminer vers le cimetière, en passant par Bicêtre ou Villejuif et de s'en débarrasser en gardant la fortune qui lui permettra d'épouser le brillant ollicier de mai'ine Georges Badelot, neveu du futur

98 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

défunt, ex-ami de la helle Florence, lequel a été, pour se reposer un peu, fumer une cigarette en Indo-Chine...

Les choses ne se passent pas tout à fait ainsi, l'avare et luxurieux Badelot meurt, et aussi sa femme Florence la scélérate. Et le brillant officier de marine épousera tranquillement sa petite cou- sine, la propre fille de Badelot, qui est un ange et qui, pendant tout le drame, s'est donné beaucoup de mal, en vain, pour protéger son pauvre papa contre la méchante femme sa belle-mère.

Ecrit dans une langue si originale qu'on est tenté parfois de la croire négligée, le roman de M. Léon Daudet présente un très vif intérêt. Il est bien construit, sobrement mené, contient plus d'un trait excellent et de jolies, de très vibrantes, très justes impressions. Les types un peu conventionnels, sans doute, sont vrais, somme toute, et vivants.

PAUL BOURGET La Dame qui a perdu son peintre.

Sous ce titre la Dame qui a perdu son peintre^ un bien joli titre et fait pour piquer ^a curiosité, M. Paul Bourget a publié, un très spirituel et déli- cat roman. C'est une étourdissante histoire de faux tableau, telle qu'un romancier ordinaire n'aurait

AVRIL LES ROMAINS 99

point eu l'audace de l'imaginer et que seule la réa- lité, plus romanesque, on le sait, que tous les ro- mans, semblait pouvoir se permettre. Elle est pour- tant sortie, tout armée, de l'imagination de M. Paul Bourget, et ce n'est pas la faute de l'écrivain si la réalité s'est avisé de plagier son récit deux, ans après qu'il fut composé...

Cette étonnante histoire est racontée dans une longue lettre adressée par le célèbre peintre Monfrey i une belle dame dont il est épris et qu'il a fuie, cer- tain jour de tristesse et de jalousie : et voilà déjà ime « dame qui a perdu son peintre », mais celle-là, l'Ile le retrouvera, je suis bien tranquille. Les autres victimes sont plus compromises, celles dont les visages sourient éternellement sur la toile peinte : ••ette belle figure de Léonard, orgueil de la galerie Varegnana, le critique d'art Gourmansel décou- vre un « Gristoforo Saronno »; et celle aussi que pos- sède la marquise Ariosti Gristoforo authentique, elle-là, et en laquelle Monfrey reconnaît tout simplement une peinture faite par lui quelque vingt-cinq ans avant.

Que de discussions, que de colères, que d'angois- ses autour de ces tableaux, que de types pittores- ques d'amateurs, de marchands et de critiques d'art, magistralement campés. G'est bien amusant, émouvant aussi, car la gentille et fine figure de Ghristiane met dans cette brocante la grâce de son sourire et de sa tendresse, et cela se termine le mieux du monde par l'apothéose des faux tableaux

100 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

entourés plus que jamais de la foi respectueuse des amateurs.

Pour compléter ce volume M. Paul Bourget a réuni quelques nouvelles d'una grande séduction parmi lesquelles Une Nuit de Noël sous la Terreur est un drame d'une formidable et poignante émo- tion.

JEAN GANORA Madame Davenay bienfaitrice.

Ce livre est, je crois bien, le premier roman de M. Jean Canora; c'est, il faut le dire bien vite, une œuvre extrêmement remarquable avec des pages de premier ordre et très dignes des grands écrivains dont l'auteur se réclame dans sa préface.

Mais, par exemple, bien périlleuse est la tâche du chroniqueur qui doit vous conter, en quelques lignes, l'histoire d'Ursule Pitois, jetée sur le pavé à la suite d'une première et douloureuse aventure qui flétrit ses dix-sept printemps, acharnée bientôt au siège et à la conquête du peintre septuagénaire Duroy, qu'elle finit par épouser, et auprès duquel elle mène, pendant quinze ans, une existence de dévouement calculé, dans la prison son vieux mari la tient enfermée avec lui.

Au bout de ces quinze ans, elle obtient la récom- pense si attendue : Duroy meurt et lui lègue une

AVRIL LES ROMANS 101

fortune, mais à condition qu'elle adoptera une petite fille : la voici devenue, bien malgré elle, bienfai- irice. Comment elle comprend ce rôle de bienfai- Irice en semant autour d'elle la tristesse et la dou- leur, comment elle persécute le sculpteur Davenay dont elle fit son second mari, et sa pauvre petite protégée, Henriette, comment elle vole l'héritage du neveu de son mari, André Raymond, comment, enfin, elle meurt, laissant désespérée sa fille d'adop- tion qui n'a plus qu'une ressource, devenir « sœur des humbles» : tel est, largement esquissé, le sujet (le ce roman.

Il pourrait vous apparaître comme un roman d'intrigue, et c'est en fait un roman singulièrement romanesque, mais c'est en même temps un roman de caractère: c'est aussi, par son étude du rôle social de la bienfaitrice, un roman à thèse et l'au- teur a voulu que ce fût tout cela car, pour lui, « un loman digne de ce nom doit être à la fois bâti sur une intrigue, rehaussé par la mise en valeur des caractères, soutenu par la démonstration discrète d'iine idée.))

I

p

»

HENRY RABUSSON Le Frein.

Le Frein, dont parle M. Henry Rabusson, c'est l'éducation, cette éducation que l'on néglige tro]>

102 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

dans notre pays, et qui est un frein merveilleux, « le seul même qui soit efficace, le seul qui fonc- tionne aux heures critiques la passion menace de tout emporter».

Pour illustrer cette thèse, M. Henry Rabusson nous raconte l'histoire de M. de Monlivet, mari sans amour d'une femme éternellement malade et neurasthénique, et, par surcroît, assez revêche et désagréable. Il la soigne très bien, avec beaucoup de conscience, mais sans élan. Tout à coup, un doctoresse fait irruption dans ce ménage: Eva Mil- ler, une savante personne gracieuse et troublante, qui fut autrefois vaguement anarchiste, et qui n'a gardé de la doctrine que ce qu'il faut pour son usage personnel : elle veut prendre non plus par la force mais par la ruse, sa part de bonheur, à la société la reprise individuelle ! et elle n'y va pas de main morte : elle se propose, tout simple- ment, d'envoyer dans un monde meilleur la malade confiée à ses soins. L'homme, qu'elle a affolé de passion et de désir, hésite un instant sur le bord de ce précipice ; il va céder, il va lui laisser accomplir l'acte criminel, mais enfin, le « frein» agit, il s'ar- rête, il chasse la doctoresse, il revient à sa femme.

C'est très dramatique, très émouvant, je ne crois pas que ce soit absolument démonstratif. J'accorde, volontiers, à M. Henry Rabusson que l'éducation est la base nécessaire, primordiale de la vie en so- ciété; qu'on commet, en la néghgeant, une crimi- nelle foHe; mais il n'est pas moins vrai qu'il y a

AVRIL LES ROMANS 103

dans le tréfonds de la nature humaine une horreur naturelle, instinctive, du crime, qui empêchera presque toujours un homme, même follement épris, et même dénué de toute éducation, de laisser assas- siner sa femme.

G. AMIOT L'Approche du Soir.

Le drame de l'âge difficile, de cet automne l'homme sent en lui toute la force physique et morale de l'amour, cependant que l'amour s'enfuit, tenté par des héros plus jeunes, a été maintes fois évoqué par les romanciers : c'est le drame éternel, éternellement poignant et douloureux. Après tant d'autres, M. G. Amiot nous dit la poignante dou- leur de V Approche du soir : il nous la dit d'une façon originale à force de simplicité.

Dans sa dédicace à M^^e Bartet, il nous avise que « ce récit veut se souvenir de Racine » ; il y réussit ; c'est une histoire d'une racinienne harmonie que celle du grand professeur de philosophie, François Glouet devenu, à quarante-sept ans, amoureux comme un collégien de M^^^ Elisabeth Golombin : un roman d'amour se noue entre eux amour dont la psychologie a été observée, notée par l'auteur avec un soin méticuleux, une heureuse recherche, presque excessive parfois et un mariage est pro-

104 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

jeté. Mais, suivant la volonté d'Elisabeth, il ne sera célébré qu'avec le consentement exprès de toute la famille, et la vieille sœur du professeur, Octavie, le refuse obstinément, farouchement, cependant que son neveu Marcel, son fils intellectuel, accepte très gentiment cette idée. Même il court vers EHsa- beth pour la décider à conclure tout de suite ce mariage; mais aux premières paroles échangées, l'amour naît, un amour presque criminel déjà, entre ces deux êtres d'élection. Marcel veut se sacrifier au bonheur de son oncle, mais ce dernier a deviné toute la vérité, il renonce à ce mariage. Homme jusqu'au bout cependant, il ne peut supporter la pensée que son neveu ait un bonheur quipui échappe, et Elisabeth, très dignement, s'éloigne toute seule, désolée et résignée...

ÀRMANDO PALAGIO VALDÈS La Foi.

(Tx'aduction de Julks Labordf).

La littérature espagnole moderne est peu connue du public français qui n'a d'yeux, en ce moment, que pour les proses du Nord de l'Italie. Le roman espagnol traverse pourtant une période d'un rare éclat et des écrivains sont nés dans la patrie de Cervantes, qui valent la peine d'être connus et

AVRIL LES ROMANS 105

étudiés chez nous. Parmi ceux-là, il faut citer en pre- mière ligne Armando Palacio Valdès, un membre (le l'Académie espagnole, dont la renommée est très grande ira los montes et qui est vraiment un romancier du plus haut mérite et de la plus intense originalité. M. Jules Laborde, un agrégé de l'Uni- versité, qui possède parfaitement l'espagnol, et '(ui est lui-même un excellent lettré, nous le révèle n publiant une belle traduction de la Foi, l'œuvre maîtresse de Àrmando Palacio Valdès.

C'est un livre poignant se trouve évoqué le drame éternel de la lutte entre l'esprit et la chair. L'anecdote ce roman nous montre le calvaire du P. Gil, cet orphelin élevé par des âmes charitables et qui, devenu prêtre, est dévoré d'une ardeur d'apôtre; son chemin est semé d'embûches et de douleurs, des prêtres intrigants ou brutaux que sa renommée inquiète le menacent et veulent le per- dre ; mais tout cela n'est rien au regard de la tem- pête qui se déchaîne en son cerveau le jour ayant entrepris la conversion de don Alvaro, l'athée, il ^st troublé par celui-là même qu'il voulait ramener Dieu, et qui, bien au contraire, avec ses paroles, ^60 les livres des philosophes, jette le doute en son ïprit. Ce drame de conscience se termine par un lélodrame : la pénitente du P. Gil, Obdulia, s'est rise peu à peu, pour son confesseur, d'une crimi- îlle passion, et comme il veut rester fidèle à son 'devoir et à sa foi, elle l'ent raine dans une ténébreuse machination à la suite de laquello ]o prêtre est

7.

106 LE MOTTVEMENT LITTÉRAIRE

condamné à quatorze ans de réclusion; douce con- damnation, car il retrouve en son étroite cellule la grâce souveraine.

Telle est l'anecdote : elle ressemble par plus d'un point à des histoires qui nous furent contées déjà. Mais ce qui fait du livre une œuvre profondément originale, c'est l'allure que lui a donnée l'auteur; cette peinture saisissante et qu'on sent si intensé- ment vraie de l'âme et des mœurs espagnoles donne à cet ardent récit de la lutte entre l'ange et le démon une puissance, un relief, une couleur extraor- dinaires.

MARC DEBROL Le grand Tour.

Alors que tant d'écrivains, romanciers ou autres, prêchent aux jeunes Français l'esprit d'initiative et d'aventure, M. Marc Debrol leur conseille réso- lument de rester chez eux, de cultiver le champ de leur père et d'épouser sagement la petite voisine qui leur fut de tout temps destinée. C'est, à n'en pas douter, la thèse qui ressort de son roman.

Je n'aime pas beaucoup cette thèse, je ne crois pas qu'il y ait tant besoin d'encourager chez nos compatriotes les goûts sédentaires et routiniers, bien suffisamment répandus déjà, mais le roman qui l'illustre est amusant et bien conduit. L'équj-

AVRIL LES ROMANS 107

pée de Jean Morel, le jeune architecte qui s'exile en Amérique parce que ses parents ne sont pas t(iut à fait d'accord avec lui sur le choix d'une fiancée, et que, d'autre part, il éprouve irrésistible- ment le besoin de la vie libre et des aventures ; ses succès matériels, ses déconvenues sentimentales à New-York, il est abandonné successivement par sa fiancée de France et par une sweet heart milliar- daire, Gladys, type assez convenu de la jeune fille américaine, et le retour au bercail du bon petit architecte devenu sage, résigné, et ayant appris, en faisant le « grand tour », à mieux aimer son pays : tout cela nous est conté avec un réel agrément par l'auteur, qui nous offre, entre temps, une peinture de la famille américaine, sans lien, sans amour, sans respect, qui me parait, tout de même, un peu bien tendancieuse.

PIERRE GORRARD Les Chercheurs d'Idéals.

M. Pierre Gorrard, écrivain jeune encore, s'est déjà manifesté avec autant d'audace que de con- fiance dans les genres les plus divers ; il a publié je m'en rapporte aux termes mêmes de son cata- logue — des « romans romanesques », des « romans légers » combien légers ! des « satires », des '( poésies»; il a recueilli les «propos, gestes, avatars

108 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

et aventures du bohème Philodore », et il nous a offert un « essai de psychologie expérimentale». Il continue... Et voici qu'il fait paraître un roman, parfois romanesque, souvent léger, presque tou- jours audacieux, et principalement très philoso- phique. Il s'appelle les Chercheurs d'idéals^ et porte en épigraphe deux pensées extraites par l'auteur lui-même de son livre. « ...Nous n'avons plus ni reli- gion, ni art, ni morale : nous sommes, tous, plus ou moins, des neurasthéniques», et « Si vous saviez tout le bonheur dont nous sommes capables ! »

Seulement, voilà, vous ne le savez, nous ne le savons pas, et c'est tout le malheur; nous souffrons comme Med Merti, comme Jeanne Duferblé, comme tant d'autres, de ce mal terrible : la neurasthénie, mal des êtres supérieurs, intellectuels, pour qui le bonheur limité n'est pas digne d'être goûté, et qui, ayant l'horreur du relatif, sentent l'impossibilité d'atteindre à l'absolu.

Ce sont des malades, ou plutôt des ignorants, qui ignorent la science de vivre, et c'est cette science que prétend leur enseigner Salomon Bigle dans sa petite maison des « chercheurs d'idéals»; ce Salo- mon Bigle est un homme étonnant qui applique à ces malades coupables de ne point savoir être heu- reux le système des fiches; il fait de l'anthropo- métrie sentimentale : c'est le Bertillon des âmes, et il réussit à faire des cures admirables.

Mais cet apostolat de soigneur d'âmes et de chercheur d'idéals présente quelque inconvénient

AVRIT. LES ROMANS 109

ius notre société d'ignorants et de retardataires,

on le fait bien voir à Salomon Bigle qui, après

le cure un peu trop audacieuse, passe en Gourd'as-

>es et est condamné à dix ans de réclusion.

Il est excessif de dire que cet ouvrage est un

' (^s événement, mais c'est un livre sont remuées,

•ec parfois une assez heureuse audace, des idées

itéressantes, d'où l'auteur aurait pu seulement

innir quelques expressions dont la trivialité ne

iiforce pas la valeur.

LÉON DE TINSEAU Les Deux Consciences.

Dans les Deux Consciences^ Léon de Tinseau <l(>nne deux récits d'égale longueur et d'égal intérêt. I .(' premier met en scène un jeune officier qui, lors

lune campagne au Maroc, a... terminé les soufîran- ' t s d'un camarade blessé mortellement. Ce qui lui fiormet, au cours d'une histoire d'amour, d'opposer

los deux consciences», celle du libre penseur qui a

lu bien faire en délivrant son semblable d'horri- l»les tortures celle de la morale chrétienne qui (irononce contre le meurtre un veto absolu.

Moins « empoignant», mais plus profond, le

If'uxième récit : Ferréol, nous montre l'évolution <l*^ deux frères, fils d'un petit chapelier franc-

•mtois, élevés religieusement, transplantés à

110 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Paris, devenus libres-penseurs et farouches répu- blicains l'un et l'autre. Ferréol, infirme, grand liseur, en est à l'idéal républicain des grands an- cêtres. Claude est arrivé par les grèves, les déléga- tions... etc.. Ferréol, révolté en face de cet échan- tillon du repu parlementaire, lui dit ses vérités et l'accule aux contradictions les plus comiques. C'est un livre il y a du cœur, de la raison, ci parfois de la gaieté, ce qui ne gâte rien.

ROMAIN ROLLANP Jean-Christophe. Les Amies.

Le Jean-Christophe de M. Romain Rolland, dont j'ai suivi pas à pas, volume à volume, l'épanouisse- ment depuis son triomphant début avec VAuhe^ ( s{ une œuvre unique dans la littérature de ce temps : nul écrivain n'a eu, en effet, la patience ou l'audace d'écrire un roman qui compte déjà huit volumes et qui n'est pas terminé, et dont les huit volumes sont tous d'un intérêt égal et renouvelé.

Avec ce huitième volume, commence la troi- sième et dernière partie qui s'appellera : « La Fin du voyage. » Jean-Christophe, en effet, continue son voyage dans la société parisienne; c'est tou- jours cet être très sincère et très personnel que sa sensibilité extrême met un peu à la merci des gens

AVRIL LES ROMANS 111

Lfrossiers et égoïstes qu'il rencontre chaque jour, liais qui, par sa volonté et son énergie, parvient à t'iompher de ces épreuves. Si le caractère n'a pas liangé essentiellement, il évolue cependant; d'une façon très ingénieuse, l'auteur met son héros en présence de divers types de jeunes filles et de jeunes femmes très différentes et qui sont tous curieux et vrais. Ces diverses affections ou amitiés ont une 2:rande influence sur l'âme si vibrante de Jean- Christophe; les joies et les misères de ses amies l'émeuvent profondément; éveillant en elle un écho de sympathie, elles la rendent plus humaine, plus proche de nous, sans rien lui faire perdre de cette intransigeance morale qui fait sa force et sa saveur. Il y a dans les Amies un côté plus grave et non moins passionnant. C'est une étude de la crise morale que traverse la femme d'aujourd'hui, ma- riée ou indépendante. La société, en évoluant, a modifié le rôle de la femme; elle a vis-à-vis d'elle- même et de ses contemporains des devoirs qu'elle doit connaître et comprendre; c'est à quoi s'est appliqué M. Romain Rolland, par le truchement de son héros. Au cours des incidents du roman, Jean- rihristophe rencontre des personnages qui symboli- Mmi les diverses conditions dans lesquelles peut se trouver une femme au xx^ siècle; il devient leur conseiller à toutes, un conseiller affectueux, généreux et averti naturellement. Ainsi l'auteur a su en des pages charmantes nous exposer ce pro- blème de notre vie moderne, et nous faire sentir son

112 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

intérêt et son importance; et c'est bien là, je crois, le meilleur éloge qu'on puisse faire de ce beau livre.

ANDRÉ DUBOSGQ Pierre-Guy.

Roman très délicatement pensé, écrit avec goût et dont j'ai prisé l'émotion tendre et généreuse. C'est une simple histoire d'amour et de renonce- ment. Pierre-Guy Deslouet aime Christine de Ri- queville dont il est le compagnon d'enfance, et il éprouve, lorsque son amie épouse l'ingénieur Char- les de Luxen, un profond chagrin; puis, peu à peu, le temps fait son œuvre, et quelques années après, à son retour en France, il est guéri, si bien guéri, qu'il s'éprend de la sœur -de Christine, la douce Marie, qui partage son amour et lui promet sa foi. Mais Charles de Luxen est tué dans un accident d'automobile, et cet accident, qui rend Christine libre de nouveau, ouvre les yeux de Pierre-Cuy : c'est elle, elle seule qu'il n'a cessé d'aimer; la douce Marie s'en rend compte aussi, et c'est dès lors une lutte généreuse chacune des deux sœurs aspire au rôle de vi-ctime. Tout s'arrange au dénouement : pendant un nouveau séjour de Pierre-Guy en Afri- que, Marie restée en France a convolé en justes noces et Pierre-Guy épouse la femme de ses rêves.

HISTOIRE, LITTÉRATURE, VOYAGES,

DIVERS

GASTON MAUGRAS

Journal d'un Etudiant pendant la Révolution (1789-1793).

Quand M. Gaston Maugras publie un livre, et surtout un livre sur un moment quelconque du xviiie siècle, ce m'est une joie d'aller à lui, car je suis certain d'entendre, en sa compagnie, des propos, solidement appuyés de documents, et <x primés dans une langue pittoresque, spirituelle, vivante. Ses belles études sur Lauzun, sur la duchesse de Ghoiseul, sur la Cour de Lunéville, sur Mme d'Epinay, d'autres encore, sont aujourd'hui des livres classiques qui sont dans toutes les biblio- thèques; et je suis certain que le Journal d'un étudiant pendant la Révolution (1789-1793), aura I même sort enviable.

114 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Il s'agit de lettres écrites par un certain Edmond Géraud; et « on voit dans ces lettres, écrit M. Mau- gras, le mouvement révolutionnaire se dessiner peu à peu, on voit les illusions des uns, les intrigues des autres, on voit le mal irréparable causé par l'émi- gration, on voit Paris devenu le centre d'ardentes conspirations, on comprend mieux comment les événements se sont enchaînés)). Mais si ces lettres sont d'un intérêt palpitant, c'est peut-être parce que M. Maugras les relie les unes aux autres par un commentaire il montre jusqu'à quelles nuances extrêmement délicates il a pénétré dans la com- préhension de cette époque lointaine déjà et extraordinairement compliquée.

MARQUIS GALMON-MAISON L'Amiral d'Estaing (1729-1794).

En des pages d'un très vif intérêt, le marquis Calmon-Maison suit son héros aux Indes av Lally-ToUendal, à Sumatra, dans ses captivités, aux îles Sous-le-Vent dont il est nommé gouver- neur, à Brest il devient vice-amiral, à Toulon, aux Antilles, à la Guadeloupe, en Touraine la Révolution française le trouve gouverneur général, à Versailles il est élu commandant général de la garde nationale. Il prête en 1791 le serment mili-

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AVRIL HISTOIRE, LITTERATURE, VOYAGES, DIVERS 115

taire et civique ; confirmé dans son grade d'amiral par le gouvernement de la République et arrêté en 1 793, il meurt sur l'échafaud.

Son historiographe qui nous a raconté avec beau- coup de verve et d'émotion cette existence si rem- plie commente sans indulgence cette fin tragique. « Si, dit-il, pendant que la fatale charrette le menait au lieu du supplice, il reporta sa pensée sur la lon- u'ue lignée de ses aïeux, qui, chaîne ininterrompue, s'était passée, de génération en génération, les idées, les sentiments, les croyances comme une tradition attachée à leur nom, l'amiral dut alors sentir douloureusement combien il avait manqué à ses ancêtres, en offensant la Reine et en reniant le Roi.»

GILBERT STENGER Le Retour de l'Empereur.

M. Gilbert Stenger, qui nous avait raconté, dans un livre dont on n'a pas perdu le souvenir, le Re- tour des Bourbons^ nous donne aujourd'hui le complément nécessaire de cet ouvrage, le deuxième tableau du diptyque : c'est le Retour de VEmpe- reur, « du Gapitole à la Roche tarpéienne et l'immo- hitiou)). Ces quinze mois d'histoire car cette multitude d'événements héroïques et formidables léroula en quinze moisi bien des histo-

116 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

riens nous les ont racontés déjà, et bien des fois encore nous les entendrons sans que se lasse notr admiration, sans que faiblisse notre émotion.

Elle est si belle, cette histoire ! si remplie (!< choses magnifiques ! Il y a dans ces quinze moi tout un siècle d'héroïsme, d'angoisse, de grandeur et d'espérance. Quelles étapes ! C'est le drame de Fontainebleau, c'est le départ pour l'ile d'Elbe, petit royaume, où, tout de suite, l'Empereur s'ins- talle en grand souverain, qui savait comme on fonde: c'est le retour à Paris, promenade foudroyante et sublime; ce sont les Cent Jours, épopée prodi- gieuse, et c'est la chute, l'hostilité des choses, la trahison des hommes, et c'est le drame de la Mal- maison, et ce sont les dernières étapes semées toujours de trahisons, avec, comme dénouement. Sainte-Hélène et le tombeau.

Cette histoire magnifique, M. Gilbert Stenger l'a redite après tant d'autres, mais d'une façon diffé- rente; ceux qui ont écrit sur le même sujet n'ont point, comme lui, concentré leur étude « unique- ment sur l'homme de génie, qui pendant cent jours, gouverna le pays, si miraculeusement rendu à lui-même. Et c'est pourtant ainsi qu'il fallait écrire cette histoire en toute l'Europe, celle do Napoléon. Il n'a point eu d'autre objectif que cette grande figure.» Et c'est un long procès-verbal rédigé par un historien qui s'est attaché pas à pas au héros légendaire, procès-verbal écrit simple- ment, sans grandes phrases, sans déclamation ; l'écri-

WRIL HISTOIRE, LITTÉRATURE, VOYAGES, DIVERS 117

ain sait bien qu'elles sont inutiles et que l'émotion lormidable et poignante se dégage des faits eux- mêmes et de l'homme surhumain. Il relate des évé- nements, cite des dates, rapporte des mots, et cette tâche, il l'accomplit avec toute la conscience, toute la rigueur qu'on est en droit d'exiger de l'histo- rien; il ne l'accomplit pas sans passion : on ne sau- rait toucher un tel sujet, contempler un tel homme sans passion, et il faudrait plaindre l'écrivain qui sans une émotion profonde et presque délirante pourrait « suivre cet immortel vaincu, faire surgir du milieu des événements les plus cruels l'image d'une fermeté d'âme la sienne aussi héroïque que celle des plus grands hommes de l'antiquité, présenter à nu cette âme violente qui sut résister ;iux acclamations du peuple, aux manifestations

t aux vociférations des patriotes fédérés, en ne ongeant toujours qu'à la sauvegarde de la patrie et à son indépendance ».

S. A. LE PKliNGE MURAT

Lettres et documents pour servir à l'Histoire de Joachim Murât (1767-1815). 4'- Volume.

Quelle mine inépuisable, ces Lettres et documents pour servir à V histoire de Joachim Murât (1767- 1815). Voici déjà le quatrième volume de cette

118 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

énorme publication et nous ne sommes arrivés encore qu'à l'année 1806 ! Que de lignes écrites par ces hommes qui, entre deux lettres, gagnaient des batailles et remaniaient à leur gré la carte de l'Europe ! Ce n'étaient pourtant point des bavards, ces épistoliers qui s'appellent Murât et Napoléon, et Caroline, et Fouché, et Bernadotte, et tant d'autres, princesses, maréchaux et ministres; ils avaient vraiment quelque chose à se dire, et, dans ces billets ils racontent l'événement de la veille, ordonnent celui du lendemain, ils font de l'histoire au jour le jour : on revit dans les lettres du présent volume la campagne d'Autriche, les jours héroïques d'Austerlitz; on y pénètre l'histoire des duchés de Glèves et de Berg pendant l'an 1806, on y voit, enfin, retracée, en des billets véritablement épiques, la campagne d'Iéna, apparaît dans toute sa gloire ce soldat extraordinaire dont Napoléon disait qu'il savait, à la fois, prendre des villes avec sa cavalerie légère sans le secours du génie, et pré- parer partout des relais à la Victoire.

D^ PH. MARÉCHAL Une Cause célèbre au XVII^ siècle.

C'est un livre d'une bien séduisante érudition que celui du docteur Ph^ Maréchal, maire-adjoint

VRIL HISTOIRE, LITTERATURE, VOYAGES, DIVERS 119

(iu huitième arrondissement, sur Une cause célèbre au dix-septième siècle, La mystérieuse histoire évoquée dans ce livre, avec une merveilleuse abon- dance de documents, avec toute une correspon- dance inédite entre les deux héros, est celle de Béa- trix de Cuzance et de Charles IV de Lorraine. Cette étonnante aventure de substitution d'enfant, de bigamie, que sais-je encore ! qui défraya la chro- nique pendant tant d'années, et suscita à travers les Cours d'Europe un si grand scandale, n'avait '^ point encore trouvé son historien; elle l'a aujour- d'hui : le docteur Maréchal nous la restitue dans son livre, sans omettre un détail, sans laisser dans l'ombre un fait ni un argument; il était tout dési- •né pour cette tâche : un des héros de l'aventure, le omoteur du procès qu'il soutint jusqu'à sa mort, vec infiniment d'ardeur, de savoir et de conscience, appelait Pierre Maréchal, et c'est l'ancêtre de luteur. Le D^ Maréchal avait donc, on le voit, utes sortes de raisons pour se donner avec fer- ' ur à sa tâche et pour pouvoir étayer son livre II- des documents de première main. Ce livre, recédé d'une éloquente préface de M. Arthur ( Ihuquet, est édité avec beaucoup de goût et semé ' ' belles et précieuses images.

120 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

DE MARGÈRE

Histoire de la République (1876-1879) 2^ et dernier volume.

M. de Marcère poursuit et termine cette Histoire de la République^ qu'il avait entreprise, et dont j'ai signalé naguère le premier volume. Le présent volu- me s'étend sur quatre années, de 1876 à 1879, ces quatre années au bout desquelles prit fin la période de République libérale et conservatrice, la seule qu'ait voulu raconter l'historien. La question se pose pour lui, d'ailleurs, de savoir si cette fin de la République conservatrice ne fut pas le terme de la République elle-même. Gomme dans le premier volume, qui s'arrêtait à la date du 16 mai, M. de Marcère, dans le présent ouvrage, il nous raconte le 16 mai, l'Exposition de 1878,1a fin de la Républi- que conservatrice, a su garder, dans le récit de ces événements auxquels il prit une si grande part et qui lui tiennent si fort au cœur, une remarquable impartialité.

Ge n'est pas à dire que ses sentiments, très nets et très ardents à l'égard des hommes et des choses, ne se fassent jour quelquefois; même, ils gardent dans le livre une discrétion d'autant plus grande qu'ils s'exprimèrent dans la préface avec plus de véhémence et d'énergie.

Dans cette préface, d'une éloquence enflammée,

AVRIL HISTOIRE, LITTÉRATURE, VOYAGES, DIVERS 121

M. de Marcère expose longuement les maux dont souffre la France et dénonce, sans merci, les cou- pables de ces maux qui sont, à ses yeux, les francs- maçons, les ennemis de la religion. Il semble, dans ces pages, désespérer des destinées de la Patrie et il montre un tel pessimisme qu'on est heureux de trouver, enfin, cette phrase sous sa plume : « Mais quand tout paraît perdu, il reste encore l'espérance : tout n'est pas mort, tout n'est pas fmi chez nous. »

F. GAIFFE Le Drame en France au XVIII* siècle.

L'auteur a voulu, dans cet ouvrage, retracer la vie de cette forme dramatique nouvelle, « créée au xviii® siècle, en opposition avec les genres classiques de la tragédie et de la comédie et pour répondre aux aspirations de la bourgeoisie, qui désirait voir consacrer par le théâtre la situation de jour en jour plus considérable qu'elle occupait dans la société ». Elle naquit avec le Fils naturel de Dide- rot, en 1757, et mourut en 1791 lorsque la proclama- tion de la liberté des théâtres vint modifier profon- dément les conditions de la production dramatique.

En quatre parties M. Gaiffe étudie, tour à tour, les origines du drame, l'histoire du genre, la matière du drame, la forme du drame, pour arriver à cette

122 LE MOUVEMENT LlTTÉllAlIlE

conclusion, qu'au point de vue purement esthéti- que, les résultats ne furent pas brillants; « le véri- table légataire universel du drame est bien le mélo- drame )), et c'est vraiment un héritier et un héri- tage dont nous aurions pu nous passer à la rigueur. Un index très complet des drames, une table des auteurs cités, et une série de superbes reproduc- tions, en phototypie, d'estampes et d'images, don- nent à cet ouvrage d'un vif intérêt, une haute valeur artistique et documentaire.

H. POINGARÉ Savants et Ecrivains.

Etudes et souvenirs littéraires et scientifiques, voici, réunies en un volume, les pages que l'éminent écrivain et savant, Henri Poincaré, a consacrées à des hommes comme Sully-Prudhomme, Gréard, Curie, Hermite, Cornu, B^ertrand, Berthelot, Faye, Lœwy, d'autres encore, illustres savants et penseurs. Dans une très jolie préface, l'auteur expose que ses héros peuvent être aussi intéressants que ceux dont les fanfares chantent les exploits. « Eux aussi ont combattu, et si leurs combats ont été souvent, le plus souvent, silencieux, ils ont quelquefois exigé de ceux qui les livraient des qualités qui ne sont pas communes.»

I

AVRIL HISTOIRE, LITTERATURE, VOYAGES, DIVERS 123

De tous ces hommes, M. H. Poincaré a prononcé l'éloge en des jours de deuil il n'est point permis de critiquer, et en relisant ces pages il n'a pourtant rien trouvé à retrancher ni à atténuer. Est-ce à dire que les savants n'aient point de défauts? Non certes ! Mais ils sont tous des laborieux, tous des passionnés, animés d'un ardent amour pour la vérité et la science. Ils sont tous également, en un sens, des hommes de foi, des croyants, des modestes aussi, mais qui, si défiants qu'ils soient de leurs forces, ont confiance en leurs méthodes; ajoutez qu'ils ont de la bonhomie, qu'ils sont jeunes de cœur éternellement, et profondément désintéressés.

J. ERNEST-CHARLES Le Théâtre des Poètes (1850-1910).

M. J. Ernest-Charles est un redoutable critique, ses jugements sont, pour l'ordinaire, dénués de mansuétude, et sa cruauté s'étend sur toute la litté- rature. C'est une façon d'affirmer son indépen- dance; je ne crois pas que ce soit la seule, ni même la meilleure. Mais c'est une question de goût au sujet de laquelle il serait oiseux d'ouvrir la discus- sion : ce qui est incontestable, c'est que M. Ernest- Charles a un très réel talent d'écrivain et une éru- dition très sûre; les victimes même des violences

124 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

de sa férule, qui par bonheur ne s'en portent pas plus mal, doivent le reconnaître.

J'étais donc, pour mon compte, assuré de trouver plaisir et profit à la lecture du livre qu'il vient de publier sur le Théâtre des poètes (1850-1910), mais je n'étais pas sans inquiétude sur le sort de ces poètes dont les œuvres furent représentées au cours de ces soixante années ; qu'est-ce qu'ils vont prendre ! me disais-je avec une trivialité dont je m'excuse.

Je me trompais, l'historien en M. Ernest-Charles est beaucoup plus doux, beaucoup plus indulgent que le critique. N'exagérons rien, il égratigne encore pas mal et se montre souvent plein d'irrévérence pour des gloires très respectables; mais Eugène Manuel pourrait lire sans trop de chagrin les pages qui lui sont consacrées, et je ne crois pas que Ca- tulle Mendès eût été fâché de son chapitre; un grand nombre, parmi les autres, s'accommoderaient à la rigueur, des lignes où, eh quelques traits précis, incisifs, ils sont caractérisés; je ne parle pas de Samain, de Verhaeren, d'André Rivcire, chaude- ment exaltés, de Rostand surtout, pour lequel M. Ernest-Charles professe une fervente admira- tion. La conclusion de son livre est tout à fait flat- teuse pour le théâtre des poètes de ces soixante années, rempli d'optimisme et d'espérance. « Ce théâ- tre succédant à celui du romantisme n'a pas créé de formes nouvelles d'oeuvres dramatiques. Ou plutôt il a mélangé toutes les formes anciennes et

AVRIL HISTOIRE; LITTÉRATURE, VOYAGES, DIVERS 125

un chef-d'œuvre est de ce mélange heureux. Il a noblement souligné la persistance de l'idéal. Il i célébré la bonté fervente de l'héroïsme. Il a chanté l'optimisme valeureux, excitateur de l'action bien- faisante à tous. Il a été de plus en plus humain, en s'afTirmant de plus en plus français. Et l'humanité vient d'elle-même se rafraîchir à cette source fran- ' aise, car elle est douce, elle est pure, et elle est \ ivifiante. »

Ce sont des choses tout à fait agréables à lire et l'on a plaisir à découvrir en M. Ernest-Charles une telle faculté d'enthousiasme, de confiance et d'admiration.

JUNIUS Billets de Junius.

(( Savez-vous qui est Junius?» Combien de fois, depuis deux ans, n'a-t-on pas entendu cette ques- tion dans les bureaux de rédaction, et toujours sui- vie du même aveu d'ignorance; c'est un mystère de la presse parisienne contemporaine, et le brillant écrivain qui signe presque quotidiennement ses « Billets )) à VEcho de Paris pont s(^ vanter d'intri- guer ses confrères.

11 a d'autres mérites : il intéresse et passionne, à juste titre, le public; ses billets sont d'un très bon jcnirnnlistf et d'un remarquable» <M•^i\^•nn: sans

126 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

doute, le mystère dont s'entoure l'auteur ajoute à l'attrait de la prose, mais tout de même cet écrivain pousse un peu trop loin la modestie, lorsqu'il affirme que « si ces billets ont eu quelque succès, ils l'ont à cette espèce d'anonymat ».

Non certes, ils l'ont à leur remarquable tenue littéraire et m^ orale; ils l'ont à ce fait qu'ils atta- quent «toujours les doctrines, jamais les individus, et que leur auteur un ancien secrétaire d'ambas- sade, voilà un point de repère ! a tenu à ne mani- fester dans ses écrits, que le bon Français, celui qu'il est, que vous êtes, celui que nous sommes ».

On se rend compte mieux encore de leur valeur littéraire en les relisant dans le volume VEcho de Paris vient de les réunir, ces Billets de Jiinius^ mé- thodiquement ordonnés, en chapitres, qui ont trait, tour à tour, à la société, au régime, à la patrie, à l'armée, à l'école, aux âmes et au travail, on les relit avec infiniment de plaisir, de profit, et souvent d'émotion, et c'est un livre qui fait honneur vrai- ment à la presse contemporaine.

CAMILLE FLAMMARION Les Comètes.

L'éminent astronome, qui sait mettre tant de poésie dans l'exposé des problèmes les plus scienti-

WRTL HISTOIRE, LITTÉRATURE, VOYAGES, DIVERS 127

fiques, nous documente d'une façon très complète sur le mouvement des comètes dans l'espace, les orbites cométaires, la constitution des comètes, leur rencontre possible avec lei terre, leur prove- nance, et aussi sur les étoiles filantes, les bolides, les uranolithes. L'héroïne du jour, celle dont nous attendions, cette année, la visite avec une impatience et une curiosité mélangée d'un tout petit frisson d'inquiétude, la célèbre comète de Halîey, y tient une grande place, cette visiteuse qui, après nous avoir délaissés depuis l'an 1835, revien- drait le 19 mai prochain, juste à point pour mettre fm à notre pauvre vieux monde.

Ne nous inquiétons pas trop. M. Camille Flam- marion, qui est un prophète digne de foi, est très l'assurant. « Peut-être remarquera-t-on de curieux ]jhénomènes électriques ou magnétiques, des mani- festations d'aurores polaires, des orages d'un nou- veau genre, une pluie d'étoiles filantes, des lueurs éthérées dans les régions supérieures de l'atmos- phère tandis que les observateurs de l'autre côté (lu globe étudieront le passage du noyau devant le disque solaire.»

Tout cela est très alléchant et pourra constituer nu fort beau spectacle; mais, voilà qui est plus 1,'rave : in cauda i^enenum : c'est le cas de le dire « quelque nouveau mélange gazeux pourra se produire dans notre atmosphère ! » mais nous nous en tirerons très bien tout de même et ce sera une mémorable date astronomique qui restera ipscrite

128 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

dans nos annales comme l'une des plus impor- tantes de l'histoire des comètes.

MÉMENTO DU MOIS D'AVRIL

ROMANS

Aubier (F.). Trois filles à marier.

Azco (Jean d'). Voir Théodore Kahn.

Barret (Emile). La Petite Sévillac.

Barrett (Frank). Le mystère du grand Hesper, dont M. de Wyzewa donne une traduction dans la Biblio- thèque des meilleurs romans étrangers.

Danrit (Capitaine) et Arnould Galopin. La Révolution de demain, un roman qui nous donne un avant-goût des plaisirs que nous prépare la G. G. T.

Dessoubre (Henri). UÉté Complice, un roman de mœurs orientales d'une très johe couleur et d'une poignante émotion.

Fillay (Hubert). Contes de la Breumaille, des « nouvel! - du pays solognot».

Galopin (Arnould). Voir Capitaine Danrit.

Kahn (Théodore) et Jean d'Azco. Le Printemps d'une femme, roman moderne.

Maygrier (Raymond). La Ruche, roman de mœurs par- lementaires.

Mirepoix. Bahylone, roman historique.

Rengade (D'^ Jules). La hotte à Cancans, roman scénique contemporain.

Rogniat (Marcel). Péchés de Jeunesse, un recueil -de curieuses nouvelles.

MEMENTO DU MOIS d'AVRII. 129

Saint-Aulaire (Comte A. de). Un étrange divorce.

Séverac, Les Voies Impénétrables. La lutte menée contre les congrégations et les consciences catholiques devait nécessairement provoquer quelques écrivains à des œuvres d'imagination, dont cette lutte serait l'élé- ment primordial. Le nouveau livre que publie, M. Séverac, est du nombre. C'est l'histoire d'une jeune fdle qui, sortie du couvent aux heures de tempête et jetée dans le monde qui l'étourdit, se sent ressuscitée à sa vocation et une vocation qui s'achève dans le martyre par des voies impénétrables, qu'il plaît à la providence de choisir.

L'auteur n'a pas reculé devant les effets les plus dramatiques, pour donner à son récit et à sa disser- tation, plus de relief : il en résulte que son livre a l'éloquence d'un acte de foi en même temps que le roman est d'une belle intensité de vie.

Ulmès (Tony d'). Les Demi- Morts.

HISTOIRE LITTÉRATURE THÉÂTRE POÉSIE POLITIQUE DIVERS

Armaingaud (D*"). Montaigne pamphlétaire; V Énigme du Contre un. irraud (D*" Jean). Bordeaux sous la Terreur; « Vieux

papiers bordelais.» irrès (Maurice). L'Ennemi des Lois, l'édition défini- tive du livre admirable qui, dans l'évolution intellec- tuelle et sentimentale de l'éminent écrivain, marque une étape si émouvante.

]V>églin (Eugène). Une Capitale chrétienne: Vienne.

lioyer d'Agen. Monsignor Joachim Pecci, d'après la correspondance de famille.

iJrun (Ch.). Le Roman social en France au xix® siècle, un important ouvrage publié dans la série dos Études '('onomiques et sociales.

130 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Caillaux. Discours, prononcés à propos de l'Impôt sur le Revenu.

Gaylus (Duc de). Le Cahier blanc de mon père, des pages d'histoire émouvantes, publiées avec une piété filiale, l'auteur nous restitue les « Souvenirs» consignés par Adolphe de Rougé, page de Charles X, sur l'in- fructueuse tentative de soulèvement faite dans l'Ouest par M^^e la duchesse de Berry, en 1832.

Chaponnière (Paul). Piron, sa vie et son œuvre.

Cim (Albert). Le Chansonnier Emile Déhraux, roi de la Goguette (1796-1831).

Cons (Louis). Un siècle de VHistoire d"" Allemagne : de Gœthe à Bismarck, publié dans la collection syn- thétique dirigée par M. Noël Ayinès.

Dalloz. Le Manuel Électoral. N'allez pas croire que c'est un bouquin illisible qui, en exaltant le droit du vote, vous dégoûte à tout jamais de la vie publique. C'est au contraire un véritable manuel, très bien fait, très clair, d'une consultation aisée, que tous les ci- toyens consciencieux devraient avoir à portée de la main, afin de ne point parler en aveugle du bulletin souverain ô combien qui va faire des députés et qui fera des conseillers municipaux.

Il n'est même pas jusqu'aux candidats, jusqu'aux élus, jusqu'aux membres des commissions électorales, qui ne devraient entre ses sages feuillets chercher une connaissance plus certaine de. la loi électorale.

Dupuy (Ernest). Alfred de Vigny. Premier volume : Ses- Amitiés. ^

Filon (Augustin). '■ Marie Stuart, un fort émouvant et agréable livre l'auteur, sans s'inquiéter des outran- ciers de la haine ou des forcenés de l'apologie, laisse parler les faits et montre Marie Stuart telle qu'il croit la voir. Ce volume est le premier d'une série qui s'appellera les Femmes illustres et que dirige le très érudit et probe écrivain qui a nom Léopold Lacour.

Fleischmann (Hector). Rackel intime. Ce n'est pas un livre de mémoires, c'est mieux que cela : c'est, en face de la figure romantiquement hiératique de la célèbre tragédienne, la figure vivante, vibrante, plus

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passionnelle que passionnée, de la femme qui eut à la fois des gestes très héroïques, très bourgeois, et parfois un peu... Mais, ne la jugeons pas trop sévère- ment, laissons de côté des petits faits, qui ne gran- dissent pas le souvenir. Rachel fut toute une époque et c'est cette époque que M. Fleischmann ressuscite en des pages pleines de documents et très amusantes, car, ainsi que le dit le biographe très curieux, mais pas trop curieux de la tragédienne, « dans cette biographie l'amour tiendra une large place, car Rachel a beaucoup aimé ».

Guillaume (James). U Internationale, « documents et souvenirs de 1864 à 1878», quatrième volume.

Ilauser (Ph.). Les Grecs et les Sémites, « dans l'histoire de l'Humanité».

Hocquart de Turtot. La Conquête des Communes (Mai- Juillet 1789). mes (William). Philosophie de V Expérience, le savant livre de pensée du célèbre philosophe, membre associé de l'Institut, professeur à l'Université de Harward, dont MM. E. Brun et Paris publient la traduction dans la « Bibliothèque de Philosophie scientifique ». Ce sont huit leçons le savant maître, qui a une vision et une méthode pour interpréter cette vision, ('•ludie successivement les aspects de la pensée philo- sophique, l'idéahsme moniste, Hegel et sa méthode, Fechner et son panthéisme empirique, la conspiration des consciences; Bergson et sa critique de l'intellec- tualisme, la continuité de l'expérience, et enfin ses conclusions, dont celle-ci : « L'empirisme est, pour la nligion, un meilleur allié que le rationalisme.»

Très beau hvre de haute spéculation morale qu'on lie lit pas sans fruit : le maître a certainement un xcès de modestie, lorsqu'il s'écrie à la fin : « Mon seul espoir est qu'elles aient pu avoir pour vous (il parle de ses leçons) quelque chose de suggestif, et si quoique chose de tel s'y est effectivement trouvé à l'égard d'une certaine question de méthode, je consens presque à ce qu'elles ne vous aient rien inspiré sur aucune autre. »

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Il suffît de lire les pages si profondes et d'une logique si serrée, de M. William James, pour juger que son livre est un clavier, dont tous nos cerveaux doivent être heureux d'entendre l'harmonie.

Labulin (Colonel), Considérations stratégiques sur la Campagne de 1800 en Italie.

Langsdorff (Baron de). Voyages et Chasses en Ouganda, de très intéressants récits.

Leclerc (Jules). Chez les Jaunes, un volume consacré au Japon, à la Chine, à la Mandchourie. L'auteur, globe-trotter émérite, a fait le tour du monde en par- tant par le transcanadien et en revenant par le trans- sibérien ; de ce grand voyage il a rapporté une ample moisson d'impressions et de documents, d'abord, sur la traversée du Pacifique, puis sur les villes du Japon : Yokohama, Tokio, Kamakoura; sur la Chine, il a vu Pékin tout autrement que nos littérateurs; par- tout, il a su voir ; il se souvient et raconte à merveille, il a su au bon moment braquer l'objectif de son appa- reil photographique : il a réussi de la sorte à nous offrir une relation du plus vif et du plus pittoresque agrément.

Lemaître (Jules). Fénelon, les belles conférences, d'une si haute et si poignante séduction, réunies en volume.

Martin (Paul-Edmond). La Suisse à VÉpoque mérovin- gienne (534-715), des « Études Critiques».

Mélia (Jean). Les Idées de Stendhal, un bien captivant ouvrage sur ces idées dont l'ensemble constitue le Beylisme, suivant l'expression même de l'écrivain, qui, de son vivant déjà, prétendit faire école; l'auteur a voulu l'étudier dans son esprit, nous montrer qu'il a été plus que tout autre sensible à la beauté de l'art; que la beauté fut pour lui une promesse de bonheur; il a réuni pieusement et présenté avec beaucoup d'art toutes ses idées philosophiques, il a détaillé, comme Stendhal faisait de ses personnages, l'auteur de cette œuvre immense sur « laquelle plane la plus pure im- mortalité et qui met son nom parmi ceux des grands génies ».

Merlet (J.-P.-Louis). Eugène Chigot, peintre.

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Pidal (Raraon Menendez, do l'Académie espagnole). L'Épopée castillane à travers la littérature espagnole. M. Ernest Mérimée, qui préface l'ouvrage traduit par M. Hemù Mérimée, nous expose que les sept chapitres composant ce volume forment autant de conférences prononcées par M. Ramon Menendez Pi- dal à l'Université Johns Hopkins de Baltimore, cette université furent instituées des lectures sur la poésie des différents pays d'Europe, Brunetière parla de la France, et Angelo de Gubernatis de l'Italie. M. Pidal ayant établi qu'il existait une épopée castillane car un illustre écrivain et philologue a écrit autrefois : l'Espagne n'a pas d'épopée ! étudie tour à tour la formation de la matière épique, sa diffu- sion et son évolution à travers la littérature, et ce sont : les origines de l'épopée castillane, le poème de Mon Gid, Castille et Léon, le Gid et Ghimène, le Roman- cero, le Théâtre classique, la Matière épique dans la rinésie moderne.

Pourol (Paul). Tolède, « son histoire, ses légendes, ses monuments », un ouvrage pittoresque.

Rostand (Edmond). Chantecler, apparition en hbrairie de la triomphante pièce attendue à travers le monde par des miliers et des milliers de lecteurs, lesquels auront la surprise de quelques vers nouveaux du poète; M. Edmond Rostand a, en effet, réuni les indi- cations de mise en scène et de décors en quatre son- nets déhcieux, qui précèdent les quatre actes de son œuvre.

Roux (J.-Gh.). Les Légendes de Provence, un gracieux volume dont les pages ensoleillées sont ornées de belles images,

Silbermann (Soldat). Souvenirs de Campagne, un vo- lume d'histoire très moderne, très française, de cou- rage et de vaillance écrit par un de ces modestes héros qui la font obscurément, le soldat Silbermann, décoré de la médaille militaire, médaillé du Dahomey, de Madagascar, du Tonkin et do la Ghine, nous conte les quinze années qu'il passa dans la légion étrangère et dans l'infanterie du marine, au cours desquelles il

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parcourut, le fusil sur l'épaule, l'Algérie, le Dahomey, Madagascar, le Tonkin, la Chine, le Siam, la Gochin- chine. Le général Gallieni félicite son ancien légion- naire d'avoir publié ses souvenirs l'on retrouvera à la fois une documentation intéressante sur la vie de nos soldats coloniaux et un enseignement qui, chez les jeunes soldats, sera d'un excellent effet et contri- buera à l'éducation mihtaire.

Sisson (H.-D.). La République Argentine, une étude sur la grande Répubhque que M. Sisson appelle le Pôle latin de l'Amérique.

M. Sisson, après avoir décrit le pays, analyse la société qui s'y développe, et son livre bien composé, très fourni de détails typiques est 'excellent à tous les points de vue; d'autant qu'il ne s'est pas borné à l'histoire contemporaine, et qu'il a résumé, en des pages précises, toute l'histoire, héroïque et glorieuse, de la Répubhque Argentine.

Soubies (Albert). Le Théâtre italien au temps de Napoléon et de la Restauration, d'après des documents inédits.

Vaissière (Pierre de). La Mort du Roi (21 janvier 1793).

Vezinet (F.). Le xvii<^ siècle jugé par lui-même.

Zweig (Stefan). Emile Verhaeren, sa vie, son œuvre, une remarquable étude traduite de l'allemand sur le manuscrit inédit par MM. Paul Morisse et Henri Chervet.

MAI

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LES ROMANS

CLAUDE FARRÈRE Les petites alliées.

M. Claude Farrère, qui n'est point un écrivain timide, n'a pas publié encore de livre aussi auda- cieux que les Petites Alliées. Il le sait et s'attend bien à soulever quelque indignation; il nous le dit dans quelques lignes liminaires qui, avec leur air de défi, constituent le plus adroit des plaidoyers : ' Ce livre est extravagant et invraisemblable; peu de gens le toléreront, car la morale conventionnelle n'y a point trouvé place; les femmes surtout lui seront sévères, je veux dire les femmes qui, par droit de mariage, sont appelées honnêtes femmes, les autres ne comptant pas.»

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Donnez-vous la peine de lire entre ces lignes insidieuses et vous devinerez tout de suite la pensée de l'auteur.

Donc, M. Claude Farrère exalte avec une ten- dresse infinie « les petites alliées », les petites amies qui, gentiment, s'efforcent d'adoucir la vie aux pauvres hommes et de inêler un peu de miel à notre absinthe. Les personnes dont M. Claude Far- rère parle avec tant d'attendrissement sont tout simplement les gentilles dames qui, à Toulon, char- ment les loisirs des officiers de marine en congé ; et, certes, ces dames qui s'appellent Farigoulette. Petite-Horreur, Mandarine, sont tout à fait agréa- bles; mais, enfin, c'est peut-être aller un peu loin que les placer sur un piédestal; et, sans être un bourgeois trop enlizé dans des préjugés vieillots, on peut estimer que le brave médecin de marine Rabœuf, aurait pu choisir dans un autre milieu, sa légitime épouse. Nous sommes pleins de pitié pour ces femmes condamnées à la joie perpétuelle, et la touchante poitrinaire Jannik nous émeut autant que fit, il y a un demi-siècle, la Marguerite Gautier d'Alexandre Dumas car il y a une Dame aux Camélias dar^s le livre de M. Claude Farrère mais de à les épouser...

...Il est vrai que Toulon est fort loin de Paris, et l'auteur nous dit que les mœurs y sont bien diffé- rentes. Je le crois de reste : le demi-monde toulon- nais nous offre le spectacle d'une candeur et d'une probité un peu surprenante, pour les Parisiens igno-

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rants que nous sommes ; on a beau y fumer copieu- sement l'opium la « drogue » qui selon M. Claude Farrère est bien calomniée cela n'empêche pas d'avoir du sens moral et une honnêteté supérieure, témoin M^^^ Mandarine, qui nous fait un petit cours définitif sur l'honneur.

Et maintenant, faut-il tout vous dire? ce détes- table livre est un livre délicieux. M. Claude Farrère y dit des choses énormes avec une grâce infinie, il y déploie beaucoup de verve et d'esprit, et, à côté de la grande fresque de la Bataille, ce roman, amu- sant au possible, d'une psychologie très fine encore que bien téméraire vient attester l'éton- nante souplesse de son très beau talent.

PAUL MARGUERITTE La Faiblesse humaine.

(( Gardons éternellement le droit d'avoir pitié des autres.» M. Paul Margueritte emprunte à Alexandre Dumas cette phrase qu'il place en épi- graphe de la dernière partie de son roman nouveau, la Faiblesse humaine, et elle exprime très bien la pensée profonde de ce livre généreux et largement humain. Penché, en observateur clairvoyant et indulgent, sur les misères du cœur humain, M. Paul Margueritte nous dit, sans rien dissimuler, toutes

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les faiblesses peut se laisser entraîner un homme fort, toutes les vilenies que peut commettre un honnête .homme ; et il parvient à nous inspirer pour ces fautes qui ressemblent à des crimes contre la famille et l'épouse la plus sereine, la plus philo- sophique indulgence. Et ce n'est pas lui, le roman- cier, ce n'est pas l'homme coupable qui, en plaidant de vagues circonstances atténuantes, nous inspin^ ce sentiment, c'est la femme, trois fois victime et trois fois malheureuse, qui nous l'impose par la noblesse de sa conduite, par la mâle tendresse de son pardon.

Une admirable figure vraiment, que celle de Gabrielle Dopsent, humaine et saine, qui nous repose un peu de ces amoureuses dont le pardon et l'abnégation ont quelque chose de malsain et de désordonné. Celle-là est une vraie femme, belle, généreuse et forte, d'une haute vertu, capable de la défendre contre la plus excusable des fautes, et qui cependant ne brandit pas cette vertu comme une arme contre l'homme coupable et faible; elL garde le droit d'avoir pitié : c'est très émouvant, très noble, très rare aussi, et je ne vois pas beau- coup de femmes dans la vie qui puissent se recon- naître en ce portrait ...

Je me suis laissé entraîner par cette belle figure et j'arrive au bout de l'espace qui m'est réservé sans vous avoir parlé de ce héros si délicatement analysé par M. Paul Margueritte, ni de cette aven- ture qui le conduit de son coin ensoleillé des Landes

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jiisqu a Paris, au Palais-Bourbon, au banc des ministres, et soumet cette âme faible puisqu'elle est humaine aux plus pernicieuses et aux plus dégradantes influences. Elle nous est contée dans ce roman très attachant qui est un beau livre.

LÉON FRAPIÉ Les Contes de la Maternelle.

En lisant, sur la couverture du nouveau livre de M. Léon Frapié, ce titre : les Contes de la Mater- nelle, j'ai été tenté de me dire : « Encore la Mater- nelle ! Vraiment le lauréat du prix Concourt exagère un peu sa reconnaissance envers le sujet qui lui valut une si grande et si enviable renommée : il pourrait tout de même nous parler, de temps en temps, d'autre chose.» Et puis, j'ai réfléchi que ce reproche était souverainement injuste : M. Léon Frapié nous a parlé d'autre chose, il a publié : les Obsédés et Marcelin Gayard et la Figurante, et d'autres encore, et tandis qiie nous lisions ces romans pleins de belles qualités nous regrettions ces « gosses» auxquels M. Léon Frapié a su nous attacher... Alors !..

Alors, nous aurions mauvaise grâce à reprocher à M. Léon Frapié sa fidélité à un genre dans lequel nous l'avons nous-mêmes emprisonné; ajoutez qu'il

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a, dans ce genre, une maîtrise vraiment admirable ; il « tient» comme personne l'enfant déshérité, pau- vre et douloureux; nul ne sait comme lui le fairo parler, et vivre, et mourir, car la vie est brève sou- vent pour ces petits êtres abandonnés et l'on voit parfois dans les environs de la Maternelle des Plâ- triers cette chose horrible : un suicide d'enfant.

Cette école des Plâtriers le quartier le plus déshérité de Paris cadre familier s'agite cette enfance douloureuse, M. Léon Frapié l'évoque une fois de plus sous nos yeux attendris ; il enrichit sa galerie de petits martyrs de six ans, au cœur trop sensible, à l'intelligence trop ouverte, de quelques figures particulièrement poignantes, telles celle de la petite Marie Cœuret, et de ce petit Jules à qui l'on a conseillé d'oublier son nom de famille que la guillotine a rendu fâcheusement célèbre. Il non révèle aussi quelques adjointes nouvelles à la figure harmonieuse, au cœur pur et délicat, quel- ques filles de service d'origine relevée aux « belles petites mains» et à l'âme généreuse. Malgré ce qu'à la longue on peut trouver d'un peu convenu dans ces figures et dans ces histoires, on sent combien tout cela est profondément vrai, d'une vérité quasi - photographique, et si pitoyable, si largement hu- maine...

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GASTOiN CRONIER Au pays du Grand Electeur.

Il faut quelque courage pour oser parler litté- rature entre deux tours de scrutin. Même lors- qu'elles se déroulent comme cette année, au milieu de la belle indifférence du peuple souverain, les élections ne sont guère favorables aux livres.

Que peut ta clianson, ô poète!

OU romancier... dans le tumulte des bourdes élec- torales qui se débitent dans les préaux d'école, ou s'étalent, collées aux murs.

M. Gaston Gronier n'a pas craint cette bruyante et fâcheuse concurrence, je le soupçonnerais même d'avoir, à dessein, choisi cette période pour publier Au pays du Grand Electeur. Car c'est un roman de mœurs politiciennes et électorales, livre remarqua- ble et dont \\( actualité » est le moindre mérite.

J'avais salué, naguère, le début de M. Gaston Gronier avec un livre d'une jolie ironie. Mieux vaut Amour) dans ce nouveau roman son talent s'est singulièrement élargi et amplifié. Vous y rencon- trerez souvent le grand nom de Gustave Flaubert pour qui l'écrivain professe un culte enthousiaste. Non sans profit : en nous contant l'histoire d'Hec- tor Lauriet, pharmacien de Villetarde, qui jouit dans son pays d'une considérable influence politi-

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que, qui est « le grand électeur» et fait des députés et des sénateurs comme Warwick faisait des rois; en nous disant l'aventure sentimentale 'de la qua- dragénaire M^^ Lauriet et de Marcel Guérande, le jeune rédacteur du Phare de Villetarde; en nous pei- gnant les mœurs étroites, soupçonneuses, assez vicieuses de cette petite ville Oh ! le salon de Mme Mercady ! M. Gaston Gronier n'a certes pas imité, mais il a fort heureusement subi l'in- fluence de M^^ Bovary. On peut choisir plus mal, et l'œuvre de M. Gaston Gronier garde une belle originalité, elle est bien écrite, dans une langue nerveuse et souple, attachante, d'une heureuse verve satirique, et les « mares stagnantes)) y sont évoquées avec une amusante et cruelle vérité.

LOUIS PIRANDELLO Peu Mathias Pascal.

(Traduit par He:\ry Bigot).

En ce roman très agréable, traduit en français par M. Henry Bigot, l'écrivain italien Louis Piran- dello nous raconte l'étonnante histoire de Feu Mathias Pascal. Cet homme malheureux, en butte à toutes sortes -d'ennuis domestiques et autres, décide un jour de s'enfuir, avec quelques sous qu'il a pu garder, jusque vers les Amériques. Par une coïnci-

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dence providentielle, quelque temps après son dé- part, on découvre chez lui un cadavre mutilé chacun consent à le reconnaître. Le voilà désormais mort pour la société et libre de se créer une nouvelle existence factice.

Cette seconde vie lui est plus favorable : il com- mence par gagner au jeu une petite fortune, puis il s'en va en Italie il s'éprend d'une charmante jeune fille; il voudrait bien l'épouser, mais il est bien difficile à un homme sans état civil de se ma- rier; il lui est bien difficile aussi de se faire rendre justice quand on le vole, de se faire rendre raison quand on l'insulte, et « Feu Mathias Pascal » s'aper- çoit qu'il faut être vivant pour avoir le droit de vivre. Il renonce donc à son nom d'emprunt, rede- vient Mathias Pascal, et rentre au bercail ; mais sa place est prise, sa femme s'est remariée, et de même qu'il n'a pu être Adrien Meiss, de même il ne lui est plus permis d'être Mathias Pascal. Gomme quoi il est sage, lorsqu'on est dans une société orga- nisée, de ne pas tenter de se soustraire à ses lois...

ANDRÉ GASTAIGNE Les jolies Bill Toppers.

Avec beaucoup de verve, d'émotion et de mouve- ment, M. André Castaigne évoque, en ce roman

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l'existence étrange, douloureuse et comique de ces étoiles de music-halls, de ces « numéros » sensation- nels qui, à travers le monde, de New-York à Lon- dres et à Paris, exécutent sur la scène des tours surprenants : athlètes impressionnants sous leur maillot, jolies filles éblouissantes sous leurs pail- lettes, les jolies Bill Toppers comme on les appelle qui apparaissent souriantes et magni- fiques sous le feu des lustres et des projecteurs, et qui,' le rideau une fois baissé, connaissent tant misères et de tribulations.

Le contraste n'est pas nouveau entre l'éclat d- cette vie factice et la médiocrité, la tristesse, la douleur parfois, de l'existence réelle. Il a tento bien des écrivains déjà, mais le public ne s'en lassr pas, friand toujours de pénétrer dans des coulisses. Il prendra plaisir au livre de M. Gastaignc qui con- naît vraiment à merveille les gens dont il parle, qui a (( vécu leurs soirs triomphaux, leurs matins blêmes sur la scène assombrie; scruté leurs amours, leurs grandeurs et leurs ^misères, leurs luttes pour la gloire et pour le pain».

Il y a, on le sent, beaucoup de réalité dans ce livre, il y a aussi une très heureuse imagination, et l'histoire de Lily, la jolie bicycliste, et de ses deux prétendants, Jimmy, l'ingénieur mécanicien, inventeur de tours extraordinaires, et Trampy, l'équilibriste, est tout à fait captivante; j'ajoute qu'après avoir failli tourner au tragique, elle se termine le mieux du monde.

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ERNEST OLDMEADOW Susan.

(Traduit par Marc Logé).

La jeune femme de lettres qui signe Marc Logé nous révèle un bien joli roman anglais qui fut pu- blié par M. Ernest Oldmeadow, sous le titre Susan. J'ai éprouvé, à lire l'adaptation de ce roman, le plus vif et le plus délicat plaisir.

C'est un vrai « roman anglais », dans le meilleur sens du mot, un de ces romans qui, comme le dit M. Henri Ghantavoine dans sa jolie préface, peu- vent être mis entre toutes les mains, savent, « sans trop s'écarter du réel, donner à notre imagination et à notre sensibilité des joies innocentes et qui, aussi réalistes que les nôtres, sans hardiesse ni cru- dité, ne craignent pas, à côté du réel, de faire une place au rêve, de laisser fleurir entre les pages la petite fleur bleue». Mais je m'arrête, je citerais toute cette préface, ce qui vaudrait beaucoup mieux pour mes lecteurs et pour l'auteur du livre, mais mar- querait un peu de conscience.

Elle est gentille vraiment, cette histoire de Susan, la petite soubrette anglaise qui reçoit tout à coup une demande en mariage du riche lord Rudding- ton. Un peu ébahie de cette fortune, bien empêchée de répondre en beau langage à un si noble monsieur, elle se confie à sa maîtresse, la ravissante miss Ger-

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tie, et cette dernière, très généreusement, devient le secrétaire de sa femme de chambre. C'est elle qui répond aux épitres amoureuses, et peu à peu, Cy- rano féminin et joli, elle se prend à ce jeu : la voilà amoureuse et jalouse. Heureusement tout s'ar- range, car l'inconnue dont lord Ruddington s'était épris, c'était Gertie et non Susan, comme il l'avait cru par erreur, et les deux correspondants se marie- ront, et le brave Gibson, le cocher de miss Gertie, épousera Susan qu'il adore. Cette histoire sembl. naïve, elle est tout bonnement délicieuse, et Marc Logé l'a traduite et adaptée de la façon la plus littéraire et la plus adroite.

GEORGE BONNAMOUR Les Trois Poteaux de Satory.

M. George Bonnamour ne partage pas l'horreur de M. Paul Bourget pour le roman à clef. L'a his- toire d'une trahison», qu'il nous raconte, évoque, dans presque tous ses détails et dans tous ses per- sonnages, cette affaire douloureuse qui « déchira la conscience française». C'est l'histoire du lieu- tenant d'état-major juif André Bruck, qui a livré à l'étranger des documents intéressant la défense nationale. La trahison est découverte par Mathilde, nièce d'un général et maîtresse du lieutenant, et

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révélée à l'oncle, puis, par ce d(3rnier, au ministre de la guerre.

Et Fa affaire «s'engage: il y a au ministère de la guerre un certain commandant Paul qui est con- vaincu de la culpabilité du traître et qui pour l'éta- blir est amené à commettre le plus honorable des faux, et aussi le commandant Tixier, qui prend fait et cause pour le lieutenant accusé, non point par conviction et désir de justice, mais tout sim- plement parce qu'il est l'amant d'une juive.

Il y a aussi un certain Villancy, officier viveur, noceur, taré, criblé de dettes, dont Tixier veut démontrer la culpabilité. Vous voyez qu'il suffît de changer des noms pour trouver l'analyse complète (le ce roman dans certains journaux d'il y a quelque douze années ; le dénouement seul du roman diffère de la réalité : M. G. Bonnamour conduit, en effet, ^os trois héros au Conseil de guerre d'abord, puis .) Satory, ils sont tous trois proprement fusillés. Le roman est dédié à M. Ernest Judet.

MAXIME FORMONT La Florentine.

M. Maxime Formont, le brillant écrivain à qui l'on doit des romans de mœurs modernes d'une belle et forte originalité, s'adonne, on le sait, depuis

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quelque temps, au roman historique : il n'y a pas été moins heureux; ces évocations, hautes en cou- leurs, d'une riche et belle imagination, se jouent les reflets du passé italien, ont conquis les lecteurs de la Princesse de Venise^ la Florentine ne les passionnera pas moins.

Ils s'intéresseront aux amours et aux malheurs de Marco Aldobranti et de Fiamma Ginori, la jeune fille florentine telle que la voyaient et la rêvaient les peintres de cet âge, « un être à la fois réel et chimérique, moitié femme, et moitié nymphe, dont la bouche, pourpre de sang jeune, criait la gloire de la vie, dont les yeux hantés de lueurs, disaient les ivresses du songe», aux luttes politiques sauvages des Ginori et des Médicis, à toute cette histoire, compliquée et très claire pourtant, d'amour, de meurtre, de guerre et de politique.

Ils seront séduits plus encore peut-être par l'évo- cation de cette Florence ressuscitée par un écrivain qui a passionnément aimé la ville des Médicis, « jusque-là, qu'il s'est cru parfois le contemporain de l'époque magnifique ». Il fait partager cette illu- sion à ses lecteurs ravis d'être admis dans l'intimité de Sandro Botticelli, alors petit apprenti orfèvre, de Philippo Fra Lippi, de Lorenzo le Magnifique et du moine dictateur Savonarole.

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CHARLES PETTIT Dogue et félins.

M. Charles Pettit qui nous révéla les sympathi- ques personnalités de « M^i^ Bambou», de « Li-Ta- Tchou » et de « Pétale de Rose », enrichit cette collection de quelques types qui ne la dépareront pas : Takata, l'ingénieux et perfide Japonais, qui cumule toutes sortes de professions, avouables et inavouables, pour exploiter l'Européen, et M^i® Pe- tite Cascade et M^^ Dragon d'Or. Ce sont les « fé- lins» japonais qui doivent jouer le « dogue!» un grotesque et « kolossâl » baron prussien, le baron von Bullenbciszerbrut, venu pour étudier les mœurs japonaises et qui se fait berner et molester de la plus outrageante manière. Dogue et Félins ! C'est quel- quefois un peu gros, un peu outrancier et caricatu- ral, mais c'est d'une verve charmante, et il ne faut pas chicaner les humoristes.

BLASCO IBANEZ Arènes sanglantes.

(Traduit par G. IIkkelle).

.1 ' vous parlais, il y a quelques semaines, du

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roman espagnol. En voici un dont le succès fut très grand de l'autre côté des Pyrénées et qui est éperdument espagnol : il s'appelle Arènes san- glantes; et l'auteur, Blasco Ibanez sous couleur de nous raconter la tragique histoire de Juan Gal- lardo, le fameux matador, de sa femme Carmen, de sa maîtresse Dona Sol, de sa grandeur, de sa gloire, de sa décadence et de sa mort tragique nous offre un tableau complet, d'une vérité intense, de la vie de la Plaza, de tout ce qui se passe dans l'arène et sur les gradins garnis d'une foul« hurlante, bigarrée, enthousiaste et cruelle : c'est le roman de la tauromachie qui se termine par un document tout à fait intéressant, une sorte do dictionnaire de tous les termes usités dans l'art du torero. Le roman est très agréablement traduit par M. G. Hérelle.

DANIEL LAUMONIER Sang d'Argonne.

Roman historique, voici dans un livre solide et émouvant, touffu, écrit à la manière d'Erckmann- Ghatrian, des « épisodes de 1792» évoqués par M. Daniel Laumonier. Il est d'un intérêt passion- nant ce livre, revivent les soldats épiques de l'an II, passe un grand souffle d'héroïsme.

Conformément à la poétique du genre, l'auteur a

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brode sur ce fond d'histoire une belle fiction roma- nesque, une touchante et jolie aventure d'amour dont les personnages, Florine et Saturnin Magloire, sont superbement campés. Le héros historique du livre est cet Etienne Radet qui, malgré ses vertus civiques et la noblesse de sa vie, resta un héros de second plan. M. Maurice Barrés féhcite l'auteur d'avoir résisté à la tentation de choisir un héros trop connu « le lecteur a ses idées faites sur les per- sonnages du premier ordre et le romancier est gêné pour donner une interprétation originale à des figures trop connues » ; rien de plus juste que cette lemarque, rien de plus juste aussi que cette appré- ciation sur le volume à chaque page duquel l'émi- nent académicien « retrouve ce talent de psycho- logue et d'historien qui se manifeste si brillamment dans l'étude du personnage central et dont tous les t ableaux sont de la plus simple et de la[|plus émou- vnnfo ^'♦M'itfM\

HISTOIRE, POLITIQUE, LITTERATURE,

DIVERS

LOUIS BATIFFOL Le Roi Louis XIII à vingt ans.

M. Louis Batifîol a entrepris de réhabiliter le roi Louis XIII et de démontrer que ce prince, loin d'avoir été l'être passif, médiocre et faible que l'his- toire traditionnelle nous a présenté, dominé tour à tour par sa mère, puis par ses favoris, enfin par Richelieu, fut au contraire un souverain très volon- taire qui eut sur les choses et sur les hommes une très réelle action; c'est ainsi qu'il apparaît dans l'ouvrage publié par ce très érudit écrivain, sous le titre : Le roi Louis XIII à vingt ans.

C'est l'histoire du Roi entre l'année 1617, au moment Goncini fut assassiné et Marie de Médicis dut quitter la régence, jusqu'en 1624, date

MAI HISTOIRE, POLITIQUE, LITTERATURE, ETC. 153

de l'accession de Richelieu au pouvoir. A l'histoire des sept années qui s'écoulèrent entre ces deux dates, M. Batiffol a consacré un gros volume de plus de six cents pages; c'est vous dire avec quelle minutie il nous détaille les traits de ses personnages, ne laissant dans l'ombre aucun petit fait, aucune parole, aucun coin de mémoires de nature à nous renseigner sur le prince, le souverain, le soldat, sur sa mère, sur la reine Anne d'Autriche, sur son frère Gaston et sur Richelieu. Il y a un luxe, une dé- bauche de détails qu'on est tenté parfois de trouver excessive; on a tort, car c'est justement de cette accumulation de petits faits, d'observations me- nues, de mots sans importance apparente, que sont constitués le portrait véridique d'un prince mal connu, l'histoire d'une obscure période. Et puis, •'est tout à fait amusant; pour mon compte, j'éprouve toujours un vif plaisir très semblable à celui que me firent connaître Athos, Aramis et d'Artagnan à ces évocations familières, inti-/ mes, d'un lointain passé.

LIEUTENANT-COLONEL ERNEST PICARD ET LIEUTENANT VICTOR PAULIER

Mémoires et Journaux du général Decaen Dans une éloquente introduction, les auteurs

154 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

retracent à grands traits la superbe carrière qui conduisit cet officier au siège de Mayence, en Ven- dée, sur le Rhin et en Allemagne, puis à l'armée du Danube, qui lui fit prendre part à la victoire dv Hochstaedt et à la victoire de Hohenlinden. Du- rant cette carrière, il eut l'occasion de déployer les plus hautes qualités militaires; malheureusement pour lui et fort heureusement pour sa mémoire il eut aussi les plus mâles et les plus nobles vertus civiques et c'est à elles, en grande partie, que cet officier, l'un des plus jeunes et des plus brillants de la Révolution, dut d'être éclipsé par ses camarades ou de nouveaux venus. « Il en est peu cependant qui puissent lui être comparés pour les capacités administratives, et vertus civiques, et surtout poui- l'indépendance et la dignité de la vie. »

Les (( Mémoires et journaux» dont voici le pre- mier volume et qui embrassent les années 1793 1799 sont publiés sous la direction de la sectioi historique de l'état-major de l'armée. Ils ont, en effet, un caractère très nettement professionnel et avec leur abondance de détails et de renseignement- sur la tactique, et le moral des soldats de cett» époque, ils offrent une excellente leçon aux offi- ciers ; pour nous, vulgaires pékins, ignorants de stra- tégie, nous sommes intéressés surtout par la mise en pleine lumière d'un personnage jusqu'alors trop peu connu, lequel fut, suivant une fort juste expres- sion, « un homme taillé sur le modèle de ceux dt Plutarque, une des plus belles et des plus attachan-

MAI HISTOIRE, POLITIQUE, LITTÉRATURE, ETC. 155

tes figures des armées de la Révolution et de l'Em- pire ».

BOURRIENNE

Mémoires (Nouvelle édition). T. V^ Le général Bonaparte.

En une très agréable édition, illustrée d'une mul- titude de gravures d'après les estampes et les i ableaux de l'époque, la Librairie contemporaine

ntreprend la publication des « Mémoires de Bour- rienne » sur la vie privée de Napoléon. Le premier volume qui inaugure la Bibliothèque d'histoire inecdotique nous présente le Général Bonaparte à .^es débuts, depuis l'École de Brienne jusqu'au 18 Brumaire. Ces pages famihères qui fourmillent (le détails et d'anecdotes, je les ai relues avec un [jlaisir extrême; elles ont cet intérêt passionnant que communique l'homme extraordinaire à tout ce (jui le touche.

C'est pourtant l'envers de l'épopée, la coulisse de l'histoire; le secrétaire qui nous parle ne nous pré- sente point cet Empereur qui apparaissait comme un demi-dieu dans le tumulte des batailles, mais bien l'homme intime dans l'existence duquel il note avec minutie mille détails, mille petites cho- ses. Mais il n'y a point de petites choses dans une telle existence, et l'homme prédestiné est épique

156 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

jusque dans sa chambre. Bourrienne a noté les événements qui se déroulaient sous ses yeux : il a consigné sur son carnet de secrétaire tout ce qui, à son avis, méritait une observation ou une critique : à sa suite nous sommes admis dans l'intimité de l'Empereur, et c'est palpitant.

DOCTEUR THOMAS W. EVANS Mémoires.

Et c'est maintenant le second Empire. Les mé- moires qui le font revivre nous passionnent pour d'autres causes. Leur rareté, d'abord il en est sorti bien peu jusqu'à présent, et nous devrons attendre la plupart d'entre eux, pendant de lon- gues années encore. Des raisons de haute conve- nance imposent cette discrétion sur des faits trop près de nous et sur des hommes dont beaucoup vivent encore. Et pourtant, nous le regrettons sou- vent, nous voudrions tant connaître, dans ses détails, cette histoire qui prépare et éclaire la nôtre, cette période si curieuse, si séduisante, si drama- tique, autour de laquelle nous sentons bien que tant de légendes ont été forgées. Aussi attendons- nous les mémoires du second Empire avec une impa- tiente curiosité.

Cette curiosité sera brillamment satisfaite avec

MAI HISTOIRE, POLITIQUE, LITTERATURE, ETC. 157

l'apparition des Mémoires du docteur Thomas W. Evans. La personnalité du docteur Evans est fort connue. On sait que ce praticien, qui fut l'un des familiers de la Cour des Tuileries, s'honora en res- tant, lorsque les jours sombres furent arrivés, le courtisan respectueux et affectueux du malheur : l'expédition qu'il organisa pour faciliter le départ de l'impératrice Eugénie en Angleterre est célèbre; je connais peu de récits plus poignants que celui de cette aventure. Il y a dans ce gros volume bien d'autres pages intéressantes, le docteur Evans ne faisait guère de littérature mais il disait avec une évidente sincérité ce qu'il avait à dire », et comme il fut, de 1848 à 1870, l'ami de plusieurs souverains, l'hôte de maisons princières et le familier d'un grand nombre de personnalités éminentes, il a vu, enten- du, noté beaucoup de choses^ en toute simplicité, avec une impartialité presque parfaite sa qua- lité d'étranger le rend à peu près indifférent à nos passions politiques il nous les redit, et c'est du plus pittoresque et plus captivant intérêt.

DUCHESSE DE DINO Chronique (1831-1852).

(4« et dernier volume).

La cliiuuique de la duchesse de Dino, puis du-

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158 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

chesse de Talleyrand et Sagan, cette Chronique qui nous raconte l'histoire de la société européenne entre 1831 et 1852, et dont j'ai, à maintes reprises déjà, dit la prodigieuse séduction, est aujourd'hui terminée. La princesse Radziwill, née Gastellane, vient d'en faire paraître, le quatrième et dernier volume.

Dans ce volume, la chroniqueuse princière évo- que tout d'abord la duchesse d'Orléans, l'entourage du comte de Ghambord; puis, c'est l'Empereur, l'homme taciturne des Tuileries, qui nous est pré- senté de pied en cap en un portrait fait d'une multitude de détails de spirituelle observation, de remarques sagaces; et c'est encore, autour de ce vainqueur, la société européenne tout entière dont la nièce de Talleyrand a bien deviné la secrète pen- sée et qu'elle; sent toute prête à faire masse contre l'Empereur, dès que les mauvais jours viendront. Quelle sagesse prophétique dans ces remarques ! et quelle leçon de philosophie incluse en ces pages primesautières !

MAXIME VUILLAUME Mes cahiers rouges au temps de la Commune.

Nous voici maintenant aux sombres journées du printemps de 1871 •; M. Maxime Vuillaume le. évoque dans ses Cahiers rouges au temps de la Corn-

MM HISTOIRE, POLITIQUE, LITTÉRATURE, ETC. 159

mune. Oh ! l'épouvantable vision ! Quarante ans passés n'en ont point su atténuer l'horreur, et il nous semble les voir tout près de nous ces exécu- tions en masse, ces hécatombes sanglantes, qui se poursuivirent des jours entiers dans des décors qui nous sont familiers, dans des rues à l'air aujourd'hui bonasse et pacifique, dans ce jardin du Luxembourg qu'emplissent la joie des étudiants et les jeux des petits enfants. C'est un épouvantable rêve, un cau- chemar affreux, dont la mémoire impitoyable de M. Maxime Vuillaume évoque la réalité avec des précisions sinistres.

Et ce qui rend plus saisissant encore ce récit, haché menu en une multitude de petits tableaux, jetés, semble-t-il, au hasard des souvenirs, c'est le calme du narrateur : cet insurgé, qui échappa mira- culeusement à la mort, n'est plus très en colère, même il a le cœur de plaisanter; il a le courage aussi d'être juste, et s'il garde l'horreur de la répres- sion sanglante qui parut indispensable, il ne passe point sous silence les abominables exactions de la Commune. Et c'est un récit formidable et poignant, écrit sans art apparent, en un style familier : on voudrait que ce fût le roman d'une imagination en délire : on sent que c'est un document.

160 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

HENRI LAVEDAN Bon an, mal an.

Bon an, mal an, c'est le titre familier qu'a choisi l'Académicien pour le volume il réunit chaque année ses chroniques. Mais il n'y a pas de « mal an» pour les chroniques d'Henri Lavedan; je me sou- viens qu'il y a quelques années je réclamais pour lui le titre de « Prince de la Chronique», de cette forme si séduisante et si fâcheusement abandonnée du journalisme parisien; il y est vraiment incom- parable et ce sont des pages délicieuses, ces articles nés chaque semaine de l'actualité, œuvres d'un jour - naliste toujours en éveil. Mais ils ne sont pas que d'un journaliste, ils sont d'un bel écrivain, d'un virtuose prestigieux de la langue française qui connaît merveilleusement l'art de disposer les mots, de jouer avec eux, d'en faire de belles et chatoyantes images.

Les lecteurs de V Illustration le savent bien, et ils dégustent ce régal littéraire que leur apporte chaque semaine, mais on s'en rend bien mieux compta dans le livre, on apprécie bien mieux à un an de distance, alors que l'événement du jour est oublié, la perfection littéraire de ces pages qui les rend tout à fait indépendantes de cette actua- lité d'où elles sont nées.

MAI HISTOIRE, POLITIQUE, LITTÉRATURE, ETC. 161

RAPHAËL VIAU

\ Vingt ans d'antisémitisme.

M. Raphaël Viau, mêlé très intimement au mou- vement antisémite de 1889 à 1909, nous prévient que son livre n'est ni un reniement, ni une amende honorable, mais simplement une œuvre de recueil- lement et dp vérité. Tout de même, on sent qu'il a neigé sur ses illusions et ses enthousiasmes depuis les temps héroïques et cruels de la France jiiiçe, et il le faut pour qu'il puisse évoquer, par l'anecdote, (( sous une forme sans prétention, souriante, un brin malicieuse parfois aussi, mais si peu, les prin- cipaux acteurs d'une agitation jadis formidable, maintenant sans échos, et les épisodes les plus mar- quants d'une époque le tragique côtoyait sou- vent le comique, mais qui fut toujours, à tous points de vue, incontestablement intéressante, pittoresque et vivante ! »

HENRI PIRENNE Les Anciennes Démocraties des Pays-Bas.

Histoire et philosophie mêlées, M. Henri Pirenne, professeur à l'Université de Gand, consacre cet important ouvrage aux Anciennes démocraties des

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162 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

Pays-Bas. Le nom de Pays-Bas est employé ici dans son acception ancienne, c'est-à-dire qu'il désigne l'ensemble des territoires qui constituent aujourd'hui les départements du Nord et du Pas- de-Calais, ainsi que les royaumes de Belgique et de Hollande.

De cette étude tout à fait neuve, sont suivies dans leurs évolutions les démocraties urbaines do cette grande région, bien des leçons se dégagent, leçons assez consolantes, car elles nous éclairent sur l'éternité des maux et des difficultés que nous croyons quel orgueil ! avoir été inventés pour nous.

On y voit, en effet, très philosophiquement ana- lysés, les conflits qui mirent aux prises la haute bourgeoisie et le peuple et aussi la lutte de l'Etat contre les organismes municipaux et celle de l'indus- trie capitaliste contre l'industrie urbaine; questions économiques et politiques, dont l'actualité brû- lante aujourd'hui s'imposait déjà il y a quatre siècles.

C'est pourtant un sytème politique tout à fait particulier que l'auteur avait à nous faire connaître, et il s'est acquitté de sa tâche en des pages d'une parfaite clarté et d'une éloquente précision; il s'est préoccupé, en outre, « d'exposer les causes économiques et sociales qui expliquent la naissance et la chute d'un système politique».

MM THSTOIRE. POI.TTTiMF. T ITTl'- Ft \TT- P.F . FTC. 16B

FRANCIS JAMMES Ma Fille Bernadette.

En un livre délicieux qu'il offre « à Marie de Naza- vth, mère de Dieu, d'une main tremblante, comme ime servante offre son pot de résédas», M. Francis Jammes nous raconte les grands événements de la vie de sa petite fille Bernadette : sa vaccination, sa première dent ; il nous fait son portrait à six mois ; il nous dit son sourire et ses larmes et son rire, son acte de naissance et son ange gardien, et ce sont des isions d'une grâce exquise, mystique, dévotieuse et si vraie.

Ma Fille Bernadette! Quelle tendresse éperdue, orgueilleuse et naïve, dans ces trois mots, et quelle joie clairvoyante dans la contemplation de l'être divin et mystérieux qu'est une toute petite fille de quelques mois, dont le sourire, « venu des abîmes de la Joie, flotte en l'air comme un parfum et comme une couleur, puis se pose sur son visage ainsi que l'arôme et la blancheur du lis sur son calice » ; ce sourire silencieux qui « reflète l'air des anges, et l'innocente ignorance, et l'onde paisible du ciel sur laquelle nage un petit oiseau». Et ces larmes ! larmes jolies, perles vivantes, et toutes ces choses adorables et divines que M. Francis Jammes chante en des litanies d'une ineffable harmonie. Pour parler ainsi d'un enfant, il faut toute la

164 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

sagesse, toute la candeur d'un poète, toute la grâce ailée d'une prose mélodieuse et légère, seule digne d'effleurer de telles choses...

PAUL REBOUX ET CHARLES MULLER A la manière de. . .

MM. Paul Reboux et Charles Muller publient une édition définitive de cet étonnant volume A la manière de... ils se sont divertis à composer des nouvelles, des pièces de vers, des scènes drama- tiques, suivant la formule de quelques écrivains notoires d'aujourd'hui et de jadis. La première série de ces pastiches avait obtenu un très vif succès et quelques-uns sont devenus en quelque sorte clas- siques, comme celui de La Rochefoucauld et de Huysmans. Je les ai retrouvés avec infiniment de plaisir dans ce volume à côté de nouveaux qui nous restituent la prose de Pierre Loti, Gyp, Jau- rès, Mïne de Noailles, bien d'autres encore.

Ils sont d'une rare séduction; si quelques-uns d'entre eux sont poussés un peu vers la charge et la caricature, comme ceux d'Octave Mirbeau et de Tolstoï, il en est d'autres, plus modérés, qui sont, à mon sens, la perfection même, tels ceux de Lamar- tine et de Baudelaire, et aussi cette nouvelle dont Guy de Maupassant aurait composé le scénario et

MAI HISTOIRE, POLITIQUE, LITTÉRATURE, ETC. 165

dont les différents chapitres auraient été écrits par Ed. de Concourt, Emile Zola et Alphonse Daudet. V ce degré de perfection, le pastiche cesse d'être me vaine fantaisie, c'est de la critique tout à fait spirituelle et fine, d'un talent très personnel et •riginal. Et puis, c'est prodigieusement amusant.

LËON RICQUIER Discours et Allocutions.

J'imagine que M. Léon Ricquier,^ professeur à TÉcole normale de la Seine et à l'École commer- iale, se méfie un peu des facultés oratoires et intel- lectuelles de quelques-uns des honorables que les ( mares stagnantes » viennent d'expédier au Palais- Bourbon, et il a composé pour eux pour eux et [)Our tous ceux qui, n'étant point des hommes élo- ([iients, peuvent avoir à prendre la parole un rocueil de Discours et Allocutions.

Vous connaissez ces Parfaits secrétaires les personnes sans littérature ou sans imagination peu- vent venir puiser des idées et des formules pour de belles épitres; que de pioupious amoureux, que de tendres cuisinières, que d'autres personnes d'un rang social plus relevé ont été tirés d'embarras par le Parfait secrétaire ! Les aspirants orateurs, ces r^avaliers du dimanche des banquets et des réu-

Ififi LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

nions publiques n'ont désormais plus rien à envier aux épistoliers; ils trouveront dans le livre de M. Ricquier tous les discours dont ils pourront avoir besoin, car tout a été prévu dans cet ingé- nieux volume.

Je cueille au hasard ces titres : « Discours du pré- sident d'une assemblée élue pour montrer la gravité d'une déclaration de guerre »; « allocution pour jus- tifier la bourgeoisie » ; « discours pour expliquer à une assemblée la conduite que l'on doit tenir dans une circonstance difficile. » Et ce sont encore les « allo- cutions aux obsèques d'un homme éminent», « d'un bon écrivain», « d'un homme généreux»; les speeches de félicitations à des personnes récemment décorées, à des dames palmées, et c'est même un (( discours pour décerner un prix de vertu»; cela, par exemple, c'est tout de même un peu vif et je trouve la sollicitude de M. Ricquier quelque peu, injurieuse pour nos académiciens ! Des discours d'orateurs célèbres, fort bien choisis d'ailleurs, ter- minent le volume qui, nous avons beau badiner, rendra pas mal de services à bien des orateurs seulement, je gage qu'ils le dissimuleront soigneu- sement au fond de leur bibliothèque.

MAI - iiisrDiiiL, l'di.iriui i:. utterat uiiE, i:t<:. I()7

DOCTEUR GUSTAVE LE BON La Psychologie politique et la Défense sociale.

L'éminent écrivain s'est, nous dit-il, presque

exclusivement confiné à l'application des règles Interminables de la psychologie politique aux N énements contemporains». Malgré cette défini- tion austère, c'est un beau sujet et digne d'intéres-

I' le grand public. La psychologie politique, ou ' ience de gouverner, est si nécessaire que les hom- mes d'Etat ne sauraient s'en passer, et pourtant, tl(^puis Machiavel, il ne s'est pas trouvé un écrivain 'i un politique pour exposer les règles et les lois de

tte science, laquelle a subi, on le croit de reste, quelques modifications depuis quatre siècles.

Les hommes d'Etat ne se passent pas de psycho- logie politique, mais « faute de lois formulées, les

iipulsions du moment et quelques règles tradi- Uonnelles fort sommaires, constituent leurs doc- trines». On se rend compte dès lors de l'impor- tance que présente un tel ouvrage, où, sans nulle prétention, mais avec une science profonde, l'au- teur étudie les facteurs psychologiques de la vie politique, établit les règles et les lois du gouverne- ment populaire, caractérise les illusions socialistes et syndicalistes, dénonce les erreurs de psychologie politique en matière de colonisation, et expose l'évolution anarchique et la lutte contre 1^ désagré-

168 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

gation sociale, en concluant par un appel qui méri- terait d'être entendu : « Ce n'est pas la fatalité qui régit le monde, c'est la volonté. »

MÉMENTO DU MOIS DE MAI

ROMANS

Acker (Paul). Le Soldat Bernard (nouvelle édition). J'ai parlé déjà de ce roman, lors de sa première apparition, mais je m'en voudrais de laisser échapper l'occasion de le saluer à nouveau. C'est, on s'en souvient sans doute, le roman de l'antimilitarisme, et M. Paul Acker, qui déteste cette doctrine, a entrepris de nous démon- trer sa vanité, en un livre il se garde bien d'abreuver d'injures et d'outrages son « sans patrie», dont il expose au contraire les idées avec beaucoup de calme et d'impartialité, mais il le convertit tout douce- ment, par la seule vertu du service militaire, à l'idée de patrie. La formule est excellente, el^e est très, démonstrative et très vraie; c'est ainsi, et non par la violence et la colère, qu'il convient de lutter contre des théories dont on doit se préoccuper sans les pren- dre au tragique.

Bailly (Auguste). Les Prédestinés.

Beaume (Georges). Le Maître d'école, un très attrayant roman.

Blacco (Roberto). Grimaces humaines, des nouvelles traduites par M. Demarès de Hill.

Hume (Fergus). V Ombre mystérieuse, un roman traduit

MEMENTO DU MOIS DE MAI 169

par M. René Lécuyer et publié dans la série : « Les Romans mystérieux. »

Humphry Ward. Daphné ou le Mariage^à la mode, tra- duction de M. Michel Epuy.

La Belangeraie (Maurice). Le Cocher fleuri.

Larreta (Enrique). La Gloire de Don Ramire : « Une vie au temps de Philippe IL» Un livre traduit de l'espa- gnol par M. Rémy de Gourmont.

Lauris (Georges de). Ginette Chatenay.

Le Verdier (Henri). V Amour qui sauve.

Scheffer (Robert). Les Contes ardents, un recueil de nou- I, velles étranges, désordonnées, pleines de talent.

Traz (Robert de). Vivre.

HISTOIRE

LITTÉRATURE THEATRE POÉSIE

POLITIQUE DIVERS

Aimeras (H. d'). Charlotte Corday, d'après des documents contemporains. Dans ces pages prestes, colorées, pitto- resques, où fourmillent les renseignements, les auto- graphes, les images, l'héroïne de la Révolution appa- raît tout à fait romanesque, et vivante, et vraie.

Aubert (L.). De la République réformiste, un volume l'auteur, sans trouver que tout est pour le mieux dans le meilleur des inondes, établit que la forme républi- caine est seule légitime au point de vue rationnel et politique et que notre République peut, et doit être, d'ailleurs, très utilement réformée.

Baratier (Lieutenant-Colonel). A travers V Afrique. His- toire militaire très moderne l'héroïsme nous émeut et nous passionne d'autant plus qu'il est tout près de nous et que par bonheur les héros sont encore des nôtres. L'auteur, dans des pages d'une belle et

M

170 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

noble simplicité, nous raconte la marche héroïque de cette. mission Congo-Nil dont les exploits sont restés légendaires et qui fit tant pour l'honneur de notre pays.

Barrés (Maurice). Adieu à Moréas, des pages mélodieuses et émouvantes.

Bellaigne (Camille). Gounod.

Berger {M^^ Lya). Les Femmes poètes de V Allemagne, une étude d'une érudition très sûre préfacée par M. Bossert.

Biez (Jacques de). E. Fremiet, un superbe ouvrage, pré- senté avec beaucoup d'agrément et de verve, l'au- teur réunit une foule de renseignements pittoresques, de détails émouvants sur l'illustre statuaire, lui éri- geant ainsi un monument véritable, digne de son génie. Le livre orné de quarante-deux planches hors texte, complété par un catalogue complet de l'œuvre, est pré- cédé d'une éloquente préface de M. Frédéric Masson.

Bleackley (Horace). Grandes Courtisanes anglaises du xviiie siècle, un livre fort curieux d'une bien agréable érudition.

Boissy (Gabriel) et Dominique Folacci. Les plus beaux poèmes d'amour de la poésie française, choisis avec un soin déhcat.

Bonnefoy (Antoine) et L. Meri Dahdah. Répertoire géné- ral des emplois publics et administratifs de l'Etat, des départements, des villes, des colonies et des admi- nistrations privées. Ce répertoire, rédigé avec grand soin, donne tous les renseignements utiles sur le recru- tement, les programmes, les examens, les trait^e- ments. Et c'est un livre effrayant ! Il faut l'avoir consulté pour se rendre compte du nombre et de la diversité inouïe des postes qui sont offerts aux ci- toyens français désireux de servir l'Etat moyennanl une honnête rétribution. Que d'agents, Seigneur ! et que de sous-agents, que d'inspecteurs, de sous-ins- pecteurs, d'expéditionnaires et de conservateurs ! Consultez ce livre, pères de famille soucieux de l'avenir de vos enfants, et vous aussi, jeunes gens sur le point de choisir une carrière, vous n'aurez que l'embarras

MEMENTO DU MOIS DE MAI 171

du choix; et peut-être, à force d'être embarrassés, refermerez-vous le volume et vous déciderez-vous à tenter, tout seul, sans la tutelle de l'Etat, de vous faire par vos propres moyens, une situation. C'est la grâce que je vous souhaite.

Bordeaux (Henry). La Vie au Théâtre, un livre sont réunies les critiques dramatiques de M. Henry Bor- deaux pendant les années 1907, 1908. « Dans ces arti- cles, je ne me suis pas privé de juger, nous dit l'auteur, et le lecteur aura tôt fait de connaître mes directions; elles sont toutes simples et commandent mes goûts. L'art, aussi bien que la vie, doit rechercher Tordre et la santé. »

Bourdet (Edouard). Le Rubicon, la délicieuse pièce, d'une grâce si savoureuse qui triompha si longtemps sur la scène du Théâtre-Michel.

Brémond (Henri). Apologie pour Fénelon.

Buisseret (Georges). U Evolution idéologique d'Emile Verhaeren, avec un portrait et un autographe.

Cabanes (D"^). Les Morts mystérieuses de l'Histoire, nou- velle édition revue et augmentée, préfacée par le pro- fesseur Lacassagne.

Cazes (E.). Le Château de Versailles et ses dépendances, un fort beau livre l'auteur a entrepris l'histoire générale de l'admirable domaine, du château, des jardins, des dépendances et du musée, depuis l'ori- gine jusqu'à nos jours. L'ouvrage, avec la foule de gravures et d'estampes qui l'illustrent, avec les plans qui le commentent, constitue un fort intéressant et précieux document.

Ciiantavoine (Jean). Liszt.

Ghèvremont (Paul de). Images blanches et noires, poésies.

Colomb (Félix). VEcrin, un recueil de poésies, rempU de jolies pièces toujours dédiées à la mer.

Conard (Pierre). La Constitution de Bayonne, 1808, essai d'édition critique.

Faguet (Emile). Madame de Sévignê, un volume tout à fait exquis paru dans la collection « Leé Femmes illustres». En des pages charmantes, prestes, toutes remplies d'érudition et de tendresse, l'auteur étudie

172 MOUVEMENT LITTÉRAIRE

de façon définitive la grande épistolière, « l'amie mer- veilleuse qui, aimée de son vivant par tous ceux qui, la connaissant, étaient dignes de la connaître, l'est encore après sa mort et le sera toujours».

Femme Curieuse (Une). V Art de séduire les hommes.

Fischer (Baron Léopold de). Vers les Sommets. D'une très haute et très émouvante inspiration, ce sont les lettres de la comtesse de Saint-Martial (Sœur Blanche, fille de la Charité), que pubhe le baron Léopold de Fischer dans un sentiment pieusement fraternel. Je ne crois pas qu'on puisse hre sans une émotion poi- gnante les lettres de la comtesse de Saint-Martial, connaître cette existence d'épouse, de mère et de religieuse que le baron Léopold de Fischer résume en une ligne : « Dix années de bonheur, dix années de larmes... » ; quel que soit le sentiment du lecteur, il sera profondément touché par la vision de cette Sœur Blanche, « de cette nature élevée, de cette âme noble et généreuse qui, au prix des plus intimes, des plus coûteux sacrifices, tournait tous les élans de son cœur, toutes les ardeurs de son courage vers Celui qui pou- vait, seul, la consoler et lui suffire ».

Folacci (Dominique). Voir Gabriel Boissy.

Gaultier (Paul). La Vraie Education, un excellent voluni sur « l'éducation du corps, l'éducation de la sensibihlV l'éducation de l'intelligence, l'éducation du vouloir

Gauthiez (Pierre). Au soleil de Versailles, un recueil (l vers très lyriques.

Glaser (Ph. Emmanuel). Le Mouvement littéraire, 6e volume 1909.

Gojon (Edmond). Le Visage penché, des vers harmonieux.

Got (Médéric). Journal d'Edmond Got, deuxième et der- nier volume, publié par son fils. Le premier voluni s'arrêtait, on s'en souvient peut-être, à l'année 185*,i; celui-ci nous raconte, jusqu'en 1892, les trente années de l'illustre comédien, pendant lesquelles il fut en pleine possession de sa gloire, créa les œuvres les plus célèbres du théâtre contemporain et fut, acteur offi- ciel, en relations avec les grands de la terre. Ces notes,

, jetées sans ordre et sans arrière-pensée, au soir d'une

MEMENTO DU MOIS DE MAI 173

bataille théâtrale, à la veille d'une répétition, au cours d'un voyage, sont amusantes au possible, fourmillent de mille renseignements curieux sur les hommes et les choses et nous révèlent des opinions de Got qui sont souvent tout à fait intéressantes, parfois aussi un peu comiques.

Hios (Gabriel- Joseph). Les yeux pleins de larmes, des poèmes d'une belle et jeune originalité.

La Faye (Jacques de). Amitiés de reine, un ouvrage d'une rare séduction l'auteur évoque l'infortunée Marie- Antoinette et ses amies, M™^^ de Lamballe, de Poli- gnac, de Brissac, de Luynes, de Tarente, et aussi l'ex- quise figure de M"^^ Elisabeth. Sous la conduite de ce guide très informé, nous faisons le plus émouvant des pèlerinages à Versailles, à Trianon, puis aux Tuile- ries, aux sombres jours de la Révolution. Le marquis de Ségur a donné une belle préface à ce Hvre qui se termine par des lettres inédites du Roi à la duchesse de Polignac. « Rien que pour nous avoir révélé ces pages d'une résignation si sincère, et d'une mélancolie si douce, il faudrait, dit l'éminent préfacier, remercier l'auteur d'Amitiés de reine d'avoir entrepris cette étude. »

Lautrey (Louis). Poèmes d'Israël.

Leguay (Pierre). La Sorbonne, un fort intéressant volume de la série, les «Etudes contemporaines», l'auteur suit l'évolution de la Sorbonne en ces vingt dernières années.

L' yret (Henri). La Tyrannie des Politiciens, un tableau des mœurs parlementaires de notre pays, dressé sans indulgence, mais sans exagération.

Maeterlinck (Maurice). La Tragédie de Macbeth, l'admi- rable traduction, où, poète au verbe merveilleux, M. Maeterlinck a si pieusement servi la cause du plus grand des poètes dramatiques.

Martel (Tancrède). Les Mémoires et Œuvres de Napoléon, qui fut, selon la très juste expression de M. Tancrède Martel, « un grand écrivain, un prosateur, un très curieux et très original styhste français d'une espèce vraiment unique ».

174 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Meri Dahdah (L.). Voir Antoine Bonnefoy.

Mérimée (E,). Préciff d'histoire de la littérature espagnole,

« depuis les origines jusqu'à nos jours. » Michaut (G.). Pages de critique et d'histoire littéraire. Pottecher (Maurice). Paroles d'un père, de poétiques

paroles écrites par l'auteur pour son fils et sa fille,

couple sympathique :

Le fils est tendre et fort, la fille est sage et bonne.

Régnai (Georges). - La Femme telle qu'elle doit être. M^^e Georges Régnai est une femme de cœur et de tête qui sait regarder la vie en face et qui, ayant démontré par le plus honorable et le plus méritoire exemple, comment une femme peut fournir sans tapage, sans indiscrétion, une belle et laborieuse carrière, a entrepris de donner sa recette aux jeunes filles et aux jeunes femmes; elle nous a appris naguère : «Comment la femme peut gagner sa vie»; dans son nouveau livre elle nous donne les aperçus les plus ingé- nieux, les plus justes, les plus émouvants, sur Im manière dont la jeune fille de notre temps doit êti élevée, façonnée, pour tenir honorablement sa placr dans la société contemporaine.

Roosevelt (Théodore). Le Citoyen d'une République, la fameuse conférence prononcée à la Sorbonne, le 23 avril 1910.

Rougemont (E. de). Villiers de l'Isle-Adam, un pré- cieux ouvrage de biographie et de bibliographie.

Sourio (Maurice). -— Les Idées morales de M^^ de Staël.

Talleyrand-Périgord (Maurice de. Duc de Dino). Le Ser- ment d'Hannibal de Tapsec, poème héroï-comique.

***. Huysmans et l'âme des joules de Lourdes, des notes de critique suivies d'un répertoire de l'œuvre catho- lique de Huysmans.

***. ::;— Hôlbein, un livre paru dans la collection c Le? Peintres Illustres».

JUIN

LES ROMANS

EDOUARD ROD Le Glaive et le Bandeau.

Avec un profond sentiment de mélancolie j'ai revu, pour la dernière fois, le nom d'Edouard Rod sur la couverture d'un livre nouveau. Et j'ai évo- qué en ouvrant ce roman : le Glaive et le Bandeau^ la pensive figure de l'écrivain très regretté dont tous estimaient le noble caractère et dont nous étions quelques-uns à avoir pu découvrir l'exquise sensi- bilité cachée sous une froideur rigide, à force de timidité. Sa mort, survenue il y a quelques mois, fut discrète comme avait été sa vie. Le chagrin que nous en éprouvâmes ne s'exhala point en véhéments

176 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

discours : il ne fut pas moins profond, et nous avons pleuré cet honnête homme, ce bel et noble écrivain de forte race.

Le Glaiçe et le Bandeau, n'est peut-être pas la plus forte et la plus profonde des œuvres d'Edouard Rod, mais c'est, sans nul doute, la plus empoi- gnante, la plus « publie)), la plus habile qu'il ait écrite. Le roman commence dans la salle des assises de Versailles va être jugé Lermantes, accusé d'as- sassinat sur la personne de son parrain, le général de Pellice il se termine dans la même salle d'as- sises par le verdict qui absout l'accusé. Et pendant les quatre cents pages de ce livre nous n'avons pas quitté la Cour d'assises, nous sommes restés à ce spectacle poignant de la lutte entre l'accusation et la défense, mieux, entre la justice et le mensonge, entre « le glaive et le bandeau ».

Ce roman est, ni plus ni moins un compte rendu d'assises; ce n'est pas les lecteurs du Figaro qui s'étonneront de l'ampleur, de l'émotion, de la vie intense auxquels peut atteindre un compte rendu de ce genre : ils ont eu maintes fois l'heureuse occa- sion de s'en apercevoir; mais tout de même, il fal- lait une rare maîtrise pour en faire un roman dont l'intérêt ne faiblit pas un instant, l'auteur, obser- vant avec une rigueur classique l'unité de temps, de lieu et d'action, a mis en œuvre tous les ressorts de l'émotion humaine.

Et c'est un roman poignant et formidable dont les héros et les victimes sublime, comme la

.niN LES ROMANS 177

femme qui proclame son déshonneur pour servir la vérité, ou terrible, comme ce témoin qui assouvit sa haine par le plus effroyable des faux témoigna- ges — sont campés en des traits saisissants, cepen- dant que les acteurs habituels de ces tragédies d'as- sises : le président, l'avocat général et l'avocat, sont évoqués avec une intensité de vie et de vérité telle que ces individualités deviennent des types défini- tifs.

CHARLES-LOUIS PHILIPPE Dans la petite ville.

Encore un disparu : c'est Charles-Louis Philippe, dont voici l'œuvre posthume : Dans la petite cille. Quelle destinée, celle de cet écrivain fauché en pleine jeunesse et qui cependant, au cours de cette brève existence pendant laquelle il ne connut guère que les déboires, les tristesses de la maladie, eut l'occasion de nous donner sa mesure tout entière ! Les succès matériels et moraux eussent sans doute rendu son existence plus heureuse' et plus souriante: ils ne pouvaient rien ajouter à la renommée future de l'auteur de Buhu de Montparnasse et du Père Perdrix. Avec ces deux œuvres, qui sont toute une carrière, avec aussi Marie Donadieu et Croquignole, Charles-Louis Philippe laisse un bagage littéraire qui dj'fcrulra victorieusement sa mémoire r-ontio l'oubli.

11.

178 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

A côté de ces romans d'une si forte originalité, les lettrés conserveront pieusement les nouvelles grou- pées sous le titre Dans la petite ville : petites choses émouvantes et profondes où, dans quelques pages d'une langue étrange et pure, dans un coin de pro- vince bourbonnaise, le fils du sabotier de Gérilly, fait tenir tant d'humanité, tant de douleur, de joie et d'émotion.

PIERRE LOTI Le Château de la belle au bois dormant.

Les chapitres de ce livre de Pierre Loti n'ont pas entre eux de Hen apparent. « C'est un bien petit livre, nous dit l'écrivain, sans doute je n'aurais pas le publier. Il ne semblera tolérable qu'à mes amis, connus ou inconnus ; que les lecteurs indiffé- rents me le pardonnent, d'autant plus que ce sera le dernier, peut-être...))

M. Pierre Loti va constater qu'il a beaucoup d'amis connus et inconnus, car je crois bien que son livre paraîtra non seulement tolérable, mais délicieux, à une foule de lecteurs.

Il est exquis ce livre, dangereux seulement pour le chroniqueur à court d'épithètes pour caractériser la grâce légère et profonde répandue sur ces pages et bien empêché d'analyser des chapitres l'écri- vain aborde avec désinvolture, au hasard d'un

JUIN T.ES ROMANS 179

souvenir, d'un voyage ou d'une impression, les sujets les plus divers. Quels que soient ces sujets, que l'écrivain nous dise « la noyade d'un chat » ou (( le premier aspect de Londres », qu'il nous conduise aux Indes devant « les Pagodes d'or», ou qu'il nous fasse part enfin de « quelques pensées vraiment aimables», aphorismes spirituels et profonds d'un souriant pessimisme - M. Pierre Loti reste tou- jours l'écrivain merveilleux dont le style nous ravit par une perfection, une souplesse, une harmonie vraiment incomparables.

BINET VALMER Lucien.

M. Binet-Valmer est un romancier plein de ta- lent, son Gamin tendre était une œuvre délicieuse, ot ses Métèques témoignent d'une vraie puissance. On retrouve ces belles et fortes qualités dans Lu- cien. On les retrouve avec quelque regret, consacrées à l'analyse du cas le plus odieux et le plus pénible qui soit, car Lucien est un «cas» sur la nature duquel je vous en aurai assez dit lorsque j'aurai re- produit l'épigraphe du livre : « Mais le plus bravo d'entre nous est épouvanté de lui-même » et nommé l'auteur de cette épigraphe : Oscar Wilde.

( >M,. j,> pareils r-as puissent être pitoyables, j'en

180 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

conviens; ces hommes sont des malades ou des fous, soignez-les, enfermez-les, mais n'en faites pas même pour les dénoncer et pour flétrir un monde misérable des héros de romans.

C'est du moins mon sentiment, et tout en ren- dant hommage aux intentions vengeresses^ de l'au- teur, à son courage et à son honnêteté. J'estime que ce monde taré ne vaut pas qu'on parle de 'lui : je préfère le silence au plus éloquent des réquisi- toires.

Et tout cela n'empêche pas que M. Binet-Val- mer ait déployé dans ce livre un très remarquable talent; en dehors de son triste héros, il a campé, avec beaucoup de maîtrise, des personnages bien émouvants et humains, tel François Vigier, le grand savant armé par la science et par la philosophie contre la douleur et la sensibilité humaines, celle des autres et la sienne, sans force pour lutter contre le désastre qui atteint son amour paternel; et Bat- chano, l'élève fervent du maître, et M^^e Vigier, victime douloureuse d'une faute ancienne, et la troublante et belle vierge slave Marie Lewinska et tant d'autres aux prises dans une formidable et douloureuse tragédie bourgeoise.

LES ROMANS 181

MARCEL BOULENGER Le Pavé du Roi.

Dans le Pavé du Roi, M. Marcel Boulenger évo- r[iie les temps si lointains bien que trois quarts de siècle à peine nous en séparent triomphaient le faste et la fantaisie des dandys dans le Palais- Royal éblouissant de lumières, animé d'une vie intense et fiévreuse. Les romans de Balzac ont con- -prvé intact pour nous le prestige de ces temps ; ils lous intéressent et nous passionnent au plus haut point : il est si amusant de se promener dans ce passé pittoresque et charmant, en compagnie (l'un écrivain habile à l'évoquer et à le faire re- vivre !

Et il en est peu qui soient mieux désignés que

M. Marcel Boulenger pour une telle évocation : il

onnaît à merveille l'histoire anecdotique de ce

«mps, et puis il écrit une langue délicieuse il

a de la grâce désinvolte et un rien d'afféterie

pli sont du plus pur dandysme.

Il nous offre, dans son livre, une version bien à lui

-le la mort mystérieuse du vieux duc de Bourbon,

!»nnce de Gondé, trouvé, certain jour, pendu à l'es-

ugnolette de sa fenêtre; la version est très roma-

losque et elle a le mérite de mettre hors de cause le

i>on roi Louis-Philippe.

Ajoutez qu'elle n'a rien d'invraisemblable, et

182 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

puis l'anecdote est si amusante ; les figures de l'in- trigante baronne de Feuchères et de ses neveux, George et James Dawes, sont si joliment campées. Et le comte Arnaud d'Ancourt, ce gentilhomme for- cé, après une fâcheuse aventure de jeu, de renoncer à son titre, devenu, sous le nom de Prosper Ombri - dane, postillon au relais d'Herblay, et appelé à exercer, sur le pavé du roi et pour le service des croquants, ses talents prestigieux de cocher et d'écuyer; et l'illustre major Fraser, et tant d'au- tres ! C'est amusant et pittoresque au possible, et M. Marcel Boulenger a une bien séduisante façon de nous réapprendre notre histoire.

LUCIE DELARUE-MARDRUS Gomme tout le monde.

M "^6 Lucie Delarue-Mardrus dont j'ai eu le grand tort un tort qu'on me pardonnera difficilement de ne point aimer ou de ne point comprendre ce qui revient au même VAcharnée, vient d(^ publier un très beau livre d'une large, profonde et poignante humanité. Ce roman, s'appelle Comme tout le monde. Pour cette fois, M"^® Lucie Delarue- Mardrus n'a point consacré son puissant et remar- quable talent à nous peindre je ne sais quelles mal- saines extravagances, mais simplement à nous

JUIN LBS ROMANS 183

raconter l'existence médiocre de gens qui ont vécu, pensé, souffert « comme tout le monde ».

Quoi de plus simple, en vérité, de plus tranquille- ment médiocre, que le « gentil ménage » d'Isabelle et de Léon Ghardier : elle, une petite provinciale au visage ovale et frais, aux grands yeux châtain roux comme ses cheveux, avec, sur ses genoux, un bébé de huit mois ; auprès d'elle, une petite fille de trois ans; lui, un avoué, fort honnête homme, beau par- leur, ni grand, ni petit, ni beau, ni laid, avec des yeux verdâtres. Quoi de plus banal que leur exis- tence qui se déroule, paisible, dans une petite ville de province? Et quel drame pourtant derrière ce calme monotone, quelle angoisse affreuse pour la petite Isabelle de voir à chaque pas la réalité qui brise et meurtrit son idéal, et lui fait détester l'existence !

Mais cette vie, qui lui est si médiocrement dou- loureuse, est-elle plus douce aux autres? Hélas! non, la riche et belle marquise de Taranne-Flossi- gny, dont la fortune lui parut si désirable, et l'ar- tiste M. Godin, dont elle envia l'art, et tous les autres sont comme elle : personne n'est heureux, chacun a des raisons de se dire malheureux; il ne faudrait, pour tout arranger, qu'un peu de vraie sagesse ; elle s'en rend compte à la fin, mais il est trop tard, l'irrémédiable tristesse est en elle et autour d'elle... Nous voudrions protester contre ce pessimisme, mais la vérité de tout cela nous prend à la gorge et nous restons, après avoir lu ce livre

184 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

que traverse une admirable et pathétique figure d'adolescent méconnu, sous une amère et déli- cieuse et profonde impression de désenchantement.

LÉON BARRY Le Voyage d'Hélène.

Le nom de M. Léon Barry m'apparaît pour la première fois sur la couverture d'un livre et j'ai l'heureuse surprise de découvrir en ce volume, une œuvre ravissante qui témoigne d'un talent tout à fait hors de pair : cela s'appelle le Voyage d'Hélène, et c'est une manière de conte antique l'auteur s'est avisé de corriger et de compléter l'éternelle et légendaire histoire de la femme infidèle de Mé- nélas.

Le silence du divin Homère et du doux Virgile sur l'entrevue de Ménélas et d'Hélène dans les rui- nes fumantes de Troie lui a paru suspect et il en a conclu que cette rencontre n'avait pas avoir lieu. Combien plus vraisemblable et plus féminine l'hypothèse qui nous montre la gracieuse Argienne convaincue de la perte définitive et prochaine des Troyens, lasse au surplus de son déplorable amant Paris, et se décidant à regagner la maison conjugale, à^y précéder son époux offensé pour obtenir son pardon.

JUIN LES ROMANS 185

C'est ce voyage que M. Léon Barry nous a conté, ivec l'épisode d'un naufrage sur les côtes d'Egypte la beauté d'Hélène a fait de nouveaux ravages, t le retour à la maison l'infidèle pardonnée par Ménélas s'entretient avec Hermione et Andro- maque réfugiées chez lui, et aussi avec Télémaque dont la grâce juvénile ne laisse point insensible son incorrigible cœur.

Cette jolie histoire est contée dans une langue légante et raffinée et les héros de V Iliade et de f Enéide ne songeront point à se plaindre d'un man- que de respect envers leurs augustes personnes, car la fantaisie dont use envers eux M. Barry est infi- niment respectueuse et tendre.

DANIEL LESUEUR Flaviana, Princesse.

Flaviana^ Princesse^ est un roman romanesque, t fut puisqu'il faut l'appeler par son nom ! I fi roman-feuilleton. Eh ! oui, avant de paraître ' u volume, ce roman a été publié, chapitre par ' hapitre, dans un grand quotidien où, chaque ma- lin, un million de lecteurs attendaient avec impa- i it'nce et angoisse cette « Suite au prochain numéro » iinonrée la veille, après quelque épisode drama- li(]iif .1 mystérieux.

186 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

J'ai employé à dessein le mot de roman-feuilleton, bien sûr que Daniel Lesueur ne m'en saura pas mau- vais gré. Le bel écrivain de Lèvres closes^ le Cœur chemine^ Nietzschéenne^ de tant d'autres œuvres délicates et fortes, a voulu, cette fois, écrire un livre romanesque dans le but d'émouvoir et de passion- ner la foule, et elle ne craint pas qu'on le dise.

Elle a bien raison, car elle nous démontre le plus brillamment du monde qu'un roman-feuilleton peut être une œuvre d'écrivain et de psychologue; dans cette mystérieuse et poignante histoire « Du sang dans les ténèbres», elle a accumulé avec une heu- reuse imagination, les péripéties émouvantes, les complications dramatiques, les rebondissements inattendus qui doivent tenir le lecteur haletant, mais elle a apporté dans la succession et dans l'en- chaînement de ces événements une rare puissanc(^ de claire logique; et surtout, elle est restée le bci écrivain si soucieux de la forme, le psychologue pénétrant et fin pour lequel nous professons tant d'estime. Il y a notamment, dans son livre, une évo- cation de milieux nihilistes et de certaines figures troublantes et sombres qui est d'une saisissant vérité.

Par là, ce roman si romanesque, qui a séduit la grande foule, va faire maintenant la conquête des délicats et des lettrés; il est digne vraiment d<^ figurer en bonne place dans l'œuvre imposante qui a valu à Daniel Lesueur une si enviable renommée.

JUIN LES ROMANS 187

CHARLES FOLEY La Chambre au judas.

M. Charles Foley, qui est un écrivain de goût et de talent, dont j'ai apprécié maintes fois les romans d'une fort jolie tenue littéraire, a obtenu ses plus retentissants succès dans le genre terrible. On se souvient de ces nouvelles poignantes et formidables qui s'appellent : Au téléphone, Un concert chez les fous, et qui nous firent trembler, non seulement dans le livre, mais au théâtre elles furent bien vite transportées. J'imagine que la plupart des nouvelles réunies sous le titre de la première : La Chambre au judas, sont promises à la même gloire ; déjà, sans doute, le Grand Guignol les guette pour la plus grande joie et la terreur plus grande de ses spectateurs.

Avec les moyens plus restreints du livre, elles produisent déjà un bel effet de terreur, et je vous défie de lire sans avoir la chair de poule l'histoire d'Isabelle de Verceilles, enfermée dans une cham- bre de château, en tête à tête si j'ose dire ! avec une main mystérieuse qui surgit d'un judas et la menace des périls les plus effroyables. Au com- ble de la terreur, elle mord cruellement ce bras menaçant qui se retire, et à quelques mois de elle retrouve, avec quel émoi ! la trace de ses dents sur le poignet de l'homme qu'elle vient d'épouser,

188 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

et elle s'enfuit, je vous prie de croire... Et que dire de cette « nuit rouge)), cette nuit affreuse de l'ai- guilleur qui doit rester à son poste, prisonnier d(^ son devoir, cependant qu'à quelques pas de lui on assassine sa fiancée : il le croit du moins, et il ap- prend par bonheur, le lendemain, que la femme assassinée était une inconnue et tant d'autres encore l'effroi et la surprise sont si habilement dosés. C'est d'un art très particulier, et on éprouve à ces histoires une angoisse aussi forte qu'à celles d'Edgard Poe, plus forte peut-être, car elles sont moins mystérieuses, moins surprenantes, plus réelles, et le lecteur a l'impression que « ça pourrait très bien lui arriver à lui-même )).

ALBERT QUANTIN Histoire prochaine.

M. Albert Quantin, qui ne manque pas d'audace, a cru pouvoir fixer la date disparaîtra notre ini- que société bourgeoise remplacée par l'édénique état communiste : c'est, parait-il, pour le mois do juillet 1930. Profitons de ce délai, jouissons de nos derniers jours de privilège en attendant cette His- toire prochaine annoncée par M. Albert Quantin, en un « roman socialiste». Il n'est pas ennuyeux, ce roman, enveloppé d'une belle histoire d'amour

JUIN LES ROMANS 189

c'est étonnant ce que les amours sociales ressem- blent aux amours bourgeoises ! dont le héros, Olivier Neuvire, un brave mécanicien, est quelque chose comme le vivant symbole de la réformation sociale.

k Son aventure sentimentale, pour attachante qu'elle soit, n'est d'ailleurs que l'accessoire; la grande affaire, c'est le tableau de notre existence sous le nouveau régime : il est très, pittoresque ce tableau, M. Quantin le trouve délicieux; pour moi, je me méfie un peu; cette « commune agri- cole», cette « fabrication socialiste», ce « bon de crédit», ne me disent rien qui vaille, et je serais bien étonné que la grâce socialiste ait transformé les loups dont se compose le monde actuel en ces tendre^ agneaux qu'imagine M. Quantin : ne nous frappons pas, d'ailleurs, ce sont des jeux litté- raires qui ne feront pas grand mal à notre société et nous pouvons nous en offrir l'agrément et le petit frisson sans conséquence moyennant 3 fr. 50 de notre infâme monnaie bourgeoise.

PIEUUE GLiiET-\AU\)UELliN Le Sang des vignes.

Dans ce roman plein d'allégresse, de confiance et dt' joie, M. Pierre Guitet-Vauquelin chante le

190 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Sang des vignes^ exalte « Tadorable et triomphante terre d'oc», d'où le labeur des hommes fait jaillir le vin généreux et bienfaisant, orgueil et richesse de notre France. Ce livre dédié à MM. Marcel Prévost et Louis Gimié d'Arnaud, « vignerons», c'est le roman du vin avec toutes ses émotions, tous ses drames, toutes ses victoires.

Le héros, Pierre Villeroy, revenu, après vingt ans de vie parisienne à ses terres, à sa vigne de Pie- destang, a eu du mal à se faire à la rude existence du vigneron; mais peu à peu il a été pris par la noblesse de sa tâche, il s'est passionné pour ses vignes; comme entre temps il a rencontré la femm( de ses rêves, Marguerite, qu'il a épousée, il connaît le bonheur complet; mais une catastrophe survient; des orages anéantissent ses vignes et celles de tout le pays. C'est la catastrophe pour lui, c'est la révolution dans la région ruinée, les vignerons au comble du désespoir vont prendre les armes, mais Pierre s'entremet avec héroïsme et est assez heu- reux pour éviter aux vieux ceps bas-languedociens le déshonneur d'être appelés « les vignes san- glantes». Et dans le pays pacifié les beaux jours reviennent et les vignes renaissent.

L'histoire est simplette, on ne peut la lire sans émotion lorsqu'on se rappelle les terribles émeutes qui désolèrent, il y a deux ans, les régions du Midi. A la faveur de ce roman, M. Pierre-Guitet-Vauque- lin a évoqué avec beaucoup d'intensité ces sombres jours, qu'on peut regarder maintenant sans tris-

JUIN LES ROMANS 191

tpsse et sans inquiétude a en l'an II de la résurrec- ion des Vignes».

CAMILLE AUDIGIER Pour la Terre.

La véritable héroïne de M. Pierre Guitet-Vau- pielin c'est la vigne, celle du « roman de mœurs \ illageoises » de M. Camille Audigier, c'est la terre. C'est Pour la Terre que souffrent et que peinent et que tuent les personnages de ce roman plein de puis- Huce et de vie où, sans art, très simplement, l'au- aVlT a voulu nous montrer dans toute sa vérité le paysan de France épris pour le sol ancestral d'un iimour brutal, tyrannique et sublime. Cette ten- dresse du paysan pour la terre a inspiré bien des I omans. M. Jacques Dhur, dans la préface qu'il a donnée au livre de M. Camille Audigier, ne craint •as de lui décerner la meilleure place parmi eux, ritre la Terre qui meurt, de René Bazin, et la Terre, de Zola; entre l'idéalisme et le naturalisme, il y vait une place à prendre que d'autorité M. Camille \udigier a conquise avec son beau roman. Le compliment est gros, mais il est certain qu'il y beaucoup de puissance et de vérité dans le récit 'il drame villageois qui se joue autour de la ten'e lépecée par Pierre Delmas, le paysan indigne et débauché, défendue âp rement, sauvagement, par

192 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

sa femme, la Fanchon, qui a la conscience obscure de remplir une mission supérieure et de défendre, en même temps que sa terre, une tradition néces- saire; et l'auteur arrive presque à nous faire com- prendre le geste de ces jurés villageois acquittant la Fanchon, qui a fait tuer son mari pour défendre sa terre, ce qui à nous autres citadins nous parait tout de même un peu vif.

JOHAN BOJER Sous le Ciel vide.

(Traduit jjar P.-G. La. Ghesnais).

Le livre du romancier norvégien Johan Bojer, Sous le ciel çide, un roman dont M. P. -G. La Ghes- nais publie la traduction, est une œuvre très ibsé- nienne, d'une psychologie embrumée et mystique, d'une grande puissance aussi, à laquelle on est tenté seulement de reprocher sa tristesse, son pessi- misme, son découragement. Pourquoi faut-il, en vérité, que la sublime ardeur d'Erik Evje à rache- ter les fautes paternelles et ses propres erreurs se heurte sans cesse à des catastrophes nées de la méchanceté des hommes ou de l'hostilité de la nature ?

Il a beau faire, il a beau déployer une énergie surhumaine pour se racheter, il a beau se tourner

JUIN LES ROMANS 193

vtib la religion, vers la science, vers le progrès so- cial ou la simple, naïve et bonne philanthropie, tout lui manque tour à tour, tous ses efforts sont anéantis, toutes ses espérances déçues, et il reste, après la terrible catastrophe finale, l'engloutisse- ment des villages distribués aux paysans vers les Fjords mortels, tout seul, désespéré, sous le ciel vide implacablement.

C'est, je le répète, très beau et très puissant, mais ce n'est guère réconfortant : c'est une littérature qu'on peut admirer, mais qu'il n'y a pas lieu vraiment d'encourager.

JEAN SAMSON La Traite du Cœur.

M. Jean Samson qui débuta naguère avec Manè^ Thécel ! Phares !, un roman antique dont j'ai dit les qualités, aborde aujourd'hui le roman moderne avec la Traite du cœur. Moderne? Il faut bien croire, puisque les romanciers sont unanimes à nous l'affir- mer, que les aventures vilaines la force de l'ar- gent prime brutalement la faiblesse de l'amour et de l'innocence sont essentiellement modernes. Ce n'est pas tout à fait mon avis; je croirais volontiers que jamais on ne vit, autant qu'en notre temps, des rois épouser des bergères, des filles affirmer contre

12

194 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

l'injuste tyrannie d'un père leur droit au bonheur et à l'amour.

Mais ne chicanons pas sur cette question d'épi- thète et de date, et proclamons l'intérêt que pré- sente cette histoire lamentable de la pauvre petite Jeanne Nerry, livrée par son père à un odieux et riche mari, Henri Narbier, protégé et ami d'un homme plus riche et plus odieux encore, le banquier Gossner, alors que toute sa tendresse et tout son amour l'inclinaient vers Georges Felcat, un poé- tique et charmant officier de marine. Cette histoire se termine le mieux du monde par une providen- tielle congestion cérébrale qui envoie ad patres l'odieux Narbier. Rien ne nous interdit après un tel dénouement d'espérer que les choses s'arran- geront mieux encore et que les victimes de cette Traite du cœur pourront enfin s'aimer librement et légitimement.

GASTON LEROUX Le Fantôme de l'Opéra.

Le fantôme de VOpéra^ de M. Gaston Leroux, a parcouru déjà le plus gaillardement du monde, en seize éditions successives, la première étape d'un succès qui ne s'arrêtera pas là. Ce roman mysté- rieux du créateur fameux de « Rouletabille)) est dramatique, terrifiant, amusant au suprême degré;

»

JUIN LES ROMANS 195

avec un héros qui s'appelle Erik et qui est un fan- tôme, un squelette vêtu d'un habit noir, c'est-à- dire un être, vous en conviendrez, assez imaginaire, M. Gaston Leroux a trouvé moyen de nous donner l'histoire la plus vivante, la plus réelle dans ses invraisemblances. Cet art, très particulier qui con- siste à réunir les détails les plus précis, les déduc- tions les plus logiques autour d'une folle imagina- tion, M. Gaston Leroux le possède au suprême degré : il a le don de la vie.

Au moment de nous conter l'histoire d'Erik, lequel possédait sous l'Opéra un palais de mystère et d'ombre avec une chambre des supplices, dont vous me direz des nouvelles; au moment de nous dire l'enlèvement par ce fantôme, de Christine Daaé, la grande chanteuse, et la disparition du vicomte de Chagny, l'ami de la chanteuse, et la mort de son frère aîné, le comte Philippe, dont le corps fut trouvé sur la berge du lac de l'Opéra M. Gaston Leroux nous affirme tranquillement, avec le plus grand sérieux, la vérité de cette his- toire : le « fantôme de l'Opéra a existé en chair et en 08, bien qu'il se donnât toutes les apparences d'un vrai fantôme, c'est-à-dire d'une ombre»; il nous énumère, comme un bon journaliste qui aurait procédé à la plus sérieuse enquête, toutes les raisons qu'il y a de croire à cette surprenante vérité, et nous avons beau savoir que nous sommes dans le do- maine de la fantaisie, nous ne laissons pas d'être impressionnés par cette précision. Ajoutez que

196 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

cette histoire extraordinaire est écrite dans une langue qui, tout en répudiant les images excessives du feuilleton, est très brillante et colorée.

GUSTAVE GUICHES Un Monsieur très bien.

Il est vraiment « très bien» ce François Desclos qui, mal marié avec la jolie Henriette, coquette, légère et frivole, désire éperdument reprendre sa liberté, mais ne se résigne pas à la pensée de laisser sa femme exposée aux dangers et aux déchéances qui la menaceraient une fois seule. Gomment sortir de ce dilemme? François Desclos a découvert que son ami, Jacques d'Arvant, tournait autour d'Hen- riette, et dès lors son plan est fait : avec une habileté machiavélique, sans avoir l'air de rien, il protégera cette idylle, mais ne vous scandalisez pas ! il ne la protégera que pendant sa période d'inno- cence, puis, brusquement, lorsque les amoureux seront arrivés au bout de cette innocence, à la veille d'un enlèvement projeté, il surgira entre les deux « presque coupables » et il leur expliquera gentiment que les amours criminelles sont de fort vilaines choses et qu'il vaut beaucoup mieux pour tout le monde qu'ils se marient.

Lui, mon Dieu ! il se résignera au divorce et il

JUIN LES ROMANS 197

ira épouser une charmante jeune femme tout à fait dans ses goûts. Et voilà comment « Un Monsieur très bien» s'occupe de marier sa femme avant de songer à se faire une nouvelle existence. Je ne vous donne pas cela comme un modèle de moralité inté- grale, mais enfin, cela ne vaut-il pas mieux que des drames, des catastrophes, ou simplement d'aigres disputes? Et puis, M. Gustave Guiches nous a conté cette histoire avec tant de bonne grâce, de simpli- cité spirituelle et d'émotion légère que son cynisme nous devient tout à fait sympathique.

GYP Les Petits Joyeux.

(l'est un de ces romans dialogues excelle le spirituel écrivain, qui a créé le genre aujourd'hui si fort à la mode. Elle y apporte, toujours aussi fraîches et avenantes, ces qualités de bonne hu- meur, de verve intarissable, ce je ne sais quoi de racé, cette « branche » qui firent la fortune des pre- miers; en outre, la hideuse politique en a été à peu près chassée, et on ne s'occupe plus d'y renverser la République.

C'est très bien ainsi, et cela permet à tous les lecteurs de se divertir sans arrière -pensée aux histoires des « petits joyeux », lesquels n'ont, vous

12.

198 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

le pensez bien, rien de commun avec ceux d'Aristide Bruant, mais sont simplement des petits jeunes gens fort distingués et fort mal élevés qui entendent la « mener joyeuso).

DELLY Bsclave... ou Reine?

Ce roman est d'une très réconfortante moralité : il nous révèle qu'une belle jeune femme, toute grâce et toute vertu, livrée par un déplorable destin à un époux cruel, brutal, presque dément, peut en faire, par la seule puissance de son charme, de sa fai- blesse et de sa piété, le plus obéissant, le plus doux des chevaliers servants; mais que de périls elle doit courir, la pauvre petite Lise, g[vant que le prince Ormanofî ne subisse cette providentielle transfor* mation.

Dans la princière villa de la Gôte-d'Azur, dans le tragique château des steppes russes, elle connaît les pires angoisses et les plus terribles dangers, mais, je vous l'ai dit, tout s'arrange à la fin : une âme sainte, une âme angélique répondant à l'invo- cation de Lise a prié pour les deux époux et ce roman terrible fmit en idylle, cependant qu'un « rayon de soleil descend sur les têtes penchées de Serge et de Lise, et qu'une brise se parfumant au

LES ROMANS 199

passage sur les muguets et les jacinthes blanches, vient caresser leurs fronts».

RENÉ MILAN La Mère et la Maîtresse.

La Dame aux Camélias est un drame éternel qui -.' reprend sans cesse, non seulement au théâtre, mais aussi dans la vie, et le douloureux problème ({ii'il soulève apparaît aussi émouvant, aussi actuel (fue jamais aux romanciers de notre génération. M. René Milan, un écrivain de talent, l'aborde à son (our dans son roman la Mère et la Maîtresse. La (Te, c'est Mine Autevielle, une femme de grand ''ur qui aime passionnément son fils Roger Aute- iclle, un jeune et grave savant; la maîtresse, elle, appelle Jasmine, et c'est une délicieuse petite lemme au passé un peu bruyant, mais à l'âme hon- nête et droite, qui souffre de ses nerfs douloureux comme^ Marguerite Gautier souffrait de sa poitrine déchirée.

Le combat qui se livre autour de Roger, fils res- pectueux et tendre, amant passionnément épris, < st terrible, et l'homme meurtri se débat désespé- rément entre ces deux amours, qu'il voudrait réunir en son cœur et qui se haïssent mortellement. Et, Jas de lutter, certain jour il s'enfuit; on a voulii

200 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

cruellement l'obliger à choisir : il renonce. Et pour- tant Jasrnine était digne de son amour; au cours \ d'une entrevue émouvante, la mère le reconnaît noblement; mais il est trop tard, et ces « trois êtres d'élite par trois chemins différents s'éloignent vers ^ leur^ destins marqués d'un deuil indélébile, parce ^ qu'entre eux a passé l'amour divin, l'amour impi(\ l'amour destructeur, l'Amour».

HISTOIRE, LITTERATURE, THEATRE,

DIVERS

HENRI WELSGHINGER

La Guerre de 1870. « Causes et Responsabilités. »

Les livres consacrés à la guerre de 1870 se multi- plient; il faut s'en réjouir: ils finiront par avoir rai- son de la déplorable ignorance nous sommes de ces tragiques événements de notre histoire. L'ou- vrage de M. Henri Welschinger : la Guerre de 1870, '( Causes et Responsabilités», est de ceux qu'on ne saurait trop lire et méditer; l'auteur a été bien placé pour connaître et étudier les événements dont il parle, et il y a dans les deux volumes de son ouvrage une foule de documents bien faits pour nous instruire et nous réconforter.

202 LE MOUVEMENT ]/ITTÉR\1HK

Sans doute, M. Welschinger a voulu, comme lo dit le titre de son livre, « relever les causes de la guerre de 1870 et signaler les responsabilités de ceux qui l'ont déchaînée », sans doute il a été amené à porter sur des personnages historiques des juge- ments sévères, mais à lire son livre on s'aperçoit, et il faut l'en louer, qu'il n'a point agi « par un détestable sentiment d'animosité contre les per- sonnes»; un plus noble mobile l'a déterminé, celui de l'historien qui n'a pas d'autre pensée que la vérité, celui aussi du Français animé d'un profond et vibrant amour de la patrie et qui veut au moins que les douleurs du passé mieux connu servent à l'avenir.

DOCTEUR POUMIÈS DE LA SIBOUTIE Souvenirs d'un médecin de Paris.

Publiés par M""" A. Bhaaciie et L. Dagoury.

M. le docteur Poumiès de La Siboutie exerçait depuis de longues années la profession de médecin, et il avait gagné la sympathie et la confiance d'une foule de personnages célèbres, lorsque, en 1847, un cruel accident le contraignit de renoncer à ses occupations habituelles; il avait alors tout près de soixante ans, il avait vu beaucoup de choses, assisté à bien des révolutions, connu dans leur intimité les personnages historiques de la Révolution, de

JlIN HISTOIRE, LITTÉRATURE, THEATRE, DIVERS 203

l'Empire, de ta Restauration, et la tentation lui vint d'utiliser ses loisirs forcés pour rédiger ses souvenirs; heureuse tentation, qui nous vaut au- jourd'hui les Souvenirs dhiii Médecin de Paris ^

iibliés par M^^^s a. Branche et L. Bagoury, les lilles du docteur Fournies de La Siboutie.

Ces souvenirs familiers sont d'un rare attrait : ils nous font revivre plus d'un demi-siècle de l'his- loire de France, depuis la Révolution jusqu'aux l)eaux jours du second Empire, vers 1860. Que do choses curieuses et impressionnantes à noter pour un observateur bien placé ! « Récits pleins de verve sur le monde des professeurs et les générations ' l'étudiants du premier Empire, pages intéressantes

ir les hôpitaux et leurs ordinaires clients, les bles-

■s de la guerre étrangère ou des insurrections civiles; portraits fidèles, silhouettes curieuses, - tableaux pittoresques de la société composite et

»uvent bouleversée de la période qui s'est écoulée de Napoléon I^'" à Napoléon III, en passant par les deux Restaurations, la monarchie de Juillet et la République de 1848». Outre l'intérêt très vif que présentent de tels souvenirs, ils ont ce prestige de nous rapprocher extraordinairement d'un passé très lointain: songez, en effet, que les filles du docteur Poumiès de la Siboutie, nos contemporaines, nous offrent un livre l'auteur parle d'un aïeul mort en 1695, et se souvient lui-même d'avoir été bercé, caressé, promené par un vieux domestique nommé Saintonge, tambour au régiment Dauphin, à l'âge

204 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

de dix ou douze ans, et qui avait assisté à la bataille de Fontenoy, en 1745 !

HENRI GHARRIAUT La Belgique moderne.

L'ouvrage de M. Henri Charriant, est consacré à cette Belgique que Napoléon appelait « le champ de bataille de l'Europe » et qui a la gloire plus pro- fitable aujourd'hui d'être « son champ d'expé- rience », ainsi que l'a baptisée Elisée Reclus. Tous les grands problèmes qui agitent à peine ou qui n'agitent que passagèrement les grands peuples provoquent en Belgique une ébullition incessante, et, dans les tentatives d'ordre économique qu'en- gendre cette fièvre perpétuelle de réformes, des indications précieuses peuvent être trouvées.

L'auteur a voulu dans son livre étudier « la mani- festation à la fois psychologique et matérielle d'un peuple qui a su attester que la véritable puissance n'est pas dans le nombre, mais bien dafis les qua- lités énergiques des citoyens, et, puisque c'est sous cet aspect qu'elle présente le plus grand intérêt scientifique, essayer de montrer l'activité de la Belgique dans sa mission expérimentale.

JUIN HlSTUiKE, LITTÉRATURE, THEATRE, DIVERS 205

MARCEL PRÉVOST Féminités.

C'est une chose bien séduisante et bien malaisée de parler « féminités » devant un auditoire de fem- mes. Il faut à l'homme qui se risque en cette entre- prise, beaucoup de finesse et d'esprit, et de ten- dresse aussi, car les femmes entendent qu'on les aime avant de permettre qu'on parle d'elles; pas trop cependant, pas jusqu'à l'aveuglement : elles méprisent un peu ceux qu'elles dupent trop faci- lement et elles éprouvent un certain plaisir, très délicat et très raffmé, à se voir démasquées par leur auteur, pourvu qu'il ait la « manière ». C'est très difficile, et il faut bien du talent à un écrivain pour savoir discerner et choisir les fleurs avec lesquelles ses lectrices consentiront à être frappées ; mais quel succès quand il a ce talent ! Les femmes sont con- quises sans rémission, et par surcroit, les hommes aussi : conquête moins flatteuse, mais point négli- geable tout de même.

Cet art et cette manière, M. Marcel Prévost les possède comme personne : il n'est pas d'écrivain qui sache mieux exprimer le troublant mystère et la séduction souveraine de l'éternel féminin. Dans ces gracieuses et frivoles et profondes Féminités qu'il vient de publier, il s'est diverti une fois encore à tourner autour du sphynx à qui il a bien su tout

13

206 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

de même arracher un petit morceau de son secret ; et ce sont ces « Mondanités » si amusantes et spiri- tuellement philosophiques et les « Dames de ce temps-ci » évoquées en de si savoureuses images, et enfin, ces délicieuses variations épistolaires « VA- mour écrit...» l'auteur des admirables Lettres de femmes met leur bon garçon de destinataire en garde contre ces lettres : « Est-ce qu'un chapeau de femme sert à lui couvrir la tête? Est-ce qu'une ombrelle de femme sert à la garantir du soleil? Est-ce que des souliers de femme servent à la marche? Pourquoi veux-tu qu'une lettre de femme serve à transmettre sa vraie pensée au destinataire î » Il est vrai que les hommes ne sont guère plus sincères, mais tandis que « les petits mensonges épistolaires féminins sont ingénieux, charmants, flatteurs, impossibles à débrouiller, les nôtres sont laids, communs, mala- droits, blessants; ils sentent la fatigue. C'est de l'ouvrage mal fait. »

ANDRÉ BEAUNIER Trois Amies de Chateaubriand.

Maintes fois, en ces dernières années, j'ai regretté l'indiscrétion dont nous faisions preuve envers la mémoire de nos grands écrivains : il n'en est pas un qui échappe à nos enquêtes posthumes; non con- tents d'apprécier leurs vers harmonieux ou leurs

JlIN HISTOIRE, LITTÉRATURE, THEATRE, DIVERS 207

proses sonores, nous voulons connaître et juger les Muses très humaines qui les inspirèrent. Ayant si souvent blâmé cette indiscrète curiosité, je devrais, pour être logique, regretter le livre que M. André Beaunier vient de publier : Trois amies de Chateau- briand', mais, vrai, je ne m'en sens pas le courage : ce livre est trop joli, et il m'a fait passer des heures trop agréables.

L'auteur, d'ailleurs, nous explique de la façon la plus persuasive qu'il avait le droit d'être indiscret; de (( ne pas permettre que se tranquillisent dans le silence d'un siècle mort, les pauvres petites fem- mes que troubla l'enchanteur déhcieux et cruel». Cette indiscrétion, c'est Chateaubriand lui-même qui l'impose au lecteur de son œuvre toute pleine de lui-même.

Ainsi l'écrivain, qui a voulu la commettre, était autorisé à appeler en témoignage ces trois dames dont il va nous parler, qui ont été de bien char- mantes femmes, en un temps éloigné déjà. Aussi bien on peut compter qu'elles pardonneront à l'indiscrétion de l'auteur, car leur terrible ami les a habituées à l'indulgence et nous pouvons aujour- d'hui encore « compter sur la complaisance qu'elles eurent au temps Chateaubriand leur préférait son amour ».

Ces trois dames furent la touchante Pauline de Beaumont, la souveraine Juliette Récamier, la pittoresque et attrayante Hortense Allart.

Et, en les évoquant toutes trois, M. André Beau-

208 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

nier nous a conté trois romans qui sont les plus touchants, les plus jolis, les plus émouvants du monde ; celui | de M^^^ de Beaumont, histoire d'amour celle qui aima fut infiniment plus tou- chante et plus noble que celui qui fut aimé; celui de Mi"6 Récamier, blanche énigme, Pénélope épouse d'un nonchalant Ulysse, dont l'aventure avec René nous offre le spectacle de deux coquetteries fieffées : Juliette de Récamier, la déesse, et René de Cha- teaubriand, l'enchanteur; celui d'Hortense AUart enfin, cette personne vive, complaisante et qui avait, avec un esprit de philosophe et de littéra- teur, un cœur de grisette.

Ces trois belles histoires sont en tous points con- formes à la vérité; pour les écrire, l'auteur a pas- sionnément étudié les textes, les documents, les mémoires : c'est donc une œuvre très solide d'his- toire et d'érudition ; la grâce et le talent de l'auteur en ont su faire un ravissant roman d'amour en trois parties le charme, la tendresse des femmes, l'égoïsme magnifique de l'homme sont évoqués en des pages d'une incomparable séduction.

PAUL BOURGET La Barricade (Chronique de 1910).

La Barricade^ de M. Paul Bourget, eut, cette

I

JUIN HISTOIRE, LITTÉRATURE, THEATRE, DIVERS 209

saison, un grand retentissement au Vaudeville et fut discutée bien passionnément « des deux côtés de la barricade». Les critiques dramatiques l'ont racontée et jugée, les rédacteurs politiques l'ont âprement discutée dans des polémiques de journaux, et on est tenté de croire que le débat est épuisé.

L'auteur pourtant ne nous avait point encore donné son sentiment et l'on jugera sans doute qu'il présente quelque intérêt pour l'appréciation défi- nitive de l'œuvre, non pas au point de vue de sa valeur littéraire ou dramatique, dont il est bien trop avisé pour se faire juge lui-même, mais au point de vue de ses tendances qui ont été qualifiées de façons si contradictoires et si diverses et qu'il est on en conviendra un peu mieux placé que tout autre pour connaître.

Il nous les expose dans une éloquente et magis- trale préface qui est une sorte d'examen de cons- cience très courageux et très sincère de la .bour- geoisie de notre temps et qui donne à l'œuvre toute sa haute portée sociale et historique. Dès le sous- titre, nous sommes fixés sur les intentions de l'au- teur : la Barricade^ est une « chronique de 1910 », ce n'est donc pas une œuvre de combat, mais quel- que chose comme un procès-verbal : la chronique, en effet, c'est l'histoire, racontée, montrée par son détail quotidien et familier; c'est le constat dressé sur place d'un certain coin des mœurs, à une cer- taine date; ce que disent les personnages de la Bar- ricade quels qu'ils soient, ce sont presque toujours

210 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRK

des paroles entendues et qu'on n'a pu mettre, sans un prodigieux abus, dans la bouche de l'auteur. M. Paul Bourget a diagnostiqué les maux dont souf- fre notre société contemporaine, il a dénoncé cette lutte des classes que nous ne pouvons pas éviter; on a voulu en conclure qu'il poussait à cette lutte, ce qui est aussi absurde que de reprocher à un médecin de se faire le complice du bacille d'Eberth parce qu'il en constate la présence et dénonce une fièvre typhoïde dans l'organisme envahi. Le remè- de? Il n'a pas eu non plus la prétention de nous le faire connaître, tout au plus a-t-il voulu indiquer que ce remède surgirait quelque jour, sous les espè- ces de la force, qui est faite, non point, comme on a voulu le croire, de brutalités et de violences, mais de l'intelligence, de la vertu, de la dignité qui impo- seront le respect de la bourgeoisie.

GEORGES LEGOMTE Les Allemands chez eux.

M. Georges Lecomte, qui a signalé son passage à la présidence de la Société de Gens de lettres par des services éminents dont on ne perdra pas de sitôt le souvenir, sut notamment en 1908 représenter avec infiniment de tact et de dignité les intérêts moraux et matériels de la littérature française à la

JUIN HISTOIRE, LITTÉRATURE, THEATRE, DIVERS 211

conférence de Berlin. Nous avons une raison de plus aujourd'hui de nous féliciter de cette mission, puisqu'elle a donné à M. Georges Lecomte l'occa- sion d'écrire l'œuvre fort intéressante, les Alle- mands chez eux^ qu'il dédie à son « ami Jules Huret, exact et pénétrant évocateur des aspects et des rouages de la vie moderne ». C'est, après cette magis- trale enquête de notre collaborateur et ami, à qui il rend si justement hommage, un nouveau docu- ment sur cette Allemagne qui nous préoccupe tant ; et on lira avec beaucoup d'agrément et de profit ces pages vivantes et prestes sur les rues, l'architec- ture, la voirie, le Tiergarten; ces portraits amu- sants du fonctionnaire, toutes ces notes pittores- quos ot ros observations judicieuses.

MÉMENTO DU MOIS DE JUIN

ROMANS

Biiiigei' (Rodolphe). En Cinq sec, un charmant volume, paru dans la collection : « Les Conteurs Joyeux», ce joyeux conteur, secondé par l'humoriste dessina- teur Moriss, nous conte une foule d'histoires drolati- ques écrites sans nulle prétention, joviales et rapides à souhait.

Buteau (Henry). Ciel de caresse; ce ciel est celui de Cons- tantinople, très favorable paraît-il, à l'éclosion de

212 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

l'amour et de la passion. Dans ce décor magnifique, très billamment évoqué, M. Henry Buteau a situé une belle histoire d'amour et aussi de tristesse et de trahison il est bien rare d'ailleurs que l'Amour avec un grand A, n'entraîne pas avec lui ces deux compagnons. Ses héros, Gérard Augereau, le romancier réputé, et son admirable femme, sa « grande sœur», Jeanne Augereau, et son idéale maîtresse, la voluptueuse Hélène, victime de son amour, sont cam- pés en des pages l'on retrouve avec plaisir les très intéressantes qualités que j'ai eu l'occasion de louer déjà plusieurs fois en M. Henry Buteau.

Conan Doyle. La Merveilleuse découverte de Raffles Haw, traduction de M. Albert Savine.

Ducasse-Harispe. V Amour et V Autel, (<. roman psycholo- gique ».

Green (A.-K.). Le Médaillon, traduit de l'anglais par M. A. Davray.

Havard de la Montagne (Robert). Leurs Fils.

Lafont (Renée). V Appel de la Mer.

Landre (Jeanne). Echalote continue, un roman de mœurs montmartroises joyeux et cynique.

Maindron (Maurice). La Gardienne de l'Idole noire. M. Maurice Maindron, évocateur prestigieux des moyenâgeuses aventures de « St. Gendre» et peintre fougueux des mystérieuses splendeurs de l'Inde du Sud, fait revivre, une fois encore, sous nos yeux, et l'Inde et le Moyen âge dans son nouveau livre. C'est l'aventure étrange, voluptueuse, formidable, de Gian- battista et de Souriadévi, la gardienne de l'idole noire, qui se déroule dans le cadre magnifique et terri- fiant d'un temple hindou, et M. Maurice Maindron nous l'a contée dans cette langue si particulière, très pure, très simple, qui nous semble si près de nous. De ces mots si simples mis côte à côte, l'écrivain sait tirer des effets surprenants, il les dispose comme un peintre distribue des couleurs il en fait de l'ombre et de la lumière : c'est de l'art, vraiment, et du plus grand.

Maret (G. de). La Course au bonJieur, un touchant et

MEMENTO DU MOIS DE JUIN 213

mélsincolique roman l'héroïne s'aperçoit que « nos illusions, comme des pétales de rose fanée, s'en vont d'abord une à une; les dernières tombent toutes en même temps».

Maurevert (Georges). Légendes et Nouvelles tragiques ou folâtres, un volume que décore une chatoyante image de Chéret et qu'illustre une admirable préface de Maurice Maeterlinck. Les nouvelles qui surent mériter ce glorieux parrainage sont d'une très jolie qualité de style et d'inspiration : l'écrivain y passe du sévère au plaisant ou au tragique, avec beaucoup d'aisance, et le lecteur prendra de l'agrément aux fines notations psychologiques de « la Bague à la chimère», aux émotions poignantes du « Duel à l'ennemi », à la poé- tique évocation de « la Belle et vraie légende du roi Grallon», à la grasse jovialité du « Bon notaire», et j'en passe, pour arriver à cette émouvante comédie tragique, dont nous avons déjà parlé : « La dernière soirée de Brummell. »

Pourtalès (Guy de). La Cendre et la Flamme.

Price (Georges). La Rançon du sommeil, un recueil de nouvelles originales, émouvantes, écrites dans une langue alerte et souple. La première de ces nouvelles a presque les proportions d'un roman, c'est « la rançon du sommeil», une terrifiante histoire, fantastique, et très réelle nous assistons aux péripéties dramati- ques de la lutte d'un homme contre le sommeil qui rétreint, l'enveloppe, l'envahit, alors que, s'il y cède une seule minute, c'en est fait de lui et d'une inven- tion géniale à laquelle il tient plus qu'à sa vie. J'ai goûté aussi les autres nouvelles qui composent ce livre, notamment « le Chien de M. le Préfet», le récit d'une piquante aventure d'un brigand de la Loire; et aussi " le roi du Lethol», l'histoire d'un inventeur devenu millionnaire pour avoir restitué aux habitants de la ville de Port-Elliott les bienfaits du sommeil dont un autre inventeur, M. Henry Bentham, avait eu la fal- lacieuse idée de guérir ses contemporains.

1 îandau (Robert). Le Commandant et les Foulbé, « roman de la grande brousse ».

13.

214 LE MOUVEMKNT LITTÉRAIRE

Schwab (Raymond). Regarde de tous tes yeux, un très agréable recueil de contes.

Sicard (Emile). Les Marchands.

Twain (Marc). Peterkins, traduction de M. François do Gail.

Veyssié (Robert). Grains de foule, nouvelles.

Willy. Maugis en ménage, une œuvre du cynique Willy, divorcé littéraire. Sa verve outrancière et joviale s'y étale avec impudence, tempérée cependant, de-ci de-là, par je ne sais quelle mélancolie exprimée avec charme et qui affirme ce talent d'écrivain dont Willy s'obstine à faire un si mauvais usage.

HISTOIRE LITTÉRATURE THÉÂTRE POÉSIE POLITIQUE DIVERS

Aumale (Duc d') et Guvillier-Fleury. Correspondance. 2e volume. Je vous ai dit, lors de l'apparition du premier volume, le prestigieux intérêt de ces lettres le vieux maître et le noble élève, en se laissant aller le plus simplement du monde à leurs souvenirs et à leurs confidences, font pour nous de l'histoire la plus instructive et la plus émouvante qui soit. Le second volume nous donne les lettres échangées de 1848 à 1859; il commence au moment le duc d'Aumale et le prince de Joinville quittent Alger en proscrits volontaires et se ferme sur les fanfares de triomphe de la campagne d'Italie, à l'apogée de l'Empire.

Batz (Baron de). Histoire de la Contre- Révolution: T. l^^. IJ Agonie de la Royauté. M. le baron de Batz, dont j'ai signalé naguère avec grand éloge la Vie et les conspi- rations de Jean, baron de Ratz, entreprend un grand ouvrage d'une très sohde et très attrayante érudition, il a eu pour but de « rassembler, de coordonner, de réunir les efforts tentés par les partis opposés à la Révolution française, afin d'arrêter sa marche; pré-

MT^ME.NT" \ 215

senter ces efforts d'une manière claire, les grouper d'une façon logique, étudier les principes au nom des- quels ces tentatives furent accomplies». Le premier volume de cet ouvrage nous montre de façon saisis- sante les efforts de la contre-révolution entre 1789 et 1792.

Bernard (Emile). Réflexions (Vun témoin de la décadence du beau, un recueil de notes sur l'Art.

Bertin (Georges-Eugène). Nos plus beaux Rêves, poésies.

Bessonnet-Favre (M^n^). La Typologie, un bien curieux ouvrage l'auteur nous documente sur «une science », à la création de laquelle il a fortement contribué; car la typologie est une science : M. le docteur Raymond nous le dit dans la préface de ce curieux livre, avec toute l'autorité qiii s'attache à sa parole; cette « mé- thode d'observation des types humains, qui permet de démêler sur la figure d'une individuahté donnée le type vrai, avec ses qualités, fait désormais partie de nos sciences d'observation». Ce serait une chose admirable si cette science pouvait se répandre et si nous pouvions apprendre à lire d'une façon certaine l'âme de nos contemporains sur leur visage; on est tenté de se réjouir en songeant à toutes les déceptions, à toutes les injustices qui nous seraient évitées; mais aussi que de fâcheuses découvertes cette science nous réserverait, et combien parfois nous regretterions devant un joli visage trop révélateur notre divine ignorance d'autrefois.

Biovès (Achille). Français^et Anglais en Egypte, un^ savant ouvrage l'auteur prétend résoudre cette question : « Comment l'Angleterre s'est-elle emparée de l'Egypto? A-t-ello tout simplement profité avec habileté des événements et des fautes de ses rivales, ou a-t-elle préparé et machiné ces événements?

l^iii'l (Tony). Une Ambassade suisse à Paris en 1663, un très savant et très attrayant ouvrage l'auteur s'est proposé de donner, en même temps, un aperçu des relations qui existaient à cette époque entre la France et la Suisse et une esquisse des coutumes de la France à une date précise de son histoire. L'ouvrage est élo-

216 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

quemment préfacé par M. Lardy, ministre de Suisse en France.

Bourrienne. La Vie privée de Napoléon Le Premier Consul; 2^ volume des Mémoires.

Brette (Armand). Propos du siècle, un choix des pages que l'auteur écrivit au hasard des événements et « qui ont, nous dit-il, tout juste le prix des anciennes nouvelles à la main qui valent surtout parce qu'elles furent écrites sur l'heure». A ce titre seul, en effet, ces articles constitueraient pour l'histoire de notre temps un intéressant document; ajoutons, malgré la modestie de l'auteur, qu'ils ont, en outre, de jolies qualités de forme et de pensée.

Capus (Alfred). Théâtre complet; l^J* volume nous avons retrouvé avec joie ces pièces exquises qui sont : Bri- gnol et sa fille, Rosine, les Maris de Léontine, dont la grâce non moins pimpante qu'aux premiers jours, a maintenant la consécration et la patine des choses définitives.

Cartier (Ernest). Correspondance de Guizot avec Léonce de Laver gne.

ChafTiol (Fernand). Les Miroirs ternis, poésies.

Chesnelong (Charles). La Liberté de V Enseignement, un recueil de discours.

CHfford Barney (M™^ Natahe). Actes et Entr' actes, des pages j'ai trouvé des choses délicieuses, ce « virelai nouveau» notamment, qui est d'un poète bellement doué.

Costils (D^^ François de). Sonnets.

Cuvillier-Fleury. Voir Duc d'Aumale.

Delteil (Léo). Voir John Grand-Carteret.

Dupuis (Jean). Le Tonkin de 1872 à 1886, un volume d'histoire écrit par un explorateur du Fleuve-Rouge.

Dutacq (François). Histoire politique de Lyon pendant la Révolution de 1848.

Faguet (Emile). Les Dix Commandements de « V Amour de soi», réunis par l'auteur en un charmant petit hvre, comme il avait fait naguère pour « l'Amour » et «l'Amitié».

Faure-Goyau (Lucie-Félix). La Vie et la Mort des Fées.

MEMENTO DU MOIS DE JUIN 217

un livre d'une fort avenante érudition nous appre- nons d'où sont sorties les fées du cycle breton, celles de l'épopée carolingienne, celles des poèmes de Marie de France, celles de Shakespeare et celles de Naples, celles de France, celles d'Allemagne, celles d'Angle- terre et du Nord. C'est instructif, austère et char- mant. En tête de cet essai d'histoire littéraire l'au- teur nous dit, dans un prologue, combien ce sujet est grave et séduisant, et plaide le plus joliment du monde la cause des fées et de la féerie ; « la féerie, un peu de rêve, un peu de réalité, tissés et combinés, noués d'un fil d'or ou d'un brin d'herbe tremble soit une perle soit une goutte de rosée».

Meischmann (Hector). Les Femmes et la Terreur. Le Roi de Rome et les Femmes.

Foulon de Vaulx (André). La Fontaine de Diane, des poèmes infiniment gracieux et évocateurs.

Fribourg (André). Discours de Danton, une édition cri- tique que M. G. Lanson fait précéder d'une préface il plaide avec une chaude éloquence la cause de Danton qu'il ne faut pas honnir, car « ceux-là blessent la France, et l'appauvrissent, qui continuent d'in- sulter l'homme dont la voix fut à certaines minutes la voix de la nation dressée contre l'invasion étrangère».

' iaillard de Champris (Henry). Emile Augier et la Comé- die sociale, une belle et forte étude.

Germain (José). Mémoires du capitaine Lange, « Aventu- res des francs- tireurs de Champagne, souvenirs de 1870».

<'loriainow (Serge). Le Rosphore et les Dardanelles, une « étude historique sur la question des détroits» dont l'auteur est directeur des Archives de l'Empire et des Archives centrales de Saint-Pétersbourg. Cet ouvrage a le grand mérite de nous exposer une des questions les plus compHquées de la pohtique contemporaine dans tous ses détails avec une compétence et une sin- cérité absolues; mérite plus grand encore : l'auteur a su résumer la substance de son livre en trois pages précises et claires placées au commencement du volume.

218 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Grand-Garteret (John) et Léo Delteil. La Conquête de Vair vue par Vimage (1495-1909), un superbe volume luxueusement édité d'histoire très ancienne, très loin- taine, bien que son objet soit mis par les admirables prouesses de nos aviateurs au premier rang de l'ac- tualité. Au sommaire : « ascensions célèbres, inventions et projets, portraits, pièces satiriques, caricatures, chansons et musique, curiosités diverses ». Ces volumes d'histoire par l'image sont toujours d'un très vif at- trait : les documents graphiques qu'ils nous resti- tuent nous en disent plus long souvent que de savantes et longues dissertations. Ainsi comprise, l'histoire du la conquête de l'air est fort impressionnante et ces images comiques ou ironiques, ces chansons inspirées depuis quatre siècles par la hantise de l'air à conqué- rir, sont vraiment émouvantes à revoir au moment où, après un si long effort, nous semblons approcher du but convoité depuis tant d'années; avec toutes ses ironies, toutes ses naïvetés, c'est un réconfortant album de la vaillance, de l'énergie, de la patience humaines.

Gregh (Fernand). La Chaîne éternelle, cette chaîne qui rattache « une âme d'aujourd'hui» aux « âges passés)), poésies d'une si suave harmonie, d'un^rythme si heu- reux, d'une inspiration si généreuse, dont il est super- flu de redire les mérites, mais que j'aurais eu trop de regrets à ne pas saluer de mon modeste mot.

La Cartrie (Toussaint- Ambroise de). Un Vendéen sous la Terreur, des « Mémoires » inédits traduits et annotés par M. Pierre-Amédée Pichot et précédés d'une étudo sur l'insurrection vendéenne par M. Frédéric Massori.

Lagarde (Gaston de). Nouveaux livres, Nouveaux amis, un fort agréable recueil de pages de critique littéraire. L'auteur a groupé dans son ouvrage une pléiade de hvres amis et il s'est efforcé d'exphquer pourquoi, parmi tant d'autres, ils l'ont particulièrement charmé. Il ajoute, et on ne saurait trop l'en louer, qu'il a tou- jours pensé que le beau na peut être réalisé sans la salutaire complicité du bien, et cette conviction assure à ces études une sorte d'unité générale, Ellessontd'iin"

MEMENTO TtV MOIS DE JUIN 219

très heureuse inspiration et d'un fort joli tour, très dignes du parrainage de l'éminent et charmant écri- vain Henry Roujon, à qui elles sont dédiées.

Lafont Paul). L'Aube romantique : Jules de Rességuier et ses amis. Ce pauvre romantisme si décrié et si glo- rieux eut des commencements charmants qu'on ne peut contempler sans quelque attendrissement et M.Paul Lafont les évoque dans ce volume d'une inté- resssante documentation. Une agréable figure vrai- ment, ce Jules de Rességuier, mainteneur des Jeux floraux en un temps l'Académie de Clémence Isaure était dans toute sa gloire. Poète charmant et souvent inspiré, nébuleuse entre des étoiles, Jules de Rességuier méritait de n'être pas oublié, car il occupa un rang distingué dans la phalange des poètes de la Restauration; et puis il reçut des lettres admirables dont M. Lafont nous apporte la précieuse collection et qui ont pour auteur : Chateaubriand, Emile de Girardin, M™^ Sophie Gay, Victor Hugo, Lamartine, Soumet, Eugène Sue, Alfred de Vigny.

Larcher (Louis). Sous Metz, quelques traits de la guerre de 1870.

Lécuyer (Raymond). La Révolution de Juillet (25 juillet- 16 août 1830), un bien captivant ouvrage paru dans la collection des « Mémoires et Souvenirs» publiée sous la direction de M, Funck-Brentano et dont l'auteur a emprunté le texte aux Mémoires de Mazas et à la chronique de Rozet. Ce sont des « impressions et récits contemporains» qui éclairent cette histoire si mal con- nue et qui « n'est pas encore écrite ni préparée», ainsi que le dit très justement M. Raymond Lécuyer dans une préface d'un très vif intérêt, toute remplie d documents et de renseignements ingénieusement ordonnés et qui nous fait mieux comprendre le sens profond de cette simple date : 1830, si éloquente, si suggestive, qui résume une transformation de l'esprit français.

'Lefranc (Abel). Maurice de Guérin, un très beau livre d'histoire et de critique composé d'après des docu- ment» inédits.

220 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Loliée (Frédéric). Talleyrand et la Société française, « du Prince de Bénévent au duc de Morny»; un ouvrage d'une grande séduction.

Loubon (Ludovic). La Gerbe d'or, de gracieuses poésies recueillies par l'auteur « dans le champ moissonné du verbe ».

Maigron (Louis). Le Romantisme et les Mœurs, « Essai d'étude historique et sociale». Inutile de vous dire que le pauvre romantisme passe, dans cet ouvrage, com- me dans la plupart de ceux qui lui sont consacrés, un assez fâcheux quart d'heure; tout en rendant hom- mage à l'érudition profonde et à la sincérité de l'au- teur je me demande, d'ailleurs, une fois de plus, si l'on est bien équitable envers ce romantisme chargé de tous les péchés d'Israël, et s'il mérite cet excès d'honneur et cette indignité.

Mantenay. Figures d'hier et d'aujourd'hui, des pages subs- tantielles d'une étonnante variété l'érudition très solide sait revêtir la forme la plus agréable et la plus attrayante.

MasperoJ(G.). Ruines et paysagesf d'Egypte, des pages très modernes le savant professeur au Collège de France^évoque une très lointaine histoire. De ses sé- jours sur les bords du Nil, l'historien a rapporté, outre plusieurs monuments qui ne font pas mauvaise figure au musée, des impressions « d'Egypte moderne qui l'ont aidé à mieux comprendre l'Egypte ancienne ».

Melon (Joseph). La Maison vers le lac, des poésies aux rythmes étranges et harmonieux.

Montesquiou (Robert de). Perles rouges, des vers pré- cieux, curieux, étranges que l'auteur a fait suivre des Paroles diaprées, un recueil de cent dédicaces qui sont des images, des portraits, « pièces ornées de noms con- temporains assemblés dans un groupe d'illustres 1 1 de modestes, comme il y a, dans un bouquet des vio- lettes et des roses». ^ v

Niox (Général). Drapeaux et Trophées, un éloquent « ré- sumé de l'histoire contemporaine de la France», suivi du catalogue des trophées du Musée de l'Armée.

Périer (Joseph). Le Sillage de la Sirène, poésies.

MEMENTO DU MOIS DE JUIN 221

Périn (Georges). Le Chemin, Vair qui glisse..., poésies.

Picard (Roger). Les Cahiers de 1789 et les Classes ou- vrières.

Pilon (Edmond). Portraits tendres et pathétiques, un livre délicieux l'auteur de ces ravissantes Muses et Bourgeoises de jadis évoque tour à tour la touchante histoire de Charlotte, fille de Charles VII, et de son époux, le sénéchal de Brézé, persécuté par Louis le Onzième ; puis « la dame du Louvre », cette belle dame qui traversa certain jour la Seine avec pour tout vête- ment un masque qui lui couvrait le visage, cependant que Charles IX et sa cour la contemplaient avec une admiration stupéfaite; et « la Vie de M. Pomme» et « la Seconde M""^ Danton», en des pages délicieuses, d'un style souple et divers à l'infmi dans sa constante et harmonieuse perfection.

Robinet de Cléry. Les Prétentions dynastiques de la Bran- che d^Orléans.

-^aint-Cyr (Charles de). Matines, des vers d'une agréable inspiration et d'une forme harmonieuse qui illustrent les théories de l'auteur, développées au commence- ment du livre en un « essai sur Tintensisme». L'inten- sisme ! Après nous avoir gratifiés du mot, le poète nous explique la chose : c'est une tendance presque non moins vieille que la poésie elle-même. On peut le défi- nir en indiquant que « le contraire de l'intensisme c'est le convenu qui interpose une sorte de voile entre les visions ou les faits et leur réalisation ». Optons donc pour l'intensisme I

Sainte- Foy. De saint Pierre à Pie X, « essais progressifs de l'autorité pontificale».

Tausserat-Radel (Alexandre). Papiers de Barthélémy, ambassadeur de France en Suisse (1792-1797), un ouvrage où, poursuivant l'inventaire analytique des archives du Ministère des Affaires étrangères, l'auteur relate les négociations relatives à la paix avec l'Es- pagne, et à l'échange de Madame Royale, fille d-; Louis XVI.

JUILLET

LES ROMANS

GABRIELE D'ANNUNZIO Forse che si, Forse che no.

Montaigne eût dit: Que sais-je! et Rabelais: Peut-être!

M. Gabriele d'Annunzio s'écrie : « Peut-être bien que oui, peut-être bien que non !. » Cette phrase do Normand n'a rien de très lyrique en français, aussi le traducteur a eu bien raison de la laisser en italien sur la couverture du roman publié en français. Forse che si, Forse che no, a, il faut l'avouer, autre- ment d'allure et d'éclat.

Le roman s'inscrit cette devise de doute et d'énigme est une œuvre somptueuse, et magnifi- que, et déconcertante. En face d'elle, le chroniqueur

JUILLET LES ROMANS 223

sent tout désemparé; les images brillantes, fré- tiques, voluptueuses dansent dans sa tête une rabande échevelée, et ses yeux éblouis de tant de iinières agitées devant eux avec une folle prodi- ilité sont désormais incapables de voir. Vais-je dans ces conditions, essayer de vous conter cette histoire de passion déchirante, d'inceste et de jalou- sie, qui met aux prises Paolo Tarsis, épris éperdu- I lient d'Isabella Inghirami, l'enchanteresse, et le frère de cette dernière, Aldo, et ses deux sœurs \'ana et Lunella?

Non, certes, je ne risquerai pas en une sèche ana- lyse de trahir cette œuvre de mystère et de lumière, qui fut si brillamment traduite par Donatela Gros, et je me contenterai de vous dire que ce livre apporte son épopée à notre sublime et grisante aviation. D'Annunzio est le poète attendu des véli- '-oles c'est ainsi qu'il a baptisé les aéroplanes, le nom vraiment mérite de faire fortune celui iii est digne de chanter toutes les forces du rêve gonflant le cœur des terrestres, haussés vers l'As- somption de l'Homme, l'âme immense qui franchit !•' siècle, accélère le temps, pénètre le futur, inau- gure l'âge nouveau, fait enfin du ciel son troisième royaume conquis non point par l'entassement des blocs titaniques, mais par la foudre asservie.

224 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

ABEL HERMANT Daniel.

Pour se distraire un instant de ces fameux «Mé- moires pour servir à l'histoire de la société », il diffame si allègrement notre temps, M. Abel Her- mant s'est amusé à écrire quatre petits romans qu'il publie aujourd'hui sous le titre du premier d'entre eux Daniel. La verve caressante et cruelle de l'écrivain s'exerce, en ces romans, sur des « cas psychologiques» qui pourraient être angoissants, douloureux, mais dont il a voulu faire seulement un exquis régal d'intelligence, pimenté pour nous par le remords que nous éprouvons de nous être diver- tis à ce drame d'âme qui déchire doucement le ménage de Daniel, romancier célèbre, et dont un enfant est le témoin innocent et muet, et si cons- cient ! et à cette histoire aussi de Jeanne Lecha- pelais, une bien gentille dame au cœur bizarre qui éprouve, au dénouement, « l'immense joie d'échan- ger le nom de son mari, simplement notoire, contre celui, beaucoup plus fameux, d'une victime d'a- mour, dont elle avait failli aimer préalablement l'assassin », et encore à ce drame de conscience obscur qui conduit au suicide un patriote jeune- turc.

Ces trois histoires sont bien captivantes, mais j'avoue ma prédilection pour la quatrième : « Les

JUILLET LES ROMANS 225

vacances de miss Elsie Chalegreen» que M. Abel Hermant a modestement reléguée à la fin du livre : celle-là est tout à fait exquise. L'écrivain y a mis toute la grâce ironique de son talent, toute sa péné- tration psychologique avec, surprise inattendue ot délicieuse, un rien d'émotion et de tendresse :

'est l'histoire de miss Chalegreen, la longue An- glaise rigide et sombre, sans grâce et sans âge, qui, toute l'année, donne méthodiquement des leçons de conversation anglaise à des élèves dont le plus élé- .rant est le prince Fabio. Certain jour de vacances, un miracle se produit en elle; sous de pimpants atours, dans la splendeur d'un après-midi ensoleillé,

lie redevient une vraie femme, avec de la joie, de la jeunesse au cœur; elle est touchée d'un fugitif ot chaud rayon d'amour, de tendresse et d'espoir, pour redevenir, à la rentrée, le professeur revêche

[ai tout de même aura ce trésor inestimable : un souvenir. M. Abel Hermant nous conte cette his- toire dans son style d'une si rare originalité, d'une -i précieuse perfection, qu'il s'est amusé de-ci de-là

I angliciser avec infiniment de discrétion et de goût, ri parlant du « splendide garçon « que retrouve miss (ihalegreen dans la « désirable petite maison» de IMnstead; c'est bien amusant et gracieux et émou- vant...

220 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

ANDRÉ LICHTENBERGER Le Petit Roi.

M. André Lichtenberger aime et comprend les enfants, il sait parler d'eux et les faire parler. Son petit Trott et sa petite Line sont de ravissantes figures évoquées avec infiniment de grâce, de ten- dresse et d'intelligence ; et il en faut beaucoup à un romancier qui n'est qu'un homme pour s'élever à la hauteur d'un enfant ! Cette séduisante galerie s'en- richit aujourd'hui de Michel le Petit Roi. Ce n'est pas, comme nos amis, Trott et Line, un de ces en- fants heureux, insouciants, dont l'âme et le cœur s'épanouissent librement à la lumière du ciel. C'est un pauvre petit bonhomme de roi, sur les chétivos épaules duquel pèsent toute l'histoire de la Pan- nonie, toutes les hérédités et les traditions de la noble et brutale race des Kaïnof, descendants, dit- on, de Kaïn.

Il a neuf ans. Son père est mort, et sa maman dont il a gardé le radieux souvenir est disparue quelque jour mystérieusement. Il préside au Con- seil des ministres et parle de choses graves et sévè- res, cependant qu'il aime tant, à s'entretenir de choses futiles avec sa vieille et chère nourrice, Bar- bara, et sa chienne colley, Nelly.

Et le contraste poignant de cette enfance et de cette royauté est évoqué par M. A. Lichtenber-

JUILLET LES ROMANS 227

ger en des pages délicieusement émouvantes; contraste qui n'est pas seulement extérieur, car

; ichel, avec toutes ses puérilités charmantes et pri- iiie-sautières, avec son désir fou de pouvoir jouer

\ ec des petites filles, est tout de même déjà un roi.

.1 lorsque, venu sur la côte d'Azur pour se soigner, il voit un jour passer dans un équipage tapageur une belle dame qui ressemble étrangement à la maman connue jadis, Michel crispe ses petites mains et sent qu'il ne doit pas bouger, car il est un nfant roi » ; et ce livre est émouvant, mélancolique

; délicieux.

JACQUES DES GACHONS Le Chemin de Sable.

Le (( chemin de sablu », ce « raidillon qu'il faut

i uvir malgré les ronces, les pierres, les bêtes, » c'est

l'image de la vie, il faut regarder devant soi et

monter, monter... Excellent conseil que mettent à

nrofit les deux gracieux héros du roman de M. des

ichons, François et Claire Marangel, deux jeunes

oux qui s'aiment tendrement et pour qui la vie

mnonce souriante et facile, lorsque brusquement

nive le désastre matériel qui engloutit leur foi'-

tune. Alors, François, courageusement se met au

avail; il veut que sa femme ignore le désastre et

i en supporte pas les conséquences matérielles et

228 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

il se résigne c'est paraît-il une chose effroyable ! à se faire journaliste.

Le récit de ses déboires, de ses mécomptes et de ses luttes dans les bureaux de rédaction du Tout et Tous et de V Après- Demain est très mouvementé, très verveux, parfois très émouvant, et M. Jacques des Gâchons nous intéresse assez à son héros pour que nous nous réjouissions de le voir, au dénoue- ment, sortir de ce milieu qui le désespère et mis à même de poursuivre, en gagnant la vie de son gentil ménage, ses beaux travaux historiques.

Tout cela est très bien; le roman est très atta- chant et les personnages en sont fort bien campés ; on comprendra cependant que je formule une réserve en ce qui concerne les tableaux brossés par M. Jacques des Gâchons des journaux modernes; ils sont très pittoresques, mais on risquerait de se faire une singulière idée de la presse contemporaine si on la jugeait sur ces tableaux. Il y a peut-être à Paris des journaux comme Tout et Tous, des feuilles de chantage comme V Après- Demain, mais il y en a sûrement beaucoup d'autres, très honorables, diri- gées par de vrais gens de lettres ; et, avec un peu de chance, François aurait pu trouver dans la « grande presse » un emploi digne de son talent ; M. Jacques des Gâchons serait d'ailleurs le premier à le procla- mer, mais il n'est pas inutile, sans doute, de le dire à certains lecteurs un peu trop enclins à croire tout le mal qu'on leur dit des journalistes et des jour- naux.

JUILLET LES ROMANS 229

HENRI DUVERNOIS . La Bonne infortune.

C'est une chose bien agréable d'avoir à signaler une œuvre, dont on peut dire, sans réticence d'au- iine sorte, avec une joyeuse sincérité, qu'elle est

> )ut à fait délicieuse, mais lorsque l'auteur de cette leuvre est un écrivain dont on a eu la chance d'être 1(^ premier à saluer le début, ce plaisir se double (l'un sentiment très particulier : on est tenté de se rengorger, on est fier comme si l'on avait collaboré

t l'on a un petit air entendu pour dire : « Vous

liiez voir comme c'est bien ! »

C'est ce sentiment que j'éprouve au moment de vous parler de la Bonne infortune, un roman que M. Henri Duvernois vient de publier. Vraiment, je

iiis sous le charme, et l'écrivain dont nous espérions tant après Nane et Crapotte, comble royalement nos espérances. Dans ce récit des « Aventures sentimentales d'un jeune homme pauvre», il a renoncé à cette tristesse, à cette mélancolie que je lui reprochais; il s'est décidé à être jeune, jeune éperdûment, et c'est exquis. Ce n'est pas, mon Dieu ! que la situation de Raoul Amphierney soit particulièrement folâtre : il n'est pas gai, pour un jeune .homme qui collectionne les aventures senti- mentales, d'être toujours sans le sou, de consulter

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230 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

avec angoisse la note que lui présente un maître d'hôtel goguenard et inquiet, dans le cabinet parti- culier où il vient de passer, avec une gentille dame, des minutes qui eussent été exquises sans la préoc- cupation de cette addition à venir. Il est bien en- nuyeux aussi d'être contraint de porter au Mont- de-Piété sa montre de communiant pour pouvoir offrir à une autre petite personne son premier voyage à la mer; mais tout cela n'est triste que pour le héros de ces aventures ; pour nous, c'est pro- digieusement amusant, d'un comique spontané et joyeux avec une pointe d'attendrissement d'une exquise saveur, et ce rien d'amertume qui nous em- pêche de rire trop bruyamment, ce qui serait vul- gaire.

C'est une bohème très particulière, très moderne, très « rive droite», avec une Mimi qui s'appelle Pauline et une Musette qui se nomme Ghoute, non pas que M. Henri Duvernois ait emprunté quoi que ce soit à Henri Murger, mais parce que Mimi et Musette sont éternelles. Et que de figures amu- santes : c'est le riche et ventripotent Grabisch dont l'inéluctable destinée est d'être encore et toujours trompé par son ami Raoul ; et c'est le cousin Marcel, le joyeux et cascadeur miséreux, et c'est Hébé, la riche jeune fille dont, hélas ! Raoul deviendra le mari, car ce misérable trouve moyen de gâter (*e joli roman en épousant raisonnablement la riche héritière. Et c'est désolant, et la raison est, une fois de plus, la chose la plus mélancolique et la plus

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déraisonnable du monde : pour tout dire, je regrette '^e dénouement. Mais qu'importe, nous avons fait, vant d'y arriver, une telle provision de joie, et nous nous sommes si délicieusement enivrés au parfum de cette belle jeunesse qui fleurit et en- chante toutes les pages du livre !

PIERRE VALDAGNE Les Bons Ménages.

M. Pierre Valdagne est l'un des écrivains les plus séduisants qui soient ; il a de l'esprit à revendre et une rare finesse d'observation mise au service d'une imagination heureuse, qui se renouvelle sans cesse t qui nous a valu une foule d'œuvres charmantes I quelques livres hors de pair. Par-dessus tout, il st Parisien, Parisien jusqu'au bout des ongles, et il ne l'a jamais été plus que dans son dernier roman intitulé les Bons Ménages. Ah ! oui, ce livre est pari- sien; il l'est dans le bon sens du mot, c'est-à-dire (fu'il est d'une grâce pimpante, d'une verve mous- 'use et légère; il l'est aussi dans le mauvais sens : il affiche avec un peu trop de cynisme, ce scepti- <isme ironique qui se hâte de sourire des choses vilaines et tristes et qui devraient faire pleurer. Cette ironie tolérante, vous la trouvez partout dans le livre, dès le titre : les Bons ménages. Ah ! il est

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joli ce « bon ménage )) de Marcel Perrin, l'architecte, et de sa gracieuse femme Denise, dont nous sui- vons la fortune depuis les tristes temps des débuts médiocres, difficiles, jusqu'à la grande réussite finale, la richesse, la gloire dont est comblé le célè- bre architecte Perrin.

Pour arriver aussi brillamment, il a suffi au mari d'un peu de complaisance et de discrétion : sa femme est allée dans le monde, elle a séduit par sa grâce et par sa beauté le riche M. Lencloître, qui a eu bien vite besoin d'une maison dont la construc- tion a été confiée à Perrin; et Martin-Glâmé, l'architecte officiel, a été à ce point convaincu des mérites du mari après avoir vu la femme ! qu'il lui a fait décerner la plus haute récompense. Et Marcel Perrin, caressant avantageusement sa barbe bien soignée, sourit à sa fortune grandis- sante, bien décidé à ignorer qu'elle soit due à autre chose qu'à ses talents et à ses mérites. Il est parfai- tement ignoble ce mari, si tranquillement, avec tant d'aisance, et vraiment sa femme valait mieux qu'une telle destinée; elle est capable, efie, d'un peu d'amour sincère et de vraie passion, Léon Vihiers, le poète, et Georges Estancerin, le beau lieutenant, en savent quelque chose ; elle est capable aussi d'un peu de douceur, d'émotion et de reconnaissance, et pour tout dire, cette dame prodigue de sa beauté est ce qu'il y a de plus honnête dans le bon ménage.

Tout cela est assez pénible et M. Pierre Valdagno est de notre avis, mais il lui plaît de n'en rien faire

JUILLET LES ROMANS 233

voir et de nous laisser le soin de conclure et de juger. C'est encore une façon d'être moral, car notre ver- dict n'est pas douteux et cela permet à l'écrivain de garder jusqu'au bout son sourire amusé. Ainsi, lo livre qui nous fait faire, après la lettre, de si M mères réflexions, nous tient sous le charme de la première à la dernière page.

MAX D AI RE AUX Les premières amours d'un Inutile.

Ce livre jovial m'a causé, tout d'abord, une irri- tation, un agacement presque insupportables ; on y fait de l'esprit le plus niais, le plus grossièrement facile et les propos de ses héros, le comte de Cas- teldor, et son cousin et élève, Hector de Planta- mour, sont empreints de ce snobisme qui est bien la forme la plus haïssable, en même temps que la plus élégante de la muflerie contemporaine.

J'ai l'horreur profonde de ces « inutiles» dont les ravates, les opinions et les gilets m'exaspèrent; .1 comme c'est en leur compagnie que M. Max Dai- reaux m'a fait passer quelques heures, on compren- dra de reste que j'aie commencé par lui en vouloir, mais mon humeur s'est radoucie, lorsque l'auteur, qui a de l'esprit, a bien voulu imposer silence à ses trop réels fantoches et a pris la parole pour nous

'2;ri LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

conter les mésaventures de ce débutant et nous le montrer copieusement berné par des dames du monde et du demi-monde de ce royaume de Sno- bie que M. Max Daireaux connaît à merveille et dont il excelle à peindre, avec beaucoup de verve, les mille et un ridicules.

LUCIEN-ALPHONSE DAUDET Le Prince des Cravates.

Encore un snob, c'est le Prince des Crai^ates, que M. Lucien-Alphonse Daudet nous présente en liberté. Prince des cravates ! C'est la seule dignité, le seul titre qu'ait pu conquérir l'élégant Albert Salvage, mais il en tire une somme énorme de plai- sir et de fatuité. Il est au suprême degré épris de son beau physique, qui ne saurait, croit-il, rencontrer de cruelles. Et le pis, c'est qu'il semble avoir raison et qu'il fait toutes les conquêtes possibles, celle notamment de la belle et charmante lady Archi- bald, dont le mari, un noble lord, a eu le tort de lui offrir l'hospitalité. Mais il veut pousser trop loin ses avantages : quelques années après, il se met en tête d'épouser la jeune fille de lord et lady Archi- bald, c'est d'une jolie délicatesse, comme vous voyez ! mais on lui apprend que Violette ainsi se prénomme la jeune fille est fiancée et on ren-

JUILLET LES ROMANS 235

voie, avec quelque hauteur, notre snob à ses cra- vates. L'anecdote légère est contée par M. Lucien- Alphonse Daudet avec beaucoup d'agrément et de ^implicite, et son « prince» est très bien observé. Le volume, qui débute par cette nouvelle, en )ntient trois autres de ton très différent et d'une Mes jolie qualité; j'ai goûté notamment, parrni ( clles-là, « Mii^ Brisacier», une très balzacienne vocation d'une vieille dame d'excellente famille, ! V'duite à donner des leçons de piano, et de son cou- sin, Jacques Grandhomme, peintre de menus.

ANDRÉE BÊARN Les Mendiants d'impossible.

^inc Andrée Béarn, qui signe ses livres d'une interjection familière : « Hein?» a publié un bien iirieux roman voisinent le plus cordialement (lu monde, des puérilités de petite fille et des nota- lions psychologiques d'une finesse, d'une vérité, d'une amertume extraordinaires : ce roman s'ap- pelle : les Mendiants d'' impossible^ et ce titre toi^t (Tabord m'a séduit; il est d'une expressive et jolie éloquence, et l'on ne saurait mieux caractériser r héroïne, Noëlle, trop jeune encore pour accepter l;i vie avec ses imperfections et ses laideurs, qui

t tend l'amour, en se méfiant de l'amoureux,

236 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Et la jeune fille, en effet, avec un candide cou- rage s'en va à la recherche de l'idéal, à la conquête du bonheur intégral; et elle rencontre Tristan Re- noir, un sculpteur de grand talent; ils se compren- nent tous deux, ils vont s'aimer, mais leurs natures sont trop différentes : l'heureuse santé de Noëlle, éprise de la vie, ne saurait sans doute s'accommo- der de la fatigue de Tristan, épuisé, meurtri par les luttes de l'art, et puisque c'est entre eux l'impos- sible harmonie, elle renonce. Gomme elle a tort, et quel joli couple auraient fait ces deux amoureux intellectuels ! Mais M^^^ Andrée Béarn est impitoya- ble, et sa psychologie impérieuse n'admet pas les transactions et les concessions dont est faite notre vie.

PAUL SÉBILLOT Les Joyeuses histoires de Bretagne.

Avec les Joyeuses histoires de Bretagne^ M. Paul Sébillot entend nous démontrer que le Breton n'est pas ce paysan mystique, rêveur et mélancolique, obsédé par l'appréhension du surnaturel et de l'in- connu, dont les livres nous ont transmis l'image traditionnelle; il est aussi facétieux à ses jours; et de même que dans son pays on rencontre, à côté des falaises abruptes, déchirées et chaotiques sur lesquelles la mer semble se ruer comme à un

JUILLET LES ROMANS 237

assaut, des baies au sable fin et presque doré qui prennent la forme quasi-circulaire des golfes d'Ita- lie les plus réputés de même le mélancolique paysan breton rendrait parfois des points au plus provençal des galéjaïres.

Ce sont ces « galéjades» d'un tour très particu- lier que M. Paul Sébillot a recueillies dans son livre, choisissant parmi ces contes joyeux « ceux qui plai- sent le mieux aux paysans et aux pêcheurs, parce qu'ils y trouvent un comique qui correspond à leur esprit ». J'ai lu sans déplaisir ces petites his- toires ; il y en a une grande quantité en trois cents pages, car elles ont le mérite d'être fort courtes; toutes ne m'ont pas paru d'un comique délirant, mais il en est de vraiment amusantes; et puis, l'auteur nous prévient que l'écriture ne peut rendre la mimique des conteurs, leur accent si varié, leurs intonations parfois si réjouissantes, et c'est, en tout cas, ainsi qu'il l'observe judicieusement dans

i préface, un document psychologique intéressant >iu^ les Bretons.

PIERRE VILLETARD Les Amuseuses.

Sous ce titre : les Amuseuses^ M. Pierre Villetard iiblie un recueil de nouvelles sous nos yeux char- lés défilent en une longue théorie, diverse à l'in-

238 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

fini, les petites dames qui acceptèrent la mission d'embellir notre vie. Je n'aime pas beaucoup ce mot d'amuseuse; il est d'une désinvolture brutale et injurieuse, non seulement pour les femmes, mais aussi pour les hommes, car nous ne devons pas les croire capables de qualifier ainsi les créatures char- mantes auxquelles ils durent ne fût-ce qu'une minute de rêve, et d'illusion et d'amour. Le livre vaut d'ailleurs singulièrement mieux que son titre ; il contient des pages délicieuses et très dignes de l'écrivain charmant à qui nous sommes redevables de Monsieur et Madame Bille et de la Montagne d'amour.

M. Pierre Villetard noua y raconte rapidement de petites histoires dont les héroïnes sont tour à tour des «cœurs tendres», 'des «ingénues» et des «demi- perverses», et ces histoires sont jolies vraiment; elles témoignent d'un culte attendri, même lors- qu'il est trop clairvoyant, pour l'éternel féminin, et la touchante Titine, qui amusa quelques jours l'avantageux clerc de notaire en lui donnant tout son amour et toute sa vie, et Rose Mireuil, la petite ouvrière emmenée jadis en un beau voyage par son amoureux et qui laissa les joies de l'amour pour les profits de la fête, et Jiska le ravissant modèle, ondine » fugitive, sont de séduisantes figures de femmes délicatement observées; ces « amuseuses» sont des femmes qui souffrent souvent, et qui par- fois aussi s'entendent à faire souffrir ceux qui vou- lurent s'amuser d'elles.

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LOUIS DELZONS Le Meilleur Amour.

M. Louis Delzons, dont j'ai goûté beaucoup les fT^uvres précédentes, l'Affaire Nell notamment cou- •nnée par l'Académie française, et les Mascran^ 1 firme dans son nouveau roman, le Meilleur amour ^ s très intéressantes qualités de conteur. M. Louis uelzons est un de ces romanciers qui ont le don de la vie, qui savent, dès le début d'un livre, s'esquiver à l'anglaise et laisser toute la place à leurs person- nages : ces derniers désormais agissent, pensent et souffrent devant le lecteur, sans intermédiaire. Le lecteur aime infiniment cette manière : le roman le passionne et l'enveloppe tout entier, à tel point qu'il croit y jouer son rôle et est tenté de discuter parfois avec les personnages.

« Le meilleur amour», c'est celui qui ramène le docteur Bideau, un praticien distingué, vers la [)otite fille Nine, qu'il eut jadis au pays, de Fran- oise, une jeune blanchisseuse; il s'était conduit le plus honnêtement du monde avec sa jeune mai- tresse, avait assuré son avenir et celui de son afant ; puis, les années ayant passé, songeait à un très bourgeois et très honorable mariage.

Brusquement, le hasard l'a remis en préseucf de Françoise, devenue la maîtresse de son meilleur ami, et de sa fille déjà grandelette; alors, la fibre

240 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

paternelle a vibré, il a compris qu'il avait d'autres devoirs que les obligations matérielles envers sa petite fille, il n'a plus songé à son mariage et il s'est mis, avec l'autorisation de son ami Meruel, à voir assidûment son enfant. Mais Françoise prend peur : elle se dit qu'un père si tendre doit avoir quelque jour la tentation de reprendre sa fille, et elle veut s'enfuir avec elle; mais Bideau, prévenu, enlève la petite Nine et la confie à Geneviève Armiel, l'exquise femme d'un de ses confrères sans enfant.

Alors le drame éclate : Françoise, indignée, veut reprendre son enfant et sa colère aveugle accuse tout le monde de son malheur, jusqu'à l'innocent Meruel qui tente de se suicider; cette catastrophe ouvre les yeux de Françoise, elle soigne avec un dévouement infini son pauvre ami, qui l'épousera, et, après un entretien pathétique avec Geneviève, elle renonce définitivement à la petite Nine, à laquelle désormais son père pourra sans gêne ni difficulté d'aucune sorte consacrer « le meilleur amour ».

C'est un roman très émouvant, mais je souhaite que ce ne soit pas une thèse, car je n'hésiterais pas alors à enfourcher mes grands chevaux pour dire tout le mépris que m'inspire la conduite de ce héros de l'amour paternel qui brise aussi délibéré- ment le cœur d'une mère ! L'intérêt de l'enfant est sacré, c'est bien évident, mais l'amour de la mère aussi, et avouons qu'ils sont par bonheur générale- ment solidaires, surtout lorsque la mère est irré-

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prochable et que son seul crime est d'être une blan- chisseuse qu'un bourgeois n'épouse pas.

MAURICE LEBLANC 813.

813 ! Ces trois chiffres, tracés d'une main qui ne semble pas très ferme, l'encre a fait des bavures, vous ont, dès l'abord, un petit air cabalistique et mystérieux et on a le sentiment que le livre sur lequel ils s'étalent doit être plein de choses terri- bles et troublantes : c'est l'énigme qui commence dès le titre, ce sont les « Nouvelles Aventures d'Ar- sène Lupin ».

Et oui ! fidèle au rendez-vous que nous lui avions 'lonné l'été dernier, ce gentleman cambrioleur est

vvenu parmi nous à la veille des vacances, qui eus- >ent été incomplètes et moroses sans ses exploits. ' .ar toute la jeunesse de France exige désormais

on Arsène Lupin annuel; elle l'attend de M. Mau- rice Leblanc, dont elle a fait son romancier favori ;

f, chose admirable, ce dernier n'est pas inférieur

a cette tâche écrasante qu'on lui impose, de donner

toujours une suite, et toujours plus étonnante, à

s aventures dont la première avait paru la plus

étonnante du monde.

Cette fois encore il a gagné la gageure. Son pro-

15

242 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

digieux héros qui, dans ces cinq cents pages, est tour à tour policier, prince allemand, prisonnier d'Etat, diplomate in partibus, nous apparaît plus inventif, plus jeune, plus étourdissant que jamais. Quant à vous conter ces histoires, je ne m'y risquerais point, il faut pour cela cette verve intarissable, cette force de logique surprenante dont M. Maurice Leblanc a le secret. Qu'il vous suffise donc d'appren- dre que ce roman vous réserve beaucoup d'amu- sement et de surprises à sensation; pour le reste, allez-y voir, c'est le meilleur conseil que je puisse vous donner : vous y trouverez des raisons nouvel- les d'aimer notre filou national et, lorsque vous assisterez, au dénouement du livre, à son départ pour la légion étrangère, au Maroc, vous éprouverez comme lui, sans doute, un patriotique émoi et vous songerez aussi que l'an prochain à pareille date nous aurons le récit des aventures d'Arsène Lupin au Maroc. Heureuse perspective !

ARNOULD GALOPIN La Ténébreuse affaire de Green Park.

Les « romans mystérieux » obtiennent auprès des amateurs d'émotions fortes un trop vif succès pour que les éditeurs songent à ralentir leur fructueuse publication, et presque chaque semaine, ils nous

JUILLET LES ROMANS 243

oumettent à une nouvelle et dramatique épreuve.

lare aux accidents cardiaques ! Voici aujour- d'hui, la Ténébreuse aifaire de Green Park évoquée par M. Arnould Galopin en un formidable roman (»ù nous assistons à l'assassinat de Ugo Ghancer,

- la découverte émouvante de son assassin par lin policier du nom de Dickson. Ce policier doué

l'un flair inouï trouve moyen, après d'étonnantes

'éripéties, d'établir que l'assassin n'est autre ({ue le millionnaire Grawford, lequel a astucieuse- ment installé dans son lit un mannequin fabriqué ;i son image, cependant que lui-même « travaille »

Il dehors.

MICHEL CORDAY Le Charme.

Le Charme ! Un bien joli mot que nous aimons à

prononcer, un peu à tort et à travers, et sans penser

({u'il exprime une chose terrible, car le charme est

un pouvoir surnaturel dont usent les magiciens et

■s enchanteurs pour ensorceler et mettre à mal

•arfois les pauvres mortels. Et quand nous disons,

Il contemplant une femme charmante : « elle a

<lu charme», nous en faisons simplement une dan-

"•■reuse magicienne. En quoi nous n'avons pas

I ' »H . mais nous ne nous en doutons pas.

Le Charme», dont M. Michel Corday parle

244 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

dans son roman, celui qui enchaîne délicieusement Daniel Arnaud aux pieds de Renée Carignan, est bien la terrible chose dont je vous parlais; il enve- loppe Daniel, il l'étreint, et il met à néant la volonté du pauvre amoureux qui voudrait bien ne pas abandonner la bonne et fidèle Françoise, qui fait pour rester auprès d'elle, fidèle à son devoir, les plus loyaux efforts, mais qui est bien content au dénouement d'avouer sa défaite ;' heureuse défaite, qui le jette dans les bras d'une épouse gracieuse et belle et deux fois aimée, car elle ressemble prodi- gieusement à sa mère, chérie autrefois par Daniel... Mais pourquoi vais-je tenter de vous raconter ce roman ! Du moins je tenais à vous dire que M. Mi- chel Gorday a su nous intéresser aux péripéties sentimentales de cette lutte d'un homme contre le « charme», bien que, dès le début, nous n'ayons pas eu l'bmbre d'un doute sur l'issue de cette lutte.

FÉLIX GALIPAUX Plus que jamais des galipettes.

Notre ami Félix Galipaux est pour nous plein de sollicitude : nous voyant, à la veille des vacances ^ persécutés par le vent, la froidure et la pluie inces- sants, il s'est dit : « A défaut de beau temps, que ces pauvres gens emportent du moins un peu de

JUILLET LES ROMANS 245

gaieté en vacances.» Et cet humoriste à la verve intarissable, qui nous avait dotés déjà des « Gali- pettes», de « Encore des galipettes», de « Toujours 'les galipettes», de « Rien que des galipettes», nous

)rrre aujourd'hui, de plus en plus fort ! Plus que jamais des galipettes.

Ce volume,' sur la couverture de qui, heureux présage, sourit et grimace la figure de notre comi- que, est fort amusant; en lisant ces facétieuses his- toires, qui portent si nettement la marque Gali- paux, on s'imagine qu'on les entend débiter par la voix de notre merle national, au cristal joyeusement

raillé. C'est une illusion bien agréable et il est beau (ie rêver, en achetant pour quelque monnaie un volume dans une gare, qu'on est je ne sais quel nabab fabuleux, qui emporte pour sa distraction, Galipaux en voyage.

ANDRÉ COUVREUR Une invasion de Macrobes.

M. André Couvreur, dont j'ai tant apprécié les l)eaux livres sur «la famille»: la Force du Sang^ la Graine, le Fruit, romans d'une intense réalité basés sur les données de la science, vient de publier une œuvre tout à fait différente bien qu'elle soit sortie, plie aussi, de laboratoires. Ce roman s'appelle Une invasion de Macrobes, et c'est une fantastique et

246 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

formidable histoire, si formidable même qu'on ne songe plus à en frémir.

Voici : Tornada est un savant original qui a posé sa candidature à l'Académie des sciences et lui a offert un mémoire sur « les développements anor- maux des êtres favorisés par les milieux de culture )>. Ce mémoire a semblé comique aux savants et Tor- nada, furieux et ulcéré de cette déconvenue, a juré de se venger de la façon la plus éclatante : tout sim- plement en créant les êtres anormaux dont parlait son mémoire. Comme les savants de l'Institut Pas- teur cultivent les microbes, il s'est mis à cultiver les macrobes : des êtres terribles et gigantesques qui pullulent formidablement, franchissent les fleuves et les font déborder, dévorent en moins de rien des armées d'êtres humains, font écrouler les mai- sons.

Et il a lancé sur Paris affolé, cette armée de monstres, munis d'une effroyable trompe, revêtus d'une carapace qui se joue des obus à la méhnite. Ils ne vont faire qu'une bouchée de la grand'ville, et déjà ils ont dévoré des milliers d'habitants et anéanti des centaines de maisons; heureusement la gentille Suzanne Vernet, la fdle du savant qui, seul, soutint la cause de Tornada, trouve moyen, après quelques jours de fuite éperdue dans les égouts en compagnie de son fiancé, d'attendrir l'homme terrible, créateur des monstres; il lui fait connaître le moyen de les détruire et il s'anéantit lui-même.

JUILLET LES ROMANS 247

On jugera peut-être que, pour un échec à TAca- démie, c'est un peu gros comme vengeance ! Le livre est d'ailleurs tout à fait intéressant avec son mélange de science précise et d'imagination déré- glée, et il passionnera la foule des jeunes gens à qui fut ravie l'aimable verve de Jules Verne.

BLANCHE SAHUQUÉ L'Amour découronné.

Les amoureux qui recherchent des satisfactions un peu positives ne seront pas contents, sans doute, du très curieux et remarquable roman que Mme Blanche Sahuqué, a publié sous le titre VA- moiir découronné. En effet, l'amour, dans ce roman, apparaît « découronné » justement le jour, où, selon la formule, la flamme de l'amoureux fut couronnée. Conclusion qui s'impose après la lecture de la der- nière lettre de Nadine Evrart, la grande artiste du Théâtre-Français, à son ami, Claude Morin, dont elle a découvert une basse intrigue ancillaire au moment où, sur ses supplications et malgré le désir qu'elle avait de rester dans le bleu platonique d'un amour idéal, elle vient de se donner à lui. Ils avaient échangé des lettres délicieuses car c'est un roman par lettres la grande artiste disait son amour de l'idée pure et de la beauté sereine,

248 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

son ami lui répondait en exaltant la joie de vivre et d'aimer humainement.

Et c'est elle qui avait raison, puisque, le rêve à peine réalisé, un geste brutal de l'homme a tout brisé, et chacun regagne son domaine : lui, rentre dans la vie pour goûter aux fruits écœurants ou amers dont la saveur ne lui donne pas, comme à elle, la nausée ; elle, dans le monde enchanté pour lequel, seul, elle est faite : le monde de l'imagina- tion où les ailes d'or de la chimère, d'un battement éperdu, vous ouvrent le ciel mystérieux des rêves.

Ce livre est dédié « aux femmes qui cherchent dans la carrière théâtrale la réalisation d'un haut idéal d'art et l'affranchissement des douleurs de la vie et d'elles-mêmes». Je ne doute pas qu'elles acceptent l'hommage avec empressement, car l'au- leur leur a vraiment réservé le beau rôle, et les a peut-être même un peu bien idéalisées en la per- sonne de Nadine, cependant que l'homme apparaît assez piteux, avec, dans son cœur un libertin qui sommeille vraiment bien légèrement; mais le livre est écrit dans une si jolie langue, avec de si belles images, que nous aurions mauvaise grâce à nous fâcher...

LES ROMANS 249

ANDRÉ DODERET Le Triomphe d'Armide.

Ce roman est un hymne fervent à la beauté de la femme, à celle de la nature. Daniel Aubry, le héros '\\i livre, a foi dans la toute-puissance de la beauté, t c'est à elle qu'il s'en remet du soin de déjouer les terribles projets de son ami Valbonne qui doit tuer un roi; et en effet il réussit à désarmer le régicide en l'enveloppant de splendeur et de beauté, mais il est victime lui-même de sa généreuse entreprise et il est tué par les régicides lancés à la poursuite de Valbonne, qui fut déclaré traître à sa cause.

Je vous ai conté ce roman de façon bien som- maire, sans même évoquer la ravissante figure de la reine, qui le domine pourtant tout entier, mais, je le répète, l'essentiel du roman c'est cette exalta- tion de la beauté dans l'univers, et d'un point de l'univers admirable entre tous : les bords du lac de Côme « dont les montagnes sont si belles dans la ' ouleur rose qu'elles ont à la tombée du jour, cachées un peu sous un manteau de velours éme- raude», cadre de joie idéal pour le triomphe de l'enchanteresse dans le suave parfum des verveines et des héliotropes.

15.

250 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

LÉONCE DE LARMANDIE Amour servile.

Amour servile nous dit avec mépris M. Léonce de Larmandie en nous parlant de l'aventure amou- reuse qui jeta la comtesse de Mauves dans les bras de Léon Fage, son jeune intendant. Cet amour n'a pourtant rien de criminel; la comtesse est veuve et libre : elle eut, en effet, certain matin, la tragique surprise de se réveiller auprès de son mari mort. Léon Fage, l'heureux intendant, est un paysan dégrossi que cette aventure enchante; pourtant, il a des scrupules : il demande conseil au Frère Poly- carpien qui l'engage vivement à pousser jusqu'au bout ses avantages et à épouser la comtesse, et au bon curé des Brèches-Noires, l'abbé Calmet, qui le supplie de renoncer à cet amour et de rester fidèle aux lois de l'humilité.

C'est, vous le pensez bien, la vanité qui triomphe et Léon épouse la comtesse; mais cette dernière comprend un peu tard tout ce qu'il y a de dégra- dant pour elle dans une pareille union, et, incapable de supporter sa honte, elle se suicide. Telle est l'aventure que M. Léonce de Larmandie nous conte avec beaucoup de conviction et une communicative émotion en un roman par lettres.

HISTOIRE, LITTERATURE, POLITIQUE,

POESIE, DIVERS

PHILIPPE MILLET La Grise Anglaise.

La Crise anglaise est une grave histoire, et la mort du roi Edouard Vil, bien qu'elle Tait apai- sée en apparence, ne saurait l'avoir dénouée. L'au- teur a voulu, nous dit-il, « atteindre les sentiments et les intérêts qui régissent, en dernière analyse, les événements qui se dérobent d'ordinaire derrière la façade des discours officiels. Pour y parvenir, il a cherché à deviner quelque chose de ce- que pen- sent les électeurs anglais, puis il a étudié dans leurs grandes lignes les trois ou quatre questions dont l'enchevêtrement forme le nœud du drame.

Il y a ainsi deux parties très distinctes dans sofi

252 LK MOUVEMENT LITTÉRAIRE

livre: la première observations pittoresques, notes de psychologie sur les électeurs et les élec- tions — est tout à fait amusante et attrayante ; la seconde, de documentation très sérieuse et très forte, sont étudiées à fond les grandes questions de la réforme constitutionnelle, du problème finan- cier, de la terre, du libre échange.

VICTOR BÉRARD Les Révolutions de la Perse.

Bien plus compliquées encore que la crise an- glaise, les Résolutions de la Perse^ auxquelles nous avons assisté depuis l'an 1906, sont pour nous tout à fait incompréhensibles, c'est le plus inextricable des imbroglios. M. Victor Bérard essaye de le démêler et tout d'abord il nous expose cette série de révolutions et de contre-révolutions dont la rapide chronologie est tout à fait déconcertante et que les livres des diplomates n'ont guère contri- bué à nous faire comprendre.

C'est chez Pierre Loti et chez Gobineau que M. Victor Bérard a cherché des directions : Pierre Loti, dont Vers Ispahan, lui découvre la haute, la vraie Perse, celle des altitudes et des déserts, dans la pureté de l'air; Gobineau, dont les Trois ans en Asie et les Religions et philosophies de VAsie

1 HISTOIRE, LITTÉRATURE, POLITIQUE, ETC. 253

ntrale sont si précieux et si compréhensibles.

A la lumière de ces deux phares, il lui a semblé qu'on pouvait discerner quelque direction dans les sautes et renverses de cette tempête persane, et en quatre chapitres lumineux l'auteur nous raconte l'histoire de l'Iran et des Rois des Rois, la géogra- phie politique et économique de l'empire des Kad- jars et explique la crise présente : la révolution.

I

MAURICE DE WALEFFE Héloïse amante et dupe d'Abélard.

Pages d'histoire : Dans la précieuse et aimable (ollection «les Femmes illustres», M, Maurice de W'aleffe consacre à Héloïse amante et dupe d'Ahé- Lurd, un bien curieux volume. Il se flatte que ce sera la fin d'une légende». Je n'en suis pas si sûr, car < l'tte légende a la vie dure; mais, certes, elle passe lin mauvais quart d'heure dans son livre, et il la Ixtuscule avec allégresse, pas tout entière heureu- sement, car Héloïse reste la belle et touchante, et magnifique amante que tant de générations vénè- rent et chérirent; mais Abélard, quel vil séduc- !• ur, quel odieux personnage, combien sa conduite lut infâme envers la tendre jeune fille, et son brave et digne homme d'oncle ou plutôt de père Fulbert!

254 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Emporté par son ressentiment contre Abélard, M. de Waleffe n'est pas éloigné de juger comme une peccadille l'agression dont il fut victime; il paraît qu'on aurait pu lui faire des choses bien plus désa- gréables et bien plus terribles. Ce n'était pourtant pas mal déjà comme vengeance, mais Abélard était, selon M. de Walefîe, digne du plus terrible châtiment. Cœur sec, égoïste, féroce, Abélard ne fut même pas, paraît-il, la haute intelligence que nous nous plaisons àadmirer ; un cuistre, un pédant, pas autre chose.

Le plus curieux, c'est que tout cela M. de Wa- lefîe l'a découvert dans les mêmes documents et les mêmes lettres qui servirent si longtemps à la gloire du fondateur du Paraclet; affaire d'interpré- tation ! Celle de M. de Walefîe a le mérite d'être inattendue, elle est d'ailleurs basée sur la plus sérieuse et la plus consciencieuse étude; en outre, le livre est amusant au possible, vivant et roma- nesque. Soyez sûr, d'ailleurs, qu'il n'empêchera pas le pèlerinage traditionnel des amoureux fervents vers le tombeau des éternels amants, ils continue- ront à écrire dévotement leur prénom sur cette tombe reposent côte à côte Abélard et Héloïse, laquelle, moins sévère ou moins clairvoyante ! que M. de Walefîe, clama son amour jusqu'à la mort.

JUILLET HISTOIRE, LITTÉRATURE, POLITIQUE, ETC. 255

VICOMTE E.-M. DE VOGUE Les Routes.

Pour la dernière fois, hélas ! j'ai à signaler un livre nouveau du vicomte E.-M. de Vogué, le noble écrivain qui fut ravi, il y a quelques, mois, aux Lettres françaises. Ce livre, si lumineusement ana- lysé par M. Guglielmo Ferréro, est, conformément à une indication laissée par M. de Vogué, intitulé les Routes^ ces « routes inconnues qui mènent vers les larges échappées du ciel, vers les grands fonds d'histoire, partout il y a chance de perdre terre, de déployer ses ailes, de s'envoler dans l'au delà ». Et nous avons relu avec émotion tant de belles pages que le Figaro a eu le grand honneur de pu- blier, telle cette magnifique évocation des journées d'aviation de Bétheny, « Le sacre de Reims» et ce tableau émouvant de la crise méridionale d'il y a deux ans, avec la pittoresque figure de Marcellin Albert. Que d'autres encore !

Ainsi que le dit M. le comte d'Haussonville dans la belle et éloquente préface il trace de l'écrivain et de l'ami disparu le plus émouvant portrait, « on voit à merveille dans ce livre avec quelle agilité ce brillant esprit passait sans effort, à un mois, par- fois à une semaine de distance, d'un lieu, d'un sujet, d'un personnage àunautre: d'Eléphantineà Reims, de Karnak à Saint-Pétersbourg, de la crise

256 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

viticole à l'expansion coloniale, de Brunetière à Gallifîet, de Marcellin Albert à d'^Erenthal. »

LEON TOLSTOÏ La JLoi de l'amour et la Loi de la violence.

(Traduit par Halphkine-Kaminsky).

Les Opinions émises par M. Paul Bourget à pro" pos de sa pièce, la Barricade, n'ont point été du goût de Tolstoï, il le dit dans quelques lignes limi- naires qui précèdent l'édition française de son livre, la Loi de V amour et la Loi de la violence, que M. Hal- périne-Kaminsky a traduit. Tolstoï préconise la loi de l'amour mais il le dit avec une rare violence, une violence telle, notamment contre la religion catholique, qu'il est bien difficile à la sage et paci- fique Petite Chronique d'analyser plus avant ces pages de polémique. D'ailleurs, on ne voit pas bien ce qui pourrait sortir d'une discussion entre M. Paul Çourget et Tolstoï : le premier constate des faits et examine la conduite à tenir dans la lutte des classes qui se poursuit sauvagement ; le second nous parle avec une éloquence enflammée de la société idéale qu'il appelle de tous ses vœux, celle il n'y aura pas de lutte de classe, celle régnera la loi de l'amour.

JUILLET HISTOIRE, LITTÉRATURE, POLITIQUE, ETC. 257

STANISLAS MEUNIER Les Convulsions de l'écorce terrestre.

« La terre tremble ! » Chaque fois que dans des journaux nous lisons cette manchette à sensation et Dieu sait si en ces dernières années ils ont eu Toccasion de la sortir ! nous nous tournons avec inquiétude vers les savants. Nous souhaitons qu'ayant soudé le mystère de ces choses, ils nous xpliquent et nous rassurent. Seulement, pour l'ordi- naire, nous ne comprenons rien à leurs explica- ( ions, bourrées de termes abstraits et de mots tech- niques aux effroyables consonances. Aussi, est-ce nue joie rare d'entendre, sur de telles questions, la parole si claire de M. Stanislas Meunier.

M. Stanislas Meunier est un géologue de très grande autorité, un savant incontesté, et, chose admirable, il se donne le luxe d'être clair, précis, de se faire comprendre par les auditeurs les moins .1 vertis; il est intéressant et passionnant je n'ose pas dire qu'il est amusant, mais je le pense. Et le livre qu'il vient de publier sur les Convulsions de Vécorce terrestre est, avec son ordonnance très scien- tifique, ses graphiques et ses schémas, du plus pal- pitant, du plus Vivant intérêt; c'est tout le drame de la ^croûte terrestre, drame pathétique car notre sort dépend de sa solidité raconté et

258 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

expliqué d'après les théories si séduisantes et si curieuses de l'école activiste.

ALFRED LENOIR Anthalogie d'art « Sculpture, Peinture ».

L'Anthologie de M. Lenoir est un recueil d'ima- ges d'art d'une rare richesse: plus de deux cents reproductions des chefs-d'œuvre de l'Orient, de la Grèce, de Rome, du Moyen âge, de la Renaissance, des xvii^ et xviii® siècles et de l'époque con- temporaine. L'auteur a réuni un choix d'oeuvres belles et expressives, dont le simple groupement présente une vue de l'évolution de la sculpture et de la peinture au cours des siècles. « Un pareil choix, nous dit-il, implique nécessairement une part de goût et de jugement personnels; cepen- dant, l'auteur s'est attaché à quelques principes assez simples : il a voulu caractériser une épo- que plutôt qu'une école, un style plutôt qu'un artiste ». Je ne suis pas un assez grand clerc en la matière, pour vous dire si M. Lenoir a rempli son programme : je me suis contenté, pour mon compte, de regarder sans songer à m'instruire, ces belles images les chefs-d'œuvre les plus célèbres voisi- nent avec de belles œuvres moins connues, et mes yeux en ont été réjouis.

JUILLET HISTOIRE, LITTERATURE, POLITIQUE, ETC. 259

PAUL OLIVIER Chansons de métiers.

Dans ce livre bien séduisant, M. Paul Olivier a recueilli avec patience et tendresse les Chansons de métiers ; toutes ces chansons naïves, pittoresques ou émouvantes, que chantent les nourrices en berçant leur petit, les soldats le long de l'étape, les marins ntre le ciel et l'eau et les laboureurs et les villa- geois, et les moines, et les rémouleurs, les chemi- neaux, les mendiants, les terrassiers, les typogra- phes, les dentellières, les camelots, les marchands (le quatre saisons, que sais-je encore.

Toutes ces mélodies populaires qui réveillent en nos cœurs des souvenirs et des émotions, M. Samuel Rousseau les a notées; j'ai lu leurs paroles naïves soigneusement distribuées sous des portées de musi- que. Et, bien que je sois un profane et que je ne -ache pas lire la musique, j'ai éprouvé un bien grand plaisir en feuilletant ce livre, à revoir ces jolies chansons que M. Paul Olivier a « revêtues dévote- inent de leurs robes d'autrefois, fleuries de marjo- laine, et conviées à venir papillonner trois petits tours encore, non plu» au clair de lune, mais dans le pimpant carré de soleil qui, grâce à la complai- sance de son aimable éditeur, rit, en gaie bienvenue, à la première marche de rr^ livre ».

260 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

MÉMENTO DU MOIS DE JUILLET

ROMANS

Berton (Claude). La Marche à V Etoile.

Chevalier (Emile). Les Pieds noirs.

Couprine (A.). Et Salomon aima..., un très curieux roman russe, traduit par le comte R. Kapnist.

Gérard (Madeleine). L'Educatrice, un bien gracieux recueil de contes et de nouvelles.

Méténier (Oscar). Les Méprises du Cœur.

Meunier {M.^^ Stanislas). Le Désir.

O'Connor (Patrice). Les Femmes et M. de Juriens.

Quiller Couch. Le Rocher du Mort, un roman anglais dont la traduction française paraît dans la collection : « Les Romans mystérieux.» Et c'est effrayant, en effet, ce qu'il s'accumule de mystères et de crimes autour du trésor fantastique, du rubis prodigieux caché dans « le rocher du mort».

Salés (Pierre). La Jolie Midinette, un roman l'auteur a généreusement et habilement réuni les plus drama- tiques et les plus feuilletonnesques émotions.

Solovioff (W.-S.). Les Mages, un roman occulte traduit du russe par M. Maurice Luquet.

Sudermann (Hermann). Le Cantique des Cantiques, tra- duit de l'allemand par MM. Rémon et Valentin.

Testard (Maurice). Masques de verre, scènes dialoguées.

Villetard (Pierre). Les Amuseuses.

Viouly. Le Rêve et la Vie.

Wœstyn. M. Pinçon, policier. M. Maurice Leblanc avait fait déjà beaucoup pour notre amour-propre national en nous dotant avec Arsène Lupin d'un bandit bien français, et tel qu'a ils n'en ont pas en Angleterre»,

MEMENTO DU MOIS DE JUILLET 261

eux qui possèdent Sherlock Holmes. Grâce à M. Wœs- tyn, nous n'avons désormais plus rien à envier à nos cordiaux voisins. Il y a dans ce livre des aventures prestigieuses, des captures admirables, des traits d'au- dace et de flair inouïs, et M. Pinçon est vraiment un grand homme. Zemlak (Semène). Sous le Knout.

HISTOIRE LITTÉRATURE THEATRE POÉSIE POLITIQUE DIVERS

Adam (Paul). Le Malaise du monde latin. M. Paul Adam, grand remueur d'idées, a promené sa curiosité labo- rieuse et fervente à travers beaucoup de pays. Il a étu- dié passionnément maints problèmes : de ses voyages et de ses études il a rapporté, entre autres, cette im- pression que le monde latin est terriblement opprimé, abaissé par l'hégémonie germanique. Cette impression obsédante et tyrannique lui a suggéré ce titre, le Ma- laise du inonde latin, pour son nouveau livre les questions les plus diverses qui préoccupent le monde moderne, sont traitées en des pages profondes et fortes avec, dans le premier chapitre, une évocation du dieu de Corcyre, une vision de l'Empereur allemand installant sur la Méditerranée le prestige du Teuton et « faisant flotter au-dessus de l'Achilleïon le pavillon jaune et noir avec la date de 1870 proclamant notre déchéance, cause de ce triomphe sur la planète en malaise ».

Arjuzon (Comtesse d'). La Jeunesse de Chateaubriand, « racontée par lui-même».

Baldensperger (F.). Etudes d'histoire littéraire, 2^ série.

Barracand (Léon). Le vieux Dauphiné, évoqué en de jolies pages pittoresques et émues, le Vieux Dauphiné, dans cette précieuse « Collection des écrivains régio- naux : « Les Pays de France » qui, en exaltant, volume

262 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

par volume, toutes les « petites patries « de notre pays, finira par constituer un monument superbe de la grande patrie une et indivisible. Beaunier (André). Les Limites du cœur, la ravissante comédie que M. André Beaunier vient de faire repré- senter avec un brillant succès à la Comédie-Française, il y a tant de grâce, de mélancolie et de sagesse exprimé en une si jolie langue.

Benetti (Pascal). -— Les Orgueils, poèmes.

Billot (Augustin). Les Corsaires patriotes (1793-1798).

Bois (Jules). L'Humanité divine, un recueil de poèmes qui s'orne à son frontispice d'un beau sonnet de M. Paul Bourget et dont l'auteur nous explique le titre dans une préface éloquente il nous dit : « Si l'huma- nité n'était pas divine, et si la divinité n'était pas humaine, nous tomberions dans le plus dangereux mysticisme ou dans la matérialisme le plus abject. L'humanité décapitée du divin ne vaut pas la peine d'être chantée, elle n'est qu'un spectacle souvent, vil et presque toujours attristant.» Et il est heureux qu'elle vaille la peine d'être chantée, puisque M. Jules Bois lui à consacré ces vers il est resté, on ne sau- rait trop l'en louer, « fidèle aux règles sévères de la prosodie».

Bordeaux (Albert). Le Mexique et ses mines d'argent. « On ne trouvera peut-être, dit l'auteur, que peu de nou- veauté descriptive dans ce voyage au Mexique, mais j'ai cherché l'intérêt scientifique des vieilles mines d'argent et de leur exploitation; je me suis intéressé aux Indiens qui les ont creusées, qui ont eu une ancienne civilisation et qui forment encore le tiers de la population mexicaine. » Le volume, illustré d'intéres- santes photographies, se termine par la description rapide de l'ancien Mexique.

Bovet (M me Marie-Anne de). Cracovie, une étude pubhée dans la collection « Les Villes d'Art célèbres».

Bradley. Le Canada, « empire des bois et des blés », un volume illustré suivi de nombreuses photographies et adapté de l'anglais, par M. Georges Feuilloy.

Gabaton (Antoir^e). Les Indes néerlandaises, un savant

MEMENTO DU MOIS DE JUILLET 263

livre sur ce pays dont l'aspect, les races et les mœurs

sont si mal connus chez nous, lin (Georges). Les Pierres de Paris, des pages d'histoire

attrayante et pittoresque écrites par un érudit qui a

pénétré le secret des maisons et des pierres de Paris, (pus (Alfred). Théâtre eomplet, le deuxième volume

figurent la triomphante Veiîie et Les Petites Folles et

La Bourse ou la Vie. < liantre (Ami). Vaine Jeunesse, poésie. ( Jiardenel (V.-B.). Pitiés et Révoltes, des vers harmonieux. ClifTord Barney (Natalie). Eparpillenients, un recueil

d'ingénieuses pensées, '•uzot (Henri). Philibert Delornie, une somptueuse

monographie qui vient enrichir cette belle et précieuse

collection : « les Maîtres de l'art. »

uaud (Camille). Le Retour de Vile d'Elbe.

ppée (François). Les Souvenirs d'un Parisien, un livre gracieux le vieux Parisien qu'était François Cop- pée s'est amusé à la résurrection de tant de choses disparues.

astre (François). A travers V Argentine moderne.

mer (Lord). Impérialisme ancien et moderne, ivdi&wïi

et préfacé par le vicomte Guy de Robien. iiiéo d'Ornano (Lieutenant-colonel). Mes Etapes, la guerre, la Commune, la réorganisation de l'armée.

l 'asté (Louis). Marie- Antoinette et le complot maçonnique, une étude sur la « véritable cause de la chute de la monarchie et de la mort de Marie-Antoinette».

I "auzat (Albert). La Suisse moderne, un remarquable '•uvrage très documenté et très pensé sur cette Suisse |ui nous donne un si bel exemple de ce que peuvent la volonté et l'énergie mises au service de la plus belle (les causes : celle de la Uberté et de la patrie.

I «t'iplanque (Albert). Fénelon et ses amis.

' ' rrécagaix (Général). Nos Campagnes au fierai (1797- 1799-1805-1800).

iMibois (Marcel). La Crise maritime, un très sérieux «•(. très vivant volume « préface, nous dit l'auteur, d'une série d'études que des spécialistes distingués offriront au public français pour le convertir aux idées d'expan-

264 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

sion maritime. C'est pourquoi il s'est contenté d'ex- poser les causes générales de notre décadence passa- gère, et d'indiquer les termes d'une réaction néces- saire contre l'insouciante résignation des uns, contre l'obstination théorique des autres.» Si l'on veut bien regarder les résultats obtenus dans la marine allemande par l'effort de ce César, dont tout à l'heure nous parlait M. Paul Adam, on se rendra compte de l'urgence qu'il y a pour nous à tenter un pareil effort et de l'utilité de cette « bibliothèque des amis de la marine ».

Espitaher (Albert). Napoléon et le /JoiMi-^mt (1808-1815), un remarquable ouvrage historique où, sans plaider la cause du roi de Naples, l'auteur explique et tâche à faire comprendre la trahison finale, à montrer pour- quoi Murât venu dans le royaume avec des idées françaises est arrivé par degrés à l'alliance avec la coa- lition.

Fauchier-Magnan. Lady Hamilton, (1763-1815), une figure séduisante et curieuse dont le plus grand mérite fut d'être belle. Ce n'est pas un mérite négligeable, surtout lorsqu'on a inspiré Romney, et que, grâce à ce peintre exquis, on continue à travers les siècles d'enchanter les yeux. Mais cette histoire a d'autre attrait que celui d'une professional beauty : c'est un véritable roman d'aventures traversé par des figures telles que Gran ville, Hamilton, Nelson.

Fennebresque. Versailles royal, un livre d'une bien gra- cieuse et séduisante documentation.

France (Frédéric de). De VOmbre sur ma porte, des vers gracieux, imprimés ce qui ne gâte rien avec un luxe très artistique.

Grasset (D'^). Idées médicales, un volume le praticien distingué nous expose dans ses grandes lignes le psychisme inférieur, la psychothérapie, l'occultisme, la doctrine vitaliste de la vie. Ces pages sont destinées au grand pubhc, parce que les choses la médecine n'appartiennent pas seulement aux médecins : elles intéressent tout le monde. Seulement ce n'est pas dans les hvres de médecine que l'on doit chercher à suivre

MEMENTO DU MOIS DE JUILLET 265

et à comprendre le mouvement médical : la lecture des livres de médecine est détestable pour les non-méde- cins, parce qu'elle fait croire aux uns qu'ils sont méde- cins, aux autres qu'ils sont malades, lorsqu'ils ne sont ni l'un ni l'autre.

Hymans (Henri). Bruxelles.

Kassem (Sidi). Les Chants du Nadir.

Maestrati (Abbé). La Madeleine, un évangile en cinq tableaux en vers; M. Maurice Barrés a apprécié cette œuvre et il a félicité l'auteur de cette belle audace qu'il a montrée « en essayant d'expi'imer, dans la forme de Racine, ce thème sublime, éternel : la rédemption de l'âme pécheresse par l'amour divin ».

Margueritte (Victor). Pour mieux vivre, un excellent volume l'auteur a réuni des réflexions et des conseils adressés à nos fils, « en essayant, dit-il, défaire de nos fils des êtres sohdement trempés, au physique comme au moral, en leur donnant le goût du risque et le sens de la responsabilité, en leur apprenant que nuire aux autres, c'est se nuire à soi-même, et que servir la cause de tous, c'est faire triompher la sienne, peut-être n'au- rons-nous pas travaillé en vain >.

Maurras (Charles). Kiel et Tanger, (1895-1905), une page d'histoire beaucoup trop contemporaine pour que la sereine impartialité soit permise à l'historien qui mon- tre sans bienveillance « la République Française devant l'Europe».

Maybon (Albert). La Vie secrète de la Cour de Chine, un ouvrage illustré de pittoresques photographies.

Mérac (Paul). Du peuple, une étude sociale. Dans une courte préface l'auteur nous expose ses ambitieux des- seins : « Pour comprendre l'état présent du peuple, et peut-être son état possible, il faut le suivre dans sa marche ascendante. Il faut étudier la société dans ses différentes phases, avec les causes qui l'ont aidée à se développer et les obstacles qui l'ont arrêtée dans son cours. » On dit dans ce livre « la vérité telle que, dans l'état actuel des connaissances humaines, elle peut se présenter à l'homme exempt de parti pris ; et pour cette raison il ne plaira à personne. Bien avant Pascal,

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266 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

Oïl savait en effet que si Ton ne dit jamais la vérité c'est parce qu'elle blesse tout le monde; et ce livre ne fera pas exception à la règle. » Telles sont les réflexions qu'inspirent à M. Paul Mérac ses propres travaux sur l'autorité, l'opinion et la religion.

Mouret (Fernand). Histoire générale de VEglise. La Renaissance et la Réforme.

Pernot (Hubert). Anthologie de la Grèce moderne.

Queillé. Les Commencements de V indépendance bulgare et le Prince Alexandre, Souvenirs d'un Français à Sofia.

Racowitza (Princesse Hélène de). Princesse et Comé- dienne, voici une bien étrange et tragique et séduisante figure de femme qui se présente à nous. L'auteur nous raconte les souvenirs de sa vie, depuis les amours avec le socialiste Lassalle et l'étrange mariage avec le prince de Racowitza, qui venait de tuer Lassalle en duel, jusqu'aux étonnantes histoires de Nice, aux intri- gues politiques de Berlin et au théâtre.

Radcliffe Dugmore. Les Fautes d'Afrique photographiés chez eux, un superbe volume très amusant, très pitto- resque, traduit avec beaucoup de goût par M. E. Du- puy et dans lequel une multitude d'images prises sur le vif nous donnent le moyen de contempler sans trem- bler les plus terribles animaux du désert et d'être cou- rageux à bon marché.

Rodés (Beatrix). L'Ame des cathédrales.

Rohan (Duchesse de). Les Dévoilées du Caucase, la rela- tion preste et charmante d'un grand voyage que fit M°ie la Duchesse de Rohan à travers la Russie et l'Orient; avec beaucoup de bonne grâce et de simpli- cité elle nous promène de Berlin à Varsovie, Bakou, Tiflis, Batoum, la Crimée, Kiev, Odessa, Sofia, Ble- grade, Gonstantinople, à travers l'Orient enchanteur. Ecrit sans l'ombre de prétention, avec tout de même une élégance très racée, ce livre fleuri de belles images présente le plus vif agrément.

Séché (Léon). Delphine Gay, un délicieux volume publié dans la série « Muses Romantiques », l'auteur étudie M™« de Girardin et ses rapports avec Lamartine, Vie-

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MEMENTO DU MOIS DE JUILLET 267

tor Hugo, Balzac, Rachel, Jules Sandeau, Dumas, Eugène Sue et George Sand)).

Soudart (M°»^ Marie). Ombres et Grisailles, poésies.

Toulouse (D'"). Comment se conduire dans la çie; non con- tent d'enseigner à son lecteur comment choisir une carrière, mener sa vie professionnelle, lutter pour la vie, se comporter dans la société le savant écrivain veut lui exposer « comment être avec ses amis, com- ment rechercher le bonheur, comment vivre de la vie intérieure;). C'est vous le voyez, tout l'art de la vie que le docteur Toulouse prétend nous enseigner, et, sans méconnaître la sagesse de ses conseils, sans nier l'agrément très vif qu'on éprouve à les entendre je ne crois pas beaucoup à leur portée pratique: ce n'est pas dans un livre, si sage qu'il soit, c'est dans la vie qu'on apprend à vivre.

Vincent (Abbé). Le Péril de la la?igue française, un pré- cieux petit volume l'auteur nous offre un « diction- naire raisonné des principales locutions et prononcia- tions vicieuses et des principaux néologismes » ; vous connaissez ces formulaires d'autrefois « dites, ne dites pas», il suffit de lire certains livres, et Dieu me par- donne ! certains journaux d'aujourd'hui, pour se rendre compte que la colonne « ne dites pas» doit être revue et singulièrement augmentée.

Whitehouse (Romsen). L'Effondrement du Royaume de Naples (1860).

***. Frà Angelico, un livre paru dans la collection '( Los Pointros Illustres».

AOUT-SEPTEMBRE

LES ROMANS

ALFRED CAPUS Robinson.

Robinson, c'est Sébastien Real, un jeune homme que des révers de famille ont brusquement jeté dans la vie et qui a quitté sa province de Tournus pour venir à Paris tenter la fortune. Nous sommes fixés tout de suite : il réussira. Dès le début du livre, la lettre qu'il écrit à son ami Paul Barois, pour lui emprunter quelque argent, nous a documentés par- faitement sur son caractère, son tempérament et ses qualités et nous a rassurés sur son sort futur. De cette lettre, M. Alfred Gapus, auteur dramati- que prestigieux, a fait un modèle d'exposition; il a

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AOUT-SEPTEMBRE LES ROMANS 269

mis tout de suite, selon les règles de l'art, le public dans le secret et dans son jeu, et nous suivons, dès lors, sans surprise et avec un vif agrément, la carrière ascendante et mouvementée de Sébastien Real.

Isolé dans son orgueil, dans sa dignité et dans son ambition, au milieu de Paris, comme Robinson l'était dans son île, il connaît pourtant bien des heures pénibles ; cet homme instruit, presque savant, est d'abord il faut bien vivre ! simple ouvrier chez le grand industriel Balanier; puis le voici secrétaire du député Moulaine, son compa- triote, qu'il compromet par ses relations avec un assez fâcheux homme d'affaires, nommé Cabanez; il se punit lui-même avec beaucoup de dignité en donnant sa démission et il s'en va occuper le poste de secrétaire chez ledit Cabanez, dont les tripotages en un certain casino ont tôt fait de l'écœurer, et dont il se sépare bien vite ; et le voilà de nouveau sur le pavé, à peine meurtri et pas découragé du tout; il sait comme nous ! qu'il doit réussir, et la bataille pour la vie, qu'il a perdue à Paris, il va s'efforcer de la gagner dans une lointaine cam- pagne, dans le domaine dont M. Balanier lui confie l'exploitation.

Là, en effet, dans ce désert, ses qualités de Robin- son auront vraiment leur emploi : il réussit à mira- cle et devient un homme considérable. Sa sœur épouse un mari puissamment riche et le lecteur est ravi de tout cela, parce que son optimisme en est

270 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

flatté et qu'il aime à voir les gens réussir et faire fortune... dans les romans.

Robinson avait un compagnon : Vendredi. Sébas- tien Real a eu une compagne fugitive, une char- mante et douloureuse maîtresse qui s'appelle ]y[me Ardouin, abandonnée par son mari et qui a voué à son amant une tendresse infinie. Lui, il en est heureux, ému, mais pas trop, et le désir de par- venir modère les élans de son cœur; tout de même, après avoir fermé les yeux de cette femme qui lui fut si douce, il en garde un souvenir mélancolique et attendri, et c'est excellent pour lui tout doit lui servir à ce diable d'homme ! « Cette émotion délicate empêche Sébastien de devenir, dans la lutte quotidienne de l'existence, trop sec, trop âpre, et la pauvre Hélène contribue par sa mort à faire de lui un homme supérieur. »

Tel est ce roman, qu'on lit avec un très vif agré- ment, où l'on trouve évoqués, par un homme qui les connaît à merveille, mille coins curieux de la vie de Paris, et le lecteur perspicace saura sous l'anec- dote — découvrir une philosophie d'un optimisme amer, souriant et averti.

AOUT-SEPTEMBRE LES ROMANS 271

ABEL HERMANT Le Premier pas.

M. Abel Hermant a toutes les audaces par- tant, toutes les fortunes. Ce subtil écrivain, qui sait ^i bien raconter et même inventer les faisandages

intemporains, dans ses Mémoires pour servir à l'histoire du temps, ne s'avise-t-il pas aujourd'hui (le vouloir évoquer une théorie de candeurs et d'innocences! Et il les évoque en leur instant le ])lus émouvant, alors que va être franchi le Premier pas, celui qui leur fera découvrir le grand mystère (]9 la vie et de l'amour. Ce spectacle pathétique n'a

oint désarmé l'habituelle désinvolture de M. Abel Hermant et, dans une série de petites histoires dialoguées, il en parle avec ce cynisme spirituel et It'taché qui, dans toute son œuvre, nous séduit si

rt en nous indignant un peu.

Il avait pourtant une belle occasion d'être ému ' I respectueux devant tant d'innocences diverses :

Ile du jeune conscrit arrivé tout neuf au régiment,

celle du petit roi admis pour la première fois dans I latimité de la belle Gabrielle de Rolleboise^ et celle <!'' ce touchant Hippolyte, arrivé à la cinquantaine,

ris avoir pu connaître le grand mystère, et je M Ose pas vous parler parce que moi, j'ai de la fKideur des jeunes filles, petites fiancées, ou jeu- nes épouses au soir du mariag<

272 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Et remarquez que ce « premier pas » lequel est parfois un premier faux pas, car il y a quelques dames mariées au milieu de ces hermines les héros de M. Abel Hermant ne le franchissent jamais, ou presque; c'est, si j'ose dire, un paroH d'innocence. Comment tant de blancheurs si incon- testablement immaculées évoquent-elles des idées sans nulle candeur? C'est que l'innocence et la vertu sont deux choses tout à fait différentes ; après avoir lu cette série de petites histoires, il est difficile, je vous assure, de n'être point fixé sur la valeur de cette nuance. On en veut à M. Abel Hermant de man- quer à ce point de vergogne et on ne peut s'empê- cher pourtant de lui pardonner, parce que ces dia- logues sont si amusants et parce qu'il reste, jusque dans ses jeux, un si admirable virtuose littéraire.

FRAiNC-NOHAIN Jaboune.

Dans Taimable galerie littéraire des enfants contemporains, un nouveau vient de prendre place; il s'appelle Jaboune, et c'est M. Franc- Nohain qui nous le présente en un bien gracieux et spirituel volume. Ce jeune garçon de huit ans s'appelle en réalité Jacques, mais ce n'est qu'un nom de baptême, à l'usage des étrangers. Chacun

AOUT-SEPTEMBRE LES ROMANS 273

sait, en effet, qu'une maman ne saurait accep- ter de donner à son fils un nom inscrit sur le calendrier; elle doit, de toutes pièces, en confection- ner un, absurde et charmant, qui sera le vrai, celui de la famille et de l'intimité. Et Jaboune est un nom qui, je ne saurais trop vous dire pourquoi, va com- me un gant à ce petit bonhomme espiègle, gentil, Parisien infiniment, et doué avec ça ! Jaboune fait des vers, Jaboune est amoureux d'une belle dame, il combine, pour avoir de l'argent (car un petit Pari-

ii'n a besoin d'argent) les plus ingénieuses spécula- I ions sur la tendresse de sa grand'maman, il médite do merveilleux appareils d'aviation, il est déli-

M'ux, vous dis-je ! Et puis, un beau jour, voici que sa maman lui offre un petit frère; alors il se rend '^•ompte obscurément que c'est fini de rire, que bien-

)t il ne lui sera plus permis d'être un petit bon- homme, qu'il est maintenant un garçon ; demain, un homme.

Entre temps, il nous a donné son opinion prime- sautière et puérile sur mille choses de la vie, de la littérature, de la politique, et comme M. Franc- Nohain sait que les enfants ont le droit de tout dire, il a très adroitement profité de l'occasion pour faire proférer, par cette bouche innocente, un cer- tain nombre de vérités à la pointe acérée. Mais ceux-là mêmes qu'elles égratignent ne sauraient se fâcher, parce qu'elles sont exprimées d'une façon spirituelle et charmante.

'Ij^i LE MOUVEMENT LITTERAIRE

ALBERT-ÉMILE SOUEL Le Rival.

Dans le Riçal, M. Albert-Emile Sorel nous raconte la très simple et très pathétique existence de Robert Villedieu qui, fils d'un tribun illustre et père d'un génial poète, se trouve, lui, médiocre, inca- pable d'une grande action, ou d'une œuvre sublime, pris, écrasé, annihilé entre ces deux gloires : celle dont il est issu et celle qu'il engendra. Le cas est douloureux; Robert Villedieu, dont l'âme n'est pas sans grandeur, ressent profondément cette misère, et sa souffrance devient insupportable, lorsqu'il s'est épris de Bertile Amécourt, la célèbre actrice qui fait triompher l'œuvre admirable de François Villedieu, et qui, comme bien vous pensez, aime passionnément son poète. Et le voici rival, et rivnl dédaigné, de son fils.

Une grave maladie atteint ce dernier et il meurt dans les bras de sa bien-aimée, qu'obstinément Robert avait écartée de son chevet, mais que Lucie Villedieu, la mère du poète, guidée par un infail- lible instinct, vient chercher à l'heure suprême; alors Robert, meurtri, désespéré, doit comprendre son néant : il n'a rien été sur la terre il reste comme un lierre arraché, et cette dalle funéraire s'inscrivent les noms illustres du grand-père et du petit-fils, à l'exclusion du sien, apparaît

AOUT-SEPTEMBRE LES ROMANS 275

»mme un symbole, « comme si la destinée avait

mlu le rayer)).

Il y a véritablement I un sujet de tragédie; AI. Albert-Emile Sorel l'a traité avec talent, dans nue note très particulière de gravité, d'émotion ;ins cesse contenue et comprimée.

Un autre roman complète le volume : c'est VAmie une œuvre émouvante et forte, mais M. Albert- ' mile Sorel nous fait assister à ce spectacle que,

)ur mon goût, je trouve toujours insupportable, dun fils qui se fait le juge et le justicier des amours <lo son père, se charge de le remettre dans le droit chemin et, après l'avoir empêché de se remarier selon son cœur, consent généreusement à le par- donner.

A.-E.-W. MASON La Route interrompue.

I aduit par l'auteur d' « Amitié amoureuse » et M. B. Mayka.)

La Route interrompue^ roman de M. A.-E.-W. Ma- son, a eu, nous dit-on, un retentissement extraor- dinaire en Angleterre et son succès a balancé celui des plus formidables romans policiers dont nos voisins nous ont, depuis quelques années, gratifiés un peu trop généreusement peut-être; ce roman, à son tour, vi«nt de franchir le détroit. Il est bien supérieur à toutes les récentes importations britan-

276 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

niques : c'est un beau livre vraiment. Sur un sujet très anglais et fait pour intéresser surtout des Anglais car il est dominé tout entier par la dra- matique question des Indes l'auteur a écrit un roman d'une large humanité, d'un intérêt extraor- dinaire, qui vous empoigne dès les premières lignes et vous tient haletant jusqu'à la fin.

Sur cette « route interrompue » et formidable, qui doit établir définitivement la domination anglaise aux Indes, se joue la plus pathétique des tragédies, et quand le prince indien qui fut élevé en Angle- terre, acquis en apparence aux idées anglaises, conquis par la grâce des blanches femmes d'Angle- terre, revient aux Indes, humilié par leur dédain, meurtri, prêt à se venger des humiliations infligées à lui et à sa race : c'est à la « route » qu'il s'en prend, la route anglaise qui sera une fois encore interrom- pue.

Autour de ce grave problème exposé de façon saisissante, un délicieux roman se déroule, amusant, varié, pathétique; les personnages : ce touchant prince Shere AH, et ce Dick Linforth, héritier de la famille dont un à un les membres furent dévorés par la route, et cette coquette et jolie Anglaise, Voilette Oliver, y sont campés de façon magis- trale et se détachent sur les décors splendides et mystérieux de l'Inde. Et c'est un superbe livre que l'auteur à.^ Amitié amoureuse et M. B. Mayra ont remarquablement traduit.

AOUT-SEPTEMBRE LES ROMANS 277

ALBERT BOISSIÈRE Z..., le Tueur à la corde.

Il y a deux hommes en M. Albert Boissière : un- délicat écrivain qui sait être psychologue avec beaucoup de bonne humeur et de jovialité, et un prestigieux romancier-mystère qui excelle en l'art de combiner, emmêler et dénouer les fils des plus rocambolesques aventures. Je préfère le premier : Fauteur des Joies conjugales^ de Jolie et de Aimée, ou la jeune fille à marier; mais le second ne manque pas de charme et son Homme sans figure notamment osi une bien belle histoire, l'un des plus séduisants spécimens de ces romans à surprises qui sont si fort à la mode. Z...,le Tueur à la corde, appartient à ce genre contre lequel j'ai un grave grief personnel, c'est qu'il défie l'analyse.

Comment, en dix lignes, pourrais-je vous faire comprendre que le personnage désigné par M. Mara- thon, juge d'instruction, sous le vocable : Z..., le Tueur à la corde, n'a jamais eu le moindre Z dans son nom et n'a jamais tué personne ni à la corde, ni autrement? Il s'appelle William Eady, il est avia- teur, et on le connaît sous le nom de Stéphenson. Comment peut-il, avec quelque raison, être rendu responsable d'une foule de meurtres et de malheurs dont il est parfaitement innocent?

Il y a, à ces effets mystérieux et surprenants,

278 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

une foule de causes plus surprenantes encore, mais tout à fait plausibles, dont M. Albert Boissière fait apparaître l'implacable logique dans une histoire se combinent le plus merveilleusement du monde la fatalité du destin et l'ingéniosité des hommes, et l'amour et les sports aussi, car le dénouement nous tombe du ciel sous les espèces d'un biplan sur lequel M"^^ Grenet, la femme aimée du juge Mara- thon et du pseudo-assassin, s'envole pour dispa- raître à jamais. Sans doute, vous ne comprenez pas très bien : ne vous en prenez qu'à moi; dans le roman de M. Albert Boissière c'est très clair, j'ajoute que c'est très amusant et que ce roman d'aventures mystérieuses se donne le luxe d'une excellente tenue littéraire.

DANIEL LESUEUR

« Du sang dans les ténèbres. » Chacune son rêve.

Daniel Lesueur nous offre, sous le titre Chacune son répe, la suite et la fin de son grand roman romanesque Du sang dans les ténèbres. Il est d'une formidable intensité dramatique, ce volume; et, dès ses premières pages, le récit consigné sur un car- net par Francine, la doctoresse que nous avons vu mourir dans le premier volume, nous plonge

AOUT-SEPTEMBRE LES ROMANS 279

dans l'angoisse, dans le mystère et dans la terreur.

Cette confession d'une morte, est un modèle d'exposition; tous les personnages du drame y sont présentés, prévus ou rappelés, depuis le terrible et sombre prince Boris OmirofP, jusqu'à l'innocent enfant et à sa mère Flaviana, la petite danseuse princesse, victimes de ses machinations, et dont le sauvetage et la réunion finale sont les grands res- sorts du drame. L'action s'engage alors, nerveuse, rapide, formidable, et je n'essaierai pas de vous la conter, parce que mon analyse se perdrait au milieu des péripéties et des épisodes Daniel Lesueur, elle, a su rester parfaitement claire.

Qu'il vous suffise de savoir que, par l'intervention des terroristes évoqués en des traits saisissants, le prince Boris Omiroff expie enfin ses forfaits dans une catastrophe et que le docteur Delchaume trouve au dénouement le bonheur et la paix entre la princesse Flaviana et le petit Serge, sauvés par lui, et dont le salut avait jadis coûté la vie à sa pre- mière femme.

La lecture de ce livre est très attachante, sa tenue littéraire, son souci d'observation sont dignes du beau talent de Daniel Lesueur qui, après nous avoir montré une fois de plus la richesse généreuse de son imagination romanesque, va revenir, je pense, pour notre plus grand plaisir à ce roman psychologique elle est tout à fait supérieure.

280 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

MICHEL GORDAY Les Casseurs de bois.

Les sports et la littérature continuent à faire très bon ménage; après la bicyclette, la boxe, l'auto, qui ont fourni tant de thèmes heureux à l'imagination de nos romanciers, voici que l'aviation entre en scène, et M. Michel Gorday, qui nous avait déjà raconté Monsieur^ Madame et Vauto et les Plat- sirs d'auto^ nous dit aujourd'hui les Casseurs de bois. Mon ami Reichel vous a fixés déjà sur le sens " de cette locution : un aviateur ne tombe pas, « il casse du bois » ; il y a de la désinvolture et de la gaminerie dans cette expression, il y a aussi un petit coin d'héroïsme, car hélas ! nous avons trop vu, en ces temps derniers, que les pionniers de l'air en arri- vant au sol cassaient souvent autre chose que du bois. M. Michel Gorday les a suivis, ces « casseurs de bois», dans les grandes semaines d'aviation ils étonnent le monde par leurs prouesses ; il les a regardés de près, eux, et tout le monde curieux, amu- sant, élégant, qui évolue autour d'eux, et il nous donne le résultat de ses observations, en une série de petits tableaux tout à fait amusants, grouil- lants, véridiques, et de petits contes pimpants, lestes, émouvants parfois, l'imagination sert très heureusement la réalité, et que parent de gentilles figures de femmes.

AOUT-SEPTEMBRE LES ROMANS 281

LOUIS DUMUR Le Centenaire de Jean-Jacques Rousseau.

Le Centenaire de Jean-Jacques Rousseau^ « ro- man ». On est un peu surpris, au premier abord, de cet accouplement de mots : il correspond pourtant très exactement à la vérité; M. Louis Dumur a découvert, dans le centenaire de Jean- Jacques, le sujet d'un roman qui est fort divertissant. Gela vous a l'air d'une chose très simplette, le récit de ce jeune garçon, élève de seconde classique au lycée de Genève, et qui nous raconte par le menu les inci- dents burlesques auxquels donne lieu la célébra- tion du centenaire. Les colères des personnes bien pensantes de la ville, indignées qu'on puisse songer à glorifier un philosophe aussi dénué de pudeur et de foi, ont pénétré jusque dans l'école, et la seconde classique, notamment, est le théâtre d'une guerre sans merci entre jeanjacquards et antijeanjac- quards; les jeanjacquards semblent l'emporter, mais grâce à un stratagème qui ressemble vague- ment à de la corruption électorale, ce sont les anti- jeanjacqiiards qui sont vainqueurs à la fin, et désor- mais Genève peut se parer de drapeaux et célébrer le terrible et abominable Jean- Jacques, du moins l'honneur de la seconde classique sera sauf.

Gela paraît très simplet, vous disais-je, et les gentilles images de Gustave Wendt accentuent le

282 LE MOUVEMENT LITTÉRAIR

caractère enfantin du livre, mais si vous cherchiez avec quelque soin, vous découvririez derrière ces mots puérils et ces récits d'enfants une pensée qui n'est pas dénuée de profondeur.

MAURICE DE LA PERRIÈRE Le Jeu de l'anjiour et de la vie.

M. Maurice de La Perrière nous dit une fort touchante histoire dont l'héroïne Fanchette est une de ces dames généreuses de leur beauté que Théo- dore Barrière appelait « les Filles de marbre », et que M. Claude Farrère, tendrement, nomme « les Petites alliées». Avouons-le : Fanchette est une courtisane, mais d'une âme si noble, d'une si bonne famille ! Bien souvent, elle regrette la source im- pure de son luxe et mêm^, certain jour, elle est héroïque : au lieu de céder aux prières du multi- millionnaire Pontrizard, elle se jette dans les bras de Jean Lorey, un modeste ingénieur qui possède tout juste quatre mille francs de rentes : et c'est l'amour éperdu, l'amour désintéressé, l'amour doré aussi, car en quelque six mois la modeste fortune de Jean s'en est allée en dépenses jolies, en voyages sentimentaux et il ne reste que dix mille francs à l'ingénieur qui par surcroît a perdu le goiît du tra- vail. Alors, il prend son parti : il lègue ses dix mille

AOUT-SEPTEMBRE LES ROMANS 283

francs à sa bien-aimée et il se noie, et Fanchette bientôt s'en va le rejoindre dans la mort.

M. Maurice de La Perrière a trouvé, pour nous conter cette histoire, des accents émouvants dans leur louable simplicité; et il a réussi, dans ce roman très vivant et très réel, à idéaliser de telle sorte ses héros, que nous nous intéressons à eux et à leur amoureuse aventure : c'est méritoire, car si leur amour est touchant l'amour est toujours tou- chant — ils ne sont dignes vraiment ni de notre estime ni de notre sympathie, que nous devons réserver à ceux qui luttent vaillamment pour leur amour et pour leur existence.

CHARLES QUINEL Enlève-moi, chéri!

Sous ce titre familier. Enlève-moi^ chéri! dont un jovial dessin de Grûn souligne la sportive significa- tion, M. Charles Quinel vient de publier un recueil de petites histoires folâtres « pour lire en aéroplane ». J'ai apprécié l'entrain, la bonne humeur, la verve un peu facile que M. Charles Quinel y a prodigués; il appartient à cette corporation littéraire qu'on a baptisée « les écrivains gais », lesquels se sont donnés la mission louable de faire rire la pauvre humanité , c'est une besogne difficile et il convient de ne pas

284 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

chicaner ces auteurs sur le choix dos moyens qu'ils emploient pour la mener à bien, à la seule condi- tion, cependant, qu'ils réussissent vraiment à la mener à bien M. Charles Quinel y réussit sou- vent. Seulement, pourquoi diable avoir signé la pré- face de son livre du nom de Molière? Et pourquoi surtout lui faire parler de « sa bonne bougresse d'ombre»; réservons, s'il vous plaît, ce genre d'ex- pression aux auteurs gais et ne les prêtons, pas même pour rire, à notre grand comique.

MADELEINE PAUL La Porte sombre.

Encore un roman de femme la femme nous apparaît victime de l'homme et victime de l'amour, c'est la Porte sombre^ un livre intéressant, un peu noir et triste peut-être, mais d'une émouvante et ardente sincérité. Maud Gharmet est entrée dans la vie par la « porte sombre» : toute jeune, elle fut fiancée à un homme qui l'aimait et dont elle était tendrement éprise, mais à qui, pauvre, elle a renoncer, et voici qu'à vingt-cinq ans elle est aigrie déjà et désenchantée, lorsque sur sa route elle ren- contre Philippe Mendier. C'est tout de suite le le grand et définitif amour, mais Philippe a trente- huit ans, il est marié et père d'une petite fille; c'est

AOUT-SEPTEMBRE LES ROMANS 285

VOUS dire que leur aventure est sans lendemain pos- sible et que Philippe Mendier, un peu tard, s'aper- çoit que le devoir le retient impérieusement auprès de sa femme et de sa fille; il le signifie doucement à Maud qui se désespère mais trouvera un refuge, en somme confortable, auprès de Roger Fremeux, un tendre amoureux qui n'avait cessé d'implorer silen- cieusement et qui sera encore bien heureux d'être accepté, comme pis aller si j'ose dire...

17.

HISTOIRE, LITTÉRATURE, POÉSIE,

DIVERS

JULES GLARETIE

Quarante ans après.

« Impressions d'Alsace et de Lorraine,

1870-1910. »

Quarante ans après, vous connaissez ce livre tout vibrant d'une patriotique émotion, écrit par un témoin qui ne veut pas perdre le souvenir ni l'espé- rance; son retentissement fut considérable, on en a parlé longuement, et, après tant d'autres plus élo- quents, il ne me reste pas grand'chose à en dire. Du moins, il me tient à cœur de saluer ces pages vibran- tes et chaleureuses que les hommes de notre géné- ration doivent lire et méditer, ces pages que M. Jules Glaretie dédié à « Mars-la-Tour, la gardienne de s tombes, à la fidélité des braves gens de Lorraine et

\OUT-SEPTEMBRE HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 287

d'Alsace», et dans lesquelles « la plaie du passé étant toujours ouverte, quarante ans après, il en appelle encore à l'avenir)).

GUSTAVE GAUTHEROT L'Échange des otages Thiers et Mgr Darboy.

L'histoire de la Commune, la vraie histoire, n'est point près encore d'être écrite : un demi-siècle passé n'a pas désarmé, autour de cet accès de fièvre sauvage et sanguinaire, la colère des partis. Il n'est pas d'épisode de cette révolution dont on ne nous ait apporté au moins deux versions contradictoires, mais le plus odieux et le plus douloureux de tous, l'assassinat des otages, est sans doute le plus con- troversé; on rend tour à tour M. Thiers, l'Assem- blée nationale, quelques maires parisiens, d'autres encore, responsables de ce crime de la Commune, et les circonstances qui l'accompagnèrent sont bien difficiles à démêler. Du moins, après la lecture du livre que M. Gustave Gautherot a publié sous le titre V Échange des otages Thiers et Mgr Darboy, « d'après des documents inédits )> il semble bien éta- bli que la mémoire du grand vicaire Lagarde doive être définitivement lavée des accusations qui trop longtemps pesèrent sur elle.

Le prêtre qui avait reçu l-i mis^înn de nésrocier

288 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

avec Versailles l'échange des otages, s'acquitta de cette mission, malgré d'impressionnantes accusa- tions, avec un entier dévouement. C'est ce que M. Gustave Gautherot prétend établir à l'aide de documents qui sont, en effet, assez démonstratifs et qui, pour moi, eussent été tout à fait convain- cants si j'y avais trouvé la trace d'une émotion plus vive en face de pareils malheurs. Ce qui est certain, et ce que M. Gautherot établit de façon incontes- table, c'est que Mgr Darboy et les autres otages furent victimes surtout de la hideuse politique et des politiciens; c'est à elle, c'est à eux, qu'il faut lais- ser la responsabilité de ce crime dont les coupables resteront il ne faudrait pas l'oublier tout de même les hommes de la Commune.

HECTOR FLEISCHMANN

Les Coulisses du Tribunal révolutionnaire. « Fouquier-Tinville intime.»

En un volume d'une assez belle apparence docu- mentaire, intitulé les Coulisses du Tribunal révo- lutionnaire^ M. Hector Fleischmann entreprend de nous révéler « Fouquier-Tinville intime ». Son but est pas moins ! de réhabiliter la mémoire du célèbre accusateur public de la Révolution. Ces revisions de procès sont fort à la mode en notre

AOUT-SEPTEMBRE HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 289

temps, et notre esprit de contradiction nous ins- pire généralement de la sympathie pour ceux qui ' donnent la mission de bousculer l'histoire telle qu'elle nous fut enseignée.

Tout de même, M. Hector Fleischmann aura quelque peine à nous faire accepter la nouvelle image qu'il a composée d'un Fouquier-Tinville, non pas, certes, séduisant, mais honorable et même issez noble; et je crois bien que son héros res- tera, pour l'immense majorité de nos concitoyens, 1(^ « monstre repoussant », le « tigre », odieux can- nibale * de l'histoire.

M. Hector Fleischmann n'en a que plus de mérite de s'être attelé à cette besogne ingrate et ardue; mais peut-être est-il allé un peu loin en préludant à sa défense par une attaque virulente contre des historiens dont l'autorité ou la notoriété est consi- dérable, et dont le seul tort fut de traiter dans leurs icuvres Fouquier-Tinville sans ménagements. Ce -ont des procédés qui réussissent souvent devant Ips jurés d'assises, mais dont l'efficacité est moins cortninp dans les controverses historiques.

MARIUS-ARY LEBLOND La Pologne vivante.

11 n'est sans doute pas, dans l'histoire du monde,

290 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

de drame plus pathétique et plus poignant que celui de la Pologne, de cette nation de vingt millions d'âmes, homogène et solidaire, qui fut, voilà un siècle, coupée en trois morceaux, asservie à trois maîtres différents, et qui, à travers tant d'années, dans des conditions si effroyables, a su rester un peuple, garder une âme : on s'en est rendu compte à ces fêtes si émouvantes qui furent célébrées récemment à Gracovie et l'on se demande ce que l'avenir peut bien réserver à cette nation démem- brée, abolie, persistante néanmoins.

Pour dérober son secret à l'avenir, MM. Marius- Ary Leblond ont passionnément, quoique sans parti pris, étudié le passé et le présent en un très beau livre qui s'appelle : la Pologne vivante. C'est le résultat de leur voyage et de leurs études « dans la Galicie, la Pologne patiente, dans le royaume de Varsovie, la Pologne déchirée, dans le duché de Posen, la Pologne étouffée». Il faut lire ce livre ! il a la précision d'un document, l'éloquence d'un plai- doyer, la sagesse d'une œuvre d'histoire et de phi- losophie.

EDMOND PILON Dans les jardins et dans les villes.

M. Edmond Pilon promène sa fantaisie grave et recueillie Dans les jardins et dans les villes. Quelle

AOTTT-SEPTEMBRE HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 291

jolie prose, si harmonieuse, si souple, d'une si )ble simplicité ! M. Edmond Pilon est un de ces l'ivains de plus en plus rares qui connaissent icore la joie d'assembler des mots, d'honorer avec lût et dévotion notre divin langage de. France : j1 faut lui en savoir gré, et se réjouir qu il ait été ' inoïé par le Prix national de littérature en un inps les plus officielles des récompenses litté- raires sont trop souvent décernées à d'impitoya- 1)1 os bourreaux de la langue française.

Son livre d'aujourd'hui est offert « A une belle (lame française pourtraite par François Clouet». Lo charme de cette dame est rare et captivant; sa gentille gorge est gracieuse; ses yeux sont paisibles comme les eaux de la lente Loire et « quand elle rit, l'air chante avec un bruit d'amour». Gentille dame, en vérité, et bien faite pour séduire. L'of- frande est digne d'elle et ces tableaux sont déli- ( ieux des jardins d'Oxford, de la Petite Provence, du Luxembourg, des fenêtres fleuries, des petits villages, et de tant d'autres coins délicieux, de ces jardins notamment de la région de Paris qui « sont le sourire de H terre», de ces jardins « la domi- nation du printemps est partout, mais l'artiste a su la discipliner, l'a soumise aux lois des grandes lignes classiques», nous offrant cet « exemple d'ad- mirable beauté d'avoir su accorder, auprès d'un Mansard, un André Le Nôtre, d'avoir, dans un étroit assemblage de pierres et de fleurs, su com- poser de beaux domaines de poésie )>.

292 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

ANDRÉ DE FOUQUIÈRES De l'Art, de l'Elégance, de la Charité.

M. André de Fouquières est un homme d'une bien rare activité; partout l'on s'amuse avec élégance, vous le trouvez au premier rang : une fête mondaine ne saurait se passer de sa présence, une première n'est parisienne que s'il y assista, et un cotillon qui se respecte doit être conduit par lui ; il est, enfin, le dernier champion des belles maniè- res. Il y a sans doute de quoi surmener un homme bien trempé; mais voilà justement ce qui est admi- rable : M. de Fouquières n'est pas du tout sur- mené, pas même fatigué. Ce n'est pas un forçat du plaisir, toutes ces choses le divertissent énormé- ment : « il ne fait que ce qui l'amuse ; pour lui le sport est un plaisir, les voyages un délassement, la danse est une joie )) et il trouve encore, c'est lui qui nous le dit, le temps de lire chaque jour pour se distraire.

Il a trouvé, même —r- il nous le prouve le temps d'écdre, car il vient de publier, sous le titre : De rAj:t^ de r Elégance^ de la Charité^ un livre que, vous pensez bien, les salons adoptèrent tout do suite d'enthousiasme et qui contient énormément de choses, non seulement des chapitres comme le « dandysme, le théâtre dans le monde, les mœurs du temps, la charité mondaine et élégante», sa compétence était prévue, mais aussi des notes

AOUT-SEPTEMBRE HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 293

l'art sur les chants d'amour et les poètes chinois, l'histoire sur l'héroïsme vendéen, que sais-je en- ore ! Ce sont la plupart du temps des conférences .[ue M. A. de Fouquières donna devant des audi- toires triés sur le volet; elles sont agréables et leur documentation est tout à fait aimable, et puis, -M. André de Fouquières a éprouvé tant de plaisir, comme il dit, « à griffonner ces pages» que son lec- teur le partage nécessairement ; comme la chaleur des banquets, le plaisir est communicatif.

LOUIS PIÉRARD Aimons les arbres «Pages choisies».

Il est bien séduisant, ce livre les grands écri- vains exaltent la noblesse des arbres, les pein- tres illustres disent leur splendeur; il faut le répan- dre parmi les hommes, il faut le faire lire aux enfants, leur faire entendre ces belles paroles d'Emile Verhaeren : « Faites-vous les amis de ce qui est la parure de la terre; les fleurs, les arbres, les bêtes. Ne prenez aux taillis et aux bois que leur ombre. Laissez-en croître les rameaux librement et n'arra- chez aucune feuille par vain plaisir. Ceux qui les dépouillent sans utilité sont gens méchants. Quand vous rencontrerez un jeune arbre qu'on a tordu ou arraché au bord des routes, dites -vr mis qn'in) homme mauvais a passé par là. »

294 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Cette propagande littéraire et artistique est utile et généreuse, il faut la poursuivre opiniâtrement; ainsi peut-être on arrivera à constituer autour des arbres, parure et salut de notre sol, une garde assez nombreuse et résolue pour les défendre contre l'ar- deur dévastatrice de ces déboiseurs sans pitié à qui nous devons les inondations de cette année, et bien d'autres maux encore.

YNIOLD-RENÉ BERTRAND L'Ombre au flambeau..

Dans VOmbre au flambeau^ il y a des poésies par- fois belles, souvent d'une étrangeté un peu rude, jamais indifférentes. En épigraphe cette parole de Zarathoustra « Ombre, si tu veux ce soir l'asile et le repos, monte vers ma caverne»; et c'est tour à tour « l'ombre sur les choses», « l'ombre sur les cœurs», (( l'ombre des morts». Il ne faut pas trop se fier aux titres; néanmoins, vous pouvez supposer, en lisant ceux-là, que M. Yniold-René Bertrand n'exalte pas la joie de vivre; et, en effet, il manque d'allégresse, ce poète qui nous dit :

J'ai laissé de ma chair à l'épine des roses, Et, pour avoir volé un peu de leurs frissons, J'ai laissé de mon rêve aux feuilles des buissons.

J'ai fui vaincu, Désabusé, brisant le rythme de mes strophes, Et, depuis, j ai marché d'un pas de philosophe.

MIMENTO DU MOIS b'AOUT ET SEPTEMBRE 295

Et c'est ainsi qu'il nous dit : « La Terre malade »,

l'Agonie de la terre», et « l'Heure folle», et « le

; )uqLîot fané», et « le Jardin de M^^^ de Noailles»,

il y a dans tout cela des images très belles et

: As nobles, puis, brusquement, à côté d'elles, d'au-

tres images d'une familiarité un peu surprenante.

' -^ rythme est divers à l'infini, il va de la plus clas-

que harmonie à la licence la plus déréglée, en pas-

int par une liberté ingénieuse et jolie.

MÉMENTO DU MOIS D'AOUT ET SEPTEMBRE

ROMANS

Anstey (F.). Vice-Versa, roman traduit de l'anglais par M. Bernard- Derosne.

Aiiriol (Georges). Les pieds dans les poches, un recueil d'histoires joviales, charmant « essaim de bille- vesées » dont nous devons la joie à un excellent humo- riste.

Billot (Augustin). Les Corsaires patriotes, un très copieux roman historique, l'auteur évoque en un récit très mouvementé et tout à fait attachant les sombres et grandioses journées de 1793 à 1798.

Buxy (B. de). Le Lis en otage.

Coquiot (Gustave). Le Chariot errant, un aimable livre l'auteur a réuni deux dramatiques histoires de théâtre et de cirque, la première qui s'appelle : His- toire de deux clowns et d'une petite écuyère et qui pour- tiiil s'appeler : « Deux clowns vivaient en paix, une

296 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

écuyère survint»; et l'autre: Histoire d'une commer- çante de la ville de Tours et de V illustre comédien Truffaldin. Doletang (Marie). Les Mains tendues. En une prose har- monieuse et originale, souvent d'un très beau lyrisme, M™e Marie Deletang nous conte, sous ce titre, l'émou- vante et douloureuse histoire d'une épouse malheu- reuse, persécutée par un mari brutal et indigne, et qui s'est enfuie loin dans la montagne, la montagne consolante et reposante, en tenant par la main sa pe- tite fille Mouette, son unique trésor. Mais elle n'est pas une mère seulement, elle est restée une femme dont les mains sont « tendues » avidemment vers le bonheur et vers l'amour; et voici le beau heutenant Henri Tracy qui l'aime et qu'elle va aimer; mais non! l'enfant est qui se dresse, obstacle infranchissable entre la mère et le bonheur possible, et désespérément, elle quitte son refuge, elle regagne son logis... Denis (Georges-A.). Le Brasier.

Donat (Marc). Le Mort vivant, une mystérieuse et terri- fiante histoire. Doucet (Jérôme). La Royale Amoureuse. Flamant (Paul). Le Chevalier aux ânes, un conte fort agréablement philosophique que M. Paul Flamant offre, dans un élan de légitime gratitude, à la mémoire de Cervantes. Hume (Fergus). La Romance fatale, roman traduit par

M. Heywood. Jaquet. Souvenirs de la Hutte, des récits de chasse que je m'excuse de faire figurer à côté d'œuvres d'imagina- tion, car, malgré la réputation bien étabhe des chas- seurs, les récits de M. Jaquet, si émouvants et si pitto- resques, sont tout à fait véridiques, appuyés d'ail- leurs sur des images qui ne laissent aucun doute; le livre est charmant et il est fait pour intéresser tout le monde, car, ainsi que le dit M. Louis Ternier, dans su préface, l'auteur, propriétaire de chasses dans lo grand-duché de Bade et le Tyrol, a puisé dans les alpes tyroliennes des impressions de touriste et de chasseur plutôt que des souvenirs par trop personnels.

MEMENTO DES MOIS d'aOUT ET SEPTEMBRE 297

Lagerlôf (Selma). Le Livre des Légendes, un recueil de nouvelles du grand écrivain suédois, traduites par M. Fritiof Palmer.

Mon (François de). Histoires risquées des dames de Mon- contour, des histoires que l'auteur a recueillies et arrangées dans un volume orné de belles images, croyant bien faire, nous dit-il, « en réunissant dans un même volume les histoires souvent un peu hbres que ces nobles dames se plurent sans doute à composer durant la sohtude, pendant que leurs maris étaient occupés à la guerre, à la chasse ou à l'amour, et par quoi elles satisfaisaient honnêtement les désirs liber- tins de leurs cœurs», prouvant ainsi qu'il y a bien des façons d'être honnête.

Normandy. Voir Poinsot.

l'ardo Bazan (Comtesse de). Le Château de UUoa, un très pittoresque roman espagnol traduit par M. A. For- tin.

Perrée-Gerpré (M'"® Germaine). Au hasard de la route, nouvelles.

Poinsot et Normandy. Amours.

- lies (Pierre). La Cigale ayant pleuré..., un de ces romans M. Pierre Sales excelle à accumuler les plus tou- f chants épisodes et les plus dramatiques péripéties, •uvestre (Pierre). Jojo I^^, roi de V Air.

\ ernou (Pierre). Contez-nous cela..., un recueil de nou- velles.

Wells (H.-G.). La Guerre dans les airs, un roman du pres- tigieux évocateur d'avenir, traduit par MM. Henry Davray et Kozakiewicz.

V Etrange aventure de M. Hoopdriver, un volume j'ai retrouvé avec infiniment de plaisir La Burlesque équipée d'un cycliste, sous une nouvelle forme et so\is un nouveau titre.

298 LE MOUVEMK.M LITTKUAIRE

HISTOIRE LITTÉRATURE THÉATRi: POÉSIE POLITIQUE DIVERS

Barrieu (Alexandre-Raymond). Musiques lointaines..,

Bertaut (Jules). Victor Hugo, un volume d'une très joln documentation publié dans la collection « La vie anecdotique et pittoresque des grands écrivains ».

Cabanes (D^"). Mœurs intimes du passé, série.

Chuquet (Arthur). Etudes d'Histoire, la troisième série de ces études dont j'ai dit déjà l'intérêt très vif et la séduction. M. Arthur Chuquet est un historien savaiii et un infatigable chercheur qui non seulement excelle à découvrir les documents et à déchiffrer, les textes, mais qui sait riîerveilleusement aussi en user pour notre instruction et notre plaisir. Que de pages émou- vantes et curieuses dans cette nouvelle série d'études historiques : ce sont les amours de Marceau, le suicide de Berthier, l'adjudant Bellegarde, « Marbot et Mac- quard », et surtout « le parrain de Napoléon », ce Lau- rent Giubega, dont M. Arthur Chuquet évoque la très curieuse figure : elle valait la peine d'être connue vrai- ment, et ce Corse qui, en 1789, fut mêlé dans son île à des histoires d'élection telles qu'on aurait voulu les entendre conter par Emmanuel Arène, méritait d'en- trer dans l'histoire même s'il n'avait pas eu le prestige d'être le parrain d'un tel filleul.

Claretie (Jules). La Vie de Paris en 1909, le quatorzième recueil de ces pages substantielles M. Jules Claretie note, avec une verve juvénile, une souriante indul- gence, les événements du jour, croque en des traits rapides la silhouette qui passe, évoque avec une émouvante précision les souvenirs disparus, et nous offre comme un cinématographe littéraire de l'histoire contemporaine au jour le jour.

Constantin (Yves de) et Félix Marty. 1870, les Organi- sateurs de la défaite.

Crinon (D^ J.). La Tuberculose, un livre d'une doulou-

MEMENTO DU MOIS d'aOUX ET SEPTEMBRE 299

reuse documentation et d'une précieuse utilité pra- tique.

Delahache (Georges). La Cathédrale de Strasbourg, un beau livre orné de magnifiques images, « notice histo- rique et archéologique», écrite avec beaucoup de science et de conscience par M. Georges Delahache, <elui-là même qui dans un petit livre, la Carte au liséré vert, nous apprit tant de choses sur les origines et les causes de nos malheurs de 1870.

budit (Isabelle). U Agonie des sexes, poèmes.

Dumont-Wilden (L.). Le Portrait en France, un très séduisant ouvrage publié dans la Bibliothèque de l'art du xviii*^ siècle, l'auteur a voulu observer, à travers l'œuvre des portraitistes français, toute la vie sociale de l'époque; il ne s'est pas contenté, nous dit- on, de caractériser les peintures, mais s'est soucié aussi d'analyser leurs modèles. Et ces modèles sont déli- ' ieux, qui revivent en cinquante planches hors texte lune belle typogravure.

I •;uit>ort (Ernest). Œuvres choisies de Maurice et Eugénie de Guérin, un volume composé avec beaucoup d'in- telligence et de piété. L'auteur a publié en tête du livre une étude documentée d'une éloquence émue sur Maurice de Guérin ce poète « qui mourut jeune comme eux qui sont aimés des dieux», sans avoir pu réaliser les magnifiques espoirs qu'il faisait concevoir, sans avoir non plus connu le déchu; et sur Eugénie de Guérin que Lamartine appelait le « saint Augustin des femmes, un saint Augustin sans péché ».

llallays( André). ^MtowrrfePam, un charmant hvre semé de jolies images, le premier d'une série, M. André Hallays se promet de nous conduire « en flânant ;i travers la France » ; ce premier volume d'une grande -•'duction est consacré à l'évocation de ces coins ravis- sants qui sont un peu partout autour de Paris, de Maintenon à la Ferté-Milon, de Mantes à la Roche- Guyon, de Soissons à Chantilly : ce sont les impres- sions d'un touriste qui chérit la lumière, fes paysages, les monuments et les reliques de la France.

Henckens (Lieutenant). Mémoires ^ « se rapportant à son

300 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

service militaire au 6^ régiment de chasseurs à cheval français, de février 1803 à août 1816», pubhés par son fils E. F. G. A. Henckens, général-major en retraite de l'armée des Pays-Bas.

Hymans (Henri). - Antonio Moro, « son œuyre et son temps»; c'est un véritable monument de l'histoire de l'art des Pays-Bas, et il y a cinquante-quatre planches hors texte en héliogravure et en héliotypie qui sont admirables : c'est vraiment une joie pour les yeux.

Japy (Frédéric). Lettres d'un soldat à sa mère, de belles pages de vaillance française et de patriotisme que l'auteur écrivit de 1849 à 1870 des champs de bataille d'Afrique, de Crimée, d'Itahe, du Mexique; M. Jules Japy a cru intéressant, et il a eu bien raison de publier ces lettres ; « nos enfants y trouveront comme il le dit très bien un bel exemple d'amour filial, de courage, de patriotisme, de devoir et de dévouement. »

Jobé(J.). La Science économique au xx^ siècle. *

Le Goffic (Charles). L'Ame bretonne, « La Bretagne et le pays celtique », une troisième série de ces pages capti- vantes où l'auteur célèbre cette âme si compliquée, si profonde, si difficile à comprendre : « l'Eternel se plaît aux énigmes, nous dit-il, il y en a deux que nous ne sommes pas près d'élucider : c'est le cœur de la femme et c'est l'âme du Celte »; ce ne sera pas la faute de M. Le Goffic si nous continuons d'ignorer cette dernière.

Lelièvre (Pierre). Poèmes éçangéliques.

Leparc (Suz^y). Petits Mémoires de la vie littéraire.

Maigrot (Henri). Le long des chemins, des petits poèmes « nés au hasard des rencontres et de la fantaisie ».

Marty (Félix). Voir Yves de Constantin.

Nadaud (Marcel). Tendresses... Tristesses, des impressions malicieuses ou tendres, d'un tour très délicat.

Poizat (Alfred). SaUl, Antigone, deux tragédies l'au- teur a'^rodigué les beaux vers.

Puyrenier (Antony). Le Cœur nomade, poésies.

RiOzat de Mandre (Général). Les Régiments de la division

MEMENTO DES MOIS d'aOUT ET SEPTEMBRE 301

Margueritte et les charges à Sedan, un volume publié à propos de l'inauguration du monument des « Braves Gens ».

Saix (Guillot de). Monsieur Bébé, une série tout à fait gentille de « monologues, fables, récits et saynètes à dire et à lire par tous et pour tous », réunis par l'au- teur en un volume, les mamans trouveront une foule de choses gracieuses et faciles, dont la récita- tion fera briller leur progéniture.

Soubies (Albert). V Almanach des spectacles année 1909. C'est le 39« volume et la trente-neuvième année de cette vénérable collection dont l'origine remonte à plus de cent cinquante ans, car l'ancien « Almanach des ' spectacles», que continue cette série de M. Albert Soubies, avait été fondé aux environs de 1750; et ce sont, comme toujours, une foule de pré- cieux renseignements et de documents présentés avec infiniment d'art et de goût dans un petit livre qui est un joyau de bibliophile, liages (Gabriel). Du Cœur, une « Petite contribution à l'étude de l'amour illégitime » il y a souvent de l'observation ironique et parfois de la poésie.

\ ivien (Renée). Haillons Dans un coin de violettes Le Vent des vaisseaux, trois volumes posthumes de cet étrange poète qui réalisa beaucoup et dont nous espérions plus encore.

Zamaçois (Miguel). La Fleur merveilleuse, l'exquise pièce de notre ami qui obtint au printemps un si vif succès au Théâtre-Français, dès le début de l'automne elle reprendra le cours de sa brillante carrière. Entre temps, nous pourrons déguster tout à loisir ces johs vers d'une forme si pimpante et si harmonieuse, et d'une si gracieuse et si émouvante inspiration.

***. Les Origines diplomatiques de la guerre de 1870- 1871, le pathétique recueil de documents officiels pubhés par le ministère des affaires étrangères.

***. Le Théâtre italien Les Poètes anglais, deux volumes parus dans Anthologie des classiques de toutes les époques et de tous les pays».

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OCTOBRE

LES ROMANS

ANDRÉ GORTHIS Le pauvre amour de dona Balbine.

Lorsqu'il y a quelques années, le Prix de la Vie Heureuse révéla au grand public le nom d'André Gorthis, auteur d'un recueil de poésies Gemmes et Moires^ nous eûmes plaisir à saluer en cette jeune femme de lettres l'aurore d'une très gracieuse et très intense personnalité. Gette personnalité s'affir- me dans : le pauvre amour de dona Balbine; si j'o- sais, je dirais qu'elle s'affirme trop entendez par que la délicatesse de la pensée et du style va parfois, dans ce livre, jusqu'à risquer d'être un tantinet précieux. N'exagérons point la portée

OCTOBRE LES ROMANS 303

(ic . t'iir lemarque : André Corthis ne doit se méfier (fiie de l'excès de ses qualités; c'est un ris- jue qu'on voudrait voir courir à bien des écri- 'ains.

L'histoire douloureuse de dona Balbine se déroule sur les bords du Tage, dans un décor évoqué avec beaucoup d'art, en des mots harmo- nieusement rangés qui font image et nous donnent une vive et profonde impression de Tolède, des rousses pierres de ses palais et des roches pourpres le sa campagne. Dona Balbine, au fin et séduisant \ isage, est une femme boiteuse qui vit, dans la petite maison de Tolède, entre Sanche, son mari, t Miguel, son beau-frère, tous deux contrefaits t infirmes.

Dans ces pauvres corps disgraciés par la nature, (lt-> cœurs palpitent, ardents, voluptueux, qui voudraient vivre les belles amours; ces amours, Balbine les connaîtra, elle en est sûre; une bohé- mienne les lui a promises, et lorsque Andrès, Miperbement beau, vient auprès d'elle, elle ne doute pas que ce soit la réalisation de la divine prophétie, elle s'éprend pour lui d'un amour idolâtre, mais hélas ! Andrès s'en va, sans avoir ])arlé, vers d'autres amours, et Balbine, désespérée, s'aperçoit avec horreur que cette tendresse prophétisée par la devineresse elle est là, près d'elle, et que c'est son beau-frère Miguel, qui depuis long- temps la chérit en silence.

A ce dernier, elle impose la plus douloureuse des

304 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

comédies acceptant ses paroles d'amour à la condi- tion d'imaginer qu'elles lui sont dites par Andrès, et l'aventure se dénoue en une tragédie par la mort de Balbine tuée par son mari jaloux d'Andrès.

Il y a, dans toute cette histoire, je ne sais quelle impression morbide au malaise de laquelle nous ne pouvons échapper; mais quelle puissance aussi dans l'évocation de cette passion douloureuse et de la force implacable du destin. Ce livre, qui fait honneur à André Gorthis, est complété par une série de nouvelles très émouvantes et pittoresques.

HENRY BORDEAUX La Robe de laine.

Cette robe de laine symbolique est l'humble robe de mariée que portait Raymonde Mayrieux le jour Raymond Gernay, le riche châtelain, l'épousa, elle, la modeste fille de ses régisseurs. Et c'est encore cette robe de laine que nous retrouvons au dénoue- ment, devenue le linceul de la jeune femme, morte victime du luxe et de l'éclat du monde trop cruels à sa mystique simplicité.

Le riche et amoureux Raymond Gernay, en allant vers cette jeune fille, en lui offrant l'aubaine ines- pérée de ce qu'on appelle un « beau mariage » croyait, sans doute, être très généreuxet très noble ;

OCTOBRE LES ROMANS 305

il a simplement causé le malheur et la mort d'un être d'élection.

C'est ainsi que nous dit M. Henry Bordeaux, dans la dédicace de son livre offert à Pierre Loti « pour acquitter la dette de son adolescence exaltée par la fièvre qui monte des ouvrages de l'écrivain », c'est « l'histoire d'une petite fille, toute simple, que broie la cruelle vie moderne )>. M. Henry Bordeaux pense, au seuil de son livre, à la Colette Baudoche de Barrés, à la Mireille de Mistral, à la Petite Fadette de George Sand, à tant d'autres venues du Valois, de la Bretagne, du Berry, du Dauphiné, de la Vendée ou du pays basque, et «il souhaite que ces petites filles prennent par la main, telle une sœur cadette qui a besoin de protection, cette Raymonde qu'il leur amène de la Savoie et qui voudrait bien entrer dans leur ronde sans paraître une intruse... »

JEAN MADELINE L'Erreur conjugale.

L'Erreur conjugale, dont nous parle M. Jean Madeline, est celle que commit l'ingénieur Etienne Salvan, lorsqu'il épousa Claire Berard. Cette jeune fille l'avait séduit dans une circonstance drama- tique, lorsqu'il l'avait vue sauvant, au péril de sa vir, une vieille dame qui allait être écrasée par un

IH.

:}0(î LE MOUVEMENT LITTERAIRE

train; et, comme il avait toujours souhaité d'épou- ser une vierge forte, une vaillante associée, il s'était dit, avec quelque apparence de raison, que cette jeune fille était faite pour réaliser son rêve.

Grave erreur ! Claire, héroïque par occasion, est, dans la vie courante, une femmelette qui s'épou- vante et s'émeut de rien et de tout. Son mari éprouve une amère déception en constatant qu'au lieu d'une force sur laquelle s'appuyer, il n'a auprès de lui qu'une faiblesse à réconforter. Heureusement, il a la sagesse d'en prendre son parti; il fait appel à tout son courage, à toute son énergie, il voit la beauté de son rôle naturel de protecteur, et au dénouement il serre tendrement sa femme dans ses bras en lui murmurant : « Je t'aime pour ta fai- blesse. »

L'histoire est^ gentille, contée avec agrément et elle nous fait passer quelques heures charmantes dans la compagnie toujours sympathique de gens heureux, pour lesquels tout s'arrange : affaires d'ar- gent et affaires de cœur.

GABRIELLE VAL La Bachelière.

M ni® Gabrielle Réval, dont les Sévriennes eurent un si grand retentissement, a continué, dans ses

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romans, à s'occuper presque exclusivement de ces jeunes filles qui passèrent, dans les écoles, de longues années de labeur et d'espoir pour arriver au seuil de la vie avec l'arme débile si chèrement achetée, si passionnément souhaitée, d'un diplôme ou d'un titre. Et ce furent après les Sèmennes^ les Lycéen- nes^ les Lycées de jeunes filles, et c'est aujourd'hui la Bachelière.

C'est un sujet singulièrement émouvant et di- vers; ce n'est pas un sujet inépuisable, et l'on pour- rait craindre, à la longue, une certaine impression de monotonie dans ces romans. Je l'avoue, j'ai eu cette crainte en apercevant la bachelière que M°i® Gabriel Réval nous a amenée à Paris, venant de sa montagne avec sa peau d'âne sous le bras, cette petite Gaude qui, nous dit-elle, « n'est pas une pédante, mais une simple et ardente et vibrante gamine atteinte par la vie dans son bel espoir et surprise par elle dans son ignorance de ce que sont ses contemporains». J'ai éprouvé cette crainte, j'ai eu aussi l'espoir d'une œuvre de discussion et de philosophie sur l'instruction secondaire des jeunes filles et sur les problèmes intellectuels et sociaux qu'elle soulève.

Ni cette crainte ni cet espoir n'étaient justifiés; malgré ce titre, ce n'est pas « la bachelière)) qui apparaît dans le roman de M^»® Gabrielle Réval, c'est une jeune fille qui a obtenu son baccalauréat, et ce n'est pas du tout la même chose ; son aventure est d'ailleurs très émouvante et il y a beaucoup de

308 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

noblesse dans ce drame d'une vierge forte, intelli- gente et généreuse, acharnée à défendre l'œuvre et la gloire de son père, prête pour cela à tous les sacrifices, à commencer par celui de sa propre per- sonne; mais, je le répète, c'est une histoire.très bril- lamment imaginée, très bien conduite, ce n'est pas le roman de la bachelière.

M"^^ Gabrielle Réval y a semé cependant une foule d'observations pittoresques, de notes qu'on sent véridiques, et elle n'a pas reculé parfois devant certaines évocations audacieuses, dont je dirais si je ne détestais les jeux de mots faciles qu'elles me paraissent plutôt du domaine de la licence que do celui du baccalauréat.

MAURICE MONTÉGUT La Chaîne des Daines.

Les lecteurs du Figaro connaissaient la Chaîne des Darnes^ ce « roman moderne » de M. Montégut dont ils avaient eu la primeur : ils savaient tout ce qu'il y a d'émouvant et de pathétique dans cette histoire d'a- mour et d'amitié dominée par deux êtres d'élection : le romancier Guillaume Portai et le poète Raoul Desmoulins. Je n'avais donc plus que l'agréable devoir de saluer cette œuvre forte et généreuse M. Maurice Montégut a peint les milieux littéraires

OCTOBRE LES ROMANS 309

et artistiques de Paris avec une si remarquable vérité, évoqué des personnages si vivants, des drames si humains qu'on est tenté parfois de chercher la clef de ce roman.

On ne saurait la trouver parce qu'il n'y en a pas ; M. Maurice Montégut ne cultive pas ce genre, incompatible d'ailleurs avec le lyrisme généreux, l'idéalisme ardent qu'on trouve toujours dans ses livres et qui plus que tout autre ennoblit la Chaîne des dames.

FRÉDÉRIC MAUZENS Les Écumeurs de Salon.

Vous n'avez pas oublié sans doute la première œuvre de cet écrivain, ce Coffre- fort vivant., d'une si heureuse et si riche fantaisie où, du premier coup, s'affirmait un émule tout à fait original et person- nel de Jules Verne. Le succès fut considérable; depuis lors M. Frédéric Mauzens a voulu corser sa manière, il a évolué dans le sens du roman d'aven- tures et il a mis sa généreuse et riche imagination au service d'histoires feuilletonesques.

Je ne puis m'empêcher de le regretter un peu; je crois que M. Frédéric Mauzens aurait pu, et pourra nous donner dans le genre du Coffre-fort vivant des livres d'une très grande séduction. Ce regret une fois exprimé, il est juste de dire qu'il réussit supé-

:M() LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

rieurement dans le genre adopté par lui, et son roman les Ecumeurs de salon^ avec toutes les péripéties extraordinaires, les meurtres, les enlè- vements d'enfants, les détournements d'héritage, les luttes épiques entre le crime et l'innocence, toutes ces choses qu'exige la poétique du genre, est tout à fait amusant, conduit avec beaucoup d'art et il s'y trouve notamment une évocation de la Butte et du monde des chansonniers d'une très pittoresque vérité."

Et lorsqu'on arrive au dénouement du drame, au châtiment du crime, personnifié par l'odieux Fernand de Tercy, après avoir traversé trois cent cinquante pages d'émotion, de larmes et de rires savamment dosés, on ne peut plus songer à. en vou- loir à l'auteur qui a su atteindre son unique but : émouvoir et amuser son lecteur.

ROBERT-VALLERY RADOT Leur Royaume.

Il fait bon, en ces temps régnent les réalités brutales, d'aller parfois se retremper dans des régions éthérées de tendresse mystique, de sacrifice rayonnant, de candeur et de chasteté ; de tels voya- ges sont bienfaisants et l'on en revient, sinon tout à fait converti, du moins fort édifié: malheureuse-

UCTOFJRi: LES ROMANS oll

ment, la vie ne nous en offre pas souvent l'occa- sion et encore moins le roman, plus brutal que la vie elle-même. Remercions donc M. Robert Vallery- Radot, à qui nous devons une de ces excursions au pays du bleu se trouve situé Leur Royaume : le royaume de Fabienne et de Marie, deux sœurs, deux jeunes filles qui sont des modèles de grâce et de pureté, éprises toutes deux d'une tendresse pro- fonde pour Jacques Vibreuse, qui aime éperdu- ment l'une d'elles, Marie.

Une telle situation pourrait être tragique et nous conduire aux plus vilaines péripéties, mais les héros de l'aventure sont des êtres d'élection en qui nul sentiment bas ne saurait naître; ils peuvent souffrir : ils sont incapables de haïr et de se rebeller contre la Providence ; leurs âmes et leurs cœurs se retrempent et s'épurent dans la bonne souffrance. Et, conformément aux vœux de la Providence et aux lois de son cœur, Jacques Vibreuse épouse Marie, cependant que Fabienne s'impose de renon- cer à son amour et s'efforce d'accorder une tendre amitié à Antoine de Nancbèvres à qui elle liera sa destinée.

M. Robert Vallery-Radot a fort bien exprimé, dans une langue très pure, toute pleine de belles images presque des images de sainteté ! ce qu'il y a de noble, de sage et de généreux dans un tel arrangement dont le seul défaut est de n'être point à laportée des âmes vulgaires, qui sont hélas I lin peu plus nombreuses que les autres.

312 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

DOMINIQUE DURANDY L'Ane de Gorbio.

« Poussières du Midi», nous dit M. Dominique Durandy, en épigraphe et commentaire du volume de nouvelles qu'il vient de publier sous le titre de la première : F Ane de Gorbio, Et ce sont bien en effet de jolies choses du Midi, sentant bon le terroir, toutes baignées de soleil et de lumière, que ces nou- velles, ces silhouettes de politiciens tracées nerveu- sement, ces coins de vie niçoise, ces paysages et figures du Midi. M. Dominique Durandy est un enfant de ce pays béni : il y coule des jours heureux et actifs; et, malgré l'accoutumance, il sait très bien voir et noter les choses qui l'entourent, il les évoque avec une tendresse infinie, avec aussi une pointe de raillerie pas méchante.

Et c'est charmant, vraiment; cela nous ragail- lardit, nous autres déshérités, qui ne connaissons que quelques jours seulement chaque année la côte ensoleillée, car c'est tout le Midi qui vient à nous dans ce livre : ses arbres, ses paysages, ses hommes et même ses bêtes, comme ce bon âne patriote de Gorbio, en rébellion contre son nom de Bismarck, comme aussi le chien Moustache, l'étonnant liber- taire.

M. Jean Aicard dit, dans une aimable préface, sa prédilection pour ce livre « pénétré du véritable

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sprit populaire de chez nous qui n'est pas seule- iient bon sens, mais raillerie même du bon sens, peint par lui-même. C'est bien l'esprit populaire <ie la région du Var que nous montre, avec beaucoup (le pénétration fine et d'esprit personnel, M. Domi- nique Durandy. »

CAPITAINE DANRIT L'Aviateur du Pacifique.

Le capitaine Danrit, romancier militaire dont la généreuse imagination nous a valu déjà cette célè- bre Guerre de demain^ cette Invasion jaune, cette Guerre fatale^ et tant d'autres belles histoires dra- matiques dont le succès fut considérable, entreprend, aujourd'hui, le grand roman de l'aviation.

Fidèle à sa méthode, le capitaine Danrit a écrit ce roman sur une donnée rigoureusement établie au point de vue scientifique et géographique, pous- sant le scrupule jusqu'à dresser une carte sur laquelle nous pouvons suivre les exploits de son héros. Sur une base si soHde, il peut bâtir les fictions les plus extraordinaires, les péripéties les plus im- piévues, assuré qu'elles nous paraîtront toujours l'aies, sinon vraisemblables.

Et, de fait, elle est bien extraordinaire cette épique envolée de l'ingénieur français Maurice Rimbaut à travers le Pacifique, sur un biplan de

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314 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

fortune improvisé par l'ingénieur avec un moteur échappé à un naufrage, quelques planches et quel- ques mètres de toile. Sur ce frêle esquif aérien, à travers les périls sans nombre que sèment autour de lui l'hostilité des éléments et celle des hommes, il réussit à accomplir la fantastique mission qu'il s'est donnée : il apporte aux Etats-Unis en guerre avec le Japon une chance de salut et il retrouve, par surcroît, sortie saine et sauve des plus effroya- bles dangers, une jeune fiancée qu'il aime tendre- ment.

Cette dramatique histoire est fort impression- nante; son auteur, sans rien perdre de son ori- ginalité, a été à la bonne école de notre grand Jules Verne, et puis, il garde, comme toujours, un loua- ble souci d'édification patriotique, dans ce livre qu'il dédie « aux officiers français qui ont jalonné de leurs corps le rude chemin de la conquête de l'espace ».

JAMES LANE-ALLEN L'Invisible Chœur.

(Adapté de l'ang-lais par M"" A. Bohn).

Ulnvisihle Chœur, de James Lane-Allen est un bien étrange livre : tout plein d'observations aiguës, de descriptions pittoresques d'une vivante vérité, il est, en même temps, d'une subtilité bien rare en

OCTOBRE LES ROMANS 315

lin roman de langue anglaise. Au seuil de ce roman une citation de Georges Eliot : « Puissé-je me join- dre à l'invisible chœur, le chœur des morts immor- tels, qui revivent dans nos âmes et les rendent meilleures par leur présence. Puissé-je aussi rejoin- dre l'invisible chœur, celui dont la musique est la joie du monde. » Vous voilà fixés ou à peu près ! sur le sens du titre et sur la nature du « chœur invisible» vers lequel tend John Gray, le héros du roman, maître d'école écossais qui vivait au Ken- tucky vers 1795, aux premiers temps de l'indépen- dance de l'Amérique.

Le cadre puissamment évoqué prêtait à un roman d'aventures, mais c'est une histoire de cœur et d'âme que l'auteur a prétendu nous conter : celle des amours contrariées de John Gray pour miss Any, la nièce de Mrs Falconer, celle de son ma- riage résigné avec une jeune fille pour laquelle il n'éprouvera jamais de vrai amour, celle enfin de sa tendre affection pour Mrs Falconer dont le sou- venir doux et impérieux lui revient après de longues années de travail et de fortune, et auprès de laquelle il aspire à finir ses jours.

Mï»e A. Bohn a adapté ce roman tout à fait hon- nête et chaste avec beaucoup d'adresse, en une langue très littéraire : et elle a su y mettre toute la clarté possible on lui gardant son caractère tout n fiiil jKU'f jciilicr.

H16 LE MOUVEMENT LITTÉRAÏKK

GASTON ROUPNEL Nono.

M. Gaston Roupnel est, je crois bien, un débu- tant; du moins, je vois son nom pour la première fois, et ce m'est une joie de découvrir en lui de fort belles qualités d'observation et de sincérité. Il évoque dans son livre les mœurs des paysans bour- guignons, attachés passionnément à leurs vignes, et il nous offre de leur vie un vigoureux et vivant tableau.

Au centre de ce tableau, le héros Jacquelinet, surnommé Nono une attachante figure de pay- san, bonasse et terreuse où, sous de chétifs sourcils, de petits yeux grésilles et doux avaient le regard ravi de l'innocence est typé dès les premières pages du livre avec une intense vérité. Nous le voyons, ce grand diable que son excessive bonté voue à tous les malheurs, à tous les ridicules, et tout de suite nous éprouvons pour lui une tendresse infinie : victime désignée de la malignité des hom- mes et de la légèreté des femmes, il souffre de l'infi- délité de sa femme Nenette, et de la faute de sa petite fille, Laurette, des railleries et des méchan- cetés de tous. Sans cesse bafoué, meurtri et malheu- reux, il pardonne sans cesse parce qu'il y a dans son cœur de tels trésors de bonté; et, au dénouement du livre, vingt ans ayant passé, vingt ans de dou-

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leur et de détresse, il sera heureux de recueillir auprès de lui et d'aimer dans la paix sa femme infidèle, abandonnée et flétrie.

Ainsi, cette étude de mœurs paysannes d'un réa- lisme âpre et minutieux s'élève au-dessus de son objet; elle nous offre un émouvant plaidoyer pour la bonté, triomphante de toutes les fautes, de toutes les railleries, de toutes les tristesses, la bonté qui sauve et qui console, portant sa récompense en elle-même; et, n'en déplaise aux pessimistes, ce n'est pas ce qu'il y a de moins réaliste et de moins \ I dans cette œuvre émouvante.

JEAN-PAUL DESMOULIN L'Œillade posthume.

•Jean-Paul Desmoulin est un pseudonyme, l'au- teur du livre est, nous dit-on, un brillant général de l'armée d'Afrique, le « Général trois étoiles ». Il n'y va pas de main morte, ce guerrier ; il excelle, je vous assure, à donner le frisson aussi bien avec sa plume qu'avec son épée. Ses histoires sont terri- bles et Edgard Poë n'a rien imaginé de plus effrayant ; pour vous en donner une idée je vous dirai simplement que VQullade posthume décochée au lieutenant de spahis, qui nous conte cette aven- ture, lui est apportée par une gazelle dans les orbi-

318 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

tes de laquelle un rival jaloux a délicatement enchâssé les yeux de Khadra, une belle dame épouse du caïd des Béni Snassen, dont le lieutenant avait été aimé dans des circonstances particulière- ment tragiques; et il y en a d'autres non moins terribles, non moins angoissantes, et bien que ces terrifiantes choses soient au plus haut degré invrai- semblables, elles sont contées avec une si rude sim- plicité qu'on les croit vécues, et l'auteur désire, d'ailleurs, que nous les croyions, puisque dans la dédicace de son livre il parle de « ces ombres dou- loureusement passionnées surgies des limbes de sa mémoire ».

COMTESSE DE BAILLE HACHE Estelle.

En un roman d'une très agréable observation psychologique, M^^ la comtesse de Baillehache nous raconte l'histoire d'Estelle, une belle jeune fille à l'âme généreuse, ardente, éprise d'idéal, avide aussi de bonheur, de tendresse et d'amour et que son mauvais destin a placée dans un milieu de bourgeoisie étroite, haineuse, méchante, on l'opprime et la martyrise à plaisir. La piuvre petite orpheline a été prise en tutelle par son oncle et sa tante, M. et M^^ de La Huchette, qui la détestent et lui font souffrir mille misères.

OCTOBRE LES ROMANS 319

Pour échapper à cet enfer, elle épouse le premier prétendant venu, Albert de Maersens, un officier en garnison à Versailles; en se mariant à ce bon fils d'une acariâtre belle-mère, elle n'a fait que chan- ger de bourreau, et M"^® de Maersens s'applique à lui faire regretter M^^ de La Huchette. Aussi, quand Dominique Oltara, le musicien créole, si généreux, si aimant, si tendre, vient à passer dans sa vie, de quel cœur elle voudrait aller à lui I Ils s'ai- ment d'un amour éperdu, mais elle a la volonté de rester fidèle à son devoir, elle résiste et le décide à partir. Quelque temps après, devenue mère, elle donne le jour à un enfant créole : quel scandale ! Pour nous, qui savons son innocence, nous suppo- sons qu'il y a un miracle de l'amour comme celui dont Gœthe nous entretenait dans les Affinités électives, mais il n'en est rien et la cause de tout cela c'est une faute lointaine de M°^® de Maersens contrainte, certain jour, à la honte d'un aveu, et Albert de Maersens qui, sans pitié, avait chassé sa femme dolente et désespérée, comprend alors so'n injustice, il s'en va vers elle, et comme elle le repousse il tente de se donner la mort.

Estelle alors, immuablement fidèle au devoir, reprend sa place auprès de lui et poursuit sans joie son chemin dans la vie avec au cœur l'amour de son enfant. Cette histoire, un peu surprenante parfois, nous est contée avec beaucoup d'aisance et d'agré- ment, en une langue claire, précise, rapide, qui rend cette lecture tout à fait attrayante et facile.

HISTOIRE, LITTÉRATURE, VOYAGES,

DIVERS

Mme DU HAUSSET Madame de Pompadour.

Une nouvelle collection historique vient de naître et je serais bien étonné que la fortune ne lui prodi- guât pas ses sourires ; elle a pour titre : la Française racontée par elle-même. Mémoires de la Femme, seront groupées les femmes célèbres de France évoquées par des femmes. L'idée n'est point seu- lement aimable, elle est tout à fait ingénieuse et profonde et prend toute sa portée dans notre France, patrie de l'éternel féminin. Ainsi, en effet, que yi^^ Marcelle Tinayre le dit très bien dans la préface du premier volume : « En aucun pays, les femmes ne participèrent plus activement à la vie

OCTOBRE HISTOIRE, LITTÉRATURE, VOYAGES, ETC. 321

morale et politique. Elles enseignèrent aux hom- mes les arts délicats de la civilisation, les finesses du sentiment et du langage, la fermeté dans les revers, l'élégance dans l'amour et devant la mort. On peut dire que dans les cours, dans les salons, et même sur les champs de bataille, les Françaises ont aidé les Français à créer la France. »

C'est donc une inspiration heureuse et féconde de leur faire raconter l'histoire de la France. Le premier volume de cette série est consacré à Madame de Pompadour, et c'est M^^^ du Hausset, sa femme de chambre, une personne fort peu imaginative partant, très véridique qui se charge de nous la raconter dans des notes d'un prestigieux et émouvant intérêt s'éclaire la figure de cette petite bourgeoise, parvenue de génie, premier mi- nistre en falbalas, dont l'esprit solide et lucide mène le corps fragile, qui inaugure le premier règne de la Femme, de la femme partie de bas, arrivée au sommet par la seule puissance de la grâce et de l'habileté.

EUGÈNE WELVERT Autour d'une dame d'honneur.

Elle est bien intéressante et émouvante la figure de cette Françoise de Ghalus, duchesse de Nar- bonne-Lara, dont M. Eugène Welvert nous raconte

ly.

322 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

l'histoire. Cette noble femme, qui vécut pendant près d'un siècle, de 1734 à 1821, nous ofTre la par- faite et la dernière image de ce que fut dans l'ancien temps une dame d'honneur, et l'étude de sa longue existence permet de reconnaître qu'il « n'y avait pas que de la bassesse dans tous ces courtisans de la fin de l'ancien régime, ni que de la lâcheté dans tons ceux que la Révolution mit en fuite.

En M"^®de Narbonne-Lara se rencontrent la plu- part des privilèges et des avantages, des faiblesses mais aussi des vertus de- la noblesse de la cour ».

M. Eugène Welvert la suit fidèlement dans toutes les étapes de son existence jusqu'au jour elle mourut à l'âge de quatre-vingt-sept ans; ce n'était pas seulement une grande dame qui disparaissait, mais une tradition : le temps des dames d'honneur avait pris fin et elle aurait pu dire en mourant : « Je suis restée la dernière, le monde n'a plus besoin de nous. »

LORD BROUGHTON

Napoléon, Byron et leurs contemporains. « Souvenirs d'une longue vie

!"• volume traduit par M. Armand Fournier.

Napoléon et Byron ! Voilà, semble-t-il, un sin- gulier rapprochement. Et l'on ne voit pas très bien le parallèle qui se prépare. Il n'en est d'ailleurs pas' question ot ces deux héros sont évoqués

OCTOBI'.r: HISTOIRE, LITTÉRATURE, VOYAGES, ETC.. 323

ensemble par Lord Broughton simplement parce qu'il les connut bien tous les deux. Je viens de lire le premier volume de ces souvenirs traduit par M. Armand Fournier; il est d'un merveilleux inté- rêt, et à chaque page de ce journal, méthodi- quement, jour par jour, lord Broughton évoque ses souvenirs, j'ai trouvé une anecdote curieuse, un nom flamboyant.

Au-dessus de tout, deux figures, deux héros : Byron et Napoléon, ce sont, dit lord Rosebery, dans la préface du livre, ses deux dieux, l'un tout pro- che, trop peut-être, l'autre lointain. Auteur d'un ouvrage, le Dernier Règne de Napoléon^ document de premier ordre que l'Empereur lui-même connut et daigna remarquer et commenter, lord Brough- ton est bien placé pour nous parler de lui; pour Byron, on trouvera dans son livre les éléments de sa biographie définitive : « Sa radieuse figure, nous ^dit lord Rosebery, a l'autel qu'elle mérite dans notre littérature, mais les détails de sa vie agitée intéres- seront toujours le monde; or, le livre que voici en révèle plus d'un. »

FRÉDÉRIC MASSON Petites Histoires.

Sous ce titre, M. Frédéric Masson a réuni les pages < crites par lui au cours de ces deux dernières années pour les journaux auxquels il collabore, pour des

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discours qu'il eut à prononcer, pour des conférences qu'il donna. Il n'est pas inutile de rappeler cette origine ; elle explique l'étonnante variété des sujets abordés, M. Frédéric Masson a pris soin d'y appeler l'attention de son lecteur que « le mélange des genres eût pu déconcerter si les articles y avaient été classés selon les dates ils parurent, dans l'enche- vêtrement inévitable des publications faites la même semaine et parfois le même jour».

Le lecteur n'est pas déconcerté, j'en puis donner l'assurance à M. Frédéric Masson : il est, au con- traire, tout à fait séduit; le livre emprunte à cette variété un très vif agrément; notre frivolité, inca- pable d'un trop long effort, s'accommode à mer- veille de passer de Barbey d'Aurevilly à Balzac et à M. de Bonald, de l'épopée de Jeanne d'Arc à la Révolution française, à Napoléon III et à Napo- léon P', à lui, surtout, car vous entendez bien que M. Frédéric Masson a été, comme toujours, hanté par son héros : plus de la moitié des chapitres de ce livre appartiennent à l'histoire napoléonienne et l'on s'étonne même qu'après nous avoir appris tant de choses sur Lui comme il écrit avec un émouvant respect M. Frédéric Masson ait encore tant de révélations pittoresques, dramatiques ou piquantes à nous faire. Il est vrai que ce sujet est vaste comme le monde et qu'aucune pensée hu- maine ne saurait se flatter de l'épuiser jamais.

Et ce sont des pages infiniment curieuses sur la préparation si raisonnée, si judicieuse du retour

I TOBRE HISTOIRE, LITTERATURE, VOYAGES, ETC. 325

(le l'île d'Elbe, sur les rapports de l'empereur Napo- léon et de M. de Bonald, sur l'ordre de la Réunion qu'il avait imaginé pour offrir un hochet de vanité aux sujets des rois détrônés par lui et privés de leurs décorations abolies; sur cet énigmatique irdinal Fesch, prêtre schismatique. La grande figure de notre César donne à ce livre >i divers l'unité qui lui est, d'autre part, assurée |)ar la personnalité même de son auteur, lequel, dans une préface nerveuse et combative, se félicite <lo n'avoir point deux doctrines, deux opinions, ni deux visages, de demeurer tel qu'il est, tel qu'il fut <lopuis qu'il tient une plume, « à défaut, dit-il, des qualités de style et d'expression que me réfusent certains adversaires politiques, c'est une origina- lité qu'ils ne peuvent me retirer et à laquelle je les défie de prétendre)).

EDOUARD GUILLON

Napoléon et la Suisse 1803-1815, d'après les documents inédits des Affaires étrangères.

De cette histoire impériale à laquelle M. Frédéric \rasson a consacré sa vie, voici un moment, un détail, évoqués par M. Edouard Guillon, Napoléon et la Suisse 1803-18J5, d'après les documents inédits des Affaires étrangères. M. Guillon étudie en Napoléon I®*" le médiateur de la Confédération hel-

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vétique; c'est un point d'histoire presque locale, mais la présence du héros épique lui donne, tout de suite, un intérêt passionnant, une place dans l'histoire du monde.

En apprenant d'où venait à l'Empereur ce titre de médiateur de la Confédération helvétique, com- ment il exerça sa médiation, quels en furent les avantages pour la Suisse, quelles causes en ont amené la fin toutes choses que M. Guillon nous enseigne avec beaucoup de compétence et d'agré- ment — on constatera, une fois de plus, la prodi- gieuse universalité de ce génie napoléonien qui, partout il passa, a laissé des traces ineffaçables monuments indestructibles de sa gloire.

C'est ainsi qu'on peut dire aujourd'hui que « la Suisse contemporaine reste l'œuvre de Napoléon, que c'est lui qui a trouvé le meilleur ciment pour lier les cantons et jeter les fondements les plus soHdes de l'Union Confédérale »

GÉNÉRAL ZURLINDEN Napoléon et ses maréchaux.

En un volume très précis, très savant, très concis, le général Zurlinden raconte Napoléon et ses maréchaux; il nous explique, dans un avant-pro- pos, le but et la portée de son ouvrage. Pour lui,

OCTOBRE HISTOIRE, LITTÉRATURE, VOYAGES, ETC. 327

l'histoire de Napoléon n'est pas- terminée, les mil- liers de volumes consacrés à ce génie surhumain n'ont point épuisé l'inépuisable sujet et en atten- dant que cette histoire définitive, complète ait été faite je pense bien qu'on attendra toujours il a voulu apporter sa pierre à l'édifice et aider "ux qui le désirent, à se faire une idée sérieuse de " qu'a été réellement l'Empereur, à comprendre I )mment il a pu dominer les esprits et les cœurs de la nation, insérer dans nos annales des pages de gloire merveilleuse, inouïe, et devenir le plus grand capitaine de l'histoire, le héros de la plus belle des épopées. Cette étude, il l'a faite en soldat enthou- siaste, en observateur impartial, et il a réussi, dans une synthèse impressionnante, à enfermer en moins 'l<^ trois cents pages cette immense histoire de vingt- inq ans, entre la jeunesse de Bonaparte et Sainte- Hélène.

COMTE DE COMMINGES

Souvenirs d'enfance et de régiment (18311870-1871).

Histoire contemporaine, évoquée par un con- {«'mporain, voici les Souvenirs d^ enfance et de régi- ment (1831-1870-1817) du comte de Comminges. Quand il écrivit ces pages d'une alerte et noble sim- plicité, le brillant officier des guides de la garde

328 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

impériale, mort en 1894, n'avait nullement l'inten- tion ni la prétention d'écrire un livre d'histoire : il consignait simplement ses souvenirs d'enfant, de potache et d'officier pour l'édification de son fils et du fils de son fils. C'est nous qui faisons de ces notes un document historique, parce que nous y retrou- vons, évoquées par un homme qui les connut, les figures de Fleury, de la princesse Mathilde, de Niewerkerke, de la belle Castiglione, de l'Impéra- trice, de Gallifîet, etc., racontés par un homme qui les vécut les sombres jours de 1870, et c'est de l'histoire vraiment, de l'histoire palpitante qui apparaît dans le vivant tableau de ces jours d'au- trefois, ces jours qui, selon la parole de Tolstoï, « se représentent comme baignés dans une vapeur d'or, avec, sur ce fond lumineux, de chers fantômes qui se détachent et tendent les bras ».

E. DUGHESNE

Michel louriévitch Lermontov « Sa vie et ses œuvres

Étude littéraire et historique; voici un bien remarquable ouvrage de M. E. Duchesne sur Michel louriévitch Lermontov « sa vie et ses œuvres». Ler- montov est l'un des représentants les plus brillants du romantisme russe, issu du romantisme européen.

OCTOBRE HISTOIRE, LITTÉRATURE, VOYAGES, ETC. 329

Il compte aussi parmi ceux qui ont subi le plus profondément l'influence de lord Byron, aussi puis- sante dans les principales littératures slaves que chez nous. Mais son principal intérêt n'est pas : « il réside avant tout dans la beauté de ses œuvres, ensuite, dans l'irritant problème que pose l'appré- ciation de sa personne morale. » Et, en effet, bien des circonstances ont rendu obscur le caractère de cet illustre poète. Lermontov est resté aussi inconnu qu'il est célèbre.

On juge dès lors à quelles difficultés a se heur- ter l'érudit écrivain qui a prétendu nous donner une œuvre d'ensemble sur le poète russe, nous raconter son enfance, sa jeunesse, étudier ses œu- vres et démêler les influences subies par elles. Avec une conscience, une ténacité, une science remar- quables, M. Duchesne a vaincu toutes ces difficul- tés, et son livre est un véritable monument élevé au poète qui, mort jeune, n'a pas pu remplir toute sa destinée et a exercé pourtant une si profonde influence sur la littérature russe, et « cette autre influence qui ne tombe pas sous nos mesures : le rayonnement qui jaillit du génie du poète, la cha- leur de la sympathie qu'il éveille, l'admiration qu'il snsnite ».

330 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

EMILE HINZELIN Images d'Alsace-Lorraine.

M. Emile Hinzelin est, parmi ces bons français de Lorraine qui n'oublient pas, ne veulent pas oublier, l'un des plus solides et des plus ardents. Il y a de longues années déjà, au temps lointain du service militaire à la frontière de l'Est, je l'ai connu, semant la bonne parole de souvenir et d'espoir; j'ai salué naguère son premier livre: En Alsace-Lor- raine^ tout plein de ces généreuses idées, d'autant plus persuasives que toute inutile violence en était bannie; et c'est encore une pierre qu'il apporte aujourd'hui au monument du souvenir et de l'es- pérance avec le volume paru sous le titre : Images d^ Alsace-Lorraine,

Son intention, nous la connaissons, il nous la dit dans des lignes liminaires, pittoresques et émou- vantes : « Dans l'acte légitime de la revendication chez les Romains, on apportait devant le préteur une motte de terre prise au champ en litige. Voici une nouvelle motte de terre, prise avec des racines et des fleurs, à notre Alsace et à notre Lorraine. Nous l'apportons devant le grand tribunal moder- ne : la conscience du genre humain. »

Et pour plaider la cause de la réunion nécessaire, fatale, des deux provinces martyres, il nous fait faire simplement parmi leurs paysans, leurs champs, leurs

(OCTOBRE HISTOIRE, LITTÉRATURE, VOYAGES, ETC. 331

jardins, leurs églises, la plus émouvante, la plus belle des promenades, en s'arrêtant parfois devant l('s images d'un humoriste ou les inspirations d'un poète, et c'est le plus éloquent, le plus persuasiï des ])laidoyers.

OCTAVE UZANNE Parisiennes de ce temps.

M. Octave Uzanne étudie les Parisiennes de ce temps en leurs divers milieux, états et condi- tions. En nous donnant ces croquis très poussés, très précis, des ménagères, des ouvrières de Paris, des bonnes, des marchandes et boutiquières, des demoiselles et employées de magasin, des dames ' l'administration, des femmes de théâtre, bour- geoises, artistes, et aussi courtisanes, M. Octave^ Uzanne a voulu dégager « le caractère, l'esprit, les modes, les manières, les attitudes, les diverses for- mes de langage, les principaux traits distinctifs heureux ou pitoyables de la femme contemporaine, toile qu'elle se présente à nos regards insuffisam- ment clairvoyants dans les miheux pittoresques de la métropole française à l'heure présente ».

Comme Sébastien Mercier, dont il rappelle le rflè^ûttrfePam et auquel il emprunte une bonne par- tie de sa préface, il a voulu laisser à l'avenir un docu- ment exact et quasi-photographique sur notre temps.

332 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

Il est très intéressant, ce document, mais il n'est pas gai : regarder la Parisienne dans ses divers milieux, c'est juger, nous dit M. Octave Uzanne, « de ses efforts si mal encouragés, de sa force supé- rieure à ses faiblesses, de sa vie de démoniaque dans un décor de féerie et d'Eden, qui est, pour elle, le plus féroce des jardins des supplices». Les obser- vations semées dans le livre sont exactes, la conclu- sion me parait vraiment un peu exces^ve et pessi- miste. Ce « paradis si vanté, si chanté, si envié, si convoité, de toutes nos provinces et dans le monde entier» doit tout de même son prestige à quelque réalité et n'est pas toujours ce décevant mirage dont nous parle M. Octave Uzanne.

LOUIS DE MEURVILLE La Cité future.

Ce sont des tristesses modernes ; voici venir la Cité future^ évoquée par notre sympathique confrère Louis de Meurville. M. Louis de Meurville est, comme beaucoup de ses contemporains, profon- dément troublé en face des convulsions de la so- ciété actuelle, et il se demande de quoi demain sera fait. Tout d'abord, les exigences croissantes des travailleurs trouvent en lui une louable indul- gence. Mais, il faut être raisonnable : « Jusqu'à

iCTOBRE HISTOIRE, LITTÉRATURE, VOYAGES, ETC. 333

la Révolution, dit-il, on n'a parlé à l'humanité que fie ses devoirs; depuis lors, elle ne veut plus enten- dre parler que de ses droits»; et il proclame judi- rieusement la nécessité d'équilibrer les premiers et It^s seconds. Pour cela, il faut se rendre compte que

tout commence par le travail, tout doit être réglé dans la justice, tout doit être dominé par une idée morale commune à tous, et c'est l'honneur)). Et ( 'est pourquoi il a partagé son livre en trois par- ties : Travail, Justice, Honneur.

Ce sont des mots bien sonores, mais j?ai plaisir

constater que M. de Meurville a su mettre der- r ière ces mots et dans ces chapitres des idées géné- reuses, des faits, des documents. Félicitons-nous donc qu'après avoir pensé à ces choses graves, M. de Meurville voie l'avenir dans l'évolution et non dans la révolution, et faisons des vœux avec lui pour que la France se place « au premier rang <fans ce mouvement qui entraîne l'humanité, et ({u'au lieu de donner l'exemple du désordre et de la Instruction, elle donne celui de la sagesse et montre

' que peut son génie à l'avant-garde de l'huma-

334 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

MÉMENTO DU MOIS D'OCTOBRE

ROMANS

Albinet (Félix). Contes de toutes les heures.

Aubier (Fernand). Belle et sans dot.

Bachelin (Henri). Rohes Noires.

Berger (Lya). UAiguilleuse.

Blan vilain (Germaine). Le soir d'une vie d'amour.

Gahisto (Manoël). L'Illimité.

Girardin (J.). Maman.

Goron Coup double, épisodes des « Nuits Rouges».

Han Ryner. Le Cinquième évangile.

Lafage (Léon). Par Aventure.

Lafargue (Fernand). Les Ouailles du curé Fargeas, une nouvelle édition très agréablement illustrée de ce roman du regretté Fernand Lafargue que j'ai signalé en son temps et qui est, je crois bien, l'œuvre maî- tresse de cet écrivain, dont la carrière fut si préma- turément interrompue.

Méry (Claude). La Voix des vieux.

Morian (Jacques). L'Epreuve du feu, le récit de l'émou- vante aventure d'une jeune fille éprise du mari de sa meilleure amie.

Renel (Charles). -^ La Race inconnue.

Reschal (Antonin). Les derniers exploits de Maud, femme du monde cambrioleuse, roman fantaisiste.

Wenz (Paul). Sous la Croix du Sud, de très jolies nouvel- les, pittoresques et émouvantes et qui présentent par '^Iles-mêmes un très vif intérêt ; elles ont, en outre, le mérite d'évoquer avec beaucoup de précision mille détails intimes, mille caractères curieux de la vie australienne, et ce livre agréable est en même temps un fort précieux document.

MEMENTO DU MOIS d'oCTOBRE 335

HISTOIRE LITTÉRATURE THÉÂTRE POÉSIE POLITIQUE DIVERS

Albert (Henri). Frédéric Nietzsche : Pages choisies.

Arjuzon (Comtesse d'). Récits de trois jeunes prisonnières : « Madame Royale, M ™e de Tourzel, M^^e ^e Pons. »

Aymard (Capitaine). Les Touareg, une belle étude rap- portée du Soudan l'auteur passa de longues années en des postes périlleux.

Rollossort (André). La Suède, la « nature, l'esprit et les mœurs, la Suède littéraire, la Suède religieuse», un pittoresque et intéressant volume.

Blés (Numa). Voir Dominique Bonnaud.

Bliard (Pierre). Jureurs et Insermentés (1790-1794), d'après les dossiers du Tribunal révolutionnaire.

Bonnaud (Dominique), Numa Blés et Lucien Boyer. Ulysse à Montmartre, une charmante plaquette, vers et prose mêlés, les auteurs offrent à notre médita- tion un portrait d'Ulysse assez inattendu et dénué de tout respect pour l'antiquité grecque en général, et pour le sage Ulysse en particulier. Et cette légende néo-grecque n'est point seulement irrévérencieuse, elle est aussi d'une bien blâmable licence, mais les vers sont si pimpants, la prose est si spirituelle, tout cela est si amusant qu'on a pour les coupables chansonniers beaucoup d'indulgence. Et puis, n'oublions pas que cela se passe à Montmartre et que de tout temps la butte sacrée a eu des grâces d'état.

lîonnefon (Jean de). Les Cours, VEglise et la Ville, un bien discutable et bien amusant volume.

iîourgeois (Emile). La Diplomatie secrète au xviii*^ siècle. Ses Débuts : Le Secret de Dubois, cardinal et premier ministre, le dernier volume de ce savant ouvrage.

F^»outié (Louis). Paris au temps de Saint-Louis, un volum»' un peu tendaniceux peut-être mais si intéressant, si remarquablement documenté. C'est un plaidoyer pour cet âge d'or du bon vieux temps qui ne réalisait

336 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

pas l'idéal de la perfection, ni matériellement, ni poli- tiquement, mais qui s'en éloignait, paraît-il, moins que le nôtre. Pour étayer son plaidoyer, M. Louis Boutié a procédé à une vaste enquête très semblable à celle que font les journalistes d'aujourd'hui sur les grands faits modernes; il n'y manque que des photo- graphies — et encore elles sont remplacées par de fort belles images I

Boyer (Lucien). Voir Dominique Bonnaud.

Garlyle (Thomas). Voir Jeanne Welsch.

Chambrier (M™e Alexandre de). Henri de Mirmand et les Réfugiés de la Révocation de VEdit de Nantes, 1750 à 1720.

Chevrillon (André). Nouvelles études anglaises.

Colomb (Félix). Les Combats, des vers offerts « aux com- battants de toutes races ».

Golson (Albert). V Essor de la Chimie appliquée. Ce titre seul suffit à dire l'intérêt et l'importance d'un tel ouvrage. Ne vivons-nous pas sous le règne de la chi- mie qui transforme peu à peu toute notre vie, toutes nos habitudes, dont l'influence, prépondérante dans la grande agriculture et dans la grande industrie, se fait sentir jusque dans l'intimité de notre home? Je serais bien content de pouvoir vous parler de ce livre comme il convient; mais, malgré le souci que prend M. Albert Colson d'être accessible à tous, de ne mettre dans son livre que la teinte des notions générales strictement indispensables, c'est encore bien fort pour moi et mon ignorance éclaterait bien vite si je m'aven- turais dans une analyse. Je dois donc me contenter de vous dire qu'il y a dans l'ouvrage de M. Albert Colson un tableau d'une ampleur et d'une concision remarquable, embrassant les grandes industries chimi- ques et agricoles, métallurgiques et électriques, les propriétés du radium, la poudre sans fumée, l'in- dustrie des couleurs et des parfums et l'hygiène moderne.

Courson (Vicomte de). L'Insurrection de i8 32 en Bretagne et dans le Bas-Maine.

Dierauer (Johannès). Histoire de la Confédération Suisse,

MEMENTO DU MOIS D OCTOBRE 337

troisième volume traduit de l'Allemand par M. Aug. Reymond.

llaumgard (Louis). Edmond Rostand, biographie criti- que ornée d'un portrait frontispice et d'un autographe suivi d'opinions et d'une bibliographie.

Jaurgain (Jean de). Troisième, d'Artagnan et les Trois Mousquetaires, un volume l'auteur évoque, en des études biographiques et héraldiques, les prestigieux héros d'Alexandre Dumas, personnages si chers à notre imagination et que nous retrouvons dans l'his- toire avec un sentiment mêlé de plaisir et de mélan- colie.

Kergorlay (Comte Jean de). Sites délaissés d'Orient, des pages pittoresques, émues, semées de belles images, l'auteur évoque les gorges desséchées de la péninsule sinaïtique, Feiran et la montagne de la Loi, et Pétra, au miheu d'un site merveilleusement beau, inondé de lumière, et enfin, pèlerinage national,. les châteaux des croisés, ces magnifiques forteresses qu'au temps jadis les Français firent surgir du sol si lointain de leur patrie, si lointain de tout, au milieu des populations hostiles, ayant sans cesse à combattre les Musulmans fanatiques guerroyant chez eux, sous un ciel de feu.

La Forge (R.-G. et H. de). Au pays de V Avenir, «Quatre années d'études sur les affaires de l'Amérique du Sud. Les milhons de l'épargne française au Brésil.» Un attrayant et instructif voyage.

La Torre (Jorge-Corredor de). V Eglise Romaine dans V Amérique latine.

Latreille. Après le Concordat, « l'Opposition de 1803 à nos jours», un volume l'auteur termine son histoire si intéressante de l'opposition religieuse au Concordat.

Laurent (Raymond). Etudes anglaises, un livre capti- vant et sincère.

Leclercq (Jules). Terres antiques et lointaines, un livre l'auteur évoque, en des vers harmonieux, l'Egypte, la Grèce, l'Orient, l'Inde, les tropique et les terres polaires, la mer, la montagne, les eaux, la forêt, le désert.

20

338 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Lefebvre (Alphonse). V Inconnue de Prosper Mérimée, sa vie et ses œuvres authentiques.

Legendre (D^ A.-F.). Kientchang et Lolotie, un volume d'une très pittoresque et solide documentation sur le Far-West chinois. En publiant ce livre, l'auteur a eu des intentions austères : il a désiré nous instruire et, sans chercher à nous faire connaître des aventures sensationnelles, il a voulu nous offrir une étude : celle du grand peuple à l'ordre du jour et des aborigènes qui vivent à son contact, il a touché, nous dit-il, un peu à tout : peintures sociales et familiales, coutumes, tendances, et l'on peut voir dans ce livre « les diffé- rentes races d'un ,très vaste empire dans toutes les manifestations de leur existence physique, intellec- tuelle et morale, le milieu elles évoluent, milieu intéressant par la multiplicité de ses produits sous un merveilleux chmat». Cet ouvrage, qui veut n'être qu'instructif, est en même temps tout à fait amusant et pittoresque, j'ajoute qu'il est réconfortant, car, après l'avoir lu, ceux que hante à l'heure actuelle le souci du péril jaune ont quelques raisons d'être un peu rassurés.

Le Senne (Emile). M"^<^ de Païva, une étude un peu spé- ciale de psychologie et d'histoire.

Lévy (Arthur). Napoléon intime. Voici, sous une forme nouvelle, réduite, sans que rien d'essentiel en ait dis- paru, l'œuvre publiée, il y a quinze ans par M, Arthur Lévy. Tout a été dit sur cette œuvre puissante, minu- tieuse, où l'homme qui fut en Napoléon est évoqué avec une conscience scrupuleuse, une vérité quasi- photographique, et cette émotion profonde dont ne sauraient se défendre ceux qui ont contemplé ce soleil. Lors de son apparition, François Goppée avait loué ce livre aujourd'hui classique; il avait admiré ce « por- trait de l'Empereur si ressemblant parce que si humain, il avait dit « l'esprit d'ordre, le calme, la conscience, (^t .surtout Je haut sentiment d'impartiahté de ce livre ■). Réjouissons-nous de voir cette belle œuvre d'his- toire mise plus directement à la portée du grand pubhc.

MEMENTO DU MOIS d'oCTOBRE 339

Longuemare. Bossuet et la Société française sous le règne de Louis XIV.

Lubomirski (Prince Joseph). Mémoires du prince Joseph Lubomirski, 1839-1869; c'est l'étonnante « histoire d'une ruine » que l'auteur nous présente dans une in- troduction où j'ai cueilh cette phrase : « Je me méprise profondément. Toutefois, par comparaison avec nom- bre de mes semblables, je redresse le col qui, malgré ce dédain de ma propre personne, est raide à peu près comme celui du peuple d'Israël.»

Liinel (Ernest). Le Théâtre et la Révolution, un livre l'auteur étudie l'histoire anecdotique des spectacles, de leurs comédiens et de leur public par rapport à la Révolution française.

Mangin (Lieutenant-colonel). La Force noire, un beau livre l'éminent officier nous expose avec une élo- quence saisissante les ressources que nous réservent la force noire, l'armée noire, pour suppléer à cet amoin- drissement douloureux dont la dépopulation menace chaque jour plus dangereusement notre armée métro- pohtaine.

Masson (Pierre-Marie). Une vie de femme au xviii^ siè- cle, une nouvelle édition de cet ouvrage si séduisant et si décisif sur M me de Tencin (1682-1749).

Mer('ault (Charles). VArt de tromper, d'intimider et de corrompre Vélecteur : c'est un art assez bien connu par un grand nombre de nos législateurs qui n'ont besoin pour le pratiquer ni de maître ni de manuels, ils n'ont plus rien à apprendre dans cet ordre d'idées ! Raison de plus pour souhaiter que leurs électeurs se décident à aborder à leur tour cette étude.

Mouillé (Charles). Voir Marcel Prouille.

Pisani (le Père). U Eglise de Paris et la Révolution.

Poinçon (E.). Le Cantique des Cantiques, un livre de vers que l'auteur dédie au Christ, perle incomparable qu'il a trouvée dans l'écrin merveilleux de la Bible, et que, téméraire, il a essayé de sertir dans la langue des dieux.

IT .uille (Marcel) et Charles Mouillé. Les Poésies de Ma- koko Kangourou; Makoko Kangourou, est, nous dit-

340 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

on, un poète nègre; nègre, je veux bien ! poète, c'est une autre affaire. C'est d'ailleurs d'une assez agréable fumisterie, et il y a parfois, dans ces litanies, un assez curieux mélange de candeur, de cynisme et de fan- taisie ; avec le rythme et les gestes d'un Mayol ou les clignements d'yeux d'un Dranem, ce serait peut-être très bien !...

Reval (Capitaine .T.). Turenne, un essai de psychologie militaire.

Reyssié (Félix). La Jeunesse de Lamartine, d'après des documents nouveaux et des lettres inédites.

Rilly (Comte de). Le Baron d'Oysonville (1606-1679), « une page de l'histoire de l'Alsace au xviii^ siècle.

Rochetal (Albert de). La Graphologie à la portée de tous, un volume qui fera beaucoup pour la vulgarisation de cette science. Je dis bien, « cette science», car j'ai appris à n'être plus sceptique devant les révélations psychologiques que les graphologues vont chercher dans la forme d'un trait, la liaison d'une lettre, sa hauteur, sa régularité, que sais-je encore; non seule- ment je ne suis pas sceptique mais je suis un peu effrayé et je me garderai bien, pour mon compte, d'é- tudier cette grammaire de la graphologie, si précise, si claire, et grâce à quoi je pourrais trop aisément percer trop de mystères ; je tiens à mes illusions ; et, les lettres que j'ainie, je ne veux pas les casser pour voir ce qu'il y a dedans.

Rouby (Dï"). La Vérité sur Lourdes, un livre l'auteur s'essaye à trouver une « explication scientifique de tous les grands miracles».

Silvestre (Général F.). Considérations sur la campagne de Mandchourie (1904-1905).

Torcy (Général de). Les Espagnols au Maroc en 1909.

Tornezy (A.). Voltaire, Rousseau et Diderot peints par eux-mêmes.

Villon (François). Œuvres de François Villon, publiées dans la collection « les Meilleurs Auteurs classiques français et étrangers» en un volume très soigneuse- ment établi par M. Paul Lacroix, avec une préface, des notes et un glossaire.

MEMENTO DU MOIS D*OCTOBRE 341

Walle (Paul). Au Brésil, de l'Uruguay au Rio Sao Fran- cisco.

Welsch (Jeanne) et Thomas Carlyle. Lettres d' amour de Jeanne Welsch et de Thomas Carlyle, publiées avec l'autorisation spéciale de M. Alexandre Carlyle, textes originaux traduits par Elsie et Emile Masson.

Wilhelmine (Fréderique-Sophie, margrave de Bareith, sœur de Frédéric le Grand). Mémoires, 1706-1742.

Youssof (Fehmi). La Révolution Ottomane.

NOVEMBRE

LES ROMANS

PAUL ADAM Le Rail du sauveur.

L'œuvre de M. Paul Adam est de celles qui font honneur à une époque. Devant ces livres imposants tant de pensée profonde et généreuse, tant de science passionnément et chèrement acquise, une imagination si somptueuse s'expriment en un verbe d'une richesse inouïe, devant ce monument de la littérature et de la pensée françaises, l'auteur a le droit de concevoir quelque orgueil; le lecteur aussi peut être fier de soi, car son plaisir ne fut point un plaisir vulgaire ni facile, et il lui fallut sou- vent faire un méritoire effort pour conquérir cette beauté.

NOVEMBRE LES ROMANS 343

Ils sont nombreux, Dieu merci, les lecteurs de

Paul Adam qui ont su faire cet effort, et gagner ce

oble plaisir. Mais les autres ! Eh bien ! je viens de

cevoir un livre de. Paul Adam qui, je pense, va < tnquérir ces « autres ».

Tout de suite, l'aspect typographique vient ras- surer le frivole lecteur : ce sont, sur des pages aux larges marges, des phrases courtes, coupées de nombreux alinéas, et « il y a du dialogue » et « il y a une histoire» dont, sans effort, on saisit l'agrément (^t l'intérêt.

Et c'est très bien ainsi, car l'autre lecteur, le lecteur du Trusta trouvera ample matière à ré- flexion et à pensée dans cette étonnante et belle histoire si lestement contée de Jerry-Hill le pas- (eur Joë Galveston avait situé le Jugement der- nier, découverte mystique que les industriels et les iinanciers d'outre-mer prétendirent exploiter à l'exemple d'une mine de cuivre ou d'un gisement aurifère. Derrière cette histoire si amusante, si rapide, il discernera une étude sagace et profonde do l'esprit et des procédés du bluff. A la suite de inan, deux courtes nouvelles : la Glèhe^ un drame de la terre, de la jalousie et de l'ivrognerie, ot le Conte futur, une émouvante évocation des N^mps lointains du pacifisme, viennent attester loquemment la merveilleuse souplesse du beau 'dent de Paul Adam et la prestigieuse variété de 'S ressources.

344 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

MARGUERITE AUDOUX Marie-Glaire.

Vous connaissez déjà le nom de Marguerite Audoux; vous savez que Marguerite Audoux n'est point un écrivain de métier, mais une femme très simple, très humble, une petite couturière aux yeux fatigués par les longues veilles laborieuses et péni- bles, et qui, pour se distraire, pour s'évader par- fois de sa prison, a imaginé toute seule, sans que personne le lui ait suggéré qui donc y eût pu songer ! cette ressource : écrire, avec les mots qui lui venaient, sans choix, sans ordre comment eût-elle choisi, comment eût-elle ordonné? ses souvenirs d'enfance, ses grands chagrins puérils, ses humbles joies, ses douces imaginations.

Ces feuillets épars, un très bel et très noble écri- vain les admira; un éditeur les a publiés et c'est un roman magnifique dont je ne puis vous parler sans une intense et profonde émotion. J'ai bien réfléchi avant d'écrire ces lignes; je me méfiais de moi- même et je me demandais si je ne m'étais pas laissé monter la tête par la belle histoire de ce roman dans la préface de M. Octave Mirbeau et dans le récit de Régis Gignoux. Il n'en est rien; c'est bien l'œuvre elle-même, l'œuvre toute seule qui m'a empoigné, une œuvre qui ne ressemble à aucune autre, qui n'évoque aucun souvenir littéraire, l'on a cette

NOVEMBRE LES ROMANS 345

sensation unique d'une âme, d'une imagination, d'une sensibilité qui viennent se mettre à nu devant vous, sans nul intermédiaire. Les mots n'ont ici que leur valeur d'expression ; ils ne sont à aucun moment une parure ni un déguisement, et ils acquièrent par là-même une puissance prodi- gieuse d'évocation. Et nous avons, après avoir lu ce beau livre, cette impression si rare du peuple venant à la littérature et lui apportant une force îieuve dans l'observation des faits et leur expres- sion.

COLETTE WILLY La Vagabonde

M"^® Colette Willy est un bien singulier et trou- blant écrivain : pétrie de contrastes, c'est pour lui emprunter un de ses titres une « ingénue liber- tine»; elle cultive en même temps le réalisme le plus cru et je ne sais quel idéalisme éthéré, elle est mue et ironique, tendre et cruelle, brutale et pudique, et ses pudeurs sont plus gênantes souvent que ses brutalités. Son lecteur est gagné par la con- tagion de tant de contradictions; il est tour à tour, et souvent tout à la fois, irrité et charmé; et dans le moment son agacement, son énervement vont atteindre à l'exaspération, il s'aperçoit avec sur- prise qu'il est conquis.

8V6 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Avec plus d'intensité encore que ses livres précé- dents, la Vagabonde^ nous donne cette impression, car c'est, je crois, le roman le plus direct, le plus personnel qu'elle nous ait encore donné; et elle connaît à merveille cette Renée Taillandy dont elle nous conte l'aventure sentimentale, cette femme de lettres divorcée après huit ans de mariage, « femme de lettres qui a mal tourné », qui est devenue mime, danseuse, comédienne et qui échange maintenant contre de l'or sonnant ses gestes, ses danses, le son de sa voix ; elle la connaît comme une sœur, et elle la contemple avec une tendresse, une complaisance infinies; l'anaylse de cette petite personne lui pro- cure, on le voit, toutes sortes de satisfactions, et je comprends cela, car elle est délicieuse, et moi aussi je la suis avec le plus vif intérêt dans l'étalage de ses complications sentimentales, dans « ses chichis, ses coupages de cheveux, en quatre, ses soliloques psychologiques», toutes ces choses qui devraient être prodigieusement agaçantes, et qui tout au con- traire, sont très jolies et prenantes au plus haut point.

Je la contemple avec un intérêt sans cesse renou- velé, cette « vagabonde», mais je me garderais bien de souhaiter son intimité; et je plains de tout mon cœur le pauvre Max, l'homme simple et amoureux que son méchant destin a mis sur le chemin de cette petite femme séduisante et cruelle qui se croit un instant amoureuse, mais qui au fond je le lui dis tout bas, puisqu'elle n'a pas su découvrir

NOVEMBRE LES HU.MANS 347

c^'la dans suii analyse, pourtant si pénétrante et si loyale n'aime vraiment qu'une personne au monde : elle-même.

Elle va bondir sans doute sous cette accusation d'égoïsme qui lui semblera la chose la plus mons- trueuse du monde; aussi, comme je ne tiens pas à ivoir des histoires avec une femme aussi fine et iorte que celle-là, je me garderai d'insister, et me hâterai de vous dire qu'elle est capable aussi d'émo- tion et qu'il y a un grand attendrissement dans son évocation de Brague, le mime, et de la petite Jadin, de Bouty, le pauvre cabot malade qui a fait les Dranem», et de tant d'autres artistes de café-con- cert : « chimériques orgueilleux, d'une foi absurde et surannée dans l'art. » Pour ces moments d'émo- tion, il sera beaucoup pardonné à cette femme de trente ans, folle et sage, qui, en somme, avait aimé, avant d'être cette Brunehilde désabusée, « qui no craint même plus Siegfried, et que la barrière de feu garde contre tous ».

CYRIL BERGER La Merveilleuse aventure.

Les jeunes écrivains auraient mauvaise grâce vraiment à se plaindre de notre temps; jamais on ne leur témoigna tant de sollicitude : les prix, les bourses et les fondations destinés à les encourager

348 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

moralement et matériellement pleuvent sur eux, et l'on se demande comment un talent peut encore rester ignoré de nos jours.

, C'est parfait, et Ton n'ira jamais trop loin dans cette voie; mais, en retour de tant de sollicitude, nos « espoirs littéraires» ne pourraient -ils pas nous offrir un peu plus d'allégresse, et cesser, à l'aurore d'une vie que tout concourt à rendre plus facile, de nous donner le spectacle d'un pessimisme, d'une tristesse, d'un désenchantement excessifs?

M. Cyril Berger, le récent lauréat des Quarante- Cinq, n'échappe pas à cette loi. Les nouvelles réu- nies dans son livre la Main sur la nuque^ qu'on a récompensé à juste titre, car c'est une œuvre pleine de talent, sont, en général, navrantes ; les pauvres diables qui s'agitent dans cette prose ont tous « une main sur la nuque, qui les pousse inexorablement vers toujours plus de misère, vers toujours plus de souffrance, jusqu'au seuil de la mort bienfaisante ». Vous voyez le ton du livre et comme tout cela est réconfortant !

C'est sans doute pour nous sortir de cet enfer que M. Cyril Berger nous convie, en cette Merveilleuse aventure, à le suivre très loin, très avant dans les temps, car cette merveilleuse aventure se déroule à Londres, en l'année 2130.

Quel chemin parcouru dans ces deux siècles, et que de transformations accomplies ! Le machinisme a complètement remplacé le travail des hommes; on ne cultive plus la terre, la ville est ravitaillée par

NOVEMBRE LES ROMANS

les colonies d'Afrique qui lui envoient au moyen de tubes géants fort bien agencés sa pâture quoti- dienne ; on ne voyage plus que dans les airs, trans- portés à des vitesses vertigineuses par des trains qu'entraînent de mystérieux courants magnéti- ques, une température délicieuse règne partout grâce au feu central capté pour le chauffage de la terre...

Tout cela devrait rendre la vie délicieuse, mais il y a les hommes, et les hommes n'ont pas pro- gressé en même temps que les choses, au contraire ! Ils ressemblent tout à fait aux Romains du Bas- Empire : ils ont du pain, il leur faut des jeux; et les trusters, les grands manieurs d'or, qui ont pris la place des empereurs, s'appliquent à les leur don- ner sous les espèces de gigantesques et sanguinaires <'ombats de boxe. Et cette frénésie de luxe, de plai- sir et de meurtre se termine comme il convient par une catastrophe, une formidable et scientifique explosion qui fait sauter Londres.

Il y a dans cette histoire une belle dépense d'ima- gination qui fait parfois penser, à Wells : c'est amu- sant et dramatique, et vous pouvez en conclure, si vous voulez, que l'humanité ne s'améliore pas en vieillissant bien au contraire.

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350 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

GUY GHANTEPLEURE Maiencontre.

Guy Ghantepleure, cette femme de lettres au talent délicat, poursuit sans vain tapage une car- rière laborieuse, unie, harmonieuse, au milieu d'une estime qui grandit sans cesse depuis le j our déj à loin- tain où elle nous révéla ce nom de Guy de Ghante- pleure, où elle a mis, comme un programme, cette joie et cette tristesse qui se mêlent également dans ses livres.

Ge romancier, dont l'imagination est féconde et la langue excellente a, en effet, par-dessus tout, le sens de la mesure : il y a toujours un peu de mélan- colie dans sa joie, toujours quelque espoir dans ses tristesses. pl|

Pourtant, avec Maiencontre^ je croyais bien que nous entrions cette fois dans la vraie tragédie, toute noire, toute pleine de mystère et de terreur : l'ar- rivée de la douce et charmante Flavie dans le som- bre château de Maiencontre est faite pour nous don- ner le frisson, frisson justifié, car il se passe dt > choses terribles dans cette demeure habitée par la tristesse et le regret, Patrice de Maiencontre traîne péniblement entre sa vieille mère, son fils, un charmant bambin, et miss Brinda Savage, sœur de Gladys, morte au moment il devait l'épouser, le désespoir d'une vie finie à vingt-six ans. Deux fois

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déjà il fut sur le point d'être heureux, deux fois la mort cruelle lui a ravi sa compagne, ou sa fiancée. 11 ne croit pas qu'il y ait, désormais, pour lui, de joie sur la terre.

Peu à peu, cependant, la bienfaisante influence du sourire et de la jeunesse de Flavie, entrée dans cette maison comme institutrice, opèrent le mira- cle : il se reprend à vivre, il aime, il est aimé ; mais cette idylle est bien près, elle aussi, d'avoir un dénouement tragique : certain soir, une main crimi- nelle verse un poison subtil dans le verre de Fla- vie;^ c'est celle de miss Brinda qui, éprise elle-même de Patrice, voulait tuer Flavie comme elle avait assassiné déjà, par un crime atroce, sa sœur Gladys. Dès lors tout s'éclaircit, c'est la catastrophe, mais c'est aussi le salut; Flavie est sauvée et, après quelques émouvantes péripéties, Patrice connaîtra enfin le bonheur dans l'amour et dans la vie entre son fils et sa doiic*' femme.

LÉO BYRAM

Mon ami Fou-Than < Ou les tribulations d'un coolie pousse-pousse. »

C'est, nous dit l'auteur, un « roman de mœurs chinoises». J'y vois plutôt, pour mon compte, la

..,,i..4;..r. j',,f| voyageur qui a très bien :ni voir et

352 LE MOUVEMENT LITTÉr'AIRE

observer les choses et les hommes, comprendre les drames et les comédies qui se déroulèrent autour de lui. Mais, ne chicanons pas sur un titre : l'essen- tiel est que derrière ce titre nous trouvions un livre qui nous divertisse et nous instruise.

Or, le volume de M. Léo Byram atteint à mer- veille ce double but; nous sommes intéressés et émus par l'histoire de Fou-Than, ce Chinois cultivé, à l'esprit ouvert, au cœur généreux et que des cir- constances pénibles ont réduit à la condition d'un misérable pousse-pousse en attendant qu'elles l'acca- blent de bien d'autres malheurs immérités; ses per- sécuteurs : le perfide Kiao, et Ouan, le poHcier, ne nous intéressent pas moins, non plus que Beau Nuage, son père. Précieuse Pureté, l'obhgeante et dangereuse amie de la maison, et Li-Sbi, la pauvre petite Chinoise, épouse vouée à taut de détresses par les mœurs de son pays si cruelles aux femmes.

Tous ces êtres si loin de nous, si différents, nous surprennent et nous amusent au plus haut point, et leurs aventures constituent bien en somme une sorte de roman, mais elles nous offrent surtout une vivante leçon : nous y apprenons mille choses sur les mœurs chinoises et aussi sur les causes profon- des des sentiments que nous inspirons aux Fils du Ciel, sentiments dénués d'aménité et que l'on com- prend très bien, pour peu qu'on soit doué de quel- que esprit d'observation et d'équité. Je me sou- viens d'avoir eu, il y a quelque dix ans, une bien curieuse conversation sur ce sujet avec un Chinois

NOVEMBRE LES ROMANS 353

arrivé tout droit de Pékin : j'ai retrouvé ses idées exprimées par le sage et infortuné Fou-Than, et j'ai compris mieux encore cette aversion chinoise que notre vanité nous fait trouver monstrueuse et inconcevable.

JEAN BERTHEROY Les deux puissances.

Ce livre est, nous dit-on, un « roman moderne ». Cette épithète, en général, ne nous présage point que nous aurons affaire à des héros d'un idéal très élevé; les romanciers tiennent, en effet, pour l'ordi- naire, les mœurs modernes en assez piètre estime. C'est donc une surprise pour nous de constater que le roman de M^^ Jean Bertheroy nous fait assister au drame de deux consciences que mettent aux prises les plus nobles, les plus rares scrupules. En épigraphe, cette pensée : « Ceux qui n'ont pas cher- ché le mystère de l'Être ont perdu leur vie. » L'affir- mation surprendra une foule de gens qui s'étonne- ront aussi de voir deux êtres d'élection, tels que l'éminent savant Stanislas Remondy et la belle, noble et généreuse Lucienne, entraînés l'un vers l'autre par un amour très puissant et très pur et qui renoncent à unir leurs destinées parce que leurs sentiments sont divers sur la grande question d<' l'inconnu,

'Î54 LE MOUVEMENT LITTERAIRE .

Notez bien qu'il n'y a pas entre eux de diver- gence essentielle, que ce n'est pas un athée en face d'une croyante; simplement, ils ont suivi des routes différentes dans un culte commun de l'idéal : cela suffît pour les décider de renoncer l'un à l'autre sans d'ailleurs que leur tendresse et leur estime en soient le moins du monde atteints.

Ce sont des sentiments très beaux, très rares, et qui élèvent ces deux héros singulièrement au-des- sus de notre actuelle humanité. M^^ Jean Berthe- roy a réussi à nous faire apparaître vivants ces deux êtres d'idée, dans un roman émouvant, humain et qu'animent des personnages tels qu'Andrée, la fille de Remondy, et son mari en qui nous reconnais- sons les spécimens d'une humanité hélas plus pro- che de nous.

JEAN BALDE Les Ébauches.

Ce livre est le premier roman de ce jeune écri- vain; il nous apporte la révélation d'un talent qui doit nous donner de très belles choses. C'est une histoire très balzacienne, celle de Claude Ferrol; outre qu'elle se déroule dans les temps évoqués par le grand romancier, elle est traitée avec cette ampleur, cette minutie, cette continuité impres- sionnantes des romans de Balzac, et l'arrivée de

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Claude Ferrol à Paris ressemble étrangement à celle de Lucien de Rubempré, mais son histoire est bien différente, et « les ébauches » de Claude Ferrol res- tent toujours celles d'une âme d'apôtre, d'une âme généreuse et ardente, celle de ces hommes de vingt ans qui, dans leur mansarde, veulent réformer le monde.

Rien de plus émouvant que ces rêves sublimes, ces recherches généreuses d'utopies que meurtris- sent sans cesse les déceptions de la réalité. Les aven- tures sentimentales et morales de Claude Ferrol, les influences qu'il subit des derniers Saint-Simoniens, dp Lacordaire, de M"^^ Swetchine, d'Ozanam, des républicains de 1848, c'est, en somme, objectivée sous une forme romanesque, l'histoire même de l'idéal en notre pays dans la première moitié du xix® siècle.

A un semblable héros, la vie doit être cruelle; en effet, il va sans cesse de souffrances en décep- tions, sans renoncer jamais à ses espoirs : « Va, va toujours, Claude Ferrol, et puis souffre, combats, espère. C'est ainsi que Dieu t'a voulu. Non, la vie n'aura rien pour toi, cette vie du dehors, hostile et dure, que tu subis; mais de tant d'amour dépensé, de toute ton âme qui rayonne» an loin, un pfMi dn chaleur reviendra peut-être. )

356 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

ALBERT POSTEL DU MAS Le Roman d'un révolté.

« Toute individualité puissante est fatalement en révolte contre la collectivité. Elle vit au-dessus ou à côté en marge, par conséquent et doit, pour s'y maintenir, lutter sans cesse contre son influence amoindrissante puisque égalitaire. « Telle est l'opinion de M. Albert Postel du Mas qui l'ins- crit comme axiome au seuil de son livre.

Cet axiome ne m'apparaît pas si évident et il ne me semble pas qu'une individualité puissante soit nécessairement en révolte contre toute loi; je crois, au contraire que cette individualité s'affirme d'au- tant plus puissante qu'elle a su se développer, s'im- poser, sans se mettre en rébellion contre les lois de la nature, de la société, de l'humanité. Mais ce n'est pas ici le lieu de discuter l'axiome de M. Albert Pos- tel du Mas» : voyons le roman qu'il a construit sur cet axiome.

Il est formidable, ce roman, il l'est trop pour nous effrayer tout à fait. Oui, l'excès même de sa bruta- lité est fait pour nous rassurer et ce Wilfrid Savigny de Sérac pour lequel l'auteur voudrait nous inspirer un sentiment de tendresse et d'horreur, d'admira- tion et de pitié, nous apparaît comme un monstre nous nous réjouissons de ne pas reconnaître les traits qui caractérisent nos semblables, et cela

NOVEMBRE LES ROMANS 357

nous permet d'écouter, sans trop d'émoi, le récit de ses aventures. C'est heureux, car autrement, com- ment nos nerfs auraient-ils pu supporter l'angoisse de ces vols reprises individuelles de ces sadi- ques amours, de ce crime final sur la personne de la grand'mère dont on convoite l'héritage, et de ce sui- cide en beauté pour se punir, non pas du crime,- mais de son échec. M. Albert Postel du Mas nous raconte cette aventure en un style curieux, personnel, sou- vent brutal; mais parfois il s'alanguit en inflexions caressantes pour son monstre, qui le confond d'ad- miration et de tendresse. C'est, au demeurant, un livre rempli de talent.

MARIANNE DAMAD Chez eux.

' Une émouvante leçon de sohdarité sociale se dégage du roman que M"^^ Marianne Damad a pubhé sous le titre Chez Eux. C'est l'histoire de Juliette Fabian, une jeune femme de vingt-quatre ans, veuve, sans famille, sans fortune ou pres- que : à peine de quoi vivre très chichement qui a été recueillie par une parente éloignée, M"^^ Rim- bourg. Dans la maison de cette dernière, entourée de parasites intéressés à la circonvenir, elle connaît toutes les rancœurs, toutes les humiliations, toutes les tristesses classiques de la parente pauvre; et

il.

358 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

certain jour, n'en pouvant plus, elle s'enfuit de cet enfer: elle s'en va avec ses maigres ressources, vers les faubourgs, s'installe dans une médiocre chambrette elle ne connaîtra plus le luxe, mais du moins elle vivra indépendante « chez eux», chez les gens du peuple.

Et elle a la surprise de les découvrir accueil- lants, généreux, contents de voir parmi eux une femme que son éducation et sa situation sociale ont mise au-dessus d'eux, reconnaissants de ce sem- blant de luxe que son piano, ses conversations, ses pauvres gâteries à leurs enfants ont apporté dans leur humble maison. Tous les locataires, et aussi la brave concierge de cet immeuble populaire sont conquis par Juliette, qui, elle-même, se passionne pour son rôle d'éducatrice, et se réjouit de découvrir parmi ces humbles, la douceur et la force du simple hen humain. Mais bientôt, hélas ! de basses jalou- sies naissent parmi ces voisins, je ne sais quelles haines de classes se réveillent, une méchante femme remplace dans la loge la brave concierge de naguère, et voilà Juliette Fabian en butte à de basses et grossières méchancetés, plus insuppor- tables encore à sa délicatesse que les douloureuses piqûres d'autrefois; et son sort serait bien désolant, si le bon docteur Martellet, humble et généreux praticien de quartier, que séduisirent sa grâce et sa bonté, ne venait, en l'épousant, l'arracher à ce milieu.

Et elle le suit, heureuse, avec tout de même un

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peu de regret ému; elle ne peut pas oublier qu'elle a trouvé parmi ce peuple un bienfaisant refuge, ejle sait désormais que « c'est une grande faute de séparer les castes, un crime de les rendre ennemies, et que chercher partout ils se trouvent ceux dont ! <'œur peut battre avec notre cœur, c'est accom- plir la vraie mission de la fraternité humaine». Excellente moralité d'un roman intéressant, bien observé, d'une louable simplicité.

LUCIEN MAR7AG Locuste.

M. Lucien Marzac évoque les temps néroniens. Il a choisi comme titre à son livre et comme centre à son histoire Locuste. L'idée est heureuse, car c'est un nom qui frappe et retient l'attention populaire ; on peut ignorer toute l'histoire romaine, n'avoir qu'une notion très vague de Britannicus et d'Agrip- pine et de Galba, mais on connaît forcément Lo- custe et son plat de champignons vénéneux, tant est grand et persistant le prestige des empoison- neuses sur nos imaginations. M. Marzac nous offre l'occasion de suivre, dans l'exercice de ses fonc- tions, cette aimable personne, patronne à travers les âges des virtuoses du poison; mais Locuste n'est qu'un des personnages du grand drame évo-

:{60 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

que par lui ; ce drame c'est celui de la société anti- que agonisante au milieu des crimes, des meurtres, des orgies et des jeux, traversée par cette foule éton- nante de courtisanes, de poètes, d'amoureux et de prétoriens, et aussi de quelques gens vertueux et nobles, comme le médecin Priscus.

Et c'est d'un très vif intérêt, conté en un style alerte, moderne, par un écrivain qui connaît très bien l'histoire romaine et qui est doué d'une très heureuse imagination. M. Maurice Barrés apporte le précieux appui d'une préface sympathique à ce livre qui, pour ma part, m'a semblé au moins aussi intéressant que le légendaire Quo vadis? et qui mérite bien un peu de son succès.

LOUIS ANDRÉ ET JEAN BOSG La Haine d'un Gardian.

MM. Louis André et Jean Rose nous conduisent « au pays des Cigales», en un roman de mœurs lan- guedociennes, la Haine d^un gardian, et c'est un beau voyage, tout rempli d'émotion, à travers ces terres baignées de soleil : nous y assistons à ces courses de taureaux provençales d'une si jolie cou- leur, aux exploits magnifiques de ces gardians qui sont les toreros de chez nous, des toreros comme ils n'en ont pas tras los montes', et ce sont dans un

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mouvement endiablé, évoqués par des écrivains qui les connaissent bien et qui les aiment, ces divertis- sements villageois de notre Midi, ces farandoles frénétiques et charmantes, ces ferrades terribles, fêtes du courage, mais non de la cruauté.

Dans ce décor étincelant, un drame se déroule, drame farouche et sombre de haine et d'amour, et de politique aussi car nous sommes au temps tragique du 2 décembre entre le gardian Malbos et le « rasetaïre» Jean-Louis, épris tous deux d'An- nette qui aime le dernier, cependant que son père, Tégoïste et avare maître Bizet, la destine par calcul et par crainte au redoutable gardian.

La haine du gardian est servie à souhait par les événements politiques : Jean-Louis est un républi- cain, et malgré le dévouement d'Annette qui lui a donné asile, il est découvert, arrêté, banni lais- sant dans le désespoir, dans la honte et dans l'isolement, son amie, qui meurt, quelques mois après, en mettant au monde un fils de Jean- Louis.

Dix-huit ans après, le drame recommence. Mau- rice, le fils de Jean-Louis, revenu au pays, aime Lise, la fille du gardian; mais le temps n'a pas désarmé la haine de ce dernier, qui non seulement refuse de consentir à l'union des amoureux, mais veut par surcroît tuer sa victime d'autrefois. Heureusement, l'intervention du brave chien de Jean-Louis vient à point arranger les choses, et le féroce Malbos expire sous ses crocs puissants; ainsi Lise et Maurice

362 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

seront heureux, et Jean-Louis connaîtra enfin la paix et la sécurité.

i Cette dramatique histoire est contée avec beau- coup d'agrément et d'émotion, en un roman pitto- resque où la psychologie des personnages est très adroitement notée, ce qui ne vous étonnera point lorsque vous saurez que l'un des auteurs, M. André, fut longtemps juge d'instruction. Dans un tel poste, un homme doit pour peu qu'il soit doué de quel- que esprit d'observation avoir appris à connaître assez bien les hommes et à sonder le mystère des consciences et des âmes.

MAGDELEINE CHAUMONT L'Éveil.

Il y a de bien agréables qualités de franchise, de belle santé morale et physique, dans le roman que Mine Magdeleine Ghaumont vient de publier sous le titre VEçeil. L'aufeur est une jeune femme dont c'est, je crois bien, le début dans le roman; et, dès ce premier livre, elle se donne tout entière, avec une audace ingénue et primesautière. C'est une belle histoire d'amour, de passion fervente, de lutte labo- rieuse et féconde que celle de Lucienne, la jeune fille ruinée qui est venue de sa province à Paris pour chercher à gagner sa vie. Un journal lui offre asile :

NOVEMBRE LES ROMANS 363

voilà « publiciste », mais que de difficultés, de rils, jusqu'au moment elle rencontrera le and amour libérateur.

De l'ombre, à côté de cette lumière : c'est, paral- lèlement à l'aventure de Lucienne, celle de Marthe, son amie d'enfance, qui fit, au sortir du couvent, le boau et richissime mariage, et qui, au bout de quel- ;es mois douloureux de vie factice, de morphine d'opium, meurt misérablement. Telle est l'histoire, M^^^ Magdëleine Chaumont la contée en une langue alerte et simple, sans nul (ifîce : elle est vivante, on jurerait qu'elle est eue et la femme sans cesse y apparaît sous l'écri- lin, c'est ainsi que dit M. Paul Brulat, « un livre passion et de sincérité, livre d'une femme qui n'oublie pas un seul instant qu'elle est femme en dévouant autour».

MARIUS GHAILLOU DU CŒURJOLY La Duchesse de Rouvreuse.

Le livre que M. Marins Ghaillou du Gœurjoly a publié sous le titre la Duchesse de Rouvreuse pour- rait être simplement un roman d'amour et de haine, aux péripéties très dramatiques, voire mélodrama- tiques. Et c'est bien cela en effet, l'histoire terrible de la duchesse de Rouvreuse que dévore un mal sans remède : neurasthénie, dit le docteur Ducasse

364 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

à son mari le duc de Rouvreiise, en réalité, mal d'amour inguérissable pour le jeune et séduisant comte Philippe de Roheber, son ami d'enfance.

Ce médecin peu clairvoyant est un ténébreux bandit qui se livre aux pires machinations, jusques et y compris l'empoisonnement, pour s'emparer de la fortune de son noble client ; mais un autre traître, le premier piqueur Gaétan Legoix, passionnément épris de la duchesse, s'ingénie à déjouer ses sombres projets tout en s'appliquant à perdre celle qu'il aime et dont il a deviné le secret.

Vous voyez qu'il y a tous les éléments d'un très émouvant roman-feuilleton, et l'auteur en a fort adroitement tiré parti ; mais, et c'est ce qui fait la particulière originalité du livre, il en a fait un « roman de vénerie » : le duc est un grand chasseur devant l'Eternel, et les plus dramatiques péripéties de cette histoire se déroulent entre des chasses racontées par l'auteur avec un luxe étonnant de détails et une indiscutable compétence. Ainsi, la lecture de ce livre nous laisse non seulement émus par les aventures de ses héros, mais, documentés parfaitement sur la 'quête et le rendez-vous, le laisser-courre, la curée aux flambeaux, et tant d'au- tres rites cynégétiques dont nous pourrons désor- mais parler comme des Nemrods consommés.

HISTOIRE, LITËr RATURE, VOYAGES,

POÉSIE, DIVERS

ERNEST DAUDET

L'Ambassade du duc Decazes en Angleterre, 1820-1821.

M. Ernest Daudet avait mis récemment en pleine lumière l'attachante figure du duc Dçcazes^ dont il nous avait dit l'existence ministérielle sous la Res- tauration jusqu'au moment où, à la suite de .l'as- sassinat du duc de Berry, le comte d'Artois et les ultras avaient obtenu son éloignement. Pour com- pléter cette évocation, M. Ernest Daudet nous raconte aujourd'hui, V Ambassade du duc Decazes en Angleterre, 1820-1821. C'est l'histoire de la der- nière année publique de l'homme d'Etat que le ro^ Louis XVIII avait éloigner, mais qu'il n'avait pu consentira disgracier et auquel il avait donné le poste d'ambassadeur en Angleterre,

36G LE MOTIVEMENT LITTÉRAIRE

L'histoire de cette ambassade, la correspondance et les entretiens pathétiques du ministre avec son souverain nous montrent comment la faveur de Decazes s'atténua progressivement en même temps que la politique libérale était de plus en plus acca- blée par l'ultra-royalisme qui conduisait la royauté aux abîmes; comment, la veille de sa mort, Louis XVIII dut sacrifier définitivement le duc Decazes dont la carrière politique fut brisée par l'avènement de Charles X : toutes ces choses d'une si haute importance pour l'histoire de la Restau- ration et pour l'appréciation équitable du roi Louis XVIII apparaissent fort clairement dans ce livre bourré de documents qui est un véritable monument historique.

COMTE C. DE MONTS La Captivité de Napoléon III en Allemagne.

(Traduction de Paul Bruck-Gilbert et Paul Li'vy).

Une impression bien douloureuse et bien pénible se dégage de ce livre, écrit pourtant sans nulle intention pathétique, au hasard des souvenirs et des notes, par l'officier général allemand, gardien de l'Empereur prisonnier.

Ce gardien n'avait pourtant rien d'un Hudson Lowe, ainsi que le fait remarquer M. Jules Claretie dans la belle et vibrante préface qu'il a donnée au

NOVEMBRE HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 367

livi( . ' t le château de Wilhelmshoehe était une prison infiniment plus confortable que Sainte- Hélène. Mais, malgré ce luxe de la prison, cette courtoisie du gardien, comme ce vainqueur manque de générosité ! tout ce qu'il peut trouver de mieux, ce sont des phrases comme celle-ci : « En présence d'une pareille infortune, il n'y avait place que pour <le la pitié; qu'il l'eût mérité ou non, son sort était 'ifmiment dur. » Un peu de pitié parfois, c'est tout; >mmp je préférerais de la colère ou de la haine !

BAROX DE MÉNEVAL L'Impératrice Joséphine.

JOSEPH TURQIIAN La Générale Bonaparte.

L'histoire est décidément une science bien diffi- cile, relative et incertaine ; c'est un lieu commun si rebattu, que j'ai quelque honte à le proférer une fois de plus; mais il s'impose vraiment trop impé- rieusement à moi, après la lecture de deux ouvra- ges historiques, parus dans la même semaine.

Le premier s'intitule Vlmpératrice Joséphine. Son auteur, le baron de Meneval, ministre'plénipo- tentiaire, entend, à l'aide de documents, et d'après

1^68 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

le témoignage des principaux historiens, nous offrir une image véridique de la première femme de Napoléon I^^ Il était temps vraiment de la peindre telle qu'elle fut, cette femme que l'outrage et la calomnie se sont depuis un siècle évertués à noircir. Grâce à des lettres inédites et à des recherches patientes, l'historien établit victorieusement que, si Joséphine n'a pas été à l'abri de quelques faiblesses, elle ne fut jamais la femme égoïste et perverse dont on a parlé; elle a été le bon génie de Napoléon qu'elle a magnifiquement secondé. Quant à ses écarts de conduite, on n'en fournit nulle preuve sérieuse, et ce sont des accusations de pamphlet.

.l'ouvre maintenant le second ouvrage, publié par M. Joseph Turquan, sous le titre la Générale Bonaparte. M. Joseph Turquan en a assez, lui aussi, de la légende de Joséphine : il veut nous montrer l'épouse de Bonaparte telle qu'elle fut; c'est de l'histoire qu'il nous offre, non de la légende tissée par des historiens beaucoup trop indulgents, et qui ont sciemment dissimulé ses défaillances. Foin de la galanterie, et ne parlons pas s'il vous plaît de la pudeur nécessaire de l'histoire : l'histoire doit être véridique, impitoyable et elle n'a pas à avoir, de l'honneur d'une femme, d'une impératrice, plus de souci que cette femme n'en eut elle-même.

NOVEMBRE HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 369

Tant pis pour Joséphine. M. Joseph Turquan, très impartialement, a laissé la parole aux faits, aux témoins; il a recueilli et comparé les documents épars dans les souvenirs et les mémoires des con- temporains; ce n'est point sa faute s'il en résulte le portrait peu flatteur d'une femme légère, égoïste, capable à l'occasion des plus fâcheuses trahisons.

Et voilà ! Remarquez que les deux historiens ont étudié souvent les mêmes documents, cité parfois les mêmes témoignages, pour arriver à une conclu- sion diamétralement opposée sur tous les points, sauf sur un seul ils se trouvent d'accord : la prédilection de Joséphine pour les belles robes; voilà sans doute un péché assez véniel chez une johe femme. Quant au reste, il convient je crois de nous résigner à voir dans cette femme ce qu'il y a dans presque toutes les femmes : une passionnante ( t indéchiffrable énigme; à moins encore que nous n'adoptions pour notre usage personnel une vérité moyenne qui pourrait bien être la vérité.

AUGUSTE DIDE

Jean-Jacques Rousseau « Le protestantisme et la Révolution Française. »

Le refrain de Gavroche dans les Misérables: « C'est la faute à Voltaire, c'est la faute à Rous-

370 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

seau » est, depuis un siècle, chanté sur le mode grave par un grand nombre d'historiens de la Révolu- tion, entêtés à distribuer entre les deux penseurs du xviii^ siècle les responsabilités des actes révo- lutionnaires. Cette recherche des responsabilités m'a toujours paru singulièrement abusive et arbi- traire et je pense avec M. Auguste Dide que « les événements qui modifient la vie d'un peuple et bouleversent le monde ont des causes profondes et lointaines. Ils ne sont ni l'œuvre d'un homme, ni le résultat d'un livre. Rousseau aurait pu ne pas exister, la Révolution de 1789 aurait été, sauf en quelques détails, qui, d'ailleurs, sont abomina- bles, mais qui n'ont rien d'essentiel, ce qu'elle a été. »

Gela n'empêche pas d'ailleurs M. Auguste Dide de rechercher dans son livre Jean- Jacques Rousseau

« Le protestantisme et la Révolution française »

- les responsabilités de Jean-Jacques, et d'aboutir à cette conclusion vraiment un peu absolue. « Ce qu'il y a de plus atroce dans la Révolution procède du Contrat social. Le nier, c'est nier l'évidence. Dès qu'on se met au point de vue humanitaire et fran- çais, l'influence de Rousseau apparaît néfaste. Littérairement il a interrompu la tradition natio- nale. En politique, il a abouti à la terreur robes- pierriste, à la domination du rhéteur fielleux usur- pant la place de l'homme d'idée et d'action.» Et voilà, je pense, le philosophe de Genève bien arran- gé; il l'est, du moins, par un homme qui le connaît

NOVEMBRE HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 371

très bien, qui l'a passionnément étudié, ce qui est encore une manière d'hommage.

CONSTANTIN PHOTIADÉS

George Meredith « Sa vie, son imagination, son art, sa doctrine. «

Ciiiie étude révélera George Meredith à bien des gens. On sait, en effet, que ce fut un grand écrivain

un grand cerveau; on le répète, mais on ne con- naît généralement, en France surtout, ni l'homme ni son œuvre, M. Constantin Photiadès ne s'insurge pas contre cette ignorance; au contraire, il l'ex- plique et nous assure que George Meredith lui- même la trouvait fort naturelle. Il n'a jamais recherché la gloire tapageuse, et son art trop subtil ne pouvait être compris par la foule de son pays ; à plus forte raison devait-on l'ignorer en France les traducteurs n'ont pu l'importer, rebutés par l'allure capricieuse de sa syntaxe qui le rend sou- vent à peu près intraduisible ; grâce à M. Constantin Photiadès, nous avons quelque chance désormais de pouvoir l'apprécier et le comprendre.

372 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

PIERRE PIC Guy Patin.

Pages d'histoire littéraire : voici un volume d'une bien savoureuse érudition sur Guy Patin. M. Pierre Pic, l'auteur de cet ouvrage, s'est avisé que nous ne connaissions guère que par ouï-dire le célèbre médecin polémiste et faiseur de mots du xviie siècle, et il s'est résolument plongé dans ses papiers et dans ses souvenirs. Il n'a pas été autre- ment ravi des résultats de son enquête, son juge- ment tient en quelques mots : « Guy Patin a été abominablement surfait, c'est un pur raseur. Au point de vue médical sa mentalité est navrante.»

A cet homme qu'il tient en si piètre estime, M. Pierre Pic rend le plus signalé service; il le sort de l'obscurité; désormais, grâce à lui, nous saurons ce que c'est que Guy Patin, nous connaîtrons, un peu moins soùimairement qu'elle ne nous fut ensei- gnée par les encyclopédies, l'histoire de sa guerre à l'antimoine, et au lieu de répéter servilement qu'il fut un homme d'esprit nous pourrons nous faire une opinion sur ses médisances et ses calomnies professionnelles, ses maximes et ses traits d'esprit. Pour moi, j'ajoute que toutes ces choses m'ont, à maintes reprii^es, singulièrement diverti.

NOVEMBRE HISTOIRE, LITTÉRATURE, ETC. 373

HENRY LAPAUZE Le Roman d'amour de M. Ingres.

M. Henry Lapauze nous raconte, en un volume dun très vif intérêt, le Roman d'amour de M. In- gres. C'est une révélation : désormais, Ingres aura en face de l'histoire, à côté de son fameux violon, une passion amoureuse. Avouons tout de suite que, pas plus que le violoniste, l'amoureux ne fera tort au peintre ; les lettres d'amour que M. Henry Lapauze a découvertes, recueillies, et présentées avec un soin pieux et intelligent sont souvent belles dans leur désordre et leur incorrection, souvent émouvantes : ce ne sont point les lettres d'un grand amoureux; et même, au risque de contrister le patriotisme montalbanais de M. Henry Lapauze et son zèle touchant pour la mémoire de son héros, j'avoue que dans cette histoire d'amour, de fian- çailles et de rupture, Ingres ne m'apparaît pas tout à fait chic.

Combien plus émouvante, en cette aventure, sa blanche fiancée, M^i^ Forestier, qui, malgré la bles- sure de cette séparation, ne garda point de rancune, vécut solitaire et fière et disait bien longtemps après, devenue vieille fille : «Quand on a eu l'honneur d'être fiancée à M. Ingres, on ne se marie pas. » Elle a laissé d(' cette aventure un récit très émouvant que M. Henry Lapauze nous a restitué intégralement.

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374 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

Comme épilogue à ce roman d'amour, l'auteur nous raconte, avec force lettres et documents à l'appui, l'histoire des deux mariages d'Ingres, celui de 1813 avec Madeleine Chapelle, celui de 1862 avec Delphine Ramel qu'il épousa âgé de soixante- douze ans.

D'ensemble, c'est un livre du plus vif intérêt, document artistique nous trouvons, au milieu des tristesses et des désespoirs d'Ingres à Rome, des lumières bien amusantes et peu flatteuses sur les critiques d'art au début du xix® siècle. Ce livre est orné de belles images, l'on retrouve notam- ment le portrait de cette famille Forestier, père, mère et fille, qui auront toujours gagné à cette aventure le Louvre et l'immortalité, ce qui est bien quelque chose en somme.

ERNEST LÉMONON Naples.

Ce livre de M. Ernest Lémonon sur Naples, u le méritt», rare en un pareil sujet tant de lois traité en tant de proses et de vers de l'origina- lité. M. Ernest Lémonon s'est avisé qu'après avoir été si souvent décrite et peinte et chantée, Naples était une des villes les moins connues d'Europe; les écrivains se contentent de l'admirer. C'est bien

XOVKMBRE HISTOIRE, LITTERATURE, ETC. 375

4LuÎ4i!e chose, ce n'est pas tout. M. Ernest Lémo- non, voyageur studieux, n'a pas voulu être un laz- zarone littéraire : il a étudié l'histoire de la Naples d'autrefois, il a contemplé la Naples d'aujourd'hui, non pas seulement son ciel radieux et sa mer éter- nellement bleue, mais un autre spectacle passion- nant à plus d'un titre : les douloureuses questions sociales qui s'agitent dans cette ville; il a étudié passionnément le passé tourmenté de la ville et son présent magnifique et misérable. Et c'est un hvre d'un très vif intérêt, aussi utile, sans doute, à la cause de Naples que les évocations les plus poéti- ques et les plus ensoleillées.

FŒMINA L'Ame des Anglais.

C'est un plaisir pour moi de saluer à son appari- tion cette œuvre d'une séduction si grave et si sou- riante, mais quel tourment aussi î Et comme je me sens inférieur à ma tâche. Je saurais bien, sans doute, vous dire très simplement la joie que j'ai éprouvée à lire à relire ces pages exquises l'auteur, partie pour une exploration faite cent fois avant elle, a su rassembler tant d'observations nou- velles, amusantes, émouvantes, tant de jugements inédits d'une souriante et définitive sagesse.

376 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

Mais avec tout cela je ne vous aurai pas révélé grand'chose car, cette joie vous la connaissez bien pour l'avoir éprouvée en même temps que moi, et je devrais maintemant l'expliquer et l'analyser. C'est que je me sens embarrassé; il me faudrait pour m'acquitter dignement de cette tâche le talent de P'œmina elle-même... Et j'ai bien envie do lui laisser la parole. Au cours des « excuses limi- naires» qu'elle a cru devoir adresser à son lecteur, elle s'écrie gentiment : « Quelle audace et elle ajoute avec impertinence : « Quelle niaiserie ! de poursuivre sous tant d'aspects, beaux, drôles, émouvants, les raisons secrètes qui ont permis que les fleurs fussent groupées avec un art si expressif; que, durant des siècles, les générations fugitives ne détruisissent rien dans ces antiques demeures; que les spectres ne se soient pas lassés dans leur course dolente; que le luxe en Angleterre paraisse mieux qu'ailleurs justifié, à sa place, noble et naturel ; que des hommes et des femmes atteignent à une telle perfection de formes. Quelle audace, enfin, de prétendre à parler de l'âme anglaise. Et sans la connaître après tout ! »

A la condition d'enlever les restrictions de mo- destie que Fœmina s'est amusée à y insérer, ce joli morceau exprime exactement le sens et la portée de l'œuvre, et même cette boutade de la fin : « sans la connaître après tout», a sa valeur, et elle nous dit un des charmes du livre. Entendez bien que l'au- teur, qui a appris à penser et à rêver en anglais.

NOVEMBRE HISTOIRE, LITTERATURE, ETC. ,5 / ;

«onnaît l'âme anglaise à merveille et qu'elle l'ana- lyse avec une très rare pénétration, mais elle ne cesse pas, en la regardant, d'être elle-même pro- fondément latine et cela lui permet d'éprouver des surprises et des émotions qui nous enchantent, car nous aimons à voir notre auteur sur])ris et ému en même temps que nous, et rien ne nous choque tant que l'indifférence de ce voyageur impassible devant la splendeur ou l'étrangeté d'un paysage évoqué pour la première fois devant nous, sous prétexte qu'à lui, il lui est familier.

ERNEST LAVISSE Nouveaux discours à des enfants.

En l'honneur de ses petits amis des écoles com- munales de Nouvion-en-Thiérache, M. Ernest La- visse a très heureusement renouvelé la tradition du discours de distribution des prix : chaque année, on le sait, il accepte la mission de faire, en ce jour solennel, de la morale aux écoliers impatients de recevoir leurs récompenses, et non seulement il parvient à émouvoir ses jeunes auditeurs, mais les paroles familièrement éloquentes qu'il leur adresse sont entendues, bien au delà des limites de cette humble commune et de ce département, par toute la jeunesse de Franco. J'ai lu on loni' temps ces

:57s LE MOUVEMENT LITTERAIRE

ravissantes et nobles pages sur le respect des opi- nions et des croyances, sur les leçons du pays natal, sur la cojiquête des ailes, sur la dignité de l'école, je viens de les relire dans une plaquelle publiée sous le titre : Nouveaux discours à des enfants : c'est, condensé en quelques pages accessibles à tous les enfants, une admirable leçon de morale écrite en une langue exquise pour les petits et que les grands feront joliment bien de lire et de méditer.

EMILE BERTIN

La Marine moderne « Ancienne histoire et questions nouvelles. »

Histoire très actuelle, poignante et pleine d'an- goisse : voici un livre sur la Marine moderne « an- cienne histoire et questions nouvelles». Il est peu d'hommes plus qualifiés pour un tel travail que l'éminent directeur du génie maritime, membre de l'Institut, dont la haute compétence et l'autorité ~sont reconnues dans le monde entier; et il faut se féliciter de le voir aborder et épuiser en trois cents pages cette étude de cette question si grave dont tout le monde parle et que si peu de gens connais- sent, même superficiellement.

Le livre de M. Bertin, avec l'abondance de ses renseignements techniques, avec l'étude appro-

MKMF.NTO Dr MOIS DE NOVEMBRE 379

fondie de la marine de commerce, des navires de combat, des croiseurs et éclaireurs, des torpilleurs sous-marins; avec l'exposé très précis des quali- s générales des navires et des conditions diverses ixquelles ils doivent satisfaire, reste cependant os accessible au profane, pour peu qu'il se donne la peine de vouloir comprendre et apporter à la lec- liire de cet ouvrage une assez studieuse attention. Souhaitons que les lecteurs de ce livre soient nom- breux. Nous vivons en un temps tous les bons Français devraient être informés des choses de la f narine, prêts à exiger les efforts nécessaires, à lomander compte des défaillances, car, « privé de larine, replié sur lui-même, un pays ne vit que de >a propre substance; il ne puise pas plus de res- sources au dehors qu'il n'y exerce d'influence poli- tique; son action se limite dans un cercle très res- pint autour de ses frontières». Et pour tout dire notre décadence maritime, si elle se poursuivait, rait la déchéance de la France à la surface du

MEMENTO DU MOIS DE NOVEMBRE

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Artzybachev (Michel). Sanine, un roman russe qui nous arrive avec la double consécration d'une interdic-

380 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

tion en Russie et de poursuites en Allemagne. Voilà sans doute plus qu'il n'en faut pour exciter des curiosi- tés et des sympathies ardentes. Sanine a d'autres titres à notre intérêt: ce roman, que je viens de lire dans la traduction de Jacques Povolozky, est une œuvre d'une incontestable valeur, dont l'intensité, souvent un peu désordonnée et outrancière, atteint parfois à une véritable grandeur, et qui nous offre une image pitto- resque et inédite de ce libertaire, de ce nietzschéen dont on abuse un peu dans la littérature contempo- rainet et qui avait besoin vraiment d'être un peu renouvelé. Voilà ce qui est fait, et c'est du Nord une fois encore ! que nous recevons cette lumière nouvelle.

Beaume (Georges). Vestales d'amour, un livre l'au- teur a mis son esprit alerte et son heureuse imagina- tion au service d'une histoire feuilletonesque qui enchantera certainement le public populaire sans l'édifier.

Bertrand (Louis). Les Bains de Phalère. Fidèle à ses très curieuses et fécondes théories, l'auteur évoque, en moderne très vivant et très ardent, les paysages et les décors d'une lointaine antiquité. L'esprit de son livre est clairement indiqué par le titre de son premier cha- pitre : « ]es deux héros d'un roman contemporain sont présentés au lecteur dans un décor très archaïque.» Et c'est, en effet, un roman dout à fait contemporain, une histoire moderne qui se déroule dans ces cadres d'une majesté antique et qui semblent intangibles, d'Olympie, d'Athènes, de Phalère, où, parmi les rui- nes, l'auteur fait circuler les tramways et surgir les grands hôtels cosmopolites.

Bourgogne (Jean de). L'Amoureux de tante Annette, un recueil de nouvelles doucement attendries et d'une jolie observation.

Dormier (Charles). Le Val d'Amour, nouvelles franc-com- toises.

Durand (M^i^ Yvonne). La Petite Gratienne.

Formont (Maxime). La Fausse Coupable. A la suite de ce roman, d'une curieuse et pénétrante psychologie. Fan-

MEMENTO DU MOIS DE NOVEMBRE 381

teur a groupé une série de nouvelles puissantes, drama- tiques, parfois terrifiantes, sous ces titres pleins de promesses : « Fou », « Criminels », « Cauchemars ».

Georges (Marcel). Les Affres.

droen (A.-K.). La Main à la bague, un roman anglais adapté par M. J. Heywood pour la collection « des Romans mystérieux»; et je vous prie de croire qu'il y a de quoi frémir à cette mystérieuse randonnée autour d'une bague et d'une main tragiques...

Legrand-Chabrier. Ulroquois.

Leblond ( Marins- Ary). Les Jardins de Paris, une grande fresque généreuse, copieuse, ardente, épopée d'un créole dans la grande ville qui fait suite au livre En France, couronné par l'Académie Goncourt.

Lionnet (Jean). Les Dieux d'or, un roman l'auteur évoque des pays réels et prestigieux en un roman d'aventures.

Marbo (Camille). L'Heure du Diable.

Mercereau (Alexandre). Contes des Ténèbres.

Montier (Edouard). Le Moulin des amoureux, roman do pauvres gens.

Xass (D^ Lucien). Monsieur V Agrégé!, un roman où, à la faveur d'une palpitante histoire d'amour et d'ambi- tion, l'auteur nous donne ses vues sur cette crise médi- cale dont les derniers concours d'agrégation nous ont apporté les échos tumultueux.

Oppenheim (Philipps). Le Complot, « roman mystérieux ».

Or Sinclair (J. d'). Au Vent de la vie, une très émou- vante histoire de marin que l'auteur offre à Pierre Mille.

Perrault (Pierre). Mon Oncle Ronge-Tout.

Poinsot (C). La Joie des yeux.

Romains (Jules). Les Punaises de Paris.

Sageret (Jules). La Jeunesse de Paul Meliande.

Teramond (Guy de). Le Miracle du Professeur Wolmar.

Zahn (Ernest). Les Fils du Maître, un fort beau roman du célèbre écrivain suisse. Ce livre, d'une couleur et d'une saveur très particulières, très frustes, qui nous entraîne bien loin du bcAilevard, sur la cime neigeuse de la montagne et dans les petits villages qui s'accrochent à

:182 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

ses flancs, est traduit très adroitement et très fidè- lement par M"e C. Boutibonne.

HISTOIRE LITTÉRATURE THÉÂTRE POÉSIE POLITIQUE DIVERS

Aicard (Jean). Le Dieu dans rhomme, une nouvelle édi- tion de ces beaux poèmes, vibrante exaltation de l'idéal, de l'étincelle divine qui brille au cœur de l'homme. Tant de choses, tant de livres s'évertuent à éveiller « le coquin », qui selon la forte parole de Monselet sommeille dans le cœur de tout homme, qu'il est bon, qu'il est nécessaire, parfois, de s'en- tendre rappeler que

L'homme est Dieu, l'homme est Dieu, ne fût-il Dieu

[qu'une heure. Chacun a l'étincelle et tous ont tout le feu, Tout homme a ce moment divin avant qu'il meure.

et d'écouter une voix qui exalte le Dieu réalisé dans l'homme par l'amour. Anthouard (Baron d'). Le Progrès brésilien, « la Partici- pation de la France» Il n'est pas nécessaire de souli- gner l'importance d'une telle étude sociale, économi- que et financière ; les lecteurs de ce remarquable livre prendront un intérêt très vif à ce prestigieux tableau d'ensemble qui nous documente d'une façon parfaite sur le Brésil, avec ses considérations géographiques et historiques, ses chapitres des relations extérieures, du peuplement, de la production et du commerce, des transports, des finances et de l'activité étrangère. Nous devons suivre le conseil de M. Gabriel Hano- taux, lire et méditer ce livre, nous surtout, qui avons au Brésil une si belle influence morale et intellectuelle, mais qui devrions bien nous occuper d'en cultiver une

M E M K .N r U IM \H i s \>E \ O V i: .M 1! T. I' .J ^ 1

autre en apportant au Brésil un concours plus réel et plus immédiat; celui de notre personnel et celui de nos capitaux.

Arnaud (Raoul). La Princesse de Lamballe (1749-1792), un ouvrage rédigé d'après des documents inédits et qui apporte à l'infortunée princesse que le malheur et la méchanceté, pire que le malheur, poursuivirent au delà même de son horrible mort, une réparation à laquelle j'applaudirais des deux mains, même si elle n'était pas absolument justifiée, et ce n'est pas le cas, je me hâte de le dire.

Aymès (Noël). Hellas, « la Grèce Antique», un excellent volume paru dans l'intéressante collection « Les Idées claires »,

i^.asset (Serge). Voir Paul Bourget.

Hertaut (Jules). La Jeune fille dans la littérature fran- çaise, d'agréables pages d'histoire et de critique litté- raire où l'auteur va demander à Mohère, à Fénelon et à M^ede Maintenon des lumières sur la jeune fille du xvii^ siècle, à Marivaux, à Jean- Jacques, à Choderlos de Laclos et à Bernardin de Saint-Pierre sur celle du xviiie siècle, interroge les plus célèbres écrivains du siècle dernier et du temps présent, depuis Victor Hugo, Musset et Balzac jusqu'à Paul Bour- get, Maurice Barrés et Marcel Prévost, sur celles d'au- jourd'hui pour arriver à cette conclusion : « Petit être déluré et charmant, spirituel et délicieusement ému, possédant une individualité autrement vivante et vraie que l'insipide Agnès, elle est le modèle vivant, expressif, pittoresque, imprévu, spirituel et toujours nouveau, la figure malicieuse et bonne, délicieuse et avertie, tragique et musante à la fois. »

l»erlaux (E.). Donatello, un excellent ouvrage publié dans un de ces précieux volumes si magnifiquement illustrés de la Collection « les Maîtres de l'Art ».

Bourget (Paul) et Serge Basset. Un cas de conscience, l'émouvante pièce acclamée au Théâtre-Français.

Breil de Pontbriand (Vicomte du). Monseigneur de Pnnf- hriand (1740-1760), 1< drrnit'r évêquo du Cana<la français.

384 LE MÔUVEMENt LITTERAIRE

Brizeux (Auguste). Œuvres, une nouvelle édition revue, corrigée et augmentée, précédée d'une notice biogra- phique sur l'auteur par Auguste Dorchain.

Gapus (Alfred). Théâtre complet, le troisième volume qui contient : Mariage bourgeois, la Petite Fonc- tionnaire et les Deux Ecoles d'une si gracieuse et si spi- rituelle philosophie.

Corbier (Désiré). Le Roman de Renard, renouvelé des Trouvères, des vers très frappés.

Delarue-Mardrus (Lucie). Par vents et marées, un recueil de vers, évocations émouvantes du pays natal d'Hon- fleur et de ses « pêqueux» de la côte normande, j'ai retrouvé avec joie ces nobles qualités qui font de l'au- teur des Horizons et de Ferveur un des très beaux poètes de ce temps,

Dodillon (Emile). Souvenirs d'un moblot briard, au siège de Paris.

Dunan (Charles). Les Deux Idéalismes.

Ehs (Georges). La Jeunesse, des vers allègres.

Etat-major général de la Marine Japonaise. Opérations maritimes de la guerre russo- japonaise, un historique ofTiciel dont le premier volume est traduit par M. Henri Rouvier, enseigne de vaisseau.

Feuillet (M*^^ Emilie). Les Grappes noires, un recueil de poésies émouvantes qui sentent bon le terroir, pages d'amour, de rêve et de sincérité, écrites par une bretonne poète.

Gautier (E.-F.). La Conquête du Sahara. Dans cet « essai de psychologie politique», l'auteur nous raconte d'abord l'histoire de la conquête du Sahara, de c? Sahara des Touareg que la France a conquis sans en avoir presque conscience, et du Sahara marocain; puis, passant de l'histoire d'hier à celle de demain, il essaye de voir quels ont été, quels peuvent être les résultats de la conquête. Il en est de même aujourd'hui qu'au temps d'Annibal : ce n'est pas tout de vaincre, il faut savoir user de la victoire et de la conquête, et M. Gautier conclut que, pour n'être pas frappé de sté- rihté, le magnifique effort que nous avons accompli doit être complété par la construction du Transsaha-

MEMENTO DU MOIS DE NOVEMBRE 385

rien, « qui s'impose par cette force des choses inaper- çues et irrésistibles qui entraînent l'une vers l'autre les deux moitiés de l'empire». Gazanion ( Edouard ). Chansons pour celle qui n^ est pas venue Gebhart (Emile). Souvenirs d'un vieil Athénien, nouvelle édition.

< Iregorovius (F.). Promenades italiennes, à travers Rome

et ses environs.

< -uillaume (Lieutenant). La Conquête du Sud-Oranais, la

Colonne d'Igli en 1900.

Harry (M™e Myriam). *— Tunis la Blanche, de jolies pages pittoresques et émouvantes. Ce sont, après les décep- tions de l'arrivée, ces histoires étonnantes du mariage musulman, de la débauche musulmane, de la légende de la Manoubïa, ces descriptions lumineuses du ciel et de la terre, cette évocation de la fête des douceurs ; jusqu'aux dernières mélancolies, aux derniers enchan- tements, à cette veille de départ l'auteur, affalé sur une borne, « savoure avec volupté, savoure avec tris- tesse, ô Tunis la Blanche ! ton orientale chimère ».

Hearn (Lafcadio). Feuilles éparses de littérature étran- gère, des histoires reconstruites d'après les livres des Anvari-Scheïli, Raital, Pachisi, Mahaharata, Pant- chatantra, Gulistan, Talmud, Kalewala, traduites et précédées d'une préface de M. Marc Logé.

llnllanda (Francisco de). Quatre dialogues de Michel- Ange sur la peinture. Cette œuvre d'un Portugais qui fut, paraît-il, un excellent critique d'art du xvi^ siè- cle, et traduite par M. Léo Rouanet.

lluchard (Robert). Aux Antilles, « les Hommes et les Choses ».

Jenny (Henry-Ernest). Voir Virgile Rossel.

Joyaux (E.). Epicure.

Kann (Reginadl). La Campagne de 1878 en Bosnie-Her- zégovine.

Liil)bé (Paul). Le Mur d'ombre, poésies.

Lami (Satnislas). Dictionnaire des sculpteurs de V Ecole française au xviii« siècle, un volume l'auteur pour- suit la publication de ce véritable monument d'his- toire artistique.

386 Li: MOUVEMENT LITTERAIRE

Lannelongue (Professeur). Un Tour du monde, un volume abondamment illustré l'éminent professeur nous raconte le tour du monde qu'il a accompli d'octobre 1908 à juillet 1909; il nous apporte de ce voyage une belle moisson de souvenirs, de faits et d'observations, et surtout d'enseignements, car le professeur Lanne- longue, tandis qu'il parcourait le monde, pensait obs- tinément à la France, et son livre n'est point seule- ment une relation de voyage, c'est aussi, c'est surtout, une leçon d'énergie et de patriotisme qu'un homme éminent, vénérable par la science et par râge,est allé chercher pour nous aux confins du monde.

Lenoël-Zevort (M^^^). Grammaire du chant et de la diction.

Leprevost (Gabriel). Le pèlerinage de Childe Harold, une version en vers, avec notes explicatives de l'œu- vre de Lord Byron.

Leroux (Jules). La Brume dorée, poésies.

Lorrey (Claude). Stances, sonnet et chansons, d'une belle inspiration, d'un rythme divers et très heureux.

Marge ( Pierre ).■ Voyage en automobile dans la Hongrie joiMo- resgiie, «Patra-Tatra-Matra», un fort agréable volume préfacé par M. Edouard Herriot.

Masson-Forestier. Autour d'un Racine ignoré, d'après des documents de famille.

Matte (Louis). Crimes et procès politiques sous Louis XIV, un volume l'auteur évoque le procès de Fouquet, la conspiration du chevaher de Rohan, le mystérieux Masque de Fer.

Mayrargue (Louis). Heures profanes, des vers mélo- dieux.

Mesureur (André). Quelques problèmes d'assistance à Paris, un volume d'une très forte et très précise docu- mentation. L'auteur, secrétaire général, adjoint du Conseil supérieur de l'Assistance pubhque, est assez bien placé, on en conviendra, pour connaître les cho- ses dont il parle; vous me croirez de reste si je vous dis qu'il n'y a dans ce hvre nulle attaque centre l'Ad- ministration, mais, et c'est déjà très louable! M. André Mesureur n'a point cédé à la tentation de faire sans cesse son éloge; il a entendu, tout uniment.

MKMHNTO DU MOIS DK NOVKMBKK 08 7

lii laire mieux connaître au public, qui, ayant une no- tion plus exacte de ce qui s'y fait, pourra désormais collaborer plus utilement avec elle.

Mirtel (Héra). Fleurs d'ombre, Fleurs d'aube, Fleurs de lumière, poésies.

Moll Weiss (M ■"« Augusta). Le Livre du foyer. Une exctM- lente leçon de morale pratique ressort de ce volume publié par la directrice de l'institution baptisée du nom si noble de « l'Ecole des mères ». Dans cet ouvrage, abondamment illustré, très clairement conçu, l'auteur étudie comment organiser et entretenir notre «home » ; comment atteindre le maximum de bien-être avec le minimum de dépense; comment résoudre les mille problèmes d'hygiène qui se posent chaque jour à pro- pos de notre logement, de notre régime alimentaire. Ce ne sont pas là, tant s'en faut, des questions subal- ternes ; elles ont pour notre vie sociale une importance primordiale, et en les enseignant aux femmes, bien loin de les enfermer dans un pot-au-feu, on travaille, au contraire, à les libérer des constantes préoccupa- tions ménagères auxquelles les soumettent le plus sou- vent une science incertaine ou un savoir-faire insuffî- sant.

Moussac (Georges de). Dans la mêlée, « journal d'un cuirassier de 1870-1871 ».

Norbert (Willy). Voir J.-J. Olivier.

Normand (Jacques). Jours vécus, des pages émouvantes, vivantes et jolies.

Noyer (Madame de). Mémoires et Lettres galantes de Madame du Noyer (1663-1720). Nouvelle édition.

Olivier (J.-.J). et Willy Norbert. La Barberina Campa- nini (1721-1799), l'histoire très mouvementée, ornée de belles et souriantes images d'« une étoile do lu danse au xyiii^ siècle».

Itaynaud (Ernest). Apothéose de Jean Moréas, poàlc français.

lletté (Adolphe). Sous l'Etoile du matin, un volume l'on peut voir une lyrique exaltation de la communion en général et de cette communion à sept ans récem- ment décrétée par le Saint Pè»p.

388 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Rossel (Virgile) et Henry-Ernest Jenny. Histoire de la littérature suisse.

Roux (François -Charles). Les Origines de' V Expédition d'Egypte, un volume d'une forte documentation.

Saunier (Marc). La Légende des Symboles.

Savine (Albert). Souvenirs de Charles Parquin : Amours et Coups de sabre d'un chasseur à cheval (1803- 1809).

Schahorskoy-Strechnefî (Princesse). Silhouettes Scan- dinaves, un volume l'auteur esquisse les portraits du comte de Fersen, de Charles -Gustave de Lilien- feld, de la princesse Zelmire.

Segonds (Lieutenant). La Chaouïa et sa pacification.

Stoulhg (Edmond). Les Annales du Théâtre et de la Musi- que, le 35^ volume de cette précieuse pubhcation, qui vient de paraître avec la parure d'une déhcieuse pré- face de M. Henri Lavedan.

Tollemonde (Georges de). Spectacles et symphonies, poé- sies.

Trois- Arches (Abel des). V Epopée de la grande nation, la première partie d'un poème épique qui ne comportera pas moins de vingt-cinq mille vers. En des alexandrins bien frappés, qui se déroulent majestueusement, l'auteur a évoqué trente années formidables de l'his- toire de France du 5 mai 1789 au 5 mai 1821. Son inspiration est tout à la fois patriotique et reli- gieuse, religieuse surtout, M. Abel des Trois-Arches a voulu chanter la justice de Dieu, et faire comprendre par des arguments historiques et poétiques le lien qui doit unir la Répubhque et le christianisme. Dans ce poème épique d'une si vaste envergure, il a intro- duit un élément romanesque, émouvant et drama- tique. C'est, nous dit-il, l'œuvre de toute sa vie : « il concevait son poème en mai 1869, quand il était dans sa prime jeunesse». Le voilà maintenant terminé, il l'a lancé dans le monde avec un grand geste de con- fiance et de chrétienne obéissance. « Va dit-il à sou poème va, le souffle de Dieu te poussera. »

Vidal (Commandant P.). La Campagne de Sedan du 21 août au i^r septembre 1870.

MEMENTO DU MOIS DE NOVEMBRE 389

Vierge (Pierre). Le Navire enchanté, poèmes.

Vulliaud (Paul). La Crise organique de V Eglise en France.

Wagner(C.).— Par /esownVe. Des éléments de morale usuelle,

d'une candeur et d'une bonne grâce charmante. Yard (Francis). A V image de rjiomme, poèmes.

DECEMBRE

LES ROMANS

EMILE MOSELLY Joson Meunier.

M. Emile Moselly que le prix Goncourt a désigné naguère à l'attention du public, nous a donné déjà quelques œuvres telles que la Vie lorraine et le Rouet d'ivoire il était facile de discerner les promesses d'un talent tout à fait remarquable. Ces promesses, il les comble avec Joson Meunier.

C'est une œuvre vraiment complète, qui s'élève aux sommets du pathétique par sa simplicité même et son émouvante sincérité. Sans apprêts d'aucune sorte, M. Emile Moselly nous y conte l'histoire d'un paysan lorrain, Joson Meunier, le fils de Jean-Bap-

DÉCEMBRE LES ROMANS 391

tiste, que des revers ont chassé de sa maison et de sa ferme, et qui, à l'aurore de la vie, s'en va sur la grand'route, vers la ville, pour chercher à gagner . son pain. Il est tout près de se désespérer; mais il se raidit, et, dans une promesse « s'affirme la pous- sée obscure de la race qui persiste à affirmer la vie malgré la misère et le malheur», il s'écrie en con- templant une dernière fois son village de Bicque- Icy : « Que j'aie un enfant, il sera plus heureux que moi, il ne sera pas un fugne-terre. »

Il tient la promesse qu'il s'est faite à lui-même si solennellement; il s'installe à Toul, humble tâche- ron dur à l'ouvrage ; il épouse la blonde, et douce, et apathique Céline, et pour Maurice, l'enfant qui naît de cette union, il n'est pas de sacrifice qui lui coûte. Malgré les conseils du prudent Sagot, son voisin, il envoie l'enfant, très doué, au collège : il en fait un monsieur, un brillant polytechnicien, ijji officier, un savant.

Et c'est le drame habituel. Maurice, qui n'est point au demeurant un méchant garçon, s'éloigne peu à peu de lui, il a honte confusément du pauvre papa obscur et simple, qui dès la naissance de son enfant avait eu la conscience très nette de n'être qu'un anneau dans la chaîne mystérieuse qui unit les vivants aux morts. Et Joson réexpédié au vil- lage natal, dans une maison confortable que lui a offerte la distante piété de son fils, meurt désolé dans la solitude, si loin de ce Maurice qu'il a tant aimé, qui lui faisait dire orgueilleusement : « Je

392 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

suis plus riche que les plus riches, puisque j'ai mon garçon », et dont il garde la photographie enfantine en ses mains crispées.

C'est la course du flambeau évoquée avec une extraordinaire intensité et dont le récit tire les larmes par des moyens d'une admirable simplicité. Et cette histoire semée d'épisodes émouvants, traversée par des figures si touchantes et si vivan- tes, se déroule dans des décors dont M. Moselly excelle à dire la poétique et mélancolique beauté, les brumes du soir qui se lèvent de la prairie mosellane se mêlent à la fumée des toits, étendant sur les terres des rideaux de gaze bleutée, la forêt lorraine s'étend sur les monts comme un merveilleux joyau, un filigrane d'argent constellé du bleu des pervenches...

CHARLES-HENRY HIRSCH Le Grime de Potru, soldat.

Le Crime de Potru^ soldat^ de M. Charles-Henry Kirsch, est un douloureux roman se retrouvent avec une grande intensité les âpres et puissantes qualités que j'ai admirées et signalées il y a déjà longtemps, au moment même de ses débuts, en cet écrivain, l'un des mieux doués de notre génération. Il est bien douloureux le calvaire de Potru, ce soldat

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qui, certain soir de bombe, a été amené à tuer dans un mouvement de colère farouche le sergent Bavon. Son «pays))Gharonneau, en compagnie de qui lo meurtre avait été commis, a eu la prudence de l'aire disparaitres les traces de culpabilité, et il s'est >i bien arrangé que, malgré toutes les recherches de fautorité, le coupable reste inconnu. Potru est -^auvé ! Sauvé des juges, mais non de son détestable sauveur, qui désormais va le prei^ écuter sans relâ- che, le tenir sous la terreur pendant l'année de ser- vice qui reste à faire; le poursuivre, après sa libéra- tion, au pays, empoisonner sa vie par la menace -sournoise et lâche, si bien que Potru pour échapper à cet enfer avoue le crime à son grand-père, à sa chère femme Toinon, à la justice militaire.

Tous deux sont jugés, condamnés avec sursis; mais le martyre de Potru n'est point fini : la haine de Gharonneau s'acharne sur lui, et il se rend compte certain jour que seule la mort le peut hbérer de cette misère; il s'attache une pierre au cou et se noie dans un étang dont les eaux se referment sur lui et qui tout de suite reprend l'apparence d'un miroir obscur dans son cadre de roseaux fanés. « Ainsi, et plus parfaitement encore, les âmes dissi- mulent les cadavres d'illusions d'où renaissent pour leur charme toujours des illusions nouvelles dont la suprême les emporte elles-mêmes avec le souffle de vie ailleurs ou nulle part... »

r{94 LF MOTTVFMENT LITTf:RMRF,

NONCE CASANOVA Le Journal à Nénesse.

M. Nonce Casanova, écrivain fécond, ardent et divers, à qui nous devons des œuvres éiranges comme la Symphonie arabe, émouvantes et humai- nes comme Jean Cass, pauçre diable, publie un roman il a, une fois de plus, renouvelé totale- ment sa manière : c'est le Journal à Nénesse, « écrit par le beau Nénesse de la Courtille, cel- lule 19, 8^ division, à la Roquette», Ce sous-titre me dispense, j'imagine, de vous présenter le person- nage. Son aventure, qu'il nous conte sur le seuil de l'échafaud, est d'ailleurs émouvante et drama- tique.

Nénesse était un brave ouvrier d'ailleurs sans travail lorsqu'il rencontra la jolie Linette, dont la vue, selon son expression, lui « défonça le cœur». Il l'aima éperdument, il le lui prouva, et elle qui le « gobait» l'entraîna au rôle abject de « vagabond spécial». Mais certain jour, elle lui fut infidèle infidèle vraiment elle s'éprit d'un « jeune homme de la haute », et cela Nénesse ne put le supporter : il égorgea son amie et fut, pour ce crime, condamné à mort. Et il attend le jour fatal, avec des alternatives d'angoisse, de désespoir, de colère et d'ironique énergie, lorsqu'enfin lui arrive la nouvelle de sa grâce, et, tout à la joie de revivre,

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il chante à plein gosier et songe avec un soulage- ment immense au bagne prochain.

M. Nonce Casanova, pour défendre le choix qu'il a fait d'un semblable héros et d'une telle peinture, invoque Stendhal et sa phrase fameuse si souvent l'appelée par les réalistes : « Un roman est un miroir qui se promène sur une grande route. Tantôt il reflète à vos yeux l'azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route. Et l'homme qui porte le miroir dans sa hotte sera par vous accusé d'être immoral ! Son miroir montre la fange et vous accu- sez le miroir!» Je n'accuse personne, j'accorde même que M. Nonce Casanova a mis dans la bouche de son ignoble héros des accents pathétiques, mais quel langage. Seigneur !

D'un bout à l'autre, Nénesse parle argot, il s'exprime dans cet idiome si « sauvagement et superbement poussé sur les ramures de notre belle langue ». On m'afTirme que cet argot est excellem- ment noté; je ne suis point assez expert pour en juger : il m'a semblé pittoresque et expressif, par- fois même d'une étrange beauté; mais, après ces trois cents pages de confidences en langue verte, on éprouve impérieusement le besoin d'aller respi- l'er un peu d'air pur...

396 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

ODETTE DULAG Le Silence des femmes.

Mlle Odette Dulac, divette célèbre et charmante que nous regrettons de ne plus entendre, s'est révé- lée naguère femme de lettres avec un roman elle revendiquait crânement le Droit au plaisir. J'ai dit en son temps l'agrément de ce livre audacieux, et je prévoyais que M}^^ Odette Dulac n'en resterait pas là. Et voici, en effet, qu'elle nous apporte un nou- veau roman : le Silence des femmes^ qui est une œu- vre tout à fait originale, émouvante et romanesque.

Le silence des femmes n'est point un mythe, quoi qu'en disent les hommes; elles savent le garder superbement, héroïquement, mais elles le déguisent « sous le flot de tant de paroles inutiles et qui ne sont que l'exutoire de leur impuissance sociale ».

L'impuissance sociale des femmes ! on sent com- bien elle pèse à M}^^ Odette Dulac, et elle nous montre tout ce qu'elle a d'injuste et de cruel en nous contant l'histoire de Gisèle Vinay, une hé- roïne^— et même une Héroïne avec un grand h de vingt-cinq ans, réduite par des revers de fortune à gagner sa vie et celle des siens. Pour parvenir à ce but, quelles luttes elle doit soutenir, intelligente et belle, contre l'égoïsme et la concupiscence des hom- mes. Elle résiste vaillamment jusqu'au jour où, le cœur ayant parlé, elle cède à Lucien, le fils de ses

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patrons. Et c'est l'éternelle histoire : l'enfant qui naît et qui sera de par la veulerie du séducteur et l'égoïsme cruel de la famille bourgeoise « fils de père inconnu», ainsi que dit la formule légale et men- teuse si commode pour les lâchetés et les abandons.

Elle en prend bravement son parti ; elle laissera Lucien épouser Bertha, une simplette « Madone Blonde», et même elle aidera, par générosité de femme, à dissimuler la faute de cette dernière, dont la fille Lily, sera, grâce à elle, l'enfant légitime le Lucien autre mensonge légal.

Et lorsque, de longues années après, comme le veut la providence des romanciers, le fils de Gisèle M^ra devenu amoureux de Lily et voudra l'épouser, 'est elle encore qui trouvera moyen, par son ilence héroïque, de décider Bertha à l'aveu de sa Faute ancienne, pour permettre l'union des deux jeunes amoureux, puisque Lucien, par bonheur, n'est point le fils de son père légal.

Tout cela est très romanesque, souvent émou- vant. La grave question de la recherche de la pater- nité y est soulevée avec un généreux emportement ])ar une femme sensible, enchantée de dire leur fait I ces monstres d'hommes; et qui célèbre l'amour, la justice, le labeur, indique avec véhémence aux femmes leurs droits méconnus, et leur conseille tout de même fort sagement d'aller vers ce mariage si ( l'itiqué et qui reste bien cependant leur plus sûr l'ofucfo dans notro iniquo société...

398 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

LOUIS PERGAUD De Goupil à Margot.

M. Louis Pergaud, dont racadémie Goncourt vient de couronner le livre De Goupil à Margot^ est, sans nul doute, une fort intéressante personnalité littéraire qu'il était juste de signaler à l'attention du grand public. En lisant ces « histoires de bêtes » si pathétiques, je me suis souvenu de l'émotion pro- fonde, de l'angoisse indéfinissable ressentie, jadis, au cours de promenades nocturnes dans la cam- pagne ou dans la forêt, lorsque, tout à coup, j'en- tendais, formidable et sinistre dans le silence de la nuit, un long cri déchirant, cri de colère, de terreur ou de joie. Je me demandais quel drame venait de se passer là, tout près de moi, et pourtant si obscur et si lointain, et j'en avais pour le reste de la nuit à bâtir, dans la veille ou le rêve, les plus étranges imaginations...

Ces cris, M. Louis Pergaud a su les interpréter, ces drames il a réussi à les reconstituer, et ce sont les terribles aventures de Goupil le renard pour- suivi par le chien Mirant, et de Nyctalette la taupe guettée par son sanguinaire fiancé, et de Fuseline la fouine si douloureusement prise au piège, et de Margot la pie, et de tant d'autres dont les mœurs sont observées avec une extraordinaire

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vérité, et les âmes évoquées, humanisées, nvee une intensité pathétique.

Et c'est un livre remarquable que je voudrais louer sans réserve, mais pourquoi l'auteur, capable d'écrire de fort belles pages, s'amuse-t-il parfois trop souvent à tourmenter notre pauvre langue française et à nous offrir des mots « rares » dont nous nous passerions si bien?

Le réveil de Nyctalette la taupe ne gagnerait-il pas à nous être raconté autrement que par cette phrase : « Elle s'éveillait du long sommeil hiémal consécutif à une interminable errance par la soli- tude froide de ses galeries»; et croyez-vous que l'esthétique de M. Pergaud serait fort endommagée s'il consentait à dire, comme nous autres humbles mortels : « les ténèbres»; au lieu de nous parler sans cesse de « la ténèbre », et si son renard voulait bien renoncer à « solutionner » des questions alors qu'il est si simple, si euphonique et si correct de les résoudre...

COMTE ROBERT DE MONTESQUIOU

La Petite Mademoiselle. «Scène de mœurs mondaines.»

Le livre que M. le comte Robert de Montesquiou a publié récemment sous le titre la Petite Made- moiselle est un roman, ou plutôt, comme il dit, une

400 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

« scène de mœurs mondaines» qu'il avait rêvé d'écrire depuis longtemps. « C'est la première réa- lisation d'art qu'il ait essayée», et il a fallu de flat- teuses sollicitations pour qu'il se décide « à repren- dre et à mettre sur pied de quelques coups d'ébau- choir la folle statuette ». Comme lecteur, je suis enchanté que M. de Montesquiou ait cédé et nous ait offert ce portrait et ce tableau, car je me suis beaucoup diverti à les regarder; comme chroni- queur, par exemple, je suis beaucoup moins con- tent, car c'est un livre qu'il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de raconter et d'analyser : tout en nuances, en notations fines, délicates, ironi- ques, où sans cesse l'auteur vient sans en avoir l'air prendre la place de ses héros pour décocher quelque trait acéré, émettre nonchalamment quel- que théorie surprenante...

C'est, en somme, le roman de miss Winterbot- tom une institutrice que la famille a baptisé pudiquement miss Winter personne étrange d'un comique macabre, volontairement démantibulée, qui porte en été des toilettes d'hiver, en hiver des robes blanches pour « aller avec la neige», qui se livre à mille autres folies fort incompatibles avec son rôle d'institutrice. Nous comprenons qu'elle ne réussisse guère et que la famille soit empressée à la congédier; et nous serions tout prêts à la trou- ver insupportable, s'il n'y avait pas la famille en question, si ennuyeuse, si falote, d'une si étroite et antipathique mondanité; le lamentable bour-

DÉCEMBRE LES ROMANS 401

geoisisme de ces gens du monde, pour lesquels M. de Montesquieu est bien sévère, finit par nous rendre presque agréables les bizarreries de cette personne « docile et rebelle, attendrissante et char- mante, ingénue et braque, vertueuse mais déver- gondée d'imagination et goulue de texte »; et nous versons avec ses élèves repentantes un pleur sur la tombe de cette esclave dont M. de Montesquiou •fîre l'image à Abel Hermant, auteur des Affran- chis.

SOME RSET-MAUGH AN L'Explorateur.

Traduction par M"" Tiikrksk Bekton.)

]Vîme Thérèse Berton, à qui nous devons déjà la révélation de Baby Boulet et de ce prestigieux Bridge, d'un si passionnant intérêt, nous apporte ;nijourd'hui la traduction d'un nouveau roman .inglais, r Explorateur, de M. Somerset-Maughan : 'est un livre bien captivant. Conformément à la poé- tique du roman anglais qui paraît bien être la bonne l'anecdote en est fort copieuse, bourrée d'épisodes, avec sans cesse le rebondissement de dramatiques péripéties. Emporté par l'action, l'au- teur n'a guère le loisir de couper des cheveux en ({iiatre et de s'attarder en des études psychologi- ques, mais le drame parle pour lui et le lecteur est

402 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

renseigné sur le caractère et sur l'âme du héros par ses actes et par ses paroles d'une façon aussi com- plète et beaucoup plus agréable que par la plus pénétrante analyse.

Et c'est une belle figure plus belle que nature celle de cet explorateur, cet Alexandre Mac Kensie qui fut surnommé Alec et qui, non content de mille exploits fameux au centre de l'Afrique, se donne encore le luxe de risquer sa gloire, son hon- neur et son amour pour rester fidèle à un serment, pour défendre la mémoire d'un coupable qui rache- ta sa faute par une mort glorieuse. Lorsqu'on van- tera son héroïsme, sa bravoure et sa générosité en Afrique, il pourra répondre comme Cyrano : « J'ai fait mieux depuis î » Heureusement pour notre sensibilité, le roman, dont je ne saurais, sans trahir les intentions de l'auteur, vous résumer les péripé- ties, se termine sur une note d'espoir et d'amour et nous avons confiance que l'explorateur reviendra sain et sauf de sa dernière expédition pour retrouver et épt)user celle qu'il aime, la jolie et touchante Lucy, enfin convaincue de la noblesse et de la gran- deur d'âme de son fiancé.

DÉCEMBRE LES ROMANS 403

ANDRÉ GEIGER La Reine amoureuse.

La Reine amoureuse^ dont M. André Geiger nous conte la romanesque et tragique aventure, est une souveraine de légende dont les traits nous rappel- lent parfois ceux de quelques reines de ce temps, célèbres et malheureuses; ainsi la réalité vient se mêler à la fiction, la rendre plus vivante sans que, d'ailleurs, l'écrivain ait cédé à la détestable tenta- tion du roman à clef. Nous prenons aux douleurs, aux émotions, aux espérances de l'ex-reine Eulalie de Macédoine, une part d'autant plus grande que nous avons toujours soupçonné ces espérances, ces douleurs et ces émotions chez des souveraines de la réalité; et, d'avoir été vécues parfois, ses plus romanesques aventures nous apparaissent vraisem- blables...

Le roman en soi, roman d'amour, d'ambition, de meurtre, est émouvant et bien conduit; les figures, celles de Laurent, l'ami passionné de la reine, de Grégor, le révolutionnaire ardent, terrible et géné- reux en sont bien campées, hautes en couleur et dominées par celle infiniment noble et touchante de la Reine devenue infirmière, dont l'aventure illustre cette pensée de M»»^' de Staël placée en épi- graphe ; « La gloire ne saurait être pour une femme qu'un deuil éclatant du bonheur. »

404 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

JACQUES NAYRAL L'Etrange histoire d'André Léris

Oh ! oui, elle est étrange cette histoire, ou plutôt elles sont étranges, car elles sont quatre : quatre épisodes de l'existence d'André Léris, tout à fait différents, avec comme seul lien la personnalité du héros, si complexe, si mystérieuse, et que, je vous le dis tout bas, je n'ai pas comprise d'une fa- çon parfaite. Je suis excusable sans doute, puisque l'auteur lié depuis l'enfance avec lui, avoue qu'il le connaissait mal. Il nous explique pourtant que cet ironique, presque impassible, était, en réalité, un mystique et aussi un malade, dont la vie phy- sique fut un martyre, et qui vécut constamment harcelé par le vertige de l'abîme. Il passa son exis- tence les yeux tournés vers l'insondable, en proie à la plus folle terreur de l'inconnaissable éternité.

Après une telle présentation, vous êtes assez bien préparé au récit des tourments d'André Léris, de ses angoisses au sujet de son état mental, de ses déboires littéraires, de ses macabres entretiens et de son crime étrange et mystérieux aventures tragiques et parfois douloureusement comiques qui ne sont pas toujours d'une parfaite'^clarté, mais dont on démêle tout de mênae le sens symbo-

DÉCEMBRE LES ROMANS 405

lique et qui sont évoquées par récrivain avec beau- coup de puissance et d'intensité.

ORGZY

L'Amateur de Mystères

Traduction de M. Joseph Renaud).

CuL Amateur de mystères^ que M. Joseph Renaud, traducteur excellent et adaptateur très ingénieux et adroit, nous ramène d'Angleterre, M. Orczy le fit naître, est un étrange vieil homme qui dévoile à son interlocuteur, en fait à vous ou moi, ses lecteurs naïfs et charmés, le mystère d'un tas de crimes hor- ribles, de vols surprenants auxquels la police n'a compris goutte heureusement pour notre amour- propre, c'est la pqHcc anglaise î et que lui, a pénétrés, découverts, jugés avec un flair surpre- nant.

Il y a là, notamment, un certain « Mystère de la rue Fenchurch » que je vous recommande. Vous y verrez un assassin d'une rare ingéniosité, qui trouve moyen de se faire juger et absoudre par le jury sous le nom de sa victime ; cela ne vous parait pas très plausible, mais vous verrez comme c'est clair dans la bouche du conteur, que nous soupçonnons d'a- voir joué un rôle assez fjlcheux dans cette histoire et dans toutes les autres qu'il nous raconte en

'lOfi r,K MOUVEMENT LITT^RAIIIE

jouant jeu machinal et symbolique avec une ficelle dont sans cesse il défait et refait les nœuds.

EMILE NOLLY

La barque annamite ' Roman de mœurs tonkinoises.

Ce « roman de mœurs tonkinoises » est une évoca- tion d'une émouvante sincérité, et qui n'est, dans le fond, pas autrement flatteuse pour notre amour- propre national, à nous autres Français « langso » qui avons chassé de leur patrie des êtres simples et bons comme le vieux Nena.

Ce vieillard n'a qu'une pensée, qu'un but : retourner vers les « hauts pays », d'où il fut chassé, pour honorer la tombe des ancêtres que la loi reli- gieuse annamite défend de laisser seuls. Et pendant tout le cours du roman, oii il y a de l'amour, de la tendresse, de la jalousie, nous le verrons dominé par cette pensée, et, au dénouement, il sera dans le « sampan», dans la barque annamite exprès cons- truite pour ce pieux voyage, voguant toujours vers les morts d'autrefois, qu'il faut à tout prix honorer, car ils attendent frémissants de colère...

Et c'est, dans un très noble symbole, l'incarna- tion de la tradition qui ne veut pas mourir, en face d'autres personnages, les jeunes Annamites si

DÉCEMBRE TES ROMANS ^lO?

j'ose dire que séduisirent les « bateaux à feu, qui vont si vite », ces bateaux des Français qu'il faut imiter si l'on veut aller de l'avant, au lieu de s'en- liser stérilement dans le passé.

HISTOIRE, ART, VOYAGES, DIVERS

PAUL FRÉMEAUX Dans la Chambre de Napoléon mourant.

M. Paul Frémeaux, dont l'ouvrage sur les der- niers jours de VEmpereur à Sainte-Hélène m'avait si profondément ému, publie sur cette « dernière phase », comme disait lord Rosebery, aussi pathé- tique à ses yeux que les plus belles années de triom- phe et de gloire, un nouveau livre bien impres- sionnant : Dans la Chambre de Napoléon mourant. C'est le journal inédit d'Hudson Lowe, gouverneur de Sainte-Hélène, sur l'agonie et k mort de l'Em- pereur; ce témoignage d'un geôlier sur Napoléon prisonnier et mourant est un document de premier ordre, et l'on s'étonne de ne l'avoir pas connu plus tôt. Il faut remercier M. Paul Frémeaux de nous

DÉCEMBRE HISTOIRE, ART, VOYAGES, DIVERS 409

l'avoir présenté. Il ne réhabilitera pas la mémoire d'Hudson Lowe et, en nous amenant jusqu'au chevet de Napoléon mourant, il nous fera connaître un peu mieux et admirer un peu plus encore peut- être le héros gigantesque.

Cette fin si cruelle, si pathétique termine digne- ment la plus belle épopée dont le monde ait eu jamais le spectacle, et, ma foi, en y réfléchissant bien, on se prend à excuser un siècle après la bassesse et la cruauté d'Hudson Lowe qui, en face de l'image de Napoléon mourant, tient l'em- ploi désobhgeant mais nécessaire de repoussoir.

ALBERT TOURNIER Les Conventionnels en exil.

Toujours l'incertitude de l'histoire ! Il y a quel- ques mois, je vous signalais un livre les régicides de la Convention apparaissaient en assez fâcheuse posture, très empressés sous la Restauration à faire leur mea (ulpa; M. Albert Tournier, mort récem- ment, avait entrepris de soutenir la thèse contraire, et le hvre posthume de l'historien de Vadier, les Conventionnels en exil, est un plaidoyer ardent, ému, pour ces hommes qui, « dans la pire détresse morale et physique, accablés par la vindicte des hommes, ont montré dauas leur résistance obstinée à l'oppres-

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4 J < > L !•; M O l , \ i: M I;; .N T L 1 11 K |t AI U i:

sion froide, cruelle et systématique, toute la droi- ture de leur caractère et l'énergie des âmes fortes. » Ainsi s'exprime dans la préface M. Paul Maryllis qui a une foi absolue dans l'impartialité de M. Al- bert Tournier. Je ne vais pas si loin pour mon compte, et il me paraît bien difficile qu'avec tant d'ardeur, d'émotion et d'enthousiasme, M. Tournier soit tout à fait impartial. Mais, sans qu'il soit néces- saire d'adopter toutes ses conclusions, oa lira avec intérêt et profit, le récit qu'il nous fait de la vie des conventionnels réfugiés, après la loi de bannisse- ment, au Pays-Bas, en Suisse, en Allemagne, en Amérique, en Angleterre, en Autriche, en Espagne et en Russie, et de ceux qui persistèrent à séiourner en France.

HENRY ROUJON Dames d'autrefois.

M. Henry Roujon publie un nouveau volume : cette simple phrase, qui fit plaisir à tous les amis des bonnes lettres, nous causa une bien grande joie, à nous que la santé de notre éminent et cher collaborateur avait préoccupé si fort l'automne de 1910, quand nous guettions anxieusement les nouvelles de Montreux. Dieu merci, ce cauchemar était aujourd'hui terminé; après une rude secousse, notre ami, tout à fait hors de danger, se remettait

DÉCEMBRE HISTOIRE, ART, VOYAGES, DIVERS 411

lentement, et, pour nous faire attendre avec un peu plus de patience son retour prochain, il nous adressa un sourire délicat, malicieux et grave, qu'il appela : Dames d'autrefois.

Oh ! le gracieux livre, tout plein d'érudition aimable et profonde, et comme elles doivent être contentes, ces dames d'autrefois, d'être évoquées en de telles pages pimpantes, et tendres, et spiri- tuelles de l'esprit le plus précieux, le plus rare, le plus français qui soit. Elles sont là, cinqu^ante : reines et courtisanes, petites cabotines et grandes artistes, héroïnes de l'histoire du roman ou de la vie. Elles sont là, avec leurs sourires, leurs larmes, leurs grandes actions ou leurs méfaits, tendres, ])athétiques, rieuses ou méchantes, les bonnes fées et les mégères, celles que la nature fit ravissantes ou qui connurent la tristesse d'être laides.

Et c'est Héloïse, humble femme et femme uni- quement jusqu'au bonheur dans le martyre, et la Faustine de du Bellay, et l'Eléonore du Tasse, et la Dilecta de Balzac, et Suzanne de Livry qu'aima Voltaire. Et c'est encore la femme de Greuze, mégère insupportable, et la tendre Clara Schumann, épouse du magicien de la mélodie, la reine Margot, la reine Caroline, Marie de Médicis, Christine de Suède, Mi^e Vigéc-Lebrun, Delphine Gay, M"ie Guyon. Sortant des petits appartements de Louis XV, voici la Du Barry et Liselotte, et M^i^ de Romans, qui avait failli épouser Casanova.

Vous dirai-je encore; l'incomparable Arthénice, la

412 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Virginie de Paul, la divine M^^ Récamier, M"»® de Chateaubriand, et Marie Salle, la chaste danseuse, et Julie Forestier, la fiancée de M. Ingres?... Mais je m'arrête, cette sèche énumération deviendrait fastidieuse : elle est faite du moins, aussi incom- plète qu'elle soit, pour vous donner une idée du merveilleux agrément et de la variété de ce livre ravissant, dédié à la gloire de l'éternel féminin par un exquis écrivain qui sait être, pour lui, tendre avec clairvoyance, et juste sans rudesse.

FERDINAND BAC

Chez Louis II, roi de Bavière « Voyage romantique. »

J'aime beaucoup les petites femmes de Ferdi- nand Bac, je crois bien que j'aime encore mieux ses graves et gracieuses rêveries littéraires : je l'ai dit maintes fois depuis deux ans, et son nouveau livre. Chez Louis 11^ roi de Bai^ière^ me confirme dans cette prédilection. Quel aimable excursion, ce « voyage romantique » nous nous engageons en compagnie de M. Ferdinand Bac ou plus exactement de ses personnages, Pascal Latour et sa spirituelle amie Stéphanie Passignot pour nous en aller chez Louis II, roi de Bavière, prince palatin du Rhin, souverain de l'Harmonie romantique.

DÉCEMBRE HISTOIRE, ART, VOYAGES, DIVERS 413

chevalier du cygne, venu au monde en retard de cinq siècles et qui est mort de ce fait.

Quelle émouvante et pieuse enquête autour de cette énigme troublante, douloureuse et séduisante ! Pascal Latour excelle à faire parler les gens, depuis les postillons, anciens piqueurs de l'étrange sou- verain, jusqu'aux conseillers d'Etat, depuis les grands artistes et les grandes dames qui l'ont connu ou cru le connaître jusqu'à l'humble gardienne d'un vieux moulin fréquenté jadis par Louis II.

De ces récits contradictoires, une probabilité se dégage; de ces portraits différents, une physiono- mie se compose : c'est l'art de M. Ferdinand Bac de nous faire apercevoir, à travers ce fouillis d'anecdotes et de jugements, à travers cette confuse légende, une vraisemblable vérité.

Vraisemblable seulement : Ferdinand Bac ne saurait se flatter d'avoir mis fin à tant de contro- verses; mais son interprétation de ce personnage shakespearien est tout à fait ingénieuse : elle ne con- vaincra peut-être point, elle ne peut pas séduire.

L'auteur se contentera de ce succès, d'autant qu'il a poursuivi sans rigueur son enquête de voya- geur-poète. Il s'en est laissé distraire par mille choses, et ses distractions nous ont valu des pages ('xquises à propos de tout et de rien ; il s'est laissé, aller devant nous, avec une nonchalance très sur- veillée, quelquefois même un peu coquette, à ses songes, à ses idées, comme à une mélodie intérieure ; <>f riM!i< Mx^Mr.c <iiivi. oRchantés, ces ent rotions d'un

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i3sprit curieux, pénétrant, plein de ressources; d'un nrtisic raffiné, d'nn r-oiiseur plein de grâce...

PAUL GOUT Le Mont-Saint-Michel.

Avec M. Paul Goût nous rentrons en France, et c'est le Mont Saint- Michel qui est évoqué sous nos yeux en deux grands volumes. Le Mont Saint- Michel dont Siméon Luce disait « que son seul nom évoque ce que les paysages de France ont de plus grandiose, ce que le patriotisme a de plus inviolé, ce que la religion a de plus saint », a été célébré, raconté et chanté par une foule d'écrivains, de poètes et d'historiens depuis des siècles; il est visité chaque année par une multitude de touristes émer- veillés, et pourtant il est mal connu. M. Paul Goût, architecte en chef des monuments historiques, à qui furent confiées les destinées du Mont Saint- Michel, nous l'affirme, et il suffit pour s'en rendre compte de regarder son magnifique ouvrage où, presque à chaque page, se rencontrent une décou- verte, une révélation.

Ces deux gros volumes ornés de plus de 400 gra- vures, de 40 planches hors texte, constituent un monument magnifique de ce poème de pierres qui se dresse sur l'océan avec une si émouvante majesté.

DL'.EMBRE HISTOIRE, ART, VOYAGES, DIVERS 415

En entreprenant cette histoire de l'abbaye et de la ville, cette étude archéologique, et architecturale des monuments, en nous donnant, dans des pages si éloquentes et si documentées, l'histoire des évé- nements dont le Mont -Saint-Michel et son abbaye furent le théâtre, et la monographie analytique des monuments, véritable univers d'architecture et de sculpture, M. Paul Goût a fixé définitivement, un monument unique, au monde, que nous devons connaître, défendre et aimer, parce qu'il fait partie de notre patrimoine de gloire, « parce qu'il est, selon la parole de Victor Hugo, pour la France, ce que la grande pyramide est pour l'Egypte ».

ANDRÉ MICHEL Histoire de l'Art «La Renaissance».

J'ai parlé à plusieurs reprises déjà de cette His- toire de rArt, « depuis les premiers temps chrétiens jusqu'à nos jours», dont M. André Michel a entre- pris la publication; les six volumes déjà parus nous ont fixés sur l'importance de cette œuvre qui, une fois achevée, sera un magnifique monument d'his- toire et d'art; mais chacun d'eux, même pris isolé- ment, constitue un livre homogène d'un très grand intérêt.

C<'tte impression, je l'ai retrouvée plus forte

416 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

encore avec le quatrième volume paru cette se- maine, et qui est consacré tout entier à la Renais- sance^ non pas à toute la Renaissance, mais à la période de son plein épanouissement en Italie.

Pour traiter ce vaste et noble sujet, M. André Michel, qui s'est réservé la sculpture italienne jusqu'à la mort de Michel-Ange, a fait appel à des collaborateurs éminents dont il est juste de rap- peler les noms et les travaux. M. Marcel Reymond étudie, dans ce livre, l'architecture italienne du xvi^ siècle; M. Jean de Foville, les médailleurs ita- liens; M. André Peraté, la peinture italienne à la fm du XV® siècle et dans la première moitié du xvi® siècle.

Que de chefs-d'œuvre dans cette période, et que d'iUustres maîtres ! Songez que c'est le temps des Léonard de Vinci, des Pinturicchio, des Raphaël, des Michel-Ange, des Gorrège, des Titien. En regar- dant les trois cent quarante-deux gravures et les dix héliogravures qui ornent ce livre, on fait, parmi les musées du monde entier, la plus belle et la plus émouvante des promenades, on reconnaît les chefs- d'œuvre fameux, et l'on en découvre d'autres qui, moins connus, présentent cependant un incompa- rable intérêt. Et, après avoir admiré, on apprend et l'on comprend : on comprend comment la Renais- sance, « de florentine et platonicienne, est devenue romaine et pontificale, pour, de Rome, rayonner si magnifiquement sur le monde».

DÉCEMBRE HISTOIRE, ART, VOYAGES, DIVERS 417

MAURICE DUMOULIN Les Ancêtres d'Alfred de Musset.

M. Maurice Dumoulin a fait une enquête d'une très agréable et pittoresque érudition sur les Ancê- tres d'Alfred de Musset : il a estimé que puisque tant de princes ont suscité tant de généalogistes il pou- vait s'en trouver un pour le prince des poètes. Il a eu joliment raison, puisqu'il a réussi, en compulsant une foule de documents inédits très ingénieusement coordonnés et présentés, à nous donner une œuvre tout à fait attrayante et instructive. Il a tour à tour étudié, en des chapitres bourrés de faits, d'anec- dotes et de documents, le père et la mère de Musset, le grand-père Guyot-Desherbiers, l'oncle, le mar- quis de Gogners. Après avoir fidèlement portraic- turé tous ces personnages et reconstitué leurs ori- gines, M. Dumoulin conclut : « Préparé par tant de qualités ancestrales, nourri d'un sang généreux et fort, dans lequel au vieux sang du terroir vendô- mois s'était mélangé celui des Arnault, des du Tillet, des du Bellay, avec une pointe de sang italien, Alfred de Musset fut la résultante exceptionnelle f't unique du lent travail d'afïinement d'une race. »

418 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

HERBERT WARD Chez les Cannibales de l'Afrique centrale.

Les cannibales ne sont point, parait-il, ce qu'un vain peuple pense : ils ne méritent pas leur réputa- tion, et, sans doute, c'est à eux que certain ministre fit injure, lorsque, au cours d'une séance fameuse de la Chambre, il donna leur nom à une foule hur- lante de parlementaires exaspérés. M. Ward a vécu dans le centre africain des années impressionnantes et belles ; dès le premier contact, les naturels l'inté- ressèrent vivement et il ne cessa, par la suite, de s'attacher à eux davantage. Il apprit à les con- naître : ils lui enseignèrent leur langage barbare, et il s'aperçut que sous leurs aspects cruels et sournois se cachaient des sentiments humains semblables aux nôtres, et il les aima.

Ces quelques lignes vous donnent le ton du livre et vous disent l'intérêt qui se dégage d'une telle étude romanesque et psychologique et qui s'élève bien au-dessus d'une habituelle relation de voyage ; c'est un très beau document humain, car les canni- bales appartiennent à l'humanité, même lorsqu'ils font du cannibalisme, et l'auteur, qui fut officier dans la fameuse expédition Stanley, nous le démon- tre par une foule d'exemples, d'anecdotes émou- vantes et d'images prises sur le vif.

MAXIME DE BARY Grand gibier et Terres inconnues.

C'est encore un peu du mystère de l'Afrique inconnue que nous révèle M. Maxime de Bary avec le volume qu'il publie sous le titre Grand gibier et Terres inconnues. Malgré les explorations sans cesse plus nombreuses et plus hardies des pionniers de l'Afrique, il reste encore de vastes espaces dont le secret ne fut point profané et il y a pour le chas- seur et pour l'explorateur un champ immense d'in- V <3stigations. M. de Bary est un chasseur, il s'en est illé en compagnie de M. .Jean Lefebvre autour les grands lacs de l'Afrique centrale, dans les pathé- tiques solitudes du mont Elgon : il a vu des sites merveilleux et éprouvé de grandes émotions, qu'il ('ssaye de décrire.

Il nous raconte fidèlement les plus émouvantes de -os aventures de chasse, il joint à ses récits palpi- unts tous les renseignements qu'il a pu recueillir Mir le pays, les indigènes et le climat, et ce récit d'un chasseur curieux, avec les étonnantes photo- Lrraphies qui l'illustrent est un très beau document -iir l'Afrique.

420 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

CÉSAR LOMBROSO

Hypnotisme et Spiritisme.

(Traduction de M. Rossigneux).

César Lombroso a laissé une œuvre posthume : Hypnotisme et spiritisme^ dont la Bibliothèque de philosophie scientifique nous offre une fidèle traduc- tion faite par M. Rossigneux.

M. Gustave Le Bon, qui ne croit pas beaucoup à toutes ces histoires de spiritisme et de magie, nous explique en une courte introduction pourquoi il a tenu à faire paraître, dans cette collection scienti- fique, un livre destiné à justifier l'existence des phénomènes spirites : ses raisons n'eussent point, je crois bien, enchanté Lombroso ! En effet, M. Gus- tave Le Bon croit que la lecture de ce livre, se trouve dressé un tableau assez complet des phéno- mènes que prétendent réaliser les spirites, nous montrera clairement comment un savant célèbre, habitué aux méthodes scientifiques les plus sûres, vit sa science s'évanouir et une crédulité infinie s'y substituer dès qu'il aborda l'étude des phénomènes spirites.

Avouez que César Lombroso devait poursuivre un but quelque peu différent lorsqu'il entreprit de nous expliquer comment l'étude des phénomènes de l'hystérie et de l'hypnose l'avait graduellement conduit à admettre les phénomènes spirites, et

MEMENTO DU MOIS DE DÉCEMBRE 421

de nous raconter, comme preuves indubitables, les extraordinaires expériences d'Eusapia Paladino. Il est vrai que les aventures de cette dernière à Paris ne sont pas faites pour fortifier notre foi ! Du moins nous avons maintenant en main les pièces du pro- cès, et si nous ne sommes pas très convaincus, nous ne laisserons pas d'être fort intéressés et un peu troublés par ces histoires de double vue, de fantô- mes et de maisons hantéqs que César Lombroso nous raconte avec une conviction admirable, et prétend nous expliquer fort scientifiquement,.

imÉNEMTO OU MOIS OE DÉCEMBRE

ROMANS

AUard (Léon). Catherine Hautier.

Apollinaire (Guillaume). U Hérésiarque et O^, un recueil de nouvelles bien remarquables.

Victor Barrucand et une Gircassienne. Adilé sultane.

(]anudo (R.). La Ville sans chef.

Gharmain (Armand). Binettes de caserne, une série d'his- toires militaires amusantes, alertes et faciles.

Gombe (T.). Enfant de Commune.

Duvernois (Henri). Demoiselles de perdition, nouvelles.

Garros (Paul de). La Château de VOurs.

422 LE MOUVEMEPfT LITTÉRAIRE

Goron. Policiers et Rastas, un roman paru dans la série

des « Nuits Rouges».

Guillou (Robert). Leurs raisons.

Hornung (B.-W.). Frank Rattray, un roman de mystère et de police de l'auteur de Raffles, traduit de l'anglais par M. René Lécuyer. "^^

Hume (Fergus). L'Œil de Jade, un roman traduit de l'anglais par M. A. de Jassaud.

Kipling (Rudyard). Lettres de marque, traduction de M. A. Savine.

La Hire (Jean de). L'Homme qui peut vivre dans Veau.

Level (Maurice). Les Portes de V enfer, un recueil de nou- velles frissonnantes.

Reboul (Max). Fascination.

Weede (Gaspard de). Le Roi des airs.

HISTOIRE LITTÉRATURE THEATRE POÉSIE POLITIQUE DIVERS

Baraude (Henri). Orléans et Jeanne d'Arc, un ouvrage accompagné de cartes, plans et dessins de l'auteur.

Bertrand (Alphonse). Les Origines de la troisième Répu- blique, (1871-1876), un ouvrage d'un grand intérêt l'auteur, spectateur attentif et parfois témoin de ces grands événements, nous raconte l'Assemblée natio- nale, la réorganisation de la France, les lois constitu- tionnelles.

Billard (D^ Max). Les Femmes enceintes devant le Tribunal révolutionnaire, un passionnant ouvrage, publié d'après des documents inédits.

Boglione (M^^^ Adrienne). Le Secret de Cybèle, un recueil de fantaisies dramatiques en vers charmants : ces fantaisies dramatiques ont plu à M. Maurice Barrés, elles ont tourné ses souvenirs vers le temps « Théo-

MEMENTO DU MOIS DE DÉCEMBRE 423

dore de Banville faisait une des plus aimables figures du monde littéraire parisien, et il a pris à les entendre, la sorte de plaisir que l'on goûte si l'on écoute, en été, des jeunes voix dans un jardin».

Gabat (Augustin). Les Porteurs de flambeau, « d'Ho- mère à Victor Hugo », un volume l'auteur passe en revue les grands esprits qui honorèrent l'humanité.

Capus (Alfred). Théâtre complet, le quatrième volume nous retrouvons la touchante et jolie Châtelaine et cette Adversaire triomphante écrite en collabora- tion avec Emmanuel Arène, et le pittoresque Mon- sieur Piégeois.

Cavaignac (Eugène). 'Esquisse d'une histoire de France, un livre à qui l'Institut d'Action Française a décerné un grand prix.

Gharcot (Jean). Le Pourquoi Pas? dans l'Antarctique (1908-1910), le récit émouvant de l'expédition, pré- facé par M. Paul Doumer.

Charrier (Pierre). Les Droits du critique théâtral, litté- raire, musical et artistique, et leurs limites : un excel- lent vade mecum des juges disposés à la malveil- lance.

Chuquct (Arthur). Quatre généraux de la Révolution, « Hoche et Desaix, Kléber et Marceau» d'après des let- tres et notes inédites suivies d'annexés historiques et biographiques.

Glaretie (Georges). Drames et comédies judiciaires. M. Raymond Poincaré, bon juge, nous dit dans une préface le mérite de ces chroniques du Palais de 1909 que les lecteurs du Figaro ont si vivement appréciées et qui sont assurées d'un durable succès.

Glouai'd (Henri). Balzac, des pages sociales et pohtiques.

Cucuaud (G^mille). Origines et responsabilités de la guerre de 1870-1871. (Suite.)

Derys (Gaston). Les Grandes amoureuses : M"*' de Lespi- nasse, Marie Mancini, la Clairon, M"^ de Tencin, évo- quées avec beaucoup de tact et d'émotion en un bien intéressant volume d'histoire sentimentale qui bien souvent domine l'histoire tout court !

Duboscq (André). Louis Bonaparte en Hollande d'après

424 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

ses lettres {1806-1810). Les lettres publiées dans cet ouvrage sont extraites des registres de la correspon- dance de Louis Bonaparte ; elles permettent d'étudier le roi de Hollande autrement que dans ses rapports avec Napoléon I^r qui le montrent sous un jour un peu trouble et factice ; elles prouvent que Louis Bonaparte fut doux, généreux, dévoué à son peuple, que s'il pré- tendit agir en roi il sut y parvenir et qu'en un autre temps et sans la tutelle inexorable dont il était l'objet, il eût fait le bonheur de son pays.

Evrard (Eugène). Jean Nesmy, les « meilleures pages ».

Faguet (Emile). Le. Discours sur les passions de V amour attribué à Pascal, un commentaire qui est un chef- d'œuvre d'ingéniosité, de maUce et de profondeur. C'est extraordinaire ce qu'un érudit spirituel peut trouver de choses amusantes, curieuses, émouvantes autour d'une pensée qui souvent n'apparaît pas autre- ment folâtre à un observateur médiocre.

Feuillâtre (Paul). -£|e Jeu de V amour et du désespoir, poé- sies.

Fleischmann (Hector). Pauline Bonaparte et ses amants^ un volume publié dans une série ambitieusement baptisée les « Napoléonides ». Marie- Louise libertine.

Fort (Paul). La Tristesse de V homme, des « ballades fran- çaises » : elles sont en prose, mais c'est la prose d'un poète, toute pleine de belles images et fort harmonieu- sement rythmée.

.Gendarme de Bevotte (Georges), -r- La légende de don Juan, son évolution dans la littérature, des origines au romantisme et du romantisme à l'époque contem- poraine.

Gérard (Léon). A travers la Hollande, un bien séduisant volume illustré de dessins à la plume tout à fait jolis de

r*^fe^ M, Heurkelom.

Giraud (Victor). Pages choisies de Chateaubriand.

Gourmont (Rémy de). Nouveaux dialogues des amateurs sur les choses du temps.

Grasset (D^). Le milieu médical et la question médi c- sociale.

MEMENTO DU MOIS DE DÉCEMBRE 425

Hallays (André). En flânant à travers V Alsace, un gra- cieux et éloquent volume.^j

Kropotkine (Pierre). Champs, usines et ateliers ou « l'in- dustrie combinée avec l'agriculture et le travail céré- bral avec le travail manuel», une traduction fidèle, due à M. Francis Leray, de cette œuvre ardente, solide, originale.

Maisonneuve (Thomas). Aquarelles provençales, Pointes sèches bretonnes, une série de sonnets lumineux et très heureusement évocateurs, illustrés par Léopold Lelée, d'Arles, et l'auteur lui-même, qui manie le crayon avec autant d'aisance que le luth.

Marcère (de), La Vie française à la veille de la Révolution {1183-1786), journal inédit de M'^e Cradock, traduit de l'anglais par M^"® Delphin-Balleygnier.

Michaud (Edouard). Le Chalet d'or, des vers émus et très sages.

Normandy (Georges). Les Poètes humoristes, une fort plai- sante et agréable anthologie.

Poirée (Charles-Raphaël). Visions, des vers d'une élo- quente tristesse.

Rostand (Maurice). Poèmes.

Rpusset (Lieutenant-colonel). Histoire générale de la guerre franco- allemande. Nouvelle édition. Quoi que prétende la modestie de l'auteur, je crois bien que c'est une œuvre définitive.

Roux (Charles). Aiguës- Mortes.

Séché (Léon). La Jeunesse dorée sous Louis-Philippe, «Alfred de Musset, de Musard à la Reine Pomaréela Présidente », un bien pittoresque et bien amusant volu- me d'histoire romantique.

Sonnenfeld (Nandor).r ^fi/ier,^ poésies.

Spet7/( Georges). Légendes d'Alsace, un livre poétique qui est aussi avec ses admirables illustrations en couleurs et sa luxueuse typographie un splendide joyau de bibliophilie, œuvre très noblement et^fidèlement fran- çaise qui nous vient de Strasbourg...

Tschudi (C. de). La mère de~Napoléon. '

Van der Gheyn (J.). Histoire de Charles Martel.

Vialay (Amédée). Les Cahiers de doléances du Tiers état

426 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

aux États généraux de 1789, de très précieux docu- ments dont M. René Stourm fixe la portée dans sa préface.

Wolsky (Calixte de). La Pologne, sa gloire, ses souffrances, ses évolutions.

Zuylen de Nyevelt (Hélène de). Ulnouhliée, des pages toutes remplies de littéraires sanglots.

QUELQUES DISPARUS

QUELQUES DISPARUS

BJOERNSTJERNE BJOERNSON

Mort le 26 avril 1910.

Il était le 8 décembre 1832 à Kwikne (Oster- dalen). C'était, depuis la mort d'Ibsen, le plus illus- tre représentant de la littérature Scandinave et depuis quarante ans son théâtre régnait sur toute l'Europe, passionnément admiré et compris par les uns, exalté de confiance par les autres, un grand nombre qui ont souvent applaudi sans comprendre.

Parmi les œuvres dramatiques de Bjoernst- jerne Bjoernson celle dont le retentissement en France fut le plus considérable et dont l'influence est le plus manifeste c'est Au delà des forces^ qui fut joué par le Théâtre de l'Œuvre.

Sa carrière : il fit ses études à l'Université de Christiania, puis à Upsal et à Copenhague. Direc-

25.

430 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

teur de théâtre à Bergen (1857-1859) puis à Chris- tiania (1865-1867), il fut également journaliste et directeur pendant trois ans, de 1866 à 1869, du Norsk Folkeblad.

Dans son œuvre littéraire il faut citer ses épopées nationales Entre les batailles, Hulda la boiteuse et ses nouvelles telles la Fille de la pêcheuse.

Parmi ses œuvres dramatiques les plus connues en France sont : Au delà des forces, une Faillite, le Roi, le Journaliste.

QUELQUES DISPARUS 431

LOUIS BOUSSENARD

Mort le 11 septembre 1910.

Il était en l'année 1853. Les générations de collégiens se souviendront avec reconnaissance du légendaire Tour du monde d'un gamin de Paris dont les étonnantes péripéties les enchantèrent et amuseront sûrement leurs enfants. Écrit dans un style alerte et familier, sans recherche, ce roman est de beaucoup le* meilleur de ses livres parmi lesquels il faut citer : le Voyage en Australie, Vile en feu. Ces livres qui ne feront nul tort à la gloire de Jules Verne ont dos qualités qui justifient leur po])u- larité.

Détail dramatique et émouvant, Louis Bousse- nard avait rédigé lui-même sa lettre de faire part dans les termes suivants :

« Louis Boussenard, homme de lettres, a l'hon- neur de vous inviter à ses . funérailles civiles qui auront lieu à Escrennes (Loiret), le lundi 12 sep- tembre 1910 à une heure et quart. Inconsolable de la mort de sa femme, il succombe, dans sa soixante- troisième année, à une douleur que rien n'a pu atténuer. »

432 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

JEANNE MARNI

Morte le 4 mars 1910.

Elle était née à Toulouse le 18 août 1854.

Jeanne Marni (de son vrai nom Jeanne Mar- nière) a occupé une place éminente parmi les fem- mes de lettres si nombreuses dont le talent s'est affirmé dans ces vingt dernières années. Elle res- tera l'une des plus personnelles, des plus délicates, des plus émouvantes. Quelques-uns de ses romans ont eu un assez grand retentissement depuis le premier paru en 1887, la Femme de Sii^a^ jusqu'au Livre d^une amoureuse, à Pierre Tisserand, à Souf- frir...

Elle a fait jouer au Gymnase une jolie comédie Manoune et en collaboration avec M. Albert Gui- non Le Joug. Mais c'est surtout dans les dialogues qu'elle triompha : dans ce genre, elle fut vraiment incomparable, et il y a dans les volumes ils sont réunis sous les titres Comment elles se donnent. Comment elles nous lâchent, les Enfants qu'elles ont, Fiacres, Celles qu'on ignore, A table. Vieilles..., des pages très émouvantes, très prenantes et qui pourraient bien rester.

QUELQUES DISPARUS ' 433

JEAN MORÉAS

Mort le 30 mars 1910.

Il était à Athènes le 15 avril 1856. Grec de naissance, il s'appelait Papadiamantopoulos, et venu très jeune à Marseille il se fixa définitivement à Paris en 1882. En 1884 il publia les Syrtes, en 1886 les Cantilènes qui furent remarqués et appréciés dans un petit cénacle fréquentaient Laurent Tailhade, Charles Viguier et Maurice Barrés, mais c'est le Pèlerin passionné paru en 1891 qui le mit en pleine lumière et, considéré comme un chef- d'œuvre du symbolisme, fit de lui le chef de cette école, depuis, il déchaîna l'enthousiasme frénétique (le ses adeptes et obtint souvent l'admiration du grand public avec les Contes de la vieille France^ les Stances^ et les Esquisses et souvenirs.

434 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

JULES RENARD

Mort le 22 mai 1910.

Il était à Ghâlons -sur-Mayenne le 22 fé- vrier 1864. Il débuta dans les lettres avec un petit volume les Roses ; puis s'affirma tout de suite comme un observateur prodigieux des hommes, des bêtes et des choses dans la nature : son réalisme minutieux excellait à évoquer en quelques mots, en quelques phrases courtes, incisives, des tableaux d'une extraordinaire intensité, et ce furent : Crime de village^ Sourires pinces^ T Ecornifleur, Coquecigrues^ qui le révélèrent au grand public, puis Poil de Carotte dont le succès fut prodigieux et mit Jules Renard en pleine lumière, assurant désormais l'at- tention et la sympathie du public à ses œuvres : les Bucoliques^ les Histoires naturelles et plus récem- ment Ragotte.

Au théâtre, il fit représenter outre Poil de ca- rotte^ le Plaisir de rompre^ le Pain de ménage.

Il faisait partie de l'Académie Goncourt il avait succédé à Huysmans.

QUELQUES DISPARUS 435

EDOUARD ROD

Mort le 29 janvier 1910.

Il était à Nyon sur les bords du Lac Léman, le 31 mars 1857. Pendant six ans, professeur à Genève il vint ensuite s'installer à Paris. Il ne de- vait plus désormais quitter la France, sa patrie d'élection, qui le considère, à juste titre, comme une de ses gloires littéraires.

Pendant toute sa vie, et si l'on excepte le temps extrêmement brillant de ses débuts, celui de la Vie de Michel Teissier, sa renommée fut bien iné- gale à ses mérites. Il vivait volontairement ren- fermé, obscur, ne cultivant pas sa gloire, acharné à un labeur incessant qui nous a valu une oeuvre con- sidérable où rien n'est indifférent et dans laquelle les Roches blanches^ V Indocile, V Ombre s^ étend sur la montagne, Aloys Valerien, sont des romans de premier ordre et qui resteront.

436 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

LÉON TOLSTOÏ

Mort le 16 novembre 1910.

à Yasnaïa-Poliana, le 28 août 1828, il était entré vivant dans la légende et les dramatiques cir- constances qui précédèrent et accompagnèrent sa mort, annoncée d'abord faussement, pour survenir quelques jours après, accentuent encore le caractère légendaire de cette carrière prodigieuse qui place Tolstoï à côté des héros intellectuels de l'histoire de l'humanité.

Quelques dates dans cette longue existence, quel- ques titres parmi cette œuvre immenfee. Le premier ouvrage de Tolstoï qui fut remarqué s'appelle les Cosaques et fut publié en 1855, et c'est ensuite, à travers un demi siècle la Guerre et la Paix^ Anna Karénine^ la Sonate à Kreutzer^ Une confession^ la Mort dUvan Ilgihet, la Puissance des Ténèbres^ Résurrection.

QUELQUES DISPARUS 437

MARK TWAIN

Mort le 20 avril 1910.

Il était en 1835. Ses œuvres humoristiques ont pendant un demi-siècle enchanté et déridé le nouveau monde et le vieux continent ravi des fumisteries si profondes, si amusantes, parfois gros- ières, et parfois géniales de l'auteur de V Eléphant blanc volé^ de la Grenouille^ des Innocents en çoyage^ (les Aventures de Tom Sawyer^ d^Un Yankee du Connecticut à la cour du roi Arthur^ et de bien d'au- tres choses écrites par lui au cours d'une vie singu- lièrement aventureuse.

438 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

ALBERT VANDAL

Mort le 30 août 1910.

Il était le 7 juillet 1853. Sa carrière est un bel exemple d'harmonie et de fidélité depuis le moment il triompha comme lauréat d'histoire au Con- cours général jusqu'à celui il pénétra à l'Aca- démie Française avec son bagage d'oeuvres histo- riques remarquables qui lui avait valu, quelques année savant déjà, le grand prix Gobert récompen- sant par deux fois son grand ouvrage Napoléon I^^ et Alexandre /®^. Dans son œuvre d'une haute tenue littéraire d'une très forte érudition, on garde le. souvenir de Louis XV et Elisabeth de Russie^ le Pacha Bonneçal, une Ambassade française en Orient sous Louis XV ^ les i^oyages du Marquis de Nointel, et enfin, VA çènement de Bonaparte.

QUELQUES DISPARUS 439

VICOMTE E.-M. DE VOGUÉ

Mort le 24 mars 1910.

Il était en 1848 à Nice. Issu d'une vieille et noble famille de l'Ardèche, il débuta dès l'année 1875 par le récit de ses voyages en Orient publiés à la Reçfue des Deux Mondes ; puis ce fut, en 1877, une nouvelle: Vanghéli et Jean d'^Agrève dont le succès fut très vif et que trente ans passés. n'ont pas fait oublier.

Il commença ensuite la série de ses études sur les grands écrivains russes, sur Tourguénef, Gogol, Tolstoï, Dostoïevski, études qui consacrèrent sa renommée et par quoi il restera plus particulière- ment dans l'histoire littéraire du xix® siècle.

L'œuvre qu'il publia en 1856 sur le Roman russe eut en effet un très grand retentissement et l'on peut soutenir qu'il n'a pas peu contribué au mou- vement russophile de la fin du siècle dernier. Deux ans plus tard il entrait à l'Académie Française il resta plus de vingt ans pendant lesquels il publia Souvenirs et visions, Spectacles contemporains^ Heu- res d'histoire^ Devant le siècle^ Histoire et poésie et des romans : Les morts qui parlent^ le Rappel des ombres^ le Maître de la mer. Entre temps il donna diii Figaro des chroniques étincelantes et profondes dont le succès fut^éclatant. '

CONCOURS & PRIX

LITTÉRAIRES

CONCOURS ET PRIX LITTÉRAIRES

LE PRIX GONGOURT

Le 8 décembre 1910 l'Académie Goncourt com- posée de MM. Léon Hennique, président, Elémir Bourges, Lucien Descaves, Léon Daudet, Gustave Geffroy, Paul Margueritte, Octave Mirbeau, J. et H. Rosny, et M^^^ Judith Gautier a attribué son prix annuel de cinq mille francs à M. Louis Per- ofaud pour son livre De Goupil à Margot^ dont il l'st question dans une autre partie de cet ouvrage.

M. Louis Pergaud, originaire de la Franche - Comté, est un jeune, il est âgé de vingt-huit ans et exerce dans la banlieue parisienne les fonctions d'instituteur primaire; le livre qui lui vaut cette consécration si flatteuse et si enviée, est son pre- inif'i» <,i!\-p;.c_f.. : lin" b^lU' (*;nTipr(' sVhivîY' sans doute

444 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

devant lui. Les voix des académiciens s'étaient divisées aux premiers tours entre MM. Guillaume Apollinaire, Roupnel et Poinsot, M^^^s Marguerite Audoux et Colette Willy.

CONCOURS ET PRIX LITTÉRAIRES 445

LES PRIX « VIE HEUREUSE»

Les Femmes de Lettres qui composent le jury du prix « Vie Heureuse» ont, dans leur séance du 2 décembre 1910 décerné le grand prix annuel de cinq mille francs à M^^^® Marguerite Audoux, pour son roman Marie-Claire.

Marie-Claire est analysé dans une autre partie de ce volume et l'on connaît la touchante et mer- veilleuse aventure de son auteur : une humble couturière sans culture qui menacée de perdre ses yeux, incapable presque d'exercer son métier, se mit tout à coup, sans arrière pensée poussée par je ne sais quel démon, à écrire.

Le prix Vie Heureuse de mille francs destiné au meilleur ouvrage d'érudition de littérature ou d'his- toire a été décerné à M. Daniel Halévy pour son livre la Vie de Frédéric Nietzsche^ analysé lui aussi dans une autre partie de cet ouvrage.

Le troisième prix Vie Heureuse, d'une valeur de 500 francs, destiné au meilleur ouvrage fran- çais d'assistance et de sociologie, a été attribué à M. Louis Arnould, professeur à la Faculté des Let- tres de Poitiers, pour son beau livre Ames en prison.

Enfin, le prix des manuscrits, grâce auquel tel ouvrage remarqué est édité par les soins de la Vie Heureuse, a été remporté par M^^® Marie Lenéru,

26

446 LE MOUVEMENT LITTERAIRE

auteur des Affranchis. Cette pièce, d'idée et de pensée profondes, d'une haute tenue littéraire a eu, on le sait, un retentissement considérable.

Le Jury était présidé par M^^ la Duchesse de Rohan.

CONCOURS ET PRIX LITTÉRAIRES 447

LE PRIX NATIONAL DE LITTÉRATURE

Le prix de Rome (prix national de littérature) était cette année le prix national de poésie décerné tous les deux ans par un comité que préside M. Emile Blémont. Il a été attribué à M. Maurice Le vaillant, un jeune poète en 1883 et qui sort de l'Ecole Normale, pour son recueil le Temple intérieur où, loin de se réfugier dans un passé lointain et disparu il chante la vie moderne jusque dans ses inventions les plus récentes, il analyse avec beaucoup de délicatesse et de sens philoso- phique ses propres sentiments. Poète heureuse- ment doué, habile à évoquer de somptueuses ima- ges il avait publié déjà le Miroir d'étain^ poème antique il avait évoqué en des vers charmants IVxistenre familion^ et pittoresque des Grecs.

448 LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

LE PRIX SULLY-PRUDHOMME

La Commission instituée pour l'attribution du prix Sully-Prudhomme et qui se compose de MM. Désiré Lemerre, Auguste Dorchain, Albert- Emile Sorel et Hémon, exécuteurs testamentaires du poète a désigné, en 1910, M. René Bardet auteur du recueil la Vieille Maison.

M. René Bardet qui a mis en épigraphe de son livre ce vers de Henri de Régnier :

Le temps passe ; tout fuit ; les choses sont fidèles,

est un disciple de François Goppée, plus vigou- reux peut-être et plus nerveux.

INDEX ALPHABËTTQIJE

A

Abélard 253

Abnour (Contre -amiral

d') 50

Acker(Paul) 48,168

Ackermann (Madame). 90

Adam (Paul). 20,261,264,

342

TEren thaï (Corn te d')... 256

Agrippine 359

Aicard(Jean) 312,382

Aigueperse 48

Albert (Henri) 335

Albert (Marcellin ) 255

Albinet (Félix) 334

Alexandre (Prince) 266

Alexandre 1er 94 43g

Allard(Léon) 421

Allart( Horten.se) 207

Aimeras (H. d') 169

Alphonse XIII 90

Alton (Aimée d')... 18, 54

Amiot (G.) 103

André (Louis) :{60

Andrillon (Henri) 15

Angelico (Fra) 267

Anjou (Renée d') 86

Anne d'Autriche 153

Annibal 384

Annunzio (Gabriele d' ) . 222

Anstey(F.) 295

Anthouard (Baron d') . . 382

Apollinaire (Guillaume) 421

444 Arène (Emmanuel) 298, 423

Aristippe le Girénaïque. 62

Arjuzon (Comtesse d'). 261,

335 Arlincourt (Vicomte

d') 52

Armaingaud (Doctjur). 129

Arnaud (Raoul) 383

Arndt 10

Arnould (Louis) 445

Arschot (Comte d') . . . . 15

Artagnan(d') 337

Arthénice 411

Artois (Comte d') 365

Artzybachev (Michel) . . 379

Aubert(L.) ir>9

•^6.

450

LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Aubier (Fernand) 128, 334

Aubigné (Aggripa d'). . 53

Aubin (Eugène) 88

Audigier (Camille) 191

Audoux (Marguerite)

344, 444, 445

Auge-Chiquet (Mathieu) 15

Augier (Emile) 217

Aumale(ducd') 76,214

Auriol (Georges) 295

Auteur d' «Amitié amou- reuse» 275

Avenel (Vicomte Geor- ges d') 43

Aymard (Capitaine). . . 335

Aymès (Noël) 130, 383

Azco (Jean d') 128

Bac (Ferdinand) 412

Bachelin (Henri) 334

Baïf (Jean-Antoine de) . 15 Baillehache (Comtesse

de) 318

Bailly (Auguste) 168

Balde (Jean) 354

Baldensperger (F.) 261

Balzac (Honoré de) . . 54,

267, 324, 383, 423

Banville (Théodore de) . 423

Barail (Général du) 36

Baratier (Lieutenant- colonel) 169

Baraude (Henri) 422

Barberina Campanini

(La) 387

Barbey d'Aurevilly 324

Bardet (René)..."..... 448

Bardoux (Jean) 86

Barine (Madame Arvè-

de) 8

Barracand (Léon) 261

Barraud (Docteur Jean), 129

Barrés (Maurice) .... 129,

151, 170, 265, 305, 360

383, 422, 433.

Barret (Emile) 128

Barrett (Frank) 128

Barrière (Théodore). . . 282 Barri eu (Alexandre -

Raymond) 298

Barrucand (Victor) .... 421

Barry (Léon) 184

Barry (Madame du)... 411

Bartet (Madame) 103

Barthélémy 221

Bary (Maxime de) 419

Basset (Serge) 383

Batifîol (Louis) 152

Batz (Baron de). 214

Baudelaire (Charles). 54,164

Baudin (Pierre) 92

Bazin (René) 63,191

Béarn (Andrée) 235

Beaume (Georges). 71,168,

380

Beaumont (Pauline de) 207

Beaunier (André) 206, 262

Beaupuy 88

Bellaigne (Camille) 170

Bellay ( Joachim du) ... 411

Bellegarde (Adjudant). 298

Bsllessort (André) 1. 335

Benetti (Pascal) 262

Bérard (Victor) 251

Berger (Cyril) 347

Berger (Madame Lya)

170, 334

Bergerat (Emile) 15

[NI>EX ALPHABÉTIQUE

451

Bergson 131

Bernadette 118

P.ernard (Emile) 215

Bernard (Jean) 88

Berry (duc de) 365

Berry (Duchesse de). . . 130

Bertaut (Jules).... 50, 54,

298, 383

Bertaux(E.) 383

Berthelot 122

Bertheroy (Jean) 353

Berthier' (Général) 16, 298

Bertillon 108

Berlin (Emile) 378

Bertin (Georges- Eugène)

215

lîerton (Claude) 260

lîorton (Madame Thé-

rèze) 401

Bertrand 122

P)ertrand (Alphonse) . . . 432

B.ertrand (Louis) 380

Bertrand (Yniold-René)

294

Berzeff (Alia) 86

Bessonnet-Favre (Ma- dame) 215

Bidegain (Jean) 50

P.ioz (Jacques de) 170

B.igot (Henry) 142

B>illard (Docteur Max), 422

B»illot- (Augustin) 262, 295

P»inet-Valmer 179

P. iovès (Achille) 215

lîismarck 130

P.jœrnson (Bjœrnst-

jerne) 429

P>lacco (Roberto) 168

Blan vilain (Madame

Germaine) 48, 334

Bleackley (Horace) 170

Blémont (Emile) 447

Blès(Numa) 335

Bliard (Pierre) 335

Boeghn (Eugène) 129

Boehmer 41

Boglione (Madam?

Adrienne) 422

Bohn (Madame A.) 314

Bois (Jules)., 262

Boissière (Albert).. 48, 277

Boissy (Gabriel) 170

Bojer (Johan) 192

Bolivar 37

Bonald (de) 324

Bonaparte (Pauhne). . . 424

Bonaparte (Caroline).. 118

Bonaparte (Général).. 155,

327, 438

Bonaparte (Louis) 423

Bonnal (Général) 50

Bonnamour (George).. 146

Bonnaud (Dominique). 335

Bonnefon (Jeande) 335

Bonnefoy (Antoine)... 170

Bonneval (Pacha) 438

Bordeaux (Albert) 262

Bordeaux (Henry). 171,304

Borel (Tony) 215

Borme 39

Bosc (Jean) 360

Bossert 170

Bossuet 339

Boulenger (Marcel) 181

Bourdet (Edouard) 171

Bourgeois (Emile) 335

Bourgeois (Léon) 15

Bourges (Elémir) 443

Bourget (Paul) 68, 98,

146, 208, 256, 262, 383

452

LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Bourgogne ( Jean de) . . . 380

Bourrienne 155, 216

Boussenard (Louis) 431

Boutibonne (Mademoi- selle G.) 382

Boutié (Louis) 335

Bouyer-Karr (Mademoi- selle V.) 57

Bovet (Madame Marie- Anne de).. 262

Boyer (Lucien) 335

Boyer d'Agen 129

Bradley 262

Branche (Madame A.). 202 Braun (Lilly, née de

Kretschmann) 17

Breil de Pontbriand (Vi- comte du) 383

Brémond (Henri) 171

Brette (Armand) 216

Brézé (Sénéchal de).... 221

Bringer (Rodolphe) 211

Brissac (Madame de). . 173

Britannicus 359

Brizeux (Auguste) 384

Broughton (Lord) 322

Bruant (Aristide) 198

Bruck Gilbert (Paul) ... 366

Brulat (Paul) 363

Brun (Gh.) 129

Brun (E.) 131

Brunetière (F.).. 133, 256

Buisseret (Georges) .... 171

Burnichon (Joseph)... 88

Buteau (Henry) 211

Buxy (B. de) 295

Byram (Léo) 351

Byron (Lord) . 322, 329, 386

Gabanès (Docteur) 171, 298

Gabat (Augustin) 423

Gabaton (Antoine) 262

Gahuet (Albéric) 61

Gaillaux 130

Gain (Georges) 263

GaUiclès 63

Galmon-Maison (Mar- quis) 114

Gamedo(R.) 421

Ganora .(Jean) 100

Gapus (Alfred).. 216, 263,

268, 384, 423

Garlyle (Alexandre)... 341

Garlyle (Thomas) 341

Garoline (Reine) 411

Garrel (Armand) 37

Gartier (Ernest) 216

Gasanova 411

Gasanova (Nonce) 394

Gastaigne (André) 143

Gastiglione (Duchesse

de) 328

Gatherine (La Grande). 94

Gavaignac (Eugène). . . 423

Gaylus (Duc de) 130

Gazes (E.) 171

Gellamare 9

Gervantès ...... 104, 296

Ghaffiol (Fernand) 216

Ghailley (Joseph) 79

Ghaillou du Gœurjoli

(Marins) 363

Ghalus (Françoise de, Duchesse de Narbon-

ne-Lara) 321

Ghambord (Gomte de). 158

[NDEX ALPHABÉTIQUE

453

Ghambrier (Madame Alexandre de)

Chantavoine (Henri) . . .

Chantavoine (Jean) . . .

Chantepleure (Guy)...

Chantre (Ami)

Chapelle (Madeleine)..

Chaponnière (Paul)

'''harcot (Jean)

lardenel (V.-B.)

v^iiarles (Ernest)

Charles IV de Lorraine .

Charles VII

Charles IX

Charles X 130,

Charlotte Corday

Charmain (Armand). . .

Charriaut (Henri)

Charrier (Pierre)

Chasteaumorand (Diane de)

Chateaubriand 52,

219, 261, 424

Chateaubriand (Mada- me de)

Chaumont (Magdeleine)

Chéret

Chervet (Henri)

Chesnelong (Charlfs)..

Chevalier (Emile)

Chèvremont (Paul de) . .

Chevrillon (André)

Chigot (Eugène)

Choderlos de Laclos . . .

Choiseul (Duchesse de)

Christine de Suède. . . .

Chuquet (Arthur).. 16, 298,

ouii (Albert)

Circassienne (Une)

Clairon (La)

4?,3

336

Claretie (Georges)

423

145

Glaretie (Jules).. 16,

286,

171

298

366

350

Clémence Isaure

219

263

Clermont (Emile).. 1^

t, 49

374

Clifîord Barney (Ma-

130

dame Natalie). 216,

263

423

Clouard( Henri)

423

263

Clouet (François)

291

123

Clouzot (Henri)

263

119

Cocuaud (Camille). 262

,423

221

Cogners (Marquis de). .

417

221

Colomb (Félix).. 171,

336

366

Colson (Albert)

336

169

Combe (T.)

421

421

Comert (Marguerite) . . .

95

204

Comminges (Comte de)

327

423

Conan Doyle. 33, 49,

212

Couard (Pierre)

171

11

Concini

152

206,

Condé (Le Grand)

8

Conrad (Joseph)

86

Cons (Louis)

130

412

Constantin (Yves de). .

298

362

Coppée (François) . . .

263,

213

338,

448

134

Coquiot (Gustave)

295

216

Corbier (Désiré)

384

260

Corday (Michel). 243,

260,

171

280

336

Cornet (Capitaine.)...

50

132

Cornu

122

383

Corrard (Pierre)

107

113

Corrège

416

411

Corthis (André)

302

119,

Costils (Docteur l'raii-

423

çois de)

216

130

Couprine (A.)

260

421

Courson (Vicomte de). .

336

LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Courouble (Léopold) ... 69

CourtelineJG.) 15

Coussange (Jacques de} 45

Couvreur (André) 245

Coynart (Ch. de) 88

Cradock (Madame) 425

Crastre (François) 263

Crinon( Docteur .T.) 298

Cromer (Lord) 263

Cronier (Gaston) 141

Cunéo d'Ornano (Lieu- tenant-colonel) 263

Curie 122

Cuvillier-Fleury ... 76, 214

Cuzance (Béatrix de).. 119

Dacre (Fernand). . 49

Dagoury (Madame L.). 202

Daireaux (Max) 233

Dalîoz 130

Damad (Marianne) 357

Danrit (Capitaine). 128,313

Danton 217

Darboy (Monseigneur). 287

Dasté (Louis) 263

Daudet (Alphonse) 165

Daudet (Ernest). 49,59,93, 365 Daudet (Léon)... 97 443 Daudet (Lucien-Al- phonse) 234

Dautremer (Joseph). . . 51 Dauzat (Albert)... 84, 263 Davray (Henry).. 212, 297

Debraux (Emile) 130

Debrol (Marc) 106

Decaen (Général) 153.

Decazes (Duc) 365

Delahache (George). 9, 299 Delarue-Mardrus (Lu- cie) 26, 182, 384

Delcamp (André) 86

Deletang (Marie) 296

Delly 198

Delorme (Philibert)... 263 D e Ip h i n-B a 1 1 e yg n i er

(Madame) 425

Delplanque (Albert)... 263

Delteil (Léo) 216, 218

Delzons (Louis) 239

Denis (Georges-A.) 296

Derosne (Bernard).... 295

Derrécagaix (Général) . 263

Derys (Gaston) 423

Desaix (Général) 423

Descaves (Lucien) 443

Deschanel (Paul) 88

Deschaumes (Edmond). 72

Desmoulin (Jean-Paul). 317

Dessoubre (Henri) 128

Dhur (Jacques) 191

Dide (Auguste) 369

Diderot 41, 121, 340

Dierauer (Johannès). . . 336

Dilecta ., 411

Dino (Duchesse de) .... 157

Doderet (André) 249

Dodillon (Emile) 384

Dombre (Roger)... 48, 49

Donat(Marc) 296

Donatello 383

Donnadieu 40

Dorchain (Auguste) 384, 448

Dormier (Charles) 380

D'or Sinclair (J.) 381

Dostoïewski 439

Doucet (Jérôme).. 14, 296

Doumer (Paul) 423

M.l'HABETIQUE

I iiiem 340

Drouhet (Charles) 16

Dubois (Cardinal) 335

Dubois (Marcel) 263

r)ul>oscq (André). 112, 423

1 -asse-Harispe 212

ichesne (E.) 328

ichesne (Monseigneur

L.) 88

idit (Madame Isa- belle) 299

ilac (Odette); 396

Uumas (Alexandre) 267, 337 Dumas (Alexandre, fils)

136, 137

amont- Wilden(L.)... 299

Dumoulin (Maurice). . . 417

Dumur (Louis) 281

Dunan (Charles) 384

Dupanloup (Abbé)..,.. 79

Dupuis (Jean) 216

Dupuy (Ernest) 130

Dupuy (Emile).. . 16, 266

Duquesnel (Félix) 31

Durand (M^ie Yvonne) 380

Durandy (Dominique). 312

Duras (Duchesse de) . . . 52

Dutacq ( François) 216

Duvernois (Henri) 229, 421 Ml vivier (Madame Ma- deleine) i*

louard VU 252

Éléonore 411

Eliot (Georges) 315

Elis (Georges) 384

Eljc.KoM, (Madame).. 67,

93, 173

Ehsabeth (Impératrice

de Russie) 94, 438

Elsie 341

Epicure 385

Epinay (Madame d') . . . 113

Epuy (Michel) 169

Erckmann-Chatrian . . .

Espitalier (Albert)

Estaing (Amiral d')

Etat-Major de l'Armée (Section historique de

l')

Etat-Major général de la marine japonaise . . .

Eugénie (Impératrice) . 157,

Evans (Docteur Tho- mas W. )

150 264 114

17

384 18, 328

156

Evrard (Eugène ) 424

Fabre (Ferdinand) 49

Faguet (Emile). 18,90,171, 216, 424

Faral (Edmond) 88

Farrère (Claude) . . 135, 282

Fauchier-Magnan 264

Faucigny-Lucinge (Ma- dame A. de, née Choi-

seul-Gouffîer) 51

Faustinc 411

Faye 122

Fechner 131

Féhx Faure-Goyau

(Lucie) 216

Femme Curieuse ( Une ) . 172

Fénelon 132, 171

26:;. 383 Fennebresqu*' 264

456

LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Feodorovna (S. M. Ma- ria) 50

Ferdinand de Bulgarie. 51

Ferrero (Guglielmo). . . 255

Fersen (Comte de) 388

Feuillâtre (Paul) 424

Feuillet (Madame Emi- lie) 384

Feuilloy (Georges) 262

Fillay (Hubert) 128

Filon (Augustin) 130

Fischer (Baron Léopold

de) 172

Flamant (Paul) 296

Flammarion (Camille). 126 Flaubert (Gustave). 29, 141 Fleischmann (Hector). 88, 130, 217, 288, 424 Fleurigny (Mademoi- selle Blanche de) 13

Fleury 328

Fœmina 375

Folacci (Dominique) ... 170

Foley (Charles) 187

Forestier (Mademoiselle

Julie) 373, 412

Formont (Maxime) 147, 380

Fort (Paul) 424

Fortin (A.) 297

Fouché 118

Foulon de Vaulx (André) 217

Fouquet 386

Fouquier-Tinville 288

Fouquières (André de) 292

Fournier (Armand) . . . 322

Foville (Jean de).. 73, 416

France (Anatole) 50

France (Frédéric de) . . . 264

Franc-Nohain 272

François I^r 43

Frapié (Léon) 86, 1

Frédéric (le Grand) 3

Frédéric II

Frémeaux (Paul) 4

Fremiet (E) l

Frémont (Abbé Geor- ges)

Fribourg (André) 2

Funck-Brentano 2

Gâchons (Jacques des). 2

Gahisto (Manoel) 3

Gaiffe (F.) i

Gail (François de) . . 87,2 Gaillard (Alphonse)... Gaillard de Champris

(Henry) ■>

Galba 3

Galipaux (Féhx) 2

GaHiéni (Général) 1

Galliffet (Général de).. 2,'

3

Galopin (Arnould) 128, 2

Garros (Paul de) 4

Gaubert (Ernest) 2

Gaubert Saint-Martial

(Raoul)

Gaultier (Paul) 1

Gautherot (Gustave).. 2 Gauthier (Madame Ju- dith) 4

Gauthiez (Pierre) 1

Gautier (E. -F.) 3

Gay (Delphine).. 266, 4

Gay (Sophie) 2

Gazanion (Edouard). . . c

Gebhart (Emile) 3

INDEX ALPHABETIQUE

t57

Gefïroy (Gustave) 443

Geiger (André) 403

Gendarme de Bévotte

(Georges) 424

Genin (Auguste) 89

Geoffrin (Madame) 9

Gennepp (A, Van) 17

Georges (Marcel) 381

Gérard (Léon) 424

Gérard (Madeleine) 260

Géraud (Edmond) 114

Germain (José) 217

Gide (André).. 89

Gignoux (Régis) 344

Gilbert (Marion) 34

Gimié d'Arnaud (Louis) 190

Ginisty (Paul) 89

>irardin (Emile de) 219

jirardin (Madame de). 267

Girardin (J.) 334

Giraud (Victor) ... 89, 424

Giubega (Laurent) 298

Glaser (Ph. Emmanuel) 172

Gobineau 251

Gœthe 130, 319

Gogol 439

Gojon (Edmortd) 172

Golovine (Comtesse, née

Princesse Galitzine). 93

Concourt (Ed. de) 165

f Concourt (Edmond et

Jules de). 139, 398, 443

Goriainow (Serge) 217

Gorki (Maxime) 32

Goron 334, 422

Got (Edmond) 82, 172

Got (Médéric) 82, 172

Gouges (Olympe de) . . . 39

Gounod 170

Gourmont(Rémyde).169,424

Goût (Paul) 414

Grabovski 16

Grand (Madame) 78

Grand-Carteret (John). 90, 218

Granville 264

Grasset (Docteur). 264, 424

Gréard 122

Green (A.-K.).... 212, 381

Gregh (Fernand) 218

Gregorovius (F.) 385

Greuze 411

Gros(Donatela) 223

Gros (Gabriel- Joseph). 173

Grun 283

Gubernatis (Angelo de). 133

Guérin (Eugénie de) . . . 299

Guérin (Maurice de) 219, 299

Guesviller (Gustave) ... 86

Guiches (Gustave) 196

Guignebert (Charles).. 12

Guillaume (G.) 17

Guillaume (James) 131

Guillaume ( Lieutenant) . 385

Guillon (Edouard) 325

Guillot de Saix 301

Guillou (Robert) 422

Guinon (Albert) 432

Guitet-Vauquelin (Pier- re) 189

Guitry (Sacha) 17

Guizot 216

Guyon (Madame) 411

Guyot-Desherbiers 417

Gyp 86, 164, 197

H

Haie vy (Daniel). Hallays (André),

. . . 445 299, 425

27

458

LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Halpérine-Kaminsky . . 256

Hamilton 264

Hamilton (Lady) 264

Hanotaux (Gabriel) .... 382

Han Ryner 334

Harry (Myriam) 385

Hartmann (Lieutenant- colonel) 17

Haumgard (Louis) 337

Hauser (Gaspar) 19

Hauser (Ph.) 131

Maussct (Madame du). 320

Haussonville (Comte d') 255 Havard de la Montagne

(Robert) 212

Havet 90

Hearn (Lafcadio) 385

Hegel 131

Meineken (Adiienne).. 90

Héloïse 253, 411

Hémon 448

Henckens(E. F. C. A.). 300

Henckens (Lieutenant). 299

Hennique (Léon) 443

Hepp (Alexandre) 51

Hérelle (G.) 149

Hermann (Le Grand). , 82

Hermant (Abel)...!.. 224

271, 401

Hermite 122

Herriot (Edouard) 386

Heurkelom 424

Heywood (J.)... 296, 381

Hill (Demarès de) 168

mil (Headon).. 34

Hinzelin (Emile) 330

Hirsch (Charles- Henry) 392

Hoche (Général) 423

Hocquart de Turtot. . . 131

Hogier( Hector) 90

Hohenlohe (Prince Glo-

visde) 19

Holbein 174

Hollanda( Francisco de). 385

Homère 184, 423

Hopkins ( Johns) 133

Hornung(E.-W.) 422

Huchard (Robert) 385

Hudson Lowe 366-409

Hugo (Victor). 77, 93, 219 267, 298, 383, 415, 423

Hugues (Clovis) 89

Hume (Fergus). 168, 296

422

Humières (Robert d'). . 86

Humphry Ward 169

Huret (Jules) 211

Huysmans (J.-K.) 164

174, 434

Hymans (Henri), 265, 300

Ibanez (Blasco) 149

Ibsen 46, 429

Ignace (Saint) 42

Ingres 373, 412

louriévitch Lermontov

(Michel) 328

James (Wilham) 131

Jammes (Francis) 163

Japy (Frédéric) 300

Japy( Jules) 300

Jaquet 296

Jassaud (A. de) 422

Jaurès 164

Jaurgain (Jean de) ... . 337

INDEX ALPHABÉTIQUE

459

Jeanne d'Arc 52,

324

La Cartrie (Toussaint-

422

Ambroise de)

218

Jenny (Henry- Ernest).

385

Lacassagne

171

388

LaGhesnais(P.-G.)

192

Jobé (J.)

300

Lacombe (Bernard de).

78

Joinville

53 214

Lacordaire

355

Joinville (Prince de) . . ,

Lacour (Léopold)

130

Joséphine(Impératrice).

16

Lacroix (Paul)

340

367

, 386

Lafage (Léon)

334

Joyaux (E.)

385

Laf argue (Fernand) . . .

334

Judet (Ernest)

147

La Faye (Jacques de) . .

173

Junius

125

Lafont (Paul)

219

Laf ont (Renée)

212

K

La Forge (R. G. de)

337

La Forge (H. de)

337

Kadoré (Pierre de). . . .

49

Lagarde (Gaston de) . . .

218

Kahri (Théodore)

128

Lagerlôf (Selma).. . 1,

297

Kann (Réginald)

385

La Hire (Jean de)

422

Kapnist (Comte R.)...

260

LaJly-Tollendal

114

Kassem (Sidi)

265

Lamartine. 164, 219,

267

Keralio (Madame Ro-

299

bert)

39

La Mazelîère (Marquis

Kergorlay (Comte Jean de)

■d'M

51

337

Lamballe (Princesse de]

. 19,

Key (Mademoiselle EI-

173

, 383

len)

45

Lami (Stanislas)

385

Kipling (Rudyard) 87,

422

Landre (Madame Jean-

Kléber (Général)

Klein (Abbé Félix)....

423

ne)

■1[1

17

Lane- Allen (James)...

314

Kozakiewicz

297

Lange (Capitaine)

Langsdorff (Baron de).

?M

Kretschmann(Hans de).

18

i;;-j

Kropotkino (Pienc). . .

425

Lannelongue (Profes-

seur) ...,'.

386

L

Lanson (Gustave)

•^17

I^anzac de Laborie (de) .

:.l

La iielaiigeraie (Mau-

Lapauze (Henry)

373

rice)

1 69

La Perrière (Maurice de) Larcher (Louis)

282

Labbé (Paul)

38^

519

Labordf (Jules)

104

Lardy

216

Labulin (Colonel)

132

Larmandie (Léonce de).

■j:.n

460

LE MOUVEMENT LITTERAIRE

La Rochefoucauld. . . 95, 164 La Roncière (Charles

de) 52

Larreta (Enrique) 169

Lassalle 266

La Torre (Jorge Corre-

dor de) 387

Latreille (Comte Albert) 1 8

Latreille (C.) 52, 337

Laumonier (Daniel)... 150 Laurent (Raymond). . . 337

Lauret (René) 49

Laurie (André) 87

Lauris (Georges de) ... . 169

Lautrey (Louis) 173

Lauvrière (Emile) 44

Lâuzun 113

Laval (Comte de) 9

Lavater (Jean-Gaspard) 19

Lavedan (Henri).. 82, 160

388

Lavergne (Léonce de) . . 216

Lavisse (Ernest) 377

Leblanc (Maurice) . . 241, 260 Leblond (Marius-Ary). 289 {^ 381 LeJ Bon (Docteur Gus- tave) 167,420

Leclerc (Jules) 132

Leclercq (Jules) 337

Lecomte (Georges) 210

Lécuyer (Raymond). . . 219

Lecuyer (René).. 33, 49, 169,

422

Lefebvre (Alphonse). . . 338

Lefebvre ( Jean) 419

Lefranc (Abel) 219

Le Gay (Armand) 15

Legendre (Docteur A.- F.) 338

Le Goffic (Charles). . 2, 300

Legrand (Général) 16

Legrand-Chabrier 381

Legrand- Girarde (Géné- ral) 18

Leguay (Pierre) 173

Lelée (Léopold) 425

Lehèvre (Pierre) 300

Lemaître (Jules) 132

Lemerre (Désiré) 448

Lemonon (Ernest) 374

LeMoy (A.) 18

Leneru (Mademoiselle

Marie) 445

Lenoël - Zevort (Mada- me) 386

Lenoir (Alfred) 258

Le Nôtre (André) 291

Léopardi 44

Leparc (Suzy) 300

Leprévost (Gabriel) 386

Le Queux (William) ... 15

Leray (Francis) ... 425

Le Rouge (Gustave) ... 49

Leroux (Gaston) 194

Leroux (Jules) 386

Le Senne (Emile) 338

Lespinasse (Mademoi- selle de) 423

Lesueur (Daniel). 185-278

Le Tasse 411

Le Titien 416

Levaillant (Maurice). 90, 447

Level (Maurice) 422

Le Verdier (Henri) 169

Lévy (Arthur) 338

Lévy (Paul) 366

Leyret (Henri) 173

Lichtenberger (André). 66 226

INDEX ALPHABÉTIQUE

461

Lilienfeld (Charles -Gus-

Madame Royale... 221,

335

tave de)

. . .

388

Madeline(Jean)

305

Lionnet (Jean)

381

Maestrati (Abbé)

265

Liselott'e

411 171 411

Maeterlinck (Maurice).

173 Maigron (Louis)

46

Liszt

213

Livry (Suzanne de).

...

220

Locuste

359

Maigrot (Henri)

300

Lœwy

. . .

122

Mainard (François)

16

Logé (Marc)

145-385 1

Maindron (Maurice). . .

212

Loliée (Frédéric)...

220

Maine (Duchesse du) . . .

8

Lombroso (César) . .

...

420

Maintenon(Madamede).

383

Londres (Albert). . .

90

Maisonneuve (Thomas) .

425

Longuemare

339

Malagola (Charles)

90

Lorrey (Claude) ....

386

Mancini (Marie)

423

Lot (Henri)

90 251

Mangin (Lieutenant-co- lonel)

Loti (Pierre).. 164,

178,

339

305

Mansard

291

Loubon (Ludovic). .

. . .

220

Mansvic (Henri)

80

Louis II (roi de

Ba-

Mantenay

220

vière) ...

412

Manuel (Eugène)

124

Louis XI

221

Marbo (Camille)

381

Louis XIII

152

Marbot (Général)

298

Louis XIV

339, 411

386 438

Marc-Aurèle

44

Louis XV 43,

Marceau (Général) . 298-423

Louis XVI ... 115

134

, 221

Marcère (ae) 120-425

Louis XVIII

365 425

Maréchal (Pierre)

Maréchal (Docteur Ph.)

119

Louis-Philippe

...

118

Lovinesco (Eugène Lubomirski (Prince

18

Maret (G. de)

212

Jo-

Marge (Pierre)

386

seph)

339

Margot (Reine)

411

Luce (Siméon)

414

Margueritte (Paul) . 137-443

Lucrèce

44

Margueritte (Victor) . . .

265

Lunel (Ernest)

. . .

339

Margueritte (Général).

301

Luquet (Maurice). .

. . .

260

Marie-Antoinette, 115,

173

Luynes (Madame d

')••

173

Marie de France

263 217

M

Marie de Médicis.. 152-411

Marie-Louise (Impéra-

Machiavel

167

trice)

424

Macquard

298

Mariel (Jean)

91

462

.E MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Marivaux

383

Ménéval (Baron de)...

367

Marni (Jeanne) ,

432

Mérac (Paul)

965

Marquiset (Alfred).,..

52

Mercauld (Charles), . . .

339

Martel (Charles)

425

Mercereau (Alexandre).

381

Martel (Tancrède). 29,

173

Mercier (Sébastien)

331

Martin (Paul-Edmond).

132

Meredith (George)

371

Marty (Félix) 298,

300

Meri Dahdah (L.)

170

Maryllis (Paul) ,.

410

Méri court (Theroigne

Marzac (Lucien)

359

de)

39

Mason (A.-E.-W.)

275

Mérimée (Ernest). 133,

174

Maspero (G.)

220

Mérimée (Henri)

Mérimée (Prosper)

133

Masque de Fer (Le) ....

386

338

Masson (Emile)

341

Merlet(J.-P.-Louis) ...

132

Masson (Frédéric). 170,

218

Méry (Claude)

334

323

Mesureur (André)

386

Masson (Pierre-Marie).

339

Mesureur (Madame

Masson-Forestier

386

Améhe, née A. de

Mathiez (Albert)... 52, 91

Wailly)

91

Mathilde (Princesse). . .

328

Méténier (Oscar)

260

Matte (Louis)

386

Meunier (Stanislas). . . .

?57

Maugey (Irénée)

18

Meunier (Madame Sta-

Maugras (Gaston)

113

nislas)

260

Maupassant (Guy de). .

164

Meurville (Louis de). . .

332

Mauprat (Henri)

15

Michaud (Edouard) . . .

425

Maurel (André)

91

Michaut (G.)

174

Maurevert (Georges) . . .

213

Michel (André)

415

Maurras (Charles)

265

Michel-Ange 385,

416

Mauzens (Frédéric). . . .

309

Milan (René)

199

May (Gaston)

18

Mille (Pierre) 49,

Millet (Philippe)

381

Maybon (Albert)

265

252

Maygrier (Raymond)..

128

Mirbeau (Octave). 164,

344

Mayol

340

443

Mavra (B.). . . . .

275

Mirepoix

Mirmand (Henri de).. .

1^8

Mayrargue (Lucien). . .

386

336

Mazas

219

Mirtel (Héra)

387

Meilhac

83

Mirtil (Marcel)

91

Mélia (Jean)

132

Mistral

305

Melon (Joseph)

220

Molière 284,

383

Menabréa (Henri)

87

Moll.^jWeiss (Madame

Mendès (Catulle)., 15,

124

Augusta) '

387

INDEX ALPHABÉTIQUE

i63

Monod (Gabriel)

Monselet

Montaigne 129,

Montégut (Maurice)... Montesquieu ( Comte

Robert de) 220,

Montier (Edouard).... Monts (Comte G. de),.. Moréas (Jean). 170, 387,

Morian (Jacques)

Moriss

Morisse (Paul)

Morny (Duc de)

Moro (Antonio)

Mortillet ( Gabriel et

Adrien de)

Moselly (Emila)

Mouillé (Charles)

Mouret (Fernand)

Moussac (Georges de). .

Muller (Charles)

Murât ( Joachim) ... 117, Murât (S. A. le Prince).

Murger (Henri)

Musard

Musset (Alfred de) 18,54,

N

Xadaud (Marcel)

Napoléon I^r. 33, 37, 51, 94, 115, 118, 134, 173, 203, 204, 216, 264, 322, 325, 320. 338, 368, 408, 438

Napoléon H. mi <!,• Rome

Napoléon III. 158, 20;;.

Nass (Docteur Lucien).

41

3^2 222 308

399 381 366 433 334 211 134 220 300

91 390 339 266 387 164 264 117 230 425 383 '.25

300

Nayral (Jacques) .... .-. 404

Nelson 264

Nesmy (Jean) 424

Nesselrode 91

Ney (Maréchal) 50

Niboyer (Madame de). . 39

Niclaud (Roger) 91

Nietzsche (Frédéric). . . 92 335, 445

Niewerkerke 328

Nion (François de). 50,297

Niox (Général) 220

Noailles (Madame de). 164

295

Nointel (Marquis de) . . . 438

Nolly (Emile) 406

Norbert (Willy) 387

Nordau (Max) 41

Normand (Jacques)... 387 Normand (Comte R.). . 92

Normandy 297, 425

Noyer (Madame du). . . 387

O'Connor (Patrice) 260

Ohnet (Georges) <

Oldmeadow (Ernest).. 1 i.i

Olivier (J.-J.) 387

Ohvier(Paul) 259

Oppenheim (Philipps) 87, 381

Orczy 405

Ordener (Généraux). . , 90

Orléans ( Duchesse d' ) . . 1 58

Oyson ville (Baron d') . . 340

0/;m;nn 355

366 :!Hl

Pailhès (G.)

Paladino (Eusapiat

464

LE MOUVEMENT LITTERAIRE

Païva (Madame de) 338

Pallarès(V.) 92

Palmer (Fritiof ) 297

Pardo Bazan (Comtesse

de) 297

Paris 131

Parquin (Charles) 388

Pascal (Biaise) 44, 89, 266, 424

Patin (Guy) 3.72

Paul 1er (Tsar) 94

Paul (Madame Made- leine) 213, 284

Paulier (Lieutenant Vic- tor) 153

Pecci (Monsignor Joa-

chim) 129

Péguy (Charles) 52

Péladan( Joseph) 92

Pepé (Général) 37

Peraté (André) 416

Pergaud (Louis).. 398,443

Périer (Joseph) 220

Périn (Georges) 221

Pernot (Hubert) 266

Perrault (Pierre) 381

Perrée-Gerpré (Madame

Germaine) 297

Perrin (Jules) 65

Persat (Commandant). 36

Persky (Serge) ^.\ 32

Pettit (Charles) "^149

Philippe(Charles-Louis).> 177 Photiadès (Constantin). ï 371

Pic (Pierre) _ 372

Picard (Lieutenant-co-J.j

lonel Ernest) ^ 153

Picard (Roger) 221

Pichot (Pierre-Amédée) 218 Pidal (Ramon_j^Menen- dez^ '1133

Pie X

Piépape (Général de)..

Piérard (Louis)

Piéron (Henri)

Pilon (Edmond).. 221,

Pinturicchio

Pirandello (Louis)

Pirenne (Henri)

Piron

Pisani(LeP.)

Plattard (Jean)

Plutarque

Pocé (Cyriaque de)

Poë (Edgard) 188,

Poincaré (H.)

Poincaré (R.)

Poinçon (E.)

Poinsot(C.). 297,381, Poiré 3 ( Charles - Ra -

phaël)

Poizat (Alfred)

Polignac (Madame de). Pomairols (Charles de).

Pomaré (Reine)

Pompadour (Marquis

de)

Pompadour (Madame

de)

Pons (Mademoiselle de) Pontbriand ( Monsoi -

gneur de)

Postel du Mas (Albert) . Pottecher (Maurice)... Poumiès de la Siboutie

(Docteur)

Pourot (Paul)

Pourtalès (Guy de)

Povolozky (Jacques).. Prévost (Marcel). 87, 205,

221

8

293

46 290 416 142 161 130 339

53 154

87 317 122 423 339 444

425 300 173 24 425

320 335

383 356 174

202 133 213 380 190 383

INDEX ALPHABÉTIQUE

465

Price (Georges)

213

Rémon

260

Prouille (Marcel). 92,

339

Renard (Jules)

434

Provins (Michel)

87

Renaud (Joseph)

405

Puyrenier (Antony) . . .

300

Renel (Charles)

334

Rengale (Docteur Jules)

128

Q

Reischal (Antonin)

334

Resclauze de Bermon . .

68

Quantin (Albert)

188

Rességuier (Jules de). .

219

Queillé

266

Retté (Adolphe)

388

Qiiiller Couch

260

Reure (Chanoine O.-C. ) .

11

Qiiinel (Charles)

283

Réval (Gabrielle)

306

Quirielle (Pierre de)

45

Réval (Capitaine J.). . .

340

Reymond (Aug.)

337

R

Reymond (Marcel)

416

Richelieu (duc de). . 9,

52

Rabelais 53

222

152

Rabusson (Henry)

101

Ricquebourg (Jean). . .

92

Rachel ..... 51, 130,

267

Ricquier (Léon)

165

Racine 103, 265

386

Rilly (Comte de)

340

Racowitza (Princesse

Riotor (Léon)

87

Hélène de)

266

Rivoire (André)

124

Radcliffe Dugmore

266

Robespierre (Charlotte)

88

Radziwill ( Princesse,

Robien (Vicomte Guy

née Castellane)

158

de)

263

Ramel (Delphine)

374

Robinet de Cléry

221

Randau (Robert)*

213

Rocca de Vergallo (N.

Raphaël

416

A. délia)

53

Raymond (Docteur). . .

215

Rocheblave

53

Raynaud (Ernest)

387

Rochetal( Albert de)...

340

Reboul (Max)

422

Rocquain (Féhx)

90

Reboux(Paul)

164

Rod (Edouard) 175

, 435

Récamier (Madame). . .

207

Rodés (Béatrix)

266

412

Rogniat (Marcel)

128

Reclus (Elisée)

204

Rohan (Chevalier de). .

386

Recouly (Raymond). . .

53

Rohan (Duchesse de) 26r

. 446

Régis-Lamotte (Roger)

87

Roland (Marcel)

i:«

Régnai (Georges)

174

Rolland (Romain)

110

Régnier (Henri de). . . .

448

Romains (Jules)

381

Reich (Docteur Emih*).

80

Romans (Mademoiselle

Reichel (Franz)

280

de)

411

466

LE MOUVEMENT LITTÉRAIRE

Romeuf (Louis de) 92

Romilly (Edouard) 18

Romney 254

Rondet-Saint (Maurice) 92

Roosevelt (Théodore). . 174

Rosebery (Lord). . . 323, 408

Rosny (J.-H.) 443

Rosny (J.-H. aîné) 5

Rossel (Virgile) 388

Rossigneux 420

Rostand (Edmond). 14, 50

124, 133, 337

Rostand (Maurice) 425

Rouanet (Léo) 385

Rouby (Docteur). 340

Rougé (Adolphe de). . . 130

Rougemont (E. de) 174

Roujon (Henry) 88,219,410 Roupnel (Gaston). 316, 444 Rousseau (Jean- Jac- ques).. 281, 340, 369, 383

Rousseau (Samuel) 259

Roussel (Raymond)... 53 Rousset (Lieutenant-co- lonel) 425

Rouvier (Henri) 384

Roux (Charles) 425

Roux( François-Charles). 388

Roux (J.-Ch.) 133

Roz (Firmin) 92

Rozat de Mandre (Gé- néral) 300

Rozet 219

Rûckert 10

Ruffin (Alfred) 93

Sageret (Jules) 67, 381

Sahuqué (Blanche) 247

Saint- Aulaire (Comte A

de) 129

Saint-Cyr (Charles de). 221

Saint-Louis 53, 335

Saint-Martial (Comtesse de, sœur Blanche, fille

delà Charité). . .V . .. 172

Saint-Pierre 221

Saint-Pierre (Bernardin

de) 383

Sainte-Beuve 8

Sainte-Foy 221

Saintis 50

Sales (Pierre) 260, 297

Salle (Marie).. 412

Samain (Albert) 124

Samson (Jean) 193

Sancy (Pierre de) 53

Sand (George) 267, 305

Sandeau (Jules) 267

Saunier (Marc) 388

Sauzey (Lieutenant-co- lonel) 93

Savine (Albert).... 87, 93

212, 388, 422 Schahorskoy-Strechnefî

(Princesse) 388

Scheffer (Robert) 169

Schlumberger (Gustave) 36

Schumann (Clara) 411

Schwab (Raymond). . . 214

Sebillot (Paul) 236

Séché (Alphonse) 54

Séché (Léon).... 54, 266

425

Segonds (Lieutenant). . 388

Segur (Marquis de). 93, 173

Sévérac 129

Sévigné (Madame de). . 171

Shakespeare 217

NDEX ALPHABÉTIQUE

467

Sheridan ( Richard -

(Maurice de, duc de

Brinsley)

27

Dino),

174

Sicard (Emile)

214

Tarente (Madame de). .

173

Silbermann (Soldat). . .

133

Tausserat-Rad'-l (Ale-

Silvestre (Général F.)..

340

xandre)

221

Sinan

134

Tencin (Madame de). . .

Sisson (H.-D.)

134

9, 339,

423

Solovioff (W.-S.)

260

Teramond (Guy de) ....

381

Somerset-Maughan . . .

401

Ternier (Louis)

296

Sonia

14

Testard (Maurice)

260

Sonnenfeld (Nandor)..

425

Thierry (Gilbert- Augus-

Sorel (Albert-Emile)...

274

tin)

40

448

Thiers

287

Soubies (Albert).. 134

301

Thoumas (Général)

54

i^oudart (Madame Ma-

Tinayre(Marcelle).. . 18,55

rie)

267

320

Soulages (Gabriel)

301

Tinseau (Léon de)

109

Soumet

219

Tollemonde (Georges

Sourio (Maurice)

174

de)

388

Souvestre (Pierre)

297

Tolstoï (Léon)... 164,

256

>petz (Georges)

425

328, 436,

439

Staël (Madame de). 174

403

Tony d'Ulmès

129

Stanley

418

Torcy (Général de)

340

Stendhal 132-395

Tornezy (A.)

340

Stenger (Gilbert)

115

Toucas-Massillon

28

Stoullig (Edmond)

388

Toulouse (Docteur)

267

Stourm (René)

426

Tourguenew

439

stuart (Marie)

130

Tournier (Albert)

409

stuart Mill

39

Tourzel (Madame de). ,

335

Sudermann (Hermann)

260

Traz (Robert de)

169

Sue (Eugène) 219,

267

Tripot (Docteur J.)

19

.Sully Prudhomme. . 90

122

Trois- Arches (Abel des).

388

1 '

448 355

Troisville

337

Swetchino (Madame)..

Tschudi (C. de)

425

Turenne 18,

340

T

Turquan (Joseph)

367

Twain (Marc) 214,

437

Tailhad»' (Laurent). . , .

433

ralleyrand . . . 78, 158,

220

ralleyrand-Périgord

468

LE MOUVEMENT LITTERAIRE

u

Upton Sinclair 87

Urfé (Anne d') 11

Urfé (Honoré d') 11

Uzanne (Octave) 831

V

Vaissière (Pierre de). . . 134

Val (Charles) 87

Valdagne (Pierre) 231

Valdès (Armando Pala-

cio) 104

Valée (Maréchal) 76

Valentin 260

Vallery-Radot (Robert). 310

Valmesnil 50

Vandal (Albert) 438

VandenGheyn(J.) 425

Vauvenargues 46

Verhaeren (Emile). 124, 134

171

Verne (Jules). 50, 247, 309

Vernou (Pierre) 297

Veyssié (Robert) 214

Vezinet (F.) 134

Vialay (Amédée) 425

Viardot (Paul) 93

Viau (Raphaël) 161

Vidal (Commandant P.) 389

Vierge (Pierre) 389

Vigée-Lebrun (Madame) 411

Vigny (Alfred de). 44, 130

219

Viguier (Charles) 433

Villetard (Pierre) . . 237, 260

Villiers (Baron Marc de) 38

Villiers de l'Isle-Adam. 174

Villon (François).. 15, 340

Vincent (Abbé) 267

Vinci (Léonard de). 92,416

Viouly 260

Visconti (Primi) 16

Vivien (Renée) 301

Vogué (Vicomte E.-M.

de) 255, 439

Volland (Gabriel) 93

Voltaire 9, 340, 369

Vuillaume (Maxime) .. . 158

VuUiaud (Paul) 389

Wagner (C.) 389

Waleffe (Maurice de) . . . 253

Wahszewski 93

Walle (Paul) 341

Ward (Herbert) 418

Weede (Gaspard de) . . , 422

Weiss (J.-J.) 18

Wells (H.-G.). 50, 297, 349

Welsch (Jeanne) 341

Welschinger (Henri). . . 201

Welvert (Eugène) 321

Wendt (Gustave) 281

Wenz(Paul) 334

Whitehouse (Romsen). 267 Wiart (Henry Carton

de) 87

Wilde (Oscar) 89, 179

Wilhelmine (Frédérique Sophie, Margrave de

Bareith) 341

Willy 214

Willy (Colette) . . . 34^j, 444

Wœstyn 260

Wolsky (Galixte de). . . _42S

Wylm (Antoine) 87

INDEX ALPHABETIQ,UE

Wyzewa (Théodor de)

469

19 128

Yard (Francis) 389

Youssof (Fehmi) 341

Yver (Colette) 23

Zahn (Ernest) 381

Zamacoïs (Miguel) 301

Zelmire (Princesse) 388

Zemlak (Semène) 261

Zola (Emile) . 165, 191

Zurlinden (Général)... 326 Zuylen de Nyevelt (Ma- dame Hélène de) 426

Zweig (Stefan) 134

94, 174, 267 301

TABLE

Préface v

Janvier 1

Février 20

Mars 55

Avril 95

Mai 135

Juin 175

Juillet 222

Août-Septembre 268

Octobre 302

Novembre 342

Décembre 390

Quelques disparus 429

Concours et prix littéraires 443

Index alphabétique 449

CliiMifOH _ [inprim<'ri.« Kd GARNIKU. M. 11. :{'.».

Pc^ Glaser, Ph, Emmanuel

12 Le mouvement littéraire

G5

t. 7

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