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I 700- 1900

L'ORFÈVRERIE FRANÇAISE

AUX XVIII' & XIX' SIÈCLES

PAR

HENRI BOUILHET

ORFÈVRE

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EXEMPLAIHE IMFRIMi:

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M. ARTHUR MARTIN

Il Tiû'irrTi«

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( 1 70 0- i 9 00)

L'ORFÈVRERIE FRANÇAISE

aux XVIIP et XIX^ siècles

d'ap/'és les documents réunis

AU

MUSÉE CENTENNAL DE 1900

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A LA MKMOIIIK

DK ISION ONTfM.I] liII-:X-AIMl

Charles CHRISTOFLE

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17'0()-1Q00)

L'ORFÈVPERIE FRANÇAISE

aux XyiIP et XIX^ siècles

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HENRI BOUILHET.

In?r. E. G. P.

ORFEVRE

VICK-PnK^^lDCr DE I, UNION CENÏHALE DES AUTS DKCOIIATIFS

PRÉSIDEN DU JURY DE L'ORFÈVRERIE EN 1900

PARIS

H. LAUIENS, LIBRAIRE-ÉDITEUR

6, RUE DE TOURNON^ G

1908

Tou3roits de reproduction et de traduction réservés.

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A LA MI^:i\l()TRE

DE ]S10N ONCLE BIKN-AIMÉ

CHARLES CHRISTOFLE

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(IT'OO- 1 OOO)

L'ORFÈVRERIE FRANÇAISE

aux XVIir^ et XIX'' siècles

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HENRI BOUTLHET. i„, K

C. C.

ORFEVRE

vi(:k-1'Hk>ii»i:nt dk i. inkin ckmhai.k dfs ahts dkcouatifs

PRÉSIDENT DU JURY DE L'ORFÈVRERIE EN 1900

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PARIS

H. LAURENS, LIBRAIRE-ÉDITEUR

(i, RUE DE TOLRNON, 6

1908

Tous droits de reproduction et de traduction réservés.

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IJVIiK riilvMIKK LORFÈVRERIE FRANÇAISE

AU

XVIIP siècle

(1700-17?=î9)

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l.,l l'rnill Ti'. (.iMI|ic lie- ( '.iilhiiHI--. .i;:rirnK-,, |i,ii' ( '.li il --1 nllc. Un, /,■•;.• ,/ ./ (:,itll;ill.,

AVANT-PROPOS

\/'J.rpt)s///()// (le lUOU (tlhtil jcnitcr ses itarlcs, cl l/iiail- hlidlilc sjii'chiclc tfii'c/h' ara/l (ilJCil à I dd innulhin du iiiiiiidc ciil/cr jtcntlmil si.v nio/s (dlail d/sjixnu/rc, Inrs- (jh (iii.r derniers imirs du mois d'ovUdire J900, J/. *S'/r- phiinc Derrillé, l'èiiniiei)! diredeiir de la Serlian fnui- (■((ise, itdus lit (ijijie/er, }[ . (lenri/es linin et moi , pour nous l'iiire .sa roi/' que le Conuiihssiiire f/énéral, M. Al- jreil picard , arail réstdu de c<aiserrer , dans une ptihli- calmn illaslrcc, les traces de l'innnense ejj'ort i/ui arait été fait pour réunir toutes les nu'rceilles ijui liraient fait des Musées centenuau.r un des attraits principaux de l'Kxposi'iiai de 11)0(1.

// /// appel à notre dévouement pour choisir et faire photograpliier, avant leur dispersion , les pièces dont le souvenir nous paraîtrait dnjne d'être conservé, soit à cause de leur intérêt /iistori<iue, soit à cause de leur qualité d'art, afin de c< ad muer au delà de i*J()() l'enseignement utile qui était résulté de r exposition de toutes ces œuvres.

Il luius demandait en incrnc temps de réunir les élénwnls nécessaires pjour la réilactiiai d'un catalogue illustré et iFiine étude sur le Musée centennal de r Orfèvrerie, et de désigner, parmi les membres du Comité, celui qui nous paraîtrait le plus capable iTassume]' la responsabilité de ce travail.

VIII

31. FjL Carroi/cr accepUt cri le iit/ss/nn, nia /s hi uni /(((lie vint ixirah/scr s(i bonne valontê, et ,sa mort obllyea le Cuniilé à faire le e/ioi,r d'un mitre rap- porteur.

M. G . Boni ine de nui ml a de le rem placer, et, nnih/ré les (d)jeçtmns sér/euses que je lui présentids, je dus céder à ses instances pour prendre une cJuirep' <jui me paraissait haïr de, et à hujuelle je n'étais nullement préparé : F E.rpositnai était déjà bien hdn, et les souvenirs risquaient de me j'aire déj'aut.

Allais-je nw borner à j'aire une manemdature et uïw deserijition un jieu scelw des (dijets e.rjiosés, ou chercher à retracer l'histiare iTune industrie aussi j'ranctùse, qui pendaid les deux derniers su''cles ar(ut )naintenu, dans notre paqs, les traditi<ais d'éléipince et de (p)ùt (pli siad les imiripies d/stmetires de n(dre raee't

l^' étude préliminaire à laquelle j'ai déi nw lirre/', les recJierehes que j'étais obliijé de j'aire me parurent si attachantes, et par-dessus tout le désir de conserrer les impressions et les saiieenirs que forais recueillis pendant ma baapic carrière d'or ferre, me jirent mettre de côté mes scrupules, et je me décidai à donner satis- fiction à mon e<dlé(pie, arec l' espérance (pt'une histinre de l' orfèrrerie, éerite par un praticien, pourrait arcdr quelque intérêt pour ses emifrères.

J'espère que eeu.r qui m'ont entraîné à entreprendre un trarail délicat et aussi difjicile, tiendront compte de ma bianie r ohm et de mes ejforts pour apporter une dernière pierre à fédijice de VMW).

Certes, je n'aurais jamais osé assumer une aussi (p-ande responsabilité, si je n'arais espéré troarer près de moi les renseignements indispensables et l'appui qui m'étaient nécessaires. Aussi, je reu.r avant tiait remercier ici ceux qui m'ont permis de mener à bien le travail auquel (ai m'avait c<aœié.

D'abord, le président du Comité d'instaliatiiai, M . Georijes Boin, dont h in- sistance amicale avait su vaincre mes scrupules, et qui par sa connaissance intime des iiaivres du dix-huitième siècle, et la pr<ttique d'un art dans lequel il excelle, devait m' être si utile.

puis MM. dermain Bajjst, Paul Eudel, Jules (luijj'req et Henrq Havard, dimt les lumineuses publieatiiais et les documents yraphiques qu'ils ont bien voulu mettre à ma disposition m'ont permis de réunir les gravures qui m'ont servi à illustrer ce livre.

Enjin, et surtout M. Victor Clunnpier, (qui fut le secrétaire du Cianité d'ad- mission et d'installation, et qui, membre du Jury international de la Classe 94,

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iirtiit irciirilli ilr itnni/nru.r ilnciiiiiriils sur Irs nifriirs tin ili.i'iirininiH' sii'clf. Vitnildlruv ri ilifrclfii r tir lu ■> lu'Xllr (les \|ls (l(''C( il'.ll i l's -, il uruil , tiil rouis lie su liuu/ur ri hrllr rumrrr dr i rilnjur iluii, rruui ilrs luilr^ fu'rrirusi's sur 1rs lU'/rrrrs du ill.r-liuilirilir sirrir. Il u lurii rnulu uir 1rs rnmuiuiiuiurr , ri r i-sl tir rr runi-iiurs inrs/ii'-ri'\ stiiis Irt/urI /r // iiurii/s rrrirs ptis riilri'iu/s rr (itinul , i/iir je rru.r Ir rruirrrirr ni inirliriilii'rriiirul .

l'n( à cicinc de (:iiri>((.llc. ^Modèle (le Lcrill;iin.)

XII

M"" L. ARMAIND-CALLIAT. Châsse en argent ciselé, décorée d'émanx et statuettes d'ivoire, œuvres d'Armand-Calliat.

M. ,1. -Thomas AliMANI). Chandeliers en bronze doré, 1866, œuvre d'Ar- niand-CalMat.

M. J. AUTUS. Orfèvrerie des épocjucs Louis XIV, Louis XV, Louis XVI et Empire, six pièces.

M E. AUCOC. Candélabres Louis XV ti-ois lumières ; Candélabi^es Louis XVI

quatre lumièi-es.

M. Louis AUCOC père. Service à thé vermeil Premier Empire; Nécessaire de toilette de ITmpératrice Eugénie, œuvre de M. Louis Aucoc père.

M. P. AUMONT. Prix de course : Colfret, épocpic Louis-Philippe.

M'"^ AuTHLU BAIGNÈHES. Service à llu' et saucières 18:50, anivres d"0(hol.

M. Pail BAKHIEH. Cachet et mé(hiilloii, ('piMpic LoMis-Phihppe.

M"'" BArOLN. Burettes cristal et argent.

Al. le Baron IIlgo DE BETH.MAXX. Orfèvrerie de style Empire, travail de Biennais sur les dessins de Percier.

M. Behnaiu) FKANtîK. Collection de mctntres épo([ues Louis XVI et Empire, treize pièces. Série de boites en or avec sujets et émail Louis XVI, quinze pièces. Objets divers, étuis, breloques, carnets de bal, clefs de montre, cachets, trente- deux pièces.

M Ci. B0L\. Collection de boîtes en or ciselé, émail, nacre, écaille piqué

d'or, cristal de roche, jaspe et pierres dures, époques Louis XV et Louis XVI, trente-trois pièces.

M. J. BBATEAU. Frise en argent « Les Ivresses», sculpture de Feuchère, exécutée en 1853 par Morel et Duponchel.

M'"^' la Comtesse BBEVERN DE LA GAUDIE. Salière double, Empire.

M'"" la Baronne iUlO DE COMÈHES. Aiguière en argent repoussé, modèle de Klagmaim, anivre de Morel; Aiguière en argent, œuvre de Wechte; Bouclier en acier repoussé, œuvre de Fannière.

M'"" BUBAT. Importante collection d'orfèvrerie du dix-huitième siècle dans les styles Régence, Louis XV et Louis XVI, œuvres de Joubert de Paris, Samson de Toulouse, Simon Bourg-uet, Thomas Germain, Pierre Germain, Balzac, Roettiers, etc.

M. le Comte CAHEX D'ANVERS. Candélabres et jardinière en cristal de roche montc's en argent doré, œuvre de Froment-Meurice tils, époque du Second Empire.

M. CIIAPPEV. Imj)ortante collection de menus objets d'orfèvrerie et acces- soires de toilette en or, argent et pierres dures, comprenant : quarante-neuf

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ImiiIcs cil (ir ciscl)', (■■|>(i(|m'^ l.mii^ \ \' cl l.niii- \ \ I ; I iciilr ilciiv /l ni- m or ci --c li- en mil le, C|Mii|l|c j.tilllv \ \ ; ciih| 11,111 le cl lliv ur civclc cl ;j II il lue lie, rliiHlIK' jjilll- \ \ 1 : (|li;ilrc-\ ilIL'I-IllIli ImiiIc-- ,1 viijcl V ci-eler^ cl (■ 1 1 l.l i 1 1 ('c^ ; (|lllll/c |mi||c> lll.il icicv «lincs iii(iiilcc-> cil (ir; liiiil iiKiiiIrcv en or, c|ioi|iie Loiii-- \\ , \iii;_'l Iroi-- iiioiilrc-- en or, C|ioi|lie l.oUl^WI; o|i|cl-> divers, IK'ccss.-iires, cisc;iii\, des, IhcIoi |iies. |ioiiiliie>^ de ciiiiiie: o|i)e|s d oiie\rcric d'ii>;iL:c. ;jo|ie|cls, i liocol.i I icrcs, !('■;.' limiers, s.dicpcjs, la-^scs ;i \in. cic., ilc-. (''ikhiiics Louis \\ , Louis \\ j cl Liii|iirc.

M. II. (.11 \SLLS. SccNJce a Hic cl a calV- ('•|MM|iie l'reinicr l!iii|iirc.

MM ('.lll;lST(U"LI': cl C" . rcsliiiioiiial olleil a M. IHclz-Mdiiiiiii : sciilplnrc de Delà I lia iK lie : le » \ a-^e des Arts - : sciilpliii-e de Can ier-l>elleiise ; .. Aiii|)liilrile ■' ; Stalticlle i\ (lire cl or, seul | d ii rc d A ni on in Mcrcii'. inoiih'-c sur un soi de en jaspe san- :;iiiii cl iiioiiliircs d'or cisidc : ser\ ice a calV- (''iiiail I raiisliieide, dessin d Lin i le lîeiLer.

Prix (Ii'mhm lies dans les (liuieoni's i'('\i;i(inan\, senl|»liires de (inincrv. (lanllieiin, .1. Loiilan, hcla|tlaiitdie, Kolv, Jac(|iiciiiard. lioiiillard, elc., cM'cnli'es par MM. Clirislollc <'l C".

Service de iiala do lOOcouveiis de rLinpereur Napoléon lli : i)iùeL' de milieu, deux pièces de boni. (|iia(r(M'niid('laI)i'es ; Ueconstilution des débris retrouvés dans les rnines des Tuilerit's. Modèles ori,i:iiiaiix de onze pièces d'orfèvrerie, couverts, plais, casseroles, (do(dies et r(''(diauds exi'cnh's en enivre re|)oiissé et argenté, et reconstitués avec les documents j4alvanoplasti([ues conservés dans les aridiives de MM. C.hrislolle et ('-"'. (le! ensenil)le appartient an Musée des Ai-ts (h'coi'alifs, ampiel il a ('dé olVerl par MM. Cliristolle el C'".

M. Lnor.viu) COKIiOVLU. Importante collection (Louvrag-es d'orfèvrerie moderne en or, argent, émail et ivoire, exécutés sur la commande et sous la direction de M. E. Corroyer par des artistes et orfèvres du dix-neuvième siècle : Aimé Millet, Cordonnier, Barrias, Bottt'e, Delove, Moreau-Vauthier, sculpteurs; L. Falize, G. Boin, Boucheron, Keller. orfèvres; Bratean, Banlt, rirandliomme. Serre, ciseleurs et émaillenrs.

M"" 11. DEPBET. Collection de ([uaraiite et une pièces d'orfèvrerie du dix- huitième siècle : soupières, chocolatières, cafetières, salières, saucières, huiliers, couverts, etc.

M"" Lkon DEPKET. Orfèvrerie du dix-liuilième siècle ; légumiers, plats et couverts.

M. A. DESRl'ES. Sucrier en argent, œuvre de Fannière.

M. F. DOISTAU. Orfèvrerie des dix-huitième et dix-neuvième siècles : flambeaux, légumiers, saucières, salières, plats et couverts.

M. P. DULTIEB. Nécessaire de fumeur en vermeil.

M. Michel EPHRUSSL Soupières et leurs plateaux, époque Louis XVI.

XIV

M. Auguste FAiNMÈRE. Trirème en argent offerte par S. M. l'Impératrice Eugé)iie à M. F. de Lesseps à l'inauguration du canal de Suez (1869); garniture de cheminée en argent et lapis; service de table composé de 16 pièces; (lambeaux; œuvres composées, sculptées et exécutées parles frères Fannière.

M'" FllOMENT-MEURlCF Calice en or émaillé, dessin de Cli. Lamcire, exécuté en 1880 par Emile Froment-Meurice.

M. Fr.ANcois FROMENT-MEURICE. Ostensoir et cil)oire offerts par S. A. W. la Duchesse de Paruie à Notre-Dame d'Issoudun en 1877, nnivres d'Emile Froment- Meurice.

M""' la Comtesse DE CANAV. Soupière en argent et son plateau, é|)0(|ue Louis XV.

M. Cil. CiAl)ALx\. Orfèvrerie style Empire.

M.COLDSCIIMIDT. Orfèvrei-ie de style Empire : corljcille de milieu. Ilam- beaux, seaux à thampagne, soupière sur son plateau, service à café en vermeil; légumiers ayant appartenu à M"'' Mars.

M. Raoii- (lERVAlS. Châtelaine, breloques et montre, boîle à mou(die, ('dui en or guilloché, époque Louis XVI.

M. .1. COERY DU ROSLAN. Collection de boîtes en or ciselé et émaillé, épo(pies Louis XV et Louis XVI. Prix de course : «le char d'Apollon ». ayant appartenu au comte de Lagrange.

M'"" la Marquise GUILIIEM DE POTIIUAU. Fontaine à thé, (cuvre de Fauconnier; service à thé en argent exécuté par M. André Aucoc pour compléter le service.

M""' Ckouces HACHETTE. Surfont et candélajjres, onivres de Fannière frères.

Coffret et coupe en argent repoussé, œuvres de Diomède; aiguière, œuvre de Vernaz-Wechte ; statuette en argent, modèle de Delaplanche, exécutée par Marioton.

M. Jean HACHETTE. Surtout « Enfants à la Chèvre » ; cafetière et coupes en argent incrusté d'or, ceuvres de Fannière; « Racchante », œuvre de Carrier-Relieuse.

M. CiEOH(;es HARTMANN. Dessins originaux de pièces d'orfèvrerie.

M""' Léon IIELFT. Quarante-trois pièces d'orfèvrerie : couverts, tasses à vin, coupes de mariage, coquetiers, gobelets, boîtes à épices, épo({ue Louis XV; cafe- tières, tasses et théières, style Empire.

M. E. IlENRV. Deux aiguières Louis XVI; flambeaux et huiliers Louis XV; ciboire et calice.

M. le Prince DE HOHENLOHE. Important service en argent et incrustation d'or, exécuté par les frères Fannière.

" XV

M ('.. I,r.r>\l h\'. |j(''^iiiiiit'r>^, scrsifc ii cilV-, rdiiLiiiic ■>l\lc l'.iii|iiro.

M la hll(•ll.•^>^(• hl! I.INM'IS. Siiihml .|r l.iMr du ili.ilciii .|r h,iiii|.icfrc :

sc|i| |iirccs en ;iii;c|ll |r|Hill^sf ( I S'il I- I S')"» , se i|| 1 1| me (|c .Iciii l clirlicrc-, , (iiTc- Nrciic (le IV.iiicDi'^-hi'^irc rininciil -Mciiricr.

M. C.IIMllls MWMII'.IM. ()ll/c pièces «l'oi l'es leiie de ^Isle |'i('';jeine et Louis \\ ; (|eil\ [lièces de s|\|e r»eii,iissaiiee, leuM'es d (>di()l.

M. (.11 \l;l I s Mr,TM AN. AiL^iiiere du di\ liiiilieiiie sieele ; siierierde s|\ le Km|)ir'e,

Ml Slll', d' \l>l»l'.\ IL!,!",. l",|nM' d'li(tiiiieiir de lamiral (-oiirltel, (eii\re d(i Miiiile {''rdiiienl Meiiiice.

M. N(U KrrK-l)KI.(H\Mlv Qiialre primes d'Iiomieiir des Coiieoiirs r(''pii(>iiiiii\, (iMlM'es de i'i'oineiil-.Meiii'iee el de (llirislolle el (',".

.M. (Iasion l'Alun KZ. Orl'èvi'erie de r(''p(K|iie Louis X\'l : IxjÎIcs à ('piccs, CMrcliri'i's: eouverls a\aiil apparleiiii an roi Ijoiiis XVI ; llainLeaiix.

M""' PKUM^S. Timbales, carelièrcs, aiguière, de Ic'ixxjiie Louis WI.

M. IM'.KNhyr. Aii^uière et son |)la(eau. ('•|)0([ue liouis \\ I.

.M. l'KUiilN. Flamlieaux el huilier, ('poipie Louis WI.

.\L le Uaiou IMC.IION. L('\uumiei' eu ar.^cul, sucrier el plateau eu platine.

.M. Thomas IMKrUI. Aiguièi'e el sou plaleau. (euvre de Thomas (lermain.

M. Ki.oiAiU) IMIILIIMM. Lu é(lii(piier.

M"" la (louilesse IMLLET-WILL. Sucrier, cuiller et pince à sucre de style Louis WI.

M. le C-omle IMLLET-WILL. Deux groupes sculpture chryséléphanliiie : « Yéinis et Triton », « Bacchante et Satyre » ; les nus sont en ivoire et les drape- ries en argent repoussé. Sculpture de Feuchère, orfèvrerie de Franeois-Désiré Froment-Meurice (1851), hauteur 1 mètre.

M. Malrici: POUSSIELGUE-RUSAND. OEuvres de son père, Placide Poussielgue-Kusand, orfèvrerie religieuse : crosse, reliquaire de la Vraie Croix de Notre-Dame de Paris, ciboire, calice, d'après les dessins de Viollet-le-Duc ; calice, croix de procession, crosse, burettes et plateau, d'après les dessins du R. P. Martin.

M.M. PRÉVOST et CJ^ Dessins appartenant aux archives de la maison Odiot; psyché de ITmpératrice Joséphine; berceau du Roi de Rome; encrier de l'Impé- ratrice Marie-Louise, etc.

Huit pièces d'orfèvrerie exécutées par les Odiot sous Charles X, Louis-Philippe et Napoléon III.

MM. Louis et Paul RADIUS. Boites en or, cafetière, gobelets d'émail trans- parent, crosse d'évèque, châtelaine, bracelet, oeuvres de M. Frédéric Boucheron.

XYI

M. Fernand RIDEL. Châtelaine Louis XV en or.

M. Edmond ROSENBERG. Enci'ier en laque monté or, boîte en vernis Martin monté en or, style Louis \V; salière en argent époque Premier Empire.

M. Guillaume Sx\BATIER-DESPEVRAN. Seaux à rafraîchir en argent, dessins de Liénard, exécutés en 184r> par François-Désiré Froment-Meurice.

M. René SAILLARD. Calice, ciboire, ostensoir, croix d'autel en argent, œuvres du dix-huitième siècle.

M. Ed. ÏAIGNY. Couj)e en vermeil, décor « Plumes de paon », œuvre de M. L. Falize.

M. Léon THELIER. Service à bière en argent, (cuvre de Fannière.

UNION CENTRALE DES ARTS DÉCORATIFS. Aiguière et son plateau, œuvre de Vinsac aîné, époque Louis XVI; boite à épiées style Louis XIV, œuvre de Peu- reux; service à cale Louis XVI, œuvre de Christofle et C''^ ; aiguière en argent, œuvre de Barbedienne; cafetière Louis XIV; huilier Louis XV; ciboire Louis XVI.

M"" (-MAULES VERN.\Z-WECHTE. Bouclier en argent damascjuiné d'or, exécuté par son })ère. Weelile; deux modèles en cire de vases en argent exécutés l)ar Wechte.

M'"" VIDAL. Cabai'ct en argent avec cristaux style Empire.

M. le Vicomte Loris DE VILLIERS. Sucrier, salière doubk^ salières simples, moutardiers slvie Louis XVI.

Dessin (le Borain.

O

iihui iciil \-.i\r t\i- Ai( ■- ili-ciiral il

INTIinmCTKlN

CIIAPITUE I"

Oi'iiiiiu' (les Expositions rrli^ospcclives. I^e Miisrc c(Miloniial «le lîMM).

« rExpositiou contemporaine sera jointe une expo- » sition centennale, répartie entre les classes, et » résumant les progrès accomplis, depuis 1800, » dans les diverses branches de production ».

C'est ainsi que l'article 3 définissait l'organi- sation des Musées centennaux institués par le décret du 4 avril 1894, portant le règlement gé- néral de l'Exposition universelle de 1900.

Dans la circulaire n" 4, adressée aux membres des Comités d'admission par M. Stéphane Dervillé, directeur général adjoint de l'Exposition, chargé de la Section française, il était rappelé que : « Dans chacun » des groupes, et autant que possible dans chacune des classes, l'Exposition » contemporaine sera voisine du Musée centennal, de telle sorte que le public » trouvera tout ensemble, le produit, sa fabrication et son histoire. » Vn puissant intérêt naîtra de ces juxtapositions. »

L'idée n'était pas nouvelle, et jamais une aussi belle occasion ne s'était pré- sentée de faire l'histoire de nos industries dans le passé, et de montrer les

progrès de rindustric française dans le cadre grandiose d'une exposition uni- verselle.

Mais, avant (ont, il me paraît utile de remonter à l'origine des expositions rétrospectives, et de rendre à César ce qui appartient à César, en rappelant ici, que l'idée de réunir dans une exposition les vestiges du passé pour servir à l'enseignement du présent, appartient à l'Union centrale des Beaux-Arts appli- qués à rinduslrie. C'est, en elTet, le 10 aoùl 18G5 que fut ouverte, par son ini- tiative, la première Exposition Rétrospective.

A côté de l'exposition des industries d'art qui se développait au rez-de- chaussée du Palais de l'Industrie, l'Union Centrale avait groupé au premier étage, relié à la nef pour la première fois par un escalier monumental, les richesses de nos collections privées, alni de mettre les chefs-d'œuvre les plus parfaits de l'art ancien sous les yeux du public. Elle avait en même temps invité les écoles de dessin, de Paris et des Départements, à exposer le résultat de leur enseignement; elle voulait ainsi, en mettant en présence le passé, le présent et l'avenir, api)eler les producteurs contemporains à profiter de la leçon qui se dégageait de l'obser- vation des chefs-d'œuvre de leurs ancêtres, et, en constatant l'état présent de l'enseignement du dessin, permettre aux maîtres illustres de l'époque de guider la génération nouvelle vers une concepliiMi plus haute et plus pratique des arts du dessin.

L'enseignement a porté ses fruits, et l'Union Centrale put se féliciter de sa noble et féconde initiative.

L'organisation du premier Musée rétrospectif avait été confiée à une commis- sion spéciale, présidée par M. le Comte de Laborde, ayant à ses côtés, comme vice-président, M. du Sommei-ard, et comme secrétaire, M. Louvrier de Lajolais.

Elle avait été chargée de faire appel à tous les collectionneurs et propriétaires des objets les plus saillants de l'Antiquité, du Moyen Age, de la Renaissance et des siècles derniers, pour les inviter à prendre part à une exposition qui aurait un véritable intérêt pour l'histoire de l'art, et pouvait exercer une inllueuce décisive sur les progrès de nos industries d'art.

Le I" avi'il 18G5, elle adressait aux principaux collectionneurs d'objets d'art une circulaire dans laquelle nous relevons un passage qu'il nous sendjle néces- saire de transcrire ici :

« Les Musées de l'Etat, les grandes collections publiques renferment d'im- » menses richesses mises à la disposition de tous et dans lesquelles l'art et » l'industrie modernes ont su puiser, dans ces derniers temps surtout, de si » précieux renseignements; mais des trésors de tous genres sont accumulés » dans les galeries particulières, peu d'élus sont admis à pénétrer: des objets » d'un haut intérêt pour l'histoire de l'art sont disséminés de côté et d'autre. » Rassembler ces collections et ces objets précieux, les exjjoser temporairement

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3 ... .=:

Musée rétrospectif du Mobilier.

!'■'' EXPOSITION DE I.'rMnN CENTHAI.E DES AlîTS DÉCi ll!ATIF^

[Cnllerliim Itich.ird WnUnce.)

7 -

» sous les yt'iix ilii [uil iIh il iiin' iii.iiiiiTi' di-iicrl ut ilr pour I oiis, l'avurKiT, p.u" » leur ri'UUKiu, I Cluili' ilc-^ lrni|>^ .uicu'un cl le (|('-\ cldpiMin.'iil ilr- iuiliis||-ics (|ui » rcIcNtMit (If I ,nl, li'l ;i l'I" le ImiI i|iu' s'c^t |iro|MtN('' Il niiiu ( '.cul r.ilc, cl pdiu' <> la rcuNsilc (lui|ucl clic u a recule ili'xaul aucuu saciilicc, lail c^vcul icHcmcul » (lcsiulcrc>S('', |)uisi|iu' le iiniiluil, ^ il \ a lieu, eu sera ap|tli(|U('' a I l'ijucal iou » (le iu>s (Uisriei's, cl au perlecl iouueuieul <le \\n^ prulesNious iuilu^l i jellcs. »

IMu> (le -l')\)\) (tlijeK (I ail. apparleuaul a .'lll") auialeiu-s cl cdllccl Idi'rH'iU'^, (pii avaicul lucu \(iulu repdudrc a I appel de II uiou C.eulralc, a\aicul cdu>lilu('' uu tMiscuiltlc iudiiMlalilc. liappclci- ici Icn uduis de ceux (pii s"(!'laiciil iiiscrils (1«'S la pi'tMuici'c liciu'c. c"esl dire Idiil I iul(''rcl. (|U(' |)r(''sculail la riMUiiou des cdjicc- tidiis apparleuaul a MM. l'dduai'd Audrr, (loinlc liasilcwski, Kduioud liou- iiallV', Mar(piis de (',heuuc\ ièrcs, Maïu'icc (lollicr, l*riucc (l/ai-lor'vski,

Davillici-, hclalicrcdu', Dcslaillcui', L(''dpdld Doiildc, les IVcrcs hnliiil, Mar(piis de (lauay, M"'" (îraudjcau, Marijuis (l'IlcrlCoiMj, la Vicdiulcssc de .lau/.c, M""' Acliillc Jubiual, MM. de I/iosvillc, Maillet du Boulay, Mauidieiui, Le Mohilier de la Couronne, Duc de Mouchy, Comte de .Nieuwerkerke, de Nolivos, lîai'on Pielion, tous les Rothschild,

Sauvai^eot, Spiizer, Edmond Taigny, Uicliaid Wallace..., pour ne citei" (pu' U's |dus iuipcu'tants.

Cette première manifestation fut suivie de sept autres expositions, qui pas- sèrent en revue les principales applications de Tart décoratif.

En 1869, TExposilion rétrospective fut consacrée à l'art oriental.

En 1874, l'Histoire du Costume avait été adjointe à la troisième exposition des industl'ies d'ai-t.

En 1876, l'Histoire de la Tapisserie avait réuni des séries remarquables, com- plétées par une exposition de tapisseries appartenant au Carde-Meuble.

Enfin, en 1880, s'ouvrait la série des expositions technologiques, dont l'un des membres les plus autorisés du Conseil de l'Uniou Centrale, l'orfèvre Lucien Falize, avait tracé le programme. Les matières premières susceptibles d'être transformées ou modifiées par l'art et le goût devaient servir à déterminer le l)rincipe de la classification.

Chacune de ces expositions présentait la matière à l'état primitif, puis la transformation qu'elle subit avant d'être livrée à l'industriel ou à l'artiste, les procédés, les outils et les appareils qui servent à la façonner, et enfin l'œuvre créée ou embellie par l'artiste ou par l'artisan. A côté des productions de l'art moderne, un Musée rétrospectif racontait, par des exemples choisis avec soin, l'histoire des différentes industries, successivement passées en revue.

C'est ainsi que la comparaison entre le passé et le présent s'établissait d'elle- même, et que l'étude était devenue plus féconde parce qu'elle avait été rendue plus complète. Tel était dans ses grandes lignes, formulé par M. Paul Mantz,

président de la Commission consnltalive, le programme que l'Union Centrale avait adopté pour ses expositions technologiques et que l'Exposition de 1900 devait reprendre sur une échelle grandiose.

Elle organisa successivement :

En 1880 : Première Exposition. Le McMal avec l'exposition rétrospective des Arts (In Métal, h laquelle avait été jointe l'Exposition de la collection des bronzes rapportés d'Extrême-Orient, par M. Cernuschi.

En 1882 : Deuxième Exposition. Le Bois (mobilier) et le tissu, avec l'expo- sition rétrospective des Arts du liois. Le Garde-Meuble national avait apporté un contingent considérable en puisant dans les châteaux de Versailles, de Trianon, de Fonlainebleau et de Conq)iègne, les pièces les plus remarquables de notre mobilier national.

En 188 't : Troisième Exposition. La Pi(M're, la Terre, le Verre, avec adjonc- tion de l'exposition rétrospective des Arts du Feu. La manufacture de Sèvres y figurait avec un magnifique ensemble.

En 1887, était ouverte une exposition récapilulalive, et, en 189^2, l'Exposition moderne rétrospective et internationale des A/is de ht Fcmuw ter;ninait le cycle connnencé.

La leçon demandée aux Mnsées rétrospectifs avait donc été largement donnée et l'idée de borner l'œuvre de 1900 à l'exposition des progrès accomplis pendant le siècle (|ui venait de finir élait excellente en soi, et devait présenter le plus magni- llqne ensemble ((u'il fut donm'' au monde qui pense et qui travaille de voir réuni.

Mais était-il possible de rendre ces ensembles intéressants en limitant le champ des découvertes à faire au dix-neuvième siècle, et, dans certaines classes, ne serait-il pas nécessaire de remonter au delà du dernier siècle. L'événement l'a prouvé, et on ne saurait regretter d'avoir vu, dans certains cas, les Musées centen- naux se transformer en Musées rétrospectifs depuis les temps les plus anciens, et en montrer les origines.

Ils ont été souvent plus intéressants que ceux qui s'étaient maintenus dans les limites fixées par les organisateurs de l'Exposition.

Dans une certaine mesure, le Musée centennal de l'Orfèvrerie n'a pas échappé à la tentation, et a fait une incursion heureuse chez les amateurs de l'art du dix- huitième siècle. Les collections de M"" Burat, de M'"^ Depret, de MM. Doistau, Ephrussi, G. Boin, Chappey, Bernard Franck et du Musée des Arts décoratifs, ont ouvert un délicieux horizon aux visiteurs, en faisant admirer les belles orfèvreries des Germain, des Boettiers, et des autres maîtres orfèvres du dix-huitième siècle.

Le Musée centennal <le 1900 fut constitué parla réunion de l l iO objets d'or- fèvrerie prêtés par 71 collectionneurs et par 9 malsons d'orfèvres existant encore. Il conq)renait des œuvres remontant au dix-huitième siècle et les œuvres

Musée rétrospectif du Costume.

3'' K.vrosiTioN Di; l'imon cknthale des arts décoratifs, \S~\.

Ia" CiiMinl Escalit'r. Paul I-nrain. arrliitocte.

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i:{

(1(1 (li\-lli'ii\ icilir siècle ;iiil ( riellics ;i |S(S!I. Lii \iilelir (|(''cl;i|-(''e Ji.ir les |ir()- [">ii('l;iiics (les oitjcis e\|H(ses, e| |i<)iir l('S{|U('ls r;ii|iiiiiii-l i;il ion ;i\,iit doiiiie sa j^iiraiil ie, (li'p.iNs.iit |;i soiiiiiic de ."') 'ilKHHIO IV;iiics.

L;i (•(illIllllssKiii rli;ii>;cf de nMlllir cl dr cl.'lsser les [(ieees e\|tOsees el;iil |(re- sidc'c |»;ir M. <i. Hoiii, seidiidc |);ir rr\|K'iitiire el le ;j(iùl de MM. Kdiiioini T;ii;-'iiy, Ai'liis cl Va\. ('.onoNcr Le plaii en a\ail r\r dresse'' |iai' l'an iiili-dc de la (liasse, M. Paid Ldiaiii. cl la dt-coralioii a\ail r\r ^■u\\{'\^''^' ii M. Kciiidii, «|iii lavail ((tiieiic dans les nicmcs duniK-cs d('C((rali\cs i|iic celles de la (liasse clle-iiièiiie, Noiilanl ainsi nidnlrer (|ne les oiïeM'es nnidernes ('-laienl bien les conliimalcMirs lialtiles de cenx i|ni les a\aienl |ii'eeed(''s.

Le Mnsi'c cenleinial avait c{r adossé à la eloison (]ni le s(''|)aiail de> (liasses de la l)ij(»nlei'ie el de la ,l(iaiilerie; ()eeii|)anl, re\lr(''nnlt'' de la ;^alei-ie dn re/- d('-('liaiiss(''t' de rilsplanade des Invalides (|ni avait ('•l('- eonsaciM'-e au (ii-oupc W des indnsli'ics iliviM'scs, il se développait dans toute sa lai^MMU' el i^araiiélcrnnnt à rexpositioii ilos orfèvres uiodcrucs. Le l'oiid était meublé par des vitrines adossées, séparées par des soeles destinés à mettre eu valeur les pièces isolées; des vitrines centrales |)onr les nu'uus objets précieux, et des tables à lair bbre complétaient raniéna^X'nient «général.

Deux vitrines étaient consacrées au dix-huitième siècle. Les collections de MM'""^ Hurat, IL Depret, la comtesse de Ganay, de MM. Arlus, G. Boin, Doistau, Ephrussi et du Musée des Arts décoratifs avaient fourni les pièces les plus inté- ressantes.

Deux autres contenaient les pièces d'orfèvrerie appartenant à l'épocpie de la Restauration, empruntées aux collections de MM. Goldschmidt, Lebaudy, Artus, Rosenberg, et de M"" la comtesse Brevern de la Gardie. Puis venaient les vitrines se rapportant à l'époque de Louis-Philippe. Les collections Cahen d'Anvers, Pillel-Will, duchesse de Luyncs, baronne Bro de Comères, Sabatier d'Espeyran, Froment-Meurice, Odiot avaient apporté une large contribution.

Le second Empire était représenté par les œuvres des orfèvres Aucoc, Christode, Fannière, Froment-Meurice fils et Odiot fils.

L'époque de la troisième République était représentée par les œuvres de Chris- tofle, de Fannière, Froment-Meurice, A. Marioton, Boucheron, etc. Une vitrine était consacrée à l'orfèvrerie religieuse ; Poussielgue-Rusand et Armand-Calliat y figu- raient avec honneur, et le Reliquaire de la Vraie Croix, œuvre magistrale de Viollet- le-Duc, avait été prêté par le Chapitre de Notre-Dame de Paris. Enfin une vitrine contenant une collection d'œuvres modernes montrait ce que peuvent le goût et l'initiative d'un amateur riche et avisé, qui pensait qu'en provoquant chez ses contemporains l'éclosion d'œuvres d'orfèvrerie intéressantes, on pouvait enrichir le cabinet d'un amateur et se procurer plus de joie que de fouiller les archives du passé. C'est à M. Corroyer qu'on devait cette heureuse tentative ; on a pu voir

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qu'il avait roussi ot qu'il avait été bien inspiré en s'adressant à des sculpteurs comme Barrias, Bottée, Cordonnier, Delaplaiiche, Moreau-Vauthier, etc., des cise- leurs comme Brateau et Rault, des émailleurs comme Grandhomme, des orfèvres comme Falize, Relier, etc.

Les tables-vitrines contenaient les merveilleuses boites en or ciselé et émail du dix-huitième siècle provenant des collections Boin-ïaburel, Bernard-Fianck, Chappey et Doistau.

Sur les socles isolés, des œuvres de Froment-Meurice, Christolle, Marioton, Boucheron, et, sur une grande table qui occupait le centre de l'exposition, le sur- tout de Napoléon III, arraché aux décombres des Tuileries après les incendies de 1871, œuvre de Charles Christolle, reconstitué par la piété filiale de ses enfants pour être donné au Musée des Arts décoratifs et perpétuer sa mémoire.

Tel était rensembic du Musée centennal de l'orfèvrerie. Ccîi-tes on aurait pu rémiir un ensemble plus important; mais les auivrcs en métal précieux sont périssables, le g-oùt chang-e, la mode se ti-ansforme, et la matière entre des mains ignoi'antes est si facile à réaliser ou à transformer à la mode du jour! Si l'espace concédé par l'Administration était restreint, les organisateurs ont su néanmoins en tirer un parti heureux pour mettre en valeur leurs œuvres qu'on lui avait confiées, et donner une noble idée du bel art de l'orfèvrerie. Nous ne pouvons que les en féliciter, et nous réjouir de l'occasion qu'ils nous ont donnée de retracer ici le tableau de l'orfèvrerie française, aux dix-huitième et dix-neuvième siècles.

Gobelet, émail de GrancUiomnie. (Collection Corroyer.)

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l

Musée centennal de 1900

Le di.\:-liuiLi(.''mc siècle. [Colleclion Biirnl.)

Musée centennal de 19C0.

Llîmiu-e et la Restauration.

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Musée centsnnal de 19G0.

Kpoquc I.uiiis Pliilippc. Oïlinl. FeucliL-re. FiMm.'iit -Mfuricc.

Musée centennal de 1900.

Ei)oqiK- Xai)nlcon III. Faniiii'i-e, Clii'i>l('n.'. Frnnicnt-Mctiricc lil

JPF&'Pn

Miîse. entonnai de 1900.

2:1

Musée centennal de 1900.

Orfèvrerie religieuse. Poussielfiue-Husand, Armand-Calliat.

:

Ai^iiiiiTO ol son Imssiii on ar^ionl rcpini^si'. (lix-M'ptirnif Niccic.

CIIAPÏTIIE II

(]4>iip iWvW sur rorfovporio fi*an(;aiso dopiiis les Moi'oviiiiiions jus(|ir;\ la morl d(^ Louis XIV.

EMONTER aux origiiios (le l'art de l'orfèvre n'entre pas dans le cadre que je me suis tracé. Je n'irai pas jusqu'à citer Homère ou la Bible pour en fournir la preuve, il me suffit de rappeler ici que, si l'orfèvrerie a ses origines dans le passé le plus lointain, c'est à la France qu'elle doit ses plus précieux monuments.

Cependant j'ai pensé qu'avant d'aborder l'élude des œuvres d'orfèvrerie française ap- partenant aux deux derniers siècles, et réunies au Musée centennal, il était nécessaire de tracer un tableau rapide des transformations qui se sont opérées dans l'art de l'or- fèvre depuis les origines de la monarchie française jusqu'à la fin du règne de Louis XIV, et de signaler brièvement les influences diverses qui ont marqué, au cours des siècles, les étapes successives de l'art de l'orfèvrerie, se développant avec la civilisation, se transformant avec l'architecture, reflétant l'esprit et les mœurs du temps, et consacrant le goût d'une époque par la perfection de ses œuvres et le génie de la race française.

L'orfèvrerie fut religieuse, dans les premiers temps de la monarchie française, alors que la foi chrétienne confiait aux atehers des monastères le soin de

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conserver les traditions de l'art et du métier, en enrichissant le trésor des églises et des abbayes.

Ce n'est pas sans raison que les orfèvres français avaient pris comme patron le Bienheureux saint Éloi, orfèvre avant de devenir évoque, et ministre d'un roi de France avant d'être canonisé.

Saint Eloi, dans le Limousin, avait fait son apjMTnlissage dans l'atelier d'un orfèvre monétaire de Limoges, nommé Abbon. Désigné à la confiance du roi Dagobert, par le scrupuleux emploi qu'il avait fait du mêlai qui lui avait été confié.

Fauteuil de Dai^obert, par saint Éloi.

en exécutant deux sièges au lieu d'un que lui avait connnandé Dagobert, il n'usa de la faveur royale que pour le bien de l'Église et de l'Etat. 11 fondait près de Limoges, à Solignac, une abbaye célèbre par les ouvrages d'or et d'argent, et les vitraux qui sortaient des mains des moines artistes qui l'habitaient.

Fonder un monastère à cette époque, ce n'était pas seulement ouvi-ir im asile au recueillement et à la prière ; c'était aussi travailler à reml)eUissement de la patrie terrestre en favorisant la triple culture des champs, des lettres et des arts.

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Aicliilcrlc^, pciiil li'^, scilllilclir-^, ((rlcN rcs, mi \riiirrv, les rc|i;.'icii\ >«;i\;iic||| l'iiiic |i;iilc|- l.i liliiticic, cl N(ill> lies illlii;^('S Icirc^l ic^ hil^MT clil ic\ (lir les | ic,itil(''>> l'Irr iicllo. I)('l;;i|^('^ lie hnitc |in'(M'i'ii|i.il imi de l.'i \ic iiiali'i'iclli', lniii (Ic^ hiiiiU (lu (IcIkits, (\a\\^ raliiKi^plii'iT ciliiic cl ii'iMicillic ilii

Moine orfèvre.

(^iiitliai-e anti<nie dite (^nii)e des IMoléiiiées. [Cul)inct des mtulnilh's.)

niôiiastèrc, les moines artistes, poursuivant Tteuvre commencée, n'avaient d'autre souci (jue d'élever leur àme et d'arriver à la per- fection. La foi chrétienne les soutenait, et c'est pour honoi-er leur Dieu que les moines créaient ces œuvres magnifujues, dont le noml)re fut considérable, et dont les rares spécimens, échappés à la fonte et aux destructions impies, nous laissent aujoui'- d'hui tant de regrets.

i( Dès les premiers siècles, l'art dans son » expression la plus élevée, comme dans » ses plus riches matériaux, avait un but » moral par sa destination religieuse; il était » accessible à l'œil et à la main des foules. » Ces précieux joyaux, aujourd'hui gardés » sous triples verrous, dans des résidences Caiiee de saint Rémi.

» peu abordables, récréaient alors le regard {Trésor de la cnihédmie de neims.)

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» des pauvres comme celui des riches, dans des temples toujours ouvei'ts. » Ils étaient comme le trésor de ceux qui ne possédaient pas.

» L'art, dans ces époques naïves, n'avait pas pour but de faire briller d'iiu- » maines vanités, il était avant tout populaire et, comnie tel, destiué à agir sur » rintelligence et l'iuiagination du peuple. L'orfèvre remplissait cette mission à sa » manière (I). »

L'arcliilcclure lui avail monli'é le chemiu et les transformations de l'uiu^

donnaient à l'autre des formules nou- velles. Ces deux arts étaient alors élroi- tement unis. Celait le même art em- ployant des matériaux et des ])rocéd(''s dillV'r'ents, pour produire une semblable impression par le déploieuient d'un même génie.

Dans les décorations un peu rudimen- taires des pièces de la période mérovin- gienne les ligues géométriques et simples servaient de cadre à des ornements tili- granés, associés aux |)icri'es précieuses. La couronne du roi visigoth Ivecesvinlhe, conservée au Musée de Cluny, le calice de saint Kemi qui ;q)paiiicnt au Ti'ésoi' de la cathédrale (h' Heims, et la coupe M des IHolémées au Cabinet des Médailles nous font connaître l'ornementation pri- mitive, mais non sans cliarme et sans grandeur, de celte éj^oque.

Quatre siècles plus tard, l'impression produite sur les esprits par l'architecture avait modifié le décor: la flore, la faune, la figure humaine associées dans la décoration des cathédrales provoquaient une évolution nouvelle. Les figures des saints meublaient les arceaux d'édicules robustes et simples, ou se transfor- maient en vases précieux destinés à recevoir les reliques des saints présentées ta radoi'alion des fidèles. Les animaux agrémentaient les vases, tel le reli([uaire en porphyre à tète d'aigle exécuté à la demande de l'abbé Sugei-, l'un des joyaux de la Calerie d'Apollon au Louvre.

Les ileiu's, les feuillages se développaient en rinceaux ornemanisés, et les ('•maux, rem|)lacant par leurs chaudes colorations les rellets des pierreries,

Hcli([iiaire en tniiiie d aigl {Galerie d'Apollon.)

(1) Diclioiiiuiiri' de l'orfèrrerie chrélieiiitc ilr l'abbé 'l'exier.

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Ncii.iifiil fiirnliir l("^ |>;iiiim';iii\ dc^ (liasses, ri les tuiiiics des vjiscs sjUM'és. A 1,1 Un (In (li.ii/iciiic siècle r.iii'liileci un' s'el.iil t r.i II vloi-mr-e de ii()ii\r;iii; aux Idniics li;i|iii('> di's edilices, an pleni ciiili-e di'> i»ii\ cri iin-s, elh' a\ail, suiollluc r(i:^l\c; Ifs (•(iliillliel les eillhllles de |)iliacl('s deiileles. |es reiirllTS ;ic(a>s|ees de (•oui icr( irl s ajouii's, les llecjics ai;.'ll('s, les I .ali|s| rades ('sid/'cs. doiiiiaii'iil aux cdiliccs une svcllcsse (■h-j^aiil c i|iii' riiilcv n'i'ir feliuicu^c n cui- prcssail d'ad(t|il('r.

IMiis libre dans sou iiil('r|ir('-lal i(ui cl u'axaiil |M)iiil. coiiiiiic rardiilccle. a i'iun|ili'r a\ ce les exiLicurcs de la slal)ilil'-. l'iU-rcs rc a\ ail huiles les aiidarcs ; la l'ii^idile du iiK'Ial. su luallt'alu- lih', se |irèlaieiil a loiiles x's l'aulaisies. La ti^iire liuiuaiiie rendue d'une l'aeou iiai\c el |)OiUi(|Ui\ la lleur el le l'euillai^c assouplis en des riiieeaux (Me- iiaiils, iinpi'iuiaieul à eos aMivres un earaiMère (U'ii;iual el eliar- inaiil, el eel aii nouveau, ro- Imsle eoiniue l'arbre de la Corel, souple eomnie la gramiiiée des prairies, gracieux comme la ileur des champs, était et devait rester comme une des plus belles iucarnations du génie français.

L'orfèvrerie civile avait suivi le mouvement donné par l'or- fèvrerie religieuse. Les souve- rains el les princes s'empres- saient de convertir en beaux objets d'or et d'argent les métaux précieux que les hasards de la guerre ou les successions faisaient tomber entre leurs mains; on ne comptait plus les hanaps, les coupes, les aiguières, les drageoirs, les écuelles, les plats, les salières dont ils enrichissaient leurs trésors.

Tous ces beaux objets faisaient partie du mobilier des cours et des châteaux de la noblesse. Les grandes réceptions, les entrées solennelles, les joutes, les tournois, étaient l'occasion de montrer à la foule les richesses possédées. C'était la marque de la fortune. C'était aussi une réserve métallique ; M. de Laborde a dit avec beaucoup de raison dans sa notice sur les émaux du Louvre : « C'était tout » l'avoir des rois, des princes et des seigneurs; ce que nous plaçons dans les

Table cl drussoii- comoils de i)ié-cis irorrèvrcric, d a[ir(Js une iiiiiiiatuce.

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» fonds publics, dans les actions industrielles, ce que nous possédons en argent » comptant, le seigneur du moyen âge l'avait en orfèvrerie. Capital mort, sans » doute, mais qui donnait, au lieu d'intérêts, le plaisir fastueux d'étaler ses » richesses sur des dressoirs aux jours des grandes fêtes et des repas magni- » fiques. »

Mais, lorsque les mauvais jours arrivaient, ces somptueux objets devenaient une ressource précieuse, l'on puisait à pleines mains pour subvenir aux fi'ais de la guerre, ou payer les rançons, ci les (cuvres d'orfèvrerie disparaissaient sans laisser de traces.

Après s'être développé et avoir giandi au milieu des p(''ripéties les plus terribles de notre histoire, et avoir éclairé de ses gracieuses créations le monde féodal,

l'art de l'orfèvrerie ne s'exer- çait plus ex(dusivement dans les abbayes.

Sous J'inlUience des grands seigneurs et des princes, les ate- liers civils s'étaient constitués et donnaient à leurs œuvres des raf- linements inconnus. Ce fut l'é- poque où les artistes étrangers, Flamands ou Italiens appelés, les uns par les ducs de Bourgogne, les autres par les rois de France et les seigneurs qui, à leur suite, étaient revenus d'Italie encore sous le charme des merveilles qui les avaient séduits, allaient opérer une transformation carac- téristique dans l'art de l'orfè- vrerie, et exercer une influence directe sur nos ateliers. Certes ils auraient pu porter un coup fatal à notre art national, mais ni Charles VII qui les avait at- tirés, ni le cardinal d'Amboise qui les avait soutenus par ses commandes, ni même François 1" en jirolégeant et en comljlant d'honneurs et d'argent l'orfèvre florentin Benvenuto Cellini, ne parvinrent à détourner nos artistes et nos orfèvres de leur voie ataviriue.

Aussi, malgré l'engouement pour les artistes delà Bcnaissancc italienne, la

Le dressoir du roi Louis XH, tl'après une niinialui-e.

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Hi'ii.ii^viiiicc l'i;iiir,ii-r .ill.iil ->';iniiiiii'|- ;i\it ikis .iicIi il rd c-^ I'h'IT"' LcscoI, IMiiIiImmI hcidlllic cl \ihliiiinl l>ii ( '.iirr.nix ; mon sc(ll|ilriii- .Ic'iii (idilioll ri. ( Icilll.iili l'iloll, cl IKc- (irrc\l("^ l'.liciiiic hcl.iiiliic cl rr.ilicdi^ r.llDl. ci Ic •^rl\\f (le iidlrc r;icc. ;ili-<()ili;iiil l.i iikhIc ikuixcIIc, I;i I i;iii-~rMiiii;iil \n,\\v l.i l'aire <iciiiic cl riiii|M)Ncr soiis une Inriiic |icr^(iiiiicllc ;iii\ .•iiilrcv |m'II|»Ic-. (|III ^ riii|i|-cv-.;iiciil i|c r,i(|()|.|cr. I/,hIi(.ii (|iic r;iil iill i;i-iii(iiil;iiii c\ci-c;i Mir l'ni Icn rciic |r;iiic;ii-c ne dura pas. cl nos aiiislcs 'iNaiciil intp (J'IialHlch'' ci ili.ii.u'iiialih' iiali\c |i(mi- ne

.W'f (.Ml m- ollVrtc (tai- la \ illi' de Hurdoaux à la roiiu' l^lcniiore.

("aiiiiélahre ofTerL par la xillu di' Pari? à la reine Eléoinirc.

pas se ressaisi)' au contact des l'euiines de goût, reines de la main droite ou de la main gauche, qui s'étaient faites les collaboratrices et les inspiratrices des orfèvres.

Anne de Bretagne avait un orfèvre attitré. Arnould de Viviei's, et sa vaisselle d"or était somptueuse. Elle ne doit pas avoir été sans influence sur l'exécution du calice (jue possède une petite église du Finistère, Saint-Jean du Doigt, qui fait encore les délices des archéologues, et qui, suivant une tradition ancienne, aurait été donné en 1506 par Anne de Bretagne.

La reine Eléonore d'Autriche, seconde femme de François I", avait le goût des belles orfèvreries. Lorsqu'en 1531, elle lit son entrée à Paris, les échevins

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méditaient de lui offrir un groupe allégorique dans lequel le vaisseau, emblème de la ville de Lutcce, aurait joué son rôle traditionnel. iMalheureusement il se trouva que la ville de Bordeaux avait pris les devants et oITert elle aussi « un navire d'or, » avec trois hunes fort beau et grand, plein d'escus au soleil, couvert et équipé » comme s'il eust esté fait pour nager » (1). Il fallut donc, dans la crainte d'un double emploi, renoncer au projet caressé. On se rejeta sur une paire de candé- labres de haute taille, accostés de figures portant des drageoirs, des inscriptions et les emblèmes de la ville.

Alelici- d'oi rcNrc, d'a[)rès Ktienne Dclaulnc {■>).

Un artiste de la plus line race, Etienne Delaulne, donnait à cette époque des modèles à l'orfèvrerie et exécutait une série de planches pleines de force et d'élégance, dont les ateliers d'orfèvre savaient tirer bon parti. Le modèle du briUe-parfums, dans lequel se trouvent résumées les qualités de son talent, est un document précieux pour l'art de l'orfèvrerie française au seizième siècle; et, s'il est encore empreint de la donnée italienne et de l'Ecole de Fontainebleau, il affirme déjà que l'art français avait su s'en dégager et s'alfranchir enfin par des créations originales (2).

(1) Henry Il.ivard, Hisloirc <b' l'orfèvrerie fram-ahe, pai:i' ;il(i.

(2! L'œiiVre d'Etienne Delaulne renferme une planche qui est Lien laite pour noui inlére#,-er. Elle représente Tintérienr d'un atelier d'orfèvre, et nous la reproduisons ici. Un jeune ouvrier, portant le costume du temps de Cliar'les IX, s'y inoutre accompagné de ses aides et entouré de ses instruments de ti'avail. Sans parler de sou extrèun; tinesse, celte gravure a tout le prix d'un renseignement biogra- j)hi(|ue sui' Etienne Delaulne. La vérité de l'ameubleuient, l'exactitude du détail semblent imliquei" que toid, dans ce laborieux intérieur, a été étudié sur nature, et que l'aulenr a vraiment vécu dans un atelier d'orfèvre.

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,ses de François 1, la comtesse de Chateaubriand et la duchesse

it on sait les déiêlés avec Benvenuto, puisaient à pleines mains

oyal pour enriclr leurs écrins ou leurs dressoirs. Catherine de

ne de Henri H, Diane de Poitiers sa maîtresse, mettaient en

ux de Léonord imosin.

ill.' lie l'cuis «m nu •iilrce soIl'iiucIIc.

Cliailcs IX,

maîtresses. Roi catholique, relij^^ieuse ne chômait pas, car il les qui disparaissaient dans les

les L^ierres de religion

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\.i^ lli;iiliv^-M'- ili' IV. lin 111^ I", l;i roiiih's^c de ( '.liiil ciiil ni.iiM I d l;i iliiclirsse ,1 r,|;iiii|.c-^, <l(iiil (Ml -;iil !(■■> ihiiicl.'s ;i\rc l'.ciiN niiild, |iiii-;iiciil ;i |.lciiirs iii;iiiis ihiii-. le li-cxir ni\;il |m.iii- l'iiiicliir Iciir^ ccniis oii Inir-- drcssoii-s. ( lai lirriiir <lc Mclicix la r.'iiiiiic lie llnin II. hiaiic d.' l'uilici-. sa mail rr^sc, iiirllainil m li(iiiii('iir l("> »'iiiaii\ (le Li'kikhiI iaimi'^iii.

Présent olïert par la \ille de Paris au roi Charles IX, lors de son entrée solennelle.

Henri H n'était pas seiileiiuMit iiéiiéroux envers ses maîtresses. Roi catholique, il donnait beaucoup aux églises, et rorlevrerie religieuse ne chômait pas, car il fallait remplacer par des œuvres nouvelles celles qui disparaissaient dans les pillages des éghses et des abbayes.

Sous Charles I\ et Henri Hl, malgré les troubles que les guerres de religion

.'{G

ont dîi apporter aux orfèvres dans l'exercice de leur art, les entrées des rois dans la ville de Paris, les mariages princiers, étaient encore l'occasion de cadeaux magnifiques.

Avec Henri [V, les orfèvres étaient assimilés aux peintres ou sculpteurs, et appelés à loger dans les galeries du Louvre. La reine Marie de Médicis proté- geait les arts, et Gabrielle d'Estrées n'avait pas manqué au rôle bienfaisant que les maîtresses royales avaient pi'is vis-à-vis des orfèvj'es; l'invenlaire dressé à sa mort, en 1599, dépasse en orfèvrerie somptueuse tout ce que l'imagination peut rêver : c'est comme le procès-verbal de la situation de l'orfèvrerie française à la lin de la Renaissance.

D'élégante et raffinée qu'était l'orfèvrerie au seizième siècle, elle allait ap- paraître somptueuse et magnifique au siècle suivant. L'or et l'argent im- portés du Nouveau Monde en Europe par les Hottes espagnoles affluaient en telle abondance, que dans la Péninsule on y faisait des mobiliers en argent.

Fille de Philippe III, la reine Anne d'Autriche, quoique ayant franchi les Pyrénées, avait gardé les goûts de son pays. L'emploi du vermeil pour la fabrication de la vaisselle de table devenait plus fréquent, comme il l'était devenu dans la fabrication de l'orfèvrerie d'église. Le coffret que Kichelieu donna à Anne d'Autriche, et que conserve le Louvre daîis la galerie d'Apollon, avec ses reliefs d'un or supei'be, se découpant en rinceaux et feuillages élégants, peut être considéi'é comme une des meilleures ouivres d'orfèvrerie de cette époque. Il est « un des rares spécimens de cette ornementation charmante oii les lleurs » naturelles jouent le rôle principal, bien qu'elles entrent dans un ensemble réglé » par une composition préalable », ainsi (jue le constate M. Alfred Darcel dans sa notice sur les Emaux du Louvre.

Le Cardinal Mazarin, s'il estimait par-dessus tout les piei-reries et les diamants, dont les plus beaux, connus sous le nom des « Mazarins », furent légués par lui à Louis XIV, et devaient faire partie plus tard des diamants de la couroime, avait fait travailler les orfèvres de son temps et réuni dans son palais des œuvres de grand prix. Brienne en parle avec admiration. « Que de chenets d'argent! que de lustres de cristal et d'orfèvrerie î Combien de bras et de pla([ues de vermeil ; combien de miroirs ou de plaques d'or et d'argent ciselées! »

Anne d'Autriche transmit à son fils Louis XIV ses goûts poui- l'orfèvrerie. Les premiers jouets du jeune roi étaient en argent, et sa mère, ne voulant pas lui laisser entre les mains des soldats de j)lomb, lui fit faire par l'orfèvre Merlin une armée de soldats d'argent et une artillerie en or massif. Louis XIV s'en souvint et donna à Merlin un logement au Louvre.

Si l'influence de sa fennne, Marie-Thérèse, n'eut aucune action sur les goûts de Louis XIV, en revanche M"" de Lavallière et M""= de Montespan et, plus tard,

il

K

a.)

M'" (I,. |'(.iil;iii-c^, |iiiiriil lin ;i rriid.iiil iii.i m | m - iir le loi cl r(' Il ^sirciil Ln'ilriiirn I •i rciilniiiiiT (liiii-- I;i xiiic i|ii(' liii;i\;iil li;ircc v.i nicrc. Son ■^t>\\\ |iniir les orl'c- M'crics siiiiipl ih'ii^CN ne Linla \)n<< ;i se iii;iiiiri">h'r il.iiis les IV-Irs (|u il ()r^;iiiiv;i cl (|;ii|s le lii\c csA'^rvr i|il'll lilil ;'l (ji'corcr \Crv;iil|cs. |/illil-.||c Le llriiri lui lui iiii aille |ii('eieii\ pmir icajiser sc'n imAcs de l'iislc cl «le ;ji';iiiilciir, I orle- \reiic iiiiilli|i|ia, |Miiir le valislairc, huiles ^es spleiidciii-s ; jamais on n"a\ail Vil une iirolii^ioii |iarcille, cl un Ici <'iii|il(ii du iiiclal |ir(''eieii\ dans le iiMiInlici- d'un l'alais.

Mais \ascs on lorclicrcs, csealtcaiiN <»ii liiK-ridoiis, caisses d"«)i-aii:.'ccs on Itraiicai'dv d'ariicnl , (|iic It's alclicrs «les (ioltclins, diri,L'«'-> par le |M'iiilrc !.«• r>nin,

CiillVi'l à l)ij(iu\ d'Aiiiu' d'Aulrii-lic. {(îulcric r/'.\/)o//ofi.)

cxécutaicnl pour les résidences royales, et les orfèvreries plus importantes, mais non moins fastueuses, que Louis XIV commandait pour sa table, ses appartements de Versailles, ou pour ses églises préférées, aux orfèvres qu'il logeait au Louvre, ne sont plus pour attester l'habileté des orfèvres ni la somptuosité du grand siècle. Les fatales ordonnances du 20 février 1687 et du 14 novembre 1089, qui envoyaient à la Monnaie les trésors de la maison royale et enjoignaient aux seigneurs de se conformer à l'exemple donné par le roi, devaient faire disparaître les plus précieux ouvrages du temps, « et, triste » retour des choses d'iei-bas, le Grand Roi, qui logeait Alexis Loir aux Gobelins » et donnait 10 millions pour exécuter son argenterie de service, la remplaçait » quelque temps après par la faïence, afin de pouvoir envoyer des subsides à » son armée épuisée par la guerre du Palatinat (I). »

(1 Préface du Recueil de GO planches d'orfèvrerie, de Paul Eudet.

40

Si quelques pièces : écuelles, plats ou llnmbeaux, ont pu échapper à cette destruction inutile et impie, et nous donner l'impression de la belle tenue et de l'aspect décoratif de ces ouvrages, au moins pouvons-nous retrouver dans les ta|)isseries de Le Brun, et dans les superbes gravures de Bérain et de Le- pautre, la trace de ces magnificences.

Les dernières années de Louis XIY lurent attristées par ces inutiles héca- tombes, et il nous faut attendre le dix-linitième siècle pour retrouver les splendeurs de rorfèvreric civile du grand siècle. Ce sont les mêmes orfèvres, élevés à la fière école de ce règne, mais des inlluences nouvelles vont profon- dément modifier Toricntation de l'orfèvrerie. Les formes solermelles vont dispai'ailre, cl rornemenlalion symr'lri(pu' cl pondérée, ({uc les ai'chiicctcs et les décoratcui's avaient doiméc aux ceuvres du dix-septième siècle, va céder hi place à un ai-l plus libre, mais (pii n'en restera pas moins comme l'imc des plus charmanles li-ansformalions de l'arl de l'orfèvrerie.

Dessin de Bérain.

\'asi' (Icir ili's lapissi-iies dos Maisniis l'uxiil [Le ch.îlenu de (^liiiiul)()r(l.)

Le dix-huitième siècle

CIIAPrrilE PREMIER

l/OrlV'viMM'ic à In (iii du l'ôiinc <!<' Louis \IV. L<vs A(<'Ii(M*s des (lohclius. La <l<'s(iMicli«Mi par N's Ldits. Ce (|u'('II<' ôlail à la (ahii

<'l dans la l><uu'::'<M>isi<'.

VANT d'aborder l'étude des œuvres d'orfèvrerie réunies dans le Musée centennal et afin de dégagei- les în- lluences diverses qu'avait subies l'orfèvrerie au cours des siècles, j"ai cru devoir tracer dans riiilroduction un tableau rapide des transformations qui se sont opérées dans l'art de l'orfèvre, depuis les origines de la monarchie jusqu'à la fin du règne de Louis XIV; mais l'histoire de l'orfèvrerie au dix-neuvième siècle ne peut être bien comprise qu'à la condition de faire un retour en arrière et

/il

de se rappeler quelles avaient été les destinées de cet art dans la société française, depuis la mort du roi Louis XIV jusqu'à la Révolution. C'est, d'ail- leurs, ce qui a été fort bien indiqué par les organisateurs du Musée cen- tennal de l'Exposition de 1900 et c'est pourquoi ceux-ci avaient réuni, à côté des pièces caractéristiques de la période moderne qui s'étend de 1789 à 1889, des (ouvres de choix appartenant aux époques de la Régence, de Louis XV et de Louis XVI. On ne pouvait adoptei' une meilleure méthode. Elle avait l'avantage de rendre plus sensibles, par des comparaisons néces- saires, les transformations sui'venues. Je ne saurais donc mieux faire que de la suivre.

En 1715, au moment oii les élégances pimpantes de la Régence vinrent arracher la cour de Versailles à la torpeur l'avait plongée la vieillesse assombrie du monarque défuni, l'orfèvrerie achevait à peine de (raverser une des plus désas- treuses crises qu'elle eût jamais subies. Des édits prohibitifs, qui nous apparaissent aujourd'hui comme invraisemblables et presque monstrueux, avaient ordonné la destruction, dans (ont le l'oyaume, des chefs-d'œuvre d'or et d'argent, des vais- selles sonqjtuiMises, des mci-veilles dai't (|ue possédaient les pai'liculiers et les églises.

Certes, dans le passé, l'orfèvrerie avait éprouvé maintes fois des cataclysmes analogues. Considérés par les princos et les seigneurs du Moyen Age ou de la Renaissance, comme une sorte de placement d'argent, comme un trésor de guerre, une réserve qu'on se ménageait pour les temps difficiles, les objets en métaux précieux n'avaient pas souvent survécu à l'époque de leur création. Voués d'avance au creuset, bien peu échappaient au sort fatal, et ni leur prestige d'œuvres d'art, ni leur perfection ([ui leur donnait une valeur très supérieure à celle de la matière, ne les préservaient de cette lamentable fin. On sait que c'est le motif poui- lequel nous possédons de si rares spécimens des orfèvreries anciennes. L'antiquité grecque et romaine n'a pas été, en cela, plus conservatrice ni plus })révoyanle. C'est un malheur dont les archéologues ont du prendre leur parti.

Mais, à aucun moment, à coup sur, l'anéantissement des objets d'orfèvrerie n'avait eu le caractère systématique, brutal, presque barbare, des dernières années de Louis XIV. Ce fut alors une hécatombe générale, une Saint-Barthélémy inexorable, et qui ne dura pas qu'un jour, car le Roi-Soleil s'y reprit à plusieurs fois avec un redoublement de rigueur. On ne compte pas, sous son règne, moins de vingt ordonnances, déclarations ou édits somptuaircs dirigés contre l'orfèvrerie. Il est vrai qu'au début il ne s'agissait que de refréner, d'une façon générale, parmi ses sujets, le luxe dont lui-même était le premier à donner l'exemple, mais dont il prétendait réserver à lui seul et à ses courtisans le privilège. C'était le temps oîi une légion d'orfèvres illustres, Claude Ballin, Gravet, Thomas Merlin,

45

Portrait de Claude BALLIN {Cahincl des estampes de la Bibliothèque nationale.)

M

({in ;i\;u('iil Ifiiis .ilclicr^ ;iii |i:il;ii-^ du l,iMi\rc. \lr\is Lmr, Clainlc (\r \ iIImt- i|ui ( i';i\ iiillaii'iil aii\ ( idlicliiis s(Mi-< la iliirrl ion fli' l,c Uniii. saii< (Miiiiith r l'icrrc ('icniiaill , \ laiicdilll , (icraid hd m iiiliaiir, hii Tel, \ cflirck , lîciii' (j)ll-lIH'l, IMcrrc ri (liiillaiiiiic Loir cl laiil (laiiIrt'N. rxiTiilairiil . |i()iir \ l'rv.iiUcs, ce mobilier ras|iicii\ en ari^ciil iiia----ir. ers lalilr^^, ers lia'^^iii^, rcv \a^<'<, ces caisses (lOraiiucrs, (Imil les iii\ciilairc-> (h- la ( dnrdiiiic iiuiis oui c()ii<crv('' les ('liiicelaiilcs dcscni il idiis cl (|iii chlouireiit loiii; I ciii|)s rKiir()|ic loiil ciilicrc.

Parmi les articles ijoiil lUtlls venons de eitei' les noms, Claude haliin lit^tire an j)remier vawj:, et, dans son [uiissanl elVort, rt'- snme les aspirations de cette (''|iO(ine. Ne à Paris on Kilît, il avait appris les éléments dn dessin en étudiant les oHivros de Poussin, (lliarlos l'er- rault, (|ui a écrit sa vie, disait (pie. « dès sa prc- » niière jeunesse, il » avait un discernement » exquis i)our prendre » ce (piil y a de beau » dans Tantiquité, et un » «ioùt admirable pour y » ajouter, de son inven- » lion, mille grâces et » mille beautés qu'on » n'avait pas encore » vues ».

Il eut d'ailleurs tous les honneurs qu'il méritait. Plusieurs fois Garde du métier de 1656 à 1667, il fut Consul en 1672 et succéda à Varin dans sa charge de Directeur du balancier des médailles, et garda cette situation jusqu'à sa mort en 1678. Son portrait nous a été conservé, il est gravé par Saint-Aubin, et se trouve au Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale.

Ballin fit beaucoup d'orfèvrerie d'église, mais il excellait surtout dans cette or- fèvrerie pompeuse qui décorait les appartements de Versailles, Perrault qu'il est bon de rappeler, lorsqu'il nous parle de ces merveilles, disait dans ses « Hommes illustres » : Il y avait des tables d'une sculpture et d'une ciselure si admirables,

Vase à mettre les oraiif^ers. fait par Cl. Hallin.

48 ^

que la matière toute d'argent et toute pesante qu'elle était en faisait à peine la dixième partie de la valeur. C'étaient des torchères et des guéridons pouvant porter des llambeaux et des girandoles de 8 à 9 pieds de hauteur, de grands vases pour mettre des orangers, avec des brancards pour les porter Ton aurait voulu; des cuvettes et des bassins dont la magnificence et le bon goût étaient peut-être une des choses du royaume qui domiait la plus juste idée de la grandeur du prince qui les avait fait faire (i).

Toutes ces pièces, hélas ! sont disparues ; pour les faire connaître nous ne saurions mieux faire que d'emprunter à riiiventairc du mol)i- liei" de la (Couronne, publié par M. Jules (luilïrey, h's renseignements autli('iili(jues (|ui peuvent nous donner une idée de ce (|u"(''tai('ut ces nier- veilleuses orfèvreries (2).

Mous citerons entre autres :

A'inf;t-c|iiahe f;rancls bassins ronds et vinj^t-qualro vases pour servir les dits bassins, le tout dardent de Paris, sçavoir :

55 '1-555. Deux farauds bassins ronds faits par Hallin, ciselez dans le fond de trois j^rands trophées d'armes entre six tij^ures de Captifs qui représentent les vices; dans le milieu des armes du Rov et sur le bord de douze petits enfants qui portent des festons et plusieurs autres ornements bordez de petits ^odrons lisses, de 3 pieds de diamètre pesans i'|0'", f^", 5*^

55(3-557. IJeux vases laits par liallin pour servir avec les dits bassins, ciselez sur les corps des armes et des chiifres du Roy, accompagnez de petits enfants, j)ar le bas de grands godrons lisses et sur le collet des godrons enfoncez et tournans avec son anse en forme de consolle au hault du quel il y a un petit Alcide qui estoufe deux serpents, haults de 2 pieds 4 pouces, pesant ensemble i45'", 3", 5*^ (:V,'^»"^i«o).

Guéridon à trois lit;ures.

{Dessin de Ch. Le Brun, du Louvre.)

Musée

Les autres, aussi richement décorés, étaient faits par Verbeck, Du Tel, Viaucourt et Merlin (3).

Quatorze grands vases d'argent à mettre des orangers, sçavoir :

05o-G53. Deux grands vases d'argent à mettre des orangers avec leurs pieds d'estaux séparez, faits par Ballin, les dits vases ciselez des deux costez des armes du Roy sont tenus par deux Renommées par le hault, par le bas de godrons brunis rentrans et sortans, haut

(1) Paul Mantz, Recherches sur rorlèvrerie française, Gazette des Beau.y-Arls.

(2) et (;i Jules (iuifîrey, Inventaire du Mobilier de la Couronne, pages (19 et Ij (2 vol. in-S". 188.'i).

49

d'iiii |ih'il S |M)iicrs, -^lll• .ml, Mil ili' ili.iiih I n-, leurs |iic(U ;iii>'^\ ci-^cli-/ .iti\ ;ii nif- «lu I'hin des ([iKilrc cii>liv cl (le (|ii;ilrf ^nll'iiiis iiii\ (|iiiil rc ckius, Ii;iii1|- de di \ |iiiii(i->, liir^^cs d un pird \ [loncfs |)cs;iiis t'iiM'iid)lf .)(|(i"', !>" i!)j'''-',t|(ini.

Les ;iiilrf<, \;iri("^ di' décor : frises dr |{,i((di;iii;iles, Tèles de Mediisrs, de Saivre--, île haii|diiiis cl de Ser|ieiils, (daieid les irii\ies des orl'eMCs NeidxM Iv, l.iiir. iMl Tel. ( Olisiiiel , \ iaiic(iii!-| .

Vase à sujets tirés de rilisloire du Uoi/. {Dessin de Ch. Le Brun.)

Le Musée du Louvre possède des dessins de Charles Le Brun qui sont vraisem- blablement les projets des grandes orfèvreries qu'il faisait exécuter dans les ateliers des Gobelins. Le modèle du guéridon à trois figures que nous donnons fut exécuté; il est compris dans l'inventaire de la Couronne sous les n"' 1106, MOT et 1108.

Trois ^i-ands ij'uéridons dont le corps est de trois fig'ures de femmes qui portent un plateau, posées sur un pied à trois consoles terminées en patte de lion, et pesant ensemble : 1263'", 5" (3i3'^^',l2o). Ils furent ciselés par Loir et de ^'illiers (1^.

(11 Aux sieurs Loiret de Viiliers, orphèvres, pour l'entier et parfait paiement de 50.11i'>^'-,l.")« à quoy montent trois grands guéridons dargeut. la tige à trois figures ^^ur un pied en manière de cassolette, par eux fabriqués. Compte de la Maison du Roi du 4 décembre K'.Si. .\lfred Darcel. Monofjraphie des tapis- series des Maisons roj/ales.

Les deux vases à sujets tirés de l'histoire du Roi, quoiqu'on n'eu trouve pas trace dans l'inventaire, furent certainement exécutés, le dessin est trop précis pour qu'il en soit autrement. Il permettrait encore aujourd'hui d'en faire une reproduction.

Les deux séries de tentures destinées à conserver le souvenir des lirandes époques du rè^ne de Louis \IV, (pii représenleut, l'une « les Maisons royales »,

Flambeau à pied de sphinx. (Dessin de Ch. Le Brun.)

l'autre « l'Histoire du Roy », sont précieuses pour l'histoire de l'orfèvrerie à la fin du dix-septième siècle. Elles donnent, en effet, les représentations dans leurs dimensions réelles des orfèvreries fabriquées aux Gobelins. Ch. Le Rrun, qui dirigeait cet établissement célèbre et composait les cartons de ces admirables tapisseries, avait eu le soin de les introduire dans ses compositions. Il nous a ainsi conservé le souvenir de ces vases d'argent, de ces aiguières, ces bassins, ces brancards, ces torchères, dont les dimensions sont bien faites j)Our nous étonner

- o.-J -

cl ilnlil l('v i|i--i ll| il lull-. (|c-~ III \ CM LlllT-^ (|c |cj((M|l|c lie imll^ ■■|lll;ilc||| iIiiIUk''

(in'imc l.iililc idée.

I.;i l;i|ii'>'>ciic i|lli {•C|»r(''>^cii|c l;i \i>-ilc de Loiliv \ | \' ,| |;i M;iiiiil';ic| illc (\r^ (ioltc- lills ;i iiiic \;ilciii' (l(iciillli'lll;iirc | irccicii^c. I , iii^cil | il k )!i li'---cc ij.iii- le e.irli iinlie (le ^;i iMinliire iiilerieiire ; l.i- lim Ldiii-- \l\ \i<il.iiil l;i M;iiiiir;Ml lire (les (iiijie- " lllls (III le sicill- ('.(illierl, S|||-|||| cikLiiiI de ces | i;i I iineii K, le (•(iiidiiil d;iiis |e> " ;llell('|•>^ |MMii' lui l'iiiic Noir les iiiiN r;ij:cs (|iii >'v loiil ", e((iis|;ile riiii|)()rl;iiiee (le> (iii\ niiics d'dii'cN rcric (|iii ^e r;iliiii|ii;iieiil ;iii\ ( i(ilirliii~>. Collieil cl Le lîniii y sdiil re|ire>('iili's, et \ i;ii<.einl)lal)lcili('lil les pcrsoiiiijij^'cs en imIi;iI (|iii, ;iii ^el■(»||d |il;iii, |i(irlciil un nji^-c d'oi-, dcviiicnl rire les orlV'vrc^ (|iii les ('\(''ciil;iicnl.

VASE AUX A I\ M E S D f n O I . Dessin do Charles Lo Brun. (Musée du Louvre.) '

Dans les UmiIuix's dos « Maisons royales », Cli. Le Brun avail iulroduiL, dans sa eoniposition, des vases d'or et d'argent, urnes, cassolettes, aiguières et pla- teaux accompagnant les balustrades ou sui'uiontant les pilastres du premier plau; il avail eu soin de ne pas les garnir de Heurs pour laisser à ces œuvres toute leur valeur d'objets dart.

11 est présumable même que les magnitiques pièces d'orfèvrerie que l'on porte autour d'Alexandre entrant en triomphateur dans Babylone, et figurant dans les tentures exécutées d'après les belles compositions de Charles Le Brun, sont aussi des représentations de pièces fabri(juées aux Gobelins (l).

Dans lune des tapisseries que nous venons de citer, Le Brun avait reproduit la Nef en or du roi Louis XIV, dont l'état du mobilier de la Couronne, dressé le 20 février 1673, nous a conservé la description. Elle était d'or, soutenue par des Tritons et des Sirènes; le couvercle, avec les armes du Boi émaillées, était sur-

(1) Recueil des laiiisscries, par E. Guiciiard, et Monoyraphie de Alf. Darcel.

iiionlr (ruiic "l'aiidc couronne de d

(ladiMiiis (lu lui. [Dessin de Uobi'rl de Culle.

^VM^r^'rV(V^il^EM^rg?'?M»^^

rotative royale; ayant, la forme d'un à épiées, il servait à mettre le pain trouvons dans l'album de Ro- bert de Cotte le dessin du cade- nas qui servait au roi Louis XIV, nous trouvons également dans cet album des documents pré- cieux pour l'histoire de l'orfè- vrerie au dix-septième siècle f;2) : une salière d'argent aux armes

iamanis et de rubis portée par un Amour accosté de deux Dauphins. 11 y était entré 8000U livres d'or sans compter les pierres précieuses. L'exécution en avait été confiée à l'orfèvre Jean Gravet, qui consacra six ans à cet ouvrage et reçut 13')00 livres l'icn (|ue pour la façon. Elle a disparu comme a disparu celle dessinée par Le Brun; au moins avons-nous encore le pro- jet de cette Nef, conservé au Musée du Louvre, (pii donne Itien le caractère sonq)- tueux des décors de celte époque.

La Nef était une j)i'érogative royale, on y mettait son Essay (1), sa cuiller, son coulelet, sa fourchette et ses épiées. Non seulement elle jouait un rôle considérable dans rornemenlation de la table, mais elle concourait à la séciu'ité des princes en éloignant la préoccupation de l'empoison- nement. Son entrée dans la salle des repas était presque triomphale : portée par le chef du gobelet, elle était l'objet du respect de tous, et le maître d'hôtel passant devant la nef lui faisait une révérence, comme le |)rètre passant devant le Tabernacle.

Le cadenas était également une pré- phiteau sur lequel était la salière, la boîte , le couteau et la fourchette du roi. Nous

Salière tlu roi. {Dessin de Itaherl de Colle.)

(1) Henry Uavard, D.'clionnoire de IWmexihlcmenL au mot .VeA pi'go 082, el au mot A'.v.sy///. page t_8i.

(2) Cet all)um précieux, contenaiil les dessins ori^jinaux de Roiiert de Cotte on (les cror|uis relevés par eet artiste d'après les pièces existantes encore de son temps, se U-ouve au Cabinet des Estampes, ù la IJibliuthèque nationale.

(lu r,.i, lin iHc^ciilnii cl iiii l'iicnrr rxcctiN'^ ir.ipic^ un dc-sin «le |{('r;iiii. <l un

|ir;iii ciiiicliTc cl Incii \':\\\- |)iiiir ;iii;:iilciilcr nos rc-|-c|s cm |icii-;inl ;i leur (li-.|i;iril iitii.

I.(irs(|iic sniin.i I Ih'iiic des re- vers cl (|lir l.-i (li-rllc 'In Tn''v(,|- lil ri'IliMliir Ldiii- \l\ -ur les (■(iiisi'(|iiciicrs (|c SCS (|(''l)iirii;ililcS prodifiiilili's, il <'i-iil m iMclicIcr les excrs par le s;i( riliff de -on ai'^ciileric |iersonn(dl(' ; il pcn-iul aussi de celle façon, •■n «loiinanl r('\('ni|il(', (h'-eidei- jilns racilcincnl son cnloura^»' cL le |iulilic a I lio- locausk' (ju'il allail iinposeï-. Les édils du :2(; a\iil 107-2. des 10 IV- vi-ici- cl 16 mai lOST, n'curciil j»onr i-ésullal (juc d'arrrlcr le d(''Veio|i- pemcnl de rorièvreric; les ordon- nances du li iH>voml)i-e l()89, du 22 mai 1()9I, de mars 1700 et de 1700 l'urenl plus eneclives et firent disparaître pour toujours ses i)lus belles productions. 11 n'y a pas lieu de refaire ici en détail le récit bien connu de cette doulou- reuse aventure qui déchaîna en France, pendant plusieurs années, de véritables

fureurs d'iconoclastes. Les or- fèvres du roi chassés des ateliers

du Louvre et des Gobelins, les

^raïuis travaux arrêtés, les pièces

d'argenterie dépassant les poids

déterminés par les édits, saisies,

mutilées ou fondues, les per-

.,,i>i,ions partout organisées, à ^^MMi^gig|llM

Pans et en province, avec la ^'i^ v^j/^7- V '^|^^

dernière rigueur, le zèle destruc-

teur des commissaires, l'ardeur KiKii.r du ini.

des courtisans envoyer leur Dessin de UoIktI de Coite.)

vaisselle à la Monnaie pour ga-

irner les bonnes grâces du souverain, tout cela a été dit par les écrivains les

Pri'senloii'. [Dessin de Hubert de Colle.)

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plus autorisés, et il serait fasiidieux d'eu refaire le rérit. On sait que le grand exécuteur de ces barbares mesures fut le commissaire Delamarre auquel on adjoignit des collaborateurs; les procès-verbaux conservés aux Archives natio- nales, et publiés par M. Jules Guiffrey, fournissent les renseignements les plus précis sur la manière dont furent conduites les opérations. Pas un orfèvre si bien en cour fùt-il ne put se dérober aux visites inquisitoriales. A Paris, on alla chez Nicolas Delaunay, qui était pourtant directeur de la Monnaie et des médailles du roi; on alla chez le fameux Alexis Loir, chez Thomas Aubry, chez Philippe de Larbre, chez Charles de la Fresnaye; on alla chez Claude Ballin, qui ne put préserver de la saisie un magnilique surtout de table (juil était en train d'exécuter pour un souverain étranger, qu'en présentant une autorisation spéciale signée de Louis XIV lui-môme. On pénétra successivement chez Thomas de Roussy, établi rue Saint-IIonoré, à l'enseigne des Bâtons roi/aux, chez Antoine Levêque, en face du Palais-Uoyal, chez Honoré de Villiers, rue des Lavandières, chez Simon Le Bastier, à la Croix d'or, chez Jacques Dubourg, à V Etoile d'or^ chez Fi'ançois Simonnin, IMerre CoefCé, François Barbier et Charles Quévanne, rue de l'Arbre-Sec, chez cent auti-es, enlin, dont les boutiques étaient installées dans les environs de la Monnaie, du quai de la Mégisserie et dans divers quartiers de la capitale. En deux mois seulement, on saisit ainsi pour un poids de o2l5() marcs « douvrages défendus, tant achevés qu'imparfaits et prêts à achever », dont les pièces furent « brisées, rompues et défigurées » pour qu'on ne put ni les réparer ni les vendre.

La fonte de l'argenterie royale faite à la Monnaie, du 9 décembre 1689 au 19 mai 1()90, d'après les procès-verbaux qui en relatent les circonstances (1), pro- duisit 8:2.'-}:22 marcs (20086''^), équivalant à 2505637 livres (2) d'argent monnayé. L'opération fut renouvelée en 1709, et, cette fois, pour les ustensiles d'or. Toute la vaisselle de la Couronne y passa, à bien peu de chose près. Il n'en resta plus rien. Dans la plupart des grandes familles, il en fut de même. Les pièces d'orfè- vrerie comprises dans les ventes par autorité de justice, ou trouvées dans un inventaire après décès, durent être saisies et transportées à l'Hôtel des Monnaies le plus voisin. Gens de noblesse, magistrats et bourgeois, à l'exemple de la Cour, envoyèrent au creuset celles qu'ils possédaient. Le Mercure de juillet et d'août 1709, publiant quelques listes des personnes qui ol)éirent à l'édit implacable, cite les ducs de Grammont, de La Rochefoucauld, de Beauvilliers, de La Fcuillade. du

(1) Arcliives nationales, K. 121, n ' i:i.

(2) La valeur du mari; d'arpeiit, |:oin(;iiii de Paris, élail à celle époque de ;!() livres ;reKe du marc d'or, de 400 livres. On sait ((ue le poids <lu mar(; éipii valait à i\\ grammes T.\. Par conséquent le poids total de l'orfèvrerie de Louis XIV. qui était de 1)1 0;i(i marcs, représentait un peu plus de i'2l)(MI kiloi;r.im- mns. Quand le niai'c désifinait li' poiils des ouvi'aires d'argeni, il se iVael loniiail en M oiu'es, ou (iU gids ou VM deniers, ou ItiO esteriius ou 30(1 mailles, ou 4101)8 grains.

Quand il s'agissait des ouvragt;s d'or, les divisions du marc étaient autres. Le marc d'or se divisait en 21 carats, le carat en .s deniers, le diMiier en 2i grains et le grain en '-Vi pritnes.

r)7

lli;inM'|i;il (le Hmii llh ' i'^ , Icijiii'l, ;iii i;iiii|i de ( '.ompirx M(' , rli lll'.IS. ;i\;iil (•|;i|(' |h)I1|- le S('r\i( f (II' ^;i lalilc •■ (|ii;il if-\ iii-K (Inii/.iincs (r;i'--icl le» d'iir;.'!'!!! , -i\ «loii/.iiiics (le \('riiii'il ilc^ pliiU cl (le-- («hIiciMcs (|';ir;:ciil pdiir l("> IVniU, ri Ir ic-lc ;i |ii<i |Mii'| ion I I . Il iiiciiliiiiiiif ciicdic le dur di' \ill('iii\, l;i iii;in''i'li;dc di- Nii;nllc->, !<■ due lie l.;iii/iiii , cl |ii-^i|u ,iii\ ;irliv|c^, r.iicinl cclc (i.ilincl, le ^culiilciir (linirdoii cl le iiicilcriil r.iL'nii. Il aili;iil |MI en di-si- lier |ie;iiicnii|i d ;illl re-.. c;ii' liieii |ieil |i;ir\ iiireiil , coiimie S;iiiil-Siiii(iii, ,i - >-e iiiellre ;i l'iii riere-;j;irde ., pdiir di--iiiiiiler le plu-- (|iriK piireiil de leur \;li^selle d';ir::eiil. Au ereif-el, les cliîii'-es, e;diiiieN, luireaiiN, hiilellcs, t^iiei'idoiis, clieiiels, lorelières, ^^iraiidoles, \u)[> a Heurs eu ar^ciil iiia>>ir (|ui oriiaieiil les palais el les cli.àlcaux ! TraiisroniK's eu liii.L^oU. le-

scrviet's de lable el les Iieaiix iiieilhles de M ' de Cliailliies cl de Liule, (|iii a\aii'iil

cxcilc à un cciiaiii ukuuciiI de si \i\('s adiiiiralioiis 1 l''(uidiis aussi les olij(ds sacrc's des ('élises, les i-('li((nair('s el les oslciisoirs, les (diaiideliers el les ('hàss(»s : car le roi a\ail ciijoiiil aux pn'lals « laiil dans les \illes (\\i'n la ('amj>a^ne » de iic plus i^ardcr (pic les oriieiiieiils les plus iiidispcnsablcs a la crU'bratioM du ("uil(\ cl dCiiNdyci' le surplus « à la Monnaie la plus prociiainc ou dans les villes (pii avaicul des changeurs ^:2) ». Il seinhlc pourtant qu'à cet égard les édits aient été a|)pli(pit''s avec une sévérité très i-(dalive, ou (pie Ton ait déployé une habileté spéciale pour les transgresser, car de rancicniie orTc- vi'erie religieuse il subsiste, en dclinilive, un assez grand noniljre de types reniar(piables.

On s'explique, après cela, pourquoi à l'époque de la Uégence, les plus l'iches familles, même celles de sang royal, ne possédaient plus que très peu d'orfè- vrerie. Sous ce rappoi'l, les inventaires après décès, conservés soit aux Archives nationales, soit dans les minutes des notaires, nous font coniiaîfi-e l'exacte vérité. Nombre de documents de ce genre que nous avons consultés attestent jusqu'à l'évidence que les ordres de Louis XIV ne furent que trop scrupuleusement exé- cutés. Par exemple, X Inventaire de Monsieur, le propre frère du l'oi, dressé en 1701, n'accuse que pour 100001) livres d'orfèvrerie, et l'on n'y trouve aucune mention des œuvres capitales que ce prince, si engoué de luxe, avait cominaii- dées quelques années auparavant. Au Palais-Royal ou à son château de Saint - Cloud, il avait eu une argenterie d'une richesse presque égale à celle du Monarque de Versailles. Très souvent son frère lui en avait donné en présent, ainsi que le prouvent les registres du mobilier de la Couronne ou lit fré(piei;imciil. en regard de certains articles, cette annotation : « Deschargé, donn(' ])ar le lloy à Monsieur. » Ces cadeaux consistaient non seulement en meubles, mais en objets d'art de tous genres, gondoles d'argent, coupes de vermeil, calebasses d'or,

(1) Merrare (jalant. septiMiiliro UiDS. (2 Daiiguau. Jotiriiuf. t. II, pai,H' 01.

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tasses d'agate, etc. (1). C'est sur sa table qu'avait paru, en 1698, à l'occasion d'un festin offert à lord Portland, andjassadeur de (luillaume III, un des trois premiers surtouls rpii soient sortis de l'atelier de Delaunay, et cette pièce monumentale, qui fut très admirée, inaugurait une mode nouvelle. Mais, à la mort de Monsieur, (|u'étaient devenues ces œuvres opulentes? L'inventaire de ce prince n'en contient pas trace. Elles avaient été fondues.

Il est vrai cpTen contraste avec de tels exemples, on rencontre des hivcn- tdires qui domiei-aient à penser que les édits ne réussirent pas à faii'c dis- paraître l'argenterie aussi complètement cpi'on aurait pu le craindre. Ainsi,

celle que possédait An- dré Le Nôtre, le célèbre jardinier, ('-tail prisée en 1700, au moment de sa mort, 13 500 livres, et le maréchal d'IIumières, en 1694, en avait encore pour 309i25 livres.

Retenons ces deux chilTres. Ils déterminent avec assez d'exactitude la j)art qu'on était ha- bitué à faire aux dé- penses d'orfèvrerie, dans la société française, à la fm du dix-septième siècle, et montrent la proportion ordinaire (pi'il y avait entre celle d'un grand seigneur et celle d'un bourgeois riche, d'un magistrat aisé, ou même d'un gentilhomme n'ayant que modeste train de maison. Le budget qu'on y consacrait était alors sensiblement plus élevé qu'au début du siècle, et inférieur de près d'un tiers à celui qu'on y emploiera au milieu du règne de Louis XV. Les gens de condition moyenne, suivant de loin l'exemple de la Cour, s'accoutumaient à ce luxe, mettaient leur vanité à faire parade de vaisselle plate qui leur constituait d'ailleurs un patrimoine qu'on transmettait |)ar héritage à l'aîné des enfants, et qui aidait, à l'occasion, h jeter un peu de poudre aux yeux. Mais cette orfèvrerie familiale, d'un bon usage courant, soi'tait rarement des limites admises, gardait la juste mesure et n'arrivait pas aux exagérations fantastiques et ruineuses qu'il était sage,

Iluilit'p (lu Musée centeniia {Colleclion lie .1/'- Biirnt.)

I

(1) Giiiflrey, Inoenlaire du mobilier de la Couronne. Voyez iinlauiineiit le tome l"'", page 73. page 1!U. page 198, page 223, page 230. Les uotcs en petits caractères iiidiciueul les décharges par donatiou.

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Cil clVcl, d'ciilrax cr : it ii'c^l |),i-> rdli' l,i iin'.il tci;.'iiiri'iil lr-> Mii|niiii;iincs i|r Louis \|\.

C'est |ii'(i|i,ihlciiii'iil ;i ce iik il if i |iii' iiitii-. (lc\(iii>- «l'avoir |iii I n ni\ ci' riiron- au Mus(>(' (•(•iilciiiial 1111 liiiilicr a|i|iailiiiaiil a la ci illcdiuii «le M'" Itural. aiii-i (|uc la cal'clicrc i|iic le Mll-^cc ilcs Aris di'coral il'^ a\ail loiilii'c ;iii\ (tr;jaiii>-alciirs (le ri',\|i(isi| KHi. I, liuilicr clail nxalc, iriiiic loniic vi-xcrc cl liicu assise. Lck |uc(K >(iiil Inniio par des eiiroiileiiienl la [laiivc d(''C(>rce d une Irise re|)r(''>cii- laiil une >ccuc de (diassc ciselée eu {-(dicl' cl iiilcrr(iiii|iU(' rci^ulièrciiiciil |iar des uiaxaidiis ciicailres d'un |iaiiiieaii cisch' d'un (|uadrillt'' sur luiid uialis. Il c>l dune licllt' e\cculi(Ui, el |i()rl(' bien rciii- preiiile de riialulclc de rdi'lV'vre ((iii rcxi'- (■ul;i.

Il eu esl {\(' mèiiR' de la cafelirro à S pans dccoi'i'c de niolifs ciselés eu [vnrc uiatis, (|ui rappclleul les oniemeids des- sinés i^ar Ik'raiu ; le culot, est décoré d'appliques en bas-reliefs du même goût, alternées de 8 faisceaux de roseaux à !■) tiges: l'anse, très élégante, est sur- montée par une tète de femme formant poucette, et le bec s'amortit sur la panse par une autre tète encadrée de feuilles.

Nous donnons également la reproduc- tion, dans une même planche, de diverses pièces d'orfèvrerie exécutées dans les

premières années du dix-huitième siècle, ainsi que nous l'apprennent les poinçons relevés avec précision par M Paul Eudel. La destination utilitaire de ces dilîé- renles pièces leur avait fait certainement trouver grâce devant les Commissaires chargés de ces barbares exécutions.

Sans le zèle passionné que M. Paul Eudel mit à collectionner les beaux spé- cimens de la vieille argenterie française qu'il rencontrait, sans le soin qu'il a pris, avant la dispersion de sa collection, de faire graver, dans un Recueil de soixante planches, les meilleures de ces œuvres, nous serions encore à les ignorer. « J'espère, dit-il, dans la préface qu'il a mise en tète de ce recueil, » être de quelque ulilité non seulement à mes corehgionnaires artistiques, les » collectionneurs, mais aussi aux argentiers, mes contemporains. Ils seront à » même d'étudier, dans ce livre, les formes remarquables et la pureté de style

Cafetière du Musée ccntennal. [Colleclidu du Musée des Arts décoriitifs.)

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») des pièces ciselées par des maîtres, comme Leheiidrick, François Joubert et » François Thomas Germain. Mon désir le plus sincère serait de voir ces mor- » ceaux d'art devenus pour les orfèvres de véritables types dont ils s'inspire- » raient désormais dans leurs nouvelles productions, de manière à ramener le » public, pour l'honneur de notre pays, vers le sentiment des belles et bonnes » choses (1). »

Nous citerons en première ligne le 1 : une chocolatière en or de forme simple dont le collet et la base sont décorés d'ornements courants symétriques gravés et ramoléyés, ainsi que la lampe à esprit de vin n" 2, montées sur trois pieds recourbés et munies toutes les deux de manches droits à 8 pans en jaspe sanguin. Elles furent faites sous Etienne Balagny, en 1703. Le poinçon de décharge est une mouche; le poinçon de maiire ou difrérent est illisible.

Le n" 3 est une écuelle décorée comme les précédentes, d'oi'nemciits champ- levés sur fond matis au pt)intillé. Les oreilles sont décorées de mascaroiis à tètes de femmes d'un travail très tin. Elle fut exécutée sous Florent Sollier par Antoine de Saint-Nicolas en 1716.

Le 4 est un huilier de forme send)labh» à celui exposé au Musée centennal par M""' Uurat, mais décoré sur la panse d'un ornement ditrc-rcnl, dans le goût de Bérain. Il fut exécuté sous Etienne Balagny par Grégoire Masse, en 1708. Puis deux flambeaux dont l'un, le n" o, de petite taille, était décoré de cannelures et de godrons d'un excellent goût et lut exécuté également sous Etienne Balagny par Louis Loir, en 1710; et l'autre, n" 0, dun travail charmant, fut exécuté sous Jacques Gottier, en 17 U), par Antoine de Saint-Nicolas. 11 est à 8 pans, le vase formé par de petits caissons décorés d'ornements champlevés ainsi que le fût à compartiments est orné de chutes h tètes de satyres alternées avec des tètes de femmes.

Enfin, deux cuillers à soupe avec bouton de revers en fer de lance d'une forme curieuse. Le n" 7. à spatule trilobée d'après les poinçons relevés, a être fait en 1681 sous Paul Brière de Saussaye. Le n" 8 est gravé d'un chiffre eidacé qui rappelle les monogrammes dessinés par Naveief. et fut exécuté sous Péi-ine en 1701.

Toutes ces pièces, empreintes d'un beau caractère et qui résument l'art des or- fèvres du dix-septième siècle, auraient pu figurer avec hoimeur au Musée centennal. En conservant le souvenir de sa belle collection dans les publications qu'il a faites en 1884, M. Paul Eudel s'est accpiis des titres à la reconnaissance des collectiou-

'1) licciii'il lie siiixaiittî pl.iiiclii';; (rufl'rvrprii! de la (ViUrc/ion de l'dul Etidel \m>uv faire suite aux Eléiiieiils (rui'i'evrcries coiupd^és par l'.ii'rc (juriuaiii iQuaiitiii, édileiu').

01

.imimMÊjmmm^m,

Huit pièces d'orfèvrerie Louis XIV. cxccutces de IG81 à 17 15, dessinées par Giraldon d'après les orijrinaux.

^Collection de M. Paul Eudel.)

o;i

lUMir^ cl (1('>; ortV-N i-fs, cl les >i'r\i(i'N (ju'il cx|m't;iiI rcinlrc. c| i|iril ;i n'cllcmcril rcmlii^ ;i ^c^ ciiiiiciii |imi;iiiiv, mil du |c n'i(iiii|pcii^cr de ses cIloi'K. |)';iillciir'-, si celle Cl illi'i I idil lui (lls|icr--ee. iiiiiis ;i\((iis eu l;i joie de re| idii \ cr d.iii-- le Mii^(''(' ceiilciiii;il |iliisiciirs [liccc'^ de liiiiil lioÙI i|iii. piT^lcTs |i;ir les ;iiii,deiirs i|iii les avaient aci|iiises, limiraienl en lionne |il,ice. I,a clidcolal lere en nr. de^^nK'-c s(ins le 11" I, appai'l ieni an|<iMrdlMn a M. hni^Liu. ( ',(iii->er\ ('•(■ |i;ir lui a\ec ini soin jalnnx, elle lad ladmiialion île cen\ i|iii, ciannie mm, accueillis par Ini avec lanl île lionne _^;i'àce, ont |iii a|i|ii-i''cier le diaiane ijin ^e dr';-'a,L:e de ce jii\an |»i'ecien\ (le roifcN relie du i^rand siècle. Leur relonr sons |e> yen\ i\{i |inlilic n'a l'ail ipie l'orl ilier le LionI des lielles orleM-eiies rrancaiscs dans res|i|j| ijes anialeurs, et, che/ les lionnnes de niidier, le seidinieni delà iiclle lenne d('S (l'iiM'cs des iiiailres (|ni les (ud jii-(''C(''(lés.

Bassin en or des Tapissei'ies des Maisons nivalos. [Chi'tteaii (le Fonlninehleau.)

Dessin di- liéruiil.

CHAPITRE DEUXIEME

Lo rovoil (lo la Roûonoo, 1 715-1 72.*{.

Ce qu'était lo soi'vico d'argentorie dans les maisons princiôros.

Caractère des œuvres de cette époque.

ORSQiE fut proclamée la Régence, les orfèvres purenl croire ^j£^ que leurs ateliers allaient reprendre les brillants travaux (l'antrefois, et que la nécessité pour la Cour de se pourvoir d'une nouvelle argenterie destinée à remplacer celle qui avait été détruite, ferait renaître les anciennes folies de prodigalité. En effet, au premier moment, un véritable délire de luxe désordonné parut faire tourner toutes les tètes. En 1716, la duchesse de Monastérol promenait dans Paris un phaéton monté sur ([uatre pilastres d'argent, qui avait coûté

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40 000 livres. La duchesse de Berry, fille du duc d)rléans, sortait dans carrosses entièrement décorés de cette matière. \ duchesse du Mai princesse de Conti, la plupart des grandes dames c Tt-poque afficha' pareille opulence. Le cardinal Dubois, voulant joueiles Mazarin, a* antiquités, et se constituait une orfèvrerie qui lui absrbait des som rablcs. Les hommes d'affaires, les agioteurs, les maniors d'argent de Law mit alors en vedette, ceux qui, grisés par la spculation jour des fortunes qu'ils devaient perdre le lendemain, îs gen- aiïolés par l'espoir des richesses, laquais et commis dvcm naires, tous enfin ne tardèrent pas à multiplier les coini;-

Mais cette ivresse dépensière provocpia vite le ret(> Dès 1720, la pénurie du Trésor ayant encore une (ni- financière plus grave que jamais, on revint aux é<l concernant les ouvrages d'or et d'argent. « » extraordinaire d'un très grand nombre de gens i. » tion, principalement des agioteurs qui s'étaient eiin, » huit mois, au commerce des actions et des autres jipiers » j)oix, lesquels s'étaient pourvus d'une (piantité prodiieuse de vaisseli » de toute espèce, la mieux travaillée et la plus belleiui se soit jamais vue » i. » les princes et chez d'autres personnages d'un l'aiig (slingm'- [)ar leur noblesse » et leur dignité » ( I).

Pourtanl, si l'on va au fond des choses, on consta3 qu'à partir de cette date une modification profonde se manifeste dans les habildes, <'t (pic si le goùl di luxe, au lieu de se restreindre, ne fait que se répanre davantage en s'c'-tcndai à de nouvelles couches de la nation, il change totaleient de caractère. Ass^ ment l'orfèvrerie n'est pas moins en faveur que sousLouis XIV, il y en autant, mais elle se réduit à des formes plus usuelles, )lus directement appj aux besoins journaliers. Elle cesse de produire desobjets de pur appj que meubles, torchères, vases monumentaux. En n mot, elle « sei d'être pratique », pour employer une expression qufl'on aime foit aujj

Nous serions bien embarrassé de donner ici la iprésentation gra| quelques-unes des pièces des premiers temps de 1. Régence, si nous trouvé dans le recueil des 60 planches d'orfèvrerie de la belle coll M. Paul Eudel, dont nous avons parlé au chapitre pécédent, des piè( haut intérêt dont les poinçons, relevés avec soin pr le célèbre collj révèlent qu'elles ont été fabriquées de 1715 à 1725, '«est-à-dire souï nous les avons réunies dans une même planche, de mnière à rendre le caractère de l'orfèvrerie de cette époque.

M) Jean Hiivat, Journal de la Hégmce. t. II, pagi- .32.

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40 000 livres. La duchesse de Berry, fille du duc d'Orléans, sortait dans des carrosses entièrement décorés de cette matière. La duchesse du Maine, la princesse de Conti, la plupart des grandes dames de l'époque affichaient nne pareille opulence. Le cardinal Dubois, voulant jouer les Mazarin, achetait des antiquités, et se constituait une orfèvrerie qui lui absorbait des sommes considé- rables. Les hommes d'affaires, les agioteurs, les manieurs d'argent que le système de Law mit alors en vedette, ceux qui, grisés par la spéculation, gagnèrent en un jour des fortunes qu'ils devaient perdre le lendemain, les gens de robe ou d'épée, affolés par l'espoir des richesses, laquais et commis devenus subitement million- naires, tous enfin ne tardèrent pas à multiplier les commandes de vaisselle plate.

Mais cette ivresse dépensière provoqua vite le retour de mesures prohibitives. Dès 1720, la pénurie du Trésor ayant encore une fois jeté le pays dans une crise financière plus grave que jamais, on revint aux édits et aux pénalités précédentes concernant les ouvrages d'or et d'argent, « pour réprimer, dit Buvat, le luxe » extraordinaire d'un très grand nombre de gens de tous états et de toute condi- » tion, principalement des agioteurs qui s'étaient enrichis en moins de sept ou » huit mois, au commerce des actions et des autres papiers de la rue Quincam- » poix, lesquels s'étaient pourvus d'une quantité prodigieuse de vaisselle d'argent » de toute espèce, la mieux travaillée et la plus belle qui se soit jamais vue chez » les princes et chez d'autres personnages d'un rang distingué par leur noblesse » et leur dignité » (1).

Pourtant, si l'on va au fond des chosv^s, on constate qu'à partir de cette date une modification profonde se manifeste dans les habitudes, et que si le goût du luxe, au lieu de se restreindre, ne fait que se répandre davantage en s'étendant à de nouvelles couches de la nation, il change totalement de caractère. Assuré- ment l'orfèvrerie n'est pas moins en faveur que sous Louis XIV, il y en a tout autant, mais elle se réduit à des formes plus usuelles, plus directement appliquées aux besoins journaliers. Elle cesse de produire des objets de pur apparat, tels que meubles, torchères, vases monumentaux. En un mot, elle « se contente d'être pratique », pour employer une expression que l'on aime fort aujourd'hui.

Nous serions bien embarrassé de donner ici la représentation graphique de quelques-unes des pièces des premiers temps de la Régence, si nous n'avions trouvé dans le recueil des 60 planches d'orfèvrerie de la belle collection de M. Paul Eudel, dont nous avons parlé au chapitre précédent, des pièces du plus haut intérêt dont les poinçons, relevés avec soin par le célèbre collectionneur, révèlent qu'elles ont été fal)riquées de 1715 à 1725, c'est-à-dire sous la Régence; nous les avons réunies dans une même planche, de manière à rendre plus frapj)ap.t le caractère de l'orfèvrerie de cette époque.

Ij Jean lîuvat, Jotinial de la l\é<jfnri\ t. Il, pafji' l{2.

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Six pièces crui-lcvrcrie llcgcnce, de 171:) à ij-jr». dessinées par GiraUlon diipix-s les originaux.

iCoUecliun de M- /'•"// Eiidel.)

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C'r^l ,|',i|Minl ilii.' iilu'llh'ic .le Inniir ^llll|ili'. II" I, (li'CdnT ;i la |ia-r cl Mil cillcl (Ir li-.'^ Ilii^ oiiicMiiiiK ilails le ,-nùl de iW-raiii; lr n m \ rrrlc cl le |.ii'"l ..,h||-oiiiiiv ; le lier, -diilcmi par une Iclc i\i' \\-\\\\\\r coilir'c de |)liiiiie>>, saiiiollil .,111- le .tiiiis de l'ai-iliei'e. l'aii-e de InniU" Ires <'l('';.'aille e->l suniioill <•(• ('•-aje- iiii-iil d'iiiie ti-iire <le reiiiiiie duiil le l.iisie s'allonge, cl . dans une -aine a^M-i'incnl (! ddriieuienl^ eliaiii|)le\ e^. s'allarlie - i-acieiiscmciil a la panse de I ai^iiicrc. hllc lui l'aile s(Mis le l'erniier Cordier, en i7-J.">, par rorleMc i'ioliei-i Ma-iiard.

Dctails (les cisolui'es en tr.icc mails de la cal'etièi-e Régence n" i. iCollecLion Paul Eudel.)

Puis, uno autre aiguière, 2, à côtes plates décorées en tracé matis de dau|)liins. (Talgues et de coquillages groupés eu forme de guirlandes et de chutes du plus charmant elTet, les poinçons indiquent qu'elle fut exécutée en 1727 sous Jacques Cottin. Nous donnons ci-dessus le détail de Tornementation ciselé, et plus loin le plateau de l'aiguière à bord contourné et godrunné dont h? marli est ciselé comme l'aiguière; une saucière, n" o, en forme de bateau, dé- corée aux deux extrémités d'une tète de satyre en relief, dont l'anse en volute est agrafée à la partie inférieure; quoique les poinçons soient un peu elïacés, on peut faire remonter sa fabrication à 1720; un llambeau, n" 4, d'un très grand caractère, à 3 consoles engagées, accostées de tètes de femmes, le pied mouluré d'ovcs et

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de baguettes à rubans. Il est daté de 1728. Puis, enfin, deux poudrières à sucre en poudre, 5 et 6, dont les poinçons usés ne permettent pas de fixer la date de leur fabrication, mais dont rornementation, analogue aux précédentes, et la fac- ture permettent de reconnaître facilement, dans ces œuvres, la main des orfèvres qui vivaient sous le règne précédent, et n'avaient rien perdu de leur habileté. L'homme qui i ègle la mode, et inspire les artistes à ce moment, c'est le Régent. La réelle culture de son esprit, la délicatesse de son goût, ses connais- sances étendues, et, comme le remarque Saint-Simon, sa fine intelligence de tout

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Cuvette de raij;iiièrc n" i, faite sous le fermier Cordier, en 172?), par l'orfèvre Robert Majxnarfl.

Colh'clion Paul Eudel.

ce qui contribue à l'agrément de la vie intérieure, ses opinions très personnelles sur ce qui constitue le confort, suffiraient à faire comprendre l'influence qu'il exerça dès qu'il eut en main le pouvoir. Ce n'est pas qu'il ait pensé une seule minute à imprimer aux arts une direction quelconque, ni à faire sentir autour de lui, à cet égard, le poids de sa volonté. A l'opposé en cela de Louis XIV, il était toute tolérance et n'avait qu'une maxime : « laisser faire ». Mais le duc d'Orléans était le maître de la France, le point de mire sur qui tous les courtisans avaient les yeux fixés. Qu'il le voulùtou non, on suivit ses exemples, on adopta ses goûts, on imita les méthodes qui lui firent transformer la décoration de ses apparte- ments, on s'engoua des artistes dont il s'entourait. L'architecte Oppenord, encore inconnu, ayant été chargé par lui d'orner au Palais-l\oyal la galerie neuve Antoine Goypel peignit les épisodes de la Vie d'Enée ; voilà du coup Oppenord à

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l;i iiKiilf. 1,1' |iiiiicc (lcm;iii(|i'-l li ,i W.iMimn, iI.iii^ huile l,i lliiir de ^-oii |i|-cv| i;jirii\ t.ili'iil. (I'iIIiinI rcr de •-,•-^ (•\i|iliN(", l';iiil;iivic-> Ic^ cliiiiiilMcs i|ii (li.ilc.iii (|c |;i Miicllcy Noici W iillciii Liiici', cl '|iii ne Niillil |illlN, (1rs Inis, (|||t';illl >a Irop roiirlr r\is- (l'iicc, a s;ilisr,iiic aii\ i-iiiiiiiiaiiili's i|iii lui \iciiiH'iil de louiez parK. IMail-il an dur de fairr ^idi^l il ncr, dans ses p.il.ii-., aiix \as|('s (d -olcniKdlcs |)ir(cs du ((•iii|»s |t;iss(' (Ml Miail I riiiiui, des (diainliiTS |ilus [ndilc^ se |)r(''laiil a I iiiiiiiiili' des (•(•iiNcrsal idiiN aiiiialilcs, des alcùxcs laN nralilo aux liU de rc|i()s (hi aii\ sojdias, des li(iud(iiis di'lical riiiciil m-iiI|iI ('s ':' Ton! le iiHHidc su il le iiioiixciiiciil cl se iiud a l'il- nissim. PiuM'crc-l-il aii\ aidi(|iics lapi-scrjcs, (|iii alli'islciil les iiiiiraillcs de leur xerdiirc lf(»[> soinlire, les (dolles soyeuses de l.\(»ii de iiiiaiices (daires? (loiiiine |iar eiieliaiile- menl les 'rrioniphcx de Sr///i(i/>, les liiihiillrs d' Mcrandrc, joules les lenl lires de <j:ran(l prix (pii (K'corent (k'|)iiis doux siècles les plus faiiunix hôtels de Paris, vont rejoindre dans les i^i-euiei-s les objets (pii ont ecssé de i)laire et ne soiil plus au goùf du jour. Ténioi^ne-t-il une eonliance toute amicale à rébéniste Crescent, qui lui fait les meubles qu'il aime, d'un profil savant, d'une grâce spirituelle et délicieuse, qu'animent les bronzes dorés et les minois sédu(dein's de nymphes soui'iantes, ciselés avec la der- nière perfection? Crescent devient le four- nisseur en vogue, et l'on ne veut plus (pie les meubles de son style.

Il en fut de même pour tout le reste, et l'on peut croire qu'en ce qui concerne l'orfèvrerie, le Régent ouvrit également les voies nouvelles, donna le ton, et que, sans qu'il les imposât le moins du monde, ce furent bien ses goûts personnels qui prévalurent. Chez lui, point de meubles d'argent, point de pièces à allure monumentale, à emblèmes mytholo- giques, à figures moroses de dieux antiques. Il ne possède guère que de l'or- fèvrerie de table, et encore, sans excès; son Inventaire conservé aux archives nationales (1), et dressé à sa mort en 17:23, accuse un poids total de 4567 marcs

Klanihoau Réjience. [Musée cenleniial.)

(I; Cet Inventairi; est encore inédit, et il ferait vivement à souhaiter qu'il fut bientôt publié. .M. Victor Chanipier en a donné des extraits dans son volume si abondamment documente de Vll/sloire du l'alais- lioijal i 1900, 1 vol. in-S" . et nous tirons de cet ouvrage les curieux renseignements ([ue nous reproduisons plus loin sur l'orfèvrerie du Itégeut.

d'objets de ce genre. Nous voici loin des quantités fantastiques citées pour Louis XIV. Dans ce chiffre est comprise toute la vaisselle plate qu'il avait dans ses diverses résidences, au Palais-Uoyal, à Saint-Cloud, à Baj^atelle, h Versailles, et môme la collection d'orfèvrerie du cardinal Dubois, que lui avait léguée celui-ci, et qui se composait de 85 pièces d'une exécution particulièrement soignée (1). Le duc d'Orléans l'avait fait graver à ses armes et l'avait mise en usage dans sa maison. Ses orfèvres habituels étaient Ballin le neveu, et Thomas

Germain. C'est à Ballin qu'il conmianda notannnent une splendide toilette d'ar- gent qu'il avait l'intention d'olVrir à sa fdlc, M"'' de Beaujolais, quand fut agité le projet d'union de celle-ci avec l'infant d'Espagne don Carlos. Le mariage n'eut pas lieu; mais, la toilette se trouvant terminée, il fallut la payer; elle coûta 31 007 livres. Il lit d'autres acquisitions importantes de 1715 à 1723. Mais le gros de sa dépense se porta sur les menus objets d'art, accessoires de bureau, écri- toires, pendules, vases montés, et prin- cipalement sur les boîtes et tabatières dont il forma une collection de toute beauté estimée à son décès plus d'un million, somme énorme pour l'époque, et qui représenterait près de six millions de noire monnaie actuelle.

Veut-on savoir sur quel pied était or- ganisée, au dix-huitième siècle, dans la haute noblesse, le service de l'argenterie? On n'ignore pas que toute famille menant un certain train conservait encore à cette date, pour l'administration de sa fortune et la tenue de ce qu'on appelait la « Maison », des habitudes remontant en partie à la féodalité, et une réglemen- tation uniforme empruntée à celle qui était en usage pour la « Maison du roi ». La domesticité formait un petit gouvernement chacun avait son emploi et sa responsabilité fixée selon une étiquette immuable. 11 y avait le service des Menus, le service de la Bouche, de la Panneterie, de l'Echansonnerie, des Équipages, des Ecuries, etc. L'importance en était variable, comme on pense, suivant le rang et le

Flainljeau Régence. (Collection de M"" Burnt. Musée conlenii/tl.)

(1) Elle pesait, à elle soiile, 1 139 marcs. L(! duc «l'Orlt'aiis accepta le Icirs de son aiiciru prcccplciir, mais voulut absolument taire estimer la valeur de celte ari^euterie, cpii l'ut piisée 14'i2()') livres, et en rem- boursa généreusement le prix aux héritiers de Dubois.

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(Ic^^i'i'- (le riclic^'M': iiiiii^ f'('l;iil ror-.iiii-.il imi l\|.c <|(iiil cv-.iN.iil de ^r r;i|i|in M'hcc (|iii('()iii|ii(' |ir('lfiiil;iil r.iii'i- li.uiiri' «Liii-^ \r iiininlr ('.(.iiiiiii' <lil \r I;iIhiIi-I<- .

Tdiil |)clil |iiiii((' :i di"- ;lllll>.■l'•-^.llll•m■s ; l'iiiil in;ii([ui-- \ciil .i\(iii' lie-- |i,i;:i'^. . .

Clic/ le r»i''i:fiil , le scrsicc de r;ir-('iilri-ir ('liiil n-;.'''' '''' l'' l'i'"ii -.iii\ ;iiilr. (',(> (|iii ('l.iil \;iissc||.' |>l;ilc, iii(|('|icii(l;iiiiiii('iil dc^ ii>lciisilcs scr\;iiil <l;iiis 1rs l•ll;lnllu•t'^ à coticlicr dc^ iH'iiico cl ilcs ^

|)riiiccssc^, ('hiil rc|>;irli ciilrc les dilVc- rciilcs c;i(('^()rics des scr\ i leurs (| ni ;i\;iienl à en lairc usaf^c |)(iiir les liesoins de lein' cliar^c Par c\em|>le. \' (ii-ijoiiicr a\ail sous sa iiai'de un lolal ^V' Id'i pièces (plais, assicKcs, cloches, etc.), destinées à pa- rnilre (piolidienneineiit sur les tables « des niaîlres cl du coinuuiii ». Puis, il y avait la vaisselle relevant des Officiera de hi liniicJir (inaruiiles, casseroles, pois à vin, compotiers, essais, sucriers, huiliers, pots à bouillon...) qui comprenait oo pièces; la vaisselle (\v\ pâtissier de la Bouche (com- potiers, assiettes, plats de formes origi- nales el variées, drageoirs)..., 13 pièces; la vaissellr du perdreau (cuillères el four- chettes, aiguières, flambeaux...), 4:2 pièces; la vaisselle de Y Echansonnerie (couverts du vin, flacons, gobelets, etc.), 30 pièces; la vaisselle de la Panneterie (saucières, mou- tardiers, cadenas, huiliers, salières, poi- vriers (soit en vermeil, loO pièces pesant 5:24 marcs, soit en argent blanc, 178 pièces pesant 243 marcs); enfin les services d'apparat des princes et prin- cesses, que l'on ne sortait que dans les grandes occasions (surtouts de table, assiettes, plats, coupes, flambeaux qui étaient en or ou en vermeil et qui comprenaient 119 pièces pesant 225 marcs). Outre cette argenterie si varice et si abondante, dont Taffectation était méliculeusement réglée, il y avait en- core la grosse orfèvrerie, employée par le service des cuisines : marmites el casseroles de toutes formes, poêles à confitures, écumoires, fourchettes et cuillères, flambeaux. Celle-là était divisée en trois séries : vaisselle blanche, vaissefle godronnée et vaisselle de vermeil. De la première, Y Inventaire, dont sont extraits ces détails véridiques, nous décrit 148 pièces, de la seconde

Flambeau Régence. [Musée centennal.)

106 pièces, pesant ensemble 1285 marcs, el de la troisième 170 pièces d'un poids de 1 11 marcs.

Ponr compléter ce tableau, ([ui donne une idée précise des mceurs luxueuses de répo(|ue, il convient de remarquer que, dans cet état de Torfèvrerie du Régent, la vaisselle léguée par le cardinal Dubois n'est pas comptée, et que Targenterie persomielle de sa femme, aussi bien (|ue celle des princesses ses lilles, qui vivaient avec lui, forme un chapitre à part. 11 faudrail donc ajouter, à cette nomenclature de 952 ustensiles d'argent ou d'or, un chillre presque égal pour avoir à peu près le total de l'orfèvrerie employée par le duc d'Orléans et les membres de sa famille (1).

ElhicHc cil \ cruicil. {Collection de J/"'" Biirnt. Musée crntennul.)

Le caractère général de l'orfèvrerie de la Régence peut-il être déterminé avec la netteté dune délinition positive et tranchante? Evidennneiit non, car ce qui la distingue c'est essentiellement l'indécision qui est le signe habituel des œuvres de transition. Il faut se garder de faii'e remonter à cette période le triomphe du style rococo. C'est anticiper légèrement, et cela tient sans doute à ce fait que, les œuvres d'orfèvrerie de cette époque étant très rares aujourd'hui, on s'en forme une opinion non pas sur l'étude directe des pièces qui ont subsisté, mais d'après l'examen de gravures anciennes qui ne sont pas toujours véridiques (|uant à l'année exacte de ce qu'elles reproduisent. Or, en ces matières, il faut pousser jusqu'à l'extrême le scrupule des dates. En réalité, le style rocaille, mis h la mode par Meissonnier, n'atteignit son épanouissement que quelque temps ai»rès la mort du Régent. Qu'il ait commencé à se manifester en 1720, et qu'il ail trouvé dans l'état d'esprit de la société d'alors, dans le bouillon- nement d'idées qui transforma les arts comme tout le reste, un terrain favo-

(1) Cf. Victor Champier, Histoire du l'alais-Hoycd, t. h'', pages 3U'J et suiviiiitos.

rallie à >nii (Ii'\cIii|i|miii(|iI , ncn de |i|iin rni .nn . M,•||-^ ce n es! i^iirrr i|iM'iilr(' !(•-< .iiiiiccs 17-'» a l~i(>, (|iii' I iiii|iiil-h iii ddiiiiri' |iar \f^ iiii\ alriir^. |)iii- lraii>-- IIIInc |i;ii' une arillci' ili' (Irv-in.ilciii •-,. d aicliil rcl c^ d de ^ciiliil ciii- (|lli rriic||(''- rirciil viir |c> l'iinl.ii^ic- du dchiil. |ii'(H|iiivi| luiis -.^'^ rllrU.

I.c Mll->ci' (('illclllial de I < )rlr\ rciir , ;i 1' Ia po^i | mil dr llMIO, a ruiiiiii a rcl ('ijard les |»lu> |ir('i'i('ii^c^ cl lt"> |ilii~^ Iniiiicllcv indical imis. Les (riiM-cs de 1 (•|i(»(|iic de la Im'iiciicc iiii'oii adiiiiiail daiiN Ic^ ((dli'il i( iiis de M"' limai, de MM. I'.diii-'I alaircl cl j)(tiv|,iii, iiKHil raiciil lo |dia^cs >iicc('ssi\ es de la r(''\ dIiiI ntii i|iii s"*,|)('ra <laiis les l'oriiit'^ et le-; oniciiiciil s di'-> olijcU aii^'^ihM après la iikmI île L<iiiis \|\, cl

Tliéière Ué^c>nce. ( .1/ (( s é e c e n l e n n ;il.)

perinellaiciiL de suivre, pour ainsi dire, étape par étajie, le mouvement tout d'abord iueerlaiii et timide, puis de plus en plus aeeenlué et émancipé dans le sens du caprice à outrance.

Les trois flambeaux que nous donnons sont bien de l'époque de la Régence comme leurs poinçons nous raffirment; le premier ipa^/e 71) a gardé du siècle précédent sa construction logique, le pied rond bien assis, décoré de coquilles encadrées, le fût ferme et puissant, couronné par des niufles de lions et cannelé en spii-ale; le second p((f/^ ~'2}, appartenant à W"" Bui'at, marque bien la deuxième étape, on le croirait encore, au premier aspect, dessiné par Le Brun, tant il a gardé la construction architecturale des belles années du grand règne, la fermeté et la [nuTté des lignes, la rigueur des proportions. Déjà, il laisse apparaître, dans les détails de son décor, dans l'expression de la figure qui orne le haut du balustre, dans la disposition de la base à cim) pans, un certain

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souci de rendi-e plus niireable et avenante une forme ([ui était devenue clas- sique et presque banale. L'œuvre est absolument caractéristique et d'une rareté insigne; elle doit dater des tout premiers moments de la Régence. C'est le balbutiement h peine formub' de l'art nouveau qni va prendre son essor. Cet art, on le voit dans un li'oisième llambeau {pafjc 73), d'allure encore un peu gauche, qui s'essaye aux douceurs des courbes, aux molles délicatesses rem- plaçant les lignes viriles de l'âge précédent, aux combinaisons hybrides d'or- nements emi)runtés plus ou moins à Bérain, avec les entrelacs et les coquilles, mais sans originalité bien franche. Le mélange de deux intluences conlradictoires sendjle lui donner une apparence vieillotte, l'uis, le voici dans l"(''clat de sa gi'àce jeune et fraiche. Le papillon est sorti de sa chrysa- lide. Le style s'affirme, se précise, prend con- lépendance, et se dégage

leuses,

onsiderez

<,^

Cal'eticrL' Miiralxmt . {Musée cenleniiitl.)

is, rorf('Vi-ei"ie rejette les des; mais elle garde en- 5 audacieuses nouveautés, logi([ue, des proj)oi*tions lité toujours lisible de la liversité des ornements, le de vermeil avec son plateau prêtée par M""' Burat {pa/je 74); c'est un des plus parfaits spécimens de cet art charmant. Le galbe en est d'une sou- plesse exquise; quant à son exécution, elle révèle une habileté consommée, avec son ornementation si sobre et si élégante, posée comme une dentelle snr le marli du plateau et sur le couvercle par le procédé du tracé ciselé, qui rappelle un peu les nielles de la Renaissance et qui fut alors très en faveur.

Une théière (page 75) faisant partie de la collection de M""' Burat est une pièce très rare, dont la composition et l'exécution sont également intéressantes. De forme ventrue, au pied godronné, à la panse unie, la collerette est seule dé- corée au tracé ciselé, dans le goût de l'écuelle dont nous venons de parler, elle est bien de répo([uc de la Régence l'on n'a pas oublié encore les dessins de Bérain; le bandeau (juadrillé est égayé par quatre agrafes à cofjuille ciselées

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;i\cc iiii ^(Mil clKiniiiiiil ; li'-^ ili'ii\ idii'li'llc^ --iiiiiilriiiciil ll)llnH■(■^ M'r\;inl de liollcîS |>niir a^ral'rr l'aiisc en fliciic, ^dliili- cl lncii en main.

haiis (•(•> (lilVl•|■l■lll(•-^ |ii('ic-- i|iii' ll(lll■^ a\(iiis r('|ir(ii|iiil('x, d (juj -oiil l<'s iticccs Ic^ pin-- I \ |iii|iif-> i|iii l'iL'iiiaii'iil an Mii-m'c ri'l ni^prcl if ;i ri!\| h »^i I i( m de l'.MKI, (iii Ii-(iii\ail, l'i'iinic-^ (riiiic l'artMi ^ai>iN-~;iiilc. le-- (|iialil(-- <lr I arl i|i' la \\ry('i\<-(' ; l'c liiililac, I (t|i|Mi->il KHI N.iv.inli' ilc^ |iarli('^ un iiiliir('T^ cl des (((nloins airiuidis,

r;illli;i|ilc n(di|css,' i\t' |;i col 1 1 1 1( i - i I K H i cl la >ll|)r(Mllc i Ici ica I C- >(• de |;i |';ic I || rc.

('(• sdid Ilicii la, en sdnnnc, les Irails dislniclifs dn s|\|c de |;i lH'';jcncc, (je 171") a IT'J;!. Icis (|n"ils dianincnl dans r.illiinn i\i' liolicrl de ('.(tllc. de nicnic (|nc dans les (eit\res d ai\i:cnlerie ipii onl snr\ci-n.

Nons a\ons lr(in\e (\i:alenicnl , parmi les pièces e\pos(''es an (icnlcnnal. nue carelière à c(~iles li'ès simples cl l'ermes /i//'/r~{\^ e| doal le lice a mascaiam est liien dans le caraclere de eelle l'-poipie (|n(H(pi"elle ne nous paraisse pas de raliriralioM trancaiso; il (dail inli-ressind de la reprddiiire, loni an ni()iM> poin- inonlrer le d(\^ré d'inllnenee de noire arl naliimal snr la proilnclion <''li-an;:ère de la même éjuxiiie.

Dessin de Boiain.

mm

ORNt.Ml-.NS

Carliiml

•II, ScuJf.

CHAPirUK l'ROISIÈME

E|)anoiiiss(Mn<Mil du slylo l'oraillo. Ses oxers cl sos chcfs-d'ciMiypc, ITîîo A 1750. Les orlV'viM's Mcissonnici*, Dclaimay cl lialliii !<' nov<Mi. (ii'aiiclc iMMioinméc de Thomas (leriiiaiii. ImIIucikm' <le la C<Mii* sui* le i»<>n(.

\y N 17:23. lorsf|iio, nprès la mort du Pu'^oiit, Louis XY prit les l'eues du pouvoii', il y avait à Paris une douzaine d'or- fèvres de très grande répulation débordés par les eoni- niandes, e( ceux-là mêmes qui étaient le plus attachés aux traditions dui*ent subir l'entraînement général et accepter souvent l'intervention des arbitres étrangers à leur profession que la mode leur imposait. C'est alors que les extravagances du genre rocaille commencèrent à être la mode, et que le style « baroque » prévalut définitivement et fit fureur. Parmi les artistes qui travaillèrent le plus, dit M. Henry Havard (1;, à faire perdre à l'orfèvrerie française la solennité de ses formes et la symétrie de sa décoration, il faut citer, en première ligne, Gilles Oppenord, le favori du régent,

^l] Henry Ilavanl, llis/oire de l'Orfèrrcric. page ÎIIS.

so- le décorateur du Palais-Royal, et Justc-Aurèle Meissonnier, dessinateur ordinaire de la chambre du roi. L'un el l'autre étaient étrangers, cependant ce sont eux qui aidèrent puissamment à créer en France un des styles les plus français que nous ayons jamais eus. Architectes tous deux, ils introduisirent dans nos arts décoratifs le mépris le plus absolu de l'architecture. La conslruction logique, la sage répar- tition des masses portantes, le respect dv l'aplomb, que l'on avait jusque-là observés, furent brusquement répuiliés par eux, et ce spectacle nouveau j)arut si charmant que, bon gi"é, mal gré, les artistes sp(''ciaux (hu'cnt se confornicr

à ces troublants exemples... Mais cette dérogation aux lois de l'exigeante raison n'empêchait pas cependant les orfèvres parisiens de produire, dans ce genre qu'ils qualiliaient eux-mêmes de baroque, une quantité extraordinaire d'ceuvres charmantes, d'une forme assurément tourmentée, aux contours tarabiscotés, gondolés, cannelés et surchargés d'ornements, dont l'échelle n'était pas toujours convenablement calculée, mais si bien appropriée à leur usage, d'un galbe si souple, d'une ampleur si gracieuse, d'une si amusante saveur, que l'on partage, malgré soi, l'enthousiasme que cette curieuse production suscita, non seulement en notre pays, mais encore au delà de nos frontières (l). Il y eut d'ailleurs des degrés dans le genre rocaille. Je veux dire que tandis que certains orfèvres, pour paraître en avance sur la mode, se laissèrent aller aux pires extravagances, d'autres, au contraire, et ceux-là travaillaient en général pour la Cour, essayèrent, sinon de réagir, du moins de conserver la mesure et le goût dans les

(1) Ilcnry Il.ivai'd, Histoire de l'Orp'vrcrie, page iil.

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Portrait de J.-A. MEISSO.XXIEU

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ni|iu'[i' au\ ci'i'i'N issc? McissDiuiicr.)

Ii;inliiv-,c^ (II' liMiiv ciiiiiiHivil idiiN. \iiis|, le \icil\ Niiol.i- I >c|;iiiii;i\ , ;.'cii(|l<' i|c l'illiislii' |>;i||iii, r;iiii'i('ii oiicNic (le l.iiiii^ \l\, ;i i|iii lui rdinin.iiK |cc en \ill la

liulrllc lie rilllaillr, ^c |Tril^,i JIIS-

(|u il N.i iiioil, (Il 1727, a ^iiiMc !<■ iiiniiN filleul . Il ic-la rnlcjc aux Ira-

(liliulls (le ^ull |m';iI|-|htc, cl a l'ai'l du i^raiid <irc|r. Mci---i iiiiiicr lili- llirilic, rill\('liliiir <lil ;^i'iiri'. ne s'ol-il pas ;janl('' ilrs ('•cai'ts ridi- cules cdiiiiiiis |iai' SCS s()i-dis;iiil imi- lalciirs dans les pièces d'(»rlc\ rci-ie (pi'il a dessiii(''es j)()iii' Louis W.

OppciMii'd cl Moissoiiiiier ciii'ciil une iiilliieiice liicii dilTiTciile sur l(,'S ai"ls de leur lein|)s; (lilles-Mai'ie Oppcuoid ('lail siirloiil, arcliiLcolo el ({('corateiir. Le réjieiit l'avait clioisi l'oinmo (liroctciii' iii'iiéral do sos l)àlinu'iils et jardins. L'œuvre gravée ({u'il a laissi'e ne nous fail coiiiiallrc (nrun très petit nombre d'objets pouvant se rappoi'lei' à l'art de l'orfèvre. Ce sont surtoiil des mol ils «rarcliitecture, de (h'coration d'ai^parlcment el d'objels moljiliers. Sa produelion, |)lns sévère dans les l'ormes et les contours, earaclériso la i^remièrc jiliase du nouveau style ai)pelé Régence, et s'éloigne sensible- ment de celle de son émule Juste- Aurèle Mcissonnicr, qui inau- gura la denxième phase du slyle Louis XV, que l'on a|>|)ela le slyle Uocaille et phis tard Rococo.

Meissonnier, qui était aussi architecte mais surtout décora- teur, était en réalité un orfèvre; reçu maître en 17:2'), il signait ses œuvres de ses poinçons : J. 0. R. Il habita longtemps la rue Fro- menteau, il avait bouti([ue. Il a laissé un recueil de dessins dans lequel il avait recueilli les

modèles (|u'il avait rêvés ainsi que les dessins des pièces exécutées sous sa di- rection ou dans ses ateliers.

Nous avons choisi dans ce livre les pièces qui pouvaient le mieux nous édifier

Soupière au fribicr. (Meissonnier.)

- M

sur le caractère des œuvres de son invention. Les dessins de la soupière aux écrevisses et de celle an gibier, que nous donnons, nous dispensent de toute description. Elles sont tourmentées à l'excès; la rugosité de leurs saillies est inquiétante, et on se demande si elles n'ont pas été faites pour le dressoir plutôt que pour l'usage de la table; mais quelle merveille de délicatesse elles pouvaient devenir entre les mains d'un habile ciseleur.

Le surtout un peu encombrant qui réunissait sur son plateau les dilîérentes pièces du service de tal)le : jiot à oille au sonnnet encadré par des bras de

Ni'f tlu roi par Mcissoiiiiier.

lumière, seaux à rafraîcliir; aux extrémités, salières, huiliers et boites à épices, ne devait pas être d'un usage bien pratique, mais quelle superbe décoration pour le bulTet d'une salle à manger, dont la boiserie en chêne sculpté aurait été exécutée sur les dessins de Meissonnier.

D'une composition tourmentée et de forme singulière, ce surtout ne fut pro- bablement pas exécuté, il devait être un projet émané de sa verve facile. Mais il donne une idée très nette du style de Meissonnier, lorsqu'il se laissait aller aux caprices d'une imagination bizarre qui oubliait quelquefois la destination de l'ob- jet rêvé.

11 n'en est pas de même de la nef d'or du roi Louis XV; (pioique encore un peu tourmentée, le g'albe est si gracieux, l'ornement qui décore la nef est si

H5

SOlIpli-, cl rii\cl()|)|M' --i liii'ii la riilllic (|lMiii rniii|Hi'i|i| la rr| ,iil al Inii ■|lir (•(•«; ii'iiM'i'N a\aiiMil iiici-ili'c. \a' -eau a ra II a idii r, i|u il i'\(''ilila il rii ar;.'riil |m)I||' je (lue (le rHiiiiluiii. ildil, (■(iiiiiiH' la iii'l', a|)|iaih'iiir a une «'pdiinr assafjii', cl lncii loin ilii |cii (lc> ('carlN de la ridcaillc, i|iii <'iil lail accii-ci' Mci^voimicr par l'aiil Mail!/, (l'aNoir ('•li' le t:rainl c(ii-rii|il ciii' du -dùl de la |ii-ciiiicrc iiioilii- du di\- liuiliciuc •^ieele.

l'a nui les iiiailri's (uie\ rc> en fax eu r de 17 I "> a IT'iU e| d(Mil le> iiiseiilioii- oui (Ml ipieli|iie imporlaiiee il ii(tii< t'aiil eiler ( '.laiide Ualliii le iieseii, ipu a\ail a celle ('•poipie une •-oixaiilaiiie d aiiiiees I) cl (pii c(tiisei-\a jn'-ipi ;iii l'<iii! une \<),:jiie e\- Iraonliiiaire dans la clieiilele la plil^ arisl(»('riili([iie de la l'iaiice ^ cl de ri'ilIKtpc. Toill eu se iiioii- Iraiil moins iulraiisi^caiit (|ue sou coiilVèi'c h(daiiiia\ el en siii- vaiil assez doeilemenl les idi-es nouvelles, il ne ilépassa pas les limites raisonnables; aussi se l;nnen(ail-il dans les derniers temps (le sa vie sur <( ce (prou i;àlail les Ixdies l'ormes eu sul)- stiluanl aux sages ornements des anciens u des escrev/ccs, vt » des lapereaux , qui ne sont » pas faits pour (jarnir le dehors » de vases d'orfèvrerie ». C'est Claude Ballin ([ui avait exécuté la charmante couronne du sacre de Louis le Bien- Aimé. En 1726, il prouva qu'il n'était pas si rebelle à introduire un peu de pittoresque dans l'orfèvrerie en composant pour le maréchal Denon, gouverneur du Milanais, un surtout de table dont le sujet était la fête de Cornus. Un autre, qu'il fit, en 1742, pour le roi d'Espagne, représentait des scènes de chasse, « des chasseurs et des chas- » seuses ^), des pièces de gibier. Plus l'artiste vieillissait, plus il était contraint de suivre le public dans ses prédilections grandissantes pour les rocailles, et on put le constater quand il acheva, en 1751, le splendide service du marquis de la Ensenada, ambassadeur d'Espagne, que tout Paris alla voir et qui fit sensation.

Barbier, dans son journal, en consigna l'apparition comme un fait notable, et

Seau à rafraîcliic. (Meissonnier.)

,1 Claude Ballin mourut le 17 mars 1754, à l'âge de quatce-vinfrt-treize ans. Il était en 1661, on le désiiTuait habituellement sous le nom de Claude II pour le distinguer de sou oncle, l'illustre Claude I*'"' Ballin. l'orlevre de Louis XIV. mort en 167S.

86

le Mercure [[) eu piiljlia la description. La base du surtout « contournée en une

baroque a<iréable « siuiulait une nier agitée par les Ilots ([ue doniinail Neptune, assis dans une conque marine traînée j^ar des chevaux, le trident en mains, Tair cour- roucé, tandis qu'autour de lui, nageaient des Naïades joyeuses qui se jouaieni au milieu des roseaux brisés par le vent, et des en- fants occupés à prendre des poissons. On sait si, depuis, ce sujet l'ut exploité!

ï/orfèvre dont rinlUience à cette époque s'exerça le |)lus heiu-eusemenl et avec le |)lus d^'cjal, lui, à coup *^ùr, Thomas Ger- main. Initié à la [pratique de sa profession dans l'atelier de son glorieux père l^ierre (icrmaiii (^) qu'il avait |)erdu de ti'ès bonne heure, ayant étudie'' la peinture avec l>on- Boulogne, la sculptui'e avec Legros, et l'architecture (pi'il connaissait à fond, il avait lermini' son ('ducalion |)ar un long S(''joui' en Italie. Il s"('tait trouve'' tout

]$(iiiill(il 11' cil iir MU- Sdii r<''i'li;iU(l lie Mniif Lec/iiiska, \y,\v 'riKniia (icriiiaiii.

Jatte de Marie Lec/.inska, jiar Thomas Germain.

préparé lors de son retour à Paris en ITOG, grâce à ses Ijrillanles relations, à ses bonnes manières et à son talent, au rôle qu'il allait jouer. On l'a vu, le Régent

(1) Le Mcrriire, n" de juin 17."il.

(2) Il ne faut pas confondre ce Pierre Germain, orfèvre du roi Louis XIV. père de Thomas (lermain et grand-père de Fianeois-Tliomas Oermaiu, avec un autre orfèvre du dix-huitième siècle (fui porte égale- ment lu nom de Pierre (îermain. lequel est l'auteur du volume : les Eléments d'orfèrrevie. publié en 17'hS. 11 en sera question plus loin. Cette confusion qui a été commise par des écrivains énunents, tels (|ue Paul Mantz et L. Courajod, a donné lieu à de fréquentes eri-eurs.

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,-ll lil •-(111 (irlV'\ rc ,ill ill-c. Il lui \ili' rii r;i\rii|- ;i |;i Cdiir cl |c~. | m |--( .|| ii;i- jcs plus en \(ii' m- I ;in Inciil |i,i> ;i en t;iiii' leur l'i iiinii^^ciir «je |n-i''<lili'c| ion .

S('>^ |M'ciiii('r<'s (•(iiiiiii.iiMlrs (iHi(iclli'-- riiiriil (|('v (i'ii\rcs icli;.'i<'ii-c^. Il cm'' (•iil;i iinhiiiiiiKMil |Miiir 1,1 ili,i|ir||c de Ti m I ,i iiii'l ilci II un (•nccii-iiir (|iii lui \.iliil lc>^ (•iif(iiir;iLi'iii('uK de l.diii^ \\, |iui^ c'c-l ;i lui (|iir lui roiilii'i'. en \ilU. rcxccill idil (II' 1,1 Idllfllr (II' l;i reine M;ine Leiviii-k,i . |,;i iMilIllInlIe en or ;i\ee son recli.iUil i|lli ;i|i|i;ili ieill ;i M. ( '.li.ll Miere-^ \rle--, el i|lli l'hiil e\|io>«ee ;ii| iN'lil l'ahlis, e-^l un ili'S rai'Cs -^iK-cimen-- de celle |ir(''ciellse orre\reric: il reii--il

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Alcliei' (le Tli. ( icM-inain. [Hcconsliliilioii !ii/;inl liijun' ii VE.riiosilion de If^SO.

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si l)i('n dans cette entreprise, il sut mettre tant d'ingéniosité et de nouveauté dans la di'coralion (h"^ trente-eiiiq pièces doni elle se composait: cuvette, pot à eau, miroir, gobelet, llacons, boîtes à poudre, à pâtes et à mouches, ilambcaux, jattes, gantières, coiîre à bijoux, etc., que toutes les grandes dames voulurent en posséder de sa main. Il sembla un moment avoir la spécialité des ces riches orfèvreries.

Le Mercure de France de septembre 1T:2(), décrivant ce service à toilette, signale notamment les jattes qui en faisaient partie; chaque jatte était faite en forme de nacelle dont la poupe et la proue étaient ornées « d'enfants occupés à » liei' un dauphin avec des festons, lesquels régnaient sur tout le fond ».

Il en ht pour la reine d'Espagne, pour une princesse du Brésil, pour la Dau- phine, et une quantité d'autres femmes de qualité. Sa production s'étendit aux

- 88

objets les plus variés, et sa verve féconde Ht rcspleiulir sur les tables de tout ce qu'il y avait d'illustre dans la société de ce temps, les Ix'autés d'une orfèvrerie infiniment gracieuse, mouvementée et chatoyante. Le duc de Luynes qualifie Thomas Germain de « fameux orfèvre en grande réputation dans toute l'Eu- ^•ope » (l). Mariette déclare que « c'est le plus excellent orfèvre que la France ait eu depuis le célèbre Ballin » (2).

Ses compositions sont restées un modèle parfait de grâce et d'élégance, le type le plus achevé de ce style si français, et surtout le plus naturel. Delà cette renommée si méritée qui lui valut d'être chanté par Vollaire, (pii dans l'épitre adressée à Phyllis vantait sa main divine (3).

Il n'est point de louanges qui ne lui soient décernées et partout on s'arrache ses oeuvres qui passent, même de son vivant, |)(>nr des merveilles (pi'on ne se j)ermet pas de discuter, pour des modèles d'un goût impeccable.

Son portrait peint par Largillière, (|ni fail aujourd'hui partie de la collection de M. Odiot, nous le montre dans son aleliei' avec sa femnu^ Denise, lille de Gau- chelet, orfèvre.

Thomas Germain fut essentiellement l'orfèvre à la mode : mieux rpie cela, il fut l'orfèvre de savoir et de raison, le plus insiruil jx'ul-ètre (pii ait jamais existé, l'incarnation pour ainsi dire de rorfèvrerie française. Son notn respecté continua longtemps après sa mort à être invotpié dans sa corporation, comme celui d'un maître sans égal. 11 domine le dix-huitième siècle tout entier, et défie toute com- paraison. Si, lui aussi, ne put faire autrement (pie de sacritier au genre rocaille et à la « Ghinoiserie », il ne versa en aucune circonstance dans les cocasseries invraisemblables de beaucoup de ses confrères. G'est ce que se plait à faire ressortir Mariette quand il écrit : « Si M. Germain ne copie pas tout juste l'antique, et si, pour se prêter au goût régnant, il se livre à des formes irrégulières, il ne donne jamais dans des écarts blâmables « (4).

Il est vrai d'ajouter qu'il s'éloignait passablement de ranti([ue, plus que ne semble le reconnaître Mariette, (pumd il imaginait ses pots l\ oille (.":)], ces légu-

ai) Duc de Luynes, Mémoires, t. IX, page 83.

(2) P.-J. Mariette, Abécédnrio, t. H, page 298.

(3) Voltaire, XXIll^ Epîtrp. connue sous le litre les Vous et les Tu.

Phyllis n'était autre (jue M"e île Livri, jeune et jolie personne qui se destinait au théâtre, reçut des leçons de Voltaire et devint sa maîtresse. Après avoir renoncé au théâtre, elle épousa un riche gentilhomme, M. de Gouvernet, et mena un grand train de maison.

Non, .Madame, tous ces tapis Vos vases japonais et blancs.

Qu'a tissés la Savonnerie, Toutes ces fragiles merveilles,

Ceux que les Persans oui ourdis. Ces deux lustres de diamant

Et toute votre orfèvrerie, Qui pendent à vos deux oreilles,

Et ces plats si chers que Oermain Ces riches carcans, ces colliers,

A gravés de sa main divine, Et cette pompe enchanteresse,

Et ces cabinets Martin Ne valent pas nu des baisers

A surpassé l'art de la Chine, Que tu donnais dans ta jeunesse.

(4) P.-J. Mariette, Aôécédario, t. Il, page 298.

(5) L'usage du pot à oille ou pot a ouille (du mot espagnol olla qui signifie marmite) se développa grandement au dix-huitième siècle. C'était ce que nous appellerions aujourd'hui une terrine; on y faisait

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\i. Germain ne copie pas tout juste l'antique,

au t;oui rejouant, il se livre à des formes irrëgulières, il ne

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' Mariette, (juand ii lit ses pots c'> oille (o), ces légu-

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Porlrail iK" Tiiumas GERMAIN et de sa l'emnie Dkmsi: [Collcclion Otliol.)

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iiiicrs, (•(••> >,(»ii|>i('r('N dmil le curp^ cliiil ml niiiiiciil Imiiiic (hiii'lc» niriiillciiscs, (le voliilcs cl lie ;jimI|(ii|v cm I i iHil h I h uI'- , ri doiil le ci iii\ c|-c|c cl.iil -lll'i'|i.ii-;-'('' (r;iiiiiii;iii\ ili\civ. I.'nrlivjc, iiiiiIl'Ii' hml , -;i\;iil cn il cr Ic^ i ni i'iii|M'r;iii (■(■•- de- Mcis-

Caiulclalji'c en (H- clo Louis XV, dessin de Tli. (iciniaiii. I]()llecliun de M. le I)aron l'iclwn.)

sonnierou des autres fervents de la rocaille, en conservant à ses ustensiles un

des fs])ècos de pâtés dans lesquels il entrait toutes sortes de viandes, et surtout du gibier: les pots à cille, qui avaient nrdinairi'inent d'assez irrandes dimensions, comprenaient des accessoires variés, un bassin rond, une i,a-ande cuillère, le tout pesait de 30 à 60 marcs. Ils furent remplacés au siècle suivant, sous la Restau- ration, par les soupières.

92

aspect solide et ferme, une lii;iie (loiniiiaute, une apparence eu rapport avec leur destination. Son éducation classique se reconnaissait à ce respect des |>rincipes et à cette science de composition, ce fut le grand mérite de Thomas Germain, d'autant plus remarquable qu'il avait k résister à des entraînements qui auraient pu facilement le faire dévier.

Une autre qualité qui lui fait homieur, c'est la conscience qu'il mil à traduire les ornements empruntés à la nature, à donner l'aspect de la jiKis jiarfaite vérité aux perdrix, poissons, légumes, sans commettre une faute de goût dans l'asso- ciation toujours difficile du décor de réalité au décor de convention. Un de ses contemporains, Lempereur, dans son Dictionnaire des artistes, l'apprécie en ces termes : « Germain inventait facilement et sans se répéter, il traitait les figures en » habile sculpteur; son goût d'ornement esl })ur, sage, ses formes sont agréables, » riches et élégantes sans être tourmentées, et son exécution est telle que le tra- » vail du ciselé disparait et ne laisse apercevoir cpie la nalui'e et le vrai caraclère » de l'objet représenté. »

L'architecte Blondel, dans son ouvrage sur rar(dii(eclm*e fi-ancaise, déclare (pi'il portait si loin la perfection de son ai-l, « (piil lui ('-tait ari'ivé ])lus d'une fois » de recommencer son ouvrage, parce ([ue les ouvriers (pi'il employait, (pioiqu'il » choisit ce qu'il y avait de plus habile, en avaient négligé une partie. Aux talents » qu'il avait reçus de la nature pour sa profession, Germain joignait une profonde » connaissance du dessin, de la sculpture et de l'architecture »

Sculpteur, il l'était, les nombreuses figures d'Amours (pu décorent les services du roi de Poi'tugal en témoignent. Elles sont si bien modelées (junn Inographe érudit des Germam, M. G. Bapst (i), bien au cour;int lui-même, et par expérience professionnelle, de l'aide que le statuaire de nos jours a])porte aux œuvres d'or- fèvrerie, déclare avoir été tenté de les attribuer à un illustre sculpteur de son temps. Il a fallu la lumière brutale de documents d'archives irréfutables pour l'arracdier à ce doute. La collection de modèles qu'il laissa à son fils François- Thomas Germain, lei[uel à sa mort en 1748 prit la succession de sa maison (quoi- qu'il n'eût alors que 22 ans), constitua pour celui-ci un véritable trésor. Nous verrons dans un chapitre suivant que ce dernier ne se fit pas faute d'y puiser, et que ce fut en grande partie avec les chefs-d'œuvre accumulés parle père, ({ue le fils se tailla u!ie bonne part de sa réputation.

Architecte, il l'était aussi, ses œuvres d'orfèvrerie le prouvent; il avait reçu cette éducation (pii porte l'artiste à respecter toujours la logirpie et le principe de la construction. Son goût personnel s'était épuré et formé par l'étude des monuments anti([ues. Il avait môme fait œ>uvre d'architecte en construisant à la demande des chanoines de Saint-Thomas, sur l'emplacement de Saint-Thomas

(1) G. Dapst, les Oennain, page 94 ut suivaules.

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,1,1 |.,,ii\ir, une l'-li^i' :i l;i | ihicf <!•' ci'llc i|lll \rii,iil de v'ccim iillrr. l'.lniiilrl iindS iiiili,. ;| I;, r(iii->lnhl KMi (le l'c-li^c cl ;i rnii-cr\c lc-> di's^iii-, du rhd ii|-, du pdiliiil ,.| ,|,. |;| II, r ,|uiil il doliiir l;i dc~-ill|ilM»ii. ■• l,;i (•(.iil|)(c>ili()ll <'ll t'A lurl lll-iMlirll-c, o dll il, d'illl.' iKildr -^iliilili

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» cilc cl -^ii cttii-~l nul mii d une » lonuc idc:^;iulc l.;i couunii- » niiulc, |ti'iiclrcc de Idiil ce » (|nc (icruiain ;i\;ul Iwil [Hiiir » l;i iKUiNcllc c,i:li>c, i|tril a l'ail » cou-^l ruu'c . par sc^ soins, » SCS lia\au\ pcr^diiucls. sur » SCS dc>->iii> cl ^c> ludijcics, n daii^ un clal ^\c |icn'ccl uni » c\ i\c hcaulc i|ui l'cnd ccl » ('■(lilicc nu des plus |ieau\ » i'[ des plus parfaits (juil y » ail dans ce izciire à Paris, cl » ue saclianl (H)niine elle |i(iu- » vail Uii léiuoiizner sa rceou- » naissance, décida de con- » cc(.lcr à lui et à ses dcsceii- » dants à pcrpctuili' la jouis- » sancc d'niic Irihnnc |)onr » suivre les oITices, ainsi (pie » le cavot le plus prochain du » sanctuaire pour servir de » sépulture au sieur Germain » et ù sa famille. »

Lorsqu'il uKnu'ul. Thomas G.M'inain était à l'apogée de sa gloire, les commandes af- iluaient et de la cour et des églises. La girandole d'or, qu'il fit pour le roi Louis XV et dont nous donnons le des- sin, fut son dernier ouvrage. f-e ilessin page 91), qui fait partie de la collection du baron Piclion, est de la main même de Germain. Il est tellement précis, qu'on pourrait s'en servir pour reconstituer un candélabre i(lenti([ue. 11 laissait inachevé un lanqtadaire destiné à être olTert à Sainte-Geneviève par le prévôt et les échevins de la Ville de Paris

^^

*■ 'r ^* r^^^^}^.--^ ■jjif'j^ié^ '^^v-^^/y

I.auipadairo de Saintc-Geiicx ic\ r. di-ssin de Th. Germain. Collection de M. le baron l'ichun.

9i

en accomplissement d'un vœu adressé à sainte Geneviève, patronne de Paris, pour obtenir la cessation d'un fléau qui décimait alors la population. La déli- bération du 30 mai portait que cet ouvrage d'orfèvrerie serait « travaillé avec » tout l'art dont notre siècle est capable, pour estre placé à perpétuité dans » le chœur de la dite église devant l'autel » (I). Ce fut son tils, François- Thomas Germain, qui l'acheva.

La réputation que lui avaient faite en France ses talents et sa personnalité avait dépassé les frontières, et, à sa mort, le roi de Portugal, pour lequel il avait produit tant de chefs-d'œuvre, fil célébrer à ses frais dans la cathédrale de Lisbonne un service solennel auquel assistèrent tous les artistes de la ville.

Un ancien garde de l'orfèvrerie du nom de Lecain, contenqjorain de Ger- main, disait de lui qu'il était l'homme le plus remarquable dans cette partie, et que ses ouvrages serviront éternellement de modèles à tous ses successeurs. Il ne savait pas si bien dire.

Ce grand artiste a dû, en elïét, |)roduire un noml)re considérable d'ceuvres reuiarquables, et les rares pièces (|u"il nous a été donné de voir portent l'ein- preinte de son goût et de sa puissante originalité. D'une exécution irréprochable, sobre dans les détails, élégante dans la composition, toujours raisonnée, elles nous font déplorer une fois de plus la destruction impie des œuvres de ce grand artiste.

M. G. Bapst, ([u'il faut toujours citer quand on parle des Germain, ne connaît de cet orfèvre que trois pièces authentiques existant encore : Une écuelle en vermeil exécutée en 1733, sous Hubert Louvet; M. Paul Eudel l'a publiée dans son recueil « Soixante Planches d'orfèvrerie », et en attribuîiit la paternité à François-Thomas Germain et la propriété au cardinal Farnèse. C'est une double erreur; en 1736, François-Thomas Germain n'avait que sept ans, il était donc impossible qu'il en fût l'auteur. D'ailleurs, les poinçons relevés par M. Eudel sur la pièce qu'il a eue entre les mains, et que nous avons reproduits et commentés plus loin au chapitre IV, ne peuvent laisser de doute à cet égard, et le dernier des Farnèse était mort en 1731 (:2).

Le corps de Fécuelle est simple et de la forme coutumière; mais la bordure à filets enrubannés, accostée de deux oreilles plates très finement ciselées, lui donne un suprême aspect de richesse et d'élégance. Les oreilles portent en relief les armes du cardinal encadrées de rinceaux Louis XV. Le couvercle.

(1) G. Bnpst, les GeDnuin, page 80 ul saiviiulés.

(2) Uaiis une coimnuiiicuUon faite récemment à la Société de l'iiistoire île l'art français, M. J.-J. Mai"- qiicl (le Vasselol, attaché an .Musée du Louvre, constate que si l'écuelle de (ii'rniain porte les armoiries d'un cardinal, ce ne sont point celles des Farnèse, qui sont « d'or a six ileurs de lis d'azur », mais bien celles du cardinal portugais .loào da Motta e Silva, qui sont " de sinople à cinq (leurs de lis d'or ».

La similitude des cmlilénirs a pu ti'omper .M. Paul Eudel. Mais l'attrihutiiui «le .M. .Marqnel de Vasselot est ccriaiur. car Ir rardinai da .Motia e Silva était ministre du l'iii de Porliigal, .lean V, à l'époque Thomas (icrmain tiavaillait pour la Cour; il n'est pas surprenant qu'un minisln; de ce prince se soit adressé à lui.

1).".

(Iccorc (I (iilii'iiiciil > ;^l';i\t'-> cl r;iiii()|i\ l'N cl ^ur le (loiiic ilc ciiiiiiix cfciix r|| s|iir;il('-^, (">l siiniiuiilc il un ;ii'l irli.iiil IihkIii cl civchi ditiil I cm'ciiI ion c-.| |);iili- ciilici'ciiiciil |)ri'cicii^c. halls I iiilcriciir, on iclron\c le ;-'oùl rccliriclH' i\r I (»r- l'cM-c i\[\\ en a iclcNc la nionolonir par uni- ;^ia\uii' ildiralc. I.r jplalcan. ijr l'ornic ojiloni^nr fl a iiniliinr^, |M-i'srnlr lui iliTor analo,:.'iii' a rrlni ilr I (''riirllr il jxirlc. i:iM\('('s an rcnlir, Ir^ ainir^ ijn raidinal. Lr ronlonr r^l roinn poiM' Cliraill'iT li'-^ iilTilli'^ (le I iTilrlIc, cl. lo|v(|nr rrl|c-ri r>-l liosi'c -~[w von Jilalcan. IClVrl (I rii--i'nililc r--l ali^olnnirn! r\i|ins. Crllr l'rnrllr, |inrr nH'r\('illr ilc ;j(»ril et (rcvccni ion, snlUiail a innnoriali-^rr lr nom t\r Th. (iciinain.

Kcucllo en \ci'nieil, exi'c-uU'e par Thimias Germain i). ((jolleclion l'nul lùidel.)

Un flambeau à tèle de bélier, d'une construction si bien raisonnée et d'une ornementation sobre et élégante; il lit partie de la collection du baron Piclion: et enliii un llainbeau d'étude à deux lumières, sur un socle à cannelures, deux branches s'enlacent pour maintein'r une douille destinée à recevoir ini abat-

1' Après avoir fait l'ornement île collection? d'amatenrs célèbres : Léopold Double, Paul Eudel, prince DemidotV, tlle vient irètre aciietée pai' irs Amis du Louvre, et fera désormais partie de nos col- lections nationales.

90

jour, les JDobèches sont des vases à godrons portés dans des coquilles qui

servent de bassins. Les poinçons donnent la date de 1747. II fit é^'^alement parlie de la collection du baron Pichon.

De tels exemples suffisent pour donner à penser que ce ne furent pas les orfèvres de la Cour qui se livrèrent aux excès du genre baroque qu'on a à regretter dans cer- taines œuvres de cette époque. La Cour, en définitive, restait ce qu'elle avait toujours été depuis l'origine de la monarchie fran- çaise, le centre permanent de rélégance et du goût, dont l'influence, bienfaisante et féconde, s'exerçait sur l'industrie.

Mais il se produisit alors, ce qui était déjà arrivé au milieu du seizième siècle, au commencement et vers la fin du dix- septième : l'envahissement par les hommes d'argent de la haute société, le luxe désor- donné de ceux-ci, l'étalage frénétique de leurs richesses, sans mesure et sans goût, eurent sur les arts la répercussion la plus fcàcheuse. Dans ce moment critique, la Cour

fut certainement le refuge, la planche de salut des artistes, la gardienne des

traditions, ou plutôt le guide, l'élé-

ment pondérateur qui empêcha les décorateurs de tomber dans les pires excentricités. C'est pour cette classe des gens de finances, c'est pour la tourbe des vaniteux et des parvenus qui foisonnaient alors, et se poussaient par tous les moyens, que l'orfèvrerie se laissa aller à des fantaisies inacceptables, à ces gros- sières erreurs de proportions, à ce déchiquetage des formes, à ces com- positions échevelées, ridiculement confuses et prétentieuses, dont les contemporains, dans les Mémoires et les journaux du temps, se moquaient si justement. En 1754, le dessinateur

Klaniheau à lèlcs de l)cliL'i-. {Dessin de Th. Germnin.)

Fliiml)t'iui de Ijiii't'iui. (Dessin de Th. (ierntuin.

!)7

Cocliiii cumin;!!! iiii Mr/(i//r •~;\ >| mil iicllc si/j)/i//t ////n/t iiii i iiilmis , oii !l l'.iilLiil

s! \ci'lc!!!C!ll (•l;!\cr l.'!!ll (|r )!ls|i'Nsc les t'\;i;j(''r;!li()ll^ coillllli^^t's. ■' \i)!l- Idii- ■-<'-

» cidii-^ ii!rnii!iic!il uM!l;('S, dirait il, >"ils \ ()!ilaiciil |i!c!i i!c yw- di;!!!;.'!'!- la i|c-t!!ia-

•■ liiiii l|l■■^ (•|l(l-^(•■^, cl ->c ■>()ll\ ciiii', |iar c\c!ii|ilc, i|ii iiii cliai!(lclici- iloil clic di'oil cl

" |ic!"|M'ii(lit!ilaii"c |i(tiii' |i()clci' la hiiiiicic, (|ii iii!c liolicclic iloil clic c(t!ica\c |n)ii!-

» rt'cc\(iii- la lire (|iii coule, cl imi! pas cciixcxc, |i(i!ii' la l'aiic loiiiltcr en iia|i|)c

» siii' le chaiuli'lier, cl (|iiaiitile d'aiilrcs a^ri'iiiciiK, non moins di raisonnahjcs,

l'"laiul)i.'au Lnuis X\'. (Collecliiin de M""liiir;il. .l/i/sfc cciitcnnnl.

l'Iiiiiihean [^oiiis X\'. {Les tierimiiit. pai- lîapst.

» qu'il serait trop long de citer. » Oiieiques mois après paraissaient dans le même journal, sous le titre de Conseils à un nrtisle uouv faite oliserver ccrlaines régies sur l'art de la décoration^ les réflexions suivantes fjui ne sont pas moins judicieuses : « Sont priés les orfèvres, lorsf|ue sur le couvercle d'un pot à » ouille, ou sur quelque autre pièce d'orfèvrerie, ils exécutent un artichaut ou » un pied de céleri de j^randeur naturelle, de vouloir bien ne pas mettre à côté » un lièvre jirand comme le doigt, une alloueKe grande comme le naturel et » un faisan du quart, ou du cinquième de sa grandeur, des enfants de la même » taille qu'une feuille de vigne : des figures supposées de grandeur naturelle, » sur une feuille d'ornement qui pourrait à peine soutenir sans plier un petit

98

» oiseau; des arbres dont le tronc n'est pas si gros qu'une de leurs feuilles, » et quantité d'autres choses aussi bien raisonnées. » Ces critiques pleines de bon seus étaient sans doute très justifiées. Mais encore une lois elles visaient les orfèvres d'un talent inférieur bien plus que les maîtres de la profession. Dans les collections du Musée centennal, à l'Exposition de 1900, il n'y avait qu'un très petit nombre de pièces d'orfèvrerie appartenant à la première période du règne de Louis XV. On n'en trouvait pas ayant le caractère du style baroque, avec les exagérations ou les erreurs de proportion rpie signalait Cochin. La seule qui rai)pela un peu le genre de Meissonnier était un flambeau appartenant à M""'Bural {/)a(/rS)l). Encore témoigne-t-il d'une inspiration singulièrement assagie:

Légumier el son plat. [CoUeclion ih> .1/""' liiiral. Miisre centennnl.

ses ornements rocailleux n'otl'rent point d'aspérités dangereuses pour les doigts, et la forme, qui n'a rien de compliqué, est très raisonnablement affirmée. On en peut dire autant de la cafetière si remaripiable, évasée par le bas, et ressemblant à ces espèces de coquemar ou de bouillotte qui firent leur apparition à cette époque, et qu'on désigna sous le nom de marahout [page 99) : la forme en était empruntée aux vases orientaux qu'on importait alors en France en grandes quan- tités, et dont ralTolaient les gens de la haute société. Que ce soit une cafetière ou un marabout, l'objet n'en était pas moins extrêmement int(''ressant en ce qu'il réunit au style rocaille très accusé un caractère de vigoureuse et mâle simpli- cité' qui constitue son originalité. On remarquera avec quelle belle fermeté sont tracés sur le corps de cette pièce les godrons en creux, qui en sont pour ainsi dire le seul décor, et avec quelle franchise sont accusés et le bec et le bouton qui doit servir à soulever le couvercle. Peut-être faut-il également attribuer à cette période, aux environs de 1745, le légumier (jui figurait dans le Musée

î)«)

(•,.|l|,.|lli;i| [n//(/r\)S. Cclli- |MC(C |)i)llli;iil rire ■^i;JlM'■(• île Tliniii.i-- ( iriiii;iiii , hiiil

la (•(mi|H)sitinii a ilr m il iIcsnc, lanl Ic^ oi iiciiiriil », iloiil la <'i^r|iiic c-l iparlailc,

sont f^lM^st'iiii'iil cl iiilclliL'i'iiiiiii'iil iikmIi'Ii'v. lin hnil (;!•-, crllc (i'ii\rc iipli(|iii' je

(•(tiiiiiiciicfiiifiil (le la^^iliiilc ijiii' mollira le jniiilh' |m)Im- I < niicun'iil al khi rdfaillc

;i [lartii- tir I aiiiici' IT.'iO: (>ii on a\ai! (liTiilaiiciil a'--c/ di-^ cxl ra\ a;jaiirc-^ du

laralii-^i'olai^c, (Ic-^ iIi'coI'n (|i'cliii|ii('l(''<, des saillira rxiilicraidc^. dc^ iiiol,ir.> jch'-s

|)("'l(' iiiidc ('(Hinm' un dcii au x'u-^ couiiuini, d(•^ ligues r(ui^launucul ItriscM'S \>i\v

lioiiciu' de la sNuiclrir, des fciMllaiiO (|in ne rrv^ciuMcn 1 \<:[^ a d<'«^ rcuiila;j<'S,

de-- Hols (|tn ne >onl \>i['< d("^ llols cl de

loidcs CCS i^ciil illt's caco|di(UMcs de l'oianes

papillolaiiles cl d(''concerlaiiles. (|u (tu ne

|teul pas ({('ci'ii'e. |uuu' les(|uelles il u"v a pas

de U(MUs dans les dict iouuaires, el doul le

eliaolii|iie assiMnltlaiic l'ut la parure du nio-

Itilier français dans la première moil.i('' du

l'èi^ue de Louis W. La vo^ue do cet art

avail dm-t' vinjit-('iii<[ ans à peu près. C'était

jieaueoup. Le f^énie de notre race comporte

trop de clai-h', a trop le sens de réquilibre.

pour (pi'on ne s'explifine jias facilement (pi'il

se soit arrêté juste à tenijts dans la voie oii

il s'était aventuré.

(iOmment s'opéra cette modillcation? 11 est diflicile de le dire avec exactitude; mais il est curieux de remarquer que, dès le pre- mier tiei's du dix-huitième siècle, les violences décoratives de Meissonnier, et l'exagération

des faiseurs de racailles^ avaient donné lieu à de timides protestations. Les connaisseurs délicats s'étonnaient tout bas de ce style ex(;essif et llamboyant. Le président de Brosses écrivait vers 1740 : « Les Italiens nous reprochent )) qu'en France, nos pièces de vaisselle d'argent sont contournées et recon- » tournées, comme si nous avions perdu l'usage du rond et du carré (l); que » nos ornements sont du dernier baroque : cela est vrai. » Mais la plainte du président de Brosses ne fut pas écoutée, et il fallut attendre que Gocliin prit la parole et rappelât les orfèvres à la saine raison dans sa supplication aux or- fèvres, de 1734, dont nous parlons plus haut.

A partir de I7o0, insensiblement, et sans qu'on s'en rendit compte, le goût du barocpie s'apaisa, l'elTervescence du premier moment se calma; les imagina-

CatVticre ^•odruiiiiée Le mis W. [Miiaèe cenlenn.il.)

[i Paul .Maiitz : Hechi^rches ?iir l'orfrvrerie IVaii(;ai?e. Gazette dfs Beaii.r-A) (s

10)

lions en délire se replièrent. Il semble que les artistes, etïrayés eux-mêmes par la profondeur du gouffre oii ils couraient, aient senti le besoin de se ressaisir, de mettre un frein à leurs fantaisies par trop déraisonnées, en un mot de se régler. On resta encore fidèle au genre rocaille, mais avec plus de ménagements, une sorte de discipline, de réflexion et de jugement. C'est alors que ce genre prit véritablement les allures d'un style, avec ce que le mot comporte de fixité dans les principes, de choix raffiné et d'épuration des éléments dont il est l'essence.

Thomas Germain n'y fut certes pas étranger, et les orfèvreries authentiques, dont nous avons reproduit l'image fidèle, contrastaient avec celles exécutées sous l'influence de Meissonnier et de ses élèves.

Son goût et son expérience étaieiil si bien appréciés de ses contemporains, (jue dans la description des fêtes données par la Ville de Paris à l'occasion du mariage de Madame Louise-Elisabeth de France avec don Philippe, infant et grand amiral d'Espagne, les 29 et 31) août 1739, nous trouvons le nom de Thomas Gei^main, éciiyer, orfèvre ordinaire dn roi, associé à celui des échevins qui procédèrent à leur organisation, et vraisemblablement aussi à l'exécution de l'admirable recueil qui nous a conservé le souvenir de ces fastueuses réjouissances.

■u/^ /L^ Jel

I^cusson (le la \'ille iJc Paris.

lîj;ui-ant tlans le Recueil descriplif des fêles du iih-irinç/e

Miuhiine Loiiise-EUs;i])elli de Frnnce, en l7.i!J.

l'"raj;iiu'iit (l\'iu-iHli('iiii'iit par I.c Lurrain, cxt'cnd'' poiii- If iiiiii'iayc du l)aii|)liiri a\i'i' la |)fiiici'>si' Mai'ic-.Idsrplic de Save, )~'\~-

CHAPITRE QUATRIÈME

La corporation (l<»s oi'fovros ol sos ivglonionts.

3Iaîlr('s ('( apprentis. Conditions dn travail. Poinçons de garantie.

Oi*(evi*(\s eonnns de 1720 à 1750. Les « Eléments d'orfèvrerie »

composés j)ar Pierre Germain (dit le Romain).

Spécialité des boites et tahaliéres à portraits.

VANT de pousser plus loin notre étude, il convient de nous arrêter un moment sur une question qui a son intérêt. Quelle était, au milieu du dix-huitième siècle, la si- tuation des orfèvres en France? Comment se trouvait organisée leur corporation, et à quels règlements ad- ministratifs devaient-ils obéir? Quelles étaient les condi- tions du travail, les relations de maître à compagnons et apprentis, les garanties imposées pour l'authenticité de la valeur des ou- vrages fabriqués? En un mot de quelle manière, au double point de vue éco- nomique et social, vivaient les orfèvres sous les règnes de Louis \V et de Louis XVI?

Il faut remarquer que. parmi les corps de métiers, les orfèvres avaient de tout

10:2

temps joui d'un sort privilégié. Dans les cérémonies publiques, les jours de grands cortèges officiels, ils marchaient immédia- tement après les échevins, et bien souvent ils avaient été ad- mis à riionneur de porter le dais royal.

Les miniatures du quinzième et du seizième siècle, dont nous donnons les reproductions, nous ont conservé le souvenir de ces cortèges. A l'entrée du roi Louis XII à Paris, les orfèvres, vêtus de longues robes de ve- lours cramoisi, portaient les hampes d'un « ciel de drap d'or broché, semé de fleurs de lys et de roses vermeilles ». A Houen, à l'enti'éc^ de llcm-i II, les or- fèvres portaient sur leurs épaules les plus beaux produits de leur art. Nulle corporation ne fut plus en faveur auprès des souverains, et la pré- sence d'un orfèvre dans la rési- dence du prince était envisagée ^ comme le signe caractéristique de son pouvoir souverain. La considération toute spéciale, qui naissait de cette familiarité, re- jaillissait sur la corporation tout entière.

Non seulement, h Paris, les orfèvres eurent l'insigne hon- neur de figurer officiellement dans nos cérémonies publiques, mais, comme l'a fait observer Diderot, le corps de l'orfèvrerie a fré- quemment fourni des sujets pour les places municipales et la ju-

, Pièces d'orrèvrerie portées dans le corlèf^e, lors de lentrée

ridiction consulaire, et c est le de Henri ii à Uouen (i5.^i).

Les orlexi-es parisiens portant le dais à l'entrée du roi Louis XII à Paris (iV,)*^;-

KKI

seul dit'/ I('(|iicl, (li'|Mii^ mii iiki'iiI'^ li-oi^ ci-iiN ;iii^. on ;iil |iriv un |in''\()l des lli;ircli;iiiiU. |',| iniiic MmiccI, le (clcliic |in'\ù|, ir;i|)| i.i il rii.iil il |i;i-^ ,i une raiiiillc (ItirrcN !•(•-<, cl Tlidiiias (l('nii;iiii, le ^imihI oi ic\ rc du (|i\-huil icnir ^icclc, u'i'hii! il |i;is ('clics iii (le l;i \ illc df l'iiii^ ?

I>c|iui-^ If Mtp\cii \l:i'. une ciiii viiIimmI ion ('\ii'|il idiiiicllc s'i''l;iit ;iM;ic|m'(' ;i leur |)i-(»rt's-,ii)ii, aii'^'^i lut'ii (Ml l'Vaiii-c ([u'a It-I ranger, l'iii Ms|ia;:iir, l"«'iii|)('r('Ui- ( liiailr-^- Qiliiil leur a\ail arciu-di' le ijioil de s'IialMlIcr a\rc des Nrlciiinils de soi*', |)oiir l>i(Mi niariiut-r ipiil les coiisidi'i-ail coiiiiih' cNcrcaiil non nii niidicr, mais un ail «1 iioldt' cl ilclical " , cl Icnis sla- I iils i|iii, en ciVcl , les d(''>ii:ncnl coniinc des arlisics cl non des ai'tisnns [artifices ij no oficidlcs), oontoiiaieiil celle (dause explica- tive : w Si (udui (|ui exerce celte profession, n'enlend Tari de la géoiiu'lrie j)our la pi'oporlion de la longLieur et de la larticnr (les objets qu'il crée, s'il ne sait Tai't et la science de la perspec- tive j)oni' dessiner et tracei" ce

qu'il veut exécuter il ne peut

être artiste ni orfèvre » (1). Kn Italie, oîi les plus illustres scul- pteurs de répo([ue de la Renais- sance avaient fait leur éducation dans la boutique des orfèvres, ces derniers étaient traités avec les plus grandes distinctions et voyaient s'ouvrir devant eux toutes les portes.

Les orfèvres, comme pres(|ue tous les corps de métiers, avaient des ar- moiries et des jetons.

Les armoiries reuiontent à une époque très ancienne. Suivant la tradition, elles avaient été concédées à la corporation, en 1336, par Philippe de Valois. Elles étaient de gueules à une croix d'or, cantonnée, aux premier et quatrième quartiers d'un ciboire d'or, et aux deuxième et troisième quartiers, d'une cou- ronne aussi d'or; le chef d'azur semé de fleurs de lis d'or. La devise in sacra inquc coronas^ qui accompagne l'écusson, s'explique par les attributs du blason.

Armoiries des orfèvres parisiens. [Mn sc'e Ca. ma va lel.'

l Baron Cli. Davillior, Recherches sur l'orfèvrerie en Espaf}ne. pages 112 et 113.

lOi

le ciboire pour l'orfèvrerie religieuse, la couronne pour l'orfèvrerie civile. Le développement considérable que prit, dès le règne de Louis XiV, la fa- brication des jetons, fit que les orfèvres, voulant avoir comme les autres corpo- rations des jetons à distribuer à leurs confrères, firent graver un seul coin pour le revers avec les armoiries et la devise de la corporation, se contentant pour la face de l'effigie royale de l'année. Les jetons de 1698 et de 1700 furent gravés par Joseph Jioëttiers et Thomas Bernard. Kn ITOrJ on remarque une exception à cette règle, et le revers portait un type ([ui ii'oUVait aucun rap|)()rt avec le métier d'or- fèvre: saint Jacques portant la gourde du pèlerin avec la devise, itqiœ docetque viûm, ne saurait s'appli(iuer aux orfèvres qui avaient toujours connu le chemin de la probité.

0^î^

c.\

v-fe.'

Jetons ik' la t'()r|)oratioii clos orfcM'i's aii.\ div-seplionic et di.\-liuilic'iiie siècles.

Sous Louis XV, nous retrouvons l'effigie royale, mais l'écusson a changé de forme. L'ancien type employé sous Louis XIV a été modifié, il est à la mode de l'époque, car on l'a entouré de guirlandes et de cornes d'abondance. Les effigies royales changeaient avec la date. Le musée de l'Hôtel des monnaies en possède un portant à la face un Louis XV enfant couronné de lauriers. LUD. XV. D. G. FR. et NAV. REN.. Plus tard, l'effigie du roi en 1730, avec l'exergue LUD. XV. REX. GIIRISTL\N1SS. Elles étaient l'œuvre du célèbre Joseph-Charles Roëttiers, qui fui graveur général des monnaies de 1727 à 1753 (1).

En France, ils n'étaient pas moins favorisés, et la tradition, qui, de longue date, en avait fait une classe à part d'artistes à la fois et de marchands, se fortifia de tout le lustre dont le roi Louis XIV se plut à les entourer, soit au Louvre, soit aux Gobelins il les logeait, comme on sait, et leur prodiguait ses bonnes

(1) Rerue de la hijuuteric Les jetons de la eor])o['ation des oi'fèvres, par F. .Mazreolle, areliivisle de la Muiiiiaifi.

~ 10.^

;;rnc('s. INmi ;i |h'ii, Ic^^ (irlcN rc^, ;i l*;iri-^ smldiil, ;i\;iiriil turiiii' non -nilniiciil liiic (•()i'|ii)i;it mil liihi' cl luii'^siiiili', lic^ |;iI(iiinc de ses |)iTr();j;il i \ es cl licrc ;i Ikmi ilioil (le ~,;i \icillc rc|iiil ;il h m i\f |ii(iliilc. iii;iis c(iiii!iic iiiic ^l'iccl m m cl une (''lilc |i;irl icii- licrcinciil lioïKii ce (laii-- l;i li(Mii\:^('(iisic. IMii>iciir-> d'ciilrc cii\ |ios>^(''(|;iiciil i|c ^i-jinds biens. Ici hcl,iiiii;i\ , i|ni iikuiiiiI en IT'iT riclie ;i millions. Cens iini. \r.w |etn'< rcl;i- lioiis ;i\cc l;i ('our. [Mire ni ol il ciiir i|iicl<|iic inlliicncc, ne j.irderciil p.-i-^ ;i en prolilei-. A inclure (|n(iii ;i\;iiicc d.nis le dix liiiilieinc siècle, on les V(til se pousser ;i\;iiil;i- _:;(Mi>cniciil d;iiis le monde, conlracU'C de licllcs alliances, l'aire |iai'\enii' Iciii's lijs a de lianis em|tlois, cl même oMcnir, comme Uoelliers. des lellres de nolilesse. An snr|»liis, n'ciili'ail pas (pii \oiilail dans le corps des or/ôrrcs jodilUrrs (\). l/acecs n'en elail pas des pliis faciles. A Paris, on n'en comjjtîiit pas j)liis de trois cent> : c'etail le lunnlirc li\e ipii ne devail pas èlre dépassé, (d, anqiicl on s'était arrèU' pom- (''\ iler ren('ond)remenl . An commencenienl du dix-septiètne siècle, il était de »:î."') il Paris ; mais la refonte dos slatnts de la corpoi'atioii, en 1079, ramena cette limite rigoureuse ((ue François 1", en loW, avait déjà fixée, et qui subsista jnsipi'à la Kévolution. En réalité le métiei' d'orfèvi'O était une charge ressemblant (iuel([iie |)eu à celle des notaires ou autres of'liciers ministériels, et à laquelle on n'était nommé que sur la proposition de la Corporation, par un arrêt de la Cour des iMonnaies, qui correspondait à peu |)rès à la Cour des Comptes actuelle. « Ceux ((ui postulaient une de ces charges, dit M. Cermain Bapst (2), devaient avoir l'ait huit ans d'apprentissage chez un maître déjà exerçant. Après ces huit années, ils devaient présenter aux gardes de la Communauté, qui en constituaient la chambre de discipline, un chef-d'œuvre, c'est-à-dire un objet exclusivement travailh' par eux, et qui t;'Mnoignait de leurs connaissances dans toutes les branches de l'art ({u'ils demandaient à exercer publiquement. Si les syndics de la commu- nauté trouvaient l'ouvrage suffisant, et si la moralité de l'apprenti était reconnue, il ('tait déclaré apte à devenir orfèvre. Alors, comme font de nos jours les princi- paux clercs pour acquérir une étude, l'apprenti s'abouchait avec un orfèvre qui désirait se retirer ou avec les héritiers d'un maître qui venait de mourir. Quand il était d'accord avec les intéressés sur l'achat du fonds de commerce, il adressait une requête à la Cour des Monnaies qui confirmait ou repoussait le marché, et qui, en cas d'acceptation, rendait, au nom du roi, un arrêt nommant le postulant maître-orfèvre à Paris. Souvent des familles se transmettaient pendant plusieurs siècles la même charge. Les familles des llaultement, des Marcelle, des Leron- delle, desToutain, des Dujardin, des Ballin, des Boutroux-Desmarets, des Bocker,

:1 Les statiils et rèirl»iiients de la corporatiou antérieur? au ilix-sepUéiue siècle ne contiennent pas ce ternie de joailliers, qui n'apparaît dune façon constante qu'à partir de 1619. Ce n'est d'ailleurs qu'une i|nestion de mot et d'usage, car la profession d'orfèvre comprenait la joaillerie et la bijouterie. Il est assez curieux toutefois de noter (|ue ce n'est qu'au dix-septième siècle qu'on ait senti le besoin de préciser eu ajoutant parfois le (|ualificatif de joaillier dans les statuts.

;2 Gerinain Bapst, i'Orfècrerie /'rançaisf> à la Cour du l'ortuyal au dir-huilièine siècle (lf<92. grand in-Soj, page 31.

106

des Roëttiers, conservèrent ainsi depuis le quinzième siècle jusqu'en 1789 des charges que, dans chaque famille, on se passait pieusement de père en fils. »

Bien que, depuis l'origine des corporations et l'établissement du Livre dos métiers d'Etienne Boileau qui date du treizième siècle, les statuts des orfèvres aient donné lieu à une multitude inluiie d'ordonnances et à des remaniements fré([Uonts, on doit reconnaître qu'au fond ils subirent très peu de changements. Les côtés techniques de la profession, r[ui y sont décrits parfois avec assez de détails, restent sous le règne de Louis XV à peu de chose près les mômes qu'ils avaient été sous Philippe-Auguste. C'est que le travail des orfèvres avait atteint son perfectionnement dès l'origine et ne comportait pas plusieurs manières de procéder. D'autre part ce sont toujours, dans ces statuts, les mômes prescriptions relatives ù la durée de l'apprentissage cpii était de huit années, à celle du com- pagnonnage, qui était de deux années, et aux brevets de maîtrise. Aux dix- septième et dix-huitième siècles, la réception d'un maître orfèvre donnait lieu à des réunions le brevet signé du fermier et des gardes en exercice était remis aux ayants droit, avec un cérémonial déterminé. Nous donnons ici le brevet de Simon Desormeaux, reçu maître en 17^25. Néanmoins, au dix-huitième siècle, les enfants de maîtres furent parfois dispensés de l'apprenlissage et du compa- gnonnage, voire môme du chef-d'œuvre quand ils avaient été formés par les orfèvres du roi logés au Louvi-e, ou lors(|u'ils avaient travaillé |)endant six ans dans la manufacture des (lobelins. En définitive, la cause déterminante qui amena tant de modifications successives aux statuts fut la préoccupation constamment plus grande de forcer les orfèvres à u'employer que des matières d'or et d'ar- gent au titre le plus élevé, à donner sur ce point les garanties les plus complètes et à empocher les fraudes qui pouvaient être commises. Il suffit de comparer les textes des statuts édictés aux différentes époques pour apprécier la gradation des mesures prises à cet égard. On en jugera parle résumé suivant.

Au treizième siècle, dans le Livre des métiers d'Etienne Boileau, il n'est imposé aux orfèvres de la Ville de Paris d'autres conditions que d'employer l'or à latouclie de Paris, laquelle touche passe touz les ors de quoi en oerre en nide terre et de n'ouvrer d'arcjent quil ne soit aussi bon come eslelins.

Les estelins ou eslerlings, comme on disait communément, étaient le sterling, monnaie d'argent d'Angleterre ayant cours en France, depuis le règne de Louis le Gros; elle était considérée, à l'époque de ces règlements, comme l'étalon d'ar- gent le plus pur. « L'Angleterre qui conserve tout, a dit M. de Laborde, a conservé ses livres sterling. » Les orfèvres exigeaient qu'on n'employât l'argent qu'au titre du sterling, ou des esterlins, principalement pour les bijoux.

En 135d, statuts du roi Jean, et en 1379, statuts de Charles V, qui sont un seul et même texte. On y retrouve les formules d'Etienne Boileau avec des règlements nouveaux plus précis. Le type de l'argent admis est appelé « Argent le Boy » à

101

ARMOIRIES DU CORPS DES ORFÈVRES.

Noms des six gardes en charge en 172G.

(Gravure exUitile de h Cullectiou Dulamare. Uibl. iial., nis, fr. 21797, fol. 22i.

Kl!»

oii/c (Iciiicr^, il(Mi/c ^r;iiii'^ If iiuirf. Lf^ nilii^, -rcii;iK, (•iiicrainlr^, .iiih'I li \ --les, (l(ti\ciil ("'Iri' ^crli-- sans l'ciiillc ilaiis le I'uikI, les |)crlr>^ d'Oriciil ne |icii\i'iil (■•(rc lliclailizccs a\cr Ic^ pcrlrs d' Mci )ssc. |iIi|n ruiii iikiiic^. l'tMII' 1rs |t('rlrv. coiiiiric |ti)iir I,' hlic (le l'iir, on ailiiirl une I nlcraiicr, (iii, i'(iinin(' «m ili^ail alors, « ini rciiinlc .. an Mijcl tIcN |o\an\ d'cLili^c (|ni all('i;^ncnl •>nii\ cnl de ^' ramlrs dinicn^ion^. L ohli- i;alii»n de scini; (Ui [loincon d("> orlcx rcs, i^i'cscril |ioiir la in-cniicrc j'ois en liT.i, l'sl ('(nilirnu'c. Ilnlin radniiiiistralion de la (',oniniiinatd(' passe de Irois a six jiin''S, IK )ndn'(' (|ni ne scia pins d(''|>ass('' (T.

l'ai \'t2\ cl \'rl\), slatids cl arrcl sonnicllaid les oiTc\i-csa l'irispcdion des inaiircs j^i'-niM-anx des nionnaics, cl les oldif^canl a ajonlcr leur jioineon pari icnlicr à c(dni (\c la Coniiunnaidi'. C/csl riiilcr\cnrK»ii dii'ccjc de l'Klal, ([iii c()iiiniciicc ; (K'sorniais les orl'cN res soni placi's sons raidorilc cl Icconlrôlc de la juridiclioji i\o la Cour des Monnaies, (|ni ne cessera plus do s'cxcrcci' sur eux. Les pn-cautions se ninlliplicul a leur l'-ard pour roliservalioii des lois conceruani Tcniploi des nialièi'os prt'cieuses.

lai IoOk Louis Xli.poui' faciliter la sui-veillance, va jusqu'à forcer les orfèvres à inscrire sni- nu rej^istre lous les objets qu'ils vendent, avec mention à part du prix du inc-tal et du j)rix de la façon.

lai I'")Mk François \" coidirina les statuts de LSoo.

En l'i'i."), le même roi, sur les remonlranees faites aux maîtres généraux des momiaies, promulgue un nouveau texte de règlement pour rorfèvrcrie dans tout le royaume. Fait li'ès particulier et ({u'il faut noter, c'est que ce règlement a la foi'me impérative des édits. Chaque article se termine par les termes consa- crés : « Statuons et ordonnons ». C'est le signe encore plus marqué de l'ingé- rence directe de l'administration dans les affaires de la communauté de Saint- Eloi. L'or, à :22 carats, sera vendu de 140 à 163 livres le marc, en comptaid la façon en sus. Tout or inféi'ieur à ^1 carats sera cassé. L'argent sera à 1 1 deniers 1:2 grains le marc, titre de Paris. Les maîtres orfèvres continueront à émailler leurs ouvrages comme ils l'entendront, et à tailler tous les genres de pierres pré- cieuses. Entin, pour la délicate question des visites, la concession est accordée aux orfèvres qu'elles pourront être faites par les gardes naturels de la communauté, mais à la condition d'être contrôlées par les maîtres généraux des monnaies.

En 1555, paraît une ordonnance de Henri 11 qui, suivie d'arrêts et de règle- ments divers, destinés à procurer des ressources au Trésor sous forme de prix de maîtrise, bouleverse l'ordre établi pour les réceptions et constitue une véri- table refonte des statuts anciens. Les orfèvres dans leurs luttes contre certaines corporations rivales, telles ([ue celles des merciers, des horlogers, perdent sen- siblement du terrain.

1 li. lie Lespinas<e t't F. IJoiiiianldl, /^ Licre des mctiera d'Elieuiie Boileau. daus la collectiou île Vllis- loire fjcni'rale de Paris ISI'J. iii-4" . page 32.

110

En 1679, Louis XIV donne de nouveaux statuts se rapprochant de ceux de 15^5, et corrigeant ceux-ci en tenant compte de toutes les décisions survenues dans l'intervalle. Ils furent discutés par les maîtres orfèvres, par la Cour des Monnaies, par le Conseil privé. Ils ne touchent pas à tous les points des règle- ments, mais seulement à ceux qu'on voulait perfectionner; la marque de l'or, question capitale, est encore une fois fixée et précisée. Le contrôle est de plus en plus obligatoire. Les iiistructions pour les marques, poinçons, contre- marques, etc,... sont minutieusement stipulées, ainsi que l'endroit de chaque pièce devant porter le dit poinçon. La liste exacte des maîtres orfèvres avec leur demeure sera dressée chaque année. Leur caution est élevée de 20 marcs d'argent à 1000 livres. Tous doivent avoir l)outi(pie ouverte, sinon rendre leur poinçon. Dans cette boutique, le travail doit pouvoir être vu facilement du public; les forges et fourneaux scellés en [)làtrc à six pieds de la rue sans (ju'il soit permis d'en mettre ailleurs, dans l'arrière-boutique ou la salle basse, à moins de permission spéciale. Les merciers reçoivent l'autorisation de vendre des pièces d'orfèvi-erie fabriquées à l'étranger, mais à condition d'en faire la décla- ration au bureau des orfèvres celles-ci seront marquées d'un poinçon spécial. Les veuves des maîtres orfèvres pourront continuer le commerce des marchandises d'orfèvrerie et joaillerie en boutiques « ouvertes », mais seront obligées de les faire poinçonner par un maître exerçant (|ui sera responsable de l'aloi des ma- tières. Les statuts de 1079 restèrent en vigueur, presque sans moditication, jusqu'à la Révolution.

Tels sont, succinctement analysés, les règlements qui pendant des siècles ont régi la corporation des orfèvres, et qui ont contribué assurément, à travers les révolutions, à maintenir les nobles traditions de leur métier. Aujourd'hui encore, la probité de l'orfèvre parisien, conservée intacte au milieu de l'avilissement de toutes les marchandises, lui permet de dire, comme au treizième siècle, selon une juste remarque, avec vérité et sans forfanterie, que son ov passe tous les ors de la terre (1).

Durant le dix-huitième siècle, la corporation des orfèvres, qui avait eu à sou- tenir maintes fois dans les âges précédents des luttes souvent difficiles, tantôt contre le pouvoir pour défendre son indépendance, et tantôt contre des commu- nautés rivales qui prétendaient empiéter sur ses privilèges, semble avoir vécu d'une existence assez paisible. Les édits, ordonnances, lettres patentes ou arrêts qui la con<'erncnt, ne présentent pour cette époque qu'un intérêt relatif. Il faut noter toutefois les dernières phases de ses antiques démêlés avec des métiers tels que

(1) René de Lespiiiassc : U-x Méliers et (.'orporulloiis du la Ville de Paris ilS'J2, iu-i»), pages 1-CO. C'est d'après les docinieiils publiés dans ce savant ouvrage que nous avons résumé les anciens règlements delà corporation des orl'èvi'es. Nous les avons d'ailleuis contrôlés avec le recueil entrepris par la communauté des Orfi'vi'i's et imprimé en n.j'J sous la dirfctiuu di' Pierre Leroy: c'est un véritable code rédigé en 14tltres et It.j articles, avec textes à l'appui de chaque question.

J

III

ci'tlX (les t/rtircii/s, des hipiihitrc-^. ilfs l,,illriii\ <l'i>i\ ilc~> i mililn is , i\i-^ hiihiiK ifis, (les riiHlillrnrs, des linrhu/ris , clc,.., <|iii, Iniil en ;i\;iiil <lrs |i(.iiil- Ar (•(.iit.icl ;i\rc celui (Ic^^ (ii'IcM'c-^, >^'(■•l;lit•lll l()ii|(Mir> cllnrci-s de >'rii divi in-ncr d de ^;iidri' Iciir^ v|;ilid^ pniprc-, en iclii-;!!!! de se l.ii^-^cr .d.NorlMT. .\iii--i, l;i coriioral ion <lcs tp'iirru/s (di|cii;iil ciicdi'c. en JT.'l", If rciiinn cllriiirnl diiiic .imirniir (.rdoniuirirc ,|iii ,Mii|tr(li,ul Ifs (U-fcNivs de ,::r;i\cr i\<-^ •>(c;m\. M.iis (|m'h|ii«'- ;iiiih''c- |'Iii^ l:ird, en 17.')!, Ic-^ orlV-vrc-- n'en |i;ir\ i-iiiiiciil |»;i-- iiutiiis à ;in'aclicr une n'jHd il k.ii d un ai'irl de KHi-J 'pii Ir^ laissail alisoliiiiiciit lilircs de -ravci" loiil n- i\[\"\\> xoiidraifiil.

Atelier trûrte\res, avec fenêtres sur la rue, au div-huitièine siècle.

sur leurs œuvres d'or et d'argent. De nièiiie que les lapidaires ((|ui pourtant ne devaient guère porter ombrage à qui que ce fût, eux dont la profession était si limitée et si ingrate), ayant émis, en 1740, la prétention de faire prendre à leurs jurés le même titre de gardes ([u'avaient les jurés de l'orfèvrerie, se virent rude- ment refuser cette autorisation. Ils tinirent, de guerre lasse, par se laisser incor- porer aux orfèvres en 1781. Quant aux émailleurs ou patenôfricrs {{), ils avaient depuis longtemps renoncé à toute lutte avec les fiers disciples de saint Eloi, et dès 1718 leur fusion fut prononcée avec les fabricants d'orfèvrerie d'imitation ou orfèvres-faussetiers; les batteurs d'or, dont le métier consiste k convertir en

(1 Cl- m-acie'ix nom de paleiiôfrifTS clait emprunté ilepuis le moyeu âge au graiu du chapelet ou pater iiosl'-r. Les pateuôtriers. à rori;iine. émaillaieiit toutes sortes d'objets, comme liudiquent leurs statuts de 1309. .Mai^. peu à peu. ils avaient restreint leur travail aux substances communes, et aux objets bon marché, boucles, boutons, chapelets, etc.. laissant le champ libre aux orfèvres pour lémaillerie de for et de larireut.

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feuilles plus ou moins minces l'or, l'argent ou le cuivre pour les difl'érentes applications de dorure, se considéraient aussi comme « membres des orfèvres » tout en soutenant la spécialité de leur travail (l) et leur droit à une maîtrise distincte. Leur communauté comprenait vingt-huit maîtres au milieu du dix-huitième siècle. Elle maintint soi] autonomie jusqu'en 1776, date à la((uelle la nouvelle organisation par Turgot la lit défmitivement confondre avec les orfèvres. Ces derniers éprouvèi-cnl j)lus de résistance de la part des couteliers, avec qui, depuis le seizième siècle, ils n'avaient guère cessé d'être en contestation. Ce métier, d'ailleurs, prenait de plus en plus d'extension. Durant la Renaissance, le luxe des armes dorées et damasquinées avait fait naître les « doreurs sur métaux » qui formèrent une corporation spéciale, reconnue en 150.'). Au dix-huitième siècle, les couteliers, entraînés par le goût croissant des élégances qui amenait leur industrie à employer continuellement les métaux précieux, furent plus d'une fois en butte aux protestations des orfèvres qui voulurent les empêcher de fabriquer des ustensiles d'argent et d'or. Finalement, en 1756, les couteliers, dont la corpora- tion ne comprenait pas alors moins de cent vingt maîtres, réussirent à faire rendre à la Cour des Monnaies un arrêt leur permettant de fondre et employer pour la confectioïi des instruments de chirurgie, manches et lames de couteaux, branches de ciseaux, et généralement de tous les ouvrages de leur art, les matières d'or et d'argent (2). C'était pour eux, après tant d'années d'entraves, une brillante victoire et la liberté de l'essor !

11 est curieux de constater (ju'à diverses reprises, au dix-huitième siècle, les orfèvres durent eux-mêmes provoquer des mesures répressives contre certains de leurs confrères qui, cédant à la tendance de l'époque, pour les matières en simili, usaient parfois de procédés suspects. Un arrêt du Conseil d'Etat défendit notamment « d'employer aucun parfum ou fumage pour donner à l'argent la teinture ou couleur d'or ». Par contre, ils furent autorisés à exécuter certains « menus objets, comme étuis, boutons, boëtes, etc., au titre seulement de 20 karats 1/4 au remède d'un (|uart de karat » (3). Les contraventions de n'im- porte quel genre étaient, il faut insister encore sur ce point, extrêmement rares. Respectueux de la loi et de leurs règlements, connaissant bien leurs devoirs envers l'administration et les respectant, foncièrement dévoués aux intérêts cor- poratifs, les maîtres orfèvres s'entendaient admirablementà conduire leurs affaires. En 1745, la communauté, qui était charitable et entretenait une quarantaine de confrères tombés dans la misère, se trouva endettée par les nombreuses répa-

(1) Les l)attcurs d'or élaiciit, de même que les fileurs d'or, soumis à la corporation des orfèvres, tout en ayant leur corporation distincte, placés également sous la juridiction de la Cour des .Monnaies. « Les i)at- têurs d'or, dit le Guide des marrhands de IIOG (page 1(')3 , réduisent l'or et l'argent en livrets; le livret est de 2."i t'cinlifs, et l'once d'(ir battu donne 1 (ino feuilles de 37 lignes carrées chac-uiie. >- Un lingot d'or de la valeur de 40 francs permet d'obtenir une feuille couvrant une surface de 40 mètres cari'és.

(2j R. de Lespinasse, ouvrage cité, page liO.

(3j Déclaration du roi du 23 novembre 1721.

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r.iliiill^ ilf ^i'-> ImI iiihiiK : loL'ciliriil s des iii;ii I ics ji;iii\rcs ri des \rii\c>, du cli.i- I 11' 1,1 III, du cIclT cl du Cl 1 mi cru' I' ; l;d u )i;d nin | m iiir cssjiis dc^ ou \ r.i ;.'(•- (l'oi', liUl'i-.iu pour If ItTiuifr lie l;i iii.in|iii' d or, s.dic dc^ iis^riiiMi'c--, t\(\ \.;\ ^oiiiuic (lue -c uioiihiil .1 hilHIlHI li\!i'-., [iliiN nii riii|ini!il ciirc^ji^l n'' de lOdOIII) li\ir-~. l'oiir liouidcr l.i ^iluiilioii. ou cul I idée di' lan'c |i;i\i'i' ;i loiil (U'Icntc, au iiioiiiciil <l(' la prcvculal Kui de Icui'^ ou\i'aL;('> a la !iiari|iu' du |ioiii(oii de di'c|iar;.'('. l'iiK] -ol< |iar Miai'c d ai'i^cid iiii'> en o'iix l'i' cl di\ miU pai' oiiic il oc, non iiii|iiili'-. •-ii r la mal icrc, iiiai^ iiuii|iiciiiciil ^ur la t'acoii. cl sans ('\i;^(T ilii |iuldic aucune aii,:j iiicnlal i(Mi -iir le |)ri\ dc■^ oii\ ra;^t's » I). (Iràrc à celle redevance \oloulairc, la dctic lui \ilc ('Ici nie.

Lc-^ inaili'cs ne (oitTaicnl pas |c> inampienicnis an\ slalnis de la pari de leurs appi'tMilis on de leni's conipa^noiis. (',en\-ci navaienl ]tas le droil de lra\ailler aillenr> (pie dans la liontiipic à laipielle ils appai-lenaicnl . cl d'fMi'c pa\(''s anlro niiMil (pian mois on à la semaine, l ne oiNJonnancc de police de I7.'):2 l'ail iNdense expresse de recevoir salaire à la pièce on ;i la lâche, « de s'alli'onper ni porter (les éjHH's ». De leur C(M(''. les maiires ne pouvaient recevoir eliez en.\ anciiii coin- paiiiion (pie celni-ci ne montrai le eoii^é de son précédent maitre, et ne roiirnil \c molit' ponr liMpiel il l'avait (piillé. I^es rapports des apprentis et des patrons étaient liahilnellement ail'eclnenx. On verra pins loin comliien Inreiit rr(''(pient>. an (lix-linitième siècle, les mariages entre les lilles de maîtres et lenrs ai)|)renlis. M. Germain Hapst a cité à lappiii de cette assertion le contrat d'apprentissage de Pierre Germain avec Nicolas Ëesiiier, orfèvre ordinaire du roi aux galeries du Louvre <îl]. Besnier s'engageait vis-à-vis de son apprenti à « lui montrer et ensei- gner l'art et le m''tier d'orfèvre sans Iny en rien celler ni cacher, et à le traiter doucement comme il convient ». L'apjtrenti, de son côté, doit « s'entretenir de vestements honnestes suivant son état, se blanchir, se nourrir, se loger à ses dépens ». Il promet de servir son maître « fidèlement et lui obéir en tout ce qu'il luy commandera de licite ». Il favorisera ses intérêts et lui évitera tout dom- mage et « l'en avertira s'il en vient à sa connaissance », l'apprenti promet de ne pas s'absenter pendant les huit années que dure son apprentissage, ni « aller travailler ailleurs pendant le dit temps ». Enfin, l'appi'enti ne recevait aucune rémunération, mais il n'avait rien non plus à payer pour son instruction (3).

Il nous faut dire maintenant quelques mots de la question des poinçons qui étaient apposés sur les pièces d'orfèvrerie. Elle a une grande importance pour l'histoire de cet art, et offre un vif intérêt pour les collectionneurs. En effet,

(1 Voir Lespiiiasst^, ouvrage cili-, page 'Jlj.

(2j II s'agit ici non pas du fameux Pierre Germain, rori'é\rc de Louis XIV, père de Tlinmas (icrmaiii. dont il a été question, mais d"un homonyme avec lequel il est parfois confondu et qui est l'auteur des £/(>- incnfs d'orfèvrerie. 11 a été plus communément désigné sous le nom de Piern; Germain H dit Le lîomain. Le contrat d'apprentissage de celui-ci est un document encore inédit. 11 se trouve aux Archives nationales, Z 1 B li:i. f" 274.

3 (iermain Bapst, l'Orfèvrerie française à la Cour de Portugal au dix-huili^me siècle, page 39.

8

116

comme les pièces (rargeiitcrie ancienne sont devenues d'une insigne rareté et qu'il est extrêmement difficile d'en rencontrer d'une authenticilé indiscutable, tout à fait exempte des retouches ou des maquillages que leur font trop souvent subir les contrefacteurs qui ont acquis dans ce genre une liabileté extraordinaire, on conçoit l'utilité qu'il y a de pouvoir reconnaître à des signes certains les œuvres vraies des fausses, bien ou mal imitées. Or, les poinçons peuvent fournir cette certitude, et indiquer en même temps le nom de l'orfèvre et la date d'exécution de la pièce.

On a vu plus haut que, sous l'ancien régime, et principalement au dix-huitième siècle, toute pièce d'orfèvrerie devrait obligatoirement être marquée des (juatre poinçons suivants :

Lepoinro)t de maître. Il ("lait composé d'abord des initiales <lu maili'C orfèvre, ensuite d'une devise à son choix, ou différent., puis d'une lleur de lis couronnée, QwÇni de deux petits ronds ou points ressemblant à deux grains posés parallèle- ment, afin de rappeler continuellement au fabricant ([u'il n'avait que deux grains de « remède » dans l'emploi des matières d'argent. Le tout ne pouvait dépasser, y conqiris le champ, hi dimension de deux ligues de hauteur sur une ligne un (piart de largeur. (ïhaipu' maître orfèvre était tenu de faire insculper sou j)oinçon sur une planche de cuivre déposée au greffe de la Cour des Monnaies et sur une autre déposée au bureau des orfèvres, pour servir en cas de contravention. La de- vise ou différent était spéciale à chaque maître. Par exemple, Thomas Germain avait une toison; Etienne Jannetz, un marc; François Joubert, un cœur; Robert Ma- gnart, une étoile; Louis Regnard, un renard; Lehendrick, une colonne; R.-J. Au- guste, une palme, etc..

Le poinçon de charge. C'était celui qu'apposait le fermier des droits du roi, et (jui attestait que chaque pièce avait bien été déclarée en son premier état d'ébauche, quand l'orfèvre venait acquitter l'impôt prélevé sur les matières d'or et d'argent. L'usage de ce poinçon datait de l'établissement de l'impôt sur l'argen- terie par Louis XIV en 1672. Chaque ville avait son poinçon spécial, représentant toujours uuL' lettre de l'alphabet. Pour Paris, c'est la lettre A couronnée qui fut adoptée; le dessin en fut modifié à chaque mutation du fermier. Tantôt l'A traverse la couronne, tantôt cette dernière se trouve au-dessus ou au-dessous, à droite ou à gauche de la lettre. Jus({u'en 173:2, la couronne est tantôt fleurdelisée, tantôt ouverte ou fermée, quelquefois simplement surmontée de quelques lleurons ou accompagnée d'oriieinents divers. Mais, à partir de 1752. c'est toujours une couronne royale fermée qui surplomble l'A du fermier.

Poinçon de la maison commune. Immédiatement après avoir été marquée du poinçon de charge, la pièce passait au bureau des orfèvres les gardes de l'or- fèvrerie avaient à vérifier si elle était aux titres voulus et exigés par la loi, c'esl-à- dire au titre de 11 deniers 12 grains pour l'ai-gent, et de 20 karats un (|uart pour

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l'iiiin;iin> ili' 'l'Ii. (îi'i'iiiaiii, iViiiipi's sur r(-('iifllc appai'l ciniiil :iu caivlinal pnil iiuais .luào (la Mdlla c Silva.

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l'oiiu.dii cK' c lia rue.

Poim^'dii (U- la iiiaisiin l'iinimuiu

liiu'uu (le iiiaili'( (iii (lincr(_'iit .

l'uiiici m (U''cliar::L'.

Poi/iroit (le (Jéclidrtjt'. La pièce cHaiit délinilivenieiit achevée, roi'l'èvi'e la raj)- porlail an bnreau tin fermier des droits du roi, payait les droits, acquitlait la sou- luissioii (pi'on lui rendait aecjuittée, et. eomme certificat de payement des dits droits, on apposait un (juatrième et dernier poinçon nommé, à cause de cela, poinçon de décharge. L'ouvrage, en cet état, pouvait être exposé en vente libre- ment et sans crainte. En résumé, le poinçon de charge mettait l'objet sous le coup de l'impôt, et le poinçon de décharge déclarait l'impôt payé. Le modèle de poinçon de décharge, particulier à chaque fermier en place, changeait (diaque fois f[u'il en arrivait un nouveau. Dans le cours (hi dix-huitième siècle, il y eut (de 1703 à 1789) dix-neuf fermiers, d'où dix-neuf poinçons différents. Tantôt ce fut une couronne, ou un trèfle, un soleil, une tète d'oiseau; tantôt une tète de griffon, un caducée, une feuille de néflier, etc.

Ces indications sur les poinçons des orfèvres ont été très clairement données par M. Paul Eudel, le savant coUeclionneur, dans le recueil dont nous avons déjà parlé et qu'il a publié (|uel(|ne temps avant sa vente. Nous les lui avons empruntées (2).

(1) Baron Pichoii : Catalogue C^c vente île ju coUectuin (l'urtovrerie. juin liS'S.

(2) Soi.rante plan:hcs d'oi/nvrerin de la collection diî l'aiil Eudcl. ponr faire suite aux Eléments d'orfè- vrerie composés par Pierre Geriuaiu, se vendant à Paris chez Quautiu, 7, rue Saint-Bernard, mdccclxxxiv.

\2^2

Au-dessous de presque toutes les pièces, il avait pris soin de faire graver à une échelle sufiisante les difTéreuts poinçons apposés sur chacune d'elles. Nous avons donné à la page précédenle les quatre poinçons frappés sous l'écuelle d'un car- dinal Portugais, exécutée par Thomas (lerniain en 173^.

Le 1 est le poinçon de charge : la lettre A surmontée d'une couronne fermée. Le n" 2 est le poinçon de la commune, qui était en 1733 un R, et avait été apposé par Hubert Louvet. (pii fut fermier de 173:2 à 1738.

Le n" 3 était le poinçon de maître ou didérent. Les deux lettres T et G indiquent bien que Thomas (lermain en est l'aufeur et non son fils Fi-ançois-Thomas, comme on l'a dit par erreur.

Le n" 4 est le poinçon de décharge; il était variable et arbitrairement choisi par le fermier.

Il serait à souhailer ((u'im érudil cnlreprît de dresser une sorte de diction- naire des orfèvres français, (oui au moins pour les dix-septième et dix-huitième siècles. Un tel travail, malgré les lacunes inévitables qui ne pourraient point être comblées, rendrait assurément les plus grands services. Le savant baron Pichon l'avait commenc(', mais la làidie lui |>arut héi-issée de telles dirficulb's qu'il y re- n()n(;a. En tout cas, il esl mort sans l'avitii- aclie\(''. Peut-èti-e rèvait-il de troj) bien faire. N'aurail-on (prune liste chronologique des principaux orfèvres de Paris reçus à la maîtrise par la (lour des Monnaies, qu'un document de ce genre serait extrèmenuMit utile. Ui'<>' 'P* '' *^'^ ^f*'^' j*^' ^^^^ bornerai ici à ajouter aux noms de (ilaudc Halliii, J.-A. Meissonnier et Thomas Germain indif[ués ci-dessus comme les plus célèbres orfèvres de la pi'cmièi'e moitié du dix-huitième siècle, (|uelques maîti'es qui fui'ent leurs contemporains et jouirent durant cette même p(''riode d'une certaine réputation.

Tout d'abord, il faut mentionner Nicolas Besniei', un des trois orfèvres du roi logés au Louvre et qui partagea cet honneur avec Claude Ballin et Thomas Ger- main. Cest à lui que Louis XV fit exécuter son anneau nuptial et commanda la jiUis grande partie de sa vaisselle de table; en 1737, il lui en fit exécuter une de vermeil du poids de 1 100 marcs. Ce fut son dernier travail important, car, cette année môme, il se retira des atîaires, cédant la survivance de sa charge à son gendre Jacques Roëttiers. A côté de Nicolas Besnier, qui fut l'un des orfèvres les plus en vue de son époque après ceux que j'ai déjà mentionnés, il en existait l)eaucoup d'autres assurément qui, dès les premières années de la Régence jusqu'au milieu du règne de Louis XY, eurent de la réputation. Les noms de quelques-uns seulement sont parvenus jusqu'à nous, mais l'on ne pos- sède sur eux que des renseignements la plupart du temps assez vagues. Tels sont : François GaucJielet (reçu maître en 1692), dont la fille, Anne-Denise, épousa l'illustre Thomas Germain; son portrait se trouve à côté de celui de son mari dans la toile de Largillière, que possède M. Odiot; François Vincent (reçu

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()i'lc\ i-ci'i^' fi\il>^'. l'ici'i-e Cici'inain II,

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iii;iilic CM MiSS ; T/iinnii'i-Lrinitiril I .miiiriiu (l'crii iii.ijlrc en Id'.l'i, inoil in LMl), iiKiric ;i mil' lilli' ili' l'uTrc ( liTiiiiiiii , cl <|iii cul un liU, Lrinuinl Lniiintiii (reçu niailrccu \~1'1\, lc(|ucl lui c((u^c(|iU'Uiiucul nc\ eu ijc TIh ini;i^ (icini.Hu; l'rniudis

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Huilier (Ir J.-Fr. Ualzac fi;:).")).

Kujal (re(ni iiiaîliv on 17^0), cl qui devini f^raiid-prardo dos orfèvres: .Vo/V ïy-ounnl

(reçu niaîh'o on 17 I i* ; Hohrrt Magnart; Thomas Cliancclicr, orfèvre privilégié du roi

suivant la oonr (ri'ru mailro en 173()); Louh Rcgnard; Antoine de Sa'mt-Nicoltis, (|ui

avait pour poinçon une rose; ./.-/•". lialzur, à (jiii

l'on doit riuiilior ot lo ilanihoan datés do 17.')'), do

la colleclion Paul lùidol, dont nous donnons ici

la reproduction; (ircyoire Masse, d'une époque un

peu antérieure, à en juger par certaines pièces

marquées de son poinçon et qui portent la date

de 1708; Antoine Josseij, du monie temps; César

Haudnj , l'autour de superbes saucières (|ui ont fait partie aussi de la collection Paul Eudol; J.-F. Gor- get, Fat/olle, Hébert^ Herbault, Vabaijcr, Allain, Devos, fournisseurs attitrés de la Cour entre les années 1730 et 17o0, etc., etc. Mentionnons à part trois élèves de Thomas Germain : Jean-Etieiuie Ba- ron (reçu maître en 1735), dont on connait deux très belles jardinières qui se trouvaient dans la collection de M. Polowstoff, et un plateau d'une ad- mirable ciselure appartenant au grand-duc Alexis; Louis-Joseph LeJiendrick, excellent artiste, d'un talent remarquai)le qui devint un dos meilleurs or- fèvres de la période suivante et dont nous parle-

Fliuiil)eau de J.-Fr. Halzac ^17.").")).

rons plus loin; J.-L. Tourteau, qui se spécialisa

dans le commerce des pierres et qui, associé avec Aubert, le joaillier de la Cour,

128

sut a('r[U('i'ir une fortune considérable. N'oublions pas l'élève de Besnier, ce Pierre Germain (né en 171G, reçu maître eu 1744, nioi-t en 1783) cjuc la similitude de nom a fait confondre avec son célèbre homonyme, bien qu'il n'eût avec lui aucune parenté, et ([ui est souvent surnommé le Romain. Pierre Germain, dit le Ro- main, s'il ne fut })as un orfèvre transcendant, n'en a pas moins joué un certain rôle dans sa corporation (1). Ses confrères l'élurent f;arde en 1757 et lirand- garde en 1773, ce qui prouve l'estime en laquelle ils le tenaient. Lors de sa mort, ce fut au nom de M)!, les Gardes de l'orfèvrerie de Paris que fut envoyée l'invilaliou au service (pii fui célébré en l'église de Saint-Éloi (2).

O U S eus priés de la pan de Mefjlenrs ks Gardes de t Orfèvrerie- Joyaillerie de Pans^d'ajjifler au Service qu'ils feront célébrer pour le Repos de l Ame de M. Pierre GERMAIN , Marchand Orfèvre , ancien Grand Carde du Corps de l'Orfèvre rie y & Grand'Meffager de l'Univerfuè de Pans , qui fe dira Lundi g Février i y 8 g, à dix heures du matin, en l'Eglife de Saint Eloy, des Marchands Orfèvres- Joyailliers,

Meffieurs& Dames s'y trouveronts il leur plaît.

De profundis.

Ses œuvres, marquées de poinçon P. G. et d'un germe, paraissaient avoir brillé surtout par la conscience et la sagesse de l'exécution. On ne connaît aucune œuvre existante pouvant lui être attribuée; ses travaux, du reste, ont du être peu nom- breux, à en juger par le chiffre de ses affaires qui ressort des chiffres de l'impôt du vingtième. 11 payait, en 177:2, 19 livres IG sols; de 1775 à 1776, 5 livres 8 sols.

Son principal titre à la notoriété, c'est la publication faite par lui en 1748 d'un recueil bien connu qui est intitulé Éléments d'orfèvrerie, dans lequel se trouvent cent planches gravées représentant des pièces d'argenterie de l'époque; sur ce nombre, il y en a 93 signées de lui et 7 par J.-J. lloëttiers : c'est ce qui l'a sauvé

(1) Pierre Gcriuaiii, le Honiaiii. était originaire d'Avignon. D'après M. Germain Bapst, il élail le septième fils (l'un join-nalier de celte ville. Il resta vingt-cinq ans, d'abord counne apprenti, puis ouvrier dans l'aleliei' de lîi'snier et du successeur de celui-ci, J.-J. Hoi-ttiers. avant de recevoir la maîtrise; d'après les listes de capilation de l'époque, il n'occupait que le liy^ rang dans la cor^Joralion au point de vue de l'imporlance commerciale.

(2: Collection Henri Vever.

120

OrtY-vn-rie civile, Pion'c Goriimiu II,

131

il 11^

^'';^5il^^ ' '' ^^ij^i^^-

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Service lie tnilctlo. l'icriv Geniuiiii II.

,1,. l'oiiMi. lu'iii iii.iiliv «'Il IT'i'i, c'i'^l .|ii,iln' .111^ <riil.'iii('iil .ipicv <|iril |iii|ili;i ses l\/r//ii /i/^ (l'oi-fèvrcrif. I.c^ ln'> iiil l'i'c-v.iiiK ildciiiin ni- iin'il cdiil H'hI ih' |h,ii\ .linil (loue rll'c l;i l"{'|)l'()(lmli(iii de- (riixi'c- vdilh's ^\i' -mi iili'lirr. I.IIcn -oui jiliiliil Ir^ (i'il\rc>- (!<• ^"'^ (IcN.illciiT-. ill.ii- il r-l |ilii- |Miili.ihlc <|m ers dessin^ ^oiil i|r- iiiiil- |i,iv||ii»il- ((iinilr- (1,111- le -(Mil (lll 1(111)1-, cl (in'll ;i NoIiIii t'.ii|-c Mil'' (rllMc (ImI.ic-

(i(|ii(> (•ixiiiiic il -ciiililc I iiiili(|mT lin iin^'inc l(»i'-(|n'il ('Tcil d.in- I ;i\i- iiii|iiinic «mi |(M(' lie et' recueil :

.> .respère (pie je ne >er;iis p;is (l(''s;ippi()n\ ('• d'avoii' voulu p:u- ecl (iiivi-;iL'e » seconder le- lunine- di-po-ilioiis de- jeune- ,i;('n<, p(tnr lexpid- -eiil- je I ;ii » coinpo-(''. J.ii jonil d'wulre- dessins de M. Iioeiliers de (piehpie- iii(ii'ce;iii\ d oi-- )' l'èvi'ei'ie (|u"il e\('-cule aciuellenieiil |M)iir Moiiseii^nenr le haiipliin. Ileiu'eii\ si » lues soins soûl ai^riM's e( peii\enl coulriluier a la peiTeclidU de ceux <|ni \('iileiil » embrasser le laleul de l'ceuNre de rorl'evrerie. »

Nous iToserious dire (pie sou jiouionyuie l'i-aucois-Tlioiuas (leniiaiii, reeii luailre eu 17 ÎS, date do la publicaliou des Kh'nicnts (Cor/rrrrric de Pierre deruiaiii, \ puisa des rensoigiiemeuts utiles, les modèles laiss(''S pai' son jière lui suflisaienl : mais los o'uvres eonuiies de l^i'aneois-Tliomas (lermain oui nu lel air de ramillo, (pic l'on comprcud la conrusioii (jui s'est ('laldie sur leur |)arenl(' possible.

Il est certain ([ue P. (lermaiu lit un recueil précieux pour les orfèvres de sou temps eonime aussi |)oiir les maîtres qui devaient venir après lui. Les orfèvres de nos jours IrouvèreiU dans cet ouvrai;e des dociimeuls aullieuli(pies (pii leur pennii'enl de recommencer à la liu du dix-neuvième siècle une lloi-iisoii nouvcdle du style Louis XV, bien faite juMir plaire à la (dientèle d'amateurs de notre temps mis en g-oût par les Expositions rétrospectives. Nous donnons ici une série de pièces d'orfèvrerie d'église, d'orfèvrerie civile et de décor qui nous ont paru les plus typiques parmi les cent planches de cet ouvrage qui nous édifie si bien sur le goût qui régnait vers 1750. La rocaille, on le verra, a disparu, et le peu (piil en reste est assagi par le temps.

Parmi les œuvres d'orfèvrerie d'église nous avons choisi un calice, deux burettes pour les évêques et deux encensoirs.

Puis, ilans une seconde planche, nous avons réuni une lampe de sanctuaire, deux calices, un ciboire et deux vases d'autel. Parmi les œuvres d'orfèvrerie civile, qui nous ont paru intéressantes à reproduire, nous avons choisi dans le recueil de Pierre Germain, une salière à deux usages, formée de deux coquilles accouplées et reliées par des rinceaux (jui portent un écusson, puis une cafetière, une théière et un drageoir ovale.

Dans la planche suivante, deux flambeaux, un seau à rafraîchir, un huilier et un bol d'accouchée: et, dans une autre, une terrine couronnée par un bouquet de choux-tleurs, un pot à oille à deux projets et une casserole ovale à anses;

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enfin, nn service de toilette comprenant l'aiguière et la cuvette, des bols à savon et à bijoux.

Parmi les œuvres d'orfèvrerie civile, nous avons reproduit un sucrier à poudrer le sucre, deux tlambeaux, une soupière, un pot à oille, une saucière et une salière à deux usages ainsi rpiun seau à rafraîchir et une cuvette et un pot à eau.

Paul Mantz donne ce recueil comme la fleur du panier des orfèvreries de Pierre Germain I et comme le testament de ce grand artiste mort en 1748, l'année même paraissait le recueil de Pierre Germain II; une similitude de nom l'a induit en erreur en lui faisant attribuer à Pierre Germain I la paternité de cet ouvrage. Les recherches de M. Germain Bapst ont étaldi d'une manière indiscutable que c'était bien l'(euvre de P. Germain II dit le Uomain. Si Paul Mantz s'est trompé dans son attestation, en revanche il a si bien délini, avec l'élégance de style dont il était coutumier, le caractère des (fiuvres de cette époque que je n'hésite pas à dire avec lui : « Lesai'tistes du dix-huitième siècl<> n'ont connu ni le style qui divinise les » (euvres de riioinme, ni le sentiment (pii les rend éternelles, en leur prêtant une » àme toujours éloquente, un langage toujours entendu. Mais encore assez bien )) pai'tagés dans leur disgrâce, ils ont eu la fantaisie, l'élégance et par-dessus tout » res{)rit; or, si l'esprit est inutile, nuisible même dans la conception de l'art gran- » diose, il est indispensable dans la j)ratique des arts charmants (jui, comme celui » de l'orfèvrerie, doivent autant à la main de l'ouvrier qui exécute qu'au caprice de » celui (jui invente... Les formes que les orfèvres d'alors donnèrent à leurs pensées » furent-elles toujours intelligentes? C'est un point à éclaircir ou du moins à dis- » enter; mais nous ne craignons i)as d'aflirmer d'avance que grâce au parti pris de » l'exécution, à la prestesse de la main, à cette légèreté d'outil tel que le graveur » Cochin la délinissait avec un rare bon sens, dans une lecture qu'il lit un jour à » l'Académie Royale « sur la légèreté de l'outil», leurs œuvres ont fait paraître » un esprit, une élégance, une richesse qui permirent de les placera côté de ce » que l'orfèvrerie franc^aise en ses meilleurs jours avait déjà pu nous montrer (I). »

Dans cette énumération sommaire des orfèvres de la première moitié du dix- huitième siècle ne figurent pas les bijoutiers et les joailliers. Ceux-ci pourtant ne formaient pas une classe spéciale, ils étaient compris parmi les 300 maîtres de la corporation. Les statuts n'établissent entre eux aucune distinction, et s'appliquent à la fois à ceux-ci et à ceux-là. Si les orfèvres ne s'adonnaient pas tous à la joail- lerie, du moins on ne pouvait être joaillier qu'à la condition d'avoir le brevet d'or- fèvre. La force des choses, toutefois, tendait de plus en plus à diviser la profession en ces deux branches.

(1) Paul .Manlz, Recherches sitr l'orfèvrerie française, publiées dans l;i Gazette des Beaux-Arts (t. XI, page HO;.

hfx |;i lui (In icL'iic (II' I.IIIII-- \l\ , 1,1 iikhIc ;i\;iil l'.iil ^iir;_'ir (|ii;iiil ili- d uUjrls (le liiilcllc, lie iiii'iiii-> .icci's^oin's, de I r( Misses, de m'ccssairc^, <\r l.ilt.'ilicfos, (!,' liMiilHijiiiicfcs, clc, i|ui (Idiiii.iiciil lieu ;i de \ ('ril .il des s|)(''ci;ilil ('s. IVnini les ciil cuiiilics di' ces |iili(d(ds di\c|s, il cil csl lllic, cidjc des lioilcs, ijnj se r;il|;i(dlf' li'dp cl niilriiiciil ;iii Iim\;iiI i\i- IdiTcN rciic |(ri)|irciiiciil dili-, |t(»Hr ipic iioiis ii en IdlK liliHls |i,|s ici i|iHdi|ll('s iihds, d .iiil.iiil |dlls ijiic ri'!\|(()>il ioM fcillciiiijilc (j|| a\;ul l'ciiiii une cclIrclKui iiii{i( n'hiiile cl d un réel inlerrl.

I.'li.iliiludc de |iriscr, (|ui se d(''\('l()p|>.i ;i l;i lin du rr^^iie de Louis \IV, di'lcr- inin;i r.ipiilciiicnl le ^oùl des helirs liihalirrcs ; il s'ajouta a celui des |)(dil('s hoii- lionnicics dr pm lie, cl des lioilcs de Ions genres (|u"on vil bicnlôl s(; iriiilli|tlif'r.

Mais Louis \l\ n aiinail pas Iclabac; aussi, n'a-l-il jamais doniu'' «je lahalirrcs; niais ce (|ii'il a dislrilnn'' de hoiles à |)orlrails es! considi'TaJile. Lilan, le joaillief du roi, l'ut le premier (pii lit |h»iu' Louis \I\' ces liixiienses hoilcs (diarf^(''es d<' lii'il- lanls scmes lialiilenuMil aiiloui' du royal |iorlrai(. A sa mort, en 1076, Pierre le Tessiei- de Montarsy lui succéda comme joaillier de la Couronne, et, jns(ju'en 1714, resia (diariîé de la fourniture des « Pai'ures du Roi » (joyaux et boîtes à portraits; olVerls en présents par Sa Majesté aux divers membres du Corps diplomatique.

Pour ne |)as être pris au dépourvu, Montarsy devait alimenter sans cesse le l'cMids des pi'ésents, sage mesure que sa grande fortuin^ lui permettait de prendre. Au P' janvier 1096, Pinventaire des bijoux non em[)loyés restant en dépcM mentionna (piai-ante-deux boites à portraits coûtant 314 250 livres (1 j.

Philippe d'Orléans, le Kégent, lut un des premiers à en former une collection ((ui devint extrêmement précieuse. Il en possédait, entre autres, une série de boîtes ([ui ('taient ornées à l'intérieur de sujets grivois peints par Klingstel, ({u'il s'était attaché et qu'on surnommait le « Raphaël des tabatières ». Bientôt la mode vint de placer des portraits sur le couvercle : c'est le fermier général la Popelinière qui, dit-on, eut l'idée de cette innovation, laquelle fit bientôt fureur. Les tabatières à portraits devinrent une des folies du dix- huitième siècle. A partir de l'année 17:25, c'est le cadeau par excellence qu'on olîre en toute occasion; c'est l'objet d'art exquis pour lequel on invente tous les raftlnements du luxe, toutes les délicatesses ingénieuses de l'ornementation la plus rare. Comme le dit fort bien Paul Mantz : « Les bonbonnières et les tabatières furent pendant cette épo({ue le luxe suprême. On faisait collection de ces menus ouvrages du caprice, comme on recherchait les tableaux ou les médailles (2). » En 1723, tandis que le maître orfèvre /. Bourguet publiait des modèles de tabatières de toutes sortes, le bijoutier Devais exécutait de ces jolies boîtes en perfection, variant leurs formes à l'intini, les décorant d'ornements et de sujets exécutés en « piqué », en « coulé »,

[i) Le Livre di's Collectionneurs, par Mazé-Seucier : les Boîtes à portraits, page 161.

(2) Paul .Mantz, Recherches sur l'orfèvrerie française, Gazette des Beaux-Arts, t. XIX, page 44o.

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en « incrusté », ou en « brodé d'or ». Bientôt on ne se contenta plus de la richesse de la matière, des décors gravés, des miniatures, des colorations qui nuançaient Tor et l'argent : on décora ces boites d'émaux qui achevèrent de leur donner un aspect infiniment précieux. Le joaillier Ronde [l), les bijoutiers Jca?i Moynat, Jean Georges (qui donna son nom aux merveilleuses boîtes de sa fabrication appelées des georgettes), P.-J. Bollamjé, Coini/, Garand, Ai/g. Laterrr, Safjeret, Drais, Hci'bault, Roucel, Tiron de Nanteuil, de la Fresnaye, L.-F. Taimay^ Solk\ Ditcrol- lay^ Goiiers, etc., etc., livrèrent à la Cour et à la ville, de 1740 à 1785, des mil- liers de boites d'orou d'argent, chefs-d'œuvre de goût et d'aimable fantaisie, qu'ils signaient souvent sur la gorge finement ciselée, comme un peintre signe un tableau. Les bijoutiers Hamelin et Maillé se signalèrent, en 1754, par les peintures en ('mail dont ils les ornaienl. Leurs confrères Drais et Sngcrct ne se laissèrent pas dis- tancer. Je ne parle pas des miniaturistes, tels que Massé, puis Lebrun., Welper, Stcardi et tant d'autres (2), ni des artistes qui comme Van Rlaremheryhe décoraient les boîtes de gouaches qui soj]t aujourd'hui sans prix. Il faudrait un volume rien que pour esquisser l'histoire des tabatières et indiquer la technique si extra- ordinaire, si minutieuse de ces menues merveilles d'orfèvrerie. L'usage se déve- loppa si vite et si bien de les distribuer en cadeaux à tous propos, que le roi Louis XV en fit, durant son règne, une consommation prodigieuse. Pour avoir une idée de sa prodigalité à cet égard, et du rôle (|ue jouèrent alors les tabatières, il faut parcourir les comptes du service des Menus plaisirs conservés aux Archives nationales (3), ou les soixante volumes in-folio consacrés à la commande des « Pré- sents dij)lomatiques » qui se trouvent au Ministère des Afffiires étrangères (4) : on y voit à quels j)rix élevés montaient parfois ces petites boîtes enrichies de dia- mants, et ornées le plus souvent du portrait royal. La plus coûteuse fut celle qui fut donnée en 1720 au marquis de Scotti, envoyé à Parme pour récompenser on ne sait quel mystérieux service. Elle était ornée d'un portrait du roi par Massé, de quarante-deux brillants et de quinze diamants; elle ne coûta pas moins de 129852 livres. Ce prix n'est-il pas fabuleux? En 1762, le roi en offrit une au comte de Viri, ambassadeur de Sardaigne, qui sortait des ateliers de l'orfèvre Jacquemin, et qui atteignait 56 258 livres. Les plus modestes, celles qu'on donnait aux sei- gneurs de moindre importance, à un courtisan, à un comédien, à un poète, à titre

(1) Ronde fut reçu maîU'e orfèvre du roi et domicilié au Louvre le 4 jaiivifr n.'îl. Il mourut fu ll.'iT. Il faisait des aflairés considérables avec la Cour. C'est lui qui transforma la joaillerie et lui donna celte légèreté qu'on admire.

Voir Germain Bapst : Invenlnire de Marie-Josèplie de Saxe, page lOfi.

(2) Vers 1715, les miniaturistes les plus connus pour les boîtes à portraits furent Bourdin. Duvigeon, Melle Brison, Château de la Bolssière. Puis, après Massé, et à côté de Lebrun, le plus fécond des portrai- tisles, vinrent, de 1730 à 1770; Vincent, Penel. Louis Charlier, Prévost, Cnzaubon, R. Bachi, V. di' .Mont- petit, .Musson, et les habiles peintres en émail, Liotard, Bouquet, Durand et Bourgoinz. Sous Louis XVI, les petits-maîtres qui ont le plusrépété le portrait du roi sont : Welperet Sicardi. Lemeillein' miniatu- riste alors était Hall (voir .Maze-Sencier, Le Livre des Coileclhimeurs, page IGl).

(3) Archives nationales, 0. 2 985 et suiv.

(4) Voir Maze-Sencier, qui a donné un résumé de ces commandes de présents diplomatiques dans son ouvrage cité ci-dessus, pages 1G3-184.

Hoitcs à portraits.

Louis XIV. Le Grand Dauphin. ^Louis W. Le cardinal de IJicliolicu.

{Collections Doisdui. licrnard Friinch cl l-'ilz-I[cnrii.'

ÇMity viji»^, ,t^ . ^

lli'l

{Collection Doistau cl G. Jioin.]

141

9

Etuis, montres et canuts. {Collection G eorij c s Boin .)

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Xocesî-aiiv. oliiis e( iiavollcs. Collecliou a. lioiii cl Duisluti.)

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lie iM'iiiiTciciiiciil"^ (III (rriiriMira^riiiciil , \;il;iiciil <lr I SOO ;i (iOOO li\ri'^. |{r;imi>ii|) (raiili-i's iiiniilaiciil .1 21)1X11) cl ;;()III)U liMcs. (ri'Iairiil IcN |.lii^ licllc-, crllcs (|iic |■t•ll;lll•^>^al('lll I Celai ilcs [mci it^ |ir(''ci('iiscs. Mlles (•jaieiil ediiraiiiiiieiil ollerlrs aux iiiiiiisires |i|ciii|Mi|eiiliaireN, sdil iiiiiU \iiis-.,'iit a l:i ('.oiir, ili;ii-;-'e- ile <|iic|(iiie iiiis- ■sioii e\ee|ili(iiiiielle, sdil ( |ii lU | uissciil hnil Niiii|ileiiieiil e(tii,:.'e |iiiiir reloiiriier dans leur |';i\s. I'resi|iic loiijdiiis le poilrail du rot elail \',\\\ |i;ii' Leliriiii. A hi eoiir de IVaiiee, e'elail deseilll une iiiesiire lelleiilelll lialtilllelle (|iie ces lioih's oUrrlcs cil cadeau ;iu\ auihassadeiirs, iiu'il an'i\ail IVc(|iieiiiiiieiil ;i ces dcniicrs de ne jtas se :;ciicr jMiiii' les ecliaiiLier iiuiiMMlialenicid c(uilic de Itcaiix ('eus soiiiiaiil's c|ic/. I ur-

Boîte en joaillerie. {Albiiin (lu Musée des Arts ilécoralifs.)

fèvre qui lmi était k' fournisseur. C'est ainsi que le bijoutier Solle, un spécialiste renommé pour ces sortes de travaux, reprit jusqu'à trois fois au comte de Yiri, l'ambassadeur de Sardaigne, moyennant la somme de 25000 livres chaque fois, une superbe boite enrichie de diamants que le roi, en 1775, avait payée 29340 livres pour l'offrir à ce personnage et qui, rachetée au même prix à Solle par le service des Menus, lui était de nouveau attribuée en présent. Ne voilà-t-il pas un trait bien signitlcatif des mœurs du temps, et n'est-ce pas une preuve de suprême élégance de la part de celui qui donne, que cette façon d'avoir l'air d'ignorer que le cadeau, déguisé sous la forme délicate d'un i»ortrait peint sur une boîte, va être converti brutalement en espèces trébuchantes?

Le Musée centennal avait réuni la fleur des collections parisiennes. MM. Georges Boix, Doistau, Bernard Fhanck et Chappey avaient confié à ses organisateurs le soin de mettre en lumière ces mille objets inutiles, mais char-

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mants, dont la composition spirituelle et l'exécution précieuse avaient stimulé le goût et montré l'habileté des orfèvres du dix-huitième siècle.

Le Musée de l'Orfèvrerie ne fut pas le seul furent exposées ces merveilles. Chappey en avait confié aux Classes de l'Horlogerie et de la Parfumerie, un îombre considérable. « A côté des porcelaines rares, on y trouvait toute une série de boîtes et d'étuis en or et émail, des montres aux boîtiers délicieu- sement décorés, une collection unique de ces bibelots précieux, dans le métal desquels la sentimentalité du dix-huitième siècle s'était imprimée à l'aide de devises, aveux et serments, rébus mystérieux ou franchises in- génues, promesses qui ne furent peut-être pas tenues, souvenirs qui ne furent peut-être pas gardés, toute la psychologie d'un siècle en breloques, toute l'âme d'une société livrée dans un sourire, comme en se jouant, de peur d'y laisser deviner de vraies larmes dérobées et de vraies tristesses sincères. Chappey n'avait prêté tant de merveilles que pour inciter le public à les comprendre et à les aimer, que pour forcer le goût de ses contcmjiorains à s'y retremper (1).

La mode avait duré longtemps, et pendant plus d'un siècle, depuis la boîte h portraits et la tabatière données en présents par les souverains, jusqu'aux menus objets qu'on trouvait dans tous les boudoirs et dans toutes les mains , depuis les flacons et les étuis que les coijuettes avaient sur leur table, les crochets, les châtelaines et les montres qu'elles suspendaient à leur ceinture, jusqu'aux boîtes à poudre et à mouche qui décoraient leur toilette; tous ces menus objets avaient fourni aux artistes l'occasion de créer d'inimitables merveilles.

Le souvenir de ces admirables collections méritait d'être conservé, et nous avons reproduit dans quatre planches hors texte les pièces les plus intéressantes, parmi celles que nous avons pu retrouver encore. Car, il faut bien le dire, ces témoins de nos arts précieux ont passé à l'étranger, et les ventes qu'en ont faites les heureux possesseurs d'un jour nous ont enlevé la joie de les contempler encore.

Le Musée des Arts décoratifs avait prêté au Centennal un document d'une insigne rareté. C'était un recueil, en forme d'album, des compositions qui avaient servi à l'exécution de ces œuvres charmantes. Il devait appartenir à quelque orfèvre en renom de l'époque, qui collectionnait, au fur et à mesure de leur exé- cution, les dessins ou les esquisses des boîtes qu'il fabriquait.

Tous ces dessins ne sont pas de la même main; le graveur avait donné un détail exact de son œuvre ; le bijoutier ou le joaiUier laissait apercevoir la difficulté de ses recherches, par l'indécision de l'esquisse; le ciseleur pré- cisait avec netteté, dans des croquis spirituels, des scènes champêtres, des

(1) Préface du catalogue de vente de la Collection Chappey, après son décès, par Roger Miles.

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Boites en or ciselé. Scènes militaires. ' Aihum du Musée des Arls décoralifs.)

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halls !(■-> ccill cllKlUailIr dessins réunis ilails cel alliillil, s(,i|e de relÏTeiiee d'un alelier eu \o-iie, iioiis ,i\(iiis ( lidisi, |i(>iir les re|ir(idiiirc ici, «-fiix '|iii nous (Mil paru Ifs plus di;^iies d èlre f(iilser\es.

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Dessin de boile. {Album du Musée des Arts décoratifs.)

(.lailoiulu- pai' lîalnl, rxiTiiU' |)(iui' le luaria^i' ilu Daupliiii \'^'{H).

CHAPITRE CINQUIEME

Apoiii'M' (le roi'iV'vi'tM'ii» <lu style Louis \\ . Chcfs-d'cpuvre oxposos an xMusoo eoiitcMinal. Les orfèvres Fraiirois-Thoinas Germain et Jaeciues Roëtliei's.

EPRENONS au point nous l'avons laissé, c'est-à-dire entre les aimées 1750 à 1700, l'histoire de l'orfèvrerie durant le dix-huitième siècle. A ce moment, on a défi- nitivement renoncé, sinon à la rocaille, du moins à ses exagérations. C'est l'époque triomphale de l'orfèvrerie. Pour ma part, c'est aux chefs-d'œuvre de cette période ([ue j'accorde ma plus complète admiration. Sans doute, ce n'est pUis l'art de la Renaissance et du dix-septième siècle dérivé de l'archi- tecture, esclave de la ligne correcte, et tirant de celle-ci toute sa signification expressive. Mais rargenlcrie du beau temps de Louis XV, tout imprégnée qu'elle paraisse d'un esprit révolutionnaire, devait paraître aux contemporains au moins

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aussi étrange que celle qui, à notre époque, a été qualifiée (ïm-t nouveau. Au dix- huitième siècle au moins l'orfèvrerie était restée élégante, et, si elle nous charme encore par son originalité, c'est qu'elle avait été conçue et exécutée par de véri- tables orfèvres, soucieux de maintenir les traditions de leur art. Totalement diflérente de ce qu'elle avait été, même aux plus brillantes phases de son histoire, elle n'en est pas moins une des plus parfaites qui ait jamais existé, et cela pour plusieurs motifs. Le principal, celui auquel sera toujours particulièrement sen- sible un homme de métier, c'est qu'à aucun moment ne fut mieux respectée cette règle, qui est une des bases de l'esthétique applicable à toutes les industries, et en vertu de laquelle une forme décorative est essentiellement dépendante de la matière dans laquelle elle est traduite. Or, au dix-huitième siècle, l'orfèvrerie a eu ce mérite de tirer du métal, par les moyens les plus simples et avec une hal)ileté supérieure, tous les ettets dont celui-ci est susceptil)le, et de ne lui demander que ceux-là seuls qu'il pouvait rendre. Etant donné que le procédé employé, celui de la rctreinte au marteau sur l'enclume ou la bigorne, et du repoussé à la rccingle et au ciselet, constitue à [icu près son unique moyen d'action, c'est une joie autant \n)\\v l'honnne de goût (|ue j)our riiomine de métier de coustater avec quelle adresse il en use, comme il sait assouplir la plaque d'argent, la plier aux formes qu'il lui plaît, trouver les ornements qui conviennent le mieux, tiintot en ménageant des surfaces lisses sur lesquelles resplendit à l'aise et frissonne la lumière, tantôt en faisant saillir des godrons délicats ou puissants qui opposent des ombres alternatives aux clartés rutilantes des reliefs. Toute matière a son langage propre, son caractère expressif, ses qualités spéci- fiques qui lui confèrent une beauté intrinsèque. L'argent possède une éloquence spéciale qu'il faut savoir faire jaillir, et qui porte en lui des secrets qu'il ne livre qu'à la condition qu'on les lui arrache. Sa blancheur lui donne une certaine appa- rence de mollesse, un aspect froid et comme pudique. Mais que le marteau vienne frapper adroitement et modeler à petits coups la plaque de métal, vous voyez cette pâleur s'animer et palpiter, l'épiderme d'abord presque incolore s'affermir et vibrer, une vie intense et nerveuse surgir de la torpeur glacée. Ce sont les caresses de la lumière qui opèrent le prodige, les molécules de l'argent, rendues plus denses et plus serrées par l'action de l'outil, doivent offrir des parties tour à tour planes, aiguës ou arrondies, des repos et des mouvements, des coins d'ombre et le mystère, propices aux effets des rayons lumineux qu'il s'agit de pro- voquer. Forcer le métal à frémir sous les caresses du ciselet ou la morsure du burin, favoriser par des pleins et des vides, par des reliefs accentués ou des unis adoucis, habilement variés et maniés, les rencontres, les chocs ou les moelleux enlacements de la lumière, voilà, en définitive, le grand secret, \v. but du travail de l'orfèvre. Eh bien, il est certain que jamais l'art n'a fait mieux parler l'argent qu'au dix-huitième siècle; jamais il ne lui a fait dire avec plus de charme, de vivacité

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cl ^^(•>^|l|•il , ilt'> ctdilidt'iU't's à cf I loi lit >;i\(»iii'('iis('>> cl |iii|ii;iiilis ; jam.iiv |r niilii'i-, |ir()|ii('iiii'iil (lil. Il ;it'.'iiiii|ilil ;i\t'c iiiii' |(;iicill<' \irliiu-s||i' cl iiin' •-i ii.irl.iilc iiilrlli ^(■iicc (le sfs it'ssdiirccs, ilf^ loiiis de lurcf |)lii-> cxl i-iHtidiiiiiircN (|ii(' dans cL'tli; oiio \ rciif (Miiliilcii^c, (•ai('>>aiil('. hMiiiiiciilcc, capricieuse, cl (Ic-licieiiseiiieiit oi'igiiiale. I,cv Cl)llcclll)ll•^ du MiiM'c ceiilciiiial c(iiii|»reiiaii'iil iiii certain iioiiibrc de pièces e\trèiiieiiieiit i'eiiiai(pial îles de celte peiiude nii j'orlcv rerie al lei;jiiil --oii ap();-'(3L'. An premier raii,::, il laiit ^ii^iialer ladiiiiralile ai;:iiièn*, a|»|)arleiiaiil a M. lîoiii- Taluircl, el ipii ptiile en lonle-- lettres, sons la cn\ette, je iioiii dn iiiaitre (»iTe\re

Aiguière et sa cuvetle, orrùvrcrie du roi de Portugal, par Franviii^-Tlioiiias Germain. iColleclion de M<»« Bunil.)

à qui on eu est redevable : Franrois-Thonias Germain , orfrvre du Roi. Elle est aux armes du roi de Portugal et faisait partie du très important service commandé par ce prince à Thomas Germain, puis achevé par le fds de celui-ci, François-Thomas, lequel, en 175:2, très justement fier de son travail, ne voulut pas le faire sortir de France avant de l'avoir montré à Louis XV et à la reine Marie Leckzinska, qui en furent émerveillés.

A cette date, le service formait vingt-cin<j pièces, toutes fort coûteuses^ puisque la façon seule comportait, au dire du duc de Luynes, plus de 20000 livres. Il y avait des morceaux de toute beauté.

Rien que pour lapothicairerie du roi, Germain avait exécuté une cuvette et un coquemard dont la panse était formée par une figure d'Esculape coilTée d'un bonnet qui faisait le couvercle.

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^ 1o6

On admira notamment les quatre légumiers exécutés sur deux modèles à peu près semblables et qui ne variaient que par les figures servant de conronnement aux couvercles. L'un d'eux représentait un Amour avec un chien, et l'autre un Amour avec deux colombes. Le couvercle était orné de cannelures se terminant par une rocaille, la bordure en baguettes réunies à des intervalles réguliers par des feuilles d'acanthe; aux deux extrémités, des faunes agitant des banderoles formaient les anses.

Fr. -Thomas Germain a travaillé de longues années pour compléter ce service, puisqu'on le voit, en 17()6, livrer encore un miroir à la princesse de Portugal (1).

Siicrioi- cl saliéiv^s. [Collections (le M'"^ liiirat et <l:- M. Doisinii.)

Par quel heureux hasard le fin connaisseur qu'est M. Boin est-il deveiui pos- sesseur de l'aiguière exposée en 1900, et comment une pièce aussi précieuse a-t-clle pu sortir du trésor de la Cour de Portugal, se trouve encore l'ensemble du service de Fr.-Thomas Germain (2), et revenir en France?

Le hasard peut quelquefois s'appeler la Providence, et le fait mérite d'être rappelé. L'empereur du Brésil, don Pedro, qui appartenait à la famille de Bra-

(1) Genuaiii Bapst, les Germain, orfèvres et sculpteurs du Roi, page 140.

(-2) Germain Bapst, les Germain, orfèvres du roi/, et l'Orfèvrerie a la Cour de Portugal. Plaqiicltc éilitt''f par la Société de Propagation des livres dart.

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;^;ilirc, ;i\;iil ciiiimiiIc iliiii-> -^;i ikhincIIc |(,iIiic iiii cril ;iiii iMuiilur ilc picccs de cfllc ;i(liiiii;i|p|c (iffcN iTi'ic ; Inr^inic, ;i|U('n lii i'c\ nliil mu i|iii l'iiMul rlinsM- i|(; SCS l'',t;iK, il t'I.iil iciilrc r\\ r,iini|M', il ;i\;iil i;i|i|i(iil(' ;i\(c lui snii ;ir;jrMl<Tic. Il MMiliil s'en ilcr.iiic cl ili;ii\i;c;i un de ses l'aiiiilicrs (rcii (t|)(''rcr la \ciih', Mallii'urcii^ruiciil , il v'ai|rc-,s;i uial, cl joules les belles orlex reries de (ieriuaiii, (|u il a\ail cdiisciN ecs |iiiur s;i p.n'l il lierila^^c, l'iireiil \eii(liies |i()iir la loiile. l/ai,;^iiiere, i|ui a\ail eli- rt''ser\ ('e, lui |»i(''^eii((''e a M. Hdiu i|iii laeliela, mui pour sa \aleur ml iiiise(|iie, lllai^ |iour s.i valeur d arl ; el doii l*e(|ro ra\i, mais (•oiiliis, jura, iiiai^ ini peu lard, ipiOii ne I v prendrail plus.

Tliéiérc Louis XV. 'Colleclion de ,1/""= Iiiir:it.

Le hasard avail donc bien fait les choses; grâce à lui... et à M. Boin, nous avons pu voir au Muscc centennal un des plus admirables spécimens de cette orfèvrerie radieuse, dont j'essayais tout à l'heure de définir le caractère. Tout y est harmonie parfaite des i)ro|)ortions. ampleur des formes, à la fois gracieuses et vigoureusement accusées, appropriation merveilleusement juste du décor qui est d'une élégance exquise, et dune exécution étourdissante. Plus on examine celte œuvre, et plus on reste confondu de ce qu'elle révèle d'art accompli, de goût rare et de souveraine perfection.

La collection de M'"*" Burat montrait aussi quelques pièces de cette brillante période rornementation rocaille, de plus en plus atténuée, fait place à des lignes de moins en moins torsionnées.

Parmi les pièces les plus intéressantes qui faisaient partie de cette collection incomparable, dont l'heureux propriétaire avait bien voulu se séparer à la grande joie des connaisseurs, nous citerons une théière {pa(/e 15"), qui est un beau spé-

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cimeii de cette époque; décorée au moyen de la ciselure repoussée, de canne- lures en spirales fines et souples encadi*ant le motif centi-al l'ait de roseaux en relief, avec son allure légèrement trapue, son bec à tète de jeune canard si fine- ment l'eiidu, ses anses alfermies et bien en main, elle peut être considérée en sa simplicité comme une véritable merveille de goût et d'esprit; c'est l'une des pièces les plus typiques de la belle orfèvrerie Louis XY, jjarmi celles que montrait le Musée centennal. Je signalerai encore les deux safières doubles, en vermeil [pugo 156), d'une construction ferme et pure, qui l'appelle le style de Thomas Germain, ainsi cpie le confilurier, égalenicnl en vermeil, d'une époque

Soupière et son plateau, sL\le Louis W [Miiai'c ((.'nlcnnul . >

peut-être un peu postérieure, (|ui, avec son décor de feuilles de vigne et de grappes de raisin jouant sur le cristal coloré, avec son couvercle si mignon que surmonte un fruit adorablement ciselé, est un exemple achevé, et un type de la meilleure orfèvrerie de la fin de Louis X.V. Puis une soupière d'une forme simple et trapue [parje 158). Le corps richement décoré avec son écusson et ses griffes bien assises, le couvercle à godrons en relief couronné d'une grenade entr'ouverte, motif que l'on reproduit souvent dans les pièces de la même époque, et que les orfèvres de notre temps ont si souvent rappelé. Le plateau est ovale à volutes aux extrémités et décoré de cannelures sur le marli. 11 pouvait être employé comme plat à servir, ce qu'indique sa forme concave enterrant un peu la sou- pière au lieu de la faire valoir en hauteur, comme les pièces de Germain que nous avons déjà reproduites.

Nous donnons également (pa.(je 159) un I1aiul)eau à trois branches et quatre lumières, d'une construction plus tapageuse, (pii rappellerait encore le style

lie ^I(•|s•^()||||l(•|•, 111.11^ I iiii|ici(' |i;ir le irindr (les DrlcNrcN a (1rs I\|h's moins liioll-

\ CIIICIlIcs.

La (•(•llci'l ion ilc M r.inl I'.imIi'I imhi^ olVrail nnc |tircc i\f la nn^ni' i'iidijik;

C'-ainli''l:il)rf à tn)is branches, ^sl} le Lduis X\' ]-7») [Musée centennal.)

d'une insigne rareté. Les poinçons relevés par lui indiquaient qu'elle fut faite sous J.-J. Prévost, en 176:2. par Antoine-Jean de Villeclair. Elle tlt jadis partie de la collection du baron Pichon, qui avait remplacé le couronnement fait d'une grenade entr'ouverte cachée sous des feuilles de laurier, par un chien avec des

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attributs de chasse. Cette soupière est rentrée dans la collection Endel avec son couvercle d'origine. Le corps de la soupière est monté avec des agrafes formant pieds, d'une belle et solide forme, avec des enroulements d'où partent des guir- landes de lauriers. Les anses sont simples et s'amortissent snr la panse en feuilles d'acanthe, qui indiquent que le style Lonis XVI va venir; au milieu, un écusson de la famille Demidolï', avec une couronne de comte, ce qui seml)lerait indiquer que ce n'est que postérieuremeni (lu'cllc a apparlcMu an |>rince l)c- midoir, rpii s'est contenté de modifier les armoiries sans loucher ;i la couronne.

Soupièi-e Louis XV, exécutée par A.tJ. de Villeclair. [Collection Paul Eudel.)

Le plateau de la soupière est absolument remarquable, d'une grande simplicité, sans décor sur marli, il est décoré par une moulure de joncs en faisceaux sur laquelle court un ruban, et agrafé au centre et aux extrémités de feuilles d'a- canthe, qui s'assortissent bien avec le décor des anses de la soupière. Les poin- çons le font dater de 1762; il fut fabriqué, comme la soupière, sous J.-J. Prévost, par l'orfèvre Antoine-Jean de Villeclair. Ce sont des œuvres de toute rareté, in- finiment précieuses, et qui redoublent nos regrets lorsqu'on pense qu'un si petit nombre d'exemplaires de cette orfèvrerie sans égale soit parvenu jusqu'à nous. Mais ce style, qui à cette époque était en plein épanouissement, n'allait pas tarder à se transformer sous l'infUience d'une femme de goiit, toute-puissante auprès de son royal amant, et, tout en conservant l'élégance et le charme qu'il

- Kil ^

!'^"i' IIM|'llllir^ ;ill\ .finira (|m||| | -^ NriK.lis i|r |»;irli'r, || noll^ •■loillir rwcan-

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llllioil <|iic (lc\;iil ; lier r,i\ niciiicii I <iii slylf l.oiiis \\ |, il nous r.ml (•cpriKl.iiil

non-; arrrlcr un iiisl.iiil, piuir incllrc en liiniii'i-r les (i-iimcs des deux orlt-Mcs les

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du ic-iic de Louis \\ , cl iiiouli'cr le rôle (|uc joucrciii a celle ('•|i()(|iie IVaiieois- riioiiias (Icrniaiii cl .lac(|iies lloelliers.

« ¥ 41 «»

IMateaii cK- la ^ioiipiore ci-contro. {Collection l';iul Eudel.)

Tous deux, d'un tempérament très opposé, eurent une doctrine bien diffé- rente; l'un et l'autre, physionomies curieuses, égaux par la renommée et repré- sentant deux écoles distinctes, méritent une mention particulière.

Franeois-Tliomas Germain, le 18 avril 17;2G, était le quatrième fils du plus éminent orfèvre du dix-huitième siècle, Thomas Germain, dont le rôle et l'influence ont été appréciés plus haut.

Il entra dans la vie avec toutes les chances de réussite, et nul ne fut entouré

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de plus de faveur que lui, à ses débuts. Bien qu'à la mort de son père, en 1748, il n'eût encore que vingt-deux ans, le corps des orfèvres, en considération du maître illustre dont il était issu, et pour lui éviter une attente de plusieurs années qui aurait pu lui faire perdre les avantages de la situation de celui dont il était l'héritier (logement au Louvre, brevet, etc....), consentit à faire une excep- tion en lui accordant la maîtrise avant le temps réglementaire; François-Thomas Germain parut donc, très jeune, se trouver dans dos (Méditions assurées de succès et de fortune.

Ses talents ne s'étaient encore affirmés par aucune œuvre personnelle; il avait appris le dessin en suivant pendant plusieurs années les leçons de l'Aca- démie, oii il n'avait d'ailleurs obtenu aucune l'écompenso; mais un goiit naturel, très vif, qui s'était développé dans la fré([uenlalion journalièi'O de l'atelier paternel, l'aisance de ses manières, l'habitude du uu)n(le, un certain esprit d'entregent et d'initiative, son abord engageant le rendaient sympathique. Possesseur d'un nom glorieux, installé au palais du Louvre, ayant pour clients attitrés, le Roi, la noblesse de France et toutes les cours étrangères, il semblait n'avoir qu'à se laisser vivre. Dix-sept ans plus tard, cependant, nous le verrons, à l'âge de trente-neuf ans, perdu de dettes, chassé de son logement du Louvre, la vie gâchée, abandonné de ses confrères, essayer de résister au sort contraire, et aller finir obscurément ses jours, on ne sait au juste dans quelle misère.

Tout d'abord, aucun point noir dans son horizon. Les commandes s'offraient à lui en abondance et de partout. Aux divers objets d'argenterie et aux services de table exécutés pour le Roi ou pour les Enfants de France, pour le Dauphin ou la Dauphine, pour le duc de Berry, les comtes de Provence et d'Artois, etc., dont le Journal du Garch-Meuble de la Couronne nous a conservé la liste (i), et qu'il exécuta à partir de ce moment, il faut ajouter les innombrables fournitures qu'il eut à livrer à la cour et à la ville, car il se partageait avec Roëttiers, son collègue au Louvre et, comme lui, orfèvre du roi. les préférences de la société élégante. Parmi les assidus de son atelier, on voyait M'"" de Mortemart, M'"' de Livry, le duc de Lavallière, i\L de Beringhem, le duc de Gesvres, la duchesse de Lauraguay, le duc et la duchesse d'Orléans, la comtesse de Toulouse, le duc de Chevreuse, le cardinal de Luynes, le duc de Praslins, le duc de Brancas, etc. Que de morceaux de prix exécutés sous sa direction, pour ces amateurs d'élite, durant les dix-sept années que dura sa faveur !

Il était également le fournisseur attitré des Cours étrangères. Le roi de Portugal et la Cour de Russie possèdent les plus belles pièces sorties de ses mains. Son père, Thomas Germain, avait formé cette noble et riche clientèle, et nous avons vu qu'à sa mort, son père laissait plusieurs pièces inachevées

(Ij Archives nationales, 0 33U, page 112. du 11 octobre 1748 au 11 avril 1165.

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(|H il |iTiiiiii;i .1 l<'ii|- v,il 1^1:1(1 hiii . Niilir ,iili-li', i|iii iiii'ii.'iil -r;iiii| l|-;iiii, ;i\;iil le ^•(Mil lit' l;i il(|Hiixt' cl t'iilrcli'ii.iil di'^ iii.iil rcsscs, s'.i|p|ilh|ii;iit ;i (li'\r|(i|i|irr |r [ilil-^ |M>vv,iMc vdii cliitl'ic ir.ill.iiii'x (in'il ,i\;iil r.iiiiliil inii, t'oiiiiiic il ! ;i l'-cril lili- iiiriiic, (le |Mirli'i- i;i| m Iniiciil ;i lioi^ iiiiIIidii-. p.ir ;iii I . (', ('--l |i(iiii'i|ii(ii il mil son (i;lllll•^s^lll(•lll ^iir (iii lic^ lt;iiiiI |iii'iI, l'I pril ;i\cr lui un |MT-niiiii| ijr S(»i\;iiil(' a i|iiali't' xiiif^K (iii\ iicr-^ poin' airi\(r a une |ir(»ilnr| ion coinanlc <|r

Siuiout pur l'r.-Tli. Germain. {Orfèvrerie de la Cour de Porliicjal.)

plus en plus considérable. Ce n'était plus le modeste atelier paternel, avec les trois ou quatre compagnons indispensables travaillant à côté du maître qui composait lui-même ses modèles et gardait pour lui la besogne difficile. François-Thomas Germain semble s'être essayé h un rôle qui était alors abso- lument nouveau pour les orfèvres, et qui se raj)prochait quelque peu du type d'entrepreneur, qui n'était point précisément du goût de ses confrères. A cause

1 En 1"50. Germain fit pour 339 934 livres île travaux, ses bénéfices turent de 52 846 livres. En 1703. il lit pour l"i3il';3 livres datl'aires; en 1764, pour 2512360 livres; du !<"■ avril 1731 au l*"" avril 1765. il tit pour 10 4S9U4I livres d'alfaires.

-Mémoire adressé par J.-ïh. Germain au Commissaire Graillaud de Graville en 1777. Voir G. Bapst, les Germain, page 176.

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de sa situation à la cour, ils n'osèrent point réclamer. Mais leur méconten- tement ne s'en manifesta plus tard qu'avec plus d'aigreur.

Pour comprendre un tel sentiment, il faut se représenter combien les allures tapageuses et, il faut bien le dire, les procédés insolites de réclame imaginés par le jeune Fr.-Th. Germain devaient paraître cli()(|uau(s à une corporation l'on gardait par tradition Icshounètes habitudes de la plus complète simplicité. Même chez les orfèvres devenus riches, on évitait le luxe, l'apparence, ce que nous appellerions « la poudre aux yeux ». Les intérieurs restaient modestes. « Eu 1754, dit M. Germain Bapst (1), un de nos arrière-grands-pères, joaillier privilégié du roi, ({ui faisait les plus grosses affaires à la cour et à la ville, habitait quai de Harlay, au troisième étage, et n'avait pour son commerce et son domicile per- sonnel ((ue trois pièces et unc^ cuisine, pour les({uelles il pîiyait un loyer annuel de 300 livi'cs. » Ce qu'étaient, au dix-huitième siècle, les intérieurs des orfèvres parisiens, nous le savons par des hivoilaircs des notaires ou les procès-verbaux de saisies des commissaires du Cliàlelel. La plupart du temps, ce sont des appar- tements composés de 1res |)(mi i\{' pièces, cl meublés avec mie sobriété presque austère. Dans les (•liand)res garnies de rideaux de (Iraji, souvent de couleur verte avec bordure de galou jonquille, comme nous les décrivent les inventaires après décès, se trouvent deux fauteuils, (piatre chaises, une commode, une grande armoire en bois ciré; aux murs sont accrochées quehjues gravures. ()uel({uefois, mais rarement, on signale des tableaux. Sur la cheujinée, point de pendules ni de candélabres ; la nudib' complète. Dans l'atelier travaillaient le maître et l'ap- j)renti, on voit souveiil la femme du pati'on ([ui l'aide dans ses travaux, (juand elle ne vaque pas aux soins du ménage (^). Le mobilier est également som- maire : de rares sièges, des étagères sont les modèles en cire et les pièces en cours d'exécution, un meuble ou deux contenant des cartons remplis de des- sins, de livres et de gravures. Le reste, c'étaient les outils et instruments delà profession.

Veut-on savoir ce que comprenait, au dix-huitième siècle, l'outillage d'un grand orfèvre tel que Thomas Germain ([ui, travaillant pour le roi, avait le droit, refusé aux autres, d'occuper exceptionnellement plus de trois ou quatre ou- vriers? Son inventaire après décès nous donne ce renseignement au complet, et je le transcris ici : « Cinq enclumes, cinq tas, dix-sept bigornes, six lingotières, huit piucettes, deux soufllets, la forge complète, une poêle à souder, cent marteaux tant grands que petits, dix-sept boules, treize tenailles, une fdière à vis, uue filière à taraud, cinq étaux à mains, trois scies, cinq vrilles, huit cizoires, cinq établis, une forge, deux soufflets, sept pincettes, trois poches à

(1) Germain Bapsl, i Orfèvrerie française à la Cour du roi de Portugal, page 42.

(2) Germain Bapsl, l'Orfèvrerie française à la Cour du roi de l'orluffal, page 43.

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Icii, une ;i IIiiiiImI, un Iciiir ;i liirr ;i\cr tdiilcs Ses (|i'|ii'Iii|;iimc-. i|ii;iln' rl;iii\ à limer. >•

Va c'csI l.iiil ' \(mI;i ce (|ir(''(;iil ;i\;iiil IT.'iO un iilrlirr (ruiT''\rr liii'ii nnnili'' : ri'nvt'inMc \;il;inl, ;i diic (rcxpcrl. I;i ^(innnc de I !'SS li\i-c-~

IViinidi^ Tli(ini;i- (irrni.iin lil |'ln-- i|nr i|iMn|i|rr ic ni;ih'iir| de -dn |ii'rc. I.ii (Uilrcil ne litiii\;i \r.\^ suni^;innncnl ('-Ict:.'!!!! •' rin^hill.il ion <lc ^itn lii^'cnifnl ;in l.iiUNic; il \ ;inii'n;i,i;(';i des ^aloii-. s((ni|il ncn\, .wrr nnMihlcs de rxnillc, rlicmi \\{'r< de ni.irliic riirc, orncnicnK de |ii(ni/(' don'', de II sf jM>lili;iil de ses prodi- i^alilc"^, en di>;nil : « La .iildirc du nom '|ii(' je |iorl(', rcn\i<' ilr i'ain' lionncnr a

Soiipiori- en argent, pur Fr.-Tli. Germain, exécutée pour la ('oiir (le Porliisral.

la France par mes ouvrages, la décence et le respect aux grands que je recevais chez moi par état, le désir d'être utile à l'étranger, le soin de l'aHirer dans mon commerce et de le frapper par un dehors séduisant, font aujourd'hui mou crime, puisque ce sont les seuls objets qui m'ont entraîné malgré moi dans ce faste (pi'on me reproche (1). » Quoi ([u'il en soit, et sans vouloir juger la conduite de Fr.-Th. Germain avec la sévérité de ses contemporains, on s'explique aisément pourquoi il ne put soutenir le poids d'une maison établie sur un tel pied. Chciipie année, le chill're de ses dettes s'accroissait, en dépit du nombre grandissant de ses travaux. Les 30 000 livres d'argent comptant légués par son père navaient été qu'un feu de paille bien vite consumé. Comme il manquait du

J) Mémoire de FraneDis-Thomas Germain, au moment de sa faillite, en llBu, adressé au surintendant des Beaux-Arts, M. de Marigny, afin d'éviter d'èlre expulsé du Louvre. Ce document a été publié par les Arc/iivex de l'Art /'rnnçais. t. l»"", p. •2."2. 11 a été reproduit par .M. (iermain Bapst dans sou ouvrage sur les Germain, page 162.

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fonds de roulement proportionné h l'entreprise qu'il rêvait, il emprunta à des taux usuraires. En 1764, il épousa une jeune fille de dix-huit ans, Marguerite le Sieurre Desbri^res, dont la dot de 80000 livres fut aussitôt engloutie. Bref,

il en arriva k avoir, en i765, le passif énorme de 2 millions 400 livres. Pour essayer de se tirer d'affaires, il eut recours à un expédient qui acheva de lui aliéner sa corporation : il forma une société en commandite dont le siège fut rue des Orties, dans une maison que son père avait achetée en 1743, et ses ateliers fonctionnaient depuis cette époque. Elle ne vécut pas six mois. Le 17 juin 17()5, Fr.-Th. (IcM-main fut déclaré en faillite. D'inextricables procédures judiciaires le paralysèrent; on alla jusqu'à lui imputer des maiKeuvres frauduleuses. Par surcroit, la cor- poration des orfèvres obtint contre lui un arrêt de la cour du Cliàlelcl, annulant la société en commandite, déclarant « que le titre de maître- orfèvre était un titre personnel dont la propriété ne pouvait être exploitée par une communauté d'individus, dont plusieurs étaient étrangers à la corporation, disant enfin, qu'on ne pouvait admettre qu'un orfèvre devînt un entrepreneur qui, au lieu de travailler lui-même en artiste, faisait travailler des personnes salariées (1). » Retenons celte dernière phrase ; si on la rap- proche d'un document en quelque sorte officiel ([ui, quelques années plus tard, en 177(), fut adressé au Roi en réponse à une supplique de Fr.-Th. Germain pour rentrer dans les bonnes grâces royales, on constate qu'elle contient à l'égard de l'orfèvre une accusation grave. On ne lui reprochait rien moins que de n'être pas le réel auteur des ouvrages qu'il signait, en un mot de n'avoir été qu'un entrepreneur. Voici le pas- sage essentiel de ce mémoire (2j étnanant de la surintendance des bâtiments : « Quant aux talents dont le sieur Germain fait un étalage perpétuel, je me suis

Deu.v Indiens poi-toui's de coulTos. Salii'i-es simples par Fi-.-Tli. Germain

(1) Germain Bapst, l'Orfèvrerie française ù la Cour de Portugal, page 43.

(2) Il a été publié par les Archives de l'Art français, t. 1er, pages 235-236.

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» iiifiiniK- (le |M•^-^lmll(•v (|iii iH' ((Uiifiil pas la iii("'iiii' cai ricrc. s'jK avairiil

I) (jiii'liiiic rcalilc. l'.llr-s III (iiil ilil ijii iK rldifiil (1rs |i|iis i m •< | k m it s 1,11 ali-olii-

u iiiciil nuls II n'a jamais -a^iK- une >ciilc |ictiti' iiicijaillc |i('iiilaiil |tliisicMrs

a amu'cs (|n il a siii\i les Irions de 1' Vradi'iiiir. (loiiiiiiciil aiiioil-il a(«|iiis, Ion! a

» iMni|), CCS jalciiis siililiiiics (|iii, siii\aiil lui, (tccasidiiiioiciil la ialtiiisir cl la j-a^c

» (le ses eeiiirci-es '' jjiliii. si le sieur < Icriiiaiii a\nil li-s laleiils .luil s'alIriJMie,

» rien ne rein|iècliei(»il ireii laii'c nsa;:e an ittiird'liiii du moins a la -olde r|

)i ^(Uls le 11(1111 de i|iiel(|iriiii 'le ses anciens ((iiirreres. Mais Ion! ses! (•( lipsc'-,

» a\ec le liean calniiel des nnidelcs .|ne son |iei'e, lioiiiine de laleiil, lui a\ail

» laisse. »

Sali(!;i'c double par Fr.-Tli. (îormain. [ 0 r vrerie de lu Cour d e l'nrl ii (j al.)

Ce jugement est rude. Il renverse totalement l'opinion générale qu'on se fait, aujourd'hui encore, de la valeur de Fi'ançois-Tliomas qui continue à passer pour l'orfèvre le plus brillant après son père, et le plus habile du dix-huitième siècle. Mais est-il juste, et doit-on s'y fier? N'est-il pas entaché tout au moins d'exagé- ration, venant de l'administration des bâtiments qui ne pardonnait pas à l'artiste ses démêlés judiciaires, et par de l'avoir mise dans le cas de l'expulser du Louvre? Ne doit-on pas également tenir compte de l'humaine et misérable ten- dance qui, trop souvent, fait qu'on accable les gens tombés à terre? Mais, d'autre part, il est impossible de ne pas reconnaître un certain fonds de vérité dans l'explication de l'impuissance que montra Fr.-Th. Germain pour se relever après sa débâcle. Nous voyons bien, en effet, que de 1766 à 1768, il fait un elfort, dans sou atelier de la rue des Orties il s'est réfugié, pour ramener à lui

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la clientèle qui Tabandonne, et qu'à plusieurs reprises il remplit le Mercure (1) de réclames oîi l'on retrouve son hâblerie, ne cessant de se couvrir de la mémoire toujours respectée de son père, invoquant la collection de modèles provenant de celui-ci et qu'il a, assure-t-il, conservés, etc. Mais on ne trouve pas trace d'un jifrand el beau travail qui soit sorti de ses mains à partir de cette époque, si ce n'est une toile! le de vermeil, et quelques autres pièces qu'il termine sur l'ancienne commande de la cour de Portugal. Vainement il j)ai't en Angleterre en 1768, on ne sait trop dans quel but. Il revient bientôt à Paris il continue de végéter, forcé de quitter la maison de la rue des Orties pour un atelier loué place du Carrousel, |)uis. de là, en 1779, dans un autre, rue de Limoges, au Marais. A partii- de 1780, on ne sait plus ce (pi'il devient. Sa jeune femme est moi'te, n'ayant pu survivre à ses malheurs. (^)uant à lui, il s'éteint en 1791, rue du Faubom'g-Mont martre, et les deux t(''moins (|ui signent son acte de décès à la paroisse de Saint-lMistache le connaissent si peu, ([u'ils ne savent n)ème pas indiquer son âge exact !

M. Germain Bapst, le mieux intornK- des biographes de François-Thomas Germain, na pas osé trancher nettement le problème (pii se pose à ce propos. Il reconnaît ipie cet orfèvre peut, en ell'et, n'avoir pas exécuté lui-même les œuvres qui portent son nom ou son poinçon ; mais il estime (ju'elles ont néan- moins un tel cachet de supériorité et d'originalité qu'il est impossible de lui en dénier la paternité. « Qu'il en ait été, dit-il, véritablement l'auteur ou sinq^lement l'inspirateur, il n'en demeurera pas moins acquis que c'est par son initiative, par ses soins, sous sa direction et dans ses ateliers que ces objets ont été faits, et par conséquent c'est à lui (ju'on les doit, et c'est à lui qu'en revieid le mérite (2). » Get avis paraît, en somme, le |)lus équitable. Il est difficile, au surplus, de ne pas raccepler quand on voit, comme les papiers de sa faillite l'ont révélé, avec quel soin Fr.-Th. Germain cacha toujours le nombre et la qualité des collabo- rateurs dont il sut s'entourer. Cependant on les connaît. Ses ciseleurs se nommaient : Colezon, Meunier, Leitz et Descour; ses graveurs, Colart, Olivier et Nicol. 11 avait pour |)laneur, Peletier: pour gainier. Prieur; pour perceur, Sellier. L'auteur de la dorure de toutes ses pièces, de cette dorure exception- nelle et qu'il aimait tant à vanter dans ses prospectus, n'était autre que le fameux

(1) Mercure, ii» de jauvier et de février HCG :

« Le !<ieiir Germain, sculpteur du roi, et Goniparrule. tonjour? animé du désir de porter les ouvrages qu'il entreprend à la plus haute perfection, prévient le puiîlic que, le -l'i de ce mois, on vendra dans la maison sont ses ateliers, rue des Orties, vis-à-vis le guichet Saint-.Michel, une collection de vases anti- ques, d'une composition qui égale l'agate et les pierres les plus précieuses, tous ornés de bronzes d'un goût exquis cXAe\n plus belle dorure, qu'il a encore perfectionnée depuis qu'elle a été présentée an roi. Le sieur Germain se propose de continuer en tout genre et de varier ingénieusement les formes et les ornements de tous les oiivrai;es d aif^i'i.terie ; la quantité de modèles qu'il a joints à ceux de son père le mettent a même, plus (|ue tout autre artiste, de produire de quoi satisfaire les personnes les plus curieuses d'ouvrages recherchés. Le sieur (iermain continue d'entreprendre toutes sortes d'ouvrages à tels prix qu'ils puissent monter et il n'exigera pas, comme il est d'usage, des avances pour matières. »

(2) Germain Bapst, Etudes sur Vorf'eererie française : les Germain, orfèvres-sculpteurs du Roy MS87, 1 vol. in-8o).pagc 180.

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(i!)lltliirr(*. (Jii.iiil ;iii\ iiiiulclciir^ ili'^ li;jiin">, (■'('■l.iiriil , in -ciiriMl, |r- |i|iis ii'Iiimiiiih's s(•^ll|ll(•ll|•■^ ilii li'iii|i--. On cnil i rcunii.iil ic l;i ni.iin i|c l'i^';illr il;in- nn ■-Miidiil ri'|in'xi'nl,inl h U.iccIkiv ri 1' \ niiuir - , i|iii ;i|i|i;irhi'nl ii l.i l'oin' ili' lin- >ic Il cnI inliniMii'nl \ i;ii--cnilil,ililc i|nr. vi ce n c^l ri'Ini-l.i . d ;inl rc^ ;irl l'-lr- li.iliilc- (iiil (lu lin jiiu'Icr leur (•(ilLilionil kui .

Glace do toilette exécutée en ijGG par Fr.-Tli. Geniiaiii, pour la princesse de Portngal.

Poiii' avoir une idée à peu près exacte de ce que fut rorfèvrerie de Fr.-Tli. Gei'uiaiu, ce ue sout pas les rares œuvres plus ou moins complètes qui se trouvent aujourd'hui dans les collections de quelques heureux mais très clair- semés amateurs, qu'il suffit de connaître. C'est en Russie, c'est surtout à la cour de Lisbonne que l'on peut admirer ces chefs-d'œuvre authentiques cou-

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serves avec un soin jaloux. Le roi de Portugal possède encore aujourd'hui 1274 pièces d'orfèvrerie provenant des ateliers de Fr.-Tli. Germain.

iNous avons donné, à la page 55, l'admirable aiguière portant la signature de

(liiH'ix'l i'i l)iiiiu\ de l'i'.-Tli. (nriiiiiiii.

Fi'.-Th. Gerniain (|iii ligurait dans ji- .Mus(''(' cenlciinal: mais, à défaut d'autres pièces authentiques, nous avons pensé quil y avail un inlérèl ii emprunter à la luxneuse monograj)liie inliluléc : l'0r/crn'/7(' franraisc à la Cour de Por- tugal, que M. (1. Bapst, si bien documenté sur tout ce qui concerne les Ger- main, a publiée avec le concours de la Société de Propagation pour les livres d'art, quelques-unes des pièces les plus remarquables de cette collection unique.

N" 1. 2.

Boites ;i poudre de Fr.-Tli. Germain.

1. [Musi-e centennnl.) 2. {L'o7-fèirerie du l'i rluçial.)

Le morceau principal (par/e IG.'-Jl, qui n'est pas d'ailleurs le mieux réussi, était un lourd surtout, mesurant plus d'un mètre de haut, qui représente un ensemble confus d'attributs de chasse, lévi'iers, fusils, cors, etc., reposant

^

yr

■fV^¥'''"Hi^f^^*^.

lliCU UUL'UU!

rcniarqi!

//• (le l'or- linn pour }•■

Put à oan cliaiulo et samowar sur son réchaud, c.xécuU-s par Fr.-TIi. (îomuii,! pour la Cour de Portugal.

Platerio exécutce pai- Fr.-TIi. Ge

'•main pMur la Cour do Portuiial.

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sur (li'N lull-^s(l||s lolllllls, le Idill ,111 ( uii|(;iu' III' ;i ilioilr il ;i ;.';il|r|ir «Ir (|r|l\ IrVIcllrN rnlirlnr-^ ;m-i|r->sils dr |;i lui^r, ri i|lll -~ii|il ijliiii' r\iTiil n m ;i(|- llliralili'. Ci'llr iiMINic, i|iii iir l'iil ;ir|ii'\fi' i|iii' |ilii>ir|irs ;illlii'i'-> ;i|)rcs |;i l.ul- lllr ili' liilIrMC, cl il.iiiN l,h|iir||c iiii irlliill\r llli iili''l;i ii;.t <lr lioillli'- |i;illir-- |il'»i\ cil.ilil ilr-- iiiKicii-- llllHl^l(■'^ iji' Tliuiii.is (lrnii;iiii, ri 1 1 ( uiiiiiiniK lii:il loiii- liiih'-^, ;i côli' ircNrcllciils ili'l;iil-> ilr sculpl mr, roùl.i un pri\ roii'^iiiiT.iJpIc.

l'aciiii 1rs |iiccrs iiii|i(ii'l allll•■^ i|iii ri)iii|tli'lairiil i-c iiia;j iiirn|iir l'ii^i'iiiMr, li;.'ii- l'airiil i|iialr(' sou|iicr(">, lUi |i(ils a nillc sur |i|alcaii\. Ils ('■lairiil rM'ciih's --iir ilciix iModclcs a itcii |)r('s scmltjalijcs cl i|ui ne variaii'iil i|ii(' |tar les li;jiircs sciNaiil ijc ImuiIoiis au\ (■ouvci'i'Ics : riiii de ces Ixtuloiis l'cpi'c'sciilail un Aiiidiir axer un rliini, ri raiilrr un Aiikuii' a\t'c deux coloinltcs. I.c couvercle l'Iail l'ail en rocaille, ri la lutrdure lornK'c par des l)ai;uellcs i-elic'cs à des intervalles i-('giilic;i*s par des t'cuillcs d'acaiillie. Aux deux cxtn'niilc'S, des j'auiies ai:ilaieul des haiideroles vl l'orinaienl les anses. Nous a\ons reproduK une de ces suuj)ièrcs ^ ixnjo. 105). rraiiiois-TlKunas (ici'inaiii dul Iravailler de longues anii(''es pour conipléler ce service. |)uis(pi'on le voit, en ITGO, livrer à la pi'incesse de Porlug^al un miroir u surinoidc' d'ini Amour prêt à couromier la heauli' » (ixkjc 1(39).

Dans le nombre, il y a cerlainemeiil lieaucoup de pièces qui semhlent avoir él('' ("ailes uniipienienl sui' les modèles de son j)ère, (Taulres cpii sont dun goùl inférieur, man(|uant d'unité ou ti'oj) t'ontournées. ÙueUjucs-unes sont : ingénieuse comnie le somowar dont la chaudière est formée par l'énorme l)anse d'un Chinois g:rimacan(, à l'air ébahi: riche et puissante conime le pot à anse et couvercle donl l'usage n'est pas bien délhii, mais dont le galbe et le décor sont également l'c-ussis; amusantes comme les boîtes à é|)ices, les poivriers, les salières, composés avec des ustensiles variés que portent des Indiens; ou encore les hui- liers, très divers, dont l'un li- gure un navire avec un màt central séparant la co(|ue en deux pour doîiner les évide- ments destinés à mettre le poivre et le sel.

D'un service de toilette, deux pièces seulement sul)sislent encore, un coffret à bijuux et une boite à poudre dont la forme moulurée est encadrée dans quatre consoles à mufles de lion; on sait, par M. G. Bapst, que la majeure partie des objets composant ce service ont été dispersés à dilTérentes époques, mais n'ont pas disparu puisqu'on en retrouve maintenant chez dilTérents collection

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Tlu'iéro (le Fr.-Tli. ( rcrmain. cxéruloo ponr la Coiii de Porliii;al.

I7G

neurs de France; le Musée ceiiLeiinal en possédait en effet un exemplaire plus simple de décor, mais dont la construction était id('nti(iue. JNous donnons côte à côte {page 170) les deux boites à poudre, et, certainement, celle qui était exposée au Musée centennal devait être une répétition sortant de l'atelier de Fr.-Tli. Germain.

Les pièces d'usai^e courant d'un décor simple étaient nondjreuses, d'une exé- cution souple et précieuse : la platerie, la lliéière et la cafetière à côtes tour- nantes nous donnent bien l'impression de celte oi-fèvrerie du dix-huilième siècle, sobre mais cependant savoureuse.

Théière cl calVlii-rc t'xécuU'-cs par Fi'.-Tli. Ocrniaiii pour la ('.nui' cU' Poi'lujial.

Mais, si intéressante, si complète et si variée que soit la collection de la cour de Portugal, c'est encore la Russie qui possède les œuvres les plus remarquables de Fr.-Th. Germain (1). En premier lieu, il faut citer les trois surtouts com- mandés en 1760 à l'artiste par l'impératrice Elisabeth (2), dont l'un mesure près d'un mètre de largeur, sur 70 centimètres de hauteur; ce sont les pièces les plus belles et les plus parfaites de toute l'orfèvrerie française. Le premier représente Bacchus et l'Amour assis sur un rocher; à droite et à gauche se trouvent une miette avec les attributs de la Folie et un petit garçon tenant deux tourterelles, symbole de la tendresse. Le second représente un Amour jouant des castagnettes et du tambour de basque. Le troisième, une petite fille jouant avec des tourte-

ilj Celle coUecUou fui exposée en 1885 à Sauit-Péler?l)ùui'fr, un .Musée du barou Sleifrlitz, cl le cata- logue, qui ne contient pas moins de 2"Î0 pièces les plus remarquables de l'orfèvrerie fran(;aise, existe dans la Bililiothèque de 1 Union centrale des arts décoratifs, au Pavillon de Marsan.

(2, Ils ne furent terminés qu'en 1*66. Ces trois magnifiques objets d'arl passèrent par succession de la famille Soltikoiru la famille .MallielV. C'est de cette dernière que rempernu- de Russie les acheta,- vers 188"), pour la somme de 300 000 roubles ^liOOOO francs) : ils se trouvent actuellement au palais de Gatchina, près de Saint-Pétersbonrg.

icllc>>. l'.^l ce I'ilmIIi' Mil liiiil ;iiilii' -ciili il iii r iiiiimiil i|iii ,i iiiiMlfli' crv li^jnrcs fll.illll.llllc^ ■'' ('.chi ^ciiihlc |>l nli.ililr Mciil iniiiinii^ riicoir ,111 |);il;iis dr l'clcilioll', ;"l Sailli I*(I(I--Imiiiil' , un iiiiinir m Idiiiic d n-i\i', vi-m'- rii hiiilcs |(||ic>- ilf l'"i;iii- cois-TlioiiKis (IciiiKiiii ; lin ^ciNirc, ilil siirncdr /'r/r/s^ :iii |';il;i|v illliNcr, d'iiii Im'I clVi'l, iii;ii-> (riiiic nicdiocic (incline: (|cii\ ^iiii|picrcs ;il)^(diiiiiiiil )i;ii(illo ;i

Ciin(l(''lal)i'i\ ooniposc et dessine- i)ai' .'. Hoëtlier^.

celles du i-oi (le Porluf:al, vl cuim une rlégante loiletle de vermeil appartenant au graud-due Alexis.

D"aueun autre orfèvre du dixdiiiitième siècle il ne subsiste un pareil ensemble d"(euvres renia r(|uables.

L'émule, pour ne pas dire le rival, de François-Thomas Germain fut Jacques Roëttiers. L'existence de celui-ci, honnête, droite et glorieuse jusqu'au bout, fut

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aussi paisible que l'autre fut troublée. Entre ees deux hommes, d'ailleurs si difTérents, comme talent et caractère, ]o contraste est frappant. Si l'on doit i\v- plorer que le petit nombre d'œuvres exécutées par le second et parvenues jusqu'à nous ne pcrmc^ttent de porter sur son méi-ite qu'un juj;ement incomplet, nous savons du moins qu'elles le plaçaient au premier ran^::, à la cour et parmi les artistes de son temps.

Jacques lloëttiers appartenait à une i-iche famille d'artistes d'origine llamande, qui fournit à la France, de IG82 à 177:2, quatre graveurs généraux des moiuiaies,

Surtout Uaoclius, conipusé el dessiiu' pai' .1. Uocllifr^

membres de l'Académie royale de peinture et de sculpture. Son père, Robert Roëttiers, après avoir été graveur général des monnaies en Angleterre, était venu se réfugier en France, à la suite de la Révolution de 1688. et y était devenu, en 170 i, tailleur général des monnaies. Jacques naquit en 1707 ; il était l'aîné de quatre enfants. Le roi d'Angleterre, Jacques III en personne, le tint sur les fonts baptismaux, et la duchesse de Perth fut sa marraine. On voit que le futur orfèvre, dès sa naissance, faisait déjà figure dans le monde. Il n'avait que 10 ans quand il perdit son père, âgé de 71 ans, lequel s'était acquis, depuis son installation en France, réputation et fortune, et possédait des terres, des fermes, notamment un petit domaine à Ghoisy-le-Roi. C'est dans cette propriété que fut élevé le jeune homme, et qu'il se prépara à suivre, comme graveur, la carrière s'étaient

171)

illll^lrcs Iniis ses jiiciix. Mii-- lu ii-^(|iiiiiiciil il .iIkiiiiIoiiii.i icllc \(iic nu |i()iirl;iiil l.ilil (le t'.icililcN sriiilil.iiciil s'iUiMir ilc\;iiil lui. ri oii ;i Imil lini i|c -ii|.|)()S('r (Hlim ;;ciilil roiii.iii d .iiiKHir, cliaiiclic désirs |in'iiiiri»'s ;iiiii<''cs de ■^oii ;id<il('s- cciirc, lui l;i ciiiisc dcl criililiaill c de m>ii (•|ian^'(MIM'lll de IM-soliiiioli c\ df s;i Vo- calitin. i'.ii cllfl, le ji'iiiic .lari|iic> Udclliri's avait pour vdisiii de caiiiitai-'iK', à Clioisy, le ci'lcltic (trlcxiT du roi, Nicolas Ucsiiicr, doiil la lillc, .Maric-Aiiiit', dans

Fût lie caiulclal)re. composé et dessinô ])ai" J. Roc-ttiers.

l'éclat de ses quinze ans, exerça sur lui, son camarade d'enfance, une irrc'sistible séduction. Le vieux Besnier dut envisager sans déplaisir une alliance qui pouvait lui donner à la fois un gendre très apparenté, et un successeur dans sa charge à la cour.

Jacques Roëttiers commença tout d'abord chez Thomas Germain, puis chez son futur beau-père, son apprentissage d'orfèvre et, dès le 17 juillet 1733, il était admis à la maitrise. Par grande faveur pour lui, comme quinze ans plus

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tard pour Fr.-Th. Gt'i-inaiii, les formalités du stage furent sensiblement abré- gées. Sa connaissance du dessin, les succès précoces et sérieux qu'il avait

Soupière exécutée pour le Dauphin par J. Roi'-Uicrs.

remportés à TAcadémie de peinture et de sculpture, et surtout ses hautes rela- tions, décidèrent la Compagnie des orfèvres à accueillir avec empressement une telle recrue. L'année suivante, le (ijuin \'?)i, Jacques Roëttiers, âgé de 26 ans,

Deux projets de plateaux pour la soupière exécutée pour le Dauphin par J. Roëttiers.

épousait Marie-Anne Besnier. En même temps, il était nommé orfèvre ordinaire du roi, et associé de son beau-père dont il obtenait, en 1738, la survivance et le logement du Louvre.

C'est de cette époque que datent les premiers ouvrages d'orfèvrerie de Roët-

- INI

tiers. .Iiisi|ircii ITTJ, il ne ri'ss;i de riiiiiiiir [Miiir l.i cdiir iiiir i|ii;iiil ili' dr s.iiwcjlc |>|•('(•i(•ll-^t• ; iii.iis li'N |ii(''C('«, r('iii,iri|ii;ililc'- iii;in|iii'r-^ ijii jx liiicoii iji- ^;i iii;ii^(»n <|iii l'miirc une ;j(m|ici vmiiI |»(iiii- .liii'^i iliii' iiil i< iii\ ,iM("-. cl |i,ii';ii->vcii| ;i\(,ir r\r à (K'ii [ires loiilcs (Ici niilcN.

I',ii |»;iil;iiil , iiii r|i:i|iilr(' |)i'(''C(''(|('iil , dii Itrrnril tir ilrssiii'< il'oi'fi'vro'it' de IMcrr'O (icriiiaiii II, 11(111^ ,■|\(Hl-^ i';i|i|icl('' (|iii' ^('|ll des |i|;iiicli('> de cri oilM'Ji^c ;is;iii'iil l'Ii'' i:r;i\ ('('«> |>;ir .1 . Uiifl I icrs cl (inCllc'^ rc|in'>>cnl;ii('id •■ (|iic|(nics inoi-ccaiix dOrlf- » Nrci'ic (|ii M cxcciilc art iicllcmciil |uiiii' Mnii<ci;jiiciir le haiipliiii ».

A dcrant de pièces aiil lienl 1(11^"-, nous avons |)eiis{'' (|ne les dessins eonvcr\('<; dans eel on\i"a,u<' seraieni nn docnnieid d aniani |iliis |ir(''cien\ (|ne ialle^lalion <le son coideniporain alliinie (|iie les pièces (nrdles re|)r(''senlenl avaienl ('h' cM'cnh'es pour le Danpliin. Leur d(>slinali(Mi sérail au besoin ('((nlii'nH'e |iar roinenienlalion de ces ouvra^^c's. les end)lènH'S el les ail ri! ml s (pii les di'corenl . Le /ml à nillr^ dont le couvercle e>l sui'iuonh' par un dauphin doniplt' par l'Ainour ai'nu' d'une nia<sue, et \c platcdii de la soupière [li(i</c 180), dont les anses sont formées par la r(''unioii de diuix dauphins allroiUés, no peuvent laisser aueiin doute sur la hante destina- lion (le ces |)ièees d'orfèvrerie. De la mènie époque datent d'autres pièces intéres- santes (|ue nous trouvons (''fjalenient dans le Recueil de Pierre (lermaiii, telles (jU(> le surtout tout à fait charinant [puf/c 178) ([ui est une (euvre de sculpture pleine de mouvement et de vie. \1\\ groupe d'enfants, jouant avec des pampres et un thyrse, et porté dans une coquille soutenue par deux ligures, Bacchus et Vénus, forme la pièce du milieu. Le candélabre [pat/e 179), ou du moins le fût, car les branches de lumière n'existent pas dans la gravure, est gracieusement composé avec un enlacement de deux figures portant une palme, qui devait servir de départ aux lumières.

De la même époque est le tlambeau {page 182) que nous empruntons au même Recueil et qui a bien la caractéristique du style Louis XV vers 1750, et possède en même temps le mérite de nous renseigner sur la manière de Jacques Roëttiers. D'un autre coté, aucun historien ne s'est encore attaché à éclairer la biographie de cet artiste, et ce que l'on sait de lui se borne à si peu de chose qu'il est bien difficile de procéder par des aftlrmations catégoriques sur son genre de talent II Ce qui est certain, c'est que durant les trente-cinq ans d'exercice de sa profession, de 17o7 à 177:2, il paraît avoir suivi les différentes fluctuations du goût et de la mode, se lançant d'abord avec une certaine exubérance dans la rocaille, puis transformant sa manière, s'assagissant pour finir par les plus déli- cates fantaisies du style Louis XVI. Au début, il dut, à coup sur, avoir à tenir

(1^ Les nieilltMir? renstMiriicmeiits bio^niphiques publiés jusqu'ici sur Roëttiers se bornent à la notice donnée par Jal ilans son Dictionnaire hislorii/ue, et à rétude que M. Victor Advielle a donnée sur Roëttiers dans la Collection des Mémoires de la Réunion de la Société des Beaux-Arts des départements XII, p. 446-371.

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compte du stock de modèles que lui avait laissés son beau-père et qui sans doute étaient quelque peu surannés. Une des premières œuvres importantes il eut Toceasion de mettre quelque chose de sa personnalité dut être la vaisselle qu'il exécuta en 1743 pour la Dauphine Maric-Thérèse-Antoinette, lors de son mariage; on en parla avec éloges à la cour, elle lui fut payée 300000 livres. Mais, à cette date, Th. Germain, dont la gloire éclipsait tout autour de lui, vivait encore.

Jacques Roëttiers, considéré comme un (lél)utant, ne pouvait aspirer qu'à l'exécution des commandes dédai- gnées par l'illustre orfèvre, qui avait été un moment son maître. Celui-ci mort, et le jeune François-Thomas (lermain ('tant devenu son voisin de logement au Louvre, .1. Roëttiers prit plus d'aj)lomI) e( partagea, avec ce dernier, l'honneur tlavoir' à livrer la vaisselle du Roi. Le Journal du Garde-Meuble de l'année 1752 nous indique (1) qu'il lit à cette époque, en collaboration avec son remuant confrère, le service de campagne de Louis XV, comprenant une douzaine de pièces. En fouillant les archives, on trouverait probablement la men- tion de ses principaux ouvrages pour la Cour. Il est à remarquer cependant que nous avons vainement cherché son nom dans les Registres du Mi- nistère des Affaires étrangères parmi les orfèvres chargés des présents di- plomatiques. De même, dans les Comptes des Menus plaisirs, il ne figure qu'à de rares intervalles : en 1747, pour les anneaux d'or et d'argent qu'il fit lors du second mariage du Dauphin, et pour une paire de flambeaux ciselés avec les armes et la légende, qu'il factura 596 livres; en 1753, pour une boîte à éponge, un flacon et un couteau à lame d'argent, payés 788 livres; en 1755, pour une paire de flambeaux dont la façon seule est de 200 livres, etc. Ce ne sont que de menus ouvrages sans importance. Roëttiers exécuta pour le Roi, à diffé- rentes époques, des pièces de premier ordre, comme les deux sucriers d'or

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Flambeau composé et dessiné par J. lloëttiei-:

(1) Journal du Garde-Meuble, Archives Nalionales, 0., 3314, p. 133.

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Porli-ail (le J.vcqlls llUÈTTIKUS, i)ar ^iL•()la^ Cochin. (dahiitel des eslampes à la Bihliulhcquc luiliuiutle.)

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ju;;(''S si i-ciiKiriiii.ilili'^, (|m' ihiii-- la imccc mi lU liu'iii-aiciil , :iii ital.ii-^ «le \rr-

Saillcs. (III les |i|;ii;ill siiil'^ il("> NlIniK'^ |iliilc(| liiTv. Il ,i\;iil .•|ll->^i |)((Mr «liciil- les |iriiici|i;iii\ |M'rs(>iliiaL;c-^ de la cdiir fl (|r-. ■-( •ii\ it;iiii'^ ('■( imii;_'c|-^. I.a |ilii- f^rainlc [lailic de la iioMcn'^c v',ii||-cs^,iiI a lin |i(iiir Imil n- ipu l'I.iil oric^ \rrric sdij^iiiM", cl siirldiil jiicii uraxcc, car roi'iVîvrc giirdail au ((ciir I .uiKiiir lie Cil ;iil (je la ma\(irc aiii|iic| il a\ail ciuisaciv'' sa jciiiicsx- cl ijaii^ lci|iic| il aiiiail \oiilii s'illiisl rcr cdaiiiic sc> aiciix. Il v rcxciiail -ans cc-sc, (|iian<l le sonci lii"^ alVail•c•^ le lui |icnncMail. C/t'Iail li' (h'Iasscnii'iil ilc I arli-lc rcsh' lidclc a siMi |ircnnci' idcal. Les |iicccs (TorlcN rci'ic an\(|nc||cs il incllail la main |Miiicn( la niar(|nc (\r cr lalcnl s|)(''(Mal du ;^ra\iMir en iin^daillc'^ : Nd es! le lican siM'vice de laMc (|in se Iroiive aciiiellcineni an Palais dlliv(îr, à Sainl-I*(''tei'slu)m'j4, (li'si^m'' sons le noni île srrvice O/Io//, \ciidn en l'uissie |iai- des (Miiiiii'ôs tVaiieais. an nionienl de la lirvohilioii, ci (jne lloidlicrs avait dn exi'ciiler j)()ni' (|neli|ne personnage de la conr; lelle est encore lai- iznière de l'orme ovale et aplatie (jue possédait le harini Pi(dion, dans la collection qn'il vendit en hSTS, et dont la ,L:i-avnre est pai'licnlierenietil remar- (piablc.

Jacipies Roi'Itiors fut très certaiiioniLMil mi lionune f;ravc et silencienx, «pii fuyait le brnit et aimait le calme de la vie de famille. Ce n'est pas lui qui am-ait l'empli, comme son confrère Fi'.-Tli. (lermain, les f^azelles dn teni[)S de !•('•- clanu's dilliyrambi(iues, ou organisé des expositions de son orfèvrerie, chaque fois qu'il venait de livrer une fourniture de quelque conséquence. Nicolas Goehin a fait de lui, en 1770, un superbe portrait (page 183), gravé par Augustin de Saint- Aubin, et qui nous le montre en médaillon, vu de profil, Il a bien les traits que fait supposer son caractère.

Après la déconfiture de Fi'ani;ois-Thom:is, il hérita d'une partie des tra- vaux retirés désormais au malheureux orfèvre en faillite ; mais, à cette époque, Roëttiers pensait déjà à se retirer des affaires, quoi({u'il n'eût pas encore» cinquante ans, pour pouvoir s'adonner complètement à son art favori de la gravure en médailles. Il était entouré de la considération de toute sa corporation qui le nomma garde de l'Orfèvrerie, en 1754, puis grand garde en 1758 et 1761. Il souhaitait obtenir ses lettres de noblesse. Le roi les lui accorda en 177:2, et il prit dès lors le nom de Jacques Roëttiers de Latour; mais, en enregistrant ces lettres d'anoblissement, le Parlement spécifia que celui qui en était l'objet ne pourrait plus, à l'avenir, exercer la profession d'orfèvre, incompatible avec son nouveau titre. Cela n'était pas pour déplaire à Roëttiers, qui s'empressa de prendre sa retraite et de donner la direction de ses ateliers à ses deux fils. L'un, Alexandre-Louis Roëttiers, fort instruit, devint le chef de la maison à partir de 1772. Mais il avait d'autres ambitions: il abandomia l'orfèvrerie le 20 novembre 1775 et se fit nommer conseiller

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de la Chambre des comptes. Il devint, en 1791, directeui- de la Monnaie de Paris (l). L'autre, Jacques-Nicolas Roëttiers, reçu maître en 1765, fut le vrai et digne successeur de son père. Ce fut lui qui, pendant les dernières années du dix-huitième siècle, fit le plus d'affaires dans le corps de l'orfèvrerie, après Lempereur et Mercier (2).

Quant au père, complètement repi'is parla gravure en médailles, il fut nommé membre de l'Académie royale de peinture et de sculpture, et mourut aux Galeries du Louvre, le 17 mai 1784, à l'âge de 77 ans.

Parmi les grands et précieux travaux de Jacques Roëttiers, nous ne devons pas oublier ceux qu'il exécuta pour M'"" du Barry et dont nous parlerons au chapitre suivant; mais, à cette époque, les œuvres de Roëttiers allaient s'imprégner du goût nouveau qui dominait, et nous le verrons donner à l'orfèvrerie de style Louis XVI qu'il exécuta i)our la favorite, le même charme cpi'il avait su im- primer au style Louis XV, dont les gravures (piil avait signées dans le Recueil de Pierre Germain II, et (jue nous avons reproduites plus haut, nous ont fait apprécier l'élégance.

(1) Il se faisait appeler Louis RoëUiers de Monlaleut pour se (iistiiif;uer de son frère. Il est mort seu- lement le 27 février 1855, en sa maison rue du Kour-Saint-fiei-maiu, o3. Voir l'étude sur les Itoëtliers, de Victor Advielle, et Journal-Dictionnaire historique.

(2) C'est ce qui ressort des registres de capitation consultés par .M. Germain Uapst, qui cite ce fait dans son ouvrage. Inventaire de Marie-Josèplic de Saxe, paj^e 90.

Panier fleuri par Ranson.

FiapiiuMil (romNHlrcnu'nl «le la Ucliilinn (l( s Kèles du maria(;v «lu l)aii|iliin, ijV.I-

l)os>iii (lo Hlondcl.

CHAPITRE SIXIEME

La niaivjuiso do Pompadour ot son innuenco.

Tout à la Giuhmjuo. Avonoinoul du stylo Louis XVL M'"' du Barry

ol SOS prodigalilos. Sos ooinniandos à roi'lôvi'o Hor^tliors.

Los boîtos ot los momis objots do styh* Louis WL

La oatasti'oplio do 1 750. Conoupronoo fait<' à l'arûontorie

pai' la i)oroolaino. Los industi'ios du siniilor ot du doublo.

La poterie d'olain.

OLs arrivons à un moment les orfèvres dont nous venons de parler, subissant les influences nouvelles, vont pousser l'art dans des voies plus sages et, peu à peu, changer Torienlation de leur manière. C'est alors qu'apparaît une femme de goût, d'un sentiment artistique très développé, et dans laquelle s'est in- carné l'art de la seconde moitié du dix-huitième siècle : la marquise de Pompadour: non pas que nous prétendions qu'elle ait eu sur tout ce qui se rapporte à l'Art un système bien arrêté, mais elle avait reçu des dons précieux, abondait en qualités charmantes, et savait s'entourer des

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artistes en vogue, eoinrne Boucher, Van Loo, Pigalle et Drouais. Elle encourageait les délDuts de Vien, tenait Bouchardon en grande estime, e( faisait de Guay, le graveur en pierres fines, son collaborateur ordinaii-e.

jyjnie jg Pompadour a véritablement aimé l'art; elle lui a donné le meilleur de son temps, se passionnant non seulement pour les oeuvres qu'elle achetait pour emljellir ses demeures, mais sachant aussi provoquer par ses commandes et son goût pour le luxe de l'ameublement, les recherches nouvelles. Son souvenir res- tera attaché à l'art de cette époque, dans tout ce que cet art a eu d'intime, de familier dans cet ensemble d'objets si divers cpie le dix-huitième siècle créa à son image, et de particulièrement li('' à la vie de riiomnie pour entourer son existence, pour la servir et la parer.

Ce ne sera pas seulement l'art «pie protégera la mai-quise; ce sont aussi les créations utiles et les uioiiumcnts que le tenq)s respectera et qui prolongeront dans l'avenir la i)0i)ularité d'une favorite. Elle transporta la fabrique de porce- laines de Vincennes à Sèvres, et créa cette manufacture dont les produits, dotant l'industrie française d'une porcelaine d'art, devaient enlever à la Saxe le tribut que lui payait lEurope; elle fit déclarer Sèvres manufacture royale, comme la Savonnerie et les Gobelins. Elle eut aussi l'heureuse pensée de compléter la noble idée de Louis XIV, en donuant un pendant aux Invalides, par l'établissement d'une Ecole militaire, devaient être élevés les fils des soldats morts à l'ennemi (1).

Elle touchait à tout, elle se dépensait avec une activité dévorante, se répan- dant en cent lieux et en mille choses. Elle trouvait nième le temps de faire œuvre d'artiste et, sous la conduite de (iuay, elle s'essayait à l'art délicat de la gravure à l'eau-forte, et reproduisait, dans une suite de soixante-neuf estampes qu'elle faisait imprimer, les pierres gravées de son maître, des cachets, des allégories et des trophées.

Elle faisait de fréquentes visites chez Lazare Duvaux. elle trouvait à satis- faire son goût de curieuse et de femme. Mais ce n'était pas seulement les objets anciens qu'elle achetait chez ce marchand joaillier que Louis Courajod nous a fait connaître par la publication de son Livre-Journal, en le faisant précéder d'une Introduction savante il révèle l'influence de la marquise, il nous la montre également, commandant des montures de vases, des bronzes, des bijoux, des pièces d'orfèvrerie pour elle et pour le roi, que Lazare Duvaux exécutait lui-même ou faisait exécuter par les plus habiles de son temps.

C'est une curieuse figure que ce Lazare Duvaux : marchand mercier, il com- mence par faire le commerce de la curiosité ; les documents contemporains le qualifient indilTéremment de mercier, de bijoutier, de joaillier et d'orfèvre. De son métier, il était fondeur, ciseleur, monteur en bronze, bijoutier et orfèvre dans le

1) De GuMCourt, ,)/""■ île Pompadour, page,-^ 178 et suivantes.

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^•'"^ ilcnic ilii mol, <|iiiii(|u il II ;iil |.iiii;ii, cii de iii;in|iii' m ,{,■ poiindii. Il

ol'lllll le lili\.'l >\i>\-\i'\ii- ji, //////!■/■ ,/i/ Uni. CrvI |,|i.|.;iMr|iiciil | i.ir -ml r «les |iri\i- l(';;('s ;ill;i(|ii'v ,1 ce |i|ic d ,1 v['\\\\ de iniinlutnd snimiil In ('uiii\ iiiir |)ii\;m\ |'||(

Fac-similé de l'estampe de la Marquise de Pompadour

servant de frontispice à son Recueil d'estampes gradées à Ceau-forte

d'après les pierres gravées de Guay, graveur du Roi Louis XV.

dispensé de prendre son brevet de maîtrise parmi les orfèvres, et alTranchi vrai- semblablement de l'obligation d'avoir un poinçon.

La fréiiuentation de nombreux amateurs, hommes de goût et d'éducation raffinée (jui étaient ses clients, avait développé en lui l'appréciation des belles

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choses, et la vue de ces (euvres variées et précieuses qui meublaient son magasin lui avait appris les ressources du métier de ceux qui les avaient créées. Peu à peu, pour satisfaire une clientèle qui avait confiance en lui, de marchand, il était devenu bronzier, orfèvre et joaillier. Il fabriquait des bras, des girandoles et des lustres; il montait des diamants, composait des bagues, des tabatières, des bon- bonnières et boîtes de montres; il ciselait des pommeaux de cannes ; il faisait de la vaisselle d'or et d'argent et l'exécutait sur des modèles qu'il demandait aux plus célèbres modeleurs de l'époque.

Nombreux sont les objets décrits sonnnaircment dans son journal, qui témoi- gnent de son habileté et des ressources don! il disposait.

Le n" 2087 signale une pièce d'orfèvrerie importante, avec (piati'c colonnes et cassolettes en argent. Le n" 211(5, une grille de cheminée conqiosée d'un cygne dans des roseaux : « Modèle fait exprès ». Quelle est sa pai't de travail? s'est-il borné à l'inspirer, l'a-t-il ciselée lui-même, ou, l'ayant fondue, l'a-l-il conliée à quelque éminent artiste, comme semble le penser M. Courajod, qui, pour une sa- lière d'or retrouvée dans un catalogue de vente de 1780, indiquée comme ayant appartenu à un sieur Collin, intendant de feu M""" la Marquise de Pompadour, nous déci'it : « l'ue salière d'oi' exécutée par Auguste, orfèvre du lioi, d'après )) les nu)dèles de Falconnet. La salière est représentée par un matelot assis sur » une roche, tenant une huître: et la poivrière, un jeune garçon qui tient un » sac sur lequel est représenté du poivre en grains; chacun ayant cinq pouces de » hauteur (1). »

Dans tous les cas, il fabriipu- mènu' de l'orfèvrerie d'usage, puisqu'on le voit fournir à M'"" de Pompadour et au Koi des nécessaires « garnis d'une écuelle avec » son couvercle et son assiette, un gobelet, un couvert et son couteau en argent » d'Allemagne, une lampe de nuit en argent de Paris, un marabout, un réchaud » à esprit de vin, une boîte à double thé d'argent, une théière, un sucrier >>, et à juger par le nombre d'ustensijes en argent que lui commanda Louis XV, qui cependant avait des orfèvres comme Ballin, Roëttiers et Besnier, il faut bien penser qu'aujourd'hui nous pouvons le considérer comme l'orfèvre attitré de jypne ^^^, Pompadour et même du roi Louis XV.

. L'orfèvrerie des dernières années du règne de Louis XV porte déjà l'em- preinte et les principaux caractères de ce qu'on est convenu d'appeler le style Louis XVI, ce qui fait quelquefois confondre les œuvres de cette période de tran- sition. Il ne faut point ouldier que, dès 1760, la mar({uise de Pompadour, bien loin de favoriser, comme nous l'avons dit et comme on le croit assez générale- ment, les folies du genre rocaille, se montrait fort entichée des œuvres d'un goût plus sur, et encourageait de tout son pouvoir (qui était grand) et de toute son

(Ij Luuit; Courajod, Liore Journal de Lazare Dnvaur, IiiU'oduclioD, pages 72 à 7S.

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lllllliciicf i|lll lui vi lirmcil^f |MHir I ;ill ri-;ilir;ii> les I r|i(liilicr ^ ;i|(|i il ni milles ll(ill\ l'Iicv \cr^ I CIikIc (|c^ llloiiiliiii'ill ■- <\r I .ilil li|illl c. S.ilis ilulllr. s("- | tl'i 'l't •rciKT'S |i;ir;ii'^vciil ;iMiir de ImiiI .nilics i|iii;iiil lc-> ili\ |Mfiiiicrcs .iiiikts de v.i loulr j»iiis- s;iii((', fl ('('si ce (|iii |ii(ili,iMciiiciil ;i iiidiiil en «i rciir (|iic|i|iic- iiii> de ses lii^lo- ru'ii'^, cl accrcdilc dc-^ idées r.iiisses sur ^i>\\ mie ;iu pdiul de \ ne ;ifl isliqiie.

A peiue ius|;ill(''(> ;i l:i eiiui' de \('rs;iilles, elle de\iul ;iussi(("»| |:i direciriee e| l'ordduu.il liée de- |)l;ii-irs ii)\,iii\, cl son ,:j(''iiie de r;iiT;iii;jeiiieiil pour loni ee i|ui Idiudie au iiiidiilier s'eiii|il(i\a, d,iii> les ii(iiiilM-eii\ palais (pi'elle lil e(tiis| riiire, dails les iiieuliles ou dans les .iiiieuMeiiieiils (|u"elle iiiia^ilia.a mell re eu \ aleur' leshle exislaill a l'Iieiire de siui a\ eiietiieiil . C'est ee ipii a lail dire aux (Veres de ("loiieoiirl. avec un |icu d'e\a,L:(''ral ioii. «pie la Im'IIc iiiaiNpiise « es! la niarraiiic du rococo » I . A C(' iiiiMiiciil, il esl très \ r;ii (pTelle l'aisail une lar;^<' |)lace, datis son délicieux palais de l>elle\ue. ipie coiisl ruisail l'arcdiileele Lassiirancc, aux /iirt/ucrirs, aux ineuMcs \eiilnis, eonlonnu's cl d(''(dii(piel(''s, rpi elle l'aisail venir tMi (pianlilc de clic/ La/arc huvaux ["l-.

On baplisail de son nom « à la P()ni|iadonr », carrosses, lits, soplias, ineuds de iidians, toni ce (pii scnildail èlrc le rcllcl de son élégance et de son prcs- {[lic. Mais, dix ans plus lai'd, c'esl une com|)lè(e volte-face, ainsi (pie roui. jiisLe- inciil reinai'(|U('' les ('crivains (pii, tels (|ue .M. de Noliiac (3y, ii"aj)plirjuent pas à l'Iiisloire des procédés de romanciers, et contrôlent les fîiits avec des dates pré- cises. Alors le caprice de M'"" dePompadour est entièrement acquis à l'art antique, dont renlreticnnenl constamment les amis de son entourai^e, d'abord son oncle, M. de Tourneiiem, surintendant des Beaux-Arts; ensuite son frère, le comte de Vandièi'cs, devenu depuis, grâce à elle, marquis de Marigny, qui j)rit sa succes- sion et fut, connue son oncle, directeur général des Bâtiments et des Beaux-Arts. Elle l'avait envoyé en Italie étudier les chefs-d'œuvre classiques avec l'abbé Leblanc l'archéologue, et Cochin le graveur, ce même Cochin qui avait lam^é, contre l'orfèvrerie rocaille, la diatribe citée plus haut et qui venait de publier ses O/iscrcadons sur les antiquités d' Herculanum. Ce fut la marquise qui, la première, mit à la mode les meubles à la Grecque, inspirés de la décoration des édifices anciens, et qui firent un moment fureur. « La manie du jour est de tout faire à la Grecque », écrivait Rachaumont, le 22 avril 1764 (4). De son côté, Grimm disait : « Tout se fait à la Grecque, la décoration extérieure et intérieure des bâtiments, » les meubles, les étoffes..., les formes sont belles, nobles, agréables, au lieu » qu'elles étaient tout arbitraires, bizarres et absurdes, il y a dix ou douze » ans lo». L'orfèvrerie ne manque pas de sacrifier immédiatement à la fan-

1) (joncoiirt. Madame de Vompadow.

(2 Courajod. Journal de Lazare Duraiix (passini'. Introduction, page? 3G à iO. 3: P. de Noltiac, Louis XV et .)/'"« de l'ompadour, d'après des documents inédits ,1904, 1 vol. in-lS .

4 Bachaumont, Mémoires secrets. II. p. o3.

."il Griuiui, Correspondance littéraire (Paris, 18-2!l, t. III. p. 12* .

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taisie du iiiomciit, et l'on a, de Fr.-Tli. Germain, un j^i'ospeclus portant la date du 24 janvier i7G(), annonçant la vente d'une collection de vases antiques (|ue l'artiste ofï'rait au public et qu'il déclarait « ornés de bronze d'un goût exquis et de la plus belle dorure » (1). Il déclarait en outre vouloir continuer ce genre de production et « varier ingénieusenient les formes et les ornements de tous les ouvrages d'argenterie ».

Les gravures des chiffres, devises, emblèmes e( armoiries donl les orfèvres

FrouLispice du Livre de cliifj'res. de Poucet fds.

agrémentaient leurs ouvrages, subissent les mêmes influences. Un dessinateur du temps, Poiiget fds, graveur et joaillier, qui avait fait son apprenlisçàge chez le joaillier Lempereur et y avait appris «à connaître les ressources de son art, nous a laissé un volume intéressant de modèles de chiffres, emblèmes, devises et armoi- ries ([ui reflètent le goût du jour.

Pouget avait trouvé auprès du frère de M'"" de Pompadour, le marquis de Mari- gny, un protecteur éclairé auquel il avait voulu rendre hommage, et dans le fron- tispice qu'il gravait et mettait en tète de son recueil, pour reconnaître l'appui et les encouragements qu'il lui avait toujours donnés, il accompagnait la dédicace

(ly Mercure, ii" de janvier 11G6.

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(riiiic L'i'iiN iirr i|iic 111)11^ rc|ii(M|iii^(iii^ il (|iii iiKiiili'i' lin jnli -|m rnnrn ilr -mi t.iliiit cl iinlii|ih' I .11 liiiiiiiMMicjil Nci'v cri ;iil |ilii- --iiii|ili\ iiiiiis nirorc iii.iiiif'n'', «iiii ,|,.\;iil ,|c\ciiir le v| \ le |,,,iii- W I (»ii Ir Miil, il sChiil dd m if,i---(' < |r l.'i |-(ir;illlr; il cl.iil i'lc:.;;iiil cl ;i l;i mode, iii.ii'^ rr n'cliiil ciicnrc ipii' du s|\|c l'diiip.idoiir.

.NoM^ Ml' |M»--scd(i||^ lILlIlirlIlCllvcilIfllI i|lli' de ln"> IMIO |i|r(r- d < ilT< ' V rcric

aiillit'iirh|iic-- ;i\;i!il ;i|.|Milciiii ;i M'" dr l'uiii| i.idoii r, cl c'c-l ;iii Mii-i'c cciil ciiii.d que iioiis dc\oiiN riicurcusc lorluiic i\(' les loiiii.iilic cl d;i\iMi' pu les ;i(|uiircr.

Saucici'i' (le la iiiar(|uiM' dr l'niiiiiailinir. [Collecllon lie .l/""' liiinil.

Deux pièces aiTacliécs (pai'iiuel miracle?) à la destriiclion de lTo9 figuraient au Musée eeiiteniial dans la colleeLion de M""' Bui'at. Ce sont deux saucières dont lune a apparieiui au haron Piclion et l'autre à M. Leroux qui l'avait trouvée à Nantes, en 18U), avec son ècriii d'origine. L'une d'elles avait jadis fait partie de la collection de M. Paul Eudel qui en donne la description suivante :

« Le pied est formé par un cep portant le corps de la saucière et venant dé- corer la panse. Le haut est divisé en compartiments décorés aux extrémités par des feuilles de vigne et d'olivier; au centre, un écussou supporté par des griffons, une couronne et les armoiries de la marquise. »

Les poinçons relevés par M. Eudel indiquent que la pièce (|u'il possédait a été faliri([uée en 17').'), sous J.-J. Prévost, par l'orfèvre François Joubert (h; cette date

(l) C'est par erreur que le Calalo()ue dfs Musées ccntennuux avait atlril)ué la propriété de cette pièce insigne à .M™e iiu Barry, puisi|ue la marquise était alors toute-pui.-^saule et ue mourut qu'en 176.).

11

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et les armes de la mai'qiiise ne laissent aucun doute sur rattriljutioii que nous avons faite, et donnent une valeur d'une insigne rareté à ce monument de l'orfè- vrerie française à cette époque; nous devons remercier M""' Burat, non pas seu- lement de les avoir su réunir, mais de les avoir prêtées aux organisateurs du Musée centennal. On sait que la marquise fit fondre à la Monnaie son argentei'ie, en 4759; mais cela n'empêcha pas qu'elle en avait, à sa mort, pour 087 000 livres, dont 507 000 livres en vaisselle d'argent et 180000 livres en vaisselle d'or, ce qui j)rouve à (piel jujinl elle poussa l'amour de ce genre de luxe. Que de chefs- d'œuvre devaient se trouver dans une pareille collection! Quand on pense au soin qu'elle prenait de ne s'entourer que des plus belles choses, que des objets de l'art le plus raffiné, et (pie, lorscpTelle connnandait aux artistes ses ameuble- nuMits, elle ne s'adressait (pi'aux plus habiles, à ceux dont la main-d'œuvre coû- tait le {)luscher, on imagine sans peine ce ([ue pouvaient être les accessoires d'or et d'argent destinés à paraître sur la tal)le Louis le Bien-Aimé venait s'as- seoir, dans l'intimité des petits api)arlements. Les fameux soupers auxquels n'as- sistaient que les familiers, les courtisans admis par faveur toute spéciale, ne com- portaient pas l'argenlerie monumentale des services d'apparat, qui avaient été jus(pie-là en usage. M""" de Pompadour en imagina ime moins difficile à manier, et de jtroporlions plus réduites, qui ne tai'da j)as à servir de modèle à toute la Cour.

Ce fut à cette époque qu'à la demande de Louis W, on avait construit, pour les soupers du roi, des tables mécaniques qui, mues par un ressort, montaient d'elles-mêmes tontes servies du sous-sol au salon et au boutloir, otfrant les mets et les friandises dont elles étaient couvertes aux convives stupéfaits, sans qu'il y eût besoin de valets pour l'office.

Le fameux Loriot, qui exposa au Louvre, en 1769, une table de cette espèce, surgissant du parquet au moindre signal, avec son service d'argenterie (1), eut des imitateurs; et le buffet mouvant d'Arnoult ou la table à surprise de Guérin, n'eurent rien à envier au guéridon volant installé par Loriot.

Le Musée des Arts décoratifs conserve dans ses collections l'aquarelle ori- ginale de Guérin de Montpellier, montrant la construction du buffet mécanique qu'il avait inventé, et qui, patronné par le marquis de Marigny, avait été installé au château de la Muette; nous en dounons ici la reproduction {page 195).

Plus d'un grand seigneur, dans ces Folles qu'il était de bon ton de se faire construire aux environs de Paris, et l'on invitait ses amis à faire bojuie chère, avec un laisser-aller très souvent libertin, possédait des tables mécaniques dans le genre de celles qui avaient été faites pour les petits soupers de Louis XV; sans doute, on n'aurait pu faire tenir sur ces tables légères les 230 pièces qui

(1) Voir Mercure de France. iuiiU(''r() de juillet 17(1'.).

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ènartl A^ CeshitimenS. Par Sen. ti-es hiunUe et très oiiMsaiu, ^ermteur (juerutjiis.

lUillVt iiK'Tani([iie de (auriii. D'uprùs riuiuiirclle njipiirlpmtul aur riilleclioiis du Musée îles Arts (lécor;ili('s.]

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(•()ll>lllli;iiriil ciiciin' ;i celle d.ile un service Itieil c(iiii|(lel d'iii-erileiie. iiiîlis de plus en plus, une smiplicile rallinee, p;inni les plus iV-iiis (iV-lt'-.iiice, de\en;iil un ^iMii'c (piiin iilVecl.iil de sui\ie, ,i l'nnihdiou des princes el <les princesses.

l'nt' CdUlunie de iille epiupie (pie linils I jdilX (Mis <|(''crile dîHIS une c|ir(ini(pie de r(H'jl-d('-U(i'Ur en est l.i preu\ e l I I. h;ills le Ite.ill lIKtllde, on soupe depuis » ipielipies jours a la (' hic/irtlr^ c'csi-à-dire (priliic l'ois le service posi'* sur la ■> lahie, les doiiieslifpies disparaissaieni el al leiidaieiil , pour reiilrei', lelinilire » d'iiue ( loclielte plac(''e près du inaiire ou de la inaiiresse de la iiiaisoii. »»

l.e duc de (a-oy, ipii |»ril part dans sa jeunesse a (pielques-uns de ces sou- pers, parle de la iiberlc' avec la(|nelle clia(pie convive pouvait se sei'vir, el <lil coninienl Louis W se servait Jui-mènie son calV'. - La salle ;i nianjrer élail diar- •> niante et le sonpei' fort a,i:r(''al>le, sans ^èiie ; (Ui ir(''tail servi <pie par deux ou " trois valets de la i:ai'de-i'ol>e, ipii se reliraient aj)rès vous avoir <l()nn('' ce qu'il » l'allait (pie chacun eut devant soi » (^); une gravure du temps : <( le Souper lin », d'aprt's .Moreau le Jeuiio [page lîH)), nous montre ce (|n'(''taient l(^s r(''eeptions iVrmées d'où les domesti(jues (''talent exclus.

N'oul)lions pas non |)lus (jue ee n'est (jue vers ee mAme temps que la salle a manger til son appaiition dans les appartements: on mangeait dans n'importe cpielh» pi(^'ee de la maison, aussi bien dans le salon, ou salle, (jue dans la cliambre à coucher, ou dansla galerie comme à Versailles. C'cstde cette époque (''gaiement, l'on prit l'habitude de servir les mets sur les tables, que date cette orfèvrerie in- Iniiment praticjue et li^gère, d'un usage facile, adaptc'e aux besoins du service et que les plus petites mains des plus jolies duchesses pouvaient aisément faire circuler.

C'est alors aussi (ju'on commença à mettre des manches de bois aux cafe- tières et théières d'argent, et l'invention parut si agréable que tout le monde voulut l'appliquer. Il est probable que les manches de bois dont sont pourvues les théières ou cafetières des époques précédentes, qui sont parvenues jusqu'à nous, et ont été préservées de la destruction, ont été ajoutés après coup. Le Journal de Lazare Duvaux contient cette note : « A Madame la Dauphine, pour la répara- » tien faite à une cafetière d'or qui était creuée et bossuée ; ajouté une rosette » d'or à l'endroit du manche que l'on a refait en ébène; 55 livres. »

h' Art du coutelier, de J.-J. Perret, publié à Paris, en 1771, nous détaille les substances diverses employées pour ces manches, et l'on voit dans cet ouvrage à quels prix souvent très élevés montaient les fa(;ons délicates et charmantes de ces travaux. L'ébène, les bois vernis, le bois de fer, qu'on appelait alors bois de Chine, étaient de l'emploi le plus journaher. La nacre, l'ivoire étaient rehaussés de cannelures, d'incrustations, de rosettes et de filets d'or. On se servait aussi,

(1 Chronique de l'Œil-de-Iiœuf, t. III, p. 216.

(2) Le duc lie Croy, Mémoires, cités par M. de Nolhac : Louis XV et .V™« de Pompadour.

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surtout pour les couteaux, de manches de porcelaine. M""' de Pompadour acheta, en J758, à Lazare Duvaux, « 24 manches de couteaux de porcelaine en vert, peints en guirlandes », qui lui revinrent à TiTC livres. Ce fut également la mode de pré- parer soi-même son café, et Ton vit de mignons moulins h. café faire leur appa- i-ilion dans la salle à manger. Comme Louis XV raffolait de cette boisson. M"" de Pompadour en possédait bien entendu de toutes sortes, et l'on en vit un, lors de sa vente après décès, le 24 janvier ITO^i, qui était en or, ciselé en ors de couleur, représentant des branches de caféier. En un mot, l'orfèvrerie pénétrait sous tontes les formes dans les moindres habitudes de la vie privée, elle ^y/in/iriii/sa/'f, se famiiian'saif si l'on |)('ut dire, se prêtait à tons les besoins, en s"iiitro(hii'^ant dans tous les ran^s de la société.

La mar([uisc de Pompadour disparue, c'est la du Barry qui arrive et apporte avec elle le rêve insensé d'une femme galante, une folie de dépense, une extrava- gance de luxe. T^os origines de M"'* du Barry et son éducation n'avaient guère été de nature à développer en elle le goût des arts; si elle eût l'cssend^lé en tous points à ses pareilles, elle aurait pu tout compromettre. Heureusement elle demeura sans influence réelle sur la marche des choses et elle crut de son rôle, non de continuer celui de la marquise, mais de laisser aller les flots selon la pente indiquée (1).

Ce qu'il lui faut, à elle, c'est le luxe le plus raffiné, ce (|ui coûte le plus cher, ce que la main-d'o'uvre du temps a produit de plus parfait : des robes, des broderies à la main, des dentelles, des bijoux commandés au joaiUier Au- bert dont le mémoire, pour l'année 1772 seule, monte à 544 OiO livres. Ceux livrés par Boehmer, ses achats de porcelaines à la manufacture de Sèvres, ces orfèvreries que Roéttiers fournissait, engloutissaient des sommes considérables.

Toutes ces belles choses, ces rares objets, demandaient un temple qui fût à leur taille, un pavillon de fée qni fût dans sa grâce, dans la délicatesse de sa magnificence, la digne demeure des arts mineurs du dix-huitième siècle. Ce temple sera « Lucienne » élevé en trois mois par l'architecte Ledoux (2).

L'industrie du temps et les chefs-d'œuvre de la maîtrise des artisans y mon- treront le suprême effort et le raffinement délicieux des élégances du dessin et de l'habileté des artistes. Le ciseleur Gouthière y travaillera amoureusement le bronze comme l'or ou l'argent, et les mémoires de ses fournitures, dont la bi- bliothèque de Versailles nous a conservé des détails, ne montent pas à moins de 134218 livres (3).

(1) Paul Maiitz, Recherches mr l'orfèvrerie frnnçaiae. Gazelle des Beaur-Arh.)

(2) Eli. ft .1. r.oiicotirt, La du liarri/, édition d,- ISUl ; iii-18, page^ 117 a irtl.

(3) Bil)lii)Uit''(iiie de Vei'saillcs. Méiniiire» iiiamiscrits de (îdiithière.

En marge de son manuscrit, Gouthière reconnaît avoir reçu de M"'e du Barry la somme de 99 298 livres, à laquelle ont été réglés les présents mémoires par .M. lloettiers, orfèvre du roi, le ,"51 décembre 1773.

10'J

c

aoi -

('.('•> iih'moii'c-^ piMii- iiii Ikhiiuic de m. 'lier sonf iinr l'i'vi'l.ilioii : iU (Ioiiik-iiI ;i\t'i' lin lii\i' (II' ilcl.iiU cl mil' ini'ci^iiHi mollir loutcs l(■^ pliiist'.s de l;i l'ahri- (•;i(iiill, cl I Mil >>iiil !';iilis|c, |i;iN ,i |i;i-., diiiis son li;i\;iil. l/cxccniion dc^ lnoii/c-^ tic l.'i |ioi_::iicc d'cs|i;iu;iiolcllc s'idcvc ;i -1~H-1 li\rcs. Le hoiiloii <\i' l;i |ioi-|c n ;i |»;c^ conlc moins ilc t't'l li\rc-> (I). l-c iiiii^ci' di-s \r|s d(''cor;il ifs posscdc nii d<' CCS lion|on-> iiclich' ;i l;i seule <lc M. Lcopold hcnide. C/esl un idiel'-d (eii\ re de iii,iin-d (cii\ re, ciselé comme mie [lièce d"oiie\ relie, moiih' |ti-(''cieiisemeiil comme un lujoii; il donne hieii la noie du lalenl de ce! artiste merMMlIciix (|u'(''tail (ioiitliiere, (jui s'iiilit niait ino(lest(Mnont cisc/ciir et <!<)- renr des n/c/ii/s p/a/sirs du roi^ tjuai VvU('lic)\ à la lUniclr d'Or (:2V Mais (lOiithière iTexé- culait que des bronzes d'anieublemont, que nous l'eti-ouvous et pouvons admirer au- jourd'hui au Musée du Louvre, dans rincomparal)le eoUeetion de meubles du dix-septième et i\\\ dix -huitième siècle ipii appartenait au Mobilier de la cou- ronne, et qui fut li'ansportée au Louvre en 1903.

Les œuvres (pie les orfèvres exécutaient pour la favorite n'étaient pas moins remarquables comme perfection de niain-

Boulon de porte de M""' du Hairy. Ciselure de Goulhièi-e.

1; Extrait des mémoires de Goiithiére. Modèle du bouton de la croisée fermant à basses-cules :

Pour avoir tourné un bouton en bois, y avoir modelé en cire une cou- ronne de branches de myrthe, décorée du chitîre de Madame et ornée d'une moulure à ruban percée à jour, le tout estimé avec le moulaj,'e en «ire tirée d'épaisseur a la somme de 'iS 1.

Pour lavoir moulé en sable et fondu en cuivre avec sa plaque et soleil, pour la ciselure du chiffre de Madame, coui'onne de myrthe, moulures à rubans et soleils servant d'ornement sur la plaque avec des cha- pelets, tous lesdits ornements bien évidés et percés à jour de même que le fond de bouton qui est aussi ôvidé, v compris le cuivre et cise- lure, le tout est .' Ifif.

Poin- la tournure, montage et ajustage celle de 72

Pour la dorure en or moulu bien surdorée, et mise en louleur matte,

celle de 120

Plus pour un fort i>oMton en dehors de lailite croisée estimé, cuivre, cize-

lure, mniitiH'e l't dorure compris à 3ii

Total du bouton 442 1.

2 Malgré sa grande renommée et les importants travaux qu il fit pendant sa vie, Gouthiére est mort dans la misère. Après l'exécution de .M"'o du Barry, il réclamait a sa succession une somme de ■/.■;() 000 livres, cpi'il ne put obtenir et fut obligé de solliciter une plaec; à l'hôpital il mom-ut en 1S06. Son fils ayant formé opposition sm- lindenniité revenant à la succession, en vertu de la loi du 2"î avril 182,'i. obtint un arrêt ([ui obligea la succession à lui payer 32 000 francs.

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d'œuvre, mais presque toutes ont disparu. Si on veut retrouver une pièce d'or- fèvrerie ayant appartenu à M'"" du Barry, c'est encore au Musée du Louvre qu'il faut la chercher.

Dans une vilrine placée au mihcu dune des salles resplendit le inoltilier des dix-septième et dix-huitième siècles, est exposée une aiguière et sa cuvette en cristal de roche nidiité en or. Elle jioric un [joinçon d'orfèvre V]. B., avec une

Aii;iiiùre el sa ciiveLlu en cristal de roclie montées en or, e.vcculées pour M'"" du Barry.

croix de Malte comme dilterent. Nous n'avons pu identifier ce poinçon, ni re- trouver le nom de l'orfèvre qui les avait exécutées. Ce sont deux pièces d'un travail délicat et précieux : la cuvette est bordée d'une fine moulure d'or, et l'anse de l'aiguière est formée par des filets rattachés par des algues dans les- quelles se jouent des co({uillages rapportés et soudés, d'une ciselure particu- lièrement savoureuse. Les déclarations faites par M"'° du Barry entre deux guichets de la Conciergerie, après le jugement qui la condamnait à mort, indi- quaient avec précision l'endroit était caché ce petit chef-d'œuvre. Retrouvé par les commissaires chargés d'opérer les pei'([uisitions à Louveciennes, il fut probablement distrait de la vente, et réuni aux objets désignés par eux pour

Hoileb et Liljalicres. [ÇoUeclions ril-.-lIcnn,. n.rnucl l-'n.nh cl G. lUun

Ihnlc. moiUrcs cl l)r(.-lo([iiet. [Colleclion G. ISoin.

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ÛOl

rll'c (•(msc|-\<''^ (liills les iiiiisi-cs ri |i,il;ii^ de l.i ii;ilinii. De l;i, il dlll Ji.i^^cr MU (lanlf Mciihlc, cl rlif lr;iii->|i(irli- .ni LmiMc (Hi imhi-^ l'iiMiii- rd roiu «•.

l/drlcN ic .l;ii(|iicv l;(M'|liciN cl.iil ^(tii rdiiiiii-^-riir ;il I il i'(' dc-^ r.iiim'T I '(i'.l ; ail mois (le juin ITT.'., il ImihiuI ,i I;i laNniil.' |.i.iir iliIKilli li\rrs dr xai^vrlir (jnr <•! (l'ar^fiil, sci-\ifcs ,!,• tahir cl (!.• loiirllc. Les iiM-iiioircs de ce -raiid srnl|.lcur d'ai-f^ciilcrii' dccriNcnl l.ml ,iii Ion,:: coiiiiiir relui de (ioiil liicrr Ifs (iiTc\ rcrics livr('(>s par lui cl dessin, •ni |m>iii- ainsi dire, a\ee les mois |e(diiii(|iies. le service (!(> M"" du l>an\ exi'iiite de la /(/< mi lu l'Iiis fmr li ixirlrr ait plus litiiil (Ictjrr pinir A' />(>//. el SU!' le(|U(d les plus lialtiles compagnons de l'orlcvrc |)asNerenl, pendant des mois enliers, la iikmIic de leurs niiils.

lu eiiirelaceiiient de m\rllie cl de laurier esl la man|ue id connue la (l(!vise i\v loiilcs les pièc(>s. Les llaiulieau\ a iiirandoh's avec leurs lèles de l)('li('rs et leiu's i^uirlandcs de lauriers, li-iu-cnl les (piali'O ('léuienU et l'urcul pay('S à Koel tiers l'2(»l,'> li\res; des pois a <iillc coui'onués |)ai' des jeux d'ciifants dans des Iroplu'cs de tlècdies el de carfpiois l'aisaienl partie du service payé 20o91 livres. Le pol à lait en oi\ une vérilahle mei-veille d"après les deseriplions d(uui(''es dans les in\entaires. coûtait à lui seul :27;)7 livi-es, el l(-s deux cuillers en or à lusa^e personnel de la marquise ^054 livres (l).

Bientôt Targent n'est plus assez riche pour M""' du lîarry ; il lui prend Tenvie d'avoir un service tout en or dont les emmanchements seront en « jaspe sanguin ». Koëttiers livre ses cuillers à sucre en or des Amours balancent des guirlandes de roses, une cafetière d'or ornée de pieds et de rinceaux anli(jues, ini pot au lait dor au bec creusé de canaux dans lequel se jouent les feuilles de myrte, au couvercle à godrous saillants, couronné d'un groupe de roses. Enfin c'est toute une toilette en or dont le dessin lui souiit et dont Koët- tiers reçoit la commande. Tout Paris en parle; on dit que le Gouvernement a fait avancer à Koëttiers les ([uinze cents marcs d'or qu'il demande pour se mettre à l'œuvre. Les curieux se pressent chez l'orfèvre, et les plus favorisés racontent qu'ils ont vu le miroir surmonté de deux Amours tenant une couronne.

Mais le scandale ou plutôt la dépense arrêtait le travail; et l'on trouve dans les comptes de M"' du Barry une indemnité à Boéttiers pour une toilette d'orcommen-

\i'\ Comptes de .Mqji- du Barry. Itibl. iiat.. IVnnlb fr., .sKJ. .MéuiDires de .M.M. Hoëttiers père et tils, orfèvreà ordinaires du Roy.

lie;,'. Deux petits chandeliers de t.dletti- :>:j(Ji.lS

Deux douzaines de couverts et quati'e douzaines de ujanclies lie

couteau 2.j4:V.2'<,6

Qujitre duublefonds de tei-rin.' et pois a oille i;?84'.18

1*70. Qu.itre douz.iines d'assiettes, liuit plats ovales et douze lland)oanx :iu:560i Ouaire llaniije.iux à girandoles très riches siu- modèles nouveaux représentant les quatre Eléments, enrichis de lètcs de béliers

et de oruirlandes 12 01 5', 11

17"il. Un pot au lait en or orné de son chiffre entouré de guirlandes

de tleurs 2';37i,7

Service de table. 2 soupières, plateaux, plats ovales et ronds. Couverts 20j91I.16

208

cée. «Quel a été le sort de ces splendides objets? La favorite n'en jouit guère. A peine étaient-ils terminés que Louis XV mourait, et qu'éloignée de la cour, décriée par ceux qui la veille recherchaient sa faveur, exilée à Pont-aux-Dames, elle ne pou- vait plus songer aux brillantes réceptions de Louveciennes. La belle argenterie de Roëttiers, les somptueux services d'or massif ne devaient plus sortir des coffres on les gardait enfermés. Quand, sous la Révolution, M'"'' du Rarry se vit menacée, elle lit cacher ses trésors dans des trous creusés, çà et là, au milieu de ses jardins, ou les confia à des amis sur lesquels elle croyait pouvoir compter. Mais le jour elle comparut devant le tribunal révolutionnaire, quand elle se vit condamnée à mort, à demi morte de peur et à moite évanouie, dans l'espoir suprême de faire changer l'horrible sentence, elle révéla à ses juges les cachettes elle avait mis son argenterie et ses bijoux. Avec une précision remarquable en un pareil mo- ment, avec une mémoire véritablement surprenante, elle énuméra tout : le néces- saire d'or, comprenant: plateau, théière, bouilloire, réchaud, pot à lait, grande cafetière à chocolat, petite cafetière, écuelle, son couvert et son assiette, passoire, cuiller, le tout d'or, et d'un travail très précieux, ajouta-t-elle, faisant observer que les manches de ces objets étaient en jaspe sanguin. Elle donna la liste des autres ouvrages exécutés par Roëttiers : le service en or, comprenant une douzaine de couverts armoriés, quatre cuillères à sucre, deux cuillères à olives, une cuillère à punch, douze cuillères à café, etc., etc. Elle cita le service de toilette en cristal de roche garni d'or, son beau moutardier d'or (1), ses gobelets, ses innombrables boîtes et bonbonnières, ses couteaux d'or à ôter la poudre du visage, ornés de petits cercles de diamants. Elle indiqua la vaisselle d'argent enfouie dans les caves : dix dou- zaines d'assiettes (elle rappelait même qu'il en manquait cinq exactement), dix-huit ilambeaux dont trois à deux branches, une douzaine de casseroles, une grande et une petite marmite, dix-neuf grandes cloches, soixante-quatre plats, le tout en ar- gent... sans compter ce dont elle ne se souvenait pas, finit-elle par dire au bout de cette déclaration in extremh. On fouilla Louveciennes. La Convention fit main basse sur tous ces trésors; on trouva, pour ne parler que de l'orfèvrerie, une quan- tité d'objets estimés : ceux en or, 60000 livres (il y en avait 89 marcs 6 onces); ceux d'argent, 65000 livres (il y en avait 1419 marcs); ceux de vermeil, 4200 livres (il y en avait 84 marcs) (2). Tout cela fut-il vendu ou fondu à la Mon- naie ou mis en lieu sûr? Nous l'ignorons. C'est un mystère que nos recherches dans les Archives ne nous ont pas permis de percer.

Faut-il penser que, dans son trouble, la du Barry n'avait pas indic{ué toutes les cachettes de son parc, non plus que les dépôts qu'elle avait pu faire chez des cul-

(1) Ce moutardier, orné Je bas-reliefs gravés, avait été livré par Roëttiers le !<=' juillet i7"3. 11 avait coûté 5184 livres. Ces divers renseignements concernant l'argenterie de .\1™« du Barry sont extraits des dossiers manuscrits de la Bibliothèque Nationale (Département des .Manuscrits, supplément français, 8 151 et 8158) et des Archives nationales (Dossiers Mr 116, et Mq 300).

(2) De (Concourt, M"""" du Warrij, appendice, page 400.

li\;it(Miix (prcllc avait (i|ilip('s. M. Victorien Saidmi, a i|iii un Imi- sZ-joiir ;i M;ifly a |M"rnii> i|c (lonini' un lilnc niur^ a -^cs iiistiml^ ilr rincicur de- anliivc^ du pass,'- d'iiii j);i\N (|iri| allcriiniiiir, cl i|Mi nncn\ (|in' pci'--iinnc connail Ic^ secrets du cli.iliMii de M;iil\ l'I du l'axdltin de I ,(in\ ccicnnc- , n'aihnd pas ipu- loidc I or- l'cM'cric i\(- la du \\a\\-\ ail cic fiunluc par la ( '.(ni\ cul ion cl croil (|nc ni le parc ni les depo-.ilaires u inil ilil le dciuicr niiil.

han-> les premier^ Icuip^ de -.(Ui -^l'iour a .Marl\, M. \ . Sardoii \i-.ilail, le> eii\i- rtniN, aimai! a l'aire parler le-- \ n'U\ du pax'- auMpu-ls il arracdiail irhcurciiscs coiili-

^lenee-^. L'un (reu\. «pii se sinivcnail d"a\nir \M M du Karrv et il'avdir- connu

l'ini do dépositaires de rar;^t'nlcric de la l'aNorilc, racoidait (|ira|)rc-s la liiAolnl ion de ISÎS, un de ses \oisin> lui a\ait nnuiliH' (l(3S j)iî'c('S d'orfèvrerie (piil avail cspcM-i'- \endrc pins racilenieni à celle ('■po(pie troublée que sous les rè;.'nes précédents. Il a\ail lire loOIIO francs dr son li-('sor en le vendant à un orfèvre de Paris fjui s'est liien i;ardt'' de d(''\(>ilei' l'orif^iiu' de sa li'on\aille.

Que soni de\eniu's les |)ièces du sei'vice de Uoëttiei'S? auraient [)assé les l)(>au\ ustensiles d'or, avec les Anu)ni's balançant des jiuirlandes de roses, la eafelièi'c ornée de rinceaux anti([ues et les autres merveilles décrites plus haut? Faut-il espérer que nous veri'ons sortir un jour de quelque collection inconnue ces spécimens probablement ex(piis de l'orfèvrerie de la fin du règ^ne de Louis XV? ou bien, doit-on se résijiiier à ne plus jamais voir reparaître ces ouvrages qui au- raient i>n le mieux nous renseigner sur le talent de Jacques Koëttiers dans ses dei'uières manifestations !

Nous avons déjà parlé au chapitre précédent des boîtes et bonbonnières d'un art parfois merveilleux, et dont plus que jamais raffolèrent grands seigneurs et grandes dames de la cour; Marie-.Iosèphe de Saxe s'en fit une collection admirable dont l'inventaire a été publié (1).

Celle (le M'"'' de Pompadour n'était pas estimée à moins de 300000 livres; celle du prince de Conti, Louis-François de Bourbon (mort en 1776), en comprenait près de huit cents. Tandis que certains grands seigneurs recherchaient les boîtes à miniatures comme le duc de Choiseul ou le duc de Richelieu qui en avaient fait, en secret, décorer de sujets qu'ils n'auraient pu montrer au grand jour , d'autres préféraient les tabatières somptueuses, étincelantes de diamants. Cette mode gagnait les cours étrangères, et le Grand Frédéric faisait venir de Paris toutes celles qu'il se plaisait à ajouter à la collection importante dont il avait hérité (:2). Nous ne parlerons pas des autres objets usuels, en dehors de l'argen- terie de table, que les orfèvres s'ingéniaient à accommoder aux fantaisies élé-

{V- Germain Bapst, Inventairn de Marie-Josèp/ie de >^a.re. (■2) Feuillet «le Coiiclies. Canscries d'un ciirieur. t. If.

210

gantes de leur aristocratique clientèle, et dont le nombre aug^nientait sans cesse. Il y avait, par exemple, les nécessaires de tous genres {[), ceux qui comprenaient les objets indispensables pour faire un léger repas, aiguières, tasses, cafetières, chocolatières, etc., ceux de la toilette, et ceux du bureau, ceux des hommes et ceux des femmes. Il y avait aussi les ustensiles à ouvrages de dames, les ciseaux, les navettes, les étuis à tlacon, à cure-dents; les étuis à aiguilles, les porte-crayons et tire-bouchons en or, les étuis cylindriques à crochets en or ciselé, en ivoire, en écaille incrusté et piqué d'or, dont la collection de M. Bernard Franck, exposée au Musée centennal, nous montrait la richesse, la variété et l'élégance. Dans le re- gistre des « Présents » offerts par le Koi à de grandes dames, à l'occasion de quelque cérémonie importante, on Irouve très souvent des menlions telles que celles-ci :

lue boîte d'or émaillc' à doux tabacs, i 080 bvros. lue boite d'or à coc|iiille, "C)H livres. l'iie boîte d'or pour femme, "Jiîo livres. Une boîte d'or émaillée vert et bleu, «j()() livres. lue iia\etle d'or de couleurs, \:>.o livres. l'ii flacon d'or, .'»()<) livres. In étui d'or émaillé, Goo livres. Un étui d'or de couleurs, 3G() livres. L'n couteau émaillé, 3on livres. l'n couteau d'or de couleurs, '.VMJ livres, etc. {Fniirnilures de Diicrollnij). Deux étuis, «S'jo livres. Deux navettes, tj'jH Visvci^iFotiriiilures de (tnraiid), etc., etc. {2].

bors du mariage du petit-lils de Louis XV avec la Dauphine Marie-Antoinette, en 1770, la liste des cadeaux oiterts aux grands-écuyers, chambellans, dames d'honneur, donne le vertige, tant on y voit figurer d'objets d'une magnificence féerique fournis jiar les orfèvres ou les joailliers. A lui seul, Jacquemin, joaillier de M™" de Pompadour, en livre pour 379374 livres (3). Rien (ju'une des boites d'or mises dans la coi'beille de l'auguste mariée, surmontée du portrait du dauphin, peint par Hall et entouré d'un cercle de 70 gros diamants, coûtait le prix de 7r)678 livres, sans le portrait, payé en dehors2664 livres. A l'occasion du mariage du comte de Provence, en 1771, on donne aux dames d'atour des cadeaux égale- ment somptueux: le mémoire de Sageret monte à 62 476 livres, pour 37 tabatières, 13 montres de 420 à 1500 livres, 15 étuis à cure-dents de 200 à 480 livres, des flacons, des porte-crayons, etc., le tout en or gravé, ciselé, émaillé, ainsi que des breloquets (4) composés d'une chaîne à sept branches, à trophée d'or de couleur, d'un couteau à deux lames, d'une paire de ciseaux, d'un étui à cure-dents, d'un flacon, d'un porte-crayon, d'un en or de couleur, dans des étuis d'ivoire garnis d'or, avec des boutons de diamant, valant chacun 2200 livres. M"" de Caumont reçoit pour sa part une boîte d'or à huit pans, de l 300 livres ; M"* de Beaumont, une navette émaillée, à fond de tableau, de 900 livres ; M"" de Valentinois, une

(1) Lazare Duvaux mentionne dans son journal une quantité de nécessaires de tous genres qu'il ven- dait à ses riches clients. Entre cent autres, citons celui que le 2i décembre 1752 il factura 3 966 livres pour le roi Louis XV, dans lequel il y avait » des écuelles, gobelets, tasses, sucriers, garnis d'or ».

(2) Archives du .Ministère des A(îair>'S étrangères : Ilcgislres des Présents du Uoi, n.'iÔ à 1757, n" 437.

(3) Archives du Ministère des All'aires étrangères : Présents du Roi, 441.

(4) On voit, par cet exemple, ce qu'était alors un breloquet que les femmes s'attachaient à la cein- ture, qui tombait sur le coté, et tous les genres d'ustensiles variés qu'il pouvait comprendre.

211

r:s^^^r.ja^i^^s. <.l <jL:

Collo.clioiis 'le MM. a. Puin et Doisiiu cl ik- M Vçrinnnl

NocessaiiL- et cluis en or el i)ieri-L> (liircs. (CoLlccUoti Cl. lloin et Doislmi:

Dessins pour l)t>itcs on email. [Colleclions du Musée des Arts décoratifs.

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Dessins de boîtes en or et cni.nil. Collections (In Musée des Arls dérarnUfs.)

219

iinuilrc fiiMillcc ilf 1 «DM lisics, clc. |,c> ii;i\ ri Ic^, ce juli |ir|il oiilil i|iii

;iu\ ;;r;iiiili's (l.iiiic^ ;i l.iiic <\r<. iki-ikU cl du lild,

cl i|n"il clait (le iikhIc d'ciiiiMirlci' ;i\ ce ^(»i, i|ii;imiI on

.ill.iil cil \iNilc (III " |i;irlilci- ■• clic/ des ailliez, les iia-

\cllc>, (lis(iii>-ii(>iis, claiciil |ircs(|ii(' aussi Iniiiiiiedscs

(|iic le-- lalialicrc-^. l'as un (ii-rc\!c ne |>(tu\ail se jinsser

d'en a\(iir nii a>s(iiliiiiciil aussi riclie (|iie \aii(''. I.e

dt'ssinalciir Lahuidc en a coniposc' de délicieuses. Il y

en avail de 1res siin|i|es, en ivoire, en ('■caille, en

a,:^ale. en nacre ; daulres en or, lravinll(''es a jour.

avec des allrihiils, de^ sujels divers éniailh'-s au ini-

licu ; celle (|ue Ka/.are Duvaux vendit |>our ()!K) livres

a .M"" de l^oiiipadour ou IToo, était « eu or éniaillé à

ruhaus ». L'art eharinaut, déployé dans les moindres

(thjels tels (|ue ceux-ei, témoigne de la qualité du goût

cl de la vii'tuosité vraiment extraordinaire des artisans

du dix-liuiticMue siècle. Les couteaux eux-mêmes ser-

\ aient de |»i'(''le\t(* à de jolis décors; nous donnons ici

deux couteaux prêtés par M. Doistau, avec des cliilVres

en roses et des attributs en or de couleur d'un goût

charmant.

Les collections de MM. G. Boin, Cliappey, Bernard Franck et Doistau, exposées au Musée centennal, nous fournissent des exemples remarquables de cette orfè- vrerie précieuse, et de la variété du décor de ces mille menus objets qu'on trouvait dans tous les boudoirs et pour ainsi dire dans toutes les maisons. Nous avons réuni dans des planches hors texte quelques-uns des plus intéressants et nous avons emprunté au petit album appartenant aux collections du Musée des Arts décoratifs, dont nous avons parlé au chapitre précé- dent, quelques-unes des plus charmantes composi- tions de ces habiles orfèvres.

•ci\ail

{

Une catastrophe, pareille à celle qui avail déjà atteint cet art à la fm du règne de Louis XIV et sous la Régence, contribua encore, en 17o9, à faire dispa- raître à nouveau les plus beaux spécimens de l'argen- terie. Les difficultés tinancières dans lesquelles eut à se débattre Louis XV don-

Cliiiitcaiix en or ciselé. ^Collection Doislnii.

220

lièrent à ce roi la maleiiconfrciisc idée de recourir au même expédient qui avait si peu réussi à son aïeul, et, comme sous Louis XIV, l'orfèvrerie paya les frais de la guerre. Il ordonna, lui aussi, la fonte des objets d'orfèvrerie. PayanI d'exemple, il envoya presque toute la sienne à la Monnaie, à peu près pour 5400 marcs d'us- lensiles d'or et d'argent, mais en faisant exception néanmoins pour les (euvres les plus belles qui furent épargnées, telles que la célèbre toilette de la Daupliine, qu'avait exécutée Thomas Germain, en 1726. Eu quelques jours, les princes du sang, les seigneurs de la cour, les ministres, le maréchal de Ëelle-lsle, le duc de Choiseul, la marquise de Pompadour même, se conformant aux décisions royales, firent réduire en lingots leur riche vaisselle. Chaque soir, raconte l'avocat

Barbier (1), Louis XV se faisait présenter la liste des dévoués sujets (jui avaient livré leur argenterie pour (( prouver leur soumission à Sa Majesté et leur zèle pour le bien de l'État ». L'édit du mois de novembre 1759 fut même étendu aux com- muuaulés religieuses, le Il mars 1700.

De la fin d'octobre 1759 j u s q u ' a u c o m m eue e ment d'août 1700, la Monnaie re- çut et convertit en espèces une quantité de pièces de vaisselle de toute sorte. On peut voir, dans le Mercure de cette époque, la liste des personnes qui, bon gré mal gré, firent à la Patrie- le sacrifice (ju'on leur demandait. J'ai hàle d'ajouter que le sacrifice n'était pas purement gratuit: les pièces étaient pesées et esti- mées, le roi payait le quart de la valeur en argent et pour le reste il donnait « des contrats sur les États de Bretagne et de Languedoc, à raison de six pour cent ». Quand on portait son argenterie à la Monnaie, on en sortait donc à demi consolé; mais la vaisselle n'eu était pas moins perdue, et il n'est que trop certain que, parmi les pièces qui furent ainsi détruites, beaucoup d'œuvres d'art ont périr; Barbier, en annonçant ces mesures rigoureuses, croyait qu'elles auraient pour résultat de « ruiner le corps des orfèvres et d'ôter le pain à tous les ouvriers et les artistes qui en dépendent » (2).

Dessin tle boito en or à deux projcl;

(1) Barbier, Journal de la Régence, Vil" série, pages 200 et 201. « CeUe aventure va ruiner tout le corps des orfèvres et ôter le pain à tous les ouvriers et artistes qui en dépendent et en même temps enrichir toutes les manufactures de faïence et de porcelaine. »

(2) Paul .Maidz. Itfcherclies sur r/iisloire de l'Or/'evreric. Gazette des Beaux-Arts, t. IV, 1861.

±2[

Il n'aMiil |i;i^ loiil à lail Inil ; car, si au (•oiniiinicciiiriil du sirclc, une l'ois le saci-ilirc (Ir rar^^fiilcrir ciuixiiiiiiK', (tu ^'c'Iail icuiis a\('c plus d'culraiii a ru (•,,iiiiii;iii(|ii- une ui'iiM' au\ ni-|V'vr('>, ccllr luis (lU \ a|i|n)rla uioiu-- <li' (lili;.'cucc. (■,"cs| iiu luic uiimIc ui>u\clli', ccllt' de la iMtrcclaiuc, a\ail l'ail ^ou a|i|iai-il iou , cl iiuc, >>(iU'^ rini|iulNi(iu i\i' M"" i\(' iNiuipaildur, (|ui ra\nii-.ail ilc hml -^nw |)(iu\<)if la ci-caliiiu de la luauul'acl lU'c (\r Sc\rcs, clic s"(''lcudail a\cc une lapidih- iual- Icudu.'. NiMi ~-cul<MUciil la li(tur;4(Mtisic cl les pclilcs ^'ciis, mais les plus riches si'i"ueiu-s de la ctuu- ciueul des loi's uue \aissellc de raïencc ou (\i' |)Oi"cclainc. Ce lui uu euu(MieuiiMil. Il V eu a\ail de lous les |(ii\. Ca'Wc (|ui (Hail raltri(|in'(; à Sc\re>, ou «jui proxciiait de CJiiuc ou de Saxe, (piOii l'aisail revclir d orue- uicul> eu ln'ou/c ci'-el('' par les ('.allicri ou les (ioulliicre, ou (pTou a;^r(''uieulair de luoutiu'cs d'or cl d'arf^t'id les plus ra\issaules, coùlail des souiuies cou-i- derahlcs.

l'iiis de< maiiulaclures sui'i;ir(Mil, cpii nîii'cnl à la portée de toutes les bourses luie Nai-^^ellc couiuiode, propre, prali(pie, dont les modèles étaient copiés servi- Icuienl. MHiuK's uu^'uic sur l(>s formes excellentes créées par les orfèvres. En peu de leinp<. le succès en fut consacré. En province, dans les pays les matières ccramiipics claicul eu alioudauce, les fabriques existantes suivii-ent le inouvc- uicul; à Paris, luie fabrique fondée au faubourg Saint-Antoine, par Honoré de la Marre de Villici's, puis transférée rue Amelot, au Pont-aux-(^houx, obtint, en l~S(), le patronage de Louis-Philippe-Joseph, duc d'Orléans, et fut autorisée à uiarijucr ses produits des initiales du prince. Loi'S([u"à la U(''volution ce patro- nage devenait compi'omettant, elle remplaça les initiales par la simple marque u l'abriipie du Pont-aux-Choux », Ses produits jouissent encore aujourd'hui d'une faveur marquée auprès des collectionneurs. Les faïences blanv^dies qui ont été réunies au Musée des Arts décoratifs nous montrent ce qu'étaient les formes et le décor que cette fabrique avait empruntés aux orfèvres.

A titi'c documentaire, nous reproduisons une soupière ovale et son plateau en faïence l)lanche. Le décor en relief sur la panse et le couvercle de la sou- pière, les cartouches à rocaille encadrés de chêne et de laurier, sur le plateau ovale, la moulure à fdets rubanés sont bien œuvres d'orfèvres, et le moulage sur la pièce en métal donnait au céramiste, en même temps que la forme, une décoration si l)ien ajustée, si souple et si grasse, qu'on aurait pu les croire composés pour la nouvelle matière. Peut-être quelque grand seigneur, sou- cieux de conserver le souvenir de l'œuvre précieuse qu'il allait porter à la fonte pour obéir aux prescriptions des édits, l'avait-il confiée au céramiste pour la reproduire.

Une autre soupière avec son plateau, de forme ronde, mais dont le couvercle a disparu, se ressent déjà dans sa composition de l'influence de M"' de Pompa- dour. La forme moins tourmentée, les cannelures larges et puissantes ; les mou-

222

lures à rubans croisés, le plateau à (|ua(re motifs alternés d'écussons et de

{Musée des Arls décorn II fs.)

coquilles sur le niarli, le l)OUge orné de eaïuielures, didcrent du précédent et niar(pient bien ri'volution (|ui se préj)are chez les artisles.

Assiettes en métal. Motlî'U-s de itanehiine de. Serres de Diij)lessis.

Ces deux pièces, du plus haut intérêt, appartiennent au Mnséc des Arts déco- ratifs, qui a réuni une série très suggestive des faïences l)lanches de la fin du dix huitième siècle.

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Soupières en faïence du Ponl-au.\-Clu)u.\. {Collcclionx lin Musée des Arls (h-cunitifs.]

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lluili--. plat .1 <-a(Vli^.,.es en I-.kmuv ,1u l'..nl-au v-C1.„u.. Collections ,iii Musécjh-s Arts dckurutifs.

- 227

Siiiu-iri'f CM l'aïciu-o. (AAlection ilit Miiséc îles Arls <l(''cor;ilifs.)

I.f |.nllc Imilirr .le roiiiic n\;ilrr-,| ;iii--i lllir m'UM'c rli;irili;illl c il'dlirN rrric, ;iNrf >a tIt'fOlMlliMI llriiiic, SCS (|t'll\ ;il|scs ;i \r{i' ( l'ii 1 1 i 1 1 l.'i I l.l II I ;isl i< |ll( ' , floill. I('S

ailrs s'f|.aii(Uiissciii sur |;i roniic; son plalcaii sii|MTiciir, |.civ('' di-s (jualrc (.iiver-

I lires iiiTcssaircs iioiir rccf- \ oir l(■^ caraCrs de I liiiilirr d les Itdiicliolis, ('s| ciiradl'i' «le llKillIlllcs oriM'c^ de riiicraiix a ii('r\ lires conlminices. |,e (•('rainiste ii'aNail <|u a le iii<»ii- 1er pour en l'aii'(; une (eiiMc coinplèlc.

L"aifiiiièr(; à ('(juvercle , dont le Ijcc est décoré duii masque grotesque, et la pause ornée de cannelures creuses et de godrons en l'elief; l'as- sielte d(uil la bordure à lobes est formée de rinceaux saillants donnant naissance aux bi'aiiehes Heuries ([ui di'corent le marli, ne laisseiil pas de doute non [)lus sur l'origine du modèle en métal.

Nous donnons également {page :2'2:2) une assiette en faïence à marli décoré, puis une autre exécutée en porcelaine sur les modèles que Duplessis créait pour la Mauul'aelure de Sèvres, (pii les fabrique encore aujourdliui et leur a conservé le nom de son auteur. Ces pièces, dont les céramistes empruntaient la facture aux orfèvres de l'époque, sont si bien faites pour le métal, que nous avons vu de nos jours les orfèvres reprendre les modèles de Duplessis et les exécuter en métal.

Enlln, nous reproduisons une saucière en faïence à panse lobée, avec une anse à deux tiges aplaties entre- croisées et reliées au corps par des feuillages servant de point d'attache, dont la forme pratique s'accommode aussi bien au travail de l'orfèvre qu'à celui du céramiste.

D'ailleurs, la eolleclion de Paul Eudel nous a conservé le dessin d'une sau- cière en argent, à bord godrons, dont l'anse sortant d'une touffe de roseaux s'at-

12

Suucicrc en opl'è\ rerie. {Collection P. Eudel.)

228

tache à la pause de la saucière de la mènie manière. Elle est gravée aux armes de SainL-Lary et fut faite, en 1745, par César liaudry, sous rÉchaudel.

C'est bien là, le témoin palpable des échanges que se faisaient alors les deux industries. 11 est indiscutable qu'au point de vue social c'était un progrès re- mar(|iudjle, puisque le plus grand nomltre était appelé à bénéficier des avan- tages de la nouvelle matière cérami(|ue. Au point de vue de l'art, les consé- quences ne furent pas moins curieuses; et l'on n'y a peut-être pas assez réfléchi. En eifet, si la vaisselle de porcelaine ou de faïence emprunta à ses débuts les formes de l'orfèvrerie, à son tour, l'orfèvi'crie ne fut pas sans subir, ([uelques années i)lus tard, par réciprocité )iaturelle, l'iulluence de la céramique. Car celle-ci, tout en copiant les modèles de métal, dut en modifier, en atténuer les reliefs excessifs (|ue le moulage n'aurait pas permis, ou (pii se seraient brisés sous l'action du feu. De les formes nécessairement mieux massées, plus homogènes, moins iiérissées de motifs ne faisant pas corps avec l'ustensile. Ce fut une leçon pour les orfèvres et ([ui ne contribua pas peu à les pi'éparer aux décors siniplifiés, adhéreuts étroitement à la foi'ine gén(''i-ale des ol)jets. qu'on allait voir fleurir avec le style Louis XVI.

Au moment même avait lieu l'introduction de la |>orcelaine dans nutre mobilier, un autre pluMiomène de même ordre se produisait, (jui devait aussi agir sensiblement sur les destinées de l'orfèvrerie. Je veux jiarler des recherches, (pii (lalciit de cette époque, pour inventer ou perfecfionnei* certains alliages à base de cuivre, imitant l'or ou l'argent, et destinés à fournir aux orfèvres des matières moins coûteuses que les métaux précieux, et à permettre « aux gens du commun » d'avoir une vaisselle imitant l'argenterie des grands seigneurs. Cette préoccupation n'annonce-t-elle pas la révolution qui va s'accomplir et qui absorbera presque tout l'elYort du siècle qui suivra. Faire du simili-luxe, donner aux pauvres dial)les l'illusion de l'élégance et de la richesse, et en même temps rendre acces- sibles aux petites bourses, par la modicité du prix de la matière, les productions de l'art qui jusqu'alors n'avaient été réservées qu'aux grosses fortunes, voihà ce à quoi on commence à penser, dès le milieu du dix-huitième siècle. C'est le symp- tôme de l'avènement des nouvelles couches sociales. C'est l'avertissement, qui va de paii" avec les écrits des philosophes, et arrive au moment précis Diderot entreprend son Encyclopédie, qu'un nouvel ordre de choses va surgir 1

L'industrie du similor, des pierres fausses, des faux diamants, du strass {comme on le baptisa dès l'abord, du nom de l'orfèvre allemand qui le créa) (I), fut la première manifestation de ce genre de recherches. La fabrication des faux bijoux devint une industrie spéciale, bientôt soumise à des règlements l'on voit ceux

(1) Slrass (Georges-Fridéiic lut reçu maître-orfèvre-joaillier privilégié du roi, le lo mai HSi. 11 se retira des ail'aires en 1152 et inoiirut en 1710.

\

I, Jb^^'-^ STRAS ^

l\/\a/T^cÂ(uic) Jcn/ctUcr du Roy cLmieu/rant

a Ririi Quay des Orfcu^es ii^ A(jr <)f Boicrjojj

Avertit Messieurs lufi^etUurS en otu^yre cU iotd. Payj , Pr-ovi-nces cL NcLlu>n Cfu'd nosscJe datis la ôurmc^f i>erjcclicm Le Sccrc-t <Le éncfu y faire Les FcuiCcci lyLcuickc^ convine aussi cclLcs \ 3c loullc! auJrcs couUcufj rCi/ll louUts iorLcs f^^ôf P(C/V'CJ tfc's avafttaacicscrnr^f . èaaJcs <l- ^^' zlta d Orteitl Ycru) Jf (a PaccJr-e à ' Or ^^ rfa-iu jou/iaiJcrcz^

paria.i.C<: , et c/ti^crra. a. conàUcctta Quicotuju-c Ui DuLmcinS (/t ciuifcj , P'Lcrrercc^ y.

â^J9 --

(Mil s'v liviaii'lil ticsi-iicv s(iil>> If IKMII ilr Injuiiliiis-fiiiisscliirs, r\ crllr indu-.! lie, ,.,,11,1,,,. I,. r,.|ii,ir,|iic .le I .;i->t.'> l'ir. - tniiilia lolll dr --llllc cillrc lr^ lli;illl> (r(ill\ citTS si li;il.ilf>, .in'cllc ciil un iiioiiinil de \.'iil;ihlc vo-iic- (II. Tiv^ prii d.' Iriiips a|M-i's rt'dil de IT.'iM .|iii urdniiii,! I;i (onlr dr Idi-l'cN fcric, ce lui a (|iii, |ianiii les iiivi'iilfiir^, propit^cfail un iiK-lal lum iiiar.lic (Milic U- siimlnr, il y cul le InmlHir, If pinr/i/xr, l'or de Maiinliriiii . il > cul le nn'hil l.rlilaiir, sorte dallia-c df (iHlInir jtU(io\ \i\t'. crlalaiilf, iiinlaiil l'or, doiil on lil dc> llaiiil.caiix cl des poiiinic- de cjniue, el i|ui l'oiiniil le niolif d'une savaiile (•oiiiiiinilicalioli de (ieoIVroy dans les Mthnnires de l' .Xcadmin' '1rs Scirnrcs ; il V eut /(• tnrf'i/ '/ lu li'unc, allia-c d'etam, d'anliinoiiie et de liisinulli. ciuploy('' pour t'aire des llM'ièi'cs, des eal'elieres, etc. Le très inti'rcssant l-eeiieil des A/i/in/ircs, af/if/irs rf di- ci't's avis, dan> Icipiel (Ui troiiNc lanl (le (liMHuneiit- précis sur les in- du>tries de celte ('poipu', sii^iiale a loul iii--laiit des uouvcauU's de l'cllc natiiie. Va\ l'Iiii. c'est le l'a- jiricaut de lampes M((ssic/\ (\u'\ proue s<>ii uictal t'ciiuoniiipu' : en ITcSl, e"esl le t'iuuU'ur Baillot, qui « vend toutes sortes d'ouvrages de sa coiii- posiliou. imitaiil l'argent, savoir: chandeliers. Itongeoirs, porte-hui- liers, porte -moutardiers, salières, coquetiers, couverts, couteaux de table, sonnettes, etc. » : en 178:2,

c'est le doreur sur métaux Lafosse qui célèbre les vertus du métal de sa compo- sition « aussi blanc que Targenl, dans le(piel il n'entre ni <'uivre ni aucun alliage nuisible à la sanlé ». (-elui-là donne les prix des objets qu'il fabrique : le couvert coûte 3 livres ; les cuillers à ragoût, même prix; les cuillers à potage, même prix; les cuillers à café, lo sols, etc. L'habitude d'avoir chez soi de la vaisselle en ces sortes de métal commençait si bien à se répandre en 1759, qu'au moment parut l'ordonnance de Louis XV sur l'orfèvrerie, défense avait été faite aux ofticiers de l'armée de se servir d'autre chose que de vaisselle de « fer-blanc ». Le duc de Luynes (:2), ((ui nous donne ce détail, nous indique, en outre, le prix

'yrcciCiuKS , cvz ûcit-irt'C ci tio-rj d'oeui/rc citCros''

Adresse de Strass. ''l{iI)HnlhL'qiie de l'Union centrale des nrls décoralifs.)

(1) F. de Lasleyrie. Ilis/oire de l'orfèvrerie 1S17. 1 vol. in-lS»), page 28i.

(2) Duc de Luyues, Mémoires, t. XVJ, page i'Ji.

230

que l'on payait. « Chaque assiette, dit-il, coûte un peu plus de 3 livres, et le service le plus complet revient à 2001) livres. « Il faut ajouter que les métaux communs étaient traités assez généralement par les orfèvres avec leur habileté coutumière, et qu'ils en firent souvent de remarquables œuvres d'art. C'est ainsi (jue, sur la liste des cadeaux offerts par Louis XV à l'ambassadeur turc, Saïd- Méhémet Pacha, figuraient « deux grands brasiers de similor », ce qui prouvait le cas que l'on faisait de cette matière. Il faut remarquer aussi que c'est vers cette même date 17G8 que commença à s'introduire en France « le plaqué anglais », c'est-à-dire la vaisselle de cuivre revêtue d'une mince couche d'ar- gent qui avait l'aspect de l'argenterie vraie, tout en coûtant cinq fois moins cher. Le procédé du plaqué est à Tiiomas Boslover, de Sheffield, mais il semble que cette industrie, ((u'oii a appelée aussi le « doublé », avait pris naissance en France, au début du dix-huitième siècle, car le Régent prit soin de la régle- menter (1). Mais, pour prendre racine dans notre pays, il fallut qu'elle nous revînt d'Angleterre. En 1770, une manufacture royale de vaisselle de cuivre doublé d'argent, par le laminage à chaud des deux métaux en contact, fut fondée à Paris à l'Hôtel de Fère, rue Beaubourg, au Marais (2), puis transférée dans le quartier du Pont-aux-Choux, rue Popincourt ; elle était dirigée par un certain Degournay, ingénieur du roi et inventeur de cette fabrication, qui prit rapidement de l'extension et ne fut détrônée que vers le milieu du dix-neuvième siècle par la découverte de l'argenture galvanique.

Cette extension ahinna même à ce point les orfèvres parisiens que plusieurs d'entre eux et non des moindres adressèrent en 1772, au duc de la Vrillière, un mémoire pour protester contre l'introduction en France de cette argenterie à bas titre.

Leurs craintes n'étaient pas vaines, car cette industrie allait trouver dans les faveurs royales une protection qu'elle n'osait pas espérer.

Louis XVI, qui charmait ses loisirs par les travaux manuels et mettait son idéal dans la serrurerie, se préoccupant du moyen de satisfaire le goût des classes intermédiaires pour l'orfèvrerie à bon marché, avait cru devoir favoriser la nou- velle industi'ie en aidant de ses deniers personnels la création d'une fabrique de plaqué établie rue de la Verrerie, à l'hôtel de Pomponne.

Cette fabrique, qui avait pour directeurs Marie-Joseph Tugot et son gendre, Jacques Daumy, fit de tels progrès que Louis XVI leur permit de prendre le titre de Manufacture royale, et lorsque la Cour des xVIonnaies, invitée par la corporation des orfèvres, crut devoir prendre des mesures pour restreindre l'étendue du privilège accordé aux entrepreneurs, le roi intervint de nouveau et les autorisa

(1) Voir Henry Ilavnrd, Diclionnaire de l'iuncuhlcment, au mot Double.

(2) Voir Mercure de France, avril mo.

|t;ir (Ic-^ lt'llri'-> palfiilc-- du 17 lll,•ll■~^ ITS" ;i " diMililcr cl |i|;i<|(ii'i' |r«, vases cl ii^lni- siI^•■^ lie fiiivri' cl de viiinjoi' |iiii|tii'^ ;iii\ (•iiiiic--l iMcs ...

j'.l cciiclld;!!!! Icv |il;iiirln V de iiic|;il iiiivrv ru (rll\|i' d.ili^ l:i l.'dilM-.il ioil dil ii|;i(|ii(' III' ^f |iii"'l;ii('iil ;:ii('ic ;i l.i la! ii'ii;i Ikhi d une ( irl l 'N niii' lu xiirii^r, ijiii aiii'ail jiii laiit' < ciicunciicc au\ (Il Icv l'cs d'ar^jciil. Ni lrlia\ail dr nlrniilr au iiiariraii, ni la Idiilc, ni la ciscliiii' iic |iiiii\aiciil ('In- cuiiiliis i"- Il rallail <{<• loiilc iH''cc>'^il('' a\(iir |•l•^(Ull•>^ aux |in»C(''d(''s iii(''caiii(|ii('S du lour cl >\r I c>laiiiiia;jc, cL à la sou- dure dclaiu |MMir n'Miiiir aux loniics des \asc-> ce i|u du a|i|iclail les ;.'aniitiir'cs, c'ol-à-dirc les anses, It's |»ieds el les ornements en reliel'.

Soupière en plaqué de Pomponne. {Collection du Musée des Arts dëconitifs.)

Los moyens restreints dont disposait la nouvelle industrie pour exécuter des pièces ayant un caractère d'art semblaient donc devoir en retarder l'expansion, et il fallut toute l'ingéniosité de Tugot et de Daumy pour produire des œuvres comme la soupière en plaqué qui sortait de leurs ateliers et qui, ayant appartenu à M. Alfred Darcel, l'érudit et fin connaisseur qui fut directeur du Musée de Cluny, fait aujourd'hui partie des collections du Musée des Arts décoratifs, et témoigne de leur savoir-faire, et de la qualité des œuvres qui sortaient des ateliers de l'hôtel de Pomponne. « Grâce à ces habiles orfèvres, bien des bourgeois de Paris et de

» province purent placer sur leur table le luxe menteur d'une argenterie en

» cuivre (1). »

Mais ils avaient autour d'eux assez d'artistes habiles qui avaient jusque-là

il) t*.uil M.iiilz. Recherches sur Vorfei'vrrie française... Gazelle des Beaiix-Arls. t. XI. page 3j9.

._ 232

drèté leur concours aux orfèvres, pour créer des modèles dont l'exécution par l'estampage devenait facile. Le Musée centennal nous offrait des pièces en argent, notamment un sucrier de l'époque Louis XVI, qui, exécuté en fonte et ciselure, est devenu le prototype des objets analogues exécutés en plaqué par le procédé de l'estampage, qui s'est continué de nos jours d'une façon dé- plorable à l'époque de la Restauration et de Louis-Philippe, non seulement par les orfèvres plaqueurs, mais aussi par la fabrication de l'orfèvrerie en argent, légère et à bon marché.

L'exécution des édits de KiST, 170:2 et 17a9 qui avait par trois fois porté un coup si funeste h l'industrie de l'orfèvrerie, et fait disparaître la plupart des belles œuvres exécutées sous Louis XIV et Louis XV, n'avait pas eu seulement pour conséquence de donner un essor à la fabrication de la faïence et de la porcelaine, mais avait également stimulé l'ingéniosité des inventeurs pour la recherche des alliages de métaux qui pouvaient remplacer l'or et l'argent.

Nous avons dit plus haut que l'invention du plaqué était venue à son heure pour substituer à la véritable argenterie une nouvelle vaisselle ayant les mêmes usages et la même apparence. Il n'y aurait donc eu rien d'étonnant (ju'à la même époque, la poterie d'étain qui avait été depuis si longtemps reléguée à la cuisine, dans la demeure des pauvres gens ou dans les cabarets, ait fait de nouveau son apparition, pour prendre, entre des mains habiles, un lustre nouveau. L'étain était employé depuis longtemps, non seulement en Allemagne, en Suisse et dans les Flandres, mais encore en France, à la confection d'objets d'usage ou de décor.

Sa couleur blanche, sa malléabilité, son point de fusion peu élevé (228"), son prix modique, ses propriétés sanitaires dans les usages de la cuisine et de la table, en faisaient un métal précieux.

Au Moyen Age, il avait été admis par tolérance pour l'exécution des objets du culte qui devaient être ordinairement d'or ou d'argent. M. Germain Bapst, qui a fait une étude approfondie de ce métal, de ses usages et de la fabrication des ustensiles en étain depuis les temps les plus reculés jusqu'au seizième siècle, cite le texte de la délibération du Concile de Reims en 813, sous le pape Léon III, qui prohibait toute espèce de matière pour la confection des calices, autres que l'or, l'argent et l'étain; et ce dernier métal, autorisé seu- lement pour les éghses pauvres. D'autres objets servant au culte, tels que les burettes, plateaux, crosses d'évêques, boites à hosties, bénitiers, pouvaient être également fabriqués en étain.

Dans la vie civile, l'étain a joué trois rôles principaux. Chez les paysans et dans les cabarets, il était employé. à la confection d'objets usuels. Dans la bourgeoisie

^MM

il ('•(ail ili'Nfiiii Idrli-N l'i'fir (le lii\c, ri, cIkv Ii's -raiids scij^MM'iirs, il ir<''lail a<liiii-- (\u';\ la ciii^iiir, Toii^ lf-> \a'-i'-> a ImiU'i' : lniic^. (•all(•||(■^, cliniic^^ ri [lol- a Ihcit, c'iaiciil tail> cii flaiii. Les plats, les asMi'lli"- <'l l«'^ (■iiicIIcn r(''lai('iil <"-ali'iiiciil .

Ki'iu'iii- l'ii l'Iaiii

( )i'('ill(' (l'i'curllr CM l'I ;iin ((jii.ilor/irinc >irclc .

[Ciillrrlioii ri ilcssin lie Viiilli-I h- Une.)

Viollcl K" hue cilc ilaiis son - Dictioniiaii'c du Moliilicr» des ('cuellcs en usage au (|iial(Mvi('Miir siôclc, cl doimc le dessin d'une éeuelle h oreilles en forme de licllc dune forme simple el éléi^anle. (ïcs oreilles étaient souvent très ornées. Il n'i-n coulait pas davanlaiie de fondre dans des moules des oreilles délicatement ouvrajiées. In dessin de Viollel le Duc en reproduit un type avec une tète en bas- rclicfiruii slyle cxcellcnl (pii moiilrc (ju'à cette époque, l'ait appliipic aux objets iisui'ls tenait une place aussi grande dans le mobilier de nos ancêtres que dans l'anti- (piitc, avec j)lus de naïveté peut-être, mais avec un égal souci de la forme et de l'ap- pro[)rialion à l'usage. Si grossière que soit la ma- tière, si simple que soit l'exécution, on sent que, dans ces époques lointaines, l'art avait pénétré jusipu' dans les couches inférieures de la société.

C'est surtout au seizième siècle, avec Fran- çois Briot en France et Gaspard Eiderlein en Al- lemagne, qu'apparaissent les pièces décoratives en étain qui ornaient les dressoirs des grands seigneurs. Le plat et l'aiguière de la Tempérance <le François loriot, qui appartenaient à Claude Sauvageot et font aujourd'hui partie des collec- tions du Louvre, étaient un merveilleux spé- cimen de la nuiitrise de leur auteur.

François Briot, à Montbéliard, était gra- veur en médailles, et d'après les recherches de

M. Castan. bibliothécaire de la ville de Besançon, il avait la charge, rémunérée par la ville, de l'essai au balancier de l'atelier monétaire. L'exemplaire du

Chope en étain seizième siècle]. [Colleclion G. Bapst.)

23-4

m^^M^^^m

licucUc on ctaiii (dix-scpl ii'mc siècle). {Collcclldu If. i;<)iiilli(-l.)

Louvre porte, au-dessous de rombilie, reffigie de l'auteur avec ces mots : <c Sculpcbat Franciscus Briot ». Cette médaille estime des pièces les plus remar- quables de l'époque. On a longtemps discuté sur les procédés que dut employer Briot pour l'exécution de ce chef-d'anivre. M. Chabouillet estimait ({ue l'original

avait être exécuté en ar-^ent

pour quel([ue grand seigneur, et que les épreuves en étain que nous retrouvons aujourd'hui, aussi liien en Frauce qu'en AUemag-ne, n'é- taient (jue les rcproduclions pai' la fonte au salile et la ciselin'c de la pièce en orfèvrerie; mais les rcclierclies faites par M. Bapst et l'opinion des artisles (pi'il a cousulb's sur le uuxle de fabrication de ce plat en élaiu. lui on! fait admcKrc xiwc loul aulre version.

D'ailleurs Bi'iot était graveur en médailles et son nom n'ajiparail dans au- cune liste des orfèvres de l'époque. Nul doute que le creux en métal dans lequel il coulait les épreuves en étain avait été gravé par lui. L'habile ciseleur, M. Brateau, qui devait, à la lin du dix-neuvième siècle, donner un nouveau lustre à la fabrication des pièces d'art en étain, n'adincl |)as (pi'un moule en sable puisse donner une telle netteté dans les fonds, une telle linesse dans les reliefs, sur lesquels il est impossible de constater la retouche du ciselet. Briot a faire le moule en métal gravé en creux, à. la manière des graveurs en mv- dailles, dans lequel il coulait le métal en fusion. Nous verrons |dus tard, au dix- neuvième siècle, tout le parti que M. Brateau a su tirer d'un ])rocédé qu'il a eu l'habileté de retrouver et la maîtrise de remettre en homieur.

Les moules en métal, que ce soit du l)ronze, de la fonte de fer ou de l'acier, ont certainement être employés parce qu'ils étaient les seuls jjratiques pour obtenir les finesses aussi délicates

que celles que l'on trouve dans le plat de la « Tempérance », et les seuls qui puissent donner un nombre indéfini d'exemplaires identiques au modèle et sans retouche. C'était d'ailleurs le procédé qu'employaient couramment en France les potiers d'étain pour la production des pièces usuelles. M. Paul Eudel, dans son livre des Trucs et. Tniqueurs, dit avoir ren- contré, chez un marchand d'étain d'une grande ville du Midi, des moules que ce dernier avait trouvés dans l'atelier de son arrière-grand-père, et qui lui

Eciicllc (di\-liuitiènie siècle). (Colleclion II. Bouilhet.)

L>n;

OrlcM-ci-ic d'claiii ilu dix huilirinc sied [Collection II. Bouillu't.

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HWl

S('i\ aient a rclaiic Ic-^ plal--, iisv,ic| |(•-^, l'oins lid h'v, cinllir-,, ^jolicIcK ou salières (lii'il li\iail a sa clieiil clc de |iasv,ij_.,- am-i ijiie loiis -es inciiuv u^^l ri|s||rs (|ii'il l(>lirillss;ii| ;iii\ i';jliscs (|e\illa;jes: liiirelles, ;is- pei'soirs, iia\eltes, liciiiliers iMirlalifs, {'\i-

M. I>a|is|, dans la sa\anle cl Ires di nnnimlee in(WM\i:ra|diie iinil a |iidiliee en I SS t siu' IClain, pense (|ii(' |f-> n'iisres dee(H'ati\es de lîiidl r\ de ses e(inle!n|i(irains ne Ini-enl (|n"nn eelair i|ni s"('- tcij^iiil a\ee en\. I'",n IVanee, rerleN rei'ie d'(''lain d'-elina i-a|iide;nenl , el. si clic cdiilinna en Alle- ma^nc el en Suisse à |(r(Mlnii'e (|nel(|nes (en\res avonaldes. ra|i|)ai'ili(ni de la inircelaine. i|ni allait remplacer rari;(Mderie, tondue |tar (HmIi-c des rois Louis \1\' cl Louis \\\ i-eh'^uait ce nn'lal a la eui-iue (Ui dans les eaharels. M. JJa[)sl estime (|ue, îiayaul plus de raison d'être, elle avait disparaili'e de nos usages.

« Au premier abord, dit .M. I)apsl, (m eom- » pi'end peu la corrélation (pii existe entre la

» suppression inoiiîentaiiée de l'argenterie dans ees temps malheureux, et la dis- •) parilioii de l'étain. » Mais s'il est exact que rindustric de la l'aïcnee à Nevers

Pot à eau cliaiHli' vn iMaiii. [(lolU'rlion l.il. (iiK'iin

Soiipicie et son jjlat en otain (ilix-lmitiènie siècle;. {Collection II. Ikniilhet.)

etr.à Houon, en Lorraine et eu Provence se développa comme pai- euchantemenl, et (pie la porcelaine remise en liouneur sm* nos tables princières remplaça l'ar-

-23H

genterie, il n'en est pas moins certain que l'industrie de l'étain pour la production des objets usuels n'en continua pas moins, et qu'à Paris connne en province, les potiers d'étain subsistaient encore. 0"^' '1* aient changé de clientèle, c'est possible, mais il n'en esl pas moins vrai qu'on retrouve encore aujourd'hui des soupières, écuelles, cafetières, théières, assiettes, plats, salières, etc., dont le style et la composition sont bien dus à des artisans du dix-huitième siècle. Ce sont les mêmes formes que celles de la véritable argenterie. C'est le même aspect déco- ratif, si ce n'est pas la même finesse. Les reproductions que nous donnons dans la planche de la page Soo en sont la déinonsti'ation évidente. La sou|)ière de style Louis XV avec ses larges côtes si habilement modelées, avec son écusson en relief et ses bordures ouvragées, la bouillotte si fermement moulurée {page 237) sont certainement des onivres d'orfèvre que les propriétaires firent reproduire par un potier d'étain j)our remplacer les pièces en argent qu'ils allaient porter à la fonte. Il en est de même de ces écuelles, cafetières, théières et flambeaux qui sont réunis dans cette planche et qui viennent à l'appui de notre opinion.

D'ailleurs, si (piehpies-unes de ces pièces porleut des poinçons étrangers, d'autres proviennent certainement d'ateliers français puisque nous retrouvons, dans les poinçons frappés au revers de ces pièces, les armes de nos villes de province, Metz, Rouen, Dijon, Montpellier, Bordeaux, et nous n'avons certes pas le droit aujourd'hui de méconnaître l'habileté et le goût des potiers d'étain du dix-huitième siècle.

.5^

Corljcille llcuiic, pni' Uauson.

j^Jt iV'MVf' ,.^.i!^,'.^t^£.-.

Vase irorlcN rorio, pnv (^.liDtl'arfi.

CHAPITRE SEPTIEME

L'OrlV'vi'oi'io pondanl \o rôano do Louis XVI. Les phases de la (panst'oi'inatioii : nouveau.v décors; ncnivelles méfhodes. Les oriKMiianisles et les décorateurs. Les ciseleurs et les orfèvres. Roberl-Joseph Aueuste, orfèvre du roi. Conséquences de la Révolution. La fin d'un art.

ORSQUE commença le gouvernement de Louis XVI, il y avait en réalité déjà plusieurs années que s'était ré- pandu et imposé ce qu'on a appelé depuis le style Louis XVI. Aux formes contournées avaient été substi- tuées, ainsi que nous l'avons dit, les lignes droites, les décorations équiliJDrées, et maintes œuvres architectu- rales, comme les projets de Soufflot pour le Panthéon, et de gracieux hôtels privés qui se construisaient dans Paris, montraient net- tement dans quel sens s'opérait, chez les architectes, la réaction sortie de la

240 ~

lassitude des fadeurs mythologiques et des bergeries alambiquées de Boucher. Le besoiu de réforme, qui se manifestait en art comme en politique, suivait lo- giquement et graduellement sa voie, pour ainsi dire sans secousse ni brusque transition. Le Cours d architecture, de J. -François Blondel, publié en 1771, ne fit que donner une sanction h une révolution qui était déjà accomplie à cette date dans le monde des ornemanistes et des industries décoratives. Depuis 1770, il n'était plus permis de puiser les motifs ornementaux ailleurs que dans les réminiscences antiques: Sphinx, trépieds, rinceaux, -têtes de béliers, accom- pagnés d'attributs suggérés par la sentimentalité particulière à cette époque, tels que flambeaux d'hyménée, cœurs, arcs et carquois, groupes d'instru- ments de musique champêtre, paniers fleuris et outils de jardinage, colombes et tourterelles, avec force rubans flottants dans les enroulements d'un feuil- lage gracieusement détaillé. Voilà les éléments que les dessinateurs Salem- bier, Delafosse, Prieur ou Forty donnent en modèle à tous les ouvriers de l'ameublement. A coup sur, les interprétations étaient bien un peu puc-riles, elles ne trahissaient guère mieux une connaissance exacte de l'antiquité, que les chaumières du petit Trianon ne donnèrent l'image de la vie rustique que pensait évoquer Marie-Antoinette. Mais il y avait dans ces artifices, dans cet art un peu grêle et menu, un sentiment si |)articulier d'élégance et de goût, qu'on y sentait un nouvel et fidèle reflet de la société française et de notre génie national. H est impossible de pousser plus loin qu'on ne le fit à cette époque l'exéculion précieuse des motifs d'ornements pour le bois ou le métal.

Nous touchons au moment précis oîi l'art des ciseleurs a produit ses plus fines merveilles. Jean-Louis Prieur, sculpteur-ciseleur et doreur du roi, exécutait les bronzes dorés du carrosse qui figurait au sacre de Louis XVI; Gouthière, qui s'était déjà fait remarquer dans l'exécution précieuse des serrures et des bronzes du pavillon que le roi Louis XV avait fait construire à Louveciennes pour M"" du Barry, et qui devait plus tard exécuter pour la reine Marie-Antoinette les meubles qu'elle commandait pour Versailles et Trianon, n'appartenaient, ni l'un ni l'autre, au corps de l'orfèvrerie de Paris, mais les bronzes qu'ils ont laissés sont achevés comme l'argent, et ciselés à rendre jaloux les orfèvres les plus habiles.

Marie-Antoinette, (pii fuyait à Trianon les rigueurs de l'étiquette de Ver- sailles, ne recherchait pas dans l'orfèvrerie la satisfaction de ses élégances. Le mobilier intime avait ses préférences et le luxe de la table ne la touchait pas ; aussi nous voyons à ce moment l'orfèvrerie se faire de plus en plus commode et utilitaire, appropriée aux manières nouvelles de vivre et obéissant aux caprices ou aux excentricités de la mode qui, pour le costume comme pour le reste, cédait alors parfois à d'étranges bizarreries. Bien entendu, on ne voyait plus sur les tables des salles à manger les vastes et monumentaux surtouts ou dor-

2M

m;iiiU I), ilniil l'iisnL'c .iN.iil ilcciili'iiicnl (|is|i;ini M.iis, |);ii- conli-c, mi pfil I li;i hillldc <l«' (li-^|M)-^cr ^^||• Ic^ hihli"^ IimiI un iikumIi' dr llclirs, (i JtrlMlNlrs, i|r |m'IiIv mu^ificiiN (Hi (le licr^cr^ en iiiiiiiiiliiic, ^nil m orl'cN rcric, soil en (•('•r;iiiiii|(if, (|iii loiiii.iiciil ilf-> ;4r(Mi|M's |iil l(ir('S(Hi('s on scnl iiiiciil;iii\, des >-ccii('^ dOpcrîi all('ii(lfis^;iiil('s, M'rliKMix's on l('l:^l•(•^. l ne des (•(»in('Mli('s de L;i ( lliaii'-^cc, / l-'.mlr lies nKiris \^1''', raille ce lidicnic (lan-> l(•>^ Ncrs snivanis ;

Il l.iiil cire sorruM' [loin' saxoir ce (|ii «m inaii^»';

(i('s( ciu'orc ;ui dcsscrl (Ui | ai n de |iili('

I )(' lums \(iir assoiniiicr d un fatras de NciTudlcs,

(lanu de maniioiiscls cl d aihiislcs coidiis,

(^hn l'oiil un li<us ladli< (ui lOu \\v se voil plus...

iNuir les dcsscrls, on iniaiiiiia iiirnic (ror^aiiiscr, en f^uisc de sni'loids, des si'iMies (le llK'àlro avec des [icrsomiagcs iniiiuscules ligui'ant des jcnx de conK'dic coiimis. (",(' fnt aussi lo Iciiips de la vogue dos surlouts à fond do glace. l*oiu- «'pai'- gner les porcelaines fragiles, on adopta l'usage, vers 1775, de poser des miroirs sous les pièces d'orfèvrerie, les (ahles pai'ui'enl |)lus rutilantes, et les dames d'un rapide coup d'œil pouvaient véritîer, pendant le repas, si nul détail de leur ajus- tement ne laissait rien à désirer, si la mouche assassine était bien à sa place, ou s'il ne convenait pas d'aviver d'un peu de rouge les lèvres pâlissantes.

Durant la période qui va de 1770 à 1785, les occasions de commander de belles pièces d'orfèvrerie ne semblent pas avoir manqué k la cour de France. Après les cérémonies du mariage de Marie-Antoinette, qui donnèrent lieu à des fêtes magnitujues, l'on put se croire un moment revenu au temps des fabuleuses dépenses de Louis XV, et pour lesquelles les orfèvres durent faire un efTort consi- déi-able de production, il y eut un peu d'accalmie. Le mariage du comte de Pro- vence, en 1771, celui du comte d'Artois, en 1773, furent pourtant autant de pré- textes à riches cadeaux. Ne fallait-il pas ainsi mettre au goût du jour la vieille vaisselle qui datait des débuts du roi défunt Louis le Bien-Aimé et dont personne ne voulait plus ? Malgré tout, le coup porté à l'orfèvrerie par la porcelaine et la faïence se faisait de plus en plus sentir. xMarie-Antoinette aimait le luxe, les bi- joux, les parures; elle avait, pour sa table, des ustensiles d'or et d'argent de l'art le plus précieux; mais elle n'aimait pas moins que M"° de Pompadour les porce- laines de Sèvres et encourageait par son exemple l'emploi de la céramique^ qui était entrée décidément dans les mœurs, et commandait h. Sèvres les jattes, les bols

(1 On donnait au ilix-huilirnie siècle le nom de donnant a la pièce centrale du surtout de tal)le qui. dressée au commencement du dîner, restait sans être renouvelée jusqu'au dessert. Aux banquets officiels, tels que ceux qui étaient donnés à l'Hôtel di- Ville ou à Versailles, et dont les gravures nous ont gardé le souvenir, on voyait de ces énormes dormants. Lors du mariage du prince de Guéménée avec M"" de Lou- bére, il y avait, dit le Mercure de février fîiil, au milieu de la table, un dormant de 45 pieds de long, sur ti pieds 'de large, qui représentait le temple de l'Hymen, avec deux péristyles. D'un côté de ce dormant était la figure de Mars, avec tous ses attributs: de l'autre côté, celle de .Mercure avec les Arts.

•2 -Vcte ni, scène i.

- 242

et les tasses en porcelaine de sa laiterie de ïrianon. En réalité, les orfèvres français étaient alors moins occupés aux ustensiles de la table qu'aux mille bagatelles que faisait naître la mode, aux nécessaires, boîtes, bonbonnières, bibelots en tous genres, exécutés, il faut le dire, avec un goût exquis et une perfection singulière.

Quand le roi Louis XVI commanda, en 1784, un certain nombre de pièces d'orfèvrerie, qui avaient été envoyées au Sultan, en même temps que d'autres cadeaux splendides, ce fut un événement. Tout Paris voulut aller voir la table en argent doré, ornée de ses vingt-quatre plats accompagnés de leurs cloches, qui faisaient partie de ces présents. Ce n'était pas un chef-d'œuvre, et le tout ne valait guère plus de GO 000 livres. Mais il y avait une cassolette d'or, enrichie de dia- mants, rubis et émeraudes, avec son plateau et l'aspersoir, qu'on avait payée plus de 18000 livres. Il y avait des buires avec leurs bassins, des fusils et des pistolets montés en or de couleur, etc.

Cette année 178i, la somme dépensée pour cadeaux diplomatiques par le mi- nistère des Affaires étrangères fut de 40378:2 livres. L'année suivante, elle était l'éduite à 23'2848 livres, et elle n'était plus rpie de loi 702 livres en 178(). N'y a-t-il pas, dans cette dimiimtion graduelle des présents faits par le roi, comme un signe précui'seur des événements ((ui vont surgir. Le luxe se faisait timide aux approches de 1780; il ne s'aftichait plus avec l'ostentation d'autrefois. On mettait plus que jamais des raftlnements dans les objets servant aux usages de la vie intime, mais on supprimait cha({ue jour un peu plus ce (\in n'y remplissait qu'iui rôle d'apparat. L'orfèvrerie de table cédait le pas à ce qu'on pourrait appeler une orfèvrerie d'étagère, comprenant tous les petits et jolis colifichets dont il était de bon ton de s'entourer, étuis, flacons, navettes ou tabatières, ce qui peut se mettre dans la main ou se cacher dans la poche.

C'est alors que triompha cet art merveilleux de la ciselure dans lexécution de ces menus objets qui servaient aux cadeaux diplomatiques, et se trouvaient dans toutes les mains. Le l)ijou. même inutile, devint une sorte de frénésie. « Qu'ils prisent ou non du tabac, les hommes avaient, dit Mercier, des boîtes pour chaque saison. » Il était de bon goût d'en changer tous les jours. Lorsque le prince de Conti mourut, en 1778, il laissa près de huit cents tabatières. Un peu plus tard, il était d'une suprême élégance de porter deux montres, et le vieux maréchal de Richelieu fut un des premiers à adopter cette mode. En façonnant les flacons pour les eaux de senteur, les étuis que les coquettes avaient sur leurs tables, les cro- chets qu'elles suspendaient à leur ceinture, les boîtes à poudre qui décoraient leurs toilettes, les orfèvres mélangeaient volontiers des ors de couleur et tiraient de cette association des effets harmonieux et charmants. Mercier va jusqu'à prétendre que, pour venir à bout de certaines dames aux mœurs faciles, « il suffit de changer leur navette, leur étui, leur boîte, parce que l'or n'est pas de plusieurs couleurs, et qu'il est indispensable à cet égard que la mode soit constamment suivie ».

2i:j

Le Milscc (fiili'iiiial lie IIKIII, <|ili iioii^ .1 luiliiii r(tcc;isi(»ii (r;MliiiilTf 1rs ro|- Ifclioiiv (le !•(•-. iiiciiiis i»|i|i'K, (iniil iKiiiN a\(»ii^ '''',1'' |i''irl'' "l;iii'- \r "IliihIit |>r(''- cfili'iil, iichiil |i,iN iii(iiii>> rirlii' en |ll(•(•t■-^ d orl l'V icric de sInIc Loiii- \\I, ijiii |Miii\ai('iil iinii^ l'dihcr mit la |mi Iccl nui de la main d(rii\rc aiii>i (|ii(' >iir IV'lô- l^aiicc lin -In Ir de I illi' ciMiiiiic.

An nondnr drs uii\ii'^ ipii nurilaicnl d'allii'cr le \A{\< itarlicnlicrcnicid l'al- liMilKui. |c cilcrai la lies IkIIc s((n|iicrc ilc la collcclioii l'-phrnssi, ilalanl des lontcs prcmirrcN années du iT;^n('. (•('>l-a-dir(' de ITTi à I7S(I, cl ipic nous

Suiipicre sur son plati'au. style Louis X\ 1. [Musée cenlenn.il. Colleclinn Michel Ephrussi.)

reproduisons ci-dossus. ()n y (rouvait iviiuis tous les caractères, nettement af- fu-niés, du style nouveau. IMus !oud>re de rocaille ou même de ces ornements légers, impi'évus, et si spirituellement délicats de la fm de Louis XV. La sou- pière, solidement assise sur son plateau très sobre, offre une énergique et mâle silhouette, avec ses tètes de lieliers (pii servent d'anses et la guirlande de feuilles de chêne qui reidonre; lallnre en est grave, noble, un peu froide, la ciselure est très adroite, minutieuse, sans excès, bien calculée pour l'effet général, le dessin est magistral; on serait tenté de dire que c'est un dessin d'architecte manquant un peu de liberté, de fantaisie, et peut-être de charme. Mais c'est le propre des a'nvrcs (pii inan,::nrent de nouvelles formes d'art et tranchent avec d'anciennes liaMlndes de lignes ou d'ornements, d'affecter ces

±u

V

apparences outraïu-ières, ces airs dogmaticjues et sentencieux qui ressemblent à une protestation. La soupière de M. Eplu'ussi est un exemplaire de toute rareté et il serait intéressant de savoir de chez quel orfèvre elle est sortie. Malheureuse- ment nous n'avons pu vérifier ses poinçons. Elle a la saveur singulière des œuvres qui marquent une ère nouvelle, la franchise d'un débutant qui fait son entrée dans le monde, sans gaucherie ni iriquiétude. C'est une pièce de musée. J'aime beaucoup aussi cette cafetière qui appartient à M""' Burat, et dont le prin- cipal mérite vient de sa simplicité; n'a-t-elle pas appartenu au baron Pichon, l'un des plus fins connaisseurs en orfèvrerie ([u'il y ait eu de notre temps. Rien de plus gracieux que sa forme allongée, sa base doucement arrondie, le bec à cannelures relié au collet par une guirlande, ses pieds si déliés qui, en se cam- brant, ajoutent à sa légèreté aimable, voilà bien un des types les plus parfaits du

style Louis XVI, dont l'élégance exquise, quand elle a cette mesure et cette discrétion, est d'un art suprême et défie toute comparaison. Plus riches, d'une composition plus pleine et plus cherchée, sont les aiguières avec leurs cuvettes que nous reproduirons également et qui appartiennent à la meilleure époque du style Louis XVI, celle du complet épanouissement. La première de ces aiguières fait partie des collections du Musée des Arts décoratifs, et l'on peut dire qu'elle en est l'un des plus charmants joyaux (n° 1). Elle est signée sur le pied, Vinsac l'aîné. Justesse et beauté des proportions, séduction des or- nements à la fois souples, variés et ingénieux, elle a vraiment une distinction souveraine, et éveille l'idée d'un ouvrage antique qui joindrait à la pureté de l'inspiration l'attrait enchanteur de la grâce athénienne. Comme dans beaucoup de pièces d'orfèvrerie de cette période, la panse est décorée d'une délicieuse frise exécutée au repoussé en bas-relief, en représentant, à la manière de Clodion, des scènes mythologiques dans un paysage virgilien. On abusa beaucoup, en ce temps, des frises, des médaillons et des camées dans l'orfèvrerie. La reine Marie-Antoinette possédait un plateau en vermeil décoré de trois rangs de camées antiques, figurant les princes de la maison d'Autriche, et formant autour du fond une bordure octo- gone. Ce ne devait pas être très réjouissant à voir. L'autre aiguière du Musée

Cafetière Louis XVl. (Collection de .!/'"■ Hiirul.)

I

No , M^moiv ol su cuvcUe, pni- Vinsac laine. - Mnst^c des ;w/s drcorntify y., ., Ai^uièiv ol sa i-uv,-ltc. Ci-Ucclioii C. Iloin.

'2M

cfiili'lilial (^ll" :i), |ifii|irii'li' lie M. ImiIm T.ilinirl , (•■^l |i|'u|i;i|i|i-|ii('[ll |iov|('-ririir(' ;i ffllc (|lli' ji' \ii'll^ lie (Ircnic; l;i ICiliciclic i|c l'i iii - i 11,1 1 1 1 1 ' \ r-\ r\\i\i\\[i- \ r||c n';iccii--i' ^tlllolll il;ill-- le i'iMl\ cl de ;in^c/ r|i;iiiL.'r cl i|lll Iwil |icii^iT .1 ccr-

l'Iamljcau à quiili-i' biaiii-lio iL' >l\l,' I.<iui.- XN'l, t'Xi'Clili' par roi-lovi-»' liniiillici'.

laines orfèvreries dessinées penilanl la Renaissance i»ar Pulydore de Caravage. L'exécution d'ailleurs est absolunienl remarquable et fait de cette œuvre une des plus intéressantes qui existe de l't'pociue de Loui> \\I un morceau de ju'emier ordre.

13

^48

A mesure qu'on approche de la Révolution, la sculpture décorative, sans rien perdre de sa finesse et de sa pureté, devient plus sèche. La forme des objets prend souvent de la maigreur dans relancement insolite de certaines parties. C'est précisément ce qu'on peut remarquer dans le candélabre dont nous donnons ci- contre la gravure et qui appartient à cette époque dite de Marie-Antoinette (1787-1789), durant laquelle la décoration de rorfèvrcric, tout en restant très délicate, se fait un peu mièvre. Ce candélabre (page 235), d'une exécution très soignée, est de l'orfèvre Bouillier.

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Sucrier Louis XVI à bas-relief. {Musée cenlennal.)

Très importantes aussi et par le caractère de leur exécution et par leur fabrication, sont les six pièces dont nous donnons la gravure et qui montrent le curieux effort fait à la fin du dix-huitième siècle pour réaliser la production à bon marché : cette préoccupation hantait si bien l'esprit des orfèvres, que le sucrier, le confiturier, les bonbonnières et les moutardiers, quoique exécutés en argent fondu et ciselé, étaient admirablement composés pour être fabriqués par le procédé de l'estampage, et nous doutons même que les bas-reliefs et les cou- vercles n'aient pas été exécutés par ce moyen.

Ces pièces, qui marquent une époque de transition dans la fabrication, sont devenues le prototype des pièces similaires qui ont été exécutées po^térieurement par l'estampage, procédé dont on a usé et abusé au dix-neuvième siècle. Ce pro- cédé, comme on le sait, permet d'exécuter économiquement, au moyen des matrices en acier e( du mouton, autant d'exemplaires que l'on veut d'un modèle établi chè- rement, mais dont l'exécution, rendue facile par l'emploi des matrices, en abaisse le prix de revient. La ciselure est supprimée, il suffit qu'un ouvrier adroit vienne

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N" 1

N" 2

-No 4

N»* 1 et -2. lionbunniLTC et drujreoir. No 3. ConliUincr. X"- ', et T). Moutardiers.

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ciiMiilc, (>;ii- mil' r;it:i''''iir(' IimMIc, corriijcr \r< iiiiiici-fcrtidUs, idiil m it^I.ihI

illl|illl»^;illl .-1 (lolIlUT ;i l'clli' |i|C(r l;i (jUilIlIc ihcllNlr (r.iil. |,c v|\||. i||. ,■,.-.

llll•lnl■^ (ilijfls d'orrcN relie e•^l Meii île le|i(i,|(ii' l.diii-, \\| d lU nul un r('-e| iiilerèl euiiiiiie ^| lei'iiiu'ii de l;i l',! I nicil ii m ;i l;i lin du di \dniil leini' «^ieelc. A ce llldiiienl. l'tiill ilhiLie de-> oïl'esres de (|iie|(|in'^ llll-^ du moins, el cneore en lin

assez pelil nonilire iiehnl pliis liuil ;i jiiil celui (|iie noiis asinis \ii ;mi milieu (In di\-lnnlieme ->iecle, dans lalelier de Tli(»ma> (iennaiii. Il ve eoiii|i|i(|ii;nl din-^l riimeiil N cl ddiilils ayaiil piiiir luil de l'ahi'i'incr |iar des iii(i\ciis e\|i(''dil il».. ;i lin très ;^rand iionihi'e d"e\ein|ilaii'es, les ohjels (|ni jadis n^'laienl e\('cnl(''-> (|n im à un par r(»ii\i-ier ()iTè\re. ('/est ainsi (in'im addpla remltoiil i'-sa.Lie el reslani- pa^c an iimnldii el au Imhtnncr. rem|ilaeaiil ainsi le lonj^ li"a\ail dn marlean (jni, peu a peu par de petils eoii]ts lialiilemeni in(''iia;^(''S, donne a la plarpie la l'orme \oulue. par un appai'eil (|ni perniel de frapper celle plaipie d'un seul eoiip, eu lui laisaiil ('pouser la lorine d'une inalrice en creux aii-desvn> de hupielle elle esl idacc'c. Ou ulilisail (''i;alt'nienl le tour, inslrumeiil doiil l'iii- veulion se perd dans la luiil des lemps, mais (pii ne l'iil appli(pi('' d'une fai-oii oouraiito à l'exéeuliou des ouvraj^c;^ (roi-fèvrerie ({ue dans les dci'iiièrL'S aum'-cs (lu dix-liuilièmc siècle. Ou inlroduisit alors (["Angleterre des tours au i)ied, qu'on faisait mouvoir au moyeu d'une pédale mettant en action la roue motrice ^w tour comme la meule à repasser les couteaux des rémouleurs ambulants. Les amateurs pouvaii'ul eux-mêmes s'en servir, si l'on en croit cette annonce insérée dans le Journal des affiches du \"1 août 1779 : « A vendre un tour à fan- glaise pour contourner la vaiselle d'argent ronde et ovale... et si doux qu'un enfant peut le faire aller. » C'était d'ailleurs une habitude assez bien portée parmi certains grands seigneurs du temps, de se livrer à ces sortes de travaux professioimels. De même que Louis XVI s'adonnait à la serrurerie, le comte d'Artois se mit à l'orfèvrerie et à la bijouterie, et l'on a la liste des outils qu'il se procura dans ce but : bigornes, étaux, archets, marteaux à manches de bois de rose et virole de cuivre, tours à guillocher, tours ovales à excentrique, mandrins, etc. Ces outils élégants, montés sur des manches en bois précieux et délicieusement ornés, coûtèrent 5930 livres. On ne pourrait jurer qu'ils ser- vii'eut l)eaucoup. Dans les véritables ateliers d'orfèvres, il est cei-tain que l'ou- tillage ayant pour but de faciliter la grande production ne fut pas admis du premier coup et sans difliculté. Ce ne fut qu'un tlélnit, un point de départ, un symptôme tout au plus, mais qu'il importe de ne pas oublier, car il annonce les transformations mécaniques qui bouleverseront toute la fabrication au siècle suivant.

Les orfèvres qui se partageaient à ce moment la faveur du public à Paris étaient assez nond)reux. Ce n'était pas des étoiles de première grandeur et nous ne croyons pas utile d'en donner ici la liste, qu'on trouvera dans la plupart des

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petits iilmanaclis de répoque(r). Parmi eux il yen avait que nous avons eu l'occa- sion de menlionner et qui, déjà en réputation durant le règne de Louis XV, conti- nuaient Ijrillainnient ou modestement leur profession. Tels étaient par exemple Roëttiers lils, Lehendrick, l'élève de Thomas Germain, qui fut grand garde des orfèvres en 1777. Il est l'auteur d'œuvres charmantes de style Louis XVI, notam- ment d'un délicieux service de vermeil qui fait partie des collections de M. Cha- brières-Arlès, et qu'on a pu admirer en 1900 exposé au Petit Palais.

Cafetière et pot ù laiL de LehendricU. Collection (Jiiihriôrcs-A rlès.

Lai cafetière est à trois griffes. La panse est ornée de vingt cannelures creu- ses décorées à la base de culots ciselés, un écusson suspendu par un nœud de rubans à un anneau et encadré de guirlandes de lauriers grassement ciselés porte un chiffre en relief d'un délicieux eidacement surmonté d'une couronne de roses. Le pot à lait à anse en bois des îles est à pied rond godronné ; le décor est semblable, mais l'écusson au lieu de chiffres est orné d'un bas-relief repré- sentant un enfant jouant avec une chèvre. L'ensemble est des plus séduisants. Les proportions harmonieuses, le décor d'une élégance exquise, l'exécution étour-

(1) Notauiment dans VAlmanach du Dauphin, de 1"T7, lequel, à vrai dire, est devenu assez rare.

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«lissjiiitt' fttnt, (If (M'v <lt'ii\ |ii'lilN clicrs-d'd'iiMc, Ic^ [lifccs les |)l(i^ iniMicii^fK de

l'orlV'N l'iTli' iV.lIlc.li-^r (|lli' I r.\|mvi| Kiii i|r 1*11)0 iKills ;ilir;i f('' V('|(''<'s .

l'Ill^ riDidriiii'iil ciiinil, iM,il> lni'li {'(lilllil irc, «'si le ll;iiiil iciii ;i |)ici| (•;i|-ri' otIk' de Irildlrs dCill. I.c lui c,! ii iirlc csl d('(<ii't'' d'iliic suilc de ridoK. I.r s|\|(' s';i[)- ii;ill\lil l'I II .1 p.'l-^ l;i ~>(ill|tli's-M' du ciiiidcLd li'C de l'xMlillhT, llLii^ il c-l l'iirdrc ri';i|i|tf iill ,(1111 de l;i Im'IIc cxcciilhni des (piivrcs (le la Iill du dix liiiiliciiic Niccic.

Nous iiiciilioiiiicroii^ ciicdic les iiouis <u\- vanls : .\i/i///s/r i lîidicrl-.ldscidi > , <u'i'r\rt' du roi ci I lin dt'> plus roiisid(''rai»l('> de la sccdiidc parlic du dix-liiiilicuic sire le ; lùamnis Joiihrrt^ (|ui a\ail |i<uii' |ioiii('oii un ('omu' cl don! |diisi(>urs (KiM'aiîCs MiltsisltMil t'iicdi'c, iiotanmicnl la sau- cière i\i' M""' i\v Ponipadour. (|no nous avons rc- [iroduilc au clia|Mlrc |ir(''c(''d(Mi( ; ,I.-T. Vancoiiver- lc)(/hc*i (poinçon : un lis); Jacques du lioi/s (poin- çon : une «(xpiillcl ; Michel-Franrois Monla'ujnc (poin(,'on : un landxdi; Louis Mermant (poinçon : un ai^le); P.-E. Marcltaud (poinçon: Croix de Malte): P.-D. Bullot (poinçon : une étoile"): Mathieu de Marcluj (poinçon : une tulipe) ; ïi.-l*. Février (poineon : un co(j); J. lioulogne-Pelit (|)oinçon : une étoile); A. Savart, G. -F. Rolland (poinçon: une boule) : Marc-Etienue Janetij (poineon : un marc), C.-N. Delaunoïj (poineon: un soleil); Charles Spri- man i poineon: un Saint-Esprit): Jean- Baptiste Cheret (poineon : une elef), qui avait succédé à son père, Antoine Chéret, et jouissait d'une grande renommée; Alexis de Roussy (poineon: deux palmes); Balduc , Bouillier, fabricant de vaisselle, fournisseur ordinaire du duc d'Or- léans, qui paraît avoir été un infatigable producteur; nous avons donné plus haid une œuvre remarquable de Bouillier, le candélabre à quatre branches qui figurait au Musée centennal; Cousinet, qui exécuta un service en vermeil poiu* la reine Marie Leczinska, à l'occasion de la naissance du Dauphin; Vincent Bréant, etc., etc., qui tous vivaient vers 1780, et que M. Paul Eudel \^\) cite comme ayant signé les ouvrages qui ont fait partie de sa collection d'orfèvrerie. A côté de ceux-ci, il ne faut pas oublier les orfèvres bijoutiers ou joailliers : Petitjean,

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Flambeau Louis XM. [Musée cpntennal.)

J Paul Eihlf], Soixante planches d'orfèvrerie, de la collection de Poul Eudel.

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Jactpiemin, Tiron de Xdnteuil, liodimer et Dossange, joailliers ordinaires de la reine et de la cour, dont les beaux magasins de la rue de Vendôme étaient toujours encombrés de la clientèle la plus arisloeratique. etc. Enlin, il faut donner une mention à part à M""" veuve Odiot, rpii ('lait établie niarcliande au coin de la rue de l'Echelle et de la rue Saint-Honoré. Elle ne fabriquait pas, mais elle vendait abondamment ce que fal)riquaient deux très bons orfèvres de second rang, Gi- roux et Roulangei', qui demeuraient dans le quartier du Palais de Justice. Sa maison, sous la direction de son fils CJaude Odiot. devait arriver plu> tard à avoir assez de puissance pour faire luiller d'un ('-clat inattendu Tart de Torfèvrerie au dix-neuvième siècle.

C'est de cette époque que nous voyons apparaître les recherches d'artistes, décorateurs habiles, qui fournissaient aux orfèvres des modèles de leur invention; ils nous ont laissé des recueils de dessins qui montrent la fertilité de leiii- iinagi- nalion. Ce n'c'laienl point des oi-fèvres ayant boutiipie (Hi atelier : leur rôle consis- tait il inveiitei' des modèles qui nous renseignent anjoiiririini sur les caractères des œuvres d'orfèvrerie et de l)ronze de cette épocpie ; les œuvres disparues, nous avons plaisir à retrouver dans les recueils qu'ils ont publiés les dessins qui leur avaient souvent donné naissance.

Jcan-Francois Forhj avait débuté sous Louis XV. Dans le répertoire des maîtres oi-nenianistes de Cuilniard. il est qualifié de dessinateur, graveur, fondeur et cise- leur. A-t-il riM'Ilenieiil |iroduit des ouivres en mi'tal'Ml ne nous a pas été donné de trouver une pièce exécutée i)ar lui. il est surtout connu par les publications (piil a laissées. La bibliothèque de l'Arsenal possède plusieurs suites de ses œuvres d'orfèvrerie à l'usage des églises : calices, ciboires, ostensoirs et chan- deliers, puis de nombreux cahiers de six pièces chacun, contenant des modèles de flambeaux de table, des girandoles, des garnitures de toilette, des vases déco- ratifs, quelquefois un peu chargés d'ornements: mais tous témoignent de la facilité d'invention et de l'imagination de Forty.

A côté de lui, Charles Delafosse, architecte, décorateur et professeur de dessin, h. Paris en 1721, a laissé de nombreux recueils. Le premier, sous le num iXIconologie Iiistoriqiie, renferme cent huit planches représentant des modèles de cheminées, cartels, écussons, vases, frontons, piédestaux, socles et monuments divers. Le second contient des sculptures, bronzes et orfè- vreries. Les autres sont relatifs à l'ameublement et à la décoration pour les églises.

Ces nombreuses compositions tmt certainement rendre de grands services aux orfèvres du règne de Louis XVI. Didafosse touchait à toutes choses: l'archi- tecture, les décorations intérieures, la sculpture en bois, en marbre, en bronze l'avaient particulièrement séduit, et l'œuvre qu'il a laissée peut être considérée comme un des types les plus intéressants du style de l'époque Louis XVI.

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JV»

X'^ 1. Fi-isc ck'ooralivo [)nr Dclalosso. X'^^ ■.' ci ^^. \'a>t'? i)ar Drlaftisso. X" 'i. Krise Louis XM. poste à oiiroulcmonts lubaiinos. par Salembier.

2i;i

'mmuimiiuiLUiimiaimmuiiiiiiiiiumMUiir

N' 1

No 2

.\" .;

1. Fi'isc clccorative. par l'nrl\ . N" 3. Vase crorrèvreric, par Camcl.

N" ■>. Wisa crorl'èvrerio. par Prieur.

N" 4- l"'"ise décorative, trophée d'orlevrerie, par Cauvct.

'2m

Il ,iv;iit Miii' iiii;i:jiii;ilirri IVm'hikIc cf s;i viM'M' facili' lui ;i\;iil |)ciil-(*'lr<' i';iif \-r\cv

(I T'Ili' -Mill-^ l.dlll-^ \\ I rr (|iic Mci-.-~(illllicr ,l\;iil r\r --oiis l,niiiv \\ cl (|<- lici'-^dll ililiiT le -^hlr i-l rc|»i)i|iii' un il ;i\,iil m'-cii. h'.i iIIciii-, le cir.irl rrc ijc ^oii (i'ii\|-r ("-I Icllcilicill |M'r^iillll('l (|lic le Ihilll lie hchlfusvc scrl ;ill|iill|(| lilll ,1 (|i''s|;.'||c|- le ;-'crirc (|;iii>> l('i|il('l il <'\c('ll;nl, on les -lnl•|,•|llll('-^ ilr cImmic cl de l;iui-H'i-. li.iliilciiHiil ili'-h-i- litict'N en di'^ ;ircliil('cliircs un peu IVoidcs iii;iis liicn |i(inil(''n'i'-, r;ii';ir|('ii>vcnl ricl- Icincnl, |Kini- Ic^ ani.ilcurs. le ^lylc de Dclidos^c

h'.inirc--, coniinc Salcinlnci-, Caiivcl cl de Lahnnlr, arcliilfclcv cl dc'co- ralciirs (''L^alcincnl , oni lai^si- de noinln-ciix cahiers d'orncincnK (|n'ils d(''- clareill >* Cititlfitir un </r<in(i tonnlirc île dcssi/is, rt i'Irc utiles aux tirlislrs ri aux » nrrsinnu's tpii rrulcnt (b'riu'i'V urrc ijuùl les iiilrrirurs tir l'ujijturlcnunt^ h: uui- » hilicr^ (Me. .. »

Les cahiers d'oi'fèv rerie de l.aldiide appai'tieiiiieiiL a la ijoiiiie éjxxpie de Louis \VI et (huinenl de noinlireux lypt's de soupières, éruelles, pois à ean cl a('('OSS()ir(>s de loilelle; plusieurs jtoivrières et. salières, qui cerlaiiieiiient ont être reproduits par les oi-l'èvres (Nuileuiporains.

l/iutroduetiou de ees éléments nouveaux dans l'industrie est un fait remar- (|ual)le à eonstater. Ce n'est plus Torfèvre eoniplet qui compose, modèle et cisèle ses ouvrages comme au commencement du siècle, ce sont les artistes décora- teurs qui préparent les éléments de leurs travaux et fournissent aux orfèvres des idées ou des modèles. Ils sont les précui'seurs de ce qu'on est convenu aujoui-frinii d'appeler les artistes industriels qui, dans le siècle suivant, seront les inspirateurs des industries d'art et faciliteront, à ceux qui n'auront d'orfèvres que le nom, le moyen de se faire valoir avec des œuvres qu'ils commanderont ou qu'ils achèteront à ces artistes.

Pour bien faire comprendre l'intérêt qui s'attache à cette intervention, nous avons donné plus haut la reproduction de plusieurs pièces empruntées à ces recueils. Elles montrent la différence de manière d'un Forty, d'un Delafosse, d'un Cauvet, d'un Prieur ou d'un Salembier et les personnifient. Mais, quel que soit le mode d'interprétation de chacun d'eux, on voit le lien commun qui les rattache, et on sent bien que toutes ces œuvres d'origines si diverses reflètent l'esprit et le goût d'un temps, le symbolisme de l'antique allégorie allait devenir le plus applaudi des éléments décoratifs. « Antiquité et Pastorales », tel est le mot d'ordre adopté par les artistes de cette étrange époque une société Unissante jouait à l'idylle en attendant la tragédie dans un décor ((n'animaient les danseuses de Pompéi alternant avec les bergères de Trianon. Mais triompheront les orfèvres, qui auront ainsi un lien commun, c'est la perfection de la main-d'œuvre. Ce sont les finesses exquises de la ciselure, une ornementation variée dans sa fantaisie tous les jours plus sage, une sorte d'élé- gance un peu maigre, mais si agréable, si satisfaisante au regard, qu'on ne

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cherche pUis la part (lui revient à l'artiste, ou à louvrier, et qu'on les confond tous deux dans un mèine sentiment d'admiration.

En tête de la nomenclature des orfèvres qui vivaient à cette époque, j'ai cité Auguste. C'est lui qui, à partir du règne de Louis XVI, prit de haute lutte ce premier rang parmi les orfèvres. Robert-Joseph Auguste, en 17:25, fut reçu orfèvre le 15 janvier 1757 et nommé orfèvre du Roi le 23 mars 1775. En 1777, il avait acquis de Jacques Roëttiers la maison d'orfèvrei'ie que ce dernier exploitait au coin de la rue des Orties et de la place du Carrousel, et lui succéda dans le logement des Caleries du Louvre devenu vacant par suite du décès de Jacques Roëttiers en 1784. Son i)remier métier fut celui de ciseleur. Il avait travaillé le bronze avant l'argent et l'or. Dès 1757, il s'était déjà distingué par maiids tra- vaux importants, cl sa situation, qui s'accrut rapiih'uuNit de 17G5 à 1775, le mit bientôt en pleine lumière. Il devint le fom-nissciu- le ]»liis achalandé de la cour. Sa réputation avait passé la frontière, et les cours de Portugal et de Russie lui donnaient fréquemment l'occasion d'exécuter des œuvres de hante valeur. Dans sa monographie sur l'orfèvrerie française à la cour de Portugal, M. C. Rapst constate qu"x\ugusle, le digne continuateur de la glorieuse tradition dont Cei'main avait été l'initiatcui-, fut l'auteur de la dernièi'c commande exécutée pour le Por- tugal. Le seau à rafraîchir dont il donne le dessin et (pic nous reproduisons.

Seau à ralVaicliir de H.-.I. Au^uslc. [Orfèvrerie ile ht (\)iir de l'orlnijal.)

est bien de l'époque Louis XVI. Il rapjx'llc par sa d<'coration le style des inven- tions de Delafosse. Nous n'hésitons pas avec M. Ccrmain Rapst à le lui attriltuer. A l'avènement de Louis XVI, c'est lui qui fut chargé de la couronne du sacre; il re- çut pour la façon 6000 livres. Associé pour ce travail au joaillier Aubert, qui sut mettre en valeur le Régent, le Sancy, et les plus belles pierreries appartenant

2fi5

,111 roi, il iiiiiiiliM ll,lll-^ 1,1 |i,iilic ilii lr;i\;iil i|iril s"i-|;iil n'^crv ('•(• un ;.'(iril cl imm- li;iliilclc i|iii II' iiiirciil ;iii |iiciiiii'r laii,;: ilc^ ;iili-(c-- ilr ^ow lriii|iv. || |i| r'^:i\,-- iiiciil lc> (i|i|('K (|iif. (l'iiinc-- I ii->;i,:j(', le roi ilrs.nl ollnr ;i |,i cil Ik'mIimIc (je

K(Mlll-> : 1,1 lillllt', li"> lilliciic'^ (Il M'illiril cl le (iJinilT ildr. |tc llll encore f'iil |,|

l'ncoii lie lien! ll;l-^ relie!'-. re|tre->eiil;iiil l;i l*;i<-.ioii el i|e Iroi-; .inije^ --n|)|)orl;iiil la roil|M'. \ [lariir de celle .illliee ITT.i, Kol lerl -.l()sr|>li .\ll|^llNle c^l r|ia|-;.'('- de loille rolTe\rerie oriicielle. Il li\re .'i la eonr ie< iJNleil'-ile., de \iii^^e||e (|ne ri'clame le ser\it(' du roi cl de la reine i-l laiL lous les lra\aii\ de .^a prole^-^ioii

Salière exécutée ]iar R.-.I. Auguste. (Colleclion de l'emiiereiir ^le Biiasif.

que les circonstances lui imposent. Nous voyons lijiui'er sur une de ses factnres de 1787, les «tasses et flacons pour recevoir le sang des sangliers à la fin de la chasse du roi », en même temps que la « couronne de vermeil avec les deux plaques d'inscription en argent pour le cercueil de M"" Sophie, fille du roi ». Que ce soit pour Paris on pour les cours étrangères, quand il exécute des leuvres, telles que la belle toilette de vermeil faite à l'occasion du mariage de l'infante de Portugal en 178o, elles font sensation et tout le monde en parle. Dans les gazettes, son nom est toujours écrit avec cpithète louangeuse : on est fier de sa renommée et de son talent.

Après la faillite de François-Thomas Germain, c'est à Roëttiers et à Auguste que revint la clientèle des cours étrangères. Auguste ne fut pas le moins bien partagé. On voit encore de cet orfèvre, à Saint-Pétersbourg, au Palais d'hiver, des seaux à rafraîchir, des soupières, des saucières dans le style de Delafosse.

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La grande Catherine lui fit des commandes considérables. C'est à lui qu'elle s'adressa pour exécuter la toilette qu'elle offrit à la comtesse Bobrinsky, et qui est restée dans cette famille.

Une exposition temporaire d'argenterie du dix-huitième siècle, faite en 1885 à Saint-Pétersbourg, dans le Musée de l'Ecole centrale de dessin du baron Stieglitz, nous a révélé les trésors que possèdent l'empereur de Russie et les membres de la famille impériale; les grandes familles princières de ce pays, les grands-ducs Wladimir et Alexis, le comte SchouwalolT, les familles Bobrinsky, Paskewitsch, Gagarine, Narischkine, Polovtsoff, avaient mis à la disposition des organisateurs de cette exposition plus de trois cents objets du plus haut intérêt. Un catalogue en avait été dressé, et la reproduction en gravure l'eau-forte faite par les élèves de lEcole nous a conservé le souvenir de quarante objets des plus r('mar([uables. Malgré l'infériorité de son interprétation, ce catalogue est des plus intéressants pour nous par l'importance des pièces qui y sont représentées; et si nous envions à la Bussie la possession de ces chefs-d'œuvre, qui enrichissent le Trésor impérial, nous ne saurions trop féliciter la Cour d'avoir su les conserver mieux que nous n'aurions pu le faire, et de nous j)ermettre aujourd'hui d'en parler, et de constater le goût et l'art de nos orfèvres parisiens au dix-huitième siècle.

Les œuvres d'Auguste figuraient au nombre de sept. Deux seulement, une salière et une saucière, avaient été dessinées. Heureusement, le Musée des Arts décoratifs du Pavillon de Marsan possède une reproduction galvanique de la sa- lière d'Auguste, qui fut exécutée par Elkington à la demande du Musée de Ken- sington. La gravure que nous en donnons {page 265) nous en fait apprécier toute la valeur; sur un socle oîi était gravée sa signature: Auguste^ fecit à Paris, deux petits Amours, tenant des coquilles qui servent de salière, supportent une coupe destinée à recevoir les épices. Le couvercle est surmonté d'un groupe d'algues et de coquillages qui en f(trment le couronnement. L'architecture en est précise, la forme bien équilibrée. Elle semble plutôt l'œuvre d'un bronzier, mais, à en juger par l'exécution, ciselée par un orfèvre. On la dirait dessinée par Delafosse.

Tout autre est la saucière [page 267) : montée sur un plateau dont les extré- mités se recourbent en volutes gracieuses bordées d'un tors de lauriers, la sau- cière est à quatre griffes, mais les anses, un peu maniérées, sont formées par des enfants dont les bras s'allongent pour finir en feuilles d'acanthe qui s'attachent au corps de la saucière. Cette œuvre est vraisemblablement antérieure à l'époque Auguste transformait sa manière pour s'accommoder au goût du jour.

La France ne possède que peu de pièces de cet orfèvre. Cependant, dans la contribution que le collectionneur Henri Chasles avait apportée à l'enrichissement du Musée centennal de 1900, nous avons été heureux de trouver un huilier en vermeil daté de 1770 et deux cloches de 177() portant le poinçon d'Auguste, dont nous donnons la reproiuction [page 268). Ce ne sont pas des pièces capi-

laies, mais, dans rliaciiiic (rdlfs, un iriMiniiail la inènn- Icnilatirc, !<• nièrnc sdiii'i (I a|»|ir.'iial iiin ilr la fni-inc a I ii-^au'i', I i ni|i|iii de dccurv a~s;ifj|v. |r rr-|i('r| (If la litrnii' aiiliilfrl iiimIi' cl ilc^ \ ri itali|i''> |inni'i|M'>> de la (-(MniMisil ion . |,,i on nii ri'i-oiiiiail II' iioiiM-an ^InIc ijui \a ddiiiiiicr dans le sjcrli' s|ii\,iiil, ^^ i-^\ dans iHir aiuiincrc cl sa cii\cllc a\aiil a|i|iailciiii a M. I*aiil Kiidcl i /l'/'/r :^(i!l/ : la juriin' (Ml fs| ('li'i^anlc cl |iurc. rdrnciiii'iilal ion solirc, l'anse itieii allacli(''e; cl I on ^ciil deja i|nc le ;^(iiil ilc l,iiilii{nilc \a aincncr IcsorlcNrcs a se d(''|)aria^-~ci' de loiilc celle (naicincnlalKiii si i;aic cl si |iini(ianle du di\-linil ienn- sie(dc, iionr -e le-

Sauciére par R.-J. Auguste. Colleclinn de l'cmpercnr de Russie.)

froiilii' an contact des peintres comme David, et des architectes comme Percier et Fontaine. Mais on peut dire, néanmoins, qu'Anguste résume et caractérise l'orfèvrerie de l'époque Louis XVI. Il en est, pour ainsi dire, la personnification. Dans les pièces sorties de ses ateliers, qui sont parvenues jusqu'à nous, on reconnaît les qualités générales et les défauts de l'exécution particulière à cette période : précision extrême et fini de la ciselure, netteté de l'ajustage, polissage excessif et souvent trop uniforme. Le beau travail du marteau, le procédé du repoussé commence à être délaissé et remplacé par celui de la fonte ciselée, ('/est le moment de la monture à froid. Les bronziers, si admirés pour leurs tours de force, exercent alors une influence décisive sur les orfèvres; mais n'est-ce pas au détriment de l'art de ces derniers? Un homme qui au dix-neuvième siècle a grandement fait honneur à notre profession, F.-D. Froment-Meurice, a dit : « J'ai » vu quelques-unes des orfèvreries de M. Auguste. J'ai vu surtout deux fontaines » à thé ou à café, deux très grandes pièces qui avaient survécu à la Révolution, >) et je détdare que ce sont là, suivant moi, de fort beaux ouvrages dont on peut

268

» n'aimer ni le style, ni le goût, mais qui se distinguent par d'éminentes qualités » de composition et de goût (1). »

Cloche de 177I'). p.ir H. -.T. Aiij;iiste. [Cnllprllon II. CIiusIps.

Robert-Joseph Auguste eut un fils, lleui-i, ik' eu IT.M), (|ui, associé à sa for- tune, devait coutribuer à la grande prospérité de la maison, jus([u'à la veille de la Révolution. En 1788, R.-.I, Auguste et son fils Henri devinrent fermiers des affinages des matières d"or et d'argent. Ce fut à cette entreprise, ainsi qu'à des recherches sur la fonte des cloches que s'employa leur activité pendant le repos

Huilier en ^el■meil de 1770. pai- H.-.I. Aujiusle. [CoUecVon If. (Jhnsles.)

forcé que la période révolutionnaire allait imposer aux orfèvres. Ce fils, Henri Aug-uste, avait épousé en d782 Madeleine-Julie Coustou, nièce du célèbre sculp- teur; à ce mariage assistèrent les peintres Yien et Pierre, PVançois Souffiot, frère de l'architecte du Panthéon, sans parler de la famille des Coustou et

Ij l'ii. Hiii'ty, F.-U. FromeiU-Mi'urice, arfjcnlifir de la ville, 1883, 1 vol. in-8", pi^g'i U.

irailll-f^ ;illl-^lc^ lit' t;ili'llt cl <li' luiILlIlIr --il ll.ll inli I l.c |riillt' nclrsif n'aSllil ,1(1,. \iii-l hdi^ an-- ri ra\riiir N(iii\iail (li'\aiil lui Imil naiil i\r |iiiiiiirss('S. . . \a<< (•MiiriiifiiK lit- <l('\aiiiil , liclas ! |>a> lanlrr a llicllir rii dciidilc les riAcs j'oniics fil ti' .|<Mir (le li(iiilii'iir.

l.c (■()ii|i (le IdiiiiciTc (II' l:i lîc\(iliil ii>ii lui |ii)iir rnrlcx fcric le >-i;_'iial d iiti iiTc- iiiciliaMf (Icva^lif, il uni' niiiic laiiiciilalilc ri (niii|ilclr. |)a|p(inl il \ «iil I < laii vciiliiin'iilal cl liailil KHiiicl ilc la rclniilc a la Monnaie. Ce liircnl ilc modc-lo

Aiguière et sa cu\etl(.\ par Il.-.I. Aii;.;ustc. CoUeclion l'uni l'mlcl.

bourgeoises qui, le 6 septembre 1789, portèrent leurs pauvres bijoux à la foute pour soulager la misère du peuple, eu disant avec l'emphase de l'époque : « Nous rougirious de les porter quand le patriotisme en commande le sacrifice. » Puis le mouvement gagna l'aristocratie. Un décret de l'Assemblée nationale du G octobre 1789, sanctionné le l!2 du même mois par le roi, ouvrit toutes grandes les portes de la Monnaie aux pièces de l'argenterie publique et privée. Mais tandis (ju'à la cour de Louis X.IV et de Louis XV il avait fallu la menace des édits pour forcer les grands seigneurs à faire le sacritice exigé, cette fois on prit les devants.

;1 A. Jal : Dictionnaire historique, au mot Auguste.

270

En quelques mois, de tous les points du pays, aflluèi'cnt des monceaux de vaisselle d'or et d'argent. Du 22 septembre 1789 au 31 juillet 1790, la Monnaie ne fondit pas moins de 219428 marcs 2 onces 15 deniers d'argent, et de 739 marcs 2 onces 5 deniers 23 gros d'or, c'est-à-dire 54857 kilos d'argent et 187 kilos d'or. Le Journal de Paris de cette époque" (supplément au n" 293) publia la liste complète des personnes qui envoyèrent ainsi leur vaisselle à la fonte, et ce curieux docu- ment, qui ne compte pas moins de 48 pages, contient dans un singulier mélange les noms de ((uantité de gens appartenant à toutes les classes de la société. 11 y avait en première ligne le roi, et la reine qui sacrifia d'un seul coup presque toute sa belle vaisselle d'argent pour 5042 marcs; puis, Madame, belle-sœur du roi, pour 1315 marcs; Mesdames, tantes du roi, pour 855 marcs; le duc et la duchesse d'Orléans, la famille de Penthièvre, le ministre Necker, les dames de l'entourage de la Ueine; quiconque avait un rang à la cour, les linaiicicrs et les bourgeois, les petits boutiquiers de Paris, les plus humbles niarchaiuls suivaient le mouvement. Sur cette liste, les noms des contrôleurs et des fermiers généraux, des banquiers les plus connus, voisinent avec ceux de la haute noblesse de France; on y trouve côte à côte le comte Cassini de .l'Observatoire, la baronne d'Holbach, la veuve du statuaire Pajou, le peintre Lagrenée, Obei-kampf, les architectes Bou- cheron, Micliault et Yermont, Torfèvre Tiron de Nanleiiil, Vilmorin le « grainier du roi », des tailleurs, des épiciers, des miroitiers, et des milliers de commerçants qui viennent déposer sur l'autel de la j)atrie leur demi-douzaine de couverts.

Après une pareille immolation, qui lit perdre à la France d'incalculables trésors, des chefs-d'œuvre infiniment précieux, succédèrent les ventes faites par les émigrés. Les objets d'orfèvrerie échappés à la fonte furent clandestinement emportés à l'étranger. Quelques-uns restent sans doute encore obscurément enfouis parmi les reliques du passé. D'autres sont l'orgueil des collections fameuses; de toutes façons, ils sont perdus pour nous.

Mais la Révolution arrivait, et avec elle tout allait s'ai-rèter, sinon disparaître. Les orfèvres commençaient à chômer dans leurs ateliers silencieux. Les (euvres de luxe avaient cessé d'être à la mode, et on vit les orfèvres faire des plaques de gibernes et des hausse-cols; les plaqueurs fabriquaient des harnais, et les bi- joutiers étaient obligés de s'arrêter devant les conseils de David qui, dans un discours de l'an 11, aux fêtes en l'honneur de Viala, disait aux jeunes répuljli- caines : « Méprisez l'or et les diamants, soyez parées des vertus de votre sexe », et ne retrouvaient leurs outils que pour fabriquer des bijoux d'acier, façonnés en emblèmes patriotiques.

En ces jours difficiles, l'orfèvrei-ie produisit cependant quelques (Cuvres avouables, sévères comme l'époque qui les voyait naître. Les artistes ([ui les^

- ^71

(•\(M'iitaitMit ol)(''iss;ii('iil ;iii\ i»r('occii|);ili(iiis de r;irili(|iii', ••! (Iccoiaiciil les iiniics (le-, -i'iifi;iii\ lie la U(''|»iil>li(|iir (l('«^ al I iil)iil '^ ciiiiiiaiiih''^ aux dci iir.ilioiis ;.'rcc(|iM'S cl hiliiio. " r.icii ^i»ii\('iil, iK ilciii.iiKJaiciil lies iiiv|)ii;il k ms ;iii |iiiiilic l.diiis » h;i\i(|, le ::i';iiii| iii.iilic dc^ ccrciiK iiiic- de la Ut'\ (diil ion . (\'r^\ lui i|iii dcs- » siiia le s;diic de |lill;iiii|-\ iirciiiics, (|ii(' ii()ii> rc|ii-ndiiis()iis d'après une ;_'ra- \> Mire du lriii|is. Lc^ roildrc--, le liisr.iii, le liolllicl |dir\ ;jirii , 1rs |i;dllirl I es » (iiiiaicnl le touircaii de (cllc aniic plus s\ iidt(ili(|ii(' (|iic (h'-coral i\ c. (le sl\lr ne » df\iid \(''i'ilaM('iii('nl a la iiuidc i|ii(' l(ii'S(|ii{', le Iciiips du hircrluii-c ('•laiil, » rcNcim, l*;iris i-('|ii'il so liiiJMludcs de luxe cl de iiioiivciiiciil . I.o mciihlcs, ') les liijoux, les orl'rx rcrics allcctcnl alors les l'oriiics n'-^iilièrcs, les prolils se <> i-('\milaris('Ml, ri la ithiparl des oi'Cèvres (|iii aNaicnl gardé le culte des Cormes » c'oMloiinir't's, se (■(tiiverlisseiil à la loi nouvelle el ouhlicnt l("< conseils du ca- » priée pour sui\re les lois rigides tle la géoinéti'ie 1^1;.

L'orlèvrei-ic française avait eourageusemcnt traversé les orages de ees UMiips trouilles, mais (die allail cire i)i'oron(l(''ment allcinle |iar la suppression des corporalions cd l'abolition de leurs privilèges : plus de maîtrise, plus de long apprentissage, plus de ehef-d'œuvre obligatoire. Lucien Pali/.e, dans le rapj)ort magistral qu'il lit sm- l'Exposition de 18S9, disait à propos de la suppression des coi'|>oralions : « C'était la liberté pour tous, » le droil au travail sans entrave, sans contrôle, » mais l'orfèvre n'en deniandail pas tant; cette » liberté lui fut ruineuse, elle apporta le désordre » dans son art et le compromit à ce point, qu'après » cent ans il se retrouve à peine, et n'est pas revenu y' à l'étal la Révolution l'a surpris et frappé. » Toutefois, le régime nouveau n'avait pas amoindri les orfèvres, et, libres désormais, ils gardaient dans l'industrie parisienne la place éminente qu'ils avaient occupée au temps des jurandes. Une protection évidente fut constamment acquise aux praticiens de ce noble métier. « Le gouvernement avait respecté » dans ses règlements tout ce qui )> touchait à l'Assistance mutuelle et ^^,,,,.^, ^,^. Hiihu.d Vmennes.

» à la Société de secours. Les maisons .D'après le ilessin de Davi>l.

1 Paul Maiilz. Uochercheé sur loifévrerie fl■dlJl•ai^c. Gazelle des leaux-avls. iomo XIV. pages IS.j If-li, 187.

272

» communes ne furent supprimées que par la loi du 19 Brumaire, an VI, et cette » loi nous fournit un détail touchant. A l'heure elle est rendue, il y avait » encore quatre invalides dans la iMaison des orfèvres de Paris. Le ministre de » l'Intérieur d'alors fut chargé d'en prendre soin et les plaça aux Incurables (I). »

Mais l'orfèvrerie ne pouvait vivre sans une réglementation spéciale qui ins- pirât la confiance au public. Ce fut la loi de Brumaire an VI qui se chargea de la lui donner en réglant le titre de l'or et de l'argent, en organisant le contrôle et les bureaux de gai'antie, qui venaient prendre la place des jurandes et consti- tuer la législation nouvelle.

Qu'allait devenir l'orfèvrerie française avec ce régime nouveau? Tous les ate- liers des orfèvres à Paris et en province fermés, la corporation détruite, les ap- prentis et compagnons enrôlés dans l'armée et envoyés aux frontières; jamais la ruine d'un art ne parut plus profonde qu'au lendemain de la Révolution de 1789.

Nous allons voir en etTet, dans la deuxième partie de cette étude, ce qu'il a fallu, pendant le dix-neuvième siècle, d'efforts persévérants, de luttes, d'entre- prises vaines, avant de parvenir à le relever de cette chute lamentable !

(1 I*aiil .M.iiilz, IJi'clicrche? sur l'Oi lèvrciic li:;ncnis(\ (Uiytle drs i< cnu-arls, hniii' Xl\', [liigus ISIj 186. 181

FIN DU LIVRE PREMIER

Cartouche de Delurosse.

r"r''X'ï''^'i'V''^'lfitfiiMt";'"ii'liiliil'iiiiUritMiiii'ullfNiiltiaiiiu i'i'"iiiiiMiiir;"iiû'ii[iTii

TABLE DES MATIÈRES

A\ aiil-propos VII

Lislo (les anialours cl des orlèvrcs exposants xi

INTRODUCTION

t>liaj)ilre I". Origine des expositions rétrospectives. Le Musée centennal de Kjoo. . i Chapitre IL (^oup d"(vil sur l'Orfèvrerie française depuis les Mérovinj'iens jusqu'à

la mort de Louis XI \' 2.5

LIVRE PREMIER

LE DIX-HUITIÈME SIÈCLE

CIIAPITIIE PREMIER. L'Orfèvrerie à la fin du règne de Louis XIV. Les ateliers des Gobelins. La destruction par les édils. Ce qu'elle était à la Cour et dans la bourgeoisie

CHAPITRE DEUXIÈME. Le réveil de la Régence, ijiS-ijaS. Ce qu'était le service d'argenterie dans les maisons princières. Caractère des œuvres de cette époque

CII.APITRE TROISIÈME. Epanouissement du style rocaille. Ses excès et ses chefs-d'œuvre, ijaS à ijSo. Les orfèvres Meissonnier, Delaunay et Ballin le neveu. Grande renommée de Thomas Germain. Inlïuence de la Cour

sur le goût

i4

'.3

05

274

CHAPITRE QUATRIÈME. La corporation d'es orfèvres et ses rè-ilements. Maîtres et apprentis. Conditions du travail. Poinçons de garantie. Orfèvres connus de 1720 à ijSo. Les « Eléments d'orfcrrerie », composés par Pierre Germain (dit le Romain). Spécialité des boîtes et tabatières à portraits

101

CHAPITRE CINQUIÈME. Apogée de l'orfèvrerie du style Louis XV. Chefs- d'œuvre exposés au Musée centennal. Les orfèvres François-Thomas Ger- main et Jacques Roëttiers i53

CIIAPITRl^] SIXIEME. La marquise de Pompadour et son influence. Tout à la Grecque. Avènement du style Louis X\'I. M"'^ du Barry et ses pro- digalités. — Ses commandes à l'orfèvre Roëttiers. Les boîtes et les menus objets de style Louis XVI. La catastrophe de 1769. Concurrence faite à l'argenterie par la porcelaine. Les industries du similor et du doublé. La poterie détain 1S7

ClIAPITRl^ SI<>PTIÈME. L'orfèvrerie pendant le règne de Louis X\T. Les phases de la transformation : nouveaux décors; nouvelles méthodes. Les ornemanistes et les décorateurs. Les ciseleurs et les orfèvres. Robert- Joseph .Auguste, orfèvre du roi. (jonsécpicnces de la Révolution. La fin d'un arl ^33

Vase d'orlL-XTei-io, par Cauvet.

AVANT-PROPOS. Tôle do page : la Fermière. Coupe des Cuncours agricoles, par Cliristolle.

(Modèle de Coutan. ] .\ m

Lellrc ornée L : cafelière, par Clirislolle. \Mudclc de Carrier-Bclleusc.) xiii

Cui-de-laïupe : pot à crème, par Cliristolle. [Modèle de Levillain.) xv

INTRODUCTION.

CHAl'lTHE ^'^ Tête de page : devise de l'Union centrale des Arts décoratifs 1

Lettre ornée A : prix de Course, de Fannière 1

Musée rétrospectif de 1805. Le Grand Escalier 3

Musée rétrospectif de 1861). {Collection Richard Wallace.) 5

Musée rétrosj)eclif de 1874 du Costume. Le Grand Escalier 1)

Musée rétrospectif de 1874 du Costume. [Collection Achille Jubinat.) 11

Gobelet émail de Grand'liomnie. [Collection E. Corroyer.) 14

Musée cenlennal de lUOO. Le dix-huitième siècle la

L'Empire et la Restauration 17

Epoque Louis-Philippe 1<.)

Epoque Napoléon 111 21

Orfèvrerie religieuse 23

CHAPITRE 11. Tête de page : aiguière et son bassin, di.v-seplième siècle 25

Lettre ornée R : reliquaire 25

Fauteuil de Dagobert 26

Coupe des Ptolémées 27

Moine orfèvre 27

Calice de saint Rémi 27

Reliquaire en forme d'aigle. [Galerie d'Apollon.) 28

Dressoir d'orfèvrerie, d'après une miniature 29

270

Dressoir du rui Louis XII, ir;i[>rôs une niiiiiiiliire 30

Nef on or olïerle par la ville de lîordeaux à la reine Eléonore 31

Candélabre oiïert par la ville de Paris à la reine Eléonore 31

Alolier d'orfèvre, d'après Elienne Dclaune 32

Brûle-parfum, d'après un dessin d'Etienne Delaune. [Colleclion Dérard.) 33

Présent oiïert par la ville de i'aris au roi Ciiarles l.\ 3o

Colïrel à bijoux d'Anne d'Autriche. (Galerie d'Apollon.) 36

Orfèvreries Renaissance. [Galerie d'Apollon.) 37

Cul-de-lampe : dessin de Bérain 40

LIVRE 1'. Frontispice : carlouclie de Meissonnier 41

CHAPITRE ^'^ Tète de pa^^e : vase d'or des Tapisseries des maisons royales. {Château

de Chamhord.). . 43

Portrait de Claude Bal lin. [Cabinet des estampes.) 45

Vase à orangers, par Claude Ballin 47

Guéridon à trois ligures. [Dessin de Lebrun. Musée du Louvre.) 48

Vase à sujets tirés de V Histoire du Roy. [Dessin de Lebrun.) 49

Flambeau à pied de sphinx. [Dessin de Lebrun.) 50

Visite du roi Louis XIV aux Gobelins. [Tapisserie d'après les dessins de Lebrun.). . 51

Vase aux armes du roi. (Dessin de Lebrun.) 53

Cadenas du roi. [Dessin de Robert de Cotte.) 54

Salière du roi. [Dessin de Robert de Cotte.) 54

Présentoir. [Dessin de Robert de Cotte.) 55

Encrier du roi. (Dessin de Robert de Cotte.) 55

Huilier du Musée centennal. [Collection M""" Rural.) 58

Cafetière du Musée centennal. [Collection du Musée des Arts décoratifs.; 50

Huit pièces d'orfèvrerie Louis XIV. [Dessins de Giraldon. Collection Paul Eudel. 61

Bassin on or des Tapisseries des maisons royales. [Château de Fontainebleau.) 63

CHAPITRE H. Tète do page : dessin de Bérain 65

Six pièces d'orfèvrerie Régence. [Dessins de Giraldon. Collection P. Eudel.). ... 67

Délail des ciselures de la cafetière Régence n" 1. (Collection P. Eudel.) 69

Cuvette de l'aiguière 1, de Robert .Magnarl. [Collection P. Eudel.) 70

Flambeau Régence. (.Musée centennal.) 71

Flambeau Régence. (Collect'on M"^" Rural.). 72

Flambeau Régence. (Musée centennal.) 73

Ecuelle en vermeil. (Collection .l/""» Rural.) 74

Théière Régence. [Musée centennal.) 75

Cafetière marabout. [Musée centennal.) 76

Cul-de-lampe : dessin de Bérain 77

CHAPITRE III. Tète de page : carlouclie par Meissonnier 79

Surtout de Meissonnier 80

Portrait de J.-A. Meissonnier 81

Soupière aux écrevisses. par Meissonnier 83

Soupière au gibier, par Mi_is<;)tinier 83

Nef du roi, par Meissonuier 84

Seau à rafraîchir, par Meisso.i.iier 85

Bouillolte et son lecliaud, de Marie Leczinska, par Th. Germain 86

Jatte de Marie Leczinska, par Th. Germain 86

Atelier de Th. Germain. [Reconstitution à l'Exposition de 1889.) 87

Portraits de Th. Germain et de sa femme. [Colleclion Odiot.) 89

Candélabre on or de Louis XV, par Th. Germain. (Collection Pichon.) 91

Lampadaire de Sainte-Geneviève. [Dessin de Th. Germain. Collection Pichon.).. 93 Ecuelle en vermeil, par Th. Germain. [Musée du Louvre.) 95

277

I l.iiiilir.iii il lt''li's ili' lit'lli-r. (I)isu'ii ilf Th llirnutin.) «j(J

l'l;iiiili(MU <li' liinr.iil. Drsun <!<■ Tli. Ilrruidin.) 96

l'hiiiilitMii l,lMli^ W . {Collection M'"" lliiral.) <,)7

l'IaiiiltiMii I iMiiv W. {Hcssin de liirniain.) <.»7

Lt'i^lllllicr cl ^^ll |i|;il. (l'olttrtio.'i .1/'"" Itiirut.) 9H

r.iil't'litTt' j;(Mlroiiiii''i' Louis W. MitKi't' rrntfiinnl.) <H)

(■.iil-tl(>-l;iiii|if : l'ciissdii (II! lii ville de l'jiris, pris il;iii> je Itmiril ifrsrriptif dis fi'trs

du mariaije de Madunir en \1'.\'J . |0()

( Il M'1 1 lil'l IN'. •-- Tèlc (If pM^'i- : rrii^'iiKMil ilfiicailrciin'iil par l.c Lorrain, cxéciilé pour

le mariage du haiipiiiu, Wi', 10|

Los (irlt'vrcs parisiens à l'eulrée du roi Louis Ml à Paris 102

l'ièees d'orlèvrerie portées dans le corlèj^'e à l'enlrétî de Henri II à Koiien 102

Armoiries des orfèvres parisiens. (Mitsrr Caniuvalvl.) lo:i

Jetons de la corporation des orfèvres, dix-septième et dix-iiuitièiuiî siècles lOi

lirevet de Simon Desormoaux, reçu maître en I72.">. (Collcclion Delamare.) loT

Atelier d'orfèvres au dix-huitième siècle. {Knnjciopcdie.) 111

lU'Ievé (les puiiK'ons d'(ufèvres de lil'.l'.l à l7S(j 1 1:{

Orfèvrerie d'éfiiise, par Pierre (iermain II 117

(lrlevri>rio d'éf^lise, par Pierre (iermain II 119

Poinç'ous do Th. Germain sur récuolle du cardinal .loao da Motta c Siiva 121

Orfèvrerie civile. Pierre (iermain II 1 2.'{

Orfèvrerie civile. Pierre (iermain II i2.'l

Huilier de J.-Fr. Hal/.ac 127

Fhuuheau do J.-Pr. Hal/.ac 127

Lellrc de faire part do Pierre Germain 128

Orfèvrerie civile. Pierre Germain II 120

Service de toilette. Pierre Germain II [.][

Boites à poriraits. \Collcction.<! Doistait, D. Franck, Vitz Iknry. 137

Etuis et boites. (Collections Doislau et Bain.) l'Mi

Etuis, montres et carnets. [Collection lioin.) 141

Nécessaires, étuis et navettes. {Colleclions Boin et Doistau. i 143

Boîte en joaillerie. {Album du Musée des Arts décoratifs.) 14.'i

Boîtes en or ciselé. Scènes villageoises. [Album du Musée des Arts décoratifs.). . . 147

Boites en or ciselé. Scènes militaires. [Album du Musée des Arts décoratifs.) 149

Cul-de-lampe : dessin de boîte. [Album du Musée des Arts décoratifs.) l."il

CHAPITHE V. Tête de paye : cartouche par Babel lo3

Aiguière et sa cuvette, orfèvrerie du roi de Portugal, par rr.-Tli. Germain. {Collec- tion M""" liurat. 1 1 .").■'.

Sucrier et salières. [Collection M"^" Durât et M. Doistau.) l.'JO

Théière Louis XV. {Collection J/™" Burat.). 157

Soupière et son plateau, style Louis XV. {Musée centennal.) lo8

Candélabre à trois branches, style Louis XV. {Musée centennal.) 159

Soupière Louis XV, par Villeclair. {Collection P. Kudel.) 160

Plateau de soupière style Louis XV, par Villeclair. [Collection P. Eudel.) 161

Surtout par Fr.-Th. Germain. [Orfèvrerie de la Cour de Portugal.) 163

Soupière par Fr.-Th. Germain, exécutée pour la Cour de Portugal 165

Salière simple, par Fr.-Th. Germain. [Cour de Portugal.) 166

Salière double, par Fr.-Th. Germain. [Cour de Portugal.) 167

Glace de toilette, par Fr.-Th. Germain. {Cour de Portugal.) 169

Coffret à bijoux de Fr.-Th. Germain 170

Boîtes à poudre de Fr.-Th. Germain. {Musée centennal.] 170

Boîte à poudrer de F. -Th. Germain. [Orfèvrerie de la Cour de Portugal.) 170

Pot à eau chaude et samowar de Fr.-Th. Germain. [Cour de Portugal.] 171

Platerie de F^r.-Th. Germain. [Cour de Portugal.) 173

14.

278

Tliéière de Fr.-Tli. Germain. {Cour de Portugal.) 173

Théière et cafetière, par Fr.-Tli. Germain. \Conr de Portugal.) 176

CandtMaljre, dessin de J. Roëltiers 177

Surtout liaeciins, dessin de J. Hoetliers 17S

Fût de candélabre, dessin d»; J. Itoi'l tiers 17",»

Soupière du Dauphin, par J. Rot'ttiers 180

Deux projets de phiteaux pour la soui)ière du dau[ihin, par J. Roëttiers 180

Flambeau composé et dessiné par J. Roëttiers 182

Portrait de Jacques Roi'Itiers. {Oahincl des estampes.) 183

Cnl-de-lampe : panier fleuri. (Dessin de Hansoii.) 180

CHAPITRE VI. Tête de page; : fragment d'encadrement. {Dessin de Blondcl.) 187

Fac-similc de l'estampe de la marquise de l'ompadonr 180

Frontispice du Livre de chiffres, de l'ouget lils 102

Saucière de la marquise de Pompadour. {Collection ;l/™'' P.iirat.) l'.i:{

Itulïet mécanique de Guérin. {CollecUon du Musée des .\rts décoratifs.) 10."»

Le souper lin, d'après la gravure de Aloreau 109

lîoulon de porte de M"'' du Barry. {Ciselure de Gouthière.) 201

Aiguière et sa cuvette en cristal de roche, de M""' du Rarry 202

Boiles et tabalières. [Collections Filz Ilcnrij, P. Franel: et G. Doin.) 20:{

Roîtcs, montres et breloques. {Collection G. Poin.) 20o

Roites et carnets de souvenirs. {Collections Poin, Doistau et .1/'"° Vernant.) 211

Nécessaire et étuis en or. {Collection Doin et Doistau. ) 213

Dessin pour boîtes en émail. {Collection du Musée des Arts décoratifs.) 21">

Dessins de boîtes en or et émail. {Collection du Musée des Arts décoratifs.) 217

Conleaux en or ciselé. {Collection Doistau ) 210

Dessin de boîte en or à deux projets. {Collection du Musée des Arts dccoralifs.\ . . . 220

Assiette en faïence. {Musée des Arts décoratifs. ) '. 222

Assiettes de porcelaine de Sèvres. iModèles de Duplessis.) 222

S(>upiôres en faïiMice du Poiit-aux-Choux. {CollecUon du Musée des Arcs déco- ratifs,] 223

Huilier, plat et cafetière en faïenei» du P(iiil-au\-Cli(iux. {Collection du Musée des

A rts décoratifs.) 22"»

Saucière en faïence. {Collection du Musée drs Arts décoratifs.). ... 227

Saucière en orfèvrerie. {Collection P. EudcL). 227

.\dresse de Strass. {Bibliothl'que de l'Union centrale des Arts décoratifs.) 220

Soupière en phupié de Pomponne. {CollecUon du Musée des Arts décoratifs.) 231

Ecuelle en étain. Oreille d'écuelle. [Dessin de Viollet le Duc] 233

Chope en étain. [Collection flapst.) 233

Ecuelle en élain. {Collection //. Pouilhet.) 234

Orfèvrerie d'élain du dix-huilième siècle. {CollecUon II. Pouilhel.) 235

Pot à eau chaude (dix-huitième siècle). {Collection Ed. Guérin.) 237

Soupière et plat (dix-iiuitième siècle). {CollecUon H. Pouilhet.) 237

Cul-de-lampe : corbeille lleurie. [Dessin de P'inson.) 234

CHAPITRE VII. Tète de page : vase, d'orfèvrerie, par Choffard 241

Soupière sur son plateau style Louis XVI. {Collection M. Ephrussi.) 243

Cafetière Louis XVI. [Collection M""" Purat.) 244

Aiguière et sa cuvette, par Vinsac l'aîné. {Musée des Arts décoratifs.) 243

Aiguière et sa cuvette. {Collection G. Poin.) 24;»

Flambeau à quaire branches de style Louis XVI, par Rouillier 247

Sucrier Louis XVI à bas-relief. {Musée ccnlennal.) 248

Ronbonnière, drageoir, confiturier, moutardier Louis XVI 249

Cafetière et pot à lait de Lehendrick. {CollecUon Cliahrit-res- Arles.) 2;)2

Flambeau Louis XVI. {Musée ccnlennal.) 2;i3

Flambeaux de table. [Dessin de J. Vorty.) 235

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tliiaiiiltili' ili' liililf. [Drssiii (le ,/. l'artij.) Krisos cl vases l.diiis W I, p;ir liihilii^sc Kriso hoiiis W'I, par Sal. mliii r

Frises Louis W I. par l'orly :»6l

Vaso Louis W I, jiar l'rifiir 2(51

Vaso i.oiiis Wl cl l^i^c l.niiis \VI, par ( laiivc! 261

Scan à ralVaicliir Ac U.-.L .\ii;;iislc. t'niir de l'itrlitiial.) ilil-

Salicrr cxcfiilcc par li. .1. Aii^^ii^lc. [Cidlrclittii de l'cinjxrciir dr Itttssic.)

Saiicicrc par l!.-,l. .\ii;:iis|i'. \('i)llfrliitii dr l'ciiipirrur dr Itiissic.)

( '.lui In- ilr I : J'i, pai- lî.-.l. Auj^lislc. \('idlrclitm II. l'Iiuslcs i

Ilmlii'i' (Il \iTiiii'il ilr ITTl». par IÎ..I. Au^^iisli-. [l'ulliclion II. Clmslrs.)

Ai^iiicrc cl sa ciivctic, par U.-.l. Ati^ii>lc. \l'tillccli(in Paul Kudvl.]

, . . 2»»:;

... 2(i7

, . . -iVM

20K

, . . 2(111

Salirc lie l!illaiiil-\'arcniics. {h'uprrs le dessin de David.) 271

Cail-tlc-laiiipc : (larhuiclic par hclal'ossc r,i

TABLE DES MATIERES. Tclc ilc iia-c : .Icssin d.î Caiivcl. . .

( jil-ili'-laiiipc ; vase d'di'rcvi'cric. [Ilcssin dr l'aitvct.j.

273 •>74

TABLE DES GRAVURES. Irlc de pa-c -. carloiiclic <lc llaiison.

ircplicc lie lleius, par ILiiisoii 279

Ti'ophi'e (le Heurs, jiar Ranson.

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ACIIKVI': hlMnilMKH

Trophée d'orfèvrerie par Cauvet.

SAINT-CLOUD. IMFUIMKUIK HKLIN FRERES

L'ORFÈVRERIE

AUX XVIir & XIX' SIÈCLES

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L'ORFÈVRERIE FRANÇAISE

aux XVIII^ et XIX^ siècles

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MUSÉE CENTENNAL DE 1900

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L'ORFÈVRERIE FRANÇAISE

aux XVIII" et XIX'^ siècles

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ORFEVRE

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PRESIDENT DU JURY DE L'ORFEVRERIE EN 1900

PARIS

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LORFÈVRERIE FRANÇAISE

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IJVKE DEUXIEME

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Di'coraliniis iiili'i'iciircs. {]•' ro II I i sp i !■<• i>:ir l'i'vr i e r .\

ClLVPnilE PREMIER

La Révolution et l'Empire

*aiiôanliss<MiUMit de i'orJV'vrci'ic sous la Tcrronr. -- l'illages cl vciUos. !.«' ps<Mi(ln-liix(' <l(i Dii'cetoii'o. Exposilioii de Tau X et de ISOr». l/ai'iiciilerie de l'Kiii|)ereMr. ~ l.<' siMviee de vermeil de .\a|i«)l<M>ii I . l.e nouveau slyle. l>es ai'cliileetes l*erei<M* el loMlaiiK'. l.a loih'tte de l'Iuipéi'ali'iee. Le berceau du roi <le Uoiue, par Prudlion. Les (M'ièvres Auauste, Odiol, Biennais.

OIS ne saurions trop le redire, la lin du dix-huitième siècle fut lamentable pour toutes les industries de luxe, mais, surtout pour l'orfèvrerie, la Révolution fut un cataclysme. En un instant elle fit un monceau de ruines des œuvres aimables que le génie français avait mis des siècles à produire, les brisa et les balaya comme une poussière. Plus de commandes, plus d'ate- liers, plus d'orfèvres I En un clin d'œil, sous le terrible vent d'orage, tout s'évanouit, se dispersa, s'évapora. Encore, si le tléau n eût été que jiassaprer! s'il n'eût fait qu'anéantir les ouvrages

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d'or et d'argent qu'on envoya alors fondre à la Monnaie comme cela avait eu lieu déjà à d'autres époques difficiles! le mal eût été réparable, et la Révolution por- tait dans ses flancs des germes trop puissants et de trop prodigieuse conséquence, pour (ju'on s'arrête à déplorer une éclipse de l'art et de l'élégance, produite par ses premiers bouillonnements, et qui n'aurait rié que momentanée. Mais, en sup- primant brusquement les corporations, on rompit violemment la chaîne des tradi- tions du goût national. On livra sans contrôle, à tous les hasards d'une produc- tion, désormais déréglée, la ])Iupart des métiers qui exigent la perfection de la main-d'd'uvre et le respect des li-aditions, ces méliers délicals que l'art le plus raffiné inspirait, qui n'étaient auparavant pratiqués que par des ouvriers d'élite ayant fail leurs preuves, et dont la supériorité avait contribué pentlant tant d'années au prestige et à la fortune de la France !

N'eùt-il pas été plus sage, de corriger simplement les abus qu'on reprochait aux corporations, en substituant, au système de la réglementation du travail, o'iuvi'e lentement ('laborée par les siècles el (pii ollVail de si pi-écieuses garanties, un régime de liberté absolue? N'allait-on pas se trouver en présence de nouvelles difficultés, et cette liberté ne devait-elle être (|u'illusion? L'événement l'a prouvé, ainsi que l'a fait si judicieusement remarquer Lucien Falize dans son /{apport sur l'E./positiott (le 1889 : « Au lieu de la liberté promise, on la lui reprendit, même en » partie, car la loi du 19 Ijruinaii-e au VI remettait l'orfèvrerie en tutelle et lui » imposait une règle |)lus étroite, une surveillance j)lus jalouse qu'autrefois. Ce » n'était plus à ses experts-jurés (pi'on confiait la siu'veillance des titres, la garde » et l'apposition des poinçons ; l'État se faisait le maître et le gardien de la » marque, frappait un impôt, et soumettait l'orfèvre une réglementation jalouse, » à des visites domiciliaires dont les formes vexatoires sont encore en vigueur. »

Le mal fut irrémédiable, et son atteinte si prot'onde, qu'aujourd'hui encore, après un siècle écoulé, malgré d'incroyables efforts en tous sens, en dépit des admirables progrès de la science qui ont amené des transformations si heureuses, nos industries artisticjues continuent à en subir le contre-coup. Il n'a pas fallu à celles-ci, moins de ce long temps, pour se relever de la chute lamentable les avait plongées la période révolutionnaire.

A ce point de vue particulier, le dix-neuvième siècle n'est que l'histoire dou- loureuse, le martyrologe de l'art décoratif, lequel, jeté tout à coup hors de sa voie, n'ayant plus de principes de direction, ballotté à tous les vents, jouet des caprices les plus vains et souvent les plus ridicules, tantôt piétine sur place en se mettant successivement à la remorque de tous les styles passés dont il ne sait plus donner que des interprétations confuses, pour ne pas dire informes, tan- tôt s'abandonne éperdùment, sans frein, sans logique, sans goîjt, à la nécessité d'une production intensive, rapide, énorme, réclamée parles besoins d'une démo- cratie sans cesse montante, éprise en même temps de luxe et d'art, mais d'un

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luxe ofdiii.iin'iiiciil In'l.iti', r[ d'iiii arl, ln-las! (|iii li-oj) sonvriil iiCsl (|ii(' dkmi-

U('comiai>>«^uii^ |iiniil:iiil , cl |ir(n-laiii()iis Iraiiclit'iiirnl i|iir ^i, plus (|iraii(iirH' (le- antres iiidiisl lacs de tjdùl, Idrlcx n-ric lui ('•|»niii\ ('•<■ par la loiir-tiiciilc i|ui aiit-aiilil SCS ( iicrs-d'uMiNrc, l'c-vdliilioii (|ircil(' \a siiiiir n'en csl pas moins siijgu- liri'cmciil allailiaiilc i.llc iiiai(li(' (N'^oiMiiais a daiilirs dcsIiiK-cs ; (die ohi'il à un idt'al qui n'fsl plu^ le luiiuc. A ne ((tnsidi'rcr (|uc ce (pTon pcrcl, on lisrpie d'aj)- |)i-i'.ifr loil (ual ri' <pi on t^a^uc. I/hisloirc de l'arl indiislri<d au dix-ncuviôrne sii'idc n"a|>paiail pa^ cucoi-i' |trul-rlr(' surii^aniriicnl à riinii-c a(du(dl(' dans sa V('i"il(; syulliclhpic. jioui- (pif nous puissi(His nous llallcr di'daldir rti toulc ccililudc le liilan exact des perles ('iirouvéï's cil regard des eoiiqucHes réalisées.

Ne nous hâtons pas de iiK'dire de iiolre temps. Assurément, il faut d(''|)lorer ipic, dans le I Mudeversenicnt des idées et des eiioses, l'art et les métiers aient été \i(deninii'iil sépares pai' un di\oree dont les ('()iisé(|uences ont été si fâcheuses. Mais tpiand »ui l'ait la pari des causes snp(''rieui'es, et poui' ainsi (lii-e fatales, (pji ont amené la trans|"oiuiati(Ui des conditions du travail, on comprend que des direc- tions nouvtdli's s'imposaient à l'industrie qui devait forcément changer de carac- tèi-e et d'(d)jeclif pour répondre à des nécessités sociales complètement nou- velles.

('omnjent rtu-fèvierie j)ai'vint-(dle à sortir du chaos elle semblait devoir sombrer à jamais dans la di'bàcie fiénérale de nos arts du décor? Quelles furent ses premières tentatives de relèvement? Par quelles phases dut-elle passer pour s'accommoder aux i:onts, aux modes, aux fluctuants caprices d'un monde nou- veau (pii ne savait plus rien des grâces exquises de l'époque précédente? Enfin par (picUe suite d'efforts, les uns puérils et vains, les autres remarquables, qui oïd rempli a peu près le dix-neuvième siècle tout entier, l'orfèvrerie est-elle arrivée à présent à retrouver presque l'éclat de ses plus beaux jours? Voilà ce que j(> vomirais sommairement indiquer dans les pages qui vont suivre.

.Notcuis d'abord ce fait, c'est que même dans la période qui précéda la Terreur, l'orfèvrerie avait déjà, comme par enchantement, disparu de la circulation. Fermées ou désertées, les boutiques d'orfèvres de la rue Saint-Honoré, du Palais- Royal et du ipiai'tiei' de la Monnaie! Licenciés, les ateliers se façonnaient les services de table, les llandjeaux délicieusement ciselés, les chocolatières, les cafe- tières finement ouvragées, les coupes, les bonbonnières, les miroirs ornés de guirlandes ajourées, les écritoires, les nécessaires à ouvrages de dames! Pourquoi les marchands auraient-ils persisté à s'achalander de ces objets précieux, puisque leurs plus lidèles clients n'en voulaient plus? On s'était engoué de simplicité. L'austérité dans les habits, le « retour à la nature » prêché déjà par Jean-Jacques Rousseau et dont la reine Marie-Antoinette avait fourni l'exemple à Trianon, une sorte d'afïectation et de comédie de rusticité, voilà quel était le mot d'ordre, et

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la manie du moment. Alors que beaucoup de gens de la noblesse avaient émigré à l'étranger, ou se cachaient en province, quelques salons, et des plus aristocra- tiques, restaient encore ouverts à Paris, tels que ceux de M'"" de Coigny, de M'"" de Simiane et M'"" de Vauban, de la princesse de Ilolienzollern, du duc de Bedfoi'd, ce grand seigneur anglais qui s'amusait à regarder la Révolulion et qui invitait même des jacobins à ses fêtes somptueuses. Le prince de Lambesc avait cessé de donner ses grands dîners en 179i, mais il y avait encore les soirées de M""" de Montoissieux, les soupers du maréchal de Duras, et ceux de cette vaillante mar- quise de Chambonas qui réunissaient les rédacteurs des Acles des Apôtres, et se forgeaient les satires contre-révolutionnaires. Nulle part cependanl on ne voyait plus d'argenterie : c'était un luxe proscrit, dangereux, condamné par la mode et parles théories humanitaires qui étaient en faveur jusque dans la haute société. Comment d'ailleurs aurait-on osé étaler dans les repas des ustensiles d'or et d'ar- gent, à l'heure femnies du peuple et grandes dames, gagnées par la contagion du sacrifice, envoyaient à l'Assemblée nationale, pour subvenir aux frais des armées, tout ce qu'elles possédaient de bijoux, de colliers, de médaillons, de boîtes à mouche et à rouge, d'étuis, de crayons, de myrzas d'or, et jusqu'aux boucles d'argent de leurs souliers? Le marquis de Villette ayant donné en bro- chette toutes les boucles d'argent de sa maison, voilà les statisticiens à évaluer les boucles d'argent des soldats-citoyens à 000000 livres, et à 40 millions de livres toutes les boucles d'argent du royaume. Les loueurs de carrosses de f*ai-is doinient l'argenterie composant le service de leur hôtel; les maîtres d'armes apportent leurs épées, et avec leur don, ce discours : « Deux métaux composent nos épées : l'argent et le fer. Agréez le premier pour les besoins pressants du moment. Nous jurons d'employer le second au service de la nation, au maintien de la liberté (1) ». Telle est l'emphase du temps, tel est l'élan généreux qui, sous le vocable de « vertu civique », règne à cette date dans toutes les classes de la nation! C'était l'heure d'enchantement et d'ivresse heureuse de la Ré- volution.

La Terreur vint vite donner le coup de grâce aux industries de luxe. Aux théo- riciens des clubs, aux économistes de carrefour, aux philosophes de la Commune, il semblait que tous les signes de la prospérité d'un peuple, c'est-à-dire les arts qui font le charme et le confort de la vie, les splendeurs de la richesse, les séduc- tions de la demeure n'étaient que des éléments funestes au principe de l'égalité, et ils ne voyaient, dans les répartitions infinies de la main-d'œuvre nécessaire à la fabrication des objets de luxe, que ce qu'ils appelaient dans leur jargon du moment « le canal des larmes et du sang de la famille des travailleurs ». Parmi les décla- mations applaudies dans les réunions publiques, on relève des phrases comme

(1) J. cl Eli. de (Joucourt : Histoire de la société française sous la Uécoliition, p. G7 et 68.

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(•t'llt'>^-ci : .( I;t'^ lu)iili.|ii('s (les iii.iicIi.iihK de iiimlcs ^f traiii^formoront on aloliors ; li's iiiMiiliaiiiU lit' cario^^fs iIcn iciidritiil de Ikmis clian'ciiis , les orlV-vrcs s(! l'croiit scriMIlMci-s cl Ini-iiiiiil tli"^ ;iriiit'N. Moil ;i loiil ce (|iii n'es! |i;is de |)r«'mi('l'(? lUM'OSsitc ! Mnil ;iii\ niniifi hhinclirs ! » D.ilK llll di' ses r;i| i| m iil ->, S;i i ii I -.1 il^t ilniiiic

|;i |'i)i-iiiulr dii |ii(i_'i;iiii pic dc\ai( siii\r(' le (•((miiicrcc : " Nous vous oll'riines

le Ixtiilii'iir cl la \cilii, celui <|iii liait de la jouissance! sans le ^U|)ei-nu ; nous vous ..t1riiiic-> iMMir liiiiiliciir la haine de la lyrannie. la voln[)(r' (rime caliaiic cl d'un

Nicolas BOITET Direct eiir de l;i M an u lac t lire daniics de X'ersailles.

t'iianip iVrlilo. cullivé par vos mains, etc.. » Et le substitut de l'accusateur public Fleuriot précisait à sa façon la pensée de la Commune sur le même sujet, quand il s'écriail. parlant des artisans ou artistes qui osaient encore vivre de leur métier: Cl Qu'est-ce que des hommes qui s'occupent de sculpture pendant que leurs frères versent leur sanir pour la patrie!... » L'Exposition de peinture, en cette année sauirlante de 1793, ouvrit malgré tout ses portes au public ; mais en tête du calaloiTue on crut devoir mettre cette phrase significative : « Il semblera peut-être étrani,^e à dauslères républicains de nous occuper des arts quand l'Europe coalisée assièpe le territoire de la liberté... » Ainsi l'art s'excusait de reparaître au milieu de ce chaos 1

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L'appel au déclassement des ouvriers d'art que faisaient les rapports des conventionnels, et les clameurs dont retentissaient les clubs révolutionnaires, allaient-ils trouver un écho dans l'esprit des orfèvres sans conmiandes, et leur permettre de retrouver, dans les ateliers d'armes blanches ou d'armes à feu, l'oc- casion d'exercer leur métier?

On en aurait pu douter si, à cotte époque, un arquebusier habile, Nicolas Boutet, ne s'était pas trouvé tout désigné pour diriger une manufacture d'armes qu'on allait créer à Versailles.

(t Le 12 juillet 1792, l'Assemblée législative avait proclamé la Patrie en danger, » et les vieilles manufactures d'armes créées par la monarchie ne pouvaient suf- » lire à la fabrication des mille fusils décrétés le 24 août. Le Comité du Salut » public demande des armes en réquisition et pour en fabriquer de nouvelles, » fusils, sabres, baïonnettes, et au moins une pique pour chaque citoyen, il » fait appel à la Nation et constitue une connnission des armes portatives de la » République. A Paris, le travail est enfiévré. Le 3 brumaire an II, les trois » commissaires ordonnateurs se présentent à la l^arre de la Convention pour » rendre compte de leur mission, et annoncent que cette fabrication de mille » fusils par joui', qui était un beau roman pour le reste de l'Europe, se réalise » à Paris.

» A Versailles, sous l'impulsion du citoyen Bénézech, les administrateurs » du district réquisitionnent les armes du temps passé, créent des ateliers » de réparation, et forgent des piques, des baïonnettes, des canons de fusils. » La direction de l'atelier principal, que les administrateurs inaugurent dans » le Grand Commun du château des ci-devant rois, est confiée à un homme du » métier, un arquebusier qui, de père en fils, a fourni la maison de France, » au citoyen Nicolas Boutet. Sous sa direction, ce n'est plus un simple » atelier national qui fonctionne comme ceux qui parsèment le territoire de » la République; c'est une manufacture nationale, l'égale des ci-devant » royales.

» Le 12 nivôse an 11, le Comité du Salut public décrète qu'il y a lieu de » fabriquer des carabines pour donner aux défenseurs de la Patrie des armes » égales à celles de leurs ennemis. C'est à Boutet que ce soin revient et, le » 1" vendémiaire an 111, l'atelier de Versailles prend le nom de Manufacture de » Carabines.

» L'appel de la Convention, le zèle des administrateurs de district ont fondé » dans la ville du grand roi, à l'ombre môme du château, une industrie nouvelle; » mais déjà ce ne sont pas seulement des armes de troupe que forgent les » ouvriers de Boutet; serruriers, bijoutiers, orfèvres, damasquineurs, ciseleurs » d'autan, ornent désormais les sabres qui ceignent les généraux victorieux. » C'est au Crand Connnun que le Directeur va chercher les armes de ré-

Directoire.

lùiipiro.

Armes triionneur fabriquées à Versailles par N. Boulet. {CoUeclions Viclorien ^.irdoii el Berii.ird Frnncl;.)

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n coiiipciisc iiiilioiialc C.'csl l;i «iiif I"' ririiii<'f ('.(.iisiil .•(.iiiiininic Ir^ ;n-iii('S » (l'IiiiiiiiiMir 1 1. »

|{()ii;i|>arl(' a\iiil ciicoiira;^!'' Uoiili-I ; Na- iMiIt'oii lui |M-(Hliuiia ^c^ (•(>iiiiiiaii<li'-< cl s(tii a|)|Mii. I,('^ |ii(i(liiiK ilr ImiiiIcI axainit lliciitc il l'Il'c r<)ii'>l(lcirs ('oïlillic Ic^ |>lll^ |)faii\ cl II'-- iiicillciiis (|iraiciil jamais |ii-(MliiilN les an|iic|iiisici's cl les l'oiiriiis- scm-s, C'csl (iiialors le |ii\c t\c V;\v[\\c de guerre. (Idiiiicc ail lilrc (\{' ri-compciisc iialioiialc aux ;^('Micraii\ iiisli-iiiiiciils de la l^loirc mililaifc (\c la ["raiicc, allait |H('ii(lcc un (lc\clo|»|)ciiiciil coiisidc-raMc. Le l)i- inioirc, le Consulat, rKni|»ire, (ievaiciil ainsi faire <le la inaiuil;u'lui'e de Versailles une pépinière d'artistes destinés à eon- sorviM' les li-adilions de rarfjuebuserie IVan- eaiso, connue celles de Sèvres et des (lobelins les fabrications de la porcelaine et de la ta|>isserie.

Dans l'esprit du IM-einier Consul, par l'ai'rcté du 1 1 fructidor an Mil qui substi- tuait à la régie le régime de l'entreprise, Versailles devait être une manufacture d'armes de luxe, tandis que les ateliers de Saint-Etienne restaient destinés à fournir le corps de troupe d'armes à feu, et ceux de Klingenthal d'armes blanches.

Mais la fabrication des armes de luxe ne devait pas être pour Boutet la source de bénéfices. Les comptes établis le 10 bru- nuiire an Vil constataient que le produit des armes de luxe avait été pour l'année de 463644^55 et la dépense de 4693iOS2l, soit 0 660^34 de déficit. Aussi, l'arrêté du 14 fructidor lui réservait-il la fabrication annuelle de 1:2000 armes à feu dans des

(1) f.a Mnim facture d'armes de Yeraail/es. par le capitaine .Maurice HoUet. In-folio, chez J. Leroy fils, éditeur.

Epée d'honneur du général Dorsenne. [CoUeclion Bernard Franck.)

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conditions rémunératrices, mais lui imposait en même temps l'obligation de former une pépinière d'artistes; le Ministre de l'Intérieur se réservant le droit de désigner les trente élèves qui, sous le nom d'Eco/edes enfants de la Pairie, sui- vraient les travaux de la manufacture, mais seraient tenus d'apprendre le dessin sous la direction de Bontet. Cette école allait porter ses fruits, et, Boutet disparu, les Manceaux, les Lepage, les Gosset se firent un nom dans l'arquebuserie, en continuant les traditions qu'ils avaient recueillies dans la manufacture de Ver- sailles.

L'œuvre de Boutet fut considéi-ahle. On la retrouve en partie dans les collec- tions publiques, au musée de l'Artillerie, au musée Carnavalet, dans les collec- tions privées ou encore dans les familles qui ont conservé précieusement les témoignages de la reconnaissance nationale donnés à leurs ancêtres. La col- lection de M. Bernard Franck est riche en (euvres de Boutet. Grâce à son obli- geance, nous avons j>u l'eproduiro trois pièces des plus intéressantes. D'abord, l'épée d'honneur olîer'te au général Dorsenne, par les officiers du 1" régi- ment des grenadiers de la garde inq)ériale, et. dans la page hors texte (page 17), le sabre dhonneur ollert pai" le Dii'ectoire au général Augereau, (|ui poi'tc sur la lame, en lettres incrustées d'or: RÉCOiMPENSE NATIONALE. Le sabre d'hon- neur offert par l'empereur Napoléon au maréchal Jourdan ; la lame en damas est damasquinée d'or; la garde est en vermeil ciselé, et le fourreau est en écaille avec ornements en relief. Tous les deux sont signés Boutet, directeur-artiste, à Versailles.

Nous donnons également dans la môme planche un sabre d'une composition intéressante, qui faisait partie de la collection de M. Victorien Sardou. Il date des premiers temps de la Convention et fut vraisemblablement porté par un de ces conventionnels qui suivaient les armées de la République opérant sur les fron- tières. Il est en bronze finement ciselé. La poignée est faite d'un faisceau de licteur surmonté d'un bonnet phrygien. La garde est formée par une branche de chêne, dont la composition et la sculpture rappellent la manière de procéder, à l'époque de Louis XVI, des ouvriers qui n'avaient pas encore perdu les traditions du métier. La coquille a la forme d'un livre ouvert sur lequel est gravé l'acte constitutionnel de la République française et les articles I, 3 et 27 de la Dé- claration des Droits de l'Homme. L'œuvre est magistrale; elle pourrait être attribuée à Boutet, mais aucun nom ne figure, ni sur la poignée, ni sur la lame, et elle doit être antérieure à la prise de direction de la manufacture de Versailles par Nicolas Boutet.

Une monographie intéressante du capitaine Maurice Bottet a réuni sur l'œuvre de Boutet et sa direction de la manufacture de Versailles des documents des plus intéressants. Les planches nombreuses qui l'accompagîient donnent bien la phy- sionomie de son o'uvre et font revivre les travaux qui sont sortis de ses mains.

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n.ilcnr. A -^a lii|ni(lal ion, on MMnlil <|ii;uanli' des- sins si^nc-> (II- lui. Si\ ^nnl anjoind lini iiilrc l<"> mains (\i' M. l'.d. hchullc, nn'nilur <li' I In^lilnl. (|iii ;i liicn \(inln nmis .inliiii-cr a Ir^ n|)i<ii|iiir'('. I.'iiii (ICnx. I- C^l I i|Mni' iMi noir du -aliii' | oilanI siu' rdi'cilluii nnc h'Ir ca-^iini'c de .hum-; I .iiiln-, d un t:lai\<' l\|ic de (■elle ('[m'c nnni-ln' lonrnic a lUinaparlc prcnHcr (ioiisid en I an \l. .1 dunl Ir |.ri\ (dail de :2I 1)1)0 IVan.-s.

hfs^inalcin-, l'xMild (dail an^-i (''nnncnnncMl d(''C()ral(Mii'. (i'csl lui i|n! a lonrni lo dc^'-iu'^ de la d(''C()iali(»n de la |ii)il(' de la nianiH'a(d nrc dr \('r>aili('s, l'illc es! Iiicn du sInIc des |)r(jmier?3 (ia\an\ de Honicl (jni sinspiiaicnl des Iradilioiis do Louis \VI; cl la consIrindioM de ce porlail doit, an diic <ln capitaine liollcl, i-cinonicr aux pi'cnncrs Icnips (\r son cntrc|)risc, c'esl-ii-difc vers 1800. In IVonlon. orné dinn^ lèle de .M(''- duse, est encudi'é de deux montants déeorés de trophées d'armes qui sont bien de l'époque; et les laisceaux de li(deurs sculptés sur les pilastres de la porte semblent assigner une date anlé- l'ieure ;i rKmi)ii'C.

Telle qu'elle est établie, cette ceuvre d'andii- tecte n'est ni un pastiche, ni une reconstitution, mais un ensemble de grande allure à la con- servation des traditions d'art que Boulet sut ap- pliquer à tous ses travaux.

La chute de l'Empire fut pour lui un désastre. Les Prussiens, entrant à Versailles le 1"' juil- let 1815, saccagèrent la manufacture, et Bliicher fit saisir tout le matériel, les armes de guerre, les arnies de luxe, les dessins et les modèles de l'infortuné directeur-artiste. Il en chargea trente fourgons qu'il dirigea sur Berlin. C'était la des- truction en règle d'une industrie dans laquelle l'art français s'était imposé au monde. Bliicher

espérait peut-être, en transportant ces modèles aux rives de la Sprée, renouveler

le goût allemand au contact du goût français.

Epiii'cs de N. Boiitel. {Collection Ed. Deinille.)

Le Gouvernement de la Restauration niarclianda à Boutet la réparation qui lui était due, et il fit plus en lui refusant, en 1818, la prorogation de son traité d'ex- ploitation de la manufacture de Versailles, et l'obligeant à rechercher dans l'in- dustrie privée le moyen de j)ayer des dettes contractées au service de l'Etat. Le luxe des armes de guerre était fini, et le succès ne vint pas.

A sa liquidation, son gendre juillet, qui lui fut substitué, s'engagea, pour l'honneur de la famille, à payer ses créanciers. Boutet mourut pauvre, mais avec la satisfaction d'avoir bien rempli sa tâche, et, en maintenant la réputation du goût français, d'avoir conservé les traditions de la belle main-d'œuvre des ouvriers de notre pays. S'il put, au commencement de son exploitation, recueillir, en 1792, quelques orfèvres habiles et d'autres ouvriers d'art, et les préserver de la déchéance, nombreux étaient ceux qui restaient victimes des idées qui avaient cours alors et ne trouvaient plus à s'occuper.

Sous la pression des déclarations qui, dans le populaire, s'accordaient avec le genre de vision qu'on avait d'une république égalitaire, et de ce que l'on appelait le « civisme », on conçoit que le peu qui pouvait encore rester d'orfèvrerie dans certaines demeures, tout ce qui n'avait pas été emporté, enfoui, caché, fondu, tout ce qui n'avait pas été volé par les bandes de pillards se disant « sans-culottes », tout ce qui n'avait pas été brisé dans les premiers moments de la fureur révolu- tionnaire, fut soigneusement dissimulé ou prudemment anéanti. En 1793, « la richesse est crime, la pauvreté devoir, la misère prudence » (1). Le jour une voix cria, à l'assemblée de la Commune : « On doit rougir d'avoir deux habits quand les soldats sont nus », tous les possesseurs de deux habits commencèrent à trembler. Quiconque aurait été vu déjeunant dans une tasse d'argent, eut passé pour suspect, et eût été dénoncé.

La Convention voulut empêcher la destruction ou le pillage de l'orfèvrerie comme des autres objets précieux et mobiliers qu'organisaient à Paris et en pro- vince, dans les châteaux et dans toutes les habitations d'a?'istoc?'ates, des bandes de gens sans aveu. Son arrêté du second mois de l'an II produisit quelque elîet. Mais il était bien tard, et, d'ailleurs, il ne réprima pas les actes de vandalisme que faisait commettre la peur, les autodafés allumés par les possesseurs tremblants, ou les dévastations des marchands eux-mêmes, effrayés de trop compromettants butins !

Quand la tempête fut calmée, après le 9 thermidor, Paris et la France entière ne parurent plus être qu'un immense bazar où, dans un inexprimable désordre, dans un indescriptible fouillis, étaient mis à l'encan les défroques de l'ancien régime, les objets d'art mutilés, les meubles brisés, toutes les épaves, en un mot, du colossal naufrage. Dans les rues de la capitale, ce n'étaient que salles de

(1) J. et Ed. de Goucourt, Ibid., page 3G0 et suivantes.

i:\

Nciilf, ariiclics iiiiiKHii'.'iiil l;i (liN|irisi((ii ilc^ clTi'U iiKiiiilicr-, (|i's rond.iiiiiM'S, i!cs (•iiii;;rc>^. (les (•(»iili>>i|iic->, t\f^ niiiirv || ii'\ ;i\iiil |(,i> >^riil,iiH'iil I IkiIi-I |{iillioil, riif .lt'aii-.lafnii('>,-|»(iii«,sc;ni, ciidiiiil ImIhI ml tlo \i'iil('>>, i|iii ic;:(H-;j<'ail ilc iiioiidc.

Forte du Grand Coninuin. 'Mamifaclnre d'armes de Versuilles.)

-V chaque rue, existait un hôtel, une église, on avait chance de rencontrer, traînant dans les ruisseaux, livrés à de dérisoires enchères, quelque bibelot sans prix dont on n'aurait plus su dire la provenance, un meuble, un bijou, une broderie, un bronze, ou parfois quelque pièce d'un service de table dont le chiffre armorié était gratté et aux trois quarts efîacé. Les couvents avaient fourni une

^C-=;

large part à la curée de l'orfèvrerie. La Sainte-Chapelle, découronnée de sa flèche, était devenue un magasin de papiers de justice; les reliques avaient été jetées au vent; l'ostensoir en argent doré de quatre pieds de haut, enrichi de pierreries, pesant 600 marcs, avait été fondu. Toutes les églises, celle du Marais comme celle de l'ile Saint-Louis, comme celles des autres quartiers, avaient été mises à sac, en môme temps que les couvents : ainsi Saint-Louis de la Culture, l'opulente église des jésuites oîi les cœurs de Louis XIII et de Louis XIV étaient soutenus par des anges d'argent, ne contenait plus rien. Des rares trésors épargnés on citait celui des Gélestins dont le Musée des Petits- Augustins, grâce à Leiioir, avait recueilli le nîagnifique héritage. Le mobilier im- mense de la France, ces bois, ces marbres, cet or (|ui formaient la riche parure du Marais ou du faubourg Saiiit-Cermain, ([ui cmplissaienl les garde-meubles de la couronne et les hôtels somptueux, qui fai- saient de Paris un musée sans pareil de la curiosité, tout cela était perdu, anéanti, dispersé. A l'encan permanent de ce (jui avait pu être sauvé, les brocanteurs de l'Europe entière accouraient, et l'on vit les marchands juifs, aflluant de toutes parts, établir en jjlein centre de la ca- jiitale, au Café des Juifs, rue Saint- Martin, la Bourse des dépouilles de la France (I). Le Directoire, en amenant un peu de détente dans les esprits, fit renaitrC; au milieu des contrastes d'une société infiniment bigarrée, qui donnait à la fois le spectacle des folles prodigalités et des plus dures misères, sinon le sentiment de l'élégance et du goût, du moins un furieux besoin de distractions, de plaisirs et de luxe. Distractions grossières, luxe désordonné et sans grâce, dont l'art était banni. Mais les femmes en avaient décidément assez des « toilettes patriotiques », des bijoux « à la Constitution », des bagues faites avec des pierres de la Bastille enchâssées : la coquetterie reprenait ses droits. Par les bals qui s'organisaient un peu partout dans ce Paris délivré de l'affreux cauchemar de la guillotine, par les thés dont la mode s'imposa alors avec la plus singulière exagération dans tous les milieux sociaux, par les dîners, officiels ou non, qui se multiplièrent.

Hc'cliaiul à iiinii).

{Dessin uri(/i7i;il de Snleinhicr. lies l)e;ni.r-;irls.)

GuzeUe

(1) Ed. et J. de Goncourt, la Sociéfé française sous la Révolution, page 365.

2.1

avt'f cciiaiiis raniiiciiiciiK de i iii^iiic, cl il»-^ nrlicn lie-, de (h'Tdiatioiis lloi-alcs, ciiliii par (If- >(.iii|ilii(i->il<s malIciHliU's, s'allcslail (11111»' laroii griK-ralc rmimciisc (>n\ic (le rciKiiic.T a la iiia^^caraili' de ^im|)li<'il<' a oui i-aiicc (|iii vciiail dr ^c joiici-. On \(iulail rire, on \oiilail danger, on \(iiil,iit des coliCndicN cl des lion-- dniris, (Ui \onlail \i\rc. Lc^ cnriflns de |;i jîi's (.lui khi, les a-iol('in'>, le- nia(|ni-nons des liicn-- nalionanx, lf> ancien^ |.in^ de la Monla-nc, aussi Inru (|nr les « ri-dr\aul » aristocralos (|in connucncaicnl a rcxt'inr do r('nn-ial ion, 1rs uuivcailiiiN «|ui pro- mtMiait'ul dan> l*ari> icnr^ lialnls do carnaval, loni iv monde si di>|iaialc ('lail aiiiin»' i\(.' la nicnu- |>cn>cc. (\v la nicun' ivi'csse <!(' jouissaïu'e cl <l amuscincuL.

Soupière. (Dessin de Sulemhier.)

A colle date, la femme qui donne le ton à la mode et dont l'exemple fait autorité pour la toilette comme pour l'ameublement, c'est M'"*Tallien. On copie ses façons de s'habiller ou plutôt de se déshabiller, comme on imite ses parures, ses bijoux à la romaine, à la grecque ou à l'étrusque, et sa vaisselle de table. Quand elle préside les fêtes fastueuses que donne Barras, cet ex-noble, « Louis XY de foire », qui garde en sa fortune révolutionnaire quelque chose encore de l'ancien aristo- crate, tous les ministres du Directoire et leurs femmes, totalement ignorants des habitudes de la richesse, regardent avec des yeux ébahis, et s'efforcent de retenir un geste, une allure, la disposition des couverts et des plats sur la table brillam- ment servie. C'est le modèle dont on s'inspire, comme on copie les carrosses gris de lin aux toits d'argent, avec lesquels elle circule dans Paris au milieu des curio- sités, et souvent des lazzis de la foule.

Mais qu'était l'orfèvrerie de cette époque la France se reprenait à respirer, et faire preuve de richesse n'était plus s'exposer à l'échafaud? Les quelques

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spécimens qu'on en connaît n'en donnent pas une idée fort avantageuse. Les cafés, qui foisonnaient dans la capitale, les restaurants à la mode qui étaient encombrés tous les jours d'une foule bruyante et fringante, étalaient sur leurs tables quantité d'ustensiles de formes qu'on prétendait inspirées plus ou moins de l'antique, des couverts à l'anglaise, des couvre-plats monumentaux, des buires aux lignes grêles, ornées de palmettes rigides, des pots à oille dépourvus de galbe et des soupières invraisemblables. De quelles officines inconnues, de quels ateliers barliaros cette argenterie de quincaillier émanait-elle? Mystère! Quels étaient les artistes qui les inspiraient? Mystère ! Salembier vivait encore, Salembier, dont les compositions nous donnent une vision si charmante du style Louis XVI dans les gravures qu'il nous a laissées, essayait sous le Directoire et le Consulat de fournir des modèles aux orfèvres.

Mais allait-il retrouver le charme et l'élégance de ce style dont il avait été un des plus habiles interprètes, comme en témoigne {paije 24) un joli petit réchaud à main qu'on remarqiuiit à l'exposition des dessins d'ornement (jui avait été or- ganisée avec tant de goût et de savoir par M. le manjuis de Chènevières, avec le concours de MM. Gustave Dreyfus et Charles Ephrussi, au Musée des Arts déco- ratifs en 1880.

Salembier publiait à cette époque (I) un recueil de dessins d'orfèvrerie dont les planches ont été rééditées de nos jours. Nous lui empruntons quelques-unes des pièces les plus typiques de cette orfèvrerie aux formes troublantes et aux décors grêles et mous. Mais Salembier, vieilli, avait perdu le sentiment délicat de l'art de la fin du dix-huitième sièclequil'inspirait jadis, et n'olTrait aux orfèvres qu'une série de compositions inexécutables, pastiches ridicules de l'Antique amaigri. D'ail- leurs quels orfèvres eussent été capables de les comprendre et de les exécuter, un bien petit nombre étaient en état de se réorganiser. Ceux du Palais-Royal avaient été remplacés par des pâtissiers et ceux de la rue Saint-Honoré par des mar- chandes à la toilette. Les apprentis et les compagnons de la corporation dissoute, après avoir été forcés, pour ne pas mourir de faim, d'aller prendre la pioche à l'atelier national ouvert en 1790 à Montmartre, étaient partis aux armées, se trouvaient disséminés un peu partout. Quelques-uns, les plus vieux, s'étaient faits ouvriers en sabre. Il y en avait qui, deci delà, tâchaient de reprendre le métier, obtenaient une petite commande d'un boutiquier entreprenant, à l'affût d'un client qu'il fallait allécher par des exhibitions séduisantes. C'était le nouveau régime qui commençait. Chose inouïe et qui apparaît comme un problème, ces artisans qui, cinq ans auparavant, étaient capables d'exécuter, sous la direction d'un maître, les gracieuses œuvres de métal que l'on sait, les objets les plus délicats et du goût le plus fin, étaient maintenant désemparés, et avaient peine

(1) llccueil (l'uifevrcrie de Saleinôier, publié pur Foukifd, éilileur.

Salières, sucrier et gobelets. Dessins de Salemhier.)

'2'»

à russ;iisir Iciir-^ (HiliU, ;i l'iiii-c sorlir i\r |l■|||•-^ ilniu'l-- iiin- |iiiT( i\':\y^t'i\\t'\-\ii aci'0|>l,ilili'. ('.eux i|iii ;i\;iiciil ;-Mnl(' uni' ci-i'l.iiiii' lialnli'l r de m.iiii ne •>;i\ ;iii'iil. |l|ll-^ citiiiiiii'iil lui ili->cr, r;iiili' il Un u'imli', ri ll;lll-^ I inml 1 1 inli' ijii inuilrli- .1 m'-cr. (Jiioi iiii:i;iniM' |miiii' |ilaii°(' a ci* |iiililii' niiii\ raii , I niniiillniinaiil , riiliji', lini\aiil, i|iii [la^^ail irinii' l'anlai'^it' a laiilic a\ri- iinc pi'oiiijil il inji' -an> ('M'inpii', <|iii s(j la-^•^ail il'iiMi' mule a\anl ipir rrllc ailnpl r la vcillr ail m Ir Iniips de <(■ l'aire coiiiiail rc, i|iii ijiiillail un (a|iiiri' |miiii- un ani rc, ^aii-> niin' m i-ai^on, |H)iir le [)lai-^il• lin (•lianuciiii'iil , cl ■^nrlnnl sans s'iii(|ni(''lcr <! arl l'I ilc ^.'oùl.

l/ai'l ! (Ml ('la il il'.'' One pi'i m Inisail -iTr* Lr ^i-ainl |)a\ iil, laliLiin'' iln \-n\f <lr I ri! m 11,

ci (it'^dùir' (le l'iuii'iiir an\ ciT/'iiKniics r(''|)iiMiraiiii's des inoijcli's de chars, de cjjs-

tuiucs cl ^\c corlci^cs, se Iciiail a iiri'sciil coiiHih' dans son aleliei' du Louvre,

siMultrc cl niuel. Il n'y avait pas en de salon de [leinhiic en I7!>«. Mais di'S (jn'niio

a[)|>ai'eiu'e de ?t)('ié(t' coinnienea à oser se refoi'nier, nue l('\i:ion de pcinlres rcpa-

riil. l/l'Aposition de ITU.'l e'esl-à-dire de lan IV iH" eoiniiril |ias moins de;

eiiiil ctMil Irenle-rimi (ahleanx el de (inali-e-vin^l-nenf scnlplnres. Mais que de

panviH's nioi'ceanx! (-ell(> de IT9(i lui moins maussade, moins encomljr('e d'o'uvres

consacrées à la reproduction des événements d'iiier, souvenir encore sai^Miant des

scènes douloureuses, malgré ce curieux apj)el adressé aux artistes par le Ministre

de l'Intérieur : « La Liberté vous invite à retracer ses triomphes; transmettez à

la postérité les actit)ns ([iii doivent lionoi-er voire pays. iVyez un caractère national,

pciiiiiez noire héroïsme, et (|ue les générations ([ui vous succèdent ne puissent

vous reprocher de n'avoir pas paru Français dans l'époque la plus remarquable

de notre histoire (1). » Mais les chefs-d'œuvre ne s'obtiennent pas par décrets,

et les épisodes révolutionnaires n'en suscitent guère. Le Salon de 1797 montra

décidément un réveil de l'art, une floraison inattendue de talents épanouis à côté

de résurrection de quelques renommées endormies. Prudhon gagnait tous les

cœurs avec ses nudités d'une pudicité enchanteresse, évoquant des rêves de grâce.

En même temps, Gérard, Girodet, Guérin, le miniaturiste Isabey, Gros, l'élève

de David, Boilly, le peintre familier des mœurs du Directoire, Carie Vernet qui

débutait, Greuze, Moreau, vétérans des salons qui paraissaient un peu dépaysés

dans cette cohue déjeunes, les sculpteurs Chaudet etHoudon, l'architecte Peyre,

dont l'ambition présente était de réunir le Louvre aux Tuileries, étaient les plus

en vedette à ce salon.

Cette môme année 1797, fut ouverte au Chamj) de Mars la première Exposition publique des produits de l'industrie française. Elle dura trois jours. On y compta 110 exposants; mais point d'orfèvre, si ce n'est trois fabricants associés nommés Patoulet, Aubry et Lebeau, qui avaient à Champlan, près de Longjumeau, une

(I) Voir le catalogue tle l'Expositioii ouverte dans le grand salon du Musée eenlral des Arts, sur l'in- vitalloa du .Ministre de l'Intérieur, au mois de ven lémiuirj au V de la Uepublinue.

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usine l'on plaquait l'acier, et qui faisaient des couverts plaqués d'argent. C'était peu pour représenter une industrie qui, dix ans auparavant, était une des plus brillantes de la France, et le ministre d'alors, François de Neufcliàtean, dans un raj)port sur cette nianifestation, en affirmant que « la liberté individuelle est préférable à l'ancien système de la maîtrise et des corporations », eût été embar- rassé de tirer de ce cas une preuve suffisante.

C'est cependant de cette époque, que, sur son initiative, « le principe si fé- » cond des Expositions industrielles vin( ouvrir une voie nouvelle aux mani- » festations périodiques (pii allaient pemunlre aux orfèvres de montrer toute la valeur de leur imagination créatrice. On sait condjien furent modestes les » commencements de cette institution. Les premières expositions, celles de » l'an VI, de l'an IX et de l'an X, ne durèrent que quelques jours. Mais les or- » fèvres se hâtèrent d'y prendre part, affirmant ainsi que leur industrie avait » survécu au naufrage de leurs privilèges, et disant bien haut (ju'ils étaient » prêts pour la lulte du lendemain (1) ».

Les documents que nous ont laissés les rapporteurs de ces premières Exposi- tions sont trop concis pour que nous ayons pu nous faire une opinion sur le mou- vement déterminé à l'origine, mais la voie était ouverte, et l'histoire de l'industrie au dix-neuvième siècle tient tout entière dans les comptes rendus de ces mani- festations.

Gela a été, pendant toute la période dont nous cherchons à tracer l'histoire, la mine inépuisable qui nous permettra de suivre les évolutions de l'art de l'or- fèvre au cours du dix-neuvième siècle, et de mener à bien l'œuvre que nous avons entreprise. Nous signalerons au passage les travaux de tous ces rappor- teurs éminents, économistes, archéologues, savants, artistes, industriels, hommes d'études, de science et de goût, qui nous ont tracé le tableau de l'activité indus- trielle dont ils ont été les témoins ou les auteurs.

Nous les suivrons dans leurs magistrales études, si documentées, si remplies de renseignements précieux, et j'espère ne pas faire une œuvre inutile en rappe- lant des travaux oubliés aujourd'hui, et qu'il est bon de remettre en lumière.

Si dans l'Exposition de l'an VI n'apparait encore aucun nom de véritable orfèvre, il n'en est pas moins certain que plusieurs œuvres d'orfèvrerie devaient y figurer. L'Exposition eut lieu dans la grande Cour carrée du Louvre, et nous avons trouvé au Musée Carnavalet une aquarelle de Baltard que nous reproduisons et qui permet de se rendre compte de l'effet qu'elle devait produire dans le cadre merveilleux qu'on lui avait donné. Nous relevons dans le catalogue de l'Expo-

(1) Paul Maniz, Redœrchcs sur! Ilisloirc de VOrfrvrei-ie française ; Gazelle d s Beaux- Arls, tome XII, page 2iS.

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>,ili(iii (11' I :iii \l ilT'.lT l:i li-li' ilr^ |in\ ilc-tiiic-^ ;iii\ \ ;iiiH|iiriir-s d.-ms 1rs ji'iix ()l\ iii|iii|iic--, .' I;i tVic ili' l;i ImikLiI Kiii ilc l:i Ih i ml ilh |iic , 1' \ ciiili'iiii.iii c ;iii \l

Jt)i/tr. 1" l'ii\. -- l II ^jimimI \;i--(' d ;ir;ji'iil ilc rmiiic cl iii^(|iic ;i\cc -on (((ii-

Ncrclf cl -on |(l;ilc;iii. :2'' Prix. hcii\ ciilcl icrcs (i'.irijcnt de loiinc ;.mc((|iic ;i\cc |il,'il(';iii .

Lutlt'. 1'' Prix. (ii;in(l sucrier darf^cnl en i'oiiiic de ^d(»l)(' xtiilcnii it;ir

lin I r(''|iii'd. ^1" Prix (liMiidc l'onLiinc d';ii\i:cnl ;i\('c la IIkmcim- cl la lailicrc

l-a dcscriplion -onnnairc de ces pièces iiioiili'e suriisaiiiincnl. (|iiels ('laicnl la t'onne et le décor de ces oi'lcN l'cries.

h'aulres [nix pour les courses à pied cl les courses à (dieval ('(aieiil exp(»s('S. r\''laieii( : deux i m m Ires à r(''p(''l il ion de la Maiinracliirc nalioiiale de l^csancon ; lin t'iisil douMc i;ariii d'acier ciscN- cl d'or; un sahi'c cii acier enrichi d'or (l(! l'apport de la Maïuiraclnre naluuiale de Versailles; puis des ^n'0iij)cs en hiseuil. de la Manufacture de Sèvres : le « Sacrifice (riphigènie » et le « Tri()in|)lie de rAinoni" ».

On le voit, les fesiimonials eu orfèvrerie tenaient déjcà la première place dans les prix olVerls aux vainqueurs des courses en môme temps que les pièces sorties des Manufactures nationales de Sèvres, Versailles et Besancon.

Trois ans après, Cliaj)tal étant minisire, une autre Exposition de; l'industrie, celle de l'an I\, fut organisée dans la cour carrée du Louvre. Le nombre des exposants était de plus de i200; mais cette fois encore, pas un orfèvre! (^e n'est (pi'en 180ri, à l'Exposition de Pan X, que l'orfèvrerie reparaît avec un certain éclat, i^ràce à Peffort de deux fabricants, Auguste et Odiot, qui obtiennent chacun une médaille d'or.

Le catalogue était sommaire. Le rapport ne l'était pas moins. Nous y relevons celle phrase : « Ces deux artistes, Auguste et Odiot, ont excité également Patten- )) lion du Jury. Le Jury ne peut se décider à faire un choix entre eux et leur » décerne en commun une médaille d'or. » Et c'est tout!

A cette date, l'Empire est proche, l'ordre va régner et les arts du décor rece- vront l'impulsion de deux artistes distingués : Percier et Fontaine. L'architecte ("Jiarles Percier, prix de Rome en 1786, avait alors dépassé la quarantaine, et conquis une certaine renommée en dessinant pour les fabricants des modèles de meubles et d'ustensiles de tous genres, dans lesquels on retrouve les formes préconisées par David, l'espèce d'amalgame gréco-romain qui continuait à être à la mode, mais avec un goût personnel, une élégance châtiée et des principes. Son camarade, Fontaine, un peu plus âgé que lui, avait des qualités différentes de précision et d'honnne d'affaires. Ils s'unirent dans une étroite collaboration qui ne fut jamais rompue. Bonaparte, auquel ils plurent, après quelques moments

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d'hésitation, leur confia la transformation de la Malmaison, puis de Saint-Cloud, la décoration de Fontainebleau et de Compiègne, la réfection des Tuileries,

Il est intéressant de constater ici l'influence qu'allait exercer l'architecture dans les arts du décor et dans la création d'un style. Architectes tous deux, Percier et Fontaine avaient puisé dans leur séjour à Rome le goût de l'antiquité et des belles ordonnances; fidèles aux lois et aux j)rincipes de la construction, sans les- quels toute entreprise est vaine, ils allaient, en apportant (hms leurs créations une maîtrise que seules peuvent doinu'r les fortes études et la connaissance intime

de leurs prédécesseurs, essayer de renouer les traditions du grand siècle. Percier et Fontaine avaient de plus l'heureuse fortune de trouver dans un souverain fas- tueux les encouragements néces- saires pour plier à leurs idées un entourage disposé à suivre le mouvement (pii leur veiiait d'en haut.

En 1812, Percier et Fontaine publièrent, cliez Didot l'aîné, un recueil gravé des principaux meubles, Ijronzes, orfèvreries et décorations d'intérieur, qui avaient été exécutés sur leurs dessins, voulant, disaient-ils, « concourir à répandre et à main- » tenir dans une matière aussi » variable, aussi soumise aux vicissitudes de l'opinion et du caprice, les prin- » cipes de goût que nous avons puisés dans l'antiquité, et que nous croyons » liés, quoique par une chaîne moins aperçue, à ces lois générales du vrai, » du simple, du beau, qui devi'aient régir éternellement toutes les productions » du règne de l'imitation. .

» La théorie du goût ne saurait séparer de cet empire les plus légers produits » de l'art, de ses plus vastes ouvrages. Un nœud commun les rassemble. Quelle » que soit la manière d'imiter et de faire qui domine dans un temps ou dans un » pays, l'œil éclairé du connaisseur en distingue, en suit les effets et les consé- » quences, dans les plus grandes entreprises de l'art de peindre, de sculpter et » de bâtir, comme dans les moindres des arts industriels, qui se mêlent à tous » les besoins et à toutes les jouissances de l'état social.

» Qui est-ce (jui ne distingue pas la direction de l'esprit et du goût de chaque

Chaules PERCIKH. architecte.

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H nt'iModc |>;ir li's di'liiiU ilc"^ iislriisilcs <lnmr-l ii|iirs, les olijrls de liivc on (!(.• « lUTcs^ili' ;iii\i|iiiU, iii\ (•li)iil.iii«'iiii'iil , I iiii\iicr (|(iiiii:i rciiiprciiilc ilrv Imbues, » (les coiiloiii'-, ili'^ l>|"'^ ''" "^•',-'' ''"' '^"" l"'iii|i"^. "

iNlis, r;i|t|icl;illl I llinili'licc (l(■^ |H'iiil rcx, des sriil|)lc|ir- , des ;i|-( II! In Irv (|c |;i lu'li;ii^->:illi"i', cl les nliids r.llchinl Ir ^idlll du -^ci/iciiir siècle i|ile Ic^ ;iiii;dciirs Il lic^ilciil |i;iN il |i;i\cr clicrciiiciil ;iii j( mid iiiii , |iiii^ des [KTindc^, (|iii lui oiJ -.ne. cède, d;ills le'^(|iielles les Inniies de 1';! iiieilMeiiienl ^e sdiij JrdiiM'o lolljoiirs en p;ii'r,iil aceord ,i\ee le liciiie (|iii |iresidiiil ;iii \ iii\eiilioiis des ;irc|iil(iC.I(;s, des seul|ileills el de-- [leiiilre-^, ils (•(msl;il;iieiil (|iie Idrlex reiii' du siècle de l.(t^li-^ \l\ esl eiii|ireiiile (lu i^OÙI de Le |>i'iiii ; (|iie le iiio- !>ijiei' (le l'xMille ;i les eoiildiirs cl les pi'olils dessiiK's par Maiisard ; (pie le di\-liiiilièiii(> siècle les Iraiisforme el l'ail rccoiiiiailre son i^oùl dans les eonloiii's de ses iilaees, li's dorures de ses hoi- siM'ies, le (diaiilounK' dc^s dessus de portes, coniine dans les formes des hàl inieiits el le inaiiicM'c'' des coiiiposirunis de ses peintres; et rappelant (pie la lin du dix-liui- tièiiie siècle vit ce i^uùl non seule- ment changer, mais passer brus- quement duii extrême à l'autre. (( L'andiiteclure, qui donne le ton » aux autres arts, et surtout à la décoration artistique, fatiguée, si Ton peut dire, » de toutes les innovations dans lesquelles on avait cru depuis deux siècles » étendre son empire, se trouva ramenée à la simplicité du goût antique, et » même du plus antifjue qui dominait (diez les Grecs. »

C'est sous la direction de Percier et Fontaine que le mobilier prenait alors les allures d'un style. Pour l'orfèvrerie, c'était une ère nouvelle qui s'ouvrait.

En effet, le premier Empire, très favorable en général aux industries de luxe, donna à celles-ci des encouragements particuliers. Napoléon aimait le faste. 11 y voyait comme un moyen de gouvernement et un dogme de sa puissance. Tout jeune, il en subissait déjà étrangement la séduction, et l'on ne peut plus douter, après tout ce qui a été écrit, notamment par M. Frédéric Masson sur les origines de ses relations avec Joséphine de Beauharnais, du prestige qu'eut, sur l'imagina- tion encore naïve du lieutenant d'artillerie, le cadre éléi^ant l'aimable créole se

FONTAlNi;, aicluLccl.

3G

phit à conquérir le futur maitre du monde. Devenu premier Consul, Bonaparte traitait encore sa femme comme une jolie poupée, cédant à ses caprices de toi- lettes, à ses dépenses de colificliets, ne se lassant pas de payer ses dettes de

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Pot à oillc, cxccutc par Biciinais, pour riiiipcratricc Joséphine.

couturières ou de bijoutiers, heureux de la faire belle. Tous les grands bijoutiers et orfèvres de l'époque, à Paris et ailleurs, avaient Joséphine pour cliente : « Bien- nais, Auguste, Depresle, Friche, Marguerite, Foncier, Fister, Nitot, Tourrier, Messin, les frères Marx, Conrado, Ilollander, Lelong, Mellerio-Meller, et les hor- logers Bréguet, Lépine et Mugnier, et Capperone et Teibaker, marchands de

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Pièces c^ol•fè^ rcric de Percicr et rontaino,

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(•illlM'Cs, cl ()|i\;i cl Si'nihi, iiMicliaiiiU ilc cdiMliX |i. ( !c lui liiin ;i(il|-c chose (|ii:iiiil N;i|Mi|c(iii ciil -^iiisi le sccphr imi|m ii,il! Mais alors, il ne lin ^nllil jiln^ rpic riiiijMTal lice soii sdiii |il iiciisciiiciil |)ai-cc. Ce (jn'il \cnl, c'c^l i|n elle I anjc a lain- par une ^|ileii(liMir de Imii aldi, |iar nue e|i'L.'anie i|i;.'iie de celle de l'arn-iennc (■(Hir, lin iiis( iiiiiiciil de l'oiin eineinenl . r.ndic I rop lourde |nMir elle ! A j ici ne sacr<'' ciii|M'rcnr, il r(~'\a de snr|>asser Louis \l\ , doiil les chroiiii|iies jin-s cl ridiies (diaii- lau'iil le^ iiiaij nirh|nc^ a|iollieo'^es. Si les ;jnerres lui en eiis^cnl laissr- |c joi'-ir'. il se li'il coii^-lrtiil lin \ei--aillesa lui, plus iiia|eslnen\, |iliis ininieii^e i|iic jaiilrc.,. Dans ct'lle nia^^nilieencc du cadre, uni (lis|iar;ite, rien (|iii i-a|)|ielàl les liix(;s iiies- (|niiis des |iar\enns. Toul en crensaiil 1res nelle la li^^iic de (l(''iiiarealioM rpii sf'-pa- rail la lendance non\(dle dn Ion d aiipara\aiil. les ai'lisics de renipereiii' ;-'ardaienl (In hixe anh'rieiir les amples cl ma jesl neiises doiiiK'cs... son ^('■iiie. <|iii pr<''\o\ail loul, i|ni desceiidail aii\ pins inlimes d(dails de la sic, ne s'(''^arail poiiil ce|)eiir|anl sur d(> jianales idi'os de gi'aïKlcur...

Le luxe t'Iail, à son sons 1res pereaiil, aiilr(! chose qiriine frivollh'' passaj^a'-re cl in(>s(|nine. Par le Inxe. rinchislrie pi'ospère cl les ai'ls pi'ojri'cssent ; il est la \<''ri- lalde ponle an pol doid parlail un peu llM'ori(pi('ment llem-i IV. L'I'ïinpcreui' vonliil le r('\i;lemeider. le dc-linir avec la pi"(''('isioM dont il disjiosail ses ai'm(''es sur un eliamp de li;ilaille. Alors il eoininauda ipie les aeleurs destiui's à ('voluei- parmi les sonipUiosilés des palais impériaux se lissent dignes du eadi-e. Il s'adaeha au luxe extérieur des haliils, des bijoux, des é(juipa<;es, dans le double bul détonner, de favoriser les ai'ls et d'alimenter les métiers... La maison impériale n'avait rien à envier à celle des rois de France; elle en était le calrpie singulièrement élargi et augmenté, les oITiciers en copiaient les solennités obsé(juieuses, et la livrée soutenait le jiarallèle. Toutes les cérémonies étaient marquées à ce signe un peu puéril, mais si bien approprié au goût français, de raftinements dans le lever des souverains, dans le service des tables, dans l'étiquette des réceptions, des chasses ou des voyages... Napoléon, si simple d'ordinaire, si bien à l'aise dans sa veste de grenadier ou sur son lit de camp, ne se contenait plus dans les représentations. Marguerite, le joaillier, le couvrait littéralement de ])ijoux rares, soit au chapeau de cérémonie l'on attachait une boucle de 36:2000 francs, soit sur les armes de parade qu'il portait dans les cérémonies publiques, soit sur la poitrine oîi les insignes de la Légion d'honneur représentaient une somme énorme...

Le bijoutier Nitot, qu'un accident arrivé à la voiture du Premier Consul devant sa boutique avait mis en faveur auprès de Bonaparte, devint l'un de ses fournis- seurs préférés. Il fut chargé d'exécuter pour l'empereur, à l'occasion du sacre, l'épée qui devait être ornée des diamants de la Couronne. C'était la première fois, dit M. Germain Bapst, « que le Régent quittait une parure de souveraine, pour

1; Frédéric Massou. Joséphine, impératrice et reine, 1899 (vol. in-S", p. u4).

~ M)

» venir ui'iicr le sabre d'iiii soldai; mais ee soldat était le vaiiii|ueiii' (rAi'colc e( » de Mai-engo, qui devail. (jnelques années plus tai-d, se servir de son épée ornée » du Jiégent pour écrire sur les tables de Thistoire de France les noms d'Aus-

» lerlitz et d'iéna ».

L'épée de INitot, très élégante de forme, (pie l'Empereur porta le jour de son saci'e avec le petit costume, ne lui pas celle (pii fi- i;ui'a dans la ci'rémonie oflicielle oii, costiuné en empereur romain, (•(Hume David la représenté dans son lableau c(''lèbre du Couronne- meiil, il avait à son côté un j;iaive j)lus en harmonie avec ce costume théâtral.

.Nond)ren\ sont les dessins de glaive (pii existent dans Tteuvre de Hiennais e( foui aujourd'hui partie des collections du Musée des Aris décoratifs. L'un d'eux, dessin('' par Percier, se Irouve également dans l'albinn de Mien- nais. Nous en donnons ici la rr- pi'oiliiclion.

Son goùl pour les armes de luxe n'avait pas attendu, pour se donner un libre cours, qu'il fut monté sur le trône. Déjà, sous le Consulal. Donaparte avait fait exéculei- |)ar l'habile dii'écteur de la manufacture d'armes de Ver- sailles le glaive que le Premier Consul devait porter dans les cé- r(''monies publiques, et plus tard, son orfèvre j)i'éféré, Biennais, exécutait une épée élégante en or ciselé dont le fourreau ('tait en écaille incrustée d'aigles et d'abeilles. Ces deux pièces, d'une exécution savoureuse, étaient exposées jadis au Louvre, dans le musée des souverains. Elles sont aujourd'hui au Musée des Arts décoratifs, avec les costumes j)ortés par l'Emiiereur en ISUi^ à l'occasion du saci'c.

l'i'ojol ck' j;lai\(.' ii\ cr les diaiiuiiils de la (^(Hiruiiiic. Alliii III lie Ilii'ii nuis.)

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(ilaive du I" Consul.

Glaive de IKnipei-cui

Armes d'apparat de Xapoléon I", exécutées par Biennal?. Muxée (les Arln décoratifs.)

I

rortrait de l'oi-l'cv rc IIiî.m-.y AUGUSTE el de sa raMiille, |);u' Frun.;()i> GJrard. {Colleclion (ir;ivere;ni.

\:\

I,,. |n\i' ;(i|l|(ilir^, le lll\<' v(,ii\ ciMiii, iloiiiliiiihiii , (|iii |i;iss;iil cil llliillir, <|lll ^■,,,i|,,)^;iil cl iiiii. |iciil -('Ire liicii, il;il|s les ;iccl;iiii;il iuiis i|r |;i loiilr, ;i\;ill l.i |ir(!- iiiirri' nhiff I I . » 1,1' Ncr\ ii'c (le Idi I'cn rciic, ;iii\ Tuileries, et diiiis les un Ire s paliiis, (•ImiI (llu;llli«^e eiMiiilie |;i(lis;il;i cdlir n)\;ile; le iioiiilire des pièces ('lilil coijviijc- ,-;,|,|,., |inil\;illl vei\ir ;i i") nu .'!() I ,il)|e^ |e^ jnlir^ de -;il,i; IIImIs ^-rj'icc ;i hlirnc, |r ^r:iiid iii;ii'e('li;d du |i;il:ii-^, {;iiii;iis |;i lahle iiii|i('ri;ile, loiil iiic()iii|i;u';il)le (lu'elle lui ,|;ill-> le di'hlll. Il ;il'^(M-|i;i de ce^ sdulIllCN iiiiiiieilses, diriieileinelll coiil rnlcf-. (|iie les rois iiiNcri\;iieiil ;iu cIkiiuI ii' île leur iikiI^oii cJ). I.;i liiMe chiil loiijourv ^(uii|»- Ilieil>~eiiieill |i;iree ;ill\ ,j<Mirs de recepi inii , scr\ie ;i l;i rniliejii'^e, c(iil\erle de lijippes lirodees, d';iri;eiilerie ;iii\ Jiriiies, île surliiiils cl de crisliiiix. de phiK inouïes, cl rliarui'i' il»' llt'lirs. Le ((''remolii.il ('hiil le iiK'iiie ipie siiiis Louis \j\ ; ;iii cenire deux rniileiiils M'iileiiieiil. l'un ;i droile pour ri'jMpereiir, liinlre ;i ^;iuclie |ionr riiiiper;il rire. Sur un ordre, le ^r,iiiil inariTliiil du pnhiis preiniil nue ser\ielli' d;nis l;i iiel de \ernieil r,'ser\ee |ioiir ri'.iiipereur el l'ollriiil ;i celui-ci: puis les plais elaienl remis aux paires e| aux ofliciers ipii se les pas^aienl de mains en mains. (!"es| le m'and chamUellaii ipii remplissail la coupe de Ncrmcil on le sonvcrain Irempail ses lèvres, el qui \ersail le cale'' leiin par nii jtai^c sur nii plalcan dOr.

Kn I8l)i-, an nimncnl de la c(''r('in(mie dn sacre, les commandes de sei'viccs d"oi'rèvrerie prireni une imporlaiice exiraordinaii-e. Tons les pei'soiinages de la iioii\elle cour, à liiiilialive dn maître, voninrent avoir lenr arf;enlei'ie. Napol('Oii til lomller el coiisnller Ions les codes dn cérémonial de l'anci*'!! régime pour ipion en suixil exaclemenl les prescriptions el afin de ne rien onhiier dans l'aj)- p:u"eil de l'asle doid il vonlail ih'sormais s'eiiloni'er. Ce lut Aiigiisie, le « ci- devanl orfèvre de Lonis \\T », rpii lut cliai'gé des |)lns importanls ti-avanx à ce monienl. Auguste, (|ui, pendant la Révolution, avait fermé ses ateliers, les ré- organisa ra|)idement sur le plus grand pied, et les installa place du Carrousel. il était dans toute la force de l'âge, ayant atteint ses quarante ans en 1800; un portrait d'Henry Auguste, peint pai' François Gérard, existe à Versailles, nous en doinions la reproduction page 43. Dans une touchante intimité, la famille est réunie autour dune table; appuyé sur la ehaise de sa femme, Auguste écoute la leeture sous les regards attentifs de ses deux jeunes fils. Le costume, le décor à la mode du temps, l'atmosphère reposante de l'intérieur l'ont de cette scène de famille un document des plus pi'écieux. Les modèles créés jadis par son père et par lui-même ne pouvaient plus guère lui servir ; mais avec son expérience ac(piise, le personnel de ciseleurs qu'il sut retrouver, et l'intelligence profonde (|n"il avait de son métier, il ne fut pas long à en reformer une nouvelle collection

(1 HtMiri Umifliot. Uixloive du lu.rc fram-ais : i'Kiupirt'. 1 vol. ^r. iii-S". pa<ie.> 12-21. 2 l.a ciiUiuo iiniiériak' cuùlait 36UO00 l'r. : rol'tictî l.'iOOOO. la cave 120000. rfnircli.'ii .li- ra!'i,'..'iilL'- rio 20000. de la lujn-elaiiie 20000, de^ Lrislaux 10000. Vovez BuiU'hot. paj^e 2o.

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dans l'esprit et le goût du temps. 11 exécuta pour l'Empereur une énorme quantité de vaisselle. C'est à lui aussi que s'adressa la Ville de Paris pour l'argenterie en vermeil devant figurer au banquet offert au souverain à l'Hôtel de Ville le 5 décembre 1804 comme complément des fêtes du Sacre et qui, pour obéir aux traditions qu'on avait consultées, était destinée en cadeau à l'Empereur.

La table était décorée d'un grand surtout à fond de glace sur lequel étaient posés des candélabres dont le bouquet était porté par des figures volantes aux proportions majestueuses, les soupières et les pots à oille, les jardinières à Heurs et les corbeilles à fruits. La galerie, fineuKMit ciselée, était interrompue à intervalles réguliers par des socles portant des vases de forme Médicis, et des

coupes. Ces sur- touts furent long- temps conservés au Carde -Meuble, et servaient orner ^^^^ __ c.^^^^ '^^ tables des sou-

'^^.^ ^Êjijfr 'H^^r verains jusqu'à l'é-

poque du second Empire. En 1855, Napoléon 111 ayant demandé à l'orfè- vre (ihristolle une a )• g e n t e r i e nou- velle, la conserva- tion du Carde-Meuble fut chargée d'en négocier la vente et les offrit en paiement à l'orfèvre qui accepta. Ces surlouts ont alors passé en Angleterre, mais c'est à regret que Christofle s'en séparait, et il ne le fit (pi'après avoir distrait deux vases et deux coupes dont la merveilleuse exécution l'avait séduit.

Dans le service de vermeil, (|ue la Ville <le Paris lui avait commandé, Henri

Auguste, tout en sacrifiant au goût de l'époque, n'avait pas oublié les élégances du

style Louis XVI, dont son père R.-J. Auguste avait été un des gracieux interprètes.

S'il fut guidé par les conseils d'un Percier, son talent de dessinateur lui avait

permis de donner à ce grand ouvrage un caractère bien personnel (I).

Bien entendu, il n'eut garde d'oublier les pièces telles que le Cadenas et la Nef (\m de temps immémorial étaient, pour ainsi dire, représentatives de la souve- raineté, dans les services de table. Pour la nef de l'Empereur, Auguste avait adopté la forme habituelle d'un vaisseau qu'il fit supporter par deux figures de fleuves.

Vase ot coupe nrnani les |ilaleaii\ des surlnuls de (Collcrlioil Chrisinjle.)

iiia aux I iinei'K

(1) Les archives de la Maison Odiot conservent des dessins d'Anfiiistc qui ont été exposés au Musée centcnnal en 11)00, et dont le goût et la précision sont du plus grand intérêt.

47

^j/)j/j^'j/jjj//jjyy/ijyfjjj-'fi'*

w

Ihiilier. sniipiéiT. jardinière et seau à place. Dessins orij;inau\ de Henry Aui;iislc.

[CoUecllon (Idiot.

40

|;i Si'iiic li la M.inir a<lnss(''('s, cl assises sur un Mtcli' sdiilcnu jiar (|iialrL'

i;rillc-^ fl |)iiilaiil l(■~^ aiiiu's iiii|iriiali's.

A ranicrc, soiis la |m)I1|)i', doii/c li;_Mii'('s,

S('|»ar('i'^ (l('ii\ il (l('ii\ par ili"^ l'ai-^rcanv d

lii'lciir^, |iiT--(iiiiiiliaiciil Ic^ (Idii/f iiniiiiri|ia-

lilcN |iarisiciiiic-^. l ne li'lc ilc loup uniail la

iiMUic (lu \aiss('aii on c drosail une \ icloirc,

laiidis (|ir.i l'arrirrc, ('laiciit assises la .lii>^lice

et la Priidi'iice a\ec leurs ailriliuls, lenani

d'une uiaiu le i^ouNcrnail, el souleuaul de

l'aulre la eoui'onue iui|M''riale, au-dessus diui

ai,:;le aux ailes (''ployc-es. Sur les lianes de la

md", deux has-reli(d's, Tuu reprc'seiilaul le eou-

|-(Uiueuieul : les deux sou\ craius deliuul de\aut

leurs sièges, el à di'oile raulel K; pape

ol'lieiail ; Tau- li"e. le préfel el les maires <le Paris, j)or- laut leurs ca- deaux ii I'Imu- j)ei'eur dont les pièces, nef, soupic- l'cs, candéla- bres, etc., étaient disposées sur une tal)le sup- portée par des griffons ailés.

La nef de l'Impératrice, qui faisait pendant, était de môme forme. A l'arrière, sous la poupe, le même bas-relief personnifiant les douze mu- nicipalités ; à l'avant, une figure de la Bienfai- sance, les mains pleines de présents. Un groupe des trois Grâces ornait la poupe; et, sur le côté, deux bas-reliefs dont l'un personnifiait l'Impératrice dans le costume de la Minerve antique, accueillant avec bienveillance les ar- tisles et les porteurs de pétitions.

L'autre bas-relief représentait Joséphine aux Tuileries dans toute la splendeur et la pompe

d'une impératrice, distribuant des secours aux malheureux et soulageant les

Ai^uicrc t-ri \ci-iiu'il.

Dessin original di' IlenrN- Aii^iislc

{C.oUeclion ()(}i;)t.)

Aiiiuièi'o cil voriin'il.

Dessin ()rit;inal de IIeni\\- Auguste.

Colletiion (Idiot.)

50

affligés. Les nefs portaient g^ravée sur les pieds, cette inscription : HENRY AUGUSTE, l'an J" du rcr/ne de Napoléon.

Les cadenas étaient constitués par deux plateaux semés d'abeilles ciselées dans des losanges en relief; au centre étaient les armoiries impériales; en bordure des couronnes, des feuillages et des enseignes antiques : à l'une des extrémités, et en surélévation, une boite à trois compartiments (pour le sel, le poivre, les épices) fermée par un cadenas, et ornée de bas-reliefs figurant, pour l'un des cadenas des Renommées couronnant le cliiflre de l'Empereur, et pour l'autre, des Zéphyrs balançant l'Amour sur une guirlande de Heurs. Le couvercle portait, dans l'un des cadenas, la couronne impériale entre deux cascjucs antiques; dans l'autre, la même couronne entre deux toulfes de roses (I).

^-^j^> /> .>Jt^aeJ ÉEÎ^;^. , _j^^

Cadenas cle l'E.iiporcur cl de l'Inipéi'atiice, par IIeiH'\ Auguste.

Ces Nefs et ces Cadenas existaient encore sous le règne de Napoléon III, et servaient à décorer la table du souverain lors des grands dîners diplomatiques, dans lesquels il était d'usage de n'employer que la vaisselle de vermeil. Mais ils avaient deux fois changé de décor : sous la Restauration les abeilles avaient été remplacées par des fleurs de lis; Napoléon 111 les tit reconstituer en 1860 par l'orfèvre Christofle qu'il avait chargé de compléter le service, et les fleurs de lis disparurent, pour faire de nouveau place aux abeilles (2).

Auguste exécuta en cette même année 1804, conjointement avec le bijoutier Nitot, la tiare que Napoléon donna au Pape pour son sacre : elle était en argent, ceinte de trois couronnes d'or ornées de bas-reliefs et de pierreries. Cette tiare se

(1) Fréd. Massôii, Josép/iiiiP, impératrice et reinr, P"o6=^ 2oS-2o9.

(2) Le service de vermeil faisait partie du mobilier de la Couronne, et. confié à la frarde de In couscrvalion du mobilier national, il fut ainsi préservé de la fonte qui eut lieu en 1871. Aujourd'lnii il est Iransporté à Hueil, uii il est exposé dans la salle à manger du diàleau de la IMalmaison, devenue propriété nationale, à lu suite du don magnitîque de .M. Osiiis.

SI

Nef de l'Impératrice, pot ù oillc, jardinière et >eau à ral'i-aieliii- exécutés en vermeil, par Heni-y Auguste.

5:1

■t. ~

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Lo (îriinil Cniixiii aii\ 'Inili^ric--. au lîaïKiiut du Saci-e. hnincs le ilcssin ilc i'.h. l'crcicr.j

llMllNc ciicni'c ,111 i(Ml|-iriiili ,111 \,ilii;iii diiiis |r Tr(''<(ir i|rs |',i|»c<. Il lil (';.';i Ictiicnl If^ cImiuIi'IicI-' cl lllic [iillic lie I ;illli'l de S.iilll hi'lli-^. M.li> IdrlrMc, iii.i I;.' l'i' l.'illl

tic ti;i\.ni\, ;iii lien i|c -.'ciiinliir, cl i|ii()i(|iic ^,i iii.ii-dii lui i|c\ciiiic la j)liis ((jihiik; ,.| |;i pliiN iiii|M)ii;iiilc lie ri .11 i()|ic, ne --ni |i;iN ini'l I ic ilc rei|iiililire daiis ses a lia ires. Sa l'aillile lui (Icclarce le |(Mir iiu'iiic ou vnii liU l'Iail e( Hiininn' a I lii-liliil eniiiiiic itrciiiiei' i^raiid \>\\\ de >>riil|il iiic. <Mi|i;i('' de ^c rclircr, il \d \eiidi-e ^e^ iii<idc|c<, et

\cl" tle rEn)[)ei'eur, exccutée on vermeil par Henry Auj;iistc.

ses outils à l'encan; sa maison disparut, et il laissa le champ libre à deux concur- rents plus heureux, Odiot et Biennais.

Son dernier triomphe fut à l'Exposition de l'Industrie de 1800 : « il y présenta, dit M. le duc de Luynes, des pièces d'orrèvrerie remarquables parleur beauté et exécutées par un proci'dé rajeuni, celui de la retreinte, et par l'application nou- velle de l'eslanipaiîe. Le jury faisait valoir l'économie de l'estampage qui suppri- mait le moulage et la fonte, la ciselure, et une partie du poids du métal; mais il oubliait de tenir compte de la fabrication des matrices, de leur gravure, de leur peu d'emploi lors(ju'elIes ne sont pas appliquées à de l'orfèvrerie courante. Pour ses produits, parmi lesquels on remarquait un buste repoussé et estampé, un beau calice et une coupe destinée à {lorter des fruits, Auguste obtint un rappel de la

GU

médaille d'or (1). « On peut ajouter que c'est lui qui, non seulement eut le mérite d'avoir fabriqué les premières pièces qui signalent la résurrection de l'orfèvrerie sous le premier Empire, mais encore que c'est à son initiative qu'est le cachet spécial qui la caractérise, et qui tient aux procédés d'exécution. Presque toutes les œuvres de cette époque, en elTet, sont remarqualjles pour la façon dont les ornements en relief jouent en mat sur le fond de la pièce luisant et poli comme miroir. Oii dirait des camées sertis dans le métal. Cet effet est très particulier, mais neprête-t-il pas à la critique? Assurément, d'autant plus qu'on en abusa fort. Figures et bas-reliefs appliqués à froid, au moyen de vis et d'écrous, semblent ne pas faire corps avec l'objet, et connue s'ils étaieiil d'une matière dillérente : c'était plulùtle travail du bronzier que celui de l'orfèvre. Mais(|uelle lia!)ileté daîis la main-

Uo>Mii (le hoiti-s, d'apiv-s un dessin original de Prndl.im.

d'œuvre! Un pareil système nous parait aujourd'imi illogique. 11 fut généralement adopté néanmoins, et pendant de longues années on ne cessa de l'employer.

« Les camées, d'ailleurs, eurent-ils jamais autant de vogue que sous le premier Empire? Et peut-on s'étonner de leur influence sur l'orfèvrerie? En 1804, les dames du palais suggérèrent à l'impératrice Joséphine de demander à se servir, pour ses parures, des plus précieux camées que renfermait notre cabinet des antiques. Certes, ils fourniraient à Nitot, à Biennais ou à Marguerite l'occasion de quelques chefs-d'œuvre! L'Empereur résista d'abord à cette fantaisie : « C'est une insigne folie, disait-il, mais il en faut passer par ce que veulent les femmes. » Puis il consentit, et vingt-quatre camées du Trésor quittèrent les vitrines et s'enchâssèrent dans un diadème, dans des colliers, des boucles, plaques et ceintures, etc. L'or- fèvre Auguste n'était plus pour en tirer parti dans quelque vase de sa façon (:2). »

Le second mariage de l'empereur avec l'archiduchesse Marie-Louise d'Au-

(1) Duc lie Luynes, Rapport sur l'induslcir des métaux précieux à t'ExposUioii universelle de I80I, p. !J5.

(2) Voy. Bouchot, Histoire du turc sous l'Empire, page 20.

Iijili,. in;if<|iia le ^iu'iiiil d iiiic rciTmlf^^cciici' d.iii-^ li'^ iii;iiiirr-l;il imi^ dr liixr

,.| 1,.^ i(Miiiii;ill(|('^ d'olIrN n'Ilc. N;i | k iI<m m mkiIiiI IiI I ii;ilriiiriil l'iilnllir l;i JilllH' nriiiffs ,(' |i(iiir lui liiiri' oiihliir ipi'il iiVhnl lui <|irnii (.Hicicrdc rnrliiiir. cl lui |»nui\fr (|ir,i l*;iri'^ cllf I I(MI\ cr.iil iiiic cinir |>lii- Inil ninc, cl d une ind^h'^^c ;iiissi alillii'iil ii|ilt' (|ilt' celle de \iciiiic. L.i C(iiiM'illc c\ |pt''di(''c |i;ir >e-< ^oms a la (Vdli- licic |»;i^--;iil |uiiir une niei'\eillc (\r -onl cl de --|ilende(n-. Mai-- le dnd-d u'nsre. la iMiM-\ cille, c'cl ail la 11 nicll c i|ne la \ die de Paris. Cl ni<cdl('e par ^< m | ni' Ici . le en in te IVocliiil , a\;iil di'cide d'ciHrir a la jiMiiie s.iii\ eraiiic. I*ai- toilet I c il laiil eiileiidrc les di\crs(«s [Mcces de ninliilier ni'i'cssaii'cs a l;i < '.liainhre d'aloiirs, la -rande I*>_\c|ic (Ml l'on se \(tit i\c la lèle aux |iieiU, le lavalm, le lalHUircl. le collrcl a lui(»il\. le l'auleuil de ri'pds e| la laMc ;i iiiinur di'a|i('e de deiilelle<, <ine les <d(''^^anl.US les plus notées ahu-s pi)s-M'daieiit timles. cl (pTclIcs (dioi -is<aieiit |)anni les inodv'les

"^Cr

Dcliiil (11111 bras du l'aulcuil di' loilelle. (Dessin oriçiinnl île l'nidhon.)

coui-ants de thuya, do palissandre ou de noyer ornés de bronzes (1); mais, dans la circonsUuiee, le comte Frocliot pensa qu'on ne pouvait se contenter de bois, fusso:it-ils les plus précieux. Il fallait des meubles d'argent, comme les aimait Louis XIV, et Frochot estima que pour la décoration il serait de bonne grâce d"abandonner les tètes de Minerves à la mode, et de retourner aux allégories amoureuses du dix-hultiènie siècle. Il proposa de confier au peintre Prudhon les motifs à déterminer, et de charger l'orfèvre Odiot et le ciseleur bronzier Thomire de donner un corps aux inventions de Prudhon préalablement modelées par Hoguier. Odiot lit exécuter la fonte en argent et la monture de tous les meubles et de leurs accessoires, et Thomire fut ( hargé de faire la ciselure. On devait être prêt pour le lo août, jour de la fête de l'Empereur (:2).

1] Henri Bmichot. hi Toiletl" à In cour de Xapoleon. p. 118. ("2^ Ilonri lîmi 'linl. la Toih.-tle ù la cour de \<iiinlé m, p. 119.

6i>

Priidhon se mit au travail et soumit des esquisses. Il les accompagnait d'un commentaire écrit dans le style académique du temps, bien peu propre à traduire ce qu'il avait si bien su réaliser, *en grand artiste (|u'il était. Voici, par exemple, comment il décrit la table à miroir :

Assise et .ippuyéc surdos fleurs, une jeuuo I<"lore reçoit les hommages de plusieurs génies qui se pressent autour d'elle. Le génie, cpii lient les cœurs eu sa puissance, lui présente ceux de tous les Français que rilarmouie rassemble, qu'un même sentiment unit. Zépliyre entr'ouvre de son haleine le calice des fleurs, il oITre à la déesse ce qu'elles ont de plus brillant et de plus suave. Le Goût dispose les métaux les plus précieux pour en parer sa personne. L'Industrie et le Commerce lui portent à l'envi leurs tributs. Autour ilu miroir, le Plaisir qui a tressé la guirlande de Heurs sur laquelle posent tous ces génies, serre étroitement le nn'ud qui en réunit les extrémités pour en former un cercle indissoluble. De la partie su- périeure des deux candélabres lleuris, supports du miroir, s'élèvent les génies de la Poésie, des .Arts ot des Sciences. Des groupes de petits .Amours dispersés sur les coH'res et la toilette s'occupent, les uns à filer des jours d'or et de soie et à dévider ces précieux fils, les autres à cultiver la Heur cpii est robjel de leui- préilileclion et à en recueillir le fruit.

Ce pathos solennel ne donne guère l'idée de l'œuvre délicieuse de Prudlion, et il vaut mieux passer la descriptioji dans le mètne style des autres meubles, et s'en rapporter à ces lignes de De Concourt qui montrent mieux quelle aimable ingéniosité le peintre avait développé dans ses compositions d'une grâce inef- fable : « Il dessinait (Prudlion) l'écran exécutée en vermeil et en lapis, et ses barques égyptiennes surmontées de figure d'Iris, emblème de la Ville, portant les autels de l'hymen enguirlandés de lleurs, et ses colonnes de lauriers et de lierre enserrant la glace, et son entablement corinthien oii deux Amours aux deux côtés de Mars et de Minerve rapprochent l'Aigle d'Autriche et l'Aigle de France. Il dessinait la table à miroir dont la glace était encadrée de fleurs liées par le Plaisir volant et couronné d'une Flore entourée des Génies du Commerce, de l'Industrie, du Goût, de l'IIarinonie. L'allégorie du peintre animait ainsi tout le mobilier par des personnifications et des images. Cette ingénue de la Fable antique qui occupa si longtemps sa pensée, Psyché, enchaînait l'Amour dans la ligne ondulante d'un bras de fauteuil.

Ce fut également Prudhon qui composa le Berceau du Roi de Home, qui fut exé- cuté en vermeil par Odiot et Thomire. Sur le berceau impérial, Prudhon montrait la Gloire planant sur le monde et soutenant la couronne de triomphe et d'immortalité ; au milieu de cette couronne hYiWa'iiV asirc de Napoléon, tandis qu'au pied du berceau un jeune aiglon, prêta s'envoler, semblait essayer ses forces et aspirera l'espace (I). La nacelle du Lit était ornée de balustres séparés par des cartouches dont les deux principaux portaient des bas-reliefs représentant la Seine d'un côté et de l'autre le Tibre. Les deux génies de la Force et de la Justice étaient devant les . pieds du Berceau formé par des cornes d'abondance. Cette pièce magnifique, d'une

1^1) De Gûiicourl, l'Ail au dii-huicicme siède; Prud/iG», 1882, 1 vol. iii-18, page 41 i.

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Psyché de Marie-Louise, exécutée par (31. Ocliot et Tliomire. sur les dessins de Prudlinn.

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07

iKililc cl lichc [comiumitidu, scrailj'iicorc diu'iic drli-c *;i(liiiii-r'c Miiiniii-d'liiii (Hi le L'tiùl (IfN ai'K (le ri!iii|iiir ;i ici l'oiiN c ilc-> îu liiiiialrui-^. l-a \illi' de l'an- l'ollril a 1 liii|ti'ralnc(' le .'» iiiars IS| I .

\a- d(■-^>^ill original df l'nidlioii, |iii'ii-ciiiciil irciicdli pai' un ntllccl k.iiimiii', lai-

Toilelle do Marie-Louise, exécutée par Cl. Odiot el Thouiire, sur les dessins de Prudhon.

doxe Marcille, nous donne bien l'idée de cette incomparable merveille d'orfèvrerie. Il a été exposé en 1880 au iMusée des Arts décoratifs par les soins du marquis de Cliènevière. C'est tout ce qu'on en connaît en France aujourd'hui, car le berceau de Prudhon, exécuté par Odiot, tel qu'il a été composé par Prudhon, est à Vienne et fait partie du trésor de la cour d'Autriche. Il existe encore en France, au château de

G8

Fontainebleau, le berceau d'usage du roi de Rome; il est de même forme, en aca- jou orné de bronzes, mais l'aigle a disparu ; la figure de la Gloire a été remplacée par une Renommée de moindres proportions, servant d'attache aux rideaux ; et les pieds simplifiés en forme d'X ne rappellent en rien l'élégante composilion de Pi'udhon.

Lors(pie l'impératrice Marie-Louise, après les événements de 1814, retourna en Autriche, elle fit réclamer la toilette, qui, après quelques résistances du Gou- vernement français, fut expédiée à Schœnbrun, sa nouvelle résidence. De l'ex-souveraine l'emporta plus tard à Parme, non pas, on le suppose bien, par admiration pour le génie de Prudhon, et encore moins par fidélité au souvenir du

_. . passé. Précisément, h cause

de ce qu'ils rappelaient, ces meubles d'argent portaient om- brage à l'entourage de Marie- Louise. On saisit le prétexte du choléra en 183^ et de la né- \ cessité de secourir les hôpitaux pour en ordonner la fonte. « Les ouvriers chargés de la besogne pleuraient d'anéantir des choses magnifiques dont ils devinaient rim|»ortance artistique et les touchantes allégories. » Ce qu'on tira de ce massacre fut une somme insignifiante. Pour l'art français, ce fut une perte irréparable (1).

C'est dans les ateliers de Jean-Baptiste Claude Odiot que fui exécutée cette œuvre dont le prix atleignit plus de 800 000 francs (2).

Claude Odiot appartenait à une famille d'orfèvres dont l'origine remonte au commencement du dix-huitième siècle.

Son grand-père, Jean-Baptiste Gaspard Odiot, le premier orfèvre de ce nom, qui avait reçu son Brevet de maîtrise en 1720, exerça la profession pendant trente-quatre ans et fut le fondateur d'une maison qui devait fournir toute une lignée d'orfèvres distingués au dix-huitième et au dix-neuvième siècle.

Dans le livre des Statuts et Privilèges du corps des marchands orfèvres-joail- liers de la ville de Paris, nous trouvons, parmi les orfèvres en exercice, le nom de

J.-B. Claude UDIOT, en 1800, d'api-cs Isalicy. [Colleclion E. Mathieu.)

(1) n. Bouchot, la Toilelle (h VImpéralrici', page l;j6.

(2) Eilouanl Foucaïul, les Avlisans illustres, 1841, 1 vol. iu-S», page 403.

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lîcri-fim (lu Hoi de ISoiiic. ik'S>iii nriuiiiiil dr I'i'ikIIhiii ('ollcclioii E. Maitillc. ("lazclle dos liciiux-Arls.)

I

71 -

Jean ('.lande nilinl ipii recul son Itl-cNel île iii;iili'|sc en JT.'/i el iiKiiinil en I7.'><i. Son sneceNvcur lui l'ieire Odiol i|ni exere.i |;i |irnre>--iuii de IT.'tC» .1 ITS'». |ieii- danl vin^l-neul' an^. ^,'e^l a relie e|Mii|iie i|iie --un liU .1 \\ ('.l.iuile (Miul, cclin (Mil ii()ii>> iM(ii|H' ici, lui sueci'da. Son ina;-'a^in tdail --ilueau coin de |;i rue «le ri'!(dielle el de l;i rue S.iiiil lldiiore, au n" I^TII... Il a\;iil ;ici|iiis ;ilorN inn' ii'\- t.iiiie iiolol'ieleel ri\ali--ail a\i'c \uu:u--le. IdireNre de Loiiiv \\l.

l'eiidaiil re|Mii|ue de la Terii'ur, cuiiiiiie il elail mal iiuh' cl crai;-'nail di'lre sif;nale coiimie ->U^|iecl el iirr/'le, il ^ eiiL'a.Liea , el re|(iiu'llll les ;irill(''es de |;i lU-pulilique (|iii o|i(''iaieiil loin de l*aii~>. Il es|M''rail (|ne >on eloi;j lieilienl de |,'i faitilale le l'erail oiihlier : (-"esl ce i|ui ai'ri\a.

Mai>. en parlaiil. il lie l'erniail |ia^ sa maison, en coiiliail la direclioii à sa fiMunie, el uctii pas ;'i M"" \ "' ddiol , comme rallirme le duc de lai\iies d;iiis son rap|»ort di' ISol . M. (iusiave Odiol , «pii a hieii \oulu ikhis ren<eii;iier mm- ce poinl . possède dans ses arcliivcs un ai'le du I '1 sepleinhre \~\)-l par leipiel (Ihiude Odiol domiail à sa remme mie proein'alion pour Ions les actes se i-ap|iorlanl à ses all'aii'cs. La lourmente passc'e, Clatnle Odiol re\iid de TaianiM' cl repril la direclion (!(> sa maison qu'il IranslV-ra en 1800 rue lii'VtMpic, lUitlc Sainl-Uocli, Ti . A son ivlonr, il l'elronva sa clii'nlèli'. que riialulelé el la pi'ndence de sa femme lui avaicnl eonservée ( I .

An moment do ravènemont de ll^npire, il se tronvait lonl pia'paiv- pour meltie à prolil SOS connaissances et son acIiviU'. Le snecès ne se (il pas allendi-e.

Sc;m\ à ralVaicliir, pai- Odit

L'Exposition de 1802 le mit en lumière, et il partagea avec Auguste la plus haute récompeuse. Le Rapport du Jury le signalait en ces termes : « Ces deux » artistes (Auguste et Odiot) ont excité également l'attention du Jurv. Le Jurv

(1) Nous avons jui i-flrouviT un ixirli-ait (!.■ Claiiil.' Odiol dans sa j.-un.'sse, qtd nous a été commu- uiqué par M. Kmnianuol .Mathieu, arrirreitetit-lils de rorfèvro.

7i2

» ne peut se décider à faire un choix entre eux et leur décerne en commun la mé- » daille d'or. »

Peu après, la mauvaise fortune ayant fait disparaître son concurreut, posses- seur des modèles qu'il avait rachetés à sa vente, sa maison prit une importance considérable, et sa grande intelligence pratique des affaires le mit rapidement dans la voie de la prospérité la plus méritée.

Après la disparition d'Auguste, il fut chargé de compléter le service de ver- meil qui avait été offert par la ville de Paris h. l'oc- casion du sacre de Napo- l;'on [""; puis, pour les grands personnages de l'époque, une série des pièces les plus remar- quables dont le souvenir nous est conservé dans la collection des modèles en bronze qu'il avait don- nés au Musée du Luxem- bourg en 1823 et qui sont exposés aujourd'hui au Musée des Arts décoratifs. 11 avait une aptitude particulière pour les ou- vrages d'art et de goijt; il savait discerner les bons conseils et s'entourer de collaborateurs adroits et d'artistes émérites. Pru- dhon, Percier et Fontaine dessinaient pour lui quan- tité de pièces d'orfèvre- rie, ainsi que Moreau, Laffite, Cavelier, etc.. La liste de ses clients consti- tuerait l'almanach de tout ce qu'il y avait de gens en place ou titrés, de per- sonnages riches ou distingués en Europe. L'aristocratie qui s'était ralliée à Napoléon, aussi bien que celle qui continuait à bouder, et celle qui se tenait ren- fermée dans les hôtels du Faubourg Saint-Germain, les bancjuiers, les diplomates, les bourgeois élégants qui avaient appris les moeurs raffinées, en un mot, tous ceux qui se piquaient de bon goût, et tenaient table ouverte, demandaient h Odiot une orfèvrerie capable de leur faire honneur.

^Iiliell de table. Flore et ZépliMe, par Utliot.

7.*»

On floil If icroim.iîlrc, ;"i ce niomnit de ri'.iii|iii(', Its hki-iii-s av.iiriil i'('C()n(|iiis ralliii'c cl le liiii de Imiiiiic ci un | i,i u' nie i|c I ;iMcicn l'c^'inn', cl ilc- in;ii^<»ns <V'l;iicn( l'orniccs (|ui ;iin;iicnl pn, '^,■ln-^ .incinicnicnl en -(Hilliir, ^n|i|Hiilcr |;i c(ini|i;ir;ii- soH (lc~- niicn\ r'|Milccs iln lcni|i^(lc I.diM'^ \\I. I,:i I.iIiIi' surlnni ;i\;iil |pcriln (l;in^ ci'^ milieux n de mi pIcilnH'c ilcnntciMl iipic cl de se^ s|i|cndenrs de |iar- vcmi ». On s'iialiilnad a 1 idée (|ne le l'hùI \ienl iji' la nicsnre, cl (ju il y a de la ^ràcc à ^nli>>l il lier la <|iialile a la <iiiaiililc. (li;icc a dc^ t''(|iicaleiic-N, (cjs i|iie 'rallcvrainl. M"" tic .Moiilcsson e| (|iie|(|iics aiilrc^ |H'rs()nna;jes <lisl iii;jn(''v, on (•icnprcnail (iniin coiiNcrl, |M)iir ("-Ire an |M)iiil, ne doit. |ias s'eniharra^^cr des acrninnlal imis hàlardc^ (inOii a\ail mics s"(''lalcr sous le Ihreclojre, cl (les sol t es ari^cnlci'ics ([ntui a\ail si fort adniiret's à rorii^inc. Le lv|>(' conl'oflablc dinu' salU' à l'iaii^cr d'alors n'osi ni poni- pcioiiiic, ni (''lrns(|no absoluiiKMit, mais or- née de si lies de Ions reposés el limpides, sans troj) de meuliles, ni de niat(''ri(d. La la- bié est ronde, snp- portée par des elii- mères ondes sphinx, eouverte d'nne nappe de Saxe, passée an cylindre, brodée au chiffre du maître. Au centre est la jardi- nière d'argent, grande corbeille supportée par des cariatides sévères, en ronde bosse, posées elles-mêmes sur un socle à bas-reliefs carré ou octogone, et qui sort de chez le bon faiseur, c'est-à-dire de chez Odiot. Elle est garnie d'hortensias; puis voici les flambeaux, dont les branches se terminent souvent par des têtes égyptiennes, et dont les pieds s'appuient sur des grifîes de lion. Les seaux à rafraîchir, dont l'orfèvre a fait reluire à tel point le métal sous les coups du brunissoir que les convives y peuvent voir leur image se refléter, sont disposés en bonne place, avec les assiettes de porcelaine de Sèvres qui ont remplacé celles d'argent de jadis, car Napoléon veut faire produire, w sa » manufacture. En définitive, toute maison « montée » de cette époque doit pos-

Siu-ritT de lahlo, par Odi(it.

74

séder, de par l'étiquette, presque autant de vaisselle que sous Louis XV, au moins trois serviees complets de cinquante personnes, cent cinquante tasses et soucoupes; deux laitières; quatre surtouts et dix cabarets; douze jeux de verre en cristaux de Bohème et cai'afons assortis. Les li''guniiers sont d'argent

Porli-aif fie BIENNAIS, orl'èx rc de l'iùiipereur.

et exécutés par Odiot sur les dessins de Percier. L'argenterie se complète par les couverts ordinaires et les couverts de dessert, les uns et les autres de ver- meil en dorure au feu, gobelets à liqueurs, sucriers, cafetières, huiliers et pots à oille (l).

Il serait impossible de dire tous les grands ouvrages d'orfèvrerie que fit Odiot entre les années 1808 et 181 4. Il était tellement accablé de travaux, que son

(1) Henri Doucliot, le Luxe français sous CEmpvc, page HO.

y

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(viiiilr l>ic;iii;iis ciil assez, «le i|ii(ii Ciiic a\rc la rlinilflc <|n il iir ^iillil |»a*% a coii- Iciilcf.

l II liiiiiiiiii' in! l'ii'sv.iiil (|iif <•(• l>iciiiiais ! " Il t''lail faliricaiil ili' in'rcssairrs cl (le lalilcl Icnc, l(ir~>(|ii(' lH)iia|iarlc |iai'lil |i(iiif rr\|MM|il khi d I!;j \ jitr. I.c ;.'i'ilt'l'al cil clicl ne |uiii\aiil |>a\iT cniiiiil an! le !ll•l•(■-^sail•(• de \(i_\a;-'(' i|ii il a\ail ri iiiiiiiaicl*' a l'wciiiiais, ccliii Cl lui lil ci'cilil, !•! ce lut la source de sa loi'liuic. I)iiiia|iai le, di\eiiii eiii|iereur, lui lil faire île i;raiides roiiriiil lires de inciililes, de lalild lerie el de ik'-- cessaires, non seiileiiieiil pnur lui, mais |i(Mir liuis les siens. Le succès j'eiicoiira- lîiMiil, a|>rès a\(iir lail exi'-culer ses lra\aii\ clie/. (c'iiu, rue des l'^ossi-s-Saiiil - (ie ri lia il! 1' \ii\eia'(iis. il fiiiida lui iiK^'iiie une taraude t'altrii|ue dOrl'eN rerie ( I ). - Le duc de LiiNiies, aui|uel i"eiii|>riiiile ces delails, a|()Ule i|U il r(''Ussi| ;i v"y placer presi|ue au iiii'iiie ranu (|irOdi(il, el (|iril y |(»i,i:nil la In ji lulei-ie, la |(iaillerie cl la raln'icali(Ui des creix dcu-dres, sjnis aliaiidiniiier les indiisl ries (|iii axaient cinii- inenct' sa lorluiie. A ri'A|)(>sil idii de l(S()(i, il iiiontia. eiili-e autres olijets. une 1res l'iclie s(Mi|nere dessiin'-e par l*ercier el JMnitaine |i()nr riiup('i'al l'ice .los{''p|iiiie : h; pieil, en Inriui' de ( liapileaii cnriiit lii(ni, reposait, -air un so(de ocloi^oiie oriM- de l'euillaLîfs el di' j^nirlandes ; sur la panse, des l'eninies ai;('iiouill(''es soiileiiaient le cliilVre citiironiit' de ,los 'pliiiie, tandis que les anses (Haieiil l'oiaïK-es par d'autres l'eniines t'ii^ai^c'es à ini-i't)rps dans des l'euillai^cs. L'cxcculioii de ceLtc l)cll(' pièce ('tait |*aiTaite. Nous en avons doniu' la reprodiielion à la pa^ic .')(), d'après le ilcssin ori^^'inal de IVn-cier.

Sur ["oi-fèvia^ Ulennais, la HiMiothèipie de riiiiion centrale des Arts décoi-alifs possède un dm-nnient assez, pi'.'cieux ; e'esl un alhnni des dessins el cro(piis d'on- vi'ages laits on i^rojetés par lui, la plupart destinés à Napoléon « l'jnpereui' et roi » ; 011 y trouve Tense-gne de sa maison que je transcris ici.

liicmi'i/s, au « Singe violet », tie)it fabrique d" orfèvre rie, ébéuisterie et tabletterie, rue Saiiit-IIojioré, 283, Pots à aille, terrines, plats ^ assiettes, casseroles, salières, moutardiers, sauciè/rs, huiliers, boules à eau, seaux, cloches, dessous de bouteilles, étiquettes à vin, argent et vermeil, émail/ées, porte-liqueur, grille à pain, porte-rôti et généralement tout ce qui concerne le service de table, tout en vermeil, seringue, bassinoire et généralement tout se traite à l'orfèvrerie, le tout ciselé d'après l'antique et aux ornements étrusques. Tabatières d or et d'argent, porte-crayon, etc.

La Bil)liothèque de l'L'nion Centrale possède également un document précieux. C'est une facture originale de Biennais pour fournitures faites à l'Impératrice Joséphine, l'enseigne dont nous avons donné la reproduction page 75, fut cer-

(1) Duc de Liiyiie?, R'tpporf sur l'industrie des me'iau.r précieur à l'Exposilion de ISul, page 5S.

78

taincmcnt dessinée par Percier, et dont la composition ne manque pas de saveur, servait d'en-tète à la facture de Bien nais.

Ces dessins d'un fini et d'une précision remarquables sont vraisemblablement d'un architecte, mais ne sont pas sip^nés, et portent de la main de Biennais cette mention naïve : J'appartiens à Binmais. Mais, s'ils ne portent pas la si^niature de Percier qui travaillait pour Biennais, ils ont été certainement dessinés par lui ou par ses élèves. Les pièces d'orfèvrerie qu'ils représentent ont été toutes ou presque toutes exécutées.

Nous en avons reproduit un certain nombre qui montrent bien le caractère et le style du Biennais. Ces dessins sont intéressants par les annotations qui les accom-

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Ifl'TTTTTl'

Encrier, (inni-e de Biennais.

pagnent; en voici un par exemple, qui est le projet d'une écritoire destinée à être offerte à l'Impératrice Marie-Louise après la naissance du roi de Rome : il repré- sente assise au-dessus d'un soubassement une figure couronnée à laquelle une Victoire offre des couronnes. Sur le soubassement est un bas-relief dont une note nous fournit la description : « Sa Majesté l'Impératrice, qui vient de mettre au monde l'auguste enfant tant désiré par la France, le regarde d'un amour maternel; alors, toutes les douleurs de l'enfantement disparaissent et sont remplacées par les grâces qui se répandent sur son visage. La France, qui tient l'enfant, le donne à Esculape, dieu de la santé; à côté de ce dieu est Minerve, déesse de la Sagesse, qui doit former son éducation. x\ côté de Sa Majesté est Lucine, déesse qui préside aux heureux accouchements, et, près du piédestal sur lequel est une cassolette brûlent des parfums, est un génie sonnant de la trompette pour annoncer cet événement. » Et l'orfèvre, satisfait de ces lignes descriptives, signe le projet comme tous ceux qui sont dans l'album : Biennais, orfèvre de S. M. l Empe- reur-roi.

Il y a beaucoup d'écritoires dans cette curieuse collection de dessins, et l'or-

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N" 1. Encrier de l'iiiipi'-ratrioe Maric-Leuiso, 2. Encrier de 1 Empereur Napoléon !"■.

{Dessins de ralbuni de Biennais.)

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Fontaine exécutée pour Napoléon I' {Dessin ilc r.ilhinn de Bienniiis.)

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Salières et moutardiers. Dessins <ie i;)lhiim de lUenn.iis.'^

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Soupière, cloehe et réeliaud. ><iUR'ières et calelières. Dessins de Valhum de liiennuis.)

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IV-M'C, t''\i(liMiiiiiciit , iliil en r,iliiii|iii'i- (Ic-^ i|ii;iiil ili'^ |i(iiir l;i miir. In. ciitic .'mires, (|iii ('-.I |i(iiir I r.iii|i(i('iii-, ic|iii'>iiilc mil' IciiiiiM' ili'lioiil sur un |iii-i|c-l;il cl Icii.'iiil ,11 iiiMiii li'-~ li.ilaiiri'^ (le la .lii'-iirc cl la coinc (je 1' \l loiida iicc a SCS pieds, deux aiili'i's rciiiiiics son! as-,! se s ; l'iiiic (''rril siir des lahli'lles les la s les ijii jn-fos, l'îiiilre siMiili' de la I i-(>iii|icllc. Sur le |iicde^lal i|iie suriiK ml cul Icv jiu^ics de j j|(i|iilal,

Taille de loilelte et ses accessoires [Dessin de l'iilbum de Bicnnnis.)

di} Sully, de d'Agiiesseau et de Colbert, est un bas-relief montrant Napoléon assis ail milieu de personnages qui symbolisent, d'un côté, les travaux de la paix et des arts, de l'aulre les nations de l'Europe prosternées devant l'Empereur ou accou- rant pour lui rendre hommage.

11 faut citer encore comme pièces d'orfèvreries exécutées ou non, et figurées dans le même recueil, des modèles d'un service de table destiné à rimpératrice, un motif de milieu, des fontaines à thé, en grand nombre, et quelques-unes d'un

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joli goût, des théières bizarres, des cassolettes à parfum, une salière double, re- présentant une Diane qui tient un arc, juchée sur un plateau que supportent quatre petits génies, un huilier, orné de la couronne impériale, et qui figure une Cérès colossale autour de laquelle de petites figures en relief offrent des palmes : Quoi encore? des ustensiles de toilette, des boîtes à pâtes et des boîtes à poudres, dont une est décorée d'un bas-relief représentant un mariage dans l'antiquité, avec des femmes en théorie, qui apportent des parfums ou jouent à des instruments... toute la série des emblèmes en vogue y passe. Biennais n'avait pas Prudhon sous la main pour vivilier de son souffle aimable ce corlège olympique, ces paraphrases

Ba>-ic'iii'r de Dlipi'é, u'iuic tic liioiiiiaiî^. {Collection lienuird Franck.)

ornementales d'une anli(iui(é maussade Iraduitc dans des modèles laborieusement courus |)()ui' plaire aux goûts du moment.

Mais il ne faut pas un-dire de tout ce (|ui est sorti des mains de Biennais. Nous avons exti-ail de l'album du .Musf'-e des Arts décoratifs un certain nombre de pièces d'apparat aux formes architectui-ales et précises, telles que les huiliers et les moutardiers qui figuraient à cette époque sur les tables, plutôt comme déco- ration (pie comme pièces d'usage, et dont l'exécution devait être particulièrement précieuse; d'antres plus simples représentées dans la planche n" 80 : soupières, salières, cafetières et réchauds qu'on retrouve encore aujourd'hui dans les familles qui ont conservé avec soin les orfèvreries de cette époque.

De son premier métier, Biennais était ébéniste et tabletier; il fabriquait des nécessaires et des objets de toilette, et nous n'avons pas trouvé sans plaisir le dessin d'une toilette en bois précieux munie de tous ses accessoires : aiguière, boîte à pommade, boîte h mouches, coffre à bijoux, girandoles, etc., qui nous ont paru de nature à donner la note de la multiplicité de ses aptitudes.

Si l'intéressant recueil des dessins de Biennais que possède le Musée des Arts décoratifs reflète bien l'esprit des orfèvreries de Biennais, les pièces exécu- tées sont rares, et le Musée centennal ne nous a offert qu'une seule pièce sortie de ses ateliers. Mais nous avons trouvé, dans la collection si bien choisie et si intéressante de M. Bernard Franck, des pièces exécutées par Biennais, qui ont

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Miroir à main de Josépliinc, navette de Marie-Lo\iise, œuvres de Biennais.

[Collection Dernaril Fnuicli.)

Glaives et épécs de liiennais. [CoUeclion du Musée des Artx dèronitifs.

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par un autre ai;^le doul le^ ailes

(le|il(i\ ces are()iii|ia,i^iieiil la iiioii-

lure el reileaiireilieiil . Sui' le l'c-

\ ers, une |ilai|iie riileiiienl ciselée

el rejionssiM' |t(irle le eliilVre de

,l(>si''|)liine en! oiire de ciiriies d'a-

lioiidance.

Telle encore est la na\el(e iWn- i|ni l'ail |>arlii' d'un ni'ces- saire de pel ils oui ils |)(iiir le Ira- \ail ;i l'ai^nille. Le eell'ret en hois des îles esl (h'cori'' de |)alnielles (rar^cnl inerush'M's, el an eenlre un lias-relief de |)n|n'('-. Viyj;o S(S.

Par remploi des ai'lisles lia- l)iles lie son leiups, des seulp-

Flanibean. {Collection Artiis.)

Candélabre à cinq lumières. [Collection Bethman.)

teurs ou des médailleurs célèbres comme Du- pré, Biennais était un précurseur et montrait tout l'intérêt que pouvait avoir la collaboration des sculpteurs aux œuvres des orfèvres.

Telle encore est l'épée de gala en or ciselé de l'Empereur Napoléon, que nous avons repro- duite à la page 40 et que possède le Musée des Arts décoratifs. Le travail en est parfait,

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l'ajustement précieux et la ciselure admirable. Cette œuvre de haut goût nous initie à la perfection de tout ce qui sortait de l'atelier de Biennais,

Dans ce môme album se trouvent plusieurs projets d'armes de luxe faites pour l'Empereur ou pour les membres de sa famille. Les dessins sont d'une précision remarquable et semblent avoir été exécutés par Percier ou sous sa direction.

Les vitrines de l'Exposition cen- tcnnale étaient riches en orfèvrerie de ré|)oque impériale, on y a pu voir des pièces typiques d'Auguste, d'Odiot, de Biennais,

Les collections Artus, baron de Bethman, comtesse Bréveau de la Gar- die, Goldschmidt, Lebaudy, Odiot, Pil- let-Will, Roseml)erg, etc., avaient ap- porté une large contribution d'œuvres d'orfèvrerie de cette époque, qui ont permis à tous les visiteurs attentifs de se rendre compte avec exactitude et d'une manière assez complète de ce que fut l'argenterie au début du dix- neuvième siècle : l'Argenterie de Napo- léon 1".

Parmi les pièces exposées, nous trouvons une soupière appartenant à M. le baron de Bethman. Elle fut exé- cutée par Biennais sur les dessins de Percier. C'est une répétition de celle qu'il avait faite pour Joséphine, dont nous avons donné, à la page 36, la reproduction d'après un dessin de Per- cier. Celle-ci est identique déforme; le bas-relief du corps de la soupière est le môme; le chiffre de Joséphine a été remplacé par une gerbe d'épis de blé, le couronnement est dilTérent. Le pied de la soupière est surélevé par une embase à galerie décorée de palmettes, et le socle à huit pans décoré dans sa partie centrale d'un fin bas-relief repré- sentant une scène nuptiale. L'architecture domine, c'est construit, mais ce n'est pas aimable, et la statuaire froide et rigide du temps se ressent trop des principes que David, dans son ardeur de se débarrasser de tout ce qui restait de l'ancien régime, avait mis à la mode.

Soniau ar. IColleclion Pillel-Will.

05

D.iii-, |;i lollrclidii (If M. (If (IdliUcliiiiidl lions lr(iii\(uis un miliiMi i|i' l.ililf (•iiiii|Mi>f ;i\ff (Ifs ri;jiirfs de rfiiiiiifs (lr;i|)<''fs |i()i'l:iiil une coilic illc ;i|(iiirff cl (III ciihlf IiiIhc ;i iiih| liiiiiifi-fs sii|i|i()r(f «-s |),'ir (les lir.iinlif ^ -c ti'iiiiiii.iiil par des liuiiicN (If s|(|iiii\ ailf--, iiis|)ir(''('s par le soiisfiiir de la faiiipai^iic d l,^'\plf. I)f la iin"'iiif fpdipif fsi le ll.iiiilifaii diiiil If lui a paii> c-^l (l(''c()r('' ail soiiiiiift 'le liois ((''Ifs t''^\plif iiiifs.

Tdiilf > ces (f ii\ l'f > Mtiil aca- (liMiiiipifs fl sacnlifiil liifii plu-- à riinilalKui d'tiiif aiiliipiilf mal coinpiasf (pi'a la faiilai'-if aiiiialilf f I >(''(liii>,iiitf (pii a\ail fie peu - (la lit si Idiiuif iiips rii(Hiiifiir de ItH'lV' \ l'f rif iVaiicaisf. Les ailisifs du dix - liiiilif iiif si('clf a\aifiil peut-être e\a;^(''ri'' le lùle de la fniilaisie, mais ils eomiM'eiiaieiil mieux les diH)ils de res|»i'il et la li''i;il imité du eaprie(>.

l*aul Maiit/. riiomme de poiil, l'iM-udit, K> lin lellrc', (jui expri- mait SCS idées avee un charme si pcuctrant, et cpii, dans ses re- ehcrcdics sur l'orlevreric IVaii- (;aise. puhlii'cs dans la (iazctlc des Bcaux-Ar/s, a réuni les documents les plus intéressants sur cette ép()(jue, s'exprimait ainsi :

« Que la table vous vous » asseyez tous les jours, que le » dressoir brille dans sa pro- » prêté reluisante votre modeste » argenterie, que la salle où, les

» pieds sur les chenets, vous échangez avec vos amis les propos familiers, que » tout ce qui vous entoure, en un mot, vous tienne en joie le regard comme le » cœur, en ajoutant au vase vous buvez, au flambeau qui vous éclaire, à la » montre qui vous dit l'heure, l'indispensable appoint de la' grâce. Des géné- » rations entières ont vécu sur cette idée, elles lui ont du non le bonheur mais » un peu d'oubli. Les orfèvres qui ont travaillé pendant les vingt premières » années de ce siècle ont trop dédaigné cet art qui consiste à charmer, à con- » soler la vie; ils ont prétendu mettre la majesté elle n'a que faire, et dans

Milieu de table. ^Collection Gohlschinidt.)

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» la raideur gourmée de leurs conceptions solennellement copiées d'après des » modèles qu'ils n'ont pas compris, ils ont visé au style, et ils sont arrivés à » l'ennui (1). »

Le jugement est sévère. Il n'est pas moins vrai <iue les artistes qui ont pro- voqué, entretenu et développé le goût du public vers un retour aux formes et aux décors de l'antique, sont arrivés à créer un style dont la sévérité ne manque pas de noblesse, et dont les spécimens que l'on reirouve aujourd'hui ont le don de charmer encore les amateurs contemporains.

Plaise au ciel que les artistes du vingtième siècle qui commence soient aussi heureux que ceux du dix-neuvième, pour rencontrer avec cette unité de vue qui fit jadis notre force, une volonté supérieure, et des hommes assez bien inspirés pour donnei" à notre éjxxpie un style qui soit capable de provoquer et de retenir l'admiration de nos an'ière-neveux.

(1) Paul .Mautz, « Hccherc'tas sur l'Orfèvrerie française », Gazelle des Ikaux-Avls, tuuie XII, page 254.

Soupière de Bieniiais. {Collection BeUiinan. Musée centennnl.)

'1\'U' (If |. ;(;:>• .lu l.iMT (lu Sacre de Cliarlo X. (<.',i /»//(('/ (/.'.s- l\sl;iiiiiii'S.)

CllAriTUE DEUXIEME

La Restauration (de 1 8 1 5 à i83o)

A la ('oiir (!<' Louis XVIII : ni IV'Jcs, ni art. La (lii<*h(vss(3 de Iî<'i*i*y. L'Oi'l'èviM'rie aux cxposilions (!<' rindusli'ic, ISIO cl iS2.*{. Odiol pèi'c. i^aliici' cl Faucoiniior. Sacre de Chai'h's \. Faux ii<)llii(|uc cl fausse renaissance. Le succès du « plaqué », cxposHion de 1827. Odiol fils, et le ttoùl aniilais.

•. 1

;t^ Cj:.: 4<jj r^

E l'oi Louis XVill n'avait pas rapporlr de It'xil les élégances de l'ancienne cour de France. La petite table de bois blanc dont il s'était fait suivre dans ses pérégrinations, et qu'il s'empressa, une fois in- stallé aux Tuileries, de mettre en bonne place pour y ranger soigneusement ses livres au milieu des splen- deurs du cabinet de travail de Napoléon, montra tout de suite à ses familiers quel dédain pour le luxe éprouvait le nouveau monarque à l'esprit philosophe et sceptique. Pour lui, les objets d'art allaient du bracelet en cheveux jusqu'au globe recouvrant des Heurs en papier. A coup sur, ses vues personnelles ne le disposaient guère k adopter les idées de son impérial prédécesseur sur la néces- sité gouvernementale de favoriser les industries somptuaires. D'ailleurs eùt-il

'^#îi-;?îhï^¥'- ;-■

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professé les mêmes opinions qu'il aurait été fort embarrassé de les mettre en pratique : d'abord les finances de la France étaient trop appauvries; ensuite c'était une règle pour le nouveau régime de prendre en toutes choses le contre- pied de ce qui s'était fait sous l'Empire.

Au début du règne, cependant, il fallut bien consentir à quelques dépenses de transformation dans le palais, gratter les emblèmes, demander à Odiot ou à Biennais de remonter les tables royales de vaisselle plate, et faire disparaître les effigies trop abondantes et les devises du « général réjudjUcain, de l'usur- pateur Bonaparte », qui apparaissaient partout, sur les assiettes, sur les surtouts, les écritoires, les mille ustensiles d'usage intime éparpillés dans toutes les chambres des Tuileries. On se borna à l'indispensable, rafistolant tant bien que mal ce qui existait déjà, continuant, quoi (|u'on en eût, les formes empruntées aux architectes Percier et Fontaine, alourdies et dénaturées par des imitateui's sans talent. Le dessinateur Lafilte suffisait à cette tâche, et donnait de temps à autre le modèle d'une aiguière, le profil d'une buire, l'on retrouvailles prin- cipes de l'excellent enseignement de son maître Vincent, et qui rappelaient le dessin correct et délicat de Percier. Mais combien rares étaient les occasions pour les orfèvres de se faire valoir à la cour! Bien (|ue Louis XVIII eut conservé Pu- sage des « graiuls couverts » et (|ue des dîners d'apparat fussent donnés parfois au palais, ces cérémonies restaient mornes et les décorateurs n'étaient point conviés à s'efforcer de leur donner de l'éclat. Le l'oi, absorbé par les préoccupations poli- tiques, rendu morose par les infirmités, évitait les occasions de se produire. Quant à la noblesse, composée d'anciens émigrés qui en étaient restés aux colifichets de leur jeunesse, et qui n'admettaient rien de ce qui ne datait pas de l'ancien régime, elle ne s'intéressait pas à l'industrie contemporaine, et déni- grait tout ce qu'elle ne pouvait se dispenser d'acheter.

Par bonheur, dans cette cour « sans reine, sans goût, sans grâce, une mi- gnonne princesse italienne, tombée tout à coi^ comme une pupille gâtée chez de vieilles gens », vint apporter le rayonnement de son esprit enjoué, et de ses goûts d'artiste. Ce fut la duchesse de Berry. Dès son arrivée en 1816, elle devint l'idole de Paris qui, suivant le mot du baron de Fremilly, « en fut aussi amoureux que son mari, ce qui n'était pas peu dire ». Cette blonde Napolitaine, avec la splendeur de son teint, ses cheveux soyeux, ses traits, point jolis, mais égayés par le sourire de sa lèvre presque toujours ouverte, était la bonté et la bienveillance même. La résidence du duc et de la duchesse de Berry était l'Elysée. La jeune femme sut s'y créer une petite cour aussi aimable que l'autre était austère et chagrine. Le lourd fardeau de l'étiquette ne pesait que très peu sur eux. « Les deux époux, dit » M. Imbert de Saint-Amand, se mêlaient à tous les incidents agréables de la vie » parisienne, aux fêtes, aux premières représentations; ils fréquentaient les » petits théâtres, ils visitaient les ateliers des principaux artistes qui reconnais-

m -

u siliciil dans le dm' le cmii) il'tiil (11111 \ l'rilaMc expert. La diicliesso pei^Miait, et w Miii mari passait de-^ lieiiic-^ a priiiilre a r('ilt' d rllr. Ccllr \ic Irampiille et l)ieil o rciiiplic par le^arls cl la liieiiraisaiice les reiiilait loiis driix p(»|iiilaires ' I ). » (,Jli iiid la princesse sorlail en \iHliirc, clic l'aisail arrêter ccllc-ci a cliaipic in^taiiL

^■^

La Duchesse DE 15EURY, en costume de chasse. [Miiiiulure d'Isabey.)

devant les boutiques elle entrait, et, au retour, les laquais avaient peine à en extraire les objets qui y avaient été entassés. Ces sorties étaient ce que les douai- rières du faubourg Saint-Germain appelaient, « les dissipations de Madame ». Dans

(1) hiibort de Saiiil-Amand, la Cour de Louis XVIIl, 1891. 1 vol. in-40, pnge 406.

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sa demeure, au palais de l'Elysée, au pavillon de Marsan, ou bien au château de Rosny, construit pour elle, les objets d'art du temps passé s'amoncelaient : vieux meubles, orfèvreries anciennes, boîtes d'or venues de Louis XVI, boîtes à mouches de M'"' de Pompadour, que lui avait offerts le roi Louis XVIII, tabatières peintes parGreuze, cassolettes, nécessaires, tout un assortiment d'antiquités véné- rables ou élé{4antes qui témoignaient de son goût très personnel, car le bric-à-brac n'était pas encore inventé ; mais, en cela, elle fut une initiatrice. C'est elle d'ailleurs qui, en toutes choses, donnait le ton à la mode. On vantait ses services de table, « son incomparable vermeil » qu'Odiot avait exécuté. Ce fut elle qui, toujours accueillante pour les artistes et disposée à encourager l'originalité, prit sous sa protection l'orfèvre Fauconnier, et contribua à le lancer.

Déieiin.cr en vi-rnieil ollVi-L par la Ville de Paris à la cli>cliesse de Berry, [Dessin de Cavelier. OEiivrc de Claude Odiol.)

L'inlluence du duc et de la duchesse de Berry aurait pu être heureuse pour les arts, si elle avait pu s'exercer plus longtemps et plus largement. La cour ne don- nant l'exemple ni des fêtes ni du luxe, ce fut la société de second rang, c'est-à-dire des banquiers, des bourgeois riches, qui s'en chargea. Lorsque M. de Rothschild éblouit Paris avec sa grande fête de mars 1821, il fit plus pour les arts et l'indus- trie, en une seule fois, que la maison royale en deux ans (1). « Quand on retrouve » aujourd'hui, sur son chemin, l'orfèvrerie de cette époque, on passe, dit le comte » de Laborde; on ne peut s'habituer à considérer comme des objets d'art cette

[[] II. Bouchot, le Luxe français sous la Restauration, page 24.

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" |(;iii\ ii'l (' (II- ciiiici'i)! mil, crllc ^(■clicccssc d'n |ii-l ciiiciil , I/ali^cinc d'ji |ir(»|)OS » cl le (Icfiiiil (le |ini|M)il II III'- (le Idiilcs ('('s jiiiM'es (ic ra|)|)(jrl les l.iil jurer en » scillhic : --1 le (lc--^lli ilc l.l (•nill|Mi--il ion ('s| Imll, rr\(''C|lli()ll c^l l'-'illlixc. (I|l seul )i i|il(' lu \ irillc nr;:;illl^;il iiMl ilc I ill(|ll>^l l'ir il csl |);is \ cillU' Mil ^(•(•((ur^ de l";irl ( | . » l/aixt'iicc de diicclioii i:(iii\ ciiiciiiciil ;il(', \(til,i ce (|iii, selon le iiHiiic (''crisaiii, a |icrdii les iiidiisl nés de cclli' i'|ioi|il('. >■ l.a lîcsiailial ion , ccril-il encore, a e(Mili<' " la direclion des arls, |ieiidaiil (|niii/e ans, a (iiiel(|iies sei;^neiirs (|iii se j'aisaieiil » pardonner leur iiieinii|>i'leiice pai' (rexcelleiiles inaiiières <'l. les nH'illenres in- » tentions l'I). n Smis leurs m-dres, des roiicl ioniiaires sniiailcnics, sans ^'oùt, sans e\| M rie lice, sans la nioindi'c notion des |)riiici|M's in-cessaires, crurent pouvoir", avec des rci^lenicnts, dcscnii' les inspirateurs des ('•l('';^ances cl du |)r();jres. (hi a payi' cher celle erreur, l'oiir remplacer les anciennes coiporatioiis (pii foiiclion- nait'iit d"ellcs-iiièines et ne demandaient (pia s'amender, on a\ait imaginé toutes sortes d'institiitioiis et de ronai^cs adminisiralils, conseils de prnd'liouuiies, eliau)- hrcs consultatives des ai'ts et nu'tiers, sociétés d'cneourageiuent, brevets d'inven- tion et de |icrt'cctioiincmeiil, (piaidité de corps, d'assemblées et d'élats-niajors, pour ariivci- à des r(''sultals ne rappelant en rien l'ancien éclat des industries nationaU's. L'oi't'cvrerie avait (''t('' |)iacée, j)ar la loi du H) l)ruinaire an VI 9 no- vembi'e 17!)'), (pii est encore en viiiiienr anjourd'iiui, sous la tutelU; de l'Etat, qui s'('tait déclart' le maître et le gardien de la marque, frappant un impôt, et soumet- tant rorfèvre à une réglementation jalouse, à des visites domiciliaires rigoureuses, bes (piatre poinçons de jadis avaient été réduits à deux, celui de l'Etat et celui de l'orfèvre. Les droits de garantie perçus par l'Etat avaient été fixés à 20 francs par hectogramme d'or et à 1 franc par hectogramme d'argent. En outre, le fabricant devait payer les droits d'essai à raison de 3 francs pour les ouvrages d'or ou dorés, et de 80 centimes pour les ouvrages d'argent. Gomme l'a dit le duc de Luynes (3), la loi de brumaire a presque paralysé certaines branches de l'industrie de l'orievrerie. ([ui n'ont ('(diappé à l'anéantissement que par des prodiges d'in- géniosité. Le Gouvernement de la Uestauration ne songea pas même à rien mo- ditier. il acceptait le fait acfjuis.

Louis XVlll abandonna donc à ses fonctionnaires le soin de « faire progresser » les arts et l'industrie, et pensa que rien ne valait mieux, sous ce rapport, que de se laisser conduire. Ne donnait-il pas suftisamment la preuve, quand il le fallait, de sa bienveillance pour les artistes? N'avait-il pas mis la croix de la Légion d'honneur sur la poiti'ine de l'orfèvre Odiot comme récompense d'avoir valeureu-

{[' Comte de L;ilioi'tlo, Rapport sur les Beaur-Arls à l'Erposition universelle de IS'il. paffo 200.

(-2) Ibhi., paire 201.

(3 Duc de Luynes. Rapport sur les mélaur précieux à l'E.rposition universelle de 18."il. pa^'e 2.i. « Il a été bien souvent question depuis cent ans de reviser cette loi de Ijinimaire et les assemblées législatives ont eu plus d'une fois a examiner ce problème qui est infiniment complexe. Si cette loi a des inconvénients, elle a aussi ses avantages, et cest pourquoi sans doute on a mis tant de lenteur à raméliorer. »

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sèment défendu Paris en 1814, en qualité de colonel sous les ordres du général Moncey? N'avait-il pas gratifié les peintres Gros et Gérard du titre de baron? De môme, il accepta, sans résistance aucune, de suivre la tradition inaugurée par la Révolution et continuée par l'Empire, quand son ministère lui proposa d'ouvrir la cinquième Exposition nationale de l'industrie en 1819.

Cette Exposition eut lieu dans les salles et dans la cour du Louvre. On y compta 1662 exposants (1), dont 21 orfèvres. Parmi ceux-ci brillaient, toujours au premier rang, Odiot et Biennais. Quant à Auguste, nous avons vu qu'il avait depuis plusieurs années se retirer des affaires. Deux ou trois, dont la réputa- tion commençait, se signalaient par des œuvres à effet. Cahier, Fauconnier, Men- tion, etc. Les autres étaient, pour la j)lupart, des orfèvres spécialisés dans les ouvrages en doublé ou en plaqué, genre de fabrication qui prenait alors une exten- sion considérable, et dont il sera question plus loin. Les principaux étaient Levrat et Papinaud, Christofle (2), qui avait imaginé un système de « doublé à froid » que le jury apprécia. Ils s'elTorçaient de rivaliser avec les plaqués anglais par le l)on marché d'une |)r()(lurli()u, de ])lus en plus abondante, obtenue par de nouveaux moyens industriels; reçurenl une médaille d'argent : Levrat et Papinaud, Pillioud à ([ui fut décernée une médaille <\c bronze pour ses soudures en argent, et le « fini » de ses œuvres; Tourrot, Châtelain et C'°, etc. (3).

L'orfèvrerie d'art proprement dite était représentée à l'Exposition de 1819 par un ensemble d'œuvres plus importantes qu'on aurait pu le croire, après ce que j'ai dit de la pénurie du Trésor, de l'indifférence de la Cour pour le luxe, et de l'hos- tilité de la noblesse pour les manifestations nouvelles de l'industrie.

Parmi les pièces qui figuraient à l'Exposition de 1819, Odiot avait présenté un grand service de vermeil du prix de 300000 francs, exécuté pour la prin- cesse polonaise Braniska; un déjeuner qui fut trouvé de la plus délicate exécu- tion, et dont la Ville de Paris fit l'acquisition ensuite pour l'otlVir à la duchesse de Berry, à foccasion de la naissance du duc de Bordeaux (4); un encrier, qui fut envoyé par Louis XYllI au pape Pie Vil; une Vierge d'argent destinée à Notre-Dame de Paris; une statue en argent Henri IV enfant, d'après Bosio; un riche service du prix de 800000 francs, appartenant au roi de Naples, Fer- dinand 1".

11 avait également exposé une œuvre de grande allure exécutée en 1817. C'était une châsse en argent du poids de 467 marcs, soit 130 kilos, destinée à contenir les restes vénérés de saint Vincent de Paul (5). Puis, un encrier

(1) Il y avait eu 1 422 exposauls à celle de 1806. Celle de l'an X n'eu avait réuni que "JiO.

(2) Christofle (Isidore), iabricanl de boutons en doublé, était l'oncle et le beau-frère de Charles Chris- tofle qui, en 1842, par la création de linduslrie de l'orfèvrerie argentée par les procédés galvaniques, devait porter un coup si terrible à l'industrie du plaqué.

(3) Le Bazar Vurisien ou Annuaire raisonné de rinduslrie parisienne, ["^ année, 1821. 1 vol. in-18.

(4) Voir page 100.

(5) La châsse de saint Vincent de Paul n'est plus en France. Elle est aujourd'hui en Angleterre.

d'AiMilloii cl les \r[\\' Mil^c^ doiil rtil-liciiiriilal ioll ."ll'cliil rcl llialr ra|i|H'l.iil le st\|f (le l'ficici' : \|>iil|{iii ail cciilic. cl en arrière, ^iir un ^ocle <|eini-eii-eii- laire, !('>< \c\i\' Miise^, cii lia-- relief ( I . l ii secoinl ra|»|iel de nn'daille d'or l't''('(un|iensa le-, ell'oiis de j'oiieNre.

Châsse de saint \'incent de Paul. (OEuvre de Cl. Odiot.)

Odiot était alors dans tout répaiiouisscment de sa maîtrise et avait envoyé les pièces les plus intéressantes de sa fabrication.

Robert Lefebvre, peintre distingué de l'époque, nous a laissé de lui un por- trait daté de 1822, que l'obligeance de son petit-fds, M. Gustave Odiot, nous a permis de reproduire. L'orfèvre est à sa table de travail avec des dessins sous la main; près de lui, figurent les pièces sorties de ses ateliers qu'il estimait le plus. Ce portrait était destiné dans sa pensée à faire pendant à celui de Thomas Ger- main, dont Largillière nous a laissé la vivante image et qui, sorti de la collection d'Odiot, a figuré dans ces derniers temps à l'Exposition des Cent portraits. En même temps, M. G. Odiot nous permettait de reproduire l'atelier de son grand-

(1 Edouard Foiicaud, les Arlislcs illustres, 1841. 1 vol. in-8o, page -404.

104

père dans la rue Lévêque, ses ouvriers, appliqués à leur travail, ont bien la physionomie de leur temps; leur application au travail, l'atmosphère de calme et de sérénité du milieu, la simplicité du matériel disent assez que c'est surtout à l'habileté manuelle de l'ouvrier de l'époque que devait être attribuée la perfeclion des œuvres sorties des mains d'Odiot, et contrastent avec le matériel mécanique,

',£^.,;^^

ittfl>gHHIwt^»HtfUIHwi^Jtf-.iVy^i^ttfJ*Ul><HJIIll*t>iW#Jt^VIWnVfflVtfH'UWHailt.^VilfYtJfT7T»Vyf4T1TY

i

Encrier. Apollon ol les Muses. [OEiivre de Cl. Odlol .)

le nK>uvement et la fièvre de nos ateliers modernes. Au plafond est suspendue la croix de la Légion d'honneur; ses collaborateurs avaient bien le droit de s'enorgueillir de la distinction donnée à leur chef.

A l'Exposition de 1819, le Jury signalait dans son Rapport que Claude Odiot avait exposé les modèles en bronze de différentes pièces d'orfèvrerie qu'il avait exécu- tées en argent sous l'Empire et la Restauration, et dont il avait projeté de donner la collection au Gouvernement pour servir à l instruction des fabricants d'orfèvrerie.

La collection complétée fut exposée en 1823; et lorsque peu de temps après, cédant sa maison à son fils Charles, M. Odiot quittait les affaires, il réalisa son projet, et écrivit au grand Référendaire de la Chambre des pairs une lettre pour lui communiquer ses intentions :

« Monsieur,

» Je suis décidé à donner de mon vivant et de suite au Musée des Arts mo- » dénies du Luxembourg trente pièces en bronze exécutées de la môme manière

10^

ni rail i\c Ci.Arui; ODIOT, par Robert Lcfèvrc. Colleclion Gustnve Odiot.)

107

»

i

Kl'J

Défense de la Biiniére de Clieliy, en iSiT.. pui- Hoiaee ^'el•nel. Cl. Odiot. colonel de la Carde Nationale, reçcit les ordres du Maréchal Moncey,

w

III

» (|iu' je r;il)ri(|iiai^ imm tnCrviciii', cl <|iii iirruit v;ilii la iiiiMlailIc «l'or ;i toiilrs » 1rs l'Aposilioii^ (|iii (nil m lifii (l('|iiii-^ leur (•[•('•al khi, ^oii^ le (lojisulal. jiis(|ii'aii » I *> aoùl IS:27, (■[ H II] lie (III ) ai ••('ns('' de lai mi (| lier, cl un \a-c d ar;.'ciil (|iii (N'inoiil Vf )) rdlcl (|iic |i!(i(liii--ciil Ic^ (iiiiciiiciiK adaplo a\cc de-, \iv non a|)|tarciilc> ^nr » iiii Idiid liniiii.

" l'diir ( c^ (li\ci's ()iivra;^('s, j'ai ('It'' scc(nid(' pour les dessins, jiai" MM. l'ni- » dlioii, Moicaii, (laiiieray cl (".avelier; poin- les modelages, par MM. les Ac; d(''- » iiiicieiis (lliaiidei, hiiiiKtiil el lldmiicr, arlisles de la plus ;jrande di^iinil idii .

» .le donne aussi a la Cialerie du Liixeiiilioiir;^ mon laldeaii repr(^'>eiilanl, la » hnrriôrr <lr Clitlni par M. Horace \ cruel, cl nu dessin encadi'', le(piel re|ii^(''- " seule les dilVcrcnles pièces ipii ont ('Ic' e\(''culecs dans iiioii ('•lalili^seuicnl .

» Oserai-jc vous prici', Monsicui' le Duc, de t'aii'c |)arl de ma pro|)osilioii à

» MM. les l*airs de |"'rauce e( (rololeiiii' leur acceplaLiou?

» .l'ai riionncur d'cire, c(c...

» Odio'i pèi-e. »

Le tahlcan dlloracc NCriicI rappelai! la |iai-| acti\c(pie rorlcNrc Odiot, alors eliel" de halaillon de la i^arde nalioiiak'. avail prise à la dcdense de la hai^ricrc de (llicliy, coidre les Ironpes alliées, le ,'JO mars 181 i. Il est curieux de voir que, du premier au dernier jour, les oi-fèvres se sont Irouvc's mêlés à lous les événeinciiLs de noire Histoire. Sous raneieu régime, ils ont leur plaee au Conseil des Finances, ils rendent la justice consulaire, ils administrent la Ville de Paris. Plus tard, ils siègent à rAssend)lée Constituante; eulin, au Icmps de riiivasion, ils font le coup de feu contre les Prussiens (l).

La collection des pièces d'orfèvrerie qu'Odiot donnait à l'Etat fut acceptée avec empressement, et déposée au Musée du Luxembourg- oii elle resta long- temps dans les galeries du Musée consacrées à l'exposition des œuvres des artistes vivants, jusqu'à répo(|ue oii les aménagements des services de la Chambre haute obligèrent le Gouvernement à transférer les lablea.ux et les statues dans le nouveau Musée édifié dans le jardin du Luxembourg, en bordure de la rue de Vaugirard. Mais les orfèvreries d'Odiot ne purent y trouver place. Elles furent alors transportées au Louvre et mises en dépôt dans les réserves, car les règlements en vigueur ne permettaient pas d'exposer au Louvre des œuvres dont les auteurs vivaient encore, et les arts industriels n'avaient pas encore forcé les portes de notre grand Musée national. Elles furent oubliées dans les armoires qui les renfermaient, et y seraient encore, si la création du Musée des Arts décoratifs et son installation au Louvre, dans les salles du Pavillori de Marsan, n'avait fourni l'occasion de les remettre en lumière, et de leur donner leur véritable place pour remplir les intentions de leur généreux donateur.

(1) Paul Mantz. Recherches sur l'Orfèvrerie française. Gazette des Bi-'aux-Aris. tome II. page 243.

112

La Direction des Beaux-Arts les fit sortir des réserves elles étaient reléguées depuis si longtemps, et les confia aux soins de l'Union centrale, pour les exposer dans les galeries consacrées aux œuvres du dix-neuvième siècle.

Cette collection comprend trente pièces d'orfèvrerie exécutées en bronze, et un seau à rafraîchir eu argent, auquel Claude Odiot attachait une grande im- portance, parce que, dans sa pensée, cette pièce, exécutée en métal précieux, en tout point semblable à celles qu'il faisait d'ordinaire, devait servira démontrer l'effet que devaient produire les ornements adaptés avec des vis non apparentes sur des fonds brunis . C'est la présence de cette pièce en argent au milieu des autres pièces d'orfèvrerie exécutées en bronze, qui fit prendre au Conseil de l'Union centrale des Arts décoratifs la résolution de les recouvrir de métal précieux pour leur donner la même apparence et le môme éclat que le seau à rafraîchir que Claude Odiot avait donné comme spécimen des orfèvreries qu'il fabriquait alors.

C'est grâce à cette libéralité qu'il nous est permis aujourd'hui de reproduire un certain nombre de ces œuvres et de constater leur j)erfection ; leur dépôt dans les salles du Musée des Arts décoratifs, en les niellant à la disposition du public, fournira à nos confrères l'occasion d'admirer la conscience ([ui animait leurs devanciei's.

Parmi les plus inLéressanls, nous avons choisi, pour les reproduire, le grand vase dont la panse est décorée d'une suite de danseuses inspirées des vases anti(iues; puis deux seaux à rafraîciiir, «loni l'un, en uK'Ial pi'écieux, était celui qn'Odiot signalait dans sa lettre au Crand Référendaire comme spécimen de l'elTet que produisent les ornements en mat sur le fond bruni. Il est accompagné, dans la planche de la page 1 15, d'une jardinière, d'un sucrier à couvercle et de deux salières. Un huilier décoratif avec une figure de Léda caressant un cygne d'une main et de l'autre l'elenant une écharpe volante qui, par un gracieux mouve- ment, constitue l'anse traditionnelle d'un huilier (page HT); une salière avec une colonne accostée de deux figures de femmes portant des corbeilles ; puis deux grandes soupières avec leurs plateaux, deux saucières également sur plateaux, et la cuiller à sauce, face et revers, dont le décor est d'une finesse extraordinaire, et enfin un satyre monté sur un socle décoré de trois enfants musiciens, en bas-relief. Le satyre porte une couronne qui sert de support h un vase de cristal destiné à recevoir une veilleuse.

En 1823, les procédés électro-chimiques n'existaient pas, et il est certain qu'Odiot, s'il les avait connus, aurait donné à son œuvre son véritable aspect. D'ailleurs, ses pièces, quoique exécutées en bronze, étaient fabriquées de la même manière que les pièces d'orfèvrerie de l'époque, avec le même soin et la môme perfection; la ciselure en était précieuse, et la monture d'une précision extraor- dinaire. Il faut les avoir maniées, démontées et remontées, comme nous avons eu l'occasion de le faire, pour leur donner leur parure nouvelle, pour apprécier l'ha-

m

^'asl■ Bai-rliiiiialc. d'iivrc d ()(liii|. {CoUcclion dn Musée des Arts dccoi\i(ifs.]

Cette pièci', comme li'n snicanfra et tuntcs celles r/iii son! sorties 'les mains d'Odiot, fait partie des modèles appartenait d cette maison et à ses successeurs, qui s'en réservent la reproduction exclusiee.

Deux seaux à silace. Jardinière. Sucrier à couvercle. Deux salière?.

ÛEuvres de CI. Odiot.

[Collection du Musée des Arts décoratifs

Ml

hilrli' (les (iiIV-mc^ (|iii, sons l,i (lirci'tinii il'Odiol. nvniriil cxt'ciih' (\r<< (fiivros aussi |>;irr;iili's.

Mais, ('(iiiiiiiciil les (irlcNrcs de l;i jM-ridilr iiii|i(iial(', di'lai-^^aiil Ic^ |)i'()C(''(|('S (Ml iisaf^c ail (li\-s('|i| ifiiic cl au (li\-liiiiliciiii' siècle, a\aiciit-ils rlr aiiiciM-s à

Huilier avec une fîy;iire décoralive de I^éda, d-uvre de Cl. Odiot. [Collection du Musée des Arts décor;ilifs.)

renoncer au travail du marteau, aux procédés de la retreinte et du repoussé qui avaient donné tant de souplesse, de charme et d'élégance aux œuvres de leurs devanciers, et à se rapprocher du travail des bronziers par l'emploi de la fonte ciselée?

La Révolution et les guerres du premier Empire avaient fait disparaître les ouvriers habiles formés à la grande école du dix-huitième siècle; la suppression

118

des corporations, l'abolition de leurs privilèges, avaient détruit les traditions.

Plus de maîtrise, plus de long- apprentissage, plus de chef-d'œuvre obligatoire.

Lucien Falize, dans le Rapport magistral qu'il fit sur l'Exposition de 1889,

disait à propos de la suppression des corporations : « C'était la liberté pour tous.

Salière décorative, œuvre de Cl. Odiol. {Colleclion du Musée des Arls décor,! l ifs.)

» le droit au travail sans entrave, sans contrôle; mais l'orfèvre n'en demandait pas » tant. Cette liberté lui fut ruineuse; elle apporta le désordre dans son art, et le » compromit à ce point qu'après cent ans, il se retrouve à peine, et n'est pas » revenu à l'état la Révolution l'avait surpris et frappé. »

Lorsque la tourmente s'apaisa, les ateliers des orfèvres avaient été fermés pendant longtemps; les apprentis et les compagnons, enrôlés dans l'armée ou envoyés aux frontières, avaient oublié le métier. retrouver les ouvriers dis-

11'"

I)cu\ soupières sur philiNiu. iriix ii's de CI. ()fliiit. {Cnllccliou du Mnsrc des Ails déroriitifs.)

121

Deux saucières avec leurs cuillers, a-uvres de Cl. Odiot. {Colleclion </» Musée des Arls décorai ifs.)

i->;i

ncr-^c^':' ('.oiiiiiiciil I ciiiiil.it 11' {■(•[\\ (|iif la iiiorl a\ail laiirlu-s -' |,a iikhIc asail

(■|iaii,L;c. l/cii-(iiiriiiciil jmuii' l'aiil ii|nil('', les cdiisciU ilii iiriiilrc l)a\iil, 1rs iiiscii-

lioiis tics aicliilcflcs iN-rcicr cl Idiilaiiic asaiil coiiNcrh Ir |iiililir aii\ lormcs

rcf;iilicrcs cl ridules, a\aiiiit lail (Hililicr les cniiscils ilii caïuicc (jiii a\ail l'ail le

cliarmc des (cii\i-es du ili\ liiiilieiiic sjrclc, |i()iir (ilieir aii\ luis st'-scrcs de la '^rAj-

liiclric; a «le miii\cllcs iiilci|ii'elali(iiis, d lallail de ii(iii\eaii\ |)i-(M-(''d('-s. (^est

r('>|)(H|iie de la iiionliii'C a Iroid, cl la iiiaiii

d'tciiNrc des judii/icrs si admirée |miiii'

Iciii's Idiii's de rorce. la ret^iilarile di' leurs

ajusIeiiieMls. la |ireeisiiiii de leur eisidure,

a \ aient exerce une iMlliiciice dccisi\ c sur les

orl'cM'cs. On c(ini|irend ([u'alors, |)ri\('s des

ouvriers (|in ainaienl conscrM' les li-adi-

lions du nielier, tlouiines par le uofd (ini

|>i-e\alait, les orTèx res aient sidti rinlliienee

(les liron/.iers et reelierehe d;uis leur eolla-

boi'alion de nouveaux moyens d'expi-ession.

D'ailiem-s. Odiot s'(''lait assoei('' avec Um'Isc-

leur-bron/ier Tliomire. dans les (euvres im-

portaïUes ([uil a\ait ex(''eutées avec son

concours j)our la eom* im|)(''riale.

Si Odiol l'ut inllueiieé par son collalx»- raleur, il ne faisait que suivre le mouve- ment commencé par Auguste, l'orfèvre du roi Louis \VI, dont les ateliers avaient sur- vécn à la Uévolution, vi ([ui eut le méi'ite d'avoir fal)ri(jué les premières pièces qui signalaient la résnrrection de l'orfèvrerie sous le premier Empire. C'est à son initia- tive qu'est le cachet spécial qui la carac- térise et qui tenait aux procédés d'exécu- tion. Presque toutes les pièces de cette époque sont remarquables par la façon dont les ornements en relief se détachent en mat sur un fond poli comme un miroir.

Nous avons fait un choix des pièces les plus typiques qui attestent le talent des artistes qui les composaient. Leur froideur, inaperçue autrefois et qui nous frappe aujourd'hui, n'empêche pas de reconnaître dans la fabrication une grande habileté, et dans les figures et dans les ornements des qualités de conscience et de perfection devenues bien rares aujourd'hui.

Support de veilleuse, œuvre de Cl. Odiul. [Musée des Arts (lécorulifs.)

124

A l'Exposition de 1819, son concurrent. Biennais, avait un vase d'argent de forme Médicis orné de bas-relief en vermeil et décoré de trophées. C'était une sorte de carte d'adieu au public, car il passait la main et se retirait des affaires. Par contre, son successeur. Cahier, avait pour ses débuts voulu attirer violemment l'attention par des pièces donnant du premier coup toute sa mesure et qui le mirent d'emblée en haute faveur. Il avait présenté une fontaine monumentale de forme élégante ne mesurant pas moins de cinq pieds six pouces. « L'heureux rapport » qui existe entre les différentes parties de son ensemble, la sage distribution » des ornements, la pose noble et gracieuse des figures, enfin l'accord parfait » qui règne dans la composition, l'ont fait considérer comme la pièce d'orfèvrerie » la plus remarquable de l'Exposition de 1819. Pour donner à son auteur un témoi- » gnage de sa satisfaction, le Jury lui a décerné la médaille d'or. »

Cette pièce avait été exécutée par Cahier sur les dessins de M. Lafitte, dessi- nateur du Cabinet du roi, et ciselée par M. Buisson.

La gravure ([ue nous donnons ici la représente de face, et montre les recherches apportées à la composition et l'ingéniosité peut-être un [)eu puérile de l'artiste pour trouver un motif de décor dans la réunion, sur le socle de la fontaine, de deux sucriers accostés de génies ailés, de deux plateaux supportés par des femmes pour mettre les théières à portée des robinets, et enfin, enchâssées dans une galerie circulaire, les cuillers rangées syni(''tri(piem(M)t et dont les cuillerons for- maient une mouluration à oves palmés.

Néamnoins, c'était un gros effort ; on comprend l'admiration du Jury. Mais, comme toutes les pièces créées en vue d'une Exposition, celle-ci ne trouva pas d'acheteur.

A côté de cette pièce principale, il y avait d'autres œuvres exécutées égale- ment avec tout le soin possible, et qui attestaient le désir de l'orfèvre d'échapper au pastiche du style Empire, notaniment une aiguière avec son plat d'argent et un bas-relief figurant la Cène d'après la fresque de Léonard de Vinci, dont Lafitte avait fourni le dessin. Un ciseleur, alors en grande réputation, Soyer, s'était chargé du travail. Cahier obtint une médaille d'or.

Enfin, un orfèvre qui allait bientôt monter au premier rang, Fauconnier, artiste des plus intéressants, et l'une des figures les plus sympathiques parmi les chefs d'in- dustrie de cette époque, indiquait par quel effort d'originalité il prétendait ouvrir des voies naturelles à la profession qu'il exerçait avec une ardeur aussi désintéressée que passionnée. Fauconnier était fils d'un pauvre orfèvre de Longwy en Lorraine. Il était venu fort jeune à Paris pour se perfectionner dans son état, et avait débuté comme ouvrier chez Odiot, il était devenu assez promptement chef d'atelier. Puis, s'étant marié, il s'était établi grâce à l'appui de son patron qui l'avait en grande affection (1).

(1) Fauconnier demeurait en 1811 rue du Bac, w" '18, comme successeur de la veuve Gaultier. En 1813, son adresse était rue Suint-Dominique, 39; nous le retrouvons cependant encore rue du Bac, 58, pas- sage Sainte-.Marie, dans les Annuaires de l'Industrie de 1821.

12S

("iiMiuli' l'iininiiu- dcciirn(i\c in ce 5iicrifr> cl ciiillers. iihiioc ilr Cit. C.ihicr.

\n

llicii (|iril ne lui ni (Icssin.ilciir, m ^iiil|»lriir, il povsi'tl.iil .m |»|^|^ r;irt' (l('f.Ti;

rilllclliuiciirc lie -^iiil nieller, el ellill olIeNie |l|s(|n';in lionl ije-. oncles. I';i'^ lllic |iiece ne ->iirl,ul de ->e-> niiiui-^ (|n ('Ile n eu! reen nn eaehel |i;irl irnli<'r d'eveenl loii cxcelienle. Il >;i\;iil - liiire |);nler le niehil , cl ce don, celle (|n:dili' (|n on ne |M)S- S(''(l;iil [tins j^ncrc (\i' son lenips, il scnhiil c((nriis(''nienl (|n il el.iil ilillicile de les l'aire \aloir ascc les roniies |tln> on nioiiis n;^idc> i|iii t'Iaicnl a la mode, (l'est [touriiiioi il lèsail dune oi-reNiciie iiioii\ eineiih-e cl, |)il |()res(|iie. I.a |)i'oleclioii de la dncliesse de j'.i'rry de\ail lui |ieiiiiellre de r.'aliser son rè\e; celli' dncjiesse, \onlanl faire nn |»re^eiil an |ieiiilre (iiroilel. (diar;^(Ni rorlcM-e d'e\('ciiler ini \;ise d argent >nr la paii^e dii(|nel il s a^^issail de re|ii'odnire en lias-i'clicl di\eis lal»leaii\ lie l'aiiisle, eClail la [U'einiei'e eoininande iin|ioi'laiile laile a lele\e d'()diol. I.a manière doiil il s'en ac(|nilla lui \alnl Ions les siiiri"i;4('s, el, jticrdùl la (ionr le (diai\m'a d'execnler nn ,i:rand \ase d'nn mcli-e de li;nil. (|ui devail. èlre oll'ci-l an Snllan. Nous reli-on\erons l'anconnicr a ri'A|i()sili()ii d<' 18:2.'), avec une belle \ari(''l('' d'(>l)jels dans lesipiels son inia,i;inali(m s'(''lail doiUK' canaère.

l ne remar(|ne (|ni a son inli'rèl à |»ro|»os de celle exposilion de riMdnslri(; de ISI!), c'esl la préoceupaLioii du j^ouveriicuicnL do rechercher cL de sigualer les eollalioralenrs ineoiuius dos ouvrages exposés par h^s fabricants. Une circulaire du Minisire de l'Inlérieur appelai!, eu cllet, dans les ternies suivants l'attention des préfets sur les mérites des modestes artisans qu'on risquait trop souvent de laisser dans fombre : « Faites-vous i-(Midre compte des découvertes (pii poui-raient » avoir amené, depuis dix ans, inie ann-lioration notable dans une branche (juel- » conque de l'industrie manufacturière de votre département, et signalez-moi les » savants, les artistes, les ouvriers auxquels on en est redevable. Un mécanicien, » un simple contremaître, ou môme un ouvrier doué d'un esprit observateur, ont » qiiel({iiel'ois, i)ar d'heureuses découvertes, élevé tout à coup des manufactures » au |tlus haut degré de prospérité. Ces hommes industrieux cherchent rarement » la l\)rlune; ils s'oublient eux-mêmes et ne songent qu'aux progrès de l'industrie. » Le {)lus modique salaire est, pour l'ordinaire, tout le prix qu'ils recueillent de » leurs importants travaux. Ce sont ces artistes, que le roi a voulu honorer par » son ordonnance du 9 avril dernier... « La date de ces recommandations et de celte suUicilude expli(jue la recherche de popularité qui animait le gouvernement de la l^estauration. Elles étaient, il est vrai, dictées parles meilleurs sentiments d'humanité et de justice. Mais il faut reconnaître aussi qu'elles mirent dès lors les jurys des Expositions aux prises avec une difficulté qui parut jusqu'à ces dernières années presque insoluble, et qui n'est pas encore complètement tranchée à l'heure présente, difticulté qui découle naturellement des conditions nouvelles faites à l'industrie depuis la Révolution. L'embarras du jury de 1819 fut extrême, et le comte de Laborde en a traduit les perplexités avec sa verve habituelle dans les lignes suivantes : « Vous récompensez les produits de l'établissement dans son

128

» chef; si vous allez plus loiu, si vous faites dans le succès la part de l'artiste, du » contremaître, de l'ouvrier, qui empochera le souffleur de la forge, ou le portier, » qui tire complaisamment le cordon, de réclamer leur part de récompense? » Voyez quel désordre dans la hiérarchie, quelle atteinte à la subordination, quel » appel jeté à toutes les prétentions. trouver un jury qui se croira assez éclairé » sur les mérites, en quelque sorte secrets de la fabrication, pour procéder à » cette répartition? Vous en remettez-vous au chef de l'établissement? Dans » quelle position le placerez-vous vis-à-vis de ses ouvriers? La famille industrielle » est-elle donc déjà si unie qu'une nouvelle cause de discorde, jetée au milieu » d'elle, soit bien utile? Voilà tout ce qui se disait avec raison en 1819, tout ce » (ju'on répéta moins bruyannnent en 1823 et 1827... Mais l'intervention de l'art » dans l'industrie prit, à |)artir de cette époque, une proportion telle (pie tous les » esprits pratiques convini'ent que, dans une certaine mesure et dans des cas » exceptionnels, l'artiste avait sa valeur propre» et son mérite à part, dignes d'être » récompensés en dehors et à côté du fabricant ([ui, selon lui, l'exploitait (1). » L'orfèvrerie étant, de toutes les industries, celle (pii a le plus souvent recours au talent des artistes, celle (pii devait èlrc la j)lus intc'ressée dans ce problème qui se posait déjà à ce moment, je n'ai j)as à en j)arler davantage ici, mais je devais le signaler, car il a eu sa répercussion sur l'histoire de notre profession pendant tout un siècle; je me bornerai à une simple réflexion : l'Etat avait su nettement apercevoir au début les deux tendances contraires (jui s'aflirmaient : d'une part l'arl porté par l'accroissement des acquéreurs d'objets de luxe à se faire indus- triel, d'autre part l'industrie poussée par les i)rogrès de la fabrication et les goîits du public à se faire artiste. Pourquoi, alors, l'Etat s'opposa-t-il si fâcheusement à la fusion de l'art et de l'industrie qui devait fatalement se faire tout au moins dans les expositions? Aux artistes, il défendit de se faire industriels, aux industriels il ne sut aucun \i:vé de se faire artistes, et, accumulant les conti-adictions, tandis que le jury de l'industrie marchait dans la voie du progrès en ouvrant les bras aux artistes, l'Etat et le jury des beaux-arts, son interprète, acceptant les limites créées par des vanités aveugles, proscrivaient impitoyablement les artistes qui avaient eu le malheur de passer pour un jour, pour une œuvre seulement, dans le camp de l'industrie. Une fois cette limite franchie, l'artiste était marqué d'une tache indélébile, c'était un artiste Industriel, et l'entrée du salon du Louvre, des galeries du LuN:embourg, aussi bien que du bureau des commandes faites par l'Etat, lui était à tout jamais interdite (2). Voilà ce que firent le gouvernement de la Restauration et tous ceux qui le suivirent jusqu'au seuil du vingtième siècle. Si les progrès des Arts décoratifs, et, en premier lieu, de l'orfèvrerie, ont été

(1) Comte de Laborde, liapparl sur les Ijeau.r-arls en IS.jl, pagi» -l'i-l.

(2) Comle de Laboi-de, liapport sur les beau.v-arts en IS'il, pngi; 230.

un

IciiIn, ;i|»rt"'>^ Ic^ dt-sa^lrcs cl l;i iH-vdldlimi, l;i c.-iii'^c |iiiiiri|i;ilc en <'^l |fi'iil-

rire l;i.

Le '2'» ;iiinl \S2'.\ lui oiixcilr iiin' muiNcllr rA|i(i>>il imi de 1 lii(|ii>~l rii' : ci'lMil l:i (l(Ml\i*'ilir (lu icuiic tlf l.oiiis \\ III. lillc i(iiii(iirii,iil I (i'iN cxiKivjinl s, cl -riilciiiciil 7 (iii'c\ rc-- iciniii lc^(|iicK oii ((iiiipl.iil <>ili(il, ('.allier, raucdiiiiicr, j.rldiiii. On ;,,liiiji;i I M'a un m iiiu' |is\ clii' lie 1 1 ulil I <■ i ii n\- r\ en arijcul ipiOdidl a\ail ral)ri(|Ui'C a\fc If souci \i~^ilil(' de ^oflir du ^\\\r l!iu|iire, ci dnul I orneuH'nlal ion alle-lail imc riMdicrciie d'elci;auce |)rcs(|uc sduiiaulc. Par uu |ii(|uanl ((iidra^le, le uicmc orfcNre uioulra dc-> c(mi\ rc-plal < de piu- ^1 \ le Loui^ \\ . (|ii il a\ail laiK d'après des DKulcIcs ancien^ ptiur appareiller ccrlaiiic^ pièces de rai-,i:eiilei ie du dur de j'eii- lliiè\ re.

T'T'r

J^^.^

Service du duc de l'eut liièvi-e. Soupièi'c auv éei'evisses l'aile au dix-huiLième siècle.

tColU'cHon (le lu M;iis()n OJiol.i

Nous avons retrouvé dans les archives de la maison Odiot, qui a bien voulu les lULHtrj à notre disposition, deux des pièces du service du duc de Pen- thièvi'c exécutées par Claude Odiot, ainsi qu'un dessin d'origine d'une pièce exécutée sous Louis XV par un des orfèvres célèbres de cette époque. C'était une soupière à griffes d'écrevisses, avec un couvercle surmonté d'un groupe représen- tant un oiseau de proie tenant un perdreau dans ses serres et posé sur une ter- rasse formée de feuilles de chêne et d'épis de blé.

Le couvre-plat d'Odiot avait la forme d'une cloche à quatre lobes encadrant, dans des rinceaux Louis XV, des panneaux en bas-relief représentant des canards et des mouettes péchant au bord de l'eau. Le dôme est surmonté d'un groupe important de poissons d'eau douce et d'eau de mer, avec des engins de pêche et des herbes marines. Le grouillement des poissons, les enlacements ingénieux des filets et des nasses en osier, en font une œuvre de sculpture plus qu'un travail

130

d'orfèvre, mais quel effet amusant devait produire sur les convives une pièce aussi monumentale.

La seconde pièce était un réchaud surmonté d'une cloche ronde, les griffes formées par des pieds de céleri don! les branches s'enlacent deux à deux pour

Service du duc de Penthièvre, œuvre de Cl. C)diot,

1. Cloche ovale surmontée d'un groupe de poissons.

2. Cloche ronde aA^ec bas-reliel's sur un réchaud.

(Collections de In Maison Ôdiot.)

(

former les anses. La cloche est ronde, ayant la même ordonnance que la cloche ovale, des panneaux avec des bas-reliefs de pèche, et le dôme orné d'un groupe de poissons et de légumes.

L'interprétation du style du dix-huitième siècle était parfaite, et Odiot, en s'inspirant des modèles de Penthièvre qu'il avait sous les yeux, avait trouvé le moyen de faire une œuvre personnelle qu'on pouvait confondre avec les ori-

i:n

^iniiiix II (iMiiil Mil Inii^iriiii' r;i|i|H'l i|c l;i iin'ilaillc d'dr. ( j' fui l;i 'Irriiirrc Expo- sition un il |i;inil, c.ir il ■>(• nlir.i îles ;ill';iircs ([iiiiln' ans a|)i"('s, en IH27, rL laissa sa inai->(ni a son lil< ('.llal•l(■'^ Odidl. Il \('cmI cncnii' de l<»n;.'ii('s aiiMt'rs, jouissant (le sa iMMMunnnT nni\ crscllc cl d'inic considiTalidn i|ni allail aniani a l'orlV'M'c ('•nnncnl (|n il a\ail r\r qu'a rii(iiiiiiic |in\('' il(Hit (HI IniiKirail le rararlrr»! et les vt'i'lns. Il iiKMiiiil en iS.'ll), ;i ( |iia I rc-\ iii;^ I <f|il ans.

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Carte dadix-ssi' (k- ("li. Caliii'i-, on iSiy. {Collcclion Henri Vcrer.)

Cahier obtint lui aussi un rappel de médaille d'or. Nommé orfèvre du lloi, il avait exposé en 1819 des ouvrages considérables parleur importance et leur tra- vail. Une carte d'adresse de Charles Cahier, qui date de cette époque et que nous avons trouvée dans la collection de M. Henri Vevcr, mentionne son nouveau titre et ses récompenses à l'Exposition de 1819.

Nous avons donné plus haut la description d'une immense fontaine à thé en forme de vase avec tous les accessoires du service portés sur des plateaux ornés de figures de génies et de femmes ailés, qui lui avaient valu la plus haute récom- pense.

Charles Cahier, qui avait débuté sous l'Empire, avait exécuté, en 1806, un grand reliquaire en cuivre doré destiné à renfermer la couronne dépines qui avait été restituée à Notre-Dame de Paris, par ordre de Napoléon 1". Le Trésor de la Cathédrale possédait également un certain nombre de pièces de cet orfèvre, telles qu'un soleil d'argent, un calice en vermeil, un ciboire, deux burettes, une aiguière avec son bassin, également en vermeil. Cahier faisait avant tout de l'or- fèvrerie religieuse; aussi devint-il l'homme de la situation, l'artiste le plus auto-

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risé, auquel on allait confier, sous la Restauration, le soin de refaire les vases sacrés des églises, honteuses de leur pauvreté. Cahier fit paraître alors beaucoup de zèle et d'activité (1).

Parmi de nombreuses pièces d'orfèvrerie d'usage qu'il avait exposées, on remarquait également un grand bol monté sur son plateau de forme ovale. Une tendance nouvelle de décoration avait frappé ses contemporains, et nous en trouvons la trace dans une description de l'époque : « Cette pièce capitale est » d'un très beau contour; ses ornements bien disposés et d'un grand intérêt » ont le mérite rare d'être neufs sans cesser d'être de bon goût. Ils sont une » nouvelle preuve que les artistes s'abusent, lorsqu'ils croient ne pouvoir rien

Soupière sur plaleau. ( OE livre de Ch . C n li i ei- .

» trouver de mieux ni même de comparable aux motifs qu'ils ont pris en » affection et qu'ils ne se lassent pas de reproduire. La Nature est une mine » féconde qu'ils n'exploitent pas assez; en la consultant davantage, ils éten- » draient les limites dans lesquelles ils se tiennent continuellement. Le règne » végétal surtout leur offrirait des molifs susceptibles de produire le plus grand » effet, et qui, en les affranchissant de la routine qui les maîtrise, donneraient » à leurs productions ce caractère d'originalité qui leur manque trop sou- » vent. » C'étaient de bons conseils, mais qui ne furent guère suivis, et nous attendrons jusqu'à la fin du siècle pour les voir pris en considération.

(1) Paul Maulz, Rec/ictches sur l'Orfèvrerie française, Gazeltc des Beaux-Arts, touie XIV, pa^e 411.

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A ri'Aposilidii (le IS2.'>, il cxiMisiiil des pirccs iiii|(orl;iiilrs : une ;ii;.Mii<'i-(î pour If stM\irc (le ri'l^^lisc cl iiii ^iMinl |il;il tl'ar^i'iil oiik'-s de has rclids lrail('*s avec lin lalciil Mi|i(''iiciir, Lalillc en a\ail loiinii les dessins, d Sdvcr, riscjriir tn-s lialiilc, laNail aide de son lalcnl; nmis dnniioii-^ dans la iiHiiir |ilan(lii' un cliainiclii'i- daiilcl, cl une ai;;iii('r(' à lias-rcjn'l' jiT|»r('sc;i| uni liM-c-sc de .Noi'.

haiis la iilanclic [%y)^r|^ ^. iM.'i. iKMis donnons (''l^a Icnirn I dnix crosses i| r\ ci|iies cl niH' ai;_'incrc a\('<', son plalcaii, dcn\ hnrcllcs et un(; sonncllc c\(''cnl(''es sur les dessins de (îiiai'lcs Normand, arclii I ccl (' , ma is don! le caraclèrL' ne sY'loigiie pas de l'école de I*ercier. (( Laiiiiée sui- vante, l'artiste se vit chargé, en qua- lité d'orfèvre du Roi, d'un travail dun genre particu- lier.

« L o r s f j u e le Gouvernement fit

Ai^iiici'C. [OE livre de Cli. G n hier.)

transférer à Saint-Denis diverses reliques royales, l'ongle du pouce de Louis XIV, un ongle de pied de Henri IV, une touffe de cheveux de Marie de Médieis, ce fut Cahier qui exécuta les trois coffrets en vermeil pour renfermer ces restes vénérés. Bien- tôt après, Louis XVIII étant mort, ce fut encore Cahier qui fut chai'gé d'exécuter les plaques en vermeil qui furent posées sur son cercueil, de même que la boite Ton avait placé le cœur et les entrailles du Roi. U eut à s'oc- cuper ensuite de l'exécution des vases qui servirent au Sacre de Charles X. dont il demanda les dessins à Laffitt^, son inspirateur ordinaire. Ces œuvres sont encore conservées dans la cathédrale de Reims; nous en donnons la reproduction

Cnnclélabi-e d'au Ici. [OEiivre de Cit. Cahier.)

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à la page 143 : le calice, l'aiguière et les plateaux des offrandes, la Sainte-Am- poule ainsi que la chasse destinée à la recevoir (1). »

Son exposition, très remarquable, lui valut les éloges du Jury et un rappel de médaille d'or.

Cahier exposa encore en 1827, et se tint toujours au premier rang. Sa maison était ancienne. Il figurait déjà dans 1' « Azur » de 1811 sous la rubrique d'Eglisier et demeurait quai des Orfèvres, 58. Nous avons dit plus haut qu'il avait acheté en 1819 le fonds de Biennais et continuait le genre de fabrication de son prédéces- seur, s'inspirant encore des imitations de l'antique, mais cherchant à donner à ses souvenirs classiques plus de liberté et d'originalité. Dans cette voie, il était poussé par son frère, le Père Cahier, archéologue distingué qui ne tarda pas à l'entraîner dans l'étude des types anciens de l'orfèvrerie gothique; mais, malgré ses efforts, il ne réussit pas à faire fortune, et il dut fermer ses ateliers pour entrer dans la maison alors toute nouvelle de Poussielgue-Rusand qui devait donner plus tard une si belle impulsion à l'orfèvrerie religieuse en s'entourant des hommes les plus remarcjuables de son époque, les architectes Viollet le Duc, Questel, Bœes- wilwald père. Constant Dufeu, etc., qui restauraient les cathédrales, et lui fai- saient exécuter des travaux importants.

Mais le grand succès de l'Exposition de 1823 fut pour Fauconnier qui, entre autres pièces extrêmement intéressantes, présenta une aiguière destinée au bap- tême du duc de Bordeaux ainsi que divers vases et une fontaine à thé.

Fauconnier, ((ui obtint une médaille d'or en 1823, ne reparut plus aux Expo- sitions. Ce n'était pas lassitude de sa part ni défaut d'activité. Bien au contraire, il continuait la lutte avec énergie, et produisait patiemment, en artiste d'une conscience à toute épreuve, des ouvrages dont aucun motif mercantile n'aurait pu lui faire hâter l'exécution qu'il voulait jusqu'au bout parachever, sans penser une minute à établir la balance entre les frais et le bénéfice. Nature enthousiaste et véritablement artiste, dit M. Ferd. de Lasteyrie (2), le brave Fauconnier n'épar- gnait rien pour la perfection de ses œuvres. Malheureusement, il était plus riche de talent que d'argent, et c'était en outre un très mauvais calculateur; si bien qu'il trouva moyen de perdre 10000 francs sur la commande d'un vase qu'on devait offrir au Sultan. On chercha à l'en dédommager par celle d'un service de table pour la famille royale, mais cela ne suffit pas à le remettre à flot. Ses affaires, mal gérées, allaient de mal en pis; si bien que le jour vint le pauvre grand orfèvre se vit exproprié de tout son matériel. Heureusement qu'alors, il y avait encore en France quelques vrais grands seigneurs. Le duc de Montmorency, digne héritier d'un illustre nom qui devait s'éteindre avec lui, fit secrètement ra-

(1) Paul Mantz, Recherches sur iOrfèvrerie française. Gazette des Beaux-Arts, tome XlV. page 412.

(2) Ferdinand de Lasteyrie, Histoire de l'Orfèvrerie, IS"!. 1 vol. in-i8, page 303.

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Orfèvrerie (l'c;;li?e. Crosses. Aipuicre. Buroltcs et plateau, /j^iirres de Ch. Cahier.

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cliclcr le m.ih'rirl ncikIii ;iii\ ciicliric^, |)(tiii- le n-iiiln' ;i rcliii (|iii m >«;iv;ii( f.'iirc

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Il cul pniu' <'(ill;ilMU'al(MM's inlcruiillculs Ir '^rul|il('ur ( !ii;i|i()uui('l'r, uior-l Irop |cuu('. I m ii('ui;iui-^l(' (',li('u;i\ ;inl, I imcIiiIccI r ( i;iuMcitiu, cl T.uui^icr, un des ('isc- Icur^ Ic-^ plii-^ ll;lllllc~^ lie celle t''|MM|uc ou l:i ciscjin-c ('■l.nl encore si ui.'il comprise. Le scul|ileui' l>;u'\c, (|ui culiait clie/ lui ;ni sortir iju re;jiuienl en iNi^l, lit imm; S()i\;iul;iiuc de uiodelcs d'aninuiux (|iril ue si;ju;iil p.i^, cl (juc T;iunsier ci<c|;nl. Fanconincr, (|ui les exposail eu IS2."!, ue les si;jna pas non |tlus, cl le ra|)p(ji'L(!iir du .liu'\ . dans uu rappori eu ipiali'c lij^iu's, lui dccernail une nu'-daille d Or (I).

Il a\ail dcuiaiidc ci^alcnu'id a liarye son concours jiour le ;_'rauil vaso ([u'uii dexait olVrii' au Sullan. dans la dccoi-alion diupKd eulraieul, plusieurs li;:ures d(! littns.

Il s'c'tail adri'sst' à (lluMiavard pour la coniposiliou d'iuu' soiiiiiri-o (|u"il dosti- uail à IJAposiliou. Le dessin nous (Ml a (dé ('oiiscrvr (laus un recueil de décora- liiMi piddie eu \KVA. ('."('dail déjà liulluence du r(jnuudisuie ([ui se f'aisail. seulir, cl ('licua\ard. don! riuia,i;inaliou exulx'ranle ue s'arrèlait, pas devaid. les ii(''ccssit(;s de la l'aliiicatiou ui le prix de l'exi-culiou, avait. eidass('' dans cette composition assez de ti>;ures et assez d'iu-nemeuls pour former dix jjroii|)es et îudaut de pi('('es (lilV(''reiiles.

I.e duc de Luyiies, dans son sid)stauliel rapport de 1851, a parl(j de Fauconnier sur un ton en ([uelquc sorte attendri, et a cit(!' avec admiration quelques-unes de ses pi('ces, telles qu'une fontaine à thé, un huilier dans le style de Percier et de Fontaine, qui malgré « leur peu d'importance matérielle sont considérées comme ce que l'on a fait de plus parfait dans ce genre ». Il déclare que le service qu'il Ht pour le duc d'Angoulènie, « simple d'ornements et de composition, était d'une exquise pureté de forme et de profds » (3).

Faisons la part des choses. Il est entendu que les éloges donnés par les rap- porleui's d'exposition à leurs contemporains ont besoin d'une mise au point spéciale pour s'accorder avec nos propres points de vue, après cent ans de distance. Il n'en, est pas moins certain que Fauconnier, orfèvre d'élite sous la Restauration, exer(^"a sur son art une influence des plus heureuses. Il résista de toutes ses forces contre l'invasion des modes anglaises qui sévissaient alors en France, et c'est lui ([ui créa les premières pièces de style Renaissance que le mouvement romantique inspira. Il a tracé la voie s'engagèrent après lui Wagner et Froment-Meurice. Il avait formé d'excellents ciseleurs, outre Tamisier

\1) « M. Fauconnier, à Paris, rue du Bac, ."JS, a exposé une l)elle aiguière qui a servi pour le baptême du duc de Bordeaux, et trois vases dont un forme une fontaine à thé. (let artiste s'occupa avec succès du perfectionnement de son art : on lui doit une collection de bons modèles pour l'imitation de divers animaux. Le Jury lui décerna une médaille d'or. » Exposition de 1823; Rapporteur : V'» Héricart de Thury.

^2) Duc de Luynes, Rapport sur les métaux précieux en 1851, page Cl.

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que nous avons cité plus haut. Fauconnier s'était adjoint Mulleret, puis Wechte qui devait devenir une des gloires de l'orfèvrerie française. Il eut pour élèves et uniques héritiers, ses neveux Joseph et Auguste Fannière qui, durant cinquante ans, devaient faire tant d'honneur à ses leçons, et prendre rang parmi les premiers orfèvres de notre temps. Les services rendus par un tel homme à notre profession ne doivent pas être oubliés.

Le dernier grand ouvrage de Fauconnier est un vase monumental, en argent doré, haut de quatre pieds, qui fut offert par souscription au général La Fayette. La forme rappelle une amphore antique montée sur un piédestal qui est orné de bas-reliefs figurant la Fédération de 1790, et qui est flanqué de quatre figures allégoriques : la Liberté et la Loi, la Force et la Justice. Sur la panse du vase, une inscription votive « La France à La Fayette » est soutenue par deux génies ailés; le col est entouré d'une couronne civique, et le culot décoré de feuilles et de fleurs empi-unlées à la flore du Nouveau Monde. Cette œuvre importante acheva (répuiscr les ressources du malhenreux orfèvre. Vainement, Madame Adélaïde, pour lui venir en aide, lui avait donné un atelier dans un de ses hôtels; il mourut (piétines années après dans une telle indigence qu'il ne laissa pas, a-t-on (lit, de (juoi payer ses funérailles.

Le roi Charles X, en succédant à Louis XVllI (septembre 1824), parut vouloir réagir contre les habitudes inisanlhr()pi(pies et l'austérité muette de la cour. Il aimait les fêtes, le bruit, le clinquant. Il ordonna (pie la cérémonie de son sacre fut magnifique, et, à cette occasion, les orfèvres eurent à satisfaire à quantité de connnandes. Ce fut Cahier, fournisseur attitré de la grande clientèle religieuse, qui fut chargé d'exécuter, sur les dessins de Lafitte, nous l'avons dit plus haut, le calice, les burettes, l'aiguière et l'ostensoir, ornés d'émaux de Sèvres, ainsi (pie la Sainte-Ampoule et son reliquaire qui figurèrent aux solennités de lieims (1). Ces objets, qui sont restés au Trésor de la Cathédrale, donnent mieux que n'importe quelle description l'idée du caractère théâtral de ce genre d'orfèvrerie à cette époque.

Le héraut d'armes qui figurait dans le cortège, portant les présents offerts par le roi, tenait une aiguière de vermeil qui était l'duivre de Cahier; nous donnons la reproduction d'une gravure du temps qui reproduit cette aiguière et atteste en même temps les splendeurs de cette cérémonie.

Le livre qui devait redire l'extraordinaire munificence déployée par Ilittorff

(1) La Saillie Ampoule. Vase sacré, contenant l'huile qui servait au sacre des rois de France. Suivant une tradition, dont Hincmar, archevêque de Reims, parla le premier au neuvième siècle, elle fut apportée du ciel par luie colombe, à la prière de saint Rémi, lors du baplêuie de Ciovis, eu 496. Son baume servit au sacre de nos rois jusqu'à la Révolution. En 1793, le représentant du peuple, Rhul, la brisa à coups de marteau sur la place ptibliqiu! de Reims. Une parcelle du baume qu'elle contenait avait été dérobée par l'abbé Seraine, curé de Saint-Rémi : elle servit au sacre de Charles X, en 182a, après avoir été enfermée dans une nouvelle ampoule enrichie de pierreries, que l'on conserve encore à Reims. (A, Dictionnaire de Larousse.)

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Grand vase olTcrt à La Kayette. (Œuvre de Fauconnier.)

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Aijiiui'i'o el plateau pour les olVrancles. ('.liclu'- \l. lîotluL'r.i

Calice et châsse tlile Saiiite-Aiiipoiile.

(Sùivivs (le Ch. Cahi.'i-.

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(1,111-^ I.mIci'oimI ion (le 1,1 cil ImmIimIc de Uciiii-^, d.iiis la salle <|ii l)aiii|iicl , arcom- iiiodi'i' a la ;.'nl linnii-, a\cr ^cs di ii-iiicn , m-s jdsircs, ^cs laldcaiix (\c-> Mois de l'iMiicr, lie lui laiiiiiis arlicM'. Cniiiiiiciifc |iar llill oill", ;.'-rav<' Icrilciin'iil |t;ir llcriri- i|iii'| hii|>inil, (|iii avail cil' cliariji' de ce lra\ail cl n'en a\ail ;.'r;i\<'' ipir (|iicli|ii('s iilaiiclics, roiixiaL'i' n'clail pa^ tci'iiiiiic a la lic\ oliil ion ilr |S,"!(). l/i'\ciii|)lairr iiiii- l'IicNc ('\i>li' au caliiiicl des l!>l aiiipcs. Il (•->! ciiiicuv a (■(iiisuKcr. .Nous y asoiis liMUM' la salle du Uaui|U('l , rappela ni rdninniiaucc des }.;raiids cou \crls daiil rcj'ois. Le |-(»i cl les princes du saUL: sur une laide sium'Icn l'c dans |c fond de la salle l'ai dessous, les cardinaux, les c\(~'(pies. les re|ir(''senlaul s de rai-ni(''c cl de la nia- :;is|raliu'c elaicul assis sur des laMes en c{(nlrel)as. La ('.oui' assislail au liaii(|ucl dans une Irilunie. I,e nuMuenl choisi pai- l'arlisle cs| c(diii oii TarclicN c<pic de lU'iills, d(di(Mil, rccile le licncilicilc . La (aide csl dt'cori'e de sm'louls en c(»loii- iiadcs cl d'ariienlcric surauiK'c ; mais le ci-rf-uioiiial csl celui de la (!our du (îrand lîoi. Les ot'licicr- de liou(dic soni la, raii^(''s deiricrc la (lour, celui-ci olVraul uu plal. Ici auli'c ^(u'ilanl les \ins, Ici autre |)as>aid, le calV'. On avail iilaisir à rcNcnir aux anciens crrenicids.

Mais ce (pii doil èlre pari iculièi'cnienl signalé à colle (•('•i-éinoiiic du sacre, cl, ce ([ui inai'(|uc véi'ilalilcnicnl une date <lans riiisloire des arts induslriels de celte périodes c'est la décoration genre gotliique adoptée par rarcliitecte lliltorlT pour rintéri(HU' de l'église. Déjà, (pielques mois auparavant, à l'occasion du baptême du duc de iJordeaux, cl dans le développemeid d'allégresse au([U(d doinia lieu cet évéïieuient, IliltorlV et Leconite avaient imaginé d'envelopper l'église Notre-Dame de Paris d'un vaste décor plus ou moins amphigourique, empruuté à uotre antique arcliitecture nationale, c'est-à-dire au gothique. C'était un gothique d'image d'Epinal, un gothi([ue invraisemblable et puérilement travesti. L'idée de cette tente ogivale en avant du portail, les draperies lourdes cachant les sveltes piliers de l'église, les lampadaires, les écussons, travestissant les nobles architectures de la cathédrale, nous apparaissent aujourd'hui presque ridicules. Mais l'idée d'ilittorlîeut du succès, et dans l'absence totale de direction dont l'art souffrait alors, dans l'incertitude navrante de la voie à suivre se trouvaient les décoi*a- teurs, elle fut saluée comme un symptôme et comme l'avènement de l'orientation nouvelle qui répondait à un intense mouvement d'opinion. N'était-ce pas le moment la lecture du Génie du Christianisme, de Chateaubriand, avait remué toutes les âmes, les romans de Walter Scott, les drames de Schiller et de Gœthe, les poésies de Byron, ramenaient l'attention passionnée du public sur le moyen âge, et commençait à s'épanouir cette littérature dite romantique^ qui allait animer de sa flamme toute une génération de puissants esprits?

La Restauration, par une réaction logique et naturelle, repoussait l'art que l'Empire avait rendu populaire sous l'autorité d'un César qui disciplinait si bien son entourage. Après avoir été solennel et auguste, on le voulait sentimental et

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pittoresque. Ce besoin de nouveau, cette aspiration vers la poésie eurent une influence considérable sur l'évolution du goût et firent rejeter les pastiches de l'an- tiquité dont on avait assez; on se passionna pour le gothique et les monuments du moyen âge. Mais les novateurs ne s'apercevaient pas qu'ils ne faisaient que substituer une convention à une autre, oubliant que, pour renouveler un style, la véritable source toujours inépuisable se sont inspirées les grandes époques de l'art : c'est la nature, et non la copie des Œîuvres passées qui peut les conduire à leur but.

Au sacre de Reims, la décoration de Hittorlï' n'eut déjà plus le même attrait de nouveauté. Victor Hugo était là, lui, le plus ardent chef de la jeune école, qui allait bientôt faire jouer Hernani; Lamartine et Nodier, et Chateaubriand lui- même s'y trouvaient aussi. Mais, ils ne goûtèrent qu'à demi cette mascarade moyennageuse (jui, pour eux, ne traduisait qu'en un décor trop grossier leurs rêves de poètes.

« J'aurais compris le sacre tout autrement, disait Chateaubriand à Victor Hugo; l'église nue, le roi à cheval, deux livres ouverts, la Charte et l'Evangile, la Religion rattachée à la Liberté ; au lieu de cela, nous avons eu des tréteaux et une parade (1). »

La parade continua à Paris, les fêtes succédèrent aux fêtes. A l'Hôtel de Ville il y eut bal et banquet, figura le fameux service de Sèvres d'un million. Puis, ce fut au Ministère de la Guerre, le marquis de Clermont-Tonnerre donna une réjouissance militaire d'un luxe qui rappelait celui de l'Empire. Au Ministère de l'Intérieur, l'architecte Joly réalisa des féeries. Chez l'ambassadeur de Russie, au Ministère de la Marine, la duchesse de Berry fit sensation, chez l'ambassa- deur d'Angleterre, le duc de Northumberland, qui avait fait venir de Londres sa vaisselle d'argent et d'or estimée plus de trois millions, toute l'aristocratie se rua, rajeunie, folle d'enthousiasme et ivre de plaisirs.

Dans ce débordement de fêtes qui saluaient l'avènement du nouveau roi, les orfèvres eurent leur part d'effort et de profit. La mode voulait du style gothique; ils se mirent au gothique, au décor « à la cathédrale », aux interprétations les plus invraisemblables d'une époque et d'un art qu'on ne s'était pas encore donné la peine d'étudier et qu'on croyait naïvement faire revivre en les caricaturant. L'explo- sion fut trop exubérante. « A la simphcité monotone de la Hgne droite, à l'imita- tion un peu froide de l'antique, on substitua la ligne brisée; à la maigreur des ornements, succédèrent des ornements à tout propos... Cette initiation avait été subite, cet engoûment trop rapide; le public admira tout sans se rendre compte de rien (2). » On fouilla le cabinet des estampes; les artistes se hâtèrent de copier

(1) Victor Hufjo raconté par un témoin de sa vie. (Elit. Lacroix, 1868, tome II, p.

(2) Comte de Laborde, Rapport sicr les beaux-arls en 1851, page 206.

Héraut portant des ollVandcs au sacre do Cliarles X. {Livre du Sacre. Cabinet des Estampes, )

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les proilih tiiMi-, des divers âges, l ii lilir.iirc avisé, DiU'IuîSiic aiiit', n'-iiiiil diiiis dr {jfraiuls voliiiufN toiilcs les csLiiiiim ^ i|(ii as.iiciit scrxi aux lahricanls drs sri/iniir, dix-scptirilli' cl dix-liiiil iciih' skmIcs. Oiilic les (imimc^ (•()m|»|rl('>, dr Marcd, Lcpatil rc, llcraiii, Mci^sonnicr, il olVnl aii\ arlislcs m'|i| noIiiiiics jioiir lOrlcv rri-ic, si'|tt |Mitii' la lu jtml Clic, lin |Hiiir la |(iaillciic, de. (les .'{()()() |ilainlic->, ronlcuaiil, environ hiOOl) iihulcU"^ saric'^, dcliaNercnl les indiisli-icU de iiKideles e| d'iiji'es. (".'est a\ee ces docnincnls, <|iii n a\aienl pas ('■le coordonnes par un arlisie, <|iie l'on eonlrt'lK le Vieux à (orl e( ii travers. On amplilia, on rc'diiisil. les (envres aih'ieiHU's selon les nouvelles applications, sans se rentlre compte des conditions priiiiiliscs des nioth'lcs; on associa sans scrnpnle, on ap|iliipia sans disceriienient . et de celte inisc'ralile cuisine ne |)iireiit soi'tir «pie les nn''lan;jes du |»liis inaïuais goùt(l).

Ij'édueation n'était pas faite. Les expositions rétrospcelivcs n'avaicnl pas été inventées, et les artistes eoninie les industriels n'avaient pas suflisainnient étudié, sur /es pircos //ir/fics de répo(|ue dont ils voulaient s'inspirer, le caractère ty[)ique de leur ('ou('epti(Hi et les (pialilés niaîtresst's de la uiain-d'ieuvre (pic nous eoin- preiions mieux et (pu* nous admirons tant aujourd'hui. Nos contemporains, non pas mieux doués, mais mieux renseignés, ont réussi à faire des œuvres modernes que l'on confond avec les œuvres anciennes, tant elles ont la même saveur et la même maîtrise, si bien que l'industrie des truqueurs ({ui font du vieux-neuf a trouvé, dans cette éducation de l'œil et de la main d'ouvriers habiles, le moyen de tromper l'amateur le plus avisé.

C'est le temps la duchesse de Berry donnait son fameux bal travesti elle paraissait en Marie Stuart, et dont tous les costumes avaient été dessinés par Euj;;ène Lami, qui avait également fourni les modèles des bijoux, des dagues ou épées, et des moindres accessoires. C'est alors aussi que les riches financiers, comme James de Rothschild, pour son hôtel de la rue d'Artois, ou Barillon, pour son logis de la Chaussée d'Antin, commandaient des services de vermeil, des vases, des coupes en argent où, sous prétexte de ressusciter l'art du passé, étaient accumulées les décorations et les figures d'une invention échevelée. Le plus étrange et ce qui fut heureux pour les industries françaises c'est que l'engouement pour ce style pitoyable devint européen, des journaux de l'époque sont remplis d'avis tels que celui-ci que je relève au hasard, à la date de 1829 :

« Le roi d'Espagne, à l'occasion de son mariage, vient de faire faire à Paris un prie-Dieu de dix pieds de hauteur, de forme gothique, en acajou, orné de bronze, d'argent et de peintures sur porcelaine (2)...

(1) Comte lie Laborde. Rapport sur les beaux-arts en 1831, page 205.

(2) Journal de la Mode Paris, rue du Helder), livraisons d'octobre à décembre 1829, page 176.

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M. Henri Bérakli, dans son remarquable ouvrage sur la liclmre an dix-Jieiivième siècle (I), a signalé les bizarres reliures d'orfèvrerie de style cathédrale faites à cette époque pour complaire aux grandes dames qui voulaient habiller leurs missels ou leurs « Heures de la Vierge » d'un vêtement de métal conforme au

goùf du jour, car les femmes de la Restaura- tion ne furent pas les moins actives adeptes du mouvement roman- tique. Beaucoup avaient leur boudoir ou leur chambre à coucher meu- blés avec cette recher- che sentimentale qui caractérise la tendance des esprits à celte date. Ton! ('tait mirage et il- liisiou. Dans le moindre ornement, les imagi- nations surexcitées croyaient voir revivre les j)lus purs chefs-d'œu- vre des époques d'en- thousiasme. Il n'y a que la foi qui sauve, et, comme la science ar- chéologique n'était point encore née, aucun cri- tique malencontreux ne venait calmer ces admi- rations qui s'exaltaient à faux.

Certaines femmes de

ce temps avaient sur

leur « commode » une place réservée, ce que la duchesse de Berry nommait

son petit Dunkerque (2), oii s'entassaient, au caprice de la journée, les

I

.Ueliiu'c calliôtlrale.

Extrait de roiivra;^e de M. Henri BJraldi siii- la Reliure

iui clix-neiivièine siècle.

(1) M. Béraliii cite aussi de très int^ressautes reliures en argent exécutées vers 1840 par Rossigneux, Liéuard, Uiester, puis en 1875 par Falize. Cf. la Reliure au dix-neuvième siède (l^iris, 1S'J(>; librairie Con- ques), 4 vol. in-18.

(2j Celait l'enseigne d'un bazar à la mode et très achalandé à cette époque.

l>al>i<>l<'^ <l<' |ii'i\, li'^ ciliiiicN <r(''l)('lM', 1rs Imilc^ il |)ij()ii\, Ic^ lodiris de foiMil, l('N cidix lie iiaiTc, clc I ne poc'-sic de I.aniarl me ^iir la i-oiipc dr So- ciale a\ail Idiiiiii aii\ (iiT<'\ics un llicinc de dccur |m)III' les ii|)|c|s de ce ;jciirr, t'I (•(' lui a i|iii aiiiail sa >< loiipc » |iiiiir s'enivrer il'idi'al. Ajoide/. a ((da la Inreiir |HUir les lleiir'^ (|iii coiniiieiieail a se i-i'paiidre, e| (|ni >iiscila mie in- liiiile de jaiiliiiieres, | oui un assurl iiiieiil i|iie les orlcN i'e> eiireiil a eonreci ioniier. ('.'es| ainsi ([ne Madame eiil , |Mim' ses arr(isa,u:es, une idiaiilepleiire imili'e de celle de Naleiiliiie île Milan, îles h aiiioms de ciseaux irar;jeiil ■> |)iMir la laille des feuille^, et mie Ium'Iic d'ari^enl punr ^t^raller la Ici ic II l'-lail inuxeii à;je d'adorer les Heurs sur |Meil. Il ne laudrail |ias m'anniniiis |ireiidi'e I ri)|i à la le II re et ^l'-iM-rali^er a l'exfîès les l'ailleries prov iii|uees |»ar l'ail du ninliilier sous la lieslaural ion. I/idi'c (|u'oM esl |»orle a s'en l'aire est sou\eiil inspin'-e des e\em|tles i|u'oii Iroiive dans les recueils du lemps comme l'ouvrai;!' ciMidne de la Ah'saugcre, inliLuh'; Mciihlcs et nhji'ta dcijoùt. Or ces livres nous moiilrenl priiicipalemeni, sous j)i'é(<'xl(' d'élé- i^atice luoiidaiiie, des lypes d"e\ce|»l ion, des lii/arreries luxueuses, el non j)as les inti'rienrs si'rienx des i^eiis de hou (ou. T-'esl à peu près comme si nous ju^Moris aeluellemenl le i;oùl de noire» ('poque, (l"a|)rès les calaloi^ues des grands ma^iasins (pii vanleni les heaud'-s des exceulrieiiés (prils édilenl.

Pour appriM-ior avec oxactilude ce (jue pouvait être rorfèvrerie dusa^c dui-aiiL la Kestauialion, il faut se représenter celle qu'on employait couramment dans les maisons de ieiuie rechei'elu'e, chez cerlaines gens de la liante noblesse ou de la bouri^eoisie ('U'i^aule e( distinguée. Là, »)n doiuiait à la salle à mang^er rimporlance capitale ({ue celle-ci avait au temps jadis. Chez le duc de Choiseul, par exemple, c'est une grande pièce assez sévère meublée tout juste des objets utiles, la table en noyer, les chaises en lyre, les deux bulfets-dressoirs, dont l'un renferme les cristaux, et l'autre l'argenterie. Une minorité gardait l'habitude de la vaisselle [)latc. des surtouts, des girandoles; la bourgeoisie préférait la porcelaine dé- corée. Le service à la française, plus volontiers conservé dans les maisons de grande allure, avait ramené cette mode très gaie de réchauds et de cloches d'orfèvrerie, destinées à couvrir les plats et à les maintenir chauds et à décorer la table. « Odiot a produit en ce genre des orfèvreries tout à fait charmantes. Sur les couvercles, des groupes d'animaux cadrant avec les mets : un renard qui s'apprête à croquer une poule, un milan ou une buse dépeçant un lièvre, selon qu'on servait une volaille ou un gibier. Les plats à poisson sont recou- verts d'un brochet ou d'une carpe; les écrevisses, d'un coquet buisson formé des carapaces et des pinces entrelacées. Sur les casseroles, des groupes de légumes, artichauts ou choux-fleurs ou carottes. Les couronnements que nous reproduisons ont été faits par Odiot pour le service Penthièvre. Les motifs usités pour l'orfèvrerie qu'on fabriquait ordinairement étaient analogues, mais d'une composition plus simple. » « La figure est ce qui se fait de mieux, pour

136

la vaisselle plate ou les objets d'argent », dit M. Henri Bouchot (1). Les fon- taines à thé ont des statuettes d'ITébé, des Hercules ou des Bacchus. Cahier, orfèvre du roi, fabrique, en 1823, un pot à oille dont le couvercle a pour poi- gnée un groupe représentant un sacrifice à Gérés, et plus tard, sur les dessins de Lafitte, une fontaine dont nous avons parlé plus haut, les personnifications allégoriques tiennent la place principale... C'est de cette époque aussi que datent les petites planchettes d'acajou, ornées de guirlandes d'argent, l'on inscrit les menus. Quand, sur la table, les surtouts d'argenterie font défaut, on a du

; -^'^4:

Couronnements de cloches et casseroles de Charles Odiot.

moins de ces friandises décoratives, de ces pièces montées et sculpturalement construites avec des nougats ou des biscuits et qui, aux environs de 1830, repré- sentent tantôt une ruine gothique^ une abbaye en ruine, tantôt lermitage sur un rocher, ou l'église de campagne, quand ce n'est pas sa Majesté Charles X elle- même portraiturée en chocolat et juchée sur une colonne de biscuit de Gênes.

n faut bien tenir compte, au surplus, des nécessités qu'imposait une clientèle nouvelle de plus en plus nombreuse qui élargissait chaque jour sa place dans le monde, et réclamait, sinon le vrai luxe, du moins l'apparence de la richesse et du confort. C'est pour donner satisfaction à cette classe moyenne de la bourgeoisie que

(1) Henri Bouchot, le Luxe français sous la Restauration, page 22i.

- 157 -

rorrt'vrcrit' i\o /)/<ifjin' <>{' dt-vcloppiiit alors, m :illriii|:in( mir aiil n- iinlii^liif, «rllr <\i- rai';^'('iiliii'(', i|iii n'allail pas larder à naître.

.le n'ai pas a iiilrn- ni dans les dcLnU leelniiipies de la lalirical ion . ()n --ail «pie le pr(ic(''d('' ipn ((Uisislc a " pLupier » de mi m es rmillfs d'ar;.'enl sur des lin;.' ois on des feinlles de enivre, hien (pi'il paraisse l'orl amien, avail eonipleleineni disjiaïai, lors(|irii lui reli(in\e en 17 'l'I par un ouvrier aii;^lais uouium'- Thomas lUjJsovcr, e()U- tolier à Shctlield, puis appliiiin- a l'oi-t'èvreiàc dans de jurandes |)roporli<)ns par les inaïud'aclm'es de r>niiimL;liani , ipn en hrereni des assorlinienls eomplels de \aisN(dle, des vases d'une ^l'andenrel dune peiTecdion exli'aordinaires ; j'ai di-ja mentiomié, dans la première par lie de ei'l le (d inle, les eUdrl s fa il s par Louis \ VI poin- inl roduire en l'ranee celle indusirie du doid)le on du |tlaipie. hes I7S."), le l'oi a\ail alVech' nue somnu' de lO(MIIII) li\ res a la fondaliou d'une fahrifpie (pii Cul. iiislalh'e a lliôhd de Pomponne, rue de la \ (M'i'crie. Apres la Hévolulion, le procédé, un |)en alian- doniK'. lil de nouveaux progrès, _ui-àee aux cfîbrts de la Société d'('neom-a;^cnienl à linduslrie nalionale (pii j)i'oposa un prix |)our son ain(''lioi"dion. Le prix l'id déeiMau' en ISII a deux faltrieanls, Lcvral (d Papiiiaud, Icscpicds exposèrent, on ISI!). de la vaiss(dle de lable, casseroles, i)lats, soupières, réchauds, exécutés avec l(^ plus <;rand soin, el (pii, i)la([ués au 20% ne se vendaient pas plus (diei'cpie lorscpi'ils relaient au MY. (iClte diminution, due au [)rogrès d'une fabrication écononiiipie, favoi'isa grandement, on l'imagine, le développement de l'orfèvrerie en plaipu' ((ui, à l'Exposition de 182.'], oitlini du jui-y les encouragements et les éloges les plus vifs.

ATExposilion de l'industrie de 1827 la troisième qui ait eu lieu depuis la chute de l'Empire l'industrie de l'orfèvrerie en plaqué se montra d'autant plus florissante qu'on avait commencé à remédier à quelques-uns de ses inconvénients. Plusieurs fabricants de mérite, Fabre, successeur deTourrot, Levrat, Gandais, et surtout Théodore Parquin, Charles Balaine et Veyrat, avaient appris à éviter qu'on put apercevoir sur les bords du métal l'épaisseur de la feuille de cuivre en recouvrant ceux-ci d'argent soudé à l'étain. Ils savaient aussi très bien estamper leurs pièces au mouton, avec une netteté remarquable, absolument comme pour l'orfèvrerie d'argent. Les vaisselles de table, de Parquin et de Charles Balaine, furent appréciées pour leur excellente exécution. 11 restait encore au plaqué à corriger un notable défaut, celui de laisser voir, après un court usage, l'usure des parties saillantes des ornements, des bordures des plats, des couronne- ments des casseroles et des cloches, des anses, boutons, etc., qui, sous l'action répétée de la main, et par le frottement, perdaient leur mince couche d'argent et laissaient apparaître le cuivre. On y remédia en partie en appliquant à la sur- face du plaqué des ornements estampés en argent massif et soudés à l'étain. Mais le procédé était coûteux.

Si l'industrie du plaqué répondait à un besoin de la consommation ce qui

158

expliquerait son succès elle était loin d'employer les formes heureuses et les décors charmants qui rappelaient l'art de l'orfèvre au dix-huitième siècle, ni môme le style Empire dont on avait tant d'exemples sous les yeux. Les modèles étaient déplorables. Les dessins que nous avons retrouvés dans les publications de l'époque et que nous reproduisons, nous édifient suffisamment sur ce point, et cependant, au dix-huitième siècle, ceux qui l'avaient précédée et qui, soutenus par la faveur de Louis XVI, avaient créé la fabrique de Pomponne (1), rue de la Verrerie, avaient su donner à leur œuvre un caractère d'art que n'auraient désa- voué ni Germain, ni Riettier. Les procédés de fabrication du phujué ne s'oppo- saient donc pas à donner aux pièces exécutées un aspect agréable. Mais ceux qui les mettaient en œuvre sans étude préalable et sans goût n'étaient nullement préparés par leur origine ou leur métier à l'art de l'orfèvre, et ne cherchaient qu'à donner satisfaction à leur clientèle qui voulait du bon marché.

On verra plus loin comment le procédé du plaqué fut battu en brèche et finalement détrôné par celui de l'argenture électro-chimique. Reprenant les pro- cédés de la fabrication de la véritable argenterie, le repoussé, la retreinte, la fonte et la ciselure sur la pièce en cuivre avant l'argenture, l'orfèvrerie argentée allait ramener l'art de l'orfèvre dans sa véritable voie. Comme l'imprimerie avait tué le manuscrit, l'argenture allait se substituer au plaqué. Ceci tuera cela.

L'Exposition de 1827 amena quelf{ue chose d'inattendu, une recrudescence de l'imitation du genre anglais. Et ce fut Odiot fils qui la provoqua. Avant de se retirer des affaires, son père avait envoyé le jeune homme achever son instruction technique à Londres : il était entré en qualité de sculpteur dans la grande maison d'orfèvrerie de Garrard installée dans cette ville, et s'y était non seulement entiché des formes à la mode dans ce pays, mais il en avait rapporté des procédés et un outillage qui n'étaient point encore connus en France.

En faisant connaître en France l'outillage qu'il avait vu en Angleterre et dont, avec son esprit pratique, il avait apprécié toute l'importance, Odiot savait que, s'il allait être le premier à en profiter, il rendait en même temps un éminent service à ses confrères. L'emploi du tour rond et ovale, des machines-outils, des décou- poirs, des balanciers, des matrices, qui devaient rendre la fabrication plus éco- nomique, se généralisa rapidement et permit aux orfèvres de soutenir la concurrence de l'étranger. Mais cet outillage ne pouvait pas s'appliquer à l'exé- cution de la belle orfèvrerie d'après les modèles qui existaient, et obligeait à faire des modèles nouveaux dont l'exécution n'était possible qu'avec des ma- trices. Les formes s'alourdirent, les ornements perdirent de leur élégance et l'on dut forcément adopter le style que les Anglais avaient fait connaître. Le

(1) Voir le premier volume de VOrf^o)evie française au div-huitiême siècle. Page 231, lii Soupière eu plaqué de Pomponne, aujourd'hui aux Arls décoratifs.

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Modèles d'orfévreiùe en plaque, sous la Restauration.

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Mlisi'c ifiilciliuil iiiUis iiioiilic (les pirccs ral.ii(|iii''i's |);ii- Odiul. <|iii «>\\\ dcNc-

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soiiMMil d'asi.ir proNoiiiK' riiiiil;il imi du -ciirc ;iii;.'l;iis. I.r ll;iiiil)c;iii cvi-osi- riail

Clllicicillflll lail ;i\cc (les mal rii'f'>, le lui cl les I.Dhcrhr-; rll .|rii\ (•..i|lllllcs

S(iii(l(-('s, le |.I(mI ••slampc a [.lai. I /iiilliiciicc aii-lai^c ('-lail hini |.Iiin iii;ir«|ii('<;

encore dans la calrl mtc fl la llicincdc luianc -(nn'dr allon-i'c; Ic-^ «nncnn-iils,

{^l-ilh'S, Ih'c t'I anse, flai<-nl con. lis piun- rln- lad ^ as rc dc^ mal lircv. d la dcco-

ralioii de l;i panse, un peu Idin'dc clail e>.lani-

péi' en (pialrc paihes icunio par la somhire.

{".'('lail K' l\pf qui rellclail le mieux le souvenir

ipi'Odiol avait rapporli- de son S(''jonr en An-

i^leleri'e et (pii fui adoph' d'enl liousiasnie par

les l'aliricanls de phupn'. ipii, li'onvanl dans

ce i^t'ure de di-eor le moNcu de faeililer leur

ralirieaiion, ne pou\aienl se passer de Toidil- lai^e iiulispensaltle pour la l'endre praliipic et éeonomiipie.

(ilu)se l'urieuse! Le j^iddic français, el tous

les i)ons orfèvres de oe temps, à la suite d'Odiot

fils, Lelu'im, Fauconnier lui-même, par uiomeuls seulemeid, sans parler des i>la(pienrs, se mirent à (|ui mieux mieux à faire du i^ciii'c an^^iais.

On peul s"cxpli(|uer ce singulier eufiouement de la façon suivante. En Angleterre, les lar- gesses d"une aristocratie sont restées de tradi- tion, la consommation que l'on fait de l'orfèvre- rii' a toujours été énorme. Mais, faute d'inie in- vention persoiuielle, les argentiers anglais ont presque constamment copié le goût français. Or, sous la Restauration, ils en étaient encore au style

Louis XV qu'ils imitaient tant bien que mal, et plutôt mal que bien. Tandis que chez nous, depuis la réforme archéologique de David, on avait déjà parcouru la gamme de plusieurs essais de style, s'éprenant tour à tour de l'antique, du gothique, de la Renaissance, à Londres on en était resté exactement au point nous nous trouvions vers 1775. Si bien que lorsque les émigrés d'abord, puis Odiot fils, montrèrent à Paris des services d'argenterie anglaise, on considéra comme une nouveauté cette orfèvrerie venue de chez nous. « On admira ses formes majestueuses, amples, cossues, qui étaient nos anciennes formes françaises; ses moyens d'exécution et ses conditions de bonne fabri- cation qu'elle devait au maintien de ses vieilles traditions qui étaient les

Flaniljeaii en ar^i'iit estanipê. [Modèle de Cli.irles Odiot.)

162

nôtres (1). w Le pis c'est qu'on ne s'en tint pas là. Lorsque les Anglais, im- puissants de trouver en eux les ressources d'invention, abandonnèrent le style Louis XV pour se lancer à leur tour dans le galimatias des imitations moyen âge, à la remorque de notre Ghenavard, l'orfèvrerie française ne renonça pas encore à leur demander des modèles, et l'on vit, sous le règne de Louis- Philippe...., mais n'anticipons pas.

L'Exposition centeunale était relativement pauvre en pièces d'orfèvrerie datant de l'époque de la Restauration. Nous avons recourir à l'album publié par Bance qui, avec le concours de Normand, Lafitte et Soyer, avait donné des types très précis des pièces d'orfèvrerie exposées en 1819, 1823, 1827 ; et nous avons pu reconstituer ainsi la physionomie des pièces exécutées à l'occasion de ces Expo- sitions par Odiot, Cahier et Faucounier.

Dans les vitrines du Musée centennal, on ne trouvait que des pièces d'usage

*^2Î^^

Salières [Colleclion Dreviin de la Garilie) {Musée centenn.il.)

qui continuaient à emprunter aux styles de l'Empire leurs formes et leur décor.

Nous donnons ici un service à thé sur plateau à galerie ciselée formant un ensemble très complet. La fontaine, en forme d'urne, appartenant à la marquise Guilhem de Pothuau, est cerclée sur la panse d'un bandeau avec ornements ciselés. Les anses s'amortissent sur le corps par des tètes d'hommes barbus. Elle est l'œuvre de Fauconnier. Les autres pièces du service ont un décor analogue et ont été complétées de nos jours par l'orfèvre André Aucoc, qui a su con- server le caractère de l'époque.

Nous reproduisons, dans la même planche, une théière dont le bec à col de cygne s'ajuste avec élégance sur un corps bien proportionné. Nous reproduisons également deux aiguières qui avaient été prêtées au Musée centennal par

(1) Comte tle LaborJe, Rapport de 1851, déjà cité, page 371.

(63

Cafetière, théière, siicriei-, crémier en ar;.'eiit. [Modèles lie ('hurles Oiliot.

ic:

Service à thé sur plateau. iColleclion M.ivquis Guilhem de Polhuau.) Tliéièrc Heo di' {>y^ne. [Musée centennal.)

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165

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Deux aiguières et ciivellcs. Musée centennaL Collection Goldschniidt.

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iM. (loliUrliiiiiill . h;iiis |;i |iii'iiiiriT, la ciiNflIt', de (nfilir (iMilc, rsl ciM'h'c sur Il*8 lionU (I iiiic lii^c de |)aliiit'l I !•-- alliTiii-o i|r rd^caux. |,'ai;jiiiiT(' c^l \\riit\-rc i\o. la iiK'iiii' iiiaiiicic. Li- ciiliil <•->! luniic |»ai' tic-, niscaux en rflicf, ri iiiir uaïailr <-ii (|il('llt' (le |»i»is-,nii cil relie ;;racieil^eiiieiil le eullel a la |iaii>e ijii \a>-e. |)aiis la scroinle, |>lll^ nelie de deeor, la eii\elle e;^aleiiieiil n\ale e-,| Ixirdi'e |iar un (iiarli decdre en relie! a\ee de> It-le^ de l'einines rorinanl |ii»nrelles. L'aUM" f"-! Iwile d'une li-ure de reiiniie (|iii ^e reiiNcrNe td (|iii ^'allae||e au eid de rai;^ili('l'(! par de> aiK>s de liludlnle; |iuis deux lioiiN de laMe don! l'un a|t|iarlenaiL à M'"" la coinU'sst» llrevern île la (iaidie, rejiresenlanl mi enlanl ade don! lo (•,01*1)8 est

C.asscrole de M''' Mars. [Musée centennul. Collec/iun Goldschntitlt.)

emprisomu' dans une f>aine et qui, de ses deux bras élevés, lient un lliyrse sup- portant deux corbeilles ajourées qui servent de salières. L'autre est formé par un plateau rectanjiulaire portant deux coupes de forme antique et au centre une sorle dautel carré surmonté d'un Bacchus enfant, puis une pièce intéressante par sa simplicité et la notoriété de son premier possesseur, M"^ Mars, c'est une casserole à légumes avec son plat. Le corps est orné de deux tètes laurées qui servent d'anses et le couvercle est couronné par un cygne. Le chiffre de M'"' Mars, IL M., est gravé en lettres enlacées sur le corps et le couvercle. Cette pièce fait partie de la collection Goldschmidt.

Enfin, un sucrier monté en cristal cerclé d'une galerie disposée pour recevoir les cuillers café, et formant une décoration originale.

Quand s'eiïondra le gouvernement de la Restauration, nos arts du décor étaient au plus aigu de la crise d'où ils semblaient ne pouvoir jamais se rele- ver. Alors qu'à côté d'eux tout semblait rajeunir, que la poésie rayonnait, que

no

la science déchirait des voiles jusqu'alors fermés sur des profondeurs sans limites, que la peinture, la musique, la critique historique, le théâtre, le roman, la tribune et la chaire ouvraient à la pensée humaine des horizons d'aube flam- boyante, tandis que de toutes parts surgissaient des remueurs d'idées, seuls les artistes décorateurs ne paraissaient pas pouvoir sortir des chaos ils étaient plongés. Allaient-ils au néant ou bien à la lumière? Ni à l'un, ni à l'autre. Ils suivaient simplement leur destinée. Mais de 1815 à 1830, une génération s'était formée de sculpteurs, d'ornemanistes, de ciseleurs, d'orfèvres, pleine d'ar- deur et d'élan, prête maintenant à entrer en scène. Quelle va être son œuvie? l'oint si médiocre, à coup sur, connue on l'a li'op souvent dit, car c'est cette génération qui a fourni les pionniers enthousiastes de la route aride, qu'après tant de traverses, il restait à délVicher encor<' pour les semailles futures.

Sucrier monté avec cuillers en couronne. [Musée centennal.)

ouis-Philippe

848)

CIIAITIHE TROISIEME

L'iiidinMUM' honi'ii'coisc de la cnui* cl des salons. Lo l'oinaiilisinc. (!ollah(M'ali<Hi (l<»s scii1|)1<mii*s : Jean l'ciiclières, Kla^^inaiiii, Geof- froy (!<» MiaiiiiHs ('liai'Ics 0(li<U, h' (l<'MMH'al<Mir riiciiavai'd, le cis*'- IcMii' Antoiiio ><H'hl('. I^xposilion <!<' l'ln(lustl'i(^ de IS.'Ji, IS,*JÎ> cl ISii. Voiiiio (les foi'nu's aiiiilaisos. Les élèves (TOdiol : lA^hniii et Diii'aïul, \\ aiinei* el ses nielles. Les sueeès de Fro- meiil->Ieiiriee. Déhuls de (^hrislofle el déead<Miee du « IMafHié ». l ne slalisli(nie des orfèvres en IS^".

E fui pendant longtemps la mode, et elle existe encore aujourd'luii, d'accabler de railleries les arts industriels de l'époque de Louis-Philippe. La génération qui vint après celle de la monarchie de Juillet, ne voyant plus avec les mômes yeux, et pensant évidemment qu'elle en était arrivée au dernier terme du goût et de l'élégance, n'eut pas assez d'épigrammes pour « l'art bourgeois » du roi citoyen, pour ce « mobilier baroque et sans grâce » qu'on déclara n'être que le digne reflet de « l'idéal épais d'une société de parvenus ». Cette opinion, profondément ancrée dans tous les de Napoléon III, est encore aujourd'hui assez en faveur

esprits sous le règne

172

Le style Louis-Philippe (si tant est qu'on puisse honorer du nom de style qui ne convient qu'aux époques de beauté, les formes décoratives quelconques spé- ciales à une période) est resté synonyme de laideur, et continue à exciter bien plus que celui de la Restauration, probablement parce que le recul est moindre les ironies faciles du public de nos jours.

Sous Louis-Philippe, époque de transition, les artistes décorateurs cherchaient h s'affranchir de ceux qui les avaient précédés. C'est alors qu'au style de l'Empire qui dominait sous la Restauration et conservait encore une certaine noblesse, suc- céda un style nouveau n;'' du romantisme. C'était une adaptation du style j?othique au goût du jour, combinaison bizarre, sans avenir comme sans raison. Voyant l'effondrement des styles classiques que Percier et Fontaine n'animaient plus de leur expérience et de leur autorité, les jeunes artistes essayèrent de se rajeunir en puisant aux sources nationales. C'était une idée généreuse autant que juste, mais mise en œuvre sans connaissances suffisnnies à la fois des œuvres dont on voulait s'inspirer et des conditions nécessaii'cs au (h'veloppement d'un style nou- veau (1).

En réalité, l'arl de cette époque, si l'on veut être écpiilable, ne doit pas être jugé au point de vue absolu de l'esthétique. 11 faut le considérer avec les pro- cédés de la critique histori((ue, c'est-à-dire en tenant compte des conditions il se trouvait, et de la fatalité, en quelque sorte, des lois de l'évolution. La question n'est pas de savoir s'il a été réalisé alors, dans le mobilier, des types de beauté avérée, indiscutable, un tel |)lK'nom('ne étant du domaine de l'impossible, car un style parfait n'éclôt pas par génération spontanée, et il n'y avait véritablement aucune chance pour que pareil prodige s'accomplit spécialement entre les années iS'M) et 1848. Les seuls points qui seraient h examiner, ce sont les caractères des arts décoratifs dans leur mouvement de transition d'une date à l'autre, les phases par lesquelles ils ont passé, les influences qu'ils ont subies durant cette période, entin s'il y a eu ou non un progrès accompli depuis la fin de la Restauration, et de quelle nature fut ce progrès.

Si on envisage ainsi les choses, comme il est juste de le faire, on s'aperçoit que l'art du règne de Louis-Philippe, continuant, selon l'impulsion donnée, à chercher sa voie dans l'étude du passé, est très loin, en d('pit de ses erreurs qui choquent aujourd'hui nos regards d'une façon parfois si criante, de mériter les dédains dont on l'accable avec trop peu de générosité. Songeons, en effet, que si nous possé- dons actuellement une connaissance plus exacte des styles d'autrefois, une notion plus affinée des chefs-d'œuvre de la Renaissance, c'est grâce aux premiers essais de restitution entrepris par ces décorateurs de 1830 qui ont apporté à leur tâche un enthousiasme presque touchant à force de naïveté, et une sorte de culte filial

(l) Happort sur le iu<)l)ilior du .Musée eeiiteiui.il (page 30).

MA

jioiir lc>^ ;jI(iiiTs (le raiiciciiiic l'iMinc, (|irils s'iiiia^^iurrciil. Cili'c revivre. Pour (•cKi' ('\;ill;il inii (le seul iiiniil , <|iii ne lui |ia> sans iiolije^se, il (joil leur ètfe Iteaiiroiip pardoiiiie, (r;iiil,iiil pliis i|ii(' les articles \eiiiis apre^ eii\ vniis .\a|»(t|(''()ii III. |t(inc- siii\aill la ^crie des liaslirlies, jiar le Louis \l\, le i.nui-. \\ cl le {.oiii^ \\|, ne i'eu->--ireiil [ta^ mieux, el u'eiui'iil pa^ l'exeu^-e de la uicuie lervcur de loi.

Ile>l eerlaiu (|ue le iikmin eiueiil lilleiaiie cl ail i>^l ii|ue, i|iii |la-'^i()l^^'ul la jeu- nesse de JS.'IO cl (|ui (•■ I desi;jiie soii^ le iioiii de ■■ I'k iiiiaiil isnie « , a eu une r(''|ier- eiissioii cdiisichMaMe sur les (eu\res de l'cUc e|)(j(|iie el n'a pas rlr un iii(iii\ciiient superliiicl.

u II |t|(Hi,L;('ait se> racines dans le c(eur inciiie de la Ixtiiri^coi-ie IVaiieaise. La » socii'le qui. a_\aiil laluMirc le vieux sol, s'(''|)an()niss;iil el saxoiirail la Idrliine. <) a\ail à salisfaii'e des aiiiliil ions, des passions, des plaisirs nouxeaux. S'il ne se » propai^ca pas an delà du r('\::iiiie polil iqiie tpii Tavail vu lleiirir, il a vc'-cu assoz •■> pour iiiodilier raneienne doclrine acadi'Uiiipie el a;^raiidir les iioi'i/oiis de j'arl. )) Il a (li'uoiK' les formules; aujoiinriini, le recul esl assez consifh'ialile pour (|ue » leeriliipie puisse emlirasser dans sa masse le gr()U[)e des inlelli^^ciices ardentes > ipii, avec une expansion plus ou moins fébrile et des moyens pins ou moins ') persuasifs, eurent pour Lut eomiunn d'émanciper l'arl et la littérature, le théâtre » el la musiipie. de rompre avec la convention oflicielle, de puiser aux sonrees de » riiisloire nalionale, de reeliercher la couleur et le mouvement (I). »

lue lièvre i^i'-iK-rale ai^ilait le monde artistique et littéraire, où, dans un archaïsnu' fantaisiste et candide, toutes les illusions, toute la grâce et toute l'igno- rance du jeune et naïf romantisme trouvèrent leur expansion.

Une remarque (|ui s'impose néanmoins, c'est le contraste qu'il y eut alors entre l'art somptuaire et les autres arts. Tandis que l'intensité du mouvement romantique faisait surgir quantité d'hommes illustres dans la littérature, la peinture, la scul- pture, la nuisiipie, un chef maufjua aux arts décoratifs, qui ait eu l'envergui'e d'un Lamartine, d'un Victor Hugo, d'un Ingres, d'un Delacroix, d'un Rude, d'un Berlioz, et dont le génie ait été capable de créer de toutes pièces un mobilier régénéré, marqué du sceau supérieur du goût et de l'originalité. Tant d'éclat et de puissance, d'un côté, donnent à l'autre une apparence de pauvreté! Il semble qu'une société, ({ui comj)lait des esprits de premier ordre, et des ai'tistes qui furent des novateurs en plus d'un genre, aurait du vivre dans un décor inédit, en tout cas d'une inspi- ration nKMlleure que celle des rapsodies archéologiques dont elle se contenta. Mais les arts du mobilier, on le sait, ne se transforment pas aussi facilement que la statuaire ou la peinture, et il ne suffit pas d'un seul homme de talent pour les entraîner dans une direction nouvelle. Aurait-on eu en 1830, un Le Brun, un Berain, un Meissonnier, un Percier ou quelque autre décorateur de haute allure, qu'un tel

1 Ph. Riiiiy. Monogfiiphie de K.-D. F'roiueut-Meurice.

174

phénix n'eût probablement rien changé aux choses. Les arts n'étaient plus gou- vernés alors par une volonté forte, comme celle d'un Louis XIV ou même d'un Napoléon I"; ils ne subissaient plus l'influence d'une cour élégante et d'une aris- tocratie façonnée de longue date aux raffinements du luxe. Ils étaient tombés dans le domaine public, et suivaient, au hasard des circonstances, le courant général des idées du temps. Or, la tendance dominante était celle des études historiques. La France éprouvait le besoin de se retremper dans le passé, de remonter à ses origines. C'est la caractéristique du dix-neuvième siècle que ce goût obstiné pour

l'histoire et la critique. On fouille les ar- chives, on exhume les parchemins. Tous les éléments des connaissances humaines furent soumis à de nouvelles analyses, et successi- vement passés en revue, comme pour un im- mense inventaire. L'éducation du public, en fait dail, ne s'est poursuivie lentement que par celte méthode.

Louis-Philippe aurait-il pu, par son in- lluence personnelle, imprimer une autre di- rection aux goûts de la nation? Même s'il en eût été capable, son action se serait exer- cée sans résultat appréciable. Il aurait fallu une ambiance dilférente. Pas plus que ses devanciers, Louis XVIII et Charles X, il n'avait l'amour aiguisé de l'art, et, moins ([u'eux encore, il songeait à entourer la mo- narchie du prestige d'un fastueux appareil. De même qu'il ne prétendait être que le « premier citoyen » de France, de même à sa cour on ne cherchait pas à se distinguer par plus de luxe qu'il n'y en avait dans la bourgeoisie aisée. Donner l'exemple de la simplicité, tel était au fond la pensée du souverain. La direction des arts resta donc abandonnée, comme sous le régime précé- dent, k des ministres, à des fonctionnaires subalternes qui, n'ayant aucune compétence, se bornèrent à faire des circulaires. Restaurer Versailles et en faire un musée des gloires nationales, terminer l'Arc de Triomphe, élever la colonne de Juillet, célébrer aux Expositions de 1834, de 1839 et de 1844, les progrès de l'industrie, obéir en tout aux fluctuations de l'opinion qui, après les pastiches du gothique,

Service du sultan Mahmoud.

Cloche et réchaud et seau.

(Exécutés par Ch. Odiot.)

17.1

se j('l;i cpiTillIllli'Ill viir [•(•[\\ i|c |,i I5i'liaiss;ilicr, |»nlll- s'cnj-'otlri' cil-^llilc fl<' rOMX (II- I.Dlll^ \l\ cl lie l,(Hii-> \\ :iiii;il;.';iiii(''S ^ail^ oImIit, a\cc des (''liMIlcnK cill |iriiiilc-> aii\ (li\civfs i|Mi(|iic-^, \(iila a [n'ii près ;i i|ii(ii ^c inMiia Ir rôle iirolrrlnir (lu icuiiiii' |MUir li's arU ^(iiii|il iiairc--. Viiciiiir ;.'raiii|i' rdiiiiiiaiHli' otlicirllf. jtoiiil. (le licaiiN li'a\aii\ il aicliil ('( I iii'c . iiiilli' iiii|iiiUi(iii ^nii\ l'nii'iiiriil.ih;.

Il y a\ail (CiiciKlaiil a la cniii' des |>('r^niiiia;^rs en siliialidii dr rdiiriiir <lC'S iii>-|>iral iiiii'^ aii\ aiclicrs, ri di- (loiiiicr lidaii. La |>riiu'('SS(' Marie, la |ii(»|ii-i' lijic du i"t>i, aiilciir d une slaliie Jcaiiiir t/.\/t\, i|iii es| |\|ii(|ii(', itiodelail a\er |)a>>Ni<)ii. I,e due d'Orléans, aniatein- dis! in,i:iii'', ne >>e eonleiilail |ia^ de n'-iniir- des oljjcts d'arl aneieii, mais cii l'aisail e\(''eiiler jutin- sdii usa,::*' a\ee la liluTalili' d un Mi'-eèiic, et sa edllei-lion, l'ernit'e an\ Nid^'ari-

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l(''s. ri'snniail en elle le nieillein- des lireduelidii^ de l'indusli-je de l'i'-- |)iH|iie. A I (irleM'e Odiot il demanda un maunilique sei'viee diuil les moin- dres pièces t'ui-enl ('ludit'es avrc le plus grand soin. A Dm-and, à Lebrun, élèves d'Otliol, il lil l'aire nombre de coupes et de vases offects comme l^rix de course; à liarve il demandait un sui'lout le c(>lèbrc statuaire avait domu' libi'C cours à sa uierveil- leuse couipi'éhensioii des auimaux. Tous les priucipaux fabricants reçu- rent de lui leur })ai't d'eucourage- uieut, à coninieueer par Waguer, uu nouveau verni, parmi les orfèvres, et (|ui allait faii-e parler de lui. C'était uu bon exemple, et qui porta ses fruits. Il fut imité, sinon à la Cour même, du moins par certains grands seigneurs de France ou de l'étranger, par des financiers, heureux d'éblouir leurs contemporains, enfin par quelques hommes d'infiniment d'esprit et de goût, comme le duc de Luynes qui, avec l'intelligence la plus avisée des intérêts de nos industries d'art, et l'initiative la plus généreuse, exerça par ses commandes, par ses conseils, par son érudition, une influence considérable sur les ornemanistes et les décorateurs de toute catégorie. Mis ainsi en relief, nos orfèvres récol- tèrent le bénéfice de cette heureuse protection, et des diverses cours de l'Europe affluait une quantité de riches clients. C'était le temps la grande-duchesse Hélène de Russie faisait commencer par Odiot, et achever par Lebrun, son

Service du suUan Mahmoud.

Jardinière et soupière.

[E.réciilées pur Ch. (hliol.)

470

grand service dans le genre du dix-huitième siècle, qui coûta près de dix ans de travail; le prince Demidoff s'offrait la fantaisie d'une splendide coupe d'or, dans le goût grec, qui représentait allégoriquement les trois mines de métaux précieux qu'il exploitait; le baron de Mecklembourg venait surveiller chez l'orfèvre Lebrun les travaux ciselés pour lui avec une admirable perfection par les frères Faniùère; lord Seymour et beaucoup d'autres opulents lords

Soupière pour le baron Salomon de Rothschild. Exécutée par Charles Odiot. {Archives de la. Maison Odinl.)

anglais confiaient aux artistes de Paris la fabrication de fastueuses vaisselles d'argent, et jamais l'industrie française, même à l'époque glorieuse de son histoire, quand elle produisait d'indiscutables chefs-d'œuvre, sous Louis XIV ou Louis XV, ne fut honorée de plus de commandes pour l'étranger que pendant le règne de Louis-Philippe.

Odiot eut sa grande part dans ce mouvement. Ses ateliers étaient occupés pour la plus riche clientèle de France et de l'étranger. En 1831, il faisait pour le

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Service du hai'on Saliminn de Rotlischikl. Salières, liiiilier. plateau de carafe. Kxécuté par Clliarles ()dit)t.

(,4/'(7iire.s de lu Maison'^ Odiol.)

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Soi'xii-o ilu hainii Saliinnm de Holliî^cliikl. Plat ovale et réchaud. Exécuté par Cliarles Odiot.

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siillaii Maliiiininl, i|ni vniiLiil ([nc son ar^M'iilci-ic Cùl racoiim'c |»ar (les mains IVari- (•ais('->, lin iiivciiihlr (le |.ii ( es <|ni lircnl scn^alion l'Ilcs ('laicnl (•\(''cul<'('s dans les rdniics aldi-^ en ii-^a^c dans Ir ^ri-\if«; di- la laide Si le ^^■■.\{^ a ralrajidiir, la janliiiicrc, les ( liudics ;i\cc l<'iiis ici Ii.mkK ia|i|iflairiil Ir ^l\lr l',in|iii'<' par leur oi'dniiiiaiicc, la di-cufal n m en a\ail |m'|(Iii la sa^cssr cl l'on \ rclnaisail di-'- nriif- nitMils un |icii l(iiii(K (1(1 ni ( tdinl a\ a.l i a|i|Mirl('' le ^(in\ cuir de ^oii -ciimii- (n An^df-

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T(Uil anirc (dail le scc\ icc (|ir(Mi(i| li| (|iic|(|iics ;iiin(''c-> pins lard |)(ini' le lianm Salniiioii de lîdlli^clidd. l/ai'cliil cclc hiilian a\ail doniK' des dc>«viiis «pii riiicnl cxccntcs par les plus lialiilcs >cnl|il('iii's de r(''p()(pi(' : (•"('■lail ( '.(tiiilndlc^, c l'-lail

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Saiioicro pour le ser\"it'e du prince DeiiiidolT. Executive par CA\. Odiot. [Arctiivcs de /.t Muison Odiul.)

Jeamicst et d'autres encore. Le slyle de la Kenaissance les avait inspirés. Nous avons trouve'' dans les archives de la maison Odiot la plupart des dessins de cette orfèvrerie étourdissante de richesse. On a peine h croire, en les voyant, qu'on ait pu faire des plats et des réchauds aussi peu pratiques pour l'usagp, et mieux faits pour l'ornement d'un dressoir que pour le service de la table. Le plat ovale à huit pans (page 179) est encadré dans une bordure les rinceaux ajourés et les figures de femmes en demi-relief, font plutôt penser qu'on a devant les yeux le cadre d'un miroir décoratif qu'on accrocherait au mur et non un plat destiné à présenter un rôti ou un poisson. 11 en est de même du décor des autres pièces, les figures jouent un rôle important. L'huilier, la salière et le moutardier, les dessous de bouteilles à rondes d'enfants, de la page 177, nous semblent aujourd'luii la réalisation d'une folie de l'ornementation.

Dans le service qu'Odiot fit pour le prince Demidoff, la donnée décorative est tout autre. Etait-ce une tentative de retour à l'interprétation de la nature qui ne

182

devait pas avoir de leiidciiiain ? Etait-ce une fantaisie d'un grand seigneur? Mais on est surpris de voir qu'Odiot ait accepté d'entreprendre l'exécution de ce ser- vice sur une donnée aussi extravagante. Les salières sont formées par des cam- panules qui se redressent et forment la coupe l'on mettra le sel et le poivre. L'huilier est un entrelacement de branches de vigne qui font bon marché de l'architecture. Les couverts sont décorés de feuillages un peu lourds et d'une échelle trop grande pour un objet d'usage qu'on doit tenir à la main. Cet ensemble contraste complètement avec les œuvres précédentes. La saucière, plus calme, pourrait trouver grâce devant la criti(|ue, mais il est heureux que cet essai n'ait pas trouvé beaucoup d'imitateurs. Le moment n'était probablement pas encore venu, et les artistes qui avaient modelé ces pièces n'avaient certes pas étudié la plante et la ileur avec la sincérité de conception (pie les artistes de nos jours ont puisée dans les leçons de l'école.

La société parisienne, animée par les fêtes, les l)als, (pii se donnaient à chaque instant, ignorante encore des véritables délicatesses du goût, mais séduisante malgré tout par ses qualités aimables, faisait petit à petit son apprentissage du luxe, par des élégances obtenues le plus souvent à peu de frais, mais que déve- loppaient une vanité débordante et l'excessif besoin de paraître. Il y avait alors dans la capitale un grand nombre de salons qui donnaient le ton et qui étaient très fréquentés. On citait, i)armi les salons politiques, ceux de M""' de Boigne et de M"''' de Castellane; parmi les salons diplomatiques, celui de M""' de Courbonne. D'autres réunissaient l'aristocratie, le monde parlementaire, la finance et le com- merce. Il y avait les salons de M'"' de Maillé, de M"" de Chastenay, de la duchesse de Liancourt, de la duchesse de Rozan, de \d vicomtesse de Noailles, de M""' d'A- guesseau, de M""' Philippe de Ségur, de M"" de Podenas, de M""' d'Osmond, de M"" de Rémusat, de la comtesse Merlin, et bien d'autres encore. On parlait de la décoration de leurs ameublements, des mille gentillesses inventées pour les récep- tions, des tables les plus brillantes, des thés les mieux servis, et cela mettait en branle les imaginations dans certains milieux bourgeois l'on s'efforçait d'étaler brutalement les richesses nouvellement acquises, ou de faire croire à celles qu'on n'avait pas. La manie de la collection commençait à sévir. C'est à qui à présent aurait son petit Dnnkerque encombré des bibelots les plus disparates, quelquefois sans valeur aucune. Il fallait avoir l'air de s'intéresser aux « antiquailles », et, pour être à la mode, il arrivait fréquemment qu'on faisait comme la grenouille de la fable : tout le monde ne pouvant avoir la réalité, on se contentait d'une apparence, et du trompe-l'œil. Dans ses spirituelles Lettres parisiennes, M"^ Emile de Girar- din (1) s'est moquée agréablement de ce travers chez ses contemporains : « Nous

(1 Œuvres complètes de M'^" de Girardtn ;éi.lit. Pion : Paris, 1860, in-8o), t. IV, p. 33. Ou a vu dans le chapitre précédenl ce qu'on appelait les « petits Dunkerque », expression mise à la nioile par la duchesse de Borrv.

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Sci'\ict' flu i)i-ince Deiiii(li>lT. Iluilici-. saliore el Cduvert, Excciito par Cliai-lcs Odiot. Archives de lu Mnisoii (hliol.

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L'orl'èN re|-ie, an milieu de celle socit'h' eu l'oiuialiou, de celle Ixiiu'j^ooisj*! iMiUilaiile el iciniiaule, •^e uiellail a la i'eui(in|iie îles uimles (•|)li(''Ui<'res, (d s'ahaii- doiuiad de [liiis en plus au caprice des iuia,::iual ious luuudlueiises des lil li'ialeufS el des poêles. I!lle recul à cel le cpoipu' le plus d(''cisil' (dau, i,M'àct; a la collahoi'ation dtuu' l'iude dai-lisles de laleul, de sculpteurs (listiiijiU(''S, fjue les orfèvi-es aj)p(;- lereid à leur aide, ri ipii undl i|)lièreul les (i^'"uros, les all(''};orios. les oiTjerneuls sur les coupes, les vas(>s, les siu'Iouls de lalile, et uièuu' sur les uioiuilres usten- siles d'usa^c. (lelte part pr(''|M)ud(''i'aute de la sculplu:'e, (|ui cai'acl('iàse roi-févrcM'i*; (h> ce temps, mar(|ue à la l'ois uii pro;;rès, car elle pnl une aiiiinatioii siiij,Milière, une vie (d un iiitércM indéniable à cet ardent contact des artistes, mais en même temi)> nue liuhlesse, pai'ce ([ue le rôle de rorlevrc s'en trouvait d'autant diminué, el ((ue la l'orme l'ut trop souvent sacrifiée à l'ornement, le pi-incipal à l'accessoire. Charles Blanc a l'ail à ce propos une remarque très juste : « Est-il admissible, dit- il. (pi'uu sculpteur, en voulant orner une aiguière, en déforme le galbe, en altère les proportions, et cela pour montrer son talent aux dépens de l'orfèvre? C'est ce qui est inévitable, et les œuvres les plus belles de la Renaissance sont entachées de ce défaut. » Si les orfèvres de 1830 ne surent pas assez rester dans leurs ateliers les « maîtres de l'œuvre » connne lavaient été leurs ancêtres des anciennes corporations, s'ils laissèrent trop souvent plus de liberté qu'il n'aurait fallu aux sculpteurs qui abusaient de l'ornement, c'est que beaucoup n'étaient alors orfèvres que de nom, ignoraient le métier et conduisaient leur fabrique comme une boutique. C'était la consé<[uence de la liberté du commerce inaugurée en 1789. Ceux qui étaient en tête de ligne, les Odiot, les Fauconnier, gardaient une certaine autorité, fondée sur l'expérience et la pratique, sans toutefois parvenir à discipliner suffisamment l'exubérance de leurs collaborateurs. Ce fut bien autre chose quand se révélèrent, entre 1830 et 1840, de nouveaux chefs d'atelier, tels que Durand, Lebrun, et surtout Wagner, Morel, Duponchel, Froment-Meurice, qui, remplis d'entrain et d'initiative, engagés à fond dans le mouvement roman- tique, novateurs par tempérament ou par calcul, firent à la sculpture de l'orne- ment et de la figure une place plus grande qu'elle ne l'avait jamais été.

^1) cil. Blanc. Grammaire des arts de'corali/s, chnpitre de l'Orfèvrerie.

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Précisément à cette date apparut, comme par enchantement, toute une pha- lange de jeunes artistes, statuaires, décorateurs, ciseleurs, débordant d'idéal, transportés d'ardeur, surexcités jusqu'au fond deTàme par la fièvre du romantisme, qui allaient mettre au service de l'industrie ia fougue un peu iucohérente de leurs rêves. D'où venaient-ils? Comment était en eux ce goût de l'ornement qui n'existait plus dans l'art et qu'on avait désappris? A quelle source avaient-ils puisé ce sens du pittoresque et de l'aiTangement décoratif qui n'était alors enseigné nulle part, et dont il était si difficile de trouver des exemples? C'est un phénomène qui n'est pas des moins curieux dans l'histoire des arts du dix- neuvième siècle.

Parmi les sculpteurs qui eurent, à cette date, la plus féconde influence sur l'industrie de l'orfèvrerie, il faut citer Jean Feuchères. Elève du sculpteur Cortot, il avait étudié également le dessin avec un peintre nommé Blondel, et après un début au Salon de 1831, à l'âge de 24 ans, il se mit pr('S(iue aussitôt à dessiner et à modeler, pour des orfèvres e( d'autres industi'iels, des compositions pleines de charme et d'une réelle habileté, dans lesquelles étaient évoquées les scènes et les symboles chers à la Renaissance. Il avait réuni sur cette époque une collection importante de documents, d'anciennes estampes dont il se nourrit l'esprit, et comme il était doué d'une imagination inépuisable, avec une adresse de main merveilleuse, et comme il s'était formé le goût, il se laissa aller aisément, sans abandonner ses grands travaux de staluaii-e, à prêter sa gracieuse collaboration à l'industrie qu'il alimenta pendant vingt ans de modèles de tous genres. Cet exemple d'un artiste de tel mérite, qui ne dédaignait pas de faire une besogne, qu'à cette époque aucun de ses confrères n'aurait osé entreprendre pour ne pas sembler déchoir, eut les plus heureuses conséquences. Il faut bien se rappeler en effet l'espèce de déconsidération que les artistes avaient alors à braver quand, semblant sortir de leur profession, ils consentaient à faire œuvre ornementale (I). Dans les ateliers, les décorateurs-modeleurs, qui n'étaient guère autrement traités que comme des artisans manuels, s'en sentirent subitement rehaussés. Les ciseleurs se crurent tous des Cellini, et virent en Jean Feuchères un des leurs, le chef qui les représentait, qu'il fallait suivre désormais. Ils parlaient avec émotion de son bas-relief de l'Arc-de-Triomphe, représentant le passage du pont d'Ar- cole (1834), et ses statues exposées au Salon de 1835, un Benvenuto Cellini, un Satan aux ailes repliées, penseur lugubre, un Raphaël rêvant, ainsi que de sa charmante Renaissance des arts et d'un gracieux petit bas-relief, la Peinture et la Poésie (Salon de 1836), acquis par le baron de Rothschild. Par la suite, Feuchères

(1) Un confrère de Jean Feuchères, qui travaillait aussi pour rorlèvrerie, Henri de Triqueli, ayant exposé au Salon de is:5f) une aiffuière d'argent, les journaux voulurent Lien en parler, mais eu plaidant les circonstances atténuantes pour un artiste qui osait ainsi dérogei'. » Ses ouvrages, dit la Mode, sont une sorte de passe-temps qui acquerront de la valeur eu raison de leur rareté. »

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4

Bouclier: Jupiter fouclroy;mt le Titan. [Dessin orlrfin.il de J. Fenchùres.)

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l'iil oHi(ifllciii<'iil cliai-i' (le diverse-, siiil|,| mes iii(iniiiiirtil;il('s : il lit la llj^urc do Ji'iinili' d' .\r( sur Ir ln'ii-liri\ ;i Uoilcil, cclli' de soiutr Ihni'sr , polir I (';.diM' df] iîl Madrlciiic il l*;iiis, ((die de Jiussitf/, pniir la loiitaiiH' di." la jjlacc Saiiil-Sul|)ice,

Le Parnasse. Pcojel do sui-Lout. [Dexsin oriijinal de J. Feiiclières.)

celle du cavalier Arabe, sur le pont d'iéna, la Constitution, sur la place du Palais- Bourbon, etc. C'est lui qui fut choisi pour exécuter le char funèbre qui servit à transporter les restes de Napoléon 1". Mais ses travaux pour l'orfèvrerie et pour le bronze étaient dignes d'être plus appréciés encore parles qualités techniques dont ils témoignaient, par la nouveauté et la variété des conceptions, par le charme du

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décor approprié avec une science bien faible encore et bien rare à la desti- nation des objets. Feuchères composa notamment pour le célèbre ciseleur Vechte, dont il va être bientôt question, plusieurs beaux vases et quelques boucliers. 11 fit pour Fromeiit-Meurice une quantité de travaux des plus importants que nous

Le Travail des champs. Projet de surlout. [Dessin origin;il de J. reiiclières.)

retrouverons en parlant des expositions de l'industrie, et commença la résurrection du vieil art limousin de l'émail en fournissant à cet orfèvre des compositions qu'exécutaient SoUier, Grisée, Meyer, Heine, etc. La maison Christofle possède de lui divers projets de surtouts qui montrent toute la souplesse, toute la fertilité d'invention de cet artiste, mort trop jeune (en 1852, à quarante-cinq ans), et qui, s'il eût vécu à une autre époque, aurait pris rang parmi les plus grands décora-

t!M

li'tii'-'. " S'il |Mirl;i sdiiM'iil |;i |M'iiic, ;iiii^i i|iii' T.! r('m;ici|iit' un <'rili<|iH' ;i\i^f,

M. IMl. rtiiii\, dll |mMI (le llhlIiiMlc (le sr-> l'Iinlr-, | ilcill Iclr^ .. , ^■^• lir illl |i(iilll SU

la II te, |uii'-i|iir, (le liMi^ les ,ii | i-|iv i|i> v,,ii lciii|i^. il r^l icliii (|iii s';i|i| tl i( | lia il le plus Jl ri'lij^ir t'oiilic IcN huiiiic-. i|iii cM^laiciil aloi-- dan- I CiiM'i;.' nrinrni iji'v .ni ^. .1 ai

Esquisse de surtout jiour le duc de Lu^ nés. [Dessin original de J. Feuchères.i

SOUS les yeux, en écrivant ces ligues, le dessiu origiual d'une de ces compositions datées de 1836, par conséquent de ses débuts. C'est le projet d'un bouclier, car c'est lui qui mit eu faveur, parmi les orfèvres, cette forme très « romantique » qu'il trouvait favorable pour faire valoir les motifs eu bas-relief. On y rencontre déjà l'habileté d'un professionnel habitué aux difficultés des travaux du métal, et avec cela une vigueur d'expérience, une liberté d'allure très curieuse. Le sujet représente Jupiter foudroyant les Titans. Ou voit les géants, qui ont amoncelé des

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blocs énormes de rochers, monter jusqu'à l'Empyrée pour y porter la menace de leurs torches enflammées, tandis que, soutenu par Taigle qui plane d'un large vol au-dessus des assaillants, Jupiter brandit la foudre, et les accable de ses coups. Un second dessin, qui fait égaleuient partie des archives de la maison Chris- tofle, est un projet de surtout représentant le Parnasse. Xu sommet d'un rocher

Saucière. {Projet de ./. Feiichcre.s.

que domine une figure d'un beau mouvement : un Apollon jouant de la lyre et emporté par l'irrésistible élan de Pégase. Feuchères avait penser au mot histo- rique de Napoléon à son peintre David et voulu que le jeune dieu fût « calme sur un cheval fougueux ». Autour de lui les Muses sont groupées avec leurs attributs. La partie inférieure du surtout est occupée par une figure de fleuve à barbe limoneuse, accoudée sur une urne et tenant en main une rame, accompagnée de nymphes jouant dans les roseaux. Le dessin, poussé à l'effet, est exécuté avec la liberté du croquis, mais conserve un bel aspect décoratif.

Un autre dessin de surtout est non moins intéressant, il est signé de Feu- chères, 1847, et a pour sujet le travail des champs. En forme pyramidale, ce sur- tout est divisé en trois parties superposées. Sur la base, à droite et à gauche,

I't:i

La Métallur;iio. [Dessin orUfinal de J. l'eiiclières.

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r.irtish' il svmlxili^'' !'• l'^ii" '' '•' n in, îiliiiiciils cssciiliiU •!«• riioiimic, |),ir dtMix "i-t>ii|»('s rt'|)r*''S(Mil.iiil l.i iimisNoii il la \cimI;iii;.'(' ; ;iii cciilir, soiis rmcadc irn'^u- lit'rc (rniic "roltc, im ;jniii|ic d ail I'-.iiin Inrijc Ir ^m- de la iliairm- qui ddil < riiisci' le sdliiii ml ^fiiiifia Ir u'iaiii , aii-dr^sns, jrx di\iiii|cs des caiix r(''|iaiidriil ^\w je sol le ruiiliiiii dis iiiiics iV'colldcs, cl, ail sniiiiiicl, iiin' llairliaiilr <•! (!(''rC8 ,|,iiiiiii(-iil la r(iiii|i(isili(»ii de n' siirldiil s( .m | il iinix .

l II lidisjciiic dessin, <|iii iMUinail liicil tdic rillii' drs pir!iihl("> | m 'il sec s de |•■t•llt•||(•^('-^ |i(Hirla i(mi|M)sil ion d un surloiil i|iii' le duc de I.U\ lie-- dc\ail faire cxeciilcr par IVoiiicnl-Meiiriee. IjO {;r(Ui|ie central csl de ti-ois li^i^ii- res : lîaecluis. (a'-rès cl NCiius, coiiiine daIl>^ l'exeeillioii d(''Hnilive. 'Yvi's (de- j^anles (laii> leur eiilacemeiil, (dies dillerciil peu (\\\ iiuidele deliililir, mais dans le premier jet de l'iMiiste pai'aissenl encore plus tiiies ci plus svtdl<'s. Le plateau coiixcxe sur le- ijuel elles reposent reinplae(> la sphère (pu* ci-iiilure le Zodia([ue dans l'oxéeution délinitive cd est porli'' par (jualro carialidos espacées dont l'arlisle nous nionlre les deux prin- cipales : la (diasse et la pêche; au centre', une panthère domptée par un entant.

Le dessin du candélabre qui de- vait raccompagner est enlevé de main de maître. Une corne d'abon- dance, d'où s'échappent des bou- quets de lumières, est portée par une nymphe qui chevauche sur le dos d'un faune. Un croquis au crayon sur le côté représente le groupe qui devait faire le pendant du premier.

Ces dessins, dont l'iiivention est charmante, ne sont que des esquisses, mais quelle précision déjà et comme on sent que l'artiste sait bien qu'il travaille pour un orfèvre et que ces projets qui pourront être remaniés et corrigés sont déjà des œuvres exécutables en métal précieux.

Le dernier dessin de Feuchères présente une certaine ambiguïté dans la forme;

8

Candclahi'e pour un siii-loiit. [Dessin original de J. l'eiichères.;

19G

est-ce un surLoul, est-ce un drageoir? Il semble ([iie l'arliste ait fait allusion à la profession de l'orfèvre : Vulcaiii en est le couioniiemenL et deux figures de femmes symbolisent le travail de l'orfèvre, l'une modèle, l'autre travaille sur le boulet du ciseleur et le pjtit groupe d'enfants battant l'enclume ne laissent pas de douter sur les intentions de l'artiste; l'effet en est somptueux. Tels étaient les motifs dont on aimait alors à se réjouir les yeux : la mythologie entrevue dans un

lîacflianale, email en camaïeu. [J. Feiirhèrcs.]

décor pittoresque et moyen âge. Feuchères en eût fourni tant qu'on en aurait voulu.

Feuchères s'était essayé dans l'art de l'émailleur. Il avait donné à la Manufac- ture de Sèvres des motifs charmants qui y furent exécutés. Des plaques d'émail en forme de médaillon, que nous possédons, ont été exécutées dans le genre des émaux de Limoges et portent sur le côté la signature de Feuchères tracée en or. Ce sont des motifs de bacchanale qu'il alfectionnait. Une ba(;chante en- dormie et lutinée par les amours, s'abandonnant aux bras d'un faune, est d'un dessin excellent et montre la ressource et la fécondité de l'imagination de Feuchères.

A côté de cet artiste, il faut placer Jules Klagmann, qui, quoique à peu près

t'.i:

l"iiiaii\ cil «.•aniiiïcii. .1. ^cllclu•l•o^ Ciilli-rlinii H. niniilhi-l.

lî>!»

,1,1 iiiriiir ;~|-,., lui, nii |Miil (lue s, m (•levé, rt i|c\iiil -nii l'iiilllc. CniilliK' lui, il (|.-lai->>>a I iTtilc ara(lciiih|iii' |M.iir Ic^ l•llll|(■>^ iinli|irii(laiilr^, I niiiriiiriit , ri Lui (le la Uciiais^aihi' l.f^ succc-. iiii'il (.liliiil aii\ Sal(iii-> a\iT df-- li-iin'-^, Idlc^ .in'llll Jnl, •riiii beau -.iiliiii.iil cl il illir Nriilc lialiulaillc, II»' rfliil.rclirrcill |)a> (le ^ailiiiiiiiT a la (Iccmal ion aniiilciiiiialc il aii\ lia\aii\ (11- riiiilii^liii' Il f^l railleur (II' la roiilaiiii' ilr la plan' LuUN(U'-, cl r ('>l a lui i|Ui' s';ulri's>-a la raiiiilli' r»(illi>- child pnui' loiilc la |>ai'li(- (U'iii'iiiriilalr îles ilru\ lin- |('1>, la^luriix [iiuir I cimuiiu', i|u'('lli' lil cli'M'i' rue l.ariillc. h'auli'i'^ srulpUuirs dii- ranl rcl Ir pcriinlc rouniirrul le |tlu^ iililc roucoiirs aux ui'l'î'vi'i's ; j'ai dcja parli' de rilhi^lic r>ar\('. ijui. uaxaut pas (tltli'uu le prix de liouic à rKcoK' des Heaux-Ai'ls, douiauda ses ju'cuurres res- souiH'OS à riudusli'ic. et li'a- vailla pour KauconiiicM'. 11 (>\c''cuta plus tard pour le duc dOrléaus, d'après les

dessins de Chenavard, un surtout de table qui comprenait neuf groupes de chasse dans les dilTérentes j)ar(ies du monde, excellent thème qui permit à Barye de mêler avec une furie pittoresque, hommes, lions, chevaux, éléphants, etc. (l)-.-

Chenavard était un dessinateur habile, jeune encore, et dont riniluence était très grande alors. à Lyon en 1790, Aimé Chenavard était, en 1830, le directeur artistique de la Manufacture de Sèvres, fonction à laquelle il avait été appelé par Brongniart qui, savant distingué, avait senti le Itesoin de s'entourer d'artistes capables de continuer les traditions de notre manufacture nationale. Chenavard fut à cette époque toutes proportions gardées le « Percier et Fontaine » de l'époque romantique.

Ce fut lui qui enterra le style du premier Empire et inaugura celui qui triompha sous le second, style si l'on peut appeler cela un style qui vécut du mélange

Poi-ti-ait de Aimk CIIKXAX'AHl).

(1) Théophile Gautier, Ilisloire du liomanlisme, page 243.

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de tous les autres. Amateur instruit, bibelotier avisé, il réunit de belks œuvres du quiuzième et du seizième siècle, les copia souvent, et plus souvent encore les mélangea dans des œuvres qu'il prenait pour originales. Sa manière peut être étudiée dans son recueil de décorations intérieures {tapisseries, tapis exécutés dans les manufactures royales), Paris, 1833-1835; et dans son Album de l'Orne- maniste, Paris, 1836. En 1855, le comte de Laborde, dans son livre de l'Union de l'Art et de l'Industrie, disait de lui : « Cet artiste avait l'instinct du frelon qui sait trouver dans cliacpie (leur le suc qu'elle contient et qui ignore le secret de l'abeille pour en faire le miel, l^ureteur infatigable, il avait feuilleté les livres, calqué les gravures, copié les manuscrits, dessiné les monuments, et de tout cela il n'avait pas su se former une originalité propre, un style individuel. En dépit d'une exécution des plus habiles, malgré des détails très bien rendus, on aurai! du lui reprocher l'abus de toutes choses, la disproportion dominant par- tout, l'absence complète de calme, de pondération, de simplicité. Chenavard avait séduit quelques hommes de lettres qui faisaient alors les réputations, et il était devenu l'artiste populaire, le prophète et l'hommc-dieu d'une religion qu'on croyait nouvelle, de l'arl appliqué à l'industrie.

» Tout ce désordre, (|ui ressemblait fort à une orgie, mar(|ua dans l'art et l'in- dustrie de la France d'une manière déplorabhv » Mais il n'en avait pas moins fait école, et l'on pourrait presque dire qu'en 1900, son intluence n'est pas encore tout à fait abolie.

Le mouvement romantique avait modifié sa manière, ce fut sous Louis-Philippe qu'il donna la mesure d'un talent plus assagi, et conquit auprès de ses contem- porains une juste renommée. Il mourut en 1838, et ses amis lui élevèrent au Père-Lachaise un monument dont l'architecture élégante contraste heureusement avec les tombes qui l'entourent. Sur une base rectangulaire, six colonnes sup- portent un dôme rappelant le temple de l'Amour à Trianon. Au centre est un vase de bronze, surmoulage d'une des œuvres les plus importantes de Chenavard représentant le Triomphe des Arts du Décor.

Parmi les sculpteurs les plus en faveur à cette époque, on peut citer encore Henri de Triqueti, Auguste Préault, Pradier, Caveher, Geoffroy de Chaumes, au- teur de belles aiguières exécutées par Wagner. On ne doit pas oubher Carrier- Belleuse alors à ses débuts, et que l'art du dix-huitième siècle devait tant séduire; P. Rouillard, sculpteur d'animaux; Soitoux, Ambroise Choiselat qui fut associé aux meilleurs travaux de Klagmann et était un « arrangeur » d'imagination fertile.

Jeannest, ami et disciple de Feuchères, qui excellait dans les objets de petites dimensions, modela avec Combettes le magnifique service que fit Odiot en 1835 pour le baron Salomon de Rothschild, ouvrage « considéré » à juste titre, a dit le duc de Luynes, comme le plus riche exemple d'une excellente orfèvre-

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(les meuhies.

La ciselure, d'auli'o {lai-t, fil à ceKo dalc de surpi-euauls pi'Oiirès. Dejiuis le pi-euiicr Kiupirc elle ('(ail restée un iiiélier morue et lioriu', Itaiial el plat: ou se couteulait de « U(dloyer » les surfaces du mêlai poui* don- ner aux pièces d'orfèvrerie les apparences duu achèvement soigné, mais sans essayer de uuuvpier d'aucun accent la matière, ni de souligner par des elTets variés les inteidions du créateur de l'o'uvre. L'épiderme de lai'- gent, ou liieu (dait rendu luisant comme un miroir par l'emploi du rifloir et l'action de la gratle-boesse, ou bien prenait, « au moyen de quantité de petites molettes d'acier sablé qu'on promenait en tous sens sur l'ouvrage, l'épiderme du sucre blanc :2) d'une monotonie fade, que les Anglais ont durant assez longtemps grandement recherché ».Ce n'était plus du tout cet art de la ciselure, si spirituel et délicat, tel que l'avait pratiqué au dix-huitième siècle Thomas Germain, par e\enq)le, qui savait prêter à l'argent un langage et comme une âme par le mar- telage, les pointillés, les sablés, tout un travail infiniment précieux et intelligent de l'outil. Ainsi que l'a dit un maître ({ue j'aime à citer (3), le ciseleur a le devoir

Aiguière, par (".lieiiavard.

(1) Duc de Liiyn's. Rapport sur l'Orfèvrerie à l*ExposUio7i de I80I, page 03.

(2) Jean Garnier, Manuel du ciseleur (1859, 1 vol. in-12\ page 60.

(3 Luciou Falize, dans le Diclionnairc de l'Industrie de E.-I. Lamy, à l'article Cise'ure.

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de faire dire au métal « ce que le sculpteur n'a pu lui donner, ce que ne livrent » ni la terre, ni la cire, ni le bois, ni le marbre : cette fleur de l'épiderme, le » chaire de la peau, la maille du tissu, les nervures des feuilles, le moiré des » Heurs, tout cet infmi délicat, qui charme l'œil et donne la couleur et l'esprit » à la matière ».

A partir de l'époque romantique on vit les ciseleurs s'appliquer à l'étude de ces petits problèmes d'interprétation, qui ont tant d'importance en orfèvrerie et qui consistent à donner de la valeur à tel ou tel détail, à exalter ou à calmer le métal, à savoir, notamment dans une figure, quelle partie restera mate, par oppo- sition à telle autre qui sera unie. Assurément les ciseleurs de cette période ne retrouvèrent pas d'emblée la perfection des anciens, ils montrèrent une ten- dance, par une réaction qu'on s'explique, à grandir leur rôle, à faire parfois trop chanter l'outil au détriment de l'harmonie générale, à trahir les intentions de l'auteur qu'ils n'avaient qu'à docilement traduire. Mais ils apportèrent de la vie et le souci de la vérité dans \r rendu, h'i il n'y avait plus que froideur et insipidité.

Les plus distingués ciseleurs de cette époque furent Mulleret, les deux frères Auguste et Joseph Fannière, Deurbergues, Poux, Dalbergue, etc., et pour les petites choses Douy, Fauque, Honoré, J. (larnier, etc. Celui qui les dépasse tous, car, en même temps qu'ouvrier incomparable, il fut artiste d'imagination, rénova- teur du repoussé, c'est Vechte. En orfèvrerie, « le repoussé est l'art sans limite », a dit le comte de Laborde. On peut former tous les jours d'habiles ciseleurs et de bons fondeurs; mais des artistes capables d'interpréter une composition en repoussant simplement avec le marteau et le ciselet une plaque de métal, ou d'exprimer par ce procédé ce qu'ils ont conçu et ce qu'ils conçoivent dans la cha- leur même de ce travail, ces artistes-là sont rares. Vers 1835 on vit paraître, dans les boutiques de marchands de curiosités, des pièces d'orfèvrerie repoussée qui paraissaient trop belles pour être modernes, qui, comme oeuvres de la Renais- sance, avaient un style si large, si plein, si vivant, qu'il était difficile de l'attribuer à des maîtres coimus; d'un autre côté, on ne s'expliquait pas l'apparition subite de pièces aussi importantes, et tout à fait ignorées; il aurait fallu la découverte d'un Pompéi du seizième siècle pour l'expliquer. L'auteur mystérieux de ces pièces si remarquables n'était autre que Vechte. Il avait commencé par être ouvrier dans les fabriques. à Avallon en 1800, et orphelin à onze ans, il était venu à Paris, était entré comme apprenti chez un vieux ciseleur, nommé Faucin, puis chez un fondeur, Soyer, celui qui devait exécuter plus tard la colonne de Juillet. Antoine Vechte apprit, comme il put, à modeler. Il s'était marié et, pour faire vivre sa nombreuse famille (onze enfants lui naquirent), il se mit à créer des modèles de pendules pour un fabricant de bronzes du nom de Vittoz. Ce que pouvaient être ces modèles, on le devine! Mais à ce moment Vechte se lia avec Feuchères, subit son influence, et fît son éducation d'artiste : il fut bientôt à même da

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f iiCaiils cl (If ^ Il ildim ^roiiprs aiildiir du |tif d ; SU!' If couve i-flf llllf Sri/lhi, sur la IVisc un fdiiilial de iiioiis- h'os marins, cl aux

anses des ligures de sirènes cl (rcnfanls. " On y reconnaissait encore, a dit le duc de Luy- nes(l), les rfiiiiniscences de ces peintres ita- liens de la {^rautie époque qu'il avait étudiés avec tant de constance et dalï'ection ; cependant son travail passant de la ronde bosse à des re- liefs à peine sensibles, ses ornements distribués avec un art merveilleux sur des fonds unis ou granulés, les monstres fantastiques entremêlés à ses tritons et à ses néréides, et bigarrés de détails gravés ou ponctués avec un goût extrême et une variété infinie, toutes ces qualités nou- velles et tirées de son propre fonds, ajoutées à celles qu'il avait reçues des anciens maîtres, mettaient M. Vechte hors de parallèle avec tous les orfèvres, quelle que fût leur capacité. »

La seconde œuvre de Vechte, qui attira décidément l'attention vers lui, fut un bas-

Flanil)LMu |)ai' ("heiunai-d.

relief en or sur la lame de l'épée offerte au comte de Paris, arme dont l'exécution associa tant de talents et d'artistes

(1 Duc (lo Luyiies. Rapport sur les mélauj: précieux à l'Exposition iiniierselle de IS.jl, page 15.

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divers (1). Puis il entreprit pour un armurier, M. Lepage, une aiguière de très grande dimension dont le sujet était le Combat des Centaures et des LapiUics^ que nous avons reproduit (2). encore on reconnaissait l'inspiration de quelque maître italien. Le dessin en était de J. Feuchères. Mais ce que le ciseleur empruntait à autrui prenait sous ses doigts une intensité de vie, un cachet personnel et un caractère saisissant. Voici ce qu'a dit Ch. Blanc à propos du bouclier qui était exposé au Musée centennal : « Les énergiques méplats d'une » figure en action, les rondeurs d'un corps voluptueux, les muscles ressortis » d'un cavalier armé dont le cheval se cabre, les draperies remuées, les têtes » échevelées et les crinières flottantes, enfin les armures historiées dont l'ar- » tiste a revêtu les divers personnages de cette pièce..., tout cela est exprimé » ravir par le marteau du repousseur qui, suivant les reliefs qu'il voulait obte- » nir, a frappé avec résolution ou avec douceur, en descendant par degré des )) accents fiers qui font respirer la vie jus(ju'aux pâles dépressions vient » expirer la forme (3). »

Lancé définitivement dans le m.onde des riches amateurs, Vechte exécuta alors, outre un bracelet j)Our la duchesse de Cambacérès, une coupe en argent pour M. de Vandœuvi'c, représentant un sujet inspiré de Flaxman, « l'Harmonie dans r()lymi)e », (pii jtarui à l'Exposition de l'Industrie de 1849, et valut à son auteur la croix de la Légiou d'honneur, et de plus nue commande officielle, que lui fit donner M. de Thiers, « le Vase du Scrutin », lequel ne fut achevé qu'en 1861, et est devenu le Vase de la création représentant Adam et Eve, le paradis perdu, les passions vaincues : il est actuellement au Musée du Louvre, mais ce n'est pas une de ses œuvres les meilleures. Il existe encore dans les ré- serves du Louvre un vase inachevé qui a été donné par sa fille, M"" Vernaz-Vechte, et que nous avons pu représenter dans la même planche.

Nous avons réuni aux œuvres de son père le vase de M"* Vernaz, son élève, d'une sculpture plus mièvre, d'une ciselure un peu féminine, mais qui montre que, si la fille avait hérité de quelques-unes des qualités de son père, elle avait exagéré ses défauts.

Vechte s'était fait bâtir à Ménilmontant une petite maison que fréquentaient les artistes décorateurs du temps, Feuchères, Klagmann, Hugues Protat : c'est qu'il travaillait pour les orfèvres qui lui donnaient à exécuter leur ciselure, Wagner et Froment-Meurice. Un jour il reçut la visite de M""' Nathaniel de Rothschild, qui lui commanda sa statuette équestre en argent repoussé, en cos-

(1) La composition et la sculpture de cette pièce était de Klaffiuanu, la ciselure de Vechte, l'orfèvrerie de Morel. L'exécution eu fut dirigée d'un bout à l'autre par Fossin (note de Fronient-.Meurice publiée par Ph. Burty dans uu ouvrage sur cet orfèvre, page 14). Frouient-Meurice était l'orfèvre en nom qui avail èlé chargé de la commande de cette épée.

(2) Cette pièce est devenue la propriété de la fille de Lepage, .■\l"i« Brot de Commère.

(3) Ch. Blanc, Grammaire des Arts décoratifs, page 315.

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Ai^iiii-re on orlex l'erio par !•'. Moiirico. Modèle lie .1. Keiiclièi-es, ciselée par ^'l'ellt^•.

Miisi'c i-cnlpiiiutl. C.nlli'ilidU ilc M'" Hm ilc Coiuincn':

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1,1 (r.iiii;i/(.iu'. I.c iiiolicîill si'iliiisil si luil le |i;il(iii .l.iliirs i\r Itol li^cliild ,

<|ih' (cliii ( 1, .iilliniisiiisiiic, sourcil ;i <li;ii-ri- l'nrli-lf ilr «Inix Imiils de l;il»l(; (U; -i. 111(1. '^ (liiiKiiviMii^, (lr\;ml li-iiiTi- If .Iniii- cl l.i Niiil. l-cs m;ii|iirllrs l'iiiciil r.'iiU'S:

cllf^ .•.luiphiiriil lin iiiiiiiliic !■ iiii' tic ii-iircs; iii;iis le iiiojil, on iir -ail |.(jiii'

,|,i,.||,. raii^-f, ii'i'iii \>;\-^ 'le siiilr, cl Ncchic, itrolMiniiiiiciil (li'cil, ^c di-cida a ac'citlcr les I in i| M i->il h iiis d'en LM.^ciiiciil <|iii' Ini a \ aie ni lailcN 1rs r(''|r|)n's niirsrcs

Houclior " la CJRnaiiclii'C ». cisL-luro de ^'ocllte. [Miiiiée rcnleniiiil.)

de Londres, MM. lluiit et Uoskell, et quitta la France en 1849 (1). Les œuvres exécutées par lui depuis lors, et jusqu'à sa mort, survenue en 1868, appartiennent à l'Angleterre. Nous aurons l'occasion d'en parler plus loin; mais ce qu'il convient de dire ici, c'est (jue le départ d'un tel artiste fut extrêmement regrettable, car il priva l'orfèvrerie française d'un de ses plus Ijrillants auxiliaires. Ainsi que l'a fait

I Ton? ces détail* ?ur la vio de Vechte sont tirés d'un ouvi'Ofre inédit, les Aitis(es décorateurs ait cUt- neiivième siècle, par Victor Chauipier. qui possède un recueil de souvenirs personnels que lui a transmis la famille de l'artiste. Ce qui a été dit ci-dessus sur les artistes de l'époque romantique est également euq)runté à 1 ouvrage de .M. Victor Champiei'.

i>12

remarquer le duc de Luynes (1), Vechte a introduit dans l'art du repoussé des per- fectionnements précieux, particulièrement la préparation des pièces difficiles qui, au lieu d'être péniblement ébauchées et achevées sur le ciment, sont maintenant estampées par morceaux dans des creux en métal, fonte ou bronze, puis ensuite ajustées, soudées et ciselées. Il en résultait une grande économie de travail, et le métal, moins fatigué par le travail du marteau, conservait plus d'égalité dans son épaisseur; les trous et les déchirures étaient moins à craindre. Son talent, en plein épanouissement quand nos voisins raccaparèrent, aurait pris sans nul doute un élan encore plus puissant dans sa patrie. Il avait formé un jeune élève, Morel- Ladeuil, qui devint également un maitre dans l'art du repoussé : celui-là aussi fut enlevé à noire pays par l'Angleterre, nous le verrons dans le chapitre suivant produire, à la solde d'Elkington, d'admirables ouvrages de 1852 à 1888.

Après cette nomenclature des principaux cohaborateurs de l'orfèvrerie sous le règne de Louis-Philippe, revenons aux fabricants eux-mêmes, aux chefs des maisons les j)lus importantes, en conslataiit leurs efforts tels ([u'ils se manifes- tèrent aux diverses expositions de l'indusli'ie qui eurent lieu à cette époque.

L'Exposition de 1834, organisée, non plus au Louvre mais sur la place de la Concorde, dans des baraquements assez sommaires, réunit lo orfèvres sur 2447 exposants. C'est le baron Charles Dupin qui fait le rapj)ort. 11 exprime un « sentiment profond de regret » à voir les artistes s'humilier jus(|u'à suivre, à copier une mode éphémère et bizarre, pour adopter des formes anglaises lourdes, prétentieuses et sans grâce. Il ajoute : « L'orfèvrerie anglaise n'est, selon nous, » qu'une alliance maladroite de la prodigalité d'ornements qu'alfeclait la Renais- » sance, avec les tortillements du genre Louis XV. Au lieu d'accepter cette com- » binaison monstrueuse, si l'on veut à toute force imiter, pourquoi ne pas )) remonter aux types primitifs (2V? » La réflexion était juste. Elle s'adressait spécialement à Odiot qui, comme je l'ai déjà dit, avait été le grand importateur, en France, de ce genre anglais, dont on commençait à Paris par comprendre le ridicule, et que les esprits avisés signalaient comme un danger. Mais ce qu'il faut dire, c'est que grâce à Odiot qui avait voulu prendre surtout à nos voisins leurs machines-outils, les tours, les matrices grâce auxquelles ils avaient conquis sur nous une avance considérable au point de vue de la fabrication commerciale, nous pûmes dès lors reprendre une avance que nous ne devions pas laisser échapper. A cet égard, le service rendu par Odiot à son industrie fut très grand; malheu- reusement, en même temps que les outils d'invention anglaise, les modèles de Londres avaient pénétré aussi; à l'amalgame de la Renaissance et du Louis XV, on ajoutait (car l'influence de Ghenavard s'étendait jusqu'à Londres) la nature

(1) liappofl (le 18ul, p.-ige 17.

(2) Rapport du jurij central sur les produits de Vindustrie française exposes en 1)^34, par le baron Ch. Dupiu, Paris, 1830. 3 vol. in-lS. (Voy. chap. xxiii, section 11, page 14i.)

ulrail lie (■iiviu.i:> C)l)lU'r et de ses deux lils, En^u:^T et <m>ïa\i JJolU'ctiun Gtistace Oïliot.)

III,, lie. I;i iMliirr \i\:illli' il loiil llll -fiirc il'ilii | pjl I nrc-illlc «A I ni \ .i;.'.! lit . (Ic

n'iliiil iiiif lurrlN vici'^t'S cL |);iliiii«'rs, luiis dr sapins <MiUNcrls de iiri;.'(' et lialiilés liai- ilfs ours, (liasses à rrh'pliaiil cl aii\ li;.'r('s, scènes «le criti^-adc^ (iii de la \'\t' inaMM' la plus ((nliiiaiii-, ((iiiiiiic h' diif de W'idliii^ htii à ( lir\al ijaii^ ^(Ui |»an-. ou

l,l,.|l loiili- la \ r-rl.ilhiii do vcilT-- cliaildcs de l' Aii-lclnic, loiil le |r;.'iir aiiiiiial ,|ii iiiniidc, |Minlilriiiiiil iiiiilr, d II II 'llll' lit M'iidii i I ) ( »diol lie pn'-ciila |ias, a ri'!\p(i- siliiiii de IS;!'(, dt'N d'il \ rc^ d'un ^ où! an--- i I A oli.| lie; il a\ai( |ioiiilaiil ilcu\ h i il oui s

N" r>. Théière, i-enaissance italienne. Olùivre d'OdioL. {.Miisce ccnlciinnl.)

de table en argent mat, dont l'un offrait un amoncellement d'arbustes et de plantes, et dont l'autre, plus simple, n'en étail pas moins une imitation des formes anglaises.

Le Musée eentennal nous montrait une série d'œuvres d'Odiot qui marquaient bien l'évolution qui s'était faite dans sa fabrication de i830 à 1848.

C'est pendant toute celle période que la renommée de Charles Odiot, qui con- tinuait à s'inspirer des traditions paternelles, devint universelle.

M. Ciustave Odiot nous a permis de reproduire un portrait de son père qui date

(1) Comte de Labonie. ouvrage cité, page 3"2.

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de 1840, il est représenté avec ses deux jeunes fils, Ernest et Gustave, qu'il allait former à son exemple et préparer à suivre sa carrière. La réunion au Musée centennal des pièces que nous avons reproduites ici est particulièrement sugges- tive, et montre les étapes parcourues par Odiot pendant le règne de Louis-Philippe.

L'influence anglaise est bien marquée dans la cafetière N" 3 de forme gourde allongée, a panneaux ciselés en relief et séparés par des côtes. L'ornementation en est exubérante et les scènes de jeux d'enfants qui sont représentées, se res- sentent du peu de mesure des orfèvres d'outre-Manchc.

Tout autre est la théière N" 4, dite de forme « casquette » tout unie. Elle est au contraire pratique et simple, telles qu'aujourd'hui encore sont les pièces de fabri- cation anglaise les plus en vogue. Les deux cafetières 1 et 2 marquent le moment Charles Odiot, retrouvant dans nos traditions françaises des types d'un goût plus épuré, allait complètement changer sa manière.

La théière N" 5, de forme aplatie avec têtes de béliers servant d'amortisse- ment au bec et à l'anse, se ressentait déjà du retour au style de la Renaissance mis en faveur par le Romantisme. La sculpture en était puissante, et la frise send)lait imitée des marbres de la Henaissance italienne.

Mais oii le style romantique est plus visiblement marqué, c'est dans la cafe- tière N°(). ^)uatre ligures assises sur une panse aplatie accompagnent l'anse et le bec; une profusion d'ornements couvrent la forme et compliquent la décoration sans laisser de parties unies et calmes l'œil puisse se reposer, ornements qui ne sont ni moyen âge ni renaissance, mais s'inspirent du mouvement créé par la littérature d'alors qui s'accentuera encore, en s'affinant avec Froment-Meurice.

Dans le dernier type se retrouvait également l'inlluence anglaise, mais avec un goût plus épuré. Le samovar, décoré de branches et de feuilles de thé, était inspiré des végétations tleuries dont les Anglais abusaient, mais auquel Odiot avait su donner un aspect pittores({ue et agréable.

Son iniluence était visible sur un orfèvre de Strasbourg, nommé Kirstein, qui montrait des vues et des médaillons figurant des chasses et des combats. Durand, élève d'Odiot père, s'éloignait complètement, au contraire, du goût anglais pour adopter le style Renaissance à la mode, et s'attirait par cela même un compliment du Jury qui, le félicitant pour une aiguière d'une assez belle exécution, assurait qu'il était fait pour comprendre les beaux-arts. De même pour Lebrun, dont les vases pour prix de courses recueillirent tous les suffrages. Mais le grand succès fut pour Wagner qui, pour sa première exposition, obtint d'emblée une médaille d'or, avec un bijou. Wagner était un artiste prussien. Arrivé à Paris vers 1830, il s'associa avec un lapidaire. Mention; il avait fait d'excellentes études spéciales, a dit le duc de Luynes (1); son instruction dans les arts du dessin était complète,

vl , Duc (le I.uynes, Rapport sur 1rs mélaur précieux à l'Exposition de 1851, page 68.

(.al't-tiores. tluMeres cxoci.tocs parOdiot. Musée renlcnn;)! )

2\U

les |l|■(»(•(■•(|(■••^ ilf rdl-l'cM-fl ic, lie l.i lil|(illlci ir cl de l.l [(Llillciic lui l'hiicilt l'ii lli il id'S, s, ,11 l.ilriil |.ci--iiiiiii'l l'I-iil n'iii;iri|ii;il'lr

Il .iiiiiiiiiii a iMi' l;i r.iInhMl KHI ili'^ iiii'llc^ ;i I iiiiil ;il inii i|r itii\ de j'iii^^ic, cl ,l,,\,,,l |,r,,iii|ilciiiclil >-i li.iliilc (l.iiis ii-l ;iil, (|n il l;ii>s;i m-s iikxIcIcv |mi-ii loin

Xo c. _ QiCclici-e. sI.vIl' rninaiitii;ue. Œuvre d'Udiot. [Musée rentennul.)

deri'ièiv lui. Encouragé par le duc d'Orléans et par la princesse Marie, Wagner entreprit de grands travaux et réussit dès son début. Il devint chef d'école, fixa l'attention des amateurs et apporta sa science à la place de la routine. On vit en lui se réaliser ce qui n'était plus qu'un souvenir depuis le dix-septième siècle : lial»ile à dessiner et à modeler aussi bien qu'à ciseler, Wagner fit revivre le repoussé. « Outre les qualités d'art dont il faisait preuve, le jury de 1834 remarciua chez Wagner le souci de mettre ses travaux à la portée d'un grand nombre de fortunes par les procédés de gravure mécanique, ce qui, affirmait le rapporteur, « devait produire une vraie révolution. »

Cinq ans après, c'est-à-dire à l'Exposition de l'industrie de 1839, installée

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cette fois aux Champs-Elysées, sur le carré Marigny, l'orfèvrerie était repré- sentée par 22 exposants, au nombre desquels outre les fabricants cités ci- dessus, et qui restaient fidèles à ces concours périodiques, figuraient des noms

nouveaux, ceux de Froment-Meurice, qui allait j)reiidre une place éminente dans notre industrie, et de Cliris- tofle qui n'exposait encore que des bijoux, mais qui ne devait pas tarder, avec les nouveaux procédés de dorure et d'argenture électro-chimique, à ou- vrir des horizons grandioses à for- te vrerie.

Malgré le talent et la réputation de tels concurrents, le jury se montra froid. Le rapporteur, Sallandrouze, constate, il est vrai, avec satisfaction que les formes anglaises « sans grâce et sans légèi-eté » ont perdu de leur vogue, et que « l'on commence à com- prendre (pf en orfèvrerie le confortable n'est pas tout, et ne doit pas faire oublier la foi'me et le dessin », mais il se plaint de n'avoir à enregistrer « (jue des perfectionnements de dé- tails, des dispositions plus ou moins ingénieuses d'ajustages, et peut-être l'usage plus modéré et mieux entendu des ornements du seizième siècle ». Sa mauvaise humeur va jusqu'à se tra- duire par cette phrase morose : « L'or- fèvrerie, nous le disons à regret, est restée stationnaire depuis 1834; point de procédés nouveaux pour diminuer la main-d'œuvre ou l'emploi de la ma- tière première; peu d'efforts pour con- server ou même inspirer le goût des beaux-arts... » Conclusion: aucune médaille d'orne fut décernée.

Ce jugement paraît un peu sévère quand on pense à fensemble des œuvres exposées. Il s'y trouvait des pièces modelées par Klagmann, Feuchères,et d'autres sculpteurs renommés, des morceaux de ciselure marqués de l'empreinte de

Fontaine à llu-, style pittopes.iue. (Ejvre dOdiot. [MitsL-e cenle final.)

\rilili', ilfs CKiiiliiisiliDii^ i|ili, <rnis le i;i |.| Mirl il'im drvsiii |i|im iliàl ii' , de rii|s|)i- r.ilKMi imiiii>> hiliiiiii mil' ri il un iinilliur .•,|iiilil ne , I i'iiiiti;-'ii;iM'iil d'iiii prit^'lTs IrcN rccl. hiiiMihl ;i\.iil mu' r<iiil;iiiii' a llic Ii.kiIi' i| Un indr'"', |K's;inl i^O'l in.irTs d

rsliincc '.(Mil).) ^|•;llll•-^. l!ii l'on \r |i\ immipIi-, rllr l'I.iii |M»ili-r -^wv un |il.ilc;in

iliMil la liiirtluri', tliNi'^'c \>:w ilrs pailirN nirlli-cs, in<li'|iiail la plarr di's ^ri/r ta^^(•>^; aii-dcssus, >ur nn handi-an ilaïu'i'nl, se linnsaiml liinl |ilalcan\ iiirj|(''-. fi di»i-('s avec al•alll'-^l|U(•-^ l'itmianl cla::!'!!' ri cnnlcnanl ipialn' I lii-im-v, (pialrc sncri('i>, t|nal rc r(iii|ic-^ a t^;il('an\. (pialic |miK à cn-nir. Aiihnir ilr la liiinillnirr se I itinx.iicn! ili'-^ nirlic-^ a\('i' iiLiin'c^ de ^(•nnn^■^, >ircni'N, irihin-^, allanli'v niiid(d<'S itar Kla^niann. ('.c lfa\ail, <■ i(Mnaii|iialili' par --(iii ini|»inlani-(', (lar la Itcanlt' cl la ^iiupluili' du ninniai:!' cl dc-^ ajii'^li'nicnK •■ , \alnl a l'orlrM-c nn ra|i|tc| de nii'daillt' il ari;iMil ; il iriiarni a rrA|uivil imi dr Lundrc^ en ISM. nn il olilinl nn _:;i'ani I ■>iici-t'-> I ,

l.i'liriMi, I ini ili'> \fli'ran<. de l'oi-j'cx rcric IVancai^r, ('\|iit--ail ans<i; soi'li de ralclicr d'iMiiil pi'i'i'. il a\ail reçu id coiix'i'N (' l^>^ Iradilions dr rrl oiIrM-r. |,es ^■(Miii>> dill'rrrn!> ipi il a sni\ i'^, nInIc dr T l!ni|»irr. l'acon anglaise, sl.yle (Je la Hmais- san 'r ri llfojr niodriair, lOiil li'uuvé iiahilc a hicn coniitrriidi'c et à l)irn clmisir. appitrlanl iiiic rarr itni'rclion daii*^ ses moidnrrs, ini .i^oùl el. une i-ridicrclir daii< SCS ajnsIrnirnN. mir Itranli' dans le poli, i|nr personne n'a pu altciiidi'c avani lui.

Le .lin'v siui) dail prinidpalcnuMd un nia,L;iiirKiui' service de laltle (d un IIk- coni- plel . don! les fonnes aui^laises ado]dt'es dans ce ipTidles avaient de louable, niodi- (iées et ('puiH'es pai' une heureuse cond)inaisoii avec le style lleuaissauce, avaient IVappc son alleiilion. Il recul une médaille d'argent (^).

Ses Iravaux allaient i-eccvoir la récompense suprême, la médaille d"or, à ri'Aposilion de 18'i-t, il avait i)résenté un milieu de table de style Louis W, l'aisanl jiarlie d'un service (pii lui avait été commandé par hi Russie; un groupe de Baccluis e( d'Ariane, entourés d'enfants grimpant dans un cep de vigne, en faisait le motif })rincipal. La ciselure en avait été exécutée par Poux, Dalbergue et Sclu'opp. Mais la pièce principale, quoique de petite dimension, qui avait en- levé tous les suffrages, était nne tasse en argent avec sa soucoupe, dont les ar- tistes et le public admirèrent l'étonnante perfection. Cette tasse était décorée sur la p:inse d'un motif représentant les armoiries du propriétaire, le baron de Mecklenibourg, accompagnées de deux figures d'un travail exquis. Le reste de la lasse était uni, et l'anse, dont le galbe emprunté à l'architecture et à la végétation, était aussi neuve d'invention que parfaite d'exécution. La ciselure en avait été confiée aux frères Fannière, qui en avaient fait un chef-d'œuvre. « Quand on a admiré à la loupe la perfection de ce travail, dit le rapporteur du

(1) Duc lie Liiynes, Rapport île 1831, page 61.

(2) llapporl de l'E.rposilion de 1839; tomo III. pages 43- IG.

Jury, on ne s'étonne plus que cette tasse, il entre pour ioO francs d'argent, vaille iOOOO francs (i). »

Le Jury de 1839 décernait encore deux médailles d'argent : l'une à l'orfèvre Lenglet, qui se distinguait de ses confrères, parce qu'il exécntc lui-même le dessin, la sculpture et la ciselure des pièces qui sortent de son atelier.

11 s'était fait représenter à l'Exposition par trois pièces de grosse orfèvrerie dont la plus importante était un milieu de table avec une corbeille pour Heurs et fruits, dont les figures. Bacchantes et Enfants cueillant du raisin, étaient en vermeil, pièce d'un genre grec qui « a peut-être été étonnée de se trouver à l'Exposition de 1839 », dit le Rapport, car « elle y semblait venue pour protester contre l'invasion du moyen âge » : et l'autre, à Froment-Meurice, dont M. Héricart de Thury (;2) fit le plus vif éloge, parlant de « l'illustration » et du « haut rang » qu'il a su donner à sa maison, et vantant « le bon goût, le fini, le gracieux des formes, la modi'ration des prix » de ses bijoux. Déjà Froment-Meurice avait pour lui les bonnes grâces du public et béiiéliciait de la popularité que lui faisaient les écrivains romanti(|ues.

Quant Charles Wagner, il triomphait avec une foule d'ouvrages d'invention neuve, qui firent l'admiration de tous les amateurs. Jules Janin, en son style lleuri, traduisit leurs impressions enthousiastes dans un article vibrant sur l'ar- tiste (3) : « Ce Wagner est un des artistes les plus singuliers et les {)lus remar-

» quables d'aujourd'hui, disait-il Les vases, les bijoux, les armes, les coupes,

» les aiguières, les colTrets de cet habile homme ne sont comparables à rien de » ce qui se fait aujourd'hui en Europe. Il est aussi amoureux de belles pierres » que des fines ciselures; il a pour l'aider dans cette recherche un savant lapi- » daire, nommé Mention. Et ainsi, que de riches bijoux ils ont tiré de l'oubli, » (pie de topazes, d'améthystes, d'émeraudes ils ont mis en œuvre! Non moins » hardi que Fauconnier, mais d'une volonté plus nette et plus ferme, mais sou- » tenu par des moyens d'exécution qui manquaient à son malheureux devancier, » Wagner ne recule jamais devant aucune entreprise qu'il croit belle et grande. » Avant de commencer une oeuvre nouvelle, il ne se demande pas si l'Europe » contient un homme assez riche pour l'acheter; il la commence, il l'achève, il la » polit avec amour, il l'entoure de toutes les grâces, de toutes les déhcatesses » exquises d'un homme qui aime son art; après quoi, l'acheteur arrive ou non; » qu'importe? l'œuvre est accomplie. » A l'Exposition de 1839, Wagner avait notamment une très belle aiguière d'argent, composée et modelée par Geoffroy de Chaumes, dont la panse était ornée d'un bas-relief repoussé représentant la Tempérance et Y Intempérance. Sur l'anse était couchée la Vérité; autour du pied.

(1) Rapport de VE.iposition de 1839, Héricart de Tluirv, tnme III.

(2) Rappoii de tExposi/ioii de 1S41, Hrricart de Thury.

(3j Jules Jauiu, article paru dans le journal l'Artiste, année 1839, sur les produits de l'industrie.

on \n\;iil (11-- |il;iiili'N ,•( îles ;illiili;iii\ . M;ii- k' ilirl'-d'd'ilN rr de rorIVîVn* «'lait lllir coiiiM' l.iiitc iiii'llic, niiK'i' i\r r(i|ll|Hisi| idiis |||>>l<iri(|llrs rL .•|lli';.'()ri<|lli'S icla- liM'N ;i de-, .irli^li's .■(•lc|i|-fs, ciilic ailiffv licriiaril l*ali^^\, l-r dcNvin rii (-lail de II. de Tni|iii'ti. ('.('Ile |iii'i'f iiiii(|iii', d iiih' iiii;.'iiialil !• iiiii \n di^l iii;.'iiad lnlalriiicMl de Idiitc aiilic, iiii'iilcrail iiin- place daii'- un iiiii-i'c cnniiin' un dnciiinrnl <ai-afd<''- iiv|i(|iii- de ri|Mh|iif l'I |i;ir.i' iin'clli' n'^iiiiir le lalfiil di- \\a;-'ii('r daii> cf ijn'il ciil \i-aiim'iil dr ■>ii|M'i-i<Mir. (•'(■■^l -a-dirc les rin'llc^. Om-U i|iii' ^niciil -es hm'iiIcs, fil rllcl, c'i'-l p;ir la iju il s'csl fait une placi' a |iarl cl jiii'ii |irr>itniM'llc. I, iiii|iiil- <{{)\i iin'ij iliiiiiia a I'hiTcn iiM'ic |iar miii chinai (■lirrcln'iir ri luiijoiirs en i|iii''lc (|c noiivt'aiilc n'eu c-^l pa^ iiKUiis Irrs ;:iaiidr. ■■ ( >ii lui doil , a dil Ir dur dr j ai y ries i\), rabaiidou du iicurc aM^lai> pour ini i^oùl nicillciir cl plu-- en liarumuic a\cc je ;4(''iiic iVaiiiai'^. Le peu d'orfcN rcric di' lahlc sorli de ses alclicr^ <'lail d inic ;ji'andc (a»i la'cl idU. Il a cnliu l'aiiiuii' ii-s l'aiadlt's; créai riccs de uos lialiilcs oiTcm'Cs. cri leur inoiiliaiil les avaiila^cs diiuc (a)llalj()i'ali()ii assidue avec diiahiics seuljjleui'h pouf lous le^ lia\au\ iiiipoiiaiils. » Ajoutons (jiie Wagner, traité en clief d'école par ses confrères en\-inèines, aurait eertaiiiement exeiaa- nue inlliiciice Ihcii |)Ius elTicatc eiKore sur l'oi-rèvrerie s'il n'avait été enlevé jtar une inori pic'inalnia'e.

L'I'lxposition de iSt'i fut la Iroisicnic et dernière manifestation de l'induslrie sous le rèf^iie de Louis-Philippe. Les orfèvres habitués à hi-iller dans ces concours s'y retrouvaient à j)eu jx-ès en même nombre. Iiudolplii avait remplacé son maître Wagner, ({ui était mort; Morel [»rei)ait raiif; du premier coup i)arini les maîtres; Aueoc, relégué auparavanl dans la pelile orfèvrerie du nécessaire, affirmait timi- dement encore des ambitions plus hautes; Cliristofle attirait l'attention par ses |)remières applications des procédés de l'argenture électro-chimi(|ue à la vaisselle courante; enfin Froment-Meuricc dominait la phalange par l'éclat et l'abondance de ses ouvrages, pour lesquels les artistes les plus en renom lui avaient donné leur collaboration.

Le Jury décerna la plus haute récompense, une médaille d'or, à Lebrun, comme un honunage à ce vétéran qui, disait le rapporteur Denière, par « ses sacrifices de tout ordre, le culte du beau qu'il a toujours apporté dans l'exercice de sa pro- fession », avait aidé à conserver h l'orfèvrerie cette supériorité dont elle s'honore aujourd'hui. Mais Lebrun, c'était déjà le passé, le déclin d'un genre qui tombait, l'n homme plus jeune, Morel, installé orfèvre en 1842 seulement, se signalait par des qualités exceptionnelles d'exécution et enlevait aussi une médaille d'or, aux applaudissements des meilleurs juges. C'était un ouvrier rompu à toutes les diffi- cultés du métier. « Doué d'un esprit aussi patient qu'inventif, a dit le duc de Luynes (2), aussi habile à prévoir les obstacles qu'à les vaincre, M. Morel s'est

(1) Duc de Luynes, rapport, cilé, page 49. (2 Rapport de is;il. page 70.

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toujours montré maître dans son art, soit qu'il faille ciseler des pièces fondues, soit qu'il doive repousser l'argent et l'or, creuser les pierres dures pour y incruster l'or, tailler le cristal, rivaliser avec les artistes de la Renaissance pour la beauté des émaux, sertir les pierres précieuses, ou trouver des combinaisons de monture et d'ajustage que nul ne saurait faire comme lui. » C'est Morel qui avait exé- cuté en repoussé les figures d'or en ronde bosse modelées par Klagmann jui décorent la garde de l'épée du ^ comte de Paris. Tout ce qui sortait

I

Ser\ ice à tlii- cliiiiois, exécute par Morcl.

de ses mains, morceaux de l)ijouterie, de joaillerie, contestables ou non au point de vue de la composition marquée au goût du temps, étaient irréprochables sous le rapport de l'exécution toujours parfaite. A l'Exposition de 1844, on admira prin- cipalement de lui un seau à glace, une toilette de vermeil dans le style du dix-hui- licme siècle, une lanq^e en cristal avec des figures repoussées et des ornements cil or, enfin une croix reliquaire ornée d'émaux dans le genre du seizième siècle. En orfèvrerie, il ne dédaignait pas de demander à l'art de l'Extrême-Orient les formes et les décors de certaines pièces d'usage. Nous avons retrouvé de lui un service à thé qui fut exécuté à cette époque et dut figurer à l'Exposition de 1844. Mais c'était à la Uenaissance, telle qu'on la comprenait alors, qu'il deman-

^'

Dessins croi'lï'\i'ci'io ccwiposés par .liilcs Poniv et exéeulés par Moi'cl.

Aii;uiére eu orfèvrerie. Modèle de Klaguiami. Miisév venleunul. CoUeilion de U"" Bnt ilr Coinuicn-.

22'.)

l^pi'c tlii Coiiilc de l*an>. MoiIlIlo par Klagmann. Ciselée par X'cclilc.

^Or/ër/e/'ie de D. Froment-Meiivice.)

2:n -

ilail sc>, iis|iii;il imiN. Il ;i\;iil i'umIi'Iiicii I |tii''M'iil i- un rcil.iiii iiiiiiilirr Ai- |iirr('S ,|',,l l't'N Ifl'ic t\r liil'li' ilniil il ;i\iiil (|(iii;iiii|('' les mn(|l•ll■>^ ;iii (Irv-iii.ilrlir .lllli.'ft l'cvrc. h'iiii l;ilfiil lir^ ihlnal, iii;iiii;iiil \r rr;i\(»ii ;i\rc une liiilulrli- r.irr. Jules l'i'MT clail .1 1 rlli' i|ini|li(' 11- ilcssiiialriir en \n;j||r aili|ili'| ^'adl'c^-aifiil 1rs or- ft»YI't*s. Il avait lU'iiiii SCS |)iiii(i|ialcs n iiii| Mtsil ioii^. ilaiis im allaiiii iin'il avait lait clilcr itar riiii|ii iiiiciir I .riiicnicr, ou clainil ir|)ii'-iiilcs Irs iiiuijclts ipi cxt-nilail M(ir,'| cl (|iii iKiiis ii'iisciLJiiciil sur sa nianirn'.

Sou lalciil l'axail siL;uali' au hucci cur <lc la .Maniilacl uic de Srvrcs. d ce lui lui i|iu siiccfda a ( '.liciiav an I dans la du'ci 1 lou arlisl ii|uc i\i- la Mauularl lur. Son passa;^!' dans ri'\ clalilisscuiful a Jaissi- les Irarcs de son lialidri*'-, cl, parun les luttdtdi's (ju'on t'xcculc ('i;|i'<»i't' au j(un'd liin, son nom csl, i'('s(('' ass(»ci('' au\ loi mes ,|ii'il a\ail ci't'i'fs (d (|ui soiil encore (l(''si:4n<'t's sous le iioiii de •■ l<iriiirs l'tiin- ». An Musi'e Ceiileniial se lrou\aieiil deux i^randes aiguières a|»|»aileiiaiil ;i M""" r>i'()l de (loinmcrcs doul ruiieaxail (de iliodeh'e par l'"etielières (d ciselée jiar \\'chli'. (d l'aulre (dail l'ieiivre de Klaf:iiiaiii). Dans la |ire!uiere, la jianse est decort'c d'une Irise en reli(d' re|>r(''seiitanl le conihal des Centaures et des Lapil lies; autour du |Med. une cliexaucliée de jeunes Centaures ipii se |»oursui\ cul ; un r>aeclii:s ivre suiiiioide lanse l'orinée duii cep de; vigne grimpe un enfant |)()iir presser la grappe dans la eoui^e du liieu du vin. La coniposilion est noJjle el l)i<'n é(iuilil)i'ét>. l"\ni(dières n'est pas tombé dans rexcès que blâme Charles Blanc, el la l'orme n'est nullement altérée par le décor.

L'aiguière de Klagmami est moins simple, moins architecturale dans la comi)o- sili(>n du bas-relief, lue jolie figure de Caiiymède enlevé par l'aigle domine l'anse qui relie la panse au col de l'aiguière. (Page 2:27.)

Ces deux pièces nous montrent l'espace parcouru, la transformation de lait de lorfèvre au temps de Louis-Philippe, et Tinfluence des sculpteurs sur la com- position el l'exécution des œuvres décoratives en métal.

Klaginanu a fait pour l'orfèvrerie des modèles remarquables, entre autres celui de l'épée que la Ville de Paris olfrit au comte de Paris à l'occasion de sa naissance. Froment-Meurice avait la direction générale du travail que l'on avait réparti entre plusieurs orfèvres et ciseleurs, au risque de compromettre l'unité de l'œuvre. Fossin avait été chargé de la poignée et de la garde, mais en réalité, ce fut so!i chef d'atelier, Morcl, qui la fabriqua, et qui en particulier repoussa les figures d'or en ronde-bosse qui décoraient la garde. Lepage, armurier du roi, avait été chargé d'exécuter la lame et le fourreau qui fut ciselé par Vechte (1). Dans les notes (jue Froment-Meurice avait rédigées pour le duc de Luynes et que Ph. Burty a reproduites intégralement dans sa monographie sur D.-F. Froment-Meurice, publiée en i88,'->, il disait : « Permettez seulement que je vous dise quelques mots

(1 Henri Vever. la liijoulerie française au dir-neuvièm? siècle, page 2aG.

232

» de l'épée du comte de Paris. C'est l'œuvre de Morel, oui, mais c'est aussi l'œuvre » de Fossiu qui a dirigé l'exécution d'un bout à l'autre, je le sais. C'est la ciselure » de Vechte. Disons en toute justice la part que cliacun a pu y prendre, mais » n'effaçons pas, comme on a peut-être été trop porté à le faire, la part de » celui qui étant nominativement chargé de cette lourde afiaire, l'a effectivement » dirigée, conduite et menée à bonne fin. » L'épée avait coûté oO 000 francs, et Vechte avait reçu pour sa part de ciseleur la somme de 6000 francs (I). Froment- Meurice réclamait sa part dans cette collaboration, et en avait bien le droit.

Klagmanii fut aussi un des colhiborateurs attitrés de Froment-Meurice pour lequel il modela nombre de pièces de valeur; à toutes les expositions, ses œuvres étaient [)arini les plus admirées, et citées avec de vifs éloges parles rapporteurs des jurys.

L'honnne qui, malgré tout, était le plus en vue, celui qui à lui seul pcrsonni- tiait alors pour la foule l'orfèvrerie et qu'on surnommait volontiers « Benvenuto (!lellini », celui que les poètes et les littérateurs, les romanciers et les chroniqueurs chantaient en j)rose et en vers, auquel on faisait une sorte d'auréole, qui jouait d'ailleurs à ravir son rôle de ciseleur de la Renaissance, fêté, choyé, recevant dans son atelier, artistes et grands seigneurs avec le tablier de cuir de l'artisan d'autrefois, et (jui, unissant au savoir-faire les qualités les plus solides d'intelli- gence et d'activité, accomplissait ce tour de force de surexciter le snobisme des bourgeois de son temps au point de mettre à la mode toute l'argenterie, tous les l»ijoux (ju'il lui plaisait d'inventer : cet habile metteur en scène, cet artiste d'imagination et de cceur qui savait enrégimenter dans son orchestre tout ce (|u'il y avait à Paris de ciseleurs, d'émailleurs, de statuaires, de dessinateurs de talent, ce virtuose, en un mot, c'était Froment-Meurice.

à Paris en 180:2, François-Désiré Froment-Meurice était fils d'orfèvre. Son père, François Froment, s'était établi en 1792 et mourut prématurément. Sa mère s'était remariée avec un autre orfèvre nommé Meurice, et le double nom devint celui qu'adopta sa mère, et ([u'il devait illustrer.

Elevé dans l'atelier paternel, il s'était préparé à sa profession par un excel- lent apprentissage. A seize ans, il quittait Fatelier de son père pour entrer dans celui du ciseleur Langlet, qui composait, modelait et ciselait lui-même les pièces (|u'il exécutait. Ce fut dans ce milieu si favorable à son éducation professionnelle, qu'il s'assimila les procédés d'exécution et de main-d'œuvre qui devaient le pré- parer à devenir l'un des maîtres incontestés de l'orfèvrerie.

C'est à l'Exposition de 1839 que Froment-Meurice parut pour la première fois. Le Rapport du Jury de cette épocjue fit l'éloge des formes et loua le beau résultat de sa faÎM'ication, et le récompensa en lui décernant une médaille d'argent. En 1844,

(Ij MonogiMphie de F.-D. Froment-Meurice, Ph. liurtj-.

2in

l'.u-ti-ail do Dûsiui": FliOMKXT-MKrUICK

1

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i':{5

il sc nr(''S(Mit;i rivcc une cxpovitioii rciii;iii|ii.il)l(' cl ^r^ pro^/rr*^ ;i\;ii<'iil i'-\r «^i it- lll;n■(|ll;llll(•■^ ipic li'.liir\, ic(()|iii,ii-^-';imI i|in' rrl haluli- /irt/ru(irr ilr lu i i//r ilr l'arts

s'cnI |.|;1(('' ,111 |ilflllliT laii;^ ilr --nli ;ill, lui iIi'i'iTH.i iiiir li|i'(l;i illr < l'or |HMH IVll- scillMr (|(•-^ (li'IIX NhIii^IiIi'v ilr l.i l'.i JmIiI i iic et «je I ( Irlc \ |-cni' , (|,|||~. Irxi |||c||r^ il s"(•■^l f:;;ili'iiiiiil ili^liiiuiiif.

"^vTNnvt^i— V-

/a tcUMAi. oL jfl . Oii. /ici/j

La canne de Halzao. (D . /•' /■ (I /)( l'nl - M e II r ice .)

A rExpostion de 18i4. il avait quai-ante-deux ans. Depuis son premier suc- cès (le 1839, ses affaires avaient pris un grand développement: le nombre de ses ouvriers, de vingt-cinq était passé à quatre-vingts. Son magasin, « un des plus beaux ornements de cette ville nouvelle qui s'élève dans le quartier de la Grève ^1. disait Jules Janin (1), était fréquenté par la société la plus élégante,

^1 Jules Janin. article de l'Artisle, 1S3'.}.

23G

les femmes du monde, les fashional)les, les « lions qui venaient s'y approvision- ner de bijoux, de bracelets, d'épingles de cravates. Les étrcnnes à la mode sont les bijoux sculptés, dit-on dans les lettres parisiennes de M""' de Girardin à la date du 31 décembre 1841 (I). M. Froinent-Meurice a refait un art de l'orfè- vrerie : ses épingles sont des statuettes charmantes que Pradier ne désavouerait pas ; ses bracelets empruntent aux gracieuses fantaisies de la Renaissance des formes inattendues et d'un ca])rice exquis. Il réduit les bas-reliefs de Jean Goujon aux proportions d'une agrafe. Les naïades d'argent ou d'or, au lieu de s'accouder sur une urne, s'appuient sur ini rul)is, sur un diamant... Ses parures sont si artistement jolies, qu'on ose les accepter comme si elles n'étaient pas pré- cieuses ». Kroment-Meurice, dans la pléiade des écrivains romantiques, il était traité connue un frère d'armes, passait si bien pour le grand rénovateur de l'or- fèvrerie, que Théophile Gautier disait qu'avant lui, celle-ci ressemblait aux vers de tragédies, a Froide, luisante, polie et jjanale, elle reproduisait les vieilles formes pseudo-classiques, et les surtouts qu'elle produisait auraient pu servir à la table d'Astrée pour manger des alexandrins de Crébillon... » Grâce à lui, ajoute- t-il, tout a changé : « il cisèle l'idée que celte forte génération a chantée, peinte, creusée, modelée; il aj)i)orte au trophée de l'art du dix-neuvième siècle une cou- ronne aux brillantes feuilles d'or, aux inq)érissables Heurs de diamants... Pradier, David d'Angers, Feuchères, Gavelier, Préault, Schcenewerk, Pascal, llouillard ont été traduits en or, en argent, en fer oxydé par Froment-Meurice. Il a réduit leurs statues en épingles, en pommes de cannes, en candélabres, en pied de coupes, les entourant de rinceaux d'émail et de Heurs de pierreries, faisant tenir à la Vérité un diamant jtour miroir, donnant des ailes de saphir aux anges, des grappes de rul)is aux Erigones (2)... » Eugène Sue, qui commandait à notre orfèvre toutes sortes de gentils ustensiles pour orner sa table qu'il voulait magnifique, ne l'appe- lait jamais que « son cher Benvenuto » dans de charmants billets qui ont été pu- bliés. Balzac, pour qui il exécuta en 1843 des bagues et une coupe en cornaline d'une composition bien curieuse destinée à la princesse Hanska, sa future femme, sans parler de la fameuse « canne aux singes » modelée par Gavelier et que Jules Jacquemart a gravée, Balzac, disons-nous, le surnommait toujours son « cher Aurifaber (3) ». Enfin, suprême honneur, Victor Hugo (4) lui dédiait celte ode- lette célèbre, d'une inspiration si délicate et si profonde, nous croyons devoir la reproduire in-exteiiso :

(1) IM^o (le GirarJiu, Œuvres complètex, édil. 1S60, tome IV, page 22.

(2) Théophile GauUer, Œuvres complètes, éd'û. Charpeulier, article sur Fronieiil-Meurice.

(3) Pour toute la correspondauce échangée à celte époque entre Frouieut-.Meurice et Balzac ou Eugène Sue, consulter la très subi^tanlielle brochure de Philippe Burty, T.-D. Fromenl-Meurice, argenliev de la Ville de Paris. (Paris, 1883, chez Jouaust, 1 vol. in-S», pages 18-27.)

(4) Ea 1841, dans les Conlemplations, liv. I^"", Aurore.

A'asi" iillVrt pap la \'illc do l'aris à l'inizcnicui' lùiiinci-y (Or/ÏTce/'it' (/(' 1). Froiitcnl-Mciirice.)

i.J!»

Ndil-* smnmc-^ IVi'-rt's; la ll'ur T. m-, 1.-. |i(ii-(in>, -ans cIjitcIui'

l'artlfii\ ail- piiil 'lu- l.ulf. «Jiii liiiil on (|iii cuiiiiiK-iict',

Ko |)(»i-lf c-\ i isfliMir, Siiil|ilfiil l<- iiiciiu- loclicr :

l.e cisi'K'iir i'>l pui'U'... <•'• rocliir, c'f^l l'ail imiiK-nsc.

l'oMf- ou cisclcuis, MicImI .\ii-f. ^laii.l \i.illar<l.

l'ar non- r(->|ii il "'f n-vcli'. lai lar^^cs Mncs (|ii il im.ii- jrl Ir

Nt.iiN rciiiloii- li-< liiiii-, iiii'illi'iirs, la' l'ail jaillir au lia>.ar(l;

'lu iTiiils la lnaiilc plus licllc. Mcii\ ciiiili) iiiiii> rciiiirllc.

Sur mui liras ou -iir sc.ii cnii, l'.l, dcvaiil l'ail iiiliiii

Tu rai-< lie le» irv crio. Dniil piiiiais !;i loi lie <liaii;;c,

Slaliiaii-.' .lu liijnii, l.a uihllc <l<- < Iriliui

1 >i'-. lulais (le iiiriiciii'S. \aiil \c hidc ilu Miilicl-Au^c.

Ne (II- pa- : Mon ail n'i'sl rien... Tuiil csl ;;rai)(l, sonilirc nu vcnucil,

Soi- lie la roule liarcc, Tmil l'eu ipii liiillr i--l une ,'iiiic.

(»u\riiT ma,:;ii'it'u. I/i'-loilc \aiil le -dlcil;

1-]| iiu'-lc à l'or la priisi'c. Lï-linccllc \aiil la llaiiiiiu!.

h(* IS;!*) a l(Si(, j'niiiKMil-Mciiricc avail cxc'cuh' des (rii\rcs capilalcs. \]\\ ISjI. il a\ail \\wr c\\ liiissic. a la coinlessc Uroliiiis/ka, iiiic loilcttc cii argent ciscU', coiniuciiaiil un -raiid niii'dic, une ^lacc à main, iiiio aiguièro et sa ciivcUc; juiis à M""" Saballicr irilspcN raii, un seau à rafraicliii-, dans le ironl Louis W, niais du jauiis W inl t'r|ind('' par Li(''nar<l, et (|ni iTaNail rien des jolies inxciitions dn dix-liuilitMiu^ sirrl(\ puis une cafcliri'c sur son plateau, ('^akMnont d'aitrès un modèle composé par Liénard, ({ul avait alors une jurande vo<iue et li-availlait |)onr les él)!'nis(es, les hronziei's et les orfèvres.

Fi'onuMil-Meui'iee avait exécuté également, en ISi:2, un beau calice, pour le |iape, un de ses meilleurs ouvrages, sur le pied duquel, entre les groupes assis de la Toi, l'Espérance el la Cdiarité, se trouvaient trois ("mauN. peints, repré- siMitanl des scènes de rAncien Testament : c'était une des premières reprises de l'emploi des émaux limousins (lui avaient donné jadis tant de caractère à nuli'c orfèvrerie sacrée. Citons encore un grand bouclier donné en prix de Courses el ([ui produisit un effet considérable; les médaillons, modelés par Feuchères, Uouillard, Scliœnewerk et Justin, étaient consacrés à l'histoire du cheval dans les diverses civilisations. Il est maintenant en Russie. Un ostensoir, exécuté pour la reine Amélie qui le donna au pape, lequel en a fait cadeau depuis, au trésor à la cathédrale de Cologne et qui était dessiné par Liénard, date aussi de cette époque. Les émaux dont il est orné sont faits avec les matériaux ordinaires de commerce et on n'y trouve pas « l'adresse et la sûreté de procédé, la qualité des émaux et la transparence des blancs que nous admirons dans des œuvres plus récentes (I) », mais ils olTreiit cependant de l'intérêt pour l'histoire de ce

^1; !.. Falize : Clandius l'upelin et la lieiiaissanca des éinaiii peinls, 1 vol. iu-S». 1893, page 21.

2'i0

genre de travail. Enfin Froment-Meurice venait d'exécuter deux grands vases d'argent commandés par la Ville de Paris : l'un était destiné l'ingénieur des eaux de la Ville, M. Emery, et, pour ce motif, le sculpteur Klagmann avait placé sur la panse deux femmes nues qui maintenaient les anses, et qui se terminaient en poissons squameux ; l'autre, destiné au général de Feuchères, était décoré du médaillon de ce dernier par Pradier, il est au Louvre aujourd'hui auquel il a été légué par M"" de Feuchères.

Bouclier par D. l'nmieiil-Mouricc.

Tous ces ouvrages furent présentés par Froment-Meurice à l'Exposition de 1844 ils firent grand effet, et valurent à leur auteur une médaille d'or. Le rapporteur du Jury disait de lui : « Depuis 1839, il a marché de progrès en progrès, secondé par nos premiers sculpteurs, ciseleurs et architectes. » Il faisait remarquer, en outre, les soins minutieux, la hardiesse, la nouveauté et la variété qui distinguaient sa fabrication et justifiaient le choix qu'avaient fait de lui Gatteaux, Paul Delaroche et Visconti pour surveiller l'exécution de l'épée offerte au comte de Paris (l).

f.

(1, On a vu plus haut cpicls collaborateurs distiiijLîués, sous la direction de Morel et de Fossin, fiiroiit appelés par Froment-Meurice à mener à perfection cette œuvre exceptionnelle, dont il fut beaucoup parlé à cette époque.

liil

Ci'l'St (■"•alciiii'lil ^nii \r ir-iic (le l.nlll'' riilll|i|ii' «|m' <• llt'iirr ;i ;illi|Tr 1 ;il-

Icillioii (lu piilli un nom .pu .Icv.iil dcvuM' ju^L'un-nl clclnr |plu^ l.inl : rrliu «le Chrislnll.'.

Cliiii-lcN C.lui^li'llr lS(),"i iSli.'.i ;ip|..iilrn,iil .1 nuf l.uuillr l\nnu;u-r ijui posKé- (l.iil iiiir un|Mnl;iiilc ui.inulai I m <• de -nieriez, ri lui ruiui-c m la Miih- <lr l'inva-utii ,1,. iSl'i. (,lui-lollc, cucMic Ires jeune, (lui Mit ell()Ui|.ie les (•llldes (ju'il jin^ail. au eolle-e S;unl e-llin'lie el ;i|i|)reu(ire ini ui.'lier: c'e^l aiii^i (|m'iI enlra dans la iii,n->(ni de |ti |.iul crie (|ue ( '..duieli e. vi,u Ite.iu Ireiv, a\ ail loiidi-e en |!Sl:>. ApiTS y

Aiguii^-re et plateau. Dessin de Liénard. {Orfèrrerio de Fromeul Mcnrict'.)

être resté apprenti pendant trois ans, et comme ouvrier pendant un an, il devint, en iS^lo, Tassoeié de son beau-frère; en 1831, il dirigeait seul la maison avec un succès qui lui valut la médaille d'or à l'Exposition de 1839 comme fabricant de bijouterie et de joaillerie. Il adjoignit à la fabrication habituelle de la maison Calmette celle des Heurs, papillons, oiseaux en filigrane d'or et d'argent qui eurent beaucoup de succès, ainsi que des tisssus métalliques formant des sortes de passementeries pour épaulettes, ceintures et ornements dont la plus grande partie était destinée à l'exportation. Plus tard, sans renoncer à la bijouterie, il se mit à fabriquer la joaillerie, et se présentait à l'Exposition de 1844 avec une importante contribution qui lui valut une médaille d'or (1).

^1] La Bijouterie française au dix-neurième siècle, par lleuii Vevcr, i).ige iSli.

C'est à cette même époque que paraissaient pour la première fois des ouvrages de dorure et d'argenture par voie humide, procédé qui attira la plus vive atten- tion du monde savant : le rapporteur du .liu'v des sciences chimiques, Jean- Baptiste Dumas, qui avait pressenti dès l'origine l'avenir immense qui attendait ce genre de production, en faisait ressortir les avantages et louait grandement Christofle pour les résullats obtenus en si peu de temps. « L'argenture vollaïque,

Seau à i^lace.

Miiscc ("oiilennal, collection de M. SabaLicr d'E^spcyran,

[Orfèvrerie de Fromenl-Meiirice.)

disait-il, constitue une branche de l'industrie nouvelle qui, exploitée déjà sur une grande échelle, prendra, on peut le dire, un rang très élevé dans la consomma- tion, h mesure qu'elle sera mieux connue. » Cette consommation prit, de 1844 à 1849, des proportions extraordinaires; c'est dans cet intervalle que Charles Christofle donna à la manufature d'orfèvrerie fondée par lui une extension colos- sale et tout à fait imprévue.

Dans le remarquable rapport sur l'attribution du prix Monthyon que l'Aca- démie des sciences allait décerner aux inventeurs des procédés de dorure et d'ar- genture électro-chimiques, l'illustre chimiste J.-B. Dumas faisait ressortir la révo- lution économique (|ue ces procédés allaient apporter dans l'industrie :

iiiil

(( l II :il'l iKillNiMil (II' l.i |ilil-> li;illli' iiil|H)i'l,'iiirr . cir il Icnd .1 iriiilii' ;.'i'-||(''ralL'S )> les jiiiii^^aiici's (In Iii\c le iniriix r.iivdiiiic, \iriil, ^-iikhi dr ii.iilrr rii I raïK'C, .. ilil iil(iill-> il \ rt'(('\(iir lie-. (|r\ i'l(i|i|M'illciil s iii.il IriiiJllS.

» (î'csl r.iil il ;i|i|ilii|ii('r .1 Miliiiili- les iiii'-l.iii \ 1rs |i|iis ri'sj v| jinl < on 1rs |i|iis » l»t';in\, rii rnnclii's niiiiirs (-111111111' crllrs dnii \rriiis. on rii iiiiiclirs <''|iaissrs, » à \(il(»lllr, siir (1rs (»|i|r|s r.Koiiiirs ;i\rc (lanlrrs iiirl,i(|\ iiinilis cjirrs cl [illlS " (riiaccs (jnr crnx ci... Nmis (Iriiiainlrioiis .1 IWcKli'iiiir la |priiiii--M»n dr I ai'- » i-('-lrr (|nrli|nrs iiiiuiiriils sur ww ;iil ipii ;ini'a |»<)nr rllrl |irrs(|n(' rrrlain dr " drirnirc huis 1rs .ilrlirrs si dan,::i'rrn\ i\r ddfnrr an iiirniirr. i|iii IraiisjMirlrra " insi|iir dans |,i |i|iis InniiMr idiaiiniirrr, j'tisa^a' afiiasdilr ri sjdni.rr (\f i'ari-'rn- » Icrir. ipii iirniirlli-a d'a|i|trninrr Ir \ci'niril à iliir fonlr dcdijris d'n-;i;jr < diil- » nui II... "

Ca' lui a C.liailrs Clirislollr (|ii'(''(lint rii(tiiiiriii- île rc'alisrr 1rs rspi'raiirrs du rrmiiirnl acadriiiiririi.

lue i^i'andc i|iirsli()n luui scMlriuciil indnsli'irilr, mais riirorr dliniiiaiiih'', se li'(ui\ail rc-solnc.

» .l'ai cm. dit ('liai'lcs ('lirislollc, dans une ikiIc adrcssre an .liiiy de \'\]\\h>:^\- » lion de iS'it. ([n'il apparloiiait à un lioiiinic (|ni devait sa fortune à l'industrie, » d'en a|)|iliiiiirr une parlir à la mise en onivre de ecllc hrllr (l(''coiivrrlr. »

Devenu piopric'lairc des hrevels de Huolz, puis, peu de temps après, de ceux dKIkiniilon. (pii était vriui rrclamei- la ju'iorilé derinvention, Chrislofle dut payer cher à ce dei'uier le droit de eontinuer l'exploitation des brevets français, exploi- tation à laquelle il aurait renoncer devant la menace d'un procès qu'il sentait })iM'du d'avance, et tous les sacrifices déjà faits par lui allaient être compromis.

L'avenir assuré de ce côté, il fallait créer l'industrie, vaincre les répu^iiiances des fabricants de bron/e et leur démontrer la supériorité des nouveaux jjrocédés sur la dorure au mercure, convertir les orfèvres et les plaqueursàla nécessité de modiller leur fabrication pour utiliser les procédés de l'argenture éleetrochimique.

Charles Clu'istofle espérait qu'tà la vue du succès obtenu et des avantages que ses procédés offraient à l'industrie, les fabricants de Paris comprendraient tout le parti ({u"on pourrait tirer de ces nouveaux procédés. Il ne fut pas compris. Seuls, MM. Odiot et Tliomire se décidèrent à suivre Christolle et à lui donner le prestige de leur collaboration.

« Permettez-moi, dit M. Chriiitofle dans sa notice au jury, d'oH'rir à ces mes- » sieurs un témoignage public de ma reconnaissance pour l'appui éclairé qu'ils ont » bien voulu me domier. Il appartenait à des hommes qui occupent la tète de leur » industrie, de me venir en aide dans la solution d'une question si importante. »

Mais les autres fabricants restaient incrédules et ne voulaient pas recon- naître les avantages qu'ils auraient à suivre les idées de Christolle, et, sous peine de voir péricliter son œuvre, Charles Christolle dut joindre à son atelier

d'argenture une fabrique d'orfèvrerie. A fabrication neuve, il fallait une nou- velle politique. Cliristolle la définit ainsi dans sa note au jury de 1849, Exposi- tion à laquelle il présentait les premiers objets sortis de ses nouveaux ateliers: » Telle était notre situation en face de toulcs les oppositions conjurées contre » moi; les argenteurs et doreurs à façon, n.os brevets tombés dans le domaine » publie, allaient-ils arpentera tous titres; les orfèvres et plaqueurs allaient-ils » maintenir une fabrication consciencieuse, ou retarder par des produits à l)as » titres la confiance du public dans la nouvelle industrie? L'avenir eût été infailli- » blement compromis par une fabrication de mauvais aloi. A quoi sert, disait-il, » d'inonder les mai'chés nationaux et étrangers de mauvais pi'oduits? A faire la )> fortune de quelques intermédiaires, à créer momentanément une immense pro- » duction, à concenti'er sur cette production exubérante une multitude de bras cn- )) levés à d'autres travaux, mais qui, bientôt forcément inactifs parla fermeture su- » bite des dél)0ucb(''s rpTavail ouverts l'appàl d un bon marclu' tronq^eur, occasion- » lieraient parmi nous ces crises de misère dont nous avons eu si souvent à gémir!

» Aussi, pénétrés de ces idées qui sont chez nous une religion, au ris(|ue de » retarder l'essor que notre industrie eût infailfiblement et immédiatement pris, » si nous avions marché dans la voie funeste de nos prédécesseurs; nous n'avons » vouhi rien faire sortir ih' nos ateliers qui u'eùt été faliriqui'' dans des conditions » de solidité et (h' (hirée, et à ral)ri cie tout re[)roi'Iie. Ainsi, par exemple, quand » dans le plaqué, tous les ornements sont faits à l'estampage et rapportés à la » soudure d'étain, tout dans notre fabrication est soudé à la soudure forte. C'est du » Ijon marché que l'on veut aujourd'hui; qu'on' fait les plaqueurs : ils ont diminué » leur titre. Que fait à sou tour l'orfèvrerie d'argent? Elle réduit de jour en jour » le poids de sa faltricalion. Elle fait du bon marché, sans doute, mais, comme il » ne s'obtient qu'au (h'-triment de la solidité du (iroduit. elle ruine son avenir. »

» Nous n'avons pas besoin de dire que nous n'entendons point parler ici de » ces rares fabricants qui, malgré le funeste entraînement du jour, restent fidèles » aux saines traditions ; mais ce sont des exceptions.

» Eh bien! le but dont nous poursuivons la réalisation, c'est que nos produits, » fabriqués par nous dans les conditions que nous avons indiquées, ne subissent » pas un jour la ruine et le discrédit qui sont venus atteindre les autres industries. » Pour cela, quelle ligne de conduite avons-nous suivie? Nous avons adopté un » titre unique pour tous les objets similaires. Les ditlérences de prix résultent » uniquement de la richesse plus ou moins grande de l'ornementation. Nous » avons simplement garanti la charge d'argent déposée sur nos produits. Nous » l'avons affirmée par notre marque et notre nom frappés sur tous les ouvrages » sortis de notre maison. »

Si bien qu'aujourd'hui le nom de Christofle est devenu, dans la fabrication de l'orfèvrerie argentée, synonyme de la qualité et de la sincérité du produit.

ii.1

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C,. ,|,,','.t;,il c.ll,- iiiNciirii.ii, .'i- i|ii':ilhiil .'•Ire -mi <r'\r|<.|ipriiii'iil , ('11:1 n'-\<.lii- llnii iiii'i'llc ;ip|ii.il;iil ilaii^ riinlllsl rie, on le M'ITM <l;ilis le cli.iliil rr siii\,iiil.

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reconnu nc'eessaire pour

la solidité relative de eo

genre d"onvrai;e tout au

moins dni'ant une |KTiode de vingt à vingt-cinq ans, ne parvinrent [las à sauver

cette industrie de la décadence.

D'ailleurs, les modèles en faveur se ressentaient de l'imilation des formes anglaises. A rEx|iosition de 184-4, la maison Gandais avait eu un certain succès, mais les onivres ([u'elle présentait, dont nous avons retrouvé les dessins dans une publication de Curmer de 1844. accusaient une lourdeur, un mampie de goût dans les ornemenls qui n'étaient pas faits pour relever le prestige d'une industrie qui allait disparaître. La cloche et le réchaud à côtes, le plat à contours, la bouil- loire à bascule à côtes de melon dénotaient une pauvreté d'invention qui ne fait pas regretter aujourd'hui le discrédit oîi la fabrication du plaqué allait tomber. Trop de fabricants y contribuaient pai' la fal)rication (r(eiivres de pacotille, destinées le plus souvent à Texportatioa, et dont il était impossible d'assigner le titre qui descendait parfois au-dessous du 40''. La spéculation et la mauvaise foi achevèrent la déroute des plaqueurs qui cherchaient à éluder la loi du 19 bru- maire an Yl : celle-ci, en effet, imposait aux fabricants l'obligation d'apposer leur poinçon sur les ouvrages (pi'ils livraient au commerce et d'indiquer en chiffres le degré « de fin de plaqué ». Mais les garanties qui en résultaient pour le public ('taieut illusoires, car, après l'emploi de la soudure, du mastic et des

Cloclu', plat cl i'i''cliaii(l m i)la(|ut'.

2iG

garnitures intérieures dissimulées sur la couche d'argent, le titre n'était plus le même. Le plaqué était donc une orfèvrerie mixte, à titre moyen non délini, et on n'avait pas d'autre sécurité que Ihonnèteté souvent sujette à caution du fabricant.

A la ihi du règne de Louis-Philippe il y avait encore à Paris 55 plaqueurs jjroduisant, au total, un chilïre d'alTaires de 633:2600 francs, et employant 71)1 ouvriers. Mais cette indus- trie stationnaire depuis 1839, commença à décliner à partir de 1844, au point qu'elle en était arrivée, poui' se soutenir un mo- ment, à faire les platjues pour la photogra- phie après l'invention de Daguerre.

Pour compléter le tableau de la situation de l'orfèvrerie sous la monarchie de Juillet, il faudrait dire «pielques mots d'une classe d'orfèvres ((ui ne liguraienl jamais aux expo- sitions de l'industrie. C'étaient les représen- tants de ce que l'on nomme « la petite orfè- vrerie ». Il y avait alors à Paris seulement 72 industriels de cette catégorie, et plusieurs d'entre eux faisaient plus d'un million d'affaires annuellement. Ils n'exposaient pas, parce qu'ils travaillaient pour une clientèle connnerciale qui exigeait d'eux de se tenir dans l'ond^re. Leur production consis-

Bouilloiic ;i l)asoiile en plaiiiié.

Thé .sur Sua plateau en plaquj

tait le plus ordinairement et encore aujourd'hui en ustensiles de fantaisie pour la table, pelles à poissons, à beurre, à fromage; pinces à sucre, à asperges, tabatières, hochets, porte-monnaie, flacons, porte-liqueurs, nécessaires, etc. Le caprice, la recherche de la nouveauté fugitive est la loi pour l'invention de ces

LM7

(ilijcis h'i^crs, M;iis le Imiii ;-'im"iI cl l,i liMiiiir cm'tiiI mn en |irii\riil «-mis fiiN <)ri>-cf |i' slircrs. I'ciiiImiiI Idllu' I i'III|in Ir-^ \iiu'I.il-- ;i\;ili'lll cil le |tri \ ilc;^r tir Iniiniic ;i ri!lir<)|H' (Ifs iiricssiiircs (le \()\,iu:i' cl ilc loijcllc hmi iKniiliic de r.ijtrir.'iiil s se iiiiri'iil ;i le leur ilis|Milrr. l'.iiini criix (|iii n'iissin-nl je iniriix, il fiiiil iiirnl lonncr Amoc, (|lli t'\|Mis;i siicc('ss|\ ('iiiflil ili'|illis |S-2."!, des iic<Tss;iilTs, (les |)i('ccs (| nricN ••.'cic im|Miil;iiil('s, ;4la(rs, hiilcl les, Jlaiiilic.iiix . iriiiic rci-licrclic ri d une «'Icp-'aiicc i'\l itMiics II ir(ucii|t:iil pas iiiiiiiis de (il) ( m \ nefs. Le .|iir\ de I S 'i i lui d(''ceiiia une nietlaille d ai'ueiil .

Je delllie ei-dessons un (loeuillelll (|lli |ieiiiiel de se ceinlie nu e()iii|ile e\acl de ce (|u'elail riiidiisliie de rorlevrene ii la lin de la iiKiiiareliie de .liiillel. (/e-l un elal slalis|ii[U(' du iioiiihre des l'aliricanls cl ilcs oiisncrs «laiis les divei'ses liianclu's f\r celle pi^dlcssion si c(nn|)le\c. Ici iiuil n'^siillc (rmie \a«-le eiii|nèl(' eulreprisc par le muiN enieineiil (\r celle eptuiiic.

SITUATION DE L'ORFÈVRERIE EN 1847

\oiiil>r4' <li's riil»i'i<*:iiils ot d<*s <»uvi*ioi*s. -- l*ro<liic(i<)ii.

ciiiin-os

l-'alirii';in(s. Ouvriers. irallaii-cs.

AriiiK'iirs ilOr cl Av plaliiic .'> ôo (jooooo

Aj)|>rctciirs cl lirans (Toi', dju-^cnt cl de ciii\re. . . lO fjj .'ijHlOO

HiillciM-s dOr cl (r;ui;cii[ '.i^ ('y.>.j 'i <.)•">',)• '35

l''ss;ivcins 5 17 l.'Wooo

l'eiulcurs d'ov et {lardent l3 /|3 ()0.'V|00

l.a\cui's cl foiulcurs de cciulrcs et d'orrcvrci-ic. . . iC) SC) 2<)'>0000

Planeurs pour orl'cvrcric et claj;iicrrc()lyi)c ai (">o !>'|<j()00

( hfcN roric cil ar}^ent (labricauts d") 4^ '>7i i\'-i:>-2200

l*clilc orl'cx rcric et bijoulcric en ar,i;ciit rahi-icants). 72 /|t(^| '|()i3ooo

( )i-rcvrcs-c-uillcristcs cil ar,i;ciil 18 280 lOfXjOOOO

Oi-lcvrcric eu |)la<pic t'ahricauls d" 55 7()l ()3."i2()00

Orfèvrerie en maillcchort et eu eui\ rc l() '-'t'Aj l "JJo'.ioo

Orlcvrcs cuillci'islcs eu luaillcciiort iC) 95l 88680O

(oiseleurs, i;ravcurs et yuilloclieur 162 5l3 11^,1700

l)orcurs et ari;culeurs pour orlcvreric et bijouterie. 92 G^i'i '|35527G

l'.inaillcurs cl peintres sur émail (19 415 1 8^5900

I-anaux cl pierres fausses (fabricants d' 1 'i 3^ 182800

l'^stanipeurs et t;raveurs de matrices pour orfèvrerie

et bijouterie 59 277 760900

(iravi urs de camées et graveurs sur pierres fines. . C)2 2o5 77*^764

Lamineurs |)our l'orfèvrerie et la bijouterie. ... il 53 tV(0000

1-apidaires 9G iG) 800780

Kii résuuK'. (jiiaiid on compare rorfèvrerie de la Restauration à celle de la fin de Louis-Philippe et qu'on mesure le chemin parcouru, on peut constater ceci : à la sobriété des lignes, à la pauvreté de l'invention a succédé une ornementation comj)lètement disparate. Voyez les cafetières des premières années du régime de

248

Juillet, voyez les flamijeaux aux lignes désordonnées, ce qui subsistait de no- blesse et de pureté dans le style du premier Empire, des formes étudiées d'après l'antique avait disparu. Puis considérez les mêmes objets fabriqués quinze ans après, ces vases, ces boucliers, ces ciselures aux personnages de la fable, toute cette sentimentale illustration en or et en argent, des romans et des poèmes qui étaient alors à la mode. La littérature a passé par là, et a suscité cet étrange réveil, cette orfèvrerie fiévreuse, échevelée. Nous sourions de ces naïvetés, de ces méprises, de l'excès de ces décors, mais, cependant, nous ne pouvons pas nous défendre d'admirer l'effort consciencieux de cette pléiade d'artiste convaincus, remplis d'enthousiasme et de foi, qui, entraînés par le mouvement romantique de l'époque, avaient conçu et exécuté cette orfèvrerie nouvelle qui tranchait si complètement avec celle de leurs prédécesseui's. Pourtant nos pères l'ont trouvée magnifique, et il y a eu des écrivains pour la louer et la chanter qui se nommaient Victor Hugo, Musset, Balzac, Jules Janin, Théophile Gautier. Pourtant elle char- mait une société élégante, curieuse de littérature, de musique, de peinture, de belles formes, une société laborieuse, invcnlive, amie des travailleurs, qui faisait alors une France admirable venait éclater comme une surprise la Révolution de 1848 nouvelle et courte pani((ue pour l'orfèvrerie puis le second Empire arrivait, qui allait discipliner cette industrie, calmer sa fougue, mais à quel prix? C'est ce (|ue nous avons à dire maintenant.

Cafetière et /arfs arabes. {Par Ch. Odiol.)

I''ri>t- artlrli,iu( ^\\\l\ I).iiicIimu Je rluclir ilr -.riv \]l,«lrlr ,lr l.ilhrrl.

■I.- N.M.ul. un 111.

(1IA1MTHK (^IIATKIKMK

LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE ET LE SECOND EMPIRE

1" période (1848-1860)

Lo ('oi)li>r-<MMip d'iiiu' i'rvol(ili(»ii : Irs arMsIcs (Vaiirais en Aiii;l<'(ei'i*<».

InniKMKM' (lu (lire «le Liiyiuvs sur roi'lV'viM'pic CraiH'aiso. l.'llxpo- siM«ui <l«' IS11>. l.cs <n'!V'vrrs l^i'oinciii-^IriiricM' |M"'r<', DiipiMirlirl, (".h. <lhri.sl<>l1(^ La preniioi'c l'.xposilioii miivcrsrlle à Londres, CM I s."» I , ses <'<msé(pieiiees. L'oi'fèvi'erie sous le seeoii<l l']inpire.

Les iioùls <Ie Napoléon III e( de rini|)éi'ali*iee. l*aslielies du sl>le Louis \>L i/Lxposilion d<' IN5.">. l^e service des cent couvei'Is de \a|)oléon 111. Le néo-grec. InlhieiK^e du |)i'inc(î Napoléon. l)évelo|)peni<'nl de rocrévrei*ie ai*ii<Milée et de la j)i'o- duction des converls. Les procédés niécanicjues.

PRÈS 1848, la Uévolution de février eut son contre- coup naturel sur toutes nos industries de luxe, ef l'orfèvrerie, plus qu'aucune autre, en ressentit les fâcheux effets. Un document officiel de l'époque en constate dans les termes suivants les consé- quences : « Les objets de luxe, ceux qui mêlent à la satisfaction des besoins les jouissances du goût, demandent des temps calmes pour se multiplier... Telle n'a pas été malheureusement la situation , , , . , de notre pays depuis dix-huit mois... J/Hôtel de

Iriiuniont de la Inse aiiicliaut. ' " *

la Monnaie fut assiégé, non point comme d'ha- bitude par les industriels qui viennent mettre leurs produits sous la sauvegarde

IJ

2o0

de la marque publique, mais par des citoyens qui demandaient à transformer en pièces d'or et d'argent les objets simples ou élégants qui étaient devenus pour eux une ressource précieuse dans ces jours de détresse... L'exportation, qui avait pris un développement notable quant à notre belle fabrique d'orfèvrerie, a également souffert. Partout, en Europe, une commotion terrible s'est déclarée à la suite de la Révolution de février; l'inquiétude s'est emparée des esprits, en faisant obstacle au commerce des objets de goiit (1). )>

Fait plus regrettable encore : à cette date se produisit une véritable émigration de nos plus habiles ouvriers, ornemanistes en renom, sculpteurs, orfèvres, cise- leurs, é;ii;iilleurs, qui, ne trouvant plus en France l'emploi de leur talent, passèrent en Angleterre o;i les sollicitaient des offres séduisantes. C'est ainsi que l'orfèvre Morel quitta Paris pour aller s'installei' à Londres, entraînant à sa suite des colla- borateurs de choix : Constant Sévin, Willms, Party, Auguste Protat, d'autres encore. Le grand ciseleur Antoine Vechte, désespéré de ne pas trouver en France assez de travail pour élever sa nombreuse famille, accepta les propositions des célèbres orfèvres anglais MM. Hunt et Roskell, successeurs du fameux Morlimer, qui lui signèrent un engagement annuel de loOOO francs et l'enlevèrent définitive- ment à notre pays. Désormais Vechte ne va plus guère travailler que pour les étrangers. Il établit en plein Londres, dans la fabri(iue de liarrisson Street, au milieu des ouvriers anglais qui épient tous ses procédés, un atelier uniquement composé des Français qu'il a emmenés avec lui, le ciseleur Mulleret, le damasqui- neur Roucou, son élève Vernaz, qui deviendra son gendre, etc. Son autre élève, Morel-Ladeuil, suivra bientôt le même chemin. Ce n'est pas tout. Prignot va aussi porter, dans les fabri(jues d'ameublement de Craham, les secrets de notre élégance et de nos styles; parti pour quelques mois à Londres, il y reste vingt ans. Carrier-Belleuse est accaparé parle céramiste Minton ; Didier parles fabricants de fonte de fer, qui ne lui rendent la liberté qu'après sa fortune faite. C'est un exode général. Les ateliers du faubourg Saint-Antoine semblent se vider au bénéfice de nos concurrents. Parmi l'élite de nos artisans, dans le désarroi du moment et au milieu des incertitudes que créent les événements politiques, c'est à qui recher- chera l'espoir d'un fructueux exil.

Malgré tant de circonstances défavorables, l'orfèvrerie française n'en fit pas moins bonne figure à l'Exposition de l'Industrie qui eut lieu en 1849, et qui fut ouverte le 1" juin par le prince Louis-Napoléon, président de la République, dans des bâtiments élevés sur le carré Marigny, dans l'avenue des Champs-Elysées. C'était la onzième Exposition nationale des produits de l'industrie organisée, de- puis celle de l'an VI dont François de Neufchàteau avait eu la première idée. On s'était si bien habitué, depuis, à la périodicité quinquennale de ces manifes-

(1) Wolowski, Rapport sur l'orfèvrerie à l'ExpositiGii de llnduslrie de 1849, page 309.

Toi

latioils, (in'cil (li'|Mt (les ('M'IlcilICIlts (III Ile \niiliil |);iv \ iciiniirrl'. I,c ;.'()||\cr- llCIIlcilt (le l'cVilcr clil iiiriiii' un un mit'lll ;i (Aiiliiilicr le |ir(i|cl d iiiir r\|H)sil ion t|ili ;iiii;iil de iiiiii |i:i^ ■-(■iilrmciil iidl iniinlf , iii.iis i nlfiiml nninlc i-l iinii ri-sellc.

I II i|c|Mllc. iiniiiiiii' TIkiiiicI, ;i\;iiI cil celle idi'-e, lii(|iie||e .ijoi-s |i;inil -i l)i/.arr<' ilaii^ N,i iioiiv eaiile, (indu \\\ doiiiia |ia-- sinle (l'es! ainsi (|iie la ri''ali^ali()n de la |ireiiiiere e\| m i-^il K m iiiii \ eivelje, e(.neiie |iar un IVa iiiai-^, de\ail re\enir deux ans pliiv lard el (''li-e (Mi\eile par les An^Iai'^.

Sur les \'V.V1 e\|i(is;inls de IS'ill, il \ a\ail |»liis d'inie \iii;.'laiiie d'oi-IV-vi-cs. Tdiis les t^ciires elaienl l'cpn'-senl es. lai |ireiiiiere li;j|ie, Inillaienl l'Vonienl- Meiirice, (|iii olilinl une iidiiNelle iiK'daille d'in-. ainsi (jik; lînd()||dn, Odiol, l.elMiin el hii|i(ni( liel ; (MIIs \eiiaienl Ma\ei', A. (iiievloii, hniaiid, Alieoe, l'Va\. Tiioiilliei-. à (|iii l'iireill décernées des nie(lailles d'arf^cnl on des ra|i|iels de c(dle im-coiii jX'iiNe.

II l'aul iiiellre à pari Clirislollc, i|iii l'einjiorla lin M'rilalde liioin|)li(' |)oiir son (Mi'e\ ICI ie a ri:» 'Il I ce, el ({ni eiil , lui anssi, encore une initia il le ildr non seiilenn-nl, |ioiir I a|>|iliial ion de ses nouveaux procédés, mais en outre jiour le ( lioix parTaiL des modèles (|u il presenlail.

(-"("st i^ràce suihuit au .Mt'cèiie ^(MH'renx (|n'était le due de Lnynes (|ue les orfèvres, \ ici i mes des troubles de celle péi'iode, avaienl j)U ex('culer leurs jdns beaux travaux. Col ainalcur éclairé, qui connaissail les artistes cl les aimait, lut alors la providence des ateliers. Il ne se contentait pas de prodiguer ses conseils; il i-animait les conraiics, slimulail les imaginations, suscitait des projets, multi- pliait les eommandes k's pins inlelligenles, foui'uissait à la fois les idées et l'ai'gent (|ui devait aider à les réaliser, alin ([ue, dans la crise qu'on traversait, une des jilus Itelles industries de notre j)ays ne périclitât pas. L'homme qui abandonnait à Ingres la décoration de Dampierre avec une générosité et une longanimité dignes dini Médicis, celui (jui achetait de Cavelier sa Pénélope pour arracher l'artiste à la désesp('M"aiice, qui commandait à Siinart la Minerve et l'aidait de sa science pour reconstituer TaHivre de Phidias, qui devinait Charles Garnier, le fului' architecte de l'Opéra, qui alimentait de ses acquisitions les ateliers des orfèvres Froment- iMeurice, Duponchel, Fannière, etc., celui qui s'était fait une cour d'amis avec tous les grands peintres, les grands sculpteurs, les meilleurs architectes elles premiers littérateurs de son temps, celui-là a bien mérité de l'art français et sa mémoire mérite d'être saluée d'un hommage ému el reconnaissant dans une élude histo- rique telle que celle que nous écrivons ici.

Le rapporteur de l'Exposition de 1849, pour la section d'orfèvrerie, Wolowski, constata la large influence du duc de Luynes, et ses heureux efforts pour empêcher les orfèvres de rester inactifs. Ce qui le frappa principalement, et d'une manière générale, parmi les œuvres de celle industrie qu'il avait à apprécier, c'est qu'elles attestaient de plus en plus une fidélité scrupuleuse à reproduire les belles pièces du passé « sans tomber dans le pastiche et sans confondre les genres ». L'orfè-

\rerie, ajoutnit-il, « se maintient ainsi avec constance dans la voie que lui a ouverte Wagner. » La connaissance des procédés de métier lui semblait aussi plus approfondie. Il louait les progrès de la ciselure et de la fonte, l'habileté avec laquelle on avait retrouvé et appliqué « les grâces des nielles, les délicatesses de la gravure, l'éclat des émaux », et applaudissait spécialement à la vir- tuosité que l'on montrait dans l'emploi du repoussé.

roiliail dlIoNoaû D'ALBERT, duc de Liiyncs, Memlire de l'Instiliit (iHoa-iSCj).

L'orfèvre qui obtint le plus d'éloges fut Froment-Meurice. Son exposition comprenait un très grand nombre de pièces, dont (pielques-unes de premier ordre. Au milieu d'une argenterie de table infiniment variée, flambeaux à branches mul- tiples, grands plateaux, rafraichissoirs, théières, cafetières, aiguières et cuvettes, €tc., à côté de bijoux de toutes sortes, de vases, de boucliers, des poignées

J..:t

(r(''|M'M' (l('>^ ;j(''ii(''r;iii\ C.iN.ii^'iKir cl ('.li;iii;.';iniicr, sr (|t''lii(li.ii<iil «les u'iiM-cs ijiii lii'i'iil vciisal imi. ('.'('Iiiil ir.'ilinril un ^iiihnil df l;il>lc coiiiiii.iriih'' | :ii° li- •liir <l<' l.iiNiics, en .iiLtiil n|iiiii^->c. civile ,1 |i;iliii(''. ic| ii-f'^cii I ;i II I le ;.'l(i|ic Ini-c-lri' ciihuiii' lin /.(mIi;ii|iii' cl |m)||c |i;ir i|ii;ilic |m'|-iiiiii;i;.'cv ijoiii Ir cur'|p^ ('Lui Iriiniin'' cil iiiiciii' (le |i(iiv->(iii ; ;iiil iiiir lin :-' In! ic, des fj(''iii('s ;iili's i'c|in''-ciil;iiil lAiiioiircI r \|i(iiii|,iii( c, ;i(|iiiilciiiciil li\i'-> ^iir l;i s|(||cr('. sriiiM.iicni Icrilciiicr il.iiis leur \()|; sur le pldlic, i|ii;ili'(' litjurcs (IcImuiI cl ;i(|(»ss('cs ■• coiiiiiiciil.-iicnl je \r\<. in;ilici('ii\ ilc Tcrciicc, s///r Ct/irr tir liiKi/m / rn/rf \'riiiis^ ([iic Jules .l.iiiiii lr;i- (liiis;ii| i^ciilniiciil : ■■ Siiiis (".(■rrs cl llaccliiis, ailicii W-iiiis .. (|). (!(''rrs, ;i\cc l.-i l'aticillc, |i(H-|;iil la L:crlic ^(''Ih''- rcust' ; l'.accliiis Iciiail le lli\ i'^''. cl \'('iiiis scriMil son lils |M'rthlc ciMilrc s;\ limiiiiic. l ne Irise, (joni II' lin l'clicf conrail anlour (lu sorle, niiiiiliMil les planlcs lies champs, les herbes des l'orèls. les llenrs (h' nos jardins, inspirées ilirectoinenl de ht na- ture, s'i'panouissaiil en un (huix rtdiet' dini j^oùl parl'ail.

Le surloul «'lail aceonipaj^iK' de (Umix candt'lahres à six hi- uiières ; trois liacchaiiLes (huis l'un, trois (hinscuses (hins Tau Ire. liéeuraient le fût, et des Génies soutenaient les branelies dans un mouvement graeieux. Deux compotiers en métal, dont les vasques étaient portées par un groupe de trois

enfants, complétaient merveilleusement eette déeoration somptueuse. Ce monu- ment dont l'elTet devait être superbe au milieu dune table bien éclairée, char- gée de cristaux et d'orfèvrerie brillante, tendue de linge tin et blanc, dans l'atmosphère vibrante des joyeux propos d'une société élégante, avait exigé trois années de travail.

Toute la sculpture était due à Jean Feuchères mort très peu de temps après avoir achevé cet important travail qui, au dire du duc de Luynes même, avait modelé l'original jusqu'au dernier degré d'achèvement (2).

Conipotici' « Les Saisons ».

Orlèvrerie de D. Fronient-Mcurice.

[Musée cenlenn;tl.

1 Pli. Burty. F.-I>. Fromenl-Meiincp, argentier de la ville de Paris, 1883, 1 vol. in-S", page 06. (2) Diii' lie Luyoe?, Rapport de 18ol, page 73.

25G

Mais la recherche du type définitif avait été h'iborieuse, et Feuchères avait mis toutes les ressources de son art à l'étude du premier modèle.

Les archives de la Maison ChristoHe conservent une étude au lavis d'une des premières pensées de Feuchères pour la pièce de milieu. La sphère est, comme dans le modèle définitif, accostée de génies aiU''S, mais, au lieu de trois ligures,

Pi-eniière esijiiisse de Feuclières de la pièce du milieu du surtout du due de Luynes.

{CoUeclion Chrislolle.)

n'en supporte qu'une seule, celle de Vénus et de l'Amour. Le socle est décoré de groupes de néréides et de tritons dont les queues viennent s'amortir sur la sphère. Les habiles ciseleurs Muleret, A. Dalbergue, Poux et Fannière, avaient exé- cuté les onze figures du surtout d'après les procédés du repoussé remis en honneur par Vechte. Le succès de cette œuvre fut considérable. En la revoyant aujourd'hui (elle figurait à l'Exposition centennale), on conçoit très bien l'admi-

257

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Piùce lie milieu ^lu siutout du duc de Luynos. ()i-1"l'\ rciML' de 1). Fi'oinent-Meui'ii-e.

(.l/(;st''e cenleniiiil.)

rnlioii i|irt'llf (lui fxrilfi- clic/, les cniilciiiiioraiiis ; «-i ja sriil|)liii c rcllrlcjc caruc- Iri-c (il- rc|KHiiic a\i'c »,•< (L'-fanN, cl nous parail i|iicli|iit' |>fii sniaiiiH-c, r.i'iivrt* II',. Il r,.->iiiiic |i.i-> iiiDiiis iiii cll'orl iiii'riluiic |t(iiir l'tdirx rrric a ce iiioiiiciil, et lli;i|-,|lir (iiic (j.ilc ilails riii-^li.iif (le iKtIrc i IK Ii|n| rie.

haiis ces Irois |)ieces, les li-nrcs t'Iaiciit en ai-cn( re|)iiiis-.i' an niaclean et

KncriiT du pape Pie IX. {Gnzelte Ucs lican .r-A rta .)

au oiselet, à l'exclLision de la foute et de tout autre proeédé de fabrication.

A l'appui de ce procédé de travail, Fromeut-Meurice avait remis au jury une note technique il expliquait, en fort bons termes, les difficultés que présente l'emploi du repoussé dans l'exécution d'une pièce d'orfèvrerie...

« L'art du ciseleur repousseur, disait-il. a brillé surtout h l'époque de la Renais- » sance. Il ne s'employait et môme ne s'emploie encore aujourd'hui que pour les » œuvres d'art qui doivent rester uniques. ^)

La fonte était alors peu en usage pour ces œuvres exceptionnelles; les orfèvres de cette époque étaient en même temps statuaires et ciseleurs. Ils emboutissaient l'argent, ils le retreignaient. le pétrissaient, si l'on peut dire,

I

260

comme ils auraient pétri la cire ou la terre; la matière seule changeait, l'art et le talent restaient les mêmes. C'est le marteau, c'est le bigorne, c'est le ciselet qui sont les seuls outils. C'est, dans l'art, le travail du chaudronnier dans la manu- facture.

Outre ce morceau capital, Froment-Meurice avait envoyé deux pièces déta- chées d'un ouvrage encore inachevé et qui demanda plus de six ans de travail : la table et le coffre à bijoux de la Toi/ettc de la duchesse de Parme, qui ne put figurer dans son ensemble qu'à l'Exposition de 1851; un encrier en or, offert au pape Pie IX, et ayant pour motif central deux anges soutenant la boule du monde H

surmontée de la Religion, figurait également à l'Exposition de 1849 qui fut pour Froment-Meurice la consécration définitive de sa réputation et de sa maîtrise.

Duponchel n'obtint guèi'c moins de louanges. Son associé Morcl était allé, comme nous l'avons dit |)his haut, s'installer à Londi'cs. Lui, en honnnc du monde actif et élégant, plein de goût et fertile en idées, avait gardé seul la direction de cette maison qui avait conquis si vite un rang des ])lus brillants dans l'orfèvrerie.

Henri Duponchel, en 1794, avait connncncé par prendre des leçons de pein- ture avec Eugène Delacroix dans l'atelier de Guérin, puis était entré à l'Ecole des Beaux-Arts, oii il avait suivi les cours d'architecture. Il n'était pas précisément pré|)aré par ses études et ses premiers travaux à devenir orfèvre. Il avait com- mencé par faire de l'architecture et de la décoration, mais il avait à l'étude approfondie de ces deux arts, la révélation du génie particulier qu'il déploya connue metteur en scène dans le cours de sa iu-illante carrière artistique. Aussi, ])endant plus de trente ans, p:it-il une part considérable à la régénération du théâtre en France au point de vue de la vérité historique dans le costume et la mise en scène. Avec les plus grands artistes du dix-neuvième siècle, avec nos pre- miers écrivains, il a été l'un des plus habiles et des plus heureux promoteurs de la révolution qui s'est opérée dans les moyens matériels d'interprétation au théâtre.

C'est lui qui construisit l'hôtel du baron James de Rothschild, rue Laffitte, et dessina les meubles et les bronzes de cette somptueuse demeure; il construisit également l'hôtel de la famille Rothschild, à Londres. M. Henri Vever, dans son Histoire de la Bijouterie au dix-neiœième siècle^ si bien documenté sur les origines des bijoutiers et des orfèvres contemporains, nous apprend que Duponchel, dans un dîner chez les Rothschild de Londres, l'on regrettait la décadence sem- blait tomber l'art décoratif de notre pays, s'offrit à prouver le contraire. Il put, séance tenante, obtenir la commande d'un service d'orfèvrerie qui devait dé- montrer la supériorité de l'art industriel français. Rentré à Paris, il en demanda les dessins à Rlagmann, qui le mit en rapport avec Morel. Ce fut l'origine de

'ilil

leur assdciulitiiM I ). ()ii\ lin- |il(iii ir.idrcsv;*' cl d'iiiilulrl., Mmcl rciironli-.til i|;iii-> son <issi>ci(', hii|MMi(li(l, riii-|Mi ;it MHi i|ui (rt-c, le -cslc (pu dui-c cl je -uni i|iii (•li(>i->il. Il lui iiidc |i.ii- If^ i :i|hI;iii\ cl les ci m ii;ii>^;inces ;irl islM|iies de son ;isso('i(% (lui. ^ràec ;i ses ||()lnll|•eu-^e-^ cl I nilhiiil c^ i(d;il lon^, ;i(i--i liiiMi d;iiiv je monde (luc clic/ lc-^ nrlisics cl les tJi'.neU dcciir.ilcins, Si''(di;in, h('')ilevc|iiii. hn Icrje, doni \\ ;i\;iil ;i|i|M'cci('' lc-> lalcnK |icnd;inl s;i dircrlion de !'( Ijn'i;! . |)ii|miiii||(| -iiI ;ini;nienler (•(iM'^idcr.iidenicnl Ic^ alViiirc^ de s,i iii,ii>.(,ii.

M;iis Merci ne dc\;iil |^■|~^ relier ;i\ce lui. pln^ |iurl(' |i;ir -e- .-iiil il iidcs pcr^on- IM'Ile^ d;ins les | i;i\;iii\ de l;i|)i- (hiirerie, il e\ecll;iil (liui^ l;i l;nllc (In j;i-.|ie, du ci'i>l;d de roelic cl ;inlre> nialiei'c^ dni'c>. r\ (hin^ la d(''( (M'ai i(ni dc^ \a>~c-- (|n il ornait de liuni'es cl d"oi'iicnienl> cniailles. IMns lapidaire (jn'oi- iV'M'e, il eidiaina s(ni associ('' dans r(,>\(''cnli.)n (['(envres dif- liciles à vendre. Des disseiili- menlselanl >ni'venns à ce snjel, Unii" assoeialion r(nnpne, Morel rclonrnail à Londres oîi nous le l'clronvei'ons en ISol. cl !>' duc de Luyncs eonslalail dans son rapport (juc ses œuvres sont lonjonrs fabriquées et aclievées avec un talent que personne ne saurait (K'passer. Duponchel se présentait donc seul à l'Expo- sition (le 1841). « M. Duponchel, disait le rapporteur M. Wolowski rlj, donne » seul Tim pulsion aux reniar([uables artistes formés dans cet atelier, bien connu » de l'Europe entière. Il continue à fabri<[uer avec une égale distinction la haute » orfèvrerie, la joaillerie et la bijouterie; chez lui, un heureux caprice rencontre » de quoi satisfaire les désirs les plus exigeants; la forme est originale sans tom- » ber dans le bizarre, élégante sans toucher à raffectation. » Une de ses œuvres les plus caractéristiques, en 1849, était le fameux surtout de table commandé par le prince Léon Kadziwill, dont la pièce de milieu représentait une chasse à l'ours au treizième siècle, dans une forc^'t de Lilhuanie. Le thème donné à l'artiste était une légende de famille que voici : Un seigneur russe ayant eu, dans une chasse àl'ours,

r,>itiail ck- DUl'OXCIIKI,, orrùvi-e.

(1) Henri Vever. la Bijouterie françainn au di.r-i}ritvic»ip siècle, page 2S0 et suivantes.

(2) Rapport du jury à l'Exposition de 1^40. tome 111. page 38.

2()2

le bonheur de sauver la vie de son souverain, celui-ci, pour lui témoigner sa recon- naissance, jura de lui donner en toute propriété la contrée environnante, aussi loin qu'il pourrait faire entendre le son du cor, à partir du point l'accident était arri- vé. Le seigneur, heureusement pour lui, avait d'excellents poumons, de sorte que la propriété fut immense (1); la donnée était originale; au centre, comme de juste, était le héros de l'aventure, sonnant du cor à pleins poumons. Les incidents de la chasse formaient les sujets de plusieurs autres groupes accompagnant cette pièce extraordinaire. Les candélabres, de 2 mètres de hauteur, figuraient deux sapins sur des rochers, avec k^urs longues l)ranchcs chargées de givre sui' lesquelles k'S hnnières scintillaient. On n'a rien fait au delà dans le geni'e pittoresque, et c'est l'exemple le plus complet de l'alnis des scul|)tures dans l'orfèvrerie, que condamne avec raison Charles Blanc quand il dit : « Il est clair que de pareils morceaux appar- )) tienneul à la plastique bien plus qu'à l'orfèvrerie, et que le travail du marteau, » quelle qu'en soit la délicatesse, ne saurait suri)asser en valeur les inventions in- » génieuses et fécondes du sculpteur, qui, eu |)0ursuivant le luodch' de chaque » ligure, en y imprimant, du pouce et de rébaucli()ir,les accents (|ui devaient le ca- » ractériser, dit avec sentiment ce que l'orfèvre n'avait plus (ju'à ledire avec pré- » cision. C'est le cas d'aflirmer avec force le |)i'incipe que... toute industrie, même » lorsqu'elle appelle un artiste à son aide, doit rester maîtresse chez elle. 11 serait » bien malséant, en effet, (|ue la décoration fil oublier la chose décorée, alors (|ue » le décorateur n'a été chargé que de la faire valoir (^2). » Ajoutons (|ue l'abus de la tigure humaine semble surtout malséant dans les olqets destinés aux usages delà vie domesticjue. Mais cette faute, l'orfèvrerie de la Renaissance l'a maintes fois commise, et, à l'épocpie oîi vivait Duponchel, on ne jurait que par la Renaissance. l)u|)onchel n'avait pas pu monti'cr à l'Exposition de 1849 l'œuvre ([ui absor- bait tous ses soins, c'est-à-dire la Minerve commandée |)ar le duc de Luynes, et dont Simart avait fait le modèle. Commencée en 184G. elle ne fut achevée qu'en 1851 et ne fut exposée qu'en 1855; on la retrouvait dans la Section des Beaux- Arts, oîi elle valut à son auteur la médaille d'honneur. C'est le plus important spécimen de la sculpture chryséléphantine actuellement connu (puisqu'elle ne mesure pas moins de 3 mètres de hauteur), qui ait été produite par un sculpteur français. Cette reconstitution, inspirée des descriptions antiques de l'œuvre si célèbre de Phidias, avait été suivie dans tous ses détails par le duc de Luynes au point de vue archéologique et artistique. Dans cette statue, comme dans celle de Phidias, les draperies étaient en métal précieux, et les parties nues en ivoire. Elle orne aujourd'hui la salle des fêtes du château de Dampierre où, posée sur un socle en marbre de couleur et un bas-relief en marbre blanc, elle se détache sur un grand panneau qu'Ingres avait décoré d'une façon magistrale.

(1) Histoire di: l'Orfèvrerie, de Ferdinand de Lasteyrie.

(2) Ch. Blanc, Grammaire des Arts décoratifs, pages 291-293.

2^i.i

« LA MIXEU^'1^ ■'. inodL'le de Siiuai-t. ()rlï'\ rrric cIu-n srk'i)hanliuc jiur Diiponcliel.

iîor.

Si elle II';! |t!is nrcil|H'' l:i |»iciiii(ic |t!.iii- (|,|||-^ ri'',\|)iiv|| nui (|c rOrIV'Nrcric, |illiN(|irc||i- cliiil ;iii\ I'mmiix \il^, en li 'X ,i iir lu . I )il| h iin'lii'l jiiil iilihiiir fie nOS nclir-. cIiciiIn le picl (1111: rcii.iiii iKiiiilirc i|c |»i«''ct'>< cxci'iili'i'-^ |i;ir lui. Icllc-^ i|iir : le x-rvicc

;i llic (lu ((uulc lie Nc~-^cl n nie . l'I |ilu>ii'ur^

iHiIrcN, tic ^^fni't' iiimIm'. ui;iuit's(|uc ou cliiudis; l:i j^iii'iiilurc de l'iilluuu de l;i pliure. ■>(• ijr Molli pcu^icr. ;i\i'c iuc(|,iill(iu^ ilc luiil .:jr;iii(ls |M'illll■«'>^ lilii'UliMil ci^cIcN eu ,u-:j(UiI iiwilt'.

!,(•-> M'u\f("> lie hu|iiui(lu'l s(uil nues aii- jcun'd liiii. \(Ui-^ :i\iui^ pu. (■(•|i('uil;iiil , rd r(Ui\ (U' clic/. >(iu liU un pl;ilc;iu iNuil le Iniul c-^l ^■{•;»\('' .1 ICiiu lorh^ (I ;ir;ili('sipic^ de s|\|c Ii(Ml;iis-^;uii(', ;nu->i (piiiiic Iniiliiiiic ;i lin' d;iiis le i^riiic (liiiidi-- (|iii iiKudrc rccicci i^iiic de SDii jioùl dans >a raliricalioii.

Il avait ('\ual('uit'iil cxpusi" un seau à ralVaî- cliii' les \iii>. d(ud le lias-rclicr |uàii('i|)al es! cxpost' dans K'-> \iliiiu'> du .Miisc'c des Ai'ts ({(•(•(U'alifs. Ce bas-relief syinliolise les ivresses H..uiiic,ii-c -cniv chinois.

, I . 1 1 1 1- 4 {Or ferre rie île Diiiionrhel.)

du roele el du Savant, du Soldat et de I Arti- san qui, coucIh''^ sur le sol et endorniis. voient passer dans leui' l'ève d'élégantes

Plateau Uenaissaiice. (Orfèvrerie de DuponchelA

figures de femmes ([ui leur font entrevoir la réalisation de leurs espérances. Le

200

chef des ateliers de dessin de la maison était Nevillé, artiste doué d'une fertilité d'invention remarquable, et qui s'assimilait avec une étonnante souplesse tous

les styles passés.

On commençait d'ailleurs, à celte date, à ne pas s'en tenir uniquement aux souvenirs de la Renaissance, et plus d'un orfèvre s'essayait à de vagues pastiches du Louis XIV, du Louis XV, voire même du Louis XVI, exécutés avec des docu- ments par trop approximatifs, et qui té- moignaient d'une étude plus qu'incom- ])lète de ces époques. C'est ainsi que (îliarles Odiot exi)osait un service de table Ijouis XVI, destine'' à l'Amérique; Mayer avait des services à llié Louis XV; Le- brun un beau mibeu de table, genre Louis XV, avec des groui)es d'animaux et d'enfants sculptés par Gagne et Carrier- lielleuse, ciselés en perfection par Poux et Dalbergue. Chez cet orfèvre, d'ailleurs, les moindres objets portaient la marque dune e\(''cution impeccable. C'est pour lui (pie les Fannièi'e avaient ciselé une tasse ^f'"^W"^mffrXs,<m7 f^mstm d'argent (acquise par M. de Mecklem- V ^iViw/f M Js>^/>? m.."..^^ V JCL bourgi, dont le public pouvait admirer à

VT ""* < "^^ifr •<r^Jis^&¥ r'^i '*' '*'"1'*' '"^^ détails d'un fini merveilleux. ^ÈiÉ^^^ /^Ë^J i A^amlÊMSL^' lUidolphi, ce simple ouvrier orfèvre

que Wagner avait su distingue!' en 1840 et qu'il avait associé à ses travaux, conti- nuait à grandir, et les pièces qu'il exposait en 1849 ne démentaient passa réputation. On remarqua notamment une toilette d'argent décorée de nielles, de gravures et d'émaux; des plats d'après Feuchères et Pascal; un coffre d'argent sculpté par Geolfroy de Chaumes, une coupe en lapis-lazuli, d'une monture très simple et très élégante; d'autres coupes en agate orientale supportées par des groupes de Bacchantes, de Grâces, etc.

Deu\ Ijas-i'cliofs d'un soaii à glace.

Sciilpliire de Fcviclièi'es.

(Orfèvrerie de l>iij)oncliel.)

On a vu plus haut quel avait été le succès de Christofle, qui affirmait définitive- ment, par une exposition imposante, les avantages immenses de l'orfèvrerie en cuivre et métaux divers, dorés et argentés par les procédés électro-chimiques. C'était une des plus magnifiques démonstrations de ce que peuvent les conquêtes

lM»7

(!:• la ^l'iciiiM' stii" \i'< \)ri\'^vr< di- riihlii^lrir. CV-lail l'itrlrvi-rfi»' iiii-^c a la iiord'-c des iilii-- li'iiiiMc-- rorliiih-, |Miiii- le -raii'l a\ aiila ;jr i|c I ail , «luiil un allail ii''|iainlr(' à (li'N |in\ 111111111'-- trailmiialilc- iim |i'lr->, cl en iiii'iiic liiii|i-. iikhiI icr, an |inilil de rii\ i^icMi', |il^i|u'(iii adail \r mail \ nild-f des ir(i\ii's il ur au iiirrciiri'.

('.','^1 ni le liiii de {•a|i|M'lrr les orij^illt'-- de l'i'lo'l fit iindalliii-ic ii|»|»li(|il(M' ail (•iii\ri', l'I li'^ lai'iiiiiT^ i'->Nai-- rii! n'iui^, de ISII'i a iS'd), |Miiir iTiii|diici'i- la dorure an mcriMiri- pai ri'iii|iliti dr I a ri uni rlcilfo-i liiini(|ni'. ri pniir nlilt-nir par dr> ron- l-aiiK rlrrlrh|iir> lin dr|H'i| viilidr ri liirl al- lii|nr ^iif Ir-^ olijrK un 1rs rrrn\ i rinlii-' rmi- diirlrnr--. |ilarr-- an |>('»lr iii'ual il dan-- niir dissolnl ion dr >iiiral(' ilc rni\ vr . Api'rs le-- essais {\c Urni^iialrlli, a|»rrs les deron\ erles *\c .larolii el les Ira- vaux i\o l>rri|iirrrl, aprrs 1rs lenlalixes ilr dorui'e par la |iil(' dans des solul ion> (\r rhlorurc d'oi' iirnlrr par Ht' la Jiivc, le savant do Genève, une foule d"e\p(''- rienec^s avaieid éti' laites pour atteindre le rt'sullal elierclK' (jui ('tait de déeoni- poser une dissolution métallique par Tac-

tion du courant galvanique, et faire déposer avec adhérence le métal réduit au pôle négatif. On en arriva enfin aux procédés qui, en substituant aux liqueurs acides ou neutres, des liqueurs alcalines, allaient rendre industriel le dépôt galvanique des métaux précieux. En 1840, Elkington, et en 1841, Ruolz, prirent des brevets iden- ti([ues, qui consistaient à soumettre à l'action de la pile, des solutions de sels d"or ou d'argent dissous dans le cyanure de potassium simple ou ferrugineux, pour obtenir le dépôt de l'or et de l'argent Ce sont ces brevets que Christofle, avec une énergie et une intelligence hors ligne, allait mettre en valeur: mais à peine

Chaiu.iîs CHUISÏOFLE (i.Suô-iSf)3j.

iiG8

avait-il commencé à exploiter le brevet français pris par Ruolz, qu'il se vit l'objet

d'une démarche des associés d'El- kington venant lui communiquer les brevets anglais antérieurs de plusieurs mois à celui de Ruolz, obtenant les mômes résultats et employant les mêmes solutions d'or et d'argent. Devant l'évi- dence, il n'y avait qu'à s'incliner, et, en gens de bomie foi, il n'y avait qu'à s'unir; ce ne fut pas sans un gros sacrifice, car Ghris- tolle fut obligé de payer 500 000 francs le droit de se servir des brevets, })our lesquels il avait déjà versé 150000 francs à Ruolz. Dès sa jeunesse Charles Chris- tofle avait été rompu au manie- ment des affaires industrielles. JVous l'avons vu déjà, chef à vingt-quatre ans de la plus grande manufacture de bijouterie de son temps; il n'était pas homme à s'arrêter. Doué d'une énergie peu commune, d'une volonté et d'une persévérance que rien n'arrêtait, il était de la trempe des fonda- teurs d'empire. Ce n'était pas tout de créer une industrie nou- velle, il fallait la défendre. Il se trouva alors en butte aux diffi- cultés les plus épineuses, eut à lutter contre une armée de con- trefacteurs dont il ne put venir à bout qu'après des procès sans nombre, qui durèrent presque au- tant que le brevet lui-même. C'est Service à tiic Louis x\i. ^^^ milicu dc ccs obstaclcs qu'en

(Orfèvrerie de Ch. C/ir/sfo/Ce.)

quelques années, il parvint à orga- niser sur les bases les plus larges l'industrie nouvelle dont il fut le créateur en

Kraiif»'. « l'ii iSi't, .||s;iii M. W olow vki, l(•^ all'aircs il- M. (llin^lnllc allci- M||;ii,.|i| ;i |i('iiic un rliillir (lr (ilMMMKI l'iaiiis; ce cliillVc s'cv| ('•IrM- en IH't.'i à !I;{(Iîi:m riaiirx, ,11 iSid, ,1 I.MIIMI:.'. Iianr^, .1 m IS'jT, a plu- <lr 2 iiiillioiis (I). » \ii Ikmi (!.■ r.iliii'iiiri I (irlrv rciic ((iiiiiiic (Hi liivail lail |iisi|ii';i|()rs avec (1(!S |i|;i,|ii,-. (I ;ii-i'iil nii de ( iiiNic l'oii^c |il,h|ii(' il ar;jciil, Clira-^l < illc se scrNil ilii lailnii (|,i:it l;i iii;illi';ihililc ^i' ii 1 1| H( icli;i 1 1 le |i|ii> d.- crllf i\c ra|-;jr|||, cl allait. jtciaiM'l I l'C (II- le I i;i\ ,iill<'r rdiiiiiic l(•-^ iiii'l;iii\ |irc(iiMi\. T/i'Iail t'airr n'\i\rT les Iraililioiis de |;i \i'iii;iMc (H Irx iciir iiia^^iM' ('.Chili r('iii|ilni du I ii.u'l l 'w II |pniir l'i'l l'ci iidr'c les toiiiK's, lie l;i tniilc cl t\f l.i ciselure |i(iiir ic|iaici' les ;j,i iii il lires, de la ^fiiidiirc l'dili' |Miiii- Ic^ iciiiiir, (|iii allail rc|i;irail !•<• <d ddiiiiri- a crllc ()rrr\ fci'ii- iioiincIIc loulc la sdlidilc, liiiil le liiii cl li' |tn''cicii\ des oiTcv rci-ics des siècles |>r<M*(''d(;iils. Mai^ il r.ill.iil la ludijuii'c ('((UKiiiiiiiiiciiifiil iKiiir rivaliser- avec le pL-ujné. (llii'islofjf) eu! a lidiiNcr (|iiaiitil(' île iiiacliiiies imies pai" la vajx'ui', daiipai'eils, de j)i'()C(''(l(''s, \aiiaiil a riiiliiii, el (pii iK'cessilaieiil sans cesse d(; nouvelles iiiiiosalioiis. « Il a une l'onderie poui' les iianiiliiies riches ou sculph'es. disail le duc de l.iiyiies, un ajipareil a ralirii|iicr le ixix/. Iiydroiièiie j)ui' pai- la di'coinposilion de la vapeur- (Teau suc le cliar-hon incandescent; le gaz, entourv d'nn l'c'-seau de platine, donne une \ive clar-|('' : il alirneide les foni'neaux à souder, à l'ai'gent et au cuivre, et le laboratoire de chimie "l). Des niacliines actionnées par la \apeur, des tours, des inaudriiis nuis pai- les mêmes moyens, des laljoratoii'cs, tonte mie cuisine com- pliipu'c d'cdecti-icité el de chimie... »

Que nous voilà loin des ateliers de nos anciens orfèvres et quelle mine feraient les (iermain. les lioettiers, s'ils pouvaient voir aujourd'hui ces engins monstrueux c[ui ont i-emjdacé leur antique outillage si simple, dont ils savaient tirer un admi- rable parti!

En résumé rélectro-métallurgie comprend deux sortes d'opérations qui, bien que faites dans les mêmes conditions, et avec les mômes éléments, engendrent deux classes de produits bien distincts. « Si le but qu'on se propose est de pré- cipiter au moyen de la pile un métal sur un objet conducteur de l'électricité, en couches épaisses, continues, 7)iais non adhérentes, de manière que, une fois séparées, la couche métallique obtenue représente exactement tous les détails, tout le lini de cet objet, l'opération ainsi faite prend le nom de galvanoplastie. Si, au contraire, on veut précipiter le métal en couches minces, continues, ai adhé- rentes, de manière à ne point altérer la forme primitive de l'objet soumis à l'expé- rience, mais dans le but de lui donner une apparence plus belle, ou de le préserver des chances d'altération auxquelles il peut être exposé, c'est un dépôt électro- chimique auquel on a donné naissance, et, suivant la nature du métal employé,

(1) Rapport sur VExposilion de 1841, tome III, page 339.

(2) Duc (le Luynes, Rapport sur les inctdux précieux à l'Exposition universelle de 18j1, page 12.").

270

c'est le cuivrag'e, l'argenture, la dorure, le platinage [\). » On peut dire que cette invention, ({ui fait pensera la découverte de l'imprimerie, est le plus admirable procédé de niulti|)licatioii, d'une exactitude rigoureuse, des types uniques

Fontaine à thé du st\k' Louis X\'I. [Orfèrrerie de ('J\ . C.hrislnlle.)

d'œuvres d'art, quel que soit leur degré de perfection. Depuis soixante ans, elle a singulièrement accru son domaine et s'est largement développée. Mais c'est l'honneur de Cliristode d'avoir compris du premier coup tous les services qu'elle était appelée à rendre et de lui avoir imprimé un vigoureux élan. Tout le monde remarqua, en 1849, les pièces d'orfèvrerie argentées ou dorées, exposées par

(1) Henri Bouilhut,, Conféreiice [aile en 1806 à la Socielr iVencourarjernenl pour Vindusli-'e ii;ilio7iale sur l'orif/ine el les progrès de la galoanoplaslie (brochure iii-18;.

^J7I

lui, .. (liMI\ -IMIhlc^ Itollillolivs d'iiii >\r^^\i\ roriTcl ri ;i\i'c <\r - iMiiiMl \ . •niriiiruLs

(les surloiilsd'mic ;;r;imlf iiilii''>-.r. il. ••> laiidi 'l.il.if-, « lu p rf-> ilC\ rr II.- ni s modclus, 4l('S services à tiic de ^t^lc Loiii-> \\ «l l,(.iii- \\ I, d(•-^ >>,.|\iri- d.- I;d»l<' (1).

fontaine à thé du style Louis X\'. {Orfèvrerie de Ch. Christofle.)

L'un de ces services, réchaud, cloche et casserole, était de style Louis XVI.' Le réchaud avait la forme d'une corbeille en vannerie ciselée, dont les ajours qua- drillés laissaient passer l'air pour alimenter la flamme de la bougie et égayaient en même temps la nappe de ses reflets lumineux. Ce modèle avait eu un très grand succès, et lorsque, deux ans plus tard, le prince-président installait au

^1 Duc de Lu vues. Rar.porl. page "5.

Jl

^7i

palais de l'Elysée Télégante comtesse de Téba, qui allait devenir l'impératrice Eugénie, ce fut ce service qui fut choisi pour meubler le palais, complètement dépourvu alors de tout matériel d'orfèvrerie.

Ghristofle, de lui-même, avait spontanément indiqué au Jury les noms de ses principaux collaborateurs, F.-J. Lebon, dessinateur, François Gilbert, sculpteur,

Service de table de l'Impératrice Eugénie. Orfèvrerie de Ch. Ghristofle.)

Broeckx, chef de l'atelier des orfèvres : avec eux il n'allait pas tarder à rem- porter de nouvelles victoires.

Si nous nous sommes laissé entraîner à parler avec quelque largeur de l'Ex- position de 1849, c'est que la plupart des orfèvres qui y participèrent devaient se retrouver à la manifestation grandiose de Londres, en 1851, qui eut, on peut le dire, une importance énorme sur la direction et les progrès de l'industrie du monde entier. C'était la première fois, en effet, que tous les peuples étaient

21'A

(•(iiivit'-s ;i mic ^iilriiiiil(' de ce ^m'Iiit, cl (lu'iU ,i\;iiriil l'occ-i'-ioii ilc iiic-^iii-cr Nîui'S lorccs sur If Iiiimiii un lii^l liil il rdiiiiiK'i'ci.il, de roiiiicircr leur |tro(|iicli<iii jim-c celles (le leurs ri\;iii\, ilc ((iiis|;iier siir <|iicl< |M)iiils ils ('l.iiciil en ;i\;iiic(' on en relaid. IMus d inic nalittn (lc\ail Incr i\c pareille e(iin|iaiaisnn les jilns IV-ecHHls enseii:neinen(s.

l/l''.\|Misi| KHI iiilernalidiiale lie Londres nn\ ni lel" mai lS'i|,an nillien d'ini {^rand eilal. l.orieNrerie a\ail idc' (dass{''e avec la liijonlerie e! la joaillerie. On gardai! aiii-i les Iminies e| anlii|nes Iial)ilndes de nos \ieilles eorporalions ; ce ne lui (jne pliis lard, en ISli", ipion enl l'idi'c sin^MiliiTc (Tt-lalilir des (l(''niarcalions (d des S(''|iaral ions enire des nndiers i|in onl même ori;_'iin', mi'ines init'rrds, i|ni s'excrceid dans des aleliers \oisins, a\ec des oïdils sendijaldes, des proei'di's analopncs sm- des matières ('^alcnn'nl |ir(''eienses. Le .lnr\ delascclion «'In' dac- ( laniali(Ui ponr |ir(''sidenl le ilwc de Lnynes, (|ni acc('|([a dèlre en nn"'nie lcni|)S le rapporlenr de sa i lassc poni' les (ravanx de la (l()inniissi(ni Crancaisc. (le lui jionr cel homme si dislini^m'' l'occasion (['(''ci'irc niu' ('Inde dnn |inissanl allrail, don! la Ici Ini'c demonire comltien ccnx-là (|ni, |iar Icnr silnalicni, semMenl ('loi;^n(''S de |irendre |tar[ à cerlains inli'-rèls, sont pai'l'ois pins ajilcs à les (h'dinir (d a les (It'fendi'c ipic ('(-nx niènies (pii en vivcnl. Le livic dn dm- de Luviies u'csL pas, comme on le ponri'ail croire, une (euvre de liaul style oii rai-(dHMjlogue, le savant, le curieux, le voya^ucur et Tarlisle qu'il était, faisant un aimable étalage de ses coMuaissaiiccs et de son goût éclairé, ait voulu doiuier libre carrière à sa passion, et couduiic iiar des chemins escarpés l'ouvrier et le patron mal |)réj)ai-és a le suivre jusqu'au sommet de l'art j)ur. Non, le duc de Luynes voulut faire œuvre plus utile. Avec une abnégaticm méritoire, il s'appliqua à rassembler des documents précis, des détails sur la fabrication, des clulfres de statistique, à faire d'après nature des descriptions criticjues de l'orfèvrerie de son temps, notant au courant de la plume les noms des artisans à coté des noms d'artistes, et dressant un tableau succinct mais complet de la situation des orfèvres depuis le commence- ment du siècle. Son livre se trouve ainsi le Rapport le plus exact, le plus tech- nique, le plus parfait avec celui que rédigea Lucien Falize en 1889 qui ait été écrit sur notre industrie à la suite des Expositions, et on le consultera toujours avec fruit. Nous y avons puisé déjà plus d'un renseignement pour les pages (jui précèdent. Le volume est devenu si rare qu'il vaudrait la peine qu'on le réim- primât, et c'est un vœu que comprendront, j'en suis sur, beaucoup de mes confrères.

L'orfèvrerie française remporta à l'Exposition de Londres un très grand succès, tous nos premiers coryphées avaient répondu à l'appel qui leur avait été adressé, et n'eurent pas lieu de s'en repentir: Froment-Meurice, Odiot, Christofle, Durand, d'autres encore, y obtinrent les suffrages les plus flatteurs.

Mais Froment-Meurice avait la première place et remportait la plus haute

récompense, la Couneil Medal, c'est-à-dire la grande médaille décernée par le Conseil des Présidents.

A cette Exposition, il avait envoyé la toilette entière de la duchesse de Parme, qu'il venait de terminer. Ce morceau capital, dont deux pièces seulement avaient paru en 1849, figurait en 1851 dans son ensemble, et n'avait pas coûté moins de six années de travail. Cette toilette monumentale qui comptait deux mètres qua- rante-cinq centimètres de hauteur, et près de deux mètres en largeur, composée par l'architecte Duban, était ornée de trente et une figures exécutées d'après les modèles de Jean Feuchères et Geoffroy-Dechaume; les ornements étaient de Liénard, les émaux de Sollier et Meyer ; sur la table, immense morceau d'acier, d'argent et d'or, formée d'une des plus grandes pièces d'argent niellé que nielleur ait jamais produite se dressait, au centre, le miroir en forme ogivale pivotant sur ses supports; à droite et à gauche, on voyait deux coffrets, par devant, l'ai- guière : tel était l'aspect général. Le miroir, avec son cadre ajouré, émaillé de bleu, et des compartiments portant les écussons et armoiries de toutes les pro- vinces de France, jouait cnti'c deux supports formés de tiges de lis enlacées de lierres et de roses, au pied desquelles folàlraient six figures d'amours. Les deux coffrets figuraient des espèces d'édillcjs à toiture et à pignon évoquant la forme des chasses du moyen âge, et les faces étaient divisées en compartiments dans lesquels vingt grands émaux de douze ou treize centimètres de hauteur se trou- vaient ajustés, reproduisant l'image des femmes les plus célèbres de la mo- narchie française. Tout cela, il faut bien l'avouer, était fort compliqué et offrait un mélange assez bizarre, vrai type de l'orfèvrerie sentimentale qu'on admirait alors (1).

Froment-Meurice exposait également dans son ensemble, avec les candélabres et les pièces de bout, le surloul du duc de Luynes dont le milieu seul avait paru en 1849. puis un calice en or donné au pape par la reine Amélie, dont les ligures en repoussé étaient d'une ciselure merveilleuse, puis une épée offerte au général Cavaignac, dont le modèle avait été demandé au sculpteur Cavelier. La Liberté, l'Égalité et la Fraternité en formaient la poignée. Ces trois figures adossées soutenaient un glol)e paré de lauriers et de chêne, sur lequel se lisait le mot « FRANCE ». La garde était formée par une figure représentant la Patrie sous les traits de saint Michel qui, le bouclier levé, terrassait l'Anarchie. Ce n'était pas tout. En 1851, figuraient également deux groupes en ivoire, argent et or. C'est vraisemblablement le duc de Luynes qui avait suggéré à Froment- Meurice ce retour à la statuaire chryséléphantine, à l'époque oîi il confiait à Duponchel la reconstitution de la statue de la Minerve du Parthénon. Le premier

(1) Une eau-f<jrtc reproduisant cette toilette a été donnée dans une publication italienne portant le titre suivant : Toeletta in argento cd oio, abbeliita di piètre preciose, possedula da ^. A. li. Luisa Maria di burbonn, ducltesa di Parma ecc. {A. Rosseno die éd. iuc, l'arma. 18a3).

Epôc du j;ôiR'ral Ca\aiguac. (Or/'èvrerie de Fromant-Mciirice.)

M

I

277

LA BACCHANTE. » Orfèvrerie chryséléphantiue.nle FronieuL-Mouri<.'L', {Modèle de Pradier.)

2T.>

« LA TOILKTTE DE ^■K^'US. .- Urlèvrcric cliryscK'i)liuntiiic de D. Fromeiit-Mourice.

(Modèle de Feuchères.)

2HI

(''lail une r>;i>'i'|i,iiiti' rii iMuir tlr;i|i(''c d ur, i''i-;ii'laiil il iiiii' iii.iiii If faiiiH- i|ni iiii|ilo- r;iit siiii n-^aril, il l'aiilri', ■■ la Tmlclli' ili- \i''iiiis » ili- .Iran l'i-iicInTr--, iriiiic Im'IIc allni'i' iliTiiral i\ r ; iiiif <lia|p(i ir , irli iiih' par nnr lniilr allai'InT *-nr l<'S rein-- lie la diT^vc, |u'i iiirl , par un a il i lin in;-'i'ii irii \ , ilr i|i--^inmlrr la jniirl ion îles (|rii\ nioiiraiix d iMiii'r. La riii|nillr, |ilanrlii'r niiiii\anl -<niis \t'< liranv piciK de ci'lli' i|iii , l'.l ri inlli' ijcihi'al inr dr^ ldri">, --(irl de riTiiiiH' di' la iiht, doiini' de rain{ili'iii' a la ha^r du ,tjriiU|M- ipii se t-()iii|)l('li' par iiii Irilmi lui nllraiil uni' luaiirlii- de corail. Ci"- di'u\ t:i"ou|t('v, ipii apparl irniifiil aiijoiird liiii au roiiilr de j'illrl- Will, li^uraiciil au Musi'm' rcnlriiiial, rr i|ui iioiis a prriiii^ de Irv ri-prodiiiri' ni.

(ad ni^riiilili' a\ail allin- loiiv Ic^ >ullra,i:i'<, id l'orlrvia-rir rraiirai<(' lrioiii|diail à la prciuiiMT l'.\posil ion uiii\rr^(dlr dans la pcr^oiiiir de IVonirul-.Mruriro.

Ihipoiirliid 11 a\ail rii'ii rii\o\i\ mais son ancien associi-, Mond. ipioiipiil i(\\ li\i' Mil! iiidu^liac eu .\ii,i:l(dcri'c, n Cn clail pas moins de clie/ nous, e( c"es| le ^oùl do nidre l»;i>"^ ipi'il l'aidai! admirer dans des (eiivres de lonle heiiid*'. " Ma produit des ouvrai^cs, disail le Kapporleiir, qui doniienl une idée (1(î IouI ce qu'un liomme. aussi capaMe, |)eut accomplir, lue slalue équesiro de la roino j'ilisalielli, en ariicid r(q)ouss(''. (d don! la (èlc seule ('dail fondue, avail piw'senler d"immeuscs diriiculir-s de Iravail; mais le j)(dil. nonibro d"ol»j(ds d'orfèvrerie reunis aulom- de ccdie pièce principale rcniporlaieiil l)eaueoup sur elle par la perfection et la beauté de rexcciition. Nous citerons particulièrement un vase d"arj2:ent doré, ornc' d'un bas-relief d'argent à sujet de chasse dans un brancliage de chèiie cl exécuté dans le style d'Albert Durer, et un sucrier d'argent doré à couvercdc, d'une forme irréprocdiable, ciselé d'ornenieids en relief très amorti (I i. » ('e fut aussi à moitié sous le pavillon anglais qu'un autre de nos compatriotes, Antoine Veclite, conquit une des plus hautes récompenses, une médaille de pre- mière classe accordée à l'ensemble de ses travaux. Depuis qu'il s'était fixé à Londres il avait reçu le plus chaleureux accueil, le célèbre ciseleur avait vu venir à lui une opulente clientèle et ne pouvait suffire aux commandes avec la production forcément très lente qui lui était imposée par son genre de travail. Il s'était disposé un agréable intérieur dans une petite maison de King Edwards Street, Eslington, un des endroits les plus retirés de la ville dont il ne sortait guère, uni((uement absorbé par son art. C'est au point qu'il ne se donna jamais la peine d'apprendre l'anglais, ce qui étonnait parfois ses aristocratiques visiteurs, connue la duchesse de Sonimerset qui venait souvent dans son atelier. Une de ses filles, nommée Emilie, lui servait d'interprète. Une autre, Héloïse, était devenue son élève; elle se maria en 185.S, avec Vernaz, et tous deux collal)orèrent avec le père aux pièces d'orfèvrerie. Le premier ouvrage important exécuté par Vechte pour MM. Ilunt et Roskell fut un bouclier consacré à trois hommes illustres de

(i) Duc de Luyues, Rapport, page [-I'-'k

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l'Angleterre, Newton, Milton et Shakespeare. Il n'était pas achevé en 1851, mais il figura néanmoins à l'Exposition. On y vit aussi le fameux Vase qu'on avait admiré au Salon de 1847, Combat des dieux contre les géants, un petit vase fait pour lord Elsener, r Amour et Psijché, et quelques autres œuvres qui achevèrent de porter au plus haut point la réputation de l'artiste.

A quel point en était l'orfèvrerie étrangère au moment de l'Exposition univer- selle de Londres, en 1851? Bien que cette industrie fût loin d'égaler celle de France chez les autres nations, on put constater de sérieux efforts dans certains pays oîi l'art avait de lointaines traditions. En Allemagne, après une éclipse presque totale pendant un siècle, elle semblait renaître. Tributaire longtemps du « genre baroipie anglais », elle commençait à subir l'influence d'artistes de goût, tels que l'arcliitecte Schinkel, ou de bons fabricants comme MM. IIos- sauër, et Wagner de Berlin, Mayerhofer de Vienne. Wagner, neveu de Charles Wagner, l'orfèvre parisien, obtint du jury une grande médaille pour un surtout de table (|ui « était le morceau d'orfèvrerie le plus ('minent envoyé à l'Exposition de Londres par l'Allemagne » (l). Il représentait, en ti-ois étages superposés, les différents âges de la civilisation, l'homme primitif, avec les accessoires de la chasse et de la pèclie; la vie pastorale et les scènes de la culture des champs; le règne de l'industrie, des scicMices et des arts avec un génie de la civilisation, vain- (pieur du Mal, caractérisé par une hydre expirante, complétait le symbole.

L'Italie, avec ses éternelles copies des chefs-d'oîuvre anciens, exécutés par les Sartori, les Ciavoni, les Asciéri, les Castellani, ou avec les quelques ouvrages d'artualilé fournis à la Cour par Galli, n'avait pas cru devoir aborder le concours, et cette abstention rappelait « péniblement l'atténuation de la fortune publique et la langueur des nobles industries dans le pays qui fut leur berceau » (2). La Russie, au contraire, présentait les spécimens les plus originaux de son orfèvrerie vraiment nationale, décorée de nielles, parée d'émaux rutilants, d'un caractère très spécial. Un orfèvre de Saint-Pétersbourg, M. Sazikoff, reçut du jury une médaille de l" classe pour une collection de coupes, de vases, de figurines très intéressante, et surtout pour une pièce des plus importantes, un milieu de table représentant le grand-duc de Moscou, Dimitri Donskoï, grièvement blessé à la bataille de Koulikofl'qui affranchit la Russie du joug des Tartares. Pour l'E.-pagne, un seul oi'fèvre, M. Morella, qui avait exposé une œuvre unique, un grand osten- soir de 2 mètres de hauteur, a digne sous beaucoup de rapports de l'attention du public » (3). Pour la Belgique, la Hollande, la Suisse, l'Exposition était plus maigre encore.

L'Angleterre, par contre, montrait non sans orgueil les richesses d'une orfè-

(1) Duc de Luynes, Ylapporl^ pî^S^ 83.

(2) Duc de Liiyiies, Rnpporl, pnge ."j'ir. (3j Duc de Liiyiies, Uappoii, pnge 88.

'Jh:i

MCl-lc (pii chiit fl'iiIllMlil |iltls ;i|((»ii(l;ililf i|iir tic lolll lriii|)s ccllr iii-lil^llic flll ;ili- mnilff |i;ir l;i plii-^ tii^liiciiNr des arislot r;il ics. Oïlrs, il \ uSiiil, i)irii du iii;iii\ ;ii.s goùl tiaiis relie ai-eiilerie iiia>>>^ive, dolil roiiiemeiilali<»ll jtaraissail soiiseiil iiiiii- tclli^'ilile, dans les pièces d'art oii les accessoires, li|^ures, aiiiiiiaiix, M-^'i-laiix, etaieiil dist liluies salis |)()iideralinii cl salis ;^ràc(\ .Mais <iii •'■iail lorci' de re(()ii- iiailrc de iKilaliles aiiieliiiralhiiis dans le ^(tùl de cerlaiiis l'ai licaiil s. .. Le ;.'eiirc » dil a/it//(iis, ecri\ail le duc de laiMlcs (1), ii'es| pas lilainalili- en loiiles clioses. » Si son (iriieiiieiilalioii es| mal concile, conriise et peu lai-onnee, la l'oiiiie île la » vaisselle di' laide, coiniiiode |)oiir l'iisa^c, est hieii a|i|)io|(rii'-e aii\ dilli'-renls « liesoins du ser\ice. l'ai l''i-aiice, le ;^eiii-e aiij^ilais dans l'oiTcs rerie a |in''\alii si » lo:ii;leiii|>s, on en a accep(('' pins volontiers les ridicules cpie l( s axanlagcs, » Il serait a souhaiter ipie, justes appr(''cialeiirs du mérite d'iiulrui, les deux )' peuples sans se dissiinnler leurs (|ualilés, ni leurs di-faiils. s'edorçassent de » tcuijonrs l'aire mieux et de ne point se laisser dépasser. .\ rj"!xp()sitioii d(.' » Liuulres, il ("tait facile de reconnaître los emprunts avoués ou (lissimnlc's faits " par l'orfeM-erie anglaise aux artistes fi-aiicais; mais les critiques des AiifJilais » sur la li'^èreté excessive de nos pièces, sur leur lahrication négli^^'C et leurs » mauvaises uioutures, sur leur oxydation d'un aspect désa^i'éable et déguisant » quelquefois des défauts, toutes ces observations étaient fondées, et ceux qui » les ont écoutées pour eu j)rotiter oui fait i)i'euve de safiesse et d'intelligence. » Au premier rang des orfèvi-es anglais, figuraient MM. Ilunt et Uoskell, R. et S. (larrai'd, llancocU, Klkingtou et Mason. L'exposition de MM. Ilunt et lioskell comprenait une foule d'objets dont quelques-uns étaient de véritables nioimments avec ligures ronde-bosse, bas-relief, etc., des testimoniaux, des coupes colos- sales, un service d'argenterie ollert au comte d'Ellenborougli, d'une valeur de 150000 francs, sans parler des pièces en repoussé exécutées par Vechte. En par- lant de ces orfèvres, le duc de Luynes disait : « Leurs efï'orts pour sortir d'une » mauvaise direction se reconnaissent dans la disparité de leurs reuvres, dont » l'origine est très diverse. » Chez MM. Garrard, mêmes tentatives pour améliorer et épurer leur style, malgré trop de sacrifices encore faits au préjugé invétéré d'un goût très équivoque. M. Hancock, qui montrait, entre autres objets, un coffre d'ébène d'après des dessins d'un peintre français, Eugène Lami, témoignait, d'après le rapporteur, d'une intelligence plus réelle de l'orfèvrerie et des res- sources que l'art peut apporter à cette industrie. Quant à MM. Elkington, qui, les premiers, introduisirent en Angleterre vers 1840 l'application de l'électro- chimie à la dorure et à l'argenture, et dont l'établissement de Birmingham avait servi de type pour celui de Christotle dans notre pays, ils avaient envoyé à l'Expo- sition une magnilique série d'œuvres de tous genres, reproduction de ce que les

^1 1 Duc de Luynes, l{ap]>ovl, page 'JiJ.

284

arts anciens et modernes ont inspiré de plus beau, coupes, vases, bassins, tré- pieds, etc. Parmi les objets de création moderne, on voyait un grand coffre à bijoux en cuivre émaillé et doré, orné des portraits sur porcelaine de la reine Victoria, du prince Albert et de leur famille, avec des figures en ronde-bosse adossées au coflre. Ils avaient eu riieureuse fortune de s'attacher un artiste fran- çais d'une habileté consommée, Jeannest, qui exécuta pour eux un certain nombre de modèles d'un goût très sûr, et dont l'exécution très soignée n'en laissait pas moins paraître l'origine française.

L'Exposition universelle de Londres de 1851, et le succès même qu'y obtinrent les industries françaises, eurent une conséquence immédiate des plus graves, et qu'il convient de rappeler. « En premier lieu, on acquit généralement cette con- viction que les aris étaient désormais la plus puissante machine de l'industrie; en second lieu, chaque nation prit la ferme résolution de conquérir à tout prix ce mobile de nos succès; en troisième lieu, elles formèrent ce projet avec d'autant plus de confiance qu'elles se dirent que les arts, comme les sciences, sont la propriété commune de l'humanité, et qu'en les protégeant aussi bien et mieux que la France on pouvait atteindre aussi loin qu'elle, et plus loin (1). » Ces lignes sont extraites de l'ouvrage admirable écrit, précisément à l'occasion de cette Exposition de 1851, par le comte de Laborde, et dans lequel cet homme éminent a fait ressortir avec une éloquence prophétique, avec une hauteur de vues et une abondance d'arguments que son extraordinaire érudition lui dictait, les enseigne- ments qu'on pouvait dégager pour notre pays de la manifestation qui venait d'avoir lieu en Angleterre. Il annonça avec une précision implacable la lutte qui alhiit immédiatement s'engager dans l'Europe entière contre l'influence prédo- minante du goût français, et, d'une plume infatigable, dans un volume touffu qui ne compte pas moins de 1 039 pages, il indiqua les moyens qu'il fallait employer pour résister, selon lui, à ce danger, et maintenir, en perfectionnant notre édu- cation arfisti(|ue, le prestige de nos industries. Il disait : « Notre succès de 1851 serait le plus traître des flatteurs, s'il nous avait fait illusion au point d'endormir notre intelligence, d'engourdir nos bras, de paralyser notre ardeur. De quelle résolution la France a-t-elle fait suivre cette reconnaissance générale de sa su- périorité? S'est-elle dit dans sa suffisance : nous serons toujours supérieurs à nos rivaux, qu'est-il besoin d'autres efforts? ou bien, se laissant aller au découra- gement, s'est-elle écriée : Nous sommes perdus, car les étrangers, connaissant désormais le secret de notre force, vont nous disputer nos succès en appelant à eux nos ouvriers les plus habiles, en imitant nos institutions consacrées par une longue expérience?... J'ignore ce que la France décidera. Suffisance aveugle

(1) Comte (le Laborde, Rapport sur les Beaux-Arts à l'Exposition universelle de 1851, page .383.

285 -

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Ce n'est j^as toutefois que \aj)ol(''()n III ne se soit montre', dmanl le cours de son l'ègne, nn souverain applique'' à remplir son rôle de protecteur des arts, avec toute la bonne volonté (ju'il y pouvait mettre. Mais son tempérament de rêveur hollandais le laissait sur ces choses sans idée personnelle; ne s'étant guère occupé dans sa jeunesse de se former le goût, il restait indifférent pour son eouipte aux raffinements du luxe, et laissait à son entourage, à ses ministres, au surintendant Nieuwerkerke l'initiative à cet égard (2). Favoriser le commerce, donner à la cour l'exemple d'une certaine pompe qui rappelât l'éclat de l'ancienne monarchie, encourager et quelques artistes, visiter les expositions et avoir l'air de s'y intéresser, renvoyer avec bienveillance à l'examen administratif des ministères compétents toute proposition qui aurait pu exercer une influence sur la direction générale des arts, c'était le seul effort qui parut à l'empereur répondre, et bien au delà, aux obligations de sa charge. Il ne songea donc jamais à faire entrer dans la pratique les idées du comte de Laborde. Cette passivité ne ressem- blait guère à la prodigieuse et méthodique volonté de Napoléon I", qui, en dix ans, avait su implanter en France un style nouveau, par des commandes incessantes, selon des programmes que lui-même imposait! Privées de l'orientation qu'aurait

(Ij Coiule de Laborde, Rapport cité, page 397.

(2) Voyez à ce sujet les Souvenirs d'un directeur des Beaux-Arls, par le marquis de Clienueviére (por- trait du comte de Nieuwerkerke.

2<S0

pu donner la Cour, les industries de luxe continuèrent à flotter à la dérive, emportées dans le mouvement qui leur faisait remonter le cours des âges pour copier, pasticher ou adapter les anciennes formules des décors de tous les siècles. « Copies, les restaurations de Pierrefonds dont le talent et la science de Viollet- le-I)uc avaient réussi à faire une œuvre remarquable; copies les appartements de rimpératrice, rarcliitecle Lefuel avait retrouvé les élégances du style Louis XVI; copies ou inspirations, comme il vous plaira de les appeler, ces retours aux coutumes royales, poursuivies dans l'étiquette, dans les livrées de la Cour, dans les vêtements des femmes, ou l'uniforme officiel! Que des esprits indépen- dants rompent avec ces idées, on leur eu veut de toucher à l'harmonie mouton- nière; il suffit au beau monde de se continuer sur le pied du départ (1)... »

Un moment, le goût des formes antiques semble renaître, et les décors néo- grecs devinrent à la mode; une fantaisie du prince Napoléon, cousin de l'Em- pereur, qui se fit construire et meubler, aux Champs-Elysées, une maison pom- péienne, par les architectes Ilittorff, Normand et Hossigneux, suscita cet engoue- ment qui se traduisit par l'introduction du style qu'on appela le néo-grec, et auquel la création du Musée Campana au Louvre, consacré aux objets d'art étrusques, vint offrir de nombreux modèles.

Parmi les objets mobiliers que le prince Napoléon avait fait exécuter pour sa maison pompéienne, se trouvait un surtout antique dont il avait demandé à l'ar- chitecte Rossigneux de reconstituer l'ensemble avec des documents qu'il avait fait mouler au Musée de Pompéi, à Naples. Ce surtout affectait la forme d'un plateau incrusté de damasquines d'or et d'argent sur lequel était placée une colonne formant candélabre, dont le chapiteau se terminait par quatre enroule- ments auxquels étaient suspendues des lampes antiques; un autel rectangulaire, et un léopard maîtrisé par un petit Bacchus, ornaient le plateau.

En même temps, le prince avait demandé à l'architecte Normand une repro- duction du Parthénon qu'il avait placée dans l'Atrium de sa maison. Le petit monument avait été exécuté en marbre, et les métopes qu'il avait fait réduire et restaurer par le sculpteur Auguste Barre, étaient d'argent émaillé en blanc et polychrome de tons sourds et harmonieux. Le temple était consacré aux Muses, et, au lieu de la Minerve de Phidias, le sculpteur avait placé deux grandes figures, Melpomène et Thalie, auxquelles il avait donné les traits de M"° Rachel et de M'"" Arnoult-Plessy. Les nus étaient en ivoire et les draperies en argent doré. Les autres Muses, de plus petites proportions, étaient la reproduction de statuettes de Tanagra dont les attributs et les attitudes avaient permis de symboliser les autres Muses. Comme pour les deux premières, les nus étaient en ivoire, et les draperies en argent doré. Ce sont ces statuettes qui, dans les dîners que le prince donnait

(1) Henri Bouchot, les Elégances du second Emjriirc. 1 vol. in-18 (librairie illustrée;, Préface.

ss:

Siirinul iioinpi'ion du priiico Xai)olcun. avec li>s Musi-; (Orfcrn-ric de Ch. Chrislolle.)

■>H'.>

Melpomène et Thalie. (Tpandcs lî^iircs du siirtotit jxtmpt'ii'n du Pi-iiicr Xapoléou. Ilrfèvverie de C.li. ('.hriatiijJc.

i29l

(liiiis sa maison |Miiii|,(i,iiiic, ti^iiraicnl sur la lalilr aiilniii- du -iirlmil ctToiislitiH' |iar lJ(l■^viu■ll('ll\ .

I.r |.iiiiii' ,i\ail ('•u'ali'iiiciil (li'liiaihli' a I )i(ltjrlf, arl is| r d/roi al riir du ;j(iul le (iliis (in, ,1 .[ni N.nail d'i'lir a|t|Mlc a la hiiTt lioll lirlisi ii|iic dr la Maniiracl iiic ili- Sc\rfs, ini scivicf de dcsscil (ini lui l'xccnic, foininr le siiiliiul, par I OrlcNrc ( '.lirisloHi'. Il TiLiurail a I Ia |m isil ion de iS.'l'i. ('.flic t'anlai^ic d nn |aini'c auda- cieux (|in ainiail la soch'lc des arlisjes, el eliereliail a créer aidoiu' de lui un inoiiN cMieiil (|ii'il i-e|irocliail a s(»ii cousin de ne pas sa\oir snsciler, n'eiil pas de lenden)aiu. Ce ne fui ipi'un ('clair, nial- i:yr les rctdienlies et les lra\au\ des aridii''o!()j4ues, cl des arlisles lels (pic

hldian. hue, l.al>roUSt(\ llupricll-llo- Sun-irr du service du l'i-incc .\;i|)..l.',,n,

l.erl. ele.; les iniilalions pouipéieniies, {Orrèvn-ri,- .h. ch. chnsinp,..

les d(''coi'atious iiéo-^rcc(jucs (lurèi'cnt peu,el, vers I8G0, on se mil i(''S()lumenl

e( dune l'acoii générale aux iiiiilatioiis du (lix-linitièine siècle.

l/impi'ralrice Kniiéiiio, qui avait uiu' véi'ital)le passion pour la figure histo- i-itpu' de .Mai'ie-Autoinelle, et se complaisait à faire revivre les modes el les élé- j^ances de celle reine, ne conirihna pas médiocremenl à la vogue des pasli(dies du slyle Louis XVI (pii commeuça aloi's. Elle, non i)lus, u'avail pas de grandes connaissances sur les arls, et c'est tout juste si elle avait appris de Viollet-le-Duc à discerner le roiuau du gothique. Mais, jolie femme, étrangère, elle avait su s'emparer dès les premiers moments de son règne, avec une aisance el une auto- rit('' incontestables, du sceptre de la mode; dans les questions de toilelle, elle

était vraiment l'arbitre de l'Europe. On "v^ - ;^ la suivit donc dans ses prédilections

==---- pour les grâces pompadouresques, pour

les meubles et les colifichets du dix- huitième siècle dont elle remplit ses /^^^^, appartements des Tuileries, aussi bien

ym%, ( que les résidences de Fontainebleau et

"^ -^ deCompiègne; jusqu'à la fin du règne,

Compotioi- du service du Prince Napoléon. ce fut Ce gOÙt qui domiua daUS leS di-

A)rfèvrerie de Ch. Christofle.) , , , '. ' x

verses classes de la société et que pro- pagèrent à l'envi les ébénistes ou tapissiers, alternant avec les formes de plus en plus épurées de la Renaissance et les grâces du dix-huitième siècle, et arrivant, après bien des tâtonnements, à donner une interprétation de

r

292

moins en moins grossière des finesses exquises qu'ils essayaient de traduire.

L'architecte Lefuel avait refait les appartements privés des Tuileries dans le

style Louis XVI, qui avait les préférences de l'Impératrice. Les sculpteurs Dous-

samy et Leprêtre, auxquels il avait donné asile dans les bâtiments du Louvre

SERRI/RE DE LA PORTE

La serrure l'ie des Tuileries. (Dessins de Lefuel, exécutés par Ch. Chrislofle.

alors en construction, lui prêtèrent un précieux concours. Les bronzes des che- minées et des meubles, la serrurerie intérieure dont il avait confié l'exécution à l'orfèvre Ghristofle, étaient absolument remarquables, et la ciselure ne le cédait en rien aux ciselures originales de Gouthière, dont les spécimens conservés au

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(1 ir.l 'MmIiIc iiN.iit'iil ('•It- i-fjn'()ilnils par la ^•al\all<^Itla^li(' pour srrNir de I\|h'S cl (rcii-M'iL'iiiMiii'iil aii\ ai'lisicv aii\i]iii'K M. Ij'I'iicI iiiiiliail ^cs li-avaii\ ' I .

Oiiclli' i|iii' lui i'i'|M III l.iiil 1,1 I l'inii <|ii.ilili' iiiiilaliiiii iiiii l'ii lui j'ailr, 1rs ruimais- sciirs (Ml sa\ai('iil ifidiniail ir Ir^ ililliiciiccs, cl , aii|()iiii| Imi, 1rs liiitii/.cs l'ailNa Cfllf ciimiiic soiil laiilfs a iccdiiiiail If cl (l(''si;.-ii(''s dans la r.iiiKtsih- coiiiiiic du u l.oiiis \ \ I I iiij HT, il net' ».

Au milieu (le ci's diNd-scs (('iidaiiri'<, r(irlV'vi'('i-i(' rcllMo k'S (•îi|)ricf'S sncccisJsifs dr la siMii'lc iiii|Miialc. I^llc s'|||>,|iiic laiilot de la I Irnaissaiicc, mais aNce plus de iVoldcili'. cl iiioiiis d'iiiiaL^ilial iiHl (pi'a l'c'poipic >\i' Louis- j'|iili|ipc, cl lanlôl du Louis \l\ , ilii Louis \\ cl du Loius \\ 1. Kan-s soni les ;^iaiides (eu\res di'-coia- li\i's comiiie d _\ eu a\ail eu jadis! (ia;4n<'<' p;u- rc>pril du siccdc, (die rcslc de plus en plus (diitiiiee dans les I'oik li(uis d'ulillh', dans son rôle pi'alicpic de service d(; lalile. Sur ce lerraiii, elle piciid, ,:^ràc(' aux pi'oc(''d(''s indiislriels, lui inmiensc di'\ eloppeiiit'iil . La \ aisS(dle (I ari;cul crdc le jiasà la vaiss(dl<' ar;^ciil(''e, non jtas sculcnieiil par un souei d'ccououuc, mais par le senlimenl, d(,' la (•(iinniodih' dans les milieux les |dus l'astneux. Si clie/ la princessc Malhildc on pcrsisle à manger dans de la \ aisselle plaie (:2), en l'evaiu'hc, aux Tuileries, Lempereur cL rim[)éra- Irice, même pour les grandes réceptions, se servaient ^(''néi'alemeid de nudal ai'i;(Mili''.

L'orfèvre (-hrislofle avail été eliar^é d'exéeuter pour Napol(''on III im surloul. (L' laMe UKuaunental, et, dans celte œuvre extraordinaire, il s'était attaché à dt'iuouli'er ([ui' larl le plus achevé pouvait se combiner avec l'emploi des matières, d'extrême bon marché, qm faisaient la base de sa fabrication obtenue par ces nouveaux procédés éIectro-chimi(jues. Ce surtout, qui, les jours d'apparat, était roi)jel d'admiration des invités des Tuileries, se composait de quinze pièces prin- cipales. Celle du milieu représentait la Fi-ance, entourée de quatre statues allé- ^oricjues, emblèmes du pouvoir, la Ueligion et la Justice, la Concorde et la Force; debout, les deux bras étendus et dominant le groupe, la France appuyée sur Furne du suH'rage universel distribuait des couronnes à toutes les gloires, à celles de la Guerre représentée par un guerrier dirigeant l'ardeur de quatre chevaux attelés à son char, et à celles delà Paix symbolisée par une femme montée sur un char traîné par ([uatre bœufs. Parmi les autres pièces, il y avait quatre grandes coupes ornées de ligures allégoricjues qui représentaient le Nord, le Midi, l'Est et l'Ouest de notre pays; quatre candélalires se groupaient des figures personnifiant les Arts, les Sciences, l'Agriculture et l'Industrie; enfin la platerie proprement dite, les casseroles, réchauds, saucières, supports d'assiettes, compotiers, cloches, etc. Le tout, en métal argenté, était exécuté entièrement en ciselure repoussée, abso-

(1 Voir la nionograpliie publiée pnr L. Houyer, inspecteur des travaux des Tuileries, sur les décorations des appartements privés de l'Impératrice. (2) Voir Concourt, Journal, t. Il, passim.

300

lument selon les formules traditionnelles de la belle orfèvrerie du dix-huitième siècle. Mais, à cette époque, les ciseleurs d'orfèvreries repoussées étaient rares; il fallut mettre au point les ciseleurs de bronze qui, quelque adroits qu'ils fussent, n'étaient pas suffisamment entraînés; mais sous l'habile direction de M. Schropp, qui était le chef des ateliers de ciselure de MM. Christofle, une pléiade d'ouvriers fut bientôt reconstituée, secondée par des ciseleurs émérites tels que les frères Fannières, Richard Désandré, Honoré, rompus depuis longtemps aux pratiques du repoussé dans les ateliers des orfèvres, Froment-Meurice, Odiot et Duponchel; il trouva parmi les ciseleurs qu'employaient les bronziers, Dalbergue, Oouy, Deur- bergne, Michaut, Meissner, Poux, etc., des mains capables, qui surent rapide- ment se mettre au courant des procédés du repoussé. Les 1200 pièces qui com- posaient le service n'exigèrent pas moins de trois années de travail assidu. Le surtout et toutes les pièces de grande décoration furent exécutés en bronze fondu et ciselé. Les moulures unies avaient été tirées au liane dans du métal laminé, afm d'éviter les pi(pu'es qu'aurait pu donner la fonte et altérer la finesse des profils. Quelques parties des ornements bas-reliefs avaient été obtenues par la galvanoi)lastie, mais, pour donner à la coquille galvanoplastique la consistance n M'essairc, l'orfèvre avait eu l'idée ingénieuse de couler dans celle-ci le bronze même (pi'il enq^loyait d'oi-dinaire, et, grâce à ce moyen, il ('(ait |)arvenu à re- j)i'0(luire à très bas prix les ciselures fouillées et si parfaites ([u'il était impos- sible de distinguer les morceaux façonnés ainsi, de ceux qui étaient venus de fonte et ciselés.

La sculpture de ce surtout monumental était due à Fr<iiii;ois Gilbert qui, depuis de longues années, travaillait aux modèles que Christofle créait pour sa nouvelle orfèvrerie. Gilbert était surtout un très habile ornemaniste. Ce fut lui qui composa et modela les moindres détails de rornementation, et exécuta les figures avec la collaboration de plusieurs artistes statuaires d'un talent reconnu, Briant frères, Daumas, Demay, Dieboldt, Caudron, Montagny, Rouillard, etc.. Peut-être, à l'heure actuelle, estimerait-on ({ue les figures, d'une facture un peu sévère, marquaient trop le symbolique solennel et lourd qui était dans le goi^itde l'époque. Mais l'exécution en était si précieuse, la ciselure si délicate, qu'on était étonné, en les voyant, de l'admirable virtuosité de tous ces artisans du métal. Toute la partie ornementale, inspirée de la plante avec un complet souci de l'exactitude et de la vérité, et traduite avec un sentiment, à la fois très vif et très châtié, des réalités de la nature, témoignait des mêmes qualités d'originalité et de sin- cérité d'observation et devançait le mouvement qui, par un retour à l'étude de la nature végétale, allait provoquer quarante ans plus tard les recherches décora- tives de la génération qui, aux approches de 1900, s'efforça avec tant d'ardeur de secouer le joug des anciens pastiches. Cette œuvre considérable a péri dans l'incendie du Palais des Tuileries, en 1871. Lorsque, après les désastres de la

:tiil

(".lijclie ronde, casseroles d'enti'ée et d'entremets avec l'échatid. t'Ioche osale. Modèles tle F. (iilbei't. Orlèvi-crie de Cli. (".hrislotle.

(Musée des Arts ilécnratifs.

MÏA

f^iicrrc, (Ml Iniiill,! l(•-^ iiiiiii'-> (les Tiiilciir--, M. I.cIih'I |iiiI riMinii- pn-^ de ."Jr^OO Ki- lo^'iMiiiiiir^ (If (Ichiis nu'il lit \(.ii- ;i M M . ( '.liri^l ( illc , cl leur (Iciiiaiida ^il ••lail |)()s- sililc d'en lii-cr |iaili aiil iciiiciil (|iic par la Idiilc polir en rd rodvcr \'<>v cl I ai';.'('iil par ralliiia-c ou en lc-> \ciiilaiil a (lc-^ l)|■()(•alllcllr-^. MM. ( IIiii^-IdIIc cii ollrirciil 1(1 t'ralll•■^ le kiloL'raiiiiiic. C.'clail une ^(.iiiiiic de .■KHIOI) fraiK ■^ a di''l)()iir--cr, mais iU n'Iic-ilcrciil pa> a ai-(pii'-iir ces dejtris, mal^rt' les d(''r(iriiial i(»ii-> (|iic le l'eu leur a\ail l'ail sujur, csperaiil (piil leur siTail po^sdiie de i-ec(iii^l il uer un jour (pudipics unes de^ pieei's |e> plus iiiip( irla ni es. cl de s;iii\('r de IdllMi une (eii\rc

(îrande cloche ovale en ciselure rcpoussiie.

Nîoilclc (!c F. C.ilhei-l. ( )i-levi-ci-ie de Cii. Clicistolle.

(Miisce des Arls (lécondifs.)

i\\\\ avait ('k' la i;Ioii'e de leur père. Quant à l'orfèvrerie proprement dite, il n'en restait rien. La légèreté de ces pièces, exécutées au marteau et ciselées au re- poussé, ne les avait pas préservées des ardeurs du feu et de l'cfFondrcment du Palais (les Tuileries.

Heureusement les modèles en avaient été en partie conservés, ce qui a permis à MM. (Ihristolle de reconstituer quelques-unes des pièces d'orlevrerie qu'on a pu joindre au surtout du milieu, aux groupes des corbeilles latérales et aux candélabres ([ui, restaurés avec habileté, ont figuré à l'Exposition centennale et dont la libéralité de ses enfants a permis d'assurer la possession définitive de l'œuvre maîtresse de Charles Christolle au Musée des Arts décoratifs.

Napoléon III s'était intéressé d'une façon toute particulière à l'exécution de ce service. Il en avait vu les esi[uisses dans l'atelier de l'artiste. Atelier n'est pas absolument exact, car, trouver un emplacement de 50 mètres de longueur

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dans une salle spacieuse permettant de présenter l'ensemble de la composition. Gilbert, qui demeurait dans la rue de Bellefond, voisine de l'hôpital Lariboisière alors en construction, avait obtenu d'utiliser une des salles de l'hospice pour y exposer son œuvre, et c'est dans ce cadre iniprévn que l'Empereur put se rendre compte de l'effet de cet important ouvra^^e.

11 en avait également suivi l'exécution chez l'orfèvre, et se faisait présenter, soit aux Tuileries, soit à Saint-Cloud, les pièces principales au fur et à mesure de leur achèvement. Ce qui lui plaisait par-dessus tout, c'était le contraste entre la perfection de lu main-d'œuvre et le bas prix du nnUal employé. 11 y avait une nouveauté qui était en contradiction avec toutes les habitudes séculaires, et avec les règles des esthétiques du passé. Montrer que l'art doit à la forme qui Texprime son prestige bien i)lus quii la richesse des matières par lesquelles il se manifeste, et que la beauté peut resph^ndir sous le vêtement le plus humble, tel était le sens de la démonstration dont lEnqxM'eur prenail la responsabilité. Celui-ci comprenait fort bien la portée de l'exemple (|u'il (ionnait. en admet- tant, au milieu du luxe de ses palais, une orfèvrerie en métal argenté ; il lui souriait de penser (|u'il contribuait ainsi à déuiocraliscr le luxe d'une certaine manière et à introduire jusque dans les classes les moins aisées l'usage d'une argenterie peu coûteuse. prati(|ue. et qui permettrait la vulgarisation de modèles bien étudiés, dont seules, jns([ii"alors, [aristocratie ou la riclic bourgeoisie avaient

.lai'cliiiiére de rimpL-ralrice Eiif^c-uie, anses cygnes. (Orfècrerie de Ch. Chrislofle.)

pu se réserver le privilège. L'Impératrice elle-même avait désiré un service' personnel, et demandé à Christofle un surtout et des pièces de dessert exécu- tés dans le style qu'elle affectionnait.

La corbeille centrale était de style Louis XVI, et la frise h enroulements qui décorait la panse n'aurait pas été désavouée par Gouthière. Deux cygnes ser- vaient d'anses et l'écusson central était accompagné de petits génies soutenant la couronne impériale.

Rossigneux avait donné le modèle de la coupe à fruits dont la vasque était

en iiii'hil ilcfiii'.' irciii:iii\ iiiriMl-^U'S. (/('I.iil iiiir liiil.ili\<' un |hii I iiiiidr .•n.(.ic il,- ra|i|i|i.;ilinii A,- rniiiiil ;iii >.'r\ifc dr l;il.li'. \.i-^ i-iiiii|inl hts, rlaj^erL'S ri |.iri|s

d'as-^U'l If ^(l|i|mil;iiciil ('•i^alriiiciil ilrs ((iiiiicv ,■ dal diToi'i' il'i'inMil . hii jm-II

de lfiii|i><, htiis Ifs (•oiirlisaiis, Ic^ iiiiiiisi ro. lis aiii;dclli-s iiH'iiir 1rs jdlis |-d liiics xoidiirciit , a I iiislar di' la rmir, a\iiii' ijcs scrsiccs cri orlrN rrric ar^fiili'c. (.Iiii--- |,ill,. lui (Icjiiiid' pal' ii's coiiiiiiaiidcs. j'diir li' i\{n- de \|niii\. \\ en lil un Innl la nitM'c de nnln'ii ii'|)ii'scnlail dt'sai;jlrs son-, la inolrcl imii drsipKds jonairnl

(".mii>i' à IViiits du service ilc 11 mpéralrico. nuulèle de Kussiyneiix. (Orfèvrerie de Cli. Chrislojle.)

des ij;i'oii|)L's (reniants (|ni liiiiiraienl les Iravaux des Arls, du Coinnieree cl de l'Industrie répaudanl rAboudauL-e. Pour les Ministères des Finanees. de TAgri- eulture et des Travaux i)ul)lies. pour le Ministère d'Etat, il en exéeula d'autres qui furent non moins appréeiés. L'n service destiné aux paquebots des iMes- sageries iinpi'riah s eut le plus grand sucrés, et bientôt, tous les bateaux de la Compagnie, (pii allait faire ilotter le pavillon français sur tous les océans du giol>e, furent pourvus de services d'argt'nterie qui n'ont |)as peu contribué au confort qu'on trouvait à bord de ee.^ l).ileau\, et h leur succès. L'orfèvrerie. ainsi engagée pleinemenl dans la voie de l'industrie, voyait s'ouvrir devant

i-2

- 306

elle riiorizctii sans limiles d'une immense production, et allait désormais, par voie de conséquence, multiplier ses manifestations sous les formes les plus variées et les plus imprévues.

L'Exposition universelle de 1855 atteste l'intensité naissante de ce mou- vement. Ouvei'fe au centre de l'avenue des Champs-Elysées, dans le palais cons- truit à cet elTet et qui n'a disparu que pour faire place aux nouveaux édifices élevés en 1900, elle prouva que la France, au milieu de la prospérilé des pre- tnières années de l'Empire, avait commencé à profiter des leçons que nous avaient données les Anglais à Londres en 18-)l. Tandis que ceux-ci avaient appris de nous, à mieux comprendre les arts décoratifs, à mieux voir, à jouir des choses (|ui charment l'œil et embellissent la vie, ils nous avaient enseigné, par récipro- cité, à produire mieux et à meilleur com|)te tout ce qui en constitue le côté j)ratique. Nous les avions conduits dans la voie du beau; ils nous avaient menés vers rutile, et les autres nations, attentives, suivaient les efforts des deux grands pays, en profitant à des degrés divers des exemples qui leur étaient offerts. Le nombre des orfèvres qui prirent part à l'Exposition de 18o5 fut plus élevé qu'il ne l'avait jamais été. Le jury, présidé par le marquis d'ilertford, type accompli dn collectionneur de goût et de science, avait pour vice-[)résident le comte de Laborde, et pour rapporteur des sections d'orfèvrerie et de bijouterie ''car les d^ux étaient réunies), l'orfèvre-bijoutier Ledagre, et Fo'^sin, l'ancien joaillier de la couronne. Comme récompenses, des médailles (riioiuieur furent attribuées aux fabricants français suivants : à Allard, pour les perfeclionnements apportés par lui à la falu'ication des couverts; à Duponchel, qui n'avait pas encore (erminé l'or.èvrerie de la fameuse slatue de Minerve, commandée par le duc de Luynes; au sculpteur Simart; à Froment-.Vleurice qui mourut subitement cette année même, en plein succès de celte Exposition de 1855, et dont les œuvres, no- tamment son surtout pour le prince Demidoff, Bacchante et satyre, furent grande- ment admirée^; a Gueyton qui, à dilférents travaux obtenus par la galvanoplastie, joignait des pièces d'orfèvrerie remarquables par le modelé, le repoussé et la ciselure; à Gh. Cliristolle, qui, outre le grand service de l'Empereur dont nous avons parlé, présentait quantité d'autres pièces intéressantes : services à thé, c't dessert, surtouts de table en métal argenté, ainsi que des applications curieuses de la galvano|)'astie à la décoration du mol)ilier, des vases de Sèvres, etc. Des médailles de |)re nière clause lurent accordé'es à Aucoc et à Audot pour leurs char- «nants néce«^saires; à Jarry aine, bijoutier autant qu'orfèvre, dans ses aimables créa- tions de fantaisie; à Henry llaycl, ai'tiste très habile qui excellait dans la compo- sition et le modelé des oriiemenl-^ et de sujets Louis XV et Louis XVI; à Lebrun, le doyen des orfèvres parisiens, sans rival pour la perfection du travail, et à qui les frères I^annière, les neveux d Faucoimier, avaient prêté le concours de leur «inagique ciselet: à Ch. Uossigneux, l'architecte du prince Napoléon, dessinateur

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llttl--^ lij^llt', tl •riiiMlciir illl-^->i sii\;iiil (|H lll-i'lliflIX i|lli riiiiiiiis->;iil des iiiodilr-. ;ill\ iii(lu-^lri<'s l("^ l'Iii-- (li\ri's('s, cl i|iii, iclli' iiiiiiiT 1,1, ;i\;iil m !<■ ciiiuicr «1 cxiio-cr

pour S((ll cniiiiilc une colIlM' (r;ir^riil d'illi ^'itùl Itill'l'llil ; .1 lîllilMl|)lii. Ir ^liccrssclir (le Wagner, |Miiir de ;:i;iiid-- li:i\;iii\ d i M les mie ;ii-l isl n|iif, rM'cnh'-^ en collalid- ratioii a\('f le -culitlciir < linllni) dr ( .liaiiiiics d le cisclciir l'<tii\; a \\'i<--c, ('Icxc' de ridiiHMil-Mciiiici' cl l(iii;^lfiii|is mhi r\\c\' d'alrlicr, un t'alnicaii I des jdiis adiftits diiii^ IdiilcN ^i)ili'-> de |iii'ics d'iiiic ((hiiihisi | n m Irc-^ |)rrsuiiiir||c ; a Poiis^icl^-iu;-

Gmipotier. pied dassiettc et étagère du service de l'Impératrice. (Orfèvrerie de Cli. Christofle.)

Kusand, qui coiiiinemjait à réaliser dans l'orfèvrerie d'église une véritable révo- lution dont il va être question plus loin; à Trioullier, à Thierry., autres fabricants spécialisés dans les objets du culte et qui faisaient un heureux emploi de l'émail pour les vases et ornemenis sacrés; à Veyrat, pour ses excellents modèles d'orfè- vrerie en « plaqué » ; à Dotin, un éuiailleur qtii, des premiers, s'essaya aux pièces d'une grande surface et qui excellait à l'exécution des plats, des vases, et des menus objets à étnaux sur paillons ou sur or; à Gi\Tnger, le metteur en œuvre des ornements de théâtre, depuis l'armure jusqu'au bijou, et fort entendu dans les divers styles; à Guerchet, l'inventeur d'un genre particulier d'orfèvrerie en argent découpé j'abrège cette liste et j'omets de mentionner les exposants récom-

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pensés d'une médaille de deuxième classe, bien que, parmi ceux-ci, figurassent des falîricants réputés, tels que Cardeilhac, pour sa coutellerie de luxe, Debain et Fray, pour leur orfèvrerie de table; Giroux, pour objets de fantaisie ciselés délicieusement par les frères Fannière, etc. Mais il faut se borner.

Les orfèvres étrang'ers à qui échurent des médailles d'honneur furent les mêmes Anglais ((ui avaient déjà remporté un Ix'aii ti'iomphe à l'Exposition de 1851, c'est-à-dire: Ilunt et lloskcll, pour qui Antoine Vechte continuait à produire ses magnifiques ti'avaux en repoussé; Hancock, Garrard et G", et Elkinglon et Mason, dont la vaste manufacture de Birmingham appliquait siu' sa plus vaste échelle les procédés galvaniques. Deux maisons allemandes, Vollgold de Bei-lin, et l'Aca- démie de Dusseldorf, obtiennent aussi cette haute récompense. Quant aux mé- dailles de première classe, elles furent partagées entre les exposants suivants : Cartwright, Ilirou et Woodward. GoUes de Birmingham, James Dixon de Sheffield, Winckelmann de Tinna (Prusse), Schœller de Bcrndorf (Autriche), baron de Scldik de Gopenhague, lesquels, en vérité, ne montrèrent rien qui fût pour la France particulièrement intéressant, si ce n'est l'extension industrielle que l'orfèvrerie prenait en certains pays.

Ge fut d'ailleurs le caraclèi'c généi'al de ce dévelo[)pement (|ue le rap|)(trleur du jui'y de 18')') s'appliqua à mettre en lumière, insistant, notamment, sur les ré- sultats nouveaux obtenus dans la fal)rication par l'outillage mécanique qui ten- dait de plus en plus à se répandre. « Il y a ;i peine dix ans, disait-il, la fabri- cation des couverts qui est une espèce dans le genre, la plus importante peut- être, en raison de ce (pTelle s'adresse à la consoinnudion générale et met en mouvement un capital incomparablement supérieur, était une industrie barbare, comparativement à ce qu'elle est aujourd'hui. Le développement qu'a pris cette industrie, le chill're de la production considérable qu'elle atteint annuellement, l'ingéniosité des inventeurs (|ui ont fait de cette fabrication une des applications les plus intéressantes de la mécanique, nous engagent à nous arrêter un instant sur cette partie de l'orfèvrei'ie qui est devenue une spécialité, qu'exploite la cor- poration importante des orfèvres cuilleristes. »

Un couvert se compose de deux pièces essentielles : la cuiller et la fourchette. Ge n'est qu'au dix-septième siècle que l'usage de la fourchette est devenu cou- rant (\). Jusque-là, la foiu'chette était à deux dents, quelquefois à trois, mais généralement fabriquée en fer forgé et montée sur des manches souvent très riches d'un travail précieux, dans lesquels l'orfèvre trouvait l'occasion d'appliquer toutes les ressources de son art. Quant aux cuillers, elles sont aussi anciennes que la soupe, comme le dit plaisamment le comte de Laborde.

(i) Voir, sur l'ailoptiou des fourchettes, le Diclionnaire de l'ameublement, de Henri llavard, tome II, page 307 et suivantes.

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.lll-M|ir,ill iiiilirii ilii (li \ liiiil hiiif >«irclr,

Ic^ (•(MINClK il.lll'i'lll clllhlll |ii|-^'(''s ,'l la

iiiaiii . Sur lin 11, m i\r I > u nu- un I iiiicli I a il'i' (|ci()ii|>;' ilaii^ un liiii'ol d'aru'i'nl lainiiM', rorlcNic (l('•;^|•(t>^^ivsall ^lir I (•iirliiiiic Ic^ t'oniK'v (In cniiNcil . I.a v|iahil(' •> flar^'i^-ail , le ciiillfroii N'aiiiin(i--^ail , le uiamlic n al- lon;4t'ail '^(Ml^ I Vlloil I('|mIc du inaricail, cl, t;rà((' a I liahiirli'- de le ni\ lier, dcvciiad fil » 1 1 1 (• I ( I II (• - 1 1 1 i 11 n 1 1 V la > I II K n 1 1 1 1 ( a 1 1 1 a I de la iiiillcr cl de la tonrclicl le ; puis la Imui- Icrollc Cl! acier ^crxail a fiitdiiccr le ciilc- i-(iii, le iiiarlcaii de luii- a donner le caiiilnc. La lime cl le [mli a( licNaicnl le lia\ail. si le (•(MiNcrI d('\ait r('>lcr uni ; iiiai^. le |ilii> (H*- dinairciiKMil , ('cllc tonne unie elail dcsliiK'c à roccvoic ou des lilcls ou ilc-- onicuiciits. Ii(>s lilcls se i-c|»i'ciiaiciil au rilliur, cl les orucuiciils s"cstain|iaicul a la masse daus (les uiali'iees de pelile diiiUMisioii, les unes poui' la spalule, les autres pour le boulon, couune celles (preiuployaicul les nioiié- laires pour la t'aluicaliou des monnaies et des médailles, aloi-s ((u'on ignorait encore l'emploi du balancier.

Le Cabiiu't des estampes conserve un petit voliunc daté de ioT-i, d'Hartmann Sehopper, ijui nous montre un monnayeur frappant une pièce de monnaie. D'une main, il tient le poinçon portant à sa base la gravure en creux de l'effigie à repro- duire: de lautre, une masse avec laquelle il frappe sur le coin qui va imprimer le relief du llaii placé sur l'enclume.

C'est ainsi que procédaient les orfèvres cuilleristes. C'est ainsi qu'ont être faites les deux cuillers datant du milieu du dix- septième siècle, dont l'une est à spatule

t .'i^i. ' ^* i 1 j 1 „^ Cuillei's du dix-septième siècle, laites à la main.

trilobée, et porte un bouton de revers en Cuiiicr à pot.,-, fondue et ciselée.

fer de lance dont le caractère de simplicité (Collection m-nri loniihei. Musée ceud-nmii.)

\\~^

^'^itfex^

310

est d'un goîit charmant. On retroiivo ce motif dans un couvert très en usage en Angleterre, et connu sous le nom d' « Old Englisli ». L'autre est analogue, mais avec des fdets repris au rilloir il a conservé le boulon de revers en fer de lance, mais la spatule est décorée d'ornements en ciselure et les fonds pointillés au perloir.

Nous donnons en môme temps une cuiller à potage, dont les dimensions et la riche ornementalion n'auraient pas permis de l'exécuter de la même manière : elle est fondue et ciselée. Cette pièce, du dix-huitième siècle, est l'ccuvre de

(icrmain, et faisait partie de la collection (hi mai'(|uis da Foz. Elle fut vraisendjla- blemeid exécutée à l'époque oii Germain travailhnl pour la Cour de Poi'tugal. Ce n'est qu'au dix-septième ï>iècle que le ba- lancier, doni on lait i-emonlcr l'invention à .Nicolas Ui-i()l, fut employé à la frappe des monnaies et est devenu dej)uis d'un usage courant non seulement dans les luMels des Monnaies, mais dans Tindusti-ie de l'orfè- vrerie, et au dix-huitième siècle que les oi'fèvres employèrent des matrices d'une seule pièce |)Ouvant donner l'empreinte comj)lète de l'ornementalion du couvert.

In balancier se composait essentielle- ment d'une cage plus ordinairement en fonte ou en bronze, li'ès massive pour ré- sister k l'elTort du travail; il était muni, à sa partie supérieure, d'un fléau en fer ter- miné à ses deux extrémités par des boules en plomb très pesantes. C'est dans ces boules que résidait l'énergie du balancier, et, par un élan que les ouvriers donnaient au fléau, ils pouvaient modérer ou augmenter la force du coup qui sert à imprimer les ornements sur l'objet placé sur la matrice disposée sur le socle du balancier. Le fléau portait dans son axe une vis qui pouvait monter et descendre sous l'effort du lléau, dans une boîte coulante qui guidait le marteau qui devait frapper le coup et donne tout son elTet sur la matrice en acier gravé. Ce fut Varin, directeur de la Monnaie au dix-septième siècle, (jui perfectionna routillage et remplaça le travail à la main. Varin était un graveur de talent, et en même temps un habile mécanicien qui, à la fin du dix-septième siècle, réorga- nisa les ateliers de la Monnaie. C'est aussi vers celte époque que le balancier pénétra dans les ateliers des orfèvres il est encore en usage aujourd'hui.

Sous l'Empire, les canons pris à Austeditz furent donnés par l'empereur au

L'orloNre inoiiétairc (lô'jji {Ciihinel des eshimpea.)

:hi

(lirccliMir (les .ililiiTs (le la Mitiiiiaii, i|iii irolilinllii ccs'-ioiMlr ce hroii/c (jii'a la roiKJilioii iiiic Ir^ lialaiicici's scr.i iciit ((ich- d'iiii cullicr -,iir |c(|iicl on lirait : » |ln»ii/c |iii^ a \ii-lcilil/ Mil- ri'iiiiiMiii. i iliTciiilirc iSO."). " l/iiin- di- (M'S raj((,'K cxislc encore an iini'^t''e de l'iJiMel de^ Mniiiiaics.

I.e Mii^'-e eeiileiiii.d ihill-> a\ad liinidre illie|(|nes-iliis des l>|ie- je> |)l(i- iille- re^saiiU île ((tuM'ils île celle i'|iiii|iie. ihhin asoiis dt'ja dniiin'- au la\re I, cjui-

pilic m, Ic^ l\|M's de Cll|l\e|•|-^ llllis ,i| ipJirl eiiaill au di\-M'|)l ieuie sjrcle el i|ui mIiI r.iil |i;iiiie de la colleclimi de M. l'aul laidel.

Le l)alancicr à liras. ((iravure de l'Hueyclopédie.)

M. (lormaiii Bapst, dans sa monographie de l'orfèvrerie française à la cour de l*ortiii;al, a reproduit le service de couverts que l'orfèvre Fr. Thomas Germain avait exécuté pour le roi, mais à une trop petite dimension pour les reproduire ici.

Nous trouvons également dans hi vitrine du Musée centennal des couverts du dix-neuvième siècle de Tépociue impériale; l'un (jui dut être fabriqué par Biennnis sur un dessin de Percier et dont les matrices existent encore chez un des prin- cipaux orfèvres de Paris, l'autre qui est de Biennais et que M. Bernard Franck avait exposé, c'est le couvert qui a servi à Napoléon I" pendant son exil à Sainte- Hélène. Il appartenait à la reine Hortense. Lors de son départ pour l'exil, l'Em- pereur (|uiltait la Malmaison oii il avait passé ses dernières journées, avec mi bagage modeste il avait à peine réuni les objets de première nécessité. Lu reine Hortense glissa, au dernier moment, ce couvert dans la vali-c de l'Empereur

312

qui ne le retrouva que sur le navire qui l'emportait hors de France. Il le laissa

par testament au général de Montholon, et c'est de la l'nniillc de son compagnon d'exil que M. B. Franck a pu, à gi'and'pcine, olitenii' cette relique qu'il a réunie à son musée de l'époque inq^ériale.

\a' Musée centennal nous a également permis de re- présenter un spécimen des couverts en argent qui avaient été faits pour accompagner le grand service de gala de Napoléon III, et dont les modèles avaient été, comme })()ur tout l'ensemble, l'œuvre de François (iilbert. Ces pièces étaient uniques; il n'en existe plus d'autres au- jourd'hui. Toutes celles qui étaient restées aux Tuileries en 1870 avaient été envoyées à la Monnaie par ordre du gouvernement de la Défense nationale, pour être fondues. Tous les couverts de cette é|)oque étaient tal)ri{|ués au l)alaiicier et au mouton, dans des matrices doubles dont la superposition et la coïncidence exigeaient une pré- cision remar(|uable, et encastrées dans des boites en fer forgé. Les couverts étaient préparés comme |)réc(''d('m- ment à la forge, suivant un

(Coiu-viion licnuini /•v.n.c/,-.) Calibre Spécial, et portés sous

le balancier. Le flan, dont la

longueur et l'épaisseur étaient appropriées à chaque

modèle, était placé entre les deux matrices et soumis

à l'action puissante du balanciei' qui. en achevant de

lui donner la forme, imprimait les ornements, arron- dissait les fourchons et emboutissait les cuillerons :

après ces opérations le flan devenu couvert n'avait

plus qu'à être reparé à la lime et terminé par le poli.

Mais ce n'était pas encore la fabrication rapide et éco-

nomi(iue, qui devenait nécessaire pour répondre à

raugmentation de la consommation que l'application

du procédé d'argenture allait déterminer.

C'est alors rju'apparait le laminoir et le rouleau en

acier gravé. Ce fut Allard, le directeur de la Monnaie

de Bruxelles, qui mettait pour la première fois au point Couvert de style Empire, de Na-

la fabrication du couvert au laminoir, et devait faciliter

la production rapide et à bon marché. Ce procédé exi- geait un acier d'une qualité qu'on ne rencontrait que rarement à celte époque.

Couvert de style Kuipii-e, tra^■ail de Bienuais.

1i'\'^

poléon à Sainte-Hélène. (Collection Bernnrd Franck.)

:ti:i

Service do ouvcrls do Napolcn 111. exOculé au l,alancicr ,.ar Ch. Clu-istolle. {.Mitséc 'les Arh ili'rnnilifs.

ni

('ouverts modernes exéculés au laniiiioi [Cullection Chrislofle.)

;ji7

l\l'll|i|i. iImiiI II- iiuiil cvl ii('\rini iiiiiiMliiil ji.'ir ^llilc lie rilll|i()l'l<ltl(-i- i|M il a i|<illll<-r a lii l'iiiu ir.il KHI i\r l'arici'. ri -iii'Idiil |iai la rrcilhni, a Misscil ( l*rils>^f), di- la |ilu>

f(ll(>Ss;ilr iiviiic (!,• ciiiinli-^ i|lll cvl-lr ail llliil|i|r. ,i\ail illUi;.' ill<'' lllli' si'-rir d'oilliU

cl (il- hiiiiiiKHi-^ |Miiii- la laliiii ;il itiii Jii coiivcil, r| iiKiiili- | ilii>-icii|-s Cal tr;i|ii< s ini-

I Kill ,llll('^, lalll iii \ llciiiau^^ ne i|il(li \ ni llilic Mai- ijaii- -mi \i\t)cri\r , roiiillic liai!-- I ijiii (I \llanl, le-- iuiilraii\ ilaiciil dr juiil (|i;i iiirl ic, M ,i \1 (l'ii 1 1 ini'i n;s, cl |c-^ ((niNcrU |ias--c^ aii\ iiiacliiiic^ a\aiciil |c ;/r,i\c iiicdiis (''iiicnl de -r,ilir dc^ nuilcatu avec des |nii:^iieiii> inégales. (',"cv| ,| un IVaiii'ai'-. M. II. l,c\alloi-. (|iic l'on dnil la I laiisloriiial itiii du laiiiiintii' a loiilcaiix ciniilan'cs di' |iclil diainclrc, cil iiiacliincs a Na-cl-\ iciil , unies par une ImcIIc (ipiTaiil la lui's^ion ^m- des ma- (l"ici's en l'orme d<' seunieiils de cylindres, nionli'cs siii' un Moc circulaire en l'ouïe a\anl ()",()o de diainclrc. I,.i |>rcssioii, s'e\ercaiil sin' inic siirlace |»|iis -rande (|iii leiidail a se ra|i|)r(M lier de lliori/oiil alil e, rciiK'diail aii\ iiicoii\ l'iiiciil s des rou- leaux de pclil diainclrc cl les coiivcrls sorlaiciil en |ierrcclioii, de loii;-'nciir idcii- li(|nc. (".elle idt'-e ini^t'iiicusc a\ail itcrinis de r(''aliser hi |ieire(dioii du li-a\ail proiliiil par le halaiicier. mais avec mie rapidih' de |irodnclioii ipii allai! en dimi- nuer le prix de rc\ienl. Celle l'aliricalioii l'id iiislalh'c ii l>oriicl, dans l'Oise, par riiiNcnlcm'. MallieiirciiseiucMl pour lui, il s'i'-lail adrcssi' à des capilalislcs (|ui lui a\aieiil l'ourni l'ariicnl rK'cessaire, mais ipii, |)rolilanl d'une (dause résolutoire de son traile. I a\aiciil coniraini à se rcdii'ci" au momcMl oii rcxploilalioii (''lail en pleine producliiui. cl allait lui donner la rorluiie. iN'ut-èlre serait-il mort, dans la inisÎM'c. s'il n'avait pas l'ciicontrc'. dans .M. (Ihristotic, lliommc qui pouNait le sauver-.

II lui aj)p()rtail ses procédés, son e.\|)éi'ieiicc, et, c'est ^ràce à lui (pTil devait monl(>r la grande usine de Saint-Denis Ton fabrirjue aujourd liui des centaines de douzaines de couverts par jour.

Le rappoi'teur du .lurv de 1855. en siiiiialanl rimpoi'tance rpTavait d(''j;i i)rise la faliricalion par routillaii'e m('M'ani(pie, ne faisait qu'entrevoir le développement qu'allait prendi'e l'industrie de l'orfèvrerie par l'intervention simultanée de Tar- genture galvaniipie et de la machinerie moderne. En s'appuyant sur les documents les i)lus autorisés, on constate aujourd'hui que la quantité de couverts argentés fal)ri(|ués par jour s'élève pour les seuls pays qui fabriquent en grand Torfè- vrerie argentée :

en France à :2 000 douzaines,

en Angleterre à :24-00

en Allemagne et Autriche. à 3200

en Améri([ue à 2400

et que la charge d'arg-ent déposé, varie de 100 grammes à 25 grammes par dou- zaine, suivant la destination du produit. Il résulte de cela que, calculant sur un poids moyen de 50 grammes par douzaine, ces quatre pays produisent par jour

318

10000 douzaines de couverts argentés, soit 3 miilions de douzaines par an pour 300 jours de travail. La quantité d'argent ainsi employé et qui disparaîtra par l'usure, s'élève au poids considérable de 150000 kilos d'argent, qui sont complè- tement enlevés à la circulation du mêlai précieux.

La baisse de l'argent n'a pas été un des moindres facteurs de raccroissement de la production ; elle a également provoqué un mouvement ascensionnel corres- pondant dans la |)roduclion du couvert et de l'oiTèvrerie d'argent, et le poids présenté amuiellement au contrôle de la Monnaie de Fi'ance, qui était en 1889 de 71537 kilos, s'est élevé en 1000 à h208(;0 kilos.

Laminoir à couverts, de H. I,e\alloi

l'i'ain (le liiiiiiiioirs.

TABLE DES MATIÈRES

LIVRE DEUXIEME

LE DIX-NEUVIEME SIECLE Première période, 1800 à X860.

CHAPITRE PUKMIEH. La Révolution et l'Empire 1800 à 1815 . Eanéan- tisscment de rOi-fèvrerie sous la Terreur. Pillages el ventes. Le pseudo-luxe du Directoire. Exposition de l'an X et de i8oG. L'argen- terie de lEmpereur. Le service de vermeil de Napoléon I'"". Le nou- veau style. Les architectes Percier et Fontaine. La toilette de Tlnipéra- trice. Le berceau du roi de Rome, par Prudhon. Les orfèvres Auj;uste^ (^diot. l^ienuais

320

CHAPITRE DEUXIÈME. La Restauration de 1815 à 1830). A hi Cour de Louis XMII : ni fêles, ni ar[. La duchesse de IJerry. L'Orfèvrerie aux Expositions de l'industrie, 1819 et 1828. Odiot père. Cahier et Faucon- nier, — Sacre de Charles X. Faux gothique et fausse renaissance. Le succès du « plaqué », Exposition de 1827. Odiot lils et le goût anglais. . ((j

CILVPrrUE TROIS! È.Ml':. Le règne de Louis -Philippe (1830-1848!. L'in- fluence bourgeoise de la Cour et des salons. - Le romantisme. Collabo- ration des sculpteurs : Jean Feuciières. Klagmanu, GeollVoy de Chaume, Charles Odiot, le décorateur Chenavard, le ciseleur Antoine Vechle. Ivxposilions de l'Induslrie de lS3^|, l8')() et l8''|'',. Vogue des formes an- glaises. — Les élèves d'Odiul : Lel)run et Durantl, \\'agner et ses nielles. Les succès de Fromcnl-Meurice. Débuts de Christoile et décadence du « plaqué ». Une slalislique des orfèvres en i8_^i7 171

CHAPITRE QrATRIl<]Ml''. La deuxième République et le second Empire (1"' période, 1848-1860 . Le contre-coup d'une révolution : les artistes français en Angleterre. lullucnce du duc de Luynes sur l'orfèvrerie fran- çaise. — L'Exposition de i^\[). Les oi-fèvres Fiomenl-Meurice père, Du- ponchel, Ch. Christoile. La première Exposition universelle à Londres, en i85l, ses conséquences. L'orfèvrerie sous le second l''mpire. Les goùls de Napoléon III et de ITmpératrice. Pastiches du style Louis X\T.

L'Exposition de 1855. Le service des cent couverts de Napoléon III.

Le néo-grec. lullucnce du prince Napoléon. Développement de l'or- fèxrerie argentée et de la |)r(jduction des couverts. Les procédés méca- ni(pies 2'|()

1

La coulée des linirots de comerls.

FRONTISPICE.

Troiiliri' d'di-ri'vrcric |i;ir .Nuriiiaiit

CIIAIM ri\l'". l'"'. Tr-lc (le \niu>' : d'cm-alioiis iiilt'riciircs [Frontispice par Perricr I !

Le lire nriu'c N Il

l'orlrail di' Nicolas Hniitcl, ilircciciir de la .Maiiuraciiirc d'ariiios de Vorsaillcs I."!

AriiK's d'IioMiiciir faliriiiiiéo à Vfr.-aillcs par .N. l>uiU(!t CoUiclions Victorien Sar-

ilou et llernunl Franch) 1"

K[)i''i> d'IioimtMir du générai Dorsoiino. (Collcelion Bernard Franck.] 1'.»

Kpiiros de N IJoulct. (Cullcction Ed. DclaiUe.^ '21

['mil' du i^raiid Coiiiiiuni. {Manufacture d'armes de Versailles. 2'.\

Iléciiaiid à main. Dessin original de Salenibier.^ Gazelle des Beaux-Arts. 24

Soiipiùro. [Dessin de Salembier.) "i'-'t

Salières, sucrier et gobelets. Dessins de Salembier 27

Kx'posiiion des proiluils de l'induslrie en l'an VI, dans la Cour du Louvre. [Musée

Carnavalet.) :^1

l'orlrait de Charles l'ercicr, arcliilecte M

l'urlrait de ['(Udainc, aichiteclc 3."»

Pot à oille, exéculé [lar Hiennais pour l'Imiiératrice Josépiiine M)

Pièce d'orlèvrerie de Percier et Fontaine 37

Projet de glaive avec les diamants de la couronne. Album de Biennais.' W

Armes d'apparat de Napoléon l*^"", exécutées par Himinais. [Musée des Arts décoratifs. > 11 Portrait de l'orfèvre Henry Auguste et de sa famille, par François (jérard. {ro//cc^'on

Gravercau.j . . i'.\

N'ase et coupe ornaiil les [ilaleaux des surtouls de gala aux Tuileries. [Colleclion

Chnstofle.] ifi

Huilier, soupière, jardinière et seau à glace, dessins originaux de Henry Auguste.

[Collection Odiot.) i-7

A'22

.\ij;iiii'ro (Ml viTdioil. Hi-smii oiij;iiiaI il' lli-iiry .\ii;;ii>l('. {Cotrtion O'iiot.)

Ai;:iiu'rt' cil vriiin'il. |ii's>iii uii;.'iii;il tl'- lli-my Aii^iish', 'ÇotHion (kliul.)

r.;iilc'ii;is (h« rKiii|h rt'iir cl ilf riiii|M'i.ili iof, pur llcuiy Aii^^ii-

Ni 1 lie riiii|ii'riiliici', |iol il oilli', jaiiliiiiiTc t'I x'.iii à lariaiclii iVfiiiit's en vi'riiii'il

|iar llnirv Aiimi-li*

Modt'li's fil liii- ilt's lias-rrlicf> ili-s ii''l> rxi'culi'cs fil oflèvrfi i|i.ir llfiiry Aii^iisie.

(Collert 0/1 (/'/ jiiunrr ti- la Mushuwa.

Mdtififs fil c 10 ilfs bas-If liffs ili-s iifr> fXi'Ciili'fS fil oif»''vrfin».ir Henry Aiigiisle.

[Collcrttun iln pnnrr ili- la MnsliOirn.

Lf f;raiiil cnivcrl aii\ linlfiifs au |paii.|iifl du Sacrf li ai-x Irttissindc l h.

l'trrur ...

Nff (11- ri.iii|ifrf iir, fxi'iiiléf fii viiiiifil par II iiry Aiinii>lf.

(ii-s^iii il<- lioilfs. il'u|iifs lin ilf>-<.iii original il<- l'nnllMMi. . . .

hflail iriin Itra^ tlii raiilfiiil ilf lnilflli-. Ihssin uriijinal de l'i

l'^yclif (If .Marif Ijhiinc, f \f. ii.fc par t.l Oiliol fl riidiiiii' .-ur lf> il<'.»in> de

IMii.llniii

Kaiilfiiil, itiilcllf viif (l>-|iriilil d la\ali«t fM'fiiii'> par ('.\. (Idiull Tlmiiiirc. Mir l<s

(li^^ins (If l'niillitiii

Toilfllf (If .Marif-I.(iiii>f, fM'ciili'f par CI. Oditil «'l Tlioiiiir< .-.iir If s dfs,>ins de

l'nidl

rorliail (If .1-11. Claiidf Odiul, fii IMMI, d après \-:i\n'v 'nliction E. Ma-

titiru I

Herofati tliind >\v Hoiiif.dosiii uri^itial i|f l'riidli'ii. ' '•'■'• -illr. Gazrlte

d s Hniu.r-Ai l\.).

Sfaiix à r.ifiaifliir, par ddidl

Milieu df l.dd"', Klorf d /.fpliyn*, piir Odi«»l .

Sucrier df laldf par Odinl

iSnirail de hic nn.ds, nrlfvrf df rKini-i

KiiNfi;;iif df la iiiai-oii KifiiiiaiN. .

Kiiericr, iriivrc de Uifiin.iis

Kiicricr df riiiipcralricf .Mari'-I.oiiistv [Ih-siin de l'alhum dr

Knoiitr de IKiiiperfiir .Nap(dt(tli 1*^. I/mmi/i de l'alhinn dr /;

Foniaiiif fXfCUiOf ptuir .Napolroii 1". 'Ifrssmdt i uU>inn d I

SalitM-fs fl iiiitiiiardifrs. \lKtsi<is de l'a'l.um de Itienna s

Soilpifii's. iloolif »•• rfcliatid, saileiorfS iM oafi'lii'ri'S. i/y'ix/is uian'um ae mtn-

itaii. .

Talilf Ao Itiilellf fl >fs .ifCf.N^dirfs. il) ss-its lie t'alb m de II-

na> - r'li<-l df hiipre, triivic d-- ItteimaiN. [l'ultct un l:einafd l <

.Miroir à main de Jdsépliiiif, iiavelif de .M.irii*- lAiui>f , œuvres dir.iiMtuais. Collec-

iio I Itifnird fVii/i'A.i

Glaivfs fl opffs df Itifiiiiais. [CuHeclion du Musée des Arts <<

l'iaiiilieaii ^CoHeelion .\rlu\ )

C.ai.df ialirf à ciiuj liiiuièrf s. iCuUectiun Meliniin.j

SaiiL.war ru'Iect on /'HH-W-l'.)

Milieu de ialilf. ti'oHeetion Oulds'h»i di

Smipif rf de hif iiiiais. \Cultect on M' lin-i't. Musée centennal.i

r.llAIMIIU; II. Tfif de p,i|,'.« : Tf If (h- pa-- du li\rf du Sarn- de Ciries X. (Cabinet d< \ Ksiamites.'

I.f lire oriifo L

l'urliail tU' la diiclifS.Ne de l crry, fii rnsliiiiif tU' clia>M'. 'Môtial'ii d'Isab y.

lifjeinifr fil Vfriiifil ulT-n par la villf de Paris à la ducbi'Sw>c de 1* v /' un de ( (iiv /(« r, trarre df Clandr 0 Uol.

Olià^sf de sailli Vinceiil ih' Pml. <A""nr d l'i. 0-Hot.

Knn ier : Apidlon ei les Mu-«fs. OtL-nre d- Cl. ihliut

lV>rlrail df l'iaudf Odlut. par IJoberl Lffèvre. Cvlkciion Ouslare <

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Ali'licr d'Oiluil fil [Hl:', nii' l.i'V("'(|iii', liiilli' Siiiiil-Uiicli. CulUrtiuii Giislaïc

(hitot io;

liflfiisc (II' la h.inii'ri' di- tilirliy en l«l.>, par llnran- ViTiict lO'.»

\ asf liai rliaiiali', irinri' d'Oilidl. ('ulliilmn du Miisf'- des Arts (iccorulifs \{'.\

Si'imx à ^'lacc, jardiiiiori', siicriiT .'i (■(iiivi'icli-, ^alii'irs. n-iivri' d'-fll Od.di. dol-

Irrlidu (lu Mus('(' (les Arts drroruti/'s. 1 1 ii

Huilier avi'f une li^iirc dt''C(irali\r di- l.cda, (l'iivre df (11. (tiliol. ('iillniinn du

Mustc (trs Arts di'rurutijs.) I I T

Salière défiiralivc, d'iivrc de CI. Odiol. n'ullrctinn du Muser drs Arts Udroruti/s.) . . I \h htMix Sdiipirrcs sur plah au, (l'iivii' de CI. Odioi. lUjIlcctiun du Mu\i'' dis Arts

dccuralifs. 1 1

Itcux sa icièri's avi'c leins «'iiillcr-, u'usri' de Cl. ndiol. L'olliflian du Muu'-i; des

Arts di'au-atifs 121

Sll|i|»iirl lie veilleuM'. n'iivre de Cl. OduiL (Musée des Arts déniralifs } \Z'.\

Craiide luiiiaiMe déeiualive avec sucrier., e| cuillers. [OKuvre de l'h. ('allier ; \'Hi

Service du duc de l'eulhievre. S(»u|iière au.x écrevi>ses hiile au dix-huiliériie siècle.

(Cull rtiiin de lu luaisun Odiul ) 12'.'

Service du duc de i'eiiihièvre, u'uvre de Cl. Odiul : I" Cloche ovale siuiuoiilf-e

d'un ^roiipe de |ii)iss(ins; 2" Cloche ronde avec has-ndiel' >ur U[\ rcchauil.

(Colleetiun de la maison Odiat.) l'M>

Carie d'adresse de Ch. Cahier, en l8r,J. (( ollectio/i Henri Veoer.) 131

Soupière sur [daleau. (Ol'Juvre de Ch. Cahier.) 132

Candélabre daulel. [UEuvrede Ch. Cahier.) \.Vi

Aiyuière. \OKuvre de Ch. Cahier.) \'i'.\

Orl'èvrerie d'église : Crosse, aiguière, hurelles el plaleau. iOEuvre de Ch. Cahi r. . i'.Vo Souiuère décoralivo sur plaleau. (Cuiiipusiliun de Chenuvurd, exécutée par fau- connier.'' 1 37

Grand vase oll'erl à La Kayelle. dEuvre de lùiueonnicr. 141

Aiguière el paleau pour les olIVaudi; ■. [Cliché E. liothier). Calice et clià.isu dite

Saiule-Aui[ioule, (cuvres de CJi. Cahier. {Trésor de ta cathédrale de lieims.]... iV.\ Héraut [lortanl des oll'randes au sacre de Charles X. {Livre du Sacre. Cabinet des

eslaiHiies.) 1 41

Bati.|uel du .>acre de Charles X. \ Livre du Sacre. Cabin<t des estampes. 1 iO

l'orlail de iNoire- Dauie, décoralioii d'Hlliorf {Cabinet des estampes.' j.'il

Reliure ca.liedrale. Ivxlrail de l'ouvrage de Al. Henri Beraldi sur la reliure au dix-

iieuvièuie siècle l.")4

Couronueuieiils (h; cloches et casseroles de Ch. Udioi l.'Ift

Modèle d'tu levrerie en pla(|ué, sous la Ke.>lauraiiou loU

Flauiheau en argent estampe. {Modèle de Ch Odiot.) 161

Salières. [Cotteaion iJreoan de lu G irdie. .Musée centennal.) 162

CaTetière, lh(!ière, sucrier, crémier en argent. [.Modèles de Ch. Odiol 163

Servici! u tlie sur plaleau. {Co'leetio.i Marquis Guillu'in de l'othuau.) 165

Théière hec de cygm;. {Musée centennal.) 163

Deux aiguières ei cuvettes. {.Musée centennal. Colleaion lioldsehmidt 167

Casserole de .M"'" Mars. (Culleciion Goldsehmidt. .Musée centennal.) 1G1>

Sucrier nioiile avec cuillers en couronne. [Masée centmnal.) 170

CHAPITRE Hl. Tèle de page : la houliiiue d'un orfèvre ronianlique. i iJessi/i d'après de

Ueaumonl, 1840.' 171

Lettre ornée C 171

Service du Suliau iMahmouil. Cloche avec réchaud et seau. Exécuté par Ch. Otiiol.

(Archnrs dj la maison Odiul. "^ 17 t

Service du Siiliau Mahiiioutl Jard.nière et soupière. Exéculé par Ch. Odiol. \Archices

de ta ma son Odiol .) 175

Soupière |iour le b.iron Salomon de Kolhschild, exécutée jiar Ch. Odiot. [Archives

de la maison Odiot.) 176

'62-2

Aiguière en vermeil. Di-s-ia original de Henry Angiisle. (CoUerlion Odiot.) 49

Aiguière en vermeil. Dessin original de Henry Auguste. iÇolUrtion Odiut.) 49

Cadeniis di' rEminreur el de l'inipéraliiee, [lar Henry Auguste 50

Nef de l'iuiiiéralrice, pul à oille, jardinière et senu à rafiaiclur, exéculés en vermeil

jiar Henry Augu>le 51

Modèles eu ciri' des bas-reliefs des nids execulées en orl'èvri'rii" |iar Henry Angusle.

[CuUei-t on du prince d" la Muslmwa.} 53

Modèles en c re des bas-relitd"s des ncf^ exéculées en orl'èvrejie [i;u' Henry Auguste.

[CoUerlion du prince de la Moshoira.) 55

Le grand enuverl aux Tuileries au hani|uel du Saci'e \li'apiès le dtssin de Lit.

l'ereier. 57

Nel" de ri']ni|iereur, l'xécutéc eu vermeil |iar H.iiry Angusle 59

Dessin de hdiies, d'après nu dessin original de Priullioii 60

lU'Iail d'un bras du raiileuil de loilelle. {Dessin urii/inal de l'rudlion.) 61

Psycbé de Marie Louise, exécu.ée par C\. Odiol et Tlinmire, sur les dessins de

Prudliiui 03

l-'anlenil, loilelle vue deprulil el lavabo exéculés par C\. Odiol el Tliomire. sur les

des-ins de l'iudlnui Oo

Toilette de Marie-Louise, exéculéi' |iar t'-i. Odiol el Tlioudre >uv les dessins de

Prndbon 07

Porlrail de ,).-!!. Claude Odiot, en ISOO, d'après l>abey. ll'olliclion E. Ma-

Uiieu 1 08

Berceau du roi de Home, dessin original de Prudlmn. Volleeiion E. Marcille. Gazelle

dr.s Denii.r-Arts.) 00

Seaux à rafraicbir, par Odiol 71

Milieu de i;d)le, Flore el Zépbyre, |iar Odiol 72

Sucrier de table par Odiol 73

Porlrail de {{iennais, (ul'èvre de l'Iùiipereur 74

linseigm- di' la mai-on Hiennais 75

Encrier, (euvre de HH'unnis 78

Encrier de l'hnperalrice Mari'-Louise. [Dessin de l'alliuin de Hiennais.^ 79

Encrier de l'EuipereiM' .Na|io|eon I''^ i/^.v.si'n de l'album de llienn.uis.). 79

Fmilaine exécuiée polir iN'apoleou l"^^'. ^ Dessin de l'nWinn de Hiennais.] 81

Salières el monlardiers. [Dessins de l'aihiiui de llienna s.) 83

Soupières, cloche el réchaud, saucières el cafetières. (Dessins de l'album de Hien- nais.^ 85

Table de lodelle et ses acc(\svoires. [D ssiiis de l'nlb' m de lîiennais ) 87

15as-relie| de Dupré, (LMivre de Biennais. [l'ull don Hernard Franck.] 88

Miroir à main de Josépliiiu', navelle de Marie-Loui^e, œuvres de lîiennais. [Collec- tion Hernard l'ranrh.) 89

Glaives el épées de lîiennais. {CoUeclion du Musée des .4rls decoruli/'s.] 91

Elandtei'.u \CoHeclion Arlus ) 93

Caiitlélabre à ciu(| lumières. {CoUcrliim .Ueiman.). 93

Saniuwar. CoUection l'iUrt- W'D.] 94

Milien de lable. [Collccllon Goldsrluu. di.j 95

Soupière de lîiennais. \Collecl on .Ui linan. .Uusee ccniennal.] 96

CHAPITRE II. Tèle de pagi> : Tète de p;ige du livre du Sacre de Charles X. iCubinet

des Estampes. ' 97

Lelire ornée L 97

INuliail de la duchesse d(^ I erry, en coslnme de ch.isse. \Miniature d'hab y.]. ... 99 Déjeuner en vermeil oITerl par la ville de Paris à la ducln'sse de Berry. (Dessin de

Caoelii-r, œuore de Claude OUol.) 100

Châsse de saiiil Vincent de P.iiil. lOEucre d- Cl. Odiol.) 103

Encrier : Ajudjon el les Muses. lOEucre dr CL Odiot) 104

Portrait de Claude Odiot, par Hoberl Lefèvre. 'Collection Gustave Cdiol.) 105

.{l'a

Atclicsr (rtlilidi III I.S-j:', lui' l.t'Vi''i|iii', btilli- Siiinr llm h. CutUrtion (iw^tutr

Oïliot: lo:

héft'iisc (If la b.iiricri' ili- (Hit li\ i-ii ISI.i, |iiir Huriiri' \ rnu'l iW

N'iist' liai tli:iiiiil(', ii'iiMi' il'Oilinl. t iillrrliiiii (lu Mu.m'' lits Ails (ti'ionilifs ) Il H

Sciiiix à f^lan', janiiiiii'ri', MirriiT à ciiiivciili', saliiMi'S, (l'iivn' il'-il Oihol. Cot-

Inliiin tlii Mtist'r ihs Arlx ili''fuiiili/\. 1 1 !*

lliiiliiT avrc mil' li^iirt' (l(''C(nati\i' tli- l.i'ila, u'iivri- de (.1. (tilini. {('(tllicimit iln

Miistr lies Arls ilfrornli/s.i 117

Salii'ir tlt'foralivt', (r'iivii' di' CI Oilinl. iCulln-liiin du Musé)! iltx Alix diifoi'ati/x.) . . 118 l'('ii\ MiM|ii('ii'^ >\w |il,ili ;iii, irimr ijr (!!. Milioi. Cullfcliun du Musé: dis Ails

(I, corail l's 11!»

jiriiv saicu'-ri-s a\iM' inirs niillfi-, n'inn' île Cl. iiilml. Cullcrliun du Miisrc des

A lis décoratifs 1 :i I

Sini|iiU'l (II- vcilIciiM'. u'iivrc lie (.1. (Iiliol. {Miiscc des Aiis décoratifs j {SA

(Iraiiilc Iniiiiiiiii' ili'iuralivc avi'c siicruT.-; cl cmlL'rs. IlEncrc de l'Ii. l'nliier I:J.'>

Sorvirc du duc di' l'iMilliii'vn'. Si)i!|iii'ri' aii\ ('•rii'vi>M's iailc an dix liiiilit'iin' .-lùclc

(Cull ctiuii de la inaisun Odiut ) 12'.'

Servir»' du duc de l'i'iitliii'vn-. u'iivrc de CI. Odinl : 1" Cloclii- ovalf siiiiiioiilt'c

d'un {^roii|pi' de lllli^sll|l.^; 2" Cloclic rmidi' avec has-rclicIMir un réchaud.

(Cullectiuii de la inaison Odiut.) I ^K»

Carie d'adresse de Cli. Cahier, m liSl',). [i ullectiun Henri Vevcr.) Cil

Soiipièii' sur |ilaliMH (lEuci'e de l'Ii. Cahier.} l'.i*

Caiidelahre d'aulel. [Olùicre de l'Ii. Cahier.) \'X.\

Ai;;iii('re. \OKiivre de Ch. V"hier.) l'.i'.i

Orlevrerie d'ej^lise : Cnt-sse. aiguière, hurelles cl |)laleau. OKucrc de Ch. Cahi r. , i:ju Soupière décuralive sur plaleau. Cuinpusition de Chcnuvurd, exécutée par l'au-

eonaiir. ^ 1 ICI

tlraud vasi' ulTerl à La Kayelle. Olùivre de Fauconnier. 141

Aij^iiièie et |) airaii |iiuir les olVrande '. [Cliché K. liolhier). Ca.ice cl cliiU>e dilc

Sainle-.\ni(iuule, (l'uvres do Ci;. Cahier. [Trésor de la cathédrale de Henns.j... HA Héraul jiorlaal des ulïrandes au sacre de Ciiarles X. [Licre du Sacre. Cubi.net des

esluinjies 1 iT

l>aM.|iiel du >acre dr Charles .V. Licre du Sacre. Cabinet des eslanipes. 1 iîl

l'orlail de iNmi'e lianic. decoraliuu d'Hiliorf [Cabiiui des estampes. l.'il

Reliure ca.hedrale. li.xlrail df l'ouvra;^!' de .\l. Henri Beraldi sur la reliure au di.\-

iieuvièuie siècle i'M

Courunui'Uieuls de cloches cl ca>seroles de Ch. Odioi I;j6

Modelé d'urlevrerie eu [daiiué, sons la lle.xlauraiiou 159

riauiheau eu aryeiil eslainpe. (.Uvdèlc de Ch Odiot.) lt)l

Salières. [Coll.cciion tircvan de la G irdie. Musée cenlennat.) 162

Cal'elière, Iheière, sucrier, crémier eu arftriil. [Modèles de Ch. Ùdiol I(j3

Service a llie sur [ilaleau. [Co'lcctio:i .Uurijuis Guillu'in de l'otliuau. 165

Théière hec dr cyj^ue. Musée ccnlennal. > 16o

Ueu.N aiguieri's ei ciivelles. > .Musée ccnlennal. Culleciion liuldschinidt 167

Ca>seroli' de .M"' .Mars. Collceiion Guldsclimidt. .Musée cenlennal. \ 109

Sucrier iimiiie avec cuillers en counitiiie. [Maséc centiimal.) 170

CHAPITRE 111. Tèle de paye : la l)ouli(|ue d'un orfèvre roniauliqiie. iJessin d'ujirès de

Utauiiioal, 18k'. 171

Lellre orner C 171

Service iiu Snliau .Mahmoud. Cloihe avec réchaud el ^eau. K.xécule par Ch. Udiol.

(Archice.-i dj la maison Udiol. ^ 174

Servie'' du Sulian .Malniuuid Jard.nière el soupière, lixéculé par Ch. Udiol. Archives

de la ma soji Uliol . > 175

Sou[iièi(' pour le b.uon Saluuiou (!-• llolhscliild, exécutée par Ch. Udiot. [.irchives

de la maison Ckliul.'i I7G

- 324

Si'rvice du baron Salomon de Rolhscliikl. Salières, huilier, plateau de carafe. Exé-

culé par Cli. Odiot. [Archives de la maison Odiot.) 177

Service du baron Salomon de Fiolliscbild. Plat ovale et réeiiand. Exéculé par Oh.

Odiot. [Arch'vcs de la maison Odiol.) 170

Saucière pour le service du prince hcniidon'. Exécutée par Cli. Odiol. (Arrhivrs de

la maison Odiot ) 181

Service du prince Deuiidnll'. Huilier, talière et couverts. Exécuté par Cli. (Jdiot.

[Ai'cliivcs de ta maison Odiot) 18:5

Bouclier « Jupiter foudroyant le Titan ». {Dessin original de J. Fcvchères ^ |S7

Le Parnasse. Projet de surlout. {Dessin original de J. Feiiehèrcs.) iS',)

Le Travail des cliani|is. Projet de surlout. (Dessin original de J. Feuchires.; l'.lil

Esquisse de Mirltiiil pour le (h:c de I.nyncs. (Dessin original de J. Fcii-

cki^res.) H)l

Saucière. [Projet de J. Fenelièj-r.s. i:\-2.

La .MélulliirfTie. [Dessin original de J. Feuclœres., !'.):{

(uindélabre pour un surlouL [Dessin original de J . Fe\ieht;res.] I(i;i

B:jccliaual(', ('mail en camaïeu, [li'tinr.'s J. Friirhi'res. Collection II. Uouilhet.' l'.Ml

Emaux en c-imaiVii. iD'djirès J. Fiuehi-i-es. Collection II. Uouillwt.) 197

l*orlrail de .\imé Cliciiavanl 199

Vase décoialif par ClnMiavan 201

.aiguière, par (IhiMiavard 2(i:{

Elambeau, par (_;lii'Mavard 20."1

Vase, par C.lien.ivard 20o

Aiguière en orlèvreric, par F. .Meurice. Modèle de J. Eeuclières, ciselé par \eclite.

[Collection de .1/""' llro de Coniinèrrs. Musée centennal.) 2(17

Vases en repoussé, exécutés par Vcclilc 20!)

Bouclier « la Clievaucbée », ciselure de Veclitc. [Musée centennal. \ 21 1

Portrait de Cliarles Odiot et de ses deux fils Ernest et Gustave. [Collection Gustave

Odi.ol.1 213

Tiiéière Ueiiaissance ilalieiine, (cuvre d'Udiol. [Musén centennal.^ 2H)

Cafelières, théières exéculées par Odiot. [Musée centennal.) . 217

Cafetière slyle r(iniaiili(iue, œuvre d'Odiol. [Musée centennal ) 219

Fontaine à (lié, slyle pittoies(jue, d'uvn; d'Otliol. [Musée centennal.) .... 220

Service a llié cliiiiois, exéculé par iMorel 22i

Dessins d'()rlevreri(>s composées par Jules Peyre et exéculées par Morel 22o

Aiguière en orfèvrerie. .Modèle de Khi;;maun. [Collection de J/"'» Dro de Coin- mères. Musé.' cenl''nnal.) 227

l4)ée du comte de Paris, modelée [lar Klaymann, ciselée par Veclite. [Or/éinrie

de D.. Froment-Meurice.) , 229

Portrait de Désiré Fromenl-.Meuric 2:{.'{

La cajint! de Balzac. iD. Froment-Meurice ) 2:5!»

Vase oITert par la villi' de Paris à l'ingénieur Emmery. [Or/èvrerie de D. Froment- Meurice.) .... 237

Bouclier, par D. Froment-Meurice 240

.\iguière et plateau, dessin de Liénard. [Orfèvrerie de D. Froim-nl-Meurice.) 241

Seau à glace. [Collection de M. Sabalicr d'Espeyran. Musée centennal. Orfèvrerie

de Froment-Meurice. ) 242

Cloche, plat et réchaud en plaf|ue 245

Bouilloire à bascule en plaqué 24(i

Thé sur son plaleavi en placjué 246

Cafetière et zarfs arabes, par Cli. Odiol 2ïH

CHAPITRE IV. Tète de page : Frise arlicliaut d'un handeau de cloche du service de

Napoléon III. [Modèle de Gilbert-) 249

Lettre ornée A 249

Portrait d'Honoré d'.Vlbert, duc de Luynes, membre de l'Iusiitut (1802-18(37). . . . 2:>2

''72 >7";

- aj5

liiix'iiililc ilii Mirlixil ilii iliic lie l.iniifs : [lii-ri- ili- inilicii, < .iinli-l.iltro cl cotii-

jK)(ii'is. \Urficitrie de D. FiiiiiicntMcuiicf, Miist^- ieitliiiiiat.\ 25!l

(.(mi|i(iliiT it l.cs Siiif-oiis ». i(h/'rvrnir Uf H. l'nniunt-Mfiirirr. Must'e nittrinmt . . 'iriS

l'niiilrlc l'MiuisM' (|i> l-'cliclu-rfs ilf la |iiiTc i|i' iniliill illl sllllnlll ilii illic (le

l.iniii's. U'iillfi-tiiiit Clin'sd'fli-.) , . ;<;,(•(

l'iècc (Ir iiiilb II lin MirliPiil ilii iliic ilc |,ll^||l•^. \()r(itiriir il( II. l'iumnil-Miiiriri',

Musée cfiitiiuiil. I 25*

lÙK riiT (lu l'ii|M' l'ic IX. ((iuzrtlf tti's Itmni-Arls -i'M

rnrlliiil ilr lMi|Hiiiclicl, oiiV'Vrt' ■>{,[

La .MiiiiMM' ". iiiutlt'ii' (!'• Siiiiail, iirlcviri ir (•lirvM'lfj.luiiiini', par iMutoiiclii-l . . . îiO.»

IW»iiill'»iri' ^riiii' cliiiKiis. [Orfàvirrir lir Ini^Hinrhel ) 20!»

l'Iali-aii lîiMiai>Naiicr. (h-firrcrir ih Dupittirlfl.) 20:i

l»cii\ li;i-- iiiicl, iliiii seau à ^iacr. Sniliiliiri' ilr l'i'iicjit'rt's. Orfiircriidf llnj/unclul illti

l'iirlrail Ar Cliarlcs Clirisloll.' (isoil- isfi;»! 2«>7

Si'ivicc à Ihi'' Louis \VI. {Orfrrirric ilr Chiirlrs ('hnsli)/l\] -JOH

Loiilaiiir a thr di' -|\|,. Lmiis Wl. (Or/rorn-ic de Charles Clirisluflc.) !~u

l'oiilaiiii" a Ihc ilc ^l\lr Lmii^ W. Orfèvierir de l'hnrles C/irislofle 2',\

Si'ivici' ilr I liii|M'iali ici' lMi;:i'iiii' : t'.ldciic avi'c ri'cjiaiiii, (•a>-('io|i', saiicit'rf. salii'-ri-,

mmitaniiiT de styli' Louis Wl. Orfèvrerie de Ch. Cltristo/le

Kfit'c (lu ^t'iH'ral Cavai^iiac. \Or/ècrericde FroineiU-Mciiriee.)

« La Maccliaulo ». Orfèvrerie elirysch'pluDilinr. de Froiiieul-.\leiirice, modèle de

l'radier. 2T7

(i La Toili'llc (lo Vt-nus ». (Orfèvrerie clinisèlépluinline de II. FrDinent-Meuriee,

modèle de Feuelières. 27'.i

Surtout pomiiôiou du prince Napolôoii, avec les .Muscs. [Orfèvrerie du Charles

Chrislo/Ie.' :i!S7

.Mcipouiciic cl 'llialic. mmis les lrail> de Haclitd et .\riioiild-lMessis. Orandes lif^urcs

du surtout pompéien du prince Nii.polôon. {Orfèvrerie de Ch. Christofle.) 2S(t

Sucrier du service du prince Napoléon. [Orfi'vreric de Ch. Christofle, modèle de

Diélerle.) 201

Compotier du service du prince Na[ioIéon. Orfèvrerie de Ch. Chrislofle, modèle de

Itiélerl-. 2!M

La serrurerie des Tuileries. [Dessins de Le fuel, exécutés par Charles Chrislofle,.) . . 2'.i2 l'ièce do milieu du grand surtout de Napoléon III, modèle de F. Gilliert. (Orfèvre- rie de Charles Chrislofle. Musée des Arts décoratifs.) i'y.\

La Coupe du Nord et les Candélabres des Sciences et des Arts, modèles de F. Gil-

l)ert. (Orfèvrerie de Charles Chrislofle. Musée des Arts décoratifs.) 2*.t;i

La Coupe du .Midi et les Candélabres « l'.Agricullure et l'Industrie », modèles dt;

F, Gilbert. ^Orfèvrerie de Charles Chrislofle. Musée des Arls décoratifs.) 2'.t7

Clociie ronde, casserole d'entrée et d'entremets avec récliaud, cloche ovale,

modèles de F.liilbert. [Orfèvrerie de Charles Chrislofle. Musée des Arls décoratifs.) .'iOl Grande cloche ovale en ciselure repoussée, modèle de F. Gilbert. [Orfèvrerie de

Charles Chrislofle. Mitséedes .irts décoratifs.) :{0:î

.Jardinière de rini|iéralrice Eugénie, anses Cygne. (Orfèvrerie de Charles Chris- lofle.) :{0i

Coupe à truils du service de l'imiiératrice. modèle de Rossigneux. [Orfèvrerie de

Charles Chrislofle)) ;{0;;

Compotier, pied d'assielle et élagère du service de l'iuipéralrice. (Orfèvrerie de

Charles Chrislofle.' :{(I7

Cuillers du dix-seplièinc siècle, faites à la main, cuiller à polagi; fondue et ciselée.

Collection Henri Doullhet. Musée ccnlennal .iW

L'Orfèvre monétaire (1547). (Cabinet des Estampes. \ MO

Le Balancier à bras. Gravure de l'Encyclopédie.^ .311

Couvert de style Empire, travail de Biennais. [Collectiun Bernard Franck.) :U2

Couvert <Ie slyle Empire de Napoléon à Sainte-Hélène- [Collection Bernard Franck. .'U2

13

- 326

Service do couverts de Napoléon III,exécaLé au balancier. [Musée des Arts décoratifs.) 3i:(

Couverts modernes exécutés au latninoir. (Collection Ohristofle.) 3i:'.

Laminoir à couverts de H. Lovallois iUK

TABIJ- liKS MArii-:i^KS. Train de laminoirs ;} m

La coulée des lingots de couverts 320

TABLE DES GHAVIRES. Tête de page : Cartouche de Ranson 32!

Trophée de Heurs, par Ranson 320

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