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BEQUtsr

UN1VERS1T\^ ofMICHIGAN

^ GENEll\L LIBRARY _u

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MEMOIRES

DE

L'ACADÉMIE DES SCIENCES

INSCRIPTIONS ET BELLES -LETTRES

DE TOULOUSE

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MÉMOIRES

DE

LICADÉMIE DES SCIENCES

INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE

Huitième Série

TOME III. PREMIER SEMESTRE.

TOULOUSE

IMPRIMERIE DOULADOURE-PRIVAT Rue Saint-Rome, 39

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AJ«A^^^^^^*^\A./V*^

ÉTAT

DBS

MEMBRES DE L'ACADÉMIE

CHANGEMENTS SURVENDS DANS LA LISTE DES ACADEMICIENS

Depuis le mois d'avril 1880 jusqu'au mois d'avril 1881

ASSOaÉS ORDINAIRES

CLASSB DES SCIENCES SeetioB des matliéBiiatlqaea pures.

M. David, lieutenant-colonel du génie en retraite, en remplacement de M. Endrès, devenu associé correspondant.

Seefion de physique et astronomie.

M. Baillaud, directeur de l'Observatoire, doyen de la Faculté des sciences, en remplacement de M. Tisserand, devenu associé corres- pondant.

CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES

M. Hallbbrg^ professeur de littérature étrangère à la Faculté des lettres, en remplacement de M. Brédif, devenu associé correspon- dant.

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MÉMOIRES.

CHAPITRE SEPTIÈME

Rôle de trois juristes toulousains {Pierre Flotte, Guillaume de Nogaret, Pierre de Belle-Perche) et de V Université dans le différend entre le roi Philippe le Bel et le pape Boniface YIII {années i30i-i303).

Il serait plus qu'inutile de redire ici Thistoire souvent écrite et bien connue du différend entre le Roi de France et le Pape, qui fut une très-grosse affaire de ce teoips. Mais il est néces- saire d'en avoir les principaux faits présents à la mémoire pour comprendre quel rôle y jouèrent personnellement trois juristes toulousains, dont deux avaient été professeurs ès-Iois, et quel y fut celui de l'Université en corps.

Au fond et essentiellement il s'agissait de la grande question politique et sociale de la division des Pouvoirs temporel et spirituel ou des rapports de l'Église et de l'État. Le Pape pré- tendait à la double souveraineté spirituelle et temporelle, la seconde étant, suivant lui , une conséc|uence nécessaire de la première; il ne considérait la royauté que comme le» Pouvoir exécutif de la papauté. Le Roi revendiquait la souveraineté temporelle et soutenait que sa couronne était indépendante de *la tiare.

I. Le différend commença par l'affaire de Bernard de Saisset, évèque dePamiers, que le Roi fit arrêter et emprisonner, comme coupable de trahison, le 24 mai 1301 (1). Le Pape s'en plai' gnit, disant qu'il avait, seul, le droit d'informer contre un évèque et de le juger. Le Roi persista.

II. Le 5 décembre de la même année, le Pape, de plus en plus irrité, écrivit au Roi la bulle devenue fameuse sous le nom d*AuscuUa, fili, dans laquelle il lui reprochait un grand nom- Ci) Des brooillerie9 entre le Pape et le Roi avaient même déjà eu lieu auparavant à

Toecasioa de Téglise de Narbonne et du comté de Melgueil dans le diocèse de Magoe- lone. (ffiil. d$ Lang., liv. XXVm, g 64.)

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HISTOIRE DE l'dNIVERSITÉ DE TOULOUSE. 3

bre d'actes et affirmait ses prétentions à la prééminence sur les rois. On en fit en même temps circuler une autre, datée du même jour et écrite dans le même esprit, mais beaucoup plus courte et très-hautaine (2).

Le Roi fit brûler solennellement la bulle à Paris, le 11 février 1302. On fit circuler en réponse à la lettre hautaine quelques mots très-insolents.

m. Le Pape, dans une lettre-circulaire à tous les archevê- ques et évêquesde France, aux plus célèbres abbés, aux chapi- tres des cathédrales, aux docteurs en théologie, en droit cano- nique et civil, et à d'autres ecclésiastiques, leur manda de se rendre à Rome, le l^' novembre 1302, pour y tenir une grande assemblée dans laquelle on examinerait la conduite du Roi et l'on prononcerait sur lui.

Le Roi, de son côté, dans une semblable lettre-circulaire à des ecclésiastiques de tous ordres, évêques, abbés, docteurs, etc., à des seigneurs laïques et à des syndics de diverses commu- nautés, les invita à se rendre à Paris, le 10 avril suivant, pour y tenir une assemblée dans laquelle on examinerait la valeur des accusations du Pape et celle de ses prétentions.

IV. L'assemblée convoquée par le Roi eut lieu à Paris au ■jour indiqué. Après qu'on y eut répondu, au nom du Roi, à tous les reproches du Pape, on en formula de beaucoup plus graves contre le Pape lui-même. On combattit énergiquement ses prétentions à la souveraineté temporelle. Les laïques pro- mirent aussitôt de soutenir vaillamment le Roi dans la défense de ses droits. Des évêques et d'autres ecclésiastiques le firent plus mollement. Ils demandèrent même la permission de se* rendre à Rome pour l'assemblée à laquelle le Pape les avait Convoqués. Mais le Roi et les Seigneurs déclarèrent qu'ils ne le souffriraient en aucune sorte.

L'assemblée convoquée par le Pape eut lieu aussi à Rome, au jour indiqué, malgré l'absence de la plupart des prélats et des

(9) Voir, à la fin du chapitre, la note additionnelle A.

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4 MEMOIRES.

docteurs français, qui ne voulurent pas enfreindre la défense du Roi (3). Le Pape y exposa tous ses griefs et publia la bulle non moins fameuse sous le nom d*Unam sanctam, qui afGrmait de nouveau et avec instance la doctrine de la bulle Ausculta, filid).

V. Le Roi, voulant affirmer aussi de nouveau son opposition à cette doctrine et lutter plus vivement contre le Pape, convo- qua une seconde assemblée à Paris, en sa maison royale du Louvre, le 12 mars 1303. On y formula contre le Pape un acte d'accusation en plusieurs articles, dont la conclusion était qu'il y avait lieu de convoquer un concile pour le juger, et qu'en attendant on devait l'arrêter et le retenir 'en prison jusqu'au jugement.

Dès que Je Pape fut instruit de ces faits, un mois après, 13 avril, il déclara le Roi de France excommunié; et il excom- munia aussi tous ceux qui oseraient lui administrer les sacre- ments ou dire la messe devant lui, de quelque ordre qu'ils fus- sent, même évêques.

VI. Instruit de ces faits, le Roi convoqua une troisième as- semblée qui se tint encore au Louvre, le 13 juin. On y renou- vela, en l'aggravant, l'acte d'accusation contrôle Pape (5), et l'on conclut de nouveau qu'il y avait lieu de convoquer un concile pour le juger et donner à l'Église un bon et légitime pasleur. Cette conclusion fut adoptée à l'unanimité des mem- bres présents, tant ecclésiastiques que laïques. L'Université de Paris, le Chapitre, les Frères prêcheurs et d'autres religieux, diverses Universités de toute la France, des Eglises et des Com-

^munaulés adhérèrent à cette conclusion.

A la nouvelle de tous ces actes, le Pape fut vivement ému et irrité. 11 convoqua une nouvelle assemblée dans la ville d'Ana-

(3) Contre ceux qui rcnfreignaient, le Roi décréta la saisie de leurs biens, par des lettres du dimanche après la Saint-Luc. {Hitt. de Lang., liv. XXVIII, S 67.) Parmi eux se trouva Tévéque de Toulouse. {Idem, g 72.)

(4) Voir, à la fin du chapitre, la note additionnelle B.

(5) Voir, à fa fin du chapitre, la note additionnelle C.

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HISTOIRB DE l'uNIVBRSITÉ DE TOULOUSE. d

gni, le 15 août. Il y protesta avec serment contre tous les crimes énormes, horribles et détestables dont on Taccusait en France. Puis il publia cinq bulles pour se défendre et pour attaquer. Vers le même jour, il en composa une sixième, dans laquelle il renouvelait l'excommunication déjà lancée contre le Roi, jetait l'interdit sur toute la France, déliait les Français de leur serment de fidélité à Philippe le Bel et donnait le royaume au roi des Romains, Albert d'Autriche, à qui il ordonnait de s'en emparer.

Celte bulle devait être publiée le 8 septembre, fête de la Na- tivité de la Vierge.

VII. Mais In veille même de ce jour, les émissaires du Roi de France envahirent la ville d'Anagni, à la tête d'une nombreuse troupe de soldats qui criaient : Vive lu France et Mort au Pape! Ils pénétrèrent de vive force dans sa demeure, s'emparèrent de sa personne, malgré la résistance de ses gens et la sienne, et le firent prisonnier.

VIII. Rendu à la liberté au bout de quelques jours, le Pape rentra dans Rome, il se proposait d'assembler un concile pour se venger et faire regretter à ses adversaires les injures et les violences dont il avait été victime; mais il. fut presque aussitôt pris d'une fièvre ardente, causée par le chagrin, la honte et la colère : il mourut le 11 octobre suivant, 1303.

Tels sont les principaux faits do ce différend trois juristes toulousains personnellement, et l'Université en corps, jouèrent un rôle que l'historien doit mpntrer.

Entre les trois juristes toulousains qui jouèrent personnelle- ment un rôle dans celte grave affaire, la première place est à Pierre Flotte et à Guillaume de Nogaret; Pierre de Belle-Perche ne vient que loin après eux.

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MÉMOIRES.

I. PIERRE FLOTTE

PiiRRB Flotte était qualifié chevalier, seigneur de Revel. On en conclut qu'il était dans ce lieu (aujourd'hui petite ville de l'arrondissement de Yillefranche, Haute-Garonne).

Il avait la réputation d'un très-savant jurisconsulte : ce qui prouve qu'il avait fait de bonnes études de droit. On peut sup- poser, avec beaucoup de vraisemblance, qu'il en avait fait au moins une grande partie à l'Université de Toulouse, il put suivre les leçons de Jacques de Revigny.

En 1291, sa réputation était déjà grande; car il fut choisi en cette année pour tenir le parlement de Toulouse, sous la pré- sidence de Bertrand de Hontaigu, abbé de Moissac.

En 1295, Jeanne, reine de France, femme de Philippe le Bel, le nomma son procureur dans une affaire d'hommage à rendre à l'évoque du Puy, pour le comté deBigorre.

En 1301, étant chancelier garde des sceaux, il fut chargé par le Roi de proposer à son Conseil les divers chefs d'accusation formulés contre Tévèque de Pamiers, Bernard de Saissel (6). Il fut de plus chargé d'aller les soutenir à Rome, accompagné de Guillaume de Nogaret. Il s'y donna beaucoup de mouvement, dit-on, pour persuader au Pape la justice des procédés du Roi contre l'évoque de Pamiers; mais Boniface refusa de la reconnaî- tre, et il persista à vouloir que l'affaire fût jugée par lui, à Rome.

On raconte qu'un jour, dans une discussion très-vive, le Pape le prenant sur un ton très-haut et révélant le fond de sa pensée intime se laissa emporter à lui dire : < Sachez que j'ai la puis- c sance temporelle sur votre Roi de France et sur son royaume^ c aussi bien que la puissance spirituelle, t A quoi Flotte aurait répondu : c Saint -Père, prenez-y garde : votre glaive n'est qu'en paroles, au lieu que celui du Roi, mon maître, est en c réalité. > C'était comme une prédiction de ce qui fut prouvé plus tard à Boniface par un autre ministre de Philippe le Bel.

En 1302, étant encore chancelier garde des sceaux, il porta

(6) Voir, à la fin du chapitre, la noie additionnelle D.

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HISTOIRE DB l'UNIVERSITÊ DE TOULOUSE. 7

*Ia parole» au nom du Roi, dans la première assemblée qui eut lieu le 40 avril. Il réfuta les reproches et les griefs, ainsi que la doctrine contenue dans la bulle AuscuUa, fili, et formula contre le Pape lui-même les accusations les plus graves (7).

C'est en répondant à ces accusations que Boniface appela Pierre Flotte un vrai Bélial, demi-aveugle de corps, mais tout à fait aveugle d'esprit : Scimus equidem prœcipue quœ Belial iste, Petrus Flotte i semividens corpore menteque totaliter excœcasuSj in ed concione prœdicaverit. Il parait par que Flotte était borgne.

En cette môme année 1302, il fut tué à la bataille de Cour- trai, que les Flamands gagnèrent sur les Français et périt l'élite de la chevalerie (8).

Ce que nous savons de lui autorise suffisamment à le ratta- cher au pays et à l'Université de Toulouse.

II. GUILLAUME DE NOGARET

Guillaume de Nogàrbt, suivant l'annaliste Lafaille(9), était à Toulouse môme, sa famille avait un hôtel qu'elle habitait; il y suivit les cours de l'Université; il y prit ses grades et y fut môme professeur ès-Iois.

Mais la première de ces assertions est inexacte. Guillaume de Nogaret était moins Tolosanus que Tolosas, comme le porte une inscription au-dessous de son buste, c'est-à-dire qu'il était du pays de TquIousc et non de la ville môme. Le fait que sa famille y avait un hôtel qu'elle habitait ne prouve rien pour le lieu de sa naissance. D'autres témoignages certains établissent qu'il était à Saint-Félix de Garaman (aujourd'hui petite ville de l'arrondissement de Yillefranche, Haute-Garonne (10).

(7) Sor cea accusations, voir, à la fin du chapitre, la note additionnelle G, déjà citée. *- Pour les détails sur rassemblée de i302, voir du Boulay, t. IV, pp. 69-74.

(8) « Pierre Flotte , tout chancelier qu'il était et homme de robe longue , monta à

cheval avec les hommes d*armes Sans doute il ne comptait pas périr en si glorieuse

compagnie. » (Michelet. HUL de France, t. ni« pp. 74-79.)

(9) Annales, t. 1, p. â83.

(iO) Hi$i, de Lang., liv. XXVIII, gSO, Notes, no S9.

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8 MÉMOIRES.

La seconde assertion a un degré de probabilité qui approche* de la certitude. donc un enfant de Saint-Félix de Caraman, dont les parents avaient un hôtel à Toulouse, aurait-il étudié plutôt qu'à Toulouse même? Il dut y prendre aussi ses grades et s'y faire recevoir docteur.

Il put donCy à ce titre, y professer pendant quelque temps. Mais, dans ce cas, il ne tarda pas beaucoup à quitter l'Université de Toulouse pour celle de Montpellier, on le trouve établi dès l'an 1291 et il acheta une maison, dans cette môme année (11).

Il eut pour collègue, dans cette Université, Jacques de Bernis, professeur en l'un et l'autre droit et lieutenant du roi de Ma- jorque à Montpellier (12). II se fit peut-être connaître du roi de France dans les nombreuses négociations qui eurent lieu à cette époque pour l'annexion de cette ville à la couronne.

En 1293, il fut témoin dans l'enquête qui eut lieu pour faire l'assiette des 500 livres de rente que le Roi avait promises à l'évoque de Maguelone en échange de sa portion de souverai- neté sur la ville de Montpellier qu'il lui avait cédée. Il y figure sous le nom de Guillaume de Nogaret, vénérable professeur ès-lois,

En 1294, il était juge mage de la sénéchaussée de Beaucaire, mais il conservait toujours son litre de professeur ès-lois : car on lui donne cette double qualité dans l'acte par lequel le sé- néchal de Beaucaire le chargea de répondre aux raisons que les habitants de la ville et de )a baronnie de Montpellier présen- taient pour refuser le service militaire qui leur avait été de- mandé, et contre lesquels il plaida au parlement de Paris.

(li) L'Université de Montpellier reçut, vers ce temps, un nouveau lustre de la bulle par laquelle le pape Nicolas IV, à la date du mois d'octobre 4289, décida qu'il y aurait dans cette ville un Studium générale, des maîtres de toutes les Facultés feraient leurs leçons, et les écoliers pourraient prendre leurs grades en droits canonique et civil, en médecine et ès-arts : Autoritate prœ$entium indulgemuê ut in lœo' dieto Montitpeitulani tU deincepi Sttidium générale in qito magiitri doceani et teholaree libère êtudeani et audiant in quamvii Ueita Faeultate,,,. Saneimu$ ut in jure eano- nico et eivUi , necnon et in medieinâ et artibus êcholares examinari pottint ibidem et in eisdem faeultatibus duntaxat titulo magisterii deeorari, (Voir le texte de la bulle entiète, du Boulay, t. lU, p. 488.) Cela put être une occasion pour Guillaume de No- garet d'aller s'y établir.

(1S) Une partie de la ville de Montpellier reconnaissait le roi de Majorque pour leigneor.

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niSTOIRB DE l'université DE TOULOUSE. 9

11 fut depuis lors employé par le Roi en diverses affaires et mis au nombre de ses conseillers. En 1298, il fit partie du par- lement de Paris, on le nomme simplement mattre Guillaume do Nogaret. Mais Tannée suivante il est nommé avec le titre de chevalier, dans un acte passé à Montpellier, iau mois de juillet 1299, entre les deux fils d'Aymeri V, vicomte de Narbonne, touchant la succession de leur père. On en conclut que le roi Philippe le Bel l'anoblit alors pour le récompenser des services qu'il en avait reçus dans les affaires il l'avait employé.

En 1301, il accompagna Pierre Flotte à Rome, pour y traiter avec le Pape l'affaire de l'évéque de Pamiers. On dit que, dans la même entrevue Flotte fit au Pape la réponse rapportée plus haut, il ne put se contenir; qu'il parla avec emportement et violence sur les abus de la cour pontificale et sur la conduite de Boniface lui-même.

En 1303, dans la seconde assemblée à Paris, le 12 mars, c'est lui qui formula contre ce Pape l'acte d'accusation solen- nelle, consistant en ces quatre articles :

1* Que Boniface n'est point pape, qu'il occupe injustement le siège, et qu'il y est entré par de mauvaises voies; qu'il est hérétique manifeste; 3** qu'il estsimoniaque; 4" enfin, qu'il est chargé d'une foule de crimes énormes il est tellement en- durci qu'il est incorrigible et qu'il ne peut plus être toléré sans le renversement de TÉglise.

C'est pourquoi, dit Nogaret en concluant, je demande avec toute l'instance possible et je vous supplie, Sire, et vous pré- lats, docteurs et autres assistants, que vous excitiez lesprin- « ces et les prélats, principalement les cardinaux, à convoquer c un concile général où, après la condamnation de ce misé- f rable, ils donnent à l'Église un vrai et légitime pasteur; et j'offre de poursuivre mon accusation devant ce concile.

« Cependant, comme cet homme n'a point de supérieur pour c le déclarer suspens, je demande qu'il soit mis en prison et « que vous, avec les cardinaux, vous établissiez un Vicaire de « l'Église romaine, pour ôter toute occasion de schisme, jusqu'à t ce qu'il y ait un pape.

Vous y êtes tenu. Sire, pour le maintien de la foi. De plus,

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10 MÉMOIBES.

a VOUS y êtes tenu comme roi , par le devoir qui est le vôtre c d'exterminer tous les méchants; par le serment que vous « avez fait de protéger les églises de votre royaume; et par Texemple de vos ancêtres qui vous engage à délivrer d'op- c pression TÉglise romaine (13). >

Aucune résolution ne fut prise ostensiblement sur les deux conclusions de cet acte d'accusation. Mais il parait que l'idée d'arrêter le Pape et de le retenir prisonnier sourit dès lors au Roi, et qu'il trouva aussi que nul ne pouvait mieux exécuter ce projet que celui qui l'avait conçu.

En conséquence y Guillaume de Nogaret partit pour l'Italie, avec un véritable blanc-seing du Roi, pour traiter et pour faire tout ce qui serait à propos (1i).

11 y recruta et commanda la bande d'hommes armés qui, le 7 septembre, fit irruption dans la ville d'Anagni, entra violem- ment dans la maison du Pape, le saisit et le fit prisonnier. Des historiens disent qu'il souffleta lui-même le Pape. D'autres rap- portent qu'il le défendit contre les brutalités de l'un de ses plus furieux ennemis, qui voulait le tuer. Ces deux récits ne sont pas contradictoires (15).

Quelle que soit la vérité sur ce détail , il est certain qu'à la suite de ces événements, le Pape fut pris d'une fièvre ardente dont il mourut environ un mois après, le H octobre 1303(16).

Le Roi parait avoir été satisfait de la manière dont Nogaret s'était acquitté de sa commission et peut-être aussi du dénoû- ment de cette affaire. Et ce fut sans doute pour l'en récom- penser que, l'année suivante, il augmenta de 300 livres les 500 livres de rente qu'il lui avait déjà données. (F. pltAS loin.)

(43) Voir, à la fin du chapitre, la note additionnelle E.

(H) Ce blanc-seing était ainsi formulé : PhiUppus, DH gratia,,. GuilUlmo de Nogareto pUnam et liberam Unore prœientium eommiltimuttei potestaUm, ratum habUuri et grcUum quidquid factum fuerit in prœmUnU et ea tangentibui $eu depen^ dentibui ex eiid$m. Guillaume de Nogaret était accompagné de deux docteurs en droit.

(i5) Voir, pour plus de détails, Michelet. loc. cit„ pp. 90-94. Fleury, loc. eit,, g 33^. _ Du Boulay, t. 4, p. 60. On dit aussi que le soufflet au Pape fut donné par un autre que Guillaume de Nogaret.

(i6) Pour les d^ails sur la mort de Boniface VIII, voir Michelet, loc. cit., p. 9B.

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HISTOIRB DE l'uNITEESITÊ DE TOULOUSE. 41

III. PIERRE DE BELLE-PERCHE

Pierre de Belle-Perche nous est bien connu (chapitre IV). Nous n'avons à le mentionner de nouveau ici que pour indi- quer son rôle dans cette lutte du Pape et du Roi.

Dès l'origine, il fut appelé à connaître de l'affaire de l'évêque de Pamiers. Au mois d'octobre 1301, il siégea, comme membre du conseil du Roi, avec beaucoup de dignitaires ecclésiastiques réunis pour entendre l'accusation et la justification de Bernard de Saisset, lorsque ces juges réglèrent avec une rare modéra- tion, à laquelle on peut croire qu'il ne fut point étranger, les ménagements et les précautions dont on devait user pour la garde de cet évéque retenu captif jusqu'à la décision de son procès (17).

Pendant que Pierre Flotte et Guillaume de Nogaret étaient publiquement chargés d'aller soutenir à Rome, auprès du Pape, l'accusation contre cet évêque , il parait avoir reçu la mission plus secrète de les soutenir ou plutôt d'obtenir par la douceur ce qu'on refuserait à leur violence. C'est alors qu'il fit le voyage en Italie dont nous avons parlé (18).

En 1303, il figura comme témoin parmi les notables en pré- sence de qui fut passé l'acte constatant l'adhésion de presque tout le clergé de France à l'appel du Roi contre le Pape. Il y adhéra lui-même d'autant plus volontiers qu'il était, sans doute, un de ceux qui l'avaient conseillé.

Il put être en cette même année l'un des deux docteurs en droit qui accompagnèrent Guillaume de Nogaret, partant pour

(il) Martène, Thesauru» aneedotorum. t. I, col. 4324-29. Hi$t. Httér., U Y, p. 355. Pierre de Belle-Perche avait peut-ôlre connu Bernard de Saisset pendant qu'il étudiait et professait à Toulouse. Cette circonstance aurait encore contribué à le porter aux ménagements et à la modération.

(48) Celui dans lequel il fit une leçon à TUniversité de Bologne. Un auteur a dit que Pierre de Belle-Perche fit ce)voyage pour expier ses fautes, erimina expiaturua^ en pro- fitant des indulgences accordées à l'occasion du jubilé de Tan i300. Maisunaulre croit que ce pèlerinage put avoir des motifs plus humains et servir à couvrir des négociations secrètes avec ou contre celui dont le roi de France devait bientôt se déclarer le mortel ennemi. Nous sommes de cet avis.

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1 2 MÉMOIRES.

son expédition à Anagni. Mais son intention dut être de suivre la voie juridique et d'employer les moyens de la modération légale, plutôt que ceux de la force et de la violence. Il croyait servir mieux ainsi les intérêts du Roi et la cause qu'il défendait. Nous ne savons rien de plus sur le rôle qu'il y joua.

IV. L'UNIVERSITÉ

L'Univebsité de Toulouse partagea, quant au fond et pour la partie essentielle, l'opinion de ces trois hommes, jurisconsultes distingués et éminents, qui lui avaient appartenu d'une ma- nière plus ou moins intime; elle s'associa pour le but final à leur action. Elle entra tout à fait dans les intentions manifestes du Roi, lorsqu'elle reçut notification de la résolution prise dans la troisième assemblée de Paris, de convoquer un concile pour juger le Pape, et qu'elle fut requise d'y adhérer.

La lettre du Roi aux Toulousains, dont on dit qu'il tenait sur- tout à obtenir l'adhésion (19), était ainsi conçue :

« Philippe, par la grâce de Dieu, roi des Français, aux hommes discrets et nos amés en Jésus-Christ, les doyens et les chapitres des cathédrales et des églises collégiales, les prieurs des Frères Prêcheurs, les gardiens des l'rères Mineurs, les religieux des autres couvents, les nobles, les consuls, les citoyens et les autres personnes ecclésiastiques et séculières de la ville et du diocèse de Toulouse, salut et amour en Notre-Seigneur.

« Naguère Nous, plusieurs Archevêques, Evêques, Abbés, Prieurs, Comtes, Barons et autres ecclésiastiques et séculiers, étant en assemblée à Paris, nous avons reçu la déclaration de plusieurs personnes illustres et de quelques chevaliers qui, par amour fervent de notre sainte mère TEglise et par zèle pour la foi catholique, nous ont dénoncé Bonifaco actuellement occupant le siège apostolique comme coupable de plusieurs crimes énormes et horribles, dont quelques-uns contiennent manifeste- ment une monstrueuse hérésie; ils nous ont énoncé ces crimes, ils nous les ont signifiés, ils nous les ont affirmés par serment, comme il est dit en plusieurs actes publics rédigés à ce sujet. Ils nous ont instamment et à plusieurs reprises requis et conjuré. Nous et les susdits prélats, pour rhonneur de Dieu, de la foi catholique et de notre sainte mère TEglise,

(19) Rex in $etUentiâ $uà de appellando ad futurum générale coneilium confinnatus dai ad univenag regni $n% urbet el eccUiias prasbrtim tolosanjB diobcbseos litterai pelitque ut in eamdem descendant sententiam. (Du Boulay, (. IV, pp 47, 49.)

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HISTOIRE DE l'oNIVERSITÉ DE TOULOUSE. 13

de convoquer un concile général dans lequel on ferait ce qu*il faudrait faire en temps et lieu pour découvrir la vérité sur ce qu'ils avançaient, et statuer ensuite sur les mesures qu'il conviendrait de prendre en con- séquence.

< Après mûre délibération, il Nous a paru nécessaire de faire ce qui Nous était demandé.

« Néanmoins, par précaution et pour obvier à tout mal, Nous, les sus- dits Prélats, Barons, Nobles, l'Université de Paris, les Maîtres en théo- logie, les Couvents des religieux et les Chapitres des églises, nous avons fait les protestations et les appels que vous pourrez voir contenus dans quelques-uns des acte^ publics rédigés à ce sujet.

« C'est pourquoi Nous députons vers vous nos chers et fidèles clercs Richard Neveu, archidiacre d'Ange dans l'église de Lisieux, et Pierre de ' Latilly, chanoine de Paris, afin qu'ils vous exposent plus au long et qu'ils vous expliquent plus clairement tout co qui précède.

« Et Nous vous requérons tous en général et chacun en particulier que Nous affectionnons de consentir, pour l'honneur de Dieu, de la foi catho- lique et de notre sainte mère l'Eglise, à la convocation d'un concile gé- néral qui j logera l'affaire dont il s'agit. Veuillez aussi adhérer aux pro- testations et aux appels qui ont été faits.

« Bien plus, pour votre plus grande sûreté que Nous voulons d'une af- fection sincère vous procurer, faites de nouveau vos propres protesta- tions et appels suivant la forme et le mode que vous verrez adopté dans les actes que Nous vous adressons et envoyez-les-Nous par lettres patentes scellées de votre sceau commun ou de celui de l'un d'entre vous.

< Fait à Paris, le jeudi après la fête de la Nativité du bienheureux Jean- Baptiste (20).

A cette lettre, rUniversité de Toulouse, à qui les commissai- res du Roi durent donner spécialement les explications annon- cées, répondit en ces termes :

« A tous ceux qui verront cette lettre, l'Univeraité des maîtres et des écoliers du Studium de Toulouse, salut en Notre-Seigneur.

« Nous voulons qu'il parvienne à la connaissance de chacun que na- guère, de la part du très-sérénissime prince, notre très-cher Seigneur Philippe, par la grâce de Dieu, illustre Roi de France, il nous a été intimé que lui, ledit Roi et quelques Archevêques, Evêques, Abbés, Prieurs, Comtes, Barons et autres personnes de grande autorité, tant ecclésiasti- ques que laïques, étant assemblés au Louvre, à Paris, il leur a été dit , exposé et narré que déjà quelques Comtes et autres nobles du royaume de France leur avaient porté à eux-mêmes, ledit Roi, les Archevêques,

(90) Voir le texte latin décatie lettre dans du Boulay,!. IV, p. 50.

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44 MÉMOIRES.

Evêques et autres personnes présentes^ un acte d^aecusation contre le seigneur Pape Boniface VIII ; que, dans cet acte, ils leur avaient dé- noncé et signifié divers crimes énormes, horribles et détestables, dont quelques-uns sentent manifestement Thérésie, dans les filets desquels ils disaient que ledit pape a été pris, an su et connu de tous, auprès de qui il est absolument comme tel perdu de réputation ; que, touchant de la main les saints évangiles de Dieu^ ils avaient juré croire à la vérité de ces accusations et à la possibilité de les prouver dans un concile géné- ral ou ailleurs, dans le lieu, dans le temps et devant les personnes qu'il appartiendrait suivant le droit ; que, s'adressant audit Roi comme au champion de la foi, défenseur de TEglise, et «uxdits Archevêques, Evo- ques, Abbés, Prieurs et autres ecclésiastiques comme aux colonnes de la foi et de TEglise, ils les avaient à plusieurs reprises instamment priés et requis de s*emplojer activement et efficacement à la convocation d'un concile général dans lequel on pourrait manifester la vérité, dissiper Terreur, prévenir les scandales et les dangers qui menacent TEglise entière, et procurer la gloire de Dieu , Fexaltation et la propagation de la foi catholique, le régime salutaire et le bon état de l'Eglise et de tout le peuple chrétien.

« Il nous a été également intimé que, le même seigneur Roi» les Arche- vêques, les Evêqnes, les Abbés, les Prieurs et les autres personnes ecclé- siastiques susdites, ayant entendu et plus pleinement compris les propo- sitions, les significations et les réquisitions ci-dessus énoncées, considé- rant que, dans le cas actuel, il s'agit d'une affaire de foi qui est de Dieu ; que le seigneur Roi a reçu de Dieu le pouvoir de défendre, de con- server et d'exalter la foi ; et que les prélats appelés par lui à partager sa sollicitude ont, pendant plusieurs jours, diligemment discute et exa- miné tous les articles de l'accusation susmentionnée ; par ces motifs et par d'autres raisons légitimes, l'assemblée a été d'avis que la convo- cation et la réunion d'un concile général est utile et absolument néces- saire, et qu'on doit donner tous ses soins et s'employer efficacement à ce que ce concile ait lieu.

« En outre, de peur que ledit Boniface, ému et irrité de cette déclara- tion, comme on le craint d'après des coi^ectures vraisemblables et ses nombreuses menaces, ne procède d'une manière quelconque contre les membres de l'assemblée, contre leurs églises, leurs paroissiens et leurs si^ets, ou qu'il ne fasse procéder contre les mêmes, de son autorité pro- pre ou de toute autre quelconque, par excommunication, suspension, interdiction, déposition, privation ou toute autre mesure pour empê- cher et troubler le concile général et s'opposer à ce que les prélats y siègent pour le juger et faire tout ce qui est do leur office; voulant se sauvegarder eux-mêmes avec leurs églises, leurs paroissiens, leurs sigets, tous leurs adhérents, et assurer à chacun son état, par mesure de précaution pour eux-mêmes, pour leurs églises, leurs paroissiens, leurs

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HISTOIBB DE l'uNIVERSITÉ DE TOULOUSE. 45

si^ets et pour tons lears adhérents présents et futurs, les membres de ladite assemblée ont appelé de toutes les mesures qui pourraient être prises par ledit Boniface ou ses délégués, au poncile qui doit se réunir, et au futur Pape, vrai et légitime. Ils ont fait ledit appel à celui ou à ceux à qui ou auxquels l'appel doit être fait suivant le droit : ils Font fait par écrit : ils en ont demandé instamment des témoignages authen- tiques : ils se sont mis eux-mêmes, leurs églises, leurs paroissiens, leurs sujets, leurs adhérents, ainsi que leur état, leurs droits et leurs biens sous la protection de Dieu, sous celle du concile projeté et sous celle du futur Pape, vrai et légitime. Et ils ont itérativement protesté de cet appel pour qu'il soit reçu où, quand et par qui il sera jugé expédient.

< C'est pourquoi de la part de notre dit seigneur Roi, il nous a été de- mandé de donner notre assentiment à la convocation et à la réunion du susdit concile général, et de nous employer efficacement, autant que nous le pouvons, à ce qu'il ait lieu.

Et Nous, mus par les considérations et les raisons ci-dessus énoncées, convaincus que la convocation et la réunion dudit concile est utile, né- cessaire, salutaire et expédiente pour l'affaire de la foi et de la sainte Eglise de Dieu, nous donnons notre assentiment à la convocation et à la réunion dudit concile : nous nous employerons volontiers, autant que nous le pourrons, à ce qu'il ait lieu : nous adhérons à la protestation et à l'ap- pel de notre dit seigneur Roi autant que nous le pouvons suivant le droit, aatantque nous ledevons suivant Dieu et la justice, et autant que les saints canons nous le permettent : nous plaçant nous-mêmes, nos adhérents pré- sents et futurs, notre état et notre Université sous la protection de Dieu, sous celle du concile projeté et sous celle du futur Pape, vrai et légitime.

En témoignage de toutes ces choses, nous avons décidé que le sceau de notre Université serait apposé à la présente lettre. Fait à Toulouse, le jeudi dans la fdte de saint Pierre-aux-Liens, l'an du Seigneur 1303 (21). »

Ainsi rUniversité de Toulouse se déclara pour le Rot coutre le Pape (22). Mais sa déclaration fut pleine de modération et de

(3i) Voir le texte latin de celte lettre dans du Boulay, t. IV, p. iSS.

(2â) Les antres personnes et corporations ecclésiastiques et sécnlières de la ville et da diocèse de Tonlonse, auxquelles la lettre royale était également adressée, pnrent envoyer anssi leur adhésion à la résolution de l'assemblée, quoique l'évéque fût dans des dispositions contraires.

Oo dit que le Roi obtint plus de sept cents actes de semblables consentements et d^adhésion des évèques, des chapitres de cathédrales et de collégiales, des abbés et des religieux de divers ordres, des Universités, des seigneurs et des communautés des villes. (Fleury, liv. XC, g 37. HUt. de Lang,, liv. XXVIII, g 78.) On dirait au- jourd'hui que c*ëtait la décision d'un suffrage presque universel .

L'évéque de Toulouse, qui avait montré des dispositions contraires et qui s'était rendu à l'assemblée de Rome malgré la défense du Roi, eut ses biens saisis et mis sous les mains de la justice royale. (HUi, de Lang,, idem, g 72, 78.)

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46 MÉMOIRES.

réserve. Elle offrit par un remarquable contraste avec les accusations et les actions passionnées de Pierre Flotte et de Guil- laume de Nogaret. Elle se rapprocha davantage de la conduite qui parait avoir été tenue par Pierre de Belle-Perche.

L'Université s'en tint strictement aux règles de droit, dont elle voulait l'application au Pape, nonobstant sa haute dignité. Pierre Flotte alla aux exagérations et aux menaces. Guillaume de Nogaret voulut qu'on passât des paroles aux actions, et il le fit avec emportement et violence.

Boniface YIII en mourut. Ses deux successeurs, Benoit XI et Clément V, dirent assez clairement par leurs actes qu'il avait, jusqu'à un certain point, mérité son sort par d'autres exagéra- tions, menaces, emportements et violences.

Une des dernières bulles de ce Pape avait retiré provisoire- ment aux Universités le pouvoir de donner des grades de li- cencié et de docteur et déclaré nulles toutes les licences qui seraient accordées malgré cette défense. Son successeur la ré- tracta expressément : de sorte que si , contre toute vraisem- blance, cette bulle avait causé momentanément quelque trouble et quelque dérangement dans l'Université de Toulouse, les cho- ses durent y reprendre bientôt leur cours ordinaire. Il n'y resta peut-être, de tout ce grave différend, que le souvenir d'une résistance suivie de succès aux prétentions de la cour de Rome.

NOTES ADDITIONNELLES

Â. SUB LA BULLB AuSCulta, filù

Le texte de cette bulle est dans une foule d'ouvrages, notamment dans du Boalty, EiêUnrt de VUniveniU de Parit, U IV, p. 7.

Voici la traduction de ce qu*on peut appeler Texorde de cette lettre; ce début repré- sente bien le style et Tidée fondamentale de la lettre entière.

Ausculta, fili.,. « Écoute» fils très-cher, les préceptes de ton père : incline l'oreille de m ton cœur à renseignement du maître, qui est sur la terre le lieutenant de celui qui « est le seul maître et seigneur; reçois sans peine les avertissements de TÉglise, la m mère aux saintes [entrailles, et ne manque pas de les suivre exactement , afin que . m d'un cœur contrit, lu retournes respectueusement à Dieu, de qui je sais que tu t'es « retiré par négligence ou par une volonté dépravée, et afin que tu te conformes dévo* « tement à son bon plaisir et au nôtre.

m C'est donc à toi que s'adresse notre discours, à toi que nous envoyons Texpressioii « de notre amour paternel, à toi que ta mère présente ses douces mamelles.

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HISTOIRE DE l'uNIVERSÎTÉ DE TOULOUSE. ^ 17

« Par ta naissance, tu es entré dans le champ de bataille de l'humanité mortelle ; tu « as eu ta renaissance dans la fontaine du saint baptême, tu as renoncé au diable « et à ses pompes ; tu es dès lors entré dans le bercail du Seigneur, non comme un « hâte et un étranger, mais comme un membre de la famille des fidèles et un concitoyen « des saints, devant lutter avec eux, non-seulement contre la chair et le sang, mais « encore contre les puissances aériennes et contre les chefs de ce monde de ténèbres « présentes. Ainsi tu es entré dans Tarche du vrai Noé, hors de laquelle personne n*esl « sauvé, c'est-à-dire dans TÉglise catholique, la vraie colombe, réponse immaculée de « Tunique Christ, dont le vicaire, successeur de Pierre, possède la primauté univer- « selle : car c*est lui que Dieu, en lui donnant les clefs du royaume des cieux, a institué « juge des vivants et des morts ; c'est à lui , quand il siège sur son trône de jostice,

qu'il appartient, par son regard seul, de dissiper tout mal.

« Le Pontife romain est, sans aucun doute, la tète de cette Église, de celle qui est o descendue de Dieu parée et ornée comme une épouse pour son époux. Et elle n'a pas V plusieurs têtes monstrueuses : car elle est toute belle, sans rien de laid, ni tache, ni « ride.

« Pourquoi nous te disons ces choses , mon flis , nous allons te l'expliquer claire-

ment, la nécessité nous y contraignant, et la conscience nous en faisant un devoir. « Car Dieu, malgré l'insuffisance de nos mérites, nous a placé au-dessus des rois et des

« royaumes, en nous imposant le joug de la servitude apostolique, qui est d'arracher, « de détruire, de disperser, de dissiper et aussi de bâtir et de planter en son nom et M suivant sa doctrine, de telle sorte que, faisant paître le troupeau du; Seigneur, nous « reconfortions les faibles, nous guérissions les malades, nous soudions les brisés, « nous relevions les tombés et que nous infusions le vin et l'huile dans les plaies des « blessés.

« C'est pourquoi, flls très-chrr, ne te laisse persuader par personne que tu n'as pas « de supérieur et que tu n'es pas le sujet du souverain chef de l'Église. Car celui qui « pense ainsi est un insensé, et celui qui s'obstine à soutenir cette doctrine est un in- « fidèle hors du bercail du bon Pasteur... »

Suit une longue liste d'actes qu'il reproche au Roi et dont il prononce et exige l'an- nulation, pour ne pas en assumer une terrible responsabilité : Nolentes ne nos tua culpa reddat obnoxioi.

En même temps que cette bulle, on en fit circuler une autre beaucoup plus courte, dans le même esprit quant au fond, mais bien difiiérente quant à la forme; en ces termes :

« Boniface, à Philippe, roi des Français*, crains Dieu et observe ses commande- ments. « Nous voulons que tu saches que tu nous es soumis dans les choses spiri-

« tnelles et temporelles Nous réputons hérétiques ceux qui croient autre chose.

« Donné à Latran. »

C'est à cette lettre que le Roi aurait répondu en quelques mots sur un ton encore plus hautain :

« Philippe, par la grâce de Dieu , Roi des Français, à Boniface , qui se porte pour « Souverain Pontife, salut petit ou nul. « Que ta très-grande fatuité sache que pour « les choses temporelles nous ne sommes soumis à personne... Nous regardons comme « des fats et des insensés tous ceux qui croient le contraire. Donné à Paris. »

B. Sur la bulle Unam Sanctam. Le texte de cette bulle se trouve aussi dans une foule de recueils , notamment en- core dans du Boulay, HUtoiré de VUnivertité de Parti, t. IV, p. 37. En voici la traduction entière, moins quelques coupures :

SÉBIl. TOMS m, 1. 2

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18 MÉMOIRES.

Unam ianctam, credere.,, « Que la sainte Église catholique et apostolique soit « une, c*est ce que la foi nous presse et nous force de croire et de confesser : c*est aussi « ce que nous croyons fermement et confessons simplement; et hors de cette foi, il n*y a point de salut ni de rémission des péchés. Ainsi, dans le Cantique des cantiques, rËpoux s*écrie : Ma colombe, ma parfaite est une; et cette colombe parfaite repré- sente le corps mystique de l'Église dont le Christ est la tête, et la tête du Christ est Dieu. Et hors de TÉglise une il n*y a point de salut. Ainsi, au temps du déluge, l'arche de Noé , qui était la figure de l'Église, fut une, elle eut un seul pilote tenant le gouvernail, et hors d'elle tous les êtres vivants périrent... L'Église une est la tunique du Seigneur qui était sans couture, qu*on ne partagea pas, mais qu'on tira, au sort... L'Église une n'a qu'une tête ; elle n'en a pas deux, comme un monstre : cette tête est le Christ, et Pierre, vicaire du Christ, et le Pape, successeur de Pierre. « Quand le Christ dit à Pierre, Fai$ paître mes br^is, il lui dit en général : Mes brebis, et non pas en particulier celles-ci ou celles-là : il le fit donc pasteur de tou- tes,,. Quand les Apôtres dirent au Christ : Voici deux glaives, il ne leur répondit pas c'est trop, mais c'est assez. Les deux glaives sont donc au pouvoir de l'Église: le glaive spirituel et le glaive matériel ; mais celui-ci doit être tiré de son fourreau pour l'Église , et celui-là par l'Église elle-même. Le glaive spirituel est dans la main du prêtre, et le glaive matériel dans la main des rois et des soldats ; mais pour qu'ils le tirent aux ordres du prêtre et en lui obéissant. Il faut donc qu'un glaive soit sous l'autre, et que la puissance temporelle soit sous la spirituelle. Car l'Apôtre l'a dit : /{ n*y a point de puissance qui ne vienne de Dieu , et toutee celles qui sont ont été ordonnées par Dieu. Or, il n'y aurait point d'ordre en fait, si un glaive n'était pas sous l'autre, et s'il ne lui était pas subordonné comme un inférieur à son supé- rieur. Et nous devons proclamer d'autant pli^s clairement la supériorité du glaive spirituel sur le matériel, que l'esprit l'emporte plus évidemment sur le corps... Si donc la puissance temporelle s'écarte de la voie droite, elle doit être Jugée et rame- née par la puissance spirituelle. Si la puissance spirituelle dévie, ou elle est une puissance inférieure , ou elle est la puissance supérieure ; dans le premier cas , elle doit être jugée par sa supérieure; dans le second cas, elle ne peut être jugée par aucun homme, mais par Dieu seul. Ainsi le témoigne l'Apôtre quand il dit : l'homme spirituel juge toutes choses, mais il n*est lui-même jugé par personne.,. Donc , qui- conque résiste à la puissance qui a été ainsi ordonnée par Dieu, résiste à l'ordre de Dieu ; à moins qu'il ne se figure, comme les Manichéens, qu'il y a deux principes; ce que nous déclarons être une erreur et une hérésie; car Moïse a écrit au commence- ment de la Genèse : In principio , cœlum Deus creavit et torram, et non pas : In prineipiis .

« En conséquence de quoi nous déclarons, nous disons, nous définissons et nous prononçons que toute créature humaine est soumise au Pontife romain, et que cela est nécessaire au salut. »

C. Sdr l*agte d'accusation contre lk Papb.

Cet acte d'accusation contenait ving-neuf articles, dans lesquels on dénonçait à la fois les mœurs privées de Boniface, sa foi religieuse, son gouvernement de l'Église et sa conduite envers les rois, surtout envers le Roi de France et toute la nation française.

Dans ses mceurs privées, on accusait le Pape de passions charnelles, d'impudicité, de fornication, d'inceste et de sodomie; aussi de gourmandise, au point, disait-on, qu'il ne jeftne jamais, et qu'il fait gras les jours maigres sans nécessité.

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HISTOIRE DE l'uNIVERSITÊ DE TOULOUSE. 49

Dans sa foi religieuse, on l'accusait de ne pas croire à la présence réelle de Dieu dans rhostie consacrée ; de ne pas admettre l'inviolabilité du secret de la confession ni Tefflcacité du sacrement de pénitence pour les peines de Fautre vie; de nier même la vie future et l'immortalité de l'âme raisonnable, d'être l'ami et le prolecteur d'héréti- ques et d'approuver leurs livres quoique condamnés par l'autorité compétente *, d'être magicien , sorcier, consultant les devins et les devineresses^ et d'avoir fait un pacte avec les démons, dont un était à son service particulier.

Dans son gouvernement de l'Église, on l'accusait d'être simoniaque, concussionnaire, dilapidateur, violateur de toutes les lois qui lui déplaisaient et auxquelles il substituait son bon plaisir , suivant ses intérêts ; contempteur des cardinaux , des évêques , des prêtres, de tous les clercs et de tous les religieux qu'il diffistmait constamment; très-violent envers ceux qui lui résistaient, jusqu'à les faire mourir sous les coups de ses gens. On disait aussi qu'il avait fait mourir en prison le pape Célestin, son prédé- ce^iseor, et plusieurs hommes distingués par leur science et par leurs vertus , parce qu'ils émettaient des doutes sur la validité de son élection.

Enfin, parlant de la eonduite de Boniface envers Us rois, on l'accusait d'être faux et trompeur, de les exciter à la guerre les uns contre les autres, au lieu de les exhorter à la paix, afin de profiter de leurs inimitiés; d'être ambitieux à l'excès et aspirant au despotisme universel; de le vouloir surtout envers le Roi de France et la nation fran- çaise qu'il appelait l'orgueilleuse, et dont il se proposait d'abattre la superbe arrogance jusqu'à l'humiliation, la servitude et l'extermination, s'il le fallait, même au risque de 66 précipiter lui-même, l'Église et le monde dans l'abtme.

(Voir, dans du Boulay, t. IV, pp. 40, 41, le procès-verbal de la séance cet acte d'accusation fut formulé.)

Si ces accusations étaient vraies, quel pape ! Si elles étaient fausses, quels calom- niateurs! Puisqu'on les croyait dignes d'une enquête sérieuse, quel temps!

D. SUB l'acte D*ACCUSATI0N contre L^EVâQUE OE Pàmiers.

(Voir les chefs de cette accusation dans du Boulay, t. IV, p. iS. Hist, de Lang», 1. XXVm, gS ^* 64 et suiv. Hichelet, HisL de France, t. III, pp. 62-67.)

Ces chefs d'accusation, eapita aceusationis eontra Bemardum Saisseti, Àpamiên- sem episeopum^ virum audaeem et turbulenium, talia erant.

1 . H a dit à plusieurs reprises, en divers temps et en divers lieux, devant un grand nombre de personnes, ecclésiastiques et laïques, nobles et roturiers, que saint Louis, aïeul du roi , lui avait annoncé à lui-même , de son vivant, que le royaume de France serait détruit sous Philippe, roi, et que sa couronne devait passer à une autre famille. S. Il a dit plusieurs fois que le roi Philippe ne vaut absolument rien. 3. Qu'il n'est pas de la race de Charlemagne, ni roi légitime de France. 4. Qu'il n'est ni homme, ni bête, mais un être imaginaire (imago), 8. Qu'il ne sait rien que mépriser les hommes. ^ 6. Qu'il n'est pas digne de gouverner la France, puisqu'il ne sait pas la gouverner. 7. Que toute la cour de France, sans excepter personne, est fausse, corrompue et infidèle, et que le roi est comme elle. 8. Que tous les Français sont ennemis de la langue d'oc ; qu'ils n'ont jamais fait de bien aux Toulousains, au contraire, qa'ils leur ont toujours fait du mal, et qu'ils leur enlèvent tout ce qu'ils ont ; et que le roi fait comme eux.

Ce Bernard de Saisset se vantait d'être de la race des vicomtes de Toulouse, en ce que Gaillelmette de Recald, sa grand'mère maternelle, était fille du vicomte de Toulouse, dernier mort. (HisL de Lang,, loc. eit) C'était peut-être une des raisons qui le fai-

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30 MÉMOIRES.

saienl ennemi de Philippe le Bel, qu*il considérait comme le tenant injuste du comté de Toulouse qu*il avait usurpé par le droit de la victoire des hommes du Nord sur ceux de la Langue d'oc.

Cet évéque s^acquittant un jour d'une commission du Pape auprès du Roi, voyant que celui-ci rejetait toutes les demandes qu*il lui faisait, s'était emporté à lui dire que le Pape avait tout droit sur lui el sur son royaume, etquUl était son supérieur au tem- porel comme au spirituel; et il l'avait menacé d'excommunication. Le Roi, pour toute réponse, fit jeter cet insolent en prison. Bex hominem intolentem in careerem eonjieiL (Du Boulay, loc. cit.)

E. Sur l acte d'accusation contre le Pape , par G. de NoGARtT.

Michelet (Hisi. de Fr., t. III, p. 83) dit à ce sujet : « Le i2 mars, l'homme même du Roi, ce hardi Gascon, Nogaret, lut et signa un furieux manifeste contre Boniface. » Et il donne cette traduction de quelques passages, qui en montrent bien le ton et la forme :

a Le glorieux prince des Apôtres, le bienheureux Pierre, parlant en esprit, nous a « dit que, tout comme aux temps anciens, de même dans l'avenir, il viendra de faux a prophètes qui souilleront la voie de vérité, et qui , dans leur avarice, dans leurs « fallacieuses paroles, trafiqueront de nous-mêmes, à l'exemple de ce Balaam qui aima « le salaire de l'iniquité. Balaam eut pour correction et pour avertissement une bêle a qui, prenant la voix humaine, proclama la folie des faux prophètes...

o Ces choses annoncées par le père et le patriarche de l'Église , nous les voyons de « nos yeux à la lettre; En effet , dans la chaire du bienheureux Pierre siège ce maître « de mensonges, qui, quoique mal- faisant,, se fait appeler Bonifaee (bonum facient],

a II n'est pas entré par la porte dans le bercail du Seigneur, ni comme pasteur et « ouvrier, mais plutôt comme voleur et brigand. Le véritable £poux (Célestin Y) « vivant encore, il n'a pas craint de violer l'iilpouse d'un criminel embrassement. Le a véritable époux n'a pas consenti à ce divorce. En effet, comme disent les lois humai- « nés : Rien de plu» eonlraire au consentement que l'erreur,,. Celui-là ne peut épou- « ser, qui, du vivant d'un premier mari , non indigne, a souillé le mariage d'adultère. « Or comme ce qui se commet contre Dieu fait tort et injure à tous, et que, dans un « si grand crime, on admet à témoigner le premier venu, même la femme, même une « personne infâme, moi, donc, ainsi que la bête qui, par la vertu du Seigneur, prit u la voix d'homme parfait pour reprendre la folie du faux prophète prêt à maudire « le peuple béni, j'adresse à vous ma supplique, très-excellent prince, seigneur Phi- a lippe, par la grâce de Dieu, Roi de France, pour qu'à l'exemple de l'Ange qui pré- « senta l'épée nue à ce maudisseur du peuple de Dieu , vous qui êtes oint pour l'exé- V cution de la justice, vous opposiez Tépée à cet autre et plus funeste Balaam, et l'empêcher de consommer le mal qu'il prépare pour le peuple. »

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HISTOIRE DE l'oNIYERSITÉ DE TOULOUSE. 21

RÉFLEXIONS ASSOCIÉES

. Autrefois et aujourd'hui : rapprochements. 11. Dernière croisade contre l* Université : Louis- Philippe et M. Guisot. Montesquieu. III. Croisade actuelle contre les Jésuites : guerre des cléricaux et des radicauoo : comparaison de leurs doctrines. IV. Les deux jacobiniS" mes : cause de guerre. V. Moyen de pacification. Espoir.

I

Nous venons d'assister en imagination à un épisode de la guerre des deux pouvoirs^ spirituel et temporel, qui a grandement agité nos pères au commencement du quatorzième siècle.

Aujourd'hui, après cinq cent quatre-vingts ans, nous assistons en fait à un autre épisode de cette même guerre^ qui agite aussi la fin de notre siècle dix-neuvième.

Et si nous remontons d'âge en âge jusqu'à celui de Boniface VIII et de Philippe le Bel et au delà , c'est encore à d'autres épisodes que nous assistons et à d'autres encore.

Existe-t-il donc une certaine force des choses^ providence ou des- tin, qui fait que cette guerre se rallume si souvent? A-t-elle ses causes dans notre nature humaine elle-même, dans notre constitution politique et sociale, dans nos institutions, dans nos lois, dans notie système d'éducation, d'où viennent les mœurs ? Problème dont la solution devrait bien être cherchée , par les philosophes dans leurs méditations théoriques, et par les hommes d'État dans leurs obser- vations pratiques!

Sans doute l'objectif de ^tte guerre n'est pas aujourd'hui le même qu'autrefois : les belligérants ne portent plus le même costume; ils n'ont plus la même attitude ni le même but; ils ne parlent plus la môme langue. Si nous les considérons comme des acteurs jouant leur rôle sur le grand théâtre du monde, le drame qu'ils représentent n'est pas composé suivant les mêmes règles d'art poétique ; les scènes et les actes ne sont pas enchaînés de la même façon ; et les spectateurs qui siègent au parterre et dans les loges et qui les applaudissent ou les sifflent ne sont pas animés des mêmes sentiments que leui-s aïeux.

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22 MÉMOIRES.

Le temps a fait cinq grands pas, un par siècle; il fait maintenant le sixième, et tout est cliangé.

Ou plutôt, tout paraît changé, idais l'apparence est-elle la réalité? Et sous les différences qui se montrent à la surface, n'y a-t-il pas des ressemblances qui se cachent au fond et qu'on y découvre quand on sait pénétrer jusque-là ?

Voici d'abord quelques rapprochements que je ne qualifie pas.

M. Constans ne ressemble certainement guère à Guillaume de Nogaret. Cependant, comme lui, il est dans la région toulousaine ; il a fait ses études de droit à Toulouse ; il est jurisconsulte ; s'il n'est pas qualifié vénérable professeur ès-lois, il est agrégé aux Facultés de droit ; il est l'exécuteur des hautes œuvres du pouvoir temporal contre le pouvoir spirituel; et s'il ne fait pas empoigner le Pape lui-même par ses gens d'armes, après l'avoir souffleté, il fait expulser de leurs maisons manu milUari, les Jésuites, ses plus chers amis, ceux qu'un autre Pape a nommés les meilleurs rameurs de la barque de saint Pierre : un ie ses agents a même levé la main sur notre archevêque- cardinal.

M. Cazot ne ressemble pas davantage à Pierre Flotte. Mais, comme lui aussi, il est de la région méridionale, jurisconsulte, garde des sceaux ; et il fait traduire en justice les hommes du pouvoir spirituel, comme son prédécesseur voulait qu'on Ht comparaître le Pape devant le concile pour y être jugé et condamné.

M. X..., qui ne signe pas, simple abbé et théologien, ne ressemble aucunement à Pierre de Belle-Perche, jurisconsulte et évéque. Mais il parait avoir été chargé, lui aussi, d'une mission secrète de concilia- tion, et il aurait bien voulu réussir, ne fût-ce que pour devenir évêque.

EnGn, dernier et plus singulier rapprochement : Boniface VIII se plaignait amèrement d'un enfant de Bélial, très-influent dans les con- seils du roi, qui excitait continuellement à la guerre contre lui : sinistre personnage, à moitié aveugle de corps et tout à fait aveugle d'esprit, disait-il. Léon XIII ne se plaint-il pas aussi d'un personnage, très- influent dans les conseils du gouvernement, qui excite constamment à la guerre contre lui, en le signalant comme le chef des cléricaux et en disant : Le cléricalisme, voilà V ennemi I Malheureux homme d'État, dit-il aussi, peut-être, qui n'a qu'un œil du corps et qui n'en a aucun de l'esprit : tant il est aveuglé par le démon de l'impiété positiviste I

Mais ces rapprochements qui peuvent parattre curieux et amuser un instant n'ont point d'importance : il faut regarder ailleurs.

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HISTOIRE DE l'oNIVERSITÉ DE TOULOUSE. 23

II

La bataille d'aujourd'hui se livre sur le terrain de renseignement public. C'est la reprise en sens inverse de celle qui se livrait il y a en- viron quarante ans; lorsque les évèques lançaient mandement sur mandement contre les professeurs de l'Université, demandant qu'on suspendit leurs cours, qu'on brûlât leurs chaires de pestilence, qu'on les déclarât indignes d'instruire la jeunesse qu'ils corrompaient et qu'on apposât les scellés sur les portes de leurs écoles, en attendant qu'on pût les rouvrir à d'autres plus dignes : aux Jésuites ou à leurs pareils et à leurs amis, hors lesquels nul n'aurait le bon esprit voulu.

En ce temps-là, j'ai entendu dire que le roi Louis-Philippe n'atta- chait guère d'importance à cette lutte et qu'il n'en parlait qu'avec un souverain mépris, l'appelant une querelle de cuistres et de sacris- tains. Ce mot, s'il était vrai, ne ferait guère d'honneur à son intelli- gence.

Un de ses ministres, homme d'État, philosophe et historien, pro- fesseur de l'Université, en pensait et en* parlait bien autrement. Il considérait cette prétendue querelle mesquine comme une grande lutte pour le gouvernement des âmes et par suite pour la souveraineté politique et sociale. Il disait :

c Celui qui est le maître de l'enseignement, grand recteur des éco- les publiques, peut façonner à son gré les âmes des générations qui viennent successivement écouter ses leçons. Il peut les instruire, c'est-à-dire construire l'édifice de leurs sentiments et de leurs idées comme il l'entend et le veut. Ces âmes ainsi contruites et façonnées restent soumises à sa direction ; il .continue de les gouverner après comme avant. Et celui qui gouverne les âmes est le vrai msdtre de la société, le roi du peuple, le souverain réel et de fait, devant qui doi- vent s'incliner tous les autres qui ne le sont que de nom. »

Telles étaient les paroles de M. Guizot, non pas textuellement, mais substantiellement. Si Montesquieu les avait entendues, il les aurait certainement taxées d'exagération. Car il constatait que nous recevons généralement trois éducations : celle de la famille, celle de l'école et celle du monde. Si ces trois s'accordent, tout va bien. Si elles sont en désaccord ce qui arrive souvent l'homme est mal à l'aise ; une lutte s'élève en sa conscience, comme déchirée par une guerre civile. La victoire reste nécessairement au plus fort; et le plus fort est ordi-

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24 MÉMOIRES.

nairement le monde. Car c'est le monde, dont Téducation détruit si souvent les deux autres et fait infidèles à Técole et à la famille tous ces écoliers et ces enfants qui, parvenus à l'âge viril, ne se rappellent les leçons de leurs professeurs et de leurs pères que pour se glorifier de ne pas les suivre et d'être devenus des hommes nouveaux.

Exemph, Au dix-huitième siècle et gavant, le clergé était le grand maître de l'enseignement ; toutes les écoles étaient régentées par ses prêtres séculiers et réguliers, par leurs agrégés et subordonnés. Entre tous, les Jésuites occupaient une des premières places ; ils jouissaient des plus hautes faveurs : ils exerçaient la plus grande influence. Ils n'en ont pas moins été combattus, accusés, poursuivis, jugés, con- damnés et exécutés par leurs élèves, qui ont même forcé un pape à les supprimer, quoique c prévoyant qu'il en mourrait » , a-t-on dit. Contrairement à l'adage latin , ces âmes qui , pendant leur jeunesse , avaient été imbues de l'odeur de l'école jésuitique et cléricale, ne pu- rent la garder longtemps contre l'odeur plus forte du monde dont elles furent enveloppées et imprégnées. L'enseignement du jésuite, roi de l'École, fut annulé par celui de son élève devenu le roi-Voltaire.

Combien d'autres exemples on pourrait citer (1)1

Cependant, et toute exagération mise à part, on ne peut nier l'in- fluence de l'École : et il est naturel que ceux qui aspirent à être les maîtres souverains de la société aspirent aussi à être les grands-maî- tres de l'enseignement public. Tel est l'objectif vrai de la bataille d'au- jourd'hui, qui se livre, non pas entre des sacristains et des cuistres , mais entre les deux pouvoirs temporel et spirituel', l'Église et l'État, et à laquelle je reviens après cette digression.

III

La guerre n'a paru d'abord déclarée qu'aux Jésuites, que le Minis- tre de l'instruction publique accusait de corrompre la jeunesse, et qu'il voulait priver du droit de libre enseignement. Mais tous les autres ordres religieux, les évêques pré<;édant leurs prêtres, et le Pape à leur tête, suivis d'une multitude de fidèles , ont pris la défense des

(4 ) J'ai Ta dans le même collège et dans la même classe trois élèves , bons amis et camarades. Le premier est mort évèque et cliaooine de Saint-Denis ; le second est un héros des communards ; le troisième est un journaliste héraut des cléricaux monarchistes. Gombieu de radicaux , même très-ardents , ont été élèves des Jésuites et des prêtres !

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HISTOIRE DE l'oNIVERSITÉ DE TOOLOOSE. 25

Jésuites. Ainsi l'Eglise a déclaré^ autant qu'elle le pouvait^ que leur affaire est la sienne propre. Et la guerre s'est étendue, et elle s'étend encore , et nul ne peut dire elle s'arrêtera (1).

L'Église a pour champions et pour avocats ceux qu'on nomme les cléricaux : ceux qu'on nomme les radicaux sont les avocats et les champions de l'État. Je lésai tous écoutés avec la même attention im- partiale : je les écoute encore.

Le discours des cléricaux a une remarquable progression du com- mencement à la fin , je pourrais dire de l'exorde à la péroraison^ leur pensée intime, d'abord cachée, et successivement se laissant en- trevoir, puis voir, se montre au grand jour dans les derniers mots qui l'expriment.

1<> Us commencent par demander qu'on reconnaisse et qu'on laisse aux Jésuites toute liberté d'enseigner, malgré les lois anciennes ou nouvelles que l'on invoque contre eux ; parce que cette liberté est au nombre des droits de l'homme et du citoyen que l'Assemblée na- tionale constituante de 1789 a déclarés naturels , inviolables, inalié- nables, imprescriptibles ; «— et parce qu'en devenant Jésuite, on ne cesse pas d'être homme et citoyen.

Ils soutiennent cette thèse par des raisonnements qui ne paraissent pas bannir la raison, avec habileté et quelquefois avec éloquence.

Mais, au milieu de tous les développements qu'ils lui donnent, ils ne s'abstiennent pas de laisser voir et même de dire clairement qu'en invoquant les principes dits de 1789, ils n'entendent que recourir à ce qu'on appelle dans l'École Vargummtum ad hominem. Ils ne recon- naissent pas ces principes comme vrais ; ils les opposent seulement à leurs adversaires, à qui ils disent :

Ces principes sont les vôtres ; c'est vous qui les proclamez ; c'est par eux que vous existez; sans eux vous n'avez point de raison d'être; c'est sur eux , comme sur une pierre fondamentale, qu'est bâti l'édi- fice de votre gouvernement parlementaire, démocratique et républi- cain. Vous devez les respecter comme inviolables et les appliquer.- Si nous nous en servons d'armes contre vous, c'est de bonne guerre ; vous ne devez pas , vous ne pouvez pas nous empêcher de le faire. Si la loi qui en découle logiquement, nécessairement, vous embarrasse,

(4) Ainsi Philippe le Bel n'attaqua d*abord que Bernard de Saisset, qu'il accusait de sédition. Mais le Pape prit la défense de TÉTèque , et le différend s'enfenima jusqu'au point qu'on sait.

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26 MÉMOIRES.

VOUS n'en devez pas moins vous y soumettre et la soufifrir ; car c'est vous qui l'avez faite, et nous avons le droit de vous dire : Patere legem luarn fecisti > (1).

2<> Hs continuent en demandant qu'on reconnaisse et qu'on laisse aussi à tout père de famille la liberté de faire instruire ses enfants par les maîtres qu'il préfère; parce que cette liberté est aussi l'un des droits naturels^ inviolables^ inaliénables^ imprescriptibles de l'homme et du citoyen ; et parce que ce droit découle nécessairement du de- voir imposé par Dieu et par la nature à tous les parents^ de diriger l'éducation intellectuelle et morale de leurs enfants, non moins que de les nourrir, de les entretenir et de les élever physiquement.

Mais il n'y a encore de leur part qu'un autre argumentum ad Ao- minem, quoiqu'ils ne le disent pas aussi ouvertement (2).

3** Laissant ces arguments^ qui ne sont bons que pour la cause con- tre les adversaires du jour, ils s'élèvent plus haut et réclament pour l'Ëglise même la liberté absolue d'enseignement. Et par la manière dont ils la réclament, ils montrent bien que leur vraie foi est là.

Us disent donc que c le droit primordial de l'Église est celui d'en- seigner : droit vraiment inviolable, inaliénable, imprescriptible; droit essentiel, inhérent à sa nature même : car, sans lui, elle serait comme si elle n'existait pas. » Ce droit, que l'Église tient de sa nature, disent- ils encore , « elle le tient aussi de son divin fondateur, c'est-à-dire de Dieu même, qui l'en a investie par cette parole de Jésus à ses apôtres : Allez enseigner toutes les nations. Euntes doeete omnes gentes. Us continuent : « Or, ce droit d'enseigner implique celui de le déléguer à qui l'on veut. Et puisque l'Église le délègue aux Jésuites, on ne peut pas les empêcher de l'exercer, sans attenter aux droits de l'Église elle-même et sans commettre un abus excessif de pouvoir.

4* Dans toutes leurs manifestations publiques, les cléricaux, dont je résume le discours, se bornent à cette thèse : « Laissez-nous seu- lement la liberté, puis combattez- nous, si tel est votre bon plaisir, pourvu que ce soit à armes égales et loyales. >

Hais quand, suivant une expression bien usitée , on sait lire entre

{^) J*ai eoteoda, uo jour de Tannée dernière, à un cours de l'Institut catholique de Toulouse, un Jésuite développer cette thèse avec beaucoup de clarté et de précision.

(t) Après la réyocation de TËdit de Nantes, on ne reconnaissait pas aux pères de fa- mille protestants le droit de faire enseigner à leurs enfants, par des maîtres de leur choix, la religion réformée : ils étaient obligés de les envoyer au catéchisme de l'église catholi- que. Les cléricaux ne trouvent pas qu'il y eût une violation du droit des pères de fa> mille.

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HISTOIRE DP, l'université DE TOULOUSE. 27

les lignes , quand on saisit au passage certaines paroles et certaines phrases, échappées par mégarde ou lancées avec intention, quand on écoute et recueille ce qu'ils disent dans les conférences plus intimes, dans les conversations particulières Ton dissimule moins le fond de sa pensée, et dans les discussions avec des ennemis qui n'ont pas cessé d'être des amis , on entend une autre thèse bien plus avancée. On la résume convenablement dans ces propositions qui naissent les unes des autres :

« Il n'y a point de droit d'enseigner l'erreur; il n'y a que celui d'enseigner la vérité. Autrement il faudrait reconnaître aussi un droit de faire le mal ; il n'y a que celui de faire le bien. Le droit réel d'en- seigner n'appartient qu'à celui qui' connaît certainement la vérité, et qui n'est pas exposé à la confondre avec l'erreur. L'Église seule est dans ce cas. Elle a donc seule le droit d'enseigner , parce que seule elle est infaillible. Or, l'infaillibilité de l'Église se concentre dans son chef, le Souverain Pontife, vicaire de Jésus-Christ, le Pape. Le Pape a donc seul le droit d'enseigner ; il est le docteur unique , universel, ayant mission divine d'enseigner tout, à tous et partout, parce que seul il connaît la vérité , toute la vérité, rien que la vérité.

tf Le droit qu'il a d'enseigner par lui-même, le Pape peut le déléguer à d'autres et nul ne peut l'avoir que par sa délégation, ni l'exercer à d'autre titre qu'à celui de son délégué. C'est pourquoi il a le droit et, seul, il a le droit de fonder des Universités, c'est-à-dire des corpora- tions enseignantes, qui tiennent de lui, et de lui seul, tous leurs pou- voirs, et qui ne les exercent que sous lui et pour lui. Tout Pape a raison de dire : Per me doctores docent, sub me, pro me doceani.

< Quiconque enseigne sans être l'un de ces docteurs, quiconque fonde une ou plusieurs Universités en dehors des Universités catholi- ques ou papales, quiconque, enfin, prétend avoir la liberté d'ensei- gnement sans la tenir du Pape, ni être obligé de l'exercer sous le Pape et pour le Pape, commet une usurpation de pouvoir et proclame une erreur : il est hérétique. »

Telle est leur thèse (1).

Or, admettons que celui qui a la souveraine direction de l'ensei- gnement a aussi, par cela même, le souverain gouvernement des âmes ; admettons aussi que le gouverneur des âmes est le véritable souverain, le Roi des Rois, le maître des peuples, celui qui fait tout

(4) J'en ai soayeot entendu la démonstration pins on moins rigoureose et précisé faite par des catholiques dont la ferTOor enhardissait la sincérité.

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28 MÉMOIRES.

trembler cTun froncement de son sourcil {{), il faut conclure que les cléricaux, lorsqu'ils réclament explicitement et directement pour 1c Pape la direction de l'enseignement, réclament implicitement et indi- rectement pour lui l'universelle souveraineté qui^ des plus sublimes^ hauteurs du pouvoir spirituel, s'étend aux dernières limites du pou- voir temporel. Leur intime pensée est que celui qui dit : Per me doc- tores docentj sub me^ pro me doceantj doit dire aussi : Per me Begcs regnantj sub me, pro me régnent.

Boniface VIII le disait au quatorzième siècle ; il avertissait pater- nellement Philippe le Bel que ceux qui prétendent le contraire sont des insensés et que ceux qui s'obstinent à les croire sont des infidèles.

Léon XIII, au dix-neuvième siècle, ne tient pas ostensiblement ni explicitement le même langage. Mais qui affirmera que cette pensée n'est pas la sienne, celle de son entourage de cardinaux, de prélats, de généraux des divers ordres religieux, celle de ses plus fidèles amis et dévoués serviteurs au-delà des monts et en deçà ?

Si nous le demandons aux cléricaux, la plupart d'entre eux refu- sent de répondre ou éludent la question. Les plus exaltés et les plus francs avouent que telle est bien leur intime pensée, celle du Pape et de l'Eglise ; mais ils ajoutent que la malice du siècle les empêche de le proclamer tout haut : le moment n'est pas favorable pour prêcher sur les toits tout ce qui se dît à l'oreille ; ce serait inopportun : il faut savoir faire des sacrifices à l'opinion publique et avoir des condescen- dances pour les hommes au cœur dur, propter duritiam cordis eorum. Puisque Dieu est patient parce qu'il est étemel, patiens quta œtemus^ l'Eglise qui vient de lui peut l'imiter. Elle attend.

Voilà bien ce qu'on dit et ce qu'on pense dans le camp des cléri- caux. — Passons à l'autre.

Le discours des radicaux a aussi une remarquable progression du commencement à la fin, il faut arriver pour connaître leur vérita- ble pensée.

lo Aux arguments ad hominem tirés des principes de 1789, ils ré- pondent : c Nous n'abandonnons pas ces principes, mais nous soute- nons qu'ils ne sont pas absolus, c'est-à-dire que les libertés fondées sur eux ne sont pas illimitées En particulier, la liberté d'enseigne

(0 C'était on mot de Boniface YIII, dans la bulle Ausculta, /Ui (voir ci-des8us}; il fait soareoir de la strophe da po6te : Regvm Hmenâorum in proprios greget, Reges in iptos imperitm est Jovis, Cunda superdUo moventis.

Le Pa|)e» TÎcaire de Jésus et de Dieu, remplace le Jupiter d'Horace.

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HISTOIRE DB l'dNIVERSITÊ DE TOULOnSB* 29

ment reyendiquée par les Jésuites et pour eux n'est pas d'une autre nature que celle de la presse pour laquelle tout le monde reconnaît qu'il y a des limites légitimes au-delà desquelles commencent les délits que la loi doit défendre et réprimer. Les Jésuites sont en dehors de ces limites, par leur Constitution qui les dépouille de leur nationalité en les faisant sujets d'un général étranger; par leur enseignement qui est hostile à la République, à tout gouvernement libéral et à la civili- sation moderne. C'est pourquoi l'on a raison de leur défendre d'en- seigner et même d'exister. En agissant ainsi on n'abandonne pas les principes de 4789; on ne fait que les interpréter dans leur vrai sens et les appliquer justement. C'est bien ainsi, d'ailleurs, ajoutent-ils, que Tout entendu tous les gouvernements, depuis 4789 jusqu'à celui de Napoléon III, qui n'est guère à citer comme le meilleur modèle à suivre. »

Outre les discours en ce sens, prononcés bien haut devant le grand public, il en est d'autres qu'on dit plus bas devant un public plus restreint. « Nous ne devons pas être, nous ne sommes pas idolâ- tres de ces principes de 1789. Nous avons pour eux une religion vraie; mais la vraie religion est raisonnable et affranchie de superstition. Nous ne voulons pas imiter ceux de nos pères qui, les uns par fana- tisme, les autres par naïveté trop grande, criaient : Périssent les colo^ nies plutôt qu'un principe I Nous ne disons donc pas : Périsse la République plutôt que les principes! Au contraire. Les principes sont faits pour la République, et non la République pour les principes. Si, par une tactique quelconque, nos adversaires tournent ces principes contre la République, nous pouvons recourir à une autre tactique oblique ou par mouvement tournant. Dans les cas difficiles et quand les circonstances l'exigent, nous pouvons, nous devons même enve- lopper la statue de la liberté, pour empêcher qu'elle ne voie et qu'elle ne soit vue : la voiler, ce n'est pas la violer. La suprême loi est tou- jours le salut du peuple. La République a toujours le droit de se constituer en comité de salut public : et le salut public aujourd'hui en France, c'est le salut de la République elle-même.

3^ Une addition à ces discours est ironique. « Il y avait à Rome une famille des Gracques qui poussait continuellement aux séditions, et quand on les réprimait, ils se plaignaient de ce qu'on les faisait vic^ limes de sédition. Ce qui paraissait justement intolérable, et donnait lieu au poète de s'écrier : Quis toleret Oracchos de seditione queren- tes. Ainsi nous avons en France une famille des Ignaces qui poussent continuellement à la destruction de toutes les libertés ; et quand on

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30 MÉMOIRES.

les réprime, ils se plaignent d'être victimes d'une atteinte à leur liberté, et ils gémissent sur elle. Ce qui donnerait lieu au même poète, s'il revenait au monde, de s'écrier : Quis tokret taies pro liber- talé querentes. Regardons ce que font les Jésuites, fils d'Ignace, quand ils ont le pouvoir: écoutons ce qu'ils disent, quand ils parlent libre- ment|; assistons à leurs leçons, quand ils enseignent, et nous pour- rons retourner contre eux le mot qu'ils nous adressent : Vos patimini quœ fecistis, quœ iixisiis, quœ docuistis. »

4o Après cette ironie, le discours, arrivant à sa fin, prend une allure plus sérieuse, sous forme de thèse dogmatique, se trouve la vraie pensée radicale, en ces termes :

« Toute société repose nécessairement sur un contrat exprès ou tacite. La société, qui est un peuple, repose sur un contrat social. Par lui, chaque sociétaire se démet de ses droits naturels pour en soumettre l'exercice à la loi votée au moins par la majorité, sinon à l'unanimité des cosociétaires. Leur ensemble est l'État. L'État est souverain et maître de se gouverner lui-même. Ce souverain, ne pouvant exercer la souveraineté ni les fonctions de gouvernement par lui-même ou directement, les exerce indirectement par ses délé- gués ou représentants. Ces représentants varient suivant la forme organique du régime politique, monarchique, aristocratique, démo- cratique ou autre. La France actuelle est organisée et constituée en une République démocratique, les représentants du souverain sont les deux assemblées des députés et des sénateurs, nommés par le suffrage universel à un ou à plusieurs degrés ; le président, nommé par les sénateurs et les députés; et les ministres, nommés par le pré- sident. — Ensemble ils sont, par délégation, l'État chargé de toutes les fonctions du gouvernement et investi de tous les pouvoirs sociaux et politiques. »

Sans entrer dans le détail de ces pouvoirs et en se bornant à la question de la liberté d'enseignement, ils disent :

c En matière d'enseignement, l'État a la toute- puissance. Il peut fonder, entretenir et organiser, comme il l'entend, autant d'écoles qu'il veut, dont tous les fonctionnaires soient à sa disposition et qu'il régente par ses délégués spéciaux. L'idée d'une Université de France, c'est-à-dire d'un grand corps de professeurs enseignant toutes choses, à toute la jeunesse française, dans toute l'étendue du pays est excel- lente. C'est VEuntes docete omnes génies de l'État. En dehors de cette Université fortement constituée, aucune autre école, de quelque degré qu'elle soit, primaire, secondaire ou supérieure, ne peut être établie

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HISTOIRE DE l'UNIVERSITÉ DE TOULOUSE. 31

sans rautorisaiion ou la permission de VÉtat^ et sous son bon plaisir. Cette autorisation ou permission accordée par lui est toujours révoca- ble par lui. Aussi longtemps quHl la prolonge, il doit incessamment surveiller les écoles dites libres, s'enquérir de tout ce qui s'y fait^ de tout ce qui s'y dit, de tout ce qui s'y enseigne, et s'assurer qu'on n'y instruit pas mal les jeunes écoliers en leur inspirant des sentiments et des idées contraires à la saine morale, à la droite raison, aux lois et aux institutions de la nation, et aux principes qui sont la base de l'ordre public. Car les âmes ainsi instruites ou construites et imbues de telles odeurs dans leur jeunesse deviendraient plus tard rebelle» au gouver- nement et ingouvernables par lui. Et quand on ne gouverne pas les âmes par l'influence des idées et des sentiments^ c'est en vain qu'on essaye de faire marcher les corps par la force. Qui ne s'appuie que sur elle ne tarde pas à en reconnaître la faiblesse. »

Conclusion. L'enseignement est une fonction de l'État à qui appar- tient le gouvernement général de la République {res publica) et en particulier celui des âmes. Nul ne peut enseigner que par délégation de l'État ou avec son autorisation ou permission. Ce qu'on appelle la liberté d'enseignement n'est que la faculté d'enseigner à ces conditions.

Je ne veux point juger ici la valeur de ce discours des radicaux, pas plus que celle du discours de leurs adversaires, les cléricaux. Je me borne à les rapporter et à les comparer.

Rapprochant donc cette conclusion pour l'État de la précédente pour l'ÉgUse, je remarque, et il est impossible de ne pas reconnaître immédiatement que, tout opposées qu'elles sont, elles expriment une même pcHsée fondamentale, et que ceux qui les soutiennent ont le même esprit autoritaire de domination et de despotisme.

Les uns et les autres affirment que le pouvoir d'enseigner est essen- tiellement indivisible et un, qu'il n'appartient qu'à un seul, et qu'il ne peut être justement réclamé, ni utilement exercé par plusieurs . Doctrinaires de l'Église et doctrinaires de l'État sont d'accord. Mais chacun d'eux veut ce pouvoir et ce droit pour soi-même et pour soi seul, à l'exclusion absolue de tout autre et sans partage avec aucun. Ils ne s'accordent plus.

Les uns et les autres trouvent bon que l'enseignement soit univer- sitaire, c'est-à-dire donné par des groupes enseignants, aussi nom* hreux qu'on le jugera convenable et utile, divisés en Universités par- ticulières ou Académies, formant ensemble une seule Université réelle, régie par un seul grand-maître, qui soit le maître souverain

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32 MÉMOIRES.

de renseignement de tous^ sur tout. Ils s'accordent encore. Mais cha- cun d'eux veut que cette Université soit la sienne, la sienne seule, à l'exclusion absolue de toute autre, et que son grand-maître soit le seul maître souverain ou le dictateur de l'enseignement. Ils sont de nouveau en désaccord.

Enfin, les uns et les autres affirment que l'enseignement doit agir énergiquement sur les jeunes âmes, pour les imbiber de bonnes odeurs qu'elles conservent longtemps et toujours, c'est-à-dire pour les imprégner de sentiments et d'idées qui les rendent, pendant toute leur vie, obéissantes et soumises à la puissance régnante. Les uns et les autres veulent que l'enseignement soit un moyen de gouvernement instrutnentum rtgnù Ils sont d'accord. Mais chacun d'eux veut qu'il soit un moyen pour son propre gouvernement et pour lui seul. Le. désaccord éclate de nouveau.

C'est donc bien le même esprit autoritaire, de domination et de despotisme, qui les anime tous, mais qui, sous des influences diver- ses, les jette et les pousse dans des voies opposées* On ne peut le contester.

IV

A la fin du siècle dernier, dans les années qui suivirent 1789, cer- tains hommes politiques, très-influents, furent appelés JacobinSy du nom de la maison ils se réunissaient pour tenir leurs conférences. Ils étaient très- ardents à prêcher la théorie du despotisme et plus ardents encore à la mettre en pratique terrible. De vient que le mot jacobin est devenu synonyme de despote ou de partisan et de fauteur de despotisme.

Ce sont donc des jacobins qui prennent les armes et poussent à la guerre dans les deux camps. Dans le camp de l'Église, les cléricaux sont des jacobins en bonnet carré, soutane, robes de moines, de péni- tents ou de sacristains; jacobins noirs. Dans le camp de l'État, les radieatix sont des jacobins, coiffés du bonnet phrygien, en carma- gnole et sans culottes; jacobins rouges. Us ne diffèrent les uns des autres que par la couleur dont l'épiihète est le signe ; mais ils ont la même substance qui est signifiée par le même nom substantif (1).

(4 ) Notez bien que beaucoup de membres du clergé ne sont pas cUricaux : ils ont Tesprit de ceux qu'on appelait autrefois gallicans. De même beaucoup de membres de la défnocraUe ne sont pas radicaux : ils ont l'esprit de ceux qu'on doit toujours appeler HbériMx.

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HISTOIRE DK l'uNIVERSITÊ DE TOULOUSE. 33

Ils sont comme deux Gis nés de la même mère^ mais d'un père différent : frères ennemis, dont l'inimitié est une cause perpétuelle de guerre.

Une grave question est celle-ci : Peut-on les amener à cesser de se faire la guerre et à vivre en paix?

Des pessimistes répondent que cela est impossible. Des optimistes soutiennent que c'est très- facile. D'autres, qui évitent les exagéra- tions, affirment que cela est possible^ mais ils nient que ce soit facile.

J'avoue que je suis avec eux.

Très-certainement les successeui's de Boniface VIII , de ses fidèles et de ses serviteurs sont encore vivants et très-vivants, toujours prêts à lancer leurs foudres, à tirer leurs canons et à déclarer la guerre sainte, au cri de : Dieu k veut! Les successeurs de Philippe le Bel, de ses ministres et de ses soldats vivent aussi. Il y a encore des Pierre Flotte qui disent hautement que le glaive temporel est plus fort que le glaive spirituel, et qui ajoutent que la raison du plus fort est toujours la meilleure. Il y a encore des Guillaume de Nogaret dont la main armée du gant militaire est constamment levée pour souffleter de saintes joues ou s'appesantir sur des épaules sacrées. Et il y a aussi des gens d'armes qui n'attendent qu'un signe pour empoigner les ré- calcitrants, leur mettre les menottes et les jeter en prison. On ne peut pas dire qu'il soit facile de faire accepter par les uns et par les autres le rameau d'olivier, emblème de paix. Mais il ne faut pas dire que cela est impossible.

Il n'est pas facile de poser entre les cléricaux et les radicaux un troisième parti, qui s'élève au-dessus d'eux, les réprime, les domine, et qui, cessant d'être considéré comme un représentant de minorité, exprime et fasse triompher la juste volonté de la vraie majorité natio- nale. Non, l'on ne peut pas dire que cela est facile. Mais il ne faut pas dire non plus que c'est impossible.

Les cléricaux et les radicaux font penser à ces deux serpents de la fable antique qui barraient le chemin ils se combattaient, cher- chant à se dévorer, et qui empêchaient les voyageurs de continuer leur route vers le but qu'ils se proposaient d'atteindre. Il n'était pas facile de jeter entre ces deux furieux la baguette autour de laquelle ils devaient être forcés de s'enrouler pacifiquement. Mais ce n'était

SBBOI. TOMX ni, 1* 3

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34 MEMOIRES.

pas impossible. Il ne faut pas dire que ce qui est arrivé alors^ suivant la fable, ne peut pas arriver aujourd'hui, en réalité.

Pourquoi ce que le dieu Mercure a fait ne pourrait-il pas être fait par Minerve, la déesse de la sagesse ? La sagesse est l'alliance de la justice et de la raison ; cette alliance est aussi la liberté.

Pourquoi la hampe du drapeau de la liberté ne pourrait-elle pas être le caducée autour duquel s'enroulent les deux serpents contraints à cesser leur guerre?

Pourquoi des libéraux^ des libéraux vrais, ne formeraient-ils pas, à la Chambre des députés et au Sénat, une forte majorité, dont les chefs occuperaient les ministères sous un loyal président de la Répu- blique et composeraient un gouvernement vraiment républicain, pro- curant à la France toute la prospérité et toute la gloire qu'elle peut espérer dans les conditions de la nature humaine, de notre caractère national et de la situation que la force des choses nous a faite et nous fait encore ?

Pourquoi ce gouvernement, devenu vraiment national par ses lois justes, par son administration sage , par son Université habilement organisée pour l'enseignement des choses vraies et utiles , n'obtien- drait-il pas la soumission docile et progressivement sympathique qu'on refuse à la force et qu'on donne à la persuasion ?

Pourquoi n'obtiendrait-il pas que tous les partis car nous aurons toujours des partis apprennent à se tolérer mutuellement, à se respecter, et à bien comprendre que, si chacun peut exercer tous ses droits d'homme et de citoyen jusqu'aux limites il rencontre les droits d'un autre, il ne peut aller au delà? Car c'est en ces limites que la justice et la paix s'embrassent : JtutUia et pax ofmaverunt sibi et oBcutatœ 8unt.

Pourquoi n'obtiendrait-il pas spécialement que , par un concordat écrit dans le cœur encore mieux que sur le parchemin ou le papier , les deux Pouvoirs spirituel et temporel s'entendent sur le sens de la parole évangélique : Rendez à César ce qui est de César, et à Dieu ce qui est de Dieu, et s'engagent à l'appliquer de la même manière ? Ou, ce qui revient au même , pourquoi n'obtiendrait-il pas que l'un , le chef de l'Église, dans son palais du Vatican, entouré de ses cardinaux, évéques et prêtres de tout ordre, parlant à son peuple de fidèles, urbi et orbi, et que l'autre, le chef de l'État, dans son palais de l'Elysée ou ailleurs , entouré de ses ministres , préfets et fonctionnaires de tout ordre, parlant à son peuple de citoyens, expliquent aussi dans le même sens et s'engageant à appliquer de la même manière l'autre parole

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HISTOIRE DE l'uNIVERSITÉ DE TODLOUSE, 35

plus moderne, mais non moins vraie : f Église libre dans l'État libre? Pourquoi enfin^ ce qui est encore la même chose, sous Theu- reuse action de ce gouvernement, qui respecterait toutes les libertés, sans préjudice pour Tordre, et qui maintiendrait Tordre sans préjudice pour aucune liberté , les Boniface VIII et les Philippe IV de Tavenir, eux-mêmes et tous avec eux, n'abdiqueraient-ils pas leurs préten- tions également contraires à la justice et à la raison et, renonçant à toute guerre, ne vivraient-ils pas en paix ?

Pour moi , aussi loin que mes souvenirs me reportent en arrière , vers Vêi%e des premières réflexions un peu sérieuses, j'ai cru que tous les efforts des hommes de bonne volonté doivent tendre à Tétablisse- "* ment de cette paix (1) ; je le crois encore, et je sens que je le croirai jusqu'au jour de ma mort. Si cette croyance est un péché, je mourrai certainement dansTimpénitence finale, sans remords et sans éprouver le besoin d'en demander pardon ni à Dieu ni aux hommes.

J'ai aussi toujours espéré que cet état de paix, qui doit faire partie du règne de Dieu, autant que Celui qui est aux cieux peut et doit régner sur la terre, arrivera un jour, exauçant la prière que le chré- tien récite matin et soir. Je l'espère encore.

Je me laisse même aller à Tespérance que les événements auxquels nous assistons pourront en hâter Tarnvée. La Providence a de si mer- veilleux secrets pour tirer le bien du mal même ; sa logique, la logique des choses, est si souvent contraire à la nôtre, la logique des hommes; et Thistoire nous montre le drame de Thumanité si plein d'étranges péripéties I

J'ai bien entendu et je crois entendre encore le tumulte des gens courant aux armes ; les clameurs de ceux qui se battent et de ceux qui, avant de se battre, déchargent les uns sur les autres des injures et des menaces, comme des héros d'Homère; le fracas des portes enfoncées et le bruit des assauts livrés à des murailles dont on peut dire avec le poète que ni ceux qui sont dedans, ni ceux qui sont dehors ne s'abstiennent de commettre bien des fautes : Iliacos intra tnuros peccatur et extra. J'entends le grincement des deux glaives (spirituel et temporel) qui se croisent, et celui des papiers timbrés, noircis de sommations et de protestations, qui se croisent aussi avec des béné-

(4) Exemple : En 4 831 , donc, U y a cinquante ans que cela m'arriva, j'adressai à la Ghambra des pain et à celle des députés une pétition imprimée, dans laquelle je réclamais d'urgence la loi promise sur la liberté d'enseignement à tous les degrés.

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36 MÉMOIRES.

dictions et des malédictions^ des anathëmes et des hosanna^ des applaudissements et des sifflets. J'entends les paroles graves de grands et augustes personnages qui interviennent avec une majesté imposante^ et le cri perçant de petites et méprisables personnalités qui se glissent avec leurs prétentions ridicules ; et le vacarme dans les rue?, et le tapage d'hommes, de femmes et d'écoliers ameutés^ et le reste.

Mais, au milieu de tous ces bruits, je crois entendre aussi une voix solennelle qui s'en dégage, s'élève progressivement , grossit en s'éle- vaut, les domine, leur impose silence, et montrant à tous le mal déjà fait, le mal qui se fait et le mal qui menace, leur dit : « Voyez donc, regardez, comprenez et instruisez- vous ; Et nunc intelUgite, erudi- mini. Que ce spectacle vous soit un salutaire avertissement , et ap- prenez par lui que vous ne devez ni violer la justice , ni mépriser la sainteté, comme l'a dit un grand poète : Discite justitiam moniti et non spernere divos, » Oui, je me laisse aller à l'espérance que cette voix ne tardera pas à être écoutée et obéie.

Si cette espérance était trompée aujourd'hui, je ne l'abdiquerais pas, je l'ajournerais à demain : Crcu meliora.

Et si j'entendais quelques-uns de mes amis, les vrais amis de la liberté vraie, se plaindre bien haut, se lamenter et désespérer, ]e leur rappellerais que cette liberté, qui leur est chère avant tout, ante omnia dukis, a traversé bien d'autres jours mauvais, plus mauvais, qu'elle a rencontré bien d'autres difficultés plus grandes et souffert bien d'au- tres épreuves plus rudes dont elle est heureusement sortie par la pa- tience, par le courage et avec l'aide du ciel, qui ne manque jamais à qui s'aide soi-même. Aidons-nous donc, gardons notre foi qui nous assure la victoire sur tous nos ennemis. Hoc est Victoria quœ vincit mundum, fides nostrœ; et espérons la réalisation de la promesse con- tenue dans ce vers dont l'harmonie est si douce à l'oreille et le senti- ment encore plus doux au cœur:

0 passi ^aviora, dabit Deos his quoqne finem.

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àNATOMIE COMPAREE.

ANATOMIE COMPARÉE

HOMOTYPIES MUSCULAIRES DES MEMBRES THORACIQUES ET PELVIENS

Par m. LAVOOATO)

PRINCIPES GÉNÉRAUX

L'organisation animale est soumise à des lois qui règlent aussi bien les analogies que les dissemblances.

L'Unité domine et, sans l'altérer, la variété la modiGe par- tout en changeant les formes , les dimensions , la texture et même les fonctions.

Hais, quelque grandes que soient ces modifications, elles ont toujours leur raison d'être. En effet , il y a constamment harmonie entre les moyens et le but. Sous des formes diverses, la Nature emploie les mêmes matériaux. Il n'y a ni variété absolue, c'est-à-dire arbitraire, ni unité absolue, c'est-à-dire uniformité.

D'après ces principes, on parvient à reconnaître que les diverses parties d'un même animal sont construites sur un mo- dèle fondamental. Les modifications sont nombreuses, mais la reproduction du type est constante; et on n'aperçoit tout d'abord que complication et diversité, il n'y a, en réalité,

(i) La dans la séance do 6 janvier 188i.

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38 MÉMOIRES.

qu'un même élément, simplement modifié selon les régions et les exigences fonctionnelles.

Cette loi de répétition ne s'applique pas seulement aux deux moitiés latérales du corps : la symétrie est observée avec pres- que autant d'exactitude entre les éléments supérieurs à l'axe vertébral et ceux qui sont inférieurs; elle se reproduit môme dans la longueur du corps, de telle sorte que les parties de la moitié antérieure sont répétées successivement dans la moitié postérieure.

En conséquence, les divers organes d'un même animal ont entre eux des relations analogiques dans l'un ou l'autre des trois sens indiqués, et ce genre de correspondance constitue les Homotypies.

C'est ainsi que les divers rayons des membres thoraciques et pelviens se répètent exactement.

L'analogie est évidente entre les os de l'épaule et de la région iliaque, entre les os du bras et de la cuisse, de l'avant- bras et de la jambe, et enfin entre ceux de la main et du pied.

Les nombreuses erreurs qui se sont produites à ce sujet ont toujours été déterminées par des procédés de comparaison défectueux et contraires aux vrais principes de l'organisation.

Une des principales causes d'erreur est la trop grande préoc- cupation pour quelques particularités qu'on observe chez l'Homme, et surtout pour l'état de supination de l'avant-bras et de la main.

Par suite de cette disposition qui change tous les rapports, on a eu recours à des moyens artificiels de démonstration , comme l'inversion totale ou partielle des parties à comparer.

Si au contraire on examine la main de l'Homme en pronation naturelle, comme chez les Quadrupèdes, les analogies devien- nent faciles à saisir, sans retourner aucune pièce et sans avoir à comparer le membre thoracique d'un côté avec le membre pelvien du côté opposé.

Ce dernier moyen, proposé par Vicq-d'Azyr, n'est admissible que pour les deux premières sections des membres, c'est-à-dire pour l'épaule et la région iliaque, pour le bras et la cuisse;

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ANATOMIE COMPARÉE. 39

mais il n'est pas applicable aux deux dernières sections, qui se répètent directement.

Le parallèle doit être établi entre les membres du même côté; et, pour cette étude, il y a lieu d'examiner attentive- ment les Quadrupèdes, dont les membres thoraciques et pel- viens, destinés à soutenir le corps, présentent, par cela môme, une construction plus analogue que chez l'Homme.

On sait que les rayons successirs d'un môme membre se flé- chissent en sens opposé; la main et le pied ne font pas excep- tion à cette règle, mais leurs colonnes phalangiennes se fléchis- sent en arrière, aux membres pelviens, comme aux membres thoraciques.

Il est à remarquer que, chez les Quadrupèdes, les divers rayons des membres, au lieu d'être verticaux, comme chez l'Homme, sont presque tous inclinés d'environ 45 degrés, successivement en direction inverse et dans le sens de la flexion; les phalanges sont les seules pièces obliques dans le sens de l'extension.

Par l'examen comparatif des membres thoraciques et pelviens, on voit que l'obliquité des rayons homotypes est inverse et, conséquemment , que les angles correspondants sont disposés en sens contraire. En outre, tandis que Tavant-bras est vertical, la jambe, qui le répète, est oblique en bas et en arrière^ condition favorable à la souplesse et, en même temps, à l'im- pulsion locomotrice. Puis, le métacarpe et le métatarse suivent la ligne verticale, pour plus de solidité dans leur rôle de co- lonnes de soutien. Enfin, les phalanges sont obliques en bas et en avant, dans les deux membres, ce qui est une nouvelle condition de flexibilité.

Du reste, les dispositions qui viennent d'être indiquées ont presque toutes pour but de constituer des ressorts qui tour à tour cèdent, pour amortir les pressions, et se détendent pour effectuer la locomotion.

La verticalité de l'avant-bras s'explique parce que les mem- bres thoraciques sont, plus que les autres, chargés de soutenir le poids du corps; et l'obliquité de la jambe concorde avec lo rôle des membres pelviens, plus spécialement destinés à pro- duire l'impulsion locomotrice.

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MÉMOIRES.

Enfin, l'inclinaison et la flexion en sens contraire des rayons homotypes, Topposiiion des angles correspondants, tout est coordonné pour la combinaison harmonique des mouvements que doivent exécuter les mem- bres thoraciques et pelviens.

Au point Je vue de la configuration, il y a une grande analogie entre les rayons corres- pondants des membres, et la répétition de forme est directe, pour les deux régions infé- rieures, tandis qu'elle est inverse pour les deux sections supérieures; mais cette inversion est simplement symétrique, comme celle des figures âCB et ÂDB, qui sont exactement sem- blables, malgré leur construction opposée. Il est à remarquer que, dans ce genre d'inversion, les par- ties ne sont pas retournées, puisque celles qui sont externes se répètent en dehors et non en dedans; les plans antérieurs seuls deviennent postérieurs et réciproquement.

Il en est à peu près de même pour les pièces homologues qui se répètent par symétrie latérale, par exemple, pour les deux omoplates ou pour deux côtes correspondantes, l'une droite et l'autre gauche : ces parties ont évidemment, sous tous les rapports, une même conformation, mais chacune d'elles est modifiée dételle sorte que l'une ne peut être substituée à l'autre. Ces mêmes observations s'appliquent à la disposition des muscles fixés aux divers rayons des membres. Ainsi, les mus- cles de l'épaule et du bras sont inversement reproduits par ceux de la région iliaque et de la cuisse ; mais le rapport di- rect est rétabli à l'avant-bras et à la jambe, à la main et au pied, bien que ces rayons soient mobiles en sens opposé.

Avant d'appliquer ces principes à l'examen des régions mus- culaires des membres , nous devons remarquer que , dans ces dernières années , en Angleterre, en Allemagne et en France, quelques zoologistes ont publié divers travaux qui se rappor- tent, les uns directement, les autres indirectement, aux homo- typies organiques des membres. Nous avons examiné avec la plus grande attention ces travaux importants, qui s'appliquent

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ANATOillK COMPARÉE. 41

surtout à l'étude des Reptiles et des Oiseaux. Mais nous regret- tons de ne pouvoir partager les idées nouvelles qui sont émi- ses, et nous sommes en désaccord sur les résultats obtenus, comme sur les moyens de comparaison.

Il ne nous est pas possible d'analyser ces publications qui, pour être discutées, exigeraient un long mémoire. Nous devons nous borner à quelques observations principalement relatives aux travaux les plus récents.

On remarque tout d'abord que le principe de symétrie an- téro-postérieure est repoussé , bien que les membres pelviens soient considérés comme répétant les membres thoraciques ; mais la répétition en sens inverse n'est pas admise : l'Ischium ne répond plus au Coracoïde, ni le Pubis à la Clavicule.

Ensuite, pour la comparaison des membres entre eux, l'hy- pothèse de la torsion humérale est remplacée par une concep- tion plus spécieuse : on suppose que, primitivement horizon- taux, les membres se sont rapprochés du corps, en décrivant une demi-rotation d'avant en arrière, pour le membre thoraci- que, et d'arrière en avant, pour le membre pelvien. II en ré- sulte nécessairement que le plan primitivement externe de ces deux membres étant devenu postérieur sur le membre thora- cique, et antérieur sur le membre pelvien, il y aurait lieu de comparer ces deux plans l'un à l'autre. Tout au coniraire, on établit qu'il faut comparer entre elles les parties antérieures de l'épaule et de la région iliaque, du bras et de la cuisse. C'est ainsi, par exemple, qu'au lieu de reconnaître l'analogie du Triceps brachial et du Triceps crural, on prétend que le Biceps brachial a pour homotype le Droit antérieur de la Cuisse, c'est-à-dire la Longue portion du Triceps crural.

Sous d'autres points de vue, parmi les innovations contesta- bles, on rencontre quelques détails ostéologiques qui, emprun- tés soit à l'embryogénie, soit à l'anatomie des Vertébrés infé- rieurs, ne paraissent pas avoir la signification qui leur est attribuée. Cette introduction d'éléments nouveaux complique et modifie les dénominations, ce qui est loin de faciliter les comparaisons musculaires.

Enfin, les procédés employés peuvent être appréciés d'après

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42 MÉMOIRES.

les résultats qu'ils ont produits. C'est ainsi, par exemple» que : le muscle Sous-scapulaire (partie postérieure) est assimilé au muscle Obturateur interne; le Grand dorsal et le Grand rond au Grand fessier; la portion externe du Triceps brachial à la por- tion interne du Triceps crural; la partie radiale du Brachial antérieur au Poplité; le Grand pectoral au Pyramidal; et le Petit pectoral à l'aponévrose du Releveur de Vanus.

Ces quelques citations suffisent, croyons-nous, pour montrer combien sont inacceptables les nouvelles tentatives sur les homotypies musculaires des membres. En conséquence , nous croyons devoir maintenir les principes précédemment exposés, qui servent de base à l'étude que nous entreprenons. Elle s'ap- plique principalement aux Mammifères; quant aux Vertébrés inférieurs, ils pourront être l'objet d'un autre Mémoire.

RÊGIOIfS SCAPULA1RB ET ILIAQUE

Il est incontestable que le scapulum, le coracoïde et la cla- vicule, qui forment la base de l'épaule, sont répétés par l'ilium, l'ischium et le pubis, parties constitutives de Tos iliaque. Les deux lignes demi-circulaires de l'ilium sont analogues à l'épine scapulaire, et le bord antérieur de l'omoplate correspond au bord postérieur de l'ilium.

Ce genre d'inversion est encore plus évident pour l'ischium et le pubis, qui reproduisent en sens contraire le coracoïde et la clavicule. De même que l'obliquité inverse des deux régions correspondantes, ces modifications étaient nécessaires afin que l'action des muscles similaires s'exerçât en sens opposé, par exemple, l'extension du bras en avant et celle de la cuisse en arrière.

Ces dispositions étant reconnues, il devient plus facile d'éta- blir rhomotypie des muscles fixés sur l'un et l'autre rayon. C'est ainsi que dans la région iliaque externe, qui répète la région scapulaire externe, le Grand fessier correspond au Sus- épineux^ le Moyen et le Petit fessier au Sous-épineux , qui , chez les Quadrupèdes, se divise en deux branches terminales.

Ici, le rapport n'est pas complètement inverse, puisque les

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ANATOMIB COMPAKÈB. 43

muscles fessiers sont superposés, tandis que ceux de l'épaule sont placés l'un au-devant de Tautre ; mais les connexions sont conservées, les attaches nrusculaires sont les mêmes, principalement à la terminaison sur le trochiter et le trochan- ter, et les fonctions sont identiques.

Quant au Pyramidal^ qui est en arrière du Moyen fessier, il ne représente pas le Petit rond, situé au bord postérieur du Sous-épineux : d'abord la situation n'est pas inverse ; ensuite il n'y a entre les deux muscles aucun rapport d'attaches ni de fonctions. En effet, le Petit rond, du bord postérieur de l'omoplate , se termine à la crête sus-delloïdienne de Thumé- rus et concourt à la flexion du bras, tandis que le Pyramidal procède du sacrum, aboutit au trochanter, avec le Moyen fes- sier, et concourt à l'extension de la cuisse. En conséquence, chacun de ces petits muscles est un faisceau non reproduit dans le membre correspondant. Peut-être le Petit rond se ratla- che-t-il au Deltoïde, et le Pyramidal au Moyen fessier.

Les muscles de l'épaule sont en partie recouverts par le Deltoïde. Bien développé chez l'Homme, il est formé de trois faisceaux, dits soapuIatVe, acromien et claviculaire. Ces faisceaux, amincis et allongés, sont généralement réduits à deux chez les animaux imparfaitement ou non clavicules. Dans tous les cas, le Deltoïde se fixe à l'empreinte delloïdienne de l'humérus, et concourt à la flexion et à l'abduction du bras. De sa termi- naison émane une lame aponévrotique qui descend à la surface du Triceps brachial.

Dans les membres pelviens, le Deltoïde est représenté par le Biceps crural et par le muscle du Fascia lata, qui répètent à la surface de la cuisse l'expansion terminale du Deltoïde. L'ana- logie est complétée, dans les Quadrupèdes, par la partie anté- rieure du Biceps crural, qui recouvre les muscles fessiers et se fixe, chez quelques animaux, le Cheval, par exemple, au troisième trochanter du fémur, qui répète i'éminence deltoï- dienne de l'humérus.

On peut donc établir que le Biceps crural et le Fascia lata correspondent au Deltoïde : l'analogie est essentielle au point de vue de la disposition, des rapports et des attaches; il y a

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44 MÉMOIRES.

aussi mêmes fonctions , c'est-à-dire flexion et abduction de la cuisse ou du bras.

Les régions iliaque interne et sous-pelvienne représentent la région scapulaire interne, mais avec beaucoup de modifica- tionSy presque toutes destinées à donner à la cuisse plus de mobilité qu'au bras, surtout dans les Quadrupèdes. C'est ainsi que les muscles moteurs du rayon fémoral sont plus nombreux ou plus divisés que ceux du bras.

Malgré ces particularités, on peut reconnaître que le Grand psods et le Psoas iliaque répètent le muscle SotAS-scapulaire; que le muscle Couturier est analogue au Grand rond; et que le Droit interne de la cuisse correspond à la branche olécranienne du Grand dorsal, ainsi qu'à la bande axillaire des Pectoraux, toutes deux remarquables chez les Quadrupèdes.

Quant au Carré crural, aux Adducteurs de la Cuisse et aux autres muscles sous- pelviens, ils représentent les deux branches de VOmo-brachial, ainsi que les muscles Pectoraux , parleur situation , leurs attaches et leurs fonctions.

Enfin, le Grêle antérieur de la cuisse, qui existe chez les Carnassiers et le Cheval, est homotype du Grêle postérieur du bras, qu'on observe seulement chez le Porc et les Chevaux.

RÉGIONS BRACHIALE ET CRURALE

D'après les indications précédentes, si Ton compare, sur un Quadrupède, l'humérus au fémur du même côté, on voit que ces deux rayons sont obliques et mobiles en sens opposé, et que leur configuration se répète en sens inverse. Par suite , le plan antérieur de l'un devient postérieur sur l'autre, sans qu'il y ait changement pour les plans externe et interne.

Ainsi, la ligne âpre de la face postérieure du fémur est re- produite sur la face antérieure de l'humérus; mais le trochiter et le trochanter sont situés en dehors, ainsi que l'éminence del- toïdienne et le troisième trochanter, dans les animaux pourvus de ces apophyses. A l'extrémité inférieure, la poulie antérieure du fémur est reproduite en arrière de l'humérus, entre l'épi- condyle et l'épitrochlée, éminences d'insertion dont le fémur

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ANATOMIE COMPARÉE. 45

est dépourvu; et la trochlée antérieure de l'humérus, qui est la surface articulaire essentielle, est représentée par les deux^condyles postérieurs du fémur.

Si le plan antérieur de Thmérus est répété par le plan pos- térieur du fémur, c'est une modification qui concorde d'abord avec le même état de choses existant à l'épaule et à la région iliaque, ensuite avec la situation inverse des muscles qui doi- vent mouvoir eh sens opposé la jambe et l'avant-bras^

En effet, les muscles antérieurs du bras biceps brachial et Brachial antérieur sont répétés, en arrière de la cuisse, par le Demi' tendineux et le Detni-membraneux , qui procèdent de l'ischium, de même que le Biceps brachial nait de l'apo- physe coracoïde. L'insertion terminale est analogue pour ces muscles fixés les uns en dedans du radius et les autres en de- dans du tibia. Quant aux fonctions de ces muscles correspon- dants, elles sont essentiellement les mêmes : les uns fléchissent l'avant-bras en avant, et les autres fléchissent la jambe en arrière,

A l'opposé de ces muscles fléchisseurs, on voit, en avant de la cuisse, le Triceps crural, extenseur de la jambe, qui repro- duit exactement le Triceps brachial, situé en arrière du bras et destiné à l'extension de l'avant-bras. Les attaches supérieures de ces muscles sont les mêmes : pour la longue portion, au bord antérieur de l'iliumou au bord postérieur de l'omoplate; et, pour les masses latérales, sur la face antérieure du fémur ou sur la face postérieure de l'humérus. Quant au muscle dit Ancânéy il est représenté par la portion du Triceps crural que les anciens anatomistes désignaient sous le titre de Crural. L'insertion terminale est à peu près semblable : le Triceps bra- chial se fixe au sommet du cubitus, et le Triceps crural sur le tibia par l'intermédiaire du sésamoïde rotulien et de ses cor- dons fibreux.

Aux muscles du bras, moteurs de l'avant-bras, se rattachent les deux Pronateurs et les deux Supinateurs, si remarquables chez l'Homme et les Singes. Moins développés dans les Quadru- pèdes, ils peuvent même disparaître complètement. Cependant, deux de ces muscles sont toujours reproduits aux membres

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46 MÉMOIBES.

pelviens : ce sont les Supinaleurs. Ainsi, le Court supinateur esi répété par le muscle Poplité, et le Long supinateur par le Jam- hier postérieur.

De part et d'autre, ces muscles sont situés dans le plan de la flexion, à laquelle ils concourent; ils sont obliques en bas et en dedans; ils ont aussi le môme mode d'attaches supé- rieures et inrérieures. Il n'y a qu'une modification, résultant de' la flexion inverse de la jambe et de l'avant-bras : c'est qu'aux membres pelviens, les muscles dont il s'agit, font tourner la jambe en dedans, tandis que les Supinateurs ont pour mission de faire pivoter le radius sur le cubitus et de le renverser en dehors, ainsi que la main.

RÉGIONS DE l'avant-bras ET DE LA JAMBE

Ici, le rapport est direct et, bien que les analogies soient des plus évidentes, c'est précisément la comparaison des os de l'avant-bras et de la jambe qui a été l'objet des interprétations les plus contradictoires.

Ces dissidences existent encore et, sans les discuter, nous pouvons établir les principes suivants :

Le Radius est exactement représenté par le Tibia, et le Cu- bitus par le Péroné. Cette répétition est facile à constater dans les Quadrupèdes; elle l'est également chez l'Homme, si l'avant- bras et la main sont ramenés à l'état de pronation par la rota- tion naturelle du Radius sur le Cubitus.

On voit alors : i^ que, dans l'Homme comme dans les ani- maux , les deux os de l'avant-bras ne se croisent qu'à la partie supérieure ; 2^ que, dans le reste de leur longueur, ils sont parallèles, le Cubitus en dehors du Radius, de même que le Péroné en dehors du Tibia; 3*" et que, pour les uns comme pour les autres, les connexions inférieures, avec le Carpe ou le Tarse, sont évidemment semblables.

Par son extrémité supérieure, le Radius s'articule essentiel- lement avec toute la surface inférieure de l'Humérus, comme le Tibia avec le Fémur; le Cubitus n'est qu'accessoire dans la jointure du coude, qu'il complète et consolide en arrière : cela

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ANATOMIK COMPARÉE. 47

est manifeste, par exemple, chez les Ruminants et les Equidés.

S'il en est autrement chez THomme et dans quelques ani- maux, ce n'est que par des modîGcations graduelles, en har- monie avec la faculté de tourner la main en supination com- plète ou incomplète.

Si quelques doutes pouvaient subsister sur la corrélation di- recte des os de la jambe et de l'avant-bras, ils seront certaine- ment dissipés par l'examen compartif des muscles appartenant aux deux régions correspondantes. En effet, comme le démon- tre le tableau suivant, les muscles de la jambe répètent exacte- ment ceux de Tavant-bras :

Région antérieure.

ATANT-BRAS JAMBE

Les deux Radiaux Jambier antérieur.

Extenseur commuQ des doigts .... Extenseur commun des orteils. Extenseur des doigts externes. . . . Court péronier et Péronier antérieur.

Long péronier.

Long extenseur du pouce Extenseur propre du pouce.

Court extenseur du pouce

Région postérieure.

Cubital externe et Cubital interne . . . Jumeaux de la jambe.

Grand palmaire .

Petit palmaire Plantaire grêle.

Fléchisseur superficiel des doigts . . . Soléaire et Fléchisseur superficiel dos orteils. Fléchisseur profond des doigts. . . . Fléchisseur profond des orteils. Long fléchisseur du pouce Long fléchisseur du pouce.

A ce parallèle^ déjà très-significatif, nous ajouterons quel- ques remarques :

Les muscles de Tavant-bras et de la jambe sont, les uns, moteurs du métacarpe ou du métatarse, et les autres, moteurs des phalanges.

Pour ces derniers, il y a similitude complète de situation, de rapports et d'attaches; leur mode d'action est en même con- cordance, puisque les phalanges des membres thoraciques et pelviens sont étendues en avant et fléchies en arrière.

Quant aux muscles moteurs du métacarpe et du métatarse,

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48 MÉMOIRES.

la corrélation est aussi exacte, mois il y a inversion fonction- nelle : les muscles Radiaux, extenseurs du métacarpe, sont représentés par le Jambier antérieur y fléchisseur du métatarse ; et, dans la région postérieure, les muscles Cubitaux, fléchis- seurs du métacarpe, sont répétés par les Jumeaux, extenseurs du métatarse. Ces muscles , incontestablement homotypes par leur position et leurs attaches, ont conservé leurs rapports, les uns avec les extenseurs et les autres avec les fléchisseurs des phalanges. Tant il est vrai que les organes ne sont pas néces- sairement liés à leur fonction et qu'ils la modifient plutôt que de changer leurs connexions.

Du reste, la répétition en sens contrains se termine, avec les muscles de la cuisse et du bras , en haut de la jambe et de Tavant-bras, rayons qui ne présentent aucune inversion osseuse ni musculaire, bien qu'ils soient mobiles en sens opposé, ainsi que le métacarpe et le métatarse. Le rétablissement des rapports est tel, que, malgré la construction inverse du Fémur et de THumérus, les attaches que prennent sur ces os les mus- cles de la jambe et de Tavant-bras ne sont pas renversées.

En effet, si on examine, par exemple, les deux muscles Ra- diaux et leur homotype, le Jambier antérieur, on constate que, chez les Quadrupèdes, ces muscles se fixent, de part et d'autre, avec l'Extenseur commun des phalanges, en avant et en dehors, sur l'extrémité inférieure de l'Humérus ou du Fémur.

Nous ferons remarquer aussi que le muscle nommé, chez l'Homme, Extenseur du petit doigt, est désigné sous le titre plus général d*Extenseur des doigts externes. Quant à VExlenseur propre de Vindex, qui ne figure pas dans notre exposé, il est particulier à l'Homme et peut être considéré comme une divi- sion de l'Extenseur commun des doigts.

Enfin, il est à noter que, d'une part, le Long péronier et, d'autre part, le Court extenseur du pouce, ainsi que le Grand palmaire, n'ont pas de muscle homotype dans le membre cor- respondant.

Vaisseaux et Nerfs. La disposition comparative de ces or- ganes a été invoquée en faveur de la répétition inverse; mais il suffit de les examiner sommairement pour reconnaître que

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ANATOMIB COMPARÉE. 49

encore il y a eu beaucoup d'illusions, et que l'inversion n'existe même pas complètement dans les sections humérale et fé- morale.

En réalité» Yartère humérale descend à la face interne du bras jusqu'au pli du coude, elle est prolongée par la Radiale, satellite du nerf Médian. Vartère fémorale suit de même la face interne de la cuisse; et si, vers le milieu de son parcours, elle devient postérieure et profonde, c'est pour se placer dans le plan de flexion de la jointure fémoro-tibiale, elle prend le nom de Poplité et se termine par les Tibiales.

Les divisions musculaires que fournissent, dans leur trajet, les artères Humérale et Fémorale, se répètent inégalement, par suite de la masse différente des muscles correspondants. Les musculaires antérieures du bra^y destinées au Biceps, sont repro- duites principalement par la grande musculaire postérieure de la cuisse, qui se distribue aux Ischio-tibiaux. La grande musculaire postérieure du bras, nommée aussi collatérale externe du coude, se divise au Triceps brachial ; puis, se contournant en dehors, elle gagne le pli du coude et se termine dans l'épaisseur des muscles Radiaux. Elle est évidemment répétée par la grande musculaire antérieure de la cuisse, qui se divise dans, le Triceps crural et no descend pas au delà, en raison de l'obstacle cons- titué par l'angle saillant de la jointure fémorotibiale.

A l'avant-bras et à la jambe, les artères principales sont en parfaite analogie de position, de rapports et de distribution terminale. Vlnterosseuse antérieure, située sous les muscles Ra- diaux, est exactement répétée par la Tibiale antérieure, la Radiale par la Tibiale postérieure, et la Cubitale par le ra- meau descendant de la branche Fémoro-poplitée.

Il en est de même pour les Nerfs, malgré les modifications produites, à la jambe, par l'origine différente des branches ner- veuses et par le balancement organique. Ainsi, le nerf Crural et le 7Y6ta/ antérieur reproduisent le nerf Radial; et le gros cordon 7t6ûi/ postérieur du Grand sciatique représente le nerf Médian, ainsi que le Cubital, puisqu'il se termine aux doigts internes, comme le Médian, et aux doigts externes, comme le Cubital.

8ÉBIS. TOMB ni, 1. 4

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oO MÉMOIRES.

Ce rapide examen des Os, des Muscles, des Vaisseaux et des Nerfs, démontre d'une manière incontestable que Tavant-bras et la jambe doivent être comparés sans aucune inversion.

EXTRÉMITÉS DBS MEMBRES

Pes altéra manus^ disaient les anciens; et la vérité de cet axiome pourrait nous dispenser de comparer Tune à l'autre les extrémités des membres. Mais il y a lieu de reprendre le pa- rallèle de ces régions sous différents rapports dont l'interpré- tation nous parait inexacte ou contestable.

Il est évident que les extrémités des membres sont construites sur le môme modèle et avec les mêmes éléments. Mais il faut reconnatlre aussi que ces extrémités subissent de grandes mo- difications de forme et de développement, selon leur desti- nation. Celte variété se montre sur des animaux différents et parfois aussi sur un même animal, par exemple, si on compare l'aile et le pied d'un Oiseau ou d'une Chauve-Souris.

Ici, comme partout, les moyens s'adaptent au but : sans changer de nature, les organes se transforment, pour le sou - tien et la progression de l'animal sur le sol, dans l'eau ou dans les airs.

La main de l'Homme offre à peu près le même genre de par- ticularité : bien que facilement comparable au pied, elle pré- sente des caractères exceptionnels, parce qu'elle est destinée au toucher, à la préhension et non à la progression.

En conséquence de cette diversité, la comparaison des extré- mités sera toujours plus régulière chez les Quadrupèdes, dont les membres remplissent des fonctions analogues.

On rencontre aussi parmi ces animaux de nombreuses va- riétés : les uns sont plantigrades, les autres digitigrades; les doigts sont plus ou moins longs, plus ou moins divisés, et leur nombre varie, selon les exigences de souplesse ou de solidité.

Quoi qu'il en soit, les extrémités des membres thoraciques et pelviens des animaux, comme la main et le pied de l'Homme, sont évidemment constituées sur le même type et se conforment toujours à la loi de répétition.

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ANATOUIB COMPARÉE. 51

En raison de ces variétés, qui ne peuvent être l'objet de ce Mémoire, nous devrons établir nos comparaisons, non pas sur l'Homme exclusivement, mais sur un type plus général, par exemple sur les Carnassiers, dont les extrémités antérieures et postérieures sont adaptées à un même but fonctionnel.

Ces extrémités que, par abréviation , nous appellerons Main et Pied y doivent être examinées en pronation naturelle; et, dans l'étude de leurs parties constituantes, on procédera de dehors en dedans, sur la face antérieure ou dorsale, de telle sorte que le Pouce sera, non le premier, mais le cinquième doigt.

La main, comme le pied, est formée de cinq colonnes os- seuses, longitudinales et presque parallèles, qui sont les doigts. L'ensemble de ces colonnes ou. chacune d'elles se divise en trois sections, qui sont, de haut en bas: le Carpe ou Tarse, le Métacarpe ou Métatarse et les Phalanges. Par conséquent , les Phalanges ne constituent pas un doigt complet, elles n'en for- ment qu'une partie.

Les pièces osseuses de la Main sont exactement répétées par celles du Pied. Dans quelques animaux , la ressemblance est telle, qu'il est difficile de distinguer les os du métacarpe ou du métatarse et surtout les phalanges des extrémités antérieures ou postérieures.

Quant au Carpe et au Tarse, ils sont formés d'os courts , su- perposés en deux rangs, dont le supérienr s'articule avec les os de l'avant-bras ou de la jambe, et l'inférieur avec le méta- carpe ou le métatarse.

Malgré leurs formes dissemblables et variées, les os du Carpe et du Tarse se correspondent régulièrement, et l'homotypie de chacun d'eux est constituée comme il suit :

Premier rang.

CARPK T\RSE

Pisirornie Sommet du Calcnnéum.

Pyramidal Galcanéum.

Semi-lunaire Astragale.

Scapboïde ScaphoVde.

Lenticulaire Lenticulaire.

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«^2 MÉMOIRES.

Second rang.

CABPK TABSB

< ««• Unciforrae 4 •*" Cuboïde.

2* Unciforme Coboïde.

Grand os 4 «>' Cnoéiforine.

Trapézoïde %^ Cunéiforme.

Trapèze Canéiforme.

Les pièces du Carpe et du Tarse, étant les parties essentielles de la Main et du Pied, doivent être, dans chaque rangée, en même^ nombre que les doigts, dont chacune d'elles forme la i)ase. Il en est ainsi quelquefois; mais le plus souvent le nombre est réduit par suite d*avortement ou de soudure; et d'ordinaire, les os qui manquent ou paraissent manquer, au Carpe comme au Tarse, sont le cinquième du premier rang et le premier du second rang.

Enfin , il est à remarquer que le nombre des doigts est varia- ble dans les animaux; qu'en principe général, ce nombre est de cinq, sans être dépassé; et que s'il vient à être réduit, c'est par l'atrophie successive du cinquième, du premier, du qua- trième et du deuxième doigt.

Les muscles des extrémités antérieures et postérieures sont en corrélation évidente. Si, dans certains cas^ chez l'Homme, par exemple, Torganisation musculaire delà main est un peu supérieure à celle du pied, le fait n'est pas absolu : on observe (|uelquefois le contraire; et, généralement, surtout dans les Quadrupèdes, on voit la parité se rétablir, sous ce rapport, et devenir presque complète.

Dégagé des particularités qui viennent d'être indiquées , l'examen comparatif des nombreux muscles dont les doigts sont pourvus sera plus simple et les analogies seront plus faciles à établir.

Nous rappellerons d'abord qu'aux extrémités antérieures et postérieures, les muscles Extenseurs ou les Fléchisseurs des phalangeSy procédant soit de l'avant-bras, soit de la jambe, sont les uns communs aux quatre premiers doigts, et les autres spécialement destinés au pouce ou au petit doigt.

Aux tendons des Extenseurs et des Fléchisseurs communs

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ANATOMIE GOMPÂRÉtB. 53

aux quatre premiers doigts, sont annexés d'autres muscles, dont l'action concourt au même but physiologique : ce sont le Pédieux, les Lombricaux et les Interosseux, qui se répètent exactement, sauf le Pédieux, qui manque aux extrémités an- térieures.

A la Main, comme au Pied, on voit d'autres petits muscles, affectés aux mouvements du premier et du cinquième doigt. En thèse générale, ils sont au nombre de trois, pour chacun des doigts extrêmes, et distingués en Abducteur y Adducteur ei Court fléchisseur.

Ces mêmes muscles subissent nécessairement quelques modi- fications chez l'Homme et dans les animaux : les principales variétés, dans les Mammifères supérieurs, concordent avec Pétat plus ou moins développé du pouce.

Ils disparaissent complètement dans les Quadrupèdes infé- rieurs, tels que les Ruminants et les Equidés, qui néanmoins conservent, aux extrémités antérieures et postérieures, le Long extenseur et le Long fléchisseur du pouce. Ces muscles, qui pro- cèdent de l'avant-bras ou de la jambe, sont à l'état rudimen- taîre; mais leur persistance prouve l'existence virtuelle du Pouce chez des animaux qui paraissent en être dépourvus.

Quant aux Vaisseaux et aux Nerfs, distingués en dorsaux et palmaires ou plantaires f ils sont exactement distribués aux ex- trémités antérieures comme aux extrémités postérieures; il n'y a de différence que dans le calibre relatif des branches arté- rielles, dont la principale est dorsalcy au Métatarse , ei palmaire, au Métacarpe.

CONCLUSIONS

Les membres thoraciques et pelviens sont construits sur le même modèle : la répétition est exacte pour l'appareil muscu- laire, ainsi que pour les os, les vaisseaux et les nerfs.

Cette corrélation est manifeste chez l'Homme, de même que chez les animaux, h condition que l'avant-bras et la main soient examinés en pronation naturelle.

Entre les deux premières sections des membres, c'est-à-dire

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54 MÉMOIRES.

pour l'épaule et la région iliaque» pour le bras et la cuisse, la répétition est inverse : les organes antérieurs d*un membre sont reproduits en arrière, dans le membre correspondant; mais les parties externes ne deviennent pas internes. Il n'y a donc pas lieu d'admettre que tel ou tel rayon soit retourné ou qu'il ait subi une torsion quelconque.

La corrélation est directe à l'avant-bras et à la jambe, ainsi qu'à la main et au pied.

Enfin, les homotypies qui viennent d'être exposées démon- trent que le parallèle des membres thoraciques et pelviens doit être établi par la comparaison des membres du même côté.

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LES PBÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 55

LES PRÉLIMINAIRES

DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME Par m. a. DUMÉRIL

Il est 9 en histoire, certains hommes et certains faits sur les- quels il faut perpétuellement revenir. Sur ces hommes et sur ces faits la discussion n'est jamais close. Les apologistes pro- voquent des adversaires, et ceux-ci suscitent à leur tour des apologistes nouveaux. Les traditions, les témoignages, les ju- gements des contemporains et de ceux qui , venus plus tard, ont pu puiser à ces sources forment un vaste arsenal chacun trouve aisément de.s armes appropriées à sa manière de voir et de sentir, si bien que les champions de la môme cause peuvent eux-mêmes toujours espérer, chacun à son tour, qu'en la plai- dant, ils ajouteront à ses chances de victoire. C'est un espoir de cette nature sans doute qui a déterminé récemment H. Du- bois-Guchan à gloriBer César dans un livre intitulé : Rome et Cicéron. H. Dubois-Guchan s'était déjà fait connaître comme un admirateur passionné de l'Empire romain dans un ouvrage en deux volumes sur Tacite et son siècle. Aujourd'hui c'est dans la personne de son premier fondateur qu'il lui rend hom- mage. Il immole à César le Sénat, Cicéron et Pompée. Il est difficile de réhabiliter le Sénat , assemblée divisée César avait su se créer de nombreux partisans et qui ne sut ni dé- fendre la République, ni en rendre le sacrifice utile à sa patrie. Cicéron a trouvé des défenseurs passionnés; et, même parmi

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56 MÉMOIRES.

ceux qui lui imputent comme un tort son amour pourtant trop souvent platonique pour la liberté, il en est peu qui ne soient disposés à son égard à une certaine indulgence. Tel est le pri- vilège du génie littéraire, lorsqu'il laisse après lui des chefs- d'œuvre pour recommander sa mémoire à la postérité. Essayer de soustraire celle de Pompée aux outrages et aux dédains parait, au contraire, de nos jours, une tâche ingrate. II y a contre lui un parti pris de sévérité, pour ne pas dire d'injus- tice; jamais le mot de Brennus : victis, n'a trouvé son appli- cation d'une manière plus frappante qu'au sujet du vaincu de Pharsale.

Vaniteux, sufBsant, médiocre, incapable, n'ayant que de la présomption pour mérite, telles sont les plus douces des épi- thètes qu'on lui prodigue. M. Hichelet l'appelle tantôt un indigne favori de la fortune (1), tantôt un heureux soldat qui n'avait ni tète, ni langue (2); M. Mommsen, un caporal (3). L'auteur de V Histoire romaine à Rome, tout en demandant pardon à sa grande ombre, dit qu'il joua un rôle de niais (i). M. Duruy, un peu plus juste, l'accuse toutefois d'avoir été le transfuge de tous les partis (5). S'il a été 6dèle au lien con- jugal, c'est, disent M. Nisard et M. Mérivale, parce qu'il avait le tempérament froid et l'àme glacée (6). Le premier allègue même cette preuve parmi beaucoup d'autres pour constater la supériorité de César sur son rival, et c'est, en effet, un genre de supériorité que personne ne contestera au favori de Nicomède.

Cependant tous les historiens de l'antiquité, excepté Tacite, qui est, il est vrai, une autorité grave, ont formulé sur lui des

(4) HUUnre nmaine, t. II, p. 266 de la édition. («) Ibid., p. 284.

(3) Histoire r(maine. D l'appelle aussi : Un soldat modèle^ mde et anguleux, et en môme temps il lui reproche d'avoir laissé faire à tous, amis et ennemis, ce qu'ils Toulaient, pendant ce qu'il appelle sa régence.

(4) M. Ampère, t. IV, cb. xviii.

(5) Histoire des Romains et des peuples soumis à leur domination, t. II, p. 503 de redit, de 1 844. Il n'est pas plus juste pour lui dans les articles qu'il a récemment publiés sur le différend de Rome et de César. (Académie des sciences morales, 4880.)

(6) Poètes romains de la décadence, art. Lucain. Histoire de l'Empire romain.

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LES PBÊLIMTNAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 57

jugements favorables. Tite-Live le loue telle sorte, qu'il en regut d'Auguste le nom de Pompéien; Velléius Paterculus, le flatteur de Tibèroj l'appelle le plus grand et le plus saint des Romains (1). Florus, Plutarque, Appien, Dion Cassius, le comp- tent parmi les hommes les plus remarquables que Rome ait produits, et le dernier nous apprend que l'organisation qu'il avait donnée à l'Orient après la guerre deHithridate subsistait encore au temps d'Alexandre Sévère (2). L'auteur du Panégy- rique de Trajan, dans un passage demeuré inaperçu, lui attri- bue, outre l'honneur d'avoir purgé la mer des pirates, chassé la brigue du forum, parcouru en vainqueur l'Orient et l'Occi- dent, celui d'avoir ramené l'abondance dans Rome par la liberté du commerce des grains ou, pour parler autrement, d'avoir été, dans l'antiquité, le prédécesseur des Robert Peel et des Cobden (3). Je passe sous silence Lucain qui peut paraître sus- pect en sa qualité de poète auquel l'emphase est trop familière. Mais on voit que l'opinion des hommes les plus éclairés de Rome au temps de l'Empire, n'était pas précisément celle que cher- chent à nous donner de lui nos histoires modernes. J'avais besoin de le dire pour ne pas être soupçonné de paradoxe. Cela fait, on me pardonnera plus aisément, je l'espère, d'expliquer les faits autrement que ne le font nos histoires.

Aujourd'hui je prendrai pour sujet de mon élude ce que Ton peut appeler l'époque critique de Pompée, celle qui a surtout décidé de sa réputation, en préparant sa chute; je veux parler de l'époque comprise entre son troisième consulat, sa gran- deur fut à son comble, et celle où, forcé d'abandonner l'Italie,

(4) Hic fiiU eaUus ntœ tanciittimi et jnwstaniissimi viri, II, 63.

{t) DioD Gassius, liv. XXYII, cb. xx.

(3) « Instar ego perpetai congiarii reor affluentiam annoDS. Uujus aliquando cura non minus Pompeio addidit glori», quàm puisas ambitus campo, exactus hostis mari, oriens trinmpbis occidensque lustratus. Nec verb ille civilius quàm parons noster, auctoritate, consilio, fide, reclosit Tias; portas patefecit; itinera terris, littoribus mare, littora mari reddidit ; dwenatque gerUes commmercio miscuU ul quod genitwn estet tuqtMtm, id apud omnes natum este videretur. » Panegy. Traj., $ 29. Est-ce ce passage que M. Mommseo a Toola traduire lorsqu'il écrit (liv. Y, cb. tui) : a Pompée réussit, non tans que let prth- vincet ien nttetUitteiU grièvemefUj à faire arriver à Rome des blés en abondance et à bon prix »?

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58 MÉMOIRES.

il fournit par à César l'heureuse chance d'avoir à combattre d'abord une armée sans général , puis un général ^ans armée, et put entrevoir lui-môme le funeste dénoûment de Pharsale. On s'en est aussi beaucoup occupé dans les derniers temps, et en général avec peu de sympathie pour lui (1).

Nous examinerons les reproches qu'on lui a adressés, ce qu'il fit et ce qu'il pouvait faire. Sans dissimuler plusieurs fautes assez graves, nous croirons pouvoir l'absoudre de la plupart de celles qu'on lui impute; sa conduite trouvera presque toujours son explication dans sa situation, dans les circonstances et dans un désir louable tantôt de respecter la légalité, tantôt de con- cilier ce qui malheureusement était inconciliable, l'intérêt de César et le salut de la République. Quant à César, si notre récit n'est pas un roman, il pourra paraître plus grand que jamais à ceux qui font du Prince de Machiavel leur héros. Mais je doute qu'il y gagne dans l'opinion de ceux qui croient que le génie ne peut servir d'excuse à l'absence absolue de scru- pules.

Les deux principales sources pour moi, comme pour toua ceux qui ont écrit sur la même matière, seront les Commentaires de César et les Lettres de Cicéron. Mais elles seront plus sévè- rement contrôlées qu'on ne le fait d'ordinaire, surtout contrô- lées par elles-mêmes. Je ne cacherai pas que ma préoccupation, tout en les étudiant avec soin, a été celle d'un juge qui se fie mal aux témoins qu'il interroge et néanmoins espère trouver dans leurs révélations des indices suffisants pour découvrir la vérité.

Mais je dois d'abord expliquer pourquoi ces deux sources

(4 ) Comparez notamment sar ce sujet :

Th. Mommsen, Die Rechtsfrage zwUchen Cœsarund den Sénat h suite du t. VII de •on Histoire romaine, trad. par C.-A. Alexandre, Paris, i 869, în-8) ;

A.-W. Zumpt, Stuâia Romana, Berlin, <869, in-8;

P. Guiraud, le Différend entre Cé^ar et U Sénat. Paris, 4 878, in-8;

Fustel de Conlanges, la Question de droit entre César et le Sénat ( Journal des SacanU , juillet 4 879);

V. Duruy, le Différend entre César et le Sénat, Comptes rendus de TAcadémie des iciences morales, 4 880, p. 4 85 et suiv.; p. 457 et sui?. ;

El les Histoires de MM. Mommsen, Mérivale et Duruy.

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LES PRÉLIMINAIRES DE Li SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 59

historiques si précieuses» me paraissent demander une telle dis- position d'esprit dans ceux qui les consultent. Je commence par les Commentaires de César.

I

Le mérite littéraire de cette œuvre est immense. Il y a peu d'ouvrages d'une lecture plus intéressante, d'une latinité plus pure> d'un style plus discrètement élégant, plus net et plus limpide. C'est, dans son genre, un modèle qui n'a pas été surpassé. Je doute même qu'il ait été égalé. A ce mérite litté- raire se joignent des qualités qui nous touchent de plus près. On a eu, dans ces derniers temps surtout, l'occasion de vérifier l'exactitude de ses descriptions topographiques. H peint en quelques lignes la configuration des lieux se sont passées les principales scènes de sa vie de conquérant, de telle façon qu'après plus de dix-neuf siècles une observation attentive permet de déterminer l'endroit précis qui les a vues s'accom- plir. On assiste presque à ses manœuvres; on voit, pour ainsi dire, de l'œil les positions des armées et des camps, les obsta- cles qu'opposait tel ou tel terrain, les avantages que le grand capitaine sut tirer de tel ou tel escarpement, de tel ou tel vallon, de tel ou tel cours d'eau. Les dernières discussions qui ont eu lieu relativement à l'emplacement d'Alésia n'ont fait que rehausser la haute opinion que les hommes compétents avaient déjà de la valeur de son œuvre, sous ce rapport. On trouve aussi dans les Commentaires une description parfaite des mœurs, des coutumes et du génie particulier des peuples avec lesquels il s'est trouvé en contact dans ses expéditions. Son seul ou- vrage sur la guerre des Gaules en apprend plus à un lecteur attentif sur les anciens Gaulois que tout le reste des témoignages de l'antiquité réuni. Les quelques chapitres qu'il a consacrés à la Germanie sont, avec le livre de Tacite, le principal docu- ment qui nous fasse connaître les Germains, au temps de leurs premiers rapports avec Rome. Et César n'est nullement infé- rieur à Tacite par la précision des détails. Il l'est seulement

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60 MiMOlRES.

parce qu'il manque de ce souffle moral si puissant dans le grand écrivain qui a imprimé au front des Tibère et des Néron une marque d'infamie ineffaçable. Si les paysages de César sont presque toujours sans nuage, ils sont aussi sans ciel. Ce sont les notes d'un homme d'affaires qui dédaignerait d'être peintre ou moraliste quoiqu'il eût à sa disposition un art infini pour intéresser, en faisant comprendre. Les Commentaires justi- fient donc l'estime dont ils ont été l'objet de tout temps sous bien des rapports. Mais je ne crois pas que César eût pu mettre en tète de son livre cette épigraphe que Montaigne a placée en tête de ses Essais : « Cecy est un livre de bonne foi. »

Asinius Pollion, contemporain de la rédaction de l'ouvrage, disait qu'il avait été composé avec peu de souci de la vérité, et que l'auteur avait accepté trop facilement comme authentiques des récits d'une valeur douteuse sur les actions des autres, qu'il avait aussi donné le plus souvent aux siennes une couleur fausse soit à dessein , soit même quelquefois par simple manque do mémoire (1). Toutefois il ajoute que, dans son opinion. César avait l'intention d'en changer la forme et d'y faire des corrections. On sait qu'Asinius Pollion avait été dans les der- niers temps de la République un des hommes les plus consi- dérables du parti césarien. Ami à la fois d'Antoine dont il avait reçu et auquel il avait rendu, disait-il, des services, et d'Octave qui le fit consul , il refusa de prendre parti pour l'un ou pour l'autre dans la troisième guerre civile, c Je serai, dit-il, la proie du vainqueur (2). Il avait lui-même écrit en dix- sept livres l'histoire des guerres civiles de son siècle, et il n'était pas moins renommé pour son érudition que pour l'élé- gance de son style. On peut donc ajouter foi à son témoignage qui d'ailleurs n'est nullement nécessaire. En lisant les Comment taires avec application, on demeurera persuadé que les inexac- titudes de César ne furent pas toutes involontaires. Cette grande

(1) Suétone, Cœsar, 56 : PoUio AHnius parum diUgenter parumque intégra verUale compotitoi puiat, quum Cœtar pkraque quœ per aliot gesta Umere ediderit, et*quœ per tê, tel consulta tel eliam memoHA k^us , perperam ediderit , exUtitnatque rescriplurum et comcturum fuisse,

(2) Velleios, U, 86.

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LES PRÊLmiNAlRBS DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 61

passion de gloire qui le dévorait, lui avait dicté ses mémoires. C'était un monument qu'il s'élevait à lui-môme; il voulait agir par ses écrits comme par ses armes et ses intrigues sur les contemporains et la postérité. Mais il fallait déguiser son but pour l'atteindre , et César le fit avec une incomparable ha- bileté.

Le moi est haïssable, dit Pascal. César le sentait. Il parla de lui-même à la troisième personne, comme il eût fait d'une per- sonne étrangère; il affecta la sincérité et la modestie. Il glissa sur ses propres louanges, et c'est par la narration seule de ses exploitsqu'il voulut conquérir l'admiration. Mais l'intention dt l'auteur perce de temps à autre dans une phrase adroitement intercalée au milieu de ces récits si vifs il semble préoccupé beaucoup plus des faits qu'il laconte que de lui-môme. On le voit d'abord combattre les Helvètes et Ariovisle. Ces deux guerres étaient difficiles et importantes, et il a pu les mener à bonne fin toutes deux dans le cours d'un seul été; et môme l'été n'était pas terminé lorsqu'il avait déjà remporté ces écla- tants triomphes. Il aura soin de nous en avertir, d'une manière incidente toutefois, par un seul mot jeté au milieu d'une phrase qui renferme un autre fait : < César, dit-il, après avoir ainsi t terminé deux très-grandes gtierres dans un seul été, conduisit c l'armée en quartier d'hiver chez les Séquanes un peu plus c tôt que la saison ne l'exigeait : Qœsar, unâ œstate duobus c maximis bellis confectis, maturius paulo quàm tempus anni pos- c tulabaty in hiberna in Seqtmnos eccereitum deduxit{i). C'est le trait final destiné à compléter l'impression qu'ont faite sur ses lecteurs les récits de son premier livre. Cependant il semble qu'il ait craint que son intention ne fût trop apparente; pour la mieux cacher, il ajoute une phrase insignifiante. On trouvera dans ce passage un avant-goût du célèbre Feni, vidi, vici, par lequel il fit connaître à l'un de ses amis de Rome sa victoire sur Pharnace, fils de Mithridato. Seulement il y avait dans ces derniers mots une jactance évidente. La fortune avait gâté César. Et puis il voulait rabaisser son ennemi, afin de diminuer la

(4) Commmiaint sur la guem des Goulet, Ut. I , ch. lit.

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62 MÉMOIRES.

gloire de Pompée, auquel il ne pardonnait pas d'avoir été jadis son protecteur et d'être devenu, par les infortunes de ses der- niers jours, le martyr de la liberté romaine, aux yeux des meilleurs citoyens. De môme, il finit le second livre en disant que le Sénat fit décréter, pour ses victoires, quinze jours d'ac- tions de grâces aux dieux , ce qui, avant lui, n'atxiit eu lieu pour aucun général; le quatrième, par cette phrase : Ces guerres terminées. César en annonça le résultat au Sénat qui décréta vingt jours d'actions de grâces; le septième, par une phrase à peu près semblable à la précédente.

On pourrait citer dans les divers livres de la guerre des Gaules et dans ses mémoires sur la guerre civile, bien des pas- sages où César glisse, avec une adresse extrême, quelques mots propres à rehausser son courage et son génie aux yeux de ses lecteurs. C'est ainsi qu'il raconte comment, dans une bataille livrée aux Nerviens, il a seul ramené ses soldats contre l'en- nemi : « César, dit-il , arrache à un soldat de l'arrière-garde c son bouclier (il était venu au combat sans bouclier), scuto ab

< novissimis uni militi detracto, quod ipse eo sine scuto venerat « (qu'on ne s'imagine point que cette parenthèse ait été mise « sans arrière- pensée); il s'avance à la première ligne; il

< appelle les centurions par leurs noms, exhorte les autres sol- « dats. Tait porter en avant les enseignes et desserrer les rangs c pour qu'on puisse facilement se servir de l'épée. Son arrivée rend Tespoir aux soldats et relève leur courage. Chacun veut, t sous les yeux du général, faire preuve de zèle dans cette « extrémité , et Ton parvient à ralentir un peu l'impétuosité de « l'ennemi (1). » Il y a tout un tableau qui , à coup sûr, ne présente pas le personnage de César sous un jour défavorable. Remplacez le nom propre de César par le pronom Je. Qui ne trouvera que dans ce récit l'auteur des Commentaires chante un peu trop sa propre gloire?

Dans le combat de cavalerie Yercingétorix fut vaincu, il se montre remplissant les devoirs du plus vigilant et du plus habile général, t Si nos cavaliers fléchissent sur un point ils

(1) Guerre desGwlety lit. m, chap. tXT.

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LES PRÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 63

t sont trop vivement pressés, César y fait porter les enseignes et marcher les cohortes, ce qui arrête les ennemis dans leur c poursuite et anime nos soldats par Tespoir d'un prompt secours (1). »

S'il sait faire ressortir la part personnelle qui Lii revient dans rhonneur des victoires remportées par les légions romaines sous son commandement, il a bien soin de dissimuler les fautes. S'imagine- t-on qu'il n'en ait commis aucune dans tant et de si longues campagnes ? C'est pourtant ce qu'il faudrait admettre si on Ten croyait toujours sur parole; car il a toujours eu, si Ton s'en rapportée lui, d'excellentes raisons d'agir comme il la fait. Cependant l'examen que Napoléon a fait des Commen- taires, montre que César a commis à Dyrrachium et ailleurs des erreurs militaires assez graves. Les revers sont aussi déguisés avec une merveilleuse adresse. Témoin celui de 6er- gOYÎe. L'échec y fut complet et même il fut double, si nous nous en rapportons à Dion,Cassius. César fut d'abord vaincu lui-même, et, dans une absence qu*il fit, ses troupes subirent une seconde défaite; ce qui l'obligea de lever le siège (2). Ce n'est pas ce qu'il veut que nous pensions. La levée du siège de Gergovie n'aurait été , d'après ses mémoires, qu'un acte de prudence, une combinaison stratégique déterminée par le sou- lèvement des Gaulois, alliés des Romains. Bien avant qu'elle ait lieu, il a soin de nous y préparer. Après avoir parlé de la première défection des Eduens qui n'eut pas de suite, il ajoute : c S'attendant néanmoins à un mouvement général dans la c Gaule et ne voulant pas être investi par toutes les cités, f César pensait aux moyens de s'éloigner de Gergovie pour réunir de nouveau toutes ses forces; mais il fallait que son c départ qui venait de la crainte d'un soulèvement n'eût pas c l'air d'une fuite (3). i II reste donc devant la ville jusqu'à ce qu'il ait remporté quelque succès signalé. Les derniers enga- gements, que Dion Cassius déclare avoir été si funestes à ses

(<) Guerre des Gaules^ liv. Vil, ch. lxvii.

(2) Dion Gaasias, liv. XL, ch. xxxti et xxxtiii. Dion Cassius suit ordinairoment César , ce qui rend son témoignage très-important.

(3) Guerre des Gaukis^ liv. VII, ch. xliii.

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64 MÉMOIRES.

troupes, deviennent dans son récit des victoires, c Jugeant c l'épreuve sufBsante pour rabattre la jactance des Gaulois et c raffermir le courage des siens, dit-il en finissant, César aban- donna Gergovie pour se rendre chez les Eduens (<). »

On ne peut s'empêcher de partager le scepticisme de Napoléon à l'endroit du chiffre exagéré des forces qu'il donne presque constamment à l'ennemi dans ses mémoires sur la guerre des Gaules. pouvait-il puiser des renseignements si exacts? Il en a eu de positifs sur le nombre des Helvètes, je le veux croire, puisqu'il nous af&rme qu'avant de quitter leur pays, ils avaient fait une espèce de recensement de la population émigrante, et que le registre le résultat s'en trouvait con- signé tomba entre ses mains. Mais de quels documents s'est-il servi pour affirmer que deux cent quarante mille Gaulois vin- rent au secours de Vercingétorix , assiégé lui-même dans Alésia avec quatre-vingt mille hommes? Ces chiffres énormes parais- sent avoir été placés dans son récit pour augmenter l'éclat de ses victoires.

Autre remarque. César ne néglige pas ce qui peut nous donner de lui une idée avantageuse au point de vue moral : avec Arioviste, avec les Vénètes et les Tenclères qu'il traita si cruellement, avec Dumnorix qu'il fit assassiner comme plus tard avec Pompée, avec Métellus Scipion, il met de son côté toute la modération. Ses adversaires sont les agresseurs. Ils l'ont forcé de leur donner quelque dure leçon. Marseille avait promis de capituler. Les Massiliotes ont faussé leur parole et att^ué ses légionnaires (si l'on en croit Dion Cassius, liv. XLI, ch. xxv, ce furent les soldats de César qui essayèrent la nuit de prendre Marseille). Cependant il a bien voulu pardonner à ces hommes parjures. S'il a fait la guerre aux Bretons, c'est que les Bretons avaient fourni des secours aux Gaulois dans toutes leurs guerres contre lui. Mais lui-même ici nous fournit un motif de soupçonner son manque de véracité. Il avait jugé très-utile, dit-il, de visiter cette île, d'en reconnaître les habi- tants, les localités, les ports, les abords, toutes choses presque

(4) /Md., cb. un.

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LBS PRÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 65

inconnues aux Gaulois. N'y a-l-il pas une espèce de contra diction? Si les Bretons venaient ainsi combattre contre les Romains dans les rangs des Gaulois , n'était-ce pas qu'il y avait des relations suivies entre les deux peuples? Et alors est-il vraisemblable que les Gaulois n'eussent à peu près aucune idée de la Bretagne? Cette contradiction d'un auteur si maître de sa plume, montre assez qu'il ne voulait pas indiquer les rai- sons qui l'avaient porté à s'engager dans une expédition si aventureuse et si inutile. Aussi Suétone {Cœsar, ch. xlvii), prétend-il qu'il alla en Bretagne dans le seul espoir d'y trouver une grande abondance de perles précieuses, dont on disait ce pays pourvu. Cela est puéril sans doute. Mais l'auteur de l'His- toire romaine à Rome me parait avoir justement apprécié les mobiles qui dirigèrent alors le conquérant des Gaules : < La

< double expédition de César dans une contrée inconnue qui « semblait alors comme un autre univers, comme une Amé-

< rique lointaine, à l'existence de laquelle quelques-uns ne

< croyaient pas, dit-il , cette expédition assez inutile au point « de vue militaire, fut très-bien conçue au point de vue poli- c tique; elle frappa vivement les imaginations populaires; on

< dut en parler beaucoup dans les boutiques des barbiers et c parmi les oisifs qui se rassemblaient à Rome au bord du « canal : ce fut la campagne d'Egypte du Bonaparte romain, c De plus, il parait qu'on espérait trouver dans l'ile de Bre- « tagne une sorte d'Eldorado, des mines d'or et d'argent. Ces richesses, dans la pensée de César, étaient sans doute desti- « nées à appuyer dans le forum et sur le Champ-de-Mars la c candidature de ses partisans (1). >

Il est certain que, dans l'entourage de<lésar, on comptait trouver d'immenses trésors, et que l'on fut désillusionné, c Cette t Bretagne n'a donc ni mines d'or, ni mines d'argent, écrivait c Cicéron à Trébatius (2); s'il en est ainsi, prenez un de ses chariots, et revenez bien vite. » Voilà pourquoi sans doute Sué- tone suppose que César fut attiré dans cette ile par l'amour des perles précieuses. Mais revenons à ses Commentaires.

(4) Ampère, Hist, rom. à Rme^ t. IV, p. 544. (2) Gcéroo, Ad famiUanSy tii, 7.

SÉRn. TOME ui, U 5

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66 MÉMOIRES.

Si nous l'en croyons, il est le meilleur des amis. Qui en doute en lisant la joie que lui a causée la délivrance de Procil- lus, retenu par Arioviste (1)? Il en ressentit autant de plaisir que de la victoire même qu'il venait de remporter. Il parle volontiers de sa clémence à l'égard des vaincus (2). Enfin il proteste avec une singulière audace de son respect pour les lois de sa patrie : ses adversaires seuls les ont enfreintes. S'il est sorti parfois de la légalité, c'a toujours été pour rentrer dans le droit.

Quant à ses adversaires, il saura, toutes les fois qu'il con- viendra à ses intérêts, les présenter sous un jour odieux ou ridicule. Voici, par exemple, le portrait qu'il trace de Métellus Scipion, beau-père de Pompée et l'un des principaux chefs du parti républicain, sans avoir l'air, bien entendu, de vouloir tracer un portrait; car dans César tout est récit. C'est au lec- teur de se faire une idée des hommes, d'après les actions vraies ou fausses que l'écrivain leur attribue.

« A cette époque, dit-il avec sa simplicité pleine d'artifices, Scipion, pour prix de quelques échecs essuyés vers le mont Amanus, s'était adjugé le titre à'imperator. Après cela, il tira de grandes sommes des villes et des tyrans de ces con- trées; il exigea des receveurs publics le paiement de deux années qui étaient échues, les obligea à lui avancer le revenu de l'année suivante, par forme d'emprunt et leva de la cava- lerie dans toute la province. Lorsqu'elle fut rassemblée, lais- sant derrière lui les Parthes, ses plus proches ennemis, qui venaient de tuer le général M. Crassus et d'assiéger Bibulus, il quitta la Syrie avec sa cavalerie et ses légions, et il entra dans la province l'on redoutait une irruption des Parthes. Comme les soldats disaient hautement qu'ils marcheraient contre l'ennemi, si on les y menait, mais qu'ils ne porteraient pas les armes contre un citoyen et contre un consul; pour s'attacher les troupes, il les mit en quartier d'hiver à Per-

(1) Guerre des Gaules ^ liv. I, chap. lui.

(2) Guerre des Gaules, liv. II, ch. xxtii à Tégard des Nerviens ; ch. xxxii à Tégard des ▲tuatiques, etc., et surtout les trois livres de la guerre civile.

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LES PBÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE k ROME. 67

game et dans les villes les plus riches, leur fit de grandes largesses et leur accorda le pillage de plusieurs cités. > t Cependant les sommes auxquelles il avait imposé la pro- vince étaient partout levées avec la dernière rigueur; il ima- ginait toutes sortes de moyens pour assouvir son avarice. Un jour, il mettait une taxe sur les esclaves et sur les hommes libres; le lendemain^ il commandait qu'on lui fournit du blé, des soldats, des rameurs, des armes, des machines, des chariots; enfin tout ce qui avait un nom lui servait de pré- texte pour arracher de l'argent. Il établit des gouverneurs non-seulement dans les villes mais dans presque tous les vil- lages et les châteaux; et le plus inhumain, le plus cruel d'entre eux passait pour l'homme le plus digne et le meil- leur citoyen. La province était remplie de licteurs, d'agents, d'exacleurs de toute espèce qui, outre les sommes imposées, en exigeaient encore d'autres pour leur propre compte. Ils disaient que, chassés de leurs maisons et de leur patrie, ils étaient dénués de tout et couvraient ainsi d'un prétexte hon- nête l'infamie de leur conduite (I). » Rien n'est plus grotesque que le prétendu conseil tenu dans e camp de Pompée avant la bataille de Pharsale. Pompée an- nonce aux généraux de l'armée républicaine qu'il a trouvé un moyen infaillible de vaincre l'ennemi, avant qu'on en vienne aux mains. On s'étonne à bon droit. Il expose sérieusement comment sa cavalerie s'est engagée à prendre en flanc l'aile droite de César, comment l'infanterie, de son côté, l'envelop- pera par derrière et comment, grâce à ce double mouvement, les césariens n'auront plus qu'à jeter les armes bas et qu'à crier merci, s'ils ne veulent tous périr. Labiénus, qui prend ensuite la parole, affirme que l'armée de César n'est qu'une armée d'invalides ou de recrues, pour qui la guerre est une chose toute nouvelle. Il jure de ne rentrer dans le camp que vainqueur. Pompée le jure; tous les officiers, tous les sénateurs le jurent. On ne doute plus du triomphe; et la seule préoccu- pation est de savoir à qui appartiendront les dépouilles de l'en-

(4) Guerre civile, liv. III, cb. xxzi et xxzii.

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68 MÉMOIRES.

nemi. Ce récit est en coniradiciion avec tout ce que les autres historiens nous racontent du vaincu de Pharsale, qui ne livra la bataille que malgré lui et n'ayant presque aucune confiance dans le succès. Pompée, dit Appien, voyant que les autres « chefs de son armée en venaient à des contestations pour « savoir qui succéderait à César dans ses diverses dignités, jelu < des yeux indignés sur les auteurs de ces disputes, en homme c qui connaissait les vicissitudes de la guerre, et se couvrit le « visage. D'ailleurs, il garda un profond silence, partagé entre ( la répugnance et la crainte, ne se regardant plus comme « chef, mais comme subordonné et obligé de tout faire contre c son opinion. Tant cet homme qui avait fait de si grandes « choses et qui jusqu'alors avait été si universellement heu- reux, était tombé dans le découragement (1)1 » Toute sa con- duite atteste qu'il céda malgré lui à un avis dont il reconnais- sait l'imprudence. Il s'attendait d'avance à la défaite; mais il inclinait sa volonté devant celle des hommes qui, pour lui, re- présentaient la majesté du Sénat et du peuple romain. César, en le calomniant, préludait aux outrages qu'il lança plus tard contre la mémoire de Caton, dont il affectait pourtant de re- gretter la mort (2).

Quant à ces exactions qu'il reprochait tout à l'heure à Métel- lus Scipion, était-il en droit d'en faire un crime à ses adversai- res, lui dont la rapacité avait livré au pillage, en Espagne et en Gaule, les habitations des hommes et les temples des dieux (3)? Écoutons-le encore une fois opposer ses scrupules et sa délica- tesse au mépris de ses ennemis pour tout ce qu'un honnête homme, un bon citoyen doit respecter. Les décemvirs de Corfi- nium viennent lui présenter six millions de sesterces, que Domi- tius avait déposés dans leur trésor ; il les rend à Domitius, ne voulant point qu'on puisse penser de lui qu'il a moins de res-

(1) Appien, Guerres cimles, liv. ii, ch. lux.

{%) M. Duruy (Différend de César et du Sénai, Académie des sciences morales, ayril 4880, p. 493) dit que la clémence était si naturelle à César qu'on la retroufe même dans ses écrits, il n'y q pas un mot de blessant pour ses adversaires. U agit plus adroitement et d'une manière plus perfide. Il leur suppose de^ actions ridicules ou odieuses.

(3) Suétone, Vie de César ^ ch. ut.

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LES PRÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 69

pect pour l'argent de ses œncitoyens que pour leur vie. Et cependant, dit-il, il était certain que cette somme provenait du trésor public et qu'elle avait été donnée par Pompée pour la solde des troupes (4). Voilà un coup de massue lancé contre Domitius et Pompée. Mais comment osait-il les accuser, lui qui, malgré Topposition d'un tribun qu'il menaça do tuer, fit main basse sur le trésor déposé dans le temple de Saturne, après en avoir fait briser la serrure à coups de hache (2) I II est vrai que ce fait, mentionné par Appien, par Dion Cassius, par PIu- tarque, par Lucain, ne figure pas dans ses Commentaires. Il le passe sous silence. Il fait plus, et c'est ici que nous pouvons particulièrement le prendre en flagrant délit de mensonge. [1 aflirme, dons une intention qui n'échappera à personne, que le consul Lentulus, venu à Rome pour s'emparer du trésor, l'avait laissé o\4vert, en s'enfuyant, sur la nouvelle apportée par une fausse rumeur que l'ennemi approchait (3). D'autres avaient donc violé pour lui la loi de l'État qu'ils avaient voulu violer contre lui. Ils avaient transgressé les règlements relatifs à Vœ- rarium pour faire servir ces richesses qui s'y trouvaient à l'exécution de leurs projets hostiles, et, par un juste retour des choses d'ici-bas, par un effet de l'indignation des dieux peut- être, ces richesses avaient servi à César à les combattre eux- mêmes.

Par un effet de lUndignation des dieux! Mais le grand pontife César, dira-t-on, ne croyait ni aux divinités de l'Olympe, ni à l'existence d'aucune divinité. Tel était probablement le fond de son opinion. Mais ce n'est pas dans les Commentaires qu'il faut chercher les opinions véritables de César. Cet écrit, je le ré- pète, est entre ses main? une arme. C'est pour lui un moyen d'augmenter le prestige dont il est environné. Les dieux y tien- dront leur place, pourvu qu'ils viennent témoigner par des miracles qu'ils trouvent la cause de César la plus juste. Ils assistent à la journée de Pharsale, et ils annoncent aux peuples

(4) Guerre civik^ Ht. I, ch. xxiii.

(î) Dion Cassius, liv. XLI, ch. xvii. Appien, Guerres dviUtt Vu. If, ch. xu. Plutarque, Vie de César. Lucain, Pharsale, liv. III. (3) Guerre cit}Ue, Ht. I, ch. xiv.

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70 MÉMOIRES.

la victoire du descendant de Vénus. N'en serez-vous pas con- vaincu après avoir lu ce qui suit? t II était prouvé par les cal- u culs les plus exacts (1) que dans le temple de Minerve, en « Élide, le jour méroe César avait été vainqueur, la statue t de la Victoire, qui était placée vis-à-vis de celle de Minerve, « s'était tournée vers les portes du temple. Le même jour, à < Antioche, en Syrie, on avait entendu par deux fois de si t grands cris de combattants et de tels bruits de trompettes que toute la ville s'était armée et avait couru sur le rempart. « La même chose arriva à Ptolémaïs. Â Pergame, dans le sanc- c tuaire du temple les prêtres seuls peuvent entrer et que c les Grecs nomment Adyta^ les tambours sacrés retentirent d'eux-mêmes. A Tralles, dans le temple de la Victoire, c Ton avait consacré une statue de César, on montrait un pal- c mier qui, sortant ce jour-là à travers le pavé du ^mple, f s'était élevé jusqu'à la voûte. »

Conclusion. La victoire de César a plu aux dieux. Victrix causa Diisplacuit. Mais cette conclusion-la. César la sous-entend à son ordinaire.

Nous exprimerons par une comparaison la nôtre sur les Com- mentaires de ce grand et singulier génie. Au siège d'Alésia, César garnit le devant de son camp de pièges recouverts d'un verdoyant gazon, de ronces et de broussailles. L'œil lo plus exercé n'eût pu les deviner; mais quiconque y mettait le pied tombait et trouvait la mort. Le spectacle ordinaire de la nature cachait de nombreux instruments de destruction. Dans les Com- mentaires, le naturel du style, la justesse d'une foule d'obser- vations, la description parfaite des lieux, tous les dehors de la vérité cachent une œuvre de œmbat, d*artifice et de mensonge.

(4) Consfahai Élide in templo Minervœ rcpetitU atque enumerùtù diebus, etc., Guerr civile j lÏY. m, cb. ct.

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LES PRÉLIMINAIRES DE SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 71

II

Les lettres de Cicéron sont la seconde source Ton puise d'ordinaire, quand on fait Thistoire des préliminaires de la seconde guerre civile et jjie cette guerre elle-même. Rien n*est, à coup sûr, plus intéressant. Cicéron nous y apparaît avec un caractère bien différent de celui qu'il a comme ora- teur. Montesquieu y trouve de la naïveté. Il les compare à nos lettres modernes, la. fausse politesse mêle partout le men- songe et les correspondants cherchent mutuellement à se tromper. Cicéron et ses amis s'y disent tout sans dissimulation, ni réticence (1). On ne peut suspecter, en effet, la sincérité de l'auteur de ces charmants morceaux épistolaires, et la défiance qu'ils nous inspirent n'a pas la même cause que les soupçons que nous font éprouver les Commentaires de César. Elle n'est guère moindre pourtant. Cicéron, nerveux, caustique, irritable, se laissant volontiers aller à ses impressions, quelles qu'elles soient, voit le plus souvent les faits tout autrement qu'ils ne sont; à plus forte raison, juge-t-il mal les hommes. Or, parmi ceux qui ont eu le privilège de remuer sa bile, Pompée tient, je crois, le premier rang.

Il y a eu de cela plusieurs motifs. Quand l'antipathie naît entre époux, entre frères, entre concitoyens, elle est plus vive qu'entre étrangers, entre personnes dont les relations naturel- les sont moins fréquentes. Pompée et Cicéron appartinrent presque toujours au même parti, et Cicéron, qui mit d'abord son éloquence au service de la fortune militaire de Pompée, s'était flatté alors, à ce qu'il semble, que le grand général se- rait simplement le bras de Rome, tandis que lui-même en serait la tête. < Cicéron rêva toute sa vie le premier rang, dit M. Du- « bois-Guchan avec justesse (2) ; il le voulut d'abord par Pom- fl pée, en subordonnant Pompée au Sénat qu'il comptait do-

(1 ) Grandeur et décadence des R(mains; ch. xi. 0) Rom el Cicérony p. H9.

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72 MÉMOIRES.

« miner; c'est dans ce but qu'il soignait sa popularité sous « toutes les formes; c'est pour cela qu'il courtisait tous les « partis. » L'illusion fut perdue au retour de l'expédition de Pompée contre Milhrîdate, et, quoiqu'il y ail eu depuis entre eux (ies réconciliations, il demeura dans le cœur de Cicéron un res- souvenir amer qui, refoulé parfois, éclatait à la première occa- sion. — Il y avait aussi quelque chose dans le caractère de Pompée qui devait choquer particulièrement Cicéron, si sensible à toute espèce de louange. Pompée était bienveillant pour ses amis, et même bienveillant jusqu'à la 'faiblesse; Plutarque le montre; plus d'un fait le prouve (1). Mais il ne les flattait pas comme César, si habile à exploiter la vanité ainsi que l'intérêt et la crainte pour agir sur les hommes. Il ne savait pas s'humilier en paroles, ramper même au besoin pour monter. Quand, dans les jours les moins honorables de sa carrière politique, il courtisa la faveur populaire, il le fit gauchement, d'une manière mala- droite, avec une inexpérience évidente. Le savoir-faire de son grand rival lui était étranger. Celui-ci sut user de ses sacrifices tantôt pour gagner, tantôt pour effrayer le prince des orateurs romains. Il caressa sa vanité, et sut le séduire à l'époque môme la conscience de Cicéron lui commandait impérieusement de le regarder comme un ennemi public. Ce n'est que plus tard, et quand cet ennemi de la liberté romaine ne fut plus, qu'il échappa à celte espèce de fascination. Alors il passa d'un ex- trême à l'autre, et il ne garda dans ses invectives aucune me- sure. Mais les outrages qu'il prodigua à la mémoire de César ont clé loin de nuire à celle-ci. Ils ont seulement rabaissé celui qui n'avait pas reculé devant de telles manifestations de haine, après avoir usé d'un tout autre langage. Au contraire, ses vives et amusantes sorties, ses épigrammes contre Pompée continuent à porter coup. On suppose que la vérité lésa dictées, parce que Cicéron les multipliait à l'époque même ses relations avec le vainqueur de Mithridate semblaient le plus [intimes et ils étaient les champions d'une même cause.

[^ vanité blessée les a souvent dictées. Il y a eu aussi un

(1) S'il laissa César dtvenir redoutable; celle faiblesse en fut eo partie la cauie.

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LES PRÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 73

moment (et c'est celui dont nous nous occuperons principale- ment dans ce travail) ils ont été pour Cicéron un moyen de pallier, aux yeux de ses correspondants, et peut-être h ses propres yeux ses torts envers le parti qui avait confié à Pom- pée la direction de sa défense. Interrompu par les approches de la guerre civile dans son rêve do triomphe, il eût voulu la paix à tout prix, alors qu'elle eût été la victoire nécessaire de César, et il s'étonnait que Pompée ne la jugeât plus possible, après avoir conservé si longtemps l'espoir de la maintenir. Puis, il s'indigna que ce même Pompée, peu confiant dans les forces qu'il avait réunies à la hâte pour parer aux premiers dangers, laissât l'Italie à César, en traversant la mer. Son devoir de con- sulaire eût été de la traverser avec lui. Cicéron aima mieux ac- cuser Pompée tantôt de faiblesse et de lâcheté, tantôt de calculs ambitieux et porvers. Aujourd'hui, il le proclamait le dernier des hommes d'État («TroXtTtxwraTov) et le dernier des hommes de guerre (««TTpanf37txwTaTov). Le lendemain, c'était un autre Sylla, méditant des desseins profonds, et préparant une affreuse vic- toire que nombre de proscriptions devaient suivre.

Ces appréciations contraires se neutralisent aux yeux d'u» juge impartial. La plupart des historiens modernes n'ont pas été de cet avis. Ceux-là sont les plus modérés qui n'en ont ad- mis qu'une seule. Mais le nombre en est petit.

Il y a pourtant bien des passages des mêmes lettres de Cicé- ron qui pourraient servir de correctifs. On les néglige ou on en fausse le sens. M. Dubois-Guchan en cite quelques-uns; mais c'est pour accuser Cicéron de versatilité, nullement pour invi- ter le lecteur à concevoir des doutes sur les fautes et le manque absolu de valeur du rival de César (1). Bornons-nous à celles de ses lettres qui se rattachent aux préliminaires et au début de la guerre civile; c'est peut-être que la mauvaise humeur de Cicéron contre Pompée s'exhale le plus en traits mordants et en jugements pleins de sévérité sur ses actes et sur ses intentions.

(1) Disons cependant qu'il ne conteste pas la capacité militaire montrée par Pompée dans la seconde gaerre civile. C'est, je crois, le seul des historiens de notre temps qni ait soutenu cette thèse, dont je me ferai le champion dans un autre travail avec preuves à l'appai.

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74 MÉMOIRES.

Mais alors même, par instants, plus maître de lui, il avouait avec franchise à Atticus, pour lequel il n'avait rien de caché, que toutes ces boutades, toutes ces récriminations n'avaient pour but que d'apaiser le cri de sa conscience. Après avoir accusé vivement Pompée et conclu que, pour son compte, il serait bien fou de s'attacher à un pareil allié, il s'interrompt tout à coup : '< Ne croyez pas au moins, dit-il, que j'aie plus

< d'inclination à demeurer ici, parce que j'ai donné plus de raisons ; il peut en être de cela comme de beaucoup d'autres c choses l'idée la plus débattue en paroles n'est pas celle « que l'on croit la meilleure (1). » Ailleurs, quand il a laissé sa colère contre le généralissime des troupes républicaines faire explosion à sou aise, il vire de bord et s'écrie : « Je commence

< à voir un peu tard , mais je vois clairement que Balbus (un « affidé de César) m'a pris pour dupe et que l'on tend aujour-

< d'hui, que l'on a toujours visé, dès le principe, à la ruine de « Pompée... A celte heure, il s'agit non-seulement d'un compa- c gnon , mais d'un bienfaiteur, ajoutez d'un grand homme et

< d'une belle cause (3). » Et quant à ces proscriptions dont il lui imputait le dessein, mieux instruit plus tard, ayant vu de ses propres yeux ce qui se passait dans l8 camp de Pompée, il rétracte de lui-môme tout ce qu'il en avait dit. Le parti de Pompée était rempli, il est vrai, de gens qui rêvaient d'atroces vengeances et des mesures à la Sylla. Mais le général en chef et quelques autres des ennemis de César faisaient une honorable exception dans cette réunion de furieux. Voilà ce qu'il nous apprend dans une lettre à M. Marins, alors que Pompée n'était plus : c Je ne tardai pas à me repentir d'avoir passé dans le

< camp de Pompée, dit-il, non pour mes dangers personnels; a mais j'avais été chercher un déplorable spectacle ; des trou-

< pes peu nombreuses et mal aguerries, des hommes, je parle c des principaux personnages {de principibtAS bquor) qui, àTex- ception du chef et d'un petit nombre (extra ducem paucosque prœterea). ne respiraient que le pillage; des discours à faire fré-

(1) A AUicus, Tiii, 3.

(2) A AUicus, IX, 5.

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LES PRÉLJIIINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 75

mir, etc., etc. (1). Il n'y avait rien de bon, rien absolu- c ment, si ce n'est la cause que Ton servait. » Dans un dernier passage, après avoir maudit les Pompéiens, dont il s'est séparé d'une manière peu honorable pour lui, il fait de Pompée l'orai- son funèbre suivante : c Pompée a fini comme je le prévoyais...

< Rois et peuples désespéraient tellement de ses affaires qu'en

< quelque lieu qu'il abordât son sort était inévitable; je ne « puis m'empècher pourtant de déplorer ce triste événement : « c^était un homme de bien, d'honneur et d'un mérite solide. « Hominem enim integrum et castum et gravem œgnovi (2). M. Dubois-Guchan trouve l'éloge assez mince (3). Je ne puis partager son avis, et les Romains ne l'eussent pas partagé davantage, eux pour lesquels l'épilhète de /ru^i était ce qu'était la qualification de prud'homme au rapport de Joinville (4).

III

Nous commencerons notre récit au troisième consulat de Pompée. C'est alors que furent jetées les semences de la guerre civile. Dans les années qui avaient précédé , depuis le départ de César pour la Gaule, Rome avait été dans un état d'anarchie difficile à décrire. César, quoiqu'alors occupé à conquérir les Gaules, n'y était point étranger, et l'on reproche à Pompée, non sans vraisemblance, d'avoir trop souvent enhardi les fauteurs de désordres par une attitude au moins indifférente. Il est vrai que sa manière d'agir s'explique par la conduite singulière que tenait à son égard l'aristocratie^ qui prétendait être le parti de Tordre et qui contribuait pour une large part à rendre l'ordre impossible.

Cette aristocratie n'avait jamais aimé Pompée, et elle ne ces-

(1) Ad {amiiiant, vu, 3. Ad de Rome 708 ; juillet. (t) A AUicus, XI, 6.

(3) Rome ei Cicénm^ p. 4 90.

(4) « Preudomme, dit Taimable historien, est si très-grand chose et si bonne, que ce mot, Pieadomme, à nommer emplist la bouche. » (Histoire de saint LouiSj V^ partie.)

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76 MÉMOIRES.

sait pas de lui donner des preuves de ses dispositions malveil- lantes. Mais, d'un autre côté, elle comprenait que son assistance lui serait nécessaire si quelque grave circonstance se présentait, et elle le retenait à Rome comme le seul homme auquel elle pût avoir recours en pareil cas. Tous les procédés des nobles envers lui, depuis son retour de la guerre contre Hithridate, indi- quent deux sentiments contradictoires : une animosité qui ne cherche point à se dissimuler et une sorte de confiance dans sa loyauté, dans sa modération, dans son amour pour le bien pu- blic. On le provoque, puis on l'invoque; on le repousse comme un homme dont on ne saurait trop se garder, et ou l'appelle comme le sauveur indispensable. Il se prête à ce double rôle, souffre avec patience les injures de ses adversaires politiques et concourt avec eux à apaiser les troubles quand il en est requis. Mais, à peine y a-t-il mis fin, l'aristocratie lui redevient hostile. Elle l'attaque avec violence et n'omet rien pour le piquer au vif. En même temps, elle soulève contre elle les passions de la plèbe. Alors, abandonnée à elle-même, elle est obligée de nou- veau de reconnaître sa propre impuissance, et elle confie l'épée à celui qui seul alors pouvait et voulait s'en servir pour rame- ner le calme. Mais quand elle retourne forcément à lui, elle l'accuse encore, et elle le prétend l'auteur des blessures qu'elle le prie de guérir, se donnant à elle-même un prétexte pour être plus tard ingrate envers lui (4). Pourtant, après la mort de Clodius et les épouvantables scènes qui la suivirent, il lui fallut faire vers lui un pas décisif. De l'aveu de Gaton, Pompée, ab- sent, fut nommé seul consul , au mépris de la loi qui statuait qu'il s'écoulerait toujours un intervalle de dix ans entre deux consulats d'un même personnage. Il se trouva ainsi investi, sous un autre nom, d'une espèce de dictature et chargé de

(1) Inutile de dire que beaucoup d'historiens modernes se sont faits en cela les com- plices de cette aristocratie qu'ils détestent, u Pompée, dit par eierople M. Duruy (Diffé- rmd de César et du Sénat: avril 1880, Académie des sciences morales)*, se défendait da vouloir la dictature, tout en encourageant secrètement les désordres qui la rendaient né- cessaire. Du moins, parmi les conservateurs, beaucoup croyaient voir sa main dans les émeutes. . . De guerre lasse, les grands se rapprochèrent du sphinx dont on devinait Iqs désirs, mais qui continuait à les cacher. »

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LES PRÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 77

prendre les mesures nécessaires pour prévenir le retour des excès qui, de crise en crise, avaient menacé de conduire la République à sa ruine.

Ûensemble de ces mesures, dont plusieurs devaient servir à César de motif ou de prétexte pour prendre les armes contre sa patrie, a été apprécié d'une manière fort diverse. Tacite, qui les condamne, leur attribue une gravité funeste; il y voit l'ori- gine de rétablissement du régime militaire à Rome, c Pompée,

dans son troisième consulat, dit-il, ayant été choisi pour cor- « riger les mœurs, imagina des remèdes pires que les délits « eux-mêmes; il créa des lois, et lui-même il les détruisit^ et il se vit enlever par les armes d'autrui ce qu'il avait fondé par « les armes (1 ).> L'un des meilleurs historiens modernes de l'Em- pire romain, M. Mérivale, au contraire, qualifie de frivoles les remèdes appliqués par le réformateur, et établit à ce sujet entre son maître Sylla et lui un parallèle tout à l'avantage du pre- mier (2). Pompée ne changea rien à la constitution de Rome, et il n'avait pas les pouvoirs nécessaires pour la modifier. Il était chargé seulement de ramener la tranquillité dans une cité trou- blée au moyen de règlements énergiques, vigoureusement exé- cutés. Remplit-il ce but? Oui, le résultat en témoigne, et M. Uérivale lui-même, après avoir longuement critiqué ses actes, convient que son administration produisit des effets salu- taires (3). César l'atteste dans ses Commentaires, c Lorsque César, « dit-il, apprit la révolte de Vercingétorix, il savait que, grâce

aux talents de Pompée, les affaires avaient pris une meilleure t attitude à Rome, et il partit pour la Gaule transalpine (4). Reste à savoir si cet heureux résultat fut trop chèrement obtenu, comme le prétend Tacite. L'examen des principaux règlements

(\) Tum Cn. Pompetus, ieHiiim consuij corrigendis moribus delectus et gravior TeMê- diis guàm deHcta emntj suanmque legum audor idem ac sv^mersor, quœ armis tuebatur anm amisiL (Ann., m, tS,)

(%) Histoire de VEmpire wmain, t. Il, p. 191 et soir., de la trad. française.

(3) Id.ibid.^, 196.

(4) Bis rébus in Italùm Cœsari nuntiatis,, quum jam iUe urhanas res virtute Pompeii eoimimodiorem in statum pervenisse inldUgeret, in Transalpinam GaUùm profectus est, {Guerre des Gaules, liy. VI, cb. ti.)

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78 MÉMOIBES.

édictés par Pompée pendant son consulat nous permettra seul de nous prononcer sur ce point.

D'abord, Pompée défendit aux citoyens de porter des armes dans les murs de Rome. En cela il ne faisait que rappeler l'usage ancien. Les rixes avaient toujours été fréquentes dans le forum. Au temps des luttes des patriciens et des plébéiens, on s'y bat- tait à coups de poing, quelquefois avec des bâtons (témoin l'ac- cusation dirigée par un tribun contre Géson, fils de Cincinnatus). Il y avait contusions et blessures. Mais on n'allait point jusqu'au meurtre. Depuis, la place publique avait été envahie, surtout les jours d'élection, par des gladiateurs armés; alors le sang avait commencé à couler ; les choses étaient venues à un tel point qu'il fallait nécessairement y mettre ordre. La population romaine étant désarmée, quelques soldats suffisaient pour la contenir. Mais Pompée ne créa point de corps de milice permanent à Rome. L'établissement des prétoriens ne remonte qu'à Auguste.

Les principaux règlements du consul unique furent relatifs aux tribunaux : à l'occasion du procès de Milon, le pouvoir exécutif s'arrogea le droit de faire un triage parmi les citoyens susceptibles de remplir les fonctions de juges : changement grave, bien que tempéré par le droit de récusation attribué aux accusateurs et aux accusés dans certaines limites. Peut- être était-il cependant nécessaire. Tant d'hommes nécessiteux et corrompus vendaient, depuis quelque temps, leurs senten- ces aux plus offrants! On ne peut nier que la justice n'ait été mieux rendue à Rome qu'auparavant, sous le consulat de Pom- pée. Quand Pompéius Rufus et Munatius Plancus, ces deux tribuns turbulents qui, avec Salluste, avaient provoqué l'é- meute où la curie fut incendiée , furent cités pour rendre compte de leur conduite. Pompée eut la faiblesse d'écrire aux juges en faveur du second, au mépris d'une loi qu'il avait faite lui-même. Mais les juges considérèrent sa recomman- dation comme non-avenue. Munatius fut justement condamné. La sévérité prévalut dans les jugements, et beaucoup de factieux durent quitter Rome, sans que la peine capitale paraisse avoir été décernée contre aucun; car les lois Porcia et Sempronia furent religieusement observées.

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LES PRÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 79

Une certaine police militaire fut aussi établie dans les tri- bunaux, et des limites de temps imposées soit à la défense, soit à l'accusation. Deux heures durent désormais sufGre à Taccusa- teur et trois au défenseur. L'auteur du De catisis corruptœ eh- quentiœ, que Ton croit être Tacite, signale ce fait comme une des causes de la décadence de l'éloquence à Rome. Cicéron, dans son Brutus (<), trouve cette restriction convenable et né- cessaire. Il est certain que les orateurs du barreau, comme aussi les orateurs politiques, avaient abusé étrangement du droit de parler sans rien dire qui eût trait à leur cause. C'était chez eux une tactique familière de fatiguer les juges, en sor- tant sans cesse de leur sujet. Dans une ville constamment agitée, l'imprévu jouait un si grand rôle, on avait beaucoup gagné quand on avait fait reculer l'issue d'un procès, ne fût-ce que de vingt-quatre heures. Le consul défendit également de pro- duire en faveur des accusés des témoignages et des recomman- dations d'hommes puissants destinés à influencer les juges, sans éclairer la cause. Malheureusement il viola sa propre loi d'abord pour Munatius Plancus et ensuite pour Métellus Scipion. Ce double acte de défaillance justifie le reproche que lui fait l'au- teur des Annales d'avoir été le destructeur de ses propres lois!

Il est remarquable que, dans les deux règlements que nous venons de citer, Pompée ait attaqué deux des privilèges les plus chers à l'aristocratie; car, chez un peuple de plaideurs comme le peuple romain, l'aristocratie était une aristocratie d'a- vocats, tout aussi bien que d'hommes politiques et de généraux . Cicéron, César, Sulpicius, s'étaient d'abord fait connaître en plai- dant des causes ou en donnant des consultations. Intervenir dans les procès ^quelque titre que ce fût, appelés ou gpn appelés, et y parler longuement étaient deux des privilèges auxquels ils attachaient le plus d'importance. En prenant ces deux mesures d'ordre public qui nous paraissent fort innocentes, Pompée les mécontenta gravement.

Il se fit aussi parmi eux beaucoup d'ennemis en mettant en vigueur un sénatus-consulte sur les provinces fait récemment,

(4) Cicéron, Brututy 94.

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80 MÉMOIRES.

mais qui était resté jusqu'alors à Tétat de simple projet. Ce sénatus-consultc établissait que nul ne pourrait recevoir un gouvernement, si ce n'est cinq ans après l'expiration de la ma- gistrature qu'il aurait remplie à Rome. La mesure était sage. Depuis longtemps, en effet, on ne recherchait plus les magis- tratures urbaines que parce qu'elles conduisaient aux fonctions proconsulaires. Les premières appauvrissaient; les dernières, au contraires, étaient la source d'un accroissement de fortune énorme. Le plus grand, et quelquefois Tunique souci d'un consul ou d'un préteur était de se faire attribuer au sortir de sa charge une province il y avait beaucoup à gagner. Il flattait pour cela tantôt le Sénat et tantôt le peuple, suivant qu'il es- pérait arriver par l'un ou par l'autre; et les intérêts de la Ré- publique étaient certainement sacrifiés au désir d'obtenir une place lucrative.

Du reste, il y eut encore une exception fâcheuse en faveur de l'auteur de la loi. Le proconsulat de l'Espagne lui fut con- tinué pour cinq ans (1). Une loi qui obligeait les candidats aux suffrages du peuple à se montrer dans les comices ils solli- citeraient leur élection fut par une inconséquence analogue, ^déclarée inapplicable à César. On lui permit de briguer, quoi- que absent, la principale magistrature (2).

Mais la loi principale, la loi qui fut probablement la plus ; rosse en conséquences, est celle qui concernait les procès de brigue et de corruption. Pompée y autorisait la recherche des citoyens qui s'étaient rendus coupables de ces délits, en pour- suivant les magistratures, depuis son premier consulat (3). C'é- tait une faute véritable. Il ne faut pas donner d'effet rétroactif aux mesures rigoureuses. Il en découle presque toujours des

(1 ] Suivant M. Guiraud {Différend entre César et le Sénat) il n'y avait pas d'illégalité, Poiçpée se contentant de faire prolonger la durée d'une magistrature qu'il avait déjà. (Page 122, note r)

(2) Il ne pouvait, du reste, user de ce droit qu'en Tan 49 av. J.>G., qui était la der- nière année du temps fixé pour l'exercice de son proconsulat ; car diverses lois romaines qu'on avait, il est vrai, plusieurs fois violées, exigeaient un intervalle de dix ans pour qu'un Romain pût être réélu à une charge qu'il aurait déjà remplie.

(3) Appien, Guerres civiles j II, 23.

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LES PRÉUMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE GIVILB A ROME. 81

suites fâcheuses. Gaton était bien inspiré lorsque, suivant PIu- tarque, il le représenta à Pompée, c II n'est pas facile, lui « disait-il, de fixer le terme s'arrêteraient ces recherches c sur lesanciennes prévarications ; quant à établir de nouvelles c amendes contre d'anciennes fautes, ce serait une grave ini- c quité de punir quelqu'un en vertu d'une loi qu'il n'a ni violée, c ni foulée aux pieds (1). > Les amis de César virent immédia- tement l'usage qu'on pourrait faire contre lui de cette mesure. Ils s'en plaignirent. Pompée répondit qu'il y était lui-même compris pour son second consulat, ce qui était vrai, et qu'il était contraint à embrasser une aussi longue période de temps dans sa loi, parce que, depuis, la désorganisation n'avait pas cessé de faire des progrès et qu'il fallait couper le mal dans sa racine.

A cette loi était ajouté un article amnistiant le condamné qui dénoncerait quelque autre coupable. Mais le discours de Cicé- ron pour Cluentius prouve que cette disposition, si favorable aux délateurs, n'était pas une innovation. Memmius, puni d'un châtiment qu'il avait bien mérité, voulut s'en affranchir en traduisant devant les tribunaux Métellus Scipion, dont Pompée avait épousé la fille Gornélie. C'est alors que celui-ci intercéda pour la seconde fois pour un accusé. Memmius se répandit en doléances sur la triste situation de la République, et se désista de sa poursuite (2). A l'occasion d'un procès intenté à Scaurus, une émeute du peuple eut lieu, et la force armée dut intervenir de nouveau. Quelques-uns des émeutiers furent tués dans la bagarre.

Il est donc véritable que la réforme de Pompée n'eut pas lieu sans quelqu€»9 mesures acerbes; il est vrai aussi qu'il eut le tort d'enfreindre trois fois ses propres prescriptions, rouvrant ainsi la porte aux délits qu'il avait mission d'empêcher pour l'avenir. C'est par qu'il a mérité en partie les qualifications sévères de Tacite. Les honnêtes gens de Rome, songeant, eux, à l'épouvantable état dans lequel était la République au moment

(4) Platarqae, Coton le Jevmj 4S. (2) Appieo, Gmrres cwUet, II, 24.

SBBIB. TOME Ul, 1.

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82 MÉMOIRES.

Taristocratie, à bout de ressources, s'était jetée dans ses bras, regardèrent comme un miracle la tranquillité dont ils jouis- saient. Il leur sembla qu'elle avait été achetée à un bien faible prix. Cicéron qualifie ce consulat de divin dans une lettre il n'est ni flatteur, ni ironique (1). Si une espèce de régime militaire naquit alors momentanément de la force des choses, celui qui l'inaugura n'en usa qu'avec une extrême parcimonie. Le peu de soldats qui furent destinés à comprimer l'esprit de sédition que les magistrats eux-mêmes avaient excité si long- temps à plaisir, n'y affectèrent point les airs insolents de vain- queurs commandant à des vaincus. Il y a apparence qu'ils en furent éloignés presque aussitôt après que le calme eut com- mencé à régner, et que le parti modéré eut repris quelque con- fiance en lui-même. On ne déposséda point de citoyens pour leur donner des terres ; on ne les distribua point en colonies militaires, et peut-être est-ce ce qui acheva de tourner l'armée du côté de César. En ce temps-^là les soldats faisaient autant de cas de la libéralité de leurs généraux que de leur valeur. César était prodigue pour ses légionnaires; en se dé- vouant à lui, ils avaient à attendre de magnifiques récom- penses. Le service de Pompée ne leur offrait pas une aussi belle perspective. Avec lui, ils ne pouvaient guère espérer qu'une mince rémunération. Aussi passèrent-ils en foule à son rival quand arriva le moment décisif.

Pompée déposa le pouvoir absolu dès qu'il crut le pouvoir faire sans péril pour la sûreté publique. Au bout de quelques mois, il prit pour collègue son beau-père tell us Sci pion. Puis il pourvut à ce que les élections eussent lieu dans les formes habituelles. Deux sénateurs, qui s'étaient signalés par leur éloquence et leur connaissance de la jurisprudence romaine, H. Marcellus et Sulpicius Rufus furent choisis (2). Dion Gassius

(1 } LeUres à AUicuSj tu, 4 . Go sait Thoininage que rend à Pompée Pline le Jeune. M. Duruy aToae que le calme reyint. « Tant, ajoute-t-il, il suffisait d'un homme ayant la Tolonté de maintenir Tordre pour que la paix régnât dans la cité ! » Mais il ajoute aussitôt que Pompée, capable d'actes énergiques, était incapable de les soutenir long- temps. (Différend de César et du Sénat. Acad. des sciences morales, arril 1 880.)

(2) Dion Gassius, xl, 68.

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LES PRÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 83

nous dit que l'intrigue et la violence ne furent pour rien dans leur élection. Si Caton échoua, c'est qu'il ne voulut faire aucune des démarches que la coutume imposait aux candidats. On dit qu'il s'en consola et se mit à jouer tranquillement à la paume. Mais, depuis, il ne rechercha plus le suffrage des comices. Ce fut un malheur. Une transformation heureuse s'opérait avec l'âge dans ce noble esprit, d'abord trop absolu. Il n'envisageait plus toutes choses au point de vue de la République de Platon; les aspérités de sa nature s'adoucissaient, il avait donné d'excel- lents conseils à Pompée^ et il eût peut-être empêché les mal- heurs qui suivirent.

IV

On approchait, en eflet, du moment la guerre civile allait éclater. Rome était tranquille sous ses nouveaux magis- trats. I^ Sénat avait repris toute sa confiance en lui-même. Il tolérait Pompée, qui lui avait rendu de grands services. Mais la victoire de César, qui venait de prendre Alésia et qui n'avait plus à combattre en Gaule que quelques peuplades isolées, in- capables de résister longtemps, le souvenir du mépris que ce général avait montré pour le grand Conseil de la République dans son consulat et l'exception même que Pompée avait faite en sa faveur relativement à la pétition de la première magis- trature, avaient fixé sur lui l'attention d'une partie des Pères conscrits. Le consul Marcellus se fit leur organe pour proposer que le vainqueur des Gaules fût rappelé , avant le temps, de sa province. Pompée était alors absent; il annonçait même l'inten- tion de partir pour l'Espagne (1). On le rappela à Rome , afin de prendre son avis sur cette grave question. Il fit une protes- tation assez vague d'obéissance au Sénat, si nous nous en rap- portons à une lettre de Caelîus à Cicéron, alors en route pour

(4) Dion Cassins suppose qu'il D^arait pas réeUemfint celte iotention» liv. XL, ch. lix, Cicéron {Lettres à AUicus, v, 4 4) est d'un avis contraire.

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84 MÉMOIRES.

la Cilicie (1). D'autre part, deux historiens qui sont nos prin- cipaux guides, Ioi*sque les lettres de Cicéron ne nous donnent pas d'éclaircissement ou peuvent être justement suspectées , Appien et Dion Cassius, s'accordent à dire qu'il opina pour qu'on laissât à César son gouvernement jusqu'à ce que le terme fixé par la loi fût atteint, et tous deux supposent pourtant qu'au fond il nourrissait déjà le désir de se débarrasser d'un concurrent dont la grandeur et la popularité le gênaient (2). Dion Cassius ajoute qu'il disposait tout en secret pour que son ancien associé dût rentrer dans la vie privée lorsque l'échéance de son pro- consulat serait arrivée. Dion Cassius croit d'ailleurs que le gou- vernement des Gaules n'avait été prorogé que pour trois ans au futur dictateur perpétuel, et il est persuadé que ses pouvoirs devaient expirer au commencement de l'année suivante. César

(1 ) « Au milieu du débat, Pompée a laissé échapper ce mot que chacun défait égale- ment obéissance au Sénat. » On en a fait grand usage depub pour soutenir que Pompée était l'auteur secret de la motion de Marcellus contre César. Mais Cicéron, dans sa cor- respondance arec Atticus, l'accusait plus tard (VIII, 3) d'avoir empêché que César o'eAt alors un successeur.

(2) Dion Cassius, liv. XL, ch. lu. « Pompée fit semblant de ne pas approuyer que César fût privé du commandement , mais, en réalité, il prenait ses mesures pour qu'il déposÀt les armes et rentrât dans la vie prirée lorsqu^U $eraU parvenu au terme de son proconsulal. Cette époque n'était pas éloignée, puisque ce proconsulat devait finir Tannée suivante. » Appien, II, 26. c II avait été question, même avant l'expiration du terme du commandement de César, de lui donner des successeurs. Mais Pompée s'y était opposé par raison de convenance et par un semblant d'affection. Il avait repré- senté que, pour un assex court espace de temps, ce n*était pas la peine de faire injure à un citoyen illustre qui avait fait de grandes choses pour la patrie ; mais il ne dissimula point qu'après que le terme serait expiré il fallait ôter ce commandement à César. » Caelius lui-même, dans une seconde lettre à Gcéron, dit que Pompée s'opposa dans le Sénat à ce que la question fût actuellement traitée. « Votre ami Pompée, mande-t-il à Gcéron, dit publiquement que César ne peut pas conserver sa province avec une ar- mée et devenir consul ; mais il déclare que le moment n'est pas encore venu de faire un sénatus-consulte. » (Ad famiUares, Vin, 2 septembre, an de Rome 703.) L'affaire paraît avoir été remise sur le tapis bientôt après. Un sénatus-consulte fort vague fut alors rédigé. Les paroles de Pompée furent équivoques et donnèrent des espérances aux deux partis. Il déclara pourtant qu'on ne pourrait sans injustice s'occuper du gouvernement de César avant les kalendes de mars, et qu'alors il n'hésiterait plus. « On a conclu de la manière dont Pompée s'est exprimé , dit Caelius, qu'il y avait sous jeu quelque négociation entre César et lui. » (Ad famiUam, VIII, 8.)

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LES PRÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 85

resta encore près de deux ans en possession de ses provinces (1 ). c'était au mois de septembre 51 que Marcellus proposait de rapporter le dernier plébiscite fait à l'avantage de César, et le second délai de cinq ans qui lui avait été accordé ne devait pro- bablement finir qu'avec Tannée 49. La seconde guerre civile sui- vit de près le commencement de cette même année. Nous verrons, du reste, s'il est vrai que Pompée prit les dispositions dont parle l'historien. Pour le moment il n'est pas douteux que la propo- sition de Marcellus ne fut pas acceptée. L'affaire fut renvoyée aux kalendes de mars, et César demeura dans son gouvernement.

Marcellus était animé contre César de sentiments d'inimitié personnelle. Il le prouva en faisant battre de verges un citoyen de Côme en relations avec ce dernier. Mais on présente d'ordi- naire cet acte de Marcellus sous un faux jour. Sur l'autorité d'Appien et de Plutarque, on a fait de cet habitant de Côme un magistrat ayant droit de cité à Rome, et l'on a prétendu que Marcellus, pour mieux satisfaire sa haine, viola la loi qui met- tait les Romains à l'abri de ce genre de châtiments. Le lémoi-,

(4) M. Guiraud. dans son ioléressant ouvrage sur le différend de César arec le Sénat, admet ropioion de Dion Cassiua, ell'appuie de teiteâ et' d'arguments plausibles (p. 99 et SUIT.) Malgré la grande habileté que l'auteur met à soutenir sa thèse, je n'ai pas été com- plètement conTaincQ. Mais, si l'on admet que César ait conservé son commandement bien aa-delà du terme qui lui ayait été assigné par la loi Pompéia Licinia, on n*en sera, ce semble, qne plus porté à condamner la conduite du vainqueur des Gaules. M. Gui- raud, qui absout le Sénat de toute illégalité dans cette affaim, contre l'opinion de M. Mommsen, est pourtant indulgent à l'égard de Tadversaire de l'aristocratie dans la ' conclusion de son livre. D est douteux qu'on puisse arriver au bien en faisant le mal, et rien ne prouve, à mon avis, que la dictature de César longtemps continuée eût beaucoup amélioré le sort de l'Empire. Le principal argument sur lequel se fonde M. Guiraud pour ne pas admettre que le gouvernement de la Gaule eût été prorogé à César pour cinq ans consiste dans un passage des Commentaires de César, celui-ci accuse seule- ment le Sénat de lui avoir ravi six mois de commandement, qui devaient lui rester jus- qu'aux comices consulaires. (Guerre civile j I, 9.) Mais c'est peut-être qu'il n'aurait pu cumuler ensemble les fonctions de consul et de gouverneur de la Gaule. Son élection à la principale magistrature de la République eût mis fin à son proconsulat. Voir aussi sur la question traitée par M. Guiraud M. Fustel de Coulanges (Journal des SawnlSy juillet 4 879). L'auteur penche vers la solution de M. Guiraud, et appuie son opinion sur des textes interprétés et rapprochés d'une manière très-ingénieuse. Tout en admirant son talent, j'ai conservé mes doutes.

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86 MÉiroiRES.

gnage de Cicéron réduit les choses à leur juste valeur, et mon- tre que la conduite de Harcellus constituait un outrage pour Pompée lui-même : Harcellus a traité bien indignement cet f habitant de Côme, écrit-il d'Athènes h Atticus; cet homme c avait beau ne pas être magistrat; il était Transpadan, et cet t acte n'irritera pas moins notre ami (Pompée) que César; tf c'est son affaire après tout. »

Bientôt après, le gendre de César tomba malade à Naples. Sa santé était depuis longtemps éprouvée. Cette fois le danger fut grand. On le crut perdu. Le peuple de la plupart des munici- pes d'Italie donna des signes évidents de désespoir. Il se réta- blit pourtant, et la nouvelle de sa guérison fut saluée, dans toute la péninsule, par des acclamations indicibles de joie. Tan- dis qu'on le transportait en litière à Rome, une foule im- mense guettait son passage et lui prodiguait les marques de sympathie. < Pourquoi Pompée ne succomba-t-il pas à la mala- c die dangereuse dont il fut atteint en Campanie? dit mélanco- c liquement Velléius. L'Italie entière adressait alors aux dieux c des vœux pour sa guérison (honneur insigne qui n'avait été c jusqu'alors décerné qu'à lui seul). En mourant il dérobait à la fortune l'occasion de le perdre, et la gloire qui l'avait en- a vironné pendant sa vie descendait tout entière avec lui chez c les morts (1). >

C'était la veille de la seconde guerre civile que les muni- cipes d'Italie s^ réunissaient dans un tel sentiment d'affection pour lui. On lui pardonnait ses fautes en faveur de ses bien- faits. On le regardait comme le sauveur de Romeet de la liberté. Or, le peuple était sincère, t Le corps du peuple , a dit fort bien Montesquieu, ne flatte ni ne dissimule. » Pourquoi bientôt après. Pompée abandonné se vit-il forcé de quitter l'Italie ? Faut-il seulement s'en prendre à la versatilité populaire ? 11 y a, si je ne me trompe, une autre explication plausible. Pompée, auquel M. Dubois-Guchan ne pardonne pas d'avoir été centre- gauche, suivant son expression, était et demeura, toute sa vie, l'homme de la classe moyenne, la classe la plus morale et la

4)VeUéias, n, 48.

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LES PRÉLIMINAIRES DE SECONDE GUERRE CIVILE A ROUE. 87

seule qui eût pu sauyer la République, si le dernier jour de la République n'ayait pas été marqué. Elle avait fondé sur luises espérances, et le calme dont Tltalie jouissait, sans proscriptions, sans violences d'aucune espèce, le lui avait doublement rendu cher. Mais» dans cette classe paisible, il y avait peu d*hommes d'action. Ils voulaient être protégés et ne savaient pas se pro- léger eux-mêmes. César, au contraire, eut pour lui, dès l'ori- gine, tous les gens qui sont les fauteurs ordinaires de l'anarchie et les auxiliaires du despotisme. Caelius, qui se rangea de son côté, ce qui rend son témoignage peu douteux, écrivait à Ci- céron au moment la guerre allait éclater (septembre, an de Rome 704, 50 av. J.-C.) : Mes principes que vous partagez c sans doute sont ceux-ci : Dans les dissensions intérieures, tant c que les choses se passent entre citoyens sans armes, préférer < le parti le plus honnête ; mais quand on en vient aux armes, c chercher la raison se trouve la sûreté, se ranger autour du plus fort. Or, que vois-je ici ? D'un côté, Pompée avec le c Sénat et les magistrats; de l'autre, César avec tout ce qui a c quelque chose à craindre ou à convoiter. Nulle comparaison pos- « sible quant aux armées. Fassent les dieux qu'on nous laisse « le temps de peser les forces respectives et de faire notre c choix I > César pouvait compter sur les débris de la conjura- tion deCatilina, sur les nombreux sénateurs dont l'activité ren- due par Pompée aux tribunaux avait provoqué la condamna- tion, sur la populace de Rome , irritée de ce que, grâce à un règlement du même Pompée, elle ne pouvait plus vendre ses suffrages dans les comices, sur les débiteurs insolvables, sur tous les aventuriers qui voulaient pêcher en eau trouble, sur ses soldats qui se rappelaient les récompenses que la conquête de Rome avaient values jadis aux vétérans deSylla, et qui d'ail- leurs professaient pour leur général un dévouement sans bor- nes, même sur ceux de Pompée qui trouvaient leur chef trop peu prodigue et trop respectueux observateur des lois. I^e cham- pion de l'ordre et de la liberté n'avait pour lui que les vœux d'une classe patiente et craintive, de tout temps disposée à faire pour s'assurer le repos des sacrifices incompatibles avec une résistance énergique à un envahisseur redoutable. Il est dans

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88 MÉMOIRES.

la nature humaine de rendre volontiers les autres responsables des fautes que Von commet. Quand Pompée quitta Tltalie, ceux dont {inertie le forçait à cette retraite Taccusèrent aussitôt de lâcheté.

Cependant, au fond du cœur, la majeure partie de la pénin- sule demeura pompéienne. Gaelius, que nous avons vu tout à rheure entrer par intérêt dans le parti de César, en instruit la postérité, en en faisant confidence à son correspondant, Cicéron (Mars 706, 48 av. J.-C.) : < A Rome, dit-il > excepté quelques « usuriers, tout est pompéien, les individus comme les ordres. Nam hic praeter feneralores paucos, nec homo, nec ordo quis- quam est nisi Pompeianus (1). > Les usuriers attachés à César I voilà qui ne cadre guère avec les idées qui prévalent aujour- d'hui sur l'entourage du fondateur de l'Empire. Mais les usu- riers ne sont-ils pas toujours du parti qui domine, lorsqu'il ne leur est pas trop hostile? Caelius aurait pu signaler alors aussi dans les rangs de César une bonne partie de l'aristocratie. Le premier moment de terreur passé, quand elle vit que le rival de Pompée ne serait nullement fâché de devenir prince du Sé- nat et de gouverner par les Pères conscrits, elle ne lui tint pas rigueur. Il y eut peu de ces nobles, si fiers de leurs ancêtres^ qui imitèrent la constance héroïque de Caton.

L'affaire de la distribution des provinces consulaires avait été ajournée aux kalendes de mars de l'année de Rome 704 (50 av. J.-C). César avait alors achevé la conquête de la Gaule. Depuis près de neuf ans il était en possession de son proconsu- lat ou plutôt de sa royauté. Le moment approchait devait cesser légalement ce pouvoir obtenu par intrigue et par corrup- tion. Quelque glorieuse qu'eût été son administration, il avait beaucoup à craindre de la part de ses ennemis et des citoyens même qui, à l'exemple de Caton, n'avaient en vue que la con- servation de la République. Le consulat qu'on lui permettait de solliciter quoiqu'absent ne pouvait lui-même, à ce qu'il sem-

(I) Ad familiares, VIII, 4 7. Il est rraî que Caeltas était alors Tirement coorroacé eoQtre César. Il o'en déclare pas moin.^, à la fin de sa lettre, qu'il regarde comme impos- mUo que Tannée de Pompée puisse lutter avec avantage contre celle du vainqueir des

Gatiles.

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LES PRBLIIIINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 89

blait, le sauver; car la nouvelle loi introduite par Pompée ne lui laissait pas l'espoir de parvenir ensuite immédiatement à la direction d'une province. Ayant spéculé sur le désordre, il cou- rait de véritables dangers depuis que l'ordre régnait dans la cité. Sa sûreté personnelle, autant que son ambition, l'enga- geait donc à se mettre au-dessus des lois de sa patrie. Sa réso- lution fut prise dès lors. Il voulut garder le commandement malgré le Sénat et ses décrets, leva des soldats, amassa des fonds, prépara des armes (1). En même temps, il gagna de nou- velles créatures à Rome. Des deux consuls de l'année 704, Caius Marcelluset L. jEmilius Paulus, il trouva le premier incor- ruptible, mais lesecond lui fut acquispour une somme de quinze cents talents. Un tribun du peuple, le jeune Curion, qui avait d*abord paru animé des sentiments les plus hostiles à son égard, ne résista pas davantage aux séductions de l'or gaulois. Ce fut principalement avec lui que César concerta son plan de défense ou plutôt d'attaque, qu'il combina avec son habileté stratégi- que ordinaire.

Curion prit l'initiative pour demander le remplacement de César, avec lequel il avait dissimulé soigneusement ses rela- tions (2). En même temps, il proposait d'ôter à Pompée le gou- vernement de l'Espagne. Si l'on en croit Appien , il y eut à ce sujet un double vole du Sénat, et, dans le second, la majo- rité des sénateurs présents, qui n'aimaient guère plus Pompée que César, se laissa facilement entraîner à donner son suf- frage pour que l'un et l'autre fussent contraints à la fois d'abdi- quer. Nous devons rejeter ce récit comme démenti par le conti- nuateur des Commentaires de César. Hirtius, en effet, nous dit

(4) Dion Cassios, XL, 60. D'après Hirtius (VIII« Ht. des Commentaires de César, •;b . Ln), il n'aurait été question dans l'année 704 que do lui enlever une partie de son armée, ebose bien naturelle puisque la guerre des Gaules était terminée : César était informé, dit l'écrivain, qu'un petit nombre d'hommes travaillaient à lui faire enlever par h Sénat une partie de l'armée : Certior fiebai id agi paucorum consiliis ut, interposUâ $natât auctoritate, aliquâ parte exerdtâs spoliaretur.

(3) Appien prétend que la proposition fut faite par le consul Marcellns. Dans ce même passage, il dit d'ailleurs que la magistrature de César venait d'expirer. J'ai adopté de fréféreoce les récits de Dion Gassius (XL, 61) et de Volléius Paterculus (II, 48).

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90 MÉIIOIEBS.

que Curîon commença seulement à mettre aux voix sa motion, mais que l'opposition des consuls et des amis de Pompée empo- cha le Sénat de se prononcer, et que les Pères conscrits adoptè- rent un parti moyen sur lequel il ne donne, du reste, aucune explication. {Commentaires , liv. VIII, ch. xii.) Je doute que le Sénat eût pu donner dans cette occasion son suffrage sur une p roposition qui n'avait pas l'agrément des consuls. Pompée se trouvait alors éloigné de Rome; il y fut aussitôt rappelé par ses amis. Il fit observer au Sénat qu'il n'y avait pas parité en- tre sa situation et celle de César, puisqu'on avait assez récem- ment prorogé ses pouvoirs, tandis que son beau-père touchait au terme des siens. Néanmoins, il ajouta qu'il se démettrait de sa charge si César le faisait de son côté. Curion se récria immé- diatement. Le dominateur de Rome voulait leurrer le Sénat de vaines promesses, disait-il. Quand César aurait licencié des légions, il jetterait le masque et garderait les siennes. On devait exiger de lui qu'il donnât l'exemple d'abdiquer. Alors César le ferait à son tour. Sinon, il était nécessaire de le main- tenir dans son commandement, parce que lui seul pouvait faire contre-poids à la puissance excessive dont son rival se trouvait revêtu. C'était évidemment la fin il avait voulu arriver dès le principe. Le Sénat, qui le comprit enfin, sentit aussi combien il avait besoin de Pompée.

Pompée désarmé, quel prote^îteur aurait la République con- tre César? Pouvait-on être assuré que celui-ci renoncerait réel- lement à son commandement? Et s'il y renonçait, ne serait-ce pas pour obtenir le consulat, dont il avait fait déjà un usage si préjudiciable au repos de l'État? Un second consulat ne lui frayerait-il pas la voie à la tyrannie? C'est ce que représenta vivement Caton, qui, dès ce moment, insista pour que les Pères conscrits armassent Pompée de plus grands pouvoirs et pris- sent une offensive vigoureuse contre son adversaire. Mais le Sénat et Pompée lui-même étaient loin de partager son ardeur. Ce dernier, flottant entre l'obéissance qu'il croyait devoir aux autorités légales et le désir de ne pas fournir à César un pré- texte pour prétendre qu'on violait les plébiscites décrétés jadis en sa faveur, faisait à dessein traîner les choses en longueur.

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LES PBÉLmiNAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 9t

Après avoir parlé des kalendes de mars, il remettait la solution aux ides de noyembre; il entamait des négociations et rejetait sur.Gurion et ses menées leur peu de succès, ne soupçonnant pas ou feignant de ne pas soupçonner que ce dernier n'était que la créature de César. Caelius écrivait à Cicéron sur ces en- trefaites (juin 704, 50 av. J.-C.) : Pompée parait d'accord c avec le Sénat pour exiger le retour de César aux ides de « novembre. Curion est décidé à tout plutôt que de le souf- f frir. Voici l'état de la scène. Pompée, en homme qui n'at- c taque pas César, mais qui n'entend lui concéder que ce qui c est juste, accuse Curion d'être un agent de discorde (1). » c ... Notre grand Pompée est d'un affadissement tel que rien c ne le réveille. Les opinions ont tourné à tel point qu'on c trouve bon de compter comme candidat (pour le consulat) c tel personnage qui ne veut se départir d'armée, ni de pro- c vince. Et que deviendra la République, s'il ne s'en soucie 9 pas (2)? f Cependant, l'avis qui prévalait, c'était de donner à César le choix de conserver son commandement jusqu'à l'expi- ration des dix années ou de l'abandonner pour le consulat. Mais Curion embrouillait tout à plaisir, en réclamant de nou- veau la démission de Pompée.

Tel était l'état des choses, lork|u'un sénatus-consulle donna lieu au rappel en Italie de deux des légions qui stationnaient dans les Gaules. Celles-ci étaient soumises, et» pour les occu- per, il n'était plus besoin d'un aussi grand développement do forces militaires. Dans des circonstances pressantes. Pompée avait prêté à César une des légions destinées à maintenir l'Es- pagne. Ces services se rendaient quelquefois de proconsul à proconsul. Mais ils»étaient extra-légaux. On avait demandé compte, l'année précédente, à Pompée de ce déplacement non

(1) Ad [(xmiUans^ IW. VIII, 11. M. Guiraad traduit « quod œquvm Uli putet » par : « mais qai croit la mesare qoe Ton présente indifférente à César. » ^qutm UU peat aroir, en effet, ce sens. Dans ce cas, il serait d'autant plus yraisemblable que Pompée tenait à ménager César, tandis que, dans la mauvaise comme dans la bonne fortune, il rejeta ses propositions, après que celui-ci se fut déclaré définitivement ennemi do la patrie.

(t) Ad familiares, Mil, «3.

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92 MÉMOIRES.

autorisé d'un des corps auxquels incombait le soin de garder sa province. Il s'était excusé, mais avait promis de le rappeler plus tard (1). Il la laissa pourtant à César jusqu'à la pacifica- tion entière du pays. Alors il la lui redemanda; voici dans quelles circonstances. La défaite de Crassus avait provoqué les Parthes à attaquer les frontières orientales de TEmpire romain. Ils y firent une première irruption en l'an 703 (Si) et furent repoussés par Cassius. Mais on annonça bientôt qu'ils prépa- raient une invasion plus redoutable. Les letlres de Cicéron, dans les sept premiers mois de Vannée 704, sont toutes pleines de la frayeur qu'il avait d'être obligé de se mesurer contre ces terribles adversaires. On y voit aussi qu'on avait songé à Rome à leur opposer Pompée. Celui-ci écrivit même alors à l'orateur romain qu'il ne tarderait pas à venir le joindre (2). Au mois do mars, Cicéron s'exprimait ainsi dans une lettre au propré- teur Thermus : * La guerre des Parthes prend de jour en jour plus de gravité en Syrie; toutes mes lettres et tous mes cour- riers me l'annoncent (3). » En juin, il la signalait encore comme très-sérieuse. Au mois d'août seulement, il la déclara termi- née. On avait eu évidemment de grandes craintes. Il n'est donc pas étonnant qu'on ait pensé à diriger des forces militai- res vers l'Orient; celles qui s^ trouvaient n'étaient nullement suffisantes au rapport do Cicéron. De le sénatus-consulte qui imposa à Césarpt à Pompée le devoir de détacher chacun pour cette destination une légion de leurs armées.

C'était pour Pompée une occasion naturelle et nécessaire d'exécuter la promesse qu'il avait faite, l'année précédente, au Sénat. César dut satisfaire à la fois aux deux réquisitions.

(4) <c Lors de l'assemblée du Sénat, qui se ttat le 11 août au temple d'Apollon, pen- dant la discussion sur le subside de On. Pompée, on Tint à parler de la légion qu'il a portée au compte de G. César, de son effectif, des motifs de ce déplacement. « Elle est dans les Gaules », répondit Pompée. Force lui fut cependant d'en promettre le rappel, mais non immédiatement, de peur que, par une déférence trop prompte, il n'eût l'air d céder à ses ennemis. » Cicéron, AdfamUiareSj Vni, 4. A. U. C, 703.

(3) » Arec le secours de Déjotarus, on pourra arrêter les ennemis jusqu'à l'arrivée de Pompée, qui me mande qu'on le destine à cette guerre. » (Gcéron à Attic, ti, 1).

(3j AdfamUiares, XIU, 57.

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LES PRÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 93

Mais» au moment les deux légions arrivèrent en Italie, la nouvelle y parvint que les Parthes s'étaient retirés. On les mit toutes deux en cantonnement à Capoue. Le continuateur des Commentaires fait pourtant de ce fait si simple un des princi- paux griefs de César contre Pompée et sa faction, c Bientôt, dit-il, un sénatus-consulte ordonna à Pompée et à César de fournir chacun une légion pour la guerre des Parthes. Il est évident que ces deux légions étaient enlevées à César seul; car Cn. Pompée donna, pour son contingent, la pre- mière légion qu'il avait autrefois envoyée à César et qui avait été levée tout entière dans la province du dernier. Cependant, et bien qm les intentions de ses ennemis ne fussent pas douteuses^ César renvoya cette légion à Pompée et, en exécution du sénatus-consulte, il livra en son nom la 15* qu'il avait levée dans la Gaule citérieure. En remplacement de celle-ci, il envoya en Italie la 13' légion pour garder les postes que quittait la 15*... Lorsqu'il fut arrivé en Italie, il apprit que les deux légions qu'il avait livrées et qui, d'après le sénatus-consulte, devaient être menées contre les Parthes, avaient été livrées par le consul C. Marcellus à Cn. Pompée et qu'elles étaient retenues en Italie. Quoi- qu'une telle conduite ne laissât à personne le moindre doute sur les projets tramés contre César, il résolut pourtant de tout souffrir, *tant qu'il resterait quelque espoir de se soutenir par la force de son droit plutôt que par celle des armes. (1). » Il est peu d'historiens parmi les modernes qui n'aient répété ce passage des Commentaires^ en ajoutant quel- que chose à l'acrimonie mal dissimulée que l'on y trouve. Et cependant on n'avait qu'à jeter un coup d'œil sur les lettres de Cicéron pour se convaincre ; 1" que Pompée, invité formelle- ment à rappeler cette légion, dès l'année 703, l'avait pourtant

(1) Guerre des Gaules, liv. Vm, cb. un et soir. On troave aissi aa commence ment du récit de la guerre civile par César : « Pompée, honteux de sa conduite déloyale par rapport aux deux légions destinées pour l'Asie et la Sjrie, et qu'il arait retenues pour établir par elles son pouToir et sa domination, souhaitait qu'on en Tint aux armes. Pompeius infamid diiarum kgionum permotuSj quas ab Uinere Africœ Syriœque ad suam foUnHam dominaiumque converteratt rem ad arma deduci jubebat. » (Lir. I, ch. it.)

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94 MÉMOIRES.

laissée à César jusqu'à l'entière soumission de la Gaule; 2^ que la guerre des Parthes n'était pas un prétexte, et que les deux légions furent d'abord destinées à suppléer à l'insuffisance des forces qui défendaient l'Orient; S"" que leur cantonnement à Capoue fut produit par les nouvelles plus favorables qu'on reçut aussitôt après leur arrivée de la Syrie et de la Cilicie. Si le commandement en fut ensuite donné à Pompée, c'est que les affaires se compliquèrent et que le bruit du passage du Rubi- con par César se répandit prématurément à Rome, comme nous le dirons tout à l'heure.

La fatale question du rappel de César s'imposait d'elle-même au Sénat. Les nouveaux comices consulaires avaient désigné Claudius Marcellus, frère de Caius Marcellus, le consul de l'année 703, et L. Cornélius Lentulus. C'était la coutume des Pères conscrits de régler la succession des provinces [longtemps avant qu'elles fussent vacantes. Le consul en activité, Caius Marcellus, fit voter avec une certaine impartialité le Sénat d'abord sur la province de César et ensuite sur celle de Pom- pée. La majeure partie des sénateurs se prononça contre César, tandis qu'une faible minorité appuya la proposition relative à Pompée. Mais, s'il faut en croire le récit peu vraisemblable d'Appien, Curion aurait fait recommencer les votes sur cette < question. Ne convient-il pas de déposer en même temps César t et Pompée? » Trois cent soixante-dix voix contre vingt-trois auraient opiné dans ce sens (1). Rien n'est plus contraire aux

(1 ) Appien, Guerret civiles j liv. II, ch. xzz. Le passage de Plutarque, relatif à ce sujet, est encore plus absurde. D suffit de le citer pour s'en convaincre : « Curion, dit-il, soutenu par Antoine et par Pison, vint à bout de faire passer sa proposition par réprouve du Sénat. Il invita ceux qui voulaient que César seul posât les armes et que Pompée retint le commandement à se mettre tous du même côté, et ce fut le plus grand nombre. Il dit ensuite à ceux qui étaient d'avis que tous posassent les armes et qu'au- cun ne conserv&t son armée , de se ranger tons du même côté ; il n'y en eut que vingt- deux qui restèrent fidèles à Pompée ; tous les autres se rangèrent du côté de Curion. » Plutarque, Vie de Pompée, M. Mommsen tient naturellement ce récit pour certain. D (ait

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LES PRÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 95

habitudes des Romains qu'une t^lle manière de délibérer. Le tribun avait le droit d'opposer son veto aux propositions des consuls, nullement celui de substituer une autre proposition à celle qu'ils avaient faite, si ce n'est avec leur agrément. Il est probable que Curion parvint seulement par son intercession à empêcher le vote d'amener aucun résultat. Mais, tandis que les esprits étaient encore tout entiers préoccupés de cette séance, un bruit grave se répandit tout à coup dans la ville. César avait passé la frontière qui séparait l'Italie de la Cisalpine et marchait sur Romel

La rumeur était fausse; cependant on y ajouta généralement foi, et elle ne renfermait rien que de probable. César avait à demi jeté le masque. Sous prétexte que le décret du Sénat, rendu quelques mois auparavant, lui avait ôté deux légions, il s'occupait à faire de nouvelles levées. Quel usage voulait-il en faire (<)? Les consuls convoquèrent les Pères conscrits, et de- mandèrent qu'on prit les mesures nécessaires pour sauver la République. Curion, niant qu'il y eût aucun danger, empêcha le Sénat d'adopter une résolution. On le savait notoirement vendu à César. Marcellus, indigné, sortit de la Curie, alla trouver Pompée, l'investit de sa propre autorité du comman- dement des deux légions campées près de Capoue et des dif- férentes garnisons qui se trouvaient dans les villes d'Italie^ lui conférant, en outre, la faculté de les augmenter, suivant qu'il le jugerait nécessaire. Les consuls désignés s'unirent à lui pour lui déléguer ces pouvoirs. Pompée répondit qu'il exécuterait les ordres des consuls, « à moins qu'il n'y ait « quelque chose de mieux à faire >, ajouta-t-il. Le vieux capitaine avait dès lors probablement son plan arrêté. Il ne s'abusait pas sur la supériorité des forces militaires de César. Sa conduite ultérieure montra assez combien il en était cou- plas; il y ajoute. U dit que Pompée refusa carrément de se démettre. Mais, par malheur, Pompée (toujours d'après Plutarque) était absent de Rome lorsqu'eut lieu cette délibé- ration.

(4) Dion Cassios, Ut. XL, cb. lz?. « César, dit-il, se soumit au décret du Sénat rdatif aux légions, pour ne pas être accusé de désobéissance, mais plus encore parce <pi'il Toulait profiter de ce prétexte pour lerer plus de soldats qu'il n'en perdait. »

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96 MÉMOIRES.

vaincu. S'il dit, comme le rapporte Plularque, qu'il n'avait qu'à frapper du pied la terre d'Italie pour en tirer des légions, ce fut plutôt dissimulation que confiance. Une panique antici- pée ne pouvait qu'aggraver la position de la République, déjà trop compromise. Il n'était plus temps de rappeler les légions d'Espagne; d'ailleurs le pouvait- il sans un décret du Sénat? Et le Sénat, ballotté entre les deux partis, ne prenait aucune réso- lution. Ceux qui accusent Pompée de n'avoir fait qu'au der- nier moment des préparatifs militaires, ont étudié légèrement l'histoire de cette grande crise. A quel titre aurait-il réuni des troupes jusqu'au moment l'un des consuls de 704 et ceux de Tannée suivante lui en donnèrent la charge, en vertu d'une prérogative, elle-même contestable, qu'ils s'attribuaient. Alors surtout, Curion aurait pu crier avec chance de succès que Rome était opprimée. Alors César aurait eu de son côté toutes les apparences lorsqu'il aurait fait passer le Rubicon à ses troupes, et la plupart des bons citoyens auraient vu dans son rival seul l'ennemi des libertés publiques. Que Pompée voulût ou non le renversement de César, il avait donc été condamné jusque-là à l'inaction par le rôle de serviteur du Sénat et du peuple qu'il avait voulu prendre ou qu'il avait affecté de prendre. Les mouvements de troupes qui se faisaient dans la Gaule Cisalpine annonçant tout au moins une menace de guerre, quelles étaient les chances favorables qui lui restaient? Il y en avait trois, si je ne me trompe : Ou bien les négocia- tions qu'il conduirait, cette fois en son nom, avec sa nouvelle qualité de délégué des consuls des deux années 704 et 705, aboutiraient à un accord qui désarmerait César. Ou bien il parviendrait à détacher l'armée de César de son commandant. Gagnée par lui, ou cédant à un sentiment honorable de patrio- tisme, elle abandonnerait pour les drapeaux des magistrats légitimes le chef rebelle qui voudrait la conduire contre Rome. Ou, si César n'écoutait rien, si ses soldats lui demeuraient fidè- les, contre leur devoir de citoyens, il était possible d'en triom- pher en achevant d'organiser ses forces hors de l'Italie, en pro- fitant de l'immense supériorité qu'avait sur mer le parti pompéien, en tenant affamés l'ennemi public et ceux qui b^

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LES PRÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 97

seraient rendus à lui. Mais aller se heurter contre les légions invincibles de César avec de nouvelles recrues en petit nombre, c'eût été s'exposer à un désastre certain. Pompée ne l'essaya pas. Il fit négligemment quelques levées, que gêna la défense faite par Curion aux citoyens d'obéir aux réquisitions des con- suls et de leur délégué. Et, quand il fut avéré que le bruit de la marche de César sur Rome était prématuré, il renouvela les pourparlers.

César s'arrêta à Ravenne, limite extrême de sa province. Avant de faire le dernier pas, il hésitait. Peut-être avait-il quelque honte du triste rôle qu'il allait jouer. Et puis, quel général a jamais été sûr de ses armées dans une telle entre- prise, alors que l'obéissance à la loi n'est pas complètement effacée du cœur des soldats? Il y eut donc, suivant toute appa- rence, entre le beau-père et le gendre quelques propositions d'arrangement. D'un côté, la bonne foi n'était pas entière; de l'autre, on désirait plus sincèrement la paix, mais on l'espérait peu. Cependant Pompée était l'objet des railleries de ceux-là même dont l'attitude ferme et résolue eût seule pu imposer quelques craintes à César. On rendait la guerre plus certaine, en voulant l'éviter à tout prix, c La situation de la Républi- que m'inspire de plus en plus d'inquiétude, écrivait Cicéron c qui venait de remettre le pied en Italie (1). Les honnêtes c gens s'entendent moins qu'on ne le pense. Que de sénateurs, que de chevaliers n*ai-je pas entendus déclamer contre Pom-

pée, notamment pour le voyage qu'il vient de faire. C'est la paix qu'il nous faut. Toute victoire sera funeste : il en sor-

tira beaucoup de maux et certainement un tyran. » Une autre lettre de Cicéron, de la même époque, nous apprend qu'on offrait à César les faisceaux consulaires pour prix de sa renonciation à son gouvernement. < Je n'ai qu'une espérance, « y disait-il, c'est qu% l'homme à qui ses ennemis offrent le c consulat et à qui la fortune donne la suprême puissance, ne

{^) Formies, décembre; à Atticas, VU, 5 : Quos ego équités rotnanosj quos tenaio^ rff widi, qui acerrime cum ceiem^ tum hoc iler Pompeii vitup&rarent, Pace nobis opus est, tictorià cum muUa màla^ tum tyrannus emstet.

SÉRII. TOME III, 1. . 7

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98 MÉMOIRES.

c sera pas assez insensé pour risquer de tels avantages (1). » Mais César ne prêtait pas l'oreille à cette proposition, et Pom- pée ne doutait plus que la guerre ne fût prochaine, c Pompée,

dit Cicéron dans cette même lettre, m'a parlé de la guerre f comme n'étant plus douteuse. Aucun espoir de concorde. Il

avait compris de longue main que César n'avait plus pour lui

que de l'inimitié {plane illum ab se alienatum esse) ; mai^ il

venait d'en avoir une preuve toute récente. Hirtius, l'ami « intime de César, était venu à Rome et ne s'était pas présenté c chez lui, Pompée. Il était venu le 8 des ides de décembre et « il était reparti, la nuit même, avec Balbus, qui avait eu, le 7,

avant le jour, une conférence avec Scipion pour l'affaire qui c l'amenait (2). Symptôme non équivoque de dispositions hos-

tiles, suivant lui. »

Son opinion sur l'esprit qui animait César ne tarda pas à être confirmée par un autre incident. Un ancien questeur du gouverneur des Gaules, Antoine, venait de se présenter au tri- bunat avec des lettres de recommandation de son patron, et avait été élu. Or, Antoine, dès les premiers jours qui suivirent son élection, prononça dans le Sénat ou devant le peuple (nous n'a- vons pas à ce sujet d'indication suffisante) un discours rempli d'invectives contre Pompée. Ce discours fut publié et dut avoir le caractère d'un manifeste, si nous en jugeons sur les mots suivants de Cicéron : c Nous avons lu ensemble, Pompée et < moi, la harangue d'Antoine du 10 des kalendes de janvier ; « c'est une accusation en forme contre Pompée. Il le prend « dès l'enfance (a togd purd); il lui reproche des condamna- « tions par milliers ; il nous menace de la guerre. Sur quoi « Pompée me disait : * Que ne fera pas César, une fois maître « de la République, si son questeur, un homme pauvre et sans « autorité, ose parler ainsi? En un mot, ajoute le correspon-

dant d'Atticus, Pompée m'a paru, non^seulement ne plus dé- « sirer la paix, mais la craindre (3). » Suit une conjecture

(1) Décembre, Cicéron à Altic, VII, 4.

(2) /Wd., Cicéron à Attic, VII, 4.

(3) A Altic, VÎI, 8.

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LES PRÉLIMINAIRES DE SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 99

maligne, de celles dont Cicéron était plus particulièrement pro- digue quand il s'agissait de Pompée. « Peut-être, dit-il, cet « esprit belliqueux lui vient-il de ce qu'il lui faudrait quitter < ritalie pour aller en 'Espagne. > Mais dans une lettre subsé- quente, l'indignation que lui inspire la conduite de César éclate dans un passage d'une véritable éloquence, c Accordons à César le consulat, s'il s'en contente, dit-il. Le voyez-vous avec un second consulat quand nous pensons encore au pre- mier? Tout faible qu'il était alors, il était plus fort que toute la République. Que serait-ce donc maintenant? D'autant plus que Pompée ne pourrait alors se dispenser d'être en Espagne. Affreuse extrémité. Tout mauvais qu'il est, ce parti, notis serons trop heureux sUl veut l'accepter; et encore faudra- t-il que tous le? gens de bien lui en aient obligation. Mais laissons de côté cet arrangement qu'il ne veut pas accepter, à ce que j'entends dire. De tous les partis qui restent, quel est le plus fâcheux? Ce serait de lui accorder ce qu'il de- mande avec tant d'impudence, pour me servir de l'expres- sion de Pompée. En effet, y a-t-il jamais eu impudence pareille? Vous avez gardé dia? ans une province que vous vous êtes fait continuer, non par le Sénat, mais par brigue et par violence. Vous avez passé ce terme réglé par votre ambition et non par la loi. Supposons que ce soit la loi i On ordonnequ'un successeur vous soit désigné; vous l'empêchez et vous dites : i II faut d'abord compter avec moi. > Mais commencez par respecter nos droits, et que faites-vous quand vous retenez wtre armée plus longtemps que le peuple ne Va ordonné^ que le Sénat ne le veut? Cédez ou combattez. A nous donc, dit Pompée, la bonne chance de vaincre ou de mourir libres. S'il faut combattre, c'est le hasard qui décidera du moment, des moyens, des suites (1). » Il y a bien des choses à prendre dans cette lettre confiden- tielle d'un témoin peu suspect, car César venait alors de flatter son amour-propre en lui promettant d'user de toute son in- fluence pour lui faire obtenir le triomphe. Il était même par- Ci) A Attic. Vn, 9 j an de Rome 704, décembre.

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100 MÉMOIRES.

venu à ranimer contre Caton qui n'avait pas voté pour qu'on lui décernât des supplications et en avait fait décréter en faveur de Bibulus. c Caton^ écrivait alors Cicéron à Alticus (la lettre c est datée du mois de novembre) m'a desservi d'une manière indigne. Il a témoigné^ ce que je ne lui demandais pas, de < mon intégrité, de ma douceur, de mon équité et il m'a refusé c ce que j'attendais de lui. Aussi il faut voir combien César dans c sa lettre, il me félicite et me promet tout, appuie sur cette c ingratitude criante de Caton. Mais ce même Caton a fait accor- c der vingt jours à Bibulus. Passez-moi d'être rancunier, mais c c'est une chose que je ne puis lui pardonner et que je ne lui c pardonnerai jamais (1). C'était donc alors l'amour seul de la République qui poussait Cicéron dans le parti de Pompée et de Caton. C'était lui aussi qui attirait de ce côté le prudent et froid Atticus, de tout temps si mal disposée l'égard de Pompée, avec lequel il ne voulait pas pourtant se brouiller, parce qu'il ne se brouillait avec personne. Atticus resta neutre, parce qu'il re- gardait sa sûreté comme préférable au triomphe de n'importe quelle opinion. Hais il ne cachait pas à Cicéron ses sentiments sur le côté se trouvait le bon droit. Peu attachés tous deux aux chefs du parti hostile à César, ils n'en méritent que mieux d'être crus, lorsqu'ils se récrient contre les exigences insup- portables de celui-ci. Quelles étaient ces exigences? La lettre que nous avons citée nous les indique assez. Il n'était nullement question d'enlever à César son commandement avant le terme fixé par la loi. Le successeur qu'on lui aurait désigné serait entré en fonctions seulement après l'expiration des dix années qu'un double décret du peuple avait assignées à son proconsu- lat. Mais il demandait comme un droit une nouvelle prolonga- tion illégale, et le consulat qu'on semblait lui garantir en échange de son gouvernement lui paraissait trop peu de chose. Céder à ses menaces et permettre qu'il se perpétuât dans son commandement, qu'était-ce autre chose que lui donner l'Em- pire? Mieux valait encore tenter le sort des armes. Le temps des négociations était passé. Pompée avait raison.

(0 AAïuc., vn, i.

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LES PRÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 101

VI

On approchait de la fin de Tannée 704. Curion allait être obligé d'abdiquer sa magistrature Mais Antoine et Cassius Longinus, deux créatures de César, pouvaient avantageuse- ment le remplacer. La plupart des historiens prétendent que, vers cette époque, Curion accusant ses ennemis de violence contre lui , se réfugia dans le camp de César. Mais nous apprenons de Dion Cassius qu'il revint bientôt après à Rome, chargé d'une espèce d'ultimatum du proconsul pour le Sénat. César offrait de résigner le gouvernement de la Tran- salpine, pourvu qu'on lui laissât la Cisalpine et l'illyrie. Il promettait, en outre, de licencier ses légions, à l'exception de deux qu'il conserverait. La proposition de César, quelqu'en ait été le porteur^ n'était pas acceptable.

Une république est perdue lorsqu'elle admet qu'un citoyen lui impose, par la menace d'une guerre, un traité qui le place au-dessus de la loi; celle-ci, quand elle est seulement éludée, se relève quelquefois comme le roseau qu'un coup de vent fait plier sans le rompre. Sacrifiée à la volonté, signifiée les armes à la main, d'un chef militaire, elle est morte; elle n'existe plus. Mais si le message avait été porté par un tribun factieux, transfuge de Rome dans le camp de César, le choix du messager aurait été à lui seul une insulte pour la majesté du Sénat et du peuple romain, et l'on comprendrait difficilement que les Pères conscrits eussent poussé la faiblesse jusqu'à donner audience à un tel intermédiaire et à l'écouter jusqu'au bout. Il fallait, dans ce cas, qu'ils eussent un bien grand désir d'éviter la guerre civile. Du reste, César dit que ses lettres furent remises par un certain Fabius aux consuls de l'année 705 et que les vives ins- tances des tribuns du peuple purent seules obtenir que lecture en fût faite par eux au Sénat (1). Cependant, dans le récit des

0) Guerre etc., IW. I*»", ch. i*.

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102 MÊMOIUES.

scènes tumultueuses auxquelles donna lieu, d'après lui, ce message, il met en scène Curion^ protestant contre l'entrée à Rome des deux légions de Capoue, que les nouveaux consuls et Pompée font venir en partie pour forcer le Sénat et le peuple à souscrire à leurs desseins malveillants. Il lui attribue même la qualification de tribun du peuple (1). Ce dernier mot donne la mesure du peu de véracité avec laquelle le récit de la guerre civile a été écrit par celui qui y fut le principal acteur. Gurion, qu'il se fût précédemment enfui de Rome ou qu'il y fût tou- jours resté, n'était plus tribun; il avait fait place à Antoine, à Cassius et à leurs collègues. Son opposition n'était plus que celle d'un simple particulier. Je ne sais si Antoine et Longinus auraient eu plus de droit à opposer leur veto; Tintercession des tribuns n'était valable que s'il s'agissait d'une province pré- torienne (2). Ils ne le purent, d'ailleurs, le Sénat ayant déclaré qu'il y avait tumulte. Le septième jour avant les ides de jan- vier (3), après des débats qui sans doute furent tumultueux, bien que César en ait exagéré la violence, le Sénat décréta que la République était en péril et prononça la formule suivante : c Que les consuls, les préteurs, les tribuns du peuple et les c consulaires qui sont près de Rome veillent à ce que la Ré- c publique ne reçoive aucun dommage. » Antoine et Cassius quittèrent Rome aussitôt pour se rendre au camp de César^ et Curion les accompagna. C'était précisément l'époque que le pauvre Cicéron, tout fier des succès militaires qu'il avait obte- nus en Ciliciê, avait fixée pour son entrée solennelle dans les faubourgs de Rome. « Je suis arrivé à Rome la veille des nones de janvier, écrit-il à sa femme Térentia. L'affluence a été telle c au-devant de moi qu'on ne saurait imaginer rien de plus c flatteur. Mais je tombe au milieu des brandons de la discorde ou plutôt de la guerre civile. Je voudrais arrêter le mal, et c je crois que j'y réussirais. Mais des deux côtés, il y a des gens

(1) (( MtUli ex duabus legionis quœ $unt a Cœsate tradita arcetsuniwr. Compleiur urbi, et jus comitiorum tribunus plebis C. Curio evocat. » Guerre civile, I, 3.

{%) Gela résulte d'un passage du De provinciis consularibusy VU, 17, que M. Gulraud mentioDoe dans son histoire du différend de Césgr et du Sénat, pag. 136.

^3) Les ides étaient le 4 3 de ce mois.

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LES PRÉLIMmAlRES DE SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 103

ff qui veulent se battre, et les passions se mettent à la traverse. « César lui-même, notre cher ami César, a envoyé au Sénat des lettres menaçantes et pleines d aigreur, et cela même quand il avait le front de rester, en dépit du Sénat, à la tête « d'une armée et d'une province. Le cher Curion est qui c l'excite. Enfin nos bons amis, Antoine et Cassius, sans aucune « provocation, sont allés avec Curion rejoindre César... jamais « les brouillons n'eurent un chef plus entreprenant à leur tête. « De ce côté, on se prépare sérieusement à se défendre, grâce « au zèle de Pompée, qui s'y prend un peu tard à craindre César (1). »

Les mots sans aucune provocation sont plus tard développés par le même Cicéron dans sa deuxième Philippique, il accuse Antoine d'avoir excité à dessein des troubles, alors que le Sénat ne cherchait qu'à trouver une combinaison de nature à plaire à César, si l'ambition ne l'avait privé complètement de sens. Nom, quum L. Lentulo, C. Marcello consulibus, kalendis janua- riis labentem et prope cadentem rempublicam fulcire cuperetis,

IPSIQDE C. CfSÀRI SI SANA MENTE ESSBT, CONSULERE VELLETIS , tum

iste (Antonius) venditum atque emancipatum tribunatum consiliis vestris opposuit, cervicesque suas ei subjecit securi, quâ multi mi' noribus in peccatis occiderunt (2). Je n'ai pas besoin de faire remarquer Timportance de ce passage trop peu remarqué.

Il y a toute ap'parence que l'esprit inventif de César n'avait pas été étranger à la scène de tumulte qui fixa contre lui les hésitations du Sénat. Curion, Antoine, Cassius et les autres agents de César avaient mission d'exciter une espèce desédition qui mît les Pères conscrits dans la nécessité de décréter des mesures extraordinaires. Ils devaient saisir cette occasion de quitter Rome, et leur patron aurait ainsi un prétexte pour conduire ses légions à la défense du tribunat foulé aux pieds. Ce qui me porte à croire qu'il y avait eu ainsi un complot formé d'avance entre l'ambitieux général et ses agents , c'est la conduite de l'un et des autres après le décret du Sénat. Les

(1) AdfamU., XVI, t.

(2) Deuxième Philippique, 21.

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104 MÉMOIRES.

tribuns chassés de Rome, qui feignaient autant de crainte que d'indignation, ne se hâtèrent point pourtant de se rendre au- près de leur protecteur. Ils étaient partis le 6 janvier; ils tra- versèrent la partie de TUalie voisine de Rome à petites journées, si bien que César se trouvait déjà à Ariminum, au sud du Rubicon, lorsqu'il les recueillit. Lui, au contraire, avait pris ses mesures avec une célérité telle, qu'on est fondé à se demander s*il avait pu, comme il le prétend , savoir ce qui s'était passé à Rome ce jour-là et dans les jou7*s suivants y lorsqu'il invita ses soldats à le suivre. Trois ou quatre joui^s après ce premier décret du Sénat, il haranguait ses troupes et se préparait à passer le Rubicon. Le 15 janvier, il le passait en effet. Une seule légion, il est vrai, la treizième, marcha d'abord avec lui. Il avait laissé les autres en arrière, à dessein sans doute. D'abord il avait voulu donner moins de soupçons sur ses projets que pourtant tous les hommes politiques de Rome comprenaient fort bien. Ensuite il craignait que, s'il voulait faire entrer à la fois en Italie son armée tout entière, il ne s'y produisit quel- que hésitation. Ceux auxquels il répugnerait de porter contre la patrie une main parricide, pourraient détourner les. autres de suivre leur général. Au moment de franchir la frontière de l'Italie, ne se verrait- il pas abandonné? Mais le mauvais exemple est contagieux comme le bon. Une fois la treizième légion, du dévouement de laquelle il se tenait pour certain, engagée dans la lutte, les autres se piqueraient d'émulation. Elles se regarderaient comme déshonorées si elles laissaient leurs compagnons d'armes et leur chef soutenir seuls une lutte inégale contre une faction de tyrans. Suétone rapporte aussi que César fit partir secrètement de Ravenne la plus grande partie de la treizième légion par petits détachements, que le jour même il alla se mettre à sa tète, il assista à un spectacle public, donna un grand repas et feignit de chercher un empla- cement considérable pour y établir un cirque, le tout afin de mieux cacher ses desseins (1). La nuit, il emprunta le chariot d'un moulin voisin, y fit atteler des mules, partit avec deux

(4) Suétone, Catar, 30.

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LES PRÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 105

OU trois compagnons et s'égara dans sa route. Ce ne fut que le lendeniain qu'ayant pris un guide il rejoignit ses troupes, aux- quelles il avait donné rendez- vous sur les bords du Rubicon. Si ce récit romanesque est vrai, il augmente le soupçon que nous manifestions tout à l'heure. Le décret du Sénat, la fuite des tribuns étaient donc ignorés encore à Ravenne. Gomment, on les y avait connus, n'aurait-on pas remarqué les mouve- ments de troupes accomplis par ordre de César? A qui sa dissi- mulation aurait-elle pu donner le change? Quel grossier moyen de tromper les habitants sur la proximité de son départ que de leur promettre l'érection d'un cirque, alors que l'expiration prochaine de sa magistrature allait rompre le seul lien qui existât entre eux et lui! Pour que les Ravennales pussent être abusés par un tel stratagème n'était-il pas nécessaire qu'ils crussent à la possibilité du maintien de son proconsulat pour une nouvelle période quinquennale? Donc ils ignoraient ce qui venait d'avoir lieu à Rome. César lui-même ne le savait si bien que parce qu'il était convenu d'avance avec ses agents que tout serait ainsi. Curion, qu'on faisait encore passer pour un tribun quoiqu'il ne le fût plus, Antoine et Cassius avaient en- core à lui rendre un dernier service; celui de paraître à Ari- minum devant les soldats en fugitifs et en suppliants pour les émouvoir davantage. Ils se présentèrent en habits d'esclaves; ils avaient, direni-ils, emprunté ce déguisement pour se sous- traire aux entreprises coupables d'une bande de furieux. César joignit ses larmes à leurs plaintes. Il déchira ses vêtements et se frappa la poitrine (1). Ainsi fut poussée jusqu'au bout cette étrange comédie. Tant, même dans ses entreprises les plus aventureuses. César mettait de conseil et de précautions, ne laissant au hasard que ce qu'il ne pouvait absolument lui enlever I

A Ariminum, il s'arrêta pour attendre que de nouvelles légions vinssent joindre la treizième. La douzième et la quin- zième arrivèrent dans un assez bref délai. C'est seulement

(4) Atque iià Irajecto exercU'X, adhibitU tribunU plebis q\U puUi supenenerant, pro condonelidem milUum flens ac veste a pectore dUcUsâ invocami. (Suét., Cœsarj 32.)

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106 MÉMOIRES.

qu'il dut apprendre les dernières mesures qu'on avait prises contre lui et les arrangements relatifs à la division de l'État en départements militaires pris par le Sénat, de concert asrec Pompée. Nous pouvons invoquer à ce sujet son propre témoi- gnage, bien qu'il ait, ce semble, confondu à dessein les dates pour mieux persuader à ses lecteurs que les provocations de ses ennemis seuls avaient déterminé sa prise d'armes. Après avoir raconté à sa manière la séance fut voté le sénatus- consulte déclarant la République en danger, il dit que, dans un des jours suivants (procoimis diebiis) y le Sénat, convoqué hors de la ville, avait fait, à l'instigation de Pompée, de nou- veaux décrets qu'il résume ainsi (1). « On accorde des gouver- « nements à desimpies particuliers; deux de ces gouverne- « ments étaient consulaires, trois autres prétoriens. A Scipion « échoit la Syrie; à L. Domitius, la Gaule. Philippe et Marcellus c sont oubliés par des intrigues particulières; leurs noms ne c sont pas tirés au sort. On envoie des préteurs dans les au- « très provinces, et ils partent sans attendre, comme cela se « pratiquait les autres années , que le peuple ait ratifié leur « élection, qu'ils aient revêtu l'habit de guerre et prononcé les vœux accoutumés. Ce qui ne s'était jamais vu jusque-là, les c consuls sortent de la ville, et de simples particuliers se font précéder de licteurs à Rome et au Capitole, contre tous les c exemples du passé. On fait des levées à Rome et dans toute « l'Italie, on commande des armes, on exige de l'argent des villes municipales, on en prend dans les temples, tous les c droits divins et humains sont violés (2) t » César ajoute qu'il avait appris tout cela {his rébus cognitis) lorsqu'il harangua pour la première fois ses troupes à Ravenne. Mais l'homme le plus habile parvient difficilement à donner à un mensonge toutes les couleurs de la vérité. L'artifice se trahit toujours par

(4) César, Guerre civ.j Ht. I, t. M. Mominseo, qae Ton peut reoroyer i César, iottr- Tertit Toidre des faiU. SoiTant loi, ÀDloioeet Cassios auraient opposé leur intercessioD an décret nommant Domitias successeur de César, et c'est alors que la Tiolence de leurs adrersaires les aurait obligés à s'enfuir de Rome. Ils auraient joint César k Ravenne, et c'est alors seulement qu'il aurait passé le Rubicoo. (Hist, rom., Ut. V, ix.)

(t) Pourquoi donc le trésor public reeta-t-il à Rome à la disposition de César ?

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LES PRÉLIMINAIRES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 107

quelque invraisemblance ou même par quelque fausseté ma- nifeste.

Comment, César, auriez-vous pu connaître à Ravenne des résolutions prises par le Sénat quelques jours seulement après l'expulsion des tribuns, alors que ces mêmes tribuns, s'enfuyant précipitamment de Rome n'auraient pu se réunir à vous qu'à Ariminum? Donc, quand vous avez passé le Rubicon, on ne vous avait pas encore donné do successeur. Rien n'avait encore été définitivement décidé en ce qui concernait votre province. On avait résolu seulement de rejeter votre proposition, qui tendait à vous perpétuer dans votre commandement, et Ion avait proclamé la République en danger, parce que vos tribuns y voulaient exciter une émeute. Hais aucune délibération n'avait eu lieu pour vous enlever votre proconsulat avant l'échéance des six mois qui vous restaient, dites-vous, à parcou- rir (1). Vous aviez à craindre, il est vrai, qu'on ne vous en pri- vât. Mais rien n'était fait encore. La peur d'une injustice autorise-t-elle un citoyen à s'armer contre sa patrie ?

Du reste, Ib décision du Sénat relativement au remplacement de César était si peu définitive que deux délégués de Pompée, L. César, fils d'un des lieutenants du vainqueur des Gaules, et Roscius, préteur, qui avait précédemment émis dans le Sénat un avis modéré, vinrent le trouver à Ariminum, chargés d'une mission du général en chef des troupes républicaines. Les der- nières propositions qu'ils lui portèrent, signées de la main des consuls et de celle de Pompée, sont ainsi résumées par lui- même. César retournerait en Gaule, sortirait d'Ariminum, licencierait son armée. Pompée s'en irait en Espagne, César c pourrait toujours briguer le consulat. Mais jusqu'à ce qu'il « eût garanti l'exécution de ses promesses, Pompée et les c consuls ne cesseraient pas les levées qu'ils faisaient. » Écou-

(^) Ce terme de six mois est indiqué par César lui-même. Parmi les griefs qu'il allègue aux députés de Pompée et du Sénat qui Tinrent le trourer à Ariminum se trouve le suifaot : Doluitse se qudd popuU romani beneficium sibi per contvaneUam ab inimicis esBtorquereiur^ ereptoque temettri imperio, in urbem extrakerelur^ cujus abtentis rationem haberi proxinUs comUOs popiUvu jussiiset, iamen hanc jactwam honorit sui, mpublicœ cautâ, œqaoammo Mitte, (Guerre dvikjliY. I, ch. ix.)

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108 MÉMOIRES.

tons maintenant pourquoi César rejeta ce projet d'accommode- ment : c I] était injuste, dit-il, de demander que César sortit c d'Ariminum, et retournât dans son gouvernement, tandis que Pompée retiendrait des provinces et des légions qui n'é- f taient pas à lui; que César licenciât son armée quand on

< faisait des levées; que Pompée promit de se rendre dans son c gouvernement, et de ne pas fixer le délai dans lequel il par- c tirait : de sorte que si, à la fin du consulat de César , Pompée c n'était pas parti, on ne pourrait l'accuser d'avoir faussé son

< serment (1). » Mais César, consul, n'aurait-il pas eu mille moyens d'obliger Pompée à accomplir sa promesse? Nous sa- vons quelles étaient encore les prérogatives du consulat; et qui croira qu'un homme aussi actif, aussi énergique, aussi habile, aussi populaire que César n'aurait pas su les faire valoir? Les raisons de César pour refuser une telle transaction n'étaient que de mauvais prétextes. Hais il avait de longue main préparé la guerre sacrilège qu'il venait de commencer. Les légions lui demeuraient fidèles. Aucun de ses vétérans n'avait voulu suivre dans sa défection Labienus, son principal lieutenant. Le sort en était jeté, comme il l'avait dit lui-môme* d'ailleurs il fut irrite^ de ce que Pompée refusait d'avoir avec lui une entrevue par- ticulière, où peut-être il lui aurait offert de partager avec lui l'empire du monde, dont il se serait réservé, bien entendu, la bonne part pour lui-même. Il rompit les négociations au moment même Pompée se déterminait à lui donner satis- faction sur tous les points (2), et marcha en avant.

(4) Guerre cit. y Ut. I, cb. x et xi. Combien il y a peu de clarté dans tout cela! Ma» César, si clair d'ordinairo, était ici obscur k dessein.

(2) I] paraît qu'il recommença la guerre, sans même attendre la réponse de ses ad- versaires aux propositions qu'il avait chargé L. César de leur porter. C'est encore à la correspondance deCicéronque nous devons ce fait important. « Vous voyez par la réponse de Pompée aux propositions de César, dit-il, qu'on ne refuse rien à ce dernier, et qu*il n'a eu qu'à demander pour avoir. D serait insensé s'il n'acceptait pas les conditions qu'on lui offre, après qu'on a accepté celles qu'il a eu le front de proposer. Car enfin qui ôtes-vous pour dire : « Je prétends que Pompée s'en aille en Espagne et qu'il retire ses troupes de ft l'Italie » ? Cependant ii ro6(iefU^ et on cède aujourd'hui avec moins d'honneur à un rebelle avoué, qui a porté des mains violentes sur la République, que si on l'avait fait autrefois ; fapprébende néanmoins qu'il ne se contente pas de ce qu'on lui accorde ; car depuis qu'il

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LES PRÊLlMlNAiaES DE LA SECONDE GUERRE CIVILE A ROME. 109

Alors Pompée quitta l'Italie, entraînant après lui le sénat républicain. Ces sénateurs, ces consulaires, de tout temps si mal disposés pour lui et maintenant obligés d'abandonner leurs maisons de Rome et leurs villas, accusèrent d'une voix unanime sa présomptueuse imprévoyance. Les historiens ont adopté à l'envi cette opinion de ses contemporains (1). Une étude plus attentive des documents de l'époque eût appris qu'elle était mal fondée. Pompée avait pris ses mesures pour résister à César, mais en usant des ressources dont il pouvait disposer sans sortir de la légalité. Revêtu d'un empire presque absolu sur les forces maritimes de Rome par un décret du Sénat et de son peuple pour l'approvisionnement 'de l'Italie, il pou- vait user de ce même commandement pour affamer la Péninsule et réduire César. Tout était prêt pour cela ou tout au moins tout allait bientôt l'être, et, deux mois après le passage du Rubicon par César^ Cicéron apprenait à Atticus, non sans émotion, que des armements formidables venaient d'être exé- cutés jusqu'aux extrémités du Pont-Euxin et que l'Italie allait être bloquée, c Ce n'est pas seulement mon imagination qui s'épouvante, s'écriait-il, j'ai tout entendu de mes oreilles.

Ces vaisseaux qu'on rassemble de tous côtés, d'Alexandrie, t de la Colchide, de Tyr, de Sidon, d'Arade, de Chypre, de la Pamphylie, de Rhodes, de Chio, de Byzance, de Lesbos, de f Smyrne, de Milet, deCos, c'est pour intercepter les convois f destinés à l'Italie et pour envahir toutes les provinces nour-

ricières de Rome... On veut faire périr par la faim la patrie c la plus vénérable et la plus sacrée des mères (2).

Comment ce plan échoua, en dépit de l'habileté de Pogipée, par la faute de ses lieutenants, et comment son exécution, bien plus que le prétendu cosmopolitisme de César, a contribué à effa- cer la ligne de séparation qui avait existé entre Rome et les pro- vinces, nous chercherons à le montrer dans un travail ultérieur.

a chargé L. César de ses propositions, il semble qa*il aurait se tenir on pea plus tran- quille; or j'apprends que, fans attendre la réponse, il se montre plus acharné que jamais. »

(1) Un seul historien, M. Mérivale, croit que le plan de guerre de Pompée contre César était préparé de longue main. Mais il lui soupçonne des motifs peu honorables.

(2) A Atticus, II, 9; 17 mars, an de Rome 705.

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110 MÉMOIRES.

r r

FREDERIC II

CONSIDÉRÉ COMME HISTORIEN d'après les travaux les plus récents de la critique allemande

Par m. HALLBERGO)

Il n'est pas étonnaDt que nos voisins d'outre-Rhin se soient attachés, dans ces derniers temps, à jeter un nouveau lustre sur la personne de Frédéric II, Frédéric le Grand, pour par- ler comme eux, le véritable fondateur de la monarchie prus- sienne, et, par suite, du moderne empire germanique. Parmi tous les ouvrages qui ont été consacrés depuis quelques années à ce monarque, et dont plusieurs sont assez volumineux, les plus remarquables et, à coup sûr, les plus intéressants pour nous, sont ceux l'on cherche de préférence à mettre en lumière sa physionomie de littérateur et surtout d'historien (2).

Nous savons combien a été bizarre la fortune des œuvres de Frédéric II; désavoués, bien souvent, aussitôt après avoir été écrits, (es livres sortis de la royale plume étaient imprimés à l'étranger, leur texte plus ou moins tronqué ou falsifié, leur style même et leur orthographe outrageusement dénaturés. C'est ainsi que son premier opuscule, intitulé : Considérations sur Vêlai politique de V Europe en ce moment^ fut jeté sur le papier

(1) La dans la séance da 13 janyier 4 884 .

(2) Voir surtout W. Wiegand, dk Vomâen Friedriài» des Grossm (Strassburg, 4874.)

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FRÉDÉRIC II CONSIDÉRÉ COMME HISTORIEN. 111

dès 1738, mais condamné aussitôt par son auteur à ne pas voir le jour; c'était un mémoire adressé aux puissances maritimes pour avertir l'opinion publique, en Angleterre et en Hollande, desdangers dont la France et l'Autriche étaient censées menacer l'équilibre européen; il devait paraître en Angleterre, sans nom d'auteur, mais un brusque changement survenu dans la politi- que de la France en arrêta l'impression; le cardinal de Fleury s'étant rapproché de la Prusse, l'héritier de cette monarchie ne jugea pas à propos de se brouiller gratuitement avec une grande, puissance qui pouvait être bientôt son alliée. C'est ainsi encore qu'en 1740, à peine monté sur le trône, le nouveau roi regret- tait et blâmait la publication de son Anti- Machiavel , qu'il avait laissé faire à La Haye quelques mois auparavant, alors qu'il n'était que prince royal ; il la condamnait maintenant comme inexacte, ou, pour dire vrai, comme inopportune. Il ne lui arriva que rarement, du reste, de se faire imprimer, et jamais de signer ses œuvres, bien qu'il fît, à l'occasion, le métier de journaliste tout aussi bien qu'un autre, témoin le fameux ca- nard, cette histoire de grêle phénoménale, qu'il fit insérer dans les journaux de Berlin, en 1767, pour détourner l'atten- tion publique d'un projet de guerre qu'il caressait en ce moment.

Aussi, après sa mort, les éditeurs ne se gênèrent-ils pas pour mutiler ou corriger ses œuvres en prose, comme on avait fait, de son vivant, pour ses poésies; sa correspondance seule, comme il est naturel, fut livrée au public sans trop d'altéra- tions. Ce ne fut qu'en 1846 que l'Académie de Berlin donna une édition complète et exacte de tous ses écrits; et néanmoins la renommée littéraire de Frédéric H n'y a pas gagné ; les cri - tiques étrangers ou même allemands consentent à peine encore à le considérer comme un écrivain.

Cela tient sans doute à ce qu'on ne peut le compter ni parmi les écrivains français, ni parmi les auteurs allemands; on sait que cet Allemand parlait toujours français et a écrit tous ses ouvrages dans notre langue ; il a été considéré, des deux côtés du Rhin, comme une sorte d'amphibie, et ses compatriotes, surtout, l'ont puni du crime d'avoir méprisé leur langue. Le

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112 MÉMOIRES.

jugement des critiques allemands est unanime sur ce point; Hettner^ qui a écrit l'histoire des littératures allemande et fran- çaise au dix-huitième siècle, ne nomme Frédéric ni dans l'une ni dans l'autre. Longtemps avant lui, Schiller, dans des vers célè- bres, avait reproché au roi de Prusse de négliger la muse nationale. Plus près de nous, Ranke, dans son Histoire de la Prusse, et TAnglais Thomas Carlyle.dans son Histoire de Fré- déric II, font très-bon marché de ses écrits ; Preuss lui-même, son principal panégyriste, dans sa grande histoire de ce roi, ne lui rend nullement justice comme écrivain.

Chez nous, aussi, personne n'a jamais songé à le considérer comme un des nôtres: Yillemain, qui trouve < dans sa naria- tion plus de sécheresse que de simplicité, plus de négligence sans goût que de naturel >, déclare que Frédéric, malgré toutes ses études et ses prédilections françaises, est et reste Allemand. Je laisse de côté, bien entendu, les jugements intéressés de Voltaire, qui congratulait volontiers son royal ami de Potsdam dans les lettres qu'il lui adressait, mais qui prenait sa revanche en le criblant d'épigrammes dans sa correspondance secrète avec d'Alembert et autres.

Frédéric II était pourtant un écrivain dans toute la force du terme, et je pourrais citer maint passage de ses œuvres l'on voit que ce prince s'appliquait au moins autant à bien écrire qu'à bien gouverner ou à bien combattre. Seulement il écrivait pour la postérité, non pour les contemporains.

Et, tout d'abord, il éprouve le besoin d'expliquer pourquoi il écrit en français : < Quoique j'aie prévu les difficultés qu'il y a pour un Allemand d'écrire dans une langue étrangère, je me suis pourtant déterminé en faveur du français à cause que c'est la plus polie et la plus répandue en Europe, et qu'elle parait en quelque façon fixée par les bons auteurs du siècle de Louis XIV. Après tout, il n'est pas plus étrange qu'un Allemand écrive de nos jours en français, qu'il l'était du temps de Cicéron qu'un Romain écrivît en grec. » L'éloge que le royal auteur fait de notre langue est presque textuellement le même que Brunetto Latini lui décernait, cinq cents ans plus tôt, lorsqu'il procla- mait que le français était c le parler de moult le plus déli-

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PE^DÉRIC II CONSIDÉRÉ COMME HISTORIEN. 113

table », et qu'il publiait dans cet idiome son fameux Trésor de toutes les connaissances humaines.

Frédéric prenait au sérieux son métier d'écrivain comme son métier de roi. Nous savons quelle prodigieuse activité d'esprit et de corps il a déployée, malgré son peu de santé, pendant les quarante-six ans de son règne. Il ne passait guère que deux heures le matin et deux heures le soir à lire et à composer ou retoucher ses ouvrages; mais il n'y manqua jamais, jusqu'à son dernier jour, et même en temps de campagne; et à quel impo- sant total n'arrive-t-on pas si l'on additionne ces quatre heures par jour dans une période de près de cinquante ans ! < L'homme est pour l'ouvrage, disait-il dans une lettre à d'Alembert; l'oisiveté le rend malheureux, et souvent criminel ; > et, ailleurs : < Le travail est le père des vertus ; rien ne ressemble tant à la mort que l'oisiveté. > Fidèle à ce principe, il ne laissait jamais son esprit inoccupé ; il ne croyait jamais devoir s'arrêter à la première expression de sa pensée; il travaillait et retravaillait son style, comme le bœuf, dont il faisait volontiers [son em- blème, creuse et recreuse son sillon. Quand il n'avait rien de nouveau à composer, il revoyait ses premiers écrits, dont il retouchait sans cesse la forme, tout en en conservant autant que possible l'idée ; c'était presque, pour lui, un devoir pro- fessionnel que de limer ses ouvrages.

Nous en avons la preuve dans la plupart de ses œuvres g'é- cemment publiées, auxquelles on a eu l'heureuse idée de join- dre toutes les variantes qu'on a pu retrouver; mais nulle part ce caractère n'est aussi frappant que dans les préfaces ou les avant- propos de ses ouvrages historiques. Sans vouloir exagérer la valeur littéraire de ses œuvres en général, on doit tenir grand compte, au point de vue de l'histoire politique et mo- rale du roi, de sa correspondance, et, surtout, de ses ouvrages historiques; ces derniers ont été les plus travaillés de tous, principalement son Histoire de mon temps. Frédéric n'était pas philosophe ni poète, bien qu'il crût être l'un et l'autre^ et que Voltaire eût le tort de l'entretenir dans cette erreur; mais il avait toutes les qualités de l'historien, et l'histoire a été sa constante préoccupation pendant quarante anneeSi depuis ses

8* 8ÉRIS. TOBCB III, 1. 8

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4-44 MÉMOIRES.

Considérations de 1 738 jusqu'à ses Mémoires de la guerre de i 778. De tous ses ouvrages historiques, le seul quil publia de son vivant fut celui qui est intitulé : Mémoires pour servira l'his- toire de la maison de Brandebourg; les autres ne parurent qu'en 4788, sous une forme très-inexacte et incomplète.

De nos jours, la publication des textes, véritables et de quel- ques variantes a permis de juger le mérite du roi-écrivain et, surtout, d'apprécier le soin extrême avec lequel il retouchait et corrigeait ses ouvrages. Mais rien , dans cette étude , n'offre autant d'intérêt que la comparaison des deux préfaces de Y Histoire de mon temps. La première, écrite en 1746, vient d'être publiée pour la première fois par M. Wiegand , et mise en regard de la seconde, qui est de 1775. Ce rapprochement fournit au critique l'occasion d'une foule de remarques neuves et piquantes sur le caractère du roi , sur ses habitudes et sur ses idées. Dans l'espace de vingt-neuf ans, qui s'écoule entre les deux préfaces, la manière de l'écrivain a complètement changé : la nouvelle rédaction ne ressemble plus du tout à l'ancienne et les idées elles-mêmes se sont modifiées. A quelles causes devons-nous attribuer ces changements, et quel est le fond commun de tous les ouvrages historiques de Frédéric? Pour répondre à cette double question, il convient de se faire d'abord une idée exacte de la manière dont ce prince envisa- geait l'histoire.

Nous venons de le constater d'une façon générale : Frédé- ric II regardait comme un devoir sacré de travailler et de s'ins- truire. II avait pris, dès sa première jeunesse, l'habitude de vivre en commerce intime et assidu avec les auteurs classiques de l'antiquité ou de la France, et surtout avec les historiens. De son camp de Selowitz, en Silésie, Tan 1742, il écrivait à un do ses ministres de lui envoyer en toute hâte les Lettres de Ci- céron, ses Tusculanes, ses Philippiques et les Commentaires de César. Une autre fois, écrivant au prince royal, il lui recom- mande, comme à tous les hommes politiques, la lecture de Plutarque, de Tite-Live, de Tacite, de Commines. En temps de paix, il lisait et relisait régulièrement ses historiens classiques, tous les jours» de quatre à six heures du soir; il prenait des

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FRÉDÉRIC II CONSIDÉRÉ COMIIE HISTORIEN. 415

notes, il discutait ot commentait, et arrivait ainsi à perfection- ner indéBniment son jugement. Faut-il s*étonner^ après cela, qu'il y ait eu un progrès remarquable <ie goût et de maturité, entre 1746 et 1775, de la première à la seconde de ces préfa- faces, qui renferment pour ainsi dire la profession de foi histo- rique du royal écrivain?

Ses idées sur les anciens ne se ressentent pourtant pas tou- jours de cette admiration qu'il professait pour leurs écrits; et l'on pourrait citer tel passage de ses œuvres il se distingue par la plus judicieuse critique, comme, par exemple, lorsque, devançant Niebuhr, il condamne la crédulité avec laquelle Tite-Live donne à la fin de chaque année. une liste de miracles, les uns plus ridicules que les autres », et s'inscrit en faux, d'une manière générale, contre toutes les traditions rapportées dans les Décades. Son admiration pour Thucydide et pour César ne connaît point de bornes; mais, en revanche, pour ce qui con- cerne Tacite, il est de l'avis, que devait plus tard soutenir aussi Napoléon , que l'historien des empereurs romains a fait de la satire, non de l'histoire, une œuvre de parti, non un livre défi- nitif. On comprend très-bien que Frédéric II, comme Napoléon, se soit senti attiré par un général historien tel que César; et Ton comprend mieux encore que tous deux aient eu de l'aver- sion pour l'éloquent ennemi du despotisme impérial; mais nous pouvons ôtre convaincus néanmoins que, tout en disant du mal de Tacite , le roi de Prusse le pratiquait plus volontiers que bien d'autres.

Muni comme il l'était des meilleures ressources pour écrire, Frédéric se crut obligé en conscience de prodiguer au monde à venir les trésors de son expérience et de sa raison; souvent même il écrivait sans avoir rien à dire, uniquement par besoin de s'épancher hors de lui-même, mais pour lui seul. Aussi sa fécondité littéraire a-t-elle été prodigieuse. Quand il était triste ou souffrant, et que la prose ne le tentait pas, il écrivait en vers ; d'autres fois, il s'adressait à la prose, à l'histoire surtout, pour se désennuyer et se distraire : < Lorsque j'ai quelques mo- ments de reste, dit-il dans une lettre à Voltaire (1760) , la dé- mangeaison d'écrire me prend , et je ne me refuse pas ce léger

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116 MÉMOIRES.

plaisir; cela m*amuse, me dissipe et me rei^ ensuite plus dis- posé au travail dont je suis chargé. » Il était rare, en effet, que cette distraction ne lui rendit pas le courage et la force au milieu des travaux, des ennuis et des difficultés de sa position. C'est ainsi qu'il a écrit presque tous ses ouvrages historiques, même YHisioire de mon temps^ si l'on s'en rapporte à son propre témoignage (lettre au prince de Prusse en 1746) : < Mes ou- vrages méritent assez peu la peine d'être lus; je les compose en partie pour mon amusement, et en partie pour que la pos- térité voie d'un coup d'œil mes actions et les motifs qui m*ont fait agir. »

Ce dernier aveu est bon à retenir : Frédéric n'écrivait pas seulement, comme il le dit souvent ailleurs, pour son amuse- ment. Cet homme, qui ne croyait ni à Dieu, ni à l'immortalité de l'àme, se préoccupait étrangement de la postérité, du juge- ment des siècles à venir, de l'opinion même deses propres suc- cesseurs. C'est à eux qu'il songe, c'est pour eux qu'il écrit. Quand il croit avoir suffisamment limé un ouvrage, il le com- munique à un petit nombre d'amis, puis il le met sous clé, sans avoir le moindre désir de se voir dérober son manuscrit par un serviteur heureusement infidèle. Frédéric, qui n'avait pas beaucoup de pudeurs à son actif, avait celle-là : il n'aimait pas à montrer ses œuvres au public; peut-être avait-il ses rai- sons pour agir ainsi, comme nous le verrons par les modifica- tions assez profondes que subit parfois sa pensée avec le cours du temps. Mais, indépendamment de ces raisons politiques, il y avait la raison littéraire, qui suffisait à empêcher le roi de publier ses œuvres : < Je lèche mes petits, écrivait-il à Voltaire en 1775; je tâche de les polir. Trente années de différence rendent plus difficile à se satisfaire; et quoique cet ouvrage (il s'agit de V Histoire de mon temps) soit destiné à demeurer enfoui pour toujours dans quelque archive poudreuse, je ne veux 'pourtant pas qu'il soit mal fait. » Ailleurs, il regrette de ne pouvoir arriver à la perfection littéraire : c Je n'écris pas aussi bien que je pense; mes idées sont souvent plus fortes que mes expressions. » Ses premiers éditeurs voulurent le ronçlre élégant, et il est

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PRéDÊEIG II CONSIDÉRÉ COMME HISTORIEN. 117

difficile aujourd'hui y dans bien des cas, de juger exactement son style. Le seul ouvrage qu'il ait écrit pour le public » ses Mémoires sur le Brandebourg^ est généralement négligé; on sait , du reste, que Frédéric menait l'orthographe, comme ses servi- teurs, tambour battant, et qu'il jie signait même pas correcte- ment son propre nom. Dans cette histoire du Brandebourg elle-même, le royal auteur annonce l'intention de se rendre utile et d'instruire la jeunesse; il se soucie peu de plaire, et rejette, plus qu'ailleurs, tous les ornements de la forme. Il y a ici évidemment une contradiction avec ce que nous lui avons entendu avouer ailleurs; mais ces contradictions ne sont point rares dans l'esprit humain, ni surtout chez Frédéric IL II semble que ce prince veuille affecter la négligence lorsqu'il écrit pour ses contemporains et polir son style uniquement pour la posté- rité. Mais, malgré tous ses efforts, il n'arrive jamais à cette élégance qu'il admirait tant chez nos écrivains; et pour être juste envers lui, on ne doit le juger que d'après ses idées. Or, ces idées ne se trouvent exprimées nulle part d'une manière aussi complète ni aussi forte que dans V Histoire de mon temps. C'est qu'il faut chercher sa véritable pensée sur la plupart des événements et des personnages contemporains, et même sur l'avenir ; il y a un Ck)de politique à l'usage de ses successeurs : recommandation de cultiver l'amitié de la barbare Russie, do maintenir la Prusse à l'état de puissance exclusivement mili- taire, de tout faire pour arriver à l'hégémonie do l'Allemagne, rien n'y manque; et, à côté de toutes ces recommandations se- crètes pour ses successeurs, on trouve de nombreux passages destinés à marquer sa reconnaissance envers l'armée, à payer en éloges éclatants les services de se5 vieux soldats; lui qui pré- tend que l'histoire ne saurait admettre de détails, il ne craint point de les entasser à l'excès lorsqu'il s'agit de raconter les hauts faits de ses compagnons d'armes.

Il y aurait une étude intéressante à faire relativement aux idées de Frédéric II sur l'histoire; les matériaux s'en trouve- raient dans V Histoire de mon temps, et surtout dans la préfaça de cet ouvrage, il a une manière souvent originale et pres- que toujours très-juste d'envisager l'histoire; il appartient

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418 MÈMOIRIS.

déjà, évidemment, à l'école moderne. Rien de plus vrai , par exemple, que cette remarque sur renseignement de Thistoire : €( Il ne suffit pas que le professeur enseigne; il faut, chaque jour, la leçon finie, qu'il y ajoute une demi-heure pour inter- roger les jeunes gens sur le point d'histoire qu'il a traité, par il fera accoucher leur esprit de réflexions soit morales, soit politiques, soit philosophiques, ce qui sera plus utile pour eux que tout ce qu'ils auront appris. » Ailleurs, il exprime en ter- mes éloquents la haute idée qu'il se fait de l'histoire : c Péné- trer dans les temps qui nous ont précédés, embrasser le monde entier avec toute l'étendue de son esprit, c'est faire réellement des conquêtes sur l'ignorance et- sur l'erreur, c'est avoir vécu dans tous les siècles et devenir, en effet, citoyen de tous les lieux et de tous les pays. >

Sa critique historique est analogue à celle de Voltaire dans VEssai sur les mœurs. Frédéric recommande avant tout de se méfier de tous les détails donnés ^ar les historiens et de faire l'histoire de l'esprit humain plus que celle des rois et des peuples. Il était, du reste, à l'époque il commençait cette Histoire de mon temps, vers 1742, sous l'influence directe de Voltaire et de ses ouvrages historiques; toutes ses lettres en font foi, et l'on trouve de curieux rapprochements à faire entre certains passages écrits par le roi et d'autres qui avaient pu lui servir de modèles chez son illustre ami. Frédéric s'était rallié avec enthousiasme à cette nouvelle manière d'écrire l'his- toire, prônée d'abord en Angleterre par Bolingbroke, et illus- trée bientôt en France par le Charles XII de Voltaire, ce chef- d'œuvre de narration facile et agréable, rempli de jugements pratiques et d'observations judicieuses à l'usage des gens du monde. Après Thucydide, qu'il trouvait impossible à égaler, le roi de Prusse considérait Voltaire comme le plus grand des historiens.

II n^aimait pas le moyen âge, qui, pour lui, n'était qu'une période de chaos et de ténèbres; parmi les historiens modernes, il préférait ceux qui racontent les événements contemporains; il avait un goût prononcé pour les Chroniques et les Mémoires. Son jugement sur les historiens allemands est sévère, mais par-

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FRÊDÈEIC II CONSIDÉai COMIIB HISTOEIBN. 119

faitement juste : il leur reproche à tous, y compris Puffendorf, d'éfte des pédants minutieux, et non des historiens , des ma- nœuvres entassant des matériaux qui attendent encore la main d'un habile architecte. Il ne fait pas même grâce à Jean do Huiler, à l'occasion duquel il laisse échapper cette fameuse boutade : c Nos Allemands ont le mal qu'on appelle : la diarfhée verbetÂse; on les rendrait plutôt muets qu'économes de leurs paroles! » Il n'était, du reste, pas le seul alors à exécuter aussi sommairement les historiens allemands : Lessing, dans ses Lettres sur la littérature, est au moins aussi sévère que lui.

A c6té de ces vues judicieuses et souvent remarquables sur l'histoire en général , il y a des idées fausses ou bizarres qu^il me suffira de signaler : il n'admet point, par exemple, l'intérêt que peuvent offrir des événements pacifiques, c Depuis la paix de 1746, écrit-il quelque part, j'avais renoncé à l'histoire, parce que des intrigues politiques, si elles ne mènent à rien, ne méritent pas plus de considération que des tracasseries de société; et quelques détails sur l'administration d'un Etat ne fournissent pas une matière suffisante à l'histoire. On est étonné d'entendre parler ainsi l'homme qui, ailleurs et souvent, déclare que l'historien doit s'appliquer avant tout à faire l'his- toire de l'esprit humain.

On peut trouver aussi que Frédéric est presque toujours in- juste pour ses ministres; il les oublie ou les rabaisse à plaisir. Faut-il l'accuser de jalousie? Je ne crois pas que ce vice fût familier au roi , car il admire volontiers et loue à chaque ins- tant les mérites -et les belles actions de ses généraux, de ses officiers et même de ses simples soldats; mais il affectait de mépriser la diplomatie et l'administration, et, par suite, il dédaignait et maltraitait facilement ses serviteurs non mili- taires : nous savons qu'il n'admettait presque jamais ses minis- tres à conférer avec lui, et qu'il se contentait, tous les matins, de leur expédier un courrier de cabinet avec ses ordres ou ses instructions pour la journée.

Une autre de ses bizarreries, surtout dans VHistoire de mon temps, consiste à négliger les détails au point de ne pas se préoccuper des lieux, des dates, ni même des noms des per-

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120 MBMOII^.

sonnages historiques ; il a la prétention de ne donner jamais que des vues d'ensemble, et il arrive souvent ainsi à être va|he ou inexact.

Sa méthode habituelle, en effet , est de se livrer à des con- sidérations générales sur les événements; il aime surtout à faire des parallèles.' < Il n'y a pas de meilleur moyen , dit-il , de se faire une idée juste et exacte des choses qui arrivent dans le monde , que d'en juger par comparaison , de choisir dans l'his- toire des exemples, d'en faire le parallèle avec. des faits qui arrivent de nos jours, et d'en remarquer les rapports et les ressemblances. Rien de plus digne de la raison humaine, de plus instructif et de plus capable d'augmenter nos lumières, i

Mais il n'est pas toujours fidèle à cette méthode; il se laisse bien souvent entraîner par sa malice naturelle à un ton ironi- que qui n'a rien de la gravité de l'histoire, et il entre alors aussi, contrairement à ses principes, dans des détails, parfois assez mesquins , qui n'offrent aucun intérêt pour la postérité. Il est vrai que, dans certains cas, il s'excuse d'avance en cherchant à prouver que ces détails servent à mieux peindre un personnage ou une époque. < Je peins en grand le boule- vei-sement de l'Europe, écrivait-il en 1747 ; je me suis appliqué à crayonner les ridicules et les contradictions que l'on peut

remarquer dans la conduite de ceux qui la gouvernent Des

couplels ne mériteraient certainement pas d'entrer dans un ouvrage aussi grave que le nôtre; mais ces sortes de traits mar- quent le génie de la nation. »

Un des points sur lesquels le royal auteur insiste le plus dans la préfaça de VHistoire de mon temps, c'est son amour incorruptible de la vérité. Si les protestations, même éloquen* tes, étaient des preuves en pareille matière, nous ne pourrions qu'admirer la véracité de Frédéric II. Voici, en effet, comment il s'exprime à cet égard : c Cet ouvrage, étant destiné à la pos- térité, me délivre de la gêne de respecter les vivants et d'ob- server de certains ménagements incompatibles avec la franchise de la vérité: il me sera permis de dire sans retenue et tout haut ce que l'on pense tout bas. Je peindrai les princes tels qu'ils sont, sans prévention pour ceux qui ont été mes alliés et

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FRÉDÉRIC II CONSIDÉRÉ COMME HISTORIEN. 121

sans haine pour ceux qui ont été mes ennemis. » Il est à re- marquer que cette idée se trouvait moins développée dans la préface de 4746 : en la retouchant, vingt-neuf ans plus tard, le roi trouva sans doute qu'il était bon d'insister davantage sur un point que la postérité ne lui accorderait pas sans quelque difficulté. Sans vouloir discuter ici la grave question de la véra- cité de Frédéric on doit pourtant reconnaître qu'il a toujours proclamé bien haut que l'amour de la vérité devait être la première qualité de l'historien; il le disait déjà dans son Anti- Machiavel; il le répétait près de quarante ans plus tard , lors- que, à la fin de sa carrière, dans l'avant-propos de ses derniers Mémoires (1775), il s'écriait h'èrement: « Je n'ai jamais trompé personne durant ma vie ; encore moins tromperais-je la posté- rité. »

On doit évidemment rabattre de ces fières déclarations , et ne pas oublier que le roi historien se met toujours plus ou moins en scène, bien que, comme César, son modèle, il parle de lui-môme à la troisième personne : c J'ai été si excédé du je et du moi, que je me suis décidé à parler en troisième per- sonne de ce qui me regarde. Il m'aurait été insupportable, dans un aussi long ouvrage, de parler toujours de moi en mon pro- pre nom. > Mais c'est parfois un raffinement de vanité, ou du moins une précaution fort habile , que de parler ainsi de soi comme d'un tiers, et je ne jurerais pas que Frédéric II n'ait point obéi à ce sentiment.

Il affecte aussi de se montrer très-juste et même bienveillant pour quelques-uns de ses ennemis, surtout pour Marie-Thérèse; mais on se souvient d'autant mieux qu'il l'a dépouillée injuste- ment d'une partie de ses Etats, et l'on est tenté de s'écrier avec le personnage de Corneille :

« 0 soupira ! 6 respect ! 6 qa'il est doux de plaindre Le sort d'un ennemi... lorsqu'il n'est plus à craindre ! »

* Peut-être nedevons-nous pasadmirer davantage ledétachement avec lequel Frédéric parle de ses prédécesseurs, pour lesquels il est souvent trèsHsévère^ surtout dans ses Mémoires sur Fhistoire

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122 . MÉMOIEES.

du Brandebourg : n'était-ce pas se grandir lui-même que de montrer combien ses devanciers avaient peu fait pour la gran- deur de son royaume? Quant aux princes alliés, auxquels il devait du moins de la reconnaissance, il ne leur prodigue pas l'admiration ; il semble même heureux de les rabaisser à l'oc- casion : est-ce uniquement par amour de la vérité ?

Pourtant il ne laisse pas de se juger lui-m^me quelquefois sans indulgence et sans parti pris. Il ne dissimule pas le motif qui lui a mis tour à tour la plume ou les armes à la main; il s'écrie volontiers, comme le Cicéron de Voltaire :

J'aime la gloire , et ne veux point m'en taire ;

Des travaux des humains c'est le digne salaire. »

Il critique de bon cœur ses actes, lorsque le succès ne les a pas couronnés; car il ne connaît que la morale du succès. Dans bien des cas, comme pour le partage de la Pologne, on peut trouver que sa franchise ressemble à du cynisme ; personne n'a jamais exposé plus nettement que lui la théorie des deux morales : c J'affirme, a-t-il dit quelque part, qu'un particulier a de tout autres raisons pour être honnête homme qu'un souverain. Chez un particulier, il ne s'agit que de l'avantage de son indi- vidu ; il le doit constamment sacrifier au bien de la société; ainsi l'observation rigide delà morale lui devient un devoir, la règle étant : Il vaut mieux qu'un homme souffre que si tout le peuple périssait. Chez un souverain, l'avantage d'unre grande nation fait son objet ; c'est son devoir de le procurer; pour y parvenir, il doit se sacrifier lui-même, à plus forte raison ses engagements, lorsqu'ils commencent à devenir contraires au bien-être de ses peuples. » C'est la théorie de Louis XI et de bien d'autres princes ; mais il est à désirer que la bonne poli- tique ne soit pas absolument astreinte à de pareilles maximes. Nous aurions encore à relever bien d'autres points qui of- frent de l'intérêt dans les œuvres historiques de Frédéric II, et qui se trouvent indiqués en substance dans la préface V Histoire de mon temps : par exemple, son profond mépris pour les Jiommes, qu'il partage, du reste, avec Voltaire, et qui lui

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FRÉDÉRIC II CONSIDÉRÉ COMME HISTORIEN. 423

. Tait traiter le peuple de < raœ imbécile et moutonnière t ; son fatalisme, dont il a donné tant de preuves en mainte circons- tance de sa vie, et qui perce à chaque page de ses écrits ; sa haine pour la superstition, qu'il avait le tort de confondre avec la religion, etc.

Mais la partie la plus intéressante de ce travail, que nous renvoyons à une autre fois, serait la comparaison, faite au point de vue littéraire en même temps que philosophique , entre le texte de la préface de 1746 et celui de 1775 : cette comparai- son, que M. Wiegand a présentée un peu trop longuement, comme on a l'habitude de faire chez nos voisins, pourrait ser- vir de résumé à une élude, plus complète que la nôtre, sur Fré- déric II considéré comme historien ; on verrait ainsi, d'un seul coup d'œil, toute la carrière historique de ce prince, dans ses deux points extrêmes, et l'on constaterait sans peine les progrès étonnants qu'il avait réalisés, durant une période de trente années, au double point de vue de la maturité du jugement et de la sobriété du style.

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124 MÉMOIRES.

DE L'INFLUENCE

DE LA TENSION HYDROSTATIQUE

BT DB 8B8 VABIATI0N8

SUR LES MOUVEMENTS DES LIQUIDES DANS LES VÉGÉTAUX ET SUR LES MOUVEMENTS DES DIVERS ORGANES DES PLANTES

Par m. a. BARTHÉLÉMY (D

DBS LIGATURES DBS RAMEAUX

Les mouvements des liquides dans les plantes ont donné lieu à de nombreuses recherches expérimentales et à de longues discussions qui n*ont pas encore complètement éclairci ce sujet si complexe. La plupart des botanistes admettent une sève as- cendante, et dans ces derniers temps on a étudié avec soin la tension qui en résulte : l'existence d'une sève descendante ou mieux de retour a rencontré plus de contradicteurs.

Pour Du Petit-Thouars, Turpin, M. Schleiden, etc., la sève ascendante se diffuserait latéralement dans son mouvement as- cendant et viendrait, par propagation latérale, se répandre entre récorce et le bois. MM. Hanstein, Sachs, Trécul, etc., ont com- battu cette manière de voir à Taide^de ligatures et de dècorti- cations:

J'avais moi- môme institué, il y a déjà un certain nombre

(4) La dans la séance da SO jaoTier 4880.

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DE l'influence DE LA TENSION HYDROSTATIQUE. 125

d'années, des expériences, soit au Jardin des Plantes de^ Tou- louse, soit dans un jardin particulier, pour éliminer l'action de la pesanteur dans la formation des bourrelets au-dossus des ligatures, et lever ainsi la principale objection que les partisans de la diffusion latérale formulaient au sujet des ligatures.

Je m'étais cru autorisé par le résultat de ces expériences à conclure à l'existence d'une sève descendante ou de retour. Ce- pendant, de nouvelles recheches faites sur les racines et sur les plantes que j'ai appelées saisonnières, m'ont amené à modifier ma première manière de voir et à faire intervenir dans ces phé- nomènes de ligatures, de décortication, d'incisions transversales ou longitudinales, la tension générale, propriété physiologique qui me parait de première importance pour la vie du végétal.

Je vais d*abord exposer mes principales expériences sur les ligatures soit de la tige, soit de la racine.

LIGATURES DES RAMEAUX AERIENS

Le bourrelet se forme toujours du côté du bourgeon terminal.

Dans une première série d'expériences on a pratiqué des li- gatures sur des branches pendantes de saules et frênes pleu- reurs. Le bourrelet n'a par tardé à se former du côté du bour-' geon terminal, c'est-à-dire au-dessous de la ligature et contrai- rement à l'action de la pesanteur. Un petit bourrelet beaucoup moindre se montre au-dessus de la ligature. Des ligatures pra- tiquées sur des branches secondaires offrent les mêmes phéno- mènes que celles de la branche principale.

La ligature ayant été pratiquée au printemps, le bourrelet augmente jusqu'au milieu de l'été; après quoi la branche meurt quelquefois, et le dessèchement, dépassant le bourrelet, se pro- page jusqu'au point la branche se sépare du rameau pri- mitif.

Lorsque plusieurs ligatures ont été faites sur plusieurs bran- ches partant d'un même rameau, ce sont les branches inférieu- res qui se dessèchent les premières; puis la branche principale succombe à son tour.

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426 MÉMOIRES.

Une section longitudinale permet de reconnaître que le bour- relet est surtout formé par la partie ligneuse de la tige et que les couches corticales ne subissent aucun accroissement sensible. Il n'en est pas de môme du petit bourrelet qui se trouve de l'au- tre côté de la ligature, surtout dans les plantes à latex, comme le figuier. On remarque de plus, dans cette section du bourrelet, que les fibres ligneuses extérieures forment une masse peloton- née et semblent avoir obéi à une pression interstitielle, ainsi que l'a déjà observé M. Trécul.

Plusieurs ligatures sur une môme branche donnent lieu à plu- sieurs bourrelets, et la branche peut présenter une série de renflements en chapelet.

Dans une autre série d'expériences, on a pratiqué des inci- sions annulaires de l'écorce sur des branches également pen- dantes, et l'on a constaté que le bourrelet d'écorce se forme encore à la lèvre de la plaie voisine du bourgeon, contraire- ment à la pesanteur, tandis que dans l'autre lèvre, voisine du tronc, l'écorce se dessèche et se détache du bois.

On a éliminé encore l'action de la pesanteur en recherchant sur une branche de figuier recourbée le point le plus bas. A cet effet, on soulève une planchette horizontale, munie d'une coulisse verticale, jusqu'à ce qu'elle arrive au contact de la branche; le point de contact ainsi déterminé est le point le plus bas de la courbe formée par la branche. Si à ce point on fait une ligature on constate encore que le bourrelet se forme du côté du bourgeon terminal, et qu'un autre plus petit, à l'écorce, se produit de l'autre côté.

Dans le même but nous avons rendu une branche rectiligne de figuier bien horizontale à l'aide d'un niveau à bulle d'air, et nous avons pratiqué soit des ligatures, soit des incisions an- nulaires; les bourrelets se sont toujours formés du côté du bourgeon.

n arrive seulement que le bourrelet est souvent plus gros à la partie inférieure, comme si la pesanteur avait ici une certaine influence.

Enfin, sur une branche courbe aussi également de figuier, nous avons déterminé deux points sur une même ligne horizon-

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DB l'influence DE LA TENSION HYDROSTATIQUE. 427

taie de chaque côté de la courbure, et nous avons établi des ligatures à ces deux points. On voit encore ici se former deux bourrelets, l'un au-dessus de la première ligature, l'autre au- dessous de la seconde, et tous deux du côté du bourgeon ter- minal.

Enfin 9 j'ajouterai encore une observation intéressante : j'ai sous les yeux une vigne vierge dont une branche horizontale a été passée au début de sa végétation dans un anneau destiné à la soutenir. Cette vigne tapisse aujourd'hui toutes les parois d'une cour; un énorme bourrelet s'est formé, à la longue, du côté des branches terminales et a complètement recouvert l'an- neau. Le diamètre est resté, au contraire, sensiblement le même du côté de la tige. Je n'ai pas besoin d'ajouter que cet obstacle a rendu la végétation moins vigoureuse dans cette direction.

Cette série d'expériences nous permet de conclure que, quelle que soit la position de la branche, le bourrelet se produit tou- jours du côté du bourgeon terminal.

DBS L16AT0RBS SUR LES RACINES

Les racines formant un système de ramification en sens in- verse de la tige, il était bon de rechercher l'effet des ligatures sur ce système, ce qui n'avait pas été tenté, je crois, jusqu'ici.

J'ai opéré sur des racines de frônes, de troènes et de cerisiers. Il est bon de choisir des arbres situés sur un tertre et dont les racines peuvent ainsi ôtre mises facilement à nu sur un point de leur trajet ; sans quoi les fils de chanvre ou les fils de fer avec lesquels on pratique la ligature s'usent rapidement dans le sol, et les résultats obtenus sont négatifs.

Mes expériences ont duré trois années, et ce n'est qu'au bout de ce temps que j'ai pu formuler des résultats certains.

En pratiquant sur des frênes des ligatures à des branches rddiculaires suffisamment éloignées de la souche mère, on voit se produire deux bourrelets de chaque côté de la ligature; celui qui est situé du côté de l'extrémité de la racine finit par l'em- porter en diamètre et devient de plus en plus marqué; il peut même finir par déborder la ligature, et les deux bourrelets se

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1 28 MÉMOIRES.

ressoudent en faisant disparaître le fil qui a produit la ligature. Six ligatures pratiquées sur des frênes m'ont donné des résul- tats marqués au bout de trois ans. Ils ont été plus rapides sur des troènes beaucoup plus tendres.

La section par Taxe de la racine montre les faisceaux du bois déviés vers la partie externe, comme par une force intersticielle, tandis que ceux du centre ont conservé leur position normale. La région du cambium ne présente aucune modification. La formation des deux bourrelets semble suivre une marche très- inégale : tandis que le bourrelet supérieur suit une marche continue, le bourrelet inférieur se développe surtout au prin- temps et à Tautomne.

Les ligatures pratiquées sur des racines plus voisines du troncdonnent des résultats beaucoup moins marqués, et les deux bourrelets sont à peu près égaux, soit que les racines soient plus résistantes en ces points, soit que la cause qui détermine le bourrelet soit moins active. Enfin, j'ai trouvé sur quelques frênes des branches ana^^tomotiques qui réunissaient deux bran- ches de racines, espèces de greffes radiculaires sur lesquelles j*ai pratiqué des ligatures. Le bourrelet s'est toujours montré double ici et toujours plus gros du côté de la branche mère.

Des ligatures avaient été pratiquées en même temps sur les branches supérieures du système foliacé des frênes, et l'on a vu se produire très-rapidement le bourrelet du côté du bour- geon. Cette différence de développement du bourrelet s'expli- que facilement par la différence de vitalité des deux systèmes de ramification

Les troènes, les cerisiers donnent, on le sait, de nombreuses pousses qui viennent des bourgeons adventifs nés sur le système radiculaire. Des ligatures pratiquées sur ces pousses donnent les mêmes résultats que celles que nous avons établies sur les rameaux du tronc principal.

Je citerai encore l'observation suivante qui pourrait avoir des applications agricoles : des sarments encore verts avaient été plantés par les deux bouts en arceaux pour bordure de jar- din; quelques-uns de ces sarments ont pris racine par les deux bouts* Les bourgeons se sont développés en rameaux. Des liga-

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DE L*1NFLUBNCB DE LA TENSION HtDHOSTATIQOB. 429

tures pratiquées sur ces rameaux se gonflent du côté du bour* ^eon, tandis que celles que Ton pratique sur le sarment, ne présente pas de résultats précis. Il est vrai que la vigne se prête mal à ces expériences à cause du peu de résistance de sa région corticale.

J'ai eu aussi occasion d'observer une branche pendante de ronce qui plongeait dans Teau par son extrémité. Des racines adventives s'étaient développées dans le liquide; des ligatures furent pratiquées sur la région comprise entre la tige primitive et ces racines, et le bourrelet se forme encore du côté du bour- geon qui était aussi celui des racines adventives. Ces expé- riences nous permettent de conclure que dans le système radi- culaire le bourrelet se forme surtout du côté de l'extrémité de la racine.

Néanmoins, les incisions annulaires pratiquées sur les raci- nes présentent le bourrelet d'écorce du côté du tronc, et Ton sait que lorsqu'une i*acine s'enfonce dans le sol Vécorce se renfle dans la partie libre au-dessus du sol. On sait aussi qu'une ra- cine coupée présente du côté du tronc des formations remar- quables. Cette différence tient à ce que les formations cellulai- res corticales sont des phénomènes de nutrition locale, tandis que les bourrelets, comme nous allons le voir, tiennent à une cause plus générale.

DE LA TENSION HTDBOSTATIQUE DANS SES RAPPORTS AVEC LES PHÉNOMàNES PRECEDENTS

Il semble tout d'abord naturel d'attribuer le développement du bourrelet du côté du bourgeon terminal à l'existence d'une sève descendante, et c'est l'explication à laquelle je m'étais arrêté tout d'abord. Cependant, cette conclusion n'est pas suf- hsamment justifiée par les faits et par l'observation, principa- lement par l'étude de la section longitudinale du bourrelet. Rien n'indique, en effet, dans cet examen l'existence d'un cou- rant déterminé s'effectuant par une voie distincte, et que la ligature aurait interrompu dans sa marche. Les éléments ana- tomiques, les faisceaux fibro-vasculaires ne sont pas modifiés

8ÛB1X. TOMB m, 1. 9

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(30 MBMOIBES.

dans leur constitution ou dans leur diamètre» mais seulement enchevêtrés et écartés à la partie extérieure du bois» comme par une pression ou tension latérale interstitielle. On remar- (|uera aussi que plusieurs ligaturessur une môme branche don- nent des bourrelets, plus gros il est vrai, vers la partie supé- rieure» mais qui n'indiquent pas un courant simplement inter- rompu.

Je crois, dès lors, qu'il faut chercher la cause de ces phéno- mènes dans la îenshn générale des milieux» liquides ou gazeux, soit interposés aux éléments anatomiques, soit constitutifs de ces éléments. Cette tension a été admise et démontrée par un grand nombre d observateurs (1)» qui en ont recherché, soit la valeur absolue, soit le rôle des diverses parties du végétal dans la mise en œuvre de cette tension. Il me semble, néanmoins» qu'on n*a pas tiré de ce phénomène général et par conséquent fondamental» tout le parti possible.

Pour moi, et pour la plupart des botanistes actuels» il n'existe ni sève ascendante ni sève descendante» si l'on entend par un mouvemeni déterminé, un courant distinct s'eflectuant dans une région spéciale ou par des organes particuliers. 11 n'existe que des variations de la èÊmsim gmértile. Cette tension dépend de deux facteurs : la force endosmolique du système radiculaire el la réKtiom du s)-stème foliacé.

Quand on décapite une plante, un cep de vigne, cornue l'a fait Haller» on supprime le système foliacé, el en adapunt un manomètre on remplace l'étal variable de la lensioa dans le végétal par un état définitif particulier qui ne peol èlre celui de la planta. Je relèverai aussi dans les expérienoes manomè- Iriques d'OoTmeisler un fait important qui poorrail être mal inlerprélé. Ce savant a constaté qu'entre deux nmioiDèires appliqués à un végéta! à diverses hauteurs la difleresœ repré- sente le plus souv^^al le poids do la colonae liquide interposée. Celte experienoe est la meilleare preave q«e la temskm géaê* raie dsl une teasioB hydrostatique, n*igMre pas, en effH, qoe djitts une colonne liquide pesante en ôfuiibre, soaaiise à

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DB L*INPLUBNCC DE LA TENSION HYDROSTATIQUE. 131

une pression générale quelconque^ les pressions sur deux surfa- ces horizontales diffèrent toujoursdu poids de la colonne liquide interposée. C'est aussi une condition essentielle de la vie de la plante que ses deux systèmes opposés soient plongés dans des milieux différents; les plantes aquatiques ont les racines dans la vdse et l'eau et les feuilles dans l'air (1). Enfin, ces deux milieux différents doivent présenter pour la vie de la plante des varia- tions incessantes de température, de mouvement, etc.

Ce sont ces variations du milieu, ce passage continuel de l'état statique à l'état dynamique; que la plante utilise et (|u'elle transforme en force vive, en travail physiologique.

La force endosmatique des racines pour les liquides et pour les gaz n'a pas besoin d'être démontrée ni définie, c'est celle qui produit le bourrelet inférieur prédominant dans les ligatures sur les racines. Quant à l'action des feuilles, on la considère comme accélérant simplement, par l'évaporation, la force ascen- sionnelle de la sève. Cependant, il est un phénomène d'hydro- dynamique qui doit se produire ici ei que je n'ai vu invoquer par aucun auteur.

Je veux parler de la réaction que doit exercer le système fo- liacé. On sait que lorsqu'un courant liquide rencontre un obstacle, il se produit une réaction qui se traduit soit par des •vibrations ascendantes, soit par un coup de bélier ou en retour. Si, après avoir adapté un caoutchouc au robinet d'une fon- taine, l'on arrête brusquement le cours du liquide en serrant l'extrémité du caoutchouc avec les doigts, on voit le tube se gonfler progressivement de l'extrémité vers la source et ne revenir à son diamètre primitif qu'au bout de quelques ins- tants. Si l'on a pratiqué avec une grosse épingle un trou dans le tube, le liquide, qui ne s'écoulait pas par cette ouverture pendant l'écoulement, jaillit, au contraire, avec force lorsqu'on a fermé brusquemo.nt le tube. Le jet est oblique et se couche presque le long du tube vers la source; le jet diminue de plus

(4) J'ai remarqué aillears que les plantes dans Teau seule n'exercent aucune action bsorbante sur les bicarbonates. Bmie des tàencet ncU, , Mont, a Absortion des bicarbonates par les plantes. »

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132 MÊMOIhES.

en plus, et finit par cesser au bout de quelque temps. Si le tube de caoutchouc est interrompu sur une certaine étendue par un tube de verre, on peut voir le liquide refluer principa- lement sur les bords, et si le liquide contient des particules en suspension, on les voit glisser le long des parois. Enfin, Tex- périence la plus intéressante pour le but que nous poursuivons consiste à pratiquer une ligature sur le tube à une certaine distance de l'extrémité ouverte. On voit alors, lorsqu'on inter- rompt le courant, un bourrelet se produire du côté de l'extré- mité, et, si l'on a pratiqué une ouverture avec une épingle au-dessus, le liquide jaillit avec force. Au-dessous de la liga- ture un bourrelet plus petit se forme et va en augmentant jusqu'à ce que la réaction ait cessé. Avec un tube incomplète- ment élastique ou même avec un tube de plomb très-mince, la déformation peut persister, et l'on obtient l'effet des ligatures sur les arbres. Si nous nous reportons à ce qui se passe dans les végétaux, nous constaterons que la force de succion des ra- cines représente une force hydrostatique qui, dans un système clos, finirait par être équilibrée; mais l'évaporation considéra- ble à la surface des feuilles, le rejet de gaz intérieurs et de vapeur d'eau par les stomates, le travail chimique que la plante effectue sous l'influence de la lumière et qui détermine la fixa- tion d'une certaine quantité d'eau , tout cela constitue un état dynamique, un courant ouvert que l'on pourra appeler la sève ascendante. Mais que les issues naturelles de ce courant vien- nent à s'amoindrir et à se fermer, la réaction foliaire, le coup de bélier, se produira amenant de haut en bas un flux de sève modifiée évidemment dans sa constitution, élaborée par toutes les actions dont les feuilles sont le siège; en môme temps la tension générale sur les parois augmentera.

Sous l'influence de ces deux forces, dont l'une naît de l'au- tre, le végétal se trouve constamment à l'état d'équilibre ins- table, dont la rupture détermine les mouvements liquides tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre. De des courants tantôt ascendants, tantôt descendants, dont les uns dépendent des sai- sons, c'est-à-dire de l'état d'humidité et de température relative du sol et lie l'air, tandis que d'autres sont simplement diurnes et

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DE L*INFLDENCB BB LA TENSION HYDROSTATIQUE. 133

nocturnes. Pendant la nnit, en effet, le sol se refroidit moins que Tair, Tévaporation des feuilles diminue, les stomates se ferment et la succion des i*acincs continuant à avoir lieu, le coup de bélier se produit. De la turgescence des feuilles et des fleurs au matin, ainsi que ces suintements remarquables que présentent les feuilles d'un certain nombre de plantes dès le coucher du soleil.

Ainsi s'explique aussi la formation des bourrelets qui suivent les ligatures et des formations cellulaires qui débordent à la partie supérieure des incisions annulaires entre Fécorce et le bois. On comprend aussi pourquoi ces formations cellulaires se présentent sur les racines à la lèvre supérieure de l'inci- sion, tandis que dans la ligature le bourrelet se produit en dessous.

On peut expliquer aussi do la même manière la formation des racines advenlives au-dessus de la ligature, sur le bourre- let même. Les racines jaillisseut comme l'eau par la piqûre d'une épingle dans l'expérience que nous avons rapportée plus haut.

Une brusque élévation de température, tout en déterminant une évaporation plus active, peut, par la dilatation produite dans les liquides et les gaz intérieurs, augmenter la réaction du système foliaire et diminuer la force de succion des raci- nes, ainsi que l'a constaté récomment M. Vesque.

C'est dans les rameaux jeunes et surtout dans les plantes dites annuelles et que j'ai appelées saisonnières, que l'on peut le plus facilement suivre les effets de la tension. Ces plantes forment, on effet, un tout physiologique, et leur développement rapide mérite d'attirer l'attention des physiologistes. Dans les Dipsa- CHS, les Synapis, les balsamines, etc, la tension est produite dans la première période de végétation par un liquide général qui remplit la moelle et les vaisseaux, espèce de liquide em- bryonnaire, mucilagineux, sur l'importance duquel M. Sachs insiste avec raison. Dans la seconde phase, ce liquide général disparait, la moelle se dessèche dans le tronc principal et peut même être remplacée par une cavité; les circulations spéciales par les divers vaisseaux remplacent la tension générale. C'est

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13i MÉMOIRES.

le moment des migrations des substances élaborées par les réac- lions chimiques qui se produisent dans les organes spéciaux; c'est le moment de l'apparition des organes de fructiGcation ; c'est aussi alors que la plante épuise le plus le sol, les liqui- des absorbés étant plus concentrés. Enfin, arrive la période do maturation et do dessèchement les organes n'ont plus qu'une vie individuelle et se produit l'induration ligneuse.

A l'appui de cette explication de la formation du bourrelet, je ferai remarquer que c'est surtout au printemps et à l'au- tomne que les bourrelets se forment le plus rapidement, lors- que la différence entre le jour et la nuit est plus considérable au point de vue de la température et de l'évaporation par les surfaces foliaires.

J'ai encore fait, pour vérifier cette explication, les expériences suivantes :

Des ligatures ont été pratiquées, au commencement du prin- temps, sur un rameau de glycine de Chine, qui pénétrait dans une chambre à température sensiblement constante et sur des rameaux extérieurs. Au mois do juillet, le rameau intérieur ne présentait que deux petits bourrelets égaux de chaque côté de la ligature, tandis que sur le rameau extérieur le bourrelet était considérable du côté du bourgeon terminal.

DBS VARIATIONS DB LA TENSION DÉTERMINÉES PAR DBS INCISIONS TRANSVERSALES ET LONGITUDINALES

Je fais avec un scalpel bien effilé une incision transversale sur une tige de Synapis, ou de Dypsacus, de manière à pénétrer jusqu'à la moelle. Le lendemain, la tige s'est un peu inclinée du côté de l'incision, et les deux bords de la plaie se sont rap- prochés et se soudent fortement en formant une cicatrice à lèvres rentrantes, qui témoignent de l'effet exercé par la partie supérieure sur la partie inférieure. En faisant à diverses hau- teurs des incisions qui comprennent dans leur ensemble une circonférence entière, les soudures cicatricielles ont lieu; la tige subit des modifications dans sa direction verticale; mais la pbnte ne parait pas souffrir dans sa vie générale, ce qui tient

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DB l'influence DE LA TENSION HYDROSTATIQUE. 135

à ce que la tension hydrostatique se transmet dans tous les sens et par la voie sinueuse que laissent les incisions.

Pour éviter la soudure de la plaie, j*ai établi des sections longitudinales parallèlement à Taxe, et j'ai enlevé ainsi un lam- beau plus ou moins profond de la tige. Ces vivisections ont été pratiquées sur des Dipsacus Ferox; au bout de quelques heures seulement, la tige s'incline au sommet de la section, puis> après quelques jours, le bourgeon terminal se relève verticalement, de sorte que la plante présente une courbe en baïonnette.

Il est évident ici que la tension, diminuée du côté Ton a produit la section, s'est répartie de nouveau uniformément au sommet. Celte expérience explique pourquoi ces plantes, quand il fait du vent, s'inclinent vers sa direction, l'évaporation, plus rapide du côté frappé par l'air, déterminant dans ce sens une variation de lensfon. J'ai mutilé ainsi, dans toutes les directions, un massif de Dipsacus, et j'ai obtenu des inclinaisons dans tons les sens. Les bords de la plaie se garnissent d'un bourrelet comme dans les incisions annulaires, plus épais en haut et sur les bords latéraux qu'à la partie inférieure. Il peut même arri- ver que la plaie se referme ainsi complètement de haut en bas.

J'ai observé cette inclinaison du rameau du côté de la plaie sur des rosiers qui avaient été frappés par la grêle. Ces phéno- mènes doivent jouer, ce me semble , un rôle important dans la soudure de la greffe.

Enfin, l'expérience la plus intéressante consiste à briser une tige de Dipsacus ou de moutarde, de manière à ne laisser adhé- rer à la tige qu'un lambeau du faisceau 6bro-vasculaire, et que la partie supérieure pende le long de la partie inférieure. La tige ne tarde pas à présenter une tendance au redressement, et forme, à une certaine distance de la partie coupée, une courbe, pour redevenir ascendante et accomplir toute son évolution de floraison et de fructiflcation. La tige se relève toujours du côté s'est faite la section, la partie supé- rieure est détachée de la partie inférieure. Il est à remarquer également que le redressement a lieu non-seulement pour la tige principale, mais encore pour les rameaux latéraux et dans le même sens.

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436 MÉMOIRES.

Il me semble évident que dans la partie de la tige qui n'est plus en communication avec le tronc, les tissus doivent subir un retrait qui explique le redressement de la tige dans ce sens.

Ainsi, quelques vaisseaux suffisent pour transmettre la pres- sion, et les deux parties de la plante dans lesquelles cette pres- sion est inégalement distribuée fonctionnent comme les deux ressorts soudés, et inégalement flexibles ou inégalement dilata- bles par la chaleur que Ton emploie en physique pour com-^ penser les chronomètres.

Si l'on fait cette expérience sur une tige la floraison a eu lieu, la tige ne se redresse pas; la tension générale n'existe plus ou n'est plus sufGsante pour déterminer le redressement.

Ces expériences prouvent aussi que la tension peut se trans- mettre des racines aux jeunes rameaux par le tronc, même lors- qu'il est creux. Il arrive souvent que l'on trouve dans les vieux arbres, les chênes surtout, le centre du tronc occupé par une bouillie liquide mélangée de gaz azote, et qui peut servira trans- mettre la pression. J'ai constaté ce fait même après trois mois de sécheresse absolue.

DE LA TENSION DANS LES PLANTES AQUATIQUES

Dans les plantes aquatiques, la tension est produite non par l'eau, mais par les gaz. Ces gaz sont puisés dans l'eau par des racines spéciales, véritables branchies végétales, et qui ont leur maximum de développement dans leaJussiœay mais que l'on peut observer dans les ScirpuSy les Typha, les Nymphéa, etc. Les végétaux aquatiques les plus inférieurs doivent à ces gaz inté- rieurs de pouvoir rester dressés au sein des eaux. Ces gaz rem- plissent les méats des racines et de la tige, et prennent, en vertu de phénomènes capillaires bien cx)nnus entre les liquides et les gaz, une tension considérable. Dans cet air absorbé, c'est sur- tout l'azote qui est destiné à jouer le rôle mécanique, tandis que l'oxygène préside aux actions chimiques, à la formation des cristaux nombreux qui tapissent les surfaces gazeuses intérieu- res et surtout au développement du latex, que l'on voit dans ces plantes toujours en rapport avec ces gaz intérieui*s. Impression

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DB l'influence DE LA TENSION HYDROSTATIQUE. 137

gazeuse s'équilibre encore ici par les feuilles dans les plantes aquaiico-aériennes et principalement par les stomates (1).

Je n'insisterai par sur ces faits que j'ai développés avec détail soit devant l'Académie des sciences de Montpellier (1871), soit dans la Revue des sciences naturelles de la même ville (mars 1873), soit enfin dans les Annales des sciences naturelles (janvier 1874). I! était seulement intéressant de constater que les plantes aqua- tiques empruntent leur force' vive à la tension des gaz, tandis que les plantes aériennes mettent en jeu la tension des liquides.

DBS PHÉNOMÈNES NATURELS ET DES MOUVEMENTS^PRODUITS PAR LA TENSION HYDROSTATIQUE ET SES VARIATIONS

La tension hydrostatique constituant pour nous ce que^l'on appelle aujourd'hui en mécanique l'énergie potentielle du végé- tal, il semble naturel de chercher à rattacher à celte [cause générale la plupart des phénomènes mécaniques que^présentent les plantes. ^^Quelques-uns de ces phénomènes ont déjà^été rap- portés'par les auteurs à rhygroscopicité^des tissus, à J'évapora- tion, àla pression elle-même, mais il ne^semble pas qu'on ait cherché à^ ramener tous ces faits à\ine^cause unique.

La force de tension a naiurollemeint pour facteurs : Télas- ticité des organismes élémentaires ou des^ tissus ;^élasticité^qni n'est pas une force par elle-même et qui seule ne^pourrait ex- pliqurr aucun mouvement; 2*» la force de réaction qu'elle fait naître dans le système foliacé, dont nous avons établi plus haut l'existence; l'inégale distribution de celte [tension^ on ses variations inégales, qui rendent prédominantes les réactions élastiques de certaines régions. Il ne faut pas oublier que ces variations peuvent se produire s#ît en agissant sur les racines, soit en augmentant ou en diminuant l'évaporalion des feuilles.

C'est par des actions de ce genre que les rameaux se redres-

(1 ) Je tiens à constater ici que j'ai é^é le premier à démontrer, dans certaines plantes aquatiques et surtout le Ndumbium , l'existence de courants de gaz s'effec^uant à travers les feuilles et le rhizome. M. Merget s'est aUribué, depuis, ces observations et ces expé^ nences.

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138 MÉMOIRES.

sent au printemps et semblent s'éloigner du sol parleur extré- mité pour se rapprocher de l'axe, que dans des pousses très- vigoureuses, celles que Ton épargne quand on éroonde un arbre, les rameaux et les feuilles se serrent presque verticalement et ne s'étalent que lorsque la végétation s'affaiblit. Les mouve- ments des feuilles, qui constituent le sommeil des plantes, s'ex- plique aussi naturellement par l'augmentation de pression que détermine la cessation de l'évaporation et des actions chimiques diurnes. Il faut remarquer que dans les feuilles le liquide go- néral, interstitiel, existe surtout à la face supérieure, et que dans beaucoup de feuilles jeunes on trouve sous l'épiderme supérieur une véritable couche liquide qui recouvre les cellules en palissade. Il est à constater encore que, dans les feuilles à mouvement, la gaine et son bourrelet, ainsi que le pétiole, ne sont point symétriques par rapport à un axe central, qu'ils sont le plus souvent cannelés, et que, dès lors, une augmenta- tion ou une diminution de pression ne peuvent se répartir que d'une façon insymétrique. On comprend aussi que, suivant le sens de l'inégalité de cette pression, la feuille peut se relever ou, au contraire, s'abaisser; ou bien encore se rabattre latéra- lement. Quanta l'action de la lumière que de Candolle a cons- tatée sur les mouvements des feuilles, elle se comprend facile- ment, s'il est vrai que la lumière augmente l'évaporation, comme le croient des physiologistes éminents, ou bien diminue, comme je l'ai admis, la tension, en déterminant la jBxation de l'eau avec le carbone pour former l'amidon, la cellulose, etc. C'est encore par l'inégale distribution de la tension que l'on peut expliquer, je crois, l'enroulement des tiges voliibiles, dont les feuilles sont alternes et, par conséquent, les faisceaux Gbro-vas- culaires insymétriques. Il est* remarquer que les plantes ten- dres à feuilles alternes présentent à chaque entre-nœuds des changements de direction, tandis que les plantes à feuilles op- posées ou verticillées sont généralement à tiges ou à rameaux très-droits.

J'ai constaté des faits du même ordre sur l'énorme bourgeon floral des Tuœa. On sait que la floraison de ces plantes est liée au régime des pluies, et que, dans les années pluvieuses et

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DE l'influence DE LA TENSfON HYDROSTATIQUE. 439

chaudes, cette floraison peut avoir lieu deux fois dans Tan- née, au printemps et à l'automne. Le bourgeon floral croit avec une rapidité extrême, et lorsqu'il a acquis une certaine Ion- gueula son extrémité recourbée décrit dans vingt-quatre heures un cercle entier. Dans les premiers jours elle est inclinée à Test le matin, au soleil levant, et le soir à l'ouest; mais bientôt l'action devient plus irrégulière, et tout mouvement disparaît lorsque les pédoncules floraux se sont éloignés de l'axe. Lors- que le vent d'ouest souffle le matin, le bourgeon est tourné dans cette direction contraire à celle du soleil. Si l'on fait une section au bourgeon pendant que les mouvements ont lieu, il jaillit un liquide «bondant, et la tige se recourbe de manière à devenir presque horizontale. Tout mouvement cesse de ce moment. La plupart des phénomènes semblables qui constituent V héliotropisme^ me paraissent pouvoir s'expliquer par une éva- poration plus rapide dans la partie frappée par le soleil, qui amène une contraction des tissus et une variation locale de tension.

Des variations de tension comme cause des mouvements de la sensitive. Les mouvements de la sensitive me paraissent susceptibles d'une explication très-simple à l'aide des faits que nous avons établis dans le cours de ce travail. Cette plante in- téressante a excité l'attention d'un certain nombre d'observa- teurs, parmi lesquels on peut citer MM P. Bert, Millardet, Brucke, Pfeffer, Sachs, etc. (1).

Hais si les travaux nombreux qui sont résultés de ces re- cherches ont bien établi les circonstances de ces phénomènes, leur mécanisme et la constitution de leur principal organe, lo bourrelet moteur, il n'en est pas de même de la cause pre- mière, qui est encore à peu près inconnue.

On sait que ces mouvements sont de deux sortes, ainsi que M. Paul Bert l'a bien établi : les uns provocables, les autres spontanés périodiques. Nous allons d'abord nous occuper de ces derniers.

(4) On troQTera une bonne analyse deceetrafanx, tant anciens que modernes, dans les tUmmtt d$ Bokmique de M. Duebartre, p. 460 et suit.

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1 iO MÉMOIBES.

Remarquons d'abord que l'aspect général de la plante accuse l'existence d'une tensi(m considérable el inégalement distribuée; les rameaux, en effet, s'étalent presque à la sortie du sol et débordent le vase, bien que leur tissu soit rigide; les eat re- nœuds s'inclinent aussi alternativement dans un sens et dans l'autre les feuilles étant alternes, enfin il existe toujours une région liquide aux bourrelets des feuilles.

Il me semble donc que les mouvements sont dus aux varia- tions de la tension générale pendant le jour et pendant la nuit. Les deux ressorts inférieur et supérieur du bourrelet moteur subissent, par suite de Tévnporation diurne et des actions chi- miques dont les feuilles sont le siège, des variations inégales de tension.

Il faut remarquer, en effet, que le ressort supérieur porte des stomates dans les renflements tertiaires qui prouvent que la pression gazeuze doit jouer ici un certain rôle. De plus, le res- sort inférieur est plus épais que le ressort supérieur dans le renflement primaire, et l'on constate dans la zone externe la présence d'un liquide interstitiel dans des méats triangulaires, et un globule de liquide oléagineux dans les cellules. Sous l'in- fluence des causes complexes qui font varier cette tension d'une façon inégale dans les deux ressorts du renflement principal, le pétiole commun effectue des mouvements que je comparerai volontiers à ceux de l'aiguille d'un manomètre métallique. De sorte que ces mouvements si bien étudiés par M. Millardet et par M. Berl peuvent servir à suivre et à enregistrer les varia- tions de la pression ou plutôt la résultante do ces variations sur les ressorts. Je ferai remarquer encore que les cellules du îes?ort supérieur étant plus épaisses que celles du ressort infé- rieur, la rapidité de la transmission d'une même pression doit ôtrc moindre à la partie supérieure qu'à la partie inférieure. Dans les renflements tertiaires le jeu des stomates qui se fer- ment la nuit fait varier en dessus la tension gazeuse, et aide ainsi aux mouvements des folioles. Je dois constater encore un fait important : lo peu de compressibi.ilé de l'eau lui permet de subir de grandes variations do pression sans changements notables de volume; aussi il n'est pas nécessaire, surtout pour

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DB L'mPLUBNCB DB LA TBNSION HTOBOSTATIQUE. 141

les faibles variations dont il s'agit ici, de suptposer que l'eau des cellules subit un déplacement ou un écoulement quelconque, comme le suppose M. J. Sachs, soit pour les mouvements pé- riodiques, soit pour les mouvements provoqués.

Les mouvements provoqués me semblent aussi faciles à ex- pliquer. Il ne s'agit, en définitive, que d'une quantité de mou- vement transmise à un système plus ou moins élastique.

Lorsqu'on imprime à une branche entière une seule secousse en la tenant par la base, on voit l'ébranlement transmis de bas en haut se réfléchir, pour ainsi dire, au sommet du rameau, et les feuilles se replier successivement du sommet vers la base du rameau. Il y a plus, si le mouvement se propage aux rameaux voisins, c'est de bas en haut que se fait la propagation, la trans- mission de l'ordre réfléchi.

Cette onde de retour diminue la tension qui s'exerce natu- rellement de bas en haut, et cette diminution est plus rapide pour le bourrelet ou ressort inférieur que pour le bourrehl supérieur. Pour les folioles, cet ébranlement détermine une rapide sortie de l'air par les stomates de la base supérieure, et le ressort inférieur l'emporte alors, ce qui explique le redresse- ment de ces folioles.

Ainsi, cette onde de retour, ce coup de bélier, auquel nous avons attribué déjà un rôle important dans plusieurs phéno- mènes naturels, est encore la cause principale des variations de tension. On conçoit donc que les mouvements provoqués doi- vent être proportionnés à la quantité de mouvement que l'on imprime à la branche, et que le végétal est appelé à épuiser. La plante reviendra ensuite, après un temps plus ou moins long, suivant l'énergie de succion des racines , à son état d'équilibre primitif.

Une brûlure ou une élévation brusque de température, à l'extrémité d'un rameau ou d'une feuille composée, produira également une réaction de bas en haut, et, par conséquent, une diminution de la tension dans les bourrelets primaires, secon- daires ou tertiaires.

On voit par la que les deux sortes de mouvement, bien que tirant leur origine de la variation de tension, ne sont pas dus à

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142 MÉMOIRES.

(les causes identiques et présentent des différences que M. Bert a signalées, et qui peuvent les rendre indépendants.

On peut encore représenter les plus importants de ces plié- nomènes par une expérience fort simple': une poire en caout- chouc est munie d'un tube de verre branché à son extrémité; à ces branches sont adaptés des tubes en caoutchouc fermés à leur extrémité. Pour imiter la différence de tension qui carac- térise les deux parties du bourrelet de la sensitive, on n'a qu'à tailler en biseau le tube de verre qui s'engage dans le tube de caoutchouc; de cette façon, la pression sur une face sera plus grande que sur TaUtre. Le tout étant plein d'eau, si on exerce avec la main une pression sur la poire, on verrra les tubes de caoutchouc monter d'abord, puis se renverser du côté de la plus grande pression. La pression étant établie à un état d'équili- bre, si on donne un léger coup sur le tube de caoutchouc, on le voit osciller et se renverser plusieurs fois dans divers sens ; ces mouvements se transmettent aux autres tubes, et la transmission est d'autant plus rapide que la pression primitive est plus grande.

On se sert souvent, pour désigner les phénomènes que pré- sente la sensitive, du moiirritabilité; cette expression me paraît inexacte : l'irritabilité, en effet, est la propriété de réagir sous l'influence d'une action extérieure et de produire un travail qui n'est pas lié par la relation d'équivalence avec la cause exci- tatrice, qui n'a fait, pour ainsi dire, qu'amorcer le phéno- mène.

Tandis que dans la sensitive une faible action sur une foliole fait relever cette seule foliole, une action plus vive détermine le mouvement de la feuille, et enfin une impulsion plus grande encore peut se transmettre aux feuilles voisines; sorte que l'effet produit est proportionnel à la cause et à, la tension ou sensibilité du ressort. £n faisant le vide autour de la feuille, comme l'a fait M. Paul Bert, on augmente l'évaporation et l'on diminue la tension, c'est-à-dire la sensibilité de ressort. On obtient le même effet en arrosant avec de l'eau froide. Quant aux anhestésiques, ils agissent aussi sur la tension générale, soit qu'on les fasse agir sur les feuilles, comme l'a fait Claude

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DE l'iNPLUENCB DE Li TENSION HYDROSTATIQUE. 143

Bernard 9 soit qu'on fasse porter leur action sur les racines, comme dans les expériences de M. Arloing.

Je me propose d'ailleurs de traiter dans un travail spécial cette question des aniiestésiques.

Les mouvements que présente V Hedysarum gyrans pourraient, sans doute, se rattacher, comme ceux de la sensitivc, à des va- riations de tension dues à l'action de la chaleur et de l'humidité sur les feuilles. Je n'ai point pu observer ce végétal, et je n'ai trouvé dans les travaux qui y ont trait aucun détail anatomi- que sufGsant pour permettre de hasarder une explication.

Je me contenterai de faire remarquer que les phénomènes de mouvements oscillatoires ou d'écoulement intermittent provo- qués par un obstacle extérieur dans un courant continu ne sont pas rares en hydrodynamique. Ainsi, si l'on serre entre les doigts légèrement un tube de caoutchouc, traversé par un cou- rait d'eau continu, on peut provoquer soit un tremblotement conttiiu comme celui que Hubband a remarqué dans la foliole impaire de V Hedysarum, soit encore un mouvement oscillatoire lent de l'extrémité du tube, soit enfin des pulsations ou variations isochrones dans le débit du courant, soit enfin des mouvements désordonnés.

Je le répète toutefois; une explication des mouvements de cette plante intéressante ne serait possible que si l'on possédait une description anatomique suffisante de la tige et du pétiole pour expliquer los variations alternatives do la tension dans ces plantes.

COMPARAISON ENTRE LA TENSION CHEZ LES VÉGÉTAUX ET CBBZ LES ANIMAUX

L'existence de la tension et l'importance de ses variations chez les animaux aussi bien que chez les végétaux, constituent un phénomène commun aux deux règnes qui parait avoir échappé à Claude Bernard.

On sait, en effet, que chez les animaux il existe une tension non-seulement dans les liquides (sang, liquide céphalo-rachi- dien, lymphe, etc.), mais encore dans les tissus. Pour les liqui-

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1 44 MÉMOIRES.

(les, cette tension , qui disparaît après la mort, explique en partie, pour moi, les différences que présentent les membranes, avant et après la mort, au point de vue de leur fonctionnement. On a démontré aussi que les tissus, autres que le tissu muscu- laire pour lequel le phénomène est évident, sont dans un état continuel de tension, ils sont maintenus par leurs liaisons avec les autres organes (1 ).

Les variations de cette tension, son passage de l'état statique à Tétat dynamique qui constitue la vie des organes, sont déter- minées cHez les animaux par les variations de la tension calo- rique et électrique intérieure.

Les végétaux utilisent pour ces mêmes variations de tension et les manifestations vitales correspondantes, les variations des milieux extérieurs, soit au point de vue du mouvement, soit au point de vue calorique et lumineux.

Je ferai remarquer, en terminant, que si le vitalisme physi- que de Claude Bernard est vrai, c'est surtout dans le règne végétal qu'il doit trouver son application. S'il n'existe dans les êtres vivants que des causes physiques et des phénomènes vitaux (lus au œmplexus organique, on devra constater, à mesure que le complexus se simplifie, la prédominance du phénomène physique. Cela justifie la tendance des phytophysiologistes à représenter, depuis de Candolle, les végétaux par des appareils physiques suivant le terme du complexus qu'ils considèrent.

(1) Voir la Physiologie de KUss, publiée par M. Mathias Duval-JouTe.

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OBSERVATIONS SUR LES* PLAIDOYERS DE CIGÉRON. 445

OBSERVATIONS

SUR LES PLAIDOYERS DE OIOÉRON

OONSIDBRéS DANS LEURS RAPPORTS AVEC LA POUTIQUE DE SON TEMPS

Par m. LALLIERO)

Cicéron (2) lui-même, dans un passage du de Oratore (3), expose avec une admirable netteté les conditions qui étaient faites à Rome, de son temps, à l'éloquence judiciaire, t C'est c une grande affaire que de se môler aui luttes du barreau, t et c'est peut-être de tous les travaux que l'homme peut en- treprendre de beaucoup le plus considérable. Là, le talent c de l'orateur est jugé la plupart du temps par des apprécia-

(1) La dans la séance da 3 février 1881.

(2) L'oavrage récent de M. Dobois-Guchan (Rome et Cicéronoukt demiert fnomeiUt de la réptMique romaine d'après ce contukdrt et tes contemporains) a réédité, qaelqaefois même en les aggravant, toutes les médisances et tontes les insultes qui ont été dirigées contre la mémoire de Cicéron. Je ne me propose pas ici d'instituer une discussion en règle contre le livre de M. Dubois-Guchan , il a été réfuté à l'avance, et de manière la plus victo- rieuse, par M. Boissier {Cicéron et ses amis), de telle sorte qu'il n'y a pas lieu de retaire ce qui a été si bien fait; mais, amené par la lecture de ce livre à contrôler les im- pressions que j'avais recueillies à la suite d'une étude poursuivie pendant deux ans sur les Plaidoyers de Cicéron, j'ai essayé de les résumer et de les préciser dans ce travail. Ces réflexions, je le sais mieux que personne, ne sont ni très-neuves , ni très-intéressantes ; il me semble pourtant que , même après le réquisitoire violent et passionné de M. Dubois- Gncban , elles restent vraies , au moins dans l'ensemble.

(8)n,i7.

SÉRIE. TOME III, i. 10

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446 MKMOÏflES.

« leurs inhabiles, qui no considèrent que l'issue du procès et « la victoire. Là, on a devant soi un adversaire bien arme, « qu'il faut frapper et dont il faut parer les coups; là, souvent le juge, qui doit décider souverainement la question, est peu t favorable et irrité, ou bien encore, il est l'ami de votre « partie adverse, ou votre ennemi. Il faut l'éclairer ou com- battre ses préventions, le calmer ou l'exciter, etc. » Sans commenter cette phrase, mot par mot, j'en retiendrai seule- ment l'idée principale. N'est-il pas vrai qu'elle nous met sous les yeux l'image d'un duel à outrance et sans merci? que cha- cune des expressions, employées par l'écrivain, semble em- pruntée au vocabulaire de l'escrime ou de la guerre? Chez nous, le tribunal, pour me servir d'une méthaphore devenue banale^ est le sanctuaire de la justice; quelle que soit la viva- cité des débats qui y sont portés, le magistrat, gardien et représentant de la loi, est comme un modérateur suprême et respecté. Chez les anciens, le tribunal est une arène, les adversaires sont aux prises, engagés dans une lutte furieuse et poursuivant la victoire à tout prix et par tous les moyens, les juges du camp eux-mêmes partagent les passions des com- battants. Dans l'ardeur de cette bataille, l'avocat fait arme de tout. Pourvu qu'il triomphe, il ne regarde pas le prix auquel ce triomphe est acheté, ni les sacrifices qu'il a faire pour le conquérir. Comme un. général qui ne compte ses morts qu'à la fin de la journée, il s'inquiète peu de porter les plus rudes atteintes à la dignité de son caractère, à ses convictions per- sonnelles, aux opinions qu'il a toujours soutenues; il veut gagner son procès, et le reste n'est rien à ses yeux. Personne n'a dit plus de mal de Cicéron que M. Mommsen, et cependant il a très-exactement défini ses plaidoyers, quand il les a rappro- chés des Mémoires de Beaumarchais. Je ne puis accepter son jugement, qui tendrait à mettre l'accusateur de Verres bien au-dessous de l'adversaire de Goëzman et du grand cousin Marin; mais la comparaison est ingénieuse et fort juste, si M. Mommsen a simplement voulu faire entendre que l'avocat romain est une sorte de pamphlétaire, dont la polémique, tour à tour adroite ou violente, perfide ou emportée, ne connaît

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OBSERVATIONS SUIl LKS PLAIDOYERS DE CiCÉBON. H7

guère de scrupules et ne se respecte pas plus elle-même qu'elle ne respecte ses ennemis.

Cette verve passionnée, cette fertilité de ressources et d'ex- pédients, ces habiletés de discussion que Beaumarchais met au service de ses rancunes personnelles, Cicéron et les autres avocats de l'antiquité les mettent, le plus souvent, au service de la politique. Elle s'introduit jusque dans les causes qui lui paraissent les plus étrangères; elle envahit les autres et les domine entièrement. De nos jours, quand un homme d'État vient présider un comice agricole, ou bien inaugurer une statue, ou plus simplement prendre place à quelque banquet, ce n'est pas l'intérêt de l'agriculture qui le préoccupe le plus, ni le personnage illustre dont on honore la mémoire; ce 'n'est pas non plus le festin en lui-môme qui est sa grande affaire. La véritable héroïne de la fête, c'est la politique. Comme Castor et Pollux dans l'ode de Simonide, elle tient au moins t les deux tiers » des discours qui sont prononcés, et la réunion, quel qu'en soit le prétexte, n'est pour l'orateur qu'une occasion de fournir des explications stfr sa conduite ou de faire une décla- ration de principes. C'est ce qui arrive aux avocats romains'. Ils servent leur parti devant les tribunaux, aussi bien que dans le Cénat et devant le peuple. Ils combattent pour lui, non moins que pour leur- client. Avant de se charger de la défense d'un accusé, ils n'examinent pas si la cause est juste, mais si leur intervention est opportune. Ils calculent le profit qu'ils en retireront pour eux-mêmes ou pour leurs adhérents, et ils ne songent pas à interroger leur conscieno, pour savoir si elle accepte la tâche qu'ils lui proposent, ou si elle s'y refuse. Au début de leur cain*ière, ils cherchent, en portant la parole dans quelque procès retentissant, à jeter les premiers fondements de leur réputation et de leur fortune. Plus tard, soit que, enchaînés à un parti, ils subissent toutes ses exigences, soit qu'ils passent d'un camp dans un autre, au gré des circons- tances ou de leurs passions, ils se gardent bien de déserter le barreau. C'est qu'ils payent les dettes de reconnaissance qu'ils ont pu contracter, qu'ils satisfont leurs rancunCv^, qu'ils justifient leur propre conduite, qu'ils prennent leur revanche

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d'une défaite électorale. Ils entretiennent ainsi ou étendent leur influence; ils provoquent des mouvements d'opinion, qui, tôt ou tard, entraîneront les décisions du peuple et du Sénat. En un root, l'éloquence judiciaire est pour eux l'auxiliaire la plus dévouée de l'éloquence politique, ou plutôt elle est l'éloquence politique elle-même, sous sa forme la plus vive et avec je ne sais quoi de plus agressif et de plus violent.

I

Considérons, en effet, la suite des plaidoyers de Cicéron. Sans doute, on peut citer quelques procès isolés, qui sont des épisodes sans lien avec l'ensemble, presque des accidents au milieu de la carrière de l'avocat. Il est arrivé parfois qu'il s'est chargé d'un procès, uniquement parce qu'il avait des liaisons personnelles avec l'accusé; il lui est arrivé aussi d'accepter certaines causes^ séduit par leur difficulté même, pour faire parade de son habileté. Il agit alors, *non pas comme un homme de parti, mais comme un artiste, sûr de son talent et qui se complaît à l'exercer. Ces exceptions sont d'ailleurs très rares et, par un examen attentif, on en réduirait encore le nombre. Presque toujours, au contraire, les plaidoyers de l'orateur se rattachent à une question politique. Cette dépendance est même si étroite qu'il ne serait pas difficile de les distribuer en plu sieurs séries, qui marqueraient comme les étapes de sa vie pu- blique et correspondraient aux divers événements par lesquels, elle a été signalée.

Au moment Cicéron paraît au barreau, l'ordre équestre, décimé par les proscriptions de Sylla, chassé des tribunaux il régnait en maître depuis la loi de C. Gracchus, menacé dans sa fortune par l'abolition du système des fermes en Asie, n'a plus d'autres ressources que de s'allier au parti populaire. Rap- prochés par leur haine commune contre le dictateur, les démocrates et les chevaliers attendent impatiemment le jour les uns pourront venger la mémoire de Marins » les autres ressaisir les privilèges qui leur ont été enlevés. Sans hésiter.

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OBSERVATIONS SUR LES PLAIDOYERS DE CICÉBON. 149

guidé par l'instinct de son ambition qui l'avertit de la grandeur du rôle qu'il peut jouer dans ces circonstances^ poussé aussi, il faut le dire hautement, par un mouvement d'indignation et de pitié généreuse, Cicéron se range du côté des opprimés contre l'aristocratie triomphante. Il apporte à la coalition des partis vaincus le secours de sa jeune éloquence. Dans une ville tremblante, au milieu du grand silence que la dictature faisait peser sur le forum , cet orateur de vingt-sept ans ose élever la voix; il ose parler de clémence devant les prescripteurs, de tolérance et de pardon devant cette réaction aristocratique , qui avait poussé jusqu'au bout, avec une rigueur si impitoya- ble , toutes les conséquences de sa victoire. Les trois plaidoyers qu'il prononce pendant cette période, la défense de P. Quintius, celles de Roscius d'Amérie et d'une femme d'Arretium, se tien- nent étroitement et se complètent l'un par l'autre. Ils nous per- mettent d'apprécier le caractère de cette opposition, qui ne pouvait avoir et qui ne cherchait aucun résultat immédiat, qui ne se proposait pas de renverser le gouvernement de Sylla , mais qui préparait de loin la chute du régime aristocratique, en le discréditant dans l'opinion. Elle est encore timide et voilée dans le Pro Quintio, elle procède par voie d'allusions; dans le Pro Roscio AtnerinOy elle prend plus de hardiesse et, tout en usant encore de ménagements, tout en protestant de son respect pour la personne du dictateur, elle va chercher auprès de lui, parmi ses familiers, l'affranchi Cbrysogonus pour le. livrer au mépris des auditeurs et des juges. Le plai- doyer pour la fenrime d'Arretium n'est pas venu jusqu'à nous, mais nous pouvons affirmer que le courage de l'orateur ne s'y démentait pas. En soutenant que le titre de citoyen romain était impre^riptible , en. invoquant ces grandes maximes de droit public dont Sylla ne voulait tenir aucun compte, il lui rappelait que sa puissance avait des limites , et tentait de ra- mener la dictature elle-même au respect des lois.

•Lorsque Cicéron revient de Grèce après la mort de Sylla, c'est pour reprends l'œuvre qu'il avait si brillamment entre- prise. En apparence, la situation politique est la même. Le pouvoir est toujours aux mains de l'oligarchie sénatoriale ; l'ai-

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150 MEMOIRES.

liance est toujours aussi étroite entre la démocratie et les che- valiers. Mais les deux partis conjurés ne sont plus maintenant réduits à l'inaction. La constitution de Sylla, établie par la vio- lence et soutenue par la terreur qu'inspirait la dictature, n'était pas de celles qui survivent à leur fondateur. Le gouvernement avait réussi à repousser l'attaque prématurée et mafl conduite de Lépidus ; il devait succomber bientôt sous les efforts sans cesse renouvelés de l'opposition. Les démocrates réclamaient le rétablissement de la puissance tribunitiennc; les chevaliers voulaient rentrer en possession du droit de siéger dans les tri- bunaux. Les uns et les autres obtiendront ce qu'ils désirent, en 684, grâce à Tappui de Pompée, au mouient l'heureux vainqueur de Serlorius reviendra d'Espagne, mécontent du Sénat qui l'avait mal soutenu dans cette campagne laborieuse, et irrité contre l'orgueil d'une noblesse qui n'avait jamais ac- cepté ses services qu'avec défiance et le traitait en parvenu. Nous n'avons pas conservé tous les plaidoyers que prononça Cicéron dans cette période de sa vie; mais il nous reste les Ver- rineSf et elles suffisent pour nous montrer la part qu'il a prise à cette attaque, menée avec tant d'ardeur contre le régime aristocratique. Les crimes et les brigandages de Verres, les souf- frances de la Sicile, les terres de la province la plus riche de l'empire frappées de stérilité par l'administration imprévoyante du préteur, les sanctuaires les plus vénérables dépouillés par son avidité, les magistrats battus de verges, les fils des plus grandes familles conduits au supplice et exécutés avec des raf- finements de cruauté, tous ces récits dans. lesquels triomphe l'éloquence de Cicéron, toutes ces peintures si vives ne sont, il est permis de le dire, qu'une décoration purement extérieure. L'action véritable se passe non en Sicile, mais à Rome; elle est engagée, non entre Verres et les provinciaux, mais entre le Sénat, qui ne veut céder aucune de ses prérogatives, et l'ordre équestre, qui veut reconquérir celles qu'il possédait autrefois. Sr l'orateur fait un tel étalage des vols et des violences de Verres, c'est qu'il entend démontrer, par un exemple éclatant, les vices du gouvernement aristocratique. Il veut prouver qu'il est impossible d'abandonner plus longtemps le monopole de la

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OBSERVATIONS SUU LKS PLAIDOYERS DE CICÉRON. <51

puissance judiciaire aux mains de ces sénateurs qui acquittent tous les coupables, et deviennent ainsi les complices des mal- versations qu'ils laissent impunies. Pour assurer aux provinces un régime tolérable, pour restituer au nom romain son honneur que tant de magistrats prévaricateurs ont souillé , il faut ra- mener les chevaliers dans ces tribunaux d'où Sylla les a chas- sés. Quand le procès s'engage, le but de Cicéron est d'établir In nécessité de celte réforme; quand il publie ses derniers dis- cours après la fuite de l'accusé, la réforme vient d'être accom- plie par la loi de L. Auréiius Cotta; mais il reste à consolider le triomphe obtenu, à le fortifier si bien que désormais l'aris- tocratie ne puisse tenter aucun retour offensif. C'est ainsi que les Verrines se rattachent aux plaidoyers que Cicéron avait composés du vivant de Sylla. Elles sont comme le chant de victoire, enthousiaste et magnifique, de cette opposition dont nous avions entendu les premières protestations dans les dé- fenses de Quintius et de Roscius d'Amérie.

La vie politique de Cicéron présente, jusqu'ici, une unité remarquable. Mais, l'année même qui suit la publication des Verrines, en 685, il défend Fontéius, coupable des mêmes crimes que Verres, et il le défend, bieji que l'accusé soit un ancien officier de Sylla , et les accusateurs d'anciens amis de Marius, des hommes qui appartiennent au parti populaire. Au premier abord, on ne saurait imaginer une palinodie plus com- plète. Les moindres détails de ce discours semblent témoigner (le la versatilité de Cicéron. Il n'y a pas un argument qui ne soit en contradiction flagrante avec les arguments soutenus dans les Verrines; il n'y a pas ane idée, pas un sentiment, dé- veloppé par l'orateur dans le Pro Fonteio^ qui ne soit la néga- tion de ces théories généreuses et vraiment humaines qu'il exprimait si magnifiquement l'année précédente. Ce changement parait inexplicable, et cependant rien n'est plus naturel. Le Pro Fonteio marque le point de départ d'une nouvelle évolution leJa politique de Cicéron et de son parti. La coalition des che- valiers et des démocrates, ligués contre la constitution de Sylla, avait eu le sort de toutes les coalition^; son succès même l'avait brisée. En sollicitant le patrogage de Pompée, en accep-

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152 MÉMOIRES.

lant ses bienfaits et ceux de Crassus, qui, lui aussi, était un transfuge du parti de Sylla, Tordre équestre se détachait peu à peu de ses alliés de la veille. Il lui fallait en même temps abjurer ses rancunes et ouvrir ses rangs h plusieurs de ceux qu'il avait combattus. Quand il défend Fontéius, Cicéron com- mence à payer la dette que les chevaliers avaient contractée envers Pompée. Ce plaidoyer, qu'on lui reproche comme une inconséquence, et que, d'ailleurs, je ne prétends pas excuser, est un acte politique, dont il a calculé toute la portée et qui l'engage, lui et les siens. De loin, il annonce le discours Pro legs Manilia, et, par cette apologie d'un lieutenant de Pompée, Cicéron prépare l'esprit des Romains à le voir débuter dans l'éloquence politique, en réclamant pour le général lui-môme des pouvoirs extraordinaires.

Je laisse de côté le Pro Ccecina, qui n'est guère qu'une dis- cussion juridique, et le Pro Cluentio, qu'il faut considérer surtout comme un tour de force oratoire, comme une suite de variations brillantes, très-habilement exécutées par un avocat qui a plus d'esprit que de scrupules, et peut-être encore plus d'audace que d'esprit.

Je me hâte d'arriver qux deux événements les plus considéra- bles de la vie de Cicéron : son consulat et son exil, l'un qui a tellement exalté son orgueil, l'autre qui a brisé si rudement son courage et sa con6ance en lui-môme. L'âme de Cicéron, si mobile, si prompte à recevoir toutes les impressions et à les exagérer, n'était capable de supporter ni cet excès d'honneurs, ni cet excès de souffrances. Ne soyons pas trop sévères pour lui. Y eut-il jamais, en effet, au lendemain d'un triomphe plus éclatant, une chute plus profonde que la sienne? Porté au con- sulat par l'accord de l'aristocratie et de l'ordre équestre, ap- pelé, non-seulement par le choix presque unanime de ses concitoyens, mais aussi par la force même des circonstances à être le sauveur de Rome, il n'a pas été au-dessous de la tâche qui lui était confiée; son éloquence a chassé Catilina, elle*a écarté le danger qui menaçait les institutions de la république, et l'incendie qui allait envelopper la ville entière; à la suite deCatulus, le chef de la poblesse, le peuple l'a salué du beau

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OBSERVATIONS SUR LES PLAIDOYERS DE CICÉRON. 453

titre de Père de la patrie. Est-il donc étonnant que le fils de rhumble bourgeois d'Arpinum ait été enivré par ces prospé- rités? Il a pu se croire l'égal de ces nobles, qui remettaient leur salut entre ses mains; il a pu se croire Tégal des plus grands généraux et même préférer sa toge pacifique à leurs plus bril- lants lauriers. S'ils reculaient les bornes de l'empire, n'avait-il pas conservé Rome elle-même, et la république, qui leur de- vait de nouvelles provinces, ne lui devait-elle pas, à lui, sa propre existence? Mais voici que cinq années à pei ne se sont écoulées, et le Père de la patrie est jeté en exil. Il a suffi d'un signe de César, du muet acquiescement de Pompée et de quel- ques bandas de gladiateurs poussées par Clodius pour que toute cette gloire s'évanouisse. Désormais, le vainqueur de Catilina est bien averti; la grandeur, dont il était si fier, n'ét^t qu'em- pruntée. Si les nobles lui ont abandonné le pouvoir dans un moment de péril , ils se sont servis de lui comme d'un instru- ment que l'on rejette dès qu'il n'est plus utile. Quand leur ancien orateur a été exilé, ils ont pris le deuil, en gens bien élevés et qui savent compatir au malheur de leurs amis; mais ils se sont bornés à cette vaine démonstration, bien suffisante, à leurs yeux, pour les acquitter envers un^ homme nouveau. De son côté. Pompée, qu'importunaient les fanfaronnades de l'orateur, s'est chargé de lui apprendre que le Cédant arma togœ était loin d'être exact. Dans une république aussi corrompue que la république romaine, l'éloquence devait se résigner à se mettre au service de la force, et surtout se garder de croire qu'elle était par elle-même une puissance. Tristes vérités, sur lesquelles on envoyait Cicéron méditer à quatre cents milles de Rome!

Du fond de sa retraite deThessalonique, il écrivait un jour à Atticus, pour se justifier de ses lamentations perpétuelles : « Puis-je perdre la mémoire de ce que j'ai été? ne pas avoir le sentiment de ce que je suis? Possum oblivisci qui fuerim? non sentire qui sim (<)? Pour son malheur et aussi pour sa gloire, ce n'est pas seulement à Thessalouique, mais encore à

0) Ad AU. in, 40.

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ralement, soient de pures effusions de vaniié? Avant tout, il convient de' ne pas oublier la phrase si juste de Sénècfue, à propos de ce consulat « loué sans mesure, niais non sans mo- tif » (1). Ainsi, celte satisfaction avec laquelle Cicéron revient sur le passé, ceKe bonne opinion qu'il a de lui-même et de sos services, tous ces sentiments, jusqu'à un certain point, sont jus- tiGés. De plus, les louanges qu'il se donne, sont pour lui comme un aiguillon, qui l'excite à bien faire et à bien mériter (le la patrie. Il n'a jamais été de ceux qui aiment la vertu toute nue. Il le confesse à plusieurs reprises : pour se dévouer à la répu- blique, pour affronter les inimitiés et les périls, il a besoin de savoir que la gloire sera sa récompense. Il s'exhorte lui-mêmo, lorsqu'il se remet sous les yeux Timage des grandes choses qu'il a faites; il entretient dans son àme cette exaltation généreuse, qui lui était nécessaire pour ne pas faiblir. Enfin, avant de con- damner ces amplifications comme inutiles et comme puériles, il serait bon d'examiner si elles n'ont pas leur raison d'être.

Après la défaite de Catilina, il s'était produit à Rome ce qui arrive toujours au lendemain des crises politiques. Les esprits restaient divisés, les uns pensant que la répression avait été exces- sive, les autres, qui n'étaient pas encore remis de leur frayeur, réclamant de nouvelles condamnations. Cicéron, dans le procès (te P. Sylla , prend position entre ces deux partis extrêmes. Tout en s'efforçant de modérer la fureur de ceux qui cherchaient partout des coupables, il ne fait aucune concession à l'opinion opposée. Bien qu'il ait conscience des haines implacables qu'il a soulevées contre lui, il revendique la responsabilité de tous ses actes. Lorsque sur le forum, rempli, ainsi qu'il le dit lui- même, des partisans honteux de Catilina et de ces hommes qui voudraient le venger (2), il raconte ce qu'il a fait pendant spn consulat, ce pompeux développement eat'-il une digression? N'est-il pas plutêt un trait de courage, une sorte de défi que Torateur jelte à ses ennemis? Dans le Pro FlaccOf le récit des mêmes événements prend un autre caractère. En 695, César

{i) De BmU. vU. h. (t) Pro. SuU. 7.

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obsbevàtions sca les plaidoyers de gicéron. 157

est consul; il vient de fournir des armes à Clodius, en se prê- tant à la comédie qui le fait passer dans les rangs des plébéiens et l'autorise à briguer le tribunat. Gicéron , dont la cause est alors intimement liée à celle de l'aristocratie, sent que le ter- rain va manquer sous ses pieds. Avant de succomber, il tente un dernier effort; il cherche à désarmer les colères des uns, à ranimer la reconnaissance des autres. Au nom de ses services passés, il invoque la pitié des juges^ moins encore pour Flac- cus que pour lui-même. Ce plaidoyer^ l'on veut voir un monument de sa vanité , n'est, en réalité, qu'une adjuration pressante, un appel presque désespéré qu'il adresse à la com- passion de ceux qu'il a sauvés et qui se préparent à le trahir. Nous trouvons ensuite une autre série de discours, ceux qui se rattachent à l'exil de l'orateur. Presque au lendemain de son retour, il sollicitait les conseils d'Atticus. Il avait le sentiment que sa vie entrait désormais dans une période nouvelle, toute différente de la précédente : « Alteriusvitœquoddam initiumardi' mur(i). »Qu'alla.it-il faire? A de certains moments, il était tenté de renoncer à la politique. Battu par Torage , il songeait à se réfugier dans l'étude des lettres comme dans un port paisible ; mais quel moyen pour lui de 9*en tenir à cette résolution? Outre que l'inaction ne convenait pas à sa nature, il n'était plus libre. Il ne lui était pas permis de laisser, sans les reconnaî- tre, les bons offices des amis qui l'avaient recueilli dans son exîl ou avaient contribué à son rappel ; il lui fallait aussi, et à ses yeux cette seconde obligation n'était pas moins impé- rieuse que la première, donner carrière à toutes les rancunes qu'il avait amassées. Se venger de Clodius, attacher le ridicule et l'opprobre aux noms des consuls Gabinius et Pison , qui s'étaient faits les complices du séditieux tribun, poursuivre de ses invectives tous ceux qui s'étaient enrôlés à leur suite, c'était un devoir pour lui, aussi bien que de plaider pour Sex- tins, qui avait soutenu ses intérêts avec tant de courage , ou pour Plancius, qui avait été son hôte à Thessalonique. Et ce n'était pas feulement un devoir envers lui-même, c'était encore,

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dans sa pensée, un devoir envers la république. Avec une sen- sibilité aussi vive que la sienne, tout ce qui le touchait prenait immédiatement une extrême importance. Comme il était tou- jours disposé à confondre sa cause avec la cause même de Rome, ses amis ne pouvaient être que d'excellents citoyens, ses adversaires les pires ennemis de TËtat. Ainsi, ses passions, ses sympathies personnelles ou sçs haines, étaient d'accord avec son patriotisme pour le ramener au barreau et dans la vie pu- blique, alors que la prudence et souvent aussi le soin de sa dignité auraient l'en tenir éloigné.

En effet, surtout à partir de Tannée 698, les plaidoyers de Cicéron ne témoignent plus seulement du souvenir qu'il avait gardé de son exil, mais encore de la situation subalterne, vrai- ment dépendante, dans laquelle le tenaient les triumvirs. La conférence de Lucques avait resserré l'alliance de César et de Pompée. Cicéron, qui, à la veille de cette entrevue, se prépa rait à partir on guerre contre César, n'avait plus qu'à essayer de racheter son imprudence à force de soumission. Mécontent de Taristocratiê, sur laquelle il s'était fait illusion, mécontent de lui-même, il avoue à Atlicus qu'il a été bien sot de ne pas suivre ses avis. Scio me asinum germanum fuisse (1). Il se résigne et, suivant sa propre expres^ion, « il ne sera plus désor- mais qu'un soldat qui se tient à son rang, puisqu'il n'a pas eu le courage d'être un chef de file (2). » Dans cette armée il s'enrôlait malgré lui , il devait rencontrer des compagnons qui ne lui convenaient guère, et les maîtres de Rome lui envoyaient parfois de singuliers clients à défendre. Il est peut-être excu- sable d'avoir plaidé pourBalbus, qui n'était pas un malhonnête homme; mais un Vatinius, un Gabinius, d'autres encore qu'il avait accablés de ses sarcasmes les plus violents et les mieux mérités I II fallait maintenant se réconcilier avec eux et se faire, devant les tribunaux , le garant de leur innocence. Il fallait prendre en main la cause de Rabirius Postumus, un spécula- teur effronté, ruiné pour avoir eu trop de confiance dans le

(4) AdAM. nr, 5. (%) Ibid. nr, 6.

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OBSERVATIONS SUR LES PLAIDOYERS DE GICÈRON. 159

crédit de l'Egypte, maïs plus coupable encore que malheureux, un de ces aventuriers de la finance, qui, jugeant sans doute que Tempire romain n'était pas assez vaste, s'en allaient cher- cher fortune au dehors et comptaient des rois parmi leurs clients. Créancier malhonnête d'un débiteur plus malhonnôtt? que lui, Rabirius, en voulant trop gagner, avait perdu jusqu'à son dernier sesterce. Le beau rôle, en vérité, pour Cicéron que d'aller s'apitoyer sur cette disgrâce, et le bel emploi qu'il fait de son éloquence!

Dans c^tte période de sa vie, deux plaidoyers seulement ont un accent plus personnel, le Pro Cœlio et le Pro Milone. On reconnaît qu'il y exprime ses propres sentiments, qu'il ne lésa pas composés, comme les autres, par l'ordre et presque sous la dictée des triumvii*s. Il trouvait un double profit à se charger du procès de Caelius : d'abord, il présentait Tapologic d'un jeune homme, son admirateur et son élève, dans lequel il mettait toutes ses espérances, qui serait un jour, il avait alors le droit de le croire, un des plus énergiques défen- seurs de la République; ensuite, il: lui était donné, après tant d'attaques furieuses dirigées contre Clodius, de frapper une fois de plus son ennemi, et de le frapper par des armes nou- velles, en couvrant de ridicule la sœur bien-aimée de l'ancien tribun. Dans la Milonienm, enfin délivré de son terrible adver- saire, il comble de louanges l'homme auquel il doit sa tran- ([uillité, et le meurtrier de la voie Appienne devient, pour lui, un héros, comparable aux plus illustres citoyens que Rome ait jamais produits. Mais l'issue même de ce procès nous rappelle qu'il ne luiétait pas permis de sortir des rangs. Pour l'avoir tenté une fois, il futcruellement puni, puisqu'il fut impuissant à sau- ver un accusé auquel il portail tant d'intérêt, et que la déroute de son éloquence, effrayée par la vue des soldats de Pompée, fit éprouver à son amour-propre la plus fâcheuse mésaventure. Quelle que soit la valeur littéraire du Pro Cœlio et du Pro MilonCy ne nous laissons donc pas abuser par ces deux dis- cours isolés, au point d'oublier que Cicéron n'est alors qu'un avocat d'office, désigné par les triumvirs pour plaider toutes les cîmses, bonnes ou mauvaises, et ces dernières ne sont

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i 60 MÉMOIRES.

pas les moins nombreuses , leur politique se trouve engagée.

Heureusement, son éloquence, sans jamais recouvrer la li- berté qu elle avait autrefois, saura cependant se relever. La domination de César lui fut moins défavorable que ne l'avaient été ces temps troublés, qui avaient précédé la guerre civile. Quand son parti eût été définitivement vaincu, quand le sort de Rome eût été décidé à Pharsale, il semble que Cicéron, tout en déplorant sincèrement la ruine de ses amis et de la République, ait senti son àme se raffermir. Tout au moins^ il supporte ave^ plus de dignité la dictature de César qu'il n'avait supporté la contrainte que lui imposait l'amitié de Pompée et de ses adhé- rents. Partagé entre mille résolutions confuses et contradictoi- res, attaché par d'anciens souvenirs au parti de Pompée, dont il blâmait la conduite et dont il prévoyait la défaite, entraîné dans la lutte autant par une sorte de respect humain que par le sentiment du devoir, irrité de la jactance des jeunes Pom- péiens, qui choquait son bon sens, et attristé de leurs fureurs, qui choquaient son humanité, il ne leur avait prêté qu'un con- cours hésitant, médiocre soldat d'une cause qu'il ne pouvait ni déserter ni approuver sans réserve. La journée de Pharsale, qui l'asservissait, comme le reste des Romains, aux volontés de César, lui rendait au moins ce service, de lui donner son congé. Triste comme il convenait à un vaincu , et cependant à demi gagné par la clémence de César, il sut pratiquer, dans tous ses rapports avec la dictature, cet art difficile de flatter sans s'avilir, de caresser les vainqueurs sans renier le souvenir de ceux qui avaient succombé, assez indépendant pour donner du prix à ses moindres avances, assez traitable pour que le maî- tre de Rome ne pût s'offenser des épigrammes par lesquelles il soulageait sa fierté. On serait tenté de dire qu'il est alors en coquetterie réglée avec César, s'il n'y avait pas, au fond, un sentiment plus sérieux et plus noble. Cicéron n'oublie pas ses compagnons d'infortune, et c'est à les ramener de l'exil qu'il emploie le crédit ou l'apparence de crédit qu'il conserve au- près de César. Les défenses de Ligarius et du roi Déjotarus, la première surtout, nous font très-bien connaître cette situation

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OBSERVATIONS SUR LES PLAIDOYERS DE CIGÉRON. 461

de rame de Cicéron» occupé de lui-même, mais occupé aussi de ses amis malheureux, enveloppant si adroitement les con- seils dans les flatteries et les flatteries dans les conseils que Ton reste indécis, ne sachant pas si Ton doit lui reprocher d'avoir été le courtisan de la dictature, ou lui savoir gré d'avoir cherché à en modérer les rigueurs.

II

On voit ainsi quelle est la liaison intime qui existe entre la vie politique de Cicéron et les monuments qui nous sont par- venus de son éloquence judiciaire. Sous ce titre unique de plaidoyers, nous avons devant nous, en réalité, des œuvres fort diverses, des pamphlets, des mémoires justificatifs, des exposés de principes, des déclarations. Si nous nous plaçons à ce point de vue, les procédés de discussion employés par l'ora- teur et les formes de sa polémique n'ont plus rien qui nous surprenne.

Dans les Nuées d'Aristophane, on 'apporte sur la scène, en- fermés dans des cages, le Juste et l'Injuste, sous la figure de deux coqs de combat. Si l'on voulait imaginer un travestisse- ment pour les avocats de l'antiquité, c'est bien celui-là que l'on choisirait. Il représenterait à merveille leur humeur belliqueuse et cet acharnement avec lequel ils se disputent la victoire. Non omnia sunt in eloquentia, dit quelque part Cicéron lui- même (1); ce qui signifie, il y a des faits tellement clairs par eux-mêmes, des vérités tellement fortes que toutes les ressour- ces de réloquence, même la plus habile, que toutes les adresses de la polémique, même la plus perfide, ne sauraient en affai- blir l'autorité. Maxime excellente, mais trop souvent oubliée dans la pratique et à laquelle Cicéron, tout le premier, ne s'est pas toujours conformé! Les luttes du barreau sont si vives que l'avocat perd le sentiment de ce qu'il se doit à lui-même et de ce qu'il doit à la vérité. Il est entraîné à tenter même l'impos-

{h) Pro Quini, tS.

sÉRne. TOMX m, 1. U

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162 MÉMOIRES.

sible, en s'élevant contre l'évidence, en altérant, en dénaturant les faits les mieux établis, pour peu que les besoins do sa cause viennent l'exiger. Ajoutez à cela que les anciens, précisément parce que l'éloquence avait atteint chez eux un si haut de^ré de perfection, étaient portés à se faire illusion sur sa puissance, et qu'ils se laissaient séduire, plus volontiers que nous, parles artifices do la parole. Ils prenaient un plaisir, tout littéraire, à la voirse jouer au milieu des obstacles et se montraient moins difficiles sur la valeur des arguments, du moment que leur goât était satisfait et leur oreille charmée. Enfin, si l'on songe à l'importance des intérêts politiques et à la vivacité des passions qui étaient en jeu dans la plupart des procès, on aura l'expli- cation de bien des pratiques qui nous paraissent singulières.

C'est ainsi que, à côté des préceptes que j'appellerai officiels et de pure théorie, il se forme toute une rhétorique du genre judiciaire, qui ne leur ressemble que de fort loin. On fait un grand étalage des premiers, mais c'est la seconde que Ton applique. Quand les anciens dissertent sur l'éloquence, on ne saurait imaginer rien de plus noble, de plus élevé que leurs maximes; quand ils portent la parole devant les juges, ces maximes sont vite oubliées. Quelle plus belle définition de l'ora- teur que le mot célèbre de Caton, repris et commenté tant de fois après lui : « L'orateur est un homme de bien qui sait par- ler »? Qu'y a-t-il de plus magnifique que cette alliance de la philosophie et de l'éloquence recommandée si instamment par Cicéron? Prenez le de Oratore; relisez les enseignements que donne Crassus aux jeunes gens qui l'écoutent. Puis, quand vous aurez encore l'esprit tout rempli de ces leçons, quand vous aurez admiré tant de sages conseils, quand vous aurez été non- seulement séduits par ce langage, mais édifiés par cette morale si ferme et si droite, ouvrez presque au hasard, le recueil des plaidoyers. Dans les Verrines, l'avocat déclare que l'honneur et la sûreté même de Rome exigent que les réclamations des pro- vinciaux soient écoutées; dans le Pro Fonteio, il démontre aux juges qu'ils ne peuvent faire la moindre concession aux do- léances des provinciaux, s'ils ne veulent pas encourir le repro- che de faiblesse, presque de lâcheté. Quand il accuse Verres, il

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OBSERVATIONS 8DR LES PLAIDOYERS DE 61CÉR0N. 463

s'appuie continuellement sur Tautorité des dépositions qu'il a recueillies^ il n'admet pas un seul instant qu'on en conteste la valeur; quand il plaide pour Flaccus» tous les témoins ne sont plus à ses yeux que des imposteurs, auxquels aucun homme de bon sens ne voudra jamais prêter une minute d'attention. Les sénateurs, si rudement maltraités dans les premiers plai- doyers, deviennent, dans le Pro C. Rabirio, les conseillers de la République, et quiconque s'élève contre eux est un brouil- lon, qui veut ébranler l'État tout entier. Ici, la gloire militaire est exaltée à ce point que Fontéius et Muréna, par ce seul fait qu'ils soni des officiers de mérite, doivent être renvoyés absous; ailleurs, Cicéron ne permet pas même qu'on en prononce le nom, quand il s'agit de Verres, et soutient que l'accusé doit être condamné, alors même qu'il serait le plus grand de tous les généraux. Après avoir flétri Catilina de^s épithètes les plus violentes, après l'avoir représenté comme le dernier des misé- rables, s'il vient à parler de lui, dans la défense de Caelius, c'est pour lui reconnaître des qualités remarquables, que jus- que-là il ne nous avait pas laissé soupçonner. Sur tous les points, nous avons ainsi le pour et le contre. Le discours d'au- jourd'hui dément celui de la veille, et sera démenti, à son tour, par le discours du lendemain. Au milieu de ces contradic- tions, l'orateur n'éprouve aucun embarras. On sent qu'il n'a pas à compter avec les scrupules de sa conscience, pas plus, du reste, qu'avec l'opinion de ses contemporains. Pour lui-même comme pour les autres, il est dans son rôle et dans son droit, quand il accommode son langage et ses convictions aux cir- constances.

Je ne prétends point que toutes ces transformations lui soient imposées par les nécessités de la politique. Quelquefois, l'avo- cat altère la vérité gratuitement, pour son plaisir ou pour celui de ses auditeurs. C'est ce que l'on appelle assaisonner son dis- cours de quelques petits mensonges agréables, qui en relèvent la saveur, mendaciunculis aspergere (<). En y regardant de près, on découvrirait que ce procédé, fort peu honnête cependant, a

(^) De OratorCj ii, 69.

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464 MÉMOIRES.

trouvé grâce aux yeux des théoriciens eux-mêmes. Un des per- sonnages du de Oratore, l'orateur César, en fait un grand éloge. A son avis, c'est le meilleur moyen que Ton puisse employer, soit qu'on veuille enjoliver une anecdote insigniGante par elle- même, soit et ceci vaut la peine d'être remarqué qu'on se propose d'inventer de toute pièce une anecdote, pour y en- châsser quelque bon mot qu'on tient à placer. Cicéron, en ce qui le concerne, n'a pas manqué d'user de cet urtiiSce, Quand on lit, dans le Pro Cluentio (1), l'aventure de l'avocat Gaepasius, escaladant les bancs pour courir après son client qui s'enfuit, et le saisissant presque à la gorge pour le ramener à sa place^ il est bon de se souvenir que tout ou presque tout est faux dans ce récit. L'imagination seule de Cicéron en a fait les frais. L'infortuné Csepasius n'a jamais mérité le ridicule dont il est affublé ; c'est une victime innocente que Cicéron livre aux mo- queries de la foule, qu'il veut amuser à tout prix. Ne lui a-t-il pas jeté en pâture, dans une autre circonstance, la sagesse même de Caton avec toute la doctrine des stoïciens ?

La plupart du temps, cependant, il faut se reporter à des considérations plus sérieuses pour avoir la raison de ces liber- tés que l'avocat prend avec la vérité et avec sa conscience. Voici, en effet, comment Cicéron définit le devoir des juges (2). < Tou- c jours, dans les causes qui leur ont été soumises, les juges

< intègres et intelligents ont considéré ce que réclamaient l'in-

< térêt de l'Etat, le salut commun et les circonstances politi- ques (3). » Quelle déclaration plus nette que celle-là pourrait- on désirer? Je sais qu'on trouverait à opposer à cette phrase d'autres passages, qui soutiennent une opinion très-diffé- rente (4) ; mais il n'en est pas moins vrai qu'elle est conforme.

(1) Pro Cluentio, 24.

(2) U est à peine nécessaire d'ayertir que l'on ne parle ici que des juàkes, et non des magistraU, dans le sens que les Romains donnaient à ce mol. On connaît la différence qui existait entre Ujus, le droit, et \QJvMcium, ou Tinstance judiciaire organisée sur une contestation. L^judex n'est pas un magistrat, mais un citoyen, investi par le magis- trat d'une mission judiciaire dans chaque cause, et pour la cause seulement.

(3) Pto Fkcco, 39.

(4) Notamment Pro C. jRoMrio Pott, 6.

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OBSERVATIONS SUR LES PUIDOTERS DE CICÉRON. 165

de tous points, à l'esprit de l'antiquité. Les changements suc- cessifs que les révolutions introduisent dans les tribunaux sont faits, non pour assurer une justice plus exacte, mais pour met- tre aux mains du parti victorieux une arme redoutable, avec laquelle il frappera ses ennemis. Les chevaliers, depuis C. Grac- chus jusqu'à Sylla, les sénateurs, depuis Sylla jusqu'à la loi Aurélienne, se servent du pouvoir judiciaire pour maintenir leur prépondérance dans l'État. Retranchés dans les tribunaux comme dans une forteresse, ils luttent avec une ardeur opiniâtre, afin de conserver un monopole, qui promet l'impunité à leurs amis et menace leurs adversaires des condamnations les plus dures. Seulement, il en est de cette forteresse comme de celles qu'assiégait Philippe de Macédoine. Elle n'est pas tellement inaccessible qu'un mulet chargé d'or n'y puisse pénétrer, et la vénalité des juges esta peu près le seul tempérament qu'admette ce despotisme, qui s'exerce sous le couvert de la justice.

Avec de pareils juges, on devine aisément quel sera le rôle de l'avocat. Il désertera le terrain juridique, puisque la moin- dre préoccupation du tribunal est d'appliquer la loi ; il semblera parfois perdre de vue la personne de son client, puisque ce ne sont pas les arguments tirés de la cause même, mais les consi- dérations politiques qui font absoudre ou condamner l'accusé. En revanche, il ne négligera pas une occasion de-montrer aux juges l'influence que doit avoir sur les affaires de l'État l'arrêt qu'il les presse de rendre. C'est à leur prouver qu'ils sont les vrais maîtres de la République, qu'ils peuvent, par leur sen- tence, ou la sauver ou la perdre, irriter l'opinion ou calmer ses colères, préserver l'autorité des entraînements funestes auxquels elle s'abandonne, ou la soutenir contre ses ennemis, que l'ora- teur consacre le principal effort de son éloquence. N'est-ce pas ce que Cicéron a fait toute sa vie? A ses débuts, tant qu'il est dans l'opposition, il semble que les tribunaux soient faits pour donner des leçons au pouvoir; plus tard, leur premier devoir est d'imposer silence aux mécontents. Après avoir essayé de les mener avec lui à l'attaque de la constitution aristocratique, il voudrait les avoir pour défenseurs, lorsque, devenu homme de gouvernement, il commence à trouver, lui aussi, que l'opposi-

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1 66 MÉMOIRES.

tion est uq embarras. Et encore, s*il ne leur avait pas demandé d'autres services! Mais il a la prétention de les prendre pour complices de ses défaillances» de les associer à tous les chan- gements de sa politique Durant ces années de servitude, pen- dant lesquelles il est l'instrument des triumvirs, il revient con- tinuellement sur cette idée, que les juges sont tenus de prendre en considération les liaisons de l'accusé avec Pompée ou César. S'ils refusent, ils sont les adversaires de la paix publique, des esprits chagrins ou absolus, incapables de comprendre les in- térêts de l'État; s'ils consentent, ils agissent en bons citoyens, qui savent oublier leurs rancunes personnelles pour se soumettre aux nécessités du moment. Il leur en a lui-même donné l'exem- ple. Il explique, dans le Pro Balbo (1), comment on peut, sans mériter le reproche d'inconstance, gouverner ses opinions comme on gouverne un navire, en regardant de quel côté souffle le vent. Dans la défense de Rabirius Postumus (2), il se glorifie d'avoir une àme, les inimitiés durent peu, dont les affections sont immuables, neque fne vero poenitet mortales inimicitiàs, sempiternas amicitias habere. Pourquoi les juges n'apprendraient- ils pas, comme lui, à se réconcilier avec les hommes qu'ils dé- testaient hier?

Ainsi, tout s'explique, du moment que nous nous détachons de nos habitudes-modernes pour apprécier les mœurs judiciaires des anciens d'après leurs propres idées. La nature des procès, la composition des tribunaux et la manière dont les juges com- prennent leur devoir, nous donnent la raison de ces procédés oratoires qui, au premier abord, sont si choquants pour nous. Si l'éloquence de Cicéron diffère si profondément de la nôtre, c'est que nous nous faisons du rôle des tribunaux une conception toute différente. Nous leur demandons d'appliquer les lois, sans acception de personnes; les anciens leur demandent de les plier à mille considérations diverses. Nous estimons que la jus- tice ne saurait jamais être tenue trop à l'écart de la politique ; les anciens, non-seulement les confondent, mais asservissent la

(4) Pro C. Balbo, 27. (2) Pro C. Rab. PosL 12.

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OBSERVATIONS SUR LES PLAIDOYERS DE CICÉRON. 167

première à la seconde. Pour nous, l'intégrité est la plus grande vertu du juge; pour les anciens, le juge doit prendre conseil de ses intérêts avant de songer à sa conscience, et sa principale étude sera de plaire à ses amis, quand il en aura loccasion, de faire è ses ennemis tout le mal qu'il pourra. Pendant que nous représentons la justice avec un bandeau sur les yeux et une balance dans la main, les anciens lui ôtent son bandeau, pour qu'elle puisse consulter, avant de prononcer ses arrêts, et le ciel, et les nuages, et la direction du vent, et jusqu'aux aspects les plus changeants de l'horizon. S'ils lui laissent sa balance, c'est à la condition d'y jeter de faux poids.

Que faut-il donc penser de l'éloquence judiciaire, telle que les anciens la pratiquaient? Il est trop évident que sa moralité est détestable. C'est un spectacle attristant que de contempler ces luttes oratoires, d'où tout sentiment élevé et désintéressé est banni. On souffre de voir que tant de science, tant d'esprit, tant de génie ont été souvent si mal employés. On est tenté de s'irriter contre la corruption de ces dernières années de la Ré- publique romaine, qui, en pervertissant à ce point les âmes et en dénaturant l'idée même de la justice, a pu fausser jusqu'à la conscience d'unCicéron et l'asservir à des pratiques indignes de lui. Mais il y a une autre question , qu'il est plus difficile de décider. Celle éloquence, qui, pour jouer un rôle dans l'Etat, se met au service des factions, a-t-elle au moins obtenu l'influence qu'elle recherchait? Ce qu'elle perd en moralité, est-il vrai qu'elle l'ait gagné en importance politique?

M. Mommsen, que l'on rencontre toujours au premier rang des détracteurs de Cicéron, affirme qu'il n'a jamais plaidé que des causes déjà gagnées, et enfoncé des portes que d'autres avaient ouvertes avant lui. M. Havet et M. Boissier (1) sont d'un avis opposé. Plus indulgents que l'historien allemand, plus exacts à saisir et à marquer les nuances, ils rendent ce témoi- gnage à l'éloquence de Cicéron, que si elle n'a pas dirigé les événements, elle a, du moins, excité < ces grands mouvements d'opinion qui les préparent ou les achèvent. » Venu trop tard,

0) Ckéron et ses amis, p. 50.

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168 MÉMOIRES.

dans une société en proie à l'intrigue et à la violence, alors que les institutions républicaines n'étaient plus qu'un vain notù^ l'orateur s'est fait illusion quand il a cru que l'on pouvait en- core gouverner , comme autrefois Périclès chez les Athéniens , par l'ascendant de l'éloquence; mais il n'a pas été cependant un comparse inutile, et l'on commet une véritable injustice quand on ne voit en lui qu'un rhéteur et un bel esprit. Chez nous, à côté des pouvoirs régulièrement constitués, il y a ce que l'on a appelé dans un langage un peu emphatique, le quatrième pou- voir de l'État, la presse , dont l'action , pour être mal définie , n'en est pas moins considérable. L'avocat romain ressemble un peu au journaliste moderne. Ces discours, queCicéron pronon- çait devant les juges et qui, publiés ensuite, se répandaient partout , étaient le commentaire vivant des événements. Plus libre dans ses plaidoyers que dans ses harangues, son élo- quence avait un caractère un peu officiel et emprunté, plus passionné aussi, Cicéron y déployait toutes ses qualités oratoi- res. Les attaques personnelles, les anecdotes contées avec verve, les plaisanteries mordantes , les invectives , ces mille artifices de la parole la plus abondante et la plus souple qui fut jamais, s'en allaient éveiller l'attention des lecteurs et n'avaient pas de peine à la retenir. Ainsi présentées, les idées que défendait l'orateur, faisaient plus vite et plus sûrement leur chemin. Ce n'était pas la grande guerre, j'en conviens, celle les partis en présence se portent des coups décisifs , mais c'étaient des escarmouches légères et brillantes, et l'on sait que, pour les meilleurs généraux, ces succès d'avant-garde ne sont pas à dédaigner.

Dans la première période de sa vie, tant qu'il a subsisté chez les Romains quelques vestiges de l'ancienne liberté, Cicéron a été un des conseillers et un des guides de l'opinion. Lorsque, dans la suite, l'accord étant conclu entre les triumvirs, il ne reste plus qu'une ombre de république , lorsque les décisions sont prises, non plus sur le forum ou au sénat, mais dans les conciliabules secrets de quelques hommes tout-puissants, alors son éloquence est enveloppée dans la ruine commune et comme frappée de déchéance. Le dernier mot appartient désormais aux

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OBSERVATIONS SUR LES PLAIDOYERS DE CICÊRON. 469

gladiateurs deClodius» de même qu'il appartiendra plus tard aux centurions de César, et le reste ne compte plus. Mais, à ce moment même, les maîtres de Rome ne négligent rien pour engager Cicéron dans leur parti. Bien résolus à briser toutes les résistances, et sûrs d'en venir à bout avec les armes dont ils disposent, ils tiennent cependant à enrôler l'orateur parmi leurs auxiliaires. Au besoin , ils sauront se passer de son concours, mais il leur est utile, sinon pour exécuter leurs desseins, du moins pour sauver les apparences et donner le change aux es- prits. En le sollicitant, ils rendent un hommage indirect à cette puissance de l'opinion que les gouvernements les plus absolus craignent de heurter trop ouvertement, et dont Cicéron restait encore, malgré toutes ses faiblesses, le représentant le mieux écouté.

C'est par qu'il se relève et qu'il conserve des droits, je ne dis pas seulement à l'admiration qu'il est impossible de refuser à son génie oratoire, mais à notre sympathie et à notre estime. Il n'était pas fait pour vivre dans des temps aussi difficiles. Il aurait mérité d'être le contemporain des Scipion et des Lœlius, de ces nobles esprits avec lesquels son imagination se plaisait à converser. Mais, au milieu même de la société violente et cor- rompue dans laquelle le sort l'a jeté, il a gardé le souvenir et le regret de ces années de liberté la parole était une puis- sance, où l'on régnait sur les âmes par la persuasion. Il valait mieux que les hommes de son siècle, parce qu'il se faisait une idée plus haute et de la dignité humaine et du gouvernement des cités. Les spectacles qu'il avait sous les yeux, les triomphes de l'intrigue et de la force brutale qui l'ont attristé et parfois l'ont troublé au point de l'incliner à des concessions regretta- bles, ne l'ont jamais désabusé complètement. La faiblesse de son caractère et une certaine naïveté , que l'on s'étonne de rencontrer chez un homme aussi spirituel , contribuaient , je le sais, à l'entretenir dans une croyance qui flattait sa va- nité; mais il y avait aussi un fonds d'illusions généreuses, qu'il est juste de respecter. Si coupables qu'aient été parfois les défaillances de l'orateur, il ne lui en reste pas moins cette gloire : iJ n'a jamais rien qu'à son éloquence, c'est par elle

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170 MÉMOIRES.

et par elle seule qu'il a illustré son nom dans un temps les autres avaient derrière eux, comme César et Pompée, le nom- bre de leurs légions , ou bien, comme Clodi us, la puissance formidable des émeutes populaires. A ce titre, il sera beau- coup pardonné à sa mémoire par tous ceux qui estiment que rinfluence politique doit être recherchée, non par la fraude ou la violence, mais par la libre discussion, par l'ascendant de la raison et de la parole.

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BULLETIN DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE

Pendant le premier semestre de Tannée 1880-81

MM. DuMÉRiL, président, et Gatien-Arnoult, secrétaire perpétuel, séance prennent successivement la parole pour rendre compte de quelques du 2 décembre faits principaux intéressant l'Académie, qui ont eu lieu pendant les ^^^^

vacances, pour analyser la correspondance et faire connaître les ouvra- ges reçus.

M. le Secrétaire perpétuel, entre plusieurs articles des statuts et règlements qu'il croit bon de remettre en mémoire parce qu'on les oublie quelquefois, rappelle la délibération de l'Académie portant que chaque associé sera invité à remplir un bulletin biographique conte- nant son curriculum vilœ, sur le modèle imprimé qui lui est donné. Il invite itérativement tous ceux qui ne l'ont pas fait à le faire dans le plus bref délai, et il expose le projet qu'il a formé de réunir tous ces bulletins en un registre qui sera comme le livre d'or de l'Académie.

M. le Président dit que M. Despeyrous l'a chargé d'annoncer à l'Académie qu'il se propose de faire élever à ses frais, dans la ville de Beaumont-de-Lomagne, une statue à Fermât, que l'Académie a pris pour patron en gravant son image sur ses médailles. Beaumont-de- Lomagne (Tarn-et-Garonne) est la patrie de Fermât et aussi celle de M. Despeyrous.

Des félicitations seront adressées à M. Despeyrous.

M, Gatien-Arnoult, désigné par l'ordre du travail pour la lecture 9 décembre, de ce jour, rappelle que le dernier fragment de son histoire encore manuscrite de l'Université de Toulouse, imprimé dans les Mémoires de l'Académie (année 1879, 1«' semestre), était composé de quatre cha- pitres, comprenant l'histoire de la Faculté de droit de 1270 à 1300. A

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472 BULLETIN DES TRAVAUX DE l' ACADÉMIE.

la suite de ces chapitres en viennent deux autres contenant Thistoire de la Faculté de théologie dans les mêmes années et celle des trois collèges annexés à l'Université^ qui furent fondés à cette époque , savoir : le collège de Saint-Bernard, celui de Saint- Pierre-des-Cuisines et celui de Bolbone. Il lit ou analyse le chapitre suivant intitulé : Bôle de trois juristes toulousains et de V Université de Toulouse ^ en corps, dans le différend entre le Pape Honiface VIII et le Roi de France Phi- lippe IV ou le Bel; années 1301-1303. (Imprimé page 1.)

M. Rozy dit que le rôle de la Papauté a été différent, suivant les épo- ques^ et que celui de Léon XIII aujourd'hui n'est pas le même que celui de plusieurs autres. Il ajoute que le droit d'association invoqué aujourd'hui par l'Église de France, en vertu des principes de 1789, non-seulement n'est pas un de ces principes, mais qu'il est même con- traire à l'esprit et aux mœurs de cette époque et aux lois. Il les cite à l'appui de son opinion.

M. Gatien-Arnoult fait observer que M. Rozy place la question sur un terrain essentiellement différent du sien, et qu'il n'a pas à l'y suivre.

M. le Secrétaire perpétuel dit qu'il s'est acquitté de la mission que l'Académie lui a donnée dans la dernière séance, de féliciter M. Despeyrous de sa généreuse résolution d'élever à ses frais une statue à Fermât, dans sa ville natale de Beaumont-de-Lomagne. M. Despeyrous a reçu ces félicitations avec grande modestie. Il a dit, d'un ton profondément triste, qu'ayant perdu son héritier naturel, il a cru ne pouvoir mieux faire que de léguer à ses concitoyens et à leur postérité le souvenir d'un grand homme. Le nom de Fermât, à jamais illustre, fera peut-être pour le sien ce qui aurait être fait par son fils, n remercie l'Académie.

16 décembre. M. Armieux, appelé par l'ordre du travail, lit une Note sur une découverte qui, dit-il, fait honneur à nos écoles et à notre ville.

M. Toussaint, professeur de physiologie à l'École vétérinaire et à l'École de médecine de Toulouse, a trouvé le moyen de préserver les bestiaux d'une maladie qui les ravage, et qui est connue sous le nom de charbon ou sang de rate. (Voir cette Note à la fin des Bulletins,. page 197.)

A la suite de cette lecture, MM. Lavocat, Barthélémy, Forestier et Brunhes prennent successivement et alternativement la parole sur l'importance des observations et expériences de M. Toussaint, sur l'excellente voie dans laquelle il est engagé et marche, sur les réserves

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SÉANCE DE DÉCEMBRE. 173

qu'il convient de faire encore, sur quelques objections qui lui ont été adressées, sur le rapport de quelques-uns des faits qu'il cite avec la doctrine homéopathique et d'autres détails.

M. Baillet rappelle, à cette occasion, quelques observations et expé- riences qu'il a faites il y a déjà plusieurs années, et qu'on peut rap- procher de celles de M. Toussaint. (Voir à la suite de la Note, p. 200).

M. le Président annonce que M. Joly, bibliothécaire de l'Acadé- mie, désirerait, à cause de sa santé, avoir un adjoint, et il propose pour cette fonction M. Hallberg, dont le consentement est assuré.

Cette proposition est adoptée par l'Académie.

M. DuMÉBiL, appelé par l'ordre du travail, lit une Étude sur les 23 décembre. Préliminaires de la seconde guerre civik à Rome. (Imprimée page 37).

MM. Lallier et Gatien-Amoult prennent successivement la parole sur le sujet traité par M. Duméril.

M. JoLY, appelé par l'ordre du travail, communique à l'Académie ao décembre, la première partie d'une Étude de psychologie comparée, qui a pour titre : Considérations générales sur le langage humain et sur celui des animaux.

Après avoir jeté un rapide coup d'œil sur les travaux de ses devan- ciers qui ont trait à l'importante et difficile question qu'il se propose de traiter, après avoir examiné les procédés si défectueux suivis jusque vers le commencement de ce siècle pour découvrir l'origine du langage articulé, et reconnaître les affinités que peuvent avoir entre eux les nombreux idiomes parlés sur les divers points du globe, M. Joly signale l'introduction du sanscrit (langue sacrée des Brahmes de l'Inde) dans les études linguistiques comme une des causes les plus puissantes des rapides progrès qu'elles ont faits depuis cin- quante ou soixante ans.

Au point de vue de la Philologie comparée, l'union de la Philoso- phie et de la Physiologie, si instamment recommandée par le profond penseur Joulîroy, n'a pas été moins féconde en résultats du plus haut intérêt. L'Ethnologie, l'Archéologie, la Paléontologie elle-même sont venues prêter aussi leur concours à la science du langage, et aujour- d'hui, grâce à tant d'efforts réunis et convergeant vers un même but, cette science suit une marche rationnelle et plus sûre, quoique chan- celante encore sur bien des points nulle lumière n'est pour la guider.

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174 BULLETIN DBS TRAVAUX DE L* ACADÉMIE.

M. Joly est du nombre de ceux qui pensent que l'homme^ à son origine^ a été doué de la faculté virtuelle de parler, mais qu'il a créé son langage.

Convaincu, en outre, qu'une langue, quelle qu'elle soit, est un organisme vivant qui nait, se développe, subit des métamorphoses, atteint son point culminant, vieillit et meurt, il suit cet organisme merveilleux dans les diverses phases qu'il parcourt, et signale, en passant, les changements successifs que les temps, les lieux, les degrés de civilisation, les idées nouvelles, les besoins nouveaux et une foule d'autres causes introduisent dans son vocabulaire et dans sa partie syntaxique.

On peut donc étudier l'embryogénie du langage comme on étudie l'embryogénie d'un corps organisé quelconque. Sous ce rapport, le développement physique et intellectuel de l'enfant, suivi avec une attention judicieuse et soutenue, fournit à la linguistique des résul- tats très-importants. Les faits récemment publiés par MM. Taine, Eggen, Whitney, etc., l'ont suffisamment démontré.

En présence de l'infinie variété des langues et de l'irréductibilité absolue de leurs principaux types. M. Joly pense qu'il est bien difficile d'admettre soit le Monoglotisme (unité de langage à son origine), soit le Monanthropisme funité de race) primitifs.

Enfin il termine son mémoire en indiquant les divers moyens que l'homme possède, indépendamment du langage articulé, non-seule- ment pour exprimer sa pensée et ses sentiments, mais encore pour transmettre sa parole d'une extrémité du globe à l'autre, à l'aide des merveilleux instruments que son génie a récemment inventés (télé- graphe électrique, téléphone, photophone, etc., etc.).

M. Joly annonce qu'il fera du langage des animaux l'objet d'une communication ultérieure, dans laquelle il formulera ses conclusions définitives.

M. Lavocat croit pouvoir conclure du travail de M. Joly : que le langage n'a pas été fondé à priori, mais qu'il s'est formé graduelle- ment; 2^ que le langage primitif n'a pas été unique , mais multiple et varié ; 3o que cette diversité primitive de langage concourt à prouver les origines multiples de l'homme.

M. Gatien-Ârnoult dit que, dans les études sur le langage humain, comme dans celles sur l'homme , il faut distinguer les faits positifs, qui sont ou peuvent être acquis pour la science, de ce qui n'est et ne peut être que l'objet d'hypothèses plus ou moins probables et ingé- nieuses. Il regarde comme étant de ce nombre les questions sur l'ori-

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SÉANCE DE JANVIER. <75

gine du langage humain, sur la manière dont il a été formé, s'il a été unique ou multiple, hébreu comme le disent les uns, basque comme le disent d'autres, ou bas-breton, etc. Il croit qu'il en est de même des questions sur l'origine de l'humanité elle-même. A-t-elle com- mencé par un être hermaphrodite, qui s'est dédoublé en deux sexes ? Le couple primitif a-t-il été unique ou multiple? Où, quand, com- ment a-t-il été formé, soit multiple, soit unique? etc. Toutes ces questions lui semblent appartenir au grand mystère du divin inûnî, dont la raison ne peut espérer soulever le voile par la science, sans s'exagérer sa force et sa capacité. Il dit qu'il en est autrement des études sur les ressemblances et les analogies de divers idiomes, sur leur filiation, leur formation et transformation, etc., sur les manières dont les enfants apprennent à parler d'abord leur langue maternelle, puis d'autres langues ; sur la comparaison du langage humain avec celui de différents animaux, etc. La philologie a fait et fait tous les jours de grands progrès dans cette voie vraiment scientiGque. Et c'est par que les études du genre de celle que M. Joly vient de communi- quer à la compagnie lui paraissent intéressantes et utiles.

M. Duméril rappelle l'anecdote racontée par Hérodote sur le roi d'Egypte, Psameticus, qui voulut aussi connaître quel était le langage primitif de l'homme, et qui fit la singulière expérience bien connue, d'où il conclut que le premier langage de l'homme avait été le phry- gien.

M. le Secrétaire perpétuel fait un rapport verbal sur les titres et les ouvrages de M. Couarraze de Laa, professeur au lycée d'Aibi, qui a introduit une demande tendant à être nommé membre correspon- dant.

Les conclusions de ce rapport étant favorables, il est procédé au scrutin.

Le dépouillement ayant donné la majorité en faveur du candidat, M. le Président proclame M. Couarraze de Laa membre correspon- dant.

M. Lavocat, en remplacement de MM. firassinne et Hamel, dési- e janTîer 4 884. gnés dans l'ordre du travail, communique à l'Académie un mémoire sur les Homotypies musculaires des membres thoraciques et pelviens. (Imprimé page 37).

MM. Gatien-Arnoult et Duméril prennent successivement la parole sur le sujet traité par M. Lavocat.

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<76 BULLETIN DES TRAVAUX DE L* ACADÉMIE.

4 3 jaDTier. M. le Président annonce que M. Molinier vient d'être nommé offi-

cier de la Légion d'honneur, et regrette qu'il n'assiste pas à la séance, il aurait reçu les félicitations de l'Académie.

M. le Secrétaire perpétuel dit qu'il a déjà adressé de vive voix ces félicitations à leur honorable confrère.

M. Hallberg, appelé par l'ordre du travail , communique un mé- moire intitulé : Le Roi de Prusse considéré comme historien, (Imprimé page 440.)

MM. Duméril et Gatien-Amoult prennent successivement la parole sur le sujet traité par M. Hallberg.

80 jaDTier. M. BARTHÉLÉMY, appelé par l'ordre du travail, entretient l'Acadé-

mie de la Respiration cuticulaire et de la thermo-diffusion. (Imprimé page 124.)

MM. Clos, Lavocat et Duméril prennent successivement la parole sur le sujet traité par M. Barthélémy.

Vt jaDTier. M. le docteur Ripoll, appelé par l'ordre du travail, lit l'observation

suivante, intitulée : Tumeur fibreuse utérine interstitielle. Grossesse concomitante. Accouchement prématuré. Enfant viable.

« Mm« D... est âgée d'une trentaine d'années, d'un tempérament lymphatique nerveux, et d'une constitution assez délicate en appa- rence : elle a toujours joui d'une santé assez bonne; ses menstrues, tant qu'elle a été demoiselle, ont été très*régulières, mais assez fré- quemment accompagnées, au moment de leur apparition, de quel- ques troubles hystériques.

Dans une de ces crises un peu plus vive que d'ordinaire, le médecin habituel de la famille, en pratiquant la palpation de l'abdomen, dé- couvrit l'existence d'une tumeur du volume d'un gros œuf de poule, paraissant dépendante de l'utérus. Interrogée sur la date d'appari- tion de cette tumeur et sur les phénomènes auxquels sa présence pouvait donner lieu, la jeune fille répondit qu'il lui avait semblé, de- puis déjà longtemps, qu'elle avait une grosseur dans le ventre, mais que n'éprouvant aucune gêne ni aucun trouble quelconque, elle ne s'en était jamais préoccupée. Le médecin n'insista pas, et pas plus que la jeune fille qu'il perdit d'ailleurs complètement de vue pour quelque temps, il ne donna d'importance à sa découverte. Ceci -se passait en 1874. Il ne revit sa cliente que dans les premiers mois de

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SÉANCE DE JANVIER. 477

l'année 1878. Elle était mariée et ses menstrues étaient toujours très- régulières ; elle commençait à s'inquiéter du développement sensible et gênant de cette tumeur^ qui jusqu'alors ne lui avait donné aucun souci.

« Si l'on songe aux difficultés qu'à cause de leurs nombreuses va- riétés présente le diagnostic des tumeurs de l'abdomen, il ne faut pas s'étonner que mon estimable confrère, dont la prudence prouve le savoir pratique, ne se prononça pas tout d'abord ^ur la nature de cette tun^eur et conséquemment sur le traitement à appliquer.

c En face de cette hésitation interprétée par M'^^' D... et sa famille à rebours de sa signification et de sa valeur, sous l'influence de sugges- tions étrangères, un autre jnédecin fut appelé, qui déclara qu'il s'agis- sait d'un kyste de l'ovaire et qu'il fallait au plus tôt pratiquer une opé- ration ayant pour but son extirpation. On comprend l'effroi que firent naitre dans le ménage ce diagnostic si catégoriquement posé, et cette proposition ex abrupto d'une aussi terrible opération. La famille eut le bon esprit de faire part de ce qui s'était passé à son médecin ordinaire. Celui-ci ayant quelques doutes sur la justesse du diagnostic de son confrère, inspiré d'ailleurs par sa sollicitude pour sa malade, conseilla de ne pas se laisser opérer avant d'avoir mon avis.

9 Appelé à la fin du mois d'avril 1878, je constatai l'existence d'une tumeur, du volume de la tète d'un fœtus à terme, assez régulièrement sphérique, lisse, occupant la partie médiane de l'abdomen, entrç le pubis et l'ombilic ; elle était indolore, dure, ne présentant de fluctua- tion sur aucun point, assez facile à déplacer à droite et à gauche dans de certaines limites, faisant sensiblement corps avec l'utérus que, par le toucher vaginal, on sentait manifestement suivre les mouve- ments imprimés par la main à travers la paroi abdominale.

« L'idée qui se présenta d'abord, c'est que nous avions affaire à une grossesse. Mais nous ne pouvions nous y arrêter, étant connu comme antécédent l'existence de Ja tumeur longtemps avant le mariage, et en outre la régularité des menstrues jusqu'à une époque très- rapprochée du moment de notre examen, la malade n'accusant qu'un léger retard de quelques jours, alors que le volume du ventre correspondait à une grossesse de cinq mois environ.

« Le défaut de fluctuation et le siège de la tumeur ayant éloigné de ma pensée la croyance à l'existence d'un kyste, je me crus autorisé à diagnostiquer une tumeur fibreuse, d'origine ancienne, développée dans la paroi supérieure de l'utérus, avec tendance à saillir sous le péri- toine viscéral. Mon confrère s'étant rangé à mon avis, un traitement

SBBIB. TOHB III, 1. 12

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178 BCLLimi MS TtATAUT DE L'ACÂOÉnS.

fdt iostîtiié en rapport avec la nature supposée de la tan^eor. Dans cm dernières années, quelques exemples ayant été produits, de dimi- nnlîon des corps fibreox ntérins^ josqn'alors jogés intraitables, par rasage de Fiode à Fînténenr, noos prescrÎTimes ce médicament sons forme de teinture à doses progressives, en même temps que des pré- paratioos ferrugineuses et une bonne nourriture pour répondre à Fin- djcatjon fournie par Tétat éridemmeot anémique de la malade. Gon- curremment avec ces moyens iotemes, on devait pratiquer des fric- tiotts iodurées sur le ventre.

* An mois de juiOet suivant, je fos appelé de noufeau à pratiquer un second examen de la malade.

c La tumeur semblait un peu diminuée; mais, phénomène bixarre et insolite, on sentait très-distinctemait une seconde tumeur, à peu près de même volume, au-dessous de la première qu'elle semblait soule- ver, et qui, en fait, dépassait l'ombilic. Copmte la tumeur déjà décrite, elle était indolore, et régulièrement dure et sphénoîdale. L'état géné- ral était le même. Les menstmes n'avaient pas reparu. Noos nous crûmes autorisés à diagnostiquer une seconde tumeur de la même nature que la première, et malgré Finsuccès apparent de la médica- tion, nous insistâmes pour qu'elle fût continuée avec persévérance.

< Au mois de septe.nbre, nouvel examen ; la seconde tumeur a pris un plus grand développement, et son association avec la première, qui lui est sup^-posée et dépasse l'oml>ilic de deux travers de doigt, donne à l'ensemble la forme et le volume très-exact de ces grosses citrouilles en gourde dont font usage les moissonneurs. Quelques changements se sont produits dans h seconde tumeur; elle est maintenant fluc- tuante quoique sourdement. En outre, elle est le siège de frémisse- ments singuliers accusés par la malade. Aurions-nous afEûre cette fois à un kyste hydatique? En examinant avec soin et patience, nous ne tarderons pas à avoir la conviction que cette seconde tumeur est due au développement d'une grossesse parfaitement démontrée par les mouvements du fœtus que nous percevons à plusieurs reprises^ et à laquelle, vu la coïncidence de la date de la suppression des mais- trues, nous assignons l'époque du dnquième mois environ. Nous sus- pendons tout traitement.

4 L'état général reste dans les mêmes conditions précaires.

Dans les premiers jours de novembre, mon confrère est appelé. M** D... était accouchée avant terme >u septième mois) d'un fœtus vivant, mais presque réduit à l'état de squelette, et présentant des déformations considérables , notamment un pied-bot équin du côté

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SÉANCE DE JANVIER. 179

gauche, un enfoncement de la poitrine du côté droit, et une forme cylindrée de la tète qui fait que la face et le crâne ensemble, celai-ci très-développé, ont une dimension de haut en bas triple de celle d'avant en arrière et d'un côté à l'autre.

f Les couches ne furent suivies d'aucun accident. M"*« B... a repris son état ordinaire de santé. Il y a quelques jours (janvier 1881), deux ans après son accouchement, j'ai examiné M"« D... La tumeur cons- tatée la première est réduite au volume d'un citron et occupe dans le fond du bassin le côté droit de la face supérieure du corps de l'utérus, auquel elle adhère.

« Entouré de soins excessifs, l'enfant, quoique nourri au biberon, a survécu ; il a aujourd'hui deux ans passés. Il est un peu chétif, la forme de sa tète qui a persisté lui donne un aspect singulier. 11 est vif de mouvements, mais son intelligence est peu développée ; il ne parle pas encore, et commence à peine à marcher. Le pied-bot n'existe plus et la conformation du thorax est à peu près normale.

« Cette observation, réduite, comme on le voit, à la succincte expo- sition de ses phénomènes successifs, présente plusieurs enseignements :

« l* L'erreur du premier diagnostic posé entraînait à une opération qui, commencée par la simple ouverture de l'abdomen, en vue de l'extirpation d'un kyste, devait se terminer par la résection de la ma- trice contenant le produit de la conception.

« Combien donc faut-il être prudent et réservé dans l'interprétation des faits analogues, et surtout dans la détermination à prendre en vue de la conservation de la vie du sujet observé I

« Tenant compte de l'adage JVon bis in idem, il est généralement admis, et prouvé d'ailleurs par un grand nombre de faits, que l'exis- tence d'un ou plusieurs corps fibreux dans l'utérus, dans les parois duquel ils vivent en parasites, d'une part à cause de la modification qu'ils apportent dans le système circulatoire, et d'autre part à cause de la gène qu'ils exercent sur l'œuf humain, ne permet pas à celui-ci de se développer au delà de certaines limites très-restreintes, d'où avortement fatal dans les deux ou trois premiers mois de la grossesse au plus tard.

« L'observation ci-dessus démontre qu'il peut y avoir des excep- tions. Elle fait voir aussi, par les déformations constatées sur ce petit fœtus, quelle influence ces sortes de tumeurs exercent par leur con- tact de voisinage sur le développement de l'embryon.

a 3* La conservation du fœtus , malgré l'énergie et la nature du traitement employé en vue de déterminer l'atrophie de la tumeur

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<80 BULLETIN DES TRAVAUX DE L* ACADÉMIE.

fibreuse, est un exemple de ce que peut quelquefois la force de vita- lité de rembryon contre la thérapeutique la plus compromettante.

« 4o Enfin, la diminution constatée dans le volume de la tumeur fibreuse est un encouragement à de nouveaux essais de Temploi des préparations iodées à doses progressives, n

MM. Armieux, Clos et Lavocat prennent successivement la parole sur le sujet traité par M. RipoU.

M. le Secrétaire perpétuel rappelle qu'il existe, dans la classe des inscriptions et belles -lettres, une vacance à laquelle il n'a pas été pourvu.

Il propose de fixer l'élection au jeudi 47 février prochain : ce qui est accepté par l'Académie.

M. le Secrétaire propose ensuite de déclai^r vacante, dans la classe des sciences, section de physique et astronomie, la place pré- cédemment occupée par- M. Tisserand, qui a été nommé membre cor- respondant.

Cette propostion est prise en considération.

3 féyrier. M. Lallier , appelé par l'ordre du travail , lit une étude sur les

Plaidoyers de Cicéronj considérés dans kurs rapports avec Vhistoire politique des dernières années de la République romaine, (Imprimée p. 145.)

M. Duméril dit que, dans le mémoire de son collègue, le caractère et le Pôle politique de Cicéron sont plus profondément étudiés et plus justement appréciés que dans tous les autres ouvrages. Mais ce travail est de ceux qui demandent à être lus et relus attentivement, plutôt que simplement écoutés une fois: sans aucun doute, il gagnera beaucoup à l'impression et à la lecture.

M. Brassinne dit que Cicéron fut éminemment artiste et que c'est comme artiste qu'il doit être principalement apprécié. Ce qu'il fut au fond et ce qu'il pensa n'ont qu'une importance accessoire : l'essentiel est moins dans ce qu'il dit que dans la manière dont il le dit et dans la forme de son éloquence. Cette forme est admirable au point de vue de l'art. C'est pourquoi l'on parle encore et l'on parlera tou- jours de Cicéron.

M. Catien- Amoult dit que, s'il est difficile de bien juger un homme politique, notre contemporain et notre compatriote, il doit être presque impossible de le faire certainement pour un Romain , mort il y a mille neuf cents ans. Le temps vivait Cicéron était si agité et

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SÉANCE DB FÉVRIER. 181

si troublé, sa vie, à lui-même, fut si agitée et si troublée, si com- pliquée et mêlée à tant d'hommes et de choses , qu'on peut le pré- senter de plusieurs manières bien différentes suivant les points de vue , toujours avec quelque vraisemblance , et jamais avec certitude de vérité. Ses discours ont pu n'être pas prononcés tels qu'il les a écrits : ses lettres ad familiares étaient moins faites pour des amis intimes que pour le public. Le vrai caractère politique de Gicéron se trouve dans ses ouvrages de philosophie politique , le de Republica et de Legibus. Il s'y montre croyant sincèrement à la bonté fondamen- tale et essentielle de la Constitution romaine , mais voulant la modi- fier et l'approprier aux besoins de l'époque, en tenant un juste milieu entre le. régime de l'aristocratie patricienne du Sénat, et celui de la démocratie plébéienne des tribuns. Ses variations s'expliquent par la difficulté de cette entreprise dans laquelle il échoua.

M. Rozy, considérant spécialement Cicéron comme avocat plaidant des causes criminelles, dit que, pour l'apprécier justement, il faut voir devant quels juges il parlait. C'étaient des hommes formant un jury, qui décidaient suivant leurs passions et leurs impressions du mo- ment ; il s'agissait de les entraîner plutôt que de les convaincre par des raisons juridiques : et, en s'adressant à leurs sentiments, Cicéron se conformait, èans mériter des reproches, aux règles de l'art oratoire.

M. le Président, en son nom et au nom de l'Académie, félicite 4 0 féTrier. M. Clos de sa nomination en qualité de membre correspondant de l'Institut.

M. Clos remercie l'Académie des félicitations qu'elle vient de lui adresser par l'organe de son Président.

M. le Secrétaire perpétuel rend compte des incidenls survenus dans la journée à l'occasion de la préparation du local dans lequel se réunit l'Académie, lorsque la salle des séances du Conseil municipal n'est pas disponible. Il donne lecture de la correspondance échan- gée à ce sujet avec M. le Maire. (Voir cette corrrespondance au registre. )

L'Académie vote des remercîments à M. le Secrétaire perpétuel, pour le zèle avec lequel il a défendu ses intérêts.

M. Brassinne, qui avait demandé l'ajournement de sa lecture, paye aujourd'hui son tribut académique. Il rappelle que, dans un mémoire lu à l'Académie le 20 mai 1880, il a démontré l'existence de

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182 BULLETIN DBS TRAVAUX DE L* ACADÉMIE.

trois axes centrifuges, en chaque point d'un solide ; axes autour des- quels la rotation produit une action maximum. On sait que les axes principaux ne sont sollicités par aucune force centrifuge quand la rotation s'accomplit autour de l'un d'eux ; ils répondent par consé- quent à un minimum.

M. Brassinne a continué ses recherches sur le même sujet ; il dé- montre que les axes centrifuges sont dans un même plan et qu'ils font, deux à deux, des angles de 60 degrés. La méthode qu'il suit con- duit, de la manière la plus simple, à la détermination des droites autour desquelles l'action centrifuge est la même, ou égale à une force donnée. A côté de ces problèmes nouveaux , la même méthode donne la solution immédiate des questions intéressantes que l'illustre Ampère a résolues sur les axes principaux et les moments d'inertie.

M. Brassinne expose ensuite à l'Académie des considérations his- toriques et théoriques sur le principe de la moindre action. Il signale des erreurs qu'on peut trouver dans des traités de mécanique ration- nelle très-estimés.

MM. Barry et Forestier prennent successivement la parole sur le siiyet traité par M. Brassinne.

M. Lavocat communique à l'Académie une Note de M. Tous- saint, professeur à l'École de médecine et à l'École vétérinaire, sur le parasite de la clavelée : maladie extrêmement contagieuse et propre au mouton.

Lorsqu'elle existe dans un troupeau, elle attaque tous les animaux et cause des pertes considérables, qui peuvent s'élever à 60 ou 70 0/0 du nombre des animaux atteints. La clavelée se caractérise par une éruption de pustules qui rappelle celle de la variole de l'homme, et qui est accompagnée de symptômes très-graves sur la plupart des sujets. M. Toussaint, dans cette note, ne veut qu'étudier la cause de la clavelée. Cette cause réside dans un microbe déjà entrevu par plusieurs pathologistes et que M. Toussaint a étudié plus complètement au moyen des cultures successives, méthode Pasteur.

Le parasite se présente sous deux états : celui de bactéries et celui de spores. Les bactéries n'ont que 3 à 10 millièmes de millimètre de longueur et à peine 1 millième d'épaisseur : elles sont très-mobiles à cet état ; puis, après un ou deux jours, les mouvements cessent, et l'on voit apparaître, à l'une des extrémités ou aux deux , un point brillant qui constitue la spore; puis la bactérie se désagrège, et la spore

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SÉANCE DE FÉVHIER. 183

reste libre. Les cultures se font dans des bouillons de viande de mouton ou de lapin : elles sont très-riches en microbes. Inoculées au mouton, elles reproduisent la clavelée. Filtrées sur le plâtre, le liquide qui a passé à travers le filtre est tout à fait inoffensif, tandis que la matière qui est restée à la surface reproduit 4a maladie. Cette matière est le parasite : d'où Ton peut conclure que la clavelée est bien une maladie contagieuse, dont la cause est un organisme vivant pou- vant être isolé et reproduit indéûniment par les moyens adoptés en ce moment dans l'étude des maladies dites virulentes.

L'auteur communiquera à l'Académie les nouveaux résultats que lui donneront ses recherches sur cette question.

L'Académie lui vote des remercîments, et charge M. Lavocat de les lui transmettre.

M. FiLHOL, devançant son tour de lecture, lit un mémoire ayant n féTrier. trait analyse des feldspaths de la vallée de Bagnères-de-Liichon, et, en particulier, de ceux qui existent dans les galeries même naissent les sources minérales. Il résulte des recherches de M. Filhol que les feldspaths sont constitués, pour la majeure partie, par du silicate d'alumine et de potasse, et sont par conséquent des feldspaths orthoce et non de l'albite. Ce résultat est conforme, pour ce qui concerne Ba- gnères-de-Luchon, à ce que l'auteur avait annoncé, en 1853, dans son ouvrage sur les eaux minérales des Pyrénées.

MM. Brunhes et Armieux prennent successivement la parole sur le sujet traité par M. Filhol.

M. Emile Cartailhac, admis à cette séance sur la présentation de M. Armieux, communique les résultats qu'il a obtenus dans une mission en Portugal, dont il a été chargé par M. le Ministre de l'Instruction publique. Les gisements tertiaires, miocène supérieur, ont livré des éclats de silex et de quartzite avec un conchoïde de per- cussion très-net, caractère accepté jusqu'ici comme preuve de l'action d'un être intelligent. Les alluvions quaternaires des vallées n'ont pas encore fourni d'objets travaillés, mais dans une grotte, et ailleurs à la surface du sol, on a rencontré le type classique de Saint-Acheul en silex et en quartz. Les repaires des carnassiers de cette époque offrent un intérêt tout particulier, avec une faune qui se ressent du voisinage de l'Afrique. On n'a encore rien trouvé en Portugal qui corresponde à nos stations de l'âge du Renne.

Les énormes amas de débris de cuisine que l'on a reconnus sur les

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184 BULLETIN DES TRAVAUX DE L* ACADÉMIE.

l>ords du Tage, à 70 kilomètres de son embouchure, sont les seules traces de populations qui ne savaient pas polir la pierre et qui igno- raient la poterie ; leur industrie se réduit à peu de chose ; elles sem- blent avoir eu l'habitude d'enterrer leurs morts au sein même des amas de coquilles comestibles : dans l'un d'eux, plus de cent vingt squelettes ont été mis au jour.

Les stations postérieures, franchement néolithiques, ne sont pas nombreuses, mais il y a une étonnante quantité de sépultures, soit dans les grottes naturelles, soit dans des cryptes creusées dans la roche tendre des dépôts tertiaires, soit dans des chambres construites en gros blocs à la surface du sol et jadis enfouies sous un tumulus. Ces der- niers tombeaux ressemblent tout à fait à nos dolmens de France et sont au moins aussi variés.

Le mobilier funéraire a, dans le Portugal, un aspect tout à fait spécial. Les instruments, les armes, les parures, tes poteries appar- tiennent à une civilisation relativement avancée.

Au milieu des haches et des flèches en pierre du plus beau travail apparaissent de très-bonne heure quelques objets en métal, cuivre ou bronze. Les objets isolés de l'âge du bronze ne sont pas rares, mais on n'a pas encore découvert de gisement bien authentique et instructif de celte période.

C'est à une époque plus récente qu'il convient de rattacher ces sépultures du sud du Portugal avec leurs inscriptions prétendues ibé- riennes, et ces grandes villes dont les ruines couronnent les monta- gnes au nord de Braga.

Ces ciiant(U, en partie antérieures à toute influence romaine, ont été fouillées à grands frais, et préoccupent vivÇRient la critique allemande.

M. Cartailhac, en donnant ces renseignefrients, fait passer sous les yeux de l'Académie de nombreuses photographies et près de quatre- vingts planches de dessins inédits.

M. le Président, au nom de l'Académie, remercie M. Cartailhac de cette communication, qui sera sans doute publiée prochainement avec tous les détails qui en feront mieux apprécier l'importance.

L'ordre du jour indique l'élection d'un associé ordinaire dans la classe des inscriptions et belles-lettres.

M. Rozy, au nom de cette classe spécialement convoquée pour exa- miner les titres des candidats, dit qu'un seul s'est présenté, M. Albert Villeneuve, ancien conseiller à la Cour d'appel de Toulouse. Il énu- mère ses divers titres, analyse quelques-uns de ses ouvrages et conclut à son admission.

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SÉANCE DE FÉVRIER. 1 85

MM. Brassinne et Molinier appuient ces conclusions.

Il est ensuite procédé au scrutin, dont le dépouillement donne au candidat le nombre de suffrages exigé parles statuts. En conséquence, M. le Président proclame M. Villeneuve associé ordinaire dans la classe des inscription^ et belles-lettres, en remplacement de M. Dubor, décédé.

M. CoMPAYRÉ, appelé par Tordre du travail, est absent. Il a quitté 24 février, depuis quelques jours la résidence de Toulouse pour habiter Fontenay- aux-Roses, près Paris, il est chargé provisoirement d'un cours de pédagogie à l'École normale des institutrices nouvellement créée.

M. Rozy présente quelques considérations sur l'importance actuelle des études géographiques et sur l'intérêt de plus en plus vif qu'on y

, attache, parce qu'on en sent de plus en plus l'utilité. Il demande si l'Académie ne jugerait pas bon d'établir une section spéciale de géo- graphie dans la classe des inscriptions et belles-lettres, comme on le fait dans d'autres Académies.

Une conversation s'engage à ce sujet. Il en résulte que la création de cette section spéciale ne parait pas nécessaire à la plupart des membres présents, surtout par la raison que, si un candidat spécia- lement adonné aux études géographiques se présente, il trouvera sa place dans toute la classe des inscriptions et belles-lettres.

La suite de l'ordre du jour indique l'élection d'un associé corres- pondant.

M. le Secrétaire perpétuel rappelle les titres de M. Ulysse Chevalier, chanoine honoraire à Romans, auteur d'un grand nombre d'ouvrages dont il a récemment envoyé les principaux à l'Académie et qui se font remarquer par une profonde érudition, très-rare partout, surtout en province et dans une aussi petite ville que Romans. Il propose d'ac- cueillir favorablement la demande de correspondant faite par M. Che- valier.

L'Académie, consultée par la voie du scrutin, donne au candidat le nombre de suffrages exigé par les statuts.

En conséquence, M. le Président proclame M. Ulysse Chevalier membre correspondant de l'Académie.

M. le Président souhaite la bienvenue à M. Villeneuve, nouvellement 3 mars, élu et qui assiste à la séance.

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186 BULLETIN DES TfeÂTADX DE L* ACADÉMIE.

H. Villeneuve répond en remerciant l'Académie de l'honneur qu'elle lui a fait en l'admettant dans son sein.

A l'occasion d'un article inséré dans le Bulletin de l'Académie de Médecine de Paris sur la trichine et la trichinose, une conversation s'engage, à laquelle prennent part MM. Armieux, Barthélémy, Joly, Baillet et Brassinne.

L'ordre du jour appelle les lectures de MM. de Planet et Vaïsse- Cibiel. M. de Planet a demandé que son tour soit renvoyé à un autre jour. M. Vaîsse-Cibiel s'est excusé sur l'état de sa santé, qui continue de l'empêcher d'assister aux séances de l'Académie

M. DuMÉRiL entretient l'Académie d'un travail qu'il avait entre- pris sur Tacite et somiêcle.

La suite de l'ordre du jour appelle la décision, de l'Académie sur la proposition prise en considération de déclarer une place vacante, dans la classe des sciences, section de physique et astronomie.

Un membre demande que cette place ne soit pas déclarée \acante et qu'on la considère comme étant toujours occupée par M. Tisserand.

Il est répondu que M. Tisserand, qui a quitté la résidence de Tou- louse depuis plus d'un an, a déjà été nommé correspondant, sur sa demande, conformément à l'article 9 des statuts.

La place est déclarée vacante.

M. le Président propose de fixer l'élection au 24 du présent mois.

Un membre trouve que cette date n'est pas assez éloignée pour donner aux candidats le temps d'écrire un travail nouveau que chacun d'eux doit présenter à l'appui de sa candidature.

Il est répondu que la présentation d'un tel travail nouvellement écrit n'est pas nécessaire ; les statuts et règlements exigeant seule- ment que le candidat fournisse un de ses travaux quelconque et qu'il ail donné quelques preuves de ses talents dans les sciences ou dans l'histoire et la litlérature. (Art. 7 des statuts et 48 des règlements.)

La date du 24 mars est adoptée pour le jour de l'élection. L'annonce en sera faite dans les journaux, avec l'avis que les candidats doivent adresser leur detnande et les titres à l'appui avant le lundi 21.

IL le Président met en délibération la question de la formation de la Commission qui sera chargée d'examiner d'abord les titres des can- didats et d'en faire un rapport à l'Académie, les statuts et règlements étant muets sur œ point et l'usage n'étant pas fixe.

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SÉANCE DE MàBS. 1&7

On décide que la Commission sera formée de tous les membres des trois subdivisions de la première section de la classe des sciences ; savoir : physique et astronomie, mathématiques pures et mathéma- tiques appliquées. Les membres du bureau feront partie de cette commission, conformément à l'article 4 des règlements.

M. Forestier, désigné par Tordre du travail, présente à l'Académie <o mars, un mémoire sur Y équation au carré des différences. Newton et Wa- ring avaient signalé depuis longtemps l'importance de cette équation, pour la séparation des racines, lorsque Lagrange, sans connaître l'in- dication de ses devanciers, en a fait la base de sa méthode. Jusqu'à l'époque Sturm a trouvé son immortel théorème, il n'a pas existé d'autre théorie. L'idée de Sturm, si admirable comme conception théorique, se prête difficilement à la pratique, à cause de la longueur des calculs des polynômes nécessaires à son application.

Si l'on pouvait trouver facilement l'équation au carré des différen- ces, la méthode de Lagrange présenterait des avantages pratiques. C'est ce qu'a cherché à faire M. Forestier pour l'équation du qua- trième degré, en donnant l'équation au carré des différences pour l'équation complète de ce degré. Les résultats, fort complexes, se sim- plifient énormément dans l'hypothèse habituelle le second terme manque, et dans ce cas, la formule générale donne rapidement le résultat.

Les calculs de M. Forestier reposent sur la théorie des fonctions symétriques et sur l'équation différentielle, à laquelle doit satisfaire toute fonction de la différence des racines d'une équation. (Sera im- primé plus tard.)

M. Brunhes présente quelques observations sur l'importance du travail de M. Forestier.

M. DuMÉRiL lit l'étude sur Tacite et son siècle, dont il avait en- tretenu l'Académie dans la dernière séance.

MM. Lallier et Catien- Arnoult prennent successivement la parole sur le sujet traité par M. Duméril.

M. Hallberg dit qu'il est chargé d'annoncer officieusement à l'Académie qu'une Société d'Espagnols résidant à Toulouse se pro- pose d'y organiser une fête pour célébrer, comme à Madrid, dans le courant du mois prochain, le centenaire de Calderon; il est chargé de

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188 BULLETIN DES TRAYAUX DE L* ACADÉMIE.

l'informer au mêrae litre si l'Académie, invitée à cette fête, voudrait y prendre part.

La majorité des membres présents se montre disposée à faire une réponse affirmative. On en délibérera quand l'invitation officielle aura été reçue.

î4 maire. M. MoLiNiER, appelé par l'ordre du travail, communique des aperçus

sur un rapport de l'Académie royale de l'histoire, siégeant à Madrid, adressé par elle au gouvernement et 5:ur sa demande à l'occasion d'une prétendue découverte récente des restes de Christophe Colomb, qui aurait été faite dans le sanctuaire de la cathédrale de Santo-Domingo, dans l'île de Haïti.

Après quelques considérations sur les grandes découvertes faites pendant la seconde moitié du quinzième siècle, le lecteur s'attache à Christophe Colomb et retrace la grande figure de celui qui ouvrit, à cette époque, les portes d'un nouveau monde. Il rappelle que l'histoire de ce grand navigateur a, de nos jours, été l'objet des remarquables travaux de Washington-Irving, de Prescolt, d'Alexandre de Hum- boldt. En France, M. le comte Roselly de Lorgnes nous a donné une histoire très-complète de Christophe Colomb, qui, sans doute, retrace les faits avec une érudition sûre, mais dans laquelle le savant et intré- pide navigateur apparaît avec une teinte de mysticisme très-accentué^ qui fait voir en lui un saint et qui laisse peut-être trop dans l'ombre le savant cosmographe et l'habile marin. Ce qu'a en vue M. Roselly de Lorgnes, c'est la béatification de Christophe Colomb, dont il était question à l'époque de la publication de son livre, et qui depuis paraît avoir été ajournée à raison de quelques difficultés de forme ou au- tres.

Il pouvait importer, en présence de ces faits, d'avoir des notions certaines sur le lieu sont conservés les restes de Christophe Colomb. Des doutes se sont produits, de nos jours, à ce sujet, et l'Académie de l'histoire, de Madrid, est intervenue pour porter la lumière sur ce point.

M. Molinier rappelle comment Christophe Colomb, délaissé par la cour d'Espagne après son retour d'un quatrième et dernier voyage dans les pays qu'il avait découverts, mourut à Valladolid, dans une auberçe, en 4506. Les restes de ce grand homme furent alors déposés dans un caveau du couvent des Franciscains de l'Observance, qui l'avaient assisté dans ses derniers moments.

Sept ans après, ces restes furent transportés à Séville, de grands

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SÉANCE DB MARS. 189

honneurs leur furent rendus, et fuient déposés dans la retraite âes Chartreux de Sainte-Marie-des-Grottes, avec ceux de son fils, Diego Colomb.

Plus tard, à suite d'un désir qu'avait exprimé l'illustre défunt, et en vertu d'une autorisation délivrée par Charles-Quint, ces restes, de nouveau exhumés, furent transportés avec ceux de son (ils, à travers les mer3, dans l'ile espagnole, à,Santo-Domingo, ils furent déposés dans le sanctuaire de la cathédrale, à la gauche du maître-autel, dans- un caveau. Les restes de Diego Colomb auraient été placés à la droite.

Plus de deux siècles après, un de nos compatriotes, M. Moreau de Saûnt-Méry, en visitant en 1783 la partie espagnole de Saint-Domin- gue, cherchait en vain, dans la cathédrale de Santo-Domingo, l'endroit reposaient les restes du grand navigateur, qu'aucune inscription, qu'aucune pierre tumulaire n'indiquaient et qu'il ne put connaître qu'à l'aide des documents qui, sur sa demande, furent recueillis et lui furent communiqués par les autorités placées à la tète de la colonie.

A* suite des événements qui s'accomplirent à la fin du dix-huitième siècle, un traité de paix intervint à Bâle, le 12 juin 1795, entre la France et l'Espagne, qui nous céda ses possessions dans l'île de Saint- Domingue.

En nous abandonnant cette colonie, les nègres venaient de s'af- franchir de l'esclavage et que nous devions tenter en vain de récon- quérir, les Espagnols obtinrent que les restes de Christophe Colomb leur seraient livrés pour être transportés à la Havane. M. Molinier analyse un procès- verbal, en date du 25 décembre 1795, qui constate l'état dans lequel ces restes, qui ne consistaient que dans quelques fragments d'ossements et de l^ poussière, auraient été trouvés lors de leur exhumation faite en présence des autorités. Ils furent placés dans un navire et transférés à la Havane, on les déposa dans le sanc- tuaire de la cathédrale, dans un lieu, à la gauche du maître-autel, une inscription latine les signale aux visiteurs.

Tous les biographes de Christophe-Colomb désignent ce lieu de la grande île qu'il avait découverte comme étant celui reposent ses restes ; mais un récent événement devait venir soulever siir ce point des doutes.

A suite de la pensée qui avait été émise de canoniser Christophe Colomb^ il fut dit, au sein de la République dominicaine, que les res- tes du grand homme n'étaient pas ceux qui avaient été exhumés en 1795, et qu'ils reposaient encore dans le lieu de la cathédrale ils avaient été placés.

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190 BULLETIN DBS TRATAUX DB l'âCâDÈMU.

En septembre 1877, Tévêque D. Roque Chocchia, délégué du Saînt- Siége à la République dominicaine, ayant fait faire des travaux au sanctuaire de sa cathédrale, voulut qu'on ouvrît le caveau dans lequel les restes de Christophe Colomb avaient été déposés. On y trouva une caisse de plomb dans laquelle étaient de nombreux fragments d'osse- ments humains ; sur le couvercle de la caisse, à l'une des surfaces, étaient des initiales en lettres gothiques exprimant ces mots : Descu- ' bidor de la America. Sur l'autre face se voyait aussi une inscription qui portait : Illustre y esclarecido varon don Christoval Colon.

Cette précieuse découverte fut annoncée par le son des cloches et par le bruit du canon. Un procès-verbal, portant les signatures et les sceaux de toutes les autorités présentes, fut dressé pour constater ce qui avait été fait.

Cependant, on émît, en Espagne, des doutes sur ce que semblait démontrer la découverte faite à Santo-Domingo. Une polémique très- vive s'établit à ce sujet dans les journaux dominicains, américains, espagnols et anglais.

Par ordre du Roi Alphonse XII, l'Académie de l'histoire de Madrid fut chargée d'émettre un avis sur cette prétendue découverte. C'est à suite de cet ordre que cette savante Société, à laquelle toutes les pièces et documents pouvant l'éclairer avaient été remis, a exprimé son opinion dans un rapport, dont l'un de ses membres, M. Manuel Comeiro, a été le rédacteur. Ce rapport, avec les pièces afférentes à la question, a été publié par le gouvernement, à Madrid, en 1879.

La docte Académie, par des motifs que M. Molinier indique et ap- précie, estime que les véritables restes de Christophe Colomb sont bien ceux qui ont été transportés à la Havane en 1795. Aucune foi ne devrait être ajoutée à la prétendue découverte de 1877. L'inscription en lettres gothiques signalant les restes de celui qui aurait découvert V Amérique attesterait une fraude manifestée par un grossier anachro- nisme. Le nouveau monde a toujours reçu, en Espagne, la dénomina- tion de las Indias, suivant les idées de Christophe Colomb, qui crut constamment avoir abordé dans les parages des Indes, au levant du continent asiatique.

Quel que soit le lieu repose la poussière de Christophe Colomb, sa mémoire, à laquelle se rattache un immense événement, sera impé- rissable. Sa patrie vient de lui élever, sur une des places de Gênes, un monument grandiose, entouré de personnages allégoriques, au-dessus desquels s'élève la statue majestueuse de l'illustre et intrépide navi- gateur, qui osa s'élancer au sein des mers inconnues, et qui, par la

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SÉANCE DE MARS. . 494

puissance de sa volonté, procura à l'Europe l'accès d'un (continent nouveau.

MM. Duméril et Brassinne prennent successivement la parole sur le sujet traité par M. Molinier.

M. RozY, appelé par Tordre du travail, lit un mémoire intitulé : 24 mars. Doléances et vcmx émis en 4789, par les sénéchatusia du Languedoc , convoquées à propos des élections pour les États-Généraux, relative- ment à r organisation du pouvoir judiciaire.

Le problème de la constitution de la magistrature constitue Tune des préoccupations actuelles, et M. Rozy a pensé que Ton pouvait emprunter des lumières, pour sa solution, aux cahiers rédigés en 4789 dans notre grande province de Languedoc et par ses douze sénéchaus- sées. Le problème est complexe et doit être envisagé sous quatre as- pects différents :

Par quel pouvoir, dans quelles conditions et sous quelles garan- ties doivent être faites les nominations des magistrats?

2** Quelle sera, quant à la durée, l'étendue de ces fonctions une fois conquises ?

Les tribunaux doivent-ils être nombreux, ou, au contraire, assez disséminés dans un pays?

i^ Quelle doit être la mesure de leur compétence, ratione loci ou ratione materiœ, et par quel pouvoir doit-elle être fixée : la loi ou l'ordonnance ?

C'est sous cette quadruple di vison que M. Rozy a classé tous les renseignements de détails, qu'il a surtout puisés dans le volume XIV de la continuation deY Histoire de Languedoc, par M. Roschach.

L'étude de ces documents rectifie bien des erreurs. Ainsi, il faut se garder de croire, comme on le pense généralement, que ce fût une idée fort répandue que celle de la nomination des juges par les justi- ciables. En général, au contraire, les cahiers demandent que la nomination soit faite par le chef du pouvoir exécutif. Mais ce qu'il y a de très-piquant, c'est de constater que le tiers-état de Montpellier voulait que les candidats à la magistrature subissent un examen préalable, et celui de Villeneuve-de-Berg demandait même un con- cours entre les candidats. Nous n'avons pas encore obtenu ces réformes.

En général, aussi, l'on désire l'inamovibilité pour les magistrats, même pour les postulants dans la justice inférieure, à peu près l'é- quivalent de nos juges de paix. Seulement, la cause de l'inamovibilité

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492 BULLETIN DES TRAVAUX DE l' ACADÉMIE.

est quelquefois plaidée à l'aide de mauvaises raisons. Le clergé de Carcassonne veut rinamovibilité dans son intérêt à lui, pour être mieux protégé : il le dit naïvement.

Un cri unanime, par exemple, est poussé pour que le juge soit assez rapproché du justiciable et que les tribunaux, par conséquent, soient nombreux et accessibles.

Enfin, Ton émettait le vœu que la compétence réelk ou hcale des magistratures ne fût modifiée que par des lois.

Ces détails historiques donnés, M. Rozy formule quelques conclu- sions.

Le magistrat, qui représente ce qu'il y a de plus élevé au monde, le principe de la justice absolue, doit avoir des qualités spéciales de science, de probité morale et intellectuelle. Il faut donc un concours à l'entrée dans la carrière.

Le magistrat doit vivre dans une atmosphère de calme, placée au- dessus de toutes les passions ; il doit avoir la sécurité de la vie. Par conséquent, jamais de nomination du juge par le justiciable^ et, au contraire, la garantie de l'inamovibilité.

MM. Duméril et Gatien-Àrnoult prennent successivement la parole sur le sujet traité par M. Rozy.

M. Brassinne fait un rapport, au nom de la commission chargée d'examiner les titres de MM. Baillaud et David, candidats à la place vacante dans la classe des sciences, section de physique et astronomie. Il conclut en disant que les travaux de M. David étant du domaine des mathématiques pures, il y a lieu de réserver sa candidature pour la plus prochaine place vacante dans cette section, et propose d'ac- cueillir favorablement la demande de M. Baillaud.

Le dépouillement du scrutin ayant donné à M. Baillaud le nombre de. suffrages exigé par les règlements, M. le Président le proclame, associé ordinaire de l'Académie, en remplacement de M. Tisserand.

M. le Secrétaire perpétuel propose ensuite de déclarer la vacance dans la classe des sciences, section des mathématiques pures, de la place précédemroent occupée par M. Endrès, qui, sur sa demande, a été nommé correspondant.

Cette proposition est prise en considération. Les membres de l'Aca- démie en seront informés par lettre spéciale, conformément aux Statuts.

84 mars. M. Clos, appelé par l'ordre du travail, communique le résultat de

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SÉANCK DE MAHS. 193

ses Recherches sur ceriains organes déplantes aquatiqtusy au sujet desquels la science n'est point encore fixée.

La première partie est destinée à démontrer, contrairement à l'opinion admise, qu'il existe quelques plantes des lieux inondés, chez desquelles les feuilles passent graduellement à l'état de vraies racines. M. Clos met sous les yeux de ^es confrères des pieds desséchés et des figures de deux espèces de Limnophila, scrophularinées des rivières de rinde (les Limnophila racemosa et polystachya), la partie hors de l'eau montre la tige des feuilles normales opposées ou verticillées par trois, tandis qu'au premier nœud immergé elles sont remplacées par un cercle d'organes plus étroits et non plus seulement dentés^ mais profondément découpés. Ces modifications s'accentuent plus encore aux nœuds sous-jacents, et bientôt on n'a plus que des verti- cilles de racines; ces organes intermédiaires entre celle-ci et les feuilles pourraient être désignés par le mot phyllorhizes, indiquant leur double nature.

Dans la seconde partie de son travail, M. Clos s'occupe de la signi- fication du singulier système végétatif immergé d'un grand nombre dTJtriculaires et notamment de celui des Utriculaires d'Europe. Or, ce système comprend deux parties : !<> un ensemble de ramifications par dichotomies successives, et dans lequel on a vu tour à tour ou des feuilles ou des rameaux, ou à la fois des rameaux chargés de feuilles; 2^ des vésicules ou utricules portées par ces filaments et dont la struc- ture et le rôle physiologique sont des plus curieux ; elles ont été l'objet des recherches d'un grand nombre de physiologistes étrangers, depuis Meyer jusqu'à MM. Warming et Pringshein, qui les ont con- sidérées comme des feuilles, des portions de feuilles, des bourgeons^ ou même comme des poils modifiés. M. Clos n'hésite pas à rapporter le réseau des filaments aux phyllorhizes, et, quant aux utricules, elles représentent aussi des organes spéciaux en dehors de la feuille et du bourgeon. En effet, il suffit de se rappeler que, d'après les observa- tions concordantes de Grissilh et de M. Dalhon Hooker, les urnes, plus étranges encore des Nepenthes, tirent leur origine d'une simple glande née près du sommet de la nervure médiane de la feuille, et conséquemment constituent des formations toutes spéciales, pour être autorisé à en rapprocher les vésicules d^s Utriculaires qui doivent faire partie de ce groupe de corps en dehors de toute signification axile ou appendiculaire : anthère, disques, écailles terminales des bractées chez les centaurées, fomices des Borraginées.

Il convient encore, selon M. Clos, de ranger dans cette calé-

SKRfK. TOME Tît. 1. 13

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<9i BULLETIN DES TRAVAUX DE L* ACADÉMIE.

gorie les singulièi^s vésicules blanchâtres et dressées des Jussixa, décrites par M. Charles Martins et prises par lui pour des racines d'une nature particulière.

MM. Duméril, Timbal-Lagrave et Barthélémy prennent successive- ment la parole sur le sujet traité par M. Clos.

7 avril. Le docteur Basset, appelé par Tordre du travail, lit un mémoire

sur VIncubation de la variole.

L'incubation des fièvres éruptives en général et de la variole en particulier est, dans le plus grand nombre des cas , difficile à déter- miner. Dans la transmission directe de la variole par inoculatibn , l'incubation oscillait avec des écarts les plus extrêmes entre le sixième et dixième jour. Dans la transmission diffuse par Vachai qui était pratiquée, depuis fort longtemps avant la découverte de la vaccine, chez diverses nations^ l'apparition des symptômes d'invasion avait lieu , d'après Mersh , habituellement du onzième au douzième jour, et pouvait aller jusqu'au vingt et unième pour les cas les plus retardés. D'ailleurs, il règn& à cet égard, parmi les cliniciens les plus autorisés de ce siècle, de grandes contradictions par suite de la difûculté des ob. servations exactes et de l'interprétation contradictoire des faits fournis par les statistiques. Aussi ne doit-on jamais négliger de publier les observations précises qui peuvent contribuer à l'élucider. Dans ce mémoire, le docteur Basset en donne quatre, qu'il a recueillies à diffé- rentes époques et il a pu fixer le jour, même le moment de la con- tagion. En s'appuyant sur ces observations et d'autres indiscutables le jour de l'inoculation peut être nettement fixé, il conclut :

1" Que la période d'incubation dans la variole par transmission diffuse a une durée qui oscille entre le onzième et le quinzième jour.

Les différences qui existent dans la durée de cette période tiennent principalement aux conditions organiques déterminées par l'âge, le sexe, le tempérament, la constitution, les idiosyncrasies, les habitudes, l'hérédité, les races, les conditions morales, les dia thèses, divers états pathologiques et l'influence des conditions ambiantes ou des circumfusa, et, pour une part 5ans doute fort restreinte, à l'acti- vité du coulage et à la quantité absorbée du virus ; car. en général, le poison est un et la réceptivité est multiple, comme l'individu.

L'incubation paraît être plus courte dans les varioles confluentes que dans les varioles d iscrètes ou les variololdes.

Enfin, en temps d'épidémie et lorsque les malades séjournent après la contagion dans un foyer varioleux , l'incubation paraît aussi

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SÉANCE DB MARS. 195

plus courte que pour les cas isolés sporadiques, ou si les sujets s'éloi- gnent de ces foyers.

En présence des ravages incessants d'un poison pandémique comme le virus varioleux , il est nécessaire, même avec les vaccinations et les revaccinations libres ou obligatoires, d'avoir tous les moyens possibles de prophylaxie à mettre en usage contre un ennemi aussi redoutable.

L'isolement des varioleux dans les agglomérations d'individus qui vivent en communauté, dans les pensionnats, dans les collèges, le& couvents et surtout les établissements hospitaliers, doit être rigoureu- sement pratiquée ; non pas un isolement mensonger et factice comme celui qui est encore en usage dans les hôpitaux de Paris et de pro- vince, mais un isolement réel et efficace. Et cet isolement réel, pour empêcher les cas sporadiques de variole de se propager dans l'établis- sement ou au dehors et de devenir ainsi le point de départ d'une épidémie plus ou moins grave, doit être basé sur la connaissance de la durée de la période d'incubation.

M. le Secrétaire perpétuel donne lecture de la liste des ouvrages, mémoires et objets divers, envoyés à l'Académie pour les concours du grand prix et de la médaille d*or et pour les médailles d'encouragé* ment à décerner en 1881 ; il propose la liste de MM. les Ck)mmi8saires chargés de faire un rapport sur ces différents envois.

L'Académie ratifie les choix proposés.

M. Joly communique à l'Académie un travail intitulé : Études nouvelles sur les matières organiques et organisées contenues dans les eaux thermales sulfurées pyrénéennes, notamment sur la sulfuraire.

Dès l'année 1823, Lonchamp signalait dans les eaux thermales sulfureuses de Baréges, Gauterets , Saint-Sauveur, etc., une matière organique azotée, qui donne à ces eaux l'onctuosité et pour ainsi dire le velouté particulier qui les distinguent. Il la nommait barégine.

Quatre ans plus tard, le professeur Anglada étudiait cette même substance et la désignait sous le nom plus convenable et plus généra- lement adopté de glairine, à raison de sa ressemblance à des glaires ou blancs d'œufs flottant dans l'eau.

Depuis cette époque, bon nombre de chimistes, médecins ou natu- ralistes se sont occupés de la glairine ou barégine, mais ils sont loin de s'accorder sur la nature et l'origine de la matière dont i) s'agit.

A son tour, M. Joly s'est livré à de nouvelles recherches sur cette

BÈRIU. TOMB m, 1. 13*

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196 BULLETIN DBS TtUVAUX DE L*àCADÉMIB.

même matière qu'il considère comme étant très-complexe dans sa structure et sa composition, et, après des observations et des expé- riences patiemment et attentivement suivies pendant plusieurs années consécutives, il croit pouvoir formuler les conclusions qui suivent.

Les eaux thermales sulfureuses des Pyrénées contiennent :

Une matière organique azotée à l'état de dissolution : c'est la sulfurose du docteur Lambron ;

2** Une substance identique à la première, mais que le contact de l'air et lo refroidissement de l'eau elle se trouve dissoute précipite en une matière onctueuse, amorphe , mêlée souvent à une forte pro- portion de silice en gelée. On pourra, si l'on veut, l'appeler sulfurose concrète^ ou simplement sulfurine (Lambron) ;

3<» Cette même matière concrète, mélangée à des particules miné- rales, à des matières organiques plus ou moins incorporées h sa substance , et à des êtres organisés qui s'y implantent ou s'en nour- rissent,

Au nombre de ces productions organisées (infusoires poligastri- ques ou ciliés, anguillules, helminthes, conferves, protococcus (i\ oscillariées) tlgure surtout la sulfuraire de Fontan, blanche ou verte, vivante ou morte, dont les débris, ordinairement mêlés à ceux des autres substances qui viennent d'être signalées, contribuent, pour une forte part, à donner à la matière glairineuse des eaux thermales pyré- néennes les divers aspects sous lesquels elle s'offre à l'observation.

Cette matière complexe, ainsi composée, n'est rien autre chose que la barégine de Lonchamp , la glairine d'Ânglada, la pyrénéine du docteur Fontan.

Malgré le nom que lui ont donné Agard [Conferva vitrea) et la plupart des naturalistes qui l'ont suivi , la sulfuraire n'est point une conferve, mais bien une oscillaire [Oscillatoria vitrea, N. Joly), dont l'auteur de ce mémoire affirme avoir vu maintes fois et très-distincte- ment les mouvements variés et, selon lui, autonomiques.

Par conséquent, si, comme le dit M. Is. Geoffroy-Saint-Hilaire, la locomotion, surtout la locomotion totale, ce est la plus haute ex- « pression de l'animalité », la sulfuraire doit être rangée dans le Règne animal, ou, tout au moins, elle se place d'elle-même à la limite si peu tranchée et encore si mal définie des deux liègnes organiques.

(1) U. Joly dit avoir vu« dans U barégioe recueillie par lui à Barzun, le Protoeocetu nivalUt qui colore en rouge les neiges éternelles de certains sommets pyrénéens, et au sujet duquel M. le docteur A rmieux a publié dans les M4m)irei do TAcadémie des sciences de Toulouse v<S7a; une étu le pleine d'intérêt.

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AUDITION k U SÉANCE DE DÉCEMBRE. i97

M. le Président annonce que TAcadémie va prendre ses vacances de Pâques, et que la séance do rentrée aura lieu le jeudi 28 avril.

Addition au bulletin de la séance du i6 décembre 1880, page 172.

Note de M. le docteur Armieux sur la découverte* de M. Toussaint, relative au vaccin du charbon :

« Il est de notre devoir de signaler à T Académie les découvertes scien- tifiques qui ont lieu dans notre ré^on et, en quelque sorte, sous nos yeux. A ce compte, nous devons une mention toute spéciale aux belles expériences de M. le docteur Toussaint, professeur de physiologie à rÉcole vétérinaire et à l'École de médecine de Toulouse. Ces expé- riences ont eu un grand retentissement et ont placé notre sympathi- que confrère au rang des Claude Bernard, des Davaine, des Chauveau et des Pasteur. C'est dans la voie ouverte et suivie si brillamment par ce dernier que M. Toussaint est arrivé à des résultats qui corroborent en partie ceux obtenus par son illustre modèle. On ne peut douter que celle voie ne soit très-féconde pour résoudre les problèmes de la palhogénie et de la prophylaxie des maladies infectieuses. La médecine et l'humanité seront donc redevables de grands bienfaits à des hommes qui, sans être précisément des médecins, auront cependant éclairé d'un jour nouveau les secrets les plus ténébreux de la pathologie hu- maine.

« La science vétérinaire a fait d'ijBgienees progrès depuis un certain nombre d'années, et les laboratoire^es trois Écoles de Paris, de Lyon et de Toulouse sont comme trois foyers qui activent et fécondent les idées nouvelles. A vrai dire, il n'y a qu'une médecine et qu'une science, parce qu'il n'y a qu'un organisme et qu'il existe une grande similitude entre les phénomènes physiologiques normaux et déviés étudiés dans l'échelle entière des êtres vivants. Les vétérinaires sont mieux placés que les médecins pour expérimenter ; ils sont plus avancés aussi en pathologie comparée ; enûn, ils sont mieux outillés, et les laboratoires de leurs écoles sont pourvus et dotés comme ne le sont pas malheu- reusement les Écoles et les Facultés de médecine, M. Toussaint étudie depuis longtemps la maladie charbonneuse. Déjà, l'an dernier, il publiait un volume de recherches expérimentales faites à Lyon et à

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198 BULLETIN DES TRAVAUX DE l'aCADÉMIE.

Toulouse, et qui Fui ont valu le prix Briant décerné par l'Institut de France.

a Entre autres choses, M. Toussaint démontre dans ce livre que ce qu'on a nommé improprement incubation dans les maladies virulentes ou infectieuses, c'est le temps que mettent les bactéries pour se mul- tiplier, au point de devenir nocives et de provoquer les symptômes caractéristiques de la maladie. Suivant les circonstances variables de réceptivité, de nombre ingéré, de milieu favorable ou de nocuité pri- mitive, le résultat est plus ou moins rapide et l'incubation plus ou moins longue. C'est en cultivant ces microbes, en étudiant leiir multi- plication dans des milieux artificiels, en établissant les conditions qui leur sont favorables ou nuisibles, que M. Pasteur est arrivé à en faire l'histoire naturelle, la biologie et à démontrer les phénomènes morbi- des qu'ils occasionnent une fois introduits dans l'économie animale. Pour le choléra des poules, M, Pasteur est arrivé à trouver le vaccin de cette maladie et à mettre, par certains procédés d'inoculation, les volailles à l'abri d'infections nouvelles. Le vaccin du choléra des bas- ses-cours n'est pas autre chose que le virus infectieux lui-même, con- servé plus ou moins longtemps et exposé à l'action de l'air pour affai- blir et éteindre la virulence du liquide, ou plutôt des microbes spéci- fiques. M. Pasteur explique l'immunité acquise par la vaccination en ce que le microbe a supprimé de l'économie des matériaux ou des principes que les phénomènes vitaux sont incapables de reconstituer, ou qu'ils ne peuvent renouveler qu'avec le temps, et dont l'absence empêche le développement à nouveau du petit organisme. Pour M. Davaine, le résultat de l'inoculation est de rendre les semences pro- prement dites stériles et stérilisantes, soit par soustraction des subs- tances nécessaires à la prolfféraUpn bactéridienne, soit, plutôt, par addition de matières nuisibles à celte proliféra^tion.

« M. Davaine a enseigné depuis longtemps que le remède le plus effi- cace contre les affections charbonneuses, c'est Hode employé en injec- tions hypodermiques. Plusieurs faits cliniques sont venus à l'appui de cette idée, et dernièrement encore, M. le docteur Chipault, d'Orléans, publiait plusieurs cas de maladies charbonneuses chez l'homme, trai- tés et guéris par l'emploi des injections sous-cutanées d'iode en solu- tion.

a M. Chauveau va plus loin : il inocule les brebis dans les derniers mois de la gestation, et rend leurs agneaux réfractaires au chai bon.

« Enfin, M. Pasteur vient de découvrir que le charbon se propage souvent par l'intermédiaire des lombrics ou vers de terre, qui charrient

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ADDITION A LA SÉANCE DE DÉCEMBRE. 199

les germes virulents déposés au sein de la terre par les cadavres enfouis des animaux morts du charbon, en imprègnent les Rerbes de la surface , lesquelles communiquent la maladie aux ruminants qui s'en repaissent.

« M. Toussaint, lui, a trouvé le vaccin du charbon, et c'est le ré- sultat capital et pratique de ses recherches qui lui vaut déjà une juste renommée. Lorsque, le 15 juillet, M. Joulin entretenait l'Académie de la découverte de M. Toussaint, son procédé de préservation n'était pas publié; il était déposé, sous pli cacheté, à l'Académie des sciences de Paris. Aujourd'hui, M. Toussaint l'a fait connaître au monde savant, et le moment est venu d'apprécier le mérite d'une découverte qui honore nos Écoles et notre ville. Je n'entrerai pas dans le détail des expériences nombreuses auxquelles s'est livré notre distingué con- frère. Elles peuvent se résumer ainsi :

« M. Toussaint défibrine le sang charbonneux par le battage ; il le chauffe à une température de BS**» qui tue la plus grande partie des bactéridies; puis il filtre ce liquide, qui est devenu inapte à transmet- tre la maladie, mais qui, inoculé à des animaux, les met à l'abri du charbon, même inoculé expérimentalement. Ce résultat vaccinal, con- testé d'abord, a été confirmé par de nombreuses expériences répétées à Paris, à Lyon et à Toulouse ; il est aujourd'hui démontré et accepté par tous. On peut l'interpréter diversement : M. Toussaint croit que la température de 55<» tue les bactéridies, et que c'est le sérum du sang, d'où ces microbes ont disparu, qui a acquis une vertu préserva- trice. Pour M. Bouley, qui s'est fait le chaleureux promoteur des découvertes de M. Toussaint, les bactéridies ne seraient pas tuées par la chaleur de 55<>, mais leur activité serait seulement ralentie, et elles communiqueraient aux animaux inoculés une maladie atténuée, un charbon bénin, qui les préserverait à l'avenir du charbon qui tue.

ce En résumé, le charbon ou sang de rate est une maladie virulente, parasitaire, inoculable, vaçcinable et non susceptible de récidive dans le cas de guérison, absolument comme le choléra des basses-cours. Ces faits sont acquis à la science, malgré les protestations de quelques- uns, parmi lesquels il faut compter M. Jules Guérin, qui avait promis de réduire à néant les théories nouvelles et qui n'a rien prouvé contre elles jusqu'à présent.

« Qui ne voit dans ces belles expériences l'analogie frappante qui existe entre elles et l'immortelle découverte de Jenner, dont les tra- vaux récents donneront certainement une explication scientifique, tandis qu'on n'en a fait, jusqu'à ce jour, qu*une application bienfai- sante, mais empirique.

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200 BULLETIN DES TBAYAUX DE l' ACADÉMIE.

(( On ne peut contester qu'il n'y ait dans le mouvement que je viens d'indiquer une ère nouvelle pour la science médicale ; ère fé- conde en explications plausibles de la genèse des maladies les plus mystérieuses et en mesures prophylactiques, destinées à préserver l'humanité des fléaux qui la déciment périodiquement.

« J'ai pensé que l'Académie devait cet hommage mérité à l'établis- sement qui voit naître de tels travaux et au jeune eavant qui s'y con- sacre avec tant de zèle et de succès. »

Résumé de ce qui a été dit par M. Baille t après la lecture de la note ci-dessus,

M. Baillet dit qu'il est indubitable pour lui qne les bactéridies constituent l'élément virulent du sang charbonneux. Il a fait, en 4868 et 1869, des expériences dont les résultats ont été publiés en 4870, et qui ne lui laissent aucun doute à cet égard. Dans ces expérience?, divers animaux (lapins ou moutons) ont été inoculés du charbon. Chez tous ces animaux, quelques heures après l'inoculation, on a tiré une première fois de petites quantités de sang, et l'on a ensuite conti- nué à agir de même à des intervalles assez rapprochés, jusqu'au mo- ment où ils ont succombé. Le sang a été examiné avec soin chaque fois au microscope, et inoculé à des sujets parfaitement sains.

Chez les animaux inoculés avec du sang dans lequel les bactéridies n'avaient point encore apparu, toutes les inoculations , sans aucune exception, ont été infructueuses. Quant à ceux qui ont été inoculés avec du sang les bactéridies avaient apparu et étaient plus ou moins nombreuses, on a pu observer que tantôt le charbon s'est dé- claré et a été mortel, et que tantôt, au contraire, les animaux ont survécu après avoir éprouvé quelquefois dans leur santé des troubles assez légers.

M. Baillet en a conclu que le sang qui contient des bactéridies est seul charbonneux. Mais de ses expériences et de ses observations découle une autre conséquence qui est importante au point de vue de la question soumise à l'Académie.

' Tous les animaux exposés à subir l'influence des causes suscepti- bles de faire naître le charbon ne prennent pas nécessairement la maladie. M. Baillet, envoyé à deux reprises différentes dans la haute Auvergne pour y étudier le charbon, que l'on connaît dans le pays sous le nom de mal de montagne, a observé, de concert avec M. Maret,

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ADDITION k LA SÉANCE DE DÉCEMBRE. 201

vétérinaire à Allanches, que toutes les vaches, ou presque toutes les vaches que l'on met, à la belle saison, dans les pâturages réputés dangereux éprouvent du malaise, et sont même plus ou moins mala- des. Le plus ordinairement le plus grand nombre de ces bêtes se remettent après quelques jours, et s'engraissent peu à peu. Quelques- unes cependant restent malades et sont isolées. Parmi ces dernières, il en est encore qui reviennent à la santé; puis il en est d'autres, en plus ou moins grand nombre, dont l'état s'aggrave brusquement et qui succombent au charbon.

Dans les expéiiences qu'a faites M. Baillet, des faits analogues se sont produits. Parmi les animaux inoculés avec du sang contenant des bactéridies, il en est qui ont succombé et d'autres qui ont résisté. En général, dans ces expériences, presque tous les lapins ont suc- combé, mais la moitié au moins des moutons a résisté, et l'on n'a point obtenu de résultats chez le petit nombre de bêles bovines, de chevaux et de porcs que l'on a inoculés. Seulement la plupart de ces animaux qui ont résisté ont éprouvé, comme ceux des pâturages, du malaise caractérisé par de la tristesse et de l'inappétence. Il est certain que, si ces animaux avant d'être inoculés du charbon avaient été de ceux auxquels Ton fait subir aujourd'hui les inoculations préven- tives, on n'aurait pas manqué de les signaler comme ayant échappé à la contagion, en raison de celte espèce de vaccination. Cela doit en- {çager les expérimentateurs à être très- réservés dans les conclusions qu'ils tirent de leurs essais. Pour qu'un procédé pût être considéré comme définitivement préventif à l'égard du charbon, il faudrait qu'il fût clairement efficace à l'égard des lapins qui ne résistent que par exception aux inoculations de cette terrible maladie. Les résultats obtenus chez les autres animaux, et particulièrement chez le mouton, ne sont pas probants, car on est toujours en droit de douter si les sujets qui résistent après avoir été vaccinés avec un virus atténué, n'auraient pas tout naturellement échappé à la contagion, par suite d'une sorte d'immunité inhérente à leur organisme. M. Pourquier a fait observer tout récemment que les moutons africains qui ne pren- nent pas le charbon sont anémiques pour la plupart. Il y aurait à voir si cet état, et peut-être d'autres qu'il y aurait à étudier, ne seraient pas souvent la cause des immunités qu'on ne peut s'expliquer. Dans tous les cas, il y a encore trop de faits incertains, en ce qui concerne les inoculations préventives, pour qu'il ne soit pas imprudent de se hâter de conclure.

On s'en laisse u.i peu imposer ici par le rapprochement que Ton

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202 BULLETIN DES TRAYAUX DE L*ACADÉMIB.

fait entre les inoculations actaelles et la vaccination, qui est réelle- ment préventive à l'égard de la variole. La vaccine et la variole sont deux maladies analogues, mais néanmoins essentiellement difîérentes. La vaccine est une maladie bénigne, et le médecin sait parfaitement qu'en l'inoculant aux enfants il ne court point le danger de provoquer la mort. La variole, au contraire, est une maladie souvent mortelle, et si à une certaine époque on a essayé de l'inoculer d'une façon pré- ventive, on y a promptement renoncé, parce qu'on a reconnu qu'on ne pouvait jamais être sûr d'avoir un virus assez bénin pour n'avoir pas à redouter une marche funeste de la maladie inoculée.

Le virus atténué du charbon que l'on préconise aujourd'hni pourrait bien être dans les mêmes conditions, car il dérive du virus charbon- neux lui-même, et il est à craindre que, suivant les prédispositioas individuelles qu'il est impossible de discerner à l'avance» il soit quel- quefois inoculé sans danger, et d'autres fois le point de départ d'une afTection mortelle.

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AVIS

Le Mémoire qui suit, par M. Bruahes, a été communiqué à rAcadémie dans Tannée 1878- 1B79. On annonça alors qu*il serait imprimé plus tard ivoir le procès-verbal de la séance du 31 juillet 1879, 8o série, tome 1, 2(ne semestre, p. 376.) Cette annonce est réalisée dans les feuilles suivan- tes, qui ont, pour cette raison, une pagination particulière.

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BECHERCHES SDR L^ FILTRATION.

RECHERCHES EXPERIMENTALES

PASSAGE DES LIQUIDES A TRAVERS LES SUBSTANCES PERMÉABLES ET LES COUCHES FILTRANTES

Par M. Julien BRUNHES(*)

INTRODUCTION

RÉSUMÉ DES PRINCIPALES RECHERCHES ANTÉRIEURES

Les conditions suivant lesquelles Peau et les liquides en général passent à travers les vases poreux et les couches fil- trantes ont été de notre temps l'objet de nombreux travaux. Les uns sont destinés à combler quelques-unes des lacunes qu'on rencontre dans l'élude de l'hydraulique; les autres ont surtout été entrepris pour préparer la solution des questions si délicates que présente la physiologie animale et végétale. Le service des eaux d'alimentation des villes a pris une im- portance toute nouvelle. On a eu souvent recours, pour obte- nir des eaux potables, à divers modes de fiUration; des ingé- nieurs éminents ont conçu et dirigé des œuvres de ce genre, et en ont exposé les résultats dans des mémoires d'un grand intérêt.

J'ai tâché de mettre à profit les matériaux divers que j'ai

(*) Mémoire la dans les séaDces da 31 mai et du 31 jaillet 1879. 8e SÉRIE. TOMB III, 1.

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3 MÉMOIRES

pu rassembler, et sans avoir traité le sujet aussi complètement que je l'aurais voulu, j'ai pu ajouter quelque chose aux résul- tats antérieurement acquis.

1. J'ai pris pour point de départ de mes travaux le beau Mémoire du D' Poiseuille sur l'écoulement des liquides dans les tubes capillaires C) et le rapport sur ce mémoire fait à l'Académie par Reghault le 26 décembre 1842, au nom d'une commission dont faisaient aussi partie Arago, Babinet et Pio- bert (**). L'éminent physicien résume avec précision les tra- vaux antérieurs, cite les expériences de Dubuar, de Gerstner et de Girard, et expose ensuite les conditions nouvelles dans lesquelles s'est placé Poiseuille.

2. Dans ces recherches, un volume déterminé d'eau s'échap- pait sous une pression sensiblement constante pendant la durée de chaque expérience par un tube capillaire horizontal noyé lui-même dans un vase rempli d'eau à une température connue. On déterminait le temps nécessaire à l'écoulement d'une même quantité de liquide en fusant varier successive- ment la pression, la longueur, le diamètre du tube, et enfin la température.

Les nombreuses expériences de Poiseuille, complétées par la commission nommée par l'Académie, ont conduit aux résultats qui sont résumés par la formule :

HD*

Q = Ko(l 4- ai + P^)-L-

dans laquelle Q représente la dépense d'eau par seconde, éva- luée en milligrammes, à travers un tube de diamètre D, de longueur L, et sous une pression H; Kq est une constante dé- terminée à la t" de 0®; a et ^ sont les coefficients de la fonc- tion (1 +at + pt*), qui représente les variations de la dépense quand la température varie.

(*) Mémoires présentés à PAcadémie par difers safants étrangers, t. IX (1846), pp. 433-543.

(**) Annales de physique et de chimie, t. VIÏ, 3«* série ^1843), pp. 50-71, et Comptes rendus de VAeadimie des sciences, séance du 36 décembre 1843.

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RECHERCHES SDR Lk FILTRÀTION. 3

Toutefois, les lois précédentes ne sont vraies que dans cer- taines limites ; il faut que les tubes soient assez longs et les diamètres très-petits.

Puisque la quantité du liquide écoulé peut être exprimée en fonction de la section du tube capillaire et de la vitesse V avec laquelle ce liquide le traverse, on a encore l'expression :

0 = ^^,5!. v = KÎf

4 L

d'où V = *l^.Dï

dans laquelle le coefficient K correspondant à la température de t^ varie de telle soi le qu'on a :

K = Ko(l + oLt + ?,fi).

La formule qui donne la vitesse, comme le fait remarquer Regnault, ne diffère pas beaucoup de la suivante :

qu'avait adoptée Girard C) et que Navier (*^) avait établie en supposant que les vitesses des molécules liquides vont en décroissant de l'axe à la paroi. Ici la vitesse moyenne V au lieu d'être proportionnelle au diamètre, est proportionnelle au carré du diamètre.

3, Dans les recherches théoriques sur l'hydraulique posté- rieures aux expériences de Poiseuille et de Regnault, on a cherché à rendre compte des lois que nous venons d'énoncer.

En 1845, Stokes, complétant sur certains points les recher-

(*) Mémoires de i'Instilal, I. XIV (1813, 18U, 1815). (**) Mémoires de l'Académie des sciences, t. VI (1833).

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4 MEMOIRES

ches de Poisson (*), étudie le frollemenl interne des fluides en mouvement (**).

4. Plus tard, Hagenbach étudie les conditions du frotte- ment de deux tranches liquides Tune sur l'autre (***) quand le liquide mouille les parois. En supposant, comme Pavait fait Newton, le frottement proportionnel à la vitesse relative des deux tranches consécutives, il arrive à une formule qui est d'accord avec celle de Poiseuille, dans le cas des tubes longs et étroits; il y voit une justification des hypothèses qu'il a faites. Le frottement entre deux tranches liquides est donc indépendant de la pression, proportionnel à l'aire de la surface frottante, proportionnel à la vitesse relative des deux tranches et proportionnel à la viscosité. Il désigne ainsi le frottement interne, c'est-à-dire la force qui est nécessaire pour faire « glisser une tranche liquide de l'épaisseur d'une molécule et « d'une unité de surface sur une autre tranche, avec une « vitesse uniforme telle qu'elle avance dans une seconde de la ce distance de deux molécules. »

Dans le cas les tuyaux étroits sont en même temps assez courts, la formule générale reprend la forme de celle de Tor- ricelli avec un coefficient un peu différent du coefficient ordi- naire de contraction; mais les expériences qu'il fait à ce sujet ne lui fournissent pas une vérification très-satisfaisante, ce qu'il attribue à une nouvelle résistance qu'il a négligée jusque- là, qui résulte des mouvements latéraux, des tourbillons, des vibrations, et qu'il appelle résistance d'ébranlement. En intro- duisant dans sa formule un terme qui représente le travail à cette résistance, qu'il suppose proportionnelle au carré de la vitesse, l'auteur arrive à une expression complexe qui lui

(*) Mémoire sur les équalions générales do Téquilibre et du moatemeui des corps solides élastiques et do^ fluides, lu à rAcadémie, le 12 octobre 1829, par Poisson {Journal de l'Ecole polytechnique, S0< cahier, t. XI II).

(**) On the théories ofthe internai ftietion of fluide in motion^ and ofthe EquiUbrium and motion of Elaetie iolide... By 6 Stokee {Philotophical Magazine, fol. XXIX (1846), page 60.

(*••) Ueber die Hettimmunff der Zahigkeit einer Flastigkeit durch den Autfluts au$ Rohren {Annales de Pojgendorff, Band GIX, p. 385 (1860), et Bibliothèque uniteî'sellê de Genève, t. IX, p. 281 (1860).

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RECHERCHES SUR LA FILTRATION. 5

semble jusUfiée dans le cas des larges tuyaux par les expé- riences de Darcy, que nous rappellerons plus loin.

5. Meyer (*) (1861) a recours, pour étudier le frottement des fluides, à la méthode de Coulomb (**), qui consiste à faire osciller autour d'un axe vertical un disque horizontal noyé dans un liquide, mais il tient compte de certaines actions qui avaient été négligées par Coulomb; il cherchée déterminer la constante du frottement intérieur, qui n'est autre que la vis- cosité dont nous venons de parler; il emploie pour cela une méthode de calcul bien plus complexe que celle qu'avait suivie le savant physicien français. Il en a tiré des conséquences qu'il ne vérifie que d'une manière approchée, et il en déduit sur la nature du frottement interne des conclusions qui ne dif- fèrent pas notablement de celles d'Hagenbach.

6. En 1862, Stefan (***) reprend la théorie générale du mouve- ment des liquides et tient compte des effets dus à la cohésion et h l'adhésion en employant une méthode analytique analogue à celle dont s'est servi Cauchy dans l'étude de l'élasticité. Il examine ensuite le cas des tubes sont parcourus par des fluides, de telle sorte que la pression est égale sur tous les points d'une section transversale quelconque et qu'elle va en diminuant le long du tube suivant une fonction linéaire.

La vitesse décroît de l'axe aux parpis, suivant les ordonnées d'une parabole dont le diamètre coïncide avec l'axe du tube, de sorte que toutes les particules se trouvant sur une section droite à un instant donné sont distribuées un moment après sur la surface d'une paraboloïde de révolution qui s'étire gra- duellement comme l'avait déjà trouvé Hagenbach. Il résulte de que la dépense est non-seulement proportionnelle à la pression et en raison inverse de la longueur du tube, mais

(*) Ueher die Reibung der Flûttigkeiten {Annales de Poggendarff, Band CXIII, pp. 55-193-383 (1861).

(**) Expériences destinées à délerminer la cohérence des fluides et les lois de leur résistance d^ns les mouToments très-lents, par Coulomb {Mémoiree de Vlnstitut national, p. 2i6, prairial an IX).

(***) Ueher die Be%cegung der flattigen Korper {Berichte der Wiener Akademie, séances du as mai et du 20 novembre 1862, et Journal de Vlmiitut, SO** année, p. 322, et 31 « année, p. 46.

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b MEMOIRES

qu'elle est encore proportionnelle k la quatrième puissance du rayon pour les liquides qui mouillent, tandis qu'elle est seule- ment proportionnelle à la troisième puissance de ce rayon pour les liquides qui ne mouillent pas. Poiseuille avait aussi établi celte loi par des expériences faites en remplissant ses tubes de mercure, mais qui n'avaient pas la précision de celles qu'il avait exécutées en employant l'eau et l'éther (*).

7. Comme on le voit, les hypothèses introduites dans les calculs permettent toujours de rendre compte des faits obser- vés; mais on peut généralement y parvenir de plusieurs ma- nières.

C'est ainsi que M. Mathieu (**), supposant que la vitesse varie suivant les ordonnées d'une demi-circonférence, dont le diamètre est égal à celui du tube, arrive encore à démontrer l'ensemble des lois de Poiseuille.

M. Boussinesq (***) obtient, de son côté, le même résultat en reprenant les calculs de Navier, mais en admettant que la vitesse est nulle au contact des parois; il retrouve ainsi la courbe figurative indiquée par Hagenbach et par Stefan.

Il ne serait pas difficile, comme le fait observer très-judi- cieusement M. Duclaux (****) dans un mémoire que nous aurons souvent à citer, d'imaginer d'autres hypothèses pour expli- quer les faits connus ou pour justifier d'autres formules empi- riques. Les études théoriques que je viens de rappeler n'ont fait prévoir, je crois, aucun fait nouveau susceptible d'une vérification précise. C'est donc surtout à l'expérience qu'il nous faut avoir recours. Nous allons, en entrant dans celte voie, examiner d'abord les travaux qui sont venus compléter les premières recherches de Poiseuille.

8. Cet habile expérimentateur, qui avait annexé à son premier Mémoire une étude sur l'écoulement de l'alcool plus

(*) Rapport de liegoaalt, déjà cité {AnnaUs de chimie et de phyeique^ série, t. vu, p. 73).

{**) Comptes rendus da 10 août 1863, t. LVII.

(***) Comptes rendus du 3 août 1808, t. LXVII.

(*A**) Recherches sur récoulemeni des liquides à Iraveri les espaces capillairei {Annalet de chimie et de phyiiquey série, t. XXV, p. 442; (1872).

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RECHERCHES SDR Lk FILTRATION. 7

OU moins étendu (*), a comparé la vitesse d'écoulement d'un grand nombre de liquides à celle de Teau à lO"" sous la même charge (**); il s'est ainsi départi de la règle qu'il avait lui- même posée en étudiant l'influence de la température sur le débit, et qui consiste à évaluer la charge qui produit l'écoule- ment d'un liquide à l'aide d'une colonne de fluide de même densité. Les résultats ainsi obtenus, comme l'a remarqué M. Duclaux, ne sont pas comparables entre eux (***).

9. M. Thomas Graham (****), en poursuivant en 1865 une élude distincte de celle qui nous occupe, s'est servi d'un en- dosmomëtre qui, comme tous les récipients de ce genre, se prête très-bien à nos recherches, et nous indiquerons un peu plus loin un petit appareil qui présente des dispositions ana- logues.

Quelques années après (1861), le savant physicien anglais a étudié l'écoulement forcé (transpiration) des liquides par des ajutages capillaires (*****) en cherchant des relations entre la rapidité avec laquelle les liquides se meuvent dans les tubes étroits et leur constitution chimique ou moléculaire. Il a , de plus, examiné l'influence de la température sur le passage de l'eau et de l'alcool, et a réuni ses observations dans des tableaux sur lesquels nous reviendrons (******).

10. Le docteur Antonio Roiti (♦**♦•♦*) a vérifié, en 1870, les deux premières lois de Poiseuille dans des conditions nouvelles.

(*) Ëcoulemenl de Talcool uni à direrseï proportions d^eau distillée, considéré dans des tubes de très-petit diamètre, par Poiseaille (Mémoires de* tatantt itrangere, t. IX, p. 537).

(**) Recherches expérimentales sur le mouTement des liquides de nature difTérente dans les tubes de très-petit diamètre {Atmalee de chimie et dephytique, série, t. XXI, p. 76; 1847).

(***) Mémoire de M. Duclaux, déjà cité, p. i66.

('***) Mémoire sur la force osmotique (traduction de Ch. Drion, Annalei de chimie et de phyiique^ 3* série, t. XLV, p. 5 } 1855).

(*****) De récoulement forcé des liquides par des ajutages capillaires, relativement à leur composition chimique, par M. Thomas Graham {Philosophical Transaction, iS6i, et traduction de M. Albert Thomas, Annalei de physique et de chimie, série, t. I, p. 429; 1864).

(******) Mémoire déjà cité, p. 152.

(*******) Del Movimento dei liquidi nei tuhi cilindrici ttvdi teorico-sperimentali {Nuoto Cimentou Faeeieolo di ottobre 1870.

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8 MÉMOIRES

Il a étudié la chute d'une coloane d'eau renfermée dans un tube capillaire disposé verticalement. Cette colonne, au-dessus et au-dessous de laquelle se trouve de l'air, se déplace sous l'ac- tion de son poids; mais le mouvement en est ralenti par les actions dues aux parois et à la viscosité du liquide : la marche du ménisque inférieur est exactement indiquée par un tracé photographique. Les équations de l'hydraulique, dans lesquel- les il a introduit l'hypothèse particulière que les molécules ont toutes des mouvements rectilignes, le conduisent à des consé- quences confirmées par l'observation pour de faibles vitesses; mais il n'en est pas ainsi pour des vitesses un peu considé- rables. L'auteur fait observer qu'il est plus plausible de sup- poser le mouvement rectiligne dans ses expériences que dans celles de Poiseuille, et il s'explique ainsi comment il a pu vé- rifier les lois relatives à la pression et à la longueur pour des tubes d'un diamètre de 4""H , tandis que ceux qu'avait em- ployés le physicien français ne dépassent pas 0""65.

11. M. Duclaux(*), en abordant en 1872 l'étude d'un grand nombre de problèmes fort délicats de physique moléculaire , tels que les phénomènes d'absorption, d'adhésion ; de colora- tion et de teinture, résume d'abord la plupart des hypothèses émises jusque-là pour expliquer les lois de Poiseuille et décrit les nouvelles expériences qu'il a faites pour vérifier, à l'aide de la pipette Salleron, que le débit est proportionnel à la pres- sion. Ici, l'orifice est annulaire et très-court , mais il est très- étroit, et cela suffit pour que l'écoulement soit linéaire.

12 Peu de temps après, M. Decharme (**) a fait connaître ses longues recherches sur la Capillarité dynamique j il étudie l'ascension spontanée des liquides dans les tubes trés- étroits, ainsi que leur mouvement descendant, lorsque les forces capillaires et leur poids agissent dans le même sens.

Ces phénomènes sont bien distincts de ceux qui font l'objet de notre travail ; mais après avoir varié les conditions dans lesquelles ils se produisent et en avoir cherché une interpré-

(*) Mémoire déjà cité, pp. 433 à 458.

(**) Annales de chimie ei de physique, i" série, t. XXVIII, p. 235 (1872), et Mimmrêt de la Société académique d'Angers, t. XXVUI, p. 125 (1873), et t. XXXII, p. 1 (1875).

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BBCHBRCHBS SUR LA FILTRATION. 9

talion mathématique, Fauteur les a comparés à ceux qu'on observe quand le liquide s'écoule sous l'action de pressions artificielles, constantes ou variables.

Il a, de plus, joint à son Mémoire une série d'observations intéressantes sur les actions qui se produisent dans les corps poreux.

13. M. Guéroull (*^), en étudiant à son tour Técoulemenl des lir|uides dans les tubes capillaires, s'est d'abord proposé de chercher quel est le mécanisme de ce mouvement et de quelle vitesse sont animés les différents filets liquides plus ou moins éloignés des parois.

M. Guérouit dispose verticalement les tubes capillaires de

manière que leurs extrémités soient noyées dans le liquide;

la dépense est alors indépendante de la longueur de la colonne

liquide et directement proportionnelle à la quatrième puis-

KHD^ sance du diamètre. La formule de Poiseuille Q= —s , peut

être mise alors sous la forme Q = mD*, si l'on remarque que

H KR

le rapport y est ici constant et si l'on écrit -=— = m.

M. Guérouit applique ensuite à l'extrémité du tube capil- laire, au travers duquel se fait l'écoulement, des diaphragmes minces en ivoire qui ont des diamètres différents , mais tous plus petits que celui du tube lui-même.

L'auteur a cru pouvoir conclure de son travail que le liquide se meut par couches concentriques, avec des vitesses d'autant plus grandes que les diamètres sont plus petits ; mais, pour expliquer les résultats numériques qu'il a obtenus, ne suffit-il pas de remarquer que toutes les fois qu'il y a de grandes pertes de charge dans un système de tuyaux, le débit, qui est fonction de la charge ainsi modifiée, tout en décroissant avec la section de l'orifice , ne dépend que très-peu de sa grandeur?

Le même physicien a aussi étudié l'influence de la tempé- rature sur le coefficient d'écoulement capillaire de l'eau (**).

(*) Comptes rendus de rAcadémie des tcioDces, I. LXXVIII, p. 351 (1874). (**) Comples rendus, t. LXXIX(187i}, p. 1201.

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40 MÊMOIRUS

Nous reviendrons plus tard sur ces données numériques, que nous rapprocherons des valeurs fournies par d'aulres expéri- mentateurs.

Enfln, M. Guéroult, reprenant les recherches de Poiseuille et de M. Graham, détermine les coefficients d'écoulement capillaire de divers composés organiques formant des séries naturelles (*).

Mais l'auteur mesure la pression par des colonnes d'eau à 4**, quel que soit le liquide qui s'écoule; ce qui présente un incon- vénient que nous avons déjà signalé

14. Les lois de Poiseuille étant ainsi bien établies et véri- fiées dans des circonstances très- variées et par des proéédés différents, sont-elles applicables au passage des liquides à tra- vers les vases poreux et les couches filtrantes? Telle est la question que je me suis proposé de résoudre.

J'avais déjà fait, en 1869, quelques expériences à ce sujet; mais je n'en avais pas encore publié les résultats quand, à la suite d'une altération des eaux qui alimentent la ville de Tou- louse, l'administration municipale me fit l'honneur de me nom- mer membre d'une Commission chargée d'étudier les causes et les remèdes de cette perturbation. Les longues délibérations qui se poursuivirent pendant une année et que j'ai eu à résu- mer comme secrétaire de la Commission (**) appelèrent mon attention sur les conditions de la filtration naturelle et artifi- cielle et je me proposai dès lors de lier cette question à la pré- cédente. C'est ce que je fais bien tardivement sans doute, après m'ôtre plusieurs fois laissé devancer; mais cette étude m'a pourtant conduit à des conclusions nouvelles et m'a permis de vérifier dans des limites beaucoup plus étendues les lois énoncées antérieurement.

Il y a sans doute entre les phénomènes de pénétration des fluides dans les corps poreux et leurs mouvements dans les tubes étroits des analogies manifestes qui peuvent diriger l'expérimentateur dans ses recherches; mais il n'y a point

(*) Comptai rendus, l. LXXXI (1875), p. 1225, el l. LXXXIII (1876), p. 129. (**) Alimeotalion d'eau de la ville de Toulouse; procès-verbaux des séances de ta commission des eaux, publiés par Tadminislration municipale. Toulouse, typographie Mélanie Dupin, 1873.

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RECflBRCHES SUR LA FILTRATION. 11

idenlilé dans les coadilions. Ainsi, Graham a démontré que les gaz passent à travers une plaque poreuse (diffusion) en sui- vant d'autres lois que lorsqu'ils circulent dans des tubes ca- pillaires (transpiration). Nous ne rencontrerons pas, il est vrai, d'aussi grandes différences dans les deux ordres de faits en opérant sur des liquides. Mais l'étude expérimentale de la fil- tration nous fournira cependant certains résultats que ne fai- saient pas prévoir les lois de Poiseuille.

15. Quelques recherches à ce sujet ont précédé le Mémoire de cet habile expérimentateur, et elles ont été suivies de plu- sieurs autres qui n'ont avec son travail aucun lien étroit.

La filtration est continuellement employée dans les manipu- lations chimiques el dans certaines opérations industrielles. On sait que l'écoulement des liquides se ralentit quand aug- mente l'épaisseur du dépôt déjà formé, mais que la vitesse va croissant avec la hauteur delà colonne liquide qui pèse sur les filtres. On tient compte de ces observations pour diminuer la lenteur souvent désespérante avec laquelle s'effectue par cette voie la séparation des corps. Pour cela, on donne aux filtres une surface telle que l'épaisseur du dépôt ne soit jamais con-^ sidérable; on augmente, de plus, la charge effective sous la- quelle le liquide passe à travers le filtre en faisant un vide partiel au-dessous. On y parvient aisément en employant un appareil d'aspiration. Cette précaution est indispensable quand on a recours à des plaques poreuses ou à des couches de plâ- tre pour produire la filtration. C'est ainsi qu'ont opéré MM. Pasteur el Joubert dans leurs recherches si décisives sur le charbon et la septicémie pour séparer du sang la bactéridie, qui produit l'affection charbonneuse (*).

On a aussi recours à la filtration pour clarifier les eaux des- tinées aux usages domestiques et à certaines opérations indus- trielles, telles que la fabrication du papier, l'on ne peut em- ployer que des eaux débarrassées de tout corps en suspension . On a utilisé pour cela les substances les moins coûteuses et les plus communes, notamment la laine tontisse et les poils des

(*) Comptes rendus de l'Institut, communicalion Taile te 30 avril et le 16 jaillet 1877.

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1 2 MÉMOIRES

animaux. C'est avec des graviers, du sable 6d, des éponges, du charbon en fragments que sont constitués généralement les Bitres de ménage ; mais on ne s'en est pas tenu là, et on a bientôt organisé de grands appareils destinés à fournir des eaux limpides à tout un quartier, à toute une ville.

La filtration en grand devenant une industrie, on s'est évi- demment préoccupé du rendement des Filtres ; mais il ne se dégage rien de bien net des règles particulières, des pro- cédés usités par chaque Compagnie pour installer, charger et netloyerles fillrcs; c'est ce qui est bien constaté par les der- niers travaux qui ont précédé cette étude (*). Cela tient, à mon avis, à deux causes principales : l'opération, qui a pour but d'obtenir des eaux claires avec des eaux troubles, donne avec les filtres des résultats variables avec la nature et la quantité des matières en suspension, et, en second lieu, les couches filtrantes sont formées d'éléments dont la grosseur et la qualité sont souvent différentes. Les matériaux les plus gros généralement placés à la base des couches ne servent guère qu'à soutenir ceux qui sont réellement efâcaces, de sorte que l'on ne peut comparer au point de vue du rendement les épaisseurs de ces filtres.

46. La filtration s'accomplit naturellement lorsque les eaux pénètrent dans le sol; aussi sont-elles presque toujours limpides à une petite profondeur, quels que soient les troubles de la surface. Telles sont les eaux de source, que l'on préfère aux autres eaux pour l'alimentation; mais, à leur défaut , on emploie les eaux courantes, que l'on a le soin de clarifier. Cette opération s'effectue à travers les couches souvent per- méables dans lesquelles le cours d'eau a creusé son lit , et on peut recueillir les eaux rendues ainsi limpides dans des gale- ries creusées en contre-bas. On dit alors que la filtration est naturelle pour distinguer ce mode d'épuration de ceux que nous avons déjà indiqués. A d'Aubuisson revient l'honneur d'avoir employé le premier les filtres naturels" pour doter la

(*) Traité de chimie technologique et indmêtrielle de Kntpp, tradoclion de Mérijot et Dfibèse (Parît, 1872V pp. <18 à 89, et Recherches expérimentmles twr îm fUraUon, par Paul Ha^reirUége, 1874).

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RECHBaCHES SUR LA FILTRATION. 13

ville de Toulouse d^eaux excellentes et parfaitement aména- gées. L'histoire de l'établissement des fontaines de Toulouse (*), écrite par cet ingénieur éminent , fait connaître les tâtonne- ments, les essais nombreux et les dispositions définitivement adoptées pour obtenir, par la filtration naturelle, les eaux limpides nécessaires à l'alimentation de sa ville natale. Elle sera toujours lue avec un vif intérêt par tous ceux qui s'oc- cupent du service des eaux. L'idée de d'Aubuisson a été fé- conde et a été bien des fois appliquée. La ville de Toulouse a eu recours au même moyen pour augmenter ses ressources, que l'accroissement de sa population rendait insuffisantes. Guibal a établi, en 1860, de nouvelles galeries filtrantes plus étendues dans le lieu même d'Aubuisson avait installé ses premiers filtres. M. Filhol fit prolonger ces galeries en amont, dans l'Ilot Vivent, pendant son administration munici- pale en 1869. Peu de temps après, en 1872, sous l'adminis- tration de M. Ehelot, M. Roux, ingénieur de la ville, a fait creuser dans les amas de gravier déposés par le fleuve près du village de Portet, à huit kilomètres au-dessus de Toulouse, d'autres galeries qui donnent d'excellentes eaux. Les villes de Béziers, de Carcassonne, d'Agen, d'Angers, de Lyon et bien d'autres encore ont eu recours au môme procédé. Les règles ù suivre se sont peu à peu dégagées de ces nombreuses expé- . riences , et les progrès accomplis dans cette voie jusqu'en 1860 ont été exposés par M. Aristide Dumont, dans son bel ouvrage : les Eaxiœ de Lyon et de Paris (**).

17. Génieys a posé nettement les problèmes qui se ratta- chent à la filtration (***) , après avoir décrit les principaux filtres employés et l'installation des établissements de filtration de Paris; mais il n'a pas poussé bien loin ses essais, qui étaient^ du reste, faits dans des conditions trop complexes.

(*) Hittoirt de Vétahlistêm$nt det fontainei à Toulouse j par £1. cTAabaisson de Vot- sim, publiée dans les Mémoires de P Académie des sciences, imcriptions ei heUes'leitres de Toulouse, t. Il, pp. 159 è 400.

(**) Lm Eaux de Lyon et de Paris. » Paris, 1862; Duood, éditear.

(***) Mémoire ioédil de feu Génieys , ingéniear en chef des ponts ei chaussées {Annales des ponts et chaussées, U' trimestre 1835, pp. 56 à 76.

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1 i MÉMOIRES

Nous avons cru, loulefois, devoir les rappeler, car H. Darcy en a certainement tenu compte en instituant ses expériences.

1 8. Henry Darcy, qui a assuré, en 1 855, à la ville de Dijon un service d'eau qui ne le cède en abondance qu'à celui de Rome, s'est servi pour étudier la filtration d'une portion de conduite de fonte de 3»50 de longueur, qui était dressée verticalement et fermée à ses deux extrémités par deux plaques boulonnées. La colonne filtrante, formée par du sable de Saône f ), reposait sur deux grilles à barreaux croisés , recouvertes d'une toile métallique; cette colonne était interposée entre deux chambres pourvues l'une et l'autre d'appareils manométriques. La cham- bre supérieure communiquait par un tuyau avec la conduite principale qui amenait l'eau à l'hôpital de Dijon, l'appareil était installé, tandis que le liquide de la chambre inférieure s'écoulait au dehors, par un robinet, dans un bassin de jau- geage. La charge sous laquelle se produisait le passage de l'eau à travers la colonne de sable se déduisait des indications fournies simultanément par les deux manomètres.

Dans ces expériences, la colonne de sable n'était pas homo- gène, c'est-à-dire formée de grains ayant sensiblement la même grosseur; tantôt ce sable était lavé, tantôt il ne l'était pas; les dispositions prises pour enlever la couche gazeuse adhérente aux différents grains étaient insuffisantes; la pres- sion n'était pas constante, par suite surtout des coups de béliers . résultant de la brusque fermeture de certains branchements dans le voisinage de l'appareil. Enfin, Darcy ne donne aucune indication thermométrique, et l'on sait quelle est l'influence considérable qu'exercent sur le débit les variations de tempé- rature. Dans ces conditions, les recherches du savant ingé- nieur de Dijon ne pouvaient présenter une grande précision. Les pressions ont été mesurées par des colonnes d'eau dont la hauteur est restée comprise entre 1°H et 13"93. Les rap- ports du débit à la charge ont varié , dans la même série d'expériences, de plus de un sixième de leur valeur moyenne. Les nombres qui expriment les relations entre le débit et

(*) Les Fontainet publiques de Dijon, par Darcy. Paris, 1862; Dunod, éditeur.

I

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RECHERCHES SUR FILTRATION. 15

l'épaisseur de la couche filtrante présentent entre eux des écarts bien plus considérables encore. Aussi , Darcy formule- t-il ses conclusions avec une réserve qu'on n'a pas souvent rappelée :

« Il parait donc que, pour un sable de même nature, on (( peut admettre que le volume débité est proportionnel à la « charge et en raison inverse de l'épaisseur de la couche Ira- < versée. »

Le collaborateur de M. Darcy, M. Charles Ritter, a obtenu, il est vrai, des résultats plus satisfaisants en faisant diminuer les pressions dans chaque série d'expériences, au lieu d'em- ployer des pressions croissantes, qui peuvent amener le tas- sement des couches; le rapport du débit à la charge, qui doit être constant d'après la loi, ne varie plus que de un quinzième de sa valeur moyenne; mais il n'y a aucune véri- fication nouvelle de la loi des épaisseurs, qui est la plus difficile à démontrer.

19. Peu de temps après (1857), Dupuit, prenant pour point de départ la formule établie par Prony pour exprimer la vitesse de l'écoulement de l'eau dans un canal régulier, en déduisait les deux lois de Darcy (*). Dans la formule

M = au -+- bv!^ ,

R est le rapport de la section mouillée au périmètre, 1 la pente ou le sinus de l'angle du fond du canal avec l'horizon, u la vitesse moyenne, a et 6 des coefficients déterminés expé- rimentalement (**). Dupuit la met sous la forme :

\ h

I = ^au (1 + - w)

{*) Comptes rendus de l^losiitai, t. XLV, pp. 92 à 95. Élude théorique et prattque sur le mouvement det eaux, i" édit., et Traité théorique et pratique de la conduite et de la dtt- tribulion dee eaux, édit. Paris, Dunod, 1865.

^**) Prony afait adopté pour ces coefficients les taieurs J i, ~ ft'nAAono' *

« , , . ... , ( a = 0,000024

Eytelwein prenait les f .leurs | ^ ^ ^^^^ .

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4 6 MÉMOIRES

Or, le terme - u est négligeable, quels que soient les coef-

ficients qu'on adopte, quand u est très-petit, inférieur, par exemple, à 0"001 par seconde. La formule se réduit alors à :

I = ■«• tt ou I = JaU, en posant: ^=|ji..

Mais le coefficient unique déterminé par Texpériencea une valeur variable avec le terrain et tout à fait différente des valeurs de a et de 6 qui entrent dans la formule des eaux courantes.

L'auteur arrive au même résultat en négligeant le terme proportionnel au carré de la vitesse dans la formule qui donne la vitesse dans les tuyaux.

-jDI = aw + pti«.

Peut-ou appliquer des formules empiriques, comme celles de Prony, sur Técoulement de Teau dans les tuyaux et dans les canaux , quand les conditions sont si éloignées de celles qui ont servi à les établir? Dupuit Ta fait, comme nous ve- nons de le voir. Mais, malgré l'autorité qui s'attache aux tra- vaux du savant ingénieur, les considérations qu'il développe à ce sujet ne peuvent pas être admises comme une démons- tration. Il cherche à tirer une conséquence particulière des formules de Prony, quand il en avait déjà signalé lui-même l'incertitude (*) et quand Darcy, par ses expériences sur le mouvement de l'eau dans les tuyaux, en avait, en 1854, démontré l'insuffisance (**).

(*) ÈtwUê théoriquêê 0I froHquêt tur U mouvem$nt det eaux eowrtmtei (1848), pp. 51 et inif tDtet. (**) Rapport (la géuéral Morin (Comptes reodaa, 1854) et Rechetxhês expérimen^

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RECHER6HBS SUR FILTRÀTION. 47

Plus tard, de nouvelles recherches sur l'écoulement de l'eau dans les canaux ont été entreprises par Darcy et continuées par M. Bazin (*), qui, renonçant à la formule binôme, a adopté définitivement une expression analogue à celle qu'avait déjà employée Darcy pour les tuyaux :

RI

={'^i>

dans laquelle les coefficients a et ^ varient avec la nature des parois.

Dupuit aurait pu appuyer avec plus d'à-propos la formule % = ^u sur les expériences que Darcy avait faites avec des tuyaux étroits (**). Cet habile hydraulicien avait, en effet, constaté que pour des tuyaux d'un rayon inférieur à 0"03

on a le rapport -rr = <^

a étant constant pour chaque tuyau, quand R est constant et la pente I variable, pourvu que la vitesse ne dépasse pas 0"H7 par seconde; mais pour toute vitesse supérieure à cette valeur, le rapport augmente rapidement (***).

talêM relatives au mouvement de l'eau dans les tuyciux, par Darcy, inapectear général dea pontf et chaaasées (Mémoirea dea safanta étrangers à rAcadémie, t. XV (1858), pp. Iilài03.

(*) Recherches expérimentales sur l'écoulement de Veau dans les canaux découverts^ par Bazin {Mémoire des savants étrangers, t. XIX (t865), pp. 10, 13, 125, 130).

{**) Recherches expérimentales sur le mouvement de l'eau dans les tuyaux, par Darcy (Mémoire déjà cité, pp. 215 et 350).

(***) M. Baiin, en continnani l'œufre de Darcy, a bien reconnu, plos tard, dans lea

Recherches expérimentales «ur le mouvement de l'eau dans les canaux découverts (Mémoire

déjà cité, pp. 19 et SO et 103 à 109), que, dans le cas d'un canal dont le rayon moyen

BI eat au-dessous de la limite (0<n,03), l'expérience conduit à la relation ^ = p. Maisp

est une constante dont la f aleur augmente atec la pente I, de sorte que, pour une même pente, la Titesse est proportionnelle au rayon moyen. Cette dernière formule n*a donc pas été obtenue dans les mêmes conditions expérimentales que celles des tuyaux étroits, et Tanalogie, dans les deux ordres de phénomènes, n'est pas aussi complète qu'elle le paraît tout d'abord.

86 SÉRIE. TOMB UI, 1. b

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48 MÉMOIRES

Toutefois, celle nouvelle formule empirique ne pourrait, pas plus que les précédenles, èlre appliquée direclement à la filtra- lion. Ainsi, non-seulement les recherches de Dubuat, de Prony et d'Eytelwein, mais encore celles de Darcy et de M. Bazin, que nous venons de résumer, ne justifient pas l'emploi de la formule de Dupuit I = (jlu, mais celle-ci peut être identifiée avec celle qu'avait adoptée Darcy :

dans laquelle Q est le produit par mètre carré d'une couche filtrante pendant l'unité de temps, qui est évidemment pro- portionnel à ti^ H représente la charge, E l'épaisseur de la couche et K est un coefficient variable avec la nature de la

couche. Or -^ est égal à I , qui représente l'inclinaison de la

couche, alors K et |ii sont deux coefficients déterminés empi- riquement qui ont entre eux une relation simple.

Dupuit considère dès lors sa formule comme démontrée par les expériences de Darcy, et il l'applique d'une manière très-heureuse à la solution d'un grand nombre de problèmes, tels que la détermination de la surface de niveau, du débit d'un courant d*eau à travers un terrain perilléable, du débit et de la pression dans des filtres de formes diverses.

20. J. Guibal, ingénieur de la ville de Toulouse, connais- sait les travaux de Darcy, quand il établit dans la prairie voi- sine du cours Dillon les nouvelles galeries filtrantes dont nous avons parlé. [I6J II fit, à cette occasion, de nouvelles expérien- ces, tt tant pour vérifier la proportionnalité des volumes et des « charges que les principes généraux relatifs à Tinfluence des « longueurs des galeries. » (*)

Il a cherché un peu plus tard à déterminer le rendement

(*) Note gar Técoalemeot de Teau à trafers les lerraîiu fiUraoU, loe à F Académie des fciences de Toulouse le 34 mai 1859 (Mémoires de celle Académie, 5<> série, l. V p. 1S8; 1860).

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RECHERCHES SUR LA FILTRÀTION. 49

des filtres {*)\ mais il n'a pas tenu compte de Pinfluence de la température, et les résultats, tout en se rapprochant de ceux que permettent de prévoir les lois de Darcy, n'en fournissent pas une vérification précise.

21. En 1860, M. Thomas Tate a publié ses Recherches expérimentales sur les lois de Vabsorption des liquides par les substances poreuses {**). Le savant physicien anglais étudie d'abord les phénomènes de l'absorption des liquides par les corps poreux, et montre qu'ils sont réglés par des lois distinc- tes de celles, qui régissent l'ascension des liquides dans les tubes capillaires. L'auteur examine ensuite les phénomènes de la âltration, et il estime qu'ils sont produits par deux for- ces : l'absorption et la pression. Il divise les substances fil- trantes en deux classes : l*» les corps filtrants très- poreux et qui ne changent que peu ou point pendant la durée de la fil* tralion, et 2o les corps à pores serrés, dont les propriétés se modifient pendant le passage des liquides. Il se sert dans ses expériences d'un tube cylindrique gradué, qu'il désigne sous le nom de filtromètre, à l'extrémité duquel il fixe les substances poreuses entre deux disques d'ardoise. Ceux-ci présentent en leur centre des ouvertures circulaires de même diamètre que le tube, et le filtre est mastiqué entre les deux plaques de manière que toute décharge latérale soit impossible.

Le savant physicien emploie le charbon de bois, le coke, des étoffes de laine très-épaisses, des éponges très-serrées; il reconnaît que la vitesse de l'écoulement est proportionnelle à la charge; c'est la première loi formulée par Darcy ; mais cette loi ne parait pas s'appliquer avec la même exactitude au passage de l'eau à travers les deux dernières substances sous de très-faibles pressions.

D'après M. Taie, la filtration à travers le papier sans colle s'effectuait dans certains cas suivant une loi notablement dif- férente de celle qui précède ; mais l'auteur cite lui-même des

(*) Jaageage des eaux foarDÎei par les filtrea de Toalouie pendant réiiage de la Garonne {Mémoireê de VAeadime d$i tcieneês de Toulouse, même Tolume, p. 486 ; 1860).

(**) PMloêopkical Magaaine, toI. XX, série (1860), pp. 364 et MO; toI. XXI (1861), pp. 57 et 115.

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20 MÉMOIRES

expériences le liquide passe à travers des filtres de celle espèce avec une vitesse proportionDelle à la charge.

Le physicien anglais a aussi constaté que certains filtres subissent par le passage de Peau une modification moléculaire progressive, de telle sorte que la vitesse va en diminuant avec le temps pour une même charge. C'est un phénomène com- plexe dont Tauteur ne fournit aucune explication et que nous avons aussi observé; mais celte vitesse atteint une certaine limite ; dès lors nous pouvons dire que le filtre a un régime uniforme, et ce sont les lois de ce régime qui ont surtout de Timportance, particulièrement au point de vue des applications.

Après avoir vérifié les lois des pressions dans des limites très-étroites (de 0 à 1 5 pouces anglais, c'est-à-dire de 0 à 38 cen- timètres), M. Tate fait quelques expériences (2 séries compre- nant 6 déterminations), pour reconnaître rinfluence de la tem- pérature sur le débit ; nous y reviendrons un peu plus loin , ainsi que sur l'unique observation d'où il déduit la loi qui lie la dépense à l'épaisseur du filtre.

L'auteur décrit, à la fin de son Mémoire, des expériences qui ne se rattachent pas aussi directement au sujet qui nous occupe. Après avoir étudié les conditions suivant lesquelles passent à travers les corps poreux quelques dissolutions sali- nes de divers degrés de concentration, il observe, en termi- nant, que le débit de l'eau à travers des orifices très-étroits pratiqués dans des plaques métalliques s'eiïectue générale- ment suivant une loi intermédiaire entre celle de Torricelli et celle de Poiseuille.

22. En rappelant les travaux antérieurs, je ne puis ou- blier les belles leçons faites par M. Jamin (*) sur les lois de Péquilibre et du mouvement des liquides dans les corps poreuœ. Il importe d'en avoir présents à l'esprit les enseignements, si l'on veut s'expliquer et surtout éviter les anomalies qu'on observe parfois dans les expériences dont nous allons nous occuper.

(*) Leçons de chimie et de physique, professées doTtol la Société chimiqae de Paris le as TéTrier et le 8 mars 1861 (Paris, 1862, Hachette, édiiear), et Comptes rendus, t. L (1860). pp. 173, 311 et 385.

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RECHBRGHBS SUR LA FILTRÂTION. 21

23. Dans le Mémoire iraporlant que nous avons déjà cité [H], M. Duelaux , après avoir exposé de nouvelles expériences sur Técoulement des liquides à travers les tubes capillaires, étend au passage des liquides à travers les vases poreux les lois relalives à la pression et à l'épaisseur, mais le savant physicien, qui poursuivait un autre but que celui que nous avons essayé d'atteindre, n'a fait varier les pressions que dans des limites très-étroites (40 centimètres au maximum), et il s'est borné, pour vérifier la loi des épaisseurs, à faire deux expériences sur des plaques minces. Il a comparé ensuite les vitesses de l'écoulement de différents liquides à travers les espaces capillaires à celles qu'avaient obtenues Poiseuille et M. Graham en opérant avec des tubes étroits, et il en déduit la conséquence importante que, si un liquide isolé s'écoule tou- jours suivant les mêmes lois, les rapports des temps néces- saires pour l'écoulement de différents liquides ne sont pas exactement les mêmes à travers la terre poreuse, le charbon et le verre. M. Duelaux rattache ces fajts à l'étude des phé- nomènes d'adhésion moléculaire que nous n'examinerons pas spécialement ici.

24. 11 résulte de cet exposé que, malgré l'intérêt que présentent les travaux que nous venons d'analyser, malgré l'importance des recherches de Darcy, de Dupuit, de M. Tate et de M. Duelaux sur la filtration, les lois qui régissent ces phénomènes ne sont pas établies dans des conditions'ou dans des limites telles qu'on puisse les appliquer à tous les cas et en particulier à l'étude de la filtration naturelle. Nous avons essayé de combler cette lacune en traitant en même temps un certain nombre d'autres questions qui se rattachent au même sujet.

25. Ce travail était terminé quand un de mes amis a bien voulu me communiquer le mémoire d'un savant ingénieur belge, M. Paul Havrezf*).

L'auteur s'est proposé de déterminer le rendement des fil-

(*) Mémoire déjà cité, p. 458 et saitaDtes.

(**) Recherches expérimenules des lois de la filtration, par Paal Hayrei (extrait de la Retfue unwertelle det mine*. Liège, 1874).

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^2 MÉMOIRES

très industriels, « ce qu'il importe autant de connaître dans « bien des cas que la dépense de combustible par cheval « vapeur et par heure. «

Sans méconnaître l'utilité pratique de cette étude très- consciencieuse, il me sera bien permis de remarquer que l'au- teur n'a ni cherché ni obtenu la solution générale des problè- mes de la filtration.

M. Havrez a opéré sur de la laine. Mais il ne fait pas con- naître les pressions auxquelles cette dernière substance a été soumise; il a opéré aussi sur du gros sable et sur du sable fin; mais ces deux sortes de sable ne sont ni bien homogènes ni bien distinctes l'une de l'autre, puisque les dimensions des grains sont comprises pour le gros sable entre 0»"20 et 0""07, et pour le sable fin entre O^^lg et 0»"05.

L'appareil consistait en un tube cylindrique gradué analo- gue à ceux dont s'étaient servis M. Tate et M. Duclaux. Mais il était fermé à la partie inférieure par une toile épaisse, mise en double, qui supportait le sable ou la laine ; il eût été indis- pensable de tenir compte de son influence pour étudier la loi des épaisseurs.

Les pressions exercées sur la base du filtre ont varié entre 1 mètre et 10 centimètres; mais l'auteur ne détermine la vitesse moyenne que de dix en dix centimètres, et prend cette valeur pour la vitesse correspondant à la hauteur moyenne augmentée arbitrairement d'un centimètre. Il en résulie des erreurs d'autant moins négligeables que la charge est déjà plus faible, comme nous l'établirons plus loin.

Aucune précaution n'est indiquée pour expulser des cou- ches filtrantes les bulles d'air dont M. Havrez signale lui- même le dégagement dans certains cas.

Pour étudier l'influence de la température, l'auteur versait de l'eau chaude sur la couche filtrante; mais, quoiqu'il ail pris par la suite de bonnes dispositions pour atténuer le refroi- dissement du liquide dans son passage à travers le filtre, il a fait concourir à l'établissement de ses formules des expé- riences où l'eau avait à la sortie 10, 15 et môme 30 degrés de moins qu'à l'entrée.

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l'*^ . H.

RECHERCHES SDR FILTRÂTION. 23

M. Havrez résume les faits observés dans ces conditions par une formule complexe, telle que :

D = A + A'i+ (B + B'tE + (a + 3^ +^^

dans laquelle D représente la dépense, t la température, Ë Té- paisseur de la couche filtrante, H la pression exercée sur le filtre. A, A', B, B', a, a', ^ et p' sont 8 coefficients qui varient avec la nature de la substance, même par la simple substitu- tion du sable gros au sable fin.

Les conclusions de ce travail considérable difTërent sensible- ment de celles qui avaient été exposées antérieurement. Ces divergences me paraissent appeler des expériences complé- mentaires et donner un nouvel intérêt aux recherches que nous allons exposer sur la filtration.

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24 MÉMOIRES

CHAPITRE PREMIER

ÉTUDE DE LINFLUENCE DE LA PRESSION SUR LA VITESSE DE l'écoulement DES LIQUIDES A TRAVERS LES VASES POREUX

ET LES COUCHES FILTRANTES.

26. Comme nous l'avons déjà vu dans l'exposé qui pré- cède [2] (*), le docteur Poiseuille a déduit de ses expériences, contrôlées par la commission de l'Académie, la conséquence suivante : les quantités d'eau écoulées dans le même temps, sous des pressions constantes, à travers des tubes capillaires suffisamment longs, sont proportionnelles à ces pression^. L'habile expérimentateur a fait varier dans des limites très- étendues les pressions, qui, tantôt réduites à la charge d'une colonne d'eau de 74 millimètres, de 81 miUimètres (**), etc., ont atteint, dans certains cas, 8 atmosphères (***).

27. Darcy [^^<], qui n'a pas rattaché ses travaux à ceux du docteur Poiseuilip, a fait, en 1855 et 1856, des expériences qui, sans présenter une grande précision, l'ont conduit à ad- mettre que le débit de l'eau à travers des couches de sable varie proportionnellement à la pression que support»^ la base inférieure de ces couches filtrantes. Les colonnes d'eau qui mesuraient ces pressions ont atteint des hauteurs comprises entre 1 -H et l;j-93.

28. iin 1860 [21], M. Tate a étudié la filtralion à travers un grand nombre de substances; mais il a fait varier les pressions dans des limites très-étroites, de telle sorte qu'elli s n'ont pas dépassé 15 pouces anglais (0'"38 environ). Il montre que la

(*} Let nombres mis entre les [] sont les numéros dVdre des paragraphes précé- dents.

(**) Voir les 13«, li« et 15» séries d'expériences, pp. 486 et i87 du Mémoire déjà cité.

{***) Page 459, et 34% 95* et Sd« Ubleaox des expériences de Poiseuille, pp. 491.. 49i et 493.

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RECHERCHES SUR LA PILTRATION. 25

vitesse observée est proportionnelle à la charge; mais, quand celle-ci est très-faible, la loi paraît être légèrement en défaut, ce que Fauteur attribue à TefTet du pouvoir absorbant du Qltre, (c qui dépasse de beaucoup celui qui est à la pression seule C) »9 ^dis ce qui lient, à notre avis, au mode de calcul, qui fournit pour les vitesses des valeurs qui sont trop grandes et qui dépassent d'autant plus Its valeurs exactes que les charges sont elles-mê nés plus faibles.

29. En 1872, M. Duclaux a ét^^ndu la loi des pressions dé- montrée par Poiseuille au cas du passag.^ des liquides k tra- vers l^s plaques poreuses [23]. Il a successivement employé des plaques de terre de pipe et de charbon, H de petites cou- cha s de plâtre. La charge moyenne n'a pas dépassé 0»40. D.ins ces expériencc*s, la plaque perméable forme la base de la colonne du liquide, qui suinte et qui s'en délach»^ goutte à goutte. La charge varie donc avec le temps, et l'expression qui sert à représeiler cette relation est une formule à trois termes . telle que

A = aO 662 + c03,

dans laquelle les coefficients a, 6, c sont déterminés expéri- mentalement (**).

30. M. Paul Havrez [25] a fait varier la pression de 0"10 à 1 mètre environ; mais il prend pour mesure de la vitesse, à une hauteur donnée, la vitesse moyenne, calculée de O^IO en 0"10, ce qui est d'autant moins exact que la hauteur est plus faible. L'auteur obtient, par interpolation, pour l'expression de la vitesse ainsi calculée,

V = r + v'A .

Ici, V est la vitesse qui résulte de la charge de l'eau con- tenue dans le filtre, v' celle que produirait une colonne

(*) Philoêophical Magatine^ i. XXI, Mémoire déjà cité, p. 61.

f**) AnftaUê de chimie et de phytiqve^ t. XXV (1873), Mémoire déjà cité, p. 460.

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26 MÉMOIRES

fluide d'une hauteur égale à runité, et h est la hauteur de la colonne qui presse sur la face supérieure du filtre.

M. Havrez donne plusieurs systèmes de valeur de v et de v' qui satisfont aux conditions expérimentales ; mais les for- mules qui expriment exactement la première loi de Darcy,

BrrrHoe-*»* ct V = wH n,

dans lesquelles H représente la distance verticale du niveau à la dernière tranche de la masse perméable, permettent d'obte- nir des résultats au moins aussi satisfaisants. Il est facile de le reconnaître en appliquant ce mode de calcul aux expé- riences de M. Havrez faites à des températures constantes.

J'ai cherché à varier les conditions et les limites des expé- riences destinées à établir l'influence de la pression sur le débit des filtres, et je vais maintenant indiquer les dispositions que j'ai adoptées.

§ 1 . Premier procédé.

31. J'ai d'abord étudié le passage de l'eau à travers les vases poreux qu'on emploie dans les piles à deux liquides. Pour en rendre l'usage plus commode, on émaille aujourd'hui les bords supérieurs de ces récipients sur une hauteur de 0*02 ou 0»03. Je me suis toujours servi de ceux qui présen- tent cette modification, parce que la surface filtrante reste tou- jours la même, quelle que soit la façon dont on recouvre le vase.

32. Je coifle ce vase d'un entonnoir, dont le bord est limité par une circonférence notablement plus grande que le contour extérieur du vase poreux. Pour rendre ces deux pièces soli- daires l'une de l'autre, je les retourne et je coule dans la ri- gole circulaire comprise entre le vase et l'entonnoir du mastic très-dur, analogue à celui qu'emploient les constructeurs d'instruments de physique; j'adapte ensuite à l'entonnoir un

(*) Voir [36] réiablissèmeot de cet fomatei.

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RECHERCHES SDR LA FILTRATIO.

27

Fig. 4.

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28 MÉMOIRES

tube de caoulchouc de il millimètres de diamètre intérieur et de 1"20 de longueur, qui est relié à Taiilre oxlrémilé avec une burette de Mohr^A. (Voir fig. 1.) Celle-ci, qui a une longueur de O^.'iO, est graduée en parties d'égale capacité, et l'on peut ainsi apprécier en centimètres cubes et dixièmes de centimètre cube la quantité de liquide qui s'est écoulée pendant un cer- tain temps. La burette e^^t fixée et mainterfiie dans une posi- tion verticale par un support a double pince qui repose sur une tablette M mobile, comme l'indique la figure. De cette façon, elle peut être élevée ou abaissée à peu près comme le réservoir de mercire, dans les premières pom|]es pneumati- ques construites par MM. Alvergniat. Le vase poreux V est plongé dans un vase à précipité H d'une plus grande hauteur, de telle sorte qu*il est complètement noyé dans le liquid^^ qui remplit celui-ci. Le vase B est lui-même placé au milieu d'une terrine qui reçoit le trop plein.

33. Dans ces conditions, les pressions intérieures et exté- rieures- exercées sur les différents éléments de la surface du vase poreux sont variables d'un point à l'autre ; mais l'excès des premières sur les secondes est le mê'tie en tous les points, tout à fait indépendant de la forme du vase, et c'est en vertu de cet excès de pression que l'écoulement se produit. La sur- face filtrante étant de cent cinquante à deux cents foi'^ plus grande que la section droite de la burette, l'abaissenient du niveau du liquide est assez r ipide, tout en pouvant être très- aiséuient observé II y a, par suite, plus de précision dans la détermination du temps que lorsque la surface terminale se déplace av(C une extrême lenteur, mais le principal avantage qui résulte, à mon avis, de cette disposition, c'est que la masse d'eau assez considérable dans laquelle est plongé le vase poreux le met à l'abri des petites variations de la température exté- rieure, ou, dans'tous les cas, régularise ces variations, qui ne se produisent alors que lentement; on pourra donc en tenir compte, si cela est nécessaire. On suspend deux thermomètres, T et T', au bras horizontal du support qui sévi à maintenir le vase poreux au centre du vase à précipité. Le thermomètre F est placé dans le liquide, et le thermomètre T' est plongé dans

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RECHERCHES SUR LA PILTBATION. 29

l'air; mais les indications de ce dernier n'ont pas la même im- portance. Au support est encore fixée une gaîne de caoutchouc, dans laquelle peut glisser, à frottement doux, une baguette de verre effilée à son extrémité. Je place la pointe de manière à la faire affleurer à la surface libre du liquide dans le vase à précipité, qui se maintient constant par suite du trop plein. En prenant la précautien de placer cette pointe du côté du bec du vase à précipité, on en peut aisément relever la hauteur à l'aide du cathétomëlre.

34. Voici maintenant comment on procède : Le vase poreux, placé sous un robinet, reçoit, pendant un jour ou deux, l'eau qui s'en échappe d'une manière continue; il est ensuite lavé et rincé avec soin, à l'intérieur et à l'extérieur, avec de l'eau fil- trée. Le tube en caoutchouc et la burette sont placés à peu près verticalement au-dessus du vase poreux. !-e vase à préci- pité étant encore vide, on verse dans l'entonnoir qui surmonte la burette de l'eau filtrée, qui chasse au dehors les gaz conte- nus dans les espaces capillaires compris dans l'épiisseur des parois. Le vase large se remplit peu à peu, et le liquide, en s'élevant graduellement, fait monter \\ plupart des bulles ga- zeuses qui adhèrent aux parois; on peut, du reste, les en dé- tacher aisément p.ir divers moyens. Quand le vase est complè- tement rempli, on attend encore qu'une grande quantité de liquide ait traversé les espaces capillaires. On peut alors abaisser le support de la burette : le tube de caoutchouc s'infléchit, mais SCS courbures ne sont jamais brusques, et, en remarquant que même les coudes à angle droit n'entraînent qu'une faible perte de charge, on doit admettre que les flexions produites ici ne modifient pas le débit. On s'assure ensuite que l'axe de la bu- rette est vertical à l'aide de deux fils à plomb placés dans des azimuths difiërents, ou plus simplement à l'aide d'un seul fil à plomb et du cathétomètre; on fixe la lunelle de ce dernier ins- trument de manière à cacher avec le fil horizontal du réticule une des divisions du tube, et l'on attend que le ménisque con- c^ve qui forme la surface terminale du liquide devienne tan- gent à ce fil horizontal. On note cet instant ; on vise de la même manière le passage du liquide vis-à-vis d'un autre trait du

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30 MÉMOIEBS

tube. On note aussi Tinstant. Je me suis servi, dans mes pre- mières expériences pour mesurer le temps, de deux bonnes montres à secondes, dont je comparais de temps en temps la marche avec celle d'un régulateur, et, d^ns mes dernières ex- périences, d'un chronomètre Bréguet à arrêt instantané, que M. Daguin a bien voulu mettre à ma disposition.

35. On peut ainsi déterminer le temps qui est nécessaire pour l'écoulement de 2 <'<'<' d'eau à travers le vase poreux. I^a charge sous laquelle s'est produit cet écoulement peut être considérée comme égale à la moyenne arithmétique des hau- teurs du liquide dans la burette au commencement et à la fin de l'expérience. On en letranchera la valeur qui représente Tascension capillaire.

Le produit de la pression ainsi obtenue par le temps employé à l'écoulement d'un même volume de liquide doit être une quantité constante, si la première loi de Poiseuille est encore applicable. En effet, si (J est la vitesse moyenne avec laquelle le liquide baisse dans la burette d'une hauteur correspondante à deux divisions, et, si Q est la quantité du liquide écoulé pend'int ce temps, on aQ = US6.

Or, la vitesse moyenne U est proportionnelle à la hauteur moyenne H, et peut êlie représentée par U = mH, m ayant une valeur qui ne change pas dans les conditions actuelles de rexpérîence.

On a donc Q = mHSe, d'où He = -S = P, P étant une

quantité constante.

36. On peut établir avec plus de précision cette formule et déterminer en même temps Tapproximation qu'elle permet d'atteindre en la déduisant de la loi des pressions :

Si tes vitesses d'écoulement sont proportionnelles aux près* sions, comme Poiseuille l'a démontré pour les tubes capillaires, on a, comme nous l'avons déjà dit, [2], en appelant :

Q la dépense pendant l'unité de temps ;

y la vitesse moyenne pendant ce temps;

H la pression évaluée en colonne de liquide de même nature que celui qui s'écoule;

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RECHERCHES SUR LA FILTRATION. 31

D le diamètre d'un tube capillaire ; K une constante qui dépend de la nature du liquide ; / la longueur du tube capillaire, la formule :

K . HD*

et on a aussi

/

Q = '-?.y,

4

Telle. est Texpression des lois de Poiseuille. Représentons maintenant par n le nombre des tubes capillaires du vase poreux, par D le diamètre moyen de ces tubes, le débit produit à travers ce vase est équivalent à celui que produiraient n tubes de diamètre D, et dont la longueur commune serait représentée par l'épaisseur de ses parois. Si U est la vitesse avec laquelle le liquide descend dans le tube de verre, dont le diamètre est A , on a, pour représenter la dépense pendant l'unité de temps, les deux expressions suivantes, que nous pouvons égaler Tune à l'autre :

A«U = nDïV,

ou, remplaçant Y par sa valeur :

7: l ' d'où U = -^. D*H , et, en posant j^ = m , U = mH . Mais on a encore, pour l'expression de la vitesse :

Donc, U = -Tg- = mH, ou +-^ = mrfô.

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32 MÉMOIRES

Et, en passant aux fonctions primitives : L . H = me + LHo .

ou HrzrHoe-"** (1)

et U = ma (2)

Hq représentant la pression initiale. Si on se sert des logarithmes vulgaires on a :

log H = log Ho me log c,

d'où e^ log Ho -log H

m log e ^

Telles sont les relations qui lient le temps et la vitesse à la pression.

On peut dire que si la loi de Poiseuille s'applique aux vases perméables, la déperdition du liquide à travers ces vases doit se faire, comme la déperdition de chaleur, lorsque la loi de Newton est applicable, et aussi comme la déperdition de Télec- tricité dans l'air sec, d'après les expériences de Coulomb.

37. Nous pouvons encore exprimer H en fonction algébrique en remplaçant dans (1) e-"** par sa valeur qui est :

^ ~ 1 """La i.s. 3"^i. 2. ;k 4

onaalors:H = Ho(l-^+— ^-^-^+f^^^3^ )

et, en retrmchant ces deux quantités égales de la valeur Ho

u H Tj /me m«e« , m»08 mH* , \ Ho -. H = Ho 1^^ - ^--2 + ^-«273 "" 1.2.3.4 "^ /

ou

n p_/Ho + H , Ho-Hyme nfl^^.mH^ m*e* , \ Uo-tt-\^— g— +--2~AT""lT2+iT2:3""l.2.3.4+--7

Et en groupant tous les termes qui contiennent Ho H dans le premier membre :

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RECHERCBBS SDH LA FILTRATION. 33

^ """^V"' 27?"^ 2~n~2.1.2.3"^2.1. 2.3.4"" /

/Ho + H\ / \ /, me , »t*6« mm , \

=V-T-;W0-n+r2:3- 1:2:3:4+ )

El en cherchant le quotient des deux quantités entre paren- thèses :

H.-H = (Mi±H).„a.(,-l„W+4„M.- )(J)

d'où Ton peut déduire^ avec une approximation suffisante :

0 H = g mO ou g X 0 = ^ = P. (5)

P est une quantité constante pour une valeur déterminée de Ho Hy quand m est beaucoup plus petit que Tunité, et que e n'est pas très-grand, comme, par exemple, dans le cas actuel, m = 0,0001440 et e n'atteint pas 200 secondes, parce

qu'alors le terme j^ rnl^ est déjà négligeable.

38. C'est cette formule qu'il faut vérifier. Voici quelques-uns des résultats obtenus :

TABLEAU !•'

M

h

HAUTEUBS évalaées

TEMPS évalaés

BN BBOOITDBS

PRODUITS de ces

DBUX MOMBBBB

4 t 3

4 20

95c,786 80c,490 72c,40SI

«n, 27» =4 47» 2n»,66»=4 76»

U080 UU3

44046

Ces résultats sont satisfaisants, les écarts que présentent ces^produits^entre eux correspondant à des erreurs relatives

8o séRIS. TOMB III, 1.

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34

MÉMOIRES

du même ordre de grandeur que celles qu'on peut eommellre dans révaluation du temps, qui n'a pas été déterminé à plus d'une demi-seconde près.

\oici encore les résultais de quelques expériences du même genre :

TABLEAU II

hS 3

HAUTBTJKS moyennes évaluées

KN CBNTIMÂTBB8

4 «M 180,2

91S475 87c,540 75S880 69«,200 49c,450

TEMPS

de réoonleinent

évalaés

BN 8EC0KDBB

PRODUITS de ces

DBUX NOMBBIS

2«,27« = 4 47« 8«,34« = 4 64« 2",57»=477« 5»,47« = ttV 4«n,34»=:874«

43447 4 3484 43434 4 3438 43404

39. En procédant ainsi, on pourra mesurer aisément la dé- pense dans l'unité de temps. Ainsi , le vase poreux employé dans ces deux expériences avait une hauteur intérieure de 10%7 déduction faite du bord émaillé, qui était imperméable; le diamètre de la section intérieure était de 4%4. Le passage du liquide se fait par une surface qui est égale à la surface latérale du cyPindre, augmentée de la surface de la base. La surface intérieure est ici égale à 163«%10, et l'on obtient, pour la surface externe, = 218". La moyenne de ces deux surfaces

163^,10 +218" _ 381,10 2 ""2

I90",55.

Telle est l'étendue de la couche moyenne, tandis que l'épais- seur moyenne de la paroi perméable est de 0%48. Dans la pre- mière expérience, la dépense a été de 2' cubes en 147 se- condes, la température étant de 12^. On déduit de ces données que la quantité du liquide écoulé sur une étendue de i mètre^

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RECHERCHES SUR LA FILTRATION. 35

carré du même vase, sous une charge de 1 mètre d'eau, pen- dant une seconde, serait représentée par l'expression suivante :

2..e X J^ X ^^ X -L - 0- 745— 460 * '^ 957786 ^1M;55^Î47~ ' '

D'autre part, la vitesse moyenne avec laquelle le liquide

s'abaisse dans la burette à la hauteur de 95%786 est de ^A»-

(1%94 est la distance des deux traits de la burette).

Puisque les vitesses et les hauteurs sont proportionnelles pour une charge de \ mètre d'eau, la vitesse serait de

Trr>< 957786 = ^'®^^^^-

La vitesse, dans le tube de caoutchouc, est un peu plus grande, puisque la section de celui-ci est un peu plus petite que celle de la burette.

40. Lors même que la résistance due au frottement du liquide sur les parois de la burette et du tube de caoutchouc ne serait pas absolument négligeable, les conclusions que nous avons à tirer de ces expériences ne seraient pas modifiées. Darcy a, en effet, démontré (*) que, pour les tubes dont le dia- mètre était inférieur à O-^Ol, la vitesse est directement pro- portionnelle à la charge et inversement proportionnelle à la longueur du tube, quand celte vitesse ne dépasse pas O^jlS par seconde.

Si, dans le passage à travers les vases poreux, la vitesse est aussi proportionnelle à la charge, elle doit l'être encore dans le système complexe constUué par la burette, le tube de caout- chouc et les interstices du vase poreux.

41 . Mais la résistance qu'éprouve l'eau à parcourir le tube de caoutchouc est ici insignifiante par rapport à celle qu'elle

(*) lUeherckei expérimetUaUs rêlatwes au mowoement Vttm daiu les tmfmtœ, pp. 81( et 350 da tome XV des Mémoires des servants étrangers (J857).

Les expériencei de Darcy font aaisi citées par Baxio dans ses recherches hydraaU- ^iMS [MémoÊres des emnmU étrangers, pp. SO et 147, t. XIX, 1869.1963).

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36 MÈMOIBES

rencontre en traversant le vase : il suffit, pour le démontrer, de déterminer la longueur que devrait avoir le tube pour que la vitesse fût ramenée à ce qu'elle est dans l'expérience pré- cédente. Nous n'avons pas fait d'expérience pour déterminer

RI

la valeur du coefficient jr [19], dans le cas d'un tube de caout- chouc de l%10 de diamètre; mais nous trouvons dans le Mé- moire de Darcy, sur l'écoulement de l'eau dans les tuyaux, la valeur de ce rapport pour un tuyau en fer étiré de 1%22 de diamètre, et elle ne peut pas différer beaucoup de celle qu'on obtiendrait dans le cas actuel ; celle-ci serait probablement un peu plus grande, car déjà ici la vitesse croit plus vite que le diamètre, sans être encore tout à fait proportionnelle au carré du diamètre, comme dans les expériences de Poiseuille.

RI h

Dans la formule -ry = a, R est le rayon; ï = qu» repré- sente la pente, est la variable indépendante dans les expé- riences de Darcy. Or, on constate que le rapport de la vitesse à la pente est constant, et que pour le tuyau en fer il a une valeur égale à 0,000(55.

RA

Si nous appliquons cette formule au cas actuel : -7w=0,0001 55,

nous aurons, en exprimant toutes les longueurs en centimètres et en résolvant par rapport à / :

I _ 0%55 V ^^ - 25901 100- ^ - Ô%Ôîâ7 ^ 0%000155 - ^'^^^^^ '

c'est-à-dire que le tube de caoutchouc de 1%iO de diamètre que nous avons employé devrait, d'après ce calcul, avoir une longueur de plus de 250 kilomètres pour que la vitesse du liquide éprouvât le ralentissement qui résulte du passage à travers le système complexe formé par la burette, le tube de caoutchouc et le vase poreux. La résistance au passage du liquide, due aux pièces accessoires, dans cet appareil comme dans les appareils analogues que nous allons employer, est donc tout à fait négligeable. Sans doute, la valeur prise pour

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RECHERCHES SUR LA PILTRATION. 37

a est ici peut-être un peu trop petite, et, par suite, la valeur de / un peu trop grande; mais elle est toujours de Tordre de grandeur que naus venons de déterminer.

42. On pourrait objecter, il est vrai, qu'on ne peut appliquer une formule empirique dans des conditions aussi différentes de celles qui ont servi à l'établir; mais h seule conséquence que nous avons tirée subsiste, quelle que soit la valeur absolue dé- duite de la formule ou d'une formule analogue, pourvu que celte valeur reste très-grande par rapport à la longueur du tube que nous avons employé; or, toutes les formules de l'hydrau- lique conduiraient au même résultat.

Nous pourrons donc conclure des expériences résumées par les tableaux I et 2 que, dans le passage de l'eau à travers les vases poreux, les vitesses sont proportionnelles aux charges.

43. Malgré les vérifications satisfaisantes que je viens d'in- diquer, je n'ai pas multiplié les expériences avec cet appareil, qui présentait quelques inconvénients. Je me borne à signaler les deux principaux : L'eau n'entraîne pas toutes les poussières adhérentes aux parois du tube de caoutchouc, même en le traversant pendant longtemps, et les nouvelles parcelles qui s'en détachent, quand celui-ci s'infléchit, viennent se déposer au fond du vase poreux. D'autre part, le tube élastique éprouve, quand la pression décroit, une diminution de calibre dont il faudrait tenir compte, si l'on faisait varier la charge dans des limites un peu étendues. J'ai rendu cette cause d'erreur très- manifeste en remplissant de mercure le tube de caoutchouc et la^burette.

J'ai donc cherché un moyen plus précis.

g 2. _ Deuxième procédé expérimental.

44. Nous avons substitué, dans l'appareil précédent [32], au tube de caoutchouc et à la burelle de Mohr, un tube de verre de 1"20 de longueur et de 0»01 de diamètre environ. J'ai collé sur le tube, h différentes hauteurs, de petites bandes de papier de 2 à 3 millimètres de largeur, formant dfs anneaux autour du tube, et désignées chacune par un numéro d'ordre; j'avais

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Fm. a

38 MÉMOIRES

déterminé préalablement la section moyenne de ce tube entre [es différents traits en adaptant à son extrémité un tube à ro- binet, dont je me suis servi en différenis cas. Le tube qu'on veut jauger et le (ube à robinet étaient amenés au contact et re- liés par un tube de caoutchouc; mais, pour empêcher toute ex- tension, on enveloppait celui-ci d'une gaine de clinquant plu- sieurs fois enroulée et serrée par un fort fil de fer formant des spires très -rapprochées. C'est dans ces conditions que j'effec- tuais un jaugeage au mercure. 45. Le tube de verre et le vase poreux, réunis après ces opérations préliminaires, for- maient un. appareil représenté par la figure 2.

Les dispositions accessoires, telles que celles qui se rappor- tent à la direction du tube et à la détermination de la tempéra- ture, au premier remplissage du vase poreux et du vase à préci- pité, étaient prises comme nous 1 avons déjà indiqué ; on procède ensuite de la manière suivante : Après s'être bien assuré que l'axe du tube est vertical, on attend que le ménisque concave qui forme, dans le tube droit, la surface terminale du liquide^ devienne tangent au plan ho- rizontal passant par le bord supérieur du premier anneau de papier. Pour cela, le cathélomètn*, préalablement réglé, est disposé de façon que le fil horizontal du réticule de sa lunette

Fig. 2.

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RECHERCHES SUR LA PILTRATION. 39

soit dans le plan horizontal déterminé par le bord supérieur de Tanneau.

46. Gomme pour faire cette visée on a mis en place le calhé- tomëlre avant que le liquide se soit abaissé au niveau de la première bande, on a pu relever la hauteur correspondante avec précision. Ici, le vernier permet de lire les hauteurs à ^ de millimètre près.

Au moment le ménisque concave atteint le bord supérieur de la bande de papier, on note le temps correspondant ; on abaisse ensuite la lunette à Taide de la vis des petits mouve- ments, pour amener le fil horizontal du réticule en coïncidence avec rimage du bord inférieur de la bande; on voit bientôt apparaître un léger filet noir, qui grandit rapidement en pre- nant la forme d'une espèce d'onglet. On note aussi l'instant de cette apparition , quoique cette détermination ne se fasse pas avec autant de précision que la précédente.

On lit ensuite la hauteur à laquelle se trouve la lunette; la différence des deux hauteurs fait connaître la distance verti- cale des deux bords ^àe la bande. On amène ensuite la lunette dans le plan horizontal qui contient le bord supérieur de la seconde bande. Le temps relativement considérable qui s'écoule avant que la surface terminale du liquide ait atteint ce niveau permet de s'assurer que l'instrument est bien réglé et de noter les indications fournies par les thermomètres. En continuant ainsi, on arrive à relever, en dernier lieu, le niveau du liquide dans le vase à précipité, il forme trop- plein, en visant l'extrémité de la pointe effilée qui affleure à la surface, et on a les données nécessaires pour calculer la vitesse de l'écoule- ment à travers le vase poreux sous différentes charges.

47. Celte manière d'opérer, qui est la plus sûre, ne permet de suivre le phénomène de l'écoulement que dans un seul tube, et il exige un temps considérable, comme l'indiquent, du reste, les nombres qui figurent dans les tableaux suivants. Pour pou- voir opérer simultanément avec plusieurs appareils, je me suis contenté, dans un certain nombre de cas, après avoir relevé les hauteurs des bandes à l'aide du cathétomètre, de déter- miner les moments des contacts du ménisque liquide et des

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40 MÊMOliES

bandes en dirigeant le rayon visuel à Taide d'un petit curseur annulaire. Le bord du curseur était amené successivement en coïncidence avec les bords des différentes bandes; je m'assurai, après plusieurs lectures de ce genre, que le tube n'avait pas bougé en relevant de nouveau au cathétomëtre la hauteur d'un des traits de repère. Si quelque dérangement était inter- venu, je le notais, et j'ai pu constater ensuite, en faisant ces calculs, que les résultats obtenus dans ces cas-là n'étaient pas concordants, et que les observations correspondantes devaient être rejetées.

48. J'ai cru devoir employer plusieurs appareils analogues pour me mettre à l'abri des causes d'erreur particulières que pourraient présenter certains d'entre eux. J'ai reconnu par expérience l'utilité de cette précaution, car, en me servai^ d'un appareil que j'avais désigné par la lettre D, j'ai obtenu des résultats sensiblement différents, que je ne m'expliquais pas; mais, après avoir séparé les pièces qui le composaient pour chercher à m'en rendre compte, j'ai remarqué que le vase poreux présentait une fissure assez étendue. Celle-ci devait faire l'effet d'une série de tubes capillaires trop courts pour que la première loi de Poiseuille^ que nous avons énoncée plus haut, pût s'appliquer.

49. Les formules précédentes (1) (3) (3) exposées plus haut [36] permettent de déterminer les valeurs que nous devons obtenir si la loi des pressions est ici applicable. Nous avons fait le calcul en prenant pour variable indé|)endante la hau- teur observée. Le procédé de vérification a alors plus de sen- sibilité que si Ton opérait en sens inverse. En effet, soit e la valeur de l'erreur absolue commise dans la détermination de la hauteur, que je supposerai négative ; s'il n'y a pas d'er- reur, la formule étant supposée rigoureusement applicable, on a :

° m log e

En substituant à la valeur H la valeur H ~ e, la variable dé- pendante devient 0 + 6', et on a :

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RECHERCHES SUR L^ FILTRATION. 41

e + Ô' = log Hq - log (H - e) m log e

Retranchant ces deux équations,

,,^logH-log(H-e)^ (< +^) _

m loge

m loge

Lorsque H diminue, 0' augmente.

Si, au contraire, on prend pour variable indépendante le temps, et si on calcule la hauteur, en appelant 0' Técart ou Terreur commise dans Tévaluation du temps, on aurait, s'il n'y avait pas d'erreur :

et dans le cas d'une erreur commise :

d'où e = Ho [c-«« e -"•(• * •'>]

ou e = HoC - »»• (1 e -'"•') ,

valeur d'autant plus petite, pour une valeur de o', que O^est déjà plus considérable.

En procédant ainsi, il suffit, dans chaque série d'expériences, de déterminer la valeur de la constante m, ce qui se fait aisé- ment à l'aide de la formule (3) [36], d'où je tire :

^ ^ log Hq log H 6 log c

50. Si l'on donne un numéro d'ordre aux différentes bandes fixées sur le tube de verre, on aura, en appelant 6 le temps écoulé :

^ ^ log H, - log Ha e log c

Je prends pour Hi la moyenne des hauteurs obtenues en fai- sant au cathétométre la lecture du bord supérieur et celle du bord inférieur de la bande; je procède de même pour Hj. Cha- cune de ces quantités est exprimée en millimètres et cinquan-

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42 MÉMOIRES

tiëmes de millimètres. J'ai converti ces dernières subdivisions en î^"", pour faire plus aisément les calculs.

Je détermine, comme je Tai dit, Tinstant le niveau du liquide atteint le bord supérieur de la première bande et Pins- tant il commence à en dépasser le bord inférieur, et je fais encore la moyenne de ces deux lectures; on a ainsi le temps la surface terminale du liquide atteint la hauteur Hi : soit 61 ce temps. J'obtiens aussi, par deux autres lectures, l'ins- tant ^^ le niveau du liquide atteint la hauteur H^.

m sera donc obtenu à l'aide de la formule

^^log(H,-logH,) (^2-^1) loge

Mais comme, en faisant le tableau des expériences, je prends 61 pour origine du temps = 0»,00*, on a :

^ ^ log Hj log Ha h log c

es est donc déterminé à l'aide de quatre observations. Le terpps observé était exprimé en minutes et secondes ; mais, pour la facilité du calcul, j'ai converti ensuite le tout en se- condes.

m une fois connue, on a pour 63 :

^ ^ log Ha -log Ha ^ m log e '

et de même :

^ ^ log H3 - log H4 * m log c

Les nombres ainsi obtenus sont inscrits dans la colonne inti- tulée : Temps calculés.

51. Si la température se maintient constante, il n'y a, pour comparer ces résultats à ceux qu'on obtient par l'observation, qu'à faire subir à ces derniers une correction : c'est celle qui résulte des inégalités de la section dans les tubes dont ou s'est servi. Ces tubes, de verre ordinaire, ne sont pas généralement bien calibrés.

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RBGHERCHBS SUR LA P1LTRATI0N.

43

On fait un jaugeage au mercure en maintenant le tube ver- tical et en laissant écouler le liquide d'un trait de repère à Taulre^ et on peut ainsi déterminer la section moyenne de cha- cune des capacités comprises entre deux repères successifs par le procédé que nous avons déjà indiqué [44].

Si je prends pour unité la section moyenne de la partie comprise entre les bandes 1 et 2, les autres sections sont re- présentées par 1 zh ç, et il suffira de diviser le temps observé par i dzç pour le ramener à ce qu'il aurait été si le tube avait eu la section comprise entre les deux premiers repères.

En effet, soit 0^3 le temps observé quand le niveau s'abaisse de H) à H3, et soit 1 ±: <; la section de celte partie du tube. Si la section était 1, le temps serait O3, tel qu'on aurait :

52. Voici le tableau de quelques résultats obtenus dans ces

conditions :

TABLEAU m

ÉCOULEMENT DE L*EAU DANS LE TUBE A Le coefficient m = 0,000.066.43 ; la température T = 4 40,9.

HAITTEITBS

moyennee

des

bandes.

976,62

obser- vés. 8

876,63

4 627

4807

777,24

673,88

' 4 93:J

RAPP0BT8

des

sections

à la section

entra

les traits

1 et 3.

4

4,0000 4,0000 0,9844

TEMPS

corrigés

des variations

de la section.

4 627

4 807

4 964

DURÉES

totales corrigées.

4 627

3434

5398

TEMPS

oalcolés entre

les divers traits.

4 627

4840

4 967

DURÉES

totales

calculées.

8

4627

3437

5404

Nota. Les deax premières observ alioos serTent à déterminer les constantes ; voilà pourquoi il n^y a aucane différence entre Tobservation et le calcul .

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44 HÉlfOIftlS

53. En observant, dans le même tube, rabaissement de la colonne liquide, un joor où, par soite de circonstances favo- rables, les variations de température ont été très-faibles, on a obtenu les résultats suivants :

TABLEAC IV

ÉCOrLCXE5T DE L'eAC DA.NS LE TTK A

=•,000.072; bUnpéntare T = I7«,3.

I

HAVTECmM „„ .

d- ^\

ôm

«ctiom

alasectkm

entn

les taito

4et ».

nvra '

ôm

mtetioi»,

•eetkn. |

DCHÉIS

i

total» ; oonigéeft.

raxn

calcak* 1

Stntta.

(otalM

ifjl

1

J 1 S

4 ;

i 1

7

8 1

0*

»

0»'

: 4

673,88 '

0.

.

! ^

SI28

579,85 1

|t658 478,69 ,

(3304 379,84

1,0000

2428

2428

24 28

24 28

1

!

4,0049

2663

2660

6

4784

4788

—7

4,0060

3285

3342

7

8066

8400

—34

[4«7

4,0056

4204

4475

8

t82,46

1

1

1

4 2270

4 2275

—5

54. Les différences qu'on constate dans ce tableau, entre les résultats observés et les résultats calculés, ne sont pas con- sidérables; mais il n'est pas possible de poursuivre Texpé- rience longtemps, à cause des variations de température. Dans les circonstances les plus favorables, lorsque, pendant plu- sieurs heures, la température ne varie que de quelques dixièmes de degré, il y a des écarts qui dépassent notab!ement les erreurs probables d'obser\ ation. C'est ce qu'où voit aisément par l'exa- men du tableau suivant :

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BECHBRCHES SDR Lk FILTRATION.

45

TABLEAU V

ÉCOULEMENT DE L*EAU DANS LE TUBE C Le coefficient d'écoulemeot m =: 0,000.093.69 ; Températare moyenoe 7 = 47».

4

2

3

4

6

6

7

8

9

4

976,66

1

4097

4,000

4 097

4 097

2

879,67

1 4 240

4903

1

4097

4097

0

4,0228

4243

4 220

3

786,4 0

2310

2347

7

4,0445

4 879

4 877

4

659,34

4189

4494

6

1 4 600 674,97 1

4,0230

4 466

4548

5

5665

5742

67

1 4948

4,0420

4 923

4 984

6

474,90 1

7678

7696

448

(2248

4,0440

2223

2360

7

380,68 1

9804

4 0056

255

1 3259

4,0040

3256

3326

8

278,77

43057

4 3384

324

( 5984

4,0400

5933

6046

9

4 58,20

4 8990

49427

437

55. Cette observation, déjà ancienDO, me conduisit d'abord à penser que la loi de Poiseuille ne s'appliquait pas exacte- ment à l'écoulement des liquides à travers les vases poreux , et je n'avais pas attribué ces écarts à des variations de tem- pérature peu marquées, que j'avais mal suivies, il est vrai, par suite du peu de sensibilité du thermomètre employé; mais, en reprenant ces expériences et en tenant compte aussi exac-

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46 MÉMOIRES

tement que possible des différences observées dans Tétat calo- rifique^ j'ai reconnu que Taclion de la chaleur exerce une in- fluence du même ordre que dans le cas de Técoulement à tra vers les tubes capillaires.

56. Pour continuer des expériences dans des limites plus étendues avec cet appareil, il fallait donc pouvoir tenir compte de Tinfluence de la température, et calculer les résultats qu'on aurait observés si on avait été à Tabri de ces variations. J'exposerai, dans le chapitre suivant, les moyens que j'ai employés pour étudier l'action de la chaleur sur la vitesse de l'écoulement de l'eau; il me suffit d'indiquer ici que j'ai établi une formule empirique qui me permet de faire en bloc les corrections relatives à l'influence de la température. J'ai pro- fité pour cela des changements parfois assez rapides que pré- sente la température extérieure pendant une courte période de jours, et auxquels participe, dans une certaine mesure, l'ap- pareil installé à demeure dans une petite pièce. Le thermo- mètre permettait d'apprécier ^ de degré.

En employant la formule

^_ log Hj log H,. ^ log e '

il m'a suffi de laisser écouler chaque fois le liquide du trait 1 au trait 3 pour déterminer m à la température moyenne de 8%3, de 10*, de 13<>, de 15*, de 17°, et de me servir de ces don- nées pour construire une table de correction, que je donnerai plus loin.

57. En faisant alors les corrections relatives aux tempéra- tures pour déterminer les temps qu'on aurait observés si le thermomètre était resté stationnaire, on peut suivre une expé- rience jusqu'au bout.

Voici les résultats obtenus en me servant d'un tube 6 :

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BECHEBCHBS SUR LA FILTRATION.

47

TABLEAU VI

ÉCOULEMENT DE L*EAU DANS LE TUBE 6

m = 0,000.057.11

1l

1

moyennes

des bandes.

2

TEMPS

observés. 8

RAPPORTS

des sections

àla

section

entre

les traits

let2.

4

TEMPS

corrigés

des varia- tions delà

section.

6

TEMPi- BATURBB

moyen- nes.

6

TEMPS

ooirigés

des varia- tions de la tempé- rature.

7

dubAbs totales

gées. 8

TEMPS

calculés

entre

8 traits.

9

DURÉES

totales calcu- lées. 10

11

4

966,87

4954

0*

4,000

4951

90,4

1951

1951

t

856,04

1951

1951

1

2458

1,000

2158

9»,5

2164

2164

3

756,48

4115

4115

0,00

3 bis

681,98 655,46

4770 674

0,9842 0,9842

1798 684

90,7 90,8

1813 692

5928 6620

4844 694

5929 6623

—1

—3

70

0,9842

71

90,8

72

72

\

65«,80

6692

6695

—3

1

2649

0,9834

2663

10«,1

2715

2725

6

558,73

9407

9420

13

3348

0,9850

3368

100,4

3462

3434

6

459,49

4406

12869

12854

+ 15

359,15

0,9890

4151

100,7

4302

4306

7

17171

17160

+ 14

26S,00

5236

0,9886

5297

110,1

5553

5549

8

22724

22679

+ 45

NiTCM

00,00

9 »

H »

H 9

tt n

". '

H »

* Et

# #

0 w

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48

MÉMOIRES

TABLEAU VII

ÉCOULEMENT DE l'eAU DANS LA PARTIE INFÉRIEURE DU TUBE G

El

BAUTKUB8

moyennes

des

bondes.

TBUPS

obsenrés.

RAPPOBT

des sections

41» secUonl.

TEMPS OOITlgéS

des

y«ri»-

tlons

deU

section.

1

mcPB

corrigés

des

▼Aria.

tiens

de

latempé-

latore.

durAu

totAlflS

ooni- gées.

TBMFS

calcolés

entre

3 traits.

ddbAu totales calcu- lées.

!

1

3

8

4

5

6

7

8

9

10

11

8

264,24

34 68

0,9880

3206

4 20,4 5

3205

3205

9

24 4,39

3205

3205

1

3400

0,9870

3445

420,30

3463

3460

40

473.03

6664

6666

—04

3640

0,9850

3695

420,4

3622

3608

41

438,38

5068

4 0286

40273

+4 3

0,9772

5476

420,6

6243

5238

42

400,42

4 6629

4554 4

+4 8

NtvMn

00,00

Ê ,#

9 »

Ê 9

H H

H »

H H

» Ê

9 Ê

«

58. Le sixième tableau nous montre l'écoulement s'effec- tuant pendant une durée de plus de six heures. Le lendemain de cette longue expérience, pour suivre de plus près la mar- che du phénomène sous de faibles pressions, j'ai placé sur la partie inférieure du tube un certain nombre de bandes plus rapprochées qui figurent dans le tableau VII ; les nombres de la colonne 5 ont été obtenus comme il a été dit plus haut [SI] ; dans la colonne 6 sont inscrites les températures moyennes obtenues pendant que le niveau du liquide passe d'un trait au trait suivant; les nombres de la colonne 7 sont obtenus en prenant les temps qu'on a observés, mais auxquels on a déjà fait subir les corrections que nécessitent les variations de la

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RECHERCHES SUR LA FILTRATION. 49

m! section, el qu'on a aussi mullipUés par , m étant le coffi-

cient déterminé à la température du commencement de Pcx- périence, et m' étant le coefficient correspondant à la tempé- rature moyenne T' pendant le temps ô'. On remplace ainsi les temps observés par ceux qu'on aurait déterminés dans les mêmes conditions, s'il n'y avait pas eu de variation de tem- pérature. On a, en effet, à la température T ^

0 = II » ? (0 est le temps qu'il faut calculer),

et à la température T' :

0' = rr- - ' (0' Çst le temps observé),

d'où S7 = et e = 6' . .

On voit que. cette correction étant faite, les résultats cal- culés et les résultats observés concordent d'une manière satis- faisante.

59. Aucune expérience, dans mes recherches, ne m'a coûté plus de temps; je n'en ai fait aucune qui soit plus précise. Toutefois, il importe de remarquer que nous ne déterminons ici ni les hauteurs, ni les températures, ni les temps d'une manière absolue. Sans doute, le tube dans lequel se produit Técoulement n'est pas rigoureusement vertical, pas plus que l'axe du cathétomètre; les deux montres employées n'avaient pas la précision des horloges astronomiques. Le thermomètre placé dans le vase à précipité ne donnait pas la température des divers filets liquides au moment ils passaient au tra- vers du vase poreux; mais, après avoir rempli les diverses conditions expérimentales aussi bien que possible au commen- cement de la journée, on n'en a modifié aucune. Il a suffi d'abaisser lentement le chariot qui porte la lunette du cathé- tomètre, invariablement fixée déjà dans le plan vertical qui passe par l'axe du tube. Dans ces circonstances, les valeurs obtenues restent parfaitement comparables entre elles, et four-

SBRiB. tous m, 1. d

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60

MÉMOIRES

FI&.3

Dissent une vérification de la loi des pressions avec une préci- sion satisfaisante, puisque|les différences entre les résultats observés correspondent à des erreurs relatives qui ne dépas- sent pas ~.

§ 3. Deuxième procédé, modifié et adapté à l'étude de la fUtration à travers des couches de sable.

60. J'ai adopté, par la suite, des dispositions qui ne diffé- raient pas essentiellement des précédentes, mais qui permet- taient de varier plus aisément les expériences.

Au lieu de coiffer d'un entonnoir en verre les vases poreux dont je me suis encore servi, j'en ai fait dresser et roder les bords. J'applique sur ces bords une rondelle de caoutchouc de forme annulaire, B, B (fig. 3), et au- dessus un disque de cuivre de 5 mil- limètres d'épaisseur et de 89 milli- mètres de diamètre , C , C. Ce disque est percé en son centre d'une ouver lure cylindrique filetée intérieure- ment; elle peut recevoir ainsi diffé- rents tubes terminés par des viroles identiques. Deux autres cavités, pla- cées vers les extrémités d'un même diamètre, servent à engager deux tringles métalliques T, T, boulonnées à l'un des bouts ((, t) et filetées à l'autre. Deux traverses disposées en croix ou une seconde plaque métallique de forme annulaire sont appliquées contre le fond du vase poreux et rendues solidaires du disque obturateur par l'inter- médiaire des deux tringles. En tournant les écrous t', t\ qui se vissaient sur les deux tringles, on peut produire' ja ferme- ture hermétique du vase, grâce à l'élasticité de la rondelle de caoutchouc interposée entre les bords de. ce vase et le disque métallique.

Fig. 3.

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RECHERCHES SUR FILTRATION.

54

Fiâ.4

Le récipient peut recevoir par le tube A, vissé au centre de la plaque, de Teau, qui ne peut s'échapper qu'en vertu de la perméabilité de la partie inférieure des parois. On s'assure, du resle, qu'il en est ainsi en remplissant le vase quand il est placé dans l'air, et en constatant qu'aucun suintement ne se produit, ni autour de la virole centrale E, ni sur les bords du disque supérieur. L'appareil ainsi constitué est représenté par la figure 3.

61 . Dans d'autres cas, le vase poreux est remplacé par un manchon de verre, qui est transformé en une sorle de cage cylindrique ou de lanterne. Pour

cela, on applique sur le bord infé- rieur une rondelle de caoutchouc et une plaque annulaire de cuivre, D., D (fig. 4) ; on place aussi sur le bord supérieur une autre rondelle de caout- chouc et la plaque de cuivre C, C, filetée au centre, qui peut recevoir divers tubes ; enfin, on rapproche les deux disques de cuivre à l'aide des deux tringles filetées dont nous avons déjà parlé.

Le petit appareil ainsi représenté en coupe {fig. 4) se prêle à différents usages ; j'ai pu mettre entre le man- chon de verre et le disque inférieur de laiton deux rondelles annulaires de caoutchouc, et intercaler entre

elles une feuille de parchemin végétal, en ayant soin de la soutenir par une soie résistante comme celle dont on se sert pour faire les tamis. J'ai pu aussi placer en aa' (fig. 4) une toile métallique, et couler au-dessus une couche de plâtre, ou introduire des substances en fragments très-petits, et qui forment des couches perméables aux liquides.

62. J'avais pris ces dispositions pour étudier principalement la filtration à travers de petites masses de sable; mais je m'aperçus immédiatement que l'écoulement de l'eau, dans ces

Fig. 4.

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62

MBlfOIRES

FI6.S

conditions, était trop rapide pour être exactement suivi. Je fus ainsi conduit à prendre un manchon en verre beaucoup plus long et plus étroit, dont Tocclusion était obtenue de la même façon. «

Cet appareil est représenté (fig. 5). Le tube a 1 mètre de longueur et 29"»5 de diamètre intérieur. En sur- montant le disque supérieur en cuivre du tube cylindrique divisé dont j'ai déjà parlé, j'ai pu cons- tater que le passage à travers une couche de sable s'effectuait aussi conformément à la première loi de Poiseuille, c'est-à-dire que les vitesses avec lesquelles le liquide s'écoulait étaient proportion- nelles aux charges.

63. Ces expériences présentent beaucoup plus de difficultés que celles que nous avons faites avec les vases poreux; aussi, si j'ai été désappointé de constater, après mQs expériences, que Darcy s'était occupé déjà de cette question, je n'ai pas été sur- pris de voir que les résultats qu'il avait obtenus ne constituaient pas une vérification précise de la loi des pressions. J'en ai déjà indiqué les motifs principaux [18]. J'ai cherché à opérer sur des co- lonnes de sable aussi homogènes que possible; pour cela, j'ai fait passer le sable siliceux que j'ai em- ployé à travers une série de tamis de plus en plus fins, et je n*ai pris, dans chaque expérience, que la partie du sable qu'un nouveau tamisage venait de séparer du reste de la masse. Ainsi, par exem- ple, je me suis servi de tamis qui, examinés au compte-fil, présentaient quatre, six, huit, dix, quatorze et dix-huit fils pour ^ de pouce, c'est- à-dire que, sur une largeur de ^ de pouce (27"*"07), on comptait, suivant les cas, quatre, six, huit, dix, qua- torze et dix-huit fils très -sensiblement équidistants. Dans une expérience, je ne prenais, par exemple, que du sable, que je désignerai par 8-10, dont les grains avaient traversé le tamis & huit fils, mais qui étaient restés au-dessus du

I*;;;

Fig. 5.

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BECHERCHBS SUR LA FILTRÀTION. 53

tamis à dix flis. Des poussières bien plus ténues restaient en- core adhérentes aux grains; il fallait les enlever par plusieurs lavages successifs ; je terminais toujours cette opération dans le tube même devait s'effectuer la fikration. Le sable, lavé, mais desséché et tamisé, était introduit dans le manchon déjà décrit (^. 5). Ce manchon était lui-même plongé dans un vase cylindrique de zinc construit pour cet usage, et qui avait 1»20 de hauteur sur 0*12 de diamètre; l'eau ne pénétrait que par le fond, et ne pouvait s'élever dans cette colonne de sable qu'en progressant lentement de bas en haut, et chassant de- vant elle l'air confiné entre les grains. Mais je ne comptais pas sur l'efficacité de ce moyen ; aussi, tandis que le manchon était plongé dans l'eau, je produisais une aspiration par l'extrémité du tube gradué de manière à remettre les grains de sable en suspension. Les poussières rendaient encore trouble l'eau qui, après avoir traversé la couche de sable, s'élevait par aspira- lion dans le tube gradué, et j'arrêtais un instant ce mouve- ment ascendant du liquide pour que le sable pût retomber au fond.

Je répétais cette opération autant de fois qu'il était néces- saire pour que la colonne d'eau ainsi surélevée restât limpide, malgré son passage ascendant à travers la couche de sable, et que celle-ci fût complètement purgée d'air.

64. Avant de procéder à des mesures, j'avais le soin de laisser le niveau de l'eau s'abaisser plusieurs fois depuis le sommet du tube gradué jusqu'aux bords du vase de zinc. Il se produisait, pendant ce temps, dans le manchon, un tassement du sable, dont le volume ne variait plus ensuite, comme il était aisé de s'en assurer.

Le tube gradué qui surmonte le manchon est flxé verticale- ment à l'aide de pinces à vis glissant le long d'une tige ver- ticale. On relève les hauteurs soit à l'aide du calhétomètre, soit à l'aide d'un curseur annulaire glissant le long du tube, qui, comme nous l'avons dit, porte des divisions équidistantes. Ces divisions doivent correspondre à des volumes égaux; mais, au moyen d'un calibrage au mercure effectué comme nous l'avons indiqué [44], nous avons reconnu les petites dif-

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54 MÉMOIRES

férences que présenteal les volumes compris entre Tes divers traits. On peut donc se servir de ces traits pour mesurer les hauteurs, après avoir constaté que la distance comprise entre deux divisions qui limitent la capacité de 1 centimètre cube est de 0«97i à la température de 25<>.

J'ai pris, dans certains cas, la précaution de faire circuler dans le cylindre de zinc de Teau froide constamment renou- velée; mais on peut s'en dispenser lorsque les expériences s'effectuent rapidement, la grande masse d'eau du vase de zinc ne suivant qu'avec une grande lenteur les petites variations de température qui peuvent se produire dans le laboratoire.

65. Je me suis encore servi, pour étudier la lillralion à tra- vers une couche de sable, du tube gradué, dont je ferme une des extrémités à l'aide d'un morceau de soie des tamis ; j'en forme un obturateur perméable aux liquides, et qui soutient la masse filtrante. J'ai même relié le premier tube gradué avec un second de même forme par l'intermédiaire d'un écrou un peu long, qui recevait à la fois les bouts filetés des deux vi- roles. J'avais ainsi un tube dont la longueur dépassait 2 mètres, ce qui me permettait d'opérer sur des couches de sable d'une plus grande épaisseur.

Dans les deux cas, la section de la colonne filtrante est égale à celle du cylindre liquide qui la presse.

Voici, par exemple, les détails d'une expérience :

J'établis la fermeture du tube gradué a"" 1 avec une soie de dix fils par ^ de pouce, qui ne peut laisser passer les grains de sable dont on la charge; j'introduis dans le tube une colonne de ce sable avec les précautions indiquées. Je plonge le tube dans un vase à précipité dont le niveau reste constant par trop-plein, et qui est entouré d'eau froide constamment renouvelée. Le tube est fixé verticalement avec les précautions déjà décrites ; mais ici, après avoir relevé au cathétomètre les hauteurs de quelques traits, je me contente, pour suivre l'abais- sement du niveau, de faire glisser le curseur annulaire le long du tube, de manière que le bord supérieur coïncide successi- vement avec les divisions 80, 70, 60, par exemple; j'attends que le ménisque concave qui termine la colonne liquide des*

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BECHERCHES SUR LA FILTRATION. 55

cendante devienne tangent au plan horizontal ainsi déterminé.

66. Je niets, à cet instant, le chronomètre en marche; je fais glisser le curseur jusqu'à la division 70, et, en attendant le passage du niveau vis-à-vis ce trait, j& note une ou deux fois les temps indiqués simultanément par une bonne montre à se* condes et par le chronomètre ; puis j'arrête ce dernier quand le niveau du liquide atteint la division 70. Je laisse revenir au zéro l'aiguille des secondes du chronomètre, et je la rends libre de nouveau quand le niveau passe à la division 60; je détermine encore ja coïncidence des temps donnés par la montre et par le chronomètre avant que le niveau ait atteint le trait 50. 11 résulte de un moyen de connaître le temps que Je liquide a mis à passer de la division 70 à la division 60, quoiqu'on ne l'ait pas compté directement. Il suffit, en effet, de déduire des données précédentes les temps que marquait la montre quand le niveau était vis-à-vis du trait 70 et quand ensuite il attei- gnait le trait 60, ce qui ne présente aucune difficulté.

En procédant ainsi, on avait le moyen de contrôler la durée totale d'une expérience. On aurait pu opérer plus simplement avec un chronomètre à pointage ; mais, sans attendre le mieux, je me suis appliqué à tirer le meilleur parti des instruments dont je disposais.

67. Voici quelques-uns des résultats que j'ai obtenus :

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56

MÉMOUES

TABLEAU Vffl

PASSAGE DE l'eAU A TRAVERS CXE COLONNE DE SABLE (8-iO); LA COLONNE DE SABLE EST TOLT ENTIÈRE PLONGÉE DANS LE UQLIDE DC VASE.

La température extérieure est de 23o60 ; la températore de Teaa , de tZ^ m = 0,002072.

SUMÉBOB

det

dn tobe.

HACTSTBS

de

œsdiTisioitt

da niTwa

da liquide

danslerue.

TEM

MX

PmnUm expé.

ricDoe.

PS OBSERVÉS

TSB LBS TBAm

Deuxième

tixpè' Mojenaes. zienoe.

totales moyeiBMs oUiuifo.

DXITÉRKy- DUBÉKS , cB

totale* |^*«>I» ^^ calculés

calcolées! et

! ofasenrés. 1

80

620—88 623,78

0,00

0,00

0,00*

1 "•

82»

82

1 j

70

1

100

82

82

0.00

1

loi

400,60

1

60

426,68 1

124

4 26

426

482,60

484

-j-4«60'

50

329,68 ,

307,60

306

-j-l*6o'

168

4 66

4 67

40

232,48

260

474,60

474

+ 0,60J

261

260,50

30

4 36,88

217

214

24 5,60

735

734

i

S5

86,84

156

156

4 56

950,50

949

+ < 1

2S,50

62,56

4 4 06,50

4<09

2,60

On compread que les moindres erreurs dans la visée amë- neot des écarts entre les résultats observés et les résultats

calculés à l'aide de la formule 0 = _^i^^ , mais ils

m log e '

restent ici renfermés dans des limites Irès-élroiles, de sorte

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RECHEECHES SUR FILTRàTION. 57

que ces résultats nous paraissent bien démontrer la loi; la constante m a été déterminée à Taide de la première expé- rience, comme nous l'avons indiqué déjà [50]. Aussi, pour déterminer le temps nécessaire à l'écoulement du liquide du trait 80 au trait 70, avons-nous ramené quatre fois le liquide au-dessus de ce trait et pris la moyenne, ce qui, comme on voit, n'est pas très-long, puisque la durée est de 82 secondes.

68. Nous pourrions mulliplier les exemples, puisque toutes nos autres recherches ont exigé d'abord la vérification de cetle première loi ; nous nous bornerons à citer encore quelques ex- f)ériences, faites dans des conditions un peu différentes.

J'ai introduit 600 grammes de sable (14-18) dans le tube de verre que j'ai déjà décrit [62] (/îg. S) ; le sable y forme une colonne de 978 millimètres, et j'ai vissé au centre de l'obtu- rateur un tube gradué. Comme la surface de l'eau, dans le vase de zinc, doit, par suite du trop-plein, se maintenir cons- tante pendant le cours de l'expérience, je relève au cathéto- mètre la distance verticale qui sépare ce niveau du trait 0, Iracé sur le tube, et j'exprime, pour plus de simplicité, cette hauteur en prenant pour unité ta distance qui sépare deux traits du tube, distance équivalant à 9"»71.

La rapidité de l'écoulement ne m'aurait pas permis, dans ce cas, de suivre le mouvement descendant, et de relever en même temps les indications données simultanément par la montre et par le chronomètre. Je me suis donc borné, cette fois, à observer avec ce dernier instrument le temps néces- saire pour que le niveau passe de la division 85 à la divi- sion 83, de la division 75 à la division 73, de la division 65 à la division 63. Je fais le produit des hauteurs moyennes de ces divisions par les temps correspondants; ces produits doi- vent être égaux quand ils correspondent à des abaissements égaux de la colonne liquide, comme nous l'avons déjà indi- qué [37], et nous savons même quelle est l'approximation que nous avons quand nous appli(|uons la formule approchée

5!Hl»Xe=5!^^^=P (5)

2 m ^

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58 MÉMoiaBS

au lieu de la formule complète Ho H Ho + H

m

.(i^^m^^^^mm^...). (4)

TABLEAU K

69. PASSAGE DE L EAU. A TRAVERS UNE COLONNE DE SABLE DE 978"» DE LONGUEUR RENFERMÉE DANS LE LONG MANCHON; LES HAUTEURS AU-DESSUS DU NIVEAU SONT EXPRIMÉES EN PRENANT POUR UNTTÉ LES DIVISIONS TRACÉES SUR LE TUBE; UNE DIVISION VAUT 9">"»71.

La température do liquide était de 22o60.

85 83

75 73

65 63

55 53

45 43

35 33

S5 S3

45 43

HACTBURS

des âirisions moyennes aa-dessus

du niveau, exprimées

en divisiona.

TBMP8

obser- vé8.

sas A s s

8

90<*60

80,50

70.5

60,5

50,5

40,5

30,5

20,5

20«

22,50

25,5

30

36

44,5

60,60

90

5 S S

1810

1811

1798

1815

1818

1802

1848

4845

RAUTKDRa

des dirisions moyennes an-dessus de la base

de la colonne de sable.

192,7 182,7 172,7 162,7 152,7 142,7 132,7 122,7 142,7

■imrs obser- vés.

9,50

10

10,50

11,2

11,8

12,5

13,5

14,8

16,2

i

S . o

**|8

1830

1827

1813

1822

1802

1784

1791

1817

1826

DISTANCES

des divisions moyennes àlabase de la colonne de sable, comptées suivant la ligne de pente.

8

192,7

182,7

172,7

162,7

162,7

142,7

132,7

122,7

412,7^

Tiocrs obser- vée.

9

10

11

11,6

12,4

13

13,5

n,4

15,6

17,00

18,80

1,168

1,150

1,181

1,160

1,144

1,152

1,155

1,149

1,4 60

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RECHEBGHBS SUR LA FILTRATION. 59

Pour ne pas multiplier nos tableaux, nous avons consigné dans les six dernières colonnes des résultats obtenus avec le même tube, rempli de la même colonne de sable, à la même température.

70. Nous indiquerons plus loin [87, 88 et 89] les conclu- sions que Ton doit en tirer; nous n'avons, pour le moment, qu'à nous occuper des nombres inscrits dans les quatre pre- mières colonnes. On voit aisément que les temps nécessaires pour l'écoulement d'une quantité constante du liquide, multi- |)Iiés par les charges moyennes correspondantes, donnent des produits sensiblement constants. Les difficultés qu'il y avait à mesurer exactement les temps en opérant ainsi ne permet- taient pas d'atteindre, je crois, une plus grande précision ; mais les résultats du tableau IX confirment bien ceux que nous avons ohtenus par une méthode moins rapide, mais plus précise, et que nous avons inscrits dans le tableau YIII,

Voici encore un autre tableau d'expériences analogues faites avec le même appareil, mais lorsque la colonne de sable était différente :

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60

HÉMOIIIES

TABLEAU X

La température de l'eau était de 84<>X.

trUMiBOS

HADTOUB8

PBODUITB

PBODUITB

des

des dlTisions

TEMPS

des nombres

des divisions moyennes

TBIIFB

des nombres

divisioiis

moyennes

des

au-dessus

des

du

aa-dessos

Observés.

colonnes

de la base de l*. colonne

Observés.

colonnes

tube.

du niveau.

3 et 8.

de sable.

6 et 6.

1

3

8

4

6

6

7

84 82

79,8

21

4 676

494,7

8,8

4 687

74 72

69,8

24

4 675

484,7

9,2

4 674

64 62

59,8

28

4 674

474,7

9,8

4 683

54 52

49,8

33,5

4 668

464,7

M

«

44 42

39,8

42

4 672

4 54,7

M

Ê

34 32

29,8

56

4 678

444,7

a

a

24 22

19,8

85

4 683

434,7

4 2,5

4 676

Les observations déjà faites au sujet du lableau IX s'appli-

quant au tableau X, on peut constater de plus que, dans le

premier des deux tableaux, la moyenne des produits obtenus

est de \ 81 8, et qu'elle est, dans le second, de 1 675. Les écarts en

plus ou en moins ne dépassent pas, dans un cas, le ~ et, dans

l'autre, le ^ de la valeur moyenne. Le coefficient m a la va-^

leur moyenne = 0,00110 pour le premier cas, et 0,00117 pour

le second. Ces nombres sont assez petits pour qu'on puisse

H -4- H considérer le produit ^-g

6 comme constant.

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RECHBRCBRS SUR Ll FILTRATION. 61

On ne pouvait pas, dans les conditions de rexpërience, atteindre une plus grande précision. Ces résultats nous ont paru suffisants pour montrer que la première loi de Poiseuille, bien vérifiée par les expériences du tableau VIII, s'appliquaienl encore dans les circonstances nous nous étions placés en dressant les tableaux IX et X.

§ 4. Troisième procédé expérimental. Description de l'appareil à pressions variables.

71. Pour aller plus loin et soumettre les liquides à des pressions plus considérables, il a fallu recourir à un appareil plus complexe : j'ai essayé de l'organiser ici avec le concours intelligent et dévoué de MM. Blanchi, de Toulouse. Je pouvais disposer de quelques instruments du cabinet de physique du Lycée, qui ne remplissaient pas parfaitement les conditions que j'aurais voulu réaliser. MM. Bianchi m'en ont prêté quel- ques autres : leur ensemble avait des défauts en partie prévus, que j'ai cherché à corriger en multipliant les précautions.

72. L'appareil se compose (Voir pi. 1) d'un tube de verre AB à parois très épaisses, renflé en son milieu ; au-dessus et au- dessous du renflement sont tracés deux traits principaux et un certain nombre de traits accessoires. Un jaugeage au mer- cure a permis de déterminer la capacité comprise entre ces traits; elle est entre les deux traits principaux de 124"*730""", et leur distance est de 223»"24. Les deux extrémités du tube sont pourvues de viroles filetées. La virole inférieure peut se visser au centre de la plaque obturatrice que nous avons déjà décrite, et qui ferme les vases poreux ou les manchons de verre placés immédiatement au-dessous dans le vase V. La virole supérieure reçoit le pas de vis d'un tube à robinet R^, qui sert lui-même à raccorder le tube renflé avec un tuyau de plomb CD. Celui-ci se termine en D par un ajutage en cuivre pourvu aussi d'un robinet Rj , et qui se visse au centre d'un vase de mèmie métal, qui n'est autre que le réservoir d'une fontainede compression. Un robinet Rg placé sur une tubulure

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62 MÉUOIRES

latérale, servait à établir ou à intercepter la commuDicalion avec le resle de l'appareil. A cet effet, un second tube de plomb était soudé, d'une part, à cette tubulure, et, d'autre part, à une douille MNO, qui portait un robinet à trois voies R4, comme ceux dont M. Regnault s'est si fréquemment servi; cette douille était implantée sur un tube de laiton FG, relié lui- même par un tube de plomb recourbé HKL avec une pompe foulante. Le robinet R4 permettait ainsi d'établir la communi- cation entre le réservoir E, le tube FG et l'air extérieur, qui arrivait par un canal OR4 perpendiculaire à la direction MN. Une seconde douille M^N'O', en tout semblable à la première, était fixée aussi sur le tube FG, et portait également un robinet à trois voies R5; c'était de la partie supérieure de celte douille que partait un troisième tube de plomb servant à réunir le tube FG à un manomètre Richard à huit branches VUST. In robinet Re permettait d'établir ou d'intercepter la commu- nication du manomètre avec les autres pièces; enfin, la pompe foulante PF, dont l'axe était parallèle à celui du tube de laiton FG, portait à son extrémité un robinet R7, qn'on fer- mait quand on avait refoulé l'air.

J'ai complété l'appareil en appliquant sur le disque CK, qui terminait, la I rancbe horizontale de la douille M'N'O', un se- cond disque portant un bout de tube de cuivre, qui était ainsi la continuation du canal qui aboutissait au robinet R5 ; ces deux disques étaient serrés l'un contre l'autre par des vis de pression, comme l'indique la figure, et je reliais, à l'aide d'un tube de caoutchouc, le bout X avec la machine pneumatique. De cette façon, on pouvait à volonté, en tournant convenable- ment les robinets, comprimer ou raréfier l'air dans le réser- voir E, qu'on pouvait ensuite faire communiquer avec le tube de verre épais AB et avec le manomètre VUST.

73. Pour éviter les variations de température, qui exercent une action perturbatrice si prononcée, on avait placé le réser- voir de la fontaine de compression dans une cuve en zinc rem- plie d'eau; le vase poreux ou les manchons remplis de sable étaient aussi plongés dans des vases remplis également d'eau froide. L'installation avait été faite tout près d'un robinet four-

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RECHERCHES SUR FILTRÀTION. 63

nissant Peau des fontaines publiques, et des tubes de caout- chouc étaient convenablement placés pour amener un courant d'eau dans le vase V ; le trop-plein pouvait se déverser dans la cuve en zinc Z, et s'échapper ensuite au dehors. Des ther- momètres placés dans le vase Y^ dans la cuve et à côté du manomètre, permettaient d'apprécier la température de l'eau qui circulait dans cet appareil, ainsi que celle de l'air extérieur. 74. Voici maintenant la marche d'une opération : Après avoir adapté le vase poreux ou un des manchons que j'ai décrits à l'extrémité du tube AB, Je tournais convenable- ment les robinets, et je raréfiais l'air dans le réservoir E à l'aide de la machine pneumatique, mise en communication par un tuyau de caoutchouc avec le bout du tube X {pi. 1). Cet air raréfié exerçait son action sur le manomètre et sur le tube renflé, et par suite aussi sur le vase poreux, qui était, en ce moment, en partie plongé dans le liquide du vase V; mais la plaque obturatrice était au-dessus du niveau extérieur. S'il y avait quelques défauts dans les joints qui réunissaient le réci- pient filtrant au tube fusiforme, on s'en apercevait immédiate- ment, car l'air pénétrait par ces interstices plus aisément que l'eau à travers les corps poreux, et la force élastique intérieure augmentait rapidement sans que le liquide s élevât. Si les pièces étaient bien reliées les unes aux autres, le liquide passait de dehors en dedans, et s'élevait lentement dans le tube AB; lors- qu'il avait sensiblement dépassé le trait A, on fermait les robi- nets Ri et R), et on laissait entrer l'air pour rétablir la pres- sion atmosphérique dans toutes les autres parties de l'appareil. Cette opération faite, on disposait le robinet R4 de manière à intercepter la communication directe de ces diverses pièces avec l'atmosphère, tandis qu'on les mettait en relation avec la machine de compression en ouvrant le robinet R7, qui jusque- avait été fermé. Par le jeu de la pompe foulante, on accu- mulait dans le réservoir E de l'air comprimé; on fermait alors de nouveau R7. On ouvrait R^ et Re, et l'on évaluait, à l'aide des indications du manomètre à air libre, la pression sous la- quelle allait commencer le passage à travers le vase poreux du volume du liquide compris entre le trait A et le trait B. Mais

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64 MÈMOIRBS.

avant d'ouvrir le robinet R,, on mettait en position le calhélo- mèlre pour viser le trait A. Dès que ce robinet était ouvert, le liquide commençait à descendre : Ton suivait le mouvement de sa surface terminale à Faide de la lunette et on mettait le chronomètre en marche au moment le ménisque liquide était tangent au fil horizontal du réticule.

On visait ensuite le niveau du mercure dans la branche ouverte ST du manomètre, on constatait les petits abaisse- ments de niveau qui se produisaient pendant que le liquide continuait à s'écouler, jusqu'au moment il s'approchait du trait B; alors la lunette du cathétomètre était de nouveau dis- posée pour viser le passage du niveau au trait B. A cet instant l'on arrêtait la marche du chronomètre.

On déterminait ainsi le temps que mettait un volume donné d'eau à passer à travers un milieu perméable sous une charge qu'on appréciait à l'aide d'un manomètre à air libre et qu'on pouvait aisément évaluer en colonne d'eau de même densité.

75. Malheureusement l'appareil présentait plusieurs défauts qui ne m'ont permis d'atteindre ni la précision que j'avais espérée, ni les limites de pression auxquelles j'aurais voulu parvenir dans mes expériences.

Les pièces qui le composaient n'avaient pas les proportions qui rendent les expériences faciles et sûres et dont l'appareil de Poiseuille construit ad hoc présentait un si bel exemple. La pompe foulante, d'une section de 4c<»'^ 25"" et d'une longueur de 4>% 5 avait une capacité de 193 c. cubes, 500, beaucoup trop petite en comparaison du réservoir de la fon- taine de compression, qui était de 8 lit. 7o cent, de papa- cité, de sorte que l'introduction du gaz comprimé dans ce récipient constituait une opération longue et pénible. Cepen- dant, il eût été bon que ce réservoir fût encore plus grand, pour pouvoir considérer l'accroissement de volume AB comme négligeable. Il n'en était pas ainsi, et il en résultait une dimi- nution de pression sensible par suite de la détente du gaz.

J'ai essayé, pour atténuer cet inconvénient, de substituer au tube fusiforme \li des tubes plus petits portant en leur

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RECHERCHES SUR LA FILTRATION. 65

milieu une ampoule d'une trentaine de centimètres cubes de capacité; mais ces ampoules, soufflées à la lampe, n'ont pas résisté aux pressions exercées : ou elles ont éclaté, ou elles onl présenté des variations de volume qui n'étaient pas né- gligeables. Enfin, le manomètre Richard à huit branches, dont j'ai pu me servir pour mesurer la pression, a non-seu- lement une sensibililé quatre fois moins grande à peu près qu'un manomètre à mercure à air libre et à deux branches; mais il faut, pour pouvoir obtenir de bonnes indications, faire préalablement une étude minutieuse de cet instrument, car les différenles branches n'ont pas exactement la même section.

76. Ce n'est pas tout ; le tube fusiforme présente dans la partie moyenne une section intérieure de 10 cent, carrés environ, et par une pareille surface le gaz comprimé pouvait se dissoudre en proportion appréciable dans le liquide qui s'écoulait. Je ne me suis pas proposé de rechercher quelle est exactement l'influence de cette action perturbatrice pendant Il durée d'une expérience; mais l'on voit que soit à cause de la dissolution du gaz, soit à cause de la forme irrégulière de la capacité comprise entre les deux traits A et B, il n'est pas possible de déterminer avec précision quelle est la pression qui fait abaisser la surface terminale du liquide quand elle est à une hauteur donnée, ce que nous aurions pu faire si la capacité AB avait été cylindrique et si la variation de pres- sion avait pu être attribuée exclusivement à la détente du gaz comprimé. Il y a eu encore, au moins dans certaines ex- périences, de petites fuites par les robinets ou par les joints trop nombreux de cet appareil. Nous avons donc été réduit à déterminer expérimentalement la pression initiale, c'est-à-dire celle qu'indique le manomètre quand le niveau est vis-à-vis le trait A et la pression finale, qui correspond au passage de la surface terminale vis-i-vis le trait B, et nous considérons l'écoulement tout entier du liquide compris entre ces deux traits comme produit sous la pression moyenne.

Pour avoir la mesure exacte de celte pression, il faut encore relever au cathétomètre les hauteurs des traits A el B au-dessus du niveau dans le vase V, il y a trop-plein, et ajouter ces

80 SiRIE. TOME lU, 1. e

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66 MÉMOIRES.

hauteurs, Pune à la pression initiale, Tautre à la pression finale. On peut aussi tenir compte des ascensions capillaires, qui sont vis-à-vis le Irait A, A = i^'^jiô, et vis-à-vis le trait B, h' = 5"»,42; mais cette correction n'a pas ici une grande importance.

77. Poiseuille avait adopté des dispositions spéciales pour éviter rentrée des poussières dans les tubes capillaires; mal- gré ces précautions minutieuses et bien entendues, il a cons- taté quelquefois Tobstruclion de ces tubfs et il a été ainsi empêché de poursuivre cerlaines expériences. C'est ce qui est arrivé notamment en opérant sur un tube dont le diamètre était, dit-il, a comparable aux vaisseaux capill ires à globules des mammifères » : il était égal à 0'"",014 (*). Ici, nous n'avons pas pris les mêmes dispositions; elles nous ont paru inutiles» puisque le liquide pénètre par a*?(>iralion dans le vase poreux et qu'il subit en entrant une filtration parfaite. Aussi Teau qui remplit le tube fusiforme est-elle d'une admirable limpidité, mais il peut se produire dans le mouvement ascen- dant une obstruction partielle de la substance perméable, et Ton pourra s'en assurer et en tenir compte en alternant les expériences.

78. Voici, du reste, les détails d'une opération :

J'ai fait une série d'expériences avec un vase poreux E, dont les dimensions étaient sensiblement les mêmes que celles du vase que j'ai déjà employé [39]. Je me bornerai à indiquer ici les données suivantes :

Surface filtrante intérieure 169°- «'^ 36

Surface filtrante extérieure 223*^- «^^ 76

Somme de ces deux surfaces 393°- **'^ 12

Surface moyenne, ^ = 186*^- ^ 56

Épaisseur de la paroi latérale O*»*- 42

Capacité intérieure 2<8«' «*»»» 628

(*) Mémoire de M. Poiseuille déjà cité. Tomo IX des- Hîimoirei cUt iavantt étrangtri à V Académie, page 510.

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RECHKRCHES SUR LA FILTRATION. 67

Dans une expérience, la pression de l'air du réservoir me- surée par le manomèlre Richard était de 3**°^- 34 au moment le niveau du liquide passait vis-à-vis le trait A; l'excès de celle pression sur celle de l'air extérieur était donc de 2**°^* 34, el il était de 2*^* 30 quand le sommet de la colonne liquide atteignait en descendant le trait B; ces indications étaient re- levées au cathétomètrc; le temps écoulé entre ces deux pas- sages était de 8"42* = 522 secondes. Le thermomètre plongé dans l'eau du vase V marquait 21**805 tandis qu'un second thermomètre, placé dans l'air à côté du manomètre Richard, indiquait 24^

Il faut déduire de ces données la pression sous laquelle le liquide passe à travers les espaces capillaires du vase poreux, et en donner la mesure par la hauteur d'une colonne d'eau de même densité. Or, dans l'instrument dont nous nous som- mes servi, l'indication d'une pression de 3**°'-34 ne nous fournil qu'un point de repère. Il nous faut, après l'expérience, ramener le niveau du mercure dans la branche ouverte du manomèlre vis-à-vis du même trait, ce qui se fait aisément à l'aide de la machine de compression, qui ne communique plus alors avec le réservoir E Nous relevons au cathétomètre les hauteurs du mercure dans les huit branches de l'appareil; nous répétons ces îectiires quand la pression atmosphérique s'exerce sur les deux branches extrêmes. Supposons que les tubes aient un numéro d'ordre, en commençant par celui qui porte le robinet Re (voir pL 1). On constatera que, dans le cas actuel, le mercure s'élève plus haut dans les tubes de rang |)air que dans les tubes de rang impair; mais cette élévation n'est pas la même pour tous, parce qu'ils n'ont pas la même section. On déduit de ces mesures la valeur de la pression sous laquelh'. l'écoulement coumience. Dans le cas actuel, l'excès de la pression de l'air extérieur sur l'air du réservoir est équi- valent au poids d'une colonne de mercure de 1'",550»»8 à la température de 24*.

Cette colonne de mercure doit être remplacée par une co- lonne d'eau représentant la même pression, à la température de 2^80; on trouve qu'elle est égale à 21 "",0406, en tenant

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68

MÉMOIRES.

compte des densités de ces deux liquides aux deux tempéra- tures indiquées.

Il faut ajouter à celte quantité la hauteur du trait A au- dessus du niveau, diminuée elle-même de Tascension capil- laire. On a ainsi, pour représenter la pression initiale, une co- lonue d'eau de liH^H

On établit de même que la pression, au moment le liquide passe vis-à-vis du trait B, est de gO^STSO

La somme de ces deux pressions égale 42"3234

Leur moyenne arithmétique 21 "161

C'est le produit de la pression moyenne par le temps qui doit être une quantité constante; car, si les pressions sont proportionnelles aux vitesses, comme celles-ci sont inversement proportionnelles aux temps nécessaires pour qu'une même quantité de liquide s'écoule, les temps doivent être eux-mêmes inversement proportionnels aux pressions. 79. Voici quelques tableaux des résultats obtenus :

TABLEAU XI

PREMIÈRE SÉRIE

Expérleaees dn 80 août 4878.

N«- D'ORDRE.

des expériences.

PRESSIONS

évaluée»

en

odonnee d'eaa

de

que le Uqoide filtrant.

TDRKS

Observées.

TEMPS

Observés,

évalués

en secondes.

TEMPS

calculés,

si

la température

était de Sfi».

PRODUITS

des nombres

des

colonnes

Set 3.

1

3

3

4

6

6

4 '•expérience..

4n>994

250

203i«

2031

10143

..

6»829

2506

4459

4 499

10237

..

^««'Oaô

26065

810

836

10062

..

Hn»185

25040

884

899

10055

..

M">1\0

22O80

723

689

10135

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RECHERCHES SUR LA FILTRATION.

69

TABLEAU XII

SECONDE SÉRIE Expérienees dn 4 septembre 1878.

PRESSIONS

évaluées

TEMPS

TEMPS

PRODUITS

TEMPS

PRODUITS

K®« D'ORDRE

en

tempAra-

calculés,

dM

calculés,

des

colonnes

observés,

si la

si la

des

d'ean de même

TCRES

évalués

tempéra-

nombres des

tempéra-

nombres des

densité

en

ture

ture

expérienees.

que

observées.

était de

colonnes

était de

colonnes

le liquide

secondes.

22<^0.

«et 2.

25»

7 et 2.

filtrant.

1

2

8

4

A

6

7

8

4 expérience

18«'426

22O60

694»

594

10767

556

40078

2e -.

21«461

«i»80

522

512

40834

479

40436

3e .

n'nîôS

««OÔO

950

960

4 0700

889

40013

TABLEAU XIII Expérieaees du 8 novembre I8V8.

N»» D'ORDRE

des expériences.

1

PRESSIONS

évaluées

en colonnes

d'eau

de

même densité

que le liquide

filtrant.

2

TEMPÉRA- TURES

observées. 8

TEMPS*

observés, évalués

en secondes.

4

PRODUITS

des nombres

des colonnes 2 et 4.

6

TEMPS

calculés, si la

tempéra- ture était

de 25-.

6

PRODUITS

des nombres

des

colonnes

2 et 6.

7

4 re expérience.. 2e ..

6«»958 4 6n>207

4704 4704

2364» 867

4 4067 44031

4 967

722

44719 44704

Dans les tableaux précédents, les nombres de quatre ou de cinq chifTres qui figurent dans les dernières colonnes repré-

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70 MÉMOIRES.

sentent les parties entières des produits obtenus en multipliant les pressions exprimées en mètres d^eau par les temps éva- lués en secondes.

Les nombres qui figurent dans ki cinquième colonne des tableaux XI et XII, ainsi que ceux de la septième colonne du tableau XII et de la sixième colonne du tableau XIII, ont été obtenus à Taide des formules empiriques que nous exposerons plus loin [101], et qui représentent les variations de la vitesse en fonction de la température.

L'ensemble des expériences des tableaux XI et XII démontre bien, à notre avis, avec une approximation satisfaisante d'en- viron Î55, que la première loi de Poiseuille s'applique au pas- sage du liquide à travers les vases poreux, même quand ce passage s'effectue sous des charges assez considérables, qui dépassent ici 21 mètres d'eau.

80. Dans les expériences du tableau XIII, les produits ins- crits dans la colonne 7 sont à peu près égaux entre eux, mais ils diffèrent sensiblement des produits correspondants qui figu- rent dans les tableaux XI et XIL II importe de remarquer que ces résultats ont été ob'enus plus tard, deux mois après envi- ron, et que, dans l'intervalle, les parois du vase poreux avaient été plusieurs fois traversées, pour d'autres essais, par des eaux limpides sans doute, mais qui n'avaient pas été préalablement filtrées; il devait donc y avoir une obstruction partielle des espaces capillaires qui a ralenti la vitesse de l'écoulement, comme nous l'avons constaté.

81. En opérant ensuite à une température notablement plus basse, j'ai pu observer que la loi était encore la môme, mais que si l'eau qui baignait les parois internes du vase poreux n'était pas filtrée, il y avait un engorgement partiel assez ra- pide des conduits capillaires, et qu'il fallait alors alterner les expériences; c'est ce que montre le tableau suivant :

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HECHERCHES SUB LA FILTRATION.

TABLEAU XIV

N0« D'oBDbl

des

PRBSilONB

évaluées

en colonnes

d'eau

de

TUBS8

TEMPS

Observés, évalués

PRODUITS

des

nombres

des

TDIPS

.calculés à

PBODurre

des nombres . des

expériences.

le liquide filtrant.

observées.

secondes.

colonnes 3et4*

9H0.

colonnes 3 et 6.

l

2

8

4

6

6

7

4" expérience..

4 5"n74 0

9«40

988»

46624

988

4 6624

î® ..

7n>164

9»60

«306

46643

2324

4 6628

3e ..

U«709

9O80

4464

4 6930

4466

47464

4e ..

41 "246

4 0«00

4 606

4 69Î3

4636

47264

La moyenne des produits correspondants à la première el à la troisième expérience

15521 + 17151

= 16336,

i|ui se rapproche du produit de la deuxième expérience = <C628.

La moyenne des produits correspondants à la deuxième et a la quatrième expérience

16628 + 17261

= 16945 ,

qui se rapproche aussi du produit de la troisième expérience 17151.

82. J'ai étudié, à Faide du même appareil à pressions varia- bles, la vitesse de filtration de Teau à travers une longue colonne de sable; pour cela j'ai adapté au récipient fusiforme le man- chon en verre que j'ai décrit [62], après l'avoir rempli de sable et avoir pris à celle occasion toutes les précautions déjà indi- quées [63] et [64].

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72

MÉVOIRBS.

Ce maochoD est placé lui-même dans le vase de zinc, conte- nant alors 600 grammes de sable 10-14 bien purgé d^air et for- mant une colonne de OTS"". Les expériences ont élé conduites comme précédemment, mais ici les résultats n'ont pas élé aussi concordants, comme le montre le tableau suivant :

TABLEAU XV

PBEBBIOKS

TEMPS

PBODUTTB

TKMPS

PBODCITS

N*» D*OBDRB

évalnéea en colonnes

TEMPKBA-

ObBtttéBy

des

calcnlés, si la

des

des expériences.

d'eao

de

même densité

qneleliqoide

TURSS

obeerrées.

évalaés

en secondes.

nombres

des colonnes

tempéra- ture était

nombres

des colonnes

filtrant.

3et4.

de 24*.

2 et 6.

1

3

3

4

6

6

7

inexpérience..

5"875

2.3040

223»

1310

220

1292

«• ..

11-043

240

110

1215

110

1215

3e ..

13-617

240

84

1135

84

1135

4e ..

17-776

24020

62

1102

62,3

1107

La colonne de sable parfaitement tassée au début de l'expé- rience est soulevée quand le liquide la traverse par aspiration, et peut monter dans le tube fusiforme ; pour arrêter ces mou- vements, j'ai même supprimer de temps en temps la com- munication avec l'air du réservoir E, qui n'avait alors qu'une tension trës-faible.

J'ai constaté de plus qu'en présence de l'atmosphère raréflée des bulles de gaz pouvaient se dégager de l'eau, ni^s que plu- sieurs restaient interposées entre les particules de sable. Ces actions perturbatrices vont certainement en croissant avec le nombre des expériences. La colonne devient de moins en moins serrée^ et par suite la vitesse de filtration augmente plus rapidement que la charge. C'est un défaut opposé à celui que présentent les expériences de Darcy le rapport du débit à la pression, ou, ce qui revient au même, le rapport de la vitesse à

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RECHERCHES SUR LA FILTRATION. 73

la pression diminue à mesure que la masse de sable se tasse sous l'action des pressions successives.

Quoique ces expériences ne soient pas très-précises, j'ai cru devoir les faire connaître, tout en me réservant de les repren- dre dans de meilleures conditions. Si Ton observe que la moyenne des produits obtenus dans la première et dans la Iroisième expérience esl à peu près égale à celui qui correspond à la seconde, qu'il en esl de même pour la moyenne de la druxième et de la quatrième, par rapport au produit de la troisième, on sera porté à conclure que dans le cas des couches filtrantes, même poirr des pressions considérables, les pressions sont proportionnelles aux charges.

^ 5, Recherches sur la piession en vertu de laquelle se fait Vécoulementy quand la colonne /iUrante n'est pas noyée dans le liquide.

83. Dans louies les expériences que nous venons d'exposer, les vases poreux ou les couches filtrantes sont restés noyés dans le liquide, et nous avons fait remarquer les avantages de celte disposition, qui assurait, avec la fixité presque complète de la température, la conslance de la pression qui s'exerçait à un instant donné sur les diverses section:^ de la colonne fil- trante. Il n'en est pas de même quand celle-ci est partielle- ment ou lolalement en dehors du liquide Les pressions vaiient avec la hauteur, el 1 1 tranche la plus basse est la plus pressée. Il importe de déterminer quelle est alors la charge effective qui produit l'écoulement du liquide.

Poiseuille et M. Graham n'ont pas eu à résoudre celte ques- tion, puisque dans leur» recherches le liquide parcourait des tubes capillaires fixés horizontalement. M. Tate, si nous avons bien compris son mémoire, évalue la pression par le poids de la colonne liquide qui pèse sur la tranche supérieure du filtre, ce qui n'amène pas de grandes erreurs, quand les couches filtrantes sont très-animées; m^is il n'a pas étudié directe- ment le point qui va nous occuper. Dans la méthode suivie par M. Duclaux, la filtration s'effectuait aussi dans le sens de la

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74 MÉMOIRES.

verticale, et l'appareil était entièrement placé dans Tair, mais les i)laques qu'il a employées, sauf un diaphragme de plâtre de 5 centimètres (*), n'ont pas dépassé quelques millimètres d'épaisseyr. M. Paul Havrez fait entrer l'épaisseur du flltre dans l'expression de la charge, mais cette quantité est affectée dans ses formules d'un coefficient particulier v.iriable avec la nature delà substance filtrante. Darcy, il est vrai, a fait le calcul de ses expériences en évaluant la pression qui s'exer- çait sur la dernière tranche de la couche filtranle ; il a donc dé- . montré, mais avec l'approximation insuffisante que nous avons indiquée [18], que cette pression constitua la véritable charge sous laquelle se produit la filtration. Sans doute, l'analogie des phénomènes que nous étudions avec ceux que l'on observe dans les tuyaux conduit à penser qu'il en est ainsi, comme l'a admis Dupuit dans son mémoire; mais il élaii nécessaire, à notre avis, de le vérifier expérimentalement.

84. Pour cela, nous avons étudié le passage de l'eau à tra- vers une colonne de sable (8-10), renfermée dans ce tube gra- dué dont nous nous sommes déjà servi. Nous avons examiné comment s'effectuait l'écoulement de l'eau quand la colonne de sable de 69 millim. de longueur était non-seulement tout entière noyée dans le liquide, mais encore lorsque sa base inférieure était à 588 millim. du niveau constant du grand vase. Nous avons ensuit^ observé le même phénomène après avoir élevé le tube de 150 millim., puis encore de 69 millim., et alors le sommet de la colonne affleurait à la surface du li- quide. On l'a encore relevée de telle sorte que cette même co- lonne émergeait de 241 millim., et enfin on l'a placée complè- tement hors du liquide. Dans tous les cas on a déterminé le temps que le niveau du liquide rpettait à descendre du 450** millim marqué sur le cathétomèlre au iOO" et du :^50' au 300^ Le tube était donc déplacé pendant que le catbétomètre était maintenu dans une position invariable. En opérant ainsi, on a eu les résultats que nous donnons dans le tableau sui- vant, après les avoir corrigés toutefois des écarts dus aux va-

(*) 4tifMi(M(i0eAimi0elci0pAy«t9«i«^ t. XXY (1872), Mémoire déjà cité, pp. 359, 60 et 61.

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nPXHBRCHES SUR LA FILTRATION. 75

rialions de la Irinporaure en procédant comme nous l'avons dil [08].

TABLEAU XVI

lia formule cmployi*e pour calculer le temps est l zz ^y

Ici m déterminé à l'aide de la expérience

= 0,0009609

^ 0. 1

:3

S a

C O

il

3

DISTANCES

du niveau

mobUe à la surface du liquide extérieur.

I

DISTAN'CKS

du niveau mobile

à la base

inférieure

delà colonne

de sable.

CHAROKS

effectives

qui ^'exercent

sur la base

de la colonne

de sable pour

produire l'écoulement.

TEMPS

obser- vés.

TKMP9

ramenés à oe (lu'ils auraient été àU tempéra- ture de 22'.

1 5

DIFFÉ- RENCES.

1

3

3

4

6

6

7

8

9

10

450

303

891

303

4

220

400

253

841

253

186

186

187

1

22

350

203

791

203

291

291

293

2

300

153

741

153

t

:"

450

400

299,40 249,10

737,10 687,10

399,10 249,10

190

190

190

0

u.

350

199,10

637,10

199,10

303

303

301

+ 2

300

149,10

687,10

149,10

«

3

i"

450 400

299,10 249,10

668 618

299,10 249,10

190,40

190,40

190

+ 0,40

1 22

350

199,10

568

199,10

302

302

301

+ <

300

149,10

518

149,10

4

460

320

448

320

2402

406

270

398

270

168

177

176

+ 1

5

450

g

448

448

25

400

il

398

398

112

121

123

2

Les nombres inscrits dans ce tableau montrent bien que la vitesse de Fêcoulement est due à la charge supportée par la

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76 MÉMOIRES.

dernière traocbe de la colonne de sable; toutefois, les écarts en plus ou en moins atleignent jusqu'à ^ de la valeur trouvée. Comme la méthode me semblait susceptible d'une plus grande précision en faisant le calcul comme je l'ai indiqué, j'en ai cherché la cause : j'ai cru la trouver dans le fait suivant

Après chacune des séries d'expériences du tableau XVI, j'ai déplacer le tube, puisque je faisais toujours les visées après avoir amené la lunette vis-à-vis des mêmes traits du cathéto- mètre. Ce n'était donc pas entre les mêmes divisions du tube que se déplaçait le sommet de la colonne liquide ; il en résul- tait des erreurs, ducs aux légères différences des sections, et qui n'étaient pas elles-mêmes rigoureusement corrigées par le calibrage du tube. Il était, de plus, difficile que le tube fût toujours placé de la même façon, quoique j'eusse toujours cher- ché à le fixer verticalement. Une légère inclinaison de l'axe n'a, pour la vérification qui nous occupe, aucun inconvénient; il importe seulement qu'elle reste toujoirrs la même.

85. C'est en remplissant exactement cette dernière condition que j'ai fait l'expérience suivante. La colonne de sable intro- duite dans le tube gradué occupe une longueur de 37 divi- sions 8.

Ce tube est d'abord plongé dans un grand vase, de manière que le sommet de la colonne filtrante affleure à la surface libre du liquide, qui est à une hauteur invariable par suite du trop- plein. Après avoir étudié l'écoulement, qui s'accomplit comme l'indique la loi des pressions, on enlève le liquide du vase par l'intermédiaire d'un siphon qu'oa amorce, et l'on note de nou- veau quels sont les temps écoulés quand le liquide repasse vis-à-vis des mêmes divisions. Les résultats me paraissent aussi satisfaisants que possible, si l'on remarque surtout que l'on a fait servir une seule expérience à la détermination du coefficient m dans la formule

^ ^ log hp log h 0 log 6

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RECHERCHBS SDR LA PILTRATION.

77

TABLEAU XVII

La tempéralure est restée constante de 22»30, m = 0,0001855.

NUictaos

des divisions

CHAROKS

supportées par tontes les

tranches de la colonne

TKMP8

TEMPS

supportées

par

la tranche

TEMPS

TEMPS

du tabe.

perméable qui est

noyée.

observés.

calculés.

la plus basse

de la colonne

filtrante.

calculés.

observés.

1

2

8

4

6

6

7

66 60

33

27

266

265

70,8 64,8

H2,40

442,50

66 60

23

47

383

384

60,8 64,8

431

4 32

46 40

43

7

790

787

60,8 44,8.

4 61,40

4 60

86. Je citerai enfin, à l'appui de la CQnclusion précédente, les expériences que j'ai faites avec le long tube de verre, et que j'ai déjà consignées dans les six dernières colonnes du ta- bleau IX [69]. Après avoir indiqué, dans les quatre premières colonnes, les résultais que j'ai déjà discutés, j'ai laissé couler le liquide dans le même tube, plongé complètement dans l'air; la colonne 5 indique alors la charge, évaluée à l'aide de la colonne d'eau qui presse sur la base inférieure de la couche filtrante; la colonne 6 indique le temps observé pour que la surface terminale mobile passe d'une division à une autre ; la colonne 7 indique le produit du temps t par la hauteur moyenne de la colonne pendant ce temps, produit qui, comme nous

l'avons dit [37], doit être sensiblement constant quand -j^ est

négligeable.

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78 MÉMOIRES.

87. Lis irois autres colonnes du tableau IX [69] se rappor- lenl à une autre séiie d'expériences faites avec le même tube, |)lacé aussi tout entier dans Tair, mais incliné; le tube est appuyé de façon qu'il ne puisse pas fléchir (fig 6). Je déter- (nine, à l'aide d'un fil à plomb, la projection horizontale d'un point B du tube; je relève la hauteur BA au cathétomètre, tandis que la longueur BC est exprimée à l'aide des divisions tracées sur le tube. Je mesure, du reste, la longueur AC, ce qui fournil un moyen de vérification dans Texpérience, dont

Fig. 6.

les résultats sont donnés par les colonnes 8, 9, 1 0 du tableau IX : la hauteur AB = 778»"', la base AC = 458, le sinus de l'angle

AB

d'inclinaison ou la pente = ^~ = 0,861 ; le rapport du che- min que parcourt le liquide à la hauteur dont il descend est = 1,160. Les temps employés à ces déplacements sont

ii.scrits dans la colonne 9, tandis que la colonne 8 indique les distances moyennes à l'orifice, comptées suivant l'inclinaison. S8. Enfin, on voit dans la colonne 10 les rapports des temps employés quand le liquide parcourt le même chemin dans le tube, d'abord vertical, et ensuite dans ce même tube, qu'on a

BP incliné. Ces rapports diffèrent très-peu du rapport g = 1 ,160;

on ne pouvait pas compter sur des résultats plus précis dans une expérience la rapidité du mouvement du liquide rend difficile la mesure exacte des temps.

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BECHERCBBS SUR LA FILTRATION. 79

Nous constatons une fois de plus, par ce procédé, que la vitesse est proportionnelle à la charge quand loules les autres conditions restent les mêmes, et que la charge effective est celle qui s'exerce sur la tranche qui esl la dernière t'aversée p?r le liquide filtrant.

89. Cette tranche n'est pas toujours la plus basse, et c'est cependant la pression qu'elle supporte qui règle l'écoulement, quelles que soient les variations de la charge sur les différen- tes couches de la substance perméable. C'est ce que l'on peut constater à l'aide de la disposition suivante : nous adaptons le tube gradué, dont nous nous sommes si souvent servi, à l'une des branches d'un tube en U, tandis que l'autre branche est fermée, à son extrémité, par un morceau de soie des tamis. On introduit du sable dans cet appareil à vases communi- quants, de telle sorte que la branche fermée soit complètement remplie, ainsi que la partie courbée du tube, tandis que la colonne fillranie atteindra, dans l'autre branche, des hauteurs qu'on pourra faire varier On rend le tube gradué vertical; l'eau qu'on y verse, pénétrant Id masse de sable et passant au-dessus du tamis qui ferme l'une des branches, s'écoule par trop-plein avec une vitesse proportionnelle à la pression exercée à l'orifice de sortie.

On reconnaît encore par ce procédé que les lois de la filtra- tion sont indépendantes du sans du mouvement et quelles sont égalemen! applicables, que le liquide se déplace de haut en bas, obliquement ou de bas en haut.

90. Il nous restera à examiner ce qui se passe quand le liquide descend au-dessous du sommet de la colonne filtrante; mais alors la charge et l'épaisseur de la couche traversée va- rient en même temps. La question ne peut donc être abordée que lorsque nous aurons étudié l'influence qu'exerce l'épais- seur sur h débit. C'est ce que nous ferons dans le chapitre IIl.

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80 MÉMOIRES.

CHAPITRE II

ÉTUDE DE l'influence DE LA TEMPÉRATURE SUR LA VITESSE DE l'écoulement DES LIQUIDES

g 1 . Recherche de la vitesse de l'eau à différentes températures.

91 . L'influence qu'exerce la température sur la rapidité avec laquelle les liquides s'écoulent dans les tuyaux avait été si- gnalée par Dubuat et Gestner, et étudiée par Girard, qui, comme l'indique le docteur Poiseuille (*), a donné des formules d'écoulement en fonction de la température; mais ces formules ne s'appliquent qu'à des tubes de diamètre donné, c'est-à-dire qu'il faut, avant de les employer, déterminer expérimentale- ment quelques-unes des valeurs que prend la vitesse du liquide dans ces tubes, quand on fait varier la température.

92. Les recherches de Poiseuille ont eu un caractère plus général, puisqu'elles ont été faites dans des limites étendues, entre 0* et 45", et que la relation qu'il a obtenue s'applique à tous les tubes capillaires. Je l'ai déjà reproduite dans la pre- mière partie de ce travail [2] ; mais il est bon de faire remar- quer avec l'auteur que les résultats relatifs à l'influence de la température n'atteignent pas la même précision que ceux qu'il a obtenus dans les autres chapitres de son important mémoire. Le docteur Poiseuille, après avoir reconnu que le phénomène pouvait être sensiblement représenté par l'équation d'une parabole telle que K = Ko (1 -t- a< -t- p/^), a fait concourir quatre séries de trois expériences à la détermination des trois constantes Ko, a et ^, en prenant les moyennes, et il a ainsi

(*) Mémoire déjà cité {Hémoiru du iwtanti étrang$rt, l. IX, p. 536).

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HRCHERCUES SUU LA FILTKATION. 81

déterminé les valeurs numériques de ces trois coefficients; mais il ajoute : » Cette équation, comme toute autre qu'on au- « rail pu obtenir en prenant un plus grand nombre de termes « de l'équation générale

K = Ko(\ +at + ^fi + ^fi + 8(* + ),

« n'exprime pas rigoureusement la relation qui lie les produits c< aux températures; mais les résultats qu'elle donne diffèrent « peu de ceux offerts par l'expérience Nous avons l'adopter, « puisqu'elle suffit aux conséquences que nous nous sommes « proposé d'en tirer par la suite C). »

93. Poiseuille cherchait le poids du -liquide écoulé en une seconde sous une pression de 760"" de mercure, le tube ayant le diamètre qui correspondait à la température de l'expérience. ! nsuile, connaissant ce « dernier diamèlre et le produit cor- « respondant, il a déterminé le poids du liquide écoulé pendant « le même temps et avec le diamèlre qu'a le tube à 10° en s'ap- « piryant sur la loi des diamètres (**). » Mais, tout en faisant ainsi cette corredion, il néglige celle que nécessiterait l'allon- gement du tube, qui est pourtant le quart de la précédente. En effet, le produit ou débit est proportionnel à la quatrième puis- sance du di.imètre et inversement proportionnel à la longueur; par suite, l'accroissement de la quatrième puissance du dia- mètre, pour un degré, doit être considéré comme proportionnel au quadruple du coefficient de dilatation linéaire, quand l'al- longement du tube est simplement proportionnel à ce coeffi- cient.

Quoique cette manière de procéder paraisse assez complexe, elle revient au fond à chercher quel est le volume du liquide débité à une température donnée sous la charge formée par une cok)nne de longueur constante, quand le liquide écoulé a la même densité que celui qui le presse.

En effet, la charge est HSD, et le poids du liquide écoulé

{*) Mémoire déjà cité (Mémoires des savants étrangersy l. IX, p. 53S). (**) Mémoire déjà cité (Mimoires des savants étrangers, t. IX, p. 5S5). SI^RIB. TOME lU, 1.

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82 MÉUOIRBS.

dans Tunité de temps est SVd; le rapport entre ces deux

HSD H . S

quantités est y^-r , qu'on peut écrire y o ^ '

Or, H représente la charge constante et V rr est la vitesse

qu'on observerait si le liquide, au lieu d'avoir la densité d^ avait aussi la densité D.

94. En appliquant la formule empirique dans ces condi- tions, on obtient les résultais numériques qui sont inscrits dans la colonne 3 du tableau ^VIIl (p. 85); je déduis des nombres de la colonne 3 ceux qui forment la colonne 4 et qui expriment les vitesses rapportées à celles qu'a le liquide à 0*. Je reproduis ces vitesses par le tracé I de la figure 1 , plan- che II (*). Ils diffèrent peu de ceux que fournit l'expérience. Les erreurs relatives ne dépassent pas ^ et ne sont parfois que de j^ pour les observations qui ont servi à établir la for- mule.

95. Quand on étend cette comparaison à d'autres observa- tions qui n'ont pas été utilisées pour déterminer les cons- tantes, on remarque que les écarts moyens sont plus con- sidérables; pour le tube D' (**) par exemple, les erreurs relatives oscillent entre ^ et ^, ce qui est encore très-satis- faisant. Mais quand l'auteur se sert d'un autre tube désigné par la lettre G" (***) et dont le diamètre est bien plus grand , les écarts sont plus sensibles; les erreurs sont de ^, de 4 et de ^ des valeurs calculées.

96. Nous ne signalons ici ces desirata dans le travail si remarquable de Poiseuille que pour montrer les difficultés que présentent ces recherches, dont toutes les données sont modi- fiées à la fois par les variations de la température. Aussi ceux qui, après ce savant, ont étudié l'influence de la chaleur sur cet ordre de phénomènes , ont-ils donné les résultats de leurs

(*) Mémoire déjà cité de Poiseaille. Tableaa dei expériences faites avec an tabe A, page 532, tome IX du Recueil det Mimoiret dei iovanii étrangère. (**) Page 533. même Mémoire. (*'*) Pjge 535, même Mémotre

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RECBBRCOES SDR LA PILTRATION. 83

expériences sdns chercher à faire exactemeol la part qui doit être attribuée aux changements qu'éprouve la viscosité du liquide.

97. C'est ainsi que M. Graham donne en deux tableaux (^) les débits fournis par deux tubes capillaires à diverses tempé- ratures sans faire aucune correction. De ces deux tubes capil- laires, l'un, désigné par D, avait 37"" de longueur et 0",4032.> de diamètre; l'autre, désigné par E, avait ISS*"" de longueur et 0*",0838 de diamètre. La vitesse avec laquelle l'eau s'écoule dans les deux tubes ne varie pas de la même manière, et pré- sente des écarts qui atteignent ~ et mène ^ de leur valeur moyenne. Nous avons inscrit ces résultats dans les colonnes 5 et 6 du tableau XVIII, et' nous les avons représentés par les courbes II et III de la figure 1, planche II; seulement» pour rendre celles-ci nettement distinctes de celle qui représente les expériences de Poiseuille, nous avons augmenté d'un centi- mètre toutes les ordonnées du tracé II et de deux centimètres celles du tracé III.

98. M. Guéroult, dans un travail dont le résumé a été pu- blié dans les comptes rendus (**), expose aussi ses recherches sur l'influence de la température; mais comme il les a faites surtout pour corriger des expériences entreprises dans un autre but, il a opéré dans des limites fort étroites, entre 10*» et 20*. c( Les nombres ainsi obtenus forment, dit M. Ouèroult, une c( progression géométrique dont la raison est 1,025 et la « courbe qui leur correspond est une ligne droite. » Nous donnons dans la septième colonne du tableau XVIII les nom- bres de M. Guéroult, et dans la huitième colonne les vitesses que nous en avons déduites, en prenant pour unité la vitesse à 0*,^ obtenue à l'aide de la formule de Poiseuille; nous avons aussi fait sur la figure 1 , planche II, le tracé graphique IV, qui résume les observations de M. Guéroult, et l'on voit qu'il

(*) Mémoire sar récoulemeiit forcé des liquides à traTcrg des ajauges capillaires, par M. Thomas Graham. Traduction de M. Albert Thomas. Annales chimie et de phyeiqwy série, t. I (t86i), p. 15i.

{**) Note sar riofluence de la température sur les coefficients d^écoulement capil- laire des liquides, par M. Guéroult. Cowtpteê rendut, t. LXXIX (186i), pp. liOl, iiOi.

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84 MÊMOIUES.

pourrait être aussi exactement représenté par une fonction parabolique. Nous avons également augmenté d'un centimètre les ordonnées de celte ligne pour en faciliter la comparaison avec les précédentes.

99. M. Taie a reconnu que le produit fourni par un filtre à charbon de bois, à la température de 90^" F, était une fois 3/4 plus grand qu'à la température de 52^ F.

Il a fait aussi quatre expériences sur le débit fourni par un filtre en éponge. J'en ai déduit les vitesses après avoir trans- formé les degrés Fahrenheit en centigrades, et, en représentant la vitesse à 10* par une ordonnée égale à l'ordonnée correspon- dante de la courbe de Poiseuille, j'obtiens les quatre points a, p, Tj 8 du tracé V, figure 1, planche II. Je*donne les valeurs numériques correspondantes rapportées à la même unité dans la colonne 10 du tableau XVIII. Le savant physicien fait re- marquer que, « pour le débit d'un égal volume de liquide, « les diminutions de temps sont à peu près proportionnelles « aux accroissements de température » (*); ce qui conduirait à lier la vitesse à la teînpérature par une fonction hyperboli- que; mais de ces quatre expériences résultent les trois rap- ports suivants :

134

16,67

= 8,040

.il 5,55

= 7,566

Ces rapports, comme on le voit, diffèrent sensiblement en- tre eux. On ne peut déduire une loi générale d'un aussi petit nombre d'expériences faites sur une substance organique pré- sentant, comme l'éponge, une structure particulière.

(*) Philotophical Magazine, toI. XXI, p. 62.

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nEGBERCHRS SUR LA FILTRATION.

85

TABLEAU XVIII

RÉSUME DBS RBCHBRCHBS DB MM. POISBUILLB , ORAHAM , TATB BT eUÉROULT RBLATITBS A L'iNFLUBUGB DB LA TBMPéRATCRB SUR LA TITBSSB ATBC LAQUBLLB L*BAU S'ÉGOULB DAIfS LES TUBB8 CAPILLAIRES OU A TRAVERS LES FILTRES

--- --

__ 1

VITESSES

VITESSES , 1

w™»» 1

VITB88M8 lyAPBBS POISBUUiLB

VITESSES 1

KXPÉBŒNCB AVKJ UN TUB» A

d'après

raprès

d'après II

00

M BS

-m eu

a

M

long. l0«-«»,5, diamètre moyen 0«-,141136

M. OB

AHAM

Dans

dont le diamètre

M. G

uAroult

Bapports

de

ces coefficients

en admettant

que celui de 10*

ait la

même valeur

que dans les expériences de PoiseuUle.

M. '

Tempéra- tures en degrés centignMtes

^^^

Prodnito

donnés par l'ez-

périenoe

en"".

Produits calcnlés par la formule.

YiteeseB

rapportées

41a

vitesse

àO-.

Dans le capillaire D

dont le diamètre = 0»»,10W5.

Bapports

des coefficients d'écoulement

en

admettant

que celui

delO*8oitégal

4 celui de PoiseuiUe.

1

0

2

8

4

6

6

7

8

9

10

5aim 74376

5«n<n 73955

1

1.0000

1.0000

//

1.0000

//

//

1

//

ft

II

1.0606

1.0389

//

//

II

II

2

//

n

II

1.0902

1.0760

II

//

II

II

3

//

II

II

1.1216

1.1449

II

//

II

II

4

//

II

II

1.1555

II

II

//

II

II

5

6 60982

6 60381

1.1513

1.1857

1.1787

II

II

II

II

6

//

//

II

//

II

II

II

II

II

7

//

II

II

1.2556

1.2638

II

II

II

II

8

H

II

II

//

II

II

II

II

II

9

//

II

II

//

II

II

II

II

II

40

7 64649

7 64435

1.3320

1.3592

1.3717

3045

1 3320

10«

1.3320

U

//

//

II

//

II

3110

1.3601

II

II

it

//

II

II

//

II

3190

1.3958

II

II

13

//

II

II

//

II

3270

1.4302

II

II

U

//

II

II

1.5328

II

3350

1.4650

II

II

15

8 74996

8 74705

1.5214

1.5759

1.6709

3440

1.5050

II

II

46

//

n

II

1.6122

//

3525

1.5420

II

. '/

17

II

II

II

//

II

3615

1.5810

II

II

18

//

II

II

//

II

3703

1.6198

II

II

19

//

II

II

//

II

3795

1.6604

II

II

20

9 91530

9 91191

1.7280

1.7872

1.7842

3890

1.7012

II

II

25

11 14584

11 13892

1.9418

2.0189

1.9793

//

//

II

II

30

U 43062

12 42844

2.1662

2.2371

2.1924

//

//

26.67 32.22

1.955

2 274

35

13 77994

13 78015

2.4020

2.4852

2.4313

//

//

37.78

2.742

40

15 19044

15 19355

2.6480

2.7108

2.7059

//

//

//

//

45

16 67396

16 66860

2.9042

2.9525

2.9459

//

//

II

//

<50

//

//

II

3.2184

3.2257

II

II

II

//

65

//

//

II

3.4979

3.4294

' Il

II

II

//

60

w

II

II

3.6842

3.7191

II

, //

II

//

65

//

II

II

3.9252

4.0726

II

//

II

//

70

L

//

II

II

4.2000

4.3122

II

//

II

//

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86 MÉMOIRES.

100. A la suite des nombreuses expériences que nous avons indiquées [25], M. Paul Havrez formule les conclusions sui- vantes :

Le débit croit avec la température et peut être représenté par l'expression :

D = 8 + 8't ,

dans laquelle D représente la dépense à la température t, 8 la dépense à 0% qui est exprimée elle-même à l'aide de deux termes variables avec E et avec H, et 8' l'accroissement de dépense pour un degré, qui est aussi une fonction dépendante de E et de H.

Mais, quand le filtre est formé par une couche de gros sable, la dépense est représentée par une fonction plus com- plexe, telle que D = A + A'( + àTfi C).

Doit-on représenter par des formules distinctes les effels de la chaleur sur la fili ration à travers deux sortes de sable qui présentent si peu de différence? Faut-il modifier les coeffi- cients quand^ en employant la même substance filtrante, on en fait varier l'épaisseur? Nos expériences nous ont fait écarter ces conclusions. Nous avons constaté que les variations de température font changer à peu près de la même façon la vi- tesse de l'eau à travers les colonnes de sable, à travers les vases de terre poreuse et à travers les tubes de verre. C'est ce que montrent, du reste, les quatre premiers tracés de 1 1 figure 1, planche II, ainsi que les tracés VI et VII, qui, sans être identi- ques, ont sensiblement le même aspect. Si les résultats obte- nus par M. Havrez diffèrent entre eux, il faut principalement l'attribuer à l'interposition de l'air entre les particules de la substance perméable. Cette action perturbatrice n'a pas été considérable dans le cas des filtres peu épais formés de gros sable, parce qu'alors une grande partie des bulles gazeuses a pu s'échapper, et l'auteur a pu observer, dans ce cas, la loi qui, suivant nous, régit le phénomène.

101. En profitant des changements qui se produisent dans

(*; Rxherehei expHitmentokê mr U4 Uns de la fiUratûm, par Paal Havrei, p. 11.

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BECHERCOES SUR LA FILTRATION. 87

la température extérieure, j'ai pu déterminer, comme je l'ai déjà dit [56], les vitesses différentes que prend, à des tempé- ratures voisines, l'eau qui passe à travers un même vase po- reux surmonté d'un même tube; mais ni le vase, ni le tube, ni le cathétomèlre à l'aide duquel on mesure l'abaissement du liquide ne sont dans des conditions identiques, de sorte que 4outes les données du problème se trouvent modifiées simulta- nément; toutefois, plusieurs d'entre elles ne subissent que des changements sans importance.

1" Remarquons d'abord que les variations de densité qui accompagnent les variations de température du liquide, n'ont par elle-même aucune influence directe sur les lois de l'écou- lement; puisque la pression qui s'exerce sur le liquide qui s'écoule et la masse de l'unité de volume de ce dernier restent dans un rapport constant. Il faut cependant, pour qu'il en soit ainsi, que la colonne soit encore homogène, c'est-à-dire à la même température dans toutes ses parties; ce qui n'est pas ri- goureusement vrai, mais à peu près réalisé, si l'eau qu'on verse par l'entonnoir supérieur a séjourné depuis longtemps dans le même milieu que celle qui remplit le récipient.

2** La température modifie la valeur des divisions du cathé- tomèlre; la correclion relative à ce point est facile, mais elle n'a pas d'importance, à causQ de la faible valeur du coeffi- cient de dilatation linéaire du laiton, qui égale, en moyenne, 0,0000167.

S"" Quand la température varie, les espaces capillaires par lesquels se fait le passage du liquide n'ont plus la même sec- tion ni la même longueur: le tube de verre dans lequel on voit le niveau s'abaisser a éprouvé des changements du même ordre.

Supposons que, pendant la durée de chaque expérience, la température soit stationnaire; l'eau qui, dans ce cas, constitue la colonne de charge, a la même densité que celle qui s'écoule : il n'y a qu'à tenir compte des modifications de forme qui se sont produites dans ce système de canaux.

Nous aurons, en appliquant la formule [2] déjà indiquée [36] :

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88 MÈUOIHES.

U=^.K.H ou U = mH (2),

. 4nD*K

en posant ^^ = m.

Pour me débarrasser des faeteurs constants qui ne subissent

4n aucune influence de la température, je pose = J.

J'ai alors U = •^. K . H, et le coefficient m, que nous avons

déterminé dans les expériences précédentes, sera représenté JD^K

Supposons que la vitesse U soit la vitesse observée quand la température est T : on a

U=^^.K.H (6).

Pour une autre température, T', que je supposerai plus élevée, on aura :

U'=i^,K'H' (7).

K' variera suivant des conditions qui restent à déterminer; mais toutes les autres quantités peuvent être exprimées en fonction des quantités correspondantes de Téqua-ion (6), à l'aide des formules de dilatation. On aura :

JD4 [1 + X (T- - T)] 4.H. [i + V (T- ^ T)] ^ ~ AMI +X'(r T)] H [i +X (T' - T)] ' ^ '^ ^""^^

ou

U^ _ JD*H [i + X (T - T)]4 [i + V(r - T)] K' AH [i + V (T' - T)]« [4 + X (T' - T)] '

formules dans lesquelles X représente le coefficient de dilata tion linéaire du vase poreux, et X' le coefficient de dilatation linéaire du tube de verre.

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RECHBRCHES SUR LA FILTRATION. 89

En divisant Tune par l'autre les équations (8) et (6), on a

U' __K'[1+X(T'-T)]8

U ~~ K [i + X' (T' - T)] ^^'

d'où, en eOecluant la division et s'arrétant aux termes qui ne contiennent X et X' qu'au premier degré :

U' = U X Ç [1 + (3X ^ X') (T' - T)] (10).

Dans le cas le vase poreux serait remplacé par un vqse de verre présentant une série de perforations capillaires, Ii formule se réduirait, X' étant égal à X, à Texpression suivante :

U' = U. ^[1+2X(T'-T)],

qu'il est facile d'établir directement en partant deë lois de Poi- seuille.

La correction précédente ne serait pas facile à faire, à cause de l'indétermination que présente le coefficient de dilatation du vase poreux.

Si on prenait pour X le coefficient de dilatation indiqué par Adie (tableau de V Annuaire du bureau des longitudes, 1880, p. 601), comme le coefficient de dilatation de la terre cuite, on aurait = 0,000.004.573.

X' est, en moyenne, pour les tubes, d'après Roy :

V = 0,000.007.73.

Alors, 3X X' égalerait à peu près 0,000.005.97.

Une pareille correction n'a pas d'influence sur les résultais quand T' T n'est que de quelques degrés. On peut la négli- ger, comme celle qui est relative à la dilatation du cathélo- mètre. Nous nous sommes donc borné à rechercher une for- mule empirique qui représente les variations qu'éprouve l'écoulement du liquide dans nos appareils, sans dégager le coefficient d'écoulement K des autres corrections, que nous ne pouvons pas faire avec certitude, mais qui sont heureusement peu importantes.

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90 MÉMOIRES.

Nous allons exprimer la vitesse U à la l" T en fonction de la vitesse L'o, correspondante à la l'« de 0*, ou, ce qui revient au même, d'après la formule (2) [36], nous évaluons m à l'aide de mot et nous constatons que ces deux quantités sont liées par la relation

m = mo (1 + flrf + W [H].

Nous avons déterminé expérimentalement les valeurs de t7i, quand la température varie, en nous servant de la formule déjà employée :

log Hq - log H

m = T-T (o).

6 log e

L'appareil étant installé à demeure dans une petite pièce, il m'a suffi de laisser écouler, à différents jours, le liquide du trait 1 au trait 2 et du trait 2 au trait 3, par exemple, pour déterminer m aux températures moyennes de 8%3, de 9%4, de 9«,8, de 10*, de 12^, de 43o, de 15% de 17<». J'ai fait concourir douze de ces expériences à la détermination des trois constantes dans la formule m = mo (1 + a^ + p^^), qui me paraît bien représenter les variations observées; par exemple, j'ai déter- miné directement par quatre observations chacune des trois valeurs :

Wî8,3 = 0,000.055.341,

mia =0,000.061.383.3,

m^5 = 0,000.066.583.

J'ai eu ainsi le système des trois équations suivantes :

0,000.055 341 = mo [ 1 + a 8,30 + p (8,30) 2 ], 0,000.061.383.3 = mo [1 + «12 + P 144], 0,000 066.583 = mo [ 1 + « 15 + P 225].

Je déduis de les valeurs : .

a = 0,032.802, p = 0,000.272.6, et * mo = 0,000.042.836.

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RECHERCHES SUR LA FILTRATION. 91

Celte dernière valeur mo n'a pas été déterminée expérimenr talement ; mais il y a cependant quelque intérêt à chercher quelle est la température comptée à partir de O^, qui suffit pour doubler la vitesse de l'écoulement du liquide.

Si on résout l'équation

mT = mo(1 +aT+ pT2) * (41)

par rapport à T, en supposant que nh = 2rwo, on a, comme on voit,

ce qui est une valeur bien peu différente de celle qu'on déduit de la formule de Poiseuille, qui a élé obtenue après avoir fait les corrections relatives aux variations du volume de l'ampoule et des diamètres des tubes capillaires {*).

D'après cette formule, il faut, en effet, pour doubler la vi- tesse, une température T = 25°,45*^*- environ. En opérant comme il vient d'être dit, on obtient une série de valeurs de m que nous indiquerons plus loin [105], tableau XIX.

La formule de Poiseuille et celle que je viens de donner ne sont pas identiques, car les circonstances dans lesquelles la seconde est déterminée sont un peu plus complexes; mais elles ne diffèrent pas beaucoup l'une de l'autre.

102. Pour étudier, dans des limites plus étendues, l'influence de la température sur l'écîoulemeot de l'eau à travers les mêmes vases, je me suis servi de l'étuve de d'Arsonval, qui permet d'obtenir des températures constantes. M. Joulin, direc- teur de la poudrerie de Toulouse, a bien voulu mettre à ma dis- position, pendant quelques jours, un appareil de ce genre. Je l'ai représenté ici en perspective {/ig. 7), et la figure 8 en donne la coupe verticale : c'est, comme on voit, un récipient ayant, à la partie inférieure, la forme d'un manchon conique A, et, à la

(*) Danf la formule de Poiseuille K = Kq (1 -f «« + ^fi), a = 0,0336793, ^ = 0,0009909936.

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92

MÉMOIRES.

partie moyenne et supérieure, celle d'un manchon cylindri- que B. Le vase, dont l'axe est vertical, est fermé par une pla-

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HECBERCHRS SUR LA PILTRATÎON. 93

que annulaire ÎDclinôe; celle-ci porte, dans la région la plus élevée, une tubulure T, par laquelle on introduit Teau qui doit remplir complètement le manchon; on ferme ensuite celte tu- bulure à l'aide d'un bouchon traversé par un lube en verre T', ouvert à ses deux extrémités.

Lorsqu'on chauEFe l'étuve à l'aide d'une couronne de becs de gaz E placée à la partie inférieure, l'eau se dilate et s'élève dans le tube T'. De résulte un accroissement de pression dont on a tiré parti pour régulariser la température. L'appa- reil porte pour cela, sur la paroi latérale et vers la partie supérieure, une large tubulure F fermée par une plaque très- mince maintenue à l'aide d'un anneau G ûxé par des vis de pression. La plaque flexible qui supporte intérieurement la charge du liquide constitue le fond d'un tambour dont Taxe est horizontal. Dans ce tambour pénètre un tube à bords émoussés qui fait corps avec un disque fileté H. Par le mouve- ment de rotation imprimé au disque, l'orifice du tube peut être plus ou moins rapproché de la plaque flexible; or, c'est par ce tube qu'arrive dans le tambour le gaz qui alimente les becs, tandis qu'il s'en échappe par une autre tubulure J ménagée vers le bas, pour arriver à la couronne. On conçoit, dès lors, que l'élévation du liquide dans le tube en verre T' amène, par suite de Taccroissement de la pression , la déformation de la plaque. Elle se rapproche du tube central et rétrécit ainsi le passage laissé au gaz qui alimente les becs. La flamme de ces derniers est alors déprimée, et la température diminue. Mais ce phénomène est accompagné dun abaissement de niveau dans le tube de verre, et la plaque flexible tend à reprendre sa première forme. On voit donc qu'en réglant convenablement la position du tube qui porte le gaz, on peut obtenir des tempéra- tures constantes.

103. La cavité centrale sert habituellement de chambre à air; je l'ai fermée par un bouchon métallique K (fig, 8), que traverse un tube de cuivre. Celui-ci s'ouvre à un centimètre environ au-dessous des bords de la cavité, et se termine par une partie recourbée à laquelle s'adapte un tube de caoutchouc qui permet de déverser au loin le liquide qui s'échappe par

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94

HEMOinES.

trop-plein de la cavilé centrale. C'est dans celle cavité que j'introduis le vase poreux qui forme la partie inférieure de l'ap- pareil que j'ai déjà décrit (/Egf. 3) [60]. Seulement ici la plaque

obturatrice, surmontée du long tube gradué, présente sur ses bords deux entailles diamétralement opposées : l'une d'elles permettra d'introduire un thermomètre entre le vase et les parois internes de l'éluve; l'autre laissera passer le tube de cuivre KL appliqué sur la paroi, et faisant une saillie d'un centimètre au-dessus de la plaque. Enfin , le couvercle de lai- ton M (/îgf. 7) laisse passer par deux tubulures la lige du thermomètre et' le tube gradué. On introduit par ce tube un second thermomètre, qui pé- nètre jusqu'au fond du vase poreux. On prend, pour la température de l'eau qui filtre, la moyenne des tem- pératures données par les deux ins- truments, qui, du reste, différent peu quand on introduit dans le tube de l'eau un peu plus chaude que celle de l'éluve.

104. Nous calculons le coefficient d'écoulement en employant encore la formule (3) :

^^^

m =

log Hi - log Ha

6 log e

dans laquelle e indique le temps; pour déterminer deux ou trois fois la valeur de m, à une même température, il suffit de suivre assez longtemps l'abaissement du niveau. Il est bon de remarquer que les expériences sont plus précises quand les colonnes liquides qui pressent sur le filtrre sont assez courtes ;

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RECBKBCHES SDR LA FILTRATION. 95

elles présentent alors plus d'homogénéité. J'ai noté, dans cer- tains cas, les variations de température, qu'on peut constater h Taide de thermomètres maintenus à diBërenles hauteurs. J'ai pu calculer alors la longueur de la colonne homogène qui au- rait la lempérature du liquide filtrant et qui équivaudrait à la charge observée. Mais j'ai constaté que les corrections ainsi faites n'atteignent généralement pas ^ de la valeur cherchée. Or, on ne peut ici déterminer les données expérimentales avec une assez grande précision pour tenir compte de quantités de cet ordre.

105. Nous avons été naturellement amené, avant de cher- cher toute autre formule empirique, à essayej celle que nous avons obtenue à la suite de nos premières expériences [101].

Voici l'ensemble des résultats auxquels nous sommes par- venu, en étudiant l'écoulement de l'eau à travers des vases poreux, soit en profitant des variations de température du milieu ambiant, soit en employant l'étuve de d'Arsonval. Nous les rapprochons de ceux qu'ont obtenus MM. Poiseuille, gra- ham, Guéroult et Tate, et que nous avons déjà inscrits dans* le tableau XYIII et figurés dans la planche II. Les vitesses sont aussi rapportées à celle de l'eau, à la température de 0<». Elles sont représentées par la courbe VI.

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96

MEMOinES.

TABLEAU XIX

106. DÉTERMINATION DES COEFFICIENTS D'ÉCOULEMENT A TRAVERS LES VASES DE PORCELAINE DÉGOURDIE

OQ M es P H

COEFFICIENTS

COEFFICIENTS

VITESSES npporUei

<

-m

D'iOOULBMBNT

D'éOOULBMBNT

àla vitbssbaO*

OBSERVATIONS

H

observée.

caloolésm

prise pour unité.

1

3

8

4

5

4«' VASE POREUX K

0

//

0.000042836

4

8.30

0.000055344

0.000055344

4.2946

Valeur qai a serri

9

//

0.000056463

4.3480

à établir la formule et

9.4

0.000057448

0.0000574 4 0

4.3344

qui a été obtenue par

9.8

0.000057747

0.000057737

4.3480

la moyenne de 4 ob-

40

0.000058062

0.000058050

4.3551

servations.

M

//

0.000059700

4.3938

42

0.000064383

0.000064383

4.4297

id.

43

0.000063020

0.000063400

4.4725

44

//

0.000064830

4.5140

45

0.000066583

0.000066583

4.5548

id.

46

//

0.000068350

4.5956

47

0.000070440

0.000070445

4.6370

20

0.00075380

0.000075400

4.7604

VA8B P

OREUX M PLACE

DANS L'ÉTUVB

0

//

0.0000870

4.

to

0.0004532

0.00045358

4.765

22.40

0.0004630

0.0004630

4.874 ,

Valeur qui a serri

27.40

0.0004828

0.0004829

2.4035

à déterminer le coeffi-

32.40

0.0002049

0.0002034

2.3338

cient iiio du Douyeaa

38.50

0.0002340

0.0002349

2.6674

vase.

42

0. 0002477

0.0002487

2.8688

49

0.0002827

0.0002836

3.2605

53

0.0003044

0.0003048

3.5046

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RECHERCHES SUR LA FILTRATION. 97

J'avais fait concourir, comme je l'ai dit [101], douze obser- vations faites avec beaucoup de soin à la déterminalion des constantes mo, a et ^; on voit que l'accord entre les nombres calculés et les nombres observés est satisfaisant. Cependant, les écarts dans le même sens qu'on remarque à partir de 38%50 sembleraient indiquer que la formule à trois termes serait insuf- fisante pour représenter le phénomène, si on poussait plus loin les expériences; mais elle peut être adoptée dans les limites nous avons opéré.

107. J'ai pu faire aussi quelques expériences avec l'étuve de d'Arsonval sur la filtration de l'eau à travers de petites cou- ches de sable. Comme l'étuve n'avait pas de grandes dimen- sions (23 centim. environ de profondeur), la colonne de sable était nécessairement bien réduite, et j'ai me borner à intro- duire dans le tube gradué, dont l'orifice était fermé par un morceau de soie des tamis, une petite colonne do sable fin de 15 centim. de longueur, pesant 32 grammes. Dans ces condi- tions, le passage de l'eau est très-rapide quoique la loi des pressions s'applique encore, mais le thermomètre placé dans Tinlérieur de l'étuve marque quelques degrés de plus que le thermomètre engagé dans le tube gradué immédiatement au- dessus de la couche de sable. Cet écart, qui va en croissant avec l'excès de la température intérieure sur celle de l'air ambiant, ne m'a pas permis de pousser très-loin les expériences. Il m'aurait fallu des dispositions plus complexes pour opérer à des températures plus élevées; mais, dans ces limites, la for- mule empirique précédente peut être encore appliquée. Elle fait ainsi connaître la valeur des coefficients d'écoulement de l'eau, soit à travers des vases poreux, soit à travers des couches de sable, pour des états calorifiques compris entre 8*» et SO'» environ.

Voici le tableau des résultats obtenus que j'ai représentés par le tracé VII {fig. 1, pi. II).

8e SIÉRIE. TOME Ul, 1.

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98

MÉMOIRES.

TABLEAU XX

ÉTUDE DE L^DÎFLUEXCE DE LA TEMPÉRATURE SUR LA VITESSE D'ÉCOULEMENT DE l'eau a travers UNE COLONN-fi DE SABLE

1

COEFFICIENTS

lyâOOULKMENT

CALCULÉS

VITESSES àœDe

QU*0» OBSBBTB àO-.

OBSERVATIONS

OBSERVÉS

1

1

S

4

6

Oo

n

0.0010916

1

23

0.0020730

0.0020730

1.89866

Valeur qui a

27 60

0.0013670

0.0023108

2.14 330

serri à détermi-

36

0.0027314

0.0027720

2.5393

ner «o.

44 10

0.0030240

0.0030692

2.7664

108. Nous aarioDs, pour (ermiDer cette étude, à examiner comment, à Faide de ces formules, on peut calculer la vitesse avec laquelle Teau traverse une colonne hontogène dont les différentes parties ne sont pas à la même température, mais, comme il faut tenir compte de l'épaisseur de la colonne fil- trante et de la variation du coefficient de perméabilité d'un point à l'autre de cette colonne, nous traiterons cette question à la fin du chapitre IV.

§ 2. Recherche de la vitesse de différents liquides à diverses températures.

109. Je ne me suis pas occupé de chercher les coefficients d'écoulement capillaire des différents liquides à une t'^ donnée. Poiseuille, qui avait d'abord déterminé celui de l'alcool, a étendu plus tard ses recherches à un grand nombre de corps, et plusieurs physiciens, notamment MM. Graham et Guéroult, Pont suivi dans cette voie. M. Duclaux a montré que ces coef- ficients d'écoulement, toujours pris par rapport à Peau, ne

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RECHERCHES éUR LA FILTRATION. 99

sont pas lout à fait identiques quand les liquides traversent la lerre de pipe, quand ils traversent le charbon ou quand ils coulent dans des tubes capillaires de verre.

110. Ily a donc', pour chaque liquide, un coefficient d'écou- lement spécifique qui varie lui-même, dans des limites étroites, avec la nature des parois sur lesquelles il glisse, mais qui varie aussi avec la température; ce sont ces variations du coefficient d'écoulement que je me suis proposé d'étudier. Comme on le voit par. les tracés de la planche II, les vitesses de l'eau à diverses températures, par rapport à celle de l'eau à 0% sont sensiblement les mômes, que le passage s'effectue dans des tubes de verre, à travers des vases poreux ou à travers des couches de sable. Ces vitesses sont, il est vrai, fonction d'un très-grand nombre de variables, et, en particulier, de la dila- tation des corps dans lesquels circule le liquide; mais on peut les considérer, dans une première approximation, comme dé- pendant exclusivement des coefficients d'écoulement aux di- verses températures, qui sont très-grands par rapport aux autres quantités.

J'ai comparé les vitesses relatives de l'alcool à 36° et de l'acide sulfurique monohydraté à travers des tubes capillaires et à travers des couches de sable.

111. J'ai rapproché des résultats obtenus avec l'alcool à 86*» centésimaux ceux que M. Graham a résumés dans un tableau qui fait suite à son Mémoire sur l'écoulement forcé des liqui- des (*), et qui sont relatifs à l'écoulement de l'alcool absolu à travers un tube capillaire. Les vitesses sont rapportées à celles qu'on observe avec les mômes liquides à la température de 20**.

(*) Annales de chimie et de physique, 1. 1, férié (Mémoire déjà cité, p. 153).

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iOO

MEMOIRES.

TABLEAU XXI

VITESSES D*ÉCOULEMENT DE L* ALCOOL A DIVERSES TEMPÉRATURES

20O

25

30

35

40

45

50

55

60

65

70

VITESSES de

L'ALCOOL ABSOLU

dans

le capillaire D

(Graham)

2

4.

4.080

4.480

4.3(3

4.437

4.564

4.694

4.830

4.972

2.453

2.334

VITESSES

DB L'ALCOOL A 86*

Dans tm capillaire.

8

4.

4.078 4.482 4.320

II 4.583

II

II

II

II

II

A travers une couche

de sable fin.

4

4.

4.093

4.470

4.329

4.454

4.573

II

II

II

II

II

VITESSES DB L'EAU

Dans

le capillaire D

(Graham)

6

4.

4.4352

4.2546

4.3905

4.54 85

4.6520

4.8027

4.9344

2.0644

2.4967

2.3500

A tniTers

on

vase poreux.

6

4.

4.426

4.260

4.405

4.557

4.747

4.824

II

Il

II

II

Il résulte de ce tableau que les vitesses d'écoulement de l'al- cool à 8^<>, soit à travers le sable, soit dans un tube capillaire, restent proportionnelles entre elles aux différentes tempéra- tures; pour obtenir ce résultat, il faut pourtant prendre quel- ques précautions, et porter au préalable l'alcool à une tempé- rature plus élevée que celle qu'il doit prendre dans le filtre, en le laissant ensuite refroidir dans un flacon bouché. Sans cela, les gaz, qui sont dissous en plus forte proportion dans l'alcool que dans l'eau» se dégagent en traversant la couche de sab'e; ils constituent un obstacle tel, que j'ai vu l'abais- sement du liquide se ralentir, parce que j'avais porté rapi- dement la couche filtrante de SO^ à 40«.

Il importe de remarquer encore que les deux vitesses relati-

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aEGHE^CHËS.SUR LA FILTRÀTION.

lOt

ves dont nous venons de parler peuvent être considérées comme sensiblement égales à celle de Talcool absolu , qui , du reste , ne diffère pas beaucoup de celle de l'eau; c'est ce qui ressort de l'examen des tracés {fig. 2, pi. II); c'est ce que montre aussi le tableau XXI, sont inscrites, dans les colonnes 3 et 4, les vitesses de l'alcool à 86o déduites de mes expériences, et, dans la colonne 2, celles qu'a déterrninées graham pour l'alcool absolu avec le capillaire D. Elles sont, dans tous les cas, rapportées à la vitesse de l'eau à 20<>. A cettj tempéra- ture, le coefficient d'écoulement de l'alcool absolu, par rapport à l'eau, est de 0,6641, et celui de l'alcool à 86o est de 0,4424. Les colonnes 5 el 6 donnent les vitesses de l'eau, d'après les déterminations de M. Graham et d'après mes expériences.

Mi. En comparant de môme les vitesses avec lesquelles l'acide sulfurique passe, à diverses températures, à travers une couche de sable et à travers un tube capillaire, j'ai obtenu le tableau suivant :

TABLEAU XXII

COMPARAISON DES VITESSES d'ÉCOULEMENT DE L* ACIDE SULFURIQUE A TRA- VERS UNE COLONNE DE SABLE ET A TRAVERS UN TUBE CAPILLAIRE

VITESSES à traTers

VITESSES à travers

TKSIFÉEATURKS

UNS COLONNM DB SABLE

rapportées à la vitesse à 20».

UN TUBE CAPILLAIBK

rapportées à la vitesse à 20*.

20°

4

1

22 50

1.071

1.080

30

1.320

1.311

40

1.739

1.752

50

2.267

2.275

Ainsi, landis que la vitesse d'écoulement d'un liquide, rappor- tée à celle de l'eau, varie un peu avec la nature des parois, les variations de vitesse qu'entraînent les accroissements de tem-

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102

MEMOIRES.

pérature en sont tout à fait indépendantes. Si le premier effet est dû, suivant M. Duclaux, à l'épaisseur variable de la couche adhérente au corps solide, le second effet ne dépend, d'après ces expériences, que de la friction interne du liquide. On peut donc, pour étudier Tinfluence de la température sur le coeffi- cient d'écoulement d'un liquide, le faire passer à travers des espaces étroits de nature quelconque, et il est plus simple de recourir aux tubes capillaires de verre. 113. J'ai employé, pour ces recherches, des tubes droits

d'un rayon de 8 à 12»».- Rétré- cis en certains points, courbés et étirés à la lampe, ils présen- taient une capacité limitée par deux traits derepère Afi, et une partie effilée DE, de forme lé- gèrement conique , de OHO à O'^IS de longueur et dont le diamètre était très-petit à l'ex- trémité.

Le tube était, dans tous les

cas, assez long et assez étroit ,

pour que la loi des pressions fût

applicable, comme je le cons-

Fig. 9. talais en étudiant l'écoulement,

quand le liquide atteignait deux

hauteurs différentes, M et N (fig, 9). On faisait plonger ce tube

dans un vase dont le niveau était déterminé avec soin.

Ce liquide était chauffé par un fourneau à gaz dont on pou- vait régler la dépense. L'extrémité du tube communiquait en N, par un tuyau de caoutchouc, avec une pompe à main qui permettait d'élever ou de déprimer le liquide dans le tube en verre.

Pour faire une expérience, on soulevait le liquide par aspi ration au-dessus du trait A ; après avoir préalablement agité le bain, on en déterminait la température au moment le niveau du liquide allait, dans son mouvement descendant, atteindre ce premier trait. On notait l'instant du passage vis-à-vis de ce trait.

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RECHERCHES SUR LA FILTRÂTION. 103

puis vis-à-vis du trait B, et, après avoir brassé de nouveau le liquide, on faisait une nouvelle détermination de la tempéra- ture. Si l'on remarque que l'espace GCD a un volume au moins égal à dix ou douze fois la capacité du renflement AB, on re- connaîtra que le refroidissement éprouvé par le liquide de l'ampoule pendant son écoulement n'influe pas d'une manière appréciable sur la température de celui qui, pendant ce temps, traverse le capillaire.

J'ai ainsi formé le tableau suivant, qui représente la vitesse d'écoulement de l'acide sulfurique : les résultats résument deux séries d'expériences faites, l'une en faisant croître la tempéra- ture du bain, l'autre en le laissant refroidir lentement. Je n'ai pu opérer exactement aux températures indiquées , mais j'ai déduit par interpolation les nombres que je donne de ceux que j'ai obtenus à des températures très-voisines.

TABLEAU XXIII

VARIATIONS DANS LA VITESSE D'ÉCOULEMENT DE L^AQDE SULFURIQUE A TRAVERS LES TUBES CAPILLAIRES

VITESSES

VITESSES

TlMPiBATUBES

iBpportéea à la vitesse

TEMPÉRATURES

rapportées à la vitesse

à20«.

à20«.

20O

1

650

3.083

28,6

1.067

70

3.382

25

1.U3

76

3.616

30

1.32^

80

3.961

36

1.626

86

4.334

40

1.736

90

4.669

45

2.000

96

6.004

50

2.267

100

6.330

55

2.526

105

6.676

60

2.793

it

II

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104 MÉMOIRES.

J^ai déterminé aussi la vitesse de Pacide sulfurique par rap- port à Teau à la température de 20o. Cette quantité est à la viscosité d'Hagenbach ce que le coefBcient de conductibilité est à la résistance en électricité : on pourrait l'appeler le œefficient de vitesse ou tachytique.

J'ai obtenu, à 20-' : u = 0,0761 = —^ ;

Poiseuille avait obtenu, à 1^2 : u = 0,0723 = ^j^j^ ;

Graham, à 20* : ti = 0,0852 = j^ f).

Comme on le voit, la température fait croître plus rapide- ment la vitesse d'écoulemopt de l'acide sulfurique que celle de l'alcool et de l'eau; on pourra représenter ces variations par une fonction telle que :

u = tfio [< + a - 20) + p (^ - 20) «] , .

dans laquelle a et ^ seront les coefficients thermotachytiques de Yacide sulfurique, c'est-à-dire les coefficients qui permettent d'exprimer en fonction de la température les variations de vitesse qu'éprouve l'écoulement de ce liquide à t»-avers des espaces étroits.

114. En faisant les mêmes opérations avec l'huile d'olive, j'ai obtenu le tableau suivant :

(*) Ces coefficients ne figurent pai dans les Mémoires de Poiseaille et de Grsbsm, mais on les a déduits de ceux qa*ont donnés ces physiciens, en supposant que la pres- sion est produite, dans chaque cas, par une colonne de hauteur constante et de même densité que le liquide qui s'écoule.

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BECBEkCBES Sb& Là. FILTRATION.

105

; TABLEAU XXIV

VARUTIONS DE LA VITESSE D'ÉCOULEMENT DE l'HVILE D'OLIVE

VITESSES

vrrassES

eompArées k la Tltesse

oompaiées fr UTlteose

fcao*.

&30O.

20O

4

80«

9.469

S5

4.305

85

40.269

30

4.680

90

44.292

36

«.074

95

42.404

40

2.650

400

43.668

^^

3.204

4 05

44.964

50

3.832

440

46.328

55

4.503

445

47.667

60

5.234

420

48.883

65

6.476

425

20.409

70

7.226

430

24.562

76

8.288

//

li

J'ai aussi délerminé le coefficienl tachytique de l'huile par rapport à l'eau. Il esl à 25%50, température à laquelle j'ai fait

l'expérience, égal à ^^^ .^ = 0,004867, c'est-à-dire que l'huile

d'olive à SS'' coule à peu près 205 fois plus lentement que l'eau à la même température.

On voit que les variations de vitesse sont encore plus rapides pour l'huile que pour l'acide sulfurique. Je me propose d'ap- pliquer cette méthode à l'étude des liquides qui présentent des maxima de viscosité, comme le soufre par exemple ; mais ces recherches exigent des dispositions plus complexes, que je n'ai pu prendre encore.

115. J'ai aussi appliqué le même procédé à l'examen de

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106

MÉâoiRES.

récoulement du mercure à travers de» capillaires de verre. Ici, c'est le mercure qui frotte contre les parois, qui ne sont pas mouillées.

La vitesse croît avec la température, mais d'une quantité bien plus faible que dans les cas précédents; toutefois, elle dépasse notablement celle qui résulterait de Taugmentation du diamètre du capillaire par suite de la dilatation du- verre.

TABLEAU XXV

VARUTIONS DE L.\ VITESSE D*ÉC0LXE3IENT DC MERCURE DANS UN TUBE

CAPILLAIRE

VITBSBES

VITESSES

nMFisAirBBs

ptfXBppori

TBIFÉRiknTBBS

ptfnpport

à U Tit«8Be à 10*.

à lA Tîtesw à 30*.

«()•

4

450

4.059

S5

4.012

50

4.072

30

4.0S4

55

4.085

35

4.036

60

4.096

40

4.048

65

4.407

JV

a

70

4. 420

1 f 6. La vitesse à 20» par rapport à Peau, à la même tempé- rature, égale 6,44, c'est-à-dire que le renflement AB met 6 fois et ^ plus de temps pour se vider, quand il est rempli d'eau, que lorsqu'il est rempli de mercure; mais il ne faut pas oublier que, dans un cas, le mercure frotte contre le verre, et, dans l'autre, c'est l'eau qui frotte contre l'eau adhérente aux parois. Pour faire frotter le mercure contre une couche d'eau, il a suffi de remplir de mercure le tube une fois vide d'eau ; celte fois, la vitesse du mercure est 5 fois et ^ plus grande que celle de l'eau. Le mercure coule moins vite dans la gaine aqueuse que sur les parois du verre bien séché. Le coefficient de frotte-

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RECHERCHES StJR LA FILTRATION. 107

ment du mercure sur l'eau esl-il plus grand que celui du mer- cure sur le verre, ou faul il attribuer le ralentissement cons- taté à la diminution de la section du tube ainsi tapissé par une pellicule d'eau? C'est ce que je me propose de déterminer par quelques autres expériences.

J'ai donné, dans la planclie II (fig. 2), les tracés graphiques de ces variations de vitesse.

J'ai représenté aussi par des longueurs proportionnelles les vitesses de ces différents liquides , pris à 20«. On peut ainsi les comparer aisément à celle de l'eau à la même température.

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108 UÈMOIRES.

CHAPITRE III

ÉTUDE DE l'influence DE l'ÉPAISSEUR DES COUCHES FILTRANTES SUR LA VITESSE AVEC LAQUELLE L'EAU LES TRAVERSE

117. H. Darcy a fait, sur la question qui va nous occuper, des recherches que nous avons déjà rappelées [18], et qui Pont conduit à admettre la loi des épaisseurs, qu'il a énoncées le premier. Le coefficient qui représente le débit, c'est-à-dire la quantité de liquide écoulé en une minute sous une charge délerminée et à travers une couche de sable d'épaisseur inva- riable, d'un mètre par exemple, doit, d'après cette loi, avoir une valeur constante, quelle que soit l'expérience d'où l'on déduit cette valeur.

Or, Darcy a tiré de 4 séries d'expériences les coefficients

0,286 0,216

0,165 0,210

Il a cru pouvoir attribuer ces écarts considérables au défaut d'homogénéité du sable employé, mais il n'a pas poussé plus loin ses recherches sur ce point.

118. M. Tate dit simplement à ce sujet : « En employant un « filtre double (de papier sans colle), on a trouvé que le débit « était à très-peu près réduit à la moitié ; d'où nous concluons « que la vitesse de la fillralioo est inver^^ement proportionnelle « à l'épaisseur (*). »

M. Duclaux détermine le temps de l'écoulement de l'eau à travers une plaque poreuse de ^•"'JtS, et il répète l'opération après avoir réduit l'épaisseur de cette plaque à 1"62; dans le

(*) Philoêophiaa Magtume, t. XXl, p. 65.

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RECHEaCHBS SUR LA FILTRATION. 109

premier cas, la durée a été de 6 jours ; dans 1(* second, de 2 jours 22 heures ; le rapport des temps est bien à peu près égal à celui .des épaisseurs; il en est de même dans une seconde expérience faite dans des conditions analogues {*).

119. M. Paul Havrez, en fermant son tube filtre par une toile à fils serrés mise en double, nécessairement bombée au milieu sous le poids de la charge , en négligeant d'enlever l'air interposé entre les couches de sable, s'est trouvé dans de mauvaises conditions pour trouver la loi des épaisseurs dont la vérification expérimentale présente, comme on le verra, des difficultés particulières. Aussi cette loi est-elle masquée dans sa formule :

D = A + BE

(•--i-)-.

D représente la dépense, E l'épaisseur du filtre, H la hau- teur de l'eau au-dessus du filtre. A, B, a et P sont 4 constantes déterminées par l'expérience.

120. 11 m'a paru nécessaire de compléter et d'étendre ces recherches sur l'influence de l'épaisseur. C'est ce que j'ai fait en employant des couches de sable^ mais il ne faut négliger ici aucune précaution pour obtenir des couches aussi homo- gènes que possible. Des circonstances qui pourraient paraître de peu d'importance, modifient rapidement les résultats, les rendent discordants. C'est ici surtout qu'il est nécessaire de laver le sable avec un très-grand soin , d'enlever les pous- sières, d'aspirer l'air interposé, de produire un tassement régulier, comme nous l'avons déjà indiqué [63].' Il était évi- demment inutile, dans unr* pareille recherche, de former des filtres avec des substances compressibles, telles que la laine, la ouate ou diverses espèces de feutres. Il faut que les espaces capillaires restent de grandeur invariable.

12^. Je me suis servi du tube calibré que j'ai déjà employé pour d'autres expériences. J'en ai fermé l'extrémité inférieure à l'aide d'un morceau de soie à 10 fils par dixième de pouce.

(*) Mémoire de M. Daclaox, déjà cité, p. MO,

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110

MEMOIRES.

et j'ai, introduit en proportions variables du sable dont les grains ne pouvaient pa§ passer à travers un tarais formé avec la même soie. Le tube était plongé dans un vase de 15 litres de capacité environ, complètement rempli d'eau, de sorte que les colonnes de sable y étaient noyées et que le liquide fil- trant amenait par trop-plein le déversement d'un volume exactement égal. Dans ces conditions, la température, appré- ciée à l'aide de deux thermomètres placés à différentes hau- teurs, était très-sensiblement constante pendant la durée d'une expérience, qui ne dépassait pas quelques minutes. Le tube était fixé verticalement ; les hauteurs étaient mesurées à l'aide du cathétomètre, et les tfemps à l'aide du chronomètre, comme je l'ai déjà dit; je pouvais suivre l'abaissement du niveau pendant un temps suffisant pour m'assurer que la loi des pressions s'appliquait exactement et pour déterminer le coef- ficient m à l'aide de la formule :

^^ log hp log hj

0 log e '

dans laquelle j'introduisais la plus grande et la plus petite des hauteurs observées et le temps total écoulé entre les deux positions du sommet de la colonne liquide. Voici les nombres obtenus dans une expérience :

TABLEAU XXVI

Nuxinos

TURB8

des traits au-dessus

ABAIflSK-

TEMPS

POIDS

des

numAbob

lŒNTS

nécessaires

du

rALKUBS

expérien-

de

des

du niveau

de la colonne

pour ces abaisse-

sable

de

ces.

reau.

traite.

du grand vase.

Uquide.

ments.

introduit.

1

3

8

4

5

6

7

8 !

. 65

305.05 -

1

«•1 =

4

«30.40

\ 40

65

61.98 347.

; 243.07

492*

308r

0.003239

%

230,00

494.28

548.40

60

0.004 578

' 45

463.54 1

^

«=

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RECHERCHES 3UR LA FILTRATION. 111

Mais le coefficient d'écoulement dans la deuxième expé- rience doit être ramené à la valeur qu'il aurait eue, si la tem- pérature, au lieu d'être seulement de 23% s'était maintenue à 23*»40. En faisant celte correction à l'aide de la formule que j'ai indiquée [101] ou plus simplement à l'aide. de la construc- tion graphique, je trouve que m, dans la deuxième expérience, est de 0,001594 ; or, si la loi des longueurs de Poiseuille est ici applicable, les coefficients doivent être inversement propor- tionnels aux épaisseurs. Celles-ci sont proportionnelles aux poids du sable introduit, si le tube a partout le même calibre, ce qui est très-sensiblement vrai. On doit donc avoir :

nii e%

m^ _ 0,003.239 _ ^^ iïi^ - 0,001.594 ~ "^'"^ '

On lie peut, je crois, attendre des résultats plus précis, si l'on tient compte des causes d'erreurs multiples qui se présen- tent dans ces recherches.

122. Pour opérer plus rapidement dans d'autres expérien- ces, je me suis contenté de relever les hauteurs à l'aide des divisions équidistantes tracées sur le tube gradué. Je m'assurais de sa verticalité à l'aide de deux fils à plomb , et je constatais le passage de l'eau vis-à-vi* des différents traits à l'aide du cur- seur annulaire. Dans une première ex périence, la colonne de sable a une longueur de 28^*% 04. Je compte les temps qu'il faut pour que le sommet de la colonne liquide passe de la division 66 à la division 60, de la division 56 à la division 50, de la division 46 à la division 40.

Entre 66 et 60 m = 0,001.221,

entre 56 et 50 m= 0,001 .239,

entre 46 et 40 m= 0,001.209,

j . 1 * 0,003.669 ^ ^^. ooo dont la moyenne est. . . -^— g = 0,001 .223 .

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112 MÉMOIRES.

Je procède de la même manière, quand la colonne est 37^»',84 et j'obtiens pour la valeur moyenne de m^,

= 0,000.921.7

mx 1223Q

^ = "9217 = ^'^^'

Or, le rapport inverse des épaisseurs des 2 colonnes, est :

02 _ 37,84 _ ^ . Q

La température n'avait pas varié d'une manière appréciable pendant le cours de ces deux expériences.

1 23. J'ai procédé encore plus simplement dans d'autres cas. Je détermine les temps nécessaires pour que le liquide s'abaisse du trait 97 au trait 94, du trait 87 au trait 84, du Irait 77 au trait 74, quand le tube contient une première colonne de sable, et je répète les mêmes observations entre les mêmes traits, lorsque les colonnes de sable, toujours com- plètement noyées, ont des longueurs dilTérentes qui sont pro- portionnelles à leurs poids à cause de Tuniformité du tasse- ment. La température de Teau du grand vase ne varie pas pendant la durée de ces opérations, qui peuvent être. effec- tuées assez rapidement; la colonne est toujours placée de la même façon, de telle sorte que dans cette série le niveau du liquide extérieur est à la hauteur de la division 55,2 du tube gradué. On pourrait, en tenant compte de cette condition, déduire aussi du tableau suivant une nouvelle vérification de la loi des pressions.

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RECDERCBES SUR LA FILTRATION.

113

TABLEAU XXVII

'A

DUEÉES

BAPP0BT8 II

,.;?:'^

o .

1 o

00

>

CL O

inscrites

dans les colonnes

1 et 2.

DES U>NGinïUBS

des deux premières colon- nes de sable.

DB» DURÉES

inscrites 1 et 8.

DES LONOtJKUBS

de la première

etdelâtroi8ième|

colonne.

1

2

a

4

6

6

7

97 94^

97»

1

77

52.40

?î=4.m

S=^-«*

m!40 = «-8»*

^•''-1.820 81,24 '•'*"

87 84

132

406

72.

l^=^-^^e

4.254

^=..S33

4.820

77

196 74

4 56

407.40

.l^=^-^»«

4.254

ra=*-«'

4.820

l?4. Voici encore une autre expérience du même ordre, accomplie *avec ua aulre lube fermé de la même façon :

8o BBRIE. TOME IH, 1.

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114

MÉMOIRES.

TABLEAU XXVIII

La température :=: 21o6. Le niveau constant du liquide dans le grand vase est à la division 33.3.

DIVISIONS

DU TCBE

DUB

Pour la première

colonne

de longueur

68*»- ,6.

ÂBS

Four la deuxième

colonne

de longueur

87,6.

RAPPORTS 1

DB8 DURÉES

pour les deux colonnes.

DES LOXaUBURfl

des colonnes.

96 93

47

30

1.566

^='--«

86

83

..

36

1.655

1.558

76

73

64

41 40

1.546

1.558

66

83

63

56.20

1.536

1.558

56

53

109

71

1.635

1.558

46

43

178

110

1.618

1.558

=_

On voit par ces deux tableaux que les écarts entre les rapports des temps et les rapports des longueurs des colon- nes ne dépassent pas les erreurs que Ton peut commettre et que ces expériences doivent être considérées comme une vérification de la loi.

125. J'ai souvent obtenu des résultats singuliers dans cette partie de mes recherches. Après bien des essais, je suis arrivé à m'en rendre compte dans presque tous les cas. Je crois devoir compléter l'étude de la loi des épaisseurs en indiquant les principales circonstances cette loi parait être en défaut.

126. Les colonnes de sable sur lesquelles on opère doivent

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RECHERCHES SOR LA FILTRATION. 115

être parfaitement homogènes : elles peuvent Tétre au début, et ne pas remplir celle condition vers la fin d'une expérience. C'est ce qui se produit quand l'eau qui charge le filtre est elle-même plus ou moins trouble : les particules solides en suspension arrêtées vers le sommet de la colonne filtrante forment un dépôt qui va en croissant avec la durée de l'écou- lemenl, et qui, malgré sa faible épaisseur, atténue graduelle- ment la vitesse de l'eau comme le ferait un allongement sen-: sible de la colonne filtrante. Aussi, tandis que les temps employés à parcourir les divisions les plus élevées du tube sont entre eux dans le rapport des épaisseurs des colonnes, ceux qui correspondent aux divisions inférieures ne satisfonl plus à la loi. Ces circonstances se présentent quand le sable n'a pas été parfaitement débarrassé par des lavages répétés de la poussière interposée entre les grains. Alors, quand on produit l'aspiration du liquide pour l'obliger à traverser d'un mouvement ascendant la couche de sable, on constate que les particules les plus ténues se maintiennent plus longtemps en suspension vers le sommet de la colonne liquide qui va par sa pression produire le mouvement descendant, et l'on peut observer ces dépôts, qui viennent modifier la marche des expériences.

127. Nous avons rappelé déjà plusieurs fois dans ce travail la nécessité qu'il y a de faire pénétrer par aspiration l'eau dans la masse perméable; il faut même, pourchasser les petites bulles d'air adhérentes, répéter celle opération plusieurs fois. Si ces précautions ne sont pas bien prises, la loi des épais- seurs parait encore en défaut. Pour m'en assurer directement, j'ai complété de la manière suivante les expériences que j'ai décrites [121] et dont j'ai consigné les résultats satisfaisants dans le tableau XXVI.

J'ajoute 30 grammes de sable aux 60 grammes déjà intro- duits dans le lube gradué, et j'ai ainsi une colonne de 90 gram- mes; mais, au lieu de chasser par l'aspiration l'air interposé entre les grains, je verse de suite une quantité d'eau qm recouvre le sommet de la colonne de sable et pénètre ainsi difficilement de haut en bas jusqu'au sable humide. J'ai

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U6 MÉMonics.

attendu que la coloune parût complètement mouillée, mai> Pair interposé ne s*étail dégagé qu'en partie. Aussi, en étu- diant la variation de la vitesse, j'ai trouvé que le coefficient mz déterminé comme les coefficients m^ et m^ du tableau XXVI avait une valeur moyenne de 0,000.191.4, lorsqu'il aurait être le tiers de m^ et les | de m^, c'est-à-dire égal à

0,003.239 ^ ^, ^Q^ . . 0,001.594 ^ ^ -2 = 0,001.080 environ, ou a -^ ^ X 2

= 0,001.063. Les perturbations dans le débit que peuvent produire des circonstances de ce genre sont donc très-consi- dérables.

128. Je ne me propose pas de chercher ici les perler de charge qui peuvent résulter d'un étranglement de la section de la colonne filtrante. J'espère faire un peu plus tard l'étude expérimentale de cette question délicate. Dupuit, qui l'a posée le premier, a indiqué simplement que la solution doit être analogue à celle qu'on observe en pareil cas quand l'eau s'écoule dans les tuyaux et qu'il doit y avoir aussi une sorte de contraction de la veine fluide (*). Je me contenterai de faire remarquer que les rétrécissements produits par des dis- ques annulaires disposés dans le tube ou par des ajutages placés à l'orifice, produisent une perle de charge qui , dans mes essais, m'a paru assez considérable. Les choses se pas- sent comme si on avait augmenté les longueurs des colonnes filtrantes, qui seraient alors dans deux expériences succes- sives li + a> et l^ + X. seule conséquence que je veuille en tirer pour le moment, c'est que, pour vérifier la loi des épaisseurs, il faut opérer sur des tubes bien cylindriques ter- minés par des orifices de même section.

Telles sont les trois causes principales qui rendent difficiles les vérifications expérimentales de celte dernière loi.

1S9. La loi des pres^sions est en défaut quand les colonnes filtrantes sont trop courtes : dans ce cas, le3 vitesses ne croissent pas aussi vite que les pressions, et, par suite, ne leur sont plus tout à fait proportionnelles.

(*) Traité ihéorique el pratique d$ la comihitê 9t dtla dittribution des eaux; édil., p. 37.

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BECHBRGHES SUR LA PlLTRATlOH.

417

Cela revient encore à dire que le produit du temps uéces- saire pour l'écoulement d'une même quantité de liquide par la pression correspondante va en croissant avec la pression, au lieu d'être constant. C'est, du reste, un résultat conforme à celui qu'a fait connaître Poiseuille sous une autre forme, et qu'il a établi par de nombreuses expériences; je citerai seule- ment celles du n*» 42 (*) :

Il En partant des données de la première expérience (faite « sous une pression de 24""661 de mercure) et supposant les « temps en raison inverse des pressions, on obtient, dit Ppi- (( seuilie, les résultats suivants :

TABLEAU XXIX

Longueur du tube 15™™75. Diamètre aux deux extrémités i .>_ ^ Température de Teau 10® c.

d = 0"«4405 4 430

NUMliROS

des expériences.

1

PRESSIONS évaluées

àlO^ 2

TEMPS obtenus

8

TEMPS

la première expérience.

4

4

2

3

^ 4

5 6

7

49 591 98 233 4 48 233 494 «57 388 000 775 4 60

8646» 4366 2494 4 455 4446 574 298

8646» 4299 2470 4438 4007 549 276

(( On voit que les temps donnés par Texpérience pour des « pressions plus grandes sont tous supérieurs à ceux donnés « par le calcul. »

(*) Beekerches expérimentales sur le mouvement des liquides, p. 4€5 du lome IX ie» Mémoires des satants étrangers.

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418

MÉMOIRES.

On déduirait les mêmes conséquences des tableaux qui sui- vent; je me contenterai de donner le tableau du n*" S6 (^), après y avoir joint la quatrième colonne.

TABLEAU XXX

Longueur du tube 6««»025. Diamètre aux deux extrémités \ t ~ ^""^^^

^ /D=0 086

Température de Teau 10<» c.

KUMÉBOS

des expèrienoes.

1

PRB8SI0N8

évaluées

en colonnes de mercnre

à 10«.

S

TEMPS

de 2c.c.c,1067. 8

PRODUITS dos pressions pw les tempe.

4

4

3

4 5 6 7

24««4 92 50 106 99 402 149 149 194 217 387 «37 773 327

3587» 1768

904

605.6

470

245

131.5

1 86760 89277 89860 90433 91263 94862 101660

On y voit que les temps observés pour des pressions crois- santes vont en décroissant moins rapidement que ne Findique la loi, c'est-à-dire que les produits obtenus en multipliant les temps par les pressions vont en augmentant.

Ces résultats, qui sont analogues à ceux que j'ai obtenus, pouvaient, à mon avis, être prévus.

Les résistances développées dans des tubes capillaires très- courts sont plus faibles que celles qui se traduisent par les lois de Poiseuille; le débit doit donc êlre représenté par une for- mule complexe, mais qui est intermédiaire entre la précé-

(*) Mémoire déjà dté, p. 477.

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RECHERCHES SUR LA FILTRATION. 4i9

dente et celle qu^on emploie , par exemple , dans le cas des orifices percés en minces parois :

0 = 0.^/2^,

la dépense est proportionnelle à la racine carrée de la charge ; par suite, les vitesses ne croissent pas alors aussi vite que les pressions.

J'ai insisté sur ce point, parce que Regnault dit justement le contraire dans son ra|)port :

« Lorsque la longueur du tube se trouve au-dessous d'une « certaine longueur, la vitesse de l'écoulemenl augmente plus « rapidement que la pression (*). »

Avant de rectifier la petite erreur échappée à la plume de cet éminent physicien, je devais en même temps constater qu'elle n'existait pas dans le Mémoire de Poiseuille.

Ainsi les vitesses ne croissent pas aussi vite que les pres- sions, pour des tubes de trop faible longueur, d'après les expériences de Poiseuille: pour des couches filtrantes de trop petite épaisseur, d'après mes expériences.

130. Il résulte encore de l'examen de plusieurs tableaux contenus dans le môme mémoire (**) que, pour une pression à peu près constante, représentée par une colonne de mercure d'environ 775™", les temps, tout en décroissant quand les tubes ont des longueurs décroissantes, diminuent cependant moins rapidement que celles-ci; la loi des longueurs ne s'ap- plique plus et les temps calculés sont plus petits que les temps observés.

J'ai obtenu des résultats tout à fait différents dans mes expériences. En prenant des colonnes de sable de plus en plus courtes, je constate que les temps nécessaires pour l'écoule- ment d'un volume constant de liquide, diminuent encore plus rapidement que les épaisseurs. Je me contenterai de citer l'expérience suivante qui est le complément de celle dont les données sont inscrites dans le tableau XXVIl [123],

(*) Rapport de RegoauU {AnnaUi de chimie et de physique, p. 57, t. VII, série, 1843). (**) Mémoire déjà cilé, i. IX dc5 Mémoires dçt savants étrangers, pp. 477-51^.

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120

MEMOinES.

Après avoir observé Técoulement de l'eau à travers une colonne de sable de 56^*^-84 du tube gradué, je l'ai réduite à 45^*^-34, puis à 31^^-24.

Dans ces conditions, la loi des épaisseurs est vérifiée d'une manière satisfaisante, comme nous l'avons montré, mais la colonne est ensuite réduite à une longueur de 16^^^- 6; voici alors ce qu'on observe :

TABLEAU XXXI

il

«s O

|3

H

3

1

DURÉES

Pour

la2«ool.

de

81,24.

2

87 84 \ 77 74

132

496

±

72

107.40

35

6t

RAPPOBTS

DES DCRAbS

pour

la l'« et la

colonne.

4

W = 3.77,

^=3.769

DBS LOXOUEUBS

dee colonnes

4 et 8.

5

g6,84 16,6

= 3.427

56,84 ÏMÔ

= 3.427

DBS DUBixS

pour les et S*

colonnes.

6

r= 2.067

107,40 62

= 2.066

DES L0KGUBUB8

des colonnes

2 et 8.

7

81.24 16,60

= 1.882

81,84 16,60

= 1.882

Le niveau constant dans le grand vase, plongeait le tube gradué, était à la division 55,2; les pressions sont alors représentées par des colonnes d'eau ayant des longueurs de 30 et de 20 divisions environ; la loi des épaisseurs n'est plus applicable, mais les écarts se produisent dans un sens opposé à celui qu'a signalé Poiseuille à la suite de ses longiies et cons- ciencieuses recherches. Les temps calculés pour de faibles épaisseurs sont plus longs que les temps observés, ou, ce qui revient au même, les vitesses calculées sont plus faibles dans ce cas que les vitesse^ observées.

D'où peuvent provenir ces divergences? C'est ce que nous allons examiner.

Rappelons-nous pour cela que, lorsque les tubes sont assez longs, les rapports des longueurs aux temps nécessaires pour

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RECUERCHES SUR FILTRATION. 121

l'écoulement d'une même quantité de liquide ont une valeur constante :

e ~ 0' ^^ /' ~ 0' Mais, si l' prend une valeur, lelle que T, inférieure à une cer- taine limite ^, ■w> i;?; c'est le résultat constaté par Poiseuille,

l'expérience étant faite à une pression H. Mais quand la pression décroît et devient Hi , les 2 temps

A A

deviennent 0^ et O^i et le rapport r^ est > .„, parce que, quand

les pressions diminuent, les temps correspondants à la même dépense croissent, mais avec moins de rapidité; de même, pour

une pression plus faible H2, t#- > r^r > r^ ; ces rapports fini-

0 2 9 1 0

ront donc par devenir égaux à -j- , pour une pression conve- nablement choisie, et, pour toute pression plus faible H„,

^sera<-^.

C'est ce que nous avons constaté dans les expériences du tableau XXXI.

On peut encore se rendre compte de ce résultat à l'aide des considérations géométriques suivantes :

L'expression V = -^, qui résume les lois démontrées, peut

être mise sous la forme :

eH = d,

6 représentant le temps nécessaire pour une dépense déter- minée et c étant une constante. C'est l'équation d'un parabo- loïde hyperbolique dont les sections, par des plans parallèles au plan HoO, sont des hyperboles équilatères rapportées à leurs asymptotes, et d'autant plus écartées de ces dernières, que les plans parallèles sont plus éloignés. La section de

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122

MÉMOIEFS.

ce paraboloïde par un plan H = Hi esl une droite OiKi , telle

0\a ab

que

mais, pour une longueur f < x> le paraboloïde subit une déformation ; la^seclion qu'on obtient par un plan / = 1% au lieu d'être limitée par l'hyperbole mb^n^ nous donne la courbe

m'b^n' qui coupe la ligne précé- dente en 62, de sorte que la sec- tion par un plan parallèle au ^ /. /f plsiï^ ^0^ ïïe donne une droite

^ ^'"^^ qu'autant que H = Hi. Ce n'est

(|ue pour cette pression que les temps sont proportionnels aux épaisseurs.

* Les expériences de Poiseuille justifient elles-mêmes celle ex- plication :

Examinons, par exemple, le tableau qui résume les expé- Fig. 10 riences faites avec un tube C

dont le diamètre est de 0""08o et dont la longueur primitive de 150'°"'25 est successivement réduite à 100»""325, à Ti-'^'OS, à 49"»°>70, à 24°»°»40, à 10°»H5 cl enfin à 6°>°>025 (*). L'auteur constate que les temps néces- saires à l'écoulement d'une quantité constante de liquide, sous une pression de 773"»»» de mercure, sont proportionnels aux longueurs du tube de plus en plus raccourci, mais il remarque qu'il n'en esl pas de même quand la longueur n'est plus que de 6°»n»025. Le temps observé dans ce cas est de 131«*^'^^^20, tandis que l'on devrait avoir 120«^'^*^^ 5 si la loi s'appliquait. Ainsi, en comparant la plus petite longueur du tube, quand la loi s'applique encore, à la nouvelle longueur, on a :

10,15 . ...

-6;ô25 = ^'^^^-

(*) Mémoire déjà cité, p. 503. Le lobe dont il esl question est celui qui. réduit à 1; longueur de C*"025, a servi aux expériences rapportées dans le tableau XXX [129].

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RECOEnCUES SUR LA FILTRATION. 123

Ce rapport des temps nécessaires à l'écoulement d'une même quantité de liquide, quand la pression est de 773""» de mer- cure, est :

203,14 . „_

qui est, comme on voit, plus petit que le rapport des lon- gueurs.

Mais, à la pression de 24"»"»i92, le temps de l'écoulement à travers le tube de 10°>™15 est de 6339«^<^(*), et nous voyons dans le tableau XXX que lorsque le tube est réduit à 6"»» 025, la durée de l'écoulement d'une même quantité de liquide sous la môme pression (24°>°»I92) est de 3587**^-; le rapport

des longueurs ^-ttôf étant 1,685, le rapport des temps est

fiOOQ

de ÔKÔ7 = 1>767, c'csl-à-dire plus grand que celui des lon- gueurs.

Il en est de môme pour les pressions de 50"»»», de 100"»» et de 150°»°»; mais, comme les vitesses croissent moins vile que les pressions, ces deux rapports tendent à devenir égaux; ainsi, en comparant le tableau de la page 476 du mémoire de Poiseuille au tableau XXX de notre travail, on trouve les résultats suivants :

Preasions. Rapporta des temps.

QQmai l2zl j 791

904 '

149»M19 ^5 = 1,693

194»- 217 ~ = 1,676

Ce dernier rapport est un peu plus petit que celui des Ion-

(*) Ce temps est réellement de etSd*, comme rmdiqae le tableaa de U page i76 /^Mémoire déjà cité), mais la pression est alors de 24»a>79 ; en ramenant le temps à sa faleor pour U pression de S4«ot92, on obtient le nombre qae nous adoptons 6339.

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124 MÉMOrRES.

gueurs, qui égale 1,685. La loi des longueurs se vériflerail donc pour une pression comprise entre lOi'^^îl? et U9"'»H9, niais pour toule au Ire pression elle est en défaut, et les écarts sont de sens inverse pour les pressions supérieures et pour les pressions inférieures; c'est un point de transition ou point critique analogue à cerlains autres qu'on connaît en physique.

131. La conséquence pratique que je veux déduire de cette observation, c'est qu'il importe, dans l'étude des problèmes qui nous occupent, de suivre l'abaissement du niveau du liquide filtrant dans une assez grande étendue, de manière que les résultais que l'on veut coordonner soient obtenus sous des pressions différentes. Ce n'est qu'en opérant ainsi qu'on pourra compter sur l'exaclitude des coefficients qu'on aura déterminés.

132. L'examen qui précède montre bien aussi les difficultés spéciales que présentent les problèmes de l'hydraulique, dont les solutions ne satisfont qu'à des cas particuliers bien définis. Ainsi, les lois de Poiseuille résument avec une précision qui a surpris Regnault lui-même toutes les expériences qui sont comprises dans certaines limites, mais dans d'autres cas elles sont en défaut; on ne peut donc les appliquer, même à la filtra- lion, malgré les analogies manifestes qui rapprochent ce phé- nomène de l'écoulement des liquides à travers des tubes capil- laires, qu'autant que l'expérience directe est venue en justifier l'emploi. En poursuivant la comparaison entre ces deux ordres de faits, on constate parfois des différences qui ne sont pas sans importance. Nous allons en voir un exemple en étudiant le problème que nous avons déjà posé [90].

133. Comment varie la vitesse du liquide quand son niveau descend au-dessous du sommet de la colonne perméable? M. A. Guéroult a fait remarquer, comme nous l'avons dil [13J, que la quantité d'eau qui s'écoule par des tubes capillaires placés verticalement et plongeant dans le liquide par leurs extrémilés inférieures, est indépendante de la longueur des

TT

tubes et de la hauteur du liquide, parce que le rapport y qui

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RECHERCHES SUR LA PILTRATION.

125

KHD*

/

reste constant pendant tout

entre dans la formule Q =

le mouvement descendant.

Il est intéressant de savoir s^il en est encore ainsi quand Peau passe à travers des couches de sable. Il n'était pas possible d'opérer dans ce cas comme nous l'avons fait précédemment, puisque rabaissement du liquide ne peut plus être observé directement, mais il était facile de vérifier une autre consé- quence de la loi précédenle. La dépense pendant l'unité de temps doit être toujours la même, dès que le liquide s'est abaissé au-dessous du sommet de la colonne de sable.

Je place le manchon de verre que j'ai déjà décrit [62] (fig. 5) au-dessus d'un large entonnoir solidement soutenu. Le tube avait été préalablement rempli d'une longue colonne de sable avec toutes les précautions indiquées.

Je mets au-dessous de l'entonnoir une éprouvette graduée, et je recueille le liquide qui s'écoule p( ndant une minute au moment le niveau va affleurer au sommet de la colonne de sable; j'en déduis la quantité qui s'écoulerait en dix minutes, si la charge était constante; je recueille ensuite le liquide qui s'écoule pendant les dix minutes suivantes, puis pendant les dix autres, et j'ai obtenu les résultats ci-dessous :

TABLEAU XXXll

NUMÉROS

des expériences.

1

DUHÉE8 2

QUANTITÉS

de Uquide écoulé.

8

QUOTIENTS

des

quantités obtenues

sucoBSBivement.

4

i 2 3

4

4

40 40

51 ce ^

25.800

44.200

7.600

4.976 4.847 4.868

On voit que lorsque Ton considère une série de temps

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1 26 MÉIIOIRES.

égaux, les volumes du liquide filtré et, par suite, les vitesses moyennes décroissent d'une manière très-rapide, et la loi parait être à peu près la même que dans les cas précédem- ment étudiés.

134. J'ai procédé d'une façon plus précise en déterminant les temps nécessaires pour qu'on puisse recueillir dans l'éprouvelte 5, 10, 15, 20, 25 cent, cubes d'eau. Je fais la pre- mière observation lorsque le niveau de l'eau dépasse le som- met de la couche de sable de 2 ou 3 centimètres. Soit s l'épais- seur de la tranche d'eau qui recouvre le sable; je détermine la quantité du liquide qui s'écoule par l'extrémité inférieure du JLube pendant l'unité de temps sous la charge / + e, si le tube est vertical ; sous la charge {l + e) sin a , s'il est incliné. J'en déduis, d'après la loi des hauteurs, la quantité de liquide qui s'écoulera sous la pression /, ou sous la pression / sin a, c'est-à-dire quand l'eau viendra affleurer à la surface de la couche filtrante.

A partir de ce moment, la dépense devrait être constante, si la loi que nous avons démontrée était applicable, et le liquide devrait baisser dans la colonne de sable de hauteurs égales dans des temps égaux.

135. Ces conséquences ne sont pas plus vérifiées dans ces nouvelles expériences que dans celles du tableau XXXII.

Voici quels sont les résultats obtenus :

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RECH^CHES SDR LA FILTRATION.

127

TABLEAU XXXIIl

FBEMIÈBE BXPÉBISNCE

DEUXIÈME EXPÉRIENCE |]

A LA TEMPE

RATURE DE 11*

A LA

TBMPil

lATURE DE

totale

12O20

TEMPS

QUANTITES

TEMPS

QUANTITÉS

totales

TESÏPS

Q0A?rTITR8

TEMPS

do Uquide

corres-

de liquide

correspon-

de liquide

corres-

de liquide

correspon-

écoulé.

pondants

écoulé.

dants.

écoulé.

pondants

écoulé.

dants.

1

2

8

4

1

2

8

4

5c.cub.

= 85'

Remarque. Les temps nécessaires à l'é- coulement de ces cinq cent, cubes de liquide sont déduits d'une expé- rience faite à une pres- sion un peu plus forte.

5 c. cub.

4'na5» = 95»

Même observation que pour la première expérience.

5

95»

5

95»

5

4 07

5

4 07»

5

405

40

200

5

408

40

245

5

415

45

345

5

440

45

325

5

4 20

20

435

6

4 20

20

445

5

4 28

25

563

6

4 25

25

570

5

442

30

706

5

435

30

705

5

460

35

865

5

4 55

35

860

5

4 87

40

4 052

5

4 85

40

4045

5

248

45

4 270

5

250

45

4 295

5

277

50

4 547

5

295

50

4 590

5

398

55

4 945

5

425

55

2015

5

650

60

2545

5

750

60

2765

5

4 280

65

3875

5

4 645

65

444 0

Je dois faire observer que dans la deuxième expérience le long tube avait une inclinaison égale à 0,8746, mais que la température, au lieu d'être de H% était de 12**20.

Si on tient compte de ces deux corrections, on trouve que les temps observés, pour être comparables à ceux de la pre- mière expérience, doivent être multipliés par 0,9025. J'avais incliné le tube, i^our que le liquide qui s'échappait par la base

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428 MÉMOIRES.

inférieure de la colonne de sable pût s'écouler plus rapide- ment, en suivant la face externe de la plaque de cuivre qui supportait celte colonne, et arriver ainsi aux parois de Ten- lonnoir. Iah relards qu'éprouvaient les goultes d'eau par suite des actions capillaires, soit à leur sortie, soit en<;oulant sur des parois mouillées et peu inclinées avant de tomber dans Téprouvelte, ne sont pas les mêmes à toutes les périodes. Il y a donc quelques causes d'erreurs que je ferai disparaître en faisant sur ce point de nouvelles expériences dans de meilleu- res conditions. Il ne se dégage pas moins de ces tssais une conclusion très-nette; c'est que les lois qui sont encore véri- fiées par les expériences de M. A. Guéroult ne s'appliquent plus ici.

La vitesse avec laquelle le liquide s'écoule va rapidement en diminuant, et tend à devenir nulle, quand la masse de sable est encore imprégnée d'une très-grande quantité d'eau. Cependant, des expériences antérieures nous ont appris que la colonne de sable était bien plus longue qu'il ne fallait pour rendre applicables ici la loi des pressions et la loi des épais- seurs.

<36. D'autres causes intervitnnent ici pour retarder l'écou- lement; ce sont, à mon avis, les forces capillaires qui résul- tent de la pénétration de l'air et de la formation de ménis- ques liquides entre les grains de sable. Je crois devoir rapprocher ces expériences de celles de M. Jamin, l'on voit une pression extérieure, rapidement annulée par les pressions capillaires dues aux lames liquides qui forment des lentilles biconcaves iatercalées entre les bulles d'air.

Le savant professeur de la Sorbonne, après avoir étudié dans ses belles leçons faites devant la Société chimique de Paris en <86i, les effets dus à l'interposition d'un grand nombre d'index liquides engagés dans un tube capillaire, mais séparés par des bulles d'air qui figurent des grains de cha- pelet (*), examine ce qui se passe dans un tube capillaire

(*) Lefom iur lu lois de réquilibre M des moHt>ements de* liquides dans les corps poreux, Parii, Uacbetie, t86i, pp. 4 et 5.

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UBGHERCUES SUR FILTRÀTiON.

129

présenlani une série d'élranglemenls et de renflements (voy. fig, 11). « En remplissant ce tube d'eau par aspiration.

Fig. H.

« dit M. Jamin, et la chassant ensuite par une pression exercée « sur l'un des bouls, il en reste une certaine quantité qui de- « meure adhérente aux parois, et se réunissant bientôt à chaque « étranglement, forme d'elle-même des index persistants (*). »

L'auteur explique ensuite par quel mé- canisme une pression exercée en M {fig. 1 1 ) se communiquera de chambre en cham- bre, mais en diminuant jusqu'à une cerr taine chambre elle sera nulle.

Le snant physicien est amené, parées ingénieuses expériences, à expliquer ce qui se pa? se dans un.siphon dont l'une des bran- ches présente une série de rétrécissements, tandis que l'autre est cylindrique {fig. 12).

Après avoir chassie l'air de l'appareil en versant l'eau par la branche CB, il constate qui si on veut faire descendre le liquide dans la branche AB à l'aide d'une pres- sion exercée en A, on éprouve une résis- tance d'autant plus grande que le nombre des index interposés aux étranglements va ^ en augmentant. « Finalement, dit-il, l'excès """ « de la pression exercée en A peut deve- cc nir supérieur à une atmosphère, sans que « le niveau soit descendu jusqu'en B (**). »

137. Les condition*^ dans lesquelles se produisent les index liquides sont complètement réalisées quand l'eau passe à tra-

(*) Mômes leçons, pp. el 14. (**) Leçons déjà citées, p. 15.

80 SlâRIE. TOMR iir, 1. i

À

ï

H^

K

-..

n:

v^^

Fig. it.

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130 MiMOItBS.

vers une colonne de sable dont le sommet n'est plus noyé; la pression intérieure va en décroissant avec le niveau du liquide qui s'écoule, et, par suite, la vitesse diminue; mais ces variations pourront sui\Te une loi complexe, car Tair qui a pénétré tout d'abord dans les interstices se détend à mesure que le liquide s'écoule, dés que celui-ci a été séparé de l'air libre par les petits index interposés. La pression extérieure l'emporte bientôt, pousse ces index comme de petites soupa- pes qui se referment ensuite; de résulte un mouvement retardé, mais présentait probablement, comme semblent l'in- diquer les nombres du tableau XXX III, une série de périodes.

138. Les considérations qui précèdent me paraissent avoir de l'intérêt dans l'étude du régime des sources. Darcy, qui a abordé ce problème à la suite de ses expérienctfs sur la filtra- tion, s'est demandé si les formules qu'il en avait déduites ne pouvaient pas être employées à déterminer la loi des diminu- tions progressives d'une source à partir de son étale (^), et il faii dans une note la remarque suivante :

c Si la nappe qui met en charge les sables aquifères des- « cend au-dessous de la surface de ces derniers^ alors l'épais- c seur e de la couche perméable varie à mesure que le niveau « de la nappe s'abaisse, et on ne peut plus considérer comme

« constant le rapport » , K étant un coefficient dépendant

de la perméabilité de la couche. Puis il ajoute : ^ Mais si « l'abaissement est très-petit par rapport à l'épaisseur totale, « on pourra considérer encore ce rapport comme constant, u Cela peut être vrai sans doute dans des limites très-étroites; mais il faut remarquer que les variations de l'épaisseur sont accompagnées de changements dans la pression, par suite de la pénétration de l'air dans la substance perméable et de la formation des ménisques liquides. Ces changements sont diffi- ciles à déterminer, mais ils doivent modifier rapidement le débit de la source.

(*) Lu fimtmmes dt Diym (ouTrage déjà dté), pp. 596, 597.

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RECHERCHES SUR FILTRATION. 131

CHAPITRE IV

ÉTUDE DE l'influence DE LA NATURE DES SUBSTANCES FILTRANTES SUR LA VITESSE AVEC LAQUELLE l'EAU LES TRAVERSE

139. Lorsque, à une température constante, l'eau passe à travers des couches perméables de même épaisseur et de même section, mais de nature difTérenle, les produits ob.tenus au bout d'un temps déterminé varient d'une couche à l'autre, mais restent proportionnels, lorsqu'on modifie de la même fa- çon l'une des données d'une première expérience, telles que la pression, l'épaisseur, la température.

Ces conclusions résultent des faits qui précèdent, puisque les influences de la pression, de l'épaisseur, de la température sur les substances que nous avons employées se trouvent re- présentées par les mêmes lois.

Nous nous sommes servi, il est vrai, de substances à peu près incompressibles, telles que des vases de porcelaine dé- gourdie et des couches de sable siliceux, parce que les phé- nomènes qui se produisent alors sont relativement plus simples.

Dans ce cas, nous voyons que chacun de ces corps a une puissance fiUrante ou un coeffkienl de perméabilité qui peut servir à le caractériser, comme ses autres propriétés phy- siques.

La détermination des valeurs numériques de ces coefficients exige de longues recherches, que je reprendrai plus lard, si les circonstances le permettent; je veux seulement indiquer ici un petit nombre de résultats, et faire connaître quelques- unes des applications des coefficients de perméabilité.

140. On peut prendre pour coefficient de perméabilité d'une substance le nombre qui représente la dépense, évaluée en centimètres ou en décimètres cubes, produite pendant une se- conde, sous une charge de 1 mètre d'eau à la température de

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132 MÉMOIRES.

Qo, à travers une couche dont la section est de 1 raèlre carré, et Tépaisseur de i centimètre, par exemple (*). C'est ainsi que le nombre O^^^^^TiS-^jlô, que nous avons obtenu [39J, nous donne le coefficienl de perméabilité du vase poreux ; en divi- sant ce nombre par l'épaisseur moyenne de la paroi, qui est de 0%48, ce coefficient sera donc :

Oc.cube^745460

0,48

_>|c.cnbe553^

Il faut encore le corriger de l'influence de la température, qui était de 15«» au moment de l'expérience, et, comme toutes les autres conditions restent les mêmes, on a, en représentant par C, et Cq les coefficients de la même substance à t* et à 0" :

Cq^ 1

Ct i + at + ^fl '

formulé dans laquelle a et ^ ont les valeurs que nous avons indiquées [101].

Nous avons, en substituant au trinôme la valeur qu'il prend pour^=12<»:

Co=}]^2|| = 1",08624.

Ce coefficient une fois connu, le produit d'un filtre, pen- dant un temps 0, à une température l, sous l'influence d'une charge constante H, si ce filtre est formé par une couche d'une substance dont l'épaisseur est E, la section S, et le coef- ficient Co, sera donné par la formule :

^ CH.S.e CoH.S,e(1 +oit+m ^9^ Q = Ê = Ê . (12)

141. On pourra procéder de la même façon pour les autres

(*) Ces nombres ne poarront généralement pas être déterminés en réalisant les con- ditions indiquées par la définition qae nous venons de donner ; mais on les déduira d^ex- périences faites dans des conditions différentes, i Taide des formules déjà établies. Il sera, par exemple, plus simple et plus sûr d'opérer à lO^, à 15o ou à SO^, qu'à la tem- pérature de (y*. Les épaisseurs doiTent être sufBsantes pour que la loi des longueurs soit déjà applicable, etc., etc.; c'est ainsi, du reste, qu'on procède pour obtenir la folu- tion de la plupart des problèmes de physique.

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RECHERCHES SDR LA FILTRATION. 133

substances; mais il esl bon de remarquer que les coefficienls C, C, C", C"'... seront preportionnels aux nombres m, m', m", m'".., que nous avons déterminés dans nos expériences sur l'influence de la pression, pourvu que l'épaisseur des couches et la température soient les mêmes.

En effet, la formule que nous avons vérifiée par divers pro- cédés esl :

E = Eoe-^\ (1)

et alors U = mH. (2)

U représente la vitesse, e le temps, et Ho la pression à l'ori- gine du temps, quand 6 == 0».

Or, Q = S . U, ou Q = SmH, (13)

et, comme m = (1 + «^ + p^*), (H)

on a: Q = SHmo (1 + + p««). (14)

En identifiant l'équation (13) avec l'équation (12), en sup- posant que dans celle-ci 6 = 1, on a :

| = m, d'où : C=wE,

C

et, pour un second corps, ^ = m', d'où : C = m'E', et, si

E = E',

Des coefficients relatifs donnés par ce rapport, nous passe- rons aux coefficients absolus, quand la valeur d'un |.remier coefficient serja connue, comme dans l'exemple que nous avons donné [140].

142. Au lieu de procéder ainsi, il sera souvent plus com- mode d'introduire dans les calculs la longueur réduite^ c'est- à-dire la longueur de la colonne d'une première substance arbitrairement choisie, qui, toutes les autres conditions res- tant les mêmes, fournirait le même produit, ou, ce qui revient au même, présenterait la même résistance au passage du li- quide, que la couche filtrante proposée. On voit que le mot de

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134 MÉMOIRES.

longueur réduite, emprunté au langage de réleclrodynamique, a une signification analogue, et que la quantité ainsi désignée est représentée par une expression de même forme :

X = |. (16)

dans laquelle \ est la longueur réduite, E Tépaisseur de la couche, C le coefficient de perméabilité, S la section droite de la colonne filtrante, supposée prismatique ou cylindrique.

On a résolu, du reste, dans Thydraulique, et par des mé- thodes analogues, divers problèmes du même ordre relatifs aux tuyaux de conduite.

On aura d'une manière générale, dans la question actuelle :

(17)

E'

X'

C'S'

X"

= E

es

Mais,

si on

suppose

S' =

X' X

SelE' C

= E,

on

a :

m

Les longueurs réduites qu'on obtient pour des colonnes égales des différentes substances ne sont autres que les résis- tances spécifiques au passage de Teau, et Ton voit qu'elles sont en raison inverse des coefficients de perméabilité, et, par suite, aussi inversement proportionnelles aux coefficients m, m\ m", que nous avons déterminés dans nos expériences.

143. J'ai indiqué précédemment [63] comment j'ai obtenu de petites masses de sable homogène en employant une série graduée de tamis de plus en plus fins.

Pour comparer aisément les coefficients de perméabilité de ces couches de sable, j'ai introduit successivement dans le tube calibré, dont je me suis souvent servi, des colonnes de même longueur, formées par des grains de diverses grosseurs.

Le tube est placé, dans chaque opération, exactement de la même manière dans le grand vase se produit le trop-plein.

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RECHERCHES SUR LA FILTRATION.

135

Je détermine les temps Décessaires pour que le niveau du liquide descende d'un même nombre de divisions.

Je suis assez longtemps le phénomène pour m'assurer que le mouvement est linéaire, et que, par suite, les lois des pres- sions et des épaisseurs sont encore applicables J'expérimente, en un mot, dans les conditions que j'ai décrites en étudiant rinfluence de l'épaisseur de la couche filtrante [122, 123].

Voici les résultats que j'ai obtenus :

TABLEAU XXXIV

Les colonnes de sable ont une longueur constante =: 59^^^- 5 du tube. Le niveau constant du liquide extérieur correspondant à la division 55,3.

TBMFS NliCESSAIBES

POUB QUE LB NIVBAU DI LA OOliONNS D'KAU 8* ABAISSE D'UN TBATT AU TRAIT SUIVANT

Tempe observés quand

97^

94j 77j 74^

Tempe calculée

pour / = 30».

51.45

102.90

Tempe obeervée

quand ( = 2004.

90.20

180.20

Tempe calculés

pour r = 20«.

91.80

183.40

Tempe obeervés

quand <=20<»6.

124 80

247.

Tempe calculée

pour / = 20».

128.20

253.70

Tempe obeervée

quand t 22».

153.20

306.40

Tempe calculée

pour < = 20«.

167.20

334.4

Rapports moyens.

RAPPORTS

DBS DUR±B8 DK8 PA68AOB8

à travers les colonnes

2et 1.

1.784

1.782

1.783

Set 1.

2.490 2.466

2.478

3.249 3.249

3.249

Les longueurs réduites de ces diverses colonnes de sable, par rapport à la colonne formée par le sable (4-6), sont évi- demment proportionnelles aux temps nécessaires pour que la niême quantité de liquide s'écoule dans les mômes conditions. Les coefficients de perméabilité correspondants sont respecti- vement les inverses de ces quantités.

H4. Cherchons encore la longueur réduite et le coefficient

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136 MÉMOIRES.

de perraéabîlilé par rapport à la colonne de sable 4-6 du vase en porcelaine dégourdie, dont nous avons déjà déterminé le coefficient absolu.

Il faut ramener les données à celles qu'on aurait observées à la température de 20** et pour une épaisseur de i centimètre, par exemple.

Comme nous l'avons dit, les coefficients de perméabilité sont proportionnels aux nombres m, m', m", et le calcul de ces quantités se fait aisément à l'aide de la formule que nous avons établie [37] :

Ho H' Ho + H'

m

(5)

d'où m = Ml^' (19)

Nous avons, en prenant les données de l'expérience [39] :

1,94 i

^ "" 9o%786 X U7 ~ 3520 *

Mais cette expérience est faite à la température de 12^, à tra- vers une couche filtrante ayant 0%48 d'épaisseur et une sec- tion moyenne de 190", 55. Nous en déduisons, d'après les lois précédentes, le coefficient correspondant à la tenipérature de 20o, la surface filtrante étant supposée de i centimètre carré, et l'épaisseur de i centimètre :

m,o = m„ X ^5 X ^ X ;^ =0,000.000.855.7.

En employant la même formule pour calculer la valeur du même coefficient pour la colonne de sable (4-6), nous aurons :

~2— ^

Si l'épaisseur de la couche de sable avait été aussi de i cen- timètre, au lieu d'être de 59^^- 5, qui représentent, évaluées

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RECHERCHES SUR LA FILTRATION. '137

en cenCimèIres, 59,5 X 0%97i, le coefficienl aurait été de 0,001.450.5 X 59,5 X 0,971 = 0,083.800.

Le coefficient de perméabilité du vase poreux, rapporté à celui de la colonne de sable (4-6) de même épaisseur, qu'on prend pour unité, sera donc :

0,000.000.855.70 ^ ^^^ ^.^ ^, 0,083.800 - Q^OQQ'O^O'g^^

et la longueur réduite sera Tinverso, c'est-à-dire = 97931 .

Ainsi, une plaque de porcelaine dégourdie présente une ré- sistance au passage de l'eau 97931 fois plus grande qu'une colonne de même épaisseur et de même seclion formée par des grains de sable, dont les dimensions sont déterminées comme nous l'avons dit.

145. Je donnerai un dernier exemple de ce genre de recher- ches : J'ai fermé un second lube gradué avec un morceau de toile serrée, mais qui permettait encore à l'eau de s'échapper avec rapidité. J'ai produit sur la toile un précipité de sulfale de baryte en introduisant successivement, et par petites quan- tités, chaque fois, des dissolutions d'azotate de baryte et de sulfate de potasse. Le passage du liquide ne s'est plus fait alors qu'avec une lenteur extrême à travers le dépôt ainsi formé. Cependant, j'ai poursuivi assez longtemps l'expérience pour que l'eau qui traversait le tube d'une manière continue finit par s'en échapper sans contenir la moindre trace des deux sels employés. J'ai fait passer, pendant plusieurs jours encore, un courant d'eau à travers le tube, sous une charge d'environ 1 mètre. Ces précautions sont indispensables pour que les expériences soient comparables entre elles; M. Duclaux a par- faitement établi l'influence qu'exerce sur l'écoulement à tra- vers un corps poreux la présence de certaines substances sa- lines qui adhèrent aux parois, et qui, même en très-petite proportion, modifient notablement la vitesse, et il a montré qu'il faut un temps très-considérable pour qu'elles soient com- plètement entraînées par le liquide qui passe (*).

J'ai étudié ensuite les conditions suivant lesquelles l'eau fil-

(*) Annales de chimie et de physique^ t. XXV, ie série ^1872), pp. 473, 495, 500.

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138

MÉMOIRES.

Irail à travers la couche de sulfate de baryte, qui avait une épaisseur de 4%24; je me suis assuré que Técoulement était liDéaire, et j'en ai déduil, en procédant comme précédemment, le coefficient m, à la température de 20\

Je constate que, pour un abaissement du sommet de la co- lonne liquide correspondant à une division, il faut 4392 se- condes, quand la hauteur moyenne de cette colonne est de 7<div. g Pq^^ u,^ abaissement de 1 centimètre, et si la couche de sulfate était de 1 centimètre, au lieu de 4%S4, on aurait : < X 4,2i

m =

71,60 X 4392 X 0,971

= 0,000.013.886.

Le coefficient de perméabilité du sulfate de baryte, rapporté à celui de la colonne de sable (4-6), est donc :

0,000.013.886 ^^^^...7 0,083.800 =M00.165.7,

et la longueur réduite correspondante est égale à 6035 (*).

146. Nous aurons donc, pour les quelques substances que nous venons d'étudier, le tableau suivant :

TABLEAU XXXV

NOMS DBS SUBSTANCES.

COBFFICIKNTS

DE PBRMéABILITÂ.

LONGUBUBS Induites

CORRESPONDANTES.

Sable f 4-6 )

1.

0.6606 0.4035 0.30774

0.000.466.7

0.000.010.21

1.

1.783 2.478 3.249

6035

97934

Sable ( 6-8 )

Sable ( 8-10)

Sable (iO'M)

Solfale de baryte obteoo par voie de précipité

Porcelaine dégourdie (Tase des piles)

(*) Un petit accident surtenu à la fin de Texpérience nous a empêché de faire la pesée de la petite colonne de sulfate de bar j te qui Termait rextrémiti du tube.

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RECHERCHES SUR LA F1LTRÂTI0N. 139

147. Pour délerminer le rapport du vide au plein dans ces couches de sable, il suffit de peser un certain volume de sable, et d'introduire ensuite un poids déterminé du même sable dans un flacon rempli d'eau de capacité connue. Les flacons em- ployés pour délerminer la densité des liquides se prêtent Irès- bien à cette opération ; mais il importe de raréfier l'air au- dessus de l'eau dans laquelle est noyé le sable, pour amener le dégagement des bulles gazeuses qui adhérent aux grains. Voici, par exemple, les données relatives au sable (8-10). Sa densité à la température de 11'', par rapport à l'eau à celt€ lempérature, est D = 2,637.

Le poids de l'eau qui remplit le flacon à densité à cette tem- pérature P = 12«%610, sa densité étant, à 11% du = 0,99964.

Le poids d'un égal volume de sable, en y comprenant les vides, F = 20s%955.

Soit œ le rapport des vides à la somme des pleins et des vides, 8 la densité de l'air par rapport à l'eau; il suffit d'écrire que le poids du sable, plus le poids de l'air interposé dans les vides = P'.

p

On a donc -j- (1 a?) D + a?5 = F. «11

En remplaçant les lettres par leur valeur, on a, dans le cas actuel, œ = 0,370.

D'un autre côté, nous pouvons déterminer à la chambre claire les dimensions des interstices à travers lesquels le sable a été tamisé. Nous constatons ainsi que les grandeurs linéaires des espaces vides du tamis à huit fils ont, en moyenne, 0'"'"29, et celles du tamis à dix fils sont égales à 0»"25. Les grains de sable ont évidemment des dimensions intermédiaires que nous pouvons considérer comme à peu près égales à 0°""27.

148. Je n'insisterai pas, pour le moment, sur les relations qui existent entre les grandeurs moyennes des intervalles vides et les coefficients de perméabilité. Je n'ai pas fait un assez grand nombre d'expériences sur ce point; mais j'espère y re- venir plus tard, et pouvoir en tirer des induclions sur les grandeurs des interstices qui existent dans les substances ho- mogènes d'une faible perméabilité. Je ferai remarquer pour-

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140 MÉMOIRES.

tant qu'après avoir examiné et dessiné bon nombre de grains de- diverses sortes de sables au microscope, j'ai été frappé de l'analogie de forme que présentent entre eux les gros grains, les grains (4-6) et les grains (6-8); il n'en est pas de môme pour les grains (8-10) et (10-14), dont les arêtes sont beau- coup moins émoussées.

J'ai examiné s'il y avait une relation simple entre les temps nécessaires à l'écoulement d'une même quantité de liquide et les dimensions moyennes des vides, et par suite des grains; j'ai pris, pour ces dernières dimensions, les grandeurs moyennes des interstices dans les tamis à quatre et à six fils d'une part, et dans les tamis à six et à huit fils d'autre part. J'ai reconnu, de plus, que le rapport des vides à la somme des pleins et des vides était très-sensiblement constant pour ces deux sortes de sable; il y avait quelque intérêt, dans ces conditions, à rap- procher les résultats observés de ceux que permet de prévoir la loi des diamètres.

On a, en représentant par Q la dépense pendant un temps 0, par n le nombre des interstices qu'on pourrait trouver dans une section droite du tube-filtre, par D leur dimension moyenne :

r. KHD4 ,

Q = n— p-.e, .

et de même, dans une autre expérience :

et, comme Q = Q',

nD*0 = n'D'*6', Or, si R est le rayon du tube-filtre, on a :

D'«

Les durées nécessaires pour fournir le môme débit sont in-

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RECHERCBBS SUR LA FILTRATION. 141

versement proportionnelles aux carrés des dimensions des. grains ou de leurs interstices.

6'

Or, dans le cas qui nous occupe, - = 1,782.

D«_(0-»466)«_ D'2 (0«">345)« "" '

La vérificalion est beaucoup moins satisfaisante pour les autres variétés de sable, comme les raisons que nous avons indiquées permettent de le prévoir.

149. Nous sommes maintenant en mesure de résoudre dif- férents problèmes relatifs à la filtration ; celui qui se présente le plus fréquemment consiste à chercher l'équivalent d'un filtre formé d'une série de couches superposées qui ont des coeffi- cients de perméabilité, des épaisseurs et des sections diffé- rentes. Ce système complexe peut élre remplacé par un filtre simple équivalent.

Remarquons, en effet, qu'un filtre homogène peut être con- sidéré comme formé par une série de filtres superposés, dont les longueurs réduites ou les résistances s'ajoutent en vertu de la loi des longueurs. Si, dans la formule (12) [140], je suppose le temps égal à l'unité, et la température constante égale à ty l'expression de la dépense deviendra :

^ C.H.S y— E '

ou, ce qui revient au même,

es

Or, si nous divisons E eh n parties, dont les grandeurs sont quelconques e, s', e"... sn, on aura :

Q = l 7—^' Z- ^^^>

CS"^C§'^CS*""^CS

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U2 MÉMOIRES.

Si je suppose : on aura :

La valeur de Q ne variera pas, lors môme que e sera rem- placé par é', e".i. en; que G et S, supposés jusqu'ici constants, seront remplacés respeclivement par C, C"... C„, et par S', S"... S„, pourvu que les quantités X, X', X"... restent les mêmes que dans l'équation (2?).

Mais alors chacun des termes du dénominateur de l'équa- tion (22) sera la longueur réduite équivalente de chacune des parties homogènes. Si nous appelons, d'après cela, / la lon- gueur réduite totale du filtre, qui peut être représentée par

F

7^ , nous aurons :

O ë JL 5 (^'x^

^~ /~ £~X + X' + X''... + Xn' ^"^

es

ce qui nous montre que tout filtre homogène pour lequel

1 = ^, (24)

remplira les conditions proposées, et que, par suite, le pro- blème pourra recevoir une infinité de solutionf. Nous pourrons satisfaire aux conditions résumées par

F

l'équation rrr = / (24), soit en prenant arbitrairement E et S

et déterminant C, soit en donnant des valeurs particulières à E et à C et calculant S, soit enfin en choisissant C et S et en adoptant la valeur de E que fournit l'équalion.

Les considérations qui précèdent ne seraient pas applicables et les conséquences que nous en avons déduites seraient en défaut, s'il y avait des pertes de charge appréciables par suite

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BEGHEBCHES SUR LA FILTRATION. 143

de changemenls brusques et considérables d'une des quantités

E

qui entrent dans l'expression de la longueur réduite totale pK.

Ce sont la des restrictions analogues à celles qu'exige l'appli- cation des formules relatives aux tuyaux, pour remplacer une série de conduites de divers diamètres par une conduite sim- ple ; il faut que les pertes de charge qui ont lieu par suite du changement de section soient négligeables. Or, par suite de la faible vitesse que l'eau atteint en traversant les substances perméables, ces réserves ont moins d'importance encore que dans la plupart des autres questions de l'hydraulique. Lorsqu'il y aura continuité dans les variations des facteurs de l'exprès-

E sion -r^, et que celles-ci se feront suivant des lois connues,

les recherches de la longueur réduite équivalente consisteront

à faire la somme d'une série de termes tels que j™, et on

aura :

/ = S^, (25)

et, en adoptant les notations du calcul intégral :

lE'i i= I ^, (26)

/Il dE

équation dans laquelle C et S devront être exprimées en fonc- tions de la variable indépendante E.

Dupuit a résolu un certain nombre de problèmes de cet ordre par des procédés un peu différents de ceux que nous venons d'indiquer, mais qui conduisent aux mômes consé- quences (*).

J'appliquerai les principes qui précèdent à l'étude d'une

(*) Traité de la conduite et delà dtttributùm des eauXj par Dapoit, pp. 33-37 (ouTrage déjà ciié).

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144 MÉMOIRES.

question que j'ai déjà signalée [108], mais qu'on ne pouvait résoudre qu'après avoir déterminé l'influence de la tempéra- ture et de l'épaisseur sur le produit des filtres.

150. Quelles sont les conditions suivant lesquelles l'eau s'écoule à travers une colonne perméable homogène de sec- tion constante, dont la température varie" d'un point à l'autre suivant une loi connue?

Supposons môme, pour plus de simplicité, que la tempéra- ture croisse ou décroisse régulièrement avec la profondeur. Divisons l'épaisseur E de la colonne filtrante en n parties égales, assez petites pour que .chacune d'elles puisse être con sidérée comme ayant une température constante, de sorte qu'on ait E = ne. La longueur réduite totale sera :

1 = 1

CoS (1 + ai + pp)

Si la température va en croissant avec la profondeur, les résistances ou longueurs réduites des différentes tranches iront en décroissant à mesure que le trinôme 1 + ai + f^fi prendra .des valeurs plus considérables. Le phénomène se produit en sens inverse, quand la température va en décroissant à me- sure que la profondeur augmente. Il résulte de que, si la température va en augmentant de haut en bas, le rendement des filtres s'élève comme si la colonne filtrante était rac- courcie, et lorsque la température va en décroissant, le ren- dement est diminué comme si cette colonne avait subi un allongement.

Nous pouvons encore interpréter ces résultats géométrique- ment, d'une manière très-simple; la résistance au passage que présente une tranche perméable élémentaire, étant représentée

par 7T-â-n ^ t^ô^ j ^st inversement proportionnelle à

S (1 + ai + pfi) quand l'épaisseur e et le coefficient Co sont, comme dans le cas actuel, supposés constants. Les choses se passent donc comme si la section qui est S (1 -f- ai H- gi*) pour la première tranche devenait

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RECHERCHES SUA FILTUATION. 145

S (1 + o^' + Pe'2) S (1+ a<„ + ^tn^)

pour les tranches successives.

Supposons, par exemple, que l'épaisseur de la colonne fil- Iranle soii de 10 mètres, que nous représentons à l'échelle ^^îw55 soit oy (fig. 13) l'axe de la colonne fillranle; prenons une première longueur arbitraire pour représenler CoS à la lempérature de 0% soit 2 centimètres.

A la lempérature t la section sera représentée par

CoS(1 +a«+ p/«).

Au lieu de prendre des degrés Ihermomélriques quelcon- ques, j'ai indiqué ici des températures qu'on a observées à Portet, sont installées, à quelques kilomètres en amont de Toulouse, les nouvelles galeries filtrantes, destinées à com- pléter l'alimentation de cette ville. On a, pendant une longue période, relevé tous les jours la température de l'eau de la baronne et celle de l'eau des galeries. M. Moynet, conduc- teur du service hydraulique, a mis la plus grande obligeance- à me communiquer, avec Je bienveillant assentiment: de M. Dieulafoy, ingénieur de la ville, les relevés des tempéra- tures des eaux du fleuve et des eaux des filtres. J'ai sous les yeux le t^ibleau de ces variations pour les six derniers mois de l'année 1874 (1" juillet 187* 1" janvier 1875), et j'y vois que pendant ce temps, le minimum de la température des eaux de la Garonne a été de + 2" le 30 décembre, quand le thermomètre des galeries marquait + 10^, tandis que la plus haute lempérature observée correspond à la période du 7 au 12 juillet pour laquelle le thermomètre extérieur a marqué 23"^ et le thermomètre des galeries, 17°.

Pour t = 23% S {\ + at + ^fi) devient égal à 3,6972. Pour « = 17«, S (1 4- ai -h f^fi) vaut 3,27192.

La*moyenne est de ' ^ = 3,48456.

8e BÉRIB. TOMB III, 1. ;

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146 MÉUOIRBS.

Pour « = 2% S (1 + a^ + p(2) prend une va- leur de 2,13348.

Pour ( = 10% la même fonction prend la valeur de 2,71 05.

4 84398 donl la moyenne est -^— ^ = .....* 2,42198.

Les figures 13 el 14 sont des trapèzes dont les deux côtés sont des arcs paraboliques qui, dans l'étendue considérée, peuvent être confondus avec les cordes qui en unissent les exlrémilés. Si Von admet que la section de la colonne filtrante, quelle

que soit sa forme, a une de ses A/ p ^ dimensions transversales cons-

/ ?j::r.'-'-- V tante, tandis que l'autre varie

cl i \d avec la profondeur comme les

abscisses mn^ mV, de la figu-

' \'^ re 13, on voit que le volume de

^^ '- ' ?^ la colonne filtrante pourra lui-

: / m$me être représenté par la sur-

^''. ^^ face ABCD (Jig. 13), dans le prè-

Fig. 13 et u. micr cas, par la surface EFGH

(fig. 14), dans le deuxième. En confondant ces aires avec celles des trapèzes rectilignes corres- pondants, la question est ramenée à chercher le déLit qui se produirait pendant l'unité de temps à travers une masse fil- trante dont la section croît ou décroît avec la profondeur sui- vant une fonction linéaire; et l'on voit, à l'inspection de la figure, la différence considérable que doil présenter pour une même charge le débit d'un filtre à ces deux périodes.

151. Pour résoudre complètement le problème, il suffit de chercher la longueur réduite à l'aide de la formule (23) [149]; mais, pour simplifier, remplaçons préalablement le trinôme 1 + ai + g/* par 1 + Y^' c^ q^i revient à substituer à l'ex- pression a + gMa valeur moyenne y quelle prend dans, les lin)iles de température considérées; on aura pour la valeur de / :

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RECHERCHES SUR LA FILTRATION. 147

Je rfE _ J_ r dE

' CoS(1 +-rO ~ CoS / i + ff

(27)

en supposant, comme dans le cas de la figure 13, que T^ est la lempéralure à la base supérieure de la colonne filtrante, Ta, qui est plus grand que Ti, la température à la base infé- rieure, E la dislance variable telle que om {fig. 13) et E^ l'épais- seur tolale. Nolis tirons de l'équation (28) par différentialion :

On a donc

dE=;iMp. .(29)

la Il

T

, _ El r dt

r*-Ti) /

«/T.

CoS(Ts-Ti) I 1+Y«

ou :

(30). (31).

La dépense à la température Ti, est Qi = -^ (1 + y^i)

r HS

el à la température T, elle est Qj = -— (^ + vTj) ; l'ejipression précédente devient donc :

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148 MEMOIRES.

el, en passant des logarithmes népériens aux logarithmes vul- gaires :

r. _ (Qa— Qi)loge ^

y - logQ,-log.Q, (^*^-

Si nous appliquons cette formule à Tévaluation de la dépense d'un filtre, en supposant que ses deux bases soient aux tem- pératures que nous avons indiquées, nous avons, en prenant pour yTj et pour ^Ti les valeurs calculées précédemment :

1" Pour la dépense en juillet :

^ _ (3,6972 -3,271 .92) loge _ . ..^. ^ - log 3,6972 -log 3,271 .92 " '^'^^^^

2^ Pour la dépense à la température du 30 décembre :

_ (2,7105 -2,133.48) loge _ ^ ..^ ^ log 2,7105 - log if,133.48 " ^'*^"

O 3 5585 Le rapport ^ = -^j^ = 1,445.

Ce rapport diffère un peu de celui qu'on obtiendrait en sup- posant le filtre maintenu dans chaque cas à une température constante, égale à la moyenne des températures observées le même jour à ses deux extrémités.

La dépense serait alors représentée par la formule :

Q„=^Sj,+,Sl+lL)j ,33)

En procédaol ainsi, on a, à la température moyenne de l'eau, au commencement de juillet, c'est-à-dire à 20» :

Qm = 3,48456 ,

et pour la température moyenne du 30 décembre, c'est-à-dire pour?», Q'»» = 2,42178. Le rapport de ces deux quantités

Qm 3,48456 .... Q'm= pim^^'*^*-

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RECHERCUES SUU LA FILTRâTION. 149

Cette valeur obtenue à l'aide <le la formule (33) n'est qu'ap- prochée et inférieure à ceUe que nous donne la formule (32).

L'influence de la température est telle, d'après cette dernière expression, que des filtres qui auraient débité 300 pouces d'eau dans les conditions de température du 30 décembre 1874 au- raient dû en fournir 300 X <5445 = 433,5 dans les premiers iours de juillet de la même année, si toutes les autres circons- tances eussent été les mêmes. Nous exanûnerons au ch^ipitre suivant dans quelle mesure ces déductions sont applicables à la filtration naturelle.

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150 BIÉMOIRES.

CHAPITRE V

APPLICATION DES RECHERCHES PRÉCÉDENTES ' A L ÉTUDE DE LA FILTRATION NATURELLE

152. Les conclusions que nous avons exposées dans les chapitres précédents ne sont pas exactement applicables à un phénomène complexe comme celui de la ftllraiion naturelle, qui dépend lui-même d'un très-grand nombre de circonstances variables dont nous n'avons jusqu'ici tenu aucun compte. Le régime du fleuve, la vitesse du courant, l'état de trouble ou de limpidité des eaux, la facilité plus ou moins grande avec laquelle les substances en suspension se déposent auront leur influence sur le rendement des galeries filtrantes. Les couches dans lesquelles sont creusées les galeries, sont loin d'être tou- jours homogènes; les eaux souterraines, qui glissent lente- ment dans une direction perpendiculaire au thalweg de la vallée, peuvent apporter aux filtres un tribut variable de bien des manières et paraissant échapper à toute déterminalion précise. Le lit du fleuve est enfin modifié par les grandes crues et les inondations.

Les recherches du laboratoire ne permettent pas de tout prévoir; il en est.de cette partie de l'hydraulique comme de la météorologie, dont les lois physiques régissent les phéno- mènes complexes, sans que l'on puisse, le plus souvent, dér mêler le rôle de chacune d'elles.

153. Il y a néanmoins intérêt à réduire le plus possible la part de l'inconnu dans ces questions délicates, et c'est ce que j'ai essayé de faire dans cette étude, qui est loin d'être complète. Je crois toutefois pouvoir en tirer quelques consé- quences et ajouter quelques observations aux règles qu'a

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RECHERCHES SUR Lk FILTRATION. lot

posées d'Aubuisson, le savant inventeur des galeries filtrantes, et qu'ont précisées ou étendues plusieurs ingénieurs distingués, et notamment Darcy et Dupuit dans leurs /emarquables ou- vrages.

On sait que les galeries filtranles, que nous supposons pra- tiquées dans un lerrain homogène, doivent êlrc parallèles au cours d'eau qui les alimente, et Ton peut alors considérer leur rendement comme proporlionnel à leur longueur. Il n'en est pas ainsi toulefois à l'extrémité supérieure, le débit est plus considérable, par suite de la filtralion qui se fait h travers le terrain placé en amont dans l'axe du radier, tandis qu'à l'ex- trémilé inférieure le produit est diminué par le voisinage du canal. collecteur des eaux filtrées qui est placé en contre-bas.

154. On sait aussi qu'il y a peu de profit à augmenter la largeur du radier, comme l'ont exposé les savants ingénieurs que nous avons si souvent cités. ' "

155. Le débit est lié d'une manière très-étroite à la profon- deur.de la tranchée, qui doit être d'autant plus grande que la distance au cours d'eau est elle-même plus considérable. Mais, pour une distance déterminée, il y aura généralement intérêt à augmenter la profondeur pour assurer aiji régime du filtre une plus grande uniformité. On sait, en effet, que le débit, tou- tes les autres conditions restant les mêmes, est proportionnel à la charge; il importe donc que les variations ordinaires du niveau du fleuve soient pelites,quand on les compare à la dis- lance verticale comprise entre l'étiage et le plancher de la galerie. Ce sera le moyen de conserver un bon rendement l>endant les périodes les besoins de l'alimentation sont les plus considérables.

RI. Aristide Dumont, ingénieur des travaux des eaux de Lyon[, a eu l'idée, pour augmenter k charge, de diminuer l'épaisseur de la nappe d'eau déjà filtrée par l'emploi de ma- chines élévatoires ; mais cet abaissement du plan d'eau dans les galènes est évidemment produit d'une manière constante quand les eaux s'en échappent par un long canal étroit qui les amène, comme à Toulouse, à une distance considérable du lieu de la fillration.

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153 MÉMOIRES.

156. Des obstacles insurmontables s'opposent parfois à Tapprofondissemenl deâ tranchées ; c'est ce qui a lieu si le terrain perméablet a une faible épaisseur, si le seuil de la ga- lerie ne peut pas être abaissé, par suite de la pente qu'il faut laisser au canal collecteur des eaux filtrées. Ne serait-il pas possible dans ces conditions, pour, parer aux inconvénients d'un éliage exceptionnellement bas. de recourir à des machines, à des pompes rotatives, par exemple, non pas pour aspirer l'eau, mais, ce qui serait bien plus efficace, pour raréfier l'air des galeries? Les difficultés d'exécution ne seraient pas très- grandes, je crois, lorsque les galeries sont bien construites, d'une petite section, que leurs parois sont imperméables et que la filtratiun se fait simplement per ascmsum^ à travers le plancher. Une diminution de pression de ^ d'atmosphère pro- duirait le même effet utile qu'une crue élevant le niveau du fleuve 50 centimètres environ.

157. Lorsqu'on pourra donner aux tranchées une assez grande profondeur, on en retirera encore un autre avantage. l a température des eaux alimentaires variera beaucoup moins de la saison chaude à la saison froide, parce que celles-ci se rafraîchissent d'autant plus pendant l'été et se réchauf- fent d'autant plus pendant l'hiver' que les filtres sont plus profonds et peuvent, { ar suite, être plus éloignés du fleuve. Il importe évidemment de ne pas trop augmenter la distance,, ce qui augmenterait la longueur réduite de la couche per- méable interposée, et diminuerait le débit ; mais des galeries placées trop près de la rivière fournissent « de l'eau qui en conserve trop la température », comme le fait remarquer d'Aubuisson à propos de son second filtre. « La chaleur de celle eau », ajoute-t-il, « diminua l'hiver dernier jusqu'à n'être .que de 2"" du thermomètre et dans l'été elle va à plus de 21» (*). »

158. Nous avons déjà établi la formule [151] à l'aide de laquelle on peut calculer le rendement d'un filtre homogène

(*) Hiitoire de Vitablittement det fontainei de TùuUmte, par d'Aubuisson, dans les Mémoiret de V Académie det iciencei, imeripliont et beUei-lettret de Toulouse^ t. II; pro- inière partie (1830), p. 254.

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EECHERCHBS SUR Ll FILTRATION. 153

donl les couches ont des températures croissantes ou décrois- santes suivant les termes d'une progression arithmétique, et nous avons vu qu'on appelant Tt et Tj les températures obser- vées aux deux exlrémilcs de la colonne filtrante, Qi et Q^ .les produits qu'on obtiendrait aux températures correspondantes, on a :

CqHSy (Ta - Tq log e

i +ïT

ou encore : Q = P^-^^]^^ee 33

logQî-logVi ^

Dans la pratique, quand la différence entre T^ et T^ n'est que de 3 ou 4 degrés, le produit Q ainsi obtenu ne diffère pas beaucoup de celui que donne la formule plus simple

Q = Ç|5j,+,(Ji+lL)j (3,,,

dans laquelle y représente, comme dans l'équation précé- dente, l'accroissement moyen du coefficient de perméabilité pour tout degré compris entre T^ et T^.

159. lin réalité, les couches interposées entre un cours d'eau et une galerie se réunissent les eaux filtrées, ne constituent pas un filtre homogène. Elles peuvent avoir des sections inégales, des coefficients de perméabilité différents; nous pouvons néanmoins, d'après les principes précédents, trouver leur longueur réduite^ c'est-à-dire l'épaisseur de la couche homogène que fournirait le même débit, avec une section égale à la section moyenne et un coefficient moyen do perméabilité. Généralement, ce filtre homogène ne remplira pas les conditions que nous avons indiquées [151]; les varia- tions de la température ne seront pas proportionnelles aux accroissements de la profondeur, mais dans les limites nous opérons, les résultats ne peuvent pas différer beaucoup de ceux que cette hypothèse nous permet de prévoir.

Si l'on veut faire, dans ces conditions, la part de l'influence de la température sur le rendement d'une galerie filtrante pour pouvoir mieux étudier les autres variations; si l'on fait,

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154 MÉMOIBES.

par exemple, divers jaugeages à des températures différentes, il faudra ramener tous les résjiltals à ceux qu'on aurait obte- nus si la température avait été de 0' ou plutôl si elle avait été constamment égale à la température moyenne des eaux, qui est à peu près à Toulouse de 13\

On aura ainsi, en appelant Qi3 la quantité qu'on aurait ob- servée si le filtre avait eu toutes ses tranches à la température de 13" et en désignant par Q le débit quand les températures de la base supérieure et de la base inférieure du filtre sont res- pectivement Ti et Tg :

. Q,. ('+'^)l°8i4T^! ,3t,

Q Y (T2 - TO log e '

d'après la formule (31), ou, si l'on a déjà calculé les valeurs Qi et Q2. correspondantes aux deux températures T^ et T^,

Ql3 _ (1 -H3Y)(logQ,-logQ0 Q ~ (Q2-Qi)loge ' ^^^^

d'après la formule (32).

160. Quand le niveau du fleuve est à la même cote à deux époqties différentes, les produits des galeries filtrantes doivent être proporlionnels aux valeurs données par les formules pré- cédentes. Nous avons déjà vu [151] quel devrait être le rap- port des produits aux époques correspondantes au maximum et au minimum de température de l'eau du fleuve pendant le deuxième semestre de 1874. Mais le niveau de la Garonne à ces deux périodes était bien loin d'être le même. De plus, une des plus fortes crues de l'année avait fourni, le 26 décembre, c'est-à-dire quatre jours avant la date de la température la |)lus basse, un rendement exceptionnel (957 pouces) qui avait amené une sorte de chasse dans les canaux capillaires, de ma- nière à augmenter leur puissance filtrante. Nous ne pouvons donc pas chercher dans ce cas la vérification de nos formules.

Mais si les eaux sont sensiblement au même niveau à deux époques différentes précédées de périodes de beau temps d'une durée à peu près égale, les résultats observés sont, assez con- cordants avec ceux que les formules permellent de déterminer.

Digitized'by LnOOQlC

RECHERCHES SDR LA FILTRATION. 155

Je prends, par exemple, la moyenae des rendements obtenus les 14, 15 et 16 novembre 1874; la température de l'eau du fleuve était de 8^, celle de l'eau des galeries de 15^ Ces jour- nées ont été précédées d'une série de quinze jours sans crue sensible; le produit moyen a été de 300 pouces par 24 heures.

Les 6, 7, 8 el 9 juillet 1874, la température extérieure a atteint 23% et la température intérieure 17**. La charge dépas- sait celle de la période de novembre de 15 à 20 cent, d'eau. On a obtenu, pendant ces quatre jours, successivement, 377, 393, 373 et 366 pouces. Or, le calcul nous donne pour le rap- port des deux rendements quotidiens, dans ces deux périodes de juillet et de novembre, la valeur 1.25.

On devrait avoir alors 375 pouces, si la pression était restée

constante ^t par conséquent un peu plus en tenant compte de ce

dernier accroissement ; or on constate que le rendement calculé

est pour ces jours-là à peu près égal au rendement moyen

k A I ^ 377 + 393 + 373 + 366 ^„ ^„ observé qui est de ' = 377,25.

4

Il y a donc. entre les prévisions et les résultats un accord assez -saiisfaisanl, si l'on tient compte des procédés rapides à Taide desquels ces derniers sont obtenus.

Nous voyons encore que le 14 août 1874, la charge est la même que pendant la période de novembre ; la température de l'eau du fleuve est de 19% et la température à l'intérieur de la galerie de Porlet est de 18°; le rendement calculé, comme il u été dit, devrait être de 354 pouces, .tandis que le rende- ment observé est de 345 pouces.

Il importe de remarquer qu'il n'y a eu dans l'intervalle du commencement de juillet au milieu de novembre 1874 aucune de ces grandes crues qui modifient parfois le lit du fleuve.

161. Maintenant que' nous savons tenir compte de l'in- fluence de la température, nous pourrions calculer les rende- ments des filtres sous les charges qui correspondent aux difle- rents niveaux dii fleuve. Il faudrait toutefois pour cela : 1"* que les eaux eussent toujours la même limpidité; 2^ que les gale- ries fussent exclusivement alimentées par les eaux.de la Garonne; 3^* que les variations de nivç^u ne changeassent pas

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156

MEMOIRES.

0/

la surface par laquelle l'eau couranle est en contact avec le terrain perméable. La seconde condition paraît bien remplie à Toulouse pour les filtres de la prairie, séparés du faubourg Saint-Cyprien par la large cbaussée qui forme le cours Dillon. Les murs qui la soutiennent, très-solides et très-épais, plongent par leurs fondements, d'après les renseignements des ingé- nieurs, dans le terrain imperméable sous-jacent. Cet ensem- ble constitue donc une digue qui retiendrait, si cela était né- cessaire, les eaux souterraines d'une autre provenance. La troisième condition était aussi sensiblement réalisée au même point il y a peu d'années , car les bords de la prairie étaient

défendus par un talus en pierre à joints cimen- E tés, qui a disparu pres- que complètement dans l'inondation du 23 juin 1875.

1 62. Quoique les con- ditions précédentes ne soient jamais complète- ment remplies, je crois que les modes de cal- Fig. <5. cul que nous avons in-

diqués pourraient être appliqués avec utilité pour éludier l'influence des autres ac- tions que j'appellerai les actions perturbatrices, soit dans la liltration naturelle, soit dans la filtration artificielle.

Construisons pour cela la courbe des logarithmes des pro- duits quotidiens du filtre; soit la ligne des abscisses et ABCDE {fig. 15) la courbe cherchée. Prenons ensuite un nouvel axe des œ au-dessous du précédent, tel que o'a>\ et portons sur les ordonnées correspondantes aux mêmes jours, des longueurs proportionnelles aux logarithmes des charges ; leurs extré- mités forment la courbe a, 6, c, rf, e; ajoutons ensuite à cha- cune des ordonnées précédentes le logarithme de la fonction de (, c'est-à-dire le logarithme du polynôme qui représente l'influence de la température sur le rendement. En réunissant

B

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RECHERCHES SUR- FILTRATION. 157

les extrémilés des ordonnées ainsi augmentées, nous avons la courbe a'b'c'd'e'. Choisissons convenablement les unités pour que l'ordonnée qui représenle la somme de deux logarith- mes pour un jour les eaux sont claires, soit égale à l'or- donnée correspondante qui représenle le logarithme du ren- dement. Les deux cpurbes ABCDK et a'h'dd'e' , construites dans ces conditions, devraient rester constamment parallèles et à une distance égale à celle des deux axes ox et o V , si les actions dues à la pression et à la température n'étaient pas modifiées par d'autres influences. II en sera parfois autre- ment, et alors la différence des ordonnées des deux courbes pour une même valeur d'à?, représente le logarithme du coeffi- cient de perturbation, qui sera lui-même tantôt positif, tantôt négatif, suivant que le coefficient sera plus grand ou plus petit que \. Nous aurons même immédiatement la valeur de ce dernier, si nous avons fait les constructions précédentes à l'aide de la règle à calcul.

163. Ces essais aideront peut-être à dégager quelqu'autre inconnue dans ce problème complexe de la filtration. L'étude du régime des sources et la grande question de la pénétration et du mouvement des eaux dans les couches du globe s'y rattachent directement; il faut aussi le résoudre, pour exa- miner sûrement plusieurs sujets importants de physique et de physiologie.

S'il en était ainsi, je serais bien récompensé de mon travail.

Souvent arrêté par mes occupations scolaires, je l'ai bien des fois abandonné et repris ; je l'ai, par suite, exposé peut-être trop " longuement; mais j'espère qu'à Toulousi, l'on s'intéresse beaucoup à la question des eaux, on me le pardonnera.

J'avais pris part, en 1872, aux délibérations de la commis- sion des eaux ; j'ai sous les yeux, depuis plusieurs années, la prairie d'Aubuisson fit ses belles expériences. J'ai été ainsi conduit à examiner avec soin l'œuvre de l'illustre ingénieur. Je m'y suis vivement attaché, et lui ai trouvé de nouveaux mérites.

D'Aubuisson avait dit en écrivant l'histoire des filtres avani que l'installation en fût complète : « L'eau sera d'une limpi-

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158 MBMOIBES.

a dite parfaite, et dans ses voies souterraines elle aura repris « la bonté et la fraicheur qu'elle avait au sortir des hautes c< montagnes dont elle est descendue (*). »

Le système du savant toulousain a tenu ses promesses, il les a même dépassées, puisque les Qltres, sous la même charge, alimentent nos fontaines avec une abondance qui va en crois- sant avec la température.

MM. les professeurs de la Faculté des sciences et MM. les ingénieurs de Toulouse ont bien voulu mettre leurs biblio- thèques et leurs colleclions particulières à ma disposition; M. Dieulafoy, ingénieur de la ville, et M. Moynet, conducteur du service des eaux, m'ont, avec une rare obligeance, ouvert leurs archives; M. le vicomte Ph. d'Ussel, ingénieur des ponls et chaussées à Paris, et M. E. Duclaux, professeur à l'Institut agronomique, m'ont communiqué des documenls précieux qui ont facilité ma tâche. MM. Blanchi père et fils, ingénieurs constructeurs à Toulouse, m'ont fait profiter, pour l'installa- tion de mes appareils, de leur habileté et de leur expérience. Je les prie tous d'agréer ici l'expression de mes vifs remerci- ments.

{*) Histoire de l*éiablisiement det fontaine$ à Toulouse, publié dans le Mémoire à Académie des seienees, t\scriptions et belles-lettres, l. II, i'« partie, 1830, p. 259.

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RECHERCHES SUR LA FILTRATION. 159

CONCLUSIONS

Nous pouvons tirer du travail précédent les conclusions suivantes :

La première loi de Poiseuille, qui lie la vitesse à la pres- sion, est applicable au passage des liquides à travers les subs- tances perméables; on ne Pavait établi jusqu'ici qu'en opérant dans des limites très-étroites ou avec une approximation insuf- fisante; nous avons démontré qu'il en est encore ainsi dans des conditions variées et pour des charges considérables.

2^. La charge effective qui produit l'écoulement est celle qui s'exçrce sur la dernière tranche, c'est-à-dire sur celle qui porte les orifices de sortie du liquide filtré.

S'* Le débit des filtres change avec la température, mais ces variations sont seftsibleraent les mêmes pour toutes les subs- tances perméables, quand elles sont traversées par le même liquide et qu'elles sont mouillées par celui-ci.

. 4*» En étudiant l'écoulement de l'eau, de l'alcool, de l'acide sulfurique, de l'huile d'olive et du mercure, nous avons reconnu que les coefficients à l'aide desquels on peut exprimer les variations de la vitesse en fonction de la température, ou coefficients ihermotachy tiques, ont des valeurs distinctes pour les différents liquides et caractéristiques de chacun d'eux. Ces coefficients sont très-grands, en générai, quand les liquides mouillent les parois.

S'» La loi des épaisseurs a été énoncée par Darcy; mais on ne pouvait guère citer à l'appui que les deux résultats obtenus par M. Duclaux [118] en opérant sur des plaques minces.

Nous avons montré que celle loi s'applique encore au pas-

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160 MÉMOIRES.

sage des liquides à travers des colonnes de sable de diverses longueurs. Mais les recherches expérimenlales relatives à Tin- fluence de l'épaisseur présentent des difficultés particulières que nous examinons avec soin.

6'^ Les lois précédentes sont en défaut quand le niveau du liquide s'abaisse au-dessous du sommet de la colonne fillranlc ; de nouvelles actions interviennent alors et modifient profondé- ment le débit. Il faut en tenir compte dans l'élude du régime des sources.

Lorsque deux filtres sont formés par des particules de même nature et sensiblement de môme forme, c'est-à-dire quand on peut admellre que leurs espaces vides sont sembla- bles, on démontre, avec une approximation satisfaisante, que leurs débits sont proportionnels aux quatrièmes puissances des dimensions linéaires des interstices.

8*» Les substances poreuses peuvent être caractérisées par leurs coefficients de perméabilité. Après avoir déterminé les valeurs de quelques-uns d'entre eux, nous montrons que, ces coefficients une fois connus, le débit des filtres peut être re- présenté par une expression simple, dans laquelle se trouvent résumées toutes les lois de la filtration, telle que :

^__ CoHSe(i +at + ?^fi) ^— E

9*» On peut, à l'aide des formules établies, résoudre les dif- férents problèmes relatifs à la fillration et en particulier étudier le débit d'un filtre homogène ou hétérogène dont les diverses couches sont à des températures différentes.

Si les variations de la température sont proportionnelles aux variations de la profondeur comptée à partir de la pre- mière tranche filtrante, la dépense est représentée par l'ex- pression :

o_(Q2-Qi)loge ^-logQa-logQi'

Qs et Qi étant les dépenses correspondantes aux deux lempé-

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KKCHERCHES SUU LA FILTRATION. IG!

ratures extrêmes Tj et T, , et e étant la base des logarithmes népériens.'

On peut alors déduire le rendeinent normal d'un filtre d'une expérience effectuée dans des circ»inst.mces quelconques, en faisant les correction^ indiquées par les formules.

10^ Les recherches précédentes permettent défaire l'étude de la fillralion naturelle, et donneni, de quelques problèmes importmls, des solutions jusiifié s pir l'observation directe des fai'.:

8e SÉRIE. TOME III, 1.

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ERRATA

31 , dernière ligne, an lieu de : U = -^^ lisez : U = :=- .

ou en

Page 44, au bas de la page, ao lieu de 6 = log ^ "T ^ ,

m log e

lisez: o^'ogHo-logH m loge

Page 62, ligne 9, la lettre E a été oubliée sur la figure de la planche 4 .

Page 73, ligne 33, au lieu de très-animées, lisez : très-minces.

Page 79, ligne 24, au lien de sans, lisez : sens.

Page 92. Le tube ouvert désigné dans le texte par la lettre T' est indiqué sur la figure 7 par la lettre T.

Page 95, ligne 48, an lieu de graham, lisez : Graham,

Page 4C4. Compléter la note du bas de la page par ces mots : Lacide sulfurique que nous avons employé n'était pas au maximum de concentration et ne marquait que 64*> Baume.

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TABLE DES MATIERES

CONTENUES DANS CE VOLUME

État des membres de l'Académie; chaDgements surrenus depuis le mois d'avril i 880 jusqu'au mois d'avril 1 884 t

CLASSE DES SCIENCES

MATHÉMATIQUES PURES

Suite d'un Mémoire sur les axes cenlrifuges, par M. Brassinne 181

Considérations historiques et théoriques sur le principe de la moindre action , par

le même 182

Sur l'équation au carré des différences, par M. Forestier 1 87

PHYSIQUE ET ASTRONOMIE

Recherches expérimentales sur le passage des liquides à travers les substances perméables et les couches filtrantes, par M. J. Brunhes 1

CHIMIE Analyse des feldspaths de la vallée de Bagnères-de-Luchon, par M. Filhol 1 83

HISTOIRE NATURELLE

Homotypies musculaires des membres thoraciques et pelviens, par M. Lavocat. . 37-5 i De l'influence de la tension hydrostatique et de ses variation? sur les mouvements

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164 TAîiLi: iîî;s matikuls.

des liquides dans les végétaux et sur les mouvcmetilâ des divers orgat.cs dans les

plantes, par M. Bartoéleiiy 1 24-1 44

Considérations générales sur le langage humain et sur celui des animaux, par

M. JoLY 173

Antiquités fossiles en Portugal, par M. Cartailbac 183

Kecbercbes sur certains organes dc^ plantes aquatiques au sujet desquels la science

n'est pas encore faite, par M. Clos 1 92-1 94

Études nouvelles sur les matières organiques et organisées contenues dans les eaux

thermales sulfurées pyrénéennes, notamment sur les sulfuraires , par M. Jolt. 1 95-1 97

MÉDECINE ET CHIRURGIE

Sur la vaccination charbonneuse, par 31. Toissaim 1 72

Même question, par MM. Armieux et Baillet 197-202

Observation sur une tumeur fibreuse utérine interstitielle, par M. Ripoll. . . 1 76-1 80

Sur le parasite de la clavelée, par M. Tol}ssAI^T 182

Sur rincubation de la vaccine, par M. Basset 1 94-1 95

CLASSE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES Histoire de l'Université do To:ilouse fqualrièmo fragment), par M. Gatien-Ar-

NOULT 1 -3ô

Les préliminaires de la seconde guerro civile à Rome, par M. Dumi^ril. . . . 55-109 Frédéric II considéré comme historien, d'après les travaux les plus récents de la

critique allemande, par M. Hallberg 1 1 0-1 23

Observations sur les plaidoyers de Cicéron, considérés dans leurs rapports avec la

politique du temps , par M. Lallier 4 45-1 70

Sur une prétendue découverte récente des restes de Christophe Colomb, par M. Mo-

LINIBR 1 88-1 9 1

Doléances et vœux émis en 1789 par les sénéchaussées du Languedoc, convoquées

à propos des élections pour les États généraux, relativement à l'organisation du

pouvoir judiciaire, par M, Rozy 1 91 -1 92

Tiiuloustï, irnp. DocuoocBr.-PRiTiT, rue Sami- Rome 39.

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MÉMOIRES

DE

L'ACADÉMIE DES SCIENCES

INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE

Huitième Série

TO»E III. DEUXIÈME SEMESTRE.

TOULOUSE

IMPRIMERIE DOULADOURE-PRIVAT Rue Saint-Rome, 39

X88X

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SÉANCE PUBLIQUE

TBKUB AU OAPITOIiB, SALLE DBS ILLUSTBBS LE DIMANCHE 12 JUIN 1881

DISCOURS

PRONONCÉ

Par m. DUMÉRIL, Président.

UN AVENTURIER TOULOUSAIN AU XVIII* SIÈCLE

ÉPISODE DE L*HISTOIRB DIPLOMATIQUE DU REGNE DE LOOIS XV

Ceux qui, avant moi, ont eu l'honneur de présider cette Académie ont apporté à nos séances solennelles, sous le nom de Discours, des travaux complets, dignes sous tous les rapports de fixer votre suffrage; je ne puis y apporter que des indications de travaux à faire. Vous avez bien voulu accueillir favorablement, Tan dernier, l'esquisse si rapide que je vous ai faite des divers points de vue auxquels on s'est placé pour juger l'Empire romain depuis le commencement de notre ère. Permettez-moi de recommander aujourd'hui à votre bienveil- lante attention un sujet plus humble, mais dont un de nos confrères plus habile et plus érudit pourrait, je crois, tirer une étude aussi attrayante qu'instructive. Si mon vœu à cet égard était exaucé , vous me pardonneriez facilement , j'en suis sûr, l'ébauche imparfaite que j'ai l'honneur de vous lire ici.

La conquête, œuvre de la force, met les peuples ou les provinces sous le joug des nations qui les ont subjuguées. Les particuliers, dont la réunion forme ces nations, n'en tirent pas

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4 SB4NCB PUBLIQUE.

toujours môme profit. Il y a plus. Leur souveraineté collective les prépare souvent à subir la domination ou l'influence de quelques-uns de ceux qu'ils se flattent de tenir dans leur dé- pendance. L'adresse, l'habileté, la supériorité des talents et du savoir-faire donnent à tel sujet les moyens de tirer parti de sa sujétion elle-même. Il semble qu'en ôtant à sa patrie son autonomie, les con|uérants aient été les instruments de sa fortune ou de son ambition. Quand les Ptolomées se furent emparés d'Israël, Israël envoya en Egypte un essaim de publi- cains, dont l'Egypte fut tributaire jusqu'à la domination ro- maine. Les Turcs, maîtres de la Grèce, devinrent une proie •pour ceux des Grecs qu'on désignait sous le nom de Phanario- tes. Et combien d'Italiens ont du, au seizième siècle et dans le suivant, d'être ministres, généraux d'armée, grands seigneurs ou riches financiers, en France et ailleurs, à ces guerres d'Ita- lie qui ont rendu leurs concitoyens si longtemps esclaves des Barbares! Je passe sous silence des exemples plus récents. Chacun de vous. Messieurs, les a présents à l'esprit.

Cette réflexion générale n'est peut-être pas inapplicable à la partie de l'ancienne Gaule, aujourd'hui d'ailleurs tout à fait française de cœur, dont Toulouse a été et, restera, nous l'espé- rons bien, la capitale. Un bien faible lien l'unissait d'abord au reste du royaume dont les Capétiens se disaient les souve- rains. Il y avait bien peu de sympathie entre ses habitants ol ceux qu'on désignait plus particulièrement par le nom de Français; la première croisade l'avait prouvé. Ce faible lien, lui-même, était près de se rompre au treizième siècle. La san- glante guerre des Albigeois fit du LangueJoc une partie du do- maine de nos rois. Qu'en résulta-til? De cette province fertile en hommes actifs, souples et diserts, sortirent nombre de per- sonnages historiques, légistes, conseillers de nos princes, hommes de guerre, ou simplement aventuriers célèbres, dont la France subit l'exploitation ou l'influence et éleva la fortune.

A peine avait-elle été réunie au domaine de la couronne, elle tirait, gràc^ au crédit dont quelques-uns de ses enfants joui- rent sur l'esprit de Philippe le Bel, mie terrible vengeance de ces pontifes de Rome auxquels elle avait principalement

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DISCOURS DOOVERTURE. 5

les malheurs de la croisade albigeoise. Cette année même, notre éminent secrétaire perpétuel vous exposait la part que trois des élèves de TUniversité de Toulouse eurent à ce grand drame d'Anagni, qui fit frémir d'horreur même l'auteur gibelin de la Divine Comédie, Vinrent les luttes des Valois contre les Anglais, et ces guerres civiles qui, sous les successeurs de Charles VI, faillirent livrer la France à une puissance ennemie. Le Langue- doc et les régions voisines, dont la destinée avait promptement suivi la sienne, fournirent au parti des Armagnacs leurs pre- miers chefs, à Charles Vil ces soldats do fortune, les La Hire, les Xaintrailles, les Barbazan, qui furent avec Jeanne d'Arc les sauveurs de son trône un moment presque perdu. La France (lut beaucoup à ces vaillants guerriers. Mais ils ne la servirent pas gratis.

La carrière militaire était alors la plus avantageuse pour des hommes industrieux, avides et que nul scrupule ne gênait. « Si Dieu était homme d'armes, il serait pillard », disait La Hire, qui de concluait que nulle spoliation d'ennemi ou d'ami même, pour peu qu'il y eût quelque lieu à méprise, n'é- tait en désaccord avec une dévotion bien entendue. Mais le bon temps finit pour les hommes d'armes avec la création des ar- mées permanentes. Il y eut alors chez elles un peu plus d'ordre el de discipline. Les profits furent moindres, et le métier de condottiere cessa d'être 5 la mode parmi les indigènes des bords de la Garonne. Une voie nouvelle s'ouvrait précisément alors nux mieux doués de ces esprits si fins et si vifs. La diplomatie naissait. Elle promettait une large moisson de succès aux plu- mes habiles et aux langues déliées. Ni les plumes habiles ni les langues déliées ne manquaient dans la région qui avait vu naître les La Hire, les Xaintrailles et les Barbazan dans l'épo- (|ue précédente. Elle fournit donc à la France son contingent (le négociateurs, utilement employés dans les affaires délicates. Au second concile de Trente, Du Ferrier et Dufaur de Pibrac, tous deux Toulousains, compoFèrenl avecSaint-GelaisdeLansac, dans la rfiéme partie de la France, ce triumvirat célèbre que L'Hospital désigna pour représenter notre patrie. Ce fut aussi presque un Toulousain (il était à Cassagnabères, près

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6 SÈAlfCB POBUQUI.

de Saint-Gaudens, ou à La Roque, dans les Hautes-Pyrénées) que oe cardinal d*Ossat, qui fut chargé de la négociation la plus importante de tout le seizième siècle» puisque ce fut lui qui obtint l'absolution d'Henri IV, contre lequel le Saint- Si^e avait lancé l'anatbème. Ce qu'il lui fallut pour cela de dextérité et de constance se devine facilement. L'Espagne travaillait alors sans relâche à empêcher la réconciliation du roi de France et du pape, et l'Espagne tenait la papauté enve- loppée d'un double lien. Elle était maîtresse d'une grande partie de l'Italie, et elle avait été dans les derniers temps le principal soutien de l'orthodoxie contre les progrès de l'hérésie, dont Henri IV avait été le champion victorieux. Ajoutons que les lettres de d'Ossat ont été signalées par Fénelon et sont en- core aujourd'hui considérées comme des modèles du style di plomatique. Nous citons ici seulement quelques noms hors ligne. Dans les rangs inférieurs de la diplomatie, la capitale du Languedoc a compté nombre de ses enfants qui , chargés de missions importantes, auraient probablement acquis une égale renommée. Mais l'homme qui fait l'objet de ce discours doit occuper parmi eux une place exceptionnelle. Si Dumouriez, qui l'appelle dans ses mémoires le plus habile politique de l'Eu- rope, a été son ami et son élève, Hallet du Pan, qu'on ne peut soupçonner de partialité en sa faveur, nous apprend dans les siens qu'il passait de son temps pour le premier publiciste de France (1). De Ségur s'est fait l'antagoniste de son système politique; cependant il s'exprime ainsi sur ses écrits diploma- « tiques : < Il n'est pas étonnant que les Mémoires de Faviei f aient eu un si grand succès; leur auteur méritait peut-être « une plus grande réputation que celle dont il a joui. H réunis- « sait deux mérites qui se trouvent trop souvent séparés, beau- c coup de mémoire et beaucoup d'esprit; son érudition était « vaste, et son imagination vive. Nul publiciste n'a tracé avec c plus de clarté et de rapidité le tableau de la situation poli- « tique des diverses puissances de l'Europe. Choisissant avec c habileté tous les points de lumière, et omettant avec discer-

0) Mérnoim rocoeiUb par Sayoos. Piris, 4854, S ?ol. iiH8«, t. D, p. 479.

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DISCOUBS D OUVERTURE. 7

« nement tous les détails inutiles qui rendent la politique

< fatigante et l'histoire ennuyeuse, il rassemble artistement c les grands événements, les faits importants et les anecdotes c caractéristiques qui peuvent faire connaître les intérêts des c différents États, les causes de leur force ou de leur faiblesse, c de leur accroissement ou de leur décadence, Torigine de leurs liaisons ou de leurs querelles; et son pinceau anime c assez vivement tout ce qu'il touche pour répandre de l'in-

< térét sur ce chaos d'intrigues diplomatiques^ si fastidieux c pour le lecteur, qui s'y perd, et si obscur pour la plupart c des écrivains qui prétendent y porter la lumière. » De nos jours, M. Albert Sorel, dans son étude sur La diplomatie fran- çaise et V Espagne de 1792 à 1796, dit qu'il a été c le grand théoricien et le précepteur de la diplomatie de la Révolu- tion (1). »

Pourquoi Favier demeura-t-il donc dans des positions subal- ternes, au milieu d'une existence mêlée à de grands événe- ments? Un peu par la faute des circonstances, beaucoup par la sienne. Son Credo politique^ opposé aux nouvelles alliances que la cour de France contracta sous Louis XV, fit de lui un suspect , et sa vie, bassement dissipée, lui ôta la considération que son mérite eût pu lui valoir. Il nous apparaît donc simple- ment comme un phénomène curieux , analogue à ce chevalier d'Eon, auquel il fut quelque temps associé dans la correspon- dance secrète organisée par Louis XV à l'encontre de ses minis- tres. Mais comme il n'a pas porté des habits de fille, à l'exemple de cet aventurier qui parvint à duper un jour Beaumarchais lui-même, et comme aucun récit romanesque n'a circulé sur son compte , il n'a pas trouvé jusqu'ici de biographe.

I

Favier était à Toulouse, dans les premières années du «iix-huitième siècle ; son père était secrétaire général des États du Languedoc, et il lui succéda lui-même dans cet office avant

(4) ilemi« Mttofigtie^ ooTembreHlécembre 1879, p. 304.

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8 SÉANd PCBLIOPE.

l'âge de yingt ans. (Tétait une excellente école pour un apprenti diplomate. Pour conserver le peu de liberté que les sires aux fleurs de lis avaient bien voulu leur laisser, les Etats du Lan- guedoc .avaient besoin d'unir la souplesse à la fermeté. Il fallait qu'ils sussent imiter le roseau, qui ne se brise point parce qu'il sait plier et se redresser sans effort. Le talent d'insinuer ce que l'on voulait faire accepter était le seul contre-poids pos- sible au devoir de l'obéissance. Hais l'amour des plaisirs ne permit pas à Favier de conserver longtemps le modeste et hono- rable emploi de sa jeunesse. Il fut obligé de vendre sa charge. Dénué de ressources, il émigra, je veux dire qu'il alla cher- cher fortune hors de sa province. La diplomatie l'attirait. Au milieu de ses désordres mêmes, il était capable d'études sérieu- ses. Il connut bientôt les secrets de la politique européenne et donna des preuves de ses connaissances. La Chétardie, ambas- sadeur à Turin , se l'attacha et compléta son éducation. Quand il fut mort, Favier passa au service d'un ministre, le comte d'Argenson. Ce fut, dit-on^ ce ministre qui lui inspira la vive sympathie qu'il montra désormais pour le système politique d'Henri IV , de Richelieu et de Louis XIV, hostile à l'Autriche. Pourtant ce même d'Argenson proposa plus tard , en 1756, de mettre à la disposition de l'Autriche contre Frédéric II toute une grande armée française, au lieu des vingt-quatre mille hommes que le traité d'alliance conclu précédemment avec cette puissance avait promis de tenir prêts à marcher à son se- cours dans le cas elle serait attaquée. Il est à remarquer que Bemis, dans ce même conseil, se montra peu favorable à cette augmentation du contingent fixé par une convention antérieure. Ajoutons que Choiseul, qui aggrava la situation en pi-enant à Tégard de l'Autriche de nouveaux engagements, n'avait pas dans l'efficacité de Talliance autrichienne la con- fiance que sa conduite semble indiquer. On en trouve la preuve dans une lettre diplomatique du 34 décembre 1759 au comte d'Ossun, rapportée par Flassan, dans un mémoire de 1765, mentionné par Filon (1); enfin, dans une énumération de maxi-

(4) L'Ambêitade de Ckoiteul à Viemme eii'4757 ef em 4758, médire à rAeadémie

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DISCOURS DOOVBRTURB. 9

mes politiques formulées par lui dans un moment il croyait à tort devoir être obligé de quitter le ministère, se trouve, entre autres , le passage suivant : « Regarder l'alliance avec TAutriche comme précaire et peu naturelle , maintenir au- < tant que possible équilibre et rivalité entre la Prusse et f l'Autriche, et craindre de voir prévaloir Tune ou l'autre; c ménager la cour de Turin, alliée indispensable en Italie, « la France et l'Autriche se trouvent en présence (1). » Demis et Choiseul étaient des courtisans qui faisaient ce qui conve- nait à la maîtresse, mcerentes laudantesque, comme ce préfet du prétoire de Néron, dont la vertu trop souple excitait l'admira- tion de Racine. D'Argenson fut probablement poussé par des considérations analogues à mettre parfois de côté ses propres sentiments dans les délibérations les intérêts de l'Autriche étaient en jeu. C'est ainsi qu'ayant fait composer par Favier le mémoire intitulé : Doutes et questions sur le traité de Versailles, du 1*' mai 1756, dont nous reparlerons tout à Theure , il n'osa pas finalement le remettre au roi , auquel il l'avait destiné. Et cependant le valet de chambre Lebel lui avait offert son con- cours pour déterminer Louis XV à prendre connaissance de l'œuvre du publiciste toulousain. C'était, certes, un auxiliaire puissant que ce Lebel, auquel appartenait déjà la surintendance du Parc-aux-Cerfs. D'Argenson recula néanmoins devant l'idée d'une lutte avec M"»® de Pompadour. Il garda le mémoire de Favier en portefeuille, et n'évita pas pour cela la disgrâce. Quant à Favier qui, sous le rapport de la morale privée, n'avait rien d'un Caton, il faut lui rendre cet hommage, l'inopportu- nité de l'alliance avec l'Autriche était pour lui un véritable article de foi. Plutôt que de prêter son concours à cette politi- que déplorable, ou seulement de ne pas exprimer librement son avis sur elle, il eût fait les plus grands sacrifices, et il en

des sciences morales et politiques en 4 878. Od y troure en particulier la phrase suirante : (t Je ne discuterai pas dans ce mémoire si ralliance que Votre Majesté a contractée en « 4 757 était bonne quant au fond; mais quant à la forme, je crois pouroir assurer à « Votre Majesté qu'au moment Ton faisait signer un traité si onéreux pour la France « et si utile poui la cour de Vienne, il eût fallu stipuler que Votre Majesté entrerait en « possession des Pays-Bas. »

(4) De Barante, Études hisloiiques, t. 1. Paris, 4 858, 2 vol. in-18. «

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10 SÉANCE PUBLIQUE.

fit en réalité de considérables. C'est par qu'il se relève à nos yeux 9 car il nous parait avoir donné sur cette question au gou- vernement français y à ses risques et périls , des conseils aussi consciencieux qu*éclairés.

Je n'ignore pas que la dernière épithète, tout au moins , trouvera des contradicteurs. 11 y avait dans le système de poli- tique extérieure adopté par Louis XV, en 1756, à l'instigation de M"»* de Pompadour, un côté séduisant. C'est ce système qu'adoptèrent plus tard Napoléon 1*% lorsqu'il voulait partager la domination de l'Europe entre la France et la Russie, et Napoléon III lorsqu'il soutenait le système des grandes agglo- mératûms. La France et l'Autriche étaient^ sans contredit, les deux puissances prépondérantes du continent. Formant entre elles une alliance étroite, elles avaient chance, ce semblait, de tout entraîner dans leur sphère. La France n'avait plus à crain- dre que l'Autriche soutint l'Angleterre par des diversions sur le continent; de plus elle avait chance de devenir maîtresse des Pays-Bas, auxquels l'Autriche tenait peu. Celle-ci, à son tour, pourrait étendre sa puissance en Allemagne et du côté de la Turquie, avec l'appui de son ancienne rivale. Alliées ensem- ble, elles feraient la loi aux autres nations. Voltaire, dans son Siéck de Louis XV, applaudit à cette conception, t Le par-

< lement d'Angleterre, dit-il, appela cette union monstrueuse; « mais étant nécessaire, elle était très-naturelle. Le traité fut a signé à Versailles entre Louis XV et Marie-Thérèse. L'abbé de Bernis, depuis cardinal, eut seul l'honneur de ce fameux c traité, qui détruisait tout l'édifice du cardinal de Richelieu, et « qui semblait en élever un autre plus haut et plus vaste (1). » M. de Staremberg, ministre autrichien, représentait précisé- ment sous ce jour l'alliance avec sa souveraine. Il ne niait pas qu'elle ne dût changer entièrement le système du cabinet. Hais, suivant lui, ce devait être d'une manière heureuse et pour le simplifier : c Au lieu d'une foule de petits alliés altérés c delà soif des subsides et des présents, la France aurait sur

< le continent un allié unique, de qui elle recevrait des se-

(4) ^ècU de Lom XK, ch. xxxu.

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DISCOOBS d'oUVBRTUBB. 11

« cours équivalents à ceux qu'elle lui aurait fournis. La France, t dans le cours d'une guerre de terre, pourrait se flatter d'avoir

le dessus. Les vieilles animosités seraient assoupies, et les c deux États n'ayant aucune prétention à la charge l'un do

l'autre, rien ne s'opposait à leur étroite liaison. i> Tout cela était spécieux, et l'on pouvait croire tirer de grands avantages de l'intimité avec l'Autriche, si elle devenait réellement l'alliée dévouée qu'elle promettait d'être (1J. Mais d'abord il était douteux qu'elle eût à cœur de tenir à ce sujet ses engagement*^. En fait, elle s'en dispensa. Eût-elle été parfaitement sincère, on n'était pas beaucoup plus sage de contracter avec elle une étroite liaison. L'Autriche pour les idées, pour la fidélité aux traditions les plus surannées, était demeurée aux antipo- des de la portion du peuple français qui n'admettait pas que l'immobilité fût la première loi des sociétés humaines. Son amour pour la routine, s'unissant à de vieilles rivalités, la rendait singulièrement impopulaire dans notre patrie. On sait l'admiration qu'on y professa pour le roi de Prusse, alors même qu'il battait nos armées, et les sentiments contraires qu'on y nourrit, dès les premiers temps du règne de LouisXVI, pour la pauvre Marie-Antoinette, à laquelle on ne pouvait encore reprocher que d'être Autrichienne. La maison d'Autri- che, étant rentrée en possession de la dignité impériale, joignait par suite à de grands domaines héréditaires ces titres vaguef^, ces droits mal définis auxquels elle avait eu recours, dans d'autres temps, pour chercher à réaliser sa fameuse formule. A, E, I, O, U, Atistriae est imperare orbi universo. Il était présu- mable qu'elle s'engagerait, à ce sujet, même de bonne foi, dans beaucoup de contestations. La France, en s'obligeant à la garantir contre les suites de ces entreprises, l'enhardissait naturellement à en entamer. Est-il prudent de se porter caution pour une personne que sa position, tout aussi bien que sesincli-

(1) Les gazettes qae rAutriche inspirait paraissaient croire qae la France lai était redeTabie de sa condescendance, et qu'elle le reconnaissait. Celle d'Utrecht du 1 8 juin 4 756 s'exprimait ainsi à l'article Parii : a L'illustre alliée que le roi acquiert par ce traité et, « plus encore, la grandeur d'&me et le cœur magnaninne de cette auguste princesse offrent « un Taste cbamp à la Terye des poëtes et à l'éloquence des orateurs ! »

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1i SÉANCE PUBLIQUE.

nations, peut entraîner chaque jour dans de graves affaires (i)? A moins que Ton ne veuille Timiter soi-même. Alors Tunion que l'on contracte avec elle est l'indice de déplorables projets. Si la France voulait adopter une politique d'aventures, attaquer ses voisins, troubler l'Occident, son rapprochement de l'Autriche pouvait s'expliqner. Mais à qui s'attaquerait-elle? L'Angleterre était une île, et l'Autriche n'avait aucun secours à donner aux Français dans une guerre maritime. L'Espagne était une alliée. L'Autriche défendait de toucher à l'Italie et à l'Allemagne. Former sans son aveu quelque projet d'agrandissement aux dépens d'un de ces deux pays, c'était en quelque sorte lui déclarer la guerre. Il ne restait que la Hollande, et même la Hollande était couverte par l'Allemagne et par les Pays-Bas autrichiens. On voit combien peu de portée pratique avait le nouveau système, dans le cas même la France eût nourri quelques velléités d'ambition. Était-ce la peine de jeter l'inquié- tude dans les petits États, auquel le patronage de la France semblait si naturel qu'ils y étaient retournés en 1748, le len- demain do la paix d'Aix-la-Chapelle? La victoire de l'Autriche sur Frédéric II les eût perdus et eût porté un coup fatal à la France elle-même. Les Français, à vrai dire, avaient un sentî-

(1) C'est ce qae ne me parait pas aTotr assez compris de Ségar, qoi, daos son livre intitulé : Pditique det cabinets de VEurope, a tenté de réfuter Favier. Dans son opi- nion, le traité de 1756 n'était nullement mauvais en soi. Maintenu sous Louis X\l, il a produit les meilleurs résultats. La France lui a le succès de la guerre qu'elle fit sous ce prince en faveur des États-Unis de l'Amérique; l'Europe lui a la paix dont elle jouit quelque temps. De Ségur oppose à Favier le témoignage de Vergennes , contenu dans un Mémoire adressé au roi en 4784, et la conduite de ce ministre, qui, sans rompre l'alliance de 1 756, sut empêcher les Autrichiens de s'emparer de la Bavière, et protéger l'Empire ottoman et la Prusse elle-même contre l'ambition de l'empereur Joseph II. Il me parait douteux, je l'avoue, que la manière d'agir du gouvernement français dans l'af- faire de Bavière ait été parfaitement conforme aux stipulations de 1 766. Quand Frédéric H envahit la Bohème, avant le traité de Tescben, la France eût prêter à l'Autriche un secours de vingt-quatre mille hommes, car l'article 7 du traité portait que ce secours de- vrait être fourni sur la réquisition de ceUe des deux parties qui se trouverait attaquée ou menacée d*une intxision dans ses possessions. Mais est-il un seul traité dont on ne puisse éluder les obligations, sous prétexte de les interpréter? Et n'est-ce pas la crainte de violer les conditions de l'alliance qui détermina Louis XVI à payer en partie avec l'ar- gent français le désistement de Joseph II à son projet de se faire ouvrir de force les bouches de TEscaut par la Hollande ?

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DISCOURS d'oUVBRTORB. 13

ment exact de l'effet déplorable que pouvaient produire nos triomphes et ceux de notre alliée en Allemagne, lorsqu'ils mon- traient un calme qui nous semble par trop philosophique à la nouvelle de nos défaites et se réjouissaient hautement de celles de l'Autriche (1).

Ces réflexions justifient l'altitude que Favier prit au moment la guerre de Sepl-Ans commença. Nous avons dit qu'il écri- vit alors un ouvrage intitulé : Doutes et questions sûr le traité de Versailles entre le roi de France et V impératrice-reine de Hongrie. Je n'ai pas besoin de dire dans quel sens. Il n'en était pas à son début en fait d'œuvres politiques. Ainsi, en 1748, il avait fait paraître un Essai politique et historique sur le gouvernement présent de la Hollande. Les Nouvelles littéraires de Raynal, qui y »léclaraient le style languissant, la narration embarrassée, l'or- donnance confuse, ne pouvaient s'empêcher pourtant de rendro hommage à la connaissance profonde que l'auteur y montrait des intérêts de l'Europe. Il avait été moins heureux dans un autre ouvrage de longue haleine : Les mémoires récents du duc de Bolingbroke, traduits de l'anglais, avec des notes historiques. Il s'agissait d'initier le public français au gouvernement et à la politique des Anglais, en lui présentant le tableau de l'Angle- terre à l'époque sa grande révolution avait pris fin par l'avènement de la maison de Hanovre et le triomphe définitif des whigs sur les torys. Favier n'y a pas réussi. Tout instruit qu'il fût, il n'avait, sur le génie de nos voisins, sur leur his- toire et sur leurs institutions, que des notions fort incomplè- tes (2). Les Doutes et questions sur le traité de Versailles avaient

(4 ) Ud certain Garaccioli disait, peut-être aTec quelque raison, que c'était le bon génie de la Franco qui lui avait fait perdre la bataille de Rosbach. Vergennes n'est pas loin de montrer qu'il partage cette opinion dans son Mémoire à Louis ÎVI, précédemment cité : » en serait la France aujourd'hui, dit-il, si les efforts monstrueux auxquels elle s'était « livrée pendant la guerre qui a fini en 1763, avaient eu l'effet qu'on s'en promettait <c infailliblement? Le roi de Prusse écrasé, sa puissance anéantie, la France se trouvait u réduite à l'humiliante alternative on de n'avoir pas d'alliés dans l'Empire, ou de subir K la loi que son allié précaire aurait voulu lui imposer. » (De Ségur, Politique des cabi- nets de VEurope, t. III, pp. 199, 200. Paris, 1824, 3 vol. in-8<».)

(2) M. Ch. de Rémusal, l'Angleterre auXVITI* siècle, t. I, p. 114, s'exprime ainsi sur cet ouvrage : <c Favier traduisit, sous le titre de Mémoires secrets de Mylo^d Bolingbrohe, et une lettre apologétique cet homme d'État explique sa conduite comme *' hv f^on-^

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H SÉANCE PUBLIQUE.

une toute autre portée. Ils eurent certainement sur Topinion une assez grande influence, et elle dura longtemps. En 1792, Roland le répandait dans le public aux frais du Trésor. Une quittance, datée du 3 septembre, montre qu'une somme de 571 livres avait été consacrée à cet usage par le célèbre giron- din, alors ministre de Tinlérieur (1). Favier avait alors de- puis longtemps cessé d'exister. Aucun des écus qu'un gouver- nement républicain dépensa pour rendre à son livre une circulation active ne passa par ses mains prodigues. Mais cet ouvrage lui valut alors une recrudescence de célébrité. Il eut aussi un effet que son auteur n'avait certes pu prévoir et que le ministre girondin attendait. Il augmenta la haine qu'on portait à c l'Autrichienne » et à sa famille, à laquelle la France venait de déclarer la guerre. Les résultats de l'alliance avec cette maison, que les patriotes maudissaient, y avaient été présentés d'avance sous les couleurs les moins flatteuses. Favier avait parlé en Jérémie de la diplomatie, le jour avait été commise la grande faute de s'unir à Marie-Thérèse et à sa dynastie. On trouvait qu'il avait été inspiré, et l'on parta- geait les sentiments qui lui avaient dicté des pages destinées à Louis XV, mais qui, grâce à la Révolution, étaient devenues une partie du bréviaire des ennemis de la monarchie.

Quand je dis que Favier avait parlé en Jérémie de la diplo- matie, je ne veux pas prétendre que son œuvre sur les incon- vénients et les dangers de l'alliance autrichienne fût écrite en style biblique. Ce qui la distingue, au contraire, c'est la net- teté, la simplicité de la forme, l'exposition méthodique des faits, leur enchaînement logique et la finesse des aperçus. Il est possible que Favier ait mérité quelques-uns des reproches que lui adresse son commentateur (2), qu'il se soit trop atta-

« Tient. FaTÎer était, comme on sait, an publiciste *Je profession. Il faisait pour Louis XV •t et pour ses ministres des mémoires sur les cours de TEurope, et il a été le mattre de « Dumouriez. Cependant il n'a pas Tair de s'être rendu un compte bien lumineux des « affaires de U cour de Saint-James, et ce qui est public en Angleterre est encore resté « pour lui un secret d'ÉUt. »

(4) Méouriret de M«^ Roland, appendice au t. Il, éd. Barrière, p. 359.

(2) De Sé^ur, PoUUqae des cabinets de l'Europe, t. m, passùn (le h pagi' 2:U \ \c page 377;.

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DiscouES d'outerturb. 16

ché, par exemple, à un système politique routinier et qu'il ait trop souvent imputé au traité de 1756 ce dont le gouvernement qui l'exécuta doit seul être rendu responsable. Mais que de re- marques pleines de justesse! L'article 1^' de la section 11, se trouve traitée cette question : « Le traité défensifd'al- < liance et d'amitié est-il ou peut-il devenir avantageux pour la France et pour sa sûreté? > est, en particulier, digne d'être considéré comme un modèle. On y voit combien peu la France pouvait compter sur l'accomplissement des engagements de sa nouvelle alliée et combien peu elle avait eu besoin que rAutriche les prit à son égard. Le risque d'être attaquée était pour elle ou nul ou presque nul. Quant à l'Autriche, Favier nous la montre entourée d'une multitude d'ennemis contre lesquels elle pourra, à un jour donné, requérir la France de venir à son secours. La Hollande est en litige avec elle sur certains points et pourra menacer ses Pays-Bas. La Gueldre et la Silésie autrichienne ont dans la Prusse un voisin remuant et actif. La Bavière est pour la province d'Autriche une me- nace permanente; la Saxe l'est pour la Bohème ; sur les fron- tières de la Hongrie habitent les Turcs. Depuis plus de trois cent soixante ans, la moitié du temps s'est passée en guerres entre eux et l'Autriche. Or, chez les Turcs, rien ne change, religion, mœurs,, gouvernement, génie national, tout reste sur l'ancien pied, et l'on peut tirer de cette conséquence que sur cent ans il y aura cinquante ans de guerre et cinquante ans de paix; d'où il suivra que dans un siècle la France, aux termes du traité, sera obligée d'entretenir, pendant cinquante ans, vingt-quatre mille hommes, à quatre ou cinq cents lieues, pour le service de son alliée, ou de payer comme équivalent cinquante années d'un subside de 8,640,000 livres. En6n, en Italie, la Sardaigne et Naples ne peuvent-elles pas s'unir con- tre rem|>ereur, avec ou sans le secours de l'Espagne? Conclu- sion : Tout l'avantage qui résulte du traité de 1756 est pour l'impératrice, toute la charge pour la France, etc etc. » Tout cela n'était que trop vrai.

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16 SÉANCE PUBLIQUE.

u

Le mémoire sur le traité de Versailles était composé depuis un mois à peiiie quand d'Ârgenson cessa d'être ministre; sa chute amena la destitution de Favier. La révocation fut infligée à ce dernier en apparence pour des motifs tout à fait différents de celui qui en fut réellement la cause, je veux dire de sa hardiesse à contester les avantages d'un pacte auquel M*"* de Pompadour avait déterminé Louis XV. Il ne donnait que trop prise contre lui par ses mœurs. Sans cesse assailli par des créanciers, il avait recours souvent à des moyens peu estima- bles pour acquérir un argent qu'il destinait d'abord à satisfaire les plus pressés. Hais, à peine avait-il gagné quelques écus, il oubliait que cet argent ne devait pas lui appartenir, et il se hâtait de le dépenser en festins ou en orgies. Un fait, cité par Marmontel (1), vous donnera l'idée de cette vie si pleine ^e désordre, à laquelle se joignait, d'ailleurs, un caractère très sociable et beaucoup de générosité.

« En passant, le matin, par la Comédie française, dit l'écri- vain, je m'entendis appeler du haut d'un second étage. C'était un Languedocien nommé Favier, fort connu depuis, qui, de sa fenêtre, m'invitait à monter chez lui. Je monte, et, dans sa chambre autour d'une table couverte d'huitres, je trouve cinq ou six Gascons, c Mon ami, dit-il, une petite incommodité m'oblige à garder la chambre. Ces messieurs veulent bien m'y tenir compagnie. Nous déjeunons ensem- ble; déjeunez avec nous. » Sa petite incommodité était une sentence des consuls qui portait contrainte par corps. Favier était noyé de dettes; mais comme il avait, ce jour-là, crédit chez le marchand de vin, le boulanger et l'écaillère, il nous donnait des huîtres et du vin de Champagne aussi ample- ment et aussi gaiement que s'il avait été dans l'opulence. L'insouciance d'un sauvage avec la plus profonde dissolution

(I) Mémoires, p 108. ParU, 1846, in-18 *

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DISCOURS d'oovertorb. 17

de mœurs formait le caractère de cet homme, d'ailleurs aî- c mable, plein d'esprit et de connaissances, parlant bien et < Taciiement, doué du talent des affaires, et tel qu'avec moins c d'indolence et moins d'abandon de lui-même, il eût été ca- c pable de remplir les plus grands emplois. Je le fréquentais f fort peu, mais il m'intéressait par sa franchise, sa gaieté, c son éloquence naturelle et, puisqu'il faut le dire, par cet c épicurisme qui, chez lui, comme dans Horace, avait un at- c trait dangereux. 0

Ajoutons, pour compléter le récit, qu'un des cinq Gascons avec lesquels Marmontel mangea les huîtres de Favier escro- qua au futur auteur de Bélisaire le pécule par lui délicieuse- ment caressé, qu'il avait apporté à Paris du fond de sa pro- vince. Favier eût été personnellement incapable d'un tel acte d'indélicatesse. Mai.s on voit de quels hommes il faisait sa so- ciété. Il n'était donc pas difficile de trouver contre lui des griefs. L'abbé Bernis l'éloigna du bureau des affaires étrangè- res: Ghoiseul ne l'y rappela pas, il s'en faut de beaucoup. Mais en même temps il mit sa plume à contribution. Favier faisait pour le ministre des mémoires qu'il vendait le plus cher possible. Il ne manquait pas de hardiesse, et quand il était mécontent de la rétribution qui lui était accordée, il menaçait de dire dans les cafés et les sociétés privées que ces mémoires étaient son œuvre et qu'on les lui avait volés (i). La menace produisait, à ce qu'il semble, son effet. On voit par com- bien le talent de Favier l'avait rendu nécessaire. On voit aussi quel effroi les conversations de café inspiraient aux membres les plus élevés du gouvernement de Louis XV.

Ces établissements d'importation anglaise^ qui avaient pris leur premier essor sous la Régence, étaient, en effet, devenus, à Paris tout au moins, l'une des grandes voies par l'opinion, cette puissance si formidable en France au dix-huilième siècle, marchait à la conquête du royaume. Les journaux n'existant guère encore qu'à l'état de littérature officielle (2), c'était par

(4) Mallet daPan, Mimoint, pp. 479-80.

{%) Favier collaborait à l'un d'eax, le Journal étranger. Voie, snr ce journal, Hali- , HitUdre de la presse en France, Paris, i 859, t. III, pp. 92-96.

SKBiB. TOMB III, 2. 2

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f6t StkJXCJH QOBLIQUB.

eux principalement qfje se propageaient ces( bruits, ces aspira- tions».ces principes, qpe le gouvernement avait intérjèt à répan- dre ou à détruire. Au temps Mqutesquieu écrivit, les Lettres persanes^ la question des anciens et des modernes n'y avait-elle pas suscité de vifs débats? Cette question n'était pas aussi étrangère à la politique qu'on peut le supposer aujpurd'hui. Les partisans des modernes étaient les champions du progrès, leurs adversaires plagient l'âge d'or dans le passé et s'accommo- daient volontiers de l'âge d'airain, de peur d'un pire. Favier s'était fait des cafés une espèce de tribune; il y discutait de la pièce nouvelle, y lisait desépigrammes en vers assez piquantes, mais la prosodie n'était pas toujours respectée (1), et surtout il y discutait les questions à l'ordre du jour dans la politique courante, conservant son franc-parler sur les hommes et sur les choses, sans craindre la Bastille, qu'il devait mieux connaître plus tard. On le ménageait, parce qu'on avait besoin de sa plume. Mais quand sa présence devenait trop gênante, ou cher- chait pour l'éloigner quelque prétexte honorable.

Si j'en crois la Biographie toulousaine^ Choiseul l'aurait ainsi employé dans plusieurs missions secrètes, soit en Russie, soit en Espagne, et il y aurait été exposé à de très grands dangers : c Suite ordinaire, ajoute le biographe, du dévouement des infé- < rieurs, toujours dupes des chefs qui les font agir, et qui, c retirant tous les avantages des affaires, ne leur en laissent c que les périls et les désagrépientç. » Favier fut-ii dans cette période de sa vie un nouveau Belléropbon ? Je ne sais. M. de Broglie (2) dit qu'il s'éloigna de lui-même après la paix de Paris, et passa la fin du ministère de Choiseul en Belgique, en

(4) Témoin la saiTante à propos do Xerxèt de CrébilloD :

Arrêt que contre Grébillon

Au billon A rendu au sacré Tftlloo

Apollon ; Après CatUina joaé,

Bafoué ; Mais après XaroDèt imprimé.

Assommé.

(5) U Secnt du roi, t.' Il, p. 403.

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DISCODRS D*OUVERT0RE. 19

Hollande et en Allemagne, faisant de la diplomatie en amateur. Mais cette absence volontaire dut être beaucoup plus courte que l'historien ne le prétend. Avec quels revenus aurait-il pu subsister pendant ce temps-là, lui qui ne vivait que grâce aux tributs qu'il prélevait sur le ministère, en échange des services que celui-ci lui demandait? En tout cas, Favier était à Paris dans les derniers mois de 1763; car c'est alors qu'il composa son mémoire sur la Corse dont nous parlerons tout à l'heure, et plus tard il contribua à la chute de Choiseul par les mémoires qu'il fit pour le compte du duc d'Aiguillon ; ses sympathies pour la Prusse s'étaient accrues dans l'intervalle. Il était entré en rela- tion avec le prince Henri, frère de Frédéric II, et peut-être en tira -t- il quelque argent, en échange de correspondances il l'entretenait des événements et des intrigues diplomatiques du temps. Le prince Henri désirait pour son pays Talliance fran- çaise (1). On sait quel prix Favier attachait déjà auparavant pour le sien à l'alliance prussienne. Ce dernier, supposant sans doute que la cour de Prusse était tout entière animée de l'es- prit du prince Henri, se pénétra chaque jour davantage de ridée que le relèvement du royaume dépendait de l'union de la France avec les vainqueurs de Rosbach. Choiseul, ébranlé par l'avènement d'une nouvelle favorite, cherchait précisément alors dans le resserrement des liens qui unissaient la France à l'Autri- che un moyen de se consolider lui-même, et l'un de ses derniers actes fut le mariage de l'aîné des petits-fils de Louis XV avec une fille de Marie-Thérèse. Favier crut d'autant plus faire une œuvre méritoire en contribuant à le renverser. L'anecdote sui- vante prouve qu'il ne nourrissait contre lui aucune haine per- sonnelle. Choiseul, disgracié, lui dit un jour : c Favier, vous avez écrit contre moi. C'est vrai, monsieur le duc, répondit- il, mais vous étiez alors en place. > La France avait acquis la Corse sous le ministère de Choiseul,

(4) Bâcher, agent de la républiqae en Suisse, en 4794, dans une de ses comroonica- tions aa Comité de saint public datée da S4 frimaire an m, appelait le prince « le pro- tecteur-né de tous les Français. » Albert Sorel, La paix de Bâk, RoTue historique, t. Y, p. S73, note. Ce fut ce même prince Henri qui, dit-on, détermina le roi de Prusse, son neveu, à conclure la paix de Bàle avec la France.

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20 SÉANCE PUBLIQOB.

et c'est son meilleur titre aux hommages des Français. Un mémoire de Favier joua peut-être, relativement à cette con- quête, le rôle que le verre d*eau répandu par la duchesse de Malborough sur une dame d'atours do la reine.Anne joua pour terminer la guerre de la succession d'Espagne.

Nous pouvons faire ici appel à un ouvrage intéressant, les Mémoires de Dumouriez.

On sait que les démôles de la Corse et des Génois, auxquels elle a eait appartenu, furent un des faits qui donnèrent le plus d'occupation au gouvernement français sous les ministères de Fleury et de Choiseul. Paoli était à la tète du parti anligénois, qui était en môme temps le parti antifrançais. Dumouriez, ami de Favier, qui était allé servir en Corse et s'était vu suc- cessivement repoussé par les Génois et par Paoli, s'était attaché à un troisième parti, à la tôte duquel était la famille des Ab- battucci. Ce dernier visait à l'indépendance de l'ile, mais dési- rait en môme temps se maintenir dans l'alliance française, et Dumouriez s'était chargé d'ôtre l'interprète de ses vœux auprès de Choiseul. Précisément alors, Favier soutenait auprès du mi- nistre la cause des Génois. Et môme il travaillait à leur faire accorder de nouveaux subsides et à resserrer les liens qui unis- saient la France avec eux. Ses motifs, à ce qu'il semble, n'étaient pas des plus purs, et la politique y avait peu de part. L'espoir de gagner 500 louis l'avait acquis aux anciens domi- nateurs de la Corse, et il n'en fallait pas davantage, quand il s'agissait de questions à son gré secondaires, pour tourner dans un sens ou dans un autre les sympathies et la plume de cet homme d'ailleurs si bien doué sous le rapport de l'intelli- gence.

Il s'était donc mis à la solde du marquis de Sorba, ministre de Gônes à Paris, pour lequel il composait un mémoire dont le prix avait été fixé à la somme ci-dessus indiquée. Avec lui marchaient d'accord le fameux comte Jean du Barry, Toulou- sain lui-môme, cette Jeanne Vaubernier, sa maîtresse et future belle-sœur, dont il sut faire la maîtresse de Louis XV, et la comtesse de Grammont, sœur de Choiseul. La dernière était entraînée par une femme de chambre notnmée Julie, à la'^fuell^

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DISGOITBS d'oOTERTUBE. 21

le marquis de Sorba avait promis une fprle recompense. La perspective do réaliser quelques petits profits dans les fourni- tures de l'armée de Coi*se avait suffi pour rendre les Génois chers à Jeanne Vaubernier et à son futur beau-frère, avec lequel Favier n'était pas sans liaison. Mais^ d'un autre côté, le maré- chal de Duras soutenait les intérêts de la Corse pour des rai- sons du même genre, c Ainsi se faisaient les affaires de la France >, dit Dumouriez auquel nous devons cet épisode hon- teux d'une histoire honteuse.

Les uns intriguaient donc pour déterminer Choiseul à sacri- fier la Corso aux Génois, les autres pour le décider à leur re- fuser désormais son concours. Favier promit 100 louis à Du- mouriez, s'il voulait bien coopérer à son mémoire. Dumouriez resta inaccessible à la corruption, comme un héros de Plutar- que. Il vit Choiseul, lui communiqua un plan de république corse et parvint à l'ébranler. Il avait compté sans le mémoire de Favier et sans les autres arguments dont le parti génois sut se servir pour en appuyer les conclusions. Choiseul le re- pousse, revient à lui, puis le repousse encore, cette fois avec violence. Le parti génois triomphe d'une manière définitive. Favier eut ses 500 écus. Mais, en ennemi généreux, il en aban- donna une part, à la vérité légère, à Dumouriez. c Tes mau- f vais desseins ont échoué, lui écrivait-il en lui envoyant son porte-manteau, j'ai reçu cent louis acompte. Ton porte-man- c teau sera dans quatre jours à Mons. Le roi de France ne « venge pas les injures du duc d'Orléans. Fouille dans les po- c ches de ton uniforme. » Dumouriez y trouva 10 louis. Choi- seul envoya en Corse le marquis de Marbeuf avec 7,000 hom- mes, puis Cbauvelin avec 5,000, puis d'autres renforts. La Corse fut achetée à Gènes et conquise ; Napoléon Bonaparte y naquit et fut réputé Français. Ne pourrions-nous pas, Mes- sieurs, pousser ici, après tant d'autres, quelques exclamations sur l'étrange enchaînement de^ choses humaines? Si l'appât de 500 écus n'avait pas dicté à un aventurier toulousain un mé- moire contre le projet de favoriser la liberté des Corses, peut- être les Français n'auraient-ils pas connu l'Empire, ses gran- deurs et ses misères. Peut-être leurs armées ne seraient-elles

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22 SÉANCE PUBLIQUE.

jamais entrées dans Vienne, dans Berlin, dans Moscou. Mais peut-être aussi Paris n'aurait-il pas vu trois fois l'ennemi dans ses murs, et nos frontières seraient-elles celles de l'ancienne Gaule i

Disons pourtant que Favier ne considéra pas comme un évé- nement heureux pour la France l'annexion de la Corse accom- plie bientôt par Choiseul. Il ne semble pas que la conquête de cette ile par les Français ait été à ses yeux un acte de saine politique. Plusieurs passages de son liyi'e intitulé : Conjectures sur la situation actuelle de la France, ne permettent aucun doute à cet égard (1).

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Nous arrivons à l'époque la plus curieuse de la vie de notre diplomate, celle il fut mêlé à la correspondance entretenue par Louis XV avec une partie de ses agents à l'étranger et d'au- tres personnes non revêtues d'un caractère public sur la poli- tique étrangère. Deux écrivains de notre temps, M. Boutaric et le duc de Broglie, ont consigné dans des ouvrages pleins d'intérêt les détails de cette histoire plus vraie que vraisem- blable (3). On est saisi d'étonnement en voyant un roi de France, dont l'autorité était illimitée au moins en droit, qui n'avait qu'une signature à donner pour que ses ministres ne

(4) « H. le doc de Ghoiseel, dit-il, a rnootré à H. de FoenteB et à quelques autres ministres un mémoire qu'il aTait lu au conseil pour prouTor la nécessité de couler à fond la flotte russe à son passage dans la Méditerranée, et a dit que tous les autres ministres aTaient été d'un avis opposé. Si cela est, il est bien f&cbeax que son avis, ordinairement prépondérant, ne Tait pas emporté, dans cette occasion, plutôt que Tentreprise de la Corse, qui d'abord a trouvé tant d'opposition de la part de l'Angleterre ; mais il est apparent que cette opposition n'était que simulée et que le ministère anglais, mieux instruit que le nôtre, savait bien que cette entreprise nous coûterait beaucoup de millions, et que cette conquête ne nous serait d'aucune utUité. {PoUHque des cahineU de l'Ewrope, t. D, pp. 4 64 , 4 62.) Dans un autre passage du même ouvrage (p. 247 du même tome), Favier mani- feste le regret que la Corse ne soit pas tombée au pouvoir des Espagnols plutôt que des Français; elle aurait pu être pour eux une acquisition utile, et les Corses y auraient gagné à beaucoup d'égards.

(2) Boutaric, Correspondance secrète de Louis XV. Paris, 4 866 ; 2 vol. De Broglie, le Seml du roi, Paris, 4 870 ; 2 vol.

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DISCO0IIS d'odvbrtuiib. 23

fussénl plus que des exiles, ne pas se contenter de les faire surveiller, tnàis encore les contrecarrer et rendre parfois im- possible le sâccès de leurs négociations ostensiblement approu- vées par lui, en se mettant en cachette à la traverse. Ck)mbien de fois n'en a-t-«n pas tiré comme conclusion le contraste de ce prince faible, irrésohi et défiant et de l'esprit ferme et cçnstani dans ses vues de son prédécesseur. On lit pourtant dans une note historique adressée à Louis XVI par le comte de Broglie en mai 4774, relativement à la correspondance se- crète : Le comte de Broglie crut s'apercevoir que Sa Ma- « jesté (Louis XV) regardait comme nécessaire de se censerver < un moyen d'être instruite par plus d'un canal des affaires c politiques, comme elle disait que Louis XIV l'avait toujours « pratiqué (4). » En effet, Louis XIV avait lui-même donné quelquefois l'exemple de la conduite que nous réprouvons si justement dans Louis XV. Il n'écrivait pas lui-même , mais il faisait écrire à Lonvois, devenu son favori , des lettres diplo- matiques destinées à rester ignorées de Golbert de Groissy, se- crétaire d'État des affaires étrangères (2), et par cette voie les agents officiels du grand roi reçurent en certaines circonstances des instructions un peu différentes de celles que leur chef na- turel leur transmettait au nom du même maître. Si haut qu'on soit placé, on est exposé à être mal conseillé et mal servi par ceux-là mêmes qu'on a investis officiellement de sa confiance. Que faire? On met en pratique à leur égard, s'il se peut, la fameuse formule : Diviser pour commander. Henri IV se ré- jouissait de voir ses ministres mal ensemble et s'espionnant d*une manière réciproque. Il tirait de cela gt*and parti pour les tenir en haleine, nous dit'il. Louis XIV aussi n'était pas fâché de l'inimitié des deux dynasties ministérielles des Golbert et des Letellier. De même, s'il s'agit des relations extérieures^

(4) De Ségnr, PoUtique des CabineU de l'Europe, 1. 1, p. 4.

(2) Camille Rousset, Histoire de Lovwns, t. m, p. 150. U cite les mots soiTants adressés par Loutoîs à Piaoesse» coofldent de la régente de Sarole : « Je ne teos écris pas « de lettres ostensibles, parce que je ne dois pas aroir de commerce dans les pays étran- « gers, et qoe je ne Tondrais pas que cda, reTonant à ceux qui en sont charge, leur don- « nàt ifeti de croire que j'ehtrepreÏMls sur leur emploi. >

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24 SÉANCE PUBUQUI.

on veut prendre des précautions contre ceux qui en ont la di- rection. Ne peuvent-ils pas s'égarer par défaut de sens? Ne peuvent-ils pas, dans leur propre intérêt, faire faire fausse route au gouvernement dont les affaires leur sont confiées? Le meil- leur moyen d'échapper à ces périls parait être d'opposer une diplomatie du rot à la diplomatie royale ^ comme on oppose la guerre à la marine ou les finances à Tune et à Fautre. Mais le remède est pire que le mal. Pour qu'une puissance exerce sur les autres une certaine influence, il faut que ses négociations soient dirigées dans un sens bien déterminé, que rien n'y sente l'indécision, l'hésitation entre divers partis, la contradiction entre la volonté officielle du souverain et sa volonté réelle. On donne beau jeu contre soi quand on méconnaît cette règle, car on est suspecté à la fois de déloyauté et d'incapacité, deux choses également funestes, dont l'une 6te à un prince tout crédit et dont l'autre invite l'étranger à le prendre pour jouet. Louis XIV, pour plus d'une raison, n'échappa pas au reproche de fourberie diplomatique. La terreur de ses armes le sauva des humiliations que Louis XV et son gouvernement durent parfois à la correspondance secrète. Il semble d'ailleurs que celle de ce dernier roi, à quelque motif qu'elle ait son ori- gine, n'ait bientôt plus été qu'un moyen de satisfaire une simple manie, le passe- temps d'une âme blasée, une espièglerie de vieil écolier, heureux de faire pièce à ses maîtres, je veux dire aux ministres que lui imposaient ses maîtresses. De plan suivi, je n'en trouve aucun. Je n'y vois même pas la trace de cette sympathie pour la Pologne qu'on se plaît à lui attribuer, tout en admettant qu'elle fût seulement platonique. Plus en- core que la politique extérieure officielle, elle a été marquée de ce caractère d'incohérence et de décousu qui a signalé celle-ci sous ce règne plus qu'à aucuno autre époque de notre histoire.

Quoi qu'il en soit, Favier, sans y être positivement initié (i),

(4) Le comte de Broglie, qai la dirigea si longtemps, s'exprime ainsi dans ooe lettre di 6 juin 4 774 an roi Louis XVI : « Le comte de Broglie aTait employé FaTier, avec Tordre « da feu roi, à faire des mémoires politiques sans l'admettre au secret de sa propre cor « respoodance aTec Sa Majesté. » PoUUquedet CabmeUde VEwrope, 1. 1, p. 59.

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DiscouBs d'ouybbturb. 3S

fat appelé par le comtç de Broglie à rédiger des mémoires po- litiques pour l'instruction du roi. Ces mémoires, publiés depuis, nous sont demeurés sous le titre bizarre de : Conjectures rai- sonnées sur la situation actuelk de la France dcMS le système poli- tique de V Europe et réciproquement sur la position respective de l Europe à t égard de la France; enfin, sur les nouvelles combinai- sons qui doivent ou peuvent résulter de ces différents rapports aussi dans le système politique de l* Europe. La date inscrite en tète de l'ouvrage est celle du 16 avril 1773, En fait, elle marque^ je crois, seulement l'époque Favier fit l'introduction. La série des mémoires qui devaient former le travail entier n'était pas terminée lorsque Louis XV mourut, et, par suite, elle ne le fut jamais. Notre publiciste annonçait qu'il s'occuperait successi- vement de trois sujets, dont chacun serait la matière d'une section à part. Dans la première, on constaterait l'état d'abais- sement où se trouvait la France depuis 1766. La seconde serait consacrée à l'examen de la position respective des Ëtats de l'Europe à l'égard de cette puissance, eu suivant l'ordre topo- graphique et en commençant par le Nord. La troisième con- tiendrait le remède au mal ; on y trouverait exposée la direc- tion de conduite que l'auteur trouverait la meilleure à suivre pour le gouvernement français. Cette dernière eût été la plus difficile : elle eût été celle aussi qui nous eût donné le mieux la mesure de Favier et de son esprit pratique.. Malheureuse- ment, la rédaction n'en a pas même été commencée.

La fixation à l'année 1756 de la décadence de la France suf- firait seule pour nous instruire sur l'esprit du nouvel écrit de Favier. L'idée fondamentale des Conjectures raisonnées ne diffère nullement de celle des Doutes et questions sur le traité de Ver- sailles (1). Ce traité reste pour Favier le delenda Carthago. Il l'est môme plus que jamais; car ce qui autrefois lui apparais- sait comme simplement probable est devenu, à ses yeux, une triste réalité. Le traité de Versailles a produit ses fruits amers. Le gouvernement français s'est laissé entraîner aux concessions les plus impolitiques. L'Autriche a largement exploité l'impru-

(1) Voir l'appendico L

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26 S&kWX PUBLIQUE.

dente attiance conclfie avec elle par le DQÎnifttèfe du roi très chrétien; elle a largement mis à profit l'isoleDieM se sont trouvés ceux qui auparavant avaient compté sur la France. Elle a pris sa part de la Pologne; elle a livré la Turquie à son autre alliée la Russie» pour avoir bientôt part elle-même à ses dépouilles. Elle s'asservit chaque jour davantage l'Allemagne dont les petits princes, au moins pour la plupart» n'oseot plus lever la tète devant elle (I). Elle reprend peu à peu, et sans qu'on s'en aperçoive, ta souveraineté de l'Italie. Les Etats qui» dans cette contrée, sont gouvernés par des Bourbons, de- viennent eux-mêmes des satellites, gravitant autour d'elle. Il lui suffit pour cela de donner des archiduchesses pour épouses à ces princes. Tel est le parti que Marie-Thérèse sait tirer de ses filles (3). Réflexion hardie dans un mémoire destiné à passer sous les yeux d'un roi dont l'héritier avait épousé une fille de Marie-Thérèse i Mais pour Favier la haine de l'Autriche semble avoir été une^religion. A propos de l'Italie, comme à propos de l'Allemagne, il jette donc le cri d'alarme. Un ou deux mariages de plus, le manque d'enfants mâles dans la branche napoli- taine des Bourbons, le hasard toujours à craindre de la mort prochaine du souverain qui la représente, et voilà l'Autriche maîtresse des Deux-Siciles I <jràc6 à ses artifices elle l'est déjà de Modène (3). La papauté, que la France ne protège plus, s'apercevra bientôt que l'empereur Joseph II est le chef du Saint-Empire romain, etc., etc. La péninsule sera perdue, et que deviendra l'Europe ?

Il y a certainement dans ces prévisions quelque chose d'ex- cessif. Des conjectures et des jugements plus que hasardés viennent assez souvent déparer une œuvre se montre par moments un diagnostic politique merveilleux. L'animosité con- tre l'Autriche les lui dicte d'ordinaire; elle lui fait aussi parfois mal comprendre les hommes et les faits du passé. Louis XIV, dans une des premières années de son r^ne personnel, four-

(4) Voir rtppendioe n.

{%) PoUtique des CabkieU de VEurope, t. H, p. 354.

(3; M., t. m, pp. 4-<ô.

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DISCOURS d'ouverture. 37

DÎty comme on sait, quelques secours à l'empereur Léopold P' contre les Turcs. Gela devait-il suffire pour accuser Léopold d'une noire ingratitude à l'égard de Louis XIV^ comme le fait notre auteur (1)?

Ce bienfait de Louis XIV, dit-il , fut reconnu de Léopold c comme l'indulgence et la facilité de François P' l'avaient

< toujours été de Charles-Quint, et comme le secours de Vienne c par Sobieski le fut ensuite du même Léopold. Celui qu'il c avait reçu de Louis XIV n'excita dans l'âme de cet empereur « qu'un sentiment de crainte, do jalousie et de haine. Ce fut c le germe des guerres longues et sanglantes au milieu des- c quelles il mourut, comme il avait vécu, à l'aumône de l'An- c gleterre et de la Hollande, sans avoir acquis beaucoup de i gloire personnelle, mais avec la satisfaction d'avoir triomphé c à Hochôtaedt du fond de son palais, et de laisser son bienfai- c teur à deux doigts de sa perte.

Favier n'oublie-t-il pas ici que le prétendu bienfaiteur s'était promptement transformé en un conquérant avide que toute l'Europe avait à redouter?

M. de Ségur, dans le commiantaire dont ^1 a accompagné son édition des Conjectures raisonnées, attribue le point de vue anti- autrichien où Favier s'est placé à une tendance générale des agents jsecretç de Louis XV, hostile aux ministres qui av9ient cru devoir faire ab^ndpiiner ^ la France la politique de Riche- lieu pour le rapprocher de l'Autriche : c Louis }^V, dit-il, « gyidé paf cette mégaq($ commune à tqus les hoqipies foibles, c avait toujours eu des ministres secrets à l'insM de ses mjnis-

< très publics, et, cpmme pn l'aurait pu prévoir, jpes 0gents

< secrets s'étaient constamment opposés au système du Conseil, « et avaient attribué à ses plans tous les malheurs de la France. > Il oublie (}ue Faviier avait manifesté seç sen^iiDents ^ l'ié^rd de r^ptncb^ 4é9 17$6, par cp^séq^mt k une lépoque il n'avait aucune relation avec les correspondants secrets du roi. Ceux-ci partageaient-il^ sa pianière de y pi r relativement à çei\e partie d^ mn PrtiQ politiq^p? On en pput doutar. Quand la oomle de

(1) ?o{î(igiie dti$ cabinett de l^Burop^j t. II, p. 3.

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28 SÉANCE PDBLIQDB.

Broglie présenta au roi la première partie des Conjectures, il déclara formellement qu'il n'entendait en rien prendre la res- ponsabilité des opinions de l'écrivain sur l'opportunité d'une alliance avec la Prusse, cette grande ennemie de l'Autriche; que lui-même avait soutenu la politique inaugurée en 1756, et qu'il continuait à la croire excellente^ mais qu'il y avait dans le mémoire de Favier des idées beaucoup plus justes, et qu'en somme c'était une œuvre écrite de main de maître (1). Ce même comte de Broglie fit choisir comme ambassadeur en Suède M. de Vergennes, et à Constant! n^ple M. de Saint-Priest, tous deux assez favorables à l'Autriche, bien qu'ils crussent devoir conte- nir son ambition dans certaines limites. Breteuil était dévoué à cette puissance, et le comte de Broglie fit, sans succès il est vrai, les démarches les plus pressantes pour empêcher qu'on ne lui ôtât l'ambassade de Vienne (2). S'il adopta Favier comme con- seiller, malgré des divergences de vues assez graves, c'est que celui-ci pouvait être pour lui un auxiliaire précieux, grâce à son talent supérieur. Favier lui prêta son concours, sans re- noncer à ses idées personnelles et même avec l'espoir de le ga- gner à ses propres plans politiques. Il ne réussit, comme nous le verrons tout à l'heure, qu'à lui faire courir un grave danger.

Favier était fondé à regretter l'union intime avec l'Autriche comme un acte contraire aux intérêts français et même à ceux de l'Europe. Mais n'est-il pas injuste au sujet du pacte de fa- mille? La France en a tiré grand parti dans la guerre d'Amé- rique, et peut-être ne lui a-t-il pas été inutile dans la guerre de Sept-Ans elle-même. Favier le conteste, ce semble, avec un peu

(4) De Broglie, le SecM du roi, l. n, p. 405.

(5) De Ségar (PoHHque des cabUieU de l'Europe, 1. 1, p. 65) en condat oe qui sait : « L'opposition des principes de ces ambassadenre à ceox de Favier et de Dnmonriei proore « que le comte de Broglie on se trompait dans ses choix ou n'était pas bien décidé Ini- « même à soutenir Tattaqae qa'il avait dirigée contre le système politique de MM. de « Bemis et de Choiseul. » D suppose toujours que le comte de Broglie et Parier mar- chaient absolument d'accord sur la direction k donner à Louis XY. L'auteur de l'oufrage intitulé le Secret du roi me paraît s'être mieux conformé à la Tente historique en donnant à FaTier un rôle à part à l'époque même le comte de Broglie se serfait de sa plume pour l'instruction politique du roi.

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DISCOURS DOUYBRTDRK. 29

de prévention. N'assombrit-il pas aussi les couleurs dans son tableau de l'Espagne et du peuple espagnol au milieu du dix- huitième siècle? II y a, d'ailleurs, beaucoup à prendre dans le chapitre qu'il consacre à cette puissance. On y voit entre autres choses que, malheureusement, l'union des deux gouvernements n'avait pas encore amené celle des deux peuples. Le temps n'était plus les Français et les Espagnols étaient unis de nation à nation et d'homme à homme, et Montesquieu, dans les Lettres persanes, avait pu dire, sans mentir à la vérité, que les derniers, pleins de mépris pour les autres peuples, faisaient aux seuls Français l'honneur de les haïr (1). Mais les Espagnols étaient aussi pleins de déférence pour ceux qui les gouver- naient; ceux-ci étaient attachés de cœur à la branche ainée de leur maison, et les antipathies nationales, qui n'avaient pour cause qu'une longue rivalité, devaient s'effacer après une Ion- gue alliance. Aujourd'hui, les anciens liens tendent à se re- nouer. A Toulouse notamment, une Société, qui compte dans toute la France de nombreux affiliés, s'est donné pour mission de les rendre plus intimes. La science est son moyen ; la politi- que était celui dont Choiseul avait fait usage. L'un et l'autre sont efficaces. Il en est un troisième qui l'est plus encore, et le jour où, dans notre pays, on a vu la bienfaisance privée s'oc- cuper si activement do venir au secours des inondés de Hurcie, la barrière des Pyrénées a été bien abaissée (2).

La confiance en lui-même ne manquait jamais à Favier, et il

(4) Lettre LÎXVin.

(5) Au reste, Farier n'attaque pas le principe de Talliance, mais les circonstances dans lesquelles elle a été conclue. Dans une note de son ouvrage, nous trouTons les mots sui- vants : « On ne prétend pas blâmer Talliance avec ^l'Espagne, qu'on regarde comme la « plus essentielle et la plus naturelle que la France puisse jamais former -, mais on croit « qu'il serait facile de prouver que le ntoment elle a été faite a été mal choisi ; que, « faute de connaître la mauvaise administration intérieure de cette couronne à l'époque « de ce traité, et combien elle était peu préparée aux efforts qu'on attendait d'elle, son « concours n'a pas servi à diminuer les désavantages de la paix pour la France, et qu'elle « les a fait seulement partager à l'Espagne. U eût donc été plus utile de faire craindre « cette alliance à l'Angleterre pour la déterminer à la paix, et d'attendre que la tranquil- tt lité fût rétablie en Europe pour contracter des liaisons indissolubles avec l'Espagne. » (PolUique des cabinets de l'Europe, t. I, p. 84 2; comp. A. Sorel, Becue kistotique, t. XI, pp. 300 et 304.)

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30 SfiANCE PUBLIQUE.

le monti^ bientôt. L'honneur qu'il avait d'être le correspondant du roi l'exalta. M conçut l'espoii* de changéi^ le ministère, et avec le ministère tout le système politique adopté par le gou- vernement français. D'Aiguillon dirigeait les affaires extérieu- res. Après avoir utilisé le talent de Favier pour supplanter Choi- seuly il l'avait abandonné à son sort. Il n'avait pas non plus rompu avec les traditions de la politique de son prédécesseur, et quand Louis XVI monta sur le trône, Harie-Thérèse mani- festa par ses lettres à Mercy qu'elle préférait son maintien au retour deChoiseul (1). Favier avait donc une double raison de désirer sa chute. D'autre part, un M. de Monteynard prési- dait à la guerre. Il n'existait pas de cabinet ministériel et, comme il y avait entre d'Aiguillon et son collègue des rivalités, des mesures d'une haute importance étaient prises quelquefois par l'un sans que l'autre en eAt connaissance. Gustave III, roi de Suède, venait d'accomplir son fameux coup d^Etat. On s'en- tendait assez bien sur la nécessité de le défendre contre la Prusse et la Russie, si elles venaient à l'attaquer. Mais, suivant l'habitude, on ne s'était pas concerté sur les moyens d'exécu- tion, chacun se réservant d'employer ceux qui lui sembleraient les meilleurs ou qui pourraient le faire le mieux valoir auprès du prince. Monteynard, de l'aveu du roi, donna à Dumouriez la commission de lever en Allemagne des troupes qui , pla- cées sous le commandement d'officiers français, se mettraient au besoin à la disposition du roi de Suède. Dumouriez, lié avec Favier, lui révéla l'ordre qu'il avait reçu. Favier conseilla à Dumouriez de mettre de côté l'objet son voyage et lui offrit de le faire entrer en relation avec le prince Henri de Prusse. Il lui do;ina une lettre pour ce prince. Les deux aventuriers conçurent un plan pour renverser d'Aiguillon, et placer leurs patrons à la tète des affaires. Le comte de Bro- glie et Monteynard formeraient ensemble une étroite union ; l'un aurait les relations extérieures, l'autre la guerre, et tous deux serviraient la même cause, sous la double inspiration do

(4) Dàs le 85 mai 4 774, qdoze jours après la mort de Louis XY, elle éerivait à son confident : m J*espère que Glioiseul sera rappelé de son exil, sans être mis en place. J'aTone que je le craindrais. »

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Favier et de Dumouriez, converti lai-mèine aux idées de Favier. Pour faire entrer le comte de Broglie dans leurs projets, Du- inouriez se rendit auprès de lui. Ses ouvertures furent froide- ment accueillies. Mais Favier et son ami ne se déconcertaient pas pour si peu, et, comme s'ils disposaient déjà du comte, ils ne s'occupèrent que de lui assurer des auxiliaires.

Les Itohan-Soubise eux-mêmes, grands ennemis des Broglie depuis la bataille de Willingsfaausen, furent inscrits sur leur liste en cette qualité. Le fils d'un ancien aide de camp du ma* récbal de Brogli«>, frère du comte, Guibert, auteur d'un traité sur la tactique et d'une pièce intitulée : le Connétable, accepta la mission de les disposer à ce changement de front. Il devait passer par Vienne et y gagner le fameux cardinal de Rohan, que des motifs particuliers commençaient à éloigner de l'alliance autrichienne. Les fils étaient tendus de toutes parts. D'Aiguil- lon serait renversé; le comte de Broglie lui succéderait; on déchirerait le traité de 1756. La France se relèverait de ses humiliations, avec le concours de la Prusse qu'on opposerait à l'Autriche et à la Russie. Nos deux faiseurs de projets seraient à l'honneur après avoir été à la peine, et chacun d'eux, dans ses rêves, se disait sans doute comme le surintendant Fouquet : Qud non ascendam ; doux rêves qui bercèrent aussi Perrette un jour 1 Le bruit du pot au lait se brisant en tira Perrette. Favier et Dumouriez furent arrachés aux leurs par les exempts royaux qui vinrent les arrêter pour les conduire à la Bastille.

L'arrestation de Favier fut faite sans que toutes les précau- tions nécessaires pour découvrir les menées qu'on lui reprochait eussent été prises. Ainsi on négligea de mettre les scellés sur ses papiers. Son domestique put prévenir à temps le secrétaire du comte de Broglie, qui fit enlever immédiatement tous ceux qui avaient rapport à la correspondance du comte avec son maître. Le domestique de Favier fut bientôt mis à son tour au secret. Hais il était trop tard.

Trois commissaires furent nommés pour interroger les pri- sonniers. L'un deux, Sartines, avait déjàconnais£»ancede la cor- respondance secrète. Il fit savoir indirectement aux accusés qu'on les traiterait avec égards, pourviM]u'iU fuis^nl^disof^ts;

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32 SÉANCE PUBLIQUK.

c'est du moins ce que Dumouriez nous apprend pour son compte, c Les réponses de Favier, dit le duc de Broglie, au- c quel nous empruntons ces détails(l)» furentdes chefs-d^œuvre c de prudence et d'habileté aussi bien par ce qu'il sut taire c que par ce qu'il sut confesser, i M. de Sartines étant sorti un instant, il refusa de parler devant les deux autres commis- saires seuls. Interrogé sur ses relations avec le prince Henri de Prusse, il ne les dissimula point, ajoutant qu'il ne les avait ca- chéesà personne, et pas plus au duc d'Aiguillon qu*aux autres. Un point plus délicat encore était celui-ci. On avait trouvé dans ses lettres que le roi lui-même lui avait confié certains travaux. Quelle pouvait être la portée de ces travaux, et com- ment avait-il pu obtenir que le roi voulût bien l'en charger? Il répondit que sur certains indices il avait cru que le comte d'Argenson et le comte de Broglie, pour lesquels il avait écrit des mémoires, les communiquaient au roi, mais que c'avait toujours été de sa part une simple conjecture; ces mémoires avaient été, d'ailleurs, purement historiques. Quant aux sys- tèmes à proposer, il n'en avait pas été question jusqu'à l'épo- (|ue de son arrestation. Il ne nia pas son peu de sympathie pour le duc d'Aiguillon et le désir qu'il avait conçu de réunir contre lui le comte de Broglie et le ministre Monteynard. Mais ce désir était resté un vœu tout platonique, et il n'y avait au- cun rapport entre la mission de Dumouriez et les travaux faits par lui-même, sur l'ordre du comte de Broglie.

Autant il montra d'adresse, autant Dumouriez déploya d'au- dace, si l'on s'en rapporte à son témoignage. Il nia, railla, questionna les questionneurs, ou bien refusa de leur répondre, en les accusant d'employer contre lui les procédés de l'Inquisi- tion, c Vous êtes un téméraire », lui dit un jour un* des con- seillers, c Et j'ai affaire à des brouillons », répliqua, sans sourciller, le futur ministre girondin. Puis, sommé de répon- dre sur les critiques qu'il avait dirigées contre d'Aiguillon, il s'écria qu'il était très-heureux de profiter d'une occasion aussi favorable po ir fai/ 3 connaître au Roi les étranges bévues do

(1) U Seerd du un, t. II, p. 485

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DISCOURS d'ouverture. 33

son ministre des affaires étrangères, et immédiatement il se mit à entamer contre le favori de M*"® du Barry une longue énumération de griefs. Il en avait annoncé huit ; on l'arrêta au quatrième.

Il fallait pourtant donner gain de cause au ministre: M^'^du Barry le voulait ainsi I Dumouriez fut transféré au château de Caen; Favier dans celui de Doullens, Le temps de la captivité du premier était Bxé à trois mois. Le terme de celle du second n'était pas marqué. D'Aiguillon obtint par surcroit la révocation de Monteynardy dont le ministère fut joint sur la tète de son ennemi à celui des affaires étrangères.

Louis XV n'aiwiit dit mot, trop heureux d'être lui-même hors de cause. Le comte de Broglie devait montrer bientôt plus de dé- licatesse ou, si l'on veut, plus de justice. Après la mort de Louis XVy il ne se contenta pas de multiplier les instances pour que Favier fût mis en liberté. Quand celui-ci fut sorti de Doul- lens, il demanda pour lui, comme pour la plupart de ceux qui avaient été attachés à la correspondance secrète, une récom- pense de leur zèle et une indemnité pour les souffrances qu'ils avaient endurées au service du roi. Il ne fut pas difficile de faire comprendre an petit-fils de Louis XV que cet acte répara- teur serait en même temps un acte de saine politique. On s'as- surerait ainsi la discrétion de témoins dangereux d'une des hontes du dernier règne, qui, elle du moins, était restée igno- rée^ alors que tant d'autres avaient été produites au grand jour. Les scandales de la conduite privée de Louis XV n'étaient pour personne un mystère. L'empire que d'indignes maîtresses avaient pris sur lui avait excité le mépris. Que dirait-on si l'on apprenait que ce triste prince avait fait continuellement échec à ses propres ministres et n'avait pas cessé de les entraver, et qu'ainsi la France avait maintes fois desservi ceux qu'elle pa- raissait vouloir gagner, noué des liaisons secrètes avec les puis- sances auxquelles elle se montrait ostensiblement hostile? Quel discrédit devait en rejaillir sur la royauté elle-même I Ces con- sidérations avaient une importance évidente. Une nature facile et généreuse inspirait au jeune roi la haine de l'ingratitude. Louis XVI prêta l'oreille aux sollicitations du comte do Broglie

8ÉRIK. TOMB III, 2. 3

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34 SÂANCB PaBLIQOI.

en faveur de ses ancieas associés; Favier eut persaonellement une pension (le S,QO0 Kvrcs. ie s'assurorai pas que l'ardeur avec laquelle il s'était posé dans ses écrits et dans les cafés en continuateur de la politique antiautrichien-ne n'en ait pas été quelque peu attiédie. L'épouse chérie de Louis XVI n'élait-elle pas Aulrichienne ?

IV

Néanieiiiis, le sottveair de seaeflofts poar rompre le traité de Versailles subsistait. La reine devenail chaque jomr plus puis- sante. ComiBettl Favter ed^t-il été (aneur, alors môme que les irrégularités de sa conduite pd vée^ n'eusseat pas foMrni dea pré- textes plausibles puur l'écaner dea postes élevés que son laleat le rendait capaMe de remplir? Eavier n'exefça sous Louis XVI aucune feACtioa officielle^ Oa dit que Vergenaee appréciait pour- tant son mérite, qu'il lui donna iO^OOO livres^ qu'U lui fit faire un certaÎB nombre de mémoires. C'était un faible dédommage- meat de hb perte d'un espoir immense. Être à l'auopi&Be d'un minisère après avoir eu la pecspectiv#d'ètre le grand régiftiateur de la politique européenne! Favier accepta cette déchéance» comme il supportait la misère, qui venait à ekaque instant in- terrompre lesr jouissances de sa vie d'épicurien, avec une bonne humeur constante. L'âge vies amours, s'était envolé pour lui. Mais, ai j'en crois l'auAeur, bbéias t récemment ravi aux^ voya- geurs, (raoçaia qu'ij amusait et instruisait, de ces itinéraires dont chacun de nous a ea l'occasion d'apprécier l'utilité et l'in- térêt, lea amours folâtres ne partagent pas se«b9i avec la science et les arts l'affection des enfants de Toulouse. Elle est aussi la ville favorite des gastronomes, dit M. Jeanne. Favier avait toujours été sous ce rapport aussi, et dans ses dernières années il fut plus que jamais un parfait Toulousain. D'obscurs travaux et des correspondances anonyme» avec l'étranger, parmi lise- quelles il faul pe«iè^tre compter une partie des Isttdieft sur Louis XVI et Uarie-Antoinette publiées de notr*^ OmpA por

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DISCOURS D^OUyeRTURB. 35

M. de Lescure (f ), lui procuraient quelques ressources» et la bonne chère les absorbait.

Ainsi se passèrent les dernières années de sa vie. Pourtant un homme avec lequel il était lié jadis était devenu le principal ministre du roi, Necker» lui devait sa fortune d'après un récit accrédité au temps de la Révolution (2). Favier avait donné au futur directeur des finances l'idée d'une spéculation heureuse, comptant partager les bénéfices avec lui. Ces derniers furent considérables. Mais Necker les garda pour lui seul. Devenu le gardien du Trésor, on ne voit pas qu'il se soit davantage occupé de son ancien ami. D'ailleurs, Favier ne parait pas l'avoir beau- coup importuné de ses sollicitations. Insouciant par nature, il ne perdit jamais ce goiH de l'indépendance, qui, d'ordinaire, s'allie seulement avec l'austérité des mœurs. Il mourut en 1784.

Tel a été ce personnage singulier auquel le caractère et l'oc- casion ont manqué plus que le génie pour être un des hommes les plus remarquables des temps qui ont précédé la Révolution. Sénac de Meilhan lui a donné place dans sa galerie des portraits du dix-huitième siècle. Il attend toujours une biographie dé- taillée. L'esquisse présente n'a pas, je le répète, d'autre but que de montrer quelle ricjie matière offrirait à un historien versé dans la politique l'étude de sa vie et de ses ouvrages.

APPBm)ICB I

Après avoir parlé de l'inutilité l'alliance autrichienne a été pour la France dans le règlement des affaires de la Polo- gne et de la Turquie, alliées de cette dernière, Favier passe à la Suède, Gustave III venait d'accomplir sa révolution. aussi, si la France avait demandé à l'Autriche de faire cause commune avec elle, celle-ci aurait pu s'excuser, en alléguant

(4) Paris, 4866, S toI. in-So.

(8) Introduction au Monikiir uninend, p. 431. Paris, 1863, io-8o.

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36 SÉANCE PUBLIQUE.

que n'étant point engagée nommément avec la Suède , ni même avec la France pour le cas éventuel de la révolution . elle pouvait à toute force se dispenser de prendre aucun inté- rêt à cette affaire. Favier ajoute :

< Si cette raison péremptoire était alléguée au barreau en faveur d'une partie qui aurait trompé l'autre par des conven- tions dont toutes les charges seraient d*un côté et tous les avantages d'un autre , elle serait certainement admise dans un tribunal de rigueur » et déciderait la question : le refu- sant serait déchargé. Summum jus, summa injuria, dit un axiome de droit. L'extrême justice est une extrême injustice, s'écrierait alors la partie perdante.

c Mais qu'arriverait-il , même dans les règles de la plus étroite rigueur? Cette partie engagée légèrement, imprudem- ment chargée par la convention de tout le fardeau d'une société, reviendrait au même tribunal réclamer contre des engagements dans lesquels la lésion serait trop manifeste. Elle demanderait la résiliation du contrat, parce qu'il ne serait point synallagmatique, c'est-à-dire réciproquement obligatoire, parce qu'il y manquerait cette clause : Do ut des (je donne pour recevoir) , clause toujours sous-entendue par la loi dans tout contrat civil , et censée en être l'esprit , lors même qu'elle n'y est pas exprimée par la lettre. Alors aussi, la partie lésée gagnerait à son tour, le contrat serait annulé et comme non avenu.

c Appliquons au cas de l'alliance d'une puissance avec une autre ces règles universelles, éternelles du Droit civil, dérivées du droit naturel , et nous trouverons aussitôt la solution d'une vérité qui n'aurait jamais paraître embar- rassante.

< On nous a promis des secours; mais il est démontré que nous n'en avons ni n'en aurons besoin, que nous ne serons et ne pourrons jamais être dans le cas de les réclamer ; donc cette promesse de secours est illusoire, nulle au fond et comme non avenue; donc, en promettant de notre côté à l'autre partie contractante ces mêmes secours, dont le cas est possible, prochain, multiplié, et peut devenir très rrét|uonÇ

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DISCOURS d'ouvertcre. 37

nous avons été lésés , surpris , circonvenus. Nous nous som- mes engagés à donner sans recevoir ; donc notre engagement n'est pas synallagmatique ; donc il est nul ; donc nous som- mes en droit d'en demander la résiliation (1). >

APPENDICE II

Les résultats du traité de 1756 relativement à la situation de la France vis-à-vis des divers États du corps germanique, me paraissent avoir été saisis par Favier, d'une manière remar- quable, dans ses Conjectures raisonnées sur la situation actuelle de la France dans le système politique de T Europe (2).

c L'alliance de 1756 avec la cour de Vienne, y est-il dit, c était, dira-t-on, pureifaent défensive; loin d'y déroger aux c engagements des traites de Westphalie, les deux cours les 4 prenaient pour base de leur union.

c Rien n'est plus vrai, selon la lettre; mais quel était l'es- c prit des nouveaux engagements? la suite l'a montré, et tant < que ces liens subsisteront entre la France et l'Autriche, on c restera persuadé que celle-ci pourrait toujours attenter im-

punément, soit aux libertés du corps germanique, soit à

l'indépendance ou même aux possessions de chacun de ses membres.

c On ne compte guère plus sur l'arbitrage de la France. Il c aurait été au moins très-suspect.

< Mais autant la France perdit à ce changement, autant t l'Autriche y gagna.

c D'abord elle eut de quoi en imposer à tout l'empire, par c la publicité et l'étalage de son étroite union avec la France.

c Ensuite, elle fit servir cette même intelligence à procurer c enfin Sélection d'un roi des Romains.

(4) PoUiique des cabinet* de l'Europe^ t. U, pp. 43-50. (8) llnd., t. n, S% et soi?.

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38 SÉâlfCI PUBUQUB.

c Enfin , elle tint par en respect le roi de Prusse et se réserva les moyens de renouer avec loi, quand elle le juge- rait à propos, pour des intérêts éventuels. Ainsi qu'en est-il arrivé?

c Tous les princes et Etats de l'empire se voyant sans appui, du côté de la France, cpntre la cour de Vienne, se jetèrent entre les bras de cette cour ou s'attachèrent au roi de Prusse et à l'électeur de Hanovre. Celui-ci, soutenu de l'aient de l'Angleterre, forma dans l'empire une troisième puissance du premier rang. La France n'y parut plus, dans la dernière guerre , que comme une puissance secondaire et auxiliaire de l'Autriche , une exécutrice aussi aveugle que zélée des décrets du Conseil aulique.

ff Les princes et les Etats autrefois alliés et dépendants de la France, furent entraînés par elle-même dans la cause et la dépendance absolue de la cour de Vienne. Ils lui vouè- rent l'obéissance et la soumission dont on a vu, sous Léopold, des exemples si funestes à la France. Ce fut, à la vérité, con- tre le roi de Prusse; mais, par l'assujettissement qui en ré- sulta, cette cour se mit en mesure de les tourner avec plus de facilité encore contre la France même, si celle-ci lui en fournissait le plus léger prétexte.

c En attendant, ils sont restés à l'yard de cette couronne dans l'état d'indifférence et d'indépendance l'Autriche a toujours souhaité de les tenir en temps de paix, pour en faire contre elle des instruments en temps de guerre.

^V. B. Une chose très remarquable, c'est que Frédéric H, prince à demi-français, qui méprisait les Allemands, a été con- sidéré par ces derniers comme un prince national et le cham- pion de leur autonomie. Il me semble que la mauvaise politique inaugurée pour la France par le traité de 1756 a contribuer à donner de lui cette opinion. La France, devenue l'auxiliaire de l'Autriche, cessait par forcément d'être considérée comme la patronne îles libertés germaniques vis-à-vis de l'empereur. Ceux des petits Etals qui désiraient conserver une certaine in*

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DI8C0UES d'ooybrtobb. 39

dépendance devaient par suite se grouper autour de celui d'en- tre eux qui leur paraissait le plus capable de les défendre con- tre les entreprises d'une puissance ambitieuse et toujours envahissante. Ce rôle de protectrice échut naturellement à la Prusse, pour laquelle il e$l detdnii le marchepied de la sou- veraineté sur la Germanie.

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40 SftAIfCE PUBLIQUE.

ELOGE

DU D' DESBARREAUX-BERNARD Par m. Ad. BAXJDOUIN

I

Le docteur Tibulle Pellet Desbarreaux-Bernard était le 30 brumaire an VII (30 novembre 1798) ; il est mort le 15 fé- vrier 1880; il avait donc plus de quatre-vingt-un ans quand nous l'avons perdu.

Malgré Tàge, malgré la toux chronique qui secouait et meur- trissait presque sans trêve son pauvre corps amaigri, c'était encore, c'était toujours un homme. Une incroyable énergie maintenait en activité tous les ressorts de cette intelligence heureuse. Au sortir des plus terribles crises, il se plongeait dans le travail comme dans une source il savait retrouver les pensées vastes et jusqu'à la gatté de la jeunesse.

On aurait pu s'en étonner, car les qualités exquises qui l'ont rendu si cher à tous ceux qu'il a aimés étaient faites pour donner le change. Comment soupçonner, sous tant de bonne grâce, le vrai fonds de sa nature : cet âpre besoin d'agir qui fut, au moins autant que les livres, ses délices aux jours heu- reux, sa ressource dans les temps sombres, ou, pour parler comme sa devise ; In secundis voluptas, in adversis perfvgium; ce labeur acharné, dont Tauleur d'un livre mystique qui l'a

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ÉL06B DU DOCTBDB DESBABBEAUX-BBRNARD. 41

beaucoup occupé, lui profane aurait fait sans difficulté l'un des degrés, et le principal, de son Échelle de Paradis? Car, sa vie, à la bien prendre, n'a été qu'une longue ascension dans le bonheur; il a été presque toujours heureux. II le disait lui- même et de lui-même, en ses derniers jours, comme s'il se re- prochait les plaintes, ohl bien douces, que lui arrachait la souffrance, ou s'il craignait de paraître ingrat devant sa cons- cience toute pénétrée encore des souvenirs des temps meilleurs. Mais, ce qu'il ne disait pas, le bon docteur, c'est que s'il a été heureux^ il a eu du mérite à l'être, et on va le voir tout à l'heure.

Son début dans la vie eut quelque chose de singulier. Ce fut un défi, je ne dis pas à la raison , mais à la méthode d'ensei- gnement qu'autorise la tradition. A quinze ans, n'ayant encore rien appris que ce qu'on enseigne dans les pensionnats , il aborda directement l'étude des hautes sciences qui constituent la médecine. On pense bien qu'il ne s'y était pas porté de lui- même. II a bien conté plus tard qu'une de ses premières admirations avait été pour un digne médecin en culottes cour- tes qu'il voyait, l'hiver, traverser le pont, gravement, une main dans son manchon, l'autre sur sa canne à bec de corbin.

Mais il va de soi que ce respect tout puéril pour une mode et un costume qui étaient déjà d'un autre âge, ne pût contri- buer en rien à le pousser dans la voie qu'il a suivie avec tant d'honneur. L'idée de faire d'un enfant bien doué l'objet et à la fois le sujet et le champion de ce paradoxe : Que pour ap- prendre à être médecin, il n'est besoin d'étudier ni la gram- maire, ni la rhétorique, ni la philosophie, ni le latin de Celse, ni le grec même d'Hippocrate et de Galien, cette témérité à faire trembler les doctes, elle venait d'un homme qui a laissé à Toulouse un long souvenir et qui est une des gloires de cette Académie. L'expérience, certes, pouvait paraître délicate; mais le docteur Yiguerie j'ai nommé cet oseur ne la faisait qu'à bon escient. Il avait devers lui une raison de la trouver toute naturelle. Est-ce que son propre père, qui avait commencé par être chirurgien-barbier , n'avait pas fini par obtenir au Concours la place si enviée de chirurgien-major de l'Hôtel-Dieu I

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48 SftAIfCI PUBUQUI.

Après tout, ce o'esl pas en vertu d'un de c ces rapports néces- saires qui résultent de la nature des choses » qu'on traverse l'instruction classique pour arriver aux sciences positives. Il n'y a qu'un simple usage, justifiable peut-être dans le passé quand il n'y avait d'autres sciences que celles des anciens, mais très-discutable aujourd'hui, à moins qu'on veuille soute- nir que l'aptitude à observer est en raison inverse de la force de la mémoire et de la' curiosité de l'esprit, ou bien qu'elle ne se développe qu'au moment précis l'on est reçu bachelier.

En commençant par les autres finissent, le sujet du doc- teur Viguerie était averti de reste que, s'il voulait être docteur un jour, il lui faudrait bien finir par les autres avaient com- mencé. — Haut était le but, immense l'effort à faire. Mais qui ne connaît l'attrait des sommets et l'ardeur généreuse dont il embrase un jeune cœuri L'élan de celui-ci fut admirable* Son travail s'égala partout à son désir, et partout demeura vain* .queur. Il suivait le matin à l'Hôtel-Dieu la clinique de son maUreJbien-aimé, M. Viguerie, ou celles de MM« Dubemard et Roaldès; le soir, il se préparait aux épreuves universitaires; non pas seul, un maître le dirigeait. Quel était ce maître? -^ Je causerais trop de surprise si je le disais sans préface. Rap- pelez-vous, Messieurs, que nous sommes en 1814 et qu'il n'y a pas encore un âge d'homme que la grande Révolution a dé- chaîné ses tempêtes et couvert le monde d'épaves. Il se nommait Monsieur Muret, un nom qui sonnait doux aux oreilles des érudits du seizième siècle, et il était ^ humaniste déchu souffleur au théâtre. Comment il avait été jeté là, je n'ai pas à le dire ; mais il faut bien qu'on sache pourquoi l'on avait été l'y chercher. Ce n'est pas, comme on serait peut-être tenté de le supposer, que les parents de son élève fussent sans culture : l'un et l'autre, au contraire, étaient presque des gens de let- tres. La mère. Lyonnaise d'origine, avait œmposé vers 1800, et pour glorifier Bonaparte, une comédie, le Petit chemin de Postdamy éclate la passion désintéressée des contemporains de Voltaire pour Frédéric H. Le père avait cela d'Ovide que les vers naissaient sous sa plume sans qu'il y prit garde. Quoique étranger ù Toulouse, ^ il sortait du Dauphiné, il avait été

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ÉLOGE DU DOCTBOR DBSBARRBADX-BEBNARD. 43

dix ans l'idole des patriotes toulousains, maire en 1795» et jusqu'en 1799 administrateur du département. Antérieure- ment, vers 1787, le célèbre Mole, qui fut le type le plus ac- compli des élégances et des grâces du monde au théâtre, était devenu son oncle, et lui-même, sans que sur les bruyères de ses montagnes natales aucune sorcière lui eût révélé qu'un jour il aurait un rôle sur la scène politique, lui-môme avait été un excellent comédien. Ce n'était pas un Gollot d'Herbois. Quel tribun que celui x|ui, l'année môme de l'insurrection royaliste, s'amusait à donner à son fils le nom du tendre Tibulle, et qui, jeune, avait pris lui-môme pour nom de guerre le nom d'un spirituel échappé de l'orthodoxie catholiq^je, de l'homme à l'omelette, de Desbarreaux! Ce n'était pas môme un homme politique. M""* de Staël, à qui je ne veux pas manquer de res- pect, l'eût comparé à une harpe éolienne. Sonore, et surtout sonore, il avait l'opinion du vent qui soufflait. Avec le pen- chant à s'enivrer de sentiments sublimes, et la prétention très justifiée d'être, je cite : « un esprit doux, une âme sensible, tout le contraire d'un terroriste », et en effet, après l'insur- rection de l'an VII, nombre de prisonniers royalistes lui durent leur liberté, il n'avait de bien à lui qu'une pétulante abon- dance de paroles et un grand art de diction servi par une voix souple et puissante. Ce fut par qu'il brilla, à partir de 1789, et qu'il devint l'organe favori d*abord : du Club littéraire et patriotique, plus tard, de la Société populaire. Vais quand ces qualités l'eurent porté au pouvoir, il s'y trouva tout dépaysé; il ignorait les affaires; ses collègues, d'anciens procureurs, lui donnèrent le département des discours au peuple. H fut leur orateur dans ces pastorales civiques, la fôte de la jeunesse, la fête des époux, instituées par la Convention, et qui consistaient surtout à jouir de son éloquence. Hais ses fonctions principales furent de desservir le Temple de la Raison. Chaque décadi il y lisait aux patriotes les actes du gouvernement et les arrêtés des autorités constituées; il y célébrait les bienfaits de la Ré- volution ; à l'occasion il y couronnait la vertu et, pontife jus- qu'au bout, il y distribuait son c Catéchisme de morale, extrait des ceuvres d'Helvélius. » Par allusion à leurs vieilles parois-

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44 StilfCB PUBLIQUI.

ses de la Daurade , de la Dalbade, les Toulousains , qui n'ont jamais manqué de malice, Tayaient surnommé le curé de la Décade.

Redevenu simple citoyen, il se retrouva homme de lettres.

A lire son journal, il raconte en vers le spectacle de cha- que soir, on pourrait croire qu'il n'avait jamais quitté la car- rière dramatique. Elle avait pour lui un attrait bien puissant puisqu'il finit par y rentrer vers 1810, en qualité de directeur. Mais comme au théâtre, à l'inverse de ce qu'on remarque aux maisons de jeu, toutes les chances ou presque toutes sont contre celui qui fait jouer, trois ans ne s'étaient pas écoulés qu'il pouvait déjà prévoir sa ruine. Les catastrophes de 1814 la consommèrent. Toutefois, avec l'acharnement des joueurs, il s'obstinait encore à rattraper la fortune dans l'entreprise qui l'avait perdu.

Cétait du*milieu de cette détresse qui devait encore s'ac- croître — que Tibulle Desbarreaux avait été lancé dans l'étude coûteuse de la médecine. Qu'on juge s'il pouvait dédaigner les leçons de cet humble ami, Monsieur Muret I

Outre qu'elles servirent à lui faire obtenir plus tard l'indis- pensable grade de bachelier , elles eurent un autre effet plus considérable. Elles achevèrent ce qu'avaient ébauché déjà les influences sourdement informatrices du foyer domestique : elles imprimèrent à son esprit le caractère de l'âge qui venait de finir. Il en garda toujours l'empreinte. Par sa manière de penser, sa morale si humaine, dirai-je sa métaphysique? par ses préfé- rences littéraires, ses lectures si vastes et si variées, les souve- nirs qu'il en avait gardés, les anecdotes dont il se plaisait à entremêler ses propos, il fut parmi nous, mais sans bizarrerie, avec une discrétion spirituelle, un homme du dix-huitième siècle. Quand il eut quitté Toulouse pour Paris, sait-on il allait se délasser des travaux de l'École pratique, des fatigues de l'in- ternat et de l'austère enseignement de ses maîtres, les Roux, les Boyer, les Chaussier, les Jadelot? Aux cours illustres de la Sor- bonne? non pas, mais au Collège de France, au pied de la chaire d'Andrieux, qui aurait tant souhaité c'était une de ses his- toires — qu'on rappelât le bon Andrieux. Dans l'aimable

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ÉLOGE DO I>0€TBOR DBSBARRBAUX-BBRNARD. 45

vieillard qui a si bien conté l'histoire du meunier de Sans-Souci, il retrouvait le tour d'esprit, le fonds d'idées voltairiennes de Tauteur du Petit chemin de Postdam. Rien que cela le lui aurait rendu cher, car il adorait sa mère; il lui ressemblait de visage, mais combien plus par le cœur! Il aimait en elle cette attrayante bonté qui était en lui-même, qui lui venait d'elle, et dont chaque mois» à 200 lieues ou pour mieux dire à huit journées de distance, il ressentait les effets. La digne femme,

qui avait obtenu un bureau do la régie, du fruit de ses privations faisait vivre son fils et le père de son fils, le passé morose et désespéré, le riant, le confiant avenir. Elle en- voyait bien peu, mais pour la jeunesse qui travaille, bien peu c'est encore assez. Le petit élève en chirurgie, devenu, à force de veilles, interne de première classe, savait rendre duc- tile sa pension de 75 francs, au point d'en couvrir les dépenses de trente jours et de l'étendre môme à quelques fantaisies. Il contait qu'il n'en avait guère. Une pourtant, certaine finan- cière lui tint au cœur pendant tout un hiver. Bt il eut le cou- rage de résister! C'était, Messieurs, une chaude houppelande à la mode sous Louis XVIIL

Mais il avait conservé et garda toujours dans sa bibliothèque un Voltaire-Baudouin, chèrement relié, qu'il ne regardait ja- mais qu'avec un sourire il j avait de la complaisance et je ne sais quelle commisération. C'était un livre.de ce temps- ! le premier qu'il eût désiré ! le premier qu'il eût acheté !

Après quels combats ? avec quels remords peut-être? car depuis 1818, l'année de son arrivée à Paris, comme il ne pou vait plus payer d'inscriptions, il n'en prenait plus. Je.crois bien qu'on avait l'encourager à s'en passer. Qui? peut-être quel- qu'un de ses camarades de la Société hippocratique, dont Bouillaud était le secrétaire ; peut-être ses premiers maîtres. Roux, Boyer, les princesdu scalpel après Dupuytren, qui s'étaient intéressés à sa pauvreté laborieuse. Il est certain qu'ils ne lui refusèrent pas leur témoignage devant la Faculté, longtempf après que, délaissant la chirurgie, il se fût tourné vers l'étude moins tragique de la médecine et consacré nature pitoyable et tendre à la guérison des maladies de l'enfance.

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16 SÉAlfCI PUBLIQtTB.

Ainsi, la parole de ces professeurs illustres lui tînt Heu des droits qu'il n'avait pas acquittés. Et pour qu'aucune recomman- dation ne lui manquât auprès de ses juges, son dernier chef de service, M. Jadelot,.avait écrit ceci :

c Je, soussigné, médecin de l'hôpital des enfants, certifie que M. Bernard a fait dans cet hôpital le service d'élève interne, pendant deux années 1822-1823 avec la plus grande exac- titude, et qu'il y a montré constamment tin zèle extraordinaire pour tout ce qui concernait le service dont il était chargé, et pour son instruction. >

Dès le 16 mai 1824 il avait obtenu le diplôme de bachelier; il fut reçu docteur en médecine le 22 février 1825. Et alors, Messieurs, il se souvint. Jouissant profondément de ce qu'il était, il se souvint de ce qu'il aurait pu être, sans elle c sa bonne mère », sans lui, c M. Gh. Yiguerie», et il épancha le trop-plein de son cœur, en proclamant à la preftiière page de sa thèse et sa piété filiale et sa reconnaissance.

II

En général, un médecin réussit, j'entends un bon médecin, moins encore par son mérite, dont le public n'est pas juge, que par l'opinion qu'il veut et sait donner de soi. Plaire ou ne pas plaire, voilà la question. Le nouveau docteur plut, je crois bien, sans avoir fait de monologue ; mais il mit du temps à réussir. Savoir réel et déjà éprouvé, esprit et grâce, et gaîté, et bontés agréments d'une taille élégante et d'une physionomie heureuse, tenue correcte et toujours très-soignée, tout cela chez lui ne demandait qu'à luire, mais il n'y avait pas de place au soleil 1 Toute celle qui était à prendre était prise et bien prise par M. Viguerie, par H. Larrey, par M. Dubor, par M. Ducasse, par M. Dubernard, par H. Naudin, par bien d'au- tres encore aujourd'hui moins connus. Il eut donc d'abord peu de clients, mais beaucoup d'amis, d'amis charmants, la fleur de la jeunesse toulousaine. Cela lui eôt suffi, car il était vraiment comme Montesquieu, amoureux db l'amitié^ si cela l'eût fait vi-

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ÉLOGE DU DOGTSOE DBSBAHIRAUX-BBRNARD. 47

Tre. n se tourna donc, bon gré mal gré, vers la médecine légale. Il eul occasion, dans ces commencements, de faire, comme médecin de la Cour d'assises, une belle observation qui intéressa sérieusement l'Académie de médecine et qui méritait de rester célèbre. Si elle ii*eût pas été oubliée, l'expérience récente, le pari, pour mieux dire, du docteur Tanner, eût certainement moins passionné le monde.

Un paysan aisé, qui n'était pas un scélérat, qui aimait seule- ment sa femme avec la passion d'un tigre, l'avait tuée dans un accès de rage erotique, parce qu'elle se dérobait à ses ardeurs. « Elle lui résistait i il l'avait assassinée i »

Le meurtre accompli, la raison revenue, l'échafaud lui était apparu, et il n'en avait pas eu peur pour lui-môme. Mais SCS enfants qu'il aimait d'une affection profonde, que devien- drait... leur bien? Il croyait fermement, quarante ans après 89, et rien ne put arracher de son rude cerveau cette idée traditionnelle, patrimoniale, comme sa terre et sa demeure, il croyait, dis-je, que la mort par justice entraînait en- core la confiscation. Pour éviter un tel malheur, le plus grand de tous à ses yeux, ce père héroïque résolut de se laisser mourir de faim. Et quoi qu'on pAt faire pour l'en empêcher, il accomplit son sacrifice! U ne mourut qu'au bout de saixanie- (roîs jours.

Du moment que son intention avait cessé d'être douteuse, le docteur Bernard était venu à la prison, matin et soir. U eut l'idée d'ouvrir et il tint avec méthode le journal navrant de ce long martyre ; puis, après que le malheureux eut succombé, il fit l'autopsie de son corps.

C'est le premier travail qu'il ait communiqué à la Société de médecine de Toulouse, qui l'avait nommé associé ordinaire le 18 novembre 1830, et qui devait Télire président quinze ans plus tard. C'est peut-être aussi le plus important qu'il ait rédigé comme médecin. Excellent praticien, il n'avait pas le goût des recherches scientifiques. Ses écrits professionnels, assez nom- breux et dont plusieurs sont remarquables, se rapportent pour la plupart à la médecine eti^ la chirurgie, peu sont à propre ment parler dea mémoires de médecine. Son penchant était

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48 sêânck publiqob.

ailleurs, penchant qui se fortifiait avec Tàge, et qui l'eût dominé, si, par un progrès égal, sa clientèle ne se fût accrue, et si les fonctions successives ou simultanées de médecin des prisons, du pénitencier, du théâtre, du dispensaire nouyelle- ment créé de Saint-Sernin, et ses importants devoirs de médecin en chef de l'Hôtel-Dieu, de professeur à l'École et de membre du jury médical n'eussent, de 1838 à f867, sollicité impérieuse- ment sa consciencieuse activité. Vous le savez. Messieurs, il était littérateur. La plume l'attirait, et il s'en servait bien; il entretint quarante ans, avec un ami bien cher, une corres- pondance où les lettres avaient grande part, et qui prit quel- quefois la forme des vers, car il vaticinait à ses heures. Ceux de ses confrères qui étaient jeunes en 1846, n'ont pas oublié le < Petit remerclment qu'il récita dans une agape amicale à la Société de médecine, au moment de quitter la présidence. Rien de plus vif, de plus souriant; rien de plus g^i non plus que le dernier vers, parodie d*un alexandrin du SyUa.de M. de Jouy, Talma avait mis son empreinte. Naguère encore, une muse importune, celle de l'insomnie, dictait à sa vieillesse six sonnets qui ne sont pas sans poésie.

On dit que ceux qui ont perdu bras ou jambe croient par- fois souffrir du membre qu'ils n'ont plus. Lui, souffrit toute sa vie des lacunes qui avaient existé dans son instruction première ; il les avait pourtant comblées, non-seulement avant le doctorat, mais depuis. Ses amis qu'il recherchait le plus n'étaient pas les brillants dandys dont il partageait les plaisirs : il en avait de savants, qui ne songeaient qu'à l'étude, et il ne comptait pas les heures pour lui délicieuses qu'il passait avec eux h faire du grec et du latin. Il avait même appris l'italien, non cet italien francisé qu'on trouve aujourd'hui dans les gazettes, mais la langue pure et charmante de Boccace et d'Arioste. Sait-on qu'au temps fortuné l'opéra symphonique était encore à naître, l'on ne jurait encore que par les maîtres italiens, il traduisit et adapta à la scène française // Pirata et la Norma de Bellini? Quelle joie pour les amateurs du théâtre lorsque le Pirate fut chanté à Toulouse ! c'était en 1835 mais pour le tra- ducteur aussi, quelles acclamations, quel triomphe I Pendant

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BLOGB DO DOGTfiOE DBSBÀRftBÂDX-BEANABD. 49

huit jours il eut des flatteui*s. Un d'eux, dont je vois encore le petit œil noir, luisant d*esprit, poussa Tenthousiasine pour ce « polyglotte à qui toute langue devait être indifférente, jus- qu'à le complimenter en latin. J'ai lu cette épitre étonnante. C'est un panégyrique en règle, mais d'une indiscrétion que je n'imiterai pas. Pourquoi rappeler que l'aimable librettiste avait renouvelé, accru même parmi les plus belles, la gloire du nom de Tibulle, tenerrimi patroni! Mieux eût valu ne pas omettre un autre mérite, qui n'était pas moins digne de louange, qui a fait la notoriété du docteur Desbarreaux-Bernard : l'amour qu'il eut aussi pour les livres.

L'histoire de son Voltaire fait bien voir qu'il les avait tou- jours aimés, mais d'abord à la façon de tout le monde, comme des formes palpables, toujours à portée, toujours acces- sibles des mainmises du génie sur l'art, ou de ses conquêtes sur l'inconnu. Hais avec le temps ce culte raisonnable avait tourné à la dévotion, l'amateur était devenu bibliophile! de l'esprit, sa religion avait passé à la relique, au symbole... quand reli- ques et symboles étaient célèbres, ou dignes de l'être, en beau papier, bien imprimés et artistement reliés. J'indique, en gros, les qualités qui rendent ces choses adorables; il parait qu'il y en a bien d'autres; ce sont des mystères que je n'entends pas, mais auxquels, plein du feu sacré, le docteur se faisait initier, tout en traduisant le Pirate^ par un ex-fonctionnaire qui avait aimé Charles X jusqu'à refuser de reconnaître le roi-citoyen.

Catéchiste et néophyte se rencontraient souvent chez un ex- bénédictin, qui, pour ainsi dire, n'avait pas changé do profes- sion, car il était bouquiniste; il faut dire que les bouquins étaient dignes d'avoir un tel vendeur. L'heureux temps, Messieurs, pour les bibliophiles! Le manuel de Brunet n'était pas encore banal, et les trésors qu'il signale arrachés par la Révolution de cent bibliothèques gisaient négligés, avilis dans la pous- sière des boutiques. Une bonne moitié des livres de la célèbre collection de la rue Deville sortait de là; presque tous les autres d'extérieur moins soigné, avant que Bauzonnet et Trautz les eussent vêtus de splendeur, mais au fond non moins enviables provenaient de la succession du savant

SÉRIE. TOBUI m, 2. 4

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50 SiANCB POfiLIQOB.

marquis de Gastellaaey uq Jes derniers grands seigneurs qu'ait connus la génération de 1800. Chose presque incroyable et qui pourrait engager les bibliophiles à faire campagne contre l'ins- truction des femmes, le docteur avait eu cette riche dépouille

en 18491 pour 1,200 francs, prix demandé, et, ai-je besoin

de le dire? non débattu. En même temps que les livres, on lui avait livré les brouillons du marquis. Il y trouva des indi- cations qui lui donnèrent à penser, et qui l'induisirent à entrer dans une carrière nouvelle il a excellé : celle de la biblio- graphie.

Sur cette matière, à la fois si utile et si ingrate , mais que tout naïvement il déclarait amusante, assurément, elle l'amu- sait! — il a écrit bien des mémoires, trente ou quarante, je crois. Cette Académie qui l'avait reçu en 1847 en a in- séré un grand nombre dans son Recueil. C'est à elle qu'il avait destiné le premier; c'est à elle que j'ai lu le dernier, alors qu'il n'était déjà plus. Quinze au moins de ces mémoires traitent des débuts de la presse à Toulouse ou débrouillent l'histoire de nos premiers imprimeurs. L'oeuvre était des plus difficiles. Des savants fort autorisés avaient jadis attribué à Tolosa d'Bspagne les plus anciens livres qui portent, comme lieu d'origine, le nom. de Tolosa. Brunet, dans son Manuel, d'autres, à son exemple, avaient adopté cette opinion sans trop la discuter, mais elle était défendue à toute outrance demandez-moi pourquoi? par un vieux bibliographe provençal, polémiste endiablé et volontiers discourtois. Au docteur Desbarreaux - Bernard elle avait toujours paru fort douteuse. Les livres ainsi raisonnait-il sont faits apparemment pour ceux qui lisent. Or, est la probabilité que les premiers imprimeurs, qui étaient nomades, aient été en fabriquer dans une méchante petite ville du Guipuzcoa, il n'y avait pas de lecteurs? Au contraire, tout fait supposer qu'ils étaient venus, et de bonne heure, à Toulouse, siège d'une Université célèbre, fourmil- laient les étudiants. Voilà le thème de sa discussion. A force de travail et de recherches, il donna pied à son hypothèse, et, enfin ! si vous aviez vu sa joie I la découverte qu'il fii à Madrid d'un livre daté de Tolosa de Francia, lui permit de l'as

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ÉLOGE DO DOCTBUR DESBARREAUX- BERNARD. 51

seoir sur une base inébraolable. Grâce à lui, Ton sait à pré- sent que c'est à Toulouse, à notre Toulouse, qu'on a imprimé dès 1 476.

Après avoir raconté l'histoire de la presse au quinzième siè- cle dans sa ville natale, il avait rêvé de la poursuivre et amassé, pour cela, d'importants matériaux. Il a même donné une idée do cette continuation dans une brochure qui a pour titre : L'Imprimerie à Toulouse aux quinzième , seizième et dtaysep- tième siècles. D'autres travaux fort considérables, se sont usées ses forces défaillantes, le détournèrent de ce projet. ^11 s'agit de son Établissement de V imprimerie dans la province de Languedoc, et de cette œuvre capitale, accueillie avec tant de faveur en France et à l'étranger, qu'il a créée sans modèle et que tous les bibliothécaires voudront imiter : le Catalogue des Incunables de la Bibliothèque de Toulouse.

La ville imprima à ses fraiâ ce grand travail; elle le devait, puisqu'aussi bien il avait été fait pour elle : le docteur, toute- fois, dans sa modestie, avait craint d'abord qu'elle s'y refusât; elle y mit, au contraire, beaucoup de bon vouloir. C'est que le respect et la sympathie du monde, qui pourtant ne le voyait plus, entouraient sa retraite il s'imaginait être tout entier. A son insu, quelque chose de lui était resté au dehors, quelque chose de plus parlant que la médaille d'or qui lui avait été décernée après le choléra de 1854; de plus honorant que le ruban rouge qui l'avait payé payé en bonheur de son long dévouement aux malades de l'Hôtel-Dieu : c'était l'idée d'un :honnète homme, d'un médecin, d'un savant, d'un ami, qui avait aimé passionnément le bien et son devoir, la science et l'amitié, et qui, du matin au soir de sa vie, avait paré d'es- prit, de bonne grâce, de je ne sais quelle tendresse joyeuse, ce zèle extraordinaire qu'admirait en 1824 le médecin de l'hô- pital des enfants.

Messieurs, quand le docteur Desbarreaux -Bernard revint de Paris, sa c bonne » mère devenait aveugle, frappée pour les vingt ans qu'elle avait encore à vivre de la nuit éternelle de Tamaurose. Consolée par sa présence, attendrie, péné- trée jusqu'au cœur de sa chaude affection^ elle lui disait quel-

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52 SÊ4NCB POBLIQOB.

quefois : Mels-toi dans la lumière; que j'essaie, il me semble que je pourrai le voir encore I

El moi aussi, qu'il a tant aimé, je viens d'essayer de le revoir à travers la mort, pour le rendre à vos yeux tel que je l'ai connu (1).

OUVRAGES DU DOCTEUR DESBARREAUX BERNARD

Médeelae.

1. Sur nn vice d'organisation de Toreilie interne. Paris, 1823 (?). In-8o, 2 pages.

2. Essai sur les perforations spontanées de Testomac (thèse de doctorat). Paris, Didot le jeune, 1825. In-4o, 28 pages.

3. Notice historique sur Quillaume Qranié, mort dans les prisons de Toulouse à la suite d'une abstinence prolongée pendant soixante- trois jours. Toulouse, Aug. Hénault, 1831. In-8o, 20 pages.

4. Rapport à la Société de médecine sur le concours de 1832 (extrait du Bulletin de la Société de médecine de Toulouse), ln-8o, 14 pages.

5. Éloge de A. Bojer, chirurgien en chef de Thôpital de la Charité (ex- trait du Bulletin de la Société de médecine de Toulouse. In-8o, 12 pages.

6. Rapport sur les maladies qui ont régné à Toulouse de mai 1837 à avril 1838 (extrait du Bulletin de la Société de médecine). In-8o, 32 pages.

7. Rapport sur la constitution médicale de Tannée 1838-1839 (extrait du Bulletin de la Société de médecine). In-8o, 9 pages.

8. Rapport pour Tannée 1839-1840. In-8o, 6 pages.

9. Rapport pour Tannée 1840-1841. In-8o, 7 pages.

10. Rapport pour Tannée 1841-1842. In-8o, 5 pages.

11. Des honoraires du médecin (discours prononcé à la séance publique de la Société de médecine de Toulouse le il mai 1845). Toulouse, Douladoure, 1845. In-8o, 15 pages.

12. Rapport sur le congrès médical de Paris, lu à la Société de méde- cine de Toulouse le 2 décembre 1845 (extrait du Bulletin de la Société de médecine). In-8o, 14 pages, papier de couleur.

{^) l^ docteur DesbarreaDi-Bernard ne s'était jamais fait peindre. Un peintre excel- lent, M. J. Garipoy, conseryateur du Musée, qui Tavait beaucoup connu, a réussi à retrouYcr les traits de son &ge mûr, en s'aidant d'une photographie faite dans sa vieil- lesse. Ce portrait est destiné à l'École de Médecine de Toulouse,

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éLOGB DU DOCTBOR DESBARREAUX-BERNARD. 53

13. Des rapports intimes de la philosophie et de la médecine , discours lu à la Société de médecine de Toulouse le 10 mai 1846 (extrait du Bulletin de la Société de médecine). In-8o, 16 pages, papier de couleur.

14. Essai biographique sur Quillaume Bunel, médecin, docteur régent de rUniversité de Toulouse (extrait du Bulletin de la Société de tné^ decine de Toulouse, s. d. (1846?). In 8o, 11 pages.

15. Discours prononcé sur la tombe de M. Magnes-Lahens le 23 avril 1846. Toulouse, Douladoure. In-8o, 4 pages, papier de couleur.

16. Petit remercîment (en vers) à MM. de la Société royale de médecine de Toulouse, 1846; réimprimé en 1879. Toulouse, Éd. Privât. In-8o, 13 pages.

17. Notice bibliographique sur Pierre Fabre, médecin à Toulouse au dix-septième siècle, avec quelques aperçus sur le spagyrisme (extrait des Mémoires de V Académie des sciences de Toulouse). Toulouse, Dou- ladoure, s. d. (1847^ In-8o, 18 pages, papier de couleur.

18. Rapport sur les travaux de T Association des médecins de Toulouse pendant Tannée 1848. Toulouse, Aug. Manavit, 1849. ln-8o, 12 pages, papier de couleur.

19. Le don d*Orfila et le testament de Lapeyronie. Toulouse, Chauvin, 1853. In-8o, 11 pages.

20. Éloge du docteur Charles Viguerie , prononcé dans la séance publi- que de TAcadémie des sciences de Toulouse, le 18 mai 1856 (extrait des Mémoires de l'Académie). Toulouse, Douladoure, 1856. In-8o, 30 pages.

vl. Mémoire sur une épidémie d'orchite catarrhale observée, en 1859, dans les salles de THôtel-Dieu Saint-Jacques de Toulouse (extrait du Journal de médecine de Toulouse). In-8o, 15 pages.

22. Empoisonnement au moyeu des tiges de VEuphorbia peplits, dans les Mémoires de l* Académie des sciences de Toulouse de 1860.

23. Rapport sur le concours pour le prix de médecine, lu en séance pu- blique de r Académie des sciences de Toulouse (extrait des Mémoires de r Académie). Toulouse, Douladoure, s. d. (1861). In-8o, 35 pages.

24. Introduction au cours de clinique médicale de Tannée 1861-1862. Toulouse, Pradel et Blanc, s. d. In-8o, 24 pages.

25. Les statuts des chirurgiens-barbiers de Toulouse (extrait des Mé- moires de V Académie des sciences de Toulouse). Rouget frères et De- lahaut, 1865. In-8o, 39 pages.

26. Singularités médicales (extrait du Journal de médecine de Toulouse), Toulouse, Rouget frères et Delahaut, 1865. ln-8o, 7 pages.

27. Notice sur Jacques Ferrand , médecin de Castelnaudary, auteur du livre : de la Maladie de V amour (extrait des Mémoires de V Académie des sciences). Toulouse, Douladoure, 1869. In-8o, 24 pages, papier vergé.

28. Les eaux thermales en Chine (facétie), s. d. Réimprimé en 1870. Tou- louse. In-8o.

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5l SÉANCB PUBLIQUB.

1. Le Pirate, g^nd opéra en trois actes , traduit de ritalieo; musique de Bellini, arrangée pour la scène française par M. Justin Cadaux. Toulouse, K. Cadaux, 1835. ln-8o, 43 pages.

2. Norma, grand opéra en trois actes, traduit de Titalien ; musique de Bellini, arrangée pour la scène française par M. Justin Cadaux; mise en scène de M. Girel. Toulouse, Cadaux, 1842. In-8o, 35 pages.

3. Complainte du frère Léotade (placard lithographie).

4. Coup d'oeil biographique et littéraire sur un auteur dramatique du dix-septième siècle (Gujoa-Guérin de Bousçal). Extrait des Mémoires de V Académie des sciences de Toulouse, 1848. In-8o, 16 pages, papier de couleur.

5. Essai sur les réunions littéraires et scientifiques qui ont précédé à Toulouse rétablissement de TAcadémie des sciences (extrait des Mé- moires de V Académie des sciences de Toulouse), 1849. In-8o, 32 pages. Gravures des médailles des Lanternistes, d'après les dessins de Bida. » Réimprimé en 1858. Toulouse, Chauvin. In-8o, 110 pages et 132 pages sur papier de Hollande, sous ce titre : les Lantemistes, avec deux portraits et deux figures de la médaille des Lanternistes.

6. Rapport du jury de l'Exposition de 1850 à Toulouse, section des beaux-arts. Toulouse. ln-8o, 7 pages.

7. Notice sur un chapelet trouvé au port de Vénasque par M. Toussaint Lézat. Toulouse, s. d. (1850?). In--8o, 11 pages (extrait du Journal de Toulouse),

8. Macaronée inédite à bases française et patoise, extraite d'un manus- crit de la Bibliothèque de Toulouse (extrait des Mémoires de l'Acadé- mie des sciences de TouloiMe), 1852. In-8o, 15 pages, papier de couleur.

9. Notice biographique sur Pierre Rousseau, de Toulouse (extrait des Mémoires de l'Académie des sciences de Toulouse), 1854. In-8o, 32 pages, papier de couleur.

10. Le Pliue de Racine (extrait de la Rem^e de Toulouse, février 1857). In-8o, 4 pages.

11. Trois épîtres d'un homme de lettres, d'un commis voyageur et d'un médecin (MM. Emile de la BédoUière, Jules Renoult, le docteur Des- barreaux-Bernard), s. d.

12. De l'orthographe du mot Tariuffe (extrait de la Revue de Toulouse de juin 1858). In-8o, 6 pages. » Réimprimé en 1865.

13. Le Lumbifragjd de Sébastien Ron illard. Toulouse, Chauvin, 1872. In- 12, 30 pages.

14. Notice biographique sur Pierre Ducèdre, capitoul et maître en la gaie science de rhétorique, avec une analyse des Ordenansas del Libre

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ÈLOGB DU DOCTEUR DBSBARRBAllX-BBRNARD. 55

blanc. En tête de V Annuaire de V Académie des sciences de Toulouse de 1874-1875. In- 12, 11 pages.

15. Le Cléosandre de Baro, on description des fêtes données à Tonlouse pendant le carnaval de Tannée 1624 (extrait du journal le Progrès libéral). Toulouse, Pradel et Boé, 1875. In-8o, 65 pages.

16. Nouveau règlement général pour les nouvellistes (extrait des Mé- moires de V Académie des sciences de Toulouse), 1876. In-8o, 16 itages.

17. Le Portefeuille de M. L. de D..., faussement attribué à Qermain de Lafaille, Fauteur des Annales de Touloiue. Toulouse, Éd. Privât, 1877. Grand in-8o, 60 pages.

18. Étude critique de Guillaume Colletet sur les œuvres de Claude de Trellon, poète toulousain (extrait du Journal de Toulouse). Imprim. MontanbiD, 1878. In-12, 19 pages.

BlbllogMipMe géBénUe.

1. (Note sur la) Vente de la bibliothèque de M. de Pins-Montbrun. Toulouse, Chauvin, s. d. (1861). Grand in-8o, 8 pages.

2. La Chasse aux incunables. Toulouse, Chauvin, 1863. ln-4o, 14 pages, avec planche. Réimprimé en 1864. In-8o, 24 pages, 3 planches.

3. Lettre à M. Alf. Franklin, de la Bibliothèque Mazarine, au sujet d*une édition fort rare de V Étemelle Consolation. Toulouse, Chauvin, 1865. Grand in-8o, 6 pages.

4. L^Ëchelle de Paradis (reproduction sur papier de Hollande et en ca- ractères gothiques de la Schele.de Paradis), avec titre et notice sur papier commun. Toulouse, lithogr. Delor, imprim. Chauvin, s. d. 11869). Grand in-8o, 18 feuillets non chiffrés.

5. Mémoire sur les causes de la rareté des livres , par M. de Saint-Lau- rent, conseiller au parlement de Toulouse (extrait des Mémoires de r Académie des sciences de Toulouse], 1871. In-8o, 15 pages.

6. Une erreur de Brunet à propos d*un poète qui, probablement, n*a ja- mais existé. Toulouse, Chauvin, 1871. In-12, 16 pages.

7. Inventaire des livres et du mobilier de Bernard de Béarn, bâtard de Commenge, 1497 (extrait des Mémoires de V Académie des sciences \de Toulouse), 1872. In-8o, 52 pages.

8. Etude bibliographique sur Tédition du Spéculum quadruplex de Vin- cent de beauvais, attribuée à Jean Mentel ou Mentelin, de Strasbourg. Paris, Techener, 1872. ln-8o, 26 pages et 2 planches.

9. L*Inquisition des livres à Toulouse au dix-septième siècle (extrait des Mémoires de V Académie des sciences de Toulot^se), 1874. In-8o, 54 pages.

10. Un livre perdu et un;;mot'retrouvé. Toulouse, Chauvin, 1874. In-S», 19 pages, avec une figure gothique.

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56 SÈANCI PUBLIQUE.

11. Le Missel d*Uzèt, imprimé à Lyon en 1405 par Jean Nnmeister, de Mayeoce. Toalonse, Montaubin, 1874. In-12, 8 pages (extrait dn Journal de Toulouse),

12. Anomalies des signatures daos les premiers livres on on les ren- contre (extrait des Mémoires de V Académie des sciences de Toulouse), 1877. In-8o, 11 pages et 5 figures.

13. Notice bibliographique sur les InsUtutes de Jostinien. éditées par Cnjas (extrait des Mémoires de r Académie de législation de Toulouse), 1877. In-8o, 8 pages.

14. La Marqne des cinq plaies, étude bibliographique (extrait des Mé^ moires de V Académie des sciences de Toulouse), 1877. In-8o, 12 pages et 2 planches.

15. Catalogue des incunables de la Bibliothèque de Toulouse , rédigé par le docteur D.-B. et impnmé aux frais de la ville. Toulouse, Ed. Privât, 1878. Grand in-8ff, lxxxiiI'266 pages, avec 50 planches.

16. Etude bibliographique sur une édition très-rare des Epistolœ magni Thurci de Laudivio (extrait des Mémoires de V Académie des sciences de Toulouse), 1878. In-8o, 15 pages.

17. Catalogue des livres rares et précieux, imprimés et manuscrits, com- posant la bibliothèque du docteur D.-B. ^ Rédigé par MM. Potier et Labitte, libraires de Paris, qui achetèrent cette bibliothèque, en 1878, au prix de 90,000 francs, et qui la vendirent aux enchères publiques en décembre 1879. Certains livres qui y figurent n*ont jamais appar- tenu au docteur D.-B. ; d'autres, au contraire, et des plus recherchés, qu*il aimait à montrer, n*y sont pas portés. Le Catalogue rédigé par le docteur D.-B. est resté manuscrit. Mn« veuve D.-B. Ta cédé à la ville de Toulouse en 1880, avec les livres d*étude et de travail, la précieuse collection d*imprimés en langue d*oc, les journaux de mé- decine, etc., etc., que le docteur avait conservés.

BlbUo^raphle tovlooMOBe.

1. Quelques recherches sur les débuts de Timprimerie à Toulouse (extrait des Mémoires de V Académie des sciences de Toulouse), 1848. In-8o, 15 pages, papier de couleur.

2. Notice sur un livre roman imprimé à Toulouse au milieu du seizième siècle (extrait des Mémoires de V Académie des sciences de Toulouse), 1850. In-80, 16 pages.

3. Note sur un livret imprimé en 1502 à Toulouse, et intitulé : rÉpita- phe d' Olivier Maillard (extrait des Mémoires de l'Académie des sciences de Toulouse), 1852. In-8o, 5 pages.

4. La première édition du Vita Christi, al lenguatge de Tholo^a, Tou louse, Bonnal et Qibrac, 1863. In-8o, 7 pages.

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ÉLOGE DU DOCTEUR DESBARREAUX-BERNARD. 57

5. Les quatre éditions du Traité de la noblesse des Capitouls, par Lafaille (extrait de la RewM de Toulouse), 18Ô4. In-So. 4 pages.

6. L*imprimerie à Toulouse aux quinzième, seizième et dix-septième siècles. Toulouse, Chauvin, 18Ô5. In-8o, 31 pages. Réimprimé avec planches en 18Ô8.

7. Le monogramme de Henri Mayer, imprimeur à Toulouse au quinzième siècle (extrait de la Revue de Toulottse), In-8o, 5 pages.

8. Les pérégrinations de Jean de Ouerlins, imprimeur de Toulouse au commencement du seizième siècle. Montauban, Forestié neveu, 1866. Grand in-8o, 18 pages.

9. Boëcio de Consolacion tornado de latin en rromance, el quai fùe im- preso en Tolosa de Francia (extrait du Bulletin du bouquiniste d*Âug. Aubry. Paris, 1866. In-8o, 7 pages.

10. Un incunable toulousain de plus (lettre à M. Taschereau). Toulouse, Chauvin, 1868. Grand in-8o, 4 pages.

11. La seconde édition du Ramelet moundi de Goudelin, suivie du Cata- logue descriptif des différentes éditions de ses œuvres. Toulouse, Douladoure, 1873. In -12, 20 pages, avec une reproduction du fron- tispice de cette seconde édition.

12. Note supplémentaire relative aux deux premières éditions du Ramelet moundi, Toulouse, Douladoure, 1874. In-12, p. 21 à 28.

13. Biirthélemy Buyer, marchand libraire et stationnaire à Toulouse, - 1481-1490 (extrait des Mémoires de l* Académie des sciences de Tou- louse), 1873. ln-8o, Il pages.

14. De quelques livres imprimés à Toulouse sur des papiers de différents formats (extrait des Mémoires de V Académie des sciences de Toulottse), 1875. In-8o, 30 pages.

15. Établissement de l'imprimerie dans la province de Languedoc. Tou- louse, Éd. Privât» 1876. ln-8o, 430 pages et 11 planches. Tiré à 104 exemplaires sur papier fort. Ce travail, destiné à la nouvelle édition de V Histoire générale de Languedoc de dom Vaissete, n*y a pas été inséré en entier.

16. Guyon-Boudeville , imprimeur à Toulouse (1541-1562), suivi d*une note concernant les trois premiers livres imprimés à Toulouse au quinzième siècle (extrait des Mémoires de V Académie des sciences de Toulouse), 1879. In-^o, 28 pages et 3 planches.

17. LUmprimerie à Toulouse au seizième siècle. Toulouse, 1879. Grand in-8o, XVII- 18 pages et 3 planches.

18. Nicolas Viellard, imprimeur à Toulouse, 1534-1540 (extrait des Mé- moires de r Académie des sciences de Toulouse), 1880. In-8o, 7 pages.

19. Notice bibliographique concernant les ouvrages de M. Vendages de Malapeire, Tun des fondateurs de TAcadémie des Lanternistes (extrait des Mémoires de VAcadémie des sciences de TouUnise)^ 1880. In-80f 7 pages.

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58 SÉANCE PUBLIQUB.

1. Rapport sur Tétat de la bibliothèque «de rAcadémie des sciencee, ins- criptions et belles-lettres de Toulouse (manuscrit daté d^août 1848)#

2. Rapport fait à M. le maire de Toulouse par la Commission des Biblio- thèques (de la ville). Toulouse, A. Chauvin, 1849. In-8o, 16 pages.

3. Discours prononcé à la distribution des prix du Pénitencier de Tou- louse, le 3 septembre 1849. Toulouse, Aug. Hénault. In-8o, 14 pages.

Discours prononcé le i«r août 1850. Toulouse, A. Hénaalt. In-8o, 13 pages.

Discours prononcé le 5 août 1851. Toulouse, veuve Corne. In-8o, 16 pages.

Discours prononcé le 20 août 1852. Toulouse, veuve Corne. In-8o, 15 pages.

4. Quatre lettres inédites de Henri IV (extrait des Mémoires de VAcaâÀ' mie des sciences de Toulouse), 1866. In-8o, 12 pages.

5. Réimpression du Discours très-merveilleux et espouvantable advenu en la ville de Zélande, dix lieues de la ville d*Envers, de trois enfans, lesquels ont parlé tost après leur nativité et dit chose merveilleuse puis à rinstant trespassèrent comme voirés cy-après. A Bourdeaiue, par Pierre de Ladime, suyvant la copie imprimée à Paris, 1587. Tou- louse, Ed. Privât, 1875. In-8o, 6 feuillets non paginés.

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■APPORT SDR CONCOURS DE 1881. 59

RAPPORT

SUR LB

CONCOURS DE 1881

(CLASSE DES INSGBIFTIONS ET BELLES-LETTRES) Par m. Gh. PRADEL

Messieurs,

Ayant de retracer rapidement devant vous les résultats obte nus dans le concours de cette année pour la classe des inscrip- tions et belles- lettres, je devrais, en n/excusant, remercier l'Académie de m'avoir désigné parmi tant d'autres plus auto- risés.

Hais l'expression de ces sentiments de modestie est parfois si mal interprétée du public, ijue j'arriverai directement à notre sujet sans un plus long préambule.

L'Académie a reçu deux brochures sur des questions d'écono- mie politique. Le fait est rare dans les annales de nos joutes. Nous accorderons à ces opuscules les prémices de ce rapport, avec d'autant plus de plaisir qu'ils sortent du cadre ordinaire do nos lices.

Le premier est intitulé : Inœnstitutionalité des traités de com- merce.

Le second : Critique de la conversion

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60 SÉANCE PUBLIQUE.

L'honorable rapporteur spécial (si compétent dans cet ordre d'idées) a fait ressortir avec esprit l'obscurité de ce dernier titre. On retrouve ce défaut dans le courant de ces deux ou- vrages, dont la rédaction, parfois très -animée, expose des théo- ries discutables. Leur auteur, M. Gossé, un fibancier sans doute, n'affecte aucune prétention littéraire et parait s'être attaché moins à la forme qu'au fond.

L'Académie exprime ses remerciments à M. Gossé, dont les œuvres sont tout à fait vivantes (1).

Dans une Xotepour servir à l'histoire d'Elusa^ M. Piette nous donne la description de quinze monuments épigraphiques dé- couverts à Eauze. Sept d'entre eux sont inédits, mais tellement mutilés qu'ils présentent peu d'intérêt. Néanmoins, l'auteur a utilement servi la science en recueillant ces débris déposés par lui dans les musées d^Eauze et de Saint-Germain.

Un travail du même genre a été envoyé par M. Julien Sacaze.

Get ouvrage, publié avec un grand luxe d'érudition et de typographie, a pour titre : Épigraphie de Luchon. La char- mante vallée se trouve peinte en style coloré dans une préface l'auteur expose des idées d'ensemble sur l'ethnographie, les religions et la langue de cette intéressante contrée. M. Sacaze publie ensuite, avec des notes très-complètes et des commen- taires soignés, le texte de quarante-six monuments épigraphi- ques dont il est parvenu à retrouver la trace.

Luchon étant un des lieux les plus fréquentés de France, ces inscriptions ont été depuis longtemps étudiées, pour la plupart.

Malgré tout, M. Sacaze a eu l'heureuse fortune de relever un petit nombre de textes qui paraissent inédits. On ne saurait trop louer l'attention minutieuse qu'il apportée contrôler tous les monuments, à vérifier et discuter les lectures de ses prédé- cesseurs. L'histoire ne peut que gagner à ce patient travail, et si les découvertes de H. Sacaze n'ont pas une importance plus considérable, nous le devons seulement à l'ingratitude du ha- sard qui n'a pas récompensé son zèle (2).

(1) M. Roiy, rapportear spécial.

(2) M. Roschacb, rapporteur spécial.

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RAPPORT SDR LE CONCOURS DE 1881. 61

Il ne faut pas demander à M. Rumeau le talent de M. Sacaze, mais sa fécondité littéraire parait infatigable.

Cet honorable instituteur, avantageusement connu de l'Aca- démie, présente trois manuscrits et un volume imprimé. Ce sont là, vraiment, des œuvres surérogatoires après les services aussi modestes qu'utiles rendus par M. Rumeau à la société. Par malheur, on ne saurait louer ni le plan, ni le style de ces ouvrages, encore moins la manière dont l'auteur rend hom- mage aux sources il puise. Cependant ses travaux reposent sur de patientes recherches que l'Académie a voulu encourager en accordant à M. Rumeau un rappel de médaille d'argent à l'occasion de son Mémoire sur Labastide-de-Sérou (1).

Un de nos correspondants les plus zélés, M. Rascol, nous donne la suite d'une Étude sur le canton de Murât, dont les premières parties ont été couronnées en 1876 et 1877. L'au- teur procède par analogie lorsqu'il s'agit d'un passé sur lequel il manque de renseignements précis. Puis, avec une méthode juste et rationnelle, M. Rascol cherche à comprendre l'histoire des hauts plateaux des montagnes du Tarn en examinant de près les restes de leurs monuments.

Après une intéressante étude topographique» l'auteur passe en revue une collection de pièces manuscrites qu'il a pu con- sulter dans les archives de notre ville. M. Rascol a trop rare- ment recours aux textes imprimés. Ils auraient pu cependant lui fournir le sujet de récits curieux, tels que la prise de Bois- sezon en 1483, l'un des faits d'armes les plus importants qui se soit accompli dans ces contrées.

Mais l'auteur parait s'être attaché surtout à fixer la tradition et à dresser l'inventaire de quelques documents. M. Rascol a voulu, sans doute, donner simplement des indications nou- velles sur le pays qu'il habite. Sous ce rapport, notre corres- pondant a réussi. L'Académie lui sait gré de l'empressement qu'il a mis à lui communiquer ses découvertes (2).

Ln Compagnie adresse les mêmes remerciments à M. Jules

(4) M. Barry, rapporteur spécial. (%) M. PradeJ, rapporteur spérial.

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63 SèiNCB POBUQ0fi.

Serret, d*Agen, pour sa brocbure sur le inoulin de Gajac, ainsi qu'à M. Claverie, pour ses Noies hhtotiqueè sur la viUe de Gre- nade. Ce dernier livre, imprimé depuis six ans, ne pouvait être admis à concourir, d'après les rigueurs de nos règlements.

M. Bosia, vicaire de Passy, a déjà présenté à l'Académie des travaux qui ont obtenu leur récompense. Aujourd'hui, nous recevons de cet auteur la copie de quatre manuscrits du moyen âge conservés dans la bibliothèque de la ville d'Albi. Les deux premiers sont extraits d'une collection de canons ecclésiasti- ques d'un faible intérêt. Malgré sa noble persévérance à relever des textes difficiles sans doute, M. Bosia ne nous apprend rien qui ne soit connu et bien souvent édité. La pièce la plus sail- lante de ce travail est, sans contredit, celle qui a pour titre : Interrogatio sacerdotis, examen pour l'ordination des prêtres. Si ce document datait de plus loin, il aurait son importance pour l'origine des dogmes, l'un des chapitres les plus intéres- sants de l'histoire du développement de l'esprit humain. A ce titre, il mériterait l'attention de tout homme cultivé. Mais M. Bosia s'exagère la valeur de cette pièce. Le manuscrit est une copie du dixième siècle, et l'on sait que dès le cinquième, sous l'inOuence de saint Augustin et celle de saint Vincent de f^erins, la tradition orale de l'Église catholique avait reçu une certaine fixité. Quant à Toffice des morts dont parle M. Bosia, Amalaire, diacre de Metz, l'a placé dans son ouvrage des Offices ecclésiastiques en Tannée 820, époque antérieure à celle l'on peut Taire remonter la rédaction de Vlnlerrogalio. Il est regret- table que M. Bosia se soit efforcé de conduire ce sujet, pure- ment historique, sur un terrain de polémique religieux l'on ne saurait* le suivre. Nous nous permettrons de rappeler ici à Tannotateur des manuscrits d'Albi les indications bienveillantes que lui ont adressé nos confrères dans les rapports sur les pré- cédents concours. Toutefois, il y aurait de l'ingratitude à ne pas reconnaître le travail de M. le vicaire de Passy. L'Académie vote en sa faveur un rappel de médaille d'argent (1).

M. Séry, ancien directeur de la perception du canal du Midi

(4) M. Pradel, rapporteur spécial

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RAPPORT SDR LR CONGO0R8 DE 1881. 63

oITre gracieusement à nos archives cinq documents originaux qui se recommandent à divers titres. Le généreux donateur a fourni lui-môme, dans une adresse concise et nourrie, une très- bonne analyse de ces pièces. La commission académique a été particulièrement intéressée par la lecture d'une lettre datée de La Tour, 19 janvier. 1772, qui dépeint d'une manière admira- ble les mœurs du temps. Cette missive, d'un tour aisé, est comme le dit avec beaucoup de justesse M. Séry une véri- table photographie d'une partie de la société française à la fin (lu dix-huitième siècle. Elle mériterait de figurer dans un tableau de l'ancien régime. L'Académie remercie chaudement M. Séry de sa générosité à son égard et lui décerne une médaille d'argent (1).

L'attrait toujours croissant que les érudits paraissent éprou- ver pour les études d'histoires municipales, a porté H. Grand- jean, déjà connu et apprécié de l'Académie, à composer un Essai sur l'organisation de la commune de Toulouse aux douzième, treizième et quatorzième siècles.

Ce travail considérable part de l'année 1147, date des pre- miers textes conservés sur ces matières, et s'arrête en 1336, année de la confiscation du consulat par la royauté à l'occasion du supplice d'Aimery Béranger.

On sait combien sont délicates les recherches sur les institua tions du moyen âge, combien il est difficile de saisir des ori- gines qui se sont développées non par des mesures législatives, mais par des évolutions inconscientes. Toutefois, M. Grandjean a pu retracer nettement les variations apportées par le temps aux choses établies et les placer dans un cadre bien fait. L'au- teur s'est aidé de toutes les histoires antérieures, d'un certain nombre de travaux récents, et n'a pas négligé l'étude directe des textes.

Des appendices comprennent plusieurs documents intéres- sants et un mémoire sur la date du commencement de l'année à Toulouse, que M. Grandjean croit avoir été généralement fixé au 25 mars.

(4) M. Roschacb, rapporteur spécial.

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64 SÉ4NCB PUBLIQUE.

Par Texcellente méthode apportée à sa division , Tauteur échappe à des écueils que n'ont su éviter nombre d'historiens locaux aveuglés par des illusions flatteuses, c Son travail est c bien conduit, appuyé de nombreuses recherches; mais on ne c saurait lui attribuer le caractère d'histoire déGnitive •, a dit un de nos collègues devant lequel je m'incline. Nous ajouterons avec lui : il n'est pas facile de déterminer la part qui revient à l'auteur dans ce mémoire trop hàtirqui, selon les propres ex- pressions de M. Grandjean, c devra être soumis à une révision c attentive, et même à des refontes partielles. »

Quoiqu'il en soit, l'Académie reconnaît le haut mérite de cette œuvre, en accordant à M. Grandjean une médaille de ver- meil (1).

Parmi les travaux qui nous ont été adressés, deux ont tout particulièrement attiré l'attention de l'Académie : celui de M. Grandjean, dont nous venons de parler, et V Histoire de Vabbaye de Cannes, par M. Louis Béziat. Dans ce dernier volume, l'auteur, avec une exposition lumineuse et simple, nous conduit sûre- ment à travers le récit touffu des légendes, et nous fait assister au développement rapide de l'abbaye fondée par un pieux soli- taire sous le règne de Charlemagne. M. Béziat nous parle sans exagération des services rendus par les premiers abbés, écono- mes et actifs; il nous dit leurs tribulations pendant que 4 les c aventuriers du Nord purgeaient l'Occitanie de l'hérétique c pravité », et nous montre comment le monastère, administré d'abord par des religieux d'une grande vertu, Bnit par tomber entre les mains d'abbés commendataires et par devenir l'asile d'un petit nombre de moines vivant largement, emportés enfin parla Révolution.

M. Béziat a fait preuve d'une connaissance approfondie de son sujet. Il n'a négligé aucun moyen d'information, s'ap- puyant toujours sur des textes. Les fonds Doat, les ouvrages de Habillon, de Baluze; ceux des Bollandistes, des Bénédictins et surtout le cartulaire de Mahul lui sont familiers. L'auteur, fon- dant ces nombreux documents dans une trame brillante et so-

(4) M. Roschtch, rapporteur spécial*

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RAPPORT SOR LB CONCOURS DK <881. 65

lide, donne au monastère éteint une vie nouvelle. M. Béziat est un enfant du Minervoîs qui a inédité son travail sous les voûtes du cloître en ruine, mais sans préjugés, avec une largeur de vues que Ton retrouve rarement. On est hei>reux de recon- naître l'absence de toute préoccupation religieuse ou politique dans un ouvrage de ce genre, et de voir un auteur conserver jusqu'au bout le calme sincère de l'histoire vraie.

M. Béziat nous promet une série d'études sur ces contrées; vraiment, c'est un heureux prélude.

L'Académie, jugeant que de pareilles monographies méritent de sérieuses récompenses, a décerné à M. Béziat la médaille d'or (4).

Voilà, Messieurs, le tableau fidèle des ouvrages présentés et des récompenses accordées dans la classe des inscriptions et bel les- lettres.

Nous remarquons peu d'élus, sans doute; l'Académie est la première à exprimer ses regrets à cet égard. Cependant elle est heureuse de constater un progrès sur le précédent concours. Tandis que l'année dernière avaîi été complètement stérile pour notre section, cette année, sans nous procurer une moisson abondante, nous a permis du moins de lier quelques gerbes.

(4) M Pradel, rapporteur spécial.

SÉBIB. TOUS III, 2.

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66 SÉAIfCB PUBLIQDB.

RAPPORT

SUR LB

CONCOURS DES MÉDAILLES D'ENCOURAGEMENT

POUR LA CLASSE DBS SCIBNCBS Par m. MELLIÈS

Messieurs,

c II n*est pas de désir plus naturel que le désir de cognois- sance >, a dit Montaigne.

A ce titre, que ne devons-nous pas à nos devanciers, à ceux dont les découvertes ont fait la science? La science, qui nous permet, au moyen d'un travail relativement faible, je de- vrais dire relativement nul, de faire notre profit de l'immense effort intellectuel de tous les chercheurs qui nous ont précédés.

Mais s'il n*est pas de désir plus naturel que celui de connaî- tre, il n'est pas de plus noble ambition que celle de découvrir.

Honneur donc à ceux qui cherchent, à ceux qui, par leur pé- nible labeur, leurs patientes recherches et leurs continuels efforts, ont pour double but de payer leur dette au passé et d'être les créanciers de l'avenir f

Aussi, c'est avec un véritable bonheur que je viens aujour- d'hui proclamer les noms des lauréats de la section scientifique de l'Académie et vous entretenir do leurs travaux

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Rapport sur le concours des médailles d'encouragement. 67

M. Fabre, astronoaie à TObservatoire de Toulouse, a présenté deux mémoires sur des questions de photographie.

L'un, relatif à la transmission dea images à de grandes dis- tances au moyen de rélectricilé, n*est pas une œuvre complète.

L'Académie l'a considéré [comme une belle promesse, et elle engage l'auteur à poursuivre ses recherches dans ce sens; car un grand avenir est attaché à la solution pratique de cette question.

L'autre a pour but la suppression des glaces dans la produc- tion de l'image négative. Les inconvénients de l'emploi des glaces sont connus de tous ceux qui ont pratiqué la photogra- phie loin du laboratoire. Le poids du verre, sa fragilité, ont souvent amoindri les résultats d'un voyage scientifique.

Ces inconvénients sont si sérieux que, depuis l'origine de la phot^raphie, on a cherché à produire des négatifs sur papier, et jusqu'à présent ces recherches n'avaient abouti à aucun suc- cès sérieux, car le grain qui existe dans la pâte du papier dé- truit la finesse de l'image.

L'auteur a tourné la difficulté en employant le papier comme support provisoire, et la gélatine en feuille mince comme sup- port définitif. Il dépose à la surface du papier la couche sen- sible, en prenant la précaution de l'isoler de ce dernier, à l'aide d'un vernis insoluble dans les divers liquides employés en photographie. L'image négative est obtenue sur ce papier sans rien changer aux manipulations habituelles. Lorsque le cliché est terminé, on le fait adhérer à une feuille transparente de gélatine; et, à l'aide de la benzine, on enlève le papier, qui laisse l'image négative aussi transparente que si elle avait été faite sur verre.

Les spécimens obtenus en voyage par cette méthode, et que M. Fabre a joints à la note présentée, nous montrent combien ce procédé est pratique, et quel grand avenir lui est réservé. Les clichés possèdent toutes les qualités des meilleurs négatifs sur verre; ils donnent, sans aucune retouche, des épreuves po- sitives irréprochables; de plus, ils sont souples et incassables, et leur poids est quarante fois plus faible que celui des épreu- ves sur verre.

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68 sKànce publique.

Il n'est pas Je science, Messieurs, qui, en certaine circonstance, ne fasse appel à la photographie. L'astronomie, la géologie, Tanatomie, la botanique, la micrographie, larchéologie, etc., toutes trouvent en elle un auxiliaire précieux, qui ne demande qu'à être judicieusement employé. Faciliter cet emploi à tous nos missionnaires scienti6ques, tel est le but que s'est proposé l'auteur du mémoire, et, disons-le, il a pleinement réussi.

D'ailleurs, M. Fabre a rendu à la photographie bien d'autres services. Depuis <875, il publie V Annuaire photographique, édité à Paris par Gauthier-Villars; e'est la seule publication de ce genre qui existe en France. L'année dernière, il a fait pa- raître, sur les émulsions photographiques, une brochure qui a eu un grand succès.

C'est l'un des rédacteurs du Bulletin de l* Association belge de photographie.

Cette Association vient de le nommer membre honoraire, titre fort recherché. L'Association compte plus de 300 membres actifs ; elle ne possède qu'une douzaine de membres honorai- res, parmi lesquels Abney, de Londres; Carey Léa, de Phila- delphie ; Vogel, de Berlin, etc.

L'Académie a décerné à M. Fabre une médaille d'argent de i '• classe.

M. Marty s'est livré, dans ces derniers temps, à des recher- ches ayant pour but de former une collection aussi complète que possible des objets de toute, nature qu'on trouve dans les cavernes (ossements d'animaux, objets travaillés, etc.). Ses in- vestigations ont porté plus particulièrement sur la grotte de Montlaur, rendue célèbre par l'immense quantité d'ossements fossiles qu'elle contient.

Aussi cette caverne avait déjà été fouillée par un grand nombre de personnes. L'un des premiers explorateurs, M. Al- zieu, médecin aux Cabanes, y avait découvert des ossements d'ours, d'hyène, de grand chat, etc. ; après lui, M. l'abbé Pouech y Bt des fouilles fructueuses et y signala, indépendamment des ossements de divers animaux, de nombreux fossiles silicifiés , faisant saillie en plusieurs endroits sur les parois dos galeries.

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RAPPORT SUR LE CONCOURS DBS MÉDAILLES d'eNCOURAGEMBNT. 69

Plus tard, diverses personnes en ont retiré une quantité pro- digieuse d'ossements.

Notre collègue, M. Filhol, y a fait lui-même les fouilles les plus persévérantes et les plus fructueuses ; car c'est avec les ossements provenant de ces dernières qu'on a pu reconstituer les premiers squelettes complets d'ours des cavernes qui ont paru en France, et ces squelettes sont nombreux, car j'en con- nais huit dont le musée de Toulouse a eu tout le bénéfice.

C'est ainsi que cet établissement scientifique en possède deux en nature; qu'il en a donné un autre au musée de Dublin, en échange d'un grand cerf d'Irlande; un autre à Bordeaux, pour une splendide collection de peaux d'animaux provenant du Cap; un cinquième à Lyon, pour divers objets d'histoire naturelle; un sixième à Paris. Enfin, dans ces dernières années, M. Filhol en a envoyé deux à la Nouvelle-Zélande, l'un au musée de Wellington, l'autre à celui de Cristchurch. Et c'est à la suite de ces dons que, sur la demande de M. H. Filhol, le docteur Haost a envoyé au Muséum de Toulouse une magnifique série d'osse- ments de Diornis.

On resterait au-dessous de la vérité en évaluant à dix mille francs la valeur des objets obtenus par ces échanges.

Ces recherches amenèrent, en outre, la découverte d'une tète parfaitement entière de Felis spelœa et presque tous les os du squelette de cette espèce, si peu représentée dans les collections publiques.

M. Marty a repris l'exploration de cette riche caverne; il en a fouillé les parties les plus reculées, a pénétré dans des cou- loirs et dans des salles nul avant lui n'avait osé s'engager; car l'accès en était difficile et même périlleux. Ses recherches ont été conduites avec une persévérance et une habileté dignes d'éloges. M. Marty ne s'est laissé décourager ni par les fatigues qu'imposent des voyages multipliés et un séjour prolongé dans une atmosphère humide et malsaine, ni par les dépenses con- sidérables qu'entraînent des recherches de ce genre. Son cou- rage, sa persévérance et son désintéressement ont été récom- pensés par une abondante moisson de fossiles, parini lesquels il en est quelques-uns dont l'étude est fort intéressante. Disons

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V

70 SÉANCE PUBLIQOE. j

d'abord, en deux mots, que M. Marty a trouvé des ossements de presque tous les animaux qui constituent la faune des cavernes, et que le grand ours y est représenté par plusieurs milliers de pièces.

Parmi les crânes d'ours entiers, il en est un qui s'éloigne complètement, par sa forme, sa dimension, sa formule dentaire, de VUrsus spelœus. M. H. Filhol, qui l'a étudié à Paris, le con- sidère comme appartenant à VUrsus arcios. Cette pièce est ex- trêmement intéressante au point de vue scientiBque ; car on n'avait encore rencontré, au moins à notre connaissance, au- cun crâne entier d*£/rsu.s arctos dans les cavernes.

Une autre pièce, non moins importante, est une moitié anté- rieure de crâne d'un ours, que des comparaisons faites au Mu- séum d'histoire naturelle à Paris n'ont permis de rapporter à aucune espèce connue, soit vivante, soit fossile, et que M. H. Filhol a désignée par le nom A'Ursus Gaudrey.

Le grand chat des cavernes est représenté dans la collection de M. Marty par deux cents pièces.

M. Marty a trouvé aussi un maxilaire supérieur d'un felis de la taille de la panthère, de nombreux ossements d'hyène, ainsi que des ossements de loup, de renard, de rhinocéros, de cheval, de cerf, de renne, etc.

L'ensemble des objets retirés de la caverne de Montlaur par M. Marty constitue, à coup sûr, l'une des plus belles collections d'ossements de l'âge de l'ours qui existent en France. Les pièces, que nous avons mentionnées spécialement, lui donnent une im- portance incontestable.

Les grottes de Massât, de Montseq, que M. Marty a explorées, lui ont aussi fourni des débris intéressants, mais moins nom- breux; je les cite seulement pour ne pas donner à ce rapport une trop grande longueur.

Pour récompenser le zèle et l'intelligence de M. Marty, l'Académie lui décerne une médaille d'argent de 1'' classe.

M. Gomez a présenté au concours une cheminée à gaz. Quand on a vu dans les vitrines de nos commerçants le nombre considérable de ces sortes d'appareils et la diversité de

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RAPPORT SUR LE CONCOURS DBS MÉDAILLES d'eNCOURAGEMENT. 74

leurs formes y on peut se croire autorisé à regarder comme su- perflue toute nouvelle construction de ce genre.

Haisy en y regardant de près, on est obligé d'avouer que le problème du chauffage par le gaz est loin d'être résolu, et qu'il y a place pour un nouveau venu.

En effet, dans presque toutes ces cheminées, on trouve des défauts considérables qui expliquent le peu de faveur dont elles jouissent. Aiisi, les unes ont le foyer très-élevé; elles chauf- fent la tète de la personne qui s'en approche et laissent ses pieds glacés. D'autres ont, à des niveaux différents, les ouver- tures donnant passage au gaz, et, quand on veut diminuer l'in- tensité du feu, les flammes les plus basses s'éteignent, et le gaz s'écoule, sans brûler, par les orifices correspondants. Il en est qui emploient des flammes non éclairantes ; elles ont, comme les becs Bunzen, l'inconvénient de permettre à la combustion de pénétrer quelquefois à l'intérieur, et dès lors presque plus de chauffage; mais à la place, à titre de compensation sans doute, une infection insupportable.

La cheminée de M. Gomez n'a aucun de ces inconvénients.

Elle est formée d'un demi-cylindre creux, à axe vertical, terminé à sa partie supérieure par un quart de sphère; le tout en terre réfractaire.

Le socle de l'appareil contient une boite, dais laquelle ar- rivent le gaz et l'air dans des proportions telles, que le gaz est en assez grande quantité pour que le mélaige ne puisse s'enflammer. Un grand nombre de tubes en cuivre, de 7 à 8 millimètres de diamètre, traversent la paroi supérieure de cette boite, ainsi que celle du socle. Lour extrémité inférieure repose sur une toile métallique.

C'est par ces tubes que le mélange gazeux arrive à l'air libre pour y brûler.

Le socle lui-même porte des ouvertures permettant d'établir une circulation d'air chaud.

Comme on le voit, tout est disposé pour rendre le chauffage commode et la combustion du gaz complète. Foyer très-bas, toutes les issues du gaz au même niveau; brûleurs étroits^

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72 SÉANCE PDBLIODE.

munis d'ailleurs d'une toile métallique empêchant la combus- tion de pénétrer dans l'intérieur.

EnGn, et cela n'est pas à dédaigner, élégance dans la forme, avec un prix de revient très-faible.

Toutes ces qualités ont été appréciées par l'Académie, qui accorde à M. Gomez un rappel de médaille d'argent.

M. Prosper Privât a présenté un calorifère destiné surtout à chauffer les serres.

Cet appareil diffère complètement de tous ceux qui l'ont précédé, et les dispositions en sont entièrement nouvelles.

Pour obtenir, suivant les divers cas, l'élévation de tempé- rature nécessaire dans une pièce à chauffer, M. Privât emploie simultanément l'air chaud et la vapeur. L'air chaud se dégage librement, et la vapeur produite parcourt une série de tuyaux placés horizontalement au-dessus du sol.

Dans son ensemble il se compose :

^^ D'un poêle ou fourneau cylindrique de fonte^ se char- geant par sa partie supérieure;

2"* D'une chaudière cylindrique annulaire entourant le four- neau, à une distance de 25 millimètres environ.

C'est dans l'espace ainsi laissé entre la chaudière et le fourneau que s'échauffe l'air arrivant par des ouvertures dis- posées autour du cendrier; c'est également la chaleur rayon- nante du fourneau qui chauffe et vaporise l'eau contenue dans la chaudière.

Afin d'augmenter le pouvoir rayonnant du fourneau, M. Privât en a garni la surface extérieure d'un grand nombre de saillies ou nervures verticales, formant une surface de rayonnement au moins égale à celle de la paroi du four- neau.

L'habileté de M. Privât, dans l'art de la grande chaudron- nerie, se retrouve dans son appareil de chauffage; l'exécution en est faite avec un soin parfait, qui présente la garantie la plus complète de solidité et de durée.

L'Académie accorde à M. Privât une médaille d'argent de 2* classe.

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RAPPORT SDR LE CONCOURS DES MÉDAILLES d' ENCOURAGEMENT. 73

M. Gazes, membre de plusieurs Sociétés savantes , a adressé à TAcadémie un volumineux travail intitulé :

Catalogue des plantes les plus usuelles qui croissent spontané- ment ou qui sont cultivas dans la région sud-est des Pyrénées, avec les noms français vulgaires, latins, catalans et languedociens.

Malgré quelques imperfections, il faut reconnaître que ce catalogue, qui est plutAt un petit dictionnaire disposé par ordre alphabétique, est un travail fait avec soin et patience, et que l'auteur y fait preuve d'une certaine connaissance de la végé- tation ordinaire de la région, et des cultures qu'on y pratique journellement.

L'Académie lui a accordé une mention hoqordble.

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74 SÉANCE PUBLIQUE.

RAPPORT SUR LE GRAND PRIX DE L'ANNEE

Par m. Ad. BAUDOUIN

SuJBT DU Prix : Étudier les arrêts du Parlement de Toulouse qui concernent l'Université de Toulouse.

II y a dix-huit ans que l'Académie a mis au concours, pour la première fois, l'histoire de l'Université de Toulouse. Elle avait supposé que ce grand sujet tenterait quelques esprits : personne n'essaya même de le traiter. Depuis, elle le proposa de nouveau, mais sans guère plus de succès. Le seul mémoire qu'elle eut reçu, travail honorable qu'elle a récompensé, je ne dis pas couronné, faisait songer à ces figures que les dessinateurs pla- cent au pied des monuments pour en faire ressortir l'élévation. Il donnait seulement une idée de la grandeur de l'œuvre qu'il n'avait pas accomplie. L'Académie s'aperçut alors qu'elle n'avait fait que renouveler le défi de Necténabo à Lycerus, si dé- licieusement conté par la Fontaine dans la vie d'Ésope. Mais peut-être avez-vous oublié ce conte. Lycerus s'était fait fort de construire une maison en l'air. Ésope, qui avait de l'esprit pour lui, le tira de peine. Par ses ordres, des aigles emportè- rent dans le ciel des paniers il y avait de petits enfants, et ces petits enfants, armés de truelles, criaient à Necténabo : « Donnez-nous des pierres et du mortier! t Ils eussent été

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RAPPORT SDR LE GRAND PRIX DE l' ANNÉE. 75

bien embarrassés, et Ésope aussi je pense, si^ par la même voi- ture, on leur eût envoyé ce qu'ils demandaient, mais Necténabo ne s'en avisa pas , et il perdit son pari. L'Académie a donc compris qu'elle avait trop exigé. Aussi n'attend-elle plus une histoire toute faite de l'Université : elle s'est contentée de pro- mettre le prix à qui lui apporterait de quoi la faire. Pour venir en aide aux concurrents, elle a même pris soin de leur indi- quer la mine qu'ils avaient à fouiller. Son programme les in- vite à étudier les arrêts du Parlement de Toulouse qui concer- nent l'Université, les laissant libres d'interpréter à leur plaisir ce mot étudier. Il était bien juste qu'elle leur accordât cette latitude; car ces arrêts sont comme perdus dans une série de 2,000 registres de 1,500 à 2,000 pages ; l'encre qui a servi à les y transcrire a blanchi ; l'écriture, ultra-cursive, est mau- vaise et bizarre. Au premier aspect, on la croirait inijéchiffra- ble; de fait, elle ne se laisse lire qu'avec peine, même par les hommes du métier.

Il s'est trouvé quelqu'un pour aborder ces difficultés et les surmonter. C'est l'auteur d'une vaste compilation qui porte cette épigraphe : Qud non ruerem! trois mots bien significatifs éclate l'orgueil légitime d'un rude ouvrier qui a conscience de son ardeur courageuse et de sa persévérance. On ne peut s'empêcher d'admirer sa facilité de travail en lisant les 2,000 pages qu'il nous a envoyées. Dans l'espace de trois ans, il a étudié, c'est-à-dire choisi et recueilli, copié in extenso ou par extrait tout ce qui, dans les registres du Parlement, con- cerne l'Université. Bien plus, comme s'il avait pris plaisir à aggraver sa tâche, il ne s'en est pas tenu au champ de recher- ches qu'on lui avait indiqué. Il a mis encore à profit les déli- bérations de l'hôtel de ville, les archives des collèges de bour- siers de Toulouse et celles de l'École de droit. Il a réuni ainsi 1,250 actes, directement ou indirectement relatifs à son sujet. Dans cette masse de copies l'on eût risqué de se perdre, on voit avec satisfaction qu'il a su introduire l'ordre et la clarté. A la mode bénédictine, les marges des pages sont se- mées de lettres de repère qui en distinguent les diverses par- ties. Chaque pièce a été analysée sommairement, chaque nom,

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76 SÉANCE PDBLIQOE.

chaque chose de quelque importance, notée et relevée sur bul- letin. EnGn, ces analyses, ces notes ont servi à former trois tables, Tune les faits sont disposés suivant la série des temps, les deux autres Ton trouve rangées, par ordre alpha- bétique, les matières et les noms des professeurs. Grâce à ces utiles répertoires, il est déjà possible d'apercevoir, de crayon - ner les grandes lignes de l'histoire de l'Université de Toulouse.

On sait ce qu'elle fut dans le principe. C'était comme un de ces grands laboratoires du littoral l'on cultive les fruits de mer. L'Eglise y transportait, sur des sciences à elle, le naissin des esprits, et là, par des procédés savants, d'un effet bien éprouvé, elle en dirigeait la croissance, elle en réglait à son gré la reproduction. Ce mode de culture lui réussit parfaitement à Paris. Il n'en fut pas de môme à Toulouse. A un moment du treizième siècle, qui n'est pas encore bien déterminé, par une inadvertance qu'on ne s'explique guère puisqu'elle avait ses Inquisiteurs, elle laissa ses élèves s'attacher au droit ci- vil des Romains, qui n'était pourtant pas une science permise. Ainsi elle multiplia des politiciens, tout en croyant ne former que des serviteurs de Dieu. Le résultat de cette énorme mé- prise éclata bientôt après, lors du conflit de Boniface VIII et de Philippe le Bel. Ce fut pour elle un désastre. Tandis que l'Uni- versité de Paris, soigneusement fermée au droit romain, tenait pour le Pape, celle de Toulouse se déclarait pour le Roi, et ce furent des Toulousains, dont l'un figure ici dans la salle des Illustres, qui donnèrent la victoire à la royauté. Dès lors, maî- tres de la tiare, les juristes français ne se montrèrent pas in- grats pour le droit romain. Pendant le cours d'un siècle, papes et cardinaux d'Avignon fondèrent à l'envi dans Toulouse, avec une incomparable magniflcence, vingt collèges de bour- siers qui devaient ôtre et qui furent de vrais séminaires de ju- risconsultes.

Ces premiers temps sont l'âge de gloire de notre Université. Elle devint célèbre et pour jamais, quoiqu'elle ne tarda guère à ne plus mériter de l'être. Les calamités de la guerre de Cent Ans, sans parler de bien d'autres causes, la tirent profondément déchoir. En 1470^ les chaires t s'y vendaient au plus offrant

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RAPPORT SUR LE GRAND PRIX DB L* ANNÉE. 77

et dernier enchérisseur ». Les maîtres ne prenaient plus la peine de faire eux-mêmes ni leçons, ni répétitions. Ils laissaient ce soin à des substituts d'aventure, travaillant uniquement à s'enrichir aux dépens de Yalma mater, et à tirer le plus possi- ble de leurs écoliers. Quant à ceux-ci, ils ne songeaient qu'à frustrer les régents de leurs rétributions scolaires et do leui casuel. N'étudiant plus, ils trouvaient pourtant moyen de se faire graduer à bon compte. Au lieu de ne former qu'un même corps comme autrefois, ils s'étaient, à l'exemple de Paris, divisés en nations toujours prêtes à se livrer bataille. Les col- lèges de boursiers n'étaient plus que des pensions bourgeoises régnaient la paresse, le désordre et la débauche. Tous les universitaires abusaient d'ailleurs étrangement des privilè- ges apostoliques, qui les exemptaient encore de la juridiction ordinaire, comme au temps le Pape ordonnait partout avec la même autorité que chez lui. Et ils se prévalaient, avec pareille outrecuidance, des immunités royales qui, jadis, les avaient dispensés de payer l'impôt.

Manifestement, l'institution tout entière n'était plus en har- monie avec l'ordre nouveau des choses. On voit bien, d'ail- leurs, parla manière dont les maîtres et les élèves entendaient leur devoir, qu'elle avait cessé d'être utile. Hais c'était l'Uni- versité de Toulouse consacrée par tant de souvenirs! Le Parle- ment, pouvoir jeune et, pour lors, plein de vertu, tenta de réparer cette ruine. Il y mit beaucoup de ménagements, de patience, respectant d'anciens droits qui devaient lui paraître bien surannés, ceux, par exemple, de ces deux commissaires du Saint-Siège qui avaient titre de conservateur et de sous- conservateur des privilèges apostoliques, ne se lassant pas de renouveler ses arrêts de règlement quand il les voyait trop méconnus. Son intervention, qu'on eût rejetée avec hauteur en 1400, ne fut même pas contestée. Tous cédèrent à son ascen- dant, respectèrent son autorité. Il réussit, à la longue, à rame- ner pour un temps dans le Studium quelque apparence de probité et au moins l'ordre et la décence, sinon cette force secrète qui fait qu'on vit sans y penser. Quoi qu'on ait pu dire au contraire, il en était ainsi au temps de Cujas. C'est bien à

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78 - SÉANCE PUBLIQUE.

tort que ses admirateurs ont prétendu qu'il avait souffert une injustice; la chaire qu'il avait en vue lui fut disputée dans toutes les formes et par quatre concurrents. S'il ne l'obtint pas, c'est que Forcadel, son rival heureux, professeur de mérite et qui fut toujours aimé des étudiants, avait sans doute plus que lui, dans l'esprit et dans la parole, cet air de facilité qui fera toujours impression sur les juges d'un concours. D'ailleurs, le Parlement veillait. Vingt arrêts témoignent de la sollicitude qu'il apporta durant tout le cours de ce siècle à maintenir aussi haut que possible le niveau de l'enseignement. Il lui arriva quelquefois de se recruter parmi les régents, qui s'en trou- vaient fort honorés, mais, bien plus souvent encore, surtout durant les troubles et quand les grands savants devenaient ra- res, il prit dans son sein des conseillers pour en faire des pro- fesseurs. Il n'y a pas de meilleure preuve de son zèle à sou- tenir l'honneur de l'Université ; du reste, il était seul à s'en inquiéter. L'Eglise s'était désintéressée des études; les prélats* même eussent volontiers aboli les grades, a6n de se débarrasser des gradués qui, armés des décrets du concile de Bàle et des articles de la Pragmatique Sanction, venaient tous les ans, en Carême, leur arracher des mains le tiers des bénéfices dont ils pouvaient disposer. On avait imaginé cet expédient en 1436 pour ramener les étudiants à la théologie que tout le monde délaissait» même les moines. Néanmoins, l'école on aurait l'enseigner, à Toulouse, restait fermée. Quand les doctrines de Luther se répandirent on songea à la rouvrir, mais elle était en trop mauvais état.

Cet abandon général des études eut pour les régents des consé- quences fort pénibles. Avec le nombre de leurs auditeurs leurs revenus diminuèrent. Ils en vinrent à ne plus pouvoir vivre de leurs chaires comme ils faisaient auparavant. Leur étal de détresse et les démarches qu'ils firent pour en sortir, soit auprès des États de Languedoc, soit auprès du Roi, furetft cause d'un changement considérable, d'une révolution, pour mieux dire, dans l'Université. De tout temps, l'enseignement avait été pour eux une sorte d'industrie qu'ils exerçaient sous certain con- trôle et dans des conditions déterminées, mais à leurs risques

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RAPPORT SUR LB GRAND PRIX DE l' ANNÉE. 79

et périls; leurs gains variaient de l'un à Tautre. Ils étaient, pour chacun, en raison de son savoir-faire, du talent qu'il avait d'attirer, de retenir autour de soi les écoliers. Hais, à partir de 1565, et sur leurs instances, cette libre industrie devint un office. Ils obtinrent qu'ils recevraient des gages, il ne se parlait pas encore de traitement, comme les conseillers à la Cour, et que ces gages seraient les mêmes pour eux tous. Le très puissant cardinal d'Armagnac, archevêque de Toulouse, qui avait pris cette affaire à cœur, décida le Roi à leur assigner une pension sur ses greniers à sel, et lui-même imposa sur tous les bénéfices du ressort du Parlement une taxe proportion- nelle, que son clergé subit avec une colère mal contenue, et qu'il tenta après lui, mais vainement, de ne pas payer. Cette mesure fut le salut des régents, mais porta, je le crois, le der- nier coup aux études. L'ordonnance de Blois, de 1579, qui défendit, article 9, d'enseigner le droit dans l'Université de Paris, acheva de discréditer la science des lois romaines. A Toulouse, malgré le Parlement, qui s'était efforcé, par des arrêts multipliés, de leur rendre difficile l'accès du Palais, les jeunes gens se tournèrent en plus grand nombre vers la prati- que et vers le barreau.

Durant cette mortelle langueur des facultés jadis les plus florissantes, les lettres antiques, que l'odieuse grammaire avait si longtemps flétries, reprenaient leur premier éclat. On s'éton- nait de les avoir si longtemps méconnues. Toute la France était pleine de leur gloire. Elles jouissaient d'une telle faveur auprès des meilleurs esprits, que les hommes du monde les plus ennemis des nouveautés, est-il besoin à Toulouse de nommer les capitouls? s'étaient résolus, dès 1546, à faire quelque chose pour elles. Ce qui est bien plus extraordinaire, c'est que leur délibération avait été suivie d'effet. On avait supprimé plusieurs petits collèges de boursiers qui avaient peine à s'entretenir, tant leurs ressources étaient diminuées, pour employer ce qui restait de leurs dotations respectives à fonder deux collèges de littérature. On en avait déjà fait un, l'Esquille, jamais on n'aurait pu faire l'autre ! quand les Jésuites, chassés de Pamiers, arrivèrent à Toulouse, en 156S.

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80 SÉANCE PUBLIQUE.

J'ai dit ailleurs ce que les jésuites ont fait pour répandre l'ins- truction classique ; j'aurais dire qu'ils n'avaient pas inventé cette méthode qu'on suivait avant eux dans les Académies pro- testantes, et même à l'Esquille, un principal, venu de Paris, l'avait importée. Mais c'est par eux surtout qu'elle fut con- nue, par eux qu'elle triompha, dans tout le royaume, de l'an- cienne routine scolastique. Les fugitifs de Pamiers fondèrent le deuxième collège qui était resté en projet. Ils surent si bien le faire valoir, qu'en 1576 l'Université, assemblée chez les domi- nicains, leurs futurs ennemis, se l'agrégea. C'était marier la jeunesse à sa décrépitude. Les jésuites lui rendirent, à leur manière, le sentiment de la vie. Elle put s'apercevoir qu'elle existait encore, aux secousses qu'ils lui donnèrent. Avec le tempS) ils lui prirent, sans façon, malgré ses cris, tout ce qu'elle avait à leur convenance : les deux chaires de la Faculté des arts et le pouvoir de dispenser les degrés. Ils auraient bien voulu lui prendre aussi ses collèges de boursiers. Un archevêque à eux, d'Anglure de Bourlemont, qui leur avait déjà donné le sé- minaire de son diocèse, 6t une enquête en 1668^ pour prouver au Roi que ces collèges étaient des corps morts et déjà décom- posés. Cela voulait dire, en bon français, qu'il fallait en grati- fier les jésuites; mais, sans doute, cette conclusion ne parut pas logique, car l'enquête n'eut pas de suite. Ils avaient tenté de même, en 1646, de mettre la main sur le collège de l'Es- quille, qui ne prospérait pas, mal entretenu qu'il était par la ville. Ils se seraient assurés ainsi le monopole de l'enseigne- ment littéraire. Mais leur ambition, qui ne ménageait personne, avait fini par mettre tout le monde en garde contre eux, même les capitouls. On leur préféra les Doctrinaires. L'émulation de ces deux ordres religieux, usons d'un mot plus cru, la con- currence qu'ils se firent, ne fut pas sans profit pour la Faculté des arts. Et comme il est dans la nature des choses humaines que Multa renascantur quae jam cecidêre, les études juridiques eurent aussi leur renouveau. Un édit de 1679 restaura l'ensei- gnement du droit civil et canonique, et, bien plus, créa des chaires de droit français dans toutes les Universités. Cette ré- forme eut lieu à Toulouse en 1 684. A la faveur des querelles

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RAPPORT SUR LE GRAND PRIX DE L* ANNÉE. 81

religieuses auxquelles donnèrent lieu le jansénisme, le moli- nisnie, les efforts des dominicains pour maintenir et faire pré- valoir la doctrine de saint Thomas, la théologie elle-même fut remise en honneur. Dans les couvents de Toulouse on releva les anciennes chaires qui lui étaient consacrées, on en fonda de nouvelles. Les arrêts qui la concernent sont en si grand nom- bre, à partir du ministère de Fleury jusqu'en 1784, que si Ton jugeait de l'esprit d'une époque par les règlements qu'elle a vus naître, on serait porté à croire qu'à Toulouse, comme ailleurs, le siècle de Voltaire a été le siècle de la théologie.

On peut juger par cet aperçu, que j'aurais voulu faire plus court, de la nouveauté, de l'intérêt des informations présentées par M. Saint-Charles; car c'est M. Saint-Charles, de Toulouse, déjà lauréat de l'Académie et son correspondant, qui a composé ce recueil si ample et si bien ordonné, se trouve en puis- sance l'histoire de notre Université. L'Académie, qu'il a plei- nement satisfaite, est heureuse de décerner à M. Saint-Charles son grand prix de 500 francs.

SÉRIE ^ TOMK III, 2.

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82 SÉANCE PUBLIQUB.

PROCLAMATION]

DE LA MÉDAILLE D'HONNEUR VOTÉE PAR LE CONSEIL MUNICIPAL A M. PONS, BIBLIOTHÉCAIRE DE LA VILLE, EN RECONNAISSANCE DE SES SERVICES

ALLOCUTION DE M. GATIEN-ARNOULT

sbobAtaxbb oAnAbal

Messieurs.

Avant d'inviter les lauréats, dont vous avez entendu les noms, à venir recevoir leurs prix, je dois dire quelques derniers mots pour expliquer la nature exceptionnelle delà médaille d'hon- neur, d'une valeur supérieure aux autres, que nous sommes chargés de proclamer.

Cette mission, l'une des plus agréables que nous pussions désirer, nous a été déléguée par Messieurs du Conseil munici- pal, que nous prions d'en agréer nos remerciments avec nos félicitations.

C'est bien, de leur part, d'avoir voulu donner un témoignage de reconnaissance au doyen des fonctionnaires de la ville, au très digne, très honorable et très honoré bibliothécaire , M. Pont, dont les mérites sont grands, quoique sa modestie cherche à les rapetisser, et dont les services plus que demi- séculaires ont été et continuent d'être éminemment utiles, quoique peu connus de la foule, ce qui se comprend, et, ce qui

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PHOCUMATION DE Lk MÉDAILLE d' ARGENT. 83

s'excuse moins, quoique peu remarqués des hommes du très haut pouvoir, lorsque de leurs trônes élevés ils regardent en bas sur qui doit tomber la pluie d'or de leurs bienfaisantes gracieusetés.

Et c'est très bien encore aux représentants de la cité d'avoir voulu rendre plus éclatant ce témoignage de reconnaissance pour des services spécialement littéraires, en le faisant donner dans une solennité académique destinée à la distribution de récompenses pour des travaux et des mérites de cet ordre; no- tre séance tirant elle-même un plus grand éclat de cette ad- jonction aussi intelligente que naturelle.

Les Bibliothèques sont, en effet, les sœurs des Académies; et c'est presque depuis le rétablissement de la nôtre, au com- mencement du siècle, que notre excellent bibliothécaire est le frère-ami de tous les académiciens passés et présents.

Car tous ceux d'entre vous. Messieurs, qui sont de notre âge ou qui en approchent doivent se rappeler, et les autres, plus jeunes, doivent avoir entendu dire que, pendant de longues années, à partir de cette époque du siècle commençant, notre bibliothèque communale a eu des conservateurs qui s'y conten- taient bien du rôle de ceux qu'on appelait autrefois rois fai-- néants, et, plus récemment, d'un nom moins impoli, rois cons- titutionnels, — régnant sans beaucoup de souci, gouvernant si peu que rien et n'administrant pas du tout.

Dès sa première jeunesse, M. Pont a été leur serviteur-mi- nistre, successivement grandissant et s'élevant jusqu'aux fonc- tions de Maire de ce Palais, dont nous l'avons vu ensuite Maire en titre ofticiel, réunissant toutes les qualités de l'emploi.

Car il est organisateur habile pour la partie matérielle, si importante; rédacteur intelligent et laborieux, pour la partie si difBcile des catalogues; conservateur intègre, d'une probité qu'il faut bien louer, puisqu'une bibliothèque est aussi un trésor public qui donne parfois au caissier des tentations d'in- fidélité, dont on cite plus d'un exemple tristement fameux; surveillant actif, maintenant p:irtout et toujours un ordre parfait, mais associant à l'amour de la discipline nécessaire la complaisance la plus obséquieuse pour tous ceux qui ont be-

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84 SÉANCE POBLIQUB.

soin de renseignements, de conseils et de services; en outre, d'un désintéressement presque excessif; qualité toujours rare, même de nos jours.

Ainsi H. Pont a mérité et obtenu d'être profondément es- timé, sincèrement aimé, et aujourd'hui pieusement vénéré de tous ceux qui te connaissent.

L'Académie éprouve un grand plaisir à le proclamer. Per- mettez-moi d'ajouter que son secrétaire , en particulier , se trouve heureux d'un privilège que son titre lui donne d'être, en cette circonstance, l'interprète des sentiments de l'Académie, du Conseil municipal et aussi de tous les citoyens de la Répu- blique des lettres dans la cité de Toulouse, qui veut toujours mériter son nom de Palladienne.

Et vous devez comprendre, Messieurs, comment ce n'est pas sans quelque émotion que j'invite ce vieil ami à venir, le pre- mier de tous les lauréats de ce jour, recevoir des mains de M. le maire la médaille d'honneur qui lui a été votée par Mes- sieurs du Capitole.

Jamais récompense ne put être décernée à un plus digne I

Puisse-l-elle réjouir la vieillesse de celui qui la reçoit, et contribuer à lui faire un beau soir après un long jour consacré à être utile I

Après cette allocution, H. Rodière, adjoint au maire, a rap- pelé de nouveau les nombreux services de M. Pont, et dit com- bien il s'estimait heureux d'être, en l'absence de M. le Maire, l'organe du Conseil municipal pour témoigner à cet honorable doyen des fonctionnaires de la ville la reconnaissance de tous.

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SUJET DBS PHIX. 85

PUI DISIRBUtS DAHS U SÉANCE PDBUQUE DD 13 JDUISSI

CONCOURS DE L'ANNÉE 1881

GRAND PRIX DE L' ANNÉE

M. Saint-Oharles, à Toulouse. Études sur les arrêts du Parlement de Toulouse concernant VUniversité de cette ville.

ENCOURAGEMENTS Glaise des iBseiiviloms ei BeUes-Iie(4res.

MÉDàlLLE D*OR DE liO FRANCS

M. Louis Béziat, à Gaunes (Aude). Ouvrage intitulé : Histoire de Vabbaye de Caunes»

MÉDAILLE DE VERMEIL

H. OrancUean . à Paris. Études sur F organisation municipale à Toulouse aux Xn% Xll? et XIV siècles,

MÉDAILLE d'argent DE CLASSE

M. Séry père, à Castres. Don gracieux à la bibliothèaue de V Académie de cinq documents originaux portant la signature de Louis XV et d'autres per- sonnages illustres,

RAPPEL DE MÉDAILLES D*ARGENT

n. B. Bumeau, Instituteur public k Grenade (Haute-Garonne). Notes histo- riques sur la ville de Grenade et sur la ville de Labastide-de-Sérou [Ariége),

ri. l'abbé Bosia, à Paris. Manuscrits de l'église d*Albi des Vil*, IX* ei Xlll* siècles.

eusse des Bclemees.

MÉDAILLES D*ARGENT DE \^ CLASSE

H. Marty, à Toulouse. Divers sujets et ossements fossiles de V époque quaternaire, recueillis dans les départements de la Hnute^Garonne et de lAriège.

M. Fabre , à Toulouse. Note sur la suppression des glaces dans les opérations photd^raphiques,

MÉDAILLE d'argent DE CUSSE

M. p. Privât, à Toulouse. Calorifère à chaudière inexplosible.

RAPPEL DE MÉDAILLE D'aRGENT

M. P. Oéofroy-Gomez, à Toulouse. Cheminées à ga%y nouveau système,

MENTION HONORABLE

rî. p. Cazes, à Toulouse. C'itahgue botanique des plantes les plus usuelles.

MÉDAILLE D*OR (dMionueur) (Votée par le Conseil municipal.)

BI. Pont, hihliotb'Taire de la ville, pour ses services liltéraires de plus d*un demi-siècle. Kc nise eu séance publique de TAcadémie.

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SUJETS DE PRIX

fboposAb pab

L'ACADÉMIE DES SCIENCES

INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES DE TOULOUSE Pour les aimées 1882, 1883 et 1884.

Ait. 31 des règlements. L'Académie propose, tous les ans, dans la séance publique, une question relative au sujet de prix. Cette question, annoncée trois ans avant que le prix soit décerné est fournie alternativement par la section des Mathématiques, par celle des Sciences naturelles et pat la classe des Inscriptions et Belles- Lettres.

Les sujets de prix sont proposés dans l'ordre suivant : 4o les Mathéma- tiques: 2o la Chimie; l'Histoire naturelle ; 4o la Physique; la Médecine et la Chirurgie : 6o l'Astronomie. Cet ordre est interrompu Uhis les trois ans pour les sujets de prix dans la classe des Inscriptions et Belles- Lettres.

SUJET DU PRIX DB MATH ÊMi TIQUES A DÉCERNER EN 1882.

Etude d*une classe quelconque de surfaces obtenue par une méthode de transformation fondée^ soit sur le principe de dualité, soit sur tout autre.

Faire ressortir quelque propriété remarquable de ces surfaces et applications géométriques ou autres.

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SÉANCE PgBLIQDB. 87

SUJET DD PBIX DE CHIMIE A DÉGERHBB EN 4883

Indiquer les procédés qui permettent de reconnaître d'une manière sûre les sophistications qu'on fait subir aux vins,

SUJET DU PSIX DE UTTÉSATURE A DÉCERNER EN 1884

Histoire de la ville de Toulouse pendant la Révolution, c'est-à-dire depuis la suppression de la province de Languedoc jusqu'à l'établissement du Premier Empire.

L'Académie laisse les concurrents entièrement libres de rédiger leur travail dans la forme qu'ils préféreront. Elle leur demande de se borner à l'histoire de la seule ville de Toulouse pendant celte période, mais de la retracer aussi complète que possible. Ils devront faire connaître les événe- ments de tout ordre qui se sont accomplis (événements politiques, adminis- tratifs, judiciaires, religieux, littéraires, artistiques, industriels, etc. ) et les hommes dont le rôle a été le plus remarquable dans quelque genre que ce soit.

Les matériaux de cette histoire sont dans les archives du département, dans celles de la commune, dans la bibliothèque de la ville« les auteurs auront toute facilité pour les consulter.

Chacun de ces prix sera une médaille d'or de la valeur de 500 fr.

Les savants de tous les pays sont invités à travailler sur les sujets pro- posés. Les membres résidants de l'Académie sont seuls exclus du concours.

L'Académie n'a pas décerné le prix de 4879, dontle sujet était la question suivante :

Des rapports des névroses avec les maladies organiques.

En conséquence et conformément à l'art. 33 du règlement, l'Académie se réserve de décerner un prix extraordinaire à tout auteur ^un mémoire qui lui serait adressé sur ce sujet, avant le 4 <^ janvier 4882 , et qui lui paraîtrait digne d'une palme académique.

L'Académie décerne aussi, dans sa séance publique annuelle, des prix d'encouragement : 4* Aux personnes qui lui signalent et lui adressent des objets d'antiquité {monnaies, médailles, sculptures, vases , ar- mes, etc.), et de géologie {échantillons de roches et de minéraux, fossiles d'animaux, de végétaux, etc), ou qui lui en transmettront des descriptions détaillées, accompagnées de figures ;

2<» Aux auleurs qui lui adressent quelque dissertation , ou observation « ou mémoire , importants et inédits , sur un des sujets scientifiques ou littéraires qui sont l'objet des travaux de l'Académie ;

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88 SUJETS DE PRIX.

3o Aux inventeurs qui soumettent à son examen des machines ou des procédés nouveaux introduits dans l'industrie, et particulièrement dans l'industrie méridionale.

Ces encouragements consistent en médailles de bronze ou d'argent de première ou de seconde classe ou de vermeil , selon l'importance des communications. Dans tous les cas, les objets soumis à l'examen de l'Académie sont rendus aux auteurs ou inventeurs, s'ils en manifestent le désir. (Les manuscrits ne sont pas compris dans cette disposition.)

Indépendamment de ces médailles , dont le nombre est illimité , il peut être décerné chaque année , et alternativement pour les Sciences et pour les Inscriptions et Belles-Lettres, une médaille d'or de la valeur de 420 fr. à l'auteur de la découverte ou du travail qui , par son importance , entre les communications faites à l'Académie ^ paraît plus digne de cetre distinction.

Les travaux imprimés sont admis à concourir pour cette médaille, pourvu que la publication n'en remonte pas au-delà de trois années, et qu'ils n'aient pas été déjà récompensés par une Société savante.

Les travaux de l'ordre scientifique concourront seuls pour cette médaille en 4882.

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

I. Les mémoires concernant le prix ordinaire, consistant en nne médaille d'or de 500 fr., ne seront reçus que jusqu'au 1" janvier de Tannée pour laquelle le concours est ouvert. Ce terme est de rigueur.

II. Les communications concourant pour les médailles d'encouragement , y compris la médaille d'or de 120 fr., devront être déposées, au plus tard , le 1" avril de chaque année.

III. Tous les envois seront adressés, franco, au secrétariat de l'Académie, ou à M. Gatiek- Abnoult, secrétaire perpétuel, rue Lapeyrouse, 3.

IV. Les mémoires seront écrits en français ou en latin , et d'une écriture bien lisible.

V. Les auteurs des mémoires pour les prix ordinaires écriront sur la première page une sentence ou devise; la même sentence sera répétée sur un billet séparé et cacheté, renfermant leur nom , leurs qualités et leur demeure ; ce billet ne sera ouvert que dans k cas le mémoire aura obtenu une distinction.

VI. Les mémoires concourant pour les prix ordinaires, dont les auteurs se seront fait connaître avant le jugement de l'Académie , ne pourront être admis an concours.

Vil. Les noms des lauréats seront proclamés en séance publique, le premier dimanche après la Pentecôte.

VIII. Si les lauréats ne se présentent pas eux-mêmes, M. Abmieux, Trésorier perpétuel, rue Romignières, 7 , délivrera les prix aux porteurs d'un reçu de leur parL

IX. L'Académie, qui ne proscrit aucun système, déclare aussi qu'elle n'entend pai^ adopter les principes des ouvrages qu'elle couronnera.

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DE l'organisation DE LA MAGISTRATURE. 89

DE

L'ORGANISATION DE LA MAGISTRATURE

VŒUX ET DOLÉANCES

EXPRIMÉS I Â CE SUJET, DANS LES CAHIERS DES SÉNÉCHAUSSÉES DU LANGUEDOC, EN 4789

Par m. Henri ROZY d)

Il est toujours difficile d'organiser, suivant les règles généra- les de la raison et conformément aux besoins d'un peuple, les trois pouvoirs fondamentaux et essentiels d'un État ; le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif, le pouvoir judiciaire.

Mais le problème estsurlout délicat, quand il s'agit du pou- voir judiciaire.

Pour le pouvoir législatif, le but à atteindre est unique et simple : assurer l'exacte représentation de l'opinion publique , de toutes les opinions. Pour le pouvoir exécutif, il faut, mais il suffit qu'il reflète nettement la pensée de la puissance législative et qu'il ne puisse jamais lutter contre elle.

Quant au pouvoir judiciaire, la donnée est, à la fois, plus haute et plus complexe.

Ce pouvoir, chargé de juger tous les différends, ne doit s'ins- pirer de l'opinion, des passions de personne. Ce qu'il doit re- présenter uniquement et sans aucun mélange, c'est la justice, la justice absolue : des principes inébranlables et nullement des

0) La dans la séance da tk mars 4881 .

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90 MÉMOIRES.

opinions plus ou moins variables. Tandis que les autres pou- voirs sont forcément amenés à écouter des voix étrangères, à se préoccuper de forces en dehors d'eux, le pouvoir judiciaire est tenu de s'isoler complètement.

Comment lui donner l'indépendance qui soutient le juge? la valeur morale et scientidque qui soutient le jugement et le fait respecter? Que de difficultés !

Aussi renaissent-elles souvent, môme quand on n'est pas au lendemain d'une révolution, même quand on ne demande en même temps aucune modification à l'organisation du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif.

En France, l'on ne saurait nier quoiqu'on l'exagère beau- coup — l'existence d'une certaine préoccupation actuelle à ren- contre de notre magistrature. Je n'y échappe pas plus qu'un autre. Dans une enceinte spécialement juridique, j'en étudie maintenant l'objet avec quelques détails. Mais ici, je me con- tenterai d'examiner les origines de notre pouvoir judiciaire moderne, non pas les origines contenues dans les textes de lois, ^ mais celles qui se manifestent dans les vœux et les doléances des ordres de la nation, au moment de la convo- cation des États généraux de 4789.

Et même je ne jetterai pas un coup d'œil général sur tous les pays d'États ou d'Élections. De pareilles œuvres ne peuvent être abordées que par de véritables historiens. C'est ainsi que notre digne président, M. Duméril, l'année dernière, a fouillé les archives de toute la France et relevé l'expression des vœux de toute la nation relativement à l'instruction publique. Qu'il me soit permis de me contenter du résultat des interrogations que j'ai adressées aux cahiers des sénéchaussées du Languedoc.

Le Languedoc est, pour Toulouse, un territoire de voisins, et l'on aime à savoir ce qu'ont pensé des ancêtres qui avaient nos mœurs et notre caractère.

Le voisinage d'ailleurs n'est pas trop étroit, il s'en faut.

Pendant longtemps, le nom de Languedoc a servi à dési- gner toute la moitié méridionale du territoire français. Sous Louis XVI, il désignait encore la plus grande province de la

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DB^ l'organisation DE LA MAG18TRATUBB. 91

monarchie, celle qui a formé, à elle seule, Téquivalent de sept départements rie Tarn, TAude, l'Hérault, le Gard, la Lozère, i'Ardèche et une partie de la Haute-Garonne et de la Haute- Loire. D'une étendue totale de plus de quatre millions d'hecta- res (un million de plus que le royaume actuel de Belgique), elle s'étendait du pied des Pyrénées aux portes de Lyon , et contenait une population de 1,800,000 habitants. Elle se divi- sait en diocèses, au nombre de vingt-trois, dont trois archevê- chés. Le tout forme aujourd'hui vingt-sept arrondissements (1).

Elle se divisait aussi en Sénéchaussées, au nombre de douze : Annonay, Béziers, Carcassonne, Casteinaudary, Castres, Li- moux, Âfende, Montpellier, Ni mes , Puy-en-Velay , Toulouse, Villeneuve-de-Berg ou bas Vivarais.

Ce n'est donc pas une simple opinion de clocher que nous aurons à relever dans les manifestations écrites des représen- tants des trois ordres pour une telle étendue de territoire. La note de la diversité sera forcément plus accusée que celle de l'uniformité.

Quant aux sources je vais les puiser, ai -je besoin de vous les indiquer, et ne les avez-vous pas désignées avant que je ne le fasse moi-même? J'avoue humblement que je n'ai eu nul besoin de me couvrir de la noble poussière des archives de notre pays. Est-ce que notre excellent et si distingué collègue , M. Roschach, ne nous a pas évité toute peine sur ce terrain ? C'est dans le tome XIV de la continuation de V Histoire de Lan- guedoc que j'ai rencontré tous les éléments de ma modeste communication. C'est le recueil le plus complet de tous les vœux et doléances des trois ordres du Languedoc, émis à pro- pos de la convocation des États généraux en 1789.

Cette convocation^ pour le Languedoc, eut lieu en vertu d'un règlement fait par le roi, à la date du 7 février 1789> et elle précisa fort exactement les villes qui devaient envoyer des députés et le nombre de ces députés. Mais ces détails, si inté- ressants qu'ils soient, m'éloigneraient trop de mon sujet. Je les donnerai en notes.

(1) M. de LaTergne, Us AstmMet prwindaUs tam Lowt XVI, page 396.

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92 MÉMOIRES.

Je reviens à la conception que l'on se faisait en Languedoc de la magistrature française.

En face d'une organisation judiciaire quelconque, quatre questions se posent naturellement :

I. Par qui doivent être nommés les membres du pouvoir judiciaire? dans quelles conditions? sous quelles garanties?

II. Quelle sera, quant à sa durée, l'étendue de ces fonctions, une fois conquises?

IlL Les tribunaux doivent-ils être nombreux ou, au con- traire, assez disséminés dans un pays?

IV. Quelle doit être la mesure de leur compétence, rcUione loci ou materiœ, et par quel pouvoir doit-elle être fixée?

C'est le plan que je vais suivre , en parcourant les vœux émis pour la constitution de la magistrature, dans les cahiers de nos sénéchaussées du Languedoc.

I

S'il est un axiome indiscutable, c'est que les fonctions, et surtout les fonctions publiques, doivent être dévolues aux plus dignes, de par leur science et leur probité. Sous l'ancien ré- gime, l'on sait comment il était appliqué au service judiciaire. Le hasard de la naissance, qui vous faisait seigneur, entraînait le droit de rendre la justice , et la possession d'une certaine fortune permettait d'acheter une charge de judicature.

Aussi, fut-ce un cri général, au moment de la rédaction des cahiers des ordres, que la suppression, et des justices seigneu- riales et de la vénalité des charges judiciaires. Le Languedoc n'a point échappé à ce courant salutaire.

A Béziers, la noblesse, elle-même, demande la suppression de la vénalité des charges et des offices de judicature ; mais seulement il faut le reconnaître quand les offices va- queront par mort, démission ou forfaiture (1). A Villeneuve-

(4) HUioirt gMrak de Languedoc, t. XIY, col. 4695.

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DE l'organisation DE LA MAGISTRATURE. 93

de-Berg, le clergé désire t qnil soit pris des moyens pour substi- ttÂer à la vénalité des charges un choix libre de personnes dis- tinguées par leurs vertus et connaissances (i). Celui du Puy-en-Velay également (2). A Montpellier, la suppression des justices seigneuriales est réclamée par le tiers-état, parce que l'existence de ces justices est la source d'un nombre infini d'abus (3), comme la disparition de la vénalité des charges l'est par le tiers-état de Limoux (4) ; mais celte protestation ne se rencontre pas uniformément, même chez le tiers-état.

Ainsi la noblesse de Limoux veut la conservation de la vé- nalité des charges (S), et le tiers-état du pays de Gévau- dan (Mende) se contente de faire faire des arrondissements des justices seigneuriales, ce qui servira donc à maintenir l'exis- tence de ces judicatures (6).

Le tiers-état de Villeneuve-de-Berg adopte la même idée, en prenant le chiffre de douze paroisse?, comme devant être le chiffre minimum de celles qui seraient comprises dans chacun de ces arrondissements (7).

Tout le monde, au contraire, est d'accord pour souhaiter ar- demment la suppression de ces nombreuses juridictions d'ex- ception dont le nom même est difficile à retenir, tant elles sont variées et compliquées (8), ainsi que celles des commissions extraordinaires (9).

Sans doute, ce n'est pas la table rase faite au regard de tou- tes les juridictions exceptionnelles en 1789; mais bien des lacunes devaient cependant finir par se produire dans cette organisation. Clomment songeait-on à les combler dans les as- semblées préliminaires des trois ordres du Languedoc? Quelle

0) BUtokt générale dôLangtêedoCj t. ÎIV, col. 2635. (9) Id., col. S590.

(3) /d., col. 2769.

(4) /d., col. 2841. (6) /d., col. 2713.

(6) /d., col. 2823.

(7) /d., col. 4 865.

(8) Id., col. 2732.

(9) /d., col. 2660.

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94 MÉMOIRES.

sera la porte par laquelle on entrera dans les fonctions de la nouvelle judîcature à organiser?

Le tiers-état de la sénéchaussée de Beaucaire et de Ni mes songe, avant tout, à protester contre l'obligation longtemps imposée d'être noble pour entrer dans les Parlements : c Que c dans aucun tribunal, dit-il, le titre de noble ne soit néces- saire pour être juge (1). » Mais, ensuite, sera-ce le pou- voir royal, sera-ce le suffrage des justiciables, sera-ce celui de quelques pouvoirs locaux, municipaux ou autres, que l'on chargera de la nomination ?

En général, c'est au Roi, c'est-à-dire au représentant le plus élevé du pouvoir exécutif, que cette puissance est dévolue, d'après les vœux des cahiers du Languedoc. Seul, le tiers-état du Puy-en-Velay divise la nomination des magistrats entre le Roi et les seigneurs; mais les candidats devront être présentés par les justiciables (2). Y aurait-il donc un acte de suf- frage universel préparatoire à la nomination du juge? Le droit de suffrage, au contraire, devait-il être restreint à certaines personnes ? Les explications nous manquent. Il est probable, cependant, que, dans la pensée des rédacteurs des cahiers, cer- taines catégories auraient été faites entre les justiciables.

Le clergé de la sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg est en- core moins explicite que le tiers-état du Puy-en-Velay. Il ne veut plus de la vénalité des charges; mais il entend qu'il soit pris des moyens pour substituer à cette vénalité un choix libre de personnes distinguées par leurs vertus et connaissances (3). Excellent comme aspiration. Mais quel sera son mode de réali- sation ?

Tout exceptionnellement, l'on trouve certains vœux qui ten- daient à la nomination de quelques magistrats, au moins, par des corps déjà constitués.

Le clergé de Limoux formulait cette idée que Ton devaii créer dans chaque communauté un tribunal composé de troi>

0) Bitioin génénk de tMguedoe, t. XIY, col. S800. {%) /d., col. 2843. (3) /d., col. S635.

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DE l'oEGANISATIOM DE LA MAGISTRATURE. 95

prud'hommes, élus annuellement parle Conseil politique, à l'ef- fet de connaître et ju£i:er sans appel toute cause dont le fond n'excéderait pas douze livres (i). Et la Chambre ecclésiasti- que de Nimes demandait que les petites causes, civiles et cri- minelles, dont l'objet n'excéderait pas la somme de dix livres, fussent jugées souverainement sur les lieux par les consuls de la communauté eux-mêmes, qui auraient le droit de prendre leurs assesseurs, au nombre de quatre, parmi les plus anciens membres du Conseil politique (2).

Ce sont des dispositions tout à fait isolées que celles qui remettaient la nomination des magistrats aux justiciables, ou à des corps constitués. Et cependant, la Constitution des 3-44 septembre 1791 qui, le plus généralement, a tendu à réali- ser les vœux de 4789, a admis l'élection des juges par le peu- ple. (Tit. III, chap. V, art. 4®'.) On ne pourra pas soutenir, au moins, qu'elle ait suivi, 6n agissant ainsi, les vœux des cahiers du Languedoc.

Mais, ai le roi devait être le dispensateur des nominations judiciaires, comment exercerait-il ce pouvoir? Serait-il maître absolu dans son choix?

Ici, nous allons rencontrer de véritables surprises. L'exi- gence de quelques conditions pour l'entrée dans la magistra- ture, que certains esprits taxent encore de hardiesse inaccep- table, était posée, en 4789, dans la forme la plus simple, comme s'il ne s'agissait point d'une véritable innovation.

Le tiers-état de Montpellier veut un examen préalable des candidats, f Que Sa Majesté, dit-il, daigne compter parmi f les moyens les plus efficaces d'opérer le bonheur de ses su- « jets, d'ordonner que désormais la justice sera rendue en son nom, dans toute l'étendue du royaume, par des officiers f ayant provision d'Elle, et admis seulement après un examen 9 rigoureux de leur capacité, une enquête de leur vie, moeurs et c fortune suffisante pour les maintenir dans un honnête désin f tércssement (3). >

(4) HUtoire générale de Languedoc, t. ÎIV, col 2623

(2) Id., col. 2555.

(3) Id., eol. 2769.

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96 MÉMOIRES.

Le liers-élat de Villeneuve-de-Borg ne se contente pas d'un examen d'entrée, il veut un concours. (1 le voulait en 1789, et nous, nous n'avons encore ni un examen sérieux, ni un con- cours en 4881 t en pleine démocratie t

Modérons un peu cependant nos éloges, sans diminuer nos regrets. Il y a une petite tache dans la formule des vœux de ce cahier de Villeneuve-de-Berg : t Tous citoyens nobles ou ro- « turiers seront admis aux charges de magistrature; nonobs- f lani tous arrêtés contraires des cours souveraines; les char- ff ges de magistrature seront données au concours entre pré- tendants, les fils de maître préférés à mérite égal (<). » Quel début excellent I Les roturiers valent les nobles et seront également admis dans la magistrature; les arrêtés des Cours, même souveraines, ne sauraient prévaloir contre la nature. Comme cela continuaiubien aussi : le concours qui consacre seul l'égalité complète et peut éliminer aussi bien un noble qu'un roturier; mais à la On, in caudd^ixn peu de venenum. Le privi- lège revient : la naissance, le hasard qui vous a fait naître fils d'un bourgeois, d'un maitre, donnera la préférence. Seulement à mérite égal, c'est vrai. Mais y a*t-il jamais deux candidats à mérite absolument égal? Les juges du concours ne créeront-ils pas cette égalité de mérite pour pouvoir utiliser le privilège? Enfin, cela vaut encore mieux que les exemptions d'appren- tissage pour les fils de maître, inscrites dans les statuts des corporations. Là, l'inégalité était trop grande.

U

Après la nomination, l'institution du magistrat.

L'on se demande naturellement pour combien de temps elle est faite; pour quelques années ou à vie? le juge sera-t-il assimilé aux fonctionnaires administratifs, aux députés de la nation?. lui faut-il plus de garanties de situation? son esprit pourra-t-il demeurer calme, serein, planer au-dessus des luttes

(1) HitUfire générale de LangwdoCj, t. XIY» col. 2742

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DB l'organisation DB LA MAGlSTRATURB. 97

quotidiennes, s'il craint une révocation rapide"? Les cahiers du Languedoc n*ont pas négligé de répondre à ces diverses questions.

Tous les ordres n'ont pas émis partout^des vœux pour l'éta-" blissement de l'inamovibilité du magistrat. Mais ceux qui l'ont fait ont exprimé leur pensée avec une telle énergie que, sans exagération, l'on peut dire que l'intensité de l'expression rem- place son universalité.

La noblesse de Limoux demande < que la liberté des ma- c gistratssoit désormais sacrée et leur inamovibilité irrévoca- c blement assurée^ à moins de forfaiture préalablement jugée c par juges compétents (1). *

Celle de Carcassonne s'inspire des mêmes principes : c Les c officiers des Cours, tant supérieurs qu'inférieurs, seront ina- t roovibles et ne pourront être destitués que pour forfaiture c jugée; leurs droits, sanctionnés par les vœux des États, les c mettront dans tous les temps à l'abri des violences employées pour subjuguer leur opinion et forcer leur suffrage (2). »

Le tiers-état du Puy-en-Velay est tellement convaincu de l'utilité du principe de l'inamovibilité, qu'il en désire l'appli- cation, même pour les juges seigneuriaux (3). Il est bien permis de croire cependant qu'il n'avait pas pour les justices seigneuriales une affection profonde.

Dans la sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg, encore, le tiers- état émet le même vœu pour toute la magistrature, à tous les degrés, même pour les postulants dans les justices inférieures (4). D'après celte pensée, nos juges de paix équivalant à peu près aux postulants des justices inférieures devraient être inamo- vibles, ce qui serait pour nous une nouveauté éclatante. Le cahier continue et dit : c La subordination des tribunaux in- « férieurs à l'égard des tribunaux supérieurs doit être réglée t de façon que la liberté individuelle des magistrats subalter- c nés ne puisse être exposée à aucun caprice. > Que de pré- Ci) BUime génMe de Languedoc, t. XIV, col. 274 3.

{%) ld„ col. 2676.

(3) W., col. 184 3.

(4) /d., col. i866.

SÉBTB TOME III, 2. 7

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98 MÉMOIIES.

cautions pour que l'indépendance du juge soit bien assurée 1 Hais nous avouons que, pour satisfaire pleinement à un besoin aussi respectable que celui de la justice, nous aimons mieux le luxe que la disette d^ précautions.

 Toulouse, le tiers-état recommande l'inamovibilité, mais sans phrases et sans commentaires (4). La noblesse de la même ville motive presque éloquemment ce même désir ic Conformé- c ment au vœu de la nation exprimé aux États de Tours, et

< afin que les officiers des Cours soient vertueux et hardis à c remplir le mandat et les devoirs qui leur seront imposés par

< les États généraux, ils seront de nouveau déclarés inamo- « vibles, sauf dans le cas de forfaiture jugée (2). »

A Montpellier, la noblesse insiste aussi. Elle s'adresse au roi, et lui dit : c Sire, la loi de l'inamovibilité des oilBces doit être maintenue dans toutes ses dispositions et même renouvelée c en tant que de besoin. Les magistrats ne peuvent être dé- c pouiliés de leurs offices que par mort, forfaiture ou démis- c sion libre et volontaire. Votre Majesté est suppliée de rejeter

< tout projet de réduction ou suppression d'offices qui tendrait c à priver aujourd'hui de leur état ceux qui en sont pour- i vus, et à rendre ainsi sans effet la célèbre ordonnance de c Louis XI (3). > n lie s'agit point seulement de la magistra- ture, mais de tous les offices en général. Cette exagération semble inspirée surtout par celte idée que tout fonctionnaire est propriétaire de sa fonction. Détestable maxime qui fait le fonctionnaire créancier de l'administré et du justiciable, tandis qu'il n'est, avant tout, que leur débiteur.

Enfin, la cause de l'inamovibilité est chaudement plaidée par le clergé de Carcassonne ; mais les raisons présentées dans cette plaidoirie sont des moins acceptables. Pour cet ordre-là, la magistrature doit être inamovible dans l'intérêt du clergé qu'il devra toujours protéger, c Le clergé de la sénéchaussée, c dit-il , convaincu de V étroite liaison qui doit régner entre la

(4) HUtoin génénU de LangvedM, t. XIY, col. 2754 (2y Id., 'Col 2649. (3) Id., col. 2669.

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DE L ORGANISATION DE LA MAGISTRATURE. 99

c nuigisirature et le clergé, de Tappui que les Cours ont donné f à la religion et à ses ministres, croit devoir supplier Sa c Majesté de maintenir les magistrats dans la stabilité des c droits et des prérogatives attachés à leur place (1). »

Il n'y a aucune dissimulation dans la pensée de ce clergé. Immédiatement avant ces paroles, il se plaint de la suppression de la juridiction de TEglise en matière civile et criminelle, et, en réalité, il veut trouver dans les magistrats des Cours des remplaçants dociles et soumis de cette juridiction.

Mais, qu'importe? Une mauvaise raison donnée pour une bonne cause ne montre qu'une chose certaine : c'est l'incapa- cité ou la passion de l'avocat, mais ne détruit pas les qualités de la cause en elle-même.

m

Certes, s'il est un problème discuté maintenant, c'est celui du nombre des tribunaux.

Faut-il qu'ils soient rapprochés du justiciable, ou bien vaut- il mieux avoir des tribunaux peu nombreux, sérieusement occupés et convenablement rémunérés? L'actualité de cette question pourra faire trouver moins arides les détails qui me restent encore à donner. Je me propose, d'ailleurs, de laisser de côté les vœux purement locaux, émis dans l'intérêt de la conservation de tels ou tels tribunaux déjà établis. Je re- cherche, avant tout, les solutions de principes.

Fallait-il d'abord maintenir les anciens Parlements ou , au contraire , supprimer ces hautes et envahissantes juridictions? La préoccupation pour cette question a été un peu restreinte; mais ceux qui en ont eu souci, tout en paraissant désirer le plus souvent le maintien des Parlements , sentent le besoin de mesurer leur pouvoir et de leur infliger une responsabilité sé- rieuse. La noblesse de Limoux s'exprime ainsi : c Que les Cours

(4) HUtoin générale de Languedoc^ t. ÎIV, col. 2546.

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100 MfflfOllES.

« souveraines demeurant chargées par les États généraoi de

défendre les lois contre les atteintes du peuple et de Faa- ff toritéy soient à l'ayenir responsables de leur silence à la

nation assemblée (<). » Quel rêve de faire des Parlements, corps privilégiés, une barrière même contre le pouvoir d'en haut! Mais, au fond, le rêve est généreux.

Le tiers-état de Toulouse veut bien « que les Parlements

soient déclarés des corps permanents, tenant du roi leur « compétence et leur pouvoir comme juges; de la nation « le droit d'enregistrer les lois, de veiller au maintien de la « Constitution, d'en rappeler les principes oubliés ou mena- « ces , et qu'en conséquence il ne puisse être touché à leur c existence sans le consentement de la nation (2). w Quel acte de foi de la part de notre tiers-état toulousain ! Il croit qu'en 1789 il existe sérieusement une Constitution, c'est-à- dire une limitation réglée, oi^nisée, de la puissance absolue. Et les rois n'étaient même pas obligés, à certains intervalles, de convoquer les Etats généraux I Rien qu'une lacune de cent soixante-quinze ans entre les Etats généraux de 1614 et ceux de 17891 Mais enfin il estime que le pouvoir judiciaire devait s'opposer aux violations des Constitutions. Il était là, au moins, sur le terrain des vrais principes.

La noblesse du même lieu tient à la fixité des Parlements, c Leur constitution, leur autorité, l'étendue de leurs ressorts, « le lieu de leur résidence, ne pourront être changés ou autre- u ment ordonnés que de l'aveu et du consentement spécial de c l'assemblée nationale (3). Au fond, que veut-elle? Donner de l'indépendance aux Parlements, surtout au regard de la royauté. Ce sont les représentants de la nation qui , seuls , domineront les Parlements.

Mais, ne vaudrait-il pas bien mieux, au lieu de s'armer contre les Parlements, les cantonner, avant tout, dans leur rôle judiciaire, ils ne pourront faire courir de danger à la

(4) Hittoire géniraU de Languedoc^ t. XIV, coi. «74 H (2) /d.,col. 2754. (3J !d., col. 2649.

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DE l'organisation DE LA MAGISTRATURE. 101

liberté? Aucun ordre n'a formulé expressément le désir de cette fixation de compétence, qui est une des plus belles con- quêtes de 1789.

La noblesse de Garcassonne parait bien disposée à réduire cette puissance vague, mal délimitée des Parlements; mais comme elle s'y prend maladroitement ! Elle constitue la plus déplorable confusion des pouvoirs, en en faisant un corps poli- tique. Voici le texte de son cahier : c Les Parlements ne seront plus des corps de magistrature permanents. > Voilà la manifes- tation d'une certaine défiance à l'égard de ces grandes Compa- gnies. Mais pourquoi ajouter après : c Les Parlements devront c être une sorte d'États généraux au petit pied, liés essentiel- c lement à la Constitution par le& décrets de la nation assem- t blée, tenant du roi leur pouvoir et leur compétence comme c juges, tenant de la nation le droit de vérifier les lois nou- « velles , de veiller au maintien de la Constitution et d'en rap- c peler les principes oubliés ou menacés (1) »?

Jamais la confusion des compétences ne fut poussée plus loin. Un pouvoir judiciaire qui participe à la confection de la loi qu'il doit exécuter, devenant en quelque sorte, et dans une certaine mesure, législateur, quel oubli des formules si ma- gistralement posées par Montesquieu : « Il n*y a point de li-

berté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puis-

sance législative et de l'executive. Si elle était jointe à la f puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire; car le juge serait législateur (2)! »

Les Parlements étaient bien haut et bien loin, presque aussi loin que les seigneurs et le roi. Aussi entend-on, en 1789, nn cri presque unanime : Rapprocher le juge du justiciable. Tous les ordres , toutes les sénéchaussées le poussent ensemt^le. La noblesse et le tiers-état de Montpellier (3), le clergé et la no- blesse du Lauragais (4), la noblesse et le clergé de la séné-

(4} Hittoire générale de Languedoc, t. XIV, coL 2676. (8) Montesquieu, Esprit des Lois, liy. XI, chap. yi.

(3) Histoire générale de Languedoc, col. 2659-60, col. 277o.

(4) Id., col. 2638 012719.

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402 MÉMOIRES.

chaussée de Beaucaîre et de Nîmes (1) , le clei^é du Gévau- dan (2), la noblesse d'Annonay (3).

Mais par quels moyens arriver à un pareil résultat? On en , présente un certain nombre et d'assez variés :

Étendre la juridiction des juges officiers municipaux déjà institués. C'est la solution du tiers-état de Castres (4) et du clergé de Nimes (5). D'après elle « ces officiers devraient être fl autorisés à juger, en dernier ressort, toutes les discussions, en matière civile, purement personnelles, dont la valeur n'excé- t dera pas 12 livres, à la charge, s'ils ne sont pas gradués, de < prendre un assesseur. > Mais l'on voudrait que les petites causes civiles et criminelles n'excédant pas 10 livres fussent jugées sur les lieux par les consuls de la communauté, en pre- nant pour assesseurs quatre des plus anciens de ceux qui com- posent le Conseil politique. Un tribunal dans chaque commune, n'est-ce pas beaucoup trop?

Établir dans chaque communauté un tribunal de pru- d'hommes. — C'est ce que proposent les clergés de Limoux, de Béziers et de Villeneuve-de-Berg (6). Mais tandis que le premier fixe le chiffre du jugement en dernier ressort à 1? livres, celui de Béziers donne compétence définitive pour certaine nature d'affaires : contestations sur partage des terres, fossés et limites sans fixation de valeurs. Le troisième, au con- traire, reprend la fixation d'un chiffre : 25 livres.

3* La création, tout à fait nouvelle, d'un bureau de pacifica- tion organisé dans chaque communauté et composé d'un avocat, des consuls et de deux assesseurs. C'est l'opinion du tiers- état de Villeneuve-de-Berg (7). La noblesse de la même séné- chaussée émet le même vœu : la création d'un bureau de pacifi- cation; mais elle le place auprès de chaque Cour souveraine

(4) Hisiain ginéraie de Languedoc, t. XIY, cd. 8666, S688.

(2) /d., col. 8607.

(3) Id., ool. 8724. (i) /d., ool. 8834. (6) Id., col. 8666.

(6) Id,, col. 8604, 8683, 8634.

(7) /d., col. 8866.

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DE l'organisation DE LA MAGISTRATURE. 103

avant de plaider sur l'appel (<). Ce n'est plus l'idée du rappro- chement de la justice et des justiciables.

La création d'un tribunal à chaque chef-lieu de départe- nf)enty comme le demandait le tiers-état du Puy-en-Velay.

Attribution du dernier ressort aux justices ordinaires jus- qu'à la somme de 100 livres, et à 200 livres lorsque la demande sera fondée en titre. Aussi tiers-état du Puy-en-Velay.

Mais s'il est bon de rapprocher les juges des justiciables, ne faut-il pas éviter la trop grande multiplicité des petits tribu- naux, les juges s'endorment dans l'oisiveté?

Cette préoccupation, que nous entendons se produire à chaque instant depuis quelque temps, n'avait point échappé à l'atten- tion de quelques ordres. Et, détail assez piquant, on dirait que nous avons emprunté la formule, dont on se sert communé- ment, aux paroles mêmes qui ont servi à une doléance de 1789. Il faut, disait le tiers-état de Carcassonne, rendre aux séné- c chaussées présidiales leur ancien lustre et leur véritable com-

< pétence, augmenter leurs attributions en dernier ressort, et « leur assigner des arrondissements sufBsants pour procurer « aux mcLgisirais un travail suivi, sans en être surchargés, et

< au peuple des juges exercés qui leur rendent une prompte et

< bonne justice (2). »

Le tiers-état de la sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg était imbu des mêmes idées, lorsque, conservant on ne sait pourquoi l'organisation des justices seigneuriales, « il demandait qu'il (( fût fait des arrondissements à chaque chef-lieu, composé au fl moins de douze paroisses (3). » C'était peu, mais au moins ce n'était pas tout à fait l'émiettement de la fonction judiciaire, qui nuit tant à sa valeur scientifique et morale, en ne donnant pas au juge des responsabilités fréquentes et variées.

(4) HUtoin générale de Languedoc^ t. XIV, col. 2743. (%) Id., col. 2788. (3) Id., col. 8866.

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104 MÉMOIRES.

IV

L'inamovibilité du juge garantira l'indépendance de son es- prit et la fermeté de ses décisions; une compétence assez variée, ratione materiœ; assez étendue, ralùme lod, haussent son esprit et le maintiennent dans un courant d'activité utile pour entretenir la puissance de la réflexion portée sur les actes humains et les questions de Droit qui lui sont soumises.

Avant tout, pas de crainte d'une révocation brutale pouvant troubler son cœur ou sa raison.

Hais il pourrait se glisser dans la pratique des tentatives de révocation, implicites ou partielles, qui, sans destituer le juge, le diminueraient considérablement : restrictions de sa compé- tence quant à la nature des afraires; restrictions géographi- ques de l'étendue de son action. Ces diminutiones capilis, majores ou minimœ doivent aussi être proscrites. Et, cependant, des nécessités contingentes quant au temps et au lieu pour- raient quelquefois les imposer. Quelle est alors l'autorité qui doit en décider?

Si c'est le pouvoir exécutif, sans publicité, sans discussion préalable, l'arbitraire sera facile à consacrer. Avec la consulta- tion demandée aux pouvoirs représentatifs locaux, avec le con- cours oblige des grandes représentations de la nation, il devient à peu près impossible.

Ce problème a été nettement envisagé dans plusieurs des cahiers que nous étudions. La pénétration de leurs auteurs n'a donc pas été mise en défaut. Ils avaient senti que l'on essaie souvent de faire indirectement ce que la loi aura défendu ce- pendant de faire directement, et que le pouvoir a souvent cette tendance de reprendre d'une main et par parcelles ce qu'il a donné en bloc et avec l'autre main largement ouverte.

La noblesse de Toulouse veut que la constitution des Parle- ments, leur autorité, Vétendue de leur ressort et le lieu de la rési- dence ne puissent être changés ou autrement ordotmés que de

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DE l'organisation DE LA MAGISTRATURE. 105

l'aveu et du consentement spécial de l'Assemblée nationale (1). Pour elle donc ce n'est point une mince question que celle de l'étendue du ressort d'un tribunal. Elle repousse l'arbitraire des volontés du pouvoir exécutif. C'est la plus haute puissance législative qui doit intervenir pour le règlement de ces diffi- cultés.

La noblesse de la sénéchaussée de Beaucaire et de Nimes est moins explicite dans la formule de son vœu ; mais elle demande expressément qu'il soit établi des commissions particulières^ composées de membres des États généraux, pour présenter aux* dits États des plans sages et praticables sur le rapprochement des justiciables et remplacement des tribunatuD (2). Le simple emplacement, la simple fixation du chef-lieu, lui parait chose de premier ordre. Les États généraux, c'est-à-dire la puissance législative la plus élevée du temps, doivent s'en préoccuper.

Dans d'autres sénéchaussées, l'on est moins exigeant et Ton ne demande pas l'intervention des États généraux pour la cons- titution de la compétence des tribunaux. Mais il faudra, au moins, celle des États provinciaux.

Il sera défendu, dit le cahier de la noblesse du bas Vivarais, par une loi positive, d'ériger aucun tribunal, d'augmenter ou de diminuer son ressort, sans avoir préalablement obtenu le consentement des États provinciaux (3). La garantie est peut-être un peu moins ferme, mais c'est toujours un hommage rendu à la puissance de l'opinion publique et à sa représenta- tion par les corps électifs.

La noblesse de Montpellier est aussi préoccupée de la stabi- lité à donner aux juridictions; mais elle procède autrement. Elle veut, elle aussi, l'organisation d'une commission chargée de régler ces difficultés, mais elle désire que cette commission soit composée de magistrats choisis dans toutes les cours souverai- nes, sauf ensuite à soumettre à l'Assemblée de la nation un plan général uniforme devant fournir tin partage égal des matiè-

(4) Bistaire générale deLmgwdoc, t. XIV, col. 2649.

(2) Id.^ col. 2688.

(3) ïd., col. 2783.

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106 MÉMOIBES.

res entre les cours souveraines, en fixant les limites de leur pou- voir, de manière à prévenir des conflits juridiques (1).

Sans doute, il est à regretter que la noblesse seule paraisse avoir Tormulé des vœux de cette nature. On aimerait aussi à les voir appuyés par le tiers-état. Mais n*est-il pas présumable que ses membres s'y associaient implicitement? Ces hommes habillés de noir, portant la livrée du travail» qui avaient tou- jours parlé au roi à genoux et qui avaient si longtemps souffert de la confusion et de la mobilité des juridictions, ne devaient-ils pas tenir essentiellement à la stabilité du juge? Seulement, il est probable qu'ils redoutaient le maintien des anciens Parlements et qu'ils ne voulaient point leur donner de nouvelles faveurs en contribuant à leur affermissement. Peut-être n'ont-ils pas su s'élever à la formule supérieure^ rationnelle, de l'organisation d'une bonne magistrature» craignant que les Parlements n'en dussent profiter.

Nous autres, nous nous «ainlenons au-dessus des querelles de ce temps-là, et il nous importe peu que ce soit une caste comme la noblesse qui formule les vrais principes. Nous per- çons l'écorce de la formule et nous applaudissons à l'idée vraie, quelle que soit la voix qui la proclame ou le vêtement sous lequel elle se présente.

Voilà comment le Languedoc et ses représentants comprirent, en 1789, les problèmes fondamentaux de l'organisation de la magistrature.

Leurs préoccupations ne s'arrêtèrent pas là. Ils songèrent aussi aux détails.

C'est ainsi que le tiers-état de la sénéchaussée de Limoux de- mandait que tous les arrêts, sentences et jugements fussent motivés et rendus publics (2). C'est là, en effet, la condition essentielle de la bonne justice. L'on doit toujours dire pour quelles raisons l'on décide. Laissons lesit pro ratione voluntas à l'arbitraire des royautés. Quant à la publicité, elle agit comme la lumière, en éclairant et en purifiant.

(4) HUMre gèéraU de Languedoc, t. XIY, col. 8660

(5) /(!., 001.8841.

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DE l'OBGANISATION DB U MAGISTBATURE. 407

La noblesse du bas Vivarais allait encore plus loin : elle émettait le vœu que les juges fussent obligés d'opiner à haute et intelligibk voix, en matière civile, les portes ouvertes, en pré- sence du peuple et des parties (1).

Je ne répugnerais pas pour mon compte à ces manifestations publiques. Peut-on songer cependant à les faire adopter dans un pays Ton pense généralement que l'on n'a pas le droit de renoncer au secret du vote en matière politique?

Mais le plan que je m'étais proposé me parait rempli. Con- cluons.

I. Il faut que les candidats à la magistrature n'y entrent qu'après un concours ou un examen des plus sérieux.

II. Il faut que le magistrat soit inamovible sur son siège. C'est le minimum des garanties que les justiciables et les

juges ont le droit d'exiger.

On le désirait en 1789. Qui oserait avancer maintenant qu'il est rétrograde au point de ne plus vouloir ce qu'on réclamait à cette époque?

(4) HisMn gMnU de Languedoc, t. XIY, ool. 8743.

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t08 MÉMomn.

DOCUMENTS ET ANNEXES

I

Règlement fait par le rai pour Vexécutian des lettres de convocation atÂX prochains États généraux^ dans sa province de Languedoc,

Du 7 férrier 1789.

Le roi 8*étant réservé de déterminer par des règlements par- ticuliers la forme dans laquelle les pays administrés par les Etats provinciaux seraient convoqués à l'assemblée des Etats généraux de son royaume, s*est fait rendre compte^ en son con- seil, des usages anciennement observés dans sa province de Languedoc et des mémoires que les Etats, actuellement assem- blés, lui ont présentés. Sa Majesté a reconnu que depuis l'an- née 1483, les lettres de convocation ont toujours été adressées aux sénéchaux de cette province; que les cahiers de doléances et le choix des députés aux Etats généraux ont été faits cons- tamment par sénéchaussées, et que dans les listes des repré- sentants du Languedoc aux précédents Etats généraux, on voit indistinctement des membres des Etats de la province et des personnes qui n'en faisaient pas partie. Sa Majesté est donc persuadée qu'elle ne porte aucune atteinte aux droits réels des Etats, en suivant, pour la convocation de ses sujets du Langue- doc aux Etats généraux, les formes qu'elle a adoptées pour tout son royaume, formes qui permettront à tous les habitants du Languedoc de faire parvenir jusqu'à elle, ou médiatement ou immédiatement, leurs vœux et leurs réclamations; et ils n'ou- blieront point sans doute, en fixant leur confiance et en diri- geant leurs suffrages, que les Etats du Languedoc n'ont cessé de donner des preuves du plus fidèle attachement aux intérêts de la province. En conséquence, Sa Majesté a ordonné et or- donne que les lettres de convocation et le règlement y joint, du

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DE L*0R6A1^ISATI0N DE LA MAGISTRATURE.

409

24 janvier dernier, seront incessamment envoyés au gouver- neur de la province de Languedoc, qui les fera passer aux sénéchaux de ladite province et, en leur absence, à leurs lieu- tenants, pour être exécutés suivant leur forme et teneur dans toutes les sénéchaussées indiquées par Tétat annexé au pré- sent règlement.

Fait et arrêté par le Roi, étant en son Conseil, tenu à Ver- sailles le 7 février 4789.

Signé : Louis, et plus bas :

Laurent de Villedbuil.

II

État, par ordre alphabétique, des sénéchaussées de la province de Languedoc qui députeront directement aux Etats généraux^ avec le nombre de leurs députations; chaque députatùm composée d'un député du clergé, d*un de la noblesse et de deux du tiers- état.

SÉNÉCHAUSSÉES

Annonay

Béziers

Carcassonne. . Casteloaudary

Castres

Limoux

S-

sénéchaussées

Mende

Montpellier

Nismes

Puy-eo-Velay

Touloose

Villeoeuve-de-Berg

» 00

at-og

Fait et arrêté au Conseil d*Etat du roi. Sa Majesté y étant, tenu à Versailles le 7 février 4789.

Signé : Laurent de Yillbdeuil

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140

MÉMOIBBS.

m

État, par ordre alphabétiqtie, des villes de la province de Langue- doc qui doivent envoyer plus de quatre députés à Vassemblée de leur sénéchaussée et le nombre de députés que chacune y enverra.

NOMS DES VILLES

Agde

Alais

Alby

Andaie

Beaacaire . . .

Béziers

Castres

Carcassonne . . Casteinaodary. Castelsarrazin .

Cetle

Clermont

Gaillac

Gange

Usingeaox

Lavaur

Sa 1

i 1

6 8 8 8 8 40 10 10 8 6 8 6 8 6 6 6

NOMS DES VILLES

ce «

03 a>

I

LePuy

Limoux c

Lodèfe

Lunel

Montpellier

Narbonne

Niâmes

Pézenas

Saint-Andéol (Boorg)

Saint-Esprit

Saint-Gilles

Saint-Hippolyte

Terne

Toolouse

Dzès

4S 6 8 6

20 8

30 6 6 6 6 6 6

50 8

Les villes non comprises au présent état enverront^à l'assem- blée de la sénéchaussée dont elles dépendent le nombre de

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DE l'organisation DE LA MAGISTRATURE. 1H

députés fixé par l'article 31 du règlement général du 24 jan- vier dernier.

Fait et arrêté au Conseil d'Etat du roi, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles le 7 février 1789.

Signé : Laurent de Villedeuil.

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iVi VÊMOIBBS.

DEUX EXECUTIONS CAPITALES

AU DIX -SEPTIÈME SIÈCLE Pab m. Ohaelbs PRADEL (^>

Au premier abord, ce sujet peut paraître oiseux et repous- sant. Si je Tai choisi , ce n'est pas que j'éprouve un charme quelconque à m'appesantir sur des détails hideux.

Il m'a fallu vaincre une répugnance naturelle avant d'arriver à me placer en face de documents semblables à ceux que je vais analyser ou reproduire. Mais ces questions sont à l'histoire ce que l'anatomie est à la médecine : après avoir surmonté le premier dégoût, on trouve leur étude instructive , je dirai presque attrayante.

Puis, il n'est pas mauvais de rappeler, entre temps, les mœurs de l'ancien régime. On ressent mieux ainsi tous les bienfaits de la Révolution, dont l'une des conquêtes celle à laquelle nous tenons le plus en France est l'égalité devant la loi pénale.

Avant que la guillotine eût égalisé les supplices dans notre pays, les exécutions capitales avaient lieu dans des conditions déplorables.

Parmi les nombreuses manières d'exécuter un coupable, deux étaient particulièrement usitées : la pendaison et la décapita- tion. Le hasard^ qui sert aux chercheurs, nous a permis de met-

(4) La dans la séance du 6 mai 4 884 .

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DEUX BXBCDTIONS CAPITALES AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE. 413

tre la main sur un exemple cujjieux de chacun de ces genres à la veille du grand siècle.

La peine de mort était considérée alors non point comme un acte de justice, mais comme un acte de vengeance. Le peuple, bien souvent, se croyait autorisé à prendre part à cette action. S'il trouvait que le bourreau avait failli à son tour pendant l'exécution, il se vengeait encore et tuait le bourreau, pour le- quel, du reste, il n'avait point de faible.

Celte soif de vengeance domine constamment dans notre his- toire. On la retrouve jusque dans les formules sans-culot t ides de 1793, « très haute, très puissante et très expéditive dame guillotine » est appelée la vengeresse du peuple. Il fut même question alors de donner à l'exécuteur le nom ofGciel de ven- geur national^ a6n de réhabiliter un fonctionnaire dont on de- vait abuser.

Au moyen âge, des principes aussi funestes devaient néces- sairement faire nattre l'idée de cruels châtiments à exercer con- tre le coupable, châtiments qui se sont perpétués jusque dans des temps bien peu éloignés de nous. ,

Lorsqu'on se transporte seulement au dix-septième siècle, on est surpris de voir combien les mœurs étaient rudes encore. Les supplices les plus barbares étaient en usage. On en inven- tait même au sein des Parlements. Chaque conseiller pouvait proposer un genre de mort. Aussi, après l'assassinat d'Henri IV, pendant le procès de Ravaillac, un boucher de Paris écrivit au Parlement pour lui proposer d'écorcher le coupable de ses propres mains. Tout le monde sait que sous Louis XIV la peine de mort était édictée pour cause de délit de chasse et de douane, surtout pour cause de religion. Au reste, dans ces temps le respect de la vie humaine n'existait pas, on pen- dait, on décapitait, on rouait fort à la légère. Les exécutions sommaires particulièrement avaient lieu sans grandes précau- tions. S'il s'agissait de pendre un homme, en temps de guerre surtout, on prenait la première corde venue qui cédait au poids du corps avant la parfaite strangulation , ainsi quo, nous en trouvons un exemple dans une plaquette fort rare, publiée à Toulouse chez la veuve Golomiez en 1G28. Cette pièce, »inique 8* sé&ix TOMB III, 2. 8

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1 1 4 MÉMOIBES.

peut-être , trouvera sa place à la «suite de ce petit travail. Elle a pour titre : Délivrance dEsiienne Portail, habitant de Tolose^ mis à la potence par trois fois par quelques habitans de Revel, ce vingt-cinquième mars, jour de l'Annonciation de la Vierge Marie (avec celte épigraphe) : Laqueus œntritus est et liberati su- mus (<).

Le jeune homme dont il est question ici revenait d'une foire de Puyiaurens lorsqu'il fut fait prisonnier de guerre, conduit à Revel et bientôt au supplice par roprésailles. Un de ses cama- rades de prison accepta de devenir son bourreau pour sauver sa propre vie, sans doute. C'était un marché habituel alors Portail fut pendu trois fois de suite à un poirier; trois fois la corde rompit. Ce fait, considéré comme surnaturel, étonna les soldats présents à l'exécution. Le malheureux qui avait cru ra- cheter sa vie en pendant son frère fut tué à copps de mous- quet, tandis que le condamné trouvait un bon samaritain qui le ramena à la vie. Il paya sa rançon et revint à Toulouse. A la vue de ses plaies, au réxîit de ses aventures, on ne manqua [teint d'attribuer ce miracle à la Vierge. Au reste, il assurait à ses amis que pendant son supplice il était dans un état de léthargie nullement pénible.

Grâce à de semblables événements, la pendaison, peu redou- tée , restait dans la croyance populaire comme une source de plaisirs sensuels. Avec elle, le condamné, jusqu'au dernier moment, conservait l'espérance. Il pouvait compter sur quel- que sortilège qui détruirait le charme de la bague enchantée du bourreau, sur la maladresse ou la complicité de celui-ci, sur l'intervention divine ou mieux encore sur celle du peuple. Enfin, au pis aller, la plus douce des morts lui était réservée, pensait-il.

Quanta la décollation, le système employé pour ce genre de supplice était aussi très défectueux. On se servait bien dans les grandes occasions d'une sorte de guillotine; Montmorency, par exemple , eut la tète tranchée par l'une de ces machines

(4) Ce petit opuscole, in-S® de 4 6 pages, m'a été communiqué par M. Rouquette, ibraire de Paris. Il porte le 4,247 de son BuUdin wmtud du i% décembre 4880, il est coté 96 francs.

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DEUX EXÉCUTIONS CÀP1T4LES AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE. 115

fonctionnant SOUS la main du prévôt de Richelieu. Mais si la capitale du Languedoc eut alors le privilège de voir dresser un de ces instruments dont T usage était, du reste, répandu depuis longtemps en Italie et ailleurs, il n'en fut jamais de même dans les autres grands consulats de notre province, qui possédèrent un bourreau chacun jusqu'à la Gn du dix-septième siècle, époque Ton réduisit le nombre des exécuteurs, et Ton exigea d'eux plus de savoir dans leur affreux métier.

Certainement, si la société les traitait alors en parias, l'hor- reur qu'ils inspiraient venait surtout de leur insuffisance à remplir de difficiles fonctions. Il fallait qu'un exécuteur sût faire son office par le feu, l'épée, le fouet, l'écartelage, la roue, la fourche, le gibet; il fallait qu'il sût traîner, poindre, piquer, couper les oreilles, démembrer, flageller, mettre au pilori, au carcan, etc.

Cette étonnante variété de supplices rendait la charge héris- sée de difficultés. Il était impossible à un bourreau de petite ville, dont le rôle se bornait d'ordinaire à pendre quelques manants, de ne pas commettre de maladresses lorsqu'il sortait de ses habitudes. Tous les bourreaux ne pouvaient ôlre des San- son ou des Tristan, dont la dextérité à abattre les tètes savait attirer les faveurs. Non seulement ils étaient inhabiles pour la plupart, mais aussi ils étaient fort mal outillés et adonnés au vin. Ces misérables, recrutés dans les dernières couches so- ciales où ils n'avaient même plus aucun appui, s'avançaient hé- sitants et gauches avec leur mauvais coutelas lorsqu'ils étaient contraints d'exercer leur ministère sur des hommes devant l'épée desquels ils avaient tremblé jusqu'alors. Car il ne faut pas Toublier, la peine de la décapitation, réservée aux nobles, devait être appliquée par l'exécuteur du consulat le coupa- ble avait sa résidence.

Cet enchaînement de circonstances défavorables était une source de troubles toujours funestes au bourreau. La Délivrance de notre habitant de Toulouse nous montre un pendu sauvé, tandis que l'exécuteur est exécuté. Il en est à peu près de même dans \ Histoire d'Hélène Gillet, dont Charles Nodier a fait un de ses meilleurs contes.

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146 MÉMOIRES.

Cette pauvre Klle, condamnée pour infanticide en 1625, sur- vécut à deux coups de coutelas, six coups de ciseaux et à un traitement inouï de la part du bourreau et de sa femme, qui furent, eux, mis à mort par la populace.

Mais, parfois, condamné et exécuteur périssaient tour à tour, ainsi que nous le verrons dans le récit des faits suivants. Je vais tâcher de les rapporter simplement en me rapprochant le plus possible des termes du procès-verbal inédit dressé par le juge qui présida à Texécution. Ceci est de Fhistoire pure. A ce titre, le sujet, d'un goût douteux peut-être, a le droit de se pro- duire dans son entière crudité. Il intéresse d'une manière très directe Tétude des mœurs du dix-septième siècle. Jusqu'ici l'on considérait le drame d'Hélène Gillct, qui se déroula à Dijon, comme un fait isolé (i). La découverte de quelques documents dans le genre de celui-ci prouverait combien partout, alors, les exécutions étaient mal conduites.

Dans les premiers jours de Tannée 1632, aux environs de la ville de Revel, un meurtre fut commis sur la personne d'un notaire, nommé Louis Roustan.

Les assassins restèrent inconnus, d'abord. Cependant, un paysan trouva, non loin du lieu du crime, un cordon, une croix de chevalier avec son ruban. Les soupçonjî se portèrent immé- diatement sur les frères Jean et Isaac Portai , voisins du notaire et ses ennemis.

L'aîné des frères était connu par sa violence ; le second, Isaac, avait, en effet, perdu sa croix. Tous deux s'étaient distingués dans les guerres précédentes, dont ils avaient conservé les allu- res après la paix.

Un mandat d'arrêt fut lancé contre eux. Jean ne put être retrouvé. Isaac, seul, fut pris, conduit à Castres dans les pri- sons de la Tour-Caudière, a6n d'être jugé par la chambre de redit, qui le condamna à avoir la tète tranchée. Portai avait

(1) L'histoire d'Hélène Gilleta été publiée dans le Mercure Français (iomeXl, pp. bt^- 641) d'après une plaquette imprimée à Paris en 4 625 et réimprimée par Ed. Pournier dans ses Variétés hist. et lU.f t, I, p. 35 et suiv. Gabriel Peignot a donné, sur ce sujet, une intéressante brochure qui parut à Dijon en 4829 et qui a inspiré à Nodier le conte que tout le monde connaît.

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DEUX EXÉCUTIONS CAPITALES AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE. H7

longtemps protesté de son innocence; mais, au dernier jour, à la dernière heure, lorsqu'on l'eut exhumé de l'un de ces ca- chots appelés crotons, l'on jetait les condamnés, il finit par tout avouer et réclama une prompte expiation de sa faute. Il entendit encore une fois, à genoux, la lecture de son arrêt de mort et pria de nouveau les témoins de cette scène de ne pas prolonger ses angoisses : il connaissait son sort depuis trois jours. On était au 16 juin. Le moment fixé pour l'exécution approchait : trois heures après midi. Le juge de Castres qui devait présider à la cérémonie cherchait à en assurer le bon ordre. Il l'emplissait les fonctions de viguier, charge supprimée déjà dans plusieurs villes, jugée inutile partout, vacante à Cas- tres. En cette qualité, il se trouvait le chef direct de ce que Ton appelait la /amtïfe des sergents, et se mit en devoir de con- voquer tous les huissiers et recors, tqui sont gens d'ordi- naire à craindre pour leur corps »,a dit Molière, afin de les obliger à assister en armes à l'exécution. En pareil cas, cha- cun tâchait de se récuser.

Le seul sergent resté au palais reçut l'ordre d'aller quérir ses confrères. Pendant ce temps, le juge se promenait avec le procureur du roi dans la cour de la Conciergerie.

Un homme vint à passer. Le juge l'interpella. C'était le bourreau. Il s'appelait Jean Gouvedin. On l'avait fait venir de Revel, car à l'exécuteur de cette ville revenait le supplice de Portai.

Le juge s'informa auprès de lui si l'échafand était solide- ment dressé et si Gouvedin avait l'habitude des exécutions de ce genre. Celui-ci répondit affirmativement; mais il ne s'atten- dait pas à ce que l'on traitât le coupable en gentilhomme. Les personnes intéressées qui étaient venues le chercher lui avaient dit qu'il s'agissait de pendre Portai, non de lui trancher la tète. Il n'avait pas apporté son coutelas. Cependant il était bien sûr de lui-même et venait d'acheter, aux frais des parties, un excellent couteau de boucher.

Le sergent, que l'on avait envoyé à la recherche de ses con- frères, revint bientôt, disant qu'il ne les avait su découvrir ni dans les rues, ni sur les placer, pas même dans leurs maisons.

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If 8 MÉMOIIES.

complètement fermées. La menace de la peine da fouet et celle de la suspension de leurs charges ne purent les faire retrouver.

Et Portai suppliait toujours qu'on en finit avec sa vie. Enfin, le greffier lut une dernière fois l'arrêt de condamnation. Le bourreau, après avoir juré d'accomplir son devoir jusqu'au bout, s'empara du condamné et lui lia les mains derrière le dos. Alors le juge monta à cheval, ainsi que le procureur du roi et son greffier. L'unique sergent ouvrit la marche et le cortège s'avança à travers les rues de Castres, se dirigeant vers la porte de l'Albinque, l'échafaud était dressé.

Arrivé au lieu du supplice, le juge résuma les motifs de la condamnation et les aveux du condamné, qui protesta vivement, on ne sait en quels termes, contre les paroles du magistrat. Hais ce dernier enjoignit à l'exécuteur l'ordre de continuer ses fonctions ainsi qu'il en avait fait le serment. Gouvedin, très puissant en muscles, sans doute, prit donc Portai, le plaça sur l'échafaud, lui banda les yeux et étendit sa tête sur le billot. Le pasteur récita le Credo. Cette prière était achevée, et Gouvedin, malgré les signes réitérés du juge, hésitait encore à porter son coup. Le juge alors, se rapprochant, gourmanda le bourreau et lui ordonna d'accomplir son œuvre. Aussitôt Gou- vedin leva son couteau et frappa. Hais son manque d'assu- rance, les cris, les menaces de la foule, les mouvements du patient firent dévier le coup : Portai ne fut que blessé.

Ici, je citerai textuellement la partie du long procès-verbal qui rapporte le moment le plus tragique de ce drame (1). En continuant à raconter, je craindrais d'enlever à l'histoire un de ces détails naïfs qui la parent de si grands attraits, même dans son horreur :

< ... Et comme led. Gouvedin n'avoit point attaché le d. Portai c à l'échafaud, ains seulement lié ses mains par derrière, iceluy

< se seroit souslevéet auroit sorti sa tête de dessus lebloqueau

< sur lequel icelle estoit appuyée pour estre coupée plus facile-

< ment, et le corps se seroit renversé sur les aix du d. écha-

(1) Cette pièce se troore à Castres dans les ardibes de la fomilie de Lacger.

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DEUX EXÉCirriONS CAPITALES AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE. 119

faudy et au lieu que, auparavant, son visage regardoit la terre, il l'avoit lors tourné du costé de la porte de l'Albinque. Nonobstant quoi, le d.Gouvedin, sans remettre le d. corps en sa première posture ni la tête sur le bloqueau, auroit réitéré ses coups par plusieurs fois, jusques à la scier avec le couteau. Voyant qu'il ne la pouvoit couper, il Tauroit prise par les cheveux, et, en lui tordant le col et la tirant, fait effort de la séparer du corps. A cause de quoi et de la mul- tiplicité des coups ainsi donnés, partie des assistans, en nom- bre de mille ou douze cents environ, se seroit mise à crier : Vilain! Meschani! Massacreur! Il le faut tuer! Tire à Vocca- sion! Desquels cris et du bruit que faisoient les coups que le d. exécuteur donnoit au condamné, le cheval que nous montions se seroit cabré et jeté à Técart. Lequel ayant ra- mené et revenus près de Téchafaud nous aurions vu le d. exécuteur au bas de Téchelle, tète nue, le couteau en sa main et des habits en l'autre, s'enfuyant parce que (comme on nous Ta dit après) quelques-uns des assistants lui auroient jeté des pierres après qu'il eut séparé la tète du corps du condamné. Lequel exécuteur, nous et le d. Raymond, pro- cureur du roy, aurions appelé à grands cris et commandé de venir près de nous. Mais, sans répondre, il auroit continué sa fuite, pendant laquelle on lui auroit tiré plusieurs coups de pierres quelques défenses et empêchements que nous ayons su y apporter. Desquels coups, il auroit été porté à terre et assommé si promptement que nous n'aurions pu ar- river à temps pour le garantir, quoique nous nous soyons mis en devoir d'y accourir, ce que nous n'avons pu faire cependant à cause de la foule, et aussi parce que entre le d. échafaud et le champ du sieur Poncet il avoit fui, il y avoit un fossé qui les séparoit, lequel les chevaux n'auroient voulu franchir. Ayant suivi le chemin pour arriver au d. champ, nous aurions vu le d. Gouvedin à terre et plusieurs personnes lui tirant des pierres.

4 Estantdescendusdecheval, serions entrés dans le d. champ pour voir Testât du d. Gouvedin et aurions trouvé iceluy étendu la face contre terre, tout sanglant de sa tête et plu-

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120 MÉMOIRES.

sieurs pierres dessus lui et autour de lui auprès duquel il y avoit un grand monceau de pierres de reste des déoaolitions des fortifications; étant le d. corps entouré d'un grand nom- bre de personnes le regardant, auprès desquelles nous nous serions informés des auteurs du d. excès; ce que les assis- tans nous auroient dit ne savoir pour avoir été fait en foule. Ce fait, aurions commandé au d. Tournier, sergent, de faire venir Jean Murât, écorcheur de bestes, un nommé Trente Arencadcs, portefaix, et un autre, Jean Joulié, qu'on nous auroit dit avoir tout le jour hanté, fréquenté et bu avec le d. Gouvedin, afin de lui jeter de Teau dessus pour le faire re- venir et le tourner pour pouvoir examiner ses plaies; car tous les assistans refusoient de ce faire. Lequel Tournier auroit été longtemps sans nous apporter aucune nouvelle. Enfin Arnaud Mirepoix, hoste de la présente ville, nous au- roit mené, de nostre mandoroent, le d. Murât, lequel ayant tourné le d. Gouvedin, nous aurions reconnu qu'il estoit mort. Ce fait, aurions commandé au d. Ricard, noire gref- fier, de nous faire venir un chirurgien pour visiter le d. Gou- vedin et rapporter Testât de ses plaies; lequel, après, seroit revenu et nous auroit dit qu'ayant trouvé dans la foule Jean Peravy, chirurgien, et lui ayant fait part de notre mande- ment, il se seroit mis en fuite. A cause de quoi, nous aurions résolu de faire porter le corps du d. Gouvedin dans la mai- son destinée aux exécuteurs de la présente ville et commandé au d. Murât d'aller chercher les d. Arencades et Joulié pour apporter le corps dans la d. maison, afin qu'il pût plus aisé- ment estre visité et après enterré. (Et, ce fait, à la réquisi- tion du procureur du roy aurions ordonné de mesurer la distance qu'il y a de l'échafaud jusques au lieu le d. Gouvedin avoit esté étendu mort : il s'est trouvé quarante- deux pas de distance.) Mais, voyant que led. Murât ne reve- nait point, nous serions entrés dans la d. ville en la compa- gnie du d. procureur du roy et serions nous-méme allé trou- ver le d. Trente Arencades dans sa maison pour lui ordonner d'assister le d. Murât à porter le d. corps dans la d. maison. A quoi le d. Trente Arencades n'auroit jamais voulu obéir.

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DBOX EXÉCUTIONS CAPITALES AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE. 124

c quelques injonctions et commandements que nous lui au- c rions su faire; ains se seroit couché à terre assisté de sa c femme qui se couchoit contre lui, disant qu'on les tuast. f Voyant, par ce moyen, l'impossibilité de faire enlever ce c corps, aurions mené le d. Hurat au d. lieu pour commencer c à faire la fosse pendant le temps que nous travaillerions à c avoir des chirurgiens pour le faire visiter... t

On finit cependant par obtenir de deux hommes de l'art la constatation du meurtre. L'écorcheur enfouit son ami le bour- reau; les consuls, d'accord avec le juge et le Parlement, prirent la résolution de se venger en continuant la tuerie : Ils déclarè- rent que les auteurs de CQtte lapidation seraient punis de mort.

Quant aux restes de Portai, on accorda le tronc à la famille, non sans quelques façons. La tête dut rester un certain temps fixée à l'échafaud sous bonne garde; puis elle fut emportée sur la plus haute tour du lieu le crime avait été commis < pour y demeurer jusqu^à estre consummée », dit l'arrêt de condamnation.

Nous voilà, enfin, arrivés au terme de la pénible tâche que nous nous sommes proposée.

Quels temps que ceux de pareils scandales publics pou- vaient se produire I Nous ne voulons pas entrer ici dans la ques- tion de savoir si la société a le droit de mort. Qu'il nous suffise de constater les progrès qu'elle a faits en la donnant. Les mœurs se sont considérablement adoucies.

Aujourd'hui, le bourreau n'est plus l'opprobre de la société parce que ses fonctions sont faciles; et le châtiment, moins barbare, mais rapide et sûr, arrête plus d'un criminel.

A mesure que la civilisation avance, la vengeance, comme moyen de répression, devient plus rare : le respect de la vie de l'homme augmente. Tout seconde les lois modérées, tout cons- pire contre les lois cruelles, disait Robespierre. La statistique nous prouve qu'avec une législation plus douce, le nombre des crimes a diminué. Citons quelques chiTh-es seulement :

En 1825, on compta en France 114 exécutions capitales.

En 1829, 60

En 1830, 38

En 1833, 34 ~

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422 MÉIIOIBBS.

De 4835 à 4840, la moyenne des exécutions fut de 28 par an.

De 4852 à 4862, elle fut de 23.

Depuis 4862 à 4870, la moyenne est seulement de 9.

Cependant, comme par un enseignement nouveau, on re- marque une recrudescence depuis nos dernières guerres. Mais, en suivant la progression décroissante que l'on constate pen- dant plus de soixante années, les Français cesseraient bientôt d'assister à ces meurtres légaux commis en public, dont les Athéniens auraient eu honte. Nous pourrions compter alors sur la suppression de la peine de mort : plus de bourreaux, puis- qu'il n'y aurait plus d'assassins.

C'est un beau rêve pour notre siècle, après les cauchemars de l'ancien régime.

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DEUX EXÉCUTIONS CAPITALES AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE. 483

DELIVRANCE

D ' ESTIENNE

PORTAIL

HABITANT DE TOLOSE

mis à la potence par trois fois par quelques habitans de Revel, ce vingt-cinquième mars, jour de rAnnonciation de la Vierge Marie.

Laquons contritus est, et liberati

sumus. Psalm. 123. (C'est 124, v. 7, qn*il faut)

A TOLOSE

Par la vefve de Jacques Colomiez, et Raymond Colomiez, Imprimeurs du Roy.

M. DC. XXVIII

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124 MÉMOIRES.

DELIVRANCE

d'Estienne Portail, habitant de Tolose, mis à la potence par trois fois par quelques habitans de Revel, ce vingt-cinquième mars, jour de TAnnonciation de la Vierge Marie.

jje vingt-quatrième janvier 1628, Etienne Portail, aagé de vingt ans, fils de Martin Portail, maistre boucher de Tolose, revenant d'achepter du bestail avec son père et estant près des vignes de Puylaurens, ils furent courus par Sanson, Antoine Faure et Condorés, habitants dudit Puylaurens, qui blessèrent le père d'un coup de pistolet et prirent ledit Etienne Portail qu'ils conduisirent à Revel pour le mettre à rançon (Sanson a été tué peu après).

Il arriva que le capitaine Maisnault Roux, Batiffol et Men- drat, trois des principaux factieux dudit Revel (qui l'an 1625 avoient assisté à la surprise de Durfort ils avoient fait pen- dre le vicaire et le consul du lieu) ayant été trouvés dans le consulat d'Ail lerac, à cinq heures dudit Revel, après avoir couru toute la nuit la campagne, et de menés à Carcas- sonne la procédure extraordinaire leur ayant été faite, ils furent conduits à Tolose elle a été continuée sur divers meurtres, voleries et autres crimes par eux commis, comme aussi un nommé Dupuy, syndic de la ville de Revel, ayant été trouvé traversant le pays avec lettres de créance qu'il portoit au duc de Rohan, et qui avoit fait soulever la ville de Revel contre le service du Roy par perfidie, nonobstant les serments par eux renouvelés au mois d'octobre 1627 de demeurer dans l'obéissance due au Roy, et qui avoit ravi les clefs aux consuls, aidé à escalader ladite ville, le procès ayant été fait à tous quatre au Parlement de Tolose, ils furent condamnés à mort et exécutés le 22 mars. Les trois premiers, à l'exécution, se con- vertirent f) la Religion Catholique Apostolique et Romaine avec beaucoup de repentance de leurs crimes commis.

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DEUX EXÉCUTIONS C4PIT4LBS AD DIX-SEPTIÈME SIÈCLE. 425

L'advis eo étant venu àRevel, le frère dudit Batiffol, un nommé Olivier, neveu dudit Roux, et autres furent au logis de Dumas, habitant de Revel ledit Etienne Portail étoit tenu en despence, les fers aux pieds, attendant la composition de sa rançon. Ils firent compte avec ledit Dumas et dirent qu'ils vou- loient faire pendre ledit Portail en vengeance de l'exécution faite des susdits en la ville de Tolose. Ledit Portail les voyant en furie avec menaces, se mit à prier Dieu à genoux et leur demander pardon et qu'ils eussent pitié de sa jeunesse. Ils di- rent qu'ils le pendroient, qu*il priast Dieu si bon lui sembloit. Lors ledit Etienne Portail dit son chapelet se recommandant à Dieu et à la Vierge Marie pour le délivrer de cette détresse. Environ demie heure après, deux cents hommes de pied vinrent à ladite maison avec Batiffol et Oliver et lui estèrent les fers des pieds et lui firent mettre la corde au col par un nommé Mille, aussi prisonnier à rançon. Le voulant con(jluire, ledit Portail demandoit un confesseur. Sur ce, ils lui reparti- rent qu'il n'avoient ni prestres ni moines, mais qu'ils avoient le ministre, s'il recognossoit que sa loi ne fût pas bonne. Ledit Portail repartant que sa loi étoit bonne et qu'il ne vou- loit point de ministre, ^ils le tirèrent hors de la ville la corde au col, les bras liés par derrière, et l'emmenèrent environ trois mousquetades loin d'icelle, dans un champ il y avoit un grand pommier. Ledit Portail continuoit ses prières en che- min et ils le travailloient avec la corde, lui donnant de rudes secousses. Estant arrivés au pied dudit pommier, ils lui deman- dèrent s'il vouloit prier Dieu. Portail alors, se mettant à genou, récita sa confession générale et dit son In manus. Lesdits habi- tans avec le fust de leurs mousquets le contraignirent de se lever, et firent monter ledit Mille sur le pommier. Celui-ci le tirant à force sans le pouvoir lever, lesdits habitans lui commandèrent de descendre pour lui délier les bras. Ledit Poriail ayant les bras déliés, voyant qu'il falloit mourir et que à force de le tirer auparavant, ledit Mille l'avoit presque étran- glé et écorclié tout le col, il monta sur le pommier gaiement, s'étant résolu à la mort; étant, ledit Mille lui relia les bras lerrière, puis attacha la corde à une branche dudit pommier

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4 20 MÉMOIBES.

et ayant jette ledit Portail, il lui monta sur les épaules pour rétrangler et alors la conle se rompit et ledit Portail tomba à terre. Les habitans voyant ladite corde rompue 6rent descendre ledit Mille et rattacher une autre corde au col dudit Portail; et, après avoir fait monter ledit Mille sur l'arbre, il tira ladite corde et les autres sousievèrent et portèrent en l'air, à force de bras, ledit Portail, le haussant tnnt qu'ils purent, même se servant du fust de leur mousquet. Et l'ayant eslevé en cet état, ris se mirent en devoir de l'étrangler, le tirant par les pieds; mais la corde se rompit pour la seconde fois. Ce que voyant, ils firent doubler la corde et l'ayant mise au col dudit Portail ils rélevèrent encore en l'air, aidant tous audit Mille qui estoit sur l'arbre; et l'ayant pendu pour la troisième fois, ils firent mettre Mille sur les épaules de Portail pour le secouer; et la corde se rompit pour la troisième fois et tombèrent à terre, tant ledit Portail que ledit Mille. Comme donc, dans la rage, ils virent qu'ils ne le pouvoient tuer, ils dirent qu'il en mourroit quoiqu'il en fût avant qu'ils le quittassent.

A cet effet, ils envoyèrent chercher une échelle à une mé- tairie, mais pendant ce temps Bernard Monge, habitant de Re- vel, qui était à la porte de la ville, accourut avec un chirur- gien et contesta contre lesdits complices, leur remonstrant qu'un jour ils en seroient repris de la justice et que Dieu ne vouloit pas que cet innocent mourût. Sur ce, ils repartoient que, à Tolose, on pendoit les leurs et qu'ils vouloient faire le semblable. Il leur répliquoit qu'à Tolose ils avoient la justice et le pouvoient faire par son ordre et non pas eux, et qu'en temps de paix ils le payeroient. Nonobstant toutes ces raisons, ils vouloient tuer ledit Portail à coup d'arquebuses. Ledit Monge et autres se mirent au devant, lui ostèrent la corde et lui dirent qu'il ne mourroit point. Ils estoient en grande combus- tion les uns contre les autres voulant tuer ceux qui s'y oppo- soient et qui disoient qu'il ne mourroit point qu'on ne les tuast pareillement, puisque Dieu ne vouloit pas qu'il mourût.

Lesdits complices jetèrent leur courroux sur ledit Mille et le tuèrent à coups de mousquet et d'épée et ledit Portail fut re- conduit à Revel par ledit Bernard Monge qui le soustenoit sous

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DBOX EXÉCUTIONS CAPITALES AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE. 127

le bras. Il le mena en sa maison, le fit seigner incontinent , mettre au col force unguent, linges chauds et coucher dans un lit, de sorte qu'il revint à convalescence.

Des soldats de Pamiers qui s estoient enfuis à Revel lors de la prise de ladite ville ayant voulu de rechef le prendre pour le faire mourir et le conduire devant Des Isles-Haisons, gouver- neur de Revel, en furent empêchés par ledit Monge, disant que si le gouverneur y venoit, il y perdroit la vie avant que de soufrrir qu'il lui fût fait tort, consolant toujours ledit Portail et l'aôsurant que lui et sa femme ne souffriroient pas qu'on lui fit du déplaisir.

Le lendemain ledit Portail estant visité par les femmes de Revel avec compasion et déplaisir des excès qu'on lui avoit fait» lui dirent que lorsqu'on le conduisoit au supplice, le ministre les mena au Temple pour prier Dieu pour sa conservation.

De ces attentats furieux, les faits cy-dessus se trouvent véri- fiés par la déposition de plusieurs témoins faisant profession de la Religion Prétendue Réformée dans l'ordonnance de la cour du Parlement de Tolose en ayant été à l'instant informée.

Huit jours après, ayant été composé de la rançon dudit Por- tail par le sieur Bedos, faisant profession de ladite Religion, habitant de Puyiaurens, elle fut payée et ledit Portail fut con- duit à Puyiaurens dans la maison dudit Bedos et depuis à la ville de Tolose ledit Portail et autres faisant profession de ladite religion ont recognu les faits cy-dessus estre véritables. Ledit Portail a été vu ayant le col plein de cicatrices^ endures, playes et autres lividités enveloppées de médicaments pour sa guérison.

Il dit que lorsqu'il estoit auxdits tourments, il estoit en lytargie et assoupissement sans avoir senti mal. Dieu a voulu, par ce signalé miracle, faire paroistre sa miséricorde à l'en- droit de ce pauvre innocent par le moyen de sa constance et ferme résolution, ayant eu recours à Dieu et aux prières de la saincte Vierge.

FIN

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428 MÈMoiaBs.

NOTE SUR QUELQUES FAITS

QUI 80m SOSGBPTIBLn Dl SB PBODUIU

DANS LES INOCULATIONS DES HERBIVORES

AYBC DU 8ANO CHARBONNBDX

Par m. BAILLET a)

Le charbon est l'une des maladies contagieuses des animaux dont on s'occupe le plus depuis quelque temps, parce qu'il est au nombre des alTections dont on espère amoindrir les ravages par des inoculations préventives. M. Pasteur, M, Chauveau , H. Toussaint et d'autres ont fait, à ce sujet, des expériences pleines d'intérêt. Je n'ai pas la prétention de rien ajouter aux démonstrations qui ressortent de leurs travaux. Je me propose simplement de tirer de quelques expériences, que j'ai faites à une époque déjà assez éloignée, des indications qui me parais- sent devoir engager à une certaine réserve relativement aux conclusions à tirer des essais faits sur les animaux de l'espèce ovine.

Le plus grand nombre des expériences dont* je veux parler remontent à l'année 1809. Elles ont été entreprises dans le but de reconnaître s'il était indispensable que le sang des ani- maux atteints du charbon renfermât des bactéridies pour jouir de propriétés virulentes. Aujourd'hui . c^tte question ne fait

(4) Lue à la séance da 26 mai 4 884 .

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NOTE SUR LES INOCOLaTIONS DBS HERBIVORES. 129

pas l'objet du moindre doute; mais alors, malgré les beaux travaux de M. Davaine, il y avait encore des pathologistes qui considéraient la présence de la bactéridie dans le sang comme un épipbénomène» et qui croyaient que des animaux pouvaient mourir du charbon, sans que leur sang contint des bactéridies, et que ce liquide^ inoculé dans ces conditions à des sujets sains, était susceptible de faire naître chez eux un véritable charbon, souvent accompagné de la présence des bactéridies dans le torrent circulatoire. Pour n'en citer qu'un exemple, nous rappellerons que c'est l'opinion nettement formulée dans le rapport sur le Mal de montagne, publié en 1869 par MM Bouley et Sanson, l'on peut lire que les cas dans les- « quels les bactéries ne se sont point montrées à l'examen mi- « croscopique du sang provenant d'animaux morts du mal de c montagne, soit spontanément, soit à la suite d'inoculation « expérimentale, sont nombreux.... que pourtant ce sang s'est « montré parfaitement inoculable...; enfin, qu'au cas la « doctrine pairasitaire des bactéries fut demeurée debout , on « eût pu rechercher leur origini^ dans le monde extérieur, et « trouver peut-être la condition délcriniflante de ia maladie, « mais que les résultats de nos expériences (celles de M. San- « son) ne l'ont point laissé subsister.

Bien que nous eussions fait partie de la Commission chargée en 1868 d'étudier le mal de montagne, nous étions loin de par- tager cette opinion, et nous pensions encore, malgré les faits exposés dans le rapport que nous venons de citer, que la bac- téridie devait être l'élément essentiel du charbon. Seulement, c'était un fait qui, pour nous, avaij besoin d'être démontré par de nouvelles expériences. Une occasion de les entreprendre nous fut offerte en 1869, et nous nous hâtâmes de la mettre à profit.

Le 1*' mai 1869, à quatre heure et demie du soir, un cheval mourut presque subitement dans les hôpitaux de l'École d'Al- fort, et des doutes s'étant élevés surja nature de la maladie à laquelle il avait succombé, M. Raynal , alors professeur de cli- nique, me fit appeler pour assister à l'autopsie et pour lui donner mon avis. Sur le cadavre, on trouva les lésions carac- 8* 8É&IE Toum m, 2. 9

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130 MÉMOIRES.

téristiques du charbon. Cependant, pour avoir une conviction plus complète y on inocula, séance tenante ^ deux lapins, et Ton recueillît du sang pour le soumettre à l'observation microsco- pique. Seulement, comme j'étais au moment de partir pour une herborisation avec les élèves qui m'attendaient, cette ob- servation fut remise au lendemain matin.

Fait le 2 mai vers neuf heures, l'examen du sang qui avait été recueilli la veille dans le cœur et dans la jugulaire, permit de reconnaître la présence de bactéridies assez nombreuses et bien caractérisées. Quant aux deux lapins inoculés, l'un d'eux était mort d'accident peu après l'inoculation , l'autre vivait et ne paraissait point encore malade. Il mourut cependant, mais le 5 mai, seulement quatre-vingt-dix heures après l'inoculation. Son sang contenait des bactéridies assez rares, mais mani- festes.

Ce fut avec ce sang que je me décidai à entreprendre la série d'expériences à laquelle j'avais pensé depuis ma première mis- sion en Auvergne*. Mon but était de m'assurer si le sang était virulent avant de contenir des bactéridies. Pour résoudre la question, je m'arrêtai au projet d'inoculer divers animaux, lapins ou moutons, de leur tirer du sang à des intervalles de temps plus ou moins rapprochés, de l'examiner avec soin , et de l'inoculer ensuite à d'autres animaux, en notant scrupuleu- sement chaque' fois l'état dans lequel il se trouvait.

Ce plan fut suivi régulièrement, et du 5 mai au 23 juillet j'inoculai successivement cinquante-deux lapins et douze mou- lons. En outre, des expériences furent faites sur un cheval, une génisse, des porcs et un chien.

Ainsi que je l'ai dit dans le travail que j'ai publié en 1870 sur les pâturages de l'Auvergne, sévit le mal de montagne» toutes ces expériences ont été favorables à la thèse de M. Da- vaine, que l'on contestait alors, et qui est aujourd'hui admise partout le monde. Comme lui j'ai pu voir, en effet, que les bactéridies constituent l'élément essentiel du charbon, car elles n'ont jamais manqué dans le sang d'aucun des nombreux animaux dont j'ai fait l'autopsie, après les avoir vus succom- ber au charbon inoculé expérimentalement, ou au charbon non

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NOTE SUR LES IN0CUL4TI0NS DES HERBIVORES. 131

inoculé, et de plus, entre mes mains, le sang ne s'est jamais montré virulent que dans les circonstances il contenait des bactéridies plus ou moins nombreuses.

Ces expériences m'ont fait voir, en outre, et c'est un point important, que l'économie lutte contre le virus charbonneux que l'on introduit par voie d'inoculation dans le torrent de la circulation, qu'elle triomphe parfois de cet élément morbide, et que les phénomènes qui se produisent alors sont fort analo- gues à ceux que l'on observe, au début de la saison-, chez les animaux qui fréquentent les pâturages dangereux.

% i. Je n'ai pas l'intention de rapporter avec tous leurs détails les expériences qui m'ont permis de reconnaître les faits que je viens de rappeler et que j'ai déjà indiqués succinc- tement dans mon rapport de 1869; je me bornerai à en résumer en quelques mots les circonstances les plus importantes.

Les expériences qui ont établi pour moi, dès cette épo- que (1869), qiie le sang n'est virulent que lorsqu'il contient des bactéridies, ne sont pas aussi nombreuses que je l'aurais voulu; mais elles donnent toutes des résultats concluants.

Dans l'une d'elles, un mouton, que j'appellerai A, est ino- culé, le 9 juillet, par quatre piqûres à la face interne des cuisses, avec du sang très-riche en bactéridies, provenant d'un lapin, qui avait succombé lui-même à la suite d'une inocu- lation.

Dans la journée du 9, le sang, obtenu par des piqûres faites aux oreilles ou aux veines de la face, est examiné cinq fois. La même opération est répétée six fois dans la journée du 10; et, dans aucun de ces nombreux examens, on ne trouve de traces de bactéridies dans le liquide circulatoire. On l'inocule néan- moins lors des troisième, quatrième, cinquième et sixième examens à des moulons, et Iprs des neuvième et onzième exa- mens à des lapins. Aucun de ces animaux n'a été malade; mais un douzième examen étant fait, le 11, à six heures du matin^ on trouva de nombreuses bactéridies dans le sang, que l'on inocula immédiatement à un cinquième mouton, que nous ap- pellerons B^ et à un lapin C. Ces inoculations, qui précédèrent

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432 MÉMOIRES.

la mort du mouton A de une heure trente-cinq minutes, don- nèrent des résultats différents, car le mouton B, que nous nous proposions de faire servir de point de départ à une nouvelle série d'expériences, fut malade, mais n eut jamais desbactéri- dies dans le sang et se rétablit, tandis que le lapin C succomba vingt-trois heures après l'inoculation, et que son sang, examiné après la mort, présenta des bactéridies assez nombreuses.

Dans deux autres séries d'expériences, exécutées d'après le même plan, ce sont des lapins qui ont fourni, pendant leur vie, le sang nécessaire aux inoculations.

Dans l'une d'elles, un lapin D est inoculé le 9 juillet, en même temps que le mouton A, dont nous venons de parler, et avec du sang de même provenance. Vingt-deux heures après l'inoculation, et deux heures avant la mort du sujet, son sang, qui contient des bactéridies, est inoculé à un autre lapin E. On est alors au 10 juillet; il est six heures du matin. Le 11, à sept heures du matin, le sangdu lapin E contient déjà des bac- téridies évidentes. Il en ronlient de plus nombreuses encore à neuf heures et demie, une demi-heure avant la mort, qui ar- rive à dix heures. A chacun de ces trois moments de la jour- née, un nouveau lapin est inoculé, et chez les deux premiers qui subissent l'opération, pendant la vie du sujet dont on em- ploie le sang comme virus, le charbon se déclare et se ca- ractérise par la présence de bactéridies, aussi bien que chez le troisième que l'on a inoculé qu'après la mort.

J'appellerai F le lapin qui a été le point de départ de la der- nière série d'expériences, dans lesquelles les inoculations ont été faites avec du sang pris sur un sujet vivant. Chez cet ani- mal , inoculé le 13 juillet à quatre heures de l'après-midi, le sang a été examiné le 14 juillet à six heures du matin, à huit heures, à dix heures et demie, à une heure et à trois heures et demie, sans qu'on ait pu découvpV la moindre trace de bacté- ridies. A quatre heures quarante-cinq, des bactéries apparais- sent très évidentes; elles sont nombreuses à huit heures et demie. L'animal meurt dans la nuit du 14 au 15, et à l'autop- sie le sang se montre exceptionnellement riche en bactéridies.

Quatre inoculations ont été faites avec le sang de ce sujet;

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NOTE SUR LES INOCULATIONS DES HERBIVORES. 133

la première, sur un lapin, à dix heures et demie, alors que le sang ne présentait encore aucune trace d'altération; la se- conde, à quatre heures quarante-cinq, sur un autre lapin, au moment les bacléridies commençaient à apparaître; la troi- sième, à huit heures et demie, sur un mouton, quand elles étaient déjà nombreuses, et la dernière après la mort, sur un autre mouton.

Comme on devait s'y attendre, la première de ces inocula- tions est restée infructueuse, et l'animal n*a pas même été indisposé. A la suite des trois autres, au contraire, le lapin et les deux moutons sont morts, et leur sang a offert des bactéri- dies assez nombreuses et bien caractérisées.

Ainsi, dans ces trois séries d'expériences, sur quatorze ani- maux (six moutons et huit lapins) qui ont été inoculés pendant la vie des sujets sur lesquels on prenait le sang, il en est sept (quatre moutons et trois lapins) qui sont restés parfaitement sains, un huitième (un mouton) qui a été malade mais qui s'est rétabli, et six autres (cinq lapins et un mouton) qui ont succoribé au charbon. Les sept premiers avaient été inoculés avec du sang qui ne contenait point encore de bactéridies, et ils ont échappé à la contagion, biep que les sujets sur lesquels on avait pris le sang aient eux-mêmes succombé plus tard à la maladie. Le huitième, qui est un mouton, avait été inoculé avec du sang riche en bactéridies; il a résisté au mal, cependant, offrant ainsi un exemple de ce fait que tous les moutons que l'on inocule du char- bon bien confirmé ne sont pas fatalement voués à la mort. Quant aux six autres, leur mort démontre que le sang des ani- maux atteints du charbon devient virulent pendant la vie, mais qu'il n'acquiert cette propriété qu'au- moment il commence à renfermer des bactéridies.

g 2. J'ai dit plus haut que mes expériences de 1869 m'avaient permis de constater que l'économie animale lutte, au moins dans quelques espèces, contre le virus charbonneux que l'on introduit dans !e torrent de la circulation ; que parfois elle en triomphe, et que les phénomènes qui se produisent alors ont la plus grande analogie avec ceux que l'on observe,

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434 MÉMOIRES.

au début de la saison , chez les animaux qui fréquentent les pâturages dangereux.

Ce fait remarquable ressort des observations que j'ai consi- gnées dans le rapport que j*ai publié en 1870 sur le mal de mon- tagne. C'est, à M. Marret, vétérinaire à Allanche, que je dois de m'avoir fait reconnaître , dans les excursions que nous avons faites ensemble , que tous les pâturages , dans la Haute-Au- vergne, n'agissent pas de la même manière sur les vaches que on y place pour les engraisser. Lorsque le pâturage est sain, ai-je dit à cette occasion, les vaches profitent rapidement de l'abondante nourriture qui est mise à leur disposition....; mais lorsqu'au contraire il est au nombre de ceux au sein desquels doit apparaître le mal de montagne, les choses marchent tout autrement : les vaches restent tristes et non- chalantes, elles mangent peu , ne profitent pas de l'herbe qu^elles mangent, et, pour me servir de l'expression des batiers, elles restent plates. Il est facile de reconnaître quAoutes éprouvent un malaise particulier et qu'elles lut- tent contre les premières atteintes du mal. Dans les herbages de l'Auvergne l'on engraisse des vaches, on est dans l'habitude de placer, comme on le fait d'ailleurs dans beau- coup d'autres contrées, un ou plusieurs taureaux dans le troupeau, afin que ces animaux satisfassent les bètes qui deviennent en chaleur, et les empêchent ainsi de se tour- menter et de maigrir. Dans un troupeau qui est menacé du mal de montagne, les taureaux ne sont pas exempts du malaise qu'éprouvent les femelles de leur espèce. Ils sont alors moins ardents et moins aptes à remplir le but pour lequel on les conserve. Le 17 juin dernier (1869), lors de la première visite que nous fîmes au grand bos, M. Marret et moi, il existait, dans un troupeau ile cent trente-quatre vaches, quatre taureaux. Plusieurs bêtes étaient en cha- leur; les taureaux, loin de se les disputer, les délais- saient , et le seul d'entre eux qui montrait quelques dé- sirs vénérions était remarquablement mou ; nous le vimes plusieurs fois renouveler des tentatives de saillies sans abou- tir à aucun résultat.

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NOTE SUE LES INOCULATIONS DES HERBIVORES. 135

« Dans les montagnes dangereuses^ il est peu de vaches qui « échappent au nialaise que nous venons d'indiquer ; mais, à « moins de conditions excessivement mauvaises, il est rare que

le plus grand nombre d'entre elles ne réussissent pas à se « rétablir peu à peu, à se remettre en état et à arriver à un « engraissement suffisant pour qu'on puisse avec avantage les t livrer à la boucherie. Néanmoins, il en est toujours au moins 9 quelques-unes qui sont assez profondément atteintes pour c que leur rétablissement soit difficile, ou même quelquefois c tout à fait impossible.

« Il est ordinairement facile de Veconnaitre ces vaches. On « les voit rester à l'écart ou ne suivre qu'avec lenteur le trou-

peau qui se déplace. Elles demeurent tristes, sans vigueur, < mangent à peine ou ne mangent pas du tout, et continuent c à maigrir. En général, les batiers isolent dans des parcs à « part les bêtes qui présentent ces caractères. Toutes les « vaches qui sont ainsi isolées ne sont pas destinées à périr. Il

en est toujours un certain nombre, très variable d'ailleurs, suivant les années et suivant les pâturages, qui, bien qu'elles aient paru tout d'abord très malades, finissent par se rétablir

sans qu'on les soumette à aucun traitement. M: Marret, dans les courses que nous avons faites ensemble, m'a fait remar- « quer plusieurs bêtes ainsi rétablies, et, comme lui, je crois que ces faits doivent être notés avec soin et sont de nature à « rendre le praticien très -circonspect dans l'appréciation des « résultats que Ton obtient, lorsque des animaux soumis à des traitements particuliers survivent au mal de montagne.

« Mais s il est quelques vaches qui reviennent à la santé après avoir été assez gravement atteintes pour donner de sérieuses inquiétudes, il en est malheureusement un trop grand nombre chez lesquelles les symptômes s'aggravent et qui ne lardent pas à mourir. le plus souvent elles succombent dans les parcs on les a confinées. Plus rarement elles tombent au c milieu du pâturage, soit que les premiers signes du mal

aient échappé à l'attention des batiers, soit encore que la ma- ladie ait été trop rapide et la mort presque foudroyante. »

Je n'ai pas besoin de dire, après cette longue citation de mon

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1 36 MÉMOIRES.

rapport de 1869, combien j'avais été frappé des faits que je viens de rappeler. Je le fus bien davantage encore quand je re- connus, à la suite de mes expériences, qu'il est des animaux qui échappent aux inoculations faites avec le sang le plus viru- lent, comme il en est qui échappent à Tinfluence des pâturages les plus dangereux et que, dans ce cas, les sujets inoculés éprou- vent, dans leur santé, des troubles comparables à ceux que Ton observe chez les vaches dans la montagne.

Le mouton B, dont j'ai parlé dans la première série d'expé- riences rapportée plus haut, fut le premier qui appela mon at- tention dans ce sens. Cet animal, comme on Ta vu, fut inoculé le H juillet avec du sang tiré pendant la vie du mouton A, très- riche en bactéridies et dont les propriétés virulentes furent ren- dues d'ailleurs évidentes, dans la suite, par la mort du lapin C, inoculé en même temps que le mouton B. Ce dernier ne suc- comba pas cependant. Mais comme je ne pouvais prévoir qu'il résisterait à la maladie et que j'espérais faire naître avec lui des occasions de tenter do nouvelles inoculations faites avec du sang infecté de bactéridies recueilli pondant la vie, je lui tirai du sang que je soumis à l'inspection microscopique, le H juil- let, à >• heures de l'après-midi; le 12, à 6 heures du matin , à 8 heures, à 10 heures, à midi, à 3 heures, à 4 heures et demie et à 7 heures et demie; le 13, à 10 heures, à une heure, à 2 heures 15, à 5 heures et à 7 heures, et le 1i, à 10 heures, à 1 heure 10 et à 8 heures et demie. ^Dans aucun de ces exa- mens il ne fut possible de reconnaître des bactéritlies dans le sang. Cependant l'animal fut très manifestement malade. Mais un fait se produisit qui démontra qu'il luttait avec succès con- tre la contagion, ou, en d'autres termes, contre la multiplica- tion des bactéridies que l'on avait tenté d'introduire dans son organisme ; sur sept animaux (six lapins et un mouton) que Ton avait inoculé avec son^sang pendant qu'il semblait malade, au- cun ne parut éprouver le'moindre malaise.

Dans le principe, je fusjlenté d'attribuer cette résistance à la contagion, à la condition particulière dans laquelle avait été faite l'inoculation, 'avec du sang tiré d'un sujet vivant. On pouvait supposer, en effet, (jue les bactéridies, tout évidentes et

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NOTE SUR LES INOCUUTIONS DBS HERBIVOHES. 137

toutes nombreuses qu'elles fussent dans ce liquide, n'avaient point encore atteint un degré de maturité suffisant, pour être aptes à se reproduire dans un autre organisme. Mais cette inter- prétation ne tint pas, en présence dos faits qui se produisirent dans les expériences que je fis ultérieurement. En effet, 'dans la série d'expériences rapportées précédemment, dont le lapin F a été le point de départ, un mouton G inoculé avec du sang d'un lapin vîVant et deux ou trois heures avant la mort de ce der- nier, a succombé au charbonet a laissé voir de nombreuses bacté- ridies dans son appareil circulatoire. Parcontre, dans une autre expérience faite à peu près à la même époque (19 juillet 1869), un mouton inoculé du sang d'un lapin mort, riche en bactéri- dies, se comporta exactement comme le mouton Bqui avait été inoculé avec le sang d'un animal vivant. Il devint malade dans la soirée du 20, resta dans cet état pendant toute la journée du 21, et ne reprit son état ordinaire que le 23. Or, pendant tout ce temps, son sang, examiné trois fois par jour, ne présenta jamais de bactéridies et laissa parfaitement sains trois lapins auxquels il fut successivement inoculé. J'ajouterai que dans des expé- riences postérieures à celles dont j'ai parlé dans mon rapport de 1869, deux autres bêtes ovines inoculées avec du sang pro- venant de sujets qui avaient succombé au charbon, se sont comportées exactement comme le mouton B et le mouton G.

D'après cela il nous parait incontestable, comme nous l'avons dit en 1870, que l'inoculation du sang charbonneux peut ren- dre malades même la«î sujets qu'elle ne tue pas et que par con- séquent il est des animaux qui peuvent être sous le coup du charbon, et cependant se rétablir. Les symptômes, que l'on observe chez eux au début, ne diffèrent pas de ceux qui se mani- festent chez ceux qui doivent mourir. Us deviennent tristes, se séparent des autres sujets de même espèce qui occupent la même étable et se retirent dans un coin; ils ont souvent des mouvements convulsifs, des sortes do soubresauts et même des grincements de dents. Ils mangent peu ou ne mangent pas du tout, quelle que soit la qualité des alifnents qu'on leur offre. Chez ceux qui doivent mourir les symptômes s'aggravent, l'abat- tement devient profond; ils tombent, se débattent et meurent.

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438 yÉMOiRSS.

Chez les autres» au contraire, l'état normal revient peu à peu. On les voit d'abord se préoccuper davantage de ce qui se passe autour d'eux; se lever, venir au râtelier, manger quelque peu, puis s'isoler pour revenir encore et finalement reprendre leur appétit et toutes les habitudes qu'ils avaient avant l'inocula- tion. Il est impossible de ne pas reconnaître que ces faits of- frent t une analogie frappante avec ce qui se passe dans les c montagnes dangereuses de l'Auvergne, l'on voit des trou- f peaux entiers de vaches en proie' à un malaise qui se traduit c à peu près par les mêmes symptômes et qui semble indiquer c qu'au sein des pàtui*ages, comme dans les expériences d'ino- c culation, l'économie lutte contre le principe morbifique d'où dérive le charbon. » (Rapport sur les pâturages de l'Auver- gne où sévit le mal de montagne.)

Il est naturel de conclure de que le charbon spontané ou inoculé peut revêtir une forme sous laquelle il est bénin : on peut même aller plus loin et admettre, avec M. Pasteur et quelques patbologistes, que les sujets qui en ont été atteint sous cette forme, ont acquis une véritable immunité, par laquelle ils sont désormais à l'abri de la maladie susceptible de devenir mortelle. Si la chose est vraie, comme on est autorisé à le croire, d'après ce qui se passe pour d'autres maladies conta- gieuses, il est évident qu'il pourrait y avoir avantage à tenter l'inoculation d'un charbon bénin chez les animaux qui sont appelés à vivre dans les contrées la maladie décime les trou- peaux. Seulement il faut, avant tout, être bien assuré qu'il est des moyens pratiques de se procurer un virus bénin dans le- quel on puisse avoir confiance. Ici les difficultés se présentent. D'après M. Pasteur lui-même, les procédés indiqués par M. Tous- saint peuvent fournir un virus dont l'inoculation, parfois pré- ventive, est inefficace dans certains cas, et pernicieuse dans d'autres. Le savant professeur de l'École normale a plus de con- fiance dans le virus qu'il prépare lui-même, en soumettant la bactéridie charbonneuse à un procédé do culture, qui lui per- met do l'obtenir, dans des conditions telles, qu'elle n'est plus susceptible do se reproduire par des spores, mais qu'elle peut encore se reproduire par une sorte de segmentation ou de scis-

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NOTE SDR LES INOCULATIONS DES HERBIVORES. 439

siparité et dans des limites assez restreintes pour ne pouvoir provoquer qu'un charbon bénin (4). C'est à rexpérimentation qu'il appartient de faire voir quelle pourra être la valeur pra- tique du procédé de M. Pasteur et de ceux qui ont été ou qui seront proposés par d'autres auteurs. On devra nécessairement pour cela recourir à des inoculations supposées préventives, sur des animaux que l'on soumettra ensuite à des inoculations avec un virus des plus actifs, ou que l'on placera pendant un certain temps dans des pâturages dangereux. Si ces animaux échappent à la maladie, on pourra présumer que l'opération à laquelle on les aura soumis leur aura communi )ué une véri- table immunité et quelle aura agi à l'égard du charbon comme la vaccine à l'égard de la variole dans l'espèce humaine. Mais au moment de faire ces essais, il sera très important de faire bien attention que toutes les espèces animales ne sont pas éga- lement propres à servir, en quelque sorte, de réactifs dans les épreuves auxquelles il faudra soumettre les procédés à expé- rimenter.

L'espèce du lapin est une de celles qui conviennent le mieux pour cela. Il est infiniment rare de trouver dans celte espèce des sujets qui résistent à une inoculation de sang charbonneux contenant des bactéridies. Dans mes notes, je n'en vois qu'un seul qui se soit présenté dans ces conditions. Aussi peut-on dire qu'il y aurait de grandes chances pour qu'un procédé fût vraiment préventif, s'il avait le pouvoir de mettre les lapins dans de telles conditions d'immunité, qu'ils résistassent sûre- ment aux inoculations du sang charbonneux infecté de bactéri-

(4) M. Pasteur dit, dans une note, que lorsque la bactéridie est très atlénaée par les cultures « ses filaments sont plus courts, plus dirigés ; que leur culture moins abon- « dante forme sur les parois des Tases un dépôt uniforme, tandis qu'à Tétat Tirulent a on la Toit le plus souvent en flocons cotonneux, constitués pAr de très-longs fils. » Ces bactéridies atténuées ne seraient-elles pas les analogues des petits corps linéaires dont j'ai parlé dans mon rapport sur les pâturages de TAuTergne, et que j'ai trouvé « dans « quelques cas seulement dans le sang des animaux qui sont morts plus tard, comme dans « celui de ceux qui, ayant été plus ou moins malades, se sont cependant rétablis. Ja- « mais ces petits corps n'ont eu, sous mes yeux, les caractères de véritables bactéridies.» Il serait curieux de rechercher s'il n'y a pas un état qui précède le développement de la bactéridie véritablement virulente et qui, étant susceptible d'aboutir à une sorte d'avortement, provoquerait dans ce cas la maladie dont l'animal peut guérir ?

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1 40 MBMOIRES.

dies. M. Pasteur assure qu'avec son liquide de culture il arrive à ce résultat, et c'est un fait qui doit engager à soumettre son procédé à une expérimentation sérieuse.

Mais parmi les herbivores domestiques de nos contrées, le lapin est le seul qui puisse être considéré comme propre à donner une démonstration sans réplique. Malgré la fréquence des cas de charbon que l'on observe chez les animaux de l'espèce ovine, le mouton est peu propre à déceler si un pro- cédé est ou n'est pas préventif, parce que dans cette espèce beaucoup de sujets échappent à la mort quand on les inocule du charbon.

§3. Comme je l'ai dit en commençant, dans mes expé- riences de 1869 douze bètes ovines ont été soumises à des inoculations. Seulement, sur ces douze bètes, il en est cinq qui ne doivent pas entrer en ligne de compte, parce qu'elles ont été inoculées avec du sang d'animaux vivants, dans lequel n'existaient point de bactéridies. Il en reste sept chez lesquelles les inoculations ont été faites avec du sang évidemment infecté (le bactéridies. Or, sur ces sept , cinq ont succombé au char- bon et deux ont survécu après avoir éprouvé les symptômes que j'ai fait connaître plus haut. C'est déjà une proportion qui est assez forte pour que l'on en tienne compte. Mais elle ne représente pas encore le chiffre des moutons que j'ai trouvés naturellement réfractaires au charbon mortel , à la suite des inoculations. Il faut en ajouter deux autres sur lesquels l'expé- rience a été faite dans des conditions que je crois devoir exposer en peu de mots, parce que nous allons nous trouver en pré- sence d'un fait qui se joint à d'autres que l'on a récemment publiés, et qui confirme les appréhensions que l'on doit avoir relativement aux lieux l'on enfouit les animaux morts du charbon.

Dans les deux missions que j'ai eu à rempHr en Auvergne , en 1868 et en 1869, j'avais été frappé de la persistance avec, laquelle les habitants du pays attribuaient le mal de montagne aux plantes dos pâturages, cl je m'étais plusieurs fois demandé si ce ne serait pas avec les végétaux qui croissent sur les points

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NOTE SDR LES INOCULATIONS DES HERBIVORES. 1 41

sont enfouis les animaux que les germes du charbon pénè- trent dans l'économie. Pour m'écfairer sur ce point, j*ai fait enfouir^ en 1869, une partie des animaux que j'ai perdus dans mes expériences, dans un endroit du clos de l'École d'Alfort» à proximité de mon laboratoire, facile à reconnaître d'ailleurs par un signe tracé sur un mur. Sur cet endroit , j'ai fait semer de la luzerne, des carottes et des betteraves, et à différentes reprises j'ai fait manger l'herbe et les racines à des lapins et à des moutons, sans que jamais aucun d'eux ait éprouvé le moin- dre malaise.

En 1871 , quand je revins après la guerre, rien n'avait été touché dans l'endroit avait été enfouis mes animaux; il me fut facile de le reconnaître , et je pus , quelque temps après, recommencer mes expériences sur des lapins, sans obtenir plus de succès. Entin, en 1872, des moutons de race saoutdown, réformés du troupeau de l'Ecole de Grignon , ayant été mis à ma disposition, j'en fis placer deux, tous les jours, du 11 au 18 mars, dans l'après-midi, sur le sol que je supposais infecté. Us mangèrent le peu d'herbe qui s'était accrue sur la fosse , et reçurent, en outre, leur ration ordinaire à la.borgerie.

Le 16, on s'aperçut que l'un de ces deux moutons était à demi météorisé , qu'il était triste, qu'il refusait de manger, et semblait se déplacer avec pt^ine pour se rendre au point du clos il avait brouté la veille. Le 17, son état était plus in- quiétant; on le laissa dans la bergerie annexée au laboratoire; il se coucha dans un coin, fit entendre de temps à autre des grincements de dents, et fut même agité de quelques mouve- ments convulsifs. Le 18, on le trouva mort; l'on reconnut à l'autopsie toutes les lésions du charbon, et, de plus, l'examen microscopique du sang démontra l'existence de bactéridies très- nombreuses et très évidentes.

Sans me laisser voir encore comment les bactéridies avaient pénétré dans l'économie, ce fait établissait pour moi le danger des fosses creusées au sein des pâturages , danger sur lequel j'avais insisté dans mon rapport de 1869. Je cherchai à le rendre plus évident encore en continuant de faire séjourner sur l'endroit infecté le mouton qui avait accompagné jus-

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1 4S MtXOlRBS.

qu'alors celui que la mort avait frappé, et un autre choisi parmi ceux qui n'avaient point encore quitté la bergerie. Aucun d'eux ne fut malade, et il ne me fut pas permis de continuer longtemps ou de renouveler mon expérience , parce que quelque temps après i) fut fait dans le clos des travaux , à l'occasion desquels mon champ d'enfouissement fut bouleversé. Hais en entrant dans cette nouvelle voie de recherches qui ne devait pas, d'ailleurs, me fournir un autre fait semblable à celui que je venais d'observer, je n'avais point abandonné le projet de revenir à des inoculations faites pendant la vie des animaux contaminés. Pour m'en fournir le moyen, j'inoculai, le 18 mars, avec le sang du mouton southdown qui venait de succomber, deux autres moutons et un lapin. Celui-ci mourut trente-six heures environ après l'inoculation, et son sang offrit des bactéridies bien caractérisées. Quant aux deux moutons, ils étaient alors tristes, malades retirés dans un coin de la ber- gerie, et bien que leur sang ne contint pas encore de bactéridies, je comptai si bien que l'un deux au moins succomberait, que je négligeai d'inoculer un autre lapin. Mon attente fut trompée, les deux moutons se i^tablirent et survécurent, ajoutant ainsi deux faits d'inoculations infructueuses à ceux que j'avais re- cueillis dans mes expériences de 1869.

Ainsi, en résumé, sur neuf moutons de races diverses que j'ai inoculés en 1869 et en 1872, avec du sang charbonneux conte- nant des bactéridies, cinq ont succombé et quatre ont survécu, de telle sorte que d'après ces nombres on serait autorisé à dire, que près de la moitié des individus, dans" cette espèce, ont en eux-mêmes la propriété de résistera l'action du sang charbon- neux qui semble devoir être le plus virulent.

Ce fait est évidemment de nature à imposer quelque réserve dans les conclusions que l'on pourrait être tenté de tirer d'ex- périences faites sur les bêles ovines pour s'assurer si des ino- culations préventives, opérées dans des conditions déterminées, seraient aptes à les préserver d'un charbon fatalement mortel. Une réserve au moins aussi grande serait imposée à ceux qui voudraient opérer avec des chevaux, des bêtes bovines clés porcs, des chiens.

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NOTE SUR LES INOCULATIONS DBS BBRBIV0R8S. 143

Je n'ai pas à fournir d'observations qui me soient person- nelles en ce qui concerne les chevaux et les grands ruminants. Pendant mes expériences de 1869, un cheval et une génisse furent inoculés par H. Haynal avec du sang provenant des mou- tons qui avaient succombé dans mon service; j'ai su que ces animaux avaient survécu à l'ijioculation, mais je n'ai pas appris qu'ils eussent éprouvé des troubles quelconques dans leur santé.

Un porc adulte, que j'ai inoculé moi-même à la lancette, a résisté au mal, mais ce n'a pas été sans avoir été malade d'une façon très marquée. Vingt-quatre heures après l'inoculation il est devenu triste, s'est retiré dans le fond de sa loge, a refusé de la manière la plus absolue ses aliments, même ceux que lui offrait à la main l'homme qui le soignait d'habitude, avec lequel il était très familier, est resté dans cette sorte d'abattement un jour et demi, et n'est revenu que peu à peu à son état ordi- naire.

Un autre porc, auquel on a fait manger avec du son le sang riche en bactéridies provenant de deux moutons morts du char- bon, n'en a éprouvé aucun malaise.

Plusieurs chiens adultes ont été inoculés du charbon sans qu'on ait observé dans leur état rien de particulier. Hais un autre animal de cette espèce que l'on a nourri, du 3 au 18 mai, avec de la viande provenant d'animaux charbonneux, est mort subitement, sans que l'on puisse attribuer sa mort au charbon, car son sang ne contenait point de bactéridies, et on a pu l'ino- culer à un lapin sans que celui-ci ait eu à en souffrir.

Enfin, j'ajouterai pour terminer, qu'à différentes reprises, pendant mes expériences, j'ai nourri des lapins et des moutons avec des fourrages verts ou secs qui avaient été arrosés quelque temps auparavant de sang charbonneux, et que jamais il n'en est résulté d'accidents pour aucun d'eux.

Telles ont été, en définitive, les expériences que j'ai faites sur la virulence du sang charbonneux. Entreprises pour permettre de reconnaître si la présence des bactéridies dans le sang était indispensable pour que ce liquide fût virulent, elles ont été ab- solument favorables à cette opinion qui n'est plus aujourd'hui

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144 MÉMOIRES.

contestée. Mais elles ont, en outre, démontré que, parmi les herbivores domestiques de nos contrées, le lapin est le seul qui paraisse destiné fatalement à périr lorsqu'il est inoculé avec du sang contenant des bactéridies. Dans toutes les autres espèces, il existe des sujets, en nombre assez élevé, qui sont aptes à ré- sister aux inoculations charbonneuses, après avoir éprouvé, le plus souvent dans leur santé, un trouble momentané, par lequel est accusée la lutte de l'économie contre l'élément morbide. C'est un fait qui nous a paru important de constater, afin qu^on ne soit pas porté à attribuer à des inoculations préven- tives le bénéfice do l'immunité que paraissent posséder natu- rellement certains animaux que Ton inocule d'un sang très virulent, ou que l'on fait vivre dans des pâturages dangereux analogues à ceux l'on engraisse les vaches dans les monta- gnes de la haute Auvergne (1).

(4 ) A répoque nous aTons fait à rAcadémie des sciences de Touloose la lecture da trayait qui précède, M. Pasteur n'avait point encore fait connaître les résultats des belles expériences tentées par lui à Pouilly-le-Fort et à la ferme de Lambert. Nous n'hésitons pas à reconnaître qu'aujourd'hui nous n'oserions plus repousser, d'une manière aussi ab- solue, l'emploi du mouton, comme réactif, dans les expériences relatÎTes aux essais du Tirus charbonneux atténué. Le procédé de M. Pasteur, basé sur une connaissance appro^ fondie des conditions diverses dans lesquelles se reproduU la bactéridie, ne nous laisse aucun doute sur la possibilité d'obtenir un virus sufGsamment atténué dans son énergie, pour qu'on soit autorisé à l'inoculer sans crainte ; et de plus, les expériences que nous venons de rappeler ont fait voir, avec la dernière évidence, qu'il est un moyen de faire servir les hôtes ovines à des démonstrations absolument concluantes sur les points contestés. (Note ajoutée pendant l'impression.)

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ÉQUATIONS DIFP^EBNTIELLBS DU MOUVEMENT D*UN CORPS SOLIDE. 1 45

ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES

DU

MOUVEMENT D'UN CORPS SOLIDE

LIBAB OU GÊNÉ SOLLIOITà PAB DBS FOBOES QUBLCONQUBS

Paa m. DESPEYROUS a)

La solution de cette question constitue, à elle seule, toute la science de la mécanique; le beau théorème de Newton, sur le mouvement du centre de gravité d'un corps, ramène cette so- lution à celle du mouvement de rotation d'un corps autour d'un point fixe. Euler et d'Alembert sont les premiers géomè- tres qui aient déterminé la mise en équation de ce dernier problème, c'est-à-dire qui aient fait connaître les équations différentielles qui lient les forces à ce mouvement, ou, en d'autres termes, les causes aux effets. Plus tard, l'illustre auteur de la Mécanique analytique^ Lagrange, reprit cette ques- tion, et la traita avec une élégance et une symétrie de calcul admirables. Enfin, en 1834, un homme de génie, Poinsot, doué d'un esprit lucide et profond, a traité cette même question par une méthode géométrique qui lui permet de suivre, pour ainsi dire des yeux, le corps dans son mouvement. Nous devons

(4 ) La dans la séance da %B juin 4 884 .

SÉBIB » TOMB III, 2. 10

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146 MÉMOIRES.

ajouter que cette méthode, traduite en analyse, présente de graves difficultés et tend à faire naître des idées fausses.

En tenant compte de la solution analytique d'Euler et de d'Alembert, perfectionnée par ' agrange, et de la solution géo- métrique de Poinsot, on peut fonder une méthode qui déter- mine, dans tous les cas et d'une manière très simple, les équa- tions différentielles du mouvement d'un corps solide, libre ou gêné, sollicité par des forres quelconques. Cotte méthode re- pose sur un théorème unique, très facile à démontrer, qui permet de ramener à des déterminations de mtesses la recherche de ces équations différentielles et qui fait dispiaraître, par suite, la détermination autrement difficile des accélérations par rapport à des axes mobiles.

M. Bour, dans son cours de mécanique de TÉcole polytech- nique, s'est servi de ce théorème dans un cas; nous l'appli- quons à tous les cas, c'est-à-dire au mouvement d'un corps solide sollicité par des forces quelconques, soit que ce corps ne puisse tourner qu'autour d'un axe fixe, ou qu'autour d'un point fixe, ou qu'il soit entièrement libre; nous l'appliquons même à démontrer les équations remarquables que M. Résal a fait connaître dans le cas d'un corps solide symétrique par rapport à un axe et tournant autour d'un des points de cet axe.

PRINCIPES FONDAMENTAUX DU MOUVEMENT D UN CORPS SOLIDE, OU DES FORCES CAPABLES d'uN MOUVEMENT DONNÉ, BT RÉCIPROQUEMENT.

Le principe do d'Alembert suffit pour trouver les équations différentielles du mouvement d'un corps solide, libre ou gêné, de forme invariable et sollicité par des forces quelconques en tous ses points ou en quelques-uns d'entre eux,

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EQUATIONS DIFFERENTIELLES DU MOUVEMENT D*UN CORPS SOLIDE. 1 47

En effet, prenons pour origine des coordonnées un point quelconque o de Tespace, et faisons passer par ce point trois axes rectangulaires ox^ oy, oz, que nous considérerons comme fixes pendant toute la durée du mouvement. Toutes les forces motrices, quelles qu'elles soient, se réduiront, en prenant pour centre de réduction l'origine o des coordonnées à une force unique R (2X, lY, tL), et à un couple unique G (L, M, N).

Or, on sait que les équations d'équilibre de ces forces sur le corps sont

iX = 0 , lY = 0 , zZ = 0 ; ^^ L = o,M=o,N = o.

Mais, quel que soit le mouvement d'un point quelconque du corps, ses coordonnées étant x, y, «, à l'époque <, la force motrice effective de ce point aura pour composants suivant les axes des coordonnées, ces axes étant fixes,

^^diî' ^^dii^ ^^dS^

dm désignant la masse de ce point. Et puisque ce corps est de forme invariable, les forces motrices effectives relatives à tous ses points se réduiront, en prenant pour centre de réduction l'origine 0 des coordonnées, à une force unique dont les com- posantes, suivant les axes, sont

et à un couple unique dont les composants, suivant les mêmes axes, sont

ces intégrales triples s étendant à tous les points du corps.

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448 MÉMOIRES.

Donc, en vertu du principe de d'Alembert, les équations dif- férentielles du mouvement du corps libre sont :

(v

^=///*»(»S-S). «=///<'4S-4)> "'f/M^-y'^)-

Dans les applications de ces équations différentielles du second ordre, il y a lieu de distinguer trois cas principaux.

4«' Cas. Rotation d'un corps solide autour d'un axe fixe*

Les six équations d'équilibre (E) d'un corps retenu par un axe fixe et sollicité par des forces quelconques se réduisent à une seule N=o, en prenant pour axe des z l'axe fixe donné; donc les six équations différentielles (1) de son mouvement se réduisent à une seule

(«) "=///*•(»§ -»^)

Et comme Tangle $ que fait la perpendiculaire abaissée d'un point quelconque du corps sur Taxe fixe avec sa projection sur le plan fixe xoz suffit pour déterminer la position de ce corps, ce corps étant de forme invariable, l'équation (a) doit pouvoir être transformée de manière à n'introduire que cet angle dans son second membre, ce qui produira une équation différentielle du second ordre en 0 que nous donnons plus loin*

Mais il est utile, dans les applications, de déterminer la résistance que doit offrir l'axe fixe, à une époque quelconque t, pour que la rotation du corps puisse s'effectuer. A cet effet, on doit remarquer que pour fixer une droite, il suffit de fixer deux de ses points 0 et H, et qu'à toute époque t, chacun de ces points éprouve une pression qui doit être détruite par la résistance qu'offre la résistance de chacun d'eux. Mais on peut détruire chacune de ces pressions par une force égale et con- traire. Donc, en désignant par R| et R<| ces forces, on doit con-

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ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES DO MOUVEMENT D*UN CORPS SOLIDE. 4 49

sîdérer le corps comme complètement libre sous l'action des forces motrices données qui l'animaient déjà et de ces deux nouvelles forces. Donc, les équations différentielles de la rota- tion d*uD corps autour d'un axe fixe, sont, d'après les équa- tions (4), .

X,+X.+dC=//>^. Y,+Y,+.Y=//>^. Z,+Z,+.Z=///c/m^ ; (2)

dans lesquelles A désigne la distance des deux points choisis 0 et H.

La dernière équation donne, par l'intégration, l'angle 9, c'est-à-dire la position du corps à une époque quelconque t; et les cinq premières déterminent à chaque instant les résis- tances B.| et Rj que doit offrir la fixité de l'axe pour que la ro- tation du corps puisse s'effectuer autour de cet axe.

2* Cas. Rotation (Tun corps solide autour (Tun poit^t fixe.

Les six équations d'équilibre (E) d'un corps retenu par un point fixe et sollicité par des forces quelconques se réduisent aux trois dernières L=o, M=o, N=o, en prenant pour point fixe l'origine des coordonnées. Donc, les équations différen- tielles de son mouvement se réduisent aux trois dernières équations du groupe (1),

Or, pour déterminer la position d'un corps qui n'a que la liberté de tourner autour d'un point fixe, il suffit ; 4" de faire

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(3)

450 MÉMOIRES.

passer par le centre o de rotation trois axes fixes dans l'es- . pace, Oï, Ou, Oç; 2<* de faire passer par ce même point -trois nouveaux axes Ox, Oy, Oz fixes dans le corps et mobiles avec lui; 3^ enfin, de déterminer la position de ces derniers axes par rapport aux premiers. Cette détermination se fait au moyen de trois angles 4>^ 0, (p, le premier désignant l'angle que fait avec Taxe l'intersection ON, du plan mobile œoy^ avec le plan fixe SOu; le second, l'angle de ces deux plans ou de leurs normales OZ, OC; et le troisième, l'angle que fait l'axe OX avec cette intersection ON.

Il est donc nécessaire d'introduire ces trois angles dans les équations (6), ce qui transformera ces trois équations en trois équations différentielles du second ordre, en 4>, 0, 7, que nous ferons bientôt connaître.

Mais il est utile, dans les applications, de déterminer la ré- sistance que doit offrir le point fixe qui fait le centre de la rotation du corps, pour que la rotation puisse s'effectuer. En la désignant par Rf, le corps doit être considéré comme libre sous l'action de cette force et des forces motrices qui le solli- citaient déjà. En sorte que les équations différentielles de la rotation d'un corps autour d'un point fixe sont, d'après les équations (4),

X.+zX=.//>^, ï.+xY=///.™g. Z.+^=//>^,

Ces trois dernières équations, transformées en 4», B, y, don- nent par l'intégration ces trois angles, c'est-à-dire la position du corps à une époque quelconque t; et les trois premières dé- terminent à chaque instant la résistance R^ que doit offrir la fixité du centre de rotation pour que la rotation (Ju corps puisse s'effectuer autour de co point.

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ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES DO MOUVEMENT d'uN CORPS SOLIDE. 4 51

3* Cas. Mouoement (Tun corps solide entièrement libre.

Les équations différentielles du mouvement d'un corps so- lide entièrement libre, sollicité par des forces quelconques, sont les six équations {^). Or, si Ton désigne par Xi, y\, z\ les coordonnées du centre de gravité de ce corps, à une époque quelconque t, et par m sa masse, l'on a à cette époque,

mxi = fffxdm , mx|^ =fffydm , mz^ =fffzdm ;

par suite, les trois premières équations du groupe (1) devien- nent, en différenciant deux fois ces dernières,

J^x^ d«y< _ ê^zx _

di^ * dfl * dt^

On a donc ce théorème ;

Théorème I. Le centre de gravité ou de masse d*un corps libre et sollicité par des forces quelconques se meut comme un point chargé de la masse totale de ce corps, et tiré pur la résultante R de toutes les forces m^otrices qui animaient le corps^ transportées paraU lèlement \ elles-mêmes en ce point.

Mais, d'après le second cas. les trois dernières équations de ce mémo groupe (i) sont les équations différentielles de la ro- tation d'un corps autour d'un point fixe; on a donc cet autre théorème :

Théorème II. Pendnnt toute la durée du mouvement d^un corps libre, ce corps tourne autour de son centre de gravité ou de masse comme si ce point était fixe.

En sorte que les trois premières équations du groupe (1) sont les équations différentielles de la translation du corps libre, translation qui consiste en ce que tous les points de ce corps décrivent des courbes égales et parallèles à celle que décrit effectivement son centre de masse dans le mouvement

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152 HÈMOIEES.

complexe du corps, mouvement fictif (\\i\ n*a de réel que le mou- vement de son centre de masse. Et les trois dernières équations de ce même groupe (1) sont celles de la rotation de ce corps autour de son centre de masse, comme si ce point était fixe, rotation entièrement fictive. Mais de ces deux mouvements fictifs, effectués l'un après l'autre dans tel ordre qu'on voudra, et pendant un temps quelconque ty résulte néanmoins la position exacte du corps à cette époque.

La question générale à résoudre consiste donc à introduire : 1^ l'angle 0 dans les équations (2) pour avoir les équations différentielles de la rotation d'un corps autour d'un axe fixe; 2^" les trois angles ^y 0, 7 dans les équations (3) pour avoir les équations différentielles de la rotation d'un corps autour d'un point fixe; 3^ enfin, à déduire de ces dernières les équations différentielles de la rotation d'un corps libre autour de son centre de masse.

La solution de cette queMion générale est entièrement fondée sur le théorème suivant.

Les six équations différentielles (1) du mouvement d'un corps libre sollicité par des forces quelconques peuvent être mises sous la forme

«=i/#"^. ^^=yfMr ^-y/M--

dans lesquelles a;, y^ z désignent les coordonnées d'un point quelconque du corps rapportées à trois axes rectangulaires fixes passant par un point quelconque de l'espace.

Les quantités de mouvement que possèdent, à une époque quelconque, les divers éléments du corps sont assujetties aux mêmes lois de composition et de décomposition que les forces. Donc, si on prend pour centre de réduction l'origine des coor- données, les quantités de mouvement s'y réduiront à une quan-

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ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES DO MOUVEMENT d'cN COBPS SOLIDE. 1 53

tîté unique et à un couple unique* Construisons les équations précédentes comme il suit :

Fig. I

Soient A un point dont les coordonnées sont les composantes

///"■»§. f/M- iïf<

de la quantité unique des quantités de mouvement; et B, un autre point dont les coordonnées sont les composants

dx\

du couple unique de ces mêmes quantités de mouvement. Avec le temps, les points A et B se déplaceront et chacun d'eux dé- crira une courbe dans l'espace : le point A, la courbe Aa, et le point B, la courbe B6.

De même, en prenant pour centre de réduction le même point 0, toutes les forces motrices s'y réduiront à une force unique R et à un couple unique G. Et les équations différen- tielles qui précèdent démontrent le théorème suivant :

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154 MÉMOIRES.

Théorème III. A chaque instant : la vitesse AAi de l'ex- trémité A de la quantité unique des quantités de mouvement est égale, en grandeur et en direction, à la force unique R des forces motrices; 2? la vitesse BBi de l'extrémité B de Vaxe du couple unique de ces mêmes quantités de tnouvement est égale , en gran- deur et en direction^ au couple unique G de ces mêmes forces mo- trices.

Ce théorème unique est la base de notre travail, et il ramène à des déterminations de vitesses la recherche des équations différentielles du mouvement d*un corps solide, libre ou gêné, sollicité par des forces quelconques.

U

APPLICATIONS

<" Rotation d'un corps solide autour d'un axe fixe.

Le corps ne pouvant tourner qu'autour de Taxe fixe, chacun de ses points décrit une circonférence de cercle dont le plan est perpendiculaire à cet axe et dont le centre est sur ce même axe; en sorte que la vitesse de ce point est perpendiculaire au plan conduit suivant cet axe et ce point. Prenons pour ori- gine des coordonnées un point quelconque 0 de cet axe; pour axe des jet, cet axe lui-même, et pour axes des x et des y deux droites quelconques perpendiculaires entre elles et situéesdans le plan perpendiculaire à l'axe fixe et passant par l'origine 0; et soit 6 l'angle que fait, à une époque quelconque, la per- pendiculaire abaissée d'un point arbitraire du corps sur l'axe Oz avec sa projection sur le plan fixe xOz, Le corps étant de forme invariable, tous ses points décrivent, dans le même

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ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES OU MOUVEMENT d'uN CORPS SOLIDE. 1 55

temps, le même angle B; ei x, y, a?, étant les coordonnées de l'un quelconque d'entre eux, les composantes -j-, -hj-t: '^ vitesse de ce point sont :

/jx dx dy dz

d ta désignant la vitesse angulaire de rotation -n* Et, par suite,

les coordonnées du centre de gravité du corps étant désignées par Xi, y^^ z^, Ton a d'abord, m étant la masse de ce corps,

(2) fffdm^=-m.y,, fffdm^^nu^,, ffP'^t^'' et puis,

C désignant le moment d'inertie du corps par rapport à Taxe fixe.

Etat initial du corps. Le corps, étant à l'état de repos, est sollicité par des forces d'impulsion qui, en prenant pour centre de réduction l'origine des coordonnées, se réduisent toujours à une force unique d'impulsion R| et à un couple unique d'im- pulsion G<. Ces forces, impuissantes à déplacer le corps, com- muniquent à ce corps une vitesse angulaire de rotation ini- tiale «o autour de l'axe fixe Oz; et à cet axe fixe, un ébranlement mesuré par deux forces inconnues , R-i, R^, appliquées aux points 0 et H, et respectivement égales et contraires aux pres- sions que le choc communique à chacun de ces points.

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156 MÉMOIRES.

Et pour déterminer ces inconnues, il suffit de rappeler que le principe de d'Alembert s*appli(iue aux forces d'impulsion ou instantanées; et que, par suite, on a, d'après les équations (2) de la première section, les six équations :

2X< + X^ + X , = mo»oyi , zY* + Y< + Yj = m«oa?i , 2Z1 +Z< + Z8 = o;

L< YjA = -^«0 ///5?a?dm , M|+Xj|/i=— «o//A!/dm, N< = Cwo

La dernière de ses six équations fait connaître «0, et les cinq premières, les composantes des forces R-i, Rj d'ébranlement qu'éprouve l'axe fixe pendant le choc. Mais il y a indétermi- nation pour ces six composantes, puisqu'il n'y a que cinqéqua- tions. Cette indétermination tient à ce que les composantes Zf, Z) de chacune de ces forces le long de l'axe fixe se prêtent un mutuel appui; en sorte que la somme Z| + Z^ peut seule être déterminée.

État du corps à une époque quelconque. La position du point A, théorème IIl, calculée pour l'époque t, est déterminée par les formules (2); elle dépend donc de deux causes : de la vitesse de rotation » et des coordonnées du centre de gra- vité du corps, c'est-à-dire de la position du corps. Mais pen- dant l'instant dt qui succède à l'époque t, la vitesse» et la po- sition du corps varient; donc, la première cause fait acquérir à ce point A une vitesse dont les composantes sont, formu- les (2).

da» _

et la seconde cause communique à ce même point A une autre vitesse dont les cx)mposantes sont, formules (î),

m«*x^ , m«A/| , 0 .

Donc, la première partie du théorème III et les trois pre-

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ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES DU MOUVEMENT D*UN CORPS SOLIDE. 1 57

mières équations (2) de la première section produisent les trois équations

(2') 2X + X^ + Xji = -my^^^-m^\L^ , 2Y + Y^ + Yj

= mxiij^—myj^iA ^ 2Z + Z< + Z, = 0 .

Les mêmes causes font varier la position du point B; la pre- mière cause 9 la variation de la vitesse de rotation m, fait ac- quérir à ce point une vitesse dont les composantes , formu- les (3), sont

et la seconde cause, le déplacement du corps, fait acquérir à ce même point B une autre vitesse dont les composantes se dédui- sent des formules (1) en y remplaçant les coordonnées o;^ y^ x, par les coordonnées (3) de ce même point B ; ces composantes sont donc

<a^jjjzydm , --oAjJJzxdfn , 0 .

Et, par suite, la seconde partie du théorème III et les trois dernières équations (2) de la première section produisent les trois équations

(2") M + hX, = -^fffzydm-^fJfzxdm

Les six équations (2'), (2') sont les six équations différen- tirlles de la rotation d'un corps solide autour d'un axe fixe. Ces équations, la dernière étant intégrée, font connaître à une épo-

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158

MéllOIRES.

que quelconr|ue t la position e du corps et rébranlement qu'é- prouve Taxe fixe.

2" Rotation d'un corps solide autour d'un point fixe.

Soit 0 le point fixe donné, faisons passer par ce point les trois axes d'inertie principaux du corps qui se croisent on ce point. Ces axes appartenant au corps sont fixes dans ce corps et mobiles avec lui

I

0

(0/

/■■'

>f"

X

A toute époque t^ la vitesse du corps autour d'un point fixe consiste en une rotation autour d'un axe 01 qui demeure fixe pendant la durée infiniment petite dt^ qui succède à t^ axe que l'on appelle pour cette raison aoae instantané de rotation. Donc si u désigne la distance à cet axe d'un point quelconque {& (a?, y, z) du corps, la vitesse de ce point est égale à «u, » (p, q, r) étant la vitesse angulaire autour de cet axe 01. Et pour avoir les composantes de cette vitesse suivant les axes ox, oy^ oz, il suffît d'appliquer en ce point u deux rotations égales et con- traires tty ùi suivant une parallèle à cet axe 01.

En effet, les vitesses introduites se détruisant, n'amènent d'abord aucune modification dans le corps; et puis, le cou- ple (ô», ta) de rotations communique à chacun des points du corps, et par conséquent au point |a, une même vitesse mu per- pendiculaire à son plan fiOI et de fnéme sens que la vitesse

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ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES DU MOOVEMRNT D^UN CORPS SOLIDE. 1 59

angulaire de ce point. Donc, les composants de ce couple coïn- cident, en grandeur et en direction, avec les composantes de la vitesse <uu de ce point (a. Mais ce couple est produit par la rotation &> autour de Taxe passant par ce point pi et parallèle à 01; et l'on sait que les rotations sont assujetties aux mêmes lois décomposition et de décomposition que les forces. Donc, pour avoir les composantes cherchées, il suffit de changer, dans les expressions types

j/Z JsY , zX xZ , xY yX ,

des composants du couple produit par la force (X, Y, Z), cha- cune deces dernières quantités respectivement par p, 5, r. Donc, enfin, les composantes de la vitesse uu du point f^, sui- vant les axes, sont

/-x dx dy dz r

(1) = qz^ry, ^ = rx pz, ^ = py—qx.

De il suit que les coordonnées du point A, théorème m, sont respectivement

fffdmiqz-^ry) = m{qz^^ry^) , fffdm{rx^pz) = m(rxi^pzi) , ///dm{py—qx) = fn(py^— ga?0 ;

et que les coordonnées du point B sont, les axes étant d'iner tie principaux,

A, B, C, désignant les moments d'inertie principaux du corps autour des axes respectifs ax, oy, oz.

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160 MEMOIEBS.

État initial du corps. Le corps est tiré de l'état de repos par des forces d'impulsion qui» en prenant pour centre de ré- duction Torigine^des coordonnées, c'est-à-dire le centre de ro- tation, se réduiront toujours à une force unique d'impulsion R<, et à un couple unique d'impulsion G<. Ces forces ne dépla- cent pas le corps, mais elles lui communiquent une vitesse an- gulaire initiale «o (pof qoy ^o) inconnue autour d'un axe instan- tané de rotation ; et elles ébranlent aussi le centre de rotation avec une force R| également inconnue. Et pour déterminer ces inconnues au nombre de six, il suffit de rappeler que le prin- cipe de d'Alembert s'applique aux forces d'impulsion ou ins- tantanées; et que, par suite, les équations (3) de la première section produisent les six équations

Xi + 2X< = m(qzi—rgi) , ¥< + xY< = m(rxi—pzi) , Z| + xZ^ =^fn(pyi qxi);

L< = Apo , M< = Bgo 9 = Oo :

qui déterminent effectivement les six inconnues, po» 9o»^0 9 X^, Y^, Z|.

État du corps à un instant quelconque. Les causes qui font varier la position du point A fig. 1, sont les mêmes que dans le numéro 2; elles sont au nombre de deux ; la variation de la vitesse angulaire «>; 2^ la rotation des axes ox, oy, oz^ et par suite du corps autour du centre fixe de rotation. La variation de M, c'est-à-dire de ses composantes p, q, r, font acquérir au point A une vitesse dont les composantes, suivant les axes ox, oy, oz, sont, formules (2),

/ dq dr\ ( dr dp\ ( dp dq\

""V'^-y^di)' "^V'j-'^)^ •"Vî'^i-^^dJ'

et le déplacement des axes communique à ce même point A une autre vitesse dont les composantes, suivant les mêmes axes, se

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ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES DO MOUVEMENT d'uN CORPS SOLIDE. ^ 61

déduisent des formules (1) eu y remplaçant x, y, z^ par les coordonnées (^) de ce point A. Ces composantes sont donc

^\q{pyi—q^i)—r{rxi—pzin = rnl—f^^'^xj^+pipx^+qyi+rzi)} ,

m\r{qzi'^ryi)—p(pyi^qxi)\ = ml—oflyi'^ipXi+qyi+rzM,

m\p(rxi—pzi)—q{qzi—ryi)\ = ml—^tz^+ripxi+qyi+rzM .

Donc, la première partie du théorème III et les trois premiè- res équations (3) de la section précédente^ produisent les trois équations

X^ + 2X = mU jïi-^— j/i^j ^j^Xi+pipXi-tqVi+rzi^ , (3') Y^ +2Y = mj(a?i~^i J) -««yi+î(pa?<+g!/i+r^i)j Z^ + iZ = mU y^^ a?i^) —^%Zi+r(pXi+qyi+rzi)^ .

Les mêmes causes font varier la position du point B; la va- riation de la vitesse angulaire » fait acquérir à ce point une vitesse dont les composantes, suivant les axes ox, oy, oz, sont, formules (3),

^t' -s. 4.=

et la seconde cause, le déplacement de ces axes, communique au même point B une autre vitesse dont les composantes, sui- vant ces mêmes axes, se déduisent des formules (1) en y rem- plaçant Xy y, z, par les coordonnées (3) de ce point B. Ces composantes sont donc

q.Cr r.Bg, r.Ap p O, p.Hq q,Ap . En sorte que la seconde partie du théorème III et les trois

SÉRIE TOME m, 2. II

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462

MftMOIRBS.

dernières équations (3) de la première section donnent les trois équations

(3")

N = Cj^-pg(A-B) .

Les six équations (30> (3^^) sont les équations difTérentielles de la rotation d'un corps autour d'un point 6xe. Les trois pre- mières (3') déterminent la résistance R| que doit offrir le cen- tre fixe de rotation pour que cette rotation puisse s'effectuer, quand on aura déterminé préalablement ai et la position du corps à un instant quelconque. Les trois autres équations (3*'), dès qu'elles seront intégrées, détermineront la position, dans le corps, de l'axe instantané de rotation et la vitesse » de sa rotation autour de cet «axe.

Mais une question reste encore à résoudre ; il faut détermi- ner la position du corps, c'est-à-dire des axesOoj, Oy, Oz, à un instant quelconque. Il faut donc lier à ces trois dernières équa- tions (3*) trois autres équations pour déterminer les trois an- gles 4», ô, f , rapportés à trois axes fixes 05, Oo, Oç, passant par le centre 0 de rotation.

/dp

^

r

••<

nv"

\:^

"N"

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ÉQUATIONS DIPPÉaENTIBLLES DU MOUTEMBNT D*UM CORPS SOLIDE. 163

A cet effet, supposons qu'à Torigine du mouvement la partie positive oXy oy, oz^ désaxes d'inertie principaux coïncide avec la partie positive des axes 6xes dans l'espace oS, od, : et fai- sons tourner le système mobile ox^ oy^ oz^ c'est-à-dire le corps, d'abord autour de l'axe fixe o( de l'angle -^ et dans le sens posi- tif de S à V. La vitesse angulaire acquise sera-^, la portion po- sitive de l'axe des x sera sur oN, intersection du plan fixe Çod avec le plan mobile ak)j/ ; la partie positive des y sera en oy^^ l'angle tïoy\ étant égal à ip ; et la partie positive des z sera en- core sur oÇ. En faisant tourner actuellement le corps autour de oN de l'angle 6 et dans le sens positif de oy\ à oC, la vitesse ac- quise sera —, l'axe des y\ montera au-dessus du plan Sou de

l'angle 9; et la partie positive de l'axe des z viendra en oz tel que, angle Koz =: 9. Enfin, en faisant tourner le corps autour de oz de l'angle <p, dans le sens positif de oN à oy^^ la partie positive de l'axe des x viendra en ox et la partie positive de oy% viendra en oy. Ces trois rotations positives, dont les vi- tesses angulaires sont -j^, —, ^ respectivement autour de oÇ,

de oN et de oz, produisent donc une position déterminée des axes mobiles ox, oy, oz et par suite du corps. Mais on obtient cette même position du corps en le faisant tourner autour du point 0 avec la vitesse angulaire m, ou, ce qui est la mém^ chose, en le faisant tourner successivement autour de ox, oy^ oz avec les composantes respectives p, g, r de la vitesse ft>. Ces vitesses composantes sont donc respectivement égales à la

somme des trois vitesses angulaires ;j7 > ;77 , -j^ estimées respec- tivement suivant les directions ox, oy, oz. On aura donc, en observant que la vitesse -^ peut être décomposée en deux,

d^ . d4» . .

-jjcos e suivant oz et -jj sin e suivant oy^y les trois équations

suivantes :

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46i MÉMOIRES.

p = ^ sin 0 sin f + ^ cos f ,

(3"0 5 =a T^ sin e cos f -1- sin ip ,

df , d^

Ces trois équations différentielles du premier ordre en 4», o, f feront connaître, intégrées qu'elles soient, la valeur de chacun de ces angles, et par consér|uent la position du corps, à une époque quelconque. Ce qui est la solution complète de la ques- tion de la rotation d*un corps autour d'un point fixe.

Remarque. En portant les valeurs de p, qf, r dans les trois équations (3^), on obtiendrait les trois équations différentielles du second ordre en 0, f, ip, dont nous avons parlé dans la pre- mière section. Ainsi, ces trois équations du second ordre se trouvent, par le seul fait de cette méthode, décomposées en six équations différentielles du premier ordre, les trois équa- tions (3^) qui, intégrées, déterminent la position de Taxe ins- tantané, et par suite la vitesse de rotation, dans le corps ; et les trois équations (3'") qui, intégrées, font conuciitre la posi- tion du corps à une époque quelconque. Cette décomposition favorise, en général, l'intégration et, par conséquent, la solu- tion du problème difficile de la rotation d'un corps solide au- tour d'un point fixe.

3* Mouvement d^un corps libre.

Le mouvement d'un corps libre sollicité par des forces quel- conques, réductibles dans tous les cas à une force unique R et à un couple unique G, se décompose, première section, en deux mouvements fictifs qui font néanmoins connaître le mou- vement réel ; l'un de translation produit par la force unique R,

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ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES DU MOnVEMENT D*DN CORPS SOLIDE. 1 65

l'autre de rotation autour du centre de gravité, considéré comme Gxe, produit par le couple unique 6.

Les équations différentielles de la translation étant déjà con- nues, il suffit d'avoir les équations différentielles de la rota- tion. A cet effet, il faut exprimer dans les neuf équations (3'), (3^^), (3'") que le centre de rotation est le centre de gravité du corps.

Or, les équations (30 deviennent identiques, puisque Ton a X, =^y, = Zi = o; que la réaction R-j, est nulle, le corps étant libre; et que la force unique R produit la translation. Donc, les équations différentielles de la rotation d'un corps libre se réduisent aux six équations différentielles du premier or- dre (3''), (3'")> qui équivalent aux trois équations différentiel- les du second ordre en 4^, 0, r dont nous avons parlé dans la première section.

Rotation d'un corps symétrique par rapport à un axe autour de Vun de ses points.

Soient o (fig. 3), le point fixe de Taxe de symétrie qui fait centre de rotation, et oz la position de cet axe à une époque quelconque t. Le corps étant symétrique par rapport à oz, la droite oN, qui est l'intersection du plan fixe li<m avec le plan parallèle à l'équateur du corps mené par le point fixe o, cons- titue avec oz et la droite oy^ perpendiculaire au plan ^oz un système d'axes d'inertie principaux. On peut donc les prendre pour axes des coordonnées dont l'un seulement est fixe dans le corps, oz. Mais si l'on connaît, à une époque quelconque (, la position de ces axes, position donnée par les angles ^, 6, seule- ment, il suffira de connaître la vitesse n propre du corps autour de son axe de symétrie oz pour achever de déterminer la posi- tion de ce corps; puisque cette vitesse n, intégrée et calculée pour cette époque «, fera connaître sa position autour de cet axe.

On a donc pour les composantes p, q, r, de la vitesse de ro-

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1 66 MÉMOIRES.

tation suivant ces nouveaux axes d'inertie principaux ainsi choisis :

de d^ . . d* .

résultat que donnent, d'ailleurs , les équations générales (3'^')

en y faisant ip = a et en observant que ^ = n

Les composants y suivant les mêmes axes, du couple unique des quantités de mouvement effectives sont donc

composants qui sont précisément les coordonnées (fig. 1} du point B. Le théorème III prouve donc que la vitesse de ce point est représentée à toute époque, en grandeur et en direction, par le couple unique 6 des forces motrices qui animent le corps.

Mais la vitesse de ce point B dépend de deux causes : l"* de ce que la vitesse » (p, q, r) varie ; de ce que les axes d*inertie prin- cipaux ON, oy, OZ, se déplacent autour du point fixe 0, dépla-

M (je cément produit par les seules vitesses jT > jI

La première cause fait acquérir au point B une vitesse dont les composantes suivant ces axes sont respectivement

«••j: »• jT sin Q d. (n+T7 cosO) . o< . dt p dt ^

^ "dT ' ^ dt ' ^ dt '

et la seconde cause produit, pour le môme point B, les vitesses

suivant les mêmes axes, qz ry, rx pZy py qx^ dans les-

do c/ili d-h

quelles p, q, r, sont respectivement ^ , -jj sin 6 , -j^ cos e et a?,

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ÉQUATIONS DIFFÉRENTIELLES DU MOUVEMENT d'uN CORPS SOLIDE. 1 67

y y z, respectivement les quantités (1) : ce qui produit pour ces vitesses composantes

d^ d^

(C— A) ^ sin e cos 6 + Cn^ sin « ,

o .

En sorte que la seconde partie du théorème III, déjà rappe- lée, donne immédiatement les trois équations

A ^ + (C— A) ^ sin 0 cos ô + Cn sin 0 = I^ ,

d^ dif do dB

(4) Asine^+(2A-C)^gjC0se-Cn^=Mi ,

d^ a. (n + -77 cos a)

« ^ "■■

L^, Mj, N^, désignant les composantes du couple G suivant les mômes axes ON, oy^, OZ.

Ces trois équations différentielles du second ordre en 4», $ et du premier ordre en n remplacent avec avantage les trois équa- tions différentielles du second ordre en ip, e, r, qu'on obtiendrait en éliminant p. qf, r, entre les six équations différentielles du premier ordre (3*'), (3'") et en y faisant B = A. Elles ont été trouvées par H. Résal.

Du reste, ces trois équations (4) peuvent facilement être dé- duites des six équations générales (3*'), (3'")- En effet, Ton a évidemment (fig. 3) entre les composants L, H, N du couple des forces motrices 6 suivant les axes oo?, oj/, oz, et les composants L^, M-i, N, du même couple G suivant les nouveaux axes ON, oy%$ OZ, les trois équations

L| =z L cos r M sin y , M^ = L sin f + M cos ^ ,

Ni=N .

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168 MÉMOIBES.

De là, il résulte que si préalablemeDt on élimine p, q, r, en- tre les six équations (3^), (3'^'), auquel cas on obtient trois équa- tions différentielles du second ordre en ^^ B^ ^ dans lesquelles on fera B = A ; et si Ton multiplie ensuite : la première de ces équations par cos r, la deuxième par sin ip, la somme des produite doit produire la première des équations i; 2^ si Ton multiplie la première de ces équations par sin r, la deuxième par cos r, la somme des produits doit donner la deuxième des équations 4; et qu'enfin la troisième de ces mêmes équations n'est autre que la troisième de ces mômes équations 4. C'est, en effet, ce que donne le calcul.

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ÉTUDE DES PRINCIPAUX ORAGES DE 1880. 169

ÉTUDE DES PRINCIPAUX ORAGES

DE 1880

d'après les travaux des commissions météorologiques DES BASSES- PYRÉNÉES, DU GERS ET DE LA HAUTE-GARONNE

Par m. Ed. SALLES 0)

Nous nous sommes proposé dans ce travail de déterminer la marche des principaux orages de 1880 depuis leur point de formation jusqu'à leur complet épuisement. Cela n'était possi- ble qu'avec le concours des commissions départementales voi- sines de la Haute-Garonne. Celles des Basses-Pyrénées, des Hautes-Pyrénées et du Gers ont bien voulu entrer en collabo- ration avec nous. Grâce à elles, nous avons pu essayer sur quatre départements une étude qui, pour être complète, devrait embrasser tout le bassin de la Garonne. C'est, en effet, dans l'entière étendue de ce bassin que s'accomplit presque tou- jours l'évolution complète de la plupart de nos orages.

Notre travail n'est qu'un premier essai pour montrer le but à atteindre et la nécessité de grouper toutes les observations, au lieu de les diviser par départements. L'interprétation que nous avons donnée aux faits observés dans quatre départements , n'a d'autre utilité, pour le moment, que d'offrir à ceux de nos collègues qui nous ont communiqué leurs observations un

(4) Lu daos la séance du %B juin 4884.

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470 MÉMOIRES.

moyen de discussion pour rectifier au besoin les opinions que nous avons émises et surtout pour préparer un travail com- mun plus utile pour l'avenir.

Orages du i mai 4880*

L*état général de l'atmosphère au commencement de cette journée nous montre une dépression venue du sud-ouest et abordant les Pyrénées. Le centre est en Espagne, dans la pro- vince de la Galice, et à la pression de O^jTSS-. Un vent de sud- ouest, assez fort, règne au pic du Midi et le vent d'autan à Toulouse.

Deux orages avec grêle ont éclaté dans les Basses-Pyrénées, l'un à 2 h. 30 du soir, l'autre à 3 heures. Tous les deux ont fini à 6 heures sur les bords de l'Adour. Ces deux orages sont sortis des gorges des Pyrénées sous l'influence du vent du sud- ouest qui les a poussés dans la direction du nord-est jusqu'à leur épuisement complet.

Presque au même moment, c'est-à-dire entre 4 heure et 5 heures, trois orages avec grêle ont éclaté dans la Haute- Garonne.

Les observations des Hautes -Pyrénées nous indiquent un orage avec grêle à Lannemezan à 1 heure du soir et un ciel orageux dans la direction du pic du Midi.

L'ensemble de la carte nous montre ainsi deux zones d'ora- ges qui ont franchi les Pyrénées, l'une à l'ouest d'Oloron, l'au- tre entre le pic du Midi et la Maladetta.

Nous extrayons des bulletins les renseignements suivants :

< L'orage, dit M. Juncat, instituteur à Saint-Médard, canton < de SaintHartory, s'est formé au sud-ouest; il a d'abord c longé les Pyrénées, puis le vent ayant changé, il a marché au nord -est. »

M. Pégol, instituteur à Montberaud, canton de Cazères, con- firme ce renseignement et ajoute que l'orage a été coupé en deux par le vont du sud -ouest.

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ÉTUDE DES PRINCIPAUX ORAGES DE 1880. 171

M. Sénarens, instituteur à Castelnau, canton dn Fousseret, a vu trois orages.

M. Sarding, instituteur à Saint-Agne, canton de Toulouse, a yu l'orage se partager en deux et disparaître au nord-est et au sud-est.

M. Gabriel, instituteur à Caubiac, canton de Cadours, con- firme ainsi la configuration que nous avons donnée à l'orage du nord du département : < L'orage a passé sur Caubiac se diri-

< géant de l'ouest à Test, puis il s'est étendu vers le nord-

< ouest et l'ouest, et enfin il est revenu avec plus d'intensité c sur Caubiac, d'où il est allé se perdre au nord-est. »

H. Houniélou, instituteur à Gornebarieu, canton de Tou- louse, signale l'intensité extrême des éclairs et du tonnerre, et a remarqué que cet orage est resté presque immobile. «

Orages du 6 mai.

La dépression qui a produit les orages du i s'est déplacée vers le sud. Elle avait, le 6 au matin, son centre à l'extrémité méridionale du Portugal avec une pression barométrique de 0,755. Le vent de nord-est soufflait au pic du Midi, et l'on avait "^à Toulouse un régime de vents variables très faibles de sud- est, est et ouest.

Trois orages ont éclaté entre 3 et 6 heures de l'après-midi. Deux ont été refoulés vers le sud, de Muret à Cintegabelle et de risle-en-Dodon à Aurîgnac; un autre a été refoulé vers le nord-est, de Saint-Gaudens au Fousseret. Cette marche indé- cise est justifiée par le régime des vents variables qui régnaient pendant cette journée.

Orages du 6 mai.

La même dépression continuant de se déplacer dans la ré- gion de l'Espagne, a porté son centre vers Barcelone. Au pic du Midi lèvent soufflait du nord-est, et à Toulouse de directions variables, particulièrement du nord-ouest.

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172 MÉMOIRES.

De nombreux orages se sont étendus sur les Basses-Pyrénées, le Gers et la Haute-Garonne.

Orages du il mai.

Une double dépression venue du sud-ouest avait abordé l'Es- pagne le 16; elle la couvrait entièrement le 17, le vent du sud-ouest régnait au sommet du pic du Midi et celui du sud- est dans la Haute-Garonne.

Deux orages éclatèrent dans les Basses-Pyrénées et prirent aussitôt la direction du nord-est; mais l'un d'eux, le plus im- portant, fut rabattu vers l'ouest, et présenta dès lors cette sin- gulière disposition de marcher en sens inverse d'un autre orage qu'il côtoyait.

Deux orages furent signalés aussi dans la Haute-Garonne. Un seul eut de l'importance, mais il resta conGné dans les montagnes d'Aspet sans pouvoir entrer dans la vallée de la Garonne.

Rien ne fut signalé dans le département du Gers.

Orages du iS mai.

La double dépression qui existait le 17 se sépara en deux le 18 : l'une porta son centre sur Florence, l'autre sur Sara- gosse. Notre région fut évidemment sous Tinfluence de celle-ci. Un vent assez fort de Test soufflait au pic du Midi depuis la veille. A Toulouse le vent fut insensible toute la journée, va- riant de sud -est à nord et nord-ouest.

Nous voyons sur la carte de ce jour un orage commencer près d'Orthez et tourner autour du plateau de Lannemezan jusqu'à Lombez.

En môme temps doux autres orages apparaissent à Pau et à Toulouse, et présentent ce caractère commun de n'avoir eu au- cune ligne de propagation bien déterminée. Ce sont des orages dans une atmosphère calme.

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ÉTUDE DBS PRINCIPAUX ORAGBS DE 1880. 173

Orages du 27 mai.

Ces orages ont été préparés par une série de changements atmosphériques qui ont commencé le 34. En effet, un centre de hautes pressions existait le 24 sur la Méditerranée, le baro- mètre commençait à baisser sur le golfe de Gascogne, et le vent de sud-est faisait son apparition à Toulouse. Le 25, cette situa- tion s'accentua; un centre de dépression se forma près de Bor- deaux, et le vent d'autan, conséquence de cejte différence de pression sur la Méditerranée et TOcéan, devint fort dans la vallée de la Garonne. Cela se continua le 26. Pendant tout ce temps, le vent du pic du Midi était variable.

Le 27, à sept heures du matin, les centres de pression et de dépression s'étaient éloignés : le premier était à Alger, et le second à Londres. Lèvent d'autan était devenu presque insen- sible quoique persistant à Toulouse. Mais le sud -ouest souf- flait au pic du Midi; c'est presque toujours le signe précurseur des orages.

Nous en voyons deux aussitôt dans les Basses-Pyrénées et deux dans la Haute-Garonne. Le Gers n'en a signalé aucun. Les observations ont manqué dans les Hautes-Pyrénées.

Le lendemain 28, la différence des pressions s'établissait en sens inverse; les plus fortes étaient sur l'Océan et les plus fai- bles dans le golfe du Lion. Aussi le vent de nord-ouest avait-il succédé au vent d'autan dans la vallée de la Garonne.

Orages du 9 juin.

L'état général de l'atmosphère accusait une baisse baromé- trique depuis le 8 au matin; le vent du sud-ouest régnait au pic du Midi depuis le 8 au soir, et ie vent d'autan à Toulouse depuis la matinée du 9.

Cette journée a couvert d'orages les départements des Basses- Pyrénées, du Gers et de la Haute-Garonne. Mais au lieu de quelques orages ayant de longs parcours dans des directions

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474 MÉMOIRES.

déterminées, le relevé des observations faites dans les trois dé- partements nous donne un grand nombre de centres isolés qui semblent s'être formés sans avoir aucun lien entre eux, «t qui se sont développés ensuite, chacun de leur côté, soit en don- nant naissance à une zone orageuse plus ou moins allongée, soit en se dilatant en tout sens, mais avec d'inégales intensités.

Ces formes de courbes horaires résultent si naturellement de^ observations, que nous n'avons pas hésité à les reproduire sur notre carte. L'avenir montrera ce qu'elles ont de réel. Nous avons cru nécessaire de rapporter aussi sur la carte les heures observées^ afin de rendre plus facile la discussion de ce résultat.

Nous ferons remarquer, en outre, que les orages du Gers sont signalés comme ayant été très nuisibles aux récoltes, non seulement par la grêle, mais surtout aussi par la violence du vent. Voici ce que rapporte à cet égard M. Sarrat, instituteur à Aurimont, canton deSaramon, arrondissement d'Auch : «La c vitesse des nuages était très rapide dans le sens de l'est à c l'ouest d'abord, et une demi-heure après du sud au nord, c La pluie a été bienfaisante, mais le grand vent qui Taccompa- « gnait a brisé beaucoup d'arbres fruitiers et enlevé une quan- c tité considérable de pampres. Cet orage et le vent qui i'ae- ( compagnait n'ont pas dépassé Samatan; il n'est pas tombé une goutte d'eau sur la rive droite de la Save.

Cette observation se concilie avec l'idée d'un tourbillon local très limité comme nous l'avons indiqué sur la carte. L'antago« nisme et la brusque variation des vents qui a résulter de la coexistence de plusieurs tourbillons locaux, expliqueraient les effets désastreux qui ont été produits.

Les orages des Basses-Pyrénées et de la Haute-Garonne ont un caractère tout différent. Les premiers sont évidemment sor- tis des gorges des Pyrénées sous l'influence du vent du sud- ouest. Les seconds sont le résultat de la coexistence du vent du sud-est dans les régions élevées et du vent du sud-est dans la vallée de la Garonne. Ainsi que nous l'avons déjà signalé l'année dernière, en parlant des orages de 1879, il se produit en pareil cas un refoulement des orages qui étaient destinés à

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ÉTODB DBS PRINCIPAUX ORAGES DE 1880. 475

se propager vers l'est et qui sont retenus sur place ou disper- sés par le vent du sud-est. C'est, eu effet, ce qui a eu lieu le 9 juin jusqu'à 6 heures du soir; mais alors le vent d'autan a cessé dans la vallée de la Garonne, et l'orage qui avait été repoussé jusqu'au-delà de Lectoure est reparti en sens inverse poussé par le vent du nord-ouest.

Orages du 9 juillet.

La situation générale de l'atmosphère accuse une perturba- tion le 7 de ce mois. En effet, le baromètre se trouve fortement en baisse dès 7 heures du matin sur tout le versant de l'Océan et de la Manche. Ce mouvement continue le 8 et jusque dans l'après-midi du 9.

Le pic du Midi n'a pas fourni d'observation pendant ces trois jours.

A Toulouse nous avons eu quelques heures de vent sud-sud- est très faible pendant la journée du 7, qui s'est passée sans orages; le 9, ce môme vent a reparu vers 8 heures du matin et a soufflé avec un peu plus d'intensité et de durée. Les orages sont arrivés.

La carte de ce jour en signale cinq, dans le Gers et la Haute- Garonne, ayant chacun leur centre qui est aussi leur point de départ d'où ils ont rayonné dans diverses directions. Elle signale aussi deux points isolés qui apparaissent comme des orages avortés.

Nous avons déjà appelé l'attention sur ces types d'orages en forme sphérique. Nous nous bornons à remarquer que leur re- production sur d'autres points, d'après des observateurs diffé- rents des premiers et qui ne pouvaient avoir aucune idée du résultat possible de leur travail, en confirme l'exactitude.

Les remarques faites dans le Gers par plusieurs de ces obser- vateurs justifient certaines appréciations qui pourraient paraî- tre arbitraires au premier abord. Voici , par exemple, au sujet de l'orage qui a son centre près d'Auch, ce que dit l'instituteur de Saint-Antonin , canton de Hauvesin : c L'orage a pris nais- i sance au zénith. Un violent coup de tonnerre a eu lieu, et la

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176 HéMOlBES.

c foudre est tombée à quelque distance. L'orage s'est ensuite c divisé en deux, l'un a disparu vers l'est et l'autre vers t l'ouest. »

Au sujet de la région de Lombez, que nous avons laissée dans l'indécision, parce que les heures d'orage y présentent un en- chevêtrement inextricable résultant évidemment du croisement de plusieurs orages , l'instituteur de Saint-Lizier-du-Planté , ' canton de Lombez, nous dit qu'au début de l'orage, à 6 heures du soir, un vent violent soufflait du sud au nord, et qu'il a passé ensuite à Touest. L'instituteur de Montadet, canton de Lombez, signale aussi que vers la fin de l'orage le vent a passé à une direction diamétralement opposée, et a probablement ramené une partie des nuages déjà passés. La carte signale d'ailleurs qu'il y avait dans cette région un point de concours de trois orages et que , par suite, on ne doit pas être surpris d'y trouver des phénomènes compliqués et irréguliers.

Dans la Haute-Garonne nous trouvons trois orages bien dis- tincts : l'un remonte la vallée de la Garonne, de Montréjeau à Saint-Béat, le second a son centre d'action vers Aurignac, et le troisième fait son apparition à Muret.

La séparation des deux derniers est attestée par M. Bruet, instituteur à Rebigue, canton de Castanet, qui s'est trouve précisément dans la zone de séparation. Voici textuellement ce qu'il dit : c Vers 4 heures 15, un orage semble frapper la vallée c de l'Ariège. Il descend jusqu'au confluent dans la Graronne c et puis atteint la région toulousaine.. Vers les 6 heures , un c second orage partant de la vallée de l'Ariège marche parallè- f ment au premier et semble prendre son chemin vers Mont- c giscard et la vallée de l'Hers. Rebigue, placé entre les deux , c n'a été affecté par aucun et n'a reçu que quelques grosses c gouttes de pluie. >

D'autres orages ont traversé les départements du Gers et de la Haute-Garonne pendant la nuit, formant un prolongement de ceux que nous venons de signaler.

Orages du 4 9 juillet. La situation générale commence à se troubler le 17 de cr

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ÉTODB DBS PRINCIAOX ORAGES DE 1880. 177

mois; une dépression se fait sentir au nord du golfe de Gas- cogne ; le 18 elle se déplace vers le sud, et le 19 elle atteint le fond du golfe. Au pic du Midi*le vent soufflait fortement du sud-ouest le 17, se modérait le 18 et puis passait à l'ouest en prenant une intensité croissante jusqu'au 19. Pendant ce t^OQps le vent était variable à Toulouse, mais il arriva au sud-sud-est le 19, vers 8 heures du matin, et s'y maintint toute la journée jusqu'au moment des orages.

Nous en trouvons dans la soirée de ce jour cinq dans le déparlement du Gers et deux dans la région nord de la Haute- Garonne. Ceux du Gers sont peu développés, mais celui qui se trouve dans le voisinage de Mauvesin, Cologne et Cadours présente des phénomènes électriques d'une très grande inten- sité. La foudre est tombée sîir le clocher d'Augnac, et l'a très fortement endommagé. M. Sasie, instituteur communal, nous dit que les éclairs très multipliés avaient un aspect effrayant. Le tonnerre, d'abord sourd, est devenu très fort à 6 heures. Cette dernière observation nous fait supposer que le moment du début noté à 5 heures, lorsque le grondement était sourd et lointain, doit être reporté à 6 heures à l'instant le clocher était foudroyé. Par cette correction on fait disparaître l'ano- malie que présente l'heure du début de l'orage indiquée par l'observation d'Augnac. Dans la commune contiguë à Saint- Antonin , M. l'instituteur Pujos signale aussi des chutes de foudre sur plusieurs points du voisinage, des éclairs très vifs et un tonnerre très fort. Nous retenons de tous ces détails qu'il y avait un centre électrique d'une grande intensité qui a été promptement neutralisé par plusieurs décharges succes- sives et qui n'a pu rayonner à grande distance. C'est à Cadours même que nous trouvons le commencement d'une autre zone d'orages. On la voit sur la carte formant dans la Haute- Garonne trois petits groupes distincts et bien délimités. Les observateurs placés en dehors de ces trois centres d'action , au nord , au sud et dans l'intervalle des groupes, principalement à Saint- Sauveur, canton de Fronton, les ont parfaitement vus et dé- finis. On en jugera par les renseigaemciUs suivants que nous ont transmis plusieurs d'entre eux :

SÉBISl TOME III, 2. 1^

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178 HÉMoiass.

Observation de M. Sardîng, à Ramonville-Saint-Agne : « L*o- ' c rage n'a pas passé sur la commune, on l'entendait dans le t lointain; les éclairs se succédaient sans interruption. La c température avait été étouffante pendant la journée ; dans la c njatinée il faisait temps couvert , le soleil a paru à 8 b. t/2 ; < le vent d'autan a soufflé toute la journée. >

M. MarignaCy à Aussonne : c L'orage s'est formé sur la forêt c de Bouconne et a suivi la vallée de la Save. Tl paraissait c très menaçant , les éclairs étaient continus vers le nord et le c nord-est. t

M. Lavalette, à Lespinasse : t Le tonnerre a grondé pen- c dant une heure à l'ouest , et l'orage a été retenu dans cette c direction par un faible vent d*autan. Mais le vent d'ouest c ayant pris le dessus vers la fin de la journée , l'orage s'est c déplacé rapidement et s'est dirigé vers l'est. »

H. Gabrielle, à Gaubiac, au point môme l'orage a com- mencé, donne les renseignements suivants : c Nuages disposés f par bandes parallèles stratifiées du sud-ouest au nord-ouest, orage très rapproché de terre, très forts éclairs et très forts c coups de tonnerre presque simultanés et non interrompus. > M. Rigal , à Ondes : « L'orage est arrivé avec une excessive c rapidité et un aspect des plus menaçants; heureusement la c grêle a été a)élée de beaucoup de pluie.

H. Lapujade, à Saint-Sauveur : c L'orage n'a pas passé sur notre commune. En arrivant sur les bords de la Garonne à 9 h. 30', il s'est divisé en deux parties se dirigeant^ l'une t vers le nord-est et l'autre vers le sud-est.

M. Bosc, à Castéra (canton de Cadours) : t Cet orage, bien que tt très fort et très voisin, n'a pas passé sur notre commune. Il a été refoulé au nord, sur Cadours, par le vent de l'est. »

H résulte de tous ces renseignements, joints aux données or- dinaires de chaque poste d'observation, que la marche indiquée sur notre carte est bien justifiée. L'orage s'est formé sur le sol de la Haute-Garonne. Ses éléments constitutifs lui sont venus d'ailleurs sans doute, mais ils n'ont pris leur forme complète et définitive qu'en entrant dans la vallée de la Garonne, et cela n'est pas arrivé par une coïncidenco fortuite, car cette partie

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ÉTDDB DKS PRINCIPAUX ORAGES DE 1880. 179

de la vallée est déjà connue comme un lieu de prédilection pour les orages, ce qui prouve qu'il y a des circonstances favorables à leur éclosion ou à leur développement.

Orages du iO juillet.

La faible dépression qui était le 19 vers le fond du golfe de Gascogne, s'est déplacée vers le nord et a porté son centre dans la région du Puy-de-Dôme, le 20 juillet. Le pic du Midi était au vent du sud -ouest. Toulouse avait un régime de vents faibles de sud-est alternant avec 'des vents d'ouest.

I^ carte de ce jour montre que les orages ainsi formés sous l'influence d'une très faible dépression, peuvent être très-con- sidérables en étendue et en intensité, et que d'ailleurs ils affec- tent les mômes dispositions générales que les orages nés dans les circonstances ordinaires et avec de fortes dépressions.

Il y a eu, en effet, des orages dans les départements des Bas- ses-Pyrénées, du Gers et de la Haute-Garonne. Ils ont com- mencé en môme temps, à 2 h. 30' du soir, dans les Basses- Pyrénées et dans la Haute-Garonne, et un peu plus tard dans le Gers.

Leur marche dans les trois départements a été très analogue à celle que nous avons déjà constatée le 9 juin. Dans les Basses- Pyrénées, nous la voyons commencer à l'issue des vallées de Mauléon et d'Oloron et se diriger ensuite vers l'est. Dans le Gers nous voyons de nombreux centres d'orages qui se dilatent iné- galement et se développent sans se rejoindre ni se confondre. Enfin, dans la Haute-Garonne, nous trouvons trois groupes d'orages qui ont leur point de départ sur Montréjeau, l'Isle-en- Dodon et Cadours. L'orage de l'Isle-en-Dodon présente, comme à l'ordinaire, une perturbation remarquable à la rencontre des montagnes d'Ausseing, près de Saint- Martory. Arrêté dans sa marche vers l'est, il se partage en deux parties, l'une dans la vallée de la Garonne, l'autre dans celle du Salât. Le centre qui s'est formé à Cadours semble s'ôtre acheminé d'abord vers l'est depuis 2 h. 30' jusqu'à 6 heures du soir, et puis s'ôtre replié smr lui-môme irrégulièrement, ou avoir été suivi d'un

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480 MÉMOIEES.

autre orage formé de la môme manière, car on trouve dans cette région un assemblage d'observations impossibles à coor- donner comme à Tordinaire. Les indications données sur notre carte du 20 sont conBrmées par les renseignements suivants :

M. Sarding, instituteur à Saint-Agne, près de Toulouse, a constaté que l'orage n'est pas passé sur sa commune. « Le ciel, c dit-il, s'est couvert à 3 heures environ; le tonnerre a grondé à 3 h. 40' vers l'ouest, puis au sud-ouest jusqu'à 4 h. 15'. Toutefois, les nuages continuaient de marcher lentement t vers le sud-est lorsque, vers les 5 h. 40', le tonnerre a « recommencé vers l'ouest en se rapprochant peu à peu, et il n'a pas cessé jusqu'à 8 h. 15'. L'orage a disparu au sud- est < sans pluie à Saint- Agne. >

M. Baient, instituteur à Pouvourville, près de Toulouse, t a t aussi vu, à 4 h. 10', un orage passer du nord à lest de Tou- c louse. A 6 heures du soir, il a noté un autre orage venant du c sud -ouest et allant au sud-est sans atteindre sa commune, c et enfin un troisième orage à 7 h. 40' du soir, qui s'est éloigné t par le nord, tandis que le précédent disparaissait au sud- c est. »

Ces témoignages montrentque l'intervalle compris entre Tou- louse et Castanet a été exempt de tout orage, et que de on a très-nettement distingué ceux qui sont passés au nord et au sud successivement.

Orages du 21 juillet.

La situation générale, au commencement de la journée du 21 » était la même que la veille. La dépression au nord de Toulouse s'était un peu plus éloignée; le vent de sud-est avait cessé dans la vallée de la Garonne, tandis qu'au pic du Midi le vent du sud -ouest soufflait encore par intervalles. Un groupe d'orages, commençant à trois heures du soir et finissant vers huit heures, a couvert le département de la Haute-Garonne et la moitié voisine du département du Gers. Le reste de ce département et la totalité de celui des Hautes-Pyrénées ont joui d'un complète immunité. Néanmoins, on doit remarquer que dans les parties

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ÉTCDB DBS PRINCIPAUX ORAGES DE 4880. 181

atteintes, la disposition des courbes horaires est fort analogue à celle que nous avons donnée pour Torage du ?0. Dans le département du Gers, nous avons plusieurs centres orageux qui se développent isolément en se dilatant par surfaces concen- triques. Dans la Haute-Garonne, trois centres d'action : sur la vallée de la Pique, sur la région de Boulogne à Aurignac et sur celle de Cadours. On remarquera, dans la seconde, la disloca- tion ordinaire des courbes du voisinage de la montagne d'Aus- seing.

M. Baient, instituteur à Pouvourville, vers le sommet que présente la courbe horaire de 4 heures au sud de Toulouse, a consigné une observation importante. Il nous dit que Torage qui l'a atteint à 4 h. 10' c était sans base à l'horizon, qu'il a « éclaté en l'air, et s'est dirigé vers le nord-est et l'est, sansdé- verser une goutte d'eau sur la commune de Pouvourville. Cette observation a été faite à la pointe venait finir l'orage du sud-ouest, tandis qu'au même instant et au même lieu, l'orage du nord-ouest s'y reformait après s'être dissipé au-dessus de Toulouse.

Orages du 5 août.

Pendant la journée du 5 août et pendant une partie de la nuit suivante, le vent du sud-ouest n'a pas cessé de souffler au pic du Midi. A Toulouse, un fort vent d'autan a régné toute la journée jusqu'après 4 heures du soir, (/est sous cette double influence que se sont formés les orages indiqués dans la carte de cette journée. Ceux des Basses-Pyrénées sont apparus, comme à l'ordinaire, à l'issue des vallées de Mauléon et d'Oloron, et puis se sont dissipés rapidement.

Le département du Gers ne s'est signalé que par deux points orageux près d'Auch et de Lecloure.

Le département de la Haute-Garonne a été seul fortement atteint. On y voit ce qui a été déjà signalé précédemment dans le Gers : de nombreux orages locaux procédant de centres isolés et se développant chacun de leur côté.

Parmi les renseignements fournis par les observateurs locaux, nous remarquons les suivants :

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482 MÉMOIRES.

M. Sardîng, instituteur à Ramonville-Saint-Agne, s*exprime ainsi : < 'L'orage s'est fait pressentir dès le matin. Au début, les t nuages marchaient du sud-ouest au nord-est , puis de c l'ouest à Test; un moment après ils semblaient tourbillonner, c aller du sud au nord et ensuite du nord-ouest au sud-est. L'orage s'amassait la veille sur les Pyrénées, refoulé par le c vent d'autan. »

M. Magnas, instituteur à Castagnac, canton de Montesquieu, dit que «l'orage s'est formé après un grand vent d'autan, que f tout l'horizon était couvert de nuages noirs et très-épais, et c que le tonnerre grondait dans toutes les directions.

A Cier-de-Luchon M. Dabos, instituteur, a remarqué deux couches de nuages, celle de dessus cheminant du sud au nord, et celle de dessous en sens inverse, du nord au sud ; notre carte indiquant que l'orage a marché du nord au sud, nous en devons conclure que son explosion était déterminée par l'arrivée du nuage inférieur.

A Saint-Lizier-du-Planté, près de Lombez (Gers), M. l'insti- tuteur Comparés a remarqué dans son observation, faite à 3 h. 45', c qu'il y a eu dans le courant de la journée du t S août plusieurs orages venus coup sur coup, immédiatement c les uns à la suite des autres; le vent a constamment soufQé c dans la direction d'est à ouest. »

Orages du 23 août.

Le 21 août une dépression s'est montrée sur tout le golfe de Gascogne, le 22 elle s'est concentrée dans la partie méridionale, enfin, le 23, elle s'est de nouveau étendue au nord, mais en faisant une inflexion vers la Méditerranée.

Le vent du sud-ouest a soufflé tout ce temps au pic du Midi; il était devenu violent dans la matinée du 23.

A Toulouse on a eu vent variable le 21 et le 22. Dans la matinée du 23 le vent du sud-ouest était à peine sensible. L'autan commença vers huit heures et dura jusqu'à 2 heures du soir.

Dans ces conditions, la journée du 23 a été très orageuse

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ÉTUDE DES PRINCIPAUX ORAGES DE 1880. 483

dans les départements des Hautes-Pyrénées; du Gers et de la Haute-Garonne.

La carte montre qu'il y a eu dans cette étendue un nombre considérable de centres orageux qui se sont formés vers 11 h. du matin et se sont développés isolément dans un rayon plus ou moins étendu.

Quoique très restreints en superficie, ces orages ont, en gé- néral, présenté des caractères d'une extrême violence. Pour le prouver, nous allons citer les remarques de quelques-uns de nos observateurs.

M. Castéran, de Montsaunés, canton de Salies, signale que l'orage dont le centre était entre Aurignac et le Fousseret s'est formé très rapidement.

M. Barrère, de Sabeillan, canton de Lombez, a été frappé du même foit dans la région comprise entre Lombez et Mas- seube.

M. Pégot a observé à Montberaud, canton de Cazères, que le vent était très variable avant l'orage, qu'ensuite le vent d'ouest a soufflé en tempête. L'aspect de l'orage était des plus menaçants ; jamais, dit-il, on n'avait vu des cumulus plus noirs et plus volumineux. Sur certains points, on voyait se détacher de ces nuages des brouillards gris-cendré qui semblaient raser la terre en tourbillonnant avec une grande rapidité. Comme nous l'avons remarqué dans d'autres cas, cet orage, arrivé au massif d'Ausseing qui limite la vallée du Salât, s'est divisé en deux.

M. Ségur, à Lanta, a constaté d'abord un ouragan de vent, puis des éclairs à chaque minute et un tonnerre continuel pen- dant près d'une demi-heure.

A Ramonville-Saint-Agne, M. Sarding a vu l'orage arriver avec une extrême rapidité. Le tonnerre était violent et les éclairs éblouissants. La foudre est tombée à Castanet, à Tou- louse et à Seysses.

Observé par M. Bruel à Rebigue, canton de Castanet, l'orage semblait devoir remonter la vallée de TAriège. On voyait degros nuages formant la pointe d'un triangle qui avançait dans cette direction. Ils étaient contrariés dans leur marche par un léger

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484 MéMOIBES.

vent d'autan qui les refoulait en sens contraire. Après un moment de calme, une tempête d*ouest s'est déchaînée, et l'orage a éclaté.

M. Austric, observateur à Saubens, canton de Muret, a re- marqué que, pendant toute la durée de l'orage, le tonnerre n'a pas cessé de gronder et que la foudre est tombée près du village.

Telles sont les circonstances caractéristiques de cet orage qui a occupé dans sa plus grande longueur, depuis Saint- Gaudens jus(|u'à Caraman, environ 63 kilomètres avec une lar- geur de 30 kilomètres.

On ne doit pas s'imaginer cependant qu'il a parcouru toute la superficie comprise dans ces limites. Les points il a réel- lement éclaté, sont au contraire disséminés très inégalement et souvent à grands intervalles. Les nuées qui le transportaient ont suivi le trajet indiqué sur la carte, mais l'orage n'a réelle- ment éclaté que sur certains points.

Le centre orageux qui s'est formé à midi 30', entre Cadours et Rieumes, s'est dilaté successivement de manière à couvrir une superficie d'environ 50 kilomètres sur 20, entre Cadours, Ville- mur, Toulouse et Lombez. Voici les impressions qu'il a pro- duites sur les divers observateurs :

M. Brégal, de Villeneuve-lès-Bouloc, canton de Fronton, dit : c Cet orage paraissait terrible. Le tonnerre avait un grondement c sourd et presque continu. L'obscurité est devenue si grande c qu'on ne pouvait plus écrire. Bientôt le vent s'est déchaîné t avec violence.

M. Rigal a constaté aussi à Ondes, canton de Fronton, que cet orage avait été très fort, qu'il avait ravagé plusieurs com- c munes, et que les nuages étaient si épais qu*à l'intérieur des c maisons on se trouvait dans l'obscurité. »

Les divers autres orages indiqués dans la carte n'ont eu qu'un développement très limité. On doit remarquer, cepen- dant, que plusieurs d'entre eux, malgré leur peu d'étendue, n'en ont pas moins présenté les caractères des plus grands ora- ges, forte pluie, coups de foudre et grôle.

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ÉTUDE DES PBTNCIPAUX ORAGES DE 1880. 185

Orages du 25 août.

Le premier orage de cette journée a commencé à 1 heure après midi sur une ligne allant des montagnes d'Argelès à Tarbes et à Rabastens. Il avait probablement franchi les Pyré- nées à Touest du pic du Midi. Un autre les a franchies à Test, et a été signalé à 2 heures par l'observateur d'Aulon, canton d'Arreau. D'autres, enfin, éclatèrent en même temps près de Riscles dans le Gers, et près d'Aurignacdans la Haute-Garonne. Tous ces orages paraissent avoir été sans importance dans les Hautes-Pyrénées et le Gers. Il n'en a pas été de même dans la Haute-Garonne. On en jugera par les renseignements suivants extrait» des bulletins des observateurs locaux :

M. Pégot, instituteur à Montberaud, canton de Cazères, s'ex- prime ainsi : c Un orage, ou plusieurs orages à la fois, se sont « formés sur notre contrée ; ils étaient parfaitement distincts ; « on les voyait se dessiner depuis l'horizon de l'est jusqu'à ce- lui de l'ouest. Plusieurs vents régnaient depuis midi. Gepen- dant celui du sud l'a emporté. Les éclairs zébraient le ciel c dans toute l'étendue de l'horizon de l'est à l'ouest ; le ton- nerre n'a pas cessé de gronder depuis 3 h. 25' jusqu'à c 6 heures du soir.

M. Bruel, instituteur à Rebigue, canton de Belberaud : t Vers c 3 h. 30', l'orage semble se former dans la région pyrénéenne. Le temps est noir et orageux; un fort vent d'autan chasse les nuages et empêche l'orage de s'étendre jusqu'à nous. »

M. Lafforgue, instituteur à Auzas, canton de Saint-Martory : « L'orage n'a atteint que l'angle nord^est de la commune. Des « éclairs ont été vus du côté de l'est.

M. Sarding, à Ramonville-Saint-Agne, a vu l'orage à l'ouest et au nord-ouest.

H. Rigal, instituteur à Ondes, canton de Grenade, a vu l'orage de tous côtés ; il était, en effet, placé dans l'intérieur d'un tourbillon.

Tous ces faits justifient les indications de notre carte pour la Haute-Garonne.

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186 MÉMOIRES.

On remarque dans le département du Gers, près de Lombez, la forme étrange d'un orage chargé de grêle. Cette forme est le résultat des heures de début données par les observateurs. Voici, en outre, quelques renseignements qui la justifient :

M. Camparan, instituteur à Saint-Lizier-du-Planté, canton de Lombez, nous dit : < Le veut soufflait an début dans la direc- c tion de Testa l'ouest; à 5 h. 55', il a pris la direction de c sud au nord. »

M. Fauré, à Saint-Loubes-Amades, canton de Lombez : c L'orage du 25 août a éclaté sur notre commune à 5 h 30' du c soir, venant de la région pyrénéenne. Le vent de l'est, dit c d'autan, l'a tenu en suspens quelques instants, mais tout à coup un vent violent du midi l'a déchaîné sur la contrée, c Au début quelques grêles éparses sont tombées; elles étaient c grosses comme des noix, d'autres de moindres dimensions c sont tombées cinq minutes après, et puis une pluie torren- f tielle sans vent. »

D'autres orages se sont formés dans la nuit du 25 au 26, mais avec beaucoup plus d'intensité que ceux du jour. Ils se sont développés particulièrement dans les départements du Gers et de la Haute-Garonne, ainsi que nous l'avons indiqué dans la scK^onde carte de cette journée.

Voici des extraits des renseignements qui nous ont été four- nis par les observateurs :

M. Sens, instituteur à Launax, canton de Riscle : f L'orage c de la nuit du 25 a duré de 7 heures du soir à 2 heures du c matin. Les nuages se croisaient lentement se dirigeant vers c tous les points de l'horizon, les éclairs ne cessaient pas, le c bruit du tonnerre était épouvantable. Depuis longtemps on c n'avait vu un orage si violent. >

M. Castix, instituteur à Saint-Martin, canton de Nogaro : c On peut dire que de mémoire d'homme on n'avait vu à t Saint-Martin un pareil orage sous le rapport de la durée et f de l'intensité. Un éclair continu, tant la succession était rapide, détonations épouvantables et fréquentes, grêle et c puis très forte pluie.

M. Guillot, conducteur des ponts et chaussées, à Aignan :

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ÉTUDE DES PRINCIPAUX ORAGES DE 1880. 487

< Les éclairs se succédaient sans interruption de 7 h. 4/3 à c 44 heures du soir. Il est tombé quelques gréions dans les communes voisines d'Aignan. >

Cet orage a eu dans la Haute-Garonne le même caractère de violence. Nous allons le prouver par les notes des observa- teurs :

M. Mouniélou, instituteur à Gornebarieu, canton de Tou- louse : c Cet orage a été épouvantable. Vers 8 heures du soir, c il ne se faisait sentir que par des éclairs et un tonnerre c lointains. Mais, à 44 h. 4/4, les éclairs et le tonnerre ont re- c doublé, un déluge d'eau et de grôle s'est abattu sur la com- c mune. >

M. Granboula, instituteur à Hirepoix, canton de Yillemur : c Un violent orage a éclaté pendant la nuit, éclairs aveuglants, tonnerre grondant avec violence surtout vers lo sud-ouest et c le sud. »

M. Brégal, instituteur à Villeneuve-lès-Bouloc : t Cet orage a été terrible, le tonnerre grondait avec un fracas épouvan- c table. La pluie a été torrentielle.

Il résulte de que l'orage qui a passé, au nord de la Haute- Garonne, présentait le même caractère que celui du départe- ment du Gers et s'était évidemment formé sous la même influence.

Voici quelles étaient les conditions atmosphériques. Dès le 24 août, une dépression était en vue des côtes de France et d'Espagne. Le vent du sud-ouest souffla le 2i et le 25 au pic du Midi jusqu'à 6 heures du soir. Le vent d'autan régna à Tou- louse et dans une partie de la vallée de la Garonne dès le commencement de la journée du 25 et jusqu'à 6 heures du soir. Il en résulte que les premiers orages du 25 se sont formés sous l'influence du vent du sud-ouest dans les régions élevées, et du vent de sud-est dans les régions basses.

Mais à 6 heures du soir la situation change complètement. Le vent supérieur passe au sud d'abord et puis à l'ouest, et le vent inférieur, à Toulouse, tourne au nord à 7 heures du soir, et puis au nord-ouest vers 40 heures. Les orages de la carte de ce jour se sont formés sous cette nouvelle influence.

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188 MÊIIOIRES.

Nous remarquons de singulières associations de vents su- périeurs et inférieurs. Au vent sud-ouest du pic du Midi cor- respond le sud-est ou le sud-sud-est à Toulouse ; au vent sud du pic correspond le nord à Toulouse, et au vent d*ouest du pic correspond le nord -ouest dans la région basse. Les deux pre- miers vents du pic, contrariés par le relief des Pyrénées, font naître des vents de remous ou des contre-courants ; le dernier, au contraire, venant de l'ouest presque parallèlement à ia chaîne, peut s'écouler dans la direction nord-ouest de la vallée de la Garonne sans provoquer des contre-courants sensibles.

Il serait très prématuré de tirer des conclusions d'un travail qui est à son début et qui exigera sans doute plusieurs années d'études avant de produire quelque résultat certain. Nous nous bornerons pour le moment à indiquer les faits principaux qui résument sous quelques rapports les observations dont nous venons de rendre compte :

l** Les orages éclatent à l'approche des dépressions ou pen- dant leur passage. Quand elles ont leur centre au nord des Pyrénées, le vent du sud-ouest souffle au pic du Midi et le vent d'autan ou sud-snd-est à Toulouse. Ces deux vents sont des compagnons presque inséparables. Les orages viennent à leur suite. Quand, au contraire, le centre de la dépression estausud des Pyrénées et qu'il se dirige vers la Méditerranée, le vent d'est règne au sommet du pic, et le vent d'autan soufflé encore à Toulouse, mais provoqué par une' autre cause et présentant, par conséquent, d'autres caractères. Les orages qui se forment sous cette seconde influence sont rares et probablement moin- dres que les premiers.

Ce que nous appelons un orage n'est généralement qu'une portion d'un météore plus étendu qui se manifeste au début par quatre ou cinq orages locaux éclatant à peu près à la même heure sur des points séparés par de grandes distances et ayant chacun ensuite leur développement et leur marche entièrement distincts. Les points d'apparition de ces orages locaux ne sont pas absolument fîtes, mais ils sont circonscrits chacun dans une région assez limitée. Pour les Basses-Pyrénées, c'est au dé- bouché des vallées d'Ossau, d'Aspe et de Mauléon; pour le

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ÉTUDE DES PEINGIPADX OEAGBS DE 1880. 189

Gers, c'est dans le canton de Riscles ; pour la Haute-Garonne, c'est, au sud, dans la région qui s'étend de l'Isle-en-Dodon à Aurignac, et, au nord, dans celle de Cadours à Grenade. On aperçoit aussi un centre de formation secondaire dans les mon- tagnes de Luchon.

3^ A chacun de ces points d'origine correspond un certain trajet de prédilection pour les orages qui s'y forment. Ceux de Cadours et Grenade vont sur Fronton et de dans le Tarn par la vallée du Girou. Ceux de l'Isleet Aurignac se disloquent à l'entrée de la vallée du Salât, et leur portion la plus considéra- ble se dirige sur Montgiscard et Nailloux et puis sur Revel. Toulouse reste entre ces deux courants et échappe ordinairement aux ravages de l'un et de l'autre.

4" Dans le Gers on trouve plusieurs orages formés à leur début par de simples points orageux isolés qui se sont dévelop- pés ensuite ^ans aucune connexité entre eux, en se dilatant inégalement de divers côtés. Ce genre d'orage qui s'est montré aussi, mais plus rarement, dans la Haute-Garonne, semble former une catégorie très distincte de celle des orages à trajec- toire continue sur de grandes longueurs.

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190 MÉMOIRES.

UN MOBILIER FUNERAIRE

SERVANT A ÉTABLIS

LE PASSAGE DE L'AGE DE LA PIERRE POLIE A L'AGE DU BRONZE Par m. lb Docteur NOULET ci)

En décembre 1876, j'acquis pour les galeries d'archéologie préhistoriques, déji^ si riches, de notre Musée d'histoire natu- relle, une précieuse collection d'objets que des ouvriers de Bruniquel (Tarn-et-Garonne) vinrent m'offrir et quils avaient retirés, disaient-ils, depuis peu de lenops, d'une grotte des environs de cette localité, qu'ils désignaient vaguement. Plus tard, ils affirmèrent que leurs fouilles avaient été pratiquées à l'entrée de la grotte dite le Cuzoul d'Armand, excavation creu- sée dans les bancs de calcaire jurassique qui s'élèvent en falaise escarpée sur la rive droite de l'Aveyron, dans la commune de Penne (Tarn) , et assez près du sommet de la montagne.

A défaut de ce que- pourrait offrir d'intéressantes remarques lu connaissance exacte des lieux qui ont fourni ces objets, je me décide néanmoins, en considération de leur importance intrinsèque, à ne pas tarder plus longtemps. à les signaler à l'attention des archéologues.

Au dire des ouvriers i\\i'\ les découvrirent, ces objets avaient été retirés de la couche terreuse et stalagmitique à la fois, qui constituait le plancher de la grotte. Ils y occupaient un espace

(1) Lo dans la séaoee du 23 jain 4884.

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UN MOBILIER FUNÉRAIRE. 191

peu étendu et se trouvaient placés à diverses profondeurs, cer- tains étant à peine déguisés sous une mince couverture de dé- pôt calcaire.

Nous pouvons accepter comme exacts ces renseignements , principalement celui de la fixation de plusieurs de ces objets dans la stalagmite, puisque le plus grand nombre de ceux qui nous ont été livrés se sont trouvés encore enveloppés en partie dans leur gangue calcaire.

A part des fragments de crânes humains et quelques petites perles en bronze qui avaient été déjà vendues à M. Victor Brun, de Montauban, les objets trouvés entrèrent au Musée de Tou- louse.

Ils consistèrent en ossements humains, en instruments et en objets de parure.

RESTES HUMAINS

Sans entrer dans des détails qui n'ajouteraient rien aux dé- ductions que nous aurons à tirer de leur élude, il nous suffira de dire que les os humains, fragments de tête, vertèbres, côtes, os du bassin et des membres, rarement entiers, par suite de l'action des^ agents naturels , ou par le peu de soin que Ton apporta à leur extraction , ont appartenu à des individus adul- tes, jeunes, et à des enfants. Voici d'ailleurs Ténumération de ces pièces :

Une portion de frontal et des pariétaux d'un même sujet adulte ; ils ont faire partie d'un crâne à voûte déprimée ;

Huit fragments d'os de crâne très-réduits;

3" Un maxillaire supérieur incomplet, portant trois dents, sans.trace de prognatisme et un maxillaire inférieur du même sujet, ayant conservé douze dents;

Deux fragments de maxillaire inférieur, Tun avec sept dents et l'autre avec deux seulement;

Quatre dents isolées ;

Seize vertèbres de diverses régions et de divers sujolâ";

7* Un fragment d'omoplate du côté droit ;

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192 MÈMOIEES.

8* Une clavicule colorée en vert par Toxyde de cuivre;

Deux extrémités inférieures d'humérus naturellement per- forées et deux autres extrémités, également inférieures, non perforées;

10® Un corps d'humérus coloré par Toxyde de cuivre;

1 1" Trois radius , dont un seul complet ;

12*^ Trois cubitus, dont un seul complet;

13* Fragments de bassin d'enfant;

14® Un fémur d'adulte complet et deux incomplets;

15® Deux fi-agments de tibia ;

16® Deux péronés;

17® Trois rotules;

18® Un calcaneum , six astrag îles , douze os carpiens ou tar- siens et huit métacarpiens ou métatarsiens.

os DE MAMIMIFÈHES

Les mammifères n'ont été représentés que par un tibia et un astragale de renard (Canis vulpes^ Linné) (1).

OBJETS EN PIERRE

Une lame en silex gris, récemment tronquée à l'une de ses extrémités; ce qui en reste mesure 102 millimètres de long sur 36 millimètres de large. Elle a été taillée par éclats sur une de ses faces seulement et très-finement denticulée à sa marge par de très- petites retailles.

La lame entière devait rentrer dans la forme qui a été mainte fois désignée sous la dénomination de pointes de trait, pointes de lance (PI. I. fig. 1.)

Un celt, vulgairement Hache polie ^ pierre de foudre, en pétrosilex gris-clair, rubané, à grains très-fins (PI. I, fig. 2) (2).

(4 ) Des 08 de renard existent habttaellement aox entrées des caTemes et des grottes. (2) Les pétrosilex de cette nature se trouvent normalement , en remontant le cours dt

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[tJN MOBILlBft FUNËEAIRE. 4 93

Lo bout supérieur, accidentellement tronqué en biseau, était |)cu atténue; ses côtés sont rectangulaires, conome le sont habituellement les celts taillés dans cette roche ; le tranchant convexe a été symétriquement obtenu aux dépens des deux faces. Cet instrument, qui a H centimètres de long sur 36 mil- limètres de large et 30 millimètres d'épaisseur, a été très-soi- gneusement poli.

Lorsque nous l'avons reçu, il était recouvert en partie d'une mince couche de stalagmite, qui avait servi à fixer contre l'un de ses côtés un fragment d'os humain. .

Trente-huit perles, ou petites rondelles disposées en an- neaux, par conséquent traversées de part en part par un trou de suspension, large relativement aux proportions réduites de ces objets. Elles sont en pierre d'un noir plus ou moins foncé et identiques à certaines perles retirées des dolmens ou des grottes sépulcrales du Sud-Ouest (PI. I, fig. 3.)

OBJETS EN os

Perles, au nombre de cent douze; elles sont de couleur fauve, ovales ou lozangiques, à contours quelque peu variés, mais revenant, plus ou moins exactement, aux types repré- sentés planche I, fig. 4. Elles sont très-légères et happent aux lèvres humides; une seule porte des restes de la poulie arti- culaire du petit os long dans lequel elle fut taillée (PI. I, fig. 5.)

2** Perles, au nombre de vingt-deux, également en os; elles présentent les mêmes caractères généraux que les précédentes, étant ovales, échancrées aux deux extrémités, avec une rai- nure transversale sur chaque face (PI. I, fig. 6.) (1).

3" Un ciseau, libre seulement par son extrémité aiguisée;

l'ÀTeyroQ , d^ns les terrains anciens do plateau central. On en rencontre des fragments , conTertis en cailloux roulés , dans les graTiers déposés le long de cette rivière.

(1 ) La couleur bistrée et la grande légèreté de perles analogues à celles- ci , retirées d'an dolmen de rAyeyroo, firent d'abord penser à ceux qui les décrivirent les pre> miers qu'elles avaient été taillées dans du bois.

8e SÉRIE TOMJB III, 2. 13

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194 MÉMOIEES.

jelle-ci disposée en biseau et à taillant demi-circulaire. Cet outil est fixé par son autro extrémité dans un petit bloc de stalagmite cristalline. Il est long de 165 millimètres et large de 15. Il a été façonné en employant un métatarsien de rumi- nant de la taille d'une chèvre (PI. I, fig. 7). La stalagmite qui Ta fixé porte, en outre, une portion fort réduite d'une vertèbre cervicale humaine.

COQUILLES

Les coquilles appartiennent à une seule espèce de nos mers actuelles, le Dentale tarentin (Déniait um tarentinnm , Lamark). Trente spécimens, variant de taille, sont libres et recouverts d'une mince couche terreuse très-adhérente (PI. II, fig. 1). Huit sont blancs ou plus ou moins colorés en vert sur quelques points, ayant été attachés par leur petit bout à des perles en bronze (PI. II, fig. 2 a et 6.) On sait que les dentales sont des coquilles tubuleuses, de forme conique un peu courbes, ou- vertes à chaque extrémité, ce qui permet de les enfiler en chapelet (1).

OBJETS EN TERUE COITE

Une seule rondelle très-épaisse au centre et sans trace d'orne- ments, en forme de peson de fuseau (Fusaïole); elle est un peu incomplète par suite d'une cassure récente. Le trou de suspen- sion qui la traverse de part en part est très-réduit et rempli du même calcaire qui avait enveloppé cet objet (PI. II, fig. 3).

OBJETS EN BRONZE

Huit grosses perles on forme de barillets (grains de collier, sans doute), variables entre elles, surtout par leurs dimen-

(4) Des groUes sépulcrales el des dolmens OQt assez fréquemment fourni des dentales, j'ai signalé leur présence dans U Grotte de Simat (Ariége). Y. Mém, de l'Àcadimi des sciences de Toutoiue^ 4 866, VI« série, t. IV, p. 74 ô.

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ON MOBILIER FUNÉRAIRE. 195

sions, provenant, par conséquent, de plusieurs moules. Elles sont oxydées à leur surface (PI. II, fig. 4) (<).

Dix petites perles arrondies ou ovalaires (PI. II, fig. 5), dont trois sont soudées entre ellçs par Toxyde de cuivre. Celle du milieu du groupe est encore attachée à l'extrémité d'un dentale (PI. II, fig. 6).

3* Un objet disposé en lame aplatie, légèrement courbe, long de 28 centimètres et large de 4 millimètres, ayant une de ses extrémités repliie sur elle-même; il est très-oxydé ù sa surface (PI. II, fig. 7).

Dans l'état actuel de nos connaissances en archéologie préhis- torique, les inductions à tirer des faits qui viennent d'être exposés se présentent naturellement à l'esprit : la grotte qui a fourni de nombreux restes humains, caractérisant plusieurs sujets, fut convertie, comme tant d'autres souterrains, en une crypte sépulcrale, tandis que, dans la même région, des dol- mens, cryptes artificiellement construites, étaient employées aux mêmes usages (2).

Ce fait s'est représenté si souvent qu'il n'y a plus le moindre doute à émettre à ce sujet. Presque partout, en effet, Ton a découvert à l'intérieur de grottes ou de cavernes des ossements de notre espèce, on a rencontré autour d'eux des mobiliers funéraires propres à nous fixer sur les intentions des familles humaines qui les déposèrent près des morts, qu'ils avaient voulu ainsi honorer, ensuivant les rites que tous les peuples du monde ont mis en pratique, surtout à l'aube de la civilisation (3).

C'est ainsi qu'a été acquise la certitude qu'aux âges préhis-

(4) Les foaiiles pratiquées daos plosiears grottes et dolmeDS da Midi ont fait décou- Trir des perles en bronze parfois d'une asseï forte taille , mais atteignant rarement les dimensions de celles qne nous signalons ici.

y. Cazalis de Fondouce •* Derniers temps de la pierre polie dans Vkveyrm; Grotte sépukrale de Saint'Jean-d'Ak4m, 4 867. (PI. IV, fig. 19.)

{%) Il existe un grand nombre de dolmens, la plupart explorés avec soin, dans les départements du Tarn-el-Garonne, du Tarn et surtout deTAveyron.

(3) Nous avons eu occasion de constater de semblables faits, à la suite de nos nom - breuses fouilles pratiquées aux entrées des cayemes et des grottes des Pyrénées.

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196 uÉMomES.

toriques on déposait dans les tombeaux les armes, les outils et jusqu'aux joyaux qui avaient servi aux défunts.

Les archéologues sont allés plus loin ; ils ont employé ces groupes d'objets à déterminer les âges relatifs auxquels on peut faire remonter ces sortes de sépultures.

Dans le cas qui nous occupe, nous trouvons auprès de restes humains des pierres et des os façonnés en armes, en instru- ments et en objets de parures, affectant des formes attribuées au second âge do la pierre {Age de la pierre polie ou néolithi- que (4), accompagnant des objets en métal regardés comme caractéristiques de Vâge du bronze^ période qui aurait succédé à celle de la pierre polie.

Ce mélange, qui s'est souvent reproduit, a fait abandonner l'idée d'abord acceptée, que l'àgo néolithique, précédant celui du- bronze, avait été brusquement^interrompu, qu'il y avait eu, en un mot, hiatus entre ces deux périodes. Il faut donc admet- tre un temps transitoire pendant lequel l'usage de la pierre polie se continuait, tandis que le bronze avait fait son appa- rition. Mais l'emploi de ce métal, encore rare et cher, se serait trouvé d'abord très-limité. Son usage se serait étendu en deve- nant peu à peu prédominant et aurait été enfin complètement substitué à celui de la pierre.

D'après ces vues, la sépulture qui nous a fourni l'intéressant mobilier funéraire que nous venons de faire connaître devrait être attribué aux premiers temps de la période servant de tran- sition de l'âge de la pierre polie à l'âge du bronze.

(4) Cette période des temps préhistoriques avait été précédée par celle désigoéesous e nom de paléolithique , la pierre exclusivement taillée par éclats fut employée.

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ON MOBILIER FUNÉRAIRE. 197

EXPLICATION DES PLANCHES

PLANCHE I (Figures de graodeur naturelle.)

Fia. i. Lame en silex accidentellement tronquée.

FiG. 2. Celt {Hache polie) en pétrosilex gris, rubané.

FiG. 3. Neuf petites rondelles en pierre noire.

FiG. 4. Quinze perles en os, de couleur fauve, plus longues que

larges. FiG. 0. Perle prise dans un os long, ayant conservé une portion

de la poulie articulaire. FiG. 6. Six perles en os, de couleur fauve, plus larges que

longues. FiG. 7. Ciseau en os, flxé par une extrémité dans un bloc de

stalagmite.

PLANCHE U (Figures de grandeur naturelle.)

FiG. 1. Deux dentales (Dentaîium iarentinum) recouverts d'une légère couche terreuse.

FiG. 2 a et ô. Deux dentales tachés de vert.

FiG. 3. Rondelle en terre cuite, ayant la forme d'un peson de fuseau {Fusaîole), .

FiG. h. Huit grosses perles en bronze trouvées isolées.

FiG. 5. Trois petites perles libres en bronze.

FiG. 6. Trois petites perles en bronze, soudées entre elles et por- tées à l'extrémité d'un dentale.

FiG. 7. Objet en bronze.

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198 MÈHOIBES.

ESSAI

SUR

LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE

Par m. ROSCHACH (D

AVANT-PROPOS

On sait que Timpératrice Marie-Louise, réduite par la bien- veillance du Congrès de Vienne à régner sur les Parmesans, épousa un officier autrichien , grand-maître de sa maison, le feld-taaréchal lieulenant comte Neipperg. De cette union est né, entre autres enfants, le prince Wilhelm de Montenuovo, qui a longtemps exercé, comme son père, un commandement supérieur dans Tarmée impériale et royale, et qui s'est distin- gué par un goût très-vif et très-éclairé des recherches numis- matiques. Durant une période d'environ quarante années, M. de Montenuovo s'est appliqué sans relâche, avec une pas- sion de savant et une libéralité vraiment princière, à constituer une collection de monnaies intéressant les diverses parties de la monarchie austro-hongroise, collection qui, obéissant à la loi ordinaire des extensions progressives, a fini par embrasser toute l'histoire monétaire des Slaves du Sud, celle de l'Italie entière et de plusieurs autres États voisins. Dans cet impo- sant ensemble, la Transylvanie occupait une place privilégiée.

(4) La dans la séance da 30 jatn 4 884.

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 199

Le prince Wilhelm, qui a été gouverneur militaire de cette province, intéressante entre toutes, s'était particulièrement attaché à en réunir les monuments nuînismatiques, et, grâce à beaucoup de ténacité, grâce aux facilités que lui donnait sa haute situation, il avait réussi à former un musée vraiment unique, dont n'approchait aucune des collections antérieures. Ce travail obstiné se poursuivrait encore si un funeste événe- ment ne l'avait interrompu.

Aucun établissement public ne disposant de crédits suffi- sants pour acquérir des séries locales d'une si grande valeur, la collection Montenuovo a subi le sort réservé à la plupart de ces laborieuses et onéreuses créations. Après avoir été exposée à Francfort, pendant quelques mois de l'année 1880, dans le cabinet de M. Adolph Hess, elle s'est vendue aux enchères.

Fort heureusement, avant de procéder à cette fatale dislo- cation, M. Hess avait rédigé un catalogue descriptif extrême- ment détaillé des quatorze cents pièces composant la section de Transylvanie (1). Ce catalo^^ue, dont l'auteur s'est défendu de toute prétention scientifique, n'en contient pas moins les indications les plus précieuses. Aujourd'hui que les épaves de cet illustre naufrage sont dispersées à travers l'Europe, ce livre est tout ce qui reste de tant de volonté, d'efforts et de sacrifices. Grâce au rassemblement de matériaux aussi com- plets, la numismatique transylvanienne a désormais une base nouvelle et très-large d'études positives, le fruit de près d'un demi-siècle de recherches ne se trouve pas entièrement perdij, et l'on peut entreprendre de tracer les grandes lignes d'un travail qui, sans cet utile secours, n'aurait probablement ja- mais pris un caractère synthétique.

{i) Die siebenbilrgischen MUnzen des farsilich'Montenuovo'schen MUnzcMneUt beschrieben von A, Etfi, mii 6 Tafeln. Frankfurt-am-Meio, Adolph Hess, Bockenheimer-Laod- slrasse, 53; 1880, h yoI. de %tt pages ii>4^

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300 MÉMOIEES.

PREMIÈRE PARTIE

GÉNÉRALITÉS

Bien qu'il n'ait été frappé de monnaies à destination spé- ciale de la Transylvanie que durant une période d'environ deux cent quarante ans, coniprise entre la date du traité de Grosswardein (24 février 1538) et celle de mort do l'impé- ratrice Marie-Thérèse (1780), le contingent numismatique de cette curieuse province est un des plus abondants et des plus riches que l'on connaisse. On en peut juger par ce seul fait que la collection Montenuovo ne compVenait pas moins de 1,400 pièces différentes, dont 434 monnaies d'or et 926 mon- naies d'argent.

Déduction faite des monnaies émises par les empereurs de la maison d'Autriche, maîtres du pays à trois époques inter- mittentes, les pièces vraiment autonomes son! au nombre d'en- viron 1160, réparties entre les règnes de quinze princes, règnes pour la plupart très-tourmentés, troublés par des guerres étran- gères ou civiles extrêmement meurtrières, et souvent abrégés par de tragiques événements.

L'intensité de ce monnayage s'explique sans peine par l'abondance de la matière première que n'ont cessé de fournir, depuis dix-huit siècles, les montagnes et les rivières de Tran- sylvanie. Les mines d'or de Verespatak, Ton a découvert des contrats antiques inscrits sur des tablettes de cire(1), étaient exploitées dès l'époque de Trajan, qui parait y avoir appelé des ouvriers dalmates experts en ces sortes de travaux (2) ; les inscriptions de Zalatbna témoignent de l'existence d'un personnel administratif placé sous la direction d'un procuralor

(1) L'un de ces documents est un contrat de louage relatif à l'exploitation des mines, operarum ad opus aurarium, de Tannée 4 64. (Mommsen, p. 214.)

(2) Corpus intcr, lot. (Mommsen, Dada, p. 244.

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 201

«

Augusti (1). Le groupe de ces agents, liberti et familia et leguli aurariarum, avait même consacré un monument en l'honneur de rimpératrice Lucille, femme de Verus (2). Un texte trouvé près de Nagy-Enyed mentionne un vœu fait à Jupiter pour U santé de l'empereur par le collège des mineurs employés à l'extraction de l'or (3).

Les métaux précieux se sont constamment recueillis, en Transylvanie, de deux manières : par l'exploitation des gale- ries souterraines pratiquées dans le flanc des montagnes, et par le lavage des sables de plusieurs cours d'eau.

Toutes les rivières de la contrée cb.arrient de l'or; l'une des plus riches est l'Aranyos, qui naît près de la montagne de \ulkan, sur la frontière ( ccidentale de la province, et qui se jette dans la Szamos, après un cours sinueux très-accidenté.

Le lavage des sables aurifères est, depuis une époque déjà lointaine, l'industrie héréditaire des Valaques et des Tziganes. Cette opération se élisait encore, à la fin du siècle dernier, par des procédés fort primitifs. Une chambre spéciale avait été instituée pour recevoir chaque semaine et payer individuelle- ment aux orpailleurs la quantité de poudre d'or recueillie.

A raison de la situation géographique du pays et des cir- constances politiques de son développement, le monnayage transylvanien a subi des influences multiples et contradictoires, dont il est indispensable de se rendre compte pour saisir les nuances^ assez déliC'îtes, qui en compliquent le caractère. Du- rant plusieurs siècles, la Transylvanie a fait putie intégrante de la monarchie hongroise. Comme elle possédait les gisements

(4) Tabularius aumrûmm Dacicarum (n^ 4 297) adjutor iabtdttrwnm (n» 4305), dispentalor (n» 4 304) subsequens librariorum (d» 4344), ab instrumento iabulariorum (qo 4 346).

D . M II M . VLPIO . AVG || LIB HERMIAE PROC || AVRARIARVM CVIVS II RELIQVIAEEXINDVLGENTIA || AVG N ROMAiM LATAE || SVNT II SALONIA PALESTRICE || CONIVNX .ET- DIOGENES || LIB BENEMERENTl FECER || VIXIT ANN LV. (Corpus inscr. lat. MommseD. Dada, vfi 4318.)

{t) Corput inscr. UU. (MommseD, Dacia, n^ 4 307.)

(3) I.O.M.PRO.S.IMPE||RATORIS||COLLEG.AVRA||RIARVM.L.|| CALPVRNIVS II ...DD. (Mommseii, 944.)

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202 MÉMOIRES.

métalliques les plus productifs du royaume, c'est dans ses ate- liers que furent frappées beaucoup de monnaies au nom des rois magyares ; mais ces pièces, conçues d'après un type uni- forme emprunté d'abord aux Angevins de Naples, puis aux princes allemands, ne se distinguaient que par le poinçon mo- nétaire des villes, les épées croisées d'Hermannstadt, le châ- teau de Kolosvar, les initiales de Nagy-Banya.

Lorsque l'ambition des princes indigènes, secondée par la politique ottomane, alors habile à exploiter les divisions de la chrétienté, est parvenue à détacher la Transylvanie de l'État hongrois, pour en faire une principauté autonome, sous l'obli- gation d'un tribut annuel envers la Porte, les conditions favo- rables à la formation d'un monnayage entièrement original se sont trouvées contrariées par l'échange de numéraire qu'entraî- nait le va-et-vient perpétuel des armées. On sait ce qu'étaient les corps militaires du seizième et du dix-septième siècles, et de quelles bandes hétérogènes ils se forrmient. Depuis l'origine de son orageuse indépendance jusqu'au triomphe dé- finitif de la maison d'Autriche, la Transylvanie n'ayant été qu'un champ clos se heurtaient des troupes allemandes, croates, italiennes, espagnoles, flamandes, wallonnes, accou- tumées à battre l'estrade sur tous les points de l'Europe, les monnaies émises par les princes transylvaniens ont ressenti le contre-coup de ce cosmopolitisme guerrier, et ont fait des emprunts très-reconnaissables à l'Italie, à l'Espagne et à l'Em- pire germanique. On en verra plus d'une preuve dans la suite de ce travail, l'étude des types et des légendes amène assez souvent des rapprochements inattendus.

L'influence italienne, particulièrement, a toujours été consi- dérable en Transylvanie. Les deux plus |)uissants voisins de ce pays, l'empire d'Allemagne et l'empire ottoman, pullulaierjt de commerçants, d'artistes, d'aventuriers italiens cherchant fortune dans les armes ou dans la diplomatie. Les alliances ou les relations princières contribuèrent à augmenter cette action naturelle d'une race industrieuse, insinuante et tenace.

L'aïeule du prince Jean I" de Zapolya était une princesse milanaise, cette Bone Sforza que les Polonais ont regardée

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ESSAI SUB LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 203

comme le mauvais génie de leur pays^ et qui avait amené à sa suite nombre de musiciens et de chanteurs, sans oublier le Napolitain Papagoda, son favori et son meurtrier. Etienne Balhori^ fondateur de Tuniversité de Wilna, avail fait un long séjour à la cour des Médieis, et en avait rapporté un goût très- vif pour les arts et pour ceux qui les pratiquaient.

Sous toutes ces impressions étrangères, sous ces imitations, ces emprunts, que l'intérêt commandait pour faciliter la circu- lation du numéraire de Transylvanie, on voit cependant per- sister un élément local, un instinct particulier, qui, façonné par des traditions antérieures^ modifle à sa manière les types courants de l'Europe austro-espagnole, et leur prête une sorte de personnalité originale et de rajeunissement barbare.

Les ducats ont beau ressembler à beaucoup de ducats ita- liens, les effigies de princes rappeler celles de maint feuda- taire du saint empire, les pièces obsidionales reproduire un modèle accepté de toutes les armées, il reste dans les détails de l'exécution, dans les ornements, dans les accessoires, dans la manière de profiler un fleuron, de courber une volute, de contourner un cartouche, de plisser une draperie, de graver une cuirasse, de broder un vêiemenl, quelque chose qui s'éloi- gne du poncif italien ou allemand, et qui ramène l'esprit beau coup plus loin, vers les pays slaves, vers Byzance, vers l'Orient primitif.

Quoiqu'il y ait de grandes inégalités d'exécution, certains gr aveurs monétaires sachant un peu dessiner, tandis que d'au- tres ne savaient pas du tout, la figure humaine est générale- ment traitée avec une incorrection qu\ touche à l'invraisem- b'able. 11 y a des mains qu'on prendrait pour des dents de peigne, pour des coquilles ou pour des pattes d'araignée; des bras d'une gaucherie sans pareille, allongés ou raccourcis avec un mépris des proportions assez excessif pi»ur paraître cher- ché; des yeux auxquels l'hyperbolique relief de l'orbite, le cercle et la cavité de la prunelle impriment une férocité comi- que; des lèvres de nègre, des oreilles en demi-cercle, des cheveux qui moutonnent en guise de toison^ des barbes aussi hérissées et aussi rudes que des poils de sanglier, des mous-

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204 MÊMomBs.

taches massives, des manteaux gonflés comme des voiles, des draperies sous lesquelles les corps se dérobent.

Mais, si Tinsuffisance du dessinateur est grande, la patience et riiabileté de l'orfèvre ne le sont pas moins. Que Ton regarde isolément les motifs de pure décoration, aigrettes, bonnets fourrés, pièces d'armures, on sera frappé de la fécondité d'ima- gination, de la variété et de la richesse des motifs, de la fînesse de ces grènetis, de ces moires, de ces filets, de ces guillochés qui font de certains ducats transylvaniens de véri- lables joyaux. Il y a dans celte précision minutieuse la preuve d'une science technique évidemment héréditaire parmi les hommes voués au travail des métaux, et, dans celte recherche passionnée du luxe, dans cet amour des perles, des broderies, des passementeries, des panaches, un trait connu du caractère des peuples de l'Europe orientale, qui sont tous également épris de la parure, du clinquanl, des colifichets, et qui se re- prochent ce penchant avec une piquanle réciprocité, en le qualifiant, selon les lieux, de goût slave, de goût magyare ou de goût valaque.

NOMENCLATURE

MONNAIES d'or

L'unité monétaire d'or adoptée en Transylvanie est le ducat^ dont le poids moyen esl de 3»% 42, et le diamètre de 23 milli- mètres (1). C'est aussi la pièce d'or la plus répandue. Il en a été émis sous presque tous les règnes et dans lous les ateliers, mais principalement dans les trois grands centres d'émission : Clausenbourg, Hermannsladl, Nagybanya.

(4) L'ordonnance de François \^, donnée à AbbeyiHe le 24 féyrier 1540, réglant le change des monnaies étrangères, prescrit de recevoir «c les ducatz de Venise, Gênes, Flo- rence, Portugal, Hongrie, SicUe et CaslUle du poix de deax deniers dix-sept grains très- bacbans pour 46 sols 6 deniers tournois », et •« les doubles ducatz du poii de cinq deniers dix grains tresbuchans pour 4 livres 43 solz 6 deniers tournois. » Quant aux ducats étrangers qui ne pesaient pas le poids légal, la même ordonnance prescrivait de les payer à raison de 1 6i livres 1 6 sols le marc, 20 livres 7 sols Tonce, 4 6 sols 4 4 deniers obole le denier, 8 deniers obole le grain.

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ESSAI SDR LES MONNAIES DB TRANSYLVANIE. 205

Gomme multiples, on rencontre :

La pièce de un ducaX et demi, dont nous ne connaissons qu^un exemplaire, émis en 1577, sous Christophe Bathori, avec le coin du double ducat (M 138) (1).

La pièce de deux ducats ^ pesant 68%84 et obtenue de deux manières : par l'agrandissement du diamètre, (1577, M 137), ou par le doublement de Tépaisseur, qui permet d'employer le coin ordinaire. (M 53, Jean II, 1562.) Il en existe aussi de forme hexagonale, mesurant 30 millimètres de diamètre. (Her- mannstadl, 1613, M 560; 1662, M 1063.)

La pièce de trois ducats, épaisse au coin de ducat, pesant 108%26. (1661, M 1028.)

La pièce de quatre ducats, j)esant 138',68. (Fogaras, 1689, iM 1060.)

La pièce de cinq ducats^ pesant 17«%10 et mesurant 38 mil- limètres. Il y en a un type octogone sous Léopold I»', en 1694 (M 1203), et un type rond du même prince, en 1696. (M 1204.)

La pièce de sept ducats ^ pesant 23«%87. (Hermannstadt, 1660, M 1012.)

La pièce de huit ducats, pesant ^278%36, un seul exemplaire, réduction de la pièce d'honneur de Cronstadt de 1612, frappée avec le coin de 10 ducals.

La pièce de dico ducats, pesant 3l8%20, mesurant 42 milli- mètres et frappée quelquefois avec un coin de thaler. (Gabriel Bethlen, 1628; M 683; Georges Râkôczi, 1637; M. 853.)

De ces trois dernières pièces, il a été frappé à Fogaras des exemplaires hexagones en 1689.

La pièce de cent ducats, pesant 347 grammes, et mesurant 83 millimètres.

Cette dernière pièce, tout exceptionnelle, n'a été frappée qu'une seule fois, sous le rè^ne d'Apafi, à deux exemplaires, et était destinée à servir de présent. L'une fut offerte, en 1677, à l'empereur Léopold; elle appartient aujourd'hui au cabinet impérial et royal de Vienne, qui en possède aussi une repro-

(4) Les chiffres entre parenthèses précédés de la lettre M renvoient ao catalog;ae d' M. Ad. Hess.

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206 MÉMOIRES.

duclion en argent. L'autre, donnée en même temps par le prince Micliel au général comte Andrassy, et conservée dans la famille de ce gentilhomme pendant près de deux siècles, était entrée dans la colleclion du prince de Montenuovo, et a fait parlie de la vente de Francfort. (M 1045.)

Les divisions de Tunité d'or sont :

Le demi'ducat (Hermannstadt, 1612, M 445), du poids de 1«',70 el du diamètre de 16 millimèlres.

Le quart de ducat, du poids de 0«',84 et du diamètre de 15 millimètres. (Hermannstadt, 1579, M 144; 1606, M 357. Nagybanya, 1623, M 707; 1647, M 869. Sous l'empereur Charles VI, le quart de ducat offre un type particulier, M 1281 .)

Le huitième de ducat, pesant 0L8',42.

I-e seizième de ducat, pesant 0«%21 .

Ces deux dernières pièces frappées sous Marie-Thérèse.

La principale monnaie d'argent est le thakr (1), qui mesure 44 millimèlres, et pèse 27 grammes, et donl les multiples sont :

La pièce d'un thaler et demi, pesant 39 grammes;

Le double thaler, pesant 57 grammes et frappé avec le coin du thaler, tantôt de forme ronde, tantôt sur des plaques car- rées de 45 millimètres de côlé (Gabriel Bethlen, 1627, M. 757-763).

Les divisions du thaler, d'un emploi très-rare, sont :

Le demi'thaler. On en trouve des exemplaires sous Gabriel Bathori, en 1611 (M 519). Mais le coin est celui du thaler : c'est l'épaisseur du métal qui fait la différence, (Marie-Thérèse, 1742, M 1349.)

Le quart de thaler, qui pèse 7 grammes et mesure 30 mil- limètres. Il en a été frappé avec coin spécial à Nagybanya, sous Georges Râkôczi !•% en 1645. (M 887.)

(\) Nos vieux écriTains français, traduisant par assonnaoce, écrivent dalle: « Une levée de cent mille dalles payable selon la fortune d'un chacun. (MontreulXt BUtoire géné^ raie des Turcs et principalement en Hongrie,, livre III, p. 336.)

Celte forme s'est conservée dans le composé Rùcdale (ReichsthaleTj thaler d'empire), encore employé par Voltaire.

En 4 594, les dalles sont évaluées à 50 sols pièce. (Hist. gin. de Hongrie, livre UI, p. ki5.)

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 207

Outre le thaler et ses dérivés, le monnayage transylvanien comporte :

Le gros d'argent, girossws, pesant 1«%68, et mesurant 21 mil- limètres.

Cette pièce a pour multiples :

Le double gros (Gabriel Bethlen, 1622, M 789) ;

La pièce de trots gros (Georges Râkôczi !•', 1637), de 20 mil- limètres et de 2k',10;

La pièce de six gros (Georges Ràkôczi, 1637), de 48%20;

Le denier hongrois, denar^ du poids de 0«%51 et du dia- mètre de 15 millimètres, et ses divisions et multiples;

Le demi denier ou obole (Gabriel Bethlen, 1621, M 679);

Le sixain (sechser), pièce de six deniers, du poids de 38^,06;

Le douzain (ztvœlfer), pièce de douze denars, du poids de 68%12 et du diamètre de 26 millimètres. (Apafi, 1«72, M 1151 .)

Après l'incorporation de la Transylvanie aux États hérédi- taires de la maison d'Autriche, apparaissent les monnaies d'ar' gent purement allemandes, le kreuzer et ses dérivés :

Le kreuzer (1762, M 1366), pesant 0«%23,

La pièce de 3 kreuzer s (1762, M 1364-65; 1711, Joseph !•% M 1250-52), pesant 0«',69;

La pièce de 7 kreuzers (1762-65, M 1360-63), pesant 18%61 ;

La pièce de /O kreuzers (1065, M 1385-89), pesant 2e%30;

La pièce de /S kreuzers (1750, M 1354), pesant 3«%45;

La pièce de 17 kreuzers (1763, M 1356-59), pesant 3«',91;

La pièce de 20 kreuzers, pesant 4«%60;

La pièce de 30 kreuzers, pesant 68%87 et mesurant 28 mil- limètres. (Marie- Thérèse, 1754-65, M 1352-53.)

Aux mêmes règnes appartient une petite monnaie d'argent d'une physionomie particulière :

La />o/rMra (demi-gros), qui pèse 08'95 et mesure 20 milli- mètres. Il en a été frappé à Hermannsladl sôus Léopold !•% Joseph I", Charies VI et Mai iC-Thérèse.

Les seules monnaies de cuivre de la série transylvanienne sont :

Le sou {solidus)^ de 17 millimètres. (Sigismond Uathori, 1591, M 316.;

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208 MÉMOIRES.

Le demi kreuzer^ de 15 raillinièires el de 08%54. (Joseph !•', 1709, M 1258.)

Le greschl, frappé en 1763-1765, sous Marie-Thérèse. (M 1368-72.)

GÉOGRAPHIE

Les centres d^émission régulière des monnaies de Transyl- vanie onl été, dans le courant du seizième siècle el les pre- mières années du dix-septième, Nagy-Banya, Hermannstadt, Clausenbourg.

Nagy-Banya, dont le nom signifie grande mine, était la principale de ces petites villes « (nétalliques et monétaires, » comme les appelle un écrivain allemand du dix septième siècle, urbes metallicœ et monetales, la proximité des mines avait naturellement déterminé la création d'ateliers.

Le cavalier Spontoni, qui écrivait sous Tempereur Rodol- phe II, dit formellement que la monnaie de Transylvanie se frappait à Nagy-Banya : Nell' uliimo quasi angolo estremo délia Transilvania, riirovansi alcune cittadi picciole, ma moUo ricche d'oro e d'argento, ch'in buona quantilà si raccoglie dalle minière di varii monti circonvicini, Ira le quali è principal Na- gybanya, facetidovisi la Zecca e coniandovisi moneteper lo stw prencipe (1)-

On rapporte qu'en 1645 les seules mines d'or et d'argent du lieu de Sckete-Banya, situé daus les dépendances de la viHe^ occupaient plus de deux mille ouvriers. L'exploitation en était abandonnée au dix-huitième siècle, lors du voyage de M. de Born. Une autre mine, plus voisine encore de Nagy-Banya, n'a été rouverte qu'en 1752 (2).

C'est encore au môme hôtel des monnaies qu'était livrée la poudre d'or et d'argent provenant des lavages de Mis-Banya et de Sargo- Banya.

(4) Hiitoria delta TransUoania raccoUa dd cawUier Ciro SponUmi e regittrata dal caoa- ier Ferdinando Donna. lo Veoetia, Uiacooio Sanina, iM.DC.XXXVIU. {i) Voyage minéralogique, lettre IVUl, p. 280.

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ESSAI sua LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 209

Nagy-Banya, « ville royale libre de mines », est située au nord-ouest de la Transylvanie, sur le gl icis extérieur du ra- meau des Carpathes qui descend vers les plaines de la Theiss. Elle fait partie du comilat hongrois de Szalhmar, l'un des dix-sept du cercle au delà de la Theiss, et occupe une étroite vallée, dont les eaux descendent vers la Szamos, à iO kilomè- tres environ de la frontière gallicienne.

Les privilèges de la ville, qui datent du roi Louis !•% mon- trent que les mines de cette région étaient l'objet d'une exploi- tation vigoureuse en 1347. La ferme et la monnaie en furent aflfermées par le roi Mathias, en 1468, au prix de 13,000 florins d'or. Les monceaux de scories qui se trouvent accumulés sur divers points et les traces d'anciens canaux confirment les témoignages de la tradition (1).

La production a été longtemps Irès-active à Nagy-Banya, surtout pour les espèces d'argent, qui, sauf les monnaies mili- taires, émises à raison de nécessités urgentes, ne se frappaient guère ailleurs. A dater du règne de Georges Râkôczi II, cette production cesse entièrement. Pour l'émission des espèces d'or, Nagy-Banya ne paraît venir qu'en troisième ligne, après Clau- senbourg et Hermannstadt.

Clausenbourg, que les Valaques appellent Klm, les Hongrois Colosvar, el les latinistes officiels Claudiopolis, est située dans la partie nord-occidentale de la province, au fond d'une gorge coule la petite Szamos. Elle est le chef-lieu d'un des neuf comitals hongrois de Transylvanie. Dans cette ville, siège du conseil royal depuis la domination autrichienne, la frappe de l'argent n'a été qu'exceptionnelle et très-inlerinittente; au con- traire, l'émission de l'or, très-considérable dès le temps des princes de Zapolya, s'y est continuée presque sans interrup- tion, sauf sous les deux premiers Bathori, jusqu'à l'insurrec- tion de François Ràkôczi IL

La ville d' Hermannstadt, en latin Cibinium, en italien Ct6t-

(0 Voyage minéralogiquej lettre XVI, p. S52.

SKRIB TOMIB lil, 2. 14

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210 MEMOIRES.

niOy du Dom de la rivière qui en baigne les murailles, est bâtie tout au sud de la province, dans le bassin de TAluta, à 7 kilo- mètres du col de la Porte-Rouge, frontière de Valachie. Siège des États provinciaux, chef-lieu d'un des douze districts de la nation saxonne, cette place, que sa situation exposait aux pre- mières atteintes des incursions turques et tartares, et où, d'un autre côté, Timportance de la population allemande offrait un solide point d'appui aux invasions autrichiennes, se vit maintes fois condamnée par les nécessités de la guerre à frapper des monnaies de nécessité. Elle a été un centre particulièrement productif d'espèces d'or jusqu'à la fin du règne de Sigismond Bathori (1602). A dater de cette époque, il s'y est produit de fréquentes suspensions de travail, avec de faibles reprises sous Gabriel Bathori, Gabriel Bethlen et Apafi. Hermannstadt émet encore un ducat sous l'empereur Joseph I".

Après ces trois principaux foyers de production, il faut citer un certain nombre d'ateliers monétaires dont l'activité a pris soû essor après le commencement du dix-septième siècle.

La ville, qui porte, depuis le règne de Charles VI, le nom de Karlsburg, en hongrois Karoly-Fejervar, et que l'on nom- mait antérieurement Alba-Julia et Weissenbourg ^ en vieux français Albe-Jule (1), assise dans la vallée de la Maros, entre Clausenbourg et Hermannstadt, à proximité des riches mines de Zalathna, montre ses premiers produits monétaires, dans les premières années du dix-septième siècle, sous Gabriel Ba- thori. La frappe s'y est continuée jusqu'au dernier règne, et c'est aujourd'hui l'unique atelier impérial et royal de Transyl- vanie.

Kremnitz, en hongrois Kormecz-Banya , est située fort loin (les frontières de Transylvanie, de Tautre côté de la grande plaine hongroise, au cœur du massif montagneux dont les contreforts s'étendent jusqu'en Moravie, et d'où descend la ri-

(1) Pumà^l, p. 70.

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 21 1

vière de Gran, qui va se jeler dans le Danube entre Peslh et Konaorn. Il avait fallu les grandes aventures de la guerre de Trenle-Ans et l'orageuse fortune de Gabriel Bethlen pour qu'un prince de Transylvanie fît frapper à son effigie les monnaies sorties de cet atelier, s'élaboraient les riches produits des gisements métallurgiques du voisinage. Ce n'est, en effet, que sous le règne du héros protestant que les émissions y ont commencé, comprenant ducats et thalers. Elles y ont été inter- rompues, au bout de quelques années, par le refoulement du hardi guerrier dans ses Étals originels.

L'atelier d'Oppeln, en Silésie, a fonctionné dans les mêmes conditions. Cette ville est encore bien plus éloignée du réduit transylvanien, puisqu'elle est bâtie sur le versant baltique, au bord de l'Oder, en amont de Breslau. Chef-lieu d'un duché, contre lequel Sigismond Bathori avait momentanément accepté d'échanger la Transylvanie, avec une pension de 50,000 écus en guise de soulte, elle fut, pour Gabriel Bethlen, avec le du- ché voisin de Ratibor, le prix de l'heureuse campagne de Bohême; mais cette situation n'a duré que trois ans, l'empe- reur ayant rétracté, par la paix de Vienne, une partie des avantages consacrés par le traité de Nickolsbourg. Il ne s'y est, d'ailleurs^ frappé que des monnaies inférieures d'argent, gros et deniers.

Nous ne mentionnons que pour mémoire l'atelier de Kaschau, au sud des Carpathes de la frontière de Gallicie, l'origine des monnaies qui y auraient été émises n'étant pas certaine.

Après le règne de Gabriel Bethlen , le monnayage transyl- vanien s'est resserré dans les limites de la province. Sous le gouvernement d'Apafi, quatre nouvelles villes sont passées au rang de cités monétaires. Ce sont :

Bistritz, en hongn^is Besztercza'Videk, au nord -est, en pays saxon, dans un district minier voisin des frontières de Buko- wine;

Schœssbourg, Segesvar, sur le Kokel, en pays saxon :

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212 MEMOIRES.*

Kronstadt, appelée par les Hongrois Brasso, par les latinistes et les Ilaliens Corona, par les Grecs Stefanopoli, à l'angle sud- est de la province, au pied des montagnes de Valachie, la plus exposée peut-être de toutes les villes transylvaniennes pendant le flux et le reflux des invasions turques, et, par suite, le lieu d'émission de nombreuses monnaies obsidionales.

FogaraSy sur l'Aluta, près de la frontière valaque, ont été frappées des monnaies d'or en abondance, quelques-unes de très-grand module, notamment la pièce de 100 ducats oflerte à l'empereur Léopold.

Quelques-uns des ateliers que nous venons de citer ont eu des marques iconographiques servant à poinçonner les mon- naieB :

C'est, pour ^o/o5t;ar, un château à trois tours;

Pour Hermannstadt, deux épées croisées la poinle en bas,, quelquefois brochant sur un orle en losange ;

Pour Cronstadty une racine d'arbre engagée dans une cou- ronne ;

Pour Schœssbourg, un château à trois tours (1672, M 1132);

Pour Fogaras, deux poissons en fasce.

Les autres ateliers inscrivaient seulement des initiales. Nous en donnerons le tableau dans la partie de ce travail consacrée aux légendes.

CHRONOLOGIE

C'est, en somme, la funeste bataille de Mohacz, Soliman II noya dans les marais du Danube la fleur de la chevalerie ma- gyare, qui a été le point de départ de l'autonomie transylva- nienne. A la suite de celte journée, Jean de Zapolya, comte de Zips, vaïvode ou lieutenant du roi de Hongrie en cette pro- vince, arrivé trop tard sur le champ de l'action pour sauver le roi Louis II, fut proclamé à sa place par les États assemblés dans la plaine de Rhakos, tandis que la veuve du malheureux prince, la reine Marie d'Autriche, faisait reconnaîlre son frère, l'archiduc i erdinand, par un groupe d'électeurs favorables à

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSTLYANIR. 213

l'empire. Après une guerre qui dura plusieurs années, et du- rant laquelle le nouveau vaïvode de Transylvanie, Éraeric Cibaco, évêque de Varadin, fut assassiné par ordre du Véni- tien Griti, arrivé dans la province en qualité de commissaire et lieutenant général du sultan, à la tête d'un corps de janis- saires, Jean I" conclut avec son rival un irailé qui lui recon- naissait la possession viagère de la Hongrie et la propriété hé- réditaire de la Transylvanie. C'est ainsi qu'il commença la série des princes transylvaniens qui devait finir officiellement, en 1690, par la mort de Michel Apafi.

Voici, résumée en peu de mots, la chronologie du mon- nayage transylvanien :

Jean de Zapolya, protégé du sultan Soliman II, roi viager de Hongrie et prince héréditaire de Transylvanie en vertu du traité de Groswardein, mort vingt-neuf mois après cette con- vention, a émis des monnaies d'or à Clausenbourg et à Her- mannstadt. (1538-1540, M 1-26.)

Ferdinand I" d'Autriche, durant les cinq ans de l'annexion effectuée en exécution du traité de Clausenbourg, a frappé quelques ducats à Hermannstadt, le grand quartier général allemand, et un petit nombre de plaques monétaires de cam- pagne d'argent. (1551-1556, M 27-34.)

Jean-Sigismond de Zapolya, rétabli dans ses droits par les Transylvaniens révoltés contre l'occupation autrichienne, avec l'appui du sultan, réconcilié avec l'Autriche en 1571 par la paix de Prague, qui lui laissait la possession de la Transyl- vanie et de quelques comtés hongrois, mort l'année même de ce pacte, a émis des ducats à Nagy-Banya, Hermannstadt et Clausenbourg; des deniers hongrois et des Ihalers de campa- gne (1556-1571, M 36-107.)

Etienne Bathori de Somlyo, magnat hongrois, élu par les Étals provinciaux, vassal de l'empire et tributaire du sultan, puis élevé au trône de Pologne, des ducats à Hermannstadt et

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214 MÉMOIRES.

à Nagy-Banya, et des lhalers dans cette dernière ville. (1571- 1575, M 108-132.)

Christophe Balhori, frère d'Élienne, waïvode jusqu'à la mort de ce |)rince, et, comme lui, grand protecteur des jésuites, a frappé des ducats à Hermannstadt et quelques lhalers de cam- pagne à une seule face. (157(5-1581, M 134-151.)

Sigismond Bathori, fils de Christophe, deux fois démission- naire et deu^ fois revenu au pouvoir, durant les vingt et un ans de son règne, l'un des plus longs de l'histoire de Tran- sylvanie, des ducats à Hermannstadt, à Clausenbourg et à Nagy-Banya, d'où est aussi sortie une très-grande quantité de lhalers à coins variés. (1581-1602.)

L'empereur Rodolphe II, à deux reprises différentes, sous le règne de Sigismond Bathori et après sa dernière abdication, des ducats autrichiens à Clausenbourg et des pièces obsidio- nales d'or, el d'argent à Hermannstadt. (1598-1602-1605, M 317-332.)

Michel le Brave, woïvode de Valachie, lieutenant général et gouverneur au nom de l'empire en Transylvanie, durant une courte période, un thaler d'essai. (M 333.)

Etienne Bocskai, oiicle de Sigismond Bathori, proclamé par les insurgés protestants, conquérant de la Transylvanie entière el d'une partie de la Hongrie, des ducats à Clausenbourg el à Nagy-Banya, des lhalers à Nagy-Banya et des petites mon- naies d'argent à Hermannstadt. (1604-1607, M 341-415.)

Sigismond Râkôczi, élu en 1607, démissionnaire après quinze mois de règne, à cause de son grand âge et de ses infirmités, quelques ducats et lhalers à Clausenbourg. (1607-1608, M 416- 419.)

Gabriel Bathori, élu en 1608, combattu par la nalion

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ESSAI sua LES MONNAIES DE TRANSYLVANIK. 215

saxonne, que la dureté de son gouvernement avait poussée à la révolte, cl tué dans la lutte le 27 octobre 1613, des menues monnaies d'argent à Hermannstadt et à Weissenbourg. Des pièces obsidionales ont été émises, sous son régne, à Hermann- stadt et à Cronstadt. (1608-1613, M 420-558.)

Gabriel Bethlen, que l'Europe a connu sous son nom magyar de Bethlen Gabor, rival heureux de son prédécesseur, chef des réformés de Hongrie, arrivé au pouvoir par l'assistance des Turcs, l'un des principaux acteurs de la guerre de Trente- Vns, soutenu par l'Angleterrç, le Danemark, la Hollande, allié du comte de Mansfeld, mort en 1630, après seize ans du règne le plus agité, des ducals à Hermannstadt, Clausenbourg, Weis- senbourg, Nagy-Banya et Kremnitz; des thalers à Kremnitz, à Nagy-Banya et à Cronstadt; des menues monnaies d'argent à Hermannstadt, Kremnitz, Weissenbourg, Nagy-Banya, Op- peln et peut-être à Kaschau. (1613-1629, M 559-848.)

Catherine de Brandebourg, sa veuve, contrainte d'abdiquer à la première réunion des Étals, et Etienne Bethlen, son frère, lieutenant générahsous le règne éphémère de Catherine, puis prince pendant deux mois, des ducUs à Clausenbourg. (1629- 1630, M 849-851.)

Georges Râkôczi !•% champion des protestants- hongrois, allié de la France, de la Suède, du sultan Ibrahim, raccom- modé avec l'Autriche par le traité de lyrnau, des ducats à Clausenbourg, Weissenbourg et Nagy-Banya; des thalers à Nagy-Banya ; des gros à Clausenbourg. (1630-1648, M 852-892.)

Georges H.àkôczi H, ardent calviniste, allié du roi de Suède Charles-Gustave, déposé par le sultan Mahomet IV, et défini- tivement renversé au cours de sa lutte contre les Turcs, des ducats à Nagy-Panya, Weissenbourg, Clausenbourg; des tha- lers à Nagy-Banya. (1648-1660, M 893-1003.)

Achate Harcsai, élu en 1658, massacré en 1660, des ducats

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21 6 MÉMOIRES.

et des thalers à Clausenbourg, et des pièces obsidioDales à Hermannsladt, Cronsladl et Schaessbourg. (1658-1660, M 1003- 1026.)

Jean Kémény, élu le 1" janvier 1661 contre la volonté du sultan, et lue, en 1662, à la bataille de Gross-Alisch, des du- cats à Clausenbourg, des thalers à Clausenbourg et Schaass- bourg. (1661, M 1027-1043.)

Michel Apafi, nommé malgré lui par le sultan, mort en 1690, après avoir reconnu la suzeraineté de l'empereur Léo- pold (vingt-neuf ans de règne), des ducats à Cronstadt, Her- mannstadl, Weissenbourg, Fogaras; des thalers dans les mêmes villes et à Schaessbourg, de menues monnaies à Bistritz et à Hermannstadt. (169(M705, M 12001239.)

Émeric Tœkœli, exilé hongrois, nommé par la Porte et con- flrmé par. les États le 12 septembre 1690, mais dépouillé, avant la fln de Tannée, par les forces autrichiennes, un ducal, sans marque d'atelier. (1690, M 1196.)

*

Ensuite commence le monnayage impérial, qui consacre encore des types distincts à la Transylvanie.

Léopold !•' émet des ducats à Clausenbourg, des menues monnaies à Hermannstadt (1690-1705.)

Cette même ville est l'unique atelier monétaire désigné, sous Joseph !•% pour l'or comme pour l'argent. (1705-1711, M 1240- 1258.)

François Râkôczi II, chef des mécontents, proclamé prince en 1704, réduit, en 1711, après plusieurs échecs, à fuir en Pologne, a émis un ducat à Clausenbourg, en 1705. (M 1259.)

Quant aux monnaies d'or, d'argent et de cuivre frappées sous Charles VI (1712-1740) et sous Marie-Thérèse (1741-1780), elles ne portent plus de désignation d'origine. (M 1273-1390.^

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RSSAI SCR LÉS MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 217

DEUXIÈME PARTIE

LÉGENDBS

Toutes les légendes sont, sans exception, conçues en langue latine. C'est un phénomène curieux que, même à l'époque où, dans la plupart des États de l'Europe, les langues vulgaires commençaient à se faire jour, et l'esprit de la Réforme repoussait le latin comme un instrument de la tyrannie ro- maine, pas une seule pièce, pas même une médaille, n'ait porté un mot emprunté aux langues vulgaires usitées en Transylvanie. Nous ne parlons pas de la langue roumaine, qui élait pourtant celle de la majorité des habitants, mais d'une majorité maintenue à l'état d'infériorité et de dépression. Ni les Magyars, qui se sont longtemps obstinés à considérer les Valaques comme des vaincus et des esclaves; ni les Saxons, qui les condamnaient à vivre sous des toits de chaumr, se ré- servant le privilège exclusif d'édifier des maisons de pierre, afin de mieux marquer l'inégalité des conditions, n'auraient souffert que la « langue d'or » s'élalât sur des monnaies transyl- vaniennes; même les pièces frappées à destination spéciale de la Moldo -Valachie ne dérogent pas à la règle commune (M 310-315). Il est plus remarquable que la langue hongroise n'y ait jamais paru, et que, jusque sous la domination directe de l'Autriche, après les exploits des CastaMi et des Basta, l'allemand ne s'y soit pas non plus aventuré. Entre toutes les légendes du monnayage transylvanien, il n'y a que deux mots d'allemand, inscrits sur une toute petite monnaie de cuivre : EIN GRESCHL, encore n'apparaissenl-ils que sous Marie- Thérèse, en 1763. L'antique primauté du latin se perpétuait, comme elle s'était maintenue si longtemps dans le reste de l'Europe, peut-être parce que ces régions de l'Orient sont des- tinées à recevoir plus tardivement le contre-coup des réformes occidentales, peut-être aussi parce que la pluralité des dialectes

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218

MBHOIEES.

parlés dans la province rendait plus impérieuse la nécessité d'employer une langue neutre qui était, d'ailleurs, celle des actes publics, tant à la cour des princes que dans les sessions des État?.

Quelques particularités orthographiques méritent d'être re- levées dans le contexte de ces légendes.

Sous les premiers princes, le génitif féminin singulier est terminé en E, suivant l'usage constant du moyen âge : VNGARIE, TRANSSYLVANIE. (1577, M 152.)

VJE paraît en 1582 : POLONI^ (M 133), TRANSSYL- VANIiE (1590, M 156). Il devient déflnitif, à compter de cette dernière date, pour le mot TRANSYLVANIE, qui était nou- veau sur les monnaies, tandis que le mot Ungarie conserve sa physionomie par fidélité archaïque. L'^E s'y montre seulement, en 1598, sur les ducats impériaux de Rodolphe II, l'H fait en même temps son ap|)arition..

Des incorrections assez nombreuses, qui vont quelquefois jusqu'à produire des mots dépourvus de sens, témoignent à quel point la langue officielle était étrangère à la plupart des monnayeurs transylvaniens.

Ainsi, nous lisons QVJE, et même QVIiE, pour QUE : TRAN : SYLYANIJEQWJE. (Thaler de 1606, M 374.)

PRINCES {ibid., 1597, M 298), PRINCHPS et PRINCHRS pour princeps. (Thalers de Sigismond Bathori, 1593, M 254- 55-56, 266.)

TRANSSYLVNIiE, pour Transylvaniœ {Ibid., M 261.) TRANSSYLVANE. (1593, M 272.) - TRANSA. (M 316.) TRANISLVA-. (M 355.)

CONSIDES pour CONSIDERES.

TEGO pour TERGO. (Médaille d'Hermannstadt, 1602, M 323.)

VICiELICA pour VT ŒLICA; POSSIDES pour POSSI- DEAS. (M 338.)

COMOS, COOMES, pour COMES.

SICVL COMOS. (Thaler de Gabriel Balhori, M 462.) SIC COOMES. {Ibid., M 532.)

STEPHA/NVS pour STEPHANVS. (M 371.)

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. Si 9

RVNGARIE pour HVNGARIE. (Ducal de Jean !•% M 26.) Quant à la forme des caractères, c'est toujours la capitale romaine, et, en général, le type connu sous le nom de lettres elzéviriennes. Les pièces de Sigismond Ràkôczi (1607) portent seules des légendes en lettres gothiques. (M 416-417.) Il en est de même d'un ducat de Georges Ràkôczi I" frappé à Clausen- bourg en 1631. (M 856.) Il y a quelques exemples de lettres liées :

M/ >E U. (Thaler de 1589, M 216.)

Les mots sont séparés, soit par un point, d'après le mode antique; soil par deux points superposés, d'après la coutume du moyen âge; soit par quatre poinls disposés en losange (thaler de Sigismond Bathori, M 222), soit par un annelet (M 100, 684), soit par une rosette à cinq pétales plus ou moins volumineuse, soit par une croisette, soit par une étoile, soit enfln par des combinaisons de ces divers éléments (M 699).

Toutes les légendes peuvent se grouper en trois catégories :

Les dénominations uionétaires;

Les titres princiers;

Les formules ou devises.

DÉNOMINATIONS MONÉTAIRES

Les premières désignations monétaires apparaissent sous Etienne Bathori; elles sont très-vagues et ne précisent point la valeur de la pièce, contenant simplement les mots : Moneta Transylvaniœ, abrégés de diverses façons :

MONE + TRANSIL. (M 108-110.)

MONETA TRANS. (M 111.)

MON TRANSIL. (M 112)

Ces désignations sommaires, empruntées à des pièces ita- liennes et allemandes d'un âge beaucoup plus reculé, sont exclusivement réservées à la monnaie d'or, et particulières aux ducats d'Hermannstadt.

Elles se retrouvent sous Christophe Bathori (1577-79, M 139- 143), sous Sigismond Bathori (1582-94, M 157-202). Hermann- stadt et Weissenbourg :

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2^0 MÉMOIEES.

MON OR TRANISLVA VNG. (M 355-356.) Élienne Bocskai.

Le thaler de Nagya-Banya de 1589 porte ces mots :

MONETA PRINCIPIS REGNI TRANSILVANIiE. (M 216.)

On lit, en 1601, sur une plaque-lhaler de Cronsladt :

MONETA CIVITATIS CORONENSIS. (M 307.)

Le sol de billon de Sigismond Balhori est la première pièce qui porte une dénomination précise :

SOLIDUS REGNI TRANSA. (1591, M 316.)

Puis viennent les pièces de trois gros d'argent du môme prince :

GRO ARG TRIP PRIN TRANSILVANIiE IH. (1594, M 309.) Quelquefois, le chiffre est placé en lêle. (M 311-314.)

Sous Etienne Rocskai, pièces de six gros :

VI GROS ARGENT SE REG HV * ET TRA. (1606, M 376.)

III GROS ARG TRIP REGNI HVNGAR (M 377).

Continuées sous Gabriel Bathori (M 479), avec la variante :

III GROS ARG TRIP REGNI TRANSYLVANI. Georges Râkôczi, 889.

Le gros du même prince :

GROSSVS REGNI TRANSYL (504). Gabriel Bethlen, 831.

Le gros de la ville de Cronstadt :

GROSS CIVITA BRASSO. (1613, M 545-556.)

III GROS ARG TRIP OPO ET RAT. (M 784.)

L'empereur Léopold I", à la suite de l'acte d'union de 1691, inscrit sur ses monnaies d'or :

DVCATVS NOV9 TRANSYLVANIiE (M 1205), désignation qui, bien que destinée au simple ducat, fut appli- quée indistinctement aux pièces de 3, de 5 et de 10 ducats. (M 1201-1205.)

Sur les pièces de 3 et de 15 kreutzers, émises à Clausenbourg et à Hermannstadt, il écrit : MONETA NOVA ARG TRANSYLV. (1704, M 1223-1234.)

Enfin, les petites monnaies d'argent frappées, sous le même

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 221

règne, par l'atelier d'Hermannsladt, portent le mot POLTVRA. (1704, M 1235-1239,)

En 1705, François Râk(5czi, chef des méconlenls, fait graver sur ses ducats de Clausenboiirg la légende :

MONETA NOVA AVREA TRANS : (M 1259).

Les dénominations monétaires disparaissent complètement sous Tempereur Charles VI, à l'exception du mot POLTVRA , qui se maintient sous Marie-Thérèse. La même impératrice frappe aussi de petites monnaies inscrites des mots : EIN GRESCHL. (1763, M 1368.)

Ces deux syllabes sont, comme nous l'avons fait observer plus haut, tout ce que contient d'allemand le monnayage transylvanien.

Les marques des ateliers monétaires d'où sont sorties les pièces des princes de Transylvanie sont généralement inscrites dans le champ de l'avers ou du revers. Ce sont presque tou- jours les initiales des noms de villes, soit en langue hongroise, soit en langue latine. Le double usage de ces langues, res- treint à ce cas particulier, fait que certaines villes ont deux systèmes d'initiales différents. Ainsi, Kolosvâr ^= Clausen- bourg est désignée par les lettres C V ou K V, Colos ou Kolos Var, et par A C, Arx Claudiopoli'^; Kronstadt se désigne tantôt par C B, Civitas Brassovia, tantôt par C C, Civitas Corona. A dater de l'avènement de l'empereur Charles VI (1712), il ne reste plus de traces des marques d'ateliers monétaires transyl- vaniens.

Voici, par ordre alphabétique, la série des initiales moné- taires, avec des indications géographiques et chronologiques :

A C, Arx Claudiopolis = Clansenbourg. (Sigismond Râ- kôczi, ducal; (iabriel Balbori, Etienne Belhlen )

A F, Arx Fogaras = Fagaras. (Apafi, ducats M 1055.)

A I, Alba Julia -= Weissenbourg. ( abriel Bathori, ducat; Georges Râkôczi II, 10 ducats. (M 896.)

BE V, Besztercza-Videk = l^istritz. (Àpafi, thakr, M 1 130- 1173.)

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222 MÉMOIRBS.

C, Cibinium = Hermannsladl. {i/\ ducal, 1579, M 144.)

C B, Civitas Brassovia ^ Cronsladl, (Apafi, M 1016 )

C C, Civitas Corona = Cronsladl. (Gabriel Balhori, ducal de nécessilé; Gabriel Bethlen, ducal, M 755.)

C M, Cibiniensis Moneta = Hermannsladt! (Gabriel Ba- Ihori, Ihaler de nécessilé; Gabriel Belhlen, M 581.)

C V, Colos Var = Clausenl ourg. (Élieone Bocskai, dou- ble ducal.)

K B, KœrmecZ'Banya = KTemn\iz. (Gabriel Belhlen, du- cats.)

K V, Kolos Var = Clausenbourg.

M C, Megyes Civitas = Mediasch. (Gabriel Belhlen, Iha- lers.)

N B. Nagy-Banya. (Élienne Balhori, duc Us, thalers; Sigismond Balhori, Etienne Bocskai, Gabriel Ba- tliori, etc.)

N E, Nagy-Enyed. (Apafi, M 1185 )

S B, Schœssburg. (Kemeny, Ihaler, M 1042; Apafi, tha- ler, 1672, M 1132.)

MARQUES DES OFFICIERS DES MONNAIES FG. PP. - BZ.

On peut dire qu'en général les directeurs ou surintendanls des monnaies de Transylvanie n'ont point laissé de traces numismaliqnes. Les pièces dont ils oui prescrit ou surveillé l'émission ne portent d'aulres iniliales que celles de Tatelier monétaire, et les emblèmes héraldiques accessoires qui y figu- rent appartiennent seulement aux villes ces ateliers étaient installés.

Il y a pourtant, dans la première moilié du seizième siècle, sous Jean 1" de Zapolya, une exception éclatante en faveur d'un personnage dont l'existence romanesque et la fin tragique, aujourd'hui presque oubliées, avaient beaucoup frappé les con- temporains.

Les ducats de Clausenbourg et d'Hermannstadt émis de 1538

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ESSAI SUE LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. ^23

à 1540 portent, soit à côté de la figure de saint Ladislas, soit à droite et à gauche des armes du prince, les deux initiales F G, fraler Georgius, qui désignent le moine-cardinal Georges Marlinuzzi, régent et trésorier général de Transylvanie.

Il étaU en U82, au château de Namiezas, en Croatie. Après une enfance très-négligée, le désir de faire fortune le poussa, dès Tâge de treize ans, auprès de son oncle, évêque de Scardona, en Dalmalie, qui le rebuta à cause de l'insuffi- sance de son éducation ; puis à Bude, auprès de parents indif- férents; puis au château de Huniad, en Transylvanie, chez le fils de Mathias Corvin, il perdit quelques années; puis, après la mort de ce prince, chez la veuve du palatin Etienne de Zapolya, il n'eut, dit-on, d'abord d'autre emploi que d'entretenir les poêles des appartements. La mort de son père, lue dans un combat contre les Turcs, le surprit dans cette situation Infime, et donna un autre cours à ses pensées. Il se présenta au couvent de Saint-Paul, près Bude; mais, comme il était arrivé à l'âge de vingt-quatre ans sans savoir lire, on ne put faire de lui qu'un frère convers, et on le chargea de dis- tribuer les aumônes à la porte du monastère. Au cours de ces fonctions, il entreprit d'acquérir les connaissances qui lui man- quaient, et s'appliqua avec tant d'ardeur à l'étude du latin qu'il arriva rapidement aux plus hautes charges de la maison. Quelque temps après, les religieux de Czenstochowa, en Polo- gne, l'élurent abbé. C'est dans celle qualité qu'il entra rn rela- tions avec le roi de Hongrie, Jean de Zapolya, alors réfugié en Pologne, auprès de son beau-père, le roi Si^ismond: Ce prince cherchait un négociateur habile qui lui gagna', par son adresse, la sympathie des nobles, du clergé et du peuple. L'abbé, qu'il était allé voir dans son couvent, accepta la mission, et, tandis que Jérôme Laski se rendait à Constanlinople pour solliciter la faveur de Soliman, il entreprit un voyage de propagande à travers la Hongrie, et, plaidant tour à tour contre l'ambition de la maison d'Autriche, contre l'hérésie de Luther, importa- tion des Allemands, il parvint à convaincre un certain nom- bre de gentilshommes, qui levèrent des troupes, en opérèrent secrètement la concentration, et battirent l'armée de l'archiduc

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224 MÊMOIKES.

près de Kaschau. Après celle victoire, le roi Jean alla au-de- vanl des Turcs; Soliman, son allié, s'empara de Bude, lui laissa un diplôme en lellres d'or portant investiture du royaume de Hongrie et un corps de trois mille janissaires pour sa garde personnelle. Frère Georges fut récompensé de la part qu'il avait prise à ces événements' par la charge de minisire et de grand trésorier. Il obtint ensuite l'évèché de Varadiu, et fut ^ nommé vaivode de Transylvanie. C'est durant cette période qu'il fit graver ses initiales sur les monnaies du pays. La mort de Jean I" étant survenue, Ferdinand d'Autriche reprit ses avantages. Marlinuzzi, régent et tuteur du jeune Zapolya, di- rigea lui-même la défense de Bude, Soliman ne tarda pas d'arriver à son leur et de s'installer pour son propre comple, exhortant la reine-mère à se retirer en Transylvanie et à se conlenler de ce domaine; elle y fil, en effet, son entrée avec une escorte turque. Bientôt les exigences du redoutable pro- tecteur ottoman suscitèrent de graves difficultés. Il y eut rup- ture entre la reine et le ministre, .qui, déposé, puis réintégré par Soliman, prit le parti de traiter avec l'archiduc d'Autriche. Ferdinand fit partir le marquis Cdstaido, avec une armée com- posée d'Espagnols, d'heiduqiies, de Hongrois et d'Allemands, pour prendre possession de la Transylvanie. Il promit au frère Georges, au nom du roi des Romains, la confirmation de ses charges de vaivode et de grand trésorier, avec < 9,000 ducats d'appointements, un tiers des revenus annuels des salines de Thorda, évaluées à 300,000 ducats, une garde ordinaire de quinze cents chevaux et de cinq cents fantassins. La reine- mère dut livrer la couronne et les ornements royaux de Hon- grie. Sur ces entrefaites, frère Georges fut promu à l'archevê- ché de Gran, et le pape Jules III lui envoya le chapeau de cardinal. Mais il arriva bientôt que les peuples de Transylva- nie n'eurent pas plus à se louer des protecteurs autrichiens que des prolecteurs ottomans. Martinuzzi hasarda quelques obser- vations au sujet des désordres commis par les garnisaires. Le roi des Romains, qu'embarrassait l'exécution du traité, et qui voyait dans frère Georges un obstacle à ses projets d'annexion, expédia des instructions secrètes à son lieutenant général.

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 225

Celui-ci s*élait tait inviter au château de Winitz, somptueuse résidence du cardinal. Le 19 décembre 1551, après une nuit d'orage qui avait fait abandonner aux heiduques de garde leurs postes ordinaires, frère Georges vit entrer dans son cabinet le secrétaire du lieutenant général, Antonio Ferraro, qui lui por- tait des lettres à signer; comme il se baissait pour les lire, l'Italien tira un poignard de sa ceinture, el en frappa sa vic- time au-dessous de la gorge; en même temps, Tépée à la main, faisait irruption dans la chambre le marquis Pallavicini, suivi de quatre capitaines italiens et de quatre arquebusiers espa- gnols. Le cardinal n'eut que le temps de s'écrier : Quid est hoc, fratres? et fut achevé à coups d'épée el d'arquebuse. Son corps demeura soixante-dix jours sans sépulture. On fit l'in- ventaire de ses biens : il s'y trouva 2,673 marcs en lingots d'or, 4,793 marcs d'argent, 1,000 statères d'or de Lysimaque, roi de Macédoine, pesant 3 ducats chacun, plusieurs vases de vermeil, des chaînes d'or et des pierres précieuses en abon- dance (1).

Un maître monnayeur nommé Ballhasar Zwirner signe de ses initiales BZ les triples et doubles gros de Gabriel Bethlen. (M 784-788.)

TITRES DES PRINCES

Les titres princiers inscrits sur les monnaies de Transylvanie ont subi, pendant les deux cents ans qu'a duré le monnayage autonome, un assez grand nombre de variations, dont la série révélerait seule de la manière la plus sensible l'existence tour- mentée de cette province et l'instabilité de régimes incessam- ment bouleversés par la guerre.

Jean I" (Jean de Zapolya) ne rappelle, sur ses ducats de Clausen*bourg et d'Hermannstadt, les seules pièces conservées

(4) Il a été publié en 1715, en français, dans un esprit ouvertement antiautrichien, que révélerait, du reste, la dédicace de l'œuvre à « Son Altesse Sérénissime Monseigneur le prince Ragotsici », une Histoire du minisière du cardinal Martinusius^ archevêque de Strigonie, fnimai et régent du royaume de Hongrie, avec l'origine des guerres de ce royaume et de ceUes de la Transylvanie, par A. Béchet, chanoine de TégUse d'Uzès.

SH&lfi TOMJB III. 2. 15

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286 MÉMOIRES.

de lui, sa dignité de prince transylvanien par aucune désigna- lion particulière. Négligeant la réalité pour le rêve, il se borne à s'intituler roi de Hongrie, par la grâce de Dieu :

lOANNES X D X G X REX x HVNGARIE ,

titre imaginaire qu'on retrouve sur des pièces des années 1538, 1539 et 1540, bien que le traité de Groswardein du 24 février 1538 lui reconnût seulement la qualité régulière de prince de Transylvanie.

Jean II, que les troupes de Charles-Quint avaient momenta- nément dépossédé de ses États héréditaires, et à qui l'assis- tance du sultan permit plus tard de refouler les Impériaux, continue la tradition paternelle; mais au titre de roi de Hon- grie par la grâce de Dieu il ajoute une affirmation de sa con- fiance dans les arrêts du destin sous la forme de trois lettres énigmatiques : S F V [Sicfata volunt].

Les historiens ont raconté que, lorsque la mère du jeune prince, Isabelle Zapolya, fut contrainte par les armées autri- chiennes d'abandonner les États de son mari, partant pour la ville de Kaschau, qui lui avait été assignée pour résidence jus- qu'à l'entière exécution du traité, elle fut obligée, dans un mauvais chemin son carrosse s'était embourbé, de mettre pied à terre; du lieu élevé se trouvait le petit convoi, l'œil embrassait une vaste étendue des plaines de Transylvanie. Isabelle considéra avec tristesse ce paysage qu'elle n'espérait plus revoir, et, sur l'écorce d'un gros arbre, elle écrivit avec la pointe de son poignard :

Sicfata volunt. Isabella Regina,

Le fils d'Isabelle s'intitule, d'ailleurs, tantôt Jean-Sigismond, tantôt Jean II :

lOHAN SIGISM - R VNG S F V

(ducats de Nagy-Banya (M 36-39), émis de 1556 à 1559; d'Hermannstadt, de Clausenbourg) ;

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 237

lOAN SECVN D G R VN (VNG, VNGA, VNGARI, VNGARIE)

(M 43-49, deoars de Nagy-Banya de 1556 à 1557).

Il y a même un ducat de Clausenbourg, frappé en 1562, les deux formes, Jean-Sigismond et Jean 11, se trouvent réu- nies. Tune à l'avers, l'autre au revers.

Après la mort de sa mère, Jean 11 modifie son litre royal, et se nomme roi élu de Hongrie :

10 SECV D G ELE REX VN (double ducal de Clausenbourg de 1562, M 53.)

10 SECVN D G ELEC R VN (ducat de Nagy-Banya de 1560, M 54.)

10 SEC D G ELE REX VN

(ducat de Clausenbourg de 1561 .)

Sur ses thalers militaires frappés pendant la campagne de 1562, il met seulement quatre initiales : I E R V (/o- hannes electus reœ Ungarie) ou I S R V {Johannes Secun- dus y reœ Ungarie).

Cette réduction des titres princiers à trois ou quatre initiales semble avoir été fort à la mode pour les pièces obsidionales ou militaires, dont il fut frappé un si grand nombre durant ces époques tourmentées. Ces initiales s'inscrivaient uniformé- ment au-dessus d'un écusson armorié de type presque identi- que, accompagné presque toujours de la dale et d'un poinçon monétaire. Citons, entre autres exemples, les monnaies de campagne de Maurice, duc de Saxe, en 1546, avec M H I S {Moritz, Herzog in Sachsen)\ celles d'Albert, comte de Mans- feld, en 1547, avec A G Z M [Albert, Graf zu Mansfeld), et d'Albert, margrave de Brandebourg, en 1 552, avec A M Z B {Albert, Markgraf zu Brandenburg) (1).

La princesse Isabelle, régente, a inscrit aussi ses titres au

(4 ) Lackii, SyUoge ntmimaium eleganUorwn^ pp. 4 4 5, 4 23, 4 46.

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228 MÉMOIRES.

revers des pièces de soq fils; elle s'y qualifie uniformément reine de Hongrie par la grâce de Dieu :

YSABE D G REG VNGA *

(ducats de Nagy-Banya, 1556-1559; d'Hermanusladt, 1577 ; de Clausenbourg, 1558-1559, M 36-42). Elle n'est point nom- mée sur les denars.

Dans deux pièces, frappées exclusivement en son honneur eu 1557, un thaler et un demi-thaler, elle complique son titre par la mention de la Dalmatie, de la Croatie et par un etc., dé- signant les autres prétentions de la couronne de saint Etienne : YSABELLA D G R HVNG * DALMA CROA ETC * (M 51-52).

Etienne Bathori, élu prince par les États de Transylvanie après la mort de Jean-Sigismond, inscrit d'abord seulement sur ses ducats ses quatre initiales :

S- B- DS

Stephanus Bathori de Somlyo). Ducats d'Hermannstadt frap- pés en 1572, 1573, 1575, 1576 (M 108-121). Après la diète qui lui confère la dignité de roi de Pologne, il renonce aux initiales, néglige de rappeler sa modeste seigneurie originelle, et aligne à la suite de son nom les titres multiples de la cou- ronne de Pologne, Lithuanie, Russie, Prusse, Mazovie, Samo- gitie, Livonie.

STEPHANVS D G REX POL PRV

(ducats de Nagy-Banya de 1586, M 122-124).

STEPHANVS D G REX POLON MÀG DVX L RVS PRVS MAS SAM LIVO PRIN TRAN

(thalers de Nagybanya de 1585-86. M 125-132.)

Le titre de grand-duc de Lithuanie datait du mariage de la reine Hedwige, fille du roi de Pologne Louis de Hongrie, avec Wladislas Jagellon, le Clovis des Lithuaniens, qui reçut en même temps le baptême et la couronne de Pologne. L'acquisi-

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BSSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 229

tion du tilre russe remontait à Casimir !•'; le titre prussien, désignant les palatinals de Malborg, de Poméranie, de Culm et l'évêché de Warnice, avait été consacré par le traité de Thorn, en 1466, en faveur de Casimir IV; la waïvodie de Mazovie, située sur la rive gauche de la Vistule, au sud de Varsovie, était une des parties intégrantes de la Grande-Pologne;' le du- ché de Samogitie, entre le Niémen et la Courlande, relevait de la couronne lithuanienne; enfin, le traité de Wilna, du 28 novembre 1561, avait garanti la possession de la Livonie au roi Sigismond-Augusle.

Le thaler de Nagy-Banya, frappé en 1585, est la première pièce figure le titre de prince de Transylvanie. Pourtant, à cette époque, Etienne Bathori n'exerçait plus effectivement le principal transylvanien, mais il y était représenté par son frère Christophe.

Il a inscrit la même formule au revers d'une médaille ovale d'argent, frappée en 1582, Técu des Bathori s'étale en cœur tie l'aigle polonaise.

PRINCEPS TRANSYLV (M 133).

Avec Christophe Bathori, qui gouverna la province sous la suzeraineté de son frère, depuis la diète de Varsovie, on voit apparaître plusieurs nouveautés. Le prince ressuscite un vieux titre transylvanien : celui de waïvode, qui avait été porté au quinzième siècle par sa propre famille, mais dont aucun monu- ment numismatique ne conserve le souvenir, et il adopte pour la première fois le titre de comte des Sekels, qui devait, beaucoup plus tard, se perpétuer sur la monnaie transylva- nienne. Les Sekels, peuple belliqueux et turbulent, formant un rameau distinct de la famille magyare, s'étaient établis dans la partie nord-orientale de la Transylvanie, que, d'ailleurs, ils occupent encore. Intrépides, hardis cavaliers, ils fournirent un contingent considérable aux armées du pays; ils ont encore figuré avec éclat, en 1849^ dans la guerre de l'indépendance (1),

(1) Deax régiiments de Sekels sont aujourd'hui en garnison permanente sur la frontière de Turquie.

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330 MÊMOIEES.

et l'utilité de leur concours, très-apprécié des princes qui se sont succédé sur le trône mobile de Transylvanie, leur valut, sans doute, l'honneur d'une mention spéciale sur la monnaie, honneur qu'ils n'ont partagé ni avec les Saxons, pourtant bien vus des autorités autrichiennes, ni avec les Valaques, de beau- coup Supérieurs en nombre, mais tenus à l'état de race vaincue.

Le nom de ces peuples, qui se nomment eux-mêmes Szeke- lyek, et que le latin de chancellerie appelait Siculi, a subi en français de grandes variations, suivant que nos auteurs se sont inspirés de la forme hongroise, de la forme latine ou de la forme allemande. En 1608, Fumée les nomme Siciliens {Histoire de Hongrie, I, p. 11), ce q«ji est une aggravation de l'équivoque latine (1), et Montreulx Zecleriens (2). En i715, Bechet écrit Szekels (Histoire du ministère du cardinal Martinusins), M. de Gerando transcrit littéralement le latin, et dit Sicuks, déno- mination qui a l'inconvénient de s'appliquer à des peuples d'origine et d'assiette toute différentes.

Depuis, il semble que l'usage ail prévalu d'emprunter la forme allemande, et de dire Szeklers; ceci n'a guère de raison d'être, un mot magyar n'ayant-pas besoin de finale germanique pour passer en français. Entre toutes ces formes, nous préfé- rons celle du dix-huitième siècle, comme plus simple et plus rapprochée de l'original (3).

Les Sekels forment, surtout dans les montagnes limitrophes de la Bukowine, une petite confédération animée d'un grand esprit d'indépendance, et que l'on a souvent comparée à la Suisse :

« Gens austères, revesches et belliqueux, dit Fumée, ils n'ont parmy eux aucune distinction du noble ni du paysan.

(1) « Dedans la Transil?anie il y a une proviDce comme attachée à la montagne, qui la sépare d'avec la Moldavie, qu'on nomme CeaUie, les habitants de laquelle se nomment Ceculiem, et aujourd'huy on 1^ appelle SiciUens. » (Fumée, p. 85.)

(2) Un certain Moyse, duc des Zecleriens, qui, comme son prince, s'estoit révolté contre Dieu, fc (Montreulx, p. 907.)

(3) Nous retranchons seulemenl le Z, parce que cette lettre n'est pas sensible dans la prononciation hongroise et que la forme Si est, au point de vue du son, l'équivalent exact de notre S.

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 231

Tous, comme les Suisses, sont de mesme qualité. » (P. i I.)

E corne l'Elvetia si regge a canioni, cost e questi, nel modo istesso, govemandosi con titolo di Comitali e i Giudici di Conti. (Spontoni, p. 4.)

In ea sunt Siculi, vulgo Zekel dicti, genus hominum feroœ et bellicosum : inter quos nuUus neque nobilis, neque rusticus^ omnes eodem jure censentur, Helvetiorum instar. (Jean Sambuci, Rer. Ungaric.y appendix, p. 760.)

Ils ne payaient d'autre redevance au roi de Hongrie qu'un bœuf par léle, à l'occasion de son couronnement, de son ma- riage ou de la naissance de son flis. (Nicolai Olahi, Attila^ p. 890.) Cet impôt ne s'acquittait pas même avec une parfaite régularité. Nicolas Olahi raconte que son père, sous le roi Wladislas, ayant fournir seize cavaliers d'escorte au com- missaire chargé de marquer les bœufs des Sekels dus à raison de la naissance du prince Louis, ce commissaire, malgré sa troupe de plus de cinq cents chevaux, fut battu et atteint d'une vingtaine de blessures; que trois des cavaliers d'Olahi restè- rent sur le terrain, et que les autres rentrèrent au logis fort endommagés.

D'après le même écrivain, les Sekels avaient des procédés de justice sommaire à l'égard de ceux d'entre eux qui s'étaient rendus coupables de quelque méfait contre la liberté publique, ou qui n'obéissaient pas à une ordonnance de prise d'armes : ils allaient ravager leurs biens, et démolir leurs maisons de fond en comble. (Nie. Olahi, Attila, p. 890.)

Les deux litres de waïvode et de comte des Sekels sont inscrits sur des pièces de iO, de 5 et de 2 ducats frappées en 1577 :

CHR BATH DE SOM VAIVODA TRANSILVA ET SIC COMES Z

(M I3M37).

Sur les simples ducats, Christophe met simplement ses ini* tiales, à l'imitation de son frère :

CBDS-

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232 vÊvoiiES.

(Christophe Bathorî de Somlyo). Ducats d'Hermannstadt, frappés de 15^7 à 1580. (M 139-143.)

Sur UD quart de ducal de 1579, il ajoute à ces initiales Fio- dicatioo de sa qualité de vaïvode :

CH B D S V TRANS 1579

(Pièce émise à Hermanosladt, M 144).

Quelques pièces frappées sous le gouveroement de ce prince en rhonneur de sa femme, Elisabeth Bocskai (10 ducats, 3 du- cats et tbaier), désignent cette noble dame par la qualité d'épouse de Til lustre prince de Transylvanie :

ELIZAB BOCIKAI CONSORS ILL PRINC TRANSSYLVANIE

(Sans indication de lieu, M 152-154).

On peut remarquer que la princesse écarte, sans doute comme trop barbare et trop étranger à l'Europe aristocratique, le titre officiel de vaïvode. Du reste, l'apparition de ce titre, officiellement porté par Cbristopbe Balbori, demeure un fait isolé dans la numismatique transylvanienne, tous les souve- rains postérieurs du pays ayant préféré des qualifications d'un caractère plus général. C'est en vertu de la même tendance que nous avons vu de notre temps les bospodars de Valacbie et de Moldavie répudier cette qualification surannée pour se transformer d'abord en princes, puis en rois de Roumanie.

Les vingt et un ans du règne de Sigismond Balbori, le plus long des règnes transylvaniens, traversé de beaucoup d'évé- nements politiques, ont naturellement compliqué la série des protocoles princiers.

Durant les premières années de son principat, Sipismond, qui se contente de reproduire sur ses ducats les types anté rieurs, n'y met aussi que ses initiales, comme Etienne et Cbris- topbe Batbori :

S-B-DS-

{Sigismond BcUhori de Somlyo).

SIGI B D S

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSTLVANIE. 233

(ducats d'HermanDstadt et de Glausenbourg, de 1582 à 159i, M 157-202).

En 1S90, il inscrit son nom en toutes lettres avec le litre de prince de Transylvanie, le nom étant à l'avers, le liire au revers :

SIGISMVNDVS BATHORI PRINCEPS TRANSSYLVANIiE iSgo.

(Pièce de 10 ducals, M 156.)

Sur les ducats de Nagy-Banya (1590-1597), l'abréviation est presque nulle :

SIGISMVND BATHORI

PRINCEPS TRANSSYLVA (TRANSSYLV)

(M 203-215).

Le titre complet figure également sur les thalers de Nagy- Banya (M 216-298). Mais il y a une de ces pièces, frappées en 1589 (M 216), où, sans préjudice du protocole ordinaire, la Transylvanie se trouve élevée à la dignité de royaume :

MONETA PRINCIPIS REGNI TRANSILUNIiE *

La même qualification se rencontre sur un sol de 1591 (M 316) :

SOLIDVS REGNI TRANSA

Les prétentions de Sigismond Bathori sur les territoires du bas Danube ont laissé leur trace dans la formule que portent les pièces de trois gros émises en 1596, 1597 et 1598. (M 310-315.;

SIC D G TRAN MOL WAL S R I P

{Sigismundus Dei gratta. Transylvaniœ, Molduviœ, Valachiœ, Sacri Romani Imperii princeps.

Le titre de prince du Saint-Empire romain, témoignage de soumission envers la maison d'Autriche, est inscrit sous une forme moins abrégée dans la plaque-thaler de Gronstadl émise en 1601 (M 307):

SIGIS TRANS ET SAC ROM IMP PRIN

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334 MÈMOIIES.

Cest en vertu da traité conclu à Prague, en 1595, sous le patronage du pape Clémunl VIII, entre Sigismond et l'empe- reur Rodolphe, que le prince de Transylvanie pouvait s'attri- buer la qualité de prince d'empire, titre d'aill* urs purement honorifique, et ne conférant ni voix délibérative ni siège à la diële impériale et affirmer son indépendance à l'égard des Turcs, dont le protectorat lui avait été représenté comme incompatible avec sa foi de catholique. Un article spécial du traité lui permettait de joindre à ses domaines la Moldavie et la Valachie, « mises hors l'obéissance du Turc et confédérées avec l'empereur (art 8) », faveur demeurée sans résultat, mais dont le prince eut hâte de consacrer l'octroi sur ses monnaies. L'empereur s'était engagé à défendre le prince contre les Turcs, et la victoire de Giur^ewo éveilla des espérances qui ne de- vaient pas se réaliser.

Etienne- Bocskai, qui régne quatre ans, après les sanglants intermèdes de l'occupation valaque et autrichienne, s'intitule prince, par la grâce de Dieu, de Hongrie et de Transylvanie et comte des Sekels :

STE : BOCHKAY : D : G : HVNGA TRAN : Qg PRIN : ET SICV : COMES

(pièces de 10 ducats de 1605, M 341-342).

ET SICVLORVM COMES i6o6

(double ducat de Glausenbourg, M 342).

Etienne Bocskai s'était mis à la tète du mouvement des Transylvaniens, soulevés par la sanglante dictature de Georges Basta. Élu prince par les États de Transylvanie, et créé roi de Hongrie par le sultan Achmet I*% il avait pris possession d'une partie du territoire hongrois. Le traité de Vienne, signé en 1606, lui feconnul, outre la principauté de Transylvanie, les districts d- Hongrie qu'avaient possédés les Bathori, c'est-à- dire cette large bordure de territoire montagneux qui couvre

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ESSAI SDR LES MOIfllAIES DE TRANSYLVANIE. 235

le versant occidental des Carpathes depuis la Maros jusqu'à la frontière de Gallicie et qui comprend les comtés d'Afad, Zarand, Bihar, Krasna, Szolnok moyen, "^zathmar, Marmaros et Zemplin, plus les comtés de Beregh el d'Ugotsch.

La concession élait considérable, puisque les territoires ajoutés ainsi au domaine de Transylvanie ne comprenaient pas moins de sept comiés de Hongrie et deux duchés silésiens.

On a expliqué la facilité de l'empereur par la connaissance qu'il avait, grâce à l'indiscrétion d'un secrétaire, de la mau- vaise santé d'Etienne Bocskai. Le prince mourut, en eflet, l'année suivante, < i les comtés magyars firent retour à la cou- ronne de Hongrie; mais le litre qui en avait exprimé l'acqui- sition ne disparut point de la monnaie.

Sur les thalers frappés à Nagy-Banya en 1605, la légende est beaucoup plus complète; le prince y insère le nom de sa seigneurie de famille, et y prend la qualité de seigneur partiel du royaume de Hongrie, qui a été adoptée ensuite par ses suc- cesseurs, et qui, jointe aux titres de prince de Transylvanie et de comte des Sekels, a constilué le protocole définitif des der- niers souverains indépendants (M 364) :

STEPHAN : BOCHKAY : DE KIS MARIA PRIN TRAN- SYLVA PARTIVM REGNI * HVNG DOMINVS, ET SICVLOR COMES

D'autres thalers portent plus simplement (M 373) :

STEPHANVS : DEI : GRATIA : HVNGARIiE TRANSIL- VANIiEQViE PRINCEPS : ET : SICVLORVM : COMES

Le vieux Sigismond Ràkôczi, en 1607, continue le même protocole :

SIGISMVNDVS RAKOCII D : G : PR : TR : PAR : RE : H : D : ET SIC : CO :

(pièce de 10 ducats de 1607, M 416, 418, 419).

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236 MÉMOIECS.

SIG : RAKO : D : G : PR : TR : PAR : RE : HV : DO : ET SICVLORVM COMES M : DC : VII

(ducal de Clausenbourg, M 41Tj.

Gabriel Batbori, Tannée suivante, et durant tout son règne, fait de même :

GABRIEL (GAB : BA : GAB : BATHORI) D G PRIN TRAN (TRAN PRINCE TRAN PRI PRIN : TRAN- SIL :) ET SIC (PAR : REG : HV : DO : ET SIC : CO.

(ducats de Nagy-Banya et de Clausenbourg, M 420-434). Seulement, le ducat de 1613 ajoute un titre valaque :

GAB D : G : P : TR : VAL : TRANS

(Kolosvar, M 435).

Gabriel Bethlen, après avoir continué de 1613 à 1618 la tra- dition de ses prédécesseurs :

GAB : BETLEN D : G : P TRAN PART REG : HVN : DO : ET SI : CO

(pièce de 10 ducats de 1616, M 564),

GA : BET : D : G : P : T : P : R : H : D : ET SI : CO

(ducats de Clausenbourg, M 565), change triomphalement, après Tannée 1620, son lilre hongrois. Nous le voyons s'ap- peler tour à tour prince des royaumes de Hongrie (M 590) :

GABRIEL D G REGNORVM HVNGARIE TRANSYL : PRINCEPS AC SICVLORVM COM

puis roi élu de Hongrie, Dalmatie, Croatie et Esclavonie (M 596) :

GABRIEL D G EL HVNGARI.E DAL CR SCL REX.

Il supprime alors, selon l'usage royal, son nom de famille

GAB D G EL H DA CR se R

(Denars de Kremnilz. M 675). Après Tannée 1622, nouvelle modification. La couronne de

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 337

Hongrie a été cédée par le (railé de Nickolsbourg. Gabriel Belhlen reprend modestement son titre de seigneur partiel; mais, en vertu des compensations que rempereur lui a données, il se qualifie prince du Saint-Empire romain, comme, avant lui, Sigismoiid Bathori, et, de plus, duc d^Oppeln et de Ralibor :

GAB D G SAC ROM IM ET TRAN PRI PAR REG HVN DOM SIC CO AC OPOL RATIB DVX

(ducal de Weissenbourg, frappé en 1622, M 685). GABDG SRIETTRPRPR HVDSICOOPRAD- CgrosdeieaS, M831).

Après la mort de Gabriel Bethlen, qui emporte avec lui et la qualité de prince du Saint-Empire, inscrite encore sur les du- cats de sa veuve, Calherine de Brandebourg, frappés l'année même de son décès, et celle de duc silésien, attachée à sa per- sonne, le groupement normal des trois litres inaugurés par Etienne Bocskai se reproduit régulièrement sur les monnaies de Georges Bâkôczi !•' (1630-1648), de Georges Râkôczi II (1648-1660), d'Achale Barcsai (1658-1660), de Jean Kemeny (1661), et enfin de Michel Apafi (1661-1690), dont le traité avec l'empereur Léopold mil fin à l'orageuse autonomie des princes transylvaniens.

La dernière de toutes les pièces les trois titres ont figuré est le ducal frappé, en 1690, après la mort d' Apafi, par Emme- rich Tœkœli, protégé de la Porte, accepté des États, mais rapi- dement dépossédé à la suite d'une heureuse campagne des Impériaux (M 1196) :

EM THOKOLI D G P T

PAR : REG : HVNGA D ' & SICULO CO : 1690 *

De 1704 à 1 ;11, le chef des mécontents, François Râkôczill, l'audacieux et tenace adversaire de la maison d'Autriche, n'ins- crit pas son nom sur le très-petit nombre de ducats qu'il paraît avoir frappés à Clausenbourg; mais les médailles con*^acrées à sa mémoire le qualifient prince de Transylvanie et de Râkôczi, chef des Étals confédérés du royaume de Hongrie :

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238 MÉMOIBES.

FRANCISCVS II D : G : TRANSYL : PRIN : RAKOCZI

DVX CONFŒ : R i.STAT (médaille allégorique : la Liberté, M 1261).

DVX CONFŒ R : H : STAT. (médaille des Vestales, M 1264).

Quant aux monnaies qui ont été émises à destination spé- ciale de la Transylvanie par les princes autrichiens, durant les diverses périodes d'occupation temporaire, sous Ferdi- nand I" (155M356), sous Rodolphe II (1598 et 1602-1605), ces empereurs n'y prennent aucun titre particulier. Il en est de même, après la mort d'Apafi, sur les monnaies de Léo- pold I" (1690-1705) et de Joseph (1705-1741). Au con- traire, l'empereur Charles VI se qualifie prince de Transylva- nie, plaçant ce titre à la suite de ceux d'Autriche et de Bourgogne :

ARCHID AV D BVR PRINC TRANSYL : 1726 (ducats et divisions, M 1274).

ARCHIDVXAVST:DVXBVRGPRINC-TRANSSYL:i7i3 (Ihalers et divisions, M 1283).

ARCHID A D B PRINC TRANSYL : 1725 (multiples de kreutzer, M 1300).

Il y a même des demi-ducats le titre transylvanien figure seul à la suite des titres impériaux et royaux, et forme toute la légende du revers :

CAR : VI D : G ; R : I : S : A : GE : HI : H : B : REX PRINCEPS TRANSYL :

[Carolus F/, Dei gratta, Romanorum imperator, Semper Augustus, Germaniœ^ Hispaniœ, Hungariœ, Bohemiœ redo. M 1278-1279).

Enfin, Marie-Thérèse prend fréquemment le titre de prin- cesse de Transylvanie, qu'elle insère soit après ceux [d'Autri- che et de Bourgogne, ^oil entre ceux de Milan et de Tyrol :

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BSSAI SUR LES MONNAIBS DE TRANSYLVANIE. 239

AR AU DUX BU ME P TRAN CO TY 1762

(ducat, M 1322),

ARC AV DUX BU MEDI PR TRAN CO TY 1748

(demi-lhaler, M 1349), soil après les lilres royaux, suivant l'exemple de Charles VI :

MAR THERES 0:0- REG ' HU BO PRINCEPS TRANSYL.

(quart de ducal, M 1330).

C'est le dernier hommage monétaire aux souvenirs de l'autonomie transylvanienne.

FORMULES ET DEVISES

Indépendamment des titres princiers, dont les modiPications trahissent pour ainsi dire au jour le jour les vicissitudes de la politique, nombre de monnaies transylvaniennes portent en- core des formules et des devises, soit religieuses, soit patrio- tiques, dont l'étude n'est pas non plus indifférente, parce qu'elles offrent un élément d'appréciation de l'étal moral ou de la culture littéraire du pays; si quelques-unes n'échappent point à la/banalité des légendes adulatrices dont la numisma- tique des empereurs romains a préparé le modèle pour toutes les servilités de l'avenir, il en est d'autres qui, inspirées par de grands malheurs publics, ont une sorte d'éloquence saisis^ sanle, et semblent être le cri de douleur d'un peuple, immor- talisé par le burin du monnayeur.

Nous allons passer en revue ces formules et ces devises en suivant l'ordre des temps.

La première en date, empruntée aux ducats de Jean !•% est en rhonneur de saint Ladislas, dont elle accompagne l'image : S LADISLAVS REX. 11 est facile d'y reconnaître une rémi- niscence des formules qui ont si longtemps figuré sur les flo* rins d(î Florence, de Bologne, de Vérone, etc. Nous donnerons plus loin quelques détails à ce sujet, en étudiant les types

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240 MÉMOIRES.

religieux, nous contentant d'observer ici que cette formule a paru pour la dernière fois, en 1605, sur les ducats d'Etienne Bocskai (M 350).

L'invocation à la Vierge PATRONA VNGARIE s'est per- pétuée beaucoup plus longtemps. Adoptée par Jean II en 1556, elle disparait, après 1653, des ducats de Georges Ràkôczi (M 90 J), plusieurs années avant que l'image de la Vierge, désormais dépourvue de légende et entourée seulement des titres princiers, fasse déflnitivement place aux emblèmes poli- tiques.

En 1596, un corps de cavalerie d'élite appartenant à Maxi- milien d'Autriche, et destiné à combattre contre les Turcs, avait pour enseigne « une cornette de satin jaune portant d'un côté Taigle romaine, de l'autre la représentation de la Vierge, avec ces paroles : Patrona Ungariœ (1). »

Deux pièces d'Isabelle de Zapolya, frappées en 1557, por- tent la devise célèbre :

SI : DEVS : NOBISCVM : QVIS : CONTRA : NOS :

(M 51-52), citation légèrement défigurée du mot de saint- Paul aux Romains : Si Deus pro nobis, quis contra nos (2).

La princesse, qui soutenait énergiquement les intérêts de son fils, était alors en lutte ouverte contre l'empereur Ferdi- nand !•% avec l'assistance du sultan, circonstance qui prête un piquant particulier à l'expression de sa confiance en la pro- tection du Ciel. Le Dieu sur l'appui duquel elle comptait ne ppuvait pas être un Dieu jaloux.

La devise inscrite sur cinq monnaies d'or de Christophe Bathori, équivalente à celle des Belges (L'union fait la force), exprimait une vérité d'autant mieux appréciée des Transylva- niens qu'elle n'a jamais été mise en pratique par eux. Cette devise a été reprise, en 1583, par Sigismond Bathori (M 155).

VIRTVS VNITA VALET

(pièces de 2 et 10 ducats, M 133-138).

(0 Histoire génèrole de Hongrie^ p. 61 9. (8) Rom., yiii, 34.

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 241

Elisabeth Bocskai, femme de Christophe Bathori, exalte la fidélité conjugale :

VICTRIX CASTA FIDES

(10 ducats, 3 ducals, thaler de 1577, M 152-154).

Deux plaques-thalers de Cronstadt, frappées en 1601 au nom de Sigismond Bathori, mettent le patriotisme sous la pro- tection de Dieu :

DEO VINDICI PATRIAE ( légende en trois lignes, M 307-308).

La médaille d'Her^nannstadt, gravée en 1602, au plus fort de la guerre avec les Autrichiens, les Valaques et les Turcs, et au milieu d'une peste meurtrière, contient à la fois une maxime de résignation chrétienne et un appel de détresse à la clémence divine :

TERRENA CONSIDERES VT COELICA POSSIDEAS Rv. A TERGO ET FRONTE MALVM TANDEM PROPI- TIARE DEVS AN MDCII FATALI TRANSSYLVANIAE

(or et arg»nl,M 323-328).

La même ville émet, en 1605, des monnaies de nécessité, pendant qu'elle est assiégée par Etienne Bocskai :

. SOLI DEO GLORIA CIVIT : CIBIN : ANNO i6o5.

(ducat et thaler, M 331-332) (1).

Etienne Bocskai, poursuivant en 1605, après la retraite de Basta, la conquête de la Transylvanie et d'une partie de la Hongrie, arbore ces deux devises guerrières :

DVLCE EST PRO PATRIA MORI PRO DEO ET PATRIA

(10 ducats, M 341; double thaler, 1605, M 358).

Sigismond Ràkôczi reprend, en 1607, la devise d'Hermann- stadt :

SOLI DEO GLORIA,

(4) SoU Deo honor et gloria in tœcula tœculorum. (Timoth., i, 17.)

Sfi&IK' TOMB m, 2. 10

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242 MÉMOIRES.

et y ajoute ce passage de Fépitre de saint Paul aux Romains (IX, D. 16) :

NON EST CVRRENTIS NEQVE VOLENTIS SED MISERENTIS DEI

textes restitués en 1631 , 1637 et 1639, par Georges Râkôczi !•' (M 852-854; 10 ducats, M 416; Ihaler, M 418, 419) (1).

En 1611, 161 S et 1613, sous Gabriel Bathori, nouvelles monnaies de nécessité d'Hermannstadt :

PRO PATRIA ARIS ET FOCIS i6n

(thaler, M 520, 537-540). En 1612, ducat de nécessité de Cronstadt :

DEVS PROTECTOR NOSTER

(M 541), devise qui se reproduit chaque année, jusqu'en 1614 (M 545-557).

Un thaler de la même ville, émis en 1612, porte ce texte des Psaumes de David (2) :

ILLE IN EQVIS ET CVRRIBVS

NOS IN NOM DOM CONFIDIMVS

(pièce aux armes de Bàlhori, M 542-543).

Sous Gabriel Bethlen, le héros des réformés de Hongrie, les textes religieux et les emprunts aux saintes Écritures se mul- tiplient.

Voici d'abord le salut inaugural de la ville d'Hermannsladl, inscrit sur le ducat de 1613 :

VERA SALVS CHRISTVS TVA SCEPTRA SALVTE CORO- NET ET FERAT AVSPICIIS PROSPERA VELA TVIS

(ducats et multiples; argent, M 559-562).

(1 ) Voici tout le passage de saint Paul : Igitur non voleniis^ neque currenUsj sed mise^ rmUt est Dei,

(2) Ht in cunibus elhiin equis ': nos aulem in nomine Domini Dei nosiri invocatnmui, (Dayid, ps. xix, B. 8.)

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 243

Eq 1616, sur une pièce de 10 ducals, la profession de foi du prince (1) :

DNS : ILLVM : MEA ET SALVS MEA QVEM TIMEBO

Au-dessus d'une main armée sortant des nuages, on lit :

CONSILIO FI41MATA DEI (sur une banderole déployée, M 564).

Les ducats de Clause:ibourg portent un texte de saint Paul aux Épbésiens concernant la grâce :

DEI DON : E : NE QVIS GLOR

Dei donum est : ne quis glorietur (2), 1614 (M 565-566).

Sous Barcsai, la ville d'Hermannstadt émet diverses pièces d'or et d'argent, elle proteste contre les tentatives de Georges Ràkôczi, qui l'assiège :

SVB RAXOCIANA OPPRESSIONE REGNI TRANSIL- VANIiE ET OBSIDIONE CIBINIENSI DEVS PROVI- DEBIT (3).

(M 1011, 1013, 1015, 1659-1660).

Le gémissement de Gronstadt, en 1660, est encore plus désespéré :

DE PROFVNDIS CLAMAMVS AD TE DOMINE (4) SERVA NOS QVIA PERIMVS

(ducats et thalers, M 1016-1023).

Gette expression du deuil public parut si vraie que la ville de Scbœssbourg la réédita la même année (tbaler, M 1024- 1026).

La magnifique pièce de 100 ducats de Michel Apafi, frappée

(1) C'est le premier yerset du 26« psaume de Dayid.

(2) La phrase complète de l'Apôtre est : Gratia enim estis salvali per /idem, ei hoc non ex vobiSj Dei enim donum e$i,- non ex operibus^ ut nequis glorieiur, (Ephes., ii, 8.)

(3) Ces deux derniers mots sont la réponse d'Abraham aux indiscrètes questions d'Isaac, s'étonnant de ne pas voir la victime près de Tautel du sacrifice : Dixil auUm Abraham •* Deus frovidebU Hbi viclimam holocautii. (Genèse, xxii, 8.)

(4) Ps. cxxix, 1 : De profmdis clamavi ad te. Domine.

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244 MÉMOIRES.

à deux exemplaires en 1677, Tun pour être offert en préseat à l'empereur Léopold, l'autre donné au général comte Andrassy, contient, en deux distiques, un manifeste de résignation chré tienne :

SPLENDOR, OPES, AVRVM MVNDI, MIHI NVLLA VOLVPTAS QVIN PVTO PRO CHRISTO HAEC OM- NIA DAMNA MEO

SPES CONFISA DEO NVNQVAM CONFVSA RECEDIT FIDENTEM NESCIT DESERVISSE DEVS.

(légendes circulaires, M 1045).

La dernière devise inscrite sur une monnaie autonome marque une espérance qui ne devait point se réaliser :

TANDEM OPPRESSA RESVRGET

(ducat de François Râkôczi II, frappé à Clausenbourg en 1705, pièce aux armes, M 1259).

Bien que les légendes qui suivent q'appartiennent pas à des monnaies, nous croyons pourtant devoir les relever, afin de compléter tout ce qui se rattache à l'bisloire numismatique de la Transylvanie, et de noter en passant les particularités cu- rieuses dont elles avaient pour but de perpétuer le souvenir.

Voici d'abord, en 1 551 , une plaque d'argent frappée en mé- moire du voyage de l'archiduc Ferdinand !•' en Transylvanie. On lit à l'avers :

SVB VMBRA ALARVM TVARVM PROTEGE NOS (1).

Au revers :

PATERNA REGIS FERDINANDI PII VISITATIO . TRANSYLVANIAE REGNI SVB ANO MDLI

(légende dans le champ, M 27).

Cette invocation à l'aigle impériale, remplacée, d'ailleurs, sur la médaille, par la tète couronnée du roi Ferdinand, est

(0 Le texte du Psalmwle (Oratio David, xyi, c. 9) est : 5u6 wnbm aiarum tuarum ^tege ne : a fade impiorum qui me afflixerwU.

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. . 245

empninlée à des pièces d'or espagnoles, les excelentes enteros de la granada, frappées sous le règne de Ferdinand et d'Isa- belle, après la conquête de Grenade, en 1492; mais, dans l'or espagnol , la formule est en rapport plus exact avec l'image. La pièce porte, en effet, au dessus d'un écusson écartelé de Caslille-Léon et d'Aragon-Sicile, avec la grenade en abîme, un grand aigle issant de la couronne fleuronnée et laissant tomber ses ailes aux longues pennes qui ombragent, en effet, le blason royal. Le graveur de la médaille de Transylvanie a conservé l'àme de la devise, mais il en a supprimé le corps (1).

A l'occasion de l'expédition du lieutenant général Gastaldo, Italien au service de Charles-Quint, en 1552, dont les titres occupent l'avers d'une médaille d'argent signée ANIB :

lO BA CAS CAR V CAES PER RO REG ET BOE RE EXERCIT DVX TRANSILVANIA CAPTA MAVRVSCIVS

Ce dernier mot est le nom lalin de la rivière transylvanienne Maros, affluent du Danube, sur les bords de laquelle le général autrichien avait gagné une bataille (M 35).

Le terrible gouverneur Georges Basta, qui, après avoir fait son apprentissage de dompteur d'émeutes dans les Pays-Bas, sous le duc d'Albe, alla exercer une mission de sang en Tran- sylvanie, a aussi sa médaille de victoire, commune au woïvode Michel de Valachîe, pièce d'un grand style, généralement attribuée au maître italien Antonio Abbondio, et qui représente une Victoire foulant des trophées, avec les mots :

VICTORIA DACICA

(pièce en plomb, M 322).

Une autre médaille ovale , qui donne son portrait en cos- tume militaire, porte la légende :

(4) On lit dans une ordonnance des rois catholiques de 4 497, publiée par M. Heiss : Lot excelentes enteros iengan de la una parie nuestras armas reaUs e una aguUa que las tenga y enderredor sus letras que digan : « Sub umbra alarum tuarum protège nos. » {DescripcUm gênerai de las monedas hispano-christianas desde la invasion de los 'rabes^ por Aloiss Heiss. j

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?46 MÉMOIRES.

GEORG BASTA DNS INSVLT EQV AVR

S G M AC CATH REG HISP CONSIL BEL ET

IN TRANS CAPIT : GENER VALL : PROF : SIC :

DEV : DAC : REC i6o3.

(pièces d'argent, M 334-335).

Une autre médaille de deuil d'Hermaonstadt porte à l'avers, avec un écu écartelé sommé de deux heaumes à l'allemande :

CIPRIAN VON CONCIN ZV MALGOI 1604.

Il y a une médaille en plomb de Moïse Zekel, à une seule face, avec deux lions soutenant une épée passée dans une couronne, accompagnée de deux étoiles et de deux croissant?, avec les mois :

moïses ZEKEL DE SEMIENFALVA VAIVODA

TRANSYLVANIE ET SICVL COMES.

ANNO DOMINI MILLESIMO SEXCENTESIMO TERTIO

CLAVDIOPOLI DOMINVS PROTECTOR MEVS

(les trois derniers mots dans le champ, M 339).

Une pièce de la valeur de 10 ducats, frappée par les habi- tants de Gronstadt en l'honneur de leur bourgmestre, Michel Weiss, qui les avait vigoureusement défendus :

MICHAEL ALBINVS * A P B . 1612

AD VTRVNQVE IMPER PRO PATRIA LEGAT9 *

PRiESTITIT QViE DEBVIT PATRIE.

Trois médailles au nom d'Éméric Tœkœli :

EMERIC TECKLY DVX PROTEST IN HVN SIC VIRTVS NESCIA FILENI

(argent. Mi 197). EMERIC TOC

(argent, M 1198).

EMERIC TOC RETRC

(argent, M 1199)

EMERIC TOCKEL HVNGAROR REBELL CAPVT RETRO CADIT.AVDAX

EMERIC TOCKOL HVNGAROR "REBELL CAPVT RETROCADIT AVDAX MDCLXXXIII

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 247

L'acte d'union de 1691 est célébré par un médaillon de bronze à l'effigie laurée de l'empereur Léopold !•% portant la légende classique :

LEOPOLDVS AVG PANNON DAC ILLYR TVRC MAX

Au revers, l'empereur couronné par la Victoire :

PANNONIIS DACIA ILLIRICO HEREDITARIIS REGNIS ADAVCTIS

Sur un bouclier votif :

SIC XXX SIC XXXX

(emprunt à la numismatique romaine, M 1200).

Les médailles du chef des mécontents, François B&kôczi, sont nombreuses :

FRANCISCVS II D : G : TRANSYL : PRIN : RAKOCZI

DVX CONFΠ: R : STAT : D WAROU F.

DIMIDIVM FACTI QVI BENE CŒPIT HABET

OPERE LIB : INCHOATO ANNO MDCCIII

XIV- IVNII

(pièce alléororique, argent, M 1261) (1). Une autre au même type (M 1263) :

LAQUEVS CONTRITVS EST ET NOS LIBERATI SVMVS PSAL : i23 VER : ^ *

Ce texte du Psalmiste avait été déjà emprunté en 15A7, mais sous une inspiration directement contraire. On le trouve appliqué, dans une médaille de l'empereur Cbarles-Quint, à la défaite des alliés de Smalkalden devant Mûhlberg (2).

Les Vestales entretenant le feu sacré :

(1) François Rakoczi emprunte an fers d'Horace pour célébrer ses premiers succès :

Dimiàiwm faeti qui hene coffrit hahet,

(2) Voici le ?erset du psaume cxxiii : Anima nosira ticut passer enpfa est de laqueo vmanHum : iaqueus contriku est^ ei noi W>€nJi^ tumus.

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848 MÉMOIRES.

CONCVRRVNT UT ALANT D W

CONCORDIA RELIGIONUM ANIMATA LIBERTATE

AMDCCVIN- CON SZECH

(or el argent, iniliales de D. Warov, M 1264). Hercule terrassant Thydre :

TENDIT PER ARDUA VIRTUS

(argent et bronze argenté, M 4267).

Une réplique satirique à la médaille des Vestales , formant chronogramme :

perfIDa CeDe trIas proprIVs CaDat IgnIs ab ara +

MartI IVre pIo DIsCe saCrare trIas +

DE inIMICIs VICtor * InDe paVor patrIae. G. S

Vera saLVs PATRiiE sponDetVr ab arborIs VMbra :

sVb qVa paX, reqVIes Ipsa seCVra VIrent

Au pied de l'arbre, qui les couvre de son ombre, les villes de Transylvanie : Bislrilz, Schaessbourg, CLAVDIOPolis,. DEVA, Megyes, CIBinium, FOGaras, CORona, ALBA IVL.

Sur un ruban :

InColIs nobIle PRAEsiDiVM MANET hInc proteCtio regnI. g. Schuler

(George Schuler, orfèvre d'Hermannstadt, 1710, M 1271).

Dans celle légende, la dale d'émission de la pièce (1710) se trouve cinq fois indiquée par les grandes capitales en saillie. En additionnant les valeurs numérales de ces lettres, on arrive aux résultats suivants :

Première ligne : DDDCCVIIIII =1710. Deuxième ligne : MDCCVIIIII = 1710. Troisième ligne : MDCCVIIIII =^1710. Quatrième et cinquième ligne : MDCLXVVVVVVVVVIIIU = 1710. Ruban : MDCCVIim = 1710.

Deux médailles commémoratives de la fondation de la cita- delle de Carlsbourg par le général de Stainville :

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ESSAI SUB LES MONNAIES DE TBANSTLVANIE. 249

ST : C : A STAINVILLE S : C : M : CONS : BELL : EQVIT : GEN : CÀTAPHR : COL et GEN : COMM : in TRAN- SILVA :

MINERA S CVRII ©LIS (CNEQ3 T?TVRNI

MOX ALBiE CÔEPTI CAVSA

LABORIS ERAT G H

(signes astrologiques remplaçant les syllabes initiales). Revers :

ANNO qVo GENERA Lis * ERAT * CoMenDaNS ' In TRANsILVanIa

CONDITVR ALBA ' CAPUT * REGNI ' QUiE * IVLIA * | QVONDAM *

A STAINVILL * LAPIS * EST * QVI | DACICA ' RUDERA ' DEViE ' RESTA VRARE ' |

PARAT DE QUO C SICK " SERREDA | PLAVDET

(M 4313). La première ligne forme chronogramme!, et donne les valeurs numérales : MDCLLVVIIII = 1714. L'autre à trois chronogrammes :

LVCe saCra I CaroLI sIMILes | aLba aCCIpIt ortVs |

+ In soLIDa prIMVs ponItVr arCe LapIs * |

* IVLIa nata fVI ; CaroLVs | VIM robVr etaVXIt : |

IVLIa sIn LIbeat, nVnC | CaroLIna VoCer *

* TVTISSIMA * QVIES * * C : I : H *

(or: 5 ducats, M 1314). Chacun des deux vers du premier distique offre la date 171 5 :

Premier vers : MCCCCCLLLLVIim = 1715. Second vers : MDCLLVVniII =1715.

La même valeur est donnée par la lecture numérale du second distique : MCCCLLLLXVVVVVVVVVIIIIIIIIII = 1715. A propos de la naissance de l'archiduc Léopold (1716) :

GEMMAM QYJE DEERAT TANDEM CONCESSIT

OLYMPVS

Des anges posant le chaton d'une bague :

CiESAREiE SOBOLI SEPTeM sVa DoNA pLANETiE | sVbSTERnVnT C* H

(M 1317). Cette légende forme chronogramme.

En additionnant la valeur niimérale des grandes capitales MDCLLVVVI, on trouve la date 1716.

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250 H&MomBS.

Sur la prise de Temeswar (1746) :

CAROLVS VI D G ROM IMP SEMP AVG (en exergue, V : Veslner, nom du graveur).

SECVRITAS TRANSSYLVANI^ RESTITVTA THEMESVVARIO OCCVP D 12 OCT 1716.

(argent, M 4318). Sur la Pragmatique-Sanction (1722) :

PROGENIES MAGNUM COELI VENTURA SUB AXEM OPT : PRI : CAR SECURITAS PERPETUA H ET NATI NATORUM ET QUiE NASCENTUR AB ILLIS VOT : MUT : S P Q DACIC MDCCXXII | S K D K

(Samuel Kœleséri de Reseler, M 1319).

La médaille de 1741, autre chronogramme, donnant la date de l'année et rappelant la fameuse scène du couronnement de Presbourg et les patriotiques acclamations de la noblesse ma- gyare en l'honneur de Marie-Thérèse :

REGNANtI MARliE THERESliE Vt PrInCIpI

sViE VotIs se IVratI obstrInXere DaCi

INV L B 10 LAZ DE GYAL * T R " I " AS

{Liber baro Joh. Lazarus de Gyalakulha Tahulœ Regiœ Jttdi- ciariœ Assessor).

COELO NUMEN HABES TERRAS REGINA TUETUR SIC COELO ET TERRIS HUNGARE TUTUS ERIS

SUB CRUCE lAM GEMINA GEMINA EST PATRONA MARIA NEC SiEVOS METUENT | ARMENTA LEONES. Walliss F.

(argent, M 1391-1392). Le rétablissement de l'évécbé de Garlshourg :

DIUiE PALLADI REGINiE PROUIDENTIA S P Q CAROL MDCCXXXXIII

(argent, M 1393).

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ESSAI SDH LÉS MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 251

Sur les réformes monétaires :

LEGES METALLURG : RESTITUTiE MDCCXLVII G TODA F (argent et bronze, M 1394-1396).

LEGES METALLURGIC^ IN TRANSILVANIA RESTITUTiE MDCCXLVII

(argent et platine, M 1397-1398). ^

Sur l'établissement des conGns militaires :

IMP FRANCISCUS AUG M THERESIA AU G :

P KEISERSWERTH F

SECVRITAS DACIAE MDCCLXII I D F

{Ignaz Donner fecit) (argent et bronze, M 1399-1400). Sur le rétablissement des charges de cour :

M. THERESIA PIA FELIX AVG

MVNERA RESTITVTA MDCCLXII k. wurt f.

(argent, bronze, étain, M 1401-1403). Sur l'érection de la Transylvanie en grande principauté :

MAGNVS TRANSYLVANIAE PRINCIPATVS MDCCLXV

F. WURTH F.

(argent, bronze, étain, M 1404).

Sur la réforme fiscale (1765), médaille signée P K (P. Kei- serswerlh) :

AEQVITAS TRIBVTORVM MDCCLXV

(argent, bronze, étain, M 1407).

Sur la réforme des lois civiles (1765), médaille signée W (Wùrth) (bronze, M 1410) :

IVSTITIA ET CLEMENTIA CVRA FORI MDCCLXV

Sur les progrès de l'agriculture, de l'exploitation des mines et du commerce, signée F. Wiirth :

DACIA FELIX AGRIS FODINIS COMMERCIO MDCCLXIX

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353 hAmoibes.

Sur la fondation de l'orphelinat d'Hermannstadt (1770)

FONDANTE

AUGUSTA MARIA

THERESIA ROMAN

IMP ET REG . HUNG

BOH M P TRAN & &

POSITUS LAPIS FUN

DAMENTI PRO ERIGEN

DO TEMPLO ORPHA

NOTRO THERESIANI

CIBINII XVI lUN I

MDCCLXX.

(argent, deux revers variés, M 1414).

TROISIÈME PARTIE

TYPES

Types religieux.

Les premières images que nous voyons paraître sur les mon- naies transylvaniennes sont celles delà Vierge et de saint La- dislas. Mais ni l'un ni l'autre de ces types n'appartient en proj)reà la principauté ; ils ont une signification plus générale et sont communs à toute la monarchie hongroise. C'est comme patronne de la Hongrie la légende le dit expressément que la Mère de Dieu y est représentée, et c'est comme roi de Hongrie que saint Ladislas y occupe sa place.

Dans les monnaies franchement dynastiques, Tordre hé- réditaire était de règle, la personnalité des maisons régnantes avait de bonne heure éliminé les figures de sainteté ou en avait singulièrement réduit le rôle. C'est par exception et en vue de circonstances déterminées que saint Michel, saint Geor- ges ou d'autres personnages de la cour céleste ont parfois occupé, sur les monnaies de France et d'Angleterre, une place

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 253

habituellement réservée aux emblèmes purement politiques. Au contraire, dans les Étals éleelifs, dans les républiques mu- nicipales, rien n'est plus fréquent que la représentation d'une figure divine ou d'un saint patron , protecteur surnaturel , adopté comme une personnification supérieure de l'État. Au milieu des luttes sans fin qui sont la vie constante du moyen âge, les petits gouvernements sentaient la nécessité d'intéres- ser à leur cause quelque vengeur idéal et de commander le respect d'eux-mêmes par la sainteté des emblèmes dont ils s'attribuaient le privilège.

Venise mettait le Christ sur ses monnaies {SU tibi Christe datmquem lu régis isteducatus),, la Vierge figure sur celles de Pise (Protège j Virgo^Pisas)^ de Sienne (Tuo confisi prœsidio)^ de SdLyonne(VirgoMaria^ protège civitatem Savonœ). Les mon- naies de Milan représentent saint Anibroise; celles d'Asti, saint Second ; celles de Modène^ saint Géminien ; celles de Liège, saint Lambert.

Les rois de Hongrie suivaient donc l'exemple donné par leurs voisins les rois de Bohème et par beaucoup de villes libres, et, comme les premiers princes de Transylvanie ont été des prétendants à la couronne de saint Etienne, ils ont eu soin d'adopter pour leurs monnaies des symboles qui donnaient une sorte de consécration à leurs espérances, se bornant à pla- cer modestement au-dessous de la sainte image un petit écus- son blasonné de leurs armes.

Tous les ducats de Jean I" portent la Vierge à l'avers, saint Ladislas au revers.

L'empereur Ferdinand I**% pendant les cinq ans d'annexion, continue, pour les monnaies d'or, la tradition de son prédéces- seur. Sous Jean II, la Vierge demeure, mais saint Ladislas est exclus, et se voit régulièrement remplacé, au revers des du- cats, par un emblème héraldique.

Etienne Bathori, en 1571, rétablit l'ordre ancien. La Vierge et saint Ladislas se partagent les deux faces de ses monnaies d'or. 11 en est de même sous Christophe etSigismond Bathori, sous l'empereur Rodolphe !•% sous Etienne Bocskai. Avec Si- gismond Ràkôczi, la tradition subit une courte interruption»

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254 MÉMOIRES.

l'effigie et les armes du prince ayant remplacé patron et ma- done ; l'usage reprend sous Gabriel Balhori , seulement dans les ducats de Nagybanya; ceux de Ciausenbourg et d'Her- mannstadt sont purement dynastiques.

Pendant les seize ans du règne de Gabriel Bethlen, il y a deux périodes à distinguer que sépare l'élection du prince en qualité de roi de Hongrie, en 1620. Durant la première période, les deux lypes religieux sont rigoureusement écarlés et rem- placés partout, sur la monnaie d'or, comme sur la monnaie d'argent, par l'effigie et les armes. Après l'élection , le sys- tème se modifie ; le révolutionnaire devient conservateur, l'en- nemi des images tourne à la tolérance , et la figure de Notre- Dame portant l'Enfant Jésus reprend sa place sur les ducats. Seulement, elle cessé d'être entourée de la légende tradition- nelle PATRONA HVNGARIE, et n'est accompagnée que de la seconde partie des titres princiers. Après l'abandon de la couronne de Hongrie, Gabriel Bethlen, prince du Saint-Em- pire romain et duc en Silésie, maintient la Vierge au revers de ses ducats, gardant pour sa propre effigie la place d'honneur de l'avers. La Madone figure encore, mais avec sa légende, sur les doubles gros d'argent frappés en 4622 à l'usage de la ca- tholique Silésie (M 789; , sur les doubles gros de Nagy-Baaya et sur les deniers d'Oppelu (M 842).

Nous retrouvons la Vierge sur le ducal de 1630, sans indi- cation d'atelier monétaire , au nom de Catherine de lirande- bourg (M 849) , puis sur les ducats de Georges Râkôczi !•% frappés à Nagybanya, tandis que ceux de Clausenbourg et de Weissenbourg sont exclusivement dynastiques.

En Hongrie, le type de saint Ladislas est le plus ancien. Celui de la Vierge n'a commencé qu'avec la dynastie polonaise, sous WladislasH (1490-1316).

11 en est de même sous Georges Ràkôczi II. Après la mort de ce dernier prince, l'image de la Vierge subit une éclipse définitive. Elle est entièrement abandonnée dans les monnaies d'ApaU. Les empereurs Léopold et Joseph I" mettent partout l'aigle à deux têtes, qui marque l'incorporation de la Transyl- vanie aux États héréditaires'de la maison d'Autriche. Ce n'est

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^AI SUR LES MONtf AIES DE TRANSYLVANIE. 255

pas François Ràkôczi II , le chef des méconlenis , qui aurait, ressuscité des emblèmes catholiques, l'insuccès de sa campa- gne ne lui ayant pas permis d'arriver à la période conserva- trice. Les concessions parlicularistes de Charles VI et de Marie-Thérèse comporlent seulement le blason transylvanien. Ainsi, à partir de l'année 1657, date de .rémission du dernier ducat portant l'image de la Viirge, la monnaie de Transylva- nie est entièrement laïque. La figure de saint Ladislas avait disparu quarante-sept ans plus tôt, sous Gabriel Bathori (1610^ M 420-421).

Après avoir établi la chronologie des deux types religieux de la monnaie transylvanienne, il nous reste à en étudier l'ico- nographie.

Type de Notre-Dame.

Il y a dans les représentations de la Vierge que nous offrent les monnaies de Transylvanie certaines données constantes. Notre-Dame y est toujours figurée assise, couronnée, portant l'Enfant Jésus et reposant ses pieds sur le croissant de la lune.

C'est le type ordinaire des ducats royaux de Hongrie, à dater du roi Louis II (1516-1526), tandis que, sous son prédé- cesseur, la Vierge, ayant à ses pieds l'aigle de Pologne, est assise dans une chaise gothique à clochetons finement ciselés.

Plusieurs détails de disposition varient, ainsi que le style d'exécution. Dans les premiers types, c'est toujours la main droite qui soutient l'Enfant Jésus. Au contraire, un ducat de Gabriel Bethlen fait passer l'Enfant au bras gauche, et met le sceptre dans la main droite (M 612). La Vierge a généralement les cheveux longs et flottants sur les épaules, ce qui rappelle les types contemporains des monnaies de Pise et de Sienne.

Sa couronne, qui n'est d'abord qu'un cercle à trois fleurons, devient, sous Georges Ràkôczi, une couronne fermée dont l'arc supérieur est serti de perles (M 866).

Les vêtements, dont les plis sont drapés avec ime certaine uniformité , ne présentent le plus souvent aucun ornement. Pourtant le thaler d'Etienne Bocskai (M 364-65) décore le man-

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256 MÉMOIRES.

leau d'une bordure de broderie byzantine, et dans les ducats de Gabriel Helhlen , le costume tout entier se couvre de rin- ceaux fleuris , gravés au pointillé, dont la richesse fait songer aux robes brochées d'or de la Panagia orthodoxe de la Ma- dré de Deu des églises espagnoles.

Dans le ducat de Gabriel Beihlen, frappé à Kremnitz en 1621 , la Vierge est assise sur un coussin d'étoffe granulée dont les coins sont terminés par quatre glands eu forme de grenade. Du côté droit, la double et longue tresse ondée de ses cheveux descend jusqu'à la hauteur du coude; la main gauche lient un des pieds de l'Enfant Jésus. Le croissant de la lune flgure une têle humaine (M 605).

Il y a un type bien particulier dans le ducat du même prince frappé à Nagybanya en 1627. La Vierge y porte une sorte de robe de chambre nouée d'un cordon et ouverte en cœur sur la poitrine, elle laisse voir un gilet boutonné jusqu'au menton avec plusieurs rangées de brandebourgs hongrois. L'étoffe de la robe est toute chamarrée de rinceaux à volutes divergentes, traitées au pointillé avec beaucoup de finesse. La couronne est fermée.

Les têtes sont d'un travail extrêmement barbare : deux bou- les percées de trois trous symétriques. Il serait difficile d'unir à plus d'incorrection un instinct plus recherché du luxe déco- ratif (M 697).

Dans le ducat de Georges Ràkôczi de 1653 (Nagybanya), la main de la Vierge porte un sceptre terminé par un fleuron de lis. Il y a dans le costume quelques réminiscences du type précédent, mais avec moins de richesse. (M 901).

L'Enfant Jésus commence par être figuré de profil , assis, complètement nu, tourné vers sa mère et les mains vides. Plus tard, ses mains s'arment du sceptre ou de la boule du monde. Alors son attitude se contourne, et de hiératique et sauvage qu'elle était , passe à la manière et à la mièvrerie du style jésuite.

Dans les dernières représentations, le groupe, divin s'entoure d'une auréole flamboyante.

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 257

Type de saint Ladislas.

Saint Ladislas est toujours figuré ea pied, debout, vu de face et armé de toutes pièces. Il porte la longue moustache ma- gyare, les cheveux longs et la barbe apostolique (i). Son armure est celle d'un chevalier du quinzième siècle : fortes épaulières, coudières, genouillères saillantes, cuissards articulés; de la main droite, il tient une hallebarde ; de la gauche, la boule du monde surmontée d'une croix.

Ce type militaire s'était substitué, sur les ducal s royaux de Hongrie, peu d'années avant le règne de Zapolya, au type de majesté, avec la tunique et le manteau drapé, dont nous trou- vons le dernier exemple sous le roi Wladislas de Pologne. Il y avait eu, bien antérieurement, sous le roi Louis d'Anjou, un autre type de majesté plus archaïque, le manteau, agrafé sur l'épaule et relevé par les deux bras, tombait en pointe, recouvrant tout le devant du corps. Au quinzième siècle, en déposant le mnnleau pour prendre le harnais de guerre, saint Ladislas perd aussi le nimbe qui encadrait d'abord sa tète , mais il garde sa couronne à trois fleurons.

Types personnels.

Quoique l'exécution des figures teisse généralement beau- coup à désirer, les graveurs de médailles, orfèvres et ornema- nistes, quelquefois assez habiles, étant presque toujours de très mauvais dessinateurs, il n'est pas difficile de distinguer, dans les effigies princières, trois types nettement caractérisés.

Le nez romain des Bathori, le nez arqué et vraiment orien- tal des Râkôczi et de Kémény, le nez kalmouck de Gabriel Belhlen trahissent des divergences ethnographiques dont il se-

(1) U y a des ducats'de Ferdinand I«', au type de saint Ladislas, frappés dans la haute Autriche et dans la Styrie.

SÉBIE TOMK m, 2. 17

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258 MÉMOIBES.

rail sans doute malaisé de démêler l'histoire à travers le chaos des alliances rnlre-croisées, mais qui n'en sonl pas moins le lémoignage de la prédominance de races tout à fait dislinctes.

Il ne paraît point que les modes d'Europe aient exercé grande influence sur les princes de Transylvanie. Qu'ils fussent amis ou ennemis du Sultan, ce n'est p^s du côté de l'Occident qu'ils aimaient à regarder, et l'on chercherait vainement dans la coupe de leurs cheveux et de leur barbe un contre-coup des variations de l'usage des cours contemporaines. L'espèce d'uniformité qui régnait déjà au seizième et surtout au dix- septième siècle dans les ranps de la société élevée, et dont le czar Pierre l" se fit en Russie l'intraitable initiateur, n'a pas atteint ces princes guerriers, qui, malgré tant de luttes contre les Turcs, avaient beaucoup emprunté à l'Orient, tant au point de vue plastique qu'au point de vue moral; qui copiaient le luxe de leurs armes et de leurs chevaux, et, au besoin, ne se faisaient pas faute de se débarrasser de leurs adversaires à l'aide du cordon de soie, ni plus ni moins que de vrais pa- chas (4).

Tous les princes dont nous possédons les effigies ont les che- veux coupés courts, quelquefois ras, à une seule exception près. Une médaille de Gal»riel Bethlen lui donne la chevelure longue et tombante et la barbe pointue, sans moustache, des docteurs réformés; mais ce type difl'ère totalement de celui que nous ofl'rent les monnaies (M o63). Plusieurs princes ont, au dessus du front, assez soigneusement rasé, cette mèche uni- que de cheveux qui, suivant la croyance mahomélane, doit

(4 ) Spontoni raconte que Sigismond Bathori, ayant invité à sa table un grand nombre de barons transylvaniens soupçonnés de trahison , fit enlever par ses fidèles Sekels les quatorze plus compromii, qui furent étranglés après une courte captivité. Son oncle même, Balthazar Bathori, également incarcéré, vit entrer dans sa prison un personnage silencieux qui portait d'une main le rosaire et de l'autre un cordon de soie brune : c'était le bour- reau {Bisloria deUa TransUvania, p. 20). Dans son Voyage minéralogiquc en Hongrie et en Tmnsylmnie, M. de Born nous révèle la persistance d'une autre coutume turque, celle de l'empalement. Peu de temps avant son passage, trois réfugiés du Banat de Temeswar, coupables de vols et de meurtres, avaient été empalés vivants à Deva. L'auteur ajoute que ces exécutions n'étaient pas rares en Esclavonie et dans le Baiîat. (Lettre XI, ). 258 Trad. Monnet.)

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 359

servir à l'ange d'Allah pour faire franchir aux élus le redou- table passage du paradis.

Ils ont presque toujours la barbe longue et fournie, l'oreille découverte, la nuque entièrement dégagée. Aussi/lorsqu'après la mort d'Apafi on voit paraître le profil lauré de l'empei'eur Léopold, avec sa moustache, sa mouche Louis XIII et sa ma- jestueuse perruque L'>uls XIV, dout les boucles tombent en spirales régulières sur la cuirasse à clous saillants, on a l'in- tuition d'un changement de milieu absolu. C'est Versailles suc- cédant à Constantinople.

Le type d'effigies le plus répandu représente les princes de profil, à droite, en buste jusqu'à la ceinture. Par exception, quelques pièces coupent le buste à peu près à la hauteur du sein (ducats et thalers de Gabriel Bethlen, 697-4493), tandis que d'autres offrent seulement la tête. H y a un petit nombre de bustes drapés, avec le manteau laissant voir la cuirasse et retenu sur l'épaule droite par une agrafe en forme de croix byzantine (697) ou de rose à cinq pétales (H93). Des ducats du même prince et d'Etienne Bosckai présentent cette disposi- tion (346-573).

Ces manteaux drapés offrent, dans certains cas, un travail de grené qui semble indiquer du velours; d'autres fois, ils sont décorés de légères broderies traitées au pointillé.

Le costume militaire, avec l'armure plus ou moins complète, est de règle presque absolue. Il y a pourtant quelques exem- ples de costume -civil hongrois. Un type de Gabriel Bethlen, adopté pour de grandes pièces d'or et d'argent, représente le prince vêtu d'un riche costume biodé à grands ramages avec des rangées de brandebourgs à gros boutons et un large collet d'hermine (M 594).

Les monnaies de Zapolya ne présentent poiut d'effigie prin- cière; des types religieux ou héraldiques en font tous les frais. C'est seulement en 1585 qu'Élienne Bathori, roi de Po- logne en même temps que prince transylvanien, commence à fa^re graver son portiait sur la monnaie d'argent. L'attitude qu'on lui a donnée, à l'avers des thalers de Nagybanya (M 125-132), est devenue traditionnelle en Transylvanie et

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260 MÉMOIRES.

s'y est perpétuée, sauf quelques exceptions, jusqu'à la fin du principat autonome.

Le prince est représenté en buste, de profil, tourné à droite, la main gauche serrant la poignée du sabre, et l'autre portant le sceptre appuyé sur l'épaule II est revêtu de son armure et couronné. On ne connaît de lui qu'un seul type, commun aux émissions de 1585 et de 1586. .

Nous retrouvons ce type du bus'e cuirassé, avec le sceptre sur l'épaule et la main gauche tenant la poignée du sabre, dans les pièces de Delphin Tizzoni, comt^ de Desana et de Verceil, qui prend le titre de vicaire perpétuel du saint Empire romain. Un autre seigneur de la même maison, Antoine Marie, n'a point le sceptre, mais il tient l'épée comme lui, et la disposi- tion générale oflfre les plus grandes analogies. (Barthélémy, Numismatique moderne^ atlas, fig. 507-509.)

Un type analogue, mais tourné à gauche, appartient aux pièces d'argent his[)ano-flamande^ du roi Philippe II émises en 1579 à destination de la seigneurie de Groningue. (Aloiss Heiss, Descr. gen. de las mon, hisp, christ.^ pi. 185, f. 235.)

Sigismond Bathori, malgré la longueur de son règne, n'a pas d'effigie spéciale à la monnaie d'or. Il y a bien une pièce de dix ducats donnant son portrait j mais elle est frappée avec un coin de thaler (M 155). Au contraire, la série de ses piè- ces d'argent offre une extrême richesse de variantes. La pose du personnage demeure constante, le sceptre du roi Etienne étant remplacé par une sorte de masse d'armes à pointe en lo- sange, le buzogan des Hongrois.

Dans le ihaler de Nagybanya, frappé en 1589, la main gau- che soutient un casque empanaché (M 216). Dans tous les autres, elle serre la poignée dii sabre, conformément au type normal; cette poignée de sabre, dans une pièce de 1592, se termine en tête d'aigle (M 245).

La têle est toujours nue, juvénile et sans barbe dans les thalers émis de 1589 à 1591; Sigismond porte la moustache et la barbe à partir de 1592. C'est dans le dessin et l'ornementa- tion de Tarmure que l'artiste a laissé libre essor à son imagi- nation. Toutes les pièces en sont traitées avec, beaucoup de

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ESSAI SUB LES MONNAIES DE TBANSYLVANIB. 26i

soin, de recherche el une finesse d'exécution qui fait d'autant plus ressortir l'incorrection de la figure et les gaucheries de l'attitude.

Faul-il voir dans toutes ces variantes des caprices de gra- veur ou la reproduction fidèle des diverses parures guerrières sous lesquelles le prince de Transylvanie aimait à paraître en tête de ses cavaliers? Dans tous les cas, l'étude en est inté- ressante au point de vue de l'art décoratif. Il est curieux de voir par combien de combinaisons l'artiste a su diversifier la physionomie du corselet, du hausse-col, des épaulières, des coudières, des brassards, et par combien d'ingénieux artifices il a su faire jouer la lumière sur ces surfaces finement cise- lées, de façon à produire des effets pleins d'originalité, d'élé- gance ou de richesse.

Coiffures. Sigismond Bathori s'est fait constamment re- présenter nu-tête. Un demi-thaler de Gabriel Bathori, le prince est figuré de la même façon, donne pourtant, dans le champ, le dessin de son casque, qui est de forme conique, d'un caractère assez franchement oriental, muni de jugulaires et orné, sur le devant, d'une haute aigrette que retient une agrafe perlée. Mais il n'y a pas d'exemple d'effif^ie casquée.

Toutes les fois que les princes n'ont pas la têle nue, ils por- tent un de ces bonnets de fourrure, familiers à l'Europe orien- tale, dont l'apparition causa tant d'émoi à la cour de France, lorsque les députés polonais vinrent débattre avec Henri de Valois le prix de la couronne des Jagellon. Ces bonnets, dont l'ornementation et les proportions varient, appartiennent à deux types.

L'un est la coiffîire basse, plate, à retroussis, le kalpag, qui emprisonne exactement la têle, sans faire de saillie sur le front on sur la nuque. On en voit des modèles sur les ducats d'Etienne Bocskai, de Gabriel Bethleh et sur des thalers de ce dernier prince.

L'autre forme une sorte de turban ou de bourrelet qui entoure la tête et au-dessus duquel s'élève une coiffe conique, à profil irrégulier, de hauteur variable C'est la coiff'ure qui parait avoir été généralement adoptée par les princes de Transylva-

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262 MÉMOIEBS.

nie dans le cour^int du dix-septième siècle, « le chapeau pointu, fait de martres sebellines, à la semblance de ceux des Turcs », dont parle rhistoriea Fumée (I). Les deux Georges Rakôczi, Kémény, Apafi nVn portent pas d'autre.

Presque toujours, ces deux coiffures sont ornées d'une ai- grette, d'un bouquet de plumes en éventail ou en double pa- nache retombant, que fixe une agrafe en forme de croix, de trèfle ou de fleuron à deux volutes internes. Dans l'un et l'au- tre type, celte aigrette est posée de côté, an-dessus de l'oreille droite. Pourtant, dans le demi-thaler de Gabriel Bethlen, les plumes ont, comme la coiffe, une hauteur démesurée, elle s'attache sur le devant, au dessus du front (M 594).

Cuirasses. On en peut distinguer trois variétés princi- pales durant la période des Bathori ; elles ont pour point com- mun de ressemblance la convexité assez bombée du plastron, qu'une arête médiane coupe en deux versants.

Dans le premier groupe, le corps de cuirasse est orné de larges bandes verticales gravées ou ciselées qui alternent avec des bandes lisses d'égale dimension. Le dessin des bandes ouvragées est formé d'un ornement courant à tige continue, émettant des volutes opposées (M 222).

Dans le second groupe, le plastron tout entier, qui n'a au- cune espèce de compartiment, est revêtu d'un liche résenu d'arabesques, de composition végétale, consistant en séries de palmettes et de folioles a pétioles courbes entre lesquelles s'inscrit parfois une petite croix (M 272-277).

La troisième famille, très nombreuse et très variée, est celle des armures à éclisses , c'est-à-dire formées de lames de métal

(1) Ce chapeau aTail, comme le bonnet fourré des Électeurs du saint Empire, une Taleur emblématique, et symbolisait la délégation du souverain.

Dans le passage que nous Tenons de citer, Fumée raconte que le Vénitien Gritti, com- missaire de Soliman, irrité d'apprendre que le yaïyode de Transylvanie, Émeric Cibachi, évèque de Varad, venait à sa rencontre avec une brillante escorte de cavalerie, ôla son chapeau avec emportement et le jeta par terre, disant << que ce chapeau ne pouvoit ser? ir à deux tètes, et qu'il estoit nécessaire qu'on l'accommodast seulement à une. » Ce pro- pos ne fut point perJu. Peu de jours après, un capitaine hongrois, qui l'avait recueilli, se présentait devant le fils du doge , tenant par une oreille la tète de l'évèque de Varad. {Histoin de Hongrie^ I, p. 46.)

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 263

horizonlales appliquées sur une doublure de cuir et consti- luanl une sorte de plaslron articulé. Le nombre de ces édisses, d'autant plus multipliées qu'elles sont moins larges, varie en moyenne de sept à quinze. Elles n'ont parfois pour décora- tion que les clous saillants qui servent à les fixer; mais il ar- rive aussi fréquemment qu'elles soient agrémentées par des rangées de croisettes (M 284), d'annelets (M 283), d*éloiles (ducal de Gabriel Belhlen de 1621, M 605).

Dans plusieurs de ces armures, les édisses se rencontrent au milieu du plastron, sans bordure métallique qui les main- tienne et les divise (M 605-282). D'autres, au contraire, offrent un encadrement qui contourne la base du hausse-col et forme sur le devant de la poitrine une bande verticale suivant la courbe du plastron. Cet encadrement reçoit aussi des ornements variés, soit une rangée de croisettes (M 29i), soit une série d'annelets inscrits dans des cercles tangents (M 250), soit une tige végétale à plusieurs courbures portant des volutes alter- nées ou opposées (M 265-284).

Ces différentes cuirasses appartiennent aux types monétaires du seizième siècle et des premières années du dix-septième siè- cle. Gabriel Bethlen en offre les derniers exemples. A dater de ce prince, qui marque la transition, la forme et la cons- truction générale s'en modifient sensiblement ; la courbure exagérée du plastron s'atlénue, les édisses disparaissent et il ne reste plus que deux types, usités jusqu'à ré|)oque d'Apafi, c'est-à-dire jusqu'à la suppression définitive des effigies prin- cières : le plastron à double encadrement rectangulaire riche- ment décoré d'arabesques, de fleurons, de filets, de trèfles ou de denticuU's (thaler de Georges Râkôczi II, 1656, M 966) et le plastron lisse, bordé d'un simple filet et sur lequel se détachent en relief, soit des mascarons grimaçants, et des fleurs de lis florencées (thaler d'Apafi, M 1113), soit des roses et des quar- tefeuilles (M 1103).

Il y a enfin un ducal d'Apafi le prince parait porter, par- dessus la cuirasse, une pelisse velue, toute ornée de glands et de passementeries (M 1079).

Brassards. Les bras sont, ou bien protégés par des mao-

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264 MÉMOIRES.

ches collantes en tissu métallique à mailles plus ou moins fines ou en treillis d'annelets, sur lesquelles s'adaptent les défenses particulières des épaules, des cotides et de la main, et que décorent quelquefois des appliques en forme de croix et de disques, ou bien habillés de plaques longitudinales à clous saillants, qui reçoivent assez souvent une décoration analogue à celle de l'encadrement du plastron.

Épaulières. Ces pièces qui onl, en général, une très grande dimension, surtout dans les thalers de Sigismond Bathori , elles forment un bourrelet bouffant au-dessus de la naissance du bras, sont traitées avec la même recherche décorative que les parties les plus soignées de la cuirasse^ Il en est l'on reconnaît un travail de gravure, tandis que d'autres présentent des fleurons, des rinceaux, des enroulements à très forts reliefs. La bordure, d'une courbe assez gracieuse, en est quelquefois agrémentée de filets, de grènetis et de clous symétriquement disposés. Quelques types, mais en petit nombre, portent le mufle de lion, dont les ciseleurs occidentaux ont fait un si fréquent et souvent un si heureux usage dans la décorai ion des armures et qui avait fini par devenir classique. Très fan- tastique et combiné d'éléments végétaux sous Sigismond Ba- thori, ce mufle de lion, sans perdre tout à fait son étrangeté barbare, se rapproche pourtant, sous Apafi, de la conception courante.

Types héraldiques.

Avant d'examiner, au point de vue historique et généalogi- que, les armoiries qui décorent les monnaies de Transylvanie, il convient de présenter quelques considérations générales sur le style de ces représentations et des ornements qui les accompagnent.

Écus. La forme de l'écu a subi d'assez grandes varia- tions. Deux types principaux alternent durant presque tout le monnayage transylvanien : l'écu rectangulaire par le sommet arrondi par la base et la targe aux flancs échancrés, à la pointe en accolade. Ces deux types se rencontrent déjà dans

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 265

les monnaies de Zapolya; ils disparaissent vers la seconde moitié dn dix-seplième siècle, pour faire place soit à Pécu ovale, soit à des formes plus tourmentées. Assez souvent, à partir de 1620, les flancs de Técu perdent leur rigidité pour s'évaser avec une flexion d'ailleurs peu sensible, el la ligne supérieure du chef s'arque en double volule. Une variante plus bizarre, étrangère aux habitudes de l'Occident, donne au chef un sommet triangulaire, tantôt aigu, tantôt tronqué (du- cats de Jean Kemeni, M 1032; de Georges Râkôczi, M 1011). Il y a quelques exemples d'écus en bannière, c'esl-à-dire for- mant un reclangle à peu près parfait (pièce de dix ducats d'Apafi, 1662, M 1046).

Les premiers lambrequins se montrent en 1597, dans une plaque-thaler de Sigismond Balhori, frappée à Nagybanya. Ils ont un caractère de dessin turc très accentué (M 298). Dans un thaler d'Etienne Bocskai, de 1606, ils prennent une physionomie des plus étranges, compliqués de mascarons, d'enroulements engainants , d'appendices latéraux affectant une vague forme d'ailes (M 373). Un ducat de Gabriel Belh- len de 1597 donne, autour de l'écu ovale, un cartouche ajouré, à volutes symétriques, plus conforme à la mode européenne (M 580). Sous le même prince, l'écu se flanque aussi d'orne- ments latéraux qui rappellent, jusqu'à un certain point, la forme de la pella (M 733-754-771). Avec Georges Râkôczi, reparais- sent les lambrequins turcs (M 1001). Rien de plus compliqué que le cartouche qui entoure l'écu ovale du même prince, sur une plaque-thaler de 1662. Les filets qui en formeni l'enca- drement se terminent à la partie supérieure en becs d'oiseaux chimériques de style oriental accompagné d'appendices bor- dés de perles qui s'enlacent et se relient avec les enroulements multipliés du cadre (M 1000).

Rien ne montre mieux le peu d'initiative réelle de l'imagi- nation humaine, la persistance et la pénétration des formes à travers le temps et l'espace que ces dessins d'oise*iux, d'un caractère si archaïque, que l'on croirait empruntés à l'art mé- rovingien et, par certains détails, aux types (hiératiques de l'Iran. Il en est certainement de cette rencontre, inconsciente

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266 MÊMOIEES.

mais non fortuite, comme des gafbes de vase d'une haute an- tiquité, que des ouvriers ignorants de TÉgypte ou de l'Asie continuent à modeler, sur un patron traditionnel, sans se dou- ter du moode d'impressioDs et de souvenirs que le seul aspect de ces courbes éveille dans l'esprit de l'observateur.

Dans une pièce de dix ducats d'Apafi , l'écu est flanqué d'arabesques à volutes perlées dont le noyau central forme une silhouette de pro6l humain à forte moustache (M 1046). La pièce de cents ducats frappée en 1677 pour l'empereur Léo- pold et le comte Andrassy offre un système d'encadrement très original et 1res comp'et. Les lambrequins échancrés et ajourés qui soutiennent l'écu ovale du prince, se terminent en pattes d'aigles sortant d'une gaine, les serres collées contre le corps et les ailes, à plumes symétriques, recourbées en vo- lute et servant de support à la couronne. A la partie inférieure ces lambrequins Gnissent par des feuillages recourbés entre lesquels grimace un masearon fantastique (M 1045). L'en- semble est d'une richesse étrange, et ne rentre précisément dans aucune des catégories de l'art occidental.

Couronnes. La principauté de Transylvanie ayant disparu avant l'époque se sont fixérs les règles de l'étiquette héral- dique, et la situation des princes étant passée par de grandes vicissitudes, il y a naturellement des écarts assez sensibles dans le type des couronnes qui surinontent les écus ou qui forment, à elles seules, un motif de décoration.

Le type de couronne ouverte est le plus ancien. Il est pres- que toujours orné de trois fleurons principaux qui affectent, tantôt l'i forme classique de la feuille d'ache, consacrée par les blasons occidentaux, tantôt celle d'une fleur de lis ou d'un fer de lance à fortes volutes, avec dentelure intermédiaire, quel- quefois surmontée d'une feuille trilobée de plus petite dimen- sion. L'exécution de ces données n'est point d'ailleurs uniforme, et le caprice du graveur s'y est livré à mille écarts, depuis les fleurons démesurés et tout en hauteur de la plaque-thaler de Sigismond Bathori, frappée en 1597 <M298), jusqu'au diadème las, perlé, orné de trilobés et de groupes de trois perles des duc as de Gabriel Bethlen, émis en 1620 (M 580).

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ESSAI SDR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 267

Bien que la couronne ouverte coexiste avec la couronne fer- mée dans le monnayage transylvanien , et quMI ne soit pas rare d'en trouver des exemples sous le même prince, il y a pourtant, en faveur de la pren)ière , une antériorité marquée. Elle finit par être à peu près complètement supplantée par la seconde, et c'est | resque à titre d'exception isolée que nous la voyons reparaître en <668 sur un ducal d'Apafi (M 1067).

La couronne fermée, dont Tusage paraît s'être généralisé dans les premières années du dix-septième siècle , présente aussi des variations considérables. Dans beaucoup de cas, elle re- produit le diadème ordinaire avec addition d'un demi-cercle supérieur ou de plusieurs demi-cercles correspondant à chaque fleuron. Mais d'autres fois elle se complique de deux lobes très saillants, sertis de perles et surmontés à leur point de rencontre d'un globule qui porte une croix. Si l'on cherchait à ces divers types des analogies élran;»ères, on songerait tout d'abord à la couronne des princes du Saint-Empire et » plus rarement, à la couronne royale d'Angleterre. La fantaisie des graveurs ne s'est pas moins donné carrière dans l'ornementa- tion du bandeau que dans le profil des fleurons : il y a des séries d'annelets rangés côte à côte (M 887) ou alternant avec des globules (M 1002), des torsades (M 998), des pierres car- rées et des pierrts rondes (1150), des globules inscrits dans un cercle et des croiseltes alternées (M 1111), des bandeaux unis les fleurons sont reinpiacés par de simples lobes arrondis (M 1000) ou triangulaires (M 1032).

Quant à la bombe de la couronne, elle est quelquefois lisse, quelquefois traitée au pointillé, et elle reçoit aussi une élégante décoration losange^ avec cabochons saillants (ihaler de Georges Râkôczi, 166, M 1000).

Au règne de Gabriel Bethlen appartient une série très par- ticulière et très riche de couronnes qui n'ofl'renl de ressem- blance avec celles d'aucun autre prince. Ces couronnes ne surmonteraient pas un écusson dont la croix patriarcale el les fasces de Hongrie Oîcupenl la moitié, qu'il serait aisé d'y re- connaître des interpi étalions variables, mais analogues dans leur ensemble, de la plus précieuse peut-être des reliques raa-

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268 MÉMOIRES.

^yares; on y retrouve, en efîel, et les plaques de métal dé- coupé, ornées de figures en relief, elle dôme fortement bombé, et les chalnelles pendantes, dont un vieux chroniqueur rap- porte qu'en bruissant aux oreilles du prince elles doivent lui rappeler incessamment la lourde charge dont il est investi; tous traits caractéristiques de la couronne légendaire qui fut offerte par le pape au premier roi chrétien de Hongrie, qui passa, plus tard, pour être tombée du ciel, et qui, au cours des orageuses destinées de la nationalité hongroise, a toujours été regardée comme le premier symbole de la puissance sou- veraine et de rindépendance nationale : enjeu de toutes les sanglantes parties jouées par les compétiteurs au trône, signe de ralliement dessiné sur les drapeaux des honveds et sur les assignats de Eossuth, emblème de réconciliation figuré, depuis l'élablissement du régime dualiste, sur les monnaies de l'em- pereur François-Joseph, roi de Hongrie. Le titre de roi élu, porté par Gabriel Bethlen, en 1620 et 1621, à la suite de ses heureuses campagnes, explique Tadoption de ce type, dont aucun des successeurs du héros n'a osé enrichir son écnsson.

Nous signalerons seulement à titre de singularilé acciden- telle une couronne excentrique décorant les armes de Georges Râkôczi sur un demi-thaler de 1654 ; c'est un exemple curieux de la dépravation que peuvent subir les types numismaliques. Le bandeau est devenu uno sorte de bourrelet; le fleuron mé- dian a conservé sa forme de fleur de lis, tandis que les deux fleurons latéraux se sont boursouflés en globules massifs, que le globe surmonté de la croix s'est métamorphosé en efflores- cence confuse et que les deux hémisphères de la coiffe se sont étirés et raidis de façon à rappeler vaguement le profil de deux tenailles rectangulaires (M 1001).

Supports. Les armes des princes de Transylvanie n'ont généralement pas de supports. Mais cette règle souffre deux exceptions. Les seuls types de supportsque l'on rencontre dans tout le n)onnayage transylvanien sont les detuc anges ou vic- toires et le dragon.

Les deux anges appartiennent en propre à la famille Bathori^

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ESSAI SOR LES MONNAIES DE TEÀNSYLVANIE. 269

et n'ont été empruntés par aucun autre prince. Ils sont figurés debout et vêtus de longues robes.

Ce type date de Christophe Bathori. On le rencontre sur la pièce de 10 ducats frappée en 1577 et sur les thalers de cam- pagne de 1580 et 1581. Il est constant sur les thalers de Si- gismond Bathori, mais il ne survit pas au règne de ce prince.

Type du dragon.

Dans les premières années du dix-septième siècle, les ar- moiries des princes transylvaniens se compliquent d'un élé- ment nouveau dont la fixité mérite d'appeler l'attention. C'est le dragon, employé comme ornement extérieur de l'écu.

Ce type fait sa première apparition, en 1605, sur le Ihalrr d'Etienne Bocskai, frappé à Nagybanya. Le corps du dragon forme un anneau, dans lequel est inscrit l'écusson personnel du prince. Celle disposition s'est perpétuée durant vingt-cinq an- nées (M 364-369), et n'a été abandonnée qu'après la fin du règne d'Élienne Bethlen. Il en existe un grand nombre d'exem- ples. Le dragon a constamment la tète tournée du côté gau- che; mais tantôt il se mord la queue, tantôt cette queue s'en- roule plusieurs fois autour du cou, formant une sorte de tor- ques d'un effet original.

Il y a, en outre, certaines variantes de détail.

Dans le type initial, qui est celui du thaler de 1605, repro- duit l'année suivante par les ducats et doubles ducats de Clau- senbourg (M 3i2-349), le dragon a le corps entièrement re- couvert d'écaillés imbriquées, arfondies, rangées en zoûes pa- rallèles Sa lête, aux oreilles baissées, à l'ail cave, au bec aquilin et proéminent, rappelle le type classique du griffon, et l'ensemble n'est pas sans analogie avec le dragon, enseigne des Daces, dont les bas- reliefs de la colonne trajane offrent plusieurs représentations. Seulement, le dragon transylvanien a, dès 1605, des rudiments de pattes qui prennent, dans la suite, un plus grand développement.

Dans le thaler d'essai de la même année (M 370), le Ira-

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270 HÊMOIBBS.

vail est fout différent Non seulement la queue esl nouée au- tour du cou, mais le corps, armé de griffes et bosselé de plu- sieurs renfleinenls, est recouvert, sur le dos, d'une seule série d'écaillés longues et pointues, tandis que le dt»ssous est gra- nulé avec assez de finesse.

Nous relevons le type du dragon, entourant les armes per- sonnelles du prince, sur des ducUs de Gabriel Balhori frappés à Clausenbourg el à Hermannstadt, de 1609 à 1613 (M 422- 4i8), Dans le thaler dii même prince, émis en 1609, le dra- gon circonscrit un groupe de trois écussons (M 449).

Sous Gabriel Bethlen, les ducats de Clausenbourg de 1614 |>ortent le dragon couronné (M 565-580), disposition repro- duite par ceux d'Hermannstadt.

Blctsons.

Trois sorles d'armoiries figurent sur les monnaies des prin- ces transylvaniens, dont elles occupent et souvent remplissent le revers.

Ce sont :

Les armoiries personnelles, appartenant en propre aux familles des princes régnants ;

2' Les armes régionales de la Transylvanie;

3o Des blasons composites où, pour mieux marquer l'union présumée élernelle-et pourtant bien éphémère, grâce à l'em- pereur ou au Grand Turc, des dynastes et du pays, les armoi- ries personnelles et régionales se trouvent combinées en un type héraldique nouveau, dont l'agencement parait inspiré par le caprice de l'artiste, et n'est ordonné d'après aucune règle précise.

Armoiries personnelles.

Dix familles hongroises qui ont porté la couronne de Tran- sylvanie ont empreint leurs armes sur les monnaies provin- ciales. Ce sont les Zapolya, les Bathori^ les Bocskai^ les Rà*

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ESSAI SDR LKS MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 271

kôczi, les Belhlen, les Rhedey, les Baresai, les Kemeny, les Apafi, les Tœkœli.

Tantôt ces armoiries comprennent simplement Temblème héraldique de la maison régnante, tantôt elles ajoutent, pour en rehausser l'éclat, des pièces rappelant des alliances illus- tres ou des dignités souveraines.

Le symbole héréditaire des Zapolya est un loup naissant d'une montagne à trois coupeaux; celui des Bathori, trois dents de dragon posées en fasce; celui des Bocskai, un lion portant une flèche; c.^lui des Râkôczi, un aigle tenant un sabre; celui des Belhlen, deux oies sauvages afl^ronlées, le cou traversé par une flèche; celui des Rhedey, un lion tenant une épée; celui des Baresai, un bras armé d'un sabre et traversé d'une flèche; celui des Kemeny^ un bouquetin issant d'une couronne; celui des Apafi un casque brochant sur un cep de vigne et une épée; celui des Tœkœli, un aigle à deux têtes.

On remarquera le caractère guerrier de la plupart de ces emblèmes, naturellement appropriés n l'existence aventureuse de princes presque toujours en campagne.

Nous allons passer en revue les particularités intéressantes qui se rattachent à la représentation de ces symboles ou à leur combinaison avec d'autres éléments non transylvaniens.

Ce sont les premiers princes, en général, qui ont fait gra- ver leur écu solitaire au revers de la monnaie. Comme partout, ils les ont d'abord produits simplement, en guise de signature ou d'hiéroglyphe du nom, sans les compliquer d'ornements conventionnels destinés à en rehausser l'éclat. Vers le milieu du seizième siècle, ces écussons .ont d'ordinaire la forme de cartouches échancrés.

Armes des Zapolya.

Un thaler de campagne de Jean de Zapolya, frappé au plus fort des guerres religieuses <Ie 1565, pièce épaisse, grossière- ment découpée, marquée sur une seule face et qu'on dirait em- preinte, pendant une courte halte militaire, sur quelque plaque

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272 MEMOIRES.

d^argent obtenue par réquisition et martelée à la bâte, porte une sorte de large à flancs écbanerés, pointe arrondie, cbef en ac- colade, où se détacbe, vigoureusement relevé sur le cbamp estampé en creux, un loup conlourné, naissant d'une monta- gne à trois coupeaux, accompagné en cbef d'un croissant et d'une étoile (M 100).

Sur ses ducats el ses deniers, Jean II unit ses armes per- sonnelles à d'autres blasons qui marquent ses prétendons et ses alliances les plus illustres.

Cette composition béraldique est combinée de trois manières .différentes. Dans le premier type, commun aux ducats de Na- gybanya, d'Hermannsladl et de Clausenbourg frappés en 1556 et 1557, l'écu est écarielé avec une contre-écartelure au pre- mier quartier Le loup des Zapolya occupe la première place de cetle conlre-écartelure, flgurent la croix palriarcale de Hongrie, les quatre fasces d'argent qui, d'après les vieux béraldistes, représentent les principaux fleuves de la plaine magyare, le Danube, la Drave, la Save et la Tbeiss, ainsi que la licorne, emblème indéterminé.

Au deuxième quartier, l'aigle de Pologne déploie ses ailes en mémoire de la mère du prince, Isabelle Zapolya, issue du sang royal des Jagellon.

Le troisième porte la guivre de Milan, à cause de la mère d'Isabelle, la belle et perfide Bonne Sforza (1), fille de Jean Ga- léas, et femme du roi Sigismond de Pologne; le quatrième, les trois tètes de léopard du royaume de Dalmatfe.

Dans le deuxième type, simplement écartelé, l'écu des Zapo- lya est brocbanl, avec les fasces au premier quartier, la croix patriarcale au second.

Dans le troisième type, qui est celui des deniers frappés à Nagybanya el dans un autre atelier monétaire, l'écu est écar-

(1) C'est le nom de cette astucieuse Italienne, dont les intrigues mirent la division au royaume de Pologne et attristèrent la yieillesse du roi , qui , interprété par lee contem- porains comme une cruelle antiphrase, inspira le célèbre distique :

Ut Porta par 8unt, iU luci lumine lucerU, Ut beUwn belkm, sic Bona bona ftiU,

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 273

télé aux premier et quatre des fasces, au ieux de la croix patriarcale, au trois des léopards dalmates avec le loup bro- chaut (M 43.<06).

Armes des Bocskai.

Une très belle pièce de 10 ducats, d'Élisabelh Bocskai, frap- pée en 1577, offre, dans un écu 1res simple, à contours ondu- lés, à peine accompagné latéralement de deux indications de volutes, un lion assis, d'un grand caractère, portant de la patte droite une longue flèche, la poinle en haut. Le travail presque assyrien des boucles de la crinière, Tamande de l'œil, les sept panaches flottants de la queue deux fois bifurquée et l'ensemble de l'attitude donnent au noble animal une physio- nomie archaïque pleine d'intérêt (M 152).

Le même lion des Bocskai, moins héroïque de tournure, mais pourtant d'un assez ferme dessin, apparaît, en 1605, sur les thalers du prince Etienne; deux fleurettes, indiquées par de simples groupes de globules, y décorent la base de la mon- tagne. Carré du chef, l'écu régulier, à poinle légèrement ar- rondie, s'y inscrit dans un cartouche symétrique découpé en lambrequins et qui se replient allernativement en dedans et en dehors, et autour duquel le dragon symbolique forme un ma- gnifique collier (M 367).

Sur ducat de même prince, frappé en 1606, le lion, dont le tour de tête rappelle exactement quelques types sculpturaux bien connus des cathédrales romanes, est inscrit direclement dans le cercle que trace le corps du dragon (M 346).

Armes des Bathori.

Les trois dents de dragon des Bathori font leur première ap- parition monétaire en 1577, sous Christophe Bathori, qui a battu monnaie en qualité de waïvode, tandis que son frère, le prince Etienne, occupait le trône de Pologne, l'avait appelé,

SÉBifi TOMJB lil, 2. 18

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874 MÉMOIRES.

au détriment de Fempereur Maximiliea, le parti national polo- nais, après la fuite d'Henri de Valois (1).

Dans les monnaies du waïvode, pièces 3e 10, de 5 et de '2 ducats, el Ihalers de campagne, l'écu est supporté par deux anges, vêtus de longues robes (M 134-135).

Quant au prince Élienne, il a gravé ses armes de famille, dans de très petites proportions, et sans su pports, à Ta vers des ducats de Nagybanya, cet emblème héraldique figure au- dessous de l'image de la Vierge, dans le champ même de la légende.

Sur ses thalers royaux, Etienne Bathori met ses armes en cœur d'un grand écu écartelé, l'aigle de Pologne et le che- valier armé de Lithuanie, deux fois répétés, symbolisent l'union définitive des deux pays, sanctionnée en 1569 par la diète de Lublin. Un article spécial de cet accord stipulait l'usage d'une monnaie unique en Lithuanie et en Pologne.

Les thalers de Sigismoud Bathori offrent un ensemble héral- dique plus solennel. L'écu, chargé de trois dents aiguës sortant de leurs alvéoles et rangées en fasce, l'une au-dessus de l'au- tre, est surmonté d'une couronne princière fermée, à double montint et coiffe bouffante et soutenu par deux vicloires ailées, dont la tournure, les draperies, les ornements excessifs, le des- sin à la fois raffiné et incorrect font songer aux monnaies du Bas-Empire (M 272).

Ce type aux deux supports ailés se retrouve déjà, du reste, en 1580, avec un caractère bien étrange, dans un thaler de campagne estampé en creux. Les deux figures ailées et cou- ronnées qui soutiennent, non pas l'écusson, mais un phylac- tère courbe inscrit de la date, au-dessus duquel se recourbe un double fleuron byzantin, ont des mamelles de femme et des têtes de léopard, et sont velues de longues robes flottantes sous

(^) Certains armoriaax appellent ces dents de dragon des dents de loup. Dans un recueil moderne, nous rencontrons, attribuées à la province de Transylvanie, les armoi- ries suivantes : « D'azur à trois défenses d'élépbant {aUà* de sanglier) rangées en fasce, d'argent, mouvantes d'un nuage du même à senestre. » Nous ignorons la provenance de cette indication, qui nous parait une lecture inexacte du blason des Bathori. (J. 'l'Es^ha- vannes. Armorid universel^ p. 409.)

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ESSAI SOR LES MONNAIES DE TEANSTLVANIB. 275

les plis desquelles on croit voir s'entrelacer des corps de gui- vres (M 149).

Sur les ducats, le champ est moins vaste, l'écu aux trois dents n'est pas accompagné de ces majestueux supports, ou bien il s'inscrit dans le cercle du dragon, surmonté d'une cou- ronne à trois feuilles d'ache alternées de perles, assez analo- gue à nos couronnes de marquis (Clausenbourg, 1611, M 431), ou bien il s'enlève sur le poitrail d'un aigle aux ailes éten- dues (Nagybanya, 1 61 3, M 441 ) .

Dans les gros d'argent, dont le type traditionnel comporte au revers une longue légende, l'écu des Bathori s'insère dis- crètement entre le nom de lieu et la date, mais il ne se sépare pas de la couronne, qu'indique une légère ligne dentée (M 493).

Des artifices de gravure assez délicats ont été adoptés par les arlistes, afin de relever, au moins par un certain chatoiement de lumière, un type héraldique aussi ingrat. Ainsi, dans le thaler de campagne cité plus haut, les dents s'enlèvent en lisse sur un champ finement grené, et les alvéoles sur un fond de stries ondées à direction verticale, indiquant la boite du pa- lais (M 1 59), tandis que sur le thaler à effigie (M 272) un tra- vail degrèneiis très fin a été réservé aux alvéoles, le fort relief des dents suffisant à les faire valoir.

Armes des Bethlen.

Avec les Bethlen apparaît le type des deux oies sauvages affrontées réunies par une flèche horizontale qui leur perce le cou. Cetécu est direclemenl inscrit, comme celui des Bathori, dans le cercle du dragon, sur un ducat frappé à Clausen- bourg, en 1618; seulement, la couronne à trois feuilles d'ache, au lieu de poser sur le blason, surmonte la tête du monstre (M 573).

Armes des Rakoczi.

Les trois éléments du blason des Ràkôczi, l'aigle armé d'un s%bre, la demi-roue et la montagne à trois ou à plusieurs cou-

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S76 * MÉMOIBBS.

peaux ne se rencontrent jamais groupés isolément. Mais il y a un joli ducal de 1657 (M 908), l'aigle seul est figuré, avec son glaive dans la serre droite, Tautre posée sur une fasce, sont rangés en une seule ligne les sept châteaux de Transylvanie. Dans plusieurs types de thalers, Fécu des Rakoczi est figuré brochant en chef sur le blason transyl- vanien avec ou sans ligne de partition médiane. 11 arrive aussi que les pièces du blason personnel et du blason provin- cial soient enchevêtrées sans aucun souci des habitudes héral- diques (M 887). La seule donnée conslante de cette dispo- sition, c'est que le soleil et le demi-aigle sont toujours placés à gauche, la lune et les sept châteaux à droite.

Armes des Apafi.

Le paisible Apafi, qui devait sa fortune au voisinage tout fortuit du campement turc au moment de la vacance du trône, et qui disait et pensait beaucoup de mal de la grandeur, n'a jamais séparé ses armes personnelles de celles de la Province. Il place toujours son écu en cœur d'une composition héraldi- que assez variable, sont diversement groupés les éléments du blason transylvanien.

Le type le plus distinct des armes d'Apafi se rencontre sur la pièce de cent ducats. Le cep de vigne qui porte le casque, naît d'une branche transversale en forme de bâton péri et se bifurque au-dessus du cimier en deux rameaux retombants, chargés de pampres, de vrilles et de raisins. Le casque, dont la visière est relevée, comme celle des légionnaires de la co- lonne trajane, est orné de volutes sur la bombe et se termine par un long couvre-nuque décoré de feuillages. L'épée a la garde en croix. Quant aux éléments transylvaniens, ils sont distribués en quatre quartiers que séparent des lambrequins capricieusement agencés : au 1" le soleil; au 2* la lune; au 3* l'aigle, qui n'est plus issant comme à l'ordinaire, mais qui marche dans un nid; au 4* les sept châteaux, en tours de Castiile, rangés 1 , 3, 2 et 1 .

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ESSAI SUB LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 277

Armoiries de la province de Transylvanie.

L'emblème héraldique de la Transylvanie est fort compli- qué, ce qui n'a rien d'étonnant pour un pays se trouvent Juxtaposées, depuis des siècles, tant de races, de religions et de langues, et il n'est pas de ville importante qui ne soit gra- tifiée de trois ou quatre noms différents, l'un latin, l'autre hongrois, l'antre allemand, l'autre valaque, sans parler des désignations particulières aux Arméniens et aux Juifs. Ce bla- son se compose de trois éléments dont la disposition parait avoir beaucoup varié , avant d'en venir à l'ordonnance offi- cielle de date assez récente, dont l'apparition coïncide avec le triomphe du centralisme autrichien.

Ces éléments sont :

i" Le soleil et le croissant lunaire, qui ne figurent pas tou- jours dans les anciens types, mais qui n'y figurent jamais l'un sans l'autre, ce qui en démontre suffisamment le symbo- lisme collectif ;

2' Un aigle naissant, aux ailes déployées;

30 Un groupe de sept tours crénelées.

Ce dernier élément est le plus intelligible de tous. Il coïn- cidé SI parfaitement avec le nom allemand de la Transylvanie, Siebenbûrgen, les < sept châteaux -forts », qu'il est inutile d'y chercher autre chose que la traduction graphique de cette appellation. Comme ce nom est exclusivement d'origine alle- mande, tandis que le nom hongrois, Erdely Orszag^ est comme une traduction du latin Transylvania, et rappelle seulement la nature forestière du pays, il faut en conclure que le type des sept tours est postérieur à l'établissement de l'influence germanique et en procède.

L'interprétation des autres éléments est moins claire. Il est difficile de ne pas songer aux Turcs en voyant le soleil et la lune réunis. Est-ce en mémoire de leur domination temporaire ou des explBits accomplis contre eux que la Transylvanie a conservé cet emblème? Nous ne nous chargeons pas d'en dé-

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(;

278 MÉMOIRES.

cider pas plus que d'expliquer à quelle date et d'après quelle pensée Paigle monocépbale a pris place dans le blason tran- sylvanien.

Quoi qu'il en soit, nous trouvons un joli groupement des divers éléments dans un demi-kreutzer de l'empereur Jo- seph l*% frappé à destination spéciale de la Transylvanie.

11 y a trois écussons inscrits dans des cartouches cordifor- mes et disposés en trèfle : celui d'en haut porte l'aigle, celui de gauche le soleil et le croissant, celui de droite les sept tours rangées deux, trois et deux. La place d'honneur assi- gnée à l'aigle semblerait indiqner que le graveur impérial adoptait la thèse d'après laquelle cet oiseau désignerait la nation hongroise (M 1258)

Le type solaire n'est pas uniforme. Sous Jean II , c'est une simple étoile à six rais (M 67) ; sous Geçrges Ràkôczi, un disque armé de huit pointes (M 1001); sous Etienne Bocskai, un globe radié (M 373) ; sous Michel Âpafi, une face humaine entourée de rayons flamboyants en assez grand nombre (M 1046), ou seulement de quatre ou cinq flammes qui se dé- tachent sur une large auréole de rayons rectilignes (M 1000). 11 y a même quelques types, sous ce dernier prince, l'au- réole, très enjolivée, tourne au feu d'artifice ; c'est un véri- table soleil tournant, avec pluie d'étincelles (M 1111).

Le croissant lunaire est passé par des métamorphoses de même genre. Très simple à l'origine et nettement découpé sur fond lisse, il s'est compliqué d'un profil humain, sous Bocskai (M 373), sous Kemeny (M 1032), puis d'une auréole de rayons analogue à celle qui accompagne le disque solaire (M 1000).

On peut remarquer que, dans tous les types antérieurs à Marie-Thérèse, c'est la partie concave du croisssanl qui est opposée au soleil , contrairement à la réalité, disposition qui se rencontre encore aujourd'hui sur les enseignes turques, mais que le rationnalisme scientifique de notre temps a corri- gée; il y a des exemples de croissant horizontal, les cornes en haut, d'autres de croissant versé, c'est-à-dire horizontal, les cornes en bas. Ceux-ci appartiennent à l'époque impériale.

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ESSAI SUR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 279

Les monnaies de Marie-Thérèse n'admellent pas d'autre type.

L'aigle ^arde invariablement une silhouette germanique; dans la disposition la plus ordinaire, il a les ailes ouvertes et très étalées; mais il y a des exemples d'ailes fermées (Ihaler de nécessité de Schaessbourg, 1660, M 1025).

Les châteaux, inspirés sans aucun doute du type castillan, que l'active circulation de l'or espagnol avait rendu familier en Transylvanie, sont représentés sous la forme d'une tour évasée par la base, surmontée de trois créneaux et ajouré d'une porte cintrée et d'une fenêtre médiane ou de deux meurtrières.

Bien peu de princes transylvaniens ont fait au pays qu'ils gouvernaient l'honneur de placer ses armoiries, sans addition personnelle, au revers de leurs monnaies. C'est une abnéga- tion qu'il parait inutile de demander aux Bathori, aux Bocskai, aux Kemeny, aux Ràkôczi.

Nous citerons des gros d'argent de Gabriel Bethlen. Dans l'un, frappé en 1617 (M 583), l'écu de la principauté offre une disposition particulière : il est coupé au 1", chargé de l'aigle naissant ; au 2% des sept tours rangées quatre et trois, avec un chef portant le soleil el la lune. Dans l'autre, frappé en 1625 (M 834), l'écu ovale, inscrit dans un cartouche, est coupé de deux, avec l'aigle et les sept tours, mais sans au- cune trace d'étoile ni de croissant.

11 n'y a non plus nul vestige des deux astres dans l'écu cir- culaire d'une pièce d'argent de Alichel Apafi, frappée en 1672. Cet écu est coupé de deux, mais très inégalement; l'aigle y occupe à peu près les trois quarts du champ, tandis que les sept tours s'y alignent de fasce, en une seule rangée, au-des- sous de laquelle sont inscrites les initiales de l'atelier moné- taire N E (Nagy-Enyed) (M 1185).

Blasons composites.

On peut relever, dans le monnayage transylvanien, deux systèmes de combinaison des armes de la Province avec d'au- tres emblèmes héraldiques.

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280 MÉMOIRES.

Le premier système, le plus simple, associe uniquement les pièces du blason provincial aux armes pures de la famille ré- gnante. Ce système, que nous rencontrons chez Georges Râkôczi I", chez Jean Kémény, chez Apafi, comporte, d'ail- leurs, plusieurs disposilions : ou bien les pièces provinciales et personnelles sont groupées en un blason unique, ou bien, au contraire, les éléments du blason transylvanien se dédoublent de façon à constituer deux écussons, entre lesquels prend place l'emblème du prince.

Il arrive aussi que, dans l'écusson combiné, les pièces du blason transylvanien ne soient pas inlégralement reproduites et que le dessinateur n'en ait conservé qu'une ou deux. Ainsi, dans le thaler de campagne de Jean 11^ il n'a été retenu que les astres ;

Dans un ducat de Georges Râkôczi, on ne trouve que les sept châteaux ;

Dans un ducat de Gabriel Bathori, on ne voit que l'aigle, qui, au lieu de figurer à litre d'écartelure, sert de support à l'écu princier, comme l'aigle d'empire aux armes de la maison d'Autriche.

Dans le second système, la combinaison est tripartie. On y reconnaît à la fois et. les armes provinciales et les armes per- sonnelles du prince et celles des royaumes ou grands fiefs dont le prince entend affirmer la possession.

Comme plusieurs princes transylvaniens ont été des pré- tendants plus ou moins heureux à la couronne de Hongrie, le double blason magyare est celui qui figure le plus fréquem- ment dans ces combinaisons.

C'est sous Gabriel Bethlen , le héros de la guerre de l'indé- pendance, plus connu dans l'Europe occidentale sous le nom de Bethlen Gabor, que commence la combinaison des armoi- ries princières avec les armes régionales. Dans ses thalers, qui varient entre eux par des détails d'ornementation ou de forme, mais dont Pordonnance générale demeure constante, Gabriel fait brocher son écu, inscrit dans le cercle du dragon, sur l'écartelure d'un écu à quatre quartiers sont rapprochés, d'une part, <i dexlre, la croix patriarcale et primatiale de

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ESSAI SDR LES MONNAIES DE TRANSYLVANIE. 281

Sainl-Élienne et les quatre fasces d'argent de Hongrie; de l'autre, à senestre, l'aigle et l'étoile, les sept tours et le crois- sant de Transylvanie (M 594. - M 758).

Nous avons rappelé plus haut que, d'après les anciens hé- raldistes, les quatre fasces d'argent du blason magyare repré- sentaient les quatre principaux fleuves qui arrosent et fertilisent l'immense plaine hongroise, le Danube^ la Drave, la Save et la Theiss (1). Pour compenser la monotonie et la pauvreté dé- corative de ce blason géométrique^ le graveur a quelquefois agrémenté les fasces en relief d'un ornemenl courant orné de rinceaux et les a, en oulre, accompagnées de filets très déliés (M 659).

C'est, pour ainsi dire, une interprétation graphique complète du titre princier, la croix patriarcale et les fasces indiquant les prétentions à la souveraineté partielle de Hongrie, expri- mée par ces mots de la légende : PARTIVM REGNI HVN- GARIE DOMINVS.

Dans le thaler de 1629 apparaissent d'autres éléments. Les oies sauvages et le dragon sont toujours en cœur et brochant, l'écu toujours écartelé, mais les armes du royaume de Hongrie ont disparu des deux quartiers de dexlre pour faire place à deux nouveaux emblèmes : un aigle contourné, posé sur un roc, becquetant une coupe qu'il tient d'une de ses serres, et un autre aigle aux ailes étendues. Ce sont les blasons des du- chés silésiens d'OppeIn et de Ratibor, dont le prince est devenu seigneur en vertu d'une transaction avec l'Empire.

Avec Georges Râkôczi disparaissent tous les éléments étran- gers au prince et au pjays. L'écu de sa maison porte un aigle couronné, armé d'une badelaire et une demi -roue à cinq rayons. Dans le thaler de 1649, ces pièces se combinent, sans

(1) « Taenia isUe transvers»... regnum HuDgaris désignant, cajns quatuor primaria flumina, Danubium scilicet. Drsvum, Savutn et Tibiscum, argenleis bisce in miniato campo ductibus notari... observaTimus. » {Séries regum Hmgariœ e nummis aureU quos vulgo ducalos appeUarU collecta et descripta... A Jacobo a Mellen, Lubecensi. Lnbec», 1 699, p. 7.)

Sur des deniers de Gabriel Bethlen, frappés à Hermanostadt , en 1612 et 4 64 4, les sept tours se rangent en bordure autour de l'écusson de la ville, comme les châteaux des armes de Portugal (M 5 H -58 2).

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282 MÉMOIRES.

partition, et d'une façon assez bizarre, avec celles du blason transylvanien. L'étoile et le croissant sont en chef à dextre, Taigle naissant en chef à senestre, l'aigle armé en pointe à dextre, les sept tours en pointe à senestre, les trois-quarts de roue en cœur (M 913).

Dans le Ihaler de 1656, l'écu est parti de deux, avec l'aigle naissant et l'étoile à dextre, les sept tours et le croissant à se- nestre, les armes de Ràkôczi brochant. I^es tours s'y rangent d'une façon mal ordonnée, en s'accommodant aux contours ca- pricieux du champ (M 966).

Jean Kemeny dispose trois targes adossées, inscrites dans un cercle de grènetis. Il met au milieu ses propres armes, un cerf naissant d'une couronne à trois fleurons, à gauche le so- leil et l'aigle, à droite le croissant et les tours (Ducat hexa- gone).

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NOTE SUR LES TRAVAUX DE l'ÉGLISE SAINT-SATURNIN. 283

NOTE

SUR LES TRAVAUX DE RESTAURATION

RBOBMMBNT BXÉOUTâS

A L'ÉGLISE SAINT-SATURNIN, A TOULOUSE

Par m. J. ESQUIÉ a)

L'église Saînt-Saturnin, vulgairement désignée, à Toulouse, sous le oom d'église Saint-Sornin, est incontestablement la basilique romane la plus grande et la plus complète que pos- sède le midi de la France.

Intimement lié à l'histoire de notre cité, cet édifice justement célèbre reçut à diverses époques la visite de Papes et de Sou- verains qui le comblèrent de présents et de privilèges. Ses cryptes , dans lesquelles se trouvaient réunies une quantité considérable de reliques de saints, d'évêques et d'apôtrës, atti- raient jadis de toutes parts de nombreux pèlerins (2).

Gravement altérée par des réparations faites sans discerne- ment ou par des constructions de toute nature exécutées à diverses époques, l'église Saint-Sernin, tout en conservant son magnifique ensemble et ses belles proportions, arvait ce-

(4) Lue dans la séance publique du 88 juillet 4881 .

(2) Voici ce qu'on trouTe dans les Mémoire* de Vhistoire du Languedoc, par Gatel, p. 263 : « ... Nous lisons dans la yie de sainct Arnulphe, Euesque de Tours, qui Tiuoit «*du temps du Roy Clouis, premier Roy cbrestien, comme le dit Euesque Tint de Tours « en pèlerinage rendre ses tobux au sepulchre de sainct Semin... »

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284 MÊMoiacs.

pendanl perdu son caractère primitif. Ses corniches saillantes avaient été mutilées, la plupart des colonnes dont elle était décorée n'existaient plus, et une grande partie des détails de son ornementation architecturale disparaissaient à peu près complètement sous d'épaisses couches de crépis et de badi-' geons.

Ces dégradations successives finirent par attirer l'attention de l'administration des monuments historiques et du Conseil mu- nicipal qui, après s'être concertés pour entreprendre à frais communs la restauration de cet édifice, confièrent l'exécution de ce projet à l'éminent architecte M. Viollet-Leduc, c'est-à-dire à l'artiste de notre époque le plus compétent en pareille ma- tière et, par conséquent, le plus capable de mener cette res- tauration à bonne fin.

Mais, avant d'entrer dans le détail des travaux exécutés jus- qu'à ce jour, et qui ont eu pour objet la restauration extérieure de l'abside, du transept et de la nef, ainsi que des faces inté- rieures du tour du chœur et des chapelles de l'église Saint- Sernin, il nous parait indispensable de résumer, aussi succinc- tement que possible, certains faits historiques qu'il est néces- saire de connaître* afin de pouvoir apprécier, aussi exactement que possible, les époques probables auxquelles appartiennent les diverses parties de cet édifice et les fragments remarquables incrustés dans ses murs.

Celte Note est donc divisée en deux parties comprenant, sa- voir :

La Première, le résumé historique des faits principaux se rattachant à l'établissement de l'église Saint-Sernin ;

La Seconde, les travaux exécutés depuis un demi-siècle, envi- ron, pour l'isolement et la restauration de cet édifice.

PREMIÈRE PARTIE

RÉSUMÉ HISTORIQUE

D'après la tradition, c'est vers le milieu du troisième siècle que saint Saturnin vint prêcher la religion chrétienne à Tou-

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NOTE SUR LES TRAVAUX DK l' ÉGLISE SAINT-SATURNIN. 285

lousc. En peu de temps, il fit un assez grand nombre de pro- sélytes, devint leur évèque après avoir été leur apôtre, et fina- lement mourut martyr.

On trouve écrit dans le Martyrologe ou Vie des Saints y par Surius (tome 6**), que saint Hilaire, évèque de Toulouse, fit fossoyer^ au commencement du quatrième siècle , le lieu le corps de saint Saturnin avait été caché plutôt qu'enseveli par deux dévoles femmes, et qu'il fit ériger sur cet emplacement, s'était arrêté le taureau qui avait trainé le corps de saint Saturnin, une petite chapelle afin que les chrétiens y pussent faire leurs oraisons (i).

Mais un grand nombre de fidèles ayant voulu être enterrés près du sépulcre du saint martyr, saint Sylve, évèque de Tou- louse, fit commencer, vers la fin du quatrième siècle, la cons- truction d'une grande et belle église pour y transporter les restes de saint Saturnin et les offrir à la vénération des fidèles. Saint Sylve étant mort peu de temps après, c'est son succes- seur, saint Exupère, qui termina l'édifice (2) dans lequel, avec l'autorisation des empereurs, il fit transférer en grande pompe les reliques du saint martyr.

Dans un manuscrit fort ancien que possédait Catel il est dit, au contraire, suivant cet historien, que, d'après Grégoire de Tours, c'est saint Hilaire qui commença de bâtir l'église Saint-Saturnin et que saint Exupère l'acheva. Quoi qu'il ensuit de celte première église, dont on no retrouve aucune trace certaine, mais qui avait été à coup sur bâtie hors des murs d enceinte de la ville, il est permis de supposer qu'elle occu- pait le même emplacement que la basilique actuelle et que, par suite de sa situation loin des remparts de la cité, elle dut

(4) C'est cette chapelle qai aurait été remplacée plus tard, dit-on, par Féglise du Taur.

(2) On lit dans ÏHUtoire des comtes de Tolose, par Catel, p. 4 79 : « L'Eglise donc de « Sainct-Sernin de Tolose a esté coromancée de baslir par Siluius Euesque, et acbeuée « par saincl Exupère, et depuis dcsmolie du temps de Pierre Roger Euesque de Tolose, « et reediffiée tant par le dit Pierre Roger, et Sainct Rairoond Chanoine de Sainct-Sernin, « que par les biens-faicls de Guillaume Comte do Poictiers cl de Tolose. et consacrée par « le Pape Vrbain ; et depuis encore y fut consacré par Calixte Second rAulot do Sair.ct « Augustin. »

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886 MÈMOIIES.

subir de nombreuses dégradations de la part des Vandales, des Visigoths et autres barbares qui , pendant les siècles suivants, envahirent le midi de la Gaule et vinrent jusque sous les murs de Toulouse.

Il est présumable, en outre, qu'à cette église terminée au cinquième siècle on adjoignit un monastère, mais les divers do- cuments historiques n en parlent que beaucoup plus tard , tout en faisant remarquer néanmoins que ce monastère existait déjà depuis plusieurs siècles. Ces deux ^édifices ont complètement disparu sans laisser le moindre fragment qui puisse nous éclairer sur leur forme primitive ou leur architecture. En re- vanche, il est juste de constater que dans les nombreuses fouilles qui ont été pratiquées à diverses époques autour de réglise Saint-Saturnin, on a découvert un assez grand nom- bre de sculptures ayant probablement fait partie de l'édifice primitif, ainsi que des inscriptions et des tombeaux ornés du monogramme du Christ et appartenant au quatrième ou au cin- quième siècle.

11 est hors de doute que l'église primitive et le monastère de Saint-Saiurnin étaient. bâtis au cinquième et au sixième siècle, puisque Grégoire de Tours, qui vivait longtemps avant Charle- magne, en fait mention au chapitre XII du livre VI de son his- toire, où il écrit : qu'après avoir été chassée par le duc Didier c du commandement du roi Chilpéric P**» la femme du duc Regnoald de Périgueux se réfugia, pour être plus en sûreté, dans l'église Saint-Saturnin. D'où la conclusion que cet édi- fice existait du temps du roi Chilpéric et, par conséquent, deux cents ans avant Charlemagne (1).

On ignore complètement par qui a été démolie cette pre- mière église. Les auteurs de la Gallia Christiana pensent qu'elle fut détruite en 721, lors du siège de Toulouse par les Sarra- sins. C'est une hypothèse que rien ne justifie. Néanmoins, d'après les nombreux fragments de sculpture ou d'architecture placés dans l'édifice actuel et se rapportant à la période Carlo- vingienne (2), il est probable que, vers le commencement du

(1) Voir VHittcin des comtes de Tolote, par Catel, p. 468.

(2) On a placé daoâ le collatéral de l'abside, derrière le mattre-autel, les bas reliefs

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NOTE sua LES TBAVADX DB l'ÉGLISB SAINT -SATURNIN. 287

neuvième siècle, l'église primitive, gravement détériorée, dut être réparée ou reconstruite par les soins de Charlemagne ou de son fils, Louis le Débonnaire, qui régna sur l'Aquitaine; et c'est ce qui explique la tradition erronée qui attribue à Char- lemagne la fondation de l'abbaye et de l'église Saint-Satur- nin. Ce qui est certain, c'est que le monastère existait en 843 , puisque Charles le Chauve y habita lorsqu'il vint assiéger Tou- louse, et qu'on a de lui plusieurs Chartes datées de cet édifice.

L'empereur Charlemagne ayant fait hommage à l'église Saint-Saturnin d'une grande quantité de reliques précieuses^ il est également présumable qu'on fit alors agrandir les cryptes pour les recevoir et les placer à côté des corps des évoques, des martyrs, des apôtres et des confesseurs de la foi qu'on avait renfermés dans des tombeaux de pierre ou de marbre autour de celui de saint Saturnin. L'hypothèse de l'agrandis- sement des cryptes à cette époque parait justifiée par l'établis- sement, en dehors de l'église actuelle, d'une partie de ces cha- pelles souterraines qu'on voit encore (<), et par les chapiteaux ou autres ornements de forme romane dont elles étaient dé- corées.

Il est impossible de préciser exactement à quelle époque a été dgtruite l'église carlovingien ne; il est cependant à peu près certain, d'après les anciens titres, que c'est vers le milieu du

ci-après, protenant d'un édifice éTidemment antérieur à Tégiise actuelle, et représentant :

Le Christ assis et entouré des signes caractéristiques des quatre Évangélistes;

Un chérubin tenant d*une main nne croix emmanchée, et de l'autre un rouleau déployé, sur lequel on lit : « et clamant SS. SS. SS. »;

Un séraphin presque semblable au chérubin ci-dessus;

Deux figures, séparées, d'anges, tus de profil et tenant chacun une croix ;

Deux figures séparées, yètues à la romaine, portant : Tune mi litre outert, et l'antre un livre fermé.

On trouve encore à la porte dite de MiigenUe deux figures séparées représentant : l'une saint Jacques, et Tautre saint Pierre, et ayant probablement fait partie du calendrier reli- gieux existant dans l'Église primitive.

Il est à présumer que ces divers bas-reliefs, ainsi que les colonnettes de la galerie supérieure du clocher, ont appartenu à l'église carlovingienne.

(1) Si la partie des cryptes romanes qui existe actuellement avait été construite en même temps que l'église du douzième siècle, on l'aurait incontestablement renfermée dans les limites circonscrites par les murs de cet édifice, tandis qu'une partie de ces cryptes se trouve sous les jardins environnants. Elle est donc antérieure a l'^se actuelle.

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288 MÈMOiaEs.

onzième siècle que les gens du pays s'insurgèrent contre les religieux et démolirent cette église. On sait, en outre, que I evèque de Toulouse, Pierre Roger, donna, dès Tan <056, une partie du produit de ses oblations pour la reconstruction de la basilique Saint-Saturnin, et que le chanoine Raimond qui mourut en l'an 1080, coopéra puissamment à l'édification de l'ensemble du bâtiment jusques à la hauteur des fenêtres (1).

Lors de la consécration de l'église Saint-Saturnin en 1096 |)ar le pape Urbain II, l'abside seule était entièrement bâtie et le reste de l'édifice ne dépassait pas la hauteur des collaté- raux. Cette consécration eut lieu en présence de dix-sept ar- chevêques ou évèques, de Raimond de Saint-Gilles, comte de Toulouse, et d'une foule considérable de seigneurs ou autres personnages importants (2).

En 1098, Guillaume, comte de Poitiers, et sa femme Philippia étant à Toulouse, firent don, d'après Catel, « de grands biens c et de notable valeur à I église Saint-Sernin de Tolose, pour la faire rebastir, parce qu'elle auoit esté destruite et des- c molie par ceux du pais »

Grâce aux diverses donations qui furent faites (3), les tra- vaux de construction durent continuer, et le 16 juillet 1119, le pape Calixte II, étant venu à Toulouse pour tenir un C()ncile, consacra dans ladite église un autel à l'honneur de Dieu et mémoire de saint Augustin. >

Commencée vers le milieu du onzième siècle, il est présu- mable que l'église actuelle fut à peu près terminée dans le cou- rant du douzième (4). Il est juste cependant de faire remarquer

(4) Saiot Rairoood, chanoine de Sainl-Sernin, d*après sa légende, consenrée an collège Saint-Raifflond , fit bàtir bientôt après, sinon en même temps que TéTèqne Pierre Roger, réglise Saiot-Satarnin. (Voir V Histoire des comtes de Tolosej par Catel, p. 477.)

(2) Voir VHistoire des comtes de Tolose, par Catel, pp. 435 et 4 78.

(3) <c Le même Alphonse comte de Toulouse, par une donation, donne et remet à « relise de S^-Semin les biens que son père (Raimond de S^Gilles) avoit donnés à la <c dite église, lors de la consécration d'icelle, et que son frère Bertrand tyrannicè et t>îo- « lentia abslulU... » (Voir VHistoire des comtes de Tolose, par Catel, p. 4 49)

(4) Dans VHistoire des comtes de Tolose, par Catel, p. <79, on lit ce qui suit : « U tt reste enccrcs de sçauoir s'il est vray, ce que Ton dit, et qu'on pour tout asseuré, qu'elle <( (l'église Saint-Sernin) a esté bastie svr tu lac, et fondée svr vn pilotis. U me souuieat « que durant mon ieune &g6, il y auoit vue porte à to coing du cloistre par laquelle on

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NOTE SDR LES TRAVAUX DE L* ÉGLISE SAINT- SATURNIN. 289

que toute la partie supérieure de la nef comprise entre la fa- çade principale (ouest) et la quatrième travée à partir du tran- sept n*a pas être construite pendant cette période, ou bien que, pour une cause quelconque, elle a être refaite à diver- ses époques, puisqu'on y trouve des arcs, des chapiteaux, des moulures et des ornements appartenant à l'architecture ogi- vale ou à la Renaissance, et qu'on y voit même des chapiteaux qui sont simplement épannelés. Il est facile de constater^ en outre, qu'un certain nombre de fenêtres (cinq au nord et trois au sud) qui éclairent latéralement cette partie supérieure, sont dépourvues à l'extérieur des colonnettes et des archivoltes en pierre qui décorent les autres ouvertures pratiquées à la même hauteur.

En reconstruisant, aux onzième et douzième siècles, l'église Saint-Saturnin que nous voyons aujourd'hui, on ne se borna pas seulement à placer, dans le collatéral de l'abside et aux portes du transept sud ou faisant face à la rue du Taur, les fragments provenant des anciennes basiliques, mais on établit encore, entre les portes d'entrée dudit transept et le contre-fort ouest à la suite, une petite chapelle destinée à recevoir les tombeaux des anciens Comtes de Toulouse, dont quelques-uns étaient morts avant l'édification de l'église actuelle (1).

<( disoit qre Ton desceodoit, et que par on pouuoit voir le lac... Toutesfois il faut « aduouer qu'il n'y a aucune marque pour (esmoigner qu'elle soit fondée svr tu lac ; et « si est elle assez loing de la riuiere, n'y ayant apparance que celle de Garonne, soit « iamais passée si près de la dicte Eglise. Car quant à ce qu'on dit, qu'on voyoit encores (c l'eau par la porte qui estoit dans le cloistre de Sainct Sernin, ie ni^en suis enquis, il (c y a plus de vingt ans, auec les plus anciens chanoines de la dicte Eglise, qui m'ont dit, K que par ceste porte, on ne trouuoit qu'vn puis ; qui auoit esté autres fois basty, pour « la commodité des massons qui bastissoient TEglise;...

a Que si l'Eglise estoit bastie sur vn lac, on en remarqueroit encores quelque chose « dans les chappelles qui sont sous terre, gi«ent les corps saincts, ou dans le cloistre c de l'Eglise, il y a plusieurs sépultures, ou dans le cimetière : et toutes fois en tous « ces endroits, on ne remarque rien qui tesmoigne que l'Eglise soit bastie sur vn Idc. Ce « que l'acte de la fondation, ou commancement du bastiment, fait par Siluius de l'Eglise <c de Sainct Sernin n'eut pas oublié do mettre... »

(1) Suivant les bénédictins Dom Devic et Dom Vaissete, le tombeau placé sur des colon- nettes, au fond de la chapelle, en face du spectateur, est celui de Guillaume TaiUefer, comte de Toulouse, mort vers la fin de l'année 4 037 ; celui qui est placé à droite renfer- mait les restes de Raimond Bertrand, petit-fils du précédent, déjà mort en 1 4 50 ; le troi- SÉBIB TOM« m, 2. 19

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290 MÉMOIRES.

Cette petite chapelle (<) était décorée à Tintérieur de peintu- res murales qui ont depuis longtemps disparu (2), et il est juste de constater, en outre, que les deux tombeaux, entre autres, dans lesquels on a placé les corps de Guillaume Taillefer et de son fils Pons, sont incontestablement plus anciens que la dy- nastie des comtes de Toulouse. Ce sont évidemment des monu- ments sépulcraux qui remontent aux premiers siècles du chris- tianisme et rappellent les derniers temps du bas-empire (3). A gauche de l'ouverture de la chapelle et à une certaine hau- teur on trouve l'inscription suivante : Hic requiescit Willelmus Tolosœ œmes nomine Taillefer atque Raimundus Bertrandi.

Lor^qu'on examine de près le plan de l'église Saint- Ser- nin (voir le plan général ci-joint), on reconnaît immédiatement que son auteur avait projeté deux clochers sur la façade prin- cipale, et que dans sa pensée il ne devait y avoir qu'une petite coupole à l'intersection du transept avec la nef. Mais la cons- truction de ces deux clochers ayant été ajournée, par des mo- tifs que nous ignorons, on voulut probablement combler cette lacune en établissant, au treizième siècle, au-dessus de la tour qui couronnait ladite coupole, un clocher octogone à deux étages avec des ouvertures géminées en forme de mitre et sur- monté d'une flèche pyramidale assez élevée. La galerie, avec arcatures à jour qu'on établit à la base de cette flèche, était

sième, à gaache, reçut les restes de Pons, comte de Tooloase, fils de Gaiilaaoïe TaiUefer, décédé en 4061 ; enfin, le petit tombeau placé au-dessous de celui de Guillaume Taillefer renfermait les ossements de Pons et de son frère, fib de Guillaume, morts ayant l'année 4093. (Voir HUtoire générale de Languedoc, t. III, pp. U4 et suiv.; Dumège, addi- tions du même ouvrago, p. 29.)

(1 ) Les capitouls avaient fait restaurer et fermer cette chapelle par un mur eu 4 648 et 4774.

(2) Ces peintures représentaient : en face l'entrée, la Vierge, avec saint Jacques à droite et saint Saturnin à gauche. Suivant Catel, au-dessous de ces deux saints il y avait deux comtes à genoux, en coUes, avec l*écuuon de la croix pommeitie. Sur les autres faces on voyait des figures de saints.

(3) La face du tombeau de Guillaume Taillefer, gravement mutilée, est ornée d'un bas-relief représentant neuf personnages vêtus à la romaine et tenant on rouleau ou volumen. Les faces latérales, parfaitement conservées, sont décorées d'un temple avec une croix dans le fronton, de figures, médaillons, etc., etc. Le couvercle, en partie brbé, est divisé en trois compartiments par des pilastres cannelés encadrant des génies ailés, dee figures vêtues à la romaine, des vases, des corbeilles, etc., etc.

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NOTE SUR LES TRAVAUX DE f/ÉGLfSE SAINT-SATURNIN. 291

composée de colonnettes ayant fait partie d'un édifice incon- testablement plus ancien que l'église actuelle.

Par suite de cette surcharge considérable, qui était évidem- ment en dehors des prévisions du projet primitif, il dut se produire des mouvements, soit dans les quatre piliers, soit dans les quatre grands arceaux qui supportaient ce clocher, et c'est alors, très-probablement, qu'on prit le parti d'envelop- per ces quatre piliers d'une maçonnerie de forme octogonale reliée aux murs du transept, et de redoubler en sous-œuvre les quatre grands arceaux en plein cintre qui supportaient la tour du clocher. Il est présumable que cette opération, qui altérait profondément le caractère intérieur de cette église, dut avoir lieu au quatorzième siècle, mais on ne trouve nulle part l'indication précise de l'époque à laquelle elle a été effectuée.

Vers le milieu du treizième siècle, l'abbé de Saint-Saturnin , Bernard de Gentiac, et un illustre prélat Raimond de Falgard^ résolurent de retirer le corps de saint Saturnin du lieu il avait été primitivement enseveli par saint Exupère, et de l'ex- poser dans un petit monument construit en son honneur au chevet de l'abside. Cet édicule, dont on retrouve les dessins dans V Histoire générale de Languedoc , par dom Vaissete, était du style ogival, il avait une forme hexagonale et une hauteur totale de sept mètres (1). C'est au centre de l'hexagone que fut placé sur un socle, le 6 septembre 1258, le tombeau en marbre de saint Saturnin , tel qu'on le retrouva à l'emplacement il avait été enterré dès l'origine (2).

(4 ) Suivant Dom Vaissete, « la voûte de cet édicule était soutenue par six piliers, « creusés en forme de niche dans leur partie inférieure, et surmontés de pyramidions percés « à jour ; dans chacune de ces niches étaient placées les statues des saints évèques de Tou- « louse, saint Saturnin, saint Honorât, saint Hilaire, saint Sylve, saint Exupère, saint « Ërembert; chacune de ces Ggures, exécutées en pierre, reposait sur son piédestal et était « recouverte d'un dais aux sculptures dentelées ; elles avaient six pieds de hauteur. Au c( sommet de chacune des flèches percées à jour qui terminaient les piliers, et dont les « arêtes étaient couvertes d'ornements en forme de larges feuilles, était la statue de Tun « des six apôtres dont les corps sont conservés dans les cryptes. Ces piliers étaient reliés « entre eux par de grands arcs ogivaux, dont les tympans étaient découpés en forme de « trèfles, et dont les hautes ouvertures, semblables à autant de portes, étaient fermées u par des grilles dorées, dont chaque barreau était terminé par un bouquet de fleurs... » {Monographie de Saint-Saturnin, p. Hl .)

(2) Voir GaUia christiana, t. VU, p. 97.

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29i MÉMOIRES.

L'autel principal , précédemment établi sous la coupole, fut probablement alors reculé vers l'abside et placé au-dessus de plusieurs marches en avant du tombeau de saint Saturnin. Cette nouvelle disposition motiva la reconstruction d'une partie des anciennes cryptes romanes établies au-dessous , et permit, en leur donnant une plus grande hauteur, de ménager dans le collatéral de l'abside des entrées plus convenables pour les chapelles souterraines.

A la fin du treizième siècle ou au commencement du qua- torzième, on a modifié l'intérieur de la partie haute des deux grandes tours carrées projetées à droite et à gauche des portes d'entrée de la façade principale, et on les a élevées jusques à la hauteur de la nef. A la partie inférieure de la tour nord , qui sert de sacristie, depuis que l'on a démoli celle qui était près du transept afin de mettre à découvert ce côté de l'édifice, on avait installé une chapelle, dite des Sept dormants ^ en mé- moire de sept chrétiens morts ensemble à Éphèse, martyrs de leur foi, sous le règne de l'empereur Trajan, et qu'on honore collectivement sous le nom des Sept donnants. Celte chapelle avait été entièrement décorée peu de temps après de peintures murales assez remarquables, représentant : au-dessus de la porte d'entrée le Christ en croix , entre la Vierge et saint Jean , et sur les autres faces, des zones divisées en compartiments occupés par des saints et des martyrs. Une très-fâible portion de ces dernières peintures étaient encore conservées, il y a deux ans environ , et elles ont été restaurées par les soins de la fabrique.

Il y avait également à l'extrémité du transept sud et à l'an- gle est du collatéral faisant face aux portes d'entrée, dites des Comtes (1), une autre peinture assez intéressante, d'une très- grande dimension, représentant saint Christophe, dont les pieds en marbre blanc existant encore, ont une assez forte saillie en avant des murs. Dans cette peinture dont il reste

(1) Ces portes étaient ainsi nommées parce qu'elles se trouvaient à c6té des tombeaux des anciens comtes de Toulouse. Les portes situées à l'extrémité du transept nord , en face la rue Royale, étaient désignées sous le nom de Portes Royales, et la porte latérale pratiquée dans Taxe de la rue du Taur portait le nom de Porte de MiégeviUe,

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NOTE SQB LES TBAVADX DK l'ÉGLISE SAINT-SATUTNIN. 293

quelques traces, mais qui a été couverte d'un crépi lorsque Ton a approprié l'intérieur de l'église en 1804 ou 1805, saint Chris- tophe avait la tète entourée d'un nimbe à fond rouge parsemé d'étoiles d'or et portait Jésus-Christ sur ses épaules.

Près de cette peinture et dans la première chapelle établie à l'extrémité du transept sud , on voyait autrefois un grand christ byzantin d'un beau caractère, et qui avait fait donner, par suite, à cette chapelle le nom de Chapelle du Crucifix (1). Cet ancien christ en bois sculpté , recouvert d'une plaque en cuivre très- mince et fixé à une croix ornée autrefois de pierres précieuses, d'émaux et de verroteries, date de la fin du onzième siècle ou du commencement du douzième. Très-curieux comme spécimen de l'art chrétien, il a été malheureusement l'objet d'une restauration inintelligente qui lui a fait perdre une grande partie de sa valeur artistique.

Vers la fin du quinzième siècle, le chœur au droit des piles du transept, les entrées du pourtour de l'abside et les deux chapelles du transept sud ont été clôturées par des grilles remarquables, fort bien entendues au point de vue de la com- position , mais d'un travail assez grossier comme œuvre de serrurerie. Ces grilles sont des premières l'on ait remplacé les plaques de fer battu et soudées, usitées aux siècles précé- dents, par des tôles rapportées et rivées. Les barreaux de ces grilles étaient surmontés de fleurs et de feuillages en fer qui ont en partie disparu.

Au commencement du seizième siècle, la porte pratiquée dans le côté ouest du mur d'enceinte du monastère, en face de la rue du Taur, fut démolie et remplacée par une nouvelle porte couverte d'arabesques, de frises élégantes et d'ornements gracieux, du style le plus fin et le plus orné de la Renaissance primitive, et qu'on attribue à tort, selon nous, à Nicolas Ba- chelier, élève de Michel-Ange.

A peu près à la même époque, la grande coupole de l'abside fut décorée d'une belle peinture, d'un très-grand style, faite par des artistes de l'école italienne et représentant le Christ

(4) Ce christ est actuellement -placé dans la chapelle dite da Purgatoire.

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294 MÉMOIRES.

environné des symboles des quatre Évangélistes. La face inté- rieure de l'abside, jusqu'aux piles qui soutiennent le clocher, fut également ornée de sujets religieux, de légendes miracu- leuses, d'images de saints, de martyrs, etc., etc.

C'est encore au seizième siècle qu'on plaça , au pourtour de l'abside entre les chapelles, huit statues entièrement peintes, et qui représentaient, dit-on , les anciens bienfaiteurs de l'église. Pour mettre en place ces statues , on avait détruit une partie des colonnes engagées qui supportaient les arcs doubleaux des voûtes de ce collatéral.

Le 12 mai 1562, le monastère de Saint-Saturnin ayant été attaqué par les calvinistes, l'église fut transformée en citadelle. On pratiqua alors des meurtrières dans la partie basse des fenêtres des galeries pour les arquebusiers, et des créneaux au-dessus des voûtes, afin d'y placer de petits canons qui ré- pondaient à l'artillerie calviniste établie sur le donjon de l'hôtel de ville et sur la tour de Périgord. C'est probablement après ce siège que, soit pour utiliser les créneaux déjà bâtis, soit pour donner de l'air et du jour entre les voûtes et la toi- ture, on construisit au-dessus desdits créneaux un mur percé do petites fenêtres cintrées, et c'est sur ce mur qu'on posa la charpente en bois destinée à supporter la grande toiture sail- lante qui existait il y a quelques années (1). Cette nouvelle construction eut pour fâcheux résultat de dénaturer à l'exté- rieur le caractère architectural de l'église Saint -Saturnin. Avant cet exhaussement, les chevrons des toitures reposaient à peu près directement sur les voûtes, ainsi que le prouvent surabondamment les noues en pierre qu'on voit encore à la base du clocher, et les gargouilles saillantes, également en pierre, qui existaient aux angles de la partie supérieure des murs et qui ont été démolies lorsqu'on a exécuté les nouvelles toitures. Sur les chapelles, au contraire, les reins des petites voûtes sphériques furent garnis en béton et recouverts d'assises

(1 ) Cettd* charpente était simplement composée de chevrons reposant sor des pannes supportées par des piliers en maçonnerie et dos poteaui en bois établis sur les mars ei sur les voûtes.

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Sr,

NOTE SUR LES TBÀVAUX DE l'ÉGUSE SAINT-SATURNIN. 295

de briques bâties en retraite ou de carrelages au-dessus des- quels on plaça directement les couvertures en tuiles à canal.

En 1566, la portion du chœur de l'église Saint-Saturnin, en avant des piles du clocher, fut séparée de la nef par un mur assez élevé et reçut à l'intérieur une riche boiserie, com- posée de hautes et de basses stalles sculptées, pour le place- ment desquelles on a tranché la partie inférieure des colonnes qui supportent les arcs-doubleaux des voûtes de la nef (1). Dans la dernière des hautes stalles, à gauche, on trouve une sculpture assez curieuse représentant un désert avec une chaire, au centre^ dans laquelle l'artiste a sculpté un porc ayant un livre devant lui, et, à côté, l'inscription suivante : Calvin le porc P^ (préchant). Cette grossière appréciation de doctrines opposées montre l'esprit d'intolérance religieuse qui existait à cette époque.

A la fin du seizième siècle et au commencement du dix-sep- tième, toutes les chapelles de l'abside furent en quelque sorte transformées complètement et reçurent une décoration inté- rieure en bois peint ou doré, d'un goût fort médiocre, qui contrastait étrangement avec l'architecture de l'église. Los for- mes demi-circulaires de ces chapelles furent dénaturées et changées en rectangles plus ou moins réguliers, au moyen de Iranchements opérés dans les maçonneries. On creusa,^en ou- tre, dans ces chapelles et dans les murs du collatéral qui les séparent, de grandes niches pour enfermer les châsses, les bus- tes et les statues contenant les reliques des saints. Ces diverses opérations, très-barbarement faites, avaient eu pour résultat de porter une grave atteinte au caractère et à la solidité de cette partie de l'édifice.

Dans le courant du dix-septième siècle on modifia également les autels et les décorations de la chapelle du Saint-Esprit et des autres chapelles du transept, notamment celle de Sainte

(1 ) On voit la date de 4 566 graTée sur les colonnettes des hautes stalles. Le cbcenr fut ouvert et raccourci du côté de la nef, en 1808; les boiseries des stalles supprimées furent Tendues alors aux fabriques de Foix (Ariége) et de Villemur (Haute-Gra*'onne). Ces dernières ont été achetées à la fabrique de cette paroisse, il y a quelques années, par M. Hue, professeur à la Faculté de droit, qui les possède actuellement.

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296 MÉMOIRES.

Thérèse, située à l'angle est du transept nord, dans laquelle fut déposé, en 1632, le corps du maréchal de Montmorency. Sa veuve, Félicie des Ursins, fit alors refaire complètement la décoration de cette chapelle et placer au-dessus de l'autel deux grandes colonnes supportant un fronton dans lequel étaient sculptées les armes de Montmorency.

Au dix-huitième siècle de grandes modifications furent ap- portées à rintérieur de l'abside. L'édicule de 1258, qui ren- fermait le corps de saint Saturnin, fut démoli et remplacé par un baldaquin construit de 1736 à 1738 (1). Ce baldaquin, qui existe actuellement, est composé de six colonnes corinthiennes en marbre griotte d'Italie, avec leurs entablements dorés réu- nis par des guirlandes de feuillage, et supportant six grandes consoles ornées de palmes soutenant la boule du monde sur- montée d'une croix. Au c^mire de ce baldaquin et sur la plate- forme pratiquée au-dessus des cryptes les plus élevées, on a placé le tombeau de saint Saturnin, reposant sur quatre tau* reaux accroupis (2) et recouvert d'un groupe entièrement doré représentant l'apothéose de ce saint martyr (3). En arrière du baldatjuin on a érigé un autel muni d'une armoire en fer dans laquelle est placé le buste en bois doré renfermant une partie des reliques de saint Saturnin (4). En avant des colonnes en i^riottc et de l'escalier qui les précède, on a établi, en l'élevant de plusieurs marches au-dessus du sol de l'église, l'autel du chœur, derrière lequel on a mis, en forme de rétable, un beau bas-relief en plomb dore, œuvre du célèbre sculpteur toulou- sain Marc Arcis (5). L'ensemble de celte décoration, très-pré-

(1) Ce baldaquin et la décoration du sanctuaire ont coûté 6,100 livres, d'après les mémoires conservés aux arcbives de Sainl-Sernin , et ont été exécutés par M. Michaud, architecte de Toulouse.

(2) Ces taureaux, en bronze doré, sont l'œuvre de Pierre Lucas. Sous le pied d'un des taureaux, on lit : Lucas, 1749.

(3) Cette apothéose a été exécutée par un artiste étranger appelé Bo$sat.

(4) Cet autel est à la munificence d'uo ancien chanoine de Saint-Sernin nommé Bousquet,

(6) Ce bas-relief et les deux adorateurs en bois doré placés à ses extrémités sont l'œuvre de Marc Arcis, célèbre sculpteur toulousain, mort en 1739, étant doyen de l'Académie de Paris.

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NOTB SUR LES TRAVAUX DE l'ÉGLISE SAINT-SATURNIN. 297

tentieuse, est entouré de rampes et de grilles en fer entière- ment dorées.

Les autres réparations, faites pendant le dix-huitième siècle, furent relativement sans importance et n'apportèrent aucun changement notable aux dispositions générales de l'édifice.

De 1804 à 1805, sous prétexte d'appropriations intérieures, l'église Saint-Saturnin fut entièrement revêtue d'un crépi et d'un badigeon sur lequel on traça, au moyen de lignes noires, un appareil de coupes de pierres. On cacha ainsi complète- ment l'ancienne construction composée de pierres et de briques, rejointoyées avec le plus grand soin, et on dénatura le carac- tère architectural de cet édifice. On dissimula de cette ma- nière, sous un faux appareil d'un aspect gris très-monotone, la véritable décoration produite par la combinaison apparente des matériaux de différentes couleurs employés pour la cons- truction de cette basilique.

En 1808, réglise Saint-Saturnin n'étant plus qu'église pa- roissiale, on fit démolir le mur qui séparait le chœur de la grande nef, afin de permettre aux fidèles placés dans cette der- nière de participer aux offices célébrés à l'autel du chœur. On remplaça alors par une balustrade en fer le mur démoli, et on établit à ses deux extrémités les statues en pied de saint Sylve et de saint Exupère, faites par M. Beurné, restaurateur du Mu- sée des antiques de Toulouse.

Tel était l'état général de l'église Saint -Saturnin lorsque l'administration des monuments historiques et la ville de Tou- louse résolurent d'entreprendre la restauration de notre an- cienne basilique.

Ainsi qu'il a été dit plus haut, il est présumable que, dès l'origine, il y avait un monastère à côté de l'église Saint- Saturnin; mais les monuments conservés jusqu'à ce jour ne nous donnent aucune indication précise sur les dispositions de cet établissement religieux. On sait très-bien, par les docu- ments historiques et les chartes anciennes, que ce monastère existait, mais on n'en retrouve nulle part le moindre vestige.

Il n'en est pas de même, fort heureusement, de l'abbaye construite au douzième siècle. Ici nous nous trouvons en pré-

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S98 MÉMOIRES.

sence de données à peu près certaines, puisque les plans dé- taillés d'une grande partie de ces constructions ont été relevés avec soin lorsque les divers bâtiments furent divisés en lots et vendus comme biens nationaux. Ces plans, déposés aujourd'hui aux archives de la Préfecture et que j'ai pu consulter, grâce à l'obligeance de notre éminent collègue M. Baudouin, m'ont per- mis de rétablir, aussi approximativement que possible, les dis- positions principales de l'abbaye construite au douzième siè- cle, qui occupait une portion des côtés nord, est et ouest de l'église. (Voir le plan général ci-joint.)

Entièrement circonscrit par un mur d'enceinte, dont il ne nous a pas été possible de connaître exactement toutes les limi- tes, le monastère de Saint-Saturnin comprenait, au siècle der- nier : le logement de l'abbé et ses dépendances, l'ancien cloî- tre, au centre duquel on avait maladroitement établi la chapelle Notre-Dame -de -Bonnes -Nouvelles d'une construction beau- coup plus récente, les habitations des religieux ou des chanoi- nes, les bâtiments, caves, granges, etc., etc., dans lesquels on enfermait le produit des dîmes perçues par le chapitre, enfin les tombeaux des anciens comtes de Toulouse et les cimetières qui occupaient les côtés est et sud de l'église. Quatre portes étaient pratiquées dans ce mur d'enceinte : l'une au nord , en face de la rue Royale ; l'autre à l'est, aboutissant à la rue des Treize- Vents ; la troisième au sud, dans le prolongement de la rueduTaur; enfin, la quatrième, à l'ouest, donnant sur la place Saint-Raimond, à côté de la porte occidentale de l'église. De ces quatre portes il ne reste plus aujourd'hui que celle dite de Bachelier, reconstruite au seizième siècle et qui fait face à la rue du Taur.

Le cloître du monastère de Saint-Saturnin, construit â la fin du onzième siècle ou au commencement du douzième, était incontestablement uq des plus remarquables que nous eussions à Toulouse. Il était composé d'arcades à plein cintre supportées par des colonnettes ayant des chapiteaux richement sculptés, le tout en marbre blanc (i). Sur les quatre faces de ce cloître il

(1 ) Deux de ces chapiteaux, conservés au Musée, représeoteut les esprits célestes ter- rassant les aoges rebelles.

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NOTB SDR LES TRAVAUX DE l'ÉGLISE SAINT- SATURNIN. 299

y avait de nombreuses épitaphes et des tombeaux plus ou moins anciens, dont quelques-uns, provenant probablement du monas- tère primitif, remontaient aux premiers siècles du christia- nisme (i).

Autour de Tabside de Téglise, à partir de la porte Royale jusqu'à celle dite des Comtes, se trouvait le Cimetière des Nobles, dans lequel on inhumait les évêques, les comtes, les chevaliers et les nobles de la ville. Vers le milieu du seizième siècle, ce cimetière, délaissé par la noblesse, fut réuni à celui dit des Pèlerins et désigné sous le nom de Cimetière de la Paroisse (2). Suivant la tradition, c'est dans l'espace compris entre la porte des Comtes et celle de Miégeville qu'on aurait enterré dès l'ori- gine les personnes étrangères à la ville, mortes subitement sans avoir reçu les derniers sacrements, et c'est dans la partie à la suite, désignée sous le nom de limbes, qui s'étend de la porte Miégeville à la façade occidentale de l'église, qu'on ense- velissait les enfants mort-nés ou qui n'avaient pas reçu le bap- tême. (Voir le plan général ci-joint.)

Une partie du vaste emplacement, autrefois occupé par Tau- cîen monastère et les cimetières de Saint-Saturnin, forme aujourd'hui une grande place, avec des jardins au centre desquels on a isolé notre belle et ancienne basilique. Pour racheter tous ces terrains, qui avaient été vendus comme biens nationaux, la ville s'est imposée des sacrifices considérables, et d'après les plans que nous avons, il est à regretter seulement qu'elle n'ait pu faire ces achats en temps utile, afin de conser- ver le cloître qui, avec l'église, formaient incontestablement, au point de vue de l'art, la partie la plus précieuse de ce monas- tère. On dit bien, il est vrai, dans certaines notices, que les bâtiments plus particulièrement désignés sous le nom d'abbaye et qui servaient au logement de l'abbé, du côté de la place Saint-Raimond, étaient d'une richesse remarquable et rappe- laient, par les peintures et les sculptures dont un les avait décorés, l'époque si florissante de nos écoles du seizième siè-

(4) Deui de ces tombeaux sont actuellement conseryés dans les galeries do notre Musée. (2) En 4772, lorscjue rarchoTèque Loménie de Brienne ne voulut plus que les inhuma- tions eussent lieu dans Tintérieur de la yille, ce cimetière fat transformé eo jardin.

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300 NOTE SUR LES TRAVAUX DE l'éGLISE SAINT-SATURNIN.

de (I); mais rien ne nous autorise à émettre une opinion quelconque à ce sujet. La description retrouvée dans les archives de la préfecture et faite le 24 messidor an IV, c'est à-dire au moment de la vente de ces bâtiments, prouve seulement que cette partie du monastère n'était pas alors dans de bonnes con- ditions d'habitation, puisque les experts chargés d'en dresser les plans et d'en faire la description détaillée ont mentionné dans leur rapport (2) que « les couverts, en certaines parties, étaient en moyen état, certaines autres parties s'étaient écrou- < lées, et certaines autres menaçaient d'une chute prochaine. >

(1) L'ane des chemioées était décorée d'un bas-relief représentant Jésus-Christ et la Samaritaine, actuellement conservé dans le musée de Toulouse.

(2) Voici un extrait du rapport dressé, le 24 messidor an IV, par les citoyens Senesse, ingénieur; Martin et Gouderc, experts, délégués à cet effet par les autorités compétentes :

(c ... Le plan que nous avons arrêté cejourd'hui et que nous annexons au présent verbal.

« Les dépendances de lad^ ci d^ abbaye consistent en une cour, puits, escalier faisant « saillie sur la dite cour. Sur les trois côtés de la dite cour sont les bâtiments de la dite « abbaye à un étage et galetas au-dessus, et dont les couverts en certaines parties sont (c en moyen état, certaines autres parties se sont écroulées, et certaines autres menacent K d'une chute prochaine. Le quatrième côté, est la porte d'entrée, est en face la place « S^-Raymond.

« Le corps du bÀtiment sur l'un des dits trois côtés, et qui longe la rue de la place « S^Raymond à celle ci-derant Royale , se prolonge jusques à la porte de l'endos ou « cloître S^-Semin, en face de la dite rue ci-devant Royale, étant compris dans cette « partie les piliers de la dite porte, joignant le mur qui termine ce corps ..

« Sur un autre des dits troiscôtés delà cour sont des bâtiments adossés au mur de l'église « S^-Sernin, et dont une partie, est le corps de garde, se termine en pointe au con- « trefort ou pilier de l'une des deux portes de la dite église du côté de la place S^Ray- K mond

« Au 3<n« côté de la dite cour, confrontent, au rei-de-chaussée, les écuries de la dite (C abbaye, et qui sont séparées par un mur du côté du cloître dont nous avons déjà parlé, tt et qui doit faire une dépendance de la dite abbaye, attendu que les chambres qui sont « an-dessus, de ce côté de dottre, appartiennent à la dite abbaye.

« Est compris encore dans les dépendances de la dite abbaye l'extrémité du cul-de-sac « qui est entre le local sont les cuves du ci-d^ chapitre et une grange appartenant à « l'abbaye. L'espace de cette extrémité de cul-de-sac se trouve terminé à la porte qui a aboutit au passage qui communique aux greniers du dit d-d^«chapitre, et n'a d'antre « étendue que celle qui correspond à la chambre qui est au-dessus et qui dépend de la « dite abbaye, ainsi qu'il est marqué sur le plan, i (Malgré nos recherches, nous n'avons pu trouver ce plan.)

tt Lesquels objets nous avons trouvé être ensemble de contenance en tout de 683 toises <c carrées, qui confrontent : du levant... »

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Renvois du Plan.

EGLISE".

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N'ot a L es lignes pointeUes .«. . ««. «_, . hdiquent les Plans

d 'AhjRement approuves en 184' 2, pour la PlX^e S^ S^rnin et les Rues adfacences. \

Lith.D^hr-Chibou Toulouse

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BULLETINS DBS TRAVAUX DE l'aCADÉIIIE. 301

BULLETINS DES TRAVAUX DE L'ACADÉMIE

Pendant le deuxième semestre de Tannée 1880-81

4881.

M. Timbal-Lagrave communique à rAcadémie un travail qui a Sé&nce pour titre : Essai monographique sur ks Bupleurum de la flore fran- ^"i^^»?^** çaise de la section Nervosa.

M. Timbal-Lagrave commence son travail par une introduction, dans laquelle il fait connaître les nombreuses difficultés que présente la détermination des espèces de ce genre critique; Tauteur en trace rhistorique précis depuis Tépoque linnéenne jusqu'à nos jours, en indiquant aussi les nombreuses modifications que ces plantes ont subir dans leur détermination selon la méthode d'observation qui a servi à tracer les caractères spécifiques des espèces adoptées par les botanistes qui ont étudié la flore française.

M. Timbal-Lagrave donne de chaque espèce une description détail- lée et comparative y sont tracés tous les caractères spécifiques; toutes les espèces sont rangées avec soin, d'après leurs affinités. L'au- teur n'a pas négligé la synonymie, souvent très embrouillée, de cha- cune d'elles; enfin, des planches, dessinées avec le plus grand soin par M. le docteur Bucquoy, viennent faciliter encore la connaissance du texte et accompagnent agréablement les descriptions. Ces planches inédites contribueront beaucoup à faire bien apprécier quelques espè- ces nouvelles du Midi, telles queB. Telonense, Gren. B., Âcutifolium Rois et d'autres espèces des Corbières : B. Laricense, Nob., B. Ramo- sum Nob. ^, découvertes pendant l'exploration de cette région avec ses collaborateurs, MM. Gantier et docteur Jeanbernat, dans le but de faire la flore de cette partie des Pyrénées, trop négligée depuis longtemps. (Le mémoire sera imprimé plus tard.)

M. Barthélémy prend la parole sur le sujet traité par M. Timbal- Lagrave.

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302 SÉANCES DE MAI.

6 mti. M. le Secrétaire perpétuel dit qu'il a reçu une lettre de M. Galbrun,

vice-président de la Société sténographique de France, qui demande s'il ne pourrait pas lui donner quelques renseignements sur Coulon- Thévenet, qu'il considère comme un des inventeurs de la sténographie en France, et qui en a fait, dit-on, les premiers essais à Toulouse.

M. le Secrétaire a, en effet, trouvé dans les procès-verbaux de l'an- cienne Académie trois passages concernant Coulon-Thévenet, et qui prouvent qu'il a exposé et expérimenté sa méthode de tachygraphie devant l'Académie elle-même et devant des Commissions nommées par elle, et que l'Académie l'a jugée ingénieuse, simple, facile et pou- vant être utile en certains cas.

Appelé par l'ordre du travail, M. Pradel lit un mémoire sur les exécutions capitales au dix-septième siècle, d'après des documents curieux et inédits. (Imprimé page 112.)

MM. Catien- Amoult, Molinier et Duméril prennent successivement la parole sur le sujet traité par M. Pradel.

48 mai. L'ordre du travail appelle M. Salles, qui est absent. Il est remplacé

par M. Baudouin, qui lit une notice sur le diocèse et la subdélégation de Toulouse. (Il en sera donné une analyse détaillée dans le prochain volume.)

MM. Duméril et Catien-Arnoult prennent successivement la parole sur le sujet traité par M. Baudouin.

M. Brassinne fait un rapport verbal sur un mémoire de géométrie générale, présenté à l'Académie par M. Bouquet, professeur de ma- thématiques au Lycée de Toulouse. Ce mémoire est une étude des surfaces dont toutes les lignes de courbure sont planes. Le rapporteur rappelle succinctement les travaux de Monge, auquel on doit la con- naissance des lignes de courbure qui forment un double système ré- sultant de l'intersection d'une surface donnée avec deux surfaces développables. M. Bouquet étudie le cas particulier dans lequel les surfaces développables deviennent des plans, et à ce point de vue il considère d'abord les surfaces enveloppes d'une sphère mobile; il ajoute à cette première partie l'examen de quelques autres surfaces dont les lignes de courbure sont planes. Il termine par quelques no- tions sur les courbes et des surfaces dites résultantes. Ce mémoire, rédigé avec soin, contient des points de vue et des théorèmes nou- veaux, démontrés sans l'appareil de formules compliquées , par des

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BULLETINS DBS TRAVAOI DE L* ACADÉMIE. 303

constructions géométriques élégantes ; il est à désirer que M. Bouquet termine cet excellent travail relatif à une des questions les plus im- portantes de la géométrie générale.

M. le Président propose de déclarer la vacance définitive de la place précédemment occupée par M. Endrës dans la classe des scien- ces, section des mathématiques pures.

Cette vacance est déclarée II propose ensuite de fixer l'élection au mercredi 25 mai courant.

En remplacement de M. Daguin, empêché, M. Baudouin lit un tra- 49 mai. vail envoyé par M. Couarrazb de Laa, correspondant à Albi, intitulé : Nicolas de Bordenave, historiographe de Navarre, étude critique d'une histoire de Navarre et de Béarn depuis les temps primitifs jus- qu'à 1572, d'après un manuscrit original, en très grande partie inédit.

Après quelques observations faites par M. le Rapporteur et par divers membres sur la valeur de ce manuscrit et la manière dont M. Couarraze de Laa en rend compte, l'Académie décide que des re- mercîments lui seront adressés par M. le Secrétaire perpétuel.

M. Baillet lit une note sur quelques faits qui se produisent à la 15 mai. suite des inoculations du charbon aux herbivores domestiques. (Im- primé page 128.)

M. Lavocat prend la parole sur le sujet traité par M. Baillet.

M. Baudouin lit un rapport sur l'ouvrage de M H. Pont, biblio- thécaire de la ville, intitulé : Notice de la bibliothèque de Toulouse.

Après que l'importance de cette notice a été signalée et que les longs services et les divers mérites de M. Pont ont été rappelés, on explique comment, à la suite de conversations officieuses entre quel- ques membres de l'Académie et des membres de la municipalité, il est question de décerner à M. Pont une médaille d'honneur, dont la ville ferait les frais, et qui lui serait donnée dans la prochaine séance publique comme un témoignage de la reconnaissance qui lui est due pour les services que, depuis plus d'un demi-siècle, en sa qualité d'or- ganisateur et de conservateur de la bibliothèque de la ville, il ne cesse pas de rendre aux amis des sciences et des lettres.

M, le Secrétaire perpétuel rendra compte, dans la prochaine séance, du résultat de ces conversations, qui doivent être reprises.

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^9i «akz» k n3,

t-%* -:« Bf,i*/^.v^» ;>M» ; -ire». e& r--. : fc.e-. i* IL Eftirès, ] e/.«TC9ifr>olaAt fw <a •v^vab^^. M. Bt^sKc» îiiî > raf'?^'^ *■*' ***

Il '»ikH«t en xr','prnai.t r^cs-Hsi-n ie M. Darii, l>£«Se«iAl-GO&Miri rf'artj.-^rie «■ retrait*.

Le VTvttik d^j^::i« et U D:.:cJL<4'e de ««irrac^<es en^ par les rèçie- tt«aU af aat é«« dooné à IL DariL M. le Prêsiie»! le prociane «so- dé ordinaîre, eo rexcipUceiDent de M. EiHlrès.

t jMi. M. le Secrétaire perpéteel (ait cooiuître les 5«j«ts de prix qui ont

élé dtfctités par la dasse des inscriptio&s et belles4ettres résilie en cornrnittnoD spé-îale. Couïr^rmèmeoi k Taris de la inaj'?nté de cette (jtnnmismum, FA^^déinie a-l'jpte le sujet suitant : Hi$imre it Im ville 4e Touiomu pendant 'a Héwluiicm ; c'est-à-dire depuis b sup- pre«^ion de la provioce de Languedoc josqu^â FétablisseiDei&t da jfteuiier Empire.

M. le Président lit le discoars qa'il se propose de prononcer à TouTertore de la séance pabliqae que T Académie doit tenir le 12 juin prochain.

Après quelques obsenrations, qui portent sor l'étendue de ce dis- cours, M. le Président dit qu'il en retrandiera, à la lecture, tous les passages qui peuvent être omis sans inconvénient D prie un de ses confrères de vouloir bien les indiquer. M. Rozy accepte cette commis- sion.

M. Meluès Cait un rapport verbal sur les propositions de la Commission des récompenses pour les médailles d'encouragement à décerner dans la classe des sciences.

Après diverses observations et discussion, l'Académie émet succes- sivement les votes suivants :

MÉDAILLES D'ARGENT DE !'• CLASSE

lo M. Mabtt, à Toulouse. Divers sujets et ossements fossiles de Cèpoq^^e quaternaire, recueillis dans les départements de la Haute^Ga- ronne et de CArt^ge,

2o M. Fabrb, à Toulouse. Note sur la suppression des glaces dans les opérations photographiques.

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BDLLBTINS DES TRAVAUX DE l' ACADÉMIE. 305

MÉDAILLE d'argent DE CLASSE 30 M. P. Privât, à Toulouse, Calorifère à chat^dière inexplosible.

RAPPEL DE MÉDAILLE d'aRGENT

4o M. P. Gboproy-Gobibz, à Toulouse. Cheminées à gaz, nouveau sys- tème»

MENTION HONORABLB

M. P. Cazbs, à Toulouse. Catalogue botanique des plantes les plus tuiMlles,

M. Pradel lit le rapport général sur la médaille d'or et les mé- dailles d'encouragement à décerner dans la classe des inscriptions et belles-lettres.

Les conclusions de ce rapport sont adoptées^ savoir :

MÉDAILLE d'or DE 420 FRANCS

lo M. Louis Bbziat, à Caunes (Aude). Ouvrage intitulé : Histoire de r abbaye de Caunes,

MÉDAILLE DE VERMEIL

2o M. Qrandjban, à Paris. Études sur l'organisation municipale à Tou- louse aux douzième, treizième et quatorzième siècles.

MÉDAILLE d'argent DE CLASSE

30 M. SiÉRT père, à Castres. Don gracieux à la bibliothèque de V Académie de cinq documents originaux portant la signature de Louis X V et d*autres personnages illustres,

RAPPELS DE MÉDAILLES d'ARGENT

40 M. R. RuMEAu, instituteur public à Grenade (Haute-Garonnef. Notes historiques sur la ville de Grenade et sur la ville de Labastide- de-Sérou (Ariège).

50 M. l'abbé Bosia, à Paris. Manuscrits de l'église d*Albi des septième, neuvième et treizième siècles .

M. Baudouin fait un rapport verbal sur l'unique mémoire qui a été envoyé au concours pour le grand prix de Tannée.

Conformément à la conclusion de ce rapport et à l'avis unanime de la Commission, l'Académie décide que le prix sera adjugé à l'auteur de ce mémoire. Le nom inscrit dans le billet cacheté joint à ce mé-

SBRIB •— TOMB III, 2. 20

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306 SBANCRS DE JUIN.

moire et portant la même épigraphe que le mémoire même est celui de M. Saint-Charles, déjà lauréat de l'Académie.

Vu l'heure avancée, l'Académie remet à la prochaine séance la lec- ture de l'éloge de M. Desbarreaux-Bernard et, si elle le juge conve- nable, celle des rapports écrits dont elle n'a entendu aujourd'hui que l'analyse verbale.

9 join. M. le Président, en son nom et au nom de l'Académie, souhaite

la bienvenue à M. David, nouvellement élu, qui assiste à la séance.

M. David répond en remerciant de l'honneur qui lui a été fait^ et promet de redoubler d'efforts pour s'en rendre digne.

M. Baudouin lit l'éloge de M. Desbarreaux-Bernard, associé libre, décédé l'an dernier.

Le même membre lit ensuite le rapport sur le mémoire de M. Saint- Charles, qui a mérité le grand prix de l'année.

Cet éloge et ce rapport doivent être lus dans la prochaine séance publique.

48 juîD. MM. Capmas, recteur de l'Académie, associé honoraire, et Rodière,

adjoint du maire, académicien-né, chargé de le représenter, siègent à la droite et à la gauche de M. le Président.

M. le Président ouvre la séance par un discours contenant une no- tice sur Favier de Toulouse, qui joua un rôle singulièrement remar- quable à la fin du dernier siècle.

M. Baudouin lit l'éloge de M. Desbarreaux-Bernard, associé libre, décédé le 15 février 4880.

M. RozY, au nom de M. Pradel, empêché, lit le rapport sur le concours pour la médaille d'or et les médailles d'encouragement dans la classe des inscriptions et belles-lettres.

M. Melliès lit le rapport sur le concours pour les médailles d'encouragement dans la classe des sciences.

M. Baudouin lit le rapport sur le mémoire de M. Saint-Charles, qui a obtenu le grand prix de l'année.

M. le Secrétaire perpétuel explique le caractère exceptionnel de la médaille d'honneur que le Conseil municipal a votée à M. Pont, bi-

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BULLETINS DES TRAVAUX DE L*ACADÉMIE. 307

bliolhécaire de la Ville, en reconnaissance de ses services exception- nels et que TAcadémie est chargée de proclamer.

M. Rodière, adjoint du Maire et chargé de le remplacer, rappelle les services de M. Pont, que le Conseil municipal a voulu reconnaître et récompenser- d'une manière éclatante : il exprime ses regrets de ce que M. Pont a été empêché par son état de souffrance de se rendre à la séance.

MM. les Secrétaires appellent les lauréats à venir recevoir leurs prix dans Tordre suivant :

GRAND PRIX DE L'ANNÉE M. Saint-Charlbs. Son prix lui est remis par M. le Recteur.

MÉDAILLE d'or DE 120 FRANCS

M. Louis Bbziat, à Caunes (Aude). Il est absent; son prix est remis à son fondé de pouvoir, M. Bastié, suivant son intention expri- mée dans la lettre il remercie TAcadémie.

MÉDAILLE DE VERMEIL

M. Gbandjean, à Paris. 11 est absent, retenu à Paris par ses fonctions d'employé à la bibliothèque du Sénat. Il a écrit pour remercier, exprimer ses regrets et demander qu'on lui garJe sa médaille et son diplôme jusqu'à ce qu'il vienne les retirer.

MÉDAILLE d'argent DE CLASSE

M. SERT père, à Castres. Il est abseut, et a chargé son gendre, M. Gal- tier, maire de Castres, de retirer sa médaille et son diplôme, dans une lettre, il remercie l'Académie.

RAPPELS DE MÉDAILLES d'aRGENT

M. R. RuMEAU, instituteur public à Grenade (Haute- Garonne). A retiré son diplôme.

M. l'abbé Bosia, à Paris. Il a écrit pour remercier l'Académie et expri- mer ses regrets de ne pouvoir assister à la séance.

Classe des Sciences.

médailles d'argent de i^^ CLASSE

M. Marty, à Toulouse A reçu sa médaille et son diplôme.

M. Fabrb, à Toulouse. Son frère a retiré sa médaille et son diplOme.

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308 SÈANCKS D8 JUIN.

MÉDAILLE DARGÇNT DE CLASSE M. P. Prit AT, à Toulousa. A reçu sa médaille et uq diplôme.

RAPPEL DE MÉDAILLE d' ARGENT

M. P. Qbofroy-Gomez, à Toulouse. A retiré sou diplôme.

MENTION HONORABLE

M, P. Cazbs, à Toulouse. A écrit pour remercier et s'excuser de ne pou- voir assister à la séance.

MÉDAILLE d'or (d'honneur)

(Votée par le Conseil muDicipal.)

M. Pont, bibliothécaire de la Ville, pour ses services littéraires de plus d'un demi-siècle. Remise en séance publique de TAcadémie.

M, le Secrétaire adjoint lit les sujets de prix proposés par l'Aca- démie pour les années 1882, 1883 et 1884 et le programme des con- cours*

46jaiD. L'ordre du jour indique les élections annuelles pour la nomination

des membres du bureau et des comités pour Tannée académique 1881-1882. Le scrutin a donné successivement les résultats suivants :

Président : M. Duméril; Directeur : M. Lavocat; Secrétaire adjoint : M. Brunhes.

Comité de librairie et d'impression : MM. Daguin, Basset et Barry.

Comité économique : MM. Forestier, Melliês et Hallberg.

Aux termes de l'article 20 des règlements, M. le Président désigne M. Baillet pour remplir les fonctions d'écono me.

23 iniD. M. Despeyrous communique à l'Académie un mémoire intitulé :

Équations différentielles du mouvement d'un corps solide, libre ou gêné^ sollicité par des forces quelconques. (Imprimé page 145).

M. Brunhes prend la parole sur le sujet traité par M. Despeyrous.

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BULLETINS DES TRAVAUX DE l' ACADÉMIE. 309

M. RoscHACH, appelé par Tordre du tableau, communique un travail intitulé : Essai sur les monnaies de Transylvanie. (Imprimé page 198.)

M. le docteur Noulet présente à TAcadémie deux planches de des- 30 juin, sins accompagnant une notice dont il donne lecture, ayant pour titre : Un mobilier funéraire servant à établir le passage de Page de h pierre polie à l'âge du bronze. (Imprimé page 190 )

MM. Duméril, Lavocat et Gratien-ArnouU prennent successivement la parole sur le sujet traité par M. Noulet.

M. Brunhes, appelé par l'ordre du travail, communique à l'Aca- démie la suite de ses recherches sur le passage des liquides à travers les substances perméables.

Après avoir antérieurement étudié l'influence considérable qu'exerce la température sur la vitesse avec laquelle l'eau passe à travers les couches filtrantes, l'auteur examine si la chaleur produit des effets du même ordre sur la rapidité de l'écoulement de quelques autres liqui- des. Il résulte de ses expériences, résumées par des tableaux et des constructions graphiques, que la vitesse va rapidement en croissant avec la température pour tous les liquides qui mouillent les parois des espaces étroits qu'ils parcourent. Cette influence est surtout très con- sidérable sur les liquides visqueux ; c'est ainsi que l'acide sulfurique monohydraté coule à 40*> deux fois plus vite qu'à SO® , à 80*, à peu près quatre fois plus vite ; à 100«, 5 fois 33 plus vite.

Les effets produits sur l'huile d'olive sont encore plus considéra- bles ; c'est ainsi que la vitesse d'écoulement de ce liquide, comparée à celle qu'il a à SO®, est représentée : à 40», par 2,550 ; à 60®, par 5,231; à 8O0, par 9,46; à 100«, par 43,67; à i20o, par 18,883; à 130O, par 21,56.

La vitesse du passage des liquides, qui ne mouillent pas les parois des espaces étroits qu'ils traversent, croit aussi avec la température, mais dans une proportion beaucoup plus faible.

Il résulte de cette étude, suivant l'auteur, que les coefficients à l'aide desquels on peut exprimer les variations de la vitesse en fonc- tion de la température, ou coefficients termotachyliques, ont des va- leui's distinctes pour les différents liquides et caractéristiques de cha- cun d'eux.

MM, Brassinne, Melliès et Salles prennent successivement la parole sur le sujet traité par M. Brunhes.

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3i 0 SÉANCES DE JDILLET.

7 jaillet. Appelé par l'ordre du travail, M. Barry (Charles) communique à

TAcadémie une partie du cinquième livre de son Histoire de la vie et des écrits de la Ifeaumelle et de ses démêlés avec Voltaire, Cette œuvre de longue haleine est destinée à être publiée en deux volumes, si quel- que libraire, bienveillant protecteur des lettres et des écrivains, con- sent à la prendre sous son patronage et à la livrer à ses presses.

La cinquième partie est intitulée : La Beaumelle en Languedoc et à Toulouse (1757-1770). Il avait subi, en 4753 et en 1756, deux incarcérations à la Bastille pour offenses au gouvernement imprudem- ment publiées dans deux de ses livres. Rendu à la liberté le l*' sep- tembre 1757, après treize mois entiers d'embastillement. il dut quit- ter Paris sur-le-champ, çuivant Tordre donné par le ministre, M. de Saint-Florentin, et se rendre dans le Languedoc. Il était à Valle- rangue, près d'Alais, en 1726. Il y arriva à temps pour recevoir les derniers embrassements et le dernier soupir de son père, qui expira trois jours après.

Malgré la Bastille, il regrettait vivement le séjour dB Paris, il vivait en bonnes relations avec les gens de lettres et des personnages du grand monde. Il dut trouver bien pénible l'isolement auquel son exil le condamnait, avec défense de rien écrire et publier. Pour dis- traire ses loisirs, il se fit recevoir dans une sorte d'Académie établie à Milhau, composée de dix-neuf membres, et qui avait pris le nom de tripot, à rinslar de certaines Académies italiennes.

Ce n'était pas dans cette société, l'on se bornait à lire à part les livres nouveaux et les journaux, puis à discuter ensuite sur ces lectu- res, que la Beaumelle pouvait trouver des charmes capables de le re- tenir. Il alla donc fixer sa résidence à Nimes, ville importante et qui possédait une Académie ancienne et célèbre, qui avait la prétention d'être l'égale de l'Académie de Paris. La Beaumelle put nouer dans cette ville des relations agréables. Il s'attacha particulièrement au cou- rageux Paul Rabaut, le plus célèbre des pasteurs du Désert, L'amitié liée entre ces deux hommes fut surtout profitable à la Beaumelle.

Mais il était alors dans sa quarante-troisième année (1759), et il sen- tait le besoin de chercher un établissement qui pût lui procurer y avec le repos et une famille, un foyer où, loin du monde et des orages, il cultiverait les arts dans le sein de l'hymen et de la médiocrité. Il porta son choix sur une sienne cousine, M**« Jeanne Pieyre, qui n'était pas belle, tant s'en faut, mais dont les imperfections, au dire de la Beau- melle lui-même, étaient rachetées par des millions de choses aimables. L'affaire allait à bien; déjà les deux amants avaient signé d4S pactes

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BULLETINS DES TR4VÂUX DE L*AGADÉM1E. 311

sur lei instructions de l'heureux fiancé y le 11 juin 1759; mais des obstacles inattendus surgirent soudain. M' Pieyre avait trois frères, trois tigres, qui épuisèrent toutes les rubriques légales pour rompre cette union qui leur déplaisait. Deux des frères se rendirent un jour chez M. de la Beaumelle, et, à sa grande surprise, réclamèrent, du consentement même de leur sœur, dont ils avaient changé les senti- ments du tout au tout, la restitution des pactes. La Beaumelle refusa, et, de son côté, exigea une décharge des 7,000 livres qu'il avait re- connues à sa fiancée dans le contrat et qu'il avait même payées comp- tant. Des billets doux, il fallut recourir au papier timbré. La Beau- melle lança, le 14 juillet, un Mémoire, se trouvent relatés tous les faits de la cause, et que Fréron nous a transmis dans les feuilles pé- riodiques de son Année littéraire. (Voir le t. V de 1759, p. 296.)

Après le cruel mécompte qu'il venait d'essuyer, la Beaumelle ne se souciait plus de rester dans la même ville que celle qui l'avait si per- fidement abusé, et il prit le parti de venir s'établir à Toulouse, comme sur un théâtre plus digne de lui, à défaut de Paris, et il fit son entrée au mois de septembre 1759.

MM. Gratien-Arnoult et Vaïsse-Cibiel prennent successivement la parole sur le sujet traité par M, Barry.

M. le Secrétaire perpétuel rend compte des incidents qui ont em- 21 juillet péché l'Académie de tenir sa séance ordinaire mercredi 13 juillet.

M. Melliès, appelé par l'ordre du travail, indique le sujet du mé- moire qu'il a préparé pour l'Académie, et cède son tour de lecture à M. Saint-Charles, membre correspondant, qui assiste à la séance.

M. Saint-Charles , membre correspondant, communique à l'Académie une étude sur Venseignement primaire dans la province du Languedoc avant la Révolution.

L'auteur de ce travail, après quelques considérations générales sur la question, Tétudie sous les trois points de vue de la gratuité^ de Vobligalion et de la liberté. Passant en revue les édits, les ordonnan- ces et déclarations royales, les arrêts du Conseil d'Etat et du Parle- ment de Toulouse, qui ont depuis le seizième siècle jusqu'à nos jours réglementé Tinstructioa primaire, il fournit le témoignage que la si- tuation des précepteurs particuliers et des maîtres des petites écoles était excessivement précaire, malheureuse.

L'approbation diocésaine étant déclarée indispensable pour ouvrir

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31 2 SÉANCES DE JUILLET.

des écoles ou obtenir payement des gages^ beaucoup de villages se trouvaient dépourvus de maîtres.

A Tappui de ce qui précède, au moyen de documents nombreux tirés des archives départementales, communales et hospitalières, l'au- teur de ce travail fournit des renseignements détaillés sur la situation des régents des petites écoles de Toulouse, Montpellier, Auriac, Mon- tarin, Puylaurens, Lherm, Cugnaux, Blagnac, Fronton, Grisolles, Villefranche de Lauragais, etc.

L'esprit d'intolérance, dont étaient pénétrés les règlements et la loi sur renseignement primaire, ayant rejailli sur les consuls et adminis- trateurs des communautés, il en devait résulter nécessairement, pour les maîtres comme pour les parents, une situation simplement insup- portable.

Alors qu'il ne fallait s'occuper que de l'enfant, et de lui seul, on son- geait, en lui fournissant les premiers éléments de nos connaissances en lecture, éciiture et grammaire, à créer une France intolérante et fanatique, quand la raison veut qu'au regard de l'instruction de la jeu- nesse il soit fait abandon de tout esprit de parti, politique ou reli- gieux.

MM. Duméril et Rozy prennent successivement la parole sur le su- jet traité par M. Saint-Charles.

M. MoLiNiER fait un rapport verbal au sujet d'un ouvrage renvoyé à son examen et intitulé : Don Pedro de Calderon,

28 juillet. -_ M. EsQUiÉ, appelé par l'ordre du travail, communique un mé-

moire intitulé : Note sur les origines de l'église Saint-Saturnin à Tou- louse. (Imprimé page 283«) M. Gatien-Amoult prend la parole sur le sujet traité par M. Esquié.

M. Salles lit ensuite un travail qui a pour ti,re : Études sur Us principaux orages de 1880. (Imprimé paiçe 169.)

M. Brunhes prend la parole sur le sujet traité par M. Salles.

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313

LISTE DES SOCIÉTÉS SAVANTES

AVEC LESQUELLES L'ACADÉMIE CORRESPOND ET PUBLICATIONS QU'eLLE EN A REÇUES

X

SOCIÉTÉS FRANÇAISES

Agsn. Société d'agriculture, Bciences et arts. Recueil des travaux^ 2e série, T. vu, 1880.

Alais. Société scientifique et littéraire. Mémoires et comptes ren- dus, T. XI, lor et 2^ bulletins, 1879.

Amiens. Société des antiquaires do Picardie. Bulletins, 1880. Mémoires. T. ix, 1880.

Société linnéenne du nord de la France, 1879. T. nr; T. ▼, 1880.

Conférence littéraire et scientifique de Picardie. Bulletins,

1881. Angers. Société nationale d'agriculture, sciences et arts d'Angers. •— Mémoires, T. xxi, 1879.

Société d'horticulture de Maine-et-Loire. Annales, 1880.

Société industrielle et agricole d'Angers et du département de

Maine-et-Loire. Bulletins, 41« année, 1880.

Société académique de Maine-et-Loire (sciences). Mémoires,

T. XXXV, 1880.

Angoulême. Société archéologique et historique de la Charente. Bulletins, 5e série, T. ii, 1878-1879.

AucH. Société historique de Gascogne. Revue de Gascogne. Bulle- tin mensuel, T. xxii, 1881.

AuxERRB. Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne. Bulletin, année 1880.

Beauyais. Société académique d'archéologie, sciences et arts du dé- partement de l'Oise. Mémoires. T. ler, 1847-1851 ; T. u, 1852-1855; T. xi, Ire partie, 1880.

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314 OUVRAGES IMPBIIIÉS

B^iSRS. Société des sciences naturelles de Béziers. Bulletin, 1879.

Société archéologique, scientifique et littéraire. Bulletins.

Bordeaux. Société linnéenne. Actes. Vol. xxznr. série, T, ir.

Société des sciences physiques et naturelles. Mémoires, 1879.

Brest. Société académique. Bulletin, série. T. vi.

Boulognb-sur-Mer. Société d'agriculture de l'arrondissement. Bulletin, T. xvi, T. xvii.

Bourg. Société d'émulation de TAin (agriculture, lettres et arts). Annales, 1880, 1881.

Brives. Société scientifique, historique et archéologique de la Cor- rèze. Bulletin, T. ii et T. m, 1881.

Caen. Société d'agriculture et de commerce de Caen. Bulletin, 117e année, 1878.

Société des beaux-arts de Caen. Bulletin, Ô" vol., 3e cahier.

Société linnéenne de Normandie. Bulletin, 1879-1880.

Annuaire du Musée d'histoire naturelle de Caen. 1880.

Chambért. Académie des sciences , belles-lettres et arts de Savoie. Mémoires, 3e série, T. vm, 1880.

Cherbourg. Société nationale des sciences naturelles et mathémati- ques. — Mémoires, T. xxn, 1879.

Clermond-Ferrand. Académie des sciences, belles-lettres et arts. Mémoires, T. xxi, 1879. Bulletin historique et scientifique, 1881.

CoNSTANTiNE. Société archéologique du département de Constantine.

Recueil des notices et mémoires. 10« vol. de la 2e série.

Dijon. Académie des sciences, arts et belles-lettres. Mémoires,

3e série. T. vi, 1880. ÉvREUX. Société libre de l'Eure. Recueil des travaux, T. iv,

1878-1879. T. v, 1879-1880.

Havre. Société des sciences et arts agricoles et horticoles du Havre.

Bulletin, 1879, 1880.

Société nationale havraise d'études diverses. Recueil des

publications, 1877-1878. Laon. Société académique. Bulletin, T. xxiii, 1877-1878. Lton. Académie des sciences, belles -lettres et arts. Mémoires,

classe des sciences. Vol. xzive. 1879-1880; classe des lettres.

Vol. xixe, 1879-1880.

Société d'agriculture, histoire naturelle et arts utiles. Anna

les, T. II, 1879.

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ADHESSRS A l'académik hkndant l'annér I8s0-81. 315

Lyon. Société protectrice des animaux. Comptes rendus. ContîourB 1878.

Mans (Le). Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe. Bulletin, T. xix, 1879-1880.

Revue historique et archéologique du Maine. T. vii et T. vin,

1880.

Maçon. Académie. Annales, ne série, T. ii, 1880. Marseille. Recueil des actes du Comité médical des Bouches-du- Rhône, T. xix, 1881.

Société de statistique. Répertoire des travaux. T. xxxx.

Académie des sciences, belles- lettres et arts. Mémoires,

1879-1880.

Mendb. Société d'agriculture, industrie, sciences et arts du départe- ment de la Lozère. Bulletin, T. xxxi, 1880. T. xxxii, 1881.

Montauban. Société des sciences, agriculture et belles-lettres de Tarn-et-Garonne. Recueil, 1877-1878.

Société archéologique et historique de Tarn-et-Garonne.

Bulletin, 1880, T. viii. Montpellier. Société d'horticulture et d'histoire naturelle de l'Hé- rault. — Annales, 2e série, T. xn, 1880; T. xiii, 1881.

Académie des sciences et lettres. Section de médecine, T. v,

1877-1879; section des sciences, T. ix, 1879; T. x, 1880; sec- tion des lettres, T. vi, 1878-1879. Moulins. Société d'émulation du département de l'Allier (sciences, arts et belles-lettres). Bulletin, T. xvi, 1880.

Nancy. Académie de Stanislas. Mémoires, 1879, 4e série, T. xii.

Société des sciences, ancienne Société des sciences naturelles

de Strasbourg. Bulletin, 1879, 1880. Nantes. Société académique de Nantes et du département de la Loire- Inférieure. Annales. Vol. 1^ de la 6e série.

Nîmes. Académie du Gard. Mémoires, 7* série. T. n, 1879.

Niort. Société centrale d'agriculture des Deux-Sèvres. Maître Jacques f }o\xTUd\ d'agriculture, 1880-1881.

Paris. Académie des sciences. Comptes rendus hebdomadaires, T. xci, T. xcii, T. xciii; tables des comptes rendus, ier et 2* semestres 1880.

Académie des inscriptions et belles-lettres (comptes rendus des

séances). T. viii. Bulletins de 1880 et 1881.

Académie des sciences morales et politiques. Séances et tra-

vaux, T. xiv, 1880; T. xv, 1881.

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316 OUVRAGES mPRIMÉS

Paris. Société indo-chinoise. Mémoires, T. ii, 1880.

Académie de médecine. Bulletins, T. ix, 1880; T. x, 188 L

Société nationale des antiquaires de France. Mémoires, T. xl

ou T. X de la série.

Association scientifique de France (Société pour TaTancement

des sciences). Bulletin hebdomadaire, 2p semestre 1880, T. u; 1er semestre 1881, T. m.

Société philomatique. Bulletin, série. T. m, 1878-1879;

T. IV, 1880; T. v, 1880-1881.

Société française de numismatique et d'archéologie. Comptes

rendus, série, T. i, 1879.

Ecole nationale des Chartes. Positions des thèses soutenues

par les élèves de la promotion de 1881, pour obtenir le di- plôme d'archiviste paléographe.

Poitiers. Société des antiquaires de TOuest. Bulletin, 1880, 1881.

Société académique d'agriculture, industrie, sciences et arts.

Bulletin, 1880.

Reims. Société industrielle Bulletin, T. xi, 1880, 1881.

Académie nationale. Travaux, 65e vol., 1878-1879.

Association française pour l'avancement des sciences. Infor-

mations et documents divers. No 29 (congrès d'Alger).

Rodez. Société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron. Procès- verbaux des séances, T. xii, 1878 à 1880.

Rouen. Société des sciences naturelles. Bulletin, 1880.

Académie des sciences, belles- lettres et arts. Précis analy-

tique des travaux. Année 1878-1879.

Saint-Jean-d'Angély. Société linnéenne de la Charente-Inférieure. Bulletin, 1880.

Saint-Omer. Société des antiquaires de la Morinie. Mémoires et bulletins, 1879, 1880 et 1881.

Saintes. Société des archives historiques de la Saintonge et de l'Au- nis. Bulletin, T. ii, 1880; T. ni, 1881.

Sbnlis. Comité archéologique de Senlis. Comptes rendus et mé- moires, T. V, 1879, 2e série.

Toulouse. Académie des Jeux-Floraux. Recueil, 1881.

Académie de Législation. Recueil, 1879-1880. T. xxvin.

Société de médecine, chirurgie et pharmacie. Comptes rendus

des travaux, 1880. Revue médicale, 1880, 1881.

Société archéologique du midi de la France. Bulletin, 1880.

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ADRESSÉS A l' ACADÉMIE PENDANT l'aNNÉE 1880-81. 317

TouLousi. Société d'agriculture de la Haute-Garonne et de TAriège. Journal d'agriculture pratique et d'économie rurale pour le midi de la France, 1880, 1881.

Société d'horticulture de la Haute-Garonne. Annales, T. xxvii,

1880, 1881.

Société académique hispano-portugaise. Bulletin, T. i, 1880. Trotes. Société académique d'agriculture, sciences, arts et belles- lettres du département de l'Aube. Mémoires, T. xvi, 1879.

Valencibnnes. Société d'agriculture, sciences et arts de l'arrondisse- ment de Valenciennes. Revue agricole, industrielle, litté- raire et artistique, T. xxxixi, T. xxxiv.

Vendômi, Société archéologique, scientifique et littéraire du Vendô- mois. Bulletin, T. xix, 1880.

SOCIÉTÉS ÉTRANGÈRES

Amsterdam. <— Verhandelingen der koninklijke akademie van wetens- chappen-afdeeling Letterkunde. Deel xn, 1879.

Achttiende Deel-Met platon. Deel xviii, 1879.

Negentiende Deel-Met platon. Deel xix, 1879.

Verslagen en Medeelingen der koninklijke Akademie, van We-

tenschappen-Afdeeling Letterkunde-Tweede kecks.

Processen-verbaal van de Gewone vergaderingen der koninklijke

Akademie van Welenschappen-Afdeeling natuurkunde, 1877, 1878, 1879.

Elegiae duae. Virginia maturioris querelae elegia pétri isseiva

praemio aureo ornata. Accedit elegiatioannis van Leeuwen.

Jaarbock van do koninklijke akademie van Wetenschappen ge-

vestigd, 1877-1878.

Idyllia aliaqne poemata. Francisei pavesi de insubrum agricola-

rum in transatlanticas regiones demigratione idyllia praemio aureo ornata in certamine poetico hœufstiano.

Anvers. Académie d'archéologie de Belgique. Annales. Bulle- tins.

Athènes. Synopsis numorum veterum qui in museo numismatico Athenarum publico adservantur disposivit et impensis publi- cis edidit Achilles Postolacca.

BiSTRiTZ. VI. Jahresbericht der Gewerbeschule zu Bistritz in Sieben- bùrgen, 1880.

Berne. Institut géographique international. Bulletin, n«s 1, 2 3 4.

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31 s OUVRAGES IMPRIMÉS

Boston. Occasional papers of the Boston Society of natural history. III. Contributions to the Geology of castern Massachussetts, by William 0. Crosby, 1880. Procedings of the Boston Society of natural History. Vol. xx, 1878, 1879, 1880. Me- moirs of the. Vol. m, part. 1, number 3.

Procedings of the American Academy of arts and sciences. New

séries. Vol. vu (Whole séries). Vol. xv, 1879, 1880.

Bruxelles. Société royale de botanique de Belgique. Bulletin, t. xix. Compte rendu de l'assemblée générale extraordinaire convo- quée pour la commémoration de la fondation de la Société, le 16 octobre 1880.

Babgelonb. Ateneo Barcelonès. Boletin, 1880, 1881.

Catania. Accademia Gioenia di scienze naturali (Atti delD. Série terza. T. xiii-xiv.

Dantzig. Schriften der naturforschenden Gesellschaft in Dantzig. Neue Folge. Vierter Band, 1876-1880. In naturwissenschaftlicher und medizinischer Beziehung, 1880.

Dresde. Das Muséum Ludwig Salvator, in Ober^Blase^itz, bei Dres- den.

Dublin. Proceedings of the Royal irisch Academy (science). Vol. m iPolite littérature and antiquities). Aeneidea or critical exegetical and aesthetical remarks on the aeneis. Vol. ir, 1879. (Continued.) Royal irish Academy « Cunningham memoirs », no I, june 1880. The transactions of the Royal irisch Academy (science). Vol. xxvi, novembre 1879. Ma- nuscript séries. Vol. i, 1880, 1881.

The Journal of the Royal Dublin Society, no 45, vol. vn.

The scientific transactions of the Royal Dublin Society. 1877,

1878, 1879, 1880.

The scientific proceedings of the Royal Dublin Society. Con-

tents of part. 1877, 1878, 1879, 1880,

Erlanoen. Sitzungsberichte der physikalisch-medicinischen Societat zu Erlangen, 1879, 1880.

FiRENZE. Pubblicazioni del R. Istituto di studi superiori pratici e di perfezionamento in Firenze, sezione di filosofia e filologia. Vol. II, dispensa 6.

Le Origine délia lingua poetica italiana, etc.

Pubblicazioni, etc., sezione di medicina e chirurgia.

Del procesco morboso del colera asiatico, del suo stadio di morte

apparente e délia legge matematica da cui e regolato, Mémo- ria del dott. Filippo Pacini.

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ADRESSÉS A l' ACADÉMIE PENDANT l' ANNÉE 4880-84. 319

GiNÀva. Société de physique et d^histoire naturelle. Mémoires.

T. xxTii, partie. Harlbm. Archives du Musée Teyler. Vol. v, 1880. Vol. vi.

Hbidblbbro. VerhandluDgen des naturhistorisch-mediciaischen Ve- reins. Neue Folge. ii, 5.

Kassel. •— Botanisches Centralblatt, 1880 (Table des matières).

Londres. Proceedings of the Royal Society. Vol. xxix, Vol. xxx.

Philosophical transactions of the Royal Society of London.

Vol. CLXX, Vol. CLXXI.

The Royal Society (Ist. december 1879).

Royal Microscopical Society (Journal of the). Vol. m, 1880, 1881.

Royal astronomical Society.

Collection complète des Mémoires parus, du vol. i au vol. xly.

Royal astron. Society (List of fellows), june 1879.

Liàai. Société géologique de Belgique. Annales. T. r, 1877-1878.

Lisbonne. Académie royale des sciences. Jornal de sciencias mathe- maticas, physicas e naturaes, 1879.

Memorias (classe de sciencias matha maticas, physicas e natu-

raes), nova série. T. v, parte 2.

Historia e mémorial (classe de sciencias moraes, politicas et bel-

las-lettras), nova série. T. v, parte 1.

Flora dos Lusiadas pelo conde de Ficalho.

Elementos de Histologia gérai e histophysiologia, por Eduardo-

Augusto Motta.

Sessao publica da Academia Real das sciencias de Lisboa, em

9 de junho de 1880.

Panegyrico de Luiz de Camoes, por le secretario gérai J.-M. La-

tino Coelho.

Conferencias celebradas na Academia et acerca dos descolerimen-

tos et colonisacoes dos Portuguezes na Africa. Quarto conferencia : Demosthenes. A Oraçâo da Coroa, par J.-M. Latino Coelho. •— Historia dos Estabelecimentos scientificos litterarios e artisticos de Portugal nos successivos Reinados da monarchia, por José- Silvestre Ribeiro. T. vu, Tin et xix.

Historia do Congo, obra posthuma do visconde de Paiva Manso.

Vida e viagens da Fernae de Magalhaes, por Diego de Barros

Arana.

Théâtre de Mulière. 0 Avarento, comedia en cinco actos. ver^

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320 OUVRAGES IMPRIMÉS

sao liberrima. 0 Misanthropo, versao liberrima. Tar- tufo. 0 Medico a força, As Sabtchonas. 0 Doente de Sctsma, Lisbonne. William Shakespeare : Hamlet, tragedia en cinco actos. Traducçao de Bulhao Pato.

Documeatos remettidoa da India, ou livros das moncoes pablica-

dos de ordem da classe de scieacias moraes, politicas e bellas- lettras da Academia reale de Lisboa. T. i. Manchester. Proceedings of the literary aïk l philosophical Society of Manchester. Vol. xvi, session 1876-1877. Vol. xtii, session 1877-1878. Vol. xvin, session 1878-1879. Vol. xix, session 1879-1880.

Memoirs of the litterary and philosophical Society of Manches-

ter. Third séries, sixth volume, 1879.

MoDBNB. Regia Accademia di scienze lettere ed arti in Modena. Me- morie délia. T. xix, 1878-1879.

Metz. Académie. Mémoires, 1877-1878. 49« année, série, année.

Philadëlphia. Proceedings of the Academy of natural sciences , 1879.

RoMA. R. Accademia dei Lincei (atti délia). Anno ccLZxyiii, 1880.

Rio-db-Janeiro. Archivos do Museu nacional do Rio-de -Janeiro. Vol. II, 1877. Vol. III, 1878.

Rotterdam. Programme de la Société battave de philosophie expéri- mentale de Rotterdam.

SiDNBT. Mines and minerai statistics. Annual report of the départe- ment of mines New South Wales, for the year, 1877.

Journal and proceedings of the Royal Society of New South

Wales. Vol. xii, 1878.

SiBNA. Bullettino del Naturalista coUettore, no» 2 et 3.

Strasbourg. Société des sciences, agriculture et arts de la basse Al- sace. T. xiT, 1880.

Saint-Pétbbsbouro. Académie impériale des sciences de Saint-Pé- tersbourg. Mémoires, série. T. xxvn, T. xxvin.

Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg. Bulletin.

T. xxYi, T. XXVII, T. XXVIII.

Acti horli petropolitani. T. vi.

Société impériale archéologique russe. Bulletin. Vol. ix.

L'Architecture de TÉgypte ancienne, 1880.

Stadtamhop. Verhandlungen des historischen Vereines von Ober- pfalz und Regensburg, 1879.

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ADRESSÉS A L* ACADÉMIE PENDANT l' ANNÉE 1880-81. 3^f

Vunns. Jahrbuch der kaiserlich-kœniglichen geologichen Reichs- anstalt. Jahrgang 1879, Band no 3, mit Tafel, xvi, xvn. Jahrgang 1879, Band no 4, mit Tafel, xviii, xix und xx. Jahrgang 1880. Band no 1, mit Tafel, i-iv. Jahrgang, 1880. Band no« 2 und 3, mit Tafel, v-yiii

Mittheilungen der kais. und kœn. geographischen Gesellschaft

in Wien, 1880, xxiii. Band (der neuen Folge, xiii).

VerhandlungQn der k. k. geologischen Reichsanatalt, 1879, \88^. Washington. Smithsonian institution. Miscellaneous collections.

Vol. XVI et XVII, 1880.

Smithsonian institution. Contributions to knowlidge. Vol. xxii,

1880.

Annual report of the board of régents of the Smithsonian insti-

tution. Showing the opérations, expenditures, and condition of the institution for the year, 1878, 1879.

AUTRES SOCIÉTÉS AVEC LESQUELLES L' ACADÉMIE CORRESPOND Et qui ne lui ont rien envoyé pendant l'année 1880-4881.

Sociétés françaises.

Abbeville. Société d*émulation. Aix. Académie des sciences, arts, etc. ANGOULâME. Société d*agriculture, arts et commerce. ApT. Société littéraire, scientifique et artistique. Arras. Académie des sciences, lettres et arts.

BAGNàRSS'DE-BiGORRB. Société d*encouragement pour lagriculture et Tindustrie.

Société Ramond.

Batsux. Société des sciences et arts.

Bernât. Société libre d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres de

l'Eure. Besançon Académie des sciences, belles-lettres et arts. Bordeaux. Académie des sciences, belles-lettres et arts.

Société philomatique. Boulogne-bur-Mer. Société scientifique. Brest. Société scientifique.

SKRIE TOME Iil 2. 21

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332 OUVRAGES IMPRIMÉS

Bbiyes. Société d^agriculture, industrie, sciences et arts du départe- ment de la Corrèze.

Cabn. Académie nationale des sciences, arts et belles-lettres.

Cahobs. ^ Société des sciences.

^- Société des études littéraires, sciences et arts du Lot.

Cambrai. Société d'émulation.

Carcassonne. Société des arts et sciences.

Chalons-sur-Marne. Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne.

Cherbourg. Société nationaln académique.

Douai. Société d'agriculture, sciences et arts, centrale du département du Nord.

Dunkerque. Société dunkerquoise pour Tencouragement des sciences, lettres et arts.

Lyon. Société linnéenne.

Marseille. Académie des sciences.

Montpellier. Académie des sciences.

Société archéologique.

Perpignan. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- Orientales .

Société académique d'agriculture, belles-lettres, sciences et arts. PoNT-A-MoussoN. Société philotechnique.

Privas. Société d'agriculture, sciences, industrie et arts de TArdèche.

PuY (le). Société d'agriculture, sciences, arts et commerce.

Rennes. Société archéologiqus d'Ille-et-Vilaine.

Rouen. Académie des sciences et belles- lettres.

Saint-Quentin.. Société académique des sciences^ arts, belles-lettres,

agriculture et industrie. Toulouse. Société des sciences physiques et naturelles. Tours. Société de médecine.

Trotes. Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres. Versailles. Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres. Vitry-le-François. Société des sciences et arts.

Sociétés étrangères,

Brunn en Moravie. Société d'histoire naturelle. Bruxelles. Académie d'histoire naturelle.

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ADRESSÉS A l'académie PENDANT l'aNNÉE 1880-81. Sîl]

Caire (le). Société kédiviale de géographie.

Christiania. Université royale.

Datemport. Academy of the natural sciences .

Dublin. Royal geological Society of Ireland.

Liàas. ^ Société des sciences.

Madrid. Université.

Milan. Real Istituto lombardo.

Notara. Biblioteca civita.

Nbw-Haven. Connecticut academy ofarts and sciences.

Palerme. Académie palerm^sane des sciences et belles-lettres.

Conseil de perfectionnement annexé à l'Institut royal tech- nique. Pbsaro. Âcademia agraria.

Ouvrages offerts à rAcadémie. Ouvrages offerts par les associé» ordinaires.

M. Baillaud. Exposition de la méthoJe de M. Gylden, pour le déve- loppement des perturbations des comètes.

Sur le calcul numérique des intégrales définies.

Note sur les séries des termes positifs.

Sur une transformation trigonomolrique employée par Hausen dans la théorie des perturbations. (Extrait du Bulletin des scien- ces mathématiques, 2e série, T. ii, 1878.)

Sur la méthode de Hausen pour la détermination des perturbations absolues des petites planètes. (Extrait du Bulletin des sciences mathématiques, série, T. ii, 1878.)

Annales de l'Observatoire de Toulouse. T. i.

M. Daguin, Traité de physique, le', 2«, 3e et 4e volumes.

M. Hallbbrg. La littérature espagnole en Allemagne, Iro partie* Eloge de Calderon.

M. N. Jolt (Dr). Etudes sur le bananier. (Extrait du Bulletin de TAs- sociation française pour Tavancement des sciences. Congrès de Montpellier, 1879.)

M. JooLiN. -^ Recherches expérimentales sur la diffusion. ( Extrait des Annales de chimie et de physique, 5e série, T xxii, 1881.)

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3 H OUVRAGES IMPRIMÉS

M V. MoLiNiER. Etudes sup lo nouveau projet de Cude pénal pour le

royaume d'Italie. M. Planet (de). Lettre à M. le Ministre de l'agriculture et du com- merce, au sujet de la limitation des heures de travail dans les usines et manufactures. M. Ed. TiMBA.L-L\QRA.YB. Essai monographique sur les Dianthus des Pyrénées françaises.

WAllium Moly L. et la Flore française, par MM. Timbal-Lagrave , G. Gantier et E. Jeanbernat. M. A. Villeneuve. De Talimentation publique et privée chez les Romains.

De l'art dramatique à Rome.

Des jeux publics à Rome.

Odes d'Horace traduites en vers français.

Un drame judiciaire.

Remerciement de M. A. Villeneuve.

Réponse au remerciement de M. Arnault.

Rapport sur le concours des Jeux-Floraux en 18T7.

Eloge de M. Florentin Ducos.

Poésies. Episode de l'inondation. Les verrières.

Eglogue à Pollion.

La dame de Sabraa.

Bal chez Flore.

Un lever de soleil.

La Montagne. Poème.

Poésies diverses. La Mouche et l'Hirondelle.

Ouvrages offerts par les associés correspondants.

M. A. d'Abbadie. Recherches sur la verticale.

M. Couture (Léonce). Cours de langue et littérature romanes, pro- fessé en 1879 à la Faculté libre des lettres de Toulouse. (Leçon d'ouverture prononcée le 29 janvier 1881.) M. A. Curie-Seimbres. Essai sur les villes fondées dans le sud-ouest de la France aux treizième et quatorzième siècles sous le nom générique de Bastides. M. U. Chevalier. Notre- Seigneur Jésus-Christ, bio-bibliographie. La sainte Vierge Marie, id.

Saint Pierre, apôtre, id.

Saint Paul, apôtre, id.

Jeanne d'Arc, id.

Dante Alighieri, id.

François Pétrarque, il

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0

ADRESSÉS A l'aCADBMIB PENDANT L ANNEE 1880-81. 325

laventaird des archives des dauphins à Saint-André de Grenoble,

en 1^7. Notice analytique sur le cartulaire d'Aimon de Chisséaux archives

de révêché de Grenoble. Inventaire des archives des dauphins du Viennois à Saint-André

de Grenoble, en 1346. Ordonnances des rois de France et autres princes souverains, rela- tives au Dauphiné. Etude sur labbé Trithème (1462-1515). Ma correspondance avec quelques hommes de lettres, de M. Paul

Emile Giraud, ancien député de la Drôme. Rapport présenté au comité historique des arts et monuments, par

M. Giraud. Opinion de M. P.-E. Giraud, député de la Drôme, sur la pairie. Collection de cartulaires dauphinois, T. vi, livraison. Notice chronologiquo-historique sur les évêques de Valence. Notice littéraire et bibliographique sur Letbert, abbé de Saint-

Ruf a 100-1 110). Fouilles des diocèses de la province ecclésiastique de Lyon. Une nouvelle édition des Œuvres complètes de saint Avit, évêque

de Vienne. Notes et documents pour servir à Thistoire des doyens de l'église

Die au seizième siècle. Inventaire des archives dauphinoises de M. Henri Morins-Pons,

rédigé et publié par U. Chevalier et André Lacroix. Notice historique sur le couvent de Sainte -Claire, de Romans. Notice historique sur la maladrerie de Voley, près Romans, par

le Dr U. Chevalier. Actes capitulai res de Téglise Saint-Maurice, de Vienne. Nécrologie et cartulaire des Dominicains de Grenoble. Visites pastorales et ordination des évêques de Grenoble de la

maison de (hissé (quatorzième et quinzième siècles). Lettres inédites de Hugues de Lionne, ministre des affaires étran- gères sous Louis XIV, précédées d'une notice historique sur la

famille de Lionne, parle D' U. Chevalier. * Choix de documents historiques inédits sur le Dauphiné. Notice chronologicu-historique sur les archevêques de Vienne. Mémoire de J.-B. Brun, curé d'Aonste, par Tabbé Blain. Publications de la Société de TOrient latin (tiré àpart). Un programme d'études historiques et archéologiques {tiré à part). Relations de Louis XI et de Charles VIII avec Gap et Embrun

{tiré à part). De Futilité et des conditions de la critique d'érudition. Un programme d'études historiques et archéologiques.

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326 OUVRAGES IMPRIMES

Correspondance politique et littéraire du marquis de Valbonnais. M. J. Daud^ (Dr). Du sort des enfants morts dans la matrice. M. Dksdevises du Désert. Le sol français à travers Thistoire. M. H. FiLHOL. Observations sur le genre Proailurvs,

Etude des mammifères fossiles de Saint- Gérand-le-Puy (Allier).

M. F. Garbigou (Dr). Histoire de la découverte du mercure dans

Teau de la source du rocher de Saint-Nectaire (Puy-de-Dôme).

Le mercure dans Teau minérale de Saint-Nectaire.

Conférence sur lo phvlloxéra faite le 26 février 1880 à Bordeaux.

M. Oermain. L*Ecole de médecine de Montpellier, ses origines, sa

constitution, son enseignement. M. Larrey (le baron). Allocution prononcée à la vingt-huitième séance annuelle tenue par la Société protectrice des animaux. Discours sur le projet de loi sur l'administration de Tarmée , pro- noncé le 14 juin 1880 à la Chambre des députés. (Extrait du Journal officiel dix 15 juin 1880.) M. Musset (Charles). Influence immédiate de la pesanteur sur la for

mation de racines adventives. M. P. Tamizey de Larroqub. Lettres inédites de Pierre de Marca , évêque de Couserans , archevêque de Toulouse et de Paris, au conseiller Séguier. 1881. M. D. Birrens de Haan. Notice sur un pamphlet mathématique hol- landais « Bril voor de Amsterdamsche belachelycke geometris- ten. Amsterdam, 1663. » Over het differentiereen van eenige. Ellidtische integralem naar

den modulus of eene funetie daurvan, 1878. Jets over dobbelen door, 1878.

Bydragen tôt de théorie der bepaalde integralen. No 14 , 1878. Jets over de théorie des fonctions des variables imaginaires , par E. Maximilien Marie ; door de Rierensde Haan. M. E. Catalan. Extrait.de trois lettres adressées par M. E. Catalan à D. B. Boncompagni. Ef trait des AttidelT Accadomia pontifica de Nuovi Lincei. (Séan- ces des 17 janvier et 20 février 1881.) M. G. Bellucci (de). Sulla virtu ozonogenica degli olii essenziali.

Catalogo délia coUezione di amuleti inviata air esposizione na-

zionale di Milano, 1881. Snlle proprieta decoloranti deiracido solfidrico. (Note extraite de

la Reale academia dei Lincei.) SuUa pretesa esistenza dellacqua ossigenata nelForganismo dellc

plante. Crociera del Violante, comandato dal capitano-armatore Enrico d'Albertls, durante l'anno 1877.

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▲DRESSÉS À l'académie PENDANT L* ANNÉE 1880-81. 327

Ouvrages offerts par divers auteurs. Ouvrages français.

M. Ardbnnï (D' L. d'). De rallaitement artificiel.

M. Cartailhag (E.). Inventaire des monuments mégalitiques de

France (Extraits des bulletins de la Société d'anthropologie de

Paris. Séance du 22 janvier 1880.)

Congrès international d'anthropologie et d'archéologie préhisto-

rique. (Rapport sur la session de Lisbonne.)

M. Chantre (Ernest). Conférences à la Faculté des sciences de Lyon. (Anthropologie). Leçon d'ouverture le 7 janvier 1881.

M. DuLAURiER (E.). De Tanité de la matière.

M. DuBRBuiLH (E.). Extrait de la Revue des sciences naturelles. (Sep- tembre 1880.)

Sociétés des sciences naturelles de province.

M. Fleury (Edouard). Origines et développements de l'art théâtral

dans la province ecclésiastique de Reims. M. OuiNiER (Dr H.)* Etudes laryngologiques. Déglutition de travers.

ses accidents, son mécanisme. M. GiBEET (Eugène). Llnde française en 1880. M. Lartbt (Louis). Vie et travaux d'Alexandre Leymerie. M. Pont (H.). Notice sur la bibliothèque publique de la ville de

Toulouse. M. PiETTB (Edouard). Note pour servir à TEpigraphie d'Elusa. M. RuMEAu (de Grenade). L'écriture dans l'antiquité et les artistes

écrivains.

M. Sarrasi. L'antique Orient dévoilé 'par les hiéroglyphes et los inscriptions cunéiformes, provenant des dernières fouilles exé- cutées en Egypte, Assyrie, Chaldée, Perse et Phénicie.

M. Taupiac (L.). Villelongue, judicature, circonscriptions et origines.

Ouvrages étrangers.

M. CoME9 (Dr 0.). Osservazioni su l'alcune specie difunghi del Napo-

letano e descrizione di due nuove specie. M. FoDARO (Agostino). Hortus botanicus panormitanus sive plantœ

nov» criticse quœ in horto botanico paoormitano coluntur ; des-

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328 OUVRAGES IMPRIMÉS

criptse et inconibus illustratse, T. i, 1875; T. i, fascicule 9, 1877.

M. Henry (C). Supplément aux recherches sur les manuscrits de Fermât.

(Extrait du Bolletino di bibliografia e di storia délie scienze ma-

tematiche e fisiche, T. xiii, juillet 1880.)

M. Malet (D' Federico Anel y). Projecto de reglamento para la en- sonanza pràtica-simultânea de la agricultura en Espana.

M. RoBiNSKi (D'i. De Tinfluence des eaux malsaines sur le développe- ment du typhus exan thématique.

M. RiBBiRO (José-Silvestre). Don Pedro Calderon de la Barca. Rapido esboço da sua vida e escriptos.

M. ToMMASi (Dr Donato). .Sopra una nuova modificazione isomera del trûdrato alluminico.

Réponse à une note de M. A. Riche sur la réduction du chlorure

d'argent par la lumière.

Becueiis périodiques reçus par l' Académie.

Albi. Revue historique , scientifique et littéraire du département du

Tarn, 1880, 1881. T. m. CoLMAR. Revue d'Alsace, nouvelle série, T. ix, 1880; T. x, 1881. Paris. Revue historique, T. xiv, 1880; T. xv, 1881 ; T. xvi, 1881.

Revue des Sociétés savantes des départements, publiée sous les

auspices du Ministre de Tinstruction publique, des cultes et des beaux-arts, série, T. ii, 253» livraison. Journal de l'école polytechnique, 48« cahier, T. xxix.

Revue scientifique de la France et de l'étranger, 1880, 1881.

Revue politique et littéraire de la France et de l'étranger, 1880,

1881.

L'Investigateur, journal de la Société des études historiques.

Ancien Institut historique, 46« année, 1880; 47« année, 1881.

Romania. Recueil consacré à l'étude des langues et de la

littérature romanes, T. ix.

Revue archéologique, ou Recueil de documents et de mémoires

relatifs à l'étude des monuments, à la numismatique et à la philologie de l'antiquité et du moyen fige, 1880.

Journal des savants, 1880, 1881.

Annales de chimie et de physique, T. xx, T. xxi, 1880; T. xxa,

T. xxiii, 1881.

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ADRESSÉS A l' ACADÉMIE PENDANT l'aNNÈE 1880-81. 329

Paris. Annuaire de la Société philotechnique. T. xl, 1880.

Ministère de Tinstruction publique et des beaux-arts. Revue

des travaux scientifiques, 1881.

Actes de l'institution ethnographique. Compte rendu des

séances de TAthénée oriental, T. vm, 1878.

Congrès international des sciences ethnographiques, lr« session.

Paris, juillet 1878. Invitation.

Bulletin officiel de Tinstitution ethnographique. 1879.

Annuaire de la Société d'ethnographie, 1874.

Société américaine de France, session ordinaire de 1875.

Annuaire du Bureau des longitudes pour 1881.

Annuaire de TObservatoire de Montsouris pour 1881.

Le cabinet historique. Revue mensuelle, 1880.

L'hygiène pour tous, journal de vulgarisation des sciences na-

turelle et médicale.

Description des machines et procédés pour lesquels des brevets

d'invention ont été pris sous le régime de la loi du 5 juillet 1844, T. xvn, et 2e parties; T. xviii, id.; T. xix, id.; T. xx, id.; T. XXI, id.

Catalogue des brevets d'invention, no« 1 à 9, 1880.

Romans. Bulletin d'histoire ecclésiastique et d'archéologie religieuse des diocèses de Valence, Gap, Grenoble et Viviers, 1'» année, 1881.

Toulouse. Histoire générale de Languedoc, par dom Devic et dom Vaissete. T. vi, vii et vni.

Revue vétérinaire; journal consacré à la médecine vétérinaire

et comparée , à l'économie rurale et à tout ce qui s'y rattache, publié à l'Ecole vétérinaire de Toulouse, 1880 et 1881.

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TABLE DES MATIERES

CONTENUES DANS CE VOLUME

SEANCE PUBLIQUE

Discours de M. Duméril, président 3-39

Eloge de M. Desbarreaux-Bernard , par M. Baudouin 40-58

Rapport sur le concours des médailles d'encouragement (classe des inscriptions

et belles-lettres), par M. Pradel 59-65

Rapport sur le concours des médailles d'encouragement (classe des sciences), par

M. Melliès 66-73

Rapport sur le grani prix de Tannée, par M. Baudouin 74-84

Proclamation de la médaille d'or décernée par le Conseil municipal à M. Pont,

bibliothécaire. Allocution de M. Gatien-Arnoult 82-84

Liste des prix distribués 85

Sujets des prix proposés pour les concours de 4 8 à 1 884 86-88

Bulletin des travaux de l'Académie pendant le second semestre de l'année

4 880-! 884 304 -34 1

Liste des Sociétés savantes avec lesquelles l'Académie correspond et des publi- cations qu'elle en a reçu 343

CLASSE DES SCIENCES

MATHEMATIQUES PURES

Équations différentielles du mouvement d'un corps solide, libre on gêné, solli- cité par des forces quelconques, par M. Despeyrous 4 45-4 68

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