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HISTORIQUE

Paraissant tous les deux mois.

Nt qyàd fàlti audeat, ne quid vert non audeal kittoria.

Cic^RON, de Orat. II, i5.

QUATRIÉMB ANNÉE.

TOME ONZIÈME

Septembre-Décembre 1879.

PARIS LIBRAIRIE OERMER BAILLIÈRE et C*

108, BOULEVARD SAINT-OERMAIN AD COIN DE LA RUE H AUTEFEDILLB

1879

LES ÉTATS PROVINCIAUX

DE LA FRANCE CENTRALE

SOUS CHARLES VII

{Suite et fin.)

IL Attributions des états provinciaux.

§ 1. Attributions politiques .

A. Vote de Vimpât. Principal. Frais.

La première attribution des états provinciaux en matière poli- tique, c'est le vote de l'impôt. Un principe d'origine féodale vou- lait que le roi, comme les autres seigneurs, en dehors de ses reve- nus ordinaires, ne pût lever aucun impôt sur ses sujets sans leur consentement. Depuis le xrvr* siècle, le consentement devait être donné par les états provinciaux comme représentants du pays. On pense bien que la royauté chercha de bonne heure à se débar- rasser de cette obligation ; on peut dire qu'elle y était à peu près arrivée sous Charles VL Mais en 1418, le principe méconnu reprit une nouvelle vigueur ; le dauphin Charles, obligé de quit- ter Paris et cherchant à s'attacher par tous les moyens les pro- vinces situées sur la rive gauche de la Loire, abolit toutes les impositions qui avaient cours à ce moment ; c'était reconnaître qu'elles avaient été perçues illégalement et se condamner pour longtemps à ne lever d'autre impôt extraordinaire que ceux que les états généraux ou provinciaux voudraient bien lui accorder. Il en fut ainsi en effet. Si Charles VU se passa plusieurs fois des états généraux, s'il y renonça de bonne heure, jamais, de 1418 à 1451, il ne put lever un impôt direct sans l'intervention des états provinciaux. Ce fait, que l'on avait à peine soupçonné jus- Rev. Uistor. XL l»' PASC. 1

A. THOMIS.

qu'ici S est mis hors de doute par le catalogue, bien incomplet pourtant, qui forme la base de notre travail'. Chaque année, et parfois plus souvent, les états votaient une aide plus ou moins considérable, et chaque fois sans préjudice pour l'avenir. On peut dire que, de 1418 à 1451, il n'y a aucune diflerence à ce point de vue entre l'Auvergne ou la Marche et le Languedoc.

Montrons, par des exemples empruntés à chaque pays, que fréquenunent les états usèrent de leur droit pour refuser une par- tie des charges qu'on voulait leur imposer. Au mois de mai 1431, les états d'Auvergne, assemblés à Montferrand devant Guillaume le Tur et Girard Blanchet, accordèrent seulement 30,000 francs au lieu de 45,000 demandés par le roi. Au mois de janvier sui- vant, ils réduisirent de moitié les demandes de la cour et ne votèrentquel5,000 francs sur 30,000^. Aumois dedécembrel445, le roi ayant taxé l'Auvergne à 40,000 francs pour sa part d'une aide de 200,000 francs levée sur le Languedoïl, les états envoyèrent auprès de lui à Chinon une députa tion composée de Bertrand, comte de Boulogne et d'Auvergne, de Jacques de Châtillon, de Draguinet de Lastic, de Jean Leviste, de Guillemin de Reillac et de Martin Roux, et les députés obtinrent le rabais de 4,000 fr. ^

En 1423, les états du Limousin obtinrent une diminution de 8,000 fr. sur 37,000 auxquels montait leur part de l'aide d'un million accordée au roi à Bourges au mois de janvier ^.

En 1438, le Haut-Limousin ayant été imposé par le roi à 12,000 fr. pour sa part d'une aide générale de 200,000 fr., les états envoyèrent une ambassade auprès de Charles VII, à Bourges, pour faire valoir leurs privilèges, et le roi dut se contenter de 9,000 francs «.

De même les états de la Marche firent réduire de 12,000 francs à 9,500 leur part des 450,000 francs octroyés par les états de Languedoïl, à Poitiers, en octobre 1425^. Au moi de mai 1433,

1. M. Vailet de ViriTille ne cite aucune session poar notre région dans une liste il a touIu réunir à la fois les états généraux et les états provinciaux. Voy. Bibl. de VÉcole des charte$,iSn, p. 27-30.

2. Voyez plus haut.

3. Bibl. nat., Pièces orig., 364, dossier Blanchet, n* 32.

4. Bibl. nat., Fr., 22296, à hi date.

5. Ib., ib., 26274.

6. Ib., ib., 25710, p. 116.

7. Ib., Ib., 20587, p. 36, et Clair., 139, p. 2621.

LES l^TATS PROYINCIAUX. 3

ik n'accordèrent que 3,500 francs au lieu des 5,000 francs que demandait le roi ^

Le Franc^Alleu lui-même, ce petit pays qui ne s'étendait que sur une vingtaine de paroisses, sut résister aux exigences royales. Par lettres du 16 juillet 1437, Charles VII avait chargé Trolbard de Montvert, Jean du Mas et Guillaume Lemaréchal d'y imposer 7001.; les états remontrèrent aux commissaires qu'ils avaient « privileiges à eulx donnez par les feuz roys de France pour rai- son desquelz ilz n'estoient ne sont tenuz de contribuer à quelz- conques aides, taiUes ou subsides ; ainçoys quant ils passent par les pays, chargiez de marchandises ou autres choses qui doivent paier péages, ilz n'y doivent riens payer ; > les commissaires se virent obligés, malgré leur commission, de réduire la somme demandée à 5001., aân que les états « octroiassent plus libérale- ment ledit aide*. >

Malgré ces exemples, il faut reconnaître que si les états pou- vaient réduire plus ou moins les sommes qu'on exigeait d'eux, ils étaient pour ainsi dire moralement forcés de voter l'impôt royal. Mais leur initiative est beaucoup plus puissante, c'est quand il s'agit d'impôts nécessités par les besoins de la province. Quel- quefois (notamment en 1444 pour le Bas-Limousin 3) les états envoyaient une ambassade au roi lui exposer qu'ils avaient besoin de faire lever sur eux telle somme pour tel motif; le roi alors, par lettres patentes, autorisait la levée de la somme et nommait des conmiissaires pour en faire l'assiette. Mais il en était rarement ainsi ; voici ce qui se passait le plus souvent et comment les états de nos provinces ont subvenu aux dépenses locales pendant les trente premières années du règne de Charles VII.

Lorsqu'une aide était accordée au roi, il était d'usage depuis longtemps d'imposer avec la somme octroyée une sonmie minime pour les frais, de façon à ce que, suivant les expressions du temps, « l'aide peust venir ens franchement. » Les états, ayant nécessai- rement le contrôle des frais, pouvaient les fixer conune ils l'enten- daient ; ils usèrent de cette facilité pour imposer avec les frais toutes les sommes dont les besoins de la province leur parurent exiger la levée. Ainsi, depuis 1418 jusqu'à 1451, avec chaque

1. Bibl. nat., Fr., 20417, à la date.

2. Voy. Bibl. nat., Fr., 23902, à la date.

3. Voy. Ibid., Portef. Fonlanieu, 119-130.

1. TBOVIS.

impôt accordé au roi, les étals firent lever ce qae noas appelle- rions ToloDtiers des centimes additionnels, si cettâ expression toute moderne ne donnait l'idée d'une proportionnalité qui n'était pas dans les habitudes : on disait alors < les deniers mis sus oultre le principal. > Examinons dans quelles conditions ce droit s'exerça pour chaque pays.

En Auvergne, l'organisation des états était très compliquée* , les frais, outre le principal, pouvaient avoir cinq sources difle- rentes : A. Dans les assemblées générales, qui étaient proprement les états d'Auvergne et qui votaient l'impôt royal, il j avait k peu près toujours diverses sommes votées outre l'aide accordée au roi, soit pour le duc d'Àuvei^ne, soit pour les commissaires, soit pour diverses aSaires concernant le pays tout entier : ces firais étaient répartis dans des proportions fixes entre le haut pays (qui en supportait le 1/4), les bonnes villes (le 1/6) et le plat pays (te reste, soit 7/12) ; B. Les états de la Basse-Auvergne pouvaient ùnitoser pour leurs aSaires particulières, et alors les sommes Ainsi votées n'étaient supportées que par les bonnes villes et le pUt pays ; C. De leur côté, les états de la Haute-Auvergne pou- naÎMit ouvrir des crédits dont ils avaient seuls la charge ; D. Au tnu les bonnes villes refusaient un crédit, il pouvait être voté ^r lv8 gens d'église et nobles de la Basse- Auvergne (plat pays) ùt par les états de la haute ; Ë. Enfin les gens d'église et nobles •î» Ut liasse-Auvergne votaient isolément des frais souvent consi- ■léiuMw répartis sur le plat pays seul. Soit h chaque vole d'aide pour roi le tableau suivant des frais : A D

Haute-Auvergne i + f' + 7 '

<.iu remarquera que les treize bonnes villes de la Basse-Auvergne \H levMidut sur elles que les frais votés en commun ; nous n'avons ptu d'exuuiple du moins qu'elles imposassent collectivement sur dUw^a dehors du ce cas.

Uii»l-Uf4, uuu» avons la prettv*^^'iie levait ainsi des sommes

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V

LES éTATS PHOVllfGUnx. 5

plus OU moins considérables destinées à la défense du pays^ Ce système fut en vigueur jusqu'en 1449, mais non sans encombre. La royauté, qui tendait de plusen plus à s'attribuer exclusivement le droit de lever des impôts, dut cependant tolérer longtemps cet état de choses ; mais bientôt elle intervint et essaya de faire recon- naître la nécessité d'une autorisation royale pour imposer d'autres sommes que les fi*ais ordinaires. En 1438 les états, ayant payé des rançons considérables aux gens de guerre, durent demander des lettres patentes pour les faire asseoir par-dessus l'aide du roi *. Mais les prétentions de la cour trouvèrent bientôt de la résistance. En 1442, lorsque les gens de guerre que Charles VII menait dans l'expédition de Guyenne passèrent par le pays, il fallut encore composer avec eux pour éviter le pillage de la province : on leur donna environ 24,000 francs. Les villes, qui auraient eu évidem- ment moins à souffrir que le plat pays, refusèrent de participer au payement de cette somme. Les états ayant accordé 20,000 fr. au roi à l'assemblée d'Aigueperse (septembre), les gens d'église et nobles firent asseoir la somme de 24,000 fr. sur le plat pays et la Haute-Auvergne en sus de l'aide royale, et cela sans aucune autorisation. Charles VII ne voulut pas laisser passer cette mécon- naissance de l'autorité royale ; M* Jean Rabateau, président au parlement, fut chargé d'instruire l'afifaire, et ce n'est qu'au prix d'une amende de 20,000 fr. que les gens d'église et nobles obtinrent des lettres de rémission le roi affirmait hautement ce principe que personne ne pouvait lever aucun impôt sur le pays sans sa permission ^ ; en même temps il défendit aux receveurs de la pro- vince de rien payer à l'avenir par ordre des états sans avoir de lui une autorisation spéciale *, Il est certain que l'absence de con- trôle avait engendrer beaucoup d'abus. Les « deniers oultre le principal » étaient presque toujours supérieurs à ce principal lui-même. Citons-en quelques exemples : en janvier 1432, aide du roi : 15,000 fr., les frais dépassèrent certainement 16,000 fr. ; en novembre 1433, aide du roi, 7,000 fr. : un seul crédit supplé- mentaire voté par les états de la Basse- Auvergne est de 8,000 fr. Au mois de juillet 1438, les états accordent au roi 24,000 fr. ; la part du plat pays est donc de 14,000 fr. ; or l'assiette faite par

1. Bibl. Dât., Fr., 26047, n* 241.

2. Voy. InsUruct. de la Basse- Auvergne, Bibl. nat., Fr. 22296, n* 2.

3. Voy. Bibl. nat., Fr., 2403t.

4. Bibl. nat., Portef. Fontaniea, 870, f^ 292.

6 i. THOMAS.

les commissaires monte à près de 48,000 fr., soit près du triple, et par conséquent 34,000 fr. outre le principal.

Charles VII ne se contenta pas de l'exemple qu'il avait fait en 1442. Dans les commissions pour l'année 1444 , données à Angers le 7 février, il fixa lui-même les sommes à lever outre le principal « pour tous frais et instruccions > à 44601. dans la basse et 17401. dans la Haute-Auvergne, lesquelles devaient être distribuées sui- vant les instructions données aux commissaires ; en outre, par d'autres lettres données à Tours le 12 mars suivant, à la requête des états qui, dit-il, « n'oseroient mètre sus sans avoir de nous congié et licence, » il permet aux copamissaires d'imposer en plus jusqu'à concurrence de 6000 1. Croit-on que ces mesures aient été efficaces? Les faits vont nous répondre. D'après ce que nous venons de dire, les frais autorisés pour la Haute-Auvergne se montent à 32901. Or, nous avons précisément les « Instructions » de la Haute-Auvergne pour cette même année 1444 : les frais s'élèvent à 14,127 1. *. Il semble que le roi ait renoncer dès lors à combattre un droit que les états revendiquaient si énergi- quement ou que ceux-ci aient céder ; il n'en est rien. Par les lettres de commission du 5 janvier 1446, le roi autorise les com- missaires à faire imposer outre le capital 6000 1. sur le plat pays pour tous frais. Et cependant que trouvons-nous? Les frais géné- raux votés en commun par les états s'élèvent déjà à 13,9041. et les frais particuliers au plat pays dépassent certainement 2,000 1. , ce qui porte à plus de 10,0001. les frais imposés sur le plat pays. Les choses allèrent ainsi jusqu'en 1449, dernière année nous ayons des renseignements certains, et probablement jusqu'en 1451 . Nous verrons plus loin ce qu'il en advint après.

n y a loin, comme importance, de l'Auvergne au Franc- Alleu ; aussi y a-t-il peu de chose à dire sur ce dernier pays. Le roi fixe le principal, mais les frais sont « mis sus du gré et consentement des gens des trois estatz à ce faire appeliez. » La question ne devait guère soulever de difficultés, car ces frais étaient insigni- fiants. Ils sont ordinairement de 901. se décomposant ainsi : 201. pour chaque commissaire (soit 601.), 201. pour le receveur et 101. pour les clercs. Toutefois, en février 1443, ils s'élèvent à 1301. par suite de gratifications faites à quelques personnes.

Les choses se passaient à peu près de même dans la Marche ;

1. Arch. nat., K 68, n* 2.

LES ériTS PROVINCIAUX. 7

le roi laissait les frais à la disposition des commissaires par la formule « avec telz fraiz que verrez estre à faire ; » dans une commission du 3 mars 1438 ^ il ajoute « et aussi telle somme que les gens des Trois Estaz desdiz païs et chastellenie octroieront y estre imposée pour nostre très chier et amé cousin le conte de la Marche. > Les commissaires n'imposent d'ailleurs les fi^is que « du gré et consentement » des états, comme on peut le voir par plusieurs assiettes*. Ces frais sont relativement assez élevés : en 1440, ils atteignent 3048 1. pour un principal de 4000 1. ; en 1441 , 21421. ; en 1445, 20501. seulement pour un principal de 80001. Néanmoins, à partir de 1445, le roi fixe lui-même le montant des frais, à 5001. pour l'année 1446 ^, à 400 1. pour 1447 * : nous ne savons si ces prescriptions furent observées, mais il est bien pro- bable que non.

Pour le Limousin, tant bas que haut, nous avons quelques faits plus intéressants à constater. Le système des frais outre le principal nous apparaît dès 1423, nous voyons imposer ainsi 1473 1. « par le conseil et octroy des gens des Trois Estaz du hault païs de Lymosin, » et il ne soulève à l'origine aucune difiSculté de la part des commissaires. Il en va de même les années suivantes. En septembre 1435, les états assemblés à La Souter- raine imposent sur eux pour les frais et les affaires du pays 4800 1. , sans compter que le principal (5000 1.), par concession du roi, devait être également employé dans l'intérêt delà province. Mais bientôt leaicommissaires semblent concevoir quelques scrupules et éprouvent le besoin de mettre un peu leur responsabilité à cou- vert ; de des phrases comme celles-ci : en 1437 5, « et ce à la requeste des gens desdiz Trois Estaz qui ont voulu ladicte somme estre assise et imposée comme dit est, et baillée et paiée aux per- sonnes et pour les causes dont cy après sera faicte mention , disans adce avoir povoir et privileiges dont ilz ont acoustumé à user ; » de même Tannée suivante* : « ... à la requeste des gens desdiz Trois Estaz qui de ce dient avoir povoir et previleiges et dont ilz se dient avoir usé en pareilz cas et semblables, quant bon leur a

1. Bibl. nat, Fr., 21420, n* 24.

2. Bibl. nat., Fr., 23901 et 21423.

3. Ib., ib., 21427, n* 10.

4. Arcb. nat, K 68, n* 23.

5. Voy. Bibl. nat., Fr., 23902, à la date.

6. Ibid.

8 i. THOMAS.

semblé et les cas y sont advenuz. » Néanmoins les états jouissent sans entraves de ce droit jusque vers 1445 ; il est vrai que les frais, une fois votés par eux, sont régulièrement confirmés par lettres patentes du roi depuis 1440 ; mais il y a là, non une ques- tion de droit, mais, comme nous le montrerons ailleurs, une me- sure purement administrative* . Ces frais son t encore considérables : 40301. en août 1440, 41151. en octobre 1441 pour le Haut- Limousin; 2884 1. en février 1441, 4004 1. en septembre 1442 pour le Bas-Limousin. Toutefois, en 1444, les états ayant donné de fortes sommes aux capitaines de retour de Gascogne pour qu'ils ne passassent pas par le Bas-Limousin, ils n'osèrent les imposer comme de simples frais. Ils envoyèrent donc auprès du roi pour obtenir de lui le prêt de 4000 1. et l'autorisation d'imposer cette somme sur le pays, plus 2682 1. 10 s. t. pour les frais. Le roi l'accorda ; mais le recouvrement de cet impôt rencontra de grandes diflBcultés ; plusieurs seigneurs refusèrent de le laisser lever sur leurs terres, prétendant qu'ils n'avaient pas été appelés aux états, que les compositions faites avec les capitaines ne se montaient pas à une aussi forte somme et que les frais étaient exagérés. Il y eut procès devant la Cour des aides qui ordonna la levée forcée de l'impôt'. Néanmoins les principaux opposants, Gui de Saint- Chamand, le s' d'Escorailles et le prieur du Port-Dieu, obtinrent l'année suivante qu'une enquête fut faite par M®* Noël le Boulan- ger et Raoul du Refuge sur les abus commis au pays dans la levée des aides accordées au roi ^. Cette affaire fut évidemment cause que le roi contrôla dès lors plus sévèrement les frais levés sur le Bas-Limousin. Aussi les trouvons-nous fixés d'avance à 1400 1. dans les lettres de commission du 9 janvier 1445, à 675 1. pour l'année 1447, à 14001. pour 1448, et ces prescriptions semblent toutes avoir été fidèlement observées.

B. Traités. Levées de troupes, etc.

Les états, ayant une existence légale et formant pour ainsi dire une personne morale, pouvaient accomplir la plupart des actes qu'un puissant seigneur féodal avait encore à cette époque le droit de conclure. De ce nombre sont les traités d'alliance. L'exemple

1. Voy. infrà, ch. 2.

2. Voy. sur cette affaire Arch. nat., ZIa 14, à la date du 24 férrier 1445.

3. Ibid., Z 1a 23, f iOb,

LES ÉTATS PHOVINGUUX. 9

le plus curieux que nous en ayons appartient à l'Auvergne. Le 15 juillet 1423, Robert Dauphin, évêque de Chartres, Gilbert de la Fayette, maréchal de France, Bertrand, s*" de la Tour, Jean, s' de Langeac, sénéchal d'Auvergne, Jean de Tinière et Dalmas de Vissac, « à ce commis et ordonnés par les gens des Trois Estaz dupaïsd'Auvergne, »concluentuntraitéd'alliancedéfensivecontre les routiers avec les pays de Bourbonnais, Forez, Beaujolais et Combraille, représentés par le comte de Clermont. Si l'un des pays confédérés a besoin de secours, il le fera savoir aux autres qui seront tenus de venir à son aide, suivant leurs facultés respec- tives *. Cette alliance tenait encore en 1430, nous voyons fixer le nombre de gens de guerre que chaque pays devra envoyer au secours des autres *. Nous trouvons également des alliances con- clues pour une cause passagère ; ainsi, en 1437, les états de la Basse-Auvergne envoyèrent « plusieurs chevaliers, écuyers et autres gens notables » pour « faire certaines aliances avec plu- seurs seigneurs des païs de Velay et de Givaudan ; » le but de cette alliance était de forcer le fameux Rodrigue de Villandrando à évacuer le pays avec ses gens qui mettaient tout au pillage.

A côté des traités d'alliance avec des pays amis, se placent les traités, soit avec les Anglais, soit avec les nombreux chefs de routiers qui dévastaient les provinces. Nous en exposerons ailleurs' l'histoire tout au long ainsi que celle des levées de troupes faites par les états; bornons-nous ici à constater que le droit des états de faire des traités dans ces conditions était absolument reconnu. Dans des lettres-patentes du 8 janvier 1436, Charles VII trouve très naturel « que iceulx gens des trois estaz (Bas-Limousin) ou aucuns d'iceulx aient certains traictiez pour avoir et recouvrer les ville et chastel de Domme occupez par noz anciens ennemis les Anglois estans oudit bas païs ou marchissans sur icellui^ » En 1438, les états du Haut-Limousin font « un appointement » par devant notaire avec Jean de Saintoux, capi- taine de Courbefy, pour le faire déloger de bonne grâce de cette place*. En 1443 nous voyons Jean de Langeac et Draguinet de Lastic, « commisseres ordonnez par mons' le duc et mess" des

1. Arch. nat., P 1358), 550.

2. Ibid., P 1359.

3. Infrà, 3' partie, ch. 3.

4. Arch. nat, K 64, 7.

5. Bibl. nat., Fr., 23902.

40 À, THOMAS.

trois estatz des pays d'Auvergne a faire partie de certaines corn- posicions et appoinctemens faiz à plusieurs cappitaines et gens de guerre en alant et venant... à Tartas...*. » Il va sans dire que l'exercice de ces droits ne s'explique que par la présence des Anglais aux frontières et les désordres de toute sorte qui signalent les deux premiers tiers du règne de Charles VII. Quand le roi eut réussi à peu près en 1445 à mettre un terme « à la pillerie des gens de guerre, » et quand plus tard la Guyenne fut redevenue française, les états n'eurent plus à exercer des droits dont les cir- constances seules les avaient forcés de se servir.

Un droit politique important semble avoir été reconnu quelque- fois aux états provinciaux dans les pays des grands vassaux : c'est celui de donner leur avis sur le mariage de leur suzerain. Par son testament de 1435*, Jacques de Bourbon, comte de la Marche et de Castres, instituant pour héritière sa fille unique Éléonore avec son mari Bernard d'Armagnac, la déshérite en partie « si le cas advenoit que, non appeliez ses principaulx parens et amis, et les trois estatz des contés de la Marche et de Castres assemblez en bon nombre, elle voulut parvenir à secondes noces à homme de moindre estât et hostel qu'elle appar- tient. » Les états n'eurent pas à se prononcer puisque Eltonore de Bourbon, quoique devenue veuve, ne songea pas à se rema- rier; mais le droit que leur suzerain leur attribue n'en était pas moins intéressant à signaler.

C. Les états provinciaux nommaient-ils des députés

aiujo états généraux?

Certains auteurs placent parmi les droits politiques des états de quelques provinces celui de nommer des députés aux états généraux 3. Nous avons donc à examiner la question.

Il est indispensable avant tout de se rendre compte de la ma- nière dont étaient convoqués les états généraux sous Charles VII. En ce qui concerne le tiers état, le roi envoyait des lettres closes aux principales villes et les invitait à nommer des députés à l'as-

1. Voy. Ibid., Cab. des Titres, dossier Langeac.

2. Bibl. nat., Collect. Brienne, 313, p. 231.

3. Voy. Laferrière, opus laud., p. 368; J. Paquet, ibid., p. 162, et surtout Picot, Les Élections aux états généraux dans les provinces de 1302 d 1614, dans les Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, année 1875, t. II, p. 11 et sui?.

LES ^TiTS PROVINCIAUX. U

semblée des états généraux*; pour le clergé les principaux évêques et abbés étaient convoqués directement* ; et il en était évi- demment de même de la noblesse. Ainsi le tiers état était représenté au moyen d'une élection directe et il n'y avait pas d'élection du tout dans les deux autres ordres.

D'après cela il semble que l'on puisse aflSrmer- hautement que les députés aux états généraux n'étaient pas nommés par les états provinciaux. Ce serait toutefois se hasarder beaucoup. Bien que les instructions du roi soient très précises sur ce point, il ne s'en suit pas qu'elles aient été exactement suivies; et si la question est obscure pour nous aujourd'hui, il est à croire que les contem- porains eux-mêmes n'étaient pas très fixés là-dessus. Les archives de Lyon nous fournissent des faits intéressants à ce sujet. La ville fut convoquée aux états généraux de Poitiers en octobre 1425; le texte des lettres closes est précis^ : le roi ordonne d'envoyer deux ou trois députés à l'assemblée. Néanmoins nous voyons une assemblée des villes du Lyonnais se tenir à Lyon le 11 septembre et décider qu'elles députeront collectivement aux états généraux^. Au contraire, en 1427, quand il s'agit de nommer des députés aux états généraux qui étaient alors convoqués à Poitiers pour le 16 novembre, la ville de Lyon décide de députer uniquement en son nom conformément aux lettres du roi'*.

Il n'y aurait rien d'improbable à ce que des faits analogues se soient produits dans les pays que nous étudions. Malheureusement les documents qui nous sont parvenus ne nous permettent guère d'élucider la question. Le 20 février 1424, Aubert Foucaud, sei- gneur de Saint-Germain, donne quittance de 60 francs à lui don-

1. Voyez-en de nombreux exemples dans notre Étude sur let était généraux sous Charles VII, Cab. hist,, 1878, Pièces justificatiTes.

'2. L*abbé de Saint-Jean-d'Angely fut conToqué personnellement aux états géné- raux de Poitiers en octobre 1425. (Voy. Bibl. nat., Fr., 20906, p. 43.)

3. Voyez ces lettres dans le Cab. historique de 1878, p. 215.

4. c Hz ont concluz d'aler ensemble à rassemblée des Trois Estaz à Poictiers Ions ensemble et se gouverneront tous pour une manière et tous ensemble, i (Arch. de Lyon, BB 1, f- 237 y.)

5. c Et quant de soy adjoindre arec le plat pays, ainsi que l'ont requis aucuns dudit plat pays, ilz ont conclus que, attendu que lesdiz du plat pays se sont déjà plnseurs fois desjoins d'arec la rille, et aussi que la ?ille puet avoir des rabais et grâces par pluseurs moyens que n*ont point lesdiz du plat pays, que la vUle face le mieulx par soy qu'elle pourra, sans soy adjoindre en riens avec ledit plat pays, excepté Mandront, qui dit que l'on se doit adjoindre avec ledit plat pays, pour tousjours estre plus fort, se besoing estoit, et pour plusieurs autres causes. (Arch. de Lyon, BB 2, f* 50 r.)

42 A. THOMAS.

nés par les états du Limousin pour avoir éta aux états généraux de Bourges en janvier 1423* ; mais la pièce n'indique pas précisé- ment qu'il eût mandat des états. Dans la distribution des frais imposés en Haut-Limousin en septembre 1435 outre l'aide du roi', nous trouvons une somme votée à l'évêque de Limoges « qui a esté nommé et requis par les gens dudit pays à aler devers le roy à l'assemblée tenue à Tours avecques autres en sa compai- gnie pour les affaires dudit pays. > les termes sont bien précis; l'évêque de Limoges est bien mandataire des états; mais il n'y a aucune trace d'états généraux tenus à Tours en 1435 et il est à peu près sûr que cette « assemblée > n'était qu'une députation des états du Haut-Limousin que le roi avait mandés en sa pré- sence, comme cela eut lieu d'une façon indubitable en 1438.

En somme, notre conclusion, très peu aflSrmative, sera que normalement les états provinciaux ne nommaient pas les députés aux états généraux sous Charles VII, comme cela eut lieu régu- lièrement en 1484; mais qu'on peut cependant rencontrer dès xîette époque quelques exemples isolés de cette pratique plus moderne.

§ 2. Attributions administratives.

A. Répartition de V impôt.

Dans tous les pays que nous étudions les états prenaient part à la répartition de l'impôt, mais dans des conditions propres k chacun d'eux.

En Auvergne, les états ne participaient pas seulement à la répartition; on peut dire que cette importante opération était tout entière entre leurs mains. Depuis la seconde moitié du xiv* siècle, dans tous les subsides qu'ils accordaient régulièrement au frère de Charles V, le duc de Berry et d'Auvergne, ils avaient la jouissance de ce droit qu'ils exerçaient d'après une certaine organisation. Ils surent conserver cette organisation jusque vers 1451 .

A chaque impôt voté, il y avait 3 assiettes distinctes : l'une pour les bonnes villes, l'autre pour le plat pays de la Basse-Auvergne, la pour la Haute- Auvergne. La proportion contributive de ces

1. Bibl. nat., Cab. des Titres, dossier Foucaad.

2. Ibid., Fr., 23902.

LES ETATS PROYINCUUX. 'IS

diverses régions était fixée depuis longtemps : la Haute-Auvergne supportait le quart de l'impôt total, les bonnes villes le sixième, et le plat pays le reste, soit les 7/12^*. Mais à la suite d'une enquête faiteen 1445 et 1446', il fut décidé que la part des bonnes villes se- rait diminuée et qu'elles paieraient seulement le septième de la part de la Basse-Auvergne. La nouvelle proportion fut donc : Haute- Auvergne : 1/4 ou -1 ; bonnes villes, 3/4 X 1/7 ou et plat pays d'Auvergne 3/4 1/7 = -^.

La répartition de l'impôt entre les treize villes de la Basse- Auvergne était faite par les délégués de ces villes réunis à cet effet, et signée par eux. Nous trouvons cet usage en vigueur dès 1382^ et il subsista jusqu'au delà de 1451. Le seul original d'un partage entre les bonnes villes que nous ayons pu découvrir est du 22 février 1449^

L'assiette du plat pays était faite par des commissaires spé- ciaux nommés par les gens d'église et nobles. Du temps du duc de Berry, en 1399, nous voyons que ces commissaires étaient : l'abbé de Mozat et Pierre de Perrol, pour les gens d'église, et les seigneurs de Canilhac, d'Alègre, de Monmaury et de Monrodez pour les nobles, soit six commissaires dont deux membres du clergé et quatre delà noblesse^. Cette proportion subit quelques variations sous Charles VH. En 1436, les commissaires sont : Jean de Lan- geac, sénéchal d'Auvergne, Jean de Chauvigny, Pierre de Cros, chevalier, Guiot Coustave, Gonin Roland, écuyers, et Pierre Boniol, oflBcial de Clermont*; il n'y a donc qu'un membre du clergé; en 1438, les mêmes moins Gonin Roland^; en 1440, appa- raît Pierre Voulpilhère, écuyer, qui semble remplacer Gonin Ro- land*. En 1441, il n'y a que cinq commissaires*. Enfin en 1442*^ nous trouvons six conunissaires dont deux du clergé et quatre de

1. Eo 1382, dans one assemblée des états de la Basse-AaTergne, un subside ayant été accordé, les gens d'église et nobles s'engagent à payer f>ar leurs sujets les 5/6 et les Tilles le reste. (Verdière-Latour, p. 39.)

2. Voy. infirà, III, { 2.

3. Verdier-Latour, op. laud., p. 39.

4. Bibl. nat., Fr., 26078, n* 6074.

5. Verdier-Latonr, p. 47-8.

6. Voy. Bibl. nat., Fr., 26062, p. n* 3055.

7. Ib., ib.„ 22296, p. n- 2.

8. Ib., ib., ib., à la date.

9. Ib., ib., 23898.

10. Ib., ib., 222%, à la date.

^14 A. THOHIS.

la noblesse, comme en 1382; la liste reste la même jusque vers 1451 ; elle est ainsi composée : Jean de Langeac, sénéchal d'Au- vergne, Jean de Chauvigny, s' de Blot, chevaliers, Pierre Voul- pilhère et Robert Coustave, écuyers, Pierre Boniol, officiai de Clermont, et Guiot de Riuf, abbé d'Artonne^ De ce fait qu'on retrouve presque toujours les mêmes noms, il faut évidemment conclure que ces commissaires avaient un mandat permanent et qu'on ne procédait au remplacement de l'un d'eux que par suite de décès ou d'autres empêchements. Certaines fonctions étaient d'ailleurs de nature à conférer presque forcément le mandat de commissaire : ainsi le sénéchal d'Auvergne, comme représentant plus spécialement le duc de Bourbon, l'official de Clermont* conmie représentant de l'évêque, y figurent toujours. Ces commissaires étaient nommés d'une façon permanente par les états, mais ils ne procédaient au fait de leur office qu'en vertu de lettres-patentes à eux adressées par le roi à chaque nouvel impôt qu'il s'agissait d'as- seoir^. Ils répartissaient alors sur toutes les paroisses du plat pays le montant de l'impôt, tant principal que frais, et signaient l'as- siette, ordinairement sur papier, qui était donnée au receveur pour faire sa recette. Leur salaire pour ce travail était fixé par les gens d'église et nobles et imposé parmi les firais; ils avaient ordinairement chacun 50 ou 60 fr.

Cette organisation des états de la Basse- Auvergne pour la répartition des impôts ne pouvait manquer d'exciter la défiance de la royauté, surtout si l'on considère que dans tous les autres pays de langue d'oïl l'assiette des deniers royaux était confiée à des agents exclusivement nommés par le roi (commissaires temporaires ou élus permanents). Aussi, quand elle se sentit assez forte, elle engagea la lutte contre les privilèges et les habitudes du pays. Les commissions pour Tannée 1447, données à Maillé en Touraine, le 26 novembre 1446, sont remarquables à ce

1. Voy. BiW. nat., Fr., 22296, passim,

2. En 1432, la liste des commissaires est exactement composée comme en 1436, mais alors l'oflicial est P. Chaudon. (Bibl. nat., Fr. 2S944. p. u* 69.)

3. c Charles, etc., à noz amex et feaulx les seigneurs de Langhac, senescbal d^ Auvergne, et de Blot, cheraliers, Pierre Boniol, officiai de Clermont, Gniot du Riuf, abbé d'Arthonne, Pierre Voulpilhere, escuier, et Robert Coustaye, gourer- neur de Clermont, commisseres ordonnex de par les gens des Trois Estax du bas paîs d'AuTergne à asseoir et imposer les tailles et inipostx de par nous mis sus oudit bas païs. 19 décembre 1449. » Bibl. nat., Fr., 25711, n* 166.

LES l^TATS PROVINCIAUX. 45

point de vue. Elles sont adressées conjointement au sénéchal d'Auvergne et autres commissaires des gens d'église et nobles, et aux élus sur le fait des aides au diocèse de Clermont, pre- mière atteinte au droit de la province; bien plus, elles con- tiennent ordre aux élus, « au cas les commissaires seroient refusans ou delayans de ce faire, » d'imposer d'office sur le pays les sommes contenues dans le mandement du roi^ Pour bien faire comprendre l'antagonisme qui existait entre les commissaires des états et les élus, il est nécessaire de nous expliquer sur les ofii- ciers que l'on désignait par ce dernier nom.

Les états généraux de Languedoïl, dans leurs différentes ses- sions tenues de 1355 à 1358, avaient nommé des surveillants ou « superintendants » chargés, avec les pouvoirs les plus étendus, de l'administration des aides accordées à la royauté; « ces super- intendants » prirent le nom de « généraux esleuz par les trois estatz sur le fait des aides ordonnez pour la guerre. » A côté de ces élus généraux les états nommèrent des élus particuliers dans chaque diocèse*. Mais on sait combien l'autorité des états géné- raux fut éphémère; en décembre 1360, le roi Jean, mis en liberté sous caution, et imposant différents impôts indirects dans le royaume pour payer sa rançon, reprit pour son compte la créa- tion des états généraux, et dès lors les élus provinciaux, comme les généraux sur le fait des aides, devinrent oflSciers royaux^. Les aides ayant été en fait levées presque sans interruption de 1360 à 1418, les offices d'élus devinrent permanents comme elles.

Les attributions normales de ces officiers royaux ne con- cernaient que les impôts indirects, et spécialement les aides pour la guerre (12 d. par livre sur toutes marchandises, etc.). Aux termes des instructions de Jean le Bon, ils devaient « bailler les dictes impositions à ferme, prendre caucions, recevoir et faire recevoir tous les deniers à la fin dechasque mois, establi receveurs particuliers, etc. » En outre, ils avaient la connaissance de tous

1. Bibl. nat, Fr., 24031.

2. Voy. ùrdonn., III, préface, p. 67 (pièce du 17 mai 1357), et Ib., III, 219 (pièce du 14 mai 1358). Plusieurs auteurs ont cru à tort que les élus diocésains ^eot nommés par les états provinciaux. (Dareste, HisL de Vadm. en France, II, p. 53; Laferrière, op. laud.j p. 359.)

3. Voy. Ord.y III, p. 436-7 (Inst. du 18 décembre 1360). M. Laferrière {op. laud., p. 377) croit que c'est Charles VII seulement qui a transformé les élus eo oflkiers royaux en enlevant leur nomination aux états provinciaux : c'est one grave erreur.

^16 A. THOMAS.

les débats qui pouvaient surgir à l'occasion de la perception des aides. C'est dans ces conditions qu'ils furent établis en Auvei^e comme dans les autres provinces du domaine. Quelques années plus tard, il est vrai, surtout sous Charles VI, la royauté leva firé- quemment des impôts directs ou tailles conjointement avec les aides; les élus étaient alors chargés par conunission spéciale de faire la répartition de leur quote-part entre les paroisses de leur élection*. Ce fait ne semble pas s'être produit en Auvergne à partir du règne de Charles VI ; cette province appartenait alors au duc de Berry, qui de l'assentiment même de son neveu y exerçait tous les droits régaliens. Mais son autorité ne put aller jusqu'à impo- ser des tailles sans le consentement des états. Or, ceux-ci, conune nous l'avons vu, se réservèrent le droit, en accordant ces tailles, de les faire répartir par leurs délégués. Toutefois les élus avaient la connaissance judiciaire des d^ts soulevés entre parties au sujet des tailles comme des aides.

Sous Charles VU la maison de Bourbon, à laquelle avait passé le duché d'Auvergne, n'avait pas hérité de la toute-puissance de Jean de Berry. C'est le roi qui assemblait périodiquement les états, et tous les subsides qu'ils accordaient autrefois à leur duc étaient maintenant accordés au roi. L'Auvei^ne se retrouvant dans les mêmes conditions que les autres pays obéissant à la royauté, celle-ci devait chercher à y introduire ce qui se pratiquait ail- leurs, c'est-à-dire la répartition par les oflSciers royaux ou élus. Les étals de la Basse-Auvergne, comme on peut s'y attendre, résistèrent. La lutte ne se déclara ouvertement qu'en 1450. Au mois de janvier, les états d'Auvergne avaient octroyé au roi une aide de 35,500 fr. qu'il fallait répartir sur le pays, ainsi que le paiement des 160 lances qui y étaient logées par ordre du roi. La commission royale de l'impôt pour la Basse-Auvei^ne ayant été adressée aux eJus à Clermont, ceux-ci, qui étaient Jean Barré, s** de Bourresol, Robert Chéron et Barthélémy de Nesson, se mirent en mesure d'obéir. Ils répartirent la part de la Basse-Auvergne entre les villes et paroisses de la province. Les états protestèrent vivement et intentèrent un procès aux élus; ceux-ci se disant conunissaires du roi, la cause fut portée d'abord au Parlement,

1. Assiette faite dans le diocèse d'Uxès par les élas en rerta d*ane commissioo royale. 1404. (Bibl. nat., Fr., 23901.) Commission do roi aux élus d'Érreax. 1415. (Arch. nat., ZU 6, ^ 36.)

LES ÉTATS PROVmCIADX. H

puis renvoyée à la Cour des aides. Les élus ayant fait défaut, la cour ne voulut pas adjuger aux demandeurs le bénéfice du défaut, et par arrêt du l®' août 1450 elle ajourna les élus à un autre jour*. C'est cet arrêt qui nous a fourni les détails qui précèdent ; nous avons parcouru en vain les registres de la Cour des aides* pour y trouver la suite de l'affaire. Mais en fait les élus l'emportèrent et, comme nous le verrons, l'assiette ne se fit plus depuis lors dans les mêmes conditions.

n n'y avait pas le même antagonisme entre les états de la Haute-Auvergne et les élus sur le fait des aides à Saint-Flour. D'ailleurs l'organisation de l'assiette était absolument différente de celle de la Basse-Âuvergne. Cette organisation offre deux phases distinctes depuis le commencement du règne de Charles VU jusque vers 1451, sans que nous puissions saisir la transition et indiquer les raisons de ce changement.

Dans la première période, l'assiette est faite par des commis- saires nommés par le roi ^; les états n'y prennent part que par la présence de quelques-uns de leurs membres qui assistent oflScieuse- ment les commissaires du roi , mais n'apposent pas leur signature au bas de l'assiette. Les commissaires sont ordinairement au nombre de trois : à savoir les deux élus sur le fait des aides à Saint-Flour et une troisième personne à la disposition du roi. En 1430, par exemple^, la conunission est ainsi composée : Louis du Breuil, s** d'Aurouse, bailli des Montagnes, pour le roi, et les élus (Louis de Montbalat et Tachon de Bar) ; de même en 1432. En 1431, nous trouvons coname commissaire adjoint aux élus Antoine de Cu- gnac, chambellan du roi'^; en 1440, Guillaume de Bresons, bailli de Gévaudan*; en 1441, Draguinet, s' de Lastic''. C'est vers cette époque qu'il y a un changement. Dès 1444 au plus tard, les com- missaires sont au nombre de quatre. Ce sont : l'évêque de Saint- Flour, Draguinet, s' de Lastic, et les deux élus ou leurs lieute- nants. La situation de ces commissaires parait assez ambiguë : en 1444, Draguinet de Lastic est qualifié commissaire pour les

1. Arch. comm. de Clermont-Ferrand, original.

2. Arch. nat, ZIa.

3. Ainsi en 1424. (Bibl. nat, Fr., 25710, p. n* 20.)

4. BiU. nat, Fr., 23397. 5.1b., Clair., 156, p. 4211.

6. Ib., Pièees orig., 510, dossier Brezans, n* 3.

7. Qoitt da 22 octobre 1441. (Bibl. nat., Cab. des Titres, dossier Lasiic.)

ReV. HiSTOB. XI. !•' FA8C. 2

If A.

RRâgTiflprg do pajs'; àajm àozx qpjttariofy de 1445* et de 1449, rérêgne de Stint-FloBr pre&d le titre de « ran des ordaLttâ pacr les trcnrs eslatz des pars d^Anrangne à mettre 2fiB8c«r et mqiOBer en îoeolx la porrk» de Taide de nf M. fir., elc.> dans le préanthnle de Tassietle de 1448'. Os se qualifient saiffe- mesA « onwBinfgaires ordonDez par le iot à mettre sbs, etc. >, et aiUeRzrs, e& 1444, « oommissaîres ordooDez de par le nnr imtre sre et measeuroeiirs des trois estaz, €tc.\>ll£ftiit èndemmateB coiidizre qu'As araîent un pomroîr pennanent de la part des états, mais qu'ils étaient iuxestis du droit de i^tsx&àer à Tassielle parus mandement roral à chaque Dourd impôt, comme lesoom- ffiîmaires des gens d'église et noUes pour la Ba^e-Âureigne.

Les états du Franc-AIleQ. du Limousin et de la Mardie £i*aTaîent pas les mêmes prrdlèges que ceux de FAuTwgne. Les oommiasair^ nommés par le roi pour demander aux états roctroî des subsides étaient cfaar^gés en même temps de répartir les aonmies Totees entre les paroisses; eux seuls araient le droit de signer Fassîetle. Mais œs commissaires étaient soumis à un OMitrâle. Dans le Franc-Alleu tous les membres des états, dont le nombre ne devait pas être très grand, assistaient à Tassiette £ûte par les commiwaires^. Dans les autres pars, les états nommaient des

Dès 1423, en Haut-Limousin, Tassiette est £ùte < ad ce prèsens et appdkz pluâeurs des gens des trois estaz dudit pars. > U T a plus : dans cette n^ême année, nous trouTons une assiette distincte pour les finais imposés par les états, outre le prindpal, ei cette assiette, bien que signée par les commissaires sisiils, est faite « par le con- seil et octrcH des gens des trois estaz dudit haut pais, en la pré- sence de nous.. . commissaires, etc*. > Toutefois cette distinction n*est plus observée dans les années suivantes. En 1437 nous voyons enccHre plus nettement indiqué le caractère des membres des états qui assistent les commissaires : « appelle ad ce £»«, disait les coomiissaires, avecques nous pluseurs des gens desdiz trcHS estaz de par eulx nommez et esteuz^. > Ces dâéguès des étais

t. iMtr. de b Haole-ABTersM ea 1444. (Ardi. Mt, K 68, ■* ^) tL Bibl. mL, Fr., 30883, p. 44 H 4S.

3. Voj. Ibid.

4. iBStr. mi smprà.

5. BibL Bat, Fr., 2390^ pmssim.

6. Ibid.

7. KU. Bit, Fr., 23902.

LES l^TÂTS PROVINCIAUX. 49

recevaient une indemnité plus ou moins considérable suivant leur condition, et cette indemnité figurait parmi les frais outre le prin- cipal; ce sont précisément les distributions de frais qui nous apprennent leurs noms. Leur nombre ne semble rien avoir eu de fixe; il variait à chaque session. On peut en juger par quelques exemples. En 1435 nous trouvons des sommes votées à dix-huit membres des états pour avoir assisté à l'assiette; en 1437, à dix seulement; en 1438, en revanche, à vingt-deux*. Nous n'avons aucun détail sur la manière dont ils étaient nommés par l'assem- blée, mais le désordre dans lequel leurs noms se présentent à nous semble indiquer que l'élection ne se faisait pas par ordre.

Nous trouvons absolument le même usage en Bas-Limousin, mais les délégués sont moins nombreux. En 1438*, indemnités à Mons' l'abbé d'Userche, messire Jehan de RoflSgnac, chevalier, s' de Richement, Heliot, s' d'Esmyer, M* Hugues Beynete et M* Jehan Laval, pour avoir esté commis par les trois estaz en la compaignie des commisseres pour faire l'assiette dudit aide, » et à « maistre Pierre Saige et Jehan de Beaufort, pour semblable, » soit sept délégués. En 1439, il y a quatre délégués seulement qui sont : Louis de Gimel, Pierre de Royère, Jean de Beaufort, écuyer, et Jean Laval, juge du s' de Treignac.

Dans la Marche, il était d'usage d'appeler à chaque assiette d'impôt le procureur général du comte de la Marche et les châte- lains des diverses châtellenies du comté; en outre, les états nom- maient des délégués en petit nombre pour y prendre part. En

1440 nous trouvons « Philippe Billon, prieur de Jarnage, Tho- mas Deaulx, de Guaret, et Jehan de la Rouchete, esleux et orden- nez par les gens des troys estaz, tant pour ceulx de église comme pour ceulx des villes à estre presens et veoir faire le taux'. » En

1441 nous ne trouvons de présents à l'assiette que Thomas Deaulx et Jean de la Rochette, « ordonnez parles gens des villes^ » Pro- cureur, châtelains et délégués recevaient une indemnité.

B. Administration des frais outre le principal. Vérification des comptes du receveur.

Au XIV* siècle, du moins dans la première partie, lorsque les

1. Voy. des assiettes de ces différentes dates, Fr., 23902. 1 Voy. les assiettes, ibid., ib., 23903.

3. Bibl.iiat.,Fr.,23901.

4. Ibid., ibid., 21423.

tttO»

20 A. THOMAS.

états accordaient une aide au roi, ils nommaient eux-mêmes les commissaires chargés de la percevoir, et ils choisissaient dans leur sein des personnes devant qui les receveurs nommés par eux étaient obligés de compter*. Sous Charles VII la centralisation royale a fait de singuliers progrès ; c'est le roi qui nomme lui- même le receveur des subsides qu'on lui accorde ; ce receveur doit payer le principal de l'aide conformément aux décharges levées sur lui par les généraux des finances et il ne peut compter que devant la Chambre des comptes. L'impôt une fois accordé au roi, les états n'ont donc plus aucune part à son administration. Il n'en est pas de même des frais levés par leur ordre outre le prin- cipal. Le droit même de faire lever ces impôts (et nous avons vu dans quelles conditions les états l'exerçaient) impliquait néces- sairement le droit d'en régler l'emploi. Ce sont précisément les procédés administratifs suivis à cet égard que nous nous propo- sons d'étudier.

Si le roi nommait le receveur du principal, les états pouvaient en principe choisir le receveur des frais. En 1441 , Charles VII dit expressément, en parlant des états du Haut-Limousin, qu'ils ont voulu et ordonné que les sommes imposées par eux outre le principal fussent cueillies et levées par Pierre de Beaucaire *. Mais en fait nous voyons toujours le receveur du roi chargé de percevoir les frais aussi bien que le principal. C'est que la créa- tion d'un receveur distinct aurait, entre autres inconvénients, nécessité deux assiettes séparées, l'une pour le principal, l'autre pour les frais, ce qui n'était pas dans la pratique ordinaire '.

Les états du Dauphiné surent faire respecter par Charles VII leur droit d'obliger les receveurs à compter devant leurs élus, conjointement avec les élus du gouverneur, des sommes imposées outre le principal pour les besoins de la province, et d'en interdire toute connaissance aux Chambres des comptes de Grenoble et de Paris *. Mais nos états de la France centrale avaient déjà perdu cette prérogative. Fiais comme principal, tout devait passer sous les yeux de la Chambre des comptes de Paris ^. Il fallait donc au

1. Voy. entre autres Ord,, \, 692-3 (Aayergne, 1319).

2. Voy. Bibl. nat., Fr., 20594, p. 33.

3. Il y a cependant deux assiettes distinctes en 1423 ponr le Haut-Limonsin, mais néanmoins le receveur est le même. (Bibl. nat, Fr., 23902.)

4. Voy. lettres pat. de Charles vn da 22 JaoTier 1438. {Ord., Xllf, 252.)

5. Si^eant à Bourges de 1418 à 1436.

LBS ÉTATS PROVINCIAUX. 24

receveur un acte qui lui permît de distribuer les frais conformé- ment à la volonté des états et qui lui servît en même temps de pièce justificative pour son acquit.

En Franc-Alleu, l'assiette était immédiatement suivie d'un rôle distributif des frais*, signé également par les commissaires du roi, et qui faisait partie luttante avec elle. En rapportant ce rôle avec quittance des personnes auxquelles des sommes étaient allouées par les états, le receveur devait être tenu quitte par la Chambre des comptes. Les frais étaient si minimes que ce procédé ne semble jamais avoir soulevé de difficultés.

Il en était de même dans la Marche ; la distribution des frais était encore plus étroitement unie à l'assiette, car les commis- saires du roi n'apposaient leurs signatures qu'à la fin de ces deux pièces comme si elles n'en avaient formé qu'une *. Cette distribu- tion est le seul acte que nous voyons invoquer dans les quittances relatives à ce pays aussi bien en 1451 ^ qu'en 1442*. Signalons cependant une distribution des frais dans des conditions différentes ; elle concerne l'année 1 445, est datée de Tours le 24 septembre 1 445 , et signée Bar *. Mais elle n'a que la valeur d'une copie ; l'original nous est parvenu aussi ; il est daté du 27 mars 1445, signé des commissaires du roi et annexé comme d'habitude à l'assiette^.

Les états du Haut et du Bas-Limousin avaient la même habi- tude. Tantôt la distribution des frais formait une pièce isolée signée par les commissaires du roi et appelée « Informacions » ou « Instruccions "^ ; » tantôt, et le plus souvent, elle était annexée à l'assiette sans cependant en faire partie intégrante comme dans la Marche. Les receveurs du Haut et du Ba&-Limousin, comme ceux de la Marche et du Franc- Alleu, devaient être tenus quittes par la Chambre des comptes en rapportant un exemplaire de cette distribution avec les quittances des personnes auxquelles les sommes étaient allouées. C'est un privilège que les états reven- diquent avec la plus grande énergie. En 1438, les états du Bas- Limousin veulent que les sommes par eux imposées outre le prin-

1. Voyez-en plnsiears exemples, Bibl. nat., Fr., 23902.

2. Voyez-en trois exemples, Bibl. nat., Fr., 23901.

3. Bibl. nat, Cab. des Titres, dossier Saint- Avit,

4. Ib., ib., dossier Armagnac, p. n* 119.

5. La signature est de Jean de Bar, général des finances. (Bibl. nat., Fr., 25946, r467.)

6. n>id.,ibid., 23901.

7. Ib., ib., 23902.

22 A. THOMAS.

cipal soient « receues par ledit Jehan Beaupeilet par lui distribuées aux personnes ausquelles ilz les ont ordonnées et tauxées, en prenant de chacune desdictes personnes quittance seulement de ce qu'ilz en recevront, sans pour ce en vouloir avoir, requérir ne demander autre mandement ou ordonnance fors ceste présente assiete et declaracion des parties, disant que ainsi en peuent et doivent user et l'ont acoustumé par privileiges à eulxpieça attri- buez par les prédécesseurs d'icelui seigneur (le roi), le vidimus desquelx privileiges dientestre retenu et demeuré en sa Chambre des comptes *. > En 1435, à la suite d'une aide de 50001. accordée au roi au mois de septembre à La Souterraine, les états du Haut- Limousin sont encore plus énergiques. L'assiette et la distribution des frais terminées et signées, les commissaires du roi furent obligés d'écrire au revers : « Et est assavoir que à la requeste desdictes gens des Trois Estaz ledit receveur a esté chargié de bailler, distribuer et paier ladicte somme de im™ vm^ 1. 1., dont cy dessus est faicte mencion, aux personEies à qui il a été ordonné, en prenant de chascun d'eulx leur quittance seulement, sans en demander autre mandement, disans que ainsy l'ont acoustumé de fere par privileiges qui se dient avoir du.roy nostredit s*" et de ses prédécesseurs, et en ceste condicion ont octroyé et accordé ledit aide, et non autrement *. >

L'affirmation si énergique d'un droit prouve évidemment que l'exercice de ce droit rencontrait des obstacles. C'est qu'en effet, il était de règle dans la comptabilité royale, et au moins depuis Charles VI, que le receveur d'une aide ne pût rien délivrer ni payer des deniers imposés outre le principal sans lettres patentes du roi vérifiées par les généraux des finances. C'est précisément à ce contrôle que les états voulaient échapper ; mais s'ils y réussirent pendant les dix-huit premières années du règne de Charles VII, il n'en fut pas de même après. Dès 1440, à chaque impôt accordé au roi, les états furent obligés de se pourvoir à la chancellerie royale pour obtenir des lettres patentes spécifiant la distribution des frais votés par les états, et donnant ordre aux généraux des finances de les laisser payer par les receveurs et de les en tenir quittes sur le vu desdites lettres patentes et des quittances indivi-

1. Bibl. nat., Fr., 23903. Noas n'avons trouvé aucnne trace de ces lettres patentes qui peut-être n*ont jamais existé.

2. Bibl. nat., Fr., 23902, à la date.

LBS I^TATS PROVINCIAUX. 23

dudles *. Ce n'était qu'une simple formalité ; à partir de 1444, il en fallut encore une autre. Aux lettres patentes du roi devait être annexé un rôle de parchemin reproduisant la distribution contenue dans les lettres patentes et signé de la main du roi et d'un de ses secrétaires '.

En Auvergne, la distribution des frais par les receveurs se fai- sait en vertu de deux actes curieux qui demandent une étude détaillée. Le premier, relatif à la Basse-Auvergne, était intitulé : Instrtictions et ordonnances faites, passées et accordées par les gens d'église et nobles du bas pays cP Auvergne sur le partage et division d'un aide de, etc. Ces instructions commençaient par établir la part revenant à la Haute-Auvergne, puis aux bonnes villes, des sommes votées à l'assemblée générale des états, tant pour le roi que pour les intérêts communs de la province, puis la part des bonnes villes des sommes votées parles états de la Basse-Auvergne, et enfin le rôle distributif du receveur de la Basse-Auvergne tant au sujet de ces sommes que de celles dont les gens d'église et nobles ordonnaient en outre la levée sur le plat pays. Cette immense pancarte (celle de l'année 1446 a au moins 1 m. carré) était scellée, au nom de tous les gens d'église et nobles, par l'évêque de Clermont, le comte de Montpensier, dauphin d'Auvergne, le comte de Boulogne et d'Auvergne, le s' de Dampierre et de Ravel (J. de ChâtiUon), le s' de Canilhac (L. de Beaufort) et le s' de Langeac, sénéchal d'Auvergne, ou par cinq, quatre ou trois d'entre eux. Les gens d'église et nobles tenaient une assemblée particulière pour rédiger ces Instructions, quelquefois assez longtemps après la session d'états qui les moti- vait. Ainsi les Instructions relatives aux sessions de mai et d'août 1443 sont datées d'Aigueperse en janvier 1444. Mais en réalité la plupart des crédits, même spéciaux au plat pays, étaient votés au moment même de la session et le receveur devait en avoir une minute par devers lui. C'est ce qui explique qu'en 1443, par exemple, nous trouvons déjà au moins huit paiements sur les frais effectués par le receveur avant le 31 décembre, bien que les Instructions ne soient datées que du mois de janvier 1444. Ces Instructions n'étaient pas signées, mais

1. Noos aTODS retrouvé huit de ces lettres patentes, dont cinq pour le Haut et trois pour le Bas-Limousin.

2. Voyez-en un exemple pour le Bas-Limousin. (Bibl. nat., Fr., 20437, ^ 10.)

24 A. THOMAS.

simplement contresignées sur le revers par un secrétaire*.

Il y avait un acte analogue pour la Haute-Auvergne, avec quelques différences matérielles. Ainsi il était signé et scellé par les commissaires chargés de faire Tassiette des impôts dans le haut pays. En outre, chose curieuse, il portait le titre de « Insinua- tions faictes et accordées par mes seigneurs les gens d église et nobles du hault et bas pais d'Auvergne à cattse, etc. » Cette bizarrerie apparente s'explique par ce fait que les crédits étaient votés en commun par le haut et le bas pays à la session générale et que les Instructions de la Haute- Auvergne n'étaient qu'un extrait particulier des résolutions communes. Une minute en était rédigée au moment de la session, mais l'expédition authen- tique et patente n'avait lieu que quelque temps après, à Saint- Flour généralement, quand le moment était venu de procéder à l'assiette *.

Les receveurs de la Haute et de la Basse-Auvergne devaient distribuer les frais conformément à ces instructions, et la Chambre des comptes devait les en tenir quittes sur le vu des instructions et des quittances particulières. Comme dans les autres provinces, la royauté toléra longtemps cette pratique ; mais par lettres du 17 mars 1443, Charles VII défendit aux receveurs de tenir compte à l'avenir de ces instructions s'ils n'avaient de lui une autorisa- tion spéciale à chaque fois ^ ; d'aiUeurs, conune pour le Limousin, la nécessité de cette sanction royale semble n'avoir été qu'une formalité plus ou moins fidèlement observée.

Bien que toutes les finances provinciales dussent passer sous les yeux de la Chambre des comptes, les états avaient cependant le droit, surtout dans la Marche et dans l'Auvergne, de vérifier certaines parties des comptes du receveur. Dans la Marche, pen- dant l'intervalle d'une session ordinaire à l'autre, il y avait fré- quemment des assemblées plus ou moins nombreuses dans l'intérêt du pays, ce qui occasionnait des dépenses que le receveur soldait immédiatement ; au moment de la session suivante, celui-ci éta-

1. Il nous est pairena huit originaux de ces Instructions, tons conservés à la Bibl. nat., savoir : un de 1432 (février), dans le vol. Fr., 25944, n* 69; un de 1436 (décembre), dans le Fr., 26062, n* 3055, et six de 1438 à 1446 dans le Fr. 22296 (anc. Gaign.).

2. Il ne s'est conservé que deux Instructions originales de la Hante-Auvergne (1444 et 1448) (Arch. nat., K 68, n* 2, et Bibl. nat., Clair., 119, f> ulthno.)

3. Bibl. nat., Portef. Font., 870, f* 292, copie.

LES éTATS PROVINCIAUX. 25

blissait un compte des sommes qu'il avait ainsi déboursées ; le compte, avec pièces à l'appui, était examiné de concert par les commissaires du roi et les états, qui, après l'avoir approuvé, lui en ordonnançaient le montant parmi les frais dont on ordonnait alors la levée ; il en était de même pour les dépenses occasionnées par la session ordinaire : pour ces deux chapitres du budget pro- vincial, les pièces justificatives ne passaient pas sous les yeux de la Chambre des comptes qui devait se contenter des déclarations contenues dans le rôle distributif.

En Auvergne, ce système était pratiqué sur une échelle beau- coup plus large. Dans la première partie de la période que nous étudions, jusque vers 1440, il était d'usage que les états de la Basse- Auvergne imposassent sur eux à chaque session une somme fixe, destinée à payer les gens de guerre entretenus par le pays et à subvenir aux dépenses imprévues que pouvaient motiver les affiaires de la province : cette somme était portée en bloc aux Ins- tructions ; elle était distribuée au fur et à mesure des besoins par mandements des personnages qui mettaient leurs sceaux aux Ins- tructions, ou d'au moins trois d'entre eux. Lorsque le crédit ouvert était épuisé , le receveur produisait son compte qui était examiné et vérifié par les commissaires, et ceux-ci lui délivraient une décharge générale qui devait suflSre à l'acquitter vis-à-vis de la Chambre des comptes, sans (}ue celle-ci pût l'obliger à produire les pièces justificatives de l'emploi de cette sommet Dans la seconde période, il est plus rare que l'on impose ainsi un fonds de réserve, et il semble qu'il faille une autorisation royale. Toujours estr-il qu'en 1444, par lettres du 12 mars, Charles VII autorise spécia- lement la levée d'une somme de 6000 fr. sur toute l'Auvergne, comme réserve, à condition que la distribution en sera certifiée par ses commissaires auprès des états d'Auvergne*. Lorsque, dans l'intervalle de deux sessions, les afiaires du pays exigeaient le payement immédiat de fortes sommes, comme par exemple quand il s'agissait de composer avec les routiers pour qu'ils ne pillassent pas le pays, les états nommaient des commissaires à cet efiet ; ceux-ci faisaient payer par les receveurs, en leur délivrant des certificats', les sommes nécessaires; puis des délégués des

1. Voyez deax de ces décharges, Bibl. nat., Clair., 219. t Voy. les lettres d'aotorisayoD, et la distriboUon certifiée poar la Basse-An- ▼ergne, Bibl. nat., Fr., 20685, ^ 25 et 27. 3. Voy. un de ces certificats da 28 sept. 1443, Cab. des Titres, dossier Langeac.

26 À. TflOMiS.

états examinaient ultérieurement les sommes ainsi déboursées et les faisaient imposer en bloc parmi les frais. Le roi essaya de rendre nécessaire son autorisation quand la somme était consi- dérable ; en 1443 les états durent payer une amende de 20,000 fr. pour avoir ainsi imposé de leur chef 24,000 fr. et plus en 1442 *. Nous ne voyons pourtant pas que cela ait produit un effet appré- ciable. Dans les Instructions de l'année 1443, les états de la Basse-Auvergne imposent sur eux 12,953 1. 7 s. 6 d. t. pour partie de 22,953 1. 7 s. 6 d. t. payés par le receveur dans l'inter- valle de la session de septembre 1442 à celle d'août 1443, et ils réservent pour l'année suivante l'impôt des 10,000 fr. restants. Il est dit expressément que les états ou leurs délégués ont vérifié par le détail le compte du receveur à ce sujet , et qu'il prendra ladite somme par sa main des deniers de sa recette, sans avoir besoin d'autre autorisation que le texte même des Instructions*. Les états de la Haute-Âuvergne agissent avec la même liberté ; en 1444, « a esté accordé par Mgr le duc et MM. des Trois Estaz estre mis sus oudit hault pais la somme de v"* vi*^ 1. 1. pour satis- faire aux parties du compte rendu et baillié par Martin Roux k mesdiz s", lesquelles parties et sommes d'argent il avoit paiées par leur ordonnance et mandement.... ainsi que plus à plain est contenu es parties de sondit compte, lesquelles ont esté par mes- diz s" bien veues, examinées et gettées ^, et icelles audit Martin Roux accordées estre allouées en la despense de ses comptes et rabatues de sa recepte en rapportant ces présentes tant seulement, et sans pour ce avoir ne demander autres lettres, certifficacions ou quittances fors cesdictes présentes tant seulement^. » On voit que, momentanément du moins, la royauté ne semble pas avoir eu l'avantage dans sa lutte contre ce privilège des états. Si dans les années suivantes nous ne trouvons pas défaits analogues, cela tient sans doute à ce que les événements ne les rendirent pas nécessaires.

§ 3. Attributions législatives. Sous Charles YII, comme à toutes les périodes de l'ancienne

1. Voir suprà, § 1 a.

2. Voy. les Instr. faites à Aigoeperse en janyier 1444, Bibl. nat., Fr., 22296, à la date.

3. Calculées.

4. Voy. Instr. dn 3 mai 1444, Arch. nat., K 68, n* 2.

LBS l^TATS PROVINCIAUX. 27

monarchie, il n'y a qu'un corps qui ait réellement le droit de légi- férer, c'est le conseil du roi ou Grand Conseil. Mais si les états n'ont pas par eux-mêmes le droit de prendre aucune mesure légis- lative, ils ont un moyen de provoquer ces mesures, et c'est à ce titre que nous avons cru pouvoir consacrer un chapitre à leurs attributions législatives. Ce moyen, c'est la rédaction et la remise de cahiers de doléances^ comme on a dit plus tard. Un savant membre de l'Institut appelle ce droit .le droit de présenter des cahiers de remontrances^. Le mot remontrance appartient à un ordre d'idées et d'institutions entièrement différent ; il est abso- lument impropre. Nous n'avons pas trouvé le mot doléance dans les textes contemporains, mais il répond beaucoup mieux à la chose.

Les cahiers de doléances ne sont autre chose en somme que des suppliques remises au roi et examinées par son Grand Conseil. Toutes les fois que les états désiraient obtenir une mesure dont l'autorité royale seule pouvait prendre l'initiative, ils envoyaient des députésauroi, et ces députés devaient être chargés de mémoires en forme de doléances *. Les documents les plus connus sous le nom de cahiers de doléances étaient rédigés dans les assemblées de bailliages à l'occasion des états généraux depuis 1484 et avaient une portée générale. Nous avons vu que sous Charles VII les états provinciaux n'étaient pas appelés à nonmier les députés aux états généraux ; ils n'avaient donc pas de cahiers à rédiger à ce sujet. En revanche ils pouvaient, quand ils le jugeaient à propos, faire présenter au roi des cahiers de doléances portant sur un ou plusieurs objets. Un heureul hasard nous a conservé ^ un de ces trop rares documents. U fut adressé au roi par les états d'Auvergne au commencement de l'année 1442, le roi étant à Bressuire. Notre intention n'est pas d'analyser ce qu'il contient; nous aurons à en utiliser chaque paragraphe suivant son objet dans les différents chapitres de notre IIP partie. Mais nous vou- lons en étudier simplement la forme matérielle. Il est conçu dans les termes les plus humbles.

1. M. Laferrière, ùp. laud.^ p. 367.

2. c Charles, etc. Receae ayons l'amble supplicacion des gens des Trois Estaz de nostre bas paîs de limosin contenant que..., etc. > Janvier 1436. (Arch. nat., K 54, n- 7.)

3. C'est nne copie contemporaine qui se trouve dans les titres de la maison de Bourbon, Arch. nat., P 146U, cote 950.

26 A. THOMiS.

états examinaient ultérieurement les sommes ainsi déboursées et les faisaient imposer en bloc parmi les frais. Le roi essaya de rendre nécessaire son autorisation quand la somme était consi- dérable ; en 1443 les états durent payer une amende de 20,000 fr. pour avoir ainsi imposé de leur chef 24,000 fr. et plus en 1442 *. Nous ne voyons pourtant pas que cela ait produit un effet appré- ciable. Dans les Instructions de l'année 1443, les états de la Basse-Auvergne imposent sur eux 12,953 1. 7 s. 6 d. t. pour partie de 22,953 1. 7 s. 6 d. t. payés par le receveur dans l'inter- valle de la session de septembre 1442 à celle d'août 1443, et ils réservent pour l'année suivante l'impôt des 10,000 fr. restants. U est dit expressément que les états ou leurs délégués ont vérifié par le détail le compte du receveur à ce sujet, et qu'il prendra ladite somme par sa main des deniers de sa recette, sans avoir besoin d'autre autorisation que le texte même des Instructions*. Les états de la Haute-Auvergne agissent avec la même liberté ; en 1444, « a esté accordé par Mgr le duc et MM. des Trois Estaz estre mis sus oudit hault païs la somme de v"* vi*^ 1. 1. pour satis- faire aux parties du compte rendu et baillié par Martin Roux à mesdiz s", lesquelles parties et sommes d'argent il avoit paiées par leur ordonnance et mandement.... ainsi que plus à plain est contenu es parties de sondit compte, lesquelles ont esté par mes- diz s" bien veues, examinées et gettées^, et icelles audit Martin Roux accordées estre allouées en la despense de ses comptes et rabatues de sa recepte en rapportant ces présentes tant seulement, et sans pour ce avoir ne demander autres lettres, certifficacions ou quittances fors cesdictes présentes tant seulement*. » On voit que, momentanément du moins, la royauté ne semble pas avoir eu l'avantage dans sa lutte contre ce privilège des états. Si dans les années suivantes nous ne trouvons pas défaits analogues, cela tient sans doute à ce que les événements ne les rendirent pas nécessaires.

§ 3. Attributions législatives. Sous Charles YII, comme k toutes les périodes de l'ancienne

1. Voir suprà, § 1 a.

2. Voy. les Instr. faites à Aigaeperse en janyier 1444, Bibl. nat., Fr., 22296, à la date.

3. Calculées.

4. Voy. Instr. du 3 mai 1444, Arch. nat., K 68, n* 2.

LBS l^TATS PROVINCIAUX. 27

monarchie, il n'y a qu'un corps qui ait réellement le droit de légi- férer, c'est le conseil du roi ou Grand Conseil. Mais si les états n'ont pas par eux-mêmes le droit de prendre aucune mesure légis- lative, ils ont un moyen de provoquer ces mesures, et c'est à ce titre que nous avons cru pouvoir consacrer un chapitre à leurs attributions législatives. Ce moyen, c'est la rédaction et la remise de cahiers de doléances^ comme on a dit plus tard. Un savant membre de l'Institut appelle ce droit .le droit de présenter des cahiers de remontrances^. Le mot remontrance appartient à un ordre d'idées et d'institutions entièrement différent ; il est abso- lument impropre. Nous n'avons pas trouvé le mot doléance dans les textes contemporains, mais il répond beaucoup mieux à la chose.

Les cahiers de doléances ne sont autre chose en somme que des suppliques remises au roi et examinées par son Grand Conseil. Toutes les fois que les états désiraient obtenir une mesure dont l'autorité royale seule pouvait prendre l'initiative, ils envoyaient des députésauroi, et ces députés devaient être chargés de mémoires en forme de doléances *. Les documents les plus connus sous le nom de cahiers de doléances étaient rédigés dans les assemblées de bailliages à l'occasion des états généraux depuis 1484 et avaient une portée générale. Nous avons vu que sous Charles Vil les états provinciaux n'étaient pas appelés à nommer les députés aux états généraux ; ils n'avaient donc pas de cahiers à rédiger à ce sujet. En revanche ils pouvaient, quand ils le jugeaient à propos, faire présenter au roi des cahiers de doléances portant sur un ou plusieurs objets. Un heureul hasard nous a conservé ^ un de ces trop rares documents. Il fut adressé au roi par les états d'Auvergne au commencement de l'année 1442, le roi étant à Bressuire. Notre intention n'est pas d'analyser ce qu'il contient; nous aurons à en utiliser chaque paragraphe suivant son objet dans les différents chapitres de notre IIP partie. Mais nous vou- lons en étudier simplement la forme matérielle. Il est conçu dans les termes les plus humbles.

1. M. Laferrière, op, toted., p. 367.

2. c Charles, etc. Receae avons l'umble supplicacion des gens des Trois Estaz de nostre bas paîs de limosin contenant que..., etc. > Janvier 1436. (Arch. nat., K 54, n- 7.)

3. C'est nne copie contemporaine qui se trouve dans les titres de la maison de Bourbon, Àrcb. nat., P 1461^ cote 9S0.

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Au roy nostre souverain seigneur,

Supplient très humblement voz très humblez et tousdiz loyaulx ser- viteurs et subgez les gens des trois estaz de vostre pays d^ Auvergne qu'il vous plaise de vostre bénigne grâce, tant sur les pouvretez, afiferes et calamitez dudit pays à vous nostre souverain seigneur diz et expousez, comme sus les autres cy après contenuz et' déclarez, leur pourveoir tout par la forme et manière qu'ilz supplient et requièrent, ou autrement ainsy que vostre bon vouloir sera.

Vient alors l'exposé des doléances des états contenu dans huit paragraphes ou articles. Chaque article est divisé en deux par- ties : la première renferme le grief dont les états se plaignent ; la seconde, la prière au roi d'y remédier sous une forme plus ou moins précise. Ce qui est surtout remarquable dans ce document, c'est la partie suivante, intitulée : « Cy s'ensuit Veoopedient extrait des articles précédents, » sont résumées avec une précision remarquable les mesures que demandent les états pour remédier aux griefs exposés précédemment ; il y a huit articles, autant que dans la première partie, et l'on peut dire que chacun renferme, soigneusement élaboré, un projet d'ordonnance royale. A la suite de chaque article se trouve la réponse du roi. Enfin la pièce est donnée à Bressuire le 17 janvier 1442, et l'original était signé du secrétaire du roi D[reux] Budé.

III. RÔLE ET INFLUENCE DES ÉTATS PROVINCIAUX.

§ 1 . Influence politique.

L'influence politique des états provinciaux ne pouvait être très considérable sous Charles VIL Les questions politiques étaient soumises au Grand Conseil ; quelquefois le roi eut recours aux états généraux pour prendre des résolutions avec plus de solen- nité ; mais nous ne voyons pas qu'il se soit servi aux mêmes fins des états provinciaux. Cependant si les états provinciaux n'avaient pas d'action efficace sur la politique, ils n'y demeuraient pas absolument étrangers. Lorsque Charles VII eut renoncé, en 1440, à réunir les états généraux pour leur demander des subsides, il dut lever des impôts de son autorité propre. Voici comment on procédait à chaque impôt nouveau. Le roi soumettait à son Con- seil l'état des affaires, les principaux actes accomplis depuis la

LES éTATS PROVINCUUX. 29

dernière levée d'impôts, les desseins qu'il avait pour l'avenir, et le conseil fixait, d'accord avec le roi, la somme qu'il était néces- saire d'imposer au Languedoïl. Puis il procédait au répartisse- ment de cette somme entre les différentes provinces. C'était donc le Grand Conseil qui avait l'initiative politique en matière d'im- pôts. A la suite de cette séance du Conseil, on nommait les com- missaires chargés d'imposer dans chaque province la quote-part qui lui revenait. Toutes les commissions étaient conçues de la même façon : le préambule, rédigé sans doute par le conseil, était l'exposé politique de la situation que les commissaires devaient mettre sous les yeux des états provinciaux de chaque pays. Ce document était donc une sorte de message politique ; mais il est évident que les états n'étaient pas admis à délibérer sur son con- tenu. Us ne pouvaient que le sanctionner en votant leur part de l'impôt demandé, et d'ailleurs il leur aurait été bien difScile de se soustraire à la nécessité de ce vote.

On peut croire que les états provinciaux n'étaient pas satisfaits de ce système qui leur forçait la main pour le vote de l'impôt et qu'ils eussent voulu le retour aux états généraux dans lesquels ils trouvaient une garantie de plus. Les doléances présentées par les états d'Auvergne au roi, en 1442*, contiennent à ce sujet un article qui mérite une étude approfondie'. Les états exposent au roi que, sans compter l'aide de 28,000 liv. qu'ils venaient de lui accorder au mois de novembre 1441, le pays lui avait payé depuis quinze ou seize mois près de 100,000 liv.; ils se plaignent que leur quote-part ait été considérablement augmentée depuis quelque temps, bien que le pays soit désolé, et ils prient le roi de les imposer désormais suivant leur quote-part primitive qui était beaucoup plus faible. L'article est assez bénin, et le roi pouvait en prendre à son aise. Mais « l'expédient ^ » est autrement précis et énergique : pour empêcher le retour de faits pareils, les états demandent lettres par lesquelles le roi veult que d'ores en avant les Trois Estaz dudit pays soient appeliez ou convoquez quant il plaira au roi demander aucune chouse sur les pays de Languedoïl, pour consentir et prendre leur quotte et loyale porcion de ce qu'ilz pourroient porter. » Il faut bien comprendre la valeur de cet

1. Voyez des détails snr ces cahiers de doléances, suprà n, | 3.

2. Art. 2.

3. Art. 10.

80 A. THOMAS.

article. Sous forme de réclamation particulière il contient un vœu général. Les états veulent être appelés « quant il plaira au roy demander aucune chouse sur les pays de Languedofl ; » c'est-à- dire qu'ils refusent de reconnaître au Grand Conseil le droit de fixer seul le montant de l'impôt général et la quote-part de chaque province ; en un mot ils demandent que le roi convoque les états généraux de Languedoû toutes les fois qu'il voudra lever une aide générale. Le vœu des états provinciaux fut bien ainsi compris par le Grand Conseil qui était directement en cause : la réponse qu'on y fit est un chef-d'œuvre d'habileté et pousse au plus haut point l'art de ne pas répondre à ce qu'on demande tout en ayant l'air de l'accorder. La voici : « Le roy a tousjours eu et aura en toute bonne recommandation les pays d'Auvergne, et est l'inten- cion du roy que, toutez et quantes foiz qu'il assemblera les Troys Estaz de ses pays de Langueddil^ il les mandera et appellera comme les autres, ainsi que tousjours a acoustumé de faire. >

Ainsi les états demandent des « lettres, » c'est-à-dire une pro- messe solennelle scellée du sceau royal : la réponse n'en souffle mot. Ils demandent à être appelés (comme les autres pays de Languedoïl) quand le roi voudra lever un impôt général : le roi répond qu'il les appellera en effet comme les autres, mais quand? « Toutez et quantes foiz qu'il assemblera les Troys Estaz de ses pays de Languedoïl. » Les rédacteurs oflSciels n'ont eu garde d'ajouter ce sous-entendu que l'intention du roi était de ne plus convoquer les états de Languedoïl. Les états provinciaux n*obtinrent donc rien ; mais il n'en est pas moins intéressant aujourd'hui pour nous de constater qu'ils émirent un vœu poli- tique remarquable en protestant contre la suppression des états généraux : c'est un fait à opposer aux paroles du roi qui dans un document ofiScid afiSrme que « plusieurs notables seigneurs du pays ont requis qu'on cessât de telle convocation faire ^ »

Si ordinairement les états provinciaux avaient peu d'influence politique, il pouvait se présenter telles circonstances cette influence acquérait cependant de l'importance. Il est curieux à ce point de vue d'étudier le rôle des états provinciaux de l'Auvergne dans la Prague^He^, Nous n'avons pas à faire l'histoire de cette

1. Réponse aux gri«l^ des »eigneur« aMemblè» à NQ?«rs en 1441. (Recneil des anc. lois franc,, t. I\, p. 108.)

2. En 144a

LES ^TÀTS PROVINCIAUX. 34

révolte. On sait que le mouvement, commencé en Poitou au nom et avec la complicité du dauphin, fut bientôt arrêté dans cette province. Le dauphin traversa rapidement la Marche, dont le comte Bernard d'Armagnac, son propre gouverneur, était aux côtés du roi, et il se retira en Auvergne et en Bourbonnais, le duc de Bourbon embrassa hardiment son parti ; le comte de Mont- pensier, dauphin d'Auvergne et seigneur de Combraille, fit de même, puisque le roi dut faire assiéger ses châteaux de Chambon et d'Evaux. Les seigneurs coalisés travaillèrent vivement les états d'Auvergne pour les attirer dans leur parti, mais sans suc- cès. Bien que leur duc fût dans le parti rebelle, ceux-ci se con- duisirent avec la plus grande sagesse et n'abandonnèrent pas la cause royale. Ils se réunirent à la convocation de Charles VII au mois de mai dans la ville de Clermont. Il faut citer ici quelques vers de Martial d'Auvergne. C'est à peu près le seul témoignage d'un chroniqueur que nous ayons à invoquer dans ce travail sur les états provinciaux :

Ylà les gens des trois estaz Luy vindrent faire révérence... Ce fait après au roy offrirent Luy aider de corps et chevance Et leur devoir grandement firent Luy présentant don de finance*.

Ce don de finance était une aide de 20,000 francs '. Mais après cette preuve de leur fidélité au roi, ils prirent leurs mesures pour que le pays eût le moins possible à soufirir des hostilités des deux partis. Les comtes de Boulogne et d'Auvergne et de Montpensier et le seigneur de Canillac furent envoyés auprès du duc de Bour- bon et du dauphin à Riom et à Gannat, pour essayer le rôle de médiateurs entre eux et le roi, et surtout pour les prier de ne pas faire de donmiage à la province ; ils prirent les mêmes précau- tions vis-à-vis du roi et firent don d'un cheval à Robert de Bloques, dit Floquet, capitaine royaliste, pour le faire partir le plus vite possible avec ses troupes '. Il faut reconnaître que, dans

1. Martial d'Auvergoe, VigUles de Charles VII, éd. 1724, 1 1, p. 176.

2. Voy. Catalogue, Anyergne, 1440, mal

3. c A MoDS' de Dampierre et de Rerel, en recompensacion d'un cheyal qui fut donné à Floquet, capitaine de gens d'armes et de trait pour le roy nostre sire, afin qoe hii et ceulx de sa compaignie Yuidassent et alassent hors dndit paîs d'Auvergne

32 A. THOMAS.

ces circoDstances difSciles, les états firent preuve d'un grand tact politique.

§ 2. Influence financière.

Les impôts intéressant au plus haut point les états provinciaux, puisqu'ils les votaient et les supportaient, on doit s'attendre à trouver trace de leur influence en matière financière. Examinons comment cette influence s'est exercée et les résultats qu'elle a obtenus.

A. Les états cherchent à rendre plits équitable r assiette

de V impôt direct.

Au xv^ s. la répartition de l'impôt direct ou taille se faisait entre les difiërentes paroisses suivant le nombre de feux de chaque paroisse. Les commissaires chargés de l'assiette devaient donc avoir sous les yeux une sorte de cadastre figuraient toutes les paroisses avec le nombre de feux contribuables de chacune. A l'origine le mot feu avait sa signification propre, c'estrà-dire qu'il désignait un ménage ou feu vif. Mais bientôt, comme sous l'em- pire romain le mot capui, il fut synonyme d'unité contributive et n'eut plus de valeur littérale. H fallut plus ou moins de feux réels, suivant leur importance, pour faire un feu contributif. Chaque paroisse était abonnée pour un nombre fixe de feux et même de firactions de feux qui ne pouvait être changé que par

et n'y feisseot domiiuige, et anssi en recompeosacion de certaine despense qn'fl fist à aToir esté derers Mgr. le duc de Bourbon à Gannat et Molins et derers le roy à Clennont et à Saint-Poorsaln par l'ordonnance de messeignenrs dndit paîs poor besoigner sur aucunes choses touchans le bien dndit paîs, 440 lÎTres tournois.

A Mgr. le comte de BoukHgne et d'Aurergne, pour certaines grans despenses qn'il a faictes en certains voyages et cbeyauchées qu'il a &is à avoir esté à Riom et à Gannat devers Mgrs. le Daulphin et de Bourlton , pour adviser quil estoit expédient de faire sur aucunes requestes qu'ils faisoient au pays et veoir se on pourroit trouver aucun bon appœntement et appaisement entre le roy et euli, et affin que ledit pays n*eust dommaige par eulx ne leurs genz, 400 L t.

A Mgr. le conte de Montpensier, dauphin d'Auvergne, pour semblable, 200 1. t.

A Mgr. Loys de Beaufort, conte d'Aleps et s' de Canilhac, pour semblable, 200 1. t.

(Itutruet. des gens d^é§Use et nobles faites à la Sanvetat, en septembre t440. mbl. nat., Fr., 22296, p. 3.)

LES ^TITS PROVINCIIUX. 33

mandement royal. Dans ces conditions le travail des commissaires répartiteurs était bien simple : s'il s'agissait par exemple d'impo- ser 20,000 francs et que le nombre des feux de la province fût de 2,000, on divisait 20,000 par 2,000 pour avoir la valeur d'un feu, soit 10 francs ; alors une paroisse de 2 feux était imposée à 20 francs, une de 3 feux 1/2 à 35 francs, etc. Il y avait donc un grand intérêt d'impartialité à ce que le cadastre fût dressé avec soin et modifié toutes les fois que besoin était. C'est ce que les états ne cessèrent de réclamer.

En 1423, les états de Languedoïl ayant accordé au roi une aide d'un million, le Limousin, tant haut que bas, fut taxé pour sa part à 37,000 francs. Des commissaires vinrent pour imposer cette somme et assemblèrent les états à cet effet, au mois de février. Ceux-ci voulaient qu'avant de faire aucune assiette on procédât à une 4c réformation de feux, » c'est-à-dire qu'on revisât le cadastre. Toutefois, comme cette opération exigeait du temps, les états consentirent à ce qu'on imposât immédiatement le premier terme de l'aide, renvoyant l'assiette des deux autres après la « réformation des feux. » Us nommèrent des délégués pour assis- ter à l'assiette, comme d'habitude ; mais il fut expressément sti- pulé que si la revision n'était pas faite en temps utile, les états seraient de nouveau assemblés avant d'asseoir les deux derniers termes. Y eut-il des commissaires nommés par les états pour pro- céder à cette opération? Nous l'ignorons. Toujours est-il que la revision ne put être faite et que les états assemblés de nouveau consentirent à la dernière assiette moyennant « aucunes correc- tions et reparacions qui ont esté faictes sur plusieurs des villes et paroisses tout par le conseil desdictes gens des Trois Estaz*. »

Les états d'Auvergne furent plus heureux que ceux du Limou- sin. Au mois de janvier 1442, dans leurs cahiers de doléances', ils représentent au roi « que plusieurs villes estans oudit pays d'Auvergne sont par lesdictes guerres et divisions très fort dimi- nuées et les autres augmentées et peuplées, par quoy bonnement lesdictes villes et villaiges diminués ne puevent porter la charge qu'ils avoient acoustumé de faire, et les autres ainsy augmentés plus convenablement pourroient porter plus grant charge que jadis n'avoient acoustumé. » Ils demandent donc au roi de « leur

1. Voy. sur cette affaire Bibl. nat., Fr., 22902.

2. Art. 6 et 13.

Ret. Histor. XL !•' pasc. 3

S4 A. noMis.

donner certains commissaires à leurs nominacions, lesquelx aient à SOT informer des diminucions et aogmentacions dessus dictes et imposer lesdictes Tilles et TiUaiges, le fort portant le fsiible, eu r^art esdictes diminucions et augmentacions, comme en leurs armes et consciences ils Tarront que à lEaire sara de raison. » Le roi répond qu'il « est content de ce faire. » Néanmoins nous ne TOTons pas qu'il ait été donné suite immèdiatanent k ce proj^. Au mcÀs de janTier 1445, Martin Roux est enTOjé auprès du roi à Nancy pour obtenir les lettres de commission depuis longtemps danandées, et il lui est taxé pour ce TOjage 200 Ut.^ II ne semble pas aToir nkissi dans sa démarche, car nous Tojons encore au mois d'août suiTant 4o0 Ut. ordonnées au s*^ de Dampi^re et de RaTd « pour aToir pourchacè et obtenu du roy les lettres neces- seivs adreçans aux commis9»^s ordonnei par le roj à Caire la Tisitacion des feux et beluges desdiz bas et hault palsdWuTergne et pour les aToir fait TeriâSer ainsi que besoing en estoit*. » Ces commissaires nommés par le n)i sur la présentation des états étaient au nombre de douze ; c'étaient : Jacques de Montmorin, bailli de Saint~Pierr^«le-Moutier, Jean, s' de Langeac, sénéchal dWuTargne. Jean, s*^ de Chasen>n et de Vi^or^^ Draguinet, s' de Lastic, Barthélemi île la Farce, prieur île la Voûte, Pierre Bonid, officiai de Q^rmont, Guiot du Riuf, abbé dWrtonne, Pierre YoulpUbère. Roii^rt CoustaTe, Hugues Chaumeil, baile de Murât, Pierrv Mandonier et Martin Roux. Us pnxvdéf^nt au fiiit de leur commission pen^iant les années 1445 et 1446 : en i440« états kur ortionnéfvnt cvUectÎTenient jx^ur c^ la somme Je 1135 lir. »; ils eurent encore dÎTerses allocations en 1447, Le principal résul- tat de c^te Taste enquête fxit vie changer la pn>iv>nioQ contribo- tÎTe obserrée depuis longtemps entre le plat pays et ks k>nnes Tilles, II fut arrêté que o?s ikHniWMrvs> au lieu de payer oxume auparaTant la sixième partie île leas^MuMe lie rimjvt. ne paie- raient phis que le s^^ptij^ ^ie la part «ie la Bassi^-AuT^rgne. soit les 3 ^ de rimf<M total, l^ répartition eut lieu sur cette nouxelle base dès le mois de jauTier 144T V

^ TtiM|.KM.Mt., ft.,t^^^^l«»lr 4fi!i«i^^ll^Tifrt44^^ÎMiTHrlUT,

LES KTITS PaOVINCUCX. 35

Les états d'Auvergne ne poursuivirent pas avec moins d'énergie un abus très préjudiciable aux intérêts de la province. Le comte de la Marche, Bernard d'Armagnac , possédait dans la Haute- Auvergne les vicomtes de Cariât et de Murât, et le comte d'Arma- gnac, les baronnies de Pierrefort et de Chaudesaigues. Bien que ces terres eussent toujours contribué avec l'Auvergne, ces deux seigneurs, tranchant du souverain chez eux, ne voulaient pas soufiFrir que leurs sujets payassent rien des sommes imposées sur l'Auvergne, ce qui jetait un grand trouble dans les finances de la province et chargeait d'autant les autres contribuables. Les états s'en plaignirent vivement au roi * et cette fois aussi ils eurent satisfaction. Le comte de la Marche composa vers 1443, et les terres de Pierrefort et de Chaudesaigues furent confisquées peu de temps après sur le comte d'Armagnac.

B. Préférence des états pour Vimpôt direct , ou taille^ opposé aux autres systèmes de contributions et spéciale- ment auœ aides. Conversion des aides en équivalent.

Un fait très curieux à constater, s'il n'est pas très facile à expli- quer, c'est la préférence accordée par les états de notre région centrale aux impôts directs, par opposition aux impôts indirects ou aides. La première preuve en est que jamais, pour ainsi dire, les états n'ont accordé de subside au roi sous la forme d'impôt indirect. Un contemporain nous apprend qu'aux états généraux de Poitiers, en octobre 1 425, il y eut de longues contestations entre les membres de l'assemblée, parce que pour fournir un subside au roi < les ungs, c'est assavoir d' Angiers, d'Orliens, Blaiz , Touraine et autres vou- loient des aides partie, et les autres des pais bas jusques en Lionnois vouloient que tout se paiast par taille ^ » A ce point de vue l'Au- vergne, le Limousin et la Marche faisaient partie des pays bas. Pour le montrer encore mieux, il suflSt d'un exposé historique des faits. Au mois d'août 1423, les états généraux de Selles accordent au roi le rétablissement provisoire des aides qui avaient cours pour la guerre du temps de Charles VP ; en décembre sui-

1. Dans les doléances de 1442, art. 4 et 11 .

2. Lettre de Roulin de Maçon aux conseillers de la ville de Lyon, ap. Cab. hist, 1878, p. 216.

3. Les alie» se composaient de 12 deniers par livre de toules denrées, du 1/4 du ▼in Tendu an détail et de Timposition foraine.

36 A. nOHAS.

Tant, les étals d* AuTargne rpinplacffnt la fetcef&m des aides par un impôl direct de 20,000 firancs ^ Au mois d'octobre 1125, les états généraiix araient accordé au roi un subside d'aiHnès leqnd on derait p^rceroir le onzième de toutes denrées et mancbandîses; dans une assemblée taïue à Montluçon, au uilms d^avril suirant, et à laquelle prennent part les états d*AuTefgne, ce subside est remplacé par une taille de 250«000 firancs*. En décembre 1426, les états de Montluçon accordent au nx la krée d*une sorte de capitation d'après laqudle chaque babîtant derait parer de 5 sous à 10 deniars tournois par semaine suirant son état ; au mois de mai suivant, cet impôt est remplacé, en Auxergne. par une taille ordinaine^ En 1432« le n^, arec rassentunent des états généraux, ordonne la levée d'un droit appelé barrage sur toutes les mardiandises qui entneraient dans les xilks ou en sortiraient ; au mois de septembre, les états d'Auvergne accordent au r»t une somme de 20,000 firancs pour remplacer cette imjM^tîon *. Les états de Tours (sept.-oct. 1433) rétablissent la capitation : au mc4s de janvier 1434, les états d'Auvergne la r«nplacent par une taille de 20.000 firancs ^ Au mois de juillet 1435, ils accordent un impôt dir>?ct au lieu des aides qui venaient d'être rétablies provisoir>»Mnt '. En£n ks aides sont dièdcitxvement < remises sus > par le rot avec le consentement des états généraux, en février 143ï>: les états de la Basse-Auvergne obtiennent encore, movennant une soomie de S.OOO firancs, qu'elles n'aient pas cours en Auvergne de toute l'auM^ 1436 '^^ C'esl seokme&t au ukùs de décembre 1436 que Charles TU, de passage à Ûermont, {«vi- mulgue a^enneikment le rètahLis^^ement des^ aide> daifcs la {mto- vince. à partir du cv«nmencefiiefit de Tannée 1437 ^. IVis krs les états n'ont plus d'autorité sur cees^ imp^x^itiocs qui ^ lèvent sans leur intervention : îLs ne peuvent que prvle^ter au kasoùi contre ks vexations des agents qui en sont charge ^

Lâs DEMsnes iaits ont certainement du se passer dans le Lirnoosin etdaiksla Marche, mab nous ne [vxssedons pas assec de documents pour en dressser une liste ausssi complète. Sîgr^k'cs touteé?fis les suivants : l'aide des *tî"r\î^?rtir (ut rvtupiic^ eîi 1433, daas la

1. ^ 3L T«7. W CÉto&Hpar «ul <à«N(k

4. ^ V^. îf Oy^^i^M;! âifeMw

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T. T4«. W CKTifciyf à k 4ail».

LES ÉTATS PROYINCUUX. 37

Marche, par une taille de 4,000 fr. * ; cette aide, non plus que la capitation de 1433, ne fut pas perçue en Bas-Limousin, mais elles furent changées toutes deux en une taille de 6,000 fr. * ; en 1435, les états de Poitiers ayant rétabli provisoirement les aides, les états de la Marche y substituèrent un équivalent'^. Nous avons dit que le rétablissement définitif des aides fut accordé au roi par les états de Languedoïl, réunis à Poitiers au mois de février 1436 ; malgré cela, il semble absolument certain que ces impositions ne furent levées, ni dans le Limousin, ni dans la Marche, de 1436 à 1450 environ *. Cela tint sans doute à la résistance énergique que les états durent opposer à cette mesure. C'est seulement vers 1450 que le roi résolut d'assimiler ces pro- vinces au reste des pays de Languedoïl. Il fallut entamer de longues négociations avec les états provinciaux. C'est probable- ment à cette affaire que se rattache un voyage fait avant le 25 mars 1451 par Baudot de Haloy, clerc, par ordre des tréso- riers de France, « de la ville de Tours en la ville de Limoges et en la conté de la Marche devers les gens des Trois Estaz desdiz pais pour leur porter certaines instruccions, mémoires et autres advertissemens, et illec avoir attendu leur responce et retourné par devers le roy en ladicte ville de Tours ^. » Le résultat de ces négociations fut que les états de la Marche, du Limousin haut et bas et du Périgord offrirent collectivement au roi de lui payer annuellement une somme de 20,000 îr. pour que les aides n'eussent pas cours dans ces pays. Le roi accepta ce marché pour un cer- tain nombre d'années, et le nouvel impôt s'appela Véquivalent auœ aides : il finit par devenir définitif. La quote-part de chaque pays était ainsi fixée : Marche, 4,500fr. ; Bas-Limousin, 6,750 fr. ; Haut-Limousin, 6,750 fr. ; et Périgord, 2,000 fr. L'équivalent dut commencer à se lever à partir du mois d'octobre 1451 . Les états de ces quatre pays imposèrent en outre sur eux la somme de 6,000 liv. (dont 1,500 liv. sur la Marche) afin de défrayer les députés qu'ils avaient envoyés à plusieurs reprises auprès du roi pour obtenir le changement des aides en équivalent. Dans la

1. Voy. le Catalogne, à la date.

%, Lettres de Charles VII da 14 janvier 1434. (Arch. nat., K 63, n* 29.)

3. Voy. le Catalogue, à la date.

4. Un texte de 1444 nous apprend qu'à cette époque il n'y avait c nulz esleuz <m ptîs de LinuMin. i (Arch. nat., Reg. de la Cour des aides, ZIa 14, f* 105 t*.)

5. Arch. nat., KK 648 (vol. Monteil), p. n* 91.

38 1. THOMAS.

somme de 6,750 1. t. supportée par le Bas-Limousin, la vicomte de Turenne était comprise pour 536 1. 10 s. t. ; mais les habitants de cette principauté ayant absolument refusé de rien payer, la moitié de leur quote-part fut un peu plus tard déversée sur le Haut-Limousin dontla charge se trouva ainsi portéeàT, 0181. 5s. t. pendant que celle du Bas-Limousin était réduite à 5,481 1. 15 s. t. * Cet exemple ne tarda pas à être suivi des pays voisins. La Combraille, le roi avait établi les aides en 1451 ', envoya des députés à la cour et obtint la transformation de cet impôt indirect en un équivalent de 700 fr. par an, avant le mois de décembre 1456^. La même question agitait fort les états d'Au- vergne. Le 21 mars 1454, une somme de 400 liv. est répartie entre les bonnes villes « pour envoyer certaine ambassade devers le roy pour fere abatre les guabelles ou fere mettre à l'équivalent^. > Les états de la Basse-Auvergne se réunissent pour examiner l'affaire, le 27 juin à Issoire, le 10 et le 12 août à Riom et à Cler- mont, le 11 septembre à Issoire. Toutefois leurs demandes ne semblent pas avoir abouti sous Charles VII ; nous trouvons encore des élus sur le fait des aides en mars 1459 ^. La première men- tion de l'équivalent que nous ayons est de 1463* : c'était proba- blement un cadeau de Louis XI à son avènement. Cet équivalent était de 24,000 fr. pour la Basse-Auvergne''' ; nous n'avons pas de détails sur la Haute-Auvergne.

C. Les états suspendent V exercice de divers droits finanr ciers de la royauté, ou les rachètent par des impâts directs.

Avec les aides ordonnées pour la guerre et les tailles qu'ils accordaient périodiquement, les états n'étaient pas encore entiè- rement à l'abri des exigences de la royauté. Celle-ci possédait

1. Voy. sur cette affaire Arch. nat., K 692b, 11; Bibl. nat., Fr. 5909, ^ 175; 20580, p. 29, et 2886, Rôle des aides pour 1454-5 (très mal publié par fea P. Clément, de Tlnstitut, dans Jacques Cœur et Charles VII , t. II, p. 419 et s.}.

2. Voy. Arch, nat., ZIa 23. Les viUes principales de la Combraille étaient Éyaux et Chambon (Creuse).

3. Rôle des aideSy suprà.

4. Arch. de Clermont, reg. non coté.

5. Bibl. nat., Fr., 23898, à la date.

6. Ib., Pièces orig., 724, D' Chauvigny, 8 Hs.

7. Bibl. nat., Fr., 23898, à la date.

LES éTlTS PROYIXCUUX. 39

certains droits dont la revendication, pour être intermittente, n'en était pas moins vexatoire.

De ce nombre était la convocation de rarrière-ban. Dès l'époque de Philipppe le Bel, ce n'était plus pour la royauté qu'un moyen de se procurer de l'argent par les compositions auxquelles les particuliers étaient obligés de se soumettre. Ce moyen fut rare- ment employé sous Charles VIL Cependant, en 1441, il chargea Tandonnet de Fumel et Nicole du Breuil de « faire mettre à exé- cution l'arrière-ban » dans le Bas-Limousin. Les états s'émurent aussitôt et offrirent au roi, qui l'accepta, une somme de 4,500 liv. pour qu'il ne donnât pas suite à ce projet *.

C'était une vieille habitude de la royauté d'envoyer de temps en temps dans les provinces des commissaires extraordinaires avec pleins pouvoirs pour réformer et punir tous les abus qui y avaient été commis depuis une certaine époque : tel était déjà le caractère des enquêteurs de saint Louis. Charles VII jugea bon de remettre en vigueur cet usage, moins dans l'intérêt de la jus- tice assurément, que conune un moyen d'alimenter le trésor par les amendes et confiscations qui devaient en résulter. En 1445, une conamission de ce genre fut instituée en Auvergne pour « la générale reformacion ; » elle était composée de Gilbert de la Fayette, de Girart Le Boursier, de Pierre de Morvillier et de Nicole du Breuil. La venue de ces commissaires mit la province en émoi; on commença par les gagner en leur faisant des pré- sents : le maréchal de la Fayette reçut 100 livres tournois, Nicole du Breuil 40 et les deux autres chacun 80 livres tournois ; on obtint ainsi un sursis momentané. Puis les états envoyèrent à la cour Gonnot du Riuf pour faire révoquer la commission. Mais l'on pense bien que la royauté n'allait pas renoncer gratuitement à l'exercice de cette mesure lucrative et fructueuse. Il fallait une compensation. Les états, après plusieurs assemblées tenues dans les mois d'août et de septembre 1446 à Issoire et à Gannat, offrirent au roi, qui l'accepta, l'octroi d'une taille dont nous igno- rons le montant pour que les conunissaires fussent révoqués. Il faut reconnaître que la conduite des états dans cette circonstance n'était pas inspirée par un sentiment d'équité : si la commission eût suivi son cours, amendes et confiscations ne seraient tombées que sur les coupables ; au contraire, la racheter par un impôt,

1. Bibl. nat., Fr., 25711, n* 145.

40 1. THOMAS.

c'était faire payer par tous la rançon de quelques-uns. Mais les membres des états devaient évidemment tenir à ce que certains faits restassent dans l'ombre, et il ne faut pas trop s'étonner de retrouver le mobile de presque tous les actes politiques, à savoir : l'intérêt bien entendu *.

Ils furent mieux inspirés en s'opposant à une autre mesure de la royauté. Au commencement de 1445 environ, Charles VIT, de sa propre autorité, voulut faire lever en Auvergne de nouveaux droits sur le sel, tant de Poitou que de Languedoc. Quatre com- missaires vinrent à cet effet dans la province : Charles de Cas- tiUon, Pierre des Crosses, Morelet Le Viste et Chariot de Rollot. Il fallut encore leur donner 200 liv. au mois d'avril 1445 pour les faire surseoir et attendre qu'on se fût pourvu auprès du conseil du roi * ; en 1446, nouveau don de 600 liv. pour le même motif. En même temps, les états envoyèrent auprès du roi une ambas- sade composée du sénéchal d'Auvergne, du s^ de Chazeron, de l'abbé d'Artonne et de Jean Le Viste, « pour lui remonstrer que le païs avoit acoustumé ne rien paier sur le sel. » Quel fut le résultat de cette démarche ? Nous l'ignorons. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'elle coûta à la province 1200 livres tournois et plus^.

Enfin, en 1448, Charles VII ayant nommé d'autres commis- saires chargés de percevoir les droits de francs fiefs et nouveaux acquêts, les états obtinrent encore du roi que ces commissaires restassent un an entier sans procéder à leur commission^.

§3. Rôle des étais au point de vue de la défense terri'- toriale. Organisation de l* armée par Charles VIT.

C'est peut-être au point de vue de la défense territoriale que le rôle des états provinciaux a été le plus important sous Charles VII, et qu'il est aujourd'hui le plus intéressant à étudier. L'ennemi contre lequel les provinces avaient à se défendre était double : les Anglais d'une part et les routiers de l'autre.

1. Pour les noms des commissaires et les sommes qui leur forent données, Toy. les Instructions de février t446 (Bibl. nat., Fr. 22296), et sur l'aide accordée au roi, Toy. Catalogue, à la date.

2. Voy. les Instructions, Bibl. nat., Fr., 22296.

3. Voy. les Instructions du mois de février 1446, Bibl. nat., Fr., 22296, à la date.

4. Voy. Arch. nat., KK 648 (reg. Monteil), p. n* 99.

LES ÉTATS PROYINCIIUX. Ai

A. Défense contrée les Anglais.

Des pays qui nous occupent, le Limousin seul se trouvait sur la frontière des Anglais, maîtres de la Guyenne jusqu'en 1451. Dès 1419, la première session des états du Limousin que nous ayons rencontrée est relative à la défense du pays. Un capitaine anglais nonmié Beauchamp était alors maître de la forteresse d' Aube- roche en Périgord, et de faisait de nombreuses incursions dans le Limousin; quelques seigneurs, et à leur tête le comte de Venta- dour et les vicomtes de Comborn et de Limoges, résolurent d'aller mettre le siège devant cette place. Pour cela il fallait une petite armée et surtout de l'argent pour l'entretenir. On réunit les états à Tulle dans les premiers jours de septembre; ceux-ci consen- tirent à ce qu'on imposât sur le pays une somme de 24,000 fr., à la condition expresse que cette somme serait uniquement employée à solder les troupes qui devaient assiéger Auberoche. Deux rece- veurs furent nommés, l'un pour le bailliage de Limoges, l'autre pour les bailliages de Brive et d'Userche; quatre commissaires : Jean, seigneur de Bonneval, Gouffier Hélie, s' de Villac, Jean Peyssièra et Bertrant Aramit, furent chargés de présider à la dis- tribution de l'argent et d'entendre les comptes des receveurs*. Grâce à cette organisation, la place d' Auberoche put être empor- tée et le pays fut mis pour quelque temps à l'abri des incursions ennemies'.

En 1435, les Anglais occupaient encore dans le voisinage plus ou moins direct du Limousin plusieurs places très préjudiciables au pays, entre autres Aucor^, MareuiP et Doname'^. Les états du Haut-Limousin s'employèrent énergiquement pour trouver moyen de les en déloger. A plusieurs reprises, ils envoyèrent l'évêquede Limoges, Jean d'Asnières, Bertrandon de Lur et Guinot du Barry auprès de Jean de la Roche, sénéchal de Poitou, pour lui flaire mettre le siège devant la place d'Aucor<^. De son côté, le vicomte de Limoges paya comptant audit sénéchal la somme de

1. Bibl. nat., Baloze, 393, n* 634.

2. HarYaud, BisL du Bas- Limousin.

3. Commune de Beaussac (Dordogne).

4. Chef-liea de canton (Dordogne).

5. Ibid.

6. Voy. Bibl. nal., Fr., 23902.

42 1. THOMAS.

750 livres pour l'aider dans ce projet, et la place put être reprise de vive force aux Anglais*. Le résultat fut moins heureux pour Mareuil; bien que l'évêque de Limoges eût fait un voyage en Saintonge pour concerter l'attaque, et que conjointement avec Jean de La Roche, le vicomte de Limoges eût fourni des troupes pour tenir une bastille devant la ville, on ne put la reprendre*. Nous voyons en effet en 1437 les états voter au seigneur de Ma- reuil un somme de 500 francs « pour lui aidier à délivrer et recouvrer son chastel de Mareul, à présent occupé et détenu par les Angloys, ennemis et adversaires du roy nostredit seigneur, qui ont fait et font de jour en jour guerre et grans maulx et dom- maiges aux habitans du pays^. » Cependant les états du Limousin, tant haut que bas, avaient obtenu du conseil du roi que la presque totalité de l'aide de 10,000 fr. qu'ils avaient accordée au roi en 1435^ fût employée à « la recouvrance de Domme et de Mareul'^. » L'aide du Bas-Limousin dut être affectée spécialement à la reprise de Domme : les états exposèrent qu'ils « avoient certains traictiez pour avoir et recouvrer les ville et chastel de Domme, » et le roi leur accorda la libre disposition d'une somme de 3650 liv. pour employer à cet effet. 11 fut stipulé que cet argent serait remis entre les mains de Pierre de Royère et de Martin de Sorrias, bourgeois de Tulle, commissaires des états délégués à cette inten- tion, et que, même par mandement du roi, les commissaires ne pourraient en détourner un denier pour un autre objet que la déli- vrance de Domme : ils devaient être tenus quittes par la Chambre des comptes en rapportant un certificat d'Amaury d'Estissac constatant que la ville était remise en l'obéissance du roi*. Il semble d'après cela que les états du Bas-Limousin eussent traité à l'amiable avec le capitaine anglais de Domme pour lui faire évacuer cette place; ce résultat fut atteint, et Domme fut remis entre les mains de son seigneur, partisan de Charles Vil. Mais en 1438, Charles VII, sans doute peu confiant dans ce person- nage, chargea Thibaut de Lucé, évêque de Maillezais, Gautier

1. Voy. ibid., Fr., 26060, n- 2775.

2. Ibid., ibid.

3. Bibl. nat, Fr., 23902, à la date.

4. 5,000 I. accordées par le Bas-Limousin à Userche, en août, et 5,000 1. par le Haut-Limousin à la Souterraine, en septembre.

5. Bibl. nat., Fr., 23902.

6. Arch. nat., K 62, n* 7.

LES iriTS PROYINCIAUX. 43

de Péruce et Jean Barton, de traiter avec lui pour qu'il aban- donnât la ville aux mains du roi : le Limousin dut encore payer par un impôt les firais de cette négociation*.

En 1439, grâce à des renforts amenés en Guyenne par le comte de Hontington, les Anglais reprirent l'offensive en Périgord et s'emparèrent de Thenon', d'où ils menacèrent à la fois le Limousin et la Haute-Auvergne'. Charles VII, sur l'initiative des états, envoya des commissaires au pays pour lever un impôt et aviser aux moyens de reprendre la place : ces commissaires étaient : Gautier de Péruce, Jean Barton et Etienne Froment. Les états du Bas-Limousin accordèrent une aide de 5,000 francs; ceux du Haut-Limousin octroyèrent probablement la même somme. L'argent provenant de ces deux octrois fut distribué, conformé- ment aux ordres du roi, par mandements des comtes de Venta- dour, vicomtes de Limoges et de Turenne, et d'Etienne Froment, ou d'au moins deux d'entre eux. La forteresse de Thenon fut reprise aux Anglais*.

Si le Limousin seul avait directement affaire aux Anglais, les états de toutes nos provinces apportaient leur concours à la guerre nationale en votant fréquemment des sommes plus ou moins fortes pour aider des prisonniers à payer leur rançon. Les sommes ainsi votées l'étaient dans deux conditions. Si le personnage était de grande importance, le roi prenait d'ordinaire la cause en main, lui accordait une certaine somme qu'il répartissait lui-même par lettres patentes entre différentes provinces, et alors les états ne faisaient guère que confirmer la décision du roi en votant leur quote-part : c'est ce qui eut lieu notamment pour le fameux La Hire (Etienne de VignoUes), pour Charles d'Orléans et quelques autres. Au contraire, si le personnage était secondaire et n'avait qu'une notoriété locale, il faisait exposer sa situation aux états de sa province qui, de leur propre initiative et sans aucune inter- vention du roi, lui votaient telle somme qu'ils jugeaient à propos. Voici un tableau chronologique des personnages plus ou moins

t. Bibl. nal., Fr., 20417.

Z Chef-lieu de canton (Dordogne).

3. 8 janvier 1440. Les habitants de Salers (Cantal) requièrent le Parlement de leur permettre de fortifier leur yille, les Anglais Tenant de s'emparer de Thenon, i une journée de marche, bien qu'il y ait procès à ce sujet entre eux et leur seigneur. (Arch. nat., XIa 1482, ^ 131 b.)

4. Voy. Catalogue, Haut et Bas-Umousin, 1439, novembre.

44 1. THOMAS.

importants auxquels les états provinciaux sont ainsi venus en aide:

1425, novembre, Jean Foucauld, pris par Talbot à Laval : 200 liv. (états du Haut-Limousin). Id. Jean de Rochechouart, s* de Mortemar, conseiller et chambellan du roi, pris à la jour- née de Verneuil : 200 liv. (id.). 1432, janvier, Robert Cous- tave, écuyer, prisonnier à Rouen, 300 liv. (Basse- Auvergne). Id. Lancelot de Bonneville, 120 liv. (id.). 1436, décembre, Gonnin de Blot, 300 liv. (id.). 1437, août, Etienne de Vignolles, dit Lahire, 250 liv., restant de 1000 écus à lui assi- gnés par ordre du roi (Haut-Limousin). Id. Perrinet Lejeune, écuyer, 30 liv. (id.). Id. Jean Pain, écuyer, 20 liv. (id.). 1438, juillet, Gonnin de Blot (bis), 150 liv. (Basse-Auvergne). 1439, février, Bertrand du SaiUant, fait prisonnier par les Anglais de Limeuil (Dordogne), 120 liv. (Bas-Limousin).

1441, janvier, Jean de Montbrun, écuyer, 40 liv. (Haut-Limou- sin). — Id., Guillaume de Saintr-George , écuyer, 30 liv. (id.).

Id., Giron Bardot, écuyer, 30 liv. (id.). 1442, Charles d'Orléans. Par lettres données à Limoges le 24 mai 1442, Charles VII lui fait don de 168,900 écus sur tout le royaume, dont 6,000 sur le Limousin haut et bas, 2,000 sur la Marche et 10,000 sur l'Auvergne; cependant à leur session de septembre

1442, les états d'Auvergne ne lui accordent que 5,000 écus (=6,878 liv.). 1443, août, Jacques d'Ussel, écuyer, 450 liv. (Basse-Auvergne). 1445, août, Raoul, s^ de Gaucourt, 500 écus (Auvergne). 1448, janvier, duc d'Angoulême, 500 liv. (Au- vergne).

B. Défense contre les routiers.

Nous n'avons pas besoin d'insister sur un fait universellement connu, c'est que jusque vers 1445 les gens de guerre furent la plaie de la France. Sous les noms de routiers, estradeurs, écor- cheurs que leur infligeait le ressentiment public, ils arrivèrent à se faire redouter des populations plus encore que les Anglais. Les chroniqueurs contemporains sont unanimes à ce sujet, et nous en avons des témoignages particuliers. Dès 1419, à la session des états du Limousin tenue à Tulle au mois de septembre, il s'agissait de lever une petite armée pour assiéger Auberoche, l'abbé d'Userche n'y consent qu'à la condition que les seigneurs,

LES ijATS paoviNcuux. 45

en revenant de cette expédition, aient à ne pas piller, rançonner et manger le pays comme cela arrivait trop souvent*. Un texte de 1423 relatif à l'Auvergne parle des < roberies, pilleries, mordres de personnes, ravisseraens de femme et autres dom- maiges, excès et inconveniens qui de jour en jour sont euz, faiz et perpétrez... par pluseurs rotiers, robeurs, pilleurs ou autres malfaicteurs'. » Voyons par quels moyens les états ont essayé de remédier à ces désordres.

Dès 1424 les états d'Auvergne avaient levé des troupes à cet effet; nous voyons qu'il y avait soixante hommes d'armes « à la garde et deffense du pays » sous les ordres de Bertrand, s' de la Tour, de Jean, s' de Langeac, sénéchal d'Auvergne, et d'autres; leurs gages étaient payés sur les fonds provinciaux^. C'était évi- denmient une conséquence de l'alliance conclue le 11 juillet 1423 entre l'Auvergne, le Bourbonnais, le Forez, le Beaujolais et la CombraUle, alliance par laquelle chacun de ces pays s'engageait à secourir les autres en cas de besoin avec des forces proportion- nées à ses ressources^. Le 27 mai 1430, dans une assemblée tenue à Issoire, les états organisèrent définitivement cette milice provinciale par un acte solennel. Cet acte est digne de la plus grande attention* : on retrouve par avance les principales me- sures que devait promulguer plus tard Charles VIT à la requête des états généraux, dans la pragmatique d'Orléans (2 novembre 1439). Il fut décidé que la province entretiendrait désormais 120 hommes d'armes et 80 hommes de trait, répartis en cinq compagnies, sous les ordres du sénéchal d'Auvergne, du bailli de Montpensier, et des seigneurs de La Tour, de Dampierre et de la Fayette. Chaque capitaine devra choisir lui-même les hommes de sa compagnie et répondra de leur conduite. Pour qu'ils soient toujours prêts en cas de besoin, on leur paiera un mois de gages d'avance. A la première session, on ordonnera la levée d'une somme sufSsante pour l'entretien de ees troupes ; cette somme sera mise dans un coffre spécial pourvu de cinq clefs. Il y aura cinq

1. c Non habeant piUiare, nec ransonare nec consiimere patriam. t (Bibl. nat., BiL, 393, n* 634.)

2. Arch. nat, P 1358', cote 550.

3. Voy. une quittance de Bertrand de la Tour, Bibl. nat, Fr., 26047, n* 241.

4. Voy. pins haut, II, { 1 b.

5. L'original se trouve 'aux Arch. nat., P 1359; il a déjà été publié par M. A. Ririère.

46 i. THOMAS.

commissaires qui auront chacun une clef pour présider à la dis- tribution de cette somme, à savoir : Pierre de Gros, le prieur de la Voûte, Tofficial de Clermont, Hugues Roland et le gouverneur de Clermont. Ces commissaires feront le serment d'employer uni- quement cette somme à la solde des troupes, et ils ne délivreront de mandats de paiement qu'après s'être assurés par des montres que l'effectif est au complet. Enfin on décide que, conformément au traité d'alliance, ces troupes seront envoyées en cas de besoin au secours du Bourbonnais, du Forez et du Beaujolais, à la con- dition que vice versa le Bourbonnais devra envoyer au secours de l'Auvergne 40 hommes d'armes et 20 archers, le Forez 20 hommes d'armes et 15 archers, et le Beaujolais 15 hommes d'armes et 10 archers.

Cette organisation semble avoir subsisté jusque vers 1438. Nous trouvons encore cette année-là une somme de 9,000 liv. imposée pour payer les gens d'armes employés à la défense du pays, mais la distribution en est confiée à l'évêque de Clermont, au comte de Boulogne et d'Auvergne, aux seigneurs de Dam- pierre, de Canilhac et de Langeac, ou à quatre ou deux d'entre eux*. En 1440 nous ne retrouvons plus cette mesure avec le même caractère ; nous voyons allouer une indemnité totale de 2,100 liv. à quatre seigneurs « pour et en recompensacion des fraiz et despenses qu'il leur a convenu faire et soustenir pour avoir, mettre sus, armer et entretenir par certain temps cer- tain nombre de gens d'armes et de trait qu'il a convenu tenir oudit pais pour la garde et défense d'icellui*. » Les termes mêmes de cette allocation indiquent bien qu'on avait renoncé à l'idée d'une milice permanente. Nous n'en retrouvons plus aucune trace postérieurement.

Il n'y eut pas d'organisation analogue dans les provinces voi- sines; toutefois on sut aussi résister par la force aux invasions des routiers. En 1435, le fameux Rodrigue de Villandrando^ ayant couru le Bas-Limousin avec ses bandes, plusieurs seigneurs du pays tinrent garnison contre lui à Meymac et à Ussel, et les états leur votèrent des indemnités pour ce fait^. Dans la Marche,

1. Voy. les Inslr. de cette anoée, Bibl nat., Fr., 22296, à la date.

2. Voy. les Instr., Bibl. nat., Fr., 22296, à la date.

3. Voy. sur ce fameux capitaine la belle biographie de M. Jules Quicherat, Paris, Hacbetle, 1879.

4. Voy. Ribl. nat., Fr., 22420, et Catalogue, à la date.

LBS iTÀTS PROTIMCUCX. 47

le comte avait dans quelques villes des capitaines qui n'étaient pas sans avoir quelques soldats avec eux ; cela suffisait parfois à efifrayer les routiers. En 1440 et en 1441 nous voyons les états voter ainsi une somme de 100 fr. aux capitaines de La Chapelle- TailleferS de Guéret, de Jarnage*, de Rochefort^ et à Jacques Bézu « pour recompensacion de pluseurs chevauchées, fraiz et des- penses qu*ilz ont faictes pour aller au-devant de pluseurs cappi- taines4e gens d'armes affin qu'ilz n'entrassent oudit pays^ »

Mais il faut bien le reconnaître, même la savante organisation adoptée par les états d'Auvergne était absolument impuissante ; ces troupes entretenues par les états ne semblent pas avoir rendu de grands services au pays, ni tenu les routiers en respect. Le plus souvent, c'était à prix d'argent qu'on barrait la route à ces hôtes dangereux ou qu'on les faisait déloger. Les sommes que les gens de guerre ont ainsi tirées de nos provinces du centre pendant plus de vingt ans sont énormes. Essayons d'en donner quelques aperçus.

Les documents sont rares sur la Marche; nous voyons cepen- dant en 1426 les états obligés de composer à la somme de 506 liv. avec Théode de Valpergue et autres capitaines au service du roi « pour non logier oudit pays et y donner souffrance de non y fourrager ne le dommager par certain temps ^. »

Le Limousin eut beaucoup à souffrir : en 1435, un certain Au- det de Rivière occupait le château de Courbefy et s'y conduisait conmie en pays ennemi; les états durent traiter avec lui à prix d'argent pour lui faire évacuer la place avec ses gens^. Il fallut encore promettre à son successeur 200 liv. pour « garder ses gens une saison de piller et appa tisser les gens du pays^. » Autre dépense pour obliger Jean de la Roche , sénéchal de Poitou , à retirer la garnison qu'il tenait à Saint-Exupéry*; on y réussit par l'intermédiaire du vicomte de Turenne et cela coûta 3,000 fr. que durent payer les états du Bas-Limousin^. Ce malheureux château

1. Canton de Goéret (Creuse).

2. Chef-lien de canton (Creuse).

3. Commune et canton de Somac (Corrèze).

4. Voy. Bibl. nat., Fr., 21423 et 23901.

5. Ibid., ib., 20587, p. 36.

6. Ribl. nat., Fr., 23902, à la date.

7. Ibid., ibid.

8. Près d'Ussel (Corrèze).

9. Bibl. nat., Fr., 22420.

48 i. THOMAS.

de Courbefy était un refuge merveilleux pour les routiers qui pouvaient rançonner à loisir le pays environnant et venir y mettre leur butin en sûreté; aussi les tentait-il. Après Audet de Rivière, ce fut Jean de Santoux qui s*en empara. Sa conduite fut si exé- crable que les états traitèrent avec lui au prix de 1400 réaux d'or pour le faire déloger et remettre la place aux mains d'Amaury d'Estissac, lieutenant du gouverneur de Limousin* (1438). Le gouverneur était alors Charles d'Anjou ; il semble qu'il aurait avoir des troupes assez bien disciplinées pour réprimer ces dé- sordres. Mais loin de : le capitaine général de ses gens d'armes et de trait, Louis de Bueil,* commettait pis que pendre dans le pays; les états durent encore traiter avec lui par l'intermédiaire de Poton de Saintrailles, alors bailli de Berry ; ils lui donnèrent 400 réaux d'or pour le faire déloger immédiatement avec ses gens et lui firent promettre de ne pas remettre les pieds dans le pays avant la fête de Noël 1438«.

Telle était l'épouvante que causait le passage des gens de guerre qu'au mois de mai 1442, Charles VII partant pour faire lever le siège de Tartas, les états du Haut et du Bas-Limousin lui offrirent spontanément 4,000 francs pour que les troupes qui l'accompagnaient ne traversassent pas la province^. Ce fut la même chose au retour : les états du Bas-Limousin furent obligés de promettre aux capitaines (Chabannes, Floquet et autres) plus de 4,000 fr. pour éviter le pillage, et malgré cela, dit un docu- ment contemporain, « iceulx cappitaines et leurs gens et toute l'armée du roy en retournant dudit voiage ont passé par ledit pays et logé en icelui, ont bouté feux, prenoient gens et bestail et mettoient à raençon et ont tout destruit, et encore que pour eulx desloger d'icelui ont rançonné les villaiges. >

S'il fallait ainsi compter par le menu toutes les rançons payées par l'Auvergne, cela deviendrait fastidieux; bornons- nous à quelques chiffres. En 1436, les états de la Basse-Auvergne rem- boursent au duc de Bourbon 6,000 liv. qu'il a payées à Rodrigue de Villandrando, alors en Albigeois, pour éviter qu'à son retour il ne traverse le pays^ En 1438 les rançons payées aux gens

1. Bibl. nat, Fr., 23902, à la date.

2. Ibid., ibid., 23902.

3. Voy. le Catalogue, à la date.

4. Arch. nat., ZU 14.

LBs Mtats provinciaux. 49

d'annes s'élèvent à près de 20,000 fr . rien qu'en Basse-Auvergne ; en 1442, à 24,000 liv., en 1443, à 23,000 liv. à l'occasion du retour des gens de guerre de Gascogne. En 1445 encore, l'Au- vergne est obligée de donner 1300 moutons au bâtard d'Arma- gnac pour le faire sortir de la province.

Rien ne montre mieux que ce long exposé la nécessité de la réorganisation de l'armée dont Charles VII et son conseil prirent l'initiative en 1445; rien, semble-t-il, n'était plus propre à faire accepter de grand cœur par les états provin- ciaux le nouvel état de choses créé par les mesures de la royauté. Nous allons voir quel fut leur rôle dans cet événement capital, non seulement du règne ^de Charles VU, mais de l'histoire de France.

C. ^ Nouvelle organisation de V armée par Charles Vil;

Rôle des états.

C'est au mois de mai 1445 que Charles VII, alors à Loupy-le- Ghftteau, en Barrois, commença la réforme de la cavalerie. Sans parler de mesures destinées à rendre la discipline plus sévère, la véritable innovation fut la résolution adoptée par le conseil du roi de caserner l'armée dans les provinces, et de mettre à la charge de chacune d'elles la nourriture et l'entretien des soldats qui y casemeraient. On fixa à 2000 le nombre des lances à loger ainsi dans tout le royaume* : 500 en Languedoc et 1500 en Languedoïl ; puis on établit la quote-part de chaque province. L'Auvergne fut taxée à 160 lances, dont 40 dans la Haute-Auvergne, c'est^-à- dire le quart du nombre total : les 40 lances de la Haute- Au- vergne étaient sous le commandement de Robert Compaing* : il y avait deux capitaines dans la Basse- Auvergne : Amanieud'Albret, 8' d'Orval, avec 100 lances, et Guillaume de Rosinviven avec 20 autres*. Le Haut et Bas-Limousin reçurent chacun 43 lances sous le commandement de Philippe de Culant, s** de Jalognes, maréchal de France^. Nous n'avons de détails sur la Marche que

1. Chaque lance comprenait six personnes et six chevaux. (Voy. Bibl, de VÉc. it» chartes, 11* série, p. 122 et suiv., un bon article de Vallet de Virinlle que Bootaric n'a fait que répéter dans ses In$iUuiion$ militaires de la France t p. 309.)

2. Instr. pour 1446, Bibl. nat., Fr., 222%, à la date.

3. Bibl. nat, Fr. 22296 et Fr., 21495, p. 47 et 49 (montres).

4. Bibl. nat, Cab. des Titres, dossier CtUanU

ReV. HiSTOR. XL i»' FA8C. 4

50 A. THOMAS.

pour Tannée 1451 : elle entretenait à ce moment 18 honmies d*armes, dont 9 sous le maréchal de Jalognes, et les autres 9 sous Blain Loup, seigneur de Beauvoir et de Mérinchal^; il en était probablement ainsi dès Torigine. Cependant, en 1449, le maréchal de Jalognes s'intitule capitaine de 100 lances fournies, logées par ordre du roi dans le Limousin haut et bas et dans le comté de la Marche'; d*après notre compte nous ne trouverions que 95 lances sous ses ordres. Une pièce de 1454' nous apprend que le Franc- Âlleu avait reçu 3 lances fournies.

L'idée nouvelle de cette organisation ne se manifeste à nous que par des lettres patentes du roi données à Loupy-le-Chàteau le 26 mai 1445^ Mais on peut dire qu'elle était déjà dans l'air quelque temps auparavant : ainsi nous voyons, au mois d'avril, les états d'Auvergne envoyer un chevaucheur du roi auprès de lui « pour enquérir se les gens d'armes vendroient vivre en Au- vergne*. »

Quoi qu'il en soit, c'est le 26 mai seulement que Charles VU nonmia les conunissaires chargés d'organiser les casernements dans chaque province; l'ordonnance royale réglait les contribu- tions que devaient fournir les habitants; elles étaient toutes en nature, sauf une somme de 20 sous tournois par lance et par mois pour les jours maigres : les commissaires devaient choisir les villes propres à recevoir les garnisons, Caire la répartition sur les habi- tants des contributions en argent et en nature, et enfin juger les débats qui s'élèveraient à ce sujet*.

Dans tout cela pas un mot n'est relatif aux états provinciaux; mais il ne faut pas s'y tromper. Nous avons vu que c'est le carac- tère de presque tous les documents officiels de taire à dessein ce nom. En réalité, aussitôt arrivés dans les provinces, les conunis- saires durent convoquer les états provinciaux pour procéder, de concert avec eux, à l'exécution des ordres du roi. Il y eut des commissaires distincts pour la Haute et pour la Basse- Auvec^e;

I. Kbl. Mt, Pr., ^390t, et CaK àt» UtrHs dossier Lù^. t. QnitUnc» du ^ «ciàl 1449 {do»ifr Culmmt). X Bibl. Mt, Pr., ^60^, r 664^

4. VoT. VâUet ViriTilif, l«c. Hi. - Artà. Mt, C 6S, «* 14.

5. IttMr., Eibl. Mt. Pr., tt?9&

6. deux i^i^cM oMMr>^^ aux Artà^ Att {K 6i^ «* 14-14*} «Ml relatives Tane aa IViilou el Tanti^ aa GéT«iidaa; ell«» jimiI a^MteiMSI ideBUq«e&, el par mite eeUe» de» aatre» proTince» deraiettl VMre awtM

LES lÎTlTS PROTINCIACX. 54

ces commissaires furent pour le haut paya : Jean d'Aulon, con- seiller du roi, Amauri du Montai, bailli royal des Montaignes, et les élus sur le fait des aides*; pour le bas pays : Charles, s' de Culant, Jean de Bar, général des finances, et Jean de Langeac, sénéchal d'Auvergne : ce dernier fut spécialement chargé déjuger les débats entre les gens de guerre et les particuliers. En outre, pour faire la répartition des vivres entre les paroisses du pays, cinq personnes furent choisies conjointement par le roi et les états, à savoir : le sénéchal d'Auvergne, Pierre Boniol, oflScial de Cler- mont, Pierre Voulpilhère, Robert Coustave et Pierre Mandonier. Tout se passa conformément aux ordres du roi, et à la session d'août 1445 les états imposèrent diverses sommes parmi les frais du second terme de l'aide de 52,000 francs pour rétribuer les conmiissaires du roi et les personnes chargées de la répartition, plus 1 , 335 liv . pour délivrer et distribuer aux gens de guerre « pour avoir leurs vivres necesseres aux jours qu'on ne mengue point de char*. >

Dans le Haut-Limousin, il en fut autrement. Le roi avait fixé les contributions en nature. Les états, dès l'origine, préférèrent contribuer en argent. Dès que les commissaires furent arrivés dans le pays (nous ignorons malheureusement leurs noms) les états envoyèrent auprès du roi, à Châlons, une ambassade com- posée de Gautier de Péruce, s' des Cars, du prieur de Bénévent, de Pierre de Royère et de maître Chanin. Ces députés étaient très probablement chargés de demander au roi la transformation en argent des contributions en nature; toujours est-il que nous voyons une sonmie de 2,010 liv. imposée sur le pays pour les mois de mai-juin 1445, « tant pour le fait des vivres de xLiii hommes d'armes et uii" vi archiers, comme aussi pour le fait de certaine ambaxade que les gens des trois estaz dudit païs ont aivoyée devers le roy nostre sire à Chaalons pour certains les affaires d'icellui païs'. » La contribution financière fut fixée à 16 liv. par mois par lance fournie, probablement avec quelques suppléments en nature. Pour les trois mois suivants, les états imposèrent 2,562 liv., y compris sans doute les frais; mais au mois de juillet, les gens de guerre ayant quitté momentanément

1. Voy. Bibl. nat., Cab. des Titres, dossiers Montai et Clair., 171, p. 5537.

2. Instructions de 1445, Fr., 22296.

3. Bibl. nat., Clair., 126.

32 ▲. THOMAS.

le pays pour une expédition en Périgord, leurs gages de ce mois leur furent payés à raison de 22 fr. par lance fournie*. Une nou- velle ambassade, composée de Pierre de Royère, écuyer, et de Jean de Sandelles, bourgeois de Limoges, fut encore envoyée au- près de Qiarles VII à Chinon : les frais en furent imposés avec le paiement des trois derniers mois de Tannée, qui se monta en tout à 3,010 liv. 4 s. 5 d. t.«.

Il est bien regrettable qu'aucun détail ne nous soit parvenu sur le but précis de ces ambassades de Châlons et de Chinon ; les états de la Basse-Auvergne eurent aussi à réclamer auprès du roi. Malgré le texte des ordonnances, les gens de guerre exigeaient « les peaulx des bestes, les fustz des vins et autres despoilles de ce qu'on leur délivroit pour leurs vivres. > Louis d'Aubière fut envoyé « lui quatriesme à cheval » à la cour pour se pourvoir contre ces exigences^. Ces réclamations des états ne furent certai- nement pas étrangères au nouveau règlement élaboré par le con- seil de Charles VII et publié le 4 décembre 1445^. Le roi laissa au choix des états provinciaux trois manières de pourvoir à l'en- tretien des gens de guerre pour l'année 1446 : en fournissant les vivres conformément à l'ordonnance du 26 mai 1445, mais en payant en plus 9 liv. par lance fournie par mois ; en payant 21 liv. en argent, plus certains vivres stipulés dans le nouveau règlement; enfin, en donnant 31 liv. en argent par lance, par mois, sans aucune fourniture en nature; au cas les gens d'armes seraient forcés de quitter le pays pour une expédition, le dernier mode de payement serait obligatoire pour tout le temps de leur absence.

Comme on peut s'y attendre, les états du Haut- Limousin adop- tèrent avec empressement le dernier système; nous les voyons ordonner pour le premier semestre de 1446 la levée de 9,520 liv. à cet effet '^, et les années suivantes le payement des gens de guerre se lève annuellement et dans les mêmes conditions que les autres

t. Voy. une quittance du 5 Juillet 1445 du maréchal de Jalognes. (Bibl. nat., Cab. des Titres, dossier Culant.)

2. Ibid., ibid., et lettres de Charles VII du 25 juin 1447.

3. Instr. de 1446. (Bibl. nat., Fr. 22296, à la date.)

4. Cette pièce très importante a été publiée par M. Vallet de ViriyiUe, loc. cit.f d'après une copie contemporaine conservée au British Muséum. Nous afons retrouvé Toriginal à la Bibl. nat., Fr., 21427, n* 10 (anc. fonds Gaignières).

5. Quitt. du maréchal de Jalognes, Bibl. nat., dossier Culant.

LB8 ^TATS PROYINCUUX. 53

subsides directs accordés au roi. Il dut en être de même dans le Frano-Alleu, le Bas-Limousin et la Marche : pour ce dernier pays nous n'en sommes pas sûrs avant Tannée 1451 *.

Les états d'Auvergne, comme certainement les autres, n'avaient été rien moins que contents de la nouvelle charge que l'entretien des gens d'armes imposait au pays. Vers la fin de l'année 1445, ils envoyèrent une ambassade solennelle au roi, à Chinon, pour obtenir une diminution sur le nombre des lances logées dans la province; mais elle n'eut pas de succès. Charles VII leur fit dire que le moindre rabais de ce côté obligerait à un remaniement des quotes-parts de toutes les autres provinces, et pour les calmer, il leur rabattit 4,000 liv. sur les 40,0<X) fr. qu'il voulait en outre demander aux états*. Il avait chargé l'archevêque de Reims, le maréchal de la Fayette et Jean de Bar de leur exposer l'ordon- nance du 4 décembre 1445, pour qu'ils pussent choisir entre les trois moyens indiqués pour l'entretien des gens de guerre. Une assemblée générale des états eut lieu à cet efiet à Aigueperse au mois de février 1446 : il semble cependant que le haut et le bas pays aient pris des résolutions différentes. En effet, nous trouvons dans la Haute- Auvergne, en 1446, Martin Roux « commis à recevoir le payement ou ordonnance de quarante lances fournies» et mention « d' Instruccions faictes par les gens des trois estaz sur la distribucion des deniers mis sus en icellui pays pour raison et à cause dudit payement, tant pour le principal que pour les firaiz*, » ce qui indique d'une façon à peu près sûre que les états avaient choisi le mode de payement en argent. Au contraire, pour la Basse- Auvergne, nous voyons une somme de 200 fr. allouée à Jean, s'" de Langeac, en 1446, pour « avoir aidé à faire le taux et impost des vivres ordonnez aux gens de guerre^ », preuve que les états avaient préféré le paiement en nature; mais dès 1449, au plus tard, ils avaient adopté le même système que la Haute- Auvergne^.

Sans doute l'organisation inaugurée par Charles VII en 1445 était préférable aux désordres que commettaient de toutes parts les

1. Bibl. nat., Fr., 23902, à la date.

2. Voy. sur cette ambassade, suprà II, | 1a et Bibl. nat., Fr., 24031. Les frais de cette ambassade atteignirent 2,124 I. C'est beaucoup pour 4,000 1. de rabais.

3. Bibl. nat., Cab. des titres, dossier Montai.

4. IMd., ibid., dossier Langeac.

o4 A. THOMAS.

gens de guerre avant cette époque * : les chroniqueurs contempo- rains Tont généralement beaucoup vantée*; maisil£aut recon- naître qu'elle imposait de bien lourdes charges aux provinces. Prenons par exemple l'Auvergne en 1449 : le roi ayant ordonné de lever un impôt de 200,000 fr. en Languedoïl, les états lui accordent pour leur part 35,500 francs; le payement des gens de guerre, sans compter les frais, s'élève à 59,520 francs; d'autre part, au moyen des aides ou gabelles, le roi tire encore de la pro- vince au moins 20,000 francs : soit un ensemble de plus de 115,000 francs d'impôts extraordinaires pesant sur ce pays chaque année. Il faut ajouter que la conduite des gens de guerre était loin d'être exemplaire. Nous trouvons à la date du 27 décembre 1448 « un mandement impetré par les trois estats du Haut et Bas-Au- vergne faisant mention comme plusieurs nobles et autres gens de guerre faisant leurs monstres prenoient bleds et vins du pauvre peuple, et chassoient les garennes des gens d'église et nobles, leur estant mandé sur peine d'estre cassés de leurs ordonnances qu'ils n'eussent à rien prendre par violence ny autrement sans paier, et qu'ils rendissent ce qu'ils avoient pris'. »

On comprend que les états aient cherché sans cesse à faire diminuer le nombre des lances qu'ils entretenaient. Un voyage fait au mois d'avril 1447 auprès du roi par l'official de Clermont, Draguinet de Lastic et l'abbé d'Artonne au nom des états d'Au- vergne^ un autre voyage fait à Tours, en 1448, par Gautier de Péruce, député du Haut-Limousin^^, n'avaient peut-être pas d'autre objet. Quoi qu'il en soit, c'est seulement en 1451 qu'ils obtinrent quelque satisfaction. Le roi, ayant fait venir en sa présence la plupart des élus de Languedoïl, modifia le tableau de répartition : l'Auvergne obtint une diminution de 20 lances : il n'y eut plus que 105 lances dans le bas pays et 35 dans le haut^; le Haut- Limousin et le Bas-Limousin furent réduits chacun à 35 lances^.

1. Ibid.,Fr., 26078, n- 6074.

2. Sauf cependant Thomas Basin, qui émet des critiques d*un caractère poli- tique remarquable, et Jean Jouvenel des Ursins qui, dans des opuscules encore inédits, trouve ce système écrasant pour les populaUons.

3. Arch. de Clermont-Ferrand, Iut. Savaroz, î* 44 a.

4. Voy. les Instruct. de 1448 pour la Haute-Auvergne, Bibl. nat., Clair., 119, f* 7UUmo.

5. Voy. quittance du 18 sept. 1449, Bibl nat.. Clair., 187, p. 7057.

6. Bibl. nat., Fr., 23897, à la date de 1458.

7. Ibid., Fr , 21427, n- 3.

LES ^ATS PROTlIYCrilIX. 55

La Marche seule parait avoir perdu à cette révision : de 18 lances, sa part fut portée à 19^

En somme, les états secondèrent utilement Charles VU dans l'œuvre qu'il avait entreprise; mais ils ne paraissent pas avoir manifesté Tenthousiasme qu*on serait tenté de leur attribuer, si Ton s'en rapportait uniquement au témoignage des chroniqueurs.

De l'organisation des francs-archers en 1448 nous n'avons rien à dire; les états semblent y avoir pris très peu de part, ou du moins les documents nous font défaut. Signalons seulement les deux faits suivants : en 1448 les états de la Haute-Auvergne votent 15 liv. à Jean du Mazel « pour avoir esté à Haulteribe devers Mons' le mareschal de la Fayette pour savoir se on met- troit sus le fait des francs^arbalestriers avecques le derrenier terme dudit aide*. > En 1450, les états du Bas-Limousin votent à Jean Barton 100 liv. « pour partie de la despense que lui con- vint faire l'année passée à mettre sus les francs arbalestriers du dit bas-païs'. »

§ 4. Allocations diverses. Travaux publics, etc.

Il est bien peu d'actes des états provinciaux qui sortent du cadre que nous venons de tracer à leur influence. Ils n'en sont que plus intéressants à relever.

Il faut signaler en premier lieu le vote par les états de la Basse- Auvergne, à la session de juillet 1437, d'une somme de 600 liv. pour la convertir et emploier à faire que la rivière d'Alier peust porter navire. » Malheureusement, la pièce même qui nous révèle ce fait nous apprend que cette somme dut être détournée de sa destination dans l'intérêt du pays pour payer des ambassa- deurs chargés de conclure une alliance avec le Velay et le Gévau- dan afin de pouvoir repousser les routiers de Rodrigue de Villan- drando^. Qtons encore, comme rentrant également dans le chapitre des travaux publics, une allocation de 10 liv., en novembre 1433, pour convertir à la réparation du pont de Saint-

1. Ibid., Fr., 25712, b\ 266.

2. Voy. leê Instnictions de cette année, Bibl. nat., Clair., 119, ^ ulUmo.

3. BibL nat., Pr., 20594, p. 37.

4. Bibl. nat., Fr., 20392, p. 39. L'AUier est ao]oiirdliai narigable depuis Maringiiea.

56 A. THOMAS.

Salve* emporté par les grandes eaux* ; et en septembre 1442, 25 liv. « aux commis à faire faire la reparacion du pont d'Aller près du Pont du ChasteP, pour employer en ladicte reparacion^.» Signalons enân, pour terminer, trois allocations intéressantes à divers points de vue :

^ 432, janvier: « Aux frères mineurs et cordeliiers de Clermont, qui leur a esté donné en aumosne pour eulx aidier à faire recouvrir leur église qui par fortune de vent a esté grandement dommaigiée et descouverte la pluspart, xxx ]. t.

Aux frères Carmes de Clermont, pour semblable, xx 1. 1. *.

4442, septembre. « A maistre Girault Bresson, phisicien, pour certains services qu'il a faiz de son mestier à pluseurs povres créa- tures dudit pais et fait chascun jour, et afOn qu'il ait cause de soy y tenir et y demourer et qu'il soit plus abstrains de fere service aux habitans d'icellui tant de sondit mestier et sa science comme autre- ment, cent livres tournois*. »

IV. Les états provinciaux à la fin du règne de Charles VII ^1451-61). Causes de leur déclin. Résultat.

En étudiant les attributions et Tinfluence des états provin- ciaux sous Charles VII, nous nous sonames arrêtés vers 1451. C'est qu'en effet la condition de cette institution dans les dernières années de ce règne est absolument différente de ce qu'elle était auparavant. La base de l'organisation des états provinciaux, telle que nous l'avons exposée, c'est le vote annuel et régulier de l'impôt royal. C'est au moment de ce vote que les états établissent pour ainsi dire le budget de la province; c'est dans ce vote que leur influence trouve sa sanction, car ils peuvent le subordonner à l'exécution de telle ou telle de leurs demandes. C'est pour ainsi dire la cheville ouvrière de l'institution : si on Tôte, tout se détraque. C'est précisément ce qu'a fait Charles VII après 1451. Il en fut alors pour les états provinciaux de la France centrale ce qu'il en avait été en 1440 pour les états généraux de Langue-

t. Saiat-Saaye, cant. de Tanyes (P.-de-D.), sur la Dordogne.

2. Qaitt. de la dite somme, Bibl. nat., Gab. des Titres, dossier Gros.

3. A il kil. Est de Clermont.

4. Instr., Bibl. nat., Fr., 22296, à la date.

5. Instr., ibid., Fr., 25944, n* 69.

6. Instr., ibid., Fr., 22296, à la date.

LES ÉTATS PROVIffCIAUX. 57

doïl. Du moment le roi se crut assez fort pour lever l'impôt sans leur intervention, il ne les convoqua plus. C'est un fait que nous devons nous borner à constater. Remarquons que ce fait se produisit dans des conditions habilement choisies. Depuis 1445 jusqu'en 1451, le roi avait levé simultanément deux impôts directs dans nos provinces, chaque année : V l'impôt destiné à l'entretien des gens de guerre logés dans chaque pays; 2** un impôt ou aide destinée, suivant les expressions du temps, « à la conduite de sa guerre et autres ses affaires. » Ce second impôt fut en 1445 de 300,000 francs sur le Languedoïl; en 1446, de 226,000 fr.; en 1447, de 200,000 fr.; en 1448 et 1449, de 200,000 fr. également; en 1450, de 240,000 fr., et enfin en 1451, de 120,000 fr. Or, à partir de 1451, la guerre étant pour ainsi dire terminée avec les Anglais, Charles VII renonça à lever des impôts de ce genre et se contenta des aides et de la taille des gens de guerre; en outre, après une revision générale faite dans le courant de cette année 1451 , il diminua le contingent de beaucoup de provinces, entre autres de l'Auvergne et du Limousin. C'était des mesures propres à lui concilier les populations longtemps sur- chargées, et à leur faire accepter sans trop de regrets la levée de l'impôt faite désormais en vertu de la seule autorité royale.

En Auvergne, depuis 1445, Charles VII nommait tous les ans des commissaires chargés de réunir les états du haut et du bas pays en assemblée plénière, pour leur requérir l'octroi à la fois du payement des gens de guerre et de l'aide supplémentaire deman- dée par le roi. Les documents originaux nous montrent qu'il en fut ainsi jusqu'à l'année 1451 inclusivement. Au commencement de cette année, les états, réunis devant des commissaires dont nous ignorons les noms, accordèrent au roi, outre le payement des gens de guerre, une somme de 18,700 liv. pour leur part des 120,000 liv. imposées en Languedoïl*. En 1452, il ne s'agissait plus que d'imposer le payement des gens de guerre avec quelques menues sommes pour les francs-archers ; le roi, au lieu de nom- mer des commissaires conune d'habitude, se borna à charger directement les élus de la Haute et de la Basse-Auvergne d'im- poser, chacun dans leur élection, les sommes nécessaires à cet effet*. Il n'y eut donc pas convocation des états cette fois-là ; les

i. Verdier-Latour, p. 66.

2. Villedieo de Comble, 9 novembre 145t. Mandement aux élus sur le Tait

58 A. THOMAS.

années suivantes, il en fut de même, et Ton peut dire que dès lors la taille des gens de guerre devint réellement permanente, puis- qu'elle ne dépendit plus que de la volonté du roi.

Dans le Limousin et dans la Marche, pendant longtemps il n'y eut pas d'élus ; du moment ils furent créés dans ces pays date la décadence des états provinciaux. C'est également à l'année 1451 qu'il faut rapporter ce fait. Les états de la Marche, du Limousin haut et bas et du Périgord, ayant accordé au roi un impôt direct annuel de 20,000 liv. comme équivalent aux aiàes^ y le roi créa dans ces pays des élus comme il en existait ailleurs : au lieu de s'appeler élus sur le fait des aides, ils s'appelèrent élus sur le fait de l'équivalent aux aides. Leurs premières attributions furent purement judiciaires et se bornèrent à juger des débats occasionnés par la levée de l'équivalent ; nous voyons en effet que la répartition en fut d'abord réservée à des commissaires spé- ciaux nommés par le roi : pour l'année 1452-1453', ces com- missaires étaient pour les quatre provinces : Gui Bernard, archidiacre de Tours, et Jean du Ménil-Simon, sénéchal de Limousin ^. Mais, dès 1454-1455, la répartition était aux mains des élus^ D'ailleurs, cet impôt ayant été consenti une fois par les états pour une longue période, ils n'avaient pas à donner leur consentement annuel. Quant au payement des gens de guerre, au plus tard pour l'année 1453^, et probablement dès 1452, le roi, au lieu de nonmier des commissaires coname auparavant, chargea simplement les élus nouvellement créés d'en faire la répartition. En apparence, le changement est insignifiant; la conamission, adressée aux élus, est toujours à peu près conçue

des aides à Saint-Flour d'imposer sur la Haute -Auvergne : 13,020 l. pour le payement de 35 lances fournies et 660 1. pour les frais; plus 80 1. pour partie des gages des deux capitaines de francs-archers créés par le roi en Auvergne; plus 110 1. pour dix brigandines achetées pour les francs-archers. (Bibl. nal., Fr., 21426.)

1 . Voy. suprà, IIP partie, 8 2 b.

2. Pour les impôts indirects et les équivalents^ l'année financière commençait le 1* octobre.

3. Arch. nat., K 692 b, n* 11.

4. Voy. l'assiette de l'équivalent du Bas-Limousin pour 1454-55, Cedte par les élus Jean de Gremont et Jacques de la Ville, celle de 1458-59 signée de J. de Gremont et d'Henri Bande, le poète révélé par M. J. Quicherat. (Bibl. nat., Fr., 23903.)

5. 6 octobre 1452; mandement aux élus de la Marche pour 1453. (Ibid., Fr., 25712, 266.)

LES ÉTATS PROTINCIAUX. 59

dans les mêmes termes; mais au fond, il y a une révolution com- plète. Les commissaires étaient nommés pour une fois; souvent ils étaient étrangers au pays le roi les envoyait : il fallait donc nécessairement qu'ils convoquassent les états provinciaux et qu'ils leur fissent connaître la teneur de leur commission avant de procéder à sa mise à exécution : aussi emportaient-ils avec eux des lettres closes du roi pour les accréditer auprès des états, et d'autres lettres closes pour convoquer ces derniers. Au contraire, en adressant la commission aux élus, qui sont des officiers royaux permanents dans le pays, le roi renonce par le fait à la convoca- tion des états que les élus ne peuvent avoir mission de réunir. Ceux-ci exécutent à la lettre la teneur de leur commission, font la répartition de l'impôt et la remettent au receveur pour le per- cevoir. L'intervention des états pour consentir l'impôt n'est donc plus nécessaire.

Ce changement capital n'atteint pas le principe même de l'exis- tence des états, mais il modifie du tout au tout les conditions de leur fonctionnement en leur enlevant ce qui avait été jusqu'alors leur principale attribution. Examinons rapidement la situation qui leur est faite à la fin du règne de Charles VIL

L'Auvergne et la Marche n'appartenant pas directement à la couronne, le duc d'Auvergne et le comte de la Marche peuvent, quand ils le jugent à propos, convoquer les états de leurs fiefs pour examiner l'intérêt du pays, ou leur demander des subsides. En Auvergne, la réunion en une seule assemblée des états du haut et du bas pays devient très rare; elle n'a guère lieu que lorsque le duc d'Auvergne veut leur faire requérir une aide. Les états conservent la faculté de la lui accorder, mais ils ne peuvent la faire lever de leur propre autorité. En Limousin, il est difficile de rien affirmer; cependant il semble qu'il peut y avoir quelque- fois des assemblées plus ou moins nombreuses d'états pour un objet déterminé, sans convocation du roi, peut-être avec l'auto- risation du sénéchal.

Le principal de l'impôt échappant à leur compétence, les états peuvent-ils, comme auparavant, voter certaines sommes outre le principal? Pour le Limousin et la Marche, les frais sont strictement fixés par le roi, et de 1452 h 1461, nous ne voyons pas qu'il ait été rien levé par ordre des états. D'ailleurs, au cas les états eussent voulu le faire, il devient indispensable d'adresser une requête préliminaire au roi, qui seul a autorité sur

60 A. THOMAS.

les élus chargés de la répartition, et d'en obtenir une permission spéciale. C'est précisément ce qui se passe pour l'Auvergne. Le duc veut-il obtenir une aide des états, il a le droit de les assem- bler pour la leur demander sans que le roi intervienne ; mais il ne peut la faire imposer outre le principal qu'en vertu d'un man- dement royal * . De même, lorsque les états de la Haute ou de la Basse-Auvergne veulent faire lever une certaine somme pour être employée dans l'intérêt de la province, ils doivent obtenir des lettres patentes du roi adressées aux élus et leur ordonnant d'imposer la somme demandée*. Que deviennent alors ces actes si caractéristiques de l'omnipotence des états, appelés instruc- tions? Ils subsistent, mais singulièrement transformés, soit avec le même nom, soit avec le nom plus modeste de distribution^. Ils portent uniquement sur une certaine somme dont le roi a autorisé la levée supplémentaire à la requête des états; postérieurs à la perception de cette somme, ils certifient la distribution détaillée qu'en a faite le receveur par l'ordre des états, et ils se terminent par une supplication à la chambre des comptes du roi de vouloir bien acquitter le receveur sur le vu de cette distribu- tion et des quittances de chaque partie.

La part que les états prenaient auparavant à l'assiette de l'im- pôt est singulièrement réduite, et dans certains pays complète- ment annulée. Les états de la Marche et du Franc-Alleu semblent y demeurer absolument étrangers. La répartition du Franc-Alleu est confiée aux élus du Haut-Limousin qui la font à Limoges même, sans se donner la peine d'aller dans le pays^ « Aucuns des plus notables gens du pays > assistent à des répartitions sur le Haut

1. Voy. une assiette de 1459 figurent 8,400 1. pour le duc de Bourbonnais et d'Auvergne, c ordonnez y estre imposez par lettres patentes du roy nostre sire^ données le trentiesme jour de novembre 1458.» (Bibl. nat., Fr., 23898, à la date.)

2. c Aultre mandement du mesme roy (Charles VII), du 28 novembre 1555 (lisez 1455), addressant aux esleuz du Roy, par lequel, sur la requeste présentée par les Trois Estats du bas pays d'Auvergne tendant à ce qu'il pleust à Sa Majesté leur permettre faire imposer sur ledit pays certaine somme pour leurs affaires, Sa Majeste leur auroit accordé la somme de six cento livres qui seroit levée par le receveur commis à recevoir l'ayde des gens de guerre pour par après estre mise entre les mains du procureur ou receveur desdiz supplians , cotté vingt-un. (Arch. de Clermont, inv. Savaron, f 44 r*.)

3. Voy. une pièce de ce genre du 31 décembre 1459. (Bibl. nat., Fr., 222%, à la date.)

4. Voyez-en plusieurs exemples, Bibl. nat., Fr., 23902.

LES lÎTiTS PROVII<(CIACX. 64

et sur le Bas-Limousin en 1454, 1455 et 1458, répartitions faites par les élus ou leurs lieutenants ^ ; si Ton veut en savoir le nombre, les commissions royales du 15 octobre 1457 ordonnent aux élus d'appeler avec eux « deux ou trois des plus notables dudit pais*. » On voit qu'il n'y a plus comme autrefois de délé- gués des états « ad ce pareulx nommez etesleus. » Dans la Haute- Auvergne, la répartition de l'impôt est aussi exclusivement aux mains des élus. Il n'en est pas tout à fait de même dans la Basse- Auvergne. Avant 1450, les élus de Clermont n'intervenaient ni dans l'assiette du plat pays faite par les commissaires des gens d'église et nobles, ni dans celle des bonnes villes. Nous avons vu qu'il y eut procès à ce sujet devant la Cour des aides ^, les élus ayant usurpé les droits des états. Mais, forts des ordres du roi, les élus finirent par conquérir la première place dans la réparti- tion de l'impôt. Nous avons une assiette de 1459 faite par les élus de Qermont sur le fait des aides (Jean de Borresol, Barthe- lemi de Nesson et Robert Chéron), conjointement avec Merlin de Cordebeuf, comme représentant du duc d'Auvergne, Pierre Boniol, représentant des gens d'église, et Robert Coustave, représentant des nobles ^ On voit que les commissaires des gens d'église et nobles ne sont plus qu'au nombre de trois et qu'ils n'occupent que le second rang. Quant aux bonnes villes, nous les trouvons encore en 1455 en possession du droit de répartir elles-mêmes entre elles la taille des gens de guerre^; mais en 1459, l'assiette des bonnes villes, faisant suite à celle du plat pays dont nous venons de parler, est faite par les trois élus du roi et signée d'eux seuls ; c'est seulement vers la fin du xv® siècle que les bonnes villes obtinrent le droit de nommer à tour de rôle des délégués pour assister à cette répartition ^.

Disons enfin qu'il reste aux états le droit inaliénable de pré- senter des requêtes et des doléances au roi : en 1455, les états du Limousin demandent au Grand Conseil qu'une enquête soit faite sur les abus commis dans la province par le receveur des aides''.

1. Ibid., Fr., 23902 et 23903.

2. Commission pour le Haut-Limousin donnée à la Chaucière en Bourbonnais. (Bibl. nat., Fr., 21427, n- 3.)

3. Voy. suprà, II* partie, § 2 a.

4. Bibl. nat., Fr., 23898, à la date.

5. Arch. de Clermont, reg. non coté.

6. Voy. Bergier, Recherches, etc.

7. Bibl. nat., Baluze, 17.

62 1. THOMAS. LES ÉTATS PROHNCIAUX.

En 1460, les états de la Basse-Âuvergne envoient Draguinet, s' de Lastic, à la cour, « remonstrer les très grans affaires, néces- sités et pouvretés du païs et requérir avoir aucun moderacion et rabays des lances*. »

On voit que la condition des états provinciaux de notre région est bien différente aux deux périodes que nous avons successive- ment étudiées. Avant 1451, il n'y a aucune différence, en prin- cipe et toute proportion gardée, entre les états de l'Auvergne, du Limousin, de la Marche, voire du Franc-Alleu, et ceux du Lan- guedoc : après 1451, au contraire, tandis que le Languedoc reste pays d'états comme avant, nos provinces deviennent pays d'élection. C'est donc à Charles VII qu'il faut faire remonter la cause première de cette distinction : c'est sur lui aussi qu'il faut en faire peser la responsabilité. Car, si tout n'était pas parfait dans l'organisation des états provinciaux de 1418 à 1451, si leur composition trop aristocratique put leur faire négliger parfois l'intérêt du plus grand nombre, il faut reconnaître que cette ins- titution était cependant un frein salutaire aux exigences de la royauté, et la seule sauvegarde possible alors des intérêts provin- ciaux. Si d'autre part on songe à ce qu'eurent à souffrir certaines des provinces qui nous occupent de l'injustice et de la tyrannie des intendants au xvu® et au xvni® siècle ; si l'on tient compte de ce fait que l'administration des pays d'états à la même époque était beaucoup meilleure que celle des pays d'élection ; si l'on se rappelle enfin l'énergie avec laquelle toutes les provinces cen- trales, à l'approche de la Révolution, demandèrent le rétablisse- ment de leurs états depuis longtemps abolis, on arrivera à cette conclusion que l'annihilation des états du centre de la France par le gouvernement de Charles VII, cause première de tous ces faits, fut une œuvre funeste dans ses résultats pour les intérêts du pays.

A. Thomas.

1. Ibid., Clair., 171, p. 5537.

UN

BANQUIER PROTESTANT EN FRANCE

AU XVn® SIÈCLE.

BARTHÉLÉMY HERWARTH

t t

CONTROLEUR GENERAL DES FINANCES

(1607-1676).

[Suite et fin,)

vm.

Éloigné de la vie publique, Barth. Herwarth avait une retraite toute prête dans le magnifique hôtel qu'il habitait à Paris, rue Plâ trière (aujourd'hui Jean-Jacques Rousseau).

Cet hôtel *, réside actuellement l'administration des postes, il ne l'avait pas, à proprement parler, fait construire à neuf. Ayant

1. Pour cet hôtel, situé sur la paroisse Saint-Bustache, on peut consuHer :

Description nouvelle de ce qu'il y a de plus remarquable dans la ville de PariSj par H B^^* (Oermain Brice). Paris, Nie. Le Gras, 1685, ia-12, à la p. 101; et du même, édit. de 1752, ia-12^ I, 471 et suiv.

Le Maire, Paris anc.'et nouv. Paris, M. Vaugon, 1685. 3 vol. ia-12. T. II, p. 301-302.

PigaDiol de la Force, Descripi. hist. de la ville de Paris. Paris, 1765. 10 Tol. in-12. T. III, p. 215 et suiv.

JaiUot, Recherches critiques, histor. et topograph. sur la ville de Paris. Paris, 17T2-75. 5 vol. in-8*. T. II, p. 42.

V. aussi Œuvres de Segrais. Paris, 1755. 2 toL in-12. T. II, 135, et Walcke- DiCr, Hist. de la vie et des ouvrages de La fontaine. 4* édit., oonig. et augm. d'après les notes posthumes de Tauteur. Paris, F. Didot, 1858. 2 vol. ia-l2. t. II, p. 110 et s. et 264. Les addiUons faites à cette édition ne dispensent point de consulter la première et surtout ses notes. (Paris, A. Nepveu, 1820,

64 G. DEPPING.

acheté, moyennant 180,000 liv. (on ne sait en quelle année), rhôtel d'Epernon, il le fit démolir en partie et reconstruire plus somptueusement. Cet hôtel avait été bâti par le duc d'Épemon, Jean-Louis Nogaret de la Valette, duc et pair, amiral de France, favori de Henri III. Ce fut son fils, Bernard de Nogaret, qui vendit l'immeuble à Herwarth. On cria, dans Paris, au scandale, quand le nouveau propriétaire fit jeter par terre les bâtiments de rhôtel d'Epernon : Voyez, disaient les envieux, ce financier qui ne se contente pas de l'habitation construite par un duc et pair ! Herwarth ne se borna point à rebâtir cette résidence ; il y fit des agrandissements et des embellissements. Mignard le portrai- tiste, que la coupole du Val-de-Grâce et un beau plafond exécuté dans les appartements du grand-maître de l'artillerie à l'Arsenal avaient mis également à la mode pour la peinture décorative, fut appelé par lui et chargé d'orner de peintures à fresque l'ancien hôtel d'Epernon, devenu l'hôtel Herwarth et connu dès lors sous ce nom pendant tout le xvn^ siècle et le commencement du

XVIII**.

Sur la voûte du cabinet de Herwarth, Mignard représenta l'apothéose de Psyché. Sur le plafond du salon il peignit les aventures d'Apollon, sa vengeance contre Niobé, la punition de Marsyas, le combat contre le serpent Python, etc. Ce salon était, en outre, orné de quatre paysages par Ch. Du Fresnoy, élève et ami de Mignard, et son compagnon dans le voyage que cet artiste fit en Italie. Des groupes de figures, appropriées au sujet que Mignard venait de traiter, furent exécutés par le sculpteur Anguier aux encoignures de cette grande composition.

Mignard avait peint d'autres pièces du même hôtel ; plusieurs dessus de cheminées étaient ornés, en outre, de tableaux de ce gracieux coloriste. Herwarth avait payé 10,000 écus toute cette décoration de Mignard, qui n'avait, disait-on, jamais rien fait de mieux que les fresques de l'hôtel Herwarth, < morceaux des- sinés avec beaucoup de hardiesse et de goût dans le jet des figures volantes » et « l'on admirait la touche légère et l'originalité d'invention » de l'artiste.

1. Pour les peintures de Mignard, Toy. Vie de Mignard, premier peintre du roi, par M. l'abbé Monville. Paris, Boudot et J. Guéria. 1730, in-12, p. 66-67 et 87 et s. Voy. aussi Hi^L des Peintres, par M. Charles Blanc École française, art P. Mignard, et dans la Gazette des beatuc-arts, ann. 1861, la notice sur Pierre Mignard, par M. Aug. Huchard.

BlRTHéLBMT HERWIRTH. 65

La chapelle contenait aussi quelques bons tableaux et des des- sus de portes et de fenêtres appréciés des connaisseurs. La richesse de l'ameublement répondait à ce luxe de peintures.

Ce fut dans une des pièces de cet hôtel, vendu dans la suite par les héritiers de Herwarth à Jos. -J.-Bapt. Fleuriaud'Arraenonville, garde des sceaux, puis revendu, en 1757, à Louis XV, que mou- rut La Fontaine (13 avril 1695). Un des fils de Bar th. Herwarth, Anne Herwarth, y recueillit le poète, son ami, quand la mort de M"* de la Sablière (8 janvier 1693) laissa ce dernier sans appui et presque sans domicile. Pendant vingt ans le bonhonune, inca- pable de pourvoir par lui-même aux besoins de chaque jour, avait vécu chez elle et il était resté dans sa maison même après que M"® de la Sablière eut renoncé aux plaisirs, aux vanités du monde et congédié tous ses familiers. « J'ai renvoyé tout mon monde, disait-elle, je n'ai gardé que mon chat, mon chien et La Fontaine. » Sa protectrice morte, qu'aDait devenir le poète? logerait-il? Qui s'occuperait pour lui des menus et prosaïques détails de l'existence ? Il errait dans les rues au hasard quand Anne Herwarth le rencontre. « Mon cher La Fontaine, lui dit-il, je vous cherchois pour vous prier de venir loger chez moi. > La naïve réponse du bonhomme est connue de tous. « J'y allois, répartit simplement La Fontaine ^ > Anne Herwarth conserva toute sa vie une tendre vénération pour la mémoire de son ami. Il se plaisait, dit Montenault, à montrer aux visiteurs la chambre naguère habitée par le fabuliste '.

Cet hôtel de la rue Plâtrière était du reste le refuge des poètes dans l'embarras. Déjà Barth. Herwarth avait recueilli sous son toit un autre poète qui n'a de point commun avec La Fontaine que d'avoir, comme lui, fini ses jours à l'hôtel d'Herwarth. C'était un certain Gabriel Gilbert, poète totalement oublié aujourd'hui et avec juste raison, mais qui eut, en son temps, une certaine célébrité^. La reine de Suède, Christine, dont il avait été le secré- taire des conunandements et même le résident en France , Chris- tine l'appelait < son beau génie. » Richelieu l'avait honoré de

1. Walckenaer, 4* èdit., 11, 263-264.

2. Mootenault. Vie de Lafoniaine, t. I, p. xxviij de rédit^ des Fables in-f*, dlée par Walckenaer, 4* Mit., II, 264, en note.

3. Dans la France protestante, V, 265, se trouve une notice sar ce poète. V. encore Hisi. du Théâtre François depuis son origine (par les frères Par- blet). Paris, Morin, puis Le Mercier, 1734-49. t5 vol. in-12, t. VI, p. 120.

ReV. HiSTOR. XI. i" FA8C. 5

66 G. DBPPING.

son amitié ; il avait même poussé la complaisance jusqu'à se défaire, en faveur du poète, de quelques-uns de ses vers que Gil- bert s'était empressé d'enchâsser dans une tragédie qu'il était en train de composer, la tragédie de Téléphonie^. Cette superféta- tion n'avait pas rendu la tragédie meilleure, et soi^ auteur, qui avait joui de la faveur des Richelieu, des Mazarin, des Fouquet et des De Lyonne, serait mort de faim (triste destinée des poètes du nom de Gilbert !) si Barthélémy Herwarth, son coreligion- naire, ne lui avait offert un asile chez Ixii. Gilbert y mourut vers 1675. En tête d'un exemplaire des œuvres imprimées de ce poète, exemplaire que possède la Bibliothèque de l'Arsenal, nous avons trouvé cette note manuscrite, brutale mais expressive : « Quoyque résident de Suède, il estoit gueux et à l'aumosne de M. Dhervart, controlleur-général des finances*. »

Herwarth ne bornait point sa protection aux ^ens de lettres, il rétendait aux artistes. Il aimait, comme on vient de le voir, le talent de Mignard qui fit le portrait de presque tous les membres de sa famille. Un de ces portraits, celui d'une des filles de Her- warth, la marquise de Gouvernet, était même si ressemblant que^ dans la Vie de Mignard, par Monville, il est raconté que le perroquet de la dame s'approchait souvent du tableau pour crier : « Baisez-moi, maîtresse '. »

Herwarth aimait également à attirer chez lui le chanteur et le musicien à la mode, Lambert, celui dont il est parlé dans la satire de Boileau, le Festin ridicule :

Et Lambert, qui plus est, m'a donné sa parole. C'est tout dire, en un mot, et vous le connaissez. Quoi? Lambert! Oui, Lambert

qui était alors très recherché dans les sociétés et qui allait chanter en ville avec une demoiselle Hilaire, sa belle-sœur, dont le nom est généralement associé au sien dans les mémoires du temps. Ces artistes avaient obtenu, je ne sais par quels moyens, des pensions et des bénéfices ; passe encore pour des pensions, mais des béné- fices ! La protection de Herwarth ne leur était pas inutile en cette

1. Téléphonie f tragi-comédie. Paris, 1643, ia-4*. Noos avons consulté Texem- plaire de la Bibl. nat., coté 4* Y f 570Z.

2. Poésies diverses de M. Gilbert. Paris, Gaillanme de Lnyne, 1661, in- 12. Bibl de l'Arsenal. Belles-lettres, n* 6856.

3. Monville, Vie de Mignard, p. 70.

BARTH^LBMT HERWARTH. 67

droonstance, car le contrôleur-général leur faisait payer leurs pensions « soigneusement S » c*est-à-dire exactement, ce qui semblerait indiquer que ceux qui étaient moins favorisés n'étaient pas toujours régulièrement payés, de même que les rentiers n'étaient pas toujours alors régulièrement payés de leurs revenus.

Herwarth était donc sensible aux plaisirs de Tesprit et au charme des arts, mais il avait une autre passion^ moins délicate, celle du jeu. C'était au reste la maladie de l'époque. Cette fureur du y&iy fatal écueil venaient s'engloutir la fortune et l'honneur de tant de gentilshommes, était alors poussée si loin qu'on n'at- tendait pas la soirée pour jouer, on jouait le jour tout autant que le soir et la nuit. Mazarin était moribond que le jeu continuait dans sa chambre à coucher '. Enfin , les gens de la cour et du bel air jouaient partout et toujours. Ils ramassaient, pour reconunen- cer à jouer, les cartes qui venaient d'être jetées à terre, sans doute en signe d'une partie finie et parce qu'il était convenu que les mêmes cartes ne serviraient qu'une fois : on en voyait qui coupaient ces cartes en morceaux, et chacun de ces morceaux portait ou plutôt représentait une mise. En effet, il ne paraissait point d'argent sur table; aussi tout devenait enjeu : selon Gour- ville, on jouait des bijoux, des points de Venise et jusqu'à des rabats, cotés 70 à 80 pistoles pièce. Herwarth n'avait pas besoin de recourir à de tels expédients : il était assez riche pour payer séance tenante et en espèces ses dettes de jeu. On le vit perdre en une seule séance jusqu'à 100,000 écus, à ce qu'affirme Voltaire, qui prétend que ce fut cette passion trop connue du public qui empêcha Herwarth de parvenir à la surintendance des finances. Le roi eut avec raison plus de confiance en Colbert, » ajoute l'auteur du Siècle de Louis XIV,

Herwarth était un joueur effréné ; mais il était en même temps un joueur malheureux, à ce que nous savons par Gourville qui le rencontrait chez Mazarin, chez Fouquet ou ailleurs et qui était souvent son partenaire^. « M. D'Herval étoit toujours le premier prié aux parties de jeu : c'étoit l'homme le plus malheureux au jeu, > dit-il en ses Mémoires, Il n'y avait qu'un autre financier

t. Hislcrieites de Tallemant des Réaux, 3* édii., par MM. de Monmerqaé et Ptnlin Pari». Paris, Techener, 1853-60, 9 Tol. ia-8% VI, 202.

2. Mémoires inédits de L,'Renri de Laménie de Brienne, publ. par Fr. Bar- rière. Paris, Ponlhieu, 1828. 2 vol. in-8% t. II, p. 127.

3. Mém, de G<mrviUe, p. 333, 334-335, 336.

68 G. DEPPING.

aussi peu chanceux que Herwarth à cet égard , c'était la Basi- nière. On les invitait fréquemment ensemble pour profiter de leur déveine. Il en résultait que Herwarth était un peu le plastron de tous ces joueurs. Ainsi, une fois, Gourville avait été fort raillé pour ne s'être point retiré à temps, ainsi que les règles du jeu le lui permettaient; il venait de gagner 60,000 liv. à Fouquet, mais il était resté, et, en bon courtisan, il avait répondu que « dans son pays, la bienséance étoit que celui qui gagnoit ne quittoit point le jeu. » On allait partir, quand Herwarth ramasse les cartes jetées à terre et prie Gourville de tenir. Ce dernier tient 500 pistoles ; on s'anime, le jeu s'échauflFe et le contrôleur en perd bientôt 5,000. « Pour lors, je jetai les cartes à terre, ajoute le narrateur, et lui dis que je ne voulois plus jouer à la mode de mon pays : cela fit rire toute la compagnie et chacun monta en carrosse pour s'en aller. »

Ces plaisanteries devaient se renouveler souvent dans la société du surintendant, le contrôleur général était une véritable proie pour les joueurs plus heureux, et plus heureux peut-être parce qu'ils corrigeaient eux-mêmes la fortune.

Fouquet, se trouvant à Vaux, écrit un jour à Gourville de lui amener Herwarth. Gourville se met en route. Le contrôleur général était en villégiature chez un financier de ses amis. Avant de partir, on joue pour tuer le temps. Herwarth connaissait le bonheur inso- lent de Gourville au jeu, surtout avec les cartes (Gourville avait gagné plus d'un million de cette manière), aussi lui propose-t-il les dés. On joue aux dés : Herwarth perd 10 à 12,000 pistoles et demande à se rattraper tandis qu'on attelle les chevaux au car- rosse. Gourville consentant, le jeu recommence. Cette fois, c'est au trente et quarante, Herwarth y perd encore 74,000 liv. « Res- tons-en là, dit Gourville ; il est temps de partir pour Vaux. » Mais Herwarth déclare qu'il ne partira qu'après s'être de nou- veau rattrapé. Rien ne put le faire changer de résolution. Gour- ville est donc obligé de s'en aller seul. Ce n'était pas le compte des habitants du château de Vaux, surtout Fouquet, qui atten- dait sa proie avec impatience. Quand on entendit le carrosse, on se précipita sur le perron pour voir descendre Gourville escortant Herwarth. Le désappointement fut général. « Ahl monsieur, s'écria le maréchal de Clérambault en s'adressant à Fouquet et en désignant Gourville , faites-lui faire son procès, car assurément il a pillé la voiture. » Furieux de n'avoir pas

BARTHI^LBinr HERWIRTH. 69

Herwarth, le surintendant passa sa mauvaise humeur en jouant. « n joua, dit Oourville, des poignées de cartes coupées valant 10 à 20 pistoles chaque. »

IX.

C'étaient les plaish^ de Thiver ; Tété, Herwarth habitait, à Saint-Cloud, une maison de campagne qui a disparu pour faire place au château que nous avons tous connu, mais dont il ne reste plus, hélas ! que les ruines. Et ces ruines ce sont les compatriotes de Herwarth qui les ont faites ! Barth. Herwarth avait acquis sa maison de Saint-Cloud vers Tan 1655*. On en a la preuve par un contrat de vente pour les eaux de la fontaine de Garches, con- trat passé à cette date entre Herwarth et une dame Dupré et sti- pulant « ... les droits aux conduites (d'eau) en la maison nouvel- lement acquise par M. Hervart, vulgairement appelée Maison de Gondi. »

Tel était en effet le nom que portait cette maison qui avait appartenu à Jérôme de Gondi et qui, après avoir été le théâtre de fêtes brillantes données par Catherine de Médicis, avait vu l'assassinat de Henri HI et l'avènement de Henri IV au trône de France. Le jardin en était vaste, orné de statues de marbre, décoré de grottes et de fontaines avec des eaux jaillissantes, Her- warth ayant trouvé moyen « d'y. avoir un jet d'eau de 90 pieds alors qu'on n'avait pu élever l'eau qu'à 50 *. »

Ce fut dans cette résidence qu'Herwarth eut l'honneur, le 6 octobre 1658, de recevoir Louis XIV, son frère Monsieur et toute la cour. Mazarin était au nombre des assistants, ajoutons et des convives, car le contrôleur général traita ses nobles hôtes dans un repas magnifique qui lui valut, dit la Gazette (p. 998), « tous les .témoignages possibles de satisfaction de S. M. »

Cette visite détermina sans doute Louis XIV à faire pour son fipère l'acquisition de la propriété de Herwarth, à laquelle furent réunies, semble-t-il, plusieurs habitations, entre autres une

1. Souvenir$ historiquei des résidences royales de France^ par J. Vatout. Paris, Didot, 1837-1848. 7 vol. in-8*. T. V (consacré aa palais de Saint-Cload), p. 119 et SUIT. Consulter ansai Phil. de Saint-Albin et Ann. Darantin, le palais de Saini'Cloud, résidence impériale. Paris, 1865, in-12.

1 Hortaolt et Magny, Dictionnaire historique de la ville de Paris et de ses environs. Paris, 1779, 4 vol. in-8% II, 361, cité par Dalanre.

70 G. DBPPING.

appartenant à Fouquet et une autre provenant d*un financier nommé Monerot *. La réunion de ces propriétés forma le premier noyau du parc de Saint^iloud, dont Monsieur continua l'agran- dissement par des acquisitions subséquentes, de 1658 à 1701, époque de sa mort. Mais la première et la plus importante, le point de départ de toutes les autres, fut l'acquisition de la pro- priété de Herwarth, qui lui fut achetée sans doute en ce même mois d'octobre 1658, et au prix de 240,000 liv. *.

Insistons un moment sur cette vente et sur le prix de cette vente parce que ce sont deux éléments qui vont nous permettre de réfuter et de détruire une fable ridicule à laquelle se trouvent mêlés les noms de Herwarth et de Mazarin et qui traîne dans tous les recueils d'ana ainsi que dans presque toutes les histoires des environs de Paris à l'article Saint-Cloud. Naguère, quand le château était encore debout et que venait l'été, l'on ne manquait jamais de remettre cette légende sur le tapis et les journaux la servaient religieusement à leurs lecteurs. La voici d'après Dulaure, qui l'adopte aveuglément, suivant sa méthode ordinaire, dépour- vue de sens critique.

« Le cardinal Mazarin, ayant envie d'acheter une maison de plaisance pour Monsieur, frère de Louis XIV, jeta les yeux sur celle d'un gros partisan (comme si Mazarin ne connaissait pas depuis longtemps Herwarth!) située à Saint-Cloud, qui était d'une étendue immense et d'ime grande beauté : aussi revenait^ elle à plus d'un million à celui qui en était possesseur. Le car- dinal alla un jour l'y voir, et admirant la magnificence de cette maison, il dit au partisan : « Cela doit vous coûter au moins douze cent mille livres? » Le partisan, qui ne voulait point qu'on connût ses richesses, répondit au cardinal « qu'il n'était pas assez opulent pour employer une somme si considérable à ses plaisirs.»

1. Piganiol de la Force, IX, 351. Sur Monerot ou Monnerot, Toy. Lettres de Colberij par P. Clément, II, 1, cctj, note.

2. D'après M. Vatout, qui a travaillé sur des documents originaux, mais qui a le tort de ne pas les citer, et surtout de ne pas les reproduire comme pièces jusUficatives, le contrat fut passé chez MM«* MouiQe et Lefoin, notaires à Paris. L'auteur dit dans un endroit que ce fut le 25 février, et dans un antre le 25 octobre. Évidemment cette dernière date est la véritable. Les recher- ches que nous avons faites dans les anciennes minutes de l'étude de M* Mouille (avec la permission de M* Bourget, titulaire actuel de la charge), pour retrouver ce contrat et par suite quelques renseignements sur Herwarth et sur Saint- Gloud, ont été infructueuses.

litnrfunT HERWÀITH. 74

« Gombmi donc, » reprit le cardinal, « cela peut-il tous coûter? Je parierais que c'est au moins deux cent miUe ècus ? Non, monaeigneur, » dit le financier, « je ne suis pas en état de £aire une si grosse dépense. Apparemment, » dit le cardinal, « que cela ne tous coûte que cent mille écus Le partisan crut deToir se borner à ce prix et couTint que cela lui coûtait cette sonmie.

< Le lendemain, le cardinal lui euToya trois cent mille liTres, et lui écriTÎt que le roi désirait aToir cette maison pour Monsieur. Celui qui ^it porteur de la lettre et de Targent était un notaire ; il aTait en main un contrat de Tente tout dressé, que le partisan fut obligé de signer. »

Et la chronique ajoute : « Ainsi, par la finesse (ne serait-ce pas plutôt la fourberie ?) du cardinal, le roi eujb pour cent mille écus ce qui coûtait près d*un million au financier, qui fit, sans y penser, la restitution d'une partie de ce qu'il aTait Tolé à Sa Majesté^. > De ce qu'il avait volé! Le mot est dur, même pour un financier. Il est injuste, appliqué k Herwarth. Rien, dans les documents du temps, n'autorise à l'accuser de bien mal acquis : c'était dans la banque, ne l'oublions pas, non dans les fermes, ou dans des afiaires équiToques, qu'il aTait gagné sa fortune. D'ailleurs, il était déjà riche lorsqu'il entra dans l'adminis- tration des finances. A la Térité, quand son fils rechercha la charge de conseiller au Parlement, on lui reprocha d'être le fils d'un partisan ; mais il est probable que s'il y eut hésita- tion à lui accorder sa demande, la difficulté Tenait moins de cette accusation Tague que de sa qualité de huguenot. D'ailleurs le père se défendit de ce qu'il regardait comme une calomnie, et soutint qu'on ne pouTait articuler contre lui aucune preuTe qu'il eût trempé dans un marché quelconque. Mais les médisants ne se tinrent pas pour battus. Ils allaient répétant

1. Dnlanre, BitUHre physique, civile et morale des environs de Paris, Paris, 6. Ponthien, 1825-28. 7 vol. in-8*, I, p. 118-119. Cette anecdote est da reste plus ancienne que l'ouvrage de Dulaure ; cet écrivain Ta empruntée au jnciion- noire des anecdotes, qui ext sans doute YEncyclopediana ou IHct. encyclopéd. des Ana (Paris, Pandioucke, 1791, in-4*), elle se trouve en effet A l'art. Matarin, p. 666, 2* col. Mais la remarque c ce qu'il avait volé, i ne s'y trouve pis; c'est un jugement personnel de Dnlanre.

Voy. aussi les réflexions de l'auteur de la notice Die Brader (p. 196 en note), à propos d'un article paru pendant la guerre franco-allemande, et après la des- trôctioa de Saint-Cloud, dans la Vossische Zeitung de Berlin (20 nov. 1870), et iaUtulé : Vergangenheit und Ende eines kaiserl, Schlosses,

72 G. DEPPING.

partout que le père avait trop de bien pour n'avoir pas fait le métier qu'on lui reprochait, tant à cette époque de malversations et de rapines les sources de la fortune étaient toujours suspectes au plus grand nombre !

Une circonstance assez plaisante, qui se rattache à cette mai- son de SainW^loud, prouve que Herwarth, quoique riche, ne manquait pas d'esprit. Il était allé voir le surintendant Servien, qui avait une maison de campagne à Meudon. La très belle vue dont on jouit de ce point fournit matière à la conversation, puis on en vint aux comparaisons. « A Saint-Cloud, ma vue est fort belle, » dit Herwarth, qui naturellement vantait les mérites de sa propriété. <r Meudon étant plus élevé que Saint-Cloud, » répartit Servien, celle d'ici est incomparablement plus belle. Vantez tant qu'il vous plaira votre vue, » répondit Herwarth, «je ne donnerais pas la mienne pour la vôtre. » Or, il faut savoir que Servien était borgne : le Menagiana, d'où nous avons tiré cette historiette, ajoute : « Hervart avoitles yeux petits, mais bons*. » menu détail, mais que doit recueillir le biographe qui tient à tra- cer un portrait fidèle ôt aussi complet que possible.

Que si maintenant on nous demande quels sont les rapports de proportion entre l'habitation de Herwarth à Saint Qoud et le châ- teau princier, puis royal, qui lui a succédé, voici la réponse qu'un homme du métier a faite à cette question : « Il serait diffi- cile, dit Fontaine, architecte du roi Louis-Philippe, d'indiquer aujourd'hui d'une manière précise ce que pouvait être la maison du contrôleur Hervard, lorsque Monsieur, frère unique de Louis XIV, en fit sa résidence de campagne ; car, à l'exception

d'une vue gravée par Israël Sylvestre, aucuns plans n'ont

pu être retrouvés pour donner une juste idée des choses de cette époque. Cependant, d'après les tracés de plusieurs constructions anciennes conservées dans les souterrains et quelques vieilles murailles découvertes en dififérents endroits du château, il y a lieu d'assurer que le prince, sans avoir jamais voulu élever un palais nouveau, a fait construire sur les fondements déjà existants et presque dans les limites de la maison d'Hervard la résidence qu'il habita jusqu'à la fin de ses jours*. »

1. Menagiana. Paris, Florin-Delaulne, 1715, 4 vol. in-12, III, 351-352. Sur cette infirmité de Seryien, voir aos&i Tallemant des Réaox, IV, 405, note; 40&- 407.

2. Fontaine, cité par Vatout, Résidences royales, t. V, 1. c.

■ârth^lbmt herwarth. 73

Outre Saint-Cloud, qui n'était pas, comme on le voit, une simple maison des champs, Herwarth possédait, à 5 ou 6 lieues de Paris, un superbe château, appelé Bois-le-Vicomte. Bâti au ccMnmencement du xyn' siècle par un intendant de Marie de Mé- dids, ce château avait appartenu à Richelieu, qui le céda, moyennant échange, à Gaston d'Orléans * ; de la grande Made- moiselle, allé de ce prince ', il passa entre les mains du duc de la Meilleraye, de qui l'acheta Barth. Herwarth'.

Bois-le-Vicomte a depuis longtemps disparu, et nul aujour- dliai ne s'intéresserait à ce monument du passé, si La Fontaine n'avait vécu en ces lieux et si ses œuvres n'en avaient conservé et consacré le souvenir. Le fabuliste venait dans la belle sai- son ; plusieurs de ses poésies y ont été composées ; quelques-unes de ses lettres sont datées de cette riante retraite, riante par les beautés de la nature autant que par la société de femmes jeunes, aimables, enjouées, au milieu desquelles La Fontaine aimait à folâtrer, et qu'il a célébrées dans ses vers.

Toute la cour d'Amathonte Étant à Bois-le-Vicomte, Muses, j'ai besoin de vous. Venez donc de compagnie Par vos channes les plus doux Ressusciter mon génie, Je sens qu'il va décliner. C'est à vous de lui donner Des forces toutes nouvelles, Car je veux louer trois belles. Je veux chanter haut et net Virville, Hervart, Gouvemet*.

C'est donc le souvenir de La Fontaine, plutôt que celui de la

1. La cession dat avoir llea en 1635. Dans une lettre dn 20 mars de cette

année, Richelien dit : c J'y ay quelque interest par le moyen de rechange

qoe j'ay fait avec lay (Monsieur) de la maison du Bois-le-Vicomte. i Avenel, UUru de Richelieu^ W, p. 793.

2. En octobre 1652, le roi exila Mademoiselle dans cette terre; mais elle refusa, parait-il, de s'y rendre. Mém, de la duchesse de Nemours, dans la CoUection Petitot, 2* série, t. 34 (Paris, 1834, ln-8*), p. 539.

3. Essais historiques et statistiques sur le département de Seine-et-Marne, par L. Michelin. Melon, 1841. 6 vol. in-8% t. II, p. 608.

4. Œuvres complètes de La Fontaine, noav. édit, par L. Moland. Paris, Gamier frères, 1872-76. 7 vol. in-8% t. VII, p. 429 et sq. (Lettre A M— d'Her- vart, de ViriviUe et de Gonvemet.)

74 G. DEPPIIfG.

famille Herwarth, qui peut prêter de l'intérêt aux quelques détails inédits sur Bois-le- Vicomte * que nous donnons ci-dessous, nous estimant heureux d'avoir trouvé quelque chose encore à glaner sur ce terrain, après le savant et consciencieux biographe de La Fontaine, M. Walckenaër.

De la terre de Bois-le-Vicomte dépendaient celles de Mitry •, Mory, et autres lieux. Un parc, d'une contenance de 250 à 300 arpents, traversé par un grand canal, entourait le château. On y voyait des arbres magnifiques, « des bois les plus beaux de France, > dit d' Argenville '. Quant au château, c'était une très belle construction en briques et en pierres, bordée de fossés, les- quels, à l'époque Richelieu possédait cette résidence, étaient armés de quelques pièces de canon, tandis que d'autres garnis- saient la grande cour d'honneur. Cet appareil militaire n'existait plus et n'eût pas d'ailleurs été de mise du temps des Herwarth. A l'entrée se trouvaient deux pavillons qui se voyaient encore en 1768, et dans l'un desquels était pratiquée une chapelle, tout ornée et dorée, différente de la chapelle intérieure.

Tandis que du côté du jardin les onze fenêtres de face du châ- teau, donnant sur de grandes pelouses arrosées par un second canal, faisaient un fort bel effet , du côté de l'entrée, la vue s'étendait jusqu'à Dammartin, situé à deux lieues delà, et qui s'apercevait admirablement du haut de la double terrasse du châ- teau. Une avenue, formant le prolongement de la route de Dam- martin, et bordée, l'espace d'une lieue, de quatre grandes allées d'ormes, dont plusieurs avaient été plantés par Richelieu, faisait au château la plus magnifique entrée, quand on arrivait de Paris.

La description que nous avons sous les yeux entre dans quel- ques détails intéressants sur la route qu'on suivait, en venant de

t. DescripUan du chasteau de Bois-U^Vieomtef reveu les festes de la Pente' caste (28 may 1635), en ms. Cette relation n'est antérieure que de quelques années à Tépoque à laquelle B. Herwarth était propriétaire du domaine.

% Dans un document inédit (mss. Dupuy, à la Bibl. nat., vol. 631), concer- nant un changement de mouvance de la terre de Bois-le- Vicomte, en 1643, nous avons trouvé mention du c contrat de vente par le feu duc de Montmorency de Ud. terre de Mitry à M' le cardinal de Richelieu, passé devant M** Pierre Parque et Laurens Hault de Sens, notaires au Chastelet de Paris, 28 décembre 1629. i

3. Voyage pittoresque des environs de Paris, ou Description des châteaux et autres lieux de plaisance situés à 15 lieues aux environs de cette ville, par M. D('Argenville). 3* édit. Paris, Debure, 1768. 1 vol. in-12, à l'art. Bots-te- Vicomte,

nmâJOiT ntWAETH. 75

la capitale. Ainsi, le Parisien qui se rendait à Bois-le-Y ioomte traTflrsait le faubourg Saint-Martin, à un quart de lieue duquel se trouTait le hameau de La Yillette, et à partir de jusqu'à Bois-le-y ioomte, on ne rencontrait plus à Tépoque la relation a été écrite, c'est-à-dire dans la première moitié du xvn* siècle, aucun village sur sa route. Qu'on juge, par ce détail, de l'état et de l'aspect des abords de la capitale ! Ce chemin était pourtant assez finéquenté. Par passaient les coches allant à Meaux, à Château-Thierry, à Metz, jusqu'à Nancy et même plus loin. La nmte eût été plus directe par Pantin, Lirry, Vaujours et ViUe- parisis ; mais on l'évitait, afin de n'avoir pas à traverser une forêt dont l'auteur anonyme ne prononce pas le nom, mais qu'il déclare dangereuse en de certaines saisons, et dans laqueUe il n'est pas difficile de reconnaître la forêt de Bondy, de sinistre mémoire.

Que de fois La Fontaine dut suivre cette route pour aller visi- ter ses bons amis les Herwarth ! C'est que lui arriva une de ces aventures auxquelles son esprit distrait l'exposait fréquem- ment ^

Après avoir fait quelque séjour à Bois-le- Vicomte, le bon- homme venait justement d'en partir pour rentrer à Paris. Il était à cheval, tout entier à une pensée qui l'absorbait. Ce qui causait sa préoccupation, c'était le souvenir d'une jeune fiUe qu'il avait vue la vdlle pour la première fois, et dont les grâces et la beauté l'avaient captivé. Poussée sans doute par les maîtres de la mai- son qui, connaissant le faible de leur hôte, voulaient se divertir, cette jeune fille avait provoqué le poète par mille agaceries. Le vieillard (La Fontaine était alors âgé de 68 ans) s'était laissé prendre au piège. Il s'en allait donc rêveur, ayant lâché la bride à la folle du logis et à son cheval, et voilà qu'il se trompe de route, prend à droite au lieu d'incliner à gauche, et chevauche en tournant de plus en plus le dos à la capitale. Heureusement, on domestique du château le rencontre et le remet dans le droit chemin. Plus loin, un orage survient qui force notre voyageur à s'arrêter : trempé, « morfondu » comme le Pigeon de sa fable, il est contraint de coucher, non pas précisément à la belle étoile, mais en un fort mauvais gîte.

1. Wakkenaer, 4* édit., II, 188 et sq.

76 G. DEPPING.

Or, « Que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe ? » C'est La Fontaine lui-même qui Ta dit. Il songea donc à l'aventure qui venait de lui arriver, et la tournant en plaisanterie, suivant son ordinaire, il en écrivit en ce sens à son ami, Tabbé Verger, ou Vergier, un des hôtes de Bois-le-Vicomte*. Sa lettre (4 juin 1688)* commence par des reproches : « Qu'avait à faire M. d'Hervart (il s'agit d'Herwarth le fils) de s'attirer la visite qu'il eut dimanche ? Que ne m'avertissoit-il ? Je lui aurois représenté la foiblesse du personnage. . . » Et Verger de lui répondre sur le même ton une épître moitié en prose, moitié en vers, dont les suivants seraient dignes d'être signés La Fontaine :

Hé, qui pourrait être surpris

Lorsque La Fontaine s'égare? Tout le cours de ses ans n*est qu'un tissu d'erreurs,

Mais d'erreurs pleines de sagesse.

Les plaisirs l'y guident sans cesse,

Par des chemins semés de fleurs. Les soins de sa famille ou ceux de sa fortune

Ne causent jamais son réveil ;

Il laisse à son gré le soleil

Quitter l'empire de Neptune,

Et dort, tant qu'il piait au sommeil. Il se lève au matin, sans savoir pourquoi faire, Il se promène, il va, sans dessein, sans sujet. Et se couche le soir, sans savoir d'ordinaire

Ce que dans le jour il a fait.

1. Ce poète, en 1655 ou 1657, à Lyon, mort assassiné à Paris, le 20 août 1720, a laissé des contes en vers dans le genre de ceux de La Fontaine, et d'autres poésies qu'on a publiés en 1750, à Lausanne, en 2 vol. in-i8, en y com- prenant ses lettres. On regarde cette édition comme la meilleure, mais elle est à peu près semblable aux autres, qui ne valent rien. La Bibliothèque nationale I>ossède, déparlement des Mss., un exemplaire des Œuvres de Verger (Suppl. fr., n* 4771^^, 2 vol. dont le premier a disparu, on du moins dont le second existe seul). Nous l'avons consulté* espérant y trouver un texte plus correct que celui des éditions imprimées, mais nous avons été déçu dans notre attente. Le texte ne diffère point de celui qui a été publié. Pour l'histoire des Herwarth et aussi pour celle de La Fontaine, il n'est pas inutile de consulter les Œuvres de Ver- ger. — Sur ce poète, v. le dictionnaire de Jal, 2* édit., p. 1252, 2* colonne. 11 existe aux Archives de la Marine, à Paris, un certain nombre de lettres inédites de Verger (Reg, des Lettres de Maurepas, 1694) ; mais cette correspondance n'a trait qu'aux choses de la marine, administration à laquelle il appartint, vers i68a

2. La FonUine, édit. L. Moland, t. VII, p. 389, pour la lettre de La Fontaine, et p. 395 pour la réponse.

BARTHiLEHT HERWARTH. 77

Puis, comparant la promenade de La Fontaine aux courses d'Ulysse, il découvre cette différence entre eux :

Ce héros s'exposa mille fois au trépas.

U parcourut les mers presque d'un bout à l'autre

Pour chercher son épouse et revoir ses appas.

Quel péril ne courriez-vous pas,

Pour vous éloigner de la vôtre ?

X.

Telles étaient les plaisanteries et les allusions inoffensives qu'on se permettait envers La Fontaine. Ce n^était pourtant point Bar- thélémy Herwarth il ne faut pas l'oublier, mais son fils, Anne Herwarth, qui recevait ainsi le fabuliste au château de Bois-le-Vicomte.

Il est probable que le père avait, lui aussi, connu La Fontaine : sans doute il l'avait rencontré dans la société de M. et M™* de la Sablière, tous deux protestants, comme l'était la famille Herwarth. Peut-être l'avait-il aussi reçu chez lui, soit à ce même château dont nous venons de parler, soit à l'hôtel de la rue Plâtrière, La Fontaine devait venir plus tard se réfugier et mourir ; mais ces relations, à supposer qu'elles aient existé, ne durent être que passagères, et en tout cas elles n'eurent point le caractère d'inti- mité qui régna dans la suite entre Herwarth le fils et La Fon- taine.

Cet Anne Herwarth était le cadet des fils du contrôleur géné- ral; Barthélémy Herwarth s'était marié fort jeune à Lyon. Dans une généalogie manuscrite des Herwarth qui existe à la Biblio- thèque nationale, le nom de celle qu'il épousa est écrit d'une façon défectueuse : cette orthographe fautive a sans doute causé la méprise dans laquelle est tombé le généalogiste qui en fait une fille naturelle de Bernard de Saxe-Weimar, auprès duquel avait servi B. Herwarth, comme nous lavons raconté plus haut. Elle s'appelait en effet Vimar, dont le généalogiste a fait Wymar, presque Weymar.

De ce mariage de Barth. Herwarth avec Esther Vimar naqui- rent plusieurs enfants, deux fils, peut-être même trois, et une ou deux filles. Parmi les fils, le plus connu, celui qui, par sa tendre amitié pour La Fontaine, a fait surnager dans Thistoire le nom

78 G. DEPPIlfG.

d*Herwarth, est cet Anne Herwarth que nous avons déjà plus d*une fois mentionné dans le cours de ce travail. Sa femme, qui était fille de Bénigne Le Ragois, sieur de Bretonvilliers, prési- dent à la chambre des comptes, se ât gloire de s'associer à ce dévouement, et elle fut pour le poète sur son déclin une seconde M°*® de la Sablière.

Une des filles de Barth. Herwarth devint marquise de Gouver- net, par son mariage avec Charles de La TouiMiu-Pin, marquis de Gouvemet, seigneur de Mures, sénéchal du Valentinois et du Diois^ Zélée protestante, comme sa mère, elle passa en Angle- terre avec celle-ci lors de la révocation de l'édit de Nantes, et sur la terre d*exil, ces deux femmes én^giques continuèrent le bien qu'elles faisaient à leurs coreligionnaires. Elles se montrè- rent ainsi dignes de Barthélémy Herwarth qui demeura inébran- lable dans son attachement à sa foi religieuse, tandis que son fils abjura le protestantisme pour être maintenu dans sa charge de conseiller au Parlement de Paris, peut-être aussi pour conserver aux siens la fortune considérable amassée par le chef de la famille, fortune qui aurait pu être atteinte par la confiscation, si tous les membres de cette famille étaient restés protestants.

Ce fut ainsi que M™*' Herwarth la mère et sa fille, la marquise de Gouvernet, purent emporter avec elles en Angleterre beaucoup d'objets précieux qui avaient orné l'hôtel de la rue Plâtrière. Dans le nombre se trouvaient une certaine quantité de portraits de famille, peints par Mignard. Ces tableaux, qui ne sont point mentionnés dans les catalogues de l'œuvre de Mignard, que sont- ils devenus? On en a perdu la trace; mais il reste un document qui permet de constater leur existence. C*est une liste dressée par la marquise de Gouvernet des objets d'art, surtout des tableaux et des porcelaines, qu'elle lègue à son petit-fils.

Dans le document dont nous parlons, un article est de nature

1. Tableaux généalogiques et raisonnes de la maison de la Tour du Pin, dressés en 1788 par M. J.-B, Moulinet, secrétaire-archiviste de la Chambre des comptes du Dauphiné, en complément de ses Mémoires^ ei continués jusqu'à nos jours. (Paris) Charpealier, 1870, in-f*. Voy. tableau III. A. Cette publication n'a pas été mise dans le commerce : nous en devons la ooih naissance à Tobligeance de M. le baron Ch. Gabriel de La Tour du Pin-Cham- bly qui, sachant que nous nous occupions d'un trarail sur Herwarth et sur sa famille, a eu la bonté de nous en faire parvenir un exemplaire.

BlRTfliLBMT BERWARTH. 79

à fixer rattention, parce qu'il doit se rapporter & La Fontaine. Cet article est indiqué de la façon que voici ; mais avant de le citer, il faut prévenir le lecteur que la pièce dont il s'agit, écrite primitivement en français, n'existe plus que dans une traduction anglaise qiii en fut faite à l'époque de la mort de la marquise de Gouvernet, c'est-à-dire en 1722.

« Art. 45. A small picture, representing the Fountain in the little garden of the Hostel d'Hervart *. »

Ce qui, traduit en français, signifie : « Art. 45 (du catalogue). Petit tableau représentant la fontaine (une fontaine d'eau claire) dans le petit jardin de l'hôtel Hervart. »

Y avait-il en efiiet une fontaine dans le jardin de cet hôtel où, conune nous l'avons raconté, notre grand fabuliste fut recueilli par le frère de la marquise et dans lequel il rendit le dernier soupir? La chose est possible. Mais je crois plutôt qu'il y a eu erreur de traduction . Le traducteur était sans doute quelque honune de loi, quelque greffier qui n'avait jamais entendu parler de notre La Fontaine, et qui, prenant, non le Pirée pour un homme, mais un homme pour le Pirée, aura cru qu'il s'agissait d'une fontaine véritable, et non du poète ainsi nommé. Cette image de La Fon- taine dans sa vieillesse, dont l'auteur nous est inconnu, se cache-t-elle? Nous la signalons aux amateurs d'objets d'art, ainsi qu'aux admirateurs du talent de La Fontaine. Celui-ci, habitant l'hôtel de la rue Plàtrière, devait descendre quelquefois dans le jardin de l'hôtel. Ce jardin n'était pas grand, il est vrai ; mais du moins, jusqu'à ses derniers jours, le poète a pu reposer ses yeux mourants sur un gazon, sur quelques fleurs et admirer jusqu'à la fin cette nature qui avait été le charme de sa vie et l'inspiratrice de ses vers.

Les mémoires du temps sont muets sur le compte de Barthélémy Herwarth, à partir du jour il se retire des afiaires publiques ; il n'y est question de lui qu'en une seule circonstance, à l'occa- sion de la mort d'Anne d'Autriche. Il se trouvait au lit de mort de la reine, à ce que nous apprend M"** de Motteville. « Voyant

1 . A mémorandum of my paintings, pkiures^ and china dans l'ouTrage da R«Ter. D. Agnew, Tke huguenot refugees^ afid their descendants in Great BrUain and Ireland, V édit. Loodoo. 1874. 3 toI. 4v Tom. III (Index- Volume), p. 202-203.

78 G. DEPPIlfG.

d'Herwarth, est cet Anne Herwarth que nous avons déjà plus d'une fois mentionné dans le cours de ce travail. Sa femnae, qui était fille de Bénigne Le Ragois, sieur de Bretonvilliers, prési- dent à la chambre des comptes, se fit gloire de s'associer à ce dévouement, et elle fut pour le poète sur son déclin une seconde M""® de la Sablière.

Une des flUes de Barth. Herwarth devint marquise de Gouver- net, par son mariage avec Charles de La Tour-du-Pin, marquis de Gouvemet, seigneur de Mures, sénéchal du Valentinois et du Diois^ Zélée protestante, comme sa mère, elle passa en Angle- terre avec celle-ci lors de la révocation de Fédit de Nantes, et sur la terre d'exil, ces deux fenmoes én^giques continuèrent le bien qu'elles faisaient à leurs coreligionnaires. Elles se montrè- rent ainsi dignes de Barthélémy Herwarth qui demeura inébran- lable dans son attachement à sa foi religieuse, tandis que son fils abjura le protestantisme pour être maintenu dans sa charge de conseiller au Parlement de Paris, peut-être aussi pour conserver aux siens la fortune considérable amassée par le chef de la famille, fortune qui aurait pu être atteinte par la confiscation, si tous les membres de cette famille étaient restés protestants.

Ce fut ainsi que M°*' Herwarth la mère et sa fille, la marquise de Gouvernet, purent emporter avec elles en Angleterre beaucoup d'objets précieux qui avaient orné l'hôtel de la rue Plàtrière. Dans le nombre se trouvaient une certaine quantité de portraits de famille, peints par Mignard. Ces tableaux, qui ne sont point mentionnés dans les catalogues de l'œuvre de Mignard, que sont- ils devenus? On en a perdu la trace; mais il reste un document qui permet de constater leur existence. C*est une liste dressée par la marquise de Gouvernet des objets d'art, surtout des tableaux et des porcelaines, qu'elle lègue à son petit-fils.

Dans le document dont nous parlons, un article est de nature

1. Tableaux généalogiques et raisonnes de la maison de la Tour du Pin, dressés en 1788 par M. J.-B. Moulinet, secrétaire-archiviste de la Chambre des comptes du Dauphiné, en complément de ses Mémoires, et continués jusqu'à nos jours. (Paris) Charpeatier, 1870, in-^. Voy. tableau III. A. Cette publication n'a pas été mise dans le commerce : nous en devons la con- naissance à Tobligeance de M. le baron Ch. Gabriel de La Tour du Pin-Cham- bly qui, sachant que nous nous occupions d'un trarail sur Herwarth et sur sa famille, a eu la bonté de nous en faire parrenir un exemplaire.

BllTHiLBMT BERWARTH. 79

k bar rattention, parce qu'il doit se rapporter & La Fontaine. Cet article est indiqué de la façon que voici ; mais avant de le citer, il faut prévenir le lecteur que la pièce dont il s'agit, écrite primitivement en français, n'existe plus que dans une traduction anglaise qiii en fut faite à l'époque de la mort de la marquise de Gofuvemet, c'est-à-dire en 1722.

Art. 45. A small picture, representing the Fountain in the little garden of the Hostel d'Hervart * . »

Ce qui, traduit en français, signifie : « Art. 45 (du catalogue). Petit tableau représentant la fontaine (une fontaine d'eau claire) dans le petit jardin de l'hôtel Hervart. »

Y avait-il en effet une fontaine dans le jardin de cet hôtel où, comme nous l'avons raconté, notre grand fabuliste fut recueilli par le frère de la marquise et dans lequel il rendit le dernier soupir? La chose est possible. Mais je crois plutôt qu'il y a eu erreur de traduction . Le traducteur était sans doute quelque homme de loi, quelque greffier qui n'avait jamais entendu parler de notre La Fontaine, et qui, prenant, non le Pirée pour un homme, mais un homme pour le Pirée, aura cru qu'il s'agissait d'une fontaine véritable, et non du poète ainsi nommé. Cette image de La Fon- taine dans sa vieillesse, dont l'auteur nous est inconnu, se cacbe-t-elle? Nous la signalons aux amateurs d'objets d'art, ainsi qu'aux admirateurs du talent de La Fontaine. Celui-ci, habitant l'hôtel de la rue Plâ trière, devait descendre quelquefois dans le jardin de l'hôtel. Ce jardin n'était pas grand, il est vrai; mais du moins, jusqu'à ses derniers jours, le poète a pu reposer ses yeux mourants sur un gazon, sur quelques fleurs et admirer jusqu'à la fin cette nature qui avait été le charme de sa vie et l'inspiratrice de ses vers.

Les mémoires du temps sont muets sur le compte de Barthélémy Herwarth, à partir du jour il se retire des affaires publiques ; il n'y est question de lui qu'en une seule circonstance, à l'occa- sion de la mort d'Anne d'Autriche. Il se trouvait au lit de mort delà reine, à ce que nous apprend M™* de Motteville. < Voyant

1 . A mémorandum of my paintings, pictures^ and china dans TouTrage da Rerer. D. Agnew, The huguenot refugees, and their descendante in Great Britain and Irdand, V édit. Loodon. 1874. 3 toI. 4*. Tom. III (Index- Volame), p. 202-203.

80 G. DBPPING. BlRTHéLEMT HBRWIRTH.

d'Herval derrière les autres qui étoit huguenot, et qui, sous Tad- ministration du cardinal Mazarin, avoit servi le roi dans les finances, elle souhaita en s'adressant à lui que Dieu lui fît la grâce de le convertir *. » Mais Herwarth mourut conune il avait vécu, en fidèle protestant. On ignore la date et même le lieu de sa mort. On a dit, en s'appuyant sur nous ne savons quelles données, qu'il s'éteignit à Tours le 22 octobre 1676 *.

Guillaume Depping.

1. Mémoires de itf- de MoilevUle, IV, 398.

2. Die BrUder, p. 195.

MELANGES ET DOCUMENTS

DOCUMENTS INÉDITS RELATIFS AU PREMIER EMPIRE.

NAPOLÉON ET LE ROI JOSEPH.

{Suite,)

Joseph n'était pas encore arrivé au port il espérait se reposer des tracas de la vie publique. Le sort lui réservait une autre période de tourments.

Revenu des eaux de Bagnères, sa santé Tavait obligé à un court séjour, en août 4843, et installé à Mortefontaine près Paris, le firère aîné de Tempereur apprit, dans un entretien qu'il eut avec Napoléon, que ce dernier était sur le point de replacer Ferdinand VII sur le trône d'Espagne. Après une longue discussion avec l'Empereur, il crut devoir lui écrire le 30 novembre 4 84 3 :

Sire,

La réflexion n'a fait que fortifier ma première pensée. Le rétablisse- ment des Bourbons en Espagne aura les plus funestes conséquences et pour TEspagne et pour la France. Le prince Ferdinand, en arrivant en Espagne, ne peut rien en faveur de la France; il pourra tout contre elle, son apparition excitera d'abord quelques troubles, mais les Anglais 8*en empareront bientôt et dès qu'ils lui auront fait tourner les armes contre la France, il aura avec lui, et les partisans des Anglais et les partisans de la France que nous aurons abandonnés et ceux qui tien- nent au système de voir leur pays gouverné par une branche de la maison de France, système si heureusement professé à Bayonne et qui, depuis un siècle, a fait la tranquillité de l'Espagne. Tout homme de bien et de sens qui connaît le caractère de la nation espagnole et la situation des hommes et des choses dans la Péninsule ne peut pas douter de ces vérités. Je prie V. M. de faire consulter quelques Espagnols éclairés qui sont en France, entr'autrcs MM. Aranza, O'Farell, qui étaient ministres, nommés par le prince Ferdinand.

Rev. Histor. XL 1" FASc. 6

82 HiLANGES ET DOCUMEIfTS.

Quant à moi, Sire, que Y. M. daigne un moment se supposer à ma place. Elle sentira facilement quelle doit ôtre ma conduite. Appelé il y a dix ans au trône de Lombard ie, ayant occupé celui de Naples avec quelque bonheur, celui d'Espagne au milieu de traverses de tous les genres, et malgré cela ayant su me concilier Testime de la nation, persuadé comme je le suis que tant que la dynastie de Y. M. régnera en France, l'Espagne ne peut ôtre heureuse que par moi ou par un prince de son sang, je ne saurais m'ôter à moi-môme les seuls biens qui me restent, les témoignages d'une conscience sans reproches et le sentiment de ma propre dignité. Je ne puis donc que présenter ces réflexions à Y. M. I. et R., et, dérobant au grand jour un front dépouillé, attendre dans le sein de ma famille les coups dont il plaira au destin de frapper encore et l'Espagne et moi, et les bienfaits qu'il nous est permis d'espérer de la puissance de votre génie et de la grandeur du peuple français.

L'empereur ne répondit pas à cette lettre. Un mois plus tard, le 29 décembre 48^3, Joseph, voyant le territoire suisse violé et la France prête à être envahie, écrivit de nouveau à son frère pour se mettre à sa disposition. Napoléon lui répondit durement, tout en acceptant sa participation à la défense de TÉtat^ Â son départ pour l'armée, il le nomma son lieutenant-général à Paris.

L'ex-roi de Naples et d'Espagne eut avec son frère, tandis que ce dernier était à Tarmée, une correspondance longue, suivie, des plus importantes, publiée d'abord dans les Mémoires du roi Joseph, repro- duite plus tard dans le grand ouvrage de la correspondance de Napo- léon 1" (du moins quant aux lettres écrites par l'Empereur à son frère).

On a omis cependant dans ces deux ouvrages quelques fragments de lettres; nous les ferons connaître au fur et à mesure, à leur date.

Joseph , ayant appris que , suivant son exemple et oubliant les différends qu'il avait eus avec TErapereur, Louis venait de se mettre à la disposition de Napoléon, écrivit à l'ex-roi de Hollande la lettre ci- dessous, datée de Mortefontaine le 2 janvier \S\Â :

Mon cher frère, tu sais comment je suis ici depuis dix mois. Quinze jours seulement après mon arrivée, l'Empereur me dit qu'il voulait rétablir les Bourbons en Espagne. Il me demanda mon avis réfléchi. Il est contenu dans la pièce n* 1 que je lui ai adressée deux jours après notre entrevue. Il y a huit jours, maman m'a dit que l'Empereur

1. Lettre de Napoléon à Joseph, en date du 2 janvier 1814 {Mëmoires du roi Joseph, vol. 10*, p. 3). On a supprimé dans cette lettre la phrase suivante : c Vous n'êtes plus roi d'Espagne, je n'ai pas besoin de votre renonciation^ puisque je ne veux pas de l'Espagne. »

NiPOLifON ET LE ROI JOSEPH. 83

désirait me voir. J'étais alors retenu dans ma chambre par le rhume violent qui m^y retient encore. J^appris en même temps que TEmpe- reur avait dit aux sénateurs qu'il avait reconnu Ferdinand et accrédité auprès de lui l'ambassadeur Laforest qui était accrédité auprès de moi. J'écrivis alors à l'Empereur la lettre dont ci-joint la copie sous len* 2^

Ma femme la lui remit et il lui dit : Je suis forcé à ceci. Les événe- ments me paraissant de plus en plus graves, je lui ai écrit de nouveau hier'. Le porteur a reçu la môme réponse. Le fait est que je puis tout sacrifier à l'Empereur, à la France et à l'Europe, tout, hormis l'honneur. L'honneur ne me permet pas de me montrer autrement que comme roi d'Espagne, tant que je n'aurai pas abdiqué, ce que je ne puis et ce que je ne veux faire que pour la paix générale et après avoir assuré ce que je dois aux Espagnols par un traité dans les mêmes formes que celui qui me donna la couronne d'Espagne, traité dont a été négociateur à Bayonne M. le duc de Gadore.

Qu'on me traite en roi, ou qu^on me laisse dans l'obscurité.

Maman qui ne sait rien de tout cela, n'est mue que par un sentiment, celui de la réunion. Je suis très peiné, mon cher Louis, que ces circons- tances retardent le plaisir que j'aurai à t'embrasser après tant de désastres.

Le roi Joseph était rentré en grâce près de Napoléon, soit que FEmpereur le préférât à ses autres frères, soit qu'il eût en lui plus de confiance qu'en Louis et en Jérôme. L'empereur continua à traiter ces derniers avec rigueur, ne voulant les voir ni l'un ni l'autre et écrivant même le 2 février 4844 à l'Impératrice pour lui défendre de recevoir le roi et la reine de Westphalie. Ce fait résulte de la lettre suivante :

Marie-Louise a Joseph.

Paris, 3 février 1814.

Je reçois à l'instant une lettre de l'Empereur du 2 février qui me défend, comme réponse à la mienne, de recevoir sous aucun prétexte le roi et la reine de Westphalie, ni en public, ni incognito.

Je vous prierai donc, mon cher frère, de leur peindre tous les regrets que j'ai de ne pouvoir les voir demain et de croire à la sincère amitié avec laquelle je suis, mon cher frère.

Votre affectionnée sœur. Louise.

A la fin de février 1814, seulement, Napoléon voulut bien se

1. Voyez la lettre à l'Empereur du 30 Dovembre 1813.

2. Cette lettre est aux Mémoires de Joseph, à sa date (29 décembre 1813).

84 idUNGES ET DOCUHBIfTS.

rapprocher de ses frères Louis et Jérôme. Il écrivit à Joseph, de Nogent-sur-Seine, le 24 février, cette curieuse lettre^ :

Mon frèi-e, voici mes intentions sur le roi de Westphalie : je Tauto- rise à prendre l'habit de grenadier de ma garde, autorisation que je donne à tous les princes français (vous le ferez connaitre au roi Louis. Il est ridicule qu'il porte encore un uniforme hollandais). Le roi donnera des congés à toute sa maison westphalienne. Ils seront maîtres de retourner chez eux ou de rester en France. Le roi présentera sur-le- champ à ma nomination trois ou quatre aides de camp, un ou deux écuyers et un ou deux chambellans, tous Français, et pour la reine, deux ou trois dames françaises pour raccompagner. Elle se réservera de nommer dans d'autres temps sa dame d'honneur. Tous les pages de Westphalie seront mis dans des lycées et porteront l'uniforme des lycées. Il y seront à mes frais. Un tiers sera mis au lycée de Versailles, un tiers au lycée de Rouen et Tautre tiers au lycée de Paris. Immé- diatement après, le roi et la reine seront présentés à l'Impératrice et j'autorise le roi à habiter la maison du cardinal Fesch, puisqu'il parait qu'elle lui appartient, et à y établir sa maison. Le roi et la reine conti- nueront à porter le titre de roi et reine de Westphalie, mais ils n'auront aucun Westphalien à leur suite. Gela fait, le roi se rendra à mon quar- tier-général d'où mon intention est de l'envoyer à Lyon prendre le commandement de la ville, du département et de l'armée; si toutefois il veut me promettre d'être toujours aux avant-postes, de n'avoir aucun train royal, de n'avoir aucun luxe, pas plus de 15 chevaux, de bivoua- quer avec sa troupe, et qu'on ne tire pas un coup de fusil qu'il n'y soit le premier exposé. J'écris au Ministre de la Guerre et je lui ferai donner des ordres. Il pourrait, pour ne pas perdre de temps, faire partir pour Lyon sa maison, c'est-à-dire une légère voiture pour lui, une voiture de cuisine, quatre mulets de cantine et deux brigades de six chevaux de selle, un seul cuisinier, un seul valet de chambre avec deux ou trois domestiques, et tout cela composé uniquement de Français. Il faut qu'il fasse de bons choix d'aides de camp, que ce soit des officiers qui aient fait la guerre, qui puissent commander des troupes, et non des hommes sans expérience comme les Verdrun, les Brongnard et autres de cette espèce. Il faut aussi qu'il les ait tout de suite sous la main. Enfin il faudrait voir le Ministre de la Guerre et se consulter pour lui

choisir un bon état-major.

Votre afifectionné frère.

Dans une autre lettre à Joseph du 7 février, on lit :

Faites donc cesser ces prières de 40 heures et ces Miserere; si l'on nous faisait tant de singeries, nous aurions tous peur de la mort. Il y

1. Cette lettre, fort écourlée aux Mémoires de Joseph, yolurae 10*, page 139, a été complètement supprimée à la correspondabce de l'Empereur.

HàJfÙiâOJi rt LE 101 JOSEPI. $5

5 que Fûh dit que les prêtres et les medtvins ni'udeni la mwt

L'Empereur tennine celk du 9 février par ces mots :

Priei U Mméona des années qu elle soit pour dous^ Loui$ qui est un aine peut s enga^r à lui donner un cierge allumé.

Ces deux passages ont été supprimés dans les Mémoêres et à la ci^r-

La veilk, le 8 février. Napoléon avait envoyé à son ft^re aîné ui>e très longue lettre, des plus importantes, qui explique, avec une autre du 45 mars, et justifie pleinement la conduite de Joseph au SI mars. Plosieurs passages de la lettre du 8 février, relatif^ au roi Louis, ont été su[^rimés dans les ouvrages qui ont paru ; nous croyons devoir rétablir cette lettre in-extenso :

Nogent, le 8 février 1814, 4 heures du matin.

Mon frère, j'ai reçu votre lettre du 7 à 11 heures du soir; elle m*étonne beaucoup, j'ai lu la lettre du roi Louis qui n\>st qu'une rap- sodie; cet homme a le jugement faux et met toujours à côté do la question.

Je vous ai répondu sur l'événement de Paris pour que vous no mot- tiei plus en question la fin, qui touche à plus do gens qu'à moi. Quand cela arrivera je ne serai plus; par conséquent co n'ost pas pour moi que je parle. Je vous ai dit pour l'Impératrice et lo roi do Romo et notre famille ce que les circonstances indiquent et vous n*avoz pas compris ce que j*ai dit. Soyez bien certain que si le cas arrivait, co que jo vous ai prédit arrivera infailliblement, je suis persuadé qu'ollo-m(>mo a co pressentiment ^

Le roi Louis parle de la paix, c'est donner des conseils bien mal à propos. Du reste je ne comprends rien à votre lettre. Je croyais m'ôtro expliqué avec vous, mais vous ne vous souvenez jamais dos choses ot vous êtes de l'opinion du premier homme qui parle ot qui vous roflèto cette opinion.

Je vous répète donc en deux mots que Paris ne sera jamais occupé de mon vivant, j'ai droit à être cru par ceux qui m'entendent.

Âpres cela, si, par des circonstances que jo no puis prévoir, jo mo portais sur la Loire, je ne laisserai pas l'Impératrice et mon fils loin do moi, parce que, dans tous les cas, il arriverait que l'un ot l'autre seraient enlevés et conduits à Vienne, que cola arriverait bien davantage si jo n'existais plus. Je ne comprends pas comment, pondant ces monéos auprès de votre personne, vous couvrez d'éloges si imprudents la pro- position de traîtres si dignes de ne conseiller rien dlionorablo; no les employez jamais dans un cas, même le plus favorable'. C'est la pro-*

1. Que Marie-Louise pensait que Napoléon se ferait tuer.

2. Il TOoUit parler de Talleyrand, Fouché et autres.

86 idLANGES ET DOCUMEfTrS.

mière fois depuis que le monde existe, que j'entends dire qu'en France une population de (illisible) âmes assiégée ne pouvait pas vivre trois mois. D'ailleurs nul n'est tenu à l'impossible, je ne peux plus payer aucun officier et je n'ai plus rien.

J'avoue que votre lettre du 7 (février) à quatre heures du soir m'a fait mal, parce que je ne vois aucune tenue dans vos idées et que vous vous laissez aller aux bavardages d'un tas de personnes qui ne réflé- chissent pas. Oui, je vous parlerai franchement : si Talleyrand est pour quelque chose dans cette opinion de laisser l'Impératrice à Paris dans le cas l'ennemi se rapprocherait, c'est trahir; je vous le répète, méfiez-vous de cet homme ; je le pratique depuis seize ans, j'ai môme eu de la faveur pour lui, mais c'est sûrement le plus grand ennemi de notre maison, à présent que la fortune l'a abandonnée depuis quelque temps. Tenez-vous aux conseils que j'ai donnés, j'en sais plus que ces gens-là.

S'il arrivait bataille perdue et nouvelle de ma mort, vous en seriez instruit avant ma maison : faites partir l'Impératrice et le roi de Rome pour Rambouillet; ordonnez au Sénat, au Conseil d'État et à toutes les troupes de se réunir sur la Loire. Laissez à Paris un préfet et une com- mission impériale, ou des maires. Je vous ai fait connaître que je pensais que Madame et la reine de Westphalie pourraient bien rester à Paris logées chez Madame. Si le vice-roi est revenu à Paris, vous pourrez aussi l'y laisser, maw ne laissez jamais tomber l'Impératrice et U roi de Rome entre les mains de l'ennemi. Soyez certain que dès ce moment l'Autriche, étant désintéressée, l'emmènerait à Vienne avec un bel apanage, et sous le prétexte de voir l'Impératrice heureuse on ferait adopter aux Français tout ce que le régent d'Angleterre et la Russie pourraient leur suggérer. Tout parti se trouverait par détruit.

Au lieu que, dans le cas opposé, l'esprit national du grand nombre d'intéressés à la révolte rendrait tout résultat incalculable.

Au reste, il est possible que l'ennemi, s'approchant de Paris, je le battrai, et cela n'aura pas lieu. Il est possible aussi que je fasse la paix sous peu de jours : mais il en résulte toujours par cette lettre du 7 à

4 heures du soir que vous n'avez pas de moyens de défense Pour

comprendre ces choses je trouve toujours votre jugement faux; c'est enfin une fausse doctrine. L'intérêt môme de Paris est que l'Impéra- trice et le roi de Rome n'y restent pas, parce que l'intérôt ne peut pas être séparé de leur personne et que depuis que le monde est monde je n'ai jamais vu qu'un souverain se laissât prendre dans des villes ouvertes. Ce serait la première fois.

Ce malheureux roi de Saxe arrive en France, il perd ses belles illu- sions! (Deux lignes indèchifPrables.) Dans les circonstances bien difficiles de la crise des événements, on fait ce qu'on doit et on laisse aller le reste. Or, si je vis on doit m'obéir, et je ne doute pas qu'on s'y conforme. Si je meurs, mon fils régnant et l'Impératrice régente doivent, pour

NAPOLEON ET LE ROI JOSEPH. 87

rbooneur des Français, ne pas se laisser prendre et se retirer au der- nier village

Souvenez-vous de ce que disait la femme de Philippe Y. Que dirait- on en effet de l'Impératrice? Qu'elle a abandonné le trône de son fils et le nôtre ; et les alliés aimeraient mieux de tout finir en les condui- sant prisonniers à Vienne. Je suis surpris que vous ne conceviez pas cela ! Je vois que la peur fait tourner les têtes à Paris.

L'Impératrice et le roi de Rome à Vienne ou entre les mains des ennemis, vous et ceux qui voudraient se défendre seraient rebelles!...

Quant à mon opinion, je préférerais qu'on égorgeât mon fils plutôt que de le voir jamais élevé à Vienne comme un prince autrichien, et j'ai assez bonne opinion de l'Impératrice pour être aussi persuadé qu'elle est de cet avis, autant qu'une femme et une mère peuvent en être.

Je n'ai jamais vu représenter Andromaque que je n'aie plaint le sort d'Astyanax survivant à sa maison et que je n'aie regardé comme un bonheur pour lui de ne pas survivre à son père.

Vous ne connaissez pas la nation française. Le résultat de ce qui se passerait dans ces grands événements est incalculable.

Quant à Louis, je crois qu'il doit vous suivre (sa dernière lettre me prouve toujours qu'il a la tête trop faible et vous ferait beaucoup de mal).

Voici maintenant la lettre du roi Joseph, en date du 7 février 48M (44 heures du soir), à laquelle répond la lettre précédente. Elle a été supprimée aux Mémoires,

Paris, le 7 février 1814, à 11 heures du soir. Sire,

J'ai reçu les deux lettres de V. M. d'hier. J'ai vu et écrit au duc de Valmy. Il part ce soir pour Meaux. Il m'a communiqué une lettre du duc de Tarente datée du 6. Il était encore à Epernay et n'avait aucune nouvelle de V. M. depuis 4 jours. 11 avait abandonné Châlons après s'y être défendu quelque temps. L'artillerie avait été dirigée sur Meaux. L'ennemi était entré à Sézanne. L'intendant et les caisses avaient échappé à l'ennemi.

Voici l'itinéraire exact de la division d'infanterie de l'armée d'Espagne ^

J'ai envoyé un aide de camp sur la route de Châlons par Vitry. J'ai chargé le Ministre de la Guerre d'en envoyer un autre sur la route de (illisible).

Le Ministre de la Guerre me mande qu'il avait fait envoyer ce matin 2,000 fusils à Montereau.

Je lui ai écrit de {deux mots illisibles) ce soir.

J'ai parlé à Louis du projet de le laisser ici. Il me répond par une

1. Pièce annexée.

88 MIÎUNGES ET DOCUMEiTTS.

longue lettre que je prends le parti d'envoyer à V. M. Il me semble que V. M. m'a dit que les princesses devaient suivre l'Impératrice; s'il en était autrement, il faudrait qu'elle l'écrive d'une manière positive. Je fais des vœux pour que le départ de l'Impératrice puisse n'avoir pas lieu. Nous ne pouvons nous dissimuler que la consternation et le déses- poir du peuple pourront avoir de terribles et funestes résultats. Je pense avec toutes les personnes qui peuvent apprécier l'opinion, qu'il faudrait supporter bien des sacrifices avant d'en venir à cette extrémité. Les hommes attachés au gouvernement de V. M. craignent que le départ de l'Impératrice ne livre le peuple de la capitale au désespoir et ne donne une capitale et un empire aux Bourbons. Tout en manifestant ces craintes que je vois sur tous les visages, V. M. peut être assurée que ses ordres seront exécutés pour ma part très fidèlement, dès qu'ils me seront arrivés.

J'ai parié au général GafTarelli^ pour Fontainebleau, ainsi qu'à M. La Bouillerie^ pour le million de la guerre et les autres objets.

Je ne sais pas jusqu'à quel point ce que j'ai cru remarquer peut paraître convenable à V. M. ; mais je puis l'assurer qu'il importe de faire payer un mois d'appointements aux grands dignitaires, ministres, conseillers d'État, sénateurs. On m'en a cité plusieurs dans un véri- table besoin et plusieurs seront bien embarrassés pour partir, si le cas se présente, et l'on prévoit qu'ils resteront à Paris.

J'ai eu la visite de M. le maréchal Brune que je n'ai pu voir; je ne doute pas qu'il ne soit venu offrir ses services, je serais bien aise de connaître les intentions de V. M.

Jérôme est contrarié que V. M. ne se soit pas encore expliquée sur la demande que j'ai faite pour lui dans deux de mes précédentes lettres.

On m*assure que M. de Lafayette a été un des premiers grenadiers de la garde nationale qui ait été en faction à l'Hôtel-de- Ville.

Les barrières seront entièrement fortifiées demain et l'on commencera à y transporter de l'artillerie. Le général Gafifarelli a répondu au duc de Gonegliano qu'il n'avait pas encore l'autorisation du Maréchal du Palais à qui il avait écrit {mots illisibles) la garde impériale fournit un poste de 25 hommes.

P. S. —Je reçois la lettre de V. M. en date d'aujourd'hui de Nogent. Les dispositions qu'elle prescrit ont déjà été ordonnées et je tiendrai Y. M. au courant, à mesure de leur exécution.

Après la chute de l'Empire, quelques auteurs de mémoires, des historiens mêmes, comme M. de Norvins, ont reproché au roi Joseph son départ de Paris et celui derimpératrice-, ces écrivains ne connais- saient pas évidenunent la lettre de FËrapereur, du 8 février, et ses ordres formels. Joseph, pendant son exil, crut devoir réfuter ces

1. Général employé à Paris.

2. Intendant de la liste civile.

^TAPOLfoll ET LE ROI JOSEPH. 89

assertions. Voici une note à cet égard, écrite tout entière de sa main *.

Il est faux que nul autre que Joseph eût la copie de la lettre de TËmpereur qui prescrivait le départ (celle du 16 mars 1814). Joseph resta à Paris d'après la proposition qu'il en fit au Conseil, ainsi que les Ministres de la Guerre, de la Marine, le premier inspecteur du génie, afin d'atténuer le mauvais effet que devait produire le départ de l'Im- pératrice, et pour reconnaître, par eux-mêmes, les forces ennemies qui marchaient sur Paris et ne quitter la ville, pour rejoindre la régente sur la Loire, qu'après s'être assurés de l'incontestable supériorité de l'ennemi. Il est faux que Joseph se soit établi aux Tuileries comme lieutenant de l'Empereur, il se rendit avec les Ministres qui étaient restés avec lui en reconnaissance sur la route de Meaux, passa la nuit au Luxembourg, et le lendemain s'étabUt hors des barrières de Paris pour être à portée de recevoir les rapports des officiers (jui étaient en reconnaissance et prévenir l'exaltation qui pouvait être excitée parmi le peuple par l'arrivée des courriers qui se succédaient à chaque moment. Lorsqu'il fut bien reconnu et bien évident pour tous que l'empereur de Russie, le roi de Prusse et le prince de Schwartzemberg étaient à quelques milles de la ville ; que le maréchal de Marmont commandant en chef eut déclaré qu'il ne pouvait pas tenir davantage contre des forces sans nulle proportion avec celles qu'il commandait; que si la nuit arrivait sans qu'on eût pris un parti, il ne répondait pas de pouvoir empêcher les ennemis de s'introduire dans la ville , le roi Joseph, de l'avis des ministres qui se trouvaient avec lui, et pour sauver la capitale des désastres qui la menaçaient de la part de l'ennemi, approuva la proposition de capitulation qui lui était faite par le maréchal Marmont el ne partit que lorsqu'il vit les forces ennemies dans Saint-Denis, et ses partis prêts à s'emparer des ponts sur la Seine, qu'ils occupèrent effectivement peu de temps après son passage et celui des membres du Conseil qui, ayant satisfait à leur mandat, allaient rejoindre la régente sur la Loire elle devait se rendre en exécution des ordres de TEmpereur.

En 48U se termine le rôle politique de Joseph. Retiré à Frangins, en Suisse, sur les bords du lac de Genève, pendant le séjour de Napo- léon à Tile d'Elbe, il ftit assez heureux pour pouvoir le faire prévenir que deux misérables avaient juré de Tassassiner. L'un de ces hommes fUt arrêté, en effet, à son débarquement dans l'Ile.

Lorsque TEmpereur revint en France, en mars 48^5, son frère, prévenu, accourut et put le rejoindre à Paris. Après Waterloo, il raccompagna à Rochefort, essaya vainement d'obtenir de lui de prendre sa place à Tile d'Aix pendant que lui-même. Napoléon, passe- rait en Amérique. L'Empereur refusa et voulut se confier aux Anglais, les considérant comme de nobles et loyaux ennemis. Joseph, plus sage

90 MELANGES ET DOCUMENTS.

et plus heureux, putgagner New- York etse fixa, l'hiver à Philadelphie, rété sur les bords de la Delaware dans une belle propriété noramée Pointe-Breeze qu'il acheta.

On a vu quelles étaient les intentions de Joseph en quittant l'Es- pagne (lettre du <" juillet < 8< 3 à la reine Julie) relativement à Targen- terie et aux quelques valeurs que son trésorier, M. Thibault, avait pu sauver, et qui étaient parvenues à Bayonne. Cependant, par la suite, des ministres espagnols ne craignirent pas d'accuser le Roi d'avoir détourné à son profit les diamants de la couronne.

Voici la vérité sur ce fait :

Joseph avait, comme roi d'Espagne, une liste civile d'un million par mois. Il devait toucher 500,000 fr. de l'Empereur et 500,000 fr. du trésor espagnol. La plupart du temps, Napoléon ne payait pas son frère ; en outre, le trésor d'Espagne étant obéré n'avait pas d'argent pour payer les 500,000 fr. mensuels. Dans ce cas, le ministre des Finances faisait estimer, par des experts du pays, des diamants pour la dite somme, et les remettait aux mains de Joseph. Ces diamants lui appartenaient donc bien légitimement, et l'on a vu par sa corres- pondance avec sa femme dans quel état de dénuement le malheureux prince était revenu en France. On a vu qu'il n'avait pas hésité à emprunter à son beau-frère. Marins Clary, pour pouvoir donner de l'argent aux serviteurs qui Pavaient accompagné sur la terre de France et leur permettre de se rapatrier ; on a vu même qu'il n'avait pas voulu détourner, à son profit, une obole de l'argent provenant de la vente de l'argenterie de la couronne, ce qu'il eût pu faire au lieu d'emprunter pour les Espagnols qui l'avaient suivi. L'accusation portée contre lui tombe donc d'elle-même. D'ailleurs une partie de ces diamants, en vertu de l'article XI du traité de Bayonne, avait été emportée par Ferdinand, ainsi que nous l'avons dit plus haut.

L'Empereur Napoléon P% pendant les années prospères de son règne, alors qu'il était l'arbitre des destinées de l'Europe, avait reçu des souverains des lettres auxquelles il attachait une grande impor- tance. Il fit faire, dans son cabinet, deux copies de ces 250 à 300 docu- ments précieux et déposa les originaux aux mains du duc de Bassano, secrétaire d'État au département des Affaires étrangères.

En <8^5, après Waterloo, avant de quitter l'Elysée pour se rendre à la Malmaison, il dit à son frère Joseph, lequel demeurait alors rue du Faubourg-Sain t-Honoré, 33 (aujourd'hui ambassade d'Angleterre), qu'il venait d'envoyer à son hôtel une copie authentique des lettres que les divers souverains lui avaient adressées pendant le temps de sa prospérité, qu'il le priait de la conserver précieusement. Joseph lui ayant fait observer qu'il aimerait mieux avoir les originaux : « Non,

NlP0li05 ET LE ROI JOSEPH. 94

r^lXMidit Napoléon, cela ne vous regarde pas, c'est Tailkire de Maret (duc de Bassauo), c'est son droit, il sait ce qu'il doit en foire. »

retour à son bôtd, le roi Joseph trouva en effet les copies dans son cabinet. Le Prince, se rendant à la Malmaison pour faire ses adieux à son frère, chargea son secrétaire, M. de Presle, de diviser ses propres papiers, de les mettre avec ces copies de lettres des sou- verains dans des malles au milieu d'effets, et de les envoyer chez des personnes ces documents seraient en sûreté et pourraient échapper aux recherches de la police.

Joseph se rendit à Cherbourg, vit son frère à l'Ile d'Aix, partit pour New- York, se flxa sur les bords delà Delaware, et ne s'occupa plus de ces papiers. En 4848, Napoléon lui fit dire de Sainte-Hélène, par le docteur (ySiéara, de publier sa correspondance avec les souve- rains, comme étant la meilleure réponse aux calomnies que l'on répandait sur lui et le meilleur moyen d'établir, à l'aide de documents historiques incontestables, le parallèle entre sa conduite et celle des souverains alliés.

Joseph écrivit à son secrétaire, M. de Presle, alors en Europe, de lui expédier les dix caisses dans lesquelles ses papiers avaient été placés. Les caisses arrivèrent en Amérique, mais le Hoi y chercha vainement la copie des lettres des souverains. M. de Presle déclara qu'il n'avait plus retrouvé ces copies dans la boite il les avait cachées, bien que la clef ne Teût pas quitté. Joseph écrivit en Europe, Ot démarches sur démarches, aucune n'aboutit.

Slaintenant, essayons de suivre la route qu'ont prise les originaux et les copies de ces lettres des souverains :

4^ Les originaux f laissés aux mains du duc de Bassano.

Le duc de Bassano partant pour l'exil, en 4 84 5, fit enfermer ces papiers (a-t-il déclaré) dans des caisses en fer-blanc qu'il fit cacher dans un château vendu depuis. De retour de l'exil, le duc ne retrouva plus l'endroit les boites avaient été enfouies par son jardinier. Ce jardinier lui-même était mort.

U n'en est pas moins positif que ces documents furent en tout ou en partie vendus en Angleterre en 4 822, à Londres, chez le libraire Murray. Les lettres de l'empereur de Russie furent cédées à l'ambas- sadeur, M. de Liéven, pour la somme de 250,000 fr. Ces lettres avaient été offertes d'abord au gouvernement anglais qui avait refusé d'en Eure l'acquisition. On trouvera jointes ici plusieurs lettres et notes relatives à ces originaux.

2* Celle des deux copies qui fût emportée par l'empereur Napo- léon I*' lui fut volée à Cherbourg avec une caisse d'argenterie, sans que Ton ait Jamais pu découvrir l'auteur du vol.

92 MELANGES ET DOCUMENTS.

3" La seconde copie, celle qui fut envoyée au roi Joseph, placée au milieu de bardes et effets, dans une des dix caisses H. de Presle avait caché les papiers du roi, subit le sort suivant :

Les dix caisses furent envoyées d*abord de Phôtel Joseph, les unes chez le nommé Legendre, valet de chambre dévoué, alors à Villiers- sur-Marne -, d'autres, chez M. Madaud, buraliste de loterie, rue Saint>- André-des-Arts, et beau-frère de M. Bouchard, un des secrétaires du roi Joseph ; d'autres encore chez différentes personnes, parmi lesquelles la comtesse de Magnitaut. Les dépositaires de ces papiers ne tardèrent pas, craignant de se compromettre, à demander qu'on les leur retirât; on les fit porter à Thôtel de la reine de Suède, rue d'Anjou-Sainl>- Honoré, 28. C'est de que M. de Presle les expédia à Joseph, en Amérique.

Les caisses des papiers du roi, parmi lesquelles se trouvait celle renfermant la copie des lettres des souverains, ont donc été trans- portées de l'hôtel Joseph chez divers, de chez ces diverses personnes à r hôtel de la reine de Suède. C'est évidemment dans Tun de ces deux transbordements que ces copies précieuses pour l'histoire auront été soustraites.

On avait perdu en quelque sorte le souvenir de cette affaire qui avait fait un certain bruit dans le principe, lorsqu'on 4855, un des principaux libraires-éditeurs de Paris proposa à un auteur qui s'oc- cupait de l'histoire du premier Empire de demander au gouverne- ment de Napoléon III d'acquérir, moyennant une somme assez forte, la copie authentique de 4 50 lettres écrites par des souverains à Napoléon I«f.

L'éditeur dit à la personne qu'il avait choisie comme intermédiaire dans cette affaire qu'il ne connaissait pas le possesseur de ces lettres, qu'on en voulait 500,000 francs, qu'elles étaient cachées en France. La personne à qui l'éditeur s'adressa, craignant qu'on crût qu'elle avait un intérêt dans cette spéculation, ne voulut faire aucune démarche.

Toutefois on peut conclure de ce qui précède :

r Que les originaux ont été vendus et probablement détruits par les intéressés.

2** Que des deux copies volées, l'une existe encore.

Après avoir reçu la lettre par laquelle O'Méara lui faisait connaître le désir de l'Empereur qu'on publiât les lettres des souverains, le roi Joseph- répondit au docteur :

Philadelphie, le !•' mai 1820. Monsieur, J'ai reçu la lettre que vous avez bien voulu m'écrire le !•' mars. Je

XlPOlio?! BT LB 101 JOSKPH. 93

Toas prie de vouloir bien faire vos efforts pour faire parvenir les deux incluses, dont Tune pour TEmpereur, et Tautre pour madame de Mon- tholon, je suis bien fâché des retards qu>Ue éprouve à ^tro payée, je lui écris à ce sujet ainsi qu'à r£mpereur.

Je n*ai pas reçu à Rochefort les lettres dont vous me i^arlez et dont le comte de Las Cases a aussi parlé à ma femme, j'écris à ce sujet pour savoir à qui ces lettres ont été remises et par qui, malheureusement, je ne les ai pas reçues, je regretterais vivement leur perte. L'ouvrage que vous avez publié a ici un succès prodigieux. J ai perdu aussi, par Tin- cendie de ma maison, arrivé le 4 janvier, beaucoup de papiers. Ia^» lettres dont vous me parlez eussent aussi été perdues, mais heurtni- sement elles ne m'avaient pas été remises, j'ai fait, dans cette circons- tance, d'autres pertes bien sensibles qui me forcent à me ra))))eler que j'en ai faites de plus grandes pous n'en avoir pas trop de regrets.

Veuillez agréer. Monsieur, mon sincère attachement et ma reconnais- sance.

Votre affectionné,

Joseph de Survillieks.

P. S. N'ayant aucun rapport personnel avec la reine d'Angleterre, une lettre de moi me paraîtrait moins convenable que de la part do mon frère Lucien ou de la reine de Naples qui ont eu occasion de la connaître personnellement.

Voici maintenant quelques documents relatifs aux lettres des sou- verains, et d*abord une note tout entière de la main du roi Joseph envoyée à M. Francis Lieber, littérateur et professeur à Boston :

Pointe-Breeze, le 28 mai 1822.

Je recois votre lettre du 24 mai. Je la trouve ici à mon retour d'un petit voyage. Je n'ai pas le temps de retrouver ces lettres qui constatent les dates précises, mais vous pouvez être certain du souvenir que ma mémoire me fournit, encore très présent.

En 1815, avant son départ do Paris, Napoléon avait anntmcé à son frère Joseph que, parmi quelques papiers, renfermés dans une caisse qu'il lui enverrait, se trouverait une copie des lettres qui lui avaient été adressées par les divers souverains. Il avait fait faire cette copie par précaution, l'original restant aux archives. Quelques années après, le docteur O'Méara, de retour de Sainte-Hélène, lui lit dire que le désir de l'Empereur était que celte correspondance fût publiée, comme étant la meilleure réponse à toutes les calomnies dont il éUiit l'objot. Mais elle ne fut trouvée dans aucune des dix caisses arrivées aux I^Uats-Unis, dans lesquelles on avait réparti les papiers contenus dans la première caisse, en les cachant parmi des livres et des bardes, afin de les sous- traire aux investigations de la police de Paris. A la même époque, la maison do Joseph, aux États-Unis, fut la proie des flammes. L'original

94 MELANGES ET DOCUMBIH'S.

de la correspondance fut vendu pour trente mille livres sterling i Londres. Elle avait été déposée chez un libraire de cette ville, M. Murray.

Ceux qui ont dit que Napoléon avait remis cette correspondance à Joseph, à Rochefort, sont dans l'erreur. Joseph n'a rien reçu de Napo- léon à Rochefort, ni à l'ile d'Aix il fut le trouver.

Il ne reste d'espérance que dans la double infidélité de ceux qui, ayant livré Toriginal à des gens intéressés à les détruire, auraient pu en garder copie, ou bien dans la découverte de la copie annoncée par Napoléon à Joseph avant son départ de Paris, en 1815. S'il en arrive autrement, ce sera une perte de plus que les écrivains consciencieux auront à déplorer.

Voici maintenant une autre note extraite du Journal du roi Joseph :

Extrait des notes d'un Américain sur le Commentaire de I^apoléon^

par M. le comte de Bonacosci, qu'il avait adressées à celui-ci lorsque

cet ouvrage parut, et qu'il a depuis adressées à H. le major Lee,

auteur de Thistoire de Napoléon (en décembre \ 834) :

L'auteur, Bonacosci, est dans la même erreur que M. de Norvins. Les originaux autographes des lettres des souverains à Napoléon n'ont pas été remis au roi Joseph. L'empereur Napoléon dit au prince peu de jours avant son départ : a Par précaution, j'ai fait faire une copie des lettres des souverains de l'Europe, qui seules peuvent répondre à toutes les calomnies dont ils se servent aujourd'hui contre moi. Maret conserve les originaux, et c'est son droit, conservez ces copies à tout événement. » C'est à Paris et non à Rochefort que cette conversa- tion et la remise de ces titres ont eu lieu. Joseph, en recevant en Amé- rique la caisse dans laquelle devait se trouver cette copie, l'a cherchée inutilement. Napoléon lui a fait dire par O'Méara, au retour de celui-ci en Europe, de faire publier ces lettres, comme seule et unique réponse à ce débordement d'injures dont on assiégeait alors le captif de Sainte- Hélène. Toutes les recherches ont été infructueuses; les lettres ont-elles été dérobées par les dépositaires ou les détenteurs momentanés de la caisse elles étaient ? Je l'ignore, mais toujours est-il constant que ce ne sont pas celles qui ont été vendues à Londres, puisque ce n'étaient que des copies et que l'on assure que ce furent les lettres autographes qui furent vendues à Londres trente mille livres sterling ; elles ont été offertes, par un inconnu venant de Suisse, à M. Murray, imprimeur des plus célèbres de Londres, demeurant Albermale Street, pour trente mille livres sterling. Le gouvernement anglais n'en voulut pas. Ce fut le ministre de Russie qui acheta celles qui pouvaient intéresser la Russie.

Joseph, en quittant son frère à l'ile d'Aix pour aller attendre à Royan la nouvelle du passage sans obstacle de Napoléon à travers l'armée anglaise, avant de s'embarquer pour les États-Unis, ils devaient se retrouver, ne reçut ni lettres, ni paquets d'aucune sorte ; des quatre

!IAPOliO!l ET LB 101 JOSKPH. 95

personnes qui l'accompagnaient dans la chaloupe dans laquelle il fît le timjet jnsqn a Rochefort, trois vivent encore et leur mémoire est d'accord avBC celle de Joseph sur cette circonstance importante. Si Napoléon a eu l'intention de confier à son frère Joseph des objets dont d'autres se seraient emparés au moment de son départ de Vile d*Aix, Joseph ne peut ni rassurer, ni le nier, mais ce qui est bien certain, c'est que mal- heureusement les originaux en question ne lui furent pas remis, pas plus que nulle autre chose, dans cette circonstance.

En 4837, le roi Joseph se trouvant en Angleterre, à Londres, et ayant eu connaissance par le docteur O'Méara de la vente à la Russie d'une partie de la correspondance des souverains, par le libraire Murray, fît des démarches pour s'assurer du foit. Il écrivit à un H. Charles Philipps très lié avec Téditeur Ridgway. L'éditeur vit IL Murray et répondit la lettre ci-dessous à M. Philipps.

Piccadilly, 4 mars 1837. Mon cher Monsieur,

D'après votre désir j'ai été voir M. Murray, Téminent éditeur, dans Albermale Street, relativement à la correspondance originale de plusieurs souverains d'Europe avec l'empereur Napoléon pendant son règne. Il me dit que vers Tannée 1822, les lettres originales des différents souve- rains de l'Europe adressées à Napoléon pendant Tempire lui furent offertes pour vendre; il refusa l'offre parce que quelques-uns de ses conseillers et amis doutaient de leur authenticité (le duc de Wellington fut un de ceux qui mettaient en question leur originalité), doutes qui à présent ne paraissent pas avoir de fondation, et M. Murray regrette amèrement son refus fondé sur ces doutes.

M. Murray dit encore que les lettres lui furent présentées comme ayant été gardées par les soins d'un maréchal de France, mais dont il avait oublié le nom, et en lui nommant le duc de Bassano, il dit : « c'est cela! »

Les lettres écrites par l'empereur de Russie ont été, à la suggestion de M. Murray, offertes pour vendre au prince de Lieven qui a payé dix mille livres sterling pour cette portion de la correspondance.

A vous bien sincèrement.

Signé : J. L. Ridqway.

M. Philipps écrivit alors à un serviteur dévoué du roi Joseph, Louis HaiUard :

49, Glanvery Lane, Samedi. Mon cher Monsieur, J'ai été si occupé durant cette semaine depuis mon retour, que je n'ai pas eu le temps de faire mes respects à M. le Comte < comme

I. Joseph, comte de Survilllers.

96 M^LiffCBS ET DOCOMBIfTS.

je le désirais beaucoup. M. Ridgway, comme vous le verrez par l'incluse, a fait quelque chose pour nous pendant mon absence. M. Murray est un homme impraticable, il a refusé de donner par écrit ce que cependant, heureusement pour nous, il avait dit verbalement avant que ne s'élèvent ses scrupules.

M. Ridg^ay est un homme fort respectable, il est prêt à tout moment d'avouer ce que M, Murray lui a dit et ce que je vous envoie écrit de sa main. M. Ridgway se trouve donc dans cette affaire dans la môme position qu'aurait été notre pauvre O'Méara s'il vivait encore.

Je tâcherai par le moyen d'un ami de savoir ce que le duc de Wel- lington sait sur ce sujet, et je ne doute pas que s'il peut donner des informations, je puisse les obtenir.

Il paraît assez clair que le comte avait raison dans ses conjectures et que le maréchal Maret était la personne qui autorisait la vente de la correspondance.

Avec mes compliments respectueux à M. le Comte.

A vous sincèrement.

C. PmLipps.

Enfin, en 4850, M. Louis Maillard, Texécuteur testamentaire de Joseph, consulté par M. Ingerstoll, ami du roi, sur la question de la correspondance des souverains, lui répondit le 29 avril, de Doyles- town (Amérique), il se trouvait encore pour la liquidation de la succession de l'ancien roi.

J'ai votre lettre du 25, je ne puis mieux y répondre qu'en vous réci- tant ce que j'ai entendu dire à M. le comte de Survilliers (Joseph) lui- môme à diverses fois.

En 1815, la veille de quitter le palais de l'Elysée pour aller à la Malmaison, l'Empereur me dit qu'il avait envoyé chez moi, rue du Faubourg-Saint-Honoré, je demeurais alors, les copies des lettres des souverains alliés pour que je les conserve de mon mieux; que les originaux seraient gardés et soignés par le secrétaire d'État, duc de Bassano; je trouvai effectivement ces copies dans mon cabinet de tra- vail et les y laissai avec mes papiers; quelques jours après, lorsque je fus forcé de quitter Paris pour suivre l'Empereur à Rochefort, je recom- mandai à ma femme et à mon secrétaire, M. de Presle, de ramasser tous mes papiers, de les fermer dans des malles et de les envoyer chez diverses personnes sûres, de connaissance, afin de les sauver des mains de nos ennemis qui allaient entrer dans Paris; mes ordres furent exécutés; mais, peu de temps après mon départ, les amis chez lesquels étaient déposées les malles , craignant les recherches chez eux par la police des Bourbons, prièrent ma femme de faire reprendre ces malles* elles furent portées alors à l'hôtel de la Princesse royale de Suède elles étaient plus en sûreté. Plus tard, lorsque mon frère, l'Empereur, irrité du cruel traitement qu'il éprouvait à Sainte-Hélène, me fit écrire

!flP0li05 ET LK ROI lOSBPH. 97

de publier les lettres des souverains, j'écrivis à M. de Presle, à Paris, de mVnvoyer, aux États-Unis, par diverses voies, les malles d'effets et papiers m'appartenant, ce qu'il lit de son mieux, mais je ne trouvai point dans les malles envoyées les copies que je désirais! Depuis je fis faire des recherches, toutes furent inutiles, on m'a dit que TEmpereur avait confié à une autre personne une seconde copie des lettres, mais je ne puis l'affirmer ; quant aux lettres originales, si ce que j ai appris à Londres est vrai, elles ont été vendues; la Russie aurait payé les siennes dix mille livres sterling par son ambassadeur Lieven, et c'est M. le' libraire Murray d'Albermale Street qui était chargé de cette négociation dont il a parlé à diverses personnes qui me l'ont rapporté fidèlement.

Voici, Monsieur, ce que je puis vous dire de plus positif sur cette affaire. M. Menne>'al se trompe, car M. de Presle, que j*ai vu souvent à Londres, Paris et Florence, m'a toujours dit qu'il n'avait trouvé ni envoyé les copies des lettres des souverains, que plusieurs malles avaient été ouvertes, ainsi qu'il croyait, etc.

Pour terminer cette notice relative aux lettres des souverains étran- gers, nous dirons en deux mots que l'éditeur chargé de fhire vendre la copie dont il est ici question, étant parvenu à en foire parler à Napoléon III, ce dernier voulut le recevoir ainsi qu'un membre de la oonunission de Touvrage intitulé La correspondance de Napoléon f*^ Néanmoins ce souverain ne put causer avec ces deux personnes qui, venues à trois reprises différentes, furent éconduites chaque fois sans être admises, tant l'Empereur était tenu en chartre privée par son entourage. Il y a plus, Sa Majesté ayant prescrit que le membre de la commission fût prévenu qu'il était libre de s'arranger comme bon lui semblerait pour l'acquisition des lettres, Jamais cette autorisation de Napoléon III ne lui fut connue et il ne sut à quoi s'en tenir qu'après la mise en vente de l'ouvrage : La Correspondance , lorsqu'il vit l'Empereur à cette occasion.

n ne nous reste plus qu'à fkire connaître encore quelques lettres du roi Joseph se rattachant à divers sujets.

Nous avons dit que l'ex-roi de Naples et d'Espagne avait été assez heureux, à la suite des événements de 4845, pour trouver un reftige en Amérique. Les autres frères de Napoléon I" étaient exilés hors de France, dans les États de l'Europe, poursuivis partout par la haine des souverains alliés. Jérôme, rejeté tantôt dans les États autrichiens, tantôt en Italie, resta plusieurs années sans donner signe de vie à l'ainé de ses frères. En 4848, Joseph lui écrivit des États-Unis d'Amérique, le 40 Juillet :

Mon cher Jérôme, je n'ai jamais eu de tes lettres depuis notre sépa-

RbV. UiSTOR. XI. [•' FASC. 7

98 M<L1N6B8 BT OOGOMBIITS.

ration, j'ai fini par penser que tu avais vu dans ma conduite quelque chose qui avait te déplaire. Je l'ai mandé à Julie qui m'assure du contraire. Peut-être as-tu été gôné dans ta correspondance avec moi. Quelles que soient les raisons de ton silence, je t'écris pour Rengager à le rompre, bien convaincu, comme je le suis, que tu ne peux pas douter de la tendresse de mon amitié pour toi. Je n'ai pas vu ici ton ancienne amie et son fils, je n'ai pas cru devoir aller à leur rencontre dans la position étrange je me suis trouvé. J'ai pensé que, dans l'adversité, il vaut mieux manquer par trop de susceptibilité que par trop d'aban- don. Mande-moi ce que tu aurais désiré que j'eusse fait, ce que tu désires que je fasse. Je pense que l'arrivé de Zénaïde changera ma position si dans l'abandon Julie va se trouver après le départ de sa fille ai née, elle suit le conseil que je lui donne de se rapprodier de Vienne, je te la recommande, mon cher frère, ainsi qu'à ta femme, dont elle ne cesse de m'écrire tout le bien que l'on en dit. Les litres à son père ont été répétées dans tous les journaux. Elles sont dans la mémoire de toutes les mères et de toutes les épouses. Je le prie de lui dire combien, en mon particulier, je serais heureux d'apprendre qu'elle trouve quelque bonheur dans l'approbation d'elle-même. Mille caresses à ton enfant, ne doutez jamais de ma tendre amitié.

En 4 822, le 2 mars, 4 0 mars et 24 avril, Joseph écrivit à la reine Julie, de Pointe-Breeze, sa résidence d'été :

Ma chère Julie, je t'ai écrit il y a quelques jours en te témoignant mes inquiétudes sur le silence de Lucien* et le vôtre au sujet du mariage de Zénaïde.

Écris à Désirée^ qu'elle se déshonore à jamais si elle reste plus longtemps à Paris, sa place est auprès de son mari; a-t-elle oublié qu'elle est reine de Suède? C'est aussi ton devoir de lui écrire ce qui est. C'est dur, mais c'est la vérité.

Ma chère Julie, l'occasion étant retardée, j'ai le temps de fécrire encore deux mots : j'ai reçu une lettre du cardinal du 29 octobre. H me dit que lui et Maman pensent que le mariage du fils de Louis serait possible si nous voulions que celle de nos filles qui l'épouserait reste avec mon frère Louis.

{• Si Zénaïde épouse Charles, il faut marier Lolotte avec le fils de

1. Locîai iTait plusieurs enfuis. L'itné, Charles, prmce de Caaiao, détail épooser Zénaïde, fiUe du roi Joseph. Le mariage eut lien en effet D enl on fis, le prince Joseph de Mnsîgnano, mort sons le second empire et de qui rantenr des Mémoires du roi Joseph tieni les documents i Takle dcsiiaels fl a fidi son onvrage. Le prince de Canino rendu la princetse léniidf sa feàsHe lért MalM»- rense. Osl loi qui a joué on triste r6le sons la ConsUlaante wiif, lors dt Fassassinal du comte Rosai. Il est mort en 1857.

2. Désirée, femme de Bemadolte, était la scenr de la reine Jnlie.

NlPOLion ET LB EOI lOSBPH.

Loais, par procnration, si on ne peut autrement. Dans ce cas je vous |ittends bientôt.

V 8i le mariage de Charles manque, il fkot que Zénaïd^ épouse le fils de Louis ^ et que, si cela est indispensable, elle reste avec eux quelque temps; dans ce cas, Lolotte épouserait celui des deux fils de Murât que tu choisirais pour son caractère.

Ma chère amie, le général Lallemand te remettra cette lettre. Je te le recommande. Il a passé ici quelques jours avec le fils de Jérôme'. Pau- line n'a pas conservé les mêmes dispositions bienveillantes pour lui. Maman me le recommande et compte faire quelque chose pour lui. Je compte toujours sur le mariage du fils de Louis pour Charlotte et sur celui du fils de Lucien pour Zénaïde.

Le prince Charles de Ganino et sa femme vinrent, après leur mariage, voir le roi Joseph en Amérique et restèrent quelque temps auprès de lui. La santé délicate de la reine Julie ne lui permit pas de suivre ses enfants. En 4826, des démarches furent ikites auprès du roi de France pour le retour en Europe de Joseph, par le général Belliard, auquel le baron de Damas écrivit le U août :

Le baron do Damas a Thonneur de prévenir M. le comte Belliard que, diaprés la demande qu'il lui a adressée dans sa lettre du 3 de ce mois, il vient, après avoir pris les ordres du roi, d'autoriser le Ministre de Sa Majesté à Washington à comprendre M. et M™« Charles de Canino sur le passeport de M. Je comte de Survilliers, qui pourra débarquer à Anvers ou à Ostende.

Le baron de Damas saisit avec empressement cette occasion de faire agréer à M. le comte Belliard les assurances de sa haute considération.

En apprenant en Amérique que le gouvernement des Bourbons ne mettait pas d'obstacle à son retour en Europe, Joseph écrivit le 29 septembre 4826 à Madame de Villeneuve^ :

Ma chère belle-sœur.

Je reçois votre lettre du 5 août; je n'ai jamais eu Tintention d'aller à Bruxelles; si l'on m'avait accordé de bonne grâce le séjour de la Tos- cane, j'aurais été volontiers y faire une visite à ma mère, avec l'espoir de ramener ma femme en Amérique je suis trop bien pour ne pas désirer d'en faire partager le séjour à Julie.

Je suis toujours bien reconnaissant, ma chère belle-sœur, des preuves sans cesse renaissantes de votre tendre amitié; Désirée et son mari

1. Le firère aîné de Napoléon 111, mort dans l' insurrection des Romaines, «11831.

2. M. Paterson, qui ?int en France, sous le second Empire, avec son fils, aujoor- dlioi officier dans l'armée française.

3. Une demoiselle Clary.

400 M<LÂIf6BS ET DOCUMKTTS.

sont aussi très excellents pour moi ; les bons consolent ainsi des indif- férents.

Pendant son exil en Amérique, le roi Joseph avait pris Thabitude de mettre en note, dans une sorte de journal quotidien, tout ce qui se passait autour de lui, et lui était personnel. Nous trouvons dans ce journal quelques mots relatifs à un honune, M. de Persigny, qui, ministre et créé duc par Napoléon III, a marqué sous le second Empire. Voici les notes de Joseph, que M. Fialin de Persigny était venu trouver à Londres, en avril 4835, pour le déterminer à entrer dans une sorte de complot bonapartiste :

M. le vicomte de Persigny, me d'Artois, 48, à Paris, et à Londres à Grillion, hôtel Albennale Street, arrive avec un billet de M. Presle à M. Maillard; il est l'auteur du 1 de VOccident français, il est &gé de 26 ans et parait plus jeune encore; il montra un excessif enthousiasme pour la mémoire de l'Empereur et même pour le nom de sa famille, dans l'entretien d'une demi-heure que j'ai eu avec lui avant le diner. Je me retirai de bonne heure ; il causa jusqu'à deux heures du matin avec MM. Sari, Thibaud, etc.

5 Avril dimanche. Je descends à déjeuner, j'ai un long entretien avec M. de Persigny, il parait plein d'ardeur, il est partisan le plus absolu du caractère et des desseins de l'Empereur, il a pleuré comme un enfant en voyant son écriture ; il s'exprime facilement et avec talent, cependant il ne m'est adressé par personne que je connaisse, il se dit de Roanne sur la Loire, sa famille tient aux Bourbons dont il a entièrement abandonné la cause.

6 Avril. Je vais à Londres, j'y mène M. de Persigny, je descends avec Maillard chez le docteur O'Méara.

19 Avril, jour de Pâques. M. le vicomte de Persigny me parle encore de ses projets, je lui en fais sentir l'inopportunité actuelle ; il me remet un écrit que je ne lis qu'à ma rentrée dans ma chambre. Je promène avec lui. Sari et Maillard.

20. Je fais prendre copie de l'écrit sans signature, je rends l'original à M. de Persigny en lui répétant les mômes choses, je conviens de l'avantage national du but, mais je ne partage pas ses opinions sur l'efficacité des moyens, ainsi je l'engage à ne pas se compromettre sans espérance raisonnable ; ses projets ne m'en présentent aucune.

28. M. le vicomte de Persigny est à la maison, je refuse de recevoir l'ami qui lui est arrivé de Paris, je lui déclare que je n*entends pas me prêter à l'exécution de ses projets, à laquelle je répugne invinciblement; tout pour le devoir, rien pour mon ambition, je n'en ai pas d'autre que celle de contribuer au bonheur de la France, si elle m'offre une chance de la servir, mais jamais rien par une minorité factieuse ; il dine et couche à la maison.

29. M. de Persigny part après déjeuner, je lui répète longuement les mômes choses.

NiPOLfoN ET LE ROI JOSEPH. 404

Joseph était encore à Londres, en 4833, lorsque son neveu Louis- Napoléon, le futur empereur Napoléon III, lui envoya un petit ouvrage qu'il venait de faire paraître ^ Tex-roi lui écrivit à ce sujet, le 20 septembre :

Mon cher neveu, j'ai reçu avec ta lettre tes Considérations sur la Suisse. Je les ai lues avec un double intérêt. Je regrette que tu ne puisses pas honorablement employer tes talents et ton application à l'étude, au service de la patrie. Charlotte est beaucoup mieux depuis notre séjour à la campagne. Je me trouve par accident en ville aujour- d'hui.

Je te prie de me rappeler au bon souvenir de ta maman et de me croire bien tendrement

Ton afifectionné oncle,

Joseph.

Enfln, dans les premiers mois de 4 844 , Joseph put quitter Londres pour habiter la Toscane. Il écrivit à ce sujet au général duc de Padoue, son cousin, le 8 mars :

Mon cher Ck)usin,

Je vous confirme ma lettre du 3 de ce mois. Je pense que vous avez vu la duchesse de Grès, à laquelle j'écris aussi dans le même sens. Le jeune Maillard vous dira de ma part que ma demande se borne à ce que l'on ne mette pas d'obstacle à mon séjour en Toscane ou en Sardaigne et qu'on légalise le passeport autrichien que vous avez obtenu pour moi Tannée passée, avec lequel je pourrai me rendre en Italie par le Rhin et la Suisse.

Renvoyez-moi donc Adolphe^ avec le passeport en règle aussitôt que vous le pourrez, il vous donnera des nouvelles plus en détail.

Agréez ma vieille et constante amitié.

Votre affectionné cousin.

M. Guizot, alors ministre des affaires étrangères, auquel la nièce du roi Joseph par sa fenune, la maréchale Suchet, duchesse d'AIbu- fera, s*était adressée pour que le roi Louis-Philippe fût sollicité afln de permettre au comte de SurviUiers (Joseph) de se rendre en Italie, écrivit le 9 avril 4844 :

Madame la Maréchale,

Le Roi ne fait pas la moindre objection à ce que M. le comte de Sur- villiers vienne vivre à Gênes ou I^Florence; vous en êtes probablement déjà informée, mais je me donne le plaisir de vous le dire moi-même.

1. RU de Loois Maillard.

402 MiUNGBS ET DOdUnilTS.

A cette lettre était jointe la note d-dessous :

Note :

Le gouvernement non-seulement donne son adhésion à ce que M. le comte de Survilliers vienne s'établir à Gônes, mais encore il exprime le désir que toute facilité lui soit donnée dans cette circonstance. Cest dans ce sens qu'il a répondu à M. Tambassadeur de Sardaigne et qu'il a expédié, il y a trois jours, ses instructions à son propre ambassadeur prés de 8a Majesté sarde.

£n octobre dernier, le gouvernement français a fkit exprimer au gou- vernement du grand-duc de Toscane les mêmes dispositions de sa part à regard du comte de Survilliers, qui demandait à résider à Florence ; ces dispositions, il les maintient et les renouvellera même au besoin si le gouvernement toscan l'exigeait. Il est vrai que le gouvernement napolitain, s'appuyant sur des dispositions des traités de 1815, prétend que lorsqu'il s'agit de la famille Bonaparte, il faut le concours simul- tané des quatre puissances ; qu'aucune d'elles ne peut agir isolément ; mais la France se regarde, depuis 1830, affranchie de l'obligation de cet accord commun ; elle croit pouvoir agir seule, librement'et comme il lui plaît, et elle l'a constamment fait depuis cette époque.

On croit que M. le comte de Survilliers, établi à Gônes, pourra faci- lement négocier pour venir ensuite à Florence; que l'Autriche prêtera aisément son intervention pour aplanir les difficultés que Naples oppose encore.

Nous terminons id ce qui a trait au frère aine de l'Empereur, dont la vie politique avait cessé depuis 1846. L'ex-roi mourut à Florence, en 1843, après avoir fkit honunage à la France, pour être placés sur le tombeau de Napoléon I*, des insignes et des armes du grand homme qui lui étaient échus en partage. Il avait nommé pour un de ses exécuteurs testamentaires M. Maillard (Louis) qui méritait toute sa conflanoe et qui ne Tavait pas quitté depuis 1808.

Le roi Joseph avait 76 ans lorsqu'il s'éteignit, entouré de sa bmille et de qudques serviteurs fidèles et dévoués.

Deux années avant sa mort, le roi Joseph éprouva un vif chagrin. U avait pour son neveu, le prince Louis Napoléon, fils de Tex-roi de Hollande, une grande affection. Lorsqu'il apprit à Florence que oe jeune homme avait fait la tentative de Strasbourg, il le désapprouva hautement. Son père agit de même. La première chose que fit le futur empereur Napoléon lU, en arrivant en Amérique, Ait d'écrire une longue lettre à son oncle Joseph pour lequel il avait une grande véné- ration. Cette lettre étant venue aux mains de l'auteur des Mémoire$ du roi Joseph^ avec les autres papiers, cet auteur se trouva assez embarrassé, ne sachant s'il devait ou non publier cette pièoe impor-

HAPOliO!! BT LK 101 106m. 4t3

Iule pour rhîsUHre. On était alors en 1 855, Louis Ni^Iéon était sur k trône. D se décida à la montrer i rSmpereur, mais à lui seul. Ae;a un matin dans le cabinet de S. M.,auxTuileriesJllalui donna. L'Smpereur, après en avoir pris connaissance pendant un quart d'beore, la lui rendit en disant : c Je ne puis pas la nier, elle est toute de ma main. Je la trouve bien cette lettre. Moi également. Sire, se hâta de dire l'auteur des Mémoires, mais ne sachant pas s^il pouvait CQOvenir à TEmperau* sur le tr5ne que le public eût connaissance d'une lettre écrite par le proscrit de New- York , j'ai cru devoir la soumettre à Votre Majesté. Bah, reprit en riant l'Empereur, rien n'empêchera que je n'aie ftût la tentative de Strasbourg et de Boulogne, ce qui est histoire est histoire, je ne m'oppose pas à ce que vous l'insériez dans votre curieux ouvrage. » Elle se trouve au It* volume des Mémoires du roi Joseph^ page 370.

Baron du Gissb.

LA PROPAGANDE REVOLUTIONNAIRE

BN 4793 BT 4794.

Dans le dernier numéro de cette Revue, M. Albert Sorel a consacré un article à mon Histoire de l'Europe pendant la Révolution^ et je ne puis que lui exprimer ma sincère reconnaissance pour cet honneur lut à un livre qui lui est antipathique sous plus d'un rappcHrt. il discute ensuite, dans un article spécial, la Diplomatie secrète du CowUié de Salut public avant le 9 thermidor ^ un point particulier, sur lequel je désire présenter ici quelques éclaircissements histo- riques.

D ne veut pas admettre avec moi que les membres du grand Comité de Salut public, notamment Hérault de Séchelles et Barrère, aient été inœssamment occupés, par Tentremise de leurs agents, soit à attirer les Etats neutres dans le parti de la France, soit à provoquer des explosions révolutionnaires dans le pays soumis aux puissances bel- ligérantes. D déclare que ces assertions ne s'aocordent pas avec les documents qui se trouvent aux archives des Affaires étrangères, et me reproche de ne les appuyer d'aucune preuve; il examine surtout d^une manière particulière la conduite de Barthélémy à B&le et de Soolavie à Genève, que j'ai accusés d'avoir dépensé inutilement 40 minions en vue de décider les cantons suisses à ftdre alliance

404 M^LIXGES ET DOCUMENTS.

avec la France. Il prouve par la correspondance de ces deux agents ayec le ministre Deforgues que Barthélémy, de même que plusieurs de ses collègues, était toujours à court d'argent, qu'il considérait la neutralité de la Suisse comme plus utile que son alliance, qu'il a?ait plusieurs fois exposé cette pensée au ministre, que Deforgues et Hérault de Séchelles n'avaient voulu envoyer des agents à Berlin et à La Haye que pour y recueillir des informations, et il conclut ainsi : Au résumé, Barthélémy n'a point joué en Suisse avant le 9 thermi- dor le rôle que lui prête l'historien allemand, et la diplomatie secrète du gouvernement de Robespierre n'a eu ni l'organisation, ni l'impor- tance, ni le caractère que lui attribuent M. de Sybel et M. 6. Avenel.

Ici déjà je pourrais poser quelques questions. De ce que Barthé- lémy a plusieurs fois représenté au ministre qu'une alliance avec la Suisse serait moins avantageuse pour la France que la neutralité des cantons, ne ressort-il pas précisément qu'il a reçu de Paris la mis- sion de provoquer l'alliance? En octobre ^93, lorsque Deforgues déclare qu'il est décidé à envoyer des agents dans les pays ennemis, ce dont Barthélémy n'espère que peu de résultat, il ne s'agit nulle- ment cette fois de propagande révolutionnaire, mais d^une tentative pour se mettre en rapport avec un ou plusieurs gouvernements enne- mis et pour rompre par la coalition. Ceci donc n'avait pas encore eu lieu, mais en résulte-t-il qu'on n'eût pas déjà tenté de provoquer des explosions révolutionnaires? Aurait-on précisément négligé, sous le règne du plus ardent fanatisme révolutionnaire, ce qui depuis le premier jour de la Révolution était poursuivi dans la moitié de l'Europe avec un zèle organisé, ce qui devait, sous le Directoire, arriver au plus complet développement? Et enfln, si Barthélémy, dans sa modération et sa prudence, ne s'est pas, en effet, occupé de propagande, les tentatives faites ailleurs et que j^ai rapportées, l'action révolutionnaire exercée à Gênes et à Florence par les agents français, les conjurations de Turin et de Naples, les négociations diplomatiques avec la Turquie et la Suède, l'appui toujours prêté aux insurgés polonais, en subsisteraient-ils moins pour cela?

M. Sorel appuie son opinion sur les documents des archives étran- gères, qui ne m'avaient pas encore été ouvertes lorsque je travaillai à la partie de mon ouvrage actuellement en question ; je reconnais donc sans difficulté qu'elles modifieraient quelques nuances de mon récit. Mais je ferai remarquer à M. Sorel que les matériaux de ce dépôt, pour ce qui a trait à l'époque révolutionnaire, sont bien peu complets. Beaucoup ont disparu dans les orages du temps; mais surtout, par suite du désordre et de la confusion qui régnaient dans l'administration du Comité de Salut public, une foule de papiers

LA PROPiGilfDE RiSvOLUTiaNXAIRB EN 4793 ET 4794. 405

importants ne sont jamais arrives jusqu'au dépôt ministériel dont ils devaient fkire partie. Lorsque, en 4851 et en 4854, j'étudiai les actes du Comité, je les trouvai dans un incroyable désordre. Le plus grand nombre était groupé sommairement, sous des titres généraux qui comprenaient pour la plupart des délibérations incomplètes, et souvent une note détachée indiquait seule des choses importantes. Sous le Directoire, une division des papiers selon les divers minis- tères avait avoir lieu; mais à peine ce travail était-il commencé, qu'il s'arrêta. Un seul fait suffira à prouver d'ailleurs comment on avait procédé : pour les négociations relatives à la paix de Bâle, les rapports de Barthélémy se trouvaient au dépôt des Affaires étran- gères, et les réponses du Comité aux Archives nationales. Pour avoir un tableau complet de l'époque, il aurait fallu pouvoir exploiter ces archives dans leur ensemble.

Je vais indiquer brièvement ici une suite de notes que j'ai trouvées aux Archives nationales, et qui confirment ce que j'ai dit de la pro- pagande révolutionnaire. Ce sont pour la plupart des extraits (non des copies textuelles, pour lesquelles le temps me manquait] des procès-verbaux des séances du Conseil exécutif ou du Comité de Salut public. Je ferai remarquer à cette occasion que ces procès-ver- baux eux-mêmes ne sont pas tous conservés, et que ceux qui existent sont loin d'offrir la reproduction complète des discussions qui ont eu lieu et des décisions qui ont été prises. J y joins d'autres pièces, empruntées aux archives prussiennes et hollandaises. Ce sont des rapports d'agents des différentes puissances à Paris et à Constanti- nople, qui ont obtenu leurs renseignements en corrompant des em- ployés français. Ainsi, un secrétaire de l'agent français à Constanti- nople livrait à M. de Chalgrin, chargé d'affaires du comte de Provence en cette ville, des copies des rapports adressés à Paris, et un secrétaire du reis-effendi faisait pour l'ambassadeur prussien, H. de Knobelsdorf , des copies des notes et des mémoires remis par la France. Les gouvernements russe, prussien, hollandais rece- vaient également de Paris des rapports exacts et détaillés sur les délîbérations des séances du Comité de Salut public lui-même. Il est évident que des communications de cette nature ne doivent être accueillies qu'avec circonspection ; mais dans le cas présent, la véra- cité de celles-ci me semble difficile à révoquer en doute : d'une part, comme on le verra, elles ne sont que le développement plus détaillé de ce qui a déjà été annoncé par les protocoles des gouvernants pari- siens; d'autre part, quoique tout à fait indépendantes Tune de l'autre et écrites en divers lieux par des agents de puissances diffé-

406 irfLlNGBS BT DOCUVBUTS.

rentes, elles s'accordent complètement entre eUes, ce qui serait inad* missible si eUes avaient été composées à plaisir. Je reconnais cependant qu'un plus ample examen est encore possible et désirable, et c'est précisément pour y inviter M. Sord que je fais imprimer ces docu- ments. J'ai déjà dit que je n'avais pu profiter, pour cette partie de mon livre, du dépôt des Affaires étrangères, et que je n'avais trouvé aux Archives nationales qu'une ikible partie des procès-verbaux du Comité de Salut public. Peut-être existe-t-il encore à Paris d^autres matériaux qui permettent de porter un jugement tout à foit concluant? Personne plus que moi ne sera reconnaissant envers M. Sorel pour tous les renseignements positife ou négatifs qu'il pourra en tirer.

Archives nationales. Comité de salut public. Section législa^ tive. Affaires étrangères^ ; 4793. Rapports du Ministère au Comité, A ventôse. L'agent secret à Amsterdam a reçu plusieurs ouvertures de patriotes hollandais.

8 ventôse. Plusieurs rapports d'un Écossais, nommé Hamilton, sur la marine anglaise et sur les moyens de fkire une descente en Angleterre sont remis au Ministère de la marine.

4 3 ventôse. Alarme en Suisse : on croit que la France veut occuper Grenève et le Valais. Tout cela est dénué de fondement.

9 germinal. L'agent de Dresde annonce le départ pour l'année de 5969 Hanovriens, le refus de subsides fkit à la Prusse par Bade et le Wurtemberg, la très grande différence d'opinion qui existe entre les troupes prussiennes et les autres troupes allemandes.

3 germinal. Barthélémy a autorisé le payement d'une année de la pension que la France fait au gouvernement du Valais, à la condi- tion que celui-ci s'opposera au passage des Piémontais sur son territoire.

4 germinal. Le ministre ordonnance de nouvelles sommes pour le service politique en Suisse. Un agent à Vevay reçoit 406 firancs par mois.

40 germinal. La Hollande touche à une révolution. Nos agents y poussent. La correspondance avec la Hollande et l'Angleterre est rendue très difficile par la vigilance des gouvernements ; plusieurs lettres ont été interceptées.

Archives nationales. Comité de salut public. Relations exté- rieures : Procès-verbal du Conseil exécutif provisoire , 27 mai :

1. Si je ne me trompe, les papiers du Comité de salut public ont été réoem- meat remis en ordre. Jignore donc si les indications relevées par moi en 1851 sont encore exactes.

U PEOPiGi!fDB UffOLUTIOHIUlllB Rf 4793 ET 4794. 407

Le CSonaeil exécutif ayant, le 4 7 mai dernier, autorisé le ministre des Afibires étrangères à se procurer, par le ministre de la trésorerie, des lettres de change pour la valeur de 400,000 écus, destinés à l'acquit- tement de quelques engagements secrets relatifs aux alliances à for- mer avec la Suède et la Porte ottomane, lequel emploi avait été approuvé par le Comité de Salut public, arrête que mention sera bite de cette ordonnance.

40 juin. Nomination de dix chargés d'affaires et agents, en Suède, Danemark, Saxe, Bavière, Wurtemberg^ Venise, Naples, Florence, Genève et le Valais, Gonstantinople.

Proeès-verbaux de$ séances du Comité de salut publie : 28 juin. Les ministres de Tintérieur et de Textérieur reçoivent 4 millions de fonds secrets.

29 et 34 août. 4 ,300,000 francs en argent sont attribués à l'achat de chevaux et de bœufe en Suisse.

24 septembre. Dans la situation actuelle de la république, il ne doit plus y avoir d'ambassadeurs qu'en Suisse et en Turquie. Par- tout ailleurs, la république n'aura plus que des agents et des secré- taires.

20 vendémiaire. Une somme de 4 millicms est ordonnancée pour décider la Porte à feire alliance avec la République et à déclarer la guerre aux cours impériales * .

ComeU exécutif provisoire. Carton n^ 34. 7 octobre. La Porte désire prendre à son service 44 officiers français et un maître char- pentier de la marine'. Accordé.

Lorsque, dans les premiers mois de 4794, Robespierre se* brouilla avec le parti de Danton, une brouille personnelle eut lieu également entre Saint-Just et Hérault de Sécbelles. Gela décida Saint-Just à écrire l'exposé suivant. J'en rapporte l'introduction mot à mot, mais je ne fsds que des extraits du reste :

A mes concitoyens. Puisque des traîtres ont osé violer les secrets du Comité de Salut public pour calomnier mes sentiments, puisque Hérault de Séchelles m'a accusé sourdement, c*est publiquement que je me jus- tifie. Voilà l'opinion que j'ai manifestée au Comité. Mes concitoyens jugeront si mes sentiments appartiennent au modérantisme, aux ultra- révolutionnaires, et si je me suis écarté en rien du plus pur patrio- tisme.

L L'anbflssadenr pmssieo à Gonstantinople en informe sa cour le 31 mars 1794. La roi loi fait répondre, le 8 «rril, qn'il en a déjà connaissance. 1 T. phift bat la dépèche de décembre.

408 MlÎLlIfGBS BT DOCUMENTS.

Opinion de Saint-Just énoncée dans le Comité de Salut public le 21 ventôse.

Le ministre demande de plus grandes facilités pour les transactions commerciales avec les États neutres. Je ne m'y oppose pas; mais Barère, de même que Deforgues, a toujours induit le Comité en erreur au sujet des puissances neutres. Jamais pire prodigalité et plus scan- daleuses dilapidations ne furent exercées. Hénin et Descorches, des traîtres qui méritent la guillotine, ont dépensé inutilement 40 millions, à Constantinople, et même 70, si l'on évalue les diamants d'après la taxe des joailliers. Tantôt c'était le reis-effendi , tantôt le capitan- pacha que Ton ne pouvait gagner; le résultat final fut une neutralité qui se comprenait d'elle-même. Pour ce qui concerne la Suède, exa- minez les papiers; vous arriverez, j'espère, à cette conclusion qu'on ne doit payer que des alliés, mais non des neutres. En Danemark on a donné des sommes énormes à des hommes et à des femmes, pour du blé que l'on portait faussement à un prix exorbitant, et pour un maté- riel de guerre qui n'est jamais arrivé. En Suisse, Barthélémy, dont l'habileté est célèbre, prétend avoir employé 40 millions pour conserver la neutralité des cantons, qui jamais n'auraient osé risquer une guerre. A Gênes, le fripon Tilly a dépensé 74 millions, dont une petite part en achats de blé; le reste a été consacré à la formation d'un parti démo- cratique avec le fantôme duquel nous avons été constamment bernés. A Venise, Noël, un ancien dominicain et abbé, a gaspillé 100,000 écus. Garnot nous rendra compte des friponneries exercées en Toscane, on nous a vendu une influence mensongère. Monarchie ou république, il n'est pas un État dans toute l'Europe qui ait les mêmes principes que nous, et dont le gouvernement puisse nous être favorable. Je pro- pose donc la suppression de toutes les dépenses secrètes, et la publica- tion de toutes les correspondances, à l'exception de celle qui a eu lieu avec la Turquie. A l'avenir, le gouvernement traitera directement avec les agents, dans les pays ou les cours ennemis ou neutres.

Je ne sais si cet exposé a été imprimé à Paris, comme semJble l'indiquer l'introduction^ je le connais par une copie envoyée au gouvernement prussien, qui a été publiée alors à Berlin, et qui jamais, que je sache, n'a été démentie. Il concorde parlkitement avec la lutte qui existait alors entre les partis, et avec les récriminations bien connues de Saint-Just contre le désordre immense qui régnait dans l'administration. Il se peut que quelques-uns des chif!^ don- nés par lui n'aient pas été tout à fait exacts, que les dépenses de Barthélémy, par exemple, ne se soient pas élevées jusqu'à la somme de 40 millions; mais en général, il me semble que les notes citées plus haut, d'après les procès-verbaux du Conseil exécutif et du Comité de salut public, ne permettent pas de douter que le tableau

LA PEOPiGiNDB RÉYOLUTrOXIfAIRB EN 4793 ET 4794. 409

tracé par Saint-Just ne soit conforme à la vérité. Les corruptions exercées en Suisse sont encore confirmées par Mallet du Pan, et les menées d'Italie par les rapports de Tambassade. L'énormité des sommes parait d'ailleurs moins surprenante chez un gouvernement qui ne vivait que d'un papier monnaie dont la masse pouvait être arbitrairement augmentée, qui avait pour sa police intérieure un bud- get presque égal à celui de toute l'administration sous Tancien régime, et qui dépensait chaque année 4,440 millions pour une armée d'un million de soldats, c'est-à-dire 50 pour 400 au moins de plus que toute autre puissance. Si l'on ne peut dire que Robes- pierre et ses confidents intimes aient désiré un adoucissement au terro- risme, il est certain que depuis l'automne de 4793, ils visaient avec ardeur au rétablissement de l'ordre, de l'économie et de la subordi- nation dans le gouvernement révolutionnaire. C'est sans doute à cette fin qu'en décembre 4793, comme le rapporte M. Sorel, un des amis les plus intimes de Robespierre, Payan, fut envoyé à Genève, il fit des découvertes à la suite desquelles il demanda la révocation de Soulavie. Mais la majorité du Comité de salut public n'adopta pas plus cette proposition qu'elle n'avait adopté celle de Saint Just le 24 ventôse.

Extrait du rapport d'un agent russe à Paris. Ce rapport fut communiqué au roi de Prusse le 27 mai 4794 par l'impératrice Catherine, avec une lettre autographe du 27 avril, par laquelle Catherine fait remarquer l'importance du rapport et en garantit l'authenticité et les sources.

Jeudi, 6 mars, un confident de Kosciusko est parti des environs de Cracovie pour Paris, il est arrivé le 19 au soir. En Allemagne, il a voyagé sous Funiforme d'un officier prussien et le nom de Noscowen, avec un faux passe-port signé Mœllendorf ; en France, sous le nom de Piramo^ûtz, un Polonais, avec un passe-port des commissaires de la Convention. Sa dépêche est tout entière de la main de Kosciusko. Le général y informe le gouvernement français que le licenciement de Tannée polonaise Ta forcé à hâter l'explosion, et qu'il ne peut, par conséquent, rester fidèle aux plans arrêtés avec Hénin, Oescorcbes et les ministres turcs ^ Il dit que tous les chefs lui ont exprimé la même opinion, et qull a, en conséquence, donné connaissance de ce change- ment à la Porte, ainsi que do l'impossibilité d'un massacre simultané des Russes et des Prussiens, qui devait signaler le début du soulève- ment... U demande des subsides français, déclare qu'il n'a reçu que

1. V. plus bas la dépêche de Descorches.

440 tf^LlIVGKS ET DOCVinifTS.

1,300,000 francs, au lieu des 5 millions promis, et réclame iO millions pour le mots d'atril. On peut, dit-il, lui en envoyer la moitié par Gonstantinople ; l'autre moitié, en petites sommes, par B^hmann, de Francfort. Il demande des officiers d'artillerie et du génie. Il a appris que l'Angleterre négocie la mise en liberté de Lafayette et de ses amis, et il est prêt à les recevoir dans son armée. Il explique que, dans l'intérêt commun, la Convention nationale doit admettre qu'il ne se pose pas ouvertement en pur démocrate et en allié de la France. II ne doit pas le faire, quand ce ne serait que par égard pour le clergé, qui est très influent et qui est actuellement avec lui contre la Russie et la Prusse. Plus tard, le temps viendra on se débarrassera de toute cette écume. Il est sûr de provoquer en Grimée des soulèvements qui proba- blement décideront la Turquie à s'expliquer.

Le Comité de salut public a approuvé tous ses projets, môme l'emploi de Lafayette ; il a nommé Lafitte et Angèle ^ ses commissaires près de Kosciusko (Lafitte ayant refusé, Hivier, neveu de l'abbé Raynal, fut plus tard nommé à sa place), et chargé Robespierre, Saint-Just et Prieur de l'administration exclusive des affaires de Pologne.

Les agents français à Stockholm et à Copenhague ont présenté aux deux cours les propositions de leur gouvernement et sont satisfaits de l'accueil qui leur a été fait. Les deux États, assurent-ils, n'entreront jamais dans la coalition. Si la France peut tenir sûrement ses engage- ments, le gouvernement danois ne considère pas comme impossible une quadruple alliance contre la Russie (du Danemark, de la France, de la Suède et de la Turquie), dans laquelle on ferait plus tard entrer la Pologne. Les ministres suédois ont parlé dans le môme sens ; ils ont exprimé de l'inquiétude au sujet de l'anarchie qui règne en France et ont déclaré pour certaine une prompte rupture entre la Turquie et la Russie, attendu que la Russie y poussait tout aussi activement que les agents français à Constantinople. Mais, dans les circonstances actuelles, cette guerre serait désastreuse pour la Porte, et la France ne devait pas engager cette dernière dans un tel conflit sans l'avoir auparavant forti- fiée par des alliances efficaces. Toutes les dépêches suédoises de Saint- Pétersbourg dépeignent l'impératrice comme ardente pour la guerre turque, tandis qu'elle ne songe pas à faire marcher un seul homme contre la France ; la maison d'Anhalt déteste la maison de Bourbon '.

Le 3 de ce mois (mars ou avril, le rapport lui-même n'est pas daté) on lut au Comité de salut public des rapports de Hénin et de Descorches, du 30 janvier. Descorches garantit la rupture de la Porte avec la Russie, si on lui permet de feire encore un paiement

1 . V. plus bas la dépêche de Knobelsdorf, 18 janvier 1794.

2. On sait que Catherine était une princesse d'Anhatt-Zerbst.

LA PIOPiGAIfOB E^VOLOnOllIfillB B!l 4793 BT 4794. 444

aa caiHtan-pacha. Hénin écrit dans le même sens *, H lyoute qu'il a pris à rinsu de son eollègue toutes les mesures nécessaires pour exciter on grand soulèvement populaire à Gonstantinople, dans le cas le divan ne voudrait pas déclarer la guerre à la Russie; que d'ail- leors Descorches est un traître, vendu aux royalistes i, car il pousse trop vite la Porte à la guerre, sans attendre qu'elle soit suffisamment armée.

Rapport d'un agent hallandais à Paru le 4% juMet 4794. Ce rapport commence par un long extrait d'un plan d'expédition contre Cadix, avec cette conclusion : « Voilà Tabrégé de ce grand projet, dont j'ai eu le brouillon entre les mains pendant quatre ou cinq heures. Il est chargé de notes et d'observations de différents membres. J'ai reconnu l'écriture de Camot et de Couthon. » Puis suit ceci :

On a lu au Comité de salut public une dépêche de Tiliy, du 23 juin, après avoir parlé du projet toujours constant de révolutionner Gênes, il dit qu'au cas ce projet ne réussirait pas, il faudrait que le restant de la flotte qui est à Toulon et tous les bâtiments de transport vinssent mouiller au golfe de la Spezzia ; mais que, pour ce second projet, il &adrait attendre les gros temps de Pautomne pour que les escadres ennemies fussent obligées de quitter la mer ; qu'alors, en s'entendant avec l'armée de Nice, on réussirait certainement à révolutionner Grênes, ou tout au moins on la ferait contribuer ; qu'on pénétrerait en Toscane par Sarzane, Massa et Lucques, et qu'on* pourrait y lever des contribu- tions qui pourraient monter à la somme de 20 millions. On a répondu i Tilly qu'on avait mandé à Paris Robespierre le jeune, qu'il y était arrivé, qu'on adoptait tous ses plans, qu'on les exécuterait aussitôt que la troisième réquisition aurait complété l'armée d'Italie, qu'on envoyait Tordre au général Dugommier de se porter à l'armée de Nice avec 19,000 hommes de ses troupes, à moins que, vu l'état des choses en BqMgne, l'avis unanime des trois représentants du peuple à Perpignan ne l'obligeât à rester dans cette armée.

Le 9, on lut au Comité des lettres de Hénin à Constantinople, du 44 juin. Il dit que la Porte est décidée à la guerre contre la Russie ', qu'on doit les plus grandes récompenses au citoyen Muradgea ', que la Turquie a trente vaisseaux de ligne, etc. . . , que le capitan-pacha est

1. V. plus bis la dépêche de Ghtlgrin.

2. Ko ce moment précisément c'était une erreur. Pins têt, et pins tard, le pirU de la guerre l'emporta au Divan, jusqu'à ce que les rictoires de Souvarof sur les Menais eussent décidé définitivement en faveur de la paix.

S. Drogman de l'ambassadeur de Suède à Constantinople. V. plus bas les dipéehts de cette Tille.

442 MlÎLlIfGBS ET BOCUMBIfTS.

très content des derniers présents qu'il a reçus, que Muradgea a pensé qu'il faudrait lui envoyer quelques nouveaux présents en dia- mants, que la Porte vient de donner Tautorisation d'acheter et d'équiper à Smyrne des bâtiments en course dans tous les ports de Tempire, que Ton obtiendra à cet égard toutes les facilités que l'on désirera, en accordant, suivant la promesse faite par Muradgea, la moitié de toutes les prises au capi tan-pacha, qu'il y a des articles secrets signés avec la Pologne et des secours d'argent.

On lut dans le même Comité une lettre d'Ignace Potocky, en date du 20 juin. Il dit que les traités avec la Turquie sont très avancés, que la Suède et le Danemark exigent, avant de reconnaître la nou- velle république et de se montrer en sa faveur, qu'elle s'empare de quelque port sur la Baltique, qu'ils ont des intelligences à Dantzig et en Courlande à cet effet qu'ils vont mettre à profit, qu'ils deman- dent des secours d'argent avec les plus vives instances, et assurent que chaque jour la révolution polonaise adopte les principes de la révolution française.

Extraits de dépêches de Constantinople. L'ambassadeur de Prusse suit avec une grande inquiétude les oscillations du Divan. Il se plaint sans cesse du mal que font les corruptions de Descorches, et se réjouit ensuite de ce que la Porte n'a pas le courage de déclarer la guerre et rejette les propositions de l'agent français.

Le 6 septembre 4793, Knobelsdorf rapporte que Muradgea a déclaré au reis-effendi que la Suède et le Danemark sont décidés à soutenir la France de toutes leurs forces, si la Porte, par des subsides, les met en état d'attaquer la Russie; que ceci est évidemment dans l'intérêt des Turcs ; que là-dessus Descorches a eu une audience du reis-efTendi, auquel il a dépeint les malheurs qui menaceraient la Porte si la France était vaincue par la coalition ; que, en conséquence, il insiste sur deux mesures : il demande que la Porte s'efforce de décider l'Angleterre à conclure la paix avec la France, puis qu'au printemps suivant elle déclare la guerre à la Russie. Le 29 août, un grand conseil présidé par le sultan décide qu'il sera répondu à Des- corches que la Porte est prête à engager l'Angleterre à la neutralité et, en cas de succès, à entreprendre la guerre contre la Russie; mais qu'alors la France devrait promettre de lui envoyer 42 vaisseaux de ligne, 4 2 frégates et 50 vaisseaux de transport avec des troupes, et de lui rembourser les frais de la guerre, ainsi que les subsides payés à la Suède.

Knobelsdorf écrit le 24 septembre, très inquiet des tristes effets des menées de Muradgea et des corruptions de Descorches. La majo- rité du Divan est pour la guerre. En novembre, la chute de Toulon

LA PROPIGANDB R^TOLCTIOUNIIRE Elf 4793 ET 4794. 443

a considérablement affaibli cette ardeur belliqueuse, mais la reprise de cette ville fortifie de nouveau l'influence du parti de la guerre.

Le 48 janvier 4794, Knobelsdorf annonce au roi que Hénin et Cbénier ont dénoncé Descorches comme traître. Il ajoute qu'il doit encore y avoir à Constantinople un autre agent français, un ancien ofDcier russe, du nom d'Angeli, qui accompagnait l'ambassadeur Sémonville lors de son voyage à Constantinople, et qui s'était enfui dans les Grisons, par un heureux hasard, lorsque Sémonville avait été foît prisonnier.

3 mars 4794. Chalgrin envoie au baron Flachslanden un extrait détaillé des documents à l'aide desquels Descorches se défend à la Convention contre les accusations de Hénin et de Cbénier. C'est d'abord un long mémoire justificatif, du 26 janvier. Il y discute quatre points d'accusation : 4" Celui d'être en relations avec les ambassadeurs des puissances ennemies, et en particulier de l'Autriche. 2* Celui d'avoir laissé s'accroître à Constantinople, par une impar- donnable négligence, l'influence des royalistes français. 3^ Celui de s'être opposé à la formation d'un club jacobin à Constantinople. 40 Celui d'avoir fait un mauvais usage des sommes et des effets qui lui avaient été confiés. Descorches nie le premier fait; pour le deuxième et le troisième, il déclare que, s'il avait tenu une autre conduite, il aurait excité la colère des ministres turcs et perdu toute influence sur le Divan; pour le quatrième, il renvoie au compte qu'il a rendu à la Convention nationale, ainsi qu'à celui qu'il joint à sa lettre (non communiqué par Chalgrin) . Descorches accompagne cet exposé d'une lettre officielle, dans laquelle il se glorifie de l'amitié du capitan-pacha et de Sald-Ali-Bey. Il y dit qu'aussitôt qu'une flotte française paraîtra dans ces eaux, les Turcs commenceront la guerre contre les Russes et les Autrichiens; que les frégates françaises à Smyme font un tort considérable au commerce des Russes et des Autrichiens ; que son ami l'ambassadeur de Suède, dont il fait le plus grand éloge, lui a déclaré tenir de l'ambassadeur anglais que l'Angleterre n'enverrait pas de vaisseaux de guerre dans le Levant. A tout cela, Descorches ajoute encore une lettre personnelle adressée à Robespierre, pour solliciter sa faveur et demander à être nommé ambassadeur à la place de Sémonville.

24 décembre 4794. Knobelsdorf envoie au roi de Prusse une dépèche de Descorches, écrite quelque temps auparavant, comme preuve de l'activité de cet agent. Descorches y dit :

L'iosurrection polonaise, que j'ai su provoquer à temps ^, me sert par-

1. V. ci-deMos le rapport de l'agent russe.

Bvr. H18TOR. XI. i** FA8G. 8

444 iriuLfroBs it docuhkiits.

faitement, et le parti que j'en ai tiré pour faire concevoir ici des avantages sûrs est infini et se trouve heureusement appuyé par les hauts (alts d'armes de la République. Ce concours imposant de circonstances ne me laisse plus de difficultés à surmonter pour armer les Turcs contre les Russes et les Autrichiens, ce qui est le but de la Convention. J'ose même lui annoncer que mes conseils à cet égard sont écoutés et suivis, mes plans agréés et exécutés, que rien ne se fait sans que je sois con- sulté. S'il est quelques membres dans le ministère ottoman fluctuants ou d'un avis contraire au mien, j'ai pour moi leurs entours, et par eux j'en dispose ; j'influe dans tous les départements, parce que dans tous j'ai des gens qui me sont entièrement dévoués et qui m'informent de tout ce qui s'y passe. Celui de l'arsenal est en quelque sorte à mes ordres.... Le citoyen Lebrun construit à force et veille infatigablement à tout, etc., etc.

Rnobelsdorf confirme l'habileté de cet ingénieur firançais. Voyez plus haut le procès-verbal du Conseil exécutif, n octobre 4793.

J'ajouterai encore la note suivante, qui, en admettant même qu'une partie seulement en soit fondée, confirme le jugement de Saint-Just et explique la prétendue pénurie pécuniaire des agents.

Knobelsdorf fait un rapport au roi de Prusse, le 47 août 4798, sur une conférence avec le reis-effendi. C'est l'époque du débarquement de Bonaparte en Egypte, et Ton conçoit que le ministre turc ne s'exprime pas en des termes précisément flatteurs pour les Français, n est d'autant plus irrité que, comme il le dit, la Porte, dans sa neutralité, a cependant toujours favorisé les Français. Entre autres marques d'amitié que la Porte a données à la France, dit Knobelsdorf, le reis-effendi cite un trait qui m'a beaucoup surpris; c'est que, depuis le sieur Descorches jusqu'au chargé d'affaires actuel, tous les agents français, vu que la grande pénurie de la République empêchait celle-ci de payer ses employés, ont eu recours à la Porte, et qu'à l'heure qu'il est, la mission française doit 500,000 piastres au trésor ottoman.

S'il en a réellement été ainsi, ces messieurs ont employé l'argent

de la France à corrompre les fonctionnaires turcs, et se sont à leur

tour fkit payer par le trésor turc.

Henri de Stbbl.

REPONSE DE M. Albert SOREL.

La communication de M. de Sybel est fort intéressante, mais elle ne se rattache qu'indirectement au sujet que j'avais traité dans la

u PROPiGiRDB RifvoLirrionmiiRB BR 4793 BT 4794. 445

Bevuê du 4*' juillet. Ce sujet était très précis et très limité : « La diplomatie secrète dm Comité de salut public avant le 9 thermidor. » M. de Sybel s'étend sur les faits et gestes du ministre de la Répu- blique à Constantinople; les rapports du ministre prussien Rnobels- dorf Bur les manœuvres de Descorches et de Muradgea sont des documents qui méritent Tattention, mais qui appellent la critique; ils étaient connus dans leur ensemble et leurs conclusions principales : ils forment en effet le fond du récit de Zinkeisen : Geschichte des asmanischen Reiches, livre VIII, ch. m. Mais ce sujet de la diplo- matie révolutionnaire en Orient nécessite une étude à part, une étude approfondie. J'espère la présenter aux lecteurs de la Kevue historique ; je ne voudrais pas Taborder incidemment et par un très petit côté; je me promets, quand je traiterai cette question, de profiter des documents que M. de Sybel nous a fournis.

Je reviens au sujet de ma notice du 4*' juillet. Je n'ai pas nié qu'il y ait eu de la propagande, « des émissaires en nombre considérable », mais je contestais que ce fameux Comité de la Terreur eût fait en matière de diplomatie, comme Pavait dit M. de Sybel, a ce que Camot faisait pour les affaires militaires, d Je concluais qu'il n'y avait eu sous ce rapport que « des velléités et des essais incohé- rents, D et je citais des témoignages péremptoires, ceux des agents eux-mêmes, avouant après le 9 thermidor que pendant la période de la Terreur ils n'avaient pas reçu d'instructions et n'avaient pu rien 6dre.

Les notes que cite M. de Sybel ne contredisent en rien les docu- ments que j'ai produits; si toute l'activité du Comité se réduit aux faits qu'il allègue, sUl n'a pas d'autres données, ni d'autres preuves, c'est bien le cas de conclure qu'il n'y a eu que « des velléités et des essais incohérents. » J'ai contesté les 40 millions qu'aurait dépensés Barthélémy. J'ai eu entre les mains la correspondance de cet agent qui est très abondante, très complète, et dans un ordre parfait. Je n'y ai trouvé aucune trace de ces millions et des corruptions aux- quelles ils auraient été employés. M. de Sybel ne cite à l'appui de sa thèse que cette phrase d'une diatribe de Saint-Just : « En Suisse, Barthélémy , dont l'habileté est célèbre , prétend avoir employé 40 millions pour conserver la neutralité des cantons, qui jamais n'auraient osé risquer la guerre. » Est-ce donc sur cette simple asser- tion que M. de Sybel s'est fondé quand il a écrit que Barthélémy avait employé « la plus grande partie de cet argent à provoquer une alliance dont la conclusion se faisait toujours attendre »? L'interpré- tation serait bien large ; mais la source est plus que douteuse. Si l'on en était réduit aux allégations des terroristes dans leurs discours, on

446 lléUNGES ET DOCUMENTS.

ferait Phistoire avec des figures de rhétorique. U fout des preuves et non des amplifications oratoires. D'ailleurs M. de Sybel, qui prend à la lettre les déclarations de Saint-Just, ne peut nous dire s^il s'agis- sait de millions en espèces ou de millions en assignats, ce qui modi- fierait singulièrement et dans tous les cas les termes du problème.

Je me félicite fort d'avoir provoqué M. de Sybel à adresser à la Revite historique la note que Ton vient de lire, et me réservant de traiter à part et avec le détail nécessaire, de la diplomatie offlcieUe de l'an II, particulièrement en Turquie, je me crois autorisé à main- tenir mes conclusions *. « Barthélémy n'a point joué en Suisse, avant le 9 thermidor, le rôle que lui prête l'historien allemand, et la diplomatie secrète du gouvernement de Robespierre n'a eu ni l'orga- nisation, ni l'importance, ni le caractère que lui attribuent M. de Sybel et M. G. Avenel. »

Albert Sorel.

BULLETIN HISTORIQUE

FRANCE.

Publications nouvelles : intiquitiî. L'Histoire d'Jsrœl de M. E. liCdrain comptera parmi les meilleurs manuels historiques de la collection publiée par M. Lemerre. Si condensée qu*elle soit, cette histoire se lit avec plaisir non moins qu'avec profit. C'est que Fauteur a su y faire passer le charme des récits bibliques en même temps qu'interpréter, à Taide des découvertes de Tassyriologie et de Tégypto- logie, les traditions recueillies dans la Bible. Nous signalerons parti- culièrement le chapitre sur la civilisation hébraïque après rétablisse- ment des Hébreux dans le pays de Chanaan. L'auteur y a réuni des notions précises sur les principaux éléments de cette civilisation : religion, culte, famille, propriété, etc., Forganisation politique seule reste un peu dans le vague. La supériorité de la législation mosaïque au point de vue de la condition de la femme y apparaît nettement, dnsi que le caractère riant d'une religion qui passe généralement pour être nue et sombre. Nous ferons le meilleur éloge qu'on puisse adresser à un pareil livre en disant qu'il nous parait propre à éveiller chez les jeunes gens le goût des études sémitiques.

Le livre de M. Paul Guiraud^ mérite aussi un éloge sans réserve. Dans ce travail, qui lui a valu le titre de docteur et les félicitations chaleureuses de ses juges, notre collaborateur a repris, après Mommsen, la question de savoir de quel côté était la légalité dans la lutte entre César et le Sénat et il lui a donné une solution contraire à celle de Mommsen, en se prononçant pour le Sénat. Pour démon- trer sa thèse, pour faire connaître les armes que la constitution met- tait à la disposition des deux adversaires, M. Guiraud a expliquer le caractère et le rôle de ces institutions, de ces magistratures, qui, en se faisant réciproquement équilibre, avaient assuré à l'origine la liberté des citoyens, et il a éclairé d'une vive lumière certaines

t. Le Différend entre Cétar et le Sénat (69-49 avant J.-C.). I vol. in-8*, Hachette.

us BULLETIN HISTOEIQUB.

parties du droit public romain. Tout en envisageant le débat entre César et les conservateurs surtout au point de vue de la légalité, l'auteur ne se fait aucune illusion sur la vertu et Tavenir des insti- tutions que César met en péril -, il les montre sans cesse faussées ou même ouvertement violées et vouées à une ruine fatale et prochaine. Il a aussi rapidement, mais flnement, indiqué le rôle des personnages influents de la République et l'attitude des partis, introduisant ainsi une certaine variété, une certaine vie dans un travail qui reste cepen- dant avant tout une discussion juridique. Le sentiment juste et péné- trant de la vie publique romaine et la netteté de rargumentaiion font de ce travail un modèle.

La thèse de M. Paul Allard^ est loin d'entraîner la conviction comme celle de M. Guiraud. M. Allard a entrepris de démontrer que le christianisme n'a pas porté atteinte aux œuvres de Fart antique. Il a traité cette question d'une façon ingénieuse, mais sans une indé* pendance d'esprit suffisante. Tout ce qui résulte de son argumenta- tion, c'est que la conservation des produits de l'art païen Ait le vœu de quelques esprits élevés appartenant au christianisme, que les premiers empereurs chrétiens durent garder certains ménagements envers un culte qui comptait encore beaucoup d'adeptes et qu^ils trouvèrent plus utile de convertir les temples en églises que de les détruire. Mais il y a loin de à tolérer l'exercice du paganisme et à respecter Part païen. Il n'est pas besoin de chercher ailleurs que dans le livre de M. Allard les preuves du vandalisme chrétien. C'est lui-même qui nous apprend que le sénat de Césarée Qt détruire des temples de Jupiter, d'Apollon et de la Fortune (p. 53), c'est lui qui reproduit le principe posé par saint Augustin que les idoles doivent être détruites lorsque les propriétaires des terrains elles se trou- vent sont devenus chrétiens (224), c'est lui qui nous dit comment les chrétiens traitaient les sarcophages décorés de scènes idolatriques (248), lui qui rapporte, en laqualiûant d'intelligente transformation, la façon violente et assurément peu respectueuse pour l'art dont saint Colomban et saint Gall consacrèrent le temple d'Arbon au dieu des chrétiens (270-274), lui enfin qui nous montre le concile de Garthage sollicitant l'autorisation d'abattre des temples (279) -, il ne nous cache ni la destruction des temples de Gaza, de Cypre, de la Phénicie, du Liban, ni celle du Serapeum d'Alexandrie ^, ni Tédit d'Honorius

1. VArt païen sous les empereurs chrétiens, 1 toI. iii-12, Didier.

2. L'auteur ajoute foi à la tradition qui attribue la destractioa de la bibliothèque d'Alexandrie au calife Omar. S'il avait lu TarUcle de M. Ghastel pubUé ici même (I, 484 et Buiv.), il saurait que le fondement aur lequel repose cette tradition est fort peu solide et que la bibliothèque fut enveloppée dans la destmctioo du

et d*Arcadius ordonnant la destruction des temples des campagnes, ni la règle tracée par Grégoire le Grand, suivie dès le \y et le siècle et qui, en épargnant les temples, condamne les idoles à la destruc- tion, n est vrai que tous ces &ils s'expliquent pour M. Allard par des circonstances particulières, tantôt par des soulèvements spon- tanés des populations, tantôt par l'immoralité scandaleuse des cultes célébrés dans les sanctuaires païens. Les lecteurs de M. Allard juge- ront si les faits qu'il nous présente comme des exceptions ne consti- tuent pas au contraire la règle; ils s'étonneront aussi, croyons-nous, que Fauteur ait méconnu le sens profond du paganisme et qu'il n^y ait vu qu'un fétichisme grossier.

MoTB5 A6B. M. le comte Riant a donné, diaprés quatre-vingts manuscrits, une édition nouvelle de la lettre apocryphe d'Alexis Gomnène au comte de Flandre Robert le Frison ^ U a fait suivre le texte original de deux versions allemandes, de quatre lettres latines authentiques destinées à servir de comparaison avec celle qui est ftoisaement attribuée à l'empereur, enfin d^un canevas de sermon de croisade dont la composition est antérieure à la seconde des guerres saintes. Dans une introduction qui se distingue, comme tous les tra- vaux du même auteur, par l'abondance des informations bibliogra- phiques et par la netteté, le comte Riant a discuté l'authenticité, l'origine et la date de la lettre. 11 n'a pas eu de peine à en démontrer la &usseté à rencontre de Sybel et de Hagenmeyer; argumentant principalement du silence de ce document sur la sainte lance de Constantinople, il a fixé la date de sa composition entre 4 098 et 4 099 ; enfin il pense que la lettre a pour auteur un clerc rémois, peut-être Robert le Moine.

M. Jules Quicherat s'est délassé de travaux plus austères et de plus haute portée en refondant et en complétant le mémoire qu'il avait inséré il y a plus de trente ans dans la Bibliothèque de V École de$ chartes sur Rodrigue de Villandrando^. Les chroniqueurs offrent peu de ressources pour écrire la biographie de ce condottiere du xf* siècle, et la première difHculté du sujet était de reconstituer sa vie errante en cherchant dans les histoires et les archives locales la trace de son passage. M. Quicherat est parvenu à le suivre dans la (riupart de ses campagnes ; depuis 4409 jusqu'à la veille de sa mort,

flarapeuB, qui ent pour antears, au ly* siècle, Théophile et les chréUens d'Alexandrie.

1. ÀlexH I Comneni Romanorum imperatoris ad Robertum I Flandrix eomikm epUiola spuria. 1 vol. Leroux. Tiré à 351 exemplaires.

2. Rodrigue de VillandrandOy l'un des combattants pour l'indépendance prançaùe au XV siècU. 1 vol. ia-8*. Hachette.

420 BULLETIN H18T0RIQDB.

il ne Ta complètement perdu de vue que pendant les trois années qui suivent la bataille de Verneuil. On sent combien cette vie aventu- reuse offrait un sujet favorable au talent de Fauteur ; un récit qui aurait, sous la plume d'un autre, difficilement échappé à la mono- tonie, devient, grâce au style franc, original et savoureux de M. Qui- cherat, attrayant comme un roman d'aventures. Mais son livre n'est pas seulement un modèle de narration; il nous met sous les yeux l'indiscipline des bandes qui faisaient alors la plus grande force des armées et les alarmes continuelles qu'elles causaient aux campagnes et même aux villes. Nous ne ferons à M. Quicherat qu'un reproche : c'est de nous avoir présenté Rodrigue comme l'un des défenseurs de l'indépendance française au xv* siècle. S'il a servi la cause royale à Anthon et ailleurs, ce n'est assurément pas par dévouement pour cette cause, mais parce qu'il y était rattaché par ses intérêts et ses alliances de fomille.

Le livre que nous venons d'apprécier nous montre un auteur supé- rieur à son siyet; c'est le contraire qui est vrai pour M. Paquier et son ouvrage, VHistoire de Vunité teniloriale et politique de la France^. Cet ouvrage est le recueil de conférences fkites à l'hôtel de ville de Versailles devant un public nécessairement composite et iné- galement préparé. Cette origine n'excuse ni la banalité des vues de l'auteur ni les erreurs et les lacunes de son œuvre. L'exposition de M. Paquier est claire, intéressante, ses leçons ont réussir auprès du public qui vouait s'y distraire et s'y instruire, mais la nouvelle forme qu'il leur a donnée en foit apparaître Tinsuffisance. Les crnnirs y sont assez nombreuses : les unes montrent que M. Paquier n'est i^as au courant do la science, qu'il ignore les résultats auxquels ollo est arrivi'e depuis longtemps déjà sur des questions d'une réelle importance, les autres ne s\^xpliquent que |>ar mie singulière légè- reté, d'autres enlln proviennent do ce qu'il a niai compris certains èvénomenls. C'est Ihult^ do s'être tenu au courant des progrès de la science que M. I^quior considère la Pragmatique sanction et les établissements qui portent le nom de saint Louis comme des œuvres de ce prince, et qu'il attribue à un seul auteur la chanson de la croi- siide contre les Albigovùs. Ciunniont ne (vis taxer M. Paquier de UVgèrotè quand on lit ses dètlnilions du villain, du surcens ip. 126), de la taille il 27, du maire du [Kilais ^ 140-14 r, quand on le voit r«l\i9or aux ci>mtos mérovingiens le (XHivoir militaire ^98i, compter le duché de Hn'tagne (virmi les a^vtnages de la couronne (H 2), nuHlnî Philippe-Auguste auniessvms do Richard Ciwr-de-Lion pour

FBINCE. 424

Fesprit politique (462), attribuer au premier la flxation du nombre des pairs (467), faire deux recueils différents du Digeste et des Pan- dectes (226), etc. Enfm, avons-nous dit, M. Paquier s'est trompé sur le caractère de certains événements. G^est à tort, par exemple, qu'il a vu dans la révolution de 987 la revanche de Testry, le triomphe de la Neustrie sur FAustrasie. A cette date, la lutte de l'élément germa- nique était terminée, et Tavènement de Hugues-Gapet consacrait non la prépondérance d'une race, mais rétablissement définitif d'un régime social et politique, du régime féodal. Du reste, les vues fausses de ce genre, les abus de l'esprit de système sont rares dans Touvrage que nous annonçons, parce que cet ouvrage manque de vues, parce que tout essai de systématisation y fait défaut. 11 semble avoir été écrit, non d'après les travaux spéciaux de Térudition contempo- raine, mais d'après des notes de collège. Il est, nous le répétons, clair et intéressant, mais dépourvu de sûreté, d'originalité et de pro- fondeur.

Temps modernbs. M. Gasteinau compare quelque part son livre ^ à une fresque, mais une fresque n'échappe pas aux lois de l'unité, de la composition, de la proportion. Si nous voulions emprunter à la peinture un terme de comparaison propre à donner une idée du livre dont il s'agit, nous dirions qu'il fait penser à ces toiles Tartiste, tout en cherchant l'inspiration et la forme qu'il doit donner à sa pensée, jette toutes les fantaisies qui se présentent à son imagi- nation. Les Médicis ne forment nullement le centre du tableau de M. Gasteinau, et, à vrai dire, ce centre n'est nulle part. Les rappro- chements inattendus, les copieuses analyses, les citations multipliées déconcertent ou fatiguent l'esprit. La trame est si lâche que tous les souvenirs des lectures de l'auteur viennent s'y insérer et lui donnent l'air d'une bigarrure. Aussi l'impression que laisse le livre est des plus confuses et l'auteur reste bien loin du but qu'il s'était fixé et qui consistait à mettre en lumière certains types de la renaissance et à &ire ressortir les liens trop méconnus qui la rattachent au moyen âge (Avertissement), Il est regrettable qu'il n'ait pas su s'as- treindre à un plan et se renfermer dans son sujet, car son livre abonde en aperçus ingénieux et témoigne d'un esprit très libre et très ouvert, du sentiment vif et délicat de la renaissance italienne s.

1. Les Médicis. 2 vol. in 8*. Calmann-Lévy.

2. Ce seDUment ne s'associe pas toujours à la connaissance des plus récentes et des meilleures autorités : ainsi sur Laurent le Magnifique M. Gasteinau ne ren- Toie qu'à l'ouTrage TÎeilIi de Roscoe, bien dépassé par celui de Reumont, et il ne cite nulle part Tourrage de Villari sur SaTonaroIe.

422 BULLBTin HISTORIQUE.

Quand M. Gaslelnau saura farre on livre, U a tout ce qu'il faut pour en faiire d'excellents.

On trouve moins de largeur d'esprit, mais beaucoup plus de méthode dans le livre du vicomte de Meaux : Les luttes religieuses en France au X VP siècle * . Ce n'est pas une histoire des guerres de religion que M. de Meaux a voulu écrire; il s'est proposé seulement de rechercher comment ces guerres ont assuré au catholicisme la prépondérance et au protestantisme la tolérance. A vrai dire, ce n'est pas la tolérance dans le vrai sens du mot que les protestants obtin- rent à la fin de ces longues luttes-, l'édit de Nantes leur accordait à la fois plus et moins que cela, puisque, en même temps qu il limitait le libre exercice de leur culte, il leur assurait des privilèges et une organisation indépendante. Mais si les protestants durent attendre jusqu'à la Révolution pour connaître une tolérance véritable, l'édit de Nantes n'en consacra pas moins pour eux la liberté du culte sous la seule forme alors possible. Des deux questions que M. de Meaux s'est posées : comment la France est-elle restée catholique, comment le principe d'une tolérance restreinte estril parvenu à se fâiire accepter, l'auteur n'a répondu qu'à la seconde. Il n'a pas dit pourquoi le pro- testantisme, si bien approprié au génie français par la forme logique que lui avait donnée Calvin, si bien accueilli d'abord par les classes lettrées, avait cessé de fsùre des progrès, avait décliné et Gnalement était resté la religion d'une inflme minorité. Quant aux circonstances qui ont amené la paix religieuse et qui ont fondé sur le privilège la liberté restreinte du culte réformé, le vicomte de Meaux n'en connaît pas d'autres que celles qui sont connues de tous : la las^tude des guerres civiles, l'impossibilité reconnue de déraciner l'hérésie par le îér et le feu, et surtout le taâl que l'héritier du trône se trouva être un protestant. Nous en avons dit assez pour montrer que le livre de M. de Meaux, peu nou\'eau par les fkits, ne l'est guère plus par les idées, mais nous sommes loin cependant de le considérer comme un livre sans utilité et sans valeur. Catholique convaincu, le vicomte de Meaux a parlé du protestantisme avec une louable impartialité-, il a consciencieusement étudié les principaux documents contemporains, comme les principaux ouvrages de seconde main publiés de nos jours; un souffle élevé circule dans son œu\Te, qui est composée et écrite avec talent et qui peut être recommandée conune une synthèse attacluinte et exacte d'une des périodes les plus émouvantes de notre histoire.

On aurait, au contraire, le droit d'être sévère pour le livre de

ntiifCB. 4 23

M. Guadet% si on y cherchait, comme sa préfoce nous invite à le bire, le fruit de quinze ans d'études et d'un commerce familier et constant avec Henri lY. On peut être plus indulgent si on ne le con- sidère que comme un aperçu groupant, à Tusage de ceux qui abor- dent pour la première fois l'histoire de Henri IV, les principaux résultats auxquels peut conduire Tétude des Lettres missives. Toute- fois, même en le jugeant à ce point de vue, le livre de M. Guadet, qui se compose en partie d'un choix de lettres et de discours du chef de kt dynastie des Bourbons et qui n*est pour une bonne part que la reproduction du travail inséré par lui au tome IX des Lettres mis- iiveSf même à ce point de vue le livre de M. Guadet laisse à désirer. G*est que, pour tirer parti des Lettres missives, il faut connaître autre choee que ce recueil et les Économies royales^ c'est qu'il faut en réalité connaître toutes les sources historiques de cette époque et les principaux travaux de la critique moderne. Que M. Guadet ne remplisse pas ces conditions, c^est ce que prouvent notamment et Fusage sans réserve qu'il fait des Économies de Sully et sa foi dans la réalité du grand dessein.

L'ouvrage de M. Berthold Zeller^ a sur celui de M. Guadet Tavan- tage d'être puisé à des documents inédits. M. Zeller y reprend la tentative de réhabilitation commencée par M. Cousin eu faveur du due de Luynes. Si nous nous servons du mot de réhabilitation, c'est parce qu'il caractérise l'intention avouée de l'auteur, ce n'est pas qu'il soit à sa place en un pareil sujet. Le connétable de Luynes n'a pas besoin d'être réhabilité, par la bonne raison que l'histoire lui a rendu justice bien avant M. Cousin et M. Zeller. Il n'est pas néces- saire d'aller bien loin pour trouver un jugement équitable sur ce personnage-, il suffit de le chercher chez le judicieux et naïf Griffet. Mais la vérité historique n'affrianderait pas un certain public si on ne lui donnait l'air du paradoxe. Il faut reconnaître du reste que M. Zeller, qui s'est peut-être cru original et hardi en affirmant le mérite du duc de Luynes, n'a pas surfait ce mérite. En louant le connétable d'avoir attaqué l'organisation politique du parti protestant et d'avoir tenu tête à la maison d'Autriche, dans la question de la Valteline, il s'est bien gardé de le mettre sur le même rang que son successeur. H a essayé de montrer le cas qu'il faut faire du duc de Luynes par l'exposé des événements qui ont rempli la dernière année de sa vie, celle à laquelle M. Cousin s'était arrêté. Il ne fout pas

1. Henri FV, sa vie, son ceuvre, ses écrits, l toI. Picard. % Le connétable de Luynes. Montauban et la Valteline, d'après le» archiTe» d-ItaUi. 1 Tol. in-S*. Didier.

424 BDLLBTIIf HISTORIQUE.

chercher dans le livre de M. Zeller une étude complète de la cam- pagne de Poitou et de Languedoc ni des négociations relatives à raffaire de la Valteline. Ceux qui connaissent son précédent ouvrage (Henri IV et Marie de Médicis] reconnaîtront ici le même procédé de composition. Ce procédé consiste à donner pour base au récit une certaine classe de documents inédits, à les faire entrer par analyse ou par extraits dans la trame de ce récit, à ne pas tenir compte des autres documents ou à n'emprunter qu'aux plus connus d'entre eux quelques traits indispensables pour compléter les données fournies par les premiers. Dans ce système, plus de critique des sources, puisqu'on donne la première place non aux plus importantes, mais à celles qu'on a découvertes-, plus de proportions dans le travail, puisque les parties les plus développées ne sont pas celles qui le méritent le plus, mais celles pour lesquelles les documents de prédi- lection offrent le plus de ressources. C'est ainsi que M. Zeller a presque constamment suivi, analysé, reproduit les correspondances diplomatiques qu'il a recueillies pendant sa mission en Italie, et dès lors, pour apprécier son livre, il suffit presque d'examiner la valeur des dépêches qui en forment la substance. Un assez grand nombre de ces dépêches, émanées du secrétaire d'État du saint-siège, du nonce, des ambassadeurs vénitien et toscan, sont insignifiantes, mais la plupart sont intéressantes et quelques-unes instructives. Les variations de la curie romaine dans l'affaire de la Valteline s'y pei- gnent d'une façon curieuse. On y trouve un récit intéressant de l'émeute provoquée à Paris par la mort du duc du Maine. On ne con- naissait jusqu'ici ni Pattitude résolue du roi au siège de Montauban, ni le dessein de la reine-mère et du comte de Soissons de profiter de la longueur du siège pour former un parti. On trouve un exemple frappant de l'indiscipline de l'armée et du peu de sécurité dont jouis- sait, en temps de guerre, la population civile, dans une dépêche l'ambassadeur vénitien raconte Tattaque dont il a été victime. En somme, la publication de M. Zeller doit être accueillie avec reconnais- sance pour les documents inédits dont elle nous apporte le texte ou l'analyse.

On ne peut se défendre d'une certaine mauvaise humeur quand on voit à quelles proportions mesquines M. Ernest Berlin a réduit le beau sujet qu'il a choisi comme thèse de doctorat ès-lettres '. Nous comprenons à la rigueur qu'il en ait négligé le côté juridique, qu'il n'ait rien dit, par exemple, du régime de communauté et du régime dotal, bien que celte différence de régime ait exercé une grande

1. Le$ Mariages dans l'ancienne société française» 1 vol. in^*. Hachette.

FRiNCB. 425

influence sur les rapports entre époux; pour traiter la question à ce point de vue, il faut être jurisconsulte. Mais quelle source d^intérêt M. Bertin a négligée en se renfermant dans la cour, au lieu de péné* trer dans quelques-uns de ces intérieurs bourgeois qui représentent, à bien plus juste titre que les familles de courtisans, les mœurs domestiques des Français des deux derniers siècles!... Du moment M. Bertin, faisant œuvre de littérateur plutôt que d'historien, traitait son sujet d'une façon tout anecdotique, du moment il ne s'occupait que des classes supérieures et ne puisait que dans des mémoires connus de tout le monde, son étude ne comportait pas autant de développements, et, malgré le talent de Tauteur, on ne peut s'empêcher de la trouver singulièrement prolixe. Les anecdotes ne peuvent plaire qu'aux lecteurs frivoles, lorsqu'elles ne servent pas à caractériser l'esprit et les mœurs d'une société. Or, il n'y a pas d'autre enseignement à tirer du récit de ces unions uniquement formées par l'intérêt et presque toujours malheureuses, sinon que l'orgueil nobiliaire, les convenances d'âge et de sentiment étaient habituellement sacrifiées à l'ambition et à la cupidité. Mais ne le savions-nous pas, et fallait-il plus de 600 pages pour nous le rappeler ? D y a une véritable monotonie dans des anecdotes qui prêtent tou- jours aux mêmes réflexions, et ce n'est pas sans fatigue qu'on achève un livre qui vise surtout à être piquant.

C'est aussi une étude sur les mœurs de nos ancêtres que M. le marquis de Belleval vient d'écrire S mais sans se placer, comme M. Bertin, à un point de vue unique, ni se renfermer dans une seule époque. Son livre est une série de tableaux de la vie privée du xiv^ au xvni^ siècle. M. de Belleval n'a pas su éviter les deux écueils opposés ont échoué presque tous ceux qui avant lui ont fait la mkne tentative : la diffusion et l'a peu près. 11 n'a pas su non plus résister à la tentation de présenter le fruit de ses recherches sous une forme artiflcielle, de faire parler nos ancêtres du x?» ou du xfii* siècle. Son ouvrage, avec tous les documents inédits que l'auteur a &ûi passer dans sa trame et qu'il a tirés pour la plupart de ses archives de fsimille, n'en est pas moins une œuvre de vulgarisation très instructive, écrite avec bonhomie et franchise.

La maison Charpentier a entrepris une édition complète des œuvres de Lanfirey. Cette édition s'ouvre par VÊglise et les philosophes au XVIII* siècle (\ vol. in-42), livre qui ftit le premier ouvrage de Lan- Irey. Nous ne laisserons pas passer cette occasion de rendre un Qoavel hommage à ce noble esprit en qui le parti qu'il honorait a

1. Nos pères, mœurs et ecutumes du temps passé, 1 vol. in-S*. Didier.

426 BULLBTI!! HISTOKlQUt.

perdu un modérateur si nécessaire et l'histoire un justicier si imin- toyable et si éloquent. Nous ne trouvons pas de mot qui caractérise mieux la fiiron dont LanfVey comprenait Thistoire; il y voyait une sorte de magistrature morale ayant mission de réhabiliter^ de récom- penser, de punir, de dégager des leçons d'une application directe ; par il se rapproche des historiens anciens qui cherchaient à la ikire servir à Féducation morale ou politique de leurs concitoyens. Cette préoccupation devait l'attirer presque exclusivement vers les périodes les plus récentes et donner à ses livres un accent personnel et pas- sionné qui va au cœur, non sans inquiéter un peu Tesprit. Ce carac- tère subjectif qui distingue son dernier ouvrage, V Histoire ds Napo^ léon, est encore plus prononcé dans l'ouvrage par lequel il débuta à vingt-sept ans et que Ton réimprime aujourd'hui. Jeune par la verve, le ton absolu et ca\'alier des jugements, ce livre témoigne en même temps d'une maturité remarquable par rindépendanee de Tauteur à r^rd des idées reçues, la finesse de certains aperçus, la sûreté et la vigueur du style. Écrit en quinze mois', le livre de Lanfiney n*est pas un tableau complet de la lutte de TÉglise et des philosophes au xviii* siècle, il n'en retrace que certains épisodes et, en ce qui touche les doctrines de ces philosophes, il est bien inférieur aux ouvrages de Bersot^ et de Taine'. Mais, en revanche, avec quelle finesse et quelle puissance il nous foit connaître le caractère et le rôle du jésiiî* tisme au xtiii* siècle!

Si attachants et si utiles que soient les efforts des historiens pour fkire comprendre le mouN-eniont et le conflit des Idées dans le passé, rien ne nous (kit coimaitre la vie morale des générations qui nous ont précédées conmie les souvenirs des contemporains, lorsque ces con* temporains n'ont pas écrit en vue de la postérité, qu'ils n'ont pas un nMo à justifier ou à arranger, qu'ils n'ont été mél^ aux grands évé- nements que pour en être les jouets passif^ les obscures victimes. C est a' qui ituid rautobîographie de M'^ Alexandrine dee Echerolles^ si précieuse et si captivante. M^** des Echert)Ues raconte ce que la Révolution a dit soiiflVir à elle et aux siens, sans ftùre le procès à la Révolution, sans déplorer la ruine de rancien régime, sans sortir du cercle des sentiments privés pour se placer à un point de vue général et politique. Ses souvenirs, d'une précision étonnante, nous fimt vivre de la vie des suspects, partager leurs émotions^ éprouver la

I. Vo5«i VHxtà^ bk^«phiqw, à la foi» chtiMreBtr H nesarée, qM M. ée 5. I.A nrigines ée to From^ C(»n1êmf»rmme^ i<mt I** : /'incini ft^iM«.

PRA!fCB. i 27

terreur qu*ib éprouvaient. Il est impossible de signaler tous les traits curieux que Phistoire peut tirer de ce livre; contentons-nous d'appeler l'attention du lecteur sur le massacre de Pierre-Cize, le siège de Lyon, la situation de la ville après l'entrée de l'armée républicaine, la vie des prisonniers aux Recluses et à Saint-Joseph. Nous devons de vife remerciements à M. René de Lespinasse pour avoir donné une publicité véritable à un livre qui méritait si bien de sortir du petit cercle de lecteurs en vue duquel il avait été publié dès 4843.

Le troisième volume de M. Henri Martin^ ne nous impose pas les réserves que nous avons ikire pour les deux premiers. L'impar- tialité est complète, les jugements sont fermes et élevés, le récit est dair et rapide, le style simple et sain. 11 n'y a qu'une chose à repro- cher à M. Martin : c'est l'absence complète de notes et de renvois aux sources.

M. Victor du Bled nous parait aussi en progrès-, son second volume^, il a resserré les treize dernières années d'un règne aux cinq premières duquel il avait consacré presque autant déplace, se rapproche plus que le premier du ton historique. En attendant sur le gouvernement de Juillet une histoire définitive, digne d'être mise à côté de VUisiaire de la Restauration de M. de Viel-Gastel, on peut lire avec confiance l'abrégé de M. du Bled. Il n'y a qu'un point sur lequel le lecteur devra être en garde : prévenu contre M. Thiers par le rôle qu'il a joué dans la dernière partie de sa carrière, l'auteur ne lui a pas assez rendu justice, il n'a pas montré combien sa politique s'inspirait du sentiment national, tandis que celle de M. Guizot se renfermait à l'excès dans les fictions constitutionnelles.

Entre le livre de M. du Bled et le volume par lequel M. C. Dareste vient de terminer sa belle Histoire de France, il y a la diflerence qui sépare un homme encore jeune, abordant l'histoire pour la pre- mière fois et y portant l'ardeur de ses convictions politiques, d'un historien éprouvé, maître du ton et des convenances du genre. M. Dareste ne s'est pas dérobé à l'obligation de juger les hommes et les événements qu'il avait à passer en revue de 48U à 4870, et ses jugements sont modérés et justes, mais il s'est donné surtout pour l&che d'exposer. Les lecteurs de son histoire savent combien son exposition est nette, précise, ferme. Elle parait seulement un peu deose, on y souhaiterait plus de légèreté, plus d'air. Cette impression tient en partie, sans doute, à l'absence de sommaires, tant en haut

t. Histoire de France depuis 1789 jusqu'à nos jours. Tome UI : du tnité de Gimpo-Formio à la retraite de Russie. 1 vol. iii-8*. Fume. 2. Histoire de la monarchie de Juillet, Deatu.

428

BOLLBTIIV HISTORIQUE.

des pages qu'ea marge et en tête des chapitres. La subdivision des livres par de simples chiffres qui ne s'expliquent que par la table des matières, n'accuse pas assez les différentes parties du récit et ne soutient pas assez l'attention. Du reste, à partir du règne de Louis- Philippe, le livre devient un simple sommaire des événements.

Le livre de M. Zeller* est intéressant, mais cet intérêt il le doit exclusivement à l'importance des événements qu'il retrace, aux émo- tions qu'il réveille. L'auteur n'est pas au niveau de son sujet. De ce sujet, aussi fécond en leçons politiques que captivant pour l'imagi- nation, il n'a tiré qu'un précis historique terne et superficiel. Ce précis garde le silence sur une foule de questions qui se lient étroi- tement à la fondation de l'unité italienne. Ainsi M. Zeller ne carac- térise nulle part la politique de la France envers l'Italie, il n'essaye pas de déterminer d'une façon précise les chances du fédéralisme, les sentiments que l'unité inspirait aux différents peuples de la Péninsule et aux différentes classes de la population, etc. Xon-seule- ment il se borne à raconter des événements présents à toutes les mémoires, mais ces événements eux-mêmes, il ne les juge pas avec décision et netteté, il n en précise pas le caractère et la portée; c*est habituellement sous forme interrogative qu*il présente ses appré- ciations. Le style se ressent naturellement de ce qu'il y a de flottant dans la pensée : il est mou et traînant.

G. FlGMEZ.

ORIENT.

RBAXB DES PRINCIFArX OUAIUGES ET ARTICLES RELATIFS

A L"ORIK2rr ANCIEN.

1,

En Êùt dourra^ embrassant 1 histoire enlim de rancîeii Orient classique, j^ ne vois £uèr^ pour 1 AUema^ne que deux edîUons nou- \Wles de Max Duncier^. e: la lrmiiicUv>D alkmande du livre de

rnMhe. 1S4»-

oRiKirr. 429

M. Maspero avec des additions de Tauleur et du traducteur, M. Richard Piestchmann ^ Il n'y a plus à faire Téloge de Thistoire ancienne de Duncker. Les deux dernières éditions ont été mises au courant de la science et complétées avec soin. Peut-être serait-on tenté d'observer que M. Duncker connaît ce qui a rapport à T Assyrie mieux qu'il ne con- naît ce qui a rapport à l'Egypte : du moins il semble ne pas avoir mis à profit tous les petits mémoires que les égyptologues ont publiés en Allemagne, en Angleterre, en France, en Italie, même en Norwège, sur des points d'histoire et d'archéologie. Son ouvrage, malgré quel- ques lacunes, n'en reste pas moins le meilleur des grands ouvrages qu'on ait publiés jusqu'à présent sur l'Orient ancien.

11 est fâcheux que M. Louis Schiaparelli n'ait pas encore trouvé le temps d'achever sa Storia Orientale Antica^, Le premier volume de la sixième édition, paru en 4874, donnait un résumé, très exact et très complet pour l'époque, de tous les renseignements que nous four- nissent les auteurs anciens et les savants modernes sur l'Egypte, la Ghaldée et l'Assyrie. Un abrégé du même auteur, publié à l'usage des écoles', n'a de parallèle en France que la Petite Histoire ancienne des peuples de FOrient de M. Van den Berg*. Ce petit livre, fait avec le plus grand soin, renferme en quelques pages plus de matière que bien des ouvrages plus ambitieux, V Histoire ancienne^ de M. GatTarel par exemple, et mériterait d'être introduit ofOciellement dans nos lycées. Je ne puis cependant m'empêcher de regretter que l'auteur

1875, ix-485 p.; 3ter B., 1875, viii-426 p.; 4ter B, t877, xii-593 p.; Vte Anflage, lier. Band, 1878, xyi-493; 2ter Band, 1878. xiii-606 p. *

1. G. Maspero s Geschichte der Morgenlxndischen VtBlker im Àlterthum, nadi der 2/en Au/lage des Originales und unter Mitwirkung des Verf asters lUfersetti von D* Richard Pietschmann , mit einem Vorworte von Prof essor D* Georg Ebers, vollstandigeni Regisier und einer lithographirten Karie, ^pzigt W. Eogelmann, 1877, in-8*, ix-644 p. La 3* édition française de l'original a paru en 1878. Paris, Hachette.

2. Storia Orientale Aniica di L. ScMapardliy Prof essor Ordinario nella R, Vniversità* di Torino, Vlta Edizion, Vol. 1; conUene l'Introduzione, i tempi primitÎTi, e la storia degli Egiziani, dei Caldei, degli Assiri, e dei Babilonesi. 1874, Torino, Tommaso Vaccarino. In-12, xxiv-472 p.

3. Sommario delta Storia Orientale di L. Schiaparelli, fatto dall' autore. 1874. Torino, T. Vaccarino. In-12, 150 p.

4. Petite Histoire ancienne des peuples de VOrieni, Égyptiens^ Assyriens et Babyloniens, Mèdts et Perses, Phéniciens, par Van den Berg, ancien élèTe de l'Ecole normale supérieure, professeur d'histoire et de géographie. Ouvrage rédigé d'après les découvertes les plus récentes et avec l'indication des sources, et conteoant 4 cartes et 24 vignettes. Paris, Hachette, 1878. In-16, 224 p.

5. Histoire ancienne des peuples de l'Orient jusqu'au premier siècle avant notre ère, par Paul Gaffarel, professeur à la Faculté des lettres de Dijon. Paris, A. Lmerre, 1876. In-16, 450 p.

ReV. HiSTOR. XI. U' FA8C. 9

430 BULLETIN HISTORIQUE.

ait cru devoir préférer à l'ordre synchronique des Cdts accomplis dans les difTérents états orientaux, Tordre successif, racontant d*abord rhistoire de TËgypte, puis celle de TAssyrie et de la Babylonie, puis celle de la Médie et de la Perse , et terminant par la Pbénide. De toutes les autres Histoires de TOrient dont on se sert dans les lycées et collèges, une seule a été jusqu'à présent mise à peu près au cou- rant des connaissances actuelles, celle de Dottain *. Le reste en est encore à Hérodote et à Diodore.

Je n'indiquerai que pour mémoire une brochure écrite en finnois de M. E. A. Strandman sur les derniers résultats des recherches faites en Eg^-pte et en Chaldée^. M. Valdemar Schmidt, dans son Histoire ancienne de VAssffrie et de tÉgypte\ a fort habilement résumé le résultat de ses propres recherches et des travaux de ses prédéces- seurs. Son livre n'est pas tout-à-foit un livre de science ; il n'est pas non plus tout<^-fait un livre de vulgarisation, car il renferme une forte proportion de caractères cunéiformes et d'hiéroglyphes. Il n'est pas non plus fort bien composé et se trouve alourdi par lln- sertion presque littérale d'un autre ouvrage 4u même auteur sur la Syrie ^. Enfin, le second volume, paru six ans après le premier, a si longtemps attendu Timpression qu^une partie des matériaux qu'il renferme était déjà insuffisante au moment de la publication. Telle qu'elle est, Ihistoire de M. Waldemar Schmidt est très estimable et aurait rendu un véritable service à la science, si elle avait été écrite dans une langue plus répandue que le danois.

M. Valdemar Schmidt est à la fois ass}Tiolagiie et égypUriogoe : M. Tabbé Vigouroux n*est ni Tun ni Tautre^ oomme on s'en aperçoit bien vile en lisant ses tnns volumes sur Lm BMe et les découvertes wuKtemes^, Les monuments n'y ont pas été éiudiês directement.

t. Prvctt é'kiamre mncéemMe^ rtttàfé eÊmftnmhmemS a ^r«ffit«»< de 1874, è fttjafr ée U eUsap 4e tucieme, fiw K. DôtUàk frofessKmr é^isloirt m lyeèt 4t TtrsttUes.. ^ fditîoi. rrrw et «^^Matoe. Fim, DdftUàk 1S7T. Im-lt, \9t p.

t. ICwsJraNMDi sitjr jMlktsis «sidWmjrjr, fêiU ^ifc,%uwl Itrma^irm kirféBê- stmétSM nteM».iS«a Tt^htMi .ut Bat -toM Moufen frmsf AufmM Hc. H<««àicfor<k y C. PraKàfiln >& IV9M hNM. t$?^ 1»4\ ^ f.

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ORIENT. i 34

l'auteur a se borner à reproduire l'interprétation qu'en ont donnée les savants spéciaux. C'est toujours une opération dangereuse : on est exposé à passer à côté du vrai et à ne prendre que le faux ou le douteux. M. l'abbé Vigouroux s'est acquitté fort habilement de sa tâche et a su faire le choix de ses autorités avec beaucoup de discer- nement. Son livre aurait peut-être plus d'autorité si le ton apologé- tique n'y dominait pas trop ouvertement. La plupart des articles qu'il renferme avaient déjà paru dans la Revue des questions histo- riques^ et l'auteur a déjà inséré dans la même revue de quoi ajou- ter un volume nouveau aux volumes précédents ^ Le dictionnaire archaïque de M. Cooper donne sous une forme brève un grand nombre de notices sur les différents noms d'hommes, de peuples et de dieux qu'on a déchifilrés sur les monuments hiéroglyphiques et cunéi- formes*; il est fâcheux qu'on y trouve, au milieu de beaucoup de bonnes choses, un certain nombre d'erreurs assez graves.

n.

L'activité a été grande depuis deux ans dans le camp des égypto- logues. En Angleterre, les Records of the Past^ et les Transactions of the Society of Biblical Archœology *, en France les Mélanges

roax, prêtre de Saint-Sulpice, avec des illustrations d'après les monuments par M. l'abbé DouiUard, architecte; précédé d'une lettre de Mgr l'éyéque de Rodez. Paris, Perche et Tralin, 1877. In-J2, t. I, 396 p.; t. II, 476 p.; t. III, 1879.

1. Cfr. Revue des Questions historiques, ayril 1879.

2. An Archaic Diciionary : Biographical, historicalf and mythological ; from the Egyptian, Assyrien and Etruscan Monuments and PapyH, by W. R. Cooper. London, Bagster, 1876. In-8% xvi-668 p.

3. Records of the Past, being English translations of the Assyrian and Egyptian monuments. Publisbed under the sanction of the Society of Biblical Archaology. Egyptian Texts : Vol. VIII, nov. 1876, ii- 168 p., plus 2p.de table ao commencement du volume; vol. X, 1878, ii-172 p., plus les 2 p. de table. I11-I2. London, Samuel Bagster et Sons.

4. Transactions of the Society of the Biblical Archxology. T. IV, 2d part, Dccember, 1875, 203-415 p.; t. V, Ist part, June 1876, 317 p., avec 15 pl. et un spécimen d'étoffe de momie, plus 3 p. non numérotées de membres nouveaux et le Catalogue of the Library of the Society of the Biblical Archxology, Lon- don, Harrison et Sons, 1876, xv-109 p.; t. V, 2d part, June 1877, avec six pl., nr-3t9-597 p., i-xxiv p. de listes et catalogue, et 2 p. de nouveaux membres Doo numérotées: t. VI, Ist part, January 1878, iy-304 p. London, in-8*. Publié jasqa'en 1877 chez Longmans, Green, Reader et Dyer; depuis 1878, à l'office de U Société, 33, Bloomsbury Square. Depuis 1878 les comptes-rendus des séances, publiés d'abord à la fin des volumes, ont été publiés séparément jusqu'en juillet 1878 eo s^ps, mal commodes pour la reliure, depuis le 5 novembre 1878 en bulletins mensuels de même format que les Transactions, sous le titre Procee-

432 BULLETIN HISTORIQUE.

(T archéologie Egyptienne et Assyrienne^ et le Recueil de travaux relatifs à l'Egypte et à P Assyrie^, la Bévue archéologique et le Jour» nal asiatique^ en AUemagae, la Zeitschrifï fUr jEgyptische Sprache und AUerthumskunde^ el la Zeitschrifï derD. Morgenl. Gesellschafftf ont publié un grand nombre de mémoires relatifs à Tantiquité égyp- tienne. Chaque partie de l'histoire d'Egypte a été étudiée tour à tour et a fourni la matière de diverses monographies qui ne sont pas toutes intéressantes au même degré.

L'ancien et le moyen empire ont peu fourni relativement. Cepen- dant le double calendrier du papyrus médical Ebers a servi de texte à plusieurs auteurs. Il s'agissait de déchiffrer le nom d'un roi de l'ancien empire dont ce calendrier donne une double date de l'an IX : M. Lepsius avait proposé la lecture Kerpherês^ à laquelle M. Edouard Naville arrivait aussi par des moyens différents^, M. Dûmichen la lecture Bicheris^. M. Chabas a montré sans réplique qu'il fallait lire Menkeri, soit le nom du Mykérinos d'Hérodote, du roi qui construisit la troisième des grandes pyramides^. II n'a pas été aussi heureux quand il a placé la double date qui s'attache à ce roi dans la troisième

dings of ihe Society of BiUical Archxology. Ont paru jusqu'à présent huit bulletins formant 46 p. numérotées au bas des pages, avec 4 pages non numé- rotées de titre et de table, et le Secretary's Report for ihe year, 1878, 6 p.

t. Mélanges d'archéologie égyptienne et assyrienne* Paris, Franck, 1877- 1878, t. III, t-160 p. et 12 pi.

2. Recueil de travaux relatifs à la philologie et à l'archéologie égyptiennes et assyriennes. Paris, Franck, in-4*. Vol. I, Ut. 2, 1877, p. 47-88 et 7 planches; liv. 3, 1879, p. 89-132.

3. Zeitschrifï fUr jEgyptische Sprache und Alterthumskunde, herausgegdben Ton C. R. Lepsius zu Berlin , unter Mitwirkung von H. Brugsch. Leipzig, J.-C. Hinrichs, 1876, in-4^ T. XIV, 148 p. et 2 pi.; t. XV, 1877 partir de ce moment en cahiers trimestriels munis chacun d'un titre et d'une table), 159 p. et 2 pi.; t. XVI, 1878, 116 p. et 8 pi.; t. XVlI, 1879, deux fascicules parus.

4. U^>er den Kalender des Papyrus Ebers und die GeschichiUehkeit der xltesten Nachrichten, Zbits. i£., 1875, p. 145-157.

5. Le cartouche du Papyrus Ebers, Zeits. M., 1876, p. 111-114.

6. Die erste bisjetzt aufgefwidene sichere Angabe ueber die Regierungsiêit eines xgyptischen Kcenigs aus dem alten Reich, welche uns durch den medi- cinischen Papyrus Ebers ueberliefert wird. Ton J. Diimichen, Professor der ^yptologie an der Universitœt Strassburg. Mit dem Ton Prof. Ebers herges- tellten genauen Facsimile der kalendarischen Notiz au f dem Ruecken des Papyrus Ebers. Leipzig, Engelraann, 1874, in-8«, 32 p. et 1 pi.

7. Détermination d'une date certaine dans le règne d'un roi de Vanden empire en Egypte, par Fr. Chabas. Extrait des Mémoires présentés par diTert saTants à l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Paris, Imprimerie Nationale, 1877, m-4*; cfr. Comptes-rendus de l'Académie des inscriptions, 1877» p. 140-141.

ORIENT. 4 33

période sothiaque avant noire ère, vers Tan 3040-3007. Le chiffre des années de règne et le nombre des rois connus des dynasties qui sépa- rent la quatrième dynastie de la dix-huitième nous forcent à reporter Hykérinos à une période sothiaque entière plus haut, soit vers Tan 4470-4467. Cette date, qu'on peut considérer comme exacte à une dizaine d'années près, est la première date fixe qu'on connaisse jusqu'à présent pendant toute la durée du haut empire égyptien. M. Krall, étudiant les documents relatifs à la vi* dynastie, conclut avec Mariette, que l'intervalle entre celte dynastie et la xii^ a été rempli par l'invasion d'un peuple barbare venu d'Asie, comme plus tard les Hyksos ^ : je ne vois rien dans les documents jusqu'à présent publiés qui justifie cette hypothèse. M. Maspero, dans la première partie d'un mémoire sur les inscrip- tions de Hammamât, a traduit les proscynèmes et les grafSti tracés sur les rochers de celte vallée par les ingénieurs que les rois de la V*, de la ti* et de la xi* dynastie y avaient envoyés chercher les Mocs de granit nécessaires à la construction de leur tombeau^; il a donné également la traduction de différentes stèles de la xii* dynas- tie', montré que le désert libyen était probablement dès lors habité par des tribus de langue berbère^, et indiqué le profit que les artistes gréco-romains avaient pu tirer des peintures des plus vieux tom- beaux égyptiens'. M. Ledrain a raconté, d'après ses propres tra- vaux et les notes prises au cours d'Égyptien du collège de France, ce qu'était la vie d'un grand seigneur féodal au temps des premières dynasties thébames^ Joignez à cela différentes traductions sans commentaire, celle de l'inscription de Beka par Ghabas^, celle de

1. Die Yorlxufer des Hyksos, tod J. Kral], Zbit. JE., \S79, p. 34-36.

2. Les monuments égyptiens de la vallée de Hammamât, par G. Maspero. I. Anden et moyen empire. Extrait de la Revue orientale, 1877, p. 327-341, in*8*.

3. The stèle C 14 ofthe Louvre by G. Maspero, dans les Transactions, toI. V, part 2, 1877, p. 555-562; reprinted from the Transactions, etc., in- 12, 8 p.— Sur une stèle du mvisée de Boulaq, dans le compte-rendu du quatrième congés des orientalistes de Florence (sous presse).

4. On the name of an Egyptian dog, by G. Maspero, dans les Transactions, Toi. V, part 1, 1876, p. 127-128.

5. Les peintures des tombeaux égyptiens et la mosaïque de Palestrine, par M. G. Maspero. Extrait des Mélanges publiés par l'École des hautes éludes. Paris, Imprimerie Nationale, 1878, in-8% p. 45-50. Reproduit ayec figures dans la GazeUe archéologique, 1879, p. 77-84.

6. Un grand seigneur féodal dans la Moyenne-Egypte dix siècles environ avani Moïse, par E. Ledrain, prêtre de l'Oratoire. Paris, Maisonneuve, 1876, ii-S', 24 p. Extrait du Contemporain du 1*' avril 1876.

7. Naliee sur une stèle égyptienne du Musée de Turin, par Fr. Cbabas, dans les Trantaetiions, toI. V, part 2; p. 459-474.

434 BULLETIN HISTORIQUE.

rinscription de Tan 50 du roi Montouhotpou par Fr. Rossi\ et rinterprétation ingénieuse qu'a donnée M. Ed. NaviUe de deux monuments du musée de Marseille, Tun consacré à célébrer les mérites d^un fonctionnaire de la xiii* dynastie qui vivait dans le Fayoum^, Tautre à perpétuer sous la xx* dynastie le culte du roi Teta de la vi*3. Sur la période obscure qui sépare la xiii* de la xYin"" dynastie, je ne vois guère à signaler que la note de M. Fr. Lenormant relative à un firagment de statue conservé à Rome, dont le type rappelle de fort près le type des rois Pasteurs, découverts à Sân^, et rheureuse observation de M. Erman qui montre dans le car- touche du Pap. Sallier I, 4/7 un titre et non le nom d'un roi pas- teur^.

La grande époque thébaine a été, comme toujours, Tobjet d*un bon nombre de travaux. H convient de citer en première ligne This- toire des six premiers souverains de la x?iii« dynastie par M. Alfred Wiedemann, un débutant en égyptologie^. C'est un ouvrage dont la forme n^a rien d'attrayant, mais dont le fonds est d'une incontestable utilité. M. Wiedemann a dressé l'inventaire de tous* les monuments des six premiers souverains de la xviii^ dynastie qui sont connus jusqu'à présent soit en Europe, soit en Egypte, et la bibliographie des mémoires qu'a suggérés l'étude de ces monuments. U n'y a guère que quelques légères erreurs à signaler çà et : l'ouvrage est indis- pensable à tout historien de l'antiquité. Des deux premiers rois de la xviii* dynastie, Ahmos I et Amenhotpou l*', on n'a trouvé rien à dire

1. Illtutrazione di una stela funeraria delV XI DinasUa M Museo di TorinOj Memoria di Fr. Rossi. Estratto degli AiH delta ReaU Accademia deUe Scienze di Torino, toI. Xill. Stamperia Reale di Torino, 1878, in-8% 22 p. et 2 tay. Le même monument ayait déjà été publié et traduit par Orcurti : DU- corso suUa Stotia ddV Ermeneutica Egizia accompagnato da una irUerpreUir zione ragionaia di alcuni Monnmenti del professore Pier Camillo OrcurtL Estratto dalle Memorie délia Reale Accademia deUe Scienze di Torino, classe di Scienze mor. stor. e filolog., série 2, tom. XX. Stamperia Reale di Torioo, 1860, in^*, 43 p. e 3 Ut.

2. Dans le Recueil^ t. 1, 3* fasc

3. Le roi Teta Merenphiah, par Ed. Narille, aTec 1 planche, dans la Zbits. 2E0., 1878, p. 69-72

4. Frammento di statua di uno dei pastori di Egitlo. Memoria di Fr. Lenor- mant (con tayola in fototipia). Estratto del BuUelino ddla ComnUssione ardi. communale di Roma, anno V, série II, Gennajo-Giugno. Roma, coi tipi del Salriucci, 1877, 15 p.

5. Dans un article intitulé : Varia, de la Zbitsghr. iEo., 1877, p. 27.

6. Geschichle der acMzehnten jEgjptischen Dynastie (fis zum Tode Tuâmes IIl, Ton Alfred Wiedemann. Leipzig, G. Kreysing , s. d., 76 p. in-8*. Separatib- druck aus der Zeitschrift der Deutschen Morgenlœndischeo Gesellschafl, Bd. ixxi.

ORIENT. 435

de nouveau \ Thoutmos P' a élé étudié par M. Mariette en ce qui concerne la part quMl prit à la construction des monuments de Karnak et les liens de famille qui le rattachent à ses successeurs *, et par M. Maspero en ce qui concerne la part qu'il prit à la reconstruc- tion du temple d'Osiris à Abydos^. Les tableaux du temple de Déir- el-Bahar! ont fourni à M. Mariette la matière d'un bel ouvrage il a avancé que le nom de Pount appliqué exclusivement à T Arabie devait être reporté sur la côte d'Afrique au pays des SomâP. M. Mas- pero, reprenant la discussion et rétendant à toutes les expéditions maritimes des Égyptiens connues jusqu'à présent, a montré que les peintures du temple représentent non pas une guerre navale, mais un voyage de découvertes entrepris par cinq vaisseaux*. Un monu- ment trouvé par M. Ascherson au désert, près d'El-Eyoun, dans la petite Oasis, et portant le nom de Thoutmos U, prouve que cette Oasis était dès lors sous la domination égyptienne^. Le règne de Thoutmos m a inspiré plus d'un mémoire intéressant, à M. Birch, sur l'inscription de Nibouaiou, grand-prêtre d'Osiris à Abydos®, et sur les estampages du tombeau de Rokhmirl acquis par le British Muséum à la vente de M. Hay^-, à M. Brugsch sur le grand-prêtre Amenhotpou qui joua un grand rôle en Egypte du temps de Thout- mos III et d'Amenhotpou III®; à MM. Chabas et G. Ebers sur le monument biographique de cet Amonemhib qui fit toutes les cam- pagnes de Thoutmos III et une partie de celle d'Amenhotpou 11^; à M. Maspero sur le conte il est question de la prise de Joppé par un officier égyptien ^^. Les grandes fouilles de Karnak et surtout la décou-

1. Dans le texte de son ouvrage sur Déir-^-Bahari, p. 35 sqq.

2. Revue crUiquey 1877, t. I, p. 362-363.

3. Detr-el-Baharf, Documents topographiques, historiques et ethnographiques recueillis dans ce temple pendant tes fouilles , par A. Mariette Bey. Leipzig, J. C. Hinrichs, 1877. Planches in-folio, 16 pi. Texte in-4*, 40 p.

4. De quelques navigations des Égyptiens sur les côtes de la mer Erythrée, par G. Maspero. Paris, 1878, in-8*, 32 p. Extrait de la Revue historique, 1879, D* de janvier.

5. NoUt, dans la Zaïrs. JEo,, 1876, p. 120.

6. Tablet ofthe reign of Thotmes JII, by Sam. Birch, dans la Zbits. Mq., 1876, p. 4-7.

7. Dans TarUcle intitulé : Varia, Zbits. i£o., 1877, p. 31-34.

8. Noch einmal Amenhotep, der Sohn des Hapu dans la Zbits. iEo., 1876, ^ 96-101.

9. Dos Grab und die Biographie des Feldhauptman Amen-em-heb, Ton Georg Ebers (mit 3 Taf) dans la Z. D. D. M. G., Ed. xzx, p. 391-416, Ed. xxxi, 439-470, et Comptes^endus de l'Académie des inscriptions ei bétles-leUres, 1873, p. 155-169, reproduit a^ec quelques modifications dans Mélanges égypto- logiques, III* série, t II, p. 279-306.

10. Comment ThoutU prit la ville de Joppé^ dans le Journal asiatique, 1878, et dans Études égyptiennes, t. I, p. 49-72.

436 BULLETIN HISTORIQUE.

verte des listes géographiques ont permis à M. Mariette d'essayer de reconstruire la carte géographique du monde ancien vers le (Ûx- huitième siècle avant notre ère^ Je ne parlerai pas des hypothèses aventureuses que M. Daniel Haigh a cru devoir émettre sur le même sujet^ ; dans mon opinion, les résultats auxquels M. Mariette était arrivé n'ont guère été modifiés que sur des points de détail, par M. Nœideke, au sujet de l'emplacement de la ville de Tounipi', par M. Lieblein , dans son mémoire sur les Rhitti ^, par M. Mas- pero, pour le groupe de villes cananéennes qui environnent le KarmeP. Pour les rois suivants, après la traduction donnée par M. Maspero de la stèle mutilée de Karnak Amenhotpou II racon- tait ses guerres en Syrie ^, et celle donnée par M. Brugsch de la stèle Thoutmos IV racontait l'apparition qu'il eut du grand Sphinx, pendant son sommeiF, je citerai sur Amenhotpou m le scarabée historique, publié par M. LudwigStem^, et celui qu'a com- menté M. Kminek-Szedlo^, et sur Harmhabi, qu'on s^obstîne à vou- loir appeler Horus tout court, les études de Birch^®, de Brugsch'*, et d'Edouard MeyeH*. La xix^ dynastie a été relativement négligée par les égyptologues.

1 . Les lûtes géographiques des Pylônes de Karnak comprenant la Palestine, l'Eihiopiey le pays des Somâl, par Auguste Mariette-Bey. Ouvrage publié sous les auspices de Son Altesse Ismaîl, khédive d'Egypte. 1875. Leipzig, J.-G. Hein- richs. Texte in-4*, 66 p. et une table ; atlas in-folio de 6 cartes.

2. On the Shasurpeopte, by Daniel Hy. Haigh, dans la Zktts. M., 1876, p. 52-57.

3. Tunip und Charbu, Yon Th. Nœldeke, 1876, p. 10-11.

4. Étude sur les Xétas, par J. Lieblein, dans les Travaux de la troisième session du Congrès international des orientalistes, Saint-Pétersbourg, t. U, p. 345-364.

5. Pioles sur différents points de grammaire et d'histoire, dans la Zbits. M., 1879, p. 54-55.

6. Id,, Wid., p. 55-58.

7. Der Traum von Kœnigs Thutmes IV bei der Sphinx, von H. Brugsch, dans la Zetts. JE., 1876, p. 89-95.

8. Dans une note du très remarquable mémoire intitulé : Hieroglyphiseh' Koptisches, Zbitsch. ^Eo., 1877, p. 87, note 2.

9. Prolusione al Corso libero di Egiitologia nella R. Università di Bologna [letta il 22 novembre 1878) e Lezione sopra gli scarabei di Amenofi III e di Ramesse III del Museo civico di Bologna, letta il 28 febbraio 1879, da Gio- Tanni Kminek-Szedlo, docente libero di Egittologia nella Regia Università di Bologna. Bologna, Monte, 1879, 32 p. et 1 pi. Les scarabées de Ramsès III du musée de Bologne sont faux.

10. Inscription of Horemhebi on a statue at Turin, by S. Birch, LL. D., etc., dans les Transactions, t. III, 486-495.

11. Dans un article intitulé : Die Gruppe mdn, Zxits. iEo., 1877, p. 122, 123.

12. Die stèle des Hor em héb, von D' Ed. Meyer, dans la Zjuts. iEo., 1877, p. 148-157.

ORiBirr. 437

M. Pleyte a écrit en hollandais sur la campagne de Ramsès II contre les Kliitti un mémoire que peu de personnes connaissent, et qui est fort intéressant quand on a le courage d'en affronter la lecture dans la langue originale *. M. Lincke a fait connaître les correspondances de scribes du papyrus de Bologne^, et M. Widemann celles du papyrus Kœller^. M. Erman a traduit et commenté; après M. Ghabas, le curieux fragment sont conservés les noms moitié sémitiques, moitié égyptiens, d'une partie des ofTiciers en garnison à Gaza, au début du règne de Ménephtah^. La controverse classique au sujet du séjour des Hébreux et de leur sortie d'Egypte continué sans grande variété. M. Lauth, reprenant une thèse déjà posée par lui douze ans auparavant, s'est efforcé de découvrir Moïse et sa famille sur une stèle du Sérapéum conservée à Paris '. M. Naville ^ a résumé la question en se plaçant dans l'hypothèse de Ghabas, non acceptée par MM. Brugsch^ et Maspero^, que les Aperou des monuments seraient les Hébreux \ M. Maspero a contesté l'identifîcation proposée par M. Brugsch de la Ramsès biblique avec Tanis^ et M. Brugsch a défendu cette identification sans apporter aucun argument nouveau*^.

1. De Veldtlag van Ramsès den Groote tegen de Cheta^ iii-8*, 24 p. et une carie, s. I. n. d. Je crois, sans en être certain, que c'est l'extrait d'un journal.

2. Conespondenzen atu der Zeit der Bamessideny Zwei Oieraiische Papyri des Mtuseo civieo zu Bologna, herausgegeben von Arthur Lincke. Leipzig, Gietecke und Décrient, 1878/ in-folio, 5 p. et 15 taf. Beitrage zur Kenntr- mtu der Altxgypiischen Briefliieratur, Yon Arthur Lincke. Leipzig, Breitkopf niid Hœrtel, 1879, in-8*, 44 p.

3. Dans VouTrage intitulé : ilieratische Texte aus den Museen zu Berlin und Paris, in Facsimile mit Uebersetzung und sacklichem Commeniar, herausge- geben von IV Alfred Wiedemann. Leipzig, Barth, 1879, in-4% 23 p. et xv pi.

4. Tagebuch eines Grenzbeamtenf von A. Erman dans la Zbits. Mo,, 1879, p. 29-32. M. Erman parait ne pas aToir connu la publication de M. Chabas : Bêeherches pour servir à Vhistoire de la XIX' dyncutie, 1872, le même docoroent est commenté tout au long.

5. Moses-'HosarsyphosSali^hus, Lévites- A' haron, flrater, Ziphorah-Deba" Tiah, Conjux, Mériam-Belletf soror^ Elisheba^EHzebatf fratria, Ex monumento iaferioris iEgypti per ipAum Mosen abhinc annos mmmgd dedicato nunc primum in luoem protraxit Franc.-Jos. -Lauth, D' prof. Acad. Conserrator, cum tabulis doibof et ano pbotograromate. Argentorati, apud G. J. Truebner, mdgoglxxix. Id-4*, 248 p. autographiées.

6. Les Israélites en Egypte, dans la Revue chrétienne. Paris, 1878, nouTcUe série, t. IV, p. 61-82.

7. Dans Tarticle déjà cité, Die gruppe mân, Zirra. iEo., 1877, p. t30-i31 et dans son Histoire.

8. Dans on mémoire lu à l'Institut en 1873 et resté inédit.

9. Sur deux monuments nouveaux du règne de Ramsès IL Extrait de la ànuê archéologique (1877, I), in-8% 7 p.

10. Dans son Dictionnaire géographique, s. v. ZAL, p. 992-997.

138 BULLETIN HISTOEIQUK.

La publication par le British Muséum du grand papyrus Harris n^a pas produit pour Tétude tout ce qu'on était en droit d'en attendre. Sauf la traduction, sans commentaire, de MM. Birchet Eisenlob^^ rien n'a paru sur ce document important du règne de Ramsès m. La XX' dynastie n'a du reste été étudiée que sur quelques points de détails. La traduction du papyrus judiciaire de Turin par M. Lepage- Renouf ^ n'est guère que la reproduction sans commentaire de la traduction de Devéria. M. Brugsch a découvert à Vienne un papyrus de l'an vi de Ramsès X ou XI qui est un catalogue de pièces officielles dont quelques-unes sont conservées dans nos musées^, M. Maspero a montré dans le Papyrus Mallet un document du règne de Ramsès IV^. Le passage si obscur de la xx* à la xxn« dynastie a reçu quelques lumières de la découverte de quelques figurines du roi Pinôtm I*'^ par M. Birch, et d'un autel du temps de Shishonq P% par M. Brugsch *. M. Naville a proposé un classement nouveau des princes et princesses de la famille de Hirhor^. La plupart des auteurs qui ont traité la ques- tion mêlent à la xxi* dynastie Tanite de Manétbon, les rois grands- prêtres de Thèbes. Sans doute quelques-uns de ces rois-prêtres ont été contemporains des rois Tanites et se sont alliés avec eux : mais ils formaient deux pouvoirs distincts dont l'un, le Tanite, finit par écraser l'autre, le Thébain. Les enchevêtrer de manière à en former une seule lignée est une hardiesse que rien ne me parait autoriser dans les monuments jusqu'à présent connus.

M. Daniel Henry Haigh a voulu établir, avec plus d'audace que de bonheur, l'origine chaldéenne de la xxii* dynastie®, et a ouvert la voie aux hypothèses d'une conquête assyrienne de TÉgypte vers le temps de David, que M. Brugsch a soutenue sans preuve admissible dans son histoire. L'époque qui s'étend entre Shishonq et l'avènement de Psamitik est encore un champ ouvert à toutes les controverses : nous ne devons donc pas nous étonner de voir M. Pleyte essayer d'en

1. Dans les Records of the Past, vol. VI, p. 21-70, et vol. Vin, p. 5-52.

2. Dans les Records of the Past^ vol. VIII, p. 53-66.

3. Hieratischer Papyrus zu Wien (mit einer lithog. Tafd), von H. Brngich, dans la Zbits. Ma., 1876, p. 1-4.

4. Dans le Recueil de travaux ^ t I, p. 47-59.

5. Dans rarticle Viiria, de la Zbits. Ma., 1877, p. 34.

6. Ein îDichtiges Denkmal aus den Zeiten Kcenigs S'es^onq /, von H. Brogich, dans la Zeits. iEo., 1878, p. 37-43.

7. Trois reines de la XXI* dynastie (ayec pi.), par Ed. Naville, dans ia Zetts. iEo., 1878, p. 29-32.

8. Origin of the XXIIth dynasty, by Daniel Hy. Haigh, dans la Zbits. Ao,, 1877, p. 38-40, 64-71.

ORIENT. 439

reconstruire l'histoire sur un plan nouveau *. Pour Tépoque éthio- pienne, les traductions de M. Maspero' et de M. Brugsch^, l'étude qu*a foite M. Maspero de certaines parties de la stèle du roi Nasto- senen^y Tadmirable mémoire posthume de M. E. de Bougé sur la stèle du roi Piânkhi-Meriamen^, enfin le petit résumé de l'histoire du royaume égyptien d'Ethiopie que M. Maspero a inséré dans TEncy- dopédie des sciences religieuses, ont fait connaître avec plus de détails qu'on n'en avait jusqu'à présent les vicissitudes de l'empire de Napata. M. Lepsius a montré avec une grande sagacité le motif pour lequel la divinité principale de cette colonie, et en général de toutes les colonies thébaines, était TAmmon à tète de bélier^. Les derniers temps de l'Egypte indépendante ont été négligés : M"' Ger- trude Austin a fait connaître un fragment insigniflant du règne de Psamitik III 7, et M. Wiedemann a traité avec des documents nouveaux la question si controversée de l'expédition de Naboukodo- rossor en Egypte*. La découverte par M. Lepsius d'une stèle aramso- égyptienne de l'an IV de Xerxès P% plus importante pour l'histoire des langues sémitiques que pour l'histoire d'Egypte 9, une tentative de M. Krall pour reporter au règne d^Okhos le texte de la stèle de Naples l'on reconnaît d'ordinaire un document contemporain

1. Ueber zwei Darstellungen des GoUes fforw-Selh, von W. Pleyte, dans la 1bt8. Mq., 1876, p. 49-52.

2. Dans le» Records of the Pasi, l. VI, p. 71-78, 85-96, et t. X, p. 55-66.

3. Side wm Dongola. Yon H. Brugsch, dans la Zeits. iEo., 1S77, p. 23-27. ^DieSiegesinKhrifl Kœnigs Pianchi von ^Ethiopien, voUstœndig uebertrageny ▼on H. Brngsch-Bey. Separatabdnick aus den c Nachrichten Ton der Kosnigl. Geaeilflchafln der Wissenschaflen zu Gœttingen » (Nr. 19, 1876, 11 october). GcBUingen, 1876, in-8% 31 p.

4. Dans les TransaciionSj IV, p. 203-225 ; tirage à part sous le titre : Inscrip^ fkmof King Nastosenen, transïated by G. Maspero, in-8*, 23 p.; publiée en partie avec texte et commentaire dans les Mélanges d'archéologie, t. II, p. 293- 296, et t. m, p. 125-132.

5. Chrestomathie égyptienne , par M. le vicomte de Rougé. 4* fascicule. La sMê du roi éthiopien Piankhi-Meriamen. Paris, Vieweg, 1876, in-8*, ul03 p.

6. Veber die widderkœpfigen Gœtter-Ammon und Chnumis in Beziehung auf die Ammon-Oase und die gehomten Kœpfe auf griechischen MUmen, von R. Lepsius, dans la Zsrrs. JEc, 1877, p. 8-22.

7. On a fragmentary Inscription of Psametik /, m the Muséum at Palermo, by Miss Gertrude Austin (with 1 plate), dans les Transactions, toI. VI, p. 287-288.

8. Nelmeadneiar und j€gypten, Yon A. Wiedemann, dans la Zsrrs. iEo., 1878, p. 87-89, et Der Zug Sébucadnezars gegen jEgypten, von A. Wiedemann, dans la Zens. Ma., 1878, p. 2-6.

9. EU^ jEgyptisch'Aramaeische Stèle {mit 1 Tafel), von R. Lepsius, dans la Zirrs. Mo,, 1877, p. 127-132.

440 BULLffriIf HISTOEIQITS.

d'Alexandre le Grand*, l'analyse par M. Révîllout d'un fragment démoUque sont mentionnés plusieurs des rois des quatre dernières dynasties indigènes ^ et de deux contrats ptolémaïques datés dans le règne de princes égjpliens révoltés contre les Ptolémées*, enfin des extraits d'un commentaire sur Hérodote M. Maspero s'efforce de rétablir la physionomie de rÉg}'pte telle qu'elle était au y siècle avant notre ère^, voilà tout ce que j'ai à signaler sur les époques persanes et grecques.

La chronologie tient, comme toujours, une grande place dans les travaux des ég^ptologues. M. Lieblein, dans un mémoire fort remar- quable, a étudié les différents récits que nous possédons des guerres des rois égyptiens, afin de déterminer pour chaque siècle l'époque des entrées en campagne et par conséquent la position des mois de printemps de l'année vague dans les mois de Tannée fixe'. U a éga- lement répondu* à quelques critiques que M. Ernest de Saulcy avait dirigées contre un des ouvrages chronologiques qu'il avait publiés antérieurement^. M. Lauth a donné, dans un fort volume autogra- phié, le résultat de ses dernières recherches*. Gomme toujours son travail est rempli d obsen^ations ingénieuses et vraies : comme tou- jours aussi il s'est laissé emporter au désir de retrouver dans les notions grecques sur l'Egypte la reproduction de données réellement égik pUennes, et a corrigé avec une hardiesse périUeuse, soil les textes classiques pour les faire concorder avec les textes hiéroglyphiques,

I. Die SieU ron .Veapef, von J. KndI, dans U Zetts. .€o., 1978, p. S-9.

^. rne chrofUqve égyptienne contemporaime de Manelkon {Mémoire à r Académie des inscripfimis et beUesAHùrts en décembre 1S76). Extrait de U Berne archéofoçiqme (1877, t. 1% iii-8* H l pi,

3. Étude histcnque H phiiotofique smr les décrets de Rosette ef de Canope, par M. Lugènf Rèrillout Extrait àt la Rerue arckéoloçique ^ noTcmbre 1877, in -8*, ?4 p. ~ Y joindre unf ooortf not^, Hisloriscke Sotii, too H. Bmgsch, dan« la Ebits. .€o., ISTS, p. 43-48.

4. Dan» r.(lNiiiitf îff de l\issockUion pour Centoumçement des études çreeqmes en France^ de» ann««» 1876, 1877, 1S78.

5. :(icr MU fMMifW offitM^ii^ c^ronolofi^e^ tiré des récits datés des çuerrm pharaoniques en Syrie H cfoiis 1rs pays raisins^ par J. lieUein, dans le ReemeU de trarauTy t. K p. 6^-^.

6. Lettre à M, trnesl de Saulcy (Extrait d<«!i Vid,'Seisk, ForlL, 1878), iB-8*.

7. Rapport sur une tfrtKikure de M. 7. iÀeHein ayant pour titre : tteckerckes sur ta ckronMoçie éfy ptéenne d'après tes listes feméaiofiquesy par M. Ernest de Saulcy, membre de T Académie, de Melc. Extrait àes^ Mémoires de tAcadéwiie de MH^ année» 187.VIS76. Nancy, E. R*au, 1877, in-^, 43 p.

8. .¥:fyptische Chronologie hasirt auf die roUsUrndiçe Reiàe der Epoeken seU Byf^' Menés tns Badrian-Ânlomin durck dreé roUe Sothis-Rfriodem » 43S0 Jakre, twi Prv^. D' Jos. Unth. StFMtstarK, Eari TViteer, 1877, in-8*. ^40 p., pins 3 planclM». Antofn^hie.

ORISNT. 444

soit les textes hiéroglyphiques pour les faire concorder avec les textes classiques. Aucun ouvrage ne sera plus utile à lire pour Tégyptologue qui saura y faire la part du vrai, aucun plus dangereux pour le lecteur ordinaire qui croirait y trouver le résultat positif des dernières recherches égyptiennes. C'est en partie le résumé, en partie le com- plément de mémoires ou de lettres insérés à diverses reprises dans la Gazette d'Augsbourg ou dans les Actes de l'académie de Munich ^ L'astronomie, préliminaire indispensable de toute chronologie, a surtout attiré l'attention de MM. Riel, Robiou et Brugsch, le premier dans ses études sur le double calendrier du papyrus Ëbers^ et sur le Zodiaque de Dendérah^, le second dans ses observations sur une date astronomique du haut empire égyptien^ et ses recherches sur le calendrier macédonien en Egypte et sur la chronologie des Lagides ', le dernier dans sa publication des trois calendriers d'Ëdfou^. Je ne parlerai ici que pour mémoire des travaux de seconde main comme ceux de MM. Danzas^ et Emile Guimet®, l'auteur n'a pu vérifier par lui-même la valeur des textes et a se contenter de les prendre tout traduits dans l'œuvre d'un égyptologue de profession. Comme toujours, les tentatives faites pour reconstituer la chronologie de Manéthon ou en concilier les données avec les chiffres de la chrono-

1 . Voici 11 liste de tous les articles de M. Lauth parus dans la Gazelle éCAugs- bourg dont j'ai connaissance : Papyrus Ebers noch einmaly 1877 (Beilage, p. 343-349); dUe ZeUfrage {BeilagCy mai, p. 3-4); Die Labyrinth (id., p. 294- 307); Sesostris {BeiL, zu n** 30 und 31). Ajouter dans les Sitzungsberichte d. MUnch, Akademie d. Wiss, Philos. PhiL Kl. : Àugustus-HarmalSy 1877, II; sans compter d'autres mémoires dont l'indication est donnée ailleurs.

2. Der Doppelkalender des Papyrus-Ebers verglichen mil dem PesU und Siemkalender von Dendera^ Ton Cari RieL Mit einen lithographirten Tafel. Leipzig, Brockhaus, 1876, in-4*, 36 p.

3. Der Thierkreis und das Pesle Jahr von Dendera, Ton Cari Riel. Mit einer lithographirten Tafel. Leipzig, Brockhaus, 1878, in-4% 100 p.

4. Analysé dans les Comples-rendus de l'Académie des inscriplions et belles- lettres, 1876, p. 257-261.

5. Recherches sur le calendrier macédonien en Egypte et sur la chronologie des Lagides, par M. F. Robiou. Extrait des Mémoires présentés par divers savants à TAcadémie des inscriptions et belles-lettres. Paris, Imprimerie Natio- Dile, 1876, iii-4% 64 p.

6. Drei Fesi-Kalender des Tempels von Apollinopolis Magna in Ober- Mç^plen %um ersten Maie veroeffentlicht und sammt den Kalendem von Dendera und Esne vollstxndÀg uebersetzt, von H. Brugsch-Bey, mit 10 Tafein hischriflen. Leipzig, J.-C. Hinrichs, 1877, in- 4% x-29 p.

7. Chronologie égyptienne et hébraiguCy dans le Précis des travaux de t Académie des sciences de Rouen, 1875-1876.

8. Travaux de M. Chabas sur le temps de VExode, dans les Mémoires de V Académie des sciences de Lyon, classe des lettres, t. XVIl.

442 BULLETIN HISTOIIQUB.

logie biblique ont abondé. Le meilleur essai en ce genre a été bien certainement celui de M. von PessP. On me permettra de ne pas insister sur l'ouvrage de M. Johan Raska : La Chronologie de la bible mise d'accord avec les comprit s égyptiens et assyriens*.

La géographie de TÉgypte et des régions voisines a Saiit de grands progrès. M. Robiou, dans son ouvrage sur l'économie politique au temps des Lagides, avait publié une carte du Delta Tarrangement des nomes différait sensiblement de la classification généralement adoptée jusqu'à ce jour ^ : dans un mémoire dont la première partie seule est connue^, il a commencé avec succès à donner les preuves des modifications introduites par lui* L'exploration récente du désert libyen a permis de mieux étudier le régime des Oasis : MM. Duemi- chen' et Brugsch^, dans deux mémoires presque simultanés, ont identifié d^une manière certaine les noms pharaoniques de ces Oasis avec les noms modernes. Tandis que M. Birch éditait, d'après une copie ancienne de M. Hay, l'hymne à Ammon-Râ, gravé par Darius dans le temple d'El-Rhargèh^, M. Brugsch copiait ce même hymne et en donnait la traduction s, puis le texte et le commentaire^. Dans le même temps M. Tœnnies analysait et discutait les passages classi-

1. Dos chronologische System Maneihd's, Yon H. ▼. Pessl. Leipzig, J.-€. Heiarichs, 1878, ia-8% x-268 p.

2. Die Chronologie der Bibel im EinUange mit der Zeitrechnung der jEgypter und Assyrier^ Yon Johann Raska, Professor an der Theologischen Diœ- cesan-Lehranstalt in Budweis. Wien, Braomuiler, 1878, in-8% xiy-355 p.

3. Mémoire sur l'économie politiquey V administration et la législation de l'Egypte au temps des Lagides, avec carte, par Félix Robiou. Paris, à Tlmpri- merie Nationale, 1876, in-8*, xvi-248 p. Cfr. p. ix.

4. Dans les Mémoires d archéologie, t. III, p. 101-121.

5. Die Oasen der Libyschen Wueste, ihre alten Namen und ihre Loge, ihre vorzueglichsten Erzeugnisse und die in ihren Tempeln verehrten Gottheiten, nach den Berichten der Altxgyptischen Denkmstler, von D' Johannes Duemi- chen, mit 19 Tafeln hieroglyphischer Inschriften und bildlicher Darstellungen in Autographie Tom Verfasser. Strassburg, Karl J. Tmebner, 1877, in-4*, vi-34 p.

6. Beise nach der grossen Oase El-Khargeh in der Libyschen Wueste, Bes- ckreibung ihrer Denkmader und wissenschaftlichen Untersuchungen ueber dos Vorkommen der Oasen in den Altaegyptischen Inschriften auf Stein und PapyruSy Ton Ileinrich Brugsch-Bey, nebst 27 Tafeln mit Karlen, Plasnen, Ansichten und Inschriften. Leipzig, J.-C. Hinrichs, 1878, in-4*, yi-93 p.

7. The Inscription of Darius at the Temple of El-Khargeh. By S. Birch (2 plates), dans les Transactions, toI. V, p. 293-302, et, sans les planches, dans les Records of the Past, t. VIII, p. 135-144.

8. Komigs Darius' Lobgesang im Tempel der grossen Oase von EUKhargeh, dans les Gœtiinger Nachrichlen, 1876, n* 46.

9. Dans l'ourrage cité ci-dessus. Reise nach der Grossen Oase, p. 25-48 et

pi. XXY-XXYII.

ORIBIO'. 443

ques relatifs à Toracle de Jupiter Ammon^ Mais Touvrage capital sur la géographie est le grand dictionnaire publié par M. Brugscb et dont la dernière livraison manque encore^. Là, M. Brugscb a con- densé, sous la forme alphabétique qui convient le mieux à son esprit, le résultat de trente années de recherches. Sans doute il y aurait déjà à modifier bien des assertions, à corriger bien des détails, à ajouter surtout nombre d'indications bibliographiques : M. Brugscb n'avoue pas toujours ce quMl doit aux autres et n'a pas toujours fait connaître d'une manière sufOsamment claire les monuments ou les parties de monuments qui lui ont fourni ses informations. L'œuvre n'en est pas moins une œuvre admirable, contre laquelle je soulèverai une seule objection, le prix vraiment exagéré auquel la vend l'éditeur.

Je ne puis faire à l'histoire d'Egypte du même auteur^ l'éloge que j'ai fait du dictionnaire géographique. G^est un amas de matériaux

1. De Jove Antmone QuestUmum spécimen, scripsit Ferdinandas Julias Tœnnies. Tubingue, Frid. Fuesl, 1877, in-8% 44 p.

2. Dictionnaire géographique de Vandenne Egypte, contenant par ordre alphabétique la nomenclature comparée des noms propres géographiques qui se rencontrent sur les monuments et dans les papyrus, notamment les noms des préfectures et de leurs chefs-lieux, des temples et des sanctuaires, des Tilles, bourgs et nécropoles, des bras du Nil et de ses embouchures, des lacs, marais, canaux, bassins et ports, des vallées, grottes, montagnes, des ties et tlots, etc., etc., composé par Henri Brugsch-Rey. Leipzig, J.-C. Hinrichs, 1876-1879, 13 livraisons parues, renfermant 1051 p. in- folio autographiées, plus \Z p. de pré- face et 6 p. de tableaux non numérotées. La dernière livraison, comprenant les Additions et V Index général^ doit paraître en novembre 1879. Ajouter à cet ouvrage : La géographie des nomes ou division administrative de la Haute et de la Basse^Égypte aux époques des Pharaons et des Ptolémées et des empe- reurs romains, par Henri Brugsch-Bey, spécimen du Dictionnaire de l'ancienne Egypte. Leipzig, J.-C. Hinrichs, 1876, in-folio, 10 p. de texte imprimé et 20 p. autographiées, non numérotées.

3. Geschichte Algyptens unter den Pharaonen, Nach den DenkmaBlern bear- beitet von Dr. H. Brugsch-Bey, Iste Deutsche Ausgabe, mit 2 Karten von Unter-und Ober-iGgypten und 4 genealogischen Tafein, Leipzig, J.-C. Hinrichs, 1877. in-8*, ziii-SiSp.; à joindre : Zuzœtzeund Verbesserungen zur Geschichte j£gyptens unter den Pharaonen Nach den Denkmœler bearbeitet von Dr. H. Brugsch-Bey. Leipzig, J.-C. Hinrichs, 1878, 819-837 p. Traduction anglaise : A History of Egypt under the Pharaohs derived enUrely from the Monuments by Henry Brugsch-Bey, translated from the Gennan by the late Henry Danby Seymour, F. R. G. S., completed and edited by Philip Smith, B. A. aulhor of c The student's ancien t History of the East », to which is added a Memoir on the Exodus of the Israélites and the Egyptian Monuments. In two volumes, with ooloured plates and maps. London, John Murray, 1879, in-8*, vol. I, XLiv-486p., 2 plates, 1 map; vol. II, xix-365 p., 5 plates, 1 map. Cfr. l'article de M. Ebers, dans ia Deutsche Rundîschau , 1878, Die Geschichte des allen jEgyptens und ihre neueste Bdiandiung durch Maspero und Brugsch-Bey.

444 BULLETIN HISTORIQUE.

mal assemblés que M. Brugsch ne s'est pas donné la peine d'assimiler les uns aux autres ni de classer méthodiquement. Dans certains endroits sont intercalées des descriptions en style emphatique Ton reconnaît sous le déguisement de la prose des tirades entières de vers*, dans d'autres, les documents sont entassés sans rien qui les relie. Vers la fin de l'ouvrage, le désordre est tel que deux rois, l'un fort important, de la xxy* dynastie, Shabako, le contemporain de Sargon, et son fils Shebitko, ne sont nommés qu'après Taharqou leur successeur, et sans allusion aux faits connus de leur régnée Je ne parle pas de certaines théories relatives aux peuples de la mer, et dont M. Brugsch nous promet une démonstration prochaine^, ni d'une conquête de l'Egypte par les Assyriens au temps David et Salomon régnaient en Judée, qu'il faudrait admettre sans autre preuve qu'un titre égyptien mal compris et un passage mutilé d^une inscrip- tion d'Abydos les copies de M. Devéria donnent une lecture différente de celle qu'a suivie M. Brugsch ^ : ce sont des points qui appellent une discussion approfondie. Ce qui enlève de sa valeur à l'histoire de M. Brugsch, c'est l'absence complète de sources, le manque de renvois aux textes dont il donne les traductions. Les édi- teurs anglais ont essayé de suppléer à cette lacune en quelques endroits, mais les connaissances spéciales qu'exige la bibliographie égyptienne ont fait défaut à leur bonne volonté. Je souhaite vivement que M. Brugsch, dans une prochaine édition , daigne prendre la peine de mettre au bas des pages Tappareil critique que nous sommes en droit d'attendre de son érudition.

L'histoire d'Egypte de M. Duemicben n'en est encore qu'à son premier fascicule^. Elle renferme une description du sol et une étude géographique peut-être un peu longue pour le plan de Touvrage, mais soigneusement écrite et faite avec conscience. Le discours de M. Birch sur Thistoire monumentale de l'Egypte est un résumé

t. Cfr. dans THistoire, p. 676-730.

2. M. Brugsch annonce sur ce sujet un ouvrage spécial.

3. M. Brugsch a lu c une stèle en écriture de Ba[bel\ », le texte de

HM. Devéria et Mariette donne c une stèle en pierre », probablement

c en pierre de Trouwou », c'est-à-dire en calcaire de Tourah.

4. Geschichte des alten jEgyptens von D' Johannes Duemichen, mit lUus- trationen und Karten. Berlin. G. Grote, 1879, 1* fascicule, in-8% ÔO p., plus 5 planches et 2 cartes. Fait partie de VAUgemeine Geschichte in Einzeldarstel- lungen, unier Miiwirkung van A, BrueckneTf Félix Dahn, Jok. Duemichen, Bernlz Erdmannsdœr/fer^ Theod. Flathe, Ludw. Geger, R, Ga$che, Gust. Hertzberg, Ferd, Justi, Fried. Kayp, B, Kugler^ 5. Lefmann, M. Philippumj Eberh, Sckrader, B, Stade, A. Stem, OUo WaitZy Ed. Winkelmanny heraus- g Oncken, qui parait depuis 1878 à la même librairie.

OEIBIfT. 445

fort complet ^ de même que Tarlicle iEgypten, publié par M. Ebers, dans le Manuel d'antiquité biblique de Riehm^. MM. Lepsius, Poole et Maspero ont inséré des notices analogues, le premier dans la Real Encyklop. de Herzog^, le second dans TEncyclopédie britan- nique, le dernier dans TEncyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, et dans le Dictionnaire de Pédagogie de Buisson. Les deux brochures de M. Lieblein sur TÉgypte ancienne et son écriture^, sur TÉgypte, ses monuments, ses rapports avec la Palestine et la Grèce 5, ont pour nous Tinconvénient d'être écrites en suédois : ce sont des œuvres de vulgarisation qui rendront régyptologîe populaire chez les peuples du Nord, comme Tabrégé chronologique de M. Arthur Bhoné a fait connaître Tensembie de rhistoire d'Egypte chez nous*. La réimpression du grand ouvrage de Wilkinson sur les mœurs égyptiennes ^ rend un véritable service à la science. Sans doute il est incomplet en maint endroit; la classification que l'auteur avait adoptée, bonne il y a quarante ans, est aujourd'hui défectueuse. La masse des documents assem- blés, l'ingéniosité dont Wilkinson fkit preuve à chaque instant, rétendue et la variété de ses connaissances rachètent amplement les débuts. M. Birch, à qui nous devons l'édition actuelle, a ajouté

1. The monumental Hisiory of Egypt. Rede Lecture, delivered in the Senate House of the UniTersity of Cambridge by S. Birch, on the 26 th mai 1876. Lon- don, Bagster et Sons, in-16, 48 p.

2. Handwcerterlmch des Biblischen Alterthums fuer gebUdete Bibelleser,

heraasgegeben Yon D' Ed. C. Aog. Riehm, 1875, in-4*, p. 309-335, avec

gravures et cartes.

3. Dot alte JBçypten, dans Herzog's Real-Encyk, 3.

4. Del gamla Egypten i dess Skrift, af Prof. J. Lieblein. Stockholm, Klem- ming, 1877, in-8% 87 p. et de nombreuses gravures.

5. Egypten i dess Minnesmaerken ock i dess Farhdnllande till PcUesUna och Grektand, af Prof. J. Lieblein. Stockholm, Klemming, 1877, in-8*, 120 p. et de nombreuses gravures. Cfr. sur Lieblein, un article de Karl Piehl, Egypioloçif Slockolm, nov. 1877, in-8*, 18 p., extrait d'une revue dont je ne connais pas le titre. Les deux ouvrages de Lieblein sont extraits de la coUecUon populaire Ur Vâr Tids Forskding Populaera Skiladringar utgifna af Prof. Axel Kei och GusL Belziju, publiée à Stockholm, chez Klemming.

6. Résumé chronologique de l'histoire d'Egypte, depuis les premières dynas- ties jusqu'à nos jourst in-8*, avec cartes et illustrations insérées dans le texte. Paris, Leroux, 1876, in-8*. Extrait de \ Egypte à petites journées^ du même auteur.

7. The Manners and Ctutoms of the Ancient Egyptians, by sir J. Gardner Wilkinson. A new édition, revised and corrected by Sam. Birch, in three vol., in-8*. VoL I, xxx-510 p.; vol. II, zu-515 p.; vol. III, xi-528 p., wiUi iUnstra- Uont. London, John Murray, 1878.

RbV. HiSTOR. XI. !•' PA8C. 10

446 BULLETIN HISTORIQUE.

nombre de notes qui donnent Tétat de la science sur certains points mal traités par Wilkinson.

Le transport en Angleterre de Tobélisque appelé improprement Vaiguille de Cléapâtre a ramené l'attention, sinon des savants, au moins du public, sur les obélisques. Le petit livre de M. Gooper, qui renferme à côté d'erreurs bizarres^ des détails intéressants, est arrivé promptement à sa deuxième édition^. U avait été précédé d'une intéressante notice de Birch dans TAthensum^ et accompa- gné des essais de MM. Wilson^, DémétriosMosconas', etc. L'histoire des sciences en Egypte s'est enrichie de quelques remarquables dis- sertations de MM. Lieblein^ sur la connaissance qu'avaient les Égyptiens du mouvement de la terre, Roblfs et Scbwimmer sur la médecine^, Pott sur l'origine du mot de chimie s, Lepsius sur les mesures de superficie 9, Ghabas sur les poids, mesures et monnaies ^^. L'ouvrage le plus important dans cet ordre de recherche a été celui

1. Ainsi le récit des négociations da gouvernement français avec Mohammed- Ali au sujet de l'obélisque de Louxor, récit duquel il semble résulter que Cham- poUion le jeune aurait fait en 1831 un voyage en Egypte pour aller examiner tous les obélisques de ce pays. Le voyage de ChampoUion est antérieur de trois ans (1828-1830).

2. A short History of the Egyptian Obelislu, by W. R. Cooper, with transla- tions of many of the hieroglyphic inscriptions, chiefly by M. François Chabas. London, S. Bagster, 1877, in-12, ym-iSO p. 2* édition, 1878.

3. Cleopaùra's Needle (Atheoiram, 1877, oct. 27, noY. 3).

4. Cleopalra's Needle, by Erasmus Wilson. With brief notes on Egypt aid Egyptian Obelisk. London, Brain, 1877, in-8*, 228 p.

5. Deux mots sur les obélisques d'Egypte et traduction de Vobélisque dit de Cléopdtre, qui doit être transporté en Angleterre, et de la stèle de Pktamosis le MempfUte, par Démétrios Kosconas. Alexandrie, 1877, in-8*, 16 p. et 3 pi.

6. JSgyptemes ForestUUng om Jordens Bevœgelse afJ. Lieblein, Christiania, in-8*, il p. Extrait des Chrùtiania Vidensk.^elsk, Forhandl., 1878, 2.

7. RohUs, Der Papgros Ebers in culturhistoriseher und tnedicinescher Be- ziehung, dans VAugsb. AUgemeine Zeit., 1877, p. 249-255, et Die ersten Anfange der Heilkunde und die Medizin im alten jSgypten, Ton Dr. Ernst Schwiramer. Berlin Habel, 1876, in-8*, 46 p., dans la Sammlung gemeinvers- titndUch wissenschafUischer Vortrxge, herausgegeben von R. Virchow und Fr. von HoltxendoriT, XJ Série,

8. Chemie oder Chymie? von A. F. Pott, dans la Zsrrs. D. D. H. 6., 1876, p. 6-20.

9. Dos Stadium und die Gradmessung der Eratosthenes auf Grundlage der JEgyptischen Maasse, von R. Lepsius, dans Zim. Mo., 1877.

10. Recherches sur les poids, mesures et monnaies des anciens Égyptiens, par Fr. Chabas. Extrait des H^Boires présentés par divers savants à F Académie

4 iptions et beUes-lettres. Paris, Imprimerie Nationale, 1876, in-4*, 46 p.

Uir. le même sqjet les observatloDS de Fr. Leiormant, La wionnaie dans l'ani ^. tl, p. 93-110.

ORiBirr. 447

de M. Eisenlohr sur le papyrus mathématique du British Muséum ^ Pour la première fois, grâce au texte publié et traduit par M. Eisen- lohr, on sait comment les Égyptiens maniaient les firactions, posaient et résolvaient certains théorèmes d'arithmétique, de géométrie et de mécanique. Bien des points restent encore obscurs : mais le plus fort du travail est fait et bien fait.

La religion a peut-être été un peu moins étudiée que pendant les années précédentes. Dans une thèse soutenue devant la faculté des lettres de Turin, M. Ernest Schiaparelli a réuni les passages d'auteurs égyptiens propres à illustrer les manifestations du sentiment religieux en Egypte '. Je signalerai ensuite, comme pouvant fournir des indi- cations utiles, le petit dictionnaire de noms divins que M. Pierret a joint à l'exposition de la religion égyptienne dans son abrégé de mythologie', les dissertations qu'il a insérées dans plusieurs pas- sages de son recueil d'inscriptions inédites du Louvre^, et l'essai il s'efforce de prouver que le monothéisme est primitif en Egypte '. Le travail de M. Grébaut sur les deux yeux d'Horus n'a que le dé&ut d'être resté inachevé*. M. Guieysse a exposé les idées mo- rales et la vie future dans l'ancienne Egypte^*, la conférence de M. Maspero sur l'histoire des âmes d'après les monuments du Louvre* a feiit connaître pour la première fois au grand public les résultats de longues études sur la personnalité égyptienne et

1. Ein maihemathisches Handbuchf der alten jEgypter {Papynu Rhind der BriUth Muêeum), ueberselzt and erklaBrt too D*^ Aagust Eisenlobr. Leipsig, J.-C. Himichft, 1877. Deux éditions de cet important ouvrage ont été publiées à la fois. L'une, qualifiée l'* édition, a^ outre le texte, un aUas in-folio de 24 planches. L'autre, qualifiée Zweite Atugabe (Ohm Tafdn), n'a point d*atlas. Le texte est in-4*, ii-278 et 2 pi.

2. Del terUimento rdigioso degU antichi Egiiiani ucondo i MonumenU. Disiertazîone di laurea in lettere di Emesto SchiappareUi. Torino, Bocca, 1877, in-8*, 112 p., dont 52 imprimées, le reste autographié.

3. Petit manuel de mythologie comprenant les mythologies sdmiUh'euro» péennês et sémitiques (hindouey itende, gauloise, Scandinave, assyrienne, phé- nicienne, arabe, égyptienne), et suivi d'un Index alphabétique, par Paul Pierret. Paris, Didier, 1878, in-16, xi-178 p.

4. Recueil ^inscriptions inédites du musée égyptien du Louvre, traduites et eommeotées par Paul Pierret, 2* partie, arec table et glossaire. Paris, Yieweg, 1878, in-4% ix-162 p. Autograpbié.

5. Essai sur la Mythologie égyptienne, par Paul Pierret. Paris, Vieweg, 1879, iB-8*, 83 p. autographiées.

6. Les deux yeux du disque solaire, dans le Recueil, t. I, p. 71-87, 103-125.

7. Publiée dans la Revue politique et littéraire, 1878, p. 1079-1086.

8. Publiée dans U Revue scientifique, 1879, n* 35, p. 816-820, et dans le Bulletin hebdomadaire de l'Association scientifique de France, n* 594, p. 373-384.

448 BULLBTIlf HISTORIQUE.

ses divisions foites pendant les quatre années précédentes au collège de France. M. Golénischeff a publié et commenté de &çon magistrale le texte connu sous le nom de stèle Metternich : c'est un recueil de formules magiques aussi curieuses que difficiles à saisira Les observations de M. Naville sur le nom du dieu Tbot^ ont le grand mérite d'indiquer aux égyptologues un moyen gram- matical d'arriver à Tétymologie et, par suite, au sens premier du nom des dieux. M. Scbiaparelli a découvert et analysé le Rituel de l'enterrement^. MM. Lefébure et Guieysse, dans la publication qu'ils ont faite du papyrus de Soutimès, ont mis des notes et des traduc- tions précieuses pour l'intelligence de certains mythes^, et M. Stem, après M. Garl AbeP, a étudié, un peu subtilement, mais avec beaucoup de bonheur et une grande abondance de documents, le concept des mots qui désignent en égyptien la vérité*. On ne peut que donner les plus grands éloges au mémoire dans lequel M. Pietr schmann, réagissant contre la tendance abstraite d'une partie de l'école actuelle, a montré les origines fétichistes des cultes égyptiens^. La leçon de M. Reinisch sur l'organisation du sacerdoce égyptien et sur ses doctrines®, l'article de M. Brugsch sur les mystères égyp- tiens^, un peu trop absolu dans la forme, renferment quelques consi-

t. Die Metiemichstele in der Originalgrœssef zum eraten Ifale herausgegeben ▼on W. Golenischeif, mit neun Tafeliu Leipzig, Engelmamiy 1877, in-folio, n-i9 p.

2. Le dieu Thoih et les points cardhiafix, par Ed. NaviUe, dans la Z. Ma., 1877, p. 28-31.

3. H libro dei Funerali, RelazUme fatta alla l Sezione del JV Congresso degU OrientalisUy da Eraesto Scbiaparelli. Torino, Paravia, 1879, in-8*, 16 p.

4. Le Papyrus funéraire de SouUmé, publié d'après on exemplaire biérogly- pbiqne da Livre des Morts, appartenant à la BiblioUièque naUonale, traduit et ocMoamenié par MM. P. Guieysse et E. Lefébure. Paris, 1877, E. Leroux, in-foUo, 23 pi.

5. Kqpiische Uniersuchungen , von Cari Abel. Berlin, Fr. Dnemmler, 1876, in-8*, n-842 p.

6. Hieroglyphisch'Koptisches, de la Z. iEo., 1877, p. 72-88, 113-124.

7. Der JBgypUsche Fetischdienst und Gœiterglaube {Prolegomena zur xgyp- Uschen Mythologie). Nacb etnem in der c Schlesiscben Gesellschafl fuer Valer- Ittndiscbe Gultur i gebaltenen Vortrage, Yon Ricb. Pietscbmann, in-8*. Separa- tausdruck aus c ZeUschrift fuer Ethnologie i. 1878, p. 153-182.

8. Vrsprung und Entwickelungsgeschichie des JSgypUschen Prieslerthums und AusbUdung der Lehre von der Einheii Gottes, Vortrag gebalten zu Gnns- ten des Lesevereines der Deutscben Studenten Wiens an 26 Marz 1878 im OEsterr. Ingénieur- und Arcliitecten¥erein»-Saale Ton Léo Reinisch. Wioi, 1878. Im Selbstverlage des Yorstandes des LeseTereînes der Deutscben Studenten Wiens. ln-8*, 30 p.

9. Die Mysiehen der alien jEgypien, Ton H. Bmgscb-Bey ia Gairo, dans la Deutsche Revue, U, 7, p. 28-43.

ORIBIO'. 4 49

dérations neuves el un fonds considérable d'informations sûres. Enfin M. Ed. Meyer a réuni aussi complètement que possible ce que nous savons du culte des dieux sémitiques en Egypte ^

On voit quelle prodigieuse activité Técole égyptologique a déployée dans ces trois dernières années. Encore ai-je laissé de côté tout ce qui a rapport à la philologie, à la littérature et à Tart. Je n*ai parlé ni des livres comme ceux de Miss Amelia B. Edwards^, d^ Arthur Rhoné^, et surtout de Ebers^ et Mariette &, Thistoire se dissimule parmi les notes de voyage, ni du grand ouvrage de Prisse sur l'art égyptien, qui vient d'être terminé après vingt ans, au moment même de la mort de Tauteur*. Le lecteur pourra être rebuté souvent par la sécheresse et Taspect étrange de beaucoup des mémoires dont j'ai classé et énuméré les titres : il sera obligé de rendre justice à lardeur de recherche et à la solidité de science qu'on remarque dans presque tous.

m.

L'histoire générale des pays d'écriture cunéiforme n'a pas encore été bite : les histoires spéciales d'Assyrie et de Chaldée ne manquent pas. Le regretté Georges Smith avait commencé, dans les Transac" tions de la société d'archéologie biblique^ et dans les Records ofthe

1. DaDS rarticle Ueher einige Semiiische GcBtier, von Ed. Heyer, Z.D.D.M.G. I8n, p. 716-741.

2. A Tkousand Miles up the Nile, by Amelia B. Edwards, wiUi apwards of seTenty Ulastrationn engraved on wood by G. Pearson, aft«r finished drawings execoted on Uie spot by the Author. London, Longmans, Green et C*, 1877, in-4*. xxT-732 p. et 2 caries. Une seconde édition dans la coll. Tauchnitz, 1878.

3. V Egypte à petites journées. Études et souvenirs. Le Kaire et ses environs, Paris, Leroux^ 1877, un vol. in-8* ayec figures, cartes et plans.

4. JEgypten in Bild und Wort, Dargestellt von unseren ersten Kuenstlem, beschrieben Yon Georg Ebers. Erster Band. Stuttgart und Leipzig, Ed. Hallber- ger, 1879, in-folio, iii-387 p., avec 4 p. de table non numérotées. Douze livraisons du second volume ont déjà paru.

5. Monuments of Upper Egypt, A translation of the Itinéraire de la Haute» Égrpte of Aug. Hariette-Bey, by his brother Alphonse Mariette. Gr. in-8*, 280 p. 1 map and 3 pi. London, Truebner, 1877.

6. Histoire de l'art égyptien daprès les monuments, depuis les temps les plus reculés jusqu'à la domination romaine. Ouvrage publié sous les auspices du ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. Paris, Arthus Bertrand, 1860-1878. Planches in-folio. Tome I, architecture; t. Il, dessin, sculpture, peinture, art industriel. Texte in-4*. L'auteur a eu la bizarre idée de ne pas numéroter les planches, ce qui rend son œuvre presque enUèrement inutile.

7. Vol. I, p. 28-93, sous le titre Early History of Babylonia.

4W BTLurci nsTOUQn.

Pasi\ la poblîeatkm d'une histoire de la Babylonie, demi rensemble a élé lirré au publie après sa mort par M. Sajce^ Cest, eomme les autres ouvrages de Smith« un amas de matériaux phiiôC qu'un ioui iNen composé : les vues ingénieuses y abondent ainsi que les butes de critique et d'interprétation. Dans sa leçon sur la littérature babylo- nienne, M. Sayce a très babikmait exposé les principaux ^ts acquis à rhistoire par le déchiffrement des inscriptions'. On sait quelle méfiance certains savants fort estimables entretiennent à Tégard des études assyriologiques. Une attaque» vicrfente dans la forme, juste sur certains points de détails, de M. Gutschmid^, nous a valu de M. Schrader un des livres les plus instructife qu*on ait écrits depuis longtemps sur rhistoire et la géographie de TAsie antérieure^. Répondant aux principales objections de M. Gutschmid d^un ton qu'on souhaiterait parfois plus modéré, M. Schrader les a réAitées victorieusement, et a dté à Fappui de ses réfutations une abondance de matériaux telle que son ouvrage peut passer à bon droit pour une petite encyclopédie des dernières découvertes de l'assyriologie.

La discussion qui s'est engagée entre MM. Halévy et Fr. Lenor- mant, au sujet des textes inscrits sur certaines tablettes assyriomes, a beaucoup attiré l'attention sur les premiers temps de la Chaldée. M. Halévy* soutient que ces tablettes renferment des textes sémitiques écrits en une sorte de systàne secret; M. Lenormant, d'aooord en

1. Vol. m, p. I-ÎO: Tol. T, p. 53-110. Sou le Mtee titre.

2. Aneient Bittûry from tke mommwkentu Tke Bistory of ffntjiêméa, kj tke Ule Georfse SniUi, caq. cditH br tke Rer. A. H. Sa3roe. rnWiihfi nder Ibe directioa oC tbe CoouBÎUee of geaenl Utentnre aad edncatkMi appoiated kj tke Society for pronotiBg Cbristian knowlcdi^ Loadoa/ Society for pcoontiic CkiistiaB koowleflge, s. d., m-é"^ \9t p., âTec des |j«ru«s (1878).

3. nabyiimimn IMenUmre, Lectures delivered ât tke lU>y«l lastitatioB, ky tke Rer. A. H. Sayœ. LûmIoo, Bagsier, 1877, i»^. Maèyiomùeke Liieratmr. Vor- tne^ ^ekaltea inder Royil lAstitatioB. Loadoa, tos Ker. A. B. Saycc, Mit Cff hwignag der Verfasiert ia's Deotscke ■eknbe^m fxM Karl Friederid. Leipzig, Otto Sckulie, 1878, ift-8% 56 p.

4. .Tne Beiirasge smr Gesekiekie 4a Attem ùrieni» : Dm liijuieiejii m DeuiteUamd, wom Alfred tqo G«tsckmid. Lnpds^ B. G. Tnèser. 1876, zxvi-158 p.

5. KeUinackritten umd Gtaeki€ht/àr9ckmm§^ cm BeUrm§ zmr MOMuaaiIflte» Geofrapkêe, Getekickie mmd Ckromolo§ie étt djsyrvr, ¥oa Ekerkard Sckreder, Bit eioer Karte rom Kiepcrt. Giessea, Rickcr, 1878, i»-8*. Tiihô56 p. Cfr. rartide d'Oppcrt dau les Gœtiim§éiek€ feUktU Amiàftm^ 1879, p. 769-808.

6. Use partie des études de M. Halêry a été poklièe du» le Jovma/ «Mlif«e. 1874-1876, et tirée à part soos le titre : ÈÊtkmtkeê critifmet mt rortytM ^ U ààlUaUtm katjiomienme, par J. Hakry. Paris, haprÎMeffie XatioMle, 1876,

% ^68 p Le reste, la à llastitat (1877-1879}, est CBOore

OIIENT. 'fS^

cela avec M. Oppert et tout le reste de Técole, démontre qu'ils repré- sentent une langue différente de Tassyrien, parlée par les plus anciens peuples civilisés de la Ghaldée, morte près de deux mille ans avant notre ère, et conservée seulement comme langue sacrée par les prêtres de Babylone et de Ninive. La plupart des hymnes et des légendes de Tancien empire chaldéen ont été rédigés d'abord dans cette langue, puis traduits en assyrien. M. Lenormant dans ses Études accadiennes* et dans ses Études cunéiformes^^ M. Oppert dans le petit volume d'Études sumériennes^ il a réuni des arti- cles publiés à diJQTérentes époques dans le Journal Asiatique, ont soumis à une analyse détaillée les principaux textes de cette langue. Leurs conclusions ne diffèrent guère que sur un point important : le nom qu'il convient de donner à Tidiome étudié. Selon M. Lenor- mant et récole anglaise, le nom d'accadien est préférable ^ M. Oppert, suivi en cela par MM. Delitzsch et HommeH, a adopté le nom de soumérien ou sumérien^,

La période mythique de Tbistoire de Ghaldée nous est connue par de nombreux documents dont les uns confirment, les autres infir- ment l'autorité de Bérose. Les dernières fouilles du regretté Smith et de son successeur Hormuzd Rassam ont fait retrouver de nou- veaux fragments qui complètent les tablettes déjà conservées au British Muséum et permettent de reconstituer en partie certains des livres qu'elles contenaient. La légende de la création découverte et traduite pour la première fois par G. Smith*, bientôt corrigée par

1. Lettres assyriologiqueSy seconde série. Études accadienneSf par Fr. Lenor- mant. PariSj MaisonneuTe, in-4*, t. I, l'* partie, 1873, 207 p.; 2* partie, 1873, 143 p.; 3* parUe, 1873, 151 p. T. II, 1** partie, 1874, 381 p. (la fin da aecond volame ne paraîtra pas). T. III, 1'* partie, 1879, iu-200 p. in-4*. Les deux premiers Tolames autographlés ; ce qui a paru du troisième, imprimé.

2. Études cunéiformes, par Fr. Lenormant. Premier rascicule (extrait du Journal asiatique). Paris, Imprimerie Nationale, 1878, in-8*, 64 p. Deuxième fascicule (extrait des Transactions of the Society of Biblical Àrchaeoloçy), London, Harrison et Sons. 1878, in-8*, 56 p. Troisième et quatrième fasci- coles (extraits du Journal asiatique), 1879, in-8*, 150 p.

3. Études sumérienneSy par J. Oppert (Extrait du Journal asiatique). Paris, Imprimerie Nationale, 1877, in-8*.

4. Die neueren RestUtate der Sumefischen Forschung, tod Fritz Hommel, Z. D. D. M. G., 1877, p. 177-186.

5. Sumérien ou Àccadien? par Jules Oppert. Paris, E. Leroux, 1876, in-8*, 8 p.

6. The Chaldaean account of Genesis, containing iKe description ofthe création, the fall ofman, the déluge, the tower of Babel, the times of the patrkarchs and Nimrod; Babylonian fables, and legends of the Gods; frem the cuneiform inscriptions, by George Smith. With illastrations. London, Samp- aon Low, etc., 1876, in-S*, xti'319 p. et 27 Ulustrations.

132 BULum nsTouoTB

Fr. Delitzsch% par Oppert^ par Savoe% par Fax TalboiS a montré queUe était l'origine de Fane des traditions hébraïques de la création. Les fragments Smith a^ait cni recoonaitre une allusion au péché origind ont été mieux interprétés depuis; mais les luttes des dieux contre ks maurais génies et contre les hommes ont été étudiées de fiMrt près, par M. Fox Talbot dans ses mé- moires sur une RévoUe dans le ciel^, sur le CowÊbai entre Bel et le Dragon*^ par M. Sajce dans sa Desiruciiùn de Sodome ei de Gùmorrhe'*^ par M. Boscawen qui a publié après Smith ks textes relatif à la tour de Babel^ par M. Fr. Lenormant dans son traTail sur le dieu Lune délicré de V attaque des wuiurais esprits^, La légende du roi mythique Izdhubar, de ses exploits, de sa renccmtre avec Khasis- adra, k Xisouthros de la tradition bérosienne, de ses amours aTec la déesse Ishtar se complète de plus en f^us : aux traTaux dcmt dk aTait été Tobjet antérieurement Tiennent se joindre ks études de MM. Talbot^*, Lenormant^ ^ et Boscawen^^ Un mémoire de M. Mansdl

I. Dam la tndoctiaii aUemaBde de l'oaTrafe précédait par toa frère H. De- litzMà : George SmUtk'$ Ckatdaeisdie Gemesn, KeUhud^iflen Beriekte Sektgpfum§, SmemdenfaUy Sêut/tmtMjTkmnnèau nmdyfiwuvdy meàst Heleu rem Fra§meuten aettestem BmkylmtHck'Astyriadiem SekrifÛJmwu^ wêM n JM0- éuugem. ABloriiirie UebeneUnag jom HenMaa DelHxsek, Mhst EriaalenvgeB ud tarif/BÊttaim Fonchn^a ¥qb D' Friedrich Ddiliach. Leipag, J.-a ESm- ïkhÈ, 1876, is-S*, xti-331 p.

t Em appeadkse de YHisUnre €Iwaél, par E. Ledraia, t. L P»«, A. Lumit, 1S79, ia-12, p. 411-4M. Tir^e à part, nlMe fonaat, 33 pi

3. Ameiemt Babglomian legend oftke crmtkm (/înMi Cuttak)^ tmslated bj aer. A. H. Sayce, dans les Êeeords of tke Fmsi, t XI, p. 107-114. Cert umt rtrûom différente des Tersioas jasqa'à présent cobwms.

i. Ckaidjeau aeenuUs of tàe CreatHm, tmslated by H. Fox Talbot, du» les Meeords of tàe Past. U IX. p. llS-llft.

5. Tke neroli te Beavem, from a CkaUxmm taUei, br H. Fox Talbot, dMs les TrautaetÉoms^ t I¥, p. 349-362, et dau les Jtaoords of tke Pmsiy t. VO, p. 123-128.

6. Tke Pigkt between Bei and tke DrofO», amd tke fawùm§ mreri wkieà tmrmed enerf ««7, dans les JWratoffirwu, t. ¥, p. 1-21, et dans les leoBrdt, t IX. p. 135-140.

7. Tke Ooertknm- of Soiom amd Gowumrmk {Accmiùm mcmniI). TVaasIated bj Ber. A. H. Sayœ, dans Êeeords oftke PmM^ t. XI, p. 11>118.

S. Legeod of tke tower of Babd, dans les TrmtiMeiàomK U T, p. 303^12, et dMs les Beeordt, t. VII, p. 129-132.

9. Dans la Gazette arckéologijuey 1878, p. 20-3».

10./sAlar antf isdmkar : beimg tke Mstk tmklet of tke isémkar œriei, Tnm^ lated inm tbe coneifor», by H. F. Talbot, dans les TysmancticMU, t V, p. 97- 121, et dans les Beeorés, t EX, p. 119-128.

II. Jtieir-Semirawûs (ngpettes), par Fr. Laonsant, éÊm la Gazette anàéoU fêqme^ 1878, p. 87-89.

12. JVMes on tke MOipom, amd J^tJMeflF •/ <*« Asnrmn^ by W. St. Ghad

ORIENT. 'ISS

sur les premiers êtres à flgure humaine qui aient peuplé la terre ^ achève de prouver que Bérose avait puisé à bonne source ce qu'il dit de la cosmogonie chaldéenne.

Sur la religion proprement dite, on consultera avec profit Farticle M. Lenormant a résumé ce qu'on sait de plus certain sur les dieux de TAssyrie et de la Ghaldée ^. Les sciences magiques, les formules de prières, les incantations qui jouaient un si grand rôle dans la vie religieuse des anciens Babyloniens, ont été étudiées soit d'ensemble, comme dans l'ouvrage de M. Lenormant sur les sciences occultes, dont il vient de paraître une version allemande, dans les Études accadiennes et les Études cunéiformes^ soit par le détail, dans les traductions que M. Sayce a données du poème des sept mauvais esprits ^^ d'une prière assyrienne destinée à écarter les suites d'un mauvais rêve^, et M. Budge d'incantations à prononcer sur le feu et sur Teau'. L'influence qu^exerça la magie chaldéenne sur TÉgypte pharaonique d'abord, puis sur la Grèce et sur le monde romain, donne un vif intérêt à ces études. On a déjà retrouvé dans certaines formules du moyen âge les débris corrompus d'incantations acca- diennes : et il semble qu'une partie du galimatias de mots inintelli- gibles usité encore aujourd'hui par les adeptes de la magie remonte jusqu'à l'antique Ghaldée.

L'histoire de la Ghaldée commence à se débrouiller peu à peu. Tandis que Boscawen publiait des traductions d'inscriptions remon- tant jusqu'à d'anciens rois«, M. Fox Talbot^, M. Oppert®, Rodwell^,

Boscawen, dans les Transactions, t. IV, p. 267-301; The twelfth Izdubar legend, Translated by W. St. Chad Boscawen, dans les Records, t. IX, p. 129-134.

t. Les premiers êtres vivants diaprés la tradition chaldéo-babylonienne (▼ignettes), par C. W. Mansell, dans -la Gazette archéologique, 1878, p. 131->1[41.

2. Les dieux de Babylone et de V Assyrie, par Fr. Lenormant (extrait de la Revue de France). Paris, Maisonneuye, 1877, in-8% 27 p.

3. Accadian Poem on the seven evil Spirits, Translated by Rev. A.-H. Sayce, dans les Records, t. IX, p. 141-148.

4. Fragment of an Assyrian Frayer after a bad dream, Translated by A.-H. Sayce, dans les Records, t. IX, p. 149-152.

5. Assyrian Incantations to Fire and Water. Translated by Ernest A. Budge, dans les Records, t. XI, p. 133-138.

6. On iome early Babylonian or Akkadian Inscriptions, Part. I, by W. St. Cbad Boscawen, dans les Transactions, t. VI, p. 275-283, et Inscription of AgU'kahrTimi, dans les Records, t. VIII, p. 1-8.

7. Senkereh inscription of Nebuchadnezzar. Translated by H. Fox Talbot, et The Birs-Nimrud Inscriptions of Nefmchadnezzar, Translated by H. Fox Tal- bot, dans les Records, t. VII, p. 69-78.

8. Babylonian legends found at Khorsabad. Translated by prof. Dr. Jalias Oppert, dans les Records, t. XI, p. 41-44.

9. Inscription of Merodach-Baladan IIL Translated by Rey. J.-M. Rodwell, dans les Records, t IX, p. 29-36.

4 54 BULLETIN HISTORIQUE.

et Schrader^ celles de quelques inscriptions de Nabukodorossor, de Merodach-Baladan ni et lY, la découverte d'une série de contrats datés, appartenant à une même famille et couvrant une étendue de plus de deux cents ans, a permis à MM. Boscawen^ et Oppert' de reconstituer la chronologie du second empire chaldéen et des pre- miers rois Perses. Un de ces contrats porte une date de la onzième année de Cambryse dont la découverte a jeté Témoi parmi les histo- riens de Fancien Orient. M. Pinches Ta publiée le premier* et elle vient d'être discutée de nouveau par M. Schracher^^. L'histoire de TAssyrie s'est enrichie de nombreux documents : inscription de Touklat-habalasar I, traduite par Houston* : inscriptions d'As- sour-nazir-habal , traduites par M. Talbot^ et Finlay^ : inscrip- tion de Salmanasar, traduite par M. Fr. Lenormand' : inscription de Binnirari P', traduite par M. Sayce^®, inscriptions de Sargon, traduites par M. Oppert^^ inscriptions de Sennachérib, traduites par

l. Weitere Bemerkungen zu der neugefundenen babylonischen Nebuead- neior-Inschrift, von £. Schrader, dans la Zsrrs. Ma,, 1879, p. 45-47.

I. Babylonian dated tabiets, and ihe canon of Ptolemy, By W. St. Ghad Boscawen (8 plates), dans les Transactions, t. VI, p. 1-133; M. Th. GoMridge Pinches a publié la notice et la traduction de qudques-uns de ces textes dans les Records, t. XI, p. 85-98, sous le titre : The Egibi tableU. TnnsUted by Theophilus Goldridge Pinches.

3. Revised Ckronology of ihe latest Babylonian Kings, by Dr. J. Oppert, dans les Transactions, t. VI, p. 260-274. Tirage à part, in-8* 15 p.

4. Dans les Proceedings of the Society of Biblical Archxology, slip daté da 2 juin 1878.

5. Ueber die Datirung einer babylonischen ThontafH aus dem Slften Jahre des Cambyses. Extrait du Monatsberickt de l'Académie des sciences de Berlin, férrier 1879, 2 p.; et dans la Zbits. JEo,, 1879, p. 39-45.

6. Record of a hunting expédition of Tiglath-Pileser I {Cire, B. C. 1120- 1100). Translated by Rev. W. Houghton, Records, t. XI, p. 7-10.

7. The Standard Inscription of Assur-akh-bal, Translated by H. Fox Tftlbot, et MonolUh of Àssur-akh-baL Translated by H. Fox Talbot, dans les Record», t. VIII, p. 9-20.

8. Inscription of Assur-izir-pal^), Translated by W. Booth Finlay, Records, t. XI, p. 11-12.

9. Bas-reliefs de bronze assyriens, dans la Gazette archéologique, 1878, p. 119-129, et pi. 22-24. Des fragments datés du règne d'Assour-nasir-habal ont été découverts par M. Rassam à Balawat et ont fourni à M. Ernest A. Budge la matière d'un mémoire lu à la Société d'archéologie biblique {Proceedingt oftke Society of Biblical Archaology. Session 1878-9. 5th meeting, 4th march 1879, p. 27-29), mais non encore publié.

10. Inscription ofRimmon-Nirari /, king of Assyria (B. C. 1320). Translated by Rey. A. H. Sayce, dans les Records^ t. XI, p. 1-6.

II. The Annals of Sargon. Translated by Dr. J. Oppert, dans les Records, t. VII, p. 21-56; Great Inscription in the Palace ofKhorsabad. Translatad by Dr. J. Oppert, Records, t. IX, p. 1-20 ; Bull Inscription of Khorsabad,

ORIENT. 455

M. Budget, inscriptions d*Esarhaddon, traduites par M. Pinches', inscriptions d'Assour-ban-habal, traduites par M. Fox Talbot^, sans parler de la réimpression des annales d'Assour-ban-habal de Smith^, ni de Timportante découverte faite par M. Sayce de textes se rappor- tant à la chute de Ninive et aux dernières guerres de son dernier roi contre Cyaxare^. Le plus considérable de tous les ouvrages histo- riques parus récemment est sans contredit Touvrage posthume de Smith sur Sennakhérib*. Il est malheureusement déparé par de nom- breuses fautes que Smith, surpris par la mort, n'a pas eu le temps de corriger, et que Téditeur M. Sayce a respectées. C'est un recueil les inscriptions données en texte, en transcription latine et en tra- duction, sont accompagnées de préfaces fort courtes et de notes plus brèves encore.

La collaboration de MM. Menant et Oppert, toujours si féconde en heureux résultats, a produit Tan dernier un des livres les plus inté- ressants qu'on ait eus depuis longtemps, le recueil de lois, de con- trats et d'actes juridiques de l'Assyrie et de la Chaldée^. 11 est regret- table que les difficultés de l'impression aient empêché MM. Menant et Oppert de donner le texte même de ces documents : ils ont eu du moins la précaution de mettre à côté de leur traduction une trans- cription en lettres latines. C'est un choix parmi les tablettes juridi- ques les mieux conservées ou les plus importantes : elles sont classées par ordre chronologique et vont jusqu'au milieu de l'époque grecque. M. Menant a entrepris seul l'étude des cylindres et cachets dont ces actes portent l'empreinte ou dont nos musées ont les originaux. A

intcripiions of the Harem of KhcT$ahad, Texis of the Foundation stone ofKhorsabad. Translated by Pr. Dr. J. Oppert, RecordSy t. XI, p. 15-40.

1. Nebbi Yunus Inscription of SennacMrib {from a mémorial slab found at Nineveh). Translated by Ernest A. Budge, Records, t. XI, p. 45-58.

2. The Oracle of Ishtar of Arbela. Translated by Theophilus Goldridge Pinches. Records^ t. XI, p. 59-72.

3. A Frayer and a Vision, from the Annals of Asmrbanipal King ofAssyria. Translated by H. Fox Talbot. Records ofthe Past, t. VII, p. 65-68.

4. Cette réimpression, commencée dans les Records, t. I, p. 55-106, n'a été reprise et terminée que dans le t. IX, p. 37-64.

5. Texts relating to the fall of the Asspian Empire, Translated by Rey. A.-H. Sayce. Records, t. XI, p. 79-84.

6. Hittory of Sennacherib, translated from the euneiform inêcriptions. By George SmiUi. Edited by the Rey. A. -H. Sayce. London, Williams and Norgate, 1878, in-4*, it-182 p. Cfr. dans U Revue critique, 1878, t. II, l'article de M. Sta- nislas Gnyard sur ce livre, et la réponse de M. Sayce.

7. Documents juridiques de l'Assyrie et de la Chaldée, par MM. J. Oppert et J. Menant. Paris, Maisonneuve, 1877, in-8*, 367 p.; Babylonian public Docu- menta conceming private persons, Edited by MM. Oppert and Menant, Records, t. IX, p. 89-108.

456 BULLBTI5 HISTOEIQUE.

Paris, à Londres, dans les Pays-Bas, en Allemagne, en Suisse, en Italie, il a recueilli les copies de œs cylindres, et a pu par la compa- raison en déterminer le sens, remploi, la date^ Je ne vois guère à citer comme complément à Tétude qu'il a entreprise que les observa- tions de M. Sayœ sur les cylindres assyriens du trésor de Gurium', la note de M. Schrader sur le cachet du roi Ourzana, sur un ancien cylindre babylonien et sur quelques gemmes du musée de Berlin ', celle de M. Lenormant sur quelques monuments chaldéens des col- lections romaines^, enfin les mémoires de MM. Mansell et Ledrain' sur différentes intailles asiatiques.

Outre des textes historiques et religieux, on a retrouvé aux bords du Tigre des proverbes, des chansons, des hymnes : M. Sayoe en a traduit quelques-uns *, ainsi que M. Halévy ^. On a également des fragments de listes géographiques, traduits par M. Sayce^, et des

1. Pfqtiee swr ÇMelqun cjUndres orientaux, par M. Joichim Menint. Paris, Imprimerie Nationale, 1878, iii-8*, 16 p. 1 pi. Extrait des oomples-rendos de l'Académie des inscriptions et belles-lettres ; NoUee tur quelques empreintes de cylindres du dernier empire de Chaldéey par M. Joachim Menant Paris, Impr. Nat., 1879, in-8*, 24 p. et 5 pi. Extrait des comptes-rendus de l'Académie des inscriptions et belle»-lettres; Les cylindres orientaux du Cabinet des Médailles de La Haye, par M. Joachim Menant. Paris, Impr. Nat., 1879, in-8*> 74 p., avec vignettes intercalées dans le texte. Extrait des Archives des Missions scienti- fiques, 3* Sér., t. V ; Catalogue des cylindres orientaux du cabinet royal des médailles de La Haye, La Haye, imprimerie de l*État, 1879, in-4*, 84 p. et tui pi.

2. The Babylonian Cylinders found bj gênerai di Cesnola in the Treasury ofthe Temple at Kurium, by Rey. A. -H. Sayce, dans les Transactions, t. V, p. 441-444.

3. Ueber einen altbabglonischen KœnigseyUnder des Kœnigl-Museum und einige andere Cglinder und Gemmen, von Mb. Schrader, mit 1 Taf.; Anszug ans dem Monatsberich der Kœnigl. Akademie der WissenschaAen zn Berlin, 1879, p. 288-298.

4. Tre Monumenli Caldei ed Assiri di Collesioni Romane dichiarati da Fr. Lenormant (con 1 tay. Lit.). Roma, 1879, in-8% 19 p.

5. Observations sur les intaHles talismaniques phéniciennes (rignettes), par C. W. Mansell, dans la Gazette archéologique, 1878, p. 38-40; Pierres gravées phéniciennes avec la représentation du sanglier ailé (rignettes) , par C. W. Mansell, ibid,, p. 50-54. Les monuments égyptiens connus sous le nomdeCippes d^Horus et les intailles talismaniques des Phéniciens (vignettes), par E. Ledrain, dans la Gazette archéologique, 1878, p. 35-38.

6. Two Àccadian Hymns. Translated by Rev. A.-H. Sayce, Records, t. XI, p. 129 ; Accadian Penitential Salm. Translated by ReT. A.-H. Sayce, et Baby- lonian Saints' Calendar, dans les Records, t. VIII, p. 15M70; Ancient Baby- lonian Moral and Political Precepts, Records, t MI, p. 117-122; Accadian Proverbs and Songs, Records, t. XI, p. 131-156.

7. Assyrian fragments. Translated by J. HaléTy, Records, t. XI, p. 157-162.

8. An Assyrian Fragment on Geography, Translated by Rer. A.-U. Sayce, Records, t. XI, p. 145-150.

ORIBIfT. 'tST

documents malhématiques. L'un d'eux, découvert à Senkereh, est devenu entre MM. Lepsius*, Oppert^ Schrader* et Delitzsch^ Fobjet d'une discussion fort vive qui dure depuis plus de deux ans, et n'est pas près de finir, non plus que la controverse que M. Oppert soutient à lui seul contre tout le reste de Técole depuis plus de dix ans, au sujet des listes d'éponymes. Dans son mémoire sur Salomon et ses successeurs, M. Oppert a soutenu énergiquement son opinion et tenté une fois de plus de démontrer qu'il faut établir non pas la chronologie biblique d'après la chronologie assyrienne, mais la chro- nologie assyrienne d'après la chronologie biblique. Une série d'in- ductions et de calculs fort ingénieux a conduit le même auteur à déclarer que les chiffres donnés dans la bible aux temps antérieurs à Joseph dérivent des chiffres assignés par les Ghaldéens aux temps antéhistoriques'. D'autres, comme M. Sillem, ont, sans entrer dans une discussion de nombres, recherché sommairement ce que les livres de la Genèse hébraïque doivent aux traditions assyriennes^, ou, comme MM. Nowack^ et Tiele*, montré d'une manière générale l'utilité que l'exégèse biblique peut trouver dans l'étude de l'assyrio- logie. Un Anglais, M. H. G. Tomkins, a publié, sur l'état du monde asiatique au temps la légende place la vie d'Abraham, un mémoire dont les monuments assyriens et quelques textes égyptiens ont fourni les matériaux ^. M. Guyard a interprété par plusieurs pas-

1. DU Babylonisck-Assyrischen Langenmasse naeh der Tafel von Senk&éh, Ton R. Lepsius. Aus den Abhaodlungen der Kœnigl. Akademie der Wissenschaf- ten zu Berlin, 1877. Mit 2 Tafeln. Berlin, G. Vogt, 1877, in-4*, p. 105^144.

2. Les réponses et contre- réponses de MM. Oppert et Lepsius ont été publiées dans les Monaisberickte der Kcmiglich, Pretissischen Akademie der Wistemchaf- ien %u Berlin. December 1877, p. 741 sqq., et Febniar 1878.

3. Ueber Theilgewichte der babyloniscken Mine und deren Bezeiehnung, fon Eb. Schrader. Z.i£o., 1878, p. 110113.

4. Soss, Ner, Sar, von Fr. Delilzscb. Z. Ma., 1878, p. 56-70.

5. Die Daten der Genesis, Ton J. Oppert, dans les Ntichrichten von der Kœnigl. Gesellschafl der Wissenschaften und der G. À, UniversiUet zu GiEttingen, 1877, 10, p. 201-223.

6. Dos Àlte Testament im Lichie der Àssyrischen Forsdiungen und ihrer ErgelnUsse, Ton Dr. C.-H.-W. Sillem, /. Die Genesis. Hamburg, 1877, Th. G. Meissner, in-4*, ii-39 p.

7. Die Astyrisch'Babylonischen KeU-Inschriften und dos AUe Testament, Ton Nowack. Berlin, Meyer und Mueller, 1878, in-8*, 28 p.

8. Die Assyriologie und ihre Ergebnitse fuer die vergleichende ReUgions- geschickie. Rede bel Eimahme des Lehrstuhles der allgeroeinen Religions- geschichte an der UniTersitœt Leyden, gehalten Ton Prof. C. P. Tiele. Aus dem Hœllendischen von K. Friederici. Leipzig, Otto Schulze, 1878, in-8% 24 p.

9. StudUs on tke Times of Abraiiam, by the ReT. Henry George Tomkins. London, Bagsler, 1878, ia-4% Part I, xtui-228 p. et 14 pi.

158 mxRn nsfouoei.

sages d*iiiscriptioiis améîtbnnes le sens d'un passage obscur de la

bible^ Malgré «s exemples, il semUe que les héhmsants et les ezégètes biUîqaes continueDt à tenir pour sospeeles les infbriDations des monuments assyriens el refusent d'en tirer un parti suffisant.

Les inscriptions en langues autres que Tassjrrîen et le chaldmi ancien ont été peul-étre un peu plus étudiées qu'dies ne Favaient été ju^iu a présent. A M. Mordtmann, qui. seul jusqu'à présent, avait abordé d'une manière suivie le déchifflrèment des inscriptiens annè- niaques', est venu se joindre M. de Robert'. L'ouvrage oonsidé- raUe que ce savant, nouveau dans ce cbamp d'études, a publié, parait être oonsdencteusement exécuté : je n'oserais affirmer que les résuluts auxquels il est arrivé soient bien établis. M. Sajœ^ et, à deux reprises, M. Oppert\ se sont appliqués à l'interprétation des inscriptions susiennes. Ils ne sont pas encore parvenus à tout lire, mais ce qu'ils ont lu renferme des renseignements coricnx sur le peuple important et peu connu qui habitait l'Elam. La laïque médique avait été presque entièraneot néctigée depuis les beaux travaux de Norrisw M. Oppert, après avoir exposé quelques ^ts nooreanx* et traduit la partie médique de nnscripUon de Bebistoup s vient de publier en détail ce que vingt années de labeur lui ont appris sur la langue et le peuple des Mèdes*. (Vnr le persan, je n al à indiquer id, outre une théorie nouvelle de M. Deecke, sur la fermalion de l'alphabet cunèifenne, que la traduction nouvelle qu'a donnée M. Oppert des inscriptions des rois Achéménides^.

Ce n est pas que travaux sur la INnrse anemne ftssent âHàJoL

1. DaK le JmÊnmi msmt^me. \ST$^

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ORIENT. 4 59

Loin de là; mais, sauf M. Spiegel, la plupart des savants qui les font ne s'inquiètent guère des inscriptions cunéiformes. Ils com- mentent les textes zends et leur demandent presque exclusivement les renseignements dont ils ont besoin. M. James Darmesteter dans son beau volume sur Ormazd et Âhrimân a montré quel lien étroit rattachait au début les mythes ariens de Tlnde et de llran, puis les modiflcations qu'avalent amenées le temps et certaines circonstances historiques dans les dogmes de la religion persane*. M. de Harlez dans une série de mémoires spéciaux a élucidé certains passages de TAvesta, non sans attaquer au passage plusieurs des idées favorites de M. Darmesteter^. M. Justi a écrit fort brièvement l'histoire de la Perse jusqu'à la conquête musulmane'. Enfin, M. Spiegel, parla publication d'un troisième volume, vient de compléter ses Antiquités Éraniennes^, On n'aura jamais assez d'éloges pour la patience avec laquelle il a su assembler ses matériaux, ni pour la sagacité avec laquelle il les a traités. Quelques-uns de ses collègues lui reprochent de manquer parfois de critique : je ne suis pas compétent pour juger jusqu'à quel point ce reproche est fondé.

J'ai entrepris cette bibliographie des ouvrages relatifs à l'Orient ancien qui ont paru depuis 4876 en toute sécurité et confiance pour l'Egypte. La bibliographie des livres assyriens est déjà moins com- plète; car j'ai tenu à n'y mettre que les livres que j'avais lus moi- même : pour les autres peuples de l'Asie orientale, elle serait moins complète encore. Je me bornerai à signaler, pour la Syrie, la tenta- tive de déchifi'rement, par M. Sayœ^ des hiéroglyphes de Hamath'; pour la Phénicie, les mémoires à la fois si ingénieux et si solides M. Glermont-Ganneau montre comment les objets de commerce, coupes en métal, vases, bijoux fabriqués par les Phéniciens sur des modèles égyptiens, ont transporté en Grèce et dans le monde occi- dental les idées religieuses du monde sémitique et les arts de

1. Ormasd et Ahriman, Uun origines et leur histoire ^ par James Dannes- teter. Paris, Vieweg, 1877, in-8% 360 p., forme le ringt-neuvième fascicule de la Bibliothèque de l École des hautes études,

2. Dans le Journal asiatique, 1876-1879.

3. Geschichle des alten Persiens, yod D' Ferdinand Justi, mit lllustrationen und Karten. Berlin, Grote, 1879, 1 vol. in-8*, yui-250 p., 44 gravures et 2 caries. Forme la quatrième partie de la première section de l'Histoire universeUe de Oncken.

4. Eranische AUerthumskundef von Fr. Spiegel. Dritter Band. Leipzig, Engel- mann, 1878, in-8*.

5. The Hamathite Inscriptions. By Rev. A.-H. Sayce, Transactions, t. V, p. 22-32, with plate.

460 BULLETIN HISTORIQUE.

rÉgypte^', pour le pays de Canaan, les études de H. Baudissin sur les religions sémites^. Chypre promet de fournir plus tard une litté- rature considérable : pour le moment, je ne signalerai que Touvrage le général de Cesnola a raconté ses fouilles', le mémoire M. Bréal a résumé avec lucidité Thistoire du déchiffrement de l'al- phabet chypriote^, et celui de M. Deecke sur Forigine assyrienne de cet alphabet^. Pour TAsie-Mineure, les fouilles de M. Schliemann ont encore été exploitées par M. Fr. Lenormant dans ses Antiquités de la Troade^j et par M. Ed. Meyer dans son Histoire de la Troade'. On me permettra de m'arréter ici et de ne pas m'engager plus avant sur un terrain qui m'est peu connu.

G. MiSPBKO.

BELGIQUE.

Dans mon dernier bulletin, j'ai passé en revue les publications belges de Tannée 4876 [Revue historique^ t. YI, p. 455-465). Le présent article sera consacré au mouvement historique en Belgique pendant les années 4877 et 4878.

1. Voir surtout : Horus et Saint Georges d'après un bas^relief iiMii du Louvre, Notes d'archéologie orientale et de myUiologie sémitique, par Gh. Gler^ mont-Ganneau, avec gravure et planche (extrait de la Revue archéologique). Paris, Didier, 1867, in-8% 51 p.; Mythologie iconographique (extrait de la Revue critique). Paris, £. Leroux, 1878, in-8*, 20 p.; Le dieu Satrape et les Phéniciens dans le Péloponnèse. Notes d*archéologie orientale (extrait du Journal asiatique). Paris, Iinpr. Nat., 1878, in-8*, 80 p.

2. Studien zur Semitischen Religionsgeschichte, Ton Wilhelm Grafen Bau- dissin. Leipzig, Gninow, in-8*, Heft I, 1876, yu-336 p.; Heft II, 1878, ▼in-286p.

3. Cyprus : its ancient Cities, Tombs and Temples. A Narrative of Resear^ ches and Excavations during ten years* résidence as American consul in that island. By gênerai Louis Palma di Gesnola. With maps and illustrations. London, John Murray, 1877, in-8*, xix-448 p.

4. Michel Bréal. Sur le déchiffrement des inscriptions chypriotes. Extrait du Journal des Savants, août et septembre 1877, in-4*, 26 p.

5. Der Ursprung der Kyprischen Sylbenschrifl, eine palxographisehe Unter* suchung^ Yon D' W. Deecke, mil rier Schrifttafeln. Strassburg, Karl J. Trudmer, 1877, in-8*, 39 p.

6. Les Antiquités de la Troade et l'histoire primitive des contrées grecques, par Fr. Lenormant, l'* partie. Paris, MaisonneuYe, 1876, in-4*, 87 p. Une por- tion de ce trayait est extraite de la Gazette des Beaux-Arts, 1875-1876.

7. Geschichte von TroaSy von Eduard Meyer, mit einer Karte. Leipzig, Bngel- manu, 1877, in-8% viii-112 p.

BBLGIQUK. 464

Durant ces deux années la mort nous a enlevé le chanoine De Sraet, Altmeyer, le général Guillaume, Roulez et Camille Van Dessel. Le chanoine de Smet était un des vétérans de l'histoire nationale. En 4824 il publiait déjà une Histoire de Belgique. Il a édité pour TAcadémie royale, dont il faisait partie, la précieuse collection inti- tulée : Corpus chronicorum Flandriae. J.-J. Altmeyer était un historien et un professeur savant, alliant à une véritable largeur de vues une forme bizarre et souvent rude à force de franchise. Ses principaux ouvrages se rapportent à la philosophie de Phistoire et à rhistoire de Belgique. Le général baron G. Guillaume était notre principal historien militaire. Couronné en 4846 par TAcadémie royale pour une bonne Histoire de V organisation, militaire sous les ducs de Bourgogne, il n'avait cessé jusqu'à sa mort de produire des monographies analogues sur les régiments belges pendant la guerre de Sept Ans et les guerres de la Révolution française, les gardes wallonnes au service de l'Espagne, les quatre régiments wallons au service de Naples, les bandes d'ordonnance des Pays-Bas, etc. Il édita aussi, pour la défunte Société de Phistoire de Belgique, les Commentaires de Bernardino de Mendoça (4567-4577), écrivain élégant, guerrier et diplomate distingué, qui admirait le duc d'Albe, mais qui se montre exact et impartial. J.-E. -G. Roulez étaitprofes- seur émérite de l'Université de Gand. Ses travaux sur Tarchéologie, la paléologie et l'épigraphie l'avaient fait connaître à l'étranger plus qu'en Belgique, ces sciences sont fort peu cultivées. Il s'était aussi beaucoup occupé des époques reculées de l'histoire de Belgique, et son Mémoire sur les légats, propréteurs et procurateurs des pro- vinces de Belgique et de la Germanie inférieure (2** édition de 4 875) est un ouvrage classique. Enfln Camille Van Dessel était un jeune érudit, qui s'était surtout signalé par sa remarquable Carte archéo- logique de la Belgique (période anté-historique, romaine et flanque) et par la préparation d'une nouvelle édition du grand ouvrage de Schayes, La Belgique et les Pays-Bas avant et pendant la domina- tion romaine, dont il sera question plus loin. M. Van Dessel n'avait que vingt-six ans. Le chanoine de Smet, Altmeyer, le général Guil- laume et Roulez avaient au contraire atteint la vieillesse et donné complètement la mesure de leur science et de leur talent.

Les Mémoires et les Bulletins de l'Académie royale de Belgique fournissent tous les ans une moisson abondante, sinon toujours riche, à l'histoire, surtout à l'histoire nationale. Dans les Mémoires in-quarto, nous citerons un travail consciencieux, qui par beaucoup de côtés se rattache à l'histoire proprement dite et contient beaucoup de choses neuves : La sculpture aux Pays-Bas pendant les XV fp et

ReV. HiSTOR. XI. i«' FASC. ii

462 BULLETIN HISTORIQUE.

XVIII^ siècles^ par M. le chevalier Edm. Marchai. L'auteur débute par un résumé il expose toute Thistoire de la sculpture en Bel- gique depuis les temps les plus reculés (périodes ^o-romaine, romano-byzantine^ gothique et de la renaissance). Il passe ensuite en revue les divers styles : hispano-italien, italo-flamand, borrominien, Rubens, rocaille et néo-classique. Pour le xvii* et le xviii* siècle, Pauteur a classé les sculpteurs en huit régions, correspondant à autant d'écoles distinctes (Bruxelles, Malines, Anvers, Gand, Bruges, la Flandre fhmçaise, Hainaut-Namurois et Liège). Ce livre d'histoire de l'art jette un jour tout nouveau sur un côté de la vie nationale aux Pays-Bas pendant deux siècles.

Dans la collection des Mémoires in-octavo, il y a abondance. La dissertation flamande (couronnée) de M. Max Rooses, Plantijn en de Plantijnsche drukkerij (Plantin et l'imprimerie Plantinienne) * , se présente la première et est une des meilleures. L'histoire du célèbre imprimeur anversois et de ses continuateurs est menée jusqu'à la fin du siècle dernier. C'est une esquisse très intéressante et très sûre d'un très vaste sujet. On sait que Christophe Plantin, français d'ori- gine, était devenu imprimeur de Philippe n dans les Pays-Bas, et que son nom est sans cesse mêlé à l'histoire politique, religieuse et littéraire du temps. La maison, les ateliers et la riche bibliothèque de Plantin et de ses successeurs ont été conservés religieusement comme par miracle à Anvers, et de nos jours ce trésor a été trans- formé en un musée public dont M. Max Rooses est conservateur. Dans un mémoire intitulé : Histoire du droit de chasse, M. Amédée Faider fait l'historique de ce droit aux temps mérovingiens et carlo- vingiens, à l'époque de la féodalité, sous les ducs de Bourgogne et sous les maisons d'Espagne et d'Autriche, dans les diverses parties la Belgique actuelle (Pays-Bas méridionaux, principauté épiscopale de Liège, duché de Bouillon et principauté abbatiale de Stavelot). Le Mémoire historique sur la persistance du caractère national des Belges^ par M. Th. Quoidbach, est un long morceau, superficiel, indigeste et singulièrement paradoxal, dans lequel l'auteur s'eJQTorce de prouver que le caractère national des Belges s'afQrme depuis les temps les plus reculés, non seulement dans leur amour de la liberté, mais aussi dans leur attachement à l'église catholique. Pour y arri- ver, il remonte jusqu'à la conquête romaine et même au-delà ; il perd complètement de vue que, pendant les belles époques de leur histoire, c'est-à-dire jusqu'au xvii' siècle, les Pays-Bas méridionaux se dis-

1. Sous ce titre, M. Edm. Mertens a publié une traduction française de cette consciencieuse monographie.

BELGIQUE. 403

tinguÀrent par de nombreuses hérésies et par une grande indépen- dance à l*égard de TÉglise -, il excuse les rigueurs cruelles de Phi- lippe II et rend les calvinistes du xyp siècle responsables de tous les maux causés par les guerres religieuses; il malmène aussi Joseph II. Le monde savant sera étonné en apprenant que ce mémoire, qui déve- loppe maladroitement une thèse aussi fausse, a été couronné par FAcadémie royale.

Dans les Bulletins de l'Académie royale nous signalerons d'abord un remarquable discours de M. Emile de Laveleye, professeur à rUniversité de Liège, sur La démocratie et l'économie politique^ et un discours de M. Alph. Wauters, sur Les travaux historiques de jadis et ceux d* aujourd'hui. Il y caractérise rapidement la valeur des chroniques et des historiens des Pays-Bas jusqu'à la fln du xyi« siècle, spécialement Jean le Bel, Froissart, Hemricourt, Jean d'Outremeuse, Jacques Du Clercq, Olivier de la Marche, Philippe de Gommines et Jacques de Meyer. Ce dernier, quoique appartenant au clergé, vit mutiler ses Annales Flandriae par la censure ombrageuse de Charles-Quint et de Philippe II. Après les guerres religieuses, l'histoire se réfugie sur le sol libre des Provinces-Unies et y produit Bor, Hooft, van Meteren et d'autres moins connus. Van Meteren était d'Anvers et avait fui en Hollande pour échapper à la tyrannie religieuse qui pesait sur le Sud depuis le triomphe des armes d'Alexandre Farnèse. Jusqu'à la fin du xyiii« siècle la Belgique ne produisit plus une seule œuvre historique importante. Les deux réno- vateurs de l'histoire furent alors le chevalier Diericx, auteur de savants Mémoires sur les lois^ les coutumes et les privilèges des Gan^ tais, travail puisé aux sources mêmes, et Ernst, auteur d'une Histoire du Limbourg, Au xix* siècle, on eut de Gerlache, Gachard et leurs nombreux continuateurs. M. J.-J. Thonissen, professeur à l'Université catholique de Louvain, dans ses Études sur l'histoire du droit criminel en France, s'occupe des peines capitales sous les Mérovingiens. M. P. Willems, professeur à la même Univer- sité^ étudie la Compétence du sénat de la république romaine en matière d'affaires étrangères. Il traite d'abord des déclaratfons de guerre et prend pour exemple celles de la deuxième et de la troisième guerre punique *, puis des négociations avec l'ennemi pour la conclu- sion d'un armistice ou d'une paix, et il examine les traités qui suivent la deuxième guerre punique et le traité conclu avec Philippe de Macé- doine, n étudie ensuite les traités d'alliance, d'amitié et d'hospitalité publique, les rapports généraux du sénat avec les alliés et les peuples étrangers, les audiences accordées par le sénat aux députa- tîons étrangères, les ambassades romaines à l'étranger et la politique

4 64 BULLBTIIf HISTORIQUE.

générale du sénat au second siècle avant J.-G. Dans une autre notice, intitulée : La rédaction et la garde des sénatus-consultes pendant la républiqiLe romaine, le même auteur fait aussi preuve d'une érudition sûre et pleine de sagacité. Ces deux travaux sont faits sur les sources et d'après les résultats de la philologie moderne. Dans une curieuse dissertation, intitulée : Edouard III dans nos deux littératures^ M. J. Stecher, professeur à TUniversité de Liège, étudie les jugements portés sur le héros anglais de la première partie de la guerre de Cent Ans par ses contemporains wallons et flamands : le chanoine liégeois Jean le Bel, auteur des Vrayes Chroniques^ que Froissart inséra presque intégralement dans sa grande narration ; le poète flamand Jean van Boendale, qui était clerc des échevins d^ An- vers et qui écrivit un poème consacré au roi anglais, intitulé : Van den derden Edowaert (du troisième Edouard) \ Tauteur inconnu des Récits d*un bourgeois de Valenciennes et enfin Jean Froissart lui- même, dont les ravissants récits sont pleins de la grande personna- lité d'Edouard III. M. Gachard a consacré quelques pages intéres- santes au Voyage de Pierre le Grand dans les Pays-Bas autrichiens en \7\7. Le fameux tsar de Russie avait visité la Hollande, l'Angle- terre, TAllemagne et FAutriche à la fin du xtii* siècle, et ce premier voyage avait été un voyage d'instruction. Le second qu'il fit en Occident eut un but politique. Il s'occupa surtout de pénétrer les secrets des cours, et à cette époque La Haye était considérée comme le centre des négociations de l'Europe. Il se rendit donc en Hollande et séjourna assez longuement dans plusieurs villes des Provinces- Unies. De il se rendit dans les Pays-Bas autrichiens qu'il traversa rapidement en passant par Anvers, Bruxelles^ Gand, Bruges, Ostende et Nieuport. Les provinces belges étaient alors gouvernées par le marquis de Prié, gentilhomme piémontais, au service de l'empereur Charles VI. Pierre le Grand visita ensuite la France et retraversa la Belgique à son retour. U descendit la Meuse de Charleville à Liège, s^arrêtant avec complaisance à Namur, on lui donna le spectacle d'un combat d'échasses, d'une joute nautique et du saut de Tanguille sur la Meuse. Il s'amusa énormément de ces jeux locaux fort origi- naux. Puis il alla résider quelque temps à Spa. Pour cette partie, M. Gachard renvoie au livre de M. Albin Body, Pierre le Grand aux eaux de Spa. Ce voyage, peu important du reste, puisque le tsar voyageait incognito et en amateur, avait passé à peu près inaperçu. M. Gachard l'a raconté en détail d'après des documents tirés des archives du royaume et de quelques villes et des gazettes du temps. Notons en passant qu'à Bruxelles Pierre le Grand refusa les apparte- ments qu'on lui avait préparés au Palais, et alla s'installer dans la

BELGIQUE. 465

petite maison Charles-Quint habita quelque temps après son abdi- cation * . Pendant son séjour en Belgique, le tsar songea très sérieu- sement à établir des relations maritimes directes avec la Russie, nomma un agent spécial et ouvrit des négociations à ce sujet avec le marquis de Prié.

La Commission royale d'histoire a publié quelques nouveaux volumes in-4**. M. Gachard, archiviste général du royaume, a fait paraître le tome II de La Bibliothèque nationale à Paris, Notices et extraits des manuscrits concernant l'histoire de Belgique, Ce volume contient surtout la correspondance de trois ambassadeurs de France à la cour de Charles-Quint, de cinq autres à la cour de Philippe II, et de trois diplomates français envoyés à Bruxelles par Charles IX pendant l'administration tyrannique du duc d'Albe dans les Pays- Bas. M. Alph. Wauters, archiviste de la ville de Bruxelles, a publié le tome V de sa Table chronologique des chartes et diplômes imprimés concernant l'histoire de Belgique. Il va de 4254 à 4279. C'est l'époque de la querelle sanglante des maisons d'Avesnes et de Dampierre en Hainaut et en Flandre, et tous les états belges du temps y ont été plus ou moins mêlés. Ce volume contient l'analyse d'un nombre considérable de documents se rapportant à la comtesse de Flandre Marguerite de Constantinople, au duc de Brabant Henri II(, au prince-évèque de Liège Henri de Gueldre, au comte Gui de Dampierre, etc. , ou aux seigneurs, aux prélats, aux lettrés et aux communes belges delà seconde moitié du xni* siècle. M. Stan. Bormans, archiviste de l'État à Namur, a édité le t. IV de la Chronique de Liège de Jean des Preis, dit d'Outremeuse, dont feu le professeur Ad. Borgnet avait dirigé la publication avant lui. Enfin M. Edm. Poullet, professeur à l'Université catholique de Louvain, a publié le premier volume de la Correspondance du cardinal Granvelle (4565-4586). Cette publi- cation ne manquera pas d^attirer l'attention de tous ceux qui, en Belgique et à l'étranger, s'occupent de Thistoire du xvi* siècle, dans laquelle le fameux cardinal a tenu une place si importante. Ce pre- mier volume contient 424 lettres (du 20 oct. 4565 jusqu'au 29 sept. 4566), et dans un appendice l'éditeur a réuni 29 lettres des années 4564-4565, concernant surtout le Concile de Trente. Une table chronologique des matières et des personnages cités complète cette importante publication.

Dans les Bulletins de la même Conmiission il y a à citer quelques notices. M. Ch. Piot y a inséré un rapport au ministre de l'intérieur

1. Cette maison était située au fond du parc, sur l'emplacement actuel du Palais de la Nation, les deux chambres belges tiennent leurs séances.

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ces hommes d'État qu'il servait, et pendant dix-sept ans il rédigea contre eux des mémoires secrets, dont on n'a retrouvé qu'un frag- ment, n'embrassant que trois années. Ils contiennent une foule de petits détails curieux qu'on ignorait jusqu'à ce jour. Ces Mémoires sont imprimés à la suite de la notice de M. Galesloot. M. Gode- froid Kurth, professeur à l'Université de Liège, a publié La charte d'affranchissement de Saint-Léger (2 mars 4368). On croyait jusqu'à présent que les communes de l'ancienne prévôté d'Arlon n'avaient jamais reçu de chartes d'affranchissement. La découverte de plusieurs copies authentiques dans les archives de cette petite commune du Luxembourg belge établit le contraire. M. Reatz, avocat alle- mand, qui est l'auteur d'une histoire du droit maritime en Europe [Geschichte des Europœischen Seeversicherungsgerecht y 4870), a publié une curieuse notice sur les ordonnances du duc d'Albe con- cernant les assurances maritimes. U s^appuie surtout sur les magni- fiques travaux de M. Gilliodts-van Severen relatifs aux archives de Bruges. Il examine d'abord le droit coutumier de cette opulente métropole maritime au moyen âge-, il passe ensuite à l'ordonnance du duc Philippe le Bon en 4458, à celles de Charles-Quint en 4537, 4549 et 4554, et à celle de Philippe II en 4563; enfin il commente et publie celles du duc d'Albe en 4569, 4570 et 4574 .

En Belgique, l'histoire nationale absorbe presque toute l'atten- tion, on s'occupe de tout côté de la publication des documents impor- tants conservés dans les dépôts publics. A ce point de vue, M. Gachard a donné l'exemple et ses travaux lui ont valu une réputation euro- péenne. D'autres archivistes marchent sur ses traces et en première ligne il flsiut citer M. L. Gilliodts-van Severen, archiviste de la ville de Bruges. En 4 874 il a commencé la publication de l'Inventaire des archives de la ville de BrtigeSy qui se composera de trois sections. La première, comprenant les chartes politiques du xiii* au xvi« siècle, est complète déjà. La seconde comprendra les chartes qui se rappor- tent à Torganisation des gildes et des corporations des métiers durant la même période. La troisième et dernière section comprendra toutes les chartes, politiques et autres, du xvi* au xix* siècle. Le savant éditeur a pris le mot charte dans son acception la plus étendue, comme s'appliquant à toutes les pièces détachées, originaux ou copies vidimées, dont l'authenticité peut être établie suivant les principes de la diplomatique. Les archives de Bruges présentent un intérêt très considérable, parce que cette fière commune a été au moyen âge le grand port et l'entrepôt central du commerce de la mer du Nord en même temps que la métropole des arts, surtout au xv« siècle, lorsque les frères van Eyck et leurs élèves y florissaient.

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Les six premiers volumes de V Inventaire de M. Gilliodts-van Severen embrassent la période comprise entre 4228 et 4500. Chaque volume est un in-4* de plus de 500 pages, contenant des analyses faites avec beaucoup de soin et de méthode et judicieusement proportionnées à l'importance des pièces. Chaque charte est précédée du texte entier des suscriptions et suivie d'annotations et de la description des sceaux qui sont ou étaient attachés à Foriginal. Quelques pièces, d'une valeur plus grande, sont reproduites en entier. Outre ces six volumes, M. Gilliodts-van Severen en a donné un septième (in-4<' de 520 pages), consacré tout entier à V Introduction. L'auteur s'occupe d'abord des archives de Bruges et donne un aperçu de leur richesse; puis il flsiit l'histoire sommaire de ce précieux dépôt, qui commence à l'incendie de la tour des Halles en 4280. Vient ensuite une digression sur le calendrier du moyen âge et les fêtes de l'année, digression remplie de détails précieux sur les usages anciens de la Flandre. Une autre partie est consacrée à l'étude de l'écriture, des registres, du papier, des sceaux, des idiomes employés dans les actes et des noms de per- sonnes et de localités. C'est un véritable traité des connaissances indispensables à celui qui veut faire des recherches dans des archives flamandes. Ce qui manque complètement à cette œuvre admirable, ce sont les tables. Espérons que nous ne devrons pas les attendre jusqu'au moment les deux autres sections, promises par M. Gil- liodts-van Severen, auront paru en entier.

V Inventaire des chartes des Archives d'Ypres a déjà été publié. Cette vieille commune flamande, qui jusqu'à la fin du xiv^ siècle fut la rivale de Gand et de Bruges, possède aussi un dépôt extrêmement riche. M. J. L. A. Diegerick, l'excellent archiviste de la ville d'Ypres, s'occupe depuis 4874 de la publication de Documents du XVP siècle relatifs aux troubles religieux. Quatre volumes ont paru. Les deux premiers contiennent le Mémoire justiflcatif du magistrat d'Ypres sur les troubles de 4566 et 4567 avec une série de pièces à Tappui. On sait que les excès des iconoclastes, en août 4 566, inaugurèrent une période d'agitations et de troubles continuels durant plusieurs mois, pendant lesquels les calvinistes furent tout-puissants. Puis vint une réaction violente, lorsque le duc d'Albe prit en mains les rênes du pouvoir au nom du roi Philippe II; tous les magistrats des villes infectées d'hérésie durent se justifier auprès du gouvernement. Les deux autres volumes contiennent des documents divers, ayant tous trait aux affaires de religion et allant de 4533 à 4573. On y trouve des pièces importantes; beaucoup portent la signature des hommes les plus célèbres du temps. Toutes sont données in-extenso et sans notes. Le tome IV, paru en 4 877, se termme par une table

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des noms de personnes cités dans ces quatre volumes. M. Léopold Devillers, archiviste à Mons, a fait paraître le t. VIll de la Descrip- tion analytique de carttUaires et de chartriers accompagnés du texte des documents utiles à ^histoire du Hainaut, On y trouve une notice sur les archives des établissements de charité de la ville de Mons. M. Stanislas Bormans a publié un volume de Documents inédits concernant V histoire de la province de Namur, contenant des analyses de cartulaires des petites communes. Le même a égale- ment édité le 1. 1 du Cartulaire de la commune de Namur. Enfin M. Diegerick a publié un Inventaire analytique et chronologique des chartes et documents appartenant aux archives de l* ancienne abbaye de Messines^ en Flandre.

M. Kervyn de Lettenhove a publié pour la première fois, d'après un manuscrit de la bibliothèque de TArsenal à Paris, une chronique du xiv« siècle, qu'il a intitulée Récits d'un bourgeois de Valenciennes. Cette chronique anonyme n'était connue que par les extraits que Buchon en a donnés en 4838 et par les citations de M. Kervyn dans les notes de son édition de Proissart. M. Kervyn n'a pas cru devoir publier tout le manuscrit de Paris. Il a omis la partie de la chronique qui va de la création du monde jusqu'au règne de Philippe de Valois et un autre fragment qui n'est qu'une sorte de reproduction du Livre de Beaudouin d*Avesnes, Les récits du bourgeois de Valen- ciennes s'arrêtent à l'année \ 366 ; ils sont empreints d'une grande sin- cérité et contiennent beaucoup de détails nouveaux sur les événements du xiv« siècle. M. Ch. Potvin a publié les Œuvres de Ghillebert de Lannoy, voyageur, diplomate et moraliste, qui faisait partie de l'entourage des ducs de Bourgogne Philippe le Bon et Charles le Téméraire. Il mourut en 4 462, âgé de 76 ans. 11 visita toute l'Europe méridionale, sauf la péninsule ibérique, toute PEurope centrale et les îles britanniques, la Crimée, la Pologne, la Hongrie, l'Egypte, la Pales- tine, l'Ile de Chypre, la Scandinavie, la Livonie et poussa jusqu'à la fameuse Novgorod. Ghillebert de Lannoy raconte tous ses voyages, et cette partie de ses œuvres sera consultée avec fruit par les géogra- phes qui s'occupent de l'Europe et de l'Orient au xv« siècle. M. Potvin publie ensuite Y Instruction d*un jeune prince, attribuée jusqu'ici à Chastellain. Ghillebert de Lannoy a donné d'excellents conseils sur la manière de gouverner ses pays au duc Philippe le Bon. 11 lui suggéra même d'établir une sorte de conseil des ministres responsable, gou- vernant de concert avec les états généraux. fi. Heremans, profes- seur à Tuniversité de Gand, a publié pour la société des bibliophiles gantois les Refereynen ou pièces versifiées d'un concours de poésie

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dramatique qui eut lieu à Gand en 4539; ces poèmes respirent un esprit très hostile à Rome. Ce recueil avait paru, en cette même année 4 539, mais il avait été supprimé et brûlé par la main du bour- reau-, on n'en connaît plus que quatre exemplaires, dont un est con- servé à la bibliothèque de TUniversité de Gand. C'est cet exemplaire qui a été suivi par M. Heremans pour la réimpression de ce curieux document de Thistoire religieuse des Pays-Bas, qui se rattache indi- rectement à la révolte des Gantois contre Charles-Quint en 4589. M. le comte de Limminghe a publié la première partie, allant jusqu'à Tannée 4242, de la Cronicque contenant F estai ancien et modems du pays et conté de Namur^ la vie et gestes des seigneurs^ contes et marquis d'icelluy. L'auteur, Paul de Croonendael, était greffier des finances du roi dans le Pays-Bas et mourut en 4624 . Son œuvre est une sorte de compilation d'anciennes chroniques, rédigée en un style coulant et naïf et reproduisant de nombreux documents (chartes, épitaphes, etc.). Une société de bibliophiles flamands vient de se constituer à Anvers à l'exemple de celle qui existe depuis de longues années à Gand et a déjà publié tant de volumes précieux pour l'his- toire nationale et l'histoire littéraire. M. Max Rooses ouvre la série des publications anversoises en éditant le journal tenu par Jean Moretus II en qualité de doyen de la gilde de Saint-Lucas, pendant les années 4646 et 4647. Cette gilde comprenait dans son sein tous les artistes anversois.

Il existe en Belgique une commission royale pour la publication des anciennes ordonnances, composée de magistrats et d'érudits. Tous les ans elle publie un certain nombres de volumes in-quarto aux frais de TÉtat. M. L. Crahay a édité les Coutumes de la ville de Maestricht et il a reconstitué dans sa préface toute l'organisation des corps judiciaires de cette ville sous l'ancien régime. M. de Longé a publié, dans la série des Coutumes du pays et du duché de Brahant^ celles de Turnhout, Santhoven, etc., et, dans la série des Coutumes du quartier d'Anvers^ celles de Herenthals, Hoogstraeten, Gheel, etc. M. le comte Th. de Limburg-Stirum a édité de même les Coutumes des deux villes et du pays d'Alostj telles qu'elles ont été décrétées le 42 mai 4648 par les archiducs Albert et Isabelle. Pour en élucider les origines, il y a joint 89 pièces des années 4474 à 4627; et pour en expliquer les développements, il a foi t suivre 20 pièces des années 4647 à 4788. Dans sa préfoce, M. de Limburg- Stirum étudie savamment diverses questions historiques concernant les deux villes et le pays d'Alost. Tous ces textes flamands des cou- tumes sont accompagnés d'une traduction firançaise. M. Leclercq

BBLGIQUB. 474

a publié un Supplément aux Coutumes du Luxembourg, contenant entre autres celle de Bastogne. Enfin M. Stan. Bormans a publié le t. I des Ordonnances de la principauté de Liège, contenant 300 documents. Le plus ancien est un diplôme de Tempereur Otton, daté de 974 ; le plus récent, un diplôme de l'empereur Maxi milieu I du46nov. 4502. Dans sa préface, le savant éditeur s'occupe des divers peuples qui ont habité le territoire liégeois et des institutions romaines et franques, qui furent les sources de la constitution liégeoise; il recherche ensuite les origines de l'église, de la ville et de la principauté de Liège, il définit le pouvoir temporel du prince- évêque et l'exercice du pouvoir législatif au pays de Liège. Enfin il passe en revue les différentes paix ou chartes constitutionnelles de la principauté, à partir de la paix de Bierset en 4255. Cette préface est une dissertation de grande valeur. Parmi les documents utiles à l'histoire nationale, il faut citer aussi ['Histoire parlement taire de la Belgique de 4834 à 4880, par Louis Hymans. C'est un résumé succinct et très exact des débats des deux chambres belges, séance par séance, avec des citations caractéristiques des discours les plus importants. Cet excellent résumé des trop volumineuses Annales parlementaires sera d'une grande utilité aux futurs histo- riens du royaume de Belgique.

Les livres nouveaux consacrés à l'histoire nationale sont assez nombreux. Nous les passerons en revue en suivant l'ordre chrono- logique des sujets traités. Feu M. Cam. Van Dessel s'était chargé de remanier le grand ouvrage de Schayes, La Belgique et les Pays- Bas avant et pendant la domination romaine y dont M. Piot a publié le t. m en 4859, après la mort de Schayes. Il s'agissait de remettre cet excellent ouvrage au courant des nouvelles découvertes et des travaux les plus récents. M. Van Dessel commença par publier en 4877 un volume de 2G0 pages contenant une statistique archéo- logique et une vaste bibliographie de notre histoire primitive. Il y joignit une carte ancienne de la Belgique tout à fait remarquable. La mort le surprit au milieu de cet utile travail de révision-, espérons qu'il se trouvera quelqu'un pour le mener à bonne fin. M. Ferdi- nand Henaux, auteur d'une remarquable Histoire du pays de Liège, a publié la 6* édition de son livre sur Charlemagne d'après les tra- ditions liégeoises. Il y suit pas à pas Eginhard et les rares documents du temps-, malgré cela, il se montre parfois fantaisiste, par exemple, quand il parle de franchises obtenues de Charlemagne par les habi- tants de Liège. Il accumule des preuves nombreuses pour établir que son héros est le 2 avril 742 au manoir de Jupille, situé sur la

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colline qui s*élève à Textrémité du faubourg d*Amercœur à Liège. MM. Jehotte et Van Hasselt ont publié aussi un volume sur Charle- magne. M. Théod. Juste, qui est un historien extrêmement fécond, a produit toute une série de livres et d'opuscules. Dans Les Vonc' kistes il caractérise les partis qui firent la révolution brabançonne contre Joseph II en 4789 et il expose les rapports de Vonck, le chef des libéraux du temps, avec les Girondins. Dans La Révolution lié- geoise de 4789 il utilise les travaux antérieurs de MM. Ad. Borgnet et Ferd. Henaux. M. Juste a retracé aussi la biographie d'Eugène Defacqz, de Joseph Forgeur et du baron Liedts, qui furent membres du congrès national après la révolution de 4830 et qui prirent une part importante aux discussions de la Constitution belge de 4834 et à la politique dans les premières années du royaume de Belgique. Dans un autre livre, intitulé Léopold I et Léopold Ily rois des Belges^ M. Juste a réimprimé le volume qu'il avait déjà publié sur Léopold I et dans lequel il avait coordonné les révélations contenues 4ans les Mémoires du baron de Stockmar et dans la récente histoire du prince Albert, publiée en Angleterre (The life of His Royal Highness the prince Consort par M. Th. Martin). L'auteur y a ajouté l'histoire des premières années du règne de Léopold IL La polémique sou- levée par le livre du général Eenens {Les conspirations militaires de 4834) n'est pas encore terminée; mais le public ne s'y intéresse plus du tout. Signalons seulement une brochure gr.in-8<> de 94 pages, intitulée Procès Gohlet-Eenens et publiée par M. le comte Goblet d'Alviella, qui dans sa préface déclare qu'il a tenu à publier toutes les pièces de son procès avec le général Eenens en présence de la lettre que celui-ci a adressée, en mars 4878, à la Revue historique (cf. t. VI, p. 497) . Les avocats plaidants étaient MM. Van Humbeeck et Graux, qui depuis sont devenus respectivement ministre de l'instruc^ tion publique et ministre des flnances dans le cabinet libéral issu des élections législatives de juin 4878. La brochure publiée par M. Goblet contient le préambule du plaidoyer de M. Van Humbeeck, le texte de la requête présentée par lui au tribunal civil de Bruxelles, un long parallèle entre les conclusions présentées au nom des deux parties en cause, le texte du jugement rendu, dont les considérants sont très intéressants, et deux annexes : une note inédite du lieutenant- général baron Prisse sur la journée du 42 août 4834 et un extrait d'une brochure sur la campagne du mois d'août 4 834 , par le général Van Coeckelberghe et parue en 4832. Dans un opuscule intéres- sant, intitulé Adelson CastiaUy M. Ern. Discailles a étudié la carrière parlementaire et les écrits de cet éloquent orateur de la Chambre des

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représentants, qui était républicain et donna sa démission en 4848, lorsque la monarchie fut maintenue en Belgique malgré les événe- ments survenus en France. M. Louis Hymans a publié deux volumes pleins de menus détails d'histoire contemporaine belge sous le titre de Notes et souvenirs et Types et silhouettes.

Gomme d'habitude, Thistoire locale a fourni une ample moisson. U faut citer en première ligne l'excellente Histoire d*Oudenbourg de MM. E. Feys et D. Van de Casteele (2 vol. in-4» de 724 et 549 pages). Oudenbourg est une ancienne commune du Franc, située sur la route de Bruges à Calais. Elle fût jadis un des boulevards de la cote fla- mande et fût mêlée à tous les grands événements de l'histoire de Flandre. Les consciencieux auteurs de cette grande monographie s'occupent successivement des premiers seigneurs et châtelains d'Où- denbourg, de l'histoire de la commune depuis les comtes de Flandre jusqu'à la fm du siècle passé, de l'histoire de l'abbaye d'Oudenbourg, de l'administration de la justice, des flnances, des travaux publics, de la guerre, de l'hygiène et de l'assistance publique, de l'instruction, des gildes de tir et des giides dramatiques, des fêtes^ des réceptions et courtoisies, de l'industrie, du commerce et de l'église paroissiale. Le second voiume contient les pièces justificatives : le cartulaire d'Oudenbourg (4254-4469), une série d'autres pièces (4449-4650), des extraits nombreux des comptes communaux (4382-4496), un curieux formulaire de serments et d'actes anciens, des listes d'abbés, de baillis, de bourgmestres, d'échevins, de doyens, de curés, etc. Depuis longtemps aucune monographie aussi complète ni aussi remarquable n'avait paru en Belgique. M. Alph. Vandenpeereboom, ministre d'État^ étudie depuis de longues années l'histoire de sa ville natale, Ypres. Déjà connu par son Conseil de Flandre à YpreSy l'auteur a fait paraitre en 4 877 un Essai de numismatique yproise. Avant de décrire les jetons de l'échevinage communal et ceux des échevins de la châtellenie d'Ypres, il entre dans des détails intéres- sants sur l'organisation judiciaire et administrative de cette vieille cité et de sa châtellenie. Parmi ces jetons, il y en a qui furent frappés à Paris au nom de Louis XIV, qui occupa Ypres pendant et après la guerre de Hollande. Une autre partie de cette monographie est consacrée aux médailles, jetons, décorations et méreaux des gildes, des corporations des métiers, etc. M. Vandenpeereboom donne beau- coup de renseignements nouveaux sur l'histoire d' Ypres, de ses monuments, de la bienfaisance publique, etc. En 4 878 il a commencé une nouvelle série de publications relatives à sa ville natale et inti- tulées Ypriana, Dans le premier volume (in-8', 402 p.), il fait l'his-

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ioire des Halles d'Ypres; ce magniOque moDimMot gothique est le plus vaste de tous les anciens édlOoes communaux de la Belgique et son histoire se confond intimement avec celle de la ville elle-même. Le tome second, qui Tient de paraître, traite de la Ckambre des échevins. Tous deux sont accompagnés d*caux>fortes remarquables d*un magistrat d Arras, M. Boutry, reproduisant des dessins anciens ainsi que Tétat actuel des monuments décrits par M. Vandenpeere- boom. Ces deux volumes fourmillent de documents nouveaux, tirés des archives d'Ypres ^ M. Tabbé J. Daris a publié une Histoire du diocèse el de la principauté de Liège pendant le XYII* siècle et le t. XIU de ses Notices historiques sur les églises du diocèse de lÀège, Citons encore X Histoire de la ville d'Enghien |2* partie) par M. Ein. Mathieu, le t. Il à' Aldenardiana en Flandriana (en flamand), notices sur Thistoire d*Audenarde, par M. Edm. Vanderstraeten^ Ijb pays de Uaes préhistorique par M. J. Van RaemdMick et qudqœs fiiibles monographies sur des communes flamandes par MÏf . F. de Potter et Broeckaert. M. le chevalier L. de Buii)ure a publié, pour les Bibliophiles anversois, une curieuse étude sur les processions et cortèges à Anvers au xiv* et au xt* siècle [Jk Àntwerpsehe Omme- gangen ran de XH'* en XV* eeuw]^ diaprés un vieux maniiscrit, dont la première partie date de 4398. Sous le titre de Conspira» iion d'Audenarde sous Jacques ran Arterelde (1342s M. Nap. De Pauw nous raconte « diaprés des documents inédits tirés des archives de Bruges et d'Ypres« un complot avorté des Leliaerts à Audenarde contre le parti national dont Artevelde était le chef. Le comte Louis de Xevers n était plus souverain que de nom et on voit par les détails de cet épisode que les partis étaient pleins d'une ani- mosité extrême et dune défiance anxieuse Tun à regard de Fautre. M. De Pauw a joint à son travail toutes les pièces justificatives ainsi que la liste des éche\ins dWudenarde et celle des principaux patri- ciens 'poortfrs d Wudenarde, de Gand et de Bruges. Sur la couver- ture de ce livre Fauteur annonce une Généalogie et Archives de lu famille dArta^lde, contenant enrinm 3,000 chartes inédites du Xt V siècle. Nous savons que M. De Pauw expion? nos dépôts publics et privés depuis près de vingt ans; depuis longtemps on attend avec impatience le résultat de ses necherthes et on espère en voir sortir une histoire définitive de la Flandn? à 1 époque des deux Artevelde ; mais M. De Pauw ne cesse de proutettn^ et remet toujours au lende-

t. M. A. Dicferkà fils a publia um Uste 4e$ mmnêf». «rnoàrvs H nettCcs eometrmnU Ikàaoirt de la ntU d Yj^rts jmMm dtpms tS)0

BELGIQUE. 475

main la publication des trésors qu'il a accumulés. M. L. Vander- kjndere, professeur à Tuniversité libre de Bruxelles, a publié, dans la Revue de Belgique^ un article intitulé La question sociale au XIV* siècle parmi les artisans flamands. Cet article a été remarqué à juste titre; c'est un fragment détaché d'un travail d'ensemble sur le XI siècle dans les Pays-Bas, qui paraîtra prochainement ^ M. Gh. Rahlenbeck, auteur d'un livre sur V Inquisition et la réforme en Belgique, a publié une curieuse monographie : Les protestants de Bruxelles, dans laquelle il étudie leur histoire, depuis les pre- mières exécutions en 4523 jusqu'à l'enterrement du roi Léopold I, qui était protestant {i 865) . Ses obsèques donnèrent lieu à un incident qui fit scandale : le clergé catholique reftisa au cercueil du premier roi des Belges l'entrée de l'église de Laeken, monument national ser- vant de lieu de sépulture aux souverains du pays. U fallut, en pré- sence des princes d'Allemagne, d'Angleterre, de Portugal et d'Orléans, accourus à Bruxelles, trouer un mur afin d'introduire le cercueil par cette brèche dans le caveau royal. Dans sa notice V Université calviniste de Gand (4 578-4584), l'auteur de ce Bulletin a publié le résultat de ses recherches aux archives communales de Gand, sur cette institution éphémère, créée à l'époque le protestantisme était triomphant et très intolérant dans la grande commune flamande. Dans Les tapisseries bruxelloises, M. Alph. Wauters nous donne un essai historique sur les tapisseries de haute et de basse lisse de Bruxelles. On sait que, pendant quatre siècles, Bruxelles a été un des centres les plus importants de cette industrie en Europe. L'auteur passe d'abord en revue les autres centres : Arras, Tournai, Valen- ciennes, Enghien, Gand, Bruges, Lille, Audenarde et Anvers. En 4448 les tapissiers de Bruxelles furent érigés en corps de métier indé- pendant et c'est des fabriques de Bruxelles que sont sorties beaucoup des tapisseries qu'on admire à l'étranger, par exemple celle de Berne, provenant du butin fait sur Charles le Téméraire, celles de Reims, du musée de Gluny, de Madrid, de Vienne, de Rome, etc. MM. Max Rooses et J. Vanden Branden ont commencé chacun la publication d'une histoire de l'école de peinture d'Anvers (Geschiedenis der Ant- werpsche Schilderschool). Tous deux furent couronnés dans un grand concours ouvert en 4877 par la ville d'Anvers lors des fêtes

1. Le lirre de M. Vanderkindere a paru pendant l'impression de ce bulletin. 11 est intitulé : Le siècle des Artevelde, Études sur la ciyilisation morale et politique de la Flandre et du Brabant (gr. in-8* de 445 p. Bruxelles, office de publicité, Lebègue et C*).

476 BULLETIN HISTOHIQUE.

du 300« anniversaire de la naissance de Rubens^ Ces mémoires couronnés formeront deux gros livres de la plus grande valeur. M. Rooses a parcouru tous les musées d*Europe, pour étudier son vaste sujet-, il se préoccupe surtout du côté esthétique de la question. M. Vanden Branden n'a pas quitté Anvers, mais depuis de longues années il travaille aux archives communales qu'il a explorées en tous sens. Ces deux grands ouvrages se compléteront Tun l'autre. M. Frédéric Faber a publié le premier volume de son Histoire du théâtre français en Belgique^ depuis son origine jusqu'à nos jours. C'est une œuvre des plus intéressantes. Le savant bibliothécaire de l'université de Gand, M. Ferd. Vanderhaeghen, a rendu un véri- table service à tous ceux qui étudient l'histoire des Pays-Bas, par la publication de son Dictionnaire des devises des hommes de lettres, imprimeurs^ libraires^ bibliophiles^ chambres de rhétorique^ sociétés littéraires et dramatiques de Belgique et de Hollande (in-8®, 404 p.). Au XVI* et au xvii" siècle, tout homme de lettres a une devise spéciale. Des pamphlets et des pièces en vers, des livres même et un grand nombre de documents de tout genre, publiés à cette époque, ne por- tent pour toute marque d'auteur qu'une simple devise. C'est assez dire que la traduction de ces formules énigmatiques exige parfois de nombreuses et fatigantes recherches. M. Vanderhaeghen donne la clef de plus de 3,000 de ces devises*.

Autant rhistoire nationale est cultivée en Belgique, autant l'his- toire des autres pays l'est peu. Nous n'avons presque rien à citer pour les années 4877 et 4878. M. Alph. Rivier, professeur à l'univer-

1. Dans mon dernier bulletin {Revtie historique, t. VI, p. 164 et 165), j'ai signalé les Hyres parus à cette époque et relatifs à la rie et aux œuvres du prince de la peinture flamande.

2. M. Vanderhaeghen prépare en ce moment une yaste publication, qui parattn par liTraisons sous le titre de BiUiotheca Belgica^ et sera une bibliographie générale des Pays-Bas, conçue sur un plan tout nouveau. Elle comprendra : 1* U description minutieuse de tous les livres imprimés dans les Pays-Bas aa xv* et au XVI* siècle et des principaux livres depuis 1600; 2* la description de tous les livres écrits par des Belges ou des Hollandais, ainsi que les ouvrages con- cernant les Pays-Bas, imprimés à l'étranger; 3* la bibliographie des imprimeurs néerlandais établis à l'étranger. Chaque ouvrage sera décrit sur un feuillet séparé et le plus souvent suivi de notes bibliographiques et historiques. Oe feuillet portera aussi l'indication de la bibliothèque ou des bibliothèques publiques ou privées de Belgique et de Hollande l'ouvrage indiqué est déposé. ~ Tous ceux qui s'occupent de l'histoire des Pays-Bas accueilleront avec reconnaissance ce travail gigantesque, fruit d'une longue vie d'études et de recherches. M. Van- derhaeghen a fait ses preuves déjà dans sa Bibliographie gantoise (7 vol. in-8*» 1858-1869), qui est une mine de renseignements historiques de tout genre.

BELGIQUE. \ 77

site libre de Bruxelles, a consacré une curieuse monographie à Claude Chansonnette^ jurisconsulte messin du xvi^ siècle, qui était lié avec les personnages les plus connus de son temps, tels que Erasme, François P*" et la duchesse d'Angoulême. M. Rivier a surtout utilisé une série de 70 lettres de Chansonnette, conservées à la bibliothèque de Baie, il fut recteur de Tuniversité jusqu'au triomphe de la réforme dans cette ville. De M. Théod. Juste nous avons deux opuscules, Pierre le Grande son règne et son testament^ et La rivalité de la France et de ^Allemagne d'après les nouveaux documents (4757-4874). Il retrace rapidement cette sanglante histoire qui com- mence à Rossbach et aboutit à Sedan ^ il donne des détails circons- tanciés sur les intrigues diplomatiques, d'après les révélations les plus récentes.

La nouvelle édition (la 5*) du livre de M. H. Le Hon, publié par M. E. Dupont, Lhomme fossile en Europe^ présente le tableau de rindustrie, des mœurs et des œuvres d'art des hommes de l'époque dite préhistorique. M. Reusens, professeur à l'université catho- lique de Louvain, continue la publication de ses Éléments d'archéo- logie chrétienne, MM. Th. J. Lamy et J. B. Abbeloos, professeurs à la même université, ont édité le t. III de leur Gregorii Barhehraei Chronicon ecclesiasticum (textes syriaque et latin). Grégoire Barhe- braeus ou Aboulfarage est en 4227. U fût évêque d'Alep et primat d'Orient-, il mourut en Perse en 4 286. Il a écrit sur la théologie, l'exégèse, la philosophie, la grammaire, la chronologie et l'histoire. Son Chronicon ecclesiasticum est publié d'après un manuscrit du British Muséum et deux manuscrits des bibliothèques d'Oxford et de Cambridge. On y trouve, outre la liste des pontifes de l'ancienne loi depuis Aaron, celle des papes et des prélats d'Orient avec de courtes mentions des événements principaux.

Dans le domaine de l'histoire ancienne, nous avons à signaler deux livres importants. M. 0. de Meulenaere a publié les tomes III et IV de sa belle traduction de V Esprit du droit romain dans les diverses phases de son développement par le professeur R. von Jhering de Gœttingue. M. P. Willems, professeur à l'université catholique de Louvain, a fait paraître le premier volume de son livre sur Le Sénat de la république romaine. Venant après Hoffmann, Rein, Becker, Lange, Mommsen et bien d^autres, M. Willems a néanmoins produit une œuvre originale et de la plus haute valeur. C'est un recueil complet de tous les matériaux que la littérature ancienne, l'épigraphie et les scholiastes des bas siècles ont pu fournir à une longue et patiente recherche. Ce livre contient surtout une Rev. Histor. XI. !•' PA8C. 12

478 BULLETH HISTOBIQUB.

partie étonnante : c'est la composition complète du sénat ronuûn en 478 et en 55 av. J.-C, à deux époques séparées par un siècle d'inter- valle et dont Tune coïncide avec Tapogée de cette institution, tandis que Tautre nous la présente à la veille de sa chute. La masse d'infor- mations que Fauteur a recueillies sur ces deux années lui a permis de nous donner Thistoire de chaque sénateur, son curxus honorum; et si Ton y joint d autres renseignements de ce genre fournis à propos des principes senatuSy des lectiones senaius^ etc., on arrivera à un total d'un millier de petites biographies sénatoriales, dont plus de la moitié ont été esquissées pour la première fois. Le livre de M. Willems contient bien d'autres parties également neuves et qui touchent aux problèmes les plus intéressants des antiquités et du droit public romain. Il a déjà été apprécié à l'étranger.

Paul Fbedbiicq.

G. DUM : BIfTSTBHUNG U. BIfTWICKLUNG D. SPABTAN. EPHOBATS. 479

COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

Georg. DuM. Bntstehang and Bntwicklang des spartanischen Bphorats bis zur Beseitigung desselben darch Kœnig Kleo- meneslll. (4 vol. in-8**, 486 p. Inspruck, Wagner, libraire de rUniversité, 4878.)

Dans les temps historiques de la Grèce, particulièrement à l'époque de la guerre du Péloponèse, il est facile de constater l'importance qu'avait prise la magistrature des éphores et l'influence prépondérante qu'elle exerçait dans toutes les affaires de Sparte. C'est un éphore, Sté- nélaîdas, qui entraine les Spartiates à se déclarer contre les Athéniens, alors que la prudence et la modération du roi Archidamos hésitaient devant une pareille décision ^ En 404, au lendemain de la prise d'Athènes, les desseins de Lysandre sont confondus et toute sa puissance est renversée par ce seul fait que le collège des éphores est renouvelé et que les magistrats qui entrent en fonctions n'ont plus pour le général victorieux la même complaisance que leurs devanciers K Xénophon le dit nettement, si le roi Pausanias réussit à tenir Lysandre en échec et i contrarier sa politique, c'est grâce à l'appui que lui prêtent les éphores.

Ce que l'on connaît moins bien, c'est l'origine de cette magistrature et l'histoire de ses progrès. Nous la voyons agir dans la plénitude de ses pouvoirs, et nous ne savons pas comment elle les a acquis. M. G. Dum a entrepris de traiter cette question. Avant lui, elle avait été exa- minée par Otf. MûUer dans ses Doriens, par Duncker, dans son Histoire de l'Antiquité, par M. Gurtius dans son Histoire grecque, et par divers auteurs dans un assez grand nombre de dissertations particulières '. M. D., en revenant à son tour sur ce problème, ne s'est pas borné à résumer les opinions qui avaient été émises par ses prédécesseurs. En soumettant à une critique attentive et minutieuse les renseignements que les auteurs anciens nous ont laissés sur l'institution et les dévelop- pements successifs de la magistrature des éphores, en s'appliquant à déterminer exactement la valeur des sources et le degré de confiance

1. Thucyd., I, 86.

2. Xén. Helly II, 4, 29.

3. V. notamment Am. Schœfer, de Ephoris LacedxmonUs; Gilbert, Studien zur alUpartanischen Geschichte; Stein, Dos Spartanische Ephorat bis Cheilon; Frick, De Ephoris Spartanis.

480 COMPTES-BE.NDUS CRITIQUES.

qu'elles méritent, il a fait un travail vraiment personnel et dont on ne saurait contester Tutilité.

Son ouvrage se divise en cinq parties. M. D. passe d'abord en revue quelques-unes des hypothèses par lesquelles on a cherché à expliquer l'origine et les progrès de l'éphorat; puis, il critique les sources anciennes. Après ces deux parties, toutes de discussion, vient Texposi- tion des idées personnelles de l'auteur : i* principes sur lesquels repose l'histoire de la magistrature des éphores ; 2<> formation et progrès de l'éphorat jusqu'au moment est rendue la loi qui confère aux éphores le droit de tenir la place des rois lorsque ceux-ci sont en désaccord ; 3<> développement de l'éphorat depuis la loi qui lui confère cette puis- sance jusqu'à la révolution opérée par Gléomène III (226 a. J.-G.).

Il suffira, pour donner une idée de la valeur de l'ouvrage et de la méthode que l'auteur a suivie, de revenir avec quelques détails sur les deux premiers chapitres et de transcrire les conclusions par lesquelles se termine le troisième. Ce sont les parties, sinon les plus intéressantes, du moins les plus neuves du travail de M. D. Par Platon, par Aristote, par Gicéron ^ nous connaissons suffisamment l'opinion que se faisaient les anciens du pouvoir des éphores et de la nature de leurs attribu- tions ; mais tout ce qui touche à l'institution de leur magistrature et à son caractère primitif a besoin d'être éclairci.

Au début de son livre, M. D. examine successivement trois hypo- thèses. D'après Otf. Millier et quelques autres auteurs, les éphores auraient été tout d'abord de simples surveiftants des marchés. M. D. écarte cette opinion qui ne repose sur aucun témoignage certain et à laquelle aurait donné cours, suivant lui, une confusion produite par la ressemblance des mots &pop{a (marché) et ëçopoc (surveillant). Une autre assertion, qui a pour elle l'autorité de M. Gurtius, mérite d'être discutée plus longuement. Le meurtre du roi Polydore, au temps de la première guerre de Messénie, devrait être regardé comme une date capitale dans l'histoire de l'éphorat. Polydore aurait été assassiné par Polémarque, un noble Spartiate, et l'autre roi. Théopompe, n'aurait pu sauver sa personne et l'autorité royale qu'en augmentant le pouvoir des éphores. Mais il n'est nullement prouvé que Polydore ait été le favori du peuple, ainsi que le dit M. Gurtius, et que son meurtrier doive être considéré comme le gardien et le défenseur des privilèges de l'aristocratie, qu'il aurait sauvegardés en frappant un roi dont la popularité risquait de devenir un danger pour les institutions de la cité. Gette opinion n'a d'autre fondement que l'autorité de Pausanias 2, qui vivait bien long- temps après l'événement et dont le témoignage, par ce seul fait, n'a pas

1. De RepuU.y II, 33; de Leg., lU, 7; dans ces deax passages, GicéroD com- pare les éphores aux tribuns du peuple. Les premiers auraient été institoès pour surveiller et contenir le pouvoir des rois, comme les seconds pour modéra le pouvoir des consuls.

2. III, 3, 2 et 3; îWd., 11, 10.

G. DUM : ETTSTEHUNG U. EiNTWICKLCNG D. SPARTAN. EPHORATS. \S\

beaucoup de valeur. M. D. aurait pu ajouter que non-seulement Tou- vrage de Pausanias est d'une date relativement très récente, mais encore que les sources dont il s'est servi ne peuvent inspirer aucune confiance. Tout ce qu'il raconte des guerres de Messénie est emprunté, il le dit lui-même *, à Myron de Priène et au poète épique Rhianos, et il est le premier à reconnaître que ces deux auteurs ne doivent pas être crus sur parole. Il y a enfin une troisième opinion, qui a été adoptée par Duncker, en vertu de laquelle la constitution véritable de la magistrature des éphores daterait des réformes de Chilon et d'Épiménide. L'introduction seule du nom d'Ëpiménide, de ce personnage qui appartient à la légende plutôt qu'à l'histoire, met M. D. en défiance contre cette hypothèse, et il semble assez difficile de ne pas lui donner raison.

Reprenant ensuite la question pour son compte afin de l'instruire à nouveau, M. D. passe à l'examen des témoignages que les auteurs anciens nous ont laissés sur les commencements de l'éphorat. Il les range en trois classes : i* Hérodote et Xénophon ; 2* Platon, Aristote et Plutarque dans la vie de Lycurgue; 3<> Plutarque dans la vie de Gléomène III.

Hérodote ^ et Xénophon ' font remonter tous les deux à Lycurgue lui-même l'institution des éphores. M. D. remarque que l'un et l'autre paraissent sur ce point, non pas donner leur opinion personnelle, mais simplement enregistrer une tradition qui avait cours parmi les Grecs. A ses yeux, il n'y a qu'une sorte de légende. En désignant Lycurgue comme le créateur de la magistrature des éphores, les Grecs auraient obéi à ce besoin qu'éprouvent tous les peuples primitifs de rattacher à une personnalité déterminée les institutions et les progrès qui, dans la réalité, ont été bien souvent le travail de plusieurs générations ou môme de plusieurs siècles. Il se refuse donc à accepter comme vraie cette explication, dans laquelle il ne veut voir qu'une erreur de l'ima- gination populaire.

Il accorde une attention plus sérieuse aux témoignages de Platon * et d' Aristote ' qui reportent à une date plus récente la création de l'épho- rat. Gette magistrature aurait été introduite bien après Lycurgue dans la constitution de Sparte pour restreindre le pouvoir des rois. Aristote nous a même transmis une conversation qu'aurait tenue à ce propos le roi Théopompe. Gomme sa femme lui reprochait d'avoir porté préjudice à la royauté en établissant les éphores et lui demandait s'il n'avait pas honte de transmettre à ses fils une autorité moindre que celle qu'il avait reçue ? « Nullement, répondit-il, car je la leur transmettrai plus durable. » Alors même qu'on n'admettrait pas l'authenticité de ce dia-

I.IV, 6. t I, 65.

3. De rep, tAieed.y 8, 3.

4. Lois, 111, p. 692.

5. PolU.,\, 9, 1.

482 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

logue, il reste toujours ce fait, dont on doit tenir compte : pour Aristote, Tliéopompe était le véritable fondateur de Téphorat. A-t-il réellement institué cette magistrature ou bien n'a-t-il fait que donner un dévelop- pement considérable à une magistrature déjà existante? M. D. ne juge pas que la question soit tranchée par le passage d'Aristote.

Il adopte cependant la première opinion sur la foi de Plutarque, dans la vie de Gléomène III ^ Le discours que le biographe met dans la bouche de Gléomène lui paraît le texte le plus important de tous, celui dont l'autorité est la plus sûre, Plutarque ne faisant que répéter ici le témoignage de Phylarque, un contemporain de Gléomène UI. On trou- vera sans doute que, sûr ce point, l'argumentation de M. D. n*est pas entièrement satisfaisante. Tout en admettant avec lui que Théopompe a établi la magistrature des éphores, il est permis de s'étonner qu'il ait accordé une préférence si marquée au récit de Plutarque. Sa critique, qui est si défiante quand il s'agit d'Aristote, montre ici beaucoup plus de complaisance. Phylarque était un partisan déclaré de Gléomène Polybe lui en fait un reproche ^ et son autorité est fort suspecte. Il y a donc des raisons très graves qui nous engagent à croire qu'il ne faut pas chercher la vérité dans ce discours de Gléomène dont Plutarque aurait emprunté le texte à Phylarque. M. D. ne se dissimule pas ces difficultés ; mais, après les avoir examinées, il n'en maintient pas moins que le 10* chapitre de la vie de Gléomène est la meilleure source dont on puisse faire usage.

Ayant ainsi établi sa méthode et choisi les autorités sur lesquelles il s'appuiera, l'auteur expose les résultats auxquels il est arrivé. Voici les conclusions de son troisième chapitre :

io Les éphores ont été institués par le roi Théopompe, au temps de la guerre de Messénie, pour être les suppléants des rois.

2* Théopompe leur a confié la juridiction en matière civile.

3* Selon toute vraisemblance, ils ont été investis en môme temps d'un droit de surveillance.

4* Les Spartiates ont porté dans les temps anciens une loi pour ordonner que les rois devraient toujours marcher d'accord dans rexercice de toutes les prérogatives gouvernementales qui leur appartenaient.

b^ Les Spartiates ont porté dans les temps anciens une loi pour enle- ver aux rois le droit de choisir les éphores et transporter ce droit au peuple.

6<» Les Spartiates ont porté dans les temps anciens une loi en vertu

1. Ch. 10. Plutarque {Vie de LycurguCy eh. 7) dit expressément que les éphores auraient été institués, environ 130 ans après Lycurgue, par le roi Théo- pompe ; mais M. D. semble renoncer à faire aucun usage de ce texte. 11 y vdt, non pas un renseignement de quelque valeur, mais une tentative puérile pour dresser une liste complète des éphores, alors que tous les documents font défaut.

2. Il, 56.

G. BOISSIÈRE : LES aOMii:fS EN NUMIDIB. 483

de laquelle les éphores devaient provisoirement tenir la place des rois, tant que ceux-ci, contrairement à la loi, ne seraient pas d'accord entre eux.

7* Les rois, dans les temps anciens, étaient déjà considérés comme responsables.

S^ Les Spartiates ont porté en 505 la loi qui ordonnait que désormais un seul des deux rois ferait campagne avec Tarmée Spartiate.

Dans son introduction, M. D. croit devoir prévenir ses lecteurs qu'il ne donne pas toujours comme certaines les conclusions auxquelles il est arrivé. Il lui suffit, dans un pareil sujet, de s'être approché de la vérité ; il n'a pas la prétention d'avoir éclairci et résolu toutes les diffi- cultés (p. 9). Il serait peu charitable et peu juste de le prendre au mot et de dire que cette réserve de bon goût et cette modestie ne sont pas des précautions inutiles. On peut refuser de souscrire à quelques-unes des opinions de l'auteur et j'ai indiqué, en particulier, les raisons qui m'empêcheraient d'accepter avec autant de confiance qu'il le fait l'autorité de Phylarque il ne lui en reste pas moins le mérite d'avoir traité avec beaucoup de conscience et une méthode vraiment scientifique une des questions les plus obscures de l'histoire de Lacédémone.

R. Lallibr.

Esquisse d^une histoire de la conquête et de Tadministration romaine dans le Nord de TAfHque et particulièrement dans la province de Numidie, par G. Boissière. Paris, Hachette, ^878. In-80 de 438 p. Pr. : 7 fr. 50.

M. Boissière est parti d'une idée juste; il a pensé que dans tous les pays qui avec le temps ont peu changé, la vue du présent aide à com- prendre le passé, et il a voulu appliquer ce principe à l'Algérie. Il a comparé cette contrée, telle qu'elle est aujourd'hui, avec la description que nous en fait Salluste, et il a démontré ainsi que cet historien, pour être sobre de détails, est plein d'exactitude et de précision. Il a rapproché ce que nous savons des Kabyles actuels des témoignages que l'antiquité nous a transmis sur les Numides, et il a prouvé par là, d'une part que le peuple Berbère s'est peu modifié depuis tant de siècles, de l'autre qu'un bon moyen d'éclairer l'histoire de Syphax, de Massinissa, de Jugurtha est de connaître les mœurs, le caractère et les pratiques des indigènes de l'Algérie.

Cette méthode n'est pas neuve assurément ; mais elle a fourni à M. B. quelques aperçus originaux, et on ne peut que le féliciter de l'avoir employée. Le malheur est qu'il s'est parfois laissé entraîner trop loin par l'esprit do système. Une des institutions les plus singulières de la Kabylie est celle des Çof. M. B. en parle longuement d'après un article de M. Renan sur le livre de MM. Hanoteau et Letoumeux, et il prétend expliquer par la plupart des événements militaires et politiques qui

484 GOMPTES-BBNOUS CRITIQUES.

se sont accomplis dans T Afrique carthaginoise et romaine. Qu'il y ait eu des Gof chez les Numides comme chez nos Kabyles, cela est fort possible ; mais cela n'est nullement certain. Môme il semble, au pre- mier abord, que le contraire soit vrai. Le propre de ces sortes de ligues est d'être hostiles au principe de l'hérédité du pouvoir. Or, de l'aveu de M. B., ceux qu'il appelle des « chefs de Gof antiques » ont fondé de véritables dynasties. Il aurait donc fallu, pour établir que Syphax, Mas- sinissa, Jugurtha étaient des a chefs de Gof attachés tour à tour à la fortune de Rome ou deGarthage, » placer sous les yeux du lecteur des preuves posi- tives. M. B. n'en donne pas une seule ; il ne cite aucun texte à Tappui de cette conjecture ; d'où l'on est en droit de conclure, ou bien qu'il n'a pas dirigé dans ce sens ses recherches, ou bien que son hypothèse est erronée. On objectera peut-être que l'institution des Çof a pu exister jadis, sans que les auteurs anciens la mentionnent ; mais pour cela il serait nécessaire de supposer que les Romains ne se sont pas rendu compte de ce trait de l'organisation sociale des Numides, et une pareille ignorance, en un point si essentiel , ne s'accorderait guère avec leur prudence et leur sagacité habituelles. Que si l'on admet qu'à cet égard leurs renseignements valaient les nôtres, on se demandera pourquoi leurs historiens n'en ont tiré nul profit. Les factions qui divisaient la Gaule, la Grèce, l'Italie nous sont à peu près connues par Gésar, Polybe, Tite-Live. Si les Numides avaient eu des Gof semblables à ceux d'au- jourd'hui, nous en serions probablement informés de la même manière.

J'adresserai encore à cette partie du travail de M. B. une autre critique. Il a eu le dessein très légitime d^illustrer^ comme il dit, plu- sieurs passages des écrivains classiques en s'aidant des nombreux docu- ments que nous possédons sur l'Algérie actuelle. Mais, outre qu'il a fait cette espèce de commentaire plutôt en littérateur qu'en historien, trop souvent le désir de trouver des analogies entre Te passé et le présent Ta porté à de fâcheuses exagérations. J'en donnerai pour preuve son analyse du discours d'Adherbal au Sénat (p. 117 et sq.). Dans cette harangue, M. B. croit remarquer presque à chaque pas des arguments, des tournures, des expressions qui, d'après lui, sont c des plus indi- gènes. » Si Adherbal, par un procédé familier alors aux rois en quête de secours, se déclare dès le début « le procurateur du peuple romain,» M. B. voit c des notes d'humilité tout algériennes. » Gette phrase : a (nobis) hostis nullus erat nisi forte quem vos jussissetis » lui parait avoir une allure tout indigène. » Que le roi numide appelle Jugurtha f le plus scélérat des hommes, » il y a là, écrit M. B., « bien de la vie et de la vérité, bien de la passion barbare ; » on dirait « un bond de bête fauve. > Mais voici qui est plus fort : en regard de ce discours il place une lettre d'un caïd dépossédé qui récemment demandait une place et de l'argent. La requête est habile, conçue en bons termes; j'accorderai même, si l'on veut, qu'elle contient un ou deux traits de couleur locale. Mais M. B. y découvre quelque chose de plus. Comparant

G. BOISSiiRK : LBS ROMAINS EN NUMIDIB. 485

le discours et la lettre, il dit : « N'est-il pas vrai que les deux plaintes se ressemblent, qu'il y a deux peintures semblables du môme milieu, des mêmes hommes, de la même société et d'une situation analogue, et deux tableaux qui se font pendant à tant de siècles de distance ? Le pauvre caïd inconnu n'écrit-il pas un peu comme parlait Âdherbal, et par endroits, en le lisant, ne croyons-nous pas traduire Salluste? (p. 123). On conçoit tout ce qu'une pareille méthode a de factice et de dangereux.

Les pages les plus instructives de V Esquisse de M. B. sont celles qu'il consacre à l'organisation administrative de l'Afrique sous l'empire. Il y a rassemblé beaucoup de faits curieux et exacts, qui à eux seuls suffi- raient pour donner une grande valeur à son ouvrage. Mais il avoue lui-même que dans tout cela rien ne lui appartient en propre. Ces faits si intéressants, qu'il a eu seulement le mérite d'exposer avec clarté, sont presque entièrement empruntés aux cours et aux mémoires de M. Renier. Il est vrai qu'il ne pouvait choisir un meilleur guide, et qu'en le suivant pas à pas, comme il a fait, il était sûr de ne point s'égarer. Mais si, sur tous les points étudiés par M. Renier, il a eu raison de s'en rapporter à son autorité, il a eu tort d'accorder la môme confiance à d'autres que lui, et de ne consulter en général que des livres de seconde main. A cet égard tout lui est bon. Il ne craint pas par exemple d'invoquer des documents tels que l'Essai sur l'histoire universelle de Prévost Paradol, le Discours sur l'histoire universelle de Bossuet, un résumé officiel et anonyme de l'histoire ancienne de l'Algérie publié en 1864. Il va môme, pour parler rf^ la moralité romaine sous /Vmptrc, jusqu'à reproduire un article de M. Sarcey sur le cinquième volume de M. Duruy. Encore s'il avait eu soin de marquer avec précision la provenance des passages qu'il tire de droite et de gauche ; mais le plus fréquemment il ne fournit que de très vagues indications, et il n'est pas rare de rencontrer chez lui des citations du genre de celles-ci . Revue archéologique ; O. Reclus ; Mommsen , Histoire romaine; d' A veîMic, Afrique ancienne; Salammbô; Mac-Garthy; Fro- mentin, etc. Quant à vérifier par lui-môme les assertions des auteurs dont il s'est servi, il parait y avoir trop peu songé, môme quand la chose était facile, et cette négligence l'a plus d'une fois induit en erreur.

Le livre de M. B. répond mal, comme on voit, aux exigences de la méthode historique. D se lit pourtant avec plaisir et profit. Il est écrit d'un style vif, alerte, peu châtié sans doute, mais en somme fort agréable. On dirait une série d'articles de journaux ou encore de causeries destinées au grand public. Sans être original, il a le précieux avantage d'offrir, sous une forme attrayante, le résumé de plusieurs travaux qu'il n'est pas toujours aisé d'avoir sous la main. Enfin c'est l'œuvre d'un homme d'esprit, et je suis certain que cet éloge, parfaitement justifié du reste, est celui que M. B. tenait le plus à mériter.

Paul GUIRAUD.

4M6 coMPfM'Mnpq» csmara».

'Tim êLtiîéwimmfUiwif wiHnlmiii et mandm dmm

et TO^ wÊéeiem, par E. db Pussbub^. Pam^ Sondoz et Fischtaft- cher. 4STT.

O volume est le gJTiènie et dernier de Phistoire des trais premier» .siècles de l'Égliae entreprise par >£. de E^'essenâe, il y a vingt-cinq an» environ. Nou8 avons anjourd'liui ce grand ouvrage complet et nous pouvons en saisir les grandes parties et l'ordonnance générale.

Fidèle à sa conviction, l'anteur. qui voit dans le sècle des apùtres une epoi[ue exceptionnelle, un àse d'inspiration et de création divines^ propre à servir de modèle et de loi à toutes les périoiies joivantes, l'a mis à part et exposé d'une ^on indépendante dans Les deux premiers volumes. Pour les deux siècles sui-vanta, il a procédé d'une autre ôiçon. et suivi un autre plan. 0 a tracé dans La riche matière de cette hisiuir« trois grandes divisions à la fois simples et lumineuses. La premiè» partie, remplissant deux volumes couronnes par L'Académie française, expose la lutte du christianisme et du monde paien, lutte extérieure soutenue dans les persécutions par Les martyrs, lutte spirituelle soute* nue par les apologistes contre les philosophes et les détracteurs. La seconde partie raconte l'histoire de la théologie ou du dogme. La troisième enfin, formée par le dernier volume i^ue nous annonçons., peint la vie intérieure. Le cuite et la constitution «ie L'Église.

Non seulement M. de Pressensé a mené à bonne an cette tache langue et laborieuse, mais on doit dire qu'il a gagné des forces et des moites en avançant, oir« a*ujwnt eundo. Des premiers aux derniers volumesy il y a progrès bien marqué, progrès dans Tinvestigatioa toujours phis complète et plus sûre des documents, dans la discussion et Tapprecisb» tion des témoignages, dans La simplicité et La sobriété de L'expositifja. M. de Presseni^ n'a pas renoncé à l'éloipience, ce •pi Lui serait diM- cile ; mais son style a fini par acquérir, sans rien penlre de sa (±al0zr et de son éclat, les qualités plus solides qu'exige rhL«toire. A tous ces pointi» de vue, son dernier volume est de tous le meilleur. VestH» pas la juste recompense d'un travail opiniâtre et d'une persévérance que Les difficultés aiguillonnent au lien de décoorager ?

Il est vrai que La partie qu'avait à traiter l'historien était peut-^cre la plus neuve et la plus intéressante. Il s^agissait de raconter les transfor- mations successives i^i ont si rapLdanent mené l'Eglise du premier âge, si libre, si démocratique et si austère, à la forme catholique qui triomphe avec Constantin, La logique intérieure qui pousse le christia- nisme sur cette pente du catholicisme se âût sentir partout à La fois et transforme simultanément l'organisation ecclésiastique, le culte^ La morale. M. de Pressensé Ta bien signalée : nous regrettons seulement qu'il ne l ait pas plus nettement dégagée et qu'U ait paru souTent aixor- der à des influences du dehors, à des circonstances accidentelles ce qui est siirement l'effet d'une puissance intime résultant de la conception que les premiers cfarétieDs se firent d'abord de TEglise. Nous sommes convainco.

E. DE PRESSENS^ : LA VIE DBS CHRIÎTIENS AUX IP ET III® SIÈCLES. 4 87

pour notre part, que le catholicisme devait être la première réalisation historique du christianisme ; que parler ici de déviations, d'altérations, n'est pas suffisant, et que juger les choses et les hommes du second et du troisième siècle du point de vue de la réforme protestante et du spi- ritualisme chrétien de notre temps, c'est s'exposer à ne pas bien les comprendre, à les trop exalter quand ils s'accordent avec notre manière de voir, à trop les rabaisser quand ils s'en écartent. Le fait est qu'ils étaient bien loin de ressembler, au moins pour les mœurs, les idées et les apparences, aux chrétiens de nos jours, soit protestants, soit catho- liques. Il nous faut sortir de nous-mêmes pour les comprendre et il est peut-être un peu téméraire de vouloir toujours marquer le point précis, comme le fait M. de Pressensé, finissent leurs idées justes et commencent leurs erreurs. Erreurs et vérités, qualités et défauts, pré- jugés, superstitions et vie morale, tout cela se tenait, s'unissait, se fondait dans un mélange singulièrement original, qui est la marque propre de ces générations placées encore entre le paganisme dont ils sortaient et la foi chrétienne qu'ils n'avaient comprise qu'à travers leur éducation et leurs habitudes premières.

Rien n'est plus intéressant que d'entrer avec un guide comme M. de Pressensé dans les détails de la constitution et de la vie intime de l'Église chrétienne aux second et troisième siècles. On y fait à chaque pas des observations, j'ai presque dit des découvertes qui provoquent la réflexion et révèlent mieux que les grandes controverses et les martyres héroïques le caractère singulier de cet âge de transition. L'historien traite en premier lieu de la constitution et de l'organisation de l'Eglise. Il les étudie d'abord au second siècle et puis au troisième pour en bien faire sentir la transformation progressive. Il décrit avec maints détails pittoresques et vivants puisés aux sources le catéchuménat et le rite du baptême par lesquels l'Eglise se recrutait ; puis les charges ecclésias- tiques diverses, le rôle toujours grandissant de l'évêque qui, sorti d'abord par l'élection populaire de la communauté, s'élève non seule- ment au-dessus d'elle, mais encore au-dessus du presbytérat et devient l'incarnation de l'idée catholique de l'Église. Les résistances que ren- contra jusqu'au milieu du troisième siècle cette usurpation progressive devaient surtout intéresser l'esprit libéral et démocratique de M. de Pressensé ; aussi les a-t-il racontées avec une précision de renseigne- ments, une suite naturelle et logique qui font de cette partie le chapitre le meilleur et le plus nouveau de son livre. Polycrate d'Éphèse et Victor de Rome, Origène et Démétrius d'Alexandrie, Novatus et Gyprien à Garthage, Hippolyte et Galixte à Rome, sont les champions opposés du principe de la liberté et du principe de l'autorité dans une lutte partout la même et qui a toujours le même dénouement, la défaite du premier au profit du second. Avec Gyprien Tépiscopat triomphe définitivement. L'évêque concentre dans sa personne toutes les grâces et tous les pou- voirs de l'Église et désormais la formule catholique est vraie : m epis^ oopo est ecclesia.

488 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

Le second chapitre est consacré à la description du culte dont l'his- torien passe en revue successivement les diverses parties. Tout ce que l'antiquité chrétienne, dans ses livres ou dans ses monuments, nous a laissé sur les édifices du culte, leur disposition intérieure, l'attitude des fidèles, la célébration de TËucharistie, les formules de prière, la prédi- cation, le chant religieux, a été soigneusement recueilli^ et l'auteur s'en est servi ensuite pour tracer dans un tableau d'ensemble le récit d'une assemblée de culte à Alexandrie à laquelle le lecteur croit assister. C'est un des morceaux les plus brillants et les plus intéressants du livre. Nous aurions aimé pourtant trouver ici quelques renseignements de plus, au moins au point de vue bibliographique, sur les diverses liturgies en usage à cette époque. A Rome ou à Garthage le culte était- il le même qu'à Alexandrie ? A côté de la liturgie de saint Marc n'y avait-il pas celle de saint Jacques ou de saint Pierre ? Ne peut-on savoir en quoi elles se ressemblaient et en quoi elles différaient ? En outre, nous n'avons pas absolument reçu des descriptions de M. de Pressensé tout à fait la même impression que celle que nous ont laissée les textes des Pères de l'Église. L'historien a certainement spiritualisé ou idéa- lisé le culte du troisième siècle. Q avait avec le culte juif et les mys- tères païens des ressemblances et une parenté qui peuvent choquer l'esprit protestant et sévère de notre âge, mais qui prouvent précisé- ment que les chrétiens du temps d'Origène ou de Gyprien n'étaient point des protestants.

Nous aurions une observation analogue à faire sur le troisième et dernier chapitre, qui a trait à la vie morale des chrétiens et à l'action régénératrice de l'Église au milieu de l'ancien monde périssant de vieil- lesse et de corruption. Tout ce que M. de Pressensé raconte de la famille chrétienne, des vertus simples et fortes qu'elle abritait, de radoucisse- ment du sort des esclaves, des institutions de charité, ce qu'il dit sur- tout de la réhabilitation du travail libre est admirablement vrai. Mais est-ce toute la vérité ? N'y avait-il point d'ombres un peu plus noires à ajouter à cette peinture ? I^a morale catholique car la morale catho- lique existe à partir de Tertullien n'avait-elle pas subi de graves atteintes et de profondes altérations de la part de l'ascétisme païen ou de la légalité juive venant se superposer à la spiritualité évangélique? N'y avait-il pas à mettre plus en lumière cette morale artificielle qui aboutira inévitablement à la casuistique et qui classe déjà les péchés et les vertus, non d'après le sentiment intime de la conscience, mais d'après les décisions extérieures de l'Église? Que M. de Pressensé, dont le talent, la science et la chevaleresque impartialité nous inspirent tant de sympathie et d'admiration, nous pardonne ces observations d'une critique trop scrupuleuse ou trop difficile peut-être. Elles lui prouveront qu'à nos yeux du moins son livre est de ceux qui comptent . et avec lesquels il faut compter. Le premier, en France, il a vaillamment abordé ce sujet des origines de l'Église chrétienne que tant d'autres ont parcouru après lui et en a tracé, dans les six volumes qui composent

LEBIOIV : LA DBENIÈRB LUTTB DES SLAVES DE l'eLBE. 4 89

son ouvrage, une histoire que les écrivains futurs ne pourront dépasser qu'en en profitant.

Auguste Sabatieb.

J. A. Lbbeoev. IjB, dernière lutte des Slaves de TBlbe contre la germanisation, 2 vol. in-S». Moscou, 4876.

Plusieurs souverains de TEurope septentrionale portent encore aujour- d'hui des titres qui rappellent la domination que leurs prédécesseurs ont exercée naguère sur certains peuples slaves depuis longtemps dis- parus. Le roi de Prusse est duc des Wendes, le grand-duc de Mecklem- bourg-Schwerin est prince de la terre wende (Fùrst zu Wenden), le roi de Danemarck est roi des Wendes, etc. Sur les frontières de la Saxe et de la Prusse, dans les deux Lusaces, vivent encore 140,000 Wendes qui s'appellent eux-mêmes Serbes (Serbi = Sorabes), misérable ilôt slave noyé par locéan germanique qui menace sans cesse de l'engloutir. Ce sont les derniers débris des Slaves de l'Elbe et de la Baltique qui, sous les noms divers de Polabes (Slaves vivant po Labie^ le long de l'Elbe), Lutices (les farouches?), Vagres ou Vagriens, Obotrites (Bodrci, les vaillants?), Luziczane (les Lusaciens), etc., jouent du huitième au qua- torzième siècle un rôle considérable dans l'histoire de l'Europe septentrio- nale. A partir du treizième siècle ils perdent leur indépendance; ils sont absorbés peu à peu par la germanisation ; depuis plus d'un siècle leur lan- gue a complètement disparu ; elle n'a laissé de traces que dans des noms géographiques, mutilés pour la plupart par les Allemands {Poméraniey pays situé le long de la mer, Stargard = Starigrad, la vieille ville, etc.). Il ne subsiste de leur civilisation aucun monument figuré : restés fidèles aux traditions du paganisme slave à une époque toute l'Europe était déjà devenue chrétienne, ils ont eu à soutenir des luttes incessantes contre leurs voisins les Saxons, les Danois ou les Polonais, et ont fini par succomber. Leurs villes ont été détruites ou transformées; leurs temples et leurs idoles anéantis. C'est sur un sol foncièrement slave que s'est élevée cette monarchie prussienne qui mène aujourd'hui les destinées de l'Allemagne.

Dans le grand mouvement historique qui a entrepris de reconstituer le passé de la race slave, ces ancêtres trop longtemps oubliés ne pou- vaient être négligés. Un slaviste russe distingué, feu Helferding (mort en 1872), avait entrepris d'écrire une histoire générale des Slaves bal- tiques qui est malheureusement restée inachevée (Moscou, 1855); il n'en a publié que le premier volume. M. Kotliarevsky, aujourd'hui pro- fesseur de philologie slave à l'université de Kiev, a donné une étude sur la vie de l'évoque Otto de Baraberg, apôtre des Poméraniens (Prague, 1874). Notre collaborateur M. Pawinski a également consacré aux Slaves de l'Elbe une dissertation (Saint-Pétersbourg, 187i) que malheureusement nous n'avons pas sous les yeux. Aucun de ces tra-

490 COMPTBS-EBXDUS CRITIQIIBS.

vaux n'a épuisé la matière et un travail définitif est encore à ùdre. M. Lebedev s*est borné à étudier un épisode isolé de l'histoire des Slaves Bahiques; la lutte des Obotrites et des Lutices contre Henri le Lion et Valdemar !«■ de Danemarck. Son récit se renferme rigoureu- sement entre les années 1130 et 1190. Il neût pas été inutile de le faire précéder d'un tableau sommaire de la situation des Slaves baltiques au début du douzième siècle. L'auteur entre un peu brusquement en matière; de une certaine obscurité qui pèse sur Tensemble de son récit : il est pénible à lire et les faits historiques réussissent d'autant moins à fixer l'attention , que les divisions très vagues des chapitres indiquées par une ligue à peine ne fournissent au lecteur aucun jalon, aucun point de repère. On regrette également Tabsence d'an index alphabétique ou d'une carte qui facilite Tétude des divers épisodes religieux ou militaires. M. Lebedev ne redoute pas évidemment le tra- vail (il a consacré tout un volume à l'examen des sources), mais il ne sait pas ordonner un livre ; on ne peut le lire avec fruit que la plume à la main, en dressant pour son propre compte les sommaires ou les index qu'il a dédaignés. Comme il néglige de donner en note les formes latines des noms qu'il rencontre dans les textes originaux et qu'il rus- sifie parfois, on est fort embarrassé pour les identifier. Un appendice sur les noms propres, leur déformation et leur restitution probable eût ete nécessaire. M. L. ne parait pas se douter un instant des services que la philologie peut et doit rendre à Thistoire.

Dans ces conditions l'ouvrage en question nous paraît fort difficile à analyser. C'est une série d'épisodes historiques dont quelques-uns, pris à part, offrent un certain intérêt : tels sont par exemple les récits de Im or\)isade entreprise en lUS contre Niklot, prince des Obotrites; le tableau des migrations allemandes ou hollandaises qui viennent colo- niser les bords de l'Elbe, les luttes navales les marins slaves jouent un rvMe hardi et glorieux, la c^mquèie de l'île de Hugen par les Alle- mands et la destraction du fameux sanctuaire de Svantovit. Dans on ouvrage mieux cv^nou et mieux rvdige, ces épisodes auraient fourni matièrv^ à un grand nombre de (v&ges excellentes. Sous sa forme actuelle, le travail de M. L. ne peut t^tre cx^nsidere que comme un recueil de matériaux plus ou moius degT\>ssis pour l'écrivain qui entreprendra l'histoire définitive des Slaves baltiques.

L. Lsiiift.

UplaMmtmriwBi s«édols» depvis et y compris l'kMBée 1401, édité

aux firais des Arthives natioiiak^ par Charles SurrnsTOLn*. T. L livr. 3. p. 4SI*70«, Suxàbotiu. I$n. P, A. XorstedI ei Gb,

^BMCtt Car) Sàttv^rrariOiv.

SILFTBRSTOLPB ET HaDBBRAND : OIPLOMÀTÀRniM SUEDOIS. 194

in-4«. Prix 9 fr. ^1 0. Diplomatariom snèdois, édité aux firais, etc., par Emile Hildebrand^ T. VI, liv. 1, p. >l-424. Ibid., 1878, in-4«. Prix 9 fr. 80.

Le troisième fascicule (t. I, seconde série de ce recueil) s'étend du 7 septembre 1405 au 29 décembre 1407, et, pour cette courte période, il y a 281 documents, savoir 49 pour la fin de 1405, 118 pour 1406 et 114 pour 1407 ; on voit qu'en avançant dans le siècle les documents ne deviennent pas plus abondants ; au reste on pouvait bien s'y attendre : on est encore trop près du point de départ pour que la physionomie des temps ait sensiblement changé. Il serait donc superflu d'entreprendre de caractériser de nouveau cette section du Diplomatarium ; ce que nous avons dit des deux premiers fascicules ^ est encore vrai du troisième et celui-ci mérite les mômes éloges que les précédents.

Le t. VI, dont le premier fascicule a paru, n'est pas au môme éditeur et, bien qu'il soit également publié avec les fonds légués par le comte Fosse et sous la direction du conservateur des Archives natio- nales, M. Bovallius, il ne l'est pourtant pas d'après le plan adopté pour la seconde série : les notes explicatives y sont un peu plus nombreuses et le texte n'est pas reproduit avec la môme précision diplomatique, aucune différence de caractère ne distinguant les lettres ajoutées (pour compléter les mots abrégés) de celles qui se trouvent dans l'original. Si réditeur de cette livraison, M. E. Hildebrand, ne s'est pas astreint, comme M. Silfverstolpe, à une exactitude minutieuse, c'est sans doute pour que sa continuation ne fit pas disparate avec les premiers volumes de cette série, commencée par Liljegren (t. I-II, 1829-1837) et poursuivie par Bror-Émile Hildebrand (t. III-V, 1842-1865) ; il n'a pas voulu que le t. VI jurât avec les précédents; au reste, il promet de rendre compte des règles qu'il a suivies et des sources qu'il a eues à sa disposition, mais seulement lorsque le volume sera terminé.

Cette livraison contient 389 documents (4275-4663) pour les années 1348, 1349 et 1350, c'est-à-dire autant et môme plus que pour chacune des périodes triennales du commencement du xv« siècle. Mais, si de ce c6té on ne remarque pas grande différence entre les deux siècles, il y en a une très sensible quant à la langue : vers 1400, les quatre cin- quièmes des documents sont en langue vulgaire, tandis que vers 1350, le latin est employé le plus souvent, non seulement pour les affaires ecclésiastiques, ce qui est naturel, mais aussi pour les actes purement civils. Cette circonstance fait que la 1" série du Diplomatarium est à la portée de tous les lettrés du monde civilisé. Qu'ils prennent la peine de la parcourir, ils y trouveront des renseignements qu'ils ne songent peut- être guère à aller chercher en Suède. Notons par exemple, pour nous en tenir à la France, qu'il est question de Paris et de sa célèbre uni-

1. Svemkl Diplomatarium, utgifvet... genom Emil Hildebrand.

2. Revue histor., t. III, livr. 2, p. 440-442.

492 COMPTES-RENDUS CEiriQUES.

vornitô dans los pages lOi, 181, 211. Les documents émanés delà chan- collorio pontificale sont datés de deux localités françaises, Avignon et Villonouvo, ot, bien qu'ils concernent surtout les affaires ecclésiastiques do la Suède, ils fournissent pourtant quelques notions à utiliser dans les futun>s histoires universelles de TËglise.

£. Bbjluvois.

I. Goi.i.. Qoellaii und Untarsnoliiingen sur Geaohiolite der Bœh-

mUohtm Brûder. I. Prague, Otto, 4878. Le lU^iuo. Yypsani o mistra Jeronymovi m Prahy. Kronika o

Jonu ZiBkovi. Prague, Otto, 4 878.

\a> non) do M. Goll est déjà bien connu des lecteurs de la R0mu Aû- uHifue. 8o$ doux nouveaux ouvrages s'occupent des traditions relatÎYes aux luttos roligiousos et aux bouleversements par lesquels la Bohème oui à i^ssor avant ot (K'ndant la Réforme. Le l^^ volume des Quellen unti Cnltrsuchuni^rn \$ourcos ot études^ étudie, dans rhistoire des ori- gint^ dos fr\^i\^$ Ivhomions, plus généralement connus en France sons lo non) do frt>r\^$ monivos« doux points restes jusqu'ici sans solution : 1*^ los rap|H^rts di\^ frt^n^ avoc los Vaudois; :?• le choix et Im consécrm- liou d(^ prtnuior^ prx^tn^. L autour passe snccessÎTement en reTue touti^ lo$ s\>urot^ du xv« ot du xvi« s., et donne en appendice les textef los plus iu)|vrtauts. l.ess ro:>ultats« qu'il réunit dans son « Aperça > de U plus anoionuo tradition \p. oO ot suiv.^ sont tzè$-intêressants ; mais U UAturx'^ dos d\vumout:5i ittVv\îuo:s uo permet pas de résoudre complè- tomo:\t toutos los ditV.ouUos lu; vu; cas les vwations surrennes dans U"* \ôi\>s *U>s froT\>s sur U pntMhs*? o; lepiscopai à Toccasion de U pie- uïu\v OTvi\r,4iio:\ vlo *.o;:rs v^^^troïîs prvxiuise::: une incertitude qui o\|m\>;;ïo »os tx^U'uous vvr.;raô.;cuv.Kss q*jLi sos:? ont ete transmises. M v^ . u a ^^« \\^;;;or ;;:; r.u'^; *;<vis:: 4;:x ^virwss du xtî* s.

l4^ >*\\n;Xx:o ô»ï>s ',\;M\oa:;o:;s A::r.v;*.'C>^» jV.:s ha;i; cv>cùent trob doGo* wor,îs «o>a\;;^«\i *;« s u;: riv;î Ci* ;:::«i:ue Jer^cse ce Prague « une ^î1^x;,;o;^^r. >•> U ^;';;ro vV-o'.^^." i::; tV«£^ s;ir ^ ïDOrt ce Jes>Nme« et une « «rvV IvV,,^ x^^rv ;v.;,;<* ^io J ;M;'. v ;sk4i » * Iji ;r*i*v:!;kc ie a ienreda IVgge ^^s; *^ '/.\;>A,.,:,\',v i.-^.v^,';;/", ;*,: *Jiuur*îf ;^ibÀ;:^^ Ç'se loe cvrASÙsse, et

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A. BACHMANN : BOBHMEN UlfD SBIIfB IfACBBARLiENDEE. 193

l'on croyait jusqu'ici fabriquée au xyi« s., remonte, d'après le ms. de Munich, au xv«. Les renseignements que nous avons sur le général aveugle sont si maigres, qu'il faut se réjouir de posséder cette chro- nique, si laconique et si incomplète qu'elle soit d'ailleurs. Ses rapports avec les c anciennes annales tchèques » ne peuvent se prouver que par une étude critique très minutieuse; mais dans l'ensemble, l'existence de ces rapports est indéniable. L'auteur est un partisan de Ziska; il écrit, il est vrai, après la fin des grandes luttes (1434) ; mais il parle avec une vive émotion de l'époque célèbre des combats livrés par les Taborites et de leur héros.

Von Bezold.

A. Baghmann. Bœhmen and seine Nadibarleander unter Georg von Podiebrad 1458-1461, und des Kœnigs Bewerbung um die deutsche Rrone. Ein Beitrag zur Geschichte der Yersuche einer Reichsreform im XY Jahrhunderte (La Bohême et les pays voisins sous g. Podiebrad; intrigues du roi pour se fkire nommer roi de Germanie. Contribution à l'histoire des efforts tentés pour réfor- mer TEmpire au xv* s.). Prague, Calve, 4878, in-8^ xii-S'IO p.

n y a deux ans, M. B. avait pris pour sujet d'une monographie très soignée Thistoire des débuts de Georges Podiebrad : son nouvel ouvrage est consacré aux premières années du règne de l'habile prince bohé- mien; pour avoir la clé de sa conduite à cette époque, il faut suivre ses efforts pour s'assurer la couronne impériale. Le travail de M. B. est en général un résumé de tous les ouvrages allemands sur le sujet ; il n'y ajoute presque rien de nouveau, sauf sur certains points de détail, ses recherches dans les archives lui ont permis d'apporter des recti- fications et de combler de petites lacunes. Ainsi par exemple quand Podiebrad essaya d'intimider les Hohenzollem, en les menaçant d'une alliance entre la Bohème et les villes de l'Allemagne du Nord, et par de les gagner à sa cause (p. 16) ; ainsi encore les écrits dans lesquels Rokyzana, le chef des Utraquistes, assure le pape et son confesseur de son plus profond attachement (p. 247). L'impossibilité morale pour Podiebrad de réaliser son plan favori , la situation difficile du roi hussite qui avait secrètement abjuré sa foi et s'était engagé avec Rome, la politique dépravée et sans conscience du margrave Albrecht de Brandebourg sont décrits par M. B. avec clarté et de manière à empor- ter la conviction. Certaines conjectures me paraissent au contraire bien hasardées : ainsi ce que dit l'auteur sur la première apparition du Dr. Mavis à Eger (au printemps de 1459), ou de la double démarche faite pour obtenir le consentement de l'empereur. Le style de l'au- teur laisse cette fois encore quelque chose à désirer.

Von Bezold.

HbV. HlSTOR. XL l«f FASC. 13

^194 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

Fridolin Hoffmann. Geschichte der Inquisitioii. Bonn^ N^isser, 4878, t. U, 466 pages.

L'impression sous laquelle nous avons rendu compte du premier volume de ce livre (Revue hist.^ 1878, t. VIII, p. 433) n*a guère été modifiée par la lecture du second. Encore cette fois-ci l'auteur ne nous donne qu'une série de chapitres qui se suivent sans ordre, et qui ne sont que des extraits ou des résumés d'ouvrages récents. Il nous fait faire, à travers les temps et les espaces, le voyage en zigzag le plus singulier; pour commencer, il nous conduit dans les Pays-Bas espagnols sous Charles-Quint et Philippe II ; puis il s'embarque pour rAmérique espagnole, revient de en Portugal, franchit de nouveau les mers pour aborder aux Indes occidentales, nous transporte ensuite en Italie, il nous fait assister aux procès de quelques protestants et à celui de Galilée, pour s'échouer finalement en Allemagne. La forme du livre est négligée ; l'auteur intercale dans son récit, qui s'adresse au grand public, des traductions de documents et môme des pièces latines, choses que le grand public a l'habitude de sauter. A chaque moment, en outre, que Ton soit en Europe ou en Asie, on est ramené à la polémique contem- poraine. On se demande aussi si c'est de la dignité d'un historien de choisir pour ses chapitres des titres comme ceux-ci : Ecce quam bonum et jucundum^ habitare fratres in unum (les frères sont l'inquisition et la compagnie de Jésus), ou : der Inquisitions Michel als Papst; il s*agit de Michel Ghisleri, devenu pape sous le nom de Pie Y; Michel est en Allemagne un terme de mépris pour désigner un sot; Pie V a été un pape terrible, mais on ne l'a jamais qualifié de sot. M. H. n'ayant pas eu la prétention d'écrire un livre scientifique, il nous semble inu- tile de relever en détail les erreurs qui lui ont échappé. Gomme plu- sieurs de ces erreurs appartiennent aux auteurs qu'il a suivis, on ne doit lui reprocher qu'un excès de confiance, peu conforme aux principes de la critique historique. Au fond, il n'a fourni qu'un pamphlet, mais un pamphlet trop gros et trop peu spirituel pour remplir son but.

G. 8.

L^ancienne Alsace à table, étude historique et archéologique sur Talimentation, les mœurs et les usages épulaires de ranciome province d'Alsace, par Gh. G^bard, avocat à la Cour d^appel de Nancy. 2" édition. Paris, Berger-Levrault, -1877, vi, 362 p. în-««. Prix : 8 fr.

L'auteur do ce charmant volume n'est plus; à peine avait-il eu le temps de revoir les épreuves de son travail que la nostalgie de l'exil l'arrachait à Nancy, sa patrie adoptive, à ses études et à ses amis. G'est une grande perte pour les sciences historiques en Alsace. M. Gérard était assurément l'un des érudits les plus zélés et les plof

C. GiBlBD : L*lIfCIBIfIfB ALSiCB A TiBLB. 495

sérieux qu'ait produits cette province, si riche pourtant en explorateurs de son passé. La publication des Annales des Dominicains de Colmar, faite de concert avec M. Liblin, ses monographies sur les batailles d'Enzheim et de Tûrckheim, au xvii* siècle, sa Faune historique des mammifères sauvages de l'Alsace, ses deux volumes sur les Artistes de V Alsace au moyen âge, sont des travaux consciencieux, riches en détails nouveaux et qui garderont toujours leur valeur. Mais aucun peut^tre ne présente cet intérêt particulier que nous trouvons à parcourir V ancienne Alsace à table, devenu bientôt et resté le plus populaire de ses écrits. Il le publia pour la première fois dans la Revue d'Alsace^ à de longs intervalles, de 1853 à 1862, puis il en fit faire un tirage à part, rapidement épuisé. En 1877 il songea, pour charmer ses loisirs, à repu- blier cet alsatique si rare ; il reparaît après la mort de Gérard, « tel qu'il s'est présenté pour la première fois. » Cette dernière décision de Fauteur est assurément regrettable. Il aurait tenir compte des sources nouvelles qui se sont produites, des renseignements divers qu41 lui aurait été facile de recueillir à vingt-cinq ans d'intervalle. Il aurait surtout effacer des indications exactes en 1860, fausses aujourd'hui, et des dénominations auxquelles la guerre de 1870 a enlevé toute raison d'être ^ Nous n'avons certainement pas le courage de les lui reprocher pour notre part, après avoir lu, pleins d'une émotion profonde, la belle et touchante préface qui renferme les adieux de Tauteur à tout ce qu'il aimait au-delà des Vosges. Mais ce qui nous touche, d'autres en riront peut-être, et certes il eût mieux valu ne point s'exposer à cette insulte posthume.

Le livre de M. Gérard est composé de causeries; c'est ce qu'il ne faut pas perdre de vue pour le juger avec impartialité. Quelquefois on serait tenté d'oublier, sous ce babil en apparence léger, la profonde érudition de Fauteur. En le pratiquant, en vérifiant ses données sur quelque point spécial, on se rend compte seulement de tout le labeur qu'il a su dissi- muler sous une enveloppe souriante et si peu rébarbative. Si dans cer- taines occurrences (p. 70, p. 92, etc.) t le coup de rabot dont M. Gérard parle dans sa préface a été oublié; si Fon peut signaler à de très rares intervalles quelque petit lapsus de Fauteur 3, ce sont des taches vrai- ment imperceptibles. Ce n'est pas seulement d'ailleurs un chapitre de

1. C'est ainsi qu'il parle sans cesse des Archives départementales du Haut- Bhin, d'un préfet du Haut- Rhin, d'un chef de division à la préfecture de Coimar, qu'il renvoie maintes fois à des mannscrits de la bibliothèque de Stras- bourg, détroits par le bombardement de 1870. C'est ainsi, encore, qu'il parle, p. 127, du professeur Kirschleger, mort en 1869, comme s*il était vivant, et qu'il appelle, p. 133, M. Alfred Schweighaeuser, mort en 1876, archiviste de la ville, alors qu'il ne l'était plus depuis 1866.

2. Lire : p. 74, Vélecteur de Hesse-Cassel pour le prince de H. C; p. 130, Porrenirujff pour Porentruy; p. 141, JAmmat pour Umath; Oberehnhein 00 Obemai pour Obernaeh; p. 204, 1836 pour 1856; p. 237, Mathieu pour Mathias, etc.

496 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

l'histoire culinaire universelle que cette Ancienne Alsace à table; on y parle de maints autres sujets se rattachant à Thistoire des mœurs et de la civilisation du pays; aussi nous ne pouvons que recommander chaudement ce charmant volume, édité avec un luxe de bon goût par la maison Berger-Levrault, à tous les amateurs de curiosités histo- riques. C'est l'œuvre d'un érudit véritable, doublé d'un homme d'esprit, et, ce qui ne gAte rien à la chose, rehaussé d'un gourmand émérite.

R.

Raimondo Monteoaccoll, la sua fkmiglîa e i suoi tempi, dal Mar- chese Commendatore Gesare Cimpori. Firenze, Barbera, 4876, 4 vol. in-8*.

ftmulo do Turenue et des autres grands généraux du xvn» siècle, Montocuccoli a Tune des réputations militaires les mieux établies, gn\co à rôclat do ses dernières campagnes et à Tautorité de ses ouvrages. Mais riiistoin^ avait été jusqu'ici à son égard plus favorable qu'em- prossôo, ot ilo tous los capitaines de premier ordre il est peut-être celui dont la vio est relativoniont la moins connue, quoique son génie soit un dos moins contostos. C'est quo sa biographie ne présente pas les pôripôtios dramatiques quo Ton trouve dans celle de ses rivaux. Le caraotén^ do son esprit ossontioUoment méthodique ne séduit pas les obsi^rvatours suporficiols, qui seront toujours les plus nombreux : il s*impos<^ plutiNt aux militaires do profession qu a l'ensemble des histo- riens ot du public lottro. En outre, lo vainqueur de Saint-Gottard a doux nationalités. Tuno duo à la naissance, l'autre conquise par le dovouomont ot |vir d'éclatants services. Si cotte complication de devoirs envers l'italio ot envers T Allemagne a rendu la vie de Montecuccoli plus diflioilo ot plus moritoiro, elle a laissé Théritage de sa gloire en quoique si^rto indi\is outre s<^s doux }Kitnes« et les nations n*aiment pas ce î^M\^^> do ivartagiv II no faut donc pas s'elonner que l'héritage en ait soulTort,

Toutefois la pn^mioro |\ttrie de Montocuccoli, celle-là même qui lui devait lo moins, a oio la moins ingrato des deux envers lui. Si loog- tonnvî priviv dos grands capitaines qu'elle a produits sans avoir de dra^vau à ooutior à leur vaiiîanco, Tltalio, retrouvant aujourd'hui et une anuiv ot un drapeau, va chercher pieusement les plus illustres de s^^s or.fants mort^ dans les rar.cs otrancer? ot elle puise dans Tétude de leurs faits d'armes vii'' foi\v,"i.is ouivuracoments et de salutaires exem- ples. Toi est, sans nul ô.i'Uto, lo sentiment patriotique qui a inspiré M. lo mar^juis l'ianv^v^^i r.ar.s li^ saxant^ recherches auxquelles nous devons la fiiôc'^aphu .V.'>;.vniAv*;t. iV^ît*"» préoccupation de rauleoreit Uyiiimo; ot, hier, qu'a;: 'jX'^int de vue de l'impariialiie historique elle no soit J^As sar.s *îaî;c»v. oiîi^ Va servi puissamment, en le mettant sur la \oio de do.'r.me.r.ts nouveaux ou trop lonciemps négligés, et en

CIHPORI : BilHONDO MOTTECUCCOLI. 197

ramenant à des rectifications importantes qui intéressent non seule- ment son héros, mais l'histoire générale du siècle.

Les Mémoires et les principaux ouvrages de Montecuccoli ont été publiés pour la première fois par Huisscn, à Cologne, en 1704, mais avec beaucoup d'incorrections et de lacunes. Dans notre siècle deux Italiens, Ugo Foscolo et Grassi, en ont donné deux éditions, le texte, revu sur les originaux, est allé sans cesse en s'améliorant, si bien que la dernière peut être considérée comme exacte, sinon comme absolu- ment complète. M. Polidori en 1847, M. Guasti en 1860 ont publié l'un et l'autre dans VArchivio storico italiano ou dans le Giornale storico degli Archivi toscani des documents importants sur le même personnage. M. Gampori, à son tour, nous donne le résultat de ses fouilles dans les archives publiques et privées : Archives de Modène, renfermant la Cor- respondance inédite des ministres de la maison d'Esté^ notamment celle d'Ottavio Bolognesi^ ambassadeur à Vienne pendant les deux plus impor- tantes périodes de la guerre de Trente- Ans ; Archives et Bibliothèque nationale de Florence, renfermant la Correspondance inédite de R. Monte" cuccoli avec le prince Mattia de' Medici; Archives de la famille Monte- cuccoli;— Archives du marquis Gino Capponi^ de Florence; Collection du comte Georges Ferrari-Modeni^ de Modène. L'ouvrage de M. Gampori, très italien par l'idée première et par les sentiments, ne l'est pas moins par l'origine des documents inédits qu'il a publiés ou mis en œuvre.

L'auteur a voulu être, avant tout, un biographe. Ce n'est pas seule- ment Raimondo Montecuccoli,- mais aussi sa famille qu'il s'est proposé de faire connaître. Les Montecuccoli formaient un véritable clan, essen- tiellement guerrier, dont il n'est pas indifférent de connaître les mem- bres et les traditions, si l'on veut comprendre le développement du grand homme qui l'a immortalisé. De tous ces rejetons d'une vaillante race, le plus célèbre, avant Raimondo, est Ernesto Montecuccoli de Sassostomo, qui, malgré son rôle considérable dans les premières périodes de la guerre de Trente-Ans, a été passé sous silence par Schiller et par d'autres historiens. Il a été l'instituteur militaire de l'illustre cousin qui devait le faire oublier, mais qui lui doit la rapidité de ses premiers pas dans la carrière et une série de leçons fécondées par de glorieux exemples. Général à 37 ans (1621) après avoir sauvé la capitale des États héréditaires, Ernesto Montecuccoli conserva jusqu'à sa mort la faveur de Ferdinand II. Audacieux, plein d'élan, victime quelquefois de sa témérité, souvent de la négligence des ministres impé- riaux, il forme avec son élève un vivant contraste, mais il était digne de lui servir de maître. Avant de mettre au jour, dans la personne de Raimondo, un véritable émule de Turenne, la famille Montecuccoli avait en quelque sorte produit, avec Ernesto, une ébauche imparfaite de Condé.

A partir de l'année 1625, la vie des deux cousins se passe sur les mème^ champs de bataille. C'est le général Ernest qui fit alors entrer

498 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

Raimondo^ dans Tarmée impériale, en décidant qu*il servirait comme simple soldat, tantôt dans Tinfanterie, tantôt dans la cavalerie et dans Tartillerie. On les retrouve l'un et l'autre aux Pays-Bas, le premier, commandant du corps auxiliaire envoyé par Fenïpereur aax Espagnols, se couvrit de gloire 3; en Silésie, et devant Magdebourg. Raimondo se distingua à la prise de Neubrandebourg et de Kalbe et le jeune capitaine eut l'honneur de présenter les clefs de ces deux forte- resses à Tilly. Fait prisonnier à la bataille de Leipzig, il passa les six mois de cette première captivité à Halle, pendant que le général Ernest, rappelé à Vienne, présidait aux mesures jugées nécessaires pour la défense de la capitale. A Lutzen, Raimondo, lieutenant- colonel, se comporta vaillamment : il y reçut une légère blessure. Les reproches qu'il adresse à Wallenstein dans son opuscule Des Batailles empruntent une autorité nouvelle au rôle honorable qu'il joua dans cette sanglante journée. Son admiration pour le héros suédois, enseveli dans la victoire, s'est exprimée dans une ode dont on doit la publica- tion à M. Gampori^. Cette curiosité littéraire et historique n'est pas dépourvue d'intérêt ; mais, malgré quelques strophes animées d'un cer- tain mouvement poétique et quelques beaux vers, on reconnaît que Montecuccoli était encore plus capable d'imiter Gustave-Adolphe que de le chanter. Les deux campagnes d'Ernest Montecuccoli en Alsace, surtout la dernière (1633), il ravitailla Brisach et fut blessé mortel- lement dans une sortie, offrent un intérêt particulier : car elles se ratta- chent de près aux événements qui devaient donner cette province à la France.

Privé de son vaillant protecteur, Raimondo Montecuccoli continua à faire son chemin tout seul. De 1634 à 1648, il ne quitta pas les armes si ce n'est pendant sa seconde captivité. Sa biographie est étroitement liée aux principaux faits de cette période de la guerre de Trente-Ans. Les extraits de ses lettres inédites complètent les renseignements et les appréciations contenues dans ses ouvrages didactiques sur l'art mili- taire, notamment en ce qui concerne les batailles de Nordlingen (1634), de Wittstock et les suivantes. Fait prisonnier à la bataille de Brandais (1639), Montecuccoli, alors colonel, subit une captivité de trois ans, qui arrêta momentanément son avancement militaire, mais qui exerça la plus heureuse influence sur ses destinées ultérieures. Ce fait capital est un de ceux que M. Gampori a le mieux éclaircis et qui méritait le plus de l'être. La correspondance de Bolognesi et du duc de Modène raconte les circonstances dans lesquelles Montecuccoli, victime d'un

1. le 21 février 1609, et non en 1608 comme on le croyait avant les recherches de M. Campori.

2. Numguam res Ordinum pejori loco visx quam cum Ernestus Montecuc- culus Batavéam premeret (Hug. Grotius).

3. Voy. Appendice, n* 3.

GAHPORI : RAIMONDO MOTTECCCCOLI. 499

général en chef incapable et de l'incurie du gouvernement vien- nois, tomba au pouvoir des Suédois, et les longs efforts qui furent faits par sa famille, par son souverain naturel et par l'empereur pour obtenir sa mise en liberté. Ces tentatives aussi bien que le refus per- sistant des Suédois attestent Testime singulière que ce colonel de 30 ans inspirait déjà à ses deux patries et à l'ennemi. Les lettres de Monte- cuccoli à Bolognesi nous le montrent prenant en patience le séjour de Stettin, il était interné, et cherchant dans la bibliothèque du palais des ducs de Poméranie un refuge contre les ennuis de la captivité. C'est alors qu'il revint, avec la maturité de l'expérience, aux études militaires de sa première jeunesse, études interrompues par la vie des camps, et qu'il se livra aux méditations fécondes qui devaient faire de lui le premier tacticien de l'Allemagne. On a de lui la liste de 45 écri- vains d'histoire et d'art militaires, latins, italiens, allemands, français étudiés pendant sa captivité. A peine rendu à la liberté, il présenta à Piccolomini, qui lui en avait fait la demande, un traité, aujourd'hui perdu, il exposait la tactique des Suédois dans les guerres précé- dentes. C'est aussi pendant cette laborieuse retraite qu'il composa ou prépara une partie des ouvrages qui sont arrivés jusqu'à nous et qui ont fait sa réputation d'écrivain militaire.

Au sortir de captivité, Montecuccoli retourna en Italie et prit le com- mandement des troupes du duc de Modène allié à d'autres princes contre les Barberins. Le chapitre que M. Campori a consacré à cette guerre de Nornantola, épisode de la guerre de Castro (1642-1643), ne laisse rien à désirer sous le rapport de l'érudition. Il a donné dans l'appendice (p. 552-556) un plan de campagne soumis au duc de Modène : Sunto di proposte di R. Montecuccoli sut modo di trattar la guerra de coUegati contro i Pontificii. Montecuccoli s'exerçait alors au commandement en chef sur un théâtre secondaire, mais les opérations dirigées par lui, malgré les tâtonnements des autres généraux italiens confédérés, et la rédaction de ce document militaire témoignent d'une précision et d'une prévoyance remarquables.

Les cinq dernières campagnes de Montecuccoli (1644-1648) pendant la guerre de Trente-Ans sont peut-être celles qui avaient le plus grand besoin d'études et de recherches nouvelles. Grâce aux extraits de la correspondance de Montecuccoli et de Bolognesi avec le duc François I*»' d'Esté, M. Campori aura, du moins, fourni de nouveaux matériaux sur les faits suivants : passage frayé par Montecuccoli à travers l'ennemi, après le désastre de Gallas sur les bords de l'Elbe et avant la destruc- tion du reste de l'armée à Jùtierboch (25 novembre 1644); mission auprès de l'électeur de Bavière; marche à la tête des troupes bavaroises dans la direction de Magdebourg, pour secourir Gallas qu'il ne parvient pas à dégager; circonstances qui atténuent la res*- ponsabilité de ce général, si maltraité par Schiller, sans diminuer la gloire de l'immortel paralytique; première campagne de Montecuccoli en Silésie et en Hongrie, pendant laquelle il inquiète Torstensson vie-

200 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

torieux et contient les Transylvains rebelles ; marche contre Turenne qu'il a la satisfaction de voir battre en retraite après Nordlingen et auquel il enlève, de concert avec Gallas, hommes, canons et forteresses ;

seconde campagne de Silésie contre Wittemberg savamment refoulé par d'habiles marches (1646-1647); résistance victorieuse à Wrangel qui vient de surprendre le quartier impérial à une lieue d'Egra; vic- toire de TriebeP en Bohême (22 août 1647) attribuée au nouveau général en chef Milander, mais due en réalité à la vaillance de Monte- cuccoli et de Jean de Werth, deux lieutenants supérieurs à leur chef;

pian stratégique proposé par Montecuccoli après la jonction des Impériaux et des Bavarois et dont l'inexécution entraine la retraite de Milander sur le Danube 3; part importante prise à la bataille de Susmarshausen (17 mai 1648), la dernière de la guerre^; résistance énergique opposée aux Franco-Suédois après la mort de Milander; exercice du commandement en chef au lendemain d'une défaite que Montecuccoli avait empêchée de se convertir en désastre; conduite admirable de la retraite qui fut si vivement louée par Turenne et qui sauva les États héréditaires.

Les rapports de Montecuccoli avec la reine Christine de Suède mon- trent les talents diplomatiques, déjà éprouvés, de ce grand homme de guerre. M. Gampori a consacré à ces relations un chapitre intéressant^ qui fait mieux connaître une des années les plus curieuses d'une vie célèbre et plusieurs circonstances d'une abdication qui a tant occupé l'histoire'. Montecuccoli quitta la Suède quelques jours avant la solen- nelle renonciation de Christine à la couronne, mais il retrouva cette princesse à Anvers ^ et plus tard il l'accompagna à Rome, en qualité d'ambassadeur impérial. L'estime affectueuse dont Christine lui donna tant de marques extraordinaires semble avoir été la réponse à l'admira- tion sympathique que Montecuccoli avait vouée à Gustave Adolphe. Deux Mémoires insérés par Arkholtz dans son ouvrage sur la reine de Suède ont été attribués, non sans quelque vraisemblance, à Montecuccoli, dont l'esprit curieux et investigateur s'est exercé sur toutes les grandes nations que l'empire eut pour voisines et pour rivales.

Dans la guerre de Pologne et de Poméranie (1657-1660), Montecuccoli devint général en chef de l'armée impériale; mais il fut obligé de se soumettre au commandement suprême de l'électeur de Brandebourg allié de l'empereur et généralissime des deux armées alliées. C'est par

1. Voy. sur cette bataille les détails tirés de la correspondance inédite de Torresini avec le duc de Modène (p. 261).

2. Voy. p. 265.

3. Voy. la lettre de Montecuccoli an prince Mattia de' Medici, 20 mai 1648 (j). 268 à 269).

4. Seconde partie, chapitre i*% p. 277-322.

5. Voy. les lettres de Montecuccoli au prince Mattia de' Medici. Upsal, 27 février et 13 mars 1654.

6. Voy. lettre au même. Anvers, 22 septembre 1654.

CIMPORI : RilMOIfDO HONTECUCCOLI. 204

suite de cette subordination des Impériaux au grand électeur que Fré- déric II attribue à ce prince des entreprises et des succès qui appar- tiennent en propre au général de l'Empire et à ses lieutenants. Les lettres au prince Mattia de' Medici permettent de rectifier en partie ces erreurs et donnent de nouveaux détails sur les campagnes de Monte- cuccoli dans le Holstein, en Danemark, en Poméranie, l'insubordi- nation du général de Souches lui créa de nouveaux obstacles, sans l'empêcher de conquérir une partie de cette province.

La guerre contre les Turcs (1661-1666) et les campagnes contre Turenne (1672, 1673 et 1675) sont connues de tout le monde. Les ouvrages de Montecuccoli sont d'ailleurs, avec les Mémoires de Turenne lui-même, la meilleure autorité sur cette matière. Toutefois M. Gampori a pu encore ajouter ou préciser bien des détails, grâce aux correspon- dances de Montecuccoli, de Federici, du président Arese et du père Carlo Antonio Montecuccoli*, aux Avvisi de Blanchi et à un écrit intitulé : Riposta del cavalière Borgognone alla replica fattagli da un' amico sopra la Uttera di Basilea^. Il donne de la dernière et de la plus fameuse cam- pagne de son héros une idée plus favorable encore que les historiens qui l'ont précédé. Les témoignages contemporains montrent l'injustice dont la profonde stratégie de Montecuccoli est l'objet à Vienne, l'insuffisance des moyens mis à sa disposition, le mauvais vouloir et les trahisons dont il triomphe à force de prévoyance et de génie, la généreuse impa- tience qu'il éprouve de se mesurer avec Turenne, dont il a mis en défaut la perspicacité et la tactique dans une campagne précédente, les manœuvres savantes et les ruses qu'il emploie pour l'entraîner à une attaque périlleuse. Du récit de notre auteur il semble résulter que Mon- tecuccoli aurait eu l'avantage sur Turenne dans cette campagtie. M. Gampori se donne, il est vrai, la satisfaction trop facile de réfuter les assertions oratoires de Fléchier et du jésuite Tournemine, qui pré- tendent que Turenne, au moment il fut frappé à mort, allait rem- porter une victoire éclatante. Mais, ce qu'il démontre, c'est que son héros avait l'opinion contraire et plusieurs faits paraissent le justifier. Non seulement Montecuccoli avait arrêté l'invasion de Turenne en Allemagne après la campagne de 1674, désastreuse pour les Impériaux, mais c'est lui qui avait choisi la position de Salsbach et forcé Turenne à l'y suivre. La mort même de Turenne, qui fut en réalité le plus grand avantage remporté par les Impériaux, serait due en partie à la position difficile Montecuccoli aurait amené l'armée française, à l'em- placement choisi par lui-même pour ses batteries, peut-être à des ordres précis donnés au moment même avec un coup d'oeil redoutable. Enfin la retraite précipitée des Français après la mort de Turenne et la

1. Le P. Carlo Antonio Montecuccoli accompagna son illustre parent dans la campagne de 1675.

2. Voy. le récit inédit du combat d'Altenbeim par Borgognone «t par Blanchi {Avoisi) et deux rapports de Montecuccoli sur le même sujet.

202 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

suite de la campagne sont autant d'arguments en faveur de Montecuc- coli. Toutefois M. Gampori ne répond pas d'une manière satisfaisante à la critique stratégique formulée par Feuquières, qui reproche à Mon- tecuccoli de s'être borné à poursuivre les Français, au lieu de les couper de l'Alsace et de la Franche-Comté, en passant le Rhin rapide- ment sur leurs derrières ou sur leur flanc. L'avantage qu'il croit tirer de la bataille ofiferte à Cîondé et refusée par celui-ci est plus apparent que réel. Les extraits mêmes des documents qu'il a compulsés attestent que si, à Vienne, on se faisait illusion sur la force de Tarmée impé- riale, Montecuccoli appréciait celle-ci à sa véritable valeur, en démon- trant à son souverain la nécessité de la retraite. Le triste état des Impé- riaux lorsqu'ils eurent repassé le Rhin, les pertes énormes qu'ils subirent par les maladies et les privations, toutes les circonstances désolantes que M. G. nous révèle d'après les originaux, justifient plei- nement la résolution finale du généralissime, mais prouvent aussi que les avantages obtenus dans cette campagne n'étaient nullement décisifs. La sage temporisation de Gondé avait été plus fatale à ses adversaires que l'acceptation d'un défi dont le vainqueur de Rocroy et de Nordlingen pouvait assurément dédaigner la bravade sans s'exposer au soupçon de timidité.

Si M. Gampori n'admire pas trop son héros, il néglige parfois ceux qui, pour avoir été les heureux émules de Montecuccoli, n'en sont que plus admirables à leur tour. Le sentiment patriotique qui l'anime et auquel nous avons rendu un légitime hommage, l'entraîne à des appré- ciations partiales ou exclusives, à des omissions regrettables, à des réhabilitations douteuses. Assurément le rôle des généraux italiens dans la guerre de Trente- Ans est considérable, la malveillance dont ils ont été l'objet de la part d'une partie des conseillers des empereurs Ferdinand II, Ferdinand m et Léopold est prouvée par de nombreux témoignages, notamment par ceux que M. Gampori a eu le mérite de mettre au jour. Mais tous les généraux italiens ne sont pas des Monte- cuccoli ou des Piccolomini. M. Gampori est bien indulgent pour Gonti, Golloredo, GoUalto, dont il ne parle qu'incidemment, mais toujours avec éloges. Quant à Gallas, qu'il appelle Galasso, non sans raison, nous ne lui contesterons pas le droit de le revendiquer pour l'Italie, bien que ce général, sur un territoire soumis depuis longtemps à la maison d'Autriche et sur les frontières des pays de langue italienne, nous paraisse d'une nationalité assez indécise pour qu'on puisse lui laisser sans inconvénient l'autrichienne. Mais ses talents militaires ne permettent pas de le placer au rang élevé que M. G. lui assigne trop souvent, et les désastres qui ont signalé la fin de sa carrière effacent en grande partie l'éclat de ses premiers succès. Quant à Piccolomini lui- même, M. Gampori pousse trop loin la confraternité italienne lorsqu'il prétend justifier entièrement le rôle peu honorable que joua ce général dans la catastrophe de Wallenstein; d'autres historiens, appartenant à la même nationalité que notre auteur, ont été moins indulgents.

CIHPORI : BIIMOTCDO MONTECUCCOLI. 203

L'emploi exclusif des témoignages italiens n*est pas sans inconvénient : les contemporains n'ont pas toujours été justes et impartiaux. Bolo- gnesi, si sévère pour la cour de Vienne, si prompt à dénoncer toutes les injustices et tous les mauvais vouloirs dont ses compatriotes sont victimes, a parfois attribué à une seule cause bien des faits qui provien- nent de plusieurs. L'incurie de la cour de Vienne n'a pas toujours été volontaire et l'abandon dans lequel elle a laissé trop souvent ses armées et ses généraux s'explique autant par l'absence d'institutions militaires permanentes, raffaiblissement de l'autorité impériale, la pénurie des finances, la légèreté des souverains et des ministres, que par la mal- veillance systématique des courtisans allemands vis-à-vis des généraux italiens. Tilly, Hazfeld, Milander, Jean de Werth n'ont pas été mieux traités par elle que Piccolomini, Montecuccoli et Gallas; et si Wallens- tein a été constamment muni de ressources plus régulières, c'est que ce général, comme chacun sait, pourvoyait de lui-môme au recrute- ment et à l'entretien de son armée, dont il était le maître exclusif.

En dehors des sources italiennes, M. Campori parait avoir consulté de préférence, parmi les ouvrages de seconde main, ceux de langue et d'origine allemandes : de peut-être sa sévérité pour la France et les généraux français. Les guerres qui ont fait la gloire de Montecuccoli sont des guerres européennes, et la France y a pris une part assez grande pour mériter d'être, à son tour, entendue. En Allemagne même, les auteurs cités par lui ne sont ni très nombreux, ni toujours très compétents sur la matière.

L'auteur, il est vrai, n'a pas voulu faire autre chose qu'une biogra- phie, et il faut lui tenir compte du but qu'il s'est proposé et qu'il a su, à tant d'égards, heureusement atteindre. Toutefois, quand il s'agit d'un des plus grands généraux des temps modernes, il est bien difficile de ne pas exiger du biographe une certaine compétence militaire. Il ne suffit pas d'indiquer ou de raconter les opérations des armées, il faut encore les expliquer et les rendre, autant que possible, intelligibles au lecteur. En dehors de tout caractère didactique ou technique, la biogra- phie d'un général doit nous mettre à même de le suivre sans trop de fatigue, et surtout sans obscurité, sur tous les théâtres l'auteur nous transporte après lui. Avec Montecuccoli, cette obligation est d'autant plus impérieuse que le nombre des campagnes est plus considérable, le champ de bataille plus étendu, et les opérations plus compliquées. Si l'on songe que Montecuccoli a été pendant 50 ans au service, qu'il a porté ses armes depuis les confins de la Transylvanie jusqu'aux fron- tières occidentales des Pays-Bas et de l'Alsace, depuis le duché de Modène jusqu'aux rivages de Fionie, de la Poméranie et de la Basse- Vistule; qu'il a de plus, surtout dans la première période de sa vie, été déplacé constamment par les ordres d'un gouvernement indécis, inquiet, presque toujours malheureux, et jeté dans les complications inextricables d'une des guerres les plus longues et les plus confuses qui aient jamais été, on s'étonnera à bon droit que son historien n'ait pas

204 COMPTES-BBNDUS CRITIQUES.

cru devoir éclairer le récit par des cartes géographiques et topogra- phiques; on regrettera qu'il n'ait pas mis plus de précision dans la description des champs de bataille et môme dans l'exposé des marches stratégiques. Ce défaut rend la lecture de certains chapitres difficile et enlève à beaucoup d'assertions une grande partie de leur force. Les armées dont parle notre auteur, à commencer par celle de Montecuccoli, restent dans des positions vagues et incertaines, dans des provinces fort étendues, près d'une ville, d'un fleuve^ rarement sur un emplacement bien déterminé. Nous les voyons se transporter brusque- ment à de grandes distances, sans nous rendre compte des obstacles qui ont entravé ou relardé leurs mouvements. Bien des problèmes restent sans solution, surtout dans les premières campagnes de Montecuccoli ; et, si l'on doit féliciter M. Gampori de la franchise avec laquelle il en fait l'aveu, on peut regretter que des études plus patientes sur le terrain même ne l'aient pas mis à même d'en diminuer le nombre. La compo- sition du livre et surtout des chapitres est aussi parfois défectueuse : l'attention, dispersée sur trop de faits secondaires, languit ou se partage entre le récit militaire et des détails biographiques qui n'intéressent pas toujours l'histoire de Montecuccoli, mais seulement plusieurs mem- bres assez obscurs de sa famille. Enfin bien des documents restent encore à explorer ou à rechercher. Dans le nombre il en est dont M. Gampori connaît ou nous révèle l'existence. Ainsi il signale une vie de Montecuccoli publiée à Vienne en 1792 ou 1802 et qu'il n'a pas eue à sa disposition. Quoiqu'il soit assez probable que cet ouvrage n'ait pas une grande valeur, il est fâcheux que le nouveau biographe de Montecuccoli n'ait pu en faire l'examen. Il parle à plusieurs reprises des Archives militaires de Vienne , mais ne paraît pas avoir étendu jusque-là ses savantes recherches. D'une manière générale, on peut dire qu'il s'est trop exclusivement limité à l'étude des documents italiens pour que son livre ne présente pas d'inévitables lacunes.

Tel qu'il est, l'ouvrage, avec les renseignements nouveaux qu'il fournit sur une foule de faits de l'histoire militaire, contient d'impor- tantes révélations sur la mauvaise administration de la cour de Vienne, sur la jalousie et les petites conspirations auxquelles Montecuccoli fut exposé môme lorsqu'il était arrivé au comble de la gloire. La corres- pondance de Bolognesi, de Torresini et des autres agents de la maison d'Esté nous dépeint sous des traits énergiques et parfois nouveaux les empereurs d'Allemagne Ferdinand H, Ferdinand in, Léopold et leurs ministres, notamment Auersperg, Lobkowitz et Sinzendorf. Si les rela- tions des ambassadeurs piémontais d'une autre époque font descendre Philippe II de son piédestal, celles de Bolognesi ramènent à de plus modestes proportions la figure de Ferdinand U, ce Philippe II de l'Allemagne. On voit dans ces dépêches quotidiennes à quel point le fanatisme s'alliait chez ce prince à la légèreté, à la frivolité, à l'insou- ciance des plus graves affaires. Sa constance tant célébrée dans les crises périlleuses que la monarchie autrichienne traversa pendant son

VON OLLECH : GBSCHICHTB DBS FELDZUGBS VON 4845. 205

règne semble n'être plus qu'une illusion des historiens, qui de loin ont confondu Tindifférence avec le sang-froid et Tapathie avec la grandeur d'âme. Le mirage de l'éloignement, qui prête tant de prestige à cer- taines majestés silencieuses, se dissipe encore une fois devant les obser- vations précises et toujours clairvoyantes de la diplomatie italienne.

En outre, l'ouvrage de M. Campori, malgré ses imperfections littéraires, laisse de son héros une assez forte impression. Si notre auteur n'a pas étudié avec assez de persévérance le génie militaire de Montecuccoli, il nous donne une idée très nette de son caractère. L'unité admirable de la vie de ce grand homme, sa fidélité inaltérable à ses devoirs militaires et politiques, sa patience à toute épreuve devant les courtisans comme devant l'ennemi, son désintéressement, sa vertu rélèvent au-dessus des égaux qu'il a trouvés sur le champ de bataille. Le dualisme, que nous avons signalé au début dans le patrio- tisme de Montecuccoli, loin de Tamoindrir, n'a fait que lui créer une plus haute situation morale. Ayant ajouté au devoir que lui imposait sa naissance vis-à-vis des ducs de Modène un devoir nouveau >is-à- vis de l'empereur, il a été assez honnête pour se proposer toujours l'accomplissement de l'un et de l'autre et assez habile pour y réussir, malgré l'antagonisme résultant des circonstances et de l'opposition des intérêts. Non seulement il n'a trahi aucune de ces deux causes, mais il a su encore échapper à la pénible obligation de choisir entre deux patries qui lui étaient également chères. Les ducs de Modène s'effor- cèrent à plusieurs reprises de le détacher de l'empire : malgré les passe- droits dont Montecuccoli eut plus d'une fois à se plaindre, ils n'y réus- sirent pas. Mais lorsque le duc de Modène fut entré dans l'alliance française et que les Espagnols proposèrent de le dépouiller de sa cou- ronne pour la donner à Montecuccoli, ce projet échoua devant la loyauté du général. En Allemagne, Montecuccoli n'eut jamais de visée.s parti- culières et ambitieuses, il pratiqua dans toute sa rigueur l'obéissance militaire; et, s'il se montra sévère dans le maintien de la discipline, il en donna lui-môme le plus haut exemple. C'est par son dévouement inaltérable à un prince qui n'était pas son souverain naturel et qu'il eût pu abandonner sans félonie que le vainqueur de Saint-Gottard l'emporte incontestablement sur Gondé et sur iSirenne lui-même.

J. Arminqaud.

Oeschichte des Feldzages von 1815, von General der Infanterie

VON Ollech. Berlin, Mittler. In-8®, 407 p.

Ce précis de la campagne des Prussiens de 1815 est extrait d'une œuvre plus considérable, la biographie du général de Reyher. L'au- teur a consulté des documents inédits et on trouve dans son travail, tout technique, les qualités de précision et de critique minutieuse du détail qui distinguent les écrivains militaires prussiens. Un très grand nombre de pièces sont insérées à leurs dates dans le corps du récit.

206 RECUEILS PJaiODIQUBS.

RECUEILS PÉRIODIQUES ET SOCIÉTÉS SAVANTES.

I. Revue des Questions historiques, l**^ juillet. Gh. Gêrin. La mission de M. de Lionne à Rome en 1655 ; conclave d'Alexandre VU ; procès du cardinal de Retz (montre, contrairement à M. Yalfrey, que Lionne dans cette circonstance ne montra aucun talent; c il rapporta d'Italie des préventions et des haines injustes qui contribuèrent, lorsqu'il devint ministre, à éloigner Louis XIV du saint siège »). L'abbé P. MuRY. La bulle Unam Sanctam (cherche à établir qu'elle est f nulle sous le rapport canonique, nulle sous le rapport dogmatique, et cela par la raison péremptoire qu'elle est apocryphe»). Gust. A. Prévost. Les invasions barbares en Gaule au s., et la condition des Gallo- Romains (adopte sur ce dernier point les vues exposées ici même par notre collaborateur M. J. Havet, en opposition à la doctrine de M. Fus- tel de Goulanges). L. de Mas-Latrie. Les comtes de Jafifa et d'Asca- lon du xii« au xiv« s. H. de L'Epinois. Un singulier exemple de critique historique : M. Wohlwill et les mss. de Galilée. Comptes^ rendus : Hervieu, Recherches sur les premiers états généraux et les assemblées représentatives pendant la première moitié du xiv« s. (bon).

Drouyn. Variétés girondines (décrit l'ancien diocèse de Bazas, pour faire suite aux Variétés bordelaises de l'abbé Beaurein). Lasserre. Recherches historiques sur Alet et son ancien diocèse (estimable).

II. Revue des Documents liistoriques. Avril 1879. Voyage du prince de Dombes; suite. Ck)ndamnation d'un soldat pour blas- phème, en 1631. = Mai. Lettre du cardinal de Bourbon, petit-neveu du cardinal que les Ligueurs choisirent pour roi en 1589, et son successeur sur le siège archiépiscopal de Rouen ; il parle des démarches qu'il a faire auprès de Henri IV pour faire transporter le corps du cardinal défunt à la chartreuse de Gaillon. Lettre du prince Jules de Polignaç à son père, le 2 avril 1815, sur la chute de la première restauration. Quittance par Bénigne de Saint-Mars, gouverneur de Pignerol, c de la somme de cent livres, pour le bois et chandelle pour chambres de monsieur Fou- quet et cors de garde pour le mois de juin de la présente année 1666 ».

Lettre de Frédéric-Guillaume El, roi de Prusse, à Charles X, à propos de son couronnement, 7 mai 1825 (t Le couronnement de V. M. met le dernier sceau à la Restauration, que le besoin et les vœux de l'Europe et de la France appelaient également... »). Lettre de félici- tation d'Alberoni au Régent, au nom de Philippe V, 16 sept. 1715. Lettre du maréchal Brune à Davoust, ministre de la guerre, sur l'état des esprits à Marseille, en 1815.

ITT. Bibliothèque de TÉcoledes chartes. E. Berqbr. Annales

REGOEILS PERIODIQUES. 207

de Saint-Denis, généralement connues sous le titre de Chronicon Sancti Dionysii ad cyclos paschales (publie intégralement, d*après le ms. 309 du fonds de la reine Christine, deux séries de notes bien distinctes dont le texte a été imprimé en partie dans le Spicilegium de Dachery et les Miscellanea ms, bibliothecae S. Germani Pahsiensis de Durand). Fodr- nier. Étude diplomatique sur les actes passés devant les ofBcialités au xni* s. (cette étude, présentée comme thèse de FËcole des chartes, a été très remarquée par les juges chargés de l'examiner). R. de Mauldb. De lorigine des Dindons (publie un doc. antérieur à 1491, il est question de volatiles de ce nom : « deux poules d'Ynde qu'estoient à Marseille •). Bibliographie : Menéndez Pelayo. Arnaldo de Vilanova; ensayo histôrico (bon). L'imprimerie en Bretagne au xv« s. ; étude sur les incunables bretons. Mûhlbacher. Die Datirung d. Urkunden Lothars I (conclusions en général acceptables). Duhamel. Charte et statuts de Châteauneuf de Gadagne. Fournel. Les rues du vieux Paris (livre très érudit pour le fond, très attrayant pour la forme et les illustrations). Livres nouveaux.

IV. Revue critique. 24. Favre. La confédération des huit cantons (bon). = N* 26. Donneau- Avenant. La duchesse d'Aiguillon (estimable, malgré des taches nombreuses). Variétés : Gazier. Les ancêtres de Colbert (nie la prétendue noblesse du grand ministre). = N* 27. Duruy. Mémoire sur les Tribuni militum a populo. Mémoire sur la formation historique des deux classes de citoyens romains désignés sous le nom d'honestiores et d'humiliores (excellentes monographies) . ^ 28. Hirschfeld. Lyon in d. Rœmerzeit (incomplet). Hegel. Ueber d. histor. Werth d. œlteren Dante-Gommentare (important pour l'étude du texte de Dino Clompagni). = N" 29. Fustel de Coulanges. Recherches sur le tirage au sort appliqué à la nomination des archontes athéniens (excellent). WUrz. De mercede ecclesiastica Atheniensium (fort estimable). C. Schxffer. De scribis senatus populique Atheniensium (bon). Variétés : La société pour l'étude des questions d'enseignement supérieur (art. important). =N«30. Wiiche. Les Albigeois devant l'his- toire (sans valeur). Douais. Les Albigeois, leur origine, l'action de l'Église au xii* s. (médiocre, malgré un grand étalage d'érudition qui n'est pas toujours de bon aloi).

V. Revue archéologique. Janv. 1879. Prost. Le monument de Merten (fin en fév.). Héron de Villefosse. Sur un nouveau fragment des Acia triumphorum capitolina (ce fr., découvert à Rome en oct. 1878, fournit la série des triomphes qui eurent lieu de 644 à 650). MiîNTz. Collections italiennes d'antiquités depuis les débuts de la Renaissance jusqu'à la mort de Paul II (fin en fév.). ^ Mars. Bompois. Diobole inédit du tyran Satyros (prouve que Satyros fut un des dynastes d'Heraclea en Phrygie; importantes remarques sur le droit de frapper monnaie dans l'antiquité). Aube. Le Christianisme de Marcia, favorite de Commode (résout la question par l'affirmative). Mazard. L'âge

208 RECUEILS PERIODIQUES.

du bronze en Gaule (suite en mai). = Avril. Mordtuamm. Inscriptions byzantines de Thessalonique. Lebèoub. Remarques nouvelles sur Toracle d'Apollon cynthien à Délos. = Mai. Mordtmann. Monuments relatifs au culte dlsis à Cyzique. Héron de Yillefosse. Deux nou- velles bornes milliaires de l'empereur Postume (la première, trouvée à Prégilbert dans l'Yonne, paraît à l'auteur dater de 258 ou 259; la deuxième a été découverte à Entrain dans la Nièvre). Barry. Le culte des génies dans la Narbonnaise, à propos d'un autel votif récem- ment découvert à Narbonne. Miller. 6 inscriptions grecques de Thasos.

VI. NoaTelle Revue historique de droit. 3. Booisic. Aperçu des travaux sur le droit coutumier en Russie. Klipffel. Etude sur le régime municipal gallo-romain (suite).

Vn. Revue générale du droit. livr. Sumner-Maine. De Tor- ganisation juridique de la famille chez, les Slaves du Sud et chez les Raijpoutes; suite. Labatut. L'édit des Ediles : la vente des esclaves. GuTZARD. Michel de l'Hospital; fin.

YIII. Journal des Savants. Juillet. Hanotaux. Étude sur des maximes d*Etat et des fragments politiques inédits du cardinal de Richelieu. Authenticité de son testament politique (l*'art., l'auteur établit Tauthenticité de ces maximes d'État, et prouve qu'il faut les attribuer à Richelieu). F. de Goulamqes. La question de droit entre César et le Sénat propos de la thèse de M. Guiraud, sur le différend entre César et le Sénat ; il conclut que nous ne pouvons affirmer si la légalité, c'est-à-dire la lettre de la loi, était pour César ou contre lui; rend d'ailleurs justice au travail de M. G., qui a au moins le grand mérite d'avoir démontré l'inexactitude des théories de Mommsen et de Zumpt).

IX. Revue des Deux-Mondes. 15 juin. Mémoires de Madame de Rémusat, 1802-1808 ; suite dans les n^* suivants (Madame de Rému- sat, née Gravier de Vergennes, fut dès 1802 attachée à Joséphine, femme du premier Consul, comme « dame pour accompagner Madame Bonaparte ». Ces fonctions lui permirent de voir de près la nouvelle cour, surtout de connaître, jusque dans l'intimité, le futur maître de la France. De bonne heure, elle prit l'habitude de noter sur le papier ce qu'elle voyait ou entendait dire d'intéressant; malheureusement elle crut devoir brûler ces notes en 1814. Aussitôt après, à la prière de son fils, elle commença la rédaction de ses mémoires. Publiés aujourd'hui pour la première fois, par son petit-fils, ces mémoires sont du plus haut intérêt. La physionomie de Bonaparte y est retracée avec une grande sincérité de pinceau. L'épisode de la mort du duc d'Enghien, raconté dans le n* du l"* août, est très pathétique; le témoignage de Madame de Rémusat est accablant pour Bonaparte. Elle affirme ses relations incestueuses avec ses sœurs). Max. du Camp. La commune à l'Hôtel- de Ville. III : les administrateurs. IV (!«' juillet) : les libres-penseurs.

RBCUBILS P1ÎRI0DIQUB8. 209

V. (15 juillet) : les soldats. VI. (!«' août) : la revendication (fin de cette importante étude). Jurien de la Gravière. La marine de Tavenir et la marine des anciens; suite. Vil : Aegos potamos. = 15 juill. Eug. Melchior db Vogué. La révolte de Pougatchef, d'après Pouchkine. Louandre. Les origines de la magistrature française. := 1«' août, Janet. Le Globe de la Restauration et P. Fr. Dubois.

X. Le Correspondant. 10 juin. Thureau-Danqin. L'Église et rÉtat sous la monarchie de Juillet : II, avant la lutte, 1830-1841 ; suite, voy. 10 juillet : III, les commencements de la lutte pour la liberté de renseignement. Léo Quesnel. Le prince Albert (d'après le vol. de M. Théod. Martin). L'abbé Sigard. La question de l'enseignement et les congrégations religieuses au dernier siècle. Pautrier. Les Mirabeau et leur historien. = 25 juin. Gh. de Lagomre. Le comte de Serre; suite, voy. 10 juill. Duc d'Almazan. La guerre d'Italie (1859) ; suite : Magenta (rejette sur l'empereur seul tout le décousu de cette journée qui, en face d'un ennemi mieux dirigé, aurait sans doute été désastreuse pour les Français). = 10 juillet. Fournier. Le patriote Palloy et les vainqueurs de la Bastille; suite. = 25 juillet. Bouillet. Le rétablissement du culte en 1797.

XL Revue de France. 15 juin. Ch. Nisard. Guillaume du Tillot, ministre des infants, ducs de Parme, don Philippe et don Fer- dinand. Sa disgrâce, sa chute et sa mort (1749-1771); fin le 15 août. = l*»" juillet. Les tribulations de l'alliance anglo-française sous Napo- léon III, 1857-1860 (montre d'après les documents contenus dans le vol. de la vie du Prince Albert, par M. Th. Martin, que la guerre de 1870 était en germe dans les rêveries dont l'Empereur entretenait déjà l'Angleterre en 1857). L. de Bouille. L'avancement dans l'armée avant 1789. = 15 juillet. Ferd. Delaunay. Le grand secret dans l'Église chrétienne au l»' siècle; suite le 1" août. Imdert de Saint- Amant. Les Tuileries depuis 1815; suite. G. d'Orcet. Les Albanais et leur rôle dans l'histoire. := i^^ août. Les alliances politiques de Frédéric le Grand.

Xn. Le Spectateur militaire. 15 juillet 1879. Souvenirs d'un officier du corps, armée d'Italie, 1859. Histoire de la guerre d'Orient (1875-78); suite. A. de Lort-Sériqnan. Guillaume III, suite; avec cartes.

XIII. Revue du Danphiné et du Vivarais. N* 3. D' Ul.

Chevalier. Comptes de la maison d'Henri lU, roi de France (dépenses du 15 janv. 1575 à Romans). Le chanoine Ul. Chevalier. Notice chronologico-his torique sur les archevêques de Vienne.

XIV. Revue du Lyonnais. Mai-juill. Du Puitspelu. Le tes- tament d'un Lyonnais au xvii* s. ; suite.

XV. Revue de Gascogne. Mai. L*abbé Ducruc. Gabarret; le prieuré et la ville ; vicaires et curés. T. de L. Une lettre de la

ReV. HlSTOR. XI. l" FASC. 14

240 ISGUBILS PERIODIQUES.

duchesse d*Étampes sur Tévêché de Gondom. De Ga&saladb du Pont. Maintenues de noblesse; suite. =s Juill. T. de L. Bertrand d'Ëchaos, évêque de Bayonne. ~ Pueux. Emm. de Gugnac, dernier évoque de Lectoure (1772-1800); fin.

XYl. Chroniques da Langaedoc. Mai et juin. -^ Le maréchal de Richelieu à Montpellier (suite de Tinventaire; pièces relatives au transport du mobilier, au paiement des dettes du maréchal). Corres- pondance de d. Bourotte avec Joubert, syndic général de la province^ relative à la continuation de Thistoire du Languedoc (1762-1773). Procès-verbal de la visite du cardinal d'Auvergne, archevêque de Vienne, dans la ville d'Annonai, en 1741. = Juill. Démolition des églises dans le Pkis-Languedoc, en 1621, par les réfugiés. Les hôte- liers après la révocation de 1 edit de Nantes. TnéNARD. Les petites écoles au xviii* s. Les frais funéraires au xvn* s. État financier du Languedoc en 1715, avec un état des charges qui ont été imposées à cette province depuis 1644, et des emprunts faits pour fournir au roi les sommes qui n'ont pu être imposées. Gabié. Relation originale sur la conférence de Yerfeil (1595 ; cette conférence mit fin à la ligue dans le Languedoc, en préparant les conditions auxquelles Joyeuse fit sa soumission à Henri lY). FALOAiROLLE.'Le château et la baronnie de Vauvert; fin. Origines littéraires de Florian; lettres inédites du conseiller de Florian, son grand-père, en 1740. D. de Thézan. Olar- gues dans le passé. A part : Voyage de Charles IX en France, par Abel Jouan ; notes.

XVII. Bulletin de la Société de l'Histoire de France.

1878. Comptes d'une dame parisienne sous Louis XI (1463-1467), d'après un ms. des archives du M** de Nicolay, p. p. M. de Boislislb.

Translation des reliques du doge Orseolo I, de France à Venise, document p. p. M. de Mas-Latbie. Quittances de Pierre de Bayard, p. p. M. RoBiAN. Etienne de Vesc, sénéchal de Beaucaire, notice par M. DE BoisLisLE. = 1879. Rapport du secrétaire de la société. L'exercice 1879 comprend le t. II de la Chanson de la Croisade œntre les Albigeois, p. p. M. P. Meyer; le t. II des Extraits des Auteurs grecs^ p. p. M. Cou- gny; le t. I des Mémoires de Nicolas Goulas, gentilhomme ordinaire de Gaston d'Orléans; le t. Ude la Chronique de Jean Lefèvre de Saint-Remy, p. p. M. Morand. Compte-rendu : Margry, Mémoires et découvertes pour servir à l'histoire des origines françaises des pays d'outremer. Découvertes et établissements des Français dans TO. et le S. de TAmé- rique septentrionale (1614-1698). 2 vol. (publication importante).

XVIII. - BuUetin de la Société de l'histoire da protestan- tisme français. 15 juil. Duval. Les écoles protestantes d'Alençon.

Reuss. Catalogue des Franç^ais qui sont bourgeois de la ville de Strasbourg (1553). —Lettre deThéod. de Bèze à Marguerite de France, duchesse de Savoie (1573). Mémoire sur les religionnaires (1752). F. de ScmcKLSR. Servet et son récent historien (publie une lettre

EBCÏÏEILS PERIODIQUES. 2H

M. Tollin donne la bibliographie détaillée des livres et articles qu'il a consacrés à M. Servet).

XIX. Bulletin archéologique et historique de Tam-et- Garonne. T. VII, trim. Abbé Galâbert. Chronique manuscrite du XVII* s. (prise de Caylus par les huguenots, en 1562). Les armoiries de la ville et du château royal de Caylus. Mgr. Barbier de Montault. Inventaire du pape Paul IV en 1559 (traduction de l'original italien retrouvé par M. Bertoiotti, dans les papiers du fisc; montre le goût particulier du pape pour les pierres précieuses et les objets de luxe). PoTTiER. Les armes de la ville de Grenade-sur-^jaronne.

XX. Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers. sér., t. IX (2* livr.). Maffre. Étude sur le poème roman de la croisade contre les hérétiques albigeois (résumé du travail de M. Meyer et discussion de celui du P. de Smedt). Id. Notices biographiques sur les principaux chefs de la croisade contre les hérétiques albigeois (travail de seconde main). Louis Noouibr. Inscription juive de Béziers (inscription de l'an 1121, avec une repro- duction photolithographique). Séance publique pour la distribution des prix du concours de l'année 1878; rapport sur le concours des mémoires historiques et monographies locales (histoire de Tabbaye de Guxa^ par M. l'abbé Font). Chronique archéologique (sépultures mérovingiennes près de Béziers; inscription romaine; note sur l'église de Sérignan et sur celle de Gapestang; planches). Arrêts de règle- ment du consulat de Béziers, en 1633 et 1658.

XXI. Revue des Sociétés savantes des départements. T. VIII. Juin. -août 1878. Finot. Affranchissement des habitants de Rupt, par Jehan, seigneur du dit lieu et d'Otricourt (20 juin 1443). QuANTiN. Approbation par Thibaud de Champagne, d'un échange d'hé- ritages fait entre Gilles de Yillenauxe et Tabbesse de la Pommeraie (1247; en langue vulgaire). Soucaille. Contrat pour l'établissement d'une fontaine à Béziers, en 1247. Alart. Certificats de conversion et de bonne conduite de divers juifs (1371-1377). Dupré. Règlement des indemnités dues aux sujets du comte de Blois pour les réquisitions de guerre qu'ils avaient supportées à Toccasion de la bataille de Poitiers (12 janv. 1357). Fondation de l'abbaye de Loc Maria (xi« s.). Ché- ruel. Lettre de Henri II de Bourbon à son fils, Louis II, le grand Condé, 11 sept. 1644.

XXII. Académie des Sciences morales et politiques. Compte- rendu, et 6* livr. VurrRV. Les monnaies sous Philippe le Bel et ses trois fils; suite dans la livr. (réagit contre la doctrine de M. de Baulcy qui se refuse à croire que Philippe le Bel ait fabriqué de fausse monnaie, et montre qu'en réalité le roi, sans rogner les pièces, leur attribua arbitrairement une valeur de compte plus ou moins grande suivant ses besoins). A du Chatellier. L'église pendant la Révolu- tion ; suite dans la 7* livr. Bouillier. De l'Institut et des Académies

242 lECTEÎLS pfftlODlQCIS.

de province (parle des lettres patentes et des privilèges des anciennes académies). Levasseur. De la valeur des monnaies romaines ; suite (de la puissance de Targent en Egypte et en Grèce, avec deux listes de prix, indiquant le rapport probable de la valeur actuelle avec la valeur paKftéc* des marchandises). = liyr. Giraud. Notice historique sur les travaux de M. le comte Sclopis de Salerano.

XXIII. Académie des Inscriptions et Belles-lettres. Séance du 6 juin. M. d'Hervey de Saint-Denis lit un mémoire d*un jeune érudit suédois, M. Btrindtner, sur les relations de la Suède avec la Chine et les pays tartares, depuis le milieu du xvi* s. jusqu'à nos jours. = 11 juillet. M. Le Blant lit un important mémoire sur les Acta mar" tyrum, et leurs sources; il montre que ces Actes ont pu être rédigés d'après les notes prises à Taudience par les notarii, qu'il existait des archivesjudiciaire6,quele8 chrétiens purent les consulter librement après lo triomphe officiel de leur religion ; on ne doit donc pas à priori con* damner ces Actes comme apocryphes. = 18 juillet. M. L. Renier lit une note sur une inscription latine récemment trouvée à Grenoble; c'est une dédicace en l'honneur de l'empereur Claude le Gothique, de l'an 208. M. Mowat termine la lecture de ses recherches sur l'em- pereur Martinien (323).

XXIV. Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux.

N* 2. Fr. Comhes. 3 lettres de Henri de Guise pour enlever à Henri III l'alliance des cantons catholiques, en 1585; deux lettres de Catherine deMédicis et de Henri de Navarre, pour les engager à persister dans l'alliancf^ royale; une autre de Catherine, pour leur recommander do vivre on bonne intelligence avec les cantons protestants, déc. 1562 (M. (3. publie ce» lettres sans conserver l'orthographe de l'original; quoi qu'il on diso, nous pensons qu'il a tort). T. de L. Une lettre latine inédiU^ de (tooiTroy do Malvin au président de Thou.

XXV. Messager des Sciences historiques de Belgique. 1879, liv. Kknbnh. Dissertation sur la participation des troupes des Pays- lias i\ la canipuguo do 1815 on Belgique; suite. Notice sur Adrien Havonuans (jurisconsulte, greflior de Bréda; f 1653; auteur d'une histoin^ «lo Broda rostôo inédite) . Notes touchant des archives con- sorvtVs au dôpAt do T Imitât à G and : États de Flandre.

XXVI. Revue de Belgique. 15 Juin =; Rahlenbeck. La mission du couHoillor Boisot à Moty., on 1543 (pour arrêter les progrès du pro- ti^st^intisnio dans la villo inipôrialo. Fragment d'un volume annoncé sous lo tiln^ : Mot« ol Thionvillo sous Charles-Quint).

XX Vil. <— The Aoademy. 7 juin. Cunningham. Corpus inscrip- tionuin indioarum; vol. 1 (donne la oolloclion complète des fac-similés dos plus anoiouuos inscriptions do l'Indo, ot fournit ainsi d'excellents matériaux pour une «Slition critique destnlits du lH)uddhi$te Açoka). =

RECUEILS PERIODIQUES. 243

14 juin. Sir H, Durand, The flrst Afghan war and its causes (sérieuse- ment fait; critiques souvent contestables. Morel^FaU'o. L'Espagne au XV* et au xvi« s. (art. important de M. P. de Gayangos). = 28 juin. Le GofT. The life of L.-Ad. Thiers (sans valeur). = 5 juill. Davidson, On some ancient documents relating to Grediton minster (important pour rhistoire des institutions, mais surtout au point de vue philologique).^ 19 juill. Gardiner. Notes on the debates in tho House of Lords (notes prises par Henri Elsing, clerc des Parlements de 1624 et 1626; intéres- santes, quoique d'une lecture fastidieuse). Perry. The life of Hugh of Avalon, bishof of Lincoln, 1186-1200 (d'après la Magna vita de Hugues d' Avalon, écrite par Adam, abbé d'Evesham, peu après la mort de Tévéque; bonne publication). Cussans, History of Hertford- shire; liv. 13 et 14 (bon).

XXVUI. The Athenœnm. 28 juin. Eyton. A key to Domesday (recherches importantes sur la valeur des mesures agraires employées dans le domesday book, en ce qui concerne le comté de Dorset). = 5 juillet. Lefroy. Memorials of the discovery and early settlements of tbe Bermudas or Somers Islands ; vol. II, 1650-1687 (intéressant et instructif). = 12 juillet. Analytical index to the séries of records known as the Remcmbrancia preserved among the archives of the city of London (1579-1664). Index of municipal offices, avec une introduction par L. Gomme (important pour l'histoire municipale d'Angleterre). = 19 juillet. Bigelow. The life of Benjamin Franklin, written by himself (reproduit pour la première fois le texte exact des Mémoires du célèbre homme d'état américain, d'après le ms. autographe; Tédition de 1817, donnée par le petit-fils de l'auteur, contient de nombreuses altérations).

Walcott. Ghurch work and life in english minster; 2 vol. (inutile).

Bigelow. Placita anglo-normannica : law cases from William I to Richard I (bon). = 2 août. Davidson, Inverurie and the earldom of the Garioch (une des meilleures histoires locales qui aient paru en Ecosse, malgré de graves défauts. Le Garioch est un district du comté d'Aber- deen). Arnold. The roman system of provincial administration (estimable). Gorrespondance intéressante au sujet d'une sorte de juges que l'on trouve encore aujourd'hui dans certains villages d'Angle- terre et qui semble un vestige des institutions de l'antique communauté de village, les t Burleymen ».

XXIX. The fortnightly Review. Senior. Gonversations avec le prince Napoléon en 1859-61, 1862-63 (curieux en particulier sur les affaires italiennes en 1859).

XXX. The V^estminster Review. Juill. Les papiers d'état pour le règne de Gharlcs I", analysés d'après les originaux du public record office, par J, liruel et W. D, Hamilton. 14 vol. 1626-1640; suite. Boultbec. A history of the church of Ëngland; Prerefor- mation period livre exceptionnellement raisonnable, parmi les

2i RECUEILS PéRTODIQUES.

histoires ecclésiastiques »). Hare, The life and letters of Frances, baroness Bunsen (intéressant).

XXXI. The ne^w qnarterly Magazine. Juill. La frontière grecque, 1829-1879. Comment elle fut conquise en 1829.

XXXn. Historische Zeitschrift. Nouv. série, vol. VI, fasc. 1.

ScHiEFBR. Sur l'histoire de France à l'époque de Louis XV propos des Mémoires de Bemis et du Secret du Rot). J. Jung. La question agraire dans l'empire romain propos du livre de Heisterbergk, die Entstehung des Colonats; l'auteur examine la condition différente des campagnes dans deux provinces, l'Afrique, province agricole, et la Gaule, province frontière, et il estime que la question ne peut être résolue par les formules d'une théorie absolue, générale à tout l'empire; il faut avant tout Tétudier daos chaque province). Alf. Stern. Étude sur le Sonderbund (très intéressants détails ; montre que M. Guizot dans ses Mémoires a de propos délibéré altéré les faits). Comptes-rendus criti- ques, Mommsen. Rœmisches Straatsrecht, édit., vol. I et II : les magistrats (excellent). Gerdes, Die Bischofswahlen in Deustchl. unter Otto I, 953-957 (bon). Weizsscker. Das rheinische Bund, 1254 (bon). Baumann. Quellen zur Geschichte d. Bauernkriegs aus Rotenburg a. d. Tauber (publie 2 chroniques de Rotenburg, ville impériale qui joua un grand rôle au début de la guerre des paysans). Kaltenbrunner. Die Vorgeschichted. gregorianischen Kalenderreform, Die Polemick ùber d. gregorian. Kalenderreform (art. important). GUnther, Die Politik d. Kurfùrsten v. Sachsen u. Brandenburg nach d. Tode Gustav AdolFs u. d. Heilbronner Bund. Kiisel. Der Heilbronner Bund (bon). Strippel- tnann. Beitrœge zur Gesch. Hessen-Cîassels, 1791-1814 (bon ; publie d'utiles documents sur les rapports de la France et de la Prusse, en 1806). Baader. Die Reichsstadt Nûrnberg, 1801-1806 (intéressant; im'primé avec peu de soin). Fridericia, Danmarks ydre politiske Historié, 1629-1660, vol. I (bon). = Fasc. 2. Reimer. Frédéric le Grand et Kaunitz, en 1768.

R. Pauli. Marie Stuart et les lettres de la cassette (tient, avec Gaedeke, ces lettres pour authentiques). Ovbrbeck. La correspon- dance de saint Augustin avec saint Jérôme. H. de Sybel. Les annales carolingiennes (c'est à tort qu'on attribue à Charlemagne quelque influence sur les écrits annalistiques de son temps; il ne s'occupa jamais en aucune façon de l'histoire; il n'a pas eu d'historiographe et il n'y a aucun récit officiel de son règne). Comptes-rendus. Virk. Die Quellen d. Livius und Dionysios f. d. aelteste Geschichte d. rœm. Repu- blik (réfute avec succès l'hypothèse de Nitzsch ; l'étude proprement dite des sources de Titc Live est judicieuse, mais n'offre rien de nouveau).

Friedrich II und d. neuere Geschichtsforschung (prétend justifier le landgrave Frédéric II et les princes hessois du reproche d'avoir fait avec l'Angleterre un honteux trafic de soldats au moment de la guerre d'Amérique. Le critique, pris à partie par l'auteur anonyme, réfute

UCTEILS rteoMocx». IIS

en dunt des chiffres, des lenre^ des ikîtjs (mit k photpart inédits, et puisés lox archiT» de La sraern? de U HesiS^K ~ 3*m£]v^ Bergen Ira de sldste Tider indtil Naùden (important pour rhistoiiv de kHansei.

XXXni. Jeamer Literatnrmeitiuis. N* ?ô. Soripton^s remm danicaram. T. IX «très utile publication: la rédaction des tables laiise à désiren. Gœrçens. Arabische Quellenbeitrapge xur geschichte der Kretuzûge fvol. I: contenant les principaux pas^^ages d'Abou Cbama relatifs à l'histoire de Saladin: excellente édition). H. ton Trritschkf,, Deutsche Geschichte im XIX Jahrfa. \i^ vol., qui contient seulement un résumé de Thistoire de Prusse depuis le xvn* s. jusqu'en 1815; écrit avec passion et dans un sentiment tout prussien). Duncker. Beitnege zur Erforschung und Geschichte des Pfahigrafens im unteren Mainge- biet und. d. Wetterau ^contestable). = ^7. Hucktrt. Die Politik der 8tadt Mainz 1397-1419 (bonne histoire locale). Qurmer. Die Piemon- tesische Herrschafl auf Sicilien 1713-1718 (bon). = Î8. Winlrr, Geschichte des Rathes in Strassburg, von seinen ersten Spuren bis zum Statut von 1263 (bon». Jastrow. Zur strafrechtlichen Stellung d. Sklaven bei Deutschen u. Angelsachsen (bon). = N' Î9, Hesse. Geschichte d. Stadt Bonn waehrend d. franzoes. Herrschaft (bon). = N«31. Riezier. Fûrstenbergisches Urkuudenbuch, vol. III, 1400-1479 (important). ^ 32. Publications sur Michel Sorvet, de Pùnjer, Toliin, Ceradini, Roget, Wiliis.

XXXIV. GcBtiingische gelehrte Anxeisen. N* 22. Werunsky, Der {• Rœmerzug K. Karls IV, 1354-1355 (consciencieux ; appréciations souvent contestables). = N* 24. Friedljender. Ostfriesisches Urkunden- buch; et 3' fasc, 1400-1470 (bonne publication; discute certains passages de la préface). Gaffarel. Histoire du Brésil français (très intéressant; cf. Bev. hist. X, 191). =: N* 29. Maurenbrecher, Donkwùr- digkeiten aus d. Leben d. (ren. d. Infanterie von Hûser (important pour rhistoiro militaire de la Prusse, de 1806 à 1815). Leding, Dio Freiheit d. Friesen im Mittelalter (intéressant).

XXXV. Deatsche Rundscham Août. Paul Bailleu. Haug- witz et Hardenberg (d'après les mémoires de ce dernier récemment publiés par L. von Ranke).

XXXVI. Rhelnisches Museom mr Phlloloirie. Vol. 34, 1879; fasc. II. Wachsmuth. Le salaire des juges à Athènes (entre les olymp. %-100, le salaire des juges fut, sur la proposition de Kallikrates, porté à 4 oboles). lo. La division des Hellenika de Xénophon (les œuvres de Xénophon avaient déjà reçu dans l'antiquité plusieurs divi- sions différentes, comme on le voit dans Diogène Laerte, II, 57).

XXXVII. Nene Jahrbficher f. Philologie n. Paedagogik,

pub. p. Flecketsen et Masius. Vol. 119, fasc. III, 1879. Rceul. Une ancienne inscription do Sparte non datée (elle se rapporte à Téphore Hagesistratos, que Xénophon, HelL II, 3, 10, place en 427-4^6).

246 RECUEILS PÉRIODIQUES.

Mùller-Strûbinq. Sur Thucydide et Xénophon (traite de rinsurrection de Ghios en 412; étudie le dernier chapitre de Thucydide, et les rapports d'Alcibiade avec Tissapherne et Phamabase). Bachop. Timée consi- déré comme source de Diodore (c'est à Timée, non à Ephoros, que Diodore a emprunté les chap. 54-78 du liv. 14). Wirz. Le procès de concussion de G. Rabirius. Vollbrecht. Sur l'Anabase de Xéno- phon (parle d*Anab, V. 2, et des ouvrages do fortification construits dans le voisinage de Trébizonde dont il est question dans ce passage).

XXXVIU. Nene Jahrbficher f. Philologie n. Pedagogik.

(Leipzig), vol. 119, 1879, fasc. IV. Gilbert. 1" et lecture dans l'assemblée du peuple à Athènes (expose en détail la façon dont étaient dressés les documents d'état athéniens; montre que les scribes commet- taient de fréquentes erreurs de rédaction en copiant les décisions du peuple, avec les formules des arrêts du conseil; réfute Thypothèse de Hartel que dans certaines circonstances le conseil aurait eu besoin de l'autorisation préalable de l'assemblée populaire pour présenter à celle- ci un arrêt sur ces objets déterminés). Schutz. La Germanie de Tacite (remarques historiques et ethnographiques).

XXXIX. Hermès. (Berlin), vol. 14, fasc. 2, 1879. Von Wila- MOwiTz-McELLENDORF. Damou (Damou le premier eut l'idée de faire donner aux juges athéniens une indemnité en argent. Périclès, qui n'était pas un homme d'état créateur, a repris ce projet après le bannis- sement de Damon). H. Haupt. D'où sont tirés les extraits de Pla- nude, attribués à Dion Gassius. III (ils ont en partie pour origine la chronique en vers de l'historien byzantin Gonstantin Manassès. Un ms. des extraits de Dion a été connu de Saumaise qui, très probable- ment, a aussi emprunté à Planude ses fragments de Jean d'Antioche).

XL. Zeltschrlft d. D. morgenlœnd. Gesellschaft (Leipzig). Vol. 33. fasc. 1 et 2. 1879. Mordtmann. Les monnaies pehlvies (commentaires sur 113 monnaies de gouverneurs arabes en Perse). NcELDEKE. Noms de lieu iraniens en kert et autres désinences. Id. Deux peuples de l'Asie antérieure (1° les Kadichéens de Mésopotamie, identiques aux Katis des historiens arméniens, et avec les KadowaToi d'Agathias ; 2* les Ortéens au sud de l'Arménie).-— Spitta. Abrégé de la géographie de Ptolémée par Huwarazmi. Gompte-rendu critique : Schrader. Keilinschriften u. Geschichtsforschung (art. important).

XLI. Theologische Stadien and Kritlken p. p. Riehm et Kges- TLiN (Gotha). 1879. Fasc. 1 et 2. Zeller. Jean de Staupitz (sa vie, ses doctrines, ses rapports avec Martin Luther). Tollin. Gontribution à la théologie de Servet (traite de l'idée de Dieu chez Servet). Bud- DENSiEQ. Le séjour de Luther à Rome (dans l'hiver de 1511 à 1512; il faut renoncer à savoir positivement dans quel monastère de Rome Luther fut alors reçu). = Fasc. 3. Seidemann. Le discours de Luther pour la promotion au doctorat d'Hieronymus Welier (pub. pour la i^ fois d'après le Thésaurus theologiae d'Obenander).

KBCUEILS PEftlOOIQOBS. 247

XLn. ^t^mtknnî».^ p. p. BiRLiNGEB. aonéc ; fasc. 1 (Bonn), 1879. Wkinkauff. Sebastien Frank de Donauwerth (important pour l'histoire de Thumanisme en Allemagne).

XLIU. Monatsbericht d. k. Preuss. Akademie d. Wlssens- chalten (Berlin), 1878. Juin. Sghrader. Les noms qui désignent la Syrie dans les inscriptions assyriennes. Curtius. Plans des fouilles d'Olympie. = Juillet. Mommsen. La bataille de l'Allia. = Sept.-ocl. Droysen. L' « Anti-Saint- Pierre » et son auteur (ouvrage, aujourd'hui très rare, qui fut composé en 1742, d'après les idées et avec la collabo- ration de Frédéric II, par Jean-Henri Formey, secrétaire de TAcadémie de Berlin, pour réfuter le projet de la paix universelle imaginé dès 1708 par l'abbé de Saint-Pierre, et proposé par lui à Frédéric en 1740). DuNCKER. Négociations de Brunn en nov. 1805. = Nov. FRiEDLiEN- DER. Sur une monnaie d'Aineia en Macédoine (cette monnaie porte la plus ancienne représentation connue de la fuite d*Énée quittant Troie; elle est d autant plus importante qu'elle a été frappée au moins un siècle avant Hellanikos, l'historien de Lesbos. Histoire politique et monétaire d'Ai- neia). = 1879. Janv. Nitzsch. Les associations dans la Basse-.AUe- niagne aux xii« et xiii* s. (recherches juridico-historiques sur les asso- ciations allemandes dites c Bruderschaften », « Aemter », a Gilden » et «Innungen »). = Fév. Schrader. D'une tablette d'argile de Babylone datée de la 11' année de (kmbyse (Cambyse était déjà vice-roi de Baby- lone du vivant de Cyrus). Z. v. Linoenthal. Les Formae publiées par l'empereur Anastase pour la Libye Pentapole. Id. Un édit du préfet du prétoire Dioscorus de l'an 472 ou 475. =: Mars. Schrader. Sur un cylindre royal de Babylone conservé au musée royal, et sur d'autres cylindres et gemmes (recherches sur l'authenticité du camée noir de Nebudcadnezar du musée de Berlin, qui, en tout cas, est anté- rieur à Père chrétienne). Hirschfeld. Rapport sur un voyage archéolo- gique dans le S.-O. de l' Asie-Mineure, IH (avec 1 carte ; remarques sur l'emplacement, l'histoire et les antiquités des villes anciennes de Kremna, Sagalassos, Baris, Seleukeia, Agrae, Konane, Apollonia, Kebrene, Aphrodisias, Stratonikeia, Lagina). F'riedl.«nder. Remar- ques sur quelques monnaies grecques rapportées par Hirschfeld.

XLIV. Abdhandlnngen d. k. Akademie d. VT^issenschaften,

1877 (Berlin, 1878). Lepsius. Les mesures de longueur assyro-baby- loniennes (explique les inscriptions trouvées en 1854 à Senkereh par L. Loftus. On peut distinguer aujourd'hui le système des mesures employées par les Assyriens, les Babyloniens et les Perses, et tenues jusqu'ici pour identiques). Schrader. Les noms de la mer dans les inscriptions assyriennes.

XLV. Mserkische Forschongen, pub. p. la Société pour l'his- toire de la Marche de Brandebourg, vol. 14 (Berlin, Gropius), 1878. Ggetze. Fragmenta marchica (1® études sur la famille de Bismarck; elle appartenait déjà à la classe des chevaliers en 1345. 2' Notes sur l'his-

248 RECUBnS P1ÎRI0DIQUE8.

toire de la ville de Stendal, d'après les documents inédits). Kmothe. Documents relatifs à la Marche (important pour l'histoire des Asca- niens en Brandebourg, et surtout pour Tépoque 4285-1483). Von Lebedur. Contribution aux régestes de rélecteur Jean-Georges de Bran- debourg (d'après des chartes inédites des années 1549-1596). 6oET2aB. Documents relatifs à la Marche (publie 38 chartes de 1151 à 1578). •*- BuDGziES. Sur la dot promise par le roi Christophe de Danemark au margrave Louis T Ancien de Brandebourg, époux de sa fille Margue- rite. (Par un acte du 6 oct. 1333, TEsthonie est cédée comme dot de Marguerite à Louis qui, de son côté, promet d'aider son beau-frère Otton à reconquérir le trône de Danemark. Lorsqu'en 1343 les Ëstho- niens opprimés se révoltent. Tordre teutonique comprime l'insurrec- tion, et acquiert du roi de Danemark Waldemar, pour une somme de 19,000 marcs d'argent, la possession de TËsthonie. Louis de Brande- bourg renonce alors à ses droits moyennant 6,000 marcs). Gqbtze. Les étudiants de la Marche à TUniversité de Wittenberg (1502-1560).

XL VI. Jahrbftcher n. Jahresberlcht d. Vereins f. Mecklen- burg. GescMchtea. Alterthumskonde (Schwerin), 43* année, 1878. LiscH. L'ancien registre municipal deNeukaten, 1399-1448. Rap- ports des Jésuites de l'Allemagne du Nord en 1762 (relatifs aux col- lèges des Missions de Gliickstadt et de Schwerin). Sass. Généalogie des comtes de Dannenberg. Crull. La chronique de Heinrich de Balsee, greffier de Wismar (l'original est aujourd'hui perdu ; mais il était encore utilisé en 1726 par l'historien mecklembourgeois Schrœ- der, en partie dans son Papistisches Mecklenburg^ en partie dans son AuS" filrhliche Beschreibung , Heinrich de Balsee vivait vers 1370 ; sa chro- nique embrasse les années 1323-1385). Lisch. Chronique latine de Rostock, 1484-1487. Rapport sur Jes découvertes récentes d'objets antiques ou préhistoriques en Mecklembourg.

XL VU. Geschichts-Blœtter fOr Stadt nnd Land Magde- burg, pub. p. la Société pour l'histoire et les antiquités du duché et de l'archevêché de Magdebourg, 13« année, 1878. Winter. La guerre de Trente-Ans dans le pays au S.-O. de Magdebourg (d'après de nom- breux doc. ecclésiastiques : registres de baptêmes, comptas de paroisses, etc.). Wernicke. Les possessions du monastère de l^hnin au pays do Magdebourg d'après des documents d'archives. Comptes-rendus critiques : Wendt. Die nationalitœt d. Bevœikerung d. d. Ostmarken von dem Beginne d. Germanisirung (estimable, malgré des erreurs de détail). Witttch, Magdeburg, Gustav-Adolf und Tilly (très impor- tant). := 14« année, 1879. 1" fasc. Wboener. Coutumes observées dans les mariages au pays de Magdebourg. Uertel: Extraits tirés des chartes du monastère de N. D. à Magdebourg (intéressant pour l'his- toire de la lutte entre Prémontré et ses filles allemandes au xm« s.). Revue critique des plus récentes publications relatives à l'histoire de Magdebourg.

RECUEILS PERIODIQUES. 247

XLn. Alemannia, p. p. Birlinger. T*» année ; fasc. 1 (Bonn), 1879. Weinkauff. Sebastien Frank de Donauwerth (important pour rhistoire de Thumanisme en Allemagne).

XLIII. Monatsbericht d. k. Preass. Akademle d. V^issens- chalten (Berlin), 1878. Juin. Schrader. Les noms qui désignent la Syrie dans les inscriptions assyriennes. Curtius. Plans des fouilles d'Olympie. := Juillet. Mommsen. La bataille de l'Allia. = Sept.-oct. Droysen. L' « Anti-Saint-Pierre » et son auteur (ouvrage, aujourd'hui très rare, qui fut composé en 1742, d'après les idées et avec la collabo- ration de Frédéric II, par Jean-Henri Formey, secrétaire de l'Académie de Berlin, pour réfuter le projet de la paix universelle imaginé dès 4708 par l'abbé de Saint-Pierre, et proposé par lui à Frédéric en 1740). DuNCKER. Négociations de Brunn en nov. 1805. = Nov. FRiEDLiEN- DER. Sur une monnaie d'Aineia en Macédoine (cette monnaie porte la plus ancienne représentation connue de la fuite d'Énée quittant Troie ; elle est d'autant plus importante qu'elle a été frappée au moins un siècle avant Heilanikos, l'historien de Lesbos. Histoire politique et monétaire d'Ai- neia). = 1879. Janv. Nitzsch. Les associations dans la Basse-Alle- magne aux xu« et xiii* s. (recherches juridico-historifjues sur les asso- ciations allemandes dites c Bruderschaften », « Aemter », o Gilden » et « Innungen u). = Fév. Schrader. D'une tablette d'argile de Babylone datée de la 11* année de (kmbyse (C^ambyse était déjà vice-roi de Baby- lone du vivant de Gyrus). Z. v. Linoentual. Les Formae publiées par l'empereur Anastase pour la Libye Pentapole. Id. Un édit du préfet du prétoire Dioscorus de Tan 472 ou 475. = Mars. Schrader. Sur un cylindre royal de Babylone conservé au musée royal, et sur d'autres cylindres et gemmes (recherches sur l'authenticité du camée noir de Nebudcadnezar du musée de Berlin, qui, en tout cas, est anté- rieur à Tère chrétienne). Hirsghfeld. Rapport sur un voyage archéolo- gique dans le S.-O. de l'Asie-Mineure, UI (avec 1 carte ; remarques sur l'emplacement, l'histoire et les antiquités des villes anciennes de Kremna, Sagalassos, Baris, Seleukeia, Agrae, Konane, Apollonia, Kebrene, Aphrodisias, Stratonikeia, Lagina). Friedl^nder. Remar- ques sur quelques monnaies grecques rapportées par Hirschfeld.

XLIV. Abdhandlmigen d. k. Akademle d. VT^issenschaften,

1877 (Berlin, 1878). Lepsius. Les mesures de longueur assyro-baby- loniennes (explique les inscriptions trouvées en 1854 à Senkereh par L. Loftus. On peut distinguer aujourd'hui le système des mesures employées par les Assyriens, les Babyloniens et les Perses, et tenues jusqu'ici pour identiques). Schrader. Les noms de la mer dans les inscriptions assyriennes.

XLY. Mserkische Forschongen, pub. p. la Société pour l'his- toire de la Marche de Brandebourg, vol. 14 (Berlin, Gropius), 1878. Ggetze. Fragmenta marchica (i® études sur la famille de Bismarck; elle appartenait déjà à la classe des chevaliers en 1345. 2* Notes sur l'his-

220 RECUEILS P^RIODÎQDBS.

L. Archiv. f. d. SaBchsische Geschichte, pub. p. G. von Weber (Leipzig). Vol. 6; fasc. 1, 1879. Kaemmel. La Saxe électorale et la Révolution hongroise, 1604-1606 (rélecteur Christian voulait à la fois rester en bons termes avec Tempereur et l'empire, et protéger ses core- ligionnaires évangèliques contre Toppression. Les efforts du comte palatin pour faire une ligue évangélique séparée et. pour intervenir en Hongrie échouèrent devant l'opposition de la Saxe). ô Byrn. Christian, duc de Saxe-Weissenfels (mort en 1689 en défendant Mayence assiégée par les Français ; détails intéressants sur le rôle de la Saxe électorale dans les guerres de la fin du xvii* s., et sur la vie à la cour de Dresde à la même époque).

LI. Neaes Lausltzisches Magazin (Gœrlitz), 1878, vol. 54, fasc. 2. KoRSCHELT. Les souffrances de la Haute-Lusace pendant la guerre de Sept-Ans (d'après les journaux du comte de Reuss XXXI, du baron de Ranzau, de Jean Nitschmann, et d'après les actes des archives de la guerre à Vienne). ScHCENWiELDER. Les limites du dis- trict de Zagost (on désignait sous ce nom la partie de l'ancienne Bohème située à l'O. des monts de Lusace ; remarques sur la germanisation de la population slave de Lusace et do Bohême). = Vol. 55, fasc. 1. Grosse. Développement des institutions et du droit public de la Basse-Lusace (mémoire couronné; il traite en grand détail de la période 1635-1868).

LU. Mitthelliingen d. k. Sœchslschen Alterthuinsvereins

(Dresde), fasc. 29, 1879. Von Eve. Le musée de la Société des anti- quités de la Saxe (très important pour l'histoire de Part ; énumère les documents les plus importants (jue possède la Société). Revue cri- tique des plus récentes publications relatives à l'histoire de Saxe.

LIIL Mittheilungen v. d. Freiberger Alterthiimsvereins.

Fasc. 15, 1878. C*« von Holtzendorff. La bataille de Freiberg du 29 oct. 1762 (d'après les notes prises par.Klotzsch, greffier de Freiberg, sur les événements militaires des années 1759-1762; publie intégrale- ment CCS notes dont l'original est conservé dans la bibliothèque de la Société). Gautsch. Les anciens châteaux et demeures seigneuriales autour de Freiberg (recherches sur l'emplacement du monastère d'Al- ten-Zelle, et sur la suppression des biens ecclésiastiques à l'époque de la Réforme). GuRLrrr. Anciennes fortifications de Freiberg.

LIV. Schriften d. Vereins f. d. Geschichte Leipzigs. II,

1878. KiRCHHOFP. Johann Herrgott de Nuremberg (libraire qui, à par- tir de 1524, s'employa très activement à répandre les doctrines de Tho- mas Mûnzer, et imprima de nombreux écrits socialistes. Après l'appa- rition d'un nouveau livre communiste à la librairie de Herrgott, celui-ci fut arrêté par l'ordre du duc Georges de Saxe et mis à mort en 1527. Détails intéressants sur la censure des livres au commence- ment du XVI* s.). WusTMANN. Le journal d'une famille bourgeoise de Leipzig au xvi« et au xvii* s.

LY. AniMilw d. hiator. Vereias fttr dctt WU»d#rrkela> hW.

32. 1878. NAGELScmnBT. Sur rhiscoire du mou^stère do Uovou ^inté- ressant pour l'histoire des restes de Tep^^ue n^maiue sur lo Hhiu, «l pour rhistoire privée des ducs de Juliers ; publie eu appendice G chartes origiDales). Schwgebbel. Antiquités juridiques de IKnitz (publie den notes du bourgmestre de Deutz, Peter Joohiu), eu U»^:^; ce» note* ont été prises par l'auteur pendant trois magistratures successives, et \\o\xv guider ses successeurs dans l'exercice de leur charge). Uknnks. Le monastère de Marieuforst à Godesl»erg. Liste des iHturguuwtrt^M d'Aix-la-Ghapeile de 1056 à 1789. Giccke. Trois chartt^s êniuuaut des archives de Saint-Séverin à Cologne, de 12t*»9, i\'M et 1137. LoERSGH. Un recueil perdu des privilèges d'Aix-la-Chapollo (luuteur avait en 1871 publié des fragments de droit municipal ; un document de 1580, qu*on vient de découvrir, en mentionne un arlicle, avec cetto remarque qu'il est emprunté au a Kemponbuch i. Ces frugnionts sont donc des extraits de cet important manuel du dntit municipal d'Aix- la-Ghapelle). Merlo. Le couvent de femmes do SchillingK-Ca|Htl[(Hn.

LYI. Zeitschrift d. Hars-Vereins f. Oesch. a. Alterthuma- kande, il* année, 1878 (Wernigerode). Jacohs et Mùulhacihku. Loh diplômes du roi Louis III de Franconie orientai» pour lo monusUSrn Drûbeck en 877 (tiennent pour authentiques ces documentH dont la sincérité a été souvent mise en doute). Lanuërfklot. Ilolting sur lu Timmerlah (notes sur les anciennes associations allemandes do la Mark, et sur les juridictions forestières, 1459-1681). Grcksslek. Los déHert» du Friesenfeld et du Hassegau (énumère, d'après dos documents d'ar- chives, de nombreuses localités de la province prussi(*nne di; Haxt*, qui sont maintenant disparues). Bode. Notes sur les archives des petiu*ii villes du Harz. Kindsgher. Lettres de proscription du roi Wtînwslas contre Halberstadt, Quedlinburg et Ascherslebon, 1389. Hi'Mnwr. Chronologie des évoques de Halberstadt (publie 6 chartes de iWh à 1400).

LVn. Freibnrger Diœcesan-Archiv (organe de la HfKiéUt pour rhistoire du diocèse de Fribourg eu Brisgau), 12* année, 1878. LiCBTScHLAG. Chartes du monastère de I3euron. Hafnkr. Ojntribii- tîons à rhistoire de lancien monastère de Wald. K'jkmo. AUuuin^ nische GeschidiU de Heinrich Bullinger (pubiiéf; ici jxjur la pn'jjjjfVni fois: elle a été composée en 1571 à Zurich, <'t compn^nd rhi^tr^ire de rAlémaoie des temps les plus reculés jusqu'à Charlc.»s-Qujjjl). Wal- TEX6PÛL. Catalogue reiigiosorum monasterii Hhr^uaugienHis.

LVm. ZeltMhrift d. GeMllMhaft f. GeMh. n. Alterthonuik. ▼. FreUmiVf ^ Bretagmii a. d. ani^renzenden LaxMUcluLrteo.

Vol. 4, fasc. 3, 1878. Daume^i. Fribc^urg w^uk Jjéopold i jum^u a la prife de la ville par les Français eu 1677 i décrit le»- qu*.'nflleb luvahûnt-t entre les bourgeois de la viJle et a Jexurieur Wh Iuiu^k qu'ili- «-um'LîI a soutenir coxLlre la noblesse appuyée par T Autriche. I^ur»- cll'^flh pour

222 RECUEILS P1SRI0DIQUE8.

maintenir intacte leur juridiction indépendante). Hartfelder. Annales de Fribourg, 1449-1724 (d'après une chronique ms. d*un mo- nastère de la ville).

IIX. -< Monats-Schrift f. d. Oeschichte 'West-Dentschlands, pub. p. PicK. année, 1879. Fasc. 1 et 2. Schneider. Les routes iliilitaires des Romains entre la Lahn et la Ruhr, avec carte. Christ. Noms de peuples allemands Ge nom Teutones ne désignait pas à l'ori- gine an seul peuple germanique; il signifiait seulement c membres du peuple ». Les Treveri étaient un peuple de race germanique, et habi- taient la vallée de la Trave). Sghmitz. Une lettre relative à l'his- toire de la duchesse Jacobe de Juliers, du 20 juillet 1591 (détails curieux sur les partis clérico-politiques à la cour de Dûsseldorf). Philippi. Les signes incendiaires des Anabaptistes (parmi les actes des archives de l'état à Munster, relatifs au mouvement anabaptiste, se trouvent de nombreuses enquêtes contre les incendiaires qui annonçaient à l'avance leurs projets par certaines marques peintes ou gravées sur les portes des maisons ou sur les arbres). Strigker. L'attentat de Francfort du 3 avril 1833 (d'après le témoignage de gens qui y prirent part).

LX. Zeitschrlft f. d. Geschlchte d. Oberrheins (Carlsruhe). Vol. 31, fasc. 3, 1879. Von Weech. Les archives du monastère de Herrenalb ; fin. 1313-1648. Id. Mélanges sur l'histoire de la civilisa- tion. — Roth von Schregkenstein. Extraits de la collection des chartes anciennes (complète les Regesta hadensia en publiant intégralement 9 chartes des archives de Carlsruhe, de 1136 à 1179). Ruppert. Contributions à l'histoire du monastère de Gengenbach (querelle entre l'abbé et les moines en 1506, qui se termina par l'emprisonnement de l'abbé). Gmelin. Le combat de Wimpfen en 1622 (recherches biblio- graphiques sur des brochures peu connues de cette époque ; publie des détails inédits sur cette bataille).

LXI. Mittheilongen d. Vereins f. Oeschichte d. StadtNûm- berg (Nuremberg), 1«' fasc. 1879. Mummenhofp. Nuremberg en lutte avec la Vehme (histoire du tribunal de la Vehme depuis ses origines jusqu'à sa disparition. Un bourgeois de Nuremberg, Heinz Imhof, fut poursuivi en 1440 par un bourgeois de Cologne, W. von Krebs, par- devant le tribunal vehmique pour affaires d'intérêt. La bourgeoisie de Nuremberg contesta la compétence du tribunal ; et contre ces empiéte- ments, elle en appela maintes fois à l'empereur Frédéric III ; les juges vehmiques furent condamnés par la cour aulique dont ils avaient sans doute accepté d'avance la décision). Frhr. G. vouKress. Huit lettres de Wilibald Pirkheimer 1499-1503 (intéressant pour les relations poli- tiques des divers états italiens entre eux, la situation des partis à Nuremberg et leurs guerres avec les margraves de Brandebourg). Mummenhofp. Revue des ouvrages relatifs à l'histoire de Nuremberg.

LXn. Nene ICittheiluiigen d. arohsBOl. Vereins (Rottweil en

LXm. ArcUr. d. kistm A.,i,M 1 ,^ W:L^3il:^:^x . V:L i5, iwo. f . f S?>. Rxiscipssb. Le chd&eo;! î=:^»rr'-L i* SLib«:^rr zr>î :> X-ris'-idi-f^r-LircSaaie finae»- nîw7"i» 'KCLj^r:^:: az_* ::■-"-? zar Cburl-r* Mat:*!; «e rai l^ppî:: a'y fui pef ec >!i*- feuJ^ «^r '_■* «r]«::^ f-?:? fizpemus «ar.Liz^::* « saxons dans ce «hÂi=a^. Ez. ."iz. =^1, i-guiyftgi-r «>^.;ci Kl ^q £î preseas à FeTtSçie i-» Winiii-rz ^ je A:-cza ?c i«îf a La âr-.iï.e des e Voite » de Sàlû-.wTz : iiiSo^Te tiê cec:^ fa=^> ce 11^} à KTnJ;. Zixmeuulxs. La jœdi.-iiûc. do poc: d* W:inbo:irs.

LXIV. -. ZeitMkfift d. kistor. Tcrctes f. SekwmlWB «. He«-

kovy. > ar-.'ge, Iv ?. îk*«:- 3. Schitt. Gi-aibucoiLS à L riisuvire du occT-si: ira car=.'*iivs *c de I ^li«^ de Saizce-Anze à AafiçbourK.

Mmx. Cozîrli-ù.z* à rsif:*;.!.-? d- dr:-:: e: des i!i5Û:uùvQ.< muni- dpaLês d A::a5ic-rz Bintjjï. X€cr»:l';«ia C>:i?:iuraza d'après 4 nus. de L'az-iiruir- ahiavr hi?-to::ine d"0::c:ibeure:i, ni*, da in* et de ir:* s. .

LX V. Jabresbericht d. GewUscbmft f. nfltxileke FonekvB-

gen TrêTesr. Iv^. L»zi?Œi. Ca"-al;ç"-e des in:r.naies romaines frap- pées à Tr»Tes, q-i f-:z: i -; ;-::rd'h:ii partie de la ccliecîion de la société.

Rappi^ru *:;r de n-izibrecâes decc^venes d'objets antiques : mon- naies, armes, etc. Sctitaiih. Description de la ^/rta niçra de Trêves.

LXVI. Annaleii d. Vereliis f. VmMaaadach» Alterthi kwMle m. GeschichtsformchBBg .Wiesbaden.. tûI. 14, ^ faso. Miiz. Ar^îhêzies e: ixprecaûviLS szr les monuments chrétiens pri- miu:« r^uii: :ouîe« les inscriptions qui se rappc-rtent à ce sujet ; elles ?>ip.; rue^: par la croyance des chrétiens primitifs que la résurrection d^ corps au ; arment dernier était rendue impossible par la destruc- tion des restes morteLs. I>e les malédictions cc-cire ceux qui profa- naient les sépultures . Dieffcxbach. Recueil des inscriptions roziairi-ES injuvees jusqu'ici â Friedberg. Bcckeb. Les archives de Liz:'>:urz-sur-Lahn contiennent entre autres 3! diplOmes impériaux ce fc4{ a 16o3. e: de nombreuses chartes émanées des comtes de Lim- Sv-re et des ar»:hevê«îues de Trêves. G)}ntADY. Les inscriptions Mniaines de Milienberg-sur-îe-Mein recherches minutieuses sur les châteaux et vestiçes d'oocufiation romaine dans i'Odenwald. et sur les dn-iiions d^ tr^jupes romaines qui étaient campées dans cette contrée). V.n G.HJIUSE3C. Le mur des Païens à W'ieshaden linteressant pour Ihiiroi.-e de la domination romaine dans le Taunusi. Id. Tombeaux rozialn^ à Mayence ; tombes à Nauheim dans la WetteraTie.

LWIL Hettlmrcer GoUectaaeenblaU. \i* année, iSTS. ~ Cbrjni^ue rimee du Palatinat de Georg Schwartxerdt, 1536-1561, pub.

224 RECUEILS PERIODIQUES.

p. Jos. WûRDiNOER (l'auteur était frère de Mélanchthon, en 1500 ; à partir de 1548, il fut employé dans Tadmiiiistration des finances du Palatinat. La chronique ne s'occupe pas seulement du Palatinat, mais aussi des grands événements européens qui sont arrivés à la connais- sance de l'auteur). Rapport authentique sur le bombardement et la prise de Neubourg sur le Danube par les Bavarois en 1703, pub. p. Corn. WiLL (d'après les notes d'un franciscain de Neubourg, le P. Nicolas). Gleichauf. Le régiment d'infanterie bavaroise (pen- dant les années 1785-1826 ; détails intéressants sur la campagne de Napoléon !•' en Russie).

LXVIII. Jahresberlcht d. histor. Vereines von Oberbayern

(Munich), années 39 et 40, 1878-79. Nécrologie détaillée : Jos. Stumpf, archiviste du Landtag bavarois, 1807-1877; auteur estimé d'un ouvrage intitulé Denkwûrdige Bayern, Matthias Koch. 1798-1877, secrétaire du cabinet du grand-duc Maximilien d'Autriche-Este ; son meilleur ouvrage est une Geschichte d. D. Reiches unter Kaiser Ferdi" nand III, dont le vol., ms., est en possession de la Société d'histoire de la Haute-Bavière.

LXIX. Sitzungsberichte d. k. bayer. Akademie d. "Wis- senschaften (Munich), 1878, t. II, fasc. 2. Bursian. Les résultats scientifiques des fouilles exécutées à Dodone. Rottmanner. L'ins- truction de l'électeur Maximilien I pour le précepteur de Ferdinand- Marie en 1646 (publie le texte italien de cette instruction d'après un ms. de la Bibliothèque d'État de Munich). Unoer. L'Eridanos dans le territoire de Venise (les anciens ont presque exclusivement désigné sous ce nom un fleuve de la Haute-Italie qui avait son embouchure dans le delta du Pô, et qui s'appelait autrefois Eretenos ou Reteno. On en a fait le fleuve de l'ambre, parce que ce minéral se trouvait à l'état sporadique sur la côte vénitienne ; mais le vrai pays de l'ambre pour les anciens, c'était la côte de la mer du Nord). «= Fasc. 3. Lauth. La Tetraéteris égyptienne (cherche à prouver que les Égyptiens ont connu la période chronologique de 4 années. A Anu-Heliopolis, l'ancienne capitale de l'Egypte avant Thèbes et Memphis, se trouvait depuis une antiquité très reculée une tour astronomique dont l'existence, prouvée par l'auteur, montre que les anciens Égyptiens connaissaient la tetraé- teris). — Friedrich. Les comptes-rendus des évoques d'Augsbourg à propos de la t Visitatio liminum apostolorum ». (A partir de Sixte V (1585), les évêques d'Augsbourg prirent l'habitude de faire à des époques déterminées un rapport écrit sur l'état de leurs diocèses. Celles que publie ici Fr. d'après un ms. de Munich se rapportent aux années 1639-1690. La première atteste les misères de la guerre de Trente-Ans; les trois suivantes sont remplies de plaintes sur les conséquences désastreuses pour l'église catholique de la paix de Westphalie. Les deux dernières témoignent d'un nouvel essor du catholicisme dans le diocèse d'Augsbourg, et racontent la lutte des évêques avec les abbés de

UOTEILS P^AIODIQUES. 225

Tabbaye bénédictine placée sous leur juridiction). = 1879, l*' fasc. BiAnan. Les f Ârmenn » de Tancien droit norwégien (étude juridique très minutieuse sur les ofBciers des rois, des évéques et des villes dans la primitive Norvège; insiste surtout sur l'ancien droit criminel de la Norvège. Dans les premiers tempsz, la fonction capitale de TArmenn était d'administrer les cours du roi; plus tard, cette fonction perdit de son importance, et FArmenn ne fut plus qu'un simple juge).

LXX. ArchiT. f. cBsterreichische Geschichte. Vol. 57; 2* part., 1879. J. von Zah^i. Études sur le Frioul ^description topo- graphique du pays ; son histoire ancienne. Origine du patriarchat d'Âquilée, comme principauté d'empire indépendante; acquisitions territoriales des patriarches dans les pays autrichipun, et ac/juisitions des princes et seigneurs allemands en Frioul ; relations commerciales du Frioul avec les pays voisins ; plus l'importance du pays était grande pour le transit entre l'Autriche, la mer et l'Italie, moins les patriarches furent capables d'assurer la police des routes et de garantir la sécuriU'i du commerce. Venzone, ville qui se trouvait sur la plus importante? route commerciale du Frioul, fut, à partir de 1250, l'objet de contesta- tions sans fin entre le patriarche, \(* comte de Gœrz et les Autrichiens; ces derniers s'emparèrent de la ville en 1351, et euront ainsi la clé du Frioul). Grossman.n. Raimond Montecur:coli (expose en détail les campagnes de 1672 et 1673; et ses efforts pour décid^T son gouverne- ment à agir énergiquement ci^intre la P*rance ; publie fh*H pi^cl•M imfior- tantes de la main de Montecuccoli, tiréi's d(*s archivi^s dit la guern^ i\ Vienne). Loserth. Fragments d'un livre de foririules Wimiwh- las II roi de Bohème (publie 14 charti*8 et lettres inti*n*HHant4*H pour l'hist. de l'avènement au trône de Wenc<58las et do. son couronnement).

LXXI. Sitzangabericlite d. k. bœhmischen OeselIsoliAft d. 'Wissenschaften (Prague), 1878. Re^ek. La vit* et lf*H (imvreH de J.-Fr. Beckovsky (vivait de 1658 à 1725 ; connu surtout par sa chro- nique intitulée Poselkyne^ dont la !■« partie est un remaniement de la chronique tchèque de Wenzel Hàjek; la deuxième partie, qui va jus- qu'en 1657, est importante parce que l'auteur y a utilisé de nombreuM's sources historiques, mémoires, lettres, chartes, perdus aujourd'hui pour la plupart. M. R. promet une biographie détaillée de l'auteur dans un ouvrage spécial sur les anciens historiens tchèques). Gelakovsky. Origine de la juridiction patrimoniale sur les biens du clergé (remonte au temps d'Otti^kur 1, VVll : elle fut tout à fait en vigueur sous Wen- ceslas I, son suiTt»HHo\ir). Kmler. Nécrologe du couvent de Sainte- Anne à Praguo (tlu \W h., avtn: des additions postérieures). Goll. Pamphlet de Voit ViUi Krapa contre les frères bohémiens (xv« s.).— In. Qn*>lques ilocunients sur les tnnibles do Prague 1483-1484. Tomek. Actes d'un syninlo utraquisto de 1426, inconnu jusqu'ici. Goll. Extrait d'un tnirit de maître Pribram. Emler. Nécrologe d'Ostrow ♦important pour la ohri>noli>gie des xi», xn« et xni» s.)

ReV. HiSTOR. XI. l*» FA8C. ih

226 RBCUBILS PÏaiOOIQUBS.

LXXn. Gompte-renda de la commission impériale archéo- logique pour Tannée 1875 (Saint-Pétersbourg, 1878). Rapport sur les objets d'archéologie et de numismatique découverts dans diffé- rentes parties de l'empire. Stephani. Explication de quelques objets d'art découverts en 1874 dans la Russie méridionale (intéressant pour l'histoire des colonies grecques du Pont à Tépoque de la domination des Diadochi).

LXXIII. Archivio storico itaUano. 1879, liv. Passerini. Le premier procès pour la réforme luthérienne à Florence en 1531 (juge- ment et condamnation au feu de c leronimus de Bonagratia, phisicus »). Bozzo. Documents relatifs aux règnes de Ferdinand IV, roi bourbon de Napies (lettres de Mognino, ministre de Charles III d'Espagne, de Ferdinand IV et de Marie Caroline d'Autriche au marquis délia Sam- buca, ministre et secrétaire d'état de Ferdinand IV, 1778-1785). Vassallo. Asti sous la domination étrangère, 1379-1531, suite : le diocèse d'Asti. Carutti. D'un point d'histoire secrète (discute la question de savoir si la régente de Savoie, Marie Christine, fit proposer à Richelieu de lui livrer le P. Monod, en 1641, pour acheter la liberté du comte Phihppe d'Agliè, et penche vers l'affirmative). Ambrosi. Histoire de Trente au moyen âge. (Homptes-rendus : Ciampi, Inno- cenzo X Pamtili e la sua corte ; storia di Roma dal 1644 à 1655 (utile, mais incomplet et mal composé). Buser, Die Beziehungen d. Medi- ceer zu Frankreich (important). Norton. List of the principal books relating to the life and works of Michelangiolo (bonne publica- tion, qui forme le 3* fasc. des Bibliographical œntributions^ publiées par A^insor, libraire à Cambridge de Massachussets).

LXXrV. Archivio storico lombarde. 30 juin 1879. C. Cantù. Le couvent et l'église dominicaine délie Grazie, et le saint office. Lettres de Galeazzo-Maria Sforza, duc de Milan; suite et fin. Intra. La Reggia de Mantoue (résume l'histoire de cet ensemble de construc- tions sans cesse agrandies qui formèrent le palais des Gonzague). Mémoire inédit du comte Pietro Verri sur l'économie politique. PoRRO. Traité entre le duc Filippo-Maria Visconti et Alphonse de Napies (Alphonse le Magnanime promet 6 galères catalanes au duc Visconti pour l'aider à prendre Gènes; Visconti en retour lui assure le château de Bonifacio et la Corse, 10 sept. 1421). Chronique du marquis de Mantoue ; suite. Curiosités d'archives (3 pièces relatives aux brodeurs de Milan et à la cour de Visconti, en 1473). Ghiron. Bibliografia lombarda; catalogue des mss. relatifs à l'histoire lombarde, qui sont conservés dans la bibliothèque nationale de Brera; suite. Benvenuti. Banquet donné à Crème en 1526, par Malatcsta Baglione, capitaine général de l'infanterie vénitienne. Galli. Deux inscriptions inédites du château de Milan. Observations critiques sur la guerre italienne de 1174-1175. Comptes-rendus : Claretta. Sui. principali storici piemontesi (utile). Ronchini. Giovanni III di Portogallo, il

RBCUBILS PERIODIQUES. 227

card. Silva e llnquisizione (bonne page d'histoire ecclésiastique). Revue archéologique de la province de dôme.

LXXV. Archivio veneto. T. XVII, part. Portioli. La fuite de Felice Orsini du château de Mantoue, en 1856. Giuliari. Histoire monumentale, littéraire et paléographique de la bibliothèque capitulaire de Vérone; suite. Giomo. Transcriptions des rubriques des livres dits misti du sénat, aujourd'hui perdus. Tassini. Inscrip- tions de l'église et du monastère du Saint-Sépulcre à Venise. Joppi. Chronique vénitienne de 1402 à 1415 (ce sont les notes journalières prises par un Vénitien, dont le nom reste d'ailleurs inconnu, et qui enregistrait avec sincérité tout ce qui parvenait à sa connaissance ; le texte est en langue vulgaire). Gipolla. Un habitant de Vérone à la solde de Venise au xiv* s. Giomo. Les froids de 1513 et la haute marée de 1686. BuLLo. La ville de Vigilia. Yule. Marco Polo et sa famille.

FuLiN. A propos d'une publication du Giornale ligustico (réfute cer- taines assertions dont cette revue a fait accompagner la traduction de l'art, du comte Riant sur le changement de direction de la 4* croisade).

Bailo. De quelques sources pour l'histoire de Trévise. Comptes- rendus. Repertorio diplomatico cremonese, vol. I (publication très défectueuse). P. Garzotti, Appunti storici sopra Isola délia Scala (bon). A part, la suite de l'expédition de Charles VIII en Italie, par Marin Sanudo.

LXXVI. La Rassei^A •ettimanale. 13 av. Correspondance relative à l'art, de M. AdemoUo sur Louis XII et Tommasine Spinola, maîtresse du roi en 1502. = 20 av. Masi. Histoire de dix ans propos de la Storia d'italia dopo 1789, par A. Franchetti). Cirid, Statuti Volterrani 1463-1466, pub. d'après les originaux conservés dans les archives de Volterra. = 1 1 mai. Riœtti. Osservazioni critiche sopra la guerra ilaliana dell* anno 1174-75 (mémoire important). = 25 mai. Bertolotti. L'esclavage dans les États pontificaux durant tout le xvn« s. (suite de cette étude très curieuse et très neuve). De Castro. La guerre de la succession d'Espagne et la poésie populaire milanaise. = 15 juin. D'Ancona. La cour de Rome au xvii« s., d'après les relations des ambassadeurs vénitiens. = 22 juin. Morpurqo. Le doge de Venise et sa liste civile (fragment d'un ouvrage en préparation sur la vie à Venise au xvm' s.). = 13 juillet. Ademollo. Les travaux publics sous Sixte V.

LXXVII. Revista enropea. 16 av. Garollo. Théodoric, roi des Goths et des Italiens; fin. Coppi. Les universités italiennes au moyen âge; fin le l*' juin. = 1»' mai. Falletti-Fossati. Silvio Pelhco et la marquise de Bardo (publie des lettres intéressantes de la marquise et du poète, son secrétaire). Della Miraqlia. Rome et la cour romaine au xvi« s.

LXXVIII. R. Depntasione di storia patria (Bologne). 13 avril. Giosuè Carducci. Les trouvères à la cour de Montferrat

228 RBCUBILS PERIODIQUES.

(i»' chapitre ; parle de Tinfluence exercée par la France au xu« et au xni« s. sur la civilisation et la littérature européennes, et surtout par la poésie lyrique de la France méridionale sur la poésie italienne nais- sante). =27 avril. G. Malagola. Histoire du pont sur le Reno, près de Bologne, depuis le xiii* s. jusqu'à nos jours. = li mai. N. Malvezzi de' Medigi. La compagnie des Lombards; suite (la compagnie au xviii* s.; détails sur le cardinal Ul. Gozzadini et sur le pape Benoit XIV, en tant que membres et intendants de la dite compagnie).

LXXIX. R. Depatasione di storia patria (Modène). 19 avril et 10 mai. Geretti. Francesca Trivulzio, femme de Ludovic I, comte de la Mirandole, 1501-1560.

LXXX. R. Depatazione di storia patria (Venise). Séance générale du 4 mai tenue à Trévise. G. Berchet, secrétaire de la Société, parle, dans son discours annuel, des ouvrages en cours de publication, et de ceux qui sont déjà prêts pour l'impression. Parmi les premiers, notons les Diarii de Marin Sanudo, le Regesto dei libri commemoriali di Venezia, le Codice diploinatico padovano, le Dispacci da Roma de Paolo Paruta, et parmi les autres , les Cronache veronesi et le DiplomaUirio veneto orientale, Bailo. Des sources de l'histoire de Trévise.

LXXXI. R. Istitnto Teneto di scienze , lettere ed arti.

6 et 20 avril. B. Morsolin. L'académie des Sociniens à Vicence (réfute, preuves en mains, la tradition suivant laquelle Lelio Socin aurait fondé à Vicence une académie; mais on sait qu'un certain nombre de bourgeois de Vicence embrassèrent à une époque postérieure les doctrines sociniennes et furent poursuivis comme hérétiques). J. Bernardi. Victor Amédée II et l'organisation de l'Assistance publique dans ses états piémontais.

LXXXU. Naova antologia. 15 mai. La Lumia. Antonio Veneziano, ou un homme du xvi« s. en Sicile (A. Veneziano naquit à Monreale en 1543 ; il composa d'abord des poésies latines, puis il écri- vit dans sa langue maternelle; sa vie fut malheureuse : il fut mis plusieurs fois en prison pour des satires contre les gouverneurs espa- gnols de Sicile. Il mourut au château de Palerme en 1593 de l'explosion d'une poudrière). A. Brunialti. L'esclavage et la traite des nègres à notre époque (art. important, avec des renseignements historiques sur les temps antérieurs). = 1«' juin. Boolietti. La diplomatie secrète de Louis XV propos du Secret du Rot), = 15 juin. Papa. Vittorio Bar- zoni et l'époque de Napoléon I*' en Italie (Barzoni était un publiciste, à Lonato, 1767-1843; il haïssait la domination française. Son nom est presque oublié aujourd'hui). JESSŒ-WHrrE. La lutte électorale et le droit de vote en Angleterre (contient d'intéressants détails histo- riques.

CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 229

CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.

France. L'Académie française a décerné le l»' prix Gobert (9,000 fr.) à M. R. de Ghantelauze pour son ouvrage : le Cardinal de Retz et ses missions diplomatiques à Rome; le second prix (1,000 fr.) à M. Tabbé Mathieu pour son livre VAncien régime dans la province de Lorraine et Barrois. Le prix Thérouanne a été partagé par moitié entre M. E. Denis pour son livre intitulé Huss et la guerre des Hussites, et M. RocQUAiN, pour son ouvrage : VEsprit révolutionnaire avant la Révolution, Un prix Montyon de 2,000 fr. a été décerné à M. G. Michel pour son Histoire de Vauban.

L'Académie des inscriptions et belles-lettres a, dans sa séance du 13 juin dernier, décerné le {•' prix Gobert à M. Paul Meyer pour son édition de la Chanson de la croisade contre les Albigeois^ et maintenu le second prix à M. A. Giry pour son Histoire de Saint- Orner. La commission de l'Académie pour le concours des antiquités nationales n'a pas décerné de médailles cette année. 6 mentions honorables ont été distribuées : M. Delpegh. La bataille de Muret et la tactique de la cavalerie au xni* siècle. M. de Lens. Facul- tés, collèges et professeurs de l'université d'Angers, du xv« s. à la Révolution. M. Hucher. Monuments de la famille de Beuil ; l'émail de Geoffrin Plantagenet. M. Paul de Fleury. Notes additionnelles et rectificatives au Gallia Christiana. M. Guillouard. Recherches sur les colliberti, M. Tabbé' Arbellot. La vérité sur la mort de Richard Cœur de Lion.

Le prix Bordin n'a pas été, cette année, décerné par l'Académie des sciences morales et politiques ; mais une récompense de 2,000 fr. a été accordée à M. Daniel Touzaud. Le sujet mis au concours était de rechercher quelles ont été en France les relations des pouvoirs judi- ciaires avec le régime politique ». Le prix de législation (Delà sépa- ration des pouvoirs dans l'ancien droit français) a été décerné à M. Saint-Girons. L'Académie a mis au concours les sujets suivants: « De l'institution du jury en France et en Angleterre » (terme utile, 31 octobre 1880, prix, 5,000 fr.). De l'indigence, depuis le xvi« s. inclusivement jusqu'en 1789 (31 oct. 1882, prix, 5,000 fr.). Histoire des établissements de charité en France avant et depuis 1789 (31 oct. 1881, prix, 5,000 fr.). Les grandes compagnies de commerce depuis le moyen âge jusqu'à nos jours (15 oct. 1880, prix, 2,500 fr.). Cf. Rev. hist. X, 504.

La Société des sciences, des arts et de l'agriculture de Lille vient

228 RBCUBILS PERIODIQUES.

(l»' chapitre ; parle de Tinfluence exercée par la France au xu« et au xni* s. sur la civilisation et la littérature européennes, et surtout par la poésie lyrique de la France méridionale sur la poésie italienne nais- sante). =27 avril. C. Malagola. Histoire du pont sur le Reno, près de Bologne, depuis le xiii« s. jusqu'à nos jours. = li mai. N. Malvezzi de' Medigi. La compagnie des Lombards; suite (la compagnie au xviii* s.; détails sur le cardinal Ul. Gozzadini et sur le pape Benoit XIV, en tant que membres et intendants de la dite compagnie).

LXXIX. R. Depatasione di storia patria (Modène). 19 avril et 10 mai. Geretti. Francesca Trivulzio, femme de Ludovic I, comte de la Mirandole, 1501-1560.

LXXX. R. Depntazione di storia patria (Venise). Séance générale du 4 mai tenue à Trévise. G. Berghet, secrétaire de la Société, parle, dans son discours annuel, des ouvrages en cours de publication, et de ceux qui sont déjà prêts pour l'impression. Parmi les premiers, notons les Diarii de Marin Sanudo, le Regesto dei libri commemoriali di Venezia, le Codice diploinatico padovano, le Dispacci da Roma de Paolo Paruta, et parmi les autres, les Cronache veronesi et le DiplomaUirio veneto orientale, Bailo. Des sources de l'histoire de Trévise.

LXXXL R. Istitnto veneto di sdenze, lettere ed arti.

6 et 20 avril. B. Morsolin. L'académie des Sociniens à Vicence (réfute, preuves en mains, la tradition suivant laquelle Lelio Socin aurait fondé à Vicence une académie; mais on sait qu'un certain nombre de bourgeois de Vicence embrassèrent à une époque postérieure les doctrines sociniennes et furent poursuivis comme hérétiques). J. Bernardi. Victor Amédée II et Torganisation de l'Assistance publique dans ses états piémontais.

LXXXU. Naova antologia. 15 mai. La Lumia. Antonio Veneziano, ou un homme du xvi» s. en Sicile (A. Veneziano naquit à Monreale en 1543; il composa d'abord des poésies latines, puis il écri- vit dans sa langue maternelle; sa vie fut malheureuse : il fut mis plusieurs fois en prison pour des satires contre les gouverneurs espa- gnols de Sicile. Il mourut au château de Palermeen 1593 de l'explosion d'une poudrière). A. Brunialti. L'esclavage et la traite des nègres à notre époque (art. important, avec des renseignements historiques sur les temps antérieurs). = i^' juin. Boolœtti. La diplomatie secrète de Louis XV propos du Secret du Rot). = 15 juin. Papa. Vittorio Bar- zoni et l'époque de Napoléon I*' en Italie (Barzoni était un publiciste, à Lonato, 1767-1843; il haïssait la domination française. Son nom est presque oublié aujourd'hui). JESSŒ-WHrrE. La lutte électorale et le droit de vote en Angleterre (contient d'intéressants détails histo- riques.

CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPflIB. 229

CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.

FraAce. L'Académie française a décerné le l»' prix Gobert (9,000 fr.) à M. R. DE Ghantelauze pour son ouvrage : le Cardinal de Retz et ses missions diplomatiques à Roms; le second prix (1,000 fr.) à M. Tabbé Mathieu pour son livre V Ancien régime dans la province de Lorraine et Barrois. Le prix Thérouanne a été partagé par moitié entre M. E. Denis pour son livre intitulé Huss et la guerre des Hussites, et M. RoGQUAiN, pour son ouvrage : V Esprit révolutionnaire avant la Révolution, Un prix Montyon de 2,000 fr. a été décerné à M. G. Michel pour son Histoire de Vauban.

L'Académie des inscriptions et belles-lettres a, dans sa séance du 13 juin dernier, décerné le l»' prix Gobert à M. Paul Meybr pour son édition de la Chanson de la croisade contre les Albigeois^ et maintenu le second prix à M. A. Giry pour son Histoire de Saint -Orner. La commission de l'Académie pour le concours des antiquités nationales n'a pas décerné de médailles cette année. 6 mentions honorables ont été distribuées : M. Delpech. La bataille de Muret et la tactique de la cavalerie au xni* siècle. M. de Lens. Facul- tés, collèges et professeurs de l'université d'Angers, du xv* s. à la Révolution. M. Hucher. Monuments de la famille de Beuil ; l'émail de Geoffrin Plantagenet. M. Paul de Fleury. Notes additionnelles et rectificatives au Gallia Ghristiana. M. Guillouard. Recherches sur les colliberti, M. l'abbé' A rbellot. La vérité sur la mort de Richard Gœur de Lion.

Le prix Bordin n'a pas été, cette année, décerné par l'Académie des sciences morales et politiques ; mais une récompense de 2,000 fr. a été accordée à M. Daniel Touzaud. Le sujet mis au concours était de rechercher quelles ont été en France les relations des pouvoirs judi- ciaires avec le régime politique ». Le prix de législation (Delà sépa- ration des pouvoirs dans l'ancien droit français) a été décerné à M. Saint-Girons. L'Académie a mis au concours les sujets suivants: « De l'institution du jury en France et en Angleterre » (terme utile, 31 octobre 1880, prix, 5,000 fr.). De l'indigence, depuis le xvi» s. inclusivement jusqu'en 1789 (31 oct. 1882, prix, 5,000 fr.). Histoire des établissements de charité en France avant et depuis 1789 (31 oct. 1881, prix, 5,000 fr.). Les grandes compagnies de commerce depuis le moyen âge jusqu'à nos jours (15 oct. 1880, prix, 2,500 fr.). Cf. Rev. hist. X, 504.

La Société des sciences, des arts et de l'agriculture de Lille vient

230 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.

de fonder un prix annuel de 1,000 fr., qui portera la dénomination de prix Wicar. Elle a mis au concours, pour 1880, une étude littéraire sur Philippe de Gomines ou sur un des écrivains célèbres du nord de la France, et pour 1879 (terme utile, le 15 oct.), les sujets historiques suivants : histoire d'un ou de plusieurs établissements civils ou reli- gieux ; d'une institution judiciaire, d'une ou plusieurs institutions charitables ou hospitalières; d'une commune rurale du département du Nord ; biographie d'un ou de plusieurs personnages célèbres du même département.

La Bibliothèque nationale s'est récemment enrichie du ms. d'une chronique de Cambrai, récemment retrouvée par les PP. de Backer et DE Smedt, bollandistes.

M. Ul. Robert, employé à la Bibliothèque nationale, et dont nous avons déjà plusieurs fois annoncé les utiles travaux bibliographiques, va publier chez Picard un Inventaire sommaire des mss. des bibliothèques de France dont les catalogues n'ont pas été imprimés. Le l*»" fasc. de 10 feuilles grand in-8* à deux colonnes et en petit texte contiendra une bibliographie des catalogues imprimés des mss. des bibliothèques de France et l'inventaire des mss. d'Agen, Aire, Aix, Ajaccio, Alençon, Alger, Arbois, Argentan, Arles, et le commencement de l'inventaire des mss. de la bibliothèque de l'Arsenal. Indépendamment de l'incon- testable utilité d'une pareille publication, nous croyons savoir que cet inventaire permettra de constater un certain nombre de soustractions commises dans les bibliothèques et archives de province. C'est un double service que M. Robert rendra à la science.

Notre collaborateur M. Tamise y de Larroque vient de publier (Paris, Champion ; Bordeaux , Lefebvre) le n* 4 de ses Plaquettes Gon-- taudaises intitulé : Mazarinades inconnues ; ces mazarinades sont extraites d'un recueil fort rare, conservé dans la bibliothèque du grand- séminaire de Bordeaux. Elles sont au nombre de 6 : t la querelle de la ville de Bourdeaux avec le duc d'Espemon, en forme de dialogue, faicte par une damoiselle de Gascoigne. > c L'histoire poétique des exploits admirables du duc Bernard d'Espemon, avec l'arrivée de madame la princesse en Guienne. > c Gazette crostilleuse et facé- tieuse contenant la rencontre et entretien de Mazarin, carnaval et caresme sur la frontière de France. » c L'amour des Bourdelois envers messieurs les princes. » f Récit et véritables sentimens sur les affaires du temps. » « Oraison funèbre sur la mort du duc d'Es- pemon. » Le recueil du grand-séminaire de Bordeaux contient 95 pièces ; M. T. de L. en donne la liste détaillée en appendice.

Notre collaborateur M. Pingaud vient de publier une curieuse relation des voyages de l'abbé Sanderet de Valonne, curé de Poligny, en Westphalie et en Hollande (1794) qu'il parcoumten qualité de frèro quêteur, afin de solliciter des secours pour les prêtres français exilés. (Poligny, impr. Mareschal, 24 p.)

CHRONIQUB ET BIBLIOGRAPHIE. 234

Notre collaborateur, M. R. Darbste, après avoir traduit les plaidoyers civils de Démosthèues, vient de publier la traduction des plaidoyers politiques (2 vol. in-12. Pion). Il a fait précéder cette traduction d'expli- cations sommaires très précises sur la procédure et la juridiction cri- minelle à Athènes.

M. Hippolyte Mazb vient de publier (Versailles, Cerf) la confé- rence qu'il fit à Versailles le 24 juin dernier sur le général Hoche.

Nous avons rappelé ici même autrefois le passage d'un discours M. DouGET, secrétaire perpétuel de l'Académie française, promettait une prochaine publication des écrits encore inédits de Montesquieu. M. Tahisey de Larroque nous affirme aujourd'hui (Revue critique, 1879, n* 30, p. 84, note 2) que MM. de Montesquieu c lesquels, dit-il, je le sais, entourent du culte le plus fervent la mémoire de leur grand ancêtre, » hâtent cette publication. Nous le souhaitons vivement.

M. Emile Labroue, professeur au lycée de Bordeaux, a publié (Sauveterre, ChoUet), sous le titre Bergerac sous les Anglais, un intéres- sant essai historique sur cette ville pendant la guerre de Gent-Ans, de 1322 à 1450 ; il a mis à profit dans cette brochure les chartes de la ville, les jurades, recueil encore ms. des actes les plus importants des jurats et consuls de Bergerac, enfin lo libre de vita, ms. récemment retrouvé sont consignés de 1378 à 1382 les méfaits accomplis par les seigneurs à Bergerac et dans la contrée voisine. M. Labroue annonce qu'il conti- nuera l'histoire de Bergerac jusqu'à la Révolution.

Le t. rv du recueil des Inscriptions de la France est très avancé ; il contiendra la fin du prieuré de Paris, et se terminera par le diocèse de Lagny. Le t. V contiendra le prieuré de Ghampeaux et la table. M. R. de Lasteyrie a éto chargé de terminer ce vaste recueil commencé par M. DE Guilhermy.

M. Georges-Glaudius Laverone vient de commencer la publica- tion des Archives des corporations des arts et métiers (Gharavay). Le fasc. contient un mémoire à consulter, de l'avocat Delacroix, en 1776, sur l'existence des 6 corps de métiers parisiens et la conservation de leurs privilèges; le second, diverses pièces concernant la suppression, par Turgot, des jurandes et communautés. Ges Archives paraîtront par fascicules paginés à part (1,50 et 2,50 chaque).

Notre collaborateur M. J. Flam>iermont termine une étude histo- rique sur le parlement Maupeou.

La librairie Firmin DrooT vient de publier le l** vol. du texte français de Guillaume de Tyr et de ses continuateurs, dans le format du Villehardouin et du Join ville antérieurement publiés par M. de Wailly. Le texte a été revu sur les ms. et annoté par M. Paulin Paris. Notre collaborateur M. Longnon a dressé les cartes nécessaires à l'in- telligence des itinéraires et des faits militaires. I^ second vol. doit paraître très prochainement.

232 GHBOinQUB BT BIBLIOGRAPHIE.

M. le marquis de Galard publie par souscription une Monogra- phie du château de Wideville^ accompagnée de 12 eaux-fortes.

Allemagne. M. von Weber, directeur de VArchiv fur Sschsùche Geschichte, est mort dernièrement. U avait publié de nombreux docu- ments dans le recueil qu'il dirigeait, et plusieurs ouvrages historiques, entre autres Vier Jahrhunderte deutscher Geschichte,

Le 13 juillet 1878, est mort H. Blochmann, à Dresde en 1838. Il alla étudier les langues orientales à Leipzig, Paris et Londres. En 1858, il s'engagea dans l'armée anglaise de l'Inde, et deux ans après, à la mort du recteur de l'Université de Calcutta, il y enseigna Tarabe et le persan. Le déchiffrement des anciennes inscriptions des temples de l'Inde, sa collection de monnaies indiennes et ses études sur plu- sieurs points importants de l'histoire du pays lui ont assuré une place distinguée dans l'Hindoustan, devenu sa seconde patrie. Parmi ses ouvrages historiques, citons : Contributions to the geography and history ofBengal (1203-1538), 1873, The Hindu Rajas and the Mughal govern- ment, The death ofJahangir and the accession of Shat\jahan.

Le 8 juin est mort à Lubeck le prof. Mantels, connu comme his- torien et comme fondateur de la Société de l'histoire hanséatique.

Le 1*' juillet 1879 est mort à Bromberg le numismate Jul. Kos- SARSKi à Tâge de 67 ans.

M. le prof. Klugkhohn et M. Rogkinqer, archiviste de l'état à Munich, ont été nommés membres ordinaires de la commission d'his- toire de l'académie des sciences de Bavière.

La Société des sciences de Leipzig a décerné cette année le prix Jablonowski à M. Alex. Brûckner, privat-docent à Lemberg, pour une étude sur les établissements des Slaves dans la Vieille Marche, et a mis au concours pour 1881 le sujet suivant : les Régestes des rois polonais de 1295 à 1506.

L'Académie des sciences de Bavière (section historique) a mis au concours pour 1883 une Histoire de l'enseignement en Allemagne depuis les plus anciens temps jusqu'au milieu du xni's. (prix : 5000 m.). Pour le prix Zographos, elle a mis au concours les deux sujets suivants : Étudier les recueils d'extraits faits sous la direction de l'empereur Constantin Porphyrogénète. Étude critique sur la chronographie de Theophanes, et recherches sur les sources et les continuations de cet ouvrage (terme, 31 déc. 1880. Valeur des prix : 1,500 m. pour le l*' sujet ; 2,000 pour le second).

La société des sciences de la Haute-Lusace a mis au concours le sujet suivant : Gœrlitz et la Vehme westphalienne au xv* s. (prix : 150 m.)

l'i' du Hand'Atlas fur die Geschichte des (Gotha, Perthes). Les livrai-

CHRONIQUE BT BIBLIOGRAPHIE. 238

sons 21-23, par lesquelles se terminera cet important ouvrage, paraî- tront dans le courant de la présente année.

VArchiv fur die Sxchsische Geschichte^ publié jusqu'ici sous la direc- tion de feu le D^ von Wbber, cessera de paraître à partir de Pâques 1880. Il sera remplacé par une revue nouvelle intitulée : Neues Archiv fur Sschsische Geschichte und Alterthum, dans laquelle viendront se fondre les Mittheilungen d. Kœnigl. Sachsischen Alterthumsvereins ; de cette dernière publication, il ne reste plus qu'un n* à paraître.

La 4* partie des Studien zur altesten Geschichte der Rheinlande par Mehlis vient de paraître. (Leipzig, Duncker et Humblot.)

M. HuDEMANN vient de publier (Galvary, à Berlin) une deuxième édition, revue et augmentée, de sa Geschichte d. rœmischen Postwesens wmhrend d. Kaiserzeit; voy. sur la l^* édition la Rev. histor.^ VI, 455.

La 4* partie du Codex diplomaticus Anhaltinus^ publié par M. 0. von Heidemann, vient de paraître ; elle comprend les années 1351-1380.

Les Mittelrtieinische Regesten^ publiés par la direction des archives de rÉtat de Prusse, contiennent des pièces, rangées par ordre chrono- logique, pour rhistoire des districts de Cologne et de Trêves. Le 2* vol. récemment publié par M. Goerz fournit les régestes des années 1152- 1237.

Les vol. VII et VIII de l'ouvrage d'Onno Klopp, Der Fait des Hauses Stuart und die Succession des Hauses Hannover, viennent de paraître (Vienne, Braumûller; sur les 4 premiers, voy. Rev. hist., VI, 469).

MM. KoHN et Mehlis publient chez Gostenoble à léna des Mate^ rialen zur Vorgeschichte d, Menschen im cestl. Europa. Le 2* vol. com- posé d'après les sources polonaises et russes a paru dans le courant de juin dernier.

Dissertations inaugurales de TUniversité de Berlin (1878) : Geppert. Beitrsege zur Lehre v. d. Gerichts-Verfassung d. Lex Salica. Hoff- mann. De Taciti annalibus historiisque capita duo. Schneider. Quaes- tiones Ammianeae. E. Zellkr. Ueber den wissenschaftlichen Unter- richt bei den Griechen.

Dissertations universitaires (1878) : Bonn. Heimbach. Quaeritur, quid et quantum Cassius Dio in historia conscribenda inde a 1. 40 usque ad 1. 47 e Livio desumpserit. Schmitz. Die Geschichte der Lothringischen Pfalzgrafen bis auf Konrad von Staufen. = Genève. Vallat. De l'origine de l'église évangélique des vallées vaudoises. = Kiel, LuEBBERT, Dissertatio de gentis Claudiae commentariis do- mesticis. (Fest-Schrift). Hoefpler. De nomothcsia Attica. ScHWARTz. Ad Atheniensium rem militarem studia Thucydidea. Kessler. Secundum quos auctores Livius res a Scipione maioro in Africa ge«tas narraverit. Vooblbr. Quae ab a. u. c. 710 post mortem C. Julii Gaesaris acta sint in senatu Romano. = Berlin.

234 CHRONIQUE ET BIBLI06RAPHIB.

WuERz. Merces ecclesîastica Athenis, quîbus de causis, quoque tem- pore instituta et qua ratione dispensari solita sit. Marhurg, Lange. De Aeneae commentario poliorcetico. Part. I. = Leipzig. Arnold. Beitraege zur Kritik Karolingischer Annalen. Fraenkel. De condi- cione, jure, jurisdictione sociorum Atheniensium. Baerwinkel. De lite Gtesiphontea commentatio. Detmer. Otto U bis zum Tode seines Vaters. Wilsdorf. Fasti Hispaniarum provinciarum. Lobbgk. Markgraf Konrad von Meissen. Wahnschaffe. Das Herzogtlium Kaernten und seine Marken im 11. Jahrhundert. Hoernino. Dassechs- seitige Prisma des Sanherib nebst Beitrœgen zu seiner Erklaerung. Bernhardt. Der Einfluss des Cardinals-Collegs auf die Verhandlungen des Constanzer Concils. = Halle. Struvb. De compositi operis Thucy- didei temporibus. Ifiand. Die Kaempfe Theodosius des Grossen mit den Gothen. Giildenfennino. Die Quellen zur Geschichte des Kai- sers Theodosius des Grossen. Gesghwandtner. Quibus fontibus Tro- gus Pompejus in rébus successorum Alexandri M. enarrandis usus sit.

Wetzel. Die Chroniken des Baeda Venerabilis. Hilqer. Das Ver- haBltniss des Hugo Folcandus zu Romuald von Salerno. = Strassburg. De Boor. Beitraege zur Geschichte des Reichstages zu Speier vom Jahre 1544. Heidbnheimer. Machiavelli's erste rœmische Légation.

Programmes des gymnases, Realschulen, etc., pour 1879 : Prietzel. Boethius u. seine Stellung zum Christenthume. Loebau.

Thum. Anmerkungen zu Macaulays History of England. Reichen- hach. TiMPE. Philippe de Gommines, sa vie et ses mémoires. Lubeck. Schaefer. Die Schlacht an der Elster 1080. Weissenfels. LiNDEGKB. Die Stellung des Bisthums Halberstadt zu der Grundung des Erzbisthumes Magdeburg. Halberstadt. Grcessler. Die Ausrot- tung des Adoptianismus im Reiche Karls des Grossen. Eisleben. Rambeau. Charakteristik der historischen Darstellung des Sallust. Burg. Wesemann. Gaesarfabeln des Mittelalters. Lœwenberg. Neumann, Hugo I, Abt von Cluny. Frankfurt am Main. 8u- CHiER. Statuta, leges et privilégia universitatis Rinteliensis. Rinteln.

Die Grabmonumente der fiirstlichen Hausser von Hanau und Hessen zu Hanau. Hanau. Walter. Erasmus und Melanchthon. Bernburg. Kasten. Der historische Werth des 2. Bûches der Mak- kabaeer. Stolp. Zmzow. Bischof Otto von Bamberg als Apostel der Pommern. Pyritz. Lehmann. Bausteine zur Geschichte von Neus- tettin. Neustettin. Petbrsdorpf. C. Julius Gaesar num in bello Gal- lico enarrando nonnulia e fontibus transcripserit. Belgard. Behrbndt. Franzœsische Finanz-u. Voikszustœnde unter Ludwig XIV. Perleberg.

Floeck. Vindiciae Thucydideae. Bonn. Voss. De Tyche Thucy- didea. Dùsseldorf. Henrich. Bems Stellung zur Genfer Reformation 1535-1538. Emmerich. Roitsahl. Die Expédition der Athener nach Sicilien 415-413 v. Chr. Langensalza. Sterz. Richard I, Fûrst von Gapua und die Normannen in Unteritalien. Ploen. Sghweder. Die Go««'*Ardaiiz der C^'^ hieen des Pomponius Mêla u. des Plinius

CHRONIQUE ET BIBLIOGIUPHIE. 235

(Nat. hist. III-VI). Kiel. Klopsch. Der dilectus in Rom bis zum Beginn der burgerlichen Unruhen. Itzehoe. Krause. Appian als Quelle fur die Tteii von der Verschwœrung gegen Gaesar bis zum Tode des Decimus Brutus. I. Rastenburg. Stbinwender. Ueberdas nume- rische Verhœltniss zwischen cives und socii im rœmischen Heere. Marienburg. Holtz. Friedrichs des Grossen Darstellung der Ursa- chen des œsterrcichischen Erbfolgekriegs und des schlesischen Kriegs. Graudenz. Pohler. Oesterreichs Turkenkrieg 1663-1664. Frankfurt an der Oder. Haupt. Die Einfiihning der Hiérarchie im Franken- reiche. Ohlau. Zorn. Ueber die Niederlassungen der Phokœer an der Siidkûste von Gallien. Kattowitz. Hockenbeck. Beitraege zur Geschichte des Klosters und der Stadt Wongrowitz. Wongrowitz. Jaeger. Urkundenbuch des Klosters Teistungenburg im Ëichsfelde. Duderstadt. Fokke. Alcibiades u. die Sicilische Expédition. Emden.

Alsace. M. Dagobcrt Fischer, érudit alsacien, et collaborateur assidu de la Revue d'Alsace, est mort le 20 fév. dernier ; il a publié de nombreuses monographies sur l'histoire de TAlsace.

Antriohe-Hongrie. Dans les premiers jours de Juillet 1879 est mort M. Fr. Somhegyi, professeur d'histoire à Budapest.

L'édition des écrivains de Téglise latine entreprise par l'Académie d'Autriche comprendra bientôt les œuvres d'Orose, pub. par Zanoe- meister, actuellement sous presse ; pour Paulin et autres auteurs, M. Zechmeister a collationné do nombreux mss. dans les bibliothèques de France, d'Angleterre et de Belgique ; pour Eugippius, M. Kncell a eu la bonne fortune de trouver dans les bibliothèques italiennes d'im- portants matériaux non encore exploités jusqu'ici.

Une revue nouvelle, analogue à notre Bibliothèque de l'École des chartes, vient de se créer en Autriche sous la direction de M. Foltz ; elle aura pour titre : Mittheilungen des Instituts fiïr œsterreichische GeS" chichtsforschung in Wien^ et paraîtra tous les trois mois (Innsbruck, Wagner).

Le 41» vol. des Diplomata et Acta austriaca, qui vient de paraître, contient : le livre des morts de l'abbaye cistercienne de Lilienfeld en Autriche, pub. par M. von Zeissbero. Dans sa première rédaction, cet important document va jusqu'au xiii« s. 2* Les lettres do Albrecht von Waldstein à Karl von Harrach, publiées par Ferd. Tadra , d'après les lettres originales conservées dans les archives des comtes de Har- rach à Vienne, et précédées d'une intéressante introduction sur la vie d'A. V. Waldstein depuis la bataille de la Montagne blanche jusqu'à son élévation au grade de généralissime.

La 38« partie du Dictionnaire biographique d'Autriche par WuazBACH contient les articles Stehlik à Stietka.

M. Vincent Bramdl vient de faire paraître les 8' et vol. du Codex diplomaticus et epistolaris Moraviae qui comprennent les années 1350 à 1366.

236 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.

Angleterre. Le 7* vol. des Transactions of the royal hisiorical Society (1878) contient les mémoires historiques suivants : G. Walford. Tables anciennes de mortalité, publiées à Londres à partir de 1562. Le Rév. Pearson. Les anciens comptes de la fabrique (churchwarden accounts) de Saint-Michel de Bath, qui commencent en 1341. Baron BoGOusHEvsKY. Les Anglais en Moscovitie au xvi« s. (publie plusieurs documents tirés du British muséum et du Public record Office sur le projet imaginé par Ivan le Terrible de former une alliance avec Eliza- beth et d'épouser une femme anglaise). Allan. Notice sur la famille de Marguerite de Logy, seconde femme du roi David II d'Ecosse. Le Rév. Wratislaw. Jean de Jerstein, archev. de Prague, 1378-1397. HowoRTH. Le clergé de Saint-Colomban dans la Grande-Bretagne du Nord.

Le 11« rapport du Deputy-keeper des Public records d'Irlande contient le catalogue des Fiants d'Elisabeth, 1558-1570, qui occupe plus de 200 p. ; ces actes ou mandements (fiant) consistent en concessions de certains offices importants, ou de terres de la couronne, ou de char- tes d'incorporation, en rémissions, en ordres pour l'exécution de la loi martiale, etc. Ces documents donnent des détails fort curieux et fort tristes sur la situation sociale de l'Irlande pendant le règne d'Elisabeth.

Un nouveau vol. des Monumenta Britannicae historica (Rolls séries) vient de paraître ; c'est le Register of Malmesbury abbey , publié par M. Brewer.

Le Rév. Gameron, de Brodick, vient de fonder une Celtic review pour l'étude de la langue, la littérature et l'archéologie des Highlands.

M. F. LiEBERMANN, de Berlin, vient de publier un important vol. sous le titre Ungedriickte anglo-normannische Geschichtsquellen.

M. JowET, professeur à Oxford, va publier une traduction de Thucydide en 4 vol. : le l** sera un vol. d'introduction ; la traduction remplira les vol. 2 et 3 ; le 4* sera réservé pour le commentaire et les notes.

M. Laurence Gomme, qui vient de publier un Index of municipal offices d'après les appendices du l**" rapport des commissaires chargés de faire une enquête sur les corporations municipales de l'Angleterre et du pays de Galles (voy. Attisnaeum, 12 juillet 79), prépare un nou- veau vol. intitulé Open^air primitive assemblies in Britain.

M. le Rév. Dunn Macray prépare une série de plaquettes sous le titre Anecdota Bodleiana; gleanings from bodleian mss, La l'*, qui est sous presse, contient « A short yiew of the state of Ireland », écrit en 1605 par sir J. Harington.

M. Alex. Gardner va publier un vol. préparé par M. Henry Gough pour le marquis de Bute ; ce sont des documents relatifs à la campagne du roi Ed^ d I en Ecosse en 1298, et en particulier à la bataille de Falkirk ^ i ai ^ ire d'Edward I dans une expédition enË

CHRONIQUE BT BIBLIOGRAPHIE. 237

L'éditeur du catalogue des chartes conservées à la Bodléienne, M. TuRNSR, prépare une édition d'extraits tirés des chartes de la cité d'Oxford, et autres documents relatifs à Thistoire municipale de cette ville de 1209 à 1603 (par souscription, chez Parker et G^*). Ce volume contiendra le fac-similé, d'après la charte originale, du mandement adressé en 1258 par Henri III à tous les comtés, pour prescrire Tohéis- sance aux commissaires nommés par le Parlement d'Oxford ; c*est le seul exemplaire original qu'on ait conservé de cet acte ; c'est aussi le plus ancien monument de la prose anglaise.

Le Rév. W. Jones, chanoine de Salisbury, est sur le point de publier un ouvrage intitulé Fasti ecclesiae Sarisberiensis, suivi d'une liste des évoques, archidiacres et chanoines du chapitre de Salisbury depuis les plus anciens temps jusqu'à nos jours.

M. Vivian vient de publier la l'» partie des Visitations of Cornwall for 1530, 1573 and 1620, qui donne de nombreux renseignements bio- graphiques sur d'anciennes fouilles de C!ournouailles (chez Golding et Lawrence).

On annonce la prochaine mise en vente de la carte de la Palestine occidentale, dressée d'après les recherches entreprises par l'Exploration Fund. Le l**" tirage, sur grand papier, sera limité à 250 ex. vendus au prix de 12 guinées. La carte de la Palestine orientale, qui aura pour base les travaux de l'expédition américaine, paraîtra plus tard.

Le vol. (index) de la History of the Norman œnquest par M. Freeman vient de paraître (Clarendon Press), ainsi que le second vol. de la History of the indian meeting par le col. Malleson.

MM. Peace et fils, de Kirkwall, annoncent la réimpression d'une description des Orcades et des Shetlands, écrite en 1633 par un seigneur du pays, Robert Monteith, et publiée en 1711, et d'une description des Shetlands rédigée par Thomas GifTord en 1733, avec l'appendice et la préface dont Nichols, l'archéologue bien connu, l'accompagna en la publiant en 1786 au vol. V de sa Bibliotheca topographica Britannica,

Les chanoines réguliers de l'ordre de Saint-Hubert, ou les cha- noines blancs, viennent de publier une esquisse de l'ordre de Prémon- tré et de leurs maisons en Grande-Bretagne et en Irlande (Burns et Oates). Cest un livre de vulgarisation, non un travail érudit.

M. W. Nevins termine son History of Ireland and the holy see ; la dernière partie paraîtra l'année prochaine.

Parmi les mss. récemment acquis par le British Muséum, nous citerons une histoire de la Grande-Bretagne avant la conquête nor- mande, écrite au commencement du siècle dernier; des papiers de Samuel Desborough, chancelier d'Ecosse pendant la République, avec plusieurs lettres du général Monk, 1651-1660 ; la correspondance de l'amiral Haddock, qui commandait dans la Méditerranée en 1739-1742 ; des collections de documents relatifs à la famille de Waterhouse ; des

238 CHEO^riQUE bt bibliogriphib.

enquêtes de coroners dans le comté de Lincoln, 1669-1701 ; des lettres écrites par divers membres de la famille de Byron, lettres adressées pour la plupart à M»« Aagusta Leigh, 1744-1755 ; un ms. des Moralia du pape Grégoire, en caractères mérovingiens, acheté à la vente Didot, etc.

Une nouvelle Société de publication vient de se fonder à Manches- ter sous le titre : « The Record Society for the publication of original documents relating to Lancashire and Gheshire i ; son premier vol. a déjà paru. Il contient le cadastre des églises des comtés de Lancastre et de Ghester. Le second vol. contiendra des inquisitiones post mortem, des inventaires et des testaments, des archives des tribunaux et des guildes, des registres de paroisses, etc.

La librairie Waterlow et fils (Londres) vieilt de mettre en vente un gros vol. sur les institutions municipales de TAngleterre; il contient une centaine de tableaux statistiques qui permettent de suivre le déve- loppement de ses institutions jusqu'en juin 1879, et l'analyse des divers actes du Parlement relatifs aux municipalités.

Italie. La librairie Guasti de Prato a publié un essai de bibliogra- phie géographique, historique et ethnographique de San Francisco, par le P. Marcellino de Givezza M. 0. C'est un gros vol. de 698 p. gr. in-8, qui contient, outre les notices bibliographiques, de nombreux docu- ments qui peuvent être d'un grand intérêt pour Tétude de la géo- graphie historique.

M. Adamo Rossi, conservateur de la bibliothèque municipale de Pérouse, a publié (Pérouse, Boncompagni, 1879) un Quaderno délia cronaca perugina del Graziani jusqu'ici inédit et inconnu, qui fait suite à la chronique incomplète du même compilateur publiée dans VÀrch. stor. tto/., t. XVL Ge cahier, qui parait avoir été enlevé du ms. même dont se sont servis les précédents éditeurs, a été, il n'y a pas long- temps, découvert chez un marchand de salaisons par M. Rossi. Il con- tient le récit des faits qui se sont produits du 16 juill. 1491 au 2 sept. 1493. L'éditeur nous avertit que, malgré ce supplément, la chronique n'est pas encore complète, et il conclut f d'un fragment en forme de brouillon, trouvé avec le cahier, que l'auteur avait songé à la continuer au moins jusqu'en 1541 t.

On a publié un fasc. des Atti de l'Académie de la Grusca (Flo- rence^ Galileiana) ; il contient les discours lus à la séance du 16 sept. 1878 (voy. Rev. histor. IX, 263). A la lecture du prof. D. Berti sur t les Piémontais et la Grusca », ont été ajoutées en appendice des lettres de Garlo Botta, G. B. Nicolini et G. Leopardi à G. Grassi.

La surinten( ce des Archives vénitiennes (école de paléographie) a fait oublier le $ délia Rep. veneta, dal sec, ix al xviii, pour aider à r* fît anciennes. Les notices sommaires ont été r 7aD,qui donne ain«i une réédition revue

CHROinQUE ET BIBLIOGRAPHIE. 239

et augmentée d'un travail paru en 1866. La description des monnaies est divisée en 4 catégories: monnaies primitives (814-1106), ducales (1156-1797), anonymes, enfin monnaies des possessions italiennes d'outre-mer et de terre ferme. Le texte est accompagné d'une courte préface par M. B. Gecchetti, surintendant des archives, de notes histo- riques et d'un index alphabétique très détaillé (Venise, Visentini, 1879, in-16). Voy. du même Padovan la Nummografla veneziana^ et les Documents pour servir à l'histoire de la monnaie vénitienne qu'il publie depuis 1876 dans VArchivio veneto,

Le vol. du Codex diplomaticus cavensis (Naples, Hoepli 1879) contient 162 documents (no* 708 à 869), dont 2 de 1018 et 1034 ; presque tous sont des cartae pagenses et ecclesiasticae. Dans l'appendice, on décrit le ms. 3 de la bibliothèque de la Gava (Beda, de Temporibus) et l'on réédite les Annales cavernes^ écrites en marge du ms. susdit, annales déjà publiées par Muratori et Pertz. Pour les vol. antérieurs, voy. Rev. hisi. III, 361, et VII, 237.

Le 13* fasc. des Curiosità e ricerche di storia subalpina contient les articles suivants : l'ambassade sarde à la cour de Naples , 1759- 1768 propos de la succession éventuelle du duché de Plaisance pro- mise au roi de Sardaigne par le traité d'Aix-la-Chapelle). Vayra. Le musée historique de la maison de Savoie ; suite. Perrero. La première expédition des chevaliers de la sainte religion et milice des saints Maurice et Lazare ; documents inédits pour servir à l'histoire des armements et faits maritimes de la maison de Savoie en 1573. Promis. Les 13 vol. de blason de Charles-Emmanuel I, duc de Gênes.

L'historien de Rome au moyen âge, M. Grboorovius, prépare une biographie du pape Innocent VIII; il a réuni de nombreux documents sur la politique de ce pontife pendant la guerre de Trente-Ans.

Le 17* vol. des Diarii de Palerme vient de paraître; il contient la suite du Diario palemiitano de Francesco-Maria Emanuele et Gaetani, de janv. 1776 et déc. 1779.

On annonce deux biographies du célèbre patriote et historien Gino Capponi par le baron Alfred Reumont (Gotha, Perthes), et par le sénateur M. Tabarrini (Florence, Barbera).

Suisse. M. K. Deschwanden vient de publier le 4* vol. des Eid- genœssische Abschiede (1533-1540) dans le recueil officiel que dirige M. Jac. Kaiser.

LISTE DES LIVRES DÉPOSÉS AU BUREAU DE LA REVUE.

[Nota n'indiquons pas ceux qui ont été jugés dans les Bulletins

et la Chronique,)

BxRSNOER-FéRAUD. Lbs pcuplades de la Sénégambie; histoire, ethnographie, mœurs et coutumes, légendes, etc. Leroux. Comte Jules Dblabordb. Gaspard

240 LIST9 DBS LIVRES DlÎPOSés AU BUREAU DE Ll REVUE.

de Goligny, amiral de France. Vol. I. Fischbacher. Dournbl. Histoire géné- rale de Péronne. Péronne, Quentin, imprimeur; Paris, Dumoulin. Halpbbn. Harangues et lettres inédites du roi Henri IV, suivies de lettres inédites du poète Nicolas Rapin et de son fils. Lille, impr. Danel. Layissb. Études sur l'histoire de Prusse. Hachette. Pr. : 7 fr. 50. Wallon. Histoire de TEsclavage dans l'Antiquité. 2' édit. 2 vol. Hachette. Pr. : 7 fr. 50 chaque.

Bblogh. Campanien; Topographie, Geschichte und Leben der Umgebung Neapels im Alterthum , aTec un atlas de 17 caries en couleurs. Berlin, Calvary. Comte Siegmar Dohna. Les comtes Dona à Orange de 1630 à 1660; traduit de l'allemand par L. Bourgeois. Berlin, Grunert ; Paris, Picard, Pr. : 5 fr. Gabdeke. Maria Stuart. Heidelberg, Winter. Pr. : 10 m. Hagbn. 4 Abhand- lungen zur Geschichte d. Philologie und zur roemischen Literatur. Berlin, Cal- vary. — Hallwich. Wallenstein's Ende; ungedriickte Briefe und Acten. 2 toI. Leipzig, Duncker et Humblot. Huhn. Geschichte Lothringens, toI. II. Berlin, Grieben. Pr. : 6 m. Koldb. Die deutsche Augustiner Congrégation, und Johann von Staupitz. Gotha, Perthes. Nbmeo. Papst Alexander VI; eine Rechtfertigung. Linz, H. Korb. Oncken. GEsterreich und Preussen im Befreiungskriege, vol. 11. Berlin, Grote. Pr. : 13 m. 50. L. Ton Rankb. Serbien und die Tiirkei im XIX Jabrh. Leipzig, Duncker et Humblot Schbf- FBR-BoicHoasT. Dlc Neuordnung der Papstwahl durch Nikolaus II. Strasbourg, Trûbner. Wittich. Struensee, Leipzig, Veit et C*. Pr. : 5 m. Wbizsackbr. Der Rhemische Bund 1254. Tubingue, Laupp. Wuttkb. Zur Vorgeschichle der Bartholomsusnacht, pub. d'après les papiers de Wuttke par Dr. G. Miiller- Frauenstein. Leipzig, Weigel.

Chiala. L'alleanza di Crimea. Rome, Voghera Carlo. Palumbo. Giulio Cesare Vanini e i suoi tempi. Naples, impr. Jovene.

Erratum du précédent numéro.

P. 361, L 12, au lieu de

: Moijan,

lisez

; Montjeu.

- 402, 20,

tombe,

nécropole.

402, - 25,

Brocchi,

-^

Bocchi.

- 404, - 7,

—-

coussins de cendres,

urnes cinéraires.

- 404, - 38,

stadeum.

stadium.

405, 32,

et dans,

dans.

406, 35,

Dikaiarachia,

Dikaiarchia.

- 407, 22,

Pentilleria,

Pantilleria.

- 410, 39,

storichi,

storid.

-411,- 4,

délie.

délia.

412, - 28,

Arcardi,

Arcadi.

412, 33,

Flechio,

Flechia.

-445,- 4,

Texte,

Sexte.

445. Donner à la note 2 le n* 3 et réciproquement

506, 28,

L'un des

Larose,

"^

Delagrave.

propriétaires-gérants,

G. MONOD.

Nogent-le-Rolrou, Imprimerie Daupeley-Gouvemeur.

UÉGLISE D'AFRIQUE

ET SES PREMIÈRES ÉPREUVES

sous LE RÈGNE DE SEPTIME SÉVÈRE.

A quelle époque et par qui la foi chrétienne fut-elle portée dans l'Afrique romaine ? On ne le sait pas précisément. On n'a nulle raison de faire remonter la prédication de la foi nouvelle à l'âge apostolique proprement dit. Le témoignage de Métaphraste, qui fait venir saint Pierre à Carthage après qu'il eut organisé l'église de Rome, est sans aucune valeur historique*. Eusèbe ne sait rien non plus des traditions plus que suspectes qui attribuent à Simon Zélote ou à Simon le Cyrénéen, ou à saint Marc, disciple de Pierre, la fondation de l'église d'Afrique*. Le patriotisme, l'or- gueil local trouve mal son compte dans les origines anonymes : l'histoire véridique doit s'en accommoder en l'absence de rensei- gnements sérieux et précis. Le christianisme à la première heure compta autant d'apôtres que de fidèles. La prédication se fit toute seule presque partout, par des inconnus, sans mission instituée, sans attribution de mandat par un pouvoir central longtemps ignoré. Les germes de la foi se répandirent par les libres mou- vements de bonnes volontés individuelles. Les passages de Tertullien et de Cyprien que l'on cite 3, pour rattacher l'origine

1. Metaphr. ad 29 jun. Cf. Baronius, AnncU, Ecd. ad annam Christ. 44, { 39.

2. Mûnler, Primordia Eccl. Africanae, ch. 3, p. 6, 7.

3. TertuU., de praescript., 36. Id. c. 20. Cypriaous, Epist, 48, Ad Comelium, Ed. Hartet, p. 607. A propos du passage de Tertullien : perçu rre Ecclesias, etc., Miinter écrit : Lubens quidem Basnagio contra Baroniam disputanti dabo ex bisce Terbis haud elici posse luculentum TertulUani testimonium de Romana Ec^lesia fonte Ecclesiae Africanae, quia ^erbum c conlesserare > a Tertulliano ad- hibitum conspiralionero tanlum doctrinae et conjunctionem familiariorem indi- cat, quae quasi per tesseram, signum hospitale, fiebat : at intimuro taroen utriusque Ecclesiae nexum ista verba déclarant Neque negabo auctoritatero in antecedentibus, haud ipsam indicare originem. Fred. Mûnter, Primordia Eccl. AfricanaCy p. tO, ti.

Rev. Histor. XI. FASc. 16

232 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.

M. le marquis de Galard publie par souscription une Monogra- phie du chéUeau de Wideville, accompagnée de 12 eaux-fortes.

Allemagne. M. von Weber, directeur de VArchiv fur Sxchsische Geschichte, est mort dernièrement. 11 avait publié de nombreux docu- ments dans le recueil qu'il dirigeait, et plusieurs ouvrages historiques, entre autres Vier Jahrhunderte deutscher Geschichte,

Le 13 juillet 1878, est mort H. Blochmann, à Dresde en 1838. Il alla étudier les langues orientales à Leipzig, Paris et Londres. En 1858, il s'engagea dans l'armée anglaise de l'Inde, et deux ans après, à la mort du recteur de l'Université de Calcutta, il y enseigna Tarabe et le persan. Le déchiffrement des anciennes inscriptions des temples de l'Inde, sa collection de monnaies indiennes et ses études sur plu- sieurs points importants de l'histoire du pays lui ont assuré une place distinguée dans l'Hindoustan, devenu sa seconde patrie. Parmi ses ouvrages historiques, citons : Contributions to the geography and history ofBengal (1203-1538), 1873, The Hindu R(yas and the Mughal govern- ment, The death ofJahangir and the accession of Shahjahan,

Le 8 juin est mort à Lubeck le prof. Mantels, connu comme his- torien et comme fondateur de la Société de l'histoire hanséatique.

Le l»' juillet 1879 est mort à Bromberg le numismate Jul. Kos- 8AR8RI à Tàge de 67 ans.

M. le prof. Klugkhohn et M. Rogkinqer, archiviste de l'état à Munich, ont été nommés membres ordinaires de la commission d'his- toire de l'académie des sciences de Bavière.

La Société des sciences de Leipzig a décerné cette année le prix Jablonowski à M. Alex. Brûgkner, privat-docent à Lemberg, pour une étude sur les établissements des Slaves dans la Vieille Marche, et a mis au concours pour 1881 le sujet suivant : les Régestes des rois polonais de 1295 à 1506.

L'Académie des sciences de Bavière (section historique) a mis au concours pour 1883 une Histoire de l'enseignement en Allemagne depuis les plus anciens temps jusqu'au milieu du xni's. (prix : 5000 m.). Pour le prix Zographos, elle a mis au concours les deux sujets suivants : Étudier les recueils d'extraits faits sous la direction de l'empereur Constantin Porphyrogénète. 2* Étude critique sur la chronographie do Theophanes, et recherches sur les sources et les continuations de cet ouvrage (terme, 31 déc. 1880. Valeur des prix : 1,500 m. pour le l*' sujet ; 2,000 pour le second).

La société des sciences de la Haute-Lusace a mis au concours le sujet suivant : Gœrlitz et la Vehme westphalienne au xv« s. (prix : 150 m.)

n a paru jusqu'ici 20 livraisons du Hand^Atlas fur die Geschichte des Mittelalters, p. p. Sprunner et Menkb (Gotha, Perthes). Les livrai-

CnROFCIQUB ET BIBLIOGRAPHIE. 238

sons 21-23, par lesquelles se terminera cet important ouvrage, paraî- tront dans le courant de la présente année.

VArchiv fur die Sxchsische Geschichte^ publié jusqu'ici sous la direc- tion de feu le D^^ von Wbber, cessera de paraître à partir de Pâques 1880. Il sera remplacé par une revue nouvelle intitulée : Neues Archiv fUr Sxchsische Geschichte und Alterthum, dans laquelle viendront se fondre les Mittheilungen d. Kœnigl. SxchsUchen Alterthumsvereins ; de cette dernière publication, il ne reste plus qu'un n* à paraître.

La partie des Studien zur altesten Geschichte der Rheinlande par Mehlis vient de paraître. (Leipzig, Duncker et Humblot.)

M. HuDEMANN vient de publier (Calvary, à Berlin) une deuxième édition, revue et augmentée, de sa Geschichte d. rtemischen Postwesens wxhrend d. Kaiser zeit; voy. sur la l'* édition la Rev. histor.^ VI, 455.

La partie du Codex diplomaticus AnhaltinuSy publié par M. 0. von HEmEMANN, vient de paraître ; elle comprend les années 1351-1380.

Les Mittelrheinische Regesten^ publiés par la direction des archives de rÉtat de Prusse, contiennent des pièces, rangées par ordre chrono- logique, pour Phistoire des districts de Cologne et de Trêves. Le vol. récemment publié par M. Gcerz fournit les régestes des années 1152- 1237.

Les vol. VII et VTII de l'ouvrage d'Onno Klopp, Der Fall des Hanses Stuart und die Succession des Hauses Hannover, viennent de paraître (Vienne, Braumûller; sur les 4 premiers, voy. Rev, hist,^ VI, 469).

MM. KoHN et Mehlis publient chez Gostenoble à léna des Mate-- rialen zur Vorgeschichte d. Menschen ïm OMtl. Europa. Le 2* vol. com- posé d'après les sources polonaises et russes a paru dans le courant de juin dernier.

Dissertations inaugurales de FUniversité de Berlin (1878) : Geppert. Beitraege zur Lehre v. d. Gerichts-Verfassung d. Lex Salica. Hoff- mann. De Taciti annalibus historiisque capita duo. Schneider. Quaes- tiones Ammianeae. E. Zellkr. Ueber den wissenschaftlichen Untcr- richt bei den Griechen.

Dissertations universitaires (1878) : Bonn. Heimbach. Quaeritur, quid et quantum Cassius Dio in historia conscribenda inde a l. 40 usquc ad l. 47 e Livio desumpserit. Schmitz. Die Geschichte der Lothringischen Pfalzgrafeu bis auf Konrad von Staufen. = Genève. Vallat. De Torigine de l'église évangélique des vallées vaudoises. =r KieL LuEBBBRT, Dîsscrtatio de gentis Claudiae commentariis do- mcsticis. (Fest-Schrift). Hoefpler. De nomothcsia Attica. ScHWARTZ. Ad Atheniensium rem militarem studia Thucydidea. Kbssler. Secundum quos auctores Livius res a Scipione maioro in Africa gestas narraverit. -~ Voobler. Quae ab a. u. c. 710 post mortem C. Julii Caesaris acta siut in senatu Romano. = Berlin.

pariait f»- cartzaziacci. E sie^ T-::QLLiis m 2i( pc^rrxii za:5 dépoeer. sst-îl Ikot^ fiiéiçaâs 5j~Zaies". M'fi.^ ^sijtxrr si 3g

2.

1 cse;aT9 aiac^Ciss i

n €St a crcicre ^'«c Afriq^^. ccciaae garvc:: l'^rTZ^, c'esc ia^s

ks floasKs prGijGiiss da petit pei^ ôes TïLes ^ ie» ca^za^ziss.

de saiig pQ^iqK oo !atî:i« farsii Les ""^TrS'r*^, jâ& Vyrirtaes Â

mûcide et ks i^-raîiPft ihres a:ix <wpâRC:D:c< les plrss

et des ûares arrceée» dT.gr<=-, ese la dr^crizie-ix 5

à se recmier. Ses prijerès fxpa^t rapàiâs. à oe ^'il 5 ÂTa^t la fin du seaxd sêcfe eik coffnTrt^*;a:i à =f:-Cdcr i la s:ir- Êiee de la s>dêté. Le mêiaik^e «iss races* la cc^^^jc rC la Tiràetè des croraiio» et des pratiques reiîg»s3es bd ^<r=]ectiifiit ie se cacher aiàéiDe&l. L'athéisme et la loag^e, «iecx £râ£^ «pi pesèrent aflkors sur ks cfarêtiecâ. rrraiect oûte à ec<e ec Afrique, sar^s que le {Koroir s'en ixîqaiêtât. Apolee sans dxLte l'cÙ; p^is ai à réff^Ae à oûe aocQsatiû& de majéâce, ^ des qT^estkc^ riz.usrècs neoseeai pas été e& jeu, et daiïs sa ncpoc^e il pccvait jLCw:::i^fr sca aocusateor de mèpTiser txxs Les diecx. sar^ ipe ce ^«ri tira: à ooiiâéqiKXLce derai^t le triboiial et attirât à sc-l aiT^ersiire iTioi:: ennui. Qy<yr conéGàe! Il sembkcrait p^Lrir-cs i^'A;^:ilr^ rsc uii chrétien traduit derant le proconsul : on Taorrise d«e i.';circ>=cxet maritfrat^ makâoes, plvrvHontm maleficioru . *v rksm- festissimarum. D a prononcé das £:<TQ;iIes bùiaiT\!s« s*e$t procorè on pc^ââon poor interroger s^ entraille?. Nocrrs le poisson, sTinbole sacré des fidèles. U a ^t ÙJbrlqu-er e^ a cccr sacré une étrange image de bois, on hidecx sqoeLctte^ di:-<r. on ne sait qnd démon bizarre. Il a fût Tenir on edEir; epJep- tique dans la secte on disait poisédè et Ta olî: :w<ciber

fè/tHk» âBle. ffvà wfxs! douU. A|Nriêe. Afoleç , p. 5^. Ei. Ut.-lr. et BHdàaJ.

L*<6L1SE D'AFRIQUE SOUS SBPTTME S^viEE. 245

devant lui*. Et d'un autre côté, Apulée paraît dépeindre en Emilianus ce qu'on appelait l'athéisme chrétien. « Pour cet Emi- lianus, c'est un jeu d'esprit que de tourner en dérision les choses saintes. Si j'en crois une bonne partie des habitants d'Œa qui le connaissent, à l'âge il est, il n'a encore prié aucun Dieu, il n'a mis le pied dans aucun temple. Passe-t-il devant quelque lieu saint, il croirait faire un crime de porter la main à ses lèvres en signe d'adoration*. Aux dieux des champs mêmes qui le nourris- sent et l'habillent, il n'offre jamais les prémices de ses moissons, de ses vignes, de ses troupeaux : dans sa ferme il n'y a pas une seule chapelle, pas une seule enceinte, un seul bosquet consacré. Et que parlé-je bosquet ou chapelle ? De ceux qui sont allés chez lui, nul ne se rappelle y avoir vu même sur les limites une seule pierre arrosée d'huile, un seul rameau couronné^. > Et le proconsul Claudius Maximus renvoyait dos à dos le prétendu magicien et le prétendu contempteur des dieux, ces deux moitiés de chrétien, selon l'opinion commune.

Nous n'entendons pas qu'Apulée ou Emilianus aient incliné l'un ou l'autre au christianisme. Apulée est philosophe et dévot à sa manière. Il a été revêtu d'un sacerdoce à Carthage^ C'est un sectateur fervent du polythéisme et un adorateur d'Isis. Il connaît les chrétiens et a laissé voir par quelques traits la haine fanatique que lui inspire la dépravation de ceux qui rejettent tous les dieux sous prétexte d'en introduire un seul ignoré des antiques tradi- tions*. Si son adversaire eût donné dans ces nouveautés sacri- lèges à ses yeux et eût pu être accusé d'être affilié à la secte, l'habile avocat n'eût pas fait scrupule de le charger sur ce point et d'en tirer parti pour sa cause. Nous n'avons pu cependant

1. s. Cyprien attestait les réTélations des enfants extatiques. Dans une de ses lettres il écrit : Praeter nocturnas enim visiones per dies quoque inipletar apad nos Spiritu sancto pueroram innocens aetas quae in ecstasi Tidet ocalis, et audit et loquitur ea quibus nos Dominus monere et instruere dignatur. EpUt, IX. Cf. Ed. Le Blant, Recherches sur Vaccusation de magie dirigée conire les premiers chrétiens. Extrait du XXXI« vol. des Mém, de la Soc, des Aniiq. de FrancCy p. 10 et suiv.

2. Cf. le commencement de VOctavitis.

3. Apulée, Apolog.j p. 401.

4. Apul., Florid.y III. Docuit argumente susoepti sacerdotii summum mihi honorem Carthaginis adesse.

5. Tum spretis atque calcatis divinis numinibus, in vicem certae religionis, menti ta sacrilega praesumptione Dei, quem praedicaret unicnm, confictis obser- Tationibus yacuis fallens omnes homines... Apul., Mé(amorph,y IX, t. I, p. 288.

246 B. Austf.

nous empêcher de noter en passant ces analogies. L'afEiaire d'Apulée nous apprend aussi que l'accusation de magie était alors de la dernière grayité et pouvait entraîner la peine capitale^

Frédéric Munter dans ses Primordia Ecclesiœ Afyncanœ écrit qu'au temps de Tertullien, et plus précisément au moment le docteur de Carthage publiait son Apologétique ^ c'est-à-dire à la limite extrême du second et du troisième siècle, les trois pro- vinces de TAfirique romaine comptaient plus de cent mille chré- tiens'. Les données sûres et précises font défaut pour établir ou vérifier cette évaluation. Elle n'est présentée et ne peut l'être que comme un à peu près, et à ce titre est facilement contestable. Elle nous parait cependant assez vraisemblable, quoique peut- être un peu grossie.

S'il fallait prendre à la lettre les textes de Tertullien, elle serait au contraire fort au-dessous du vrai, et on devrait parier non de cent mille, mais de plusieurs millions. On sait le fameux passage il marque que les chrétiens remplissent l'empire et que le monde romain deviendrait un désert s'ils se retiraient; dans un autre il dit que la multitude des chrétiens est bien plus nombreuse que les ennemis de Rome'. De TAfirique en particulier il écrit que les chrétiens dans chaque cité forment presque la majorité de la population^. Dans ce cas ils eussent été plus de deux cent mille dans la seule ville de Carthage. Dans la même lettre à Scapula, il oppose aux menaces du proconsul la multitude des chrétiens : « Que feras-tu, dit-il, de tant de milliers de chrétiens, hommes et femmes, de toute classe et de tout rang, qui se présen- teront devant toi ? Quels feux, quels glaives pourront suflBre à les immoler? Faudra-t-il décimer Carthage? Chacun découvrira parmi les victimes ses proches, ses amis, ses familiers*. >

S'il serait puéril d'accepter passivement l'arithmétique hyper- bolique de Tertullien, il serait absurde d'autre part de ne tenir nul compte de ces témoignages. Il faut croire certainement qu'au

1. Qui maritam toam, quem elcgeras, qneni at ipse objicielNit, efflictîm ama- bas, capitis aeeusavU, Apulée, Âpol,, p. 526.

2. Neque facile a Tero aberrabimas si cbristianomm in A£ricaiiis provinciis nomemm ante Agrippinom oltra centom millia crcTisse sUtoamos. Op. cit., c 5, p. 24.

3. Nane enim paociores bostes babeUs prae maltiliidiiie ebriâUaiionim paene omniuin ciTitatam. Apolog., 37.

4. Partem paene roajorem dTitatis cojusque. Ad. Seap^,, 2.

5. Ad Scapul,, cap. nlU

l'MgLISB D'AFRIQUE SOUS SBPTIMB SlîviRB. 247

moment TertuUien tenait la plume et écrivait les passages cités plus haut, la foi chrétienne comptait en Afrique un nombre très considérable d'adeptes et de clients dans toutes les classes de la société, les uns chrétiens achevés, les autres chrétiens en tra- vail; qu'ils étaient plus denses dans les centres populeux de la province proconsulaire que dans la Numidie et dans la Mauri- tanie, dans les villes que dans les campagnes; qu'à Carthage ils se comptaient par milliers. Étaient-ils dix mille, vingt mille ou trente mille à Carthage? Nul ne le sait, et l'hypothèse est libre. On rapporte que l'évêque Agrippinus réunit en Numidie un synode se trouvaient soixante-dix évêques. On dispute sur l'époque se tint cette assemblée. MorceUi la place en 198, Miinter, avec plus de raison ce semble, vers 215. Une réunion de soixante-dix évêques, au moment même la persécution com- mençait à sévir, n'est guère vraisemblable. L'autorité Taurait- elle soufferte? c'eût été pousser loin la complaisance. L'aurait- elle ignorée ? c'eût été pousser loin l'aveuglement. Le fait est déjà surprenant dans un temps la persécution violente avait cessé. Admettons-le cependant. Qu'est-ce que ce chiffre de soixante-dix évêques ? Est-il donné comme un nombre rond ? A-t-il une valeur mystique ? S'il doit être pris littéralement, il faudra reconnaître que la Numidie seule, vers 215, comptait soixante-dix églises constituées et organisées avec diacres, prêtres et évêques. On en doutera peut-être, si l'on veut réfléchir qu'au concile de Carthage, tenu en 256 par Cyprien, on ne trouve pour la Numidie que trente-deux sièges épiscopaux, et quatre-vingt-dix pour l'en- semble des trois provinces d'Afrique. D'un autre côté, on se gar- dera sans doute de rien inférer de ce nombre de soixante-dix évêques, si l'on veut considérer que dans les conciles postérieurs tous les assistants ne sont pas évêques, et que primitivement et à l'origine de l'organisation hiérarchique, laquelle ne se fit pas tout d'un coup et par décret, mais fut l'œuvre du temps et des besoins nouveaux qu'il amena et auxquels on satisfit successive- ment, — lorsque l'évêque fut nettement distingué du prêtre avec lequel il se confondait d'abord et obtint, au lieu de cette primauté d'honneur que son âge, ses services, l'ancienneté de sa foi, son expérience et son zèle lui méritaient, un droit effectif de gouver- nement et de juridiction, c'est-à-dire devint un chef élu, reconnu et respecté comme Varchxereus de la communauté civile de l'Asie, de la Bithynie ou du Pont, il y eut une période de transi-

248 B. ADBé.

tion d'une durée indéterminée et variable le nombre des évêques fut très considérable, correspondit à chaque groupe de fidèles, et qu'il y en eut probablement plusieurs à la fois dans quelques villes importantes. Au temps de saint Augustin, on comptait environ quatre cent quarante-six sièges épiscopaux en Afrique, dont beaucoup, comme on l'imagine aisément, avaient de fort étroites circonscriptions*.

Or, ce qui tendrait à prouver qu'à la limite du second et du troisième siècle l'organisation de l'épiscopat était fort récente, c'est l'ignorance absolue l'on est des noms des évêques d'AJfrique pendant les deux premiers siècles. Le premier que l'on connaisse est cet Opta tus dont il est fait mention avec une nuance de dédain dans les Actes des saintes Perpétue et Félicité , et qui fut sans doute évêque de Carthage dans les dernières années du second siècle ; évêque d'autorité contestée, semble-t-il, car dans cette même pièce on nous le montre disputant avec un prêtre du nom d'Aspasius et peu capable de mettre l'union parpai les fidèles dont il avait la garde. En fait, avant Cyprien on ne connaît que quelques noms d'évêques ou de prêtres de l'Afinque romaine.

Quoi qu'il en soit de son origine, et bien qu'il comptât proba- blement moins d'un siècle d'existence, le christianisme dès l'avè- nement de Sévère était très florissant dans les provinces d'Afrique. Il était muni de tous les organes qui constituent une société organisée. Il avait ses magistrats, diacres, prêtres et évêques ; son budget largement alimenté par des dons volontaires et des cotisations mensuelles ; ses lieux de réunion plus ou moins fixes, et ses lieux de sépulture pour les frères défunts ; ses apôtres et ses initiateurs dans chacun des fidèles ; ses docteurs et ses polé- mistes dans la personne des Minucius Félix, des TertuUien et des autres lettrés convertis ; il avait ce qui n'est pas moins néces- saire peut-être à une doctrine, et ce qui marque sa vitalité, des opposants et des dissidents. Les débats, on peut le croire, étaient vifs sous cet ardent climat. C'est une plume chrétienne qui écrit des fidèles d'Afrique de ce temps, qu'ils avaient toujours l'air de sortir du cirque, tant ils semblaient animés et échaufies les uns contre les autres*. Les sectes diverses qui en Orient avaient çà et

1. Bingham, Origines eccl.^ III, p. 416.

2. Pasi. SS. Perpeluae, FelicUatis et socior. 13. Rainart, Act. sine, et selecta.

l'iîglisb d'afriqub sous septimb sévÈRE. 249

poussé autour de l'église et dans son sein s'étaient répandues dans l'Occident. En écrivant contre Praxéas, Marcion, Hernoio- gène, les Valentiniens et les autres Gnostiques, Tertullien assu- rément ne prétendait pas faire de l'histoire ou de la polémique en l'air. Il visait des opinions qui troublaient l'église de Carthageet combattait un péril présent. Lui-même, bien qu'il travaillât d'or- dinaire pour la grande église et se portât le zélé défenseur de la tradition, inclinait à ce parti des austères, des détachés du monde et des illuminés qui, depuis trente ou quarante ans en Phrygie, s'était étendu partout et avait gagné les âmes les plus sincères et les plus pures.

Lentement donc, mais sûrement, grâce à une prédication familière et domestique dont chaque fidèle était l'agent incons- cient, grâce aussi à la liberté religieuse et à la tolérance com- mune en fait d'idées et de croyances, l'église se fonda, grandit et se constitua dans l'Afrique romaine. Le dédain suprême et som- maire en haut, en bas des haines plus vives s'exhalant en insultes et, à l'occasion, en voies de fait, saluèrent sans doute son apparition et suivirent ses progrès. Cependant l'autorité n'intervint pas pour y mettre obstacle au nom des lois. Lorsque l'infernale fan- taisie de Néron fit à Rome une hécatombe de chrétiens en 64, il n'y avait probablement pas un seul fidèle en Afrique qui pût craindre d'en subir le contre-coup. Et de même, lorsque le glaive de Domitien s'abattit dans la même ville de Rome sur quelques têtes suspectes de superstitions judaïques, la matière manquait encore en Afrique à qui eût songé à imiter le maître dans ses violences et ses proscriptions. Quand Tertullien écrit que ni Hadrien, ni Antonin le Pieux, ni Verus (évidemment Marc Aurèle) ne publièrent d'édit contre les chrétiens, qu'aucun prince, à l'exception de Néron et de Domitien, jusqu'à celui qui règne aujourd'hui (évidemment Septime Sévère), n'a persécuté l'église, ce témoignage peut être reçu avec pleine assurance pour ce qui regarde l'Afrique. Il n'y a pas, du moins que nous sachions, un seul document ni un seul fait considérable qui l'infirme.

Cependant, dès avant Sévère, la renommée avait faire con- naître en Afrique que les chrétiens étaient au ban de l'opinion et théoriquement hors la loi, qu'en Bithynie jadis un légat impérial en avait fait exécuter plusieurs, que Trajan avait déclaré illégale la secte chrétienne, que sous Antonin un groupe de fidèles et le chef de l'église d'Asie avaient été suppliciés à Sm3nme, que sous

250 B. AUBli.

Marc Âurèle les chrétiens avaient été maintes fois maltraités ou judiciairement condamnés, soit par la foule qu'on laissait faire, soit par les autorités locales, soit, comme à Lyon, par les ordres du représentant du pouvoir central. On ajoutait peutrêtre, il est vrai, que la loi au sujet de la répression des chrétiens était ambiguë, hésitante et comme peu sûre d'elle-même; que le pouvoir, tout en condamnant les chrétiens, ne souhaitait pas qu'on les recherchât, inclinait aux voies de douceur, et penchait à les couvrir et à les défendre contre les entreprises et les violences populaires.

Le sentiment public dans toutes les classes de la société païenne était évidemment plus hostile en général aux chrétiens que l'autorité. Il semble que ce soit un paradoxe de parler ici de la mansuétude de la loi romaine, si cruelle et si inhumaine, et qu'on représente toujours acharnée contre les fidèles. Cependant les Antonins depuis un siècle paraissaient travailler à désarmer la loi qui les condamnait. Trajan, qui le premier avait fixé la jurisprudence en cette matière, n'avait-t-il pas interdit de rece- voir les dénonciations anonymes et défendu les poursuites d'oflSce ? Hadrien, Antonin, Marc Aurèle n'étaient-ils pas intervenus également ? On ne sait précisément en quels termes, caries pièces qu'on leur attribue ne paraissent guère authentiques, mais dans un esprit d'équité et de douceur, on a toute raison de le supposer; c'est-à-dire pour défendre à ceux qui avaient le droit du glaive d'obtempérer aux clameurs et aux sommations tumultuaires des foules, pour leur recommander de respecter les formes légales, d'attendre les accusations et de ne pas les accueillir au hasard ni de toutes mains. L'humanité et le souci de la paix publique, en face d'un mal, que dès le temps de Trajan on ne pouvait vaincre par la force vive sans verser des fleuves de sang , décréter et exécuter une sorte de dépopulation de l'empire, avaient produit ces compromis, amené diverses interventions du pouvoir il semblait que la parole du prince contredît la loi écrite et la réduisît à une lettre morte, défendît l'excès de zèle, recommandât le tact, la prudence et au besoin l'art de savoir fermer les yeux.

Les chrétiens croissaient cependant. Les quelques condamna- tions prononcées çà et contre eux les servaient grandement, réveillaient le zèle, maintenaient l'union dans la secte, enflam- maient la foi. Ils se glissaient partout. L'Afrique était assez voisine de Rome pour qu'on sût à Carthage et autour de Carthage, dans l'église et hors de l'église, qu'auprès du fils de

l'MgLISB d'aFRIQUB sous SEPTIMB SJTiRB. 254

Marc Aurèle la chrétienne Marcia était toute puissante; que dans la domesticité du prince, parmi les Césariens, devant lesquels se courbaient chevaliers et sénateurs, il y avait nombre de chré- tiens; que l'un d'eux, plus dévoué sans doute au chef de sa secte qu'au chef de l'Etat, avait été envoyé avec une lettre impériale arrachée par Marcia à Commode, pour délivrer les chrétiens condamnés aux mines de Sardaigne. Ces vents d'humanité ou de faveur qui soufflaient à la cour devaient causer quelque embarras aux magistrats éloignés de Rome et (aire singulièrement vaciller leur justice. La profession chrétienne était-elle un crime? La loi et la tradition disaient oui, mais la conduite et les rescrits du prince disaient non. L'opinion populaire paraissait d'accord avec la loi: cependant les chrétiens allaient partout tête levée : on en trouvait dans les antichambres de la demeure impériale. Us avaient assez de crédit pour faire annuler les arrêts des préfets de Rome. Les pro- consuls et les présidents les plus conservateurs et les plus fermes, craignant d'être désavoués, blâmés, ou seulement de déplaire, hésitaient, frappaient mollement, ou se dérobaient et prenaient des biais quand ils étaient mis en demeure d'agir.

D'autre part cependant, au sein des masses païennes, parmi les dévots de la Dea Cœlestis, les esprits étaient fort échauffés. Au zèle chrétien répondait le fanatisme des superstitions locales. Les passions des plus nombreux poussaient aux violences contre une minorité chaque jour croissante de réfractaires et de transfuges obstinés. On accusait la mollesse et l'apathie du gouvernement qui n'osait user de ses armes contre des factieux qui assiégeaient la ville et les campagnes ^ On nous raconte que Pertinax, pen- dant son proconsulat d'Afrique (188-189), eut à subir plus d'une émeute religieuse. Les prêtresses de la déesse Céleste par leurs prédications enflammées remuaient aisément ces âmes ardentes, dociles à leurs excitations, et les précipitaient dans tous les excès'. Dans quels excès et de quelle nature? on l'ignore. On ne sait quel était l'objet de ces vaticinations qui troublaient les esprits au point de compromettre la paix publique. La politique sans doute n'avait rien à y voir. On peut supposer que les cons- ciences populaires, comme ailleurs et plus vivement qu'ailleurs,

1. Obsessam Yociferantiir eiviutem; io agris, io castellis, in insalis Christii- nos. Àpolog,, 1.

2. In quo proconsulalu (Africae) nmltas aeditiones perpeaaos dicitnr, Taticioa- tionibas earum quae de templo CaeiesUa emergnnt. Jul. Capitol. Ptrtlmax^ 4*

252 B. AUBé.

étaient émues des brèches que la secte chrétienne faisait chaque jour dans la religion du pays, sans que l'autorité intervînt effica- cement pour la protéger.

De des mécontentements, des murmures, des soulèvements, des cris de mort poussés contre les chrétiens dans les grandes réunions populaires, des sommations violentes et tumultueuses adressées aux agents de Tautorité. De des actes de violence foraine, des coups de main, des scènes de banditisme, des attaques et assauts de maisons chrétiennes avec des pierres et des torches, les assemblées des chrétiens bloquées ou dispersées par la foule ameutée, leurs cimetières violés, profanés, les cadavres indigne- ment tirés des sépultures et mis en pièces, les derniers outrages infligés aux fidèles ou aux morts qu'ils honoraient. Dans ces violences populacières exercées contre les chrétiens, les juifs se liguaient avec les païens*. On connaît la caricature du crucifié à tête d'âne dessinée sur les murailles d'une salle basse du Palatin. On la renouvela à Carthage vers la fin du second siècle. Un méchant juif apostat, valet d'amphithéâtre, s'avisa de promener par les rues en guise de parodie, au milieu des rires et des huées de la foule, une grande enluminure burlesque qui représentait un personnage vêtu de la toge, un livre à la main, avec des oreilles d'âne et un pied fourchu, et au-dessous cette légende :

C'est le Dieu des chrétiens, il couche avec les ânes 2.

Remarquons la toge : elle manquait au graffito du Palatin. La caricature du juif carthaginois touche à la fois Rome et les chrétiens. L'auteur ne semble-t-il pas dire que le Dieu des chré- tiens est devenu romain par la tolérance du pouvoir, qu'il en porte l'habit, qu'il se donne des airs de citoyen ? Quelle dérision ! Quel renversement du sens commun et des vieilles traditions !

1. Toi hosles quot extranei, et quidem proprià ex aemulatione Judaei, ex con- cussione milites, ex natura ipsi domestici nostri. Quotidie obsidemur, quotidie prodimur; in ipsis plarimum coetibus et congregationibus nostris opprimimur. Apotogetic. VII. Cf. Ad Nation., I, 7. De die redundamas; quod piures, hoc pluribus odiosi. Magis increscit odium incresceate materia.

2. Tertall.y Ad. Nai., I, 14 : nec adeo nuper quidam perditissimas in ista cÎYitate, etiam suae reUgionis desertor, solo detrimento catis Jndaeus, utique magis post besliarum morsus, ut ad quas se locando quotidie toto jam cor- pore decutiendus incedit, picturam in nos proposuit sub ista proscriptione Ono^ coeies. Is erat auribus canterioram et in toga, cum libro, altero pede ungulato. Cf. Apologet, 16.

L*^6LISB D'AFRIQUE SOUS SBPTIIIB 8<yiR£. 253

A défaut de la voie publique ils n'étaient pas si libres, et des répliques figurées qu'il eût été imprudent d'essayer, si faciles qu'elles fussent, les hommes d'esprit de la secte nouvelle avaient la langue et la plume. On peut croire qu'ils en usaient. On exhi- bait comme leur Dieu un monstre à tête d'àne ; ils répondaient qu*ils ne connaissaient pas ce personnage, et que si quelqu'un l'adorait, ils en riaient les premiers, comme ils se permettaient de rire de tant d'autres dieux informes ou difformes, aux têtes de chien, de bouc, d'épervier, de chacal, d'oiseau, aux jambes velues et aux pieds de corne, communément adorés; que ceux qui leur prêtaient un âne avaient dans leurs sanctuaires toute une ménagerie; que ce n'était pas le Dieu des chrétiens, mais la déesse Epona qui couchait à l'écurie, dans le parfum du fumier et des bêtes de somme.

Il n'y avait qu'un échange de plaisanteries, de finesse et de justesse contestables, inoffensives en somme. Les railleurs n'ont jamais troublé la foi des vrais croyants : ils ne mordent que sur les esprits que le doute a déjà entamés. Plus meurtrières étaient les rumeurs usées ailleurs, mais qui couraient alors l'Afrique, sur les initiations nocturnes des chrétiens, leurs infanticides, leurs communions sanglantes, et les scènes de promiscuité qui suivaient ces rites de conjurés. Sur cette terre fleurissaient les arts magiques, au milieu de ces imaginations ardentes, crédules, de curiosité et de mœurs dépravées, ces bruits odieux étaient avide- ment écoutés et reçus. Peu, dit Tertullien, savaient se défendre d y croire. Les négations indignées et les mordantes ripostes du polémiste chrétien ne pénétraient pas dans les masses illettrées. On imagine quelles sombres fureurs ces récits allumaient contre les incestueux, les mangeurs d'enfants, cette troisième espèce d'hommes* qui, par ses allures, ses mystérieuses croyances et ses infâmes pratiques, se mettaient en dehors, non seulement des gentils et des juifs, mais de l'humanité. Cela ne criait-il pas ven- geance? N'était-ce pas pour la punition de ces ignominies que les dieux irrités frappaient si souvent la terre ? Et si l'on disait que les dieux étaient bien aveugles alors et bien injustes de ne pas distinguer, de punir les innocents pour les fautes de quelques hommes perdus, plusieurs répondaient que les adorateurs des dieux, en laissant vivre les chrétiens au lieu de les exterminer

t. Plane terlium geous dicimur. Àd, NaU, l, S, cf. 1, 20.

254 B. AUBJ.

jusqu'au dernier, en se montrant si peu zélés à défendre les dieux contre ceux qui les blasphémaient, se faisaient leurs complices, et méritaient les colères du ciel ^

Ceci visait l'autorité. En Afrique l'opinion populaire accusait sa tiédeur et presque sa connivence. Les grands mots cependant résonnaient, ceux qui font le plus aisément dresser l'oreille aux agents du pouvoir et réveillent d'ordinaire les plus endormis. On disait communément en Afrique ce qui se disait ailleurs cinquante ans auparavant, que les chrétiens étaient des contempteurs des lois, des hommes dangereux, des ennemis de l'Etat et de la société.

Ces rumeurs, ces accusations usées partout, et produisant alors dans l'Afrique romaine une sorte d'agitation émeutière, laissaient, ce semble, le proconsul Pertinax froid et maître de lui- même. Il avait vieilli dans les grands commandements. Il avait fait tête à des soulèvements plus sérieux. D'un autre côté, il avait vu d'assez près en divers pays les hommes et les choses de son temps pour savoir à quoi s'en tenir sur les chrétiens. Bien des fois il avait entendu parler déjà de ces prétendus ennemis publics. Il était assurément de ceux qui souriaient de ces sottes et ridicules histoires qui, après avoir fait le tour de l'empire, venaient échouer en Afrique et défrayer les conversations de la plèbe fanatique. On peut croire qu'il trouva sage de ne pas s'engager dans la querelle des dieux et de s'abstenir d'empiéter sur leurs droits, digne de son rang de ne pas déférer aux préjugés et aux clameurs de la foule, humain et politique de ne pas tirer l'épée contre une secte qui, quoi que valussent au fond ses croyances et ses pratiques, et quoi que le vulgaire en pensât, était en somme paisible et docile aux lois et qu'il savait peut-être fortement et eflScacement pro- tégée auprès de Commode.

On croira aisément que cette politique de neutralité et de sourde oreille en face des injonctions populaires fut aussi celle de Didius Julianus, qui succéda immédiatement à Pertinax en qualité de proconsul d'Afrique, 189-190. L'achat de l'empire romain aux enchères a déshonoré la mémoire de Didius Julianus. Au rapport de Spartien, c'était un honnête homme et qui avait bien porté un nom illustre. Il était plein d'humanité et de douceur. Il

t. Propter contemptores etiam coltores suos laedant unas atqne alius

▼anissimus ait idcirco vobis qaoque irascuntor (dii) quoniam de nostra eradica- Uone neglegitis. Ad, Nation., I, 9.

L^fcLISB D'AFRIQUE SOUS SBPTIME S^vIeB. 255

dut apprendre en Afirique l'amnistie accordée aux chrétiens con- damnés aux mines de Sardaigne, et n*était pas homme à aller contre les vues du prince. On rapporte qu'en 193, lorsqu'il sut que Septime Sévère marchait sur Rome à la tête de son armée, dans le désarroi de ses espérances, il eut recours à des rites étrangers et à des opérations magiques. C'est dire assez que sa foi dans la vertu des cérémonies officielles n'était pas très ferme. Les procès faits aux chrétiens en Afirique commencent cepen- dant à ce moment, sous les deux proconsuls qui succèdent à Didius Julianus, dès avant la mort de Commode, Cincius Severus et Vespronius Candidus (190-192). Tertullien raconte que Cin- cius Severus, à Thysdrus, fournit lui-même à des chrétiens le moyen de répondre de façon à être renvoyés absous, et que Vespronuis Candidus fit mettre en liberté un chrétien, sous pré- texte que l'ordre public aurait plus de risque à courir de sa con- damnation ^ C'est dire précisément que ni l'un ni l'autre des deux proconsuls n'avait pris l'initiative des poursuites, et que tous deux au contraire étaient également embarrassés de l'accu- sation. Ils ne pouvaient la repousser directement et y opposer une fin de non-recevoir préalable. C'eût été trahir leurs devoirs et refuser de rendre la justice. Evidemment l'accusateur n'était pas un de leurs agents, mais quelque citoyen de Thysdrus ou de Carthage qu'il fallait écouter. Cincius Severus n'aimait guère Commode*, mais il n'estimait pas prudent de condamner ceux que le prince graciait solennellement : il trouva l'art d'interroger les prévenus, de leur insinuer des réponses qui eussent l'air d'une satisfaction suffisante, et prononça qu'il n'y avait pas lieu de condamner. De même Vespronius Candidus, après avoir entendu l'accusateur, refusa de sévir, sous prétexte que, dans l'espèce, la condamnation serait pire que le mal et plus fâcheuse pour la paix de la cité; ou que les chrétiens n'étant après tout que des brouil- lons et des esprits remuants, ils n'avaient qu'à faire amende honorable et à s'entendre avec leurs concitoyens, sans que la loi intervînt dans ces débats'. Vespronius Candidus était dur et

1. Tertull., Àd ScapuL, IV. Cincius Serenis qui Thjsdri ipM dédit reme- diom, quo modo responderent christiani, ut diniilU posaent.

2. Cincius Severus dixit : injuste sepultus est. Lamprid., Commod., 20.

3. Vespronius Candidus qui duisUanum quasi tumultoosum ciribus sois saUsfacere dimisit. Àd Seapul,, IV. Rigault, dans soo édition, écrit sur ce pas- sage : Vespronius iUe Candidus cires saos christianom qoeoidaiii ad mortem

256 B. Ami.

cruel*. S'il ne voulut pas punir les chrétiens déférés à son tribunal, ce fut vraisemblablement moins par scrupule d'humanité que par crainte de blesser la toute puissante favorite de Commode, Marcia leur protectrice.

Sous les proconsuls qui suivirent, jusqu'à Saturninus, qui le premier, dit TertuUien, usa de l'épée contre l'église en AMque*, la situation des chrétiens fut tolérable. Ils étaient mêlés aux païens dans les villes et dans les campagnes pour toutes les rela- tions de la vie commune. « Avec vous nous cultivons la terre, dit l'orateur africain, avec vous nous naviguons, nous portons les armes, nous faisons le commerce^. » La guerre civile, qui sévit depuis la seconde moitié de l'an 193 jusqu'au commencement de 197, absorbait toutes les préoccupations. Les grands fonction- naires, qui attendaient la fortune et suivaient non sans anxiété la lutte pour l'empire engagée en Syrie et plus tard en Gaule, n'avaient guère le loisir de s'inquiéter d'obscurs sectaires mal notés et généralement suspects, il est vrai, mais paisibles en somme, et qui savaient ne pas se compromettre dans les brûlantes aventures de la politique. La population honnête était indiffé- rente à leur égard, quoique dédaigneuse. La foule inculte criait de temps en temps contre eux, sans trop savoir pourquoi, les huait et les maltraitait à l'occasion. Les chefs de maison, les riches propriétaires, quand ils découvraient à leur foyer des faits de propagande clandestine exercée par leurs esclaves et s' adres- sant à leur femme ou à leurs enfants, usaient et abusaient de leurs droits pour les punir cruellement, les enchaînaient et les torturaient dans leurs ergastules, ou s'il s'agissait de jeunes filles esclaves, les faisaient vendre au leno. Cela ne tirait pas à consé- quence. L'autorité laissait faire; les chrétiens ne se plaignaient pas, n'invoquaient pas la protection des lois, courbaient le dos sous l'orage, ou se dérobaient dans l'obscurité.

deposcentes admonuit se quidem libenter eoram toUs satisfactarum sed rem civitaU tumuUuosam providere. C'est un sens ingénieux. Le sens généralement adopté est différent : Considérant qu'un chrétien qui lui était déféré n'était rien qu'un écervelé et un brouillon, il le renvoya s'entendre avec ses concitoyens. Ainsi Gallion, à l'âge apostolique, avait décidé au sujet de saint Paul.

1. Inter caeteros Icgatns est Vespronius Candidus vêtus consularis olim mili- tibus invisus ob durum et sordidum imperium. Spartien, JtUiantis.

2. Vigellius Saturninus qui primus hic gladium in nos egit. Àd, Scap., 3.

3. Navigamus et nos vobiscum et militamus et rusticamur et mercatus proinde miscemus, artes, opéra nostra publicamus usui vestro. Apol., 42.

l'église d'Afrique sous septimb s^yèee. 257

Après la paix conquise par l'épée et les impitoyables repré- sailles exercées par Sévère vainqueur contre les complices avoués ou secrets de ses compétiteurs abattus, la condition des chrétiens changea-t-elle ? En fait et légalement, non, dans la plus grande partie de l'empire. En Italie, en Gaule et dans les provinces asiatiques, à part deux ou trois faits à demi obscurs, on ne peut, croyons-nous, trouver aucune trace sérieuse de per- sécution.

En Afrique cependant, comme en Egypte, il y eut des procès faits aux chrétiens, des condamnations capitales prononcées et exécutées. Mais on ne sait pas bien, et il est malaisé de déter- miner exactement quelle fut au juste dans ces affaires la conduite des représentants du pouvoir central. Assurément la persécution ne fut pas continue en Afrique, sous le règne de Sévère; la poli- tique des proconsuls ne fut pas uniforme ; et on ne saurait dire jusqu'à quel point ils prirent l'initiative des poursuites.

Plusieurs traités de Tertullien, composés en Afrique depuis l'an 197 ou 198 jusqu'à la première ou seconde année du règne de Caracalla, attestent évidemment la persécution et ne s'expli- quent que par elle. On y sent le feu de la bataille qui les a inspi- rés. Dans aucun de ces traités pourtant, depuis la courte Lettre auœ Martyrs jusqu'à VÈpître à Scapula, qui forment les deux limites extrêmes des écrits apologétiques et polémiques se rappor- tant à la lutte que nous étudions, on ne trouve un seul témoignage qui incrimine directement Sévère, et d'où l'on puisse inférer qu'aucun édit nouveau eût été promulgué par lui contre les chré- tiens. Dams ï Apologétique il n'y a pas un texte d'où l'on puisse induire que Sévère ait ordonné de poursuivre les chrétiens. Bien plus, dans la lettre à Scapula, écrite après la mort de Septime Sévère, Tertullien parle de cet empereur, non comme d'un persé- cuteur et d'un ennemi des chrétiens, mais conune d'un prince bien disposé à leur égard et qui les protégea personnellement contre les fureurs d'une multitude déchaînée. De même, dans l'écrit sur la Couronne du soldat, qu'avec Noesselt on peut placer vers 202, il est question de la bonne et douce paix dont jouit, non seulement l'empire, mais encore l'église. De même encore, dans le jeu d'esprit à la manière des sophistes qu'on appelle le 2)e Pallia et qui fut publié au plus tôt dans la seconde moitié de l'année 208, il est parlé de la paix féconde qui règne partout et de la

ReV. HiSTOR. XI. 2* FA8C. 17

258 B. iUBi^.

protection que Dieu accorde au triple pouvoir des Augustes*- Dans cette même lettre kScapula, Tertullien, faisant mention des gouverneurs romains qui avaient montré quelque bienveil- lance pour les chrétiens, cite Asper et Pudens, évidemment pré- décesseurs de Scapula dans le gouvernement de la province d'Afrique. Du premier, Caius Julius Asper, consul pour la seconde fois avec son ûls en 212, et proconsul d'Afrique avec son même fils pour questeur vers 205, Tertullien rapporte qu'il avait com- mencé à soumettre un chrétien à la question, et que le voyant faiblir dès le début, il ne le força pas à sacrifier, mais le renvoya aussitôt. Auparavant il avait exprimé aux avocats et à ses assesseurs son ennui d'être tombé sur une pareille affaire*. De Servilius Pudens, il dit que, parcourant l'acte d'accusation d'un chrétien qu'on avait amené à son tribunal, il feignit de com- prendre qu'il s'agissait du crime de concussion, et comme per- sonne ne se présentait pour soutenir l'accusation, il le renvoya après avoir déchiré le libelle, ajoutant qu'il ne pouvait, selon la loi, entendre l'homme en l'absence d'un accusateur 3. Dans les deux cas mentionnés, il paraît bien que les proconsuls ne poursui- vaient pas d'oflBce. Les expressions de Tertullien l'attestent: Julius Asper déplore d'être tombé sur une pareille cause ; c'est donc en premier lieu que ces causes étaient rares, en second lieu que celle-là s'imposait à sa juridiction sans qu'il l'eût ni cherchée ni provoquée. De Pudens, il est dit que le chrétien lui avait été amené avec un acte d'accusation. Ce fait prouve bien aussi l'absence d'initiative du magistrat en cette affaire. Et le fait d'in- troduire subrepticement un grief nouveau et non spécifié, de déchirer l'acte parce que nul ne se présente pour soutenir l'accu- sation, marque clairement le désir de se soustraire à une obliga- tion pénible et ingrate. L'allégation qu'il ne peut, selon la loi secundum mandatum entamer le débat sans accusateur, se rapporte si bien à l'édit de Trajan qu'il y a quelque raison, sur ce texte, de douter de la promulgation d'une loi nouvelle, à moins

1. De PcUlio, It.

2. ut Asper qui modice vexatam homioem et statim dejecluin, nec sacrificium compuUt facere, ante professus inter advocatos et adsessores dolere se incidisse ia hanc causam. Àd. ScapuL, 4.

3. Pudens etiam missum ad se christiaoum in elogio concussione ejos intel- lecta dimisit, scisso eodem elegio, sine accusatore negans se audilurum hoini- nem secundum mandatum. Ad. Scapul., 4.

l'église D'iFRiQUE SOUS SEPTIMB S^vàEE. 259

d'admettre qu'elle fut la répétition et comme le rappel de l'an- cienne loi de Trajan.

A n'en pas douter, tous les proconsuls d'Afrique n'éprouvaient pas à juger et à condamner les chrétiens la même répugnance que Julius Asper et Servilius Pudens. La plupart, serviteurs d'une opinion manifestement hostile, n'ayant d'autre religion que la crainte du maître et le respect des lois écrites, appliquaient en cette matière la loi avec impassibilité. D'autres mettaient à pour- suivre et à condamner les chrétiens un zèle que son impuissance même tournait en rage, et avaient recours contre eux aux plus effroyables supplices, dépassant, semble-t-il, en cela les limites posées parle législateur. TertuUien proteste auprès de Scapula, qui dans la répression ne gardait aucune mesure. « Les chrétiens, diWl, innocents adorateurs du Dieu vivant, sont brûlés vifs, supplice épargné aux sacrilèges, aux vrais ennemis publics et aux coupables de lèse-majesté*. » L'orateur africain rappelle que le gouverneur de Numidie et celui de la Mauritanie ne vont pas au delà du glaive, «comme il a été ordonné dès le principe*». Ces derniers mots, pour le dire en passant, se rapportent aussi à l'édit de Trajan, ou témoignent qu'une loi nouvelle, si elle avait été promulguée, ce que TertuUien ne marque ni n'insinue nulle part, n'était rien de plus que la réédition de cet édit.

Au reste, tout était surprenant dans ces procès criminels. Tandis que les accusés ordinaires se montraient humbles et sup- pliants, les chrétiens pour la plupart étaient devant le tribunal fiers, hautains, arrogants. Ils prétendaient faire la leçon à leurs juges, ils se targuaient du crime sur lequel ils étaient inter- rogés et le proclamaient à pleine voix. D'ordinaire on usait de la question pour arracher un aveu aux criminels. Ici on employait la torture pour faire nier aux chrétiens leur profession de foi. Les chrétiens étaient persuadés que la guerre qu'on leur faisait était faite à Dieu même 3. Ne doutant pas qu'après leur mort ils rece- vraient d'immédiates et délicieuses compensations, ils s'offraient au juge le front haut et Tàme pleine d'allégresse, bravaient leurs bourreaux, répondaient avec hauteur aux proconsuls. Les rôles

t. Pro Deo tîvo cremamur, quod nec sacrilegi, nec hostes public! veri, nec tôt majestatis rei pati soient. Ad. Scapul,, 4.

2. Sed gladio tenus, sicut et a primordio mandatum est animadTerli in hujas- modi. Ad. ScapuL, 4.

3. Non te terremuft, qui nec timemas, sed yelim, ot omnes mItos facere pos- simus monendo (ii^ Oeofia^tlv. Ad Scapul,^ 4.

260 B. ADBJ.

étaient changés : ceux-ci semblaient sur la sellette. Les chrétiens prenaient en pitié leur ignorance ou leur aveuglement, les mena- çaient de représailles prochaines. On écrivait que dès ici4>as Dieu les punirait en attendant l'inévitable et suprême jugements Les interrogatoires étaient de vrais duels dans lesquels les chré- tiens, préparés comme à une palestre nouvelle, ayant par avance £ait le sacrifice de leur vie, étaient presque toujours les plus forts. Comment vaincre des hommes qui se sont persuadés que le martyre leurvaudra un bonheur sans fin, qui considèrent les juges et les bourreaux comme des médecins qui font soufifrir pour assu- rer la vie et la santé, et la mort comme la suprême libératrice*? Bien qu'il eût le dernier mot en apparence, puisqu'il avait la force, le proconsul était vaincu par l'indomptable ténacité du chrétien maître de soi et triomphant jusqu'à son dernier souffle. Dans nulle autre cause criminelle on ne voyait le juge user de la sorte de prières et de menaces, conjurer les accusés d'avoir pitié d'eux-mêmes, témoigner plus souvent du désir de faire grâce et de renvoyer libres ces égarés, comme il pensait. Devant ceux qu'on appelle les martys Scillitains, le proconsul Saturninus se montre bienveillant. Il leur demande de réfléchir, il se contente- rait d'une ombre de soiunission. On dirait que ce tiède serviteur de la loi doute de la loi. Il est visiblement embarrassé de la fer- meté altière des accusés. Il semble chercher un biais pour se tirer d'un pas difficile. Il offre un délai. « Ne voulez-vous donc, dit-il, ni grâce, ni répit^? > C'est à la fin seulement, en face de refus répétés et d'une obstination que rien ne peut briser, qu'il pro- nonce la condamnation. D'autres magistrats, dans des cas analo- gues, étaient sans doute plus durs et moins traitables. Se voyant, eux, les Augustes et les dieux de l'empire, ouvertement outragés ou bravés, ils ne se contentaient pas de la mort simple, comme Saturninus, mais après la question impuissante, condamnaient les coupables endurcis à être brûlés vifs ou à périr dans l'amphi- théâtre sous la dent des bêtes féroces.

Dans ces causes criminelles la conduite des gouverneurs romains n'était donc pas uniforme. La sentence dépendait du caractère du juge, et aussi sans doute des incidents de l'audience

1. Ad Scapulj 2.

2. Tertull. Ad martyr., passim.

3. Salurainas proconsal dixit ; Nec liberationem nec remissioaem vultis? Acta proconsul, martyr, scyllit, Ruinart, Act. sine, et sélect.

l'<GLISE D'AFRIQUE SOUS SEPTIMB siviEE. 264

et de l'attitude des prévenus. On peut dire qu'en général les pro- consuls ne cherchaient guère ces affaires. Mais il est malaisé de fermer l'oreille aux cris de la foule. L'accusation partait en général de la multitude anonyme*, plus excitée qu'ailleurs en Afrique, et dont les passions s'échappaient en cris de mort, ou, pendant les exécutions, en cruelles railleries*. Aux prédictions menaçantes d'un chrétien qui fait appel au dernier jugement, on répond en criant : Les verges aux chrétiens II fallait aux ma- gistrats romains une rare énergie pour résister à ces courants d'opinion et à ces clameurs hostiles. N'était-ce point risquer leur popularité, se donner la réputation d'être indifférents au bon ordre et plus que tièdes pour le salut du prince et la grandeur de l'État?

D'un autre côté, on se tromperait grandement en imaginant chez tous les membres de la société chrétienne le même appétit de la mort. Un enthousiasme si farouche et qui rompt à tel point avec la nature ne peut être que le fait d'une infime minorité. Le plus grand nombre admirait peut-être moins qu'il ne blâmait ces excès de zèle indiscret et cette exaltation qu'il ne partageait point. « L'église, disait la majorité des chrétiens, avait besoin de la paix pour croître et s'affermir. Le Christ, qui est mort pour les hommes, n'exige point qu'on souffre et qu'on meure pour lui. Il ne se plait point à cette offrande de leur sang que lui font les âmes inquiètes et intempérantes^. > Partant de ces principes, la plu- part des chrétiens, non seulement ne s'offraient point aux persé- cuteurs, mais s'effaçaient, se dissimulaient ^. Les jours de solen- nité, ils ne croyaient pas faiblir, ni faire acte d'apostasie en attachant des rameaux verts, ou en allumant des lampes à la

1. Apolog.y c. IX. Ut valgus, tamen Romani, nec alli magis depostulatores christianoram quam vulgus. Àpolog., 35. Cf. ibid., 37.

2. Et statim in fine spectacali leopardo ejecto, de nno morea tanto perfnsos est sanguine at populus revertenti illi aecundi baptismaUs testimoniom recU- maverit : SaWum lotom, salvum lotum. Passio SS. Perpétuât et FelieUatit cum iociis eorum, i 21. ~ Rainart, Aei. sine, et seleet,

3. To nos, inqaiant, te aatem Deus jadicabit. Ad hoc popolos exasperatns flagellis eos vexari pro ordine venatonim postalaTit. Ibtd., ( 18.

4. Exinde sententiae super illo, nescio an christianoram, non enim aliae eth- nicorum, ut de abrupto et praecipiti et mori cupido qui de habitu interrogatns nomini negotium fecerit... Hussitant denique tam bonam et longam sibi pacem periclitari... Decoronaf 1. Cf. Scorpiaee, 1 et 2.

5. De corona, 1. i)e fuga in peneeutione, paiaim.

262 B. iDfié.

porte de leurs maisons ^ Beaucoup sans doute étaient mêlés à la foule dans les théâtres et les cirques. Nous ne parlons pas de ceux qui faiblissaient devant les supplices et, pour s'exempter de souffrir, juraient de bouche ce qu'on voulait, brûlaient de Ten- cens et mangeaient des chairs sacrifiées. Mais beaucoup, quand la persécution sévissait, se cachaient, fuyaient, donnaient de l'ar- gent aux agents subalternes et aux soldats chargés des arresta- tions *. Deux traités de Tertullien écrits entre 202 et 205, le Scor- piaque et le livre de la Fuite dans la persécution^ sont dirigés contre ces maximes et ces pratiques, et prouvent en même temps les violences auxquelles la société chrétienne était alors en butte et l'ardeur du plus grand nombre à s'y soustraire, soit par la fuite, soit par une rançon. Il semble même, à lire l'orateur afri- cain, que ce fait de donner de l'argent pour sauver sa vie et sa foi n'étaient pas des actes individuels, mais des actes collectifs, et que certaines églises, par l'intermédiaire de leurs chefs hiérar- chiques, négociaient le paiement d'une sorte de contribution amiable, tirée très probablement de la caisse conmiune ou de sommes exceptionneUement versées, pour s'assurer contre toute poursuite, se mettre à l'abri des arrestations et acheter la sûreté de fait. Sûreté toujours fort précaire, car elle reposaitsur la dou- teuse bonne foi d'agents qui trahissaient leurs devoirs profes- sionnels^; parfois danger nouveau et accru, car l'espérance du gain pouvait susciter d'autres dénonciateurs, et à défaut de ceux dont on avait acheté l'inaction, provoquer de nouvelles et plus âpres recherches. On ne pouvait en effet satisfaire toutes les avidités. Rutilius avait fui d'abord, puis il avait payé rançon. Il ne laissa pas d'être pris. Peut-être était-il à sec et ne pouvait-il plus payer, peut-être rougit-il de ce trafic ? Il fut déféré en jus- tice, tourmenté et brûlé vif ^ Quoi qu'il en soit, ce moyen depré-

1. Plares jam invenies ethnicorum fores sine lucernis et laareis qaam chris- tianoram. Tertull. De idololat, c. 15.

'L Miles me vel delator vel inimicus conculit, nihil Caesari exigeas, immo coatra faciens, cam christianum humanis legibus reum mercede dimittit. TerluU., De fug. 12.

3. Contra faciens Caesari, passage cité à la note précédente.

4. Rutilius suDctissimus martyr cum toliens fugisset persecuttonem de loco in locum, etiam periculum, ut putabat, nummis redemisset, post totam securitatem quam sibi prospexerat ex inopinato apprehensas et praesidi oblatas tormentis dissipalus... I>ehinc ignibus datus, passionem quam vitarat, misericordiae Dei retulit. Tertull. De fuga, 5.

l'église d'ifeique sous SEPTIME sé?ERB. 263

server sa foi se pratiquait. Ce marchandage même scandalisait singulièrement les austères et les fougueux de la secte. « Ce serait peu de chose, disaient-ils, qu'un ou deux fidèles se fussent rachetés de la sorte. Mais que collectivement les églises fissent de pareils marchés, cela ne se pouvait supporter. Faut-il rougir ou gémir, ajoutaient-ils, de voir des églises inscrites sur les carnets des soldats bénéficiaires et des agents de police parmi ceux qui leur payent secrètement pension pour exercer paisiblement leurs métiers inavouables ou leurs coquineries illicites* ! > On a quelque peine en effet à voir de semblables transactions, et on incline à croire que plus d'un, parmi ceux qui achetaient ainsi la liberté de leur foi, en eût fait bon marché s'il n'avait pas eu d'argent. Cette méthode aussi exposait étrangement ceux qui étaient trop pau- vres pour rien donner. C'est un sûr indice cependant que l'église avait monté des derniers rangs de la société jusqu'aux classes aisées et riches.

L'argent, qui servait à acheter une sécurité fragile, assurait aussi de précieux soulagements à ceux qui avaient été arrêtés et mis en prison en attendant leur jugement. Nous voyons par la Lettre aux Martyrs de TertuUien, que grâce à une tolérance certainement payée, les fidèles libres visitaient leurs frères prison- niers et leur apportaient des aliments*. Des diacres même s'entre- mettaient auprès des geôliers et à prix d'argent obtenaient pour leurs amis un régime plus tolérable ou de notables adoucissements à la rigueur commune '. Une question se pose ici. Pourquoi Vibia Perpétue et Félicité, la première, nous dit-on, jeune femme d'une Camille distinguée de Carthage, la seconde esclave, et quelques

1. Parum denique est, si anus aut alius ita eruilar. Massaliter totae Ecclesiae tributum sibi irrogareraot. Nescio dolenduin an erubescendum sit, euro in ma- tricibus beneficiarioruin et cariosorom inter tabernarios et ianeos, et fures bal- neanim et aleones et lenones chrisliani qaoque vectigales continentar. Hanc episcopalui formam apostoli providentius condidenint, ut regno suo securi frai possint, sub obtentu procurandi? Scilicet enim talem pacem Cbristus ad patrem regrediens mandavit a miiitibus per satnrnalia redimendam? TertuU. De fuga^ 13 in fin.

2. Inter carnis aUmenta... quae Tobis et domina mater Ecclesia de uberibus suis, et singuli fratres de opibus suis propriis in carcerem subministrant Tertull., Ad. Marty.f Init. Imo et quae justa sunt caro non amitUt per curam ecclesiae et agapem fratrum. Ibid., ch. 2. Cf. Àct. SS. Perpétuât et FelicUatis, 1 16.

3. Ibi tune Terlius et Pomponius benedicti diacones qui nobis roinistrabant, oonsUtuerunt pretio ut paucis boris émisai in meliorem locum carceris refrige- raremus. Act. SS. Perpet, et Felieit., 3.

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264 B. ADB^.

autres avec elles, soii1>elles incarcérées, entassées avec les voleurs et les assassins, tandis que Tertius et Pomponius, tous deux dia- cres de l'église, sont en liberté, viennent à la prison en visiteurs charitables, négocient librement avec les soldats ou les geôliers, sans qu'on les inquiète et qu'on les emprisonne avec les autres? Nulle autre réponse à cette question, si ce n'est qu'on ne prenait pas tous les chrétiens et que l'autorité n'agissait que contre ceux qu'une accusation expresse lui désignait. Vibia Perpétue avait peut-être été accusée par son mari, dont il n'est pas fait mention dans les Actes. Nul au contraire ne s'était porté l'accusateur des deux diacres Tertius et Pomponius et de tant d'autres que le pou- voir eût facilement trouvés à Carthage, s'il avait voulu prendre la peine de les chercher, qu'il n'avait pas même besoin de cher- cher puisqu'ils ne se cachaient pas. Cette même difficulté est infiniment plus embarrassante pour ce qui regarde TertuUien. C'était un chrétien nouveau, païen et récemment converti. Il avait compter naguère parmi les plus chauds adversaires et les plus amers railleurs des croyances chrétiennes*. Caractère tout d'une pièce, mal pliant, porté aux extrêmes en toutes choses, allant facilement au bout de ses idées, quand il se donna à la foi nouvelle, il s'y donna tout entier et sans réserve. Il ne fut pas un de ces chrétiens en l'air dont il se moque, chrétiens si l'on veut*, amis de tout le monde, ayant un pied dans l'église et un dans le siècle, complaisants et composant avec toutes les puissances. Il ne garda du vieil homme que ce fond de nature qu'on ne peut dépouiller, et porta dans le nouveau camp sa fougue intolérante, sa raideur native et son esprit agressif. Dès le lendemain de sa conversion, il se jeta dans la lutte avec sa rhétorique souvent bar- bare, parfois subtile et raffinée, toujours ardente et batailleuse, sonnant la charge, frappant d'une main les docteurs et les théori- ciens chrétiens de l'opportunisme, de l'autre s'escrimant contre le paganisme, ses pompes et ses œuvres, avec une vigueur et une audace extraordinaires. Dans la plupart de ses traités polémiques, !si l'on se place au point de vue de la société constituée et de l'ordre établi, il est incontestable que TertuUien est le pire des ennemis de l'Etat et le plus détestable des révolutionnaires ; il est certain qu'il prête le flanc à l'accusation de diviser les citoyens, de semer

1. Haec et nos risimas aliquando : de Testris fuimns. Apolog., 18.

2. lo ventum, et, si placaerit, christianos. Tert., Scorp., 1.

l'église D'AFRIQUE SOUS SEPTIME S^?ÈRB. 265

entre eux des germes de mépris et de haine irréconciliable, de nourrir les passions les plus subversives, d'outrager la religion de la majorité, de saper les bases mêmes de TÉtat. Nous n'avons pas besoin de recueillir ici les divers passages de ses écrits où, sans ménagement et sans mesure, il verse l'invective sur les mœurs, les coutumes et les pratiques régnantes. Le plus novice représentant du ministère public dans une cause semblable ne serait embarrassé que du choix. Sans parler de ses attaques passionnées contre la religion*, il prêche ouvertement aux chrétiens l'abstention des charges et des services publics et comme la sécession à l'intérieur. Il glorifie l'indiscipline militaire*. Ne va-t^il pas jusqu'à insinuer quelque part qu'avec quelques torches, en une seule nuit, les chré- tiens pourraient se venger de ceux qui les oppriment, s'il leur était permis de rendre le mal pour le mal '. Fallait-il beaucoup d'ima- gination pour voir ici une menace voilée, et le. souvenir du ter- rible incendie de l'an 64 que Néron avait imputé aux chrétiens, ne revenait^il pas à la mémoire en lisant ces mots?

Nous nous demandions plus haut pourquoi, tandis que des femmes faibles et inoffensives sont en prison et tout à l'heure dans l'arène, condamnées aux plus cruels supplices, deux diacres vont et viennent librement jusque dans leur prison, s'entremettent auprès des geôliers et des soldats. Ici la diflSculté est plus forte. La persécution frappe les chrétiens en Afrique d'une façon inter- mittente pendant presque toute la durée du règne de Sévère. Or Tertullien, le coryphée du christianisme militant, l'excitateur le plus passionné des fidèles, l'ennemi le plus irréconciliable du paga- nisme, non seulement vit librement en pleine lumière à Carthage, mais se porte ouvertement l'avocat des chrétiens, les encourage et les affermit dans leur résistance aux lois, attaque audacieuse- ment toutes les institutions de l'Etat. 11 ne se cache point. Au contraire, il a jeté bas la toge, le costume romain, pour prendre le pallium, c'est-à-dire l'habit sacerdotal des chrétiens, conmie pour mieux narguer le pouvoir. Ses écrits, les païens peuvent voir des pamphlets et des défis à l'autorité, tombent comme grêle pendant la persécution même : ce sont sa Lettre aux martyrs^ son traité des Spectacles, son livre de V Idolâtrie, ses deux

1. Voir particulièrement le traité de V Idolâtrie et le traité de$ Speetaeles,

2. Voir le traité de la Couronne du soldat.

3. Quando Tel ana nox paoculis faculis largiter uUionis poaset operari, si maluin malo dispnngi pênes nos Uoeret. Apdog., 37.

266 B. iUBé.

livres aux Nations^ son Apologétique, ses livres sur la Cou- ronne du soldat et sur la fuite dans la Persécution^ son Scorpiaque et son Épître à Scapula. Tous ces traités sont composés entre les années 197 et 211 ou 212. Encore une fois n'est-il pas étrange de voir dans le même temps des honmies obs- curs et sans nom recherchés, poursuivis, condamnés et exécutés pour cause de christianisme, et Tertullien, le porte-parole de la secte et le boute-feu des esprits, demeurer à Carthage libre et non inquiété ? Le pouvoir se fit-il scrupule de répondre à des argu- ments par la force, de briser brutalement une plume qui honorait la cité? Ou, comme il arrive, la police locale ramassait-elle plus volontiers ses victimes en bas qu'en haut, parmi la foule anonyme qui suit, que parmi les chefs qui la mènent et l'inspirent ? En fait, le cas de Tertullien épargné à Carthage prouve que la fortune fut, suivant le proverbe, plus clémente pour ceux qui avaient le plus d'audace ; et mieux encore, que le fougueux docteur de Car- thage, qui déconseillait la fuite aux autres et écrivait que c'était une joie de mourir pour sa foi, eut la sagesse de ne pas s'offrir aux juges, le bonheur ou le malheur de n'être accusé par personne. Ce fait prouve encore indirectement l'absence ou la mollesse des poursuites, et enfin que la persécution parmi les fidèles de Carthage ne frappa que les humbles et les petits.

Les noms des martyrs d'Afrique que nous connaissons au temps de Sévère confirment en général ces inductions.

On ne sait pas quels sont ces «martyrs désignés * auxquels Ter- tullien adressa son exhortation vers 197*. Ils étaient en prison, on ignore en quel nombre, hommes et femmes', visités et nourris par les frères libres ^ ; ce qui prouve à la fois le zèle charitable de l'église et la facilité des agents du pouvoir. Une absolue concorde ne régnait pas parmi ces prisonniers, car Tertullien leur recom- mande l'union ^, ni une égale insouciance de la vie terrestre et de

1. Les derniers mots de cet écrit : c Ad hoc qiiidem vel praesentia nobis tempora documenta sunt, quantae qualesque personae inopinatos nataiibus et dignitatibus et corporibus et aetatibus suis exitus referont bominis causa, aut ab ipso, si contra eum fecerint, aut ab adrersariis ejus, si pro eo steterint », assignent bien à cet ouvrage la date que nous marquons. I) y a en effet une manifeste allusion aux représailles exercées par Sévère contre les partisans de Pesccnnius et d'Albinus, dont le dernier avait été défait et tué au commencement de 197. Voir Noesselt, ch. 13, dans le vol. du Tertullien d'Œlher, p. 556-557.

1. Ad Martyros, IV.

3. Ad Martyr, y iniUo,

4. Non ergo dicat : (diabolus) in meosunt; tamptabo illos vilibus odiis, defec-

l'église o'afeique sons sbptimb s^vèee. 267

ses biens, car dans une suite d'antithèses, qu'on ose trouver froides, artificielles et sentant la rhétorique d'école, il leur prêche le détachement et s'efforce de leur rendre moins amer le pas dou- loureux qu'ils auront à franchir.

Prendre soin de ceux de ses membres appelés à rendre témoi- gnage de leur foi n'était pas seulement de la part de l'église un acte de charité. Son capital intérêt l'y engageait. Les confesseurs en effet étaient les champions de la foi commune. Il importait à la société chrétienne tout entière que ces témoins choisis, forcés ou volontaires, déférés devant les juges, ou s'y précipitant de leur plein gré, ne défaillissent pas dans les tourments, ne trahissent pas sa cause et ne fussent pas vaincus dans la lutte. Leurs vic- toires étaient les triomphes de l'église, assuraient son honneur, étendaient sa puissance, augmentaient son prestige et sa force en suscitant des prosélytes parmi les païens étonnés. Aussi avait-on grand soin de les préparer au combat*. L'église employait pour cet office ses voix les plus persuasives. Chacun s'y dévouait de tout son cœur. On armait les âmes des lutteurs futurs contre l'amour de la vie et la peur des souffrances. On leur versait l'ivresse de la mort, on transportait leurs imaginations en leur ouvrant de capiteuses perspectives sur l'infini, on les exaltait par la peinture des compensations prochaines et des délices du ciel qui les attendait. Mourir de sang-froid pour la vérité scientifique- ment démontrée, peu d'hommes parmi les plus fermes en sont capables; mais échanger une vie d'un jour et généralement misé- rable pour un bonheur sans mélange et sans fin, donner peu pour gagner tout, souffrir un instant pour jouir toujours, quel marché tentant' ! Il suffit, pour consentir et accepter avec enthousiasme l'apparent sacrifice, que l'âme soit persuadée, captivée, possédée. La foi brûlante a fait de tout temps de pareils miracles. Ils étaient communs aux premiers âges de l'église, au temps des persécu- tions. L'exaltation commune renforçait l'exaltation individuelle. Le martyr combattait pour Dieu, pour l'église et pour lui-même. Il savait qu'il était le tenant de toute la communauté. Il ne dou-

tionibus aut inter se dissensionibus... vos ioTenial monitos et concordia armatos... Et ideo eam (pacem) in vobis habere, et fo?ere et cusiodire debetis. Ad Martyr., 1.

1. Voir le curieux mémoire de H. Edm. Le Blant sur la préparation a% martyre,

2. Le mot est de Tertullien : Negotiatio est aUqotd amittere ut majora lucre- ris Nihil crus seoUt in nervo, cum animus io ooelo est. iid JfaWyr., 2.

268 B. ADBtf.

tait pâs que le Christ ne dût le soutenir et le réconforter dans la lutte, et, après le triomphe, le recevoir dans son royaume*.

Dans les visions étranges qui remplissent les Actes des saintes Perpétue et Félicité, on voit l'effet de cette sorte de possession spirituelle que pouvaient produire sur des âmes simples cette idée fixe, cette préparation assidue et l'espèce de retraite mystique à laquelle elles étaient soumises avant le combat.

Parallèlement à l'entraînement intérieur et pour l'aider eflSca- cement, l'église astreignait les martyrs à un régime de jeûnes prolongés favorable à la surexcitation nerveuse et à l'exaltation extatique. EUe échauffait l'âme et exténuait le corps afin qu'a- maigri, il présentât, si l'on peut dire, moins de surface à la dou- leur physique et que les ongles de fer et les tenailles des bourreaux y eussent moins de prise*. Parfoisaussi, Tertullien s'élève contre cetteméthodeoucetusage, elle faisait festoyer les futurs lutteurs, ne les laissait manquer de rien ^, et au dernier moment leur faisait boire des liqueurs narcotiques et stupéfiantes pour émousser ou paralyser en eux la sensibilité. « L'un des vôtres naguère, écrit TertuUien, à l'heure qui précéda sa comparution, fut tellement frappé d'hébétement par le vin préparé que vous lui fîtes boire, qu'il fut incapable de répondre SLuprœses qui l'interrogeait. Sur le chevalet, à peine touché par les ongles de fer dont il sentait comme un chatouillement, il n'eut que de confus balbutiements d'ivrogne et, la torture continuant, mourut dans une abjuration entrecoupée de hoquets^. >

Il n'y a pas de raison d'aflSrmer que ces dernières pratiques

1. Et coin pro naturali difficultate ocUyî mensis in parto laborans doleret, (Félicitas) ait illi quidam ex mioistris cataractarionim : c quae sic modo doles, quid faciès objecta bestiis, quas cootempsisti cum sacrificare noluistL > Et iUa respondit : c Modo ego patior, quod patior, iUic aatem alius erit in me qui patietur pro me, quia et ego pro illo passura sum. > AcL SS. Perpet, etFelicU,, 15.

2. Non paenam illic (in carcere) passuras^ sed disciplinam, nec saeculi tor- menta, sed sua officia, eoque fidentior processurus ad certamen e custodia abusus nihil habens carnis, sic ut nec habeant tormenta materiam, cum sola et arida sit eu te loricatus et contra ungulas comeus, praemisso jam sanguinis succo. Tertull., Dejejunio, 12.

3. In carceribas popinas exhibere martyribus incertis, etc. Tert., Id., ibid. Cf. Lucien, Peregrinus, ch. 12.

4. Ipso tribunalift die luce summa condito roero tanquam antidoto praeme- dicatum ita enerrastis, ut paucis ungulis tilillatus (hoc enim ebrietas sentiebat) quem dominum confileretur interroganti praesidi respondere non potuerit amplius , atque ita de hoc jam extortus, cum singultus et ructas solos haberet, in ipsa negatione discessit. Tert., Dej^unio, 12.

l'iîglisb d'afriqc^ sous sbptime siîterb. 269

fassent générales. TertuUien, qui les reproche aux Psychiques, comme il les appelle, c'est-à-dire à ceux de la grande église, marque lui-même qu'elles n'étaient employées qu'avec les confes- seurs douteux ou de foi chancelante (martyres incerti, De jeju- nio, 12) dont on pouvait craindre la défaite ou la chute, au milieu des supplices par lesquels on cherchait à vaincre la fermeté chré- tienne.

Quel fut le sort du groupe de fidèles auxquels TertuUien adressa les encouragements qu'on lit dans son écrit aux Martyrs? Furent-ils renvoyés, comme tant d'autres, après une courte déten- tion et un sommaire interrogatoire, ou condamnés et exécutés ? Nous l'ignorons. Si l'on pouvait affirmer que cette afiaire fut jugée par le proconsul Servilius Pudens, il serait permis de sup- poser qu'il ne les condamna pas, mais qu'il sut se soustraire, comme il le fit dans la circonstance rapportée par TertuUien S à une obligation légère après tout pour un magistrat tout puissant. Mais la date du proconsulat de Pudens n'est pas précisément fixée. On peut dire seulement avec une grande vraisemblance que Pudens gouverna la province proconsulaire d'Afrique entre P. Cornélius AnuUinus, proconsul en 193, et VigeUius Saturni- nus, proconsul au plus tôt en 198 *.

1. Ad Scapulam, IV. Ed. OElher, p. 547.

2. Les Fastes mentionnent un personnage du nom de Podens (Quintus Servi- lias), consul deux années de suite sous le règne de Marc-Aurèle et de Lucius Verus, en 165 et en 166. 11 ne peut pas se faire que ce soit de ce personnage que parle TertuUien dans sa lettre à Scapula, écrite en 211 ou 212. En effet, rintervalle ordinaire qui séparait le consulat et le tirage au sort des provinces sénatoriales d'Asie et d'Afrique était au commencement du règne de Marc Aurèle de douze à quatorze ans. S'il s'agissait dans la lettre à Scapula du Pudens consul en 165, il eût obtenu le proconsulat d'Afrique en 177 ou en 179. Or, en premier lieu, il est très inyraisemblable que TertuUien allègue un souvenir aussi lointain. Les autres proconsuls qu'il nomme dans le même cha- pitre appartiennent tous à sa génération, tandis que le consul de 165 apparte- nait à la génération précédente. En second lieu, le détail très particulier qu'il rapporte sur Pudens marque, ce semble, un fait qui ne pouvait remonter à trente ans. Enfin, s'il s'agissait de Pudens, consul en 165 et proconsul d'Afrique en 177 ou 179, il suivrait de que sous Marc-Aurèle l'Église d'Afrique a été persécutée. Or, cela n'est point, et TertuUien le nie dans deux textes formels : l'un de son Apologétique , évidemment écrite sous Sévère, il déclare que jusqu'à ce prince, nul de ceux qui ont eu quelque souci des lois divines et humaines n'a fait la guerre à l'église De tôt exinde principilms ad hodiemum divinum humanumque sapientibus édite aliquem debellatorem christianorum. 5— texte qui en Afrique au moins exclut toute persécnlion anté- rieure au règne de Sévère; l'autre, de la lettre à Scapula y il écrit que

270 I. AUBI^.

On ne s*accorde pas, il est vrai, sur l'année du proconsulat de Vigellius Saturninus. Les opinions sur ce point varient entre 198 et 205 ^ Si nous avions la date du consulat de Saturninus, nous aurions un élément précieux pour la solution très approximative de ctHto question, car le tirage au sort des provinces proconso- laires d*Asic et d* Afrique suivait très généralement le consulat à un intervalle do treize à quinze ans. Ainsi Pertinax et Didius Julianus, anisuls tous deux Tan 175, furent proconsuls d*Afirique, Tun on 18S-189, Tautne Tannée suivante, 189-190. De même Apuloius RuAnus, consul on 189, Valerius Bradua Mauricus en 191, ,\si>tT jx>ur la première foison 192, Scapula Tertullus en 196, gi>uvornèront TAfriquo proconsulaire, le premier en 203, le second en 2(H^ le ti\>isiénH^ on 205, le quatrième en 211. Mais nous ignorions Tannée du consulat do Vigellius Saturninus. Fré- déric Mïnitor suppi^»». sans y insister*, que le Saturninus men- tionné dans 1(^ fastes a'uisalaires on 198 put être proconsul dWfriquo doux ou tr^>is ans après. Mais cela est inadmi^ihlo pour doux raiÀM)s : d'aK>nl }^rc(^ que les noms des deux personnages no ci^nvionnoiit point *, ot oiïsuito parce qu^un intervalle de deux

Vi|!rilîn$ Sjitammiij^ fut k rrnnicr qui tirt I e^fte «vwtiY HvilMBi qui primas ku fM^ium in int^ <ipt. Ai Sce^mi., X IVuk- ^rès Barpbeâ oa peat «tirr <)u'U nS « pas (racr «k ]irrï^(«ciiti<« m ikfriiTiif avant Saptinr SéwtgfL - VVnMA 3arw|iir tV^^iirn-Muvif chc iKvn si ba ftlmn indizio cbr U pen^nizioiie sia r^JM^^JlU m^ll \tri«"4( prJTMi Ai S^^Uinio St^^ta. iTur. rm/i^.. vm. p. €15. tVnc k Sf'ntliny rnArtns mnntwuinf p»r Tf^rtuDiMi n es: pas ie rossol de 165. On pont snpjvMor qur c rljitt ;«aii iî)s, cl 4pif rfi^oh-ri |*oiivenui U prorinoe «) ^fh^uf «^cnv «>« tTVkts «Ax a^jiii) X*ico1)iii> SittnmiBiis. & one ttpoqat an Vhosr- ti)îlr pL^pnUirr «vintrr Vs rhrr4>cii^ îV^mmMK'AJt a s'iMVYJitQer. rai des^ accmatiaBS Mf prvMliiDuiionl «v«trf miv. vmiis. Vaiiî 4 i^lrtr raK^Maruf^MS. coaimT anroeilties avfc TiY^nfriMimT M ciknui. rt «v. )rs ftdoH^ rUirni jiffun'^akgiwn; ïraîtots iver doDoear pfti IffN nM^;rvtniN iNimainx \>r iin«4*nf4ira: mmainr :?«:*'«' 1* \friqof f* oi

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L'ér.LisB d'afriqub sous septime sévère. 274

on trois ans entre le consulat et Télection sénatoriale au procon- sulat d'Afrique est, que nous sachions, sans exemple certain à cette époque.

Si le Saturninus des Actes des martjnrs scillitains est, ainsi qu*on en convient très généralement, le proconsul d'Afrique dont nous parlons et que cite Tartullien dans sa lettre à Scapula, comme on trouve dans l'interrogatoire qu'il dirige la mention nominative des empereurs Sévère et Antonin (Caracalla)*, et que ce dernier n'a été élevé à la dignité d'auguste qu'au commence- ment de juin 198, il suit que cet interrogatoire est au plus tôt de la seconde moitié de cette même année, et par exemple du 17 juil- let 198, ainsi que le marquent les Actes; et par conséquent que Vigellius Saturninus n'a pu être proconsul de la province d'Afri- que avant 198, à moins que, comme il arrivait parfois, ses pou- voirs n'aient été prorogés et que son proconsulat, ayant com- mencé au printemps de 197, puis fini au printemps suivant, n'ait été continué pour un an.

Mais si l'affaire des Scillitains, présidée et jugée par Saturni- nus, ne peut être antérieure au mois de juin 198, elle peut être postérieure à cette date d'un an ou deux en supposant que Satur- ninus, entré en charge au printemps de 198, ait par un ou deux renouvellements successifs de son pouvoir gardé un an ou deux ans encore le gouvernement de la province. Cette possibilité, remarquons-le, repose sur une exception, car suivant les règles ordinaires, les proconsuls d'Asie et d'Afrique ne restaient qu'une seule année en fonction.

Or, dans l'espèce, cette prorogation paraît avoir eu lieu. Les Act^ proconsulaires nous apprennent en effet que les martyrs scillitains furent jugés sous le consulat d'un personnage désigné sous le nom de Claudius ou de Claudianus, et l'un des deux

thèque nationale, nous apprend que ce Saturninus avait été légat impérial de la Mésie inférieure et nous donne ses noms divers : Publius, Vigellius, Rains, Plarius, Saturninus, Atilius, Braduanus, Gains, Aucidius, Tertullus. Il ne parait pas qu'à cette multitude de noms il y ait lieu d'ajouter les deux que porte le consul Saturninus de Tan 198 : Tiberius llaterins.

1. Et adstantibus eis Saturninus proconsul dixit : Potestis reniam a dominis nostris Severo et Antono promereri si bono animo conversi fueritis ad Deos nostros. Act. proconsularia Martyr. ScUlitanarumf init. Il est superflu de noter que Antono doit être lu Antonino et qu'Antonin est le nom sous lequel Caracalla est toujours officiellement désigné.

272 B. Ami.

consuls de Taiinée 200 porte précisément le nom de Claudius ^ .

De plus, sans craindre d'être accusé de démontrer Tobscur par le plus obscur, comme on dit dans l'école, nous alléguerons la date de l'Apologétique de TertuUien pour confirmer ces données et nous attesterons ces mêmes données, pour confirmer les autres raisons qui nous permettent de rapporter ï Apologétique à l'an- née 198 ou à la suivante.

Nous savons en efiet que les Scillitains ont été exécutés sur la sentence de Saturninus, Sévère et Garacalla étant Augustes, c'est- à-dire qu'ils n'ont pu souffrir avant 198 : nous savons d'autre part que, dans Y Apologétique, il est plusieurs fois question de fidèles frappés du dernier supplice, et, par un autre témoignage exprès et formel, que Saturninus fut le premier en Afrique qui ait prononcé contre les chrétiens des condamnations capitales.

Il en résulte clairement que l'Apologétique ne fut pas composée avant la fin de l'année 198. Or les martyrs scillitains périrent l'an 200, Tiberius Qaudius Severus étant consul, et avant eux déjà le sang chrétien avait coulé dans la personne de Namphamo et de ses compagnons, dits les martyrs de Madaure. Donc l'Apo- logétique a été écrite avant l'an 200, et, pour préciser, selon l'opinion de Mosheim et de Noesselt *, vers la fin de l'année 198 ou dans le courant de l'année suivante.

Nous apporterons en preuve deux textes de l'Apologétique TertuUien, si avare d*ordinaire de claires allusions aux personnes et aux choses de son temps , note en traits suflSsamment précis des faits de la plus brûlante actualité. Dans l'un de ces deux pas- sages l'orateur africain écrit que les représailles si cruellement exercées contre les partis vaincus duraient encore : « Les com- plices et amis secrets de ces factions scélérates sont encore main- tenant dénoncés cliaque jour. Après la moisson coupée des chefs [>amcides, on glane encore les restes'. > On sait quelles impi-

t. Cf. Àct, procons., init. L*un des consuls de l'an 200 est Hberius Claudius Severus.

2. Jo.Laur. Mosheim, Disquisilio chronologictharUica de tara aeiate Apologe- tki a TfrtuUiano conscripti iMtioque persecutionts Severi. Leyde, 1720, in-8*, à la ttu do IWlition de VApohgètique dUauerramp. Voir la dissertation de Noesselt dans 1 Mitiou de TertuUien d'OElher, tom. 111, p. 562.

3. Sed et qui nunc seeles^tarum partium socii aut plausores quotîdie revelan- tur, |HV(t vindemiam |Kirricidarum raceniatio superstes. Apologet., 35. Ed. OGlher, p. 217. 11 faut rvniartiuer les expressions i^ut^c et quotidiè. Cf. ce pas- sage de Spartien : t Multos inter haec causis Tel Teris vel simulatis occidit.

VieusE d'afriqub sous sbptihb s^yèrb. 273

toyables vengeances, à Rome et ailleurs, suivirent les défaites de Niger et d'Albinus. L'écho s'en prolongea longuement. Cepen- dant la destruction d'Albinus est de février 197. Dès la fin de cette même année, l'actif et infatigable Sévère était déjà en Orient. Au commencement de 198 il avait pris Ctésiphon. A la grande rigueur on peut dire que çà et là, à ce moment, des dénonciations se produisaient encore. Mais ce « grapillage après les grandes fauchées », comme parle Tertullien, ne peut guère nous mener au-delà des années 198 et 199.

L'autre texte de Y Apologétique est une peinture des réjouis- sances publiques célébrées à Carthage comme à Rome, et peut- être même d'une façon plus démonstrative, Sévère étant africain, soit pour les fêtes de la cinquième année {quinquennalia), soit pour la victoire sur Albinus*. Cette peinture faite, ce semble, d'après nature, nous reporte aussi à Tannée 197. Un an ou dix- huit mois après, quand Tertullien tenait la plume pour écrire son Apologétique, le souvenir en était encore vivant dans son esprit *.

Damnabantur autem plerique cur jocati essent; alii cor tacaissent, alii car ple- raque figurata dixisseot ; ut esset imperator yere nominis sui, vere pertinax et sererus. Sparl., Sever., 14. ... Maltos etiam, quasi Chaldaeos aut vales de sua salute consuluissent, interemit, praecipue suspectos unamquemque idoneum im- perio... Spart., Sever,y 15.

1. TertuU., Apolog.y 35.

2. M. Victor Duniy, au tome VI de sa belle Histoire des Romains (page 56, note 2), reconnaît que Tertullien a montré Rome pendant ces fêtes, mais d'une manière un peu banale. D'abord, pourquoi Rome et non Cartbage? C'est à Car- tbage, croyons-nous, que Tertullien a vécu et écrit son Apologétique^ et il n*est pas absolument sûr qu'il ait jamais tu Rome. Le P. Tbeiner, dans les savants commentaires dont il a enrichi la dernière et récente édition des Annales ecde- siastici de Baronius, dit fort bien à ce sujet : Nullus Teterum Tertullianum Romae Tersatum esse scripsit. Nec refert quod Uieronymus in libro de scripto- rihM$ ecclesiasticis dicat : f invidia et contnmeliis clericorum Romanae ecclesiae ad Montani dogma t delapcum ëlse, cum Clenis Romanus eumdem absentem injuria lacessere potuerit, ut rectè obseryavit eruditissimus abbas Ludovicus du Four in TertuUiani lectione Tersatissirous. Annal, ecdes., in-4*. Bar-le-Duc et Paris, 1864 (t. 11, p. 476, l 3 in fine). Mais passons sur ce point. M. Duniy admet que Tertullien, au ch. 35 de l'Apologétique, a décrit les fêtes popu- laires qui ont suivi la victoire de Sévère près de Lyon, en février 197. C'est, semble-t-îl admettre implicitement, que la composition de X Apologétique est de fort peu postérieure à l'année 197. Cependant dans le même volume, à propos de X Apologétique de Tertullien, M. Duruy écrit : c On en met la rédaction en 199 ou 200, même en 201 ; mais si X Apologétique n'a été, comme il est probable, qu'une refonte des deux livres Ad Nationes, il faudrait faire descendre cette date beaucoup plus bas, car il est parlé dans le premier de ces deux discours « des deux Syries qui exhalent encore l'odeur des empereurs égorgés, t Celte

Rev. HisTon. XI. FASc. 18

274 B. aubI

Nous considérons donc très décidément TApologétique de Ter^ tullien comme écrite à la fin de Tannée 198 ou dans le courant de Tannée 199. C'est à notre avis mal raisonner que de la recula jusqu'en 203, sous prétexte que Tédit de persécution de Sévère est de 202. Nous l'avons montré déjà, la persécution n'attendit pas cet édit pour se produire à Alexandrie et dans la province de

phrase he peut s'appliquer qu'à CaracaUa, tué en 217, entre Edesse et Carrhes, et à Diadumène, tué en 218, comme il fuyait d'Antioche yers les Parthes, page 183, note 2. Le texte de Tertuliien auquel M. Duruy se réfère se trouve au chap. xvii du 1*' livre Ad Naiiones. Le voici : Adhuc Syriae cadaremm odo- ribus spirant. 11 n'y est pas question, comme on voit, d'empereurs égorgés, et la fin de cette phrase en éclaircit et en précise le sens : adhuc Galliae Rbodano suo non lavant. De ces deux membres de phrase parallèles, le second est une évidente allusion à la bataille de Trévoux, et au grand choc des deux armées romaines qui se termina par la défaite d'Albinus sur les rives du Rhône. Le premier n'est pas une allusion moins claire aux sanglantes batailles qui con- sommèrent la défaite de Pescennius Niger dans les provinces syriennes. Tertul- iien ne sépare pas ces deux faits et les cite dans leur ordre chronologique. Or les expressions employées par Tertuliien : Les Syries sont encore infectées de l'odeur des cadavres; les Gaules n'ont pas encore lavé dans leur Rhône le sang dont ses rives ont été couvertes, marquent très positivement que Tertuliien écrit/ses livres Ad Nationes au lendemain, si Ton peut dire, de ces luttes san- glantes. Il est assez remarquable que le texte cité par M. Duruy pour reculer les livres Ad Naiiones, et par suite V Apologétique, au delà de 217 et de 218, soit justement le même qu'invoque Noesselt (TerluU. d'QElher, t 3, p. 565) pour affirmer que ces deux ouvrages, dont le premier parait en effet comme le canevas et Tédilion populaire du second, ont suivi de très près l'an 197.

Dans ce même premier livre Ad Nationes, au chap. xvi, Tertuliien évoque un souvenir plus lointain. 11 raconte une scandaleuse histoire qui s'était passée à Rome, dans laquelle le préfet de la ville, Fuscianus, avait intervenir comme juge civil. Il s'agit de Seius Fuscianus, qui tint la préfecture de Rome de 186 à 189, et eut au printemps de celte année Pertinax pour successeur. Tertuliien avait évidemment entendu raconter ceUe aventure à Carthage, et il en tirait un argument, en homme qui sait en prendre partout et dont la mémoire est fidèle. Recueillir un fait de cette nature, dix ou douze ans après qu'il avait eu lieu, c'était risquer beaucoup de faire trouver l'anecdote un peu vieille. Est- il admissible que Tertuliien l'eût ramassée après trente ans ?

Enfin les livres aux Nations et V Apologétique sont inexplicables et dénués de sens si, au moment l'auteur écrit, les chrétiens ne sont pas populairement insultés et juridiquement persécutés. Ces deux œuvres supposent un certain milieu, se produisent dans certaines conditions déterminées, qui se rencontrent en 198 et dans les années qui suivent immédiatement, mais nullement en 217, 218 et dans les années suivantes. Elagabal, comme on sait, ne songea pas à persécuter les chrétiens, et Alexandre Sévère, le fils de la sérieuse Mammée, leur fut sympathique et bienveillant. L'anachronisme serait moins fort de placer la Saiire Ménippée à la fin du règne de Henri IV que les livres aux Nations et l'Apologétique de Tertuliien sous le règne d'Elagabal ou sous celui d'Alexandre Sévère.

l'église d'aFRIQUE sous SBPTIMB sév^RB. 275

TAfinque romaine, et il n'est fait nulle allusion à cet édit nou- veau ni dans les écrits de TertuUien, ni dans les Actes des mar- tyrs qu'on rapporte au règne de Sévère.

Des détails chronologiques dans lesquels nous venons d'entrer, nous pouvons induire maintenant que si la lettre aiujo martyrs de Tertullien est, comme nous l'admettons, antérieure à l'année 198, année où, avec le proconsul Vigellius Saturninus, commença effectivement la persécution violente et les condamnations capi- tales, les fidèles incarcérés auxquels s'adressait Tertullien n'eurent pas lieu de mettre à profit les conseils de ferme courage que leur prodiguait du dehors l'orateur de Carthage, mais qu'ils furent rendus à la liberté ou frappés seulement de peines légères. C'est un peu plus tard, dans la seconde moitié de 198, que s'ouvre le martyrologe de l'église d'Afrique. Les premiers noms qu'il y jEaut inscrire sont des noms barbares, des noms puniques. Ceux et celles qui les portaient étaient apparemment de basse naissance et de condition servile. On pouvait puiser au hasard, pensait-on, et frapper sans scrupule dans ce milieu. L'autorité y trouva facile matière d'exemple et d'avertissement pour les autres. Namphamo est cité comme le premier fidèle dont le sang ait coulé. Sa mé- moire resta longtemps chère à l'église d'Afrique et fut honorée d'une sorte de culte sous le nom de « prince des martyrs, > archi- martyr. Au commencement du m* siècle, le grammairien Maxime de Madaure, resté païen, s'indignait de cette espèce d'adoration rendue par les fidèles à ce barbare inconnu et à ses compagnons aussi barbares que lui, MigginS Lucitas, Samaé et les autres de la même engeance « dont les noms sont exécrés des dieux et des hommes. > « Qui pourrait supporter, disait-il, que l'archimartyr Namphamo prenne le pas sur tous les dieux immortels*? > Et saint Augustin répondait qu'il convenait mal à un Africain, écrivant à un Africain, de tourner en ridicule des noms emprun- tés à la langue punique et bien supérieurs par leur signification à tous ceux de la mythologie. « Si nous cherchons en effet ce qu'ils veulent dire, Namphamo signifie homme d'heureux présage, c'est-à-dire qui apporte le bonheur partout il porte le pied ^. »

1. Le Martyrologe romain, au 4 juillet, donne Mygdon an lieu de Miggin.

2. Quis ferat cunctis praeferri diis immortalibus archiroartyrem Namphamo- nem. S. Augustini opéra. Ed. Gauine, tom. II, Epist. ci, n. 16.

3. Nam si ea vocabula interpretemur Namphamo quid aliud aigniûcat qoam boni pedis hominem, id est cujus advenlus afferat aliquid felicitatis, sicut sole-

276 B. AUBlf.

Ce nom de Namphamo, avec quelques Itères variantes d'ortho- graphe, était fort usité en Afrique S aussi bien que le nom de Félix ou de Fortunatus, qui en est la traduction latine ; mais nous ne savons rien sur le premier martyr d'Afrique qui Ta porté, non plus que sur ses compagnons, non plus que sur les circonstances de leur condamnation. Dans le martyrologe romain ils forment le groupe des martyrs de Madaure, bien qu'ils parais- sent avoir été jugés et condamnés par le proconsul, et par consé- quent exécutés à Carthage.

L'effet de ce premier sang fut terrible. La populace païenne, déjà fort excitée, s'en grisa. Les accusations, mal reçues jusqu'a- lors, se croyant encouragées, se multiplièrent. Ce fut une terreur parmi la plupart des chrétiens amis de la paix ; chez d'autres, plus guerroyants ou plus enthousiastes, un redoublement d'exal- tation. Sans que les frumentarii se missent en chasse *, les pri- sons se remplirent. De cruels supplices furent ordonnés. Jucun- dus, Saturninus, Artaxius furent brûlés vifs, d'autres encore 3; une vierge fut livrée au leno ^ ; Quintus, après un interroga- toire où la torture avait sans doute été employée, mourut en prison^. Vainement la communauté prit des précautions, cacha ses mystères. On la surprenait la nuit, on assiégeait, on dispersait ses assemblées, on faisait main basse sur ceux qui se laissaient prendre ®. liC secret cherché dans les ombres de la nuit avivait les rumeurs , et nulle cachette n'était si sûre que l'œil

mas dicere secundo pede introisse, cujus introitum prosperitas aliqua consecuta sit. Id., ibid. Cf. Léon Renier, Mélang. (Fépigr., p. 279.

1. Voir L. Renier, InscripU d'Algérie. Namphamo, n. 1030, 1761, 3777, 3954, 985. Nampamo, n. 245, 2689. Namepliamo, n. 3601, 3632. Namefamo, n. 3608, 3609.

2. Les frumentarii étaient un corps d'élite dont les fonctions et le service étaient analogues à ceux de notre gendarmerie. V. Henzen, Bull, de VInsi, arch. de Rome, 1853, p. 113 et suiy. Cf. Derenbourg, Quelques mots sur la guerre de Bar Kôzéba et ses siUtes. Paris, 1878, p. 168 et 169. Les poursuites officielles ne paraissent pas avoir eu lieu à ce moment. Tertullien, en effet, écrit dans son Apologétique, ch. 2 : Solum christianum inquiri non licet, offerri licet, quasi aliud esset actura inquisitio quam oblatio.

3. Act. SS, Perpet, et Felicit Et quaerebamns de illis ubi essent céleri,

il. _ El caepimus illic multos fratres cognoscere sed et martyres. Ibid., 13.

4. Apologet., dernier ch. in fin. Voir la note de Tédit. d'OÊlher, I, p. 301.

5. Aci, SS. Perpet. et Felicit,, 11.

6. Quotidie ob.Hidemur, quotidie prodimur, in ipsis plnrimum coetibus et con- gregationibus noslris opprimimur. ApoL, 8.

l'église d'afrique sous sbptimb sévère. 277

d'un traître ou d'un curieux mal intentionné n'y pût pénétrer*. Il arrivait aussi y ce qui se comprend aisément dans une société dont tous les membres ne sont pas des héros, que beaucoup de chré- tiens faiblissaient devant le tribunal et, dès le début de la ques- tion à laquelle on les soumettait, juraient par le génie de l'empereur et sacrifiaient : il s'en trouvait parmi ceux-ci qui, devenus libres et rougissant d'eux-mêmes, se voyant montrés du doigt par les païens qui leur reprochaient de n'avoir pas eu le courage de leurs idées, et rejetés des frères, revenaient s'offrir d'eux-mêmes aux juges et rachetaient leur honneur et leur cons- cience au prix de leur vie. D'autres devant le proconsul usaient de subterfuges et de restrictions mentales, juraient par le génie du seigneur, en sous-entendant en eux-mêmes le seigneur Dieu, seigneur des seigneurs.

Coup sur coup, de 198 à 199, Tertullien répondait à la persé- cution en écrivant son Apologétique, son Traité des spec- tacles et son Livre de rtdo/ô^rte,.protestant dansle premier de ces trois ouvrages contre les procédures iniques et revendi- quant hautement les droits de la conscience, attaquant dans les autres les mœurs, les coutumes et les institutions religieuses des païens, rétorquant et retournant vivement contre ses adversaires tous les griefs et toutes les accusations dont on accablait ses amis.

Le proconsul Publius Vigellius Saturninus n'était pas pour- tant un méchant homme. Il gémissait sans doute de se voir enlacé dans ces causes inextricables que les haines publiques et les nécessités de sa charge lui imposaient, et dans lesquelles les accu- sés se chargeaient eux-mêmes, semblaient prendre plaisir à se perdre et à ôter à leurs juges tout moyen de les sauver.

Cet embarras est manifeste dans la seule affaire sur laquelle nous ayons des détails et il figure en qualité déjuge. Nous voulons parler du procès des martyrs scillitains, douze fidèles, huit hommes et quatre femmes, plusieurs évidemment de sang et de nom punique, étaient impliqués'.

1. Ad Nation., l, 7.

2. Left Actes nous apprennent qne ce procès eut lieu sous le consulat d'un personnage nommé Claudius ou CUudianus. Trois manuscrits portent Claudius; un quatrième, cité par Mabillon, donne Praesidente bis ClatuUano consuU, Borghesi, s'attachant à cette dernière leçon, la transforme et la complète d'une manière à la fois ingénieuse et vraisemblable, encore qu'un peu libre, en preii- dtAtibus Claudio Severo et Aufidio Victorino cou. Claudius Sererus et Aufi-

278 B. aueL

Saturninus n'entame pas rinterrogatoire d'un ton rogue et menaçant. Ses premières paroles sont pleines de douceur : Vous pouvez être assurés, leur dit-il, de trouver grâce auprès de nos seigneurs Sévère et Antonin si vous revenez à de meilleurs senti- ments. Et Spératus, au nom de ses compagnons et au sien, pro- testant qu'ils n'ont rien fait de mal et obéissent aux lois et adorent seulement Dieu dans la simplicité de leur cœur, le pro- consul répond : Et nous également nous sommes religieux, et notre religion est pleine de douceur, et nous jurons par le génie de notre seigneur l'empereur et nous prions pour sa conservation, ce que vous devez faire, vous aussi. Et Spératus à propos de la foi chrétienne ayant prononcé le mot de mystère et proposant de s'en expliquer, si le juge veut l'entendre : « Je t'entendrai volon- tiers là-dessus, dit Saturninus, sans que tu aies rien à craindre, mais jure seulement par le génie du prince. » Ne dirait-on pas que le proconsul ouvre ici aux accusés une porte de salut, et que, sans s'inquiéter beaucoup du fond des choses, il leur demande seule-

dius Victorinus sont les deux consuls de l'an 200. En admettant qu'un person- nage du nom de Claudius fût en effet consnl lorsqu*eut lieu le procès, ainsi que trois manuscrits des Actes le marquent, comme il n'y a à cette époque dans les fastes aucun consul de ce nom, si ce n'est Tiberius Claudius Severus, consul en l'an 200, il est légitime de rapporter cette affaire à cette date, sans qu'il soit nécessaire peut-être de supposer que les Actes portassent fort exactement la mention entière des deux consuls, outre que le praesidentibusy pour être moins étrange qu' existente, praesente ou praestante, placé devant Claudio dans les trois manuscrits, ne parait pas moins inusité. Donc, on peut considérer que l'affaire des Martyrs dits scillitains eut lieu en 200. Mûnter la recule de deux ans. c 11 est probable, écrit-il en note, que Spératus et ses compagnons souf- frirent en 202. » On ne Yoit pas la raison de cette probabilité, et Miïnter n'en donne aucune. En 202, l'empereur Sévère, consul pour la troisième fois, parta- geait les faisceaux avec son fils atné, Ântonin Caracalla. 11 faut alors faire abstraction du Claudio Consule qu'on trouve à la première ligne des Actes. A quel titre effacer cette indication, ou n'en tenir nul compte? Si Miinter a choisi l'année 201 parce que c'est la date de Tédit que Sévère promulgua en Palestine contre les chrétiens, la raison ne vaut rien, vu que dans les Actes il n*est fait nulle allusion à cet édit, et d'un autre côté, parce qu'on ne l'a pas attendu pour juger et condamner les chrétiens, comme cela résulte de tant de passages de V Apologétique, composé plusieurs années auparavant; enfin parce que Saturuinus, le premier qui ait prononcé contre les chrétiens des peines capitales et par conséquent proconsul lorsque Tertullien écrivit son Apologë- tiquey ne s'était pas vraisemblablement perpétué quatre ans dans sa charge.

C'est asseï de supposer que son proconsulat eût été prorogé deux ou trois ans, comme il le faut admettre, si on veut se souvenir que son proconsulat et les condamnations capitales contre les chrétiens qui le signalèrent, avaient com- mencé quand Tertullien écrivit son éloquent plaidoyer.

l'église d*afrique sous septime sévère. 279

ment de céder sur une formalité d'étiquette. Mais l'autre répon- dant toujours qu'ils n*ont fait aucun mal, commis aucun délit, qu'ils paient exactement les impôts, mais ne veulent adorer que leur Dieu, le roi des rois, le proconsul à qui la patience échappe s'écrie : « Au surplus, c'en est assez de votre bavardage, appro- chez et sacrifiez aux dieux. » Spératus refuse. Saturninus s'adresse aux autres, les prie de ne pas s'associer à la folie de celui-ci, mais de craindre le prince et de se montrer dociles à ses ordres. Et Cittin ayant répondu pour tous : « Nous ne savons craindre personne autre que Dieu notre seigneur qui est dans le ciel, > le proconsul lève la séance et les fait reconduire en prison.

Le lendemain il s'adresse aux femmes, et, les trouvant inflexi- bles, revient encore aux hommes. Ceux-ci s'animent d'autant plus que le juge est plus conciliant ; ils crient à pleine voix qu'ils sont chrétiens, comme s'ils craignaient sa bienveillance et vou- laient par le scandale en empêcher les effets : « Vous ne voulez donc, leur dit le juge, ni grâce ni délai? » Et il leur ofire de les ajourner à quelques jours ^ Ils répondent que pour eux tout est vu et décidé, mais que ce temps leur suffirait pour l'arracher au culte honteux des idoles, l'initier à la foi et la lui faire aimer, s'il en était digne.

Poussé à bout, le proconsul prononce la sentence capitale. En vérité, on demande de quel côté est la douceur, de quel côté la patience et la longanimité, et de quel côté aussi l'insolence et la bravade ?

Cette affaire des martyrs scillitains jugés et exécutés à Car- thage est de Tan 200 et, suivant les Actes, du 16 juillet.

Après de pareilles exécutions, le pouvoir, conune s'il avait payé sa dette aux clameurs populaires, fermait les yeux; les haines publiques rassasiées s'apaisaient. Les chrétiens, décimés mais non entamés dans leur foi, rejoignaient leurs rangs dispersés, reprenaient leurs réunions et leurs habitudes. La paix renaissait dans les cités, une sorte de tolérance tacite s'établis- sait, non sans de sourds grondements parmi les païens les plus fanatiques, rêvant une extermination générale, et parmi les plus fougueux de la secte, brûlés du désir de la vie éternelle que le martyre assurait à leurs yeux. Cette tolérance du reste était à la merci du moindre éclat de zèle. Vers 201 ou 202 un scandale

1. Un texte dit trois jours, un autre trente.

280 B. AUBli.

se produisit, également blâmé sans doute par les païens et par la majorité des chrétiens. Voici comme Tertullien le raconte : « L'histoire, dit-il, est d'hier. Par ordre des très puissants empe- reurs, on faisait largesse aux troupes. Les soldats, couronnés de laurier, venaient à tour de rôle recevoir le donativum. L*un d'eux, plus soldat de Dieu et plus ferme que les autres frères qui s'étaient flattés de pouvoir servir deux maîtres, seul, tête nue, son inutile couronne à la main, montrant par son attitude qu'il était chré- tien, se faisait remarquer entre tous. Chacun le désigne du doigt : de loin on le raille, on gronde autour de lui. Les murmures arrivent au tribun, et l'homme hors des rangs se présentait. Aussitôt le tribun : Pourquoi es-tu si difierent des autres? Il répondit qu'il ne lui était pas permis de faire comme eux. Et la raison? Je suis chrétien, dit-il. 0 soldat glorieux dans le Seigneur! on tient conseil. L'affaire est remise à plus ample informé et le soldat traduit devant les préfets. A l'heure même il dépouille son lourd manteau, prêt à recevoir un joug plus léger, dénoue et laisse sa chaussure incommode pour marcher librement enfin sur la terre sainte, rend son épée qui n'avait pas été jugée nécessaire à la défense du Seigneur, laisse tomber la couronne de sa main ; et maintenant, vêtu de la pourpre du martyre qu'il espère, chaussé du brodequin de l'évangile, armé du glaive mieux trempé de la parole de Dieu, ceint tout entier de l'armure de l'apôtre et couronné en espérance de la blanche couronne des martyrs, il attend dans la prison le donativum du Christ. Cepen- dant sur son compte courent divers jugements, de chrétiens, je ne sais; les païens n'en disent pas plus. C'est le fait, dit-on, d'un étourdi, d'un cerveau brûlé, d'un homme avide de mourir. Inter- rogé sur sa tenue, il compromet la société chrétienne tout entière, comme s'il n'y avait que lui qui eût du cœur et que parmi tant de frères qui servent comme lui il fût seul chrétien... Ils grognent enfin de ce qu'on vient sans raison mettre en péril cette bonne et longue paix. Plusieurs sans doute songent déjà à se mettre à l'abri du martyre, font leurs paquets et s'apprêtent à fuir de ville en ville. Car ils n'ont retenu que ce texte de l'Écri- ture : Je connais leurs pasteurs, lions en paix et cerfs en guerre*. » Il n'est guère dans Tertullien de plus curieux morceau. Il est écrit à Carthage, et il est présumable que le fait qu'il relate s'est

1. TertoU., De Corona militis, Jnit,

l'iÎGLISB D'AFRIQUE SOUS SEPTIMB SI^YiEB. 281

passé en Âfirique. Les largesses n'étaient pas faites seulement aux années en campagne. Tous les soldats y participaient. Les détails dans lesquels Tertullien est entré semblent viser un fait qui vient de se passer près de lui et à sa portée, en Numidie peut-être, campait la troisième légion Augusta^ peut-être dans le détachement de service à Carthage. De même le mouve- ment d'opinions qu'il relève, les dires des chrétiens qu'il recueille, paraissent devoir se rapporter à un fait local. Au reste, dans le récit, nul indice de temps ni de lieu. Il n'y a qu'un embarras : l'expression de longue paix employée par les chrétiens qui blâ- ment l'excès de zèle du soldat convient mal à la courte trêve qui suivit, comme nous l'imaginons, les exécutions ordonnées par Vigellius Saturninus. Mais après une crise, une tranquillité d'un an ou deux peut bien à la rigueur s'appeler une longue paix. L'acte du soldat pris en lui-même était un acte d'indiscipline flagrante et comme un défi. Les chrétiens raisonnables le taxaient eux-mêmes d'absurde témérité. Nous noterons que l'autorité militaire, habituellement sonmiaire en ses procédures, ne sévit pas sur l'heure. Nous remarquerons aussi que le parti des'exagérés et des puritains parmi les chrétiens approuvait le légionnaire. Tertullien, qui récemment dans son traité de V Idolâtrie n'avait pas craint de déconseiller à ses amis de participer aux travaux et aux charges de la vie civile, ne se cachait nullement pour applaudir ce qui lui semblait l'héroïsme du soldat et de le pro- poser en exemple à tous les chrétiens. Il déclarait que le service militaire était incompatible avec la vie chrétienne, comme il avait déclaré que les devoirs du citoyen ne convenaient pas à la pro- fession chrétienne. Il n'avait pas, il est vrai, mandat de l'église pour parler de la sorte. Mais il est certain que l'opinion qu'il exprimait spontanément et qu'il défendait avec énergie était l'opinion d'un groupe de chrétiens, de ceux qui prétendaient tenir la tête du mouvement; et il n'est pas moins certain que cette opinion était subversive de tout ordre social. Par ces ensei- gnements, que les païens pouvaient croire émanés non d'une minorité d'opposition et d'un parti d'intransigeants, mais de toute la secte, en dépit de prot^tations timides ou non avenues, le christianisme à son tour déclarait la guerre à la société et rompait avec elle : religion, devoirs civils, obligations militaires, il répudiait tout en face et directement. Que devaient penser de pareilles idées, nous ne dirons pas l'autorité civile et militaire.

282 I. àtïïi.

mais les pins sages et les plus tolérants des païens? N^avaieni-ils pas le droit de déclarer à leur tour que les chrétiens, bien qu'ils s'en défendissent devant les tribunaux, étaient en effet des hommes dangereux, des Êiuteurs de sédition et des ennemis publics? Les fous, disaient-ils, on peut les plaindre, les prendre en pitié, les éclairer et peut-être les guérir. Mais des forcenés qui prêchent la désobéissance aux lois, l'indiscipline, le mépris de la cité et des devoirs civiques, opposent on ne sait quel drapeau à Tétendard de Rome, il faut en finir avec eux et les étouffer par tous les moyens.

La persécution recommença donc avec plus de violence. Mini- cius Timinianus avait succédé à Yigellius Saturninus en qualité de proconsul, 201-202. Il mourut pendant sa magistrature, et le procurateur Flavianus Hilarianus le remplaça dans ses fonctions. La persécution continua sous ses successeurs Âpuleius Rufinus, 203-204, Marcus Valerius Bradua Mauricus, 204-205, et Gains Julius Asper, 205-206*.

Le gouvernement d'Hilarianus fut signalé par des émeutes populaires contre les chrétiens. L'église d'Afrique, comme celle de Rome, avait ses quartiers de sépulture qu'elle possédait à titre de société, et dont la loi assurait l'inviolabilité, non conmie propriété chrétienne sans doute , mais à titre de lieu de sépul- ture. La populace de Carthage s'éleva contre ce partage des prérogatives communes. La haine publique demandait que les clirétieiis fussent hors la loi, morts ou vivants. On cria : Pas de lieu de sépulture pour les chrétiens : Arese non sint christia- norum * !

C'eût été merveille que ces furieux appels aux rigueurs légales ne fusmmt pas accompagnés d'insultes et de violences contre les propri6t<'iH (ît contre les personnes. TertuUien dans son Apologé- tique parle do tombes chrétiennes indignement violées, et de pierres lanciM^s aux fidèles ^ On peut croire que la foule

1 . L'^poquo oîi rot iwrftonnages furent proconsals d'Afrique est assez précisé- ment établie. Apulelun Ruflnua fiit consul en 189, Marcus Valerius Bradua en 191. 11 est possible qu'il y ait eu un autre proconsul entre les deux, mais on rignoro. Knfln Oalus Julius As|>er fut consul pour la première fois en 192. V. WaddlnRlon, Fattft dfs prwincés asiatiques de l'empire romain, p. 248 et 258.

2. Hub llllarlano pracsido cum de arels sepuUurarum nostrarum adclamas- scnt : Areao non sint 1 aroae Ipaorum non f^erunt. Tertull. Ad. Scap., 3.

3. Tertull.. Apoiog,, 9-37.

L'éGLISB D'AFRIQUE SOUS SBPTIME SÉVÈRE. 283

n'épargna pas plus les unes que les autres dans la période dont nous parlons. La licence pouvait se donner pleine carrière. Les outragés ne réclamaient pas, crainte de pis, et l'autorité ne son- geait pas à les couvrir. Elle ne garda pas même la neutralité. Un édit de Sévère, promulgué en Palestine, venait d'intervenir, qui interdisait la propagande chrétienne. Si équivoque que fût cette ordonnance prise à la lettre, elle était une indication des senti- ments du prince. Il ne voulait pas que la semence chrétienne s'étendît et fructifiât. Le meilleur moyen de couper court aux progrès inquiétants du christianisme et à l'extension de la secte, n'étaitK» pas de supprimer les convertisseurs, et pour que l'arbre n'eût pas de rejetons et de pousses nouvelles, de brûler ou d'am- puter ses racines? Il voulait que le christianisme s'éteignît. On servait donc son intention et son dessein final en frappant les chrétiens*.

La police fut lancée et dut aider les dénonciateurs volontaires et les accusateurs ofiicieux. Nous n'avons, il est vrai, ni dans les Actes qai se rapportent aux martyrs de ce temps, ni dans aucune des œuvres de Tertullien, la moindre mention del'édit de Sévère, mais le traité de la fuite dans la persécution et le Scorpiaque, écrits l'un et l'autre entre 202 et 205, nous paraissent attester et manifester une aggravation dans la situation légale des chré- tiens. Ils étaient suspects, ils sont proscrits : on attendait des accusateurs pour les punir ; on les recherche, et on les poursuit. En dépit de mauvaises rumeurs et parfois d'avanies, ils allaient et venaient mêlés à la population et se réunissaient entre eux avec une suffisante liberté : maintenant ils se cachent, se voient et s'assemblent de nuit, ou suspendent leurs réunions et s'en- fuient. Tertullien, qui s'enfonçait chaque jour davantage dans les exagérations montanistes, reproche aux chrétiens de n'avoir gardé mémoire que du passage de l'évangile qui semble autoriser la fuite*. C'est alors aussi que s'établit la pratique dont nous

1. Il est remarquable que nuUe part Tertullien n'incrimine la bonne Tolonté de Sévère. Dans sa Lettre à Scapula il ne cite de sa part que des traits de bienveillance à l'égard des chrétiens. Ou il ne connaît pas Tédit de 202, ou il feint de ne pas le connaître. Avec ses seuls ouvrages on ne saurait évidem- ment le deviner.

2. Ifnssitant scripturas emigrare, sarcinas expedire, fugae accingi de civitale in dvitatem; nuUam enim aliam Evangelii (S. Matth., X, 23) memoriam curant. Le corona^ \, C(, De fuga in persectU,, passim.

284 B. aubM.

avons parlé déjà : le rachat de rarrestation. On se sauve à prix d'argent. Les chrétiens riches payent pour eux et pour leurs amis : des groupes se cotisent, les évêques mêmes s'entremettent auprès des soldats ou des agents de la police romaine. Ce ne sont pas encore les libellatici^. Ces affaires se traitent clandes- tinement. Les agents supérieurs les ignorent ou ferment les yeux sur un trafic qui leur allège une odieuse besogne. Ce sont les fruraentaires, ou les soldats, ou les dénonciateurs officieux, les limiers de la haute et basse pohce, dont on soudoie la bonne volonté et dont on achète le silence par des sommes données de la main à la main et sans doute renouvelées et constituant une sorte de loyer convenu.

En ce temps cependant (202-206), plusieurs chrétiens furent livrés aux tribunaux, soit par suite de la mauvaise foi d'agents deux fois traîtres, soit par l'impossibilité ils étaient de satis- faire la rapacité des persécuteurs, soit par l'effet d'inimitiés privées que l'argent ne pouvait étouffer, soit encore et plutôt parce qu'ils se refusaient à de pareils marchés et aimaient mieux payer de leur sang. On peut signaler, avec Rutilius que nous avons mentionné déjà et que Tertullien appelle très saint martyr*, Castus et ^Emilius, qui, après avoir renié leur foi, rentrés en eux- mêmes, s'offrirent de nouveau aux juges et l'attestèrent dans les supplices^; Celerina, Laurentius et Ignatius, la première aïeule, les deux autres oncles d'un Celerinus ordonné prêtre et lecteur par saint Cyprien, au milieu du troisième siècle*. C'est par simple conjecture que nous plaçons ces trois derniers martyres dans la période qui s'étend de 202 à 205 ou 206. Saint Cyprien-

1 . Les libellatici n'apparaissent guère qu'an temps de Cyprien. C'étaient des chrétiens qui, à prix d'argent ou autrement, obtenaient des autorités des certi- ficats attestant quils avaient sacrifié et satisfait aux édits, c'est-à-dire de véri- tables billets de confession païenne, qui Ie§ dispensaient de comparaître et d*étre interrogés en personne. En règle de la sorte arec le pouToir, ils n'en gardaient pas moins leurs sentiments intimes. Or, ces billets étant lus en public consti- tuaient en somme des certificats d'apostasie, s'ils étaient Trais; d'hypocrisie et de lâcheté, s'ils étaient faux. Il n'y a, que nous sachions, trace de rien de sem- blable sous SéTère, et les faits dont parle Tertullien dans le De faga sont d'nn autre ordre.

2. De fuga in persec., 5.

3. S. Cjpriàmde lapsis. Corp, scr^L eccL lot. Ed. Hartel. Vienne 1871, t I, p. 40. L'ancien calendrier de Garth. marque leurs martyres à l'an 2Q4. V. Miinter, op. cit., p. 252, note 10.

4. S. Gyr. Ep. 38, p. 586 de l'édit. citée.

l'^glisb d'afkiqub sous sbptimb sévère. 285

en parle comme d'anciens martyres*; et puisqu*en remontant dans le passé à partir du temps de saint Cyprien, nous ne trouvons en Afrique de persécution notable que sous Septime Sévère, qu'il n'y en a point eu dans ce pays avant son règne, et que, d'autre part, la persécution de Maximin est trop insignifiante et surtout trop voisine du temps de Cyprien pour que les termes dont il se sert puissent s'y rai)porter, il suit que les personnages qu'il mentionne ont soufiert sous Sévère. Mais à quelle date précise? nous ne le savons pas certainement. Nous supposons qu'ils ont été exécutés entre 202 et 206, parce que à partir de 202 la persé- cution fut plus violente, et prit si Ton peut dire alors un carac- tère officiel. Mais il est possible que ces martyres appartiennent à la fin du règne et aient eu lieu sous le proconsulat de Scapula Tertullus.

Les deux faits les plus mémorables de la période qui nous occupe sont le martyre du groupe de fidèles dont Félicité et Perpétue faisaient partie, lequel eut lieu en 202 sous le gouver- nement intérimaire du procurateur Flavianus Hilarianus, et l'exécution d'une vierge chrétienne nommée Guddene, Tannée suivante 203, sous le proconsulat d'Apuleius Rufinus.

De ce dernier événement nous savons peu de chose. Les Actes de sainte Guddene ont péri, s'ils furent écrits. Son nom paraît révéler une origine punique et fait penser à cette Namgedde dont M. Léon Renier a si heureusement expliqué l'inscription*, pieuse et tendre mère qui avait suivi jusque sur les côtes de l'Armorique son fils Caius Flavius Januarius, officier de la flotte de Bretagne, et y mourut si loin de son beau ciel d'Afrique^.

Cette Guddene était vraisemblablement de condition servile. Il est difficile en effet de supposer que le proconsul eût agi avec un

1. Sic ^ic Casto el ilijnilio aliquando Dcus ignovit, sic in prima congrcssione deTictos victores in secundo praclio reddidit Cyprien, De laps., p. 246, 6dit. citée.

2. Léon Renier, Mélanges d'épigraphie. XII. Sur une inscription latine con- servée dans Véglise du bourg de Corseult, dép. des Cùles-du-Nord. XIII. Sur quelques noms puniques à Voccasion de l'inscription de Corseult.

3. 11 faut pour cela supposer que la première syllabe du nom de Guddene a été mal écrite et qu*on a mis un u au lieu d'un a, d'un e ou d*un i, II semble qu'avec la correction Gaddene, Geddene ou Giddene, le nom de la mère de Januarius de Tinscription de Corseult, et celui de la jeune martyre de 203, loleiit identiques. Assurément Geddene ressemble fort à Geddeneme, qui revient à Namgedde, et qui est le nom d'une nourrice carthaginoise dans le Poenulus de Plante.

286 B. 1CJB<.

pareil sans-gêne de barbarie envers une personne de naissance et de condition libre. On nous dit en effet qu'elle fut à quatre reprises étendue et tirée sur le cheyalet, et horriblement déchirée par les ongles de £er avant d'être décapitée ^

Nous avons plus de détails sur le mart3nre de Félicité, de Per^ pétue et de leurs compagnons. On trouve «ces détails dans un très antique récit que Perpétue et Sature, deux des plus illustres victimes, auraient écrit eux-mêmes. L'exécution eut lieu à Carthage pendant les jeux célébrés pour fêter l'anniversaire de la nomination de Geta, second fils de Sévère, à la dignité de César».

On avait arrêté plusieurs catéchumènes, Révocatus esclave, Satuminus et Secundulus, Félicitas, jeune esclave alors grosse de huit mois, et avec eux une jeune femme de naissance libre et de bonne famille, Vibia Perpétua, libéralement mariée et ayant un enfant qu'elle nourrissait encore. Ils avaient été saisis ensemble d'un seul coup de filet. Saturus, autre néophjrte, absent lors de l'arrestation, voulut s'associer à leur sort et se livra lui-même, lorsqu'il apprit que ses amis étaient dans les mains de la justice. La capture de Vibia Perpétue, trouvée dans ce milieu de petites gens, cache-tp-elle un drame de famille? On peut le supposer. Dans les Actes il n'est pas soufflé mot de son mari, ce qui permet de croire qu'il était païen. Le père de Per- pétua rétait évidemment. Pour sa mère et ses frères, la chose est incertaine ^ Or la foi chrétienne clandestinement entrée au foyer

1. On lit dan» lo Martyrologe d'Adon, au v kal. de juiUet (27 juin) : Apnd OartbaKlnom Natal Ia Sanctao Guddones yirginis, quae Plutiano et Zêta (PÏao- tiann et (lOta) conAulibuH, JuhsI RuHni proconsulis, guater diversis temporibus equulol oxtiMiAlono vexata, H ungularum borrenda laceratione cruciala, carceris otiam Hqualoro diuliaaiino afllicta, novissime gladio caesa est. CL BoU., t 18, Jul., p. a.VJ.

'2. Ia^ tcxlo dcA Actes doa SS. Perpétue et Félicité porte : Natale tune Getae Caenarift. X 7, in fine, W faut entendre par le Jour anniyersaire de la nomina- tion de (lOta ronune (^>^Mr, qui eut lieu au printemps de l'an 198. Les quin- quennalia du Ci^Kar iWUk loiulMnt bien en ^0^ C*est à cette date que Morcelli (Afi\ (-/t., tome II, p. 58 et nuir.) place le martyre dont nous parlons; plusieurs cependant le metlent en *203.

;). httiio SS, /Vt7H*^ H Fel, Cf. deux passages desquels on peut tirer les deux at1irin;i(ionA rontradirtoirc» : t* Ces nmts du père : aspice fratres tuos, aspire lutUivui tuaui et umterterAiu, | I. 2* Le passage du même paragraphe IVr|MMue dit : Kt e|t«) dtUebam quod solus (pater) passione mea gavisurus non essot de toto génère meo. - t> dernier passage est en contradiction sTec un

L'feUSB d'AFUQUB socs SKPTIHB S8?iRK. 287

domestique, quand le père ou le mari ne la partageait pas, était une source de querelles, de divisions et de déchirements qu*ou devine aisément. La fenmie chrétienne unie à un mari demeuré païen avait quantité de secrets qui devaient exciter les soupçons et la colère de son mari. Nous ne parlons pas seulement des secrets du for intérieur, mais des pratiques personnelles. Elle se levait la nuit pendant le sonuneil de son mari, elle avait des sorties avant le jour, dont il lui fallait cacher les vraies et inno- centes raisons; elle avait des accointances qu'il lui fallait dissi- muler avec des inconnus, et, selon son mari, avec des gens sans aveu, avec ceux mêmes, s'il savait quelque chose, qui lui avaient ravi le cœur de sa femme et continuaient à égarer sa raison, à troubler son esprit, à l'écarter de ses devoirs quotidiens d'épouse, de mère et de maîtresse de maison. On comprend les jalousies et les défiances chez ceux qui ne savaient rien ; les mouvements de rage chez ceux qui soupçonnaient la vérité, l'enfer domestique qui devait résulter d'un pareil ménage, l'àme de l'épouse faisait tant de réserves et était si souvent loin du foyer*. Vibia Perpétue était hors du domicile conjugal , en conversation avec ses amis secrets, lorsqu'elle fut prise avec eux. S'il répugne de croire que son mari l'eût dénoncée, peut-être avait-il dénoncé ceux qu'elle fréquentait. Peut-être voulait-il la sauver de leur contagion funeste? Par hasard, quand on les arrêta au lieu indiqué, elle se trouvait avec eux et fut enunenée.

Ce qui est plus certain, c'est que Vibia Perpétue et ses amis appartenaient au parti des chrétiens exaltés et inhabiles aux transactions, qui faisaient peu de cas de toutes les attaches ter- restres, et, dès ici-bas, professaient qu'il faut apprendre à les briser ; qui considéraient la fuite comme une apostasie, et toutes les précautions comme des lâchetés, et loin de craindre de mourir pour leurs croyances, le désiraient ardemment. Si c'est une preuve de montanisme de blâmer ceux qui se cachent ou s'enfuient pendant la persécution, que dire de Saturus qui se dénonce et se livre lui-même*? Enfin l'atmosphère de visions Perpétue se meut, sa naïve prétention de converser familièrement

Mtre da { 3 : tabeiccbam ideo qaod illos (matrero et fratrem) tabescere yide- nm mei beneficio.

1. Tertoll., Apolog., 3. Ad uxorem, II, 4. Cr. Miinter, op. cit,, p. 1S4-185.

2. Ascendit autem Satarus prior qai posiea se propter nos uUro tradiderat. Poss. SS. Perp. et Felicit, { 5.

288 B. AUB^.

avec Dieu, et la croyance l'on est dans son entourage qu'elle communique directement avec lui S Tétat extatique qui est à tel point son état naturel et celui de Félicité, qu'il dure jusque dans l'arène*, tout cela permet d'affirmer que le groupe de catéchu- mènes dont nous parlons avait embrassé pleinement les idées des montanisants.

Les Actes de Perpétue et de Félicité sont plus intéressants peut- être pour le psychologue que pour l'historien. Celui-ci cepen- dant peut y relever plus d'un trait digne d'être relevé et retenu, d'un caractère général ou local. Nous noterons l'entassement des chrétiens arrêtés dans une prison sans air ni lumière^, l'inter- vention spontanée et sans risque des diacres, obtenant à prix d'argent des gardiens, pour leurs frères captifs, la permission de respirer quelques heures par jour dans une enceinte plus vaste et plus saine, dans l'intérieur de la prison *. Nous noterons encore, à titre de détail anecdotique et typique à la fois, les diverses entre- vues du père païen et de la fille chrétienne. Des opinions reli- gieuses du père, il n'y a pas trace. L'auteur des Actes n'a mis en jeu que la tendresse paternelle et les sentiments d'honneur mon- dain et de dignité civile d'un Romain bien posé redoutant la flétrissure qu'une condamnation judiciaire va imprimer à son nom et à sa famille^. Il ne se déchaîne pas contre les idées nou- velles dont sa fille s'est engouée. Il est de ceux qui craignent l'opinion et suivent docilement la loi.

Il va donc trouver sa fille qui vient d'être arrêtée, et la trou- vant obstinée, et jusqu'au manque de respect, si l'on ose dire, il la maltraite d'abord ; puis discute avec elle sans rien gagner. Il revient quelques jours plus tard dans la prison, l'âme navrée, essaie de la fléchir, fait appel à sa tendresse : « Aie pitié de mes

1. Tune dixit mihi frater meus : Domina soror, jam tu in magna dignatione es ;

et tanta ut popules visionem Et ego quae sciebam fabulari cum domino

Id., § 4 init

2. Et quasi a somno expergita (adeo in spiritu et in extasi fuerat) circumspi- cere caepit Id., g 20.

3. Excipimur in carcerem ; et expavi quia nunquam experta eraro taies tene- bras. Odiem asperum, aestus Yalidus turbarum beneficio, concussurae milituml Id., 8 3.

4. Ibi Tertius et Pomponius benedicti diaconi qui nobis ministrabant consti- tuerunt praemio ut paucis bons emissi in meliorem locum carceris refrigerare- mus. Id., § 3.

5. Ne me dederis in dedecus hominum ne uniyersos nos extermines;

nemo enim nostnim libère loquetur si tu aliquid fueris passa. Id., ! 5.

L^feLISE D'aFHIQUE SOUS SBPTIMB S^viEB. 289

cheveux blancs, dit-il, aie pitié de ton père. S'il est vrai que de ces mains que tu vois, je t'ai élevée jusqu'à cette fleur de ton âge, si je t'ai préférée à tous mes autres enfants, ne me livre pas à la honte et à l'opprobre. Songe à tes firères, à ta mère, à la mère de ton mari, songe à ton fils qui ne pourra pas vivre si tu n'es plus là, adoucis tes fiers sentiments, ne nous perds pas tous avec toi. Qui de nous osera se montrer et ouvrir la bouche, après que le bourreau t'aura touchée? » En parlant ainsi, dans l'efiusion de sa pieuse tendresse, il me baisait les mains, se roulait à mes pieds, et tout en larmes, il m'appelait, non « ma fille », mais « madame ». Et moi j'étais pénétrée de douleur à la vue de ses cheveux blancs, et j'essayais de relever son cœur en disant : « Il arrivera devant le tribunal ce que Dieu aura voulu. Sache bien en effet que nous ne dépendons pas de nous, mais de lui seul^ »

Le père fait un suprême effort au moment de l'interrogatoire. Cet interrogatoire est sommaire à l'excès. « Nous étions en train de manger, dit l'auteur des Actes, lorsqu'on vint nous prendre pour nous mener à l'audience. Et la nouvelle s'étant répandue que nous allions comparaître, un peuple immense accourut autour du tribunal. Nous montâmes sur l'estrade. Interrogés, tous les autres avouèrent. Mon tour arriva, et tout à coup mon père apparut avec mon enfant. Il me tira à part, et d'un accent suppliant : « Aie pitié de ton enfant, » me dit-il. Et Hilarianus, qui alors, à la place du proconsul MiniciusTiminianus mort en charge, avait reçu le droit du glaive : « Épargne, dit-il, la vieillesse de ton père, épargne l'enfance de ton fils, sacrifie pour le salut des empereurs. » Et moi je répondis : « Non je ne sacrifie pas. Et Hilarianus : Tu es donc chrétienne? dit-U. Et je répondis : Oui, je suis chrétienne. » Et comme mon père était debout près de moi, tâchant encore de vaincre ma résolution, Hilarianus ordonna de l'écarter, et on le frappa d'une verge. Et je sentis le coup qu'il reçut comme si je l'avais reçu moi-même; et je plaignais sa malheureuse vieillesse. Alors le juge prononce sur nous tous en une seule sentence et nous condamne aux bêtes. Et pleins d'allégresse nous redescendîmes à la prison *. »

Il est encore question deux fois du père de Perpétue. Celle-ci, après l'arrêt prononcé, ramenée à la prison, se souvient qu'elle est

1. Id., I 5.

2. Id., 1 6.

Rev. Histor. XL pasc. 19

2M t. aqbI

mère et nourrice, et fait redemanda aon enfimt par le diacre Pomponitis. On imagine que ce dénier fat malaccoâllL L'auteur des Adeê^ Perpétoe eUennneme dit-on, écrit id : « Mon père ne consentit pas à me rendre mon enfant et Diea, par bonhear, Toofait qn^il ne demandât pas le sein et je ne foaae pas incommodée de mon lait. Ainsi j'eos Tesprit libre de ce côte et je ne soaffirîs pas'. »

Cependant les condamnés ont été transfisrés dans la prison militaire près de l'amphithéâtre ils deraient combattre, et rigourensement attachés. On avait fait croire au tribun préposé à la prison qu*i]s pourraient bien être délivrés par le moyen de la magie dans laquelle, disait-on, les chrétiens étaient passés maîtres*. Cependant, sur les aères réclamations de Perp^e, le tribun les traite plus humainement, et accorde libre accès auprès d*6ux aux parents et aux frères qui viennent les voir, leur porter de la nourriture, et échanger avec eux des paroles d'espé- rance et de consolation. En même temps, le geôlier Pudens, que la grAco avait touché, leur rendait toute sorte de bons offices. C*est là, pou de jours avant le tragique dénouement, que le père do Perpétue fait à sa fille la suprême visite. « Conmie approchait le jour dos spectacles, voici que je vois mon père venir à moi dans la prison. Il était profondément accablé. Je le vis alors 8*arrncher la barbe, se jeter contre terre, la face sur le sol; il nmudiRsait Ma vio qui avait trop duré et disait mille choses oapablos do nnnuor jusqu'aux entrailles toute créature humaine. Kit j*ôtaiB bien émue de douleur et de pitié pour sa vieillesse infor- tunée^'. »

PurnU les vivions qui remplissent les Actes^ et dont la plupart roulont sur les imagos de la béatitude céleste qui ravissent ces A\\\^H^ oxRlt(H>s, ct>llo do Saturus fait allusion aux divisions des tUUMi^ ot a\ix disputes qui déchiraient alors Téglise d'Afirique. Salunis ot si>s a>m|>agnons, après leur passion, se sont vu tmnvHiH)rtor dans un janlin de délices et revêtir de blanches n>lHHi \^v {\k^ angles. Us trouvent à la porte, des deux côtés, rtWoquo (>ptatus ot lo pivtn^ di>cteur Aspasius, le visage triste, ot m^ivanV» Tuu do Tautro, qui se jettent à leurs pieds dès qu^ils

t. la., 1 6.

). QttU <^i adnhHiitkHiitm^ honkinam vaaissiMonni ^erAatw m •■^trabih 3. Kl., I ^

k.

l'église d'Afrique sous septimb s^yère. 291

les aperçoivent, et les supplient de mettre entre eux la paix. Les bienheureux s'entretenaient avec eux lorsque des anges s'appro- chent et les rudoient : « Laissez ces saints se réjouir librement, leur disent-ils ; si vous avez ensemble quelque différend, tâchez de vous céder l'un à l'autre. » Et ils dirent à Optât : « Corrige les fidèles dont tu as la garde, car ils sont toujours avec toi comme s'ils sortaient du cirque et se querellaient pour les tactions auxquelles ils se sont donnés. » Et il nous parut que les anges voulaient leur fermer la porte du divin séjour*.

Au repas qui eut lieu le soir du jour qui précédait les jeux, repas servi d'habitude aux condamnés, une foule curieuse se pressait autour des confesseurs, foule sympathique et que la fureur devait animer le lendemain. Les martyrs la gourmandent et la menacent des vengeances divines.

n importe de recueillir quelques traits qui suivent. Les confes- seurs extraits de la prison sont conduits à l'amphithéâtre. on veut les forcer à changer de vêtement pour revêtir, les hommes l'habit des prêtres de Saturne, les femmes le costume des prêtresses de Cérès ; ils s'y refusent vivement. Ils disaient en effet : « Nous sonmies venus de nous-mêmes ici justement pour que notre liberté ne fut pas violée. Si nous avons sacrifié nos vies, c'est pour n'avoir rien de pareil à souffrir. Nous sommes convenus de tout cela avec vous*. » L'injustice reconnut le bon droit et le tribun consentit à ce qu'ils parussent dans l'arène simplement tels qu'ils étaient. De ce texte il paraît résulter que les fidèles dont nous parlons s'étaient livrés eux-mêmes. Or ceci est en contradiction avec ce qui est dit plus haut dans les mêmes Actes y qu'ils avaient été arrêtés et que Saturus, par amour pour ses amis, s'était offert. Il semble du reste extraordinaire que des hommes traités en ennemis publics et plus cruellement suppliciés que les criminels mêmes de lèse-ma-

1. Et dum loquimur cum eis, dixerunt illis angeli : sinite illos^ réfrigèrent : et si qnas habetis inler vos dissensiones dimittlte vobis inyicem, et conturbare- rnnt eos. £1 dixerunl Oplato : « corrige plebem tuam, quia sic ad te conTeoiant quasi de circo redeuntes, et de factionibus certantes. Et sic nobis visum est quasi Tellent clauderc portas. Id., § 13.

2. Et cura delati essent in portam et cogerentur habitas induere, riri qni- dem sacerdotum Saturni, feminae vero sacratanim Cereri, generosa illa in finem nsqoe constantia repugnavit. Dicebant enim : c Ideoad hoc sponte pervenimus, M libellas nostra obduceretur. Ideo animas nostras adduximus, ne taie aliqnid fceeremns : hoc Tobiscum pacli suinus. » Id., g iS. Ruinart donne : abdnceretor, M plus toin : addiximus. Nous ayons suivi le texte de Miinter.

1 1

m t. Ani.

jesté* aient pa &îi« ainsi knn (x>iMiitk)Ds à lean ji^^es, a^ euasent été arrèbés et défiêrés aux tribunaux par d'antres, aoit qu'ils se fus&sni présentés Tc^ntairemenL

Cependant ils entrent dans rarène. Perpétne chantaiL Bevo- catos, Satnrninos et Satoros menaçaient le peuple dn geste et de la TcÂx. Sec^aûdulus était mort dans la prison. En défilant devant la loge d'Hilarianus, ils lui crièrent : « Tu nous juges id-^ias, maïs Ueu aussi te jugera. » Et le peuple, irrité de cette inacdence, demauda qu'on les fit passer par les fouets, œ qui fut fidt, œ semble*. Les bêtes furent lâchées ensuite : Satuminus et Bero- catus furent déchirés par un léopard et un ours, Satums ne fut déchiré qu'à la seconde reprise, et la foule le voyant tout oouTert de sang s'écria par deux fois : « Bonne baignade'! » Perpétue et Félicité furent exposées aux atteintes d'une vache furieuse. Les martyrs n'étaient que blessés, l'épée des gladiateurs les acbeva sur la demande du peuple.

Trois ou quatre ans après, la persécution s'était lassée et parais- sait éteinte en Afrique. Sous main, peut-être, la police reçut l'ordre de modérer son zèle et de cesser les poursuites. Les procès criminels faits aux chrétiens devinrent rares et les interrogatcHres ne furent plus poussés jusqu'à la dernière rigueur. Julius Asper, proconsul en 205 ou 206, jugeant un chrétien, ne voulut pas le

1. TertuU., Ad Scapul.

t Et atiqae illi gratulati suai qaod aliqaid et de dominicis pasaûmibiis esseot consecoti. Pau. SS. Perp,^ ! 18.

3. L'aolenr des Actes des SS, Perpétue et FûicUé toU dans cette acdamatk» populaire c Salvum lotum^ Salvum lotum » one allusion ironique an baptême chrétien. Il est possible que nul n'y pensât, ou bien peu, parmi la foule des spectateurs.

L'acclamation Salvum lotum ou lutum est une sorte de salutation adressée à celui qui vient de prendre un bain, et reyient à l'expression : Loto féliciter que le bain te soit propice! On récrivait parfois sur le seuil des salles de bain. A Brescia, sur un dallage antique en mosaïque disposée en trois cadres, on a pu lire sur un compartiment BENE LAVA, et sur un autre nos deux mots SALVUM LOTUM. Voir Corp. Inscript. Lat., t. V, n' 4500. Au tome XXIII, p. 3î2 des Notices et extraits des manuscrits, on lit l'expression grecque équivalente : KaX£)c êXoudov Kupie. Salvum lotum domine, et en note : f Le sens de cette exclamation est donc celui-ci : c Quel bon bain tu as pris, 6 mon maître, rien n'y manque. »

Ce cri arraché au peuple, à la vue de Saturus inondé de sang des pieds à la télé, est une ironie cruelle sans doute, mais n'est pas nécessairement une allu- sion moqueuse au premier baptême. Il veut dire : Te voilà bien baigné, ou : Que ce bain te soit doux, que ce bain te porte bonheur!

l'église d*afrique sous septime sMke. 293

contraindre à sacrifier, et, dans son entourage officiel, ne cacha pas son ennui d'avoir à prononcer en pareilles afiaires *. Au temps TertuUien écrivit l'agréable et un peu long badinage intitulé Depallio, c'est-à-dire à la fin de l'année 208, l'église était tran- quille. L'orateur impatient de repos tournait sa verv^e vers les enne- mis intérieurs et s'amusait à réfuter Marcion, qui, mort depuis long- temps, ne pouvait répliquer. En face des païens il avait désarmé. Il célébrait la paix qui règne partout et la prospérité de l'empire sous le sceptre uni et aimé de Dieu des trois Augustes, libres de toute guerre et débarrassés des intrigues d'amis équivoques *.

Cet état dura jusqu'à la fin du règne. On ne sait pour quel motif la trêve tacite fut rompue la dernière année de Sévère. En fait, en 211, la guerre recommença contre les chrétiens dans les provinces d'Afrique. Les poursuites suspendues reprirent et en même temps les actes de délation et d'exaction'. Les vieilles accusations se réveillèrent : le sacrilège, c'est-à-dire l'impiété effective et militante allant jusqu'à la profanation et au pillage des objets sacrés* ; le crime de lèse-majesté, c'est-à-dire le refus obs- tiné de s'associer aux prières et aux sacrifices ofierts pour la santé et la conservation des empereurs ; le crime de faction, de commun mauvais vouloir et d'hostilité envers l'état *. En Numidie et en Mau- ritanie, on se contenta de punir les chrétiens par le glaive*. Dans la province proconsulaire que gouvernait alors Scapula TertuUus, la mort simple ne suffit pas ; les chrétiens furent torturés, jetés aux bêtes et brûlés vifs''. L'ardeur de la foi fut égale aux vio- lences. On vit encore des fidèles se présenter d'eux-mêmes aux bourreaux pour soutenir le saint combat et accueillir avec plus de joie leur condamnation que leur mise en liberté^.

1. Loc. cit. Ad. Scapul,y 5.

2. Pacis et annonae otio... Ab imperio et a coelo bene est De jHiUio, 1... praeseotis imperii triplex Tîrtus, Deo tôt Aagustis in unuin fa vente. Id., ch. 2.

3. Provinciae quae visa inteotione tuÀ obnoxia facta est concuuifmibus et militnm et inimicorom suorum cujusque. Ad Scap., V.

4. Nos quos sacrilegos existiroatis nec in furto unquam deprehenditis. Omnes aotem qui templa despoliant. Ad. Se, 2. Ce texte explique bien le sens précis do crime de sacrilège.

5. Singuli forte noti raagis quam omnes, nec aliunde noacibiles quam de emendatione viUorum pristinorum. Ad. 5c., 2.

6. Et nunc a praeside legionis et a praeside Mauritaniae vezatur hoc nomen, ied gladio tenus, sicut et a primordio mandatnm est. Id., IV.

7. Pro ianta innocentia, pro tanta probitate, pro JusUtia, pro pudicitia, pro ftde, pro reritale, pro Deo vivo cremarour. Id. 4.

a. In bai pngnas accedamus, ea quie Deus repromittit oonsequi optantes. Id., 1 .

294 B. AUBé.

Tertullien ne manqua pas à la défense des chrétiens persécutés. La lettre qu'il adressa en 211 à Scapula est remarquable. On y trouve au commencement une ferme revendication des droits de la conscience et la proclamation des éternels principes en cette matière*. L'auteur, en son écrit, garde constamment le ton d'un homme qui ne doute ni des droits de ceux qu'il défend ni du triomphe définitif de sa cause. Ce n'est pas la pitié qu'il demande, mais la justice. On dirait qu'il supplie, non pour les opprimés, qui ne souhaitent que la mort et la reçoivent avec allégresse, mais pour les cités sur lesquelles Dieu vengera ses fidèles*. Sa colère déjà s'est manifestée par des phénomènes qui ont efira Carthage et Utique. Scapula lui-même n'a-t-il pas payé sa cruauté ? Après le supplice de Mavilus d'Adrumète, livré aux bêtes, il a été atteint de soufl5reinces qui sont un premier avertissement d'en haut. A la fin, Tertullien usait d'un argument plus à la portée d'un honame politique et d'un homme d'état : les chrétiens sont beaucoup plus nombreux qu'il ne pense. 11 ne s'agit pas de quelques enfants perdus de la cité, ils sont partout, dans toutes les classes et à tous les degrés de l'échelle sociale. Veut-il mettre Carthage à feu et à sang, décimer la curie, jeter le deuil dans toutes les familles, répandre le sang de ses amis et de ses proches ^ ?

La persécution de l'an 211, qui suscita la lettre à Scapula, fut sans doute très violente et très courte. A l'exception de Mavilus d'Adrumète, nous ne connaissons par son nom aucun martjnr de ce temps. Dans la persécution d'Afrique, comme dans les autres, il faut réserver une page aux martyrs inconnus *.

Ad hoc solam yideamur enimpere, ut hoc ipsiun probemus, nos haec non timere sed oUro vocare. Id., 5. Absit ut indigne feramus ea nos pati quae opta- mus. Ib., 2. Cum omni sacvitia yeslra concertaraus, etiam oltro erumpentes, magisque damnati quam absolaii gaudemus. Id., i.

i. Tamen hamani jnris et naturalis potestatis est nnicuique qnod putaverit colère, nec aUi obest ant prodest alterius religio. Sed nec religionis est cogère religionem, quae sponte suscipi debeat, non tI, cum et hostiae ab animo libenti expos tulentur. Id., 2.

2. Doleamus necesse est quod nulla ciyitas impune latura sit sanguinis nostri effusionem. Id., 3. Parce tibi; si non nobis; parce Carthagini, si non tibi. Parce proTinciae. Id., 5.

3. Quod faciès de tantis millibus hominum... Quantis ignibus, quantis gladiis opus erit? Quid ipsa Carthago passura est, decimanda a te, cum propinquos, cum contubemales suos illic unusquisque cognoyerit, cum yiderit illic fortasse et toi ordinis yiros et malronas et principales quasque personas et amicorum tuonun yel propinquos ycl amicos? Id., 5.

4. Au 6 janyier, dans le Martyrologe ronu^^ on lit : In Afrïca commemo-

l'église D'iFRIQUB SOUS SEPTIME stfviRE. 295

Nous avons présenté le tableau des premières épreuves que subirent les chrétiens de l'Afrique romaine à la an du n* siècle et au commencement du m", en essayant d'en déterminer la suite et Tordre chronologique ; les affirmations tranchantes et absolues sur ce dernier point seraient téméraires et hasardées. Il n'est per- mis d'arriver qu'à une approximation plus ou moins probable et fondée. Nous avons cependant quelques points de repère. Tout d'abord, il est incontestable que les faits de persécutiom racontés dans ce chapitre appartiennent au temps de Septime Sévère, car ils sont les actes de proconsuls que nous savons certainement avoir gouverné la province sous le règne de ce prince, et c'est dans des traités de Tertullien, qui ont vu le jour entre 197 et 211 , qu'on en peut presque uniquement puiser le détail. Ces traités, depuis l'exhortation atix Martyrs jusqu'à la lettre à Scapula, bien qu'assez pauvres en noms propres et en indications capables de nous renseigner sur les temps, les lieux et les personnes, sont des documents historiques de premier ordre ; ils ont été écrits sous la pression des faits contemporains, dans le feu de la lutte, et res- pirent, si l'on peut dire, YactiuUité. C'est la persécution qui les a suscités, c'est la persécution qui les explique. Us n'ont pas de sens si on la nie, et, pour la nier, il faut les effacer, ce qui n'est pas possible. Donc, s'il y a lieu de contredire la tradition au sujet de la persécution chrétienne en Italie ou en Gaule, on est forcé de l'admettre dans l'Afrique romaine.

Or il nous a paru que la comparaison des textes de Tertullien avec les autres monuments littéraires ou épigraphiques pouvait nous permettre d'introduire quelque ordre dans la confusion des faits et de les étager, si nous pouvons parler ainsi, dans les qua- torze ans qui les enferment. La persécution, pendant cet inter- valle de temps, ne fut pas universelle, car nombre de chrétiens connus pour tels y échappèrent. Elle n'eut pas constamment le même d^^ de rigueur : nombre de faits en témoignent ; enân elle ne fut pas continue, mais intermittente, coupée d'années de paix ou de trêve. Il n'y a pas de terreur qui ait duré ni qui puisse durer quatorze ans. Les situations violentes dans l'histoire sont

ratio plDrimoram Sanctorum Ifartynira qui in peraecotione SeTeri ad palmn ligati igné coosumpti sont. On Ignore à quei temps ils appartiennent, ni qoeU ils sont. Tertullien, dans son Apologétique^ parle anssi de ceax qne les païens appelaient Sarmentidos et Senuuciot pour indiquer le genre de leur supplice, liais de ces deux indications on ne peat rien tirer de prteis.

296 B. liJBB.

courtes, et d'autant plus courtes qu'elles sont plus violentes. La foreur des oppresseurs ou la patience des opprimés s'use et se lasse forcément avec le temps. Et si l'on dit qu'il ne s'agit pas ici de foreur, mais de politique, celle-ci change nécessairement avec ceux qui l'appliquent. Or dans les provinces proconsulaires les gouver- neurs se succédaient d'ordinaire tous les ans. Tous n'avaient pas même caractère et mêmes visées. Le nouveau venu n'était pas obligé d'épouser les antipathies ou les maximes de gouvernement de son prédécesseur. Beaucoup préféraient sans doute le maintien de la paix et de la tranquillité présente au vague fantôme d'un ordre à venir et douteux à assurer par des mesures qui produi- saient un désordre et un trouble réel, certain et présent.

Dans l'histoire de la persécution de l'église d'Afrique sous Sévère, nous croyons donc pouvoir distinguer diverses périodes qui sont les trois suivantes :

La première s'étend de l'an 197 à l'an 200. Elle comprend les violences populaires, huées, voies de fait, dispersion tumultuaire des assemblées, attaques des maisons et quelques condamnations légales prononcées sur des dénonciations et accusations privées ; faits amplement attestés par l'écrit de Tertullien attx Martyrs, les deux livres aux Nations et Y Apologétique. Sous les coups de la force brutale, la majorité des chrétiens courbe le dos ; les plus avancés et les plus ardents, parla plume de TertuUien, rendent guerre pour guerre et répondent aux violences par de virulents écrits qui ressemblent à des provocations ou à des bra- vades : le traité des Spectacles et le traité de V Idolâtrie. Les condamnations capitales ne commencent que sous le proconsulat de Saturninus (198). Dans cette première période se place l'exé- cution de Namphamo et de ses compagnons et celle des fidèles appelés martjrrs scillitains.

La seconde période va de 202 à 205 ou 206.

Après une trêve de près de deux ans, la persécution renaît sous le vice-proconsulat de Flavianus Hilarianus et s'aggrave lorsque redit promulgué par Sévère en Palestine est officiellement connu en Afrique. Les poursuites d'office commencent. La violence de cette persécution et l'exaltation des chrétiens puritains sont attestées par les traités de Tertullien intitulés De corona militis, De fuga in persecutione et Scorpiace. Beaucoup de chrétiens se cachent, prennent la foite, ou achètent la liberté de leur cons- cience. C'est au commencement de cette période que se doit placer

l'<6lisb d^afkiqub sous sbptimb séviRE. 297

Texécution de Félicité, de Perpétue et de leurs compagnons. Sous le proconsulat de Julius Âsper, la persécution languit et s'éteint insensiblement.

La troisième période commence et s'achève dans Tannée 211.

La paix qui durait depuis cinq ans a été rompue sous le pro- consulat de Scapula Tertullus. Les chrétiens sont frappés du glaive en Numidie et en Mauritanie et plus cruellement encore dans la province proconsulaire. Cette persécution est attestée par la courte et vive lettre de Tertullien à Scapula. On ne connaît certainement dans cette période que le nom du martyr Mavilus d'Adrumète. Avec la tradition, on peut croire que l'église retrouva la paix dès 212. Les mauvais règnes et les époques troublées ont été heureux pour le christianisme dans l'empire romain.

B. Aube.

LA DIPLOMATIE FRANÇAISE

ET rESPÀ&NE

DE 1792 A 1796.

I. LA GUERRE ET LES NÉGOCIATIONS

ENTRE LA FRANGE ET L'ESPAGNE

EN 1793 ET 1794.

I.

Relations de la France et de V Espagne sous l'ancien régime. Idée que l'on s'en faisait en France. Affaire de Nootka-Sun. Rupture entre la Répu- blique française et V Espagne.

1789-1793.

Avant 1789, la France et l'Espagne étaient liées par le traité dit Pacte de famille qui unissait les deux branches de la mai- son de Bourbon. C'était un traité d'alliance générale, offensive et défensive, de garantie et de commerce. Il avait été signé le 15 août 1761, au plus fort de la guerre de sept ans; la France, épuisée, avait à cette diversion de ne pas suc- comber entièrement. Lorsque, vingt ans après, la France cher- chait à prendre sa revanche contre l'Angleterre et soutenait l'indépendance des États-Unis, l'Espagne fit cause commune avec son alliée, malgré les craintes très légitimes que l'émanci- pation des colonies anglaises lui faisait concevoir pour ses propres colonies. Enfin, en 1787, quand la guerre menaça de nouveau entre la France et l'Angleterre à propos des affaires de Hollande,

LA DIPLOHinB F&A:<(ÇiISE ET L Bn'ACm.

TEspagne anna et se montra prête à exécuter les couâitioi^ ôl traite. Cette constance à remplir les engagements retai: pu méconnue en France ; tandis que le système de FalliBiioe antr^ chienne était l'objet de critiques si vives et si générales, le Pacze de famille était, au moins en son principe, universeUement aj»- prouvé. Cest que la nature des choses, les conditions mêmes de la géographie, semblaient unir les deux Etats, a>mme la commit- nauté du sang unissait les deux dynasties. La France et l'Espagne n^avaient point d'intérêts opposés sur le continent, et elles avaient sur les mers et dans les colonies un intérêt commun et principal pour chacune d'elles, qui était de lutter contre leur rivale et leur enne- mie acharnée, l'Angleterre. Si l'on faisait au traité des critiques, c'étaient des critiques de détail, et elles procédaient des idées, d'ailleurs assez justes , que l'on avait de l'Espagne et de la nation espagnole.

Malgré les efforts qu'avaient faits Charles III et ses ministres pour relever l'état intérieur de l'Espagne, rétablir ses forces, la remettre au ton de l'Europe du xvm*" siècle, et, comme on disait alors, pour la tirer de sa léthargie, l'Espagne était en décadence et nul ne pouvait se faire à cet égard aucune illusion. Charles III avait porté la marine de guerre espagnole à l'apogée de sa puis- sance : en 1778 elle comptait 67 vaisseaux de ligne et 32 fré- gates^ ; cette flotte était une nécessité pour l'Espagne, car, tirant toutes ses ressources des colonies, elle avait à la fois à en défendre les côtes contre l'ennemi en temps de guerre, à en protéger le commerce contre la guerre ruineuse que lui faisait en temps de paix la contrebande anglaise et hollandaise, et à transporter en Europe l'or des mines américaines. Mais la marine de guerre, qui assurait ainsi le principal revenu de l'État, en absorbait la plus grande part. Il n'y avait point de marine de commerce. L'Es- pagne, ne travaillant pas, importait des lingots de ses colonies et y exportait de moins en moins de denrées et de produits fabri- qués. Dans la Méditerranée, son cabotage se faisait sous ])avillon étranger : le fret, la commission et le change eu nlusorbaient tous les bénéfices. A l'intérieur, faute do canaux et do routes, il n'y avait pas d'échanges; on ne pouvait aller chen^lior le blé Ih il était, de sorte que l'agriculture se ruinait fnutt> do dèkmohés, et que sur les côtes on était forcé d'importt^r des blé» êtrangt^rsi.

t. Rosseuw Saint'Uilaire, BUioirê dUMimgi^, Xlll, |i. 1IN

300 ALBERT SOaEL.

D'ailleurs l'esprit d'indépendance des différentes provinces et leur autonomie relative maintenaient entre elles les douanes inté- rieures. On reprochait aux Espagnols de ne point cultiver leurs terres: ayant peu de besoins et jugeant le travail d'ordre subal- terne, ils perdaient beaucoup de richesses naturelles; mais il ne fallait point exagérer ces richesses. « Un tiers de ce pays est cultivé, écrivait Favier en 1773; un autre tiers pourrait à la rigueur l'être avec du temps, des soins et de grandes dépenses; le reste est et sera toujours incultivable*. » Favier estimait au contraire que les ^ matières premières » existaient en abondance et étaient de la première qualité; mais les Espagnols étaient « moralement et physiquement incapables de les mettre en œuvre. » Les causes qui faisaient languir l'agriculture empê- chaient l'industrie de se développer. Le pays se dépeuplait par l'effet des mœurs et de l'amollissement général, par l'abus des majorats et l'excès du développement des ordres monastiques. Favier définissait les Espagnols une nation « romanesque, peu prévoyante, » haïssant les étrangers, gouvernée par les moines, indolente et arrogante, « de deux cents ans en arrière des autres nations policées. » Une administration « incorrigible, » multipliant les impôts et, à mesure que les charges augmentaient, multipliant les agents, par suite les vexations, percevait d'autant plus mal qu'elle voulait percevoir davantage. Tous les efforts de Charles III avaient amené en 1788 la population à 11 millions d'habitants et la recette totale à 200 millions de francs. La ressource prin- cipale, c'était le trésor formé des lingots d'Amérique et accu- mulé en vue de la guerre : ressource précaire, car elle ne produisait pas, et la guerre maritime pouvait, en coupant la route des colonies, en empêcher le renouvellement. D'ailleurs les revenus de l'Amérique diminuaient à mesure que se fai- saient plus sentir les effets du détestable régime d'exploitation auquel les colonies étaient soumises et les conséquences de l'affaiblissement de la métropole. Déchirées sourdement par les luttes de race, travaillées par l'esprit de révolte qui commençait à souffler des Etats-Unis, opprimées et épuisées, sans commerce entre elles et avec les étrangers, elles participaient à toutes les causes de la décadence de l'Espagne, sans avoir en elles-mêmes

1. Conjectures raisonnées; article xn : de l'Espagne. Édition de M. Boutaric, dans la Correspondance secrète de Louis XV, Paris, 1866.

LA DIPLOMATIS PRilfÇAISE ET L'eSPAGHB. 304

la force de résistance passive que l'Espagne puisait dans son passé et dans ses traditions. Ainsi l'Espagne, qui vivait aux dépens de ses colonies, les ruinait et se ruinait elle-même en les exploitant. Enfin, faute d'hommes et faute d'argent, l'armée espagnole, beaucoup trop négligée d'ailleurs par l'Etat, n'avait repris sous Charles III qu'une consistance apparente et à coup sûr très insuffisante.

Telles étaient les données qui s'offraient aux hommes d'Etat et aux publicistes qui étudiaient, au début de la Révolution, les relations de la France et de l'Espagne. On considérait comme probable une révolte des colonies*, mais on ne croyait point im- possible de prévenir l'événement et même, en réformant les rela- tions des colonies et de la métropole, de le faire tourner à l'avan- tage de l'Espagne. On s'exagérait les ressources de ce pays et par suite la facilité d'y rétablir le commerce, l'agriculture, l'industrie et les finances. En dehors même de ces illusions et de ces espérances, on concluait de l'expérience des dernières guerres et de la situation générale des deux pays, que si le secours des flottes espagnoles était infiniment utile à la France contre l'An- gleterre, le secours de la France était indispensable à l'Espagne pour défendre ses colonies. « Ce sont, écrivait Favier en 1773, des liaisons naturelles, nécessaires et indissolubles, fondées sur l'intérêt commun et invariable des deux puissances, d'où dépend réciproquement leur sûreté extérieure et maritime, ou sûreté de conunerce. » Peyssonel, ancien consul de France et publiciste distingué de l'école de Favier, déclarait en 1789 que le Pacte de famille serait regardé toujours « conune l'instrument sacré de la félicité publique *. » Ségur le proclamait indispensable, en 1790. C'était donc un principe de la politique extérieure, mais on entendait que dans cette alliance la France eût le premier rôle. C'est ainsi que Charles III, plus Bourbon qu'Espagnol], l'avait conçue et appliquée. Il en devait être ainsi et l'Espagne devait rester vassale de la France. « La mode, » disait Favier, que je cite avec intention, car il fut le grand théoricien et le pré- cepteur de toute la diplomatie de la Révolution, « la mode doit

1. Voir Raynal, Histoire philosophique et politique dês deux Indes, Ut. VIII, ch. xxzv : c La domination espagnole a-t-eUe une base solide dans le Nou- veau-Monde f »

2. Situation politique de la France : vues et développements des avantages que le Pacte de famille peut donner à la France, NenfchAtel, 1789.

302 ILBBRT SOaEL.

être passée de laisser influer TEspagne sur la France ; le besoin et Tinfériorité réelle de puissance font une loi à la branche cadette de se remettre à sa place. C'est à l'autre à diriger en lui donnant l'exemple et à reprendre en quelque sorte son droit d'aînesse. » On s'accordait à réclamer certains développements et certaines modi- fications dans les articles relatifs au commerce. L'Espagne devait traiter le commerce français avec plus de douceur et se départira son égard « de l'esprit jaloux et prohibitif » auquel elle s'était livrée, et qui avait en quelque sorte annulé l'exécution des articles 24, 25 et 26 du Pacte de famille. C'était un objet de la plus haute importance pour l'industrie française. On estimait en 1790 que « sur 200 millions de denrées de toute espèce que les colonies espagnoles demandent à leur métropole, elle ne peut leur en fournir en somme que 70 environ ^ » La contrebande anglaise comblait en partie la lacune, au grand détriment des revenus de l'Espagne ; la France avait intérêt à obtenir des conditions et des tarifs qui permissent à ses armateurs et à ses négociants de s'as- surer le monopole de ce trafic.

Cependant, malgré tant de motifs de rester fidèle à l'alliance espagnole et de reconnaître les services rendus par l'Espagne, il y avait dans les relations des deux nations un point extrêmement sensible et douloureux, c'était la Louisiane, qu'on avait cru devoir céder à l'Espagne à titre de dédommagement en 1763. C'avait été un déchirement pour la colonie et pour la métropole. Les Français ne l'avaient pas oublié. « Il a fallu sauver la gloire de l'Espagne et l'honneur de son ministère en lui abandonnant ce débris de notre naufrage, écrivait Favier. Elle avait perdu la

Floride, nous avions tout perdu nous-mêmes Elle a cent fois

plus de terrain en Amérique qu'elle n'en saurait cultiver ni défendre. Cependant on a non-seulement lui céder, mais lui livrer de force la Nouvelle-Orléans. Ces fidèles Français ont subi le joug espagnol ; tirons le rideau sur cette tragédie : les nouveaux maîtres y ont gagné à leur ordinaire un désert de plus •. » Et le rhéteur par excellence des passions et des utopies de son temps, Raynal s'écriait^ : « De quelque manière que la

1. Projet de discours de Mirabeau sur les meDices de l'Aiigleterre contre l'Espagne. Mémoires de Mirabeau, VII, p. 422.

2. Bouteric, II, p. 218.

3. Livre XVI, ch. vu. Il y a une proftopopée des habitants de la Louisiane protestant contre la cession.

U DIPLOMATIE FElIfÇilSB BT L'ESPAGUB. 308

politique veuille envisager cet événement, ce sera toujours au tribunal de la morale un crime d'avoir vendu ou donné des citoyens à une puissance étrangère. De quel droit, en effet, un prince dispose-t-il d'un peuple qui ne consent pas à changer de maître ?. . . Que signifie le droit des gens ? N'est-il que le droit des princes? » etc.

Ces détails rétrospectifs étaient nécessaires pour l'intelligence de la négociation que je me propose d'exposer ici. La direction qui y fut imprimée par le Comité de salut public semblerait sur- prenante si l'on ne se rendait pas compte de l'opinion que, d'après les publicistes les plus lus et les plus considérés du temps, les honmies éclairés se faisaient des relations de la France et de l'Espagne.

Cette opinion eut, dès la seconde année de la Révolution, l'occasion de se manifester. En 1790, la guerre étant sur le point d'éclater entre l'Espagne et l'Angleterre à propos de la posses- sion de la baie de Nootka-Sun, le gouvernement espagnol requit de la France le secours stipulé par le Pacte de famille. Pour faire exécuter ces armements, le roi demanda un subside, et rAssemt)lée nationale se trouva saisie de la question. Elle com- mença par discuter, en principe, le droit de paix et de guerre; au cours même de cette discussion (mai 1790), on vit se déclarer la volonté de secourir les Espagnols s'ils étaient attaqués par les Anglais. Mirabeau avait même préparé un discours dans le sens de la guerre ^ . Toutefois, le Pacte de famille^ en tant qu'œuvre dynastique et monarchique, fut vivement attaqué dans la presse. L'opinion publique était entraînée et aveuglée par la haine du passé et la manie de détruire; l'Assemblée nationale était sous le coup des illusions qui lui faisaient croire que l'avènement de la liberté en France mettrait à jamais fin, au moins pour les Français, aux guerres européennes. Les passions anarchiques et les illusions les plus généreuses conspiraient ainsi à détruire une œuvre que les esprits les plus sages et les plus portés vers les idées nouvelles considéraient naguère encore conmie indispen- sable à la défense de notre marine et de nos colonies. Mirabeau s'en émut ; il conféra sur ce sujet avec le comte de Ségur . Tous deux tombèrent d'accord que le seul moyen de sauver cette alliance et de couper court à Topposition irréfléchie qui n'en

1. Frcjetf cité ciniastiif.

304 ÀLBsaT soaKL.

considérait que la forme et en méconnaissait le fond, c'était de réviser le traité et de le mettre d'accord avec la nouvelle consti- tution. « Ce traité dicté par le ministre d'un roi absolu, écrivait Ségur, doit-il rester tel qu'il est lorsque la nation est devenue libre, lorsque cette nation a abjuré tous les principes d'une poli- tique ambitieuse, lorsque les Français ont déclaré à tout l'uni- vers qu'ils n'attenteraient à la liberté, à la propriété d'aucun peuple?.. . Non sans doute. . . il doit être modifié pour la forme et pour le fond. Le Pacte de famille doit disparaître. Un Pacte national doit le remplacer. Les articles qui renferment quelques stipulations offensives doivent être effacés; mais tous ceux qui stipulent l'engagement d'une défense réciproque doivent être en même temps renouvelés, resserrés, consacrés par le vœu natio- nal...^ » Mirabeau conseilla à Louis XYI de négocier dans ce sens-là ' ; c'est dans cet esprit qu'il parla dans le Comité diplo- matique. Sur son rapport, l'Assemblée nationale décréta, le 25 août 1790, l'exécution des engagements défensifs du traité et l'armement de 45 vaisseaux. Elle invita le roi à négocier avec le gouvernement espagnol la révision du Pacte en supprimant les clauses offensives, en développant les stipulations défensives et les arrangements commerciaux. L'accord se rétablit entre l'Es- pagne et l'Angleterre ; il y eut transaction et la guerre n'éclata pas. Il n'en était pas moins utile de poser nettement les idées des hommes de 1789 sur cette question de l'alliance espagnole. Ces idées subirent bientôt une révolution complète, et c'est par une voie détournée et après des épreuves sanglantes que la France et l'Espagne devaient quelques années après reprendre cette négo- ciation.

Charles III était mort en 1788, Charles IV régnait, sa femme, Marie-Louise de Parme, gouvernait, et don Manuel Godoy, son amant, dirigeait, en secret d'abord, puis bientôt publiquement, le roi, la reine et toute l'Espagne. En 1790-1791, le comte de Florida-Blanca occupait le ministère. Bien que parvenu et de souche bourgeoise, il était fils d'un notaire et avait commencé par être avocat, Florida-Blanca était un adversaire déclaré

1. Examen par le comte de Ségur d'un ouvrage intitulé : Extrait du Pacte de famiUe, 1790, réimprimé dans la Politique des cabinets de l'Europe, édition de 1825, tome II, p. 306.

2. Troisième note pour la cour^ 23 Juin 1790. Correspondance de Mirabeau et La Marck, II, p. 45.

Li DIPLOMATIE FRiRÇAISB ET L'bSPAGNE. 305

de la Révolution. Il entra dans toutes les combinaisons qui se nouèrent, en 1791, avant et après Varennes, pour intervenir en faveur de Louis XVI . Il s'ensuivit un refroidissement très marqué entre l'Espagne et la France. En février 1792, au moment la crise européenne semblait sur le point d'éclater, le parti de la prudence l'emporta en Espagne; Florida-Blanca fut remplacé par Aranda. Ancien ministre de Charles III, ancien ambassa- deur à Paris, Aranda était un « ministre éclairé » ; il avait essayé de réformer le gouvernement et les universités; enfin il avait expulsé les Jésuites. Aussi le nommait-on le vertueux Aranda, vertueux comme on était honnête homme sous Louis XIV, c'est- à-dire dans le ton du siècle, ainsi que le « vertueux » Mœllendorf en Prusse, « le philosophe » Bernstorf en Danemark , Pombal à Lisbonne et Manfiredini à Florence. Il essaya de rétablir sinon la confiance, au moins la bonne entente entre les deux Etats. La révolution du 10 août déconcerta tous ses efforts. lie ministre de France Bourgoing le mit en demeure d'opter entre la guerre et la reconnaissance de la République. Charles IV était resté très Bourbon; il ne voulait ni reconnaître la République, ni abandonner Louis XVI. Aranda se retira et fut remplacé le 15 novembre 1792 par Godoy, devenu duc de la Alcudia. Le nouveau ministre contint le parti qui demandait la guerre, espé- rant, parla neutralité, sauver la vie de Louis XVI. Le chargé d'affaires d'Espagne à Paris, Ocaritz, fit le 26 décembre, auprès du ministre des affaires étrangères Lebrun, une démarche oflS- cielle; la Convention en fut saisie le 27. Ocaritz revint à la charge le 17 janvier 1793. Ces démarches ne firent qu'irriter la Convention. Bourgoing fut chargé de notifier à l'Espagne que « si elle ne désarmait pas sur-le-champ, la guerre serait déclarée. > L'Espagne était effrayée par la propagande révo- lutionnaire : elle refusa. Le 23 février 1793, Bourgoing quitta Madrid *, et le 7 mars 1793, sur le rapport de Barrère, la Convention déclara la guerre à l'Espagne. « Il faut, disait le rapport, que les Bourbons disparaissent d'un trône qu'ils ont usurpé avec les bras et les trésors de nos pères, et que le plus beau climat, le peuple le plus magnanime de l'Europe, reçoive la liberté qui semble faite pour lui. >

1. Voir les pièces de ces négociations et le récit du dernier entretien entre Godoy et Boargoing, dans les Mémoire$ du prince de la Paix, traduction fran- çaise. Paris, 1836, tome I, ch. à yui.

ReV. UlSTOR. Xi. FA8G. W

806 ALBERT SORBL.

II.

Caractère de la guerre entre la France et V Espagne, Alliance de V Espagne et de V Angleterre. Tentative de négociation secrète à Copenhague.

Mars 1793-février 1794.

L'Espagne n'avait aucun désir de recevoir le prétendu bien- fait que la Convention lui imposait les armes à la main, et les déclarations de Barrère n'eurent d'autre effet que de réveiller dans la nation espagnole les passions haineuses que les moines y entretenaient et qui n'étaient qu'endormies au temps de l'union intime des deux dynasties*. Il y eut alors comme un premier épisode de la guerre nationale de 1808-1809. Les moines offrirent de lever des troupes et apportèrent de l'argent. Les paysans s'armèrent'; mais cet élan populaire, qui aurait pu suflSre à arrêter le premier effort des émissaires jacobins et de cohortes indisciplinées, ne pouvait suflSre longtemps contre une révolution qui allait si promptement prendre à l'égard des étrangers le caractère d'une puissance militaire, formidable à la fois par son organisation et par l'ardeur dont elle était animée. La flotte espagnole était redoutable, mais n'ayant guère les moyens de se mesurer avec elle, la France la craignait moins qu'elle ne l'aurait fait au temps des grandes guerres maritimes. L'armée espagnole était presque nulle. Ce pays, qui armait 80 vaisseaux de ligne, put mettre à peine 35,000 hommes sous les armes. Si insuffisante que fût cette force, elle dépassa d'abord celle que la France fut en mesure d'y opposer ; mais au bout de peu de temps les propor- tions, les conditions surtout se modifièrent, et Ton vit paraître les causes qui devaient finalement assurer le succès de l'une des deux armées et la défaite de l'autre. Ces causes ont été étudiées avec une rare pénétration par l'historien de la campagne des PjTénées, le colonel Fervel ^. L'armée espagnole était restée ce

1. Conjectures raisonnées de Fayier, Observations cuiditionnelles sur l'ar- ticle XII : de l'Espagne. I. De la haine nationale. Boataric, II, p. 38.

2. Rosseaw Saint-Hilairef t. XIII, p. 249.

3. Campagnes de la Révolution française dans les Pyrénées-Orientales, par J. N. Fervel. 2* édit. Paris, 1861, tome I. Introduction, p. 3.

LA DIPLOMITIB PRiRÇAISB BT L'bSPAGUB. 807

qu'elle était au temps de la guerre de trente ans, disciplinée, dure aux fatigues, ferme au combat, mais lente en ses mouvements, n'avançant qu'avec tous ses bagages et ne combattant que der- rière des retranchements. Cette tactique et cette méthode lui avaient assuré un siècle auparavant la supériorité contre les attaques fougueuses de troupes sans ordre et sans organisation ; elles la rendaient fort inférieure aux troupes du xviii* siècle, mieux formées et plus mobiles. Charles III avait essayé de rajeu- nir cet instrument suranné; ses réformes avortèrent en grande partie. « Aussi, conclut Fervel, allons-nous retrouver en 1793 les Espagnols du xvf siècle. Rapprochement singulier! Les bataillons de volontaires de la République auront aussi plus d'une ressemblance avec leurs ancêtres, ces bandes indisciplinées et pleines de fougue qui allaient à Pavie se briser contre les lourdes phalanges péninsulaires. Mais une campagne malheureuse sufSra à nos jeunes soldats révolutionnaires pour éclairer leur rapide intelligence, pour discipliner leurs tumultueux élans; et alors on verra tomber, comme par enchantement, devant les légers essaims de nos mobiles tirailleurs, ces lourdes masses espagnoles, ces immobiles machines de guerre, qui n'auront rien changé à leur antique pesanteur*. »

Prêts avant la France, les Espagnols prirent l'offensive le 17 avril 1793, et leur général, Ricardo, se porta sur Perpignan. Il battit les Français le 20 mai, et le 23 juin s'empara de Belle- garde. La fin de la campagne fut désastreuse pour la France. Mais tandis que les armements étaient poussés en France avec une véritable fi^nésie, l'Espagne, épuisée par son succès même, sen- tait les ressources lui manquer; le découragement s'empara de ses officiers et de ses hommes d'Etat. C'est que les conditions de Tentreprise dans laquelle l'Espagne était engagée étaient telles, que des esprits éclairés se demandaient si la victoire finale de la coalition ne serait pas plus ruineuse pour la monarchie espa-

1. Cette petite armée de la frontière espagnole eut u large part d'honneur dans les grandes luttes du temps. Je renvoie le lecteur qui désirerait connaître ces faits trop ignorés au livre de Fervel; il y trouvera, au milieu de détails techniques savamment groupés, plus d'une page héroïque. Voir aussi les Saute- nirs du général de Pelleport^ Paris, 1857, et les études de Sainte-Beuve : Causeries du Lundi, tome XIII, Nouveaux Lundis, tome II. Je dois me bor- ner ici A résumer les causes générales, et je m'en tiens à ce qui est indispensable pour l'intelligence des négociations.

308 ALBERT SOaEL.

gnole que la dé&ite de ses armées et le triomphe de la Répu- }>lique. L'Espagne avait été par la force des choses entraînée à traiter avec l'Angleterre et à se lier^avec cette ennemie naturelle de sa marine et de ses colonies. Une alliance offensive et défensive avait été signée le 25 mai 1793, et Ton vit aussitôt l'Angleterre élever la prétention de ne secourir énergiquement l'Espagne que si elle consentait à conclure un traité de commerce. Ce traité, qui aurait livré aux Anglais les colonies espagnoles, était la terreur du cabinet de Madrid. Ce cabinet comprenait d'ailleurs que les défaites maritimes de la France nuiraient autant à l'Espagne qu'à la France même. Aucun État plus que l'Espagne n'avait à redouter la prépotence de l'Angleterre. Il en résulta beaucoup de froideur dans les négociations et fort peu d'en- tente dans les opérations. La seule qui fut tentée en com- mun, la prise de Toulon, mit le comble à la mésintelligence des deux gouvernements : l'Espagne aurait voulu proclamer la régence de Monsieur, le comte de Provence, et occuper Toulon au nom de Louis XVII; l'Angleterre voulait le garder et en faire un Gibraltar provençal. La reprise de la place par les Français (17 décembre 1793) laissa les deux alliés divisés et irrités l'un contre l'autre : il n'était plus question de traité de commerce; l'alliance du 25 mai périclitait, et de part et d'autre on ne mon- trait nul désir d'en exécuter les conditions.

La coalition maritime de l'Angleterre et de l'Espagne se dis- solvait à peine formée, par les mêmes conflits d'intérêts et de traditions qui paralysaient au même moment la coalition conti- nentale de l'Autriche et de la Prusse. Les divisions des puissances allemandes, la fragilité de leur union, les causes qui préparaient et les symptômes qui annonçaient déjà la défection de la Prusse, n'étaient un secret pour aucune des chancelleries de l'Europe. On s'en rendait compte à Madrid, et dès le mois d'août 1793 Godoy avait parlé de paix ; l'analogie de la situation de l'Espagne avec celle de la Prusse l'avait frappé, il cherchait à se rappro- cher de cette puissance *. A l'automne de 1793, au moment à Toulon les rapports s'aigrissaient de plus en plus entre les Espa- gnols et les Anglais, une occasion se présenta pour Godoy de sonder le gouvernement français ; il y consentit d'autant plus

1. R G Ue Spaniens iur Zeit der Franzœsischen Révolution^

p. 4ttD. j m.

LA DIPLOMATIE FEANÇAISB BT L*BSPA6!fB. 309

aisément, que Touverture venait du Danemark, et que si une négociation s'en suivait, on pouvait croire que la Prusse y serait associée : c'était pour Godoy une considération importante, car il ne se sentait point le courage et le crédit nécessaires pour prendre l'initiative d'une négociation isolée et porter seul la res- ponsabilité d*une défection à la cause des monarchies.

Un envoyé de France, Grouvelle, était arrivé en Danemark au mois d'août 1793. Il y était incognito : le Danemark avait à ménager sa neutralité et, tout en recevant fréquemment l'agent français, le ministre des affaires étrangères, le comte de Berns- torf, avait cru devoir attendre, pour lui reconnaître un caractère oflSciel, qu'une des grandes puissances en guerre avec la Répu- blique eût reconnu le nouveau gouvernement français*. Ily avait alors à Ck)penhague un ministre d'Espagne, M. de Muzquiz, qui, sans avoir noué des relations avec l'envoyé de la République, les représentants des États en guerre avec la France ne le pou- vaient ni ne l'osaient, s'était cependant fait remarquer par la « décence et la modération » avec lesquelles il s'exprimait sur la Révolution. C'était, dit Grouvelle, un homme probe, pourvu des lumières de la philosophie, > élevé en Angleterre, « presque plébéien ; » bref un disciple d'Aranda, un ami de Berns- torf, et l'homme qu'il fallait pour inspirer confiance à un envoyé de la République*. Grouvelle avait été averti que Muzquiz mon- trait discrètement des dispositions à un rapprochement. Au com- mencement de décembre 1793, le secrétaire de la légation de France, Framery, fut invité à se rendre dans une maison tierce où, lui disait-on, il recevrait une communication importante. Il y trouva Muzquiz, qui lui demanda de ménager une entrevue secrète entre lui et Grouvelle. L'entrevue eut lieu, avec un appa- reil romantique et dans un décor bien fait pour cette scène étrange qui rapprochait ainsi, pour la première fois, un représen- tant des Bourbons d'Espagne et un envoyé de la Convention. Ils se rencontrèrent « la nuit, dans un lieu très écarté, » où, « malgré un vent très violent, » la conversation dura deux heures. Grouvelle avait pris la précaution de se faire accompa- gner par « l'honnête Framer}' ». Sous ce régime de terreur, de

1 . Sur Grouvelle, Bernslorf et l'intervention du Danemarli dans les premières négociations avec la Prusse, voir la Revue historique^ tome V, ii, p. 270 et suiv.

2. Ces détails et le récit qui suit d'après le rapport de GrooTelle, du 20 fri- maire an II (tO décembre 1793). ArcMve$ dês A/fairêt étrangères.

348 ALRIT SOUL.

suspicion et de dénonciation générales» la précaution n'était pas superflue. Muzquiz dit qu'après TarriTée de GrouYelle, il avait eu ridée de demander à Madrid Tautorisation de se rencontrer avec lui, ajoutant que si l'Espagne voulait négocier, il proposait de faire passer ces négociations par M. de Bemstorf. Le ministère espagnol n'avait répondu que par un simple accusé de réception. Muzquiz l'avait considéré comme un consentement tacite, « parce que, disait-il, si cette proposition avait déplu, on n'eût pas man- qué de lui défendre textuellement de voir Grouvelle, ainsi que l'avait fait la cour de La Haye au chargé d'affaires de Hollande, et la Suède à son agent. » Muzquiz manifesta de l'admiration pour la République : il ne doutait pas du succès final de la France ; la guerre, selon lui, était impolitique et désastreuse pour l'Espagne, et si au début, ajoutaitr-il, on n'avait pas précipite les choses, on aurait pu obtenir la neutralité du cabinet de Madrid, n conclut en demandant à Grouvelle quelles étaient à cet égard les intentions de la République. Grouvelle était fort embarrassé ; il n'avait pas d'instructions, et déjà, le 8 octobre, il avait écrit à Paris pour se plaindre de ne recevoir aucune direction ^ « Mes présomptions, même sur les plans de la République, étaient fort bornées, » rapporte-t-il. Il fit une réponse dilatoire, insinuant que la République avait en général et à priori peu de goût pour les médiations; il tâcha de savoir à son tour si l'Espagne désirait négocier une paix séparée et la négocier directement. Il rendit, le 10 décembre 1793, compte de cette conversation à Deforgues, alors ministre des affaires étrangères. La réponse qu'il reçut quelque temps après à sa dépêche du 8 octobre n'était pas faite pour l'éclairer. Deforgues lui écrivait de Paris le 10 fiimaire an II (30 novembre 1793) :

« En attendant que notre gouvernement révolutionnaire soit orga- nisé dans toutes ses branches et qu'un plan général pour les négocia- tions à suivre pendant Thiver soit définitivement arrêté, je ne puis que me référer à la lettre que je t'ai écrite le 22 brumaire. >

Cette lettre du 22 brumaire traitait du Danemark et de la Suède, du désir que Ton avait de les engager à faire une diver- sion, et ne contenait aucune indication sur les négociations générales. Grouvelle crut donc devoir s'entourer de la plus

t. GroaTelle à Deforgues, 8 octobre 1793. Affaires étrangères.

LA DIPLOMATIE FIANÇAISB BT L*B8PAGIIB. SU

grande réserve lorsqu'à la fin de décembre il eut avec Muzquiz une nouvelle entrevue, au même lieu, à la même heure et dans le même mystère. Muzquiz laissa entendre qu'il ne s'agissait dans sa pensée que de la paix générale, mais qu'en ce cas il désirerait connaître les intentions de la République envers l'Espagne. Grouvelle, après avoir eu soin de déclarer que ses paroles devaient être considérées comme un discours sans atUorité et sans con- séquence^ répondit que, selon son opinion personnelle, la paix générale était impossible, mais qu'une paix séparée lui semble- rait facile. Une paix séparée, répartit Muzquiz, présenterait deux difficultés : l'Espagne répugnerait à reconnaître la pre- mière la République; de plus, si elle faisait la paix, elle désirerait conclure en même temps une alliance, et elle se demandait si une alliance serait compatible avec la nouvelle politique de la France.

« Je n'avais pas, écrit Grouvelle, la moindre idée de la manière dont le gouvernement républicain pourrait envisager ces deux objections. » La République, dit-il, sera bientôt reconnue par plusieurs puissances, l'Espagne et la France ont les mêmes ennemis. Il se renferma dans ces assertions vagues. Muzquiz laissa paraître le désir que Grouvelle fût autorisé à rece- voir des ouvertures. Grouvelle répondit à cette insinuation qu'il désirerait savoir auparavant si Muzquiz était autorisé à en faire*. Ce fut Bernstorf qui se chargea, quelques jours après, de l'édai- rer sur ce point. Grouvelle écrivait à Deforguesle 11 nivôse an II (31 décembre 1793) :

« On ne peut plus douter, citoyen, que les premières démarches dont j'ai rendu compte, n'aient un but réel et ne donnent lieu d'espérer des suites heureuses. M. de Bernstorf entama lui-même la matière en me disant que M. de Muzquiz, ministre d'Espagne, lui avait fiait part de ses entrevues avec moi et de l'objet qui nous avait rapprochés.

Je dois et je puis vous dire, poursuivit-il, que vous pouvez lyouter une foi entière à tout ce qu'il vous a dit. Je connais ses instructions, il me les a montrées. Comme il ne peut convenablement vous les communiquer et que néanmoins il est important que vous sachiez jusqu'à quel point il est autorisé, il fidiait qu'il y eût un témoin qui vous servit de garantie. Je me suis chargé d'être ce témoin pour authentiquer vis-à-vis de vous ses oufertures. Je suis pleinement autorisé à le faire. >

1 . GroQTeUe A Deiorgnes. 4 nifAM ta II (?4 déoonbre 1793). Àlfaàrm éirtmgère$.

342 ALBERT SOISL.

Toutefois Bernstorf ne voulait pas s^avancer dayantage; il entendait écarter tout ce qui donnerait à ces pourparlers le caractère d'une médiation ou même d'une entremise officielle. Il craignait d'ailleurs que Muzquiz ne pût suivre l'afiaire, car on l'avait nommé au poste de Stockholm et son successeur à Copen- hague venait d'arriver. Grouvelle demanda à être autorisé à profiter des bons offices de Bernstorf, ajoutant avec raison que si la Prusse donnait l'exemple, on détacherait facUement l'Espagne de la coalition. Il croyait ne pas pouvoir se refuser plus long- temps à entrer publiquement en relations avec l'envoyé d'Espagne^ ; mais ne recevant pas d'instructions, il fut pris de scrupules ou de craintes, et il cessa de voir M. de Muzquiz, jus- qu'à ce qu'il y fût autorisé*. Bien lui en prit, car le 13 pluviôse an II (l*' février 1794), Deforgues lui écrivait que l'on tenait à Paris les ouvertures de l'Espagne pour insignifiantes, que le cabinet de Madrid s'était réservé le moyen de désavouer son agent et qu'on avait peu de confiance dans ce que disait Muzquiz. On approuvait la réserve de Grouvelle. Le gouvernement était disposé à écouter les propositions de paix, mais il se méfiait; c'était à l'Espagne de s'expliquer. Le Comité de salut public trouvait le ministre danois trop optimiste et trop porté à attri- buer aux coalisés une modération qu'ils n'avaient pas. Il impor- tait de savoir si les ouvertures de M. de Bemstorf étaient spontanées ou si elles lui avaient été suggérées par l'Espagne. « Le Comité de salut public, disait Deforgues, est très sensible à la délicatesse avec laquelle M. de Bemstorf s'est conduit dans cette circonstance. Le Comité est persuadé que toutes les fois qu'il s'agit de stipuler les intérêts de l'humanité et de la philoso- phie, M. de Bernstorf est l'homme sur lequel la République firançaise peut compter comme confident et comme auxiliaire. » Deforgues ajoutait qu'en ce moment d'ailleurs le Comité de salut public ne pensait qu'à la guerre.

Ceux des coalisés qui avaient eu des velléités de paix en arri- vaient à la même conclusion. C'est ce que Bemstorf déclarait à Grouvelle dans les derniers jours de février 1794. Muzquiz était parti ; son successeur. Normandes, était en mesure de suivre les conversations commencées par Muzquiz; Bernstorf croyait, et le

1. Groayelle à Deforgaes, 11 nivôse an II. Affairei étrangères,

2. Id., id., 25 ni?dse an II (14 janvier 17d4). Id.

LA DIPLOMATIE FRANÇAISE ET l'bSPAGXB. 343

langage de Normandes dans ses entretiens avec Grouvelle confir- mait cette conjecture, que l'Espagne était désireuse de la paix et fatiguée de l'alliance anglaise. Quant à la paix générale, Bems- torf en avait eu la première idée, il avait sondé les cabinets, il avait rencontré des dispositions et il ne s'en était ouvert à Grou- velle que quand cette pensée « était devenue non une simple hypothèse, mais une mesure susceptible de quelque effet, du moment qu'elle paraîtrait ne devoir point être repoussée par nous. > Mais depuis lors, ajoutait le ministre danois, les circons- tances ont changé : on ne parait plus songer qu'à la guerre ^ La guerre en effet reprenait partout avec acharnement et il ne fut plus question des ouvertures de M. de Muzquiz.

m.

Campagne de 1794. Politique de Godoy, Ouvertures de paix à V armée des Pyrénées orientales.

Février-novembre 1794.

La prise de Toulon avait rendu la confiance et l'élan aux troupes de la République. Sur la frontière espagnole, la campagne de 1794 fut une lutte corps à corps au pied des montagnes. « L'illustre et vertueux Dugommier » arriva de Toulon avec 10,000 hommes aguerris et prit le commandement de l'armée qu'avant lui Dagobert dirigeait avec plus d'héroïsme que de cir- conspection. La réorganisation de l'armée des Pyrénées, jointe à la nouvelle des succès des armées du Nord, fit réfléchir les Espagnols. Le 28 février, le 3 et le 14 mars 1794, des délibérations orageuses eurent lieu à Madrid. Il se formait un parti de la paix à la tête duquel se trouvait naturellement Aranda. Cet ancien ministre représentait à ses amis les forces croissantes des Fran- çais, leur élan, l'épuisement financier et militaire de l'Espagne. On ne l'écouta point, on l'exila même, et le parti de la guerre, représenté par Godoy, l'emporta encore une fois. Mais ce n'était qu'une victoire factice : au fond, Godoy comprenait que la conti- nuation de la guerre était impossible; il la soutenait parce qu'elle était encore populaire, et qu'il voulait asseoir son autorité

1. Grouvelle A Deforgaes, 4 ?entÔM an II (22 fév. 1794). Affaires étrangireê.

344 ILBBET 80KBL.

par la guerre, en attendant le moment opportun pour l'affermir davantage en rendant la paix au pays ^ En effet, les finances de l'Espagne étaient épuisées ; les impôts, multipliés, ne rendaient plus, et les emprunts, qui étaient ruineux, devenaient de plus en plus difficiles. L'Espagne n'avait ni l'énergie, ni le fanatisme, ni les ressources extraordinaires qui permirent à la France de suppléer à la perte de son crédit et à la banqueroute de ses finances. Les armées se balançaient au début de la campagne de 1794; mais c'était une infériorité pour l'Espagne, qui s'affai- blissait à mesure que l'armée française se renforçait*. Dugom- mier parvint à tourner les Espagnols, les battit le 1^ mai 1794 et les força de repasser la frontière. Le 26 mai (7 prairial an II), Navarro capitula dans CoUioure avec 7,000 hommes. La capi- tulation accordait à la garnison les honneurs de la guerre et le droit de se rendre en Espagne sous la réserve de ne plus servir contre la France ; l'Espagne devait rendre un nombre égal de prisonniers français et livrer les émigrés qui avaient soutenu la cause espagnole. Cette stipulation parut déshonorante au général en chef espagnol, et comme Dugonunier n'avait pas eu la pré- caution de f&ire ratifier par lui la capitulation signée par son lieutenant, il refusa de l'exécuter. Cependant Navarro et sa division étaient rentrés en Espagne; aucun prisonnier français ne fut restitué, et il en résulta entre les généraux en chef des deux armées un débat très aigre qui donna à la suite de la cam- pagne un caractère d'animosité et de violence que la guerre n'avait pas eu jusque-là. Le 23 thermidor (10 août 1794) , la Con- vention décréta la guerre à mort avec l'Espagne ; elle décida que tant que la capitulation de CoUioure ne serait pas exécutée, « il ne serait plus fait de prisonniers espagnols » et qu'il ne pourrait être question de paix avec l'Espagne. Dugonmiier notifia en conséquence au général espagnol La Union qu'il ne correspon- drait plus avec lui qu'à coups de canon, et poussa les mouvements de son armée. Il avançait, lentement à la vérité, mais chaque jour refoulait les Espagnols vers leur frontière '. Cette frontière était entamée à l'ouest par l'armée des Pyrénées occidentales.

1. Voir les Mémoires du prince de la Paix, I, ch. xvii-xxi, et sortoot BiQmgarten, Geichiehte Spaniens xur Zeit der firanMœiUchen RevoluUon, p. 504 et %mi.

2. Baamgarten, 519. Fenrel, H, p. 16-17.

3. Fenrel, ch. xvu et xyiii.

DIPLOMITIB FRANÇAISE ET L^ESPIGNE. 345

Fontarabie avait capitulé le 1*' août; Saint-Sébastien ouvrit ses portes peu de jours après : les Français étaient maîtres du Guipuscoa.

Ces nouvelles jetèrent la perturbation dans Madrid. Le peuple des provinces, surtout en Biscaye, fanatisé par les moines, se soulevait et se préparait à la guerre de guérillas ; mais le peuple des villes était las de la guerre et, voyant l'Espagne menacée, reprochait violemment au gouvernement l'impuissance de la flotte, l'incapacité des généraux et la ruine du pays. Une agita- tion révolutionnaire se mêlait à ces ressentiments. Les émissaires français, les brochures surtout, appelaient les Espagnob à la paix, déclarant que le peuple français, ne désirant point de con- quêtes, ne voulait que rendre la liberté à l'Espagne. Il fallut prendre des mesures militaires à Madrid et dans les grandes villes pour y maintenir l'ordre. Toute la fureur populaire se tournait contre Godoy. Ce ministre qui, au mois de mars, avait soutenu le parti de la guerre à outrance parce qu'il y voyait le moyen de se maintenir dans la faveur du peuple, jugea que désormais le rétablissement de la paix était la condition de la durée de son pouvoir. C'était pour la reine une considération décisive * . Les événements qui se passaient en Europe contribuaient d'ailleurs à décourager l'Espagne de la guerre. La France était victorieuse partout, le bruit courait que des négociations étaient entamées avec la Prusse, et c'était un argument nouveau en faveur de la capitulation de conscience vers laquelle les souve- rains espagnols se sentaient entraînés. Les victoires des armées françaises du Nord et de l'Est permettaient à la République de ren- forcer ses armées des Pyrénées. Ainsi au moment la propagande révolutionnaire commençait à agir en Espagne, l'armée d'inva- sion aUait recevoir de nouveaux renforts. L'Espagne se sentait incapable d'y opposer une résistance sérieuse. Enfin la révolution qui s'était opérée à Paris le 9 thermidor permettait d'espérer l'établissement en France d'un gouvernement régulier avec lequel il serait possible de traiter. La vie des enfants de Louis XVI détenus au Temple ne sembla plus menacée ; non seulement on crut pouvoir les sauver, mais on conçut même l'espérance illusoire d'une restauration de la royauté. La nouvelle de la chute de Robespierre, écrivait l'envoyé de Prusse,

1. Baningirten, 529-S32.

346 ALBERT SOREL.

a causé à la cour autant de joie qu'une bataille gagnée. « Main- tenant, s'écria la reine, le bourreau de la République est mort. » On se décida donc à négocier; mais connue il fallait à la fois imposer du respect à l'ennemi, parer à une reprise des hostilités, éviter d'éveiller la colère des Anglais et ménager la partie du peuple des montagnes qui se soulevait à l'appel des moines pour résister aux étrangers, Godoy prit ostensiblement des mesures de défense, lança une proclamation de guerre à outrance et ne risqua les premières ouvertures de paix que dans le plus grand secret et avec toutes les précautions possibles*.

n n'était point aisé d'entamer ces négociations. La principale ressource, les parlementaires et les communications verbales entre les généraux, faisait défaut : toute correspondance avait cessé entre les armées depuis la notification, par Dugonnnier, du décret du 23 thermidor. Godoy dut donc chercher une voie détournée. Il y avait en Espagne un agent français, Simonin, qui était chargé de payer aux prisonniers français leur solde de captivité. C'est à lui que le gouvernement espagnol s'adressa dès le 1®' sep- tembre 1794, par l'intermédiaire du général en chef, La Union, qui, à plusieurs reprises, s*était prononcé dans le sens de la paix. La Union ne voulait point se découvrir; Simonin, connaissant les terribles décrets de la Convention et la manière expéditive avec laquelle on jugeait les agents suspects de connivence ou même de modérantisme dans leurs relations avec l'ennemi, avait grand'peur de se compromettre. Il se décida à parler par symboles et il eut recours à un expédient classique qui peint bien les mœurs du temps. Il inséra, dans la marge d'une lettre qu'il écrivit à Dugommier, une feuille d'olivier. La lettre, datée de la Risballle jour des sans-culottidesde l'an n (20 septembre 1794), était ainsi conçue* :

« Dès Tînstant il ne m'a plus été possible de secourir nos fîrères d'armes prisonniers en Espagne, je n'ai aspiré qu'au plaisir de retourner dans ma patrie. Toutes mes lettres le prouvent ma sollici- tude à cet égard. Uniquement occupé de ce doux espoir, je ne m'atten- dais pas à recevoir, dans un pays je n'ai aucune connaissance, la visite qu'on m'y a faite le 4 5 fructidor et que Ton a réitérée hier de

1. Baamgarteo, 533-534.

2. Ce docament et tous ceox que je citerai sans en iodiqner la provenance sont inédits et tirés des Archives nationales. Directoire exécutif : Espagne.

Ll DIPLOMATIB FRAIfÇâlSB ET l'eSPAGNE. 347

la part d'une personne des plus distinguées. Je m'attendais encore

moins qu'on m'engagerait à te faire des propositions de Je

m'arrête ; un décret que je respecte m'impose le plus profond silence; le rameau que tu trouveras ci-joint y suppléera. Si rien ne s'oppose à la réception du symbole qu'il renferme, la personne de la part de laquelle on est venu me parler se montrera à découvert et aura distinctement avec moi, ou tel autre citoyen que l'on jugera conve- nable de nommer, une ouverture franche sur tout ce que cet emblème peut te faire pressentir, b

Tandis que cette missive s'acheminait vers le quartier général de Dugoramier, l'armée des Pyrénées orientales obtenait un nou- veau succès. Le 17 septembre 1794, Bellegarde capitulait. C'était le dernier point que l'ennemi occupât sur le sol de la France, et la condition préalable posée par la Convention à tout pourparler de paix, la libération du territoire, était remplie avec l'Espagne comme avec tous les autres coalisés. Dugommier et les représen- tants du peuple Delbrel et Vidal, qui étaient délégués auprès de son armée, pensèrent que la joie causée à Paris par cette nouvelle les excuserait d'avoir tempéré dans l'exécution le san- guinaire décret du 23 thermidor. Bellegarde avait donc été admise à capituler et les prisonniers n'avaient pas été massacrés. L'état de l'armée le commandait d'ailleurs; si elle avait obtenu un grand succès, elle n'était pas en mesure de le soutenir longtemps. « Notre armée était dans la détresse, écrivait Dugonunier; 70,000 EIspagnols menaçaient de ravitailler Bellegarde, et nos divisions n'avaient à leur opposer que l'énergie du petit nombre*. L'ennemi réduit au désespoir eût pu faire sauter ces murs que je m'étais tant efforcé de rendre intacts'à la République. > Enfin, et Delbrel le représenta au Comité, ou avait craindre d'afireuses et inévitables représailles envers les prisonniers français*. Tel était l'état des choses au quartier général français, lorsque le 4 vendémiaire an III (25 septembre 1794) un trompette espagnol y apporta une dépêche pour le général en chef. L'usage était de lire à haute voix, en présence de l'état-major rassemblé, les communications de l'ennemi. Dugommier se préparait à en agir ainsi, lorsqu'on ouvrant la dépèche il aperçut le rameau d'olivier.

1 . Le chiffre est exagéré ; c'est par homaniié que Dugommier groMit le dan- ger, très réel d^ailleurs, qae pouvait courir soo armée.

2. Ferrel, U, p. 163.

348 albut sokbl.

n était trop de son siècle et trop versé dans la littérature classique pour douter un instant du sens de ce symbole ; il lut la lettre à récart, et, justement préoccupé de l'importance de cette commu- nication, il s'empressa d'en donner connaissance à Delbrel. Ce fiit ce conventionnel qui dicta la réponse que Dugommier adressa le 5 vendémiaire (26 septembre 1794) à Simonin. Cette réponse était faite pour couper court à toute négociation. Dugonmûer signifiait de nouveau que « le gouvernement eût à se hâter de nous donner satisfaction sur toute la capitulation de Collioure, sinon jamais de paix avec l'Espagne, jamais aucun traité quel- conque tant que nous aurions sous les yeux l'exemple d'une félo- nie. » Sous le coup des décrets de la Convention et après l'infrac- tion que, par prudence et par humanité, ils venaient eux-mêmes d'y apporter à Bellegarde, Delbrel et Dugonmûer ne pouvaient pas répondre autrement aux ouvertures espagnoles'. Mais l'un et l'autre sentaient l'intérêt qu'il y aurait à entamer une négo- ciation. Leurs forces pouvaient Caire illusion aux Espagnols; elles ne pouvaient leur faire illusion à eux-mêmes. L'armée était considérablement afiaiblie par les combats, par la maladie, par la désertion. La cavalerie, cantonnée trop loin, ne pouvait seconder utilement l'ofiiensive, et plus près on ne pouvait la nourrir. Les transports manquaient. Il n'y avait point d'habil- lements; la poudre faisait défaut « pour accomplir quelque chose de brillant. » On vivait sur le pays qui était ruiné. Cependant, si triste que fut cette situation, celle de l'ennemi était pire : les troupes se fondaient et ne se renforçaient point; les progrès des Anglais en Amérique efirayaient les Espagnols^. La paix sem- blait donc utile, et le moment pour la négocier favorable. Dugom- mier jugea nécessaire d'éclairer entièrement le Comité de salut public sur cette situation. Sa dépêche est datée du 5 vendémiaire an m (26 septembre 1794).

c Je reçus hier une dépèche de Simonin, payeur des prisonniers français en Espagne; je vous en envoie la copie ainsi que celle de ma réponse. J'ai cru que cette dépèche renfermait un objet d'une assez haute importance pour vous expédier un courrier extraordinaire, après en avoir donné connaissance au représentant du peuple Delbrel. En répondant à Simonin, j'ai parié en général en chef qui soutient

1. Fdn, ManuscrU de Ta» ///, p. 22-23. Ferrel, U, p. 167.

2. Dugommier ao Comiië, 25 septonbre 1794.

LA DIPLOMATIB nUNÇilSB ET l'BSPAGNE. 349

la cause de l'armée qu'il commande ; mais je vous renvoie la branche d*olivier. G^est à vous de décider Taccueil ultérieur que je dois lui faire. Je ne me permettrai aucune réflexion relative : cependant, je croirais manquer à mon devoir si je ne vous exposais avec vérité la situation présente de cette armée et des départements qui Tavoisinent. Ce tableau peut éclairer la marche qu'exige l'intérêt de la patrie dans

une pareille circonstance Si le gouvernement n'a aucune vue sur

la Catalogne, comme il s'en est expliqué dans ses précédentes dépêches, si l'Espagnol nous laisse la Gerdagne, Fontarabie et le port (te Passage, ne serait-il pas avantageux d'écouter les propositions de paix? 9

Lorsque cette dépêche arriva à Paris, le Comité de salut public n'avait pas encore organisé sa correspondance diplomatique et s'était fort peu occupé de négociations. La réponse qui fut faite aux ouvertures de Simonin se ressent encore de l'arrogance des déclarations de la tribune ; mais sous cette rhétorique, on voit percer déjà le dessein que le Comité poursuivra dans toute sa négociation avec l'Espagne. Ce dessein était en quelque sorte arrêté d'avance. Les membres du Comité en trouvaient les éléments dans leurs lectures et dans leurs souvenirs. De même que le gouvernement espagnol, battu et épuisé, était amené à la paix par la crainte de la prépondérance anglaise, le nouveau gouver- nement français était par ses succès mêmes conduit à exiger de l'Espagne non seulement la paix, mais la dépendance politique. TeUe était la force des circonstances et tant il est vrai que les relations des États ont aussi leurs lois qui dérivent de la nature des choses, que l'on voyait à Madrid le roi Bourbon entraîné malgré lui à se placer à l'égard de la Convention nationale dans les rapports il était avec Louis XVI, et à Paris un gouver- nement formé d'honmies d'Etat improvisés, issus de la bourgeoisie, tout nouveaux à la diplomatie, portés à parler du cabinet de Madrid comme aurait pu le faire le ministère de Louis XIV . De part et d'autre et après le sanglant intermède d'une guerre de dix-huit mois on reprenait les choses au point les avait laissées l'ancien régime. La dépêche du Comité, datée du 16 ven- démiaire an III (7 octobre 1794), était adressée non à Dugom- mier, mais aux représentants en mission près l'armée des Pyrénées orientales*.

1. Minate de Merlin de Douai. Bien qne celte dépêche lit été en partie

S20 ILBBET SOUL.

c Le peuple français ne (kit point la paix avec un ennemi qui occupe une partie de son territoire*, mais il pèse dans sa sagesse les propositions d*un ennemi vaincu, obligé de ftiir sur son propre sol. La nation espagnole possède au suprême degré Tart de cacher ses desseins. Elle est en possession de proposer et de différer pour profiter des coi\jonctures. Pour la déjouer, il faut continuer de la battre. La terreur est dans toutes les armées des despotes coalisés. Chaque jour les Français se signalent par des victoires de nature à étonner l'uni- vers. Si l'Espagnol députe près de vous, citoyens collègues, déployez la dignité, la grandeur et la fermeté qui conviennent à un peuple vraiment digne de la liberté. La position topographique de TEspagne lui impose Tobligation de solliciter Tindulgence et le retour de Famitié de la France. Son intérêt conunercial le veut impérativement. Un orgueil de fomille lui a fait oublier ses traités et ses calculs. Nos conquêtes doivent rappeler son gouvernement à un système mieux entendu. Le souvenir des guerres sanglantes avec rAngieterre, le plan évident de cette nation de dominer sur la Méditerranée, la crainte fondée de TEspagne de perdre toute son existence politique si elle persévère, rendent très vraisemblable ce que contient la lettre de Simonin à Dugommier. La réponse à cette lettre doit être Êdte par le général Dugommier et conçue en ces termes : La France mr/ foui ce qui s'accorde avec son intérêt et sa dignité. Ecoute et trans- mets ces propositions. Toute démarche doit être faite auprès des représentants du peuple près de r armée que je commande; ta corres- pondance ne peut s'engager quarec e%r^ tes principes Fordonnent. Instruisez-vous. Observez bien que tout ceci doit se passer, de votre part, en conférences et que c'est au Comité de salut public à poser les bases. L^intention de TEspagne ne doit pas être connue, les dispositions ofE^nsives doivent se foire avec plus d'activité que jamais. Amis!... sous peu de jours le Rhin sera notre barrière. La nation n'a jamais été plus grande. »

Ces instructions répondaient parCadtement aux sentiments du représentant Delbnîl. Ce conventionnel, qui fut un des plus éner- giques émules de Meriin de Thionville, était avant la Révolutioià avocat à Moissac. Il s*élait «urôlê en 1792. Nommé député à la Convention, il vota la mort de Louis X'NT et fut envové à Tannée du Non! son activité contribua beaucoup* parait-il. à la victoire de Hondschoote. Il venait d*arriver à rarmèe des

poUkip par FerrcI ;ll. p. t(SS\ je cm» Mccasaire à'tm rvfwodwre id le» pusaieiK

LA DfPLOMiTIB FEANÇilSB ET L BSPAGIfB. 324

Pyrénées orientales lorsque les négociations commencèrent. Le 24 vendémiaire an III (15 octobre 1794), il répondit au Comité de salut public :

« J'ai remis au général en chef le projet de lettre qu'il doit écrire à Simonin. Gomme le général avait déjà fait à cet homme une réponse dont vous avez reçu copie, lui envoyer une seconde réponse avant qu'il eût écrit une seconde fois eût été témoigner trop d'em- pressement. C'eût été une espèce d'avance, et une grande nation victorieuse n'en doit point (kire à des esclaves vaincus. Nous avons donc pensé que pour faire usage du projet que vous nous avez adressé, il fallait attendre que Simonin écrive encore, ce qui ne peut tarder. Si d'ailleurs le gouvernement espagnol veut traiter et qu'il le veuille franchement, il commencera par exécuter la capitulation de Collioure-, ce doit être, selon moi, le préliminaire de toutes les négo- ciations. B

Delbrel n'attendit pas longtemps la missive de Simonin; elle arriva le jour même il adressait cette dépêche au Comité. La lettre de Simonin, datée du 12 octobre 1794, témoignait de la déception qu'avait éprouvée son interlocuteur espagnol en appre- nant que l'exécution de la capitulation de CoUioure était la con- dition préalable de toute négociation. Simonin rapportait, mot pour mot, les paroles de la personne qui lui avait fait les premières ouvertures.

« En exigeant ces préliminaires, ce n'est pas, dit-elle, le moyen de se rapprocher, ce serait d'ailleurs la compromettre vis-à-vis de sa cour à rinsu de laquelle elle parait vouloir opérer cette réconciliation. Cependant, pour ne pas te laisser sans une réponse concluante sur cette importante affaire, elle m'a foit dire de t'écrire que les seuls préliminaires de paix qu'elle pourrait offrir étaient les articles de celle même paix -, que si tu convenais dans ces principes et que vous soyez parfaitement d'accord l'un et l'autre sur ces préliminaires, viendrait naturellement le traité, en grand, de paix. Ensuite vous les proposerez à vos deux nations respectives pour avoir leur assen- timent, et ce le plus promptement possible ; ou il faudrait y renoncer, parce que, dit-elle, tout retard l'exposerait et la mettrait à découvert vis-à-vis de son souverain, de l'Angleterre et des autres puissances alliées qui exigeraient, à l'instant, une réparation proportionnée au mépris fait au traité qui les unit. »

Le négociateur espagnol, ajoutait Simonin, « est persuadé que l'Angleterre cherche à détruire l'Espagne et la France, et c'est

UeV. IIiSTOR. XI. FA8C. '21

822 ALBERT SOREL.

pour déjouer rambition de cette commune rivale qu'il voulait hâter le traité de paix. Il s'agissait d'une réconciliation perpé- tuelle. » Pour tourner la difficulté relative à CoUioure, il propo- sait un échange général de prisonniers

Delbrd fit répondre par Dugommier conformément aux instruc- tions du 16 vendémiaire* et l'on poussa vivement la reprise des hostilités. Les conditions étaient désastreuses; toute l'ardeur du général en chef et des représentants du peuple n'y pouvait remédier . Malgré les menaces du conventionnel Vidal, qui parcourait les départements d'alentour, l'agriculture ruinée et les paysans abattus par le régime de la Terreur ne pouvaient procurer aux troupes ni les fournitures ni les vivres dont elles manquaient. On n'en marcha pas moins : conquérir étant en définitive le seul moyen de vivre*. A l'autre extrémité des Pyrénées, les Français avaient, le 16 octobre, rejeté les Espagnols à quelques lieues de Pampelune.

Ce que l'on sait du gouvernement espagnol à cette époque ne montre que le désordre, l'incapacité, la confusion. L'irrita- tion croissait contre Godoy, et Godoy se consumait en efibrts stériles, en déclarations vaines, en démarches contradictoires ; il nous apparaît à la fois éperdu et infatué, et cet état d'esprit peut seul expliquer les oscillations de sa politique. Le 27 octobre 1794 il posait au conseil d'État la terrible alternative d'une paix oné- reuse ou d'une guerre ruineuse. Il voyait les Français triomphant partout. « Ils vont, disait-il à un diplomate étranger, conquérir une grande partie de l'Allemagne et de l'Espagne: l'Afrique seule et peut-être l'Amérique pourront leur opposer une barrière. > En même temps et sur la foi de rapports d'espions ou d'agents de l'émigration, il se représentait le Midi de la France prêt à se sou- lever pour rétablir les rois, et il négociait avec l'Angleterre la reconnaissance de Monsieur comme régent de France^. Il redou- tait assez la République pour juger la paix nécessaire, et il croyait la France assez divisée pour accepter une paix qui détrui- rait la République*. C'est ainsi qu'il fut conduit à faire passer à

1. Delbrel aa Comité, 29 vendémiaire (20 octobre 1794).

2. Fervel, II, p. 170-175.

3. Baumgarlen, 535-537.

4. Cf. Mémoires du prince de la Paix, ch. xxv. Je n'ai pas besoin de dire que Je n'use de cet ouvrage apologétique et rédigé à distance qu'avec les plus grandes réserves. Tout le récit des négociations, entre autres, y est dénaturé.

Ll DIPLOMATIB FRl!fÇAISE ET l'bSPAGNB. 323

Simonin cet étrange ultimatum que l'agent français transmit sans commentaire aux représentants Ddbrel et Vidal, par une lettre datée de Figuières le 4 novembre 1794 :

« L'Espagne reconnaîtra le système ou forme de gouvernement qu'a adopté ou adoptera la France ; 2* La France mettra de suite à la disposition de FEspagne les deux enfants de Louis XVI; 3* La France rendra au fils de Louis XVI les provinces limitrophes de l'Espagne, dans lesquelles il régnera souverainement et gouvernera seul en roi. Cet établissement sera fait d'accord avec les deux puis- sances. »

Cet ultimatum produisit l'effet qu'en aurait attendre l'obser- vateur le moins pénétrant de la France et de la Convention. 11 raUuma la colère et réveilla le fanatisme des représentants. Vidal, qui était alors à Montpellier, fut le premier qui en eut connais- sance. Il transmit à son collègue Delbrel les propositions « dépla- cées et insolentes » de l'Espagne, puis dans une lettre du 24 brumaire (14 novembre 1794) portant en épigraphe ces mots : Liberté, égalité, guerre aux tyrans, paix aux peuples, il écrivit au Comité :

« Dans ma lettre à mon collègue, je lui dis qu'il est temps enfln "(le faire cesser toute espèce de correspondance, qu'il ne peut y en avoir d'autre entre des républicains et des esclaves que du canon et de la bayonnettc, que ce Simonin me parait beaucoup trop oflicieux, qu'une pareille persévérance sonne très mal et est propre à faire naître des soupçons, qu'enfin lorsqu'un ennemi battu de tous côtés a encore rorgucilleuse prétention de vouloir imposer des lois à son vainqueur, il ne reste qu'à le terrasser encore davantage et le mettre lui-même sous le joug qu'il prétend imposer aux autres. »

Delbrel ne fut pas moins indigné des propositions espagnoles. « Mon âme en est trop révoltée pour que je puisse en parler plus longtemps, écrivait-il au Comité le 26 brumaire (16 novem- bre 1794). Demain nous répondrons d'une manière digne de la République, demain nous répondrons à coups de canon et de bayonnette. > Le Comité partagea ces sentiments et écrivit le 4 frimaire (24 novembre 1794) aux deux représentants* :

Mais on trouve, au début même de ce récit, un passage les iUusions de Godoy sont assez TÎTement rclracées, et c'est à ce passage que Je renvoie, l. Publié par Fcrvcl, II, p. t75.

« LlnfignatioD est an eomlik en fisanl Péorîl ijifi— »^ qpe iws nous afez transmis. D est diiBdfe de eoneeroir m— nmt on Fraznis apo traeer des lignes qoi présentent des idées aossi ootraseantes poor sa nation. (Test à notre artîDene à répondre aiec un fen bien soutenu. Disposez tont et frappez. Le Français TîetorieQx traite sans orgueil Feunemî qui se présente arec Fattitode qui fan eonrient: fl Toue au mépris k ¥aincn qui ose fan proposer des lois. Prenez <fes mesures pour fiiire refenir, sur-le-«lamp, Sïmnnîn d^Kqpagiy. D compromet la cfignité du peuple français. »

Cette lettre, dit Fenrd, n'était pas encore sortie du bureau die aTait été écrite, que, répondant d^aranœ à rati^uratîiXL du Comité de salut public, Farmée des Pjrrénées orientales avait dgà frappé. Poursuirant énergiquement son offendre sur le territoire ennemi, Dugonmiier avec 36,000 bommes arait atta- qué les Espagnols fiotls de 46,000 et retiancbés dans des positions défensives autour de Figuières. Les OMubats oommenoèr»it le 17 noremlR^. La première journée frit crudle pour la France : Dugcxnmier frit tué sur le cbamp de bataille. Arec lui disparais- sait l'un des plus nc^iles (HÎginaux de cet âge béroîque des années firançaises. Le premier mot d'ordre que Bonaparte donna en qualité de {Hremier consul frit : Frédéric II et Dugonunier; Tune des demims pensées de Napoléon à Saint-Hélène frit pour < ce brave éi intriq)ide générale > Pérignon prit le ocxnmandement en cbef et conduisit vigoureusement les opérations. Le 28 novem- bre 1794, Figuières capitula. L'armée y trouva des vivres et des munitions en abondance : « les soldats, que la faim avait pousses au combat, dit Fervel, ne purent résister à l'ivresse d'un chan- gement à brusque, ^ ils se livrèrent à des excès dont la plaine de l'Ampurdan garde encof^ la trace'. » Il Csillut une nouvdle attaque des Espagnols^de nouvdles misères pour raidre à l'armée sa dignité et son ressort. Pérignon avait commencéle siège de Rases; Finvestissement frit achevé le 24 novembre et cette opération occupa la fin de la campagne. Les Français avaient été moins heureux aux Pyrénées occidentales, et après une pointe malheu- reuse sur Pampelune, ils frirent contraints de prendre leurs quartiers d'hiver dans le Guipuscoa.

t. Qoalrième codkâne ao testamat, 24 afril 18^1. Voir Ferrel, D, p. 196>

196. t. Voir les dépêches de Delbrd. Ferrel, D, ch. zzir.

LA DIPLOMATIE FBANÇAISB ET l'B8PAG!(B. 325

IV.

La cour de Madrid. Nouvelles tentatives de négociations.

Novembre 1794-janvier 1795.

A Madrid , la cour cherchait à s'étourdir ; Godoy se divertissait et perdait son temps en intrigues aussi vaines que compliquées avec les émigrés et leurs agents dans le sud de la France, avec la Russie à laqueUe il demandait Tenvoi d*une flotte dans la Méditerranée, avec l'Angleterre à laquelle il promettait de continuer la guerre si on lui faisait espérer seulement des subsides. Cachait-il son jeu? cherchait-il à dissimuler aux alliés de l'Espagne la défection qui se préparait ? Il est difficile de le décider, et le plus probable est qu'il inclinait tantftt vers la guerre, tantôt vers la négo- ciation, suivant les vicissitudes des opérations militaires, les revirements de l'opinion, les mouvements des partis à la cour et les calculs incertains d'une ambition égoïste qui ne cherchait dans la paix comme dans la guerre qu'un moyen de conserver le rang de ministre et l'état de favori auxquels la passion de la reine l'avait si scandaleusement élevé. Après Aranda qui avait payé de l'exil son opposition à Godoy, Campomanès, survivant dis- gracié du règne heureux de Charles III, et Valdès, le ministre de la marine, élevaient hardiment la voix en faveur de la paix. Cette résistance, qui irritait Marie-Louise et Godoy, les rejetait vers la guerre; mais les conditions dans lesquelles cette guerre se présentait, les dangers qu'ils y apercevaient pour leur règne et pour l'État les ramenaient bientôt au parti de la paix. De les continuelles contradictions de leur langage et les variations de leur politique.

Tandis que des tendances révolutionnaires se manifestaient dans les villes et provincesenvahiesou menacéesd'invasion, la Navarre, la Biscaye, la Catalogne surtout, irritées contre le gouvernement, toujours prêtes à ressaisir leur ancienne indépendance, organi- saient des juntes secrètes, levaient des milices et se préparaient à la fois à résister à l'étranger et à s'affranchir du joug de la royauté, détestant d'une haine égale la république française et la monarchie espagnole. Il fallait régler ce mouvement. Le géné- ral I^ Union avait péri comme Dugommier dans les combats

326 ALBERT SOREL.

de Figuières; son successeur, Don José Urrutia, s'efforça de concentrer l'ardeur des Catalans : la province leva 20,000 mique- lets et 20,000 hommes de réserve qui renforcèrent l'armée espa- gnole. Mais cet effort était insuffisant; il aurait fallu de bien autres ressources pour repousser définitivement et écraser les Français. Ces ressources manquaient : la guerre avait coûté déjà 1500 millions; l'Angleterre, avant de parler de subsides, demandait à voir des soldats. « Les moyens ne sont pas encore trouvés, disait Godoy au ministre anglais Jakson qui le pressait, mais je ne m'en tourmente pas : les levées commenceront en février, nous ferons un plan, et je vous le communiquerai. » En attendant, Urrutia avait ordre de reprendre les pourparlers tout en s'efforçant de rétablir l'armée. « Mes rapports doivent vous faire une impression singulière, écrivait en février 1795 l'agent prussien Sandoz, j'y passe alternativement du noir au blanc ! La reine veut la paix, le roi ne veut rien du tout ; Godoy, jeune et sans expérience, s'imagine qu'on peut faire la paix et la guerre avec les mêmes moyens et attend je ne sais d'où une décision. » On recueillait avec une curiosité impatiente les bruits qui com- mençaient à courir sur les négociations engagées secrètement entre la France et la Prusse ; on espérait trouver un prétexte de faire la paix avec moins d'humiliation et de sortir de la coalition, sinon avec honneur, au moins en bonne compagnie. Godoy correspon- dait avec Cabarrus, le père de madame Tallien, et Cabarrus insinuait d'après ses lettres de Paris que la France traiterait sans cession de territoire et sous la seule condition que l'Espagne se séparerait de l'Angleterre. On cherchait à deviner les intentions de la Prusse, on aurait voulu s'entendre avec elle. Sans s'être entendu, on employait les mêmes procédés et on agissait, bien qu'avec moins de suite et de résolution, de la même manière^

L'envoyé de Prusse, Harnier, avait quitté Paris le 9 janvier 1795 après avoir décidé l'ouverture des négociations officielles; le 13 janvier, le général espagnol Urrutia conviait de nouveau la France à négocier, par une lettre adressée au général français Pérignon. Cette lettre qui, pour le ton, rappelle celles qu'en décembre 1794 Meyerinck et Mœllendorf adressaient à Bâcher^,

1. Banmgarten, 543-550. Voir pour les négociations préliminaires avec la Pmsse : La paix de Bâle, Revîie historique, tome V, ii, et tome VI, i.

2. Revue, tome VI, i, p. 57. La lettre d'Urrutia a été publiée, en traduction, par Fain, p. 52.

DIPLOMATIE FRANÇAISE ET l'eSPAG^TE. 327

commençait par des considérations d'humanité; elle exprimait le désir que Ton ne combattit que les soldats, « qu'on respectât le laboureur, qu'on le laissât tranquille dans sa chaumière, » enfin que la guerre perdît le caractère sauvage qu'elle avait pris, surtout après la capitulation de Figuières*.

a Plût au ciel, poursuivait Urrutia, que ce conflit cessât et que deux nations faites naturellement pour être amies revinssent à Tètre ! . . . Notre rivalité n'a pas encore un but direct, qu'elle s'exerce donc à des objets plus dignes que celui de répandre le sang ! Le voisinage de TEspagne et de la France rendra toujours ces deux nations insé- parables en commerce et en amitié. Pourquoi donc travaillent-elles avec tant d^eflbrts à se détruire? Pourquoi nos ruines doivent-elles être le ciment sur lequel une autre puissance, peut-être, élèverait rédiflce fastueux de sa grandeur?. . . Je te demande que tu me répondes sur ce point avec la ft*anchlse dont je te donne l'exemple; nous ne sommes autorisés, toi et moi , qu'à nous fkire la guerre. Faisons-la sans manquer à nos devoirs, mais cherchons en même temps les moyens de faire la paix. »

Le parlementaire qui portait cette lettre était chargé d'en remettre à Pérignon une autre qui, par son caractère noble et touchant, mérite d'être citée et qui se rattache à l'un des épisodes les plus singuliers de ces temps héroïques. Il y avait à Madrid un gentilhomme qui portait l'un des plus beaux noms de France, M. de CriUon, ancien lieutenant-général fiançais, passé au service de l'Espagne, en 1761, lors du Pacte de famille, et fait duc de Mahon à la suite de la prise de Minorque en 1782. Son fils, Louis de Crillon-Mahon, servait en qualité de brigadier dans l'armée espagnole ; il fut fait prisonnier dans un des combats autour de Figuières, et on le prit d'abord pour un émigré ; dès que l'on connut son nom et sa qualité, on lui rendit son épée. Âugereau, qui avait servi sous ses ordres dans les gardes wallones, le reconnut et le fit, sur sa demande, interner à Montpellier. Son frère, qui était resté Français, avait siégé dans les Assemblées parmi la noblesse libérale. Arrêté sous la Terreur, il venait à peine d'être rendu à la liberté. Le vieux CriUon s'adressa à Pérignon et lui demanda que son fils Louis fût renvoyé à Madrid sur parole; il priait en même temps le général fran-

I. Cf. Fervel, II, ch. xxnr, le rapport de Delbrel sur le sic de Figoières.

328 ALBERT 80REL.

çais de faire parvenir au prisonnier la lettre suivante , datée du 30 décembre 1794* :

« Nous vous avons cru mort pendant plus de quinze jours, n'ayant de vos nouvelles que vous étiez prisonnier et en bonne santé que par des déserteurs auxquels je suis accoutumé à avoir peu de foi ; et dans cette affreuse incertitude, jugez de l'état de votre bonne maman et de notre chère Virginie. L'état de convulsion ou d'une morne douleur dans laquelle je les vois alternativement, redoublait la mienne et devenait plus amère par les efforts que je faisais pour la cacher et les rassurer sur de fausses apparences. Mais, vous le dirai-je, mon cher enfant? je suis moms à plamdre qu'elles *, mon amour pour vous, aussi tendre que le leur, trouvait, de temps en temps, des moments de consolation dont elles ne jouissaient pas avec moi, par la justice que vous a rendue toute l'armée, ainsi qu'aux braves soldats du pre- mier bataillon d'Espagne à la tète duquel vous avez resté prisonnier. . . Il me semble que mes forces qui ne m'ont pas encore, comme tu le sais, tout à fait abandonné, se renouvellent telles que je les avais il y a soixante ans, à ma première campagne^, lorsque j'ai un reste d'es- poir de voir finir cette monstrueuse guerre à mes yeux, pour en recommencer encore une nouvelle je pourrais encore espérer de combattre avec les Français unis aux Espagnols contre les vrais ennemis de nos deux nations, et sur lesquels j'ai toujours eu des avantages personnels à moi ^ car enfin nous nous ressemblons toi et moi par la fortune, n'ayant jamais eu, comme toi, que de légères blessures; mais en quoi nous différons, c'est qu'en soixante et tant d'actions de guerre je me suis trouvé, la déroute plutôt que la bataille de Rosbach est la seule je me suis vu obligé de tourner le dos à l'ennemi soit étant au service de France, soit depuis que je suis à celui de l'Espagne... Je t'embrasse et je t'adore comme ton bon papa, ton meilleur ami, quoique ton ri?a] de la gloire que tu acquiers, tandis que je reste destiné à ne faire des vœux que pour la paix. »

U y avait un peu de Thidalgo dans cette lettre, dans la forme surtout, mais il y avait au fond une chaleur d'àme et une géné- rosité de sang français dont un gentilhomme libéral et un ancien

1. J'en respecte la forme, assez étrange et étrangère, mais j'ai cru devoir rétablir l'orUiographe qui est absolument fantasque dans l'original.

2. en 1718, Grillon éUit entré au serTice en 1731 et avait fait, sous Villars, la campagne d'Italie en 1733.

Ll DIPLOMATIE FRINÇAISB ET L^ESPAGIfB. 329

officier des années de Louis XVI, comme Tétait Pérignon, devait être touché. Le vieux Grillon et lui étaient de la même race; comme de Fiers, comme Dagobert de Fontenille, comme Dugom- mier, Pérignon était noble et avait conquis ses grades sous l'an- cien régime. Il semblait en vérité que cette armée des Pyrénées, destinée à combattre sur la terre classique des épopées chevale- resques, eût le privilège de rassembler ces Français de grand cœur et de noble race qui, après avoir applaudi aux premières espérances de la Révolution, ne s'étaient, lors de la tyrannie et des proscriptions, souvenus que d'une chose, c'est qu'ils étaient B'ran- çais et que la France courait le même danger qu'au temps des invasions anglaises, des factions d'Armagnac et de Bourgogne, des maillotins et des jacqueries; comprenant, pour l'honneur de la vieille France et le salut de la France nouvelle, qu'il fallait agir non pour le siècle, mais pour l'avenir, que le premier devoir était de maintenir l'intégrité de la France, et qu'on ne pouvait la maintenir qu'en combattant pour la République; réalisant enfin, par instinct plutôt que par calcul, l'hypothèse où, selon l'étrange et pénétrant aveu de Joseph de Maistre, un philosophe inspiré aurait dicté aux armées françaises la conduite qu'elles devaient tenir en cette crise suprême de leur patrie*.

La lettre d'Urrutia et la lettre de Grillon furent communiquées aux représentants du peuple près l'armée des Pyrénées. Ils pen- sèrent qu'à des titres divers, ces deux lettres témoignaient de dispositions dont le Gomité de salut public devait être instruit, et les deux lettres furent envoyées à Paris, le 16 janvier 1795. Mais, suivant les dernières instructions du Gomité de salut public, con- vaincus qu'il fallait forcer l'Espagne à « demander ouvertement la paix » et rêvant de la « dicter dans Barcelone », ils avaient fait adresser à Urrutia, par Pérignon, le 15 janvier, une lettre qui ne correspondait en rien ni aux sentiments élevés, ni aux tendances pacifiques dont le général espagnol s'était inspiré*.

« Je connais comme toi les lois de l'humanité. Je connais celles de la guerre et je saurai me renfermer dans le cercle qu'elles me pres- crivent; mais je connais aussi l'amour de mon pays, et partout je trouverai des hoounes armés contre sa liberté, mon devoir est de

1. Voir de Maistre, Considérationt tur la France, 1797, ch. u.

2. Pérignon an Comité, les représentants an Comité, 27 vent^ an III (16 jan- ▼ier 1794).

330 ALBERT SOREL. LA DIPLOMATIE FRANÇAISE ET L'ESPAGNE.

les combattre, même jusque dans les chaumières... Je n'ai pas le droit m'ériger en conciliateur; je ne suis ici que pour me battre. Si le gouvernement espagnol a des propositions à faire à la Républi- que, c'est à la Convention nationale ou à son Comité de salut public qu'il doit s'adresser directement ^ >

Cette lettre péremptoire était loin de répondre aux dispositions dans lesquelles se trouvait le Comité de salut public lorsqu'il en eut connaissance.

Albert Sorel.

{Sera continué. )

1. Fain, p. 56. C'est par erreur que Fain donne à cette lettre la date du 26 mars an III.

MELANGES ET DOCUMENTS

DÉPORTATIONS DE PRÊTRES

sons LE PREMIER EMPIRE. I.

Au début de Tannée 4 84 4 , le conflit engagé entre Napoléon et le pape était depuis longtemps arrivé à son état le plus aigu. Pie Vil, après avoir protesté contre Toccupation des États pontificaux, après avoir lancé l'excommunication contre Napoléon, avait été enlevé de Rome, conduit à Grenoble, puis à Savone, il vivait séquestré, sans conseillers, sans rapports avec quiconque au dehors, sous la surveillance de M. de Chabrol, préfet de Montenotte, et de Tofflcier de gendarmerie Lagorse ; on lui avait enlevé jusqu'à ceux de ses domestiques en qui il paraissait avoir confiance. On avait arrêté et conduit à la forteresse de Fenestrelles le valet de chambre qui lui servait de barbier. On avait perquisitionné jusque dans son apparte- ment de prisonnier -, on avait forcé son secrétaire; on Tavait obligé à remettre au gendarme Lagorse « l'anneau du pêcheur ». Il avait obéi, et il avait livré l'anneau, après l'avoir brisé en deux morceaux.

Le sacré-collège avait été amené en poste à Paris. On avait intimé aux cardinaux Tordre d'habiter la capitale de Tempire-, on avait fixé leur traitement à 30,000 firancs, et on leur avait (kit com- prendre qu'il serait imprudent de refuser cet argent Les cardinaux di Pietro et Gabrielli étaient détenus à Vincennes; des évêques, des prêtres allaient prochainement passer par la même prison. Un certain nombre de cardinaux ayant osé s'abstenir d'assister en grand costume à la messe de mariage de Napoléon et de Marie-Louise, cette protestation contre le second mariage célébré par l'empereur du vivant de sa première femme avait été considérée conune une néga- tion anticipée de la légitimité desenfknts à naître de cette union-, les cardinaux qui avaient ainsi laissé entendre qu'à leur sens, le futur roi de Rome serait un bâtard, avaient été conduits chez le ministre de la police, incarcérés, dégradés de leurs dignités ecclésiastiques, enfin confinés par groupes de deux ou trois dans différentes villes de Tempire, avec obligation de se vêtir d'une soutane noire comme de

332 HéLANGES ET DOGUMBUTTS.

simples prêtres, ce qui les fit désigner longtemps sous le nom de a cardinaux noirs ». D'un bout à Tautre de Timmense empire, ce n'étaient que prêtres mis en prison, séminaristes envoyés dans les régiments : cela, malgré la docilité épouvantée avec laquelle dans presque tous les diocèses le clergé catholique accueillait les ordres du despote.

Pourtant le pape continuait la lutte : son arme principale était le refus de l'institution canonique aux évêques nommés par l'empereur, refus qui allait mettre ce dernier dans la nécessité de convoquer un concile national, pour arriver à créer un modus vivendi. L'arche- vêque de Paris, Maury (i'ex-orateur de la Constituante), non institué par le pape, ne pouvait arriver à se faire reconnaître par son chapitre métropolitain. L'abbé d'Astros, armé d'un bref papal, menait l'oppo- sition contre lui ; Maury ne s'était débarrassé de cet adversaire qu'en le conduisant lui-même dans sa propre voiture chez le ministre de la police générale, pour le faire mettre en prison.

Malgré la surveillance incessante du duc de Rovigo, les brefs du pape refusant l'institution aux évêques récemment nommés circu- laient en France, colportés d'un diocèse à l'autre par des associations occultes.

La guerre ainsi s'éternisait; elle avait pris un caractère particu- lièrement violent en Italie; dans la Toscane (alors sous la domination d'une sœur de Napoléon, la princesse Elisa), M. d'Osmond, cvêque non institué, avait affaire à un clergé très soumis aux prescriptions des récents brefs pontificaux, et dans les territoires enlevés au pape, tout l'ancien gouvernement ecclésiastique vivait dans un état de sourde insurrection, ne touchant pas les appointements offerts par la nouvelle autorité, vivant de ressources dont l'empereur était furieux de ne pouvoir découvrir l'origine, et se refusant à prêter serment au « gou- vernement intrus ». Les documents que l'on va lire, et qui tous proviennent des archives du ministère de la Marine, font connaître un important épisode de cette lutte des clergés romain et toscan contre Napoléon.

De 484^1 à 4844, un grand nombre de prêtres italiens furent, par l'ordre direct de l'empereur, transportés en Corse et à Caprera, soit pour avoir protesté contre Pinvasion des États romains, et refusé le serment aux nouvelles autorités, soit pour s'être rangés du côté du pape dans sa lutte contre les évêques non institués. M. d'Hausson- ville dans son important travail, VÊglise romaine et le premier empire^ a connu le fait de cette déportation; il a retrouvé, on le sait, un grand nombre de lettres de l'empereur (non insérées dans la correspondance de Napoléon I*') parmi lesquelles trois, très courtes,

D<PORTATIOIfS DE PRÊTRES SOUS LE PREMIER EMPIRE. 333

sont relatives à renlëvement du clergé romain, toscan et parmesan ^ Les recherches que j'ai pu faire dans la correspondance du ministère de ]a Marine me permettent d'entrer dans le détail de ce curieux chapitre de la tyrannie impériale. Les trois lettres citées par M. d'Haussonville donnaient à penser que la déportation prescrite par Tempereur avait frapper environ deux cents prêtres, et n'avait sévi que de février à mars 4844. On va voir que la proscription s'étendit sur un nombre beaucoup plus considérable d'individus, et qu^elle ne subit aucune interruption, depuis janvier 4844, jusqu'à l'entrée des alliés à Paris.

Disons d'ailleurs que pendant le consulat et l'empire, la Corse ne cessa guère d'être un lieu de relégation. La marine fut successivement chargée d'y transporter « le nommé Jean-Baptiste Ornano, frère du législateur de ce nom », amené pour cela par la gendarmerie, de Lyon à Toulon (an IX), puis « les réfugiés malthais », que l'on ne semble pas avoir consultés bien sérieusement sur la question de savoir s'il leur convenait d'aller cultiver des concessions en Corse (an X), puis de nombreux noirs faits prisonniers à Saint-Domingue et dans d'autres colonies, pour lesquels des bagnes furent créés en Corse et à Tile d'Elbe^. Napoléon, en ordonnant l'internement des prêtres italiens dans différentes îles de la Méditerranée, continuait donc sim-

1. Voici le texte des trois pièces citées par M. d'HaassonvilIe (tome III, Pièces justificatives) :

L'empereur au ministre des cuUes.

3 février 1811. M. le comte, donnez ordre au préfet du département du Taro de choisir les SO prêtres les plus mauvais qui sont à Parme et 50 des plus mauvais de Plai- sance... Ces prêtres doivent être embarqués pour la Corse.

Idem à idem.

17 février 1811.

Quant aux sieurs Boni, Ascensi et Toni, qui n'ont pas prêté serment,

dirigez-les sur Toulon, et seulement vous leur ferez signifier qu'ils vont en Corse. Vous donnerez des ordres pour leur embarquement.

Idem à idem.

2 mars 1811. M. le comte, je désire que 100 autres prêtres des plus mauvais soient dirigés de Parme et de Plaisance sur la Spezzia^ et de embarqués pour la Corse. Faites part de ces mesures au ministre de la police et envoyez en Corse les fonds nécessaires. Écrivez au général Morand, pour que tous ces prêtres soient débar- qués à Bastia et réunis tous sur un seul point.

2. Je trouve dans les contrôles de ces bagnes, les détenus, tous déportés c administrativement i par les gouverneurs des colonies, étaient employés à des travaux de terrassement sous les ordres du génie militaire, des noirs qui avaient été officiers supérieurs dans les armées de la République. J'y trouve le nègre Annecy, ex-membre du conseil des Anciens, honoré en l'an VII des fonctions de secrétaire de cette assemblée ; il était accusé (par une lettre du général Leclerc) d'avoir participé c par ses discours à l'insurrection de Saint-Domingue.

334 MELANGES ET DOCUMENTS.

plement à donner à ces parties de son empire une affectation qu'elles avaient reçue depuis longtemps-, on s'explique du reste un pareil choix quand on songe aux risques de guerre que les déportations exécutées dans des contrées plus lointaines faisaient courir aux navires de la marine impériale ^

Les premiers ordres de Tempereur motivèrent entre la police générale et la marine d'abord, entre le ministère de la marine et ses divers agents italiens ensuite, un échange de lettres qu'il faut lire. Elles montrent bien la soumission, l'obéissance en quelque sorte militaire qui accueillaient, du haut en bas de PécheUe administrative, les ordres- les moins avouables du gouvernement. Pendant plus de trois années, des prêtres sont arrêtés par centaines, sans jugement, jetés sur des navires, déportés uniquement pour avoir laissé percer des opinions différentes de celles de l'empereur en matière de disci- pline ecclésiastique, ou tout au plus pour avoir reftisé de prêter serment aux autorités de l'empire dans des territoires tout récemment envahis^ une foule de fonctionnaires militaires et civils sont appelés à prêter les mains à cette exécution sommaire qu'aucune loi n'auto- risait, et dans la volumineuse correspondance dont on va lire le résumé on ne trouve pas trace d'un reftis de concours, pas trace de Tobservation la plus timide, pas trace d'une absence de zèle; tant il est vrai que dix ans de despotisme césarien avaient abaissé les caractères.

Je ne serai ici qu'un éditeur de documents. On comprendra que je m'en tienne à ce rôle : raconter ce qui va suivre, sans appuyer mes dires sur des textes authentiques, serait m'exposer au soupçon d'avoir exagéré les faits si peu connus dont je dois parler; et je ne saurais entourer ces textes des considérations générales et des réflexions particulières qu'ils sont de nature à suggérer sans dépas- ser, d'une façon notable, les proportions habituelles d'un article de revue. D'ailleurs le dossier que j'apporte est si compact, les pièces qui le composent se lient si étroitement les unes aux autres, elles suivent si rigoureusement l'ordre chronologique, que par elles-mêmes elles constituent le récit le plus clair et le plus logiquement conduit-, la narration parallèle dont je serais tenté de l'accompagner ne pour- rait qu'en alourdir la marche. L'historien, c'est l'important, trou- vera dans ce travail les moyens d'ajouter, à notre histoire générale, une page intéressante et neuve. Ma tâche se réduit à lui en offrir les éléments.

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DEPORTATIONS DB PRETEES SOUS LE PRBIIIBR EMPIEB. 835

Voici les lettres ministérielles qui annoncent la nouvelle dépor- tation, et qui en organisent Fexécution :

Le ministre de la Police générale au ministre de la Marine.

Cabinet du ministre.

Paris, 4 janvier 1811. Monsieur le comte, 8a Majesté m'ayant fait connaître que son inten- tion était d'éloigner du continent les prêtres turbulents et perturbateurs des départements de Rome et du grand-duché de Toscane, et de les envoyer en Corse, j'ai invité 8. A. I. M™« la grande-duchesse de Tos- cane et M. le gouverneur général des États romains à les faire conduire, pour ce qui regarde la Toscane, à Livourne ou à la 8pezzia, et pour les départements de Rome, à Civita-Vecchia. Mais le service des bâtiments destinés au transport de ces individus en Corse dépendant du ministère de V. £., je la prie de vouloir bien donner des ordres pour qu'il soit organisé, et elle m'obligera de m'indiquer à quelle époque ces bâtiments

pourront être disponibles.

Le duc DE RoviGo.

En marge, le ministre de la Marine écrit cette note : « A M. Jurien : voir les bâtiments dont on peut disposer sur les lieux. »

Marine à Police générale.

10 janvier 1811.

Monsieur le duc, j'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 4 de ce mois, par laquelle V. E. me prévient que d'après des ordres de l'empereur, des prêtres turbulents et perturbateurs des ci-devant États romains et du grand-duché de Toscane devant être éloi- gnés du continent seront conduits à la 8pezzia, â Livourne et à Civita- Vecchia pour être envoyés en Corse.

J'ai prescrit aux commissaires do la marine dans chacun de ces trois ports de se concerter immédiatement avec les autorités auxquelles ces prêtres seront remis, jusqu'au moment de leur embarquement, afin qu'ils règlent les dispositions relatives à leur transport sur le nombre de personnes qui seront à envoyer en Corse.

Il conviendrait donc que V. E. voulût bien ordonner â ces fonction- naires de s'entendre à cet égard avec les commissaires do la marine auxquels ils devront remettre des listes nominatives des individus à transporter en Corse, ainsi que les dépêches adressées aux autorités de cette île, sous la surveillance desquelles ces prêtres devront être placés.

Les bâtiments qui pourront être destinés â ce transport seront choisis parmi ceux qui sont constamment employés â la protection de la côte et du cabotage ; ainsi leur expédition (en partant de la Spezzia ainsi que de Livourne) ne devra point éprouver de retard, attendu que s'il ne s'en trouvait pas dans le port au moment de la réception de mes ordres, on y rappellerait ceux qui seront jugés convenables pour cette opération.

Mais comme il n'existe à Civita-Vecchia que des canonnières ou de

336 miSlangbs et documents.

très petits avisos, j'ai prescrit au commandant et au commissaire de la marine de demander immédiatement à Livourne le bâtiment qui pour- rait être nécessaire, dans le cas ceux qui sont aujourd'hui à leur disposition ne seraient point jugés propres à un tel service.

PRÊTRES A FAIRE TRANSPORTER EN CORSE.

Marine à MM. Lebas de Sainte -Croix, commandant militaire de la marine, et Stamaty, commissaire de marine, à Givita-Vecchia.

Paris, 10 janvier 1811. Pour vous seuls.

Je vous préviens, Messieurs, que des prêtres turbulents et perturba- teurs des ci-devant États romains doivent, d'après des ordres de l'em- pereur, être éloignés du continent et envoyés en Corse : ils seront con- duits à Civita-Vecchia pour être transportés à leur destination.

Vous devrez en conséquence vous entendre avec les autorités mili- taires ou civiles auxquelles ces prêtres seront remis, afin de connaître le nombre de ceux au transport desquels vous aurez à faire pourvoir et de concerter les mesures convenables pour leur translation à bord du bâtiment sur lequel ils devront être embarqués.

Vous aurez soin de demander à ces autorités de doubles listes des prêtres qui seront à transporter en Corse ; ces listes, qui devront indi- quer les prénoms, nom, âge et qualité de chaque personne, seront remises par vous au commandant du bâtiment qui en laissera une à Tofficier militaire ou civil auquel il remettra ces prêtres lors de leur débarquement en Corse, et il rapportera l'autre liste à la suite de laquelle sera le récépissé de cet officier; vous m'adresserez une copie de ces listes.

Ces mêmes autorités devront également vous remettre les dépêches adressées aux fonctionnaires supérieurs en Corse, sous la surveillance desquels ces prêtres seront placés, et le capitaine du bâtiment sera por- teur de ces dépêches qu'il remettra sur récépissé au chef militaire ou civil du port il abordera.

Comme il ne se trouve à Civita-Vecchia que des chaloupes canon- nières ou de petits bâtiments qui pourraient ne pas convenir pour ces transports, je vous autorise à faire la demande au commissaire de marine chargé du service à Livourne, d'un bâtiment propre pour cette opération ; vous lui en désignerez l'espèce, d'après les renseignements que vous aurez obtenus sur le nombre d'individus au transport desquels vous aurez à faire pourvoir. Je préviens à l'avance le commissaire de Livourne de la demande que vous pourrez avoir à lui adresser à cet égard.

Dès que vous serez fixé sur le bâtiment qui devra être employé à ce transport, vous en informerez les autorités locales en leur faisant con- naître l'époque à laquelle il sera à votre disposition et vous m'en ren- drez compte.

Une ration sera délivrée par jour à chacun des prêtres passagers aux- quels je vous autorise à faire payer en outre une somme de 2 fr. par

DlfpORTlTIONS DB PRÊTRES SOUS LB PRBMÎBR EMPIRE. 337

jour à compter de celui ils seront embarqués jusqu'au jour de leur débarquement. Je n'ai pas besoin de vous observer que ces individus ne devront être conduits à bord que lorsque le b&timent sera absolument prêt à mettre sous voiles.

A moins que les vents ou l'ennemi ne le contrarient dans sa route, le commandant devra atterrir sur la côte orientale et débarquer les pas- sagers à Bastia, si toutefois il n'est pas forcé de mouiller entre ce port et le cap Corse, et aussitôt qu'il les aura remis à la disposition des autorités locales, il devra revenir à Givita-Vecchia et m'adresser un compte-rendu de sa mission.

Veuillez apporter, Messieurs, la plus grande célérité dans les dispo- sitions que vous aurez à prendre d'après celles contenues dans cette dépêche, afin que les ordres de S. M. n'éprouvent aucun retard dans leur exécution ; il importe surtout que vous ne perdiez pas un seul moment dans la demande que vous avez à faire d*un bâtiment à Livourne, si, comme je le présume, vous n'en avez point de convenable à votre disposition à Givita-Vecchia.

Je vous renouvelle au surplus la recommandation de me tenir exac- tement informé de tout ce que vous ferez relativement à ces transports, afin que je sois en état de rendre à S. M. des comptes prompts et exacts sur ces opérations.

Marine à M. le commissaire principal de marine à la Spezzia, à M. le commissaire de marine à Livourne, à M. I^bas de Sainte-Groix, com- mandant militaire, et à M. Stamaty, commissaire de la marine, à

Givita-Vecchia.

Paris, le 12 janvier 1811.

Je confirme, Messieurs, les ordres que je vous ai adressés le 10 de ce mois sur les dispositions que vous avez à prendre pour faire transporter en Corse des prêtres turbulents et perturbateurs que l'intention de S. M. est d'éloigner du continent.

J'ajoute à ces premiers ordres que des conscrits réfractaires pourront aussi être mis à vos dispositions pour être également envoyés en Corse, et 8. M. veut qu'aussitôt que les autorités militaires ou civiles auront réuni un nombre suffisant, soit de prêtres, soit de conscrits, à trans- porter en Corse pour composer l'expédition d'un bâtiment (aviso, brick, ou autre petit bâtiment), vous fassiez embarquer aussitôt les [lassagers et que vous fassiez partir le bâtiment pour sa destination sans attendre de nouveaux ordres.

En marge de la minute de cette lettre je trouve ces mots : « Ordre de l'empereur du 11 janvier 1811. »

A marine.

La Spezzia, le ... janvier 1811. Monseigneur,

J'ai l'honneur d'accuser réception à V. £. de ses deux dépêches Hev. IIistor. XL '2« fasc. tl

338 MlÎLiNGES ET DOCUMENTS.

secrettes, et par l'estafette, en date des 10 et 12 de ce mois, concernant le transport à effectuer en CSorse de prêtres turbulents et perturbateurs des ci-devant États romains et du grand-duché de Toscane, ainsi que de conscrits réfractaires qui doivent être remis ici aux autorités mili- taires et civiles; l'une m'est parvenue le 18 au soir et Tautre seulement ce matin.

Ces autorités avec lesquelles V. E. m'a ordonné de m'entendre à ce sujet, n'ont encore aujourd'hui aucune connaissance du nombre à embarquer, ni même le moindre avis de cette expédition ; néanmoins j'ai prescrit toutes mesures préparatoires possibles dans la circonstance pour que les bâtiments de l'État, dont ce port peut disposer, soyent prêts à recevoir ces passagers dès qu'il y en aura un nombre suffisant pour l'un d'eux au moins, et qu'il mette aussitôt à la voile pour sa des- tination.

J'aurai l'honneur de rendre compte à V. £. des résultats au fur et à

mesure qu'il y aura lieu.

Le commissaire principal,

Pernetti. Â marine.

Livoume, le 19 janvier 1811. Monseigneur,

J'ai l'honneur d'accuser réception à V. E. de ses dépêches secrètes du 10 du courant.

.... Je ne peux disposer pour le moment que des bâtiments ci-après (suit rénumération de ces navires).

Un de ces bâtiments sera envoyé à Givita-Vecchia aussitôt que MM. Lebas Sainte-Croix et Stamaty m'en auront fait la demande....

Je me conformerai, au surplus, à toutes les dispositions prescrites par ces dépêches, et j'aurai l'honneur de rendre compte à V. E. des expéditions qui seront faites de Livoume.

Le commissaire-chef maritime,

Bérard. A marine.

Livourne, le 26 janvier 1811. Monseigneur,

MM. Lebas Sainte-Croix et Stamaty venant de me faire la demande de la goélette l'Éclair, j'ai l'honneur de rendre compte à V. E., confor- mément à sa dépêche du 10 courant, que je donne aujourd'hui l'ordre à M. Marquis, commandant cette goélette, de faire voile pour Civita- Yecchia, il sera à la disposition de MM. Sainte-Croix et Stamaty.

D'après une lettre que j'ai reçue par le courrier de ce jour, cette goé- lette se trouvait le 15 à San-Stefano.

J'adresse, à l'administrateur de la marine de ce quartier, l'ordre pour

M. Marquis et j'en envoyé une expédition à l'île d'Elbe, parce qu'il est

possible que depuis il se soit rendu à Porto-Ferrajo.

Bérard.

DEPORTATIONS DE PRÊTRES SOUS LE PREMIER EMPIRE. 339

Marine à Lohas Sainle-Croix et Stamaty.

4 février 1811.

.... Vous avez vu par mes dépôches des 10, 12, 30 ot 31 janvier der- nier, qui toutes sont relatives au transport en Corse de prôtres et de conscrits réfractaires, que des dépenses do cette nature vont avoir lieu à Civita-Vecchia.

Vous voudrez bien m'en adresser l'état au juillet prochain pour le [•' semestre de la présente année 1811, et successivement de six mois en six mois.

Cet état devra être divisé en deux parties : la première comprendra les dépenses pour affrètement de navires du commerce, et la seconde, les dépenses pour rations fournies sur des bâtiments de S. M. à des passagers étrangers à la marine.

Je crois n'avoir pas besoin de vous observer que Tenvoi périodique et régulier des états dont il s'agit ne doit pas vous dispenser de me rendre successivement compte des transports de conscrits et de prêtres réfrac- taires effectués en Corse, et je me réfère à cet égard à mes dépêches déjà citées des 10, 12, 30 et 31 du mois dernier.

Personnes à transporter de Gênes et de la Spezzia en Corse.

Marine à police.

4 février 1811.

J'ai oublié, mon cher collègue, de vous prévenir qu'il sera convenable que vous pourvoyez (sic) à ce qu'il soit embarqué des couvertures et des matclats pour vos 50 voyageurs et qu'on leur fasse aussi embarquer quelques vivres frais, attendu que quelques mesures (jue je prenne, je ne pourrais leur procurer que la ration de mer sur d^aussi petits bâti- ments.

Bureau particulier du ministre.

A marine.

Gênes, le 11 février 1811. Monseigneur,

J'ai rer.u la dépôclie secrète que vous m'avez fait l'honneur de m'adrcs- ser le 4 de ce mois ; voici les dispositions que j'ai faites pour assurer l'exécution des ordres qui en font l'objet.

L'Adomx et le Janus étaient prêts à mettre mer pour transporter des conscrits en Corse. J'avais affrété un navire particulier qui en aurait pris 140 et (jui aurait mis à la voile sous l'escorte des deux bricks. J'ai annulé l'alTrètement de ce navire, qui n'avait fait aucune dépense, et j'ai changé la destination des deux bricks.

Le Janus va se rendre à la Spezzia ; il sera, ainsi que le brick la Ligurie et la mouche, employé au transport des passagers qui doivent être dirigés sur ce port.

Je réserve ici l'Adonis. Le Renard ne doit pas tanler à rentrer. Ils

S4D viLA5GBS ET DOCUMENTS.

seront l'un et Tautre employés au transport des passagers qui doivent être dirigés sur Gènes. M. le préfet et M. le commissaire général de police ne sont pas encore fixés sur Tépoque de l'arrivée.

V. E. peut être assurée que je me conformerai exactement à ses ins- tructions et qu'on aura pour les passagers tous les égards que comporte

leur situation.

Le commissaire principal^

FONTAINB.

SecretU.

A marine.

La Spezzia, le i5 février 1811. Monseigneur,

Dès la réception de la dépêche dont V. E. m'a honoré le 4 de ce mois au sujet des 50 passagers à embarquer ici pour la Corse à leur arrivée, j'ai prévenu, ainsi qu'il m'était ordonné, M. le commissaire général de police à Gènes, des mesures préparatoires qu'il convenait qu'il voulût bien prendre, et me suis concerté, pour le bâtiment surtout, avec M. le commissaire principal de ce chef-lieu, de qui j'apprends que M. Joly Clerc se rend lui-même à la Spezzia pour y recevoir et me remettre ces passagers.

Je prie V. E. d'être bien persuadée d'avance que je m'entendrai avec cette autorité pour le succès de sa mission et que j'exécuterai et ferai exécuter d'ailleurs, par tous les moyens, toutes autres dispositions y relatives qui peuvent dépendre plus particulièrement du service que vous m'avez confié.

Les mêmes 50 passagers, sans doute, viennent de m 'être annoncés directement par une dépêche du 5 de S. E. M. le ministre des Cultes.

J'aurai l'honneur de rendre compte à V. E., dans le temps, des

résultats.

Pernbtti.

Ainsi, toutes les mesures sont prises pour assurer Texécution des ordres de l'empereur. Les prêtres amenés, soit à Livourne, soit à la Spezzia, soit à Civita-Veochia, vont être envoyés au lieu de leur relè* gation. La lecture des nombreux documents qui constatent les départs successifs de ces bannis serait fisistidieuse. Je prendrai dans cette correspondance de quatre années tout ce qui peut servir à indiquer la nature des moyens employés, tout ce qui peut aider à évaluer [k peu près exactement) le nombre des personnes frappées; enfînj em- prunterai à ces lettres les très rares incidents qu'elles relatent de loin en loin. Pour le reste, une simple analyse sufQra. Quant à demander à ces dossiers autre chose que des Mis, des chiffres et des dates, il n'y ikut pas songer. Ils ont la sécheresse administrative que

DiSP0RTATI0!I8 DE PEÊTEBS SO0S LE PRSMIBR EMPIRE. 341

l'on doit nécessairement attendre d'une série de procès-verbaux émanés d'agents secondaires et irresponsables. Ce qui leur donne de l'intérêt, c'est qu'ils fixent avec précision les contours d'un événement que l'on ne connaissait jusqu'à présent que par les brèves énonciations contenues en dix lignes de la correspondance inédite de Napoléon. La déportation corse entre désormais dans Tbistoire générale de l'empire, avec l'aspect d'illégalité flagrante et d'inqualifiable bruta- lité qui est le caractère constant de la conduite tenue par le gouver- nement impérial envers les membres des divers partis opposants qu'il a successivement frappés. Mais lisons les pièces :

A marine.

Livoume, le 9 février 1811. .... M. le commissaire général de police m'a prévenu que des prêtres appelés Minucci et BastiancUi sont arrivés et qu'il m*en sera fait remise lorsque d'autres prêtres qu'il attend de Florence et de Rome seront éga- lement ici. La goélette la Levrette est prête à les recevoir.

Bérard.

Idem à idem.

17 février 1811.

... Le brick le Renard expédié de Gènes pour porter à BastiaTO cons- crits, ayant relâché ici, j'ai profité de cette occasion pour faire embar- quer les trois prêtres Minucci, Bastianelli et Pacini, qui m'ont été remis par M. le commissaire général de police et dont la liste est ci- jointe.

Ce brick, parti aujourd'hui avec un vent favorable, devant repasser à Livourne, M. Daudin, qui le commande, rendra compte de sa mission à V. E. aussitôt qu'il sera de retour, d'après les instructions qui lui ont été données conformément à votre dépêche du 10 janvier.

Bérard envoie le rapport du capitaine du Renard, Voici ce

document :

A bord du brick de S. M. le Renard, en rade de Livourne, le 20 février 1811.

Rapport à S. E. Mgr le ministre de la Marine sur la translation en

Corse de prêtres turbulents.

Monseigneur,

J avais appareillé de Gênes le 5 du courant afin de chasser pour la deuxième fuis depuis quinze jours un brick ennemi qui avait paru près de la Spezzia, et j'avais embarqué en même temps un détachement de 70 conscrits réfractaircs destinés pour la Corse. Après avoir croisé pen- dant cinq jours sans rien rencontrer, je fus contraint par les vents de

342

MELANGES ET DOCUMENTS.

S. 0. de mouiller à Livourne, je reçus de M. le chef militaire l'ordre de transporter en Corse les trois prêtres dont les noms sont portés sur la liste ci-jointe. Les vents contraires ayant retardé mon départ, je ne pus recevoir ces individus à bord que le 17, à 2 heures après midi, et le lendemain, à la pointe du jour, je les avais débarqués à Bastia et remis à la disposition de M. le préfet du département du Golo. Je ne me suis point arrêté à Bastia, et ayant prolongé ma bordée jusque sous Pile Januti et le mont Argental, point de croisière ordinaire des cor- saires ennemis, je suis revenu mouiller aujourd'hui sur la rade de Livourne, en passant par le canal de Piombino, sans rien rencontrer. Je continue ma route pour Gênes, je dois prendre de nouveaux déta- chements de conscrits réfractaires également destinés pour la Corse.

Gh. Baudin des Ardennes.

Commissariat général de police ^

Livourne, le 15 février 1811. État nominatif des ecclésiastiques mis à la disposition de M. le commis- saire-chef maritime pour être transportés à l'île de Corse par ordre supérieur.

Noms.

Prénoms.

Aqe

30

48

34

Qualités.

Lieu naissance.

X de domicile.

MiNUCGI

Ferdinand

chanoine

Florence

Florence

Bastianelli

Jean-Baptiste

curé à Regollo

et secrétaire

du comité

de vaccine

Regello

Regello (Arno)

Pagiw

Augustin

ex-religieux de l'ordre de S»- Augustineten

dernier lieu curé de l'église deS*-Augustin

Pistoja

Arrezo (Arno)

Certifié par le soussigné, auditeur au Conseil d'État, commissaire

général de police à Livourne.

Signé : Delamalle.

Pour copie conforme, le commissaire chef maritime,

Bérard.

Nota. Ces prêtres ont été embarqués le 17 février sur le brick le Renard, qui a mis à la voile le même jour pour Bastia.

(Le 22 février, le Renard était de retour à Grênes.)

1. Un mot sur les quelques listes de déportés qui vont suivre- J'ai fait le possible pour en prendre des copies correctes; il faut cependant noter que j'ai

DEPORTATIONS PEèTRBS SOUS LB PREMIEl EMPIRE. 343

Gènes à Marine.

22 février 1811.

.... Le brick l'Adonis a mis ce matin à la voile ayant à son bord 25 des passagers * annoncés par votre dépêche du 4 de ce mois. 19 d'entre eux sont arrivés ici avant-hier au soir. Le surplus fait partie d'un second convoi de 12, arrivé hier au soir. Il en reste ici 6 qui partiront avec ceux composant un troisième convoi que l'on attend. Ces 25 der- niers embarqueront sur le Renard aussitôt après son retour à Gènes. Ce brick, contrarié par les vents, a été obligé de relâcher à Livoume, d'où il est sorti le 17, ayant pris à son bord 3 passagers de môme espèce que lui a donnés M. Bérard.

J'ai tout lieu d'espérer, à raison de l'activité du capitaine Baudin, que ce brick ne tardera pas à faire son retour à Gènes, et que, par con- séquent, ceux des passagers qui restent à embarquer ne seront pas retardés ici.

Quoi qu'il en soit, si ce retard avait lieu, il n'aurait pas dépendu de moi de l'empêcher, puisque je n'ai aucun bâtiment qui puisse en ce moment 8er\'ir à leur transport.

J'aurais pu en affréter un ; mais, indépendamment de ce qu'un bâti- ment de commerce n'offrirait pas la sûreté désirable, il aurait fallu y placer un détachement de troupes et le faire escorter par un bâtiment armé, c'est-à-dire par V Adonis^ le seul que j'eusse à ma disposition. Comme la totalité des 50 passagers n'est pas arrivée et qu'on n'est pas mémo encore fixé sur l'époque à laquelle arriveront les 19 qui se trouvent en arrière, le départ de l'Adonis eût été nécessairement plus ou moins retardé, ce que j'ai cru devoir éviter.

.... J'attends la gabarre l'Expéditive,.,. Je ne lui donnerai la môme mission qu'à l'Adonis que dans le cas quelque événement me prive- rait de la ressource du Renard^

Le commissaire principal,

Fontaine.

P. S. Au moment je ferme cette lettre, le brick le Renard entre dans le port.

eu parfois affaire à des écritures difficilement déchiffrables; beaucoup de noms de lieux sont évidemment défigurés; de plus, la plupart des person- nages étrangers portés sur les listes sont profondément obscurs, et je n'ai pu contrôler par d'autres documents la véritable orthographe de quelques noms propres. Cette observation porte particulièrement sur la lettre initiale de ces noms. Les érudits italiens qui suivent la Revue historique n'auront sans doute aucune peine à rétablir les incorrections qui ont pu m'échapper; j'accueil- lerai leurs errata avec reconnaissance; ils me seront précieux à utiliser pour le travail d'ensemble que je prépare sur les déportations de la Révolution, du Consulat et de l'Empire. 1 . Je n'ai pas trouvé la liste de ces déportés. '

344 M^UNCfiS ET DOCUMENTS.

Secrette.

La Spezzia à Marine, 23 février 1811.

J'ai l'honneur de rendre compte à V. E., ainsi qu'elle me Ta prescrit par ses dépêches des 10, 14 janvier et 4 février courant, que 48 prêtres seulement, au lieu de 50 annoncés et arrivés successivement par convois de 15 et 18, les 19, 20 et 22 de ce mois, à la Spezzia, transférés de suite au lazareth de Yarignano, de concert avec M. Joliclerc, commissaire général de police ici présent, venu exprès pour les recevoir et me les remettre, m*ont été effectivement remis ce jour par cette autorité. Ils ont été embarqués en nombre égal sur les bricks de S. M. le Janus, commandé par M. le lieutenant de vaisseau Sivori, et la Ligurie, com- mandée par l'enseigne de vaisseau Serra, qui ont mis à la voile en notre présence, ce matin à 11 heures, par un bon vent de N. E., accom- pagnés de la mouche n* 22, chargée des malles des passagers qui n'ont pu être reçues à bord des bricks.

V. E. trouvera ci-joint une liste des passagers mis à bord de chacun de ces deux bricks, présentant tous les renseignements demandés et signée de M. Joliclerc.

J'ai donné aux capitaines des instructions particulières et secrettes à ouvrir en mer, sur la destination et l'objet de leur mission, et leur ai transmis les recommandations d'avoir pour leurs passagers des égards et de bons procédés et de défendre toute communication avec les équi- pages.

En adressant à V. E. le compte que ces bâtiments rendront de leur mission à leur retour, j'aurai l'honneur de lui faire passer la liste qu'ils auront rapportée avec le récépissé des autorités en Corse, ainsi que celui détaillé des papiers et dépêches qui leur ont été confiés.

Quoique ces personnes soient arrivées un peu plus tôt et d'une manière différente qu'elles n'avaient été annoncées ou que le présumait M. le commissaire général de police, tout s'est passé dans le plus grand ordre et la plus grande tranquillité, ainsi que M. Joliclerc le fait sans doute connaître à 8. E. le ministre de la Police générale.

Ce commissaire général n'ayant pu se procurer que 20 matelats et aucuns vivres frais, j'ai l'honneur d'informer V. E. que j'ai cru devoir prescrire aux capitaines de se charger de la nourriture de ces passagers dès leur arrivée, en leur accordant les 2 francs et la ration par jour, conformément à lun des paragraphes de la dépêche du 10 janvier, et faire prêter des magasins de la marine le surplus des effets nécessaires pour la traversée ; à charge par le ministère de la police de rembourser les avances faites pour la nourriture et de payer les dégradations d'effets, s'il y a lieu, sur les états qui en seront formés dans le temps et certifiés par qui de droit.

Pernetti.

DjfPORTATIOIfS DE PRÂTRBS SOUS LE PREMIER EMPIRE.

343

Le Janus.

État nominatif de 24 prisonniers d'État, remis, d'ordre de 8. E. le duc de Rovigo, ministre de la police, par moi soussigné, commissaire géné- ral de police de Gènes, à M. Pernetti, commissaire principal de marine à la Spezzia, et par lui au s^ Sivori, commandant le brick de S. M. I. et R. le Janus ; lesdits prisonniers devant ôtre embarqués sur ce bâti- ment et conduits au lieu qui sera désigné dans une dépêche cachetée et jointe au présent, laquelle ne sera ouverte par M. le commandant Sivori qu'en mer et à 5 lieues à l'est de Tile Palmaria.

Noms, Prénoms.

MiGHELiNi (Jacquin) Urbani (Vincent) MicHELi (Sauveur) Ermini (Joseph) GiORoi (Pierre) PiTORRi (Franc. -Marie) MisTicHELLi (André) ToRTOLiNi (François) Brooi (Antoine) CiPRiANi (François) PiNi (Dominique) Du A (Christophe) TiRATERRA (François) Urbani (Louis) Parca (Pancrace) Ranucci (Félix) Anouillara (Bernardin) Terbuzi (Marc) Negretti (Charles) MoRiANi (Joseph) Spaonoli (Anastase) Felli (Fabria) Drizi (Joseph) RiscALDATi (Dominique)

Aqe.

50 47 43 47 41 41 41 43 42 38 33 35 44 43 46 34 39 48 50 45 44 44 44 48

Lieu de naissance.

Qualités.

Rome (Tibre) Soriano (id.) Roccadipapa (Trasimène) CoUe-Piccolo (Tibre) Rome (id.) Id. (id.) Id. (id.) Id. (id.) Id. (id.)

Norcia (Trasimène) Rome (Tibre) Solero (Marengo) Vallerano (Tibre) Soriano (id.) Tigliano (Trasimène) < Soriano (Tibre) Canipina (id.) Terre de Serrono (id.) Ce va (Stura) Cauterano (Tibre) Puganigo (Tibre) Ricetto (id.) Ficulle (Trasimène) Sucano (id.)

cure

chanoine-curé

curé

id.

id.

chanoine

id.

curé

id.

id.

id.

id.

id.

chanoine

curé

id.

chanoine

curé

id.

id.

id.

id.

id.

id.

Le présent état nominatif fait quadruple et clos à la Spezzia le 23 février 1811.

Le commissaire général de police de Gènes,

JOUCLERC.

1. Peai-étre Sigliano.

346

MELANGES ET DOCUMEIITS.

N. B. On joint à cet état une lettre adressée à Tautorité à laquelle les prisonniers susnommés doivent être consignés.

JOLIGLERC.

Vu par le commissaire principal de marine, au Varignano, golfe de

la Spezzia, le 23 février 1811.

Peilnetti.

La Ligurie,

État nominatif de 24 prisonniers d'État, remis d*ordre de 8. E. le duc de Rovigo, ministre de la police, par moi soussigné, commissaire général de police de Gènes, à M. Pernetti, commissaire principal de marine à la Spezzia, et par lui au s' Serra, commandant le brick de 8. M. I. et R. /a Ligurie ; lesdits prisonniers devant être embarqués sur ce bâtiment et conduits au lieu qui sera désigné dans une dépêche cachetée et jointe au présent, laquelle no sera ouverte par M. le com- mandant Serra qu'en mer et à 5 lieues à Test de Pile Palmaria.

Noms et Prénoms.

Aqe. 46

Lieu de naissance.

Qualité ET Profession.

Delsole (Onufre-Marie)

Rome (Tibre)

curé

Valleriani (Ferdinand)

38

Piensano (id.)

archiprêtre-curé

Boni (Louis-Marie)

49

Segni (id.)

curé

Fiorelli (Grégoire)

47

Sellano (Trasimène)

id.

Onelli (Prosper)

36

Calcade (Tibre)

chanoine

Rabu (Joseph)

52

Rome (id.)

curé

Calmet (Michel-Ange)

39

Pianiano (id.)

archiprêtre-curé

Gasconi (Louis)

55

Rome (id.)

curé

Basilici (Anselme)

42

Oanemorto (id.)

id.

Landuzzi (Thomas)

39

Rome (id.)

id.

Pezzi (Thomas)

55

Albano (id.)

chanoine

Loberti (Jean-Baptiste)

45

Id. (id.)

id.

Austini (Vincent)

48

Ganino (id.)

id.

ViTALi (Charles)

24

Aquapendente ( Trasi- mène)

curé

De Anqelis (Philippe)

53

Ricetto (Tibre)

id.

Sebastiani (Isidore)

36

Azzano (Trasimène)

id.

Gecghi (Charles)

51

Rome (Tibre)

id.

PiLom (Pascal)

39

Patrica (id.)

id.

Battisti (Marc- Antoine)

34

Roiate (id.)

id.

Cicci (Paul)

57

Rome (id.)

id.

Fratelli (Dominique)

43

Gotte-Baccaro (Tibre)

id.

Fazzini (Bernard)

53

Rome (id.)

id.

Graziosi (Arcange)

41

Valle-Pietra (id.)

id.

Testa rPaul)

41

Ricetto (id.)

id.

DÉPORTITIOXS DE PRÊTRES SOUS LE PREMIER EMPIRE. 347

Le présent état 'nominatif fait quadruple et clos à la Spczzia, le

23 février 1811.

Le commissaire général do police de Gènes,

JOLICLBRC.

N. B. On joint à cet état une lettre adressée à Tautorité à laquelle les prisonniers susnommés doivent être consignés.

JOLICLERC.

Vu par le commissaire principal de marine. Golfe de la Spczzia, au Varignano, le 28 février 1811.

Pernetti. Marine à police générale Son Excellence elle-même), 8 mars 1811.

Le ministre fait part à son collègue des envois de prêtres en Corse, effectués pendant le mois de février :

La Bpezzia à marine.

10 mars 1811.

Cinq jours après le départ de ce port de M. le commissaire général de police de Gc^nos et celui des bâtiments chargés de transporter en Corse les 48 prêtres dont j'ai eu Thonneur d'adresser la liste à V. E. le 23 février, deux autres sont encore arrivés ici sans y être attendus, quoique complétant les 50 qui m'avaient été annoncés. Ils ont été jus- qu'aujourd'hui à la charge de M. le maire de la ville qui m'en a fait la remise ce matin pour être embarqués sur la gal>arre l'Expéditive, ayant même destination et passant devant ce port. Cette opération a eu lieu, ce bâtiment étant sous voile, ainsi que j'en étais convenu avec M. Fontaine.

V. E. trouvera ci-jointe la liste de ces 2 prêtres.

Etat nominatif de 2 prisonniers remis d'ordre de S. E. le duc de Hovigo, ministre de la police, par moi soussigné, commissaire général de police de Gênes, à M. Pernetti, commissaire principal de marine à la Spozzia. Lesdits prisonniers devant être embarqués et conduits le plus tôt possible au lieu qui sera désigné dans une dépèche cachetée ot jointe au présent, laquelle ne sera ouverte par le commandant du navire qu'en mer et à 5 lieues au 8. E. de l'ile Palmaria.

Noms, Prénoms.

AOB.

Lieux de naissance

Profession.

Testa (Félix) Testa (Joseph)

10 mai 1782 octobre 1742

Ricetto (Rome) Id. (id.)

curé de Ricelto cure de Rigatti

Le présent état nominatif fait quadruple et clos à Gênes le 4 mars 1811.

Le commissaire général de police,

JOUCLERC.

On joint à cet état et dans le pli que le commandant du navire de trans[)ort ne doit ouvrir qu'en mer, une lettre adressée à l'autorité à la({uelle les prisonniers susnommés doivent être consignes.

JOLICLERG.

348 MELANGES ET DOCUMENTS.

Reçu les passagers ci-dessus dénommés pour être embarqués sur la

gabarre de S. M. VExpéditive^ à la voile devant le golfe.

La Spezzia, le 10 mars 1811.

Le commissaire principal,

Pernetti.

Je soussigné, lieutenant de vaisseau, commandant la gabarre de S. M.

l'Expéditive^ reconnais avoir reçu à bord les susnommés. En mer, le

10 mars 1811.

GuiLLON, lieutenant de vaisseau.

Gênes à Marine.

11 mars 1811.

... Les bricks le Renard et l'Adonis sont rentrés en ce port, le premier le 7, et le second le 10 de ce mois, après avoir rempli leur mission en Corse et y avoir déposé 51 prêtres et 3 domestiques.

Tous ces prêtres ont été nourris à la table des officiers. Je ferai dres- ser un état de la dépense faite pour leur subsistance...

La gabarre l'Expéditive est partie le 9 de ce mois ayant à son bord 265 conscrits et 34 soldats du bataillon du dépôt colonial... J'ai donné ordre au capitaine de cette gabarre de recevoir, lors de son passage devant la Spezzia, 3 prêtres^ que M. Pernetty m'a annoncé y être arrivés après le départ des autres.

Le préfet du département de Montenotte m'en a annoncé un qua- trième. Si, jusqu'à l'époque de son arrivée à Gênes, il ne se présente pas d'occasions pour lui faire suivre sa destination, j'expédierai la

felouque la Gazelle pour le porter en Corse.

Fontaine.

Marine à Cultes (direction du personnel).

11 mars 1811.

Monsieur le comte, j'ai l'honneur de prévenir V. E. en réponse à sa dépêche du 4 de ce mois, que j'avais donné le même jour au commis- saire principal de marine à la Spezzia l'ordre de faire pourvoir au trans- port en Corse de 100 prêtres qui devaient être dirigés de Parme et de Plaisance sur ce port.

L'empereur, en me faisant connaître ses intentions à cet égard, n'avait point fixé le point de la Corse sur lequel ces prêtres devaient être débarqués. Je vois par la dépêche de V. E. que S. M. veut qu'ils le soient à Bastia et je m'empresse d'en informer le commissaire prin- cipal de marine à la Spezzia...

J'aurai l'honneur d'annoncer à V. E., dès qu'il m'en aura été rendu compte, le départ des bâtiments sur lesquels seront embarqués les 100 prêtres dont il s'agit.

1. Elle n*en a embarqué que deux. V. la lettre de M. Pernetty du tO mars. (Note du ministère de la marine.)

DiPORTlTIOffS DE PRÊTRES SOUS LE PREMIER EMPIRE. 349

Gônes à Marine.

12 mars 1811.

Je reçois à l'instant deux de vos dépêches en date du 4 de ce mois.

Par Tune, V. E. m'annonce que 100 passagers destinés pour la Corse et dirigés sur la Spezzia doivent arriver incessamment en ce port, et que, pour me mettre en état de faire effectuer leur transport, vous avez donné ordre au port de Toulon de m'expédier de suite deux bricks ou un brick et une felouque...

La gabarre l'Expéditive est arrivée ici le 28 au soir.

.... N'ayant aucune mission pressée à donner au Renard, j'ai profité de celte circonstance pour lui permettre de réparer son grément, qui en avait besoin...

Ce brick n'est donc pas en état de mettre à la mer, il le sera sous 8 jours, et je ne présume pas que les passagers attendus à la Spezzia puissent y arriver pour cette époque. Le Renard sera donc, suivant toutes les apparences, assez tôt prêt pour être employé à leur transport.

.... L'Adonis sera certainement rendu à la Spezzia avant l'arrivée des passagers.

J'ai appris que le Janus^ la Ligurie et la mouche n^ 22 sont retenus

à Porto-Ferrajo par la présence de l'ennemi et qu'ils n'avaient pas

encore opéré le débarquement de leurs passagers en Corse. J'ai tout

lieu de supposer qu'ils auront rempli leur mission assez à temps pour

concourir au transport des passagers attendus...

Fontaine.

La Spezzia à Marine.

13 mars 1811.

Je reçois par l'Estafette les deux dépêches en date du 4 courant, dont V. E. m'a honoré pour me prévenir que 100 prêtres et des conscrits réfractaires doivent incessamment do nouveau arriver en ce port pour y être embarqués.

Les trois bâtiments chargés de transporter les 48 prêtres et leurs

effets, partis le 23 février dernier, n'étant pas de retour et ne pouvant

l'être avant plusieurs jours vraisemblablement, étant encore retenus à

Porto- PYrraïo le 8 courant par le temps et l'ennemi ; le brick VEndimyon

n'ayant pu terminer, en ce moment aussi, ses réparations à Gênes,

il est depuis trois mois à cet effet ; n'ayant conséquemment pas ici une

seule barque propre à cette opération et sachant d'ailleurs combien

M. le chef maritime à Gênes, avec lequel je me concerte, a lui-même

peu de moyens à me fournir en ce genre, j'ai l'honneur d'informer V. E.

que j'ai cru devoir en prévenir M. le préfet du Taro, chargé d'expédier

ces prêtres, d'après l'avis que m'en donne S. E. le ministre des Cultes,

et le prier de vouloir bien, afin d'éviter les inconvénients peut-être

graves qui pourraient résulter du défaut de moyen d'exécution ici, ne

les mettre en route qu'au fur et à mesure que ces moyens me seraient

assurés et que je l'en aurais prévenu.

Pernbtti.

356 siLA^KGEs rr iwmxmi.vis

Prftns me «ir le texte dies mincses».

Marioe à Bjlioe geaterale ta S. £. eile-niéme».

Pln5, il mar? ISll.

.... Taî lllOQnear de preTeoir V. £. que ^ aatres persixiaes oa& été embaïquées ea œ dernier p'>rt (Géaes. sur & Rtnard et que œ brî^rk a appareillé p»jar Ea C«>r5e le feTrier d<*»niier.

î\ per«t>aiies »>qc «^ealemeQC été embarquées à Cirita-Veechia sur VÈKiair, et cette goélette a appareillé poor la Corse Le ^1 du même mois i^.

Pr^treâ *t orucriti à iwyyy'rr en Oyne.

Gènes à Mariae.

{h mars 1^11.

Je a'ai p»>mt ae^etiKé de tous a»Iresser les Listes des pasi«a|eers qae les bricks fÂdonû et U Renard oat tran5p<3rtes ea G>rse. >tiL» j'ai cm dev*>ir, avant de tous tes faire pArrenir. attendre Le retour fie ces bdû- ments afin de pouToir relater sur ces listes le récépissé fourni par M. le ^néral c»m mandant en G>rse.

D'ailtears la mesure relative à ces passa^^ers étant secrète, j ai peue qu'il convenait asissi d'attendre qu'elle fàt exécutée pour Êiire transcrire ces listes.

J'ai l'honneur de vous annoncer que le brick iÀ'ityitù est rentre hier au *oir.-.

Le Janus, ia Lifpàne et la mouche n'ont p«3int eno>re ete sijrcules. Ces troL* bâtiments, qui marchent fort maL ont appareiiie Le T de œ mois fie P'jrtû-Ferrajo. Ayant épmuve des iialmes après leur ?»:'rûe, ils étaient encure en vue de œ p«jrt Le > au matin. Je présume qu'ils ne tarde n: ut pas à être de retour à la Spexaii. Dans «re «ras Lis prendront, o:njointe- ment avec l'Ati,}nii. les !•» passagers qui ^ont attendus. I>ins le «:as cuntraire, 'CAdonii prendra Les ô*) premiers arrives, et U Rfimini, qui appareillera le l'î au matin, prendra Le reste. Ces deux derniers bâti- ments feront certainement rendus à Leur poste a vint L'arrivée des pas- sa^ rs, à moins t|ue les vents ne deviennent contraires. yixi< ilans ce cas ils ne pourraient pas plus mettre à La voiLe de La Spezzia que de Gènes...

D'après ces disp«3sitions, L'eiei:ution de vos onires, pour ce «^ui con- cerne Les !•» passa^rs, n'éprouvera aucun retani...

Livourne à Marine.

mars l>ll.

M. le ci>mmi:?saire générai de poIi«.*e m ayant écriï 'ju'il mettait à ma disposition^ pour *?tre trjjisp«.>rtfs eu Cor^se, Les sieurs T«'.)reLLo Gatteschi,

1. Je a pu n>truav«r JLms le» Jiwsiers ni la comMpuoiiaiice «iitîs oiçenLf ée la Buriiw refative 4u.\ <iéparts «les prètn>s iodiqnes ici par le miaislnî. ni les list«is «tes déportés: la leitr^ qui suit setubie indiquer du. r«;>te que le oiiiiistn; <hî serait pfaint «fuM Bân^ii^efice duos l^avot «ie quelques iKK'UJueDls.

DEPORTATIONS DE PR^T&SS SOUS LE PREMIER EMPIRE. 354

capucin, et Arrezzo, archevêque, et qu'il convenait de les faire partir le plus tôt possible, surtout à cause du dernier qui se faisait trop remar- quer du public, je les ai fait embarquer aujourd'hui sur la goélette la Levrette, qui a pris en même temps 28 militaires destinés pour File d'Elbe.

M. Taillade, commandant cette goi'lette, a ordre de se rendre à Bastia aussitôt qu'il aura débarqué ces 28 soldats à Porto-Ferrajo et de faire sans délai son retour à Livourne. Il est parti ce matin par un vent favo- rable. Je joins ici copie de la liste de ces prêtres.

Bêrard.

Commissariat général de police,

Livourne, le 15 mars 1811.

État nominatif des ecclésiastiques mis à la disposition de M. le com- missaire-chef maritime pour être transportés à Bastia (en Corse) et être mis à la disposition de M. le préfet par ordre supérieur.

Noms.

Prénoms.

AOE.

55 55

QuALfrés.

Ln

DE NAISSANCE.

ÎUX DE DOMICILE.

ToRBLLO

(Gattcschi)

Angelo

Antonio

Pasquale

ex-capucin etcoadjuteur de Torrinieri

Poppi (Amo)

Torrinieri (Ombrono)

Arezzo

Thomas

archevêque

in partions

de Seleucia

en Asie

Orbitello

(état de Rome)

Florence (Arno)

L'auditeur au conseil d'État, commissaire général de police,

Signé : Delamallb.

Les deux individus portés dans l'état ci-dessus sont arrivés dans ce port et ont été débarqués à Bastia, cejourd'hui, 19 mars 1811.

Le préfet du département du Golo,

Signé : Piétri.

Pour copie conforme,

Le capitaine de la goélette de S. M. to Levrette,

Taillade.

Un mol au sujet d' Arezzo dont le nom figure sur l'état que l'on vient de lire. Ce personnage était depuis plusieurs années connu de l'empereur. En 4806, Arezzo se trouvait à Dresde lorsque M. de Thiard, ministre de France en Saxe, lui fit savoir que Napoléon, par une lettre du 12 novembre, Tinvitait à se rendre immédiatement à Berlin (c'était après la campagne d'Iéna). Arrivé dans cette ville,

352 MiLANGES BT IKNnJME.TTS.

Arezzo se rendit à la résidence de Napoléon, lequel commença par lui demander ce qu'il Daisait à Dresde. Le prélat répondit qu'il était nonce du pape à Saint-Pétersbourg^ qu'un refroidissement dans les relations était survenu entre Rome et la Russie, à l'occasion d'un Français, M. de Vernègues, protégé de la Russie, et expulsé de Rome sur la demande de Napoléon; que la cour de Saint-Pétersbourg ayant retiré son résident à Rome, la cour pontiflcale avait en faire autant de son côté; qu'il avait donc quitté la capitale russe, et qu'il habitait Dresde en attendant que les difficultés pendantes fussent aplanies, et quil pût aller reprendre son poste.

Sur- cette réponse, l'empereur, qui était alors fort mal avec le tsar et qui ne lui avait pas encore fait signer le traité de Tilsitt, fit à Arezzo une de ces scènes furibondes qui étaient dans son tempéra- ment : « Les chiffres diplomatiques de Rome sont connus... Je puis

vous montrer vos dépêches Croyez-vous que je ne sache pas que

vous êtes mon ennemi ? etc., etc. » Puis il ajouta : « Je veux que le pape accède à la confédération (la confédération de la France et de ses alliés contre l'Angleterre et à ce moment aussi contre la Russie) -, . . .

vous allez quitter Dresde et vous rendre à Rome » En un mot il

le chargea d'aller faire connaître au pape l'intention il était de l'amener de gré ou de force à le suivre dans sa politique extérieure.

Arezzo partit; sa mission auprès du pape ne réussit aucunement; peut-être Arezzo fùt-il lui-même pour quelque chose dans cet insuccès d'une démarche au but de laquelle, en tant que prélat romain, il était personnellement fort opposé. On possède de lui un récit de son entrevue avec l'empereur {Relazione delmio ahbocamento colV itnpe- ratore Napoleone^ \ 2 novembre i 806) qui, lors de Tinvasion des États pontificaux par Napoléon, a été trouvé dans les papiers du pape au Quirinal. M. d^Haussonville, dans son livre déjà cité au début de cette étude, a publié une traduction de ce document. Un passage de cette pièce me permet de rectifler l'état du commissaire de police de Livourne, en ce qui concerne le lieu de naissance de ce personnage : l'état publié plus haut indique Arezzo comme étant à Orbitello, il y a une erreur évidente, car dans le récit trouvé au Quirinal, Arezzo dit expressément de lui-même : « ma famille est sicilienne, mais je suis à Naples^ et dès l'âge de huit ans j'ai été élevé et j'ai vécu à Rome. »

Reprenons l'analyse de la correspondance ministérielle.

La Spezzia à Marine. 18 mars 1811. Pemetti annonce au ministre l'arrivée à Dastia, le 9 mars, du Janus et de la Ligurie^ avec les 48 prêtres (on en a lu la liste plus haut) que ces navires transpor- taient. Ils ont été remis entre les mains du général Morand, gouver-

DjfPORTlTIOFVS DE PRÊTRES SOUS LE PREMIER EMPIRE. 353

ncur de l'île. On va s'occuper activement du départ des iOO nouveaux passagers t qui doivent avoir semblable destination. J*al de suite écrit et fait toutes dispositions auprès de (jui il appartenait pour que cette opération fût différée le moins possible. »

Livourne à Marine. "22 mars 1811. Taillade, capitaine de la Levrette, annonce que le IS mars il a mis « à la disposition de M. le pn'fet de liastia deux ecclésiastiques dont un archevé(}ue, ancien gouverneur de Rome, » qu'il avait embarqués à Livourne. On a lu plus haut les noms de ces deux prêtres.

Marine à Police 8. E. elle-même). 25 mars 18il. Ije ministre tient son collègue au courant des envois de prêtres effectués depuis sa dernière lettre.

Livourne à Marine. 27 mars 1811. Le chef militaire, G. Delacou- <lray, déclare qu'il vient de recevoir l'ordre de la grande-duchesse de Toscane d'envoyer croiser les bâtiments de la flotille qui se trouvent à Livourne. c Je n'ai pas négligé de faire connaître à S. A. que les bâti- ments étaient destinés, par ordre de V. E., à transporter des conscrits et des prêtres en Corse et que S. M. l'empereur voulait qu'ils ne séjour- nassent pas plus de 24 heures à Livourne. » Cette lettre paraît émouvoir le ministre, si j'en juge par les annotations suivantes que je trouve en marge : Voir les ordres de l'empereur des 4 et 8 avril ; rapport fait à 8. M. le 10 avril ; répondu Delacoudray) le 11 avril ; écrit le même jour à M. le commandant militaire de la marine à Civita-Vecchia. »

Gênes à Marine. 27 mars 1811. Compte-rendu à S. M. le 10 avril. .... Le préfet du Taro écrit au commissaire principal de la 8pezzia, sous la date du 20 de ce mois, ({u'on lui a bien transmis l'ordre de S. M. en vertu duquel 100 prêtres romains doivent être dirigés sur ce port, mais qu'il n'a encore reçu aucune instruction à ce sujet de la part do S. E. le ministre de la police générale, et que ces 100 prêtres ne sont pas encore désignés.

Voilà 15 jours que les quatre bâtiments destinés à les transporter sont rendus à la Spezzia, et il s'en écoulera peut-être autant avant que ces passagers y parviennent.

Fontaine.

Marine à Police générale 8. E. elle-même). Par trois lettres des 28 mars, \ et 8 avril, le ministre continue à tenir son collègue au cou- rant des départs de prêtres pour la Corse.

Gênes à Marine, 8 avril 1811. Le Renard e^t rentré a Gênes. Il a été retenu plusieurs jours à Bastia {rnr la présence de l'ennemi qui paraît avoir établi sa croisière entre la Corse et l'île d*Elbe. On emploiera désormais de bons voiliers au transport des prêtres, afin de ne pas compromettre les bâtiments.

Marine à Civita-Vecchia. 15 avril 1811. Lebas et Stamaty ont

prié le ministre de donner des ordres à Livourne pour leur fournir un

bâtiment afin de faire partir des prêtres et des conscrits pour la Corse.

Le ministre leur rappelle qu'ils doivent s'entendre directement avec

Hev. Histor. XL fasc. 23

354

iriLANGIS ET DOGUHBNTS.

Livourne, c car rintention de Tempereur sur l'embarquement immédiat de CBB individus ne serait point remplie si, pour être en mesure de pourvoir à leur transport en Corse, vous deviez attendre Teffet des ordres que je donnerais sur cet objet. »

Marine à Cultes. 18 avril iSli. Les Cultes ont communiqué à la Marine une dépêche de la police générale, en date du il avril, relative c aux 100 personnes destinées à être envoyées en Corse et qui doivent être dirigées de Parme sur la Spezzia. » La marine accuse réception. Des ordres ont déjà été donnés à ce sujet à la Spezzia.

Gènes à Marine. 23 avril 1811. Le brick l'Adonis est parti pour la Spezzia, il sera employé au transport des 100 passagers. « Les 100 passagers attendus depuis si longtemps à la Spezzia vont enfin y arriver. »

Livourne à Marine, 29 avril 1811. « J'ai fait embarquer sur VEndy-

mion deux prêtres que M. le commissaire général m'a remis. » En voici

la liste :

Commissariat général de police.

Livourne, le 25 avril 1811.

État nominatif des ecclésiastiques mis à la disposition de M. le com- missaire de marine, chef du service maritime à Livourne, par M. le commissaire général de police en cette ville, pour être conduits en Corse par ordre supérieur et être mis à la disposition de M. le préfet du département du Grolo à Bastia.

Noms.

Prénoms.

Aqe. 54

Qualités.

Lu de naissance.

BUX DE DOMICILE.

Betti

Francesco

curé de

Mungona

Saint- Pierre

Saint- Pierre

(Arno)

à Sieve

59

à Sieve.

Dblbiamgo

Michel-Marie

prévost de

Empoli

Empoli

Saint -André

(Arno)

(Arno)

à Empoli

Certifié par nous, auditeur au Conseil d'État,

commissaire général de police soussigné,

Del AM ALLE.

Pour copie conforme.

Le commissaire chef maritime,

Béb

ARD.

Le préfet du département du Grolo certifie que M. Laurent, lieutenant de vaisseau commandant le brick de S. M. l'Endymion^ a fait débarquer ce matin à Bastia les sieurs Delbianco (Michel-Marie) et Betti (Fran- cisco), tous deux ecclésiastiques déportés en Corse par ordre de S. A. Madame la grande-duchesse.

Bastia, le 4 mai 1811.

Signé : Piétri.

DEPORTATIONS DR PRKTRES SOUS LE PREMIRR EMPIRE.

355

Marine à Cuites.

(Direction du personnel.)

2 mai 1811.

Monsieur le comte, j*ai reçu la dépêche que V. E. m'a fait l'honneur de m'adresser le 29 avril dernier relativement à MM. Debonis et Toni, ex-généraux d'anciens ordres monastiques, dont l'empereur a ordonné l'envoi de Toulon en Corse.

Il ne m^était encore par^'enu aucun avis sur cette translation ; mais je m'empresse, d'après celui contenu dans la dépêche de V. E., de donner à M. le préfet maritime de Toulon l'ordre de pourvoir au trans- port en Corse de ces deux individus.

J'ai toutefois l'honneur de vous prévenir que le passage de ces deux personnes en Corse pourra éprouver quelques retards, attendu que le nombre des croiseurs ennemis apporte dans la saison actuelle beaucoup d'obstacles à la navigation.

La 8pezzia à Marine.

3 mai 1811.

.... I^ brick de 8. M. le Zèbre a mis ce matin à la voile pour la Corse, ayant à bord 51 prêtres dont ci-joint l'état nominatif.

Avant son départ, le capitaine de ce bâtiment m'a fait des observa- tions sur le mauvais état de son é<iuipage, sur son beaupré qui, n'étant pas bien as8un\ ne {lourrait soutenir un coup de vent, enfm sur l'arme- ment entier du brick qui, disait-il, n'était point fini lorsqu'il est parti de Toulon. Je n'ai pas cru devoir avoir égard à ces obserNations, d'aa- tant moins que j'ai supposé que l'on n'avait envoyé ce bâtiment ici que parce qu'il a été jugé en état de remplir la mission dont il est chargé.

Pernetti.

État nominatif de 51 prisonniers d'État remis, d'ordre de S. E. le duc de Ilovigo, ministre de la Police, par moi soussigné, commissaire général de police de (iênes, à M. Pernetti, commissaire principal de marine à la Bpezzia, et pour lui au sieur Piquet, commandant le brick de 8. M. I. et R. le Zèbre^ lesdits prisonniers devant être embarqués sur ce bâtiment et conduits au lieu qui sera désigné dans une dépêche cachetée et jointe au présent, laquelle ne sera ouverte par M. le com- mandant IMquet qu'en mer et à 5 lieues au 8. E. de 1 ile Palmaria.

Noms, Prhnoms.

AOE.

29 33 32 31

Lieux de naissance.

Ui'ALrr^:8.

(iioRD.\M (Antoine) ANNOV.\y-zi (Vinœnl) BoR\cciATTi (Joseph) TiLLi (Jean)

Poggio-Bustone (Tibn») Civita-Vecchia (id.) RicU (id.) Orvieto (Trasimcne)

curé

chanoine curé id.

356

miSlaivges bt docdmbnts.

Noms, Prénoms.

Ergole (Léonard) GiANcoLiNi (Louis) Pesciaroli (Mariani) GoNTi fViiicent) GioLi (Paul) SiMEONi (Simon) Gassandri (Sauveur) Ferrari (François) RiccARDi (Glément) LuccHESi (Stanislas) Marzolini (Vincent) Fasi (Joseph) Santori (Barthélémy) Aloïsi (Pascal) NoDOLER (Paul) Fabi (Louis) Pasquiih (François) Géra (Jacques) Traditi (Bernard) Frattini (Jean-Baptiste) Mjniugchi (Pierre) G\puccETTi (Vincent) Leuci (Jean-Baptiste) NiscETTi (Jean) Gasparri (Gabriel) Parasacchi (Pierre) Tarenzi (Gaétan) Tassi (François) Pagelli (Paul) ËRGOLB (Jean-Baptiste) Gavaqlîbri (Joseph) Monteverde (Joseph) Gardarelu (Dominique) Sebastiani (Louis) Racchetti (Michel) Rensi (Joseph) Gatalucci (Vincent) Zuccm (Jean-Baptiste) Garborbri (Gas il)

Aoe.

34

34

33

34

34

34

34

40

50

56

48

35

35

37

37

31

36

39

39

41

36

40

36

32

57

38

42

42

56

54

43

39

32

27

56

47

36

60

40

Lieux de naissance.

Sarasinesco (Tibre)

Vitorchiano (id.)

(]!anepino (id.)

Montecalvetto (id.)

Narni (Tibre)

Rieti (id.)

Toffia (id.)

Sanvito (id.)

Rome (id.)

Id. (id.)

Rieti (id.)

Rignano (id.)

Pruceno (Trasimène)

Torre (Tibre)

Toscanetta oo Toscanella (id.

Magliano (id.)

Ami (Tibre)

Trevi (id.)

Penna (Trasimène)

Sambuci (Tibre)

Rocca Sinibalda (id.)

Proceno (Trasimène)

Riccia (Tibre)

Ficulle (Trasimène)

Rome (Tibre)

Olevano (id.)

Bettona (Trasimène)

Assisi (id.)

Vallerano (Tibre)

Id. (id.)

Feminga (Trasimène)

Spetto (id.)

Nocera (id.)

Gave (id.)

Gradoli (Tibre)

Id. (id.)

Id. (id.)

Marino (id.)

Monastero (id.)

QuALrrés.

curé id.

chanoine curé id. id. id.

chanoine curé id.

chanoine curé id.

chanoine ) cure id. id. id. id. id. id. id.

chanoine curé id. id.

chanoine id. curé chanoine id. id. curé id.

chanoine id. id. id. |id.

DI^PORTATIONS DE PR^^TRES SOrS LE PREMIER EMPIRE.

Noms, Prénoms.

Age.

LlElX DE NAISSANCE.

(JrALITKS.

HoNCALLi (Jean-Martin)

Kolipno (Trasimène)

chanoine

pROspERi (Joan-F'ranr.oip)

U1

Id. (id.)

id.

F'alcini (Joseph)

48

C^ntipliano (Tibre)

id.

Bracgi (Philippe)

46

Vipnarello (id.)

id.

MoRKLLi (Jean)

48

Civitta-Castellana (Tibre)

id.

Mariotti ((iharles)

r»2

Panicale (Trasimène)

id.

Gassetti (Vincent)

52

Gontigliano (Tibre)

id.

SiKFREDi (Jacques)

39

Santo-Stefano (Mont<>nottc)

ex-moi ne

Le présent état fait quadruple et clos à la Spezzia le l**" mai i8!1.

I^e commissaire générai de police de Gènes,

JOLICLERC.

N. B. On joint à cet état une lettre adressée à Tautorité à laquelle les prisonniers susnommés doivent être consignes.

JoLICLERC.

Bon à embarquer conformément à Tonirc donné le 28 avril.

Varignano, golfe de la Spezzia, le l»' mai i8l!. Le commissaire principal chef maritime,

Pernetti.

Vu embaniué les 5! passagers ci-dessus dénommés à la présente liste, à bord du Zrbre, le i*' mai 1811.

Le commissaire de marine chargé des armement**,

NfoUTIER.

Les prêtres désignés dans le préseul état, conduits en Corse par le brick le Zèbre, ont débanjué à Bastia le î> mai.

Bastia, le 9 mai 1811.

\a* général de division gouverneur de la Corse,

Morand.

Marine à (Îivita-Vecchia.

r> mai 1811.

Vous m'avez rendu compte du retour, le 14, à Civita-Vecchia, de la guelette VÈclatr^ qui avait transporté en Corse des personnes dont la liste est jointe à votre lettre *.

Je vous observe qu'on n'y a point porté l'état supplémentaire des personnes remises à la disposition de la marine par M. le commissaire général de police à Civita-Vecchia, postérieurement à la formation de

1 . J*ai dit plas haut que je n'avais pas trouvé cette liste.

358

V1LÂ5GIS rr BoariETis.

la première liste, el que, par snite de cette omiasioo qn'il était &cile de remarquer, M. le général commandant la ^ division militaire a donné à M. Marqnis, enseigne de vaisseau commandant l'Éclair, Le récépissé de ?1 personnes an bas d'nne liste qui n'en comprend que 17 dont une même tie s^ Venance Mariotti, porté sous le n* lOf avait été débarquée à Civita-Veccbia avant le départ de cette goélette.

Vous voudrez bien. Messieurs, faire prendre note de cette erreur qui a été découverte par le rapprochement de la liste que vous m avez adressée. le 14 avril, des personnes débarquées de i Éclair . en Corse, avec celle dont vous m'avex fait lenvoi, le février dernier, des mêmes personnes embarquées sur le même bâtiment à Civita-Vecchia.

Je vois que l'Éclair a partir de nouveau pour la Corse dans la nuit du 18 au 19 avril, et vous m'avez transmis les listes nominatives de 6 personnes et de 16 militaires qui ont été embarqués sur ce bâtiment*.

Marine à Police générale S. E. elle-mémei. 6 mai fSll. Avise son collègue des deux transports de prêtres effectués par l'Kdair dont il vient d'être parlé dans la lettre précédente.

La Spezzia à Marine. 6 mai fSll.

Cinquante déportés viennent d être embarqués sur VAdomis. pour la Corse. En Toid la liste :

État nominatif de ôO prisonniers d*État remis d'ordre de S. E. le duc de Rovigo, ministre de la Police, par moi soussigné, commissaire général de police à Gènes, à M. Pemetti. conmiissaire principal de marine à la Spezzia, et pour lui au sieur Lebas. commandant le brick de S. M. I. et R. l'Adonis, lesdits prisonniers devant être embarques sur ce bâtiment et conduits au lieu qui sera désigne par une dépêche cachetée et jointe au présent. Laquelle ne sera ouverte par M. le com- mandant Lebas qu'en mer et à 5 lieues au S. E. de Tile Paimaria.

Noms. Prénoms.

Age. 35

LlEtri DE >"AISSA>CK-

pRCfESSîOKS

Vecchiarelli «Paul»

Orte (Tibre/

cure

ScoBZOM «Michel-Ange»

44

Bevagna (Trasimène)

chanoin»»

Cbucia5i I Félicien»

49

Trevi (id.)

id.

Garigos (François »

56

Cometo (Tibre;

id.

Rossi Julien)

il

Supino (id.)

id.

Depaoli 'Cunstantini

49 |.Marino (id.)

id.

Mancixi I Biaise» *

53

Fenne rid.)

id.

1. Cette liste me manque également.

î. Je pense qa1l s'aeit id de Mancini, chanoine do chapitre de Fk>rrace. qai fot, avec on de ses confrère», arrête et conduit à la citadelle de Fene>trelle par ordre de la grande-docbesse Elisa, pour avoir publié le bief concernant

DI^PORTinOIfS DE PRÊTRES 80DS LB PREMIER EMPIRE.

359

Noms, Prénoms.

AOB.

33

Lieux db naissance.

Professions

Teophli (Bernardin)

Gesi (Trasimène)

chanoine

Boni (Camille)

42

Segni (Tibre)

id.

BiNAGO (Vincent)

33

Id. (id.)

id.

SoLiDATi (Philippe)

38

Gontigliano (id.)

id.

Atenni (Dominique)

52

Ariccia (id.)

id.

EoiDDi (Bernardin)

50

Gontigliano (id.)

id.

Galloni (Pierre)

54

Id. (id.)

id.

Fautoroni (8auveur)

41

Nepi (id.)

id.

Paziblli (Julien)

35

Gaprarola (id.)

id.

RusPANTOii (Philippe)

31

Grotte (id.)

id.

GoRDELLi (François)

43

Id. (id.)

id.

Lbonori (Gabriel)

51

Cbrchiano (id.)

id.

Fbatoni (Louis)

30

Valmontone (id.)

id.

Caramaniga (Michel-Ange)

47

Id. (id.)

id.

Magghiogchi (Louis)

49

Id. (id.)

id.

Puzzi (Joseph)

44

Id. (id.)

id.

Orlandi (Jean)

29

Orte (id.)

curé

CiOTTi (Jacquin)

22

Amelia (Trasimène)

chanoine

Fbrrari (Dominique)

32

Id. (id.)

id.

GiAMPE (Gaétan)

53

Assisi (Trasimène)

id.

Manni (Dominique)

40

Gondoli (Tibre)

id.

CoLONNA (Philippe)

52

Rome (id.)

id.

GiANuzzi (Vincent)

59

Onagni (id.)

id.

Trente (Jean)

30

Fiorentino (id.)

id.

NoLLi (Vincent)

30

Id. (id.)

id.

Pereira (François- Xavier)

52

Rome (id.)

id.

Betti (Paul)

36

Givita-Vecchia (id.)

id.

Nardi (Ange)

41

Toffia (id.)

id.

RuBiNi (Vincent)

38

Grotte (id.)

id.

Trovarelli (Pierre-Louis)

54

Rieti (id.)

id.

(]ioiA ou GisiA (Gésar)

59

Rome (id.)

id.

Grispoltiii (Grispolde)

60

RieU (id.)

id.

8anisi (Philippe)

63

Id. (id.)

id.

Papei (Virgile)

49

Valmentone (id.)

id.

Bonagorsi (Pierre)

57

Rome (id.)

id.

Fallerini (Barthélémy)

38

Rieti (id.)

id.

M. d'Oftinood, archeTèquede Florence, non insUlué par le pape. Voyei la VéêépiS' eopale de M. d*Osmond, citée par d'HaasioBTiHe, t. III, p. 455.

360

MliLiNGBS ET DOGDIfEF(TS.

Noms, Prénoms.

ÂGE.

57

Lieux de naissangb.

Professions

Rossi (Raphaël)

Pérouse (Trasimène)

chanoine

TiTi (Baltasar)

53

Id. (id.)

id.

Baghega (Flave)

51

Grotte di Castro (Tibre)

id.

Ladi (Joseph)

58

Orvieto (Trasimène)

id.

Leonardi (Jacques)

40

Gannara (id.)

curé

Smeraldi (Louis)

57

Viterbe (Tibre)

id.

Gaesi (François)

40

Id. (id.)

id.

Le présent état nominatif fait quadruple et clos à la Spezzia, le 5 mai 1811.

Le commissaire général de police de Gênes,

JOLIGLERG.

N. B. On joint à cet état une lettre adressée à l'autorité à laquelle les prisonniers susnommés doivent être consignés.

JOLIGLERC.

Vu bon à embarquer sur le brick de 8. M. VAdonis.

Varignano, le 6 mai 1811. Le commissaire principal chef maritime,

Pernbtti.

Vu embarquer les 50 passagers dénommés à la présente liste. A bord du brick de S. M. I. et R. l'Adonis, le 6 mai 1811.

Le commissaire des armements,

MOUTIER.

Reçu une dépêche de M. le commissaire de police de Gênes.

Le général de division gouverneur de la Corse,

Morand. Reçu les 50 prêtres dénommés au présent état.

Bastia, le 10 mai 1811.

Le général de division gouverneur de la Corse,

Morand.

La Spezzia à Marine. 7 mai \%\\. Confirme le départ qui a eu lieu le 3 mai sur le Zèhre^ et le 6 mai sur Y Adonis^ de cent prêtres plus un ex-moine, ce dernier « venant de Gênes ».

Idem à idem. 13 mai 4841. Le Zèbre et V Adonis sont de retour de leur mission; « malgré la présence continuelle de l'ennemi et le peu de vent, ils ont eu une traversée heureuse et assez courte. »

Même date. Rapports de A. Picquet, commandant le Zèhre^ et A. Lebas, conunandantrAdonts, sur leur voyage. Avant de se rendre

DéPORTATIOXS DE PRÊTRES SOCS LE PREMIER EMPIRE. 364

en Corse, les deux capitaines ont mouillé à Porto-Ferrajo, Picquet i< pour remettre difTérents objets dont il était chargé, Lebas, à cause de la présence de l'ennemi, et aussi à raison de la fatigue qu'éprou- vèrent les passagers par une mer assez houleuse, et le vent d'ouest directement contraire. »

Marine à police générale S. E. elle-même), 46 mai 4844, envoi de renseignements sur les départs de prêtres.

Marine à cultes. Deux lettres des 48 mai et 3 juin 4844. Envoi de renseignements sur le même objet.

Marine à police S. E. elle-même). 3 juin 4844. Autre envoi de renseignements sur Tétat des déportations.

Marine à Civita-Vecchia. 40 juin 4844. Le ministre accuse récep- tion de différentes lettres relatives aux départs de prêtres et de cons- crits réfractaires envoyés en Corse. Des maladies contagieuses se sont déclarées à bord des navires qui transportaient a de ces individus », la source de ces maladies parait devoir être attribuée aux exhalaisons de leurs habits portés en prison. U faudra donc désormais renouveler rhabillement des conscrits avant de les embarquer.

Idem à idem. 4 juillet 4844. Le ministre accuse réception d'une lettre du 47 juin annonçant le départ pour la Corse, sur la goélette YÈclair^ de conscrits réfractaires et de cinq personnes mises à la disposition de la marine par le commissaire général de police à Civita- Vecchia.

Marine à police. Même date, avis de ce même envoi de cinq per- sonnes en Corse*.

Marine à Police. 12 août 1811.

Une personne, mise à la disposition de la marine par M. le commis- saire général de police à Livourne, a été embarquée en ce port pour la Corse, le 25 juillet dernier, à bord du brick le Renard^.

Marine à Civita-Vecchia. 42 août 4844. Accusé de réception d'une lettre du 4 9 juillet, le ministre a trouvé joint à cette lettre

L'état.... des dépenses faites à Civitta-Vecchia pour le transport en Corse, pendant le premier semestre de la présente année 1811, de pas- sagers étrangers à la marine.

Cet état comprend : 31 ecclésiastiques

38 conscrits

Total : 69 individus

1 . Je ne relroo? e ni U lettre de CiTÎU-Vecchia relatif e à ce départ de XÉdair, ni la liste des cinq déportés.

2. Je ne trouve pas la correspondance relalîTe à ce départ.

362 MELANGES ET DOCOMBIfTS.

Il a été distribué à ces 69 individus 431 rations de journalier et 504 rations de campagne qui, à raison de 0 fr. 90 par ration de journalier et 1 fr. 10 par ration de campagne, font 942 fr. 30

Le traitement de table alloué à raison de 2 fr. par jour et pendant toute la durée de l'embarquement aux 31 ecclé- siastiques envoyés en Corse, s'élève à 1,018

Total : 1,960 fr. 30 Marine à Lebas et Stamaty, à Civita-Vecchia.

19 août 1811.

J'ai reçu, Messieurs, votre lettre du 31 juillet dernier. Vous me ren- dez compte que M. le général commandant à Tîle d'Elbe n'a pas voulu recevoir les 24 individus dirigés de Rome sur Civita-Vecchia par M. le directeur de la police en cette ville et qui avaient été embarqués le 17 juillet à bord de la goélette de S. M. l'Éclair,

Je regrette que vous ne m'ayez pas fait connaître les motifs du refus de cet officier général et que vous ne m'ayez pas transmis la lettre dans laquelle il a sans doute exprimé ce refus à M. Marquis, commandant l'Éclair,

Je vois que cette goélette a ramené, le 30 juillet, à Civita-Vecchia, les 24 individus dont il s'agit et que vous les avez mis à la disposition de M. le commandant d'armes ^

Dans sa lutte contre le clergé italien, Napoléon devait nécessaire- ment s*attendre à trouver les habitants des couvents au nombre de ses adversaires les plus déterminés. L'empereur haïssait les moines, et ne laissait pas échapper une occasion de leur manifester son anti- pathie. Si les prêtres romains lui gardaient rancune de Tenlèvement du pape, de son invasion dans les États de TÉglise, de son intention de réduire à quatre les nombreux évêchés « suburbicaires » et de sa tentative d'installation d'évêques non institués canoniquement, les moines pouvaient ajouter à ces griefs la suppression pure et simple des ordres religieux. Il avait vidé les couvents; le couvent de la Cer- vara fit, il faut le croire, une résistance particulièrement désespérée.

1. Je ne trouve aucun autre document sur cet incident. Le fait de l'envoi de ces 24 déportés à l'Ile d'Elbe au lieu de Ttle de Gqrse semblerait indiquer peut- être qu'il serait quesUon ici, non de prêtres, mais de c conscrits réfractaires t . Ces envois de conscrits des États romains à l'Ile d'Elbe et en Corse sont (je le vois par les dossiers) continuels, et portent sur un nombre très considérable d'individus. Us ont lieu concurremment avec les envois de prêtres, et souvent par les mêmes navires. Il est fort probable d'ailleurs que parmi ces c conscrits réfractaires i des États romains, figurent des ennemis politiques du nouvel ordre de choses, ennemis dont on s'est débarrassé, en les affublant bon gré mal gré d'une capote d'uniforme (on sait combien Napoléon employait fréquemment cette forme particulière de * lettre de cachet i).

DRPORTATIOXS DE PRÊTRES SODS LE PREXIRE EMPIRE. 363

Les lettres qui suivent nous apprennent par quels moyens Tempereur

finit par avoir raison de ces religieux, Tépisode est curieux et vaut

qu'on s'y arrête :

Police générale à Marine.

Paris, le 5 août 1811.

M. le comte, j'ai l'honneur de prévenir V. E. qu'en exécution des ordres de 8. M. les trapistcs {sic) du couvent de la C^rvara, dont l'arres- tation a été onionnée par décret du 28 juillet dernier, doivent être envoyés dans Tile de Caprara, pour y être détenus dans la tour. Je viens de charger M. le Directeur de la police au delà de^ Alpes, de prendre les mesures convenables pour faire transférer ces détenus à cette desti- nation, et de se concerter à cet effet avec les autorités militaires et maritimes.

Je prie V. E. de vouloir bien donner les ordres et instructions néces- saires pour leur embarquement et leur transport dans l'île désignée ]ÏSLT 8. M....

Le duc DE RoviQO.

Ordre donn^ sur U transport à Vile de Caprara des trapistes du œuvent

de la Cervara.

Marine à Police.

Paris, 9 août 1811.

M. le duc, j'ai reçu la dépêche du 5 de ce mois par laquelle V. Ë. me fait rhonneur de me prévenir que les trapistes du couvent de la Gervara doivent être envoyés dans l'île de Caprara pour y être détenus dans la tour.

Je regrette que V. E. ne m'ait fait connaître ni le nombre de ces religieux, ni surtout le point de leur embarquement, mais comme elle m'annonce qu'elle a donné des instructions à cet égard à M. le Direc- teur de la police au <lelà des Alpes, j'ai lieu de croire que ces individus seront dirigés sur Gênes et sur la Spezzia, car s'ils avaient l'être sur Livourne ou sur Civita-Vecchia, V. E. aurait adressé les ordres <|ui leur sont relatifs à M. le Directeur de police du grand duché de Toscans» ou à M. le Directeur de la police à Rome.

J'ai en consèjuence chargé MM. les commissaires princi()aux de nîarin(% à Gênes et à la Spezzia, de pourvoir au transport à Caprara des trapistes du Couvent de la Gervara, dans le cas ils seraient, ainsi que je dois le penser, dirigés sur l'un ou l'autre de ces deux ports.

Police à Marine.

Paris, 21 août 1811. M. le comte, V. E. m'informe par la lettre qu*elle m'a fait l'honneur de» m'adresser le 9 du courant, en rt^ponse à ma dépêche du 5 du même mois, qu'elle a chargé MM. les commissaires principaux de marine à (lêues et à la 8p<'zzia de pourvoir au transport à Caprara des trapistes du couvent de la Gervara. Je vous remercie de cette communication.

364 MliLiNGES ET DOGUMBlfTS.

J'avais pensé, ainsi que V. E., que ces individus devaient être en effet embarqués par Tun ou Tautre de ces ports, comme étant ceux qui se trouvaient le plus à proximité du lieu ils étaient détenus. Cependant M. le Directeur général de la police des départements au delà des Alpes, en me rendant compte des dispositions qu'il a faites pour le transfère- ment de ces hommes, m'a annoncé qu'il allait les diriger sur Livoume. Je lui ai écrit sur le champ pour désapprouver ce parti, et lui ordonner de les faire embarquer par les côtes de la Ligurie. Cependant comme il serait possible que cet ordre ne lui parvînt pas assez à temps pour qu'il pût le faire mettre à exécution, je crois devoir prier V. E. de vouloir bien donner des ordres à Livoume, pour que rembarquement de ces trapistes n'éprouve point de difficultés slls y sont conduits.

Le duc DE Rovioo.

Ordres donnés pour le transport à Caprara des trapistes du couvent de la

Cervara.

Marine à Police.

26 août 1811.

M. le duc, j'ai Thonneur de prévenir V. E., en réponse à sa dépêche

du 21 de ce mois, que j'ai chargé le chef militaire et le commissaire de

la marine à Livoume de pourvoir au transport à Caprara des trapistes

du couvent de la Cervara, dans le cas ils seraient dirigés sur ce

premier port.

La Spezzia à Marine.

22 août 1811.

M. le général commandant d'armes à la Spezzia vient de me commu- niquer une lettre du préfet du département des Âppenins, par laquelle il annonce que 27 religieux de la Trappe doivent être transportés de la Spezzia dans Tisle de Cappraîa. Il m'annonce en même tems que ces trappistes sont arrivés, et m'invite à donner des ordres pour leur trans- port. N'en ayant pas reçu de V. E. à cet égard, je n'ai pas cru devoir, Mgr, accéder à l'invitation de M. le général Saudeur; je m'y suis en conséquence refusé.

J'espère que V. E. daignera approuver mon refus, auquel je tiendrai jusqu'à l'arrivée de ses ordres qui probablement se croiseront avec cette lettre.

N'ayant ici aucun bâtiment propre à remplir cette mission, je viens

d'écrire au port de Gênes pour qu'un de ceux de ce port soit mis à ma

disposition lorsque le cas le requièrera.

Pbrnetti.

Trapistes à embarquer à la Speziia.

Gênes à Marine.

23 août 1811.

J'ai reçu la dépêche secrette que V. E. m*a fait l'honneur de m'adresser le 9 de ce mois, et en même temps une expédition de cette même dépêche destinée pour le commissaire principal de marine à la Spezzia.

DÉPOETATIONS DE PR^'RBS SOCS LE PREMIER EVPIRE.

3r>5

Ayant été prévenu hier au soir par M. le commissaire générai do police que les passagers dont est question dans cette dépêche ont été dirigés sur la Spezzia, j*ai aussitôt transmis à M. Pcrnetti Texpitlition qui lui était dostinéo, et j'ai mis à sa disposition un des 3 bricks qui so trouvent retenus à la Spezzia par la présence du vaisseau ennemi qui depuis trois jours croise devant le golphe. Ce sont l'Endyniion, l'Adtmis et le Renard qui reviennent de Corse ils ont transporté des conscrits.

Le Commissaire principal, Fontaine.

Varignano à Marine.

25 août 1811.

J'ai reçu hier au soir, par l'entremise de M. le chef de l'arrondisse- ment, la dépêche du 9 août par laquelle V. E. me prescrit de pourvoir au transport des trappistes du couvent de la Cervara pour Tisle de Capraia.

AussitiH après sa réception, j*ai écrit au commandant du 24« e<|uipage de flottille, pour le prier do m'envoyer ici un hAtiment, n ayant que la Ligtirie, très impropre à ce genre de service.

Jo suivrai dans cette nouvelle circonstance, Mgr, les dispositions prescrites par la dépêche du 10 janvier, et j'aurai l'honnour de rendre compte à V. E. de l'arrivée des trappistes à leur destination.

Pernetti.

Varignano à Marine.

29 août 1811.

... Les vingt-sept trappistes annoncés ont été embarqués aujourd'hui sur le brick de S. M. le Renard; aussitôt que le temps le permettra, ce bâtiment fera voile pour l'île de Capraia. Je présume que ce dé{>art aura lieu domain dans la journée au plus tard.

Je joins ici une liste de ces religieux revêtue du récépissé du cap. Baudin. Au retour de sa mission, j'aurai l'honneur d'en transmettre à V. E. une seconde, avec le reçu de l'autorité commandant l'isle de (^praïa et le compte à rendre de cette mission {>ar le cap. du brick.

Pernetti.

État nominatif de 27 trappistes du couvent de la Cervara détenus à la Spezzia, tiré de celui de M. Paris, capitaine de gendarmerie im|»ériale à Chiavari.

Numéro! 1 (Tordre. 1

Noms.

PRKNOMS.

Lieux de naissance.

Départe- ments.

AoB. 42

Professions.

i

FlORE

Philil)ert-I)*H)dato

Nonos

sacerdot profès

2

Maliola

Piern»-Antoine- Ktienne-Marie

Hielle

8(*sia

56

id.

3

Vise A

Etienne-Colombo

Turin

41

clerc profès

366

MliLAXGES ET DOCIJlfE7fT8.

Namérodl d'ordre. |

Noms.

Prénous.

Lieux de

naissance.

Départe- ments.

Age. 48

Professions.

\

ViET

Augustin-Bonoit-

Gisors

Eure

clerc profès

Joseph

5

ROMGO

Vincent-Hillarione

Trino

Sesia

34

6

BODRATI

François-Benoît

Ovada

Gênes

43

laïque profès

7

Clavanio

Mathieu-Louis- Placide

Turin

26

s.-diacre profès

8

PUONANI

Fortuné-Placide

id.

id.

27

laïque profès

9

Reta

Charles

Gônes

44

id.

10

Deblon

Hippolyte-Louis- Jean

Naples

31

s.-diacre profès

il

Straker

Antoine-Marie

Stropzer

47

sacerdot profès

12

Stanislas

François-Charles

Rione

40

convers profès

13

De Gerondci

Jean-Robert

Nice de la Paille

40

id.

14

8toqlio

Joseph- Antoine- Bernard-Marie

dlvrée

Piémont

34

15

Bessonb

François

Coni

Sture

49

16

Dole.

Jean-Jacques- Brunone

Strasbourg

Bas-Rhin

54

17

ZiNO

Jacques

Gônes

28

18

TASSKTrA

Iliaciuto- Séraphique

Comiana

43

19

FORCH

Augustin

Moravia

44

20

QUARELLO

Fidèle

Portofino

24

21

Arsënio

Raymonde

Cheracco

Sture

51

22

Gërvais

Louis-Marie

Lyon

33

tertiaire maître des enfants

23

Masnata

Joseph

Gènes

30

id.

24

Sanine

AndrtVCharles

Narsole

48

novice du chœur

2r>

POLLl

Simon

Trento

27

frère donné

2(;

JOSAS

Joan-Pierre

S.Hiilaire

Ariège

49

prêtre novice du chœur

27

PURNO

I-Aurcnt

Piverone

Sosia

33

postulant

Certifié Total ci-<lossus par nous sinissignè, commissaire de police de hi Spozzia, conforme à celui de M. Paris, capitaine de la gendarmerie impériale à Chiavari.

La Si>ezzia, le 27 aoiU 1811.

Crozza (Ciésar).

DéPOETATIOIfS DE PRÊTRES SOCS LE PREMIER EMPIRE. 367

Bon à embarquer sur le brick le Renard les 27 trappistes cy-dénommés. Variguano, golfe de la Spezzia, le 29 août 1811.

Le commissaire principal chef maritime,

Pbrnbiti.

Ni M. le commissaire de police, ni autres autorités ne m'a remis de papiers à faire passer au commandant de Gapraja.

Bàudin.

Le lieutenant de vaisseau commandant le brick le Renard certifie avoir reçu les 27 trappistes ci-dénommés à son bord.

Varignano, le 29 août 1811.

Charles Baudin.

A embarquer le dit jour, le commissaire aux armemens,

MUUTIER.

Police à Marine.

Paris, le 1-i septembre 1811.

M. le comte, S. M. a ordonne que lo s. Hugues Burdot, ex-supérieur des trapistes de la Cervara, condamné à 10 ans de bannissement, par jugement d'une commission militaire, le 17 du mois dernier, serait conduit en Corse, pour y rester détenu.

Je prie V. E. de vouloir bien donner les ordres pour l'embarquement et le transport de cet individu, qui est actuellement dans la {irison de Gènes. Il devra, à son arrivée en Corse, être mis à la disposition de M. le comte Berthier, commandant de cotte isle, que je préviens de cette disposition.

M. le Directeur général de la police des départements au delà des Alpes est chargé de se concerter avec les préposés du ministère de V. E. pour la remise qui doit leur être faite du détenu.

Le duc de Hovigo. Ministre de la Marine à Police.

Boulogne, le 21 septembre 1811.

M. le duc, j'ai l'honneur de prévenir V. E. en réponse à sa dépêche du 14 de ce mois, que je charge M. le Commissaire principal de marine, à Gênes, de se concerter avec M. le Directeur général de la police des déiKirtemenU au delà des Alpes, ()Our faire effectuer le trans(»ort en Corse du s. Hugues Bunlet, ex-supérieur des trapistes de la Cervara, condamné à 10 ans de bannissement.

J'ai l'honneur, à ce sujet, d'annoncer à V. E. que les 27 autres trapistes du même couvent de la Cervara, qui sont l'objet de ses dépê- ches des T) et 21 août dernier, ont été embarqués le 29 du même mois, à la 8{>ezzia, sur le brick le Renard^ et que le 31 ils ont été remis à la dis{K)sition du commandant de Pile de Caprara.

ZM mttAja» Et wacnïïm,

Miniitre de la 3fahiie à Police.

Amsterdam, ^ octobre 1811.

M, le duc, j'ai eo Thonnear de préTeoir V. E. le 21 septembre dernier, en répTifine à mi dépêche da 14, qae j'avais chargé M. Fontaine^ corn- miuftaire principal de marine, à Gènes, de se concerter avec M. le directeur général de la police des départements an delà des Alpes, poor faire effectaer le transport en Corse du s. Hugues Burdet, ex-supérieur df« trapistes de la Cervara condamné à 10 ans de bannissement.

M, Fontaine me rend compte que le s. H. Burdet a été embarqué le W du m^e mois pour cette Ile, à bord du brick de 8. M. le Faune, qui i;st parti le m6me jour pour la Corse.

Hignalement du s. Uugues Burdet, ex-supérieur du couvent supprimé des trapistes de la Cervara, il était connu sous le nom de François de Halle»; embarqué le 26 septembre 1811, sur le brick de 8. M. le Faune, pour ôtre transporté en Corse, et remis à 8. E. le comte César lierthier, gouverneur général de la dite ile.

Burdet (flugueH), fils do feu Charles; ex-trapiste du couvent supprimé do la Cnrvara, natif de Anse, département du Rhône, dernièrement domicilié dans lo département des Appennins, prêtre, ex-moine, âgé de 42 ans, taille de 1 mètre et 685 millimètres, cheveux, sourcils et harhe châtains, front découvert, yeux châtains, visage ovale, nez gros et long, bouche grande, menton rond, corpulence ordinaire, ayant une cicAtrir.o au miliou du front; condamné à Gènes, le 17 août 1811, par la commission militaire extraordinaire, à la peine de 10 ans de bannis- snnnnit (M. aux frain do la procédure, comme convaincu du crime de provocation la rnhollion.

Lo |)rÔHont Hignahnnout fait quadruple et clos à Gènes, le 26 sep-

tomhro IHII.

Lo Commissaire général de police de Gênes,

JOLICLERG.

N. n. Oit joint À co signalement une lettre adressée à l'autorité à Inquollo lo dit prisonnier doit être consigné.

Iloyn do M. lo commandant lo brick do S. M. le Faune, le s. Hugues BunhM, ox-suporiour du couvent de la Cervara.

Ikslia, VM octobre 1811.

L'rtdjudant-gi'»nôral, commandant la première subdivision

do la Corse,

Chorié.

J\ii drt, pour h clarté du nWl, grou|)cr les pièces relatives à cette affiiin^ du otnnenl do la Cervara. Mais, pendant que s'exécutait la dé|H>rlalion dos trappistes, d'autres |icrsonnages étaient Tobjet de mo5Utvs analogues. Je reviens n ces derniers et je reprends, en remonUinl ^luolque^ semaines en arrière, l'analyse de la correspon- danoo ntinislèrieUo.

I)JP0RTATI0?f8 DE PRÊTRES BOUS LE PREMIER EMPIRE. 369

Marine à Police.

9 septembre 1811. ... Le s. Louis Muzzi, mis à la disposition de la Marine, par M. le Commissaire général de police à Livoume, est parti de ce port pour la Corse, le 18 août dernier, à bord du brick de S. M. l'Abeille, il a été débarqué à Bastia le 20 du même mois.

Livourne à Marine.

17 septembre 1811. ... J*ai envoyé à Bastia par le chebeck de S. M. la Sirène, parti aujourd'hui pour retourner en Corse, le prêtre Jean-Michel Majola.

Le Commissaire chef maritime,

Bêrard.

Commissariat général de police. Livourne.

État nominatif des individus ecclésiastiques mis à la disposition de M. le chef maritime à Livourne, par M. le Commissaire général de police en cette ville, pour être conduits en Corse par ordre supérieur.

Qualités

dans la hiérarchie

DE l'Église.

Noms et Prénoms.

Majola (Jean-Michel)

Age. 56

prêtre

Lieux

de naissance.

Valico ou GarfagntDO (sic) états Lucquois

de domicile.

Livourne.

Livourne, le 17 septembre 1811,

Certifié par l'auditeur au conseil d'État commissaire général de police.

Signé : Delamalle.

Marine à Police. 14 octobre 1811. Avis de l'envoi en Corse de Jean Michel Majola.

Gênes à Marine.

6 novembre 1811.

J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint une feuille de signalement du s. Nervi, procureur général de l'ordre des Théatins, embarqué le G octobre dernier sur la goélette de S. M. le Goèlan, pour être trans- porté en Corse...

Fontaine.

Signalement du sieur Nicolas Nervi, ex-procurcur général de l'ordre des Théatins, embarqué le 6 octobre 1811 sur la goélette de S. M. le Goèlan, pour être transporté en Corse et remis à 8. E. le comte César Berthier, gouverneur général de la dite île.

Nervi (Nicolas), fils de feu Eugène; ex-procureur général de l'ordre des Théatins, prêtre, &gé de 59 ans, à Gênes, dernièrement domi- cilié à Gênes, taille d'un mètre 680 millimètres, cheveux blancs, sourcils gris, barbe id., front découvert, chauve, yeux châtains, nez Rev. Histor. XI. PASC. 2i

370 MÉLANGES ET DOCUMENTS.

bien fait, bouche moyenne, menton rond, visage ovale, corpulence assez forte. Marques visibles : un petit signe au dessus du sourcil gauche. Le présent signalement fait triple, à Gênes, le 6 octobre 1811.

Le Commissaire général de police de Gênes,

JOLICLBRC.

On joint au présent une lettre à l'adresse de Monseigneur le comte César Berthier, gouverneur général de la Corse.

JOLIGLERG.

Marine à Police.

22 novembre 1811.

... Le s. Nervi, ex-procureur général de Tordre des Théatins, mis à la

disposition de la marine par M. le Commissaire général de police à

Gênes, a été embarqué en ce port, le 6 octobre, à bord de la goélette de

S, M. le Goëlan, et a été débarqué le 11 du même mois à Bastia.

Marine à Police.

9 décembre 1811.

M. le duc, j'ai l'honneur de prévenir V. E. qu'à la réception de sa

dépêche du 29 novembre dernier, j'ai prescrit à M. le Commissaire

principal de marine à Gênes, de se concerter avec M. le Directeur

général de la police à Turin, pour faire effectuer le transport en Corse

du s. Alvi, ancien chanoine de Todi, qui doit être dirigé de Milan sur

Gênes.

Gênes à Marine.

28 décembre 1811.

J'attendais l'arrivée à Gênes de Tex-chanoine Aldi*, qui doit être transporté en Corse, pour rendre compte à V. E. de l'exécution de ses ordres du 5 de ce mois ; cet ecclésiastique n'ayant pas encore été con- duit ici, quoique M. le Directeur de la police des départements au delà des Alpes m'ait annoncé qu'il y serait bientôt rendu, je crois devoir prévenir V. E. que les intentions de S. M. n'ont pu, jusqu'à présent, être remplies...

Je ne sais si j'aurai la facilité de faire promptement transporter le

s. Aldi dans cette île lorsqu'il aura été amené à Gênes...

Fontaine. Gênes à Marine.

29 janvier 1812.

J'ai l'honneur de vous annoncer la rentrée en ce port, depuis hier

après midi, du brick le Coureur et de la goélette la Biche, qui étaient

allés à Bastia de conserve avec VAdonis.., Un furieux coup de vent a

assailli les deux bricks et la Biche au moment de l'entrée à Bastia ; ils

se sont heureusement tirés de la position dangereuse ce coup de

vent les jeta, mais les bricks ont fait des avaries. Le Coureur a eu sa

home cassée, un cable rogné et sa yole emportée. L'Adonis a aussi

perdu, dit-on, son canot de l'arrière. Je n'ai pas encore reçu le rapport

du capitaine Lebas.

1. Alviy probablement, dont il vient d'être parlé.

DEPORTATIONS DE PRÊTRES SOCS LE PREMIER EMPIRE.

37<

V. E. recevra ci-joint le récépissé de Tex -chanoine Alvi, transporté

en Corse sur le Coureur,,.

FoirrAiNE.

Le chanoine Alvi avait fait, comme on voit, un assez dangereux voyage. Ce même accident arriva à d'autres déportés; une lettre du 40 février 4842, du ministre de la Marine, à Civita-Veccbia, nous apprend que V Éclair et la Fortune (ce dernier était un bâtiment de commerce frété pour activer les transports), partis le 46 janvier de Civita-Vecchia, furent, le 23, séparés par un coup de vent. La Fortune fut obligée de relâcher à Antibes; elle avait à bord, outre 474 cons- crits réfiractaires et 49 militaires, 34 « individus embarqués par ordre du ministre de la police générale ». V Éclair^ sans doute, put arriver à sa destination, puisque le ministre ne s'en préoccupe pas. Cette dernière goélette transportait à Bastia les individus portés sur les deux listes suivantes :

Police, Mairie de Civita- Vecchia.

État nominatif des individus embarqués sur la goélette de 8. M. l'Éclair, capitaine Marquis, pour être déportés dans Tisle de Corse, en vertu des décrets de S. M. et des décisons de 8. E. le ministre de la police général de l'empire.

Noméroi 1 d'ordre. |

Noms et Prénoms.

Age. 54

Lieux de na (Communes.

I8RA.NCE I)ÉP«».

Fonctions

qu'ils EXERÇAIENT.

1

Orenoo ou Grenoo

Rome

Rome

curial

0

3

(Joachim)

BoNHOLi (Thomas)

Ceccacci (Louis)

52 52

id. Guercino

id. id.

id. id.

4

DiSSEL ou DiNBL

45

Rome

id.

id.

5

OU DiRBL (Antoine) Benbdetti

54

Genazzano

id.

id.

6 7 8

(Luc-Antoine) GioRoi (Philippe) Defeligi (Antoine) Salvati (Antoine)

45 34 47

Rome id. id.

id. id. id.

id.

id.

ancien employé dans

9 40

< FoRTi (Cajetan)

Petrelli (Camille)

60 49

id. id.

id. id.

le mont de la piété

de Rome

id.

id.

14

BoNAGURi (Louis)

45

CÏTiU-Vtoehia

id.

cx-passionnista

Civita-Vecchia, le 12 janvier 1812.

Ortifié véritable lo présent état. Le viaire, Capalti.

372 MliLANGES ET DOCUMENTS.

Police, Mairie de Civita^Vecchia.

Ëtat nominatif supplémentaire des individus embarqués sur la goélette de S. M. VÉclair, capitaine Marquis, pour être transportés dans Tîle de Corse, au dépôt des pionniers colonials^ et faire part du second bataillon des dits pionniers en vertu de la décision de S. E. le ministre da la police général de l'empire.

Numéros d'ordre

Noms et Prénoms.

Époque de la naissance.

Signalements.

1

ToRiNi (Paul)

l'an 1786, à Rome, départem' de Rome

fils de Laurent et- de Rose Castelli

2

Tkjei (André)

l'an 1774, à Rome, départem* de Rome

fils de Pierre et de Faustine Giunti

3

Albert (Louis)

7 septembre 1780, à Breda

fils de Antoine et de Gristine

Civita-Vecchia, le 12 janvier 1812.

Le maire, Gapalti.

Marine à police générale. 24 février 1812. Avis de Tarrivée en Corse (20 janvier) du chanoine AIvi, « remis à la disposition de M. le sous-préfet de Bastia ».

Marine à M. Serval, capitaine de frégate, commandant militaire de la

marine à Civita-Vecchia.

23 avril 1812. Je vous accuse la réception. M., pour Tordre de la correspondance des lettres que vous m'avez adressées jusqu'au G de ce mois.

Elles sont principalement relatives au transport de prêtres et de cons- crits de Civita-Vecchia en Corse.

Je vois que le brick de S. M. l'Adonis et le navire affrété l'Espérance, partis de ce port le 26 mars dernier, ont débarqué le 31 du même mois à Bastia

9 prêtres;

2 individus déportés par ordre du général Miolis et destinés au

30 bataillon étranger; i idem idem et destiné au bataillon de pionniers colo- niaux ; 201 conscrits réfractaires.

213 hommes, et que l'Adonis a effectué le 4 de ce mois son retour à Civita-Vecchia.

1. Je n'ai pas besoin de faire remarquer que ces c pionniers t sont de purs

DéPORTATlOIfS DE PRÊTRES S0D8 LE PREMIER EMPIRE

373

Vous m'avez également annoncé que le navire affrété la Fortune y est rentré le 5. Ce bfttiment était parti depuis le 16 janvier de Civita- Vccchia^ et il a transporté en Corse 20! individus, savoir : 160 conscrits réfractaires; 1i déserteurs pour le bataillon étranger; 30 déportés pour le bataillon colonial.

Total : 201 hommes.

Policé. Mairie de Civita^Vecchia.

État nominatif des individus embarqués sur le brick de S. M. l'Adonis, capitaine Le Bas, pour être déportés dans Tîle de Gone^ en vertu des décisions de 8. E. le ministre de la police général de l'empire en diverses dates.

Noms et Prénoms.

ÂOE.

36

Lieux de i Communes.

«lAlSSANCE.

Départ**.

fo.nctions qu'ils exerçaient.

1

GoLONNA (Philippe)

Rome

Rome

ex-directeur

des catéchumènes

0

Garli (Bernardin)

55

id.

id.

3

Spoletini (Joseph)

53

id.

id.

4

Laurizi (Joseph)

38

diocèse deSpoleto

Trasimène

curé

5

LïRONi (Jean-Bapt*«)

4i

id.

id.

id.

6

Fblici (Bernardin)

4i

id.

id.

id.

7

GoRTESiNi (Bernard)

53

id.

id.

id.

8

Aroenti (Vincent)

30

id.

id.

id.

9

UimuscHiif I (Riphaêl)

24

Gènes

Gênes

diacre

Civita-Vccchia, 14 mars 1812.

Pour le maire absent :

Vincent Bianghi, adjoint.

Marine à Police.

23 avril 1812.

Le ministre avise son collègue de rarrivée en Corse des neuf prê- tres transportés sur l'Adonis : « ces neuf individus ont été remis à la disposition de TofOcier supérieur commandant à Bastia la 2* subdi- vision de la Corse. »

et simples déportés. Il suffit pour s'en convaincre de remarquer l'âge de deai de ces prisonniers (32 et 38 ans), âge qui devait régulièremeot les mettre â l'abri de la conscription. 1 . C'est ce navire (v. pins haut) qui avait relâcher â Antibes.

374

MELANGES ET D0CDME!!fT8.

Marine à Police.

il mai 1812.

... Le demi chebeck le Bamberg, parti le 20 avril dernier de Livourne pour la Corse, avait embarqué en ce port trois ecclésiastiques (les sieurs Félicien et Nicolas Viena, Joachim Baldi) et leur domestique (le nommé Louis Ghelardi) ... ces quatre personnes ont été débarquées le 2i du même mois à Bastia.

Marine à Livourne.

16 juillet 1812.

... Vous m*avez rendu compte que la corvette le Mohawck, partie le 10 juin de ce port pour la Corse, avait embarqué 3 ecclésiastiques, les sieurs Joseph Capua, Mario Lancia et Natale Astolfi.

Vous avez été sans doute informé que le Mohawck est arrivé le 16 du même mois à Bastia...

Marine à police. 16 juillet 1812. Avis de Tarrivée en Corse du Mohawck.

Marine à Police.

24 septembre 1812.

Le brick de S. M. V Adonis, parti le 16 août de Gênes pour la Corse, avait embarqué en ce port trois prisonniers d'état dont la liste nomi- native est ci-jointe ^.. Ces trois prisonniers ont été le 19 du même mois remis à la disposition du général commandant à Bastia.

Marine à Civita-Vecchia.

9 novembre 1812.

Accusé de réception d'une lettre à laquelle était joints les contrôles nominatifs de conscrits réfractaires, de 25 individus destinés au batail- lon colonial et de 7 déportés partis le 19 octobre de Civita-Vecchia pour la Corse, à bord de l'Éclair.

Police. Mairie de Civita-Vecchia.

État nominatif des individus embarqués sur la goélette de S. M. l'Éclair, capitaine Marquis, pour être déportés en Corse en vertu des ordres supérieurs.

-■

"S -S

3 o

1

Noms et Prénoms.

GiORGi (Philippe- Marie)

ÂQE.

»))

Lieux de naissance Communes Départ*».

Velletri

Rome

Observations.

ex-chanoine

par décision de S. E. le ministre de la police générale de l'empire.

1. Je n'ai pas retrouvé cette liste.

DJPORTATIOÏTS DE PRÊTÉES SOUS LE PEEMIBB EXPIEE.

375

îé ■§1

Noms et Prénoms.

AOE.

f »

41 41

54 30

Lieux de Communes

naissance Départ»».

Fo.NCTlONS

QU*1LS EXERÇAIENT.

Observations.

0

Martini

Monto- Fiascone

id.

prtHre

id.

3

(^ASACCO (Joseph)

Graiioli

id.

ex -religieux

id.

4

Vineri (Benoît)

Home

id.

id.

par ordre de S. M.

provoqué par 8. M.

(sic) le ministre des

cultes

5

GiROLAMi (Prospor)

i(l.

id.

id.

id.

6

VlNTURINI

Franrois-Xavier

id.

id.

id.

id.

i

Graziani

uo

Corse

par une décision par- ticulière de M. le

directeur général de la police à Rome

Civita-Vecchia, le 19 octobre 1812.

Le Commandant militaire de la marine,

Serval.

Les lettres suivantes laissent entrevoir les obsessions auxquelles furent en butte les déportés pendant leur séjour en Corse. Exilés pour un rcAis de serment, ils trouvaient dans le lieu de leur exil un fonctionnaire qui réclamait d'eux ce même serment. Refusaient-ils? ce fonctionnaire en référait au ministère de la police et en attendait « des ordres ».

Le général comte César Berthier*, commandant en chef la Corse, au

ministère de la Marine.

10 septembre 1812. Le.** prôtrcs déportés sont tous arrêtés (arrivés?), aucun n'est disposé

1 . Le nom de ce personnage, que nous avons déjà rencontré plusieurs fois, a? ait été précédemment mêlé à un autre incident de la querelle de Napoléon et du |>ape. Au moment Pie Vil arrivait à Savone, l'empereur avait Tait une tentative INNir dissimuler l'état de détenUon dans lequel il comptait tenir son prisonnier. Il afait organisé auprès de sa personne une sorte de cour dans laquelle figura un instant le comte César Berthier, avec le titre de maire du palais du pafte. Mais bientôt les rapports se tendirent de plus en plus entre les deux adversaires. Cette apparence de maison princière disparut. C'est alors que le comte César Berthier fut enfoyé en Corse. Il était le frère cadet du prince de Wagrain.

376 MELANGES ET DOGUMEIVTS.

à prêter le serment. J'attends des ordres de S. E. le ministre de la police générale à leur égard. H serait essentiel que ceux qui ont prêté serment puissent retourner sur le continent, ce qui ferait bon effet vis- à-vis des autres.

Marine à M. le baron Lhermitte, contre-amiral, préfet maritime

à Toulon.

19 novembre 1812.

M. le contre-amiral, je suis informé par le ministre des Cultes, que les ecclésiastiques des départements romains qui avaient été dirigés sur la Corse par mesure de police, et qui depuis ont prêté serment, doivent être renvoyés dans ces départements.

Je charge M. le capitaine de vaisseau Donnadieu de faire pourvoir au transport de ces individus; mais vous ne devrez pas moins lui donner des ordres à ce sujet.

Marine à Cultes.

19 novembre 1812. M. le comte, j'ai l'honneur de prévenir V. E., en réponse à sa dépêche du 13 de ce mois, que j'ai donné des ordres pour le transport de la Corse à Civita-Vecchia des ecclésiastiques des départements romains qui avaient été dirigés sur cette île par mesure de police et qui depuis ont prêté serment.

Ajaccio à Marine.

7 décembre 1812.

J'ai reçu la dépêche que V. Ë. m'a fait l'honneur de m'adresser le 19 novembre dernier.

Conformément à ce qu'elle me prescrit, j'ai pris les ordres de M. le général comte Berthier pour le transport dans leurs départements des ecclésiastiques romains qui ont prêté serment. Il m'a informé qu'ils s'y étaient rendus avec leurs propres moyens.

... La mouche n* 21 était, le 1«' de ce mois, sur le point de transporter de Bastia à l'île Caprara sept ecclésiastiques condamnés ^..

Le capitaine de vaisseau, commandant la marine en Corse,

Donnadieu.

Ajaccio à Marine.

10 décembre 1812.

J'ai l'honneur de rendre compte à V. E. que M. le général comte

l. Je n'ai pu me procurer les noms de ces prêtres. Il est permis de supposer qu'il s'agit ici de quelques-uns de ces déportés qui avaient refusé au comte César Berthier le serment déjà refusé en Italie, et au sujet desquels ce fonctionnaire demandait (v. plus haut) des ordres au ministre de la police. Il n'est pas impos- sible que ces ordres aient été d'envoyer ces prêtres rejoindre dans la tour de Caprara les trappistes du couvent de la Cervara.

DtfPOETATlO!!» DE PEÊTEES SOCS LE PEEXIEE BMPIEE. 377

Borthier, ayant été informé que Thomas d'Arezzo, archovôquo do Séleucie, qui était détenu à Gorte par mesure de police, n'en était évadé et qu'il paraissait qu'il devait s'embarquer sur l'un des points de la côte entre File Rousse et Saint-Florent, j'ai expédié le chebeck la Fortune pour aller explorer la côte sur ces parages, ainsi que celle comprise entre Sagone et l'île Rousse.

J*ai en outre donné Tordre à M. l'enseigne de vaisseau Lecamus de visiter tous les bateaux qu'il rencontrera, afin de pouvoir découvrir l'individu et dans ce cas de l'arrêter et de le conduire à l'île Rousse, conformément aux intentions de M. le général comte Rerthier, il devrait le remettre au commandant de la gendarmerie du lieu.

Le chebeck ia Fortune appareilla le 7 de ce mois pour cette mission...

DONNADIEU.

Nous arrivons à cette funèbre année 4813. Parti pour la Russie à la tête de tout ce que TEurope occidentale et centrale a pu lui fournir de soldats, Napoléon en est revenu traînant après lui un ramas d'hommes exténués et sans armes, un pële-mêle d'individus encadrés au hasard des incidents de la déroute. Il s'est dérobé à cette foule qui n'a plus ni la consistance ni l'aspect d'une armée, et il a ftii en poste jusqu'à Paris. Derrière la voiture qui l'emporte en France, l'Europe s'est soulevée. L'empereur vient demander à la France ses derniers soldats.

Il serait des lors naturel de supposer que le despote vaincu, occupé d'objets plus pressants que d'assurer sa domination sur quelques centaines de prêtres italiens, laissera dormir cette question du ser- ment refUsé par une partie du clergé des États romains.

Une circonstance d'ailleurs va se produire qui devra, semble-t-il, mettre fin aux mesures violentes prises contre les partisans du pape. En janvier 4843 en effet, la réconciliation s'opère, ofTlciellement, entre Pie VII et Napoléon. Un nouveau concordat est signé; par une clause, l'empereur s'engage « à rendre sa faveur aux cardinaux, évêques, prêtres et laïques qui avaient encouru sa disgrâce depuis quelques années ».

Or, rien de tel n'arriva, et Pie VII, que l'espoir de tirer de prison ses adhérents avait finalement décidé à accepter un con- cordat dont les bases principales lui répugnaient, en fût pour sa signature. Deux mois après la conclusion de ce contrat, le pape écrivit à l'empereur pour lui déclarer solennellement qu'il retirait l'approbation donnée précédemment au nouveau concordat; mais ce dernier, tenant la rétractation du pape pour non avenue, se hâta de publier le concordat du mois de janvier, et de lui donner force de loi. M. d'Haussonville, qui dans son livre suit pas à pas les

378 M^LA^TGES ET DOCUMEIITS.

incidents de cette longue lutte de l'empire et de la papauté, dit qu*à répoque du second concordat quelques « cardinaux noirs » virent alors cesser leur exil, mais que pour la plupart des prêtres détenus, la clause du concordat qui promettait leur mise en liberté resta illusoire. L'assertion, sur ce point, de M. d'Haussonvîlle me parait d'autant plus exacte, que les pièces suivantes la justifîent ample- ment. Non seulement à partir de 4843 les déportations de prêtres reprennent avec la même intensité que pendant les années pré- cédentes, mais encore, on pourrait penser qu'elles n'ont pas été interrompues, sauf peut-être du 25 janvier au 24 mars 4843, c'est- à-dire pendant les deux mois qui s'écoulèrent entre la signature du concordat de Fontainebleau et la rétractation du pape. C'est du moins ce que Ton sera amené à déduire des lettres suivantes, lettres qui nous conduisent immédiatement au mois de juin de cette année 4843, mais qui parlent de la déportation en Corse comme d^un objet en quelque sorte a courant ». De janvier à juin, des communications que je ne retrouve pas ont été probablement échangées entre les différentes autorités administratives sur cette question du transport des prêtres en Corse, et des transports ont avoir lieu ^ s'il n'en avait pas été ainsi, et s'il y avait eu une interruption de six mois dans les départs, on aurait peine à s'expliquer, par exemple, que l'agent de la Marine à Civita-Yecchia annonçât un envoi de déportés dans les termes que Ton va lire. Évidemment cet agent ne fait que tenir le ministre au courant des détails d'un service dès longtemps organisé et en plein fonctionnement.

Givita-Vecchia à Marine.

il juin 1813.

En marge de la lettre, cette noie du ministre : Rendu compte à S. M.

le 30 juin (événements de m£r).

Monsieur le Duc, J'ai l'honneur d'adresser à V. E. 4 états nominatifs ^

le i»' de 175 conscrits, le pour les pionniers 18

le pour le bataillon colonial 7

le prêtres ou autres individus déportés 17 garnison 20

Total 237

qui ont été embarqués et partis hier iO du courant à 6 heures du

t. Je ne trouve pas ces états.

DÉPORTATIONS DB PRETRES SOUS LE PREMIER EMPIRE. 379

matin sur le pinqiie du commerce la Sainte-Catherine, capitaine Jean- François Gianoni, pour l'île de Corse, sous l'escorte de la goiUette do 8. M. la Levrette, qui a embarqué à son bord les 6 premiers déportés compris dans l'état n* 4. Ce bâtiment a aussi sous sa protection un convoi do 46 voiles destiné pour les ports de 8. O. J'ai donné au capitaine Taillade la mouche de S. M. le Petit^Page, pour l'aider à

maintenir l'ordre et à rallier son convoi.

Serval.

Gènes à Marine.

"1 septembre 1813.

... Le 9 août VEndymion et la gabarrc la Ciotat ont mis sous voile, le

premier pour Bastia, ayant à bord 14 prêtres et des conscrits... Le 29,

VEndymion^ l'Adonis et la Biche sont rentrés, les deux premiers venant

de porter en Corse des prêtres, des conscrits et de^ pionniers coloniaux i...

Fontaine. Civita-Vecchia à Marine.

20 septembre 1813. En marge, note du ministre : Rendu compte à S. M. (événements de mer).

J'ai Phonneur de rendre compte à V. E. que

Conscrits réfractaires 170

Individus destinés pour les pionniers 8

Garnison 10

Total 197 hommes

ont été embarqués sur la goélette du commerce la Fortune, le 17 de ce mois, et sont partis, hier 19, pour l'isle de Corse, sous Pescorte do la goélette de 8. M. la Torché, sur laquelle ont été embarqués 6 prêtres et deux autres individus déportés dans cette isle par ordre de 8. Ë. le ministre de la police générale. Je joins à ma lettre 3 états nominatifs do tous ces individus^.

Serval.

Civita-Vecchia à Marine.

6 octobre 1813. Les déportés de la Torche ont été débarqués en Corse le 22 sep- tembre.

Civita-Vecchia à Marine.

22 novembre 1813.

En marge, note du ministre : Rendu compte à S. M. le i2 décembre

lévénements de mer).

... 206 conscrits réfractaires destinés pour Pile de Corse, et une garnison de 12 hommes, ont été embarqués le 18 de ce mois, sur la

t. Je De trouTe pas U liste de ces prêtres. 2. Je ne trouve pas ces états.

380 MÉLANGES ET DOGUMEIITS.

goélette du commerce la Fortune, et sont, partis le 20, sous l'escorte de la goélette de S. M. la Levrette, qui avait elle-même à son bord 6 indi- vidus dont 2 prêtres, déportés dans cette île par ordre du gouvernement. Gi-joint les états nominatifs ^

Sbbval.

Police à Marine.

3 décembre 1813.

M. le duc, j'ai l'honneur de prévenir V. £. que cent cinquante prêtres romains, qui sont détenus dans la ville d'Alexandrie, département de Marengo, doivent d'après les ordres de l'empereur être envoyés dans l'île de Corse.

Je prie V. Ë. de vouloir bien me faire connaître sur quel port ils doivent être dirigés, et d'y donner les ordres pour assurer leur prompt transport à cette destination.

Le duc DE RoviQO.

Marine à Police.

6 décembre 1813.

M. le duc, j'ai l'honneur de prévenir V. Ë. en réponse à sa dépêche du 3 de ce mois, que le port de Gênes étant le plus voisin d'Alexandrie, c'est sur ce point qu'il convient de diriger les 150 prêtres romains qui sont détenus en cette dernière ville et dont l'empereur a ordonné l'envoi en Corse.

Je charge M. le Commissaire principal de marine à Gênes de faire pourvoir promptement au transport de ces individus et de se concerter à ce sujet avec M. le Commissaire général de police en ce port.

Civita-Vecchia à Marine.

6 décembre 1813. Les déportés de la Levrette ont été débarqués en Corse le 27 novembre.

Civita-Vecchia à Marine.

20 décembre 1813.

J'ai l'honneur de rendre compte à V. E. qu'en suite de l'invitation qui m'a été faite par M. le colonel commandant d'armes de cette ville, par l'ordre de S. Ë. le lieutenant du gouverneur général, en date du 8 décembre dernier, de faire transporter de suite en Corse, par la goélette de S. M. la Torche, les différents prisonniers d'état détenus à Civita-Vecchia, cette goélette est partie samedi dernier, 18 du courant^ ayant à son bord 9 prisonniers dont 6 prêtres, desquels j'ai l'honneur de soumettre à V. E. la liste nominative.

Serval.

1 . Je oe trouve pas les états.

D]fP0ETlT10:iS DB PRÈTHES 80DS LE PtBMIBE EMPIEB.

384

Commissariat spécial de police de Civita-Vecchia.

État nominatif de 9 individus qui par décision de 8. E. M. le lieute- nant du gouverneur général de Rome doivent être relégués en Corse. Givita-Vecchia, i7 décembre 1813.

Noms et Prénoms.

âqe. 33

Lu de naissance.

ÎUX

DE DOMICILE.

QUALITKS

ET Professions

MoLAJONi (Joseph)

Rome

prêtre ex-pas- sionniste

Canali (Joseph) GiovANNOLi (Jean)

33 46

Gesano(Rome) Rome

Rome

prêtre prêtre ex-fran- ciscain

Maninooni (J.-Bapt*«) MucciOLi (Pierre) Gesari (Joseph)

38 29 63

id.

id.

Tivoli (Rome)

prêtre id. prêtre ex-do- minicain

Barthoi.tni (Philippe)

Gentofanti (Barthél.)

Zeroa (François)

36 40

Givita-Vecchia id. ••

Clivita-Vecchia id. id.

marchand

propriétaire

huissier de

justice de paix

Le Gommissaire spécial de police,

Mallbval (?)

Vu débarquer à Bastia, le 23 décembre 1813 au soir.

Le Ghargé du service de la marine,

Butta Fuoco.

Le sous-préfet de l'arrondissement de Bastia certifie que les 9 indi- vidus dénommés au présent état ont été débarqués en ce port de Bastia, hier après midi, par la goélette de S. M. la Torche.

Fait à Bastia, le 24 décembre 1813.

(niisible.)

Police à Marine.

20 décembre 1813.

M. le duc, un décret rendu au quartier-général de Vérone, en date du 21 novembre dernier, porte que tous les prêtres romains relégués d'après les ordres de S. M. dans la ville de Bologne et autres communes du département du Reno, seront incessamment dirigés sur Florence et Livoume pour être embarqués et conduits dans Tile de Gorse.

8. A. L le prince vice-roi d'Italie ayant spécialement chargé le Direc- teur général de police à Milan de me communiquer cette mesure, j'ai fait aussitôt les dispositions convenables pour en assurer l'exécution, toutefois après en avoir prévenu V. £. Je la prie de vouloir bien expé- dier le plus tôt possible des ordres pour que rembarquement de ces

382 mMlinges et DOcoMEifrs.

prêtres ne souffre pas de retard, attendu qu'il est très vraisemblable que plusieurs convois sont déjà parvenus à Livoume.

Le duc DE RoviQO. (En marge de cette lettre, le ministre de la marine écrit :)

Prendre les ordres de l'empereur, attendu qu'un décret de Vérone et un avis de la police ne sont pas des autorités pour moi. »

(Puis plus bas :)

f Voir le rapport ftiit le 22 décembre à S. M. »

Marine à Police.

23 décembre 1813.

M. le duc, j'ai Thonneur de prévenir V. E., en réponse à sa dépêche du 20 de ce mois, que j'ai chargé les chefs de la marine à Livoume do faire pourvoir au transport en Corse des prêtres romains qui avaient été relégués dans le département de Reno et qu'elle m'a annoncé devoir être dirigés par Florence sur ce port, pour suivre cette desti- nation.

m.

Maintenant c'est 4844. C'est la fîn. Au commencement de janvier de cette année, les alliés sont en France. En Italie la situation s'est profondément modifiée. Murât, à la tête de ses Napolitains, s'est emparé des États romains, dans l'espoir sans doute de se faire un titre auprès de la coalition de cet acte d'invasion sur des pays formant partie intégrante de l'empire de Napoléon, et pour obtenir des alliés le maintien sur sa tête de la couronne de Naples.

Furieux de voir un de ses lieutenants se joindre à ses ennemis, Tempereur (20 janvier) a fait écrire au pape qu'il est disposé à traiter avec lui, sur les bases d'une restitution des États pontificaux. Refus du pape. Le 22 janvier on a vu les Cosaques rôder dans les environs de Montereau; Napoléon craint que l'ennemi ne lui enlève son prison- nier, le pape est mis en voiture, et le commandant Lagorse reçoit l'ordre, en feignant de le reconduire dans ses États, de le ramener à Savonc à très petites étapes, et en évitant la route directe. Cependant les événements se précipitent; le 40 mars, alors qu'il n'est plus en son pouvoir de foire marcher sur Rome un caporal et quatre hommes, Napoléon signe un dt'crot rétablissant le pouvoir temporel du pape. Le 47 mars Pie VII est libre. Le 20 avril, à Fontainebleau, Napoléon détrA«^ w'-md congé de f^ '*'4|WP8 adhérents.

iw. -^n^t étOQP-- '"'IB^ ^'^ ^^^ ^^ rinvasion, on passe er- ' - - àd^ ^Sp* U ^^ vrai gue ropération

V

DéPORTATIOIVS DB PEÊTRBS SOUS LE PEBMIBE EMPIEB. 383

prend un nouvel aspect; ce n'est plus, à proprement parler, la dépor- tation selon le sens donné ordinairement à ce mot dans la langue politique, c'est plutôt une mesure d'évacuation des prisonniers d'État des départements envahis sur ceux qui ne le sont pas encore. Napo- léon est l'homme aux longues rancunes. En 4844, quand une ville eàt menacée, l'empereur oublie rarement de faire ramener dans l'intérieur les prisonniers politiques que cette ville peut contenir. Les routes sont sillonnées par de longues files de ces malheureux.

Voici les dernières lettres adressées au ministre de la Marine de l'empire par ses agents en Italie, sur ce double objet de la déportation des prêtres et de l'évacuation des prisonniers politiques.

(Îivita-Vecchia à Marine.

17 janvier 1814.

... 131 conscrits réfractaires et tO individus destinés pour les batail- lons coloniaux, ont été embarqués le 12 de ce mois, sur le pinque la Conception, cap. J.-Bapt. Cavarra, et sont partis le même jour pour l'île de Corse, sous Fescorte de la got*lette de S. M. la Torche, qui avait elle-même à son bord 3 prisonniers déporU*»8 dans cette île par ordre de S. Ë. le ministre de la police générale.

Uno grande partie de ces conscrits n'était pas habilb'e; mais vu l'urgence, M. le lieutenant du gouvomeur général a ordonné qu'ils fussont embarqués tels quels... Je joins à ma lettre les états nominatifs soit des conscrits, soit des individus destinés pour los bataillons colo- niaux, soit de ceux embarqués sur la goélette la Torche*.

Serval.

Géucs à Marine.

17 janvier 181 i.

En marge, note du ministère : Rendu omiptc à S, M. /c 16 février

{événements de mer).

... Los bricks l'Alacrity, l'Endymion et f Adonis, ainsi i\uo la go<*lette la Biche, ont mis hier en mer, sous le commandement de M. le capitaine de frégate de Mackau.

Ces quatre bâtiments se rendent à Bastia et y transi>ortent, le premier, cinquante prêtres, les deux autres brigs 150 soldats illyriens, et la goélette r>2 hommes destinés puur le bataillon colonial et 7 conscrits réfractaires.

La Biche ne pouvant prendre un aussi grand nombre de {mssagers avec son équipage actuel, je lui en ai fait laisser une partie sur le station naire.

11 y a encore ici vingt-cinq prêtres, et un certain nombre de conscrits. Voyant que le départ de cette flotille se trouvait retardé par les vents

1. Je n'ai pas ces états.

384 MELANGES ET DOCDHEITTS.

contraires et la grosse mer, j'ai cherché à affréter un navire du com- merce pour faire partir tous ces passagers dans un même convoi. Je n'en ai trouvé qu'un d'environ 100 tonneaux qui eût consenti à faire ce voyage; il m*a demandé 15,000 fr. de fret et il a constamment refusé de réduire ses prétentions ; dès lors je me suis décidé à ne pas l'affréter. V. E. trouvera ci-joint les états numératifs et nominatifis de tous les

passagers partis hier^

Fontaine.

Gênes à Marine.

21 janvier 1814.

... Les 3 brigs dont j'ai eu l'honneur de vous annoncer la sortie par ma lettre du 17 de ce mois, ont été forcés de rentrer le 18.

La grosse mer occasionnant un violent roulis aux bàtimens, même dans le port, j'ai fait débarquer les prêtres, attendu qu'ils ont été cons- tamment malades depuis la sortie des bâtiments jusqu'au moment de leur débarquement.

[Is ne seront embarqués qu'au moment du départ.

Fontaine.

Gênes à Marine.

29 janvier 1814.

En marge, note du ministère : Rendu compte à S. M, le 2 mars

(événements de mer).

J'ai l'honneur d'informer V. E. que les brigs l'Alacrity, l'Endymion et l'Adonis, ainsi que la goélette la Biche, ayant à leur bord les soldats illjTiens, les hommes du dépôt colonial, les conscrits et les prêtres, dont les listes sont jointes à ma lettre du 17 de ce mois, mirent en mer le 26, pour se rendre en Corse, lieu de leur destination.

M. le capitaine de frégate de Mackau, commandant cette division, se trouvant le 27 devant le golphe de la Sperzia, reçut par un canot que lui expédia M. le chef militaire de la Spezzia Tavis que, suivant le rapport d'un patron arrivant de Livourne, ce port était menacé, et il apprit par d autres patrons venant de Tile d'Elbe qu'il y avait huit bâtiments ennemis dans le canal de la Corse, et la présence de ces bâtiments n'ayant pas permis à un navire chargé de bled pour la Corse et escorté par la goélette la Torche, de se rendre à sa destination, on avait été obligé de décharger ce navire à l'île d'Elbe.

Ces avis et un autre portant que quelques jour? auparavant, vingt- cinq bâtiments de guerre avaient été apperous par le travers de Saint- Florent, déterminèrent M. de Mackau à virer de bord et à faire route pour Gênes: il y est entré hier.

Je reçus moi-même hier, de M. le commandant De la Coudrav, une lettre portant la date du 24, à laquelle était joint copie des dispositions

1. Je ne trooTe pis ces états.

DÏPOKTATIO^S DE PEÊTKBS SOUS LE PKEMIBK EMPIRE. 385

qui lui ont été prescritos le 22 par 8. A. I. M»« la grando-duchesse, et par laquelle il m'engage à ne pan expédier, quant à présent, de bâti- ment pour Livourne.

D'après ce, j'ai pris le parti de faire débarquer les prêtres et les mili- taires passagers sur les trois brigs et la goêlctto.

Fontaine.

Gônes à Marine.

15 février 1814.

En marge, note du ministère : Rendu œmpte à S. M. le 23 février

{événements de mer).

... A la demande de S. A. I. le prince gouverneur, j'ai fait embarquer aujourd'hui sur l'Adonis 30 prisonniers d'état provenant du château de Compiano, et dirigés sur le château d'If.

L'Adonis, qui vient de mettre à la voile, les transportera à Toulon, il mettra ces prisonniers à la disposition du Commissaire général de police, qui leur fera suivre leur destination par terre.

... Les instructions à l'Adonis portent qu'il doit éviter tout engagement dont la faiblesse de son équipage pourrait rendre l'issue douteuse.

V. E. trouvera ci-joint les états numératif et nominatif de ces trente

prisonniers ^

Fontaine.

Gênes à Marine.

2 avril 1814.

... Le !•' (mars) le brig V Adonis, expédié le 15 du mois de février

pour porter des prisonniers d'État â Toulon, est rentré après avoir

rempli sa mission.

Fontaine.

Ici prennent fin les documents que j*ai eus entre les mains sur la déportation en Corse. Le lecteur a sous les yeux tout ce qu'il m'a été possible de découvrir dans le riche fonds du ministère de la Marine. Est-ce à dire que tout soit connu désormais sur ce point? il s'en fout, très certainement, de beaucoup. D'autres dé}H)ts possèdent proba- blement des pièces dont la divulgation pourrait compléter celles que je viens de publier. Pour ma part, j'ai pu me convaincre que des documents en assez grand nombre m'ont échappé. Il me manque plusieurs listes de déportés. Je vois en outre par les annotations portées en marge des minutes de la correspondance, annotations qui indiquent fort exactement les dates de départ, d'arrivée, les réponses faites, les recherches prescrites dans les bureaux du ministère, etc., que plusieurs lettres ne m'ont point passé sous les yeux, soit que je

t. Je n'ai pas ces états.

Rbv. Histor. XL 2* fasg. 25

386 MELANGES ET DOCUMENTS.

n'aie pas su les découvrir, soit qu'elles n'existent plus dans les dossiers.

Quoi qu'il en soit, il est fecile de s'assurer, par l'examen des pages qui précèdent, que la déportation en Corse porte sur plus de cinq cents personnes, prêtres pour la plupart; si l'on ajoute à ce chiffre, déjà si considérable, les fort nombreuses arrestations ordonnées par l'empereur sur les membres du clergé français, arrestations dont tes plus récents travaux publiés sur l'empire, et particulièremeat le livre si instructif de M. d'Hausson ville, permettent, du moins en partie, de faire le dénombrement, on arrive à un total qui contredit singuliè- rement l'audacieuse allégation produite par Bonaparte dans l'ouvrage intitulé Mémoires de Napoléon ; « Le fiât est, ne craint-il pas « d'affirmer, qu'il n'y a jamais eu plus de cinquante-trois prêtres « retenus par suite des discussions avec Rome. Us l'ont été légitime- « ment. » Il faut avoir eu une singulière confiance dans les dépêches « secrètes », dans les lettres « à son excellence elle-même » et dans les rapports « confidentiels ». Il faut aussi n'avoir pas prévu l'éven- tualité de recherches sérieuses faites dans les archives, pour s'être permis d'imprimer cet insoutenable mensonge.

Au reste, pendant tout son règne, Bonaparte seinble avoir caressé avec prédilection cette idée de déporter des prêtres. Il est vrai qu'après l'affaire de la machine infernale du 3 nivôse an IX, quelques conseillers d'État ayant parlé peu favorablement des royalistes et des prêtres, il avait crié très fort : « On ne me donnera pas le change!... Veut-on que je déporte des prêtres?... des vieillards! » Mais il avait besoin alors de l'appui du parti catholique, et il tenait fort aussi, ce jour-là, à obtenir la déportation de -130 ré- publicains. Mais un peu plus tard, pendant les négociations du concordat; Thibaudeau (Mémoires sur le Consulat) lui entendit exprimer en ces termes sa manière de comprendre le gouvernement des choses religieuses : a ... le premier consul nomme les évêques, le pape les institue; il nomme les curés, l'État les salarie. Ils prêtent serment, on déporte ceux qui ne se soumettent pas... » Plus tard encore il écrivait au grand juge d'arrêter des prêtres qui avaient fait mine de résister au concordat : < Dans le diocèse de Liège, il faut également faire arrêter dix des principaux. Je veux bien encore être indulgent et consentir à ce que ces prêtres soient déportés à Rimini... » (Correspondance de Napoléon I", IX, 340.) C'était, on le voit, un système.

Ce qui était encore un système, c'était de ne jamais se servir des armes fournies par les lois répressives en matière de politique ou de religion. On trouverait peu d'exemples, sous l'empire, de gens con-

DéPOKTATIONS DE PRÊTRB8 SOUS LE PEESIIER EXPIRE. 387

damnés pour fkits politiques, par les tribunaux réguliers; quand il y a jugement, c'est très généralement un jugement rendu par une commission militaire. Particulièrement en ce qui concerne les dépor- tations eiïcctuécs à cette époque, on remarquera que les juges mili- taires eux-mêmes ne sont jamais consultés : en brumaire an VlU, déportation de républicains, par arrêté des consuls provisoires; en nivôse an IX, déportations de républicains, par un sénatus-consulte; en 4804, déportation de républicains, par un ordre de Tempereur; de 4844 à 4844, déportations de prêtres, par ordre de Tempereur.

En relisant d'un bout à l'autre la longue liste des gens déportés par ordre de l'empereur pour une cause politique ou religieuse, je ne trouve qu'un homme qui soit sous le coup d'un jugement : c*est le père Burdet, supérieur des trappistes de la Cervara, condamné (voy. plus haut) par une commission militaire; encore la peine qu'on lui fait subir n'est-elle pas celle qui lui est applicable, car il a été condamné à 40 ans de bannissement et on le déporte dans une Ile française.

Les périodes révolutionnaire et républicaine ont eu, elles aussi, leurs déportations. Des lois prononcèrent successivement omette peine contre les prêtres réfractaires, lorsque ces prêtres se trouvaient placés dans certaines conditions prévues et déterminées; puis après le 48 fructidor an V, contre plusieurs catégories de citoyens. Les tri- bunaux criminels avaient en outre la foculté d'appliquer cette pénalité aux fauteurs de certains délits. L^homme politique, l'historien peuvent discuter ces mesures, mais ils seront obligés de reconnaître que ceux qui en étaient atteints tombaient du moins sous- le coup des pres- criptions nettes et précises d'articles de lois votés par les représentants réguliers de la nation. Détail curieux à noter : le consulat et l'empire ont fhippé de déportation un plus grand nombre d'individus que ne l'avaient foit les régimes précédents. Les lois de déportation n'ont jamais reçu d'application pendant la période révolutionnaire propre- ment dite, si ce n'est, en Tan 111, contre les représentants Billaud- Varennes et Gollot d'Herbois. L'ordre donné sous la Convention de déporter les mendiants et vagabonds n'a pas été exécuté; les con- damnés politiques, particulièrement les prêtres insoumis, ont été incarcérés en très grand nombre, ils n'ont pas été eflectivement déportés. Les départs (en exceptant, comme je viens de le dire, l'em- barquement do Billaud et Collot) ne commencent qu'en l'an VI ^ à la

l. Je n'ignore pas, qu'antérieurement à cette date, et postérieurement auwi, beaucoup de personnes (principalement des prêtres), furent Jetées sur le terri- toire étranger, surtout sur les territoires suisse et espagnol. Le nom de dêpor-

388 II<LA56BS ET OOCUMENTS.

suite des événements du 4 8 fructidor. J'ai sous les yeux les listes offi- cielles et complètes des individus transportés à la Guyane (seule colonie qui ait reçu des condamnés) jusqu'au \9 brumaire an YIII : 322 noms y figurent; si j'ajoute à ce chiffre une cinquantaine de condamnés pris en mer par les Anglais, avec le navire qui les trans- portait, et enfin quatre condamnés à la déportation dans Taifaire de Babeuf (qui ne furent embarqués d'ailleurs que sous l'empire)^ j'arrive à un total de moins de 400 individus. Ce total comprend non-seulement les déportés politiques et les prêtres, mais encore quelques forçats du temps de l'ancien régime, dont la peine avait été commuée par les tribunaux criminels, sur leur demande en révi- sion de procès. J'ose afQrmer que de nouvelles recherches dans nos dépôts publics ne fourniraient pas le moyen de grossir bien sensible- ment ces chifires. Le consulat et l'empire (en ne tenant compte que des documents publiés ici même dans un précédent article et des pièces produites au cours du présent travail) ont déporté effeeti* vement 650 personnes environ pour des causes uniquement poli- tiques ou religieuses. Je me contente d'ajouter que ce résultat est provisoire*.

Jean Dbstbem .

tation que les autorités d'alors donnèrent à ces expulsions est évidemment videux, et l'on ne saurait considérer comme déportés ceux qui furent l'objet de ces mesures de bannissement.

1. C'est ainsi que je trouve dans les dossiers de la marine la trace de deux individus déportés sous le Consulat à Saint-Domingue par mesure de simple police. Plusieurs autres étaient destinés au même exil; le triomphe de l'insur- rection des noirs empêcha le départ de ces bannis. Les dossiers parlent également de deux mameloucks du premier consul dont on semble pressé de se débarrasser à tout prix, en les envoyant aux colonies sous bonne et sûre garde, etc., etc. Quant aux projets non suivis d'exécution, ils sont nombreux : projet de coloniser avec des déportés accom|)agnés de leurs familles les extrêmes limites de nos pos- sessions en Guyane; projet de déporter dans la Louisiane (un moment française) cinq ou six cents bohémiens, etc.

BULLETIN HISTORIQUE

FRANCE.

L'époque de Tannée nous nous trouvons est toujours marquée, au point de vue historique, par une assez grande stérilité-, mais jamais les publications qui se rattachent à nos études n'avaient été aussi rares que depuis notre dernier bulletin. Cette vérité surprendra peut-être ceux de nos lecteurs qui ne se rendent pas compte des limites que la Retme est obligée de se tracer, sous peine de compromettre son autorité, et qui pensent qu'elle doit accorder son attention à tous les ouvrages qui s'occupent du passé. C'est parce que la He9me ne peut étendre son domaine jusqu'aux bornes de la science historique aussi largement comprise, que la pénurie dont nous parlons est réelle et que le bulletin qu'on va lire est aussi sommaire.

Le tome IV et dernier des Mémoires de Thomas du Fossé * , par exemple, échappe presque entièrement à notre compétence ; les élé- ments purement historiques qu'il renferme se réduisent presque à des détails sur la famine de 4693 et sur les habitudes de maraudage de l'armée. En même temps que ce volume et l'introduction de l'édi- teur, M. Bouquet, la Société de l'Histoire de Normandie distribue le tome premier de V Histoire de Vahbaye de Saint-Michel du Tréport, par Dom Coquelin'. Nous reviendrons sur ce volume lorsque nous aurons entre les mains la fin de Touvrage et l'introduction de M. Lormier, à qui cette publication a été confiée. C'est également sous les auspices d'une société savante de province que M. Em. Pilot de Thorey a publié le Cartulaire de l'abbaye bénédictine de Notre- Dame et Saint-Jean-Baptiste de Chalais^ au diocèse de Grenoble'. Les cinquante-cinq chartes que M. Pilot a réunies sous ce titre ne présentent guère qu'un intérêt local, et la façon dont elles sont éditées laisse îx désirer. M. Eug. Halphen n'a pas apporté non plus tous les soins désirables au recueil de documents inédits qu'il vient de publier

1. 1 Tol. iii-^*, Rouen.

2. 1 vol. in-8% Rouen.

3. 1 Tol. in-8% Grenoble. Extrait du bulletin de la Société de sUtislique de l'Isère.

390 BULLETIN HISTORIQUE.

sur le règne de Henri IV*. Ce recueil se compose H** de trois projets de Pallocution que Henri IV devait prononcer au lit de justice du 24 mai 4597, du texte, déjà publié, des paroles que le roi fit en effet entendre au Parlement et d'un procès-verbal de la séance ; de six lettres de Henri à Hurault de Maisse, ambassadeur à Venise; de trois autres lettres du roi. Tune au comte de Brienne, Tautre à M. de Beauvoir, la troisième à Fabbesse de Soissons ; de lettres de Nicolas Rapin et de son fils. Ces documents sont intéressants. L'éditeur aurait y introduire une ponctuation meilleure, des apostrophes, mettre de grandes lettres aux noms propres, multiplier davantage les notes, déterminer d'une façon certaine l'auteur du procès-verbal et comparer ce procès- verbal à celui du registre original du Parlement.

Nous signalerons brièvement les Esquisses marchoises^ de M. Louis Duval, qui, sous une forme décousue et prolixe, dénotent un sens critique exercé et une connaissance approfondie de l'histoire locale, et les études de M. Ernest Lavisse sur l'histoire de Prusse^, que nous avons déjà appréciées à fur et à mesure qu'elles paraissaient dans la Revue des Deux-Mondes et qui, sans faire étalage d'érudition, avec leur forme alerte et brillante, nous offrent une véritable philosophie de l'histoire de Prusse.

Il ne faut demander à M. le comte Jules Delaborde ni la pénétra- tion, ni le talent qui distinguent le livre de M. Lavisse, mais ses ouvrages reposent toujours sur des recherches patientes et fécondes. Dans le premier volume de sa biographie de Coligny ^, les documents tiennent la première place et cependant l'ouvrage porte une empreinte très personnelle. Les documents mis au jour par M. Delaborde ont un prix et un intérêt singuliers. S'ils ne nous révèlent pas un Coligny inconnu, ils accentuent davantage les traits de cette belle et sereine figure, ils nous font entendre le simple et fier langage de cette grande âme, si fortement imbue du sentiment du devoir, si pleine d'abnéga- tion, si supérieure à son temps. Aux lettres de Coligny s'en ajoutent d'autres dont on appréciera l'importance quand on saura qu'elles sont signées de Henri II, d'Anne de Montmorency, de d'Andelot, de François de Lorraine, etc. M. Delaborde n'a voulu ni analyser, ni

1. Harangues et lettres inédites du roi Henri IV stUvies de lettres inédites du poète Nicolas Rapin et de son fUs, publiées d'après les ms. de la Bibliothèqoe nationale. In-4*', Lille.

2. Esquisses marchoiseSy superstitions et légendes, histoire et critique, 1 vol. in- 18. Champion.

3. 1 vol. in-8°. Hachette.

4. Gaspard de Coligny, amiral de France, 1 vol. gr. in-8". Sandoz et Fischbacher.

FRANCE. 394

mutiler des documents un simple mot peut avoir la valeur d'un trait de caractère. 11 a eu raison. C'est surtout à ce souci et à ce res- pect des documents que son livre doit son intérêt et son importance. Quant à Tesprit dans lequel il est écrit, il est un peu étroit, un peu sectaire. Non que la ferveur protestante de Fauteur ait eu pour résultat de grandir outre mesure Goligny, mais elle fausse un peu le ton du récit, elle lui donne quelque chose de sec et de tendu, et elle entraine parfois l'auteur à méconnaître certains faits et à en affirmer d'autres sans preuve. C'est ainsi qu'après avoir parlé de la prise d'armes arrêtée en 4560 entre Gondé et le roi de Navarre, il nous présente le premier comme innocent du crime de lèse-majesté (476- 502) ; ailleurs, nous ne savons sur la foi de quelle autorité il attribue au duc de Guise et au cardinal de Lorraine la pensée de se débarras- ser en 4560 de « tous les réformés français, à quelque rang de la société qu'ils appartinssent » (480). Plusieurs lettres que M. Dcla- borde donne pour inédites avaient déjà été publiées par M. Jules Tessier dans une étude remarquable sur Coligny^ que l'auteur semble n'avoir pas connue et à laquelle, d'ailleurs, il n'aurait pu emprunter que peu de chose, car il s'arrête dans ce premier volume à redit de 4562. La partie la plus neuve de ce volume consiste peut-être dans l'exposé des négociations avec l'Angleterre, qui se terminèrent par la restitution de Boulogne, et de celles que Goligny poursuivit avec Gharles-Quint et Philippe II pour la libération des prisonniers de guerre.

La Société de l'Histoire de France vient de distribuer le premier volume des Mémoires de Nicolas GoulaSy c^est-à-dire la partie com- prise entre 4627 et la régence d'Anne d'Autriche '. Ces mémoires, on le sait, ont été écrits par un serviteur de Gaston d'Orléans; c'est donc principalement de ce prince, de ses intrigues stériles, de ses complots avortés qu'ils nous entretiennent; c'est dire qu'ils ne peuvent avoir l'intérêt de ceux qui nous initient à la politique de Richelieu ; toutefois les conspirations dont Gaston fût l'àme se ratta- chent tellement à l'exécution des grands desseins du ministre par les obstacles qu'elles ont semés sur sa route, qu'elles forment une partie considérable de l'histoire de son ministère. Goulas est un narrateur Adèle et impartial des compétitions qui divisaient la cour de Gaston, des complots auxquels il prêta l'appui de son nom. Ses mémoires, publiés pour la première fois d'après le ms. original, contribueront

1. L'anUral OoUçtuf, étude historique. 1 vol. in-S*. Sandoz et Fischbacber.

2. Mémoires de Nie. Goulu, gentilhomme ordinaire de U chambre da dac d'Orléans, publiés par Charles Constant. 1 toI. in-S*. Renouant.

392 BULLETIN HISTORIQUE.

dans une large mesure à nous fkire connaître le centre de mesquines intrigues auquel Gaston présidait et qu'il ne faut jamais perdre de vue quand on étudie le gouvernement du cardinal.

Le titre compliqué et quelque peu bizarre que M. le comte de Martel a donné à son livre ^ en indique bien le caractère décousu et discursif. On comprendra à quel point l'auteur s'est affranchi des règles de la composition, quand on saura que de ces deux volumes qui se présentent comme une étude sur Fouché, le second s'occupe à peine de ce personnage et est consacré pour la plus grande partie aux événements du 9 thermidor, dans lesquels, de Taveu de l'auteur, le futur duc d'Otrante ne joua qu'un rôle tout à fait secondaire. M. de Martel est un chercheur patient, passionné, qui se laisse entraîner hors de son sujet par les documents variés que des recherches entre- prises d'abord dans un but déterminé font passer sous ses yeux. Ne nous en plaignons pas : tout ce qui dans cet ouvrage est étranger à Fouché n'en forme pas la partie la moins intéressante. Ce qu'on y trouve sur l'administration de Fouché dans ses différentes missions a moins d'intérêt et de nouveauté, à nos yeux, que le récit circons- tancié, puisé aux meilleures sources, de la lutte de la Commune contre la Convention et les Comités. L'organisation de la force armée à Paris, au moment s'ouvrait la lutte, n'avait jamais été présentée d'une &çon aussi claire et aussi complète. Ce livre, qui prête tant à la critique par ses digressions, ses redites, ses réflexions oiseuses, ne mérite que des éloges si on le considère comme un recueil de docu- ments et de faits ^. Immédiatement au-dessous des livres bien faits il faut placer les livres utiles, et nous croyons qu'aucun de ceux qui s'occupent de la période révolutionnaire ne contestera ce titre au livre de M. de Martel.

L'histoire proGtera beaucoup moins de l'ouvrage consacré par M"* la marquise de Blocqueville à la mémoire de son père, le maré- chal Davout^, mais il faut reconnaître que le second volume de cet ouvrage est, comme composition, très supérieur au premier^. Sans prendre encore décidément parti entre une biographie homogène et

1. Types révolutionnaires, Etude sur Fauché, l'* partie : Nantes, Nevers, Lyon, le communisme dans la pratique en 1793. 2* partie : Fouché et Robes- pierre, le 9 thermidor, les rois révolutionnaires. 2 vol. in- 12. Pion.

2. Un trail particulier à l'auteur, c'est qu'il ne tient aucun compte des traTaax de ses deranciers; ainsi, l'ouvrage de M. d'HéricauIt sur le 9 thermidor, celui de M. Mège sur le proconsulat de Couthon en Auvergne, ne sont pas cités.

3. Le maréchal Dawut, prince d^Eckmûhl, racontée par les siens et par M- même : années de commandement, 1 toI. in- 8*. Didier.

4. Cf. Revue hist., X, 124.

AN6LETBREB. 393

un recueil de documents, M"* de Blocqucville est venue bien plus rarement que dans le premier interrompre par des réflexions plus filiales qu'intéressantes la série des lettres beaucoup plus nombreuses qui forment le fond de sa publication. Ces lettres ont presque toutes un caractère privé, domestique*, elles sont adressées à la maréchale, née Leclerc, et n'ajouteront que bien peu de chose à Thistoire roili* taire qui semblait surtout devoir s'enrichir par la publication de la correspondance de Davout. Elles ne sont cependant pas dénuées d'intérêt; sous les détails vulgaires dont elles nous entretiennent, apparaît une âme simple, tendre, pénétrée du sentiment du devoir, l'âme d'un héros personnifiant la patrie dans l'empereur, mais ayant, à défout de sagacité politique, toutes les vertus militaires. C'est par cet intérêt psychologique que ces lettres se feront pardonner la déce[>- tion qu'on éprouvera si Ton y cherche des renseignements nouTcaux sur les opérations militaires ou l'histoire générale du temps.

G. Fag.xiez.

ANGLETERRE.

TEMPS MODERNES.

Peu de livres, publiés dans ces derniers temps, ont excité un intérêt aussi varié que la vie du prince Albert, dont le 4* vol., relatif aux années 4857-59, vient de paraître ^ La majorité des lecteurs sera probablement attirée par la vie privée si pure, par Tintelligcnce si cultivée que nous révèlent les détails rapjtortés par le biographe, et surtout les belles lettres du prince à sa fille, lettres qui suffisent, à elles seules, à jeter un grand charme sur le livre tout entier. D'autres seront fï*api)és des connaissances variées de Phomme et de l'intérêt qu'il montrait pour les choses les plus diflerentes. Un jour, il discute avec une raison supérieure quelque question d'État avec les ministres de la cfouronne-, un autre, il est absorbé par quelque idée philanthro- pique et il cherche les moyens d'aider ceux qui, déshérités des avan- tages de ce monde, ont de la peine à s'aider eux-mêmes. Il peut causer sur le pied de l'égalif') avec les artistes et les savants; une fois même un industriel, qui vint pour s'entendre avec lui sur l'ins- tallation d'un candélabre au palais, quitta le prince en lui avouant

1. The Hfe of B, R, H. ihe Prinee Cantort, bj Théodore MaHin. Vol. IV. Londres, Smith, Elder et C% t879.

382 MELANGES ET DOCOMEIH'S.

prêtres ne souffre pas de retard, attendu qu'il est très vraisemblable que plusieurs convois sont déjà parvenus à Livourne.

Le duc DE Rovioo. (En marge de cette lettre, le ministre de la marine écrit :)

Prendre les ordres de l'empereur, attendu qu'un décret de Vérone et un avis de la police ne sont pas des autorités pour moi. »

(Puis plus bas :)

t Voir le rapport fait le 22 décembre à S. M. »

Marine à Police.

23 décembre 1813.

M. le duc, j'ai Tbonneur de prévenir V. E., en réponse à sa dépêche du 20 de ce mois, que j'ai chargé les chefs de la marine à Livourne de faire pourvoir au transport en Corse des prêtres romains qui avaient été relégués dans le département de Reno et qu'elle m'a annoncé devoir être dirigés par Florence sur ce port, pour suivre cette desti- nation.

lU.

Maintenant c'est iSiÂ. C'est la un. Au commencement de janvier de cette année, les alliés sont en France. En Italie la situation s'est profondément modifiée. Murât, à la tête de ses Napolitains, s'est emparé des États romains, dans l'espoir sans doute de se faire un titre auprès de la coalition de cet acte d'invasion sur des pays formant partie intégrante de l'empire de Napoléon, et pour obtenir des alliés le maintien sur sa tête de la couronne de Naples.

Furieux de voir un de ses lieutenants se joindre à ses ennemis, l'empereur (20 janvier) a fait écrire au pape qu'il est disposé à traiter avec lui, sur les bases d'une restitution des États pontificaux. Refus du pape. Le 22 janvier on a vu les Cosaques rôder dans les environs de Montereau; Napoléon craint que l'ennemi ne lui enlève son prison- nier, le pape est mis en voiture, et le commandant Lagorse reçoit l'ordre, en feignant de le reconduire dans ses États, de le ramener à Savone à très petites étapes, et en évitant la route directe. Cependant les événements se précipitent ^ le 4 0 mars, alors qu'il n'est plus en son pouvoir de faire marcher sur Rome un caporal et quatre hommes. Napoléon signe un décret rétablissant le pouvoir temporel du pape. Le 4 7 mars Pie VU est libre. Le 20 avril, à Fontainebleau, Napoléon détrôné prend congé de ses derniers adhérents.

Détail vraiment étonnant : pendant ces mois de l'invasion, on passe encore le temps à déporter des Italiens. Il est vrai que l'opération

oéPOETATIONS DE PRÊTRES SOUS LE PREMIER EMPIRE. 383

prend un nouvel aspect; ce n'est plus, à proprement parler, la dépor- tation selon le sens donné ordinairement à ce mot dans la langue politique, c'est plutôt une mesure d'évacuation des prisonniers d'État des départements envahis sur ceux qui ne le sont pas encore. Napo- léon est l'homme aux longues rancunes. En 4844, quand une ville eàt menacée, l'empereur oublie rarement de f^'re ramener dans l'intérieur les prisonniers politiques que cette ville peut contenir. Les routes sont sillonnées par de longues files de ces malheureux.

Voici les dernières lettres adressées au ministre de la Marine de l'empire par ses agents en Italie, sur ce double objet de la déportation des prêtres et de l'évacuation des prisonniers politiques.

Civita-Vecchiâ à Marine.

17 janvier 1814.

... 131 conscrits réfractaires et 10 individus destinés pour les batail- lons coloniaux, ont été embarqués le 12 de ce moi:^, sur le pinque la Conception, cap. J.-Bapt. Cavarra, et sont partis le môme jour pour l'île de Corse, sous Tescorte de la goi'lette de S. M. la Torche, qui avait elle-même à son bord 3 prisonniers déportés dans cette île par ordre de S. E. le ministre de la police générale.

Une grande partie de ces conscrits n'était pas habillée; mais vu Turgence, M. le lieutenant du gouverneur général a ordonné qu'ils fussent embarqués tels quels... Je joins à ma lettre les états nominatifs soit des conscrits, soit des individus destinés pour les bataillons colo- niaux, soit de ceux embarqués sur la goélette la Torche*.

Serval.

Gônes à Marine.

17 janvier I81i.

En marge, note du ministère : Rendu amipte à S. M. le février

{événements de mer).

... Les bricks l'Alacrity, l'Endymion et l'Adonis, ainsi que la goélette la Biche, ont mis hier en mer, sous le commandement de M. le capitaine de frégate de Mackau.

Os quatre bâtiments se rendent à Bastia et y transportent. If» premier, cinciuanto prêtres, les doux autres brigs 15G soldats illyriens, et la gOi'Iette 52 hommes destinés pour le bataillon colonial et 7 conscrits réfractai res.

La Biche ne pouvant prendre un aussi grand nombre de passagers avec son équipage actuel, je lui en ai fait laisser une partie sur le stationiiaire.

Il y a encore ici vingt-cinq prêtres, et un certain nombre de conscrits. Voyant que le départ de cette flotille se trouvait retardé par les vents

1 . Je n'ai pas ces étals.

384 MELANGES ET OOCOMENTS.

contraires et la grosse mer, j'ai cherché à affréter un navire du com- merce pour faire partir tous ces passagers dans un môme convoi. Je n*en ai trouvé qu'un d'environ 100 tonneaux qui eût consenti à faire ce voyage; il m'a demandé 15,000 fr. de fret et il a constamment refusé de réduire ses prétentions ; dès lors je me suis décidé à ne pas l'affréter. V. E. trouvera ci-joint les états numératifs et nominatifs de tous les passagers partis hier^

Fontaine.

Gênes à Marine.

21 janvier 1814.

... Les 3 brigs dont j'ai eu l'honneur de vous annoncer la sortie par ma lettre du 17 de ce mois, ont été forcés de rentrer le 18.

La grosse mer occasionnant un violent roulis aux bàtimens, même dans le port, j'ai fait débarquer les prêtres, attendu qu'ils ont été cons- tamment malades depuis la sortie des bâtiments jusqu'au moment de leur débarquement.

[Is ne seront embarqués qu'au moment du départ.

Fontaine.

Gênes à Marine.

29 janvier 1814.

En marge, note du ministère : Rendu compte à S. M. le 2 mars

[événements de mer).

J'ai l'honneur d'informer V. E. que les brigs l'Alacrity, VEndymion et l'Adonis, ainsi que la goélette la Biche, ayant à leur bord les soldats illyriens, les hommes du dépôt colonial, les conscrits et les prêtres, dont les listes sont jointes à ma lettre du 17 de ce mois, mirent en mer le 26, pour se rendre en Corse, lieu de leur destination.

M. le capitaine de frégate de Mackau, commandant cette division, se trouvant le 27 devant le golphe de la Spezzia, reçut par un canot que lui expédia M. le chef militaire de la Spezzia l'avis que, suivant le rapport d'un patron arrivant de Livourne, ce port était menacé, et il apprit par d'autres patrons venant de l'île d'Elbe qu'il y avait huit bâtiments ennemis dans le canal de la Corse, et la présence de ces bâtiments n'ayant pas permis à un navire chargé de bled pour la Corse et escorté par la goélette la Torche, de se rendre à sa destination, on avait été obligé de décharger ce navire à l'île d'Elbe.

Ces avis et un autre portant que quelques jours auparavant, vingt- cinq bâtiments de guerre avaient été apperçus par le travers de Saint- Florent, déterminèrent M. de Mackau à virer de bord et à faire route pour Gênes; il y est entré hier.

Je reçus moi-même hier, de M. le commandant De la Coudray, une lettre portant la date du 24, à laquelle était joint copie des dispositions

1. Je ne trouve pas ces états.

DiPOlTATIONS DE PEÊT1B8 SOUS LB PIBMIBE BMPIEB. 385

qui lui ont été prescrites le 22 par 8. A. I. M»« la grande-duchesse, et par laquelle il m'engage à ne pas expédier, quant à présent, de bâti- ment pour Livoume.

D'après ce, j'ai pris le parti de faire débarquer les prôtres et les mili- taires passagers sur les trois brigs et la goëletto.

Fontaine.

Gènes à Marine.

15 février 1814.

En marge, note du ministère : Rendu compte à 5. M. le 23 février

(événements de mer).

... A la demande de S. A. I. le prince gouverneur, j'ai fait embarquer aujourd'hui sur l'Adonis 30 prisonniers d'état provenant du château de Ck)mpiano, et dirigés sur le château d'If.

L'Adonis, qui vient de mettre à la voile, les transportera à Toulon, il mettra ces prisonniers à la disposition du Commissaire général de police, qui leur fera suivre leur destination par terre.

... Les instructions à l'Adonis portent qu'il doit éviter tout engagement dont la faiblesse de son équipage pourrait rendre l'issue douteuse.

V. E. trouvera ci-joint les états numératif et nominatif de ces trente

prisonniers ^

Fontaine.

Gènes à Marine.

2 avril 1814.

... Le l*' (mars) le brig V Adonis, expédié le 15 du mois de février

pour porter des prisonniers d'État à Toulon, est rentré après avoir

rempli sa mission.

Fontaine.

Ici prennent fin les documents que j'ai eus entre les mains sur la déportation en Corse. Le lecteur a sous les yeux tout ce qu'il m'a été possible de découvrir dans le riche fonds du ministère de la Marine. Est-ce à dire que tout soit connu désormais sur ce point? il s'en fkut, très certainement, de beaucoup. D'autres dépôts possèdent proba- blement des pièces dont la divulgation pourrait compléter celles que je viens de publier. Pour ma part, j'ai pu me convaincre que des documents en assez grand nombre m'ont échappé, il me manque plusieurs listes de déportés. Je vois en outre par les annotations portées en marge des minutes de la correspondance, annotations qui indiquent fort exactement les dates de départ, d'arrivée, les ré{)onscs faites, les recherches prescrites dans les bureaux du ministère, etc., que plusieurs lettres ne m'ont point passé sous les yeux, soit que je

1. Je n'ai pas cea états.

Rbv. IIistor. XL 2* fasc. '25

S98 BULLBTI^r HI8T01IQUE.

a doimi au public des extraits de la correspondance des Hatton^ publiés aree aoin par M. E. Maunde Thompson, qui aujourd'hui occupe dignemeni le poste de conservateur (keeper) des manuscrits au British Muséum, en remplacement de M. Bond, nommé adminis- trateur général (principal librarian) ; ce dernier s'était déjà distingué en augmentant les facilités du travail pour le public sérieux, et en supprimant des règlements surannés ou vexatoires que les employés semblaient souvent prendre plaisir à aj^liquer avec rigueur. La correspondance dont il est ici question est composée en grande partie de lettres adressées à lord Hatton, et, à Texception de quelques-unes au commencement du livre, elles sont écrites après la Restauration, les dernières étant de 4704. Ces lettres sont pleines d'intérêt; elles font bien connaître au lecteur la cour et la société de Charles II et de ses successeurs.

L'autre volume publié pour la Société, et par mes soins, n'a aucune prétention à être amusant^; cependant les notes prises par un grefOer du parlement sur les débats de la chambre des Lords en 4624, Tannée T Angleterre rompit avec TEspagne, et en 4626, l'année Buckingham fut mis en accusation, ne laissent pas de présenter une réelle valeur historique.

Un autre volume du Calendar des papiers d'État de la République, par Madame Green, nous conduit de déc. 4 652 à la fin de juin 4 653 '. Il contient pour Thistorien une mine d'informations ; mais, comme les autres Galendars de cette période, il ne peut rivaliser, pour l'intérêt dramatique, avec ceux de la Monarchie. 11 y a peu de ces documents qui n'aient un caractère ofTiciel. Pour la correspondance privée du temps, qui tient une si grande place dans les papiers d'État de Charles P% il nous faut chercher ailleurs.

Bien que le volume de M. Hamilton soit encore sous presse, on sait qu'il contient des matériaux d'un intérêt exceptionnel. Le pro- blème de la dissolution du Court-Parlement, le 5 mai 4640, est enfln résolu; Clarendon raconte que cette dissolution eut pour cause la persistance de Yane à demander douze subsides ; mais il exagère une cause secondaire pour en faire un motif déterminant. La cause véri- table fut la résolution prise par le parlement de prendre en main les intérêts de l'Ecosse et de prier le roi de faire la paix avec ceux qu'il traitait de rebelles. S'il n'y a pas dans le volume d'autre révélation

1. Correspondence ofthefamUy of Haiton, 1601-1704. 1878.

2. Noies ofthe debates in the House of Lords, publ. par S. Rawson Gardiner pour la Camden Society, 1879.

3. Calendar of State papers; domestic séries, 1652-1653 (Rolls séries). 1878.

iDssrs. 899

égale en importance à celle-ci, nous y trouvons des détails sur la désastreuse expédition du roi dans le Nord; nous voyons grandir sous nos yeux la résistance à ses entreprises; nous lisons jour par jour les nouvelles de l'armée, qui nous parlent de soldats mutinés, de bourgeois mécontents, de Timpossibilité de trouver de Targent pour les troupes, enOn de l'invasion triomphante des Écossais, qui conduit à la honteuse déroute de Newbury.

S. Rawson Gaadinee.

RUSSIE.

NécioLOGiR. L'érudition a perdu en 4877 deux travailleurs infatigables, dont les nombreuses publications ont beaucoup contribué au progrès des études historiques en Russie, MM. Popov et Bodiansky. Le premier a fait paraître, à des époques différentes et dans plusieurs revues, un grand nombre d'études remarquables sur l'histoire moderne de notre pays. Un de ses meilleurs travaux est l'Histoire des relations de la cour russe avec le pape Grégoire XVL 11 est aussi l'auteur d^une monographie, laissée inachevée, sur la guerre de 4842. M. Bodiansky, mort le 6 septembre 4877, avait été professeur de phi- lologie slave à l'université de Moscou et secrétaire de la « Société de l'histoire et antiquités » de Moscou. G^est sous sa direction que parurent, de 4846 à 4877, cent volumes des publications de cette société. 11 était en 4808, dans le gouvernement de Poltava, d'une famille ecclésiastique. En 4834, à l'âge de 23 ans, il entra à l'univer- sité de Moscou ; il y entretint des relations intimes avec Stankevitch et ses amis, et subit fortement l'influence du professeur Katchenovsky, représentant de l'école sceptique dans l'historiographie russe. En 4 835 il publia sa thèse pour la licence « sur les opinions concernant l'origine de la Russie » \ avec Katchenovsky, il prétendait que les Varègues descendent des Slaves baltiques, que Novgorod est une de leurs colonies et que le nom Roussje appartient à la Russie méridionale, qui le reçut des Russes de la mer Noire, d'origine turque. En 4 837 il fût chargé d'une mission scientiOque à l'étranger. De retour à Moscou en 4842, il fut nommé professeur d'histoire et de littérature slaves, et occupa la chaire devenue vacante après la mort de Katchenovsky. En 4845 il Alt élu secrétaire de la « Société de l'histoire et des anti- quités », annexée à l'université de Moscou , et depuis il consacra tout son temps à cette société. Sous sa direction, les travaux de cette société, qui se faisaient souvent attendre, parurent sous la forme

400 BULLETIN HISTORIQUE.

d'une revue périodique, intitulée : « Lectures de la Société de Thistoire et antiquités ». Vingt-trois livraisons des « Lectures » furent publiées de 4 845 à 4 848 ; elles contiennent de nombreuses études de Bodiansky, des documents publiés par lui, avec préfaces, remarques, etc., et relatifs tant à rhistoire ancienne de la Russie qu'à Thistoire moderne.

Une de ces publications devint la cause d'une catastrophe pour la Revue, malgré son caractère tout à fait spécial et scientifique : en 4 848 on y imprima la ^ " livraison de l'ouvrage de Fletcher « L'empire russe au xvi*" siècle ». La vente de la traduction fut à l'instant interdite, la société reçut une réprimande, son président et son secrétaire furent obligés de se retirer^ de plus, Bodiansky reçut l'ordre de passer dans une autre université. Karamzine avait cependant déjà publié par extraits presque tout l'ouvrage de Fletcher, dans les tomes IX et X de son Histoire de l'empire russe. Bodiansky refusa de changer de rési- dence et préféra donner sa démission. Il resta un an sans place, mais à la fin de l'année 4 849 il fut de nouveau nommé professeur à Moscou par ordre impérial, et plus tard, en i 858, réélu secrétaire de la société. Les « Lectures », dont la publication avait été suspendue, reparurent alors en livraisons trimestrielles. Le caractère n'en fut pas modifié, mais la partie historique fût encore plus élargie, grâce à une plus grande liberté laissée à la presse. Cette publication rendit un grand service, car ^Ue était alors en Russie la seule de son espèce. Les Lec- tures sont divisées en trois parties *. les Mémoires, les Documents sur l'histoire russe, slave et étrangère, et les Variétés, qui comprennent des articles ou documents de peu d'étendue.

Congrès archiîologiques. Le congrès archéologique de Kazan, le quatrième des congrès convoqués en Russie, a donné beaucoup à espérer. 11 était difficile de trouver une place plus propice en fait d'histoire et d'archéologie. Kazan est le centre de la partie de la Russie se rencontrent les nationalités les plus diflîérentes, les Tchérémisses, les Mordves, les Tartares et les Slaves vivent cote à côte, et les vieilles croyances et les vieilles coutumes se sont conservées presque intactes. De plus, Kazan est située aux bords du Volga, et c'est sur les rives de ce fleuve et de ses afQuents que s'étendit la colonisation slavo-russe, propagée surtout par les habi- tants de Novgorod. Enfhi, nous trouvons à Kazan des savants sérieux, voués à l'étude de la vie russe, du système de colonisation et des par- ticularités ethnographiques de la population. En dépit de ces cir- constances ftivorables, le congrès a déçu en grande partie les espérances qu1l a\'ait fkit naître. Il n a été supérieur aux congrès précédents qu'à deux points de vue : d'abord, il a été précédé par des travaux préparatoires, d i i connaître la contrée il se

iDssnt. 404

réunissait, et ensuite les procès-verbaux des séances ont été publiés sans délai, au cours mérae de la session.

Les travaux préparatoires présentent un grand intérêt. Outre l'édi- tion publiéeen 4 877parrAcadémieecclésiastiquedeKazandes «Extraits des terriers de Kazan pour 4556-4558 », le professeur Chpilevsky a ikit paraître un livre très intéressant, intitulé : « Villes anciennes et autres monuments bulgaro-tartares dans le gouvernement de Kazan y>, 4877. Cette monographie est dédiée au IV' congrès archéologique et présente un résumé complet de tout ce qui se rapporte aux monu- ments bulgaro-tartares. Elle se divise en trois parties. [>a première contient un aperçu des sources musulmanes sur les villes bulgares ; la seconde, un résumé de tout ce qui a été écrit sur les Bulgares dans les chroniques russes *, et la troisième, une nomenclature des fortifi- cations anciennes, des tumuli et des places on a fkit des décou- vertes archéologiques, avec la description des objets trouvés. M. Solo- viev a publié en 4 877 un répertoire bibliographique des articles qui ont paru sur les antiquités du gouvernement de Kazan. Il est à regretter que cet ouvrage ne soit pas complet; M. Soloviev n'a parcouru que quatorze recueils périodiques, encore ne les a-t-il même pas dépouillés en entier. L'ouvrage est accompagné de deux cartes : Tune des villes anciennes, tumuli, etc., du gouvernement de Kazan, et l'autre, des lignes de défenses établies au-delà de la Kama. La carte archéologique du gouvernement de Kazan a été présentée au congrès; les erreurs en ont été signalées dans un mémoire de M. Iznoskov, qui a composé en collaboration avec M. Zolotnitzky une carte ethnographique du gouvernement de Kazan. M. Platon Zarinsky a écrit une description de Kazan au xvi* siècle, avec un plan de la ville, Kazan, 4877. L'auteur s'est donné pour but de rétablir la topographie de la ville telle qu'elle était au temps elle fût prise par le tsar Ivan IV (4 552) ; il nous donne, de plus, d'après les terriers et autres sources locales, des renseignements détaillés sur l'administration, la population, les édiflces, sur le siège et la prise de Kazan. Sur une des questions proposées par le comité préparatoire du congrès, la question relative à l'auteur du Slovo ô Polkou Igorevo et le caractère de cette œuvre poétique, M. Vsevolod Miller, professeur à l'Université de Moscou, a publié en 4877 une des meilleures monographies qui ait paru sur ce sujet si controversé. M. Miller soutient que la chanson d'Igor a été composée non par une sorte de barde, comme on le croyait jusqu'à présent, mais par un homme de la cour, assez instruit du reste, qui connaissait la littérature de son temps, et même les œuvres d'Homère. Il peignit d'un coloris poétique une époque peu éloignée de la sienne; il se servit seulement

ReV. HlSTOR. XI. 2* FA8C. %

402 BULLBTI?! HI8TOEIQ0B.

des anciennes croyances pour orner son poème ; peut-être même était-ce un prêtre, un confesseur du prince. Quant au poète russe Boyan, il n'a jamais existé. Ces conclusions, si différentes de Topinion reçue et qui était entrée dans les manuels scolaires, ont néces- sairement soulever des contradictions passionnées-, M. Miller y a répondu avec beaucoup de talent dans un article de la Revue du ministère de Tinstruction publique. Cette polémique a fait plus d'honneur au patriotisme des adversaires de M. Miller qu'à leur méthode scientifique.

Suivant Texempie de la plupart des congrès scientifiques, le congrès de Kazan s'est divisé en sections; elles étaient au nombre de sept, dont voici les titres : 4^ Antiquités préhistoriques, 2^ géographie his- torique et ethnographie, 3^ monuments, 4^ vie domestique et publique, 5<» vie religieuse, 6^ langue et littérature, et antiquités orientales. Il y a eu en tout vingt-cinq séances.

La section la plus importante a été celle des antiquités préhistoriques. Plusieurs communications intéressantes ont été faites sur les tumuli et les tombes anciennes des gouvernements de Kiev et Poltava, de Pétersbourg et laroslav, des contrées baltiques et de la Sibérie, et sur les tombes du Caucase. On a appelé l'attention du congrès sur les découvertes d'objets de l'âge de la pierre dans le district de Mourome (gouv. de Vladimir), par le comte Ouvarov et le prince Galitzin; sur les fouilles faites par M. Samokvassov en 4875 dans les dis- tricts de Pereiaslav, au gouvernement de Poltava, de Kaniev et de Tcherkassy , au gouvernement de Kiev ; sur la découverte d'un ancien cimetière dans la ville de Kiev en 4876, et sur les fouilles de tumuli de formes différentes, faites par M. Popovsky dans le bassin du fleuve Ross ; dans un de ces tumuli , on trouva près de cinquante vases contenant des cendres humaines.

Le professeur Antonovitch a étudié d'après les tumuli de la Russie méridionale les différents modes d'ensevelissement. 11 établit en tout cinq types le plus ancien : les squelettes sont couchés profondé- ment sous la terre dans la position horizontale; il n'y a auprès d'eux aucun objet; quelquefois ils sont enveloppés d'écorce; 2* les tombes avec plusieurs squelettes , de deux à neuf, et des instruments de pierre, ou à la fois de pierre et de métal; 3** les tombes de l'âge de bronze ; les morts sont consumés, leur cendres sont conservées dans des vases; il y a d s tumuli qui ne contiennent que des objets de bronze ; l'arche 2 3 danois Worsae a donc eu tort de souten" '"«^ Russie lie n'avait pas connu l'âge

de bronze ^tenant à un peuple d'une

culture h 1 )que les habi-

V

RD88IK. 403

tants commençaient à entrer dans l'âge de bronze ; on > trouve des objets de bronze, de fer, des vases de terre cuite, du verre, de Tor, de la cornaline, du soufre, etc.-, les tombes de Tâge du fer, qui présentent quatre formes différentes suivant le genre d'ensevelisse- ment. On trouva dans une de ces tombes un vase en cuivre, avec l'image des quatre évangélistes.

Un nouveau congrès archéologique doit se réunir àTiflis, dans le Cau- case, en août 4880. A l'exemple des savants de Kazan, les savants du Caucase ont à l'avance publié des ouvrages qui ont pour but de faire connaître à la Russie les antiquités du pays. M. Wyroubov a imprimé la première livraison des « Objets antiques du musée de la Société des amateurs d'histoire archéologique, Tiflis, 4877 ». Cette société n'existe que depuis 4874, mais elle a déjà recueilli près de 600 objets. La livraison actuelle contient la description de 4 39 d'entre eux, avec l'indication de la place ils ont été trouvés. En 4873, M. Bakradze, à la suggestion de l'Académie des Sciences, entreprit un voyage en Gourie et dans les districts de Tchourouk-Sou et d' Adtchara, dans le but de recueillir les inscriptions du pays. Ce voyage a eu pour résultat un livre, publié en 4 878 à Saint-Pétersbourg, et intitulé : c Voyage archéologique en Gourie et à Adtchara ». Il nous fkit connaître la population de ces contrées, ses particularités ethnographiques, etc., et nous décrit les trouvailles archéologiques faites par l'auteur. Les inscriptions sont traduites en langue russe. A la fln se trouve un index des noms propres et des noms géogra- phiques. En outre, l'orientaliste Sakinine prépare une édition d'actes concernant Thistoire de la Grouzie (Géorgie).

Pour ce qui concerne les congrès précédents, nous ne ferons que mentionner les « Travaux du II* congrès archéologique à Saint- Pétersbourg », tome i, qui contient des articles sur l'archéologie en général et l'archéologie russe en particulier, et les « Travaux du 1II« congrès archéologique en Russie convoqué à Kiev au mois d'ao&t 4874 », 2 tomes.

Ethnographie. Ici, peu de travaux, mais ces travaux sont remarquables. Plusieurs sociétés géographiques et juridiques, surtout celle de Moscou, et beaucoup de savants isolés, ont publié des pro- grammes qui ont fourni des matériaux très précieux pour Tétude de l'ethnographie et du droit coutumier, de la possession communale des terres, etc. Le tome VII des « Mémoires de la Société géogra- phique impériale russe », paru en 4877 sous la direction de M. Maikov, contient trois grands articles. Nous ne nous arrêterons pas sur le premier : c Les côtes de la mer Glaciale et de la mer Blanche, avec leurs fleuves i>, parce qu'il sort un peu de notre cadre,

404 BULLETIN HI8T0KIQUB.

mais nous appeDerons Tattention sur les deux autres. L^article de M. Ralinsky sur le calendrier russe donne des détails minutieux sur les coutumes et les traditions qui se rattachent aux fêtes religieuses et populaires. Le mémoire « Sur les costumes et ajustements des Rous- sines ou Russes dans la Galicie et la Hongrie du nord », a été déjà imprimé en 4867 dans les « Mémoires de la Patrie »*, il repa- rait à présent dans une nouvelle édition, revue, corrigée et com- plétée par l'auteur, et suivie de dessins faits à Vienne et à Prague. Le tome VIII, paru sous la direction de M. Matveïev, est divisé en trois parties : coutumes juridiques du peuple russe, coutumes juri- diques des peuplades étrangères qui habitent la Russie, et remarques sur le droit coutumier. Dans la première partie nous trouvons les articles suivants : « Recherches sur le contrat de service des pâtres », par M. Efimenko^ c Sur la censure des mœurs chez le peuple », par M. Ristiakovsky 5 a Mœurs juridiques dans le gouvernement de Samara », par M. Matveïev, avec Tindication des sources et des ouvrages relatifs à cette question. La seconde partie contient la description des « Coutumes juridiques des Lopares, Rorels et Samoyèdes du gouvernement d'Arkhangel », par M"® Efimenko, qui étudie avec beaucoup de talent Tethnographie des peuplades étran- gères de la Russie du nord. Dans le présent ouvrage, M"'*' Efimenko examine le droit civil, le droit criminel, la vie publique, la justice et la pénalité de ces peuples. Ces recherches sont suivies de documents tirés des archives des églises et monastères du gouvernement d'Arkhangel. Il faut encore signaler Tarticle de M. Ibrahimov : « Re- marques sur la justice chez les Kirguises » ; celui de M. le prince Rostrov : « Coutumes juridiques deslakoutes », etc. La partie du livre contient de petits articles sur différentes questions de droit coutumier.

On trouvera aussi d'abondantes et précieuses informations dans les deux tomes IV et V (deux livraisons) des « Travaux de la section ethnographique de la Société impériale des amateurs de Thistoire naturelle, anthropologie et ethnographie à TUniversité de Moscou », parus en 4877. Dans le tome IV sont publiés les procès- verbaux des séances de la société, du 44 novembre au 47 avril 4877. Ils con- tiennent beaucoup de renseignements intéressants sur des documents ethnographiques etsontsuivis dedouze appendices dont nous indiquons le titre : 4 ° Croyances et cérémonies chez les habitants du gouvernement de Mohilev, les Biélorusses, ou Russes blancs, par M. Zenkovitch; 2*^ Pierre le Grand dans les traditio )opi res et les contes du pays du nord, V ] 3"^ Ob " inographiques faites pendant

un voyage et *' Nefedov ; 4" " * "^niver-

il.

1

1US8IB. 405

saire du nouvel an, et le nouvel an dans le district de Mourome, par M. Dobrinkine, complété par M. Barsov; ^^ Cérémonies célébrées à la naissance et au baptême des enfants sur TOrel, par M. Barsov, 6^ Aperçu des matériaux ethnographiques donnés dans les huit tomes du Recueil de Nijni Novgorod, par M. Koudriavtzev \ La vie des enfants de la campagne dans le gouvernement de Kazan suivant leurs jeux, petits vers et chansons, par M. Mojarovsky -, 9* Noces chez les paysans dans le district de Mtzensk , par H. Apos- tolsky, 40^ Tradition bachkire sur la lune dans ses rapports avec les traditions des autres peuples, par M. Lossievsky; W Ori- gine des croyances primitives d'après la théorie de Herbert Spencer, par M. Apostolsky -, et 42^ Affinité d'un conte russe avec la littérature populaire de TOrient et de TOccident, par M. V. Miller. Les deux livraisons du tome Y ont paru sous la direction de H. Popov. Elles sont composées de matériaux ethnographiques sur la population russe du gouvernement d'Arkhangel, recueillis par M. Eflmenko avec Faide de plusieurs habitants de ce gouvernement, et surtout de M. Ivanov, qui ont travaillé suivant les programmes envoyés par le comité statistique du gouvernement d'Arkhangel.

Parmi les ouvrages consacrés à l'ethnographie, nous signalerons encore les « Antiquités >, t. VII, livr. 4 -, les travaux de la Société archéologique de Moscou, parus en 4878 sous la direction du secré- taire de la société, M. Roumiantzev, qui contiennent entre autres la suite d'un travail important de M. le comte Ouvarov, sur les monu- ments mégalitiques ; la « Russie vagabonde i, par M. Maximov, et une série d'éditions provinciales, dont nous parlerons plus loin. Le livre de M. Maximov est écrit avec talent et se lit avec beaucoup d'intérêt. G^est un tableau vivant de la vie des vagabonds, si nombreux en Russie, et qui forment un des traits les plus originaux, les plus caractéristiques de la vie russe. L'auteur décrit d'une manière artistique les vagabonds qu'il a rencontrés dans ses nombreux voyages \ il nous raconte leur vie en général, leur répartition géographique, leur origine, leur position actuelle, leurs traits distinctifs, etc. Citons enfin la « Civilisation ancienne des Finnois de l'ouest, suivant les données de leur langue >, recueil d'articles publiés en 4877, par M. Maikov, dans la « Revue du minis- tère de l'instruction publique ». Ce sont des extraits de l'ouvrage du professeur d'Helsingfors Alquist, qui connaît si bien les peu- plades finnoises; l'auteur a complété ces extraits par des notes ethno* graphiques.

CiTiLOGUEs ET I^TVBNTiiRES. Ou s'cst mis daus CCS dcmières années à publier de nombreuses descriptions de manuscrits. Il con-

406 BULLETIN HISTOaiQDB.

vient de parler en premier lieu des mss. russes et slaves de la Bibliothèque impériale, décrits par M. Bytchkov, directeur de cette bibliothèque, et savant éminent. C'est un ouvrage très remar- quable et très érudit. Il paraîtra sans interruption par livraisons, et chaque volume contiendra une table des noms de personnes et matières. La première livraison contient la description de quarante- trois manuscrits. Cette description est très exacte et très détaillée. Au même genre de travaux se rapporte l'ouvrage de M. Victorov, direc- teur des Archives de Moscou (Archives de la Salle d'armes), intitulé : a Inventaire des carnets et papiers des anciens prikazes (départe- ments) de la cour en 4584-4725 » (livr. I, Moscou, 4877); mais cet inventaire a un défaut, il est souvent trop bref. On y trouve l'indica- tion des documents relatifs aux prikazes de la couronne, à Tatelier du tsar (masterskala palata) et de la tsarine, celle des livres des recettes et dépenses du trésor, des marchandises, etc. Plusieurs de ces documents ont été déjà publiés, soit en entier, soit en partie, dans les ouvrages de MM. Zabieline, Savaltov, et dans le recueil des documents sur Pierre le Grand, qu'on préparait pour le jubilé de ce prince, et qui a disparu on ne sait comment, ni pourquoi.

Deux livraisons d'un a Inventaire des affaires et documents con- servés dans les archives du Synode » ont été publiées en 4878. Pour accélérer l'édition, l'ouvrage a été divisé en deux parties, et on a fkit paraître la seconde partie avant la première. Cet inventaire est un des meilleurs de ce genre -, il ne laisse rien à désirer pour le détail et la précision des analyses, ni pour l'importance des extraits. A la fin du volume sont publiés en entier des documents d'un intérêt biogra- phique ou historique, et chaque tome est accompagné d'une table des noms de personnes et des matières. Citons encore le troisième volume de Inventaire des édits (oukases) et ordonnances, conservés dans les archives du Sénat de Saint-Pétersbourg, pour le xviii« siècle (4740- 4762) », par Baranov. Il renferme les édits et ordonnances publiés depuis la mort de l'impératrice Anne jusqu'à l'avènement de Cathe- rine II, en tout 4280 pièces. L'auteur analyse brièvement, en suivant l'ordre chronologique, chacun des documents ; il indique la page et le livre se trouve l'acte authentique, et les numéros des articles correspondants du Recueil complet des lois ; ses chiffres sont placés entre j>arenthèses à la fîn de chaque article. De ces 4280 oukases, 3742 ne font pas partie du Recueil, il n'y en a que 538 qui s'y trouvent. Dans la préface, M. Barano? a donné un aperçu très intéressant de l'histoire du sénat pondant cette époque, et une liste des sénateurs depuis son institution. Le volume se termine par une table détaillée des matières, des noms propres et des noms de lieux. Mentionnons

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enfln V « Inventaire des Archives du ministère de la marine, depuis le milieu du xvii^ siècle jusqu'au commencement du m* », par F. Vessélago, auteur d*une histoire de la marine. Depuis leur fonda- tion en 4748, ces archives ont été le dépôt central de tous les papiers relatifs à la marine. Ils se trouvaient dans un désordre complet, et Tabsence d'inventaires méthodiques les rendait impossibles à consul- ter. Pour remédier à ces inconvénients, on nomma une commission, chargée d'analyser en détail les pièces contenues dans chaque liasse, en mettant à part les documents les plus intéressants et en disposant le texte de l'inventaire de manière à fkciliter les recherches. Le pre* mier volume de cet inventaire contient l'analyse très détaillée des pièces qui se rapportent à l'époque antérieure à Pierre le Grand ou au commencement de son règne, celle des papiers du Trésor général , de la prikaznaïa paiata d'Azov, du Tsarskj chaiêr à Voronej, de 4693 à 4708-, de la marine militaire, de 4654 à 4748; de la chancel- lerie de l'amirauté, de 4697 à 4728 -, du comte Apraxine, de 4742 à 4726. La plupart de ces documents se rapportent au règne de Pierre le Grand et ont trait à la marine ; mais on en trouve aussi d'un genre tout à foit différent, par exemple le journal d'un gentilhomme de l'ambassade russe à Florence, Likhatchev, en 4 659-60, des enquêtes de toutes sortes à propos de vols, brigandages, etc. Pour faciliter les recherches, on a placé à la On du livre trois tables : une des matières et des noms de lieux ; une autre des noms de personnes ; enfln une table des documents par ordre chronologique ; on y a même joint neuf foc-simiiés des écritures employées dans les manuscrits que décrit l'inventaire. M. Petrov, professeur à l'académie ecclésiastique de Kiev, a de plus commencé, en 4877, la publication d'un in?entaire descriptif des mss. de la bibliothèque de l'Académie.

A côté de ces inventaires viennent les catalogues analytiques des livres anciens. On comprendra l'intérêt qu'ils présentent, si l'on se rappelle à quel point le progrès intellectuel a été lent en Russie, et combien le goût des livres y était peu répandu. Deux publications nous arrêteront. C'est en premier lieu un « Catalogue descriptif des livres slavo- russes, imprimés en caractères cyrilliques, de 4494 à 4730 1, par M. Korataev. Ce volume paraîtra en deux livraisons; dans la première, M. Korataev décrit 447 livres, de l'an 4494 à 4600. Parmi tous les livres anciens, ce sont les plus rares, les plus intéres- sants et les moins connus (non moins de 35 ne se trouvent pas à la Bibliothèque impériale) ; c'est pourquoi l'auteur les décrit en détail, il en donne des extraits curieux, pour en fticiliter la comparaison avec les autres éditions du même texte; de plus, il en publie les prébces et les conclusions : enfln il indique les dépôts ils sont conservés.

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Dans la seconde livraison, Tauteur promet de décrire près de 4600 livres anciens, de Fan 1 604 à 4 730, mais presque tous déjà connus. Elle sera suivie de tables alphabétiques des titres de livres, des noms des villes ou des monastères ces livres ont été publiés, etc.

Citons en second lieu les « Matériaux pour servir à la biblio- graphie russe, aperçu chronologique des livres russes rares et remarquables du lYin^ siècle, publiés en Russie de 4725 à 4800 », par A. Guberti. Moscou, 4878. L'auteur ne commence qu'en 4725, parce que les livres publiés antérieurement ont été déjà décrits par M. Pekarsky dans son ouvrage intitulé : a La science et la littérature en Russie sous Pierre P' > (4862). La première livraison, seule parue jusqu'ici, contient la description de 200 volumes analysés dans Tordre chronologique -, chaque titre est suivi de Tindica- tion des sources. Suit une description plus ou moins détaillée du livre et de sa préface. Si cette dernière offre un intérêt particu- lier, M. Guberti la donne en entier; si elle ne sert qu'à indiquer le but et le plan de Touvrage, il se contente de citer les passages les plus propres à indiquer le contenu du livre ; mais il ne dit pas^ et c'est une lacune grave, dans quelle bibliothèque se trouvent les livres rares qu'il décrit.

Enfin, nous parlerons ici, bien qu'il ne se rattache pas directe- ment à ce qui précède, de l'ouvrage intitulé : « Aperçu général des travaux de la Commission de publication des décrets et traités,' instituée auprès des Archives principales du ministère des affaires étrangères à Moscou », 4877. Cet Aperçu a été composé par feu M. Ammonov. Il est suivi d'extraits des comptes-rendus publiés par les Archives. Ces extraits nous font connaître la composition des archives, leur but et leur utilité.

PcBLiciTioxs DE TEXTES. L'histoirc ancienne de la Grande et de la Petite Russie s'est enrichie de nombreux documents. La Com- mission archéologique a publié les vol. IV et Y de la « Bibliothèque historique russe » ; nous avons autrefois parlé des volumes précé- dents [Rev. hist. II, 246; V, 457). Le quatrième volume contient des matériaux relatifs aux discussions religieuses dans la Russie occi- dentale, principalement pendant le xn« et le xvn* siècle. Voici ce qu'on y trouve : I** Procès- verbaux du concile de Mina ^4509 ; ils ont été déjà imprimés deux fois, mais seulement en partie : c*est ici qu'ils sont publiés en entier pour la première fois: 2"' Concile de Kiev A 640), d'après le récit de l'apostat Sakovitch; c*est le seul renseignement complet que nous possédions sur ce concile; 3* Journal de Tabbé Afanasi Filippovitch de Berestei, mis à mort par les Polonais en 4 646 et rangé au nombre des saints ; 4* La défense de TOunia {Union; ,

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par rarchimandrile Lev Rrevsa, imprimée en 4647; 5* Palinodia ou livre de la défense catholique, écrit en 4624-22, par le moine-prêtre Zacharie Ropystenski, un savant de Kiev; livre assez connu, mais imprimé ici pour la première fois; 6* Messages du père Artemj, qui f\it condamné par le concile des Cinq-Cents et enfermé dans le monastère de Solovetzk, mais qui de s'enfUit en Lithuanie. A la fin du volume est placé un index l'on trouve des explications sur des noms peu connus, différents renseignements nécessaires pour vcrifler les citations, et des remarques sur la signification des documents con- tenus dans le volume. Le tome V contient les décrets du patriarche Nicon et d'autres prélats, d'après les copies ou les actes authentiques conservés au monastère d'Iver, ainsi que les lettres des autorités monastiques adressées aux patriarches et autres personnes, et con- servées dans les archives du monastère. Ces papiers n'ont pas seule- ment de l'intérêt pour l'histoire monastique, ils aident aussi à carac- tériser Factivité du patriarche Nicon après son départ de Moscou en 4658, lorsqu'il se retira des affaires publiques et ne s'occupa plus que des monastères. Outre ces documents, on trouve dans le livre un résumé de l'histoire du monastère d'Iver. On voit que les moines y avaient une imprimerie, et que quelques-uns d'entre eux étaient occupés à traduire en langue russe les chroniques polonaises, lithua- niennes et autres ouvrages.

La Commission archéologique a en outre publié, en 4878, les tomes IX et X des « Actes relatifs à l'histoire de la Russie méridio- nale et occidentale ». Le tome X sert de complément au tome III publié en 4862. Il concerne les négociations pour l'annexion de la Petite Russie à la Grande Russie. Le gouvernement de Moscou avait demandé sur la Petite Russie des renseignements détaillés qui lui furent envoyés. En même temps il reçut des différentes parties de cette contrée des pétitions pour le maintien de différents droits, etc. Ce sont ces pièces, conservées aux Archives du ministère des affaires étrangères, qui forment la matière du t. X. Il contient en outre les négociations de 4653, la résolution prise par le Zemskj Sobor (états généraux), à propos de la déclaration de guerre au roi Jean Casimir et de l'assujettissement à la Mosco?ie de Bogdan Chmelnitzky et de toute l'armée petite russienne, ainsi que les registres de recensement de tous les habitants des villes soumises. Le tome IX a été rédigé par un savant éminent M. Kostomarov, et contient des documents relatifs à l'histoire de la Petite Russie pendant le gouvernement de l'hclman Demian Dorochenko jusqu'à l'élection du nouvel hetman Ivan Samollovitch. L'Oukraine occidentale, rendue à la Pologne par le traité d'Androussov, élait ravagée par les quenelles continuelles entre

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les deux helmans Pierre Dorochenko et Mihallo Hanenko, ainsi que par les excursions des Polonais, desTurcs et des Tartares. Dorochenko vou- lait à tout prix assurer son autorité sur la rive gauche du Dnieper et réunir la Petite Russie sous un seul hetman, ce qui souleva Tani* mosité entre TOukraine de la rive gauche et celle de la droite, et excita la haine des Polonais contre la Russie. Les documents les plus curieux sont ceux qui se rapportent à la chute de rhetman Mnogogriechnj et aux relations des savants de Kiev : Innokenty Guisel, losif Tou- kalsky, Lazar Baranovitch et Jvanniky Goliatovsky, avec Moscou. En les lisant, nous voyons d^un coté combien Tartde Timprimerie avait fait peu de progrès en Moscovie, et de l'autre quels obstacles s'oppo- saient à la propagation de la science. A la fin du livre se trouve une table des noms et des matières.

Au même genre de travaux se rapportent : les a Matériaux historico-juridiques, extraits des registres administratifs des gouver- nements de Vitebsk et de Mohiiev », conservés aux Archives centrales de Vitebsk, et publiés par M. Sazonov. Le premier tiers du livre con- tient les registres des recettes et dépenses de Mohiiev, les deux autres tiers les actes de la magistrature de cette ville. Pris dans leur ensemble, ces actes présentent un tableau très intéressant de la vie municipale pendant le x?i* et le xvn« siècle, avec tous ses côtés faibles et forts. On y remarque aussi Textrème confusion qui régnait alors dans les rapports entre les paysans de religion grecque et leurs maîtres catholiques. Les différentes classes de la société s'efforcent d'imiter les mœurs des villes allemandes; les ouvriers de toute sorte envoient des pétitions pour demander d'être organisés en corpora- tions. Mais le plus grand nombre des documents se rapportent à la vie de famille et aident à faire connaître la juridiction criminelle de l'époque. Le lecteur est frappé de la sombre sévérité des arrêts, qui condamnent également à mort pour vol et pour sacrilège, pour meurtre et pour adultère. On est étonné aussi de la facilité des divorces^ la publication de M. Sazonov contient une foule de rensei- gnements sur ce sujet-, « Chronique d'un témoin oculaire (Samovidietz), publiée d'après des copies nouvellement découvertes ». Cette chronique a déjà été publiée en 4846, mais on en a trouvé depuis deux copies, qui ont permis de rétablir le texte véritable et de corriger les fautes de la première édition. Après une préface instructive, M. Levitzky analyse la chronique, indique l'époque^ le lieu elle a être composée, les différentes copies qui en ont été faites, son importance pour Thistoire de la Petite Russie, dont elle dépeint l'époque la plus remarquable. Le volume se termine par un tableau abrégé de la Petite Russie, qui sert à compléter

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la chronique, un mémoire de Loukomsky, qui raconte Thistoire de la Petite Russie depuis Tépoque de Guédimine jusqu'à la fln du XVI* siècle, et la chronique de Ghmelnitzky, enfin par un dictionnaire des mots peu connus et une table des noms de personnes et de lieux. Les ouvrages suivants se rapportent exclusivement à l'histoire de Moscou : \^ Liste des terriers de Kazan et de son district, publiée à Toccasion du congrès archéologique de Kazan, 4877; 2* Lois du grand-duc Ivan Vassilievitch et code de lois du tsar et grand-duc Ivan Vassilievitch, avec les oukases complémentaires, par la Commission de publication des édits et traités dont nous avons parlé plus haut. C'est une nouvelle édition (les lois ont été déjà publiées en 4 84 9) corrigée d'après les textes originaux. La même Com* mission a fait aussi paraître une nouvelle édition des « Poésies russes anciennes, recueillies par Kircha Danilov », des « Monuments litté- raires russes du xw siècle i , publiés par Kalaidovitch, et elle imprime un catalogue chronologique des livres de la bibliothèque des Archives centrales de Moscou de 4547 à 4824; 3* c Matériaux pour servir à l'histoire du schisme (raskol) à la première époque de son existence », par M. Soubotine, t. III, Moscou, 4878. Les deux premiers volumes, publiés en 4875-76, contenaient les dossiers des personnes jugées par le concile de 4666-67 et les procès- verbaux de ce concile; le troi- sième, paru en 4878, contient les documents relatifs à l'émeute de Solovetzk ; 4o <x Récits apocryphes sur les personnages et les évé- nements du Vieux-Testament, d'après les mss. du monastère de Solovetzk », par M. Porfiriev, St-Pét., 4877. Les manuscrits de cette bibliothèque ne contiennent que des apocryphes déjà connus, et même les copies qui s'y trouvent ne sont pas très anciennes. Mais les variantes sur des textes plus anciens, qu'on y rencontre parfois, sont très intéressantes, et servent à expliquer et à corriger les phrases incompréhensibles des manuscrits. De plus, les anciens manuscrits renferment une foule de petits récits, souvent très courts, qui ne sont que des extraits, des abrégés ou des remaniements des apocrjphes imprimés, ou d'autres qui n'ont pas été conservés en entier. Tous ces récits ont été copiés par M. Porfiriev, et publiés dans Tordre des évé- nements auxquels ils se rapportent. On y trouve des récits sur la création, la chute des anges, le paradis, l'arbre de la vie, etc. On aimait à les lire, et les idées qu'ils contenaient se répandaient fiicile- ment dans le peuple en influant sur ses opinions, son esprit et ses œuvres poétiques. L'historien, qui cherche à s'expliquer les opinions po|)ulaires de Tépoque, est obligé de s'arrêter devant ces apocryphes et de les étudier; aussi doit-il remercier H. Porfiriev de la peine qu'il a prise de les publier.

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Pour ce qui concerne Tbistoire du xtiii* et du xix» siècle , il faut mentionner en premier lieu des publications déjà connues aux lecteurs de la Revue : celle des archives du prince Vorontzov, par M. Barte- niev, et celle de la Société historique de Saint-Pétersbourg. En 4 877 ont paru les tomes XI et XII des « Archives », qui contiennent la cor- respondance du comte Semen Romanovitch Vorontzov avec difiTérentes personnes, de n97 à 4802-, ainsi avec le comte Nikita Petrovitch Panine, ambassadeur extraordinaire à Berlin, puis vice-chancelier et chancelier, avec N. Novosiltzev, qui voyageait alors en Europe et devint ensuite président du Conseil de l'État, etc.; 2 lettres du prince Bezborodko au comte Panine ^ 22 rescrits et ordonnances de Tempereur Paul P' au comte N. Panine ; et en appendice, 6 docu- ments de \ 802-4 805, concernant différentes affaires, et des remarques très curieuses de Louis XVI à propos du livre de Rulbière sur l'avè- nement au trône de Fimpératrice Catherine II, remarques commu- niquées en copie par Soulavie au comte A. Vorontzov, en 4803, pour être présentées à l'empereur Alexandre P'. La plus grande partie de la correspondance a pour objet la coalition que le gouvernement russe s'efforçait de former pour mettre une digue aux entreprises guer- rières de la République française^ les intrigues des cours de Berlin et de Vienne, et le rôle que les ambassadeurs et chanceliers russes jouaient dans ces intrigues. Dans les lettres du comte Panine, on trouve des détails très curieux sur la vie de la cour impériale et des aristocrates russes de l'époque-, de plus elles caractérisent parfaite- ment les deux correspondants. La première partie du tome XII est remplie de lettres d'hommes d'état tels que Zavadovsky, Trostchinsky etc., qui se trouvaient au centre du gouvernement et connaissaient le côté secret des affaires. Elles se rapportent aux années 4770-4807, à l'époque la réaction était à son apogée sous le règne de Paul P', et à celle du progrès et des nouvelles réformes sous Alexandre P'. Ces lettres sont très intéressantes, car elles sont pleines de remarques justes et spirituelles sur les affaires du temps. En parlant des chan- gements continuels dans les armées, des dépenses formidables, du manque d'ordre dans le gouvernement, Zavadovsky ajoute : « Mais cette machine demande une force intellectuelle. Le destin recule l'époque du pouvoir et de la gloire de la Russie. Tu désires en savoir les causes ? Tu dois te contenter d'une seule : le malheureux choix des gens... L'intrigue et la ruse jouent tranquillement leur rôle à la cour. La trahison est récompensée au même titre que le dévouement... Un grain d'espritchez le favori est compté pour un soleil resplendissant. » Ces lettres nous font connaître aussi les opinions et les idées de cet homme d'état remarquable sur les différentes questions de la

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politique intérieure et extérieure, sur le partage de la Pologne et Tad- ministration russe dans ce pays, sur la question des laboureurs libres (projet qu'il est loin d'approuYer), etc. Parmi les autres documents imprimés dans ce volume et qui se rapportent à répoque réformatrice d'Alexandre P% le plus intéressant est un mémoire anonyme sur le sénat. Sous les règnes précédents, le sénat avait perdu tout son prestige et a?ait été complètement soumis aux ministres, aux fkvoris, à des gens dépourvus souvent de toute capacité. « Le sénat rétabli dans sa situation primi* tive », dit l'auteur du mémoire, c sera non seulement le dépôt des lois, mais pourra être aussi^ en beaucoup d'occasions, une sorte de pouvoir intermédiaire entre Tempereur et son peuple; il servira ainsi souvent à adoucir et à atténuer les rigueurs du gouvernement ancien, qui, comme je lésais, sont loin déplaire à l'empereur. > Plus loin Tauteur fait les remarques suivantes : « La sécurité des personnes et radoucissement des rigueurs administratives, qui souvent n*ont pas d'autres causes que des abus, peuvent être obtenus sans dimi- nuer en rien le pouvoir nécessaire au monarque. L'établissement d'un pouvoir intermédiaire entre l'empereur et ses siyets serait un premier pas dans cette voie. D'autres lois indispensables au bien-être général pourraient être empruntées à l'Angleterre, telles que la grande charte et l'habeas corpus, qui garantissent la sécurité personnelle de chaque citoyen et qu'on devrait nommer des lois fondamentales. On pourrait retirer tout de suite beaucoup d'avantages de ces deux lois, en les mettant en harmonie avec les mœurs de notre pays et la situation actuelle. Si ces deux fondements nous étaient donnés, notre tran- quillité commencerait à se consolider. »

Du recueil de la Société historique de Saint-Pétersbourg on a fait paraître les tomes XX à XXV. Le tome XX contient les rapports adressés, de 4697 à 4740, par Bonet, Fitzthum, Lors, Linard, Lefort, Petnold, Zoum et Walter au roi Auguste II et au comte de Bruhl, la correspondance du baron Manteufel avec le comte Flemming, du baron Kaiserllng avec Bruhl, et différentes lettres concernant le voyage de Pierre I" à l'étranger, la guerre du Nord, le tsarévitch Alexis, les événements qui suivirent la mort de Pierre le Grand, l'aflkire de Sinklcr, de Golitzin, de Volinsky, etc. Les lettres sur le voyage de Pierre I" sont parfois très intéressantes. Les rapports de Linard nous donnent des renseignements curieux sur le caractère de l'adminis- tration de l'impératrice Anne. « L'argent sert ici de fondement à toutes les négociations », dit Linard, et il ajoute la liste des cadeaux offerts lors de la conclusion des traités, par ex. 42,000 roubles à la femme de Biren, etc. Un autre rapport décrit le mécontentement qui

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régnait partout en Russie à la un du règne d'Anne. Ces documents sont suivis de la correspondance de Catherine U avec Frédéric II, de 4762 à 4784. Ces lettres sont pleines d'amabilités, de témoignages d'admiration mutuelle, de protestations d^amitié, de complaisances, mais on voit que les correspondants sont toujours sur leurs gardes et tout occupés à défendre leurs intérêts. Une grande partie de la correspondance est relative aux afiaires de Pologne et de Turquie. Les lettres de Maria Fedorovna et du grand duc Paul à K. J. Saken traitent pour la plupart d'afTaires privées. Nous trouvons encore dans ce volume : un projet pour l'organisation des villageois libres *, un mémoire du secrétaire d'état Olienine sur la séance du conseil d'état qui suivit la nouvelle de la mort d'Alexandre I*% et l'article de K. Groth sur les articles publiés par Catherine II dans la Revue de la princesse DachkoY le Sobiesednik, Le tome XXI a été publié pour le jubilé d'Alexandre P' et ne contient que des pièces relatives à ce règne, telles que les rapports adressés de France par A. Tchernychov et le prince Roural^ine à Alexandre P' et au chancelier comte Roumiantzev avant la guerre de 4 84 2, le compte-rendu de Speransky à l'empereur, le 44 février 4844, publié en extraits dans la « Vie du comte Spe- ransky », par M. Korff. Les rapports de Tchernychov et de Kourakîne traitent en grande partie des affaires et des malentendus qui ont amené la rupture de la Russie avec la France ; ils s'occupent aussi de la question polonaise, des affaires politiques de la Turquie, de la Suède et de la Prusse, des relations de la France avec les pays voi- sins, etc. Comme complément à ces matériaux, on peut indiquer les lettres de l'ambassadeur russe à la cour de Stockholm, le baron Suck- telen, à l'empereur Alexandre P"", concernant les rapports de la Suède avec la Russie et la France. Les tomes XXII et XXIII se rapportent aux premières années du règne de Catherine II. Le t. XXII contient les rapports du comte Solms à Frédéric II et les réponses du roi, en 4763-66. C'est un complément à la correspondance, citée plus haut, qu'elle explique et commente. Le tome XXIII est consacré à la corres- pondance de Catherine II avec Grimm.

Les deux volumes suivants nous transportent à une autre époque de l'histoire russe. Le tome XXIV est tout entier composé de pièces tirées des archives hollandaises. Ce sont les rapports des ambassa- deurs hollandais, envoyés à la cour de Moscou au x?n« s. Une copie de cette correspondance fut envoyée à Saint-Pétersbourg dès 4 845 ; la reine Anne de Hollande en fit alors présent à l'empereur Nicolas I®»-. Mais elle n'a été publiée que 23 ans plus tard. Ces documents jettent une lumière nouvelle sur l'histoire des relations commerciales de la Moscovie avec l'Occident au xvii« s. Les relations commerciales avec

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la Hollande n'ont commeDoé qu'à partir de la seconde moitié du XTi* 8.^ à cette époque, malgré l'opposition la plus vive des Anglais, une compagnie hollandaise de commerce obtint les privilèges et les droits d'une nation privilégiée. Dès le xyii^ s. les relations commer- ciales devinrent régulières, et c'est alors aussi que commencèrent les relations diplomatiques de la Hollande avec la Russie. La première ambassade hollandaise f\it envoyée à Moscou sous le règne de Michel Romanov, le fondateur de la dynastie aujourd'hui régnante. 11 s'agis- sait d'un emprunt que le tsar cherchait à contracter et d'une interven- tion entre la Russie et la Suède. L'ambassade, arrivée en 4645 et composée de Reinhaupt, Brederode, Joachim, etc., reftisa l'emprunt, mais consentit à jouer le rôle de médiatrice; elle prit ainsi part à une série de conférences qui se terminèrent par la paix de Stolhovo (4647). Les rapports sur ces conférences occupent la plus grande partie du volume dont nous nous occupons. Le reste est consacré à ceux des ambassades postérieures. Ces documents sont d'une grande importance pour les nombreux détails qu'ils fournissent sur la vie économique et les mœurs russes au xvii* s., si singulières alors pour les étrangers. Le tome XXV contient les papiers relatifs au ministère du comte Boris Gheremetiev, de 4704 à 4722.

On a publié en 4 878 le tome lU des archives du Conseil d^Ëtat. L'inventaire méthodique de ces archives a été commencé en 4868, par MM. Kalatchov et Tchistovitch. En 4 869 a paru le tome I; en 4 874, le II; le présent tome termine la première série de cette publication. Il commence par l'oukase (édit) de 4804, qui prescrit la réforme du Conseil d'Ëtat et la dissolution de l'ancien Conseil, formé en 4708. Ce nouveau Conseil eut à discuter non seulement les questions d'état, mais aussi les affaires qui relevaient exclusivement de l'empereur, et à se prononcer sur l'utilité de telle ou telle institution. C'est ainsi qu'à ses débuts on lui avait soumis la question de la censure ; les opinions exprimées à ce sujet sont parfois très intéressantes. Le Conseil, estimant que la Révolution française avait été la première cause de l'établissement de la censure, déclare : 4<> que, dans l'état présent des affaires, cette mesure n'avait pas les mêmes raisons d'être qu'au moment elle f\it prise; 2" que lors même que ces raisons subsisteraient, la mesure n'en serait pas moins inefficace, parce qu'on peut toiyours, même sous la législation la plus restric- tive, se procurer les livres défendus ; que les personnes auxquelles les livres défendus pourraient nuire ne sont pas assez cultivées pour pouvoir les lire et ne les liront pas; qu'en même temps cette insti- tution tout à bit inutile coûte annuellement au gouvernement, pour les seuls frais de service, 33,500 roubles. Le conseil croit donc utile

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de supprimer cette institution, et de donner le droit de censure aux administrateurs civils pour les imprimeries privées, et, pour les imprimeries de la couronne, aux administrateurs desquels elles dépen- dent. Cependant en même temps il trouve nécessaire de former des agents capables d'examiner les livres, et quatre ans plus tard, en \ 806, il croit utile de frapper d'amendes les livres et journaux étrangers non présentés à la censure. Tous ces avis du Conseil d*État sont publiés intégralement dans les « Archives » *, les procès-verbaux des séances sont imprimés dans Tordre méthodique, suivant le système du code de lois. A la fin du volume se trouvent des tables alphabé- tiques des matières, des noms de personnes et de lieux.

En 4878 également, M. Martens, professeur à TUniversité de Saint- Pétersbourg, a publié la première partie du tome IV de sa Collection des traités et conventions conclus avec les pouvoirs étrangers. Il con- tient les traités avec F Autriche, de 4845 à 4849, en tout 448. A chaque acte Tauteur ajoute des commentaires rédigés avec beaucoup de soin, sur les relations diplomatiques et les événements histo- riques qui s'y rattachent. Les documents sont publiés dans le texte original, en langues russe et française. La première partie de l'ou- vrage commence par le traité de la Sainte-Alliance et se termine par la convention du 29 mai 4849, relative aux approvisionnements de l'armée russe entrée en Autriche pour réprimer la révolte hongroise. Notons enfin la publication, dans la Bousskaja Starina, des Mémoires de Madame Passek ^ ils contiennent beaucoup de rensei- gnements intéressants sur Hertzen, ses amis et autres pecsonnes, et sur le mouvement intellectuel et semi-politique qui se produisit à Moscou sous le règne de Nicolas.

L'histoire provinciale de la Russie s'est enrichie de plusieurs revues locales paraissent, non seulement des mémoires sur des questions historiques, ethnographiques et sociales, mais encore des listes d'articles du même genre, parus dans les différentes publications officielles. Il est très difficile de recueillir ces articles dispersés dans des journaux locaux, qui se distribuent à un petit nombre d'exem- plaires^ aussi beaucoup restent-ils tout à fait inconnus, et ne sont pas même nommés dans les listes, malgré tout leur intérêt scienti- fique. Il en est de même pour des livres publiés par les comités de statistique et les comités des zemstvos*, souvent personne ne les lit ou les achète, et l'on ne peut les trouver qu'à grand'peine, et à titre de rareté bibliographique. En premier lieu nous avons à nommer le Recueil de Nijni Novgorod, rédigé par M. A. Gatzisky, secrétaire du comité de statistique, un des érudits provinciaux les plus dili- gents et les plus habiles. Le tome VI du Recueil, paru en 4877,

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contient : la description historique de Vassilsoursk, ville du gou- vernement de Nijni Novgorod, par Koudriavtzev, un tableau de la ville de Kniaguinine et de son district, par A. Rorotkine; des notices statistiques sur quelques villages^ les cérémonies nuptiales du pays de Vetlouga dans le district de iMakaricv, par M. Paspietov ; la fête de saint Jean Baptiste à Novi Likeev, village du district de Nijni Novgorod, par le prêtre Borissovsky; le commerce des images dans le district de Loukoianov, par L. Gouliaev ; des ren- seignements sur Tagriculture et le climat dans quelques endroits du gouvernement de Nijni Novgorod. En 4878, le comité statistique de Vladimir a publié le tome I de son Annuaire; les articles les plus importants se rapportent à l'histoire et Tarchéologie, tels que la description des images anciennes d'un village du district deSchoula, par Iakov, évêque de Mourome-, un article sur les gravures popu- laires imprimées sans autorisation, par M. Golishev, etc. D'anciens actes tout aussi intéressants sont insérés dans le volume, tels que rinventaire, dressé en 4660, du monastère de Spasso Evflmiev de Souzdal. A la fin de l'Annuaire nous trouvons le compte-rendu annuel du comité de statistique de Vladimir et une liste des articles publiés dans la partie non officielle du journal du gouvernement de Vladimir, en 4866-77. La même année, en 4877, M. Pouparev, secrétaire du comité de statistique d'Orlov, a fait paraître le tome I des « Matériaux pour servir à l'histoire et à la statistique du gouverne- ment d'Orlov »; cet ouvrage, très estimable et très consciencieux, continue en quelque sorte le « Recueil d'Orlov », publié par le même auteur et contenant des documents historiques et statistiques sur le gouvernement d'Orlov au iviii* s. La présente publication se com- pose des articles suivants : 4*^ La ville d'Orel avant d'être devenue chef-lieu du gouvernement, avec un plan de ses faubourgs, dressé en 4744 ; la ville d'Eletz au commencement de ce siècle; les villes anciennes et les tumuli du gouvernement d'Orlov, liste de toutes ces villes et tumuli suivant les districts, avec une description minutieuse de leur position et de leur état actuel; 4" nouveaux maté- riaux pour l'histoire de l'instruction publique dans le gouvernement d'Orlov; et S*" table chronologique des documents publiés dans la partie non ofRciellc du journal du gouvernement d'Orlov, de 4830 à 4875. Cette table est malheureusement incomplète, parce qu'il a été impossible de retrouver dans les archives d'Orel plusieurs des numéros du journal. Le volume contient encore quatorze tableaux statistiques de l'étendue du gouvernement et du mouvement de la population, en 4872-75; du nombre des habitants suivant les classes et les religions, en 4875; du nombre des édiflces et des églises dans Hev. IIistor. xi. ka8c. *27

4*18 BUIXETI!! HISTOIIQUE.

les villes, de leurs recettes et dépenses, du nombre des écoles, des ouvriers, des fabriques, des incendies, des morts violentes et des crimes commis dans le gouvernement, en 4875. Le tome IV des « Travaux du comité de statistique du gouvernement d'Astrakhan », paru en 4875, est divisé en deux parties : 4*^ les mémoires, et 2? les tableaux de statistique. La première contient une série d'articles, tels que : « la pêche au gouvernement d'Astrakhan », par le D' Oldkop; aperçu historique de la vinification à Astrakhan », par A. Golo- vatchenko; « matériaux pour l'histoire de l'instruction publique », par Lopatine; « sur les tumuli et les villes anciennes du gouverne- ment d'Astrakhan », par S. Golovatchenko-, et une liste des articles publiés dans la partie non officielle du journal du gouvernement d^Astrakhan, de 4838 à 4873. En 4876 a paru la fin du tome I du a Vocabulaire géographique et statistique du gouvernement de Perm », composé par N. Tchoupine; ce tome I s'achève par la lettre Y. L'auteur décrit le pays non seulement au point de vue géographique, mais aussi au point de vue historique, ethnographique, géologique, etc. , et accompagne toutes ses explications d'indications bibliographiques. C'est un livre écrit avec grand soin et une connais- sance profonde du sujet. Il nous fournit des matériaux très riches et très intéressants et occupe une des meilleures places dans la litté- rature historique russe. En 4 878 on a encore publié trois annuaires, des gouvernements de Vilna, Kovno et Grodno. La plus grande partie de ces livres est occupée par l'adresse-calendrier du gouvernement, l'autre nous donne des renseignements statistiques sur le nombre des sociétés scientifiques, des institutions d'instruction, des biblio- thèques, etc.

PiîBLicATîONs DIVERSES. Si, après avoir passé en revue les publi- cations de textes et les mémoires sur des points d'histoire locale, qui témoignent d'une très louable activité scientifique, nous passons à rhistoire générale de la Russie, nous trouvons peu d'ouvrages dignes d*être signalés. Nous ne parlerons que des deux nouveaux volumes de « rilistoire de la Russie », par notre infatigable et savant histo- rien M. Soloviev. La suite des ouvrages de MM. Zabieline et Ilovaïsky, dont nous avons parlé dans notre précédent Bulletin, se fkit encore attendre.

Les tomes XXVII et XXVHI de « l'Histoire de la Russie » se rap- lK)rtont à Tune des époques les plus intéressantes et les plus impor- tantes do rhistoire russe, au xtiii* s. Ils racontent les premières années du ri^gne de Catlierine II île L XXVII, de 4766 à 68, et le 1. XXVIU, de n6S à 72\ cest-à-dire la période des réformes. Dans le premier chapitre du t. XXVII, M. Soloviev nous peint

RUSSIE. 410

de très sombres couleurs la siluation de Tempire : dans toutes les parties de la Russie, le règne de Tarbitraire est absolu. Les paysans commencent à se soulever en masse contre la tyrannie de leurs maîtres, contre les abus, qui ne leur donnent pas de relâche et les font languir dans une misère extrême. Ces soulèvements ftirent apaisés à Taide des commissions militaires, mais les esprits n*en restèrent pas moins troublés. Les mauvais traitements que les pro- priétaires se permettaient envers leurs paysans, les intendants les fai- saient subir aux forçats et aux déportés en Sibérie, qu'ils tourmentaient à loisir et auxquels ils volaient leur pain et leur argent. D'autre part les missionnaires russes baptisaient de force les peuplades finnoises et barbares converties à la religion orthodoxe par l'eau-de-vie ou les supplices ', souvent aussi ils se servaient de la religion pour extorquer des présents. La vénalité était générale dans toutes les parties de Tadministration. Catherine II se donna la tâche de corriger ces abus ; il n*y en eut qu'un auquel elle ne voulut pas toucher : ce fut le servage. Elle resta fidèle à la déclaration qu'elle avait faite de soutenir < l'auto- rité des propriétaires sur les paysans ». Les fondements de la nou- velle organisation sociale devaient reposer sur le nakaze, ou nouveau code de lois, que M. Soloviev examine dans les chapitres 4 et 2 du tome XXYII. Le tome XXVIII présente un intérêt tout à fkit différent : il est tout entier consacré à l'histoire extérieure de ki Russie et aux deux événements les plus importants du règne de Catherine II : la guerre de Turquie et le partage de la Pologne. La plus grande partie de ce volume ne fait que reproduire Fautre ouvrage de M. Soloviev sur Thistoire des partages de la Pologne.

Parmi les monographies, la première place appartient de droit aux œuvres de deux jeunes savants, MM. Sokolovsky et Ditiatine, à cause de leur mérite scientifique et de l'intérêt des questions dont ils traitent. Les deux livres de M. Sokolovsky : < Aperçu de This- toire de la commune agricole au nord de la Russie », Saint-Péters- bourg, 4877, et la <c Vie économique de la population agricole en Russie et colonisation des steppes du sud-est avant le serrage », ibid. 4878, se rapportent à Thistoire des classes rurales. Le livre de M. Ditiatine : a Autonomie des villes en Russie», 1. 1 (jusqu'à 4870), iaroslav, 4877, concerne Thistoire des populations urbaines. Ces ouvrages sont écrits avec un grand savoir et beaucoup de talent; mais ceux de M. Sokolovsky présentent le plus d'intérêt. Le premier décrit l'histoire de la commune agricole du nord de la Russie; le second, sa situation économique, sa vie, etc. Ces monographies ne sont pas les premières de ce genre. MM. Tchitchérine et Pobiedo- nostzev ont écrit des ouvrages qui ne sont pas dénués d'un certain

420 BULLETIN HISTORIQUE.

mérite sur Thistoire des paysans, et M. Bieliaev a même composé une histoire complète de la classe des paysans, un des meilleurs livres sur ce sujet. Mais ces ouvrages ont un défont grave : ils ne s'occupent guère de la vie économique des paysans, de Torganisation intérieure de la commune et des changements que le progrès de la civilisation y a créés. Cette lacune est comblée par les livres de M. Sokolovsky, rédigés à l'aide de nombreux documents ^ L'intérêt qu'ils présentent est tel que nous croyons devoir leur accorder un article spécial, auquel nous renvoyons le lecteur. La question de la propriété communale est en effet d'une importance capitale pour l'Europe comme pour la Russie. Ici, nous nous contenterons de donner un aperçu général des deux ouvrages. Le premier décrit avec beaucoup de détail la situation économique des paysans du ix^ s. au xvp, leur position en face de leurs maîtres, leurs impôts et leurs budgets. Les derniers chapitres sont consacrés spécialement à la description de la commune. Le chapitre VUl décrit le mode de possession et l'usage des terres en Russie en général aux ix*, x* et XI" siècles. Le second ouvrage se rapporte à l'époque la plus impor- tante dans l'histoire de la Russie et des paysans, aux xv«-x7ii« siècles. < Cette période, dit l'auteur dans sa préface, se distingue des autres surtout en ce que c'est l'époque se posent et se montrent nette- ment les fondements de notre système politique et social, tel qu'il s'est conservé jusqu'à nos jours. Le pouvoir absolu du tsar, la cen- tralisation administrative, la formation des classes, la séparation entre les villes et les villages, tout cela naît alors et reçoit son entier développement. C'est alors aussi que le droit coutumier est remplacé dans toute la Moskovie par le droit écrit. Au point de vue économique, les xv*-xvii* siècles ont la même signification et la même importance. A cette époque la pêche et la chasse sont remplacées par l'agriculture, qui devient l'occupation dominante des paysans. Les modes de possession et l'usage des terres acquièrent dans cette période de temps le caractère qu'ils ont conservé dans leurs traits principaux jusqu'à présent. C'est alors que les terres furent distribuées en propriétés individuelles et que la situation des agriculteurs envers leurs propriétaires se précisa, sous forme de métayage, de redevances en argent et de corvées. Vers la fin de cette période, la glebae adscriptio des paysans, sanctionnée par la loi dans les dernières années du xvi* s., se transforma nécessairement en servage. Ce qui nous intéresse le plus dans ce livre, c'est la descrip-

1. En 1877 et 78 a fiaru, par livraisons, l'ouTrage de M. SeraeTsky sur Thistoire des paysans; nous allendrons, pour en rendre compte, qu'il ail paru en volume.

lOSsiE. 421

lion minutieuse de toutes les phases par lesquelles a passé la pro- priété, et de l'aggravation graduelle du sort des paysans. < Avant le servage, dit Tauteur, la situation économique des paysans dans la Moskovie s'aggravait de plus en plus. Les causes de cette décadence résidaient, non dans la nature du sol, qui présente, au contraire, les conditions les plus favorables au progrès économique, ni dans les qualités intellectuelles et physiques du peuple, qui avait donné des preuves de son caractère entreprenant et laborieux en colonisant des espaces considérables, mais dans les conditions de la vie politique. La décadence commence dès que le système semi-féodal se développe et que le paysan est devenu taillable à merci; le paysan est alors obligé d'abandonner ses anciennes coutumes et 'des usages qui existaient depuis des siècles-, mais il n'y renonce pas sans luttes, et en effet, pendant toute cette période il cherche à échapper par tous les moyens possibles aux exigences toujours croissantes de TÉtat. La taille tombait principalement sur la terre; et voilà que les paysans ou renoncent à la terre, ou choisissent le lot le plus petit; ou bien, et c'est le cas le plus fréquent, ils prennent la fuite et vont chercher un asile dans les steppes libres. »

Le livre de M. Ditiatine, « l'Autonomie des villes en Russie », est la suite d'un ouvrage publié en 4874 sous le titre < Organisation et administration des villes en Russie ». L'auteur expose les différentes lois concernant l'administration sociale des villes, depuis i 785 jusqu'à l'ordonnance de 4870*, il examine la façon dont ces lois étaient appli- quées et l'état intérieur des villes; il étudie tous les essais de réfor- mes, tentés pendant les vingt dernières années. Ce n'était pas une tâche facile; pour la mener n bonne fin, l'auteur a du fouiller les ar- chives, consulter une masse considérable de documents historiques et juridiques; c'est ce qu'il a fkit avec beaucoup de succès. Son livre nous éclaire sur le passé des villes russes. En 4785 Catherine II donna aux villes une charte elle élargissait leurs droits. Paul P' la révoqua et la remplaça par des règlements tout contraires. Alexandre P' la remit en vigueur. Mais cette charte ne traitait que des principes généraux de l'administration municipale, laissant de côté plusieurs des questions les plus importantes; celles, par ex., qui concernaient les finances municipales, les impots et octrois; ce n'est qu'au XIX'' s. qu'elles furent successivement résolues par le moyen de règlements particuliers; mais le gouvernement se montra très défavorable à la liberté des villes ; il les maintint sous sa tutelle, et se réserva l'action prépondérante dans toutes les branches de l'admi- nistration. On conçoit les résultats d'un pareil système : l'indifférence complète qui régnait parmi les électeurs et dans les conseils, et le

422 BULLETIN HISTORIQUE.

peu de scrupule qu'on apportait dans le maniement des finances. M. Ditiatîne décrit tout cela avec beaucoup de talent; son livre est plein de renseignements très intéressants et même parfois très piquants.

Après ces monographies, nous n'avons à nommer que très peu d'ouvrages d'importance réelle, tels que ceux de M. Antonovitch : a Histoire de la principauté de Lithuanie », dont la première livraison seule a paru ; « La sorcellerie dans la Russie méridionale, contenant une série de procès intentés aux sorcières », et son article sur le sou- lèvement des paysans au xyiii^ siècle, imprimé déjà en i 876, mais qui ne put être mis en vente, parce qu'on l'avait trouvé dangereux, on ne sait pourquoi.

Citons encore une « Histoire de l'Académie russe », par M. Sou- khomlinov, St-Pétersbourg, partie, 4876, et partie, 4878. Cette histoire est divisée en trois périodes : Tépoque de Catherine II, celle de Paul I«' et celle d'Alexandre I«'. L'auteur raconte dans quelle intention tat fondée l'Académie^ et comment elle fut fondée*, il finit en donnant la biographie des membres et des élèves de l'Académie. Le tome I, publié en 4874, contient vingt biographies; le tome I(, paru en 4875, trois; le tome III, cinq; et enfin le tome IV, trois. L'auteur parle rarement en son propre nom ; aussi ses biogra- phies sont-elles moins une peinture des personnages et de leur époque, qu'une collection de matériaux, mais nous possédons si peu de renseignements sur l'Académie et sur ses membres, que nous devons savoir gré à M. Soukhomlinov de son livre. « La vie et les œuvres de Stroev », par Barsoukov, St-Pétersbourg, 4 878, est un livre composé avec beaucoup de soin et de talent ; il nous donne une bio- graphie détaillée d'un des plus ardents promoteurs des recherches archéologiques en Russie, homme qui a consacré toute sa vie à la science, et qui n'a reçu pour récompense ni honneurs, ni moyens de vivre. Le livre contient en outre de nombreux renseignements sur beaucoup de savants de notre temps et de l'époque précédente, qui ont été en relations scientifiques ou personnelles avec Stroev. Les « Cos- tumes historiques russes du x* au xni* siècle », par Strekalov, avec préfeee de Kostomarov , 4 877, première livraison, ont pour but de faire connaître aux peintres historiques, aux littérateurs, aux acteurs, etc., « les parures et ajustements russes dès Tépoque la plus reculée ». Le texte est accompagné de dessins d*habits et de difTé- rentes parties du costume, lithographies chez Lemercier à Paris. C'est une très riche et très belle publication ; il est seulement regrettable que le texte n'ait pas été revu avec soin; c'est une compilation rédigée sans méthode et déparée par des fautes qui auraient pu être

RUSSIE. 423

corrigées. « Renseignements donnés par al- Békri sur la Russie et les Slaves » ; première partie. L'œuvre de Tarabe al- Békri est une com- pilation, fondée principalement sur les livres d'Ibrahim-ibn-Jacoub, juif du X* siècle, et ensuite sur ceux de Massoudi, d'ibn-Dasti, etc. Ibrahim a visité, d'après ce qu'il dit, toutes les terres slaves, à Tex- ception de la Bulgarie; il raconte ce qu'il y a vu, décrit les mœurs, la condition des femmes, la langue, le commerce, indique le prix des marchandises, etc. La traduction russe est accompagnée de notes, fkites par les éditeurs et par l'orientaliste connu, M. Gouet, et des recherches de l'académicien Kunik sur l'époque vécut Ibrahim, sur la parenté des Hagano-Bulgares avec les Tchouvaches, d'après l'Imenik slavo-bulgare, et sur Tidentité des Russes idolâtres avec les Normands, d'après le message du pape Nicolas I*^ Le < Recueil de la section de langue russe et de littérature de l'académie des sciences », t. XVII, contient entre autres trois mémoires qui ont été déjà publiés séparément : les « Récits apocryphes sur les personnes et é?énements de la Bible d'après les manuscrits du monastère de Solovetzk », par Porfiriev *, « Jérusalem et la Palestine dans la littéra- ture russe, la science, la peinture, et les traductions i>, par M. Pono* marev, et les « Remarques sur le langage et la poésie populaire dans l'idiome de la Grande-Russie », avec des renseignements sur les gou- vernements de Novgorod, Olonetzk, Yiatka, Vladimir, Souzdal, laroslav, Arkhangel^ Vologda et Perm. Le volume renferme ensuite un extrait des procès-verbaux de la section de l'Académie de no- vembre 4875 à février 1877, des renseignements bibliographiques, un rapport sur les ouvrages des membres de cette section pour 4876^ et une notice sur M. Stroev, par M. J. Sreznevsky. Le « Recueil des matériaux et articles pour servir à l'histoire des provinces baltiques », 1. 1, Riga, 4877, est divisé en deux parties : la première consacrée à l'histoire ancienne des pro?inces, et la seconde à celle du xviii* et du XIX* siècle. Les articles les plus importants de la première partie sont : « Les provinces baltiques et leurs populations avant l'arrivée des Allemands », par Rutter, et la « Chronique livonienne », de Henrich Latichsky. Cette chronique se rapporte aux années 4 484- 4220, alors que le christianisme commençait à se propager en Lithuanie, et que la lutte était engagée entre les évéques chrétiens et le peuple païen. C'est un des documents les plus importants pour l'histoire ancienne du pays-, il présente un tableau animé des mœurs et de la vie de l'époque. La seconde partie renferme les lettres, oukases et ordres de Pierre le Grand et de Catherine II concernant la Lithuanie, les mémoires de Néiendal et de Roulmering nous trou- vons des renseignements sur l'administration des villes, la chronique

424 BULLETIN HISTORIQDB.

de la ville de Riga pour i 783-97 et quelques biographies publiées sous le ti Ire de « Noms à deml-oubliés ». La biographie de Samuel Miloslavsky , métropolitain de Kiev, parPeodor Rojdestvensky, Kiev, 4877, décrit fort bien les mœurs ecclésiastiques et monastiques à Tépoque vivait ce prélat, l'éducation et l'instruction qu'on recevait alors à TAcadémie ecclésiastique de Kiev, les rapports des prêtres et des moines avec les laïques, les recettes et dépenses des monastères, etc. Tous ces détails sont tirés des manuscrits conservés dans la bibliothèque et le musée de rAcadémie ecclésiastique de Kiev, la bibliothèque de Lavra, les archives du consistoire et du monastère de St-Michel. La « Biogra- phie du comte Vladimir Orlov-Davydov , composée par son petit- fils », Saint-Pétersbourg, 4878, nous raconte la vie d'un des contemporains de Catherine II, directeur de Tacadémie des sciences de n66 à n94; Fauteur publie beaucoup de lettres d'un grand intérêt, qui fournissent de curieux détails sur la vie privée des sei- gneurs russes à cette époque. « Les curiosités russes », publiées par M. Martynov, Moscou, 4877, ont paru en deux volumes. C'est une assez bonne description des curiosités de l'ancienne capitale de la Russie, Moscou, surtout de celles qui sont d'un intérêt général pour la Russie^ cet ouvrage est accompagné de planches. Signalons enfin de ces livres 1' <f Histoire du droit de la Moscovie », par M. Za- goskine, t. 1, Kazan, 4877, et 1' « Histoire du droit russe », par Samokvassov, t. I, Varsovie, 4878. Le premier mérite seul d'attirer l'attention. C'est le commencement d'un grand ouvrage, qui com- prendra six volumes, et contiendra l'histoire du droit moscovite de 4462 à n03, et une partie du cours professé par M. Zagoskine à l'université de Kazan. Le tome I" est consacré à Tétude bibliogra- phique du sujet et à la méthode qu'il convient de suivre dans ces études.

Nous terminerons ce bulletin en parlant des œuvres posthumes de nos historiens. De Stroev, la Commission archéologique a publié les « Listes des prélats et abbés des monastères de l'Église russe », Saint-Pétersbourg, 4877. Ce livre est le fruit de longues et pénibles recherches, faites par l'auteur dans les différentes archives de l'empire. Les listes sont continuées jusqu'à notre époque et dis- posées suivant les quarante-huit diocèses, dans Tordre indiqué par l'auteur. A la fin se trouvent les listes des prélats et abbés des diocèses aujourd hui supprimés, et la table alphabétique des noms de monastères et de personnes, avec des détails chronologiques et bio- graphiques sur les personnes nommées dans l'ou\Tage. On a égale- ment publié un recueil des œuvres de Maximovitch, en deux tomes, Kiev, 4876, et des œuvres de Samarine, Moscou, 4878. Les œuvres

RUSSIE. 425

de Maximovîtch, professeur à Tuniversité de Kiev, contiennent des études sur des sujets très divers. On y trouve des articles sur l'his- toire russe, Tethnographie, Tarchéologie, la géographie historique, des correspondances, des discours, etc. Les principaux articles insérés dans le premier volume se rapportent à Fhistoire de la Russie des plus anciens temps jusqu'au xiii* siècle, à Thistoire de la Li- thuanie russe, et à celle des Cosaques peUts-russiens. Le second volume est presque entièrement consacré à des recherches sur la ville de Kiev et ses environs, sur la principauté de Kiev, Pereiaslav, Volygme, et sur des questions d'archéologie et d'ethnographie.

Jean Loutchiskt.

426 COMPTES-RENDOS CRITIQDE8.

COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

Untersuchungen auf dem Gebiete der rœmischen Verwaltunss- geschichte Yon Otto Hirschfeld. Erster Band : Die kaîserliehen Verwaltungsbeamten bis auf Dioclelian. Berlin, Weidmann, 4876.

Le livre qui se présehte sous ce titre modeste est un des plus remar- quables qui aient paru depuis longtemps sur Thistoire de TËmpire. Avec celui de M. Mommsen sur le principat, il la fait voir sous un jour vraiment nouveau. Ce n'est pas sans raison que nous rapprochons ces deux ouvrages. Ils procèdent de la môme idée, s'inspirent de la même méthode et aboutissent à des conclusions semblables. Quand on essaie, d'après la plupart des historiens modernes, de se représenter les institutions de PËmpire dans la longue période de leur développement, on retire de cette étude une impression singulière. D'un côté il semble que le régime établi par Auguste a été une rupture violente, absolue, avec l'ancien ordre de choses ; de l'autre, on dirait que ce régime, achevé dès le principe, est resté immuable durant des siècles, que d'Auguste à Claude, de Claude à Yespasien, de Vespasien à Hadrien, d'Hadrien aux Sévères, les règles du gouvernement ont toujours été les mêmes, que l'application seule en a varié suivant le caractère de chaque empereur. C'est seulement vers la fin du ni« siècle avant J.-C. que l'on voit surgir un régime nouveau qui ne paraît pas plus sortir du précé- dent que le précédent n'avait paru sortir du régime républicain. Ainsi l'histoire politique et administrative de l'Empire, demeurant comme immobile entre ces deux brusques secousses, se trouve soustraite à cette double loi de la continuité et du changement qui régit la marche de toute société.

Il faut convenir que les historiens anciens n'ont pas peu contribué à répandre ce préjugé. Nous ne parlons pas de Tacite, qui dans les événe- ments ne s'attache guère qu'à l'élément moral et dramatique, encore moins de Suétone qui n'y cherche que des anecdotes, mais d'Appien et surtout de Dion Cassius, les seuls qui aient exposé quelques vues théo- riques sur la nature du gouvernement impérial. Mais ni Appien, ni Dion Cassius n'avaient les connaissances nécessaires pour traiter un pareil sujet. Tous deux de nationalité étrangère, l'un Égyptien, l'autre Asia- tique, ils étaient trop ignorants de l'ancien droit de Rome, trop imbus des idées monarchiques gréco-orientales pour saisir ce qu'il y avait de profondément original dans cette création d'Auguste qui ne formulait aucun principe nouveau et qui pouvait, par un spécieux mensonge, être présentée comme un retour à la constitution abolie par César et les

HIESCHFBLD : lOBM. YBIWALTO.IGSGESCHICHTB. 427

triumvirs. En môme temps, cette ininteliigence de l'œuvre du premier empereur ne leur permettait pas d'en suivre les altérations successives. Ck)mme ils écrivaient à une époque l'Empire s'était déjà sensible- ment écarté de son type primitif pour se rapprocher de la monarchie pure, ils durent croire qu'il avait eu ce caractère dès l'origine. Aussi le fameux discours de Mécène à Auguste ressemble-t-il beaucoup plus à un plan de gouvernement proposé par un conseiller d'Alexandre Sévère qu'à un programme imaginé au lendemain d'Actium.

Si les documents littéraires sont à ce point insufOsants ou trom- peurs, il faudra chercher ailleurs Thistoire des transformations qui ont dénaturé l'œuvre d'Auguste. Cette histoire de l'Empire , plus vivante et plus vraie, les documents épigraphiques l'ont écrite au jour le jour et la racontent, pour peu qu'on sache les interroger, avec autant de précision que de sincérité. Ce sont donc les documents épigraphiques qui constituent le fond solide et incontestable des livres de MM. Mommsen et Hirschfeld. Les personnes peu au courant de ces sortes de travaux seront étonnées de voir tout ce qu'on peut tirer de l'étude patiente et du rapprochement ingénieux de ces textes, si secs en apparence. Ce sont d'innombrables faits particuliers qui, établis avec une méthode rigoureuse et groupés avec art, conduisent aux larges vues d'ensemble. Quant à ceux ({ui ont l'habitude de se servir de ces documents, ils trouveront au bas de chaque page des renvois exacts et multipliés qui leur permettront de contrôler les assertions de l'auteur, et au boitoin de pousser leurs recherches sur un point déterminé plus loin que l'auteur lui-même ne l'a fait.

Le livre de M. Mommsen démontre de la manière la plus éclatante cette loi de filiation qui rattache si étroitement le régime impérial au régime républicain. Ce livre est, comme on sait, un des volumes du grand Manuel d'antiquités romaines, commencé à Leipzig, en 1843, par M. Becker, achevé en 1867, par M. Marquardt et dont M. Momm- sen, de concert avec ce dernier, a entrepris une rédaction nouvelle très différente de la première. Ijes deux collaborateurs se sont par- tagé la ulche. Tandis que M. Man]uardt se chargeait des antiquités financières, militaires, religieuses et privées, M. Mommsen se réser- vait tout ce qui touchait au droit public. Un premier volume est consacré à la théorie générale des magistratures, considérées dans leur principe et dans les règles qui leur sont communes. Un second volume traite de chacune des magistratures prise à part. Le tome relatif au principat forme la deuxième ])artie de ce deuxième volume. Ainsi la place occupée dans l'ensemble de Pouvrage par cette dernière étude montre déjà quel en est l'esprit. Dans le prin- cipat, M. Mommsen ne voit qu'une magistrature extraordinaire, une expression nouvelle de l'ancien droit public, la dernière conception enfantée par le génie politique de Home. Après ce suprême etTort, la force créatrice résidant au sein des vieilles institutions de la cité latine

428 COMPTES-RENDUS GRITIQDES.

est épuisée. Tout ce qui vient ensuite ne porte plus au même degré Tempreinte exclusive de Tesprit romain.

C'est ridée dominante exposée dans la préface et suivie avec une grande force de déduction. Non pas que M. Mommsen n'ait pas vu aussi l'autre face de la question et ne Tait pas mise en lumière. Les deux points de vue sont inséparables, et qui a saisi le premier ne peut pas ne pas saisir le second. Toutefois il est vrai que ce deuxième point de vue est moins accusé, et cela pour deux raisons : d'abord il faudrait un exposé historique auquel le caractère didactique du livre se prête difficilement. Ensuite M. Mommsen traite de la nature du pouvoir impérial et les altérations de l'œuvre d'Auguste sont plus profondes dans le domaine administratif que dans le domaine purement politique. Ce n'est pas la nature du pouvoir impérial qui a changé. Il n'a pas été beaucoup moins absolu au temps d'Auguste qu'au temps de Septime Sévère. Mais il s'est étendu au-delà des limites qu'il s'était primitive- ment fixées. C'est la compétence de ce pouvoir qui s'est élargie et qui a fini par tout absorber.

Le livre de M. Hirschfeld, paru peu de temps après celui de M. Momm- sen, mais depuis longtemps entrepris d'après les conseils du maître et, malgré quelques divergences, tout pénétré de son esprit, démontre, avec une grande abondance de renseignements, ce que M. Mommsen n'a fait qu'indiquer. Il se compose d'une série d'articles l'auteur aborde suc- cessivement les sujets les plus variés, dans un ordre qui, sans être rigoureux, n'a cependant rien d'arbitraire. Ses recherches se portent d'abord sur la distinction qui s'établit entre les deux trésors publics, Vaerarium et le fisc ou trésor de l'empereur, sur les attributions et la hiérarchie des fonctionnaires attachés à ce trésor, ou chargés de la per- ception de certains impôts qui l'alimentent, tels que le vingtième des héritages, ou préposés à certaines entreprises qui en dépendent, telles que les exploitations minières. De là, nous passons à l'administration proprement dite, et spécialement à celle qui concerne Rome et l'Italie, aux routes, aux travaux publics, à l'annone, aux institutions alimen- taires, à la police de la ville, aux jeux, aux bibliothèques. Enfin nous pénétrons dans la chancellerie impériale. On comprend que les limites qui nous sont imposées ne nous permettent pas de suivre M. Hirschfeld à travers tant de questions traitées avec une compétence toute particu- lière '. Il vaut mieux montrer quel est l'intérêt de ces études de détail, quelle est l'idée générale qui se dégage peu à peu de ces fragments sans lien apparent et qui en constitue l'unité. EUle est tout entière dans ce fait : la concentration de tous les pouvoirs administratifs entre les mains de l'empereur, au moyen de ses agents particuliers, les affranchis et les procurateurs. Un tableau de Torganisation des fonctions équestres,

1. M. Hirschfeld, qui est qd des collaborateors du Corpus, âoW publier pro- chainement, le recueil des inscriptions de U Gaule.

HIRSCHFELD : lOEM. yERWALTDffGSOBSCHICHTB. 429

tableau bien incomplet encore, mais le premier qui ait été esgayé, forme un appendice naturel aux chapitres qui précèdent. Il est lui-m^me suivi d'une sorte de conclusion Fauteur résume les résultats acquis, et qui mérite une rapide analyse.

Ce n'est pas une monarchie qu'Auguste a voulu fonder. C'est, pour employer l'expression dont se sert M. Mommsen, une dyarchie. Bien différent de César qui avait prétendu tout faire par lui-môme, Auguste ne put se résoudre à écarter le sénat de l'administration. Il lui fit sa part en Tan 27. Il la fit considérable, ne gardant pour lui que les légions et les provinces elles étaient stationnées. Dans ce système, il était le chef do l'armée et le premier magistrat de la République. Il n'en était pas le souverain et unique administrateur. Mais l'événement montra qu'il avait trop préjugé, et de l'empereur, et du sénat, en fai- sant reposer sur l'accord de ces deux pouvoirs tout l'édifice politique. Le sénat ne sut pas défendre le terrain qui lui était réservé, l'empereur ne sut pas le respecter, et l'empire constitutionnel se trouva bientôt transformé en un despotisme militaire. Le sénat d'ailleurs n'était pas à la hauteur de sa tAche. Auguste lui-même sembla le reconnaître en créant les grandes curatelles détachées de la censure, en instituant un préfet des vigiles et un préfet de l'annoue, etc. La retraite de Tibère à Capréo fut un nouveau coup porté au dualisme qu'avait rêvé le fonda- teur de l'empire. Entre un empereur inactif et un sénat incapable, l'État tomba dans une désorganisation qui ne put être arrêtée que par un changement complet de système. Ce fut l'œuvre de Claude, ou plutôt de ses affranchis Pallas et Narcisse. Ces deux hommes, à qui l'histoire n'a pas rendu justice, entreprennent et mènent à bonne fin une grande réforme. Ils font passer l'administration aux mains des fonctionnaires impériaux, qui sont, dans les provinces, les procurateurs, à Rome, les affranchis, ces derniers placés à la tête de toute l'administration cen- trale, et préposés à un nouveau trésor impérial, distinct de celui du sénat, et qui devient bientôt le principal trésor de l'Empire. Procura- teurs et affranchis entrent en possession de la juridiction civile. La chute de la dynastie des Jules, qui amène au pouvoir un prince, hon- nête et modéré, ne rond pas au sénat la situation qu'il a perdue. Le dualisme d'Auguste est bien mort. Le mensonge qui était au fond l'a tué. Mais une réaction se produit contre le gouvernement des affranchis. Elle est accompagnée d'une nouvelle organisation administrative, due au plus grand empereur peut-être que Rome ait jamais eu, à Hadrien. Instruit des besoins de l'Empire par ses voyages à travers tout le monde romain, Hadrien a compris qu'une administration qui devenait plus compliquée de jour en jour exigeait la création d'un personnel de fonc- tionnaires très nombreux, largement rétribué et soumis à des règles rigoureuses. Ces fonctionnaires, il ne les cherche ni parmi les sénateurs, toujours suspects d'opposition, ni parmi les affranchis, que l'on avait vus associés à toutes les hontes et à tous les excès de la tyrannie tom- bée. Il les prend dans l'ordre équestre, sûr de trouver des agents

430 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

intègres, capables et dociles. La présence des affiranchis aux affaires avait encore un autre inconvénient, elle établissait une confusion fâcheuse entre le gouvernement de la maison de i'emperenr et celui de la chose publique. Cette confusion était inévitable à Torigine :.elle avait favorisé les premiers empiétements du pouvoir impérial. Elle devait disparaître maintenant que la révolution était accomplie. Les affranchis, relégués dans la domesticité de cour, cèdent donc la place aux cheva- liers. Ce sont des chevaliers qui dirigent maintenant les bureaux de l'administration centrale, et le plus important de tous, celui des finances. Enfin l'extension des attributions de la préfecture du prétoire, devenue la plus haute institution civile, la formation d'un conseil d'État, les chevaliers tiennent le premier rang, toutes ces mesures montrent clai- rement que Hadrien veut rendre l'ordre équestre apte aux hautes fonc- tions que le sénat s'est montré inhabile à remplir. Arrive Septime Sévère dont le règne est décisif. Cet empereur, en Afrique, parlant à peine le latin, porté au pouvoir par les armées des provinces, au milieu desquelles il a grandi, n'est pour l'Italie et pour Rome qu'un étranger. Le sénat ne lui inspire que de l'aversion ; il se propose deux objets, qui sont au fond identiques : supprimer la situation privilégiée de Rome et de l'Italie et enlever au sénat ce qui lui reste encore de pouvoir. Déjà Hadrien avait chargé du gouvernement de la péninsule quatre consulaires à la nomination de l'empereur. Sévère établit une légion aux portes de Rome et ouvre la garde prétorienne à toutes les nationalités étrangères. D'un autre côté il attribue les revenus des pro- vinces sénatoriales au fisc, dont les administrateurs obtiennent, ainsi que les préfets et les magistri équestres, le titre de Vir perfectissimtu. Les autres procurateurs, et en général les chevaliers qui se sont distin- gués dans l'armée ou ailleurs, prennent celui de Vir egregius. En même temps les intérêts de Tordre équestre et de l'armée sont confondus. Les officiers qui ont rempli les grades équestres forment dans la vie civile un ordre privilégié les centurions mêmes sont admis. Les chevaliers et les soldats doivent être les deux points d'appui de la nouvelle dynas- tie. Un tel système amène nécessairement l'unification de toutes les parties de l'Empire. Aussi Garacalla, qui étend le droit de cité à toutes les provinces, n'est-il en réalité que le continuateur de l'œuvre pater- nelle ; mais cette œuvre est menacée par Alexandre Sévère. Cet excel- lent prince, élevé à Home sous la tutelle d'un conseil de régence tout composé de sénateurs, rompt d'une manière absolue avec la politique de sa famille. 11 gouverne avec et par le sénat. Il lui laisse la nomina- tion du préfet de la ville et des gouverneurs des provinces sénatoriales, la confirmation des gouverneurs des provinces impériales. Il choisit dans son sein le préfet du prétoire ; il veut faire rentrer le fisc dans ses anciennes limites. Ce fut le rêve d'un moment, une tentative généreuse et chimérique à laquelle coupa court une émeute de caserne. Le m* s. voit s'accomplir deux grands événements qui portent le dernier coup à l'ancien dualisme : les sénateurs sont exclus des hautes positions gou-

HIBSCRFSLD : BCBM. VERWILTIJNGSGBSGHICHTE. 431

vernementales, et la séparation des pouvoirs civils et militaires amène une transformation complète dans Tsulministration des provinces. L'Em- pire, miné à l'intérieur par des maux sans nombre, assailli au dehors par les Barbares, a besoin d'une forte organisation du pouvoir impérial. C'est le but poursuivi par les grands empereurs illyriens : Aurélien commence cette œuvre achevée par Dioclétien et par Constantin. L'Italie n'est plus qu'une province, Rome n'est plus qu'une ville comme toutes les autres. Le centre de gravité de l'Empire est transporté en Orient. Le système d'Auguste a vécu.

Telle est la théorie de M. Hirschfeld. Vraie dans son ensemble, sin- gulièrement pénétrante dans beaucoup de ses détails, elle provoquera sans doute plus d'une objection. Nous nous bornons à la suivante : M. Hirschfeld émet sur le règne de Vespasien une opinion qui nous parait manquer à la fois de clarté et de justesse. Tout en reconnaissant que cet empereur ne revint jamais sur aucune des réformes accomplies par Claude et ses ministres, qu'il ne fut pas un maître moins absolu que ses prédécesseurs, que moins que personne il était fait pour com- prendre et appliquer les combinaisons artificielles d'Auguste, M. Hirsch- feld admet néanmoins qu'il fit au sénat certaines concessions, qu'il renonça en sa faveur à quelques-uns des droits usurpés par Claude et par Néron. Il est difficile de concilier les deux termes de cette proposi- tion, il ne l'est pas moins de trouver une preuve à l'appui de cette pré- tendue renonciation. M. Hirschfeld invoque le document fameux connu sous le nom de Lex regia de imperio Vespasiani, Il y voit un acte sans précédent, un contrat intervenu à nouveau entre les deux pouvoirs, à la suite d'une crise qui avait bouleversé toutes les idées et tous les principes. Il semble au contraire que la Lex regia était un acte parfai- tement régulier qui se renouvelait à chaque changement de règne. Il est vrai que nous ne possédons que la loi concernant Vespasien. Il est vrai aussi qu'il n'y a pas dans les auteurs de texte il soit question expressément d'un acte de ce genre, mais en revanche ils disent fré- quemment que l'empereur était mis en possession de l'Empire par une loi, et cette loi quelle est-elle, sinon celle que nous fait connaître le monument du Latran ? Nous dirons plus, une lecture attentive de ce document fait croire que loin d'avoir restreint les droits de l'empereur il les a plutôt étendus. M. Mommsen (Str. II, p. 882) fait remarquer que dans l'article conférant à l'empereur, sans aucune restriction, le droit de recommander les candidats à toutes les magistratures, la formule f Ita uti licuit divo Aug. Ti. Julio Cacsari Aug., etc., > est absente, d'où l'on peut conclure que ce même droit n'avait pas encore reçu une telle extension. Il y aurait encore bien d'autres observations à faire. Par exemple, on se demandera si M. Hirschfeld n'a pas exagéré quel- quefois l'importance des procurateurs et des affranchis, je ne dis pas aux dépens du sénat, mais aux dépens des sénateurs. Jusqu'au m* s. l'ordre sénatorial fournissait les commandants des légions et les gou- verneurs de toutes les provinces. Ce n'était pas une prérogative insigni-

432 COMPTES-REIfDns CRITIQUES.

fiante. Enfin, on se demandera peut-être si cette vaste synthèse n'est pas prématurée. Malgré les grands progrès accomplis par les recherches épigraphiques, l'histoire de l'Empire n'est pas faite encore ; elle ne le sera pas tant qu'on n'aura pas fait celle de chaque empereur. Des mono- graphies dans le genre de celle du regretté de La Berge sur Trajan sont la condition préalable de toute étude d'ensemble. Le grand règne d'Ha- drien, celui d'Alexandre Sévère, dont M. Hirschfeld a saisi le caractère avec beaucoup de finesse, ne sont pas assez connus. Que dire de la période postérieure les sources épigraphiques sont presque aussi pauvres que les sources littéraires ? Ces réserves n'enlèvent rien à la haute valeur des pages M. Hirschfeld a résumé ses conclusions. C'est un effort qui en appelle d'autres et qui montre la voie il faut doré- navant marcher.

G. Blogh.

Études critiques sur Thistoire de la période des Vikinss (I.

Ragnar Lobdrok et RoUon), par le D' Gustave Storm, professeur à l'Université de Christiania*. Christ., 4878, Société des éditeurs norvégiens, 2\9 p. in-8**.

Les deux études qui composent ce volume sont précédées d'une intro- duction (p. 1-33) * l'auteur expose les principes critiques de P. A. Munch, Jessen et J. Steenstrup plutôt que les siens propres ; ses vues sur les premières expéditions des corsaires, dont il place le commence- ment à la fin du viii' siècle , sur la vraie signification des noms de Northinanni et Nordmand, qui varia selon les temps et les lieux ; enfin les causes des courses des Vikings, qu'il attribue, non pas à un excès de population, mais au désir de s'enrichir, soit en pillant, soit en levant des contributions sur les vaincus, soit en se mettant à la solde des princes étrangers.

La première étude sur Ragnar Lodbrok et ses fils (p. 34-129 et appen- dice, p. 194-210) est une nouvelle édition révisée d'un mémoire publié d'abord dans la Revue de la Société historique norvégienne •. Le savant auteur s'est efforcé avec un louable zèle d'améliorer son premier travail, mais sans le remanier et en ne lui faisant subir que de courtes suppres- sions ou additions, quelques changements de dates, des retouches de style. Il n'y a donc pas lieu de revenir sur ce mémoire dont nous avons déjà parlé * ; réservons la place dont nous pouvons disposer à l'examen de la seconde étude : Goengu-Hrolf^ et V établissement des Scandinaves en

1. Kritiske Bidrag til Vtkingetidem Historié (I. Ragnar Lodbrok og Gange- Rolv) af D' G. Slorm.

2. Déjà publiée dans Nyt norsk Tidsskrift, 1. 1, p. 140-160 et 388-401.

3. Historisk Tidsskrift udgivet af den norske historiske Porening, 2* séries t. I, p. 371-491. Aussi tiré à pari.

4. Revue historique, 3* année, t. VIII, septembre-octobre 1878, p. 188-191.

5. Nous mettons ici la forme islandaise qui est la plus ancienne, de même que

STORM : ETUDES SDR l'hISTOIRE DE Li PISrIODE DES VIKINGS. 433

Normandie (p. 130-191 et append. p. 210-8), sujet qui tient de près à notre histoire nationale. M. St. passe d'abord en revue les notions rela- tives à Rollon ; celles que l'on trouve dans les annales latines et les documents contemporains étant extrêmement maigres et insuffisantes, il attache une grande importance aux allusions contenues dans le Planctus super mortem Vilhelmi*, complainte qu'il croit avoir été com- posée par un ecclésiastique, peu après la mort de Guillaume Longue- Épée (17 décembre 942), et il en tire un excellent parti pour montrer que ce prince était outre-mer et que, lors de sa naissance, son père était encore payen et sa mère chrétienne. A partir de la fin du siècle, les documents latins deviennent plus nombreux, mais ils ne sont guère satisfaisants en ce qui concerne Rollon. Richer commet de si graves erreurs à propos de Charles le Simple que Ton ne peut guère se fier à lui pour le reste ; Adhémar de Ghabannes, qui donne le nom de Rosus au chef des Normands, nous a transmis de curieux détails sur ce per- sonnage ; Dudon de Saint-Quentin est un rhétoricien fort porté à gran- dir ses héros ; il ne s'inquiète guère de la chronologie, mêle les tradi- tions, attribue à Rollon les exploits d'autres chefs normands et il est d'ailleurs mal renseigné. La chronique de Fontenelle donne une courte, mais importante esquisse de la vie de Rollon. Guillaume de Jumièges suit Dudon, en l'abrégeant et en omettant certains faits qu'il regardait sans doute comme erronés. Guillaume de Malmesbury, qui puisait à des sources anglaises et normandes, doit avoir tiré de ces dernières ce qu'il dit de Rollon , les premières ne contenant rien sur l'histoire ancienne des Normands. Voilà un résumé des appréciations de M. St. relative- ment aux écrivains occidentaux qui ont traité de son sujet. Ce qu'il dit des chroniques, sagas et généalogies septentrionales est moins connu chez nous et a droit à l'attention particulière de nos historiens.

Les plus anciens ouvrages danois il soit question de Rollon et de la Normandie datent des xn* et xiii* siècles ; ce ne sont guère d'ailleurs que des échos très affaiblis d'Adam de Brème et d'autres écrivains latins, comme le prouve le nom de Rollo au lieu de Hrolvus. Leur insi- gnifiance dénote qu'il n'y avait pas de tradition nationale eu Danemark à ce sujet. Les sources norvégiennes au contraire, malgré leur concision à regard d'événements qui s'étaient passés à l'étranger et restaient en dehors de leur cadre, renferment quelques traits fort caractéristiques. L'Historia Norvegiae^ écrite vers l'an 1200 en Ecosse ou dans les Orcades, appelle Rodulf le personnage que ses compagnons nommaient Gongu- rolfer. M. St., qui admet cette assimilation, n'a pas fait la remarque

lorsqu'il s'agit de rendre eo français un nom latin, nous devons nous attacher à reproduire, aussi exactement que possible, la forme primitive et non la forme italienne, à moins que le nom n'ait déjà été francisé. Dans le cas présent nous n'aurions aucun scrupule d'écrire Rollon, si ce n'était préjuger la question en admettant l'identification de Gœngu-Urolf avec le premier duc de Normandie, t. Publié dans la Bibliothèque de V École des chartes, 1870, p. 389-406.

Rev. HisTon. XL '2* pasc. 28

430 COMPTES-RBNDDS CRITIQUES.

intègres, capables et dociles. La présence des affiranchis aux affaires avait encore un autre inconvénient, elle établissait une confusion fâcheuse entre le gouvernement de la maison de l'empereur et celui de la chose publique. Cette confusion était inévitable à Torigine :.elie avait favorisé les premiers empiétements du pouvoir impérial. Elle devait disparaître maintenant que la révolution était accomplie. Les affranchis, relégués dans la domesticité de cour, cèdent donc la place aux cheva- liers. Ce sont des chevaliers qui dirigent maintenant les bureaux de Tadministration centrale, et le plus important de tous, celui des finances. Enfin l'extension des attributions de la préfecture du prétoire, devenue la plus haute institution civile, la formation d'un conseil d'Ëtat, les chevaliers tiennent le premier rang, toutes ces mesures montrent clai- rement que Hadrien veut rendre Tordre équestre apte aux hautes fonc- tions que le sénat s'est montré inhabile à remplir. Arrive Septime Sévère dont le règne est décisif. Cet empereur, en Afrique, parlant à peine le latin, porté au pouvoir par les armées des provinces, au milieu desquelles il a grandi, n'est pour l'Italie et pour Rome qu'un étranger. Le sénat ne lui inspire que de l'aversion ; il se propose deux objets, qui sont au fond identiques : supprimer la situation privilégiée de Rome et de l'Italie et enlever au sénat ce qui lui reste encore de pouvoir. Déjà Hadrien avait chargé du gouvernement de la péninsule quatre consulaires à la nomination de l'empereur. Sévère établit une légion aux portes de Rome et ouvre la garde prétorienne à toutes les nationalités étrangères. D'un autre côté il attribue les revenus des pro- vinces sénatoriales au fisc, dont les administrateurs obtiennent, ainsi que les préfets et les magistri équestres, le titre de Vir perfectissimus. Les autres procurateurs, et en général les chevaliers qui se sont distin- gués dans l'armée ou ailleurs, prennent celui de Kir egregius. En même temps les intérêts de l'ordre équestre et de l'armée sont confondus. Les officiers qui ont rempli les grades équestres forment dans la vie civile un onlre privilégié les centurions mêmes sont admis. Les chevaliers et les siildats doivent être les deux points d'appui de la nouvelle dynas- tie. Un tel svstème amène nécessairement l'unification de toutes les parties de l'Empire. Aussi Caracalla, qui étend le droit de cité à toutes les provinces, n'est-il eu réalité que le continuateur de Fœuvre pater- nelle ; mais cette œuvre est menacée par Alexandre Sévère. Cet excel- lent prince, élevé à Home sous la tutelle d'un conseil de régence tout comjMjs*^ do stMiateurs, rompt d'une manière absolue avec la politique de sa famille. Il gouverne avec et \^r le sénat. Il lui laisse la nomina- tion du préfet do la ville et dos gv^uvernours des provinces sénatoriales, la confirmation dos gouverneurs dos provinces impériales. Il choisit dans Si>n s^mu lo pr^*fot du protoiro ; il veut faire rentrer le fisc dans ses auciennos Unùtos. Ce fut lo rêve d'un momeut^ une toutaiive généreuse ot chimoriquo à lav|uollo ivujia court une omouto do caserne. Le m* s. voit s'acvvmpUr doux grands ovènomoats qui portent lo dernier coup à l'aucioa dualisme . los souaiours s<*ut exclus des hautes p^^itioos gou-

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vernementales, et la séparation des pouvoirs civils et militaires amène une transformation complète dans Tadministration des provinces. L'Em- pire, miné k Tintérieur par des maux sans nombre, assailli au dehors par les Barbares, a besoin d'une forte organisation du pouvoir impérial. C'est le but poursuivi par les grands empereurs illyriens : Aurélien commence cette œuvre achevée par Diocléticn et par Constantin. L'Italie n'est plus qu'une province, Rome n'est plus qu'une ville comme toutes les autres. Le centre de gravité de l'Empire est transporté en Orient. Le système d'Auguste a vécu.

Telle est la théorie de M. Hirschfeld. Vraie dans son ensemble, sin- gulièrement pénétrante dans beaucoup de ses détails, elle provoquera sans doute plus d'une objection. Nous nous bornons à la suivante : M. Hirschfeld émet sur le règne de Vespasien une opinion qui nous parait manquer à la fois de clarté et de justesse. Tout en reconnaissant que cet empereur ne revint jamais sur aucune des réformes accomplies par Claude et ses ministres, qu'il ne fut pas un maître moins absolu que ses prédécesseurs, que moins que personne il était fait pour com- prendre et appliquer les combinaisons artificielles d'Auguste, M. Hirsch- feld admet néanmoins qu'il fit au sénat certaines concessions, qu'il renonça en sa faveur à quelques-uns des droits usurpés par Claude et par Néron. Il est difficile de concilier les deux termes de cette proposi- tion, il ne l'est pas moins de trouver une preuve à l'appui de cette pré- tendue renonciation. M. Hirschfeld invoque le document fameux connu sous le nom de Lex regia de imperio Vespasiani, Il y voit un acte sans précèdent, un contrat intervenu à nouveau entre les deux pouvoirs, à la suite d'une crise qui avait bouleversé toutes les idées et tous les principes. Il semble au contraire que la Lex regia était un acte parfai- tement régulier qui se renouvelait à chaque changement de règne. Il est vrai que nous ne possédons que la loi concernant Vespasien. Il est vrai aussi qu'il n'y a pas dans les auteurs de texte il soit question expressément d'un acte de ce genre, mais en revanche ils disent fré- quemment que l'empereur était mis en possession de l'Empire ])ar une loi, et cette loi quelle est-elle, sinon celle que nous fait connaître le monument du Latran ? Nous dirons plus, une lecture attentive de ce document fait croire que loin d'avoir restreint les droits de l'empereur il les a plutôt étendus. M. Mommsen (8tr. II, p. 882) fait remarquer que dans l'article conférant à l'empereur, sans aucune restriction, le droit de recommander les candidats à toutes les magistratures, la formule ff Ita uti licuit divo Aug. Ti. Julio Caesari Aug., etc., t est absente, d'où l'on peut conclure que ce même droit n'avait pas encore reçu une telle extension. 11 y aurait encore bien d'autres observations à faire. Par exemple, on se demandera si M. Hirschfeld n'a pas exagéré quel- quefois l'importance des procurateurs et des afTranchis, je ne dis pas aux dépens du sénat, mais aux dépens des sénateurs. Jusqu'au in* s. l'ordre sénatorial fournissait les commandants des légions et les gou- verneurs de toutes les provinces. Ce n'était pas une prérogative insigni-

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Gante. Enfin, on se demandera peut-être si cette vaste synthèse n'est pas prématurée. Malgré les grands progrès accomplis par les recherches épigraphiques, l'histoire de TEmpire n'est pas faite encore ; elle ne le sera pas tant qu'on n'aura pas fait celle de chaque empereur. Des mono- graphies dans le genre de celle du regretté de La Berge sur Trajan sont la condition préalable do toute étude d'ensemble. Le grand règne d'Ha- drien, celui d'Alexandre Sévère, dont M. Hirschfeld a saisi le caractère avec beaucoup de finesse, ne sont pas assez connus. Que dire de la période postérieure les sources épigraphiques sont presque aussi pauvres que les sources littéraires ? Ces réserves n'enlèvent rien à la haute valeur des pages M. Hirschfeld a résumé ses conclusions. C'est un effort qui en appelle d'autres et qui montre la voie il faut doré- navant marcher.

G. Blogh.

Études critiques sur l'histoire de la période des Vildngs (L

Ragnar Lobdrok et Rollon), par le D' Gustave Storm, professeur à rUniversité de Christiania*. Christ., 4878, Société des éditeurs norvégiens, 249 p. in-8°.

Les deux études qui composent ce volume sont précédées d'une intro- duction (p. 1-33) ^ l'auteur expose les principes critiques de P. A. Munch, Jessen et J. Steenstrup plutôt que les siens propres ; ses vues sur les premières expéditions des corsaires, dont il place le commence- ment à la fin du vm* siècle , sur la vraie signification des noms de Northmanni et Nordmand. qui varia selon les temps et les lieux ; enfin les causes des courses des Vikings, qu'il attribue, non pas à un excès de iH)pulation, mais au désir de s'enrichir, soit en pillant, soit en levant dos contributions sur les vaincus, soit en se mettant à la solde des princes étrangers.

Lia première étude sur Bagnar Lodbrok et ses fiis (p. 34-1*29 et appen- dice, p. 194-210) est une nouvelle édition révisée d'un mémoire publié d'abord dans la Rev^ue de ia Société historique norvégienne '. Le savant auteur s est efforcé avec un louable zèle d'améliorer son premier travail, mais sans le remanier et en ne lui faisant subir que de courtes suppres- sions ou additions, quelques changements de dates, des retouches de style. Il n*y a doue pas lieu de revenir sur ce mémoire dont nous avons déjà parle * ; n»servons la place dont nous pouvons disposer à Texamen de la seconde étude : Goengu^llrolf^ et Vétablissetnent lies Scandinaves en

1. Kritiske Bidrag tU YiktHgetideiu Historié {h Ragnar Lodbrok og Gange^ RoIt) af D' G. Storm.

2. Déjà publiée dans Syt non* Tidsskrifl, 1. 1, p. 140-160 et 38S401.

3. Historis T^dsskrift udgivet af dti% marske Kistoriske Forenimg, 2* série, t. 1, p. 371-491. Aussi tiré À part.

4. Rerue hkstohquey 3* année, t. VUl, septembre-octobre 187S. p. ISS- 191.

5. Nous mettons ici la forme islandaise qui est la plus ancienne, de nMteie qu«

STORM : ETUDES SDR l'hISTOIRE DE Li PISrIODE DES VIKINGS. 433

Normandie (p. 130-191 et appond. p. 210-8), sujet qui tient de près à notre histoire nationale. M. St. passe d*abord en revue les notions rela- tives à RoUon ; celles que l'on trouve dans les annales latines et les documents contemporains étant extrêmement maigres et insuffisantes, il attache une grande importance aux allusions contenues dans le Planctus super mortem Vilhelmi*, complainte qu'il croit avoir éu'^ com- posée par un ecclésiastique, peu après la mort de Guillaume l-iongue- Épée (17 décembre 942), et il en tire un excellent parti pour montrer que ce prince était outre-mer et que, lors de sa naissance, son père était encore payen et sa mère chrétienne. A partir de la fin du siècle, les documents latins deviennent plus nombreux, mais ils ne sont guère satisfaisants en ce qui concerne Rollon. Richer commet de si graves erreurs à propos de Charles le Simple que Ton ne peut guère se lier à lui pour le reste ; Adhémar de Ghabannes, qui donne le nom de Rosus au chef des Normands, nous a transmis de curieux détails sur ce per- sonnage ; Dudon de Saint-Quentin est un rhétoricien fort porté à gran- dir ses héros ; il ne s'inquiète guère de la chronologie, mêle les tradi- tions, attribue à Rollon les exploits d'autres chefs normands et il est d'ailleurs mal renseigné. La chronique de Fontenelle donne une courte, mais importante esquisse de la vie de Rollon. Guillaume de Jumièges suit Dudon, en l'abrégeant et en omettant certains faits qu'il regardait sans doute comme erronés. Guillaume de Malmesbury, qui puisait à des sources anglaises et normandes, doit avoir tire de ces dernières ce qu'il dit de Rollon, les premières ne contenant rien sur l'histoire ancienne des Normands. Voilà un résumé des appréciations de M. St. relative- ment aux écrivains occidentaux qui ont traité de son sujet. Ce qu'il dit des chroniques, sagas et généalogies septentrionales est moins connu chez nous et a droit à l'attention particulière de nos historiens.

Les plus anciens ouvrages danois il soit question de Rollon et de la Normandie datent des xii* et xni« siècles ; ce ne sont guère d'ailleurs que des échos très affaiblis d'Adam de Brème et d'autres écrivains latins, comme le prouve le nom de Rollo au lieu de Hrolvus. Leur insi- gnifiance dénote qu'il n'y avait pas de tradition nationale en Danemark à ce sujet. Les sources nor\'égiennes au contraire, malgré leur concision à l'égard d'événements qui s'étaient passés à l'étranger et restaient en dehors de leur cadre, renferment quelques traits fort caractéristiques. Ij Historia Norvegiae^ écrite vers l'an 1200 en l'Ecosse ou dans les Orcades, appelle Rodulf le personnage que ses compagnons nommaient Gongu- rolfer. M. St., qui admet cette assimilation, n'a pas fait la remarque

lorsqu'il s'agit de rendre en français on nom latin, nous devons noas attacher à reproduire, ausfti exactement que possible, la forme primitive et non la forme italienne, à moins que le nom n'ait déjà été francisé. Dans le cas présent nous n'aurions aucun scrupule d'écrire Rollon, si ce n'était préjuger la question en admettant l'identification de Gœngu-Hrolf avec le premier duc de Normandie, t. Publié dans la Bibliothèque de l'École des chartes, 1870, p. 389-406.

Rev. HisTon. XI. f.\sc. 28

434 COMPTES-REXDDS CaiTlQUBS.

que le nom de Rodulf n^était pas usité en Norvège dans les temps payens ; Raudulf, qui vivait au temps de saint Olaf, était un Suédois, et les premiers Hrodolfs cités en Norvège ou en Islande étaient chré- tiens et même évéques. Le plus ancien d'entre eux fut surnommé en Islande Budu-^lf ou Loup de Rouen, parce qu'il était de cette ville (Ruda). Ne serait-ce pas à l'occasion de la prise de la grande cité neus- trienne que Hrolf aurait reçu le surnom de Rudu-ulf^ différent de celui de Hrodolf, bien que tous deux se transcrivent de même en latin ? Il n'était pas rare chez les Norvégiens qu'un nom de lieu, suivi d'un substantif ou d'un adjectif, devînt un nom ou un surnom d'homme (Bjœrn Hitdwlakappé, Bjœm Breidvikingakappé, Gudrune Lundasol, Olaf Geirstada-^lf^ Sigurd Jorsalafaré^ etc., etc.); de même en Danemark, un corsaire qui avait fait une expédition en Gallicie fut appelé Galliciu- ulf, en latin Ulvo Gallicianus. Cette digression n'était pas superflue, puisqu'elle explique pourquoi RoUon porte deux noms dans VHistoria Norvegiae, sans compter le nom chrétien qu'il reçut au moment de son baptême (Robert). La même source ajoute qu'il ne pouvait aller à cheval à cause de sa taille colossale ; qu'il était du nombre des corsaires appar- tenant à la famille de Ragnvald et établis dans les Orcades, d'où ils faisaient des courses, tantôt en Angleterre, tantôt en Ecosse ou en Irlande; qu'il prit Roda (Rouen) par un singulier stratagème; qu'il épousa la veuve du comte de cette ville et qu'il en eut un fils nommé Guillaume ; qu'il attaqua plus tard les Frisons et qu'il fut tué en Hol- lande par son beau-fils. M. St. regarde la plupart de ces traits comme historiques ; il doute pourtant que Guillaume fût fils de la veuve du comte de Rouen, puisque, d'après la Complainte, il était outre-mer, et il pense que la fin do Rodulf est confondue avec la mort de son fils Guillaume, qui fut tué par un comte de Flandre. UHùtoria Norvegiae nous donne la tradition norvégienne qui avait cours chez ceux des compagnons de Rollon qui étaient restés dans les îles situées au nord de la Grande-Bretagne ; la tradition norvégienne proprement dite n'a été conservée que dans le Landnâmabok et quelques sagas islandaises, notamment la Heiinskringla de Snorré Sturluson.

M. St. qui, dans le premier mémoire du présent volume, attribuait dos tendances intéressées aux généalogistes islandais et les représentait comme des faussaires, leur rond mieux justice maintenant qu'il a besoin de leur secours ; il regarde donc comme vrai ce qu'ils disent de la famille de Rollon, et il se sert surtout d'eux pour reconstituer l'histoire de ce personnage ; mais, malgré ses recherches étendues, il fait tenir dans une seule page tout ce qui lui semble digne do foi. Il termine en réfutant la théorio do M. Steonstrup*, et il emploie à cette fin plusieurs des arguments que nous avions fait valoir ; qu'on nous permette de le

1. Expasée dans la Revue historique, 2* année, t. IV, juillet-août 1877, p. 424-430.

DUPOURMiTTELLS : LA MiRINB FRANÇAISS iU XIY* SiftCLB. 435

constater, car ce n'est pas une médiocre satisfaction pour nous que d'être, cette fois, d'accord avec un savant si estimable.

E. Beauvois.

Tbrrier dk Loray. Jean de Vienne, amiral de France. Paris, librairie de la Société bibliographique, 4878.

DuFODRMANTELLE. La marine fk*ançaise an commencement de la guerre de Cent Ans. (Extrait du Spectateur militaire, 4878, et à part, aux bureaux de cette Revue.)

Il y a déjà quelque temps, M. Terrier de Loray faisait paraître un livre sur Jean de Vienne, Amiral de France; et presquen mémo temps, M. Gh. Du fou rman telle, archiviste de la Corse, publiait dans le Spectateur militaire un grand article sur la marine française au com- mencement de la guerre de Cent Ans. Il nous a semblé qu'en réunissant ces deux ouvrages dans le même compte-rendu, nous arriverions à mettre mieux en relief les faits nouveaux qu'ils livrent au public. Nous nous résignons ainsi à négliger une partie du livre de M. de Loray, car l'amiral Jean de Vienne trouva, dans des expéditions toutes continen- tales, plus d'une occasion de prouver aux ennemis de la France et do la chrétienté, que la guerre maritime n'était pas la seule qu'il entendit.

L'article du Spectateur militaire porte un titre très général, et en effet, un grand nombre de questions intéressantes y sont posées. Mais, ce qui en fait la valeur principale pour nous, et aussi, croyons-nous, pour les maîtres éminents qui eurent l'occasion de l'examiner et de le juger, c'est la découverte d'un document intitulé : Information^^ civita- tis Massilie. Ce texte précieux était, comme tant d'autres, perdu dans l'un des fonds de la Bibliothèque nationale. Il a été retrouvé au f^227 du recueil connu sous le nom de Compilation d^ ordonnances et d'actes relatifs aux finances de l'État, faite à la Chambre des comptes (xiv« s.).

Le commentaire des Informationes Massilie aurait pu fournir à lui seul la matière d'une étude de 72 pages, comme colle dont nous nous occupons, et, si nos souvenirs sont fidèles, l'autour n'a pas renoncé à en reprendre l'explication détaillée. Réduit, par retendue de son plan, à n'écrire qu'un chapitre sur les bâtiments ^ M. I). a cependant trouvé l'occasion d'éclaircir bien dos points obscurs de l'archéologie navale. Nous avons remarqué que le texte des Informationes Massilie conGrme presque toujours les opinions de Jal ; ainsi, en cette matière tout au moins, réminent historiographe peut être encore considéré comme une autorité.

Les documents qui ont servi à M. D. pour le reste do son ouvrage ne me paraissent avoir ni la nouveauté ni l'importance dos informationes Massilie, quoiqu'il en ait su tirer des conclusion.^ fort intéressantes.

1 . Page te.

436 COMPTBS-aENDDS CaiTIQDBS.

Peut-être seulement s'est-il laissé entraîner à trop préciser et à trop généraliser.

n est bon de donner des chiffres quand on peut dire au juste ce qu'ils expriment ; mais lorsqu'ils sont évidemment inexacts et que les limites extrêmes de l'erreur restent inconnues, ne vaut-il pas mieux se contenter des formules élastiques du langage et disposer son récit de manière à laisser le lecteur au degré d'incertitude Ton est malheu- reusement soi-même ?

Citons un exemple :

On trouve, pages il et 12 de la brochure que j'ai sous les yeux, une addition des navires appartenant en propre au roi. L'auteur donne les chiffres suivants : onze nefs, deux galées, dix barges, soit, en tout, vingt-trois bâtiments, et pour arriver à ce résultat il a consulté : les chroniques de Saint-Denis, les actes normands, les Normands au combat de VÉdttse, de A. Gaix, les titres scellés de Glairambault, où, de son propre aveu, l'on trouverait bien d'autres mentions de navires royaux si l'on avait le temps de procéder à un dépouillement complet. M. D., qui puise à des sources si variées, est-il sûr de n'avoir pas fait de doubles emplois? D'autre part, à combien estime-t-il le nombre des bâtiments dont la collection Glairambault aurait pu lui révéler l'exis- tence ? Si, comme je le crains, le total 23 n'est ni un minimum ni un maximum, que nous sert-il de le connaître ?

J'aurais mieux aimé qu'abandonnant les chiffres et se pénétrant de l'esprit général des textes, l'auteur eût caractérisé en quelques mots cette marine, ou plutôt ce « navire » du roi, comme on disait alors. Gela constituait-il une flotte capable d'engager une bataille navale en pleine mer contre une autre flotte, ou n'étaient-ce, comme le dit M. de Loray, que « des forces navales » destinées c à protéger le commerce fort actif qui empruntait la voie de la mer et à garantir les populations maritimes des incursions auxquelles elles étaient exposées même en temps de paix ?

L'intérêt de la question est là, et nous sommes fort tentés de nous rallier à l'opinion de M. de Loray. Nous recommandons même très vivement la lecture de l'excellent chapitre il la développe*.

Gette discussion nous conduit au point principal de l'article du Spec- tateur militaire : « Nous essayerons de prouver, dit l'auteur,.... qu'il y avait sous Philippe de Valois une véritable organisation maritime, que le roi possédait des navires en propre et que, par conséquent, il existait déjà un commencement d'armée permanente^.... » Et, à la fin de son travail, après avoir étudié la bataille de l'Écluse, il conclut ainsi : i Gette défaite porta un coup terrible au développement de notre marine... aussi se passa-t-il quarante années avant que notre pavillon reparût dans l'Océan, arboré sur des vaisseaux français.

1. Chap. III, p. 66.

2. Page 6.

DDFODRMA NIELLE : LA MiRLNB FRANÇAISE AU XIT^ SIÈCLE. -{37

Nous citons les propres termes de M. D., parce que nous ne voulons pas lui faire un procès de tendance, et nous reconnaissons volontiers que ses propositions sont exprimées avec une telle réserve de langage, qu'il est difficile de démontrer rigoureusement la fausseté d'aucune d'elles. Nous croyons cependant qu'il ne faut pas avoir sur la marine française en 1340 Tidée que les conclusions de M. D. laissent dans l'esprit.

Qu'il y eût une « véritable organisation maritime, » cela est vrai, à la rigueur ; mais à quoi se réduisait cette organisation ? Le roi do France possédait à Rouen un magasin, un arsenal, plus ou moins abon- damment pourvu des c abillements, armeures, artillerie et garnisons » nécessaires pour convertir, lors des grands armements militaires, des bâtiments de commerce en vaisseaux de guerre.

Voilà le principal caractère du clos des galées sous Philippe VI.

C'était bien encore, si l'on veut, un chantier de construction ; mais, jusqu'à Charles V, le nombre des navires qui y furent bâtis est insigni- fiant.

En effet, si l'on néglige les quelques barges ou galères chargées de poursuivre les corsaires anglais et barbaresques, le roi ne possédait pas môme une escadre. Quel est son contingent à la bataille de l'Écluse, combattirent au moins 197 vaisseaux français ? Trois galères, six nefs et quatre barges. Encore des six nefs faut-il en retrancher quatre qui avaient été prises récemment aux Anglais et qui étaient tournées maintenant contre eux. Quant aux autres bâtiments construits en France, ils ne sortaient pas tous de l'arsenal de Rouen, le roi s'adres- sant souvent aux charpentiers de quelques autres ports, comme Leure.

Il est fort à croire que les six nefs, les trois galées et les quatre barges eurent leur bonne part dans le désastre de l'Écluse. Mais peut- on sérieusement attribuer à la perte de cette petite division la ruine de notre marine naissante ? Ce qui nous porta un coup terrible, ce fut la destruction de ces nombreux bâtiments réquisitionnés dans les ports de commerce, qui, en réalité, composaient toute la flotte. Quant au navire royal, il échappa, par son insignifiance même, aux graves conséquences de la défaite.

L'organisation maritime de la France sous Philippe VI, la seule qui soit assez sérieuse pour fixer l'attention des historiens, celle qui avait donné au roi, suivant la vive expn^ssion de Jehan le Bel, c un si grant povoir sur mer, » c'est l'ensemble des coutumes, des conventions, des droits qui lui permettaient de disposer du navire de ses sujets. L'auteur nous en dit bien quelques mots, mais, préoccupé de retrouver au xiv« siècle quelque chose d'analogue à notre centralisation moderne, il semble en avoir grandement méconnu l'importance. La défaite de l'Écluse, c'est en quelque sorte une bataille de Bouvines livrée sur mer, dont l'issue fut malheureuse, un grand effort national dirigé par le souverain. Ce n'est pas, comme cm serait tenté de le croire après avoir lu l'article du Spectatrur militaire, la ruine d'une flotte royale ré^juliè-

438 COMPTES-RENDUS CEITIQUES.

rement constituée, en un mot, un premier désastre de la fiougue.

Je passerai rapidement sur plusieurs points de l'étude de M. D. qui m'ont paru contestables. Ge qu'il dit de l'Amiral est obscur. Le rap- prochement qu'il fait, sur la foi d'un seul texte, entre le droit d'arrière- ban et rinscription maritime n'est guère admissible.

Pour bien comprendre ce qu'était l'office d'Amiral de France, il fau- drait, je crois, distinguer d'abord nettement les deux acceptions du mot, l'une générale, car on donnait ce titre à tout commandant d'une division maritime ; l'autre spéciale, puisque Ton désignait ainsi l'un des officiers de la couronne. De cette manière, les trois noms d'Ayton Doria, de Quieret et de Behuchet ne se trouveraient plus sur la môme ligne.

Quant aux prérogatives, nous pensons que la comparaison de cet office avec les grands offices féodaux mettrait en relief de très curieuses analogies, et jetterait une vive lumière sur la question.

Pour ce qui est de l'inscription maritime, nous ferons observer que si l'on prétend en trouver l'origine dans l'arrière-ban carlovingien, on devra, à bien plus forte raison, rattacher au même droit la loi militaire de 1873 qui établit le service obligatoire. La lecture d'une brochure sur les classes, publiée par M. de Grisenoy, modifiera sans doute considéra- blement l'opinion de M. D., et il arrivera à reconnaître qu'entre l'ins- cription maritime et l'arrière-ban, il y a autant de différence qu'entre le recrutement normal de l'armée et la levée en masse.

Reportons-nous maintenant à l'époque spécialement étudiée par M. de Loray, nous pourrons admettre une partie des conclusions de M. D. La thèse qu'il soutient pour 1340 n'est vraie que pour 1378, et la défaite de l'Écluse, à laquelle il attribue la ruine prématurée d'une marine toute prête à devenir formidable, est peut-être, au contraire, le point de départ, le principe des progrès dont M. de Loray nous montre l'accomplissement sous le règne de Charles V.

Si, dans cette journée, la perte personnelle du roi ne fut rien, celle du commerce français fut au contraire énorme, et la domination des Anglais sur nos côtes, après leur victoire, empêcha le rétablissement de notre marine marchande. Il est permis de croire que Charles V ne se décida à construire une flotte qu'après avoir constaté l'insuffisance des ressources que ses sujets pouvaient lui offrir.

Quoi qu'il en soit, voici les faits :

Dès 1368, le roi se préoccupa de faire construire des vaisseaux. Mais c'est surtout depuis le jour la garde du clos des galées fut confiée à Albert Staucon qu'une activité inconnue régna dans les chantiers. Staucon comprit que les circonstances étaient très favorables au développement du service dont il était chargé ; il sentit qu'il avait quelque chose à créer, et que s'il laissait échapper l'occasion, elle ne se représenterait peut-être pas de longtemps, ni pour lui, ni pour ses successeurs. Aussi le voyons-nous travailler avec ardeur, recrutant partout d'habiles ouvriers, les payant même de ses propres deniers, t afin d'avancier et d'apprester de tout son povoir navire du roi, lequel, se très grantpro^

DCFODRMANTELLE : LA MiRHE FRA^ÇilSE AU XIV*^ SIKCLB. 43'J

vidence ne y est mise brièvement, ne pourra être parfaict de ci à très long- temps * .

Grâce à ces efforts désintéressés, f le roi de France, dit M. de Loray, au printemps de 1377, avait sur mer trente-cinq grosses nefs construites pour la guerre, .... sans compter les navires de plus petites dimensions empruntés au commerce, etc.... » Nous sommes loin des treize bâti- ments de Philippe VI, parmi lesquels no se trouvaient que six nefs, dont quatre prises aux Anglais.

La flotte de Charles V répandit une telle terreur sur les côtes anglaises qu'après son retour « deux barges armées qui continuaient à parcourir la Manche suffirent à maintenir les ports ennemis dans une sorte de blocus.

Ces succès permirent au roi de rendre son armée navale chaque jour plus nombreuse et plus redoutable. Voici un second texte de M. de Loray qui vient si bien à l'appui de notre opinion, que nous le citerons en entier. Il s'agit de l'évaluation des flottes française et anglaise qui se sont rencontrées au combat de Cherbourg (1378). t La flotte fran- çaise paraît avoir été moins nombreuse, même en ayant égard aux pertes subies par les Anglais devant Honfleur.... car nulle réquisition ne semble avoir été faite de la marine marchande, et la force dont l'ami- ral disposait se composait seulement du navire du roi, auquel se joignaient les huit galées de l'escadre castillane. Mais, inférieure par le nombre, elle était très supérieure par la force des bâtiments construits sur la plus grande dimension de cette époque '. »

Nous n'ajouterons rien à cette citation ; nous nous bornerons à recom- mander très vivement la lecture des quatre ou cinq chapitres que M. de Loray a consacrés aux expéditions maritimes de Jean de Vienne. Tout cela est loin d'être inédit, mais la plupart des questions intéressantes de l'histoire de notre marine sous Charles V y sont incidemment étu- diées avec beaucoup de prudence et de bon sens. On y voit très nette- ment ce que nous dûmes alors à l'Espagne, comment notre nouvelle flotte fut bâtie sur un grand modèle, de manière à se rapprocher des types adoptés par nos alliés. I^es causes de rinfériorité des Anglais sont aussi fort bien déduites, et le tableau de la consternation répandue par nos vaisseaux sur toute la côte ennemie est vivement tracé d'après des documents étrangers. Enfin, on sent à chaque ligne que l'écrivain pos- sède et domine son sujet.

La France que Charles V laissa à Charles VI était aussi glorieuse par ses victoires navales que par .ses récentes conquêtes et sa prospérité commerciale. Tant de biens périrent entre des mains débiles, et, parmi les ruines entassées par cette cruelle guerre de Cent Ans, celle de la marine royale ne fut pas la moins déplorable.

Quel que soit le mérite du livre de M. do Loray et l'intérêt des pièces

1. Jean de Vienne (p. 78). Voir aussi le Clos des Galées, par Beaarepairp.

2. Jean de Vienne (p. 127).

440 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

inédites qu'il y a jointes, il y avait encore matière à un beau travail sur la marine de Charles V. Nous savons qu'il a été entrepris récem- ment et nous en attendons impatiemment la publication.

Didier Neuville.

Scriptores remm Danicamm medii »vi, partim hactenusinediti, partim emendatius editi, quos collegit et adornavit Jacobus Lan- GEBEK. Ejus vero post mortem recognoverunt, illustrarunt et publici juris fecerunt primum Pet. Frid. Suhm deinde Laur. Engelstoft et Er. Ghr. Werlauf. Nunc denique locupletissimis adjectis indi- cibus opus absolvendum curaveriint legati Hjelmstjerne-Rosencro- niani curatores. Tomus IX, Hafniae, 4878. Typis officinae Bianci Luni. Pagg. xii-834. In-folio.

Le tome IX des f Historiens du Danemark » contient la table des huit volumes précédents, et, dans la préface, le conservateur des archives royales, G.-F. Wegener, qui en a surveillé la publication, déclare que ce volume termine l'ouvrage commencé par les savants danois il y a un siècle. Langebek publia les vol. I-III de 1772 à 1774; Suhm, surtout d'après les manuscrits de son prédécesseur, les vol. IV- Vn, de 1776 à 1792; Engelstoft et Werlaufif le vol. Vm, en 1834. Gin- quante ans après environ, le vol. IX vient s'ajouter à ses aînés et com- pléter cette grande œuvre. Sans doute il y a quelque danger à terminer après un temps aussi long un livre qui porte toute l'empreinte d'une époque éloignée. La méthode pour la publication des sources histo- riques a fait de grands progrès. On demande aujourd'hui à celui qui publie une chronique d'en collationner tous les manuscrits et toutes les variantes; de montrer les rapports des différentes chroniques entre elles ; on veut que des caractères typographiques viennent indiquer la date de la composition; enfin les in-folios sont jugés incommodes. Les Scriptores R. I), étaient pour leur temps un ouvrage hors ligne, mais la façon dont ils ont été publiés est aujourd'hui condamnée. Aussi plusieurs de ces mômes textes ont-ils été publiés ailleurs d'une manière plus satisfaisante. Gependant les auteurs de la table ne pouvaient la dresser que sur le fond qui existait, en y ajoutant çà et quelques corrections. Les savants qui y ont travaillé simultanément ou successivement : MM. Jon Sigurdson, Olaf Nielsen, Ghr. Plesner, Jul. Fridericiaet sur- tout M. Fr. Krarup, ont donné, il nous semble, un ouvrage qui satis- fait aux exigences des lecteurs. Assurément certaines parties semblent moins bien traitées que d'autres, et il y a des articles qui appellent la critique : au mot Francia, par exemple, il aurait fallu distinguer entre les Francs, la Gaule et la Franconie ; le franc-piège (le freo-borh) des Anglo-Normands, à cette place, n'a rien à faire. En somme, le volume nous semble d'un usage commode, complet et surtout bien rédigé.

LUCHilRE : ALilN LE GlAND, SUE d'ALBEET. 444

On ne saurait nier rimportance d*un tel ouvrage, qui comble une lacune dans la littérature danoise. Non seulement les chroniques, mais encore de grands recueils de chartes, ont été publiés sans la moindre table. Il n'existe pasde bibliographie générale danoise, et on ne possède aucun do ces vocabulaires des anciens noms de lieux ou de personnes, qui sont aussi in- dispensables pour le philologue que pour Thistorien. Le volume que nous annonçons remédiera en partie à cette indigence; non seulement il deviendra un guide indispensable pour les recherches purement histo- riques, mais il servira aussi de supplément aux recueils de mots et d'expressions de notre ancienne langue. Pour donner une idée de rétendue du livre, nous ferons remarquer que six colonnes environ sont consacrées à Valdemar IV ; on y trouve des indications générales, puis des notices sur chaque année de son règne avec des renvois et des explications. Sur Hafnia (Copenhague), on trouvera toutes les formes de son nom, et dans six colonnes dos subdivisions relatives à la topogra- phie de la ville, à ses différentes rues et foires, aux privilèges, procon- suls, consuls, châteaux, églises, à l'université, à Thistoire de la ville, etc. Cet ouvrage fait donc honneur à ses auteurs et à la fondation lIjolmstjerne-Roscncrone qui en a payé les frais considérables.

Johannos Steenstrup.

Alain le Orand, sire d'Albret, Tadministration royale et la féodalité du Midi (4440-1522), par Achille Ldchaire, ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé d'histoire, docteur ès-lettres. Paris, Hachette, in-8o, 4877, 240 pages.

L'étude de M. Luchaire peut passer pour un des meilleurs travaux dont l'histoire provinciale ait été l'objet depuis quelques années. Le sujet, intéressant par lui-mémo, a été traité avec soin par Tauteur, qui a réuni des renseignements d'autant plus nouveaux qu'il n'a guère employé que de^ documents inédits.

L'histoire de la seigneurie d'Albret, le dernier des grands fiefs qui ait subsisto on France, est fort curieuse à l'époque d'Alain le Grand. Les documents abondent sur cette période. La collection Doat à la Bibliothèque nationale contient une grande partie des anciennes archives de Nérac, Auch et Rodez; le fonds de Navarre, aux archivos dos Iksses- Pyrénées, renferme nombre de pièces curieuses; enfin M. L. a consulté avec fruit la collection Legrand sur Ix)uis XI. £n faisant un emploi judicieux do toutes ces sources, M. L. a pu recueillir beau- coup do faits nouveaux et de précieuses indications.

Alain le Grand, grâce à une prudence qui ne se démentit qu'une fois dans sa longue carrière, grâce aussi à ses rapports amicaux avec Louis XI, put éviter les périls que tous les grands seigneurs eurent à courir à la fin du xv« siècle; il ne prit part qu'à une seule révolte, celle iW i486, et après s'en être tiré sans trop do désavantage, sinon très

442 COMPTES-RBIfDUS CRITIQUBS.

honorablement, il garda dès lors une attitude aussi humble et aussi effa- cée que possible. Pourtant, malgré sa soumission, il ne laissa pas de léguer à son petit-fils, après soixante ans de règne, une autorité dimi- nuée et des états amoindris. En effet, l'autorité royale, dans ses empié- tements sur les principautés féodales, suit à cette époque un cours marqué d'avance, presque fatal. La grande machine de centralisation, inventée par les légistes du xm« et du xrv« siècle, restaurée par Charles VII et perfectionnée par Louis XI, accomplissait son œuvre pour ainsi dire mécaniquement. Tout conspire à cette époque à Tagran- dissement du pouvoir royal; les résistances des grandes seigneuries ne peuvent que le retarder, il n'est pas de bourgeois, de paysan en France qui ne veuille devenir homme du roi. L'administration féodale est si mauvaise, que celle du roi paraît irréprochable.

S'il y eut jamais personnage peu sympathique, ce fut assurément Alain d'Albret, que l'histoire a, nous ne savons pourquoi, décoré du surnom de Grand. Il eut à peu près tous les vices de cette race célèbre; avide, dur, cruel, fourbe, débauché, il est le vrai type du souverain féodal de l'époque, et ce que M. L. raconte de lui fait comprendre le désir de ses sujets d'échapper à son autorité; citons seulement sa conduite en 1490, lors de la reddition de Nantes, sa trahison envers le maréchal de Gié, son ami intime, dont il trahit honteusement la confiance. Favori de Louis XI, il jouit de moins de faveur auprès de Charles VIII et de Louis XII; Anne de Bretagne fut son ennemie personnelle; mais sauf sa révolte de 1486, il sut toujours éviter la lutte ouverte et se tenir à l'écart, en attendant un retour de faveur.

Aussi n'est-ce pas avec le roi qu'il eut le plus de démêlés, mais avec les parlements du roi. Obligé de suivre à la fois jusqu'à 70 procès, d'entretenir à Bordeaux, à Toulouse, à Paris, des solliciteurs, des hommes d'affaires pour soigner ses intérêts, presser les magistrats, parler aux gens de la cour, il voyait ses revenus fondre en frais de procès, ses états diminuer et ses droits s'amoindrir. Aussi quelle terreur tous ces légistes inspirent-ils aux derniers princes féodaux ! Il faut lire dans M. L. la lettre d'un agent d'Alain, qui l'avertit de ne pas laisser un homme de loi acheter une terre voisine de l'un de ses fiefs; s'il le laisse s'établir près de lui, il se verra accablé de procès, ses droits seront contestés et les tribunaux royaux interviendront perpétuellement dans ses affaires. Pour résister à cette action continuelle et destructive des parlements, Alain ne peut s'appuyer que sur la faveur royale, chose essentiellement changeante. Ajoutons qu'un ordre du roi ne suffit pas toujours pour faire lâcher prise aux gens de loi. L'histoire du comté de Gaure en est un exemple frappant; donné aux Albret par Charles VII en 1425, ce fief resta entre leurs mains jusqu'en 1465. A cette date, une révolte, soutenue par le parlement do Toulouse, éclate à Fleurance, capitale de la seigneurie ; elle est cruellement réprimée, mais les parlements n'en continuent pas moins leurs procédures. Le roi Charles VIII confirme le don de 1425 on faveur d'Alain, ce qui n'empêche pas le parlement de Toulouse de

STRICKLBR : ACTENSAMMLUNG Z. SCHWBIZ. RBrOlMlTIOXSGBSCH. 443

réunir le comté au domaine de la couronne (1488). Enfin, après mille péripéties, profitant d'un moment Alain est en disgrâce, cette même cour fait prendre possession du pays (1506). Le procès avait duré qua- rante ans, mais Tavantage était resté aux gens du roi.

Les quelques faits que nous venons de citer prouvent quel intérêt offre le livre de M. L. Nous ferons cependant quelques reproches à l'auteur. Son livre est beaucoup trop court pour le sujet ; le récit est un peu sec, et nous croyons que M. L. eût pu tirer des pièces qu'il cite en note beaucoup plus de détails et de renseignements. En outre, pourquoi n'avoir pas donné quelques pièces justificatives? Les copies des pièces françaises dans la collection Doat sont, il est vrai, assez défectueuses, mais les archives des Basses-Pyrénées contiennent nombre d'actes qui auraient mérité les honneurs de l'impression. En outre la division du livre en chapitres parait un peu confuse. Ainsi les chapitres III {Les procès d^Albret et la justice royale) et V (Les gens du roi et les pouvoirs féodaux) auraient être réunis. Presque tout le chapitre IV (Lutte du sire d'Albret contre les municipalités) aurait encore pu rentrer dans le chapitre V. En outre, M. L. aurait pu, en donnant plus de développement à l'histoire de la vie d'Alain le Grand, y faire rentrer beaucoup des faits qu'il place dans les chapitres suivants, tels que le procès du comté de Castres, son intervention dans la guerre privée du Languedoc, les aflaires do Navarre, etc.

Malgré ces réserves, nous ne pouvons que donner des éloges à l'ouvrage

de M. L. et souhaiter qu'il continue ses études sur le sud-ouest de la

France, dont jusqu'ici l'histoire, il faut le reconnaître, a été un peu

négligée par nos érudits.

A. M.

ActansammloDg sur sch'weiflerisohen Reformationsi^clilohta in den Jahren 1621-1532, im Anschluss an die gleichzeitigen, zeitgenoessischen Abschiede bearbeitet und herausgegeben von D' Johann Strickler, Staatsarchivar des Cantons Zurich. Erster Band. 4524-4 528. Zurich, Meyeru. Zeller, 4878. vu, 724 p. in-8^ Prix : 25 ft-.

M. J. Strickler, l'archiviste en chef du canton de Zurich, vient d'en- treprendre un travail aussi méritoire qu'il est long et pénible. On con- naît la collection monumentale des Becès de la Confédération suisse, dont un assez grand nombre de volumes ont paru dans les vingt dernières années. Elle ne contient que les pièces officielles des différentes diètes, marches, etc., des Eidgenossen; mais les archives suisses renferment naturellement une quantité considérable de documents, intéressant l'histoire du pays et même l'histoire générale, qui , tout en s'y ratta- chant à des degrés divers, n'ont pu cependant entrer dans la collection officielle. C'est donc un complément à ce grand recueil que M. 8tr. a voulu nous offrir, en réunissant dans les archives des différents cantons

444 comptes-ebudiis critiques.

et les dépôts municipaux du pays, les pièces diplomatiques, correspon- dances diverses, comptes, etc., qui lui ont paru présenter un intérêt majeur. C'est pour une partie seulement de Thistoire suisse qu'il a voulu faire ces longues et fatigantes recherches, car il ne commence qu'à l'année 1521, avec les débuts de la Réforme helvétique, et son tra- vail prendra fin avec l'année 1532, date de la mort de Zwingle et de la défaite de Gappel. L'ouvrage complet comprendra quatre volumes et l'auteur espère le mettre au jour d'ici à l'été de l'année 1881. Le pre- mier volume, qui embrasse les années 1521-1528, ne renferme pas moins de 2232 numéros; ce chiffre seul suffit à donner une idée du labeur de M. S. La plupart de ces documents sont donnés sous forme de régestes, les plus importants seuls figurent in extenso. L'orthographe a été modifiée par l'auteur, qui a ramené de môme toutes les dates citées au nouveau calendrier. L'historien suisse ne sera pas le seul à trouver du nouveau dans les huit cents pages de Térudit zurichois ; on y rencontre des pièces nombreuses relatives à la France, à l'Allemagne du Sud, au Tyrol, à la Savoie. Mais l'intérêt du volume se concentre tout naturellement sur les documents ayant rapport à l'histoire inté- rieure de la Suisse, à l'expansion du protestantisme, à la répression qu'il rencontre dès ses premiers moments, aux luttes naissantes entre les confédérés de croyances divergentes, etc. Il manque malheureuse- ment à ce volume, pour le rendre tout à fait utile, un bon nombre de notes qui renseigneraient les travailleurs du dehors sur des centaines de noms inconnus apparaissant dans le cours du recueil. Il lui manque surtout un registre général et détaillé que l'auteur réserve pour le dernier volume; nous craignons fort que, jusque-là, le livre de M. Strickler ne ressemble un peu trop à un trésor caché, aux yeux de bien des gens, qui, pour y chercher un renseignement incertain, n'auront jamais le courage de parcourir un dossier de dimensions aussi

respectables.

R.

La discipline ecclésiastique du pajrs de Béam, publiée pour la première fois par Ch. L. Frossird, pasteur-auxiliaire du consis- toire d'Orthez, archiviste du synode, etc. Paris, 4877. In-8*, 69 pages.

Le document publié par M. Frossard est en partie l'œuvre du pasteur J. -Raymond Merlin, ami de Calvin et conseiller de Jeanne d'Albret, reine de Navarre. Quand celle-ci eut rompu avec l'Église romaine et substitué le calvinisme au culte catholique, en 1563, elle voulut régler la discipline de la nouvelle Église et compléter son organisation. Merlin se chargea de ce soin ; il demanda conseil à Calvin, mit à profit ses souvenirs et son expérience de Genève, et nul doute, le style du docu- ment publié par M. Frossard en fait foi, que la majeure partie de celte compilation ne doive lui être attribuée. Pourtant il est probable que

POULLBT : CORABSPONOANCS OB GEA!fTBLLB. 445

le travail de Merlin ne nous est pas parvenu sans altération. Quand, en 1631 et 1637, TËglise réformée de Béarn eut été unie à celle de France, certains articles durent être modifiés, d'autres supprimés, et de deux rédactions différentes de ce document.

Le travail du nouvel éditeur permet du reste de se rendre un compte exact de ces modifications. Son texte a été établi sur quatre manuscrits; Tun, qu'il a suivi constamment et avec raison, est de la fin du xvi« siècle ; les trois autres se composent d'extraits plus ou moins éten- dus ; deux au moins de ces derniers sont postérieurs à Tunion des deux Églises. L'éditeur a pris soin de relever tous les changements que ces copies ont fait subir au texte primitif, changements au nombre des- quels il faut mentionner nombre de suppressions qui ne laissent pas d'être caractéristiques *. Il y a donc lieu de remercier M. F. d'avoir mis au jour ce petit texte, intéressant tout à la fois pour l'histoire du Béarn et pour l'étude de la constitution de l'ancienne Église réformée.

X.

itrennes géneToises. Hommes et choses du temps passé. Deuxième série^ par M. Amédée Rogbt. Genève, Garey, 4878. 484 p. in-42.

Nous avons rendu compte autrefois de la première série de ces Étrennes genevoises dues à la plume d'un des plus savants connaisseurs du passé de la petite république. Ce second volume ne le cède point en intérêt au premier. Nous signalerons surtout l'étude sur les Syndics de Genève, faite sur les registres du Conseil ; l'épisode si curieux de l'his- toire ecclésiastique de Genève, au début du xvn« siècle, intitulé le Gâteau des Rois, et le travail sur Henrt I Y et les Genevois à Sainte-Cathe- rine, 1600. Nous espérons que l'accueil favorable fait par la population genevoise aux Étrennes de son érudit compatriote, engagera M. Roget à continuer par la suite la publication de ses petits mais attrayants

volumes.

R.

Correspondance du cardinal de Granvelle, 4565-4586, publiée par M. Edmond Poullet, faisant suite aux Papiers d'État du cardinal de Granvelle publiés dans la Collection de documents inédits sur l'histoire de France. Bruxelles, F. Hayez, imprimeur de l'Académie royale de Belgique. Tome I*% 4877, lxxyi et 638 p. in-4^

Tous les historiens qui ont choisi comme champ de leurs études le XVI* siècle connaissent, pour les avoir souvent maniés, les neuf volumes des Papiers d'État du cardinal de Granvelle, publiés sous les auspices du ministère de l'Instruction publique dans la grande Collection de docu-

1. Voir DotamiiieDt p. 26, «ri. 2.

446 COMPTES-RENDUS CEITIQUES.

tnents inédits sur l'histoire de France. D'où vient qu*une publication portant un titre tout semblable à celle que nous avons vue s'imprimer sous nos yeux par une commission d'érudits d'une de nos grandes villes de province, nous arrive aujourd'hui de Belgique ? Cela demande quel- ques mots d'explication. Le tome IX des Papiers d'État, dont le contenu ne dépasse pas le mois de novembre 1565, parut en 1852. Depuis lors le ministère renonça à livrer à la publicité les documents qui lui avaient été remis par la commission instituée à Besançon dès Tannée 1834 pour procéder au triage et à l'impression de ces grandes archives diploma- tiques. D'après les renseignements que donne l'éditeur belge de la Cor" respondance de Granvelle^ la brusque suspension d'une entreprise si importante, qui avait occupé pendant une vingtaine d'années un groupe d'érudits distingués et coûté à l'État une somme assez ronde, aurait été motivée par le a peu de rapports avec l'histoire de France » que les documents préparés par la commission de Besançon semblaient pré- senter à partir de l'époque s'arrête le tome IX des Papiers d'État. On peut se demander, à vrai dire, si d'autres considérations n'ont pas influé sur la décision que le ministère a cru devoir prendre, car il semble à première vue assez étrange que pour la période comprise entre les années 1565 et 1586 (date de la mort de Granvelle) la collection de Besançon ne fournisse rien qui ait trait à l'histoire de France ainsi qu'à l'histoire générale de l'Europe, laquelle est, à juste titre, largement représentée dans les neuf volumes publiés. En tout cas^ et quelque légitimes qu'aient pu être les motifs de cette interruption, il convenait au moins de ne pas abandonner cette longue série de documents avant de l'avoir munie de la c table générale des faits les plus importants et des noms propres d'hommes et de villes » jadis promise dans la notice préliminaire de la collection. Privés de ce complément, les neuf volumes des Papiers d'État ne peuvent pas rendre à l'historien tous les services qu'il est en droit d'en attendre, d'autant plus que les annotateurs* des documents ont été très sobres pour tout ce qui sort des limites de la Franche-Comté et de la France, et qu'un bon nombre de noms propres étrangers n'ont pas été identifiés dans le texte. Ces imperfections, que devaient sentir les éditeurs eux-mêmes, auraient pu être corrigées dans cette table générale, à laquelle le ministère a malheureusement renoncé. Parmi les historiens particulièrement intéressés à la publication des papiers politiques de Granvelle, il faut nommer en première ligne les érudits belges. En effet, pendant une grande partie de sa vie, Antoine Perrenot s'occupa des affaires des Pays-Bas, soit pour y intervenir directement, quand il exerça les fonctions de conseiller de Marguerite d'Autriche, soit pour éclairer Philippe II et ses ministres sur la poli- tique à suivre dans ces provinces de par de çà, quand il cessa lui-même d'y résider. Le dernier volume publié des Papiers d'État s'arrête préci- sément à un moment palpitant de l'histoire des Pays-Bas. La fin de l'année 1565 est, on le sait, marquée par un événement capital, l'expé- dition de la fameuse dépêche de Philippe II, datée du bois de Ségovie,

POULLBT : CORRESPONDANCE DE GRANVELLB. 447

le 17 octobre, qui mit le feu aux poudres, en provoquant la signature du Compromis et par suite le déchaînement de la grande révolte politique et religieuse. On peut penser si nos voisins, et surtout les membres de la Commission d'histoire de TAcadémie de Belgique, attendaient avec impatience Tapparition du volume qui devait renfermer toutes les infor- mations recueillies par Granvelle sur ces événements décisifs. Ils ont attendu longtemps. Lassés enfin, ils ont pris le parti de s'adresser à notre gouvernement pour obtenir que la publication abandonnée pût être continuée par eux. I^ négociation menée par M. Gachard fut cou- ronnée d'un plein succès. Notre ministère n'autorisa pas seulement l'Académie de Belgique à poursuivre la mise au jour des archives de Granvelle, il remit aussi à ce corps savant toute la copie déjà préparée de la commission de Besançon, et c'est ainsi que la Correspondance du cardinal de Granvelle^ dont nous annonçons ici le premier volume, est venue prendre la suite des anciens Papiers d'État, ce qui doit s'entendre en ce sens que TAcadémie belge a repris la publication à l'époque elle a été arrêtée dans les Papiers d'État et compte la mener jusqu'à la mort de Granvelle, mais il va de soi que le plan adopté par la commis- sion de Besançon a subir quelques modifications. Ce n'est. plus l'his- toire de France qui est en jeu, mais celle des Pays-Bas, et en second lieu l'histoire générale. Tout ce qui sort de ce cadre, tout ce qui est exclusivement français ou franc-comtois, ou ne touche qu'aux détails de famille du cardinal, est éliminé. Ce changement de point de vue, qui se comprend facilement, demandait à être signalé, afin que le public érudit fût averti dès maintenant que la Correspondance de Granvelle n'épuisera pas les richesses de la collection de Besançon, qu'on trouvera encore à y recueillir, après les travaux de nos voisins, bien des détails précieux sur l'histoire de France et plus spécialement sur l'histoire politique et religieuse do la Franche-Comté pendant la seconde moitié du XVI* siècle.

L'éditeur de la Correspondance de Granvelle choisi par la Commission d'histoire de l'Académie, M. Edmond PouUet, professeur à l'université de Louvain, a exposé en détail le plan qu'il a fait adopter par ses col- lègues. Ce plan est fort bien conçu. M. Poullet a vu tout de suite qu'il importait de combler les lacunes de la collection de Besançon à l'aide de divers fragments de la correspondance du cardinal conserves dans d'autres dépôts, et dont une partie seulement a été imprimée dans des collections généralement peu accessibles. C'est ainsi qu'il s'est décidé à faire rentrer dans la Correspondance les lettres de Granvelle copiées par M. Gachard à Simancas, les lettres du même publiées dans les Bulletins de la Commission d'histoire de Belgique et dans les Mémoires de la Sodété d'émulation du Jura ; enfin la bibliothèque de Bruxelles, la Barberine à Rome, les archives de Naples et du Vatican ont encore fourni au savant éditeur de précieux suppléments K II est facile de voir

1 . La commistioD d'histoire s'est aussi adressée à M. Auguste Caatao, cotiser-

44S GOMPTES-RBNDUS CRITIQUES.

combien la nouvelle publication gagnera en intérêt et en valeur à être ainsi complétée par tant de documents émanés de Granvelle, qui, pour une raison ou pour une autre, n'ont pas été réunis aux archives de Besancon.

Le premier volume édité par M. PouUet comprend cent vingt-quatre lettres, du 20 novembre 1565 au 29 septembre 1566, plus un appendice de vingt-neuf lettres comprises entre les dates du 10 juillet 1561 et du 17 octobre 1565. Les lettres écrites par Granvelle sont au nombre de trente-neuf dans le corps du texte : elles sont adressées soit à Philippe II, soit au ministre Gonzalo Ferez, soit à divers personnages des Pays-Bas. L'appendice contient vingt-trois lettres du cardinal, pour la plupart adressées aux légats du saint-siège près le concile de Trente. Parmi les correspondants de Granvelle, celui qui occupe ici la place d'honneur, tant par le nombre de ses lettres que par l'importance des informations qu'elles renferment, est Maximilien Morillon, prévôt d'Aire, vicaire général du cardinal pour l'archevêché de Malines.

Une telle collection, on le conçoit, échappe à l'analyse. Pour donner à nos lecteurs une légère idée des principales questions politiques et religieuses traitées dans cette correspondance, il faudrait remplir bien des pages, et encore ne serait-on pas sûr de ne pas omettre ce qui pour tel ou tel érudit peut avoir un intérêt majeur. Qu'il nous suffise de dire que la lecture de ce premier volume de la Correspondance de Granvelle s'impose à toute personne désireuse de connaître dans ses détails intimes et par les sources contemporaines le grand soulèvement des Pays-Bas contre Philippe II. M. PouUet a mis beaucoup de soin à éclairer ces documents d'une intelligence souvent difficile ; ses notes nombreuses et nourries satisferont même les plus exigeants, et il n'est pas besoin d'être particulièrement versé dans l'histoire des Pays-Bas au xvi* siècle pour pouvoir apprécier le mérite exceptionnel de ce commentaire.

Les lettres en espagnol et les traductions qui en ont été données laissent çà et quelque peu à désirer. Nous croyons rendre un service à l'éditeur en lui signalant plusieurs passages qui ont été ou incorrec- tement transcrits ou inexactement traduits. P. 83, l. 5 du bas : que se haria sin razon grande (perjuidoj à V, Mag^ de sembrar taies œsas. L'addition de perjuicio est inutile, il faut lire en un mot sinrazon, qui signifie « injustice ». La même faute a été commise p. 153, 1. 10 du bas. Dans les deux cas la traduction doit être rectifiée. P. 84, 1. 12 du bas : por no les parecer que V. Mag^ quiera su/prir doit être traduit : f car ils voient bien que V. M** ne veut pas soufifrir. » P. 136, l. 2 et 3. Il faut rétablir le texte ainsi : Maravillome que no haya recebido V. S. 7//°^» mis carias de 20 de hehrero. A Aguilon las di. No creo que se

valeur de la bibliothèque et des archives de la ville de Besançon, pour réviser et coinpléler la copie de l'ancienne commission. Notre savant collaborateur s'est acquitté de cette tâche, dit M. PouUet, c avec un zèle, un dévouement el un tact inteUigent au-dessus de tout éloge >.

HIIILY : FORMATION TBRIITORIILB DES ÏTATS DE L^BUROPB CBlfTRALB. 449

havràn perdido. Les lettres n'ont pas été écrites à Âguilon, mais lui ont été remises. CSet Âguilon n'était qu'un courrier. P. 180, 1. il et 10 du bas. Le texte doit être lu ainsi : quien esta con temor, como de raion, quien con las orejas attentas para cobrar : pasa la mayor confusion del mundo. P. 181, l. 9 du bas. Lire : d Su Alteza, como solian, quando salia. P. 213, 1. 2. L'addition de para que est inutile et contraire à la grammaire. Il faut un point après envié. P. 216, 1. H du bas maza ne signifie pas c faction », mais « guenille ». P. 217, 1. 4 para con n*a jamais eu le sens de a parce que >. P. 221, 1. 2 du bas « Qu'il fusse » n'est pas français. P. 471, 1. 6. Lire : teniendo los viages de principes grandes en primavera esta opinion ; y el invierno... et traduire en conséquence. P. 485, 1. 1 du bas : tuvo de Phelippeville ne peut pas signifier c il a eu le commandement de Philippeville >. Il faut rétablir tuvo el gobierno ou quelque chose d'analogue.

Il y a dans ces pièces espagnoles beaucoup d'autres fautes d'impres- sion et d'accentuation <, surtout dans les lettres de Gastillo, lequel savait bien mal sa langue et se laissait, en écrivant, influencer par le fran- çais ^ : nous jugeons inutile de les relever, mais nous demanderons à M. Poullet d'apporter à l'avenir un peu plus de soin à cette partie de son travail ainsi qu'aux traductions, qui pourraient être facilement plus françaises sans cesser d'être littérales. La partie fondamentale de cette publication est excellente, on voudrait que l'accessoire ne fût pas

négligé.

Alfred Morbl-Fatio.

Histoire de la formation territoriale des itats de I^Borope cen- trale, par H. Auguste Hiiilt, professeur de géographie à la faculté des Lettres de Paris. Paris, Hachette, 4876', 2 vol. in-S*", de xvi- 499 et 535 p. Prix : 45 fr.

C'est un embarras pour la critique, mais en même temps une satis- faction qui lui est rarement donnée, quand elle se trouve en présence d'un grand livre, fruit d'une longue et patiente méditation, dont le plan est excellent, dont toutes les parties sont bien pondérées, tous les faits sont tirés directement des sources, l'exposition est nette et claire, le style est sobre autant que ferme. Ils sont peu nombreux aujourd'hui les savants qui, sûrs de leur force et dédaigneux d'une vaine popularité, prennent le temps pour collaborateur de leur œuvre, et la laissent vieillir dans leur tiroir, la polissant sans cesse et la repolissant, plus sévères pour eux-mêmes que ne serait la critique la plus difficile.

1. Pourquoi écrire toujours tuvà, vinà, etc.?

2. 11 va jusqu'à écrire une fois (p. 401} huvren pour ààran.

3. C'est par des circonstances indépendantes de notre volonté que ce compte- rendu parait si tardivement. Réd,

ReV. lIlSTOR. XI. PASC. i\i

450 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

Ce livre est le résumé, la quintessence d'une partie du cours que M. H. professe depuis longues années à la Sorbonne; et ses anciens auditeurs auront le plaisir d'y retrouver des leçons qu'ils ont entendues. Un cours est comme la première édition d'un livre ; le professeur voit, la leçon faite, si un développement était trop étendu, si un fait impor- tant était laissé dans l'ombre, si l'ensemble était lâche ou trop serré. Et quand on a eu plusieurs fois l'occasion de traiter le môme sujet, complétant et améliorant chaque fois, on apporte au public une œuvre supérieure à celle qui sortirait du silence du cabinet. Mais M. H. s^était préparé depuis plus longtemps encore à sa tâche, comme l'atteste sa thèse sur le Saint-Empire romain de nation germanique (Paris, 1849), dont certains chapitres de son livre sont comme le développement et la continuation.

V Histoire de la formation territoriale des Étals de l'Europe centrale est une partie de l'enseignement de M. H., partie que l'auteur nous promet de compléter plus tard pour le reste de l'Europe. C'est peut-être la partie la plus intéressante, par l'importance que les récents événe- ments ont donnée à l'Allemagne, par la résurrection de l'Empire ger- manique, et par les éventualités que cette résurrection rend possibles. Si les Français avaient mieux connu l'Allemagne, sa géographie et son histoire, ils auraient eu la crainte réelle d'une unité que préparaient les professeurs, les économistes et la politique déjà vieille de la Prusse ; ils n'auraient pas eu l'espoir chimérique de voir la « nation hano- vrienne » secouer le joug d'une « conquête étrangère i ou l'Allemagne du sud s'isoler de l'Allemagne du nord. L'étude de la géographie et de l'histoire de l'Allemagne leur aurait montré un processus historique et nécessaire, analogue à celui qui a fait la France depuis le moyen âge jusqu'au dernier siècle, avec les résistances locales et passagères, sans contre-coup dans l'avenir, qui sont comme les bouillonnements de la cuve fermente un vin généreux. Il n'y a pas par exemple de meil- leurs Français aujourd'hui que les Lorrains et les Francs-Comtois; et pourtant tout historien sait quelle résistance les Français trouvèrent dans ces nouvelles provinces, quelles rigueurs ils y exercèrent (en Lor- raine tout au moins; voir l'histoire de M. d'Haussonville) et quelles rancunes accompagnèrent longtemps le nouveau régime ^

Maintenant que l'Allemagne est faite, les Français n'ont pas un moindre intérêt à étudier aujourd'hui ce qu'ils ignoraient hier. Cette

1. Voici an exemple assez amasant, qui ne parait pas ayolr été relevé par les historiens, de la haine de la France et des Français qui persistait après l'annexion de la Franche-Comté : c Un homme de Pohgny recommanda dans son testament, en dictant ses dernières volontés, qu'on Tenterrât la face contre terre et le der- rière élevé, pour marquer le mépris qu'il faisait du nouvel ordre de choses. » Monnier, Notice sur le Jura, Mémoires de la Société des Antiqttaires de France, t. IV, p. 341. M. de Montalembert a fait allusion à cette histoire dans l'exorde de son discours de réception à l'Académie française.

HIMLT : FORMlTIOïV TBRRITORIiLB DSS BTITS DE l'bDROPB CBNTIALB. 154

histoire et les grands souvenirs qu'elle renferme sont un des éléments et une des forces de la politique allemande. On s'est quelquefois étonné en France du caractère ambitieux des ouvrages de géographie et d'his- toire mis entre les mains des enfants dans les écoles et les collèges : on s'est étonné d'y voir entrer la Suisse, la Uollando, la Belgique comme États extérieurs n de l'Allemagne* ; d'y voir rappeler que c Lybn et Marseille ont été des villes allemandes i , d'y voir évoquer l'ancien royaume d'Arles, avec cette preuve à l'appui que les vieux bateliers du Rhône appellent encore la rive gauche du fleuve c côté de l'empire », ce qui d'ailleurs est vrai. Dans ces vieux souvenirs de l'ancien empire d'Allemagne qu'on trouve à chaque page des ouvrages scolaires d'outre-Rhin, on a voulu voir des projets machiavéliques, quand il y a seulement une façon différente de sentir l'histoire du passé. Mais c'est justement cette différence dont les Français doivent se rendre compte, et ils doivent d'autant plus s'y appliquer qu'il leur faut, pour V arriver, faire tout à fait abstraction de leurs idées françaises.

Le peuple français, pris dans son ensemble, a perdu la conscience de son histoire et le souvenir de ses gloires passées : la Révolution et l'Empire ont été pour lui l'eau du Léthé. Tout lien a été brisé entre l'ancienne France et la France nouvelle, et ces termes mêmes, ancienne France, France nouvelle, disent assez quel abîme s'est ouvert dans notre histoire! La société française date de 1789; elle pré- tend reposer non plus sur la tradition, sur le passé, mais sur des théories, sur des principes, sur une conception abstraite des droits de l'homme. Rien de semblable avec les Allemands : ils n'ont pas eu de crise violente et soudaine qui les ait frappés d'amnésie; ils ont gardé la conscience de toute leur histoire, la tradition de leur plus vieille littérature, le culte de leurs grands souverains, et surtout, couronnant comme un dôme tout leur passé national, le souvenir de l'Empire ger- manique. Le droit historique est pour eux le droit par excellence. C'est ainsi que toute discussion au sujet de l'Alsace est parfaitement inutile entre un pur Français et un pur Allemand : l'un parlera droit naturel, l'autre droit historique, chacun tenant ses arguments chose indiscu- table et sacrée. C'est par suite de cotte façx)n do comprendre l'histoire que beaucoup d'Allemands regarderaient comme un événement tout ordinaire, comme une sorte de réparation historique, do voiries cantons suisses rentrer dans l'Empire dont ils étaient sortis à la suite de malen- tendus avec les baillis des Habsbourgs, ou bien encore de voir les petits rois de Hollande, de Belgique (et de Danemark même) prendre place à côté des rois de Saxe, de Bavière et de Wurtemberg parmi les vas- saux et les caudataires de l'empereur d'Allemagne.

Cette considération nous ramène à l'ouvrage de M. H., qui, tout en instruisant l'iiistorien, permet au politique, à l'homme curieux de suivre d'une façx)n intelligente les événements du monde, de se rendre

1. Deuitcke AutMemiaaten ou encore Nebeniitnder.

452 COMPTES-RBIKDUS CRITIQUES.

compte des origines et de Tétat présent de l'Europe centrale, c est-à- dire des pays domine la race germanique. M. H. y est tour à tour géographe et historien. Dans un vaste tableau, Ton sent planer l'esprit de Ritter, il décrit la géographie physique de la région, les barrières qu'y élèvent les montagnes, les chemins que creusent les fleuves, l'influence de ces faits naturels sur la distribution des races latine, germanique et slave, dont les Alpes sont comme le carrefour, et l'antithèse des plaines de la basse Allemagne avec les plateaux du centre et la région montagneuse du sud, qui a eu de si grandes consé- quences ethnographiques et historiques. Cette étude, qui est le livre I, forme près de 200 p. Le livre II est l'histoire de la race germanique depuis l'origine, en passant par l'invasion des Barbares et la fondation de la monarchie franque pour continuer par le, Saint-Empire romain de nation germanique. C'est la première fois, à notre connaissance du moins, que ce sujet a été traité en français avec cette précision et cette clarté. Après la disparition de cet empire, au commencement du siècle, M. H. poursuit jusqu'après la guerre de 1870 l'histoire des états qui l'avaient formé.

Après cette étude générale, M. H. prend chaque état en particulier, rattache à l'histoire de sa dynastie et de sa politique les accessions de territoire dont il s'est agrandi, soit par mariage, soit par héritage, soit par conquête, soit par élection des états. Le nombre considérable des petits états de l'Allemagne, le manque d'unité et de centralisation dans le plus grand de ces états, fondé par les Habsbourgs, rend par endroits sa marche difficile à suivre pour le lecteur, et exigent toute l'attention de celui-ci pour suivre l'enchevêtrement et l'entrecroisement de ces héritages et de ces intrigues qui sont pourtant une histoire nécessaire à connaître. M. H. a très bien résumé l'esprit de sa méthode : « Expli- quer l'organisation territoriale de l'Europe contemporaine tant par les conditions inhérentes à la nature du sol que par les vicissitudes de l'histoire, mettre en saillie les grands faits géographiques et historiques, ethnographiques et statistiques qui ont eu pour résultante l'ordre de choses présent, en un mot, commenter et illustrer la carte actuelle de notre continent, tel est le but que je m'étais proposé en commençant et que je me suis efiforcé de ne jamais perdre de vue. Aussi, tout en remon- tant aux premières origines des états modernes et en étudiant d'âge en âge la suite complète de leurs transformations territoriales, ai-je cru devoir insister davantage sur les temps les plus rapprochés de nous et n'accorder un développement analogue aux événements des siècles plus reculés que pour autant que leurs conséquences se font sentir jusqu'au- jourd'hui. 1 C'est ainsi que pour chacun des états aujourd'hui existants dans la région dont il s'occupe, il raconte son origine, la réunion de ses groupes fondamentaux, ses agrandissements et ses pertes territo- riales, enfin sa situation présente au point de vue géographique, ethno- graphique et politique.

Les deux grands états autrichien et prussien occupent à eux seuls

HIMLT : FORMITIOII TBBRITORIiLE DES ÉTATS DE L'BCROPE CENTRALE. 453

le tiers de l'ouvrage entier et à bon droit, puisqu'eux seuls aujourd'hui comptent dans TEurope centhile. C'est leur histoire résumée, mais résumée dans ce qu^elle a d'essentiel et d'important au point de vue de la politique et de l'histoire générale de l'Europe. Les états secondaires du nouvel empire forment un livre particulier sous le nom heureuse- ment trouvé de petite Allemagne, bien petite aujourd'hui en effet! La Suisse, les Pays-Bas et la Belgique terminent l'ouvrage. M. H. n'y a pas fait entrer le Danemark. En effet, si ce pays est rattaché physique- ment à l'Europe centrale et à la basse Allemagne, on ne peut le déta- cher de la Scandinavie à laquelle il tient par son histoire et par son caractère ethnographique. On ne saurait non plus blâmer M. H. de laisser les pays Scandinaves en dehors de son ouvrage; malgré leur caractère germanique, les nations qui les habitent ont été séparées du gros de leur race du jour les Slaves, venant s'établir dans le nord de l'Allemagne après l'invasion des Barbares, rompirent la continuité et l'unité du monde germanique/

M. H. a très justement défini sa tâche quand il dit pour terminer qu'il a voulu familiariser ses lecteurs c avec des pays et des nations dont l'histoire et la géographie ont toujours passé, non sans raison, pour offrir par leur étrange complexité des difficultés toutes spéciales ». (jràce à lui, le lecteur français a un guide dans ce dédale. L'ouvrage de M. H. ne s'adresse pas seulement aux historiens, mais à quiconque s'intére-sse aux destinées de l'Europe et aux événements de la politique étrangère.

Ce n'est qu'au point de vue matériel que nous avons quelques cri- tiques à adresser à M. H. Il s'est justifié dans sa préface de supprimer toute note et tout appareil d'érudition, ce qui eût été doubler l'étendue de son livre et en élever le prix ; il s'est borné à donner la liste des principaux ouvrages que Tétudiant pourrait consulter pour connaître plus en détail les questions traitées. Les livres et chapitres ont des sommaires clairs et détaillés l'on trouve comme un résumé de l'ou- vrage. Mais nous regrettons l'absence d'un index et de tableaux histo- riques; !• index des noms d'hommes et de lieux, qui permette de trouver à l'instant et d'isoler en quelque sorte un fait, un homme, une pro- vince; supposons par exemple qu'on veuille voir en un instant l'histoire et les vicissitudes de la Styrie ou de la Carniole avant son entrée dans la monarchie autrichienne, on sera forcé de chercher dans les chapitres relatifs à l'Autriche, lorsque la mention de quelques pages éviterait cette peine; 2* des tableaux historiques l'on verrait d'un coup d'œil s'insérer à leur date les différentes accessions de territoire d'un état. Des tableaux de ce genre ne sont que des sommaires, mais des som- maires instructifs par leur disposition même. M. H. nous dira qu'il a voulu faire un livre d'études, non de références, mais on peut faire l'un et l'autre sans déroger à la sévérité scientifique, et nous nous per- mettons de lui demander cet appendice le jour son livre passera par une seconde édition. fl. Gaidoz.

454 COMPTES-RENDUS CBITIQUBS.

Voltaire Kaarle XII : nen historian kirjoittajana, esittaenyt Joh. Rîcb. DifiiELsoN. Helsingissœ, J. G. Frenckeirin ja Pojan kirja- painossa, 4878, 54 s. in-8*^

Dans cette thèse soumise à la faculté philosophique de T Université de Helsingfors, Tauteur, après avoir donné une brève notice de l'œuvre en question, examine les principales sources d'où elle est tirée, la méthode d'après laquelle elle a été composée, les faits particuliers qui y sont rap- portés, enfin l'influence qu'elle a exercée sur la tradition. La plus grande partie de son travail est consacrée à éplucher THistoire de Charles XII. Il y a relevé un certain nombre d'erreurs : en sa qualité de Finnois, il était fort bien placé pour connaître les travaux des Scandinaves, des Allemands et des Russes sur le môme sujet ; il a diligemment comparé les récits des contemporains avec ceux de Voltaire ; aussi ses remarques pourront-elles être utilisées dans des commentaires accompagnant une sérieuse édition du chef-d'œuvre français. Il a montré que le grand écrivain a puisé à d'autres sources que celles énumérées dans sa réponse aux critiques de l'abbé Des Roches de Parthenay, savoir : les mémoires de Fabrice, les rapports de M. de Groissy, ambassadeur de France, les lettres de MM. de Fierville, de Villelongue et du comte de Poniatowski. A ces documents manuscrits il faut ajouter, suivant M. Danielson, plusieurs imprimés, surtout V Histoire de Suède sous le règne de Charles XII, par de Limiers (Amsterdam, 1721, 6 vol. in-8»), mauvaise compilation tirée surtout des Lettres historiques publiées périodiquement à La Haye, et les Voyages en Europe, Asie et Afrique^ par la Motraye (1727, 2 vol. in-foL). Voltaire a en outre fait quelques emprunts à VÉtat présent de la grande Russie, traduit de l'anglais de Jean Perry (Paris, 1718, in-S») ; aux Considérations sur Vétat de la Russie sous Pierre le Grand, qui lui furent communiquées en 1737, mais qui ne furent publiées qu'en 1791, à Berlin ; à VÉtat présent de la Suède, traduit de l'anglais de Robinson (Amsterdam, 1720, in-S*) ; aux Mémoires pour servir à l'histoire de l* empire russien sous le règne de Pierre le Grand ^ par Weber (La Haye, 1725), et à un pamphlet allemand publié en 1727*, on lit : a Ein solches Erb-Mxdchen (serve héréditaire) nun war auch die leibliche Mutter der (Hzaarin. » Voltaire a traduit ce passage (L. V) par : « Sa mère était une malheureuse paysanne nommée Erb-Magden (dans d'autres éditions : Erb-Marden), » sans s'apercevoir qu'il faisait un nom propre du mot désignant la position sociale de la mère. M. Danielson n'a pas relevé cette erreur, mais il en reproche beaucoup d'autres à l'his- torien, et il lui en a même attribué qu'il n'a pas commises. C'est lui au contraire qui s'est trompé en affirmant, d'après Von Engel (Geschichte der Ukraine und der Cosaken, Halle, 1796, p. 288), que la célèbre anecdote sur

1. Voltaire considéré comme historien de Charles XII ^ par J.-R. Danielson. Helsingfors, imprimerie de J.-G. Frenckell et fils, 1878, 51 p. in-8*.

2. Die verUabelste und genaueste Nachricht von,,.. Czaarin Catharina Àlexieitna, in-4% sans lieu d'impre^ion.

ZUR GES€H1CHTE KOENIGS FRIEDRICHS DBS GROSSBIf. 455

l'intrigue amoureuse de Mazeppa était sans fondement. Il est sans doute impossible aujourd'hui de savoir au juste si elle est vraie ou non, mais il suffit, pour justifier notre grand historien, de rappeler qu'elle se trouve avec de légères différences dans les mémoires fort estimés du gentilhomme polonais Jean-Chrysostôme Passek * ; or cet écrivain est d'autant plus digne de foi qu'il connaissait personnellement Mazeppa et qu'il s'était même querellé avec lui dans l'antichambre du roi Jean- Casimir. Si l'on examine les erreurs reprochées à Voltaire, on trou- vera en général qu'elles portent sur des anecdotes ou sur des faits trop minimes ou trop intimes pour pouvoir être établis d'une façon positive. Le grand écrivain a sans doute pris des libertés poétiques dans la tra- duction des bons mots attribués à ses personnages et dans l'arrangement des scènes dramatiques ; mais il n'a ni inventé ni altéré les faits essen- tiels ; il a au contraire soigneusement révisé ses éditions successives, de sorte que son critique, d'ailleurs équitable et bienveillant, est forcé d'avouer (p. 49) que c l'Histoire de Charles XII, toute romanesque qu'elle soit dans la plupart de ses particularités, peint cependant très bien, vivement et fidèlement, la physionomie de son héros. »

Eug. Beauvois.

Mlscellaneen sur Geschlchte Kœnigs Friedrichs des Grotsan,

herausgegeben auf Veranlassung der K. preussîschen Archiv. Vcrwaltung. Berlin, 4878. Siegfried Mittler. i vol. in-8«, 490 p.

Co volume, qui est une sorte de complément aux œuvres publiées de Frédéric II, contient trois ouvrages différents : 1* une bibliographie des éditions des ouvrages de Frédéric et des différentes traductions qui en ont été faites (p. 1 à 109). Ce catalogue est suivi d'un index alpha- bétique qui facilite les recherches. 2* Le testament militaire de Pré- déric le Grand, publié ot commenté par M. de Taysen, officier du grand état-major. C'est la partie militaire du Testament politique, encore iné- dit, que Frédéric composa en 1768 à Sans-Souci. Le texte de Frédéric est intitulé : Du militaire, des arrangements militaires et tout ce qui regarde cette ])artie (p. 119-158). Ce testament militaire osi écrit en fran- çais. Il résume et complète les écrits spéciaux de Frédéric et notam-

1. Denktrurdigkeiten des /. Chr. Pauekf poloisch henusgegebeo vom Grafen Eduard Raczyoski, deutsch too D' G. A. Stenzel. Breslau, 1838, p. 249 et s. Dès 1841, le profond historien danois, Fr. Schiem, faisait la remarque que cet ouvrage confirmait ce que dit Voltaire de la jeunesse aventureuse du célèbre hetman des Cosaques (Voy. Hisiorisk Tidsskrift, udgivet af den danske histo- riske Forening, redigeret af Chr. Molbecb. T. III, livr. I, p. 294 n). Puisque nouK en sommes sur le chapitre des erreurs, relevons-en one autre qu'a commise M. Danielson : il donne le nom de Rocker de Parthenay à Des Roches de P., qui est pourtant bien connu dans le Nord par son histoire de Danemark et sa traduction fran^se des proverbes danois.

456 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

ment les Principes généraux de la guerre appliqués à la tactique et à la discipline des troupes prussiennes^ qui ont été publiés dans le t. XXVIII de la grande édition des Œuvres de Frédéric le Grand, Cet opuscule môme était le développement d'une Instruction pour les généraux, écrite en 4746 et qui était également annexée au Testament politique de 1768^ Frédéric avait fait depuis l'expérience de la guerre deSept-Ans. Le texte publié par M. de Taysen peut donc être considéré comme la pensée définitive de ce grand capitaine. Le commentaire de M. de T. est écrit en allemand (p. 159-204).

3* Éclaircissements pour Thistoire des travaux littéraires de Frédéric par M. Max Posner. Ce travail (p. 208-313) porte sur la composition des Mémoires de Brandebourg et de VHistoire de mon temps. C'est une monographie des plus curieuses pour ceux qui veulent savoir comment travaillait le royal écrivain, à quelles sources il puisait et quels étaient ses procédés de critique. Le paragraphe il, relatif à la collaboration de Voltaire aux Mémoires de Brandebourg , mérite particulièrement l'atten- tion (p. 257-262). Les notes marginales de Voltaire (p. 263-282) nous le montrent directement à l'œuvre, et on voit par les corrections que fit Frédéric après avoii lu ces notes, avec quelle attention il écoutait ces conseils et dans quelle mesure il s'y conformait. Je signalerai aussi le paragraphe 12, qui est une description du manuscrit des Mémoires de Brandebourg. M. Posner a fait suivre cette étude critique d'une série de documents relatifs à la composition des deux ouvrages dont il s'oc- cupe (p. 313-490) : correspondances, mémoires, notices, projets, correc- tions et variantes. Le travail de M. Posner, qui occupe plus de la moitié du volume, en est pour nous la partie la plus intéressante, non seulement parce qu'il apporte un complément nouveau à l'histoire de Voltaire, mais surtout parce qu'il fournit de précieux éléments de cri- tique à l'étude des œuvres du plus illustre des étrangers qui ont écrit

dans notre langue.

A. 8.

Essai sur le ministère de Turgot, thèse présentée à la Faculté des lettres de Paris par M. Poncin. Paris, Germer-Baillière, i vol. gr. in-80 de 622 p., 4877.

M. F. se propose d'étudier Turgot comme MM. Clément et Rousset ont étudié Colbert et Louvois, mais un pareil travail est impossible avec « des loisirs bornés et des moyens d'investigation restreints. » Poiir mener à bien une telle entreprise, il faut plusieurs années et surtout le séjour de Paris. En attendant, M. F. a voulu prendre possession du sujet et pour ainsi dire poser ses jalons ; il a mis à contribution tous les travaux publiés jusqu'à ce jour sur Turgot, il a tiré des archives municipales ou départementales de Bordeaux et même de nos archives

1. Ayertissement de l'éditeur : Œuvres de Frédéric le Grand, t. XXVIII, p. xi.

FONCm : ESSll SOR LE MIAISTÈRR DB TORGOT. 457

nationales une soixantaine de lettres et autres pièces inédites, et le résultat de ces études préliminaires est un énorme volume de 620 pages.

Cet Essai sur le ministère de Turgot est remarquable à tous les points de \ue^ et les juges les plus compétents ont reconnu sa grande valeur ; M. F. a traité ce sujet difficile d'une façon très heureuse ; il a su rendre intelligibles les questions toujours si délicates de finances, de législa- tion et d'économie politique ; en un mot, il a compris et fait comprendre à ses lecteurs les projets de ce grand ministre, qui ne mérita pas moins que Vauban le titre glorieux de patriote. Mais puisque cette « ébauche », comme rappelle M. F. lui-même, est destinée à devenir plus tard un tableau de grandes dimensions, il n'est peut-être pas inutile de mêler aux éloges les observations, les critiques, les chicanes même que sug- gère une lecture attentive de cet ouvrage.

Et d'abord la méthode qu'a préférée M. F. est-elle la meilleure ? N'y a-t-il pas de nombreux inconvénients à suivre rigoureusement, comme il a cru devoir le faire, l'ordre chronologique, mois par mois et pour ainsi dire jour par jour? Ainsi M. F. consacre un chapitre d'ailleurs excellent à 1 epizoolie du Midi (p. i3i), puis il s'interrompt pour reve- nir, trente pages plus loin, à cette malheureuse épizootie que nous retrouverons à de longs intervalles, p. 316 et p. 483. De même « l'affaire du pays de Gex », une bien petite affaire après tout, quoique Voltaire y ait été mêlé, est traitée longuement en deux fois (p. 327 et 471), et l'on a parfaitement oublié le début quand il s'agit de connaître la con- clusion. N'eût-il pas mieux valu traiter séparément et en une seule fois ces différentes questions? Si le ministère de Turgot avait duré plus de vingt ans, comme ceux de Richelieu ou de Golbert, on pourrait hésiter ; mais quoi ! Turgot n'a pas été ministre plus de vingt-deux mois, du 19 juillet 1774 au 13 mai 1776, et il semble que dans ces con- ditions on trouverait avantage à suivre un par un, sans interruption, ses divers projets de réforme.

Il est regrettable aussi que M. F., toujours si soigneux, si minutieux même, ait négligé la partie bibliographique de son travail. Beaucoup do lecteurs, même instruits, ignorent que les Mémoires de Dachaumont, cités presque à toutes les pages, ne sont nullement de cet auteur, mort en 1770, mais bien de Pidanzat de Mairobert, dont \o Journal historique de la révolution opérée dans la œnstitution de la monarchie française par M, de Maupeou, chancelier de France (Londres, 7 vol. iu-r2, 2«édit., 1776) est passé tout entier dans les Mémoires dits de Bachaumont ; et des personnes très au courant des études historiques ne savent en aucune façon ce que c'est que la Correspondance de Métra, D'ailleurs tous ces mémoires secrets et ces correspondances du temps n'ont (|u*une impor- tance relative, et il vaudrait mieux ne pas les citer quand il s'agit de documents officiels. Ainsi M. F., suivant en cela l'exemple de M. H. Martin, cite, d'après Mairobert, un petit discours de Louis XVI au Par- lement, lors du lit de justice tenu à Versailles le 5 mai 1775, pendant la guerre des farines, et la phrase principale de ce discours est tout autre

458 COMPTES-RBPTDUS CRITIQUES.

dans le procès-verbal officiel qui fut imprimé alors (14 p. in-4% Impr. royale). Louis XVI ne dit pas : t Je compte que vous ne mettrez point d'obstacle ni de retardement aux mesures que j'ai prises, afin qu'il n'arrive pas de pareil événement pendant le temps de mon règne. » Il dit, ce qui est fort différent : « Je compte sur votre fidélité et votre soumis- sion dans un moment j'ai résolu de prendre des mesures qui m'as- surent que, pendant tout mon règne, je ne serai plus obligé d'y avoir recours » (Proc. verb., p. 11). Enfin, pour achever ce qui touche à la bibliographie, M. F. ne parait pas connaître (p. 110) l'auteur d'un ouvrage « savant et curieux t , intitulé Considérations sur l'inaliénabilité du domaine de la couronne; Barbier déclare (I, 116) que cet auteur est Vergennes en personne. Le nombre des ouvrages que M. F. a cités est très considérable ; il eût été bon de faire connaître en quelques pages et la valeur des sources et le mérite plus ou moins grand des travaux modernes que M. F. a mis à profit. M. Debidour, dans sa remarquable thèse sur la Fronde angevine, a eu l'heureuse idée de procéder ainsi, et c'est un exemple à suivre.

Arrivons maintenant aux critiques de fond ; elles seront presque nulles, tant M. F. a bien pris ses mesures. Il a tout vu, tout vérifié, il sait au juste ce que Turgot a dit et fait à tel moment précis de sa vie ministérielle ; il nous dira que tel jour le contrôleur-général était retenu au lit par un accès de goutte, et nous saurons à quelle heure partaient les diligences en 1775 ; nous saurons également que celle d'Arras met- tait quatre jours pleins le chemin de fer met 3 h. 35 minutes. Le moyen de prendre en faute un historien si exact ! Cependant M. F. ne paraît pas avoir résolu d'une manière tout à fait satisfaisante une des grosses questions du ministère de Turgot. L'émeute de mai 1775 est même à ses yeux « un problème sans solution, un procès toujours ouvert devant l'histoire. » Les deux chapitres que M. F. a consacrés à la guerre des farines sont excellents, mais peut-être l'auteur s'est-il montré trop indulgent pour Turgot et trop dur pour des hommes tels que le prince de Gonti et le ministre Sartines. La question des blés avait préoccupé très vivement les prédécesseurs de Turgot, et puisque le peuple français s'était malheureusement habitué à compter sur le gouvernement pour avoir son pain quotidien, il était nécessaire de le lui assurer avant de proclamer la liberté absolue du commerce des grains. Il fallait procéder avec lenteur à une pareille réforme, mais Turgot ne savait pas attendre, et ce n'est pas lui qui eût trouvé ce mot si profond dans sa simplicité : « Le temps et moi. » Il voulut aller trop vite, et ses excellentes lois sur le commerce des grains produisirent tout naturellement, on 1775, une disette factice et des émeutes. L'arrêt du Conseil, du 13 septembre 1774, proclame la liberté absolue de ce commerce ; il permet à toutes personnes de vendre et acheter des grains et farines en quelques lieux que ce soit, de les garder et voiturer à leur gré (art. 1) ; il défend d'arrêter les transports, t comme aussi, dit l'art. 2, de contraindre aucun marchand, fermier, laboureur ou autres, de porter

Fo:<rcix : KS81I sur le Mnisr^BE de tcrgot. 450

des grains ou farines au marché > {Lettres patentes.... du 2 nov. 1774 ; 12 p. in-4% p. 11). Qu'arriva-t-il ? Une sorte de journal ms. du temps, que j'ai entre les mains et que M. F. ne pouvait pas connaître, va nous l'apprendre mieux que n'ont fait les relations imprimées : c L*arrét du conseil du 13 septembre 1774 a eu tous les mauvais effets qu'on en avait craints ; les abus sont nés à l'instant do cotte liberté indétiuie. Chacun des avides d'argent a fait dos magasins de blé pour s'enrichir au premier moment de cherté et pour pmduiro cette cherté afin de s'enrichir. Les fermiers et les meuniers, sûrs du débit, n'ont plus apporté que rarement au marché, et chez eux ils ont refusé de vendre à petite mesure. Par le peuple s'est vu hors d'état d'avoir du grain, soit par sa cherté, soit par sa rareté.... On s'est ému de toutes parts; le peuple a fait violence dans les marchés, sur les routes, chez les fer- miers et les meuniers, dans les châteaux même, pour s'emparer des grains et des farines. L'esprit de dégât et de pillage, celui de mutinerie, de révolte et de menace, dos placards affichés, etc., s'y sont joints. Pout-élre aussi d'autres intérêts, des rivalités, des mécontentements, des vindictes, y ont influé... Il y a eu dans ces ravages des nuances diffé- rentes. Les uns se faisaient donner pour 12 livres la mesure de blé por- tée aujourd'hui à 32, et payaient encore ce qu'ils prenaient ; d'autres enlevaient tout sans rien payer. Des gens ont ameuté des villages pour venir enlever des grains dans les fermes, p>endant qu'ils n'en prenaient pas pour eux, etc. > (Journal ms. d'Adrien Le Paige, avocat au Parlement et bailli du Temple.)

Au lieu d'expliquer ainsi par des causes naturelles l'émeute de mai 1775, M. F. cherche des coupables, et nous avons vu qu'il désigne comme particulièrement suspects le prince de Gonti et l'ancien lieutenant de police Sartines. M. F. maltraite fort ces deux personnages, surtout le premier, parlementaire décidé, qui s'était fait disgracier en 1770 pour avoir soutenu contre Louis XV l'inamovibilité des cours souveraines ; mais il semble que Gonti et Sartines, Conti surtout, ne sauraient être accusés sans injustice. J'ai sous les yeux quelques documents contem- porains d'une certaine importance, et il on résulte clairement que l'émeute no doit pas être imputée à Conti. Une lettre adressée le 2 mai à M. Le Paige, bailli du Temple dont le prince était grand prieur, et homme de confiance de ce prince, contient ce qui suit : ... Je crois nécessaire de vous donner avis sans délai que les révoltés sur l'affaire des grains, qui sont dos méchants tous, qui no meurent point de faim puisqu'ils ont montré 400 hmis d'or à Gones.««e, qui n'ont |)as besoin do pain puisqu'ils ont jeté le blé qu'ils ont pillé sur la rivière d'Oise dans la rivière, que ces gens-là disent très haut que ces pillages se font par onire do M. le prince de Conti ; que ce fait incroyable a été dit hier chez M. de Sauvetorre, ancien conseiller honoraire de l'ancien grand conseil, et chez la femme Barbier, commissionnaire à la Halle. Vous savez combien la gloire du prince m'est chère et vous ne pouvez conce- voir l'indignation qu'a excitée en moi une pareille calomnie. Comme

460 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

ces deux faits me sont venus d'assez bonne part, j'en ai pris note et je vous en fais part sans délai. L'intrigue est méchante et diabolique. » A. Le Paige, à qui cette lettre est adressée, dit dans son journal ms. que ce bruit si déraisonnable s'était répandu jusqu'à Versailles, et qu'il était bientôt tombé. Aussi ajoute-t-il que l'instruction du roi aux curés reproche aux auteurs de l'émeute c la profanation des noms les plus respectables t. Une autre lettre de la même époque, lettre bien curieuse, car elle émane d'un fermier de la Brie qui dut vendre aux émeutiers 140 « septiers, mesure de roy » à raison de 12 livres l'un, s'étonne qu'il soit arrivé a un tumulte si étrange dans une des commanderies de S. A. 8. Mgr le Prince de Conti ». Si les émeutiers avaient été soudoyés par le prince, se seraient-ils ainsi attaqués à ses propres fermiers ? Ceux de Paris auraient-ils cherché à forcer l'enclos du Temple pour dévaliser les deux boulangers qui s'y trouvaient, boulangers que Conti parvint à protéger et dont l'un fit jusqu'à onze cuissons ce jour-là pour secourir les Parisiens ? (Journal rns.)

M. F. ajoute que, le 5 mai, pendant le Lit de justice, c Conti, comme se désignant lui-même aux soupçons, protesta vivement. Un conseiller fit de même ; on leur imposa silence » (p. 202). Ce détail n'est pas exact, et la Relation à la suite des mémoires sur Terray , relation qui est très certainement de Mairobert, car elle fait partie de son Journal hiS" torique (tome YU, p. 292), ne dit point que les choses se soient passées de la sorte. « M. de Miromesnil, lisons-nous p. 308, allant aux voix pour la forme, on remarqua que M. le prince de Conti, seul entre les grands, et M. Fréteau, seul entre les membres du Parlement, parlèrent et discutèrent leur avis.... Ces opinions particulières ne firent point changer le monarque de résolution. » Mais voici qui est plus précis : A. Le Paige a consigné dans son journal ms. les paroles de Conti : f En voici, dit-il, les propres termes que ce prince m'a confiés : Je pense que plus on est dans le cas de faire exécuter la sévérité des lois avec rigueur, moins c'est celui de dépouiller les juges naturels et légi- times et de sortir des règles établies. Je pense que le pouvoir donné aux prévôts a des conséquences qui peuvent plutôt échauffer les esprits que les calmer, ainsi je n'en suis pas d'avis, i Ce ne sont nullement les paroles d'un séditieux, d'un homme qui se désigne aux soupçons, et si Conti fut soupçonné en mai 1775, n'oublions pas qu'il se trouva des gens pour accuser de la guerre des farines, etTurgot, et même Louis XVI. Conti d'ailleurs est peu connu des historiens, et l'on pourrait, si de telles discussions n'étaient ici déplacées, montrer preuves en mains que sa vie et sa mort ont été on ne peut plus mal jugées ; il n'a pas vécu en frondeur, il n'est pas mort en philosophe.

Pour revenir à Turgot, M. F. ne paraît pas avoir assez insisté sur les causes multiples qui ont amené sa chute. La première de toutes c'est que Turgot, si grand dans son cabinet, n'était nullement un homme d'État, c'est-à-dire en définitive un homme d'action. Il ne connaissait l'humanité que par les livres et il n'eut jamais l'art de mener à bien

F0.1T1INB DE RESBBCg : L'iNSTaOCTIO?! PRIMilRB Afin \7^9, 464

des entreprises difficiles. Ses réformes devaient nécessairement lui atti- rer Tanimosité des privilégiés, de la cour, des financiers, du parlement et du clergé ; il ne fît pas le moindre effort pour mettre la division parmi ses ennemis, et sa maladresse eut pour eOet de les réconcilier les uns avec les autres. L*avocat général Séguier s'écria en plein Parlement, le 7 septembre 1775 : « Le moment est arrivé le clergé et la magis- trature doivent se réunir, et, par un heureux accord, écarter les atteintes que des mains impics voudraient porter au trône et à Tautel > {Arrêt de la cour du Parlement.., 4 p. in-4»).

Turgot fit connaître les prodigalités de la cour et les malversations des fermiers généraux ; il s'opposa de tout son pouvoir au retour du Parlement et ravit à ce corps, en mai 1775, le droit de rendre la justice au nom du roi ; il inquiéta vivement le clergé par le radicalisme de ses projets, séparation de l'Église et de TÈlat (F., p. 562), enseignement laïque (561), enterrements civils (562), et suppression des formules gothiques du sacre des rois (251), projets plus ou moins bons, comme l'avenir la démontré, mais que Turgot avait le tort de présenter tous ensemble sans se préoccuper de leur opportunité. Le contrôleur-général, qui voulait aller trop vite, fut considéré comme un brouillon ; tous les privilégiés se réunirent pour tramer sa perte, et que lui restait-il contre eux ? Le seul Louis XVL En vérité ce n'était pas assez. La chute de Turgot a été certainement un malheur pour la France, mais il faut avouer que ce grand économiste n'était point fait pour être premier ministre. Le grand ouvrage que prépare M. F. ne saurait, ce me semble,

aboutir à une autre conclusion.

A. Gazibr.

Histoire de nnstmctlon primaire avant 1789 dans les commones qui ont formé le département da Nord, par le comte DE FoirriiNE de Resbecq, membre de la conmiission histo- rique du Nord. 1 vol. in-S^. Paris, Champion; Lille, Quarré, 4878.

M. de Tocqueville est le premier, pensons-nous, qui, avec sa grande et légitime autorité, ait rattaché la France moderne à la France de l'ancien régime. Ce que l'illustre historien a fait pour nos institutions politiques et administratives, d'autres l'ont fait au point de vue écono- mique, pédagogique, etc.

C'est à ce dernier point de vue que se rattache l'ouvrage de M. de Resbecq, qui traite de l'instruction primaire, avant 1789, dans la contrée qui a depuis formé le département du Nord, (^tte tâche devait tenter M. de Resbecq. D abord il connaissait la matière pour l'avoir pratiquée; en second lieu, originaire de ce département, membre de la Commission historique siégeant à Lille, il devait être tenté d'appliquer à son pays natal ses lumières spéciales. Ajoutons que son livre contient une partie historique qui appelle directement notre critique. Après avoir rappelé

462 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

brièvement les capitulaires de l'époque carolingienne qui obligent les prêtres à tenir des écoles dans les bourgs et les villages, les décrets du concile de Latran, les prescriptions d'Innocent UI et de Gré- goire IX; après nous avoir montré, à partir du xii» siècle, la con- currence qui s'établit pour la cause de l'éducation populaire entre le clergé et les puissantes communes de Flandre, la décadence à la fin du XV* siècle de renseignement du peuple, Thistorien nous fait assister à sa renaissance dans les Pays-Bas pendant et surtout après l'orageuse période de la réforme et des troubles religieux. Cette renaissance naît de la nécessité pour le catholicisme de se défendre. Luther et Calvin ayant fait descendre dans la profondeur des couches populaires la parole de l'évangile, le clergé catholique leur répond en poussant la foule dans les écoles, le dogme lui sera enseigné. Les synodes de Saint-Omer, d'Ypres, d'Arras, de Cambrai, les placards des souverains, les ordonnances des magistrats des copmunes, tout s'unit pour relever l'enseignement des a bonnes doctrines et mœurs, de la f droicte et honneste manière de vivre. » L'obligation est érigéo en maxime d'état. Les pères et mères, maîtres et maîtresses sont tenus d'envoyer leurs enfants à l'école dominicale t sur paine de griefve pugnition arbitraire, t l'amende d'abord, puis la punition corporelle, à la discrétion des échevins. Gens de loi et baillis de village envoient par les rues leurs sergents pour « contraindre et mener par force, en les chastiant au besoin, i les enfants récalcitrants. Les écoles quotidiennes pour les familles en état de payer la rétribution mensuelle de quatre ou cinq patars, les écoles dominicales pour les pauvres se multiplient rapi- dement. Alexandre Farnèse, qui apparaît dans l'histoire du xvi* siècle comme un Taciturne au rebours, puisqu'il fit rentrer toute la Belgique actuelle sous le joug espagnol, veut qu'il y en ait t en chascun villaige ». Les congrégations enseignantes viennent en aide aux maîtres nommés d'ordinaire par le magistrat, quelquefois aussi par le seigneur ou l'as- semblée paroissiale du lieu, mais toujours après approbation de Téco- lâtre. Ces maîtres sont placés sous la double surveillance de l'autorité religieuse représentée par les curés, les doyens de chrétienté, les vicaires généraux, et de l'autorité laïque personnifiée dans les échevins et les t caritables i. Tout d'ailleurs est réglementé, jusqu'au costume du Magister, habillé de noir, orné de la longue queue pendante et portant sur son chef vénérable le bicorne galonné d'argent, signe, disent naïve- ment les ordonnances, de son autorité souveraine (oppergezig).

Le concile de Trente s'étant proposé de faire de renseignement popu- laire une arme contre l'hérésie, la religion est la base de celui-ci. Les leçons cependant ne se bornent pas au catéchisme. Après l'A B C, « l'enfance du chrestien, » les oraisons en latin et en français, et « la petite civilité puérile et honneste, » l'enfant apprend t à lire, escrire, cilTrer, compter i. Puis, il apprend la grammaire et en certains cas, surtout dans les écoles de filles, t quelque mestier ou art pour gaigner sa vie » ; au xviii® siècle, on arrive de progrès en progrès à des mé-

PONTAIlfB DE RB8BECQ : L'MSTBUCTION PBIlflIRB ITiTT HSO. 463

thodes raisonnées, à des prescriptions bien coordonnées et enchaînées. A ce point de vue, nous appelons l'attention du lecteur sur le règle- ment donné, il y a un siècle, par 1 evéque de Saint-Omer à l'école de chanté de Merville (Nord).

Quels furent les résultats de tant d'efforts poursuivis pendant trois siècles par l'église, les rois de Franco et d'Espagne, les villes et les communautés rurales ? En d'autres termes, quelle était vers 1789 la situation de l'instruction populaire dans les provinces belgiques conquises par Louis XIV ?

M. de Resbecq termine son livre par une statistique des plus curieu- ses. C'est le relevé du nombre des conjoints et conjointes qui, dans le Nord, ont signé leurs actes de mariage de 1750 à 1790. D'après ce tra- vail qui s'étend à toutes les paroisses du département actuel du Nord, la moyenne pour les hommes sachant signer serait de TiS, 13 */o et, pour les femmes, de 37, 28 •/©. A ce compte, l'instruction populaire, 51 on la ramène à ce point de vue étroit de la capacité de signer, aurait été, vers 1789, plus avancée dans le département actuel du Nord que pendant les soixante premières années de ce siècle, et ce n'aurait été que depuis la fin du second empire que la supériorité se serait défini- tivement prononcée en faveur de l'époque nous vivons.

Certes, cette conclusion a quelque chose d'inattendu. Nous savons bien, comme le fait observer l'auteur lui-même, qu'il ne s'agit pas de la France considérée en son ensemble, mais d'une province placée dans une situation privilégiée par sa richesse, son organisation et ses tradi- tions spéciales. Malgré cela, le résultat est de ceux que lieaucoup de personnes ne peuvent se résoudre à admettre sans résistance. Ne sait- on pas que, parmi les hommes de la grande n>quisition de 1793, bon nombre ne savaient ni lire, ni écrire, ni signer *? Cela est si vrai que le recrutement des sous-officiers fut fort dinicile dans les armées de la république, du consulat et de l'empire. Qu'étaient-ils, co» grognards^ dont beaucoup portaient la croix de la Légion d'honneur et qui n'auraient pu ni déchiffrer ni tracer la première lettre de leur nom? précisément les débris de la grande réquisition. Victor Hugo qui, dans son roman des Misérables^ nous les montre à Waterloo marchant, comme à la manœuvre, sur l'artillerie anglaise, nous dit ou à peu près : « ces hommes de fer avaient, dans leur première jeunesse, semé le blé des abbayes. » On a peine dès lors à s'expliquer comment, dans la Flandre française, on peut arriver vers 1789 à un contingent aussi considérable d'hommes et de femmes sachant signer.

Habitant presque constamment le département du Nord, nous avons été témoin des incertitudes de l'opinion en face du livre et des conclu- sions de M. de Resbecq ; plusieurs de nos amis, par exemple, auraient voulu que l'on examinât les actes des tabellionages et que l'on s'assur&t si les signatures y étaient dans la proportion signalée par M. de Hes-

1. Nous ne parlons pas, bien entendu, des folontaires.

464 COMPTES-RBIVDUS CRITIQUES.

becq. Nous leur avons dit et nous répétons ici que ce ne serait pas un contrôle sérieux.

Pourquoi, en effet, ces hommes et ces femmes ayant signé leur acte de mariage n'auraient-ils pas ensuite signé les actes ils auraient été parties ? Une autre objection, d une portée différente, a été faite au sein de l'académie des sciences morales et politiques, au moment le livre de M. de Resbecq lui était présenté par Tun de ses membres éminents, M. Charles Giraud; comme elle émane d'un homme considérable, d'un ancien ministre de l'instruction publique (M. Jules Simon), nous devons l'examiner avec l'attention qu'elle mérite *.

M. Jules Simon paraît avoir voulu s'inscrire en faux, non point tant contre les conclusions elles-mêmes de M. de Resbecq, que contre les inductions qu'on pourrait en tirer au point de vue de la somme générale des connaissances que comporte l'instruction populaire, et, par consé- quent, au point de vue des résultats généraux que cette instruction a donner tant vers 1780 que vers 1850 ou 1860. « Beaucoup de ces gens, dont parle M. de Resbecq, a dit ou semblé dire M. Jules Simon, savaient signer sans savoir écrire, i Ou en d'autres termes, lorsque Ton veut comparer l'état de l'instruction populaire en 1780 à l'état qu'elle offre 70 ans plus tard, on a tort de prendre pour base ou pour point de comparaison la signature, c'est-à-dire la plus élémentaire de toutes les notions ou capacités. Si l'on allait au-delà, on trouverait que les résul- tats de 1850 sont fort supérieurs à ceux de 1780.

Avant de suivre le savant académicien, remarquons d'abord que le livre de M. de Resbecq est désormais hors du débat. De quoi y est-il question? de signatures. Qu'a-t-il voulu démontrer? que les hommes ou femmes ayant signé leurs actes de mariage vers 1780 égalaient en nombre ceux ou celles ayant signé les mêmes instruments d'état civil vers 1850 ? Sur ce terrain étroit, trop étroit peut-être, sa démonstration a été aussi satisfaisante que possible.

Revenons maintenant à l'objection de M. Jules Simon, ou plutôt à la pensée qui s'y trouve implicitement contenue.

Nous ferons observer d'abord que, sur ce nouveau terrain, la preuve est impossible ; beaucoup de personnes penseront que M. Jules Simon a raison, mais comment le prouveraient-elles ? Oui, assurément, il y a aujourd'hui, surtout dans la classe des ouvriers de campagne, des gens qui savent signer sans savoir écrire ; et il en existait déjà avant 1789 ^. Mais n'est pas la question, il faudrait prouver qu'il y a cent

t. Faisons observer cependant que nous n'avons pu consulter les procès-verbaux de racadémie. Nous raisonnons d'après les comptes-rendus des journaux le Temps et les Débals.

2. Le lecteur comprendra la cause de ce fait. Un individu qui ne sait pas signer ne peut prendre part à aucune convention sous seings privés et doit en toute occasion recourir au ministère d'un notaire, qui authentique la convention. C'est pour échapper à ces frais que des illettrés, en nombre assez considérable, apprennent à signer, sans apprendre à écrire.

FONTAINE DE RESBBCQ : L'iNSTaCCTION PRIMllBE AVANT 4789. 40^

ans, le nombre des individu» sachant seulement signer était plus considérable qu'il ne l'était en 1850 ou en 1860 ; or, cette preuve nous parait impossible à fournir. Et cette impossibilité subsistera tant que la législation n'aura pas été réformée, tant que le législateur n'aura pas ordonné d'interpeller les citoyens non seulement sur la question de savoir s'ils savent signer, mais encore sur celle de savoir s'ils savent écrire. Que si nous restons sous l'empire des lois actuelles, il sera, dans 60 ans, tout aussi impossible de comparer, au point de vue de la capacité d'écrire, et en conservant pour base les actes de l'état civil, l'état de l'instruction primaire en 1880 avec celui il sera parvenu en 1920, et cependant, si Ton raisonne à priori, on admettra que cet état a progresser.

En résumé, deux éléments spéciaux déterminent l'état de l'instruc- tion populaire, abstraction faite des circonstances ambiantes : le nombre et le savoir des maîtres ; de nous semblent résulter les conséquences suivantes.

Si l'on s'en tient aux notions élémentaires, telles que la signature, l'écriture, les premières règles du calcul, on doit penser que l'état de l'instruction populaire en 1780 était, dans le département actuel du Nord, à peu près le même qu'en 1850, et cela pour deux raisons : 1* Le nombre des maîtres était des deux côtés à peu près égal, chaque vil- lage de cette contrée ayant alors son magister comme il a aujourd'hui son instituteur (cela résulte du travail de M. de Resbecq) ; 2* pour les notions élémentaires ci-dessus indiquées, la capacité des magisters était aussi efficace que l'était en 1850 celle des instituteurs.

Mais si l'on veut s'élever, si Ton prend pour points de comparaison le style, l'histoire, la géographie, la géométrie, le calcul algébrique, oh ! alors il faut admettre, en dehors de toute preuve, que le niveau de 1850 était supérieur à celui de 1780, par cette raison fort simple que les instituteurs de la première époque étaient déjà fort supérieurs à leurs devanciers de l'ancien régime. C'est là, si l'on peut s'exprimer ainsi, une vérité de bon sens.

Enfin, à ceux qui seraient tentés de combattre cette distinction, nous rappellerons un phénomène, dont l'histoire et l'économie politique établissent la réalité avec une force irrésistible, c'est que toute grande perturbation politique, toute grande commotion sociale est, toujours et chez tous les peuples, accompagnée d'une non moins grande déperdition de forces, soit matérielles, soit intellectuelles et morales. 8ous Charles V, à la fin du règne de Charles VII, sous Louis XI, Louis XII, François I**, notre sol est^mieux cultive, plus fertile et se vend plus cher qu'à l'avènement de Henri IV, ou à la fin du règne de Louis XIV, ou enfin lors de la chute du Directoire *. I^ niveau de l'instruction

t. OU a été péremptoirement démontré, au nnoment le gouvernement du «econd empire eot la fâcheaae inspiration de vouloir faire convertir en rentes sur

Hev. IIistor. XI. 2* FASc. ;iO

466 GOMPTBS-aSxXDUS CRITIQUBS.

populaire suit le mouvement ascensiomiel ou descensionnel ; tous ces phénomènes se tiennent et s'expliquent l'un par l'autre. Gela aidera à comprendre comment notre pays a été aussi longtemps à se remettre, au point de vue de l'instruction populaire, de notre révolu- tion, dont, sur d'autres points, les effets ont été aussi considérables qu'immédiats ^

Gh. Paillard.

Le comte de Fersen et la cour de France. Extraits des papiers du grand-maréchal de Suède comte Jean Axel de Fersen, publiés par son petit-neveu le baron R. M. de Klinckowstroem, colonel suédois. 2 vol. in-80. Paris, Pirmin Didot, 4878.

Petit-neveu du célèbre comte de Fersen et dépositaire de ses papiers, M. le colonel de K. a eu l'heureuse pensée d'emprunter à ces archives de famille quelques extraits intéressants pour l'histoire de France. On ne saurait trop remercier M. de K., d'autant plus qu'il a eu l'attention délicate de faire cette publication en français et d'en former comme un complément aux trois volumes de MM. d'Arneth et Geffroy sur Marie- Antoinette. Dans ces conditions, la critique est nécessairement désar- mée; à défaut du sentiment des convenances, l'intérêt des études histo- riques nous empêcherait de traiter comme un éditeur de profession le gentilhomme si bien inspiré qui consent à ouvrir ses galeries et à faire lui-même les honneurs de son musée domestique. Aussi ne demande- rons-nous pas à M. de K. s'il a publié la totalité des lettres et documents qui concernent la reine de France et s'il n'aurait pas mieux fait d'inti- tuler son livre : Fersen et Marie^ Antoinette, puisque la cour de France et Louis XVI occupent si peu de place dans ces deux gros volumes ; en un mot, nous ne ferons pas à M. de K. la moindre chicane et il nous suffira de montrer quelle est la valeur historique de cet ouvrage, valeur très réelle, hâtons-nous de le dire.

On ne doit pas s'attendre à trouver ici beaucoup de faits nouveaux et de révélations importantes, car les grands travaux de MM. Feuillet de Gonches et Geffroy, faisant suite à des publications innombrables, ne permettent plus d'espérer de véritables découvertes sur l'histoire de Marie-Antoinette. Gependant on verra dans le journal et dans la corres- pondance de Fersen la confirmation de certains faits ou peu connus ou éclaircis jusqu'à ce jour d'une manière insuffisante. Ainsi la fuite de Varennes, que l'on a pu croire amenée par la scène déplorable du

rÉtal le produit de l'aliénation des biens immeubles appartenant aux hospices, fabriques et autres établissements de bienfaisance.

1. Faut-il aussi rappeler ici quel était l'état de rinstruction primaire avant la grande loi de 1834 ? Et il ne suffit pas d'édicter une telle loi, il faut encore l'appliquer.

kLfNCKOWSTROBM : LE COMTE DE FSRSEN BT COUR DE PRINCE. 467

18 avril 1791, était irrévocablement décidée au mois de février* : « Tout ce que j'ai mandé au roi [de Suède] comme des idées à moi sur le départ du roi de France et de la reine de France... est un plan qui existe et auquel on travaille; tout le monde l'ignore, et il n'y a que quatre Français dans la confidence... » (Lettre du 7 mars 1791 ^.) « LL. MM. se sont déterminées à faire changer [leur position] par tous les moyens possibles : ayant en vain employé ceux de la patience, des sacrifices de tout genre et de la douceur, elles se sont résolues à tenter ceux de la force ; mais l'Assemblée ayant, par ses opérations, détruit ou affaibli tous ceux qu'elles auraient pu trouver en France, elles ne les croient pas suffisants s'ils ne sont pas combinés avec des secours et des bons offices des puissances étrangères. LL. MM. sont assurées d'un parti considérable en France et d'un lieu de retraite à portée de la froo* tière du Nord. C'est M. de Bouille qui dirige tout cela. Elles sont assu- rées des dispositions favorables et des secours de l'Empereur, de l'Espagne, de la Sardaigne et de la Suisse, etc. i (Lettre du avril 1791 \) Beaucoup de passages analogues montrent avec la dernière évidence, et l'horreur que Marie-Antoinette avait pour les émigrés en général, mais plus particulièrement pour les princes, et l'entente complète de la cour de France avec les puissances étrangères, et le caractère antifran- çais de la reine, qui ne cessa jamais de se considérer comme une Autri- chienne exilée et qui poussa le roi à feindre de suivre les constitution- nels pour mieux les réduire. « Pour endormir les factieux sur ses véritables intentions, dit Fersen dans une lettre au baron de Breteuil, le roi aura l'air de reconnaître la nécessité de se mettre tout à fait dans la Révolution, de se rapprocher d'eux ; il ne se dirigera que par leurs conseils et préviendra sans cesse le vœu de la canaille^ afin de leur ôter tout moyen et tout prétexte d'insurrection, et afin de maintenir la tran- quillité et leur inspirer la confiance si nécessaire pour la sortie de Paris *. > L'année suivante, Fersen écrivait au roi de Suède une lettre chiffrée se trouvent ces mots : « Il a fallu avoir l'air de se livrer entièrement à la marche indiquée par les constitutionnels ; il a fallu, pour mieux les endormir, adopter les démarches proposées par eux, et, pour les empêcher de se réunir aux républicains, il a fallu avoir l'air d'être de bonne foi dans leur parti, d'être dans le sens de la Constitu- tion et décidé à la soutenir et à marcher uniquement par elle... LL. MM. ne se sont jamais fiées aux rebelles, ni aux assurances d'attachement qu'ils n'ont cessé de lui donner... LL. MM. m'ont fait l'honneur de me dire qu'il n'y avait que l'extrême nécessité qui ait pu les déterminer à

1. Tomel*', p. 84.

2. Boaillé dans ses mémoires dit même que la coar y songeait dès le mois d'octobre 1790. Mém., ch. IX.

3. Ibid., p. 89.

4. 1 avril 1791. Tome I, p. 98.

468 coMrrBS-fts^rDiis gutiqucs.

l'avilissement de traiter avec d'aassi grands scélérats *... (Test en ces termes que le roi et la reine de France traitaient, devant des étrangers, les hommes qui avaient le plus à cœur de sauver la monarchie, et leurs actes, surtout ceux de Marie- Antoinette, étaient en harmonie avec leurs paroles. La reine écrivait, le 5 juin 1792, à Fersen qui se trouvait alors à Bruxelles : « Il y a des ordres pour que Lukner attaque incessamment ; il s'y oppose, mais le ministère le veut. Lts troupes manqttent de tout et sont dans le plus grand désordre '. > Elle pressait les Autrichiens et les Prussiens d'envahir la France au plus tôt, et le manifeste de Bmnsvirick. était en partie Touvrage de Fersen et le sien'. La pauvre femme est fÎEU^ile à défendre assurément, car la vie qu'elle menait à Paris depuis trois ans était effroyable, mais ne jugera-t-on pas aussi que la haine du peuple et de l'assemblée contre Veto et contre l'Autrichienne qui tra- hissaient la patrie avait quelque raison d'être? Egarés ou non, les Français de 1792 avaient le droit de ne point se laisser châtier comme des sujets rebelles par les puissances étrangères, et tout s'explique, le 20 juin comme le 10 août, lorsque l'on voit la cour faire ainsi cause commune avec les envahisseurs. De cette publication ressortent donc de nouvelles charges contre Marie-Antoinette et aussi contre Louis XVI qui a provoqué l'invasion de 1792 et qui a nié, lors de son procès, un fait d'une si haute gravité. Ce n'est pas assurément pour conduire ses lecteurs à de pareilles conclusions que M. de K. a publié ces deux volumes, et peut-être le chevaleresque Fersen, qui avait pour Marie- Antoinette un dévouement si pariait, disons plus, une affection si tendre, n'eût-il point consenti à l'impression de ces extraits. Quoi qu'il en soit, la vérité continue à se faire jour et la mémoire de cette famille infortunée ne gagne pas à tant de révélations posthumes. On s'aperçoit que l'esprit de vertige s'était emparé de tout le monde, mais surtout de Marie-Antoinette : trois mois après la mort du roi, en avril 1793, elle espérait encore que Dumouriez et les coalisés allaient non seulement lui sauver la vie et la faire sortir de prison, mais encore placer son fils sur le trône et la proclamer régente !

Fersen d'ailleurs partageait lui-même la plupart de ces illusions funestes, et si la publication de ces documents fait honneur à la bonté de son cœur, elle ne montre pas sous un jour aussi favorable la justesse de son esprit. Comme Louis XVI, le 14 juillet, Fersen n'a vu dans la Révolution française qu'une révolte de bourgeois, et ses jugements sur

1. 21 mars 1792. Tome II, p. 212. Hfarie-Antoinette écrivait à Fersen ces propres paroles : c Je crois que la meilleore manière de dégoûter de tout ceci est d'avoir l'air d'y être entier; cela fera bientôt voir que rien ne peut aller.... Fias noas avancerons et plus ces gaenx-ci sentiront lears malhears ; peut-être en vien- dront-ils à désirer eux-mêmes les étrangers... » I, 192.

2. Tome II, 289.

3. Ilnd., 332, 337, 338.

VICHEROT : FRAGMENTS LITT^RilRES DE P. F. DUBOIS. 469

les hommes et sur les choses sont le plus souvent d*unc inconcevahle fausseté. Il dit (t. I, p. 79) que Neckor a fait le malheur de la France et trahi le roi ; il appelle La Fayette un pauvre scélérat qui heureuse- ment ne sait Tétre qu'à demi, et il Taccusc de trembler aisément (ibid. p. 80) ; il déchire la réputation de M"»« de Staél avec un véritable acharnement, etc. ; en un mot, il parle de la Révolution française comme aurait pu le faire un Galonné ou un comte d*Artois.

Mais il ne serait pas juste d'insister plus longuement, car c'est aux érudits qui emploient les documents de celte nature à faire la part des exagérations ou des erreurs et à se mettre en garde contre les écarts la passion peut jeter un témoin qui dépose. Il n'en est pas moins vrai que la publication de ces deux volumes est du plus haut intérêt et que M. de K. a droit à notre reconnaissance. Il s'est proposé surtout d'éle- ver un monument impérissable à la mémoire de son grand-oncle, mais en même temps il a rendu aux études' historiques un service signalé. Complets ou non, ces extraits sont précieux, et c'est une bonne fortune pour l'historien de trouver parmi d'autres pièces importantes toute une correspondance secrète entre la reine Marie-Antoinette et l'homme qui avait si parfaitement sa confiance, qui payait si généreusement la dette qu'il avait contractée en se laissant porter sur le fameux Livre roug$.

A. Gazier.

Fragments littéraires de M. P. F. Dubois (de la Loire-Inférieure). Articles extraits du Globe ^ précédés d'une notice biographique par E. Vacherot, de l'Institut, et accompagnés d'éclaircissements his- toriques. Paris, Thorin, 4879. 2 vol. in-8*. 1, cxxtiii et 427 p., II, 459 p.

Le journal le Globe tient, comme on sait, une place importante dans l'histoire de la Restauration. La publication des principaux articles faits par celui qui a fondé, organisé, dirigé, inspiré le journal, est des plus intéressantes. Les témoignages d'un contemporain sont toujours précieux par eux-mômes ; mais iU augmentent singulièrement de valeur quand le témoin était un esprit aus.si ferme, aussi élevé, aussi péné- trant que l'était Dubois.

Paul-François Dubois était à liennes le 2 juin 1793; après avoir fait ses études au collège de Rennes, il entra à l'École normale on 18l"2, et il resta dans l'enseignement jusqu'en 1821, Gorbière, président du Gonseil de l'instruction publique , le mit en congé de non-activité avec suspension de traitement pendant cinq ans. Dubois s'afBlia à la Gharbonnerie et fut délégué des ventes cen- trales de l'Ouest au congrès général de la société*. On sait que le

1. M. Duvergier de Haunime, en parlant de la fondation dn Globe {BisMre du gouvememetU parlementaire en France^ VIII, 144), rapporte ce fait, d'aprè»

470 GOMPTES-REÏtrOUS CRITIQUES.

succès de la guerre d'Espagne et raffermissement qui en résulta pour le gouvernement de la Restauration, contribua à détourner la jeunesse de la voie des conspirations pour l'engager dans la lutte à ciel ouvert sur le terrain de la légalité. Des gens qui avaient risqué leur tète ne furent pas empêchés pour résister à l'arbitraire d'un ministre ou d'un préfet. Dubois fonda, en 1824, le Globe, d*abord comme journal exclu- sivement philosophique et littéraire, la loi de 1822 exigeant l'autorisa- tion royale pour la fondation d'un journal politique. Le premier numéro du Globe parut le 15 septembre 1824. Dubois a exposé ainsi le plan qu'il avait conçu (II, 24) : « Lorsque le Globe commença de paraître, le public était habitué à des feuilles légères remplies de mille petits articles malins et les discussions sérieuses et un peu étendues n'étaient pas de mise. Nous avions conçu un tout autre plan : nous voulions amener à des études sévères et réfléchies; nous voulions poursuivre le développement du principe de liberté dans les arts, dans la littérature, dans la philosophie, comme dans la politique; nous vou- lions offrir aux générations dont nous faisons partie, non pas un exemple Dieu ne plaise que nous ayons cet orgueil I), mais une expres- sion fidèle de quelques-uns des traits de leur caractère; nous aspirions, enfin, à mettre sous les yeux de la jeunesse, si vive, si dévouée, de nos départements, le tableau des travaux patients et de l'énergie modérée de la jeunesse de la capitale. Pour arriver à ce but, il fallait être ce que nous étions, c.-à-d. graves, prenant toujours les choses par le c6té utile, cherchant de toutes parts l'instruction, réunissant des faits, essayant des théories, combattant avec ardeur les préjugés que nous n'avions pas. » La loi du 18 juillet 1828 n'imposait plus que le cautionnement et quelques autres formalités à l'établissement d'un journal politique. Le 16 août 1828, le Globe acquit le droit d'aborder la discussion des ques- tions politiques et des actes du gouvernement. Le 15 janvier 1830, il devint grand journal quotidien. La révolution de juillet dispersa la rédaction, qui entra dans le gouvernement et dans l'administration, et le Globe passa aux Saint-Simoniens le 14 août 1830 ^ Dubois continua à soutenir à la Chambre des députés, il représentait le premier arron- dissement de Nantes ^, et dans l'Université il fut d'abord inspecteur

des reoseignemaits fournis par Dubois lui-même. Dubois racootait qu*il avait mis le général Berton en diligence pour Saumur et lui avait prédit le sort qui Tattendait. C'est à sa prudence et à sa dainroyance que beaucoup de membres des ventes de l'Ouest ont leur salut.

I. La notice historique sur le Gioàe (I, lxxxi et suiv.) n'indique pas arec précision quand le Globe est devenu saint-sîmonien. Le numéro du 14 août 1830 est le dernier qui porte la signature : P. Dubois, gérant. Le numéro du lende- main, 15, est signé : P. Leroox, Kénni, et contient un article intitulé : Caroctères de la ré^*'*^'^ «nnoette» et **'<*. fwonnan les doctrines et le langage de Técole saint-«i>- - - Un jr*"^ *iilw d'allusions répandues dans les articles de

Dubi*- -""^ ■■11—.

9 -ifii^ prindpalenenl de petits commerçants.

ViCHE&OT : FBIGMENTS LlTT^EiiaES DB P. F. DUBOIS. 474

général, puis conseiller de l'Université et directeur de TËcole normale, les principes de liberté sage et réglée qu'il avait toujours défendus. La révolution de 1848 le retira de la politique, le coup d'état du 2 décembre l'enleva à l'Université. II est mort le 16 juin 1874. L'âge ne l'avait rendu ni inerte, ni indifférent, ni peureux; il garda jusqu'à la fin l'esprit actif, ouvert, courageusement libéral*.

Le Globe ne fut journal politique que dans le dernier tiers de son existence. C'est de 1824 à 1828 qu'il eut son vrai caractère et qu'il exerça son action. L'inintelligente législation del822, en ne permettant qu'aucun journal politique nouveau pût s'établir à côté d'un petit nombre de journaux anciennement établis, laissait la liberté à la dis- cussion des questions littéraires, morales et philosophiques; en d'autres termes, elle laissait libre de discuter la question religieuse, qui était alors le fond de la politique. « Dés le lendemain de l'ordonnance du 5 septembre, » disait Dubois en 1830 (II, 369), il s'est formé à côté du pouvoir une ligue qui se vante d'être appuyée de l'héritier du trône et oppose son nom au nom du roi. Moitié religieuse et moitié politique, dirigée par des prélats et des hommes d'Ëtat, parmi lesquels se distingue un grand génie qui prêche de bonne foi la liberté au milieu d'hypo- crites qui veulent Tétoufifer, cette ligue publie des journaux, tonne dans les chaires, organise des bandes. Le clergé, jusque-là acteur secondaire, parait sur le premier plan. Son esprit d'unité, de hiérarchie, d'associa- tions jésuitiques, passe dans le parti royaliste, qui reprend ses habi- tudes de conspiration, ses œuvres et ses cercles de com^spondance, comme au temps de l'émigration. Des sociétés secrètes à mille titres divers, mais toutes rattachées à un môme centre, qu'audacieusement on nomme le pavillon Marsan, Us Bannerets, les Francs régénérés, enlacent la France comme d'un réseau. > La prédication religieuse

Dubois avait conservé de tes rapports avec ses électeurs un souvenir plein d'estime pour leur modération, leur sagesse, leur libéralisme, leur esprit politique. Le cens, qui avait donné dans les petites villes et les campagnes un corps élec- toral profondément égoïste, insouciant de l'intérêt public, accessible à la corrup- tion administrative, avait eu Tinfluence la plus heureuse dans les grandes villes. Malheureusement le gouvernement s'entendait mieux avec les électeurs des campagnes.

1. La notice biographique de M. Vacberot présente un portrait fidèle et vivant de Dubois. Les indications de faits ne sont pas toujours assez précises. Ainsi il ne suffit pas de dire aujourd'hui (p. xlv) qu' « un jour, dans la vivacité de la lutte, il fut frappé de suspension par un ministre irrité du 1 1 octobre. > Il faut absolument apprendre aux générations de notre temps que, le 6 mars 1833, le lendemain d'une séance Dubois avait réclamé très vivement contre les pen- sions maintenues à ceux qui avaient servi dans les rangs des émigrés et des Vendéens, Guizot fit insérer au Moniteur un avis portant que c par arrêté de M. le ministre de l'instruction publique, M. Dubois (de la Loire-Inférieure) a r>essé d'exercer les fonctions d'inspecteur général de l'instruction publique. Guizot rend compte de cette affaire dans ses Mémoire$, III, 197 et w\w. Il n'était pas irrité, il céda aux passions de la majorité.

472 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

élait politique. Dubois écrivait le 25 mars 1826, à propos des sermons du jubilé (I, 155) : « Que nous soyons au pied de la chaire de Saint- Sulpice ou de Saint-Thomas-d'Aquin, à Notre-Dame ou au château, dans la chapelle royale... partout nous retrouvons le même langage : M. Guyon et M. Fayet, M. de Hauzan et M. Mac-Garthy n'ont qu'une voix : c'est toujours la Révolution et la liberté qu'ils mettent en cause, nulle part la religion ne vient qu'en seconde ligne, i

Nul n'était mieux préparé que Dubois à la discussion des questions religieuses par son origine bretonne et provinciale et par les tendances naturelles de son esprit. Son enfance avait été élevée dans une province profondément pieuse. Il sentait combien la dévotion de 1826 était loin de R la religion qui nous fut enseignée par nos mères et par nos pas- teurs revenus de l'exil. Les prêtres de l'empire*, tout en rendant à César plus qu'il n'appartenait à César, avaient du moins élevé notre enfance dans des pensées chrétiennes ; ils ne nous façonnaient pas à cette piété théâtrale qui meurt aussitôt après la représentation et qui ne laisse qu'un amer dédain après un fol enthousiasme. Quelque chose de grave et de sérieux nous est resté dans Tàme; et même émancipés de sa tutelle, la foi de nos jeunes années est chère à nos souvenirs > (I, 154). Dubois rendait justice au clergé de la Restauration. Il trouvait (I, 66) qu'on était « beaucoup trop disposé à accuser les prêtres de mauvaise foi. Les esprits forts ne peuvent-ils donc concevoir qu'on croie ce qu'ils ne croient pas ? Il s'en faut cependant qu'ils aient donné à leurs objections contre le christianisme cette évidence entraînante qui ne laisse plus de place au doute; et quand même ils y parvien- draient, il resterait au moins permis de se tromper. Malgré la faveur que plusieurs circonstances promettent à l'état ecclésiastique, nos mœurs répugnent tellement à cette profession qu'elle n'est pas commu- nément embrassée, surtout dans les classes de la société qui ont reçu de 1 éducation... Ardent sur des intérêts qu'il prend pour des devoirs, le clei^ est peut-être tiède sur le dogme, mais il est croj-ant; sa con- duite le prouve, elle est encore régulière ; ses mœurs sont encore pures : le malheur est qu'il manque de lumières et d'élévation. La littérature ecclésiastique en fait foi : quelle déplorable absence de talent, d'esprit, d'instruction! A l'exception de M. l'abbé de La Mennais, dont l'exces- sive orthodoxie a produit une espèce de schisme, irouverez-vous ailleurs des esprits plus communs et plus superficiels? Aucun bon livre

1 . Ce que Dubois dit (I. 145) du recrutefuent du clergé de Fempire est curieux : t se recrute U milice sacerdotale dispersée, détruite par l'orage ? Dans les derniers rangs de la société. Ce sont des fils de paysans que la peur de la mort et le défaut d'ambition précipitent dans un état dont ils ne conçoivent ni U dignité ni la haute mission. Quelles études^ les y prépaient ? une ou deux années d'instruction kiàtive, la lecture du bréviaire et leur catéchisme à peine expUqfué. Véritables conscrits armés en courant, ils revéient Tèlote sacrée ; et le premier peuple du monde reçoit, pour lui enseigner ses deroirs et sa morale^ des komme» à peine capables de se conduire eui-mémes. »

VACUBROT : FaiGMB.TTS LITTERAIRES DR P. F. DOBOIS. 473

de morale, aucun traité de théologie, aucune recherche philosophique de quelque mérite n'est sortie depuis bien longtemps des mains d'un prêtre. On a cité quelques sermons; mais aucun jusqu'ici n'a pu sup- porter répreuve de l'impression. L'Église de France est tombée dans une telle pénurie d'écrivains , qu'elle en est venue à saluer comme un de ses défenseurs, presque comme un père do l'Église, l'illustre auteur (TAtala et des Martyrs. » Dubois discernait d'ailleurs très bien le caractère de nouveauté des doctrines de De Maistre, La Mennais et de leur école; il voyait (I, iOO) que « les de Maistre et les La Mennais bouleversaient toutes les idées qu'on se faisait jadis en France du catholicisme... » c C'est un nouveau catholicisme », dit-il ailleurs (I, 102), d qui aspire à gouverner le xix* siècle, ou plutôt c'est le xix* s. qui se fait voir dans le catholicisme, comme tous les siècles s'y sont introduits successivement avec leur savoir ou leur ignorance, avec leurs vertus ou leurs vices et leurs diverses inclinations politiques. »

11 prévoyait l'avenir qui attendait le néo-catholicisme; il écrivait le

12 février 1825 (I, 61) : « La guerre pour nous n'est pas à faire sur le terrain de la politique et de nos chambres législatives, deux géné- rations presque épuisées sont en présence : une milice tout aussi vive que nous sort des séminaires et des associations mystiques avec les livres de la Législation primitive, du Pape et de V Indifférence, pour évan- gile et pour code; elle infecte de ses doctrines nos collèges et nos écoles élémentaires et cherche à faire germer son fanatisme dans le cœur de l'enfance. Encore deux ou trois ans, nous posséderons tous dans la société droits et rang. >

Il appréciait avec exactitude l'état des esprits en ce qui touchait la religion (I, 102) : Si le siècle repousse les opinions du siècle dernier, il n'a point d'affection pour ce qui est plus vieux encore; il doute, et dans le doute, sa religion est la liberté; parce que c'est le seul dogme qui permette à chacun de 8ui\Te ce qui lui plaît aujourd'hui, de le rejeter demain. » Il repré.<;entait combien les conditions de la propaga- tion des idées étaient changées (I, 165) : c Une arme à l'épreuve des condamnations et des mesures de la loi est aujourd'hui entre les mains de toutes les sectes : la presse vient, dans le sanctuaire le plus sacré des familles, apporter des doutes, des systèmes ; elle fait, elle fera, quoi qu'on essaie, à toutes les heures de la journée, ce que la prédica- tion des religieux et des philosophes pouvait à peine faire à de longs inter>'allcs. Du fond de son cabinet un homme communique avec des millions d'hommes; et tous voulez une foi commune! vous ne sentez pas que tout au plus il vous reste la puissance de graduer les transi- tions de la domination d'une croyance à la liberté de toutes! »

De cet état de choses Dubois tirait hardiment la conséquence, c'est que (I, 98) c ce qu'il importe d'enseiguér à la France, ce n'est point un dogme, une forme religieuse quelconque... C'est de lui apprendre le respect de tous les dogmes et de toutes les formes ; c'est de constater le droit qu'ont toutes les croyances, négatives ou positives, de vivre

474 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

ensemble et égales sous la protection de la même loi. Réclamer, comme le font quelques journaux, l'exécution des arrêts parlementaires contre les Jésuites, c'est se rendre coupable de jésuitisme. » Cette liberté, il la voulait entière (I, 336) : c la liberté des cultes entraine nécessai- rement la liberté de ne professer aucun culte. » (II, 144) : c Pourvu qu'il n'y ait pas provocation directe à la révolte, à la destruction de Tordre établi, ou atteinte aux mœurs, les doctrines du jésuitisme ne peuvent pas plus être condamnées que les systèmes d'Helvétius et de Spinosa, de Cabanis et des physiologistes modernes, du socinien ou du déiste pur. »

Dubois n'entendait pas d'ailleurs que les jésuites fussent soustraits à la loi commune. Quand ils se plaignaient des ordonnances de 1828 sur les petits séminaires et les écoles secondaires ecclésiastiques, et récla- maient la liberté d'enseignement contre le monopole universitaire, Dubois leur rappelait (II, 157) les persécutions infligées à TUniversité, c quatorze ans de dénonciations, d'intrigues tour à tour patelines ou violentes, de corruption des doctrines et de destruction des méthodes. D'abord tous les anciens recteurs d'Académie chassés, presque tous remplacés par des prêtres ; les trois quarts des provisorats de collèges royaux, toutes les principautés de collèges communaux, occupés par des prêtres ; tous les professeurs indépendants, ou non, afâhés aux con- grégations, chassés de leurs chaires; l'École normale détruite; ses élèves poursuivis dans toutes les directions ; le haut enseignement de la capitale éteint ; toutes les facultés des lettres et des sciences dans les provinces, ou fermées ou réduites à des leçons insignifiantes ; les chaires d'histoire supprimées; l'enseignement de la philosophie ramené à une théologie en latin barbare; les élections du Collège de France violen- tées ou foulées aux pieds avec mépris; l'École de médecine désorga- nisée et recomposée selon le vœu de la faction; enfin l'instruction primaire partout étouffée, ou livrée aux ignorantins ; ajoutez la dilapi- dation des fonds universitaires, le scandale de pensions accordées à des hommes étourdiment placés , et que le désordre de leur administration forçait à chasser; la demi-solde de deux ou trois professeurs sans emploi autour d'une chaire; la multiplication des sinécures du Conseil royal, pour y faire entrer des ecclésiastiques; enfin la dispensation arbitraire de l'impôt en faveur des établissements des Jésuites, et par conséquent l'épuisement des ressources des collèges royaux; voilà ce que nous avons vu pendant quatorze ans. Dubois n'en combattait pas moins comme inutile et comme inconstitutionnelle (II, 259) la mesure qui imposait à tous les membres du corps enseignant, prêtres et laïques, le serment de non-affiliation à une corporation religieuse non reconnue.

Les éditeurs, ne pouvant distinguer avec certitude ce qui appartenait à Dubois dans lo journal devenu quotidien, n'ont extrait que l'article inséré le 15 février 1830, sous le titre : la France et les Bourbons, qui fit condamner lautcur par le tribunal de police correctionnelle (6* chambre)

BOBB&T : IXTEHTIIRB DBS BIBLIOTHÈQUES DE PBiFfCE. 475

à quatre mois d'emprisonnement et 2,000 fr. d'amende. Le gouverne- ment vit une menace plutôt qu'un avertissement loyal dans ce tableau rapide, l'histoire de la Restauration est retracée à grands traits et en traits saisissants de vérité. Toute la polémique de Dubois est déjà de l'histoire, et montre avec évidence que, s'il faut être contemporain des faits pour bien les connaître, il n'est pas nécessaire d'appartenir à la postérité pour les bien juger. Le temps ne donne pas l'impartialité à qui la nature l'a refusée.

Invaiitaire sommaire des mannscrits des bibliothèqaas de France dont les eatalogaes n^ont pas été imprimés, publié par Ulysse Robebt. Premier fascicule : Agen, Aire, Aix, Ajaccio, Alençon, Alger, Arbois, Argentan, Arles, Arsenal (Paris). A Paris, chez Picard, libraire. 4879. xxxvi et 428 p. in-8''.

L'utilité de la publication entreprise par M. Ulysse Robert n'a pas besoin d'être démontrée, elle est, on peut le dire, criante. Donner des inventaires sommaires, exacts et complets, des richesses manuscrites dispersées sur le sol de la France et de ses colonies, dont aucun cata- logue n'a encore signalé l'importance ou même constaté l'existence, n'est-ce pas le meilleur service que puisse rendre à la science un érudit voué aux études bibliographiques ? A ceux qui en douteraient nous n'avons qu'à recommander la lecture des pages préliminaires du livre que nous annonçons : les faits fort tristes qui y sont révélés leur démontreront l'urgence d'une telle entreprise; car il faut bien l'a vouer, il ne s'agit pas ici seulement de mettre à la portée de tous la descrip- tion de grandes collections de documents historiques et littéraires, il s'agit, hélas! avant tout de préserver, en les révélant, des trésors exposés tous les jours à la rapacité ou à Tincurie de beaucoup d'admi- nistrations municipales.

A plusieurs reprises, et dès l'année 1834, le ministère de l'Instruction publique s'est occupé d'assurer la bonne conservation des manuscrits existant dans les villes des départements en réclamant des bibliothé- caires les inventaires de leurs dépôts, t Sauf quelques exceptions, fort regrettables, nous dit M. Robert, parce qu'elles portent sur des fonds très importants, les instructions ministérielles ont été rigoureusement exécutées ; il a été envoyé au ministère de l'Instruction publique une collection considérable de catalogues d'imprimés et de manuscrits qui témoignent du dévouement et du zèle des conservateurs des biblio- thèques. •

Malheureusement l'administration n'a pas su tirer le parti qu'il fal- lait des matériaux qui lui avaient été remis, c Pour des raisons diverses que nous n'avons pas à apprécier, continue M. Robert, les catalogues de manuscrits n'ont pas été publiés, de sorte que les mesures si intel-

476 COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

iigentes qui avaient été prises pour mettre les collections manuscrites à Tabri de spoliations coupables, sont demeurées tout à fait inefficaces. Aussi a-t-on pu voir des bibliothèques dilapidées avec autant d'audace que d'impunité. A Gluny, par exemple, après les prélèvements faits au moment de la Révolution au profit d'autres bibliothèques, il restait encore 295 manuscrits, comme on peut en juger par l'inventaire dressé le l<w fructidor an IX. Lorsque Buchon fut chargé d'inspecter les biblio- thèques de l'est et du centre, vers 1830, le nombre de ces manuscrits devait déjà avoir diminué et n'être pas supérieur à 250. La bibliothèque et les archives de l'ancienne abbaye étaient pillées en détail par les élèves et les professeurs du collège établi dans les bâtiments conven- tuels. On cite entre autres un professeur qui faisait en grand le com- merce de la librairie et qui se créa, en vendant des livres et des manus- crits, une véritable aisance I Des ventes de livres provenant de la bibliothèque se faisaient par les soins de l'administration municipale, et il ne se trouvait personne pour protester contre de pareils abus ! Aussi un état publié dans le Journal de VInstruction publique du 15 novembre 1854 ne donne-t-il plus à Gluny que 132 manuscrits.

c A Castres, il reste deux manuscrits; au commencement de ce siècle, il y en avait plus de cent. Ce qui est arrivé à Cluny et à Castres a pu arriver ailleurs, dans des proportions moins vastes sans doute ; mais ces détournements, qui n'ont même pas été faits au profit d'autres bibliothèques publiques, eussent pu être facilement évités, s'il eût été dressé et publié une simple liste sommaire des manuscrits existant dans chaque bibliothèque dont il n'y a pas de catalogue imprimé. Ce que l'administration aurait faire alors, à défaut des municipalités à qui incombe réellement cette obligation, nous estimons qu'il est urgent de l'entreprendre pour empêcher, autant que possible, le retour de pareilles .déprédations. >

M. Robert, qui a pu disposer des archives du ministère et qui a obtenu de divers bibliothécaires et érudits d'utiles communications, nous offre dans ce premier fascicule les inventaires des bibliothèques suivantes : Agen (21 numéros ; communication de M. Tholin, archi- viste de Lot-et-Garonne) ; Aire (4 numéros) ; Aix (972 numéros; ; Ajac- cio (145 numéros; communication de M. Touranjon, bibliothécaire); Alençon (177 numéros ; beaucoup de manuscrits anciens : communica- tions de M. Daulne et L. Delisle) ; Alger (1446 numéros, en arabe : communication de M. Maupas, conservateur-adjoint de la bibliothèque- musée d'Alger) ; Arbois (35 numéros : communication de M. Jacque- nod, conservateur de la bibliothèque) ; Argentan (1 numéro) ; Arles (105 manuscrits : communication de M. Gibert) ; Arsenal de Paris. Ce dernier inventaire, qui occupe ici les pp. 66 à 128, c'est-à-dire la moi- tié environ du fascicule, n'est pas encore terminé : nous nous réservons d'en parler plus tard, mais nous ne pouvons moins faire que de trans- crire ici une note annexée au présent fascicule et qui vise les mentions

ROBERT : IIYTEIfTAIRB DBS BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE. 477

manque, qu'il a fallu inscrire en regard de bien des numéros de cet inventaire :

c La bibliothèque de TArsenal tient rigoureusement note des numé- ros manquant sur les rayons. Pour ce qui regarde les manuscrits, les dates approximatives de disparition, généralement anciennes, seront données dans un état spécial publié dans notre second fascicule à la fin de cet inventaire, i C'est le cas de dire : avis à qui de droit.

Terminons en félicitant le savant directeur du Cabinet historique de son utile et courageuse entreprise. Puisse-t-il être soutenu, dans le long travail qu'il a entrepris, à la fois par la faveur du public érudit et par le zèie de ses collaborateurs, les bibliothécaires des villes des dépar- tements !

A. M.-F.

478 EBCUEILS PBRIODIQUBS.

RECUEILS PÉRIODIQUES ET SOCIÉTÉS SAVANTES.

I. Revue des Questione historiques. !•' octobre. YroouROux. L'invasion de Sennachérib et les derniers jours du royaume de Juda. Gallery. Origines de l'impôt royal, et des États généraux et provin- ciaux sous Tancienne monarchie (art. important; suivant l'auteur, il n'y a pas eu, avant la seconde moitié du xiv* s., d'impôts royaux pro- prement dits. Au XIII' s., commence à s'introduire l'usage de plus en plus répandu, de substituer un paiement en argent, dit at^lium, sub^ sidium, exercitus, finacio, ayde de Vost, au service militaire personnel par le seigneur à son vassal; cette indemnité, perçue d'abord à titre d'amende, Test ensuite, et surtout depuis Philippe III, à titre de redevance régulièrement levée en temps de guerre. La royauté avait intérêt à cette substitution, qui lui fournissait, de son côté, l'argent nécessaire à l'entretien de troupes permanentes, au lieu des contingents féodaux. Philippe le Bel convoque les premiers États généraux pour leur faire décider si les seigneurs et villes tenus au service militaire feraient le service en personne, ou s'ils préféraient payer l'aide de l'ost. Les États accordent l'aide ; le même fait se représente souvent, après 1302, dans les mêmes circonstances, mais la façon de lever l'aide change constamment, et ceux qui l'ont accordée se réservent de la lever à leur façon. Peu à peu ces levées deviennent une charge annuelle, et à partir de 1360, la royauté réussit à s'en réserver la perception, confiée à ses propres agents. C'est seulement alors que l'impôt royal prend naissance. Cette étude approfondie semble en plusieurs points plus spécieuse qu'exacte ; mais elle mérite d'attirer l'attention des érudits. L'auteur annonce d'autres études sur cette difficile question de notre ancienne administration financière). Duchesne. Le Liber Pontificalis (réponse aux critiques de M. Waitz dans le Neues Archiv). R. du Casse. Un épisode de la campagne de 1813; l'affaire de Kulm (rejette sur Napo- léon I«' la faute du désastre éprouvé par Vandamme, qui n'a fait qu'exécuter à la lettre les ordres de l'empereur). Cherbonneau. Cons- tantine et ses antiquités. Courriers anglais et romain.

n. Le Cabinet historique. Mai-juin. Morel-Fatio. Lettres écrites de Madrid, en 1666 et 1667^ par Muret, attaché à l'ambassade de George d'Aubusson, archevêque d'Embrun (très curieux détails sur les mœurs espagnoles). P. Margheqay. Documents sur la justice criminelle, tirés du chartrier de Thouars, 1486-1549. Ul. Robert. Inventaire des armoiries des villes, bourgs, etc. contenues dans l'ar-

EBcrBiLs pi{riodiqdes. 479

morial général de d'Uozier; suite : Lyonnais, Normandie, Orléanais, Paris, Picardie, Poitou.

III. Revue des Docomenta historiques. Juin. Acte de translation du corps de sainte Hélène, mère de Ck)nstantin, le 7 mai 1410 ; texte et fac-similé. Lettre de Bernadotte à Kellermann, du 18 pluv. an V, 8 mars 1797 (Bernadotte vient d'arriver à l'armée d'Italie; il écrit : a J'épouze la gloire de l'armée d'Italie; je m'attache à celle de son jeune général. Je désire qu'il ne soit pas ingrat, car son bonheur me tient fortement au cœur »). Lettre de Jean sans Peur, relative à ses vins de Beaune et de Nuits. Les bals masqués à Paris en 1834.

IV. Revue historique nobiliaire. Mai et juin. Les chevaliers de Tordre de Saint-Michel. C«« de Marsy. Les décorations militaires du musée d'artillerie. Sandrbt. Une opposition à des lettres patentes d'anoblissement (n'indique ni le nom de Tanobli, sous prétexte que sa famille existe encore aujourd'hui, ni la date de l'opposition, ni les collections d'où sont tirées les pièces publiées. C'est trop de scrupules!)

LouvBT. Anciennes remarques de la noblesse beauvaisine; fin. Samdret. Répertoire généalogique et héraldique ; suite.

V. Revue celtique. Vol. IV, 1. Vallentin. Les dieux de la cité des Allobroges, d'après les monuments épigraphiques (très esti- mable monographie). Fustel de Ck)ULAMaEs. Ck)mment le druidisme a disparu (art. important ; montre que le druidisme n'a pas été aboli par les empereurs en tant que religion; les successeurs d'Auguste n'ont proscrit que certains rites abominables, comme celui des sacrifices humains, ou certaines prati(]ues de magie; mais si le druidisme persiste sous l'Empire romain, il a du moins perdu ce qui faisait sa force véri- table, c.-à-d. son organisation et sa hiérarchie. Ainsi détruit comme corps, le druidisme disparut lentement et de lui-même pour faire place au christianisme). Comptes-rendus : De Valroger. I^es Celtes et la Gaule celtique (un des meilleurs ouvrages qui aient été écrits sur les choses celtiques). Bulliot et Roidot. La cité gauloise selon l'histoire et selon les traditions (bon). Pryce, The ancient british church; (intéressant, mais incomplètement informé). Nedelec, Cambria sacra (sans valeur). Vallentin. Essai sur les divinités indigètes du Vocon- tium d'après les monuments épigraphiques (bon).

VI. Revue critique. N* 33. Barges. Recherches archéologiques sur les côtes phéniciennes établies sur le littoral de la Celtoligurie (bon).

Guillouard. Étude sur les Golliberts (n'étaient pas des serfs, mais d'anciens serfs alTranchis par le même maître, et pouvant être proprié- taires du sol, analogues aux « buri du Domesday book; étude ingé- nieuse, malgré une connaissance insuffisante du bas-latin). « N* 35. De Grammont. Histoire du massacre des Turcs à Marseille, en 1620; (réimpression très soignée d'un imprimé fort rare de 1621 ; forme la des Plaquettes gontaudaises). z= 37. Delattre, Les inscriptions histo- riques de Ninive et de Babylone (bon). Lecky. A history of England

480 RECUEILS PERIODIQUES.

in the xvinth cent, (écrit avec conscience et avec talent). ChérueL Histoire de France pendant la minorité de Louis XIV (remarqués intéressantes à propos de cet excellent livre). = 38. Fœrster. De fide Flavii Vegetii Renatii (bon; conclusion sévère pour Végèce). Napp. De rébus ab imperatore M. Aurelio Antonino gestis (confus et vide). = N* 39. C!ommunication de M. d^Arbois de Jubainville sur la Ger- manie de Tacite (établit que chez les Trévirés la classe dominante était celtique). =r N* 40. Hillebrand. Zeiten, Vœlker und Menschen; vol. IV (recueil intéressant d'articles de revue).

YII. Noavelle Revne historiqae de droit. N* 4. Théventn. Contributions à l'histoire du droit germanique (nie l'existence de « l'acte formel », admis par M. Sohm comme base juridique sur laquelle repose la théorie de la procédure d'exécution ; explique le mot adhra- mire, dans les textes mérovingiens et carolingiens, non par c promettre solennellement t , et en employant la festuca, mais seulement : tirer à soi, reprendre possession (d'une chose), produire (des témoins, etc.), tous sens qui excluent Tidée d'une procédure personnelle d'exécution, dernier vestige qu'on a prétendu reconnaître dans le droit primitif des Francs, d'une époque régnait le pur droit de la force). Klipffbl. Étude sur le régime municipal gallo-romain, et3« période ; suite.

VIII. Revne générale dn droit. livr. -— Bonserqbnt. La légis- lation sur la presse en Angleterre. Labatut. L'édit des édiles; fin. Degourteix. La liberté provisoire et la prison préventive depuis les origines du droit jusqu'à nos jours; suite. (Ilomptes-rendus : Hervieu. Recherches sur les premiers États généraux (bon). Vacher. Essai historique sur le Conseil privé ou des parties (brochure assez instruc- tive).

IX. Revne philosophiqne. Juillet-oct. 1879. Baudoin. His- toire critique de Vanini (excellents articles, qui jettent un jour tout nouveau sur le personnage si intéressant de Vanini, et sur le mouve- ment des idées au commencement du xvii« s.).

X . Revne historiqne et archéologiqne dn Haine. T. YI,

1" livr. Kerviler. Le Maine à l'Académie française : François de la Mothe le Vayer; fin. Aloufs. Le Mans au mois d'oct. 1562 (publie un f procès- ver bal d'information faite à la requête d'André Guillart du Mortier » sur des injures et menaces proférées contre ledit seigneur, membre du conseil privé du roi, et des vols importants dont il fut la victime). L'abbé Froger. Fondation du prieuré du Boulay, dépendant du monastère d'Étival-en-Chamie. Bibliographie du Maine pour 1878.

XI. Revne dn Lyonnais. Août. Du Puitspelu. Le testament d'un Lyonnais au xvii» s.; fin. = Sept. M. de Boissieu. Un baptême à Lyon au xvii« s. P. de Varax. Notice historique sur la seigneurie de Montcoy. Condamin. Histoire du couvent des Minimes de Lyon.

XII. Revue de Gascogne. Aoùt-sept. Abbé Ducruc. Les archiprêtres de Gabarret et de Barbotan. Laverqne. Les chemins de

RECUEILS PERIODIQUES. 484

Saint-Jacques on Gascogne. Carsalade du Pont. Trois barons do Poyanne. I, Bertrand de Poyanno; suite. T. de L. Trois lettres inédites de B. d'Échaus, évoque de Bayonne. Une lettre du vicomte d*Échaus.

XIII. Bulletin archéologique de Tarn-et-Garonne. T. VII,

2. Forkstié-Nevku. Étymologio du nom de Montaultan, et origine de ses armoiries; les sceaux de l'abbaye de Montauriol et des chapitres de Montauban. Barbier de Moxtault. Inventaire du pape Paul IV en 1559; fin. Skatelli. Compte-rendu des publications de la section historique de Tlnstitut grand-ducal du Luxembourg.

XIV. Revne da Daaptainé. Juillet-août. J. Roman, (iinq lettres de Chorier à Guichenon. Compte-rendu de la quarante- sixième session du congrès archéologique de France, tenue à Vienne, du 2 au 8 sept. 1879.

XV. Revue des Deux-Mondes. 15 août. Lauoel. Un histo- rien américain : J. Lothrop Motley. =: l*' sept. Geffroy. L'histoire monumentale de Rome et la première Renaissance ; les ruines de Rome pendant le moyen âge; suite le 15 sept. : du soin des édifices à Rome pendant le xv« s. A. Leroy-Beauliei-. L'empire des tsars et les Russes; la réforme judiciaire ; suite. = 15 sept. Maury. I^s assemblées du clergé en France sous l'ancienne monarchie; suite (expose en détail les rapports de cette assemblée avec Mazarin pendant la Fronde, surtout pendant la longue session de 1655 à 1657; l'opposition de rassemblée à la politique du ministre ne fléchit que devant Tordre formel de Louis XIV). = l»' oct. C^ucheval-Clariony. Ix)rd Beaconsfield et son temps ; l'Angleterre après le bill de réforme. Boissier. Promenades archéoiogiciues ; suite : les peintures d'Herculanum et de Pompéi. Janet. Ixî socialisme au xix* s.; suite : Charles Fourier. Montéout. Le maréchal Davoul; sa jeunesse, sa vie privée.

XVI. Le Correspondant. 25 août. PiNr.Aun. Un ministre de Louis XVI : Terrier de Monciel (ministre de l'intérieur pendant trois semaines, du 18 juin au 9 juillet 179*2, Monciel était un do ces consti- tutionnels dont la reine Marie- Antoinette découragea lo dévouement. Émigré après le 10 août, il se réfugia en Angleterre, puis en Suisse; en 1814 il travailla, auprès du comte d'Artois, » la n'stauration des Bourbons, mais ne put jamais rentrer aux atTaircs. Il mourut ignon* en 1831 i. F'ournel. I^ i»atriote Palloy et les vainqueurs de la Bas- tille; suite, lin le *25 sept. =: 10 sept. Lacomre. Le comte de Serre; suite : la loi électorale de 18*20. => *25 août et 10 sept. C<« de BAn.LON. de Montmon»ncy.

XVIL Revne de France. 15 août. II. Pey. M. de Bismarck et ses jugements sur Ihs événements et les hommes de 1870-1871. Fr. Le.normant. La monnaie anti(|ue et ses types. = 15 sept. Barbier. Londres, la corporation de la Cité (intéressant). = oct. L'alliance

ReV. lIlSTOR. XI. *2« FASC. 31

482 RECUEILS PéaiODIQUBS.

austro-française au xvui« s. : les traités du 1^ mai 1756 (montre bien que ce traité fut le résultat de nécessités d'ordre supérieur ; mais n'in- siste pas assez sur les concessions faites par la France en cette occasion, par exemple sur l'abandon déguisé de la Turquie, etc.). G. Duruy. Une cause célèbre au xvi« s. : les procès des neveux du pape Paul IV. (très-intéressant).

XYIII. Journal des Savants. Août et sept. F. de Saulcy. Étude sur la géographie comparée de la rive occidentale du lac de Génézareth. Hanotaux. Études sur des maximes d'état et des frag- ments inédits du cardinal de Richelieu (art. important).

XIX. Revae chrétienne. 5 sept. De Richemono. La Rochelle d'Outremer : Jean Jay, 1745-1829 (J. Jay, celui qui rédigea en 1774 la fameuse adresse des Américains au peuple anglais, descendait d'une famille rocheloise chassée de France par Tédit de Nantes. Le petit-lils de l'ami de Washington est actuellement ambassadeur des États-Unis à Vienne).

XX. Le Spectateur militaire. 15 août. Souvenirs d'un officier du corps, armée d'Italie, 1859. Lort-Sérignan. Guil- laume, m ; suite, voy. aussi 15 sept. = 15 sept. Compte-rendu : Choppin, Histoire générale des dragons, depuis leur origine jusqu'à r£mpire (bon).

XXI. Académie des Sciences morales et politiqaes. Compte- rendu des séances. et 9* livr. A. du Chatellier. L'Église pendant la Révolution ; suite : application de la loi du 12 juillet 1790 sur la nouvelle organisation du clergé constitutionnel.

XXII. Académie des inscriptions et belles-lettres. Comptes- rendus officiels des séances. Avril-juin. N. de Wailly. Sur un livre d'heures donné par l'impératrice Marie-Louise à la duchesse de Monte- bello (imprimé vers 1500 par G. Anabat, imprimeur, pour les Hardouyn, libraires à Paris ; orné de belles miniatures, et conservé, depuis son apparition jusqu'à Marie-Louise, dans la maison de Lorraine). Lettre de MM. Mariette et Ern. Desjardins, sur deux stèles d*Abydos et une stèle de Saqqarah nouvellement découvertes. Delisle. Note sur un livre d'heures appartenant à M. le Bo» d'Ailly (ayant appartenu à Jean de Berry; on connaît aujourd'hui 85 vol. de la bibliothèque de ce prince, qui en comptait environ 300). Guérin. Sur la topographie de l'ancienne Tyr. M>8 d'Hervey de Saint -Denis. Sur une notice d'Aug. Strindberg concernant les relations de la Suède avec la Chine et les pays tartares, depuis le milieu du ivii® s. jusqu'à nos jours. = Séances. Lecture de M. Viollet sur le caractère des coutumes de Tou- raine-Anjou et d'Orléans au xiii* s., et sur les éléments canoniques, romains et germaniques, qui ont contribué à la formation de ces cou- tumes (16 août) ; de M. de Rozière, sur le gouvernement et la légis- lation de Théodoric le Grand (22, 29 août); de M. Delisle, sur trois

REGOEILS P^aiODIQDBS. 483

mss. de la bibl. de Leyde (un psautier de saint Louis; i original do VUistoria de Guill. de Jumiègcs; l'original du ms. de Paris, lat. 14663).

XXIII. Bulletin de la Société de Thistoire du protestan- tisme français. 15 sept. 0. Doukn. Le ministre Mathiou Malzac, dit Bastide, Molan et de Lisle. Discours des choses advenues en la vilh» de Lyon pendant que M. de Soubise y a commandé (1562-1503). Extraits de la gazette de llaarlem sur les persécutions dirigées C4)ntre les protestants fniuçais de 1679 à ir>85. Acte de consécration à Dieu, de Paul Ducros, de Ganges (lA déc. 1757). Compte-rendu : Lesens. Histoire de la Reformation à Dieppe, par (ruillaume et Jean DuvaK depuis les origi nés jus(| n'en 1657 (intéressant; pour lesderuièn's années dont il fait le récit, le livre, écrit par deux contemporains, a la valeur d'un document original).

XXIV. Bolletin de la Société des Antiquaires de Norman- die. T. IX, l*' fasc. A. Gasté. Daniel Huet et les échevins de Caen. Lb Cointe. De la sépulture de Charles de Dourgueville, sieur de Bras. Charma et Noël. Rapports sur les fouilles archéologiques exécutées au Val-ès-Dunes (on a constaté la présence d'un cimetière mérovingien non loin du lieu se livra vrais<'mblal)lement la bataille mémorable de l'an 1047). E. de Beaurepaire. De quelques antiquités récemment signalées en Normandie.

XXV. Revue des Sociétés savantes. (>• fasc. t. VIII. Sept.- déc. 1878. M. Lamothe publie six lettres relatives à l'expédition du duc de Guise à Naples, et h son emprisonnement en Esjwigne; une de ces lettres, émanée de Louis X[V, à la date du 6 (►et. 1647, est certai- nement antidatée (dit M. Chéruel), et cela, pour éviter qu'il fût mis à mort comme rebelle. In. Liste des protestants de Nîmes émigrés à la suite de la révocation de l'édit de Nantes. M. Tartière. Lettre de Cori.<uinde d'Andouins, la future maîtresse de Henri de B«'arn, aux jurats de Saint-Sever, i)our les inviter à assister aux obsèques de son mari, Philibert de Gramont-Uuiche, f 1580. M. Finot communique deux chartes du xiv* s. éman»*es de Jean de Vienne. J. Desnoyers; rapport sur une communication de M. 13. de Molandon, relative à un procès fait à des pourceaux, aux assises tenues par le l>ailli d'Orléans, le 16 oct. 1368 (cf., même fasc. p. '207, un nipport de M. Jounlain sur des faits analogues). .M. Prarond. Note émanant d'un témoin ocu- laire, qui relate re.xécution, à .\bbeville, l*» juill. 176<», du cheva- lier de la Barre on ne vit sur son visage aucune maripie de crainte, de n»gret, de douleur, de repentance ni de confusion j»I. Lastevrib. Note sur Tépitaphc du duc de Saint-Simon communiqués^ (>ar M. Bus- tin. Darcel. Notice archéologique sur le baron de Guilhermy.

XXVI. Le Temps. M. Seinguerlet publie dans ce journal d'intéressants nn^its alsaciens : Strasbourg pendant la Révolution (n« des li, 21, "23 et 31 août, 7, 13, 20 sept.).

484 tECUBILS PBEIODIQOBS.

XXVII. Rallie d'Alsace. Juill.-sept. Ch. Grad. Histoire et statistique de l'industrie de la laine en Alsace. Dam. Documents inédits pour servir à l'histoire de Tancienne seigneurie du Ban de la Roche. Rbuss. L'Alsace pendant la Révolution française ; suite. Fischer. Le comté de la Petite-Pierre soos la domination palatine; suite. Babth. Notes biographiques sur les hommes de la Révolution à Strasbourg et dans ses environs.

XXVIII. The Academy. 2 août. Poley. Records of the english province of the society of Jésus; vol. V. (ce volume termine dignement une histoire de la société de Jésus en Angleterre, faite d'après de nom- breux documents inédits). =. 9 août. I diarii di Marino Sanudo. T. I, {^ part, (la Revue a déjà appelé lattention sur cette importante publi- cation). — O'Grady, History of Ireland; the heroic period; vol. I (insuffisant). = 30 août. Seventh report of the royal commission on historical mss. (non moins de 22 collections sont décrites dans ce volume, qui intéresse surtout l'histoire de la guerre civile en Angleterre au xvn' s.) RendalL The emperor Julian (excellent). Louise Creighton, Life of John Churchill, dukeof Marlborough (bon). = 6 sept. Morley, Burke (les deux premiers tiers sont excellents ; dans le dernier on peut relever de nombreuses erreurs). Gayangos. Galendar of letters, despatches, etc. preserved in the Archives at Simancas ; vol. IV, i«* partie, 1529-1530 (une des plus importantes publications de la col- lection du Maître des rôles). = 27 sept. Bigelow. Placita anglo-norma- uica; law cases from William I to Richard I (intéressant pour l'histoire de la jurisprudence en Angleterre sous les rois normands). Le testament de sir Thomas Gumberworth du 15 fév. 1401 (v. st.), publié par M. Peacock (curieux au point de vue des sentiments reli- gieux qui y sont exprimés, et des détails bibliographiques qu'il fournit).

XXIX. The Athenœam. 9 août. Lancey, History of New- York during the revolutionary War, by Th. Jones (l'auteur de cet ouvrage remarquable était juge à la cour suprême de New- York; il resta dans cette ville pendant toute la guerre de l'indépendance, et connut la plupart des personnages célèbres de l'époque ; ses indications sont sou- vent neuves et instructives). Guest. Lectures of the history of England (inutile). =: 23 août. Mac Donnell. The Ulster civil war of 1641 (réagit contre les jugements passionnés de M. Froude; montre que la révolte de rUlster, en 1641, a eu pour cause principale les confiscations de terres décrétées par la royauté, mais sans insister assez sur cette cause qui est la seule véritable). Mackensie. History of the clan Mackensie (esti- mable). — Vine. English municipal institutions 1835-1879 (contient d'utiles statistiques). = 6 sept. Caulfield. The council book of the cor- poration of Youghal 1610-1800 (curieux détails sur les événements de 1641). = Hcndcrson. The Annals of Dunfermline 1069-1878 (recherches consciencieuses). = 20 sept. La chronique anglo-saxonne = 27 sept.

RECUErtS PERIODIQUES. 485

Brown. The annals of Newark-upon-Trent (insuffisant). DanielL Tho history ofWarminster (estimable). =4 oct. Schwabe. Richard Cobdon; notes sur ses voyages; correspondances et souvenirs (intéressant).

XXX. The fortnightly Review. !•' oct. White. Le gouver- nement parlementaire en Amérique. Dicey. Antonio Scialoja (brève étude sur ce patriote italien, mort récemment, d'après sa biographie par 8. de Gesare).

XXXI. The nineteenth Gentnry. Oct. Hillbbrand. Lettres familières sur l'Angleterre contemporaine. "Wilso.n. Lucrezia Borgia (refait le procès de Lucrèce, et la condamne énergiquement).

XXXII. Macmillan's Mafi^asine. Oct. Seeley. Histoire et politique (s'élève très justement contre l'immixtion de la politique dans l'histoire, comme chez Macaulay, par e.xpmple, et s'efforce de faire com- prendre • comment l'étude sérieuse de l'histoire peut modifier nos opinions préconçues sur le-s événements et les hommes de notre pays »).

XXXIII. Forschnngen sur deatschen Gfreschichte. Vol. XIX, 3* fasc. Krebs. Le comte Georges- Frédéric de Ilohenlohe et la bataille de la Montagne-Blanche près de Prague. Miiller. Étude sur quelques sources du xrv* s. (montre que VAnonytnus Leobiensis, la chronique de Henri de Hervord , le chronicon Sampetrinum , Werner de Liège et la Vita VI Benedxcti XII, ont mis à profit une source commune, aujourd*hui penlue, qui était une histoire des papes jusqu'à Benoît XII. lia chro- nique de Henri de Hervord et le chron. Sampet. sont les sources de la Chronographia swnmorum pontificum de Gonrad de Halberstadt, d'où procèdent à son tour les vies des pa])es de Pierre de Herentals). WiNTER. De la part prise par Strasbourg à la lutte entre Adolphe de Nassau et Albert d'Autriche (montre qu'aussitôt après la mort de Rodolphe de Habsbourg, Strasbourg entretint avec Albert d'Aulriclie une alliance secrète, et qu'elle l'aida de tout son pouvoir à conquérir la couronne impériale). Hegel. Les comtes de Rieneck et de Ixk>z comme burgraves de Mayence, aux xn« et xiii* s. Kr.\use. I^ chroni- queur Matthias i)œring 1420-1464 (ce Matthias fut immatriculé, honoris causa, sur les registres de l'Université de Rostock, le 20 oct. 1434). Id. Dietrich de Niem, Gonrad de Vechta, Gonrad de Soltau, évé<|ues do Verden, 1395-1407. Pannenboro. I-ies vers dans Vllistoria Constantin nopolilana et le poète du Ligurinus (propose diverses corrections aux vers de l'Historia, et insiste sur l'identiu'^ du poète du Ligurinus avec magister Guntherus Elnonensis, identitt' autrefois comlmttue par M. G. Paris). Wbiland. Le Pactum de Henri [I avec Benoit VIII, en 1020 (ajoute une preuve de plus à son authenticité). Jastrow. Les esclaves considérés comme une propriété et comme capables d'être propriétaires, d'après les coutumiers germaniques.

XXXIV. ZeiUchHIt fUr KirehenffeMhlchte. T. HL 3' livr.

486 RECUEILS PÉRIODIQUES.

Gass. Contribution à la symbolique de rÉglise grecque. Ad. Hârnack, Le fragment de Muratori et l'origine d'une collection d'écrits aposto- liques catholiques. Th. Zindner. Le pape Urbain VI (!«• article). Max Lenz. Zwingli et le landgrave Philippe. Victor Schultzb. Revue critique des travaux relatifs à l'archéologie religieuse publiés dans les années 1875-1878 (dernier article). Analectes. Druffel. Remarques nouvelles sur le moine augustin Jean Hoffmeister. Brieger. Maté- riaux pour la correspondance de Gontarini pendant sa légation en Alle- magne d'après les Monumenti de Beccadelli.

XXXV. Jenaer Literatorzeitung. N* 34. Fernandez- Guerra. Arquelogîa cristiana (publie une inscription du s. décou- verte près de Loja). Id, Nuevos descubrimientos en epigrafîa y anti- guëdades (bon). = N* 35. Detlefsen, Varro, Agrippa und Augustus, als Quellen des Plinius (bonne étude sur les sources des données géogra- phiques qui se trouvent dans Pline). Schweder. Beitraege zur Kritikd. Ghronographie d. Augustus, part. (mauvais).=N'» 37. Herzog, Abriss d. gesammten Kirchengeschichte in 3Theilen, part. (bon). MûLLKR. Der Kampf Ludwigs d. Baiern mitd. rœmischen Gurie. Vol. I (œuvre d'érudition pure; très instructif). = 38. Simonsfeld. Vene- tianische Studien. Vol. I. Das Ghronicon Altinat« (la première et la plus considérable partie de cette chronique a été rédigée au x* s.; détails inédits sur le congrèsde Venise en 1177). =N<> 39. Duncker. Geschichte d. Alterthums. Vol. I et II (5® édition, très augmentée; cet excellent ouvraige est ainsi tout à fait au courant de la science).

XXXVI. Gœttingische gelehrte Anzeigen. N* 32.— Hillebrand. Geschichte Frankreichs. II : 1837-1848 (annonce pour paraître très pro- chainement le vol., depuis le 24 fév. jusqu'au 2 déc). Lôher. Geschichte des Kampfes um Paderborn 1597-1604 (bonne étude sur l'époque de la contre-réformation). Kleinschmidt. Jacob III Markgraf zu Baden und Hochberg, der erste regierende Convertit in Deutschland (étude consciencieuse, faite d'après les sources; style déclamatoire). Wolf. Geschichtliche Bilder aus OEsterreich. I, 1526-1648 (intéressant). Sauer. Das Leben des Arnold Greveld, Priors zu Marienkamp, bei Esens (texte intéressant pour l'histoire de la Frise orientale dans la première moitié du xv« s.; mais publié d'une façon très incorrecte).

XXXVII. Nachrichten von d. k. Gesellschaft d. VTissens. zu Gœttingen. Pauli. Ecclésiastiques allemands en Angleterre

au et au xi« s.

XXXVIU. Deutsche Rundschaa. Oct. H. von Sybel. L'an- cien régime et la Révolution en France (fait un grand éloge des 2 vol. de M. Taine sur les origines de la France contemporaine; constate avec satisfaction que plusieurs des conclusions auxquelles il était arrivé auparavant se retrouvent dans ces vol.). Contributions à l'histoire de la dernière insurrection polonaise. Kapp. Les gazettes publiées à Berlin au siècle dernier.

RECrEILS Pl^aiODIQUES. 487

XXXIX. Hermès. Vol. XIX ; fasc. 3. J. Schmidt. Los Evocati (expose en détail Thistoire do cette institution militaire. II n'y a pas de différence essentielle entre les evocati de la république et de l'em- pire ; les premiers, qui étaient toujours maintenus dans leur corf)s ; les seconds qui, après avoir obtenu la 7/u'wio, rentraient dans l'armée. Depuis Auguste, la qualité iVevocatus est un privilège réservé aux pré- toriens, étendu rarement aux emcriti des légions, et jamais aux troupes auxiliaires. Sous l'empire, les rvocati ne furent i)as réunis en sections indépendantes, mais ils furent individuellement mêlés aux soldats plus jeunes comme vice-centurions). II. IIaupt. Nou- velles contributions sur les fragments de Dion Gassius (rejette les passages apocryphes et indique des fragments nouveaux dans Tzetzès ; étude des sources de Zonaras). Hihsciifeld. Les ancêtn»s de Milhri- datc de Pergame (étaient, ainsi qu'il résulte d'une inscription de Les- hos, tétrarques du peuple des Trocmi).

XL. PhUologas. Vol. XXXVIII ; fasc. 3, 1879 (Gœttingue). Ahrk.ns. L'inscription d'Olympie 111 (explication détaillée». G. F. Unukr. Les archontes attiques des ol. 119, A à 1*23, \ (recherches chronologiques très approfondies sur Tordre dans lequel étaient faites les intercalations dans le calendrier attique, et sur la détermination de l'époque régnèrent les successeurs d'Alexandn» le (irand en Macé- doine et en Thessalie). IlERnsT. Revue des livres et mémoires relatifs à Thucydide (jui ont paru dans ces dix dernières années.

XLL— Neae Jahrbûcher f. Philologie u. Paedagogik. Vol. G\IX, fasc. 5 et 6, 1879 (Leipzig). Roscher. Sur l'usage du XMr.jia (le syn- thema, en latin te.ssera, signum, correspondait assez exactement au mot d'ordre du moyen âge ; presque toujours on choisissait pour cela des noms de divinités ; liste des synthemata que l'on connaît). JuNOHAHN. Études sur Thucydide (l'auteur montre, en s'appuyant sur l'étude de la langue, que l'ouvrage de Thucydide a subi un rema- niement postérieur). Peter. De ({uelques écrivains du nom de Pol- lion (l* Asinius Pollio Romanus ; Asinius Pollio Trallianus; 3*» Valerius Pollio Alexandrinus, contemporain d'Adrien ; i* Pollio grammatirus Latinus, contemporain de Marc-Aurèle ; .V Asinius Pollio, contemiM)rain de saint Jérôme).

XLII. Jahresbericbt Ober d. Fortscbritte d. dass. Alter- tbomswissenschalt. 1G« année (1878), fasc. (^-9, vol. XV. Lir- 8IUS. Revue des travaux relatifs aux antiquités grecques pour les années 1874-1877 (parle entre autres des ouvrages suivants : Ikloch. Sulla cos- tituzioue p<.ditica dell' Elide ; l>on travail publié dans la Hivista di iilo- logia; divers travaux sur les Ephètes et l'an'mpage, de Philippin Schamann^ Forchhammer ; Se^liger et Zurbanj^ der Ostrakismos des liyperbolos; Schirll^ de extraonlinariis quibusilam magistratihus Atheniensium ; bon. Haf/lrr^ de nomothesia attica ; mémoire d'un débutant inexpiTi mente. Thalheim^ Frxnkcl, Snixfer, zur Dokima-

488 RECUEILS PERIODIQUES.

sie der attischen Beamten ; etc.). Voigt. Revue des travaux relatifs aux antiquités privées et sacrées des Romains pendant les années 1877 et 1878 (cite avec éloges : Cipolla^ dei prischi Latini e dei loro usi e costumi. Labatut. Les funérailles chez les Romains. Nissen. Pom- pejanische Studien zur Staedtekunde des Alterthums. Lord Acton. Histoire de la liberté dans l'antiquité et le christianisme, etc.). Jor- dan. Revue des publications les plus récentes relatives à la topographie de Rome. Schiller. Revue des travaux relatifs à l'histoire et à la chronologie romaine de 1876 à 1878. Un grand nombre des travaux analysés dans ces revues ont paru sous forme d'articles dans divers recueils, et il serait souvent difficile d'en connaître l'existence si Ton n'avait ce guide abondant et bien informé.

XLIU. Berichte flber d. Verhandlongen d. k. Saachs. Gesell- schaft d. 'Wissens. (Leipzig). Vol. XXX, 1878. Hirschfeld. Étude topographique sur la ville du Pirée. Zarncke. Sur deux nou- velles rédactions latines de la lettre du prêtre Jean ; suite (la traduc- tion anglaise de la lettre a pour fondement le texte du ms. de Hildes- heim ; publie la version anglaise). Voiot. De la Clientèle et de la Libertinilé chez les Romains l'origine, les libertini sont deve- nus des clients; la séparation des deux classes s'est faite plus tard. Le patronat a son origine dans cette ancienne clientèle, quoique aussitôt le nom de client, appliqué dans ce sens, ait disparu et que les devoirs de ces nouveaux patrons ou affranchis aient éprouvé des modifications essentielles. Sous les nouveaux clients, se cache le parasitisme des Grecs transplanté à Rome. Pour cette division de la clientèle en deux institutions juridiques différentes, le moment décisif arriva les petits-fils des manumissi et leurs descendants furent déliés de la clientèle). Ebert. Petites contributions à l'his- toire de la littérature carolingienne (1* Théodulf; Î^Théodulf et Raban Maur; 3<» Walahfrid Strabo).

XLIV. Monatsschrift f. d. Gesch. 'Westdentschlands ; pub. p. PicK (Trêves), 1879 ; fasc. 3-5. Schneider. Routes militaires des Romains entre l'Yssel et la Ruhr (avec une carte). K. von VErrH. Les combats de Labiénus contre les Trévires, 54-53 av. J.-C. (histoire des Trévires. A la fin de l'automne de 54, Labiénus établit des quar- tiers d'hiver près de la Semois et, dans les premiers jours de 53, près d'Arlon ; la même année, en mai, il livra bataille aux Trévires près de l'Alzette, dans le voisinage immédiat de Luxembourg). Christ. Noms de peuples allemands (les Nervii de l'ancienne Gaule étaient de race germanique, et venaient de la péninsule cimbrique. Étymologie du nom). Schneider. La guette de Schwienumshof (les postes fortifiés par les Romains sur la frontière tout le long du Rhin furent en partie confiés à des propriétaires germains, dont les maisons et les enclos se trouvent en grand nombre dans le voisinage de ces for- tifications). — Hirschfeld. Histoire et topographie du Rhin et de ses

RBCDBILS PERIODIQUES. 489

rives de Mayence juRqu*en Hollande. (A Tépoque romaine et aupara- vant, le niveau du fleuve était beaucoup plus bas qu'aujourd'hui, comme le prouvent les vestiges de châteaux, de conduits, de pierres milliaires, etc., trouvés dans le lit actuel du Rhin. A la même époque, ce qu'on appelle le Binger Loch, ou tourbillon de Bingen, était infran- chissable.) — PoHL. Le Rhin en 1697 ; histoire et politique (parle des négociations qui ont précédé la paix de Ryswick, d'après les relations originales, jusqu'ici inconnues, de P. Zimmermann, amba.ssadeur de l'évoque de llildesheim). Christ. Le Liigenfeld (champ du Mensonge) en Alsace (ce nom ne vient pas de la défection et de l'apostasie des hls de Louis le Pieux, mais il dérive d'un ruisseau ((ui coule non loin de là, le Logelbach). Sauer. Documents relatifs à l'histoire de l'insur- rection de Munster en 1534 (extraits des archives d'Idstein). Rap- ports sur les fouilles, découvertes de monnaies, etc., dans la forêt de Teutobourg, près de Dûsseldorf, Cologne et Aix-la-Chapelle.

XLV. Archiv fur OBstarreichiscbe Geschichta. Vol. LVill, lr« partie, 1879 (Vienne). Von Zeissberq. I^ lutte pour la succes- sion autrichienne après la mort de Ladislas le IV)sthume (l'imiiortance de cette lutte consistait surtout en ceci que pour la première fois on brisait l'unité des domaines autrichiens, considérés jusqu'alors, dans leur intégrité, comme un fief d'empire. Les états obser>'èrent dans cette circonstance une conduite très prudente, mais dangereuse, et cherchèrent à empêcher la division du pays. L'auteur a mis largement à profit le c Copeybuch de Vienne qu'il signale comme la source la plus importante pour les événements racontés par lui). Zwiedimeck- SuDENHORST. Lcs ambassades d'obédience des empereurs d'Allemagne à la cour de Rome aux xvi* et xvii* s. l'occasion des « legationes obedientiae d envoyées au pape par Ferdinand I et Maximilion II, les ambassadeurs impériaux prétendirent avec opiniâtreté que remi)ereur n'était pas tenu d'accorder au pape une obéissance absolue, et que l'empereur n'avait pas besoin de la « huila confirmationis v jusque-là en usage. Léopold I négligea le premier d'envoyer ces ambassadeurs extraordinaires, et fut imité en cela par ses succt»sseurs, qui donnèrent leurs instructions en conséquence à leurs aml)a.<isadeurs réguliers à Rome). Zeissberq. Fragments d'un nécrologe du monastère de Reun en Styrie. =: 2' partie. Hblfert. Témoignages relatifs à Marie-Caro- line, reine de Naples (d'après des sources inédites ; traite de la période 17G8-1790, en insistant sur les rapports de l'Espagne avec la cour napo- litaine). — STEINWE.NTER. Ctmtributious à l'histoire des lAH)poldins (traite de l'histoire d'Ernest, le duc de fer, en 1377; trace les rap- ports de l'Autriche avec le Frioul, Venise, et l'empereur Sigismond. En lUl, Ladislas Jagellon ménage une tnWe entre Ernest et Sigis- mond ; une réconciliation finale s'ensuivit en 1113).

XLVI. Mlttheilvnipeii d. Vereins f. Gesob. d. Deatocban in Bohmen. 17» année (1879), n^ 3. Kaufmax.n. L'élection de Sigis-

490 RECUEILS PERIODIQUES.

mond de Hongrie comme roi des Romains. II (l'idée de soumettre Sigis- mond à une seconde élection, en 1411, avait été proposée par les arche- vêques de Mayence et de Cologne qui cherchèrent à gagner aussi Wen- ceslas en faveur de son frère. Sigismond s'opposa à ce projet et tint la première élection pour valable ; il ne consentit qu'avec peine, et à la dernière extrémité, à faire renouveler Tacte d'élection). H. von Wiese. Les juges libres du comté de Glatz (ils descendent des anciens juges qui, au xiii« s., furent mis en Silésie à la tête des colonies allemandes nouvellement fondées ; lorsque ces juges se furent dispensés d'exercer en personne leur office, ce qui arriva bientôt, ils réussirent à conserver leur liberté contre toutes les attaques, et à se qualifier d'hommes libres sur leurs « terres de juges ». Recherches approfondies sur la germani- sation de la Silésie). Kittel. Eger dans la seconde partie du xvii« s. LosERTH. La nationalité de Charles IV (c'était un Allemand par l'éducation et la langue, non un Tchèque). = N* 4. Goehlert. La population de la Bohême depuis un siècle (nombreuses tables statis- tiques). — Hasse. L'émigration des évangéliques de Bohême en Saxe (d'après des actes de 1666 et 1667). Bisghoff. Les premiers seigneurs de Schwanberg. Stocklobw. Les propriétaires de francs-alleux en Bohème (ils n'appartenaient à aucune classe, et relevaient directement du roi. En 1630, Ferdinand II mit sous la surveillance du fisc royal les propriétaires de francs-alleux contre qui sévissait, depuis 1620, une persécution générale de la part de la noblesse).

XLVII. Archivio storico italiano. 1879, 4* fasc. Minieri- Riccio. Le règne de Charles d'Anjou ; suite, du l** janv. au 21 oct. 1281. Saltini. D'une visite que François Ide Médicis, encore enfant, fit à Gênes à Philippe d'Espagne, fils de Charles-Quint. Bazzoni. Correspondance de l'abbé Galiani avec le marquis Tannucci ; suite, du 27 juin au 8 août 1768. Banchi. Piccinino dans l'état de Sienne et la ligue italienne, 1455-1456. Reumont. La bibliothèque de Gorvin (histoire de la formation, de la dispersion et de la reconstitution par- tielle de cette célèbre collection de mss.). Ambrosi. Le moyen âge à Trente. Aar. Les études historiques dans la terre d'Otranto. Clomptes-rendus : Gebhart. Les origines de la renaissance en Italie (analyse sympathique). Helbig, Die Italiker in der Poebene (instruc- tif). — Livi. Il Guicciardini e Domenico d'Amorotto (bon). W, Sickel. Geschichte der deutschen Staatsverfassung (travail soigné, mais aven- tureux). — Liste des livres relatifs à l'Italie imprimés en Angleterre.

XLYUI. Archivio storico per le provincie napoletane.

année ; fasc. 2. Volpicella. Notices extraites des archives et des bibliothèques : rapport adressé au duc de Médina de las Terres, vice-roi de Naples, par son prédécesseur, le comte de Monterey, sur la situation dans le royaume de Naples, 30 nov. 1637. Racioppi. La table et les cou- tumes d'Amalfi (la partie de cette table qui est en latin a été rédigée

RECUEILS PERIODIQUES. 494

officiellement à Tépoque angevine et même après 1274 ; la partie rédigée en italien est de la seconde moitié du xiv* s., mais elle n'est pas tout entière de la môme main, ni de la môme date. Le mot tabula ne veut pas dire que ces coutumes aient été écrites sur la pierre, le bronze ou le bois ; elles étaient transcrites sur un parchemin ou sur du papier tendu sur une plaquette de bois, et exposées ainsi aux yeux du public). Del Giudice. La famille du roi Manfred ; suite. Gorrei^pondance diplomatique entre le marquis Tanucci et le prince Albertini ; suite. MiNiBRi-Riccio. Détails historiques sur les académies qui ont fleuri à Naples.

XXiIX. R. Istltato lombarde (Milan). Séance du 5 juin. C. Cantù. Le couvent délie Grazie à Milan et le saint-office ; l'* partie (histoire de ce monument religieux et artistique au xvi« s.).

L. R. depntazione dl storia patria (Modène). Séance du 17 mai. Bertolotti. Monographie sur Dart. Marliani, archéologue de Vcrceil au xvi« s. ; la principale de ses œuvres fut la Topographia iirbù Romae^ publiée en 1534 et plusieurs fois réimprimée depuis, piôme à l'étranger. = 31 mai. Ferrato. Mémoire sur Camilla Faa de Casale, sur son mariage avec l'ex-cardinal Ferdinand Gonzague, et sur le divorce qui suivit (1616-1662).

LL Rivista enropea. l*' août. Gapasso. Fra Paolo Sarpi et l'interdit de Venise ; suite. Salvioli. L'instruction publique en Italie aux viir-x« s. ; suite. = 16 août. Adehollo. Le comte Gorani et ses récents biographes. De Jonoh. Les archives de l'état à Florence. = 16 sept. Les études de M. â. Dertolotti sur la famille Genci (impor- tant pour l'histoire des mœurs italiennes au xvi« s.).

IjIL Nnova Aniologia. 15 juill. Gust. Les plus anciens monu- ments épigraphiques dans l'Inde septentrionale ; les inscriptions du roi Açoka. NovELLi. Sur un ms. de la Bibl. Angelicade Rome (contient deux lettres autographes du Tasse, déjà publiées par Guasti d'après des copies ; quelques remarques sur la langue parGuarini, également auto- graphes, etc. = l*"" août. Do.NGHi. Goriolan (excellente étude sur l'his- toire et la légende de Goriolan). Ghiala. Les confidences politiques de deux hommes de bien (lettres de M. d'Azeglio et d'Alph. La Mar- niora sur les événements politiques de 1849) ; suite au n* suiv. a 15 août. Tararrini. Les voyages de Gino Gapponi. Fiorentiso. Vie et œuvres d'Andréa Gesalpino (quelques documents nouveaux). Del Lu.Hoo. Florence guelfe dans les premières années du xiv^ s. (extrait du livre : Dino Compagnx e la sua Cronica), Pioorini. La paleoetnographie véronaise et son fondateur P. Marti nati.

LIIL Jahrbueli fttr SobweiBergeschichte. Bd. IV, 1879. F. RoHRBR. Le prétendu concordat de Waldmann (démontre que ce concordat, unique en son genre par les concessions que le saint- siège aurait faites à It ville de Zurich, n'est au fond

492 tECunts pi^uodiquss.

qu'une fable, mais que les magistrats zurichois n'en savaient pas moins faire très bien valoir vis-à-vis de leur clergé les droits souverains de rÉtat). J. L. Aebi. Sur les causes de la guerre de Zurich. E. Bloesch. La construction de la viUe de Versoix, 1706-1777 (documents tirés des archives de Berne, qui témoignent de Tanxiété avec laquelle le gouvernement bernois suivait les projets réels ou supposés de la France à Tégard de Genève et du pays de Vaud). E. ŒmjiANN. Les passages des Alpes au moyen âge, partie : le Bernardin et le Septi- mer ; le Brenner ; les Alpes orientales, etc.

LIV. Der Geschichtsfrennd. Bd. XXXIV, 1879. ScHiFFiCANif. Notice sur les travaux d'Aloîs Lùtolf (cf. Rev. hist,^ X, 512. Nous ajoutons aujourd'hui que M. Lu tolf s'était chargé, avec M. le professeur Busson, d'Innsbruck, d'achever ï Histoire des alliances fédérales, de J.-E. Kopp. M. Lûtolf avait pris pour sa part l'histoire des années 1330-1336. Mal- heureusement, le manuscrit déjà très volumineux qu'il a laissé est encore loin d'être terminé). J.-G. Meyer. Notes sur l'histoire du chapitre rural de Zurich. A. Keiser. La famille Muos de Zug (épi- sode de la guerre de Morée au xvii* siècle). Le R. P. A. Schubiqeiu Les Antonins et leur maison d'Uznach. M. Estermann. Le livre des fiefs du chapitre de Beromûnster (Possessiones et decitne pertinentes ad feoda prebendalia Ecclesie Beronensis, registre du milieu du xiv* s.). B. AjfBKRO. Antiquités romaines et alémaniques de Kottwil (Lucerne).

LV. Mlttheiloiigen der antiquarischen OesellBChaft in Zurich. Bd. XX, 1. Theil, Heft 3, 1879. F. Keller. Établissements lacustres, rapport.

LVl. -^ Thnrgaoische Beitraege zur vateria.endl8clien Gesch. Heft XIX, 1879. H. G. Sulzberoeb. Matériaux pour servir à l'his- toire politique et religieuse de la Thurgovie au temps de la Réforma- tioD. Sghmid. Épreuves d'un pasteur thurgovien pendant les années de guerre 1798-1800.

LYII. Jahrbncb des Sch^weizer-Alpenclob. XFV. Jahrgang, 1879. G. Meyer von Knonau. Un voyaye impérial à travers les Alpes (résume d'une façon ingénieuse ce qu'on peut savoir de l'appa- reil dans lequel les monarques allemands franchissaient les Alpes au xri« siècle pour aller se faire couronner à Rome ou pour défondre en Italie les droits du saint-empire). H. Duby. Les Sarasins et les Hongrois dans les Alpes.

LVIII. Mémoires et Documents publiés par la Société d'Iiis- toire de la Suisse romande. T. XXXIY, livraison, 1879. Mélanges. G. de Charrière. Notice biographique sur Louis de Ghar- rièro (auteur de monographies estimées sur les anciennes familles sei- gneuriales du pays de Vaud). Gh. Morel. Notice sur le milliaire de Vich. A. Morel-Fatio. Fragments d'une histoire monétaire do

RICDBILS PIÎRIODIQOIS. 493

Lausanne (1394-1476). J. Gremaud. Nécrologe de la chartreuse de la Lance.

LIX. Mémoires de rinstitut national genevois. T. XJV,

1879. H. Fazy. Procès de Valentin Gentilis et de Nicolas Gallo, 1558, public d'après les documents originaux (cf. Rev. hist.^ VII, '238). Id. La Saint-Barthélémy et Genève (renseignements abondants et de première main sur l'impression produite à Genève par la nouvelle de la Saint-Barthéicmy, les mesures de précaution et de défense que la ville crut devoir prendre, l'accueil sympathique qu'elle fit aux réfu- giés, etc.).

LX. Mémoires et documents publiés par la Société d'his- toire et d'archéologie de Genève. T. XX, i^ livr., 1879. Gh. MoEEL. Genève et la colonie de Vienne sous les Romains, i** partie (mémoire d'une ordonnance un peu disproportionnée, mais fort inté- ressant, dans lequel M. Morel s'est proposé d'éclairer les inscriptions latines trouvées à Genève, soit par l'étude des inscriptions provenant de tout le pays qui dépendait de la colonie de Vienne, soit par les rensei- gnements que les auteurs anciens ou les inscriptions d'autres contrées nous fournissent sur les cités de Tempire romain. 11 a été ainsi amené à élargir le cadre de son travail, Genève n occupe plus eu apparence qu'une place assez restreinte. Les institutions de Vienne, métropole des AUobrogcs et chef-lieu de l'organisation municipale dont Genève dépendait, sont devenues l'objet essentiel des recherches de M. M. ; et comme les institutions municipales des Romains , dans leur infinie variélé, sont fort peu connues, il a cru devoir donner aussi une certaine extension aux généralités et aux résumés historiques. Le mémoire est jusqu'à présent divisé en six chapitres, dont voici les titres : I. Genève et les ÂUobroges. Esquisse historique de la conquête. État général de la province Narbonnaise jusqu'à Jules César et Au- guste, p. 5. IL Différents droits et titres accordés aux villes et aux diverses localités de l'empire, municipes, colonies, etc. Vici, castella et pagi ; leur position relativement au chef-heu, p. 19. IIL Origine de la colonie de Vienne. Examen des sources. Vienne colonie latine, puis municipe romain. Date probable de sa constitution définitive en colonie romaine, p. \b. IV. Les magistrats viennois d'après la première cons- titution. Inscriptions qui les concernent, p. 60. V. I^s magistrats vien- nois d'après la nouvelle constitution. Inscriptions qui les concernent. Ordre hiérarchique des magistrats, p. 68. VI. Attributions des magis- trats de Vienne sous la seconde constitution, p. 79-97). Gh. Le Fobt. Une société de Jésus au xv« siècle (lettres adressées, de 1 16i à 1466, aux syndics et conseil de Genève par Gérard Deschamps, personnage assez mal famé qui fut le principal instigateur de la société fondée, le 29 juin 1159, par le pape He II, dans le but de faire la guerre aux Turcs et de propager It foi chrétienne. M. Le Fort a joint aux lettres de Deschamps une page du secrétaire intime du pape, Gobcllinus, qui

494 RECUEILS PlflIODIQUES.

ne laisse pas d'en affaiblir singulièrement la valeur ; mais on sait si peu de chose de cette compagnie de Jésus qu'il faut remercier Téditeur d'avoir ajouté quelques pièces nouvelles aux trois documents publiés par M. Gastan dans la Revue des sociétés savantes de 4876). lîi. Du- FouR. Notes sur le couvent de Sainte-Claire à Genève (acte de 1500 qui donne les noms de 26 religieuses de Sainte-Glaire; renseignements nouveaux sur les diverses éditions du Levain du Calvinisme ; fragments de l'ouvrage du P. Fodéré qui peuvent servir à compléter le nècit de Jeanne de Jussie, etc.). Bulletin : Gh. Le Fobt. Louis Sordet, ancien archiviste. Notice nécrologique. Id. Huit jours à Genève en 4595 (extrait du journal de voyage de Thomas Flatter le jeune). Gh. Da.ii- DiER. Pierre Mouchon et VÉmile de Rousseau. Th. Dufour. Ouvrages sur rhistoire de Genève publiés du l'** janvier 4875 au 34 décembre 4878 (renferme, entre autres, p. 199-246, toute la littérature du cente- naire de Rousseau).

LXL Hlstorîsk Tldsskrift. 5* série, t. I, fasc. 2. —G. P. Brick A. t Dies soteriorum. » Id. Hans Stenvinkel, architecte de Ghristian lY. Nellemann. Remarques sur la bénédiction nuptiale considérée comme condition du mariage légal en Danemark. Nyrop. L'industrie de la verrerie en Danemark avant 1750. Gomptes-rendus : Barner. La famille de Rosenkrantz (utile). Daae, Les saints de Nor- vège. — Id. Le droit de patronage dans Téglise norvégienne (bons). Michelsen. Vorchristliche Gultusstaetten (fantaisies sans valeur). Les ouvrages parus à l'étranger en 1878 sur l'histoire de Danemark.

LXIL Klrkehistoriske Samlinger. série, t. II, fasc. 3.

WuLFF. La légende de saint Glément. Robrdam. Notices et extraits de l'almanach de Peder Ghristensen. 1584-95. Koch. Les piétistesen Jutland au commencement du xix* s.

LXIU. Aarbœger for Nordisk Oldkyndighed. 1879, fasc. 1.

Kornerup. Le monastère d'Esrom et ses rapports avec Clairvaux. JoERGENSEN. L'aucien écu armoriai des rois de Danemark. Henr^- Petersen. La pierre tombale de Timgaard (non celle de Dyveke, mais celle de sa mère Sigbrit).

LXIV. Historisk Archiv. 1879. I, fasc. 5. Steenstrup. Notice sur quelques lettres adressées en 1753-57 par M™« Ogier, femme de l'ambassadeur de France à Copenhague, à M. de Gideville, ami de Voltaire, à Rouen ; elles sont conservées dans les archives de l'Aca- démie de Rouen; ses remarques sur la littérature danoise sont inté- ressantes.

CBROXIQDB ST BIBLIOGRAPHIE. 495

CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.

France. Le prix Bordin (3,000 fr.) a été décerné par TAcadémio des Beaux-Arts à M. Eug. Muntz, pour son ouvrage intitulé Us Arts à la cour des papes.

Par arrêté du 15 septembre, une chaire de géographie historique a été créée à l'École des Hautes-Études pour notre collaborateur M. Aug. Lo.NUNON. M. Longnon fera deux conférences par semaine : il étudiera dans Tune Torigine, la signification et les transformations des noms de lieux, dans l'autre il exposera les divisions territoriales de la Gaule franque du vi* au x* siècle.

Voici les sujets des compositions écrites qui ont été donnés, cette année, aux candidats pour l'agri'gation d*histoire : Histoire ancienne : donner une analyse raisonnée des Antiales et des Histoires de Tacite; discuter la question de Tautorité de Tacite comme historien d'après ces deux ouvrages. Histoire du moyen âge : exposer les principaux résultats des Croisades. Histoire moderne : la Fronde; exposer briève- ment le récit des faits, en distinguant avec soin les diverses périodes; énumérer et caractériser les principaux ouvrages qui nous instruisent à ce sujet ; apprécier les diflerentes opinions qui ont été exprimées sur le degré de gravité qu a offert cet épisode au point de vue de l'histoire générale. Géographie : faire connaître le littoral méditerranéen de la France. A la suite des épreuves écrites et orales, ont été nommés agrégés MM. DuHois, Lacour, Labroue, Sgubffer, Gat, Gardon, Grkhamub,

GUYON, WOLTERS, PoiRIER, GaZES.

M. Aug. HuuuET, sénateur du Pas-de-Calais, vient de fonder un prix de i.OOO fr., qui sera décerné eu 1881 à l'auteur du meilleur abrégé de l'histoire de Boulogne-su r-Mer, à l'usage des élèves des écoles pri- maires. L'ouvrage devra être un choix de lectures sur les principaux événements de cette histoire, rattachés entre eux et reliés à l'histoire générale du pays par de courts sommaires; il se composera de récits détaillés sur les événements importants dont iioulogne et le Boulon- nais ont été le théâtre jusqu'à la fin de la guerre avec l'Allemagne, en 1871. La Société académique de l'arrondissement de Boulogne a décidé de créer de son c6té un prix de 400 fr. en faveur de l'ouvrage classé le second dans le concours.

La librairie Picard vient de mettre en vente le Cartulaire de l'abbaye de Conques en Rouerguc, publié par M. Gustave DBSJARoms. On jugera de l'importance de ce vol. par ce seul fait qu'il contient le texte de 581 chartes, pour la plupart inédites, dont 9 du ix« s., 125 du

496 CHRONIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.

X*, plus de 350 du xi« et les autres du xii«. Ces documents, publiés avec soin, sont précédés d'une introduction, l'éditeur étudie Fhistoire de Conques, décrit le cartulaire, expose les principaux renseignements qu'on en peut tirer relativement à l'administration des biens de Tabbaye, et suivis d'un index chronologique des documents, enfin d'une table générale des noms de personnes et de lieux. Cette dernière occupe une centaine de pages. Cet important ouvrage a été entrepris aux frais de la société de l'École des chartes; il fait partie de la série des Documents historiques publiés par cette société, et que doit clore la présente publi- cation. — La société a résolu d'employer autrement ses ressources disponibles; elle a entrepris de publier par fascicules un recueil de fac- similés photographiques propres à faciliter Tétude de la paléographie. Le premier fasc. contiendra 27 pièces accompagnées de leur transcrip- tion ; la photographie et l'impression sont déjà terminées pour 26 d'entre elles; ce premier fasc. paraîtra donc bientôt.

M. Gaston Raynaud vient de publier chez Picard un intéressant petit volume intitulé : Voyage de Charles- Quint par In France, poème historique de René Macé. Ce René Macé, originaire de l'Anjou, moine bénédictin de la Trinité de Vendôme, et prieur de Beaurain (Nord), fut le chroniqueur et le poète attitré de François I*"" (il dut mourir peu après 1540). Il a composé plusieurs ouvrages, en latin ou en français, car Macé était poète en l'une et l'autre langue, dont M. Raynaud nous donne la liste. Le poème sur le célèbre voyage de Charles-Quint en France, en 1539-1540, s'il n'est pas un chef-d'œuvre de poésie, il est loin cependant d'être sans valeur. L'auteur en effet décrit ce qu'il avait sous les yeux et l'histoire pourra faire son profit de maints détails; il accueillera de plus, comme la très bien venue, une bibliographie, dressée avec soin et méthode par M. Raynaud, des pièces publiées au XVI* s. sur cet important événement. Cette bibliographie est divisée en 3 parties : la l" (14 pièces) est relative aux Entrées de Charles-Quint; la (14 pièces) à un certain nombre de pièces historiques; la (11 p.) aux chansons, et en général à toutes les productions littéraires qu'a pu faire naître sur son passage l'empereur d'Allemagne.

La deuxième livraison du bel et excellent ouvrage de M. Léon Palustre sur la Renaissance en France (Quantin) est consacrée au département de l'Oise. On y trouve les plus intéressants détails sur les sculptures des portes de la cathédrale de Beauvais, sur les châteaux de Sarcus, de Verneuil et de Chantilly, sur le sculpteur Jean le Pot, sur l'architecte Jean de Brosse en qui M. Palustre voit, avec beaucoup de vraisemblance, le père de Salomon de Brosse, l'architecte du Luxem- bourg. Les belles eaux-fortes de M. Sadoux sont dignes d'illustrer le texte de M. Palustre, le goût artistique s'allie à l'érudition archéo- logique.

M. Bérenger-Féraud, médecin en chef de la marine, vient de publier sur les Peuplades de la Sênégambie (Leroux) un livre rempli

CHROXIQDE ET BIBLIOGRiPBIB. 497

d'observations personnelles qui seront utiles aux futurs historiens de l'Afrique.

M. Chodzko, chargé de cours au (>)llège de France, vient de tra- duire en français les Chants historiques de l'Ukraine et les Chansons des Latijches des bords de la Dvina occidentale (Leroux). Ces chants sont d'un grand intêr<>t, mais le commentaire qui les accom{)agne n est pas tou- jours suffisant pour en faire pénétrer le sens et en faire apprécier la valeur historique.

M. U.-D. de Grammont commence une série d'études sur leii Relu" lions entre la France et la Régence d'Alger au XVIh 5. (Alger, Jourdan) par une très intéressante plaquette (47 p.) sur les deux canons de Simon Dansa f volés par ce corsaire quand il abandonna le 8er\'ice barbaresque et qui furent cause d une rupture entre Alger et la France, qui dura de 1610 à 1628. Les nombreux documents inédiu que publie M. de G. donnent une vive image des conditions d'insécurité dans lesquelles s'exerçait alors le commerce de la Méditeiranée.

M. J. Delaville le Roulx vient de dtVcrire et de commenter avec soin, dans une Notice sur les Chartes originales relatives à la Touraine antérieures à l'an mil (Tours, imp. Rouillé-Ladovèze), vingt documents dont la plupart ont un intérêt historique. Nous voudrions voir plus souvent nos archivistes entreprendre des travaux semblables de paléo- graphie et de diplomatique qui fournissent un si grand nombre de ren- seignements utiles sur l'histoire, la géographie, la chronologie, les institutions, etc. M. D. L. R. a donné un bon exemple qui, nous l'espé*

rons, sera suivi.

La Société héraldique et généalogique de France fait paraître depuis le 1*' janvier dernier un bulletin bi-mensuel (s'adresser à M. Woog, 2, place du Danube, à Paris. 5 fr. par an).

M. G. Henry vient de publier sous le titre de Un érudit, homme du monde, homme d'église, homme de cour (Hachette), une série de lettres adressées à Huet par M"»« de Lafayette, M«"« Dacier, Bossuet, Fénèlon. 11 en est de très curieuses, en particulier celles de M°>« de Lafayette et de Bossuet.

M. Lanob, professeur au collège Rollin, vient de publier (Fisch- bacher) une intéressante étude sur un trouvère allemand du xni« s., Walther von der Vogelweide. Quoique ce volume sorte en partie du cadre do la Revue^ nous tenons au moins à l'annoncer, parce qu'il se rattache par plusieurs points à l'histoire générale ; ainsi le chapitre H étudie Walther comme homme politique, et le montre dans ses rela- tions avec Philippe de Soualn*, Othon de Brunswick, Frédéric H ; le chapitre HI le considère dans ses rapports avec l'Ëglise et les papes Innocent HI et Grégoire IX. C'est une curieuse histoire qui nous fait pénétrer dans les sentiments et les passions de l'époque vécut celui qui en est le héros.

Rev. HisTOR. XI. PASC. 32

498 CHMO^nouv et iituoftiAPm.

Trois nonvelles revues vont parai tre chez Leroux, k Paris : une Retue éffjfpiologique, sous la direction de MM. BauoscH-BEY, Chabas et Revil- LOGT ; les Archives de l'Orient latin, sous le patronage de la société de rOrient latin; et une Revue de l'histoire des religions, sous la direction de M. GcDiET.

Le même éditexir annonce les ouvrages suivants, déjà parus ou à paraître dans la collection formée par TÉcole des langues orientales vivantes : voL XH, Recherdies arehéoloçiques et historiques sur Pékin et ses environs, par M. Gollo de Pulsci (voy. ranal3rse de ce vol. dans la Revue critique du 4 oct., n* 40); vol. XIII^ Histoire des reimtUms de la Chine avec l'Ânnam, du lYI* au III* s.^ par M. DEVÉaui; voL XIV, Éphtmérides daces, ou histoire au jour le jour de la guerre de quatre ans (1736-^), entre les Turcs et les Russes, par Constantin Dupontès, texte grec publié par M. Legeaxd ; la traduction française formera le ¥ol. XV; vol. XVI, Recueil de documents sur l'Asie centrale, par M. IxBAULT'HuAaT ; vol. XVll et XVIII, Histoire universelle, traduite de l'arménien, par M. DuLAumisa: voL XIX, Histoire du bureau des interprètes de Fékin, par M. DsvÉaLk.

La fin de l'année verra paraître un certain nombre d'ouvrages historiques^ qui seront des oeuvres de science en même temps que de beaux livres. Nous citerons chez Didot : Histoire du Mont Saint^Michei, par Tabbé Bbec, l'evéque de Coutances, et M. G^aRorsa; chez Durnoolin : Saint Vincent de Paul, par M. Arthur Loth, et le Costume en France d'après les sceaux, par M. Germain Dexit. Après une introductioa étendue sont étudiées toutes les •:îuestions que soulève la sigUlogra- phie, Tautear de ce dernier ouvrage met sous les yeux, à l'aide de la plume et du crayon, toutes Les données iconographiques^ si abondantes et si précises, que fournissent les sceaux. Il reproduit et commente les types que les sceaux ont successivement donnés aux trois personnes divines, à La Vierge, aux anges, aux saints, aux rois, aux darnes^ aux chevaliers, et enfin les types héraldiques.

Angleterre. La librairie Hors! et Biackett prépare une édition en vol. des conversations de feu M. Nassau Sestob avec des personnages distingues pendant le second empire \ tS60-IS63^ : on en connaît déjà plusieurs fragments publies dans diverses revues anglaises. Elles sont publiées par M"» Simpson, filie de M. Senior.

La collecàon du Mainre des rôles vient de senricnir des violâmes suivants : le t. U du C^ileruîar of home office paper^ pour le règne de Geonjes III 17*56-1761}' : le t. m du Calendar of ducurrunts relatin^ Ut [reland iliS5-li9«'; un nouveau volume des Tntisury paperi, allant de 1708 à 17U-

M. Arthur J. Jsvkbs prépare une edidon des registres de la paroisse de Sains<x^tonib~>Li;or» ea CcraouoiUes: ces r?«jnscres commencent en tôo'J : Lis codîieaueiis de •n."»iiibrvux renseignements sur Les fttmiiles- Arundell, Vvwan, Carew, Courtenav.

CHRONIQnS ET BIBLIOGRAPHIE. 499

M. SwEET imprime en ce moment une version en ancien anglais, par le roi Alfred, de Thistoire universelle d'Orose (pour la société des anciens textes anglais).

La librairie Longmans annonce les ouvrages suivants : Corres- pondance de Gilbert EUiot, premier comte de Minto, gouverneur général de l'Inde, de 1807 à 181 i, pour faire suite aux lettres de lord Minto déjà publiées en i87i; 50 ans de la constitution anglaise, par Shehlon Amos; une bistoire de l'ancienne Egypte par RA>\Lm80N; le vol. de ÏHistory of England de Spencer Walpolb, 183*2-1841.

La librairie Macmillan annonce le et dernier vol. de VHistory of the english people, par M. Green ; le 6* et dernier vol. de la vie de Milton, par M. Masson; une série d7/ii/onoo/ Essays, par M. Frebman; une tlhiory of the huguenots of the dispersion, i^ar M. Poole; la série des Cameos from english history, par M**« Yonoe.

La librairie Trùbner annonce la part, du vol. IV de la History of India from the earliest âges, consacré au règne d'Aurenzeb, le I^uis XIV de Tlnde au xvii* s.

Allemagne. M. VoLQUARnsBN, professeur d*histoire ancienne à Kiel, vient de passer à l'Université de Gœttingue.

M. Heioel, sous-arcbiviste de TÉtatà Munich, vient d'ôtre nommé professeur à l'Université de cette mémo ville.

Autriche-Hongrie. M. Mathias Pangerl, professeur à l'Univer- sité de Prague, en 1834, mort le 10 janv. 1879, s'est fait connaître par de nombreux travaux sur l'histoire de la 8tyrie et l'édition des cartulaires de Ilohenfurt et de Goldenkron; son dernier ouvrage est l'édition du liuch der Malerzeche in Prag,

M. David Kuh, publiciste, membre du landtag bohémien, en 1819, mort le 25 janv. 1879, prit part en 1848 à l'insurrection hongroise et fut condamné à un long emprisonnement; amnistié en 1850, il fonda la Ihrager Zeitscfinft, Chronik fûr œsterreichische Literatur, Kumt und Geschichte et le Tagesboten aus Hœhmen. En lutte constante avec le parti tchèque, et surtout avec Ilanka et Palacky, il fut un des représentants les plus distingués du mouvement allemand en Bohême. Il attira vive- ment sur lui l'attention en démontrant, en 1859, la fausseU^ des prétendus monuments de la littérature tchèque reproduits par Ilanka.

Programmes de g>'mnases autrichiens : BmMENTRrrr. Der Tratato anonimo iiber den Aufstand d. Communeros gegen Karl V ; traduction et commentaire. Leitmeritz 1878. G. Burohm'Sf.r. Einleitung zu einer Geschirhte den Baseler Friedens von 1795. Kamotau 1878. Pandler. Studien zur nordlnebmischen specialgeschichte. Leipa 1878.

Italie. Le "28 août dernier est mort à Palerme le comm. Isidoro I^A LrMiA, surintendant général des archives de Sicile. Il avait publié sur l'histoire de cette île des travaux remarquables dont plusieurs ont paru dans VArchivio storico italiano et dans la Suora Antnhjgia. Va des

500 CHROJVIQUE ET BIBLIOGRAPHIE.

plus estimables est le livre intitulé la Sicilia sotto Vittorio Amadeo di Savoia^ dont il a été question dans la Revue historique^ VI, 420.

On annonce sérieusement que Ton songe au Vatican à faciliter aux érudits l'accès des archives pontificales. Puisse ce projet se réaliser promptement I

Le travail de M. Isidore del Lungo, Dino Compagni e la sua Cro^ nica, attendu depuis si longtemps, vient enfin de paraître (Florence, Le Monnier). La 1" partie seule (45 chapitres) du vol. I a paru; la seconde paraîtra avant la fin de Tannée. Le vol. I contient Thistoire de la vie de Dino, de son époque et de sa chronique, depuis le 3Lrv« s. jusqu'à nos jours. Le second vol. contient le texte de la chronique avec de copieuses annotations et le fac-similé héliographique du ms. Asburn-' ham du xv« s. signalé par M. Paul Mbyer.

Une société d'érudits, sous la direction de M. Adolfo Bastoli, a entrepris de publier une table complète des mss. italiens de la Biblio- thèque nationale de Florence (sections Magliabecchiana, Palatina, Ric- cardiana). Cette publication sera divisée en deux grandes parties : poésie et prose ; on commencera par la poésie. La mise en vente du 1" fasc. est imminente. lia suite paraîtra régulièrement par fascicules mensuels de 66 p. in-8<>; le prix d'abonnement pour les souscripteurs est de 48 fr. par an.

Au mois de sept, dernier, un congrès de plusieurs sociétés ita- liennes d'histoire s'est tenu à Florence pour donner, si possible, une direction uniforme aux études et aux publications des diverses sociétés. On décida de publier, avec la coopération de toutes ces sociétés, un catalogue exact de toutes les sources de l'histoire de chaque région italienne.

Suisse. M. le professeur Louis Vulliemin est mort le 10 août, à Lausanne, à l'âge de 82 ans.

J'ai eu l'occasion d'indiquer ici même (Revue, V, 393) le mérite de son dernier livre, V Histoire de la Confédération suisse de/puis les plus anciens âges jusqu'à notre temps K Mais aujourd'hui que l'auteur n'est plus, il me semble que, sans manquer à aucune convenance, je puis ajouter quelques mots qui serviront peut-être à faire mieux connaître le vénérable historien.

M. Vulliemin était avant tout un narrateur de premier ordre, un écrivain d'un rare talent, et bien qu'il ait, dans le cours de sa longue carrière, publié nombre de pièces inédites 2, le métier de Geschichtsfor~

1. Lausanne, Bridel, 1875-77 ; deux volumes in-1^.

2. Voir, par exemple, Le Chroniqueur, recueil historique et journal de VBdvéUe romande (Lausanne, 1835-36, in-4), dans lequel M. Y. s'était proposé de retracer, de quinze jours en quinze jours, les incidents trois fois séculaires de la Réformation de ce pays ; ou bien encore le mémoire qui a pour titre : VHisloire suisse étudiée dans les rapports des ambassadeurs de France avec leur cour. Siècle de Louis XIV. (Archiv fiir schw. Greschichte^ Bd. V-VllI, Zurich, 1847-51.)

CHROXIQOB ET BIBLIOGRIPHIB. 504

scher n'était pas, à proprement parler, sa vocation spéciale. La critique était, chez lui, tenue en échec par des goûts d'artiste « que de sévères études n'avaient pas corrigés ; la précision du détail lui importait moins que l'harmonie de l'ensemble. Je sais môme de bons juges qui, pour ce motif, ont longtemps préféré à ses trois volumes sur l'Histoire de la Confédération suisse dans le xvi* et le xvii« siècle * son essai plus populaire sur Ghillon ', ou ses admirables portraits du doyen Bridel ' et du landammann Pidou *. Pourtant, lorsqu'en 1873 il fut tenté do résumer dans un rapide récit ce qu'on peut savoir de plus certain de nos antiques annales, il comprit bien vite qu*il fallait bon gré mal gré se ranger sous la loi des nouvelles méthodes. « L'histoire suisse, disait-il, ne présente plus les aspects qu'elle offrait aux temps Jean de Mùller écrivait ; les recherches ont poursuivi leur cours. La cri- tique a fait son œuvre. A nous d'en accepter les résultats, persuadés que toute conquête de la vérité est une force pour la patrie, v Ainsi fit-il d'un bout à l'autre, sans que jamais l'âge rempèchàt de s'acquit- ter lestement de mille lectures une vieillesse moins alerte que la sienne se fût bientôt épuisée. L'ouvrage publié, M. VuUicmin gardait cependant un scrupule. Ce livre, préparé avec tant d'amour, était-il vraiment digne du succès qu'il avait obtenu ? La première partie sur- tout, qui traite des origines et du développement de la (bn fédération suisse, ne portait-elle pas trop souvent la trace de son c incompétence v ? Ce fut dès lors son grand souci, son unique préoccupation de la retou- cher pendant qu'il était temps encore, et aux amis qui l'assistaient dans cette t&che il ne cessait de demander qu'on le mit, par une entière franchise, en mesure de se corriger. Celui qui écrit ces lignes a été trop activement mêlé à l'entreprise pour entrer dans aucun détail ; mais il ose affirmer que les personnes qui voudront bien comparer l'édition nouvelle du tome I * avec la précédente trouveront presque à chaque page la preuve du soin minutieux avec lequel elle a été revue. Être succinct sans cesser d'être clair, et rigoureusement exact sans cesser d'être intéressant : tel est, en face d'un sujet complexe entre tous, le problème que l'auteur d'un précis d'histoire suisse doit résoudre. M. Vulliemin l'a résolu autant qu'il est possible d'y n^ussir. On pourra faire autrement que lui ; on chercherait en vain à mieux concilier les exigences de l'art et les droits de la science, le respect pour les choses d'autrefois et l'observation toujours plus stricte des devoirs qu'impose la poursuite de la vérité.

1. Paris et Genève, 1841-42. (Tomes XI-XIII de V Histoire de la confédération $%Use, de J. de Mttller, R. Gluti-Blotibeim et J.^. Hottinger, traduite et coo- tinuée par Ch. Monoard et L. Vulliemin.) Ces volumes, dépassés et vieillis pour l'époque de la Réformalloo, o'eo renferment pas moins, sur l'histoire du zvii* siècle, de très précieux renseignements.

2. Lausanne, 1861 ; 3* édiUon, 1863.

3. 76., 1855.

4. 76., 1860.

5. Lausanne, Bride], 1879 (ne se vend pas séparément).

Rbv. Uibtoii. XL 2* fasc. 32*

502 CBftONIQDE ET BIBLIOGRAPHIE.

D'autres ont dit déjà ^ ce qu'était, aux heures de loisir, cette sereine et spirituelle physionomie, ce causeur plein de bonhomie et de malice, qui, de son mince filet de voix, murmurait à notre oreille attentive tant de curieuses ou de plaisantes anecdotes, ce chrétien si convaincu et néanmoins si libre, qui ne se souvenait pas c d'avoir jamais abordé les livres saints comme une œuvre étrangère aux lois de rhistoire », ce Vaudois vénéré de tous, qui, mieux encore que le doyen Bridel, unissait aux goûts littéraires d'un autre âge le culte instinctif de la patrie et de la nature suisses. Pour moi qui, durant quatre années, ai eu l'honneur d'être le correspondant le plus assidu de l'illustre octogénaire, je n'ai voulu témoigner aujourd'hui que d'une chose : c'est qu'après avoir travaillé toute sa vie à entretenir dans nos cantons romands le flambeau de l'histoire nationale, il n'a pas hésité à se faire à son tour le disciple d'une génération plus jeune, afin de con- sacrer le reste de ses forces au service des études qu'il nous avait lui- môme appris à aimer.

Deux citations encore, et je m'arrête. J'emprunte la première à la lettre M. Vulliemin m'annonçait, le 8 mai, la maladie à laquelle il devait succomber trois mois plus tard : c Ma vie n'est pas prochaine- ment menacée ; elle peut se prolonger des années, mais jamais plus sans souffrance. Il faut apprendre à vieillir, apporter des ménagements dans le travail, dans le parler ; eh ! bien, c'est à quoi je m'essaye. Venez voir si je suis supportable encore. » La seconde est tirée du dis- cours prononcé, le 12 août, sur sa tombe par M. le professeur Yiguet, le successeur de M. Vulliemin dans sa chaire d'histoire ecclésiastique à l'école libre de théologie de Lausanne : c Le jour de sa mort, il avait voulu se mettre au travail comme de coutume ; puis, se sentant plus faible, il s'étendit sur son lit. Quand la mort vint, il ne dit rien, mais croisa les mains sur sa poitrine et regarda le ciel. » (P. Vaccher.)

La Société générale d'histoire suisse a tenu à Soleure le 22 sept, dernier sa réunion annuelle et y a célébré le 25* anniversaire de la nomination de M. G. de Wyss comme président de la Société. M. de Wyss a tracé un aperçu vivant et ému de l'histoire de cette société qui, malgré ses faibles ressources, a déjà fourni tant de travaux et de publications de documents importants et qui est en Suisse le vrai centre de l'activité scientifique pour les études historiques. M. de Wyss, par l'autorité et le charme de son caractère comme par sa grande éru- dition et la sûreté de sa critique, a contribué plus que personne aux progrès de la société et à l'excellente direction donnée à ses travaux. Parmi les mémoires lus cette année à Soleure, nous signalerons celui de M. Bernoulli sur la valeur historique du témoignage de la chro- nique de Kœnigshofcn au sujet de la bataille de Sempach, celui de M. Amiet sur le lieu l'armée de Théodoric II, roi d'Âustrasie, com-

t . Voir l'article de rc Debrit dans le Joun de t2 août, el

la lettre de M. Marc Ji s le Joumai àe$

LISTE DES LIVBES DÉPOSAS >(] BCEEAr IlE LA REVIE. 503

battit les Âlamans en 610, et celui de notre collaborateur M. Vaucher sur les débuts de Zwingle.

M. Gust. ScHBRER prépare le catalogue des incunables de Tabbaye de Saint-Gall, qui ne possède pas moins de 4650 volumes de ce genre.

LISTE DES LIVRES DÉPOSÉS AU BUREAU DE LA REVUE.

(Nous n'indiquoru pas ceux gui ont été jugés dans les Bulletins

et la Chronique,)

Dambstb. Histoire de la Restauration. 2 toI. PIoo. ^ Massbaas. Un essai d'empire au Mexique. Charpentier. Pr. : 3,50. Rbnan. L'Église chrétienne (6* Tol. de l'Histoire des origines du Christianisme). Calmann LéTy. Pr. : 7,50.

Wallon. Histoire de l'esclaTage dans l'antiquité, toI. III, 2* édit. Hachette. Pr. : 7,50.

Baumgartbn. a traTers la France; scènes de mœurs. Cassel, Kay (1880). Bresslau et IsAACsoHN. Der Fall zweier preuss. Minister, des Oberpraesidenten Kberhard von Donl^elmann (1697), u. des Grosskanzlers Fûrst (1799). Berlin, Wcidroann. Pr. :2 m. ~ Foumnier. Genti und Cobenzl; Geschichte der oester. Diplomatie 1801-1805. Vienne, Braumuller (1880). G<kkobns. Arabische Quellenbeitnege zur Gesch. der Kreuzziige; 1*' toI., zur Geschichte Salah-ah dtn's. Berlin, Weidroann. IIryd. Geschichte des Le?antehandeU im Hittelalter ; 2* Toi. Stuttgart, CotU. Hillbbiund. Geschichte Frankreichs ; 2* toI. 1838- 1848. Gotha, Perthes. ~ Krausb. Ilelius Eobanus Hessus; sein Leben und seine Werl^e, 2 Tolumes. Gota, Perthes. Ongkbm. Allgemeine Geschichte in Einzeldarstellungen : Peter der Grosse, par A. Brugknbi, 2 fasc. Geschichte Ton Elias und Rom, par Hertcbeio. 3 fasc. Prix :3 m. chaque fasc. Berlin, Grote.

Plangk. Das deutscbe GerichtsTerfahren im Hittelalter. Vol. I en 2 part, et II. Brunswick, Schwetschke. A. Ton Gonzbnbacb. Der General Hans Ludwig Ton Erlach Ton Castelen ; ein Lebens- und Charakterbild aus den Zeiten des 30 jœhr. Krieges. r* part., avec 1 toI. de documents. Berne, Wyss. ~ Uinii. Die Bernische Politik in den Kappelerkriegen. 2* édit. Ibid.

Arnold. The roman System of proTincial administration, to the accession of Conslantine the great. Londres, Macmillan.

BiANCBi. Storia délia monarchia piemontese dal 1773 sino al 1861. Vol. II et III. Turin, Bocca. Carutti. Storia délia diplomazia délia oorte di SaToia, toI. III, 1663-1730. Turin, Bocca. Ciampi. Innocenzo X Pamiili e la sua oorte; storia di Roma dal 1644 al 1655. Rome, 1878 (tip. dei GaleaU, à ImoU). Pr. : 6 lire.

Erratum du prkgAdent numéro.

P. 228, I. 20, au lieu de : San Francisco, lire : saint François. Le père Har- oellino de CiTezxa est en effet l'historiographe de l'ordre des Mineurs ; il a fait le tour de l'Europe il y a deux ou trois ans, pour réunir les documents propres à dresser une bibliographie franciscaine.

504 TIBLE DBS MATliRES.

TABLE DES MATIÈRES.

ARTICLES DE FOND.

A. Thomas. Les États provinciaux de la France centrale sous

Charles Vn; fin 1

G. DEPPmo. Un banquier protestant en France au xvu* siècle; Barthélémy Herwarth, contrôleur général des finances ; fin 63

B. AuBÉ. L'Église d'Afrique et ses premières épreuves sous le

règne de Septime Sévère 241

Albert Sorel. La guerre et les négociations entre la France et

l'Espagne en 1793 et 1794 298

MÉLANGES ET DOCUMENTS.

Baron du Casse. Documents inédits relatifs au premier Em- pire : Napoléon I«' et le roi Joseph; fin (1814-1841) . 81 H. DE Sybel. La propagande révolutionnaire en 1793 et 1794 . 103 Jean Destrem . Documents sur les déportations de prêtres sous

le I*' Empire 331

BULLETIN HISTORIQUE.

France. (G. Faqnibz) 117,389

Angleterre. Temps modernes (S.-R. Gardiner) 393

Belgique. (Paul Frêdérigq) 160

Orient. Revue des principaux ouvrages et articles relatifs à

l'Orient ancien (Maspero) 128

Russie. (J. Lodtchisky) 399

COMPTES-RENDUS CRITIQUES.

Bachmann. Bœhmen und seine Nachbarlœnder unter Georg

von Podiebrad (Bezold) 193

BoissiÈRE. Esquisse d'une histoire de la conquête et de Tadmi- nistration romaines dans la province de Numidle

(Guiraud) 183

Campori. Rairaondo Montecuccoli (Arminoaud) 196

Danielson. Voltaire Kaarle XII (Bbauvois) 454

DuFOURMANTELLE. La marine française au commencement de

la guerre de Gent-Ans (Neuville) 435

DuM. Entstehung u. Entwickelung d. spartan. Ephorats

(Lallier) 179

TABLE OIS MITIIaSS. 505

Pmm

FoNCiN. Essai sur le ministère de Turgot (Gazibr) 456

Fontaine de Resbegq. L'instruction primaire avant 89 dans les

pays qui ont formé le département du Nord (Paillabd) 461

Frossard. La discipline ecclésiastique au pays de Béam . . 444

Gérard. L'ancienne Alsace à table 194

GoLL. Untersuchungen z. Gesch. d. bœhmischen Brûder

(Bezold) 192

IIildebrand. Svenskt diplomatarium, t. VI (Beauvois) ... 191 HiMLY. Histoire de la formation territoriale des États de l'Eu- rope centrale (Gaidoz) 449

Hirsghpeld. Untersuchungen z. rœm. Verwaltungsgeschichte

(Bloch) 426

Hoffmann. Geschichte der Inquisition, t. II 194

Klinckowstroem. Le comte de Fersen et la cour de France

(Gazier) 466

Lbbedev. IjR dernière lutte des Slaves de l'Elbe contre la ger«

manisation (Léger) 189

LucHAiRE. Alain le Grand, sire d'Âlbret 441

Miscellaneen z. Gesch. Kœnigs Friedricbs d. Grossen . . . 455

Von Ollbch. Geschichte des Feldzuges von 1815 205

PouLLET. Correspondance du cardinal de Granvelle (Morel-

Fatio) 445

De Pressensè. La vie des chrétiens aux ii* et iti« s. (Sabatier) 186 Robert. Inventaire des mss. des bibliothèques dont les cata- logues n'ont pas été imprimés 475

RooET. Ëtrennes genevoises 445

Scriptores rerum danicarum medii acvi, t. IX(Steen8trup). . 440

SiLFN'ERSTOLPB. Sveuskt diplomatarium, t. I (Beauvois) . . . 190

Storm. Ragnar Lodbrok og Gange-Rolv (Id.) 432

Btrigklbr. Âctonsammlung z. Schweiz. Reformationsgesch. . 443 Terrier de Loray. Jean de Vienne, amiral de France (Neu- ville) 435

Vacuerot. Fragments littéraires de P.-F. Dubois (Gh. Thurot). 469

LISTE ALPHABÉTIQUE DES RECUEILS PÉRIODIQUES

KT DES SOCIÉTÉS SAVANTES. FRANCE.

1. Académie des Inscriptions et Belles-Lettres .... 212,482

2. Académie des Sciences morales et politiques.

3. Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux

4. Bibliothèque de TÉcole des chartes

211,482

212

206

5. Bulletin archéologique et historique de Tam-et-Garonno 211, 481

6. Bulletin de la Société archéologique, etc., de Béziers . 211

7. Bulletin de la Société d'Histoire de France .... 210

8. Bulletin de la Société d'Hist. du Protestantisme franr. 210,483

9. Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie . 483 10. Le Cabinet historique 478

506 TABLE DES MATIBBBS.

11. Les Chroniques du Languedoc 210

12. Le Correspondant 209, 48!

13. Journal des Savants 208,482

14. Nouvelle Revue historique de droit 208,480

15. Revue archéologique 207

16. Revue celtique 479

17. Revue critique 207, 479

18. Revue chrétienne 482

19. Revue de France 209,482

20. Revue de Gascogne 209, 480

21 . Revue des Deux-Mondes 208, 482

22. Revue des Documents historiques 206, 479

23. Revue des Questions historiques 206, 478

24. Revue des Sociétés savantes des départements . . . 211,483

25. Revue du Dauphiné et du Vivarais 209, 482

26. Revue du Lyonnais 209, 480

27. Revue générale de Droit 208,480

28. Revue historique et archéologique du Maine .... 480

29. Revue historique nobiliaire 479

30. Revue philosophique 480

31. Le Spectateur militaire 209,482

32. Le Temps 483

ALLEMAGNE ET AUTRICHE.

1. Akademie der Wissenschaften (Berlin) ; Monatsbericht. 217

2. Abhandlungen 217

3. (Munich); Sitzungsber. 224

4. Alemannia 217

5. Annalen d. histor. Vereins fiir den Niederrhein. . . 221

6. Annalen d. Vereins fiir Nassauische Alterthumskunde 223

7. Archiv d. histor. Vereins von Unterfranken .... 223

8. Archiv. f. œsterreische Geschichte 225,489

9. Archiv f. Saechsische Geschichte 220

10. Bœhmische Gesellschaft d. Wissens. Sitzunsgsberichte 225

11. Bœmisches Jahrbuch 219

12. Deutsche Rundschau 215, 486

13. Forschungen zur deutschen Geschichte 485

14. Freiburger diœcesan Archiv 221

15. Geschichtsblaetter f. Magdebourg 218

16. Gœttingische gelehrte Anzeigen 215, 486

17. Hansische Geschichtsblaetter 219

18. Hermès 216,487

19. Historische Zeitschrift 214

20. Jahrbucher d. Vereins f. Mecklenburg. Geschichte . . 218

21. Jahresbericht d. Gesellschaft f. nûtzliche Forschungen 223

22. Jahresb. d. histor. Vereins von Oberbayem .... 224

23. Jahresb. ûber d. Fortschritte d. class. Alterthumswiss. 487

24. lenaer Literaturzeitung 215,486

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