ANNALES
ARCHÉOLOGIQUES
l'Aïus. - iMPiiiMi;i;ii; ui; j. c.i.ayi;
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AXNALKS
ARCIIÉOLOGIOLES
i>Arv DiDiiON alm:
stxiiÉTAinK t)K i.'ancies comitr iiisTonKjue des auts et «oîiiimests
MEIIUHE Ui: l.'l.NSTITL'T ROYAL DES A HCIIITECTES BR I TANMQl' ES
TOMi: \ INCT-OIATRIKME
PAIUS
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A.NAALF.S
ARCnÉOLOGIOlES
MOSAiOUi: DE SOIR
SllTE '.
Le pavé-mosaïqiic rapport»; de Syrie est un ouvrage composé de petits
cubes en pierre formant des dessins coloriés et appelé par les anciens « opus
tesscllatiiin - >. Il couvrait presque tout le sol d'une petite église dont le plan
I. Voir les « Annales Archéologiques », vul. xxiii, p. iOi). — Les deu\ gravures publiées
iuijdiinriiui. la [neiniéro sur métal cl la seconde sur bois, ilunncronl une idée sulVis.in(o do l'exo-
cutioii du la Miusaï<|ue. I.a gravure sur métal représcnic la pcrsonnilication de l'Hiver, Xiiui;tT«.
On la retrouvera dans lo plan général au Lus-côlé du nord ou do gaucho, rangée do gauche.
ncuvicmc nicdailloti en partant du bas. Dans le |>rocliain article, .M. J. Durand en donnera l'expli-
cation, ce (|ui nous dispense d'en parler ici. l,e fond d'où elle se deliiclie est blanc, et les fdets du
médaillon sont colorés dans cot ordre, do l'intérieur il l'extérieur : noir, jaune foncé, jaune plie,
lilanc, noir, rouge, violet cl.iir, blanc et noir. L'inscription est noire. Les ailes sont on jaune |>ile.
bordées d'un lilet en jaune foncé. Le va.s<< il long col est tilanc, avec Uindes cl cannelures jaunâ-
tres; il est bordé d'un Tilet noir. Les plantes qui sortent do la bouche do ce vaso sont vertes. Le
vêtement du personnage est bl.inc ornliré do gris, de iioirAtn' et de noir; il est borde, en dtsUiu
et en dehors, d'un lilet noir. Li ligure et le cou sont de carnation rouge |ti)le et fos4'<<. I.O'» stiur-
rils, les paupières et la boucho .sont noirs. Les yoiix sont blancs il la comt<c, noirs à U prunelle.
Des reliauls d'un rouge foncé accusent les contours du nez, dessinent les lévr\*s et lo menton. Ld
gravure est exacte; mais le ilessin primitif, incornvt et mou, n'a pu prendrx> kulti sa minent,
sous la morsure du graveur, l'Aprolé do cette rudo ligure d'Hiver. (.Voir i/m ihrfcleitr.]
i. L'usage des pavés-mosa'i'ques en |M>tits cuIh^s [« pavimenld lessrllala •) a commence axini
l'èro chrétienne; il a ete adopté dans tous les |iiiys i|ui ont forme l'eiiipiro ronuin, car on «
f) ANNAi.i;s Aii<;iii:oi,0(;i(.)i;i;.s.
ost un |);iralli''li)f^iamiiic h trois liav(';<'s ou nefs. La porlion du sol restant à
(Ircouvcrt l'oniiail le sancluairc, qui csl coniposi; de doux parties : dans l'une
rlail |)l;i(i'' l'auti'l |)riiicipal. on haut do la nef centrale; dans l'autre se trouvait
l'aiitrl di' la I' prollièse », ou table d'(t(Torloire, toujours placé au nord, et en
usa^e dans les cérémonies de la messe selon N; rit i^vc (ie dernier endroit
est r.ii-ilo à i-i'c(iniKiiln' sur le plan, au Ixnil <l' la traNÔo ou nef latérali; do
{gauche
Le grand ((jinparlinicnl plact; an itas do la nof centrale est, sous le rapjxjrl
de l'art, lo morceau capital du pavé dont nons nous occupons. Il est étendu
cdMinH' un lai't;-!' cl beau la|)is à rrnir{'M' inrino di' la grande nef. C'est |iar Ini.
coinmi' il isl jn-lo. (|no jo dois commencer ma description. Lne bordure, com-
posée d'une largo torsade se déroulant entre deux lignes festonnées de
« postes ». on l'ornu! le cadre. Kn voici nii grand di-lail ([ni permettra d'en
Hos \iyuK i)K SOI ri.
i>i:taii, im; [. i;\ i: adu km K-\t dans \.\ nef ctVTnAi.K.
juger mieux ragencemoni ; c'est d'an goût (lue l'antiquité ne répudierait cer-
tainement pas. De ([natre vases à deux anses placés dans les angles s'élan-
cent dos branches do vignes dont los rincoanx élégants sont habilement dis-
posés de façon à onlacor. coinine dans nne suite de médaillons formant sept
dL'cuuvorl (le ces pn\c'^ jii>imo ijan? la (iraiulc-Bretagno. Cet u?age a continué en Orient pendant
tout le bas empire et en Occident jusqu'au \ni' siècle environ. J'ai donné quelques renseigne-
ments sur plusieurs pavés d'Orcideiit d.ins les «.annales Arcliéologiques », t. xv. p. 2:23; t. x\n,
p. 1 19, et t. x\, p. 57.
MOSAIOLK L)l-: SOLIi. 7
li;;nes superposées, des figures isolées ou groupées d'hommes et d'animaux.
r-\ainiiioiis chacun de ces sujets en commençant par en haut. .Sur la première
ligne nous voyons d'abord un renard : il court, il se sauve, emportant un coq
dans sa gueule; en pendant, une poule mange tranquillement avec ses pous-
sins, dont un est perché sur son dos '. Entre ces deux sujets, un enfant, une
espèce do petit génie en pied, debout, tenant de la main gauche une sorte de
vase, assiette ou petit plateau, et de la droite un fruit probablement. Cette
figure allégorique domine tout le tableau, auquel elle semble |)résider. .Sur la
seconde ligne, une panthère poursuit et atteint un cerf qui se sauve au galop.
Puis lin lii)ii, assis, guette et attend sa proie; cette proie est une gazelle {|ui
se retourne et bondit en regardant le lion. Cette ligne est incomplète, un des
sujets a été détruit. La troisième nous oiTre des sujets champêtres : deux
brebis couchées dos à dos; un petit berger, assis, jouant de la double llùte;
un animal dont il ne reste guère (|uc les jambes et une partie de la tète; enfin,
un p(!lil villageois conduisant par la longe un mulet chargé de paniers que
remplissent des raisins. Les den\ premiers médaillons de la (|ualrièmc ligne
renferment un cheval au Imt et im lièvre qui fait son repas en mangeant
un raisin. Au centre de celte ligne et de tout le tableau est un pressoir
dans liMiiii;! d(,'ux enfants sont occupés, l'un h serrer la vis de l'inslrument,
l'aulre à fouler le raisin dont le jus sort en avant et coule dans un réci|)ient ;
le second personnage lève les bras et lient dans ses mains un objet que je ne
|)uis (ir'sigiier, mais (|ui ressemble à une grande lyre.
Dans les médaillons suivants, (ni voit un écureuil et un serpent. Au premier
abord l'écin-euil paraît un peu gros, surtout >i on le compare avec le lièvre
(|ui est de l'autre côté du pressoir; mais il faut remar(|uer (|ue le dessinateur,
en composant son tableau, ne s'est pas beaucoup préoccupé des proportions :
il s'est contenté de iiiii|)lii- l'espace de façon que l'ensemble des détails pro-
(liii>il iiiir liiniiiiiiie agréable à l'u'il. l)'aillein-s il iir peut y avoir de doute
sur raiiiiii.'il l'ii (|iirstii)n : son museau |)ointu et la pose de sa (|ueue indi(|uent
évidemiiiriil Mil (■curciiil. n l/i'cin-euil à longues soies (dit Oppien), animal
I . Il' riMMiil i|iM (Mii|iui'li- iiii coii cl II) poiilu <|iii r.til ii)iiii};or ses |i<)ussiiis r.i|i|M>llonl Ips iiu^iiim
siiji«ls si»l|ili'S liiilt iTiits iiiis |iliis Uird, l'ii I IHO. iiii jii1m> du K.ioiirl, on llrdii;;!!!». Nous ii\on»
rctroiivo les iii^im>:< .sujets s('ul|it(>s, ru xn* siùdc, sur le (lorl.iil laliTiil nord dp Li l'jlluHlmlp dn
Modi^iio. Ajirès les iirticlos do 5I.M. Vici|li<t-l(>-[)uc |tiVo ot di< (ïuiltioriny, «pri^ Id crnvure du
julx^ (lu l'aouol \\,\r M. (iiiuilicri'l. |iulili(» diins les volumes II el III des • AniMle^ V
<|ui's », (m;;i's 2lS cl II, il c-l inulile d'entrer diins des delails sur le n»n.ird, le (tx| et I i .
sullii'ii il nus Incleurs de roviiir lus nrlicles nii ces sujeU sunl ox|>lii)ues. Ce qui nous iin|iflr(o iri,
c'est de Tiire renionler l'i une iiu>si liiiute iintii|uitt< rlirctienno ces expluils du n-iiiird qu'on !K>m-
liluil n'iiltnl'ucr i|u'.iii\ \ii' cl M.r siècles. ( \olt< ilr M. Itulnm.
8 ANNALKS All(:ilfv()l,f)(;i(.)i: KS.
liiiiidr' qui. il.iii-i l.i s.iixiii Ix-ùLintc. oppose on élevant «a (luetie un al)ri
iialiin;! aux rayons <lc l'astro du jour ». Pline fait la niônic remarque en
parlant des écuirouils : " I,ciu' f|iieuc, f^arnic de plus de poils f|ue le reste du
rorps, Ictu' Sfrt d'abri » '. <^)uant au serpent, j'avoue f|u'cn le regardant sur
la mosaïque, je iir ra\ais j)as examiné assez minutieusement; depuis j'ai
ii'iiiar(|ui' sm- les (Ic-sins très-exactement faits sous la direction de M. Ivlouard
Didiuii, si SCI ii|iiiliii\ (l.tns CCS matières, que cet animal a une tète étrange
et ([ui ressemble à celle d'une oie. Cette particularité m'a d'aulanl plus sur-
pris, qu'il n'y a dans le reste de la mosaï(|ue aucun animal fabuleux ou fan-
tastique, ni aucun monslre. Après tout, puisqu'il en est ainsi, ajoutons k
l'écureuil de Pline cette phrase du grand naturaliste : « On a vu des serpents
aux pattes d'oie » -.
Sur la cini|iiiènie lii;-ne imc ]i;intlière s'enfuit; un petit homme, armé d'une
lance, court en sens inverse; un lion semble descendre dans le bas du tableau
en l'ugissanl. Le reste est détérioré; on distingue cependant, sur le dernier
médaillon, l'avant-ti'ain d'un cheval au galop.
La ligne siiivanle otlVe un mélange d'animaux en course ou au repos. Ainsi
un ours poursuit une autruche; un chien, armé d'un collier, s'élance du cùlc
d'un tigre qui s'en inquiète peu. ([ui est assis et, levant la patte droite de
devant, semble jouer comme un chat. Puis vient un cheval au repos, la tète
penchée et mordant une branche de vigne.
Dans la dernière ligne, une lionne court de toutes ses forces du côté d'un
petit honmic ariiu' d'une lance qui s'enfuit et jette l'alarme. Enfin, une gazelle
en repos, relevant la lète et paraissant brouter, termine la série de ces char-
mantes figures.
Ces rinceaux renferment donc actuellement, comme on le voit sur la gra-
vure, six hommes, vingt-sept animaux, plus un petit écureuil et cinq petits
oiseaux perchant sm* les branches, en dehors des médaillons.
Comme on peut le renianjucr. il y a dans tous ces sujets un mélange de
tranquillité et de mouvement, de paix et de guerre, qui semble avoir été ainsi
disposé pour représenter ce qui se passe un peu partout sur la terre. Comme
il n'y a rien en tout cela que de très-naturel, la figure du petit génie qui
occupe le sommet du tableau pourrait être considérée comme la personnifi-
calion de la Nature; si c'était une figure de femme, on pourrait y voir encore
la l'ortuiie ou la Concorde, en raison de la similitude qui existe entre ces
I. Oi'PiKN, 0 l'oumc sur la chasse», traduction de Belin de Ballu. — Pline, traduction de
M. Littré. I. I. p. m.
"2. Pline, traduction de M. Liltro. t. i. p. j68.
mosaïque Dt: SOLR. 9
représcntafions symboliques, telles qu'on les remarque sur des monuments
antiques (médailles, diptytiues, manu>crits, etc.), et ce petit personnage de la
mosaïque ; mais malheureusement le costume est trop court pour que ce soit
celui d'une femme. Quoi qu'il en soit, tous les sujets du tableau, malgré les
contrastes qui y sont figurés, présentent un ensemble harmonieux et qui plaît
à l'œil ; c'est comme dans une symphonie, où les mouvements, tantôt vifs,
tantôt lents et modérés, se relient habilement et forment un concert agréable
h l'oreille.
La bordure en torsade qui entoure le tableau que je viens d'analyser, et
les vases d'où sortent des rinceaux, sont des motifs d'ornementation employés
dès l'antiquité et pendant tout le bas empire. La belle mosaûiue des courses
du cirque, aujourd'hui au musée de Lyon, est entourée de deux larges bor-
dures dont l'une est une torsade et l'autre un rinceau élégant sortant d'un
vase. Une autre mosaïque, découverte à Brocas dans les Landes, et publiée
dans la « Guienne monumentale », offrait un carre dans les angles duquel on
voyait des vases d'où sortaient de simples rinceaux, sans aucune adjonction.
Va\ 18^|.). 011 découvrait en Algérie (Orléansville) le pavé entier d'une basi-
lique chrétienne un peu plus grande que celle de Sour. Sur ce pavé mosaïque,
qui paraît avoir été recouvert et peut cire déiruil, on voyait, parmi plusieurs
autres iiiolifs d'ornements, un carré ayant dans ses angles quatre vases d'où
sortaient des branches de vigne chargées de fruits; une grappe, pendant au
centre entre deux colomiettes simulées, avait eu peut-être une signification
symbolifiue plus réelle que celles de notre mosaïque, où le pressoir en forme
de croix, semblable h d'autres instruments du même genre, qui se voient
([iifl(|iicf()is dans les sujets de vendanges chez les anciens, est placé à un
endroit trop peu honuiablo pour être considéré comme une ligure du signe do
notre salul. Dans les |)iemiers siècles de l'Iiiglise, les chrétiens pouvaient voir
partout, sur (iiiantilé de monuments payens, la forme do la (Iroix et le mono-
gramme (lu Christ, ciiinine je les vois aujourd'hui sur des vases grecs, sur des
mosaïques et autres obji^ts aiiti(|ues ; ils pouvaient, en em|)runlnnt ces formes,
cacher des symboles de leur croyance. Mais, avant ([u'ils ne les aient volonlai-
rcmeiil placés sur le sol foulé aux pieds, il s'est écoulé plusieurs siècles. Je
sais qu'en m'exprimant ainsi, je no suis pas de l'avis de M.M. Umaii cl do
Rossi ; mais je me borne à faire cet aveu, car je ne pourrais potirsiiivn» plus
longtem|)s, ici, des observations (|ui seraient lro|) longues sur colle qucsiion,
(|iii m'ii toujours paru obscure cl compli(|uée.
De cha(]iie côlé de l'église de Sour et enire les bases di'S riiu] proiniôrçs
colonnes, la inosaï(iiie forme un lablcaii h pari, ciilonnWle sa bordure cl con-
XMV. 2
10 ANN.M.KS AltClIKOl.OCIOUKS.
louant dciiv riniiiiaii\ f|iii cdiiichI, l'im sur l'-iiilre; c'osl iiiio cliassi; en huit
sujets dont (inulre à gauclie ou au nonJ et (|uatrc Ji droite ou au sud. Kn com-
inenrant par eu has, au nord, on voit un k''"s chien, es|)^f•e de lévrier, avec
colliei', courant sur un li(';vrc qui tourne la t(Me pour regarder son enneuii. Puis
un tigre poursiii\;iiit un (iii.iijruix'jde dont il ne reste que le train de derrière; sa
grosseur et la l'orme de ses pieds pernietlcnt de supposer que c'est un bo'uf.
Puis un oiu's pnursuivani un clu'val el un lion rourant sur lui corf.
De r.iulic cùli'. un chien, orné d'un collier au(|uel paraît attaché un grelul.
jjoursuit un du \al. In tigre ou léopard court sur un taïu'eau. In lévrier noir,
le cou entouré d'un collier, s'élance sin- un lièvre. Knfni une lionne va atteindre
un sanglier '.
(^es groupes d'aniniaiK sont bien dessinés, ils sont d'une plus grande
propoilinii (|u(! ceux de la nef centrale. I.es combats d'animaux étaient fré-
quemnuMil cuijiloyés, comme motifs d'ornementation, par les anciens, qui
savaient toujours les traiter et les disposer avec beaucoup de goût. Sous ce rap-
poit. il serait intéi-essant de comparer la mosaïque de Sour avec une mosaïque
découverte siu' reuiplaceiiient de (larliiai^e. où l'on voit des combats d'ani-
maux, (les lionimes à ])ied et à cheval chassant et combattant des bêtes féroces,
chassant aussi le cerf, la gazelle, le lièvre, etc. ; ])uis des courses en char, des
oi.scaux. des arbres, des Heurs, de petites croix et d'autres ornements, le tout
placé au-dcdans ou autour de médaillons formés par des enroulements en spi-
rales, pareils à ceux qui se voient ici à la mosaïijue de Sour, dans les bas
ccMés dont je parlerai dans la livraison pi-ochaine.
Jui.iK.N mHAM).
\. La lionne ost jaiwio et le saiii;iier e.st noir, cria va #ans liiie; le cliien qui poursuit le tlieval
est jaune, et le taureau, attaqué par le tigre, est roux. Ce.s couleurs semblent se rapporter à ce
que dit Oppien dans ces deux passages de son poëmo : •> Les chiens, qui portent la couleur de
Cérès ( t (lu fromenl, sont à la fois robustes et prompts ii la course ». — « Les taureaux de Syrie,
roux. Torts et courageux ». (Traduction de Belin de Ballu.)
4 t^r-^a
'^^
K
>^.T^N
/
LA r.RWDE CITASSE
LES ÉMAUX '
Depuis l()iigtem|)s nous somuics eu retard avec les lecteurs des « Anualcs
Archéologiques ». Nous n'aurions point à nous justifier auprès d'eux de tant
de lenteur, si la manière de traiter le sujet qui nous occupe pouvait approcher
de son importance. On aura perdu de vue sans doute la division que nous
avons adoptée eu entrant en matière; qu'il noussulTise de la rappeler en peu
de mots. I.c grand et i)el objet cpii nous est échu en |)arlagc pour le décrire
se présentait h mms sous trois faces distinctes. D'abord, nous y avons consi-
(!i':ré le relicpiairc, ce réceptacle consacré 'i renfermer les précieux restes des
corps saints ou divinisés. Nous devions y voir ensuite l'émail, mélange, nous
dirions pres(|iie conihinaison de pierre fondue et de métal, union ménagée
pour leur mutuel éclat ; et enliu l'édicule, archétype, selon nous, du temple
I. Voir les « Annales Arcliéologiqups «, vol. xxii, iwgrs .'i-ÎO, comprenant, avec deux gravurw
(lo lii cliAssp, lu prt'niior arlicle do M. le (lot-teiir (^iillois. An volume xx. jinpo 307. nous avons
pul)lii'< uni) vuo (le l'eiiscinblo de l'o rcli(|Uiiire; au volume xxi, |>iii;es 105. 107, lin et l'iO, *anl
données quatre planriies do détniks. Les plans, publics on t^to do col article, donneront une idco
préc.i.so du la forme du petit monument et toutes les varioles d'émaux (|ui épiyont le toit, la
plan osl rn iToix dite urecquo, ii liranelies égale», avec ressauts s;iillants et à angle» drvils d.in*
les aisselles de cliii(|uo bnis ou croisillon. C'est un plan aimé par les byzantins cl que les blins
ont que|i|U("f()is adopté dans 1rs baptistères, les églis«'S funéraires et les petites rlw|>ell<»*. Ijuanl
HU\ éniiiux, l'erhelle en est trop pi-tilo au cinquièmo d'exirulinn |H)ur qu'on pui.sso tri>»-nello-
nieiit, malgié la pointe microscopiipiu de .M. Claude Stunagcut, en reconnaître Id forme; mai»
les qualie planclies déjà pul>lir>es « .Vnnates .\rrliéologiques », vol. XXI, pages J03, 107. IW rt
l!>0) accusent cette forme comme sur l'ubjet même, puis^pio ces détails .sont de la grandeur de
l'original. .\ ces quatre planches, nous en ajoutons une cinquième du même giMirr, qui acitèwra
de préciser la miMi- l>eaule de ceux de ces cm.iu\ ipii ont di-s rinceaux |iuur generatrur»,
l\atr (/m IHrerlenr.
12 ANNAI.KS AIICIIKOLOGIOLKS.
cliii'liL'ii, idi'al du saiicliiairc h réaliser dans son plus iiia;;niriquc dévcluppc-
niciil. ("est sous ces deux d<'niiers aspects qu'il nous reste Ji cxan)iner la
(iiMiidi'-dliàsse , rdini'c d'ail de ("«''inaillfur. <•! |i.' plan ou les belles lignes
do la concoplion do son auloiir. I,a prcniioro làclic n'aura pas été pour nous
la plus (linicilc; qu'elle soit un litre do jjIus à l'indulgence pour ce qui suit.
lilablissons avant tout un fait important à constater : nous ne devons la
conscrvalinii i\r co trôsor d'ail (|u'à son 6lat d'émail des plus parfaits (|ui
nous soit parvoiiii jiis(|n'iri. M \t- respect que pouvait inspirer sa destination
l)iriiiii'ii'. ni la plu- oxcolloiite représentation d'un monument religieux élevé
à sa plus liaulo puissance, n'ont élé pour rien dans les motifs qui l'ont mis à
l'abri do la dosiruclion ou (l(! l'abandon. Malgré toutes les déchéances du
goût, malgré toutes les défaillances du sentiment du beau, ce sentiment et ce
goût sont toujours demeurés planant sur noire édicule comme une auréole
(i'ailiiiiialinii (|iii l(> soustrayait à la plus grande profanation, le mépris de
l'Iii r(''sii\ puis h ranéaiilisscmenl dont celle-ci pouvait le menacer. C'est donc
à son' seul lilro d'émail qu'on doit rappoi'lcr son entière préservation, et bien
que rémailleric soil. ])Ius encore peut-être en Allemagne que partout ailleurs,
déchue (le son ancienne estime et de sa vieille splendeur, cependant c'est au
iiiilii'ii (il- |in|)nlalii)ns prévenues cl ennemies, c'est |)ar des mains adverses
(jiii i'('|)()iiss(>iil loiilcs nos ])rali(|iios. Ions nos instruments et ustensiles du
( iilir (•allioli(jiie, ([lie nous ont élé conservés, en pays pleinement révolté, et
rensoniblo de la (Irantle-Chàsse, et ses plus précieux ornements dans leur
])resque complète intégralité. La passion du beau a élé plus forte que la
haine, que l'inimilié des idées et des croyances.
11 est à croire néanmoins (|u"il y a en. dans tous les bouleversements poli-
li(|ii('s cl religieux des conlréos voisines du Rhin, bien des alternatives de
possession et de dépossessioii de cet inap|)réciable produit de l'orfèvrerie du
moyen âge : il n'y a jamais en. pendant plus de six siècles, de renversements
assez pi-ofonds pour qu'il ait perdu son droit de cité dans sa patrie d'adop-
tion, el il est resté aux lieux nièiiics (pii l'ont reçu, jusqu'à ces temps de tristes
nécessités d'argent (pii uni suivi les derniers di''pouilIements de tous les sanc-
Inaires. Ponr(|ni)i donc sous les lambris d'or (pii l'ont recueilli au milieu de
nous n'a-t-il point trouvé ce repos, cette sécurité que le ciel de la France
lui devait assurer? La France, ce plus beau ilcuron de l'empire de Charle-
magne, ne devait-elle pas à. jamais étendre sa main protectrice sur cet enfant
de ses prédilections, sur ce fruit (|u'on pourrait bien dire être de ses entrailles
et de son génie pent-èlre. puisqu'apivs lont, an moment où il fut mis an
monde, elle n'était ])rcsque encore en Europe que l'exlensioii de son lien de
LA GRANDE CHASSE. 13
destination providentielle'.' Nous le disons avec douleur, la France, trop
oublieuse de sa maternité adoptive, n'a point fait son devoir. Un opulent
seigneur avait acquis noire châsse et il l'a vendue. Un riche amateur en bro-
cantage et en archéologie l'a rachetée à son tour, et il Ta revendue, kqui?
à l'étranger, à l'ennemi. 11 faudrait qu'un jour il y eût un département de la
Tamise, pour qu'un retour de fortune nous rendit ce que nous avons perdu :
ce serait là une justice de l'histoire.
V.n piésence de ces tristesses, qu'il nous soit permis d'apporter h. la iiàte,
comme nous les avons reçues, quelques consolations pour l'avenir. Un con-
traste frappant peut nous rendre de l'espoir. 11 s'agit d'un don magnifique
d'un individu à l'Élat, d'une famille à la société. Dans la maison des d'Albert
de Luynes, l'accord est unanime pour toute grande et noble action. Qui ne
connaît aujourd'hui ce fait digne des temps antiques, bien qu'à vrai dire ni
Saluste, ni Cicéron n'aient fait une aussi belle offrande à Rome? Une collec-
lioii de médailles, préparée à grands frais, atteigiiil, sous la main qui l'a
donnée, une estimation (|u'un gouvernement seul ose affronter. Plusieurs
générations peut-être y avaient travaillé : c'était assez l'usage des grands
d'avoir un inédailler héréditaiic L'avenir de ce riche fonds in(|uiélait ajuste
raison son créateur et possesseur. Sans hésiter il l'ajoute à nos trésors publics,
en l'adressant à la plus belle fondation de nos rois, à la Bibliothèque impé-
riale. Ne voit-on pas en cela (iiiehiue chose de la grandeur romaine unie à la
générosité française'.' Le gentillionune, issu d'une famille originaire de l'Italie
centrale; le savant, adopté par notre académie des inscriptions et bclles-
letlres, .se montre là tout entier, grand seigneur de la cour de nos princes
d'autrefois, noble dispensateur des plus beaux et des meilleurs fruits de s.i
fortune et de son talent. Quel exemple à suivre, et quel nïodèle à proposer !
Comme l'esprit se ras.-^ainif et se relève au souvenir d'actes (|ui illustrent
encore une vie déjà toute remplie de travau.x impéri.ssables!
Tant insister sur notre perle, c'est donner un peu la mesure de son étendue
|)our nous. l,.i plus exacte reproduction (pii serait faite de notre émail, fùl-
clle mille fois plus belle, n'en .serait pas moins mille fois moins précieuse pour
l'Iiisloire de l'art. Ce côté si imporlani de noire sujet ne se trouvera pas moins
favorisé, nous dira-t-on. par l'absence que par la pré.sence de l'objet en ques-
tion : on n'étudiera pas moins à Londres qu'à Paris tout ce (|ui touche h celle
ouvre, restée encore bien obscure sur plusieurs points intéressants de son
origine. D'ailleurs le Hanovre aus.sj possède sinon aulnnl. au moins ré(|uiva-
l.nt ilr d' (|iii nous a été relire. Tous ceux donc (|ui voudront s'en prcndn'
directeuieut au\ monuments originaux, pour de sérieuses et complètes éludes.
\li ANNALKS AIIf;ill':OI,0(;iOL'ES.
.iiiruiil relie (loiil)l(j rossource, pour lisiirs travaux, de la cour de Hanovre et
(lu iii(isi>(' l)ril;iiiiii(iuc. Mais à noire capitale, il riiaiK|ucra un joyau (|u'elle
lioiivail ajouter h «a couronne : n'est-ce pas elle, en vérité, qui est et doit être
le centre où convergent tous les rayonnements d'études, de recherches et d'ef-
fdils (!(; l'esprit? N'e-l-elle pas plus encore le cahinel de travail, l'atelier des
l)eaii\-arls. le laboratoire scienlilii|iie liii monde, l'université dans le vrai sons
de ce mot. (lu'iHc n'est, ;i tons égards, le salon de bonne com|)aguie du |;lol)e
entier? Oui. noire moderne Lutècc, la (Jrand'Ville de Henri IV, est vérita-
blement le foyer de la civilisation ; et c'est pourquoi nous vouons honte à (jui
la juive, s'oii'c à qui la dote d'un ornement digne d'elle.
L'émail consid/iable. (|iie nous avons un niomcnt possédé sous le toit
d'ini ('■Iraiincr. portail (loin: en liii-iiii"'iiie une bien grande valeur artisti(iue,
liistori([ne. archéologique, pour nous avoir ainsi, par son abandon cl son exil
peri)étuel, an'aclu'; tant de plaintes amèrcs! Oui, certes, il était à lui seul une
mine inépuisable de toutes sortes de richesses pour les scrutations des plus
sérieiiK el plus patients esprits. A son état tout d'abord se rattachait une pre-
mière (|neslioii lie la plus lianle ini|)o|-|anee. I'',lail-il r(!elli'menl un travail des
Ixirds du Uliin, c'esl-à-dire in'^ dans ces ollicines septentrionales qui s'ou-
vrirent en Allemagne, à rimitalion de ces fabriques de By/ance et de l'Orient
(pii ont tant étonné le monde par la perfection de leurs œuvres; ou bien
n'était-il pas une émanation même de la belle et limiineusc contrée que les
connaisseurs et les a|ipr(''c'ial(Mii's de Toii'èvi'ei'ie regai"(!ent coiinnc; le di'])art
de cet art, de ccM(! industrie habile et savanio, comme elle semble l'être du
soleil levant |K)ur nous? Avant son éloignemeiit de notre sol inhospitalier sur
une terre étrangère, la dilTicnlté ([iie nous soulevons n'a peut-être pas été
sulïisamment imuie par les hommes faisant autorité dans ces conflits, et elle
s'accroît aujourd'hui de toute la distance, bien plus morale que physique, qui
nous sépai'e des nouveaux d(''|i()silaii'es dont nous sommes ;i bon droit envieux.
(^)u'on juge de Tembarras où nous serions. (|uanil bien môme le grand reli-
quaire serait présent sous nos yeux, puis(|u'on ne peut décider du mérite de
ces choses que sur des nuances infiniment subtiles et déliées, à peine acces-
sibles aux esprits les plus liabilui's à les saisir. C'est ce qu'on peut voir dans
ces lignes de M. le baron de (Juast. rapprochant entre eux sous les mêmes
rayons du joiu'. dans le iniMiie lieu, rr'glise de l.imboui'g (jui les recèle, deux
reliquaires émaillés de la même épo(|ue, je dirai |)res(|ue du même quart de
siècle. Parlant des émaux cloisonnés sur une |)onmie d'or de l'un d'eux, » ils
sont, I) dit-il, » tout à fait exécutés à la manière byzantine; mais les couleurs sont
moins vives, moins harmonieuses et les dessins très-inféi'ieurs. En les compa-
LA GRANDE CHASSE, 15
lant il ceux du reliquaire son voisin, qui vient de Constantinople et n'a qu'une
vingtaine d'années de plus, ou ne peut pas douter que l'étui du bâton de
Saint-Pierre a été fabriqué on Allemagne, et que ses émaux, bien qu'imitant
ceux de Byzance, ont aussi été faits dans le pays. Voilà, ajoute le savant anti-
quaire, une première preuve d'une imitation de l'art et des émaux byzantins. »
Ouelle variété, quelle mobilité et à la fois quelle profondeur de perception
il faut avfiir pour saisir ainsi, dans des détails d'un fini insaisissable à lant
d'autres regards, des témoignages qui attestent, sans crainte d'erreur, des
oiigines perdues dans les oublis des générations passées ! Devant ces elTorls
du sens le mieux doué, devant ces éclairs du goût le plus exercé, on nous
pa.'donnera, je l'espère, de ne point encourir la responsabilité de prononcer
avec une assurance positive sur la provenance de la Grande-Châsse : il nous
sera permis de ne point décider, d un Ion absolu, si elle dérive de ce splen-
dide Orient d'où nous vient toute lumière, ou bien si son brillant organisme
appartient à une région plus ra|)procliée de nous vers le pôle; si elle émane
du siège de l'empire de Constantin, ou du siège de l'empire de Charlemagne.
Pour notre paît d'impressions déjà trop éloignées, quoi(|ue non elTacées, nous
inclinerions à croire qu'elle aurait été donnée à notre Occident |)ar Constan-
tinople, et nous serions induit à cette préférence d'origine, non-seulement à
cause de la perfection du travail sous tous les rapports du dessin, de rex(|uise
fiisifin (les couleurs et du plein succès de la main d'univrc, mais encore par
uih; ;iiilre considération que voici : cette châsse serait, selon nous, l'original
de la seule copie qui ail été faite d'elle, pour le plan, l'élévation, l'îispect
gém'ial (In (l(liMi> cl 1,1 disposition du dedans, pour l'ornementation en
émaillerie et en sculptures d'ivoire, dont l'agencement est entièrement senn
hlahle. Une modification sans importance les distingue, comme une côte ou
di\isiiiii (11- plus au dôme, et imc niche de plus aussi au tambour de la cou-
po'c. Ici (|ni' ,^e comporte en son ensemi)le le merveilleux échantillon du
nièiii • laiic, partie essentielle du mobilier de la couronne dans la famille
l'oyalf (|r llaiiuMo. Combien imir-. devons regreller île nouveau In .<*i»relé de
(•oii|) d'iiil. j'aiiiiiiidr. 1,1 science spéciale de M. Darcel. pour as.scoir un juge-
ment (|iii répondu iiii\ exigences de la tâche dont nous nous sommes inipru-
deniMient cliargi'-.
Ji; tiri! un autre argunjenl en la\eiM- de l'opinion (|ue je viens d'énjollre
d'une circonstance, bien plus frappante poiu" mon esprit après mon voyajçe
d'Oiiriii ([Il Clli' ne rétail avant que j'eusse vi.silé cc^ cités tout cntpreinlcs
encore de |)hysionoinii' byzantine (|u'il est impossible fi Ift description de saisir
cl <ic riMidiv ncllc iil. I.c trait earaeti-ristiiiue d<' la coupole qui ooumnno .xi
1() ANNALKS ARCHÉOLOGIQUES.
bien iiilrc iiiti-viilloux appareil, l<; ndet mciiiagé avec tant de succès d'une
riiriiic de demi-sphère qu'on poiinait dire exclusivement asiatique, celle appa-
rence biilboïde qui se montre avec cette séduction très-rare dans toutes les
productions analogue?, le doux et harmonieux renflement de la convexité du
Il vcium I) ([ui ombrage l(;.s apôtres; cet air, en un mot, qui est comme le
Il faciès » di; la |)('isoiiiio et le rayon de son âme, le ton, le cachet imprimé
dans ceiti! majestueuse figmi' d'un simple couvercle, tout cela fait ressortir
une conception évidemment propre au sol oriental. Cette tournure, cet aspect
(lii'oirrc le petit dôme, cette désinvolture d'expression qu'il tient d'un idéal
manifestement étranger k des imaginations réagissant contre la pesanteur et
l'épaisseur de notre atniospiière, achève de me convaincre qu'il n'est point
sorli (II' la valh'i' ilii l'.liin. J'insiste sur ce point d'une configuration telle qu'un
cifl cliaiid cl limpide peut seul inspirer, pour amener hésitants et adversaires
à mon sonlinu'iil. D'autres motifs de plan, d'élévation, d'arrangement de
toutes les parlies entre elles me viendront plus tard en aide pour me donner
plus de prise sur la créance d'autrui. Mais au moins le doute serait peut-être
commandé par une réflexion qui nous reste à exposer, il n'y aurait pas deux
seuls spécimens de ce ([uadruple coiïret que relève le couronnement légèrement
bulbeux dont neus faisons à dessein re.-sortir l'incontestable effet. Les émail-
leurs allemands en auraient fait d'autres de toutes dimensions à cette image
et ressemblance, s'ils avaient eu le premier concept de celte idée. Le champ
était trop grand cl trop beau à cultiver pour s'en tenir k deux enfantements
de ce genre. Toute graine, tout germe se reproduit dans la terre qui lui a
servi do sein et de berceau. Or. nous ne rcnconirons rien, ni en orfèvrerie
allemande, ni en archilecluro rhénane, qui nous donne le moindre rejaillisse-
ment du type que nous cherchons à faire connaître. Deux frères jumeaux nous
ont été envoyés de l'extrémité la plus reculée de l'Lurope vers l'Asie : ces
deux lils d'une mère grecque el quelque peu latine, par transfusion du sang,
sont demeurés sans postérité parmi nous. .Si je me trompe à cette heure, on
me pardonnera mon illusion : elle me vient de lout ce (jue j'ai vu et ressenti,
depuis la basili(|ue de .Saint-.lean. à Damas, juscju'à la vieille cathédrale
d'Athènes, en passant par leur maîtresse à toutes deux, par la dominatrice
religieuse de la haute Méditerranée, Sainte-Sophie de Constantinople.
Ainsi, en se refusant à nous suivre sur ce terrain, on en serait réduit à
dire, ])arlant des ornements de notre grande composition : « Les émaux sont
exécutes tout à fait h la manière byzantine, mais les couleurs sont moins vives,
moins harmonieuses, et les dessins très-inférieurs. » Nous ne pouvons nous
rendre à celte dépréciation d'une œuvre si parfaite. Nous n'avons sous le
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LA GRANDE CHASSE. 17
regard, en ce moment, aucun des points de comparaison désirés; mais il nous
est impossible de voir dans les rinceaux déliés qui serpentent çà et là à la
surface, dans les losanges et zigzags si finement tracés en compartiments de
toutes dispositions aux pentes de la toiture, dans les arabesques d'un goût
inattaquable, qui se déroulent sur les tranches bombées de la calotte, il nous
est impossible de voir aucun linéament qui marque infériorité d'effort dans
celte partie de l'art de l'orfévrc dont nous examinons l'ensemble avec un zèle
que nous voudrions communiquer. Les ivoires eux-mêmes témoignent pour
nous : sujets des portiques ou scènes des quatre arcs triomphaux d'entrée ;
simples statuettes d'ivoire avec leur banderole inscriptive qui déroule un texte
sacré; draperies des personnages jetées à l'antique et traitées h la manière
ancienne des bas temps ; attitudes droites, raides et longues des prophètes
debout dans leur arcaturc d'honneur; majesté calme des apôtres assis sous le
toit d'or ou « vélum » divisé en autant de dais avançant sur leurs chefs; tètes
amaigries au rang du bas par les langueurs de l'attente, mais, en haut, affer-
mies au contraire par la confiance de la possession ; puis tout le cortège d'or-
nements, de parements ciselés, fouillés et refouillés, traces de coups de ciseau
et de burin rendus dans la gravure comme ils sont à leur place dans leur
simple et naïf abandon, ce sont là autant de traits, de voix parlantes qui
s'harmonisent avec la vue générale de l'édicule pour appuyer une assertion
peu conforme, à notre grand regret, au lilrc do la première estampe '. Voilà
pHiir nous des modèles de fine sculpture en petit; des modèles d'émaillerie,
d'orfèvrerie, donnés par l'Orient à l'Occident, en même temps qu'une réduc-
liiiii lypi(juc, une image du temple chrétien comme il ne s'en éleva jamais
dans les limites du territoire germanique. L'Allemagne n'a jamais pratit|ué
cette belle (lonin'-c de la construction d'une église, comme la Grèce ol l'Asie
Mineure l'oiil t.uit reproduite à l'envi. Qu'on n'invo(|ue pas, pour nous les
opposer, les dégradations, les altérations moscovites qui se sont montrées
jiis(|ue sous nos y-iix; un tel détour confirmerait notre droit de nier la poâ»»i-
bililé (l'imiter n'importe où et dans quel temps les pures conceptions de l'tu-l
by/.antin.
Nous regrettons certes bien vivement de ne point partager le jugement
4. Nous <l(<miiiiiloiis ù M. lo docteur DaUois la permission do conserver le lilro do no* planclirn
et de continuer ù croire (|iio les i^nuiux de celte cliAsso sont rhénans et non |iaa bjianlin». Ld pro-
cédé de rid)riciitiun, i|ui est ici, en };enéral, le cliuni|ile\e; loiiiicite de ces éniu«\ cl • '".
qui est très-iidoucie de ton, eniptVhenl de confondre ces eniaux u»ec les li; «anlins, >i
sonnés sur or, translucides et d'une i^ninmo écliitanle. D'autres caractère» encore, qu il icnil
li()|i loii^ diMuiiuérer, assignent il l'Alleniagno et spécialement il •' ■
omudlerie. >
XMV. 3
18 ANNAi.KS Anniir:oi.or;iouES.
buriné sur la première de nos planclics; cette dissidence, née pour nous d'im-
pressions do voyage qui nous ont saisi sans désoniparcr pendant [)ius de mille
lieues d'examen cl de réflexions, prouvera précisément et noire indépendance
et notre bonne foi, et il nous a fallu bien compter sur la bienveillance du
directeur des « Annales », pour oser produire jusque sous ses auspices une
arQrmalion contraire à ses vues arrêtées. Mais fussions-nous dans l'erreur,
eussions-nous eu l'œil trompé cent et cent fois par nos observations impar-
tiales cl des comparaisons non préconçues, qu'encore nous demanderions une
suspension d'arrêt de condamnation, avant de clore le débat. La divergence
nous semble Iroj) iin|)orlante en cette circonstance, et les motifs qui l'ont sou-
levée troj) r()n(l(''s |)iiiii- ([u'iiii sago atermoiement de décision ne soit pas
accordé aune sollicitude désinléressée. Pour moi, en face des infinies délica-
tesses d'appréciation, des subliles pénétrations du goût dont il serait néces-
saire d'user en cette manière, j'aurais besoin d'une signature pour abandonner
ma cause. Jusque-là qu'il me soil permis de dire, avec une certaine crainte
mêlée d'espérance : » Aclliiu; suh judicc lis est ». Non, le procès n'est pas
(ini; la cause n'est pas jugée.
Je sais qu'on nous objectera de fortes raisons, comme le sont celles des
experts en écriture privée qui ne se trompent jamais. On nous dira que la belle
page d'émail, ([ui se déroule devant nous, nous la devons sans conteste à
l'Allemagne pour la fabrication; mais on nous concédera immédiatement que,
pour riiis|)iralioii. l'art, la poésie, par l'cspi'il (]ui « l'informa », suivant le
sens mélaphysiiiue de ce mol, elle vient en droiture des bords du plus beau
port du monde, de la Cornc-d'Or : génération à deux âmes qui se seraient repro-
duites virlucllemcnt l'une et l'autre dans leur résultante. On ajoutera de suite,
pour expli([uer cette multiplicité d'influx vital, des données, des considéra-
tions de métier qui séduisent l'attention par leur simplicité même. Le regard
connaisseur di'couvrc imuH'diaU'ineut dans l'otijct de notre admiration les
caractères de l'émaillerie allemande : nuances opaques des matières fondues,
douce teinte de vert répandue partout, et ce large faire qui combine à la fois
le cloisonné et le champlevé dans un même panneau de la machine ; tandis
que si celle-ci eût été exécutée à Constantinople, toutes les épaisseurs vitri-
fiées eussent été translucides conmie une li(iucur limpide, les couleurs plus
vives et plus harmonieuses, et enfin tous les résilles d'ornement, tous ces fils
de séparation des figures et autres parties eussent été autant de cloisons fine-
ment soudées à la plaque d'appui, et non des rubans, des refends pris aux
dépens de la propre substance du soutien, comme cela se pratiquait à Cologne
et à Limoges, deux autres foyers dérivés du premier.
L\ GRANDE CHASSE. 19
Nous avons été mis sur la voie de ces différences qui déterminent et défi-
nissent les genres et leurs variétés, et nous devons avouer que les alTirmalions
données par une savante pratique des restaurations, par l'habitude quoti-
dienne de ces sortes d'observations, ne nous ont point convaincu que nous
errions en déniant à nos voisins du Nord une création unique de son espèce
et de sa valeur. On admet bien sans conteste qu'un artiste de génie venu du
pays du soleil, ainsi qu'on dit, a laissé cette magnifique trace de son passage
dans les ateliers protégés alors par les empereurs et les princes de la Ger-
manie. F,t pourquoi la supposition inverse ne serait-elle pas admissible au
même degré? Il n'est pas plus dilTicile de croire qu'un émailleur, qu'un
orfèvre de nos parages et de nos goùls aurait porté ses procédés de fonte des
métaux, son entente de dessins et de couleurs à un maître de son métier jus-
qu'aux rives si attrayantes de ce Bosphore tant renommé. Les migrations
d'artistes suivaient cette pente dans ces temps, et les croisades avaient encore
accéléré ce mouvement, ce grand courant des talents vers le but do toutes les
aspirations de la société chrétienne. Les flots de la nouvelle civilisation ten-
daient plutôt à remonter à leur sçurce, pour nous revenir tout parfumés de
leur mélange avec les eaux asiatiques, et c'est ce qui nous explique l'échange
fécond d'idées et d'impressions entre des hommes se rejoignant des deux
extrémités do l'Kurope par le culte et le seul amour du beau.
Ce dut être un grand sujet de curiosité à Conslanlinople d'apprendre la
conibiiKiison de doux modes d'établir un émail à frais bien inégaux de temps
et de matière, cette dernière considération étant toujours et partout toule-puis-
saiile. VA quand, pniir satisfaire ces vifs désirs de l'esprit, une souveraine, du
beau et douv nom de Théophanic, ou d'autres princesses de même origine
grecque, auraient voulu doter leur patrie d'une façon de procéder qu'elle
ignorait, qu'y aurail-il do surprenant, dès lors, que des envoyés à la fois pour
enseigner et pour apprendre oussoiit fait à leur impulsion le voyage alors tant
souhaité, et eussent rapport/' ime ou deux productions, nombre juste de celles
(|iii iHiiH ii((ii|)iiil. enliiiit^ (le doux génies nationaux mêlés dans une môme
<iinre? Knrore une fois, nous le répétons, la courbe légèrement ronllée de La
cmiixile, ligne si dilTicile ou mieux impossible à atteindre dans sa perfoclioii k
un pn-inier essai, s'expliquerait tout naturellerneni poiu' notre reliquaire, non
moins <|ue le mélange si heureux du cliamplevé et du cloisonné, en admellant
riiypollièse où nous nous sommes retranchés .sans enlrainemenl do sy.sièmc :
car nous sommes prêt ii nous rendre à l'avis opposé, dès qu'il nous sera
montré (piehiue fait important. (|ueh|ue signe canictérisliquo qui contredira
avec succès notre opinion. .Ius(|iie-I;i. t|u'il nous soit pornùs de ne point reven-
20 ANNALES AHCIII^OLOCIQUES.
(Ii(|ii.r à (liiiii, rommn tant de juges cxp('!rimentés n'hésitent pas îi le faire,
l'origine à laquelle nous nous l'attachons pour notre part sans réserve.
D'ailleurs on nous relèverait au besoin de tout reproche de singularité, en
lisant ces lignes d'un savant écrivain : (i Tous tant que nous sommes, nous
marchons péiiiblcinent, et nous avançons par degrés vers la vérité, cl encore
une vérité relative ; car la vérité complète, absolue, n'est guère à la portée
des historiens de l'art. Nous raisonnons de notre mieux sur les faits connus,
et, à mesure qu'il s'en produit de nouveaux, nous devons changer ou modifier
nos systèmes ». Ainsi parle excellemment M. Félix de Verneilh, et tels sont
les résultats avoués de ses recherches et de ses réflexions approfondies dans
son beau mémoire sur les » lùnaux d'Allemagne ".
].a réponse du même auteur à M. le comte de Lasteyrie nous abriterait
encore mieux conlie Iniile accusation de téméril(' ou de pi'étention mal fondée.
.lamais on n'a vu plus de finesse d'esprit et du plus parisien, unie à plus de
patience de savant et des plus retranchés dans leur province, plus d'ardeur
d'imagination, de verve unie à plus de conscience de recherches pour élucider
mille et mille petites difTicultés et obscurités qui se sont élevées comme des
nuages entre tant de combattants. Les renommés antiquaires qui sont entrés
dans la lice, M. de iMiborde. M. de Lasteyrie, M. Labarte. M. deQuast. ^L Julien
Durand. M. Daicel, la l'rance, l'Allemagne. l'Angleterre, l'Italie, la Grèce elle-
inriiie. sont les héros qui, sous la plume de notre habile et infatigable collabo-
rateur, s'agitent avec passion dans ces sortes de pugilats de riulelligence. où
négations et alïirmations se hetu'tent et s'entre-choquent en étincelant comme des
armes d'acier. N'oublions point le savant abbé Texier. dont les illusions res-
pectables se seraient dissipées d'elles-mêmes au grand jour de son patriotisme
mieux éclairé. 11 me semble en vérité, au milieu de ce cliquetis d'idées et
d'opinions contraires, voir ces graves esprits prendre corps et s'agiter sur les
résilles d'or des émaux comme des feux follets sur des fils électriques. L'un
nie ce que l'autre affirme; celui-ci admet ce que celui-là exclut. Aujourd'hui
dément hier, après-demain contredira la veille. IJmogcs a voulu seule avoir
enfanté toute entière la branche de la céramique qui nous occupe; Cologne
s'attribue à elle seule la seule taille d'épargne; Grecs et Vénitiens n'ont jamais
fait que des guillochis h, cloisons soudées, et tout h coup, parmi toutes ces
exigences qui se condensent de plus en plus, une note modeste nous apprend
que M. Julien Durand a signalé, dans la Pala d'Oro, une plaque émaillée de plus
de quatre millions de francs, du travail champlevé. Or. on soutenait que
Byzance avait toujours méconnu ce procédé de simplification très-économique.
Dans ce dédale de vues préconçues et vacillantes, à peine peut-on saisir un
LA GRANDE CHASSE. 21
fil qui puisse diriger la main de celui qui cherche le vrai pour se reposer,
ou le probable au moins pour s'y attacher. Véritablement, on ne le connaît
pas.
Les tentatives de la taille d'épargne ont été les premières en date; elles ont
donné des résultats appelés barbares ou primitifs, qui remontent aux premiers
siècles de notre ère. Les Oallo-Romains auraient eu cet honneur d'invention,
sinon les Anglo-Saxons. Pour ce qui est de ces ralTuiés d'au delà des Alpes,
et des enfants perdus d'un plus beau ciel encore, ils n'auraient pensé que long-
temps apivs avoir vu ces giossièrcs ébauches à ci'éer la céramique que j'ap-
pellerais niélalli(]ue, pour compléter celle des terres cuites en si grande vogue
surtout chez les Italiens. Telle aurait été la marche de ce développement.
Piiiii- lie point s'embarrasser davantage dans des faits recueillis de temps plus
anciens, on dit, sans regrets ni craintes : négligeons les premiers essais
tentés par los l'^gypliens. Mais si les découvertes de M. Mariette sur les bords
du Nil confirment le dire de M. Schicklcr, qui est aussi le sentiment de
M, Paul Durand de Chartres, observateur « de visu », à propos des bijoux
et joyaux dits de la reine Sésostris, trésor sépulcral exposé à tous les regards
curieux et studieux h la dernière exhibition de Londres, il faudra remonter des
mille ans dans les siècles pour trouver le point initial de l'admirable indus-
trie dont nous traitons en passant. Le patient et heureux exploraleur des
antiquités du Caire, dans son excellent ouvrage « V.n Orient », le meilleur du
genre que nous connaissions, parle du musée de la capitale de l'Lgypte en
appréciateur exercé, en connaisseur qui ne laisse rien échapper ii la sagacité,
h. la pénétration de son cuni) d'nil; M. Sciiicklcr raconte ainsi son entrée dans
ce hangar des beaux-aris (rime civilisation évanouie : « On visite d'abord
la salle de droite, au milieu de laquelle sont déposés, sous une cage de verre,
les nombreux et spleiidides bijoux de la reine Aali-IIolep. dix-septième dy-
nastie, (juc M. Muriel le a trouvés dans un tombeau de Tlièbes. — Par (piels
moyens mécaniques les arlisics égyptiens étaient-ils parvenus îi modeler avec
t;iiil (11' pcrrcclidii l'argent cl l'or, à composer les longues chaînes de gour-
mettes d'une extrême témiilé enlacées les unes dans les auli-cs. h revélir les
métaux précieux de l'émail cloisonné l(> plus éclalanl ? Il n'y a point d'oxagé-
ralioM à diriî (|ue celte parure de souveraine, portét; dix-huit cents ans avant
.lésus-ChrisI, soutient la (•om|)arais()n avec les bijoux modornes les pins fine-
nient exécutés. Klle a mémi* im mérite peut-être supérieur, celui do l'inven-
liiiii (|iii a su ((iiicilii'r une élonnanlo originalité avec le goiil le pluscxqtiis. »
lîn jiMiiH' voyag(>ur. M. Drricic. <|iii sait aussi mellro .ses loisirs cl sa ^n'Andc
forluiic ;ui service do recherches artislicyies et savante."», nous a connrmé les
22 ANNALF.S ARCHÉOLOGIOJ'ES,
mémos faits dans les mômes lieux nli nous n'avons pu, par le mauvais vouloir
(rcinployi's français, voir et palpor comme lui tant de témoignages importants
à rciudillir pour les discussions ii venir.
Mais rapporlotis aussi nos impressions personnelles en traversant les mu-
sées de rKiirnpc ([u'il nous a l'ié donné de visiter depuis que nous avons
asstniM' la p('iiil)|i' làdio ([uc nous remplissons : elle était vraiment au-dessus
de nos ïnvi-r< i|iic nniis n'.ivons jamais exercées dans ce sens d'études et d'ob-
scrvatiiins. Il nous revient néanmoins cette faible part d'avoir remarqué parmi
les .•inli(|uités étrusques, au Vatican, des anneaux à chatons recouverts de
matières vitreuses qui ne nous ont point laissé de doute, non plus qu'à un
artiste estimé et connu du public, notre compagnon de route en recherches
archéologiques. Nous n'avons pu, il est vrai, manier ces parures trop rares et
trop |)récieuses pour éti'c ah.induiHiées à l'examen du |)n'inier ai'rivant ; mais
nos yeux se sont fatigués à chercher en tous sens un joint qui aurait infirmé
nos réflexions, et toutes celles-ci se sont résumées en cette idée que le premier
art sorti du sol itali(jue a connu la pratique d'émailler à chaud une surface de
métal. Nous ajouterons, avec la même impartialité, que le riche et vaste musée
de Naples ne nous a point ollri-t dans toutes .ses dépouilles de Pompéi et
(rifiTciilaninn ricii (\m pùl IImt iioln^ altenlion à l'endroit de nos remarques
spéciales. Pourquoi nous attacher tant à cet acte de naissance qui se perd en
même temps dans la nuit des âges et dans l'espace ? laisî^ons à notre tour le
champ libre aux investigations dévouées qui voudront s'y attacher avec plus
d'espoir. De l'enfant trouvé cpie l'art de l'émaillerie a chanté de tant de façons,
quelques-uns ont nièni<; voulu ndiiinicr l(> père, (léserait presque dire l'heure
de son apparition siu' la terre, si sa généalogie était connue, et son seing
approuvé par les générations contemporaines. Il n'en est point ainsi. Mais
nous sommes loin, dès aujourd'hui, des assertions et prétentions de ceux qui
ont voulu accorder à Limoges l'honneur d'une primogéniture qu'elle n'a pu
conserver parce qu'elle ne l'a jamais eue. La France et sa belle province du
Liiiiousin perdraient beaucoup à trop vouloir de privilèges contestables :
elles ont assez de leurs gloires légitimes sans se parer du bien ou de l'éclat
d'autrui.
Et pourquoi les doux rameaux de la céramique les plus rapprochés par leur
jonction ou leur branche originelle n'auraient-ils pas coexisté partout? Les
fa'iences peintes et vernissées, les terres cuites entaillées de toutes couleurs
rcniontiMit à une très-haute antiquité : Memphis. Abydos. Lucqsor nous l'ont
prouvé à nous-mème; et parmi les menus objets qu'il nous a été permis de
rapporter, en très-petit nombre, des deux bords de l'Afrique et de l'Asie,
LA GKANDE CHASSE. 23
semés de tant de splendeurs de l'art et de la nature, un même fétiche nous
présente à la fois en élément la double application d'un liquide vitreux qu'une
pâte a reçu et coagulé, avec les deux extrémités d'une tige de bronze pour
soutenir le tout ; espèce d'amulette que le pauvre idolâtre portait sur la peau
sans craindre que la sueur et le mouvement détruisissent trop promptement ce
symbole vénéré qu'il adorait. Les trois espèces de vitrifications qui existent
pour l'art sont filles d'un seul principe ; ce sont trois sœurs, trois grâces d'âge
un peu différent sans doute, et la dernière, la peinture fondue sur verre, se
perd aussi de son côté dans la nuit des temps. Dans les desseins de Dieu, les
pensées des hommes se complètent comme les êtres; elles tendent à la durée,
à la perpétuité du genre. C'est pourquoi l'un a vu l'immutabilité des traits
fixés dans les vitrifications diverses se produire jusque dans les formes en
saillie de la sculpture. Sur la voie de ce dernier problème, il s'est rencontré
toute une famille d'artistes, pères, frères, fils, neveux, qui ont brillé pendant
le cours de deux siècles environ. Les délia Uobbia n'ont point été imités dans
les autres parties de la céramique. Quelle perte que cet esprit de tradition,
cette hérédité du talent dans une même lignée ne se soit maintenue que parmi
eux. De nos jours, les Froment-Meurice, les Rudolfi, pour émailler les métaux,
ne dureront pas plus (jue leurs prédécesseurs. Déplorons-le : leurs succès,
leurs victoires s'arrêteront îi eux.
En terminant, il nous reste à présenter une considération que nous nous
étonnons de n'avoir point rencontrée dans tant de travaux qui nous ont passé
dans la main à l'occasion de ces développements. Un retour vers les sciences
physi(|ucs, notre chère occupation d'autrefois, nous y amène naturellement.
N'esl-il pas surprenant ([iie le nom « d'électrum ». donné h l'ambre, ce suc
desséché et durci de l'écorce d'un arbre, ait aussi été attribué à un mélange
d'or et d'argent, dans une proportion cinq fois moindre de ce dernier métal
par rapport au premier.' .Ii- n'hésiterais pas à dire alliage, si la définition qui
nous a éti' donnée de cette découverte, par IMiiie, était pour nous sans difli-
cultés d'explication. I,a dénomination identi(|uo imposée à deux corps si diffé-
rents de composition, si éloignés, si distants d'origine, ne devail-t>lle pas
exprimer une similitude de propriétés, de phénomènes spéciaux (|ui ne se
voyaient (|u'en eux? L'un est le |)roduit de la vie végétative, le résidu orga-
ni(|ue <riiii suintemeiil de sève à travers les fibres d'une plante ivcherchée
pour cet illi t ; l'autre résulte du hasard heureux cpii a rapproché plutôt que
combiné deux minéraux, deux métaux, éléments sans vie d'aucune sorte : car
leur sim|)licilé exclut d'eux la propriété, la faculté de vi\re. Oui a donc pu
chez les anciens rapjjrocher ain.-<i deux existences d'ordre »'\ op|)osé (|u'aucune
2') ANNALKS AnClIÉOI.OGlQLES.
apparence extcrieiiro , l;i consistance , rasjjcct , pas môme la couleur ne
puisse ôlrc invoquée counne moyen ou raison de les confondre ou de les unir
sous un mAnie vocable, n eloclrum » '.' Un fait qui présente un caractère aussi
élonnantdoit appeler l'attention.
Ne serait-ce point que l'unect l'autre de ces matières, mieux que toutes autres
cl prc>(iui; à un é^;il degré, seraient douées d'une puissance motrice, de force
attractive ou répulsive suivant l'état, dès qu'un léger frottement vient susciter
en elles cette activité qui leur devient propre? .Notre nom d'électricité vient
bien de là sans aucun doute, lui si bien fait pour résumer tous ces attraits
singuliers des masses inertes entre elles; mais il est vraiment digne de
remar(|iii' ([in' le phiiioniènu ((u'Jl exprime dérive à la fois de deux sources
ii;U(iiil|es il (le si grandes distances : une résine précieuse pour sa rareté et
son parfuiii. ei un cdiuiiosi'' in('t;illif|ue que l'antiquité tenait en la plus grande
estime dans la fabrication de ses bijoux. Mais le mot grec Yi>.c-/.Tfov et l'ex-
pi-ession latine presque semblable « electrum » ne sont point, selon certains
commentateurs, le nom donné par nos ancêtres à ce que nous appelons au-
jiuird'liiii des émaux. De longues dissertations ont été faites pour trouver une
autre étymologie, ini autre radical, cl la langue hébraïque a été mise à contri-
bution pour venir en aide à la science aux abois. liaschmal a été tiré du sein de
la liible pour ceux (|ui ont prétendu que l'élcctre de Pline et des auteurs qui
l'ont suivi élait un alliage sans rapport avec l'émail ; liaschmal a été pour ceux-
là l'origine véritable de la désignation de l'appellation attribuée au produit que
nous étudions, el ([ui serait aussi, pour les jouteurs de ce camp d'érudits, un
iVuil de notre civilisalion cliiélienne. Dans celte hypothèse, le plus vieil idiome
aurait servi à dénommer une invention relativement récente. Quoi qu'il en soit,
nous ne serions point éloigné de ce sentiment, émail émergeant, aussi bien el
mieux de smalli, que notre titre d'évcque de sa racine grecque £-iV/.o-o;.
C'est avoir trop prolongé une discussion obscurcie, troublée par mille
prélentions diverses. Dans les fourneaux qui s'allumaient un peu partout,
comme le dit avec tant de raison le directeur des « Annales Archélogiques »,
dans ces foyers qui fondaient de tous côtés, et presque à tous endroits où la
fantaisie en pouvait naître, des matières vitreuses pour notre genre de céra-
mique, dans les laboratoires d'émaillerie au commencement surtout, ne se pro-
duisit-il pas, dans la fonte des matériaux, des phénomènes d'électricité que
plus de perfection de fabrique aurait vaincus plus lard, et ne serait-ce point
à l'apparilion de ces faits singuliers de physique que serait due la conserva-
tion du nom « d'électrum » qu'un grand nombre de savants, à la tète desquels
se montre M. Labarte, maintiennent aux produits de nos émailleries d'art bien
L\ GRANDE CHASSE. 25
plus que d'industrie? En vérité, dans ce ciiaos d'opinions, nous n'avons pu
mettre quelque ordre pour nous-mème; nous avons, au contraire, peut-être
encore ajouté à la confusion, par le nouvel aliment que nous apportons à l'es-
prit de discoïde, il n'est pas de cercle où les intelligences se soient plus étroi-
tement renfermées pour s'escrimer à outrance : heureux conflits pourtant qui
n'ont pas eu de blessures pour les amours-propres, tant les armes des adver-
saires ont été discrètes et courtoises. Les vaillants combattants qui sont entrés
dans la lice , au milieu de mêlées toujours croissantes , sont partout des
hommes de |)aix dans leurs études, de tact et de goût dans leurs rapports :
témoins les plus vifs échanges d'opinions et de contradictions entre eux.
Que les émaux nous viennent de rAfri(|ue ou de l'Asie vers l'Orient, des
Bretons ou des Gaulois vers notre Occident; qu'ils nous aient été envoyés de
lîyzance avec toute la finesse, la délicatesse, avec toutes les ingénieuses tcxti-
lilés de l'art grec; ou bien encore, privilège auquel nous ne pouvons plus pré-
tendre, que nous les ayons transmis de nos provinces de France et des con-
trées voisines aux autres peuples épris du sentiment du beau, toujours est-il
qu'ils ont été, mieux que les vitraux peints, exécutés aussi jîidis un peu partout,
mieux que les vases produits avec toutes les perfections de la céramique, tous
enfants nés d'un môme génie d'invention; qu'ils ont été mieux adaptés aux
désirs de ceux dont la piété voulait ajouter aux splendeurs de nos teniple>.
Dans celte forme, les hommages religieux des grands et des puissants, comme
liurs présents échangés entre eux. craignaient moins la destruction. Sous cet
aspect, le mérite des olTrandes revêtait un caractère d'inaltérabilité, de pérennité,
qui leur était assuré; et la (irande Châsse au besoin nous viendrait en preuve
de l'immortalité des ajuvres de cette nature, puisqu'elle a tout conservé, tout,
jus(|u';l SCS parties les moins durables, les moins adhérentes, que nous nous
réservons de décrire plus loin avec l'ensemble, pour achever notre lAche.
C'était ime bonne fortune pour les élans généreux de la richesse de se faire do
tous ( ôl('s |in>digues d'ex-volo dans les oratoires et les chapelles, avec ces fruits
précieux (\r rnijVvrcric. C'était im grand honneur pour les princes, pour les
rois, d'èlri! inscrits connue "donataires') dans les sanctuaires les plus vénérés.
V.n retour des tributs volontaires {ju'ils apportaient, ils recevaient d'autivs tré-
sors plus ina|)précial)les encore (|ue les leurs. Nos pères n'ont jamais dit aulix»-
nn'iil i|iii' 1,1 (I Vierge au Donataire », pour spécifier l'un des miracles du pin-
ceau (le lla|)li,iil : ints pères connaissaient toute la valeur de leur vocabulaire,
par les notions du droit romain et de ses termes qu'ils possédaient '. I-a place
I. Au lieu (lo ifontiliiiri'. la Kriimmiiiro voudrnil ittmnifur. I.«< don.iUirr i'>i celui qui ivçoil
un (loti; (loiiiili'ur, iplui ipii lo f.iil. Lo ilonalnirp, runimo lo ilwlinnlairc, ost |»o»if; lo doiuilour,
XXIV. h
20 ANNALKS AUCIlftOLOOlOUES.
qu'occupait le cadre, le ran^ que prenait l'odicule dans rédifice, la grâce qui
lui (îtait faite d'être admis d.uis le saint lien, la faveur d'ôlre accueilli pour le
maître à qui tout est dû, tels étaient les motifs f|ui n'ont jamais fait des
offrants que de simples « donataires ». Entraîné par cette appellation repro-
duite à tout instant dans les antiques instruments décoratifs du culte. M. de
Vcrneilii. écrivain si pur et qui entend bien ne se soustraire jamais aux lois
(lr r Aradi'iiiii'. iii.il^'n'' lui appelle donataires ceux qu'en maintes autres lignes
il iioinuii' donateurs, tant le souvenir instinctif de ce qu'il a vu se reproduit
involontairement sous sa plume. Plus haut, malgré nous, nous avons suivi son
exemple dominant. Que cette faute nous soit pardonnéc par amour de l'ar-
clicologic, par respect pour notre vieux langage. F.t qu'on le saclie bien une
fois pour toutes : pour nous, clirétiens, il ne peut y avoir qu'un donateur* en
r Eglise : ce donateur, c'est Dieu.
D' CATTOIS.
coniiiio II' ili^-linntnir : ();iidon |ioiii- co mol qui ii'esl pii; iisilé encore), est actif. Il faudrait donc
diro In " \ ipi'ijo :ni dnnaleiir »; le donalairp, dans ce cas, c'est la Vierge elle-même. Un jour ou
, l'autre, on doit l'cspéror, la grammairo rofirendra ses droils; en ce qui nous concerne, nous l'y
aiderons, et nous aurions désiré que M. le docteur Catlois fût des nôtres, même à partir d'aujour-
d'hui. {.\ole de M. Didron.)
1. Le Louvre a gardé le titre de « donataires » à tous ceux qui lui ont fait hommage d'objets
précieux. En cela l'administration de nos musées a suivi l'Église plutôt que r.\cadémie sa voi-
sine, naguère encore sa locataire, et elle a eu raison. La place accordée sous ses voûtes vaut
mieu\ (]ue le don; elle l'honore plus qu'elle n'est honorée par elle. Dans tout échange, qui re-
çoit moins qu'il ne rend est donateur; qui recueille plus qu'il ne sème est donataire.
IC0i\()(;KAI41IE
DU C1IE3ILN DE LA CKUlX
O.N/.IKMK STATIOiN '.
lÉSUS EST ATTACHÉ A LA CHOIX.
(Ici le slalion, d'apivs le litre si explicite ([uc lui donne la sacrée Congré-
gation des Indulgences, représente le Culcikieme.nt, c'est-à-dire le moment
où Jésus, dépouillé de ses vèlciiuMils, est étendu cl cloué par ses bourreaux
sur l'arbrr de la croix. Quoique i'iivangile se taise sur une scène aussi dou-
loureuse, (jue Cicérou stigmatise par les dures épilhètes « crudelissimum.
leterrinuinum », dans son discours contre Verres, néanmoins il est utile de la
considérer comme liistoritiue, car les scènes finales de la Passion la présup-
posent nécessairement .
Or. noire allriiiioii d lii se pniliT principalement sur (jualrc points que
j'essaierai d'élucider ;i la linnièredela tradition.
.lésus fut élcadu nu mit la croix, alin, disent les symbolistes, que ses souf-
frances fussent à la fois corporelles et morales cl (|ue tout, juscju'au sonlimenl
de la pudeur, reçût en lui une blessure profonde. Le nouvel Adam eut à rou-
gir de sa nudité, opprobre (\c son humanité llélrie et décliuc; « vulneralus in
naturalibus », suivani la parolf d'un pi're de l'Kglisc.
Que celle nudité ait été comi)l6le, c'est incontestable: les évangtMisIcs l'insi-
niiciil, sainte lirigittc n'Iii'-silc jias à le révéler-, la dixième slalion l'allirmi'.
I. Voir les « Ann.ili's Arcliéologiquos », vol. xx, \w^i'i 191 pl 315; vol. \\i. \>a,:o* «9 pl SIS,
Mil. XXII, iNiRP S'il; vul. \xiit, |NIRP8 49, 105 cl IIS.
S, u Alligaliis iiulfin iiiliil oiniiliio oporiiiionli liubobtil; Mil mouI iwius i>»l , »ic >UtMl pl
28 ANNALES ARCHÉOLOGIQUES.
Rome par sa Iradilion ' \f |jioclamc. Mais si ces trois preuves n'étaient pas
sulTisaiilcs encore, j'en ajouterais une quatrième, et je dirais avec un auteur
grec qu'on ne crucifiait même i)as autrement : « nutli crucifiguntur » -.
Fuerich a l'cduulé la picu.se indignation dos fidèles k la vue de ce corps
sans v(Mements, et il a en conséquence entortillé un linge autour des reins du
Christ. Sans s'etTaroiiclKM' (uilie mesure d'une posture (|ue l'histoire impose,
je crois qu'avec du lal(Mil (i de 1 habileté un artiste chrétien sortira toujours
avec avantage de la dilliculté ([uc peut nllVir une pareille scène. Le peintre
allemand était sur la voie que j'indique, pour concilier tout ensemble les exi-
gences du sujet et les iiuiuiétudes des âmes pieuses, quand il a replié les
jaiiiix's du Sauvoui' et opéré un de ces raccourcis dont il faut demander à,
Micli(;l-Aiige le secret.
Deux choses sont à examiner relativement h la croix : la matière et la
forme.
I5i)is é(]uarri, si l'on consulte la tradition. la croix fut au contraire un arbre
simplcinent ébranché et encore revelu de son écorce, si l'on s'en rapporte
aux peintures syiiil)i)li(]ne> du moyen âge. .^e n'ai pasà fixer de règle sur un
(h'tail (|u'il conNiciit de laisser libi'e au goùl de chacun, suivant (jue l'histoire
DU le symbole guidera la main de l'artiste pour l'interprétation de la onzième
station.
Même latitude me semble possible pour la l'orme; car, suivant les époques,
il y a deux espèces de croix. L'une est dite « croix latine » ; son sommet
dépasse sa traverse. 1. 'autre est appelée croix en « Tau », parce (pi'elle a la
forme du T grée el ([ue son croisillon aj^iniie sur le sommet de sa hampe. La
première l'orme est pins usuelle ; probablement aussi c'est la plus exacte et la
plus conforme à la vérité. La seconde, créée par les albigeois, apparaît surtout
aux xv*^ et xvi'' siècles, et son adoption est souvent motivée par des textes du
genre de ceux-ci: « Ipsa cnim littera Grœcorum Tau; nostra autem T. species
crucis. )) (Teutlllia.n. « Adv. Marcion. ») — u Tau littera specieni crucis
paliebatur erubcscentiiim nuditalis susd Et ipse Filius meus (c'est la Vierge qui parle',
venieiis il)i, cxuit se pcrsonalilcr vestil)iis suis; stanle autem l'ilio mco, slcut natus erat, iiudo
corporo )).
Mario d'Agréda, dont on a beaucoup trop fait do bruit on France, puisque sa « Cité mystique»
a été condamnée, le 2G juin I6SI. pur le vénérable lunocent XI, Marie d'Agréda soutient sans
fondement l'opinion conliairo, qui na pour nous que la valeur d'une rêverie ou d'une singu-
larité.
1. S. A.Mimus., (1 In Luc. », lib. \. — S. Atihnas.. « Orat de l'ass. et Cruce Dom. ». —
S. Augustin., « De Civit. Doi », I. xvi, c. i. — S. Cvi'RIan, « Epist. ■>, 63.
2. .\rti;mii)oi\, lib. il. cap. o8.
ICONOGIiAPllIi; DU CIIKMl.N DK LA CROIX. 29
démonslrat. » (Isidor. « de Vocal gent. ») — « Extrema Tau (littera) crucis
habet similitudinem. » (S. Hieko.wm. « In Ezéchiel. », cap. ix.)
Et comme il ne sulTirait pas de constater une ressemblance purement phy-
sique, on s'élève plus haut en jetant un regaid sur le passé et en lui deman-
dant la raison de ce symbole.
L'antiquité a admis pour les pieds du crucifié un support en bois destiné à
soulager le corps et empêcher une tension intolérable et une suspension trop
douloureuse. Les modernes ont rejeté ce support (|u'il serait l)on de remettre
en usage ; car, outre son emploi à peu près certain, il est mentionné par deux
auteurs d'un grand poids en pareille matière : l'un du vi' siècle, l'aulro du xiir,
Grégoire de Tours et Innocent III, ces deux lumières du moyen âge naissant
et du moyen âge à son apogée.
Il In stipile ereclo foramen faclum manifeslum est. Pes qtioque parvai
tabula; in hoc foramen insertus est. Super hanc vcro tabulam, tanquam stan-
tis liominis, sacra- afTixii! sunt planliu. » (Giiegoh. Tino.\E.\. « Ue Glor.
Mart. i>, c. VI.) — « Fucrunt in cruce dominica ligna quatuor : slipes erectus,
et lignum Iransversum, truncus suppositus, et tilulus superpositus. » >^I.n.\u-
ci:m III. Sorin. 1. » De uno Mart. »)
.rinvo(|uerai les mêmes autorités pour prouver, ce qui me parait le plus
vraisemblable, que Jésus fut attaché à la croix par quatre clous.
Il Glavorum domiiiicorum. ([uod quatuor fucrint, lia-c est ratio: duo sunt
alTixi in palmis et duo in planlis. » (Gni;«;on. Tlho.nkn. « De Glor. Martyr. »,
c. VI.) — Il Fuerunl clavi (|ualiior. quibus manus confixa' sunt et pedes
afTixi. 1) (Innocent. III, « Sermo de uno Martyr. Sermo » *.)
Les lexles sont d'accord avec les moiiumenls pour aflirmer celte loi icono-
gra|)hir|uo, |)()sée déjà par M. Didrun, à savoir (|ue jusiin'au xiii' siècle les
clous sont au nombre de ([ualre; mais iju'à partir do cette époque, on n'en fait
plus usage que de trois ^.
Il r^l iiK'iMi! curieux d'apprendre d'un évé(|ue de Galice, contemporain du
changeiiinit. (|ue ce sont les albigeois qui, entre autres nouveautés icoiiogra-
plii(|ucs, ont imaginé et lait adopter les crucilix h trois clous; celle seule
origine notoirement héréliciue di.'vrait désormais faire exchnv les trois clous
de nos églises.
\. (I C.liivis aocros podos (crobnintiltiis. • (S. Cyprian., • St>riii. di' l'asii. Dom. •) — |)u lc\lr
(lu Siiiiil JiMii (<'. MX. V. i'.i], i|iii |)arli< lie i|iiiilri) |)iir(s riiili'.H |wr lc*~ - nifnU du
SiiuvtMir, Il ot r<i('(<i'iiiil t|iiiitiic>r |iiirUs, tiiiiciiii|iu' iiullli |itirl('iii >, un |><'ii i\ \ «tjii
i|ii(t qualru solilul;* oiTupi^ nu orucincmoiii.
i. a Annalps Ari'lic^ologii]ut'!i », I. ni, )<• 3bl.
30 ANNALKS AKClIKOLDlilOL'KS.
lùioiiint liiiii toiiiporis supradicti liaL-rclici cruccm cuiii tribus branchiis
tantiiin, in (|ua oral iinaj^o iiiio pede super aliuin tribus clavis cidom cruel
alïixa; (|uu; itraciiio eiiiiiieiitii)ri carobat ; (|uaiii veiiicntcs populi luco cruels
C.hrisli dcvotissiuie adorabaiit... Aiii, iiulla l'ulti autiioritalc, asscrebaiit tribus
laiiluiii claxis cruei fuisse adixuiii, cl non dcxtruin latus cjus sed sinistruni
lancoa vulncratuiii i. »
Il est vraiment clrange que Marie d'Agréda. (|ui aflirnie avoir écrit ses ré-
vélations sous la dictée du Sauveur, se prononce [)our les trois clous, contrai-
rement à la plus saine et la plus vénérable tradition. Je ne m'étonne pas que
rincpiisition romaine lui ait, à cet endroit, inlligé un blâme sévère, car l'Église
ne jjcul pas permettre (pie les fidèles soient induits en erreur, en acceptant,
comme venant de Dieu, ce ([ui est le fait d'une imagination exallée et d'une
natin'c rêveuse.
A la (in (lu Mil" siècle, le fait est si bien accompli, que Jacques de Voraginc
l'acceplc sans cuiilrùlc et l'insère dans sa « Légende dorée » :
« Cruciatus cnim fuit (Christus) in toto corpore. In parte suprema fuit
spinis coroiialus. lu iiirdia fuil ad columnam iigatiis et flagellatus. In infuna
fuit pedibus piMibralus. iihi sciisil iiia<;iuim dolorem, quia locus erat nervosus,
et quia unus pes super alitiin positus, et quia grossis clavis perforatus, et quia
innitebatur clavatis pcdibus totum corpus -. »
Les clous de la Passion, vrais ou faux, copies ou originaux, ne manquent
pas dans l'univers catlioli(|ue. Ce n'est point ici le lieu d'en discuter l'authen-
ticité, ni même d'en énunir'i'er le iiuiiibn'. Il me sufTit de ciler. comme modèle
à proposer aux artistes, le clou déclaré authentique par Benoît XIV, et que
l'on conserve à Rome dans la basilique de Sainte-Croix de Jérusalem. Je suis
heureux d'en présenter ici la forme et les dimensions exactes, d'après le fac-
similé ([ue distribuent aux étrangers les cisterciens du couvent de Sainte-Croix.
On remarquera la tète arrondie, la tige carrée, épaisse et amincie seule-
ment à la pointe. Sur ce clou sont encore visibles les coups de marteau qui
l'enfoncèreiil dans le buis et le tiraillement imprimé par les tenailles (jui l'ont
tordu ^.
\. \\\\.\. 11 Pictor christiaiuis eru(iilns ». Madrid, 1730, p. 167-168.
2. « Legenda aurea ». « De passionf» Domini ».
3. En donnant le fac-siinile du clou auquel pend le lacs de soie rouge marqué du sceau en
cire rouge de Sainte-Croix de Jérusalem, les cisterciens délivrent l'attestation suivante, signée de
leur abbé : « Universis et singulis pnçsenles iiUeras inspeoturis fidem facimus atque attestamur
Clavum ferreum, serica vitta rubri coloris parvo nostro sigillo munita colligatum, apposilura
fuisse supra unum ex Sacris Clavis quibus I). X. J. G. crucifixus fuit; quique asservatur in
sacr.iruin reliquiarum saccllo apud nionaslerium Urbanum Sanctaî-Crucis in Jérusalem. Ordiais
icoNOGRAr'nir-: du cnr.Mi.N de la croix.
31
l\ DES Cl.OtS DE H cnoiv DE JÉSIS-CURIST.
hM'BKS I.E F \(,-SI IIII.E DE S A 1 \r E -C B O r \ Il E JUllSAI.til, A nO«l.
1,0 crucifiement avait lieu par « asfixion », par « astriclion », ou même
par <i érection ».
On rapporte dans les « Actes » de saint IMunitis que le saint inarl\r se dé-
pouilla lui-même de ses vêtements, et, rendant grâces à Dieu, s'étendit sur le
bois de la croix, puis livra ses mains et ses pieds au cruciaire pour qu'il les
perçât de clous ; la croix fut ensuite élevée en l'air *.
Tel est sommairement le crucifiement par asfixion. C'est celui que l'Eglise
romaine a adopté, que figure un charmant émail du Louvre - cl que prescrit
en ces termes le « (niide byzantin de la pointure » :
« Lu Christ clouiî sir i,\ choix. — Une montagne sur la(|uelle sont des
juifs et des soldats. Au milieu d'eux, une croix couchée à terre; le Christ est
étendu dessus à la renverse. Autour du Christ, trois soldats lui tirent, les uns
les pinds et les autres 1rs mains, avec des cordes; d'autres .'îoldats apportent
des clous et les enfoncent à cou|)s di* marteau dans ses pieds et dans ses
mains. On voit une seconde fois le Christ debout devant la croix. Lu soldat
lui présente à la bouche un vase plein de vin; mais le Christ détourne la tète
en arrière et refuse de boire •''. »
Lcoutons iii.iiiileiiaiit le séraphi(|ue docteur saint Bonaventure, cpii a laisse^
sur l.i vie el 1,1 passion du Sauveur de touchantes méditations :
( (i ;i cel.i l'ends-tui pr/'-eiile i|e loiil le regard de ton âme Vois donc.
Ciiitcrcionsiuni ; nuii)iloiiu)iio lulou nlTaliro (<li)l)oriitiiiii, iil similliinuH viilciitur. — IVilum Roro.i>,
in nnslrn mnniislorio Siinolir-Oiicis in Jortisiilcm >.
t. Il Ultni so vosliincnlis spolinvit cl, in r<i>lum sii!vipi(<ns nr I>(m };r,iiiiM H>;i>n!i, !i(i|M*r li);nuni
so i|)siini o\t(Miilit militii|uo Iniiliilil utcliivis coiifigiToliir. Kiini i^iliir li^no fixuni on-terunl. •
i. Ciiilorid (i'A|u)ll»n, n" Mî, xv* sitVIi'.
:i. • M;iriiii'l (ririiiin;;ni|)liit' clirr'lii'niii', (iiiiijo ilo lu |M<inliiri< », p. l'U-IIS
32 ANNALF.S AUCIlf.OLOGIQUES.
des yoii\ <li' Ion àiiii-. 1rs uns ficher la croix eii terre, les autres préparer les
riouris ol les muricis, d'autros apprôlcr rérhollo , d'autres enrin dépouiller
le Si.'igneur. On Ii- (irpouille en elTet et il est nud, ce maintenant pour la troi-
sième fois, devant loutt; la multitude Aussi est-elle attristée (Marie) outre
mesure et roiigit-clji' d(,' lioiile de ce (|u'clle le voit tout nud; i-ar ils ne lui ont
même pas laissé de fémoraux (!y remarque attentivement la disposition de
la croix. L'on dresse deux échelles par derrière, l'une joignant le bras droit,
l'autre juit^nant le bras gauche, sur lesquelles ces malfaisants montent avec
clouds el martels. I/on dresse encore une autre échelle par devant, atteignant
jusques au lieu où doivent être cloués les pieds.
« Considère bien ores chacune chose. Le Seigneur est contraint de monter
par celle pi'iili' i''(lii'llc I.iirs donc ([u'il est parvenu à la partie supérieure
do celle petite échelle, il louiiic les reins à la croix, ouvre ses bras royaux, et
étendant ses très-belles mains en haut, les présente à ses bourreaux. Il regarde
au ciel, disant à son Père : « Me voici, mon Père »
« Or voilà que le bourreau, qui est par derrière la croix, saisit la main
dextre du Siuivem- et ratlache fortement à ladite croix. Ce qu'étant fait, celui
(|ui est du côlé gauciie saisit la main gauche, la tire tant ([u'il peut , l'étend
et y fiche un autre cloud, le frappe et l'enfonce. Ils descendent après cela el
l'on remporte toutes les échelles.
u Le Seigneur est suspendu de toute la pesanteur de son corps qui tire par
en bas; il n'est soutenu f|ue par les clouds enfoncés en ses mains. Néanmoins
se présente encore un autre bourreau. f|iii le tire par les pieds tant qu'il peut,
et quand il est bien (''tendu de la sorte, un auti'e lui perce les pieds avec un
cloud ti'ès-barbare '.
« Il en est toutefois aucuns, lesquels pensent que ce ne fut point de cette
manière qu'il fut crucifié; ainsi, qu'après avoir mis bas la croix, les bourreaux
l'y ayant attaché, élevèrent icelui, et fichèrent cette croix en terre. Que si la
chose te plaît mieux de celte sorte, considère conune ils le prennent dédai-
gneusement, ainsi que le i)lus vil ribaud, et avec quelle félonie ils le couchent
dessus la croix qui est par terre, saisissant ses bras, et, après une violente
extension, les attachant très-durement à la croix. Considère qu'il en fut fait
mémement des pieds, lescjuels ils tirèrent le plus violentement qu'ils purent.
u Voilà qu'il est crucifié, le Seigneur Jésus! et tellement étendu en croix,
que l'on pourrait dénombrer tous ses os, ainsi (|uc lui-même s'en plaint, par
son prophète. Des ruisseaux de son très-sacré sang coulent, de toutes parts,
I. Saint Bonavcnliiie est mort on \i~'*. II vivait donc à l'époque où déjà prévalait l'opinion
d'un seul clou pour les pieds, opinion qui entraîna la suppression du « suppedaneum «.
ICONOGRAPHIE DU CHEMIN DE L\ CROIX. 33
de ses larges plaies. Il est tant à. l'étroit qu'il ne se peut remuer, si ce n'est
de la lête. Trois clouds lui soutiennent, tout le poids de son corps; il souffre
les douleurs les plus aiguës et est tourmenté par delà tout ce que l'on pour-
roit (lire, ou penser. 11 pend entre deux larrons*. »
Saint Bonaventure, on vient de le voir, hésite sur le mode du crucifiement.
Après avoir indiqué son sentiment, qui pencherait pour l'érection, il cite
l'opinion de ceux qui croient ti rasfixion. Or, de son temps, la première opi-
nion semblait prévaloir, témoin un bel ivoire du musée de Cluny, qui me
remet en mémoire cette phrase de Cicéron, indiquant un gibet permanent :
« In campo Martio cruccm ad civium supplicium defigi et constilui jubés. »
Le juif Josèphc ne parle pas différemment : » Bassus jussit defigi crucem.
tanquam statim suspensurus in ea Eleazalum. » (Lih. Vil, » De Excidio
Jud. ..)
Enfin l'astriction employait des cordes concurremment avec les clous ou
même sans les clous, ainsi qu'on représente souvent les deux larrons, liés,
mais non transpercés de clous. L'historien grec Nonnus le dit expressément
dans ce vers :
In cruco prxduris clavis Tixi inquc ligali,
que roiiliniio iiik' iiisniptioM relevée en lfi53 par Martinelli. Or celle longue
et curieuse inscriplion |iorie ([ue sainte Hélène donna à la basilique de Sainte-
Croix de Jérusalem la corde qui attaicha Jésus-Christ sur la Croix : « l'unis
fiuo ligatus fuit I). N. Jésus Clirislus in crucc » -.
.Ii; ne puis oublier le témoignage de saint Ililairc, évé(|ue do Poitiers, ni
celui de Tertullicn, qui, dans le cmcificment du Sauveur, joignent l'astriction
au supplice des clous : « Tune l'otrus ab altero ungilur, cum cruci adslrin-
gitur. 11 (Tkiiti ii.iw. » lu Scorpiaco ».) — « l'enduli in crucc corporis pœn;D
et colligantiiuM fiuiiuni violenta viiicula, et adactorinn clavoriun viilnera a.
(S. llii.Ait.. u !),> Trinilato n, lib. \).
i.ucain, dans sou dialogue de l'romélhée. doiuie couinu' il suit le di'lail dos
diverses phases du crufifiemont : » Criirifigalin*, exionsus ambas manus ab
har |i.irh' in adM'r-aiii Srd pia'ln' dcxli'iani. Tu aiili'in. \ uirnno, as-
tringe, et conlige, et malleum forliter demillc. I)a el alterani. qiio illa eliani
rectc astringatin*. »
11 uie serait dinicili' de iiréci-icr li' moment auquel le litro ou écritcau fut
I. « Méilitiiliun^ sur In vio (li< N. S. J.-('. «. \y.\r lo <u^rn|iliiquo doctrur saint lk»AVS>Ti'itt,
U'ailuitos pur ilom l.i< l)annii>r, t. ii. p 171-171.
t. Hoiiiii l't ollmlca siimi », p. !(ti.
XXIV. 5
34 ANNALKS ARCIlf:ni.f)f;iOlIES.
attaché au sommet do la croix. On peut donc, sans invraisemblance, lameflre
aux mains d'un des assistants, ainsi que l'a fait le peintre Fuericli, ou encore
lui donner lout de suite la place qu'il doit occuper définilivemenl.
Fendant tout le moyen âge, et de nos jours encore, on a fait des (îcriteaux
de fantaisie, reproduisant ou le monogramme du nom de Jésus, iiis, doublé
parfois du monogramme du nom de Christ, xrs, ou les initiales du litre véri-
table : I • N • n • I. qui signifient jesls n\zarem;s rfa .hdteorim.
Les dimensions restreintes de l'écritcau forcent souvent à ce dernier parti ;
mais, lorsque l'étendue de la composition le permettra, il est d'une archéo-
logie sérieuse et bien entendue de copier le vrai titre que Rome conserve dans
la basilique de Sainte-Croix de Jérusalem et dont voici, à l'autre page, une
reproduction faite d'après la gravure que donnent en souvenir, aux pieux visi-
teurs, les Cislerciens de Sainte-Croix '.
Saint Matthieu décrit en historien le tilic de la croix, c'est-à-dire par à-peu-
près et sans y attacher trop d'importance : « ïït imposuerunt super caput ejus
causam ipsius scriptani : me. est jesi s nv.\ .11 d koki m » -.
Si sailli Mallliicu a ajouli'' les deux mois iiir. est et supprimé le .\\z\-
RENLis, saint Alarc. qui écril plus rapidement et sans s'appesantir sur un di'-tail
minime à ses yeux, retrancho la moitié de l'inscription et n'en laisse subsister
que la fin : « VA erat tilulus caus;p ejus insrriptus : \\v.\ .irn^;oui:.M ».
(S. Mauc, c. \v. ,\. t2S.).
Saint Luc tronque rinscriplioii en ne conservant ([uo lo |iriiiripal iiintir
d'accusalion l'ornuiir' pai' les Juifs, cl. comme saint Matthieu, njitutc un en-tête
inulilc. Mais son texio est pi'écioux, parce qu'il affirme un l'ail capital, à savoir
que le titi'c fut gravé dans les trois langues parlées à Jérusalem, le grec, le
latin et l'hébreu. « Erat autem et superscriptio scripta super eum litteris
grœcis et latinis et hebraicis : iiic est rex jid/EOiîlm ». (S. l.rc, c. xxin,
f. 38.)
Seul, l'évangéliste saint .Tean, qui avait assisté à la Passion, suivi ses
diverses phases et enfin avait jiu voir la croix de près, nous donne l'idée du
titre tel qu'il est. Son inscriplion est la vraie, et il pousse même la fidélité
1 . Au bas do celle gravure sur métal, on lit :
« Imago triumplialis Tituli vivifioœ Crucis D. N. Icsu Clirisli quali> liodie Roiii.T. npud Cisler-
ciân, intra basilicani S. Crucis in lerusalem, seu intra capeliam S'"" Rcliquiarum conspicilur. Cu-
jus Tiluli vprilatein alque inventionem bulla Alex. VI, dat. Rom;r, die 29 lulii 1491). plone lesia-
lur. Cliaracleres autem infabre tune lemporis sculptes, ut vides, vetustas paulatim I.Tsit, sed
li.Tbraicos magis ».
■î. S. Maltli., wvii. 37.
ICONOGRAlMlli: DU CHEMIN DE LA CROIX.
35
matérielle jusqu'à iiidic|uer l'ordre dans lequel les trois langues sont super-
posées : en liaut, l'hébreu; au milieu, le grec; en bas, le latin.
TITIIE DE L\ CBOIX Ut J KS C S-C 11 n 1 »T.
KkOL'CTIOM OU rAC-ttlUlLB.
Il ■ ,\n n k > 1. x (. n \ \ I K K k \ k t; i T k e a ■. \ i m e - c ko h de j f. n i s a l e u , a hou».
Les textes des trois autres évangélisles sont vagues et laissent dans l'indé-
cision ; sans se contredire entre eux, au moins ils ne se ressemblent pas, et
surtout sont d'une concision qui nous renseigne assez peu.
Saint Jean au contraire est précis, détaillé, et les deuv versets qu'il consacre
ail lilii' soiil si rigoureusement exacts qu'on peut, ce (|u'on n'eût pas fait pour
les autres, les conl'ronler hardiment avec l'original. C'est donc en face du
fac-similé qu'il faut lire l'acte d'accusation écrit, sinon de la main, du moins
sous la dictée de Pilate : « Scripsit auteni et titulum Pilatus; et juisuil super
crucem. Krat autem scriptum : » jksis na/.mu:ms hkx j i d.i-oiu \i ". —
" llniic I r;;ii liliiluiii iiiiilli Jiida'orum U'geruiil : (|uia prope civilalem eral
locus iil)i ciiicilixus est Jésus, lit erat scriptum liebraicc, gra'co et latine. —
Dicrli.iiil orgo Pilato pontitices Juda-oriiiii : imli scribere : lU'X Juda'orum; sed
(juia ipse dixit : llex sum Juda'orum. — lle.-ponilit l'ilaliis : (jiiod scripsi,
scripsi 1). (S. Jovnn., c. xix, j!. 11)-2'2.)
Trouvé sur le calvaire par sainte Hélène, puis donné h la basili(|uc Sesso-
rieime, billic iii i'huiimiir di- la sainte Croix sm- riMiipInconR'nl de son palais
il Uomc. Ir liliv (liiiHiiia piiisicurs siècles oublié, méconnu, égaré. Va: no fut
i\{\'k la lin (lu \vi" siècle, »|ut' des restaurations entreprises pour le rajeunisse-
ment de la basili<iiii' h' lirciit découvrir dans ré|)aisseur d'un mur, altéré p.ir
36 ANNALES AliCliriOLOGIOUES,
l'Iiimiiiliti; cl roiig('; entièrement sur un de ses côtés. La gravure fait voir dans
quel état il se trouve actuellement, l/incurie des siècles l'a réduit à une moitié
de ce (|u'il était ; cependant il en reste encore assez pour juger de l'ensemble,
qui a été rétabli par un savant rabbin, depuis converti au catholicisme,
.M. Di'acli. M^illii'iircnsi'iiii'iil il ]i'r\i>|c (lu'iine copie de cette restitution cl
elle est enfermée avec la i-eli(|iio cllc-niénic dans le trésor de Sainle-Ciroix.
Le litre est um^ lablelte de bois rectangulaire, large el peu liaule, gravée
de lettres irrégulièi'cs, mal alignées et évidemment tracées avec une précipi-
tation qu'expliquent assez les circonstances. Ce n'est donc pas. comme l'ont
imaginé les artistes des trois dei'niers siècles, une pancarte de parchemin flol-
taiit au \riil. Col un panneau (|u'il fauili'a di''sormais représenter et attacher
à la croix par Imis clous. |)uis([ue saint Cyprien est sur ce point l'organe de la
tradition ecclésiastique, consignée, pour passer k la postérité, dans le « Corpus
juris canonici » : — « Ponlius Pilatus. impulsa mente a Deo. acccpit tabulam
el titulum scripsil tribus linguis : cl in capile ligni clavis tribus tabulam cum
nomiiie llegis Juda-orum conlixit. »
Tout ce que jai dil, développé et connnciité sur les détails de la onzième
slalidu peut se résumer dans le tableau .--uivant. fidèlement tracé par le père
Tarvilliers, qui, en ([uelques mois choisis, trace largement l'iconographie du
crucifiement.
Il Aussitôt (juil lui ari'ivé en haut, ou lui lit mettre sa croix à terre sur la
place du crucifiement . cl tandis qu'une partie des soldats prépare les marteaux,
les clous, les cordes et les autres instruments du supplice; tandis qu'une
autre partie perce les trous et attache le titre de la croix et fait la fosse où elle
doit être plantée, en voici cjui le dépouillent tout nud pour la troisième fois,
et. en le dépouillant, renouvellent toutes les playes de sa llagellation. Ce fut
un spectacle horrible de voir le corps du Sauveur tout en sang et tout déchiré.
Les bourreaux lui disant : » Pauvre honmie, il est tems de mettre fin à ta
misérable vie; couche-toi sur ce lit douloui'eux de la croix ». Quelques-uns des
plus cruels le prennent par les cheveux et par la barbe et l'abattent sur ce
dur bois. Voici la manière avec laquelle il fut crucifié : on lui prend la main
droite, et, en la plaçant sur un trou fait exprès en la croix, on la cloue avec treize
grands coups de marteau. Quelle douleur! Une partie si nerveuse, si fournie de
muscles et de tendons, de veines et d'artères, être percée avec un gros cloud.
Autant de coups de marteau qu'on donnoit sur la main du Sauveur, c'étoit
autant de martyres pour sa très-sainte Mère, qui sentoit les contre-coups.
Après la main droite clouée, on vient à la main gauche; mais, comme tous les
nerfs et tous les muscles s'éloient retires et raccourcis, elle ne pouvoit joindre
ICOiNOGRAPUIt; UL CHEMIN UE LA CHOIX. 37
le trou qui lui étoit préparc. Il fallut donc la tirer et la faire arriver à force de
bras. l'ensez avec quel sentiment de douleur on perça et on cloua celte
seconde main avec treize grands coups de marteau; combien de sang répandu
de ces deux mains, quand il fut question de venir aux pieds. Or qu'il fallut
faire de force et de violence pour les faire descendre jusques aux deux trous
qui leur étoient destinez! On les cloua l'un après l'autre, chacun avec dix-huit
grands coups de marteau et avec une rivière de sang... 0 sainte Vierge! on
pouvoit bien dire alors que votre douleur étoit grande comme la mer ! Voilà
donc l'homme de douleur crucifié; il ne reste plus qu'à élever la croix et à la
planter d;ui.s la l'u.-'.su (ju on lui a creusée *. »
X. liAliltli;» 1)1-; MONTAULT,
Chonoiao liu U basiiiquo d'Aoagni.
I. « 1x1 Dovolion des I>rc(lc?liiicz, ou les Stations de Jérusalem et du Calvaire *, par lo R. P.
A. l'AUviMiiciis. Liinogcs, 1734, p. IO0-IO8.
TKioMriii: i)i: la ciiasti:té
Il y a trois Cliastclés : la païenne, la chrétienne et celles des troubadours.
La Chasteté païenne a pris pour héroïne Diane la chasseresse. 11 parait (|ue
la chasse, surtout dans les bois, où l'on ne rencontre guère que des bêtes
sauvages, porl(> h la xcilu de chasteté. 11 ne faudrait pas trop s'y fier cepen-
dant, et la iiiylhologic raconte ([iie Diane ellc-in(Mne a fait plus d'un accroc à
son iiiiniKnir. Mais t(nit(! vertu païenne, celle-là principalement, n'est jamais
praticiuée à l'absolu, et la moins débauchée des déesses peut être considérée
comme chaste. Quoi qu'il en soit, Diane a été prise pour le type de la pudeur
antique, et c'est elle qu'on place dans le char qui mène la Chasteté en
triomphe.
A la renaissance du xvi' siècle, on représente connue il suit le triomphe de
la Chasteté :
Diane presque nue '. croissant lumineux à la tète, carquois sur l'épaule
1. A cette époque et plus tard encore, on n'avait pas peiir, comme aujourd'hui, de quelque
nudité. Fénelon, le grave arclievéque de Cambrai, donnait à son royal élève la « matière » sui-
vanle pour une amplification latine. L'intérêt que cette citation peut avoir pour nous, c'est qu'il y
est précisément question de Diane chasseresse, ou tout au moins de l'une de ses compagnes. On
trouve cette petite description dans les « CEu\res diverses" de Fénelon, parmi les « Fabulosx
narrationes ». — « Nyinpha venatrix, et in superandis montium jugis cerva velocior, nostra
neniora nuper invisit. Capillos aureos ventis difîundere dabat. Alte succincta, vestium sinus
fluentes infra mammas nodo colligit. Nuda genu, nuda lacertis ». — Ainsi Diane ou sa nymphe
est recommandable parce qu'elle a les bras nus, les genoux nus pour dégager ses jambes nues.
Les vêtements, haut relevés, sont suffisamment abaissés du cou à la poitrine pour qu'on lui voie
les seins nus. Cette matière à amplification, je serais curieux de savoir comment le jeune et royal
écolier l'avait développée, surtout ce passage : a Vestium sinus fluentes infra mammas nodo col-
ligit ». Il me semble que cet archevêque Mentor manquait un peu de prudence envers son jeune
Télémaque. Aujourd'hui, un professeur des lycées de Paris n'oserait peut-être pas s'aventurer
jusque-là. Du reste, il faut le dire, Fénelon n'avait fait que décrire, rapidement et en très-bons
termes, notre Diane chasseresse du Louvre, dite « Diane a la biche »; c'est là évidemment le mo-
dèle qui avait posé pour sa vive description.
TRIOMPHE DE LA CHASTETÉ. 39
droite, llèche à la main gauche, est assise sur un ctiar tiré par quatre cerfs.
Un génie ailé, palme à la main gauche (est-ce la palme du martyre?), pose
de la main droite une couronne de laurier sur la tête de la déesse. Deux nym-
phes, court vêtues comme leur maîtresse, guident les cerfs sauvages en les
caressant de la main. Plus avant, deux femmes ailées embouchent chacune
une trompette et, double Renommée, célèbrent la Gloire de la Chasteté. Une
seule aurait sutTi, car la pudeur n'aime pas qu'on la proclame sur les toits.
En avant, sur les cùtés et en arrière du char, de grandes nymphes, toujours
très-coiu"t vêtues, comme si les longs habits étaient un obstacle à la chasteté,
sonnent du cornet de chasse, tiennent des lévriers en laisse et portent au bout
(lo longues perches des arcs, des carquois, des couronnes de laurier, des
cornes de cerf.
A l'arrière du char, sur le char même, sont accroupis, liés aux mains et
aux pieds comme des captifs, l'Amoin- vaincu et Vénus sa mère. Une grande
nympiie élève en trophée, au bout d'une longue hampe, l'arc et le carquois
de l'AiiMiiir, ces armes naguère redoutables, mais désormais impuissantes.
Derrière ce grou|)i'. mais à pied, trois femmes nues, ailées, pleurantes,
honteuses, mains liées, sont menées k la corde, comme des chiens en laisse,
par ime grande nymphe chasseresse victorieuse et couronnée de lauriers.
Sans les ailes, je croirais ([ue ces trois femmes sont trois des plus grandes
débauchées de l'anticiuilé, je suppose Hélène, Cléopàtre et Messaline. Mais les
ailes me déroutent, et, quoique rarement on ail représenté les GrAces avec des
ailes aux épaules, il se pourrait que ces trois femmes vaincues par la Chasteté
fussent cffoclivemonl les trois aimables déesses. Toutefois on aurait pu figurer
ainsi la ixîrsonnificalion dos plaisirs inipudicpics : le .Icu, la Luxure et la
Gourmandise. Sur la tapisserie de la « Pénitence de David », au musée de
Cliuiy, lu Uuxurc est elTcctivement personnifiée dans une jeune femme ailée'.
■Il- |iii'rércrais beaucoup celte explication, car il me répugne de croire que la
Chasteté ail vaincu il Iih' la Ciiàci'. l,a VcrUi sévère peut très-bien avoir pour
compagne cl amie la Verlu aimable.
Voilà l'un des Triomiiln-s de la Chasteté antique. .îacques Androuet Du-
ccrceau l'a gravé |)our un fond de coupe ou d'aiguière, el j'ai li'nu à ne p.is
composer ce sujet, mais îi le décrire d'après la planche même-.
1. " Aiiniilo!* Ar('li(^nln);iquos », vol. xvii, pl.inriic do la pnpp 5.
i. J. Aiiclroiicl DiiriTi'oaii n cinitpust' io-i cimi iiiiln».* triomphes ilo IVIrarqtii'. rr<i\ dr l'Amour,
tlo la Morl. ilo l.i lli'iioiiiim'o, du T(Mii|>s cl do la DiviniU*. t'pdonii'nl (xnir dw fi>niU de roupr ou
platiniiix d'iiiKitlèro qui ppnl-ôtn< no Turonl JaniniA oxi^cutt^». Ouil la modo, à l« n'cuii««nc<«. d«
f.iirc des coiniinsilioiH do ri< j;t'iiri', iiuc icipiaiciil onsuito ou dont «'in«pir»ionl lc« |M<inlrp9s lo»
^,n A\\.\i,F.s Anriii':oi,r)r,inrrs.
Dans le passage suivant, extrait de Branlùine, nous allons voir, en action et
par porsonna;^os vivants, ricliemont costumes, le triomphe on plutôt la chasse
(le Diane. On fera attention au luxe et à la l'orme des vêtements.
(c Quasi en mesme temps que ces belles festes se faisoient es Pays-Bas et
surtout à Bains, sur la n'ccplion du roi d'Kspagne (Charles-Quint), se fit
l'ciitrre du roy Henry (II). Idiiriianl de visiter son pays de Piedmont et ses
garnisons de i.yon, qui certes fut des belles et plus triomphantes, ainsy que
j'ay ouy dire à d'honnestes dames et gentils- hommes de la cour qui y
cstoient. Or, si cette feinte et représentation de Diane et de sa chasse fut
trouvée belle en ce royal festin de la reyne d'Hongrie (sœur de Charles-
Quint), il s'en fit une à I.yon qui fut bien autre et mieux imitée; car, ainsi que
le roy maniinil. venant à rencontrer un grand obélisque à l'antique à costé de
la main droite, il rencontra de mesnies un préau ceint, sur le grand chemin,
d'une inin-aille de (luelque peu plus de six pieds de hauteur, et ledit préau
haut de terre, lequel avoit esté distinctement remply d'arbres de moyenne
fustaye, entreplante/, de taillis espais et à force de touffes d'autres petits ar-
brisseaux, avec aussi force arbres fruitiers. Et en cette petite forest s'esbat-
toient force petits cerfs tous en vie, l)iches, chevreuils, toutefois privez. Et lors
Sa Majesté entrouyt aucuns cornets et trompes sonner, et tout aussitost aper-
cent venir, au travers ladite forest. Diane chassant avec ses compagnes et
vierges forestières, elle tenant à la main un riche arc turquois, avec sa trousse
pendant au costé, accoutrée en atours de nyniph(\ à la mode que l'antiquité
nous la représente encore. Son corps estoit veslu avec un demy bas à six
grands lambeaux ronds de toile d'or noire, semée d'estoiles d'argent, les
manches et le demeurant de satin cramoisy. avec jM-ofilure d'or, troussée jus-
([ucs à demy jambe, découvrant sa belle jambe et grève, et ses bottines à
l'antique de satin cramoisy. couvertes de perles en broderie : ses cheveux
estoient entrelacés de gros cordons de riches ]ierles. avec quantité de pierre-
ries et joyaux de grande valeur; et au-dessus du front un petit croissant d'ar-
gent, brillant de menus petits diamants; car d'or ne fust esté si beau ny si
bien représentant le croissant naturel, qui est clair et argentin.
(( Ses compagnes estoient accoutrées de diverses façons d'habits et de
sculiitours, les policrs de terre et d'éliiin. Nos musées possèdent de ces plateaux d'aiguière où
figurent des sujets analogues, comme les plats d'étain attribués à Briot, où se voient le Triomphe
des Arts libéraux, le Triomphe des Vertus, etc. Dans «l'Art pour tousu, volume i", n" 3,
M. V.. Reiber a publié un fac-similé du Triomphe de la Chasteté de J. Androuet Ducerceau : il a
promis, mais il nous fait trop attendre, les autres Triomphes qui intéresseraient certainement
tous ses nombreux souscripteurs.
TRIOMPllt; Dt; LA CHASTETÉ. 41
taffetas rayez d'or, tant plein que vuide, le tout à l'antique, et de plusieurs
autres couleurs à l'antique, eiitremeslées tant par la bizarrelé que par la
gayté; les chausses et bottines de satin; leurs testes adornées de mesme à la
nymphale, avec force perles et pierreries. Aucunes conduisoient des limiers
et petits lévriers espaigneuls et autres chiens, en laisse avec des tordons de
soye blanche et noire, couleurs du roy pour l'amour d'une dame du nom de
Diane qu'il aimoit; les autres accompagnoient et faisoient coure les chiens
courants, (|ui faisoient grand bruit. Les autres porloient de petits dards de
Brésil, de fer doré avec de petites et gentilles houppes pendantes, de soye
blanche et noire, les cornels et trompes mornées d'or et d'argent pendantes
en escharpes h. cordons de fil d'argent et soye noire. Et ainsi qu'elles aper-
ccurent le roy, un lion sortit du bois, qui estoit privé et fait de longue
iii.iiii à cela, (jui se vint jetter aux pieds de ladite déesse, lui faisant feste;
laquelle, le voyant ainsi doux et privé, le prit avec un gros cordon d'argent
et de soye noire, et sur l'heure le présenta au roy; et s'approchant avec le
lion jusque sur le bord du mur du préau joignant le chemin, et à un pas près
de Sa Majesté, lui offrit ce lion par un dixain en rime, tel qu'il se faisoit de
ce temps, mais non pourtant trop mal limée et sonnante; et par icelle rime,
(luClli' |)n)non(;a de fort bonne grâce, sous ce lion doux et gracieux lui offroit
la ville de Lyon, toute douce, gracieuse, et humiliée à, ses loix et commande-
ments. Cela dit et fait de fort bonne grâce, Diane et toutes ses compagnes
lui firent une humble révérence, qui. les ayant toutes regardées et saluées de
bon œil, monstrant (|u'il avoit Irès-agréablc leur chasse, et les en remerciant
de bon cœur, se partit d'elles et suivit son chemin de son entrée. Or notez
que cette Diane et toutes ses belles compagnes cstoient les plus apparentes cl
belles femmes mariées, vcufves et filles de Lyon, où il n'y en a point de faute.
(pii jniïirinl li'iirs mystères si bien et de si bonne sorte, que la pluspart des
princes, seiguL-iirs, gcnlils-hommcs et courtisans en denieurércnt fort ravis. Je
vous laisse à penser s'ils en avoient raison. Madame de Valenlinois. dite
Diane de l'oiitiers, (|uc le roy servoil, au nom de la(|ueile celte chasse se fai-
soil, n'i'ii lui pas moins contenti'. el m aima toute sa vie fort la ville do
Lyon; aussi cstoil-ello leur voisine, à cause de la duché de Valenlinois qui
est fort proche '. »
.Si la Diane aiilitim; imsI p;is d'imc chasteté irréprochable, la Diane do
l'oiliors avait encore plus de reproilii"; à s'adresser. .Mais la n:nais>.ince
I. Un \Nri'nii:, .1 Vies di-s |).mii>!i (.mI.uiIi's ■>, I)i>cours m. |>.i>;i'- ITI-I7Î. isl. IS.1I, l'jri*.
iii-18, liiiniicr fiiVcs.
XXIV. 0
/l2 ANNALKS AHCIll'oi.OCIOUES.
cl l'uni i(|uilé n'y regardaient pas de si près, et il faut prendre celle fôle de
Lyon comme un des plus jolis Triomphes de la Diane chasseresse.
Lu chasteté chi'étienne est plus sévèi-e : celle qu'elle place sur le char de
Iriomplic n'est rien autre (jue la sainte Vierge. J'aurais voulu faire graver et
ollVir aux lecteurs des « Annales » un vitrail de 1553, contemporain de l)u-
cerceau et de lu lèle doiinûe à Lyon. (|ui leprésente le triomphe de la Virginité
ou de la CJiaslflé clirétienne. Mais lu Iciiips m'a manqué pour faire exécuter
cette gravure. Du moins, à défaut de dessin, voici une description écrite
d'abord en face du vitrail même, que j'ai étudié dans l'église de Couches
(Eure), et ensuite d'après une i)hotographie que j'ai sous les yeux.
C'est dan> lu nef latéialc du nord que se voit ce vitrail, daté de 1555. il
est à trois jours et s'amortit en une ogive également percée de trois jours.
Dans la partie rectangulaire du la baie est figuré le triomphe de la Vierge
sous la forme (ruin' procession. Trois moimments, (jui font partie du ti'iomphe,
occupent le fond du vitrail. A gauche s'élève le talais viU(ii.\AL, ainsi nonuné
par une inscri|iti()n |)einlc sur l'entablement; il est d'ordre composite. A
droite, le i'\i.ais pi; iiissii, comme l'appelle un cartel placé sur un attique; il
est égahnuLMil (ronlru composite ul enrichi de marbres divers. Au centre,
mais reculé dans le fond, s'élève le tiîmim.k DiiowiiLit. suivant l'inscription
peinte sur la frise (jui s'étend entre le cintre de la porte et le triangle du fron-
ton. Ce monument, plus sévère que les deux autres et d'ordre dorique, est
circulaire et couronné d'une coupole. Des niches inoccupées sont creusées
dans lu pourtour extérieur; d'autres niches, pratiquées dans le tambour de la
coupole, sont pcu[)lées de statues qui doivent représenter des personnages
illustres, célèbres par leur honnêteté et probablement leur chasteté. A sup-
l)oser que le peintre verrier ait voulu leur donner un nom. il n'est pas pos-
sible de les caractériser, à cause de leur extrême petitesse. La tète de la
procession entre dans le temple de l'Honneur; le gros du cortège passe devant
le palais de Jessé; la fin de la procession débouche du Palais Virginal.
Du palais de Jussé sort Jessé lui-même, le premier ancêtre de la Vierge; il
est suivi des rois qui descendent de lui. Entre les autres, on reconnaît David,
à la lyre qu'il tient sous son bras gauche. Les rois sont coilTés de la couronne
à pointes; mais Jessé. qui ne fut pas roi, a la tête enveloppée dans un riche
turban.
La A^ierge sort de son Palais Virginal. Llle est assise sur un char qui ne
doit avoir que deux roues, ut cjui est tiré par deux chevaux richement capa-
raçonnés. Le char et lus roues sont sculptés d'ornements divers et d'un goiit
solide, qui semblerait emprunté à l'Italie du wT siècle. Sur la plate-forme du
TRIOMPHE DK LA CHASTETÉ. il3
char, en avant, s'élève un riche vase d'or, symbole de virginité, d'où s'élance
un grand lis tout fleuri. I.a Vierge porte à la main droite une grande palme;
elle appuie la main gauche sur sa poitrine. Son costume est d'une extrême
simplicité : piods chaussés de sandales découvertes, longue robe, voile sur la
tète et rabattu sur les épaules et la poitrine, en forme de capuchon. Aucun
ornement sur la robe ni le voile. Derrière elle arrive on volant un jeune ange
qui pose sur la tête do sa maîtresse une couronne dont chaque rayon se ter-
mine par une étoile.
Sur le siège oii la Vierge est assise, on lit : dames captives. En eiïet, sur
le côté du ch.ar et en arrière, on voit quatre femmes, dont la première a les
mains liées; les mains des autres captives doivent être liées également, mais
on ne les voit pas. Près do cette première captive, qui est probablement Vé-
nus, marche le jeune Amour, arc et carquois sur le dos; on ne distingue pas
ou plus ses ailes, qui, du reste, sont peut-être coupées par le triomphe même
de la Virginité. Aux piods do l'Amour, qui est presque nu, comme de raison,
est jetée la torche encore allumée dos passions amoureuses, mais qui est cassée
et va s'éteindre. Les trois captives qui accompagnent leur reine, que nous
prenons pour Vénus, bien qu'elle soif très-habillée, pourraient bien être
Hélène ou C.lyti'mncstro, Cléop;\lre ou Myriha. Messaline ou Fausiine. ou
d'autres encore. (|iii no liiiiiit \>;i^ dos modèles de chasteté, et qui, vaincues
par la Vierge, devaient honorer son triomphe comme dépouilles opinies. La
roue droite du char écrase un horrible dragon, tarholé de noir, symbole de la
luxure malade.
Les doux rhovaiix qui liront le char sont escortés, ii droite et h. gaucho,
par i.i:s 7 vi:inus, comme dit l'inscription peinte sur un filet placé près des
pieds du cheval de droite. Ces sept Vertus sont les quatre cardinales et les
trois théologales. Les cardinales. Tempérance, Prudence, Force et Justice,
sont les plus rapprochées du char; les théologales. Foi, F.spérance et Cliarilé,
sont îi la tôle dos chevaux. Nous aurions aimé que les Ihéologalos fussent
plus rapprochées de la Vierge et qu'elles eussent pris la place des cardinales;
mais nous siiiniiii's en I .">.").>, en pleine renaissance, et les Vertus païennes
devaient primer les chrélioniH's. La Tonipérance porte doux vases et verse de
celui (jui coiitiiMit l'oau dans |(î vase du vin. La Prudence, qui lient un miroir
îi la main gaucho, a lo bras droit enroulé d'ini serpent. La Force |>orlo une
roloiMio corinihiouno, liaiil ot l'orme, connue un soldat lient son fusil. 1^ Jus-
tice (''lève des balances à la hauteur de ses yeux poiu" mieux on observer Ia
"justesse ». Toutes les quatre sont joinies, tête nue, couronnées do laurier.
Têtes charmantes, yeux pleins de vivacité, elles rappellent les nymphes do
lik ANNALES ARCIlfiOLOniQUES.
Jean (imijon ;i l.i luiilaiiie des Innocents. Leurs pieds sont nus. mais les dames
captives ont les [licds nus aussi ; ce caractère iconographique n'a plus de
sens à cette épo(iue, — J.a Cliarité tient par la main droite un enfant qui
marche à ses côtés; elle porte un antre enfant sur son sein gauche : c'est une
jeune femme, coiffée d'un mouchoir, mais moins jeune que les théologales.
I/I''spérance tient une ancre, et la l'oi porte une grande croix.
\/,i dharili'; cl la l'in louchent îi.Iossé. I/ancêtre des rois de Juda se retourne
vers les rois ses descendants, et. fii Iciu' montrant la Vierge, leur adresse ces
paroles, peintes sin- le cartel placé au bas du vitrail et inscrites dans un riche
cariouche :
\.\ \CI1:1.K VIFRCE [soin) TIIIOMPIIANT K\ IlOMlUtn
m l'vi.Ais vinr.iNAi. jLsyi'At ïi.rLE Diio>f:iii
JESSF. DE SON PALAIS A SA VEIK ESPAXBIE
l'OLR VEOiri LES DOl ZE BOIS DOT ELLE EST nESCEXDl E
ET I.El n DIT NOBLES BOIS VOILA l)E UIEL LANCEI.LK
(.111 V TOIS ENNOBLIT ET NON PAS VOIS ICELI.E.
Les rois regardent tous avec admiration la Vierge assise, dans une attitude
pleine de modestie, sur son char de triomphe.
Après les rois s'avancent en foule, en hâte et en courant vers le temple de
rilonneur. i.ks 7 Ar,rs i.ir.Kr.Ai \, comme dit un cailel ])laeé au bout crunc
liampe et sommé d'une couronne de laurier. Os Arts sont représentés par
des femmes (jui lienncnl. au bout d'une hampe pareille, également cou-
ronnée de laurier, on l'urnio d'étendard, un rarlcl oîi sont inscrits les chilTres
1 23/| 5(578910 11; puis le mot Théologik et d'autres inscriptions illisibles.
Les cliilfres, on le comprend, smil |)orlés par rArilhniéticjuc; l'étendard de la
Théologi(\ par la ijorsonnincaiion de cette science; une sj)hère. par l'Astro-
nonn'e; un cartel couvert de notes et de portées musicales, par la Musique,
et ainsi des autres, qu'il n'est pas facile de reconnaître dans cette foule déjà
éloignée, mais qui figui-ent certainement la Grammaire, la Géométrie, la Rhé-
torique, la Dialectique. On comprend bien que les arts libéraux figurent dans
le triomphe de la Chasteté, de la Virginité, car la science et l'art sont vierges,
même aux yeux des païens, et veulent être cultivés par des chastes. D'ail-
leurs, un moyen tout-puissant de conserver la vertu de chasteté, c'est de ne
pas rester oisif, mais de se livrer aux lettres, aux sciences et aux arts.
La figure de ces femmes « libérales » est jeune et pleine de charme; on se
sent en pleine renaissance, à l'aurore du renouvellement de toute science et
de tout art.
Enlln un groupe considérable, une vraie foule, entrée dans le temple de
l'Honneur ou en gravissant déjà les marches, sonne de la trompette et chante
TRIOMPHR DR LA CHASTETÉ. &5
les louanges de la sainte Vierge. 11 y a un grand mouvement et une vive
allégresse dans tout ce cortège, surtout dans les Arts libéraux et la tête de la
procession. C'est un tableau complet; par malheur, il est peint sur le verre
mince de la renaissance, une matière fragile et qui a déjà beaucoup souf-
fert. S'il était sur bois ou sur toile, les plus délicats de nos critiques d'art
n'auraient pas trop d'éloges pour en célébrer le mérite comme composition et
même comme exécution. Voilà, où est notre véritable école française de pein-
ture, plutôt assurément que dans les tableaux de Lebrun, de Mignard, et
j'oserai môme dire de Lesueur.
Dans l'ogive d'amortissement, on voit la Bêle à sept tètes, dont la queue
entraîne les étoiles du ciel, et dont une des gueules vomit un fleuve contre la
Femme qui fient l'Enfant, suivant la vision de saint Jean dans l'Apocalypse.
Cette femme est ailée, ses pieds nus posent sur le croissant de la lune, sa tôle
est couverte d'une couronne dont les rayons sont allumés d'étoiles. Klle est
enveloppée d'une vive lumière. Celle femme est celle que l'Kglise reconnaît
pour la vierge Marie, couronnée de douze étoiles, velue du soleil et les pieds
sur la lune. f/Knfant, contre lequel la Bête fait rage en cherchant à le noyer,
est recueilli par ilcnx anges dans une longue nappe cl porté vers le Père
Klciml. (|ui tient h la gauche la boulr du monde, et de la droite bénit son
l'ils. Cet enfant est elTeclivemcnl le Sauveur, le fils de la vierge Marie.
Ce tableau apocalyptique, qui termine le vitrail, coiu-onnc ce triomphe de
la sainte Vierge; il le complète cl il en donne la parfaite intelligence.
La chasteté des troubadours est celle de Pétrarque, car le poète d'Arezzo
est un troubadour véritable, dans la complète acception du mot. Voici une
analyse de son triomphe de la Chasteté.
L'Amour réunit toutes ses forces et marche contre la Chasteté, qui s'élance
elle-même pins rapide cpie la flamme et les vents. L'Amour tient «ne flèche
de la main droite; do l'autre main, son arc, dont il tend la corde contre son
oreille. La flèche part droit contre la ligure, mais elle tombe sans force contre
le bouclier <lniit l.i Chasteté se garantit le visage. Au contact de l'iionnélcli^
s'éteignent tous les traits embrasés aux flammes de la beauté ri Irenipés dans
le plaisir. Avec la Chasteté, les Vertus s'avancent, se tenant par la main el
marchant deux h deux : l'Ilonnételé et la Pudeur on léle. puis la Sagesse et
la Modestie. Au milieu du dufuv, la Tranquillilé el le ('.DUlenlemenl. Li Per-
sévérance et la (îloin; viennent en dernier lieu. Le bel Accueil el In Pénélm-
iion sont en dehors; an\ alentours se promènent la Courtoisie cl la Purolé.
LaCrainii- dr l'infamie el le Désir de l'honneur, les Ponséci du vieil Arc dans
la jeunesse et la Concorde accompagnent la Chasielê. (|ui est la iK-aulé su-
liù annaij:s AHf;iir;oi.or,io[iES.
|)iviiip. I.'ln'roïnn, cscortàc de celte troupe, marche rt';solùmenl contre l'Amour;
elle est revêtue d'iuie robe blanche et armée du bouclier de Minerve. Kii un
instant elle enlève nn'lle d(''|)()uilles et arrache mille palmes éclatantes. Ellesaisit
l'Amour et le lie h une colonne de jaspe avec une chaîne de diamant et de
topaze ([ui pionj^c au milieu du Léthé. Lucrèce et Pénélope brisent au vaincu
frémissant son carquois et son arc; elles lui déplument les ailes comme à un
oiseau (l(^ briss^-roiu-. Virginie est près de là avec son pèrr. puis les femmes
Germaines, (pii, par ime âpre mort, garantirent leur barbare honnêteté. Le
triomphe se grossit de .Judith et de Saplm. do |;i Vestale qui se purgea d'ac-
cusation (Ml portant au temple, dans un nihir. de l'i'aii puisée dans le Tibre.
l'iiisuilc pai'aissenl ibîi'silic cl les Sahiiios. Diiloii cl l'icarda. I,i' li'iuiiiplie.
tonni'' dcvaiil iiaia. s'en \a di'nit h Litornr |)(>ui' pi'cndre Sci|)iiiii l'AIVicaiii;
puis il se rond à l»oinc et pénètre dans le temple de la Pudeur, où la (chasteté
dépose ses nombreuses dépouilles, ses trophées de victoire et ses feuillages
sacrés. La Chasteté commet à la garde du temple le jeune Toscan qui se
déforma le visage pour détourner les femmes de sa personne; elle lui donne
pour compagnons llip|>(ilyh' l'I .Idsopli. do (|ui lAmour reçut un refus éclatant.
!>e Triomphe de l'Amour était, comme nous l'avons vu. boiu'i-i' de person-
nages; cL'Iiii do la Cliasloti' on est indigent. Les chastes, à ce qu'il paraît, ne
sont pas bien nombreux. Pour les lorlifior. P(>trarque appelle h leur aide des
êtres de raison, l'Honnêteté, la Pudeur, la Sagesse, la Modestie, et quelques
autres; mais les personnages historiques sont les plus clair-semés. En ne
comi>lanl ni lo _L;r()npo dos l'oiniiios (loniiaines. ni celui dos Sal)ines. Pi'-trai'que
n'a tniuvi' (|iio (|nali)r/.o noms : Lucrèce. Pénélope. Virginie et son père. Ju-
dith. Sapho. la vestale Tiiria. Ilersilio. Didon. Picarda, Scipion l'Africain,
le jeune Toscan. Hippolyte et Joseph; neuf femmes et cinq hommes. C'est
bien peu. ol (>iicore de ce nombre il faut retrancher Sapho et Didon, Ilersilie
et Judilh, ol |)out-ètre même Picarda. Un enlèvement suivi d'un mariage n'est
pas rigoareiisoiiioiit un brevet de chasteté, et je rayerais impitoyablement du
nombre des chastes Hersilie et toutes les Sabines ses compagnes. Picarda
s'était d'abord faite religieuse de Sainte-Claire; elle se maria ensuite, malgré
elle, à ce qu'il paraît ; mais il n'y a pas encore là un suffisant indice de chas-
teté *. Quant à Sapho cl Uidon. c'est une dérision de les placer avec Lucrèce
1. Picnrrla fut, sinir ilii jurisconsulte florentin Acciirse et de l'orèse, contemporains de Dante,
et dont, le grand pointe llorentin parle dans la » Divine Comédien, Enfer, ch. xv; Purgatoire,
ch. xxiM et XXIV. Dante nomme Picarda dans le eliant xxiv du Purgatoire. .\u chant m du
Paradis, il la met dans la I-une avec ceux dont les vœux furent négligés ou rompus en partie;
mais il n'a garde d'en faire, comme Pétrarque, une héroïne de chasteté.
TRIOMPHE DE LA 'CHASTETÉ. 47
et Pénélope; autant vaudraient deux louves dans une bergerie*. Pétrarque
n'est vraiment pas heureux avec Judith. Comme nous l'avons vu, il l'a placée
sans raison parmi les amoureuses et, ici, il la met sans vrai motif au milieu
des femmes chastes. Judith n'est, à proprement parler, ni amoureuse ni
chaste : c'est une femme de courage qui brave tous les dangers, même ceux
que devait courir sa chasteté, pour sauver sa ville natale et sa patrie.
C'est avec les Preux et les Preuses qu'il faut la mettre, et c'est là que nos
jeux de cartes, plus intelligenls que Pétrari|ue sur ce point, l'ont placée, entre
Charicmagne et Lahire, à côté d'Hector, de Laiicelot et dOgier. Ainsi donc
sur noiif fennncs nommées, nous trouvons encore le moyen d'en ôler jusqu'à
cinq, plus do la nioilié. Pétrarque s'est appauvri à plaisir : en sa (lualilé
de poète demi-païen, il pouvait bien faire à Minerve et à Diane l'honneur de
les mettre à crtté de Pénélope et de Lucrèce. La fille de Jephté et la chaste
Suzanne auraient en oulre avantageusement remplacé la valeureuse Judith. 11
est étrange que le chanoine i'étrarque n'ait pas songé à la vierge Marie. Lui.
qui disait son bréviaire tous les jours, il pouvait si facilement composer un
bouquet de vierges et de femmes chastes avec les saintes charmantes dont il
céléi)nul IDllice chaque année, et que l'on appelle Lucie, .\nastasie, .\gnès,
.\polline, Agiitlii', l'élroiiilli', Marine, Marguerite, Praxèdc, Christine, Marthe,
Cécile. Julienne, l'^uphémie. Justine, Dorothée, Catherine d'Alexandrie, Ca-
therine de .Sieinie, Brigide, Irène, Odile, Barbe, Claire, Geneviève de Nanlerrc,
Aure, Eulalie, Reine, Lugénie et bien d'autres. Lnfin, avec sainte Ursule et
ses onze mille compagnes, il avait une armée entière à lancer contre l'Amour.
Tout ce jeune et aimable monde, il pouvait le placer sous les ordres de
sainte Foi, sainte Kspérance et sainte (Charité, dont nous avons, dans le temps,
i-acdnli' la vie et le martyre-.
Je nie permets de dire (|uc l'élrar(|ue a coniplélement maïKiuo son Trinnipho
(le 1,1 ('.li;isli;té. Cependant il lui faut savoir gré d'avoir .songé à .Sci|)i(tn l'Afri-
cain. .Si les li\res ont lein' destinée, on doit en dire autant des faits el dos
honnnes hisloriciues. l'onr avoir tlonné la moitié de .son manteau à mi pauvre,
saint Martin est devenu l'un des plus grands saints du monde chrétien. Il est
I. C.i'ci ("Uiil i^rit au nionionl oi'i j'iii cunsuilt^ lo commonUiiro de Vt'llulello. J"y voi.4 qui» U
cliiislc " (liciinic (|iii s'cliin(.M iliins lii iiu>r iifin dt< mourir l'I d'i'xiter mio crupllo di>!>lirn>«» », n'i-^l
pus Sapliu menant lin ù .so.s dunlours amutirt'usos {Kir le Siiul do Leuendo, w»\* unp jeunr nilo
nommée llipjio ipii, pour garder sa virginité ol se Hoiistmirc nu\ mouvais (ruilcmonU d>nnemU
liarli.ires (pii l'avaient emmenée sur un xaissoau, se précipit.i dans la mer. Je f 'ion
il l'étrar(pi.'; mais de ses neuf f(Mnmi'> ili.i>le... je lui OU dispulo quatie enroi' -lu-
euup trop
î. i< \ ili- Arclioolojjupie» ., vol. w. pajjes 150. tOC, J36. J9.1; vol. »\l, iMigi<» ■*> cl ô7.
/i8 ANNALi:S AIICIII'OLOUIOL'KS.
aussi lionoré dans les deux Kglises latine et grecque que saint Pierre et saint
Paul, CCS deux fondateurs et organisateurs du christianisme, fondateurs et
organisateurs qui ont donné à Dieu leur vie, et non pas seulement une partie
(ruii vêtement qui n'est pas tout à fait indispensable. I.es autres apôtres, les
mari VIS et les confesseurs, sont placés dans le culte chrétien bien au-dessous
do sailli M;iiliii. ScipiDii rAIViiuin ml un l)onlieur à jieu près pareil. Après
avdii- pris (^arlliagèiic, ses soldais pillrreiit la ville et déshonorèrent les femmes
qu'ils purent rencontrer. Croyant faire plaisir à leur général, ils lui amenèrent
une jeune femme d'une rare beauté. Mais les parents de la pauvre captive
allèrent trouver .Scipioii et lui offrirent de l'argent pour racheter leur fille. Le
général loiiiaiii prit cet argent et le remit entre les mains de Lucius, le fiancé
de la JL'uiic fille, coiiiiiie dot de son pi'ocliain mariage. Cet acte de chasteté,
de générosité cl d'esprit ne maii(|ue ni de r(jice ni de grandeur d'âme; mais ce-
pendant il n'y a là rien d'absolument héroïque, lorsque, né d'une riche famille
et vainqueur d'un peuple, on est saturé de tous les plaisirs et de toutes les
gloires du monde. A la place de Scipion, tout général en aurait fait autant. Eh
bioii. pour cet acte de continence et de générosité, l'Africain a été honoré par
les païens de Home, e| jiar les cliréliens de tous les lieux et de tous les temps,
coiimic saint Maiiin fui lioiiuré lui-même. Au ])alais ducal de Venise, le fa-
meux chapiteau angulaire de la « Juslice », ([ui ouvre toute la série et sur
lecpiel, pour ainsi dire, repose le monument tout entier, représente la conti-
nence de Scipion. Sur ce chapiteau, on se le rappelle', sont sculptés Dieu
doiinanl ;i Moïse les tables de la lui. Numa l'()m|)ilius l)àlissanl des temples
pour le culte divin, Soloii et Aristote donnant des lois, Trajan faisant justice à
la veuve, le génie même de la Justice ailé et couronné; le tout surmonté par
Salomon qui rend à la vraie mère le fils qu'elle réclamait. C'est au milieu de
Dieu législateur et de la Justice personnifiée; au milieu des politiciues, des
sages et des philosophes de la Judée, de la Grèce et de Rome; c'est à côté d'un
empereur pa'ïen (|u'an pape a arraché à renier poui' le paradis, qu'a été placé
Scipion rendant par chasteté une jeune tille à sa mère et à son fiancé. Scipion
est là, trônant comme un roi, couronne en tète, sceptre à la main droite,
globe du monde à la main gauche, absolument comme nous représentons le
Père Eternel. Je le répète, c'est récompenser bien magnifiquement un acte
assez ordinaire. Mais l'antiquité n'était pas riche en vertus, surtout en chas-
teté, et elle devait se complaire à exalter cette continence du grand Africain.
L'antiquité a légué sa dette au moyen âge, qui fa payée à Venise, comme on
I. (I Annales Arcliéologiques », vol. xvii. [wgos 203-208 pi planciie do l.i page 297.
TRIOMPHE DE L.\ CHASTETÉ. 49
vient de le dire; et le moyen âge l'a repassée à la renaissance, qui s'est fait
honneur de la solder généreusement, comme nous allons le voir.
A Boulogne-sur-Mer, lors de l'entrevue de Henri VIII et de François I",
connue sous le nom de « Camp du drap d'or » et qui eut lieu en iôik, furent
tendues de nombreuses et splcndides pièces de tapisserie en or et soie. Les
« (jualre pièces de tapisseries principales, qui sont victoires de Scipion l'Afri-
cain, faict de haute lisse, tout de fil d'or et de fil de soye, ces personnages
les mieux faicls et au naturel qu'on pourroit faire, n'est possible à peintre du
monde les faire mieux sur tableaux de bois, et dit-on que l'aune en couste
cinquante cscus' ».
Jules Romain avait dessine pour le duc de Ferrare une suite de dix compo-
sitions représentant l'histoire et le triomphe de Scipion l'Africain. On peut
croire que les tapisseries du camp du drap d'or furent exécutées d'après ces
carions, dont notre musée du Louvre possède quatre parties et dont quatre
autres parties figurèrent, en juin \S')li, dans une vente faite après le décès de
M" (Icntil de Chavagnac, h la(|uelle elles appartenaient. Les cartons de
M"'° de Chavagnac rcpn''sentent : 1° le débarquement de Scipion en Africjue ;
2" Scipion cl Asdriib.i! :i la coiu- di" Sypiiax ; 3° la défaite de Syphax; h° la
bataille de Zama. Mis k i)ri\ à l.'jO.OUO francs, ces quatre carions n'ont pas
trouvé d'acquéreurs. J'ignore ce (|u'ils sont devenus-.
f.os cartons du Louvre re|)réscntent :
I L'expulsion des habitants de la ville prise (Carthagène sans doute). Le
piMil (|iii traverse le fleuve est ruiné, les maisons efl'ondrécs ou près des'écrou-
l'i. \)r> individus, chargés do ballots, s'enfuient; des soldais parcourent la
\ille à la hâte, pillent les maisons et font charger des ballots de butin, l n
homme, sac au dos et accompagné d'une jeune femme et d'un cnfanl, est
repoussé par un soldat cuirassé et cas([ué.
!2" Des habitants, hommes, femmes, enfants, jeunes fille>. vieillard», fuient
1. « Momoiros » de nopssiro .Maivtin im I1i;i.h>, ami. 1534; wlit. du n IMiilliéon liUcrairB»,
p. !JU4, col. î.
t. I.ii liaiileui- (11- rliiicuii do cp.s curions csl do 3"' 7.1 sur une largour do 3 à 7 mi'lros. Li Iwu-
lour do la halaillo do Zama ost do 7"'08'. Oulro ces quiUro carions, on voyait k In vcnio d« fng-
Mionb (|ui uvaionl |iu provenir do la nu^nio suito, lots cpi'un juijomcnt dovant un i
run)uln, uno liMo do foninio oITrayiV, uno lOlo do fomuiu oionnoo, uno uMo d'entant y ■
soin do sa iiioro, uno UMo do jouno fille lo re^urd 0x6 devant elle; enfin lu gnièn? do Lirliiu, copie
d'une parlio du carton roprt^sonlanl lo < Di'banpienu-ni de A-ipion •. — Jo ■!
Unenicnts ii M. lo conilo L. Cleinenl ilo Uis , alUulK» au\ iiiumk's un|'.
voulu ino communi(|uor lo cuUdoguo do M"" de Chuvugnac ol y ajouter tes intonnation* penon-
nelles.
7
50 ANNALKS AltCllKOLOGlOUES.
(I;iiis I.L ciiiipai^iie. Ils ont (|uitlû la ville, ([u'ils rogardoiit une dernière fois en
s:; lamciil'aiil. l ik; jeune leminr porte un enfant dans une corbeille sur sa
tète et tient de la main yauclie une petite fille toute nue; un iioinnie porte sur
ses épaules sa femme malade. Horrible tableau de désolation.
;V' f^e commencement du cortège triomphal de .Scipion; on débouche d'un
|)()nl, sur le Tibre sans doute. Un signifère porte l'aigle romaine. Ln licteur
porte, au bout d'un faisceau de verges, une tablette sur la(|uelle est écrit au
rebours et à l'ciiveis :
i; . (j ■ i> . s . 1
Sur le p(jnl, musiciens divers avec trompettes courbes ou droites, cornet,
cymbales. Une femme puissante fait roiiller un tambour de basque. .Signifères
poiliuit rua un dragon, l'autre un verrat. Sur le pont se lit, de même à
l'envers, au rebours et par sigles, l'entête des décrets du sénat et du peuple
romain : S • P • Q • R •
k" l,e triomphe de Scipion. Siu' un ciiar magnifique, attelé de ([uatre che-
vaux (le front, blancs, harnachés de rouge et richement caparaçonnés, est
établi un Irùiie, nue chaise curule. mais en or, siu' la([uelle est assis noblement
le vainciucur. Du dos de ce trùne s'élance un aigle tenant à son bec une cou-
ronne de laurier qu'il semble lancer à Scipion. Sur l'avant-train du char fume
une cassolette d'encens. Le triomphateur, couronne royale en tète, porte à la
main gauche une branche de laurier, un sceptre à la main d'roite; c'est
r « impcrator » anliciuc. Derrière le char courent à cheval les chefs de l'ar-
mée et les vexillaires. Devant le char, un signifère porte le simulacre en relief
d'un chàtcau-forl; un autre, le simulacre de la ville de Carthagène; d'autres,
un lion et une panoplie. En avant, captifs jeunes ou d'âge moyen, tristes ou
frémissants, mains liées, guidés, contenus ou pressés par des soldats romains.
Sur le coté droit, au-dessus d'un mur. le peuple regardant et admirant le
triomphateur, ([ui a le uu'illcur air et la plus belle attitude du monde. On est
près des mms de Rome, presque à l'entrée d'une porte cintrée vers laquelle
le triomphe se dirige.
Vasari a dit que les tapisseries de ces cartons avaient été faites par deux
Flamands, maître Nicolas et Jean-Baptiste Roux -. On croit (jue c'est à
1. Les car.ictères lypograpliiques peuvent donner lo relwurs, mais non l'envers.
2. « Le duc de Ferrare demanda également à notre artiste (Jules Romain) des cartons pour
des tapisseries tissues d'or et de soie, qu'il Qt exécuter (à Bruxelles) par deux Flamands, maes-
tro Niccolo et Gio.-Batlista Rosso. Cescaitons ont été gravés par Gio.-Batlista de Mantoue, ainsi
que plusieurs autres compositions de Jules, parmi lesquelles nous citerons. . . . Scipion et An-
TlilOMPHF. DE LA CHASTETÉ. 51
Bruxelles, mais plus probableuient dans l'une des nombreuses manufactures
d'Arras qu'elles furent exécutées. Plusieurs exemplaires, comme il est arrivé
.souvent, ont pu en être ti.ssés successivement ou h la fois, et c'est l'un de ces
exemplaires sans doute, tout jeune alors, tout frais, tout luisant d'or et de
soie, qui a pu appaitenir à François I". Quoi qu'il en soit, les carions sont en
France aujourd'hui; ils sont dessinés sur papier et peints à la détrempe.
Comme les tapissiers de haute lisse travaillent à l'envers, Jules Romain eut
l'attention de dessiner h l'envers, pour ([ue le résultat produit fût h l'endroit,
les inscriptions, comme le s • p • Q • n • des étendards romains. En outre,
le triomphateur, au lieu de s'avancer de gauche à droite, suivant l'habitude,
va de droite ;i gauche, .sans doute poin- le môme motif, Hion que par ces deux
faits, par le premier surtout, on peut être certain que ce sont bien des carions
à tapisseries,
lîraniùme parle avec admiration de ce triomphe de Scipion, .Suivant lui.
et le « Camp du drap fl'or » vient à l'appui de son opinion. François 1"
aurait fait exécuter ce triomphe d'après les cartons de Jules Romain, que
nous |iossédons encore. Ces tapisseries auraient coûté !22.(IOO éciis, mais
Rranlôme tléclare qu'elles en valaient plus de 50,000*,
Mazarin avait a<(|uis du maréchal .^ainl-André la tapisserie de .Scipion '.
Cette tapisserie élait-cllc colle de l'rançois 1" ou ûo Henri II, et celle que
nous retrouvons au I.ouvre *, dans l'apparlemonl du roi, lors de l'arrivée
de la reine Clirisline en l'ranco. en Ki.'jfJ? Dans ce cas. qu'est-ello devenue
depin's? i)ur\ inléièt si l'on pouvait la retrouver et la comparer avec les car-
Ions de Jules Romain! Nos tapissiers des Ciobelins pom-raient y étudier cl
saisir tous les procédés par lescjnels on traduit en tissu un carton colorié
par un grand peintre.
Je ne puis pas ici rechercher combien de fois on a dû rcpn-senlcr en pein-
lure SIM- nuir, sur pa|)ier, sur ti.ssu, sur parchemin, sm- bois; en émail sur
iiiluil li.irimKiiiinl IcMirs solilals». — Vvs^ni. << Vin do Jules Hom:iiit». lrii<l. ilo Ixîclamli" -i J"">-
roii. lomo V, |i. iil-">î.
I. lliiyNTiiMi;, « lloinmos itIiistiTs et grand!! capilainn* », ri), ni. — Foliliion. plus i.u m-Miif*
liii'ii n'iisnii,'iu'', dit dans sps « ICnlrrlions » 'loiiin i. |). SOI pi lomo ii, p. lîl, l'dil. d'AmMonlain)
(lun ci's (apissi'iios aiiraionl »'«l(^ faites pour llonti II. Il osl |>ossililo quo lliMiri II on i>it f«il o\i«-
riilor un o\oinplairo dapros los rartcins du l.tnivro, mais lo camp du drap ilor osl lit pour «nir-
mor iprollos oxislalont dojii on l.'illl.
î. n Acquis 0 on Cl oblonu d on no sait rominonl. Voir los • Mt'moins » do l.omi*niP tlo Brionnc,
pulilios par I'. Ilarrioro, l'aris, 18ï.s, in-H", lomo n. cli. i\, p. n-!4ol cilw par K. Miclipl, < Rp-
cliorclio.s sur los oloiros ■>, l'aris, IH.'U, in-V\ lomo il, p. Itl, noio i.
3. « Môinoiros» do M"" do Mcitti;vii.i.k, dans In colleclion Micliaud cl l'oiijoutal, dou»i*mo
sorio, loiiio \, p. iV.l, col. i.
52 ANNALKS AHCIlfiOLOGIQU ES.
niûlal ou terre cuite; en sculpture sur marbre, pierre, bois ou ivoire; en gra-
vure sur m(;tal et sur bois la continence de Scipion. Ce serait une monogra-
phii' iiili'Tcssaiilc. in.iis l'orl longue à l'wliger. Rien n'est plus célèbre, comme
nous Tavoiis vu. que ce fameux quoique facile triomphe de la chasteté de
l'Africain. Pour finir, je me contenterai d'indiquer deux faïences. L'n plat
daté de lô/iS, huit ans après le camp du drap d'or, deux ans avant la mort
de Jules Romain, représente la continence de Scipion. Ce plat italien appar-
tient à M. le baron Scllière et fait partie de la collection du château de Mollo.
Le céramiste italien a pris pour modèle une gravure d'/Eneas Viens, imprimée
h Rome par Antoine Sadeler. Il l'a reproduite scrupuleusement, jusqu'k la
signatin'e même de rimi)rimeur. On lit donc, au l'cvers de ce |)lat. l'inscrip-
tion suivante, explicative du sujet :
A\r.\M (.non IH'.O nKDIMEMIA CAPTIVA Mfir.IXE PARENTES ATTVI.En \\T I VCIO SPflNSO TnABIT SCIPIO.
nOM.E E\C1). ANT. SAt. '.
Ce n'est pas tout. Au musée Napoléon 111, formé de la collection Campana.
sur une coupe en faïence d'Urbinoest peinte la continence de Scipion. <i Sci-
pion est assis vers le centre, tourné à droite, en avant de la jeune femme
(|ue lui amènent (lualre soldats. A gauche, au fond, deux autres soldats. Lu
édifice, composé d'une grande niche centrale abritant une statue de Vénus -
et de deux galeries latérales, sert do fond à la composition. Deux étendards,
l'un avec les lettres s • p • o • r, • , sont posés <aux .angles de l'édifice...
Revers d'émail blanc avec trois cercles jaunes; sous le fond, cette inscription
en bleu vif, mal tracée :
Corne dcnan/i a sipionc
lu menala uiia belplissim.i
l'erginc nioi;lie d liiirio jjrincipfi
ccltibori adolesconlft
d lilo liuio a lihro iloca
loitia .-^oUo
a cap. Liiii.
u Comment, on prt'sencp de Scipion, fui m<^née une trcs-belle vierge, femme do I.ucius, jeune
l)rince cellibore. — (Tile-Li\e. décade troisième, livre sept, cliapilre cinquante-quatre n) ''.
llem'cux Scipion! me pormcttra-t-on de répéter encore, d'avoir acquis k si
bon marché une renommée pareille.
Pétrarqtie n'a pas décrit le cliar de son triomphe de la Chasteté; mais.
1. Alfred I'arcei,, « Notice des faïences peintes ». In-8", Paris, 1864. Introduction, page 30.
2. C'est la \cnus pudique, je suppose.
S. Alfred Darcel, « Noiice des l'aiences peintes », pages i2S-229, G. Mi.
TRIOMFMIE DF. L\ CHASTKTfi. 53
dans le commentaire de ses poésies qu'a donné Alessandro Yellutello, une
petite gravure sur bois placée en haut du second triompiie, nous donne une
idée quelconque de ce char et de son entourage '.
En tète du cortège, une bannière à deux grandes flammes portée par une
femme chaste. Sur celte bannière est brodée une petite hermine, parce que,
comme I.ucrèce, la blanche hermine préfère, dit-on, la mort à la souillure :
'c mori potius quam fa;dari ». Dans Pétrarque, l'enseigne triomphale de la
Chasteté montre sur un champ vert un agneau blanc qui porte un collier d'or
lin et de topazes; je préfère l'hermine de Yellutello. Rn avant et sur les
côtés du char, une foule de femmes, beaucoup plus nombreuses assurément
c|iie celles nommées par Pétrarque, s'avancent en chantant avec entrain et
portant chacune à la main droite une palme énorme, plus haute que celle
donnée aux martyrs par l'iconographie chrétienne. Il parait qu'il n'est pas
facile d'èlre chaste. I.e char est à, deux roues et entraîné au galop par deux
licornes richement caparaçonnées. La licorne, composée du pachyderme par
la longue corne (|in' lui perce le front, de la chèvre par la barbiche de f-on
menton et le fourchement de ses pieds, du cheval ou de l'hémione par le reste
(In cDips, est un animal plus rare encore dans la zoologie que la chasteté dans
l'espèce humaine. C'est une bêle farouche et cruelle, mais qui se laisse appri-
voiser par les vierges et se fait prendre par les chasseurs dans le sein d'une
jeime fille. Pai' son caractère et sa rareté elle a mérité de devenir le symbole
de la chasteté -. Le char, composé d'une caisse ou plutôt d'une plale-formo
épaisse, est porté sur deux roues basses, mais solides et à rayons nombreux.
Siu" le dev.uil du cli.ir est assis l'Amour, enfant tout nu, ([ui a conservé ses
ailes, mais qui baisse humblement et tristcmeni le dos. sur lequel sont liées
ses deux petites mains. Au rentre du char est assise la Chasteté, grande et
puissante femme, couverte, bien entendu, d'une robe montante et remar(|tial)le
par sa simplicité extrême. Ce n'est pas une religieuse cependant, car il y
1. Il II l'ctninlia », <-()ii l'osposiliono (I'Alessamhio Vki.i.itkllo, largo in-8"; imprimé ii Ve-
nise, on I7.'i0, par (îiiliiic! (iiuliio do ferra iv, fonillcl 171.
2. Los loxlos snr la licorno oii l'iiiiicomo soiil innonibniltlos. Jo mo conlonlo d'omprimlor ti
M. (!. Ili|>|iraii r.iiiaUsr iin'il a faite do l'iirlirlo consacré à l'unicornc (nir (juilliiumc do Normnn-
(li(!, Uonvi'io du xiii* sioi'lo cl iiiilonr du « Hosliairo divin » : — » (>t nniniul n'ii i]ii '
au niilioii du Tiont : il osl lo soûl (;ui uso anaquor l'oloplianl. Do son pio<l, Irancliunl < '
airiiirllr, il lui poicn lo vontro ot \'accil, Los clia»seurs, pour prondro coUo t)Alo ronniilabic, foni
avancor iinojoiino vior)jo dans In fori'^l où ollo a son ri'imiro. \
il so rudoui'il, aci'ourl vors ollo, so fouclii' sur rios j^onuux l'i > , .
— Il Lo llosliairo divin » do (iuillnunio, clore du Nornuindio, publié |Mr M. ('.. IIippkao. Io-8*i
l>. t îi'i. Caon. \s",i. Los vors do Ciuilluumo sur l'unicornn sont il lu pajf;<> 133.
5h ANNALKS A HCII l^iOLOOIOUKS.
aiirall "khiis (\o méiile à flic d'ùtre chasle, mais une SL-culi^rc dont la lôte
est niic, sans aucun voile. Ue la main gauche elle montre avec l'index le
pauvre petit Amour qu'elle a vaincu avec tant de peine; di,' la main droite
elle porte une palme extrêmement grande et feuillue. On ne voit pas le der-
rière du char, mais on entrevoit d'autres femmes chastes, qui portent une
forêt (!(• palmes. Je remarque près de la roue droite du char, un peu en ar-
rière. (leu\ fiMiimos. palme eu main et robe montante sur la poitrine; mais
cette robe est fendue sur la jambe et le haut de la cuisse qu'elle laisse à dé-
couvert. Ce sont des chastes évidemment, mais qui n'ont peur de rien et qui
ne se gênent pas tout à fait assez.
A la livraison prochaine le Triomphe de la Mort.
ninRON.
l'A
Hauteur
Diamètre du pied
îtÉ^\/fc/-,V' •■
2C| cein
iQ centime '.:
Ocwrinf /fur J'. ff /.. i/i- /T/m/.
F.n ARGKNr REPOUSSÉ BT CISELÉ.
/'ii6/ir'/-'r KJr^n.^X rt^ Sf /X>mim./"-- .l'.'/i-^/itrti .
MKLAXGKS I:T NOIVIILLIIS
L.N LALICL DU XMl'- SIECLE.
Lus II Annales » ont déjà publié un caiicc qui sort du style qu'elles aiment
et rccomnuindcnt ^. Celui-ci s'en éloigne davantage encore; il n'est plus du
xvi% mais de ce wiT siècle qui fut une triste époque pour l'art de tout genre
et les œuvres de toute espèce. Mais, afm de faire loucher h l'u-il la supério-
rité des xii° et xiii' siècles, il est indispensable de montrer ce ([ue les périodes
suivantes ont exécuté, l'uur faire a|)précier la tempérance, rien d'éloquent
cniiiiiir (le la placer devant un lionnne ivre, l'ar ce motif, nous avons con-
senti à publier ce dessin et celte notice, que nous apportaient MM. de l'arcy
frères ; mais, nos lectetn's peuvent nous en croire, nous n'avons aucun goût
pour cotte lourde et informe orfèvrerie. Comparez la coupe de ce calice avec
celles des calices de Sainl-Remi, d'Ilervi-, du bienheureux Thomas de Bi\ille,
déjà publiés dans les « Annales » , même avec celle du calice de la reine
Anne, et plaignez Bossuel , i-'énelon . Mabillun. l'Iéchier, saint Vincent de
Paul , qui se servaient dini pareil vase, il sullil de jeter les yeuv sur le cos-
tume giolesque porté par l'ange informe (|iii lient la mlonne et la lance, pour
se dégoûter à jamais de l'orfésn'rie du wii* siècle. La tèle de cet ange n'est
|)as sans (piclque vulgaire beauté; mais tout le reste est vraiment ignoble.
MM. ih' l'.ucy me pardonneront mmi mépris pour les u'u\res de celle
époque; ce mépris, ils le connaissaient il'avancc et il augmcnlu tous lesjour>
au lieu de décroître. — Voici la notice (jue nos deux jeunes et honorables
correspondants ont bien voulu nous remettre avec leur dessin.
Il Ce c.iliie lui ijiimii'' :i r.''|>ii.]iii- i|.' I.i révolution à NL Le Tessier-Douail-
I. Culicw ot l'iiU'iio (lu Siiiiit-JiMii-ilii-Doi;;!, d miuW |mr lu n'ino Aiino (li< Bn<l.ii;ni*. • Anii«k>!>
Aruliùulo(;ii]iiU!i >, vol. \ix, p. ;iî!t-;)is. Tt>%U< cl (li>S!«iii!i ilo M. Alfir»! Diin»!.
Idii, ciiiv' d'Ampoignc (Mayenne), par M. Allairc, préirc à Cliùloau-Gonlier
et cliaiioiiie de la collégiale de Sainl-Jiisl dans celle mcînic ville. Au iiioinenl
de la révolulioii, en 1792, celle église fui supprimée cl vendue, ses vîuscs
sacrés lurenl dispersés ; on en trouve encore quelcpies débris dans dilTéreiiles
coMiiiiiiiiaiil(''s et |)aroisscs, notamment à Sainl-Jean-Baptisle cl à Saiiil-Josepli.
M. J.e Tessier se icliia dans sa vieillesse à sa lerre du Petit-Coulonge, où il
iiioui'ut. (le calice ap|)aili('iit maintenant à sa famille, ((ui a bien voulu nous
pcrmcllrc d'en faire le croquis et nous a donné les quelques renseignements
que l'on vient de lire.
<i II a 29 ceiilimèircs de iiauteur, il est en argent ciselé cl repoussé d'un
liavail ln's-(in. L'onieiiicntation se compose de feuilles d'acanthe, de lèles
d'anges, de médaillons représentant les instruments de la passion de iNolrc-
Seigncur. La coupe, d'une forme un peu évasée, est ornée de trois médail-
lons séparés par des tèles d'anges d'une charmante expression. Le médaillon
que nous avons représenté renferme la robe sans couture que les soldats
tirèj'cnt au sort après la mort du Christ. L'autre, le coq et les dés. Le troi-
sièiiic. l'ilalc se lavant les mains à une fontaine jaillissant d'un rocher; c'est
un luiilif nouveau en iconographie et peu conforme à l'histoire, puisque Piiale
u'élail pas dans les champs, mais dans le prétoire, lorsqu'il se lava les mains.
La partie où le prêtre met la main, c'est-à-dire le nœud, est la plus reniar-
(|uablc et la plus soignée. On y voit trois anges portant la colonne et la lance,
réchcllc. la couronne d'épines et le roseau.
« Le pied, cpii a 19 centimètres de diamètre, offre la même disposition que
la coii|)e : trois médaillons séparés par des têtes d'anges. On y voit l'épée
avec l'oreille de Malchus, les trente pièces d'argent, etc. Il se termine par
une galerie à jours, d'un beau travail. A l'intérieur de ce pied on lit sur le
boi'd ces mots gravés :
M. ALEX. ALLMnE, PnÊinE A CHATEAl-GONTIEH .
(I Ce calice a sa patène, également ciselée; elle représente la face de Notre-
Seigncur sur le voile de sainte Véronique, entourée de quatre têtes d'anges
sortant de nuages.
u Paul i; t L o l i s d i-: F A R C V « .
UN AI'.CIHTECïli DU IWS-DE-CALAIS.
Dans les premiers v()lumcs des « Annales ». nous avons mentionné à
plusieurs reprises le nom d'un architecte, ^L Grigny. d'Arras. fort jeune
MÉLANGES ET NOUVELLES. 57
alors , qui construisait en style gothique du xv* siècle la chapelle des dames
du Saint-Sacrement, à Arras. Depuis lors, 17 ou 18 ans, le jeune homme,
mûr de talent et d'âge, a semé un peu partout , mais principalement dans
son département et dans celui du Nord, de nombreuses constructions nou-
velles en style roman du xiT siècle et en style ogival des xiii' et xiv*.
Voici la liste des travaux qu'il a exécutés jusqu'à ce jour; le nombre est
déjà d(! trente- trois monuments, à savoir :
Une église en style byzantin, à Crèvecœur (Nord).
Dix églises en style roman , dans le Pas-de-Calais et le Nord.
Un clocher h. part en style roman, h Beaumont (Pas-de-Calais).
Seize églises et chapelles en style du xiii' siècle, dans le Pas-de-Calais, le
Nord et en Suisse. L'une de ces églises est la cathédrale catholique de
Genève; une autre, celle de Notre-Dame, à Valenciennes, qui est presque
aussi grande qu'une cathédrale.
Deux églises en style du \i\' siècle, .'i Lumbres et Oisy-le- Verger (Pas-de-
Calais).
La chapelle du Saint- Sacrement d'Arras, en style du xV siècle.
Le (Iùiul; du ciiœur de Saint- Jacques, à Douai, en style du wii* siècle.
Co dôme di" Douai et l'église byzantine de Crèvecœur détonnent dans ce
concert imiian et golhi(|ue ; mais ils prouvent la grande aptitude de l'archi-
tecte d'Arras à se plier à tous les styles, et ce n'est pas, même dans ce
temps-ci , un léger mérite.
M. Crigny vient d'achever, sur une échelle double toutefois, la réédifica-
liuii (lu ci'lèbrc monument de la Sainte-Chandelle, d'Arras, (jue nous avons
publié en 1850 dans le volume .\, page .'iSG, des « Annales Ar<héulogi(|ues ».
Le clocher nouveau, (lui rcprodin'l U'. vieux clocher d'a|)rès d'anciens dessins.
s'élève 'i IGO ])ieds du sol et repose sur une base de 15 pieds seulement
de largeur ; il est cependant tout en pierre, mais îi jour, à peu près comme
l'était relui d'autrefois '. C'est un loin- d(î force que le mm' siècle avait heu-
reusement réalisé et (|uc le \i\', nouiri {\f^ traditions anciennes, a non moins
llcIIITIIsi'lllriit |-C|10ll\('|i''.
Kn 1850, nous faisions des vœux pour que les habitants d'Arras, servis
par l'habilclé de M. (irigny, reronslruisissi'ul la Ix-llc pyramide du Mil* siècle.
at)allu(r en 171M. Ces vii-ux viennent d'èlrc accomplis. Les dames Irsulinos
d'Arras ont fait relever cette grande flèche de pierre, en In donnant pour
1. Jo (lis u il peu |iri's ». nir hi IIimIik propH-iniMit ililc apiurlirnl lnMiuoup trop nu H\\c du
XV »\Mi\ Uiiulis ([iio li> roslc roproiluil .soiisibloiiii'iit le Mil'. I-i lliilio anficnne no diKonlail
pu!) uiiisi avec l'iMisomblu du clot-lior.
\xiv. 8
58 ANNALKS AUCIlf;0L001QUES.
clocher il la cIi,'i|h1Ic ([u'ellcs ont chargé M. Grigny de leur bâtir en style du
Mil', ('otte chapelle et cette flt-che dominent en ce moment la ville d'Arras;
elles n'atlcndent plus f|iiG des sculptures et des vitraux, (|ui sont déjà com-
mandés 1.
M. Grigny est à la moitié de sa carrière et nous espérons qu'il consacrera
la seconde partie do sa vie h construire des édifices en style du xiii' siècle
siM'toul. car c'est là, évidemment, en qui fait vibrer le plus haut et le plus
juste son incontestable talont.
niniuiN MNK.
L'AliClIKOl.or.lK F,T l,'AI!T I:N I'OLDCNR.
Sur la partie moiitueuse du palatinat de Bractaw 2, aux bords de la Toul-
czynka. au milieu d(^ rliamps verdoyants, est située aujourd'hui la bourgade
(le Tulczyn, aucionncment « Tulcinium » et îNesterwar. L'étymologie de Xes-
tcrwar est « Ncstcr, Dnestr » et « war ». ville en hongrois ■"*.
Au xiu" siècle, notre petite ville avait un aspect tout à fait différent. Munie
(l'uno fort(M'esse ^, elle appartenait par son commerce et sa population au
rang di's ]ilus belles et des plus iiiijiorlaiitcs villes de notre palatinat.
Son histoire est courte. En 1G23, elle a été témoin de la défaite des Lis-
sowvzyki par le prince Charles Korechi. Vingt-cinq ans après, les Cosaques,
commandés par Krzywonosk, dévastèrent cette bourgade et massacrèrent tous
les nobles du pays. Ainsi périt dans des souffrances inexprimables le proprié-
taire piiiice Janus Czetwertynski . et tous les juifs habitants de ce lieu, à
l'exception seulement de dix rabbins, qui furent cependant tourmentés avec
barbarie.
Vers la (In du siècle passé (1775). Tulczyn devint la résidence de Félix
1. Dans la publicalion (|ii'il viont de faire ?ur ce moiuiment nouveau, .^I. Grigny ne cite dans
son lexto ni le travail de M. de I.inas sur la Saintc-Ciiandelle; ni le fac-similé du dessin de Verly
que M. Ciauclierel nous a donné; ni le dessin do la Sainle-Cliandello d'Arras par M. Auguste Des-
cliamps de l'as; ni le vœu que nous avons émis au sujol de la réédification; le tout publié dans
les « Annales -archéologiques » de IS.'iO, vol. x'', pages 32l-:!27. (""est un oubli que nous sommes
obligé de consigner ici.
2. Aujourd'hui gouvernement de Podolie.
3. Comme nous le trouvons mentionné sous ce nom dans le manuscrit « Stalus causae Mora-
chensis ». 1638. — « Narratio per rcligiosum .\ugustinum Petrykowicz, superiorem, ejusque
conventus descriptio n.
4. Ckllarius, « Reg. Pol. drscr. «; Amstel. 16")0, p. 3flG.
MÉL.VNGKS KT NOUVELLES. 59
Potocki, palatin des terres russiennes et qui, en cette qualité, reçut dans ses
murs, douze ans après, le roi Stanislas-Auguste Poniatowski.
Avec ce passé do la b jurgade dans ma mémoire, j'ai commencé mon
excursion par une visite à l'église paroissiale. Mais, avant de franchir le seuil
(lu temple, j'aperçus tout |)rés de la route un petit cippe bâti en brique. Au
liDiil de ce monument, on lit une inscription russe qui nous apprend que :
Loin do sa pairie, dans un pays étranger.
Le colonel Soulcyman s'endormit d'un sommeil éternel.
Pour lo bien de sa patrie il sacrifia sa personne.
Fils fidèle, il fut plein do bonté;
Mais la méclianceté de ses compatriotes, en récompense de ses travaux.
Le forra de clierelior un refuge lointain.
Ce colonel, avant autrefois
sous son commundement, dans
la Turquie d'Europe, 6,000 liommcs
de l'armée régulière, sauva la
Turquie de la guerre civile et
tâcha d'apaiser les factions
nuisibles à la patrie. Il mou-
rut âgé de 4o uns, dans la nuit
du 18au l'J avril ttil8.
Après avoir copié cette singulière épitaphe, j'entrai dans l'cglisc. Ce mo-
deste temple de Dieu, étant d'une très-petite dimension . servit longtemps de
chapelle de cimetière ; mais, après la suppression du couvent des domini-
cains, on lo transforma en paroisse.
Non loin (le l'église, au milieu de la rue, s'élève un petit obéli.squc en pierre
de taille. Autrefois l'inscription gravée sur l'un des côtés nous apprenait le
nom (lu céièhre maréchal de la confédération, Targowitra. Maintenant, nous
lisons seuli'iiii'iil -.
J.,e reste du iinm. réinini.>iceiK'e d'un événement odieux aux cœurs polonais,
est aujourd'hui, fort heureusement, tout à fait illisible.
A (ni('l(|iics pas (le l.'i s'élèvent a.\oc maj(\'*té l'église et le cloître de l'ordre
des Prr'cluniis. I.e monastère fut fondé en lb()7 par le même Félix Potocki.
sur r('ui|ilacemenl du cloître en bois bAti par Adam Kalinowski. starostc de
Braclaw (KL-iS).
1,1! Ii'iiiple d'aujourd'hui, changé depuis {|uel(iues années en dôme gnico-
ru.sse, était célèbre par ses autels en m().sal(|ue cl ses images, parmi l»'S(|ucllo.s
excellait surtout la « Descente de croix », placée au-dessus de l'aulei principal.
60 ANNALI'S AIlCIIKOI.or.loUKS.
Dans les catacombes de celte église gisaient auparavant : I-Y-Iix Polocki et
Trcinbccki, le célèbre poëtc du « Jardin de Sophiowka ».
Après la suppression des dominicains, les objets sacrés de même que les
tableaux furciil dispersés.
Iji (|iiill;iiil IV'glise et passant par la ville, on voit sur la place principale
un grand obéliscim; en granit , consacré au souvenir (k l.i iialte de quatre
jours de Stanislas-Auguste, en J787. Au jour de son érection, le généreux
propriétaire donna la liberté 'i tous les habitants d'alentour dans le rayon
d'une lieue. Mais les successeurs du bienfaiteur annihilèrent bientôt ce pri-
vilège.
Avant d'entrer dans le palais des fiers magnats de la République, j'ai
cherché en vain h; lieu uù l'un dit qu'existait autrefois rimprimcric célèbre
de Tulczyn '.
En m'acheminant vei's le palais, je passai par la cour et la porte du pa\ill(jn
cl là, en face du monument, je me suis arrêté un moment pour en contem-
pler j'extérieur. KIcvé dans le style italien. <iui llurissait chez nous au temps
du dernier rui SUunslas-Auguste, par l'architecte Lecroix (sic), il porte sur
son frunlun l'inscriplion suivante :
yU IL SOIT TOLJUtUS 1.A DtMtinE DES LIDKES ET DES VERTlttX
ÉLEVÉ EN 1782
V.n entrant, je montai l'escalier de l'antichambi'e, dont les murs sont ornés
de treize portraits à l'huile, de la famille Polocki, depuis Jean de Moskarzew.
palatin de l'odolie, mort en 1250, jusqu'à Félix, déjà mentionné, mort en
1805. A cette place, ces grands châtelains semblent vous inviter à visiter leur
palais.
Après avoir jeté un coup d'œil sur ces peintures, qui sont du même goût
et peut-être de la main du même peintre (fin du siècle passé) , je franchis
le seuil du salon : j'étais guidé par un cicérone improvisé. Autrefois (1818),
Jules Ursin Niemcewicz, contemplant la richesse des ornements et des meubles
du palais, atTu-mait qu'il n'avait jamais vu de plus beaux salons. Maintenant
l'aspect intérieur a tout à fait changé : il ne reste plus pour unique témoin de
la splendeur passée qu'une collection de tableaux.
Le plus magnifique de tous est une belle copie de la » Sacra famiglia » de
1. Dans les « Antiquités de la Pologne » (« Starozyinojci Polzkie-Poznais ». 1842. I, 22i;,
Bandtkie atrirme qu'on meltait seulement : Tulczyn, Targowilra et Souprasle sur les broctiures
qui étaient imprimées contre les reformes politiques de ce temps-lii.
MKLNNGE-; KT NOUVELLES. 61
RaiihaiJl, Ce chef-d'œuvre de la galerie de Tulczyn coûta au propriélaire
10,000 ducats.
Non loin de la sainte image, nous rencontrons le portrait d'un chevalier
plein de fierté, fait par Titien. Le personnage dont il représente les traits est
inconnu.
Après avoir regardé avec attention ces deux excellents tableaux, je me
conteiili' de pa>sci- !i;s autres en revue :
Moleiiaer Corneille. <i Sconc dans un cabaret de village ».
Van der Ilclst. « Concert de famille ».
Rubens. « Chasse aux cerfs » (copie?).
Lampi. « Portraits de Félix Potocki et de sa femme ».
Lebrun. « l'orlrait de la princesse Pélagie Sapieha, née Potocka ».
David Teniers. « Fête au cabaret » (copie).
Jean van Ilûchtenburg. « Promenade à cheval, du temps de Louis \1Y »
(copie).
Eugène Devéria. «Mort d'un pécheur à l'hôpital des sœurs do lu charité».
.lean-Bapliste Rcgiiault. « Voyage maritime de Vénus ».
Ary Schelïer. « l'orlrail d' la Dauphine Potocka, née Komar ». etc.
Aii\ aiilifpiaires et archéologues je recommande de voir encore : deux
anciens gobeiins un peu usés par le temps, une collection nmnismati(|ue de
monnaies et jetons arrangés très-syslématicjuement, un service en argent
(surtout) pour cent personnes, quekjues coupes en verre de très- grande
dimension avec des inscriptions', une coupe allemande du wii' siècle avec
ces mots en allemand, ([uc je traduis et qui sont sur les côtés :
— » L'électeur de l'Empire, l'an de Dieu lO.'iO — Dans la ville de Bran-
debourg— Le premier trésorier. — Bien fait aux siens — Christ mon Sauveur. »
On peut voir encore un buste en marbre du roi Jean Sobieski. Ici élaiont
aiiiivfois (1822) les inscriptions de l'ancienne Olbia, connue l'iinirmail
M. Koeppen -.
Après avoir visité la galerie de tableaux et examiné toutes les anti(|iiilés qui
sont conservées au palais, je parcourus la bibliotiiè(|ue, qui compte 17,Ut)0 \o-
linnos. D'après le catalogue, il y a fort peu d'ouvrages importants sur l'his-
toire de la Pologne. L'archive, (|ui .se trouve k ([ueliiues pas de là, est au
contraire très-riche en matériaux histori(|ues du siècle passé.
J'ai Uni mon excursion h Tulczyn par une promenade au jardin do Cliorosia
1. lin voiei dru\ : u Vive If mv AiiltusIc III u. — •■ Vivt» Vn-loiro l'oUvLti. «'(«.uim' ilu ca>lrl-
liin (io Kiov ■>.
1. Dans su brucliuro : a Uubur .Vllorlliuiu uiid Kuml m Kusjland i. \\ ion. Mil. tn-4'.
62 ANNALKS AUClIKOLOfJIOUES.
(«Belle», (l.uis la laii'^iii: nj.ss(j). iji sortant du palais, je passai tout |)rès de
bains élevés dans le style mauresque par le feu propriétaire. Sur une des parois
de l'édilice, quelque peintre inconnu a re|)résenté à fresque la l.éda et son
dieu changé en cygne.
Après avoir regardé ce bàlimciil ([ui, d'après son plan, me rappelait beau-
coup la façade de la cliapclli; Villa- Viciosa à Cordoue*, je parcourus le
jardin, au milieu diuiUL'l , sur tm petit étang, s'élève un îlot tout couvert de
copies anliciues et d'une grandu (|iiaiilité de débris, d'urnes, de statues
provenant de la Grèce.
Ayant jeté pour la dernière fuis un regard sur le jardin et le palais, je dis
adieu à la résidence seigneuriale et, emporté dans une voilure de poste, je
passai dans la contrée des steppes et des tumulus, dans la terre mystique
de l'Ukraine, (jui m'est si chère.
Stanislas K liZ VZANU WSKI.
1. Voir GntAui.T Dii PiiANGiiY, « lîssai sur l'arcliiluciuro des Arabes cl des Maures en Espa-
gu; ». Paris, 1841, (ilaiiclie m, lig. 4.
lUHLïOGRAIMIIK
D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE
1 . ANDRÉ. — Histoire de l"abbayo des religieuses de Saint-Sauveur, de Marseille, fondée au
V' sicrio, d';ipr<'.s l(>s documonis ini'dits conserves aux archives départementales des Bouches-
du-Rlione, p;ir I'kbdinand Ammii;, archiviste-.idjoint du département. ln-8° de X-2J7 pages
cl do 3 planches. — Fondation, en 110, par l'abbé Cassien, des abbayes do Saint-Victor et do
Sainl-Sauvcur. Privilèges accordés au monastère de Saint-Sau\eur par le pape saint Grégoire
le Grand. Possessions de l'abbaye aux vm' et ix' siècles. Invasion des Sarrasins. Huine du
monastère vers l'an 923. Culto de .saint Cyr, titulaire de l'abbaye, en Provence. Rétablissement
du monaslère vers la fin du x' .<iècle. Administration de l'abbaye do Saint-S.iuv»'ur et do
l'église des Accoiilcs par les moines de Saint-Victor. Bulle d'Alexandre III. .Administration des
abbesses. Legs testamentaires en faveur des communautés de Marseille. — Confrérie des péni-
tents do Saint-Sauveur. Suppression de l'abbaye de Siiint-Siiuveur ; son rétablissement par
arrêt du parlenicrit. Abbcssos triennales de S;iint-S,iiiveur. Vente du monastère comme bien
national. Catalogue des abbesses. Pièces justificatives de l'an 597 à l'an 1614 7 fr.
2. BACH. — Les oniciNKS do Metz, Toui et Verdun. Ëtudos archéologiques et philologiques,
par le P. Jimen Bacii, jésuite. Grand in-8" do 128 pages. — Distinction primitive des \illes
gauloises. Ui colonie mosollane. Les Médiomiitriciens. u Uivdduruin », forten\sse des Medio-
malricions. Ledruidisme chez les Médiomatricions. La cité romaine. • Meltis », abréviation
do Médiomatrici. « Mottis » au v siècle. — Lf's origines de Toul. Toul à l'époque romaine.
Toul au v siècle. — Preiiiicre origine de Verdun. Étude sur lo nom do Veniun. Verdun, ville
romaine, a Urb» clavorum » (ville dos clous). Verdun ou V siècle ï fr.
3. Bulletin de la .Société académique do Lnon. TomoXIII'. 1803. In-8° do viii-!iS pagw et do
KJ planches. — RapporUs sur les travaux de l'.innéo l8(il-IHfi2, |wr M. Iliok, socn<loirT» gi'n*-
ral (11- la .Société. Li rlia|M>llo des Kndormis de Sissy, par M. Ciouaut. Nouvciiux délaih Mir
la Boule en craie de Monlaigu, par M. Mkllevili.e. l'.hauss»>i>s romaines, par M. Purrrit. l/>tire
du peintro de Li Tour il M"' de Zuilen, |>nr M. C.iiami'KI.kihv. Fouilles <lu lumulus d'Aubon-
lon, par M. Maiitin. l'uuilles de Mauchamp. par M. lin. Flkurt. Note sur une Mdluotle de
broii/.e trouvée ii Ni/.v-le-( jointe, |>iir le Mi^UK. Hachettes en silex IrouviV» dans ^-<>-
inent de Vervins, par M. Papillon, (.es fêtes de révè<|ue des Innocent."» et du \\\. .'.c*
Fous, par M. lliiiÉ. La sépulture niérovingienno do Brie, par M. Ku. Klieirt. Le* «nliquiU-s
franquesilo Verly, par M. Pii.i.ov, etc * fr.
W, ANN.M.F.S AUCHÉOLOGIQL'ES,
;. 1 II MBIIV ni') THONCRNOIin. — Rwi'onT sur Im monumonls liisloriquos du di-parlomprit
il(? la M.iinc', par M. lo haroii diAUlinv ne TnoNCRNonii, incmbm du conseil (;énér<il de lu
Marne. ln-«" do 7 pa;;('s. Happort bienveillant sur di'smonuincnU.cl Hurtoul s-ur ré;,'lise Nolre-
Uame (In Cliàlons el Nolrn-D.imi' <lo l'fCpine, que M. le baron Cliauliry recommande cliaque
année à la générosilé du conseil f;énéral. Le conseil donne peu, mais au moins quelque cliose
il Notro-Dame de l'fcpine; il ne donne rien du tout à Notre-Dame de Cliàlons, qui pesé de toute
sa cliar^o sur le curé, M. l'ahhé Champenois. Mais, par honliour, .•■i le poids est lourd, le curé
est fort. Ceperulaiit un prni il'aiilo pourrait faire ^'rand bien.
;j. (;ili;V.VLIi:il. — .Viicimiis uovalks de Cmexoxceau : — 1° pièces historiques relatives à la
chiistellenie de Clienonceau sous Louis XII, François I", Henri II, Diane de Poitiers et Cathe-
rine de Médicis. — 2" Comptes des recopies et desponces faites en la cliastcllenie de Clienonceau
par Diane de l'oitiers. — .3" Lettres et devis de Philibert de l'Orme et autres pièces relatives à la
construction du cliàtoau do Clienonceau. Ces trois parties, distribuées en trois volumes ornés
lie vieilles i;ravuros (pu n présenlent le château de Chenoncoau, ont été composées par .M. l'abbé
(;. (;mi:vai.ii;ii avec les riches archives inédites de Clienonceau. On a ainsi l'histoire complète
(l'un (hi'ilcaii royal de l,i renaissance. C'est de l'histoire riche en renseignements de tout genre,
comme .M. le comte Léon do Labordo aimait Ji en faire, tirée dos actes originaux et autlien-
liqucs. Le volume do lettres et do devis de Philibert de l'Orme est une mine de documents
sur la construction à rép(i(iiio do la renaiss;jnco. Los en I repreneurs, appareilleurs, maçons,
p.oiiibiors, fontainiors, couvreurs, marchands do bois, charrons, marchands de pierres, terras-
siers, tuiliers, marchands de chaux, charreliors, bateliers, maréchaux, serruriers, jardi-
niers, etc., qui otil lionne (les quittances, nous fournissent une foule do renseignements sur
les arts et iiiélicrs du xvi' siècle. On ne saurait trop encourager les publications de ce genre,
(|ui nous apprennent tant de choses curieuses, et qui serviront un jour de base à une histoire
(le l'industrie et de l'art en Franco. — Ces trois volumes in-S", imprimés avec luxe et sur pa-
pier de Hollande, contiennent ci.xxix-198. 240 et 312 pages. L'auleur, M. l'abbé Chevalier,
est secrétaire de la Société archéologique de Touraine et préparé do longue main aux travaux
d'érudition. — Los Iniis volumes -il fr.
fi. D.VRCEL. — Notice dos fafcnces peintes it;ilieiines, hispano-moresques et françaises, et des
terres cuites émaillées, par Alfred Darcel, attaché à la conservation du musée des Souve-
rains et des objets d'art du moyen âge et de la renaissance. In-12 de 408 pages. — Introduc-
tion. Notice sur les faïences hispano-moresques et italo-moresquos à reflets métalliques. Cata-
logue : fabriques do la Marche, de la Toscane, du duché d'Urbino, des Étals-Pontificaux, des
duchés du Nord, delà Vénélie, de l'État de Gènes, du royaume de Naples. Fabriques italiennes
inconnues. Faïences à inscriptions françaises. Fabriques françaises. Terres vernissées. Terres
cuites émaillées. — C'est la première fois que l'on publie en France une notice aussi savante,
complète et détaillée sur les faïences peintes. Un grand nombre de marques, de signatures, de
millésimos, d'inscriptions sont distribués en fac-similés dans ce livre, qui est le meilleur guide
de l'amateur do faïences 3 fr.
7. DARCEL. — Un guide de l'amateur de faïences et de porcelaines, par .\.lfred Darcel, atta-
ché à la conservation des Musées impériaux. Attaque méritée contre un <( Guide n rempli d'er-
reurs et publié tout récemment. — Grand in-S" do 13 pages 1 fr.
8. DEVALS. — MÉMOIRE sur les habitations troglody tiques en général, et spécialement sur
celles du département de Tarn-ct-Garonne, par Devals aîné, correspondant du ministère
de l'instruction publique pour les travaux historiques. In-12 do 31 pages et de 7 plans des
souterrains décrits dans ce « Mémoire ». Désormais on saura ce que sont ces habitations
BIBLIOGRAPHIE D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE. 65
souterraines, si nombreuses partout et particulièrement dans le midi de la France. Cn pareil
travail estdéQnitir sur une question confuse Jusqu'à présent.
9. FLEURV. — Les Manuscrits à miniatures «le la Bibliothèque de Laon, étudiw au point de
vue de leur illustration. II' p;irtie. xiir, xiv, xv et xvf siècle! Texte et dessins par Édoiard
Flkuby, président de la Société académique do Laon. Grand in-i'dc ii-liO pages, de 23 plan-
ches lithograpliiées et do 50 lettres gravées dans le texte. La première partie de ce lra\ail a
été récoiiipensi'o do la première mention très-lionorable par l'académie des inscriptions et
belles-loltres. La seconde partie, plus remarquable encore, obtiendra certainement une récom-
pense su()érieure. .Si l'on écrivait et si l'on illustrait ainsi l'histoire de nos manuscrits à minia-
turL'S disséminés dans un grand nombre de bibliothèques, on aurait en peu de temps une
paléographie et une icono^'raphie Trançaises des plus complètes et des plus sûres. — Cette
deuxième partie des u .Manuscrits ii miniatures u de Laon, 20 fr. : les deux parties en-
semble 40 fr.
10. G.VKIt ALD. — Essai biographique sur le comte Wlcbix de Taillefer, auteur des • Anti-
quités de Vésono», par Emmanuel Garraud. In-8° de 16 pages et de 2 planches. Dans son
a Architecture by/.antine en Fr.mce », M. F. de Verneilh cite souvent et asec grande estime
les travaux historiques ut archéologiques de .M. de Taillefer.
fl. GAUTIER. — (JLEI.OUES MOTS sur l'étude de la Paléographie et de la Diplomatique, par
LÉON Gattieh. ln-16 de 104 pages et d'une planche. Préface. Quelques mots sur l'école des
chartes. Cominuiicoinent de l'école des chartes , son histoire el son but. Pourquoi l'école
des chartes s'appelle-t-ello ainsi? Du point de dé|>art, du principe fondamental do l'école des
chartes. Les plus belles facultés de l'homme trouvent à l'école des chartes un exercice néces-
saire et conlimicl; comment l'école des chartes s'y preiid-ollo pour arriver ii son double but?
De l'enseignement do cette écolo et de sa belle distribution. Humble ob.servalion de l'autour
de ce petit livre. Réponse à quelques attaques. Conseil aux débutants. Où conduit l'école
des chartes. Quelques mois sur l'étude do la paléographie et de la diplomatique. L'étude
do la paléographie doit ouvrir celle du moyen ilgo, imporlanco de cette science et règles à
suivre 3 fr.
12. (jIlt.MII). — llisToinE de Vercingétorix, roi des Arvornos, par Girard, capitaine en re-
traite. Iii-S" de viii-i()4 jiages et d'uno planche. « Gergovia d, patrie de Voa-ingétorix. Puis-
sance de r.\rvernio au temps do César. Invasions successives des Romains dans les Gaules.
César, gouverneur do la province romaine transalpine. Vercingétorix soulève les Arverncs.
Armes des Romain'-- ol des Gaulois. Ivtenduo do la province rom^iine dans les Gaules. Plan do
campagne do Vercingétorix. Siège d' a Avaricum ». Démêlés politiques chez les Èduens. Ver-
cingétorix est proclamé roi de tous les peuples confédérés contre les Romains. Top<iRraphio
d' " Alesia n et de se^ environs. Premiers travaux de tlésjir autour do la ville. ('.umUit îles Ro-
mains et dos troupesdo Vercingétorix. Bataille d' u .Mosia ». Déroute îles Gaulois. .Mort de Ver-
cingétorix. Notes sur le siégo do a Gergovia <> et sur l'omplacemont do l'ancien • Uxollodunum •
il Ussol (Corrè/o). — Ces nombreuses questions sont tout à fait à l'ordre du jour on co raonwnl.
13. GRE.'^LOlî. — ItEi'.intHcilKS sur la Céramique, suivies de m.n - ■'<*
dlllerenles fal>ri<|iies, par JuLKS Grkslok, meinbro de la stM'ielé ,11 i i -r.
Iii-I î (le \v-ï79 |Nigos et do nombreux dessins (marques et monogmmino») on couleur. — lo-
troductioii. Kecheri'hes historiqui>H. Tern<s cuites, m.ij"! 'o~
laines. Procédés de fabrication de la |Mircelaiiie. M.i< , ' e,
Paris ol ses environs. Province. Pays étrungors : .\lloinagno, Anglolorro, Aulncbo, Bo(u>a)«.
XXIV. 9
66 ANNAI.KS Aiu;iif;()i,o(;ioi)KS.
Dnneitiiirk, Espagne, Ftalio, Pays-Bas, Pologne, Porliigal, Prusse, Russio, Su*do et Suisse,
Chine ot Japon, liido et Perso. Remarque» sur les principaux caraclèros distinctirs do quelques
poteries. — Cliarmiint ouvrage, imprime avec la plus rare distinction •* fr.
M. GRKINY. — Hkkdification de la (lèelie do la Sainlc-Chandello d'Arras, par les relifticuses
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d'Agen, d'Angoulème, de Luçon et de Périgueux. Province ecclésiastique de Tours : arehidio-
cèse do Tours; diocèses d'Angers, do Laviil, du Mans et do Nantes. Province ecclésiastique do
Rennes : arcliidiocèso do Rennes; diorxjses de Ouimper, de Saint-Brieuc et de Vannes. Ca-
Ihédralcs, Notre-Dame, églises, chapelles, sanctuaires et pèlerinages. — Ce quatrième volume,
comme cliacun des trois premiers 0 fr.
10. ilATZFKLD. — Revue critique et bibliographique publiée sous la direction de Ad. Hatz-
Fii.o, :iiuien professeur de littérature étrangère à la Faculté de Grenoble, professeur de rhéto-
rique au lycée Louis-le-Grand. Première livraison. Janvier 186'». In-S" de (18 pages. — Parait
le 11) do chaque mois. Contient l'examen des principaux ouvrages publiés en France et à
l'étranger; des articles littéraires, historiques, philosophiques, scientifiques; une chronique
mensuelle et un bulletin bibliographique. Le prix de l'abonnement pour Paris est de 10 fr.;
pour les départements, 12 fr. ; pour l'étranger, les frais de port en sus. Chaque numéro sépa-
rément 1 fr. 25 c.
17. IIUi'lIKR, — Cai.(iles de vitraux delà cathédrale du Mans, par M. E. Hlcher, correspon-
dant du gouvernement pour les travaux historiques. Grand in-folio, texte et planches. Toutes
les planches sont en couleur. Livraison IX'. Chaque livraison contient dix planches de dessins
et deux feuilles de texte à doux colonnes. Cette livraison neuvième comprend :
1° Tiiois AeoTREs du vitrail de l'Ascension, assigné à la fin du xi"" siècle ou aux premières
années du xii" (1093-1120). Personnages d'une longueur démesurée, serrés dans leurs vête-
ments étroits comme dans un fourreau;
2" Sai.nt Julien, évèque du Mans, ressuscitant un mort; xii° siècle. Grosses tètes aux traits
durs, épais, énergiques;
'6° Le « Defensor » et les habitants du Mans aux pieds de saint Julien; xir siècle;
4° PiLATE se lavatit les mains et bordure do l'.Vrbro de Jcssé ; fin du xii' siècle, commence-
ment du xiir";
5° Un ange et sainte Valérie assistant au .-upplice du seigneur de Trans; xii' siècle, avec
une bordure de la môme époque ;
6° Un ANGE ET SAINT ViTAL assistant au supplice du même seigneur; xir siècle, avec une
bordure de la même époque;
7° Les cuangeirs du Mans, donateurs de deux verrières; xiiu- siècle. Dessin plus souple,
figures plus humaines et plus expressives qu'aux xir- et xi*";
8° Annonciation; xiii« siècle. Figures nobles, bien posées, au geste juste;
9° Les APOTRES saint Jacques-le-Minour, saint Jean et saint Thomas, tenant sur des banderolles
les propositions du « Credo » qui leur sont attribuées; xv' siècle. Figures modelées, applica-
tion du jaune d'argent, fonds damassés. Recherche du progrès pratique aux dépens de la
simplicité du dessin, de la noblesse des attitudes et de l'intensité de la couleur;
lillîl.lOGRAI'HIK D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE. 67
10° Lks APOTRES sainl Juo|uc»-lc-.M(ijcur, suint l'Iiilippe et saint Barlliélemy ; xv siècle. Défauts
et cjualités des prcccdenls.
En texte, deux feuilles de description.
On a, dans cette livrai.'ion ainsi composée, un s|iécimen im|)Ortantde la peiniurc sur verre aux
xi", XII', xiii"' l't XV siècles. (;e grand travail e>l non-seuleini-iil indispensable aux nombreux
peintres-verriers disséminés aujourd'hui dans les villes principales de la France, qui doivent y
puiser une foule de beaux luolifs pour leurs travaux, mais il est encore fort utile aux histo-
riens qui peuvent y truuter toute faite une histoire de la |x.'iniuro sur verre par les monu-
ments. Quant aux ardiéolugues, il y a là, pour eux, une mine de faits auUteutiques >ur le «lyle
de chaque époque et sur l'iconographie clirétienne. — Cliaque livraison 45 fr.
18. Journal do la Soi;iélé d'archéologie lorraine et du comité du Musée lorrain. Douzième an-
née. 1863. In-8' do "240 ()ages et d'une planche. — Claude Gelée, dit le Lorrain, par Cuablks
lIiitiUKT. L'hôtel et l'épitaphe de Ualthazar d'Uaussoiiville, par Lkon .Moiiit.NOT. La ville de
Lixheim jtendant la guerre dite de Turenne, par Ahtmcr Benoit. Note sur les constructions
romaines, découvertes « aux Termes», territoire de Crézilles, par E. Olbv. Inscriptions lor-
raines à Rome, par l'abbé X. Bahuii:» \n: .Montallt. Notices bibliographiques sur des livres
peu connus, jiar GjiLET. Ilotellcnes du Vieux-Nancy, par Léon Moluenot. .Notes sur le vil-
lage de Uagncux, par G. Di.iiv. Peintures murales et inscriptions découvertes dans l'ancienne
église .^ainl-K])vre de Nancy, par l'ablié liiii.i.AL'ui:. Histoire du prieuré de La\-Saint-Chris-
to|)he, par doin Calinet, éditée j)ar Henri Li:i'\ge î fr. 50 c.
I'.). LOKDICL. — Des Strassourger Mai.ers uiid fjrmschneiders Johann Weciitlin, gcnaniil
a Pilgriin n. Le peintre et graveur strasbourgeois Jhiiann Weciitlin, surnommé Pèlerin.
Gravuressurboisoii clair-obscur reproduites en gravure sur bois par Heinricii Lueiiel, graveur
do l'Univorsilé do Gii'tliiiguo. l'élit in-folio do 23 pages do texte par Loodol et Sulzmann, avec
i) gravures dans le texte et 13 grandes gravuivs à plusieurs tuiotcs hors du ii'xte. Ces grd\ urts
isolées repiéseiiluiit lu Madone iiu jardin; .<^int Jérùmf et son lion dans le désert de Retjiléem;
une lètu du luorl sous lai|uelle on lit : Mvnhan.k fELiuTATic» uluhiv; le portrait de .Melaitch-
lon dgé do 33 ans (1519); Orphée tout nu (U|ki>B£v« vatbs), jouant du violon au milieu des
bi''tos qui l'écoiilent; un chevalier armé, accompagné fl'un soldat; Alcon pervani d'une llécho
un serpent (|ui entoure un enfant :
AU;« luimplotiu {fie) Umiuat simul liocniiui anifuu
Liborat artu mira turbijus aU^uo iic>'.-il ;
l'yraine loiil lui l'i percé d'une épée, vers lui|uol Thisbe. nue égMiemenl. noco«iri «e lanicn-
tant:
(juiil Vonua in vonis pouit furur uuibiu twroni
Ovriitmi* liiM' 'rtiyibiw (uiioro tnnrvilrat amin*;
l'yi'guteles nu, abaissiiil un niveau ^ur une piorru où l'oi) vo>t uo L'oiupaj et une K'^lc; sainl
Sébastien nu, attaché il une colonne et perce do flèches; la Vierge tenant l'uifaitt Jmus liai»
un riche encailie, lient d'architecture de la renaissance; Jésus ea croix entre U \ -'int
Jean avec lu .Madeleine à genoux uu pied de la croix, dans un même oncadriMUoi. .l'c-
luir; iiiémo bujot .sans uncailremeut. — Ce Joun Wochtliu signe so« a>uvros tl« ilous bounlons
croises (Ml siiitoir, de lii .son surnom île « Pèlerin ». — l)e-> gravun's, ■>'■ ' •• i^'«*
et iiii|iriinces, foiu honneur ii I elablisseiinMil do M. Kudolph Woi.'el, >; < . - li-
loiir lie SI be.iu\ et de si nombreux livrée) d'art »••••• ttV ^C'
iO. M.VSSAlilAl'. — L\ catiikorali: de lleniius. Notice bi»U>rit|uo, |Mr I'aUm y*»»Aauii,
cimiiuine honoiaiie, si'crutairo de larchovi.ln' de lteniio.<i. lo-V do Î3 |>ti^e..«. — H>vljoa-lh<»
68 ANNALKS AHCIlfiOLOGIQUES.
sur la fondation de la cathf-draio. Traditions ol légende». Dons des prinresol barons de Bro-
ta;;no h In ciillK^drale; sa dédicace solonnelle en 13S9 par l'iern? de Guéménée, évéquo de
lionnes. Arrél des travaux au xvi" siècle, pendant les guerres religieuses. (Jemandi-s de se-
cours. Générosité des lïtats de la province. Réparations et rcslaumlions en 1820, 4 8ï3el
1 817 .10 c .
21. MATIIIKU. — Nouvelles oBSEnvATioNS sur les camps romains de « Gergovia », suivies
(l'une <' .Note » sur dos Souterrains et un Dolmen, découverts au pied de la montagne, par
P. I'. MATiiiiiii, ancien professour au lycée im()érial de Clermont-Ferrand, membre de plusieurs
sociétés savantes. In-8» de .'!7 pages et quatre plans avec une carte générale du siège de
« Gergovia ». — Douhie tranchée entre Orcol et Gondole. La Roche-Blanclie a-t-elle été le
siège du petit camp ? Fossés gaulois au domaine de « Gergovia » et à Rizolles. Camp de César
impr()\isé sur la Serre.
22. MÉMOIRES de la Société d'archéologie lorraine. Seconde série. V' volume, ises. In-8° de
459 pages el de u planches. — Représentation d'Hercule, vainqueur des géants, dans le nord-
est de la Gaule, par Uretagne. La pierre tombale d'Arnould .Souart, par Lotis Benoit. Une
famille de sculpteurs lorrains; Note sur un ancien Pouillé de Toul, par Henri Lepage. .Monu-
ments lorrains à Rome, par Mgr Lacroix. Tombeau de Henri de Lorraine, comte d'Harcourt,
à Asniores-sur-Oise, par Morky. La cathédrale de Toul, par l'abbé Guillaime. Détails inédits
sur la vil' cl les ouvrages do Florentin lo Thiorriat, par Charles Laprevoté 3 fr. .JO
23. MONTAIGLON (de). — Notice sur M. le comte de I'Escalopier, par Anatole de iMon-
TAiGLoN, bibliothécaire à la bibliothèque de Sainte-Geneviève. In-S" de 13 pages. Notice
pleine d'intérêt et d'émotion sur un homme de cœur el de science.
24. MONTAIGLON (de). — Notice sur M. Gilhert, membre de la Société française d'archéo-
logie, par Anatole de Montaiglon, bibliothécaire à la bibliothèque de Sainte-Geneviève.
In-S" de 10 pages. Les nombreux travaux de M. Gilbert, un de nos précurseurs en archéologie
chrétienne, sont enregistrés avec soin par M. de Montaiglon.
2o. V. D. L. — Description de quelques églises romanes des arrondissements de Clermont et
de Hioiu (extrait d'une statistique inédite des églises rurales du département du Puy-de-Dome,
a|ip;nienant au style roman), par p. n. l., membre de la Société française d'archéologie. In-S"
de viii-60 pages. — Arrondissement de Clermont : Églises de Cournon, de Rozat, de Gerzat,
de lienumonl, de Pont-du-Chàleau et d'Auliiat(xi"' el xir siècles). — Arrondissement de Rioin :
Églises de Mozat, de Saint-Bonnet-les-Champs, de Chaptuzal, de Montpensier et de Saint-
Genès-du-Relz (xi'elxii' siècles).
26. PONTON D'AMÉCOURT (de). — Essai sur la numismatique mérovingienne comparée à la
géographie de Grégoire de Tours, par le vicomte de Ponton d'.Vmécourt. Lettre à M. Alfred
Jacobs. Grand in-S" de vii-220 pages. — Préface. Lettre à M. .Mfred Jacobs. Géographie de
Grégoire de Tours, de Frédegaire el de ses continuateurs, comparée à la numismatique. Sup-
plément. Table analytique des commentaires. Table alphabétique des noms d'hommes qui figu-
rent dans les légendes des monnaies citées dans cet ouvrage. Composition des noms francs
d'origine germanique. Table des noms modernes des lieux auxquels des monnaies sont attri-
buées dans cet ouvrage. Table latine des noms de lieux auxquels des monnaies ont été éga-
lement attribuées 7 fr. 50
27. RENADDIN. — Nouveau Guide général du voyageur en Italie, par Edmond Renaudd;.
In-12 de xxvi-460 pages, avec une grande carte routière. 40 plans de villes ou de musées, et
BIBLIOGRAPHIE D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE. 69
20 gravures et vues de monuments. — Introduction. — Première section : Rome et ses envi-
rons, Florence, Bologne, Ancone, chaque ville avec son réseau. — Deuxième section : Turin,
Gènes, Milan, Venise et ses environs, chaque ville avec son réseau. — Troisième section :
Naples et ses environs, réseau de Naples. — Oualrième section : Les Iles, réseau de la Sicile.
— Guide complet, contiïnant o tout ce que l'Italie renferme de curieux, d'important et de
pittoresque, et telle que l'ont faite les événements de 1859 et les chemins de fer qui la sillon-
nent maintonanl pre.<(|uc en tous sens». On annonce déjà une seconde édition, qui donnera la
description détaillée de toutes les œuvres d'architecture, de sculpture, de («einlure, d'orfésTerie
avec tous les noms d'artistes recueillis sur les monuments mêmes. Un pareil guide sera de la
plus grande utilité [lour les nombreux voyageurs en Italie, non -seulement pour ceux qui vont
y clicrclier «les dislractions, mais |)i)ur ceux encore qui vont s'y instruire 10 fr.
28. Rlli:iN\\AI.I>. — I.ABDAVK et la ville de Wissembourg, avec quelques châteaux-forts de la
Basse-Alsace et du Palatinal. Monographie historique par J. Riieixwalo, régent au collège de
Wissembourg. In-8" rie xxx-iilO pages. — Première période, depuis la fondation de l'abbaye
jusqu'à la mort do l'abbé Edolin (623-129.3). Deuxième période, depuis la mortd" l'abbé Edelin
jusqu'à la sécularisation de l'abbaye fl293-l.">24). Troisième période, depuis la sécularisation
de l'abbaye jusqu'à la révolution (l.")*4-17S9). Tableaux chronologiques. Pièces juslifica-
tivos 4 fr-
29. TIIlKL'ItV. — AiiMdiim. dos Archevêques de Rouen, avec des noies généalogiques el bio-
graphiques, par Ji:i.i;s Tiiikurï. Petit in-4° de vii-96 pages et de 15 blasons. — Biographies
des évOques et arclio\éqiios do Rouen, depuis s;iinl Nicaiso (91-100) jusqu'au cardinal de
Bonncchose, archevêque actuel <> fr.
3(1. VAI I li:iî. — llisToiiii; lie la statuaire antique. Son origine, ses développements el sa
décadence clie/. les ditriMents peuples, par L. VAFFiEn. In-lî de 333 pages. — Quelle a été
.l'origino des statues. Des statues chez les Assyriens, chez les Egyptiens, Hébreux, Troyens,
Grecs, Perses, Carthaginois, Étrusques, Romains, Celles ou anciens Gaulois. L'idolûirie et les
statues antiques. Des matièn-s employées pour faire les statues. Ornements, couronnes ol ha-
bits des statues des Romains. Estime (pie l'on fait de ceux qui ont réussi dans la statuaire. Do
l'utilité qu'on peut retirer des statues pour l'hisloiro, les belles-lettres el l'émulation do la va-
leur et de la vertu. De la pas-iinn des aTiciens jiour les stiitues antiques. Liste générale de tous
les statuaires et sculpteurs do l'antiquité jus(praux premiers siècles île notre ère 3 fr.
31. VALKNTIN. IIistoirk de l'abbaye d'Ormoni, par l'abbé Valkntin, curé de Monligny el de
Brouil (Marne), ln-8» do 64 pages. — Fondation do l'abbaye (Iî3i), par Jean de Courlandon ;
chartes publiées en sa faveur. Religieuses cistereiennes et chanoinesses régulières de sainl
Augustin. I24S à 1412 : bulle du pa|)e Clément IV, état de l'abUiye |)ondanl les guerro»
anglaises. 1412 à 1f)2f) : les religieuses d'Ormont à Bourges el il Mirevaux; union de l'abbayo
au monastère do Siiinl-Denis et h l'hôpital de Siinl-Antoine; nVlamnlions de l'ablM-sse Jtvinno
do llrebanl; arrêt royal en faveur do la communauté; guerres de rvligion; inxasionailomando;
translation do l'abbayo d'Ormoni dans la ville do Meaux, où elle existe justpi'on fJ'JO. Abbe*.Msi
el bienfaiteurs d'Ormont. fttat des bAtimonts de l'abliayn après le dé|wrl de» ruJigiousosi. Une
visite h Sainl-Reini de Hoims. Mahidrerie d'Ormont. Fontaine Noire-Dame ol le» FanlAnvM.
Vassieux ' f""-
3ï. VAI.I'TTF (nu). — Notice sur la manifestiitlon. le culte et les miracles A'r !i- U
sainte Vierge, située dans les environs de Spolèle (Italie ), rompiléo par le : I iioi
Maini, traduite do l'italien par l'abU' de Vai.kttii, aumônier du lyc*o Impérial N(pol«*oa.
In-3t do 33 pages el d'une planche tS c.
70 ANNALKS ARr.fll^lôl.Or.IOUES.
a.). \ AiN l)i;il KI:I.I.I:N. — .MtiiiM.iiii.iuaii.MiLN (^roole of Si. llavos-korli te llaarlfin (Peis-
TtHCs MiiiiALiis (le lùi^lisc (J(! Saiiil-Bavoii, ii lliiurlciii), (wr I). Vas iikh Kki.lkn, iiieinbrc do
l'Acudùiiiiu royale îles beaux-arls et (Je la SocitiUi royale arcliéolotjiquc, a Amslcrdarn. In-folio
(le 10 pludclies C()lori('(!» el de 10 paj^-cs de li-xle. — Ouvrage tiré ii 100 exedipluircs. — fies
lieiiiliircs de l'église Sainl-Uuvon de llaurleid datent du xiv siiitle el représentent les a|)olrcs
l'ecilaiil cliaeuii la proposition du « Credo » qui lui est allriliuée par la tradition. I^s («inturcs
murales du moyen ige sont rares, el celles-ci peuvent ollrir des motifs intéressant:) d'ornemen-
lalion. €cl ouvrage de Yari der Kellen est déjà devenu rare îî fr. "iO c.
.ii. SAN II) li kl.LLli.N. — A.MiyiiTiis des Pays-Bas. Choix d'antiquités remarquables du
Mil' au xviii" siècle, faisant partie de plusieurs collections, tant publiques que parliculiércs,
dessinées, gravées à l'eau-forte el dédiées à Guillaume III, roi des Pays-Bas, par D. Vas der
Ki;i.i.EN. membre de l'Académie royale des beaux-arts el de la Société royale d'arcliéologie, ii
Amsterdam. Grand in-4" de i8 pages de texte ol de 87 planches. Gel ouvrage, relié à l'an-
glaise 8o fr.
3o. \AN DIUV.VL. — Dr Sv.mii()i.is.mi; dans le culte et daii:. l'art. Discour» de réception de
l'abbé Iî. Van Dhival, il l'Académie d'Arras. In-S" de 30 pages 1 fr.
3(). V.\N DlilVAL. — I.A Croix d'Oisy et autres croix anciennes. Études sur les règles tiadi-
lion(M;lles concernant Ks crucilix et les croix, par l'abbé E. Vax Drival, chanoine, diretlenr
au grand séminaire d'Arras. Grand in-8" de 4i pages, de 4 planches et de dè^sin6 sur bois. —
Celte croix d'Oisy a les plus grandes allinilés avec le reliquaire de la Sainte-Épine publié d.ins
les « Annales Archéologiques n. C'e.sl évidcmmcnl le même orfèvre qui les a fabriqués l'un el
l'autre. M. Van Drivai entre dans de savants détails sur les croix et les crucilix à propos de la
belle oeuvre d'orfèvrerie dite la « Croix d'Oisy » 2 fr. oO
37. VATM DliIV.\L. — Les Tapisseriks d'Arras, élude artistique et historique, par l'abbé
E. Van Dhival, chanoine, membre de plusieurs sociétés savantes. Ia-8" de vii-193 pages. —
Préface. Les lapisseri(>s chez les anciens peuples. Les riches étoffes el la pourpre d'.\rTas. Du
(•ommencemenl des tapisseries d'.Vrras. L'œuvre d'.\rras ou » l'Opus Alrebaticum ». Les tapis-
series d'Arras du xu' siècle à la fin du xiv. Les tapisseries d'Arras sous les ducs de Bour-
gogne (4 383-1477). Louis XI à Arras. Comiiiencemenl du xvr siècle. Suite du même siècle.
Siège de 16'tOol décadence des tapisseries d'.Vrras. Notes .-sur le wède ou pasiel : sur la gaude
et autres substances employées à la teinture des fils ou étolfes concurremment avec la garance ;
sur les tapisseries à or ballu ou ballucs à or. — De nombreuses el fort intéressantes descrip-
tions de lapi.sseries sont mêlées à ce texte vraiment scienlifique el le premier de cette espèce
([u'on ail encore publié. Les tapisseriiîs ancionn(îs sont ii la mode aujourd'hui presque autant
que les faïences, cl le curieux ouvrage de M. le chiinoine Van Drivai arrive tout à fait à
point 3 fr. 50 c.
38. VAN DRIVAL. — Uai-i'ort sur la visite faite, par les membres du Congrès, à l'église de
S.iint-ICloi de Diinl>erque, par l'abbé li. Van Dkivai,, cliaiioine lionoraire, directeur du grand
séminaire à .Vrras. In-8°de 4i pages.
39. V.\N DRIVAL. — RApeonT l'ail à l'.Vcadémie d'Arras, par l'abbé Van Drival, membre rési-
dant, sur un ouvrage inlilulé : « De l'art chrétien dans la Flandre », par l'abbé Dehaines,
professeur au collège Saint-Jean, à Douai, ln-8" de 30 pages.
40. VASSEUR. — Reciiehches sur la léproserie de Sainl-Clair et Saint-Biaise de Lisieux, par
Charles Vasseur, membre de la Société frani.viise d'aivhcologie. In-S" de 47 pages et d'une
BIbLKXiKVPMIE D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE. 71
planche sur eu ivro, représentant la maladreric de Saint-Clair. — Origine (1150), organisa-
lion inlt'riciirc de la léproserie, statuts approuvés et révises par les hauts-doyens de Lisieux,
en 1257 cl en 13.Ï0; « Décrétâtes » de Grégoire IX louclwnf le mariage des lépreux : ch.ipitrc
36 des « Constitutions » de Robert Cénalis, évéque d'.Vvranches, s'occupint des lépreux; em-
pêchements de succession dans le « Grand-tJousturaier o ; coutume de la province du Hainaut ;
acquisitions do la Maladrerie de Lisieux aux xiir et xiv* siècles; édiU de Louis XIV. Pièces
juslificiitivcs.
il. VAS.SEUR. — L'i:riMiT.V(;i: de Saint-Christophe de Morvilly, |>arCiiAai.Ea Yassel'r, membre
de la Société Française darchéologie. In-s° de Ifi pages.
42. VERNKII.II (de). — Les Ëmaux français et les émaux étrangers. Mémoire en réponse à
M. le comte F. de Lastevr»;, lu à la st-anee archéologique de Limoges, lo Î8 noveml>re I86i,
par .M. l'iii.ix m; Vkunkii.h, inspecteur divisionnaire de la Société française d'archéologie.
In -8" do 36 pages et de * planches gravées sur métal 3 fr.
43. Vies des Saints de l'Atelier. Saint Ei.oi, patron des orfèvres, des forgerons et dos serru-
riers, par A. F. Ozanam. — Saint Galmier, serrurier, par Roger do BEVfpronT. — Saint
Marcel, evi^qiie cl palron de Paris, pur Laurent Laporte. — Saint .\quilas, corroyeur, jwr
Roger du Reai'feout. — Saint Joseph, patron des char|>entiers, menuisiers, ébénistes, par
Michel Cobnuket. — Suint Théodolo, cabaretier, par Roger de Beaifkoiit. Six brochures
in-l 6 de .'10 ii .'JO pages chacune. Les six ensemble 95 c.
44. VILM'MtS. — Étide sur la chapelle du séminaire do Sommervieu (Calvados), par G. Vil-
LEBS, secrétau'o do la Société d'agriculture, sciences, arts et bolles-lcltres de liaycux. In-S" do
12 pages. Cette importante chapelle a été bùlie récotnmenl, en stylo du xiii* siècle, piir les soins
de M. l'abbé Nogol-Lacoudre, directeur du séminaire de Sommervieu.
4'). VIol.l.l'T-Ml-DL'C. — Dii-.nosN MRE raisonné do l'architecturo française du xr au xvi' siè-
cle, par Vioi.i,ET-i.E-l)t<:, architecte du gouvernement, vu' volume, I" et i' fas»-iculi^;. In-S"
do 208 pages, avec de notnbreu.ses gravures sur bois dans lo texte. (Comprennent les mots :
Palais. Palier. Palissade. Pan do bois. Panne. Parpaing. Parvis. Patience. Pavage. Peinlurt».
Pendentifs. Plafond, et •. — Chaque fascicule, 4 francs; (lar la poste l fr. S5 c.
4(i. VI()l,l,l"r-I.K-DUC. — Entretiens sur l'arfliitectnro, par Viollet-lk-Dic, arv-hile«-te du
gouverneniunl. Première partie, comprenant un volume in-8°, de 490 |>ages avec 107 gravurvs
sur bois, et un allas petit in-folio oblong, de 18 planches gravées sur acier. Cette prumièro
partie, texto et atlas iO fr.
47. VIR.\C. — n\ZAs el son diocèse, par M. Vnuc. In-i"de II p-ige.s, avec une carte générale
de l'ancien diocèse de lloi'deaux. le\ée et drt>ssée par l'abbé IIerland, cun^ de Suinl-M.iriin-
do-Labarde, pour servir aux « Variétés borrrdaisos » do l'ablié Raurkin ^ fr.
48. VOISIN. — Les Cknouans nncions el modernes. Histoire du département do la Ssirtlie, de-
puis les temps les plus reiulés, par l'abbé A. Voisin, meinln \ ■ ili-
fi(pios. L'n viilumo in-S" de i\-;i'JO pages. — Origines, antiqu '•<
et cliAteaux anciens, cor|x)mtions, oncuintos roiiuiine et byxanline, anciens inonuinenl-
nionuments celtiques, cité su|KW'ioure, preuili ■•'•<< , . ,, i ^_^
le premier Mans, le cloître de l'église, la r.ii lo»
premières liasiliques, les maisons canoniales, la Tour-ilu-lloi, le rtùliMU ri'i do
la Coulure, le.s églises rurales, les vieilles halles, anciens beux <'' •'' ' .■hih.mk' det
noms de liiMix ilii Mans 5 fr.
72 ANNALKS AIICII l^lOLOOiyUES.
49. VOISIN. — I,A Ci(ANDRLi:i;n ù la callicdraio do Tournai. Communication faiU) à la Société
liisloii(]U(! (it liltt'rairc d(? Tournai, par l'abbé Voisin, vicaire-général, docteur en théologie.
In-8" do 60 pages cl d'une planclio qui représente le sceau de l'ollicial do l'évèché de Tournai.
— Description do la Tôto do la Chandeleur à la cathédrale do Tournai, par saint Êloi ; documonl
tiré de l'ouvrage inlitulé : « Maxima bibliotlieca vetcrum patrum, etc. » — .Monseigneur Ilirn,
évi^ipie de Tournai, au concile de l'aris; sa détention à Vinccnnes. Intrusion do .M. de .Niint-
M(;(iaril .i Tournai (1811-1814). — Voyage en Terre-Sainte, fait par Jehan de Tournai, en 1487,
fragiiiiMit tiré d'un manuscrit de la bibliotiièque de Valencienncs par M. le baron do La Fons-
Mélicoq et publié dans les « Annales Archéologiques ».
50. VOISIN. — Nouveaux renseignements biographiques sur Nicolas do Lcuzo a a Fraxinis ».
Communication faite ù la Société historique et lilléraire de Tournai, par M. le vicaire-général
Voisin, membre correspondant do la commission royale des monuments. In-S" de 13 pages.
51. VOISIN. — NoTicii sur les anciennes tapisseries de la cathédrale de Tournai, et sur la
corporation des haulc-lissicrs do celte ville, par le chanoine Voisin, vicaire général de Tour-
nai. In-8° de 67 pages et d'une planche en couleur. — Ancienneté de l'usage des tapisseries,
fabrication. Tapisseries anciennes les plus précieuses qui ont été conservées à Bayeux, Oxford,
Sens, Beauvais, la Chaise-Diou en Auvergne, Aix, Nantes, Valencienncs, Reims, Angers, Rome.
Tapisseries de la cathédrale de Tournai, leur description; les haute-lissiers de Tournai.
Ext^aits de l'invontairo do 16^4 et liste des maîtres qui ont été reçus de 1312 à 1343.
52. VOSMAKR. — Remhhandt llarmons Van Rijn. Ses précurseurs et ses années d'apprentis-
sage, par G. VosMAER. In-8" de xiv-190 pages et d'une planche. — Avant-propos. Un pèleri-
nage à Leyden. La jeunesse de Rembrandt. Van Swanenburgh. Développement de la peinture
au xvi" siècle. Les nouveaux principes en peinture. Les précurseurs de Rembrandt. Pieter
Laslman. Retour à Leyden. Pièces authentiques. Généalogie de Rembrandt. Notes relatives aux
Svvanonburgh et aux précurseurs. Catalogue de l'œuvre de P. Lastman 3 fr. 50 c.
LA LÉGEXDi: I)i: SAINT MAliTIN
TAPISSERIK DU \II1« SIÈCLi:. SLU CANEVAS".
Kn appelant « tapisserie sur canevas» le tissu historié que nous publions ici,
nous voudrions par cela seul en donner à nos lecteurs une définition claire et
précise; car chacun sait ce qu'est un canevas et quel nom l'on est convenu
de donner au travail de l'aif^uille qui recouvre celui-ci de dessins en soie ou
eu laine. Mais notre (léfiiiilion d'aujourd'hui sera-t-elle comprise de l'érudit
(|iii. il.Mis ciMil ans, aurait la fanlaisic de lire ces lignes?
Une sorte de falalité semble s'être attachée à l'histoire des tissus. Il n'en
est pas un, croyons-nous, dont le nom ancien puisse nous indiquer la nature;
et nous doutons même que la l('rminolo;i;ic moderne soit assez fixée pour
que les appellations d'aujourd'hui puissent être d'un grand secours aux
chercheurs futurs. Combien de noms de fantaisie n'avon.s-nous pas déjà
vu appli(nicr à nos tissus usuels qui paraissent et disparaissent, revenant
chaque fois avec un vocable nouveau. Ce défaut de fixité régnait à plus forte
raison au moyi-n âge, oii la langue lerhnolof^ique n'était pas encore formée;
aussi est-il prescpie impossible do se di-brouiller au milieu des texlrs latins ou
français que celte épofiue nous fournit. FiCs patientes recherches de M. Fran-
cisque Michel siu Ir 1(1 u'vrr, la tabrication et l'usage des étoffes de soie,
d'or et d'argent pcndani Ir moyen âge 2, nous monln-nt touli' la profondeur
de l'obsciUMlé répandue sur ces matières. Si nous nous restreignons îi la (|ues-
lion plus spécial!» dns brodories. nous ne trouvons point des lénèbivs mi»ins
é|)aisses, bien (|u'elles soient circonscrites dans un champ plus éliitil.
Tout tissu historié a été confondu par la plupart des auteurs avec co que
I. Au musée (lu l.ouvri", M" 1 1 17 lin r.il.ilonui' lie M. Ui lOinU' il
î. « Heclu'i-clies sur l.i r.iliiicMliou dis iioife-, île soie », par V. Mi a vol. piHil in-l*.
Paris, I8ns-I8KV.
XXIV. '^
Il, ANNALKS ARCHÉOLOGIQUES.
MOUS appelons aujourd'hui mic lai)isscne de liaule lisse. Ou'il soit question
d'uni' ('■titll'c lissée avec plusieurs couleurs, comme sont les brochés, ou d'une
mosaïque en laine exécutée sur inio même chaîne, comme les tapisseries des
Gobeiins, ou enfin d'une broderie sur canevas ou sur toile, on n'a qu'une
nicinc expression h son service. Il y a cependant des différences profondes
entre ces divers genres de produits. Dans les deux premiers, le dessin se fait en
même temps que l'on i'ai)rique le tissu ; dans le dernier, le dessin s'applique
sur un lissu déjà fal)riqué. ]\lais une distinction radicale doit encore être éta-
i)lir entre 1rs deux genres qui composent la première division.
Dans les tissus que nous désignons sous le terme générique de brochés, la
navette dépose le fi! de trame sur toute la largeur de la nappe de fils qui
cnnslituc la rhainc. La «duilc», pour nous servir du terme consacré, c'est à
dire le fil dé|)()sé par la navette dans sa double course d'aller et de retour, va
de Ijord en bord lUi l'étoffe. C'est par certaines combinaisons qui permettent
aux fils de chaîne de laisser apparaître ou de cacher par endroits les fils de
ti'amei que le dessin se forme. C'est sur ce principe, qui reçoit une foule
d'applications et de modifications diverses, qu'est fondée la fabrication de tous
les tissus a dessins, môme les plus compliqués et les plus dissemblables
d'a.siiect, depuis le damassé le plus simple jusqu'aux brocatelies les plus riches.
Dans ce genre un seul inolif. (juclles que soient ses complications, est
plusieurs l'ois répété dans tout le cours de l'étoffe, soit sur sa longueur, soit
sur sa largeur. Les anciens tissus de soie, qui ont dû de parvenir jusqu'à nous
aux usages pieux auxquels on les avait consacres, montrent à quel point les
tisserands du moyen âge étaient habiles et pleins de goiit; et il est plu-
sieurs de ceux que l'on reconnaît pour avoir été fabriqués dès avant le x" siècle,
que les industriels modernes réinventent de nouveau.
Dans ce ([u'on appelle «tapisserie», la fabrication est différente. Une nappe
de fils est étendue devant l'ouvrier. C'est sur cette chaîne qu'il tisse partielle-
ment le motif qui la recouvre entièrement, ne faisant parcourir a sa navette
qu'un, deux, trois ou plusieurs fils, suivant les exigences du dessin et de la
couleur. La tapisserie est donc une mosa'ique en laine. Chaque duite, sur
chaque fil de chaîne, représente le petit prisme de marbre ou de verre des
mosa'îques ordinaires, et la chaîne sert de liaison. Si la chaîne a été placée
horizontalement devant l'ouvrier, la tapisserie est dite de basse lisse. Elle est
de haute lisse si la chaîne est verticale ; mais le tissu et le point sont les
mômes. Rien dans le résultat ne dilTérencie la tapisserie faite aux Gobeiins, sur
les métiers verticaux ou de haute lisse, de celle fabriquée à Beauvais sur les
métiers horizontaux ou de basse lisse.
L.\ LÉGENDE DE SAINT MARTIN. 73
Un seul molif couvre d'habitude les tapisseries, et ce sont même les néces-
sites qu'entraîne après soi la production d'un seul molif qui ont fait imaginer
la fabrication partielle. Si, en eflet, on voulait produire un tissu historié d'un
sujet unifjue au moyen de la fabrication ordinaire, c'esl-à-dire par duites
allant d'un bord k l'autre de la chaîne, il faudrait parfois donner tout un coup
de navette pour un seul point. Il y aurait alors emploi en pure perte d'une
certaine quantité de matière, puisque tout ce qui ne serait point apparent
resterait caché. Le tissu s'en trouverait considérablement allourdi et épiiissi,
.sans parler des dilTicultés que rencontrerait la fabrication. Il est vrai qu'avec
un choix habile des couleurs et du dessin, et qu'avec des laines d'une finesse
excessive, on peut imiter sur le métier les châles de l'Inde qui sont des mo-
saïques en laine comme les tapisseries de haute ou basse lisse ; mais la chose
serait inexécutable s'il s'agissait d'une grande tentuio avec personnages, et
de fils de laine d'une grosseur ordinaire.
Ces différences de fabrication étant bien établies, on voit de quelle impor-
tance ce doit être dans l'histoire des tissus historiés do savoir au juste à quel
genre appartient celui dont on parle, afin de ne point confondre un vrai tissu
avec une tapisserie, et une tapisserie avec une simple broderie. Aussi croyons-
nous que, faute d'avoir abordé cette partie technique de la question, tous les
auteurs qui ont jusqu'ici traité de l'histoire des tapisseries ont commis de
graves erreurs en faisant remonter la fabrication de celles-ci bien avant
l'époque où nous croyons qu'elle fut prali(iuéo.
S'il fallait établir un ordre chronologique dans l'apparition successive des
différents genres de tissus historiés dans l'antiquité, nous croirions être d'ac-
cord avec la logi(|uc en suppo.sant (pic les tissus peints ont dû arriver les
premiers; ([u'cnsuitc est venue la broderie, cherchant à inuter ceux-ci; et
(|u'('nfin le ti.'ssagc h. dispositi(tns, les étolïes brochées et les tapisseries ont
apparu en dernier lieu. Cet ordre a dû présider au.ssi à la résurreclinn des arts
dans le Nord et l'Occident, lorsqu'une société régulière essaya de se reconsli-
tiicr à la siiilc de l'invasion des Barbares. Ainsi (îrégoirc de Tours (Nirlc
formi'lliMiieiit des toilos peintes. « vclis depictis », îi propos du Implémo do
Clovis, et nous pen.sons (|ue dans tous les textes de l'époque ménivingienno
et canilin;;ieimc, d'où il n'est pas possible d'inférer (|u'il s'agit d'un simple
lissii, il faut croire (|u'il est (juestion trime broderie.
l'uiir cette rai.xoii. il nous est impossible de voir aiilro chose que des bro-
deries dans l'iimombrablc ([iiantilé de parements d'autels qu'AniusIosc lo
liibliothécairc nous montre avoir été donnés aux églises de I\ome par lespa|M:."«
.SCS contemporains. Dans ses descriptions sommaire.»», nous voyons le plus sou-
70 ANiNALtS AltClll';OLOG10UES.
voiil Nil tissu orné de niiklaillons faits d'une étoffe d'or chargée de la représen-
liilion diuic scène di; ri!\uii;^ile (ju do refligie de l'une des personnes divines,
bordcc d'une autre étuHo et oi'n(;e de pierres fnies, comme dans cet exemple
ly|)i(|U(' pris au iiasard : »Vesteni l'ubeani alilliynani, habenlem in niedio labu-
l;im (II! ciu'ysoclavo, cum iiistoria D. i\. Jesu Cln-isti...ex niargaritis ornatam
...et in circuitu b'stani de clirysociavo». Parfois il est possible de reconnaître
(|ui! le fond est oriental à ce (ju'il est chargé de lions, d'éléphants ou de grif-
fons, ou à ce (|u'il est appelé iibyzantin», tandis (|u"on ne saurait discerner la
façon dont ont été figurées les «histoires» sur médaillons tissés d'or qui y sont
rapportés. Mais un auteur contemporain d'Anastase le Bibliothécaire est,
heureusement pour nous, plus précis. Jean Diacre entre, en effet, dans des
détails qui nous sont ])récieux sur la façon dont étaient ornés les rideaux et les
parements d'aulel (|iie révoque de Naples, Athanasius, donnaà l'église Sainl-
.lainici'. (le l'année 850 à l'aimée 872. Voici ce texte : «Supra quod (altare)
velanien coopérait, in quo martyrium sancti Januarii ejuscjue sociorum acu-
|)ictili t)perc digressit. . .. Kodcm enim opère in ecclesià Stephanià tredecim
pannos fccil, evangclicam in eis depingens historiam. quos jussit in columna-
rum capitibus ad ornamentum pendere ».
Sans nous ai-rèlcr à l'usage de suspendre des draperies aux chapiteaux
des colonnes ([ue ce passage révèle, il nous est impossible de voir autre
chose (|ue des brodei-ies dans ce travail à r«acu pictili » dont parle Jean
Diacre.
Cette citation suilira pour montrer quelle réserve on doit apporter dans la
dénomination des tentures historiées dont parlent les auteurs. L'art de la bro-
derie devait être et était en clïet une des occupations des couvents de femmes
dans cette grande réhabilitation du travail ([u'avaient entreprise les ordres
monastiques d'Occident à leur origine. Des textes nombreux nous montrent
des écoles et des ateliers de broderie institués dans certaines abbayes du Nord,
ouvroirs qui durent façonner tout ce que l'on trouve de broderies appliqué aux
usages du culte.
Il existait cependant des brodeurs laïques dès les temps les plus reculés,
surtout en Angleteri'c. où ils avaient obtenu une réputation si universelle que
l'expression « opus anglicanum » devint synonyme de broderie i. A Paris ils
étaient en assez grand nombre, à la fin du xiii' siècle, pour avoir fait enregis-
trer leurs statuts devant le prévôt de Paris. (îuillaume de Hangest. Quatre-
vingt-quinze patrons prirent part à la déclaration des coutumes du métier
1. « Englisli médiéval embroiderv "■ J- H- Parker. London, 1848.
LA LÉGENDE DE SAINT MARTIN. 77
exercé surtout par des femmes, car nous trouvons 82 brodeuses contre 13
brodeurs seulement*. C'est ce qui explique que dans les rôles de la taille de
Paris, sous Philippe le Bel, en 1292. on ne trouve que 14 <■ brodeurs ou bro-
deresses », parce que presque toutes les femmes occupées de ce métier
étaient mariées à des artisans ou à des marchands-.
Chaque brodeur ne pouvait avoir qu'un apprenti à son service, et devait le
garder huit ans. Pendant la dernière année seulement, il avait le droit d'en
prendre un second pour remplacer celui qui allait entrer en maîtrise-
Brodeurs, bi'odeuses et apprentis se réunissaient chez certains d'entre eux
qui tenaient ouvroir, pour faire œuvre de leur métier, suivant les nécessités
des commandes. Mais il leur était défendu d'aller chez des étrangers i la
corporation, parce qu'il « en vient tel inconvénient que quant li mestres ont
convenant à riches homes de fère leur œuvre, il ne peuent trouver leurs
ouvriers parcequ'il euvrent ailleurs que chiez ceuls qui sèvent du meslier. et
ne peuent tenir convenant aus riches homes par leur deflauto. » Le travail
de nuit était défendu, « car l'œuvre fête de nuiz ne peut eslre si bone ne si
souffisant comme l'euvre fête de jourz. » Des amendes, au profit du roi et
des gardes du métier, assuraient l'exécution de ces prescriptions, prémisses
de cet esprit do réglementation (|ui a pesé si longtemps sur lindustrie
française, qu'elle porte encore les marf|ues de ces entraves.
Nous n'avons point à faire ici l'historique de l'art de la broderie pendant
le moyen âge : on en trouvera les éléments, avec les textes ù l'appui, dans
le livre où M. l'rancisque Michel a réuni tout ce que ses lectures si nom-
breuses lui avaient donné de matériaux sur le connncrce. la fabrication et
l'usage des tissus. Nous devons même ajouter (|ue la partie relative au sujet
qui nous intéresse possède des qualités de composition, absentes malheurou-
scincnt du reste do l'ouvrage, mine inépuisable de documents*.
Abandonnons maintenant les textes pour nous occuper dos monuments.
Le plus ancien (|uc nous connaissions est celle grande litre, (pii servait jadis
h. décorer la cathédrale do liayiix aux jours de fêle et que l'on appelle fort
improprement la « Tapisserie de la reine Malhilde ». Cette tapisserie n'est
(in'inie bniderio faite en laines de plusieurs couleurs sur une toile (|ui serl de
lunil e| SIM' la(|iiello les sujets se délachent eu vigueur. Les toinles lie la
1. Ci. n. Dki'I'inc, ■• HùgloinonU sur loa nrls i>t inéliors ilo Piiri-i », dans Iw • DocumwiU in*-
ilils ... l'iiris, 1837.
3. II. liKn.\iiit, « l'iiris sous l'liilip|iu li> llol », tliins li>s • Do-umonis inMiU •. Puri*. IHJT.
U. I'". Mil iiKi., .1 lU'fliorclios sur lus iHolTos do »oio, d'or pl d'nrgi'nt |K'ndanl lo mo)-on âgo ».
Tome ir, pogos :i*9 ol |)ussiin.
78 ANNALi:S AIlCm'OLOGIOL'ES.
laine, assoupies cl rompues par le temps, se maricnl au l)lanc jauni du
tissu [)(iiir rniiiifr un eiisemljlc iiarmonieux qui rappelle l'effet des peintures
àgyptieiines. Les couleurs sont le bleu de trois tons, le vert, le rouge cl le
jaune i)run, employés avec une fçrande liberté do fantaisie. Les tètes cl les
mains sont dessinées par un simple trait bleu ou rouge, formé par une
série de points obliques juxtaposés, présentant l'aspect d'un cordonnet
tordu. C\'M nue sorte de grossier plumclis, « opus plumarium ». Les
vêlements et leurs pli-, les chevaux, les édifices, les vaisseaux, etc., dessinés
l)ar il! même procédé que les tètes et les mains sont, en outre, garnis de
laine dont les fils, couchés parallèlement les uns aux autres, vont d'une
extrémité à l'autre du champ qu'ils doivent couvrir. D'autres fils de même
couleui', sinon de même ton, sont couchés parallèlement de distance en
distance sur les premiers avec lesquels ils forment un angle droit. Knfin
(les points posés à ciunai. de place en place, sur ces fils secondaires, les
cousent au fond et fixent tout le système.
Un tètenient n'est jamais de la couleur du trait qui le circonscrit ou qui
dessine ses plis, un manteau bleu étant dessiné en rouge ou en jaune
brun, tandis qu'un sayon rouge le sera en bleu. Cette variété rend même
inexactes toutes les reproductions que l'on a faites de la célèbre broderie,
car les traits y sont toujours exprimés par une même couleur que l'on a
faite plus foncée que les objets, tandis ([u'en réalité elle est parfois plus
claire. De plus, au lieu d'être tracé par une ligne ferme et pleine, le
dessin est indécis, tel que le peut donner une broderie grossière.
Certaines miniatures de la même époque sont dessinées et peintes par
un pi'océdé absolument semblable, c'est-à-dire en teintes plates circonscrites
ou accentuées par un trait d'une autre couleur. Enfin, nous ne saurions
mieux comparer cette broderie qu'à un émail cloisonné, où le dessin est
exprimé par une bande de métal qui forme des alvéoles où l'on parfond
des couleurs vitrifiables.
La broderie de la légende de la saint Martin, f[ui appartient au musée du
Louvi'e où elle est entrée avec la collection Révoil , en 1826, bien qu'elle
couvre tout le champ du tissu qui la porte et qui est un canevas à deux
fils, est faite par les mômes procédés que celle de Bayeux. Il n'y a
d'exception que pour les visages et les extrémités qui sont brodés au point
que l'on appelle plumetis, croyons-nous. Les points, en effet, sont obliques
et couchés parallèlement les uns aux autres, par séries opposées, de façon
à imiter les barbes d'une plume insérées de chaque côté de la nervure
qui les porte. Ce mode de travail, qui peut suivre tous les contoui's, se
LA LÉGENDE UE SAINT MARTIN. 79
prêter à toutes les formes et recevoir toutes les modifications de couleur?
et de teintes, perfectionné par des ouvrières habiles, nous semble avoir été
celui qui a servi à faire, pendant le moyen âge, tant de chefs-d'œuvre de
broderie. J.a mitre de Jean de Marigny, publiée par les « .Annales
Archéologiques », dans le tome XIII, est un des remarquables spécimens de
ce système.
Les couleurs employées sont le blanc, le bleu et le bleu clair; le rouge,
et un rouge brun qui tourne au pourpre; le violet foncé, qui remplace le
noir; un jaune brun, qui était peut-être du vert et dans lequel il nous
.'iC'inblc reconnaître deux tons. Mais quatre siècles d'usage, d'air, de
lumière et de poussière ont altéré et assoupi toutes les teintes, qui ont
acquis cette harmonie eiïacée des anciennes fresques.
Les médaillons circulaires où sont distribuées différentes scènes de la
légende de saint Martin sont à fond blanc et circonscrits par un cercle
rouge bordé d'un filet rouge foncé entre deux filets bleus. Les disques
(|ui relient entre eux ces médaillons sont à fond bleu, ornés de rosaces à
huit pétales, quatre jaune brun, quatre violet foncé, bordés en rouge avec
contre-trait blanc à l'intérieur.
Les champs quadrangulaires à côtés courbes, compris entre les médaillons,
.sont ti fond jaune brun. Les fleurons rayonnants qui les décorent sont en
couleur bleue de deux tons, à nervures blanches ou rouges et bordés de
violet. Ils naissent d'une étoile blancho, Ixirdée de rouge, cerclée d'un
anneau rouge bordé de blanc, ou d'iiii carré rouge bordé de violet,
encadrant nu i|ii;itrc-fcuillcs blanc sui' l'nnd violet. La bordure est formée
d'un filet violet bordé de rouge disposé en zigzag sur un fond bleu d'un
coté, blanc de l'autre, de façon à former des dents de scie. La bordure
supérieure n'existe plus.
Dans les sujets (\\u'. nous allons décrire, les chairs sont dessinées en
rouge ou en rougi' hniii. ainsi que les traits du visage cl les cheveux, qui
sont ex|)rimés en jaune hiiiii. lundis (|ue les yeux le sont par ini point bleu.
Nous avons dit (|iii' les visages et les mains étaient l)n)dés au plunictis.
tanilis que tout le reste était en laine couchée. Les fils (|ui retionnonl celle-ci
sont souveiil en lin dont la teinture a |)arfois blanchi, .\ussi parfois les
bleus sont-ils zébrés de bleu clair.
Les scènes do la légende do saint .Martin sont rangées par lignes
horizoïiiiili's et se suivent comme les mots d'un livre, la preniièro commcnçonl
dans le haut à gauche, la dernièro finissant dans le ba» ù droite. C'est,
piiiir je haiil et le bas, l'ordre iincrso des vitraux.
80 ANNALKS ARCIIÈOLOGIOL'ES.
I'ni:\iii.ii Mi'nMi i.oN. — Saint Marliti non niiiild'! donne la nioiliti de son
manteau ;i un pauvre. — Le saint est vôlii d'une tuniqtie bleue dessinée en
rouge, de bas-de-cliausses bleus et de chaussures violettes. Son manteau
est rouge. Le cheval est en rouge brun dessiné en violet avec trait intérieur
en jaune brun. Le harnachement est jaune et bleu. Le pauvre est vêtu de
braies violettes. Son corps était exprimé en laine brune couchée et maintenue
par des poinls en lil de même couleur. Mais, comme nous venons de le
dire, le fil a blanchi, tandis (|ne la laine s'est foncée de ton, de sorte que le
corps (lu pauvre est zéhré de lignes blanches. Ce même effet s'est souvent
produit dans les bleus oii le fond est resté plus solide f|uc les fils d'attache.
Tcriain jaime brun l)()rdé de rouge.
I)i:i:xiî;mk MriDAii.i.ON. — Saint Martin voit en songe .lésus-Christ revêtu
de la moi! il' du manteau qu'il a donnée au pauvre.
Saint Martin, non nimbé, est couché sur un lit crénelé, garni de colonnes
formant dossier, autant qu'on peut le deviner d'après le dessin qui nous
semble' représenter le lit vu par les pieds. L'armure du saint, composée
de sa cotte de mailles, de son é[)éc et de son bouclier, y est suspendue.
Le saint, la tête appuyée sur un oreiller à laie quadrillée de bleu, est vêtu
d'une tuni(|ue rouge et recouvert dune drapeiie bleue à plis rouges bordés
de jaune. .lésus-Christ . à nimbe blanc croiseté de bleu, est vu à mi-corps,
révolu d'une robe bleu clair, tenant de chaque main le manteau rouge posé
sur ses épaules. 11 semble sortir d'un arc-cn-cicl à chaque extrémité duquel
est placée une lête d'ange nimbée de bleu.
TuoisiÈMK MiioAiLLON. — Baplème de Saint Martin. — Saint Martin, nimbé
de i)leii. est |)longé juscju'à mi-corps dans une cuve en forme de calice. Le
prêtre qui le baptise, largement tonsuré, est revêtu d'une longue aube blanche
dessinée en rouge; il porto une étole bleue qui descend très-bas. La main
de Dieu, non nimbée, sort de nuages bleus et bénit saint Martin. La cuve
baptismale et le clocher qui s'élève derrière le prêtre sont de couleurs variées.
Quatrième mi';daii.i.()\. — Saint Martin ressuscite un catéchumène à Poi-
tiers. — Le saint, niuibé de bleu bordé de rouge, est revêtu d'une longue
robe à manches larges et à capuchon qui semble attaché à un camail. Cette
robe est en violet foncé et dessinée en bleu. Les manches justes d'un vête-
ment bleu de dessous, d'une tunique par exemple, sortent des manches larges
du vêtement supérieur. Saint Martin était encore moine quand il fit ce miracle;
aussi ce costume doit-il être soit celui d'un ordre autre que les bénédictins
dont le vêtement était différent, soit celui des ecclésiastiques. Kn tout cas, il
est fort intéressant à noter. Le catéchumène est à demi recouvert d'une
LA LÉGENDE DE SAINT MARTIN. 81
draperie rouge dessinée en violet. Le lit et l'édifice sont en couleurs variées.
La main de Dieu, non nimbée, sort de nuages bleus bordés de rouge.
Ci\Qiiî;\ii' MÉDAILLON. — Saint Martin rend la vie h un pendu. — Le saint.
nimbé de bleu avec bordure rouge, porte le même costume que dans la scène
précédente. La main de Uieu, non nimbée, sort de nuages bleus de deuv tons,
bordés de rouge. Le pendu deux fois représenté, d'abord au gibet, puis debout
à côté de saint Martin, est vôtu d'une tunique rouge, avec une ceinture et des
bas-dc-chausses bleus, et des souliers violets.
.Sixiicml: mkdaillon. — Saint Marlin sacré évéque. — Le saint placé à droite,
nimbé de l»leu, reçoit une mitre blanche à orfrois bleus, dessinée en rouge.
Son amict est bleu, sa chasuble est rouge dessinée en bleu, sa tunique en
\>\im clair dessinée en rouge, son étole en jaune brun et l'aube est parée d'un
orfroi croiseté de rouge; chaussures violettes. Le prêtre qui pose la mitre est
en aube parée, avec une étole bleue croisée sur la poitrine. Chaussures
violettes. Le saint évoque qui sacre saint Martin est nimbé de bleu. .Sa
mitre est .semblable à celle précédemment décrite. Son amict est rouge, bordé
de pourpre; sa chasuble en bleu clair dessinée en rouge bordée de pourpre;
la tuni(|ne en rouge et pourpre; l'étole en jaune brun; l'aube dessinée en
rouge comme toutes les choses blanches représentées dans cette broderie, et
paréi; de bleu. Chaussures violettes ; gants à orfrois; crosse bleue. Le prêtre
h gauche est en aube blanche et en étole jainie brun. Il lient un livre et
une banderole blanche dessinée en bleu clair d'un caractère assez indéfinis-
sable, (jui est peut-être le pallium archiépiscopal, lin avant se tient un enfant
les mains joiiilcs; il est vêtu d'une robe bleue Itordée de pourpre et dessinée
de trois plis en jaune brun. La main de Uieu, sans nimbe, sort de nuages
bleus et bénit saint Martin.
SKi'iiii.Mii MicoviLLON. — Saiul Martin guérit le Lépreux, ou fait ap|>arailrt>
le fantôme de l'hounnc dont la tombe était vénérée dans un monastère voisin
de Tours. .Saint Marlin ,iyanl encore guéri des possédés, il nous est diflîcilc
de préciser celte scène d'une façon absolue; en voici la coloration :
Saint M;ulin, nimbé de bleu, en mitre blanche ii orfrois bleus, bordée de
rougi", amiit bleu clair, chasuble rouge dessinée en bleu, tunique bleu
claii', étole blfin-, aube |)arée de bleu, chaussure violette, gants l)lancs i\
orfrois, crosse \t\i-w. Le pos.'iédé. le lé|)reux ou le fantôme est en brun clair;
il est il demi vêtu d'une grande draperie violette dessinée on jaune brun qui
recouvre sa tête. L'arbre placé derrière lui est bleu ; l'édifice placé derrière
.*>aint-Marliii est polychrome.
liiinî.Mi; Mi;n\iM()\. — Saint Martin donne sa luni(|u«' .i nn pausro .i U
x\.\. Il
82 ANNALES ARCIH'OLOGIOUES.
porte (Jo la basilique de Tours. C'est après qu'il se Tut ainsi dépouilliî pour la
seconde lois de ses vétenienis, (ju'un globe lumineux apparut sur la t<'t<; du
saint tandis qu'il ctjlébrail la messe.
Saint Martin, nimbé de bleu, est représenté entièrement nu, ne portant que
sa cliape, qui est rouge, dessinée en pourpre. Une calotte, qui n'est peut-être
que le capuchon de la chape, recouvre sa tête. La tunique que reçoit le pauvre
agenouillé est |K)in-pre à phs blmis. La basilique de Saint-Martin est indiquée
par une grande arcade polylobée.
NiiiivifiME Médaillon. — Saint Martin ressuscite un enfant.
Le saint, nimbé de rouge, coilïé de la même mitre que dans les scènes
précédentes, est velu d'une longue tunique bleue dessinée en jaune, recouverte
par une chape pourpre, dont le capuchon labattu est mieux caractérisé que
todl à riiciiro. L'cnrani. à moitié nii, a le bas du corps enveloppé dans une
draperie jaune brun. Sa mère, qui le tient debout devant elle, porte une robe
bleue par-dessous un manteau rouge dessiné en bleu. Un voile blanc couvre sa
tète. 'Le père est en tunique jaune brun dessinée en pourpre et retenue par
une ceinture bleue : ses bas-de-chausses sont pourpres ou rouge brun.
Di.MKME MiÎDvn.r.ox. — Saint Martin chasse le diable du corps d'une vache
t'uricuse. — Le saint. niinlH; de bleu, en mitre blanche à orfrois bleus, dessinée
en rouge, est l'evêtu d'une ciiape pourpre dessinée en rouge par-dessus une
tunique bleue. Son acolyte, tonsuré, porte une robe jaune brun bordée de
violet. J.e diable est violet dessiné en rouge ; il tient un croc recourbé de la
grilTe gauche. La vache est rouge dessinée en pourpre. I>e terrain est poly-
chrome : un jaune !)ruii (|ui j)robablement était vert y domine.
OivziiiMi': lMi:imi.i.o\. — Saint Martin et les oiseau.x.
Nous ne trouvons rien dans la « Légende dorée » qui se rapporte à ce trait de
la vie de saint Martin, non plus que dans Grégoire de Tours, qui n'enregistre
guère que les miracles accomplis par les reliques de l'un de ses prédécesseur?
sur le siège épiscopal de Toui's. Jacques de Voragine raconte seulement que
les animaux étaient soumis à saint Martin. Dans la scène qui nous occupe, les
oiseaux semblent pêcher des poissons ou s'abattre sur des animaux d'une
forme très-indéterminée, qui sont figurés soit sur le sol, soit sur l'eau. Le
saint est nimbé et vêtu comme dans la scène précédente. Son acolyte, large-
ment tonsuré, porte une robe bleu zébré, à manches larges, par-dessus une
robe de dessous à manclies rouges étroites. Les oiseaux sont en jaune brun
dessinés en violet; le terrain ou l'eau sont exprimés en bleu; les animaux,
quels qu'ils soient, sont en jaune brun.
DocziÈME Médaillon. — Mort de saint Martin.
LA LI^GENDE DE SAINT MARTIN. 8S
Le saint, nimbé de rouge, est couché sur son lit, coiffé de sa mitre et enve-
loppé dans une grande robe à capuchon bleu, dessinée en rouge. Le clergé
qui l'entoure est vêtu de robes rouges, de même forme, dessinées en bleu. Les
deux prêtres de droite ont seuls leur capuchon relevé sur la tète. Ceux de
gauche sont tête nue, et l'un d'eux lient un livre. L'àme de saint Martin, sous
la forme d'un enfant nu et sans sexe, est soutenue dans les airs par deux anges
vêtus de robes jaune brun, dessinées en rouge. Un objet assez indéfinissable est
suspendu à droite dans les airs : ce doit être le diable que saint Martin inter-
pelle à l'heure de sa mort, car cette scène est exactement reproduite d'après
le récit de la « Légende dorée ». Le saint est couché sur lo dos afin de mieux
voir le ciel ; le clergé s'empresse autour de lui ; le sein d'Abraham va recevoir
son âme, et le diable, interpellé par lui, doit assister au triomphe de celui qui
l'a vaincu si souvent déjà.
Telle est cette broderie, qui nous semble appartenir au milieu du xiii' siècle,
et que nous avons décrite dans la variété de ses couleurs, afin de faire com-
prendre l'économie de sa décoration. C'est la même que pour les vitraux, un
effet disséminé et varié au moyen de teintes plates qu'harmonisent des lignes
de couleur liant entre elles les couleurs opposées. Nous ne dirons pas que le
dessin des figures de ce tissu historié soit très-habile. L'inexpérience du des-
sinateur, la rudesse du procédé, la grossièreté de la matière, les altérations
du temps, une foule de causes ont concouru à doimcr des formes (luolque
peu sauvages aux personnages qui figurent la légende de saint Martin. Mais,
ti distance, l'effet est franc, l'ensemble harmonieux ot le résultat tout à fait
satisfaisant. Loisque cette broderie était suspendue au dossier d'un siège
épiscopal (Pli au front diiii autel, elle s'harmonisait avec les peintures des
murs, les vitraux des fenêtres, les dalles du sol, les émaux des chAsscs. les
miniatures dos missels et les tissus dos vêlomonts ecclésiastiques, f /art déco-
ratif était un dans ses manifestations diverses, et une harmonie, dont il nous
est difficile de nous faire une idée, devait résulter de celle unité (|ui avait pnS-
sidé h la fabiii aliou di' lani de choses faites par dos procédés différents.
Il ixiste dans les galeries du Louvio doux autres tissus historiés (]tii feront
mieux comprondic ces (|ualités décoratives (|ue nous reconnaissons h. la tapis-
serie sur canevas que nous venons do décrire. Ce sont m l'anlopondiiim ■• ot
le relablo do la cliapolle du Saint-Ksprit au musée des Souverains. L'jirl du
brodeur <•! du tapissier y .sont |)()iissés h leur perfection : les personnages aoni
d ini (Irssin trôs-coiTocl, lo modolé on est suffisant; rioii n'y p<Vlio coijlro les
règles de l'art. Mais copondant ces morvoilles tie la iiavello cl de l'aiguille.
vues h dislanco. pordenl los qualités donsemblo (|irollos oui pu posst^dor de
«', ANNALF.S ARCIII^OLOGIQLKS.
près loisqu'cllos T'Iaionl dans toutes leur fiaîcliour. mais rjiii. alors comme
.•uijouid'liiii, (Icvainit disparaître lorsqu'on s'en écartait. C'est que l'ouvrier
a voulu rivaliser avec les délicatesses de la peinture à l'iiuile. Il a soigné ses
tableaux h l'aif^uille connue aurait fait un miniaturiste avec son pinceau, et n'a
pf)int son^é que toutes ces délicatesses seraient inutiles, devant être perdues
dans un ensemble décoratif.
Nous avons parlé de navette et d'.aiguille h propos des tentures de la cha-
|ioll(' (lu S;iiiil-I',>|)ril. i'A il nous faut expliquer cette alliance de mots. C'est
que ces tentures nous semblent être le pioduil de l'art du tapissier et de celui
du brodeur réunis. Les draperies, les fonds et les accessoires sont exécutés
en tapisserie de laine au métier, comme nous l'avons expliqué plus haut.
(Certains ornements seulement y sont rapportés k l'aiguille. Les carnations, au
contraire, ont été exclusivement exécutées en broderie de soie avec beaucoup
d'art. Los points sont parallèlement rangés les uns à côté des autres normale-
ment aux lils de la chaîne, autant f[uc la chose a été possible. C'est surtout
clans ics visages que ce soin à ne point apporter de trouble dans l'économie
générale du tissu se remarque; et la délicatesse du passage d'un ton ou d'une
imance aune autre n'y perd rien. Dans les cheveux, dans les extrémités, le
même système n'a plus été possible, et il a fallu suivre les contours. Mais les
points, couchés les uns à côté des autres, restent toujours parallèles. Nul
travail, mieux que celui de ces tentures, n'a mérité le nom de « opus acupic-
tile », car réellement il nous représente une peinture à l'aiguille.
Mentionnons encore, pour en finir avec la broderie décorative, les tentures
à personnages compris entre de grands rinceaux de feuillages que possède le
musée de l'hôtel de Ciuny. Ces œuvres du xvi^et peut-être des commencements
du xvn° siècle nous ramènent à la thèse par laquelle nous avons commencé
cette étude. C'est que l'histoire des tapisseries historiées s'est de tout temps
compliquée de celle des tentures en broderies, et que l'on ne saurait apporter
tro]! de soins dans l'étude des textes et dans celle des monuments, ce qui
semble beaucoup plus aisé et ce qui cependant ne l'est guère, à ce qu'il paraît.
Alfred DARCEL.
l'Ail niui'un
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CHEVET DE L >
CTT\IM-[J.E AIUiATIALE
DE SAii\T-.i i: A>.-xVi x-n«ns
StITE '.
lùitron.s dans le petit édifice.
Par une disposition exceptionnelle, le transept est divisé par une pile
monocylindrique. Le regard en est frappé tout d'abord. Craignant la trop
grande portée des arcs-ogives de la croisée, rarchitecte les a soulagés par un
arc-doubleau intermédiaire qui, porté par les piles, empêche toute espèce de
déformation. 11 a, de pins, afin d'assurer la perpendicularité de ces colonnes,
sur les(|ueilcs s'exercent des poussées contraires, élevé au-dessus des voûtes
un |)etil mur joignant ceux du chœur et de la nef. Ce mur, en chargeant les
points d'appui, garantit leur stabilité et il a l'avantage do relier la construc-
tion il sa partie supérieure. Le chœur est voûté de la même manière sur
travée double, avec cette dilTérence que l'arc-doubleau porto sur deux culots
fortement engagés dans la muraille. C'est, du reste, dans la composition des
voûtes que l'architecte a montré sa grande habileté de consiructour. Voulant
avoir toutes ses naissances do voûtes à la même hauteur et les clos au menu»
niveau, malgré l'ouverture inégale des arcs, il a très-simplomoni résolu le
|iiiil)|riiic en élevant, selon le besoin, ses ogives sur uru' partie verlioale
complouïonlairo. Ce moyoïi avait l'avanlago do lui piMinottro de prendre des
jours latéraux presque jus(|uau sommet des arcs-fonnerols et d'éviter, d.ins
le ch(our et la croisée, la forme gonéralomonl bombée dos voûlos olovécs .«ur
plan carré. I-os autres parties sont voûtées ordinairement sur travées l)ar-
I Viilr le^ a Annules Arclitologiques •, vol. x\ni, |wg09 <S0-ir>7.
86 ANNALKS AftCHÉOLOfJIQUES.
Iinigiics; loulofois lus Iravécs do la nef oui une largeur iiiu.sili'c. ],a plupart
des clés de voûlc sont riclicmcnl sculptées, ainsi que le montre celle dessinée
sur la planche de détails, avec les retombées de la nef et du clmur.
Placée au-dessous de la rose, une élégante arcalurc, dont le soubassement
forme un banc continu, se retourne et s'interrompt sur les murs latéraux de
la nef. Celle disposition, à défaut de la construction, sufTirail li montrer qu'il
n'y a jamais en de porte de ce côté de la chapelle.
Uicn (iii'une boiserie moderne pourtourne le chœur, nous avons retrouvé
l'ancienne piscine double dont nous avons indiqué l'emplacement, adroite de
rauti'l. sur le plan général. C'est un simple enfoncement ogival, autrefois
décoré de i)cinUn-cs. Peut-êlrc existe-t-il en face de cette piscine une armoire
comme celles que l'on voit dans le transept.
On trouve près de la porte principale un petit bénitier ancien, engagé
dans le mur du pignon; nous le reproduisons ici, afin de rendre notre mono-
graphie aussi complète que possible.
3. — tllAI'KLI.E ni; SAI XT-JEAN-AL \- IlOIS.
A N C 1 K N 11 1; M T l E R.
La lumière est distribuée dans la chapelle par de hautes fenêtres, percées
à chaque travée et renfermant toutes autrefois de riches vitraux. II ne reste
malheureusement de ces verrières ([ue quelques parties où nous avons copié
les {[uatre beaux motifs, peints en grisailles, formant des planches que nous
publierons à part. Ces motifs sont composés d'entrelacs et de riches rinceaux
dont le peintre, avec beaucoup de talent, a su éviter la confusion en les
divisant par de grandes lignes qui permettent de les lire facilement.
Nous ne nous étendrons pas sur la construction si simple de ces vitraux ;
les panneaux, comme on pourra le voir sur nos gravures, viennent s'adapter
dans les parallélogrammes formés par l'armature (fer plat de 0,01 X 0,03).
et y sont fixés par des clavettes. Entre les barres horizontales une tringlette
CHAPELLE ABBATIALE DE SAINT-JEAN-AIX-BOIS.
87
empêche tout mouvement des petits plombs. Le vitrail central de l'abside, le
seul en couleur et à personnages, représente, divisée en vingt-cinq sujets, la
passion de Jésus-Christ. Plusieurs de ces panneaux sont détruits; parmi ceux
qui subsistent encore, nous avons reconnu le Portement de croix, la Mise au
tombeau, la Cène, le Christ devant Pilate. Si l'on se rend compte, par la
pensée, de l'cITct harmonieux produit par de semblables vitraux dont les
teintes claires ne faisaient que briser et répandre également les rayon?
solaires, on verra que l'intérieur de l'édifice, entièrement peint d'une couleur
lumineuse, était certainement bien loin de présenter l'aspect sombre et triste
si fort en honneur auprès de certains littérateurs ultra-romantiques.
Le système de peinture murale, bien simple, n'était guère composé que de
l'appareil tracé en blanc sur un fond jaune d'ocre. Les seules parties plus
riches étaient les chapiteaux, sur lesquels on aperçoit encore des traces de
couleurs plus brillantes. Il est probable que les clés de voîite étaient aussi
peintes de diiTi'rentes couleurs, car on distingue, à travers le badigeon dont
elles sont recouvertes aujourd'hui, une teinte plus foncée qui s'étend jusque
sur l'amorce des arcs-ogives. En enlevant avec précaution le lait de chaux,
on retrouverait peut-être quehiues-unes de ces décorations dont il reste si
peu d'exemples. A une époque assez reculée, la chapelle a été entièrement
repeinte sur les données anciennes; toutefois le décorateur n'a pas repassé
sur les traits primitifs, ainsi que le montrent plusieurs endroits où l'humidité
a fait tomber cette seconde couche. In autre motif d'ornementation ne devait
pas peu contribuer à donner un grand caractère ;\ notre monument : nous
voulons parler du carrelage en terre cuite émaillée, dont malheureusement il
ni! reste plus que des débris peu importants.
i. — CIIAI'EI.LE UE SAIN r-JK l\-AH-ttOI^.
ANCIIil OklIliaLtOI ■!< TIHIIK CVITt.
Le croisillon imnl est cependant encore tout entier dallé avec des piernîj»
liimulaires des xin' cl xiv" siècles, dont (|uatre, li double figure, sont e»
88 ANNALES AnCllÉOLOOIQUES.
marbro noir. Ces dalles sont toulcs plus ou moins usées ou brisées. La mieux
conservée représente un personnage noble ayant un chien à ses pieds et
entom-é d'une arcade trilobée; un bouclier est à son côté. Des entailles,
creusées à la place de la tête et des mains jointes, avaient reçu des pla(|ues
de marbre blanc. pfMil-(Mre môme de cuivre, sur lesquelles étaient figurés
le masque d lr> cxtriMiiilés. 1! no reste des inscriptions que (pielqucs lettres,
trop i''loignées les unes des autres pour oiïrir un sens; cela est d'autant plus
regrettable (|ue les noms seuls de ces personnages auraient probablement
jeté un jour nouveau sur l'histoire de l'abbaye. Plusieurs autres tombes, de
la fin de la renaissance, dont nous avons donné plus haut les inscriptions,
ont été enlevées et déposées ailleurs.
Au wii" siècle, les religieux avaient conservé le même mode de sépulture,
comme en l'ont foi les inscriptions que nous avons citées. Ce grand nombre
de pierres tumulaires. de diverses époques, a dû contribuer à conserver
jusqu'aujourd'hui l'habitude de ce genre d'inhumation; aussi voit-on, dans
le cimetière attenant à l'église, de nombreuses dalles posées à plat et char-
gées d'épitaphes élogieuses à la mémoire du défunt. Toutefois, par économie
ou ignorance du dessin, on ne reproduit plus l'efTigie de la personne morte;
en outre, les inscriptions, sauf les noms semblables, sont si bien passées à
l'état de l'orniule. que nous avons trouvé la suivante appliquée à un enfant
de cinq mois cl huit jours :
0, nON F1I.S, Qll us PENDANT TA TROP C01I\TE ME UN MODKI.l-: DE SAr.ESSE KT DE VEBTU...
Qu'il y a loin de ces ridicules expressions de regret à la grave simplicité
de celles du moyen âge! xMais rentrons h rintérieur ]i()iu- terminer rapide-
ment notre description.
On voit de chaque côté du clmur, à une hauteur de cinq mètres environ,
les amorces d'une poutre engagée dans les piles de la croisée. Cette poutre,
sciée aujourd'hui et dont les parties visibles sont décorées de peintures du
xiii'" siècle, était prévue. Elle devait rester en permanence, puisque ses
extrémités reposent sur des chapiteaux dont le but n'est autre que de les
recevoir. Il est permis de supposer qu'elle servait de support Ji un Crucifix
accompagné de la Vierge et de saint Jean, comme certains manuscrits et
d'anciennes descriptions en donnent des exemples.
La sacristie el son étage supérieur, ancien chartricr. auquel on accède
maintenant par un escalier en bois, n'ont rien de particulier; ils sont tous
deux voûtés, et l'on devine aisément, derrière les armoires actuelles, les
portes de communication avec les bâtiments adjacents. Une série de stalles à
l'AR pmnuH.
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CHAPELLE ABBATIALE DE SAINT-JEAN-AUX-BOIS. 89
hauts dossiers, de l'époque de Louis XIII, remplit la croisée et une grande
partie de la nef; elles ne se font remarquer que par leur lourdeur et leur
grossière exécution. Signalons des fonts baptismaux, en pierre sculptée,
résultat des loisirs de l'ancien curé de Saint-Jean-aux-Bois. Ces sculptures
sont empreintes d'une naïveté qui, plus expérimentée, aurait certainement
|)roduit des œuvres mieux réussies.
Les bâtiments contigus à la chapelle sont peu intéressants, vu leur mau-
vais état de conservation. Cependant on trouve encore, à peu près intacte,
une salle dont la voûte, divisée en six travées, porte sur des colonnes isolées;
on y pénètre de l'extérieur par une porte de forme cintrée. Une autre
salle plus petite, dont la voûte est détruite, relie celle-ci à la chapelle. Nous
avons di'îjà dit que le premier étage est démoli. Toutes ces constructions
étaient soigneusement encloses, si l'on s'en rapporte k la grande entrée à
pont-levis et flanquée de tourelles que l'on voit encore k cette heure; il n'est
pas impossible ([u'uii système de défense ait servi k protéger les religieuses
contre les entreprises auxquelles leur isolement pouvait les exposer.
— SAINT-JK »\-,M \-BOIS.
VIIK PKHMMICTI VK II II t,*ll!ITIlAll DM L'AUnAYM. - ÉTAT ACTOtL,
CuiiiiiH' 1,1 |)lii|i;irl (|i-s Mioiiiiiiit'iils, mémo Irès-imporlanls, du Boauvoisis.
la chapelle de Saint-Joan-aux-Bois est enlièrenioiit consinn'ie en pierres de
|"lilr (liincnsion. Sa situation au milieu dune fortM cl hors di* la pro\imili5
(Ifs carrières était une raison pour no pas employer de grands matériaux
XXIV. 12
00 ANNALKS AUCIlfiOLOGlOUES.
(Ii)iil le Iraii^piiii .lurjiit rW: tro.s-dilTicilo par des chemins souvent imprali-
1 ahifs. D'ailleurs il y avait do l'ùconomie cl une grande facilité h. employer
(h: |)i'lils tnati'riaiix. Aussi, sauf les piles monocylindri(|ues, les chapiteaux,
les culots et les colonncttcs, toute la bâtisse n'est-elle composée que do
moi-lion laillé ot appareillé. La cathédrale de Noyon, cnti^rement construite
par le même procédé, moniro suirisammont le parti que l'on peut tirer de ce
système développé sur une plus grande échelle.
On convii'iidia (\\u^ notre modeste moiminenl, quoique bien déchu de sa
grandciii' |)rinn'livc, est encore intéressant à plus d'un point de vue. Il
semble, du reste, que sa perfection ait été appréciée dès sa fondation, car
nous le soupçonnons d'avoir servi de type h une série d'édifices avec lesquels
il a de trop frappanles analogies |)our ne pas les signaler ici. Prenons comme
exemple la chapelle de Notrc-Dame-dc-la-Roche, près Chevreuse, ancienne
demeure d'augustins; elle en est une sorte de diminutif. L'occasion que nous
avons eue (réludicr celte dernière dans toutes ses parties nous aidera à
essayer d'établir un rapprochement entre ces deux monuments.
En HOC), peu de temps après la construction de Saint-Jean, la fondation
du petit monastère de La Roche fut confirmée par Maurice de Sully, arche-
vêque de Paris. La chapelle, toutefois, n'a été consacrée qu'en 1232, ainsi
(jne le montrent les dates; si quelques sculptures symboliques, assez bar-
bares, paraissent remonter à une époque antérieure, il ne faut s'en prendre,
croyons-nous, qu'à l'inhabilelé du sculpteur. Simplifier Saint-.Jean-aux-Bois,
tout en conservant un style et un aspect agréable, paraît d'abord impossible;
Nolre-Dame-de-la-Roclic vient pourtant prouver le contraire. Le plan de la
chapelle, donné plus loin, accuse franchement la même disposition '; la dif-
férence consiste dans la nef, moins longue d'une travée, et la position pré-
férable de l'escalier. Les proportions moindres de l'édifice n'ayant pas
nécessité d'arcs doubleaux intermédiaires, on a supprimé les piles isolées de
l'entrée du transept; celui-ci conséqucmment est voûté sur une seule travée
pour chaque croisillon. 11 est évident que l'architecte de Notre-Dame-de-la-
Roche n'avait pas à sa disposition les mêmes ressources pécuniaires que son
confrère de Saint-Jean- aux-Bois; aussi le premier a-t-il élagué toute super-
fluitc à l'extérieur. Plus de dents de scie aux archivoltes des fenêtres, une
corniche sans sculpture, absence de colonnes à l'intérieur. Le mode de con-
struction a lui-même subi de sensibles modifications, et c'est surtout là que
I. Comparoz ce plan avec colui de Saint-Jean-aux-Bois, publié dans les «Annales Archéolo-
giques », vol. xxin, en res^ard de la page 130.
CHAPELLE ABBATIALE DE SAINT-JEAN-ALX-BOIS.
91
l'artiste s'est montré habile et même audacieux. En effet, réservant la pierre
seulement pour les contreforts, les arcs et l'entourage des ouvertures, il a
réalisé une grande économie; car le reste de la maçonnerie n'est composé
que d'un blocage peu coûteux, revêtu d'un enduit. Les triangles des voûtes
sont fermés par un mortier mélangé de filasse dont la légèreté réduit presque
h, rien leur poussée. Des trous, percés après coup dans ces voûtes, nous ont
(Idhik; la mesure de leur épaisseur qui ne dépasse pas cinq ou six centi-
mètres. 11 n'est pas permis de douter de l'excellence de ces moyens de
0. — xoTnE-rtAvr. ne i.\ nociip. f snisiE-ET-oise).
u * .-- •
PLAN DR I.A CI1M>KLLII.
conslniiri' ;'i bon marcln'. en présenci> de l.i parfaite conservation de la
bâtisse, malgré un entretien plus que négligé depuis au moins un domi-
siècle. Nous ne croyons pas trop nous avancer en considérant cette chapelle
i-ommtî le « ncc plus ultra » de la construction sage et éconon)i(|uo. de
l.i biinnc et sévère décoration (|ui doit accompagner un édifice de celle
naline.
Plus heureuse <[ue celle dt^ Sainl-Jean-aiix-Bois. la chapolle de \olre-
l)amc-de-la-I\oche a conservé presque toutes ses anciennes cl précieuse*
92 ANNALKS AltCHÉOLOGIQUES.
peintures murales, ainsi que ses belles stalles du xiii* siècle, qui constituent
à elles seules un vi-iitalile trésor. Il est vi'ai que quelques années encore de
l'abandon actuel, l'Iiuniidité aid.ml, .uiront bien vite fait disparaître ce ves-
tige de mobilier âgé de six siècles; alors sera rétabli une déplorable égalité
cnlrn ces deux monuments religieux *.
Nous terminerons celte nolice en essayant de combattre, par un résumé
du devis estimatif de la chapelle de Saint-Jean-aux-Bois, le préjugé de
certaines personnes, nombreuses encore. (|uoique devenues plus rares, ten-
dant à faire passer l'architecture gothique comme plus onéreuse à, élever que
celle d'un autre style, (le devis sera publié dans une livraison prochaine des
« Annales n .
L. SAUVAGEOT.
1. MM. Cl. cl L. Sauvageol viennent de publier, sous le titre de « Monographie de la ctiapelle
do Notrc-Ramo do la Roclie », un travail complet sur le petit édifice. In-folio de 18 pages de texte
îi 2 colonnes, avec 27 planches hors du texte. Tout y est : architecture, sculpture en pierre,
peinture, ensembles et détails. Les architectes qui recherchent aujourd'hui, avec une si grande
avidité, des modèles d'églises en style ogival de la première moitié du xiir siècle, trouveront là
une ample satisfaction. Les menuisiers y ont des modèles de stalles et de clôtures en bois; les
décorateurs, des peintures murales; les céramistes, des motifs nombreux de carreaux émaillés.
C'est une petite mine que MM. Sauvageot ont généreusement et savamment exploitée au profit de
tous les artistes qui cherchent à faire revivre en ce moment l'art du xuf siècle.
(Noie de M. Didron.)
ArKhCU ICON()(.i;Anil()LK
SUR SAIM 1»1L:KKK FT saint 1>AIL
DEUXIKME PARTIE >.
COMPOSITIONS IIELATIVES A SAINT l'IEHIlE ET A SAINT l'AUL.
Après avoir observé autant ([iie nous l'avons pu les types et les attributs
(|iii. selon les lieux et les temps, ont servi à caractériser les apôtres saint
Pierre et saint Paul, il nous reste, pour achever notre tîlche, h passer en
revue les principales cumposilions où l'art chrétien les a fait lip;urer.
Kiilre tous les genres de composition, nous en distinguons deux principaux :
1)11 l'on exprime sous une forme sensible des vérités abstraites et des rapports
généraux, (ni l'on se contente de représenter les faits tels qu'ils se sont passés,
ou (|u'ils auraient pu se passer. Nous donnons k la composition le nom de
Il syml)oli(|uc » dans le premier cas; dans le second, nous l'appelons « his-
lori(|iii!. 1)
l.cs (;()iiipi)silii)iis c()iii|)riM'> dans ces deux grandes catégories comptirtoni
d'autres distinctions. I.e symbolisme des temps primitifs dilïérc de celui du
moyen ftge : il a (|iie|(|iie chose de plus précis, de plus formemont aritMé;
il .s'en lii'iil presque alKsoliniieiit ;i l'expression des .sacrements, des principaux
mystères de notre foi, et il les exprime par un petit nombre de faits empruntés.
sauf (|iiel(|iies exceptions, aux .saintes Kcrilures et présentés dans leur .<ens
figuré. Au moyen âge, la pensée chrétieinK! lai.sse prendre ^ l'imagination un
plus libre essor; elle .s'élance dans le symbolisme comme elle le fait dans l'oRivc :
1. Noir les « Aiiniilc-t .\rcliéologiquc!i •, vol. wiii. |>fl),'0!t )G, 138 et 16,^.
% ANNALKS AHCIIÉOLOOIOUES.
clic se iimlti|)lic (oiniiiu les nombreuses chapelles qui rayoïiiienl autour de
l'axe (le nus cathédrales.
\)>- iiiènic dans les compositions historiques : tandis que l'art primitif se
concentre en un petit nombre de faits substantiels, et que les modernes font
des tableaux dans le sens à la l'ois artistique et littéraire du mot, l'art du
moyen âge est chroni(iueur : il raconte en images ce qui s'est répété ou se
répétera bientôt de bouche en bouche.
Toutes CCS distinctions, applicables à l'iconographie de saint Pierre et de
suint Paul . serviront h éclairer notre maiciie. Nous commencerons par les
compositions qui sont symboliques plutôt quhisloriques, mettant en première
ligne celles qui ont un caractère plus général, parlant de celles qui sont
conmiunes aux deux apôtres, avant de nous attacher à celles qui leur sont
spéciales à l'un ou à l'autre, k saint l'ierre d'abord, îi saint l'aul ensuite; et,
sans nous astreindre h l'ordre chronologique, par le fait nous ne le perdrons
jamais de vue et nous nous en écarterons peu.
COMPOSITIONS SYMBOLIQUES.
Saint PiKur.i': ici saint I'aii, kéums. — Il n'est pas de composition com-
mune aux deux princes des apôtres qui soit plus ancienne et plus importante
que celle où on les voit à droite et à gauche de Notre-.Seigneur Jésus-Christ,
ou d'un signe qui le représente, comme le chrisme ou la croix. Une assez
nombreuse série de fonds de verre montre au milieu des deux apôtres le Sau-
veur lui-même, mais en des proportions rudimentaires, tenant une couronne
sur Irur lètc. (Quelquefois il ne paraît plus que la couronne, ou seule, ou sou-
tenue (le la main divine. La couronne elle-même et tout autre signe d'une
intervention supérieure disparaissent, mais la pensée, fixée par une longue
habitude, y supplée, et l'on comprend que ces deux illustres représentants de
l'Église ne cessent jamais d'être invisiblement assistés et couronnés par leur
divin iiKiiIre.
On pourrait croire que la couronne a trait à leur martyre. Mais, en leur
personne, le peuple fidèle honorait plus que de simples martyrs : en eux il
voyait ses chefs; leur gloire était plus spécialement la sienne. Lisons les
titres magnifiques dont les comblent les saints Pères, et nous comprendrons
mieux la signification de ces images des deux apôtres réunis que prodigua
l'art chrétien primitif.
APERÇU ICONOGRAPHIQUE SUR SAINT PIERRE ET SAINT PAUL. 95
C'étaient les chefs, disons mieux, les généraux de l'armée du Seigneur* ;
les fondateurs de la cité nouvelle^ ; deux citadelles, deux tours armées pour
sa défense'; les deux colonnes de l'édifice sacré; deux étoiles, deux flambeauv
pour l'éclairer*; deux oliviers choisis croissant devant le Seigneur*, pour
alimenter la lampe du sanctuaire; mieux encore les princes des prêtres et les
docteurs des nations; les auteurs des martyrs''; les l'ères de toutes les Kglises;
les deux chérubins de l'arche de la nouvelle alliance.
Ces héros d'une poésie nouvelle, plus chaste et plus vraie, venaient rem-
placer les demi-dieux de la fable et, nobles « gémeaux » enfantés le même jour
à la vie éternelle^, ils devaient à jamais briller dans un ciel toujours pur.
En voyant si souvent les deux apôtres représentés jeunes et imberbes, ou
même avec la barbe de l'âge mCir ou de la vieillesse, conserver une non moindre
similitude de traits, nous n'avons pu nous défendre de songer à celte allusion
naturelle dans un temps où les chrétiens ne craignaient pas, en leur donnant
un sens pur et plus élevé, d'emprunter quelques figures au paganisme mourant.
Position hespective. — Confondus dans un même culte, en quelque sorte
dans une même pensée, .saint Pierre et saint Paul, à plus d'un litre, peuvent
ôtre considérés comme ne faisant qu'un; saint Augustin l'a dit : « duo unum
oraiil '*. >i Pour oxpiiincr Iimii- parfaite association . d'autres Pères les ont
comparés à deux bœufs attachés au même joug et aux deux yeux d'une seule
tête. De lîi, en partie sans aucun doute, mais .selon nous en partie seule-
ment, la confusion sur leur position respective <i la droite ou à la gauche (|ui
a tant exercé la sagacité des archéologues.
Sur les fonds de verre h. figures dorées, monuments ([ui. dans leur ensemble,
peuvent être con.sidérés comme les plus anciens parmi ceux qui nous offrent
les deux apôtres réunis, l'ordre hiérarchitiuc tel (|iii' nous le comprenons a
été si généralement observé que, sur une soixantaine d'exemples de saint
Pierre placé à la droite, à peine |)arnii ces monimienls en trouverait-on doux
ou trois (lu conlraiic. Mais il n'en est |)lus do môme dans les monumeuU*
1. Saint Ji':n(\Mi':.
i. Il Miiiiiiiiii>-i pDnliliciili's «.
;j. Saint KonTiNAT.
4. a Momorio i.storiclui dollo siinrto losto di .«tinti iipostoli >, (Uincollori, in-i*, p. 49. Voir
Iiiii,Mi('s (II' Siiiiil-Viflor, siiiiit Jran Ciirjsoslomo, olc.
5. Saint Amimidisk.
G. I'aiimti:, iliins Martine
7. 1 Naliiliii ». (','('•{, lit, on lo siiil, l(< nom iloniio nii\ finies di's in.irljrs a^U'hrvvs urdinairpiupnl
II' jour aniiivorsiiiri' ilo Inir inorl.
H. Saint AttiisTiN, a .Scrin. ••, 295.
!)6 ANNALES AnCHf:OLOGI0UES.
subsôqucnls : ii p.niir du v" siècle, saint Pierre est plus communc^mcnt passé
h la gauche, cl saint l'.nil I .i remplacé h la droite; pendant tout le moyen
ilge cet (irdic se inainlirit et la disposilimi piiinitivc ne s'y rencontre qu'à
titre d'exception. Les exceptions deviennent plus fréquentes aux approches
do la renaissance : les monnaies pontificales de la fin du xv' et du commoncp-
menl du xvi' nous attestent qu'il régnait alors une grande incertitude sur la
position à donner à chacun des deux apôtres, combattu que l'on était entre
la pensée si naturelle de mettre h droite celui qui fut toujours incontestable-
ment considéré comme le pirmici- |)ar rnix mêmes qui refusent de le recon-
naître pour le chef, et un reste d'habitude de le voir à gauche. Enfin, il fallut
que l'induoncc traditionnelle achevât de se perdre dans l'art, pour que saint
l'icirc reprît la place que, dans nos idées modernes, nous nous étonnons qu'il
ail jamais pu céder k un autre, et toutefois encore l'ancien usage s'est
conservé sur les sceaux de plomb des bulles pontificales.
Sl'LLF. DD PAPF. RONOBICS III.
SAINT PIRRKE A T. AUCHR, SAINT PAUL A DROITE.
Le temps, les lieux, les hommes, sur qui en pèserait la responsabilité,
excluent de l'introduction comme de la propagation de cet usage tout ce qui
serait de nature à préjudicier le moins du monde au dogme catholique de la
primauté de saint Pierre; mais il a donné lieu de penser qu'cà certains égards,
purement personnels, on avait voulu mettre en relief les mérites surémi-
nenfs de l'apôtre des Gentils, et qu'on s'était cru d'autant plus autorisé
cl le faire, en Iai,s.sant d'une certaine manière saint Pierre au second rang,
que la supériorité de celui-ci, comme seul vicaire de Jésu.s-Christ. demeurait
mieux d'ailleurs à l'abri de toute contestation.
Nous insisterons, quant à nous, sur la distinction à faire entre les raisons
et les circonstances premières qui ont motivé, dans la position des deux
apôtres, l'interversion de l'ordre naturel, et les raisons qui, données dans la
APERÇi: ICONOGRAPHIQUE SUR SAINT PIERRE ET SAINT PAUL. 97
suite des temps pour l'expliquer, ont.paru assez satisfaisantes pour consolider
cl généraliser une pratique déjà en vigueur.
Morii-s nie rmîsih.NCK l'Otn saint Pail. — Nous ne mettons pas en
doute qu'en attribuant la droite à saint Paul on ait eu fréquemment en vue
la préférence sur les Juifs accordée aux Gentils, dont il était plus spécialement
l'apôtre. Il avait été appelé h l'apostolat quand Jésus-Christ était déjà dans
la gloire, tandis que la vocation des autres apôtres avait été faite par le
Sauveur encore volontairement assujetti aux misères de l'humanité : autre
motif siilTisanl aux yeux de saint Thomas d'Aquin pour légitimer la distinction
dont saint Paul était l'objet, et trop dans l'esprit du temps pour faire consi-
dérer le motif comme exclusivement propre à l'ange de l'Kcole; d'autres,
préférant une explication moins mystique, s'en sont tenus au nombre, aux
fatigues, aux succès supérieurs des prédications du grand apôtre.
Toutes ces raisons se résument dans l'observation faite, dès le xi' siècle,
par saint Pierre Damien et généralement adoptée dans les siècles suivants;
nous allons en donner la preuve. On s'est plu à voir en saint Paul, le dernier
venu dans le collège apostolifpie, l'objet des préférences du Seigneur, de
même (|iic Benjainin. (iunt il l'iail \c plus illustre rejeton, avait été de la
pari (IcJacoi) l'ohiil (riiin' |)r(''dilection particulière; et la signifiation du nom
(le Benjamin, " fils do la droite », relevée par le savant évèciue d'Oslie, eut
certainement sa part d'innucncc sur le fait iconographique qui nous occupe.
[.e rili([uaire en forme de buste, dont nous avons déjà parlé, où Urbain V
on i'.Vli) renferma la tète de saint Paul, placé à la droite du buste analogue
cniili iMiii la tète de saint Pierre, |)orlail ce distique gravé dans un médaillon
suspendu sur sa poitrine :
CKDiT Ai'OSTOi.icis PRixcers Tint, pmi.k; voc\ni'i
\V« litVTIlt. >ATIH, VAS, TIIU CI.Ml \ l>l O '.
Ln coup d'il il Mir nos lîibles mmalisées, traductions ou imitations plus ou
moins libres de la « Scolastica llistoria » écrite au xn' siècle par Pierre
Comeslor, fera cesser toute hésitalion, s'il est possible il'en avoir encore.
Dans la Bible de la reine Jeainie d'Kvreux (bibl. Imp. suppl. fr. (i.Vi, H),
on lit. lui. :V,S : < Itiilirii (|tii aniniriic Itenjamin scn'elie li angle Dcu qui
cmmenen sainl Pou. \.r (|iir| Hiiben oiTre Benjamin devant Joseph, senelio
ce (|U(î li angle oITrirent saint Pou devant Jhu C.rist et Jhu Crisl le reçoit ».
La miniatinc voisine nous montre en elTcl saint Paul présenté par im aiige à
Jésus-Cllirisl ; et toute l'histoire de Benjamin lui est ainsi appliquée.
I. IV.VuiM.oi HT, I. III, |il. wwii.
\MV. 13
98 ANNALi;S AIICIIIÎOLOCJKM KS.
Au verso (1(1 loi. :M\, sur co (cxlc : » Ce (|u«; Josc-pli reprit ses rrères
scgiicfic Jliii (;ii>l (|iii iv|iiii SCS ;ip(Mros. Ce que il assisl Benjauiin plus près
(II' loi. scgncfie (\nc ,lhii assist saiul, l'ol ' jihis près de lui (|uc les autres, cl
lui donna lant d»; ci(ince que nul des autres ». La niiin'ature représente une
sall(^ (le I);uKiiiet riclieniciil orni:o et divis(;c en trois Iravr^es, couronn<''es
cliacuiii' d lin arc (riloh(j. Noire Seigneur en occupe le centre, les douze api'itrcs
sont assis de chaquo cùié, six par six, à deux labiés, saint Paul le premier à
drfiilc, sailli l'irnc 1,. pi-rMuier à ganciie.
La BiUli' (il' .li'aniKj d'Kvri'iiN m; (Ioiiik; (|irini al)n',i,^i' du Icxie : ce texte est
cxp(js(3 avec loul son développcinunl dans le niagiiilicjiie manuscrit (l)ii)I. Imp.
Ir. ]GG-0(S!2îJ,) avec des miniatiu'cs hcaiicou|) plus niullipli(:'es, oii toujours,
en regard des prcjfôrenccs de Joseph pour Uenjainin, l'on voit celles dont saint
l'aiil lut l'objet de la part de Dieu. La coupe de Josepli est-elle mise dans le
sac de Benjamin (fol. Jô) : » Ceci segncfic, dit aussit(jt le commentaire, que
l'évangile csl mis au ciier saint l'ol par esp(5cial »; et l'on voit saint Paul,
recomiaissable à son Iront chauve cl à sa longue barbe devenue blanche-,
lisant avec une S(''réiiilé admirable dans le saint livre, tandis que le .Saint-
Lsprit, suspendu à son oreille sous la figure d'une l)lanche colombe, lui en
ouvi-o cl lui en l'ait savourer le sens : c'est une scène intime d'une suavité
d(;licieuse.
Jose|)li se fait-il ivcunnaîliv^ par ses frères, aussitôt on écrit en regard :
« Ceci scgnofie ([ue Jiui Crist disl à ses disciples : je sui voire frère et pasteur
qui ai mis ma vie pour vous »; et l'on voit Jésus-Christ jiai-lanl .à ses disciples,
saini Paul en avant, saint Pierre ne venant qu'après,
Pi;iMM ni ni: smm Pikuiu:. — Ifàtons-nous de le dire cependant : si saint
Paul onlre les apùlres est le Benjamin, saint Pierre est le Joseph. Joseph ordi-
nairement est considénj comme liguraiit Jésus-Christ lui-même. Mais ce qui
constitue précisément la supériorité de saint Pierre, c'est qu'en l'absence
visible du divin maîlre il a seul le droit de tenir sa place et de le représenter.
Dans la n Bible historialc », Joseph, présentant son père à Pharaon (fol. IG),
« signehe saiiil Pierre (|iii présente à Dieu l'empereur Constantin, car il le fist
croire en Jliu Crist p. s. amounestemenl qui li doua en vision ». La miniatm'e
représente l' l'église sous la forme d'un petit édifice dans lequel sont exposés
sm- un autel le pain et le vin consacrés; Dieu est au dessus dans le ciel;
I. Saint l'.iul. dans co inaniijcril, est appi>lc laiilùl saint Pol, latilôt saint Pou, comme le nom
lie Dii'ii s'i'crit Dex cl Don, exoniples des deux cas encore. conservés dans la langue française, le
noiniiKitil' cl le cas dérive'.
i. Dans [unies ces iiiinialurcs, saint Paul est ainsi \ieilli mal à propos.
APFIRÇL" ICO.NOGRAPIIIOUE SlIK SAINT PIERRE ET SAINT PAUL. 99
saint Pierre debout et Conslantiii agenouillé sont en avant de l'Église.
Bientôt après, dans ce langage symbolique qu'il ne faut pas s'attendre à
trouver toujours également serré et soutenu dans le parallélisme des mêmes
personnages, saint Pierre est (juelque chose de plus que l'un des douze
frères : il représente Jacob, leur père, lorsque Joseph l'établit dans la terre
de Gesscn, sous ce lexle : « Ici signefie Joseph Jhu Crist qui donna à saint
l'ici le et cl ses vicaires autres son liglise et la cure des âmes pour les âmes
Moiiri'ir (page 12) ».
Dans la Bible de Jeanne d'Kvreux on lit, à côté des diverses miniatures qui
représentent des sujets analogues, ces mois : " Ce que Joseph reçoit son père
scncfie Jhu Crist qui reçoit monsignor saint Père (fol. 38); ce que Joseph
moslre à Pharaon Jacob senefie Jhu Crist (|ui demostre saint Père à Constan-
tin (fol. .39) ». Plus loin saint Pierre est figuré par Moïse : Uieu, en même
lenips (pi'il remet au pro|)liè(e la table de la loi, du haut du ciel également
remet une clef li saint Pierre.
Noire incursion sur le terrain du moyen âge serait prématurée si elle n'avait
|)our but de inontier dans quel sens on a pu considérer l'attribution de la
droite k saint Paul coiiinic une sorte de préférence personnelle, et si nous ne
devions en tirer celte induction que, môme dans ce sens restreint, une sem-
l)lal)le manière de com|)r(:Mi(lre les choses appartient beaucoup plus au large
éj)anouisscmcnt de l'imaginalion chrétienne à colle époque, qu'aux formes
fi.ves et précises du langage symboli(|ue dans l'Kglise prinniive.
Nous remontons maintenant à des monuments plus anciens, pour constater
(|irà part la signification encore douteuse de la position respective des apôtres
à la droite et à la gauche, il n'est rien de mieux établi que la haute préémi-
nence accoidée de tout ti^mps dans l'art chrétien à saint Pierre. Si (luehiirmi
des a|)ôtres doit prendre place au milieu, c'est lui qui s'y met ; si l'un d'eux
doit s'asseoir sur un siège plus élevé, c'est lui qu'on y voit ; les deux princes
(les apôtres sont-ils rangés d'un môme côté, il marche en lèlo; est-il (|uel-
(|h'iiii {|iii ;iil un signe exceptionnel de ilignité, c'est lui (|ui le porte, et.
(|iiauil on les nounne. son nom est toujours prononcé le premier, on dit tou-
jours : 11 saint Pierre et saint Paul ».
Un des tonds de verre publiés par le P. (i.irucci'. où Ion voit les dour.e
apôtres rangés en cercle autour du C.lnisl. ([ui occuj)o seul un méilaillon
ccniral. nous montre saint l'ierre, seul aussi, désigné par son nom parmi les
apôtres, et placé au |)oinl culminant de ce petit monument, au dessus même
de la tète de son divin maître.
I « Vriri ui'iiiili ■ , |il. \i\.
KK) ANNAI.r.S AIICIIÉOLOGKJUKS,
Sur Mil l>r.iii liiplyqiii- iii ivoiro qiio nous avons vu au imiisi'i- du Vatican,
coiuirn' sur un ,iiilir Iml .uialof^ue |)ul)li<!; par Mama<;lii *, il est \>\na: au des-
sous, mais rgalciiKMit au iiiilii;u, avoc, saint Jean riwaii;;;<'lislc à sa «Iroile et
saint Paul à sa f^auchc : la sainte Vierj^c et saint Jean-Baptiste occu|/ent les
places coiTospondanles aux cotés du Christ, dans la région supérieure.
I.a croix iMnailléc du Vatican nous a oll'ert aussi l'iina^i; de saint Pierre à
son souiinel au dessus du C.Jirisl. tandis (pic saint Paul n'en occupe que la
partie inférieure. Ce monument et plusieurs autres nous ont déjà donné l'occa-
sion de sii^nalcr les nombreuses distinctions dont l'art chrétien s'est plu à com-
bler le chef de i'I'^ylisc, soit en le représentant iuiberlie cxceplioiniellemeul ;
soit en lui allribuaiit la tonsure, la tiare, le palliinn ; soit eu lui taisant porter
la ci'oix et les clefs bien des siècles avant (pi'aucini milre des apôtres nait (''té
<;-|'aliru'' d'allribnl spi''(:ial.
Dans les mosaïques du xiii" siècle des absides de Sainl-Jean-de-Lalran et de
Sainle-lNlarie-Majeure. saint Pierre est placé le premier k droite. Dans un
tableau de Deodalo Orlaiidi. peintre luc([uois du xiv'' siècle, il est le premier
à gauche el saini Paul ne \iciil ([iiapivs lui du même côté-.
\ii iniisi'i' chn'lien du N'atican se voit le panneau peint du \iv' siècle dont
nous duniKiiis la i;i'avurc et (|ui représente l'exaltation de saint Pierre. Le
saint apùlre est assis sur un trône. Aux extrémités latérales du tableau, quatre
trompettes portent chacune suspendue sa bannière chargée de deux clefs en
sautoir; des musiciens en sonnent pour appeler la foule des fidèles qui se
pressent auluur de saint Pierre et lui rendi-nl hommage.
Au milieu de celle foule on reconnaît sainI Pan! Ini-iriéme : son nimbe, son
type 11! désigneraient à ne pas s'y tromper, quand même on n'aurait pas à
côté, comme moyen de confrontation, un autre panneau détaché du même
ensemble de peinlures. oii saint Pierre et saint Paul sont représentés ressusci-
tant un jeune homme devant Néron pour confondre Simon le Magicien.
Il serait possible de inulli|)licr ces exemples-''. Kn leur présence, il imus
parail de Inule |)nil)aliilité (ine rallribution de la droite à saint Paul a eu
primitixcment une toute autre raison que la pensée de lui accorder aucun
genre de pn'fêreuce.
I. Mamacim, (lOrig. i"l ant. ciirist. », t. v, p. 491; Gori, « Tlies. vet. di(>ly. .•, t. m, (il. xxi
et wvi.
i. HosiM, « Sioriadolla PiUura italiana », pl. ix, 1. 1.
3. Voir ilans d'AciNcouRT, t. v, pl. xcvii, un tableau où saint Pierre est assis sur un trône ;
pl. ( ni, iiîu' minialurc du Nouveau Teslamcnt de la l)ibliolht'quc du Vatican, n" 39, où saint
l'ionc, au iiMiatlo. o>t au milieu; la sainte Vicrije au-dessus de lui.
APERÇU ICONOGRAPHIQUE SUR SAINT PIERRE ET SAINT PAUL. 101
PouRQLoi s\iM l'ii r.iii; \ oviciii:. — Saint Pierre serait-il donc à gauche,
comme on a essaye de le dire, parce que la droite et la gauche n'ont pas tou-
jours eu la signification que nous leur accordons, et ([ue la gauche, chez les
Grecs notamment, aurait été pendant un certain temps considérée comme une
place d'iioinieur? On rencontre en eiïet un assez grand nombre de monu-
ments, entre lesquels les deux triptyques en ivoire que nous avons cités il y
a un instant, et plusieurs autres d'origine russe, gravés dans les propylées de
mai des bollandistes, où la sainte Vierge est placée à la gauche de son divin
fils, saint .Toan-Raplisie étant à la droite. Dans la mosaK|ue de l'église de
Saint-Marc à liome, œuvre du vm" siècle, le pape saint Marc, principal patron
de l'église, est également à gauche du Sauveur, laissant la droite à saint Féli-
cien. Dans celle de Sainte-Marie-in-Transtevere, qui est du xii" siècle, saint
l'ierre cède la droite non plus h saint Paul, mais 'i saint Calixte. Dans le
tableau de Dcodalo Orlandi, dont nous avons parlé, il la cède à saint Jacques '.
V.n considérant les innombi'ables monuments de toutes les époques où, sinon
toujours le |)lus élevé en dignité, au moins celui que l'on veut momentanément
le plus honorer, est placé k la droite, ces exemples du contraire ne peuvent
être comptés qu'à titre exceptionnel. Nous disons exceptionnel et non pas erroné,
Moii pas lorlin'l : nous y croyons apercevoir en elTet l'indice d'inie rais(m incon-
nue, tendant à relever la gauche de l'idée d'infériorité qui s'y attache presque
généralement. Loin de croire trouver dans ces exemples la solution de notre
problème, nous serions porté à juger pluttM f|ue la gauche a été relevée par
le tait ménii; d'avoir été occupée par saint Pierre. Voyons donc quels autres
motifs on anrail pu avoir de \'y placer sans cesser d'avoir l'intention de le
niaiiihiiir an premier rang.
La (lioile cl la gauche peuvent s'apprécier par rapport au spectateur; n'est-
ce pas ainsi tout simi)lement (|u'oii l'a entendu'.' lit là oii nous nous ('•lomions
de voir saint Pierre à la gauche, dans l'idée des artistes qui l'ont représenté,
n'cst-il pas réellement à la droite ?
1. Nous lin U'non» pas conipln d'iinn pliiqiio en ivoirn piiblii^ pnr Fu^'^ini, ■ do R. Prlri ili-
iioro », p. 171, foinitm oITriiiit inatiùru à soinl)l.il)li< olisorviilioii, cl «pio ikhis nvoii* itii rivon-
iiiiltro iiii tiiiist'n (lu l.ouvri', où ollo iiuniit du tr.itisporlt'o ilu iiiu<<^(< Itit-iirtii, ili* Klurpiu'o, |miv«>
<pin oullu pliupio ii'islnil |)iis, nous lu (HMisons, origliiiiirouuMU dcsiinùo ii d(>ini<un>r i«uli>o coinmo
nous lu voyons miJDuni'liui. S;iint l'iurru y parait à la piurlin do s.iinl Andrù; ntni^ ' ' '
^Iro il la droito d'un porsonna;;i> cuntr.d, du Clirisl, s«lon loiilo apimri'niv, li|;un^ >>
Ccllo pl,ii|iio ivst r(>|iro(liiili< |i,ir liori, pi. xxviii, on ruj;ard d'uncaiiIrtMpio luu( aniion
di'Uii'lit'o du iiiùnio oiis<Mid)lo ol (|Uo (ioii axait n<ni'onirt'U à Padouc; saint Paul !•')' ii,. ...
giiurlio do sjiint Jran l'évanK^^listo, co qui no luiSiSO |>iiS(|uo do donnor lieu, nous ou cunvciioiui, il
des dinU'ullos sur notre L'onjocliiro.
102 ANNALKS AUCII K(}I,OniOl!ES.
(jii.ind lin |iiis()iiii;if;o esl notiihlciiiciit suix'-riuiii- ii un aiiln; et (|ii'il le vont
honorer, il lo met à sa droite et se trouve par là riK^mc h la gauche de celui-ci,
sans tMre réputé placé au dessous de lui. N'en esl -il pas de niùnic des figures
do saint Pierre iclalivenient h celles de saint l'aul? Il est en cITet (|ur'lqiies
monuments qui, pris en particulier, permettraient d'admettre comme satis-
faisante i'imo ou l'autre de ces explications ; mais prenons garde qu'elles no
sauraient ni riiiH' ni l'antre lépondre à la presf|uc généralité des faits. C'est
pai- lappiiii à Notrc-Seigncur ou, à son défaut, à un signe cpii le repré-
sente, en général îiun personnage central d'une dignité supérieure, ou jouant
seulement lo principal riMe à un titre qui'lconquc, que s'apprécient la droite et
la gauche dans la plupart des monuments qui l'ont la diiriculté : il est bien
évident qu'on l'entendait ainsi quand, dès le onzième siècle, on clierciiail les
moyens de la résoudre.
Tout considéré, nous nous sommes persuadé qu'il fallait chercher en dehors
de toute idée de préséance les véritables motifs qui ont primitivement amené
saint' Pierre de la droite h. la gauche. Mamachi le pressentait quand il faisait
observer (|ue, de deux personnages, lepi'emier en dignité, quand il est repré-
soiilé en aciion. pouvait êhe |iiacé à gauche sans aucune idée d'infériorité'. En
ciïct. n l'ordre de préséance de la droite à la gauche se comprend de person-
nages rangés sur une mémo ligne dans une altitude d'ai)parat, ou formant un
conseil; quand ils agissent, leur place est déterminée par leur rôle, et c'est par
les rôles eux-mêmes que se trouve indiqué le rang de chacun d'eux -. » Tout
en appuyant en ces termes, il y a plusieurs années, l'observation de Mamachi.
l'auleur do cette élude s'était cru ol)ligé d'en constater l'insufTisance. La
grande masse des monuments dont il s'agit n'oiïre aucune trace d'action, et
cette observation tombe d'elle-même si on veut s'en servir pour les expliquer
directement. Pour lui rendre son importance, il faut en premier lieu la pouvoir
appliquer à des monuments où il y ait réellement action et où cette action de-
mande saint Pierre à la gauche; il faut, en second lieu, qu'en regard de ces
nioiiuineiils d'un caractère plus ou moins drainati(]uo, on en rencontre d'autres
où la pensée (|ui les animait, toujours reconnaissable, se soit immobilisée, s'il
nous est permis de parler ainsi, et où saint Pierre cessant d'agir conserve la
position où l'avait appelé la nécessité de son rôle: or, que ces deux sortes de
monuments existent c'est ce que nous donnerons i\ juger à nos lecteurs.
II. GUIMOU.MU) DE SA IXT-LAl KliNT.
1. (1 Orij;. et ant. clirist. n, t. v, p. BI5.
t. « Le Clirist Iriomplianl et le don de Dieu », 1858, p. iO.
IJ'IS HAUMONISÏRS
i)i:s uoLziÈMi: i:t tukizœmi: sikcles '
Dupuis qiicl(iiic.s années, il s'est produit un mouvement considérable dans
les études liistoriciues sur la musiqnr. L'archéologie musicale a Hxé l'allcn-
lion des érudils et des corps savaiils. On a compris t|ue l'arl des sons, par
la puissance de ses effets, mérite dans l'Iiisloire générale une place au moins
égaie h colle qu'on y a accordée aux arts plasti{|ues.
Bien que rarcliéologie musicale ne soit pas une science nouvelle, témoins
les travaux sur la mnsi(|ue grecque, témoins les savants ouvrages sur le plain-
cliaiit cl la niiisi(iiio du moyen âge, publiés depuis le xvT siècle jusqu'à nos
jours, néanmoins, on peut le dire, le ilévcloppement (|u'onl pris ces études
lui a donné un caractère et une importance ([u'elle n'avait pas auparavant.
l/arclié()l()gio musicale forme, selon nous, deux branches dislincles : l'une
n-lalive au plain-chant, l'autre à la nuisi(|ue |)ri>prement dite.
l/idée de retrouver le chant de saint Cirégoire et de le rétablir sur ses bases
priiiiiliscs a di)ini(i lieu à des recherches sérieuses et profondes qui devaient
I. (.'iirlicli! (jn'on va lirn doil servir (l'iiitroijiicllon ii un ouvrage iinporUinl que |>ri'(Mn< M. ilo
CuiissiMiiiiker, l'I qui mira pour lilro : " Musi<iuo liurinoni(|uc ol iiuisuioiis luiruionisirs aux mi*
ol xni" sii^clos ». Co livre, basé sur des monumonls rccuvillis clans un inanuscril musicnl ilc!i plus
pn'cit'ux, qui" possi'ilo la bihliolliùquo ilo la l'acullc ilo nu'iliH'ino di' Miiiil|M'llior, confn 'ni
»>>{•/. iiijiivoau t>l foil l'onlroxorM", il saviiir (pu» la iiiusiquo harmonique olail l'onnui' ■ ■■■»'
ilans nos plus grandes églises, conimo h In calhédnilo de l'aris, dus le xir siivio. Ainsi l>po.|uo
di< renaissanre, m'i N'épanouit l'urcliilei'luro romane el où naipiil l'nri'hili-. ' i ■ < . ■[,,
préciséiuenl où l'Iiarmunlo uiiisicale prit dos (lù\i'li)p|H<iuents inouïs. \\i m •*
sont coiiteinporains cl solidaires. Co rail, qui caniclénso \o» plus liolli^ pOnoiles do 1 1
hiiin.iiiie, nous l'axons suiiveiil 6nuncé, nous loinenierons donr vivement nolrcmii M. di- « ••n--
semakor, de venir le eonlirmer une lois do plus |>.ir les nionunient't d un arl qui rivulivo a\cc li-t
plus grands, {.Vu»«i rf« V. Duinm.,
lO/i ANNALKS AliClll'iOI.OOIOlîES,
riiciier h des n;siillat.s, .sinon al)solus. du moins salisfaisanls. Malliourt-usc-
mont, l'osprit do syslùmc s'est emparé de la question et l'a di-lounn'c de la
vriilahle voir (|ui pouvait l.i conduire à la solution désirée. Ce mouvement
iiKuinpiet, CCS études inachevées ont fait croire Ji (|ucl(|ucs esprits ,super(iciels
que les cHorts Icnlés s'exerçaient sur un terrain stérile, que l'art musical
n'avait pas de principes ilxes, qu'il nianciuait de bases solides pour cuii::tiluer
une science. C'est Ici une grave erreur.
Lorsque la question sera replacée sur son viMitablo terrain, qu'elle aura
repris son essor réellement scientifuiuc, on verra qu'aujourd'hui, comme aux
épocpies les plus brillantes du chrislianisme. le plain-chant est digne d'occu-
per l'attention des hommes sérieux; que la soliilion des graves questions qui
s'agitent sur celte matière intéresse au plus haut point l'art catholique.
Mais, comme nous venons de le dire, l'étude historique du plain-clianf n'est
(lu'une des brandies de l'archéologie musicale. Il en est une autre tout à fait
(listincte. la branche relative à la inu>i(|iic pi-oprement dite. Celle-ci n'est ni
moins intéressante, ni moins impoi'laiite que l'autre au point de vue de l'art.
Kn elTet, s'il y a un intérêt immense à connaître et à faire revivre dans nos
cathédrales et dans nos églises paroissiales les chants primitifs de saint Gré-
goire, une im])orlaiicc incontestable se rattache aux questions d'origine, de
coustitulion et de développement de la musique moderne, et notamment de
riiarmoiiii'. (|iii en a fait à la t'ois une science et un art. C'est de cette partie
de l'archéologie que nous allons parler.
Si ([uelques questions concernant la musique des Grecs sont restées dans
le domaine de la controverse, c'est qu'on ne possède pas de monuments qui
(laleiil de l'époque où lai't était llorissant. 11 est évident que si des ouvrages
prati(iucs. si des compositions de ces temps reculés nous étaient parvenus, on
y tr()u\t>rail des éléments certains d'appréciation, et l'on ne verrait pas se
perpétuer des discussions où sont soutenues les thèses les plus opposées, sans
que les questions traitées puissent recevoir une solution décisive, faute de
preuves à l'abri de toute contestation.
11 en a été longtemps de même à l'égard des origines de la musique
modcnic : les documents et les inonumcnls. bien (]u'ils existassent, étaient
enfouis dans la poussière des bibliothèques. Mais les choses ont changé. Vers
la thi du siècle dernier, le prince-abbé Gerbert a publié une collection d'écri-
vains qui a ouvert une ère nouvelle à l'iiistoire de l'art, en mettant les érudifs
à même de l'étudier dans ses sources originales *. 11 faut le dire néanmoins,
1. « Scriptorcs ecrlcsiiislici (k- nnisica sacra polissinuim ».
o
LKS HARMONISTES. 105
oiilio que cette collection ne renferme qu'une faible partie des documents rela-
tifs h l'art de cette époque, elle laisse subsister une lacune très-importante. Les
« monumenis », c'est-à-dire les compositions musicales, n'y ont aucune place;
on semblait même en ignorer l'existence. C'est à peine si l'on en trouve ((uel-
ques fragments sans valeur dans Ilawkins, Burney, Forkel et Kiesewelter,
dont les investigations ont été si patientes et si laborieuses.
Co ne fut ([u'eii 18*27 que M. Fétis annonça la découverte de quelques ron-
deaux h trois parties d'Adam de la Ilale. et en publia un avec une traduction
en notation moderne, mais traduction totalement fautive. puis(|ue le morceau
est reproduit en mesure à deux temps, tandis qu'il appartient h celle îi trois
temps, (k's compositions cl quelques autres, trouvées depuis, dont les unes sont
incomplètes et les autres inexactement transcrites, sont loin d'être suffisantes
pour donner une idée véritable de la musique harmonique aux xir et \iii* siècles.
Une nouvelle découverte est venue combler cette lacune. Ln manuscrit de
la bibliullièqne de la l'acultcMle médecine de Montpellier. reiilVrmant une col-
lection do .'i/iS compositions à deux, trois et quatre parties, et toutes inédiles,
est destiné à jeter une vive lumière sur l'histoire de l'art d'écrire la musique
harmoni(iue dans les premiers temps de ses développements.
Ce manuscrit contient en effet des oîuvres de tous les genres de composi-
tions en usage aii\ \ir cl Mil' siècles, et connues sous les noms de dédiant.
triple, quadruple, orgatuim. iiioiei. rondeau, ciniduit, etc. De toutes ces com-
positions, on n'avait que des idées plus ou moins vagues.
On y trouve en outre des morceaux entiers en contre-point double, des
canons, des imitations, (innl jiis(|u'ici les historiens de la musicpie ne faisaient
|);is reiiiiinler l'exislence plus liant ([ue le W siècle.
C'est dans l'examen de ces compositions ([iidn peut apiirécier l'art d'écrire
l'Iiannonie dans ce temps, la manière d'agencer les parties entre elles, leur
mélodie, leur rliytliine, etc.
Ce inainiscrit de Montpi'llier, dont on ne saurait proclamer assez haut l'ini-
[iiiii.iiicr, iioii-sciileiiH'iit |iniir i'airliéoliigie musicale, mais aussi pour la lilli^
rature du moyen iige, pui-M|M il leiit'erme plus de SOO pièces de poésies lutines
et françaises *, offre pourtant une lacimo fort regrettable. Les iMiïi pièces
(pi'il couiprend sont toutes anonymes; aucime ne porte le moinch'e indice
d'auli'ur. Iletu'euscnienl certains docmnents, et nutammenl les traités de
.lén'ime de Moravie, de Walter Odinglon, «le Udberl de llandio, de John
llaiihuys et de divers anonymes de Sainl-I)ié et du llrilish Muséum, sont
4, Cotto (linV'runri< iliins to noiiiliro tlos pitVr!) linrmonii|iiM ol rollp itm po<S>iMi |>m\irnl «Je n<
qu'il i-luii'iinK ilivH piùccs liiirinoiiiquos rorrcHpoiuloiil (l(\4 (i<x(cs mulliplM.
XXIV. 1 ■,
10(1 ANNM-i:s Alir.llfiOLOCIQlJKS.
vriiiis ;i iiolro sofoiiis pour (Jélcrinincr les aulcurs d'un certain nombre de ces
coniposilions.
Lis invosli;;alions auxqnollcs nous nous .suiniiics livn': nous ont mU h mCnic
(li; cDiislulor que, parmi les compositions, toulcs anonymes, du manuscril de
Monipcllicr, il en est (|iii onl pour auteurs, les unes des trouvères, d'autres
des déciianlcurs, d'autres encore (|uel(|(ies-uns des plus c<5lèbres théoriciens
(le I l'iKKiiie. C'est |;ï un l'iiil liislori(|uo d'imo importance capitale.
On admetlail {généralement que les trouvères étaient mélodistes, c'esl-Ji-
dirc inventeurs de mélodies, noiannncnl de celles qui accompagnent leurs
poésies; mais on ne les considérait pas comme harmonistes, c'est-à-dire
comme auteurs de compositions à plusieurs parties; celte qualité leur était
même refusée^. Nous établirons ici (|ne les trouvères étaient véritablement
iianuonisles. el (|iie quelques-uns n'étaient pas inférieurs, dans l'art d'écrire,
aux déchanteurs et aux didacliciens de l'époque.
On doit ranger dans la catégorie des trouvères harmonistes : Adam de la
Ilalc', Gillon Ferrant, Moniot d'Arras, Moniot de Paris, Jean de la Fontaine,
le prince de Moréc, Thomas Ilcrrier.
On peu! y ajouter, quoique avec moins de certitude, d'abord : Andrieu de
Douai, Gillcbert de Bernevillc, Jacques de Cambrai, Jocelin de Bruges, Jac-
ques de Cisoing, Jean Fréiniau ; puis Audrefoi le Bâtard, Bande de la Kake-
ric, Blondcau de îSesles, Colard le Boutellier, Gautier d'Argies, Gautier de
Soignics, Guillaume le Vinicr, Jean Bodcl, Jean de Neuville, Jean Erard, Jean
le Cunelier, Martin le Béguin et Simon d'Authie; de plus quelques anonymes
dont l'origine ne saurait être équivoque, tous trouvères musiciens, tous anté-
rieurs an Mv" siècle, et quelques-uns même au xin'.
Dans la deuxième classe des musiciens harmonistes, nous plaçons les dé-
ciianlcurs. Ces artistes se distinguent des trouvères en ce qu'ils ne compo-
saient pas eux-mêmes les paroles qu'ils mettaient en musique, et en ce que
leur profession principale était Fart musical, tandis que les trouvères étaient
avant loul poêles. Ils se distinguaient des didacliciens en ce qu'ils ne semblent
pas avoir écrit sur leur art. C'est parmi les déchanteurs que se recrutaient les
maîli'es de chai)elle et les organistes. Il y avail des déchanteurs qui remplis-
saient à la fois ces deux fonctions. Les historiens de la musieiue, tels que
Hawkins , Burney, Forkel , l'abbé Gerbert et autres , ne disent rien de ces
artistes; ils ne paraissent pas avoir connu leur existence.
1. FiîTis, « Biograpliie universelle des musiciens», I" édition, tome I, «Résumé philo^o-
pliiqui; de l'iiislcire de la musique ». p. ci.xxxix.
LES IIARMONISTKS. 107
M. l'étis a prononcé lo nom de décliantcurs ; selon lui, le talent de ces
arlistes auiait consisté à liarmonisor, c'est-à-dire à mettre en parties harmo-
niques les mélodies des trouvères. Mai» il no cite à l'appui de celte asser-
tion aucune preuve; il ne produit aucune composition de ce genre, ni aucun
nom d'auteur. Les déclianlem-s étaient mélodistes et harmonistes; ils ne
subissaient pas le rôle secondaire que M. l'étis leur assigne.
Nous allons citer une série de décliantcurs et de maîtres de chapelle restés
inconnus; la mention seule de leurs noms, avec les fonctions qu'ils remplis-
saient, est de nature à exciter le plus vif intérêt historique. Nous devons cepen-
dant nous borner ici à citer un passage d'un manuscrit anonyme du Brilish
Muséum dont l'écriture est antérieure au xiv" siècle ^ Voici ce qu'on y lit :
<i Iste régule uluntur in pluribus libris anlifjuorum, et hoc a parte et in suo
tempore Perolini magni; sed nesciebant narrarc ipsas cum ([uibusdam aliis
postposilis, et semper a tempore Leonis pro parle, quoniam duo ligate tune
lemporis pro brcvi longa ponebantur, et Ires ligate simili modo in pluribus
locis pro longa brcvi, longa, etc.
c. \'à nota qiiod magisler Leoainus, socundum quod dicebalur, fuit opli-
mus organisla qui fecit magnum libruin organi de graduali et antiphonario jiro
servitio divino mulliplicando; et fuit in usu usque ad tempus Perolini magni
qin' abrcviavit eumdem, et fecit ciausulas sivc puncla plurima meliora;
quoniam opiimus discanlor erat, cl meliur quam Lconinus eral, sed hic non
dicendus de sublililato organi, etc.
" Ipso vero magister l'erolinus fecit (luadaipla optima sicut : « Viderunl' »,
cun) abundanlia colorum armonice artis; (in) super et tripla plurima nobi-
lissima sicut : « Alléluia »; » Posui adjutorium »; » Nativitas* ».
(1 Fecit etiam triplices conductus, ut : « Salvatoris hodic »; et duplices con-
ductus sicut : « Dimm sigillum sununi Palris »; et simplices conductus cuni
pluribus aliis sicut : « IJeata \iscera ». " Jusiicia », etc.
M Liber vel libri magisiri l'erotini erant in usu usque ad tempus magistri
l\oberli de Sabilone, et in coro béate Virginis majoris ccclesie Pari.Mcnsis, el a
>iiii lriii|)iir<' us(|ue in hodiernum ilieni, simili modo, etc., proul Pclrus. nolalur
opiimus, et Joliannes, dictus primarius. cum ciuibusdam aliis in niajori parle
usque in tempus magistri l'rancunis primi. el alterius magisiri l'ranconis do
1. Cl- iiiriiiii\ iliMiMiMMi iiMii^ ,1 ru- Mjjti.Mi- l'.ii M. \\ illitim (;iiii|i|>i'll . Il' MVanI milour ilc
(1 P()|iiiliir Mii^ic (if tlic nlilcii liinn •.
i, (l'osl li< (iii'iiiii'i' mol iriiiip piiNio miisiriili».
:). Os iiidlH coniiiii'm'cnl (liM'rsos piiTcs dp niiisiiMi.' ux.iu.IIi'h il, .miiu il'.i|i|M<II.ilu>n i il
ili< llli'p.
108 ANNALES AltCllÉOLOGIQUKS,
(^olonia, qui inooporaiit in suis libiis alKcr pro parle notarc; qua de causa
alias régulas propiias suis libiis approprialas Iradidcrunt ».
Un peu plus loin :
(I Abievialio cial fada pcr signa inaterialia a Icmpore Porolini magni et
paruni anle, et bi-evius docebaiit, cl adliuc brevius niagislri lloberli de Sabi-
lone, quamvis speciosc docebat; scd iiimis deliciose fccit mclos canendo
apparcre.
(1 Oua de causa fuit valdc laudandus Parisius, sicul fuit magisler l'elrus
Trolliuu Aurelianis in canlu piano; scd de considcrationc tomporum parum
aul niliil seiei)al, sicut dicebatur; scd magisler Uobertus supradiclus oplime
ea cogiioscebal cl ndeliler doccbal posl ipsuui ex docuincnto suo.
« Fuit magisler Pctrus optimus nutator cl nimis fideliler libres suos secun-
(Idiii ii-iiiii et consueludiiiem magislri sui cl nielius notabal; et tempore illo
liiil (|iii vocabatur Thomas de Sancfo-Juliano, Parisius antiquus, scd non
notabat ad modum illoruni. sed bonus fuit secunduni antiquiores.
i> Quidam vero fuit alius Anglicus, et habebat modum Anglicanum notandi
cl cliam in quadam |)arle docendo. Posl ipsos et Icmpore suo fuit quidam
Juliaiiiics supradiclus, et conlinuavit modo omniinii supradiclorum usque ad
Icmpiis FraiKonis ciuii ([iiil)us<iam aliis magistris sicut : magisler Tlieobaldus
Ciiillicus cl magisler Simon de Sacalia, ciim ([uodam magislro de Burgundia.
ac eliaiu ([uodam l'ro!)o de Picardia, cujus iiomeii crat Johannes le Fau-
coner.
« Boni canlorcs cranl in Anglia, cl valdc deliciose canebant, sicuti magis-
l('i- .li>li;uines lilius De! ; sicuti Makeblile apud Wynceslriam, cl Blakesmil
in ciiria duniini régis Henrici ullinii.
« Fuil quidam alius bonus canlor in multiplici gcncre cantus et organi; cum
<iuibusdam alias faciemus menlionem, etc. ».
11 résulte de ces textes que, dès le xu" siècle, on exécutait de la musique
l'.ai luonique à Notre-Dame de Paris, et que celle-ci était employée aussi dans
raccompagnemenl du ]ilaiii-clKuit par l'orgue. Ce qui n'est ni moins impor-
laiil ni moins curieux, c'est que nous avons là les noms d'un certain nombre
de maîtres de chapelle de cette célèbre cathédrale.
Ainsi , on y voit d'abord un nommé Léon ou Léonin , organiste et dé-
chanteur; il était auteur dua livre d'orgue pour le graduel et l'anti-
phonaire.
A sa morl. il fut remplacé par Pérotin, appelé le Grand (« Perotinus
magnus »), à cause de l'excellence de ses compositions harmoniques (« opti-
mus discantor et melior quam Leoninus »). Jean de Garlande (« quondam in
LES HARMONISTES. 109
sludio Parisino expertissimus atque probatissimus ») cite Pérolin comme
auteur de quadruples excellents* (« quadrupla oplima »).
A Pérotin succéda Robert de Sabillon; puis Jean, appelé « Primarius ».
Dans le manuscrit qu'on vient de citer, il est dit que ces maîtres de cha-
pelle de Nolre-IJanie de Paris suivaient la mélliode de notation dont parle
l'auteur du document, et cette métiiodc, ajoute-t-il, fut suivie jusqu'au temps
de « Franco primus », et d'un autre maître appelé Francon de Cologne, qui
donnèrent d'autres règles.
A ces noms, il faut ajouter ceux do : Thomas de Saint-Julien, de Paris;
Pierre Trotluiii, également de Paris, et maître de plain-chant à Orléans;
maître Tliéobald le Gallois; maître Simon de « Sacalia n; Jean de Bour-
gogne; Jean le Fauconnier, dit «Probus», de Picardie; « Admetus», d'Or-
léans; Pierre le Viser.
I. \iiglcterre possédait aussi, à la même époque, d'excellents déclianteurs.
au iioiiihrc desquels se faisaient remarquer un maître Jean; Makeblitc, deWin-
clicster; Blakesmit, attaché à la cour du roi Henri III, et un autre simple-
ment appelé « Anglicus », notant sa nmsi([ue d'aprôs la méthode alors en
usage en Angleterre.
l'anni les artistes anglais de cette époque, il faut ranger encore Robert
r.ninh.iiii. W . ilr Diincaster, Robert Trowell, et surtout le moine de Reading,
qui écrivait, avant 1"2'20, le canon à six voix, rapporté par Burney et Hawkins
connue inie truvre du xv° siècle.
L'Italie et l'Kspagnp, ainsi que nous le ferons voir, ont eu leur part dans
celle; oMivre d'élaboration et de dévcloppomciil de l'art harmoniciue.
On l'aura dijà remaniui'', la plupart des artistes qu'on vient de citer sont
antérieurs à Francon de Cologne. Notre document mentionne deux maîtres
de- ce nom : l'un, appelé « Francon premier»; l'autre, i< Francon de Co-
logne ». Tous les deux sont signalés pour Irurs innovations progressives dans
l'art de noter la musi(|ue mesurée.
Nous ne saurions assez le répéter, ce sont là des faits d'une imporlonco
capitale |iiiur l'hislipin; df la musi(iue.
Oiiant aii\ Ihéoriciens et didacticiens, on ne connaissait d'eux «nie les frag-
mi-tits ili! compositions (lu'ils doimcnt comnii' exemples dos règles qu'ils
jioscmI. I.i's |)ii''c,es entières étaient inconinies; elles semblaient perdues, lors-
(jiK! l'existence d'im certain nombre il'enlre elles fut révélée dans le inanu-
4. 'I Scripliiriiiii ili' inusicn inodii a}vi nuva sorios >, etc., p. 116. — Cet ouvra^o a»l on vcnlp
Il In lilirairio Didron.
110 ANiNALKS AhCIIlîOLOGIQLKS.
scril (li; Monlpcllioi'. On y trouve, cm cITct, dos composilions k Irois cl f|ualrc
parlios, de railleur du tr.iili: a|)|)cl<'-. pac .Jérôme de Moravie, « Traité de
(lécliaiit viilf;airr ., du noiiiiué Arislotc; do Jean de (Jarlaiidc, de Pierre
Picard, de J'ieiro de Croix, du Wallcr Odiiigtoii et de divers anonymes.
En voilà, assiz, pensons-nous, [)our faire voir combien le manuscrit de
M(iiil|)rllicr cl li's autres documenis que nous venons de signaler sont impor-
laiils pour l'histoire de larl luusical aux' mT' et xiii" siècles. Celle importance
est telle, suivant nous, que nous avons cru utile d'en faire un examen appro-
fondi (pii est sous i)rcssc et qui portera pour titre : » Klude sur la musi(|uc
liarnioniquc et sur les musiciens iiarmonistes aux xii" cl mii"' siècles ».
Ne pouvant éditer en entier le manuscrit de Montpellier, qui contient
(SOO paj^es in-/|", nous en avons extrait environ 60 pièces qui nous ont paru
les plus propres à faire apprécier la situation de l'art à cette époque. Mlles
seront reproduites dans la notation originale avec leur traduction en notation
moderne. De celte façon, ciiacun pourra vérifier rcxactitude de nos inlerpré-
lalious; on jugera en même temps du degré de dilliculté inliérenlc à ces sortes
de travaux.
l/ouvrage que nous allons |iul)lier sur la nialièrc (|ni l'ait l'objet de cet
arlieie, embrassera donc l'examen de tous les genres de compositions harmo-
niques en usage aux xii" et xiii'' siècles, et l'appréciation de la part de mérite
qui revient aux divers artistes initiateurs de cet art alors tout à fait nouveau.
Grâce au manuscrit de Monipellier, grâce aux documents importants que
nous venons de citer, et qui viennent jeicr un jour tout à fait nouveau sur une
période de; l'histoire de l'art, restée obscure, nous pourrons présenter un tra-
vail coniplel sur l'origine et les premiers développements de riiarnionie, qui
est devenue, entre les mains des hommes de génie de ces derniers siècles, un
art et une science à la fois.
E. HE COUSSEMAKKR.
Correspondant du riiiAtitut.
ICONOGIlAIMIIi:
DF L'OPKR.V
I
l/Opér.i est le lomplc de l'art comme la cathédrale est le temple de la
religion. A l'église, l'homme adore le Créateur; à l'Opéra, où il crée 'i son
tour, il s'adore pour ainsi dire lui-même. Les facultés qu'il a reçues de Dieu,
les éléments qui lui sont assujettis parce ([u'il est le roi de la création, il les
perfectionne, les transfigure et les crée en quelque sorte à nouveau pour les
exalter en art. Ainsi de la dimension il fait l'archileclure, de la forme la scul|)-
ture, (le la couleur la peinture, do la voix la poésie, du son la musique, du
geste la danse, à la(|uelle je voudrais bien que l'on donnât, pour la généra-
liser, le nom d'action.
Ces arts principaux, l'homme les place, dans la cathédrale, au service de
la religion, pour en constituer le culte; mais, dans l'Opéra, il les loge à son
propre service pour s'y rélléchir et s'y admirer. La cathédrale prime l'Opéra
comme le dévouenienl prime la satisfaction d'un besoin personnel; mais.
après l'église, je ne connais pas d'édifice où l'art, où tous les ai'ts soi.nt a|)-
pelés à briller de plus d'éclat et de majesté qu'îi l'Opéra.
Par sa destination, par les services importants et nombreux qu'il doit
recueillir et la l'oiili" ipril doit abriter, l'Opéra couvre une superficie, oITre
une massiî de constructions qui n'ont d'égales que la superficie et la in.issc
d'inie vaste cathi''(lrale. Dans ces constructions, en raison même d-'- •î'-irc
du monumenl. doivent s'étaler toutes les grandeurs et toutes les n de
l'art.
Une cathédrale est un petit monde peuplé de statues cl animé de figures :
di\-liuit cents ou dciiv mille slaluctlos cl slalucs, comme à Nolrc-D.injo de
112 ANNALF-S AnCIlIvOLOGIOL'ES.
Chartres; ( iii(( du six tiiillc figures peintes sur verre, comme clans le même
f'dince. Je ne comprendrais pas r|u'nn Opc'jra contînt moins de sculptures cl
(Ir peintures. Mais, à la catliédrale, l'iconographie est sp/îciaic; exclusive-
iiii'iit rehgiensc, clic n^produit les |)ersoiniages et les scènes (jui ont occupé
ou occuj)('niiil riiistoirc liiiiu.iiiic dans ses relations avec la divinitt^ de|)uis la
création jusqu'au jugement dernier. A iOpéra, l'iconographie, non moins
spéciale, non moins exclusive, fli>il iclli'Ier l'humanité dans son amour |)Our le
beau, poiM' l'idéal, pour toutes les sources du bonheur terrestre.
Dans nos climats, la sculpture occupe surtout l'extérieur des monuments;
c'est h l'intérieur qu'appartient principalement la peinture. Mais sculpture et
peinture doivent se rap|)çler Itiiie laiitre, comme le revers d'une médaille en
rappelle et complète l'endroit. I.a sculpture énonce le motif que la peinture
développe h loisir, sur une large surface, avec les ressources puissantes qui
sont en .sa possession.
L'ère chrétienne, les temps modernes ont trouvé pour la catliédrale tous
les m'otifs religieux dont on peut remplir une église. Pauvres en inventions
])our rOpéra. nous sommes obligés davoii' recours aux imaginations de l'an-
liiiuili''. Tant que nous n'aurons pas trouvé une mythologie nouvelle et spé-
cialement api)licablc à nos sentiments modernes, il nous faudra piller la
vieille mythologie dos Grecs et des Romains pour nous l'approprier. C'est
une nécessité qu'on peut subir à contre-cœur, mais à laquelle il n'est pas pos-
sible de se soustraire encore.
Il faut donc nous résigner,
A l'extérieur d'un Opi'ra. la statuaire revendique pour elle les niches, les
frises, le dos des entablements, le champ des tympans et frontons. — Le fron-
ton est la tête d'un édifice, et c'est de là, comme d'un centre, que doivent
partir les motifs qui peupleront les entablements, les frises et les niches. Aux
tympans et frontons des cathédrales s'étalent les grandes scènes du christia-
nisme : la naissance ou la mort de .Tésus-Christ. la naissance ou la moi't de la
Vierge, l'ascension du Sauveur ou le jugement universel. Les frontons d'un
Opéi'a doivent recevoir également les grands personnages de qui le théâtre
relève, à qui il est dédié.
11
L'Opéra est le temple de l'idéal ou de la beauté terrestre telle que
'homme peut la rêver. Celte beauté complète, résultante de toutes les
ICONOGRAPHIF. DE l/OPÉRA. ' IIS
beautés parliclles, trouve son absolu dans l'Iiumanilé mcMiie, et surtout dans
la femme. C'est ainsi que la mythologie l'entendait lorsqu'elle créait Vénus,
la mère du beau et du bonheur. Par la bouche de Virgile, l'antiquité nous
en a fait, en quelques vers, une bien magnifique description. Déguisée en
chasseresse tyrienne, elle apparaît à son fils Knée au milieu d'une furet, près
de la cote oii Didon bâtit Carihage. Son fils, sous ce vêlement d'emprunt, ne
la reconnaît pas. F.lle console Enée, lui prédit ses grandes destinées, laisse
glisser à terre son costume de chassi resse et regagne le ciel d'où elle vient.
Dixit, et avcriens rosea cervice refiilsil,
Ambrosi.Tque cotnin dixinum vertice otiorem
Spiravpre. Pcflps vpstis fleflii\it ad imo«.
Et vera incessu p^iltiitdca '
On trouve dans cette description la personnification de la beauté suprême.
L'Opéra, avons-nous dit, est le temple de l'art total, décomposé en architec-
ture, sculpture, peinture, poésie, musique et danse. Dans cette Vénus tJe
Virgile, chacun de ces arts est reflété et divinisé. — La beauté de construc-
tion il (lo forme sculpturale respire dans tous ces vers du poêle; mais il suf-
firait d'ailleurs de jeter un regard sur la Vénus de Milo pour se convaincre
que les doux premiers arts iilastifiiies n'ont jamais caressé d'autant d'amour
aucune autre figure. — C'est à la peinture (|uc revient cette teinte rosée qui
reluit sur ses épaules et son cou : « Rosea cervice refulsit ». — Li musique
cl l;i poi''sir (hantent dans cette voix ([ui n'a rien d'humain : « Nec vox ho-
ininnni sonat », comm(> dit Virgile quelques vers plus haut. — Jamais l'har-
monie du geste et la divinité de la danse n'ont été mieux exprimées que par
ces (|uatre mois: u Vera inrossu patuit dea». — Lnfin, il n'est pas jus-
qu'aux parfums, que l'on n'a pu encore, <v cause de leur volatilité, constituer
en art, {|ui n'aient trouvé dans Vénus leur source odorante cl divine : « Am-
brosifequc coma* divinum vertice odorem spiravere ».
Voilà véritai)lement, pardon de l'expression, la patronne do l'Opéra. C'csl
au principal fronton, c'est au grand portail, connne l'on dirait s'il s'agissait
d'une <alliiMlrale, (|u'il faut placer Vénus. — Non-seulement le nioyen Age. mais
ranli(|Milé MOUS imposent l'époque de sa vie où la charmante iléosse. toujours
jinnc, doit ôtrc représentée. Phidias, sur le fronton oriental du Parthénon,
sinlpla la naissance (h' Minerves cntoini''!' île tous les dieux de l'olympo;
c'est la naissance de Vénus (|u'il faudrait également représcnler sur lo grand
I . Viiuai.i:, <i fCiiciili' 1), liv. I.
xxiv. 1 •
1l/i ANNM.r.S AI'.C.Iir.OLOr.KHIKS.
fiDiiloii (le l'Opi'ra. l,'(''(li(ico ciiliir lui claiit consarn^ on la voirait iiailrc h
l'ciili-ro iiiAiiio (lu monuinnnl (.•! vivre dans loiil rinl(';ri('ur.
1-0 mytlio flo Vi'niis mo paraît allôro. On fait naître de l'écmno de la mor
la déopso do la beauté; ou Itien. eo qui rovioiit au môme, on la donne pour
fille h Diono. fillo ollo-mèuio de l'Océan et de Tétliys. On croit que pur le
iVoiihin (lu l'ailli(''noii. où elle assiste h la naissance de Minerve, l'hidias
r.ivail assise sur les genoux de Th.alassa, la nier proprement dilf. I,a mer est
II' plus infinie, le plus grossier des quatre éléments. Les animaux {|ui y nais-
sent cl y vivent n'ont que les rudiments de la vie. l'our plusieurs, des séries
entières, on ignore si ce sont des plantes ou des êtres vivants : on les coupe
en morceaux, el ils repoussent comme de la végétation. Ils sont informes et
laids; (|ni|(|ues-uns sont, immenses, mais d'une immense laideur. Leur goût
n'est pas développé; leur odorat esl mil; Iimii- vue est celle de l'o-il dans le
brouillaid; leur toucher, sans organe propre, n'est pas même celui de la .sen-
sitive; ils sont tous muets et sourds. Quant aux alTeclions, même celles de la
famille, elles se réduisent, pour les mammifères et les vivipares, les plus par-
faits des poissons, à tuer et à manger leurs petits quand ils le peuvent. L'Océan
ignore les saisons : il n'a ni printemps, ni été. ni automne; on peut dire que
l'hiver y rèi^no pi-esqiio perpétuellement. Quoi qu'en disent les poètes, la mer
n'est pas plus belle que le d(''sert : c'est l'aride des deux côtés. La vie com-
plète, grande et souveraine n'est ])as là. In jour, par une après-midi magni-
fi([ue de juillet, je voguais sur la plus belle mer du monde, entre la Sicile et
nie de Malle. Mes compagnons, exaltés par l'inclinaison d'un soleil d'or et
(le ])iHii|)ro sur (li's ilois unis ((iinnic une glace, ne tarissaient pas d'éloges sur
la splendeur de la mor. .Vadinii'ais. mais je n'étais pas enivré comme eux.
et mon antipathie contre la gros.'^ièreté de l'élément liquide croissait en
raison mémo de l'exaltation de mes amis. Enfin, leur dis-je, si l'on vous pro-
posait d'anéantir, à votre choix, la mer Méditerranée ou la Suisse. laquelle
voudriez-vous garder? Quelques-uns. les plus engagés en faveur de la mer,
ne répoiidiri'iit rion ou tniiivèiTiil l'alliM-nalive absurde; mais les autres décla-
rèrent, malgré ce (|u"il imi coulait à leur amour-propre, qu'ils préféreraient
l'existence de la Suisse. Ces imaginations, honnêtes et franches, ainsi prises
au dé|)ourvu. me confirmèrent dans mon goût fort modéré pour la mer et
dans mon amour immense pour la terre. 11 me sembla que le bon sens.
purg('' des tirades de la poésie, avait naïvement dit la vérité.
C'est donc une grave erreur ([ue d'avoir fait sortir de l'élément laid et.
pis encore, de l'écume de cet élément grossier, la beauté suprême. 11 est vrai
(|u';i peine née. Vénus a été réclamée par l'olympe, et qu'elle s'est installée
ICONOGliAI'lIlH DK L'UPHliA. U5
sur 1,1 tciTc, à CytlifTo, Guide et Paplios, pour y exercer son empire. Ainsi,
au lieu de représenter Vénus sur les genoux de la Mer (Wi/.aTT«), c'est sur
le sein de la Terre (faîa) qu'il faudrait la bercer. Qu'on lui nielte les pieds
dans l'eau de la mer, d'une rivière ou d'un lac, je le veux bien, car Vénus
règne sur la nature entière; mais le reste du corps doit se coucher dans une
vallée et la tête reposer sur une colline comme sur un oreiller. Tous les êtres
bruts, organisés et animés, tons les dieux doivent assister à sa naissance, parce
que tous lui obéissent. C'est au printemps, cette jeunesse de l'année, que la
jeune déesse de la beauté doit naître; elle doit venir au monde quand les
plantes sortent de terre, que les arbres reverdissent et que les flcins, comme
de petites lumières de végétation, éclairent les vallées et les montagnes. Il
Faut que Vénus nous arrive au moment où les oiseaux font leurs nids et où la
nature ressuscite dans un embrassement universel.
Il
\ii\ (Iràces, filles de Vénus, semble appartenir le fronton secondaire du
Ikuic gauche de l'Opéra. Vénus est la beauté au re|)os; les drAces représen-
tent la beauté en mouvement. On en compte trois : Thalie, Agiaé, Eui>hni-
syiie. Leur nom est plein de douceur et veut dire la ^'erdoyanle. la Brillante,
la Joyeuse. On peut croire (|ue chacune d'elles personnilie le contentement
(jr I iiiii! (Il- nos qualités principales. I.'honnnc est un composé de sensations,
d'alVeclions cit de facultés. La verdoyante Thalie peut être chargée spéciale-
ment (le nos sensations matérielles, la brillante AgIaé des alTections de notre
cœnv, la joyeuse lùiphrosyne des facultés de notre esprit, ('.haciine aurait
ainsi son rôle bien mar(|ué, et toutes les trois s'accorderaient pour faire com-
plétemiMil noire boiiheiu'.
Si \('iins n.iit .(Il printemps, ses filles peuvent venir au monde en été, dans
la saison un pi ii acre et violente des plaisirs.
Les .siulpleiirs recherchent la nudilé au lieu de la redouter; mais si loiiles
ces femmes nues, Vénus, les (iiAces, et tout à l'heure les Muses, semblaient
olVrir de la monotonie, rien ne serait plus facile, connue Socratc l'a fait lui-
même lors(|ue, dans sa jeunesse, il sculpta les GrAces, de les couvrir d'un
vôtemeiil. Quant aii\ Miims. Uaphaél les n toutes habillées dans son Par-
nasse '. Le seul Apollon, dieu du soleil, dieu de la chaleur, est i» peu pri"»»
('(iMipli''l('tiii'iil nu.
I. O'u.-'l lu C(jlùb(« fri'S(|(ii3 (l(< lu stiild do la .^Ignnlurot nu Vnlicon.
116 AN.NALKS AlICIIIiOl.OOIOI KS,
J\
C'est h la naissance des Muses (lu'oii devrait réserver le froiiloii du liane
clidil de rOpi'ia. Coiniiu; Vénus et les Grâces, les Muses naissent à l'extérieur
d'un inununicnt dunt elles vont, dans tout le cours de leur existence, remplir
i'iiilérieur. On dit {|uc les Muses sont filles de Mnémosyne ou de la Mémoire.
C'est encore un nivllie (jui me semble all<''rr'. Les Muses ne sont pas les tilles
de la tradition ou du. passe, mais les enfants de l'inspiration ou du présent.
(Jii nui iiii \iril;il)le artiste compose, ce n'est point parce qu'il a de la nié-
iiioire ut (|u'il se souvient, mais parce qu'il invente. 11 ne se rappelle pas;
mais, comme Dieu, il crée de toutes pièces et avec rien. Le nom de poète, de
créateur, qu'on a réservé au fabricant de vers, appartient à tous les artistes.
En ma ([ualifé d'arcliéologue, je devrais me prévaloir du mythe grec, et
allirnier ([uc l'art est un souvenir du passé, que les Muses sont filles de la Mé-
moire; mais je pi'éfèrc la vérité.
Les Muses, connue Vénus et les Grâces, sont d'origine divine et véritable-
ment (illes de Dieu. On a voulu les faire naître grossièrement, comme les
enfants des hommes. C'est un blasphème dont un peintre de génie, M. Ingres,
s'est rendu coupal)le dans un petit tableau exécuté il y a quelques années.
Biicchus. le dieu de la i)onne chère et du vin, est sorti de la cuisse de Jupiter;
mais -Minerve, la déesse de la sagesse, a |)ris naissance dans le siège de l'in-
telligence, dans le cerveau du maître des dieux. Par analogie, c'est du cœur
de la divinité suprême (juc doivent s'envoler les Muses, car le cœur et non le
ventre fait non-seulement l'orateur, mais tous les artistes : « pectus est quod
disertos facit ».
Sur ce fronton, je ferais naître les Muses en automne, car l'art est vérita-
bli'ineiil le fruit niùr do la grâce et de la beauté. Connue Raphaël, je les met-
trais sous la présidence du soleil ou d'Apollon, sur un Parnasse ou, mieux
encore, dans un Paradis rempli d'herbes portant leurs graines et d'arbres
])ortant leurs fruits, suivant l'expression de la Bible'. Si la fontaine Castalie
ou rilippocrène n'y sufTisaient pas, car les eaux pa'ïennes sont beaucoup trop
maigres, je ferais arroser sans scrupule cette terre de l'art jiar les quatre
neuves du Paradis terrestre. Le Tigre et l'Eupin-ate, le Phison et le Géhon,
ne refikseraient certainement ])as de rafraicliir et de fertiliser ce Parnasse
nouveau.
I . « Genèse », i, 12.
ICONOGRAPHIE DE L'OPÉRA. 117
Les niclics de la façade et des flancs de l'Opéra doivent abriter les per-
sonnages allégoriques ou réels qui composent le cortège de l'idéal ou de
Vénus, des Grâces et des Muses. Les Muses personnifient les sciences et les
arls; mais cette encyclopédie des anciens est bien incomplète. Clio représente
l'histoire; Tlialie, la comédie; Melpomène, la tragédie; Lrato, la poésie
élégiaque et amoureuse ; Calliope, l'épopée; Uranie, l'Astronomie; l'olymnie,
réli)(iuence et la poésie lyrique ; Terpsichore, la danse; Eulerpe, la musique.
En fait d'art, la poésie n'a pas à se plaindre : sur neuf Muses, elle en a cinq
à sa disposition ; c'est véritablement du luxe. Mais aucun des arts du dessin
n'a de Muse pour patronne. Quant aux sciences, l'astronomie est la seule qui
ait une proleclrice ici; c'est de l'indigence. Le moyen âge, en présence de
cette classification insufiisaiite, semble avoir voulu combler les lacunes, et il
a personnifié à sa manière les arls et les sciences. Mais ces arts sont ceux de
la parole seulement, la Grammaire, la Uialeelique et la Rhétorique, et il
ajoute encore Ji l'abondance déjà excessive de l'antiquité. Quant aux sciences,
puisque la Grèce n'avait songé qu'à l'astronomie, le moyen âge n'avait pas
de peine k être plus complet, et il a groupé en faisceau l'Arithméliquc, la
Géométrie, l'Astronomie et la Musitiuo. Cette dernière, je ne sais pouniuoi, a
bien du mal îi se dé'gager de la science pour prendre son essor et devenir un
art, le plus grand peut-être, mais sinlout le plus immatériel. Toutes ces clas-
sifications me paraissent puériles, et il serait grand temps de remettre au
creuset les Muscs de l'anticiuité et les Arts libéraux du moyen Age, pour les
allier avec des éléments nouveaux, et en tirer une classification complète et
vraiiiieiit sérieuse. La décoration de l'Opéra serait, du moins ipiant aux arts,
une circonstance des plus opportunes. Quoi qu'il en soit et en attendant,
laissons les Muscs où nous les avons mises, et, pour n'être pas ingrats envers
le moyen âge, introduisons dans leur cortège la personnification des sept
Arts libi'raux. Sept niches sur celle grande fa»;ade ou ces flancs allongés, co
n'est pas d(;maiider trop. Mais une fois celte justice historique rendue à tout
le mitndi', à ranti(|uité connne aux époques plus récentes, il faul faire une
place, et la faire belle, à la |)ersonnilicati()n de l'archileclure. de la sculptuix\
de la peinture, de la danse, de la musi(|ue arl et non science, de la piK^io
générale; l't mm partirllc. Puis, connue complément ixVI de ces pcrsuiinos
idéales, on pourrait rassembler autour de l' Architecture les plus grands nrchi-
ii« AiN.NAi.Ks ,\ii(;iii';oi.O(;i(.)ijKS.
Ifclos (lo litiis les ti'inps cl de tous los pays, Libcrgicr coiiiiih; l)<;(lal<i cl
Icliiiiis, H()l)oil (le Liizarclics coiiiinc Aijullodon; (.-l Orca^iia, Cliii>lo|)ln;
Wrt'ii et Briinollesclii, Dcloniie et Diicein-aii. Aiiloiir de la .Sciil|)tiire .se ran-
imeraient Pliidias, l'raxilèle, Nicolas et Andix- de l'ise, Gliil)erti, Michel-Anj,'»',
l'ujet et tous les awti'cs grands sciilptetns. I^a Peinture s'enorgueillirait d'une
escorte |)Ius nombreuse encore. I.a Danse aurait un collège plus réduit et
beaucoup moins illustre; mais la Musique et surtout la Poésie trôneraient au
milieu (ji's plus sublimes et des plus nombi-eux génies.
J.es niches ne sulliraienl pas pour loger cette foule; d'ailleurs, par leur
espacement, elles ne permettraient pas facilement de reconnaître les diil'é-
rents groupes. Mais, sur les longues frises de la façade, des flancs et du
clicvet de l'édifice pourraient se dérouler des scènes où chaque art, entouré
de .ses plus illiisires cnfanls, jouerait s(jn rôle spécial. C'est au développement
d'histoires analogues que les frises sont ordinairement consacrées. Dans les
temples anticiiies, le combat des Centaures et des Lapitlies, la bataille des
Amazones, les travaux d'Hercule, occupent les frises des entablements et nous
montrent comment nous pourrions décorer les frises de l'Opéra.
Après celte stalinii un peu longue peut-être au dehors, entrons dans l'inté-
rieur do l'édifice.
VI
D'abord s'oiivi(! 'e lai'ge vestibule où la foule se partage à gauche et à
(hoilc |)i)ur gi'avir les doux grands escaliers qui conduisent dans la salle des
représentations. Au-dessus du vestibule est établi le foyer public où, dans les
entr'acles, les spectateurs circulent pour se voir de près, s'aborder, se com-
niuniciuer leurs impressions ou se livrer simplement au délassement de la
locomotion. Derrière la scène, à droite et à gauche, sont pratiqués le foyer
(li; la musi(|iio cl le l'oyor do la danse, oii se donnent les leçons particulières
et où se font les répétitions sj)éciales avant les répétitions générales sur la
scène et avant les représentations. Derrière ces foyers est établie l'administra-
tion de l'Opéra, dont la salle de conseil et le salon du directeur sont les pièces
principales. Tout cela, vestibule, escaliers, salle, foyer du public, foyer de la
musique, foyer de la danse, salle du conseil, salon du directeur, demande
une ornomonlation particulière et appropriée à sa destination. La sculpture
s'est cxclusivoniont chargée du dehors ; au dedans, surtout au vestibule et
aux escaliers, elle occupera encore une place assez importante, mais cette
ICONOGRAPIIIi; DK L'OPÉRA. 119
place, elle la partagera avec la peinture, qui a le droit de posséder la salle,
les fovers et les salons.
VII
Dans le vestibule, espèce d'antichannbre, les valets alertes des opéras
Ijoufl'es, les soubrettes joyeuses des comédies, les rieuses ballerines des danses
les plus célèbres, semblent faits tout exprès pour recevoir l'afiluence qui se rend
au spectacle. Ce sont les domestiques de la maison. I.a statuaire est bien grave
pour ces masques grotesques et ces figures frippées ; mais cependant les plus
illustres de ces gais personnages, car il y en a d'illustres, peuvent animer la
pierre, sinon le marbre. Le reste se peindrait simplement sur les murs.
\ III
Kscorlé par les poêles ordinaires ot les librettistes, par les musiciens de
seconde classe et surtout par les compositeurs de ballets, un monterait les
larges escaliers qui conduisent à la salle. Ces artistes médiocres, ces « poel;r
minores », sont déjà des membres de la famille, et c'est entre les deux haies
qu'ils formeraient à droite et ;i gauche, comme les gardes tlu corps sur les
marches d'un escalier impérial, que l'on accéderait ii la .salle des représen-
I\
Ici, dans celle salle, la pleine lumière et le luxe éclatant : nous somme.<s
dans l'olympe de l'art. F,e ciel de cet olympe, c'est la coupole (|ui couviv In
salle entière cuniine la voûte céleste couvre et enveloppe la terri». I.c sujet
(|n on III' peiil Tviler est donc la représentation du séjour habité par les plus
grands dieux du monde anti(|ue. Connue, tout dieu qu'on soit, on ('mirait par
s'ennuyer si l'on S(> cont<'mplait éternellement sans jamais rien faire, il semble
(|ue l'on pourrait représenter ilans celle coupole les noces de l'Amour cl
l'syclié. I,es olympiens no dédaignaient nullement les festins, car ils onl
iii\enlé le nectar pour boisson, et l'ambroisie poiu" nourriture, avec Hébé el
(iaiiyinède pour leiu' servir h manger el à boire. Dans un Opém. oii tout porto
i'i la sensiialili* el à ramoiu', il est bon cependant de modérer cet np|K4it de la
120 ANN'Ai.FS A nriifîoi.or.iorjES.
iii.ilièrc |).ii' lin l'Ii'nniil plus ('•llii''ré. Oetle jolie fal)lc du mariage de l'ùme liu-
iiiaiiio, sous le nom di' l'sycli(;. avoc le (ils de Vénus, semble un sujet assez
hicii approprie à cette place. Au moyen âge, on a visiblement imité celle union
de l'Amour et Psyché on inventant le mariage de Mercure avec la Philologie,
c'est-à-(liiv ili' Il ^i:iiiiiiiairc avec l'éloquence. C'est donc, comme création,
un (loiililc lu ril;i;j;i' (|iril faut recueillir avec soin. A de pareilles noces, mieux
qu'à celles de Thélis cl de Pelée, on peut convoquer les grands dieux, les
demi-dieux, les héros, les grands génies de tous les pays et de tous les temps.
Tout le monde y est intéressé. La renaissance des xv" el xvi' siècles a bien des
fois représenté ces noces de l'Amour et de Psyché; mais le personnel y est
Irt)]) |HMi ii()nii)nMi\. Iinp exclusivement réservé aux olympiens. En outre, la
fête m'y semble mesquine : il faut que la musif|ue, |)uisque nous sommes à
l'Opéra, y ait une place encore plus im|)orlantc qu'aux noces de Cana; il faut
que la danse y prenne toutes ses aises. La fête doit être incomparable de mou-
vement et d'éclat.
Toutes l(^s places ([ui. dans la salle des représentations, peuvent être occu-
pées par la scuIpUii'e el la peinlnre, doivent être données aux grands poètes,
aux grands musiciens, aux grands artistes de tout genre ; c'est la digne bor-
dure de ce ciel olympi([ue où h; corps s'unit à l'àme. où les sens se marient
aux sensations.
Dans le foyer du public, je voudrais voir -un de ces sujets développés,
sinon inventes, par Péhaniue. notamment le Triomphe de l'Amour. Tous les
spectateurs qui se rendent à l'Opéra sont évidemment poussés par l'amour,
la plus [uùssaiitc des passions. Pour les jeunes, c'est l'espérance; pour ceux
d'ài;-e moyen, c'est la possession; pour les vieux, c'est le souvenir. Le tableau,
historique et symbolique à la fois, des ravages et des bienfaits de l'Amour,
me semble le miroir où chacun doit se regarder. L'Amour, non pas enfant,
comme l'ont trop souvent représenté l'antiquité et la renaissance, mais jeune
homme, comme aimait à le faire I(î moyen âge, est assis ou debout sur un
char (le triomphe cnilaninK! ou brillant comme le feu. Le char est emporté au
galop par ([ualre chevaux blancs couverts de harnais tout rouges. La foule des
amoureux et amoureuses précède, accompagne ou suit le triomphateur, qui a
jiour devise :
AMOn OMMA VIXCIT.
ICONOGRAI'IIIK Ui: L'Ol'EKA.
\-n
(;cux qui précèdent appartiennent à la plus haute antiquité : ce sont des As-
syriens, des Mèdes, des Perses, des égyptiens, des Hébreux. Ceux qui flan-
quent le char, à droite et à gauche, sont les Grecs et les Romains. Les nations
modernes, jusqu'à nos jours et par delà, terminent, foule non moins tumul-
tueuse et diverse, ce cortège immense; elles s'enfoncent dans l'avenir. Des
noms, il est inutile d'en doimer, tout le monde les sait par cœur.
Comme compiiîment et souvent comme correctif, je désirerais une proces-
sion des plus belles femmes de l'hi.^toire. Dans son palais royal de Munich,
Louis l" de Bavière avait consacré deux salons au portrait des plus belles
femmes de son temps. Les gardiens du palais, qui vous conduisaient dans ces
appartements royaux, osaient vous dire que ces belles contemporaines de tous
les pays, surtout de l'Allemagne, avaient inspiré au roi Louis un intérêt plus
vif encore que celui de leur beauté. Je fis remarquer à l'un d'eux le portrait
de la reine des Grecs, femme du roi Olhon, par conséquent belle-fille du roi
Louis, et je lui dis que la seule présence de cette jeune et charmante personne,
que j'avais vue si resplendissante k cheval, dans la ville d'Athènes, en 1839.
siilfisait pour détruire la calomnie. Le valet rougit et resta muet. Cette idée
du roi Louis 1'' n'est qu'une réminiscence, connue tout l'art actuel de Munich,
au surplus, l'elilot a peint sur émail les plus belles femmes de la cour de
Louis \IV. Au château d llampton-Court, près de Londres, une salle est
occupée p.ir lis beautés de la cour de Charles II. A la renaissance on a figuré,
sur tous les tons et par tous les modes possibles de sculpture et de peinture,
les plus belles femmes de l'histoire. Les faïences italiennes de nos musées
nous oH'rent un grand nombre de plats et d'assiettes sur lesfjuels on a peint
ces belles personnes de l'histoire et même de la mythologie. Ainsi, au musée
du Louvre et au musée de Cluny, on piiil voir autour du portrait en buste
de ces belles femmes les légendes (jui suivent :
i.\ i>i\Mn\ iiKiit.
UIIA.NOUA lll.l.l.A.
UMonck n.
i.\ r.A<«Mint iit'i.i A.
i.A nri.i A iiiiMHiTt.
iiriii\uiA nri i.a.
I.\(IC>AUIA nti.iA.
i'.«i.iiinKiA n.
A^itOM^A Kl I I \.
CAiMiw «ri.i.v.
iri.iA lin I t.
tim.iMx II
WIV.
i.iClinrnA nrLLA.
rtoHA Br.i.M.
ILAUlMt Btl.LA.
1^ WAKM.r.XA Brl.Lt.
I.IKIMI.IIt nri.iA.
r.inoi.vux ntii.t.
ORrilA ««.
RI.MDf-rt.
lirKTIlK.t (.
u«r.>» t» mil » »o.
«\lli.AlllTt |i|«« Mil HtM.
AM.M.t «ri 14.
II«M>V »I.I4.
122 ANNALKS MlCIll'iOLOtilOL KS.
Uo.sal)i!lla cl IJulladona .scinlilcnt avdir pris lijiir iniin de ces raïenccs ita-
lionncs. Ce sont des liellos coiifonducs, ])ar un mot uiii(|ije mais composé,
avec la femme, beauté aljsirailo, (ît avec la msc.
.l'en passe, comme on dit, et dijs meilleures, car la liste est fort l()nf,'iie.
Dans toutes ces belles femmes, plusieurs, comme l'auslinc et Flora, (|ui
n'élaienl pas di's niodrlcs de cliastcté, i)()urraienl faire un double emploi avec
les amoureuses qui escortent le char Iriomplial dont il est question plus liant.
Oii re;nar(|uera cependant (pic toutes sont là uniquement pour leur beauté, et
([Ut! l'on a pris à tàclic d'inscrire des fonnnes vertueuses dans cette liste,
comme Cassandre, Camille, Lucrèce, Virginie, Béatrice, Marguerile, Angèlc.
l\ladelciiie s'y trouve, mais Madeleine repentie. Aux stalles de la cathédrale
(Il lui. (k^ statues en bois vraiment magnifiques oITrent toute une rangée de
bulles femmes, mais de belles femmes saintes. Ainsi, Anastasie, Marthe, Ma-
deleine, Agnès, Odile, Dorothée, Catherine, Barbe, Marguerite, Ursule, Cécile,
Klisabelli, \Valbui-ge. Mlles sont précédées des belles femmes de l'Ancien Tes-
tament, et nolammenl de Réhecca et de lîachel. Sur une banderole qui accom-
pagne le liiisl(! de Rr;l)ecca. on lii : ihi:i.i.v dixoua mmis. Sur celle du buste
de lîachel. est grave : ri dkcoiu r\f.iK i:r vf.nusto Asi'iicri . Ce sont en ellel
deii\ a(linir;il)l(\s jeunes lllli's, chefs-d'iruvre de l'art et de la nature. Ces
sculptures datent de la lin du xv" siècle.
Le moyen âge. un le voit, n'était pas insensible à la beauté de la femme.
Dans la cathédrale de Strasbourg, on v<iit également une rangée de belles
leiniiies saintes sur les vitraux de la grande nef, qui datent du xm" siècle. Les
preuses. (|ne l'on aime ;i niotlre en regard des preux, sont des femmes remar-
quables par leur \aiein' et leur hca'ité tout à la fois, comme listher et .ludith.
l'n nianiiscril de la l)il)!ii)tliè([u > de l'Arsenal ', du xiii*" siècle, dit en parlant
do Judith :
Clcr ol le vis et la cliii- bi,iiice
Comme la iioif desor la brance.
\ oiHi (les autorités suQisantes, et il serait facile de citer d'autres faits encore,
polir nous al)soudre de demander une procession, la plus longue possible, des
plus belles femiiies de ranti(|uilé. du moyen âge et des temps modernes :
t'iMOMics liisl()ri([iies, eoinme Lucrèce; femmes poétiques, comme la Béatrice
du Dante; iV'iinu's allégoriques, comme Psyché. Pour présidente ou direc-
trice de ce cortège immense, nous n'hésiterions pas à proposer Vénus elle-
même, en ([ui se résume la beauté universelle.
I. la-fulio. iS.Î, R. L. 1-r. 2:G, \" c. i.
ICO.NOUUAI'IIIK Di: L'Ol'KRA. 122
Je demande aux lecleurs de ne pas trop s'efTarouclier de vuir si frériuem-
ment Vénus et l'Amour dans tout cela. Ils savent qu'aux xii% xiir, \iv' siècles,
les amours de Pyrame et Thisbé, de Virgile, d'Arislote, de Lancelot et de
Genièvre se sculptaient jusque dans le sanctuaire des cathédrales. De ce côté,
un Opéra a plus de privilèges encore qu'un monument religieux. Si l'Amour
et sa mère doivent se représenter quekiuc part, c'est surtout dans une salie
d'Opéra ; car ils sont là chez eux. Au moyen âge même, au xiii* siècle, on
savait très-bien mettre chaque chose à sa place. Ainsi, dans une maison, dans
un château, dans la chambre particulière d'une bourgeoise ou d'une châtelaine,
on aimait h représenter des amourettes et des sujets appropriés à leur desti-
nation. Marie de France décrit ainsi les peintures qui décoraient la chambre
d'une dame de son temps :
Li siro ont fait dcdcnz lo mcur,
l'ur sa fcnimo nictro à seur
CliuuiiiLrc S01I7. ciel ii'out plus l)ele.
A l'entréo fu la capele.
La caiiiTibre est paiiitj lut cnlur :
Vcniis, la dioucsse (l'amiir,
Fu 1res bien mis en la peinture,
Los trai/. muslie/. é la nature,
CunieiU hum doit amur tenir,
E léalmcnl ô bien servir.
Lo livre Ovide ù il enseigne,
Ooincnt cascuns s"amour tesmcgni',
Kn un fu ardent lesjoltout;
V, lu/, iceux escumengout,
Ki Jamais cel livre lireienl
Ktsun onsoigncmcnt fercionl "•
V^•l (luni- polir Vénus comme chct de lile clans ce bataillon des belles feiiniies
du monde eiilii-r.
XI
l'oiM' il- foyr lie la nui.si(|ue, c'est la musi(|ue elle-même qui doit rournir.
pur son hisloire, tous les motifs de décoration.
1. Voir lo 0 Lni de (iugeitier « dans les « I'o^^ip!» • de Marie ili< FriUire, xni* «!■ par
l(o(|uerort, Paris, tH;iJ. Cite \wr M. Viollel-le-|)iir, • |)ii-liiinn»iri< r.ii*<>i>''" ■'" ' ■> "'
mot « Donjon <>, page H^.
t2'( ANSAI.KS AIlCIIKOl.Oiiigi'KS.
L'Iiistoin! ili! I.i iiiiisi(|uo se divise en |)liisieiirs grnnJs chapitres dont quel-
ques-uns |)(,'uveiil décorer lu f;iande salle où nous sommes. Ces chapitres, en
négligeant Irs divisions secondaires, s'étagent chronologiquement. D'ahord
la musi(|ue dans la nature, puisque tout son eu |)rocède comme un fleuve pro-
cède de sa soin'cc. Puis la musi(|uc dans la mytiiologie, (|ui n'est pas spéciale
aux Cirers, mais appartient à tous les peuples. Puis la musique cliez les Assy-
riens. Ii's Iml iM-. les égyptiens, les Hébreux, les Grecs cl les Romains. Puis
Il niM-i{|iii' ,111 inayen âge, et enfin chez les peuples modernes.
l/air est le principal, sinon riuii(|uc véhicule de la musique. Tout son qui
s"('( liappc de l'eau, de la terre et du feu est charrié par l'air qui le module et
I "appoile h roreilie. Au centre d'une composition, je figurerais l'Air en le per-
sonnifiant à peu près comme le xiiT siècle l'a imaginé dans un manuscrit de
la ])ii)liothè(|ni' niiniicipale de lieims •. C'est une grande figure humaine ailée,
jambes et bras écartés, posant chaque pied et chaque main sur l'un des qualrc
Vents du inonde. Ces vents sont à la musique de la nature ce que les soudlels
sont à celle de Torgiic. Au lieu des quatre vents, on pourrait n'en figurer qu'un
seul et le placer dans l'un des cantons dont les trois autres seraient occupés par
l'eau, la terre et le feu. C'est de l'eau que partent les bruissements des cascades
et les tempêtes de la mer. La terre donne le frémissement des bois et le cri des
hôtes ; le son s'y i'é|)crcufo en écho. Le feu fait gronder les volcans, et de
l'air partent, à côté du chant des oiseaux, les explosions de la foudre. 11 n'est
pas ]ihis ditririle de personnifier l'eau, la terre et le feu que les vents et l'air.
D'ailleurs, chaque ligure, éclairée et complétée par ses attributs spéciaux.
prendrait une signification parfaitement précise. l'.nlin l'art chrétien, le byzan-
tin surliiiil. (|iii a jieint ]ilusiiMn-s fois le cantique des trois IL^breux dans la
fournaise, doiuieraii les indications sutTisantes pour exprimer par le dessin
cette musique de la nature. Dans ce cantique on personnifie, on fait parler et
chanter les constellations, la pluie et la rosée, le froid et le chaud, la glace
et la ni>igL\ les éclairs et les nuées, les montagnes et les collines, les plantes,
les mers, les fleuves et les fontaines, les oiseaux, les bêtes féroces et les trou-
peaux "-. Il l'aiidrait être bien maladi'oit pour ne i)as composer, avec de pareils
éléments, la miisi(iue de la nature.
La inusi([ue dans la mythologie est plus facile encore à composer. Au cen-
tre, Apollon, le maître des Muses, le chef d'orchestre de la musique humaine.
Dans les quatre côtés, Orphée qui charme les enfers, Arion qui apaise les
1 . CeUo iiiinialure, ou plulot ce dessin au Irait, du xiii" siècle, a été publié dans les « Annales
Arclii'ologiques », vol. i, page aide la seconde édition.
î. Daniklis <r Piopli'?'ia », cap. nr, v 57-90.
icoNocinpiiir. di-: i.'optitA. i-:3
flots, Ampliii)ii (|ui anime la terre et les pierres, Pytliagore qui trouve le
rliythmc dans le mouvement des corps célestes. Çà et là. Mercure, inventeur
do la lyre; Ilarmonia, la femme de Cadmus, qui trouve la fliite simple; Bac-
fluis, c'iqui l'on attribue la double flùlc; Pan, qui joue de la flûte à sept tuyaux;
les Tritons, ([iii font sonner les conques marines; les Sirènes, qui pincent de
la harpe en s'accompagnanl de leur voix. Les histoires de Philomèle, de
l'Hirondelle, du Cy^ne. pourraient alterner avec le défi des Piérides, de
Marsyas, de Thamyris, et les autres légendes mythologiques où l'arl musical
est en jeu .
Quant à la musique chez les peuples de l'antiquité, c'est tout simplement
im cours de l'histoire musicale k représenter dans une série de tableaux. Il n'y
faudrait oublier ni David entouré de ses chantres, ni les Hébreux captifs sur
les rives de l'Eujjhrate, ni même Jubal auquel est attribuée l'invention des
instruments de musique, comme est attribuée à Linus la création de la
mélodie.
Le moyen âge, auquel nous devons l'invention ou tout au moins l'immense
développement des cloches, des carillons, de l'orgue et de l'harmonie, nous
a donné : sainte Cécile, la patronne dos musiciens; saint Ambroise et saint
Augustin, les auteurs du « Te Oeum »; saint Grégoire le Grand, (pii a renou-
velé et réduit en système le plain-chant ; saint Thomas d'Aquin. qui a com-
posé cet oITico (lu .Saint-.Sacremcnt, le plus éclatant des offices de ri-iglisc.
Encore un tableau dont sainte Cécile occuperait le centre, comme, plus haut
Apollon et l'Air, et qui serait cantonm'- par saint Ambroise, saint Augustin,
saint Grégoire, saint Thomas d'A(|in'n.
Kn face de celle musi(|uc sacrée, il faudrait poindre la musi((uc profane des
troubadours et des trouvères, des déchanteurs, des chansonniers, dos dra-
maturges naissants, ii (jui nous devons le développement, inconnu à l'anli-
(|iiili'', ilo rii.iniinnir iiiMsicalo.
Ouant aux lem|is modi'rnes et actuels, il faudrait faire un choix, lanl les
sujets s'olTrenI on abondance pour figurer l'histoire de la nuisi(|ue et l'histoire
dos grands musiciens de notn; Kuropo. C'est \h. (pi'à l'imitation de l'élrarque,
on poin-rait représenter le Triomphe di! la Musique. .Sur le char, au lieu d'un
soMJ Irimiipli.ilriM , j'i'ii voudrais trois : l'Air. Apollon ol sainte Cécile, escortés
par les musiciens célèbres de tous les temps ot de tous les pays'.
I. I.'Oih'tiI ii'ii|i|iiii'lii<iit |iiH spiilomnnt a P.iri», mni't îi toiilo lii Fr.inco ol nu mon<|p i>nlipr. Ij>«
plus >;r.iiiils (.'l'iiii's l'Iriium'rs, roimiic Mryorhpor ol llossini. y fonl rliTlion •' ■ Pl no ne
iToioiit iflorioiix (Hi'M|>ri'.H y «voir i-li' rouroiiiu'!). Touh I«J p<i\» ■•' '""- '■•' '■•! ' iLm.- «
fiiiro corl^KO nu Trii)iii|ilio ik< lu Musique.
I2C. ANNAI.KS AltniKOLOfUOUKS,
MI
A la salle du foyor de la !)an«c appartient ctclusivement l'art spf'-eial do
l'allilude en iiioiivemenl, que l'on devrai!, comme je l'ai dit plus lianl.
a|)peler l'Aclion, pour lui donner un earaclère gt^néral.
La danse dans la nature, la mytiiologie et l'histoire correspondrait aux
lableau\ de iniisi(|uc indi(|ués ci-dessus. I-es eaux qui ondulent ou bouillon-
ni'iiU les |)lanlcs et les arbres qui se courbent ou se balancent au soudle du
vent, les animaux qui rampent ou bondissent, les oiseaux qui planent ou qui
volent, la flamme (jui s'élance; ou tourbillonne, les astres qui accomplissent en
chœur leurs diverses révolutions, rentrent dans le domaine de la danse natu-
relle et primitive.
Li'i, mythologie fait exécuter des rondes à l'année, aux saisons, aux mois,
aux jours et siirtonl aux heures. La danse des dilTérentes heures du jour et
de la nuit est une de celles que les chorégraphes aiment à composer. Ils font
danser les saisons, les sens, les quatre ou cinq parties du monde avec Vénus
et les Amours, avec les Grâces et les Muses, avec Diane et les Nymphes.
Voitm-e décrit, dans une lettre au cardinal de La Valette, une fête que
M"" (le Vi^eaii donnait à la princesse de Condé. 11 ajoute '* : « Au bout d'une
allée, gi'ande à perte de vue, nous trouvasmes une fontaine qui jettoit toute
seule plus d'eau que toutes celles de Tivoli. A l'entour estoient rangés vingt-
quatre violons qui avoient de la peine à surmonter le bruit qu'elle faisoit en
tombant. Quand nous en fusmes approchés, nous descouvrismes dans une
niche, (|ui estoit dans une palissade, une Diane à l'âge d'onze ou douze ans,
et plus belle que les forêts de Grèce et de Thessalie ne l'avoient jamais vue.
Tout à coup la déesse sauta de sa niche et, avec une grâce qui ne se peut
représenter, commença un ballet. Ceux qui ne croyent pas les fables crurent
que c'estoit mademoiselle de Bourbon. »
Non-seulement les déesses de l'antiquité mènent des ballets, mais on fait
danser même les Arts libéraux du moyen âge, qui sont, nous l'avons déjà dit :
la Granunaire. la Dialectique, la Rhétorique, l'Arithmétique, la Musique, la
Géométrie et l'Astronomie.
1. Les « Œuvres » de M. de Voit rf., lettio x, Paris, 1658. In-12, page 27. — CeUe citation
est tirée d'un mémoire de M. le comte Léon de Laborde sur les « Châteaux dans les environs de
Paris au xvir siècle, publié dans la « Revue générale de l'architecture » de M. Daly. vol. vi,
année I8ld-I84(i, col. 401-492.
iroNOGRM'iiir. [)!•: l'oi-kka.
127
l.c (i Ballet des arts », paroles de Benserade, musique de Liilly, fut dansé
pour la première fois par Louis XIV le 8 janvier 16G3. M"" de Brancas,
dont les pamphlets du teinps ont célébré les mœurs légères et fort bien appro-
priées à la danse, y représentait la Géométrie :
Brancas, ceUe jeune merveille,
Qui a le pas fin et l'oreille,
Dans ce ballet, non par hasard,
Keprésentoit, dit-on, un art;
Oui, c'éloil la Géométrie.
Son habit, couleur de prairio
El qui valoit son pesant d'or.
M'en fait ressouvenir encor '.
J.a danse hisforiqtie chez les différents peuples et aux différents siècles,
dcpin'à la danse du labyrinthe décrite dans 1' « Iliade » d'Homère, et qui
appartient encore à la mythologie, jusqu'à la polka ou la valse de nos jours,
fouiin'iait un nombre infini de sujels de tableaux.
I^a danse est beaucoup moins profane qu'on ne le pense, et la danse de
David devant l'arche lui donne une origine suffisamment respectable. Autre-
fois, dans i'Mglise lalitie, la plupart des cérémonies étaient accompagnées de
danses; aujoind Imi encore, surtout en Espagne et dans l'Atnérique du Sud.
on danse dans les rues, dans les églises même, en présence du Saint-Sacre-
ment, surtout à l'époque di\s processions de la l'otc-Dicu. I/Eglise grecque,
plus tenace dans ses vieilles coulumes que l'I-lglise latine, a conservé ses
danses liturgitiucs dans les églises. A Kleusis, j'ai assisté au baptême d'un
enfant, pendatit lecpiel le prêtre officiant a dansé avec la maiTaine, le parrain
et toute la famille autour de la cuve baptismale. Dans une église d'Atliènes,
j'ai vu célébrer un mariage qui s'est terminé par une danse dans l'église
même. « I/tisage, dans lequel étaient les anciens peuples de ne jamais sé-
parer la danse de la miisi(|ue, se conserve encore dans les chants religieux
des chrétiens d'Abyssinie, suivant ce que m'ont assuré les prêtres et les pa-
triarches de cette liglise, (|iii' j'ai ni l'occasion de consulter à ce stijel, dans
les fiétiuenles visites que je leur ai faites au Vieux-Caire, où ils ont un lios-
pice ■- ». — Chez les Arabes et les Turcs, des moniistères sont occupés exclu-
sivement par des derviches lotirncurs dont la fonction est de danser dans les
mosiiuécs. I.(,'s aimées de l'Inde sont célèbres par h-tirs danses sacrées, i|uoi-
que licencieuses, dans les temples de Brahma et île Bmidda. Les danses rcli-
1. « Len rinis.so'4 l'nides ou les Ainount do M"" de Branras et autres dames do la cour », «n*
nmn (ruulour ( lliissy-ltabiitiii piMit-i^lre), à la suite de 1'» llislum' ' >' dw (îiiulwi », [ur
lluH-N -Italiulin, édit. P«i:i. IIihtivMi et Ou. I.i\kt, « Uililiollii'>i|ue ' - •. vul. il, p. 33t.
2. Viixiiti:m', « lliu-heri'hu'i «ur l'unalugio du lu musiiiuu iivoc les art» qui oui |wur o^jvl i'imr
littiuii du lan^ii;; < .. i g |, ',7
128 ANNALKS AltCllÉOLOfJIOLKS.
{pieuses lU: \"\\i'. l'oniiuse sont racontées en détail par les voyageurs anglais.
J^es prôtrcs dansent, sautent, tournent et chantent en présence de leur
patriarche qui assiste à ce spectacle avec un air sérieux '. Kiitin, plus près de
clic/, nous, à liptornach, dans le grand-duché de Kuxenibourg, huit ou dix
mille personnes exécutent cette fameuse procession dansante qui a lieu, dans
le mois de juin di; cliacjue aimée, au tombeau de saint Willibrod. Hommes,
Iriiimes, vicillaids, cnfaiils, se forment en cortège et dansent, trois pas en
avant et deux en arrière, sur l'air : « Adam avait sept fils détrempant de leur
sueur, sans paix ni trêve, la terre du chemin 2», Le 'JO juin 1852, huit
inillc cent pèlerins, venus des environs et même de pays assez lointains, |)ri-
i-enl i)art à cette procession. Une foule immense suivait les sauteurs en psal-
iiindiaiil dos prières ^.
Un (III |ilusieurs tableaux, qui représenteraient ces danses religieuses et
lilurgicjues, ne seraient certainemciil pas dénués d'intérêt. Il paraît que sous
les premières dynasties chinoises, mille ans et plus avant Jésus-Christ, l'ex-
trèm'c Orient avait des danses mimiques du caractère le plus grave et le plus
religieux. On cilc huit grandes danses et six petites que les fils de l'empire
devaient apprendre et exéciiler. — Voici le nom des grandes : 1° La « Porte
des nues n, en riionncur des esprits célestes; 2" la « Tournante », employée
lorscpie l'empereur olïrail les sacrifices sur l'autel rond; .V la « Simultanée »,
lorsqu'il les olTrait sur l'autel carré; k" la « Cadencée ». usitée dans les sacri-
fices aux astres; 5° la « Vertueuse », pour célébrer les esprits des montagnes
et des rivières; G° la « Bienfaisante », en l'honneur des ancêtres femmes;
7" la « (Wierrière », en l'honneur des ancêtres hommes ou de (pielque vic-
toire; 8" r « Agitation des eaux », exécutée dans les sacrifices aux esprits
terrestres et lors de la fête des ancêtres. Elle imitait le mouvement des eaux
agitées par la brise. — Par les six petites danses on invitait les esprits à
venir assister aux fêtes. La première, celle du « Drapeau », appelait les
esprits de la terre et des moissons; la seconde, celle des « Plumes », appelait
les esprits des (jualre parties du monde; la troisième, celle de l'oiseau mys-
térieux « l'oang-lloang », conjurait la sécheresse; dans la quatrième et la
cinquième, celles de la » Queue de bœuf» et du « Dard ». on honorait les
esprits des rivières et des montagnes; la sixième, nommée la danse de
1. u llliistraled Londoii News», novembre 1S.Ï9.
2. liiNTKniM, c( De Sallaloria quse Eptcrnaci quolannis celebratiir ». ln-8°de 45 page?, Dussel-
dorf, 184s. Coite procession a etc insliluée en 1376 jiour implorer de Dieu la cessalion d'un
fléau.
3. « Le Siècle- du 29 |iiin 1852.
ICONOGHAI'lIli: DK L'Oi'KUA. 123
I' <i Homme », s'exécutait les mains libres, cgaicmcnl en l'honneur des
esprits*. Tout cela est bien alambiqué et digne de l'esprit symbolique et
ralTmé des Cliinois, mais un maître de ballet saurait y trouver, même aujour-
d'hui, des motifs curieux. En tout cas, dans le foyer de la danse, à l'Opéra.
on pourrait en tirer un ou deux tableaux intéressants. La danse des Indiens,
celle des Égyptiens-, celles des Grecs et des Romains, fourniraient des com-
positions aussi nombreuses et aussi curieuses qu'on le voudrait. Chez les
anciens Grecs, une danse était parliculiùremcnt célèbre; c'est celle que décrit
Homère dans le chant xviiT de l'Iliade et qu'on nomme la danse de Dédale
ou du labyrinthe :
Il Vulcain trace ensuite (sur le bouclier d'Achille) un chœur semblable h
ceux ([ue jadis, dans la vaste Gnosse, Dédale forma pour Ariane à la belle
chevelure. Des jeunes gens et des vierges attrayantes, se tenant par la main,
frappent du pied la terre. De longs vêtements d'un lin fin et léger, des cou-
ronnes de fleurs parent les jeunes filles. Les danseurs ont revêtu des tuniques
d'un tissu riche et brillant; leurs épées d'or sont suspendues à des baudriere
d'argent. Tantôt le chojur entier, non moins léger qu'expert, tourne aussi
rapide que la rouo du potier lorsqu'il éprouve si elle peut seconder l'adresse
de ses mains. Tantôt ils se séparent et forment de gracieuses lignes qui
s'avancent tour h tour. La foule les admire et se délecte à ces jeux. Deux
agiles danseurs, en tête, donnent le signal des chants et pirouettent au milieu
du chœur. »
Il p.uaît qu'on exécute encore en Géorgie des danses qui reproduiraient
dans leur configuration le labyrinthe de Crète, celle « maison de Dédains »,
comme dit un maiiustrit d'Amiens où il est question de l'ancien labyrinthe
dont était pavée la nef do la calli/'ilrale. Ces processions d'enfants et |)eut-èlrc
(le grandes personnes aiiluiir ûc^ labyrinthes gothiques de nos cathédrales
(le Chartres ou dr Reims, n'auraient-elles pas été des espèces de danses
lilurgi(iues, issues de la danse de l'Iliade?
Ce serait passablement étrange. Quoi ([u'il en soi!, la danse du Labyrinthe,
I. Voir AiiiiiiA m. l.\ I'm.i:, « ilistoiro giinonilo do la musiquo cl do la danse >, (. i, p. 338
ot siiiviinlos. Du Lu l''ii);o cilo Amiut, « Mémuiro sur In tiuisii|iio des Cliinoi-i •; Nokl cl I'lc-
UUKT, lo a Livre ili,';) :«oiiloiu'OS >; (■Rii'ttKn, • I)« I» l'.liino ou iloscri|ttion i;t^n('rolc de rei om-
piro •; (îoui'AN, « Dirtiuiiniiire de ilflns4< o; |)k L'AiXNAtK, • do b ivilliilion tlii'ittrale *, olc.
t. Voir AiiniKN iik La l'Aiii:, « Histoire gi^nériilo do l.i iiiiisiqiio ot do la d.r * i el ii.
In-H", iivoo allas in-folio, Paris, InU. MalliounMisonu'iit do l.a l-'ai;oo'>l mi>rt .> ,iir publia
lu suito do ce grurid ol snvnnl otivra^o uii il aurait donné lu iiiiiiiiquo et la danite rhet le» Grec*,
les lloinains el clio/, les nation;! modornos. Qui donc continuera ro livre ti curieux ol ti utilo
pour riiistgiro do l'art?
XXIV. 1 :
1:50 ANNALKS AltClIl'OLOdlOl.'ES.
Ci; (|iii est plus iialiiiel, sctnlilo s'ôlri; conservée dans lu ville d'Alliènes. Voici
II' (|ui' .l.-.l. Ampère, dans la <i (Irècc, Rome cl Danic », en dit Ix la page 17 :
« La danse (pii a lieu lods les ans, le l" avril, anionr du lemplc de Tliéséc,
paraît provenir en ligne droite de la danse ([ue Dédale inventa pour la belle
Ariane, dont le souvenir serait encore lié au souvenir de son ravisseur infi-
dèle. Les voyageurs les plus récents remarquent que le jeune homme (|ui
conduit le chœur se permet seul des bonds et des sauts périlleux que s'inter-
disent les autres danseurs. Il en est de même des n cubistes », qui, dans la
danse qu'Homère a dessinée sur le i)i)uclicr d'Achille, conduisent le clianl et
bondissent au milieu de la foule.
« Nous devons à une Grecque aimable, mère du plus « anti(|ue » de nos
po tes, à M"'" Chénier, quelques détails curieux sur la danse d'Ariane. Tantôt
on l'exécute avec un fil c|ui rappelle celui du labyrinlhe, tantôt avec un mou-
clidir. La |)ersonne ([ui lii'ul le mouchoir dit ces paroles : « Navire, qui es
Il parti et (|iii lu'enlèves mon bien-aimé, mes yeux, ma lumière, reviens pour
<i me le rendre ou pour in'emmener aussi. » On voit que c'est Ariane qui
parle et le mouchoir est là pour essuyer ses larmes. Quand Ariane a chanté,
le cha;ur lui répond sur le même air, en s'unissant au sentiment qu'elle
éprouve, à la manière du chu-ur anli(iue : « Maître du navire, mon seigneur,
ce et vous, nocher, âme de ma vie, revenez pour me le rendre ou pour m'em-
« mener aussi. » Les danses dans lesquelles les hommes figurent seuls sont
moins gi'acieuses, mais bonnes à noter ici, comme particulières à la Grèce, et
ollVant plus de ressemblance avec le cliœur antique, où ne figuraient jamais
ensemble des hommes et des femmes. Il y a un rapport frappant entre le
chœur tragique qui se mouvait autour de l'autel de Bacchus et la ronde des
Albanais. (|ne Leake appelle un chœur circulaire, et qui, d'après l'énergique
peinture de Byi'on. semble avoir gardé le caractère « orgiastique » d'une
danse consacrée à Bacchus ».
Le foyer de la danse de l'Opéra ne peut se passer d'un tableau représen-
tant cette danse homéricpie. Je demande pardon de m'ètre attardé aussi
longtemps sur cette danse du labyrinthe, et je ne dirai plus qu'un mot sur
les danses modernes.
Il faudrait représenter les saltarelles et les tarentelles de l'Italie; les bolé-
ros et les seguidilles de l'Espagne; les valses do l'Allemagne; les polkas de
la Pologne; les standelles de l'Angleterre; les branles et les rondes de la
l'rance. Dans cet Opéra français, on doit faire une grande place aux danses
nationales de iiolic pays. Chaque province pourrait fournir un contingent spé-
iconograpiiif: DF L'OFÉKA. 131
cial. Ainsi l'Auvergne a|)poilcrait la bourrée et la goignade *; la Bretagne, le
triliory et le passe-pied; la Provence, la volte et la martagalle-; la Cham-
pagne.. rile-de-France et la Bourgogne, les branles et les rondes de toute
espèce et de tout caractère. A la cour de Henri H, on dansait la gaillarde et
la courante, les branles de la pavane, de la torche, de la jarretière'.
Voici sur la jarretière un assez joli passage de Brantôme qui s'entendait à
décrire les danses de la renaissance :
(1 Celte cérémonie sainte de dames ■'' me fait ressouvenir (sans comparaison)
d'une profane, mais belle pourtant, qui fut faite à Bome du temps de la
guerre punique, ([ii'on trouve dans Ïile-Live. Ce fut une pompe et une pro-
cession qin' s'y (it de (rois fois neuf, qui sont vingt-sept jeunes belles filles
romaines et toutes pucelles, vestues de robettes assez longuettes (l'histoire
n'en dit point les couleurs); lesquelles, après leur pompe et procession ache-
vée, s'arreslèrent en une place, oii elles dansèrent devant le peu|)le une danse
en s'entredonnans une cordelette, rangées l'une après l'autre, faisant un tour
de danse en accommodant le mouvement et frétillement île leurs pieds Ji la
cadence de l'air cl de la chanson ([u'elles disoient : ce qui fut une chose très
bcllo h voir, aillant par la beauté de ces belles filles que pour leur bonne
grâce, leur belle façon ;\ la danse-, et poin- leur aiïflté mouvement de pieds,
qui certes l'est d'une belle pucclle quand les sçait gentiment et mignardement
conduire et mener. Je me suis imaginé en moy cette forme de danse, cl m'a
fait souvenir {l'une que j'ai vcu de mon jeune temps danser les filles de njon
pays, qu'on appeloit « la jarretierre »; lesquelles prenans et s'entredonnans
la jarretière par la main, les passoienf et repassoient par-dessus leur tcsic,
puis les mesloienl et entrelassoient entre leurs jambes en sautant dispostcment
par-dessus, et puis s'en desvelopoient et desengagoienl si gentiment par de
petits sauts, tousjours s'cntresuivans les unes après les autres, sans jamais
I. I/al)l)i^ l'Iùiliior, (|iii n'éUiil pas oncoro évoque, parle ainsi, dans l(S « Omnds jours d'Au-
vorp;no », do ces doii\ danso^ : — « l.ii liourn^e d'Auvergne c?l une dunso gnie, rigunV«, agréable;
où les dt'i()arls, les rencontres cl les mouvomonts font un Irùs-bol effi-l cl divertissent fort les
spoclatours. Mais la goignude, sur le fond de la gaieté do la Uiurrée, ajoute une bro<lerie d'im-
pudenco, et l'on peut dire que c'est la danso du monde la plus dissolue. Bile se soulionl (vir de»
pas fort dùrégli's et (|ui no laissent |>as d'entre uiestirés et justes, et par des (i ••' iri*-
liardies el qui font une ngilalion uni\ersolle de tout le cor|>s. • — Je nu ft»'. :\ U
citation, parce (|ue, bien qu'émanant d'un ucclésiusti(|ue i|ui fut oviV|uc, elle uio |Mniii un peu
trop libre d'expressions.
•i. Voir les « Conte.sd'llutrapel n, 173t. In-li. I. i. p. 301.
;i. llhAMÙMi:, '< Dames gidantes •>, discours vu, p. 'MTi, 339, istil. in-lM, IH.'il.
\. Haiiie-i lie Sienne, ipii s'rl.iii'nl r'<|iil|ir'i>.i pnor drCiMiiln' li'iir \,"r r.<iitii> li-, Imiihi i mt
1:!2 ANNAI.KS A IICII r.OLOGIOUES.
|Hiilii' la cadaiico (!<■ la cliaiison ou (1<; l'iiislrunienl qui les guiiloil; si que la
chose csloil Irùs-piaisaiilc .'i voir, car les sauts, les cnirelassemculs, les desga-
Komcnls. le |K)rt di; la jarret iùrc ol la grâce des filles porloieul je ne sçay
(|ucl([iic lascivité niignarde, que je in'estoniic (|uc celle danse n'a esté prali-
(|ii(''(' (Ml nos coiu's de nostre temps, puis(|uc les callcçons y sont fort propres,
el (in'nii y piiil voir aisément la belle jamhe, et qui a la chausse la mieux
tirée, et ([ui a 1 1 plu- ImHc disposition. Cette danse se peut mieux repré-
senter |)ar l;i vcuë (jue par l'escriture ^ ».
Une danse fort célrhre aux xv' et xvi" siècles, danse d'origine orientale,
mais que la l'rancc s'était appropiiée et avait rendue nationale, est la Mo-
riscpie. Le document qui suit ne dit pas comment on la dansait, mais com-
liH'iil on s'hahillail |)()ur l'exécuter :
« A Mue do Boulogne, varlet de ciiambrc el paintre de Mds (mon dit
seigneur, riiilippe le Hoii. duc de Bourgogne), pour, par l'ordonnance
d'iccllui S, avoir l'ait de son incsticr vu habis de drap de soye de plusieurs
coulléurs cl esli'aiige faclion. propices à danser la morisque et iceulx cnrichiz
d'ouvrage de [leaulx de Brésil d'or et d'argent, de lettres sarasinoises et de
Idiirhclles l'aides h manière de drap d'or el, avec ce, fait toutes les bordures
el iiianehes et le/, enrirliiz d'or clinquant de trois doubles déhachées h. ma-
nières de franges d'or et d'autres ouvrages non semblables l'un à l'autre, et
avec chascun habit une coquclucc de semblable soye et de pareilles façon et
cstolïes. estofl'ées les unes de elles (ailes) de serpens et ung long col à ma-
nière d'une beste tout chargée do fremaillcs et d'or tremblant, le plus dru
(|iie l'aii'e se pi'iil, et les autres d'autres devises; ensamble avec chascun
d'iceuK habis. une pairc^ de chausses de toille, où sont faictes testes de ser-
pent de bature d'or parcy, qui mordent de dessus jusques aux genoulx dont
saillcnl gouttes comme de sang et autres devises, et fait à chascun une barbe
et chevelure estranges, sollers et sonnettes pour, à tous iceulx liabiz. danser
lamoris([uc; pour chascun dcsquelz lui a esté tauxé. tant pour cstolTes de
son mestier comme poiu' la façon, vu I. de xl gros dicte monnoye, valent
comme appert par (juittance dudit Hue et certiiïicacion de Anthoine de l\o-
chebaron, cscuier trcnchant de Mds. par lequel icellui S. les a fait faire et
ordonner sur les pris, marchié et délivrance d'iceulx habillemens... XLix 1. - ».
1. lir.iiilome, « Dames galantes », discours vi, p. 2So-287, édit. in-18, Paris, 1831.
2. Comte L. DE Laborde, «les Ducs de Bouri;ogne ». seconde partie, t. i. preuves, in-8°,
Paris, 1849, pages 2o2-253, n" 8G8, compte de Guy Guilebaul, années 1427-1428. — Dans le
compte de 1439-1440, pages 373-374, n" 1301, on lit: « A Pierre de Miguiel, NIcaise de Cam-
brav et quatre autres ieuis compaignons, quant ils ont naguères joué jeux de personnaigcs et
ICONOGRAPHIE DE L'OPl'iliA. 133
Il est probal)le qu'à toutes ces danses fiévreuses et brûlantes on apportait
quelques réfrigérant, et que, de temps à autre, on exécutait ce fameux branle
de la mort que l'on appelle la " Danse Macabre », où tous, sans exception,
nous avons notre rôle à jouer'. Dans un foyer de l'Opéra, ce serait un sujet
un peu lugubre, une espèce de « Dies iraî » coupant une chanson bachique.
Mais si le cœur nous manque à regarder cette terrible danse, où il faudra
bien cependant que nous entrions un jour ou l'autre, on pourrait du moins en
peindre la contrc-parlie que nous trouvons dans l'histoire du petit Jehan de
Sainlré. Ce calque ou plutôt cet envers de la funèbre médaille de la danse
macabre est vraiment curieux ; là ce n'est plus la mort, mais c'est l'amour
qui fait gémir et danser le genre humain :
« lié! amours très faulces, maulvaises et traistres, semblerez-vous tous-
jours enfer qui d'engloutir âmes jamais ne fut saoul? Ne serez aussi jamais
saoulez do Iravoiller cueurs et les meurdrir? Dieu et nature vous ont ilz donné
telle puissance que de prendre et mectre en vos lacs cueurs de papes, de
cardinaulx, d'evesqucs, d'arclievesqucs, d'empereurs, d'empericres, de roys,
de roynes, de ducz, de duchesses, de patriarches, de marquis, de marquises,
de princes, de princesses, cueurs d'abbez et d'abbesses, de contes, de con-
tcsscs et de gens de tous aultrcs estais, et religieuses espirituelles et tempo-
relles? Que d'aukuns en avez prins cueurs, ainsi qu'en maintes hystoircs se
trouve par escri|)t, dont vous en êtes très faulcement et mauvaisement serviz,
et puis à l.i lin liabandonnez, et méritez d'avoir perdu leurs âmes, si Dieu
n'en a mercy, et leurs honneurs- » .
Voilà une nouvelle forme du triomphe de l'Amour; ce trio;nphe est arrangé
en ballot et semble parfaitement convenir à ce foyer de la danse dont il est
(Milin grand lom|)s que nous sortions.
Mil
Les bâtimenis de l'adminislralion de l'Opéra se résimieni dans une grande
|iircc. (|iii est la saili; du l'onscil, dans les archives et la bibliothèque.
(iiitu-i^ (iaiicoH (In Mnrisqiios (lovniil lui (Philippo lo Don, duc do D<)urf;ognp), en Mn liAtol, k
llruxollv!) \ij friinc» ■>,
1. Au cliiUciiu do lll(ii!i, |)nru)i l(<â Inpissorios qu'on o\|io«iil |Kiur l.i rt>co|iliiin tlos prinrcw ol
prlni'CHSO!), InpissorloH do rlin»sos, do joux, d'Iiiitluitt'i amnurouM^t, on voyail uno gnindo Irnlurr
où i^tnit ropri^onti'o hi diinso ilos nuiii-<.
i. Ant. i>k l.\ Sai.i:, • IU-I..M.. .1.. J..|i,in do Stiinlro », rli.ipiiro si
13/i ANNALKS AIICIII' OI.Or.lQlES.
I>;i salle (lu conseil est ;i l'Opc'-ra co f|iic la salle de la si^^iialiin; c-sl ou devait
êlre au Valicaii : c'est Ui que se piépaieiif, se discutent et se premieni toutes
les mesures iiiiportanles qui CDiiceiiicnl les inlérèls de la poésie, de la niu-
si(iuc et (le la danse.. Te voudrais qu'on y vît figiinjc, surtout par la peinture, une
histoire conipièto de i'Op(''ra par les faraudes re[)résentali()ns f|ui ont uianpié
dans rell(' liisloin; (le|)uis Mazarin et Louis \l\' jus(pr;i nos jours. L'nesfM'ie
de tal)leaux, ollVaiil les i)allets où dansait le chef de l'État et venant aboutir à
« Ciisellc», C(jtoierait agrc^ablciiienl ces grandes représentations de « Guil-
laume Tell I), de la « Muette », de « Don Juan », du n lîai-hier de Si'n'illc »,
de la « Favorite», de la « .luive ». des " Huguenots », de « Ilohert le Uiabic »,
du (I Prophèlo » et de tant d'autres auxquelles nous avons pu assister'. Ce
sont l;i lis archives pittoresques de rOp('ra. Avant de prendre une décision,
le directeur et les membres du conseil iiauiaienl ([u"à s'inspirer de ce f|u'on
a fait avant eux de plus grand et de plus beau. Ce serait le plus éloquent des
exemples.
Les autres archi\es doivent contenir toutes les minutes des décisions, tous
les manuscrits des opéras et des ballets. 11 semble qu'il faudrait y joindre
une sorte de musée contenant ]irincipalement les instruments de musique
ancicMis et modernes, i'eul-ètre. ce qui est lait déjà, ce musée convient-il
mieux au Conservatoire de musique, où l'on enseigne l'ensemble de l'art mu-
sical dans son esthéliquc et son histoire. Mais ce que l'Opéra demande sur-
tout, c'est une bibliotiièquc spéciale, où les décorateurs, les maciu'nistes.
les costumiers, les acteurs puissent accéder à chaque instant. Toutes les
publications d'art sur l'architecture, la sculpture. la peinture doivent s'y
trouver, parce que les peintres des décorations et les tailleurs des costumes
sont forcés d'y recourir constamment, comme les écrivains ont recours aux
dictionnaires. Les costumes de tous les temps et de tous peuples, l'ameuble-
ment des diverses nations aux dilïérents siècles apportent les renseignements
indispensables pour la mise en scène et l'habillement. Aux livres qui décrivent
les costumes ou les montrent en dessin devraient s'ajouter les moulages pris
sur les sculptures antiques et du moyen âge. Un relief en dira toujours plus
1. Cette idée de représenter les opéras elles ballets en peinture n'est pas absolument nouvelle.
Au palais de Saint-Cloud, bâti ou refait pour Monsieur, frère de Louis XIV, dans le salon dit
d'Armide, Pierre avait représenté au plafond les cinq actes de l'opéra d'Armide. Malheureusement
la reine Marie-AntoineUe ayant acquis ce palais de la famille d'Orléans en 1784. moyennant six
millions, fit détruire par son architecte Micque ce plafond et ce salon qui la gênaient pour l'instal-
lation de ses petits boudoirs. — Voir le « Palais de Saint-Cloud », par Philippe deSaint-Ai.bin
et Ar.mami I)lba>tin. Iii-S", Paris, 1864, p. 14.
ICO.NOGUAI'llII:: \)E LOl'liRA. 135
long et plus clairement qu'une gravure. Le moulage est presque une personne
vivante, qui se laisse déshabiller, en quelque sorte, pour montrer la forme et
l'agencement des vêtements. Ces grandes mises en scène de nos opéras
appellent dans la bibliothèque les Triomphes des souverains victorieux et les
entrées solennelles des empereurs et des rois. Enfin, l'archéologie générale
et spéciale ne doivent pas laisser de lacune dans cette collection d'ouvrages
sur l'ethnographie de tous les peuples et sur l'histoire de tous les arts.
La décoration de la salle des archives et de la salle de la bibliothèque
trouve naturellement ses motifs dans les objets qu'elles renferment. Au-
dessus ou à, côté des ouvrages sur le costume antique, on figurerait les prin-
cipaux personnages, nobles ou esclaves, hommes, femmes ou enfants de
l'ordre religieux, militaire ou civil dans l'antiquité orientale, assyrienne, lié-
braïtiue, égyptienne, grec([ae, romaine, gauloise ; autant en demanderait le
moyen âge, autant l'éjjoque moderne. Ces représentations serviraient d'éti-
quettes pour ainsi dire à ces classes diverses de publications.
\IV
Tous los genres de peinture, comme toutes les variétés d^ sculpture, |)oii-
vent trouvor place à l'Opéra. La peinture à frescpie, la peinture à Ihuilo, la
mosaïque, je dirai même la peinture sur verre, doivent y avoir accès. Dans
l'Opéra, les fêtes se donnent particulièrement la nuit, et la iieinlure sur verre,
(|iii n'existe guère que par la lumière du soleil, ne semble pas beaucoup con-
venir à ce gi;nre de moninncnt. Mais le foyer de la musi(|ue, le foyer de la
d;i!ise, la salle d'admiiiislralioii, le salon et les appartements du directeur, la
salle des archives, la bibliothèque, servent le jour plutôt que la nuit. La
Laurentienne, de Florence, qui contient tant de trésors bibliograplii(|ues et
(|iii admet tant de lecteurs et de studieux, est éclairée par trente fenêtres en
grisaille, aux armes des Médicis, avec entourage d'aral)es(|ues, par Jean
d'I dine, cet élève de Ua|)hai'l, (|iii peignit et stuqua les loges du Vatican.
Ces grisailles, relevées de jauue, d'argent et d'un peu de couleur, offrent des
orncmenis d'une grande finesse et qui se détachent sur le verre dépoli, lillcs
dali'iil (le \:utS il l.")C)S. |„i bibliothè(pie de l'Opéra ne peut pas so montrer
plus dilVicile (|ue la Laurentienne, et des verrières exécutées avec une cerlaiuo
inlelligtMice n'y gêncraieni nullement la vue.
Mais mêm(! pom- les fêles de nuit, pour les repré.>4'»nlalions noclurno,"*, îles
vitraux di- coiiliun- dans \c foyer public, prêteraient iililomoMl leur éclat Ji tout
13ij
ANNALKS AltClIl'iOLOCIOUES.
I'('ii.sciiil)lc (le 1,1 (liMoralioii. On |i('iil (l()iil)|(;r les fen(Mrcs du foy<-"r. comme
on l'ait (laii.s certains iiùlels pour amortir le bruit de la rue et arrêter le froid.
Ou'on laisse, entre la fenêtre extérieure en verre blanc et la fenêtre intérieure
en verres de couleur, un espace libre dans l'épaisseur du mur; que dans cet
espace on établisse un système d'éclairage qui projetterait la lumière sur toute
la siiriacc du viliail, et l'oa aura des tableaux transparents qui se verront
ccrlaini'iniiil beaucoup mieux (|ue toutes les autres peintures. Ces verrières,
liisloriées des scènes que nous avons indiquées ou de cent autres sujets appro-
priés à la destination de celte galerie qu'on appelle le foyer public, auraient
l'avantage de remplacer i)ar une peinture étincelanic ces trous noirs que font
la nuit les fenêtres d'une salle de fêtes*.
Il nr l'aiil pas croire que la peinture sur verre, même au moyen âge, n'était
usitée ([ue dans les églises. Les châteaux, les liôfels et même certaines mai-
sons paiii( iilières se permettaient ce luxe et se décoraient de verrières dont
les sujets convenaient à cliaquc genre d'habitation et, dans une même habi-
latioli, à la nature spéciale des dilTérenles pièces d'appartement.
Un jour osloic après diiicr
Alc'z, pour moi osbanoier,
Du paveilloîi liaut apoicr
V.n une lornclc petite,
Do verrières painte et escripto.
IJele et sente et de rictie alour.
Si vi .j tornoi tout cntour
l'ourtrait el [)aiiil en la verrière :
Dont j'oi merveille moult très-fiere,
Combien que II veoir lisl biaus.
Car cis tornois et cis cembiaus,
Dont ci vous sui avant parliers,
De dames et de clievalicrs
Estoit louz ordenez et fais.
Mes merveilleus estoit li fais
El orribles à resarder -.
Ainsi un chevalier du xiii' siècle, le châtelain peut-être, ne sachant trop
([ue l'aire après son diiier, se rend dans une tour de son château et s'amuse à
regarder un tournoi peint sur une verrière. 11 fait tranquillement sa digestion
en considérant les chevaliers qui combattent, les dames qui assistent à la
fête donnée en leur honneur et les faits d'armes, honteux ou glorieux, qui
s'accomplissent sur celte fenêtre. 11 ne serait pas plus diflicile assurément
1 . C'est à M. Mangrant, un habile architecte de Paris, que je dois l'idée de cette ingénieuse déco-
ration (l'un foyer de tliéàlre pendant les représentations ou d'un salon pendant une féto nocturne.
"2. (c Les l'araboles de \érilé >■, etc.. [lar \^■ATRIQUET, manuscrit de la bibliothèque de l'Arsenal.
Delles-lellres françaises, in-folio, n" 318, folio 3 verso. Ce passage semble dater de la fin du
.\iir siècle ou du commencement du XIV^ Il a été publié pour la première fois par .M. Francisque
Michel dans 1'" Histoire de la guerre de Navarre », ce poëme manuscrit du xiu' siècle, qui fait
aujourd'hui jiarlie de la « Collection des documents inédits sur l'histoire de France ». C'est dans
une note, pages 49o-49P, que M. F. Michel donne cette description d'un tournoi peint sur la ver-
rière d'un château féodal. Je dois ii mon ami .M. de Guilliermy la connaissance de ce document
vraiment curieux.
ICO.NOORAPllIE DE L'OPÉRA. 137
de peindre ainsi sur les fenêtres du foyer public de l'Opéra soit le Triomphe
de l'Amour, soit la procession de ces belles femmes dont nous avons parlé.
Un triompiie de l'Amour, il y en avait un sur verre dans la grande ga-
lerie du château d'Écouen. Il représentait en un grand nombre de fenêtres
l'histoire de l'Amour et Psyché dont nous parlions plus haut pour la coupole
de l'Opéra. Alexandre Lenoir avait apporté au Musée des monuments fran-
çais ces belles verrières en grisaille, exécutées, disait-on, d'après les cartons
de Raphaël. A la Restauration, ces fenêtres furent rendues au prince de
Condé, auquel Ixouen appartenait. A la mort du prince, M. le duc d'Aumale,
son héritier, les trouva au château de Chantilly et les emporta en Angleterre
où elles sont aujourd'hui. Dieu sait dans quel état * !
D'autres triomphes de l'Amour étaient peints sur verre de la main de Jean
Cousin, comme on le prétend, au château d'Anet. Suivant Levieil -, « toutes
les vitres du château étoient autrefois peintes sur verre, en grisaille, tt conte-
noient divers sujets tirés de la fable ». Ces sujets étaient certainement relatifs
au iiDin (le Diane et aux amours des dieux ou des rois pour les mortelles de
bonne volonté. Il devait y avoir, comme au salon de Diane, à Saint-Cloud,
la toilette, la chasse, le bain, le sommeil de Diane chasseresse et ses amours
nocturnes avec le bel Endyniinn. Mais on devait y trouver surtout les amours
de Jupiter, c'est-!i-dire du roi Henri II, pom- Danaé, Sémélé, Léda, Europe
cl bien d'autres. La renaissance était plus passionnée pour ces gravelures
que le moyen âge pour ses tournois, pour ses preux et ses preuses. Cependant,
à l'Arquebuse de Troyes, on avait peint sur verre les victoires de Henri IV, et,
aujourd'hui, la hiblioihèque publique de cette ville a recueilli la bataille
d'Ivry (jni provient de cet établissement des arquebusiers de la Champagne.
Pour en linir, je noterai encore les pairs de France peints sur verre, par
Henri Mi^llin, pour Jacques Cœur, qui les avait fait |)lacer dans son fameux
hôtel de Bourges^. K'holel existe toujours, mais les pairs ont disparu.
On le voit, et il suivrait de chercher un pi'ti |i(iur trouver encore d'autres
nombreux exemples, la peinture sur verre ne s'exerçait pas exclusivement sur
1 . Aloxnndro Lonoir a fiiil tiiip piil>linilinn s|M''riiilo sur rcltp liisloiro di» r.\mour el Pi\c\\d du
cliiUrau d'fù'diKMi. l'n loxlo descriptif ac('oin|)ji^'iio mio si^rip do grnviin's d'apny-i li^iquollra il no
serait pas im|)0!i»il)lo do n^parorcoa préciouscs verriètv:!, »i jnmois M. le duo d'Aunulo songeait
il fairo pxi'ciilor co linvail.
ï. 0 Tniito do la peinture sur vorre ». Col ouvrage, fort inromplel oj fort iniiuninnt pour Im
procédés do fubricntion ot pour l'Iiistuiro do In |)cinlur« sur vorro, o«l rempli do bits »( d« docti-
ineiits (|iron ne peut pliiH, après la ileslrm-lioi) do Iniil du vorriéroii, trouver quo \k aujourd'hui.
:i. Jo (luis ce rtMisoignuiiuHit ù .M. de (ïuilliorniy.
wiv. 1>
U8 ANNALF.S A liClIKOl.OCIOfES.
des siijols rolif^ieiiK. I)<; nos jours, oii cvA iul riproruJ une vie nouvelle, il
sentit oppoiiiin do lui donner l'exlcnsion (|M'il iivait an moyen i\ge et pendant
la renaissance. An lieu de renrermor exclusivement dans les scènes et les
pcrsoiniaKcs do la religion, il faudrait lui donner encore des sujets civils cl
iininc ludlanis à li.iiUir. Ce serait un moyen de l'appeler k de nouveaux pro-
grès qui pro(itrraicnl niciiic ;ni\ sujets religieux. L'imagination aiguisée, la
composition déveloj)pée, le dessin amélioré, finiraient par relever la peinture
sur vci'rc on g('néral et par la i'0|ilacer à côti'- de la mosaïque et do la fresque
dont elle est la sœui' légitime.
m 1)11 ON aîné.
r,iiîLio(;i;Aiiiir:
DWKT r.T D'AIWin-OLOGIE
.■j3. AI,I)I;IIIiINi;K TIIIJM. — Dc Dietsche Wabande. Revue néerlandaise des arU cl de* lel-
Ircs, piiljliéo par Ai.ui;ni)i.\tiK Tiiuii. Années I8CI à 1864 inclti>ivemcnt. Un fort volume in-8*
de 0*2 pages et <le 3 grandes planches. — Ce sonl les u Annales Arcliéologiques » de la Hol-
lande, mais la liKéraluro y prend une part plus importante que dans notre recueil... 15 fr.
S4. ALVIN. — L'allianxe de l'art et de l'industrie dans ses rapports avec l'enseignement du
dessin en Flelgiquo, par Lotis .\lvin, conservateur en chef de la bibliothèque royale do
Bruxelles, lti-8" do 290 pages. — Préliminaires. (Je que c'elail (|Uo la commission de (SSî.
Opinion do cotte commission sur l'application dc l'art ii l'industrie. La mimo question étudiéo
en France. Objections et réplique. Le conseil de perfectionnement do l'enseignement des arts
du dessin. Les rapports français sur l'exposition universelle de Londres de I8GJ. Critiques
dont les académies belges sont l'objet. Les échecs do l'industrie belge ù l'exposition univer-
selle do Londres. L'art doit-il attendre ses progrès du perfectionnement de l'outillage?
Une opinion do M. le comte Léon de Laborde. L'éludo du corps humain, base de renseigne-
ment du dessin. Examen de (|ne!i)ues méthodes nouvelles. Organisation des écoles de dessin
pour la classe ouvrière, î) l'aris, etc. — Jamais ouvrage n'a paru à uno é|>0(|uc plus op|Hir-
luno: en ce moment, tout co (|ui intéresse l'art industriel remue l'Europe civilisée, l'Angle-
lorro et la France, la Belgique et l'.Vulricho, la Prusse et lu Russie.
ij.'i. AllB.M'.MONT ( u'). — Essai hisloriipio sur la Sainte-Chapelle de Dijon, [vir Jilks d'.\«-
DAUuu.NT, secrélaire-udjoinl de la Commission dé|Hirtemenlale dis Antu|uités de la (".oli^-d'Or.
In-i° do 117 pages et dc 6 planches. — Pa'mitre |>iirlie : Vœu de llugui-s IH. fondation dc la
rliap(<ll(< ducale (1171), description de l'cdince. — Deuxième partie : connils aviv l'iHtViuedo
Laiigres et l'abbay» de Saint-Eticniie, confirmation des privilèges de la clia|i('lle ductile, con-
stitution du chapitre, premières fondations, verrières du la clia|>elle, druit do justice. — Troi-
sièiiie partie ; réunion du duché il la couronne, couronne île Louis XII, dem
guerres de religion, évéqiies de Dijon, fclats di> Bourgogne, lu n'\<'I>iiiiiii
Suinto-CImpelle (1701). Pièces jiisliflcallvos et additions
l>{\. \U1> \\ 1. — l.i s PoNCKT, émailleiiiN, p:ir M\i;mi i; .Vhium, aa'hivitio do lu llnul^-Vionne.
iii-.S" di' 7 p.iges. M. .\rilaiit recueille et publie sans reltUhe loui fo qui roncomc In or
émaillcnrs du l.ini >iisiii
1^,0 ANNALKS AHClIKOLOGigLES.
57. IlAltDIN. — CiiATEAUNKLP, son origino ol ses dévclopiM!tnnnl)!, par rablK- Uabihn, tlianoino,
vicairo (j;én('T.il (l'Orléans. In-S" du ix-173 pa^'os (il do i lilliognipliies. — Iiitroduclion. Ctiâ-
toauiK'iir dans li-s temps anciens. Sainl-Marlial de Monlraor » apud Itonciam ». l'ondalion do
r(';;lisc do Cliiiloaiineiif. I-a fionce dans les temps inodornes. Curés de Ciiâieauneuf. L'ancien
cliileau. Le cliAtcau neuf. Seigneurs do Cliàtcauneuf : les rois, 1(58 ducs d'Orléans, les enga-
gistes, le.s propriétaires, la nation. Notre-Dame de rftpinoy. La rliapelle de Saint-Jean-Uap-
tisle. L'abbaje de Sainte-Marie do Lenclie. La ville do CliAtcauneuf, son origine, ses noms, son
tilro, sa population, son industrie, s(» mœurs, ses institutions. Journal des derniers temps.
L'ii()i)ital et ses annexes. Moiiiime)its reniar(|ual)lo,s. Hommes célèbres nés à CliAteauneur. Mt--
nioires sur « Caslelluiii novum .Moiitis Trelierii « et sur » Caslrum Sincon ». Pièces justifi-
catives cl curieuses .'J fr.
5S. DK.VL'VIiUOICK (i>i;)- — Li:s Lnstitutioxs civiles de la France, considérées dans leurs prin-
cipes, leur liistiiiro, leurs analogies. [)ar le baron Edmon» de BKAtvi:nci-:n, député au Corps
législatif, ln-8" de viii-i04 pages. — De l'unité nationale, do l'existence communale et de la
centralisation : formation historique do la France, de l'organisation communale en Russie, en
Angleterre el en Amoriiiuc, de la centralisation. — De la noblesse impériale : fusion sociale,
institution de la Légion d'honneur considérée sous ce point de vue, création de la noblesse
impériale, décrets de ISOti, 1808, 1848 el 18u2. — Organisation administrative : premiers
essais, système de l'an viii, gradualilé des fonctions, conseil d'Ét<il. — Organisation judiciaire :
Angleterre, Allemagne, ancienne France, organisation de 1790, tribunaux, cours. — Organi-
sation militaire : considérations générales, système antique, système féodal, troupes réglées,
milices, écoles, législation. — Organisation ecclésiastique : coup d'œil historique, Angleterre,
Russie, Amérique, ancienne France, discussion sur la dime, constitution civile du clergé,
concordat. — Finances. Législation civile. Législation pénale. Di l'intervention de l'Élatdans
les questions économiques, 'rravaux [)ublics. De l'assistance. Économie sociale 6 fr.
îj9. liFLLFVOYli. — Rapi'OKT sur un aulol portatif de la cathédrale de Metz, par .M. A. Belle-
voïE. In-S" do 8 pages et de 2 gravures sur bois représentant l'ensemble et les détails de ce
monument aussi rare qu'important. Gel autel est fort semblable, de matière et de forme, à ceux
que nous avons publiés dans les « Annales Archéologiques ». Il doit dater de la première par-
lie du xii" siècle.
GO. III'.UN.VRD. — Causeries sur les fûtes de Sainte-Anne, à Apt, par le docteur Camille Ber-
nard. In-S" do 137 pages.
Gl. BI.MIDOT. — ExiM.icATioN du symbolisme des terres cuil^s grecques de destination funé-
raire, par E. I'rosi'er Biaruot. Grand in-8° de 69 pages. — Question des plus curieuses cl
des plus importantes sur le symbolisme dans l'antiquité 1 fr.
62. BOUCHER DE PERTIIES. - Sous i)i\ rois. Souvenirs de 1791 à 1860, par Boucher de
Pertiies, membre de la Société française d'archéologie. Tome sixième. In-12 de 588 pages. —
Cliciqui' volume 3 fr. 50 c.
63. BOL'I.\. — L\ question liturgique à Lyon, par l'abbé D. Bouix, docteur en théologie el en
droit canonique. In-8° de 152 pages. — La liturgie de Lyon au point de vue de l'hisloire et du
droit. .\u viii« siècle, l'ancienne liturgie gallicane, qui était d'origine orientale, fut générale-
ment abolie dans les églises (le France; on lui substitua la liturgie romaine, qui était diffé-
rent^^; (lociimeiils à l'apjjui de la thèse. .\ partir du viii'' siècle, l'église do Lyon a suivi la
liturgie romaine, celle que l'epin introduisit dans les Gaules, et Charlemagne dans presque
toutes les autres églises do l'Occident; confrontation des deux liturgies. Lettre du cardinal
HIBLIOGHAI'JIIE D'AUT ET D'AHCIIKOLOGIE. Hl
Putrizi, préfet do la suinte congrégation des rites, au cardinul de Donald, archevêque de Lyon.
Examen d'une apologie de MM. los curés de Lyon; olBervalions sur ce sujet. La lettre du
cardinal de Donald, du 30 octobre 1863, est-cllo suffisante pour justifier la conduite de
MM. les curés de Lyon ? t fr. 50 c.
64. DOURÉE. — Cabinkt d'un bibliopliile rémois, |)ar .\d. Dourée. ln-18 de 31 pages, sur pa-
pier de lliillandc.
63. DOVER. — CoRRESPO.NOA.NCE archéologique. LcUres ii M. Pcatui:, par IIippulite Ooiek.
In-8" do -47 pages.
66. DRÈAN. — Jules César dans la Gaule. Genabum. Los Bo'fens. Vellaunodunum. Noviodu-
nuni-Diturigurn. Élut de lu civilisation dans la Gaule à l'époque do la conquête. Abrégé do la
vie do César. .Noie sur Vercingétorix, [wr .V. Dréan. In-S» de 138 pages 3 fr.
67. BRISSART. — Ca/.ix, sa vie et ses éditions, par un cazino|)liile. In-32 do 38 pages, sur pa-
pier do Hollande. — Notice biographique, fort intéressante, sur lo célèbro imprimeur rvmois
du xviir siècle.
68. DIUS.SART. — Glidi: du voyageur ii Reims, par Drissart-Dinet, de la Sociclé des biblio-
philes. In-12 do 151 pages, avec plans de Reims ani-ien ot moderne, et des vues de ses princi-
paux moniiinonls. Douxiéme édition, revue et augmentée. — Monuments religieux : Notre-
Dame, Suint-Roitii, Saint-Jaiques, Suint-.Maurice, Siiint-André, Saint-Thomas, hôpital général.
— .Monuments civils : Hôtel de ville, place Royale, Palais do justice, places Godinol ri Orouoi,
Tonluinc des Dnucheries, arc de triomphe, mosuïquo romaine. — Histoire do Reims du xv* au
xvir siècle, histoire do Reims uu xix' siècle. Rémois célèbres, inscriptions commémoralives,
anciennes enseignes do Reims. — Anciens thermes ou bains dos Romains, antiquités trouvées
à Reims, chi'uiins (h's Romains. — (jalorie hislurii|uo do Reims, historiens do Reims, armes de
la ville, bil)liulliè(iues et cabinoLs curieux. Nomencluturo dos rues, pluces, boulevards, fau-
bourgs, Ole S fr. 50 c.
(i',1. IIRUNF.T. — Notice sur les Heures gothiques imprimées ii Paris, à la fin du xv* siècle et
ilans une (larlio du xvi", par J.- C. DnrNKT. Petit in-l" de 133 pages, dont 8 avec encadre-
inrnl noir, et de iionibrcusos gravures sur bois dans le texte. Nolico sur los Heures gothiquis.
Philip|>o Pigouchel, Simon Yostro, Antoine Yérard, Jean Dupré, Les Hardouyn, Guillaumo
Kustace, Guillaume Goclard, François Itegnaiill. Goofroy Tory et ses successeurs. Ileun-s pu-
bliées depuis l'année 1i88 jusque vers la fin du xvi* siècle, par divers libraires de l^lris, au-
tres (|Uo ceux qui font l'objet des dix paragnqilios contenus dans celle ■ Notice ». Heure:]
publiées en dilïérontes villes de Franco Il fr.
70. DRUNET. — Mam.i:i. du libraire et de l'amateur de livres, contenant : !• un nouveau dic-
tionnaire bibliographique dans leqm-l sntit décrils les livri's rares, précieux, singuliers, et au$«l
les ouvrages los plus e.slimés on tout genre, qui ont |viru tant dans los langues anciennes) que
dans les principales langues moderne*, depuis l'origine de l'imprimerie jusqu'il no» jours . «vw
rhi.sluiro des diirerenles édition^ qui en ont été faites, etc., ï" une Uible on forme «le calalxguo
raisonné où sont clu';.*'», selon l'ordre do» malières, tous les ouvrages |)orlé» dan» le diction-
naire, et un grand nombre d'autres ouvrages utiles, mais d'un prix ordinain\ qui n'ont |w!idù
être placés au rang dos livres ou rares ou précieux ; par Jai^olks-IIu milk.-' Dm'MiT. Cinquième
édition originale, entièrement refondue et augmentée d'un liors |wr l'autour. Tome cinquième»
■J' partie. I11-8" de 737 pages. — L'ouvrage complet formant lî iMrtios ou 6 gro» vol. ( JO fr.
71. IIULLKTI.N de lu Sociéli' |">Imii.ii|iI.|ii.> i|ii M.hI.iIo" \ii I si..! In-S- .Im I li) ^>-i *"
1/i2 ANNALKS AltClIKOLOOloi i:s.
G |)lanulios. — Lo Trésor do Joan Gucnnégo, découvert ii QucstomlK'rl on I8C.J, par Taslk
péro. Not(! ot coiisidt'rulioiisarcliL'olo;,'i(pi(!.s sur Um hron/os gaulois dL-couvorts aux environs do
Oiicslomljcrt, par (j.dc Clossudeuc. ftlude sur l'ancicnnu abbaye de l'riéres, au diocèse de
Vannes, par l'ahbé l'i^nKiiniLnE. Nolo sur un dolmen découvert sous la tombclle de Korcado,
en Carnao, jiar MM. Lkfkiiviik et Rem': Galles. Note sur la sé|>ulturc du dolmen lumulairc do
Kercado, par 0. de CLOswAnKUc. DoiiniMi découvert sur un tumulus il Locmariaquor, cl noie
sur lo .Manné-Lud, par M.M. Li;ii;iivnE, préfet du Morbihan, et René Galles, sous-intendanl
militaire.
72. HUSSCIIER (oe) et VIGNE (de). — Aliiim du cortège des comtes de Flandre, personnages
et costumes dessinés par l'ùuK de Vio.nk, peintre d'histoire, membre de plusieurs Sociétés et
Académies, et Eu.\ioNn de Bissciier, secrétaire de la Société royale des beaux-aris de Gand,
et do plusieurs autres Sociétés savantes. Grand in-8" de ii-20o pages et de 80 planches colo-
riées 3o fr.
73. C.VLLOT. — Lv Rocnicli.e protestante. Recherches politiques et religieuses (HÎ6-I792),
par P. S. Callot, membre de l'Académie de La Rochelle. In-S" de ii-138 pages. — Origine de
la commune et de ses privilèges; naissance et progrès du protestantisme; guerres religieuses;
décadence; les religionnaires depuis la révocation de l'èdit de Nantes jusqu'à la révolution;
liste générale des miiiislrcs de La Rochelle ; preuves et notes 2 fr. oO c.
74. CANONGE. — Notice historique sur la ville des Baux, en Provence, et sur la maison des
Baux, par Jules Canoxge. In-;î2 de xv-148 pages. Troisième édition. — Introduction. Des-
cription des Baux. Histoire de la ville des Baux et de la maison des Baux; faits historiques.
Notes. Gentilshommes des Baux. Villes, places fortes ou terres possédées par les princes des
Baux et dites Baussenques I fr.
7a. CASTELNAU (de) D'ESSENAL'LT. — Visite ii l'église abbatiale de Conques (Aveyron),
par Ii; marquis de Gastelxau d'Essenault, membre de la Société française d'archéologie.
In-S" de 22 pages.
70. CASTELN.VU (de) D'ESSEN.VULT. — Lnflurxce de l'architecture ogivale française en
Espa^'iie, par lo marquis de Castelnal' u'Esse.nal'lt, membre de l'institut des provinces. In-S"
de l-J pages. — Réponse à celte question : « Les écoles régionales françaises ont-elles exercé
(lucKpic iiidiieiice sur l'arcliitectiire ogivale en Espagne? — Donner un aperçu de cette archi-
tecture et déterminer cette influence ». M. le marquis de Caslelnau démontre et détermine
cette inlhience réelle de la France sur l'Espagne.
77. Cll.VLON. — Notice sur un plateau do verre trouve à Corroy-le-Grand, dans une sépulture
gallo-romaine, par R. Cualon. ln-8" de 7 pages et d'une planche en couleur. Notice impor-
tante et qui prouve que l'industrie de Venise et de .Murano a été pratiquée par les Gallo-
Hoinains.
78. COCHI'T. — liviTonts adressés ii Son l':;Miinence le cardinal de Bonnechose, archevêque de
Rouen, sur l'inspection des églises de son diocèse pendant les années 1862 et 1863, par l'abbé
Cochet, membre de plusieurs sociétés savantes. In-8" de 84 pages. — Archidiaconé de Rouen :
doyennés de Darnètal, Buchy, Boos, d'Elbeuf et de Duclair. Archidiaconé de Dieppe : doyen-
nés (i'OfTranville, Longueville, Bacqueville, d'Aulîray, d'Envermeu, de Bellencombre et d'Eu.
.\rclii(lia(oné du Havre : doyennés de Monlvilliers, Saint-Romain-de-Colbosc, Bolbec, Goder-
ville, Griqnetot-l'Esneval et de Fécamp. Archidiaconé de Neufchàtel : doyennés de Blangy et
do Saint-Saens. Arciruliaconé d'Vvi'tot : dovennés de Caudebec, Valmont et de Motteville, etc.
lilliLlOOliAPIIIi; DAUT ET D'AHCHÉOLOGIE. ii3
7.). CulUil.liT. — Les iiANt.sciiiTi à iiiiniulurcs do la bililiothèquc de Laon, par l'abbc J. Cor-
Bi.ET, clinnoinp, historiographe du diocèse d'Amiens. In-8° de iî jogis, avec des gravures sur
bois dans le texte. — Élude sur le récent et iin|)ortant travail de .M. Edouard Fleury, intitulé :
u Les Manuscrits à miniatures de la bibliothèque de Laon <i.
80. l).\RCEf., et ROL'VER. — L'Aiit AnciiiTECTLBAi. en France, depuis François I" jusqu'à
Louis XIV. .Motifs de décoration inlërieure et extérieure, dessinés d'après des modèles exécu-
tés et inédits des principales époipies de la renaissance, compn'nant : lambris, plafonds,
voûtes, cheminées, portes, fenêtres, escaliers, grilles, slalles, autels, cliaires à prêcher, coufis-
sionnaux, tombeaux, vases, candélabres, etc., par Eugène KourER, arcliilccto, ancien inspec-
teur aux travaux du Louvre; texte par Alfrei» Darcel, attaché à la conser\ation des inust-es
impériaux. Livraisons 00, 61, 6i. iVtit in-folio de 6 planches. — Chaque livraison, I fr. 60.
Le premier volume est complet; il comprend 100 planches, un texte et une table, et so vend
séparément 100 fr. Le second volume, dont ces livraisons CO, 01 et Cî forment le commence-
mont, se composera, comme le premier, de 30 livraisons; une table et un texte seront Joinlâ
aux dernières livraisons.
81. DEF.W. — Étude sur la bataille qui a précédé le blocus d'.\lise, par Henri Depay. contrô-
leur des contributions directes, à Langres. In-S" de 6i pages et d'une carte I fr. 50 c.
82. DELOVE. — Notice sur deux vases antiques, en argent massif, trouvés dans le lit du Rhono,
en 1802, et acquis par le musée Calvot, à .\vignon, par Alijl'ste Delove, conservateur du
musée Calvot, correspondant du ministère do l'instruction publique pour les travaux bi.stori-
ques. In-8'' de 10 pages et do planches sur métal. Notice importante et savante. . 4 fr. 50 c.
83. DEM.MIN. — Les i'seudo-critiquks de la « Gazette dos Beaux-.\rts ». Réponse à un >vs-
tènio d'attaques combinées contre la seconde édition du a Guide de l'amateur des faïences et
porcelaines » do .M. Auguste Demmin. ln-8" de IC pages. Réponse qui n'est qu'une récrimi-
nation dénuée do raisons.
81. DES MOL'LINS. — S\f;oxDiGNAr. par Ciuni.ES Des Moulins, secrétaire giiural de lAca-
déiiiio do Uonieaiix. Iri-H" do l'i pages. Travail rempli des aperçus les plus ingénieux.
85. DONIOL. — Caiitii.aiiii: de llrioude (» Liber de llonoribus Santo Juliano collatis •), par
Ueniiv Donioi,, membre do l'Académie do Clormont. Un volume in-4°. — .\vee de prcils
livres, la Franco finira par connaître son histoire 1 0 fr.
80. DONIOL. — CARTiLAinK do Sauxillanges, publié par l'Académie des sciences, l)elles-lettrrs
et arts do Clermont-Ferrand, avec des notes et des tables, par IIknri Duniol, membre résidant
do l'Aciidémio. In-4" do 710 pagos. — Notes sur le carlulaire de Siiuxillanges : le manu-tcrii,
lo texte du cartulairo, les énonciations du carlulaire, to|H)graphie du cartulain>, état îles |)<>r-
soniies, la propriété et l'étiil des terres, droits et reilevances, mesures et monnaies. .\p|>cndic«
sur la géographie du c^irtulairtule Sauxillangos. Tables analytiques des notes et do l'opiiondico.
Tables alphabétiques des noms do personnes, du lieux et dos princiitales mention.*. — Bol cl
savant ouvrage 14 fr.
87. DUFAV. — Ks.sAi biographique sur Jehan l'erréal, dit Jehan de Pari*, peiniro ol arrhilurlo
lyonnais, par C. J. DrFAY, membre de la Société littéraire de Lyon '.é»
savantes, ln-8" de 1)0 pagos. — Nai.ssjinco do Jehan l'ern'al (llii. .- , - :, lun
l'erréal, peintre ol poiUc, directeur des fètra h Lyon, l'eintumi il llrou. HiVepiionii princiérps et
cérémonies pul)li(|ues il Lyon. Anne de llrelagiie. llxempliKiis d iiii|i<\t< ri j |)^i
par Charles VIII. Éludes de JcIliii de l'.iri^ i>ii ll.ilnv Jcli.in. .ll^llll<^l<' i-t . .,!■
m ANNALF.S ARCHI^OLOOIQURS, .
ll(''piiriilions au pnnl du Itliono on do lii Oiiillolicro. l'Iiililicit li> Iloau, duc de Savoie. Couvpnl,
('•;,'liso ni lombcau do Urou, m Itrcssc. Jeluiii du Paris, aulcur des dpR»ins cl plans de rédifice
Piilior. Korlincations do l.yon. IW-sies de Jclian Perréal. Analyse do la correspondance sur
Jehan (l(( Paris, avec l'indication des ouvra^-es (|ui en fonl mcnli(;n. — M. iJufay a vérilabluinent
révélo Jean Pnrrcal, un des plus grands artislcs do la renaissance 3 fr. 'M c.
88. DU.MAX. — Sainte AbniaiE. Nolico sur ccllo jcuno sainlo cl sur ses reliques que possède
l'église de Notre-Dame des Vicloircs, par l'abbé V. Dlmax, sous-<]irecleur général de l'arclii-
confiéric. In-8" de 30 pages el d'une planche. — fCUide préliminaire sur les catacombes de
Rome. Noie sur les principaux symboles clirélicns représentés sur les tombeaux et dans les
peintures des catacombes. Notes sur le monogramme du Sauveur dans les calacoml>e5, .«ur
l'image (lu lion Pasteur, sur le vase ou fiole de sang placé prés des « loculi » des martyrs dans
les catacombes: et sur l'absence, dans les catacombes, de loul signe de vengeance de la part
dos chrétiens et de toute représentation qui rappelle le supplice dos martyrs. Notice sur sainte
Aurélic et sur ses relicpies : supplice et martjro de la sainte, déposition de son corps dans
les catacombes, le tombeau de sainte Aurélic demeure inconnu pendant plusieurs siècles,
découverte des reliques de la sainte, pèlerinage dans les catacombes, donation à M. Des Gc-
ni'lti's (lu corps de sainte Aurélic, etc 75 c.
89. IJU.MAX. — L'mistoike de France simplifiée. Album historique, contenant : Les arbres
géni'alogiquos des souverains de la France et des principales maisons royales; des tableaux
particuliers pour la maison de Bourbon, la maison d'Orléans et la maison impériale; un court
traité sur les armes de France et des principales maisons royales, cl sur celles de la maison
impériale, par l'abbé V. Dr.Mvx, du clergé de Paris. In-l° de 20 pages et de 2 grandes caries.
— Ingénieuse publicatinn, qui rend plus facile l'élude de notre histoire 2 fr. 50 c.
90. DURAND. — La Toscane. .Mlmiu pittoresque et archéologique publié d'après les dessins
recueillis sous la direction du prince Anatole Dkmidoif, en 1852, par André Durand, cor-
respondant du ministère de l'instruction publique pour les travaux historiques, el lithogra-
phies avec la collaboration d'EuGÎîNE Cicéri. Livraisons I à 5. Grand in-folio de 8 pages do
texte et de 30 [ilanclics. L'ouvrage complet se composera de 80 planches avec lexte.
91. DLRr. — Bii!i,ioTiii;QUE iiistoriole de l'Yonne, ou Collection de légendes, chroniques et
documents divers, pour servir il l'histoire des différentes contrées qui forment aujourd'hui ce
département, publiée par la Société des sciences historiques el naturelles de l'Yonne, sous la
direction de l'abbé L. M. Duru, chanoine honoraire de Sens, correspondant du ministère de
l'instruction publicpie pour les tra\aux historiques. Tome ii. 10-4" de xxviii-G70 pages. —
Introduction. Kcrits historiques d'IIéric, moine de Saint-Germain d'Auxerre : « Yie et mira-
cles 1) de l'évèque d'.Vuxerre, saint Germain. Flude sur les médailles frappées jusqu'au x' siècle
et au delà. Séjour des reliques de saint Martin de Tours, il Auxerre. Écrits de saint Romi
d'Auxerre. Actes de saint Savinien et de ses compagnons. Chronique du moine Odoranne.
Inscriptions de la crypte de Saint-Savinien, il Sens. Fae-similedu manuscrit de Clarius, moine
de Saint-Pierre-lc-Vif, à Sens. Articles sur les conciles et sur des lettres de Pierre de Sens et
de Hugues do Màcon. — Ce deuxième volume, lo fr.; les deux 30 fr.
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DE LA 31 OUI
L'Amour triomplic de tout, « Amor vincit oiiinia » ; mais la Chasteté, mal-
gré sa faiblesse apparente et le petit nombre de ses compagnes -, a vaincu
I. Voir les « Annales Archéologiques », vol. xxni, |>. 283; vol. xxiv, p. 38. — Le lemps a
man(|ué pour faire graver un Triomphe do la Mort, soit d'après une miniature de la BiLliolhèquo
impériale, soit d'après un vitrail de Houen, soit d'après une sculpture de l'Iiùtel Hourglherouldo.
Mais voici, on tèlo do cet article, lo commencement do la procession do Brou dont nous avons
déjà publié lo centre ( « Annales Archéologiques », vol. xxiii, p. Î83). Les personnages qui figu-
rent en l6to du cortège sont précisément ceux (wr «pii la mort est entrée dans le monde, Kve cl
Adam, et ceux par qui la mort a élo vaincue, Noé, Jonas et Ahraliara. Dans lo ciel, un petit ango,
ayant ii la droite une petite croix, parce que la croix a fait ouvrir les portes do la vio, montre
do la main gaucho le ciel où l'on no meurt plus; il guide ce groupe de ipiatorzo personnages qui
précèdent les hérauts de la vie, les prophètes, prédécesseurs de Jésus-Christ, qui a dit de lui-
même : (t Je suis la voie, la vérité et la vio n. Plusieurs de ces personnages se n'coimai.*senl
aisément. D'ahord Eve et Adam qui aspirent, mains jointes, au ciel dont leur faute nous avait
dépossédés. l'uis Abel, la première innoconto victime do In mort. Puis Noé, qui porto triomph»-
lomont, au-dessus do sa tète, le diminutif syndioliquo do l'arche où il a sauvé le genre humain.
Puis Mo'tso, portant au bout d'une pique les Tables qui ont Sfluvé le |>euple d'Isnii'l; il est nr-
compagné du soldat Josué qui a conduit dans In Terre promise lo peuple do Dieu. Puis J
ipii porto au bout d'un bAlon lo modèle réduit du monstre marin qui l'engloutit sans lui :
perdre la vie. l'uis Abraham, li< père des croyants et dont le bras, arnté du glaive qui allait -
Jlor Isanc, est arrêté par un ange. Puis David, qui chante sur sa lyro lo Dieu des vivanLs ei des
morts. Près de David, un homme, jeune encore, qui n'est distingué |>ar aucun attribut, mai- -''r
à la rigueur, pourrait être Salumon habillé en juge, costume ipii rap|ii'llerail le jucenieni iii.
tel qui sauva la vie ii l'enfant ri'clnmé |>ar sa véritable mère». t)n le voit, ce |
servir d'introduction, mais par voie d'opposition complète, au Trionip!'- '!■• '■ ^'
dit, cotte frise est peinte en grisaille sur verre blunc, mais n\«>c un<'
uno couleur si mal cuite, que des iwrties importantes ont dis|wru, couimo lo cote (iauclM* d K*o,
lo cété droit d'Abel et le buste d'Isaac.
8. « Klles étaient en petit nombre, jMirco que la véritable gloire o»l rare », dit PMrarquo, au
chapitre premier du > Triomphe de la Mort p.
XXIV. 10
1/,G ANNALKS AliCllÉOLOr.lQLKS.
lAinoiir. A son loiir. la MorI, plus forlc que l'une cl l'autre, triomphe direc-
Icincnl clc la (^liasloté. Voici l'analyse de ce fjiie Pétrarque conlienl de plus
subslanlid dans son Triomphe de la Mort :
» La Morl est une dame furieuse enveloppée dans un noir vôlemonl. Kilo
a conduit à leur fin les Grecs, les Troyens et, en dernier lieu, les Komains
avec ré|)éc dont elle est armée, cl qui sait à la fois percer et couper. Les autres
peuples bari)ares cl étrangers ont aussi senti sa force. La campagne qu'elle
parcourt sur son char est remplie des morts de l'Inde, du Calhai (la Chine),
du Maroc, de l'Espagne. Pontifes, rois, empereurs, qui furent appelés heu-
reux, sont maintenant nus, misérables, mendiants. Une valeureuse troupe de
dames chastes s'olTre aux coups de la ^lort qui choisit entre elles la plus belle
lleur du monde ', cl. avec sa main, enlève de celte blonde tête une chevelure
dorée-. La terre lut baignée de bien des pleurs; mais, celle mort, c'est la
véritable vie ».
Dans les deux triomphes de l'Amour cl de la Chasteté, ce sont des indivi-
dus qui composent le personnel du cortège; ici, ce sont des nations et des
classes entières, les Grecs et les Romains, les papes et les rois. La Mort est
comme dans un champ de blé : elle fauche, non pas un épi, mais une gerbe,
et lont un sillon du mèinc coup.
Pélrar<jne fait de la Morl une femme couverte d'un vêtement noir, et non
pas un squelelte à travers lequel on voit le jour, comme par une grille dont
les ossements sont les barreaux. La Morl, squelette nu et sans chair, appar-
tient à l'iconographie du xv" siècle, et surtout du xvi'. Anlérieuremcnl, prin-
cipalement dans le haut moyen âge et même encore dans le xiv' siècle, on
fait do la morl une momie au moins vêtue de sa peau et quelquefois d'un ha-
billement complet. Pour le moyen âge, c'est un cadavre vivant.
Ce serait peut-être ici l'occasion d'écrire l'iconographie de la mort, mais
1. Cette fleur, on le devine, est la maîtresse de Pétrarque, la belle Laure de Noves.
2. Cette image semble avoir été suggérée à Pétrarque par le cheveu que la déesse Iris, sur
l'orJro de Junon, vient couper à Didon étendue mourante sur son bûcher funéraire.
Deitra crinem secat. Omnis et una
Dilapsus color, atque in vcntos vita recessit.
Vovez la fin du livre iv de 1'» Enéide ». Je ne suis pas assez mythologue pour expliquer ni
munie pour cauiprondi'e le sens do cette opération faite à la chevelure et qui entraîne la mort.
Mais je ne puis m'empùcher de faire observer que certains peuples orientaux, qui se rasent la tête,
gardent avec soin un pinceau de cheveux, le plus long possible, pour que, à la fin de leur vie,
l'ange de la mort vienne les prendre par cette queue et les enlever plus facilement dans leur
piradis. Le cheveu de Didon et la chevelure de Laure me paraissent proches parents de la queue
des Chinois.
TltlOMMIE UE LA MORT. H7
ce vaste sujet nous entraînerait trop loin des Triomphes dont nous ne devons
pas nous éloigner.
A partir de Pétrarque, ce Triomplie de la Mort a pris des développements
successifs jusqu'au xviii' siècle, et même jusqu'à nos jours. A l'origine, conçu
avec le caractère grave et tragique qui lui convient, il a peu à peu étouffé ses
sanglots, apaisé sa douleur, essuyé ses larmes, pour se montrer impassible
d'abord et goguenard ensuite. La simple énuinération chronologique de quel-
ques-uns de ces triomphes sulTua pour établir la prouve de ce fait.
Pétrarque, on vient de le voir, déclare que la .Mort est une femme furieuse,
velue de noir, qui fauche les plus belles tètes et tire des larmes îi baigner
la terre.
Andréa Orcagna, son contemporain (1329 -|- 1389). représente la Mort
sur les murs du « Campo-Santo », à Pise, sous la forme de cette femme
maigre, noire, furieuse, fauchant la vie de jeunes hommes et déjeunes femmes,
qui, dans un bosquet d'orangers, sur une prairie couverte de fleurs, se repo-
sent au son des instruments de musique et ail regard des danses joyeuses for-
mées par des groupes pleins de jeunesse et de santé. Dans un coin, des men-
diants, des estropiés, des vieillards implorent la .^lorl, et lui disent :
o MORTE I «t:t)i(;i\\ u'of.M rtWy
llCIl! VIEM \ llAnM! Onuti l.'lLTtU\ CE.XA.
0 morl! romèdo ti tous les maux,
Uo grJco, \icns nous servir inuintcnanl lo dernier repas!
Mais, (( la cruelle qu'elle est, se bouche les oreilles», et s'en prend sur-
tout aux jeunes, aux puissants, aux heureux de ce monde pour causer plus de
douleurs et faire répandre plus de larmes. Dans une autre partie du tableau.
toujours pour inspirer une grande terreur, en regard île trois nrinces étendus
dans leur cercueil et rongés de vers, elle met trois jeunes scignein-s, montés
sur des chevaux magniri([ues et se rendant à la chasse. C'est, ù ma connais-
sance, la première représentation du sujet des « Trois vifs cl des trois morts u,
si IVé(|uemmenl reproduit chez nous, au xvT siècle, par la sculpture, la pein-
ture et la gravure sur bois. Toute ci-lle fres(|ii(' d'Orcngna est pleine de ter-
rem- et traduit bien la grave poésie de Pétrarque '.
.Mais, déjJi vers la première moitié du \v° siècle. Antoine de la Sftlle
( l.'M)8 |- t/iti'i) introduit le germe de ces " Danses Macabres « qui nuiront
p;ir dégénérer en véritables bouffonneries. Dans la livraison pn'rodenle.
page l.'W. nous avons publié ce texte de » l'Histoire du petit Jehan de Sain-
I VvsAHi, '< Vie d'AïuIroa Ort-a^na <>, tnid. do Lvlnm-lio <>( JiNinron, vol. i, p. 379-381.
1/,8 ANNAI.KS Alîr.IIKOI.nniOI-FS.
Ii(' 11 qu'il rsl iiiulilc de vr.pt'Acv ici. Mais le liraiiic est donné; la danse com-
ini'iicc, cl, de sérieuse (|irc!lo est d'al)or<l. elle finira par devenir bduf-
l'oniie :
(1 Ainsy f|iie les poissons snni prins par laine ( l' hameçon ■•) preslemenl .
aiiisy pi'ciil la mori les iioniinfss ; car la moii ne cspareignc nully. roi ne eni-
pcrciir. riclie ne ])oiire. nol)l(; ne vilain, saifjr ne loi. médecin ne cyrurgicn.
jeune ne vici, for! ne Coiijlc. lionnne ne femme. VI n'est ciiose plus certaine :
elle les fail venir à la danse ^ ».
Le mot de » danse » est prononcé et la chose va s'exécuter, à la mémo
époque, sinon dans un ballet, au moins dans un récit et dans un drame qui
conduira inévilablcineul à la danse exécutée au naturel :
i( A Nicaise de Cambray. painctre. demourant en la ville de Douay, pour
lui aidier à delVroier ou mois de septembre l'an MCCCXMX de la ville de
J}ru{i;es. quant il a joué devant MdS (mon dit seigneur Philippe le Bon, duc
de lîourf^ogne), en son lioslcl avec autres ses compaignons , certain jeu, his-
toire et .moralité sur le l'ail de la Danse Macabre, viij francs ^ ».
llciié d'Anjou (1608 -\- J480), contemporain de Philippe le Bon, établit à
Aix, en Provence, celte fameuse procession de la l"èle-Dicu sur laquelle nous
aurons à revenir plus lard et h parler en détail. Au nombre des personnages
vivants et agissants qui figuraient dans cette cérémonie, la ^iort, habillée de
noir, Il avec des ossements de squelette peints dessus », allait et venait avec
sa faux, lâchant de raser tout le monde par le pied ^. On voit d'ici toutes les
peurs que cette Mort faisait aux spectateurs, et toutes les contorsions et fuites
hâtées de la fouh^ pour échapper à ce faucheur étrange. Voilà déjà le co-
mique dont ce sujet ne pourra plus se débarrasser et qui tombera bientôt dans
le grotesque. Suivant un historien suspect d'inexactitude, le duc de Bedford,
le futur assassm de Jeanne d'Arc, entra dans Paris, après la bataille de Ver-
ncuil (l/|i2/i), au milieu d'une pompe triomphale : « Nous voulons parler de
cefte fameuse procession qu'on vit défiler dans les rues de Paris, sous le nom
de Uansc Macabrée ou infernale, épouvantable divertissement auquel prési-
dait un s(iueletle ceint du diadème royal , tenant un sceptre dans ses mains
décharnées , cl assis sur un trône resplendissant d'or et de pierreries. Ce
spectacle repoussant, mélange odieux de deuil et de joie, inconnu jusqu'alors
1 . « ForloiTSsc de la I"oy », niamisciit du w" siècle, à la bibliothèque de Valencienncs, n" 233,
extrait copié par M. le baron di; i.\ l-'oNS-lliiLicou.
2. Comte L. DE LABonni;, les « Ducs do Bourgogne », seconde partie, t. i, p. 393-394.
3. « l'Xiiruatioii des céroiiionies de la Fèlc-Diou d'Aix en rrovence », Aix, 1777, p. IIS.
pi. X.
TRIOMPHE DC LA MORT. 149
et qui ne s'est jamais renouvelé', n'eut guère pour témoins que des soldats
étrangers (des Anglais), ou quelques maliieureux échappés à tous les fléaux
réunis, et qui avaient vu descendre tous leurs parents, tous leurs amis dans
ces sépulcres qu'on dépouillait alors de leurs ossements- ».
Je ne sais d'où .M. de Villeneuve Bargemont a tiré ce récit; mais il est cer-
tain que, dans celte année 1424. on peignit sur les murs du charnier ou ci-
metière des Innocents, à Paris, une Danse .Macabre qui demanda six ou sept
mois de travail. On lit, en ellet, dans la Chronique de Charles VI cl VII :
« L'an U2/i fut faite la Danse Macabre aux Innocents, et fut commencée
environ le moys d'aoust et achevée au karesme suivant. En l'an 1429. le cor-
dclier Richard, prescliant aux Innocents, esloit monté sur ung hault eschaf-
faul qui esloit près de toise et demie de liaull. le dos tourné vers les charniers
encontre la charonnerie, h l'endroil de la Danse Macabre' ».
A partir du xv" siècle, on est inondé de danses des morts peintes sur mur.
peintes en miniatures, sculptées en pierre, fondues en métal, gravées sur bois
et imprimées en typographie*. Les livres spéciaux, et surtout les livres
d'Heures qui conlionncnl la Danse Macabre, sont vraiment innombrables; ils
remplissent toute la fin du w" siècle et tout le cours du xvi'. On a donc eu
grand tort de dire (|u'lIoll)cin {IhOô -\- lôôli) avait inventé les Danses Ma-
cabres. 11 les a développées peut-être, car ce fait même n'est pas prouvé,
mais il ne les a certainement pas inventées, comme le démontrent tous les faits
qui précèdent. La Danse Macabre peinte à fresque sur le revers de la mu-
raille, oii s'adossent les stalles du chœur dans l'église de la Chaise-Dieu, en
Auvergne, est antérieure de cin(|uante ans au moins à la naissance d'Ilolbein •\
Mais il y a des gens, et llolbein en est. qui ont du bonheur : on s'obsliue à
leur attribuer de belles inventions qui ne leur appartiennent pas.
1 . Iloiililo erreur : co speclaclc tiUiit connu alors, commo nous allons lo voir, cl s'est renouvelé
ccnl fois depuis.
î. I)i: Vii.i.KNKUVK Dabc.kmont, « llisloiro do René d'Anjou », l. i, p. 54.
3. Ces i-ilalioiis do !'" IlislDire do Rom* d'Anjou . cl tie lit « Clironinue do Clurlps VI • M>nl
oxlruiU'» du livre do M. I'kancis Doick, « llio Danco of Dealli *, iu-S*. p. U et «S, Londoo,
in:\3. Cel ouvrage esluuo exiellenlo et presque coinpiéle inonugrapliie de la • Uinso des MorU»,
qu'illuslrenl de bonnes gravures sur bois.
4. Voyez, le n Manuel du libraire >, |wr M. J.-C. Hhi.nct, au\ mois . ltan<o N.icjbr» •, I. ii,
col. 4'JO et suivantes do la cimiuiènio édition, Didol, l'aris, «804. V050» surtout K. Doux, • Ihe
Danco ofDeatli d, cité ci-tlessus, iliap. v, p. >>"> et suivantes.
r>. Voir la « Danse des Morts de la Chaise-Dieu, fre^iue inédite du x»- siWo », |Mr Achille
JuiiiNAi.. ln-4", avo<'. figures, hiris, I86ï. A la Cliai.so-Diou, U Mort n'osl ni un tquoloilo ni un
cadavre, mais bien plutôt un econ-lié. C'est une |>articularité qu'il est boo do signaler. L'ouvrage
de M Jiibinal abonde en rcnsoiijnemenlt) curieux.
150 ANNALES ARCIII' OLOGIQl'ES.
L'invonlion n'en est pciil-ôlrc h personne, cl la Danse Macabre s'est déve-
loppée successivement, de siècle en siècle, d'année en année, sous l'inspira-
tion de tout le monde; mais, il faut le recomiaîlre, Ilolhein compte notable-
ment dans ce développement. Avant lui, la Mort, cadavre écorchéou squeletle,
se conlcnlc do venir prendre l'un ou l'autre de ses clients et de l'emmener
dans la tombe en sautillant ou eu daiisanl. Voyez surtout la « Danse Macabre
des hommes et des fennnes », publiée en 1/|85 et années suivantes, par Guy
Marchant et Antiioine Vérard*. Kn homme d'esprit. Ilolbein varia ce thème
assez monotone en composant avec chaque groupe un petit tableau. La Mort
est introduite dans le monde par la désobéissance d'.Adam et d'iive, (jui sont
chassés du paradis. — La Mort en personne les conduit sur la terre de douleur
en accompagnant, dirigeant et hâtant leius pas au son d'une vieille. — La Mort
travaille avec Adam et bêche la terre, ou l'aide à défricher les forêts. — La
Mort met la main sur le collet du pape au moment où le souverain pontife va
placer la couronne souveraine sur la tète de l'empereur. — Le roi est à table,
entouré d'une quantité indigeste de mets, et la Mort lui verse cllc-nième à
l)oire. — La IMort arrache l'évêque à la campagne, alors qu'il visite, bâton
pastoral à la main, le ti-(>u[)eau syml)olique de ses brebis. — La Mort saisit
le juge cl l'avocat Icndanl la main pour recevoir les offrandes et honoraires
des plaideurs. — Un ])rétre va porter le viatique à un malade, et c'est la ^lort
qui le mène en ricanant. — Un astronome étudie la sphère céleste, mais la
31orl lui présente un crâne, cette sphère humaine qu'il devrait bien plutôt
consulter. — La comtesse s'habille et se pare de joyaux que la Mort, affreuse
femme de cliauibre. lui assujettit sur les épaules et le cou. — Une jeune dame,
qui vient de se marier, écoute les propos de son amoureux pendant que la
Mort leur fait de la musique et bat le tambour. — Un laboureur mène la
charrue dont la jMort conduit les chevaux. — Une mère prépare un potage
pour son enfant que la Mort emporte en riant. — Des ivrognes sont à table.
et la Mort, comme au roi ([ui précède, verse dans la bouche énorme de l'un
d'eux, qui va en être noyé, des flots de bière. — Un brigand veut voler une
femme qu'il lâche d'étrangler; mais la .Mort, plus prompte que le criminel,
étrangle le voleur lui-même.
1. En 1838, M. Silvestrc, ancien libraire, a fait réimprimer cliez Laliure, L. Polier, éditeur,
une « Danse Macabre » des hommes et des femmes, dont les gravures sur bois, au nombre de
87, et le texte sont reproduits d'après Guy Marchant et Yérard. Cette réimpression a pour titre :
(c La grant danse Macabre des homes et des femcs avec les dis des trois morts et trois vifs, le
débat du corps et de lame, la complainte de lame dampnée et l'enseignement pour bien vivre et
bien mourir. Nouvellement imprimé à Paris, xvij • c. »
TRIOMPHE DE LA MORT. 151
Voilà quelques-unes des scènes inventées peuNÎIre par Ilolbein et qui lui ont
fait une réputation ([u'on pourrait qualifier d'excessive. Ses contemporains en
ont été si émerveillés, qu'ils l'ont glorifié de ce quatrain recueilli dans les
« Nugae » de Borbonius :
nP. tlORTE PICTt * niVSO PICTORE !liOBILI.
Dum morliâ llansus ' pictor imagines cxprimil ,
Tanla arlc mortcm rctulit, ut mors vivere
Vidcatiir ipsa, et ipse se immorlalibus
Parem iliis feterit, opcris liiijus gloria •.
l)i: r.v MOHT peinte l'.vfi Ilvxs, tE noble peintre. — llans le peintre, en exprimant les
images do la mort, a retracé lu mort avec tant d'art, qu'il parait lu faire vi>re et qu'il se rend
semblable aux dieux immortels, gloire de cette œuvre.
Une fois lancée sur la voie du grotesque par Ilolbein ou ses prédécesseurs,
l'imnî^ination s'est donnée libre carrière, et le pont de Luccrne, qui date de
ilHl, est peint d'une danse macabre ou d'une histoire de la Mort évidemment
inlluencée par le grand artiste de Bàle. Les panneaux en bois de ce pont
couvert sont historiés de quarante-cinq sujets diiïérents où la Mort joue un
rôle. En 1850, je traversais Lucerne, et le temps m'a manqué potir étudier
et noter tous ces tableaux; mais voici l'indication des onze sujets qui m'onl
frapjîé davantage :
Un jardinier cultive .'^cs plantes, et la Mort répand un arrosoir .sur sa
lèto. Il parait que l'eau, qui fait vivre les plantes, fait périr les hommes. —
I II |irèlrc dit la messe (|ue la Mort lui sert. — Un chirurgien cherche à
gui'iir un malade et lui fait une saignée; mais la Mort tient le vase où tombe
le sang, l/cnseignc de ce chirurgien est une tête de mort sur un fond noir.
— La Mort apparaît ii une fermière bien portante et qui trait sa vache. —
i. Huns ou Jean Ilolbein.
2. lloiiiio.Mt's, 1» .\ug,e n, p. l!7, édit. do Lyon, apud Grypliium; p. il3, édit. do BAIo. Voir
Douce, >< llanco of Deatli », (|ui Tait cette citation, p. 139. — Il Taut diri! qu'on n'est pas obso-
lumont certain qu'IIolboin ait peint une danse dos morts, môme à lUIc, et lo quatrain on question
est |>(Mil-6lro la ineilleurn preuve do rallirmativo. Du reste la Siii>><>, avant, pondant et apt^
lldibciii, a (.inguliéronionl alToctionno co tliémo do la mort au\ prises avec Ia vie. Kn IH.'»6, on
allant do Lucerne il lIAlo, jo m'arr^l^ii dans un bourg dont inallicurousomenl jo no me nippplle
plu.s lo nom, mais (pii avoisino lUIo. J'avisiii sur l.i f.i • maison une p- i--
représentant la Mort qui faisait dansor un liiiur)>oois. I > '', dans une ru' i-
tanto, qui mùno il la cutliédmlo, jo lus, sur une toute |>otilo maisifn nouvollenu-nl Uiio, ccUt>
pensrfl pleine do plilloso|iliio ot donnée do naiolo : « Siitis nnipla moi
quo la Suisse est bien molancoliipio, si, d'un colo, on n'y voyait m>>,
lu niiNmo ville do lii^lo, lo Triomphe do l'Amour sous des formes diverses. D'où l'on |H>ui coacluro
quo nii'lvétie aime tous les Triomphes, quels qu'ils soient.
152 ANNALKS AliCHl'lOLOniOLES.
La Mort siY'gc au soin (riiii cdiisfil iiiunicipal cl Riicltc sans doulc l'oralcur
dissidf'iit cl passiomii'! (|iii va frapper son vole d'une boule noire. — Deux
ninrls (Milraiiionl violenimcnl un roi qui résiste avec force, mais en vain. —
Un cavalier fait l'en d'un iiislolcl sur la Alort qui l'attaque et (|ui, comme le
Juif errant, csl invuln(''ral)lc cl immortelle. — Festin el bal où des morts
I'omI de la niusi(|uc. — .Jugement dernier où les victimes de la Mort res-
suscitent pour le pai-adis ou l'enfer. — F.cs deux tableaux qui m'ont le plus
intéresse, on pourra le concevoir, représentent un arcliilcclc cl un ingénieur
qui construisent l'un une église el l'autre un ponl ou un a([ueduc. 1/arrlii-
tecle, armé de sa règle magistrale, en est au portail de son église dont il
étale le plan avec un certain orgueil. Mais la Mort csl là qui ne lui permettra
pas de terminer son anivre. L'artiste, comme Lavoisier, sentant qu'il a dans
sa léte quclf|ue chose à réaliser, demande un peu de répit pour achever son
portail; mais la Mort ne l'écoute pas et le lue. L'ingénieur, au milieu d'en-
gins d'appareil, et d'instruments pour la taille des pierres, est placé dans un
coin et (loniio des ordres de construction; mais la Mort, accroupie dans un
autre coin, le guette comme un chat guette une souris, pour le frapper et
l'enlever à ses travaux. Qui sait si cet ingénieur n'est pas celui-là même qui
a construit le pont de Lucernc et dont on voit l'inscription suivante gravée
dans la pierre, sur l'une des piles de ce pont si curieux :
J. rUAMÏ • I.IDWIC. • NON • SOXNENDEIIG • DFR. . . T ■ BAI IIFr.r, • ANNO 1771
J. Fiiiritz Ludwig do Soniienberg directeur de la construction en 1774.
Un éminent critique. ^!. Saint-Marc-Girardin. a écrit au sujet de la Danse
des Morts quelques pages remarquables dont l'extrait suivant ajoutera utile-
ment ;i nos indications sur les peintures du pont de Lucernc :
(( Je connais deux Danses des Morts : l'une à Dresde, dans le cimetière,
au delà de l'Elbe; l'autre en Auvergne, dans l'admirable église de la Chaise-
Dieu. Cette dernière est une fresque que l'humidité ronge chaque jour. Dans
ces deux danses, la Mort est en tète d'un cliœur d'hommes d'âges et d'états
divers. Il y a le roi, le mendiant, le vieillard et le jeime homme; la mort les
entraîne tous après elle... La danse d'IIolbcin n'est pas, comme celle de
Dresde et de la Chaise-Dieu, une chaîne continue de danseurs menés par la
Mort : chaque danseur a sa Mort costumée d'une façon difTérente, selon l'état
du mourant '... Holbein avait ajouté à l'idée populaire de la danse des morts.
t. Le costume est le nit^mo, si costume il y a, puisque c'est un cadavre squelette, mais l'attri-
but change : la Mort tient une faux, une flèciie, une fleur, une bcV'lie, une pioclie, une bière, un
instrument de musique, suivant les hommes ou les femmes qu'elle invile à danser.
THIOMPllE DE LA MORT. 153
Le peintre inconnu du pont de Lucerne a ajouté aussi à la danse d'IIolbein.
Ce ne sont pas des peintures de prix que les peintures de Lucerne; mais elles
ont un mérite d'invention fort remarquable. Le peintre a représenté, dans les
triangles que forment les poutres qui soutiennent le toit du pont, les scènes
ordinaires de la vie, et comment la mort les interrompt promplement... Au
l)ont de Lucerne, la Mort vit avec nous. Faisons-nous une partie de cam-
pagne? elle s'habille en cocher et fait claquer son fouet. Les enfants rient et
pétillent; la mère seule se plaint que la voilure va trop vile. Que voulez-
vous? c'est la Mort qui conduit : elle a hâte d'arriver. Allez-vous au bal?
Voici la Mort qui entre en coilfeur, le peigne à la main... Le pont de Lucerne
nous montre la Mort h. nos côtés et partout : à table, où elle a la serviette
autour du cou, le verre ii la main et porte des santés...; dans la boutique, oii,
en garçon marchand, assise sur des ballots d'éloiïe, elle a l'air engageant et
appelle des pratiques; au barreau, où, vêtue en avocat, elle prend des con-
clusions, (1 le seul avocat, dit la légende en mauvais vers allemands, placés au
bas de chaque tableau, qui aille vite et (|ui gagne toutes ses causes ».
<i Avec ces peintures, le moyen âge ridiculisait l'humanité tout entière : il
raillait sa faiblesse, son insouciance, sa vanité. Aujourd'Iun', nos caricatures
frappent sur les individus au lieu de frapper sur lliomme. Elles apprennent
h l'un (|u'il est trop maigre, à celui-ci (|u'il est trop gros, à l'autre <|u'il est
trop petit. Ce ne sont guère là de grandes découvertes de satire; mais, lieu.x
communs pour lieux communs, je ne sais si je ne préfère point ceux du moyen
iVge; ils in(lif|nent tout au moins ime épo(|ue plus sérieuse et plus grave, un
génie qui voit de plus haut les choses et les hommes, et une imagination qui
garde un profond sentiment de peine dans ses gaietés mêmes et dans ses
caprices'. »
Je m'étoiiiir iiu'iMi si judicieux observateur n'ait ritMi dit du chirurgien du
pont de f-ucerne, car c'est, h. mon avis, un des plus curieux sujets de la série
(>t celui, pout-ètr.\ dont |o caractère général devait intéresser le plus M.Siunt-
Marc (iirardin.
('e n'est pas d'aujourd'hui, ee n'est pas même du temps de Molière scule-
nntit ([u'on s'est morpié des chirurgiens et des médecins : il en est d'eux
comme des fenmies dont on a dit, à toutes les époques, tout le niai et loul
le bien [xissible. Le pont de Lucerne donne pour enseigne h son chirurgien
une léle de nmrl et fait assister la Mort à la saiguiS», (|ni est cependant la plus
anodine des opi'-ralion-i. Dans une petite Daii^i' M i.- du.- "i- iv.'.. r. .■- ri|,ii|,»_
I. X Jotirniil dos DoImIs '. CI riWricr 1833.
XXIV. 20
lâ^i ANNM.F.S AItClll';OLOGI0UES.
wiccki, l.'i Mi)it vient se placer auprès d'un jeune lionimc assis h une table
d'fîtude. Le studieux élève, qui ne voudrait pas mourir encore, dit à son ter-
rilili' \ isili^iii' :
Uo Rnlco, (?pargno-moi : je mo fais médecin, ol lu rpccvras de ma main la moitié des malades '.
Oïl ne dil |i.is si l;i Moil. loucliée de la promesse d'une si belle rente future.
a faii f^ràcc au jeune cludianl ; mais, ce (|iii |i;iiaît moins douteux, c'est que
mé(le(in.«, ciiirurgiens cl apotliicaires tuent encore aujourd'iiui quelques-uns
(le it'iu's clients.
I/iiumanitc se pipe elie-inème, comme dit Moiilaif^ne, et, par contenance,
a l'air de se moquer de ce qu'elle craint le plus, llolbcin et ses successeurs
fonl. au sujet d(; la mort, des plaisanteries qui ne sont pas toujours de bon
ali)i; ils riciil au\ larmes, mais aux larmes de tristesse et de désespoir, et
les joyeuselés de J. drandville, qui, vers 1850. a fait en neuf litliogra-
pliics un «Voyage pour i'Klcrnilé- », ne sont pas toutes d'une gaieté bien
franche.
Au pii'mier dessin, le frontispice, la Mort conduit les voyageurs dans son
omnibus, au cimetière du Père-I.acliaise.
Au douxième, la Mort, habillée en postillon, donne des conseils à un voya-
geur surchargé de bagages désormais bien inutiles; elle lui dit : « C'est ici le
dernier relai ».
Au troisième, la Mort entre dans la boutique d'un horloger et fait voir sa
montre au patron et à rapprenli, en disant : « Vais-je bien? » — A quoi
ils répondent elTrayés : c Vous avancez horriblement ».
Au quatrième, la Mort entre chez un vieux baron goutteux étendu sur un
lit. Un valet dit au malade : " Monsieur le baron, on vous demande », et le
baron s'empresse de répondre : « Dites que je n'y suis pas ».
Au cinquième : « Soyez tranquilles, j'ai un garçon qui ne se trompe
jamais ». dit un ai)olliicaire à des malades craintifs qui demandent des méde-
cines. La Mort, en garçon pharmacien, est installée dans une autre pièce où
elle pile des médicaments dans un mortier.
Au sixième, c'est une fête. La Mort, en domestique, entre avec un plat de
1. I". Douce, « Danse of Doadi ", page 207.
2. « Voyage pour l'Éternité, service général des omnibus accélérés, départ à toute Iieure et de
tous les points du globe >-. In-i" oblong. Cet ouvrage parut précisément à l'époque où les omni-
bus venaient d'ùtre établis à Paris. Mais, depuis, on a créé les chemins de fer, et ce serait une
bonne occasion de répéter le même « Voyage » par train express. A grande vitesse, on va encore
plus rapidement et plus sûrement à la mort que par les omnibus.
TRIOMPHE DE L.\ MORT. 155
fruits empoisonnés et dit : «.Voilà, messieurs, un plat de mon métier ». — Ce
lal)leau est parliculi(;rcnicnt d'une gaieté lugubre et peu spirituelle.
Au septième, la Mort, en fille de joie, un masque sur le visage, tâche d'at-
tirer un jeune homme en lui disant : «Voulez-vous monter chez moi, mon
polit monsieur, vous n'en serez pas fâché, allez ».
Au liuitiènif. la Mort, en entrepreneur de pompes funèbres, son corbillard
derrière elle, invite un vieillard à la suivre et lui dit : <■ Pour une consultation,
docteur, j'en suis, je vous suis ». — C'est inspiré de 1'" Ilernani » de Victor
Hugo, qui se jouait à cette époque, et dont le « de ta suite j'en suis » était
si applaudi des uns et si honni des autres. Le chirurgien de Lucerneet l'étii-
diant en médecine de Chodowiecki me paraissent plus spirituels que ce docteur
de Granville.
Enfin, au neuvième, la Mort, déguisée en élégant, conduit à une voiture une
dame suivie de sa fille, et dit : » Oui, madame, ce sera bien la promenade la
plus délicieuse : une voilure dans le dernier goût, un cheval qui fend l'air et
le meilleur groom de l''rance»!
Avec ces plaisanteries, qui ne sont ni toutes gaies, ni toutes spirituelles,
il est temps de quitter les Danses Macabres et de revenir aux véritables
Triomphes de la Mort.
Les manuscrits à miniatures', les sculptures de l'hôtel Bourgtheroulde îi
Rouen, les anciens livres imprimés avec gravures sur bois^, tout le xvi' siècle,
.iiliii, rcprésc !>■ Triomphe de la Mort comme il suit, sauf quelques va-
riantes d'une importance secondaire :
La Mort, en sqiielelie ou en cadavre, est debout et non assise sur le coffre
ou la plate-forme d'un diar à deux ou quatre roues que tirent d<Mix bullles ou
deux taureaux furieux d ,iii galop. Armée d'une longue faux, la M"rt fauche
dans le cliami) «|.'s liuin.iiiis à dniite. lï gauche, devant et derrière; rien
iM'cliappe h ses coups*. Les tués, hommes, femmes, vieillards, enfants, pape,
empereur, rois, princes, pauvres, riches, se sauvent devant l'affreuse vision
qui les atteint tous, les tranche par le pied, par le nulieu du corps ou par
la tète, et les renverse connne des épis sin- le sillon.
Le grand artiste de Venise. Titien . a peint im triomphe de la mort ilonl ji*
viens de voir la gravure. Cette planche est signée : <• Titianus pinvit. — It>. An(.
l'.nii (li'l. — S\l\('sl. l'omarede sculp. ».
I. Ni)lammonl lo m.iniKrni maRninque do la Bibliollu^uo impt'rinlo. fomi* fr«nç«i». n* f>9k.
inlitulô ; « !.o« Iriiqiliw du pronlio mossiro Françoy» P«>lrarclio, lr»n»lrtloi k Rouen de vulgaire
iliilici) (Ml friiiiroy» ((wir lloniiinl llliclniiis, xvi« siiVU').
i. ■> Il IVlninliu loii ri<>|>o^lii.>in' dMliv<'«4iiulro Vollulello ». In Vonejiij. utit. in-4-.
156 ANNALES AKCIIÉOLOGIOLT.S.
Fm I<'';;pik1i' . au l)a.s do la f^raviiro , ou lit :
« Tiiumplius iiiorlis a Francisco Pclrarclia versibus clcgaïUissiinc scriplus,
alqiio iii anholypa Tiliani colohcrrinii picloris tabula, qua- domini loannis
Micliilli romani iuris est, vivi.s coloribus ad arlis miraculutii cxpressus iieic
rrre inci.sus apparel. »
Puis les Paniues, qui sont h bon droit les suppôts de la mort cl figurent
dan.^ ce triomphe, se disent entre elles :
Fila liominuni vitx iiojlris cito curritc fiisis,
DUorunt slabili fjlorum numinc l'iirc.T,
f.lollio, Alropos, I.acliosis. Mors nniriqiio agil alla trliimplitim.
Le char, en fonne de lombeau . r-l lin- |iar drs buflles aux cornes recour-
bées en dessous. Sur le char, Clolho, Alropos, Lacliésis filant , enroulant et
coupant le fil de la vie. En liaul du char, h l'arrière, s'élève la Mort couronnée,
armée d'une faux. Cette Mort est en chair; c'est une momie vivante et non
un squelette : une draperie étroite lui enveloppe les reins. Une foule innom-
brable est renversée et foulée par le cliar, beaucoup sont déjà étendus morts.
Alexandre est écrasé par une des roues du char. On lit , parmi les morts ou
les mourants, le nom de Pompéius. l'abius, P. .JuJius 11. Ib, im-. Pyrrhus,
Scipio, Carlhaginienses. Romani. — Thisbé se perce d'une épée sur le corps
inanimé de Pyrame. Cléopùlre, entre les bras de Marc-Antoine, se fait piquer
par un serpent, etc. Un jeune homme et une jeune femme se sauvent à toutes
jambes devant les buITles dont le pas « tranquille et lent » saura cependant
bien les atteindre.
Ce triomphe de Titien est froid et mal groupé; c'est fort inférieur à nos
triomphes de la renaissance et même à ceux du xvii' siècle*. On y remarque ,
ce qui n'est pas conforme cependant au texte de Pétrarque, où tous les morts
sont anonymes, des noms propres d'hommes et de femmes célèbres, et.
entre autres, celui du pape Jules II, ce qui donne la date du tableau de
Titien. Le pape Jules II est mort en 1513, et Titien, bien longtemps après
lui. en 1570. Il est assez remarquable que Titien et Holbein, ces deux
peintres de la Mort, ont péri tous les deux de la peste : Holbein à Londres,
en 155Ù , à 59 ans; Titien à Venise , en J576, à 99 ans.
I. Titien a composé un grand Triomphe de la Divinité, qui est gravé. Il est probable qu'il a
fait également les autres Triomphes de Pétrarque, car on a gravé, encore d'après lui, le Triomphe
de l'Amour, dont la peinluro était et est peut-être encore à Ferrare. En outre, il a peint à Venise
le Triomphe de Judith, sans doute pour figurer le Triomphe ds la Renommée. Je n"ai pas pu
m'assurer si Ton av;iit de lui, pour compléter les six, le Triomphe de la Chasteté et celui du
Temps.
TRIOMI'IIE Di: LA MORT. 157
La peste , sans en excepter la guerre et la famine , est véritablement le plus
beau triomphe de la mort. Dans ces paroles dont Sainle-Marie-dcs-Fleurs , à
Florence, retentissait avec la voix de .Savonarole (H52 -]- 1^98) , on entend
comme le galop du cheval pâle de la Mort * et les soubresauts du char funèbre
que conduisent les buffles de l'hôtel Bourglheroulde.
(1 0 Italie! ô Rome! je sèmerai parmi vous la peste, une peste si terrible
que peu de monde y résistera. Croyez celui qui vous parle : il n'y aura plus
personr)e pour ensevelir les morts. S'il y a dix hommes dans une maison, ils
mouriont, ils seront brûlés, et l'on n'aura plus besoin de pourvoira leur sé-
pulture. Ouand ce fléau fondra sur vous, il y aura tant de morts dans les mai-
sons, qu'on criera dans les rues : » Jetez les cadavres dehors " . On les mettra
sur des voitures et sur des chevaux, on en fera des montagnes et on les brû-
lera. On n'entendra plus dans la ville que ce cri lugubre : " Oui a des morts?
« Que tous ceux qui ont des morts les descendent sur leurs portes ! » Lne
foule de gens sortiront sur le seuil de leurs maisons : « Voilà mon fils, « dira
l'un; " voilii miin mari, voilà mon frère, » dira l'autre. Kl l'on fera de grandes
cl horribles fosses pour enterrer tous ces cadavres, l'uis les mêmes hommes
parcourront de nouveau les rues, ils crieront : « N'y a-l-il plus de moris par
« ici? quoiqu'un a-t-il des morts? » Kt les rangs des citoyens s'éclaircironl, au
point qu'il restera à peine quelques personnes. L'hcrbo croîtra dans les rues;
les routes seront connue les bois et les forêts -. »
Cette ville terrible et poétique dr Florence ne se contentait pas de parler (lo
la peste et de la midiI ; elle aimait encore à en inonlrer la représentation vi-
vante, si l'on peut dire ainsi. In contemporain de Savonarole. l'étrange peintre
l'iero di Cosimo, né en ilUiO, mort en lô2l, à plus île quatre-vingts ans,
composa une de ces pompes funèbres. Ce diame revient si bien à noire sujet,
(pic nous transcrirons en entier la description que Vasari en a donnée cl
<|ue voici •' :
" l'iero fut beaucoup recherché par la jeune noblesse de riorence, précisé-
nienl à cause de l'extravagance et de la singularité de son imagination. Nos
jeunes seigneiu's l'employaienl. .ni f.irii.a.il, U m'^aniser li-ur^ tli\i'iti>»einehl>
1. u \'.l oiTP ('(iiiiis |mlliiliis. \'A i|iii st'ili'lj.il Mi|it'r rii;u iui;iu'ii illi Mo Uir
oiiin. I'!t (liila csl llli palcsliis suiht (|iiiituor (lurlos lornr iiilorlicoro j. ' ''• ^'
liostiis lorriu •. S. Joiian>. « A|)unily|)sU •>, vi, 8,
î. Voir M. l'i;iiuK.Ns, « J. Siivoiiarolu », w vli>, sos proilicitmii». • ■: — • EiuiIm «ur U
roniiissiiiHo u, par I). Nis.\iiii, — « l'ii'rri» Kiiiiui» •, pur M. < iitaip, i'«ri», I86i,
p. 9-10.
3. Vaaahi, n Vioi do» poiiiln-s », Unilurlion tli' LivlaiulM- i-t Jo.uiron, - V'- '•• 1' < f;
Cosimo u, vol. IV, p. 7î-*ii.
158 ANNALKS AIlCIIKOLOGIOUKS.
qu'il savait cnri( hir d'iiiir pompo et d'une grandeur inaccoulumf'e. On assure
niùtnc c|ui'. \i- pniiiiiT. il (il iiarcourir les rues aux mascarades, Ji l'instar des
anciens liioinplies. \i\ moins est-il vrai que, le premier, il sut ii-ur donner
plus d'rclal el de popiilarilé, en iiilroduisant une action h la représentation de
la(iiiclle il faisait concourir nHisif|iic, paroli;s et costumes avec grand renfort
d'acteurs li pied et à ciieval. Il y avait bien là, il faut le reconnaître, une don-
née large et ingénieuse; <l ce devait être quelque chose de magnifique k voir
la iiiiil. à la lueur de plus de quatre cents torches, qu'un cortège de cavaliers,
havcsiis avec goût et invention, cheminant deux k deux sur leurs chevaux
si)lendidemont harnachés, escortés par des valets en livrée uniforme et por-
tant les flambeaux. Le char du triomphe, richement orné, était plein d'objets
bizarres : cela enchantait le peuple et ouvrait les esprits.
u l'aniii loiilcs ces fêles, je veux succinctement en signaler une qui fut con-
duite j)ar Piero, déjJi sur le retour de l'âge. La gaieté de celle-ci ne fit pas son
succès. Kilo jilut. au contraire, à cause de ce qu'elle avait d'horrible et d'inat-
tendu;'car l'horrible peut nous plaire quand on sait nous le présenter avec
art et convenance; les représentations tragiques en sont la preuve, et l'on
goûte ces choses comme les aliments acides et acres qu'on recherche quel-
quefois.
« Piero avait donc très-secrèfement exécute, dans la salle du pape ^, un
char de la Mort. Rien n'en avait transpiré, et la ville allait en recevoir en
même temps le spectacle et la nouvelle. Cet énorme char s'avançait, traîné
par dos bufTles. Sa couleur noire faisait ressortir les ossements et les croix
hlaiK lits diiiil il était soiné. A son sommet se trouvait la gigantesque repré-
sentation de la Mort, tenant sa faux en main, et entourée de tombeaux qu'à
chaque station on voyait s'cntr'ouvrir, et dont sortaient des personnages cou-
verts d'une draperie sombre, sur laquelle étaient peints les os des bras, du
torse et des jambes. Des masques à tête de mort suivaient à distance ce char
fantastique, et renvoyaient à demi, à tous ces pâles squelettes, à toutes ces
(liapeiMcs lunéraircs, la lueur lniiitaiiie de leurs torches. La terreur était à son
comble, quand, au son de la musique sourde et lugubre des trompes, les sque-
lettes soulevaient lentement le couvercle de leurs tombes, et, s'asseyant sur le
bord, entonnaient d'une voix triste et languissante cette noble complainte :
Dolor, pianlo. c ponitenza, etc.
« A la suite s'avançait encore toute une légion de cavaliers de la Mort, sur
les chevaux les plus maigres et les plus décharnés qu'on pût avoir, au milieu
l . Au vieux palais de la Seigneurie, à Florence.
TRIOMPHE DE LA MORT. 159
d'un peuple de valets et décuyers agitant leurs torches allumées, et leurs
enseignes noires déployées. Pendant toute la marche, celte procession chan-
tait, en mesure et d'une voix tremblante, le « Miserere » des psaumes.
<i Quoique ce sinistre spectacle ne convûit guère au temps du carnaval ', la
perfection de son arrangement et l'intelligence qui y avait présidé remplirent
la ville d'élonnemcnt et d'admiration, l'iero. le grand metteur en œuvre de
cette pompe-, fut accablé d'éloges et de remercîmenis; et depuis, chaque
année fournit son allégorie nouvelle. Au reste. Florence peut se vanter de
n'avoir jamais eu de rivales pour ces fêtes; les vieillards qui ont vu le
Triomphe de la Mort en gardent un profond souvenir, et en [tarlent sans
cesse II .
C'est, comme on le voit, la mise en action de la poésie de Pétrarque, de la
.sculpture do l'Iiùtel Buurgllieroulde, de la peinture de Titien et do toutes les
représentations en miniatures ou gravures du Triomphe de la Mort.
riorence était passionnée depuis longtemps, et même avant Pétrarque, pour
ce genre de spectacle. Ainsi, en 130/i, l'année môme où le poète des Triomphes
vint au monde, la ville de Florence fit exécuter une représentation assez ana-
logue Ji celle de Picro di Cosimo. F.n celte année 130/|, le cardinal, légal du pape
IJonifacc Vlil, s'étant rendu dans cette ville pour ménager un rapproohomoni
entre les factions des Blancs et des Noirs dont le Uante dé-jà avait été la vic-
time, « le peuple eut l'idée do donner une de ces fêtes (|ue l'on se plaisait à
célébrer (|Uclquo temps avant, lorsque la cité était Iraïuiuillo, heureuse et flo-
rissaiito. Cha(|uc quartier rivalisa pour amuser la ville. Depuis longtemps les
habitants do relui de San-I'rediauo étaient renommés pour l'originalité de
leurs inventions. Celte fois ils s'avisèrent do faire publier à son de trompe que
ceux qui voudraient savoir des nouvelles de l'autre monde n'avaient qu'à se
trouver, aux calendes de mai, sur le pou! Alla Carraia ou lo long des bords de
l'Arnu. Fil effet, ils établirent sur le fleuve des espèces d'échafauds placés
sur dos l)ar(|uos, et là, au moyen do feux et d'illmninalions artistement pro-
parés, ils représentèrent, h cette lumière, dos scènes de l'enfer. l,es uns pa-
raissaient nus, d'autres avaient des masques et des habits qui les faisaient
prendre pour des diables, et tous ensemble rendaient des scènes de danmation
et de siq)plices infernaux. Toute cette pantomime était accompagnée de cris et
I. tir^l ,1 1,1 lui ilii r.irn.iv.ii, li> mcivri'ili ili's tii'inln^, i|iii> l'ftnli'iO Mpin'llo h 1' ■ ;'i'il
niotiiTii un jour, (ju'il i<st poussu'io cl rolourufr.i on |)ou*>i«Vi<. Pioro <li C.osinio n'.i jm»
trop mil! rliuisi son tonipH pour ri>préscn(or lo Triumplio do lu Morl.
î. SuiviMit Viisori, Aiiiircii ili Cosimo ol !o gr.inij p<inlro An'lnvi dol "^^ i.r...,;
Pioro dans son Iniviiil.
100 ANNALKS AltCIII^OLO(;lOUES. ,
(|(! liiirlciiH'iits alTr<'ii\ , ot causa un plaisir singulier Ji tous les speclaleurs.
Mais conime, h celte ô.\)tu\ii(i, le pont Alla (^arraia était construit en bois, et
que l'aniucncc du monde (|ui s'y était porté le cliarf^ea outre mesure, il elTon-
dra en plusieurs endroits; de sorte r|u'un faraud nombre de spectateurs, ou se
noyèrent, ou se tuèrent en tombant, ou enfin se firent d'Iiorribles blessures.
Malgré rallliclion de toutes les l'amilles de Florence. (|ui. après cet accident,
avaient un jjarcnt à plem-i.T. on n'i'ii lii pas moins la mauvaise plaisanterie de
dire que les gens du ([iiarticr de San-l''rediano avaient tenu leur promesse.
puis(mo beaucoup de gens f|ui étaient sur le pont « étaient allés savoir des
» nouvelles de l'autre monde ' ».
Cet accident de l-'lorence m'en rappelle un autri' (|ui liil lieu à Ath, en
Belgique, à la lin du w" siècle, dans une représentation dramatique du même
giMirc A la lin d'une procession à spectacles, on avait figuré le paradis,
le piM-galoire el l'enler. Par impmdence cl irréllcxion. l'on avait mis du feu
sous la chaudière qui représentait l'enter et dans laquelle des enfants nus
jouaient le rôle des danniés. La chaudière finissant par s'échaufi'er, les enfants
jetèrent des cris épouvantables et firent des contorsions aflreuses. Plus ils
criaient en se démenant, plus les habitants d'Ath admiraient la perfection avec
laquelle le rôle était rempli. On s'aperçut enfin de la cause des lamentations
de ces pauvres petits. On parvint à éteindre le feu. mais trop tard; car plu-
sieurs de ces enfants périrent atteints de brûlures mortelles, et tous les autres
furent estropiés -.
Ici la Mort tut doublement triomphante, comme à la fête du pont de Flo-
rence : triomphante par le sujet du spectacle et par les victimes qu'elle y fit.
La Mort l'empoile donc, comme nous venons de le voir amplement, sur
l'Amour et la Chasteté; mais, à son tour, elle est vaincue par la Renommée,
le quatrième des Triomphes de Pétrarque.
t. Delécli'ze, « Histoire de laviilc de Florence ».
2. M"" Clément Hicmery, k Histoire des fOtes de la Belgique méridionale ». Iii-S", Avesnes,
1846, p. 342.
DIDRON AINE.
, r l A lA'LJS. Z i-WCBE OL D
l-AH JIIIHON A IV:
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AU MUSÉE CHRETIEN DU VATICAN
J'.' //^Mtim'ifHt- .''.' i'*^ /liru
/m^rimb- /ttr 4. A-*)K-/
ArKUCL ICU.NOGRAIMIIOL'E
SUR SAINT PIKllUE ET SAl.NT l'Ai L
Don i)l vommk kmt v saint I'ieiihe. — Nous avons, dans le cours de celle
étude, trouve déjà plusieurs occasions d'apprendie ou de rappeler aux lec-
teurs des '( Annales Archéologiques » que l'iuiporlante composition du Chrisl
liioiiiphaiil , donnant à l'un de ses apôtres, ordinairement chargé d'une croix,
un « volume » déployé , avait été précédemment , de notre part , l'objet de
recherches et de réflexions sérieuses. Elles nous avaient amené h cette conclu-
sion que le don fait sous cette forme n'était autre que celui de la loi évan-
gélique, dégagée des ombres et des entraves de la loi mosaïque, dont elle
n'était cependant que l'accomplissement le plus parfait : loi tl'amour, principe
d'éternelle béatiinde, source de toutes les grâces, loi par excellence, à laquelle
s'a|)pli(iiii'nl . concmiemmentavec le Sauveur lui-même, la loi vivante, toutes
les idéces de liiomphe. d'affranchissement . de renouvellement et d'expansion,
de vie. de lumière et do |)aix, e\|iriméos dans cette composition et ses acces-
soires par l'agneau, la montagne, les lleuves. les palmiers, le phénix, les
brebis, etc.; dernier mot . en cpiehpie manière, de la composition loul enlière
et peut-être en général . sinon de toutes, au moins de la plupart des œuvres
de l'art chrétien h cette époque primitive.
Celte loi, tous les apùlres (tnl reçu mission île la prêcher, de la repaïuhe .
et saint Paul , le dernier venu d'entre eux , a été favorisé de gnkes sup'' '■ 'm-. -
|)i)ur l(! faire avec une puissance et une efficacité sans égales. I^ faii
li(|ue. au(|uel se rattache le mieux la scène décisive dont nous parlons, est
celui (|ui . rapporté au wviii' chapitre do saint Mathieu cl au \\i' de saint
1. Voir li"8 Aiiniilps Aivln'.)loj;ii|uo* », vol. wiii | ■"'■ ' •* ■•' ■•'■■• • •' wiv. p. 93.
.\xiv. 31
162 ANNALES AriClIÉOLOGIOUKS.
Marc, |)ri!;ci5(Ja iininédialeiiuMil l' Ascension , lorsque Ji''.su.s-Clu'ist, sur la
montagne où il les avait rassemblés, dit k ses a|)ôlres : «Tout pouvoir m'a
été donné dans le ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations,
baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Kspril : ( Data est milii
omnis polestas in cœlo el in terra; cuntes crgo, docetc omnes gcntes, bapli-
zantes eos in nomiiic Patris et Filii et Spiritus-Sancti ) »,
Saint Pixiil n'y iHiùi pas; mais la pensée de semblables compositions ne se
ronfoi'me |ias dans des conditions restreintes de temps et de lieu. Ce que
Jésus-Clirist a fait ainsi , il le fait perpétuellement, selon ses propres paroles
ajoutées en terminant dans cette occasion même : » Je suis avec vous jusqu'à
la consommation des siècles ( Et ecce vobiscum sum omnibus diebus
usquc ad consummationem saiculi) ». La mission de saint Paul pouvait donc
parfaitement être considérée comme comprise dans un acte qui se continue
tous les jours. On conçoit dès lors sans peine que, ne voyant dans le don du
volume que le signe de la mission d'aller prêcher, des commentateurs distin-
gués se soient arrêtés à l'idée de reconnaître, dans l'apôtre (|ui la reçoit , celui
dont la parole a produit les fruits les plus abondants.
Il faut le dire cependant, en faisant cet honneur à saint Paul, ils nous pa-
raissent avoir été beaucoup moins dirigés par le désir de le lui rendre que par
la crainte de la difficulté qui résulte de l'interversion de positions. Ils ne
prenaient pas garde que, l'évitant dans un cercle trop étroit, on la laisse
subsister dans une multitude d'autres monuments dont on néglige d'invoquer
la comparaison.
Quant à nous, convaincu que la signification du don sacré, dans les cir-
constances solennelles où il est fait, ne peut être limitée à la seule mission de
prêcher l'Evangile, mais qu'il comprend le pouvoir de souverainement l'inter-
préter, et qu'il a toute l'extension que nous lui avons attribuée, il nous était
impossible de voir dans celui qui reçoit le dépôt de la révélation chrétienne
aucun autre que le ciief visible de l'Eglise, le vicaire de Jésus-Christ.
Depuis, les monuments connus de nous, seulement par des gravures et des
descriptions plus ou moins fidèles, nous sont passés sous les yeux*; d'autres
monuments nous ont apporté des lumières nouvelles : nous avons recueilli sur
les types des apôtres des notions plus complètes , et nous avons acquis la
certitude que l'attribution de la croix était exclusivement propre à saint Pierre.
1 . Nous nous sommes assure, on voyant lo fond de verre original au musée du Vatican, que la
gravure rie lîuonarotti, qui a servi de point de départ ;i l'élude du « Christ Iriompliant >>, était
exacte sur tous les points essentiels beaucoup plus que celles qui ont été publiées depuis, les
auteurs de celles-ci ayant voulu suppléer par interprétation aux ravages du temps.
APERÇU ICO.NOGRAPIIIOUE SUR SAINT PIERRE ET SAINT PAUL. 163
Dans ces conditions , ce qui n'était de notre part , dans le principe , qu'une
opinion très-plausible, est devenu à nos yeux la vérité démontrée. Autant nous
admettons que personne ne cède à l'insuffisance de notre témoignage, autant
nous comprendrions peu qu'un travail plus approfondi ne ramenât pas sur ce
point à notre sentiment ceux que des éludes commencées en tiendraient encore
éloignés.
On s'embarrasse d'une difficulté qui , précisément, dans celle composilion
au moins, se résout d'elle-même, par la raison que saint Pierre y est bien en
action; et que, .s'il pas.se k la gauche, c'est pour y recevoir avec le dépôt sacré
le plus grand des honneurs.
Mais quelle nécessité obligeait le Sauveur à faire de la main gauche un
semblable don ? De nécessité absolue , nous ne disons pas qu'il y en ait aucune ;
mais nous y voyons un motif de convenance très-simple : c'est que de la main
droite, Noire-Seigneur devant montrer qu'il parle et qu'il bénit, la gauche
demeurait seule disponible, et il en est résulté une autre convenance relative-
ment à .saint l'aul, qui, spécialement chargé du ministère de la parole, est
reporté du côté oii le geste du Christ en indi(|ue l'action.
A cette composition , nous demanderons-nous maintenant, est-il des monu-
ments qui correspondent avec un môme f^nd de pen.-iéos, bien que le don du
volume n'y soit pas aciuflicment fait? 11 nous parait difficile d'en douter:
comme transition , on peut observer entre autres le sarcophage de Junius
Bassus, qui compte parmi les plus anciens, et cet autre sarcophage, qui nous
semble au contraire des bas temps, et qui sert aujourd'hui de de\anl d'autel
dans une chapelle latérale de la cathédrale d'Arles, oii le volume à demi
déployé entre les mains du Christ parait prêt à être donné; d'autres où, le
volume demeurant roulé , tout le reste de la composition est exactement
semblable aux monmnents ([ui en représentent exactement le don. Ia: «. vo-
lumen » .se change en livre : ce livre lui-même tour ;\ tour ."^'ouvre cl se ferme;
mais la composition d'ailleurs ne .m;> modifie pas ou ne .':c modilic (jue par des
nuances insensibles, des substitutions équivalentes.
Nous en donnons un exemple reinai(|iiabl<' dans la pcinliii'e' des .*y»in!s
Marcollin et Pii-rre, œuvre probablement du v' siècle , (|ue nous publions. On
y rfmai(|U('ra les types du Christ cl des ai)ôties, les guirlaïules jetées autour
i\'ru\ (Il leur honneur : peut-être au.ssi la verge ou le bAloii tombé aux |)ieds
de .saint Pierre; l'agneau si fermement posé sur la montagne d'où coulent les
(|ualre lleuvcs; le chrisme en forme de croix, avec l'alpha et l'oméga inscrit*
dans .son nimbe comme dans le fond du verre de Buonarotli; le nom du
Jourdain, c Jnrd.is i , smiri'e d [iriniipe ije Imiles les e.iliv lie la LT.ue. Itieii
164 ANNALES AnClIÉOLOGlQUES.
que ce fleuve n'y soit pas lui-iin^mc représenté; les quatre martyrs substitués
aux brebis et surtout , par rapport à l'objet cjui nous occupe en ce moment ,
le livre ouvert et tourné vers saint Pierre'.
Ce livre, ce volume, ce rouleau, n'est-ce pas toujours le code sacré de la
loi évang('li(|ue donné à l'Église? Dans un grand nombre des plus récents de
ces monuments, il est vrai , on lit dans le livre, elles sentences qu'on y voit
écrites se rapportent ordinairement à Notrc-Seigneur Jésus-Christ lui-mômc ,
en ces termes : « Je suis la lumière , je suis la voie , je suis la résurrection , lu
vie , etc. ». Ou bien, en invitant h venir à lui : « Celui qui croit en moi vivra;
venez h, moi , vous tous qui êtes chargés , etc.». C'est que Jésus-Christ est la
loi vivante, comme nous l'avons dit. et le mode de procéder de l'iivangile.
considéré comme texte de loi, se rapporte admirablement à cette pensée.
L'Évangile est bien loin de légiférer article par article ; il raconte ce que
Jésus a dit, ce qu'il a fait, et c'est là la loi. « Afin que vous fassiez comme
j'ai fait moi-même », a dit expressément ce divin Sauveur dans saint Jean.
La seule inscription qui ait été signalée comme suffisamment lisible sur le
volume déployé, quand il est donné, est celle de la mosaïque de Sainte-
Constance à Rome , où nous avons lu nous-même , conformément à la version
de Ciampini , ces mots : « Dominus pacem dat». suivis du monogramme du
Christ. Celte formule porte en elle son cachet d'authenticité; car elle appartient
bien plus au viii'' siècle, époque probable du moment, ou aux siècles anté-
rieurs, qu'à aucun de ceu\ où cette mosaïque, fort délaissée depuis longtemps,
ainsi que l'édifice où elle est renfermée, a pu être l'objet d'une réparation.
Ces mots se rapportent à ceux-ci : « Pax vobis » , écrits sur le livre, dans la
mosaïque du Triclinium de Léon III, h la fin du même siècle, ou simultané-
ment à cette autre inscription : « Dominus legem dat», d'un sarcophage du
musée d'Arles (a" 38) -. supposé par nous à peu près du même temps, et où
elle est gravée sur le volume à moitié déployé que porte le Christ, assis au
milieu des apôtres et des évangélistes.
Nous ne disons pas que toutes ces formes de langage soient identiques, que
toutes ces variétés de composition n'expriment aucune nuance dans les
pensées. Loin de là : dire de Jésus-Christ qu'il est la loi vivante, c'est quelque
autre chose que de parler de la loi dans son sens propre : voit-on le livre,
1 . Personne encore n'a pu donner une explication satisfaisante des lettres placées, dans la plu-
part des monuments de ces temps-là, sur les vêtements des personnages. Ici, tous les manteaux
portent uniformément la lettre I.
2. « Abrégé chronologique de l'histoire d'Arles », par M. de Noble La Lauzièbe, in-4'',
pi. XXV, fig. t.
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APERÇU ICONOGRAI'IIIOLE SLR SAINT PIERRE ET SAINT PAUL. 165
emblème de la loi divine entre les mains du Sauveur, on comprend aussitôt
que l'Kglise par là môme la possède; s'il la lui présente, c'est afin qu'elle en
use, et cependant la circonstance de la recevoir par les mains de son ciicf visible
oflre aussi un enseignement particulier. Sérieusement distinctes comme
nuances, ce sont bien Ik cependant les évolutions différentes d'une pensée
unique, et l'on comprend que la corrélation, une fois établie entre le livre
sacré et l'apôtre qui le reçoit, n'ait pas dû cesser parce que l'action cesse,
et que la composition, de quekiue peu dramatique qu'elle était, prend un
caractère de complète immobilité.
Ainsi saint Pierre serait demeuré à la gauche , et . saint Paul entré par li
même en possession de la droite , on aurait alors aussi songé à trouver des
raisons directes pour la lui conserver, lui accordant tout honneur qui ne préju-
dicie pas à l'autorité souveraine appartenant à saint Pierre.
Tel est en résumé ce que nous avons vu de plus clair dans cette question
obscure et délicate de la position respective des apôtres; les juges compétents
diront si nous avons réussi à la mettre dans son véritable jour.
Dons spiicivix des clefs et ul' livue. — Dans les monuments dont nous
nous sommes entretenus jusqu'à présent . relativement au don du volume ,
monuments qui remontent tout au moins au viiT siècle, ce don tire sa signi-
fication des circonstances où il est représenté. Les circonstances modiliées, celte
signification n'est plus la même dans une composition dont le siècle suivant
nous oITre plusieurs exemples.
Notrc-Seigneur, toujours placé entre les deux apôtres, saint Pierre à gauche,
saint Paul à droite, rcmel les clefs au premier, et au second tantôt un " vo-
lume», comme à saint Michel de Pavie' ; tantôt un livre, proprement dit,
comme sur le tabernacle do la basili(|ue de saint Ambroisc à Milan, dû à
l'archevôqueAngelbert 2, et sur la pla(]ue en ivoire qui, à Paris, recouvre le
psautier de Cliarics-ltî-dhauve. Au-dessus du premier de ces monuments, on
lit ces mois : « Ordino rex estotc super omnia régna magisiros « , et ceux-ci
sur le livre du second : « Accipe librinn sapiiMilia' '•. I,c troisième n'offn*
aucuiK* inscription, mais il se com|)lète par la présence de deux anges, tenant
au-dessus des apôtres des torches allumées de chaiiuo côté du Christ, et au-
dessous (le l'auréole centrale (jui la renferme , on voit une ligure allégorique,
représentant, selon touli; apparence, la terre que le Sauveur va éclairer par
le ministère de ses apôtres.
I. Ai.KMANi, Il (In l.alfranonsihii-* |>arii-lilni'< «, p. 68.
S. l'KUnAlUO, « MoilUHii'iil.i .li vm Vinlir.il.i lit wii. p. IH
166 ANNAI.KS ARCIIKOLOGIQUES.
Ce sont les dons pailicdliors* alliil)iii;s à cliacuii d'eux ()Oiir l'exercice de
Cl' iiiiiiisl(';r(!, qui coiistitiiciil l'objet spécial de celte nouvelle composilioii ; saint
l'aui y reçoit un livre coiiinie plus particulièrement docteur, saint Pierre les
fiefs comme |)lus exclusivement pasteur. Comparé avec la signification du don
dans la composition précédente, c'est celui des clefs dans celle-ci qui s'y rap-
j)ortc le mieux , le pouvoir de lier, d'ouvrir et de fermer se confondant avec
la (lualité de dépositaire de la vérité révélée et le pouvoir de l'interpréter,
tandis que. d'un autre côté, le geste oratoire du Christ correspond, on ne peut
mi(;iix, avec le don du livre compris comme le fait sulTisamment entendre l'usage
(|ue saint Paul en a fait.
Le caractère dilTérent de ces deux compositions est d'ailleurs rendu très-
sensible par la disposition de tous les symboles dont la pensée s'appliquait
d'une manière générale à Jésus-Clirist, à l'Hglise, à la loi divine. En cela se
manifeste la double tendance de l'art chrétien : porté, nous croyons en avoir
acquis la preuve, à généraliser dans son ère primitive, il est devenu de plus
en plus enclin à spécialiser, à prendre un tour personnel aux saints qu'il vou-
lait honorer, à mesure qu'il s'est rapproché de nous.
Lus 1)11 \ \rôriu:s alx côtiîs \)v. I)ami:i.. — Saint Pierre et saint Paul,
les premiers ministres de Jésus-Christ, sont aussi, s'il nous est permis d'ainsi
parler, ses assistants en service ordinaire. Tandis que le nombre douze rappelle
inévitablement la totalité du collège apostolique, que le nombre quatre fait
songer aux quatre évangélistes. la valeur et la signification du nombre deux
se rapporte principalement à saint Pierre et à saint Paul. Deux personnages
dans les anciens monuments chrétiens sont-ils rapprochés avec les attributs
des apôtres ou seulement sans aucune désignation contraire , il s'établit aussi-
tôt une présom|)tion pour faire reconnaître en eux les princes des apôtres, et
cette présomption s'accroît singulièrement si on les voit aux côtés du Christ.
Partant de là, à défaut de Notre-Seigneur lui-même, on comprend par quel
enchaînement d'idées saint Pierre et saint Paul peuvent être amenés aux côtés
diin personnage destiné à le figurer. Daniel a reçu manifestement ce rôle;
et les monuments de l'art chrétien primitif ne le représentent si souvent sain et
sauf dans la fosse aux lions que pour rappeler celui qui, en mourant, a triom-
phé de la mort -. Il n'est pas rare que l'on voie alors à droite et à gauche de
1. « Pauhis cœcalus est ut vidcret, Petriis nogavit ul crederet ; huic claves cœlestis imperii
Iradidisli, illum ad vocandas génies divinœ iegis scientiam contulisti ». Telles sont les paroles
d'un vieux missel mozarabe cité par Borgia, « de Cruco A'eliterna », p. 93.
2. Pendant le cours du moyen âge, la figure de Daniel s'est développée dans le sens d'une
personnificalion plus directo du Christ figure. Il arrive que ce n'est plus le prophète, mais plutôt
APERÇU ICONOGRAPHIQUE SUR SAINT PIERRE ET SAINT PAUL. 167
Daniel deux autres personnages, tellement semblables de sentiment et d'attitude
avec saint Pierre et saint Paul, placés dans le même monument ou dans des
monuments analogues, aux côtés du Christ, que nous ne faisons nulle difliculté
de les reconnaître. Dans une peinture publiée par Bosio ', et que nous avons
vue dans le cimetière de Saint-Calixte, ils sont l'un et l'autre assis dans deux
comparliments latéraux, et tournés vers le compartiment central occupé par
Daniel ; sur les sarcophages, ils portent (luehpiefois des livres.
Saint Pieure kt saint Paix ai\ côtiîs de la Sai.nte-Vieuge. — Comme
aux côtés de son divin Fils, saint Pierre et saint Paul sont souvent placés à
droite et à gauche de la Sainte-Vierge. Les fonds de verre dorés nous en
offrent plusieurs exemples. Les deux apôtres y sont désignés par leurs noms;
nous sommes en conséquence bien autorisés à les reconnaître sur d'autres mo-
numents où ils remjjlissent le même rôle sans désignation nominale. La
Sainte-Vierge s'y montre ordinairement dans l'attitude alors consacrée pour
exprimer la prière, c'est-à-dire debout et les mains levées. Ouclquefois les
deux apôtres, non contents de l'assister de leur présence, remplissent à son
égard le rôle d'Aaron et de lliir sur le mont Ilaphidim, c'esl-à-dire qu'ils lui
soutiennent les bras. Une peinture des catacombes - nous en offre un exemple ;
nous en avons compté trois autres parmi les treize sarcophages qui nous les
ont montrés accomj)agnant la Sainte -Vierge.
La mosak[ue de l'oratoire de Saint -Venanco, à Rome, où leurs types sont
parfaitement caractérisés, complète la scène par la figure de Notre-Seigneur.
qui, au-dessus, à moitié corps, apparaît sortant des nuages entre deux anges;
il se montre ainsi toujours prêt à exaucer les prières qui lui sont adressées
par de tels intercesseurs.
Lors([ue l'usage se propagea de représenter la mère de Dieu avec son divin
Fils, les deux apôtres continuèrent de lui être associés comme assistants, sur-
tout l.iiil (|u i||(! h; liciil sur ses genoux connne sur un trône, plus dans un
sentiment de dignité ([lie dans celui de la tendresse maternelle qui prévaut
dans la suite. La mosaïque de la cathédrale de Capoue en offre un exemple,
auipiel nous ne nous arrêterons pas, n'y voyant rien de nouveau et de parti-
culier dans le rôh^ dfs apôtres ^.
lo Christ liii-nu^mo i)iii a|)|i;iniit outre les lions; modiflcntion qui a'iwnd à la dilWrcncc cti»Unt
ontro eus doux nioml)rus do plirnso : lo Christ dunt Daniel ost la nguro, Dnniol fieuranl lo Cbriri.
Sur un cliapiti'ini d'un pilier oxlériour du porclio d»> Siiint-I'orch.iin', à 1' ^l'il un oxein-
plo du fail (|uo nous signalons; M. di- li>" • nu h.im- i li .'n n.i.i i .-n'ur:. .lulrM.
1. 0 Konia sotlorranon s, p. 235.
ï. Il lloinii sniicrranca », p. 105.
:i. CiAui-iNi, 1 Vi'l. niun. ■>, I. ii.
168 ANNALKS AUCIIKOLOCJIOU ES.
L;i composition di; l;i Sainte -Vierge dans l'attitude « d'oranle », et sur-
montée de la (iguif du Christ, est de nature à (ixer davantage notre attention
eu f'-gard à son rapport avec la représentation du mystère de l'Ascension, avec
la(|uclle nous allons voir (|u'elle a pu se confondre.
SMvr l'iKiiiiK i:r saint I'auf. l'niîsiiiNTS a l'Ascension i;r a i.v l)hsci;Mii
m Smm-I.simwi. — C'est une idée particulière à l'art moderne, et provenant
(les tendances naturalistes duni l;i lîenaissance fut imprégnée, que de rcs-
Ireindiv la leprésentation des mystères de notre religion aux circonstances ma-
térielles du fait principal de leur manifestation, et de taxer d'anachronisme
l'introduction de toute personne ou de toute chose qui iic peut s'y rattacher
((n'en d'autres conditions de temps et de lieux.
I,a pensée autrefois T'Iait i)lus large. Dans l'école de l'érugin encore, il est
évideni (|iio l'arlisli', en re|)roduisant par exemple ce sujet de l'Ascension, si
aimé d'elle, ne se |)roposait nullement de montrer comment le corps du .Sau-
veur, s'alTranciiissant des lois de la pesanteur, avait pu monter au ciel;
mais son but était d'exprimer qu'il y est monté et qu'y étant, il ne s'est pas
pour cela éloigné de son Église et de chacun de nous. Le Christ est là dans la
gloire, à portée de nous entendre; c'est à nous de tenir toujours, comme les
apôtres, levés vers lui nos yeux et nos cœurs.
Dans les monuments plus voisins des temps primitifs, la pensée de l'Ascen-
sion se confond encore mieux avec celle du perpétuel triomphe du divin au-
teur du christianisme, comme le souvenir de la Descente du Saint-Esprit avec
celui (ii> l'assistance et de l'inspiration que le divin Consolateur ne cesse de
répandre sur l'Kglise. La représentation de ces mystères étant conçue en ces
termes, on ne s'étonnera pas d'y voir saint Paul, aussi bien que saint Pierre,
y tenir sa place à la tète du collège apostolique. Le plus souvent on l'y re-
connaît seulement à son type; nous croyons pouvoir le dire, en particulier,
de la couverture en ivoire de l'évangéliaire de la bibliothèque Barlierini, que
nous avons vue à Tionie. et (\m est probablement du x" ou du xr siècle ^ La
Sainte-Vierge continue elle-même d"y jouer dans l'Ascension son rôle d'inter-
cession, les mains levées, ce qui établit de grands rapports entre cet ivoire et
la mosaïque de Saint-Venance.
On ne la voit plus dans la Descente du Saint- Lspril qui fait le pendant de
l'Ascension, nonobstant ses droits maintenus généralement à y conserver la
même place. Nous n'en croyons pas moins pouvoir dans celui-ci, avec assez
de vraisemblance, prendre les deux premiers des apôtres pour saint Pierre et
t. Goni. il Tlies. vct. dyp. », t. ni. pi. vi. vu.
AI'KRÇL ICONOGRAPIIIOUE SLR SAINT PIERRE ET SAINT PAUL. 169
saint Paul, Ils sont nommés dans une autre Descente du Saint-Esprit d'un
manuscrit grec des évangiles, oliservé à Florence par Gori, et jugé par lui du
x' siècle'. Plusieurs miniatures de nos » Emblemata biblica», au psaume
« Quam bonum », représentent une Descente du .Saiiil-Esj)rit et une .Ascension.
D'autres miniatures de la Bible moralisée, déjà plusieurs fois citée, représen-
tent le premier de ces mystères, fol. xiv, xv. Elles se conlenlent de les dési-
gner par leurs types; mais ces types sont assez bien soutenus dans l'ensemble
des miniatures de ces manuscrits, pour ôter toute espèce de doute relativement
à l'intention des enlumineurs. Nous pensons qu'il ne serait pas diflîcile de
multiplier ces exemples, que nous donnons d'ailleurs sous toutes réserves et
sans prétendre qu'ils soient bons k suivre quand on se propose de faire une
composition plus expressément historique,
Misiv i;v scksK de diverses oi alifications, — Saint Pierre et saint Paul,
dans les exemples que nous .venons de citer, sont considérés connne les chefs
des apôtres, et les apôtres eux-mêmes comme représentant l'Église tout
entière. Souvent l'expression de cette pensée se condense encore plus, et
l'Eglise est représentée par ses deux principaux chefs, ou même seulement par
le premier d'entre eux; nous nous occuperons plus lard des monuments où
saint Pierre seul remplit ce rôle. Parmi ceux où il lui est assigné plus ou moins
expressément, concurrennnenl avec saint Paul, nous croyons qu'il faudrait en
l'ompler un grand nombre du précédent oit les deux apôtres se montrent, ou
simplement réunis, ou aux côtés tour a tour de Noire-Seigneur et de laSainle-
Vierge. Nous avons des raisons de plus pour le prétendre, lorsqu'ils accom-
pagnent ainsi un personnage dont ils ne peuvent être considérés comme les
ministres cl les simples assistants, parce qu'ils lui sont manifestement sup(5-
rieurs en dignité, comme saint Eauront, par exemple, et sainte Agnès dans
plusieurs fonds de verres dorés. N'a-t-on pas voulu dire alors que c'est l'Église
tout entière qui honore ces saints, ou qu'ils snnl honorés dans l'Eglise? .Sur
d'autres monuments, il s'agit d'une simple « orante ", el, diuis un petit écrit
honoré do siilTrage de M, le chevalier de Rossi, ce qui nous encourage h le
citer, bii'M (]ui^ nous ne soyons pas assiu'é quo l'illustre investigateur des
cafacombi's adopte toutes nos idées, nous les avons ainsi formulées .\ ,r »iiii<t :
Il La signilicalion di' la présence des princes des apôlrcs dans celle • .iice
ne nous semble pas douteuse, ils représentent l'Église : c'est seulemcnl au sein
de l'Eglise el en union avec elle (|ii(; la prière a loule son ctllcacité. « L'oronle*
elle-même peut être considérée connne une sorte de personnification do
I. Uoni, u Tlu'S. vi't. (I\ji. ■•. I. m, pi mi.
XXIV. 33
170 ANNAI.KS ARrilf;OLOGI0L'KS.
riiRliso; aliirs los apùircs l'assistent comme les chefs du miiiisl<'Te sacré* ».
Nous dirons hiontôt avec quelle variél<5 on leur a fait exercer diverses fonc-
tions de ce ministère dans le riche rt-pcrloire de nos manuscrits h miniatures
du moyen Age. Voyons auparavant comment, h. d(!s époques très-diverses, on
a exprimé quelques-unes de leurs qualifications et de leurs prérogatives.
Dans la « Dispute du Saint-Sacrement » de Raphaël , œuvre relativement
moderne, mais tout imprégnée de l'esprit des temps primitifs, saint Pierre et
saint Paul apparaissent les premiers après la Sainte -Vierge et saint Jcan-
Baptislo. parmi les divers ordres de saints, qui, autour du Christ, forment la
cour céleste. Les martyrs y sont représentés par saint Etienne et saint Lau-
rent ; les prophètes, par David et Isaïe; les patriarches, par Joh et Abraham.
On ne peut pas dire que saint Pierre et saint Paul représentent eux-mêmes les
apôtres, qui mit déjà pi)ur représentants saint Jean et saint Jacques; il faut
donc les considérer comme résumant en eux quelque chose de plus excellent,
qui, en général, appartienne à l'Eglise.
Us en sont les principales colonnes. On peut dire, jusqu'à, un certain point,
que c'est à ce titre qu'on les voit si souvent figurer les premiers aux portes de
nos édifices religieux. Dans tous les cas, c'est avec cette pensée certainement
qu'ils occupent habituellement les deux bouts des châsses émaillées de Li-
moges, ces petites églises en diminutif.
I^e petit tableau grec peint sur fond d'or, ([ue nous avons obtenu de faire
photogriqihier au musée du Vatican , et dont la gravure exécutée pour les
« Annales » oITre une réduction de moitié, est conçu d'après les mêmes idées,
plus clairement exprimées. Les deux apôtres supportent l'Église, représentée
par cette petite coupole byzantine au dedans de laquelle on aperçoit sur un
autel les espèces consacrées du pain et du vin.
Dans nos miniatures, nous rencontrons des idées analogues, exprimées dans
un symbolisme ralTiné, mais souvent plein de grâce.
Sur ce texte d'Isaïe : « Super muros tuos constitue custodes », accompagné
de ce commentaire : « Sunt apostoli qui muniunt Ecclesiam angeli custodes »,
une miniature des « Emblemata biblica » représente de cliaque côté de l'Eglise,
figurée par des arcades, deux anges, et au-dessous saint Pierre et saint Paul
également préposés à sa garde. La Bible de Jeanne d'Évreux nous les montre
portant le livre des Evangiles sur un brancard, avec l'image de Notre-Seigneur
au-dessus, des païens renversés au-dessous. « Ces ii anges chérubins », dit
notre Bible moralisée, parlant des chérubins de l'arche dont les deux apôtres
1. « La prière de Marie et le Bon l'asteur », étude sur un sarcopliage d'Arles, I86J.
APERÇU ICONOGRAPHIQUE SLR SAINT PIERRE ET SAINT PAUL. 171
rappelaient tout à l'heure les porteurs, « signe/ient saint Pierre et saint Pol
qui gardent l'Église ». Et nous voyons dans la miniature les deux apôtres,
comme deux sentinelles qui montent la garde, portant en guise d'armes, l'un
une grande clef, l'autre une forte épée, de chaque côté d'un petit édifice cpii
représente l'Église.
MiMSTtKES DiVEUs. —L'Eglise veille toujours; toujours elle est prête à ré-
veiller ceux do ses enfants, les religieux surtout, engagés par état à une plus
grande perfection , qui s'endorment dans l'oubli de leur devoir. Ce passa«^
d'Ezéchiel : « Sedebam in domo mea et senes Juda sedebant coram me ■<
(« J'étais assis dans ma maison, et les anciens de Judas étaient as^is devant
moi »), les <( Emblemata bihiica » le commentent ainsi : Être assis dans sa
maison, c'est quand la conscience de quelqu'un s'endort et qu'elle a besoin
d'être réveillée. Puis ils représentent saint Pierre et saint Paul tenant levées,
le premier sa croix, et le second son épée, près d'un religieux en somnolence,
f|ui laisse tomber un livre sur ses genoux.
Parmi les miniatures de notre « Bible moralisée », il en est une. fol. l'i.
où l'on voit saint Pierre et saint Paul envoyés par Jésus-Christ et s'avançanl
vei's un groupe de peuple prêt k les écouter d'une oreille attentive. C'est un
pclil tableau plein do suavité et de fraîcheur. Nous sommes persuadé qu'il
ne s'agit nullement ici delà prédication apostolique proprement dite, mais de
cette prédication de tous les jours faite dans nos églises au peuple fidèle,
saint Pierre et saint Paul étant pris pour les types de tous les prédicateurs.
Ec texte semble vouloir ainsi le faire entendre : « Les messages qui \ ienrent à
Jacob signcfient les moss,i-,.s ji,,-, c:,\<i qui viennent annucier la vérité de
salut au bon peuple».
C'est sans doute parce que le ministère de la prédication lui est plus spécia-
lement propre que saint Paul, dans celle miniature, marche en tèto. C'est
également dans ce .sens que l'on a interprété sa position debout et levant In
main, |)rès do la proue , sur la belle lampo chrétienne, en forme do barque .
du musée de Florence', tandis (|ue saint Pierre, assis ;i rarrière. lient le
gouvernail, s'il est vrai, comme il y a toute apparence, que ces doux per-
sonnages représentent les doiiv api"ilros. Dans l'iconographie chrtMiennc .
saint Paul est bien réellement <■ dux vorbi-, selon l'expression de rÉoriture',
relevée par les commonlatours à propos do ce monumonl.
C'est siirlnrii |..,nii| |,w nombrousos miniatiiros dos .. Emblomnia biblica »,
I. " Mcl. (l'arcli. », t. m, p. l.">. |)|. i.
î. « Act. A|>ost. u, \i\. II.
172 ANNALTS AnrIII^0I,0^,IOt•F.S.
appliqiu'os au rommonlairo du « Caiiliquc dos Cantiques » , que saint Pierre
et saint l'aul sont mis le |)liis souvent on aotion, pour exprimer, dans lésons
qui nous occupe, tout ce qui mérite h l'iiglise les prédilections de son bien-
aimé céleste. La distinction du rCAc dos deux apôtres est de nouveau bien mar-
(piée dans une de ces miniatures (p. 71). oîi saint l'.ml proche, tandis que
saint Pierre baptise; ce qui n'empèclie pas que ces deux fonctions ecclésias-
tiques ne soient ensuite remplies séparément par chacun d'eux : saint Paul, h
son toiu', administre les sacrements ; mais saint Pierre surtout ne pouvait céder
entièrement à un autre le soin d'annoncer la parole divine. Les auteurs de ces
petits tableaux, pleins do pensée et de vie, semblent avoir compris que c'était
h lui de se mettre particulièrement en avant quand cette parole prend un
caractère d'autoril('' plus inan|U('. l/usagc de la chaire chrétienne lui paraît
plus spécialement attribué. Ouckiue part Jésus lui-même parle , et saint Pierre,
sous ses yeux , renverse les idoles. .Sur ces mots : « Ascendam in palmam »
(p. 7I4), le palmier est devenu la croix, et c'est saint Pierre qui, à ses pieds,
annonce- les mystères d'un Dieu crucifié.
Saint Paul, cependant, ferait toutes ces choses, qu'il n'y aurait aucun lieu
d'en être surpris : nous marchons , nonobstant les préférences secondaires
dont ils peuvent être l'objet, sur un terrain commun aux deux apôtres; nous
les retrouverons ensemble pour ne plus les séparer quand, parlant des com-
positions historiques, nous approcherons de la fin de leur vie. Nous y attacher
maintenant serait trop nous éloigner de deux choses dont nous avons com-
mencé h traiter : les idées générales et symboliques d'une part, les temps
primitifs de l'autre. Ce que nous avons à dire de saint Pierre, en particulier,
nous ramènera à ceux-ci et nous retiendra longtemps encore sur celles-là.
II. GRIMOIAIIU I)F. SAINT-LAURENT.
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CHAPELLE AL;BATL\LE
DE SAINT-JEAN-AIX-BOIS
RÉSUMÉ OU DEVIS ESTIMATIF.
Voici ce qu'il en coûterait aujourd'hui pour construire un ëililice comme
cette grande ciiapelle ou cette petite église de Saint-Jean-aux-Bois :
TERRASSE.
Fouilles. — Faites par iranchdes de 2"" 00 de profondeur
moyenne. — Dévcloppemenl 172"" x 2 x i.'iO cu-
bent ?,81" GO
I.e mètre cube à 0 fr. 75 361 fr. 20
MAÇONNERIE.
Fondations. — Les fondations en bi5ton, liourdd en mor-
tier de chaux hydraulique, et moellon dur, liourdtî
de ni("ni(j
Longueur développée, 172"00 X 2 x 1,^0 = ?)/|7'»*20
Le mètre cube à 15 fr. 00, produit 0,703 »
Élévation. — Les murs et les contre-forts, élevés en
moellon piqué, cubent (déduction faite des ouver-
tures) 1 ,838" 00
Le mètre cube h 24 fr. (compris taille des pare-
ments), produit 611.112
A reiwrter 51,181 fr. 20
1. Voir los « Annaloa Arcliùologiqucs >. vol, xxiii, |ugo ISO; vol. x\iv, |<, 85.
11!, ANNALF.S ARCIII'OLOGIQUES.
Roport 51.181 fr. 20
l'iEiiiiE DK TAiiXE. — Poiif colonnos isolt'os, coloiintîtlcs,
chapileaiix, ciilols, etc., cubant I^^^OO ;i 70 fr. le
mùtro, produit 980 »
l'u;iiiiEi)Liu;. — Los marclies de l'escalier, cubant 2° 30
Le mètre cube à 100 fr. produit 230 »
Tauxes. — Les marches de l'escalier, formant noyau, su-
perficie 92""- 00
Les colonnes inonocylindriqiies. Les deux ensemble. 25"" 20
Les angles de la croisée. Les quatre ensemble l/iO"" 00
Les piles engagées des transepts. Deux semblables. . SB"" 00
Les colonnes de la nef et des transepts. Lnsemijle.. . 32"" 00
Les arcs doublcaux, arcs ogives et arcs formerels. . . 542™ 20
Total 859»= f|0
Le mètre superficiel à 2 fr. 50 , produit 2,1/|8 50
VourES. — Les voûtes en blocage 700™ 00
Le mètre superficiel à /) fr. 50 compris forme 3,150 »
LvALUATioNS. — Taille de la porte principale, compris pro-
fils, dents de scie, et sculpture des chapiteaux, es-
tim(5e 500 »
La rose en dalles découpées et profilées, compris
goujons, taille et sculpture, estimée 1,600 »
Les quatre croix amortissant les pignons, 50 fr. cha-
cune. Ensemble , 200 »
Sculpture des chapiteaux, culots, clefs de voûte, etc.,
évaluée 5,000 »
Carrelage. — Le carrelage, comjiris aire battue, le mètre
à 3 fr. — /i20 mètres superficiels, produisent 1,260 »
CHARPENTE.
La charpente de la nef, du chœur et des transepts
en chêne. Cube 35' 00
Le stère à 105 fr., posé, produit 3,675 »
La charpente de la flèche 3,000 »
COUVERTURE.
La couverture en tuiles plates neuves, compris lattes
et pose. Le mètre à 3 fr., produit 850 00 2,550 »
Parties de la fièchc couvertes en ardoises Itk 80
A 3 fr. 50 le mètre superficiel, produit 156 80
A reporter 75,031 50
CHAPELLE ABBATIALE DE SAI.NT-JEAN-AUX-BOIS. i75
PLOMBERIE.
Report 75,631 50
Plombpourlallècheet les noues de la croisée. Poids: 2,000'' 00
Le kilogramme à 0 fr. 85 produit 1,700 »
Plus-value pour le repoussage des ornements de la
flèche 200 »
SERRURERIE.
Gros fers. — Gros fers pour la charpente. Poids 600'' 00
Armatures des vitraux en fers plats de 0,01 x 0,03
Pèsent /i.OOO^ 00
Le kilogramme, à 0 fr. 75 produit 3,^50 »
QuiNCAiLLEfliE. — Pentures et serrures, évaluées 300 d
VITRERIE.
Vitraux en verre blanc demi-double, compris la mise
en plomb et la pose 200" 00
Le mètre superficiel à 20 fr. produit 6,000 »
MENUISERIE.
La porte principale en chêne assemblé, avec écliarpes
à l'intérieur, lîivaluée 80 »
Porte de l'escalier, en chùnc. Évaluée 20 ■•
ÉCIIAFAUDS ET CINTRES.
(dois en location).
Los échafauds pour la construction 1 .000 »
Les cintres pour les arcs, voûtes, baies 3,000 n
Total 80.381 50
RÉCAPITULATION.
Ternisse ci maçonnerio 6ft.9ft« 70
ClinriMMitc
A rt«|>oriir. . 72.924 70
72.924
70
2.706
80
l.OOO
»
3.750
»
4,000
n
100
»
4.000
n
89.381
50
8.938
15
98,319
65
4,915
95
103,235 fr
.60
170 ANNALES AndlII'OLOGlOUES.
lU'porl
Oniivorliirc
Moinberif
Serrurerie
Vitrerie
Menuiserie
Échafauds et cintres
T(il;il rf,'.il
Un dixième, pour imprévu
Ensemble
Honoraires de l'arciiitccte à 5 p. 100
Total général
(le chilTro de cent (iiialrn mille francs, quelque i)cu élevé qu'il paraisse,
peut cependant être regardé comme «maximum», et il va sans dire qu'il
baisserait proportionnellement aux prix de série de certaines localités. 11 serait
aussi possible do diminuer le cube de la maçonnerie, en réunissant les contre-
forts par des arcs de décharge extérieurs, correspondant aux formerets des
voiites, qui reporteraient la charge sur les points d'appui. Cette précaution
permettant de réduire beaucoup l'épaisseur des murs, sous ces arcs, sans
nuire à la solidité de l'édifice, on obtiendrait par ce moyen une économie
marquée, puisque la maçonnerie entre pour plus des deux tiers dans le total
général. Il ne faut pas non plus oublier que nous parlons d'une construction
durable; la chapelle de Saint-Jcan-aux-Bois est debout depuis plus de six
siècles. Convenablement entretenue, elle pourrait exister encore autant. Une
pareille durée (en ne parlant que du passé) rachète largement la petite plus-
\alue qu'il peut y avoir sur des constructions en plâtre et carton-pierre, que
Fou sera obligé de réédifier plus sagement dans cinquante ans.
La chapelle de l'ancienne abbaye de Saint-Jean-aux-Bois peut contenir cinq
cents personnes. Modifiée selon les besoins et les exigences diverses , elle
serait un excellent modèle d'église cantonale ; réduite aux proportions de
Notre-Dame-de-la-Roche, beaucoup de villages s'en feraient gloire.
Aujourd'hui, c'est un monument historicfue, et sa restauration est confiée
aux soins de M. Aymar Verdier, architecte diocésain. C'est assez dire que ses
mauvais jours sont passés, et qu'il n'y a plus rien à craindre pour son avenir.
L. SAUVAGEOT.
<:
p
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SAIM-GKl-GOIUI
.\rior — ri'Hioi'tor
Les moines de Saint-Denis nous avaient pris on aiïeclion et . au moment du
départ pour nous rendre h, Saint-Grégoire , ils nous donnèrent des noisettes,
du vin excellent, pins des confitures, ou " glyko ■<. et enfin du café préparé à
la turque.
A quatre heures et demie du soir, nous nous mettons en route. Le chemin
(le Saint-Denis Ji Saint-Grégoire est alTrcuv ; c'est la kakiscala (mauvaise
échelle) de Mégare, mais beaucoup plus longue et beaucoup plus mauvaise
encore. Lorsf|u'on regarde derrière soi , on ne comprend |)as qu'on ait pu
avancer, en montant à pic ou en descendant, comme par une échelle do
rocheis, dans des ravins très-profonds. I^a route de la Corniche, de Nice à
Gènes, peut donner une idée de ce chemin; mais la corniche est une roule,
tandis qu'ici c'est un sentier à peine frayé , nullement aplani, cl où des mulets
seuls peuvent aller. Le niiili't ([uj porte nos bagages s'arrête quehiucfuis , il
refuse d'avancer et recule même en voyant le chemin qu'il a devant lui. Ce
chemin longe la mer qui , en plusieurs endroits . s'étend à pic devant nous.
Depuis Suintc-Laure jus(iu';i Saint-Grégoire, il est impossible à un bâtiment
d'aborder. Les moines de Saiiit-l'aul, je l'ai déjà dit, ont mémo refusé de
nous conduire en banjueel 'i rames. C'était de la poliromierie; mais ce|)ciidan(
les rochers qui dominent la mer et (pii en ont obstrué l'abord, en y laissaiil
tomber li'iu' somnn-l. pniuaiini. piii^(iiril y avait un léger grain, les autoriser
dans leur refus.
Le couvent de .Saint-Grégoire est bAti sur le bord de la mer, qui vient .se bri.ser
contre le rorlier sur le((uel il s'élève. La chambre «les lu^tes .surpliunbe méinc,
et l'dii aperçoit la mer h travers les fentes du plancher. Ce Siiir-I.\, 6 no-
XXIV. 23
178 ANNALES AHCIIl'OLOOMjlJKS.
vcrnbrc 18.'M), les values étaionl |)liospliorcscc'nles, et l'on aurait dit que des
lignes (li; feu allaient monter jus(|u'îi nous pour nous incendier.
Nous arrivons à Saint-Grégoire à la nuit close, après une grande heure de
marche. Le pf)rticr refusa d'abord de nous admettre dans l'intérieur du cou-
veiil ; iM;tis (juand on lui eut dit que nous étions français, que nous avions une
lettre dcsépistatcs de Karès, et que nous étions munis d'un (irman du pacha
de .Saloni(|ue , il nous ouvrit la double porte. Notre muletier retourna U Saint-
Denis, inalgié la nuit et les chemins alTrcux où sa bête avait failli tomber
plusieurs ibis. Quant h nous , on nous introduisit dans la chambre des hôtes
où, couchés sur des nattes, nous avons passé tranquillement la nuit, après
avoir reçu la visite de l'un des prinials du couvent qui remplissait les fonctions
d'épitrope.
Ce moine avait connu Mynoïde-Mynas, né h Salonique, professeur h .Serrés,
(jui avait figuré dans la guerre de l'indépendance et s'était réfugié à Paris, où
il donnait des leçons de grec pour exister. En 1830, j'avais reçu des leçons
(le Mynas, et je m'eiiln'lins (|uei(iue temps de lui avec son ami de Saint-
Grégoire (lui, ])assi()nni'' pour la liberté, comme beaucoup de moines, nous
étala ses opinions jjoliticjues. » Il faudrait, nous disait ce révolutionnaire du
mont Athos, chasser les Turcs de l'Europe et les renvoyer dans le centre do
l'Asie. Ces ignobles conquérants, ennemis du travail et du progrès, ont ap-
pauvri et corrompu le pays que le sabre et le fanatisme ont mis entre leurs
mains. La France, qui peut loul ce qu'elle veut , devrait expulser les Turcs».
J'écoutais avec un grand intérêt et une vive sympathie ces plaintes et ces
désirs du moine de Saint-Grégoire, quoi(jue sa conversation fût un peu
déclamatoire et rognât les heures que nous devions donner au sommeil pour
nous délasser de nos fatigues.
On respire dans ce couvent un vif sentiment de la liberté, car c'est la
liberté (jui l'a rétabli. Pendant la guerre de l'indépendance, tous les moines
de Saint-Grégoire se sont dispersés pour prendre le fusil et attaquer les Turcs.
Après la paix, ils revinrent au bercail, conduits par un parent et secrétaire
d'Alexandre Ypsilanli. Ce parent, du nom de Grégoire , comme son couvent,
fut nommé tout naturellement épitrope perpétuel. Lorsqu'il eut repeuplé et
consolidé le monastère, il parcourut la Russie, où il était à l'époque de notre
voyage, pour recueillir l'argent nécessaire au couvent. Mais il avait alors
quatre-vingts ans, et il nomma un vice-épitrope qui le remplaçait au mont
Athos. Absent, son esprit vivait au couvent, et le vice-épilrope. qui réclamait
de la France l'expulsion des Turcs, n'était que l'écho de tous ses confrères. Sur
cette terre où régnait, quoique bien éreinté, le despotisme musulman, entendre
SAINT-GRÉGOIRE. iTO
parler de liberlô nous paraissait aussi savoureux que de manger un fruit
défendu, gagné à la sueur du front ou à la pointe du courage, et deux heures
entières de notre nuit furent passées à nous entretenir de rêves qui ne sont pas
encore réalisés.
Mais, par malheur, l'amour de la liberté ne va pa.s toujours avec la richesse.
et le couvent de Saint-Grégoire est certainement l'un des plus pauvres de
tout le mont Athos. Il y avait trente moines à l'époque de notre passage,
vivant sous le régime "idiorliythme », chacun h leur guise et conune ils pou-
vaient, car ils n'auraient pu suffire à la vie commune ou « cénobitique >, Le
réfectoire général, désormais inutile, est vraiment minable ; c'est une mauvaise
salle sans peintures et dont les murs sont simplement blanchis à la chaux qui
s'écaille ou se salit partout. Saint -Grégoire est |)lus pauvre encore que le
couvent de l'hilothéoii, dont nous avons déjîi parlé '.
Mais une richesse pour ce couvent, ce sont les pointures de sa grande église
et de sa chapelle du cimetière. Peintures du wiii' siècle et, sous le rapport
de l'art, fort médiocres pour ne pas dire mauvaises, mais extrêmement inté-
ressantes au point de vue de l'iconographie. Cette église est dédiée h saint
Nicolas, évèque de Myre, dont le culte est répandu, dans les deux Eglises
grecque et latine , à l'égal do celui des plus grands saints.
Un porche de trois travées d'écartemontct do doux d'ontre-colonnomont pré-
cède l'église propniiiont dite; il se compose ainsi de trois nefs à deux travées
do profondeur. Ce porche est entièrement voûté en coupoles, mais les seules
coupoles de la travée occidentale dos deux nefs latérales font saillie au dehors.
FJles rcmplaconi nos clochers, qui sont à pou près inconnus en Oriont. L'église
est arrondie aux croisillons et à l'absido, en dedans; mais, Ji l'oxlériour, cette
abside et ces croisillons sont h pans , système assez fréciuemment employé en
Grèce et au iiiont Athos. La grande coupole centrale, très-saillanto au dehors,
est portée par quatre colonnes dont les chapiteaux sont cubi(|ues.
Cette égjise n'est pas ancienne, elle date peut-être de 1770 ou 177'2. Fn
effet, les pcinlin'os portent lo millésimo do 1770. co (]ui forait remonter la
construction à 1772 environ; car l'habiludo, au mont Athos, est do peindre
huit ou dix ans après la maçonnerie terminée.
Dans lo pon lu-, on vnil (l'iiii côté saint Grégoire et Joachim. l'im patron
ol l'autre fondateur du couvent. Suivant l'usage, ils sont debout, tenant .\ eux
doux la roprésonlalion du mouiLsIère. Ils portent le costume de moine. ,S.iini
Cirégoiri" ost nimlx'-, .loachim no l'osl pas. Sous cette pointure, on lit :
I. » Annnios AiTlu'itlouiiiups i\ vol. wiii. paeps l97-tO"l.
IHO ANNALES ARCIIÉOLOGIQL ES.
Siiinl (irogoiro lo fondalour. — Joachim le nouveau fondalour.
I)c l'aiilrp cC)\é est pciiil un moine fJabriel , tenant de la main droite une
église, qui est , malgré son inexactitude , le modijie de l'église actuelle. Ce
Gabriel est l'artiste qui, avec Grégoire, son élève probablement, a peint celle
église, comme le dil foiiiH'lli'ineiil l'iii-cripliou suivante que j'ai copiée lex-
luelifmrnt.
raSpiijîi tepojiovâyo'j xai rpniifopîou tx iiô)xo; KaiJTopr^;
£v It£i 1779 • 'CxToPpiou 10.
Ilislorié par K's iiiiiin> des trùs-lmmbles peintres Gubriel, prétre-moine, et do Grégoire,
do la ville de Kastoric. En l'année 1779, le 16 d'octobre.
Ces deux humbles religieux sont de mauvais peintres, mais ils possèdent
encore foules les anciennes traditions et méritent l'attcnlion de l'archéologue.
\iiisi,,(laiis le porclic. ils oui leprésenté la vie de saint Nicolas en dix sujets,
dont plusieurs semblent exécutés d'après les prescriptions du « Guide de la
peinture ' ». ce (jui me permettra de ne donner ici qu'une simple indication.
1. Saint Nicolas, déjà évoque et vieux 2, donne au père de trois jeunes
filles, couchées dans le même lit. l'argent qui doit leur servir de dot et les
préserver de la prostitution.
2. Saint Nicolas arrache un homme aux flots qui l'engloutissaient.
S. Saint Nicolas sauve des méchancetés du démon plusieurs matelots. Sa-
tan, déguisé en religieuse vêtue d'une robe noire que couvre un voile blanc,
tient à la main im vase rem|)li d'une huile diabolique, qui bri'ilail dans l'eau
et calcinait la pierre. Le saint démasque Satan qui s'enfuit.
/l. Saint Nicolas secourt et guérit des malades.
5. Saint Nicolas renverse des idoles.
0. L'empereur Constantin envoie dos présents h saint Nicolas.
7. Saint Nicolas apparaît en songe à l'empereur Constantin et à Ablabius
( '.VoXaêito) . Le saint ordonne à l'empereur d'épargner la vie à des innocents
dont le ])révôt Ablabius avait conseillé la mort.
8. Saint Nicolas sauve les athonites (toù; âôtio'j;) de la mort. Il arrache le
sabre d'un soldat (|ni allait décapiter un innocent.
1 . Voyez le « Manuel d'iconographie clirétiennc », par Didron, pages 3G3-368.
2. D'après la « Légende dorée », Nicolas était, à l'époque où il accomplit cet acte de généro-
silé, un jeune homme non élevé encore à l'épiscopal. La peinture de Gabriel et de Grégoire lui
donne le costume épiscopal sans doute comme un aUribut et pour qu'on le reconnaisse.
SAlNï-GKÉGOlUt:. 181
9. Saint Nicolas apparaît à des matelots dans une barque et les encourage
contre la tempête.
10. Saint Nicolas meurt en présence d'un patriarche, de plusieurs arche-
vêques et évèques, et d'une grande foule.
Le mur occidental du porche offre une représentation importante du Juge-
ment dernier*. Je ne puis en faire une description complète, parce que ce
serait trop long et qu'il faudrait un dessin, que je n'ai pas, pour en faciliter
l'intelligence; je me contenterai de (|uel([ues obsersations principales sur
Satan et la personnification de la Terre qui sont, après Uieu, les plus grands
acteurs de ce dame.
Le diable en chef, Satan, est représenté assis sur l'enfer comme sur un trône.
L'enfer est un monstre dont la queue se découpe en sept têtes de serpent.
Chaque tête dévore un individu. Dans la " Divine Comédie », ce n'est pas
l'enfer, mais Satan qui mange les danmés; il n'en broie pas sept, mais seule-
ment trois h. la fois, parce que, trinité du mal, il n'a que trois tètes et non sept.
Ces trois damnés sont Brutus, Cassius et Judas, les trois plus grands traîtres
du monde aux yeux d'un monarchiste et d'un chrétien -. Les sept damnés de
•Saint-Grégoire sont anonymes.
Le Satan de l'Athos est nu; cm général, sa forme c>t colli' de l'homme,
mais singulièrement compli(|uée de la forme bestiale. .Ses pattes et ses mains
sont de l'aigle, sa tête est du bœuf avec des cornes et une barbe de bouc, ses
oreilles sont vertes et ra|)pollent celles du chien. Les épaules, faites d'uni-
gueule ouverte, vomissent de la llanime. Son nombril herniaire se termine par
une léle de dragon d'où sortent trois petits serpents tout verts. Chacun de
ses genoux a pour rotule une tête qui vomit des llammes. Knfin. une longue
1. J'ai d6\h fait romnr(|iipr plusieurs fois, mais on me permoUra d'insi:)tcr, quv los Ju^-nmcnls
(Icrniors sont toujours représentes, (Juns l'Ëgliso grecque comme dans l'Êgliso latine, sur la
façade occidentale dos monuments reli};ieux. Les e\c<?plions sont d'une rarolé en" ' ■ l'on
pi'Ul louJDiirs les rxpliipier. Hn Piani'e, où la sculpture l'cnqujrle sur l.i peintun-, . iiL»
ui'cupent les tympans extérieurs des ^riinds portails, comme a Paris. Amiens, Reim-s ltourgT>»,
A,utitn, etc. Kn Grèce, où la sculpture est |H)ur ainsi dire inconnue, c'est la |>einlurf ' ■■■ ftu-
ploie pour celle vaste scène, et, comme la |ieinture se détériore facilement oux in on
iilirile les Jii^einenls derniers il l'intérieur, contre le mur nccidenlal, comme h SuintHiri'goirc,
comme ii la l'ana^liia-l'linnéroméni do SaLimine, et mémo ii l'église semi-b\zantine do Torrollo,
près do Venise, bien que lli ce soit une mosaïque. Un arcluH>lo^uc, qui fait Justement autorité, a
dilipie les Jugements derniers s»' plavnient aux |iorlails du nord; cV<i une ■ et
(jiie nous atioMs il canir île comkillre encore une fois. Il n'y u pus de miMm -; , . . :..>to-
ri(|ue ou autre qui exige de mettre les Jugomonbi derniers au nord; d'ailleurs, le» fait* aool U
et veulent (pie l'occidenl soit reservi' ii la lin du monde.
t. D.VNTK, a liiifer ". chant xwn.
182 ANNAIJCS A ne llf;0 LOGIQUES.
(|uciio do lion complote le loiii. Il cumule ce qu'il y a de plus rc'doulal)Ic en ce •
monde : l'af^ilili'. la force, la cruauté, la laideur, tous les inslincls sauvages et
dépravés. C'est la litanie panthéc du mal. Il noue autour de ses reins un coin-
luron auquel est altacliée la clef de l'enfer, a peu i)rès comme une femme de
charge ou une ménag(';re porte les clefs de la maison qu'elle dirige. A beau-
coup d'égards, il ressemble au Satan que j'ai publié d'après une miniature
française du xv' siècle *.
La Terre, qui a englouti tant de morts qu'elle est sommée de rendre jîour le
jugement dernier, est une reine couronnée, assise entre un lion à sa gauche et
une lionne à sa droite. Le lion et la lionne, qui rugissent, sont couchés sur un
animal à queue de reptile. La Terre tient de la main gauche un long serpent;
de la droite, elle tend un calice d'où sortent six tètes de serpent. Cette femme
couronnée entre un lion et une lionne est parente à un assez proche degré de
la Cybèle antique; mais les serpents qu'elle fait naître ou qu'elle dompte rap-
pellent le symbolisme chrétien -.
Une' des scènes importantes de ce Jugement dernier représente Moïse qui
apostrophe les Juifs eu leur montrant Jésus-Christ auquel ils ont refusé de
croire. Les Juifs, incrédules jusqu'à la fui, sont précipités dans l'enfer.
Dans une coupole sont peintes les louanges à Dieu, d'après le cantique des
trois jeunes Hébreux au milieu de la fournaise. Dans l'autre coupole, les anges
portent en triomphe Jésus- Christ en grand archevêque, enveloppé d'une
auréole circulaire.
Du porche, entrons dans l'église et nous y trouverons un grand nombre de
peintures importantes qu'il suffira de désigner, parce que nous les avons déjà
vues et décrites dans d'autres couvents.
Au mur occidental, au-dessus de la porte d'entrée, est peint le sommeil de
Jésus enfant , sujet que les athonites aiment beaucoup. Plus haut est repré-
sentée la mort ou plutôt la « dormition » de la sainte Vierge.
Dans le tambour de la grande coupole se déroule le magnifique sujet de la
divine Liturgie. C'est moins beau que toutes celles déjà décrites ou publiées en
gravure dans les « Annales ' » ; mais, pour une monographie spéciale de cet
important sujet , la divine Liturgie de Saint-Grégoire offrirait des variantes
curieuses.
1. « Histoire do Dieu », page 521, n" 133. Manuscrits français de la Bibliotlièquc impériale,
" Histoire du Saint-Graal », n° 6770.
2. Voyez, enlro autres articles et gravures, le « Symbolisme des quatre éléments » dans le vol.
xviii des « .\nnales Archéologiques », pages 232-344.
3. Volume v, p. 1o4; vol. x, p. I; vol. xxii, p. 39.
SAINT-GRÉGOIRE. 183
A la clôture du sanctuaire, dans un petit cadre qui surmonte la porte et la
termine en fleuron, se voit Jésus imberbe, âgé de quinze à dix-liuit ans, sous
ce nom d'Emmanuel que les Byzantins affectionnent. Ce Jésus adolescent, que
notre art latin connaît a peine, tient le milieu entre l'enfant divin que porte sa
mère et l'homme qui porte sa croix.
Dans le chœur, sous un trône, est placée la riche et grande image de i«iint
Nicolas, le patron de l'église. La tête est peinte, vieille et noire; mais tout le
reste est en argent repoussé et ciselé. Évidemment il y a là plus d'argent que
dans la caisse du couvent. — Comme pendant se voit une image miraculeuse
de la sainte Vierge. En 1761, lu four au pain, chaulTé lro|) violemment, mil
le feu au couvent. Toutes les images furent brûlées, excepté celle de la Vierge
tenant .Jésus, et cette image est celle que l'on vénère aujourd'hui auprès du
grand saint Nicolas d'argent. J'ai encore remarqué dans cette église une assez
bonne peinture sur bois. ;i fond d'or, représentant sainte Julitte et son petit
garçon saint Cyr, (jiii piraît avoir de six à sept ans. L'enfant porte ii la tète
un linii (le pierre et montre avec la main droite cette marque de son martyre.
Ces deux .saints m'ont beaucoup intéressé, parce qu'ils sont les |)alrons de
l'une de nos grandes églises, la cathédrale de Nevers. et que j'ai exécuté, poin-
recevoir leurs relifiues, lâchasse byzantine dont M. le docteur Ciitlui- iinn> a
fait la description.
Il ny a pas de bibliothèque, pas de livres, pas de secrétaire ou d'homme
de science dans ce couvent de moines ré|)ublicains et soldats, mais le trésor de
l'église est assez riche en reliques. On y voit :
La main de l'un des anargyres Cosmc et Uamien '.
La main du saint Grégoire lu Théologien; elle est placée dans une main ilu
cuivre moderne et laide.
Le genou de saint Grégoire, archevôciue d'Arménie.
La JHHibe de sainte Anastasic la lloniaine.
Ln os de saint Charalanipos.
Vn os de saint(! Paraskevi.
Malgré sa pauvreté, Saint-Grégoire possède cinq églises, outre le cntholicnn
de saint Nicolas. En voici les noms : Sainle-.Vnastasic, Saint-Démétrius, la
l'anaghia, les Archanges et Tous-les-Saints.
L'église de Toussaint ( 'Ayîoi-llàvTe;) est la chapelle du cimotièro ; c'o.<sl la
seule <|ui mériie de nous arrêter ((uelques instants.
I. Il faut sp lappolcr quo ce nom d'Annrgyrc», • «an» argent •, leur a M Aonn^ p«rec qu'il*
s(ii(;nairnl les inalaiIcH )>ratiill(<ii))>iit. Nos ^ninds Pl p«>liU nuWlocin» cl rliirurgicn» d"à prx^*pnl nr>
tiunl plus (lo co li<iiips-lii.
18/) ANNAI.KS AlîCllfiOI.OC.IQL'KS.
Ccito (li.ipL'Ile est h chcvL't droit cl non circulaire à l'cxléricur; mais, à l'in-
li;ri('iir, ce cliL-vot est creuse en forme de niche circulaire. C'est, en très-petit.
la niùme disposilion qu'à la cathédrale de i'oitiers. Au centre, rédifice est
surinoiiti' (111110 coupole et un porche en précède l'entrée. Tout est peint par
les mètnes artistes qui ont décoré la grande église, Gabriel et Grégoire. C'est
iiirnio par cette chapelle (pi'ils ont débuté; car la construction date de 17-S9.
i^t les peintures doivent avoir été faites en 1750 environ.
I.c porche est peint d'un vaste .lugcnient dernier, scène qui convient si bien
à une chapelle de cimclière. Coninic dans le porche de la grande église, la
Terre (r, r-/;; poiu- r, ir, ) y est représentée en reine; mais c'est une reine
paysanne, car elle file au fuseau sur le dragon où elle est assise. Ce dragon
rend un liommc (|u'il avait avalé. Auprès des morts qui ressuscitent pour as-
sister au jugenient dernier, on voit, assis siu- un banc, les rois Cyrus (K'jpoç),
Porus (riopo;), Darius (Aapto;) et Alexandre ('A).c';avcîco?). Tous quatre portent
le costume royal. Ils tiennent une épée nue, pointe en l'air, comme si ce
glaive. pouvait loin- rire utile en ce moment; mais c'est une « pièce à convic-
tion 1) que le grand Juge va invoquer contre eux. Alexandre est jeune et im-
berbe, les trois autres sont vieux et à barbe blanche.
Satan est assis sur un dragon à sept tètes. Quatre de ces tètes dévorent
(juatre rois couronnés, pcut-èlrc les quatre (pii précèdent; deux autres tètes
mangent deux moines couverts du camylafki , voile monacal. J'ai oublié de
noter la proie dévolue à la septième tête, qui est peut-être inoccupée et qui
attend une victime.
Dans l'enfer, on voit cinq vices personnifiés par des individus que désigne
le vice même.
Le premier vicieux est le Voleur (ô vJ.iTrzr.ç, le Klefte), sur lequel est étendu
un lourd sac d'argent; sur ce sac un diable pèse de toutes ses forces. Un
antre diable oblige le voleur à recevoir dans ses mains nues de l'or brûlant. Ce
diable fùté a la mine d'un voyageur auquel on demande la bourse ou la vie.
Il donne la bourse, mais pour en punir le voleur qui crie comme un damné.
Le vol , nous en entendons parler tous les jours encore dans les journaux,
est le vice le plus grand et le plus invétéré des Grecs; il fallait donc le mettre
en lète de cotte échelle du mal et le punir par deux bourreaux à la fois.
Le second vicieux est le Gourmand (6 *âya; pour 6 <^ayo;). Un diable lui
prépare sa nourriture , un second lui danse sur le ventre , deux autres dia-
bles lui crèvent les yeux. Quatre bourreaux pour un mangeur dans ce pauvre
monastère où il n'y a jamais eu rien à manger, en quelque sorte, c'est certai-
nement du luxe.
SAINT-GRfÎGOIRE. 185
Le troisième vicieux est le Libertin (ô nôpvoç). Il est nu, pendu la tête en
bas, comme un veau chez un boucher . d deux diables lui coupent les parties
de son corps dont il a trop souvent abusé.
Le quatrième est l'Avare (o <l>iXapy/;po; pour o «iXapY^po;). Il est pendu au-
dessus d'un feu ardent: h son cou sont attachés quatre sacs gonflés d'argent
el qui l'étranglent.
Le cinriuième vice se dédouble. H est représenté par le Paresseux (ô ôxvci^T,;),
et le Dormeur (ô <I>î).'jrv<-j;) . — Le paresseux est un moine étendu lâchement
sur un divan et lumanl une longue pipe que les diables lui allument. — Le
Dormeur est un moine encore, également couché sur un divan, lu diable lui
soulïle des rêves agréables pour qu'il dorme tranquille et longtemps; et un
autre diable tient et tourne au-dessus de sa tête une espèce de parasol , pour
qu'il ne se réveille ni à la pluie, ni au soleil . ni aux insectes, et qu'à la suite
de son long sommeil il aille plus sûrement en enfer.
Il n'y a ni orgueil, ni colère, ni envie dans ces péchés capitaux , tandis que
la paresse et l'amour de l'argent ou l'avarice y figurent deux fois. On comprend
bien que la paresse puisse être double dans un monastère; mais c'est h tort
qu'on n'a pas fait figurer la colère dans ce couvent de Saint-Grégoire, qui ne
cesse pas de s'exaspérer contre les Turcs. Ou plutôt ce grand vice est sans
doute ici considi-ré comme une grande vertu , puisqu'il a déjà procuré une
espèce d'ind('pendance, et qu'il pourrait amener, un jour ou l'autre, l'affran-
chissement complet.
Assurément il y a, de ce jugement dernier de Saint-Grégoire au jugement
dernier de Michel-Ange, aussi loin que d'une image d'Hpinal h une peinture
de M. Ingres; mais les dftix peintres allionites ont fait preuve d'imagination
et même d'originalité. D'ailleurs, leurs diablotins noirs ressemblent Ji ceux de
notre moyen âge, cl cela m'aurait suffi pour m'y arrêter avec intérêt.
Le jugement dernier est précédé de la création et de la chute de l'homme,
comme un effet est précédé de sa cause. A la création , l'homme cl la femme
n'ont ni nombril ni parties sexuelles. L'arbre de la chute est ini oranger; le
serpent Icnlateiir est serpent de la tête h la (jueue. Adani est endormi pend-int
qu'IÀe cui'illc une orange qu'elle va manger. Adam est h peine éveillé lors-
(|u'il succombe ; il semble donc moins coupable. \\n général , nu mont Athos,
on aimi- h montrer la femme plus criminelle (|ue l'homme. Le moine nlhonilo,
qui expulse les femmes cl les femelles de .sa montagne sainte . garde nu sexe
féminin ime rancune plus tenace (pie partout ailleurs.
Au-dessus de l:i porte de l'église, à l'extérieur et ditiinanl sur le porche,
on voit peinte une Trinité , composée de trois figures humaines pour une
XXIV. îlt
isfi ANNALES Aitf:iii:oi,or;ioi Ks.
seule t(îtc cl un seul corps, absolument comme celle que nous avons publiée
dans les «Annales Arcliéoiogiques ' », d'après un vilrail de Noire-Dame
de Cliàlons-snr-Marno. I.es trois figures ont (|iialrc yeux, trois nez el trois
boiiciios, (liinl ragoncenienl est tel (lue chaque figin-e paraît complète el avoir
pour s.i pjirl ses deux yeux. Un seul nimi)e entoure celte triple face; il esl
croisé cl porte, sim- les liramlies do la croix, le o wv (l'Htre), que les Grecs
liyzantins aiment à inscrire sur cette croix du nimbe des personnes divines.
C'est la seule fois (|ae j'ai vu en drèce une Trinité de ce genre, et l'inlluence
de l'iconogiapliic latine des \\' et xvi' siècles est peul-ètrc pour beaucoup
dans l'adoption de cette étrange image.
Sous cette chapelle funéraire est pratiquée une crypte, où l'on verse les
ossements des morts (|iic l'on déterre après trois ans de séjour dans le cime-
tière. Des myriades d'araignées filent leur toile autour de ces ossements et
dans ces crânes déciiarnés; elles font un bruit sourd et fort étrange. On croi-
rait, en y prêtant l'oreille attentivement, entendre comme le susurrement de
petiteë âmes qui se parleraient à, voix éteinte.
Après avoir employé toute la matinée k explorer ce pauvre monastère,
nous nous apprêtons h pavWv pour Siuio-Petra, le couvent voisin. Nous de-
mandons aux moines lem\s commissions pour leurs confrères, pour les couvents
non encore visités, pour Salonique ou Constantinople , mais ils nous considè-
rent comme de trop grands personnages, et ils n'osent nous charger de leurs
petites affaires.
Au moment de partir, se présente à nous un jeune Hellène en pèlerinage et
ou ((uèle dans lo mont Athos et la Cfrèce. où il tâche de recueillir en aumônes
une somme nécessaire pour délivrer do prison son père, sa mère et ses deux
frères. Un jour, nous dit-il. son père croyant tuer un poulet à coup do fusil,
tua un Turc. On mit le père en prison avec sa famille et on le condamna à
une forte rançon ; le fils aîné fut autorisé fi parcourir lo monde pour trouver la
somme du rachat. .Je dis à ce fils aine, qui me paraît fort intelligent et fort
rusé, que Platon, l'un de ses ancêtres, avait affirmé qu'un homme était un coq
sans plumes, mais (fiie cependant un Turc ressemble de trop loin à un poulet
pour qu'on puisse prendre l'un pour l'autre. Malgré tout, nous lui donnons
six piastres, environ un franc cinquante centimes , dont il paraît fort content.
Au uioment oii nous sortons , le portier nous remet à chacun trois grosses
noix. Kst-ce symbolitiue ou simplement réaliste et destiné à tromper notre
faim? Nous remercions ce portier généreux avec quelques menues monnaies,
et nous partons comblés de vœux et de bénédictions.
1. Volume II, p. 9.
SIMO-I'KIRA. 187
simo-|'i;ti;a.
<:HMo-nF.TP\
C'est ainsi que l'on prononce le nom de ce inonastère; mais on l'orllio-
grapliie Simo-Pétra ou Ciino-Pélra, à volonté. Cette appellation, ii ce qu'il
semble , devrait désigner que ce couvent est sous le vocable du chef des
apAtrcs, Siinoii-Piorre ; mais les agliiorites soutiuinient, je ne sais pourquoi,
(pu- ce .Simoii-l'iene, leur fondateur, était un simple ermite, (|ui \ivait à
l'endroit oii le couvent fui établi, et nullement le pèclieur de la Galilée. Nous
avons déjà vu (|ue le couvent de Saint- Paul avait pris son vocable d'un ermite
de l'Atlios et non de l'apôtre des Gentils.
Je ne suis nullement convaincu de la véracité et de la science des moines
aghiorites, qui sont un peu menteurs comme les Grecs et fort ignorants comme
presque tous les religieux de la sainte montagne. Ouoi qu'il en soit, ils tien-
nent à leur ermite et , dans leur grande église , ils ont placé sur un Irùne un
tableau qui représente la légende du fondateur, légende qui n'est nullement
l'histoire de l'apôtre saint Pierre. Simon-Pierre serait donc le premier fonda-
ti'iir (lu couvent ; mais, un roi de Servie, Jean Ouglouch, en serait le second et
II' Mai, celui (|ui aurait payé les frais de la construction.
De Saint-Grégoire à Simo-Pétra, il y a une grande heure de marche, par
un chemin trés-escarpé, (jui escalade une montagne sur la pointe de laquelle
est planté le couvent. On a rasé le rocher de 25 à .iO mètres pour y pralitjuer
un plateau nécessaire à asseoir les constructions. Nous arrivons sur oo pla-
teau h une heure de l'après-midi.
La mer est à une demi-lieue de là, an b;is d'un vallon en ampliilliéAti'C,
(|ui descend pres([ue à pic du monastère au rivage. C'est dans cet amphi-
tlii'iUrc de verdure (pi'est établi le jardin du couvent; malheureusemcnl les
moines, par .u-citlenl un peut-être pom* voir la mer plus h leur aise, uni brùlii
les arbre» et la petite végétation arborescente (|ui descendait jusqu'au i
Sin- les bords de la mer est bAli un petit arsenal, «pii se r .l'inic tour
carrée et d'un»; maison; la maison, espèce de hangar, almi. ..i uarqiio du
miinaslère. Chacun de ces cou\enls de l'ouot de l'Alhos pos,s<>de une barque
qui siM'l il la pèche, à la communication d'ini m>iiiaslèro h. l'autrv, ol surluul
188 ANNALKS ARCIlÉOLOd lOI KS.
,'111 tr;u)S|iotl des liommos cl des choses à Karès, la capilale séculir-re de
l'Allios.
A la skitf (le Saiiile-Aniie la harqiic apparticnl ii un laïc Tous les ven-
dredis, elle viorif cIioitIhm' les ascètes (|ui vont |)orter h Karès, pour le uiarclié
du samedi , 1rs piodiiils dr leur indiisliie. Chaque ascète paye une piastre
|)(iiii- rallcr. une pi.isirc puni- k ii'lunr. La piastre \al;inl de 20 k 25 cen-
times, on voit ([ue ce moyen de liansporl n'est pas ruineux. Quand un seul
ascète prend la barque, il doit cIiki |jiaslres pour aller, autant pour revenir.
Le couvent de Simo-Pétra aurait six cents ans d'existence, mais il a été
reconstruit en briques, il y a une centaine d'années, et les bâtiments, faute
d'entretien, tombent déjà en iinin'.
Saint-Grégoire est pauvre, Simo-Pétra est plus pauvre encore, et cepen-
dant la vie y est commune ou cénobilique. Les trente ou trente-cinq moines
qui le composent sont gouvernés par un igoumène ou plutôt se gouvernent
tout seuls, car l'igoumène, qui ne trouve rien à manger dans son couvent ,
est parti pour Constantinople sous prétexte d'atTaires. On se rappellera que
dans les couvents cénobitiques l'igoumène est unique et nommé à vie par
ceux des moines qui poilcnl le nom de "père», tandis que dans les idiorythmes
ou républicains, les chefs, nommes épilropes et qui sont au nombre de deux,
se renouvellent assez fréquemment. Les votes se donnent de vive voix et non
au scrutin secret, soit pour l'igoumène, soit pour les épitropes. Une fois élu,
l'igoumène reste en charge jusqu'à sa mort. S'il se conduit mal, les pères
s'elTorcent de le corriger. Si l'igoumène est trop mécontent des pères, et les
pères trop mécontents de l'igoumène, on se rend à Karès, où les épistates. di-
recteurs généraux de tous les couvents, ordonnent de conserver ou de changer
l'igoumène. Leur jugement est souverain.
Le réfectoire de ce pauvre couvent est une grande salle oblongue , cintrée
au midi (lù s'an-oiidii l'abside. Cette salle était autrefois entièrement peinte;
aujourd luii les pcinlurcs ont p(Mi. Tumbées en grande partie, il n'en reste
plus que quelques grands saints en pied et quelques médaillons de la vie du
Christ. Le plafond est un plancher tout uni. De bons mets perdraient de leur
saveur dans un pareil local ; la li-iste nourriture qu'on y prend doit être nau-
séabonde. Du reste, nous n'avons pas eu l'occasion d'en faire l'expérience.
La nouri-iturc inicllecluclle . celle des livres, ne doit être ni meilleure, ni
plus abondante à Simo-Pétra. La bibliothèciue consiste en une petite chambre
qu'on nous a montrée, mais qu'on a refusé de nous ouvrir, sous prétexte que
le bibliothécaire était absent et avait emporté la clef. Les moines nous disent
que les Turcs ont fait des cartouches avec la plupart de leurs livres, qu'ils
Sl.MO-f'ETRA. 189
en ont déchiré d'autres, parce que tel était leur bon plaisir, et que le petit
nonnbre d'ouvrages qui ont survécu ne sont pas en ordre. Tout cela explique
trop bien que le bibliothécaire soit parti avec la clef dans sa poche, et je
m'étonne qu'on se soit donné le luxe d'un bibliothécaire.
Simo-Pétra renferme quatre églises :
La grande se nomme -h Tewrciç toO XcistoG (u la Nativité du Christ »). Elle
esl dédiée à f'immanuel que les Byzantins ainuMit tant.
Les trois autres ont pour vocable Sainte- Madeleine, Saint- Georges et
Saint-Simon (ayio; Sf.awv).
Hors du couvent, la chapelle du cimetière porte le nom de " Uormilion
de la Vierge », vî Koîjj.r,otç t?;; navayi'aç.
Ces églises n'offrent pas un grand intérêt ; voici pourtant quelques noies
sur la grande :
Sa forme est celle qui règne dans tout le mont Athos : sanctuaire i\ trois
absides; transept Ji croisillons arrondis en dedans, à pans en dehors, sur-
monté, au centre, d'un dôme que portent quatre colonnes; nef flanquée de
deux petits bas côtés. Le tout précédé d'un narthex ou porche fermé, ayant
deux travées d'entre-colonnement et trois d'écartement. Au centre de ce nar-
thex, une coupole. A l'extérieur, ces coupoles du porche et de l'église sont
couvertes en |)lomh. Le plomb prend même tout le tambour des coupoles et
aveugle les fenêtres. C'est en plomb également, mais fort mal entretenu, que
l'église entière est couverte. La phiii-, (|ui tombe dans l'édifice par une foule
de fissures, a endommagé et perdu toutes les peintures intérieures. Hors de
l'église est peint siiiiil Simon . le >> producteur di' myrrhe > ot le fcmdateur
du couvent, ainsi orthogra[)iiié :
L'Eglise by/aiiliiie .liini' les saints (|ui embaument et desquels des parfums
découlent comme l'eau sort d'une source. Du tombeau de sainte Catherine,
au mont Siiiaï, coule perpélui'llemenl une huile |)arfumée , comme il en .sort
du tombeau de saiiil Déuiélriiis ;\ .S;iloiii(|ue. Le » (iuide de la peintim» •
a été jusqu'à établir un ordre de saintes myrrhophoros ou porle-parfums ',
Même après sa translation stn* le sol latin, le grand saint Nicolas, dont le
corps repose aujourd'hui à Hari . distilli; incessamment des parfums. Il est
vrai i|Mi' rKglise latine elle-même n'est pas ennemie du sens de l'odorat,
et (jiie M iiMiuriren odeur de sainteté •« est une expression qu'elle affectionne
r <i Miinucl (l'irunocnipliio ", p.ir IIiiiiihn. y. (il
190 ANNALKS A HCm':OL(J(;iOUKS.
l)f,uii'i)U|). (Ai saint Simon ost iiiiiilv;. l)ioii (.'iileiidu. Il porlii (J«- la iiiaiii
gaiiclic ri'îî^lisc du iiKniasli'To (IdmI il ost li; pL-re. Celte |)eiiilure, torl mé-
diocre, d.ite (le 177.'^.
Dans l'iiih rii.'iir de l'éf^lisc on \oil un tableau de sainte Madeleine aux
pieds de Jésus ressuscité. Le Christ n'y est pas en jardinier, comme on le
reprcsonle cliez nous dans celle scène, ni vêtu seulement d'un manteau i|ui
laisse à découvert ses jambes, ses bras et une partie de sa poitrine. L'Allios
a peur des nudités, et le Sauveur est là complètement couvert d'une loiif^ne
robe ul d'un ample manteau. — Dans celte <';glise, on voit un cerluin nombre
d'images nouvelles peinles et signées par l'artiste loasapli (.Joseph), qui dé-
corait l'église d'Kspliigmenou lorsque nous y avons passé.
\ai trésor de Sinio-1'étra renferme :
Du bois de la vraie croix. — Des os nombreux de divers saints. — Le crâne
de saint Paul le conl'eescur , archevêque de Constantinople. — Le crâne de
saint Modeste. — Le crâne de saint Bacchos, martyr. — Le pied de saint
C.yw (ils de sainte JuliUe. — La main de sainte Marine. — La main de sainte
IJarhe.
(^e sont des reliques précieuses, rhais renfermées dans des boîtes modernes,
pauvres et laides.
Ce (ju'il y a do plus inléressant à Simo-l'étra, c'est un aqueduc composé
de trois étages d'arcades; cette construction réunit deux montagnes qui sé-
parent un vallon profond, l'ont du (Jard en petit et en laid, mais fort pitto-
resque. il est mal bàli. en moellons ([ui se disjoignent et menacent ruine.
A l'étage inférieur, pres([ue toutes les arcades sont bouchées pour que le
monument ne tombe pas. Il était question de le rebâtir; mais il faut de l'ar-
gent pour cela et j'ignore si l'igoumène en aura rapporté de Constantinople.
Cet aqueduc au)ène l'eau dans tout le monastère. Les moines, cela va sans
dire, ne savent ni quand ni par ([ui celle utile et importante construction fut
faite; imi)ossible de tirer d'eux le moindre renseignement.
Nous avions hâte, il faut en convenir, de quitter ce couvent. Nous deman-
dons un muletier pour conduire nos bagages au prochain monastère de Xiro-
potamou ; mais on nous répond que les muletiers sont à la chasse, et qu'on
ne |ieut nous en prêter, .le soupçonne (ju'il n'y avait ni muletiers ni mulets à
Sinio-Péti-a, et c'est notre conducteur de Saint-Grégoire qui continue, avec sa
bêle, à faire route avec nous.
Nous parlons à Irois heures, après cette courte visite d'une heure et demie.
DinRON AÎNÉ.
i;ii;li(m.|(aiiiii:
D'ART F.T D'ARCHÉOLOr.IE
'.)2. ADIiN-CZRA et ABEN-Yfi lllA. — Délices royales ou le Jeu des Échecs; son histoire, ses
règles ot sa valeur moral(!, par AiiiiN-KzttA et Aukn-Vkiiu, rabbins du xii' siècle: (raduciioii
dp l'Iiébre» par I,i;on IIoli. kniikiiski. In-16 de 08 [jiij;es ï fr.
'J3. AKOIIINAHI». — i.KS ÉoiFicus religieux de la ville de Uenève, par Anubi; Arciiinadu,
pasteur. In-8° do xi-3ijîi pages. — Les chapelles : l'Oratoire de Palais, Saiol-l'aul, Sainte-Mar-
guerite, Tem|)lo do Siiint-Jean de Itliodcs, Notre-Damo-du-Poiil, les MaiThalx-ts, fui des anciens
temps, destruction des chapelles et ses causes, destruction des images, distinction il faire
dans l'œuvro de la Ucforme. — Los couvenLs : la régie op|>os«jo au culto libre, le prieuré de
Saint-Jean-les-tJrottLs, le couvent île Palais, les .Viitonins, François Uonivard (xm' siècle; el
sa captivité: S.iiiit-l'ran(;ois do Uives, prcsiiges de réforme, couvent do Sainte-Claire, vanda-
lisme, destruction des faubourgs en 1334. — Les églises : beautés de l'architecture gothii|ue,
le culto libre, Saint-Viclor, Saint-Léger, Saint-Germain, Saint-Uervais, juifs des parois-ios,
légendes diverses, monument de l'Escalade, conseil de dizaine, la Madeleine et sa richesse,
prédication de Tarel on 1335, Siiiiil-Piorro, le leinple païenconverti en église : sii forme, ses dimen-
sions, SOS verrières; maltre-autel, retables, stalles et chaire, etc. Notes supplémentaires. 5 fr.
9i. .M'UKR. — L'Annkau de Sainte Kadcgondo et ses reliques, il Poitiers, |>ar l'abbé Avikr,
chanoine de l'église do Poitiers, historiographe du diocèse. Deux liriH-liures in-8° do M (Miges
ensemble, u\ec plusieurs dessins sur bois dans le texte. Les doux notices 4 fr.
06. BAllX. — Nom 1.1 M H H du déparlement de l'Ain (xvii' et xviir siècles). Bo
Gex, par Jti.Ks Baux, archiviste du déjmrtemenl de r.\in, membre de plu-
savantes. Deuxième volume, (jiiind in-8 Jésus de xvi-'iOS |)agcs, — Kiofs du Buf;ev e» du
pav'i de liex : adinissioiis dans les assemblées de la iiolilesso du llugry, elal el '
de» genlilsliommes du llugey en t'xH; procès \erlml di-s prin-uralion-i, \erii
18 mars I78U, ii Bolley, ii l'église de Saint-Jenn; procès-vorbnux do l'a-uM'inblée do la nobiciviw
du llugey, convoquée confiirmemenl au n-glement du ■•
de la nobles»' du llugey aux eluls généraux , de l'a--'
luge de (iex ; pi-oteslntion des genlilshomiiies frunçnis du |Mys do Oox ronlrv i a\tt
états généniiix des luibles genevois, olc, — l.»< troisième et ili i ' ■ «fur imiwr-
taiite ptililication s(>ru coiiMicre a « l'histoiro do la nuble-^ii du di , Vm, • ol, «oui.
192 ANNALKS AlîCII KOLOOIQL'ES.
il so vendra soparémunl dos doux promièros parties du « Nobiliairo •. — Le^i duux pruinient
volurnfs 50 fr.
'Mi. llliUïllOL'l). — FiiANçois d'Ahsisi:. i'.iuih lii.storii|uo d'après lo doclpiir Kmil IIask, pro-
ffsseiir à l'uiiiversito d'Iona, par Cii.\ni.i':s Bkhtiiuiji). Iii-S" de x\-207 p.i(:f!«. — Les winc-
luairos. Los prominrs bio^raplios do François d'Assise. I>a vocation. Los prcmicni disciplos.
l''r.in(;ois d'Assise et Innocent IIL Tran-formation du inonacliismc. I..i'8 trois ordreg. l)ominic|uu
ol François d'Assise. François chez les Sarrasins. François prédicateur et lroul)adour. Commu-
nion do Fninçois avec la nature. Ixs miracles. Los stigmates. Les derniers jours. Appendice :
Histoire d'un miracle 2 fr.
97. BERTV. — La Uiînaissanci; monumentale en France, spécimen de composition et d'ornemen-
tation arciiilecloniques emprunlécs aux édifices construits depuis lo règne do Charles VIII
jusqu'à celui de Louis XIV, par Anoi.piii; IIkhtv. Livraisons 40 à .'5(1 terminant l'ouNrage.
Grand in-i" de 4 planches représentant des détails des cliAteaux de Cliambord et de Bournazel,
de l'hôtel d'Assezat et do la Maison rue Saint-Rome, à Toulouse. Lo texte, do môme format,
comprend dos notices sur les cliAtoaux de Bourna/.el, de Colombier, l'église de Tilloloy, l'Iiôtel
Vogiié, à Dijon, une maison rue des Yergcaux, à Amiens, les orgues et h clôture du chœur de
la cathédrale do Rliodez, et enfin les litres et les tables des deux volumes. L'ouvrage, complet
dans ces deux volumes, contient cent planches 90 fr.
98. BOCK. — I)i;n K«onli;i'l;hteii Kaisers Fnii;i)nic:ii Babbaiiossa. (La couronne de lumière
de l'eiiipereur Frédéric Barborous.so dans le nionaslère carlovingien d'Aix-la-Cliapelle, et les
couronnes de lumière d'Ilildosheim et do Comburg), par le docteur Fn. Bock, chanoine. 1 vo-
lume grand in-4° de 56 pages de texte avec 18 gravures sur bois, contenant 16 planches tirées
avec les cuivres gravés originaux de la Couronne d'Aix-la-Chapello 27 fr. 50 c.
99. BOUDEVILLAIN. — Notice topographique, historique, archéologique, administrative et
statistique sur Ruan, par l'abbé Boudevillain, membre de la Société archéologique du Ven-
domois. In-S" de -47 pages. — Préface. Étymologie du mot Ruan. Histoire de Ruan. Tableau
chronologique des faits les plus importants à dater de 1606. Maires de Ruan depuis 1790.
Histoire ecclésiastique. Curés de Ruan depuis 1666. Château de la Bullière. Église Saint-Lau-
rent. Usages. Statistique religieuse. Supplément 1 fr. 60 c.
100. BOURBON. — Introduction aux cérémonies romaines ou notions sur le matériel, le per-
sonnel et les actions liturgiques, le chant, la musique et la sonnerie, par l'abbé A. Bourbon,
chanoine et maître des cérémonies de la cathédrale de Luron. In-S» de xv-So8 pages. —
Première partie, matériel liturgique : de l'autel et du tabernacle, de l'autel en lui-même,
divers sens du mot « autel », de la décoration de l'autel, du tabernacle; du sanctuaire et du
fhœur, ce qu'on entend par sanctuaire et chœur; position respective de l'un et de l'autre, de
leur ameublement en général et on particulier; du luminaire; de quelques dispositions maté-
rielles de l'église; de la sacristie; des vases sacrés et non sacrés; des linges d'église; des
vêlements liturgiques. — Seconde partie, personnel liturgique : du clergé, do la distinction
do divers corps dans le clergé, des laïques suppléant le clergé, du peuple, confréries. — Troi-
sième partie : diverses actions liturgiques. — Quatrième partie : chant, musique et son-
nerie 6 fr.
loi. Bulletin des travaux de la société historique et scientifique de Saint-Jean-d'Angély
(Charente-Inférieure). Première année. 1863. In-l" de ^16 pages. — Discours divers. La
grosse pierre d'Antozanl (légende sainlongeoise), par Baril. Manuscrit du doctc-ur Olliveau.
Notice sur la fondation de l'hôpital militaire li'Anfrédi, à la Rochelle, par le docteur Cardailhac.
IJIBLIOGHAIMIIK D'AKT ET D'ARCHÉOLOGIE. 193
Compto rendu (Je l;i premit-re excursion de la Société historique et scientifique de Saint-Jean-
d'Angély, par Thémi;au do Uociiebruni; ! fr. iô c.
102. CAHIHR ft .M.MtTIN. — Suitk aux '< .Mélanges d'archéologie », rédigés ou rocuciMis par les
auteurs des « Vitraux de Bourges, » les R. P. Cahier et A. .Martin, de la Compagnie de Jésus,
publiée par lu R. P. Cii. Cahier. Première série, carrelages ri tissus. Livraisons I a 4. Grand
in-4" de xii pages de texte et de 20 planches coloriées. — Celle première série .«era publiée
on deux volumes do vingt-cinq livraisons chacun, grand in-i" jésus. Chaque livraison est
composuo de cinq planches imprimées en bistro. Il en parait di-ux par mois. Prix de ta
livraison î fr.
103. COHUIN. — La Cathédrale de Bordeaux. Ëtudu historique et archéologique, par l'abbé
CoBRiN, pnMre du diocèse do Bordeaux. [n-H de 20s pages. — Première partie, tablettes
chronologique.; ot précis de monographie du corps de l'édifice : fondation de l'église de
Bordeaux (année 62 de l'ère chrétienne), consécration de l'édifice, roman du xi* sit'-cle, travail
des XII' et xiii' siècles, stylos divers, travaux des siècles suivants jus(|u'au xiV. — Iteuxième
partie, les ciiafietles do l'hémicyclo : Nolre-l)amo-du-Monl-Carmel, rArinonciation. Sainte-
Marguerite, Sîiinte-Anne, Saint-Charles, Saint-Joseph, le Sacré-Cœur, exiérieur de l'abside,
symbolisme chrétien. — Notes et éclaircissements : sur l'époque de l'apostolat de Sainl-.Marlial ;
sur les anciennes lnisili(|ues romanes ou latines; sur Saint-Léonce II; du style roman; >ur
l'ancienne position do la cathédrale, xr et \ii' siècles; sur le nom de ramille de Clément V: sur
les orgues de Sainl-Andre. Les deux bourdons de la tour de Pey-Borli.nd et le piédestal de
Nolrc-Damc-d'Ai|uilaine. Prérogatives de ré;:liso Saint-André * fr. .'iO c.
104. COUSSE.MAKLR (E. de. — I.ks IIaruonistes des xii' et xiir siècles, jwr E. de (^tssE-
MAKKR, correspondant do l'Instilul. ln-4° de li |)agP8. Extrait do la noiice publiée dans les
« Annales Archéologiques n, où ,M. do Cous>emaLer a révélé l'exislence et le nom d'un grand
nombre d'harmonistes d'une époque (pi'on avait cru, bien ii tort, denuiv d'harmonie musi-
cale.
lO.'i. COLSSEMAKHR (E. de). — Scriptohim iIo mus'icu medii œvi novam seriein a gerbertina
alleram colli'git nuiieque primum edidil, E. de Cousseuaker, rorrespondani de l'Institut,
membre des (Comités historiques. I'a.<cicules I il i. In-i° ilo 80 pages chacun, de texte ot do
musi(|uo. — Le volume do cotte nouvelle série dos n Scriptores » contiendra les iruvres dp
Jérôme de .Moravie, do Jean de Garlando, do Erancon de t^ologne, de Pierre Picard, de
Waitor O.lingtun, du nomme Arintulo, de Jean Ualluce, de quatre anonuiies; les commen-
taires de Robert do llandio, de John llomlmys, de Jean de .Mûris. C'o-t un ntiuveau el grand
service (|ue .M. de Coussismakor rond aux historiens de la mu>iqui> du moyen Ago. — Cluiquo
fascicule 8 fr.
(Ot;, HAMAS (dej. — En Orient. Voyage nu Sinaï, pur le R. P. de !V\\i\s. In-lî de x\xv-3HI
pages. — Marseille et la Provence. La mer. Les deux voies. Malle. .Vf'xandrio. A Ir.ner*
rfigypte Le (laire. b's Pyramides. Le désert. Ui caravane. L'Anibic |H>ln'e. I.» ..m.'ni
Suinlu-Culherine. Lu premier Age du monde. Le mont SinuY. Enroro lo désori i >
Voyngo inlérossani, mai» oi'i l'anocdote remplace trop soiivonl la science j (r.
107. DEI'OIRNY. — La l.or m; Hi ahmont. t'.oiip dœil sur ■
moyen âge, par ral>be |)i:Koi>nM (Pieiihe Utroinj, cure de l> \
do l'Aciidémio impériale de Rcim.i. In-M" do 17i> pages el do i plnnrliM, rvprd>«nliinl le pUn
cavalier do llo.iuiiionl-on Ar^oiiim au Xlir siècle,
do lu loi de lle.iuiiionl (Tac -.m m du de l'ontète). Inli >
XXiv.
i(i/i ANNAij;s \i:(:ii(^:()|.(m;|(»i!rs.
phio, ('t|)fi(|iic histuriquo, ahliiiyo'i de .Mou/nn nt rlo lioUul: cliarlp et loi ilo Bcaiimont. orcani-
nnlion do lii comiimiio (l';i[)r<'s cctU' loi, <*lal des |)f(rrOimi'« «l condition d(w If rr»-* avant \p*
(•(iiiccs-iions do riiiclu'vi^qiic (iiiillmiino, c-oiistilulirtn di- la proprlôto suivant la luidi- llcaiimont,
iin|]6ls oii irdi'viiiiccs; bicti-ùlrc do la |)n|)uhitiiin au moyen à};n, liberté cominorciali- ; de la
IM'iuililr des lois en f^éiioral, do la ju-tici- envers los sci-rneurs; cundilion do lafoinmo sous la
loi do lioauninnl, ciiarilé ii Doauinont, maladrorio, llôlol-Diou, organisation mililairo, c-aracliTO
reli;.'ieiix de hi loi de ll(Nniinonl. l'ièces j usl i lira li vos. Docuinonls inédits tirés dos notes
inséré s |iar les lilul lires do la cure do Koauinont ."» fr.
\m. DIsSMAZi;. — P. Uamis. prorosseur au Col!éf;o do Kr;inco: sa vie, ses écrits, sa mort '«515-
1o72j, [)ai' Cmaiilks Uksmaïe, jugo d'iiislnu-lioii au Iriltunal de la Seine, ln-12 do i:U pages
el (lu porlrail ilo Kanius. — Étal de la ehrétionle au \n' siècle, Savonarole, Ér.ismo. Thomas
.Moins, iMélanclillion, Luther, la rérormcen .\llemagne el en France, premières asseiiibléos de la
réfornie à l'aris, Kamus marche ii la suite do Luther et de Calvin. Kamus nait dans le [Mys do
(laKiii, les philosiiphos du moyen àiic. la Renaissance, les novateurs du xvr siècle, études de
Kamus, censure des livres de Lullir^r par la Faculté de théologie, enseignement au xvr siècle,
le parlement défend les cours sur In sainte Écriture, les Universités de France, réformation
lie l'Université de Paris, plans et travaux do llamus, sa nomination au Collège de France. \>er-
sécution contre les héréliijues. Itamus visite les Universités d'Allemagne, mort de It^imus,
appréciation dos historiens sur Kamus 2 fr.
I(i!i. l)i;V.\I.S — .'\loMiii(;()i X, par Hicvals aine, membre rorrespondant de l'Académie des
sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse. In-8» de 43 pages. Montricoux e.st une
petite ville du département de Tarn-el-Garonnc, située sur l'Aveyron. M. Devais en 6iii l'his-
toire depuis l'époque romaine, en traversant le moyen âge, jusqu'à nos jours. C'est une mono-
gniphie r.ipide, mais complète, d'une commune où des événements d'une certaine import;mco
se sont passés. La charte communale d'alTranchi.ssemont, déli\rée, en 1277, par les templiers
auxquels Moniricoux appartenait, est certainement des plus curieuses.
1 10. DIDUON. — IcoNor.nAPMiK lic l'Opéra. |ar IlinRON aîné, directeur des « Annales Archéo-
logiques ». In-8" (le .'iG pages 2 fr. 73 c.
1)1. DU CASSE. — IIiSTuini': anecdoliipie de l'ancien théâtre en Fiance: 'l'Iiéàtre-Français,
Opéra, Opéra-Comique, Theàlre-Ilalien, Vaudeville, théâtres forains, etc., par A. Du Casse.
2 vol. in-8" de 3-52 et 386 pages. — Origine du théâtre en Fiance, les deux premières périodes,
de 1402 à 1388 : théâtre de Saint- .Maur, lettres patentes de 1102. confrères de la Passion,
origine du droit pour les hôpitaux , pcr.sonnages habituels dis mystères et dos moralités,
origine du prologue, mystères joués dans les églises au xiir siècle, influence sur le
théâtre des fêtes données ii Isabeau de lîivière en 1383. — Troisième période dramatique de
1.'i88 à 1G30 : les confrères de la Passion cèdent leur théâtre de l'hotel de Bourgogne, établis-
sement do la seconde troupe au .Marais, dill'érents usages, droits d'autour, l'art dramatique
pendant les trente premières années du xvii' siècle. Farces et turlupinades , de 1383 à 1634.
Comédie-Françiiisc, de 1600 à 1789. — Quatrième période dramatique, les deux Corneille, de
1630 à 1674. Richelieu et ses collaborateurs, de 1636 à 1632. Contemporains de Pierre Cor-
neille. Racine, de 1666 h 1690, contemporains de Racine, de Racine à Voltaire; Voltaire, de
1718 à 1773. Pendant et après Yolt;iire, depuis 1718. La Comédie avant Molière. Molière, de
1620 à 1673. Contemporains de Molière. La Comédie après Molière (fin du règne de Louis XIV).
La Comédie sous la régence, de 1713 à 1723. La Comédie sous Louis XV et sous Louis XYL
La Comédie-Italienne. Théàire-Italien 'depuis 1716). — Les 2 volumes 10 fr.
niBLIOMiAl'UlK IVAIti Kl D'ARCHÉOLOGIE. 195
i\î. ULUANU. — La Toscank. Alhum piilorosquc et arrhcologique publié d'après les dessins
recueillis sous la direction du prince Anatolk Dkuidoff, en 4853, par Andhê Ddiiand. cor-
respondant du ministère de linstruction publique pour Ici travaux lii-itori(]ueT, el lithographies
par l'auteur, avec la collaboration d'EuGÈNK Cicébi. Grand iofolio de texte cl de planches.
Ce qui concerne l'ik' d'Ellx^ et la ville de Florence e.'l terminé. L'ilc d'Elbe, 18 pL, 54 fr.
— Florence, I i planche^ 36 fr.
II.'}. FAGE [de laj. — HisToiiiE centrale do la musique cl do la dan?o, par.VoBiEN de i.4
1''a(;e. Deux volumes in-S° de xvi, 614 et ii9 pages. Ces deux volumes contienni-nl Ihisloire
de la musique el de la danse chez les Chinois, les Indous, les Égyptiens et les Hébreux. De La
Fa^e. mort récemment, n'a pas poussé plus loin son savant oi curieux travail. Il aurait certai-
ncnuMit appris bien des p irticuiarilés sur la musique et la d.mse des Grecs et des Komains. Il
connaissait mal et jugeait défavorablement la musique du moyen âge que M. de Coiissemakcr
finiia par nous dévoiler complélomenl; mais mAme encore, sur ce terrain, il aurait jeté plus
rrune idée nouvelle el apporté plus d'un fait intéressant. La mort a inlerronqm cette œuvre, el
l'on ne voit pas encore qui pourrait la continuer. — Ces deux volumes 10 fr.
III. FAUX. — MiELQUES réflexions sur d'anciennes monnaies bretonnes (d'après la • Mythologie
des Druides bretons n de Daviks , par le dociour Faux, médecin do 1 ho,iiial el de la maison
centrait' du Doullens. In -8" de oi pa^es el d'uni- planche.
<I3. FAVE DE LIIOIMTAL (de la) — Description archéologique des S;iintes-CI(apelle3 de
l'Auvergne (extrait d'une statistiqne monumentale inédite) , pir hb la Fave i> : l'Hôpital.
membre de la Société française d'archéologie |iuur la conser\ation des monuments histo-
riques. In-S" de iv-2i pa;;rs. — Notice préliminaire. Sainti-t^hapcllo de Riom, SLiinte-t^hapello
d'Aigueperse, Sainte-Chapelle do Vic-le-Comle.
1 1 r«. FliER. — l.i;s IUines de Ninive. ou description des (lulais détniiis des bor.ls du Tii^re, sui-
vie d'uno description du nmsée assyrien du Louvre, par II. L. Fekb. ln-8* de vii-.ll9 ivig""*, do
6 planches el de dessins dans le lexto. — Iji plaine assyrienne , destinée do Niiiixe, accom-
plissement dos prophéties, découverte récente des ruines de Ninive, description générale du
pays, exploration do Rich, ses résultats généraux. KhMrsid>a(l, dé. ou\ertrs de M. Boita : pre-
miers travaux sur le Koyoundjek. vue el descriplion du inonticnlo de Kh irsidiail, diVouverle
d'un palais, dilTicultés, activité des travaux, transport dos antiquités de Khorsabad jusqu'au
Tigre, leur arrivée en Franco. Nimroud, découM-rtes de M. l^uird : voyaijo do M. Liyard do
.Mossoul il Niinrou I. lo monticule, la di^no, la p\ramiilo, preniiori's sculptures, fausses tonil>o<i,
tfilo gigantesque, premier envoi d'antiquités assyriennes en Angleterre, transport du taureau,
fin des fonillos. Ko\ouiidjok. Kalah-t'liorgah, Karanilés : oiic!>into de .Ninive et nutri-s luralilés,
imporlan<'o do Koyoundjok. fonillos di- .M. Liyard, les doux p.il.iis, la st;ilno, origine et signifl-
calinn du mol « Al-Hadlir ». L*-s palais assyriens : nature di<9 é<linces découvort", mode do
conslructiiin, destination des divei-sos parties du |mlais. Décoration «Km |Kit' -^ - '-
gieuses, royales, guerrières, do mivuis, doch.i-ises el do fo.slins. — On peut ■! t
et intelligenl ouvrage l'sl une histoire complète de l'nrl assyrien dans l'étal a
naissances. L'administration des musées impériaux prenant, pour n^diger '■•
quilés us.<yricnnes, grec<|uus el romaine.s, un temps dont nous ne
l.i lin, il faut romorcior vivement .M. l'eer ilo nous a.
lo ratalogiio du musée assyrien du l.on\ro. Il scr'!> ><
coiiimo M. Foor, en ll.ssenl autant (mur les GriK'.s e
117. ri'.VItE. — Di i.« rkstai RATION de lu musique n-Iigieu^e. I,<>lln' .> M^l J. n«it<M-ni( ei
19f) ANNALKS AUCIII^OL()(;lOl'KS.
V. Duriii», tiiinislri'h lit- l<i jiislico, «les ciillcs pt do rinKlriii-lion |iubliqu'>, |»ar l'aliU'' JviiTls
l'i viii:. In-H" (le .U [i;if,'cs I fr.
Hs, l'ISori:!'. — lli^iiiiiiK arcliéologiqiiu cl (Jcscripiivo de Nolro-Damu de Paris, |>ar II. l-'i*-
OUKT, mt'tnliro de plusieurs sociétés savanles. In-H" de i.xiv partis. — Notion* hislori(|ues. —
lixloriciir de l'église : orienliilion, grand porlail, portail scplenlrioiial , portail méridional,
tours et cloclii's, airr;-l)oulanls cl galeries. — Intérieur de l'église ; orgue, roses et \itraux,
galeries intérieures, chaire, pavé de l'église, chœur et sanctuaire, aigle en cuivre doré, niallre-
autel, clôture du chœur, cha[iclles, cryptes du chieur et tombeaux, cénotaphe d'filicnnc Vvcr,
sacristie, trésor. — événements divers dont la cathédrale a été le théâtre, de l'an !i8i à jan-
vier I8G:J. — Liste chronologique des évéques el archevêques de Paris, HO cvéqucs et
17 iir(lii'vé(|ues. y conq)ris Mgr D.irboy. l'hapilre luetropolitain de Notre-Dame de Paris i fr.
H'J. [''L'OIIS. — La STiciiiconiiiioMii:, peinture nionumentale, par le docteur J. N. Fftils, de
.Munich, traduite do l'allemand. Fn-^"de7l pages. — Introduction. Application spéciale du
verre solid)le. De la peinluie inur.ile ou inonuiiiintaie >ur for;d de mortier. Note du traduc-
teur î fr.
I 20. (i.XLlI Zl.N. — Inventaihe des meubles, bijoux et livres estant ii (Mienonceaux, le 8 janvier
Mnciii, précédé d'une histoire sommaire de la vie de Louise de Lorraine, reine <le France;
suivi d'une notice sur le château de C^henonccaux, par le prince Auguste Galitzin. In-8° de
yiv-TG pages, avec un portrait de Loui.se de Lorraine, et une vue du château do Chenonceaux.
l'apicr vergé 8 fr.
lit. (iAI.ITZIN. — Les riiioMi'Mi;s faiclz il l'entrée de François 11 et de Marye Stuart au chas-
teau (le (^hcnoncoau. le dyinaiiclie, dernier jour de mars mdmx, précédés d'une introduction
par le piinco Alglste Gai.itzi.n. Iri-S" de viii-20 pages. Papier vergé i fr. oO c.
4>2. GKUVEH. — Raphaël el l'aiiliquité, par V. A. GiiuvEn. Deux volumes in-8° de 460 et
487 pages. — Introduction : l'anliquilô dans les Catacombes, le moyen âge et l'antiquité, la
Renaissance et l'antiquité. Rapliaël et l'antiquité: les trois Grâces, le marbre antique de
Sienne, le dessin et le tableau de RaphaiM; R^iphaél poursuit ii Florence la trace de l'antiquité,
Raphnël à Rome, la Farnésinc, le Translevère romain, la villa d'Augustin Chigi. Le triomphe
de Galatée : fable de Galatée, la fresque de Raphaël el les monuments antiques, ce que vaut
la fresque de Raphaël par rapport à la Renaissance. Les sibylles, ii Sainte- .Marie de la Paix :
do l'existence des sibylles, description de la frescjue de liaphnël, l'art païen et l'art chré-
tien en présence des sibylles de Raphaël, les sibylles de Michel -.\nge, le prophète Isafe
il l'église de Saint-Augu>tin, les prophètes ii Sainte-.Marie de la Paix, la vision d'Ézéchiel.
Chiipelle d'.Vugiislin Chigi, ii Sainte-Marie du Peuple : les planètes, les signes du zodiaque;
dans quelle mesure Raphaël, dans ses pla rir-. s'est iiis|)iré de l'antiquité. Statue du prophète
Jonas. Travaux de R;i|ihaël sur Rome antique. Dessins de Raphaël inspirés par l'antiquité :
décoration de la chambre de bains du cardinal Bibbiena. fre.-ques de la villa Palatina, fresques
de la villa de Raphaël, Psyché. Appendice. — Los deux volumes 15 fr.
123. GUÉUIN. — Notice abrégée sur la sainte tunique de Notre-Seigncur Jésus-Christ, par
L. F. GciiuiN, membre de plusieurs sociétés savantes. In-IS de 108 pages. — De diverses
reliques de Noire-Scigneur el de la sainte Vierge. Lh relique que possède l'égli-se d'Argenleuil
est une relique insigne, lille y e.-l vénérée depuis des siècles. La sainte tunique a élé tissue
par Marie. De la tradition écrite concernant la siiinle tunique d'Argenleuil. Soin des premiers
chrétiens à recueillir les reliques du Sauveur. La sainte tunique est portée dans une ville de
Galalie, puis ii Zaphal ou JalVa ; au vi' siècle, ii Jerus^dcm; en Perse, avec la vraie croix, en
Hiin.iocr.M'iiii: d'akt ht d'archéolocif.. 197
6<4; elle rsl replacée ii Jérusalem, en 6J7; |)ortc'c di'ux fuis à ConsUinlinople, d'où elle est tirée
pour l'aire oirerlo ii CliarIcma.L'ne qui l.i donne, en 800. à Tliéodrade, sa fille, at^besse du monas-
tère d'Ari,'cnt»uil. Preuves historiques au sujet de ce don do Charicroagne. Quelques roots sur
le monaslèred'Argenteuil. — Celle notice, vendue au profil de l'œuvre d'.\r;;enteuil... I fr.
124. HACHETTE. — Uéponse ii .M. Jkan.M.xck, auteur d'une brochure intitulée: • Conseils pour
l'étiiblissiTiient de» Bibliothèque» comrrunales >-. par L. II.\<:ui-;ttk. In- 8° de 16 page?.
125. llisToiitK anonyme de la guerre dos Albigeois. Nouvelle étiition publiée p<jur la première
fois séparémenl, rc\ue et corrigée sur l'édition des bénédictins, sur celle lîc M. du MtcECt sur
le manuscrit de Toulouse, avec un glossaire, des fragments de langue romane et une intro-
duction. ln-8" d ■ wxi-l Î7 pages I fr. 75 c.
lit). llUlZfc. — Étudk sur la signification des noms de lieux en France, par A. HoizÉ. |n-8» de
I4U pages. — Auleuil : nom C('lli(]uc composé du substantif u ait s (colline}, et du diminutif
u oil », latinisé par Oilus; formes romanes de ce diminutif. Clianicloup : signification du mol
u chante » accolé à des noms d'animaux. Èpernay : nom composé du mot armoricain « spcrn ■
(épinej, et de la finale collective ■• ce » répond.mt au mol latin i spinelum >. au mot fr.mçais
u épinaic »; exemples de noms celtiques colleclils avec la finale • ec •>. Slaneux : nom composé
rie " slane ><, forme \allone du mol armoricain " laim " (chêne), et du sullixo • eux », répon-
dant h la finale celtique u oil o et au collectif latin « ctum o, ctc "< fr
127. J.\(',(jri-;MIN. — .MoNOGnAPiiiK du théâtre antique d'.VrIcs, jKir Louis J.\cqi kmi.n. U'ux
\olnines grand in-8" de xi.iii-.il7 et 413 pages. — ,\ va ni -propos, tirigine des iheàtres anti-
ques. Construction du théâtre do Kacrhus à Athènes par Philon. La (terfecliun des lliédtrps
amène l'elle du dr.imc. Antériorité des théâtres en pierre de Sicile et d'Étrurie sur ceux du
Pélo|>onéso. Los choréges et les chorentes. Oénio-lhenes et .Midias, Division de la comédie
grecque. Il nous reste onze comédies d'ArislnpIiane. Construction des deux théâtres d'I^pidaure
et de Mégalopolis, par l'olvclèlo et Themistocle. Piission des Athéniens pour !ik npiésenta-
lions de l.i .scène. Ischyle, Sophocle et Euripide. Caus<>s prolables de la su[i«'riorité des |M>èles
dramali(|ue's de la (ïrèce. La choragie. Dispersion des grands iicicurs en t:g)'ptp. en Sicile et
on Asie. Introduction de ta danse dans les specliiclcs. État préciire des histrions il Rome, leurs
privilèges sous Augii>le. Ev|>ulsioii, plusieurs fois renouvelée, des histrions. Le |>anlomimp
Paris. Indulgence do Néron envers les histrions. Ce que coûtent & Ves|M>ien le* jeux de
l'inaiiguralion du lhéi\tro de Marcellus, restauré par ses soins. Réduction du .salaire des
acteurs. Ivlé|)hants jongleurs ot comédiens, etc. — Ce n'est pas .M'ulemcnt la savante monogra-
phie du ihéilire d'.VrIes, c'est encore l'Iiisluire complète du théâtre aiitii)ue lî fr.
(ÏN. J.\MESi)N. — Li':iiKMis ok tiii-: Maoonna. l-es légeiules do lii Vierge rcpreMtntée* par Im
beau\-arts, p.ir madame Jwikson, .'I* édition, l'n volume in-8° de ISO ■ lo
lli.'i gravures sur bois ilans le texte, ot île Ï7 planches sur acier. L'ouvrage . ..|j
parties : 1° Introduction historique, t" Sujets do dévotion, rumpionant le« rx>prè>pnLitjuii5 do
ht Vierge seiili» ot de l,i Viergo avec l'onfanl. H* Sujets hi- la
Viergo, depuis sji naiss.ince jus<pr,i son niaringe; depuis nr
d'fCgvpte; depuis le lotoiir d lïgypio jus(|u'uu crucifleii.oni, et enfin dopuiii ki i n
jusqu'à r.\ssoinption. ... ■ , i
tt'i. Kl.ll'l TEI . -- Lis I'ahvu.ks u.e«sins. ftliide sur U i ..no du »iu* au
XVI* s.è.le. pur I>. IIkmxi Kneri'Ki. iniires'ieui irhistni^ \\..i, (■< s .i..
108 A.WAi.Ks Aii(;ii(';oi,o(;i(^UKS.
\-J.)8 |);i(,'cs. — Ori^jinc cl ri>n»itltuliun «les paraifjrw incx'iiig. OrgiiiiiKation (l(> la ri'publinui'
ini'SsiiK- sdtis lis pHnil^jtis : les coiisflis ot les iti<i;{iiitriilurc8. fcliil (!»iii(iini(|ue «le Jlclz sous lit*
|):iriiij;('s : les fiiiiiiici's, riiiihislrii', raj^i-iriilliirc, lr coiiimcrci'. f;ial iiionil de la rf()iililii|ui«
mcs-iinc sons les (Kiniini-s : ; s^-islaiice |)iilili(|iic. Ii6|iil.il. l(''(inisiTic, iiioiil-<Jp |ii(-l<-, l« clergé PI
l'Klal. Uillrcs, st.'i(>ii)'(>s ol iirls. f'^lal iiilliUiiiK (h: la r('|>ublii|iic iiiitssiiio sous Ii-h |iar.ii;;os : les
sujets, Mol/, l't rnmpirn. Grandeur, (Ire.iilenee el ruine des |iarai;,'es .'> fr.
l:i(i Ki)illi;N. — Norici: sur les cryiilos de l'ahliayo .Sainl-Viclor-le/-Mar»eillo. Précis liislo-
ri(|ue et deseripliori do ce^ soiilerrains, par Kotiikn. Iii-8° de Mi-lll pages, avec un plan île
l'i'^'lise intérieure île Saiiit-Victor-lcz-MMrseille, et o fac-similés frinscriptions. — Première
p;irtie, liisloiro ; cliapollo Nutre-Danie-di.'-tÀiiifessiun, les nefs voùtéi-s furcnant lo reste d^- la
crypte. — Deuxième partie, descriplion : grotte S.iinte-.Madcleine, cliupolle Notre-Dame, an-
cien autel, do cpielqucs usages particuliers, la grande crypte, toinijeaiix des saints lùiS4'-l)ie,
Cassicn, Y<.irn, Clirysante el Darie; cliapellcs di\erses, anciens us<igcs. — Appendice : é|>ila-
plies des l'isaiis ot de WiH'reil, ablié; toinlioaux du pape Urbain V, de Julien de Médicis el de
Poiis de Ulmo. — PiecesjusliPicatives : extrait do la vie do saint Vsarn, privilèges accordés par
Pierre du Lac, légende au sujet des bougies vertes, mandeiiionl de Beisunce en I7J), fonda-
tion de la cliapelleiiie Saiiil-Vicloi-, cliapi.'ilenie Sainl-Jean ^Èvangeli^le el Saint-Jean-Bapliste.
— Nous avons enlin une bonne monograpliio de CJtle abbaye si importante 3 fr. iiO c.
I.U. I.AlM.,VNl!! (de). — L'abhavu de Clairniarais, d'après ses archives, par H. de Lapla.nb.
ancien député, secrétaire général de la Société impériale des Antiquaires de la Morinie.
Premier volume. In-8" de i.vii-il.'î pages avec 16 planches représentant des vues diverses de
l'église et do l'aljbayc do Clairmarais, les portraits des cliàlelains de Saint-Omer, le plan lopo-
graphiquo de la foret de (Clairmarais, la salle abbatiale du refuge, les anciens châteaux de
Blaidwurg et de Maiilrayanl au xv siècle, et la vue générale de l'ancienne abbaye et de
l'église paroissiale de Blandecques. — Première partie : Fondation de l'abbaje (1128,, faits
qui s'y rallachenl, l'égliso, les bàtijnenis, leurs dépendances, dét;iils. — Deuxième partie:
Vie et travaux des moines do Clairmarais, leur règle, leur utilité, leur nombre, leur suppres-
sion, liste ononi^istiquo et chronologique des abbés ot des prieurs claustraux. — Appendice :
l'n mot sur les anciennes abbayes cisterciennes dépendantes de Clairmarais dans la circonscrip-
tion du diocèse de Sainl-Omer : Blandecipies. Wœstine, Uavensberg, Beaupré; bibliothèque
de Clairmarais, ancien cal iloguo de ses manuscrits, d'après doiii Berlin de Vissery, religieux
de ce iiionaslèro. Pièces justificatives. — Le deuxième volume paraîtra prochainement. Le
premier volume 10 fr.
i:i2. La RovALLic kntbkk dv Roy et de la Uoyne, en la ville de Chartres, avec les magnificences
et cérémonies qui s'y sont observées le joudy 26 septembre (1619). ln-12, sur papier azuré,
de 10 pages. Reimpression remarquable laite par .M. Garnier de Chartres. Ce roi est Louis XIII
et cotte reine Anne d'.Xulriche.
133. LATOU. -^ Vie m; saint Satubnin, disciple de saint Pierre, premier évoque de Toulouse
el m.-irtyr. Précédée d'une dissertation sur son apostolat au premier siècle, par l'abbé Maxime
l.vTou, prêtre du diocèse de Toulouse. In-S» de 314 pages. — Avant-propos : Exposilion his-
lorique de la question et division de la dissertation. — Première partie, opinion qui fait venir
saint Saturnin ;i Toulouse au 1" siècle : le christianisme a été prêché dans les Gaules au
1'' siècle, par des évèques disciples des apôtres, chargés de fonder des églises el d'ériger des
sièges épiscopaux; saint Saturnin, premier evèque de Toulouse, fut envoyé dans cette ville
par saint Pierre; acies anciens qui lo prouvent élancions livres liturgiques de "Toulouse qui
BIBLIOGliM'HIK D'AHT Kl D'AHCHÉOLOGIE. 199
le iloiiionrent. — Ueuxicme |>ailie, réfulalion de l'opinion qui fait venir saint Saturnin au
111' siècle : auloriU's sur lesquelles on appuie celle opinion, les actes préleodus sincères de
saint SHliirnin ne prouvent pas qu'il ?oil venu au iir siècle, lénioignasies imposants et conlrairps
h ces actes sur l'èlat du clirisllanisme dans les Gaules au iii« siècle, valeur de Grè^'oire de Tours
comme liistorien. — Troisième partie : vie de saint Saturnin, pn-mier év&|ue d.- Toulouse.
et son apostolijt. — Appendice
1.34. L.\UR.\r;. — (Jii.vKAi.oGiE des comtes de Toulouse, ducs de Narbonne, marquis de l'r^jvrnce,
avec leurs portraits tirés d'un manuscrit roman; nouvelle éjlition conforme il celle de
.M. G. G.\TEL, conseiller du roi en sa cour du Parlement, avec un prologue, par Jean-Geoiiges
I.Mim . ln-8" de lO papes et dn 10 pi inches représentant les comtes de Toulouse. 3 fr. 50 c.
13;). I,A\ IGli. — REvtK des musées d'Espagne, ou catalogue détaillé et raisonne des peiniucvs
et scul|)lurcs exposées dans les galeries publiques et parliiulières et dans lis églises, pnvédé
d'un examen sommaire des monuments les plus remarquables, par A. Lavicu. In-lî de
viii-.'}l2 pages. — Introduction. Barcelone, Burgos, Grenade. Madrid, .Malaga, Saragitssc,
Ségovie, Séville, Tolède, Valence et Valladolid. Description complète des monnmenLs civils et
religieux, des écoles de dessin et musées, des sculptures antiques et modernes et des peintures
de CCS différentes villes j fp
^^^fl. I.KGAV. — Le Guide du voyageur au Mans et dans le département do la Sarttie, contenant
la carte du département, .sa division administrative, la de>cription et l'histoire abrégée des
monuments de la ville du M.iiis, un précis liistorique sur les concnunes du dé(i;irlemenl de la
Sartlie, avec l'indication de la population, de la distance de chaque commune au Man.*. des
cliAleaux et maisons remarquicblos, des particularités qui s'y rattachent et des noms de l.-urs
propriétaires, etc., par F. Leu.w. In-IO de i9i) pages et cl'unv.' carte « fr.
i:iT. I.F. Hol. — Cl iiiosiTÉs historiques sur Louis XIII, Louis XIV, Louis XV, .M*»* de Mainte-
non, M"" do l'ompiidour. M"" Du Barry, etc., par i. A. Le IIoi, conservateur de la Bibliothè-
que do Versaiiles; précéilées d'une introduction par Tli. Livallée. lti-8" de xxiii-377 |Mgcs.
— Introduction. Le cliAleau de Vers;iilles sous Louis .Mil el 1 1 Journée iles Dupes (Ifi*7-I6.10j.
!.ii naissance du duc de Bourgogne (KiSS). Mort de l.ouvnis 'IfiOl . L'apiwrteinont de M"* de
.Maintcnon (IfiSii-ITI.'i; L'ancienne maclime do .Marly ou Do Ville et Ronnequin, Pièces justi-
ficatives. Détails inédits sur la mort do Louis XIV [ITIô,. Relevé des depeiis<>s de M"" do
Pompadotir. Le l'arc aux cerfs.soiis Louis .XV (l7'>o-l77l ;. .M"" Du Barry 1768-1793). Notes.
— Livre des plus instructifs, qui relevé bien des erreurs historiques ri révèle bien des faitâ
inconnus g fp
I:i8. I.IiUOy. — NoTicK sur les anti(|uilés g.illo-romnines du la place Notre-Dame de Melun,
par G. Lkroy. In-S" do 10 pages et ï planches, dont un plan de lu place Notre-Dame de Melun.
— Tiié.i cent itxemphiires sur papier vergé.
iiW. I.ONliPfiRIKR (de). — Le Misée Napoléon III. Archilwtun', s<-ul|>ture, ornenionUlioii.
Terri's cuiles el marbres de l'ex-collection Caui-an t. lient idinchi-s d'.i; ' ' ' ' ' .-
grnphiipiesdel,, Laffon, lilhophologruphieeset imprimées |Mr Li:tii:ni:ii ■.<
introduction et de tables explicatives, par A. de LoMii<i:niER, ntembre ' i
leur di'S antiques et de la sculpture moderne des Musées imperi.iux. l.i.... , m.iiio
in-folio do II) planches. Aucune livniison no se vend se|)iir«'menl , ch.icune. 5 fr.
140. LONlil'KM.VR (|)K). — Coueii: m miu do i|uelqur<> eiplornlioii» nrrliMogiqur* eTik-uté<«
200 ANNM.Ks Aii{:iir;(n.ri(;ioi Ks.
par M. tU' Gi;nnks, pn-sidcnl di- lu SociéUi dui aiili(|uiiiri'S (Jo l'OuPHt, pl MM. Rhouii.i.kt et «le
I.dNi.i i:M.\n, |)nr Li; Toizii m-; Lo.nouimaii. ln-8" de II p.'iKf* ot «luiii- pi.ini'lii-. . » fr. 2". r
II! MANNOl'ItV. - 1)1 cDMTi': irMciii.'oii. d'où il di-pnnduil, et (|Ufll!) princO'i i'onC [K>»s<'dé.
|i;fi M. Man.noiiiv, iivociil du ruy au liaillia^n d'Alunçon pour la vicomlé d'Argcnlan cl
illAiiii-s, public par Ohwki.le-Diisii.is, arcliivisli; du doparlcuiriit dn l'Orne, il'aprù» In ina-
iiuscril dcponi- diiiis les areijivcs de la prefccluro. In-S" de 1 1 2 pa^es. — Du cuintc d'Aleuron.
d'où il di'p(Midoit, et quels princes l'ont possédé. De la li},'ne masculine dos princes de Uel-
losine. (Jucllcs choses dépendoieiil du comté fl'Alonçon lors<pie la donation en fui faite a
Pliilippe-Auf;usle. l'ar (picis inoieiis ont clé joints au duché d'Alençon les terres cl vicomie/.
i|iii en d('penilent. Scij^neurs d'.Mençon, olc 3 fr.
112. MKCJH (i>i). — Al» iiÉoi.odiK pyrénéenne. Anliipiités n-li^'ieuses, historiques, militaires,
artistiques, domestiques et sépulcrales, d'une imrlion de la Narbonaise et de l'Aquitaine, celle
dernière province nommée plus lard Novompopiilaiiie, ou monuments authentiques de l'his-
toire du sud-ouest de la Franco, depuis les plus anciennes époques jusqu'au commencement
du xiii" siècle, par l'eu ALiiXANuiii; du .Mbce (do La llaye;, membre de plusieurs .--ociétés
savantes. Tome III, (leu.\ièmo partie, fin des monuinenls mytliolugiqucs. In-S" de 207 pages de
texte et d'un allas j^ivind in-folio (livraisons (i vl'i) de 14 planches. — Monuments en pierres
brutes, roliouvés dans la Narijonaise cl dans rAijuitaino ; peulvans, inenliirs, pierres iiran-
lanlcs, i;romleclis; dessins des monuinenls élevés à des déités crues gauloises ou ibériennes;
aulcls, monuinenls consiicrés aux divinités topii|ues et aux montagnes; élé\ations en terres
rapportées (|ue l'on a cru être des images des montagnes adorées par les anciens peuples;
culte des arbres, des dieux grecs et romains dans la première Narbonai.se et dans l'Aquitaine;
culte et monuinenls de Jupiter et de Junon, de Bacchiis, d'Apollon, de Mars, de .Mercure, etc.
— Celle deuxième partie du tome m et l'allas (liv. (i ei 7), 18 fr. L'ouvrage com(>let. 84 fr.
■143. Mi':moiri;s cl docuiiicnls publiés par la Société savoisienne d'histoire et d'archéologie. Tome
septième. 1863. In-S" de xi.iv-479 pages et de 3 planches. — Notice his!orique sur l'église de
Saint-Léger, à Chambéry, par PiinniN ANnnÉ. Documents inédits relatifs à la Savoie, 6' dé-
cade, extraits de diverses archives de Turin, el publiés par .\uguste Dufour. Les constitu-
tions du cardinal Louis II de Gorievod, évèque de Maurienne et prince (loOfi). Étude hislo-
rique, par EtcÈNi: BifiiMi;n. Notice historique sur le prieuré de Bellevaux en Chablais, sur la
rdialion de l'abbaye d'Ainay et sur la commune de ce nom (Haute-Savoie), par Melleville
Glover. Documents inédits relatifs à la Savoie, 7"= décade, publiés par .A. Difol'h. La crue
des gages des gendarmes, épisode do l'histoire de la Savoie, sous le icgnc de Henri H (lo.^O),
documents extraits des archives de la ville de Sallanches, par .V. Bo.nnefoy. Les Antonins de
Chambéry, glanes hisloriques, par FnANtois li vbct. — Co septième volume 5 fr. iiO
144. MÉMoini:s de la Société d'agriculture, commerce, sciences el arts dn département de la
Marne. .\nnée 1803. In-8" de 231 pages. — Discours sur l'applicalion du sy>téme de culture
de M. Daniki. lIooiunicNK. par le doetour Douin. Description géologique du déparlemenl de la
Marne, par Duoi :i:t. Slatislique du déparlenieni do la Marne, par Moiien, Faune du dépar-
lemenl de la Marne, par le docleiir Salle. Poésie par M. CiiARBONMEn.
I4-). MÉ.X.VIID. — ItAi'eoiiT sur les tra\aux de la Société des antiquaires de l'Ouest pendant
l'année I8G3, par .Mknard, secrétaire. In-18 de 12 pages. Cette Société des antiquaires de
rOuesl est l'une dos plus savantes el des plus actives de la France.
14i;. NOËL. — l'Lis DE Jubé ! Réponses aux derniers anicles de M. Alibkrt, par l'abbé Noël,
chanoine, vicaire-général de llodez. In-S" de 34 pages. M. Noël s'obstine à demander la
BIKLIOGRAPHIE D'AIlT ET D'ARCHÉOLOGIE. 201
supprci^sion ou le déplacemeat, ce qui revipnt à peo prés au môme, de l'iniéressant jubé de
Rodez.
117. l'II.oT. — Notice sur l'église de Saint-Laurent de Grenoble, par J.-J.-A. Pilot. ln-16 de
206 pn^'cs. — Ancienneté de l'église de Saint-Liurenl. Crypte, chœur de l'église. Prieuré de
Saint-Luirent, son étal, ses dîmes et ses revenus: droits seigneuriiiux, donations faites à
l'église et au prieuré. Cliapitre de Saint-Paul, restauration de la crjpte, ancien ban du \in du
prieuré, confrérin de Saint-Laurent. Cour du cloître, salle capilulaire, chapelle df Sainl-
Nicolns, appelée au-si chapelle des Pénitents. Cloches, anciens cimetières, anciennes chapelles,
vitraux, tombeaux gallo-romains. Reliques do saint Laurent et de quelques autres martyrs.
Anciennes pièces relatives à l'église de Saint-Laurent de Grenoble t fr.
148. PuDLicATio.NS do la Société d'archéologie dans le duché de Limbourg. Tome I" I86i.
Première livrai.son. In-8° de 96 pages et d'une planche représentant des fragments de vases
trouvés à VVittem. — Description des fragments de vases trouvés ii Witleni, parJ. V*x oeb
Maelkn. Rechcicho-i sur Atuulucaet (.loriovulluin, par Jos. Rissel. KxlrjiLs d'anciens registres
de renies et do biens «le l'église de Saint-Servais ,'i .Maestricht, par Alexandre Schaepkbns.
Chronijk von Maastricht en Omslrcken, par Jos. IIabbts. Variétés et nouvelles.
140. RAGl'T. — (', MiTii.Aini: de Saint-Vincent de Mdcon, connusousie nomde ■ livre enclialné»,
publié sdus les auspices et aux frais de l'iicadéinie de MAron, |>;ir M. C. Raci't. l'un de ses
membres, et archiviste du département de Saône-ct-l.oire. fn-l° de cccxviii-is8 pages. — Six
cent trente-trois chartes du viirau xiii* siècle composent co < Carlul.iirc ». Elles sont rolatites
aux donations, échanges, acquisitions faites par h- chapitre de Siiint-Vincenl, aux tran.<iiclions
entre les chanoines et les soigneurs du voisinage, à leurs droits respoitifs aux contt•^talions
qui s'élevaient entre eux et ces soigneurs, aux services et redevances dos diverses églises i la
cathédrale. Dans leur suite, elles offrent la nomenclature des comtes et évalues de MAcon, et
d(! précieux renseignements sur l'histoire particulière du MiWonnais, de la Bavso chalunnaise,
des départements da l'Ain, du Jura, et d'autres lieux voisins du .MAconnais 47 fr.
t'>i). KAIH'T. — |)ii:iii>NNAinK des fiefs du Cliarollais et du .MAconnais ou nobiliaire do ces
contrées, sui\i de la table généalogique des familles et do l'Armoriai, publie sou< les auspices
de l'iicadéinie des sciences de MAron, par C. Uvgit, iiivhi\isle du déparle(nenl de S,ione-«t-
Loiro, membre do l'académie do Dijon. Un volume orné de blasons SO fr.
r>l. ltf''.\tMI.. — Notice sur la chapelle do Saint-Gabriel, près Tarascon, [uir Hknbv R^voiu,
architecte du gouvernement, ln-8" de M pagi>s. Notice écrite p.ir un nrchilecle-ar\"lie<ilogue et
(|ui se reeoininande par ce double mérite.
loi. ROIlIvRT. — .\ge présumablo des monuments celtiques, étjibli d'après des monuments do
môme niilure, dont il est principalement fait mention dans In Itible, fuisiinl suite i> • l'Inlcrpn^.
tatioii iialiin>lle des pierres et des os travaillés par les habilaiils prin - ' ' : '
docteur K. Iliuii nr. Iii-H" de J4 pages. — Avant-pro|H).s. (^iir.iclére -
pierre d'nrigino colti(pio et liébratipie. .Menhirs, cromlechs, dolmens, tu rou-
vertes, galgals. Couteaux de pierro, haches celtiques, chênes druidiqui>s. M.i. iii.ii-> m- .m-rt*.
15:1. ROSSIGNOL. — Monoorai'MIKs conununnles ou éliiile ' ' ' '' • ■ -' ■■
taie du ilépartemenl ilu Tarn, p.ir Ki.ie Rossiunoi. .
d'archéologie, membre de plusieurs sociétés saMiiile>. \'t<
d'une Ciirtndu canlcui do (Uidalen. De* planches represeni ,,
de l'église di< i!adalen, lu reli(|uairo de l'égliso de l.jdH-.'vMere , | lavurm »ur boisswnl
\M\. 2l»
202 ANNM.rS AnCllI^Ol.Or.IQUES.
(liHSériiifK^ps (liiris lo loxlo. — C.onsidrriilions ^;<'Mirnil(s sur li* (l('>|Kirli>nii-iit «lu Tarn, a|M'n;u
liJ8(oi'ii|iic l'I ({(!n;{ni|iliii|ii(*. Arrun(llssi>incnt de (iuilliic, ainloii dt- l^ilalcii, a|K<ri,'ii lil!i(orii|u<].
Communes do Cndalon, de Técou, do Liibcssiùre-Candeil, doii Uniiggcg, d'Au^Mc, do Fénol» ot
do ['lorcnlin. Iiii|)(irlatico rclalivo dos r.omimiiios, mesures anciennes, docuiiieiiLs. Histoire de
l'ai^hayo de Camloil , do l'ordre do CKoaux, au diorow! d'Allii ; rondaiion (xir siècle;, jinvi-
lé;;es, faits aoconiplis dans le Lin-çuodoc depuis lo xir siècle jus<|u'à l'an 1790, biens et revenu-i,
haute et basse justice oxorcoo par les aljbés do tlandeil : documoiits. — Cotte première partie
se composera do quatre volmiies cpii cotnprondroril les cantons de Cordes, de Vaour, de (^»-
loln;iu-(lc-Monlmiral, do Salvagnac, do Itabasten-; ol do Lislo. — Cliaque volume 7 fr. .'iO c.
154. KOrAlU). — l'iiAN(.ois I" chez M"" do Hoisy. Notii'c d'un recueil de crayons ou portraits
aux crayons do (uiilour, enrichi par le roi François l" de \ers et de devises inodiles. apparte-
nant à la bibliollièquo Mojanes, d'Aix, par M. RouAim, bibliothécaire, correspondant du mi-
nistère de l'inslruclion publique, ln-4» de vii-86 pages avec 12 portraits choisis, lithographies
on fac-similé. Extrait d'un « Kecueil ». — Ce remarquable volume sort des presses de Perrin,
do Lvon. L'origine et l'exécution de ces portraits remontent aux années Ibl5-1324, premières
du règne (lo Trançois !'■'. M. Kouard est l'un des plus siivants bibliolhocaires de France, et
l'un des plus heureux dans ses docouvcrl^'S 1 1 ses publications. Ce nouvel ouvrage apprend
beaucoup do faits curieux sur cette curieuse époque de la renaissance l'j fr.
loi). SUCILMX. — (iAi.KHiE biographique du déparlement do la Haute-Saône, par L. SuciiAfx,
membre do plusieurs sociétés savantes. In-8" fie xxiv-424 pages. — Ce volume contient quatre
cent vingt-sept notiies, dont deux cent quarante inédites, classées par catégories de dignités,
de fondions ou do professions: ministres, ambassadeurs, pairs de France, sénateurs, députés,
membres du clergé régulier ou séculier, magistrats, jurisconsultes, savants, ingénieurs, ar-
tistes, agronomes, historiens, publicistos, professeurs, littérateurs, médecins, chirurgiens, vété-
rinaires, militaires. — Journées remarquables de la Révolution française (de 1789 à 1804).
Table chronologique do nos diverses assemblées nationales ou législatives depuis 1780. 8 fr.
156. TAIlBft. — CoLLixTioN dos pointes de Champagne, antérieurs au xvr siècle. Romanckro
do Champagne, par I'rospi:r Tardé. Cinq volumes \n-8° de 350 pages environ chacun. —
Premier volume, chants religieux : oraisons, les patrons de la Champagne, les noëls de la
Champagne. — Deuxième volume, chants populaires : Champagne et Champenois, chansons
d'us et coutumes, mariés et mal mariés, récits et légendes, (louretles de Jouvence, chansons
de métiers, études zoologiques, vendanges et chansons. — Troisième volume, chants légen-
daires et historiques (420-1550) : fondation de Reims après le déluge, fondation de Reims par
les partisans de Honnis, Troye et Reims, légende do la reine Ursii, légendes des SS. Gorgon et
Nicaise. chansons sur la guerre des barons contre le comte de Champagne (1228-1230). et
sur la sixième croisade, etc. — Quatrième ot cinquième volumes, chants historiques 'IboO-
1829) : Sacre de Henri H (1547), léchant des calvinistes au sacre de Charles l\ ;io6l),
huguenots et catholiques en Champagne (1570-1590 . — Les cinq volumes 40 fr.
157. TÛURN.\L. — Catalogue du Musée de Narbonno, et noies historiques sur cette \illc, par
Tournai., correspondant du niinislèrc de l'instruction publique, secrétaire de la Commission
archéologique. In-8" do xxvi-202 pages. — Notico sur le musée et le palais des archevêques.
Considérations générales sur la période anté-historique. .Monuments anlé-historiques et cel-
tiques. Vases étrusques et grecs. Antiquités grecques et égyptiennes. Épigrapliie : inscriptions
antiques, romaines, chrétiennes des premiers siècles, visigothes, hébra'fques, du moyen âge et
modernes, conqilomonlairos. Kpoque romaine : vasi's funéraires, en terre-cuite rouge et de
divers genres, lampes, marques de fabrique, objets en verre, mosa'iques, figurines, bas-reliefs.
BlHlJOiiliAl'Ilir. D'Alii ET D'ARCHÉOLOGIE. 203
busU's, slatues, fragmonls fi'architeclure. É[)o<|up chréiienne : tombeaux des premiers siècles,
bas-reliefs mérovingiens, chapiteaux roman», gothiques et de la renaissance, sculptures
diverses, sceaux, émaux, objets divers de la Gn du xiv siècle jusqu'à réfto<|ue moderne, céra-
mique moderne. Tableaux : écoles française, espagnole, italienne, flainandc et hollandaise,
dessins originaux, gra\ ures. Plâtres moulés sur l'antique, médaillier, collections diverses, notes.
— M. Tournai a le droit d'être fier do »? musée dont il est réellement le créateur. Son cata-
logue est celui d'un propriétaire qui sait la provenance et l'importance de chaque objet. Quand
ce propriétaire est un savant comme .M. Tournul, on est. sur d'iivoir un catalogue qui est un
modèle et qui s'élève à l'importance d'une histoire 3 fr.
1o8. TOl'HNECR. — Description historique et archéologique de Notre-Daiije de lleims. |iar
l'alibij \ . TofR.Mitn, archipriMre de Sedan, membre du Comité archéologique de l'arrondis-sc-
ment di' Itoims. In-t8 de 60 pages et d'une planche. — Notions historiques: cathédrale de
Saint-Sixic, de Bétause, de Saint-.Nicaise, d'Eblxjn et Ilincmar; cathédrale actuelle; incendie
de 1841, réparations. Villard de llonnecourt, Libergier, Robert de Coucy. Descripliun, no-
tions générales : caractères généraux, plan, orientation, appareils, slatues, dimensions, soli-
dité. Rxtérieur : le parvis, le portail, ensemble, profxjrtions, rez-de-chaussée; porches central,
do gauche et do droite; premier étage, grande rosace; deuxième étage, a Gloria », les tours.
Pourtour de l'église, transepts du nord et du sud, abside, arcades latérales, etc. Intérieur, des-
cription générale et complète I fr.
t59. TOYTOT (dk). — Lks A^ts et les peintures céramiqu(ts, par Kbxest i>e Tovtot. ln-8' de
40 pages. Origine des arts céramiciues. L'art italien. Kaïences de l'.ilissy, laïence? de Henri IL
Les origines de la raïencc française, découverte et commencement de l'industrie céramique à
Nevers. Les classifications de l'art. — Première époque : tradition italienne de 1600 à 1660.
— Deuxième époque : goût persan cle lfi:t(i à 1700; goilt chinois et ja|ionais de 1630 à 1750;
goiit franco-nivi-rniiis de I6'»0 à 1780. — Troisième époque : tradition de Rouen, I70il ii 1789;
tradition de Moustiers, 1730 ii )78'J. — Quatrième époque : goût de S.ixc, 1770 u I7H9. —
Cinquième époque: décadence de l'art, de 178'J jusqu'à nos jours. La rcnais-^ince.
160. \.\LMV ni;). — l.i: Passk ict i.'Avimii m-; i.'.\m;iiiTKCTiHK, piir le duc de Valjii. ln-8*
do 18'.) pages. — Do l'impuissance de larchilecturo coiileiiqioraine. Les lyp-s du beau. I.es
types de convention. Les types de la renaissjince. Résumé et conclusion. t-Atrail du rap|Hirt de
M. lo surintendant des beaux-arts. Ëtymologie ou explication de quelques termes aiïeclés |«r-
tirulièrement à l'arcliiteclure. — Le pas-é et l'iivenir de l'architeclun» est la plus lielle question
d'art qui puisse se pu>er aujourd'hui. Amant passionne de l'architecluR' grecque, .M. le duc
do Valiny ne reconnnlt do beau dans lu passé ol n'admettra comme be.iu dans l'avenir que l'art
original de Phidias ou l'art de Palladio, qui en est la bouture. Pour lui, l'an i ^n
de vices et l'art ogi\al plein de dè^iuts que teuiperi'iit assez, mal (pielque^ .-.
•M. Il- duc de Valmy appelle pour la Knince un stylo original, et il mot uuo médaille do 4,500 fr.
au concours entri" les architectes c|ui \c)u<lraient roiinulor un code d'.in'hitiviure et inventer
un si) lo nouveau. Mais, comme .M. Ie<luc de Valmy decl,iivi|ue l'art grec est l'alplui et roin<kga
du beau, il n'y a plus rien à trouver; il s'agit seulement d'appliquer ce qui esiitle. Ce
concours sciait jti^é (xir r.Vcadémie des beau\-nrls, |K)ur In consoler vi
perdu ileniièreiiienl s.i pernicieu.s»» iiilluence sur les jeunes elcxcMl'' If ■ t>le I
et l'humeur nous manquent pour discuter avec M. le duc de Valmy •
ipi'il nviince et ses projets de reforme. Celte ilisciissinn seniii ■■ ■ .iiuni- ..u i ..us
sommes aux deux pôles cohtrnire-', et la reiiconlr»' n'i«sl |>a« i *. si nousfdi««ms
(les réserves de tiiiile espèce sur les idi'vs de M. le duc de \iiliiiy, nuu.o n'en f.iiM>ns «ucunr
sur lo st\le de son livre : il serait dithcile cl.. i....i>,.. .1..- ..i.. in- .l..ff..- ..| une dicliuu
204 ANNALKS Anr.ni?oi,or,ior KS.
|ilii>) rraiu-.li(t ol [iliis lini|iiiJr. Il csl rc^icHLililu (|ui- iJcs qu;iliie-> illl'^■<l rcfllis quo raros soient
inlsi>s iiii sorvIcR (J'iiin) cau^e (jui nous |)arjlt iiiuuviiiM?, ul ilulinitivr-muiil |>iTduu 3 fr.
■Itil. \ lALI.I-:!'. — Ai'i-:(n;u sur los Anibons ou los Juhr'-s. do leur origino, ilolour dmlinatlundans
la lilursic callioliquo; — une mnssc de Nolil auv \iii'. xiv, xv cl \\\' siècles; — «slalial» de
la crt't'lie; — ('(joiiui; (U- Ipuc décadence, par L. Viai.i.et, ineinhre de la Socii-U'- des leilre*,
sciences cl arls de l'Aveyron. In-H" do iH pages. — M. le dDcIcur Viallel dom.mdo la eonser-
valion du jubé do Uodoz, (|u'on xeul absolument enlever. Nous e.«|)érons cependant que
M. Viiill(4 ot ses nomliroux adliéronls finiront par l'emporter sur les Tanatiques de la destruc-
tion, qui sont aussi nombreux et poul-étro encore plus |iulssants.
Wtî. VIALIdir. — lioi iMKMs |i(.iir servir ii l'iilsloire des hôpitaux cl des institutions cliari-
ritables, exislanlou ayant existé en Rouergue, en I7!)0, par le docteur L. Viallkt, membre
de la Société française d'arcbéologie. In-8" de 16 pages. Belle question, dont il faudrait faire
au moins un gros volume pour le Rouergue seul.
16:î. VniîT. — fviLDKs sur l'Iiistoirc de l'art, par L. Vitet, membre de l'Académie française.
Quatre volumes In-IS. ensemble x\viii-n)20 pages. — Première série, antiquité, Grèce,
Rome, Bas-Empire : Pindarc et l'art grec, les marbres d'Eleusis, tiouvelles fouilles a Eleusis,
projet d'un nouveau musée de sculpture grecque, .Mhènes du xv au wii' siècle, la collection
Campana, monuments antiques de la ville <rOrange, les mosaïques chrétiennes de Rome, l'ar-
chitectiiro byzantine en France. — Deuxième série, moyen-âge : N'otre-Damc de Noyon, l'ar-
chitecture chrétienne en Judée, l'architecture du moyen-âge en Angleterre, l'architeclure
lombarde, l'église S;iint-Cuuiherl ;i Cologne, les monuments historiques du nord -ouest de la
France, le Musée do l'bôtol de Cluny, l'orfèvrerie r.'ligieuse au moyen-âge, l'art et l'archéologie,
M. (Charles Lenormant. — Troisième série, temps modernes, la peinture en Italie, en France
et aux Pays-Bas : Raphaël ii Florence, Fusiache Lnsueur, les peintres flamands et hollandais,
J.-L. David, Paul Delaroche, Ary Schedor, la chapelle des Saints-.\nges par Eugène Delacroix;
peintures murales, peintures de Saint-Vincent-de-Paul et de l'Hôtel-de-Ville. — Quatrième et
dernière série, temps modernes, arts divers, musique religieuse, musique dramatique : De la
théorie des jardins, des nielles et de l'origine de la gravure en taille-douce, les arls et les
artistes en France au xvr siècle. Essai sur les anciennes notations musicales de l'Europe,
histoire de l'Iiarmonie au moyen-âge, de la musique théâtrale en France, de l'harmonie pra-
tique et de l'harmonie scientifique, la musique mise à la portée de tout le monde, Rossini et
l'avenir de la musique. — Les quatre volumes ou séries 12 fr.
4 64. VOGÙft (de). — Lk Ti:.mpi.u de Jkius.m.km. Monographie du Ilaram-Ech-Chérif, suivi
d'un essai sur la topographie de la Ville- Siiinte, parle comte Mklchior de Voglé, membre de la
Société impériale des antiquaires do France et de plusieurs autres sociétés savantes. Livraisons
1 et 2, in-folio de .32 pages de texte, orné de gravures sur bois et de 16 planches, dont o colo-
riées, qui représentent des détails de la mosquée d'Omar, des vitraux du xvi« siècle, le plan de
la mosquée el Aksa, etc. — Sommaire de ces deux premières livraisons : Description géné-
rale du Ilaram-Ecli-Chérif. murs d'enceintes, portes, substruclions, histoire du temple, des-
cription de l'ancien temple. — « Le Temple do Jérusalem » comprendra quarante planches
in-folio, avec texte, gravées par les meilleurs artistes. Les vitraux, les mosafques, les faïences,
seront reproduits on couleurs. L'ouvrage sera complet en cinq livraisons. Aucune livraison ne
se vend séparément. — Prix 100 fr.
PAR :
/ffiiiiu ftitr ti ffinitt .
KIVF.K ET PHINTRMPS, DF.WX VKNTS, SIX PHKHIKUS MOIS
1.1
raM. /wr <a;rfi« .-.I. /*,- X* //.viiimfw .'■'/P*"/*^/^
MOSAioii: i)i: soru
St ITE '.
Les mosaïques formant le pavage des bas côtes icpréscnlent des médail-
lons circulaires traces par des lignes qui se croisent et s'entrelacent sur
deux rangées parallèles. (Iliaque médaillon est occupé par une plante,
par 1111 animal, ou par le buste d'une figure liumaine. Les vides ou inter-
valles qui séparent les médaillons sont remplis par des ornements de fantai-
sie, noirs et rouges. Le tout est encadré dans une double bordure composée
d'une torsade que flanque une ligne crénelée, noire et rouge. Je vais pas-
ser en revue chaque médaillon, en commençant par le bas côté gauche
de l'église, celui qui devait être au nord. Les deux premiers contiennent
chacun une brebis marchant, face h. face; puis viennent deux poissons, deux
coqs, deux chèvres, deux autres poissons et deux chiens. Les médaillons qui
suivent contiennent des figures humaines représentant une partie des mois,
des saisons il des vents. Je reviendrai sur ces ligures, parce qu'elles deman-
dent à être examinées à part; je continue donc. Au-dessus, se voient deux
quadrupèdes noirs détériorés (chiens ou chats-tigres?), deux poissons, deux
boucs ou chèvres, deux coqs, encore deux poissons, puis deux béliers. Tous
ces animaux sont affrontés; ils marchent <>u s'avaiicciil l'un vers l'autre. I^s
poissons nagent comme s'ils étaient dans leur élément.
La seconde nef latérale (bas côté méridional) est complètement ctjuvcrti'
par la mosaïque, sans que l'on puisse distinguer s'il y avait près du sanctuaire
un endroit réservé pour le « diaconicon » jilacé ordinairement en cet endroit.
On peut supposer (juc le diaconicon occupait smilemcnt , dans cette petite
églisi'. rabsidiolc iii(!i(|iii'e sur le plan général, relevé d'aprè-s le dessin do
t. Voir l(<s u Annules Arcliiiologinuos », vol. xmii. p. J78; vol. sxiv, p. S.
XXIV. 27
200 ANNAi.iis Aiif:iii;oi,or;ioL'KS.
M. Tlioliois, aiT.liiloctc allacliô h la mission de M. Renan. Ce plan a éli; piibli<î
dans le voluiiiu WIIl des (( Annales Arcliéojogiqnes ». pa<?c 27H. Quoi (ju'il
en soit, les figures de ce côlé, pareilles ou analogues h. celles du roté sep-
Icnlrional, sont, en commençant par le haut : deux poissons, deux faisans,
deux larges feuilles trilobées, deux (5I(5pIianls. deux |)oissons, deux oies, deux
grenades, encore deux oies et deux grenades ; puis les bustes des autres mois.
saisons et vents; puis enfin, deux poissons, deux éléphants, deux couples de
plantes altacliées ensemble, deux faisans, deux poissons et deux béliers. Il
faut noter que les coqs du côté nord sont remplacés, au sud, par des faisans,
et ([III' ce côté sud a non-seulement des éléphants et des oies qui manquent au
nord, mais encore des feuilles, des fruits et des légumes qui ne se trouvent
que là. Le côté nord ne présente que des animaux et des bustes humains.
Tous ces animaux des bas côtés, sans être très-remarquables sous le rap-
port du dessin, sont exactement faits ; si le pavé était intact, on les reconnaî-
trait facilement à la première vue et sans hésiter. Mes connaissances en his-
toire naturelle sont trop i)ornées pour que je puisse faire à leur endroit aucune
remarque sur les races et les espèces ; je ne saurais même désigner les pois-
sons par leur nom particulier. Je ferai seulement observer que ceux-ci ont
tous cl peu près la même forme ; je n'ai remarqué de dilTérence que dans la
couleur, les uns étant rougeàtres et les autres blanchâtres. On peut en voir
de pareils sur une mosaïque découverte à Constantine et transportée au Lou-
vre ; magnifique tableau d'une belle conservation, représentant le triomphe
de Neptune et d'Amphitrite.
Tous ces animaux sont en repos, ou, du moins, aucun ne court. Tous sont vus
de profil et tous se regardent. Sous ce rapport, on peut comparer la mosaïque
de Sour avec celle de l'église de D'jemilah, découverte en Algérie, où l'on voit
des quadrupèdes (gazelles, cerfs, brebis, bœufs, etc.), et des bipèdes (faisans,
paons, colombes, etc.), debout et de profil dans des médaillons circulaires
entourés d'ornements. Ce motif se répète dans les trois nefs de l'église,
en sorte que le pavé de cette basilique, dont la fondation peut remonter au
quatrième siècle, présente plus d'uniformité que celui de l'église de Sour,
comme aussi il paraît être d'une ornementation généralement plus riche, bien
que d'un très-beau style ^.
Je reviens aux médaillons contenant des figures humaines en buste, genre
d'ornement très-fréquemment employé [)ar les Grecs de l'antiquité et ceux du
1. M. Albert Lenoir a publié un fragment de ce pavé dans le premier volume de !'« Architec-
ture monastique », p. 245.
MOSAIOLE DE SOLR. 207
Bas-Empire. A ce sujet je rappellerai, en passant, la belle mosaïque d'Italica.
près Cadix, où les bustes des Muses sont mêlés avec des animaux, des
courses en char, des groupes de personnages, etc. Les bustes du pave que
nous étudions représentent la personnification des douze mois de l'année, des
quatre saisons et des quatre principaux vents; j'examine d'abord les mois.
Les inscriptions qui accompagnent les mois nous apprennent que ce sont
ceux du calendrier macédonien introduit en Asie lors des conquêtes d'A-
lexandre.
Ces mois s'appellent et s'écrivent ainsi :
iïo;. — 'Kr.iùalai. — AOôvivaïo;. — ïlEfiTio;. — AOot(>o;. — SxiOixo;. — 'Apn|iivio;. — Aoioto; ou
iéaio;. — nàve|io;. — Aûo;. — l'opitiaïo;. — 'l'TiEfïîîraïo;.
Le mosaïste n'a pas tracé ces noms a\ ec une jiarfaite exactitude. On verra.
en comparant la liste que je viens de donner avec les gravures ci-jointes,
qu'il a commis des fautes d'orthographe aux deuxième, troisième, onzième et
douzième mois, dont il a écrit les noms comme il les prononçait. 11 faut remar-
quer aussi que le cinquième mois (A-Jcrpoç) a perdu son nom, c|ui a été brisé.
M. Alfred Maury iiidi(|ue, dans son petit travail sur les calendriers de l'anti-
quité'. un autre calendrier pareil h. celui dit Macédonien; c'est l'KpIiésien.et il
ajoute ([uc le premier jour du j^rcmier mois (aîo;) correspondait au 2'| sep-
tembre. L'année commençait donc vers l'équinoxe d'automne ; aujourd'hui
encore, les Grecs ont conservé l'usage très-ancien de commencer l'année
ecclésiastique au premier septembre. Le calendrier syro-macédonien , qui
figure éguloiiient parmi ceux pulilit's par M. Main-y. désigne h's mois par les
mômes noms que les calendriers dont je viens de parler; il diflère cependant
de ceux-ci, en ce que » Hyperberelicus » s'y trouve le premier mois. Or, il
n'y a rien de syriaque dans notre mosaïque, môme sur ce point, cl llvpcrhe-
rclaius, place ù la lin de l'année, rappelle ce proverbe dos (irecs, dont parle
Suidas, où l'on doime le nom de ce dernier mois ji ceux (lui agissent trop tard.
Ne disoiis-uDUs pas aussi, en parlant de quelqu'un en relard, « il arrive
comme saint Silvcslrc >i. parce que nous faison>^ mcnuiire de ce saint le dernier
jour de l'année?
Toutes les figures des mois de notre pavé se ressemblent, ou n'ont cnlro
elles (juc de légères difi'érences. Je ne distingue rien (|ui les caractérise au
poini de vue des saisons dans les(juclles ils se Irouvcnl. Si le troisième (.Vudy-
neus) a la tôle envelnppéo et semble faire presscni'i- mi.' t.iuii.'r.iiinv fioiil,-
I. " Aiinimiro do In Société iK's aiUi(]uain<!) » pour t8.1l.
208 ANNALES AnCHfiOI.OGIQUES.
ou pluvieuse , je ne vois pas que ceux qui devaient figurer des mois plus
cliauds aient inic [jjiysiononiie plus riante. l'urietli {« Do nuisivis ") raconte
avoir vu à Honic, ou aux environs, une lij;tne du mois do juin, provenant d'un
pavé en mosaïque ol fiKurée sous les traits d'un jeune homme à la fleur de
l'âge ; mais ici on |)oiii rail in diiv aiitaiil di; pres(|ue toutes les têtes des mois.
car elles sont jeunes el, à l'cvceplion do ilctix, louips imberbes; toutes, liors
une seule, ont la tête iiuo. Il y a beaucoup do jeunesse, do vie, de calme cl
mC'mc de gaieté dans ces ligures des mois, f.e sou! AYATNr.o^, mois d'Iiivcr.
osl triste, morose, maigre, assez rorlomont barbu et coiiïé d'un chaud capu-
chon.
Les saisons commencenl par l'Hiver, XEIMEPIINH, placé sans doute avec
intention après le troisième mois, qui doit correspondre à cette division du
temps. Les ancnons figm'aieiil f|uolqucfois l'hiver sous les traits de l'roserpine,
tenant un Ihyrso. 1/iiivor, (juc nous voyons ici, peut passer pour une femme :
elle a la lèlc enveloppée comme pour se prémunir contre le froid ; elle tient
un objet qui ressemble à un long vase, à une espèce de fiole. L'idée attachée
à cet attribut m'échappe '.
Le Printemps, akimnii pour r.AlMNH, vient ensuite tout naturellement ; il
tient une corbeille de Heurs, attribut qui n'a pas besoin d'explication. Il porto
une couronne qui doit être également de fleurs.
L'Été a son nom détérioré ; il en reste assez cependant pour restituer
0EPINH. Ce mot et le précédent n'étaient peut-être pas employés par les bons
écrivains, mais ils se trouvent dans Cosmas. Des espèces de cornes, des épis,
sans doute, sortent du front de cette jeune Céros ailée.
L'Automne se disait ordinairement Ml'.TOniîPON. Ici, la figure qui repré-
sente cette saison est désignée par le mot megoiip. finissant avec une abré-
viation, sans que l'on puisse savoir si la désinence est en H comme aux autres
mois. Le thêta, mis à la place du tau. permettrait-il de voir le mot MÉ0Y.
(jui rappellerait les vendanges faites en cette saison ?
Les quatre figures des saisons sont jeunes, imberbes et ailées. L'Eté et l'Au-
tomne se distinguent par des ornements dans les cheveux et aux oreilles. Les
ornements des cheveux doivent être, comme nous venons de le dire, des épis
pour l'Été, et peuvent être des pampres pour l'Automne. Le Printemps porte
1. En janvier, en plein liiver, le Verseau tient une «amphore » pour désij^ner la saison des
pluies, la saison aqueuse. Ce Janvier, au moyen âge, est ordinairement figuré par un Janus, un
liomme à double tùte, qui boit et mange assis à table près d'un bon feu. Ainsi donc, que cette
amphore de la mosaïque de Sour contienne de l'eau ou du vin, il semble que cet attribut est bien
lelui qui convient à l'hiver. {.Xole de M. Didron.)
PAR UUHiON A l'ARIS
)
MOSMl^UJil ID]B1 S©TOi.--i.j.\G-CDTE SUD
ETE ET AUTOMNE . DEUX VENTS . SIX DERNIERS MOIS
/iif/ir' f,lr /A\Avw. ;■,', mr .t'.' fXlniiiii^H. .f.'t-'''^iUl
mosaïque de SOUR. 209
une couronne de fleurs, tandis que l'hiver est coiffé d'un chaud capuchon. Il
n'y a donc aucun doute sur le sens particulier de ces divers attributs.
Les Vents sont représentes à moitié nus; leur épaule droite est seule cou-
verte d'un manteau. Ils ont sur la tète deux petites ailes, attribut de la
vitesse, et, de leur bouche, sort un souffle rapide comme un trait. Mais.
caractère de l'art antique, ce souille ne leur fait pas gonfler les joues, afin que
leur visage ne soit |)as déforme. Au nombre de quatre, ces vents sont désignés
et orthographiés comme il suif :
NQTOC — niiAi'KrAr, — bopeac — iiiPOQC.
Nolos, le vent du midi; Borée, lovent du nord; Eurus, de l'est; tous trois sont
bien connus. Le second est sans doute « Aparctias » , ([ui figure dans la rose des
vents chez les anciens ; il devrait tenir ici la place du vent d'ouest pour com-
pléter les quatre points cardinaux, car je pense (jue c'était l'intention de celui
qui a placé ici quatre figures des vents. Mais, comme la rose des vents varie
dans ses dénominations chez les anciens et au bas empire ', que parfois l'est
se noimne Boréo et le nord Aparctias, je n'essayerai pas de donner des indi-
cations plus précises. On peut voir des figures de vents pareilles h. celle de la
mosaïque sur un monument du nuisée des antiques, au Louvre : c'est un frag-
ment connu sous le nom de « Planisphère gréco-égyptien de Bianchini »; il a
été découvert à Rome dans le siècle dernier.
Ce qui caractérise spécialement ces figmx's des vents, c'est le soufllc qui
sort de leur bouche; car pour ce qui est de leurs petites ailes, implantées
sur le front, ils partagent cet attribut avec Mercure - et avec d'autres dieux
ou génies, que leurs fonctions obligent d'être toujours en mouvement et d'exé-
cuter rapidement les ordres des grands dieux. Deux de ces génies ainsi coif-
fés, qu'on me passe l'expression, se voyaient dans le nuisée Napoléon, parmi
les objets rapportés de la mission de Macédoine, sur un sarcophage romain
provenant de Nicop(>|,is •*,
J'ai parlé dans les « Annales Archéologiques » (I. \V et WII) île |)liisieurs
pavés-mosaï(|ues de France, d'Italie et d'autres pays. J'ai fait remanpier, au
sujet de ceux contenant des labyrinthes, la tradition (pii reliait le moyen Age
îi ranlif|uité. Je ferai la même observation au sujet des médaillons, do forme
encore anli(|ue, de la m(isaï(|iit' de Sour, représenl.wil les Mois, les Saisons et
<. Cf. i'ouvnigo do M. ilr Sarilunmi sur la • (lottmoKrnpIiio au moyen àgr ».
î. Lo pliinispliùro (li> lljiiiu'hitii on ulTrc un oxom|ilp.
3. N" iS du cululoguo.
210 ANNALI^S AltOlIKOLOGIOLKS.
les Vciils. o( je rappellerai le pavé-mosaïque de la cathédrale d'Aostc, publié
dans les o Annales ». t. XVll, sur Icfiiie! on voit l'année personnifiée (« An-
nus 11), tenant le soleil et la lune cl entourée des douze mois ( << Januarius »,
etc.) ; puis le pavé-niosaïqnc (|ui ornait autrefois le sol de l'église abbatiale de
Sainl-Henii, à Reims, où li{;uraicnt les quatre Saisons (« Ver, Estas, Aulum-
iius, lliems »). les douze mois, les signes du Zodiaque, etc. Ces signes du
zodiaque, sculptés sur la façade de la cathédrale d'Athènes et de tant de
monuments l'ciigieux de noire pays, se voyaient aussi quekjucfois en mosaïque
.sur les pavés des églises, comme à Plaisance, à Lyon, à Saint-Omcr, etc.
N'cst-il pas intéressant de constater combien est ancien et général cet usage
dos chrétiens de mettre les signes et les divisions du temps sous les yeux de
ceux qui entraient dans les églises ? C'est qu'aussi les prêtres devaient con-
naîlre le cours du temps et le calendrier, ainsi que l'explique G. Durand dans
les derniers chapitres de son « Rational ». Or, les prêtres surveillaient et diri-
geaient jadis la construction des églises; ils donnaient en outre et surtout les
indications nécessaires pour leur ornementation, et nous savons avec quel
goût, avec quelle intelligence ils remplissaient celte importante mission.
Jtr.ii-N DUliANI).
ïïfSTOIRE
DE LA PEIMLKE SIK VKKKE
KN ELUUPE
AIM'KMJICK A l/IN ll'.ODl Cl 1()\ '
En tenniiiaiit l.i piMile ('tiidc des clôtures de fenêtres en pierre que nuus
avons faite dans «l'Introduction » , nous avons dit qucUjucs mois, sous forme
de note, sur les clôtures en nacre remarquées h. la cathédrale de Cîoa (Mala-
bar), par M. le contre-amiral l'Ieuriut de Langle. Il était bon de signaler ce
curieux système de fermeture des fenêtres en Asie ; mais il n'y avait pas lieu
i|i' nous appesantir sur ce sujet, qui rentre fort indirectement dans le cadre de
ce travail. Cependant, celte note si courte nous ayant valu l'honneur d'une
lettre pleine de renseignements nouveaux, signée d'un nom bien connu dans
les sphères oITicielles du commerce et de l'industrie, nous croyons devoir faire
partager cette bonne furtuno à nos lecteurs :
« Paris, févrior I8C4.
Il MonsieiM' ,
<i Dans l'intéressante histoire do la peinture sur verre en Europe que les
Il Annales Archéologiciues n publient, vous signalez les coquilles de nacn*
parmi les matières employéi-s pour clori" le-; fi-nélres et voua au signalez que
rc\cnq)Ie de la cathédrale de Goa.
I. Voiries II Aiinulc<) ArcliOulogiquus >, vol. \\in, p. 43 ot 101.
212 annaij:s Ai(f;ifi:oLO(;iQui:s.
l'iiiiiolloz-mfii (le vdiis (lir(! qu'il y a des exemples iioml)rcux de l'emploi
(je CL'S (-(Kiiiillcs
iiC'c'lait lo devoir des d(''l(''p;iii''.s du luiuislèrc du coinnierce, allacliés k la
ruissioii en Cliine de iHI\'6h 18/|G, d'étudier loulee qui se rappoilail à l'indus-
Irie cl au commerce ; j'étais uu de ces délégués. J'ai remar(|ué l'importation de
coquilles de nacre de diverses sortes; j'ai dû en rechercher l'origine cl l'c^mploi.
(i Cela vous explique, monsieur, (|ue je me sois occupé plutôt de la matière
que de la fenêtre où celte matière était placée ; et, comme le commerce de ces
nacres présentait d'ailleurs peu d'intérêt, je ne m'y suis pas arrêté longtemps.
« On se sert donc, en Chine et dans i)lusieurs pays de l'Indo-Chine, de
coquilles (le iiarr(> pour clore les fenêtres. Ce mode de clôture n'est employé
(|iic dans les maisons chinoises, et seulement dans le midi. On fait usage de
papier au nord et en Corée. L'emploi du verre est encore à présent très-res-
li'cinten Chine, quoique sa fabrication y .soit fort ancienne.
«Ces co(inilles de nacre ne sont pas celles de Vavicule perlière ^ ; elles
sont colles du jilacnne [jjlacuna placenta). On les appelle en chinois li-hoh
ou mimj-i/ii.
(1 Elles sont apportées, pour la plus grande partie, des îles Philippines où
elles abondent. On en pêche aussi beaucoup dans la baie de Tamblegam.
I)rês de Trincomalie, à Ccylan.
« Ces coquilles valent à Canton de J5 h 20 f. les dix mille.
<i Elles sont plates et peu épaisses; on les amincit, on les taille en carré,
i>t l'on en fait de petites vitres blanches, solides, légères, translucides, qui ont
environ dix ou douze centimètres de côté.
(i La fenêtre est de bois ; elle porte un châssis de bois, ordinairement de
bois de bambou ; les petites vitres de nacre sont clouées sur les baguettes
horizontales de ce châssis. Ces tablettes de nacre sont imbriquées, je veux
dire qu'elles sont i)osécs les unes sur les autres, comme les tuiles de nos
toitures.
« Cette clôture est solide , et les vitres laissent pénétrer un jour assez vif
dans les maisons ; vous faites, au sujet de l'ancien emploi des pierres spécu-
laires dans le midi de l'Europe, une observation très-juste, qui s'applique
également à l'usage des coquilles de nacre dans le midi de l'Asie.
« Voilà, monsieur, tout ce que je me rappelle et ce que j'ai trouvé dans
mon journal de voyage, au sujet des coquilles de nacre qui vous intéressent.
Vous pouvez publier ces renseignements, si vous le jugez utile.
I. « La nacre de cette coquille est employée à la fabrication des objets de tabletterie ».
HISTOlKt: DE LA PEINTURE SUR VERRE EN EUROPE, 213
«Voulez-vous me permettre d'ajouter une observation relative aux clô-
tures? Vous ne citez que celles faites de bois et de pierre. Il y a en Chine
un grand nombre de clôtures de fenêtres en terre cuite. On fait de terre cuite
vernissée plusieurs types qui peuvent être réunis pour former différents dessins,
et le plus souvent des méandres ; la clôture de la fenêtre est donc composée
de plusieurs de ces pièces assemblées. Les jours sont souvent fermés avec les
coquilles de nacre.
H Je vous prie d'agréer, monsieiu'. l'assurance de ma considération dis-
tinguée.
a Natalis RONDOT,
■ Ancien d«:Ié(;ué du mini^tAre du commerce, aiticM
à la minîun do France eo Chine. ■
Cette nacre, irisée par les rayons du soleil, doit être d'un effet charmant
appliquée ainsi à la défense et à la décoration des fenêtres dans l'extrême
Orient. Nous comprenons facilement que son emploi . si peu coûteux , soit
encore préféré à celui ilii verre, plus fragile et d'un prix beaucoup plus élevé.
Mais le verre est transparent et la nacre ne l'est pas. Il est vrai que, sans
aller en Chine, nous verrons bientôt que l'usage du verre, dans l'architecture
domestique, fut assez restreint en lùirope jusqu'à une époque avancée du
moyen âge, et que le papier, connne au nord de la Chine et en Corée, a été
longtemps en faveur dans nos contrées.
l'!ii rniillclanl li' ;j,i;uiil oiivragi- de Pierre Le Vieil sur la peinture sur
verre ', nous avons trouvé un passage relatif à ces mêmes clôtures en coquille
(le nacre, et dans lequel il est question, en outre, d'écaillés de crocodiles et
de tortues pour le même emploi. Ce fait nous a semblé a.<sez intéressant pour
être rapporté ici, bien que les voyageurs qui l'ont signalé ne méritent pas.
disent certains érudils, une entière confiance.
Voici ce passage du livri- de I,r \ ii'il :
« Nous ne mantiuons pas d'exemples de coquilles employées aux fenêtres
au lieu de carreaux de verre. Les Ja|)onais, dit M. Vosgicn -, se servent, au
li(Mi (le vitres, de grandes ro(|uilles cprils tirent dos lies Le(|uios, où il s'en
fait un grand commcrci'. M. labbé Prévost' dit que les Chinois emploient.
I. 1 1.'Arl eli< l;i |)i<liiliiri> sur vi<rro ol dti la vilri'iii' ». par P. I.k Vikil. — <774. — l" nat1i<>.
I>. II. — (('.i>lli<('lii>ii ili'.s aitsi<t mt'licrs, à In llit)liotlii't|iio iiii|M>riali>.)
i. 'I l)i('lionnain< géographiqiip portnlif • ilo Vohgikn, au mot • l.t<<|ui«) •.
;i. Il lli-ilniro (les voyiij;i>s », iii-lî, 1719, l. XX, livr. I.
« M. l'ablHi (lo Miii'.sy, « lli.stuiru iiuiilcrno •, Pari:), 1754, l. i", p. 96. parlp »una\ ■: - •
lires dos fciiAtri's du» Chinois; p. 4i8, do culli>!) dra Cocliindiinois ; o( I. iv, p. St, do l'usagv où
XXIV. ââ
2Hi . ANNALKS AHCIIÉOLOGIOUES.
dans la constniclion de leurs hàtimonls, l'ôcaillc d'une grosse liuilrc que l'on
prend dans le canal de (^lian-To ; que les Portugais les Iravaillent avec tant
de finesse, (in'ils les rendent propres à lenir lieu de vitres aux fenêtres. »
Nous profilerons de cet <i Ap|)cndicc » pour dire quelques mois sur les clô-
tures en pierre de la cathédrale de Constantine (Algérie) et qui nous ont étd
signalées dernièrement par un de nos amis. M, Charles Prat, juge de paix à
.leniniapcs.
Cette cathédrale de Constantine est une ancienne mosquée dont la splen-
deur a été fort amoindrie h la suite de sa transformation en église catholique.
Les murs sont couverts d'arahcsques et de légendes enroulées, en relief et
coloriées. l,;i prininn; est récente, mais elle doit être conforme îj celle qui fut
appli(|uée à l'origine. Dans un espace déterminé, le fond sur lequel repose cette
ornementation est pei'cé à jour, de manière à figurer une fenêtre. Les ara-
bcscpics ainsi découpées se continuent au delà de cet espace ajouré sur le mur
plein. Les ouvertures pratiquées de celte façon ont été garnies sans aucun
goût,' depuis la conquête, avec du verre de couleur qui, très-probahlement du
reste, a remplacé un système de décoration semblable, mais mieux compris.
('.oiiiiiK! on le voit, la combinaison adoptée dans l'ancienne mosquée de
Constantine n'a pas d'analogie directe avec les exemples que nous avons publiés
dans «rintroductionn et elle ne forme pas de clôtures proprement dites, dis-
tinctes de l'agencement général de l'édifice.
Les grilles en pierre appliquées à la fermeture des fenêtres, sont fréquentes
en Orient. La Turquie, la Perse et surtout l'Egypte en offrent de nombreux
spécimens, comme le prouve un grand ouvrage que nous avons sous les yeux,
ouvrage composé de planches d'ornementation exécutées d'après des motifs
orientaux K Dans le nombre considérable de gravures dont se compose ce
recueil, nous avons remarqué plusieurs fenêtres avec clôtures en pierre ou en
marbre. Ces clôtures sont formées de grands et magnifiques rinceaux découpés.
sont iictuollemcnl los Indiens do se servir à cet effet de carreaux d'écaillé ou de nacre, qui tem-
pèrent l'éclat du soleil sans trop afTaiblir sa lumière. M. l'abbé de La Porte, dans le iv tome de
son « Voyageur François », ajoute que les écailles de crocodiles, ou de tortues, ou de nacre,
employées à la fermeture des fenêtres, en rendent la lumière plus agréable par la variété de leurs
couleurs. Il parait que cette variété de couleurs sur les vitres a toujours beaucoup flatté; car l'au-
teur de !'« Histoire moderne », t. v, p. 268, rapporte qu'à Batavia, capitale de l'ile de Java, les fenê-
tres dans la chapelle du gouverneur sont formées par des vitrages de toutes espèces de couleurs
(qui y ont été vraisemblablement importés par les Ilollandois, maîtres de cette isie). ...»
(A'oles de P. Le Vieil.)
1. « Recueil de dessins pour l'art et l'industrie », gravés par E. Collinot et Aoalbert de
Beauuont.
HISTOIRE DE LA PEINTLRE SIR VERRE EN EUROPE. 213
laissant passer le jour par de larges ouvertures. La pierre est sculptée comme
à Conslaritine, et, chose remarquable! certains détails, certains feuilles ont le
même caractère que l'on constate dans l'ornementation adoptée à l'époque
romane en Kurope. Quatre de ces clôtures, en marbre blanc, décorent un
tombeau au Caire ; deux, une mosquée de la même ville ; une autre se trouve
dans un tonil)eau monj^ol k .Sultanieli, en l'erse, et une autre encore à Diar-
bekir, en Mésopotamie; celle dernière est en pierre. Lne fontaine du Kiosque
de Hussein-Pacha, sur le Bosphore, offre une coupole surbaissée avec des
fenêtres ogivales découpées de la même manière.
Le même alhum lums montre aussi de bien curieux exemples de vitraux,
mais dont le dessin et la description sont si insufllsants. qu'il ne nous est pas
possible d'en donner une idée complète.
[^n vitrail du collège du Scliah, à Ispahan, est composé d'ornements, de
fleurs et d'inscriptions. Le fond général est jaune, les fleurs bleues et rouges,
les feuilles vert clair, et au centre, les lettres jaunes sur fond bleu. Le tout
doit être d'un elfet douteux et d'un ton un peu cru. H est regrettable que le
dessinateur n'ait pas fait comprendre la façon dont cette ornementation est
exécutée sur le verre, et, en outre, qu'il n'ait pas indiqué si les morceaux de
la matière transparente sont encastrés dans du plomb, du bois, du fer, ou du
plùlre comme dans les vitraux de la mosquée d'Omar. aux(|uels d'ailleurs ils
ressemblent beaucoup.
Une cloison du palais des Quarante-Colonnes, k Ispahan, est décorée d'un
vitrail représentant, connue le précédent, des ornements et des fleui"s; mais
plusieurs comparlimenls se composent simplement de combinaisons géomé-
triques formées par une sorte d'armatmc en bois qui retient des fragments
de verre non peints.
Kniiii. il existe à Ispahan uu système de décoration de fenêtres tout ;i fait
dilVérent de ceux (|ui ont été décrits jusqu'ici : l'ouverture proprement dite
est vide, mais l'encadrement en pierre sculptée h. jour est garni à l'extérieur
de verres colorés. Au-dessus et au-dessous du catire , est prati(|uée une
large ouverlme en forme de frise, et elle est ornée d'une suite de rosaces en
verres de couleur dont les morceaux sont retenus entre eux par une armature
en fer.
L'usage du verre étant jissez ancien dans les pays orientaux, il n'est pa,s
douteux (jue ces vitraux soient indigènes; mais il reste .'i établir leur date,
ce qui est dillicilf. les renseigncniiMils domiés par les auteurs du recueil
l'-ianl très-incomplets. Toutefois, nous pensons que s'ils ne sont pas \ jwu
près contemporains, ils ne sont pas non plus antérieurs au wii* siècle, t^uanl
210 ANNALES ARC1II^;OLOGIOL' F.S,
aux clôtures en pierre, il faudrait avoir sous les yeux les monument.'; qu'elles
décorent poin- (Hablir leur àtçe.
Un mode do clùtiire spôciaicincnl familier à rKgypti'. mais qu'on retrouve
un peu parloiil on OrionI, ost le « moucliaral)y ». On nomme ainsi les treillis
do l)ois (|in' dtjfondcnt les fenêtres en formant avant-corps h l'extérieur,
Tiiiitùl II' « moucharaby » est parlifiiiior h chacune des croisées d'une con-
struction, tantôt il est commun à toutes celles d'un môme étage, de façon k
l'ormor une galerie enlièrement cluse, sauf quoique; ouvertures ménagées de
di.slaucc CM distance j)Our introduire une plus grande quantité d'air et de
lumière que n'en peuvent donner les petits trous ronds, en losanges ou en
lignes brisées, (inni lo • innncliaraby » est percé. Ces clôtures en bois, sur-
tout lorsqu'elles sont particulières h chaque fenêtre, sont d'une grande
élégance. Comme elles forment avant-corps, elles ont des supports en me-
nuiserie finement découpés, et quol(|iicfois elles sont divisées par de petits
cloclictons également en bois d'un travail exquis.
L'étude des clôtures do fenêtres chez tous les peuples offre un grand inté-
rêt. Mlle niérilerail d'être longuement développée et formerait certainement
un cmii'iix livrr; mais nous sommes obligé de nous arrêter maintenant, sauf
à revcnii- pins tard siu' cette question dans un ouvrage spécial.
ERRATUM.
Dans l'Introduction, et à propos d'une clôture on plâtre, une distraction
nous a t'ait iiiottre rAlliainl)ra à Cordouc au lieu de le placer à Grenade. Nos
lecteurs auront fait avant nous la rectification que nous croyons devoir ne pas
omettre cependant, à la suite de cet « Appendice ».
CIIAIMTP. E PREMIER.
VITUMX BL.VXCS DITS " INCOLORES ».
I
Le vitrail blanc, dit « incolore » ou « unicolore* », représente l'idée la plus
simple qu'on puisse se former des clôtures de fenêtres en verre. Son carac-
tère spécial consiste li être compose exclusivement de verre blanc, non peint,
et toute sa décoration est constituée par les baguettes de plomb qui en
réunissent les différentes parties.
Les grisailles peintes ne peuvent être rangées dans cette catégorie de
vitraux ; car le trait au pinceau, l'émail dont elles sont revêtues, en font un
système h. part que nous étudierons dans les deux chapitres suivants.
Jusqu'il l'époque où la fabrication du verre en feuilles de grande dimen-
sion no fut plus une exception ou môme une impossibilité, le système le plus
rudimenlaire qui pût être applifiué aux vitrages non colorés devait amener
forcément un assemblage plus ou moins élégant des morceaux de la ma-
1 . Ceci 03( uno question do mots qui n'ii pns une (;rando importance, mais sur l.iquellc ccpon-
(lacil il est lM)n d'iiisislor. I.a qualification (l'Miicolorc" donnoo jusqu'ici îi ros vitr.iu\ ■ ' V
impropre, car le Idanc est une vériUible couleur, mieux encore, la dilTuiiion de toute» !■ ; -
On lo sait, lu lumiùre, qui est blanche, produit les sept couleurs du prisme lorsqu'elle o»( décom-
posée; c'est elle qui a la propriélé do f.iiri' |MiaUre les objets roup-;, lileii- 1' > .1
est rouge, par exemple, lors<|u'il lédrcliil un rayon rouge et nlxiirlx' le-, rayon .•(
autres. Par conséquent, un morceau do verre blanc nous semble tel, |tarce qu'il n^n{V:hil indi*-
tinctemenl tous les rayons lumineux sans en absorlxT aucun. Si donc le terme de • incolore >
n'("<l pas exact, celui do <i unicolore • ne l'est guère plus; il (iiudriiit lruu\er un mot qui Ht
comprendre l'idée do toutes lescouleum fondues en une seule. Mais, comme nou.-! ne nouji char-
geons pas d'inventer ce mol. nous nommerons les vitraux dits «incolore!^» simplenient : < vitraux
blancs ».
218 ANNALES Anrill'iOLOr.IOL'F.S.
liiTc Ir.'iiisparciil*,' pom- occuper un espace df^lermim-. De celte nécessil*^
esl sorti un genre de vitrail oITranl un véritable intérêt, cl dans lequel l'art a
souvent donné la main îi l'industrie, car le plomb destiné h réunir les frag-
ments de verre all'ccta qucUiucfois, grâce à sa malléabilité, les lignes les plus
gracieuses et les plus contournées. Le style et le goût de chaque époque se
montrent en rullcv dans le modeste vitrail de verre Itlanc, comme nous essaye-
rons de le prouver avec les dessins qui accompagnent cette étude. Certes, on
peut bien dire que l'esprit d'un individu, d'une nation ou d'un siècle se
prouve dans les plus petites choses : si on peut presque juger un homme non-
seulement à la manière dont il parle, mais encore ci celle dont il s'habille, il
est au moins aussi facile d'apprécier par les monuments la valeur des diffé-
rentes périodes qui nous ont laissé des exemples de vitrerie proprement dite.
Autrefois, la question d'art avait le pas sur celle du confort; aujourd'hui,
c'est le contraire : quand on vitre les ouvertures d'une maison ou d'un palais,
on s'empresse de profiter de la facilité avec laquelle on fabrique des feuilles
de verre d'une grande étendue pour garnir les fenêtres de carreaux immenses,
fragiles et d'une uiiilonnité désespérante. Nos croisées sont fermées, mais
elles ne sont pas décorées. 11 est vrai que l'œil peut aisément plonger dans la
rue sans èlre gêné par la multiplicité des lignes noires produites par les
plombs; en outre, la lumière pénètre plus facilement dans l'intérieur des
appartements, ce qui a son mérite; mais il est possible de tout concilier, et
nous chercherons à le démontrer en terminant ce chapitre. Le moyen âge et
la renaissance faisaient tout avec le goût le plus exquis, même les marteaux
de porte, les serrures et les clefs, choses si laides maintenant ; le moyen âge
seul avait trouvé le moyen de rendre la vitrerie intéressante, et, par une
simple combinaison de plomb, il a su transformer une industrie en art véri-
table. Les siècles suivants, au lieu d'être en progrès, ont amené une déca-
dence (jui n'a cessé d'augmenter, et pourtant, peut-être devons-nous regretter
les dilTcrents systèmes de vitrerie employés aux xvi"', xvii* et xviiT siècles,
si peu élégants d'ailleurs et ressemblant beaucoup trop à des dallages, mais
préférables encore à nos carreaux contemporains.
Bien que la découverte du verre soit fort ancienne, et que, naturellement,
le verre blanc ou vordàtrc soit l'aîné du verre coloré, cependant ce verre ne
fut pas employé de prime abord à la fermeture des fenêtres. On commença à le
tourner en vases, en coupes, en plats et récipients de toute espèce. La fabri-
cation en était devenue assez vulgaire chez les Romains, les Grecs et les Phé-
niciens; antérieurement môme, les Gaulois en connaissaient l'usage. Mais il
semble évident qu'on ne dût pas négliger longtemps l'emploi de cette mer-
HISTOIRE DE LA PEINTURE SLR VERRE EN EUROPE. 219
veilleuse matière, si utile pour clore les ouvertures des constructions civiles.
Cet emploi ne fut pas général dès le principe, assurément; il l'était à peine
vers la fin du xv- siècle. Toutefois, il est k présumer que la vitrerie des fenêtres
dans l'architecture domestique remonte, comme usage très-restreint, à une
époque reculée et qui a suivi de près le temps oii on a commencé h. produire
des objets de toute sorte en même matière.
Le vitrail blanc a toujours été bien plus spécial aux constructions civiles
qu'aux églises; car, dans ces dernières, le vitrail coloré doit être d'un usage à
peu près aussi ancien que l'application du verre à la fermeture des fenêtres,
tandis que celui dont la mise en plomb constitue l'unique mode de décoration
y fut introduite titre d'exception; exception répétée fréquemment, il est vrai,
et, dans l'origine, pour des causes particulières que nous ne tarderons pas à
examiner. Cependant, d'une part, les exemples de vitraux civils incolores nous
font con)piétcment défaut avant les temps modernes, et cela se comprend
aisément, une maison n'ayant pas la longue existence d'une église; d'ailleurs,
les réparalions successives subies par les constructions anciennes de cet ordre
qui ont survécu ont fait disparaître les clôtures primitives. D'autre part.
Sauvai, et après lui d'autres auteurs, P. Le Vieil entre autres, parlent,
comme d'un fait exceptionnel et éminemment luxueux, d'ouvertures closes
avec du verre blanc au xiv° siècle. ïi\ pourtant les exemples de vitraux blancs
étaient prescpie comnnins dans les églises dès le xii* siècle! Mais Sauvai et
Le Vieil, faibles autorités du reste, le premier surtout, sous-cnlendaient peut-
être un verre parfaitement blanc, cjuand la fabrication ordinaire no produisait
qu'une matière assez grossière et fortement teintée.
Le Vieil, seul auteur qui ait traité la c[uestion de la vitrerie d'une façon spé-
ciale, sans l'approfondir et sans avoir étudié les monuments, donne pour
raison à l'exclusion du vei le comme moyen de fermer les croisées des nuii-
sons l'usage, Irès-connnun en France, du papier pour cet objet.
Ce système do clôtures en pa|)ier, peu coûteux .sans doute, était singu-
lièrement grossier et fragile, et en somme fort ridicule ;"i ime époque telle que
les xvr cl wii" siècles, où il était encore en faveur. Le Vieil donne des dé-
tails curieux cl son jugement, (|ui l'est peut-être davantage, sur ces clia^is
de papier; on nous pcrmctira donc de reproduire ce qu'il tiit Ji ce sujet ' :
i.'nsai^e de garnir ili's châssis de fenêtres de carreaux de papier huilé
n'a pas toujours été propre aux vitriers exclusivement. \ Lyon, par oxomplc,
cette occupation fait encore de nos jours une jiartio du métier des cl)ar|H>nlicr:$
4. Voir lu tn* partie <l« !'« Art do poindre sur vrrrc b, |<iir I'. I.r. \t>:iL, rliaptiro vi, p. 135.
220 ANNALES Alt(;iir:()LO(JIOUES.
([iii façonnent le bois des crois(';es, et les garnissent de papier concurremment
avec les vitriers. A Paris inùme, vers la lin du dernier siècle, ceux r|ui les
garnissoiont ainsi étoient connus sous le nom de « chassissicrs n, et le vitrier
qui rcparoil ou ncttoyoit les vitres des croisées de dedans des salles du l'alais
et déjicndances laissoit au « cliassissier » le soin de renouveller les doubles
croisées en papier.
« Les châssis garnis do jiapier étoient autrefois fort en usage dans Paris,
où il est très-rare d'en trouver encore, si ce n'est dans les ateliers des peintres
et des graveurs. Ces châssis tenoieni les appartements plus clos et plus sourds
contre le Imiil du dehors
« Il n'y avoit |iiiiiil <ln lieu d'étude ou de communauté religieuse qui n'eût
des doubles châssis garnis de carreaux de papier. Ces châssis tcnoicnt lieu de
rideaux contre l'indiscrétion de la curiosité du dehors ou du dedans.
(( L'usage d'y insérer un rang de carreaux de verre parut l'approprier par
la suite à la profession de vitrier; ils demandoient de la part de ceux qui les
garnissoient beaucoup de soins et de précaution. On en jugera par leur appa-
reil que nous allons décrire.
« On employoit alors du papier d'Auvergne « bon », c'est-à-dire dont les
feuilles fussent entières, sans tache d'eau et sans « trous de grattoirs ». Ces
défauts, qui se rencontrent dans le papier « retrié », le rendent impropre à
cet usage. Le papier d'impression est préférable, comme moins « collé » :
trop de colle empêcheroit les matières grasses et onctueuses, dont nous ver-
rons qu'on se sort pour donner au papier plus de transparence, de le péné-
trer également
« Cette mince garniture de châssis, qui. exposée à la pluie, au soleil et au
vent, ne pouvoit résister à leurs attaques plus d'une année, et par consé-
quent devoit être renouveliée tous les ans, occasionnoit plus de dépense que le
lavage ordinaire des carreaux de verre collés ou mastiqués ; et c'est, je crois,
ce qui n'a pas peu contribue à en proscrire l'usage de la part des plus ména-
gers. Par rapport à d'autres moins sages, et sectateurs des modes, le recueil-
lement que l'usage des carreaux de papier sembloit perpétuer, n'entrant point
dans le goiit de frivolité, de dissipation ou de luxe qui les animoit, ils les ont
fait disparoître, comme ils l'ont fait à l'égard des vitres peintes et des vitres
en plomb. »
Les clôtures en papier huilé ou graissé paraissent donc s'être maintenues,
en France du moins, jusqu'à la fin du xvii' siècle et concurremment avec les
clôtures en verre. Du reste, c'est tout au plus si les carreaux en papier ont
complètement disparu de certaines maisons très-pauvres dans nos campagnes.
IlISTOllii: l)l-; LA l'l::iMCRE SUR VKRRE EN EUROPE. 221
Mais cela no prouve nullement que le verre ne fût pas d'un usage très-fréquent
aux fenêtres des riches habitations dès le moyen âge. après avoir été appli-
qué d'une manière restreinte dans l'antiquité. Vers la fin du xV siècle seule-
ment, sa fabrication se développa .-ingulièrement avec l'établissemenl par
Louis \l, en J'ifi7, de la corporation des maîtres vitriers.
La question d'ancienneté de rem|)loi des vitres aux fenêtres des maisons
préoccupait beaucoup Le Vieil ; il se livre dans son ouvrage à une assez
longue discussion sur ce sujet, en examinant l'opinion des auteurs qui l'ont
étudié avant lui, et surtout Bcrneton de l'erin, qui. dans sa » Dissertation sur
l'art de la verrerie », publiée au mois de novembre 1733 par le «Journal de
Trévoux », avance que " les iMançais employèrent le verre à vitres pour se met-
Ire à couvcil (le l'intempérie de l'air dans leurs maisons, dès le xiii' siècle,
et que cet usage était ass(r/. iVé(|uent ». Le Vieil combat vivement cette asser-
tion, assez vraiseml)lai)le pourtant; mais nous allf)ns voir qu'il ne fait pas
remonter au delà du xiv" siècle l'inlroduction du verre comme système de
l'erineture des fenêtres dans les babilalions. et du vitrail blanc dans les églises.
l'diir |nrii\is il l'appui, il cite un texte et un fait intéressants tous deux, mais
pi'ii cnncluants ' ;
« .Selon Sauvai-, d'a|)rès l'histoire de Charles VI écrite par Jean Juvénal
des L'rsins, ce ne fut guère (jue vers la fin du xiV siècle que Jean, duc de
Bcrry, après avoir fait rebâtir magnilKiuemenl sa maison de plaisance de
Bicêtrc •' et l'avoir enrichie de ((uantité de peintures, « pour dernier cnibellissc-
ineiit. y ajouta des châssis de verre qui ne faisoient dans le temps (jue de
connnenccr à orner rarchitectiirc ». Or, celte distinction entre la quantité de
peintures et l'embellissement des châssis à verre est trop sensiblement amenée
par cet auleiu", contemporain du prince dont il écrivit l'histoire, pour que
nous n'y reconnoissions pas sous le nom de » peintures » même les peintures
s(n- verre, et .sous celui de « châssis de verre » les vitres blanches dont l'usage
ne faisoit « que connnencer à orner rarcliiloclurc ».
Il Passons aux munuinents. Je rrois être autorisé à mettre au rang des mo-
ntniienls les plus anciens de vitres blanches appli(|uées aux fenêtres mêmes
des églises, les six vitraux (|iii éloicnt encore en I7<>1 dans la galerie autour
du clneur de l'iiglise de Paris, au-dessus de l;i ceinture du sancluairo. et que.
1. Vi>ir la iir (wrlio (li< l'a Art iU< |M>iiiilri> iiiir vorrt» », — clw|iitn< i", p. ÏOO vt -tuivanlc».
2. « Anlii|uili'>H (lo l'iiris », livr. 7. cit. vn, p. 7î. — Piiris, I7JI.
3. Il C'est pur cornipliiin iiu'on iii)iniiu< tiin-i i-« oliAlcnii ; on dovmil plulùi le nniiintpr Vincmlrv,
(lu nom (II' Jciiii, fv^<|iio do Yiiuprtlcr, on An|{li'lcrn<, h c|iii il iivoil upivirtpnu <iH l'anmv IlOi. >
{Xole lie /'. U Vtul.
wiv. . 29
222 ANNAI.KS AHCIII^IOLOUIOL'KS.
(Il' l'uidiv (lu r||,i|)iiic. j'.ii irmplacr'S par des vitres neuve». Ces t^h vitraux
l'^loipiil (jii vitres i)laiiclies sans auciuie cr)uvcrle de peinture; mais d'une or-
<ionriuiice (|iii annoiiidil le peu d'usaf^e oii l'on r'stftil poin- lors d<' faire d<'S
vilrcsdc (elle siirle. I.i; verre, (|iii en éloil très-blane, avoit ses surlaces on-
dées el lahoieu-es ; leurs coniparliments étoieiil en pièces quarrécs posées
en pointes, cimniie la luzanj^e, d'ini très-mauvais };oùt. Dans un de ces \ilraii\
l'Inil ini seul |)aiiiie;iii ije \erie pi'iiil, dans lequel on (lislinfj;uoil un ecclé-
siasIiqiK! re\èlii dinic (lalniati(|Me, ([ni lenoit dehout entre ses mains le plan
en riévalion dini de ces vitraux l'cmpli de vitres lilanclies. dans le même com-
parlinieut (|iie dessus, seinhioil en faire l'iiiauj^inMlion. Au bas de ce panneau
éloil en lollres noires, siu' un fond du uiéiiu' verre (|ue le restant du \itrau,
nue inscriplion Irè.s-dérangéc dans son contenu, dans laquelle je retrouvai
né'animiins, (>n caiviclères du \i\' siècle : Micliael de Darenciaco, cap — us
lias sex vili'iaiias aniio '.
Il Curieux de retrouver, s'il i''loil possible, la date de ces vitraux, reinar-
f|uai)K\s |)ar le mauvais .ujoùl de leur ordonnance, j'eus recours à M. l'abbé
(liiillnl (le M(inlioi(>, chanoine de Paris, l'un des deux intendants de la
ral)ri(|ii(!. (lonl les soins inl'aligables. la vigilance el le bon goût pour les
réparutions et rembellissenient de la cathédrale, sont au-dessus des éloges
(|u'une pliunc aussi foiblc que la mienne enireprendroit. Aussitôt M. l'archi-
vislo du chapitre lui chargé de recherciicr ce qu'on pourroit découvrir sur le
nom François de ce donateur, sur le rang qu'il tenoif dans le chapitre, et
siu' le leiii|)s aïKjiiel il pDiivoil avoii' fait don de ces six \ili'aux. Les recherches
nous apprireni (|ii'il \ avoit eu un chapelain de Saint-Ferréol dans l'Fglise de
Paris du nom de Michel Uaraiicy "-, très-riche, et qu'il avoit fait en faveur de
cette Église un testament en date de l'an 1358.
I. Cctlc inscription aviiil (Hé remise en place probablement par I.o Vieil lui-même, car elle ne
fut (lcfiniti\cni('Mt cnloviM- qu'en ISGI: l'année précédente, M. le baron de Guilhermy l'avait co-
piée ainsi :
MICIUKI. 111 IIMII-XCUCO CM'liI.LANlS
IIAS SEX MrilIAllIAS A.WO DOMIM
Au-dessous de cette inscription en gothique minuscule, on voyait la date de 1300; mais ce
millésime était moderne el on l'avait figuré en blanc sur du verre bleu.
2. Michel Daiancy avait proijablemoiil pris son nom du village de Drancy, en latin « Daren-
tiacum », situé non loin de l'abbajo de Saiiil-Denis. Divisé en grand et petit Drancy. il faisait
partie de l'ancien doyenné de Chelles. On consultera avec intérêt, au sujet de ce \illage, !'« His-
toire (lu dioci'-se de Paris », par l'abbé I^ebeuf, IToo. — Tome vi, p. 269.
L'abbé Lebeuf ne signale ([u'un seul ecclésiastique (|ui ail tiié son nom du village de Drancy :
« Il ne s'est présenté à nos recherches qu'un nommé Guillaunie de Drancy, qui fut cha-
IIIMOIIiK DE LA IKI.NTLKK .SL U VKlUitl EN ELKOPE. 223
(I On peut donc iiiIVri-r df cf.* monument ([ue l'usage des vitres blanciies,
même dans les églises, n'éloit pas encore fréquent dans les premières années
(lu xiv" siècle. Si l'on cxann'nc surtout la nature du verre qui fut employé
dans ces six vitiaiix. la grossièreté de leurs compartiments, et le mérite que
ce chapelain parut s'en faire comme d'une chose rare, dont il voulut que la
mémoire lui conservée dans le panneau, oii il s'étoit fait représenter, et dans
l'inscription qu'il y avoit fait insérer, je serois presque tenté de croire que les
peintres vitriers qui embrassoient alors les deux arts, présageant dés lors la
ruine que les vitres blanches pourroient causera la peinture sur verre, ne se
prêtèrent pas volontiers ;\ les employer; tant il répugne de se figurer que des
mains si habiles, dès le xiiT' siècle, h traiter les compartiments de toutes sortes
de grisailles en lacis, dont nous avons parlé <;n traitant de la |)einture sur
verre de ce temps-là, dont la plu|)arl des églises de l'ordre de Saint Benoît et
de Saint Bernard, et dont l'/vglise do Paris conserve elle-même des vitraux
dans quelques chapelles au pourtour du clidiir. aveni si grossièrement traité
les vitres blanches dont nous venons de parler. »
Comme on le voit, le principal argimienl dont Le Vii'il se sert pour démon-
trer que le vitrail blanc était à ses débuts au xiv' siècle consiste dans l'imper-
fection (lu verre em|)loyé en celte circonstance, cl dans ce qu'il appelle le
mauvais goût de l'assemblage des plombs. Il s'appuie encore s(n- ce fait que
le chapelain donateur a cru tievoir se faire représenter sin* un de ces vitraux,
accompagné d'une inscription destinée à immortaliser sa mimilicence. Notre
aniein' est singulièrement naïf de ne pas C()m|)ren(in' (pie le bon chapelain a
cédé simplement à un mouvi'incnt de vaniti-, et (|iie son but était, mm pas de
constater l'importance de ses verrières blanches, mais bien de profiter d'une
occasion |)oiir |)ass('|- lui-nn-me à la post(''iiti''. Son cadeau h. la cathédrale de
l'aris est avant tout son portrait, et les vitraux en sont le prétexie. IV-ut-êtiv,
cependant, ces verrières avaient-elles une certaine valem-, mais .seulement en
ce sens (|M'elles étaient formées de verre parfaileiuenl blanc, connue l,c Vieil
l'a consl/ili'. ,iu lieu de verre vtM'dàlre, selon la labiication relativement tléfec-
liiiii-i' (lu moyen ùge. C'est ainsi probablement (|u'il faut cumprendro ro que
Juvénal des l'rsinsdil des n cha.ssjs de verre » du cliAteau de Bicétre. Huant
à la con(lu>ion lin'e de loiil cela pai- l,e Vieil, elle est puérile; elle prouve
(|n'il ne connaissait pas les vitraux en simple mise en plomb des \ii* cl
xm" sii'îdes, encore assez nombreux dans plusieurs églises de France et d'Al-
lemagne, et (pii devaient l'être bien davantage à son époque.
iioiiic (l(< ri'^;list> crAiiMMTo (lu ii'"'|'- '!.■ I |...).- (I .-^i niiinini' |Minni I"- I". nfiii.-nr. ..m.,.
il(Val)lo'« dp l'iililiino fin l.ivrv.
i\ï3ï(iiiL:i;i; iiiii;i[iËDiDtiiiD'D:£î
■',\n DU) Il UN, A l'A m s.
,11
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[.itiris 3 bon
llrs \oir
lires ^Cut
^Miû Tffurt'
ffanfc,
Dessillé par E. Didron.
Gravé par L. Chapon.
FAYKT, GHI.rîOIHS IDl FAIIS, MI' SliSCILÏÏ.
AL' MLSKE ne LOIVRE.
Publié par Didron. 2^, rue S'-Dominique, Paris.
Imprimé par J. Clayc, *. rue S*-Benoîl, Paiis.
HISTOIRE DE LA PEI.NTLIiE SLR VERRE EN ELROPE. 225
Cette donation flo verrières faite à la cathédrale de Paris, au M\' siècle,
par le chapelain Michel Darancy (ou de Drancy). nous rappelle que, vers la
même é|)oque, un chanoine nommé Pierre de Fayet disposa de deux cents
livres parisis pour contribuer à l'exécution de la magnifique clôture du chœur
de Notre-Dame de Paris, ainsi qu'à celle de plusieurs vitraux placés dans le
sanctuaire. L'ne belle sculpture du temps constatait la libéralité du cha-
noine'. Après avoir fait partie du musée des Petits-Augustins, fondé par
Alexandre Lenoir. elle fut déposée au château de Versailles. M. Jeanron,
directeur des musées nationaux, la transporta au Louvre, où elle est encore
maintenant. \ous publions ici cette œuvre curieuse, malgré l'intérêt fort indi-
rect qui la rattache à notre travail.
ÉDOi-Anii DIDUoN.
1. On nous pprmcUra de reproduiro une inlfTPSsante «Ipscriplion de la clOlurc du ctiœur do
Notrf-Dame île l'aris, faite nu xvir siècle par un moine de Sainl-Gerrnaiii-tles-l'n-.-. el (|ui fora
coinprrndre au lecteur la place uccupcc par lu sculpture dont il s'agit :
« Le (ra'ur de l'fCgiiso Nostrc-Danie est clos d'un mur percé ii jour autour du grand autel. Au
haut duquel sont re|)ré.-entés en grands pcrsoniia.i.'OS de pierre dore/, et bien peints, l'Iii'toire
du Nouveau Testament avec des escrits au-dessoubs qui expliquent losditos liistoires.
0 Le grand crucifix qui est au-dojsus do la grande porto du cœur, avec la croix, n'est que
d'une pièce : et le pied d'iceluy fait en arcade d'une autre seule pièce : qui sont deu\ chefs-
d'œuvre de taille cl sculpture.
« Au bas d'iceluy, du coslé de midy, dans la nef, se voit une gr.inde ligure de ia \ ier..e Marie,
faicto d'une seule pièce, ornée d'une rubbe, devant laquelle so font il toutes lieures une infinilé
do prières : ut mosmo l'on tient y avoir esté faici quelque miracle.
« Du mesmc costé, vers lo grand aulel, est une autre ligure de la sustlilo Viergo. nppoloo Nos-
lrc-t)anio do consolation, lîl auprès il y a la (igure d'un areliexcsque : où sont gnivtt'S ces
paroles :
u Noble liomnie (Guillaume de Melun, arclicvesrpie de .^ens, a fait faire cesle lii-i|oire entre ces
« deux pilliors en l'Iionneur do Dieu, do No?lro-Dame et de Monsieur Sainci Eslienne. •
« Kn continuant vers Orient, l'on voit la figure il'un liummo d'église, orneo d'une DiiliiMtirquo,
à costé du(|uel ce (]ui suit est gravé:
(I Malstrc l'ierro de Fayel, clianoino île Paris, a ilonné deux cens livres pour ayder h fain» ces
Cl histoires, et pour les nouvelles verrières qui sont sur le cœur de cenns. •
" (Continuant vers le coslé do Septentrion, vis-ii-vis de la porto rouge riMidiinl du rœur nu
cloistro, l'on void les noms des sculpteurs (|ui ont fait toutes les rigurt>s <)u lourdudit cœur. Uii
près d'une slatile d'un lionnne à genoux les ni.iins jointes sont ces paroles gr.ivees :
« C'est mai>tre Jean Uauy, qui fut nuisson de Noslri'-Daine do Paris, (kir l'e-ipace de \\\i ans,
« et commença ces nouvelles histoires : cl inaistro Jeun le llouteillor les n iwrfailcs on l'an
ic Mcrc.l.l. 0
Voir le II ThéiUre des nnliqujlo/. do P.iris <>, par le It. P. I'. Jacques Du Ilreuil, Pari>ii-n. rvli-
gieux do SiiimU-dermain des Prez. Paris, tG39. p. 10 et II.
Li: STYLi: (M.l\ AL
EN AM.Li:Ti:r»KE Kï E> .N(li;.MA>DIK
J.a iNonnaiidic est sans dnnli' |;i |)|iis lnllc (h'^ provinces de la l'"i"ance. Il
n'en e«t du moins aiuiinc (|iii snii plus lianlc. plu- fertile, plus industrieuse.
plii> liclic. a loiiles les époques, en grands hommes et en beaux monuments.
Aïkiinc n'a eu au moyen à<2;e ime histoire aussi Ijrillante et n'a vécu d'une
vie aussi indépendante. Mais, précisément à cause de cette circonstance, la
Normandie, au point de vue de l'art, se trouve plus étroitement unie à l'An-
gleterre ([u'à la France ellc-nicme ; et, ce qui est singulier, cet état de choses
se coniiiim» près d'un siècle ^n•ès la réunion de la province à la couronne.
peiulanl loute la jiériode la plus féconde du moyen âge.
Après avoir fait l'éducation artistique de l'Angleterre, la Normandie s'est
plus tard laissé entraînera sa suite, au moment même où elles venaient l'une
et l'autre d'emprunter directement à la France royale les premiers éléments
(le l'art gothique. Les deux pays ne doivent donc pas être séparés, quand il
s'agit d'essayer une statistique du style ogival, et c'est alors ;i l'Angleterre
(ju'il app.ii'lieul de llgurei' en ]ir('inière ligne.
D'autres provinces françaises, toutes celles de la région de l'Ouest, depuis
le Mans et Angers jusqu'il Rayonne, ont été. comme la Normandie, gouvernées
par les souvei'ains de l'Angleterre. Mais cette réunion dans les mêmes mains
de pays si divers a été, cette fois, sans conséquences artistiques. On s'efforce,
depuis jjlusieurs années, de trouver en Angleterre quelques traits du styledo-
mical (le l'Anjou et, en Gascogne, quelques traces tout aussi douteuses du
style ogival anglais. Nous verrons, en étudiant le style ogival du sud-ouest de
la France, que ces imitations sont dans tous les cas de peu d'importance.
Ces résultats si différents d'événements analogues se conçoivent aisément.
LE SIYLK OflIVAL. E\ ANGLKTLKHE Kl KN NOKMAN L)IK. 227
D'abord, il n'y a plus de coiuiuête, c'est-à-diic de population qui se trans-
plante avec sa civilisation et son art, mais seulement des successions et des
mariages qui. en concentrant le pouvoir, laissent chaque province à ses tradi-
tions particulières. Il n'y a pas davantage de supériorité constatée et évidente
(l'un pays sur l'antn', en fait d'art. I^es réunions s'opèrent lard, lorsque
clia(iu(; ville a ses artistes et son école, qu'on ne cliangera (»as sans de graves
motifs.
Lnlin, et cette rais(jn doit surtout être invoquée pour la période ogivale, le
voisinage est infiniment moins grand. La mer est devenue dans ces derniers
siècles une barrière et une séparation entre la Norcnandie et l'Angleterre ;
mais il n'en était pas de même au \in" siècle. .Malgré la confiscation qui
s'eiïectua sous Philippe-Auguste et les courtes guerres qui en furent la suite,
elle unissait les deux bords de la Manche, connue le Uhin réunit .ses deux
rives, par la navigation et le commerce. Caen ou Coutances pouvaient donc
avoir et avaient réellement, à en juger parleurs monuments, plus de relations
avec Londres et avec Cantorbéry, cette autre capitale de l'Angleterre au point
de vue religieux, qu'elles n'en avaient avec Paris.
N'oublions pas aussi (|ue la plupart des abbayes et des cathédrales nor-
mandes avaient été dotées, comme les compagnons de (Juillaume, avec les
fruits de la con(|uéte, et possédaient encore de nombreux domaines en .\ngle-
terre. il en résultait de fréquents voyages et .souvent des importations artisti-
ques. Ce qui est certain, c'est (|uc les monuments ugivaux de la Basse-Nor-
niiiiidie sont plus anglais (|ue français par le style.
Il y avait là un sujet aussi neuf (|u'inléressant, lorsque nous l'avons efllcui^
l)oiM- la priMiiière fois, en JSôO, dans une lettre à M. de Caumonl. sur sa sta-
tisli(iue luoiiiunentale du (ialvados '. Depuis et en attendant (|u'uii .second
voyage (Ml Angleterre nous permit de l'approi^judir davantage, le Bév. John
!.. l''iii '. M l'.iikrr % et surloiil M. \iollel-le-l)iic \ ont, k plusieurs repri-
ses, apprli'î l'atlenliou du public archéologue sur une partie des faits (|ue nous
avons .'i présenter aujourd'hui. Il ne sera cependant pas inutile do résumer
CCS faits, de les compléler el de les rectifier parfois, et de leur donner leur
sigiiilicalii)n véritable.
Mous connnencerons par rappeler (iin'. pour le style ronum, l'aimlogic est
4, n IIiiIIkIiii ini)iiuiiii'ii(.il i>. IHr>0, p. 4!l.
i. n Arcliilcctur.il stiidit'.s in l'ïiiiico », I.iiiiiln's, l.sr>V. cli. i, |i. S , «11. \. |i. HO.
3. « Pro;j;rÙ!* ((iiiniiirt»!* <lo liircliiloiMiiro on AnRli'Iorr»» fl on Kmncu •. • liiill. mon. ». tK60,
|i. ixo.
l. Il nii'liiiiiii.iiii' irari'liilci'liiii' 1 II \\ liiii I \ I. II.?
22S ANNALKS AIICII l'OLOCIOL'KS.
(omplrlo et (•(»iisl;iiitc des deux cMrs do la Manche. Il osl vrai que l'Aiiglc-
teric n'avait pas d'archilecture au nioiuonl de la C()iu|uéle ; car les iiirormes
essais des cniistrueloiirs saxons ne nii'-rilenl pas ce nom. Dès lors il était iia-
lurel (|ue. les nouveaux uiailres de la (Irande-Brelaf^nc deuiaiidassent long-
temps leurs artistes à la NOiinandie. Mais ce style roman est uniforme dans
les (lilTércnles parties de rAii^;lelerre ainsi (|ii(! (\i: la N'ormandie, et il n'a (|ue
peu (!(! piiiiils (le eiinlact avec les autres styles romans (|ui se partagent le sol
français.
Il est siipeillu d^'uuniércr ici les earaclères si tranchés de rarcliitecture an-
gi()-nonnaii(le à i'i'poque romane. Tous nos lecteurs connaissent ces plans
simples et grandioses, avec deux grosses tours à la l'açade occidentah; ; cette
excellenli' tli.-posilion des masses architecturales ; cette solidité d'autant plus
grande (|ue li' \ais<eau reiilral n'est jamais voûté. Ou connaît aussi cette orne-
meiilaliun, souvent si ai)oiidante, mais toujours un peu rude et sauvage, pres-
que toute en zigzags, eu damiers, en billeltes et autres moulures géométri-
([ues, "sans figures et sans feuillages, ou peu s'en faut. Klle semble vraiment
(1 taillée au marteau », et non « sciiipliH; au ciseau ". selon la distinction
proposée par M. Parker, d'après le texte de Gervais de Cantorbéry.
Peul-èlie les grands (''ilificcs romans de l'Angleterre sont-ils supérieurs à
ceux (11' la Normandie et généralement plus avancés, parce qu'ils sont d'une
date un peu postérieure. C'est dans la seconde moitié du \f siècle, en efTet,
que se fondent les pi-incipaux monastères de la Normandie, tandis qu'en
Angleterre, la première moilié du siècle suivant est l'époque de grande fé-
condité.
Arrivons vite à la transition, sauf à revenir quand il en sera besoin sur cer-
tains caractères de cet art roman. La transition se présente en Angleterre de
la même manière qu'en Normandie, mais avec plus de netteté dans les dates.
L'ogive y est employée tardivement ; elle est même tout à fait inconnue, non-
seuicmciit au xi' siècle, mais pendant la première moilié, ou tout au moins le
premiers tiers du \ii'. Ou n'en voit i^oint dans les constructions primitives des
cathédrales de Cantorbéry et de Uochestcr. consacrées l'une et l'autre en
1 loO. J-c cliirur de Péterborough. bâti de 1117 à Uùo. les transepts du
même i'"dinci\ élev(\s de 1155 à 1177. la nef d'Lly, qui n'est pas antérieure à
117'i. n'en ollVent jias davantage. A la vérité, ces dernières constructions
ont ('lé faites eu conliiuialion d'ouvrages antérieurs; mais elles n'en prouvent
pas moins combien l'ogive était rare encore et sans influence en Angleterre ;
combien elle y est étrangère au style roman du xn'' siècle, qui, du reste, n'en
avait pas besoin et s'en passe parfaitement pour réaliser ses conceptions les
LE STY[,F: ogival E\ ANGLETERRE ET EN NORMANDIE. 229
plus grandioses et les plus complètes. A la môme époque, dans tout le nord
de la France, de quelque façon qu'un édifice eiit été commencé, assurément
on n'aurai! pas eu assez d'égard à la syi;iélrie pour le continuer sans ogives,
et on userait de même de toutes les autres res.sources du style ogival.
r.orsque l'ogive arrive enfin en Angleterre, elle est employée çà el là, ch
vue de certaines convenances architecturales, mais exceptionnellement. Elle ne
se propage pas vile, parce qu'on en liie d'abord peu de parti. L'église de
Kirckstall, bâtie de J 152 à 1 1<S2, et où l'on s'est seru de l'ogive pour les gran-
des ai'cades qui mellcnl la net' en communication avec les bas-cùtés, a^ long-
temps passé pour le plus ancien monument à dale certaine oii l'on pût con-
stater sa présence '. Malmesbury el Fountaiiis-Abbey en offrent cependant îi la
même place. Mais si Fountains-Abbey, par exemple, a élé fondée en \ 132. on
parle d'un incendie en ll/|(). el mi ajoute que l'abbé John d'York rebâtit son
église en 120/i, depuis les « fondements » '-. Les mêmes incertitudes régnent
sur la dale de M;ihnesbury, car la dernière édition du Glossaire d'architec-
ture ^ fixe à llôU l'époque approximative du « triforium » en plein cintre qui
repose sur les arcades ogivales du rez-de-chaussée, bien que tout Tédilice ail
été bâti, selmi lîickiiKiiiii. ilr 111.") :i 1 l.i!i '.
Les archéologues anglais ont cherché à découvrir (pieUpies ogi\es plus an-
ciennes que celles de Kirckstall dans la rotonde du Sainl-Sé|)ulcre à Nor-
lliamplon. fondée avant 1127, et dans l'église de Saiiit-iîarthélemy de Smith-
licld à Londres (I 123 à lL"i3). NLiis on a reconnu bien vite (pie. dans l'un el
l'autre cas, les arcs aigus ne pouvaient guère appartenir à la fondation primi-
livo-'.
D'aprrs M. l'arki-r'', il \ aurait des ogives anciennes ii Sainte-Croix de
Winchester, fondée cm 1 L'J(» par ili-nry de Hlois, frère du roi lilienne, el dont
la construc.lion s'est prolongée, dil-on, pendant vingt ans au moins. Mais nous
n'avons pas reniar(|ué, pour noire pari, clans celte curieuse église, d'autres
ogives primitives que celli's (pii n''sullcnt de l'inter-serlion des arcs en plein
cintre du li il'oi iiiiii. ru ;i\anl (1rs fenêtres; et. h pro|)remeiit parler, ce ne
sont pas des ogives, (|iioi(pie le doclctn- Milner ait vu là . précisémenl, la
1 Tlio carlicsl oxpinplrs of llio |inintr<l iin-li in Hn);lmul of wliicli thc dau** can
1)0 siitisriuini'ily iiscciliiincil. ii|)|)i<iir lo bo lliu cliiircli of Kirksiall, U<;:un .\.l). 11.5! ami |jn>-»-
coiil priory (livliralcd I Ki'J » ( » (ilos.sjiiio •> ilo l'.\iikhn, cilitioti ili> IHjU, ( i. |>. 3H;,
i. llUKUAN, l'illlioll (II' INI'l!, |l. Il'ii.
3. Il (ilossiiry of turliiloi'liiri' », pl. «cwi
i. lIlCkMAN, p. I.')li.
H. Hir.KxnN. p. i;i9 Pl IfiO.
("i. Un KMv\, ni. ilc> istii. p. Ifi.l.
•2:50 ANNALKS AlUllIKOl.OfMOUKS.
source (II' Ions les arcs aif^iis. Du rcsio , l'é^^lisf de Sainte-Croix, IkiIIo par
un l'raiicais, luonlrc. ronnuc nous le verrous bionlôt, des traces plus positives
(le l'.ul j;ollii(|uc et (le riiinucnce française.
L'ogive ne se nioulre guère eu Angleterre avant 1150. lille n'y devient
r(;elleuicnl habiliiello et syslémalifiuc . elle n'est par exemple adoptée pour
les l'cmMres, ([u'à partir de 1175. après les travaux de Guillaume de Sens, et
encore pas partout, il s'en faut de beaucoup; tandis qu'en France elle est par-
faitement syst(^'mati(|ue lrent(3 ans plus li'it, depuis Sainl-IJenis, dans toutes
les prn\ iiiccs (In domaine l'oyai.'
La voûte d"ur(jtcs sur nervures, autre éi(5ment. plus important encore, du
slyie ogival, serait, si l'on s'en rapportait aux livres élémentaires d'archéologie,
bien antérieure à l'ogive en Angleterre et plus ancienne même qu'elle ne l'est
en l'rancc. ou tlans aucun autre pays de l'Europe. Mais on était tombé à cet
égard dans une iin'piise. liV's-excusabIc à vrai dire, quoiqu'elle semble évidente
aujonririnii. Chose singulière! vers l'époque où l'on couvrit, pour la première
fois, les nefs de Sain I- Etienne et de la Trinité de Caen, de voiites toutes ro-
manes et norniandes par rornemcnlation. mais toutes gotliicpies par l'origine,
on se mit aussi en Angleterre à intioduirc après coup des voûtes à nervures,
non pas sur le vaisseau cenlral. mais dans les bas-côtés des églises romanes.
Occupons-nous d'abord de la Normandie où la (|uestion a été mieux étu-
diée. L'abbaye aux iloninies, de Caen. avait été destinée probablement à
recevoir un jom- des voûtes sur la grande nef, si les progrès incessants de l'art
de bâtir permettaient de les établir solidement. Il suffit, pour admettre la
possibilité de ce fait, de voir quelle épaisseur atteignent les murs et les piles,
tandis que dans des monuments pour le moins aussi vastes, mais un peu plus
anciens, tels (juc Saint-Ccrniain-des-l'rés et surtout Sainl-Remi de Reims,
piles et imu's restent remai'quablemcut minces. Il n'en est pas moins positif
que la nef principale de Saint-Etienne a été d'abord achevée sans voûtes. Le
fait était soupcjonné et à peu près admis depuis longtemps '. M. Parker- et
M. Bouet^ en ont donné la preuve incontestable ,en signalant Tarcature au-
1. Dans son n Voyage arcliéologiquc on Normandie », [niblk^ à Loiidre-: en I8:î6, et traduit à
Caen par l(\s soins de M. de Caumoiil en 1838, M. Gaily-Kniglit disait déjà : « La voiite de la
nef de Sainl-Étieiinc est évidemment normande; il peut cependant se faire qu'elle ait été ajoutée
à une époque plus récente ». El plus loin : « Il y a dans les petites colonnes auxiliaires qui
aident à siipporlcr les voiUcs de Saiiit-Lltienne. dans la manière dont elles sont adaptées et dans
leurs ornements, (pielque chose qui vient donner un nouveau poids à l'idée de l'addition subsé-
(luoiite de la voùle en pierie. »
2. « Mémoires de l'Institut des arcliilectes britanniques», 1863.
3. « lîulk'tiii niunumenlal », I8G;Î, p. 57, et 1S(J3. p. 769.
LE STVLK OGIVAL li.N ANGLETERRE El EN NORMANDIE. 231
jourd'hui bouchée qui règne en arrière des retombées de la voûte actuelle et
qui a cerlaineinent soutenu un simple plafond. Cependant, quand les piles de
la nef furent fondées, on songeait ap|)arenimenl à de grandes voûtes d'arêles
embrassant deux travées, puisque ces piles sont alternativement inégales, en
raison du poids inégal qu'elles devaient recevoir. M. Bouet, dans son premier
mémoire, avait expliqué cette disposition par l'existence d'arcades transver-
sales, placées de deux en deux travées, et soutenant la charpente, comme on
le voit à Cérisy; mais il a constaté, depuis K qu'il n'avait rien existé à Saint-
Étienne d'analogue à ces arcs de Cérisy. Il faut donc s'en tenir à l'hypothèse
des voûtes d'arêtes simples, telles qu'on en voit sur les bas-cùtés. Alors, les
voûtes des galeries devaient aussi être des voûtes d'arêtes simples, et l'on en
voit, en effet, les amorces dans la travée plus ancienne qui est contiguë aux
Iransopts. Plus tard on semble avoir passé à l'idée de voûtes ou berceaux,
comme celles de l'Auvergne ou de la Bourgogne, car la voûte actuelle des
galeries de la nef est un arc de cercle, connnc pour contre-buter ces berceaux.
Mais nous le répétons, toutes réflexions faites, on se contenta prudemment
de plafonds qui n'avaient aucun besoin d'être contre-butés. Comme c'était à
regret, aussitôt que Poissy, Saint-Denis et d'autres monuments de l'Ile-de-
l'rance offrirent l'exemple des voûtes d'arêles sur nervures, à la fois légères
et solides, on s'empressa d'en élever de pareilles sur la nef de la grande
abbaye de Cacn. Mais l'arcliilecle était normand et ne prenait aux monuments
(lu (Imiiaine royal que l'idée des voûtes sur nervures, non leur ornementation.
Toutes les sculptures des voûtes cl des portions de mur ([ui ont été construites
en mêiiio temps sont donc géométri(|ues, sans aucun feuillage, et restent con-
fornii's au style roman de Normandie.
l/abbayc! aux Dames ou de la Trinité, fondée à Caen i)ar la reine Mathilde,
iors(|iic Ciuillamne le Conciuéranl fondait l'abbaye aux Hommes, donne lieu
,iii\ mêmes observations ; avec celte différence qu'il reste seulement quelques
pans de mur do la constructron primitive. Mais, (|uoi(|ue rédiliee ait été re-
manié et embelli à une époipie |)ostéricure, vers le rommencomenl du
xir siècle, il ne comporlait point encore de voûtes sur la grande nef. M. Bu-
prich-Bobert. (|iii restaure cet édifice, s'en est convaincu par des ivcherches
apiirofondies, poursuivies parallèlement à celles de MM. Parker et Bouel. et
(|iu oui abouti au même résultat, sauf pour (|uel(|ues point.s de détail, à
l'égard desquels il ne parait pas en mesure de faire prévaloir délinilivenienl
son opinion.
1 liiilli lui niiimiiiionUil l**'-' !• " ■-
2:i2 ANNAI-KS ARCIlfiOLOCIOL ES.
Dans les environs (1(; Cricn, d'aulnes monuments secondaires, comme le
piioiin; (le Sainl-flabriel, près do Ciriiilly, |)n'nnenl aussi des voùles après
coup. (Jii(;l(|ii('s-uns, moins imporlanis enc<»rc. comme l'église paroissiale de
(îrcuilly ', sont conçus dès i'orijiiine avec des nervures, car ils onl, en plan, des
colunnellcs posées diayonalemcnl. Titus soni poslérir-urs aux voùles de Sainl-
l'ilicnnc iiii lnul au plus cnMliinpdi'aiii^ ; mais aucun n'a (i'Iiistoire cl de (laie
précise. On pcul dire appro.ximalivemcnt ([u'ils nul éti'' hàlis enln- 1l'|0 et
1 !()(). épo(|iic projjablc des voùles de Saiiil-Klienne.
i.n Aiij^lolerre ce u'esl pas sur le vaisseau central, mais dans les bas-cùlés
des églises romanes, que des voûtes à nervures sont ajoutées après coup. Il
y avail (li'jà des voûtes simples, c'est-à-dire sans nervin'cs, au-dessus des
collatéraux des monuments dont il s'agit ici ; et rien M'itidi(|ue (pièces voùles,
de portée Irès-restreinte, man(iiiasscnt de solidité, car les murs et les piliers
son! demeurés inébranlables. !*ar des motifs de pur embellissement, à ce
(lii'il semble, ou introduisit des nervures sous les arêtes des voûtes primitives,
ou Idn remplaça en entier ces voûtes, sans rien changer à la forme et à la di-
l'eclioii des su|i|)inis inrérieius. Aussi, les colonnes engagées qui reçoivent la
retombée des nervures, au lieu de leur l'aire l'ace, conformément à. un usage
très-général et très-logique, se présentent-elles alors par l'angle de leurs bases
et de leurs chapiteaux. Comme on a laissé les arcs-doubleaux en plein cintre
et mémo en cintre outre-passé, ce qui est assez disgracieux, afm de ne pas
modilier les hauteurs d'étages ; et comme les profils des nervures diagonales
sont très-simples, en tore unique, par exemple, l'illusion est complète.
Habitué cependant à voir les chapiteaux faire face aux nervures, je conçus
des doutes sur raulhcnticitédes voûtes de l'éterborough, en visitant cet édi-
fice, car jusque-là je l'avais tenu, d'après les livres et les dessins, pour tout
à lait homogène. M. l'arker, qui avait bien voulu me servir de guide, m'in-
di(|ua aussitôt un moyen d'éclaircir ce soupçon, et, en montant sur la clôture
du chœur, je pus n)'élever ;i la hauteur des chapiteaux. Quelle ne fut pas ma
satisfaction en voyant là (|u"uii antiquaire, aussi défiant et plus autorisé que
moi, s'était penuis de marteler le mortier, à la jonction des nervures avec les
autres arcs, et peut-être de casser une piei're! Dans tous les cas, cette pierre
est cassée, et on constate nettement, en cet endroit et en plusieurs autres, que
les moulures des arcs latéraux, nécessairement pi'imitifs, puisqu'ils suppor-
tent les murs, se continuent derrière les nervures, connue le montrent les deux
cro({uis de la page qui suit.
1. Vovcz la 0 Slalislique monumonlalc du Ciilv-ido» n, par iM. de Cvumont. t. i".
m: style ogival en Angleterre et en Normandie. 233
Il a fallu, contre foute raison, rt^duire k trois centimètres l'épaisseur de la
partie carrée des nervures en arrière du tore, et marteler les moulures posté-
rieures pour que la voûte prit sa forme actuelle.
H" 1. — Mrnvinns ajoitkf.s tpnis coii-.
1
ntTKKnOROUOH.
wi M cil «HT Ha.
rii TlEO^tK') (>■>>■-
M. Viollet-lc-l)uc a donné, dans son Dictionnaire d'architecture', un dessin
de ces voûtes du chœur de Pétcrhorougii. Il fait reniar{|uer la manière dont
le couronnomeiil de cha(|ue pilier monostyle a été morcelé et suhilivisé en au-
tant de chapiteaux (pi'il en fallait pour recevoir les diverses retraites des arcs
latéraux et des arcs-douhleaux, ainsi que les nervures. Il ne doute donc pas
(II- r.iiilhenticité de ces nervures. Kn elTet. il ny aurait prus îi en douter, si la
gra\iin- publiée par le Dictionnaire d'arciiitectiH-e était exacte. Mais, soit que
iM. Viollet-le-Duc ait complété loin du monument un cnxiuis fait h la hàlc;
soit (in'il se soit servi, toujours en la complétant, do quelipu* gravure anglaise
qui n'iii(li(iuait pas la disposition des assises et l'arranj^ement dos joinl.s. il
a l'ail, il col é{j;ard, ce (|ui devrait exister, et nullomont ce <|ui exi.ste. An
lirii (rime lit;ne de joints parfaitement horizontale <|iii sonderait les nervures
diaf^onales aux arcs latéraux, tii iii(ii(|uant qtio les uns et les aulivs sont pris
à leur naissance, dans la munie assise, et dans les mêmes blocs, il y a rvello-
Kicliiimi.iiii' il.ir.lni.'. iiiri' • I i\ i. 10^
2:W| ANNAi.r.s aiu;iii':()I,ogioi:ks.
iiiciil à IVtoil)on)iinli iiii'î soliilioii de coiitiiiuiti';, ;iiis.si iiclle que possible, entre
les nervures cl le reste de la fonslriielii)ii. Klle-s diiI donc été ajoulées après
coup, je le répèle, et les <liapil<'au.\ sur l'angle descpicis elles reposent étaient
déjà iiécossaircs pour recevoir les naissances des voûtes d'arêtes simples. C'est
celle dernière forme de voûtes rprils accusent, «ai- c'est avec elle, et avec elle
seule, (ju'ils s'accordent.
Après !*élerl)oroiigli, nous avons visité Windicsler, puis Uomsey, et, dans
ces deux monuments, les mêmes vérilicalions de l'authenticité des nervures
avaient eu lieu et avaient donné les mêmes résultats. Partout le mortier avait
été enlevé de façon à mettre en évidence le remaniement des voûtes.
A W iiii liestcr, où les nervures rcnionieraieiit au\ dernières années du
XI' siècle, si elles étaient primitives, il n'y en a pas dans toutes les travées, de
sorte que le même pilier, olïrant des deux côtés le même nombre de colonnes
cl le même arrangement de chapiteaux, supporte, d'une part, des voûtes à
nervures et. de l'autre, des voûtes d'arêtes simples. C'est là que l'on voit le
micux.comhien des piliers tels que ceux de Péterborough sont motivés par la
voûte romane, el non jku- la voûte gothique. Aussi, le fait de l'adjonction
après coup des ncrvuns do W'iiiciicster a-t-il été reconnu depuis longtemps.
V.n 18/i(i, an meeliiig de l' Institut archéoI()gi(|UC qui cul lieu à Winchester
même, M. \\ illis, en esquissant l'hisloire arciiilccturalc de cette cathédrale,
disait déjà (pio « les voûtes d'arêtes simples sont de la construction originale,
el que les additions aux piliers, ainsi que les voûtes à nervures, appartiennent
à imc seconde slrucliire^. »
J'avais pensé que M. Wiilis pouvait seul avoir « dégradé » les voûtes de
Péterborough aussi bien que celles de Winchester et de Romsey pour en véri-
fier ranlhenlicité. et je n'ai pas manqué d'interroger sur ce point le savant
professeur de Cambridge. Mais, si je me rappelle bien l'explication qu'il m'a
donnée verbalenient, tout en convenant ([u'il avait fait les vérifications dont il
s'agit, il ne jugerait i)as qu'on dût c!i tirer nécessairement les mêmes conclu-
sions (juu moi. Tout s'expliquerait à la rigueur par l'inexpérience el les tâton-
nements des architectes, sinon de Winchester, du moins de Péterborough.
Toujours est-il que M. Wiilis, le plus compétent des archéologues anglais,
avait des doutes sur l'ancienneté réelle des voûtes à nervures dans son pays,
et que ces doutes, loin d'être démentis par les vérifications qu'il a faites, ont
été au contraire confirmés dans une mesure quelconque. Il faut donc se défier
]. « l'iame tiiis infer tliat tlie plains groined vaiilts are of liie original structure, and
lliat tho additions lo tlie piers togelher uitii llio ribbod vaulls belong to tlie second structure. »
(( Muetiiig de l'Inslilut archéologique à Winchester», 1846. Londres, Longmann; Oxford, l'arker.
LE STYLF: ogival en ANC.LETERRE et en NORMANDIE.
2S5
sinfçulièremcnt de l'anthenticité des ners'ures en Angleterre quand l'Iiisloire
leur attribue une date trr's-reculéc. Ainsi dans la crypte de Glocesler, où elles
seraient comme à Winchester de l'an 1100, on aperçoit, sur la seule inspec-
tion des dessins, que les piliers, d'abord cantonnés de plusieurs colonnes, ont
pris vers le bon côte, lorsque les nervuresont été ajoutées, l'aspect d'une grosse
<ir. mines ajoitkks kt meiixiiiks priuitives.
r- A U U K I D o ■■
colonne monocyliiidri(|iio, dont le chapiteau est à un niveau plus bas. De môme
dans l'église ronde de (laiiibridge, bâtie au retoiu" des premirres croisades
sur le modèle du Saint-Sépulcre, les consoles qui reçoivent aujourd'hui la
retombée des nervures diagonales étaient destinées ù des arcs-doubleaux per-
pendiculaires au bas-côté qui séparait des travées allernalivement carrées
et triangulaires. C'est ce qui fait (|u'aujourd'liui la nervure, carrée en section
et très-ancienne au premier abord, s'enfonce et se perd d'un côté dans la mu-
raille, comme le monire le cro(|uis ci-dessus.
On aurait facilement évité cet inconvénient, si la construction avait été
homogène, en rendant la console oblique.
I.c> premières voûtes à nervures (|ui m'aient paru bien anlhenti(|iies en
Angleterre sont ci'lles de la crypte de Warvick et du " l.avaloriuni » do Cm\-
lorbéry, petit édilice circulaire attenant au graml cloître, l.ii les colonnes en-
gagées font face au\ nervun's, comme c'est en l'rance im usage constant dès
l'origine d<! la voùle gothicpie. sauf des exceptions intinimeni ran's (pii s**
voieiil. p,ir exemple, à Saint-Denis, non dans le choiir. mais dans le narlliev,
non dans tontes les Iravi-es. mais dans une s<'ule et la plus ancienne; encore
les chapiteaux (pn se présentent par l'angle, pour recevoir les nervuivs, sont-
ils molivé^ p;ir im arratigemeni tout parliciilier du pilier et doit vuttlv^n qui
236 ANNAI.r.S ARCIiriOLOGIOLES.
l'uriinnl ('nidoiiiinciit un (3ii.sciiil)l(; li(jmofî<';nc. M;illi<nireusomciil, ni |ioiir
W.iivick, ni |)iMii- 1(! » Lavaloiiiiin » de Caiitorbijiy oii n'a de dates positives.
On sait sculciiicnl ciiic cette dernière conslniclion est postérieure ii l'enseuible
de la catiiédrale, consacrrc en 1 \'M). cl où il n'y a pas plus de nervures (pie
d'()<i;iv<^s.
La (ry|)ti' de la (•allii''dra!(' d'Vink l'I (|iiclr|iics parties dr l'abhaye de Rurn-
sey ollVcnl .iiissi <\i'!> nervures appailenanl à la eonstruclion primitive. Le plan
des piliers, la direction des chapiteaux et l'appareil des relrtinbées de voûtes
servent à le constater. Dans l'abside carrée de Ronisey. les arcs-doubleaux
(|iii manpient la naissance des chapelles prcscnlent k leur sommet deux cla-
\r;iiiN plus longs que les autres, et forment une saillie triangulaire sur laquelle
\iennenl s'a|i|)uyer les nervures k section carrée, dont les supports n'avaient pas
été ménagés dans l;i partie inri''ri(.'nre de la construction. Siu- un autre point
de Téglise. un seul piliei'. construit en dernier lieu, a dos chapiteaux disposés
de manière à faire face aux nervures, qui. par conséc[uent. sont authentiques
dans cette travée '. Du reste la crypte d'Yoï'k et les chapelles de Romsey ne
dateraient. d'ajM'ès le Glossaire d'architecture, que de IIGO environ-, époque
oii le système des voûtes à nervures était depuis longtemps pratiqué en France
sur la plus -ranile échelle et devait iiatin'elleineiit commencer à se répandre
dans les pays eireonvoisins.
Aussi bien, comment la voûte à nervures aurait-elle été inventée en Angle-
leire. où les architectes romans n'en avaient aucun besoin, on peut le dire, pour
réaliser leurs conceptions les plus grandioses et les plus complètes? En ell'et.
ils ne cherchaient pas. connue les nôtres, à voûter les nefs principales; ils se
contentaient, sans regrets, de ])lat'onds lambrissés ou de charpentes apparentes,
et |)arfois. en plein \ii'' siècle, ils ne faisaient pas du tout de voûtes, même
sur les bas-c(Més, notamment dans la belle abbaye de Waltham et dans la ca-
thédrale de Rochcster. Or. quand il s'agit simplement de voûter des bas-côtés,
dont les travées, aussi larges (pie longues, ne dépassent guère six mètres de
portée ; lorsque d'ailleurs on ne se sert pas de l'ogive, la voûte d'arête à la
romaine suffit parfaitement et vaut mieux, à tout prendre, que la voûte gothique
à neivures. Moins ouvragée, sans doute, et par conséquent moins riche d'as-
pect, elle est plus correcte, plus simple, et sa solidité ne laisse rien à désirer.
C'est ce (pic pensaient certainement les artistes qui ont élevé, vers 1170, les
travées occidentales de la nef d'Lly, car ils ne pouvaient point ne pas con-
1. Voyez sur la gravure préccîdcnto, n° 2, ce pilier de Itonisey et un de ceux où les nervures
ont été intercalées, tant bien que mal, derrière les retombées des autres arcs.
2. (1 filossaire d'ArchilecUnr i>. pi. iv.
LK STVI.i: 0(;i\\L E\ ANGLKTKliRK F.ï KN NOIlMANDIE. 237
naître l'exemple tout voisin fie I*(''terborougli, où l'imitation, peut-être irréflé-
chie, des voiite.s françaises avait fait introduire après coup des nervures.
Le premier édifice anglais un peu con-idérable, dont le plan primitif com-
poitc des voùlcs sur la nef principale, est en même temps le premier où on
ait su tirer parti de lu voûte à nervures, si ce n'est pas celui où on la ren-
contre pour la première fois avec une date précise. Mais le ciiœur de Sainte-
Croix de Wiiiciiester dont il s'agit ici a été élevé, comme nous l'avons vu, par
un prélat fiançais et probahlemeni sons une influence française. Postérieur
à la nef, où les nervures ont été ajoiilées, et qui n'a elle-même été commencée
([u'en H36, il est, selon toute apparence, moins ancien (pie le clio-ur de .Saint-
Denis. au(iuel il lie saurait être comparé sous aucim rapport. Il est néanmoins
iiiii;in|iiable en Angleterre par l'emploi raisonné de la voûte à nervures, et
par lasubstitulion. non moins caraclérisli(pic. des cha|)iteaux en feuillages aux
chapiteaux cubiques ou godronnés du style roman de Nonnandie. Toulefois
je ne suppose pas que l'église de Sainte-Croix ait eu |iotn' architecte un Fran-
çais. — Kilo est encore anglaise par trop de côtés. — Mais l'artiste qui en
dirigea la construclioii pourrait avoir été envoyé en l'rancc par Henri de
Blois et s'être ap|)roprié iiK'iiie iiicomplétenieni le sl\lu français d'archi-
tecture.
In l'ait analogue s'observerait à llochester. où l'on a adopté, vers I l.")(l. non
\iiniv Iriisenible de la façade, mais seulement pour la grande porte occiden-
lide, 1(' type français avec statues aux jambages, si difl'érenl des Ivpes
anglo-normands. — De pareilles (races d'inlhience française et gothique se
iitri'iil r;i cl là |)i'n(lant le second tiers du doir/.ième siècle en Anglelentî;
mais tout rc, dont il faut s'élonner, c'est (pi'elles ne soient pas plus impor-
tantes encore, (piaiid on considère d'une part l'évidente supériorité «le Saint-
Denis, ainsi «(U(! de nos premières églises gothlipies, sur les plus belles con-
slruclioiis riiiiiaiKs : il (juand un songe à la facilité, îi la frécpience dos comnut-
iiicalions eiilre l'Aiiglelerre el Paris; quand on voit, par exemple, un évétjne
de Salisbin-y, le contemporain et le voisin le plus prociic do Henri de Win-
chester, exprimer dans une lettre. (|ni s'est conservée jns(|u'à nous, loulo
son admiration poin* Snger. (|u'il compare à Salomon ', et pour l'église de
Sainl-Denis (|u'il dit éln; venu visiler.
I-Miv 1.1 MHNKII.II.
1. Voyez. «Ilins l-Vliliioii, « llisl. ili> Inlilwyo ili< Siiiiil-IViiist », |>. tHl. I.t lollrp ilt» Jo^l «i«
Silli^'liiiiN, i|iii iliili' ili> 1 1 IK.
Il,a aiiilv l'ê lu livrnixon prorluuHir.
APiJîci h;<K\(M.i;Anii()i i:
SUR SAINT nr.Kui: i/r saint pail
SAINT l'ir.liliK S[;i !..
Les deux apôlres enseiiil)l(" icpn'sentcnt l'Eglise romaine, la mère et la
maitics.M- (i(> l()ut(>s les Églises parliriilirros ; par exlension, ils représentent
l'Eglise loiil t'iilirir. C/csl plus piopreineiil et plus directement comme son chef
et son représentant (pic saint IMei're apparaît isolé : il n'est plus seulement
alors le promiiM' luinistrc de .lésu.s-Christ. il est son vicaire et son lieutenant
dans tmitc la l'orcu du tcimc : il lient sa place, il le supplée ; il est le Moïse
de la nouvelle loi et, par excellence, le pécheur des âmes et le pilote de l'É-
glise. Nous allnns successiveini'nt voir runnnent l'art chrétien a rendu à sa
manière ces trois idi'cs capitales.
Saint PiEiiuii pAcniiLu irr batki.ier. — Si l'Église se complaît au souvenir
de la première profession de son chef, ce n'est pas seulement en esprit d'hu-
milité , c'est surtout à raison du sens figuré auquel le Sauveur a donné la
sanction de sa bouche di\ ine : saint Pierre est devenu « pêcheur d'hommes » -,
et sa barque, la figure de l'Église. Sur bi>ii nombre de monnaies pontificales, à
])aitir du XV' siècle, on voit cette barque conduite par le seul pilote qui ait
reçu une assurance certaine contre les écueils et les tempêtes ; ou bien, du
sein de cette barque, le pêcheur sacré jette ses filets pour tirer les hommes
de la mer du monde. C'est aussi, il paraît, du commencement de ce siècle
(juc date, pour sceller les brefs apostoliques, l'usage du sceau connu sous le
111)111 d' » anneau du pécheur ». parce (lu'il représente le même sujet.
1. (I Annales Archéologiques », vol. xxiii, pages 26, 438 et i&o\ vol. x\iv. pages 93 et 161.
i. M vTTii. IV, 19.
AI'ERÇL ICONOGRAPIIIQIE SLI', SAINT l'IEHRE ET SAINT PAUL. 239
Quelle est l'origine de ces compositions? En remontant la suite des âges,
comme œuvre du xiv' siècle, nous rencontrons sou» le porti{|ue de la basilique
du Vatican la célèbre mosaïque de Giotto dite de la « Navicella <>. Nonob-
stant les retouches considéral)les qu'elle a subies, nous pouvons croire, d'après
le caractère de la composition, qu'elle n'a point été gravement altérée, quant
aux parties essentielles. Elle représente proprement le fait évangélique rap-
porté au xiv" chapitre de saint .Matthieu, lorsque les apôtres, montés sur une
barque et assaillis par des vents contraires, virent le Sauveur s'avancer vers
eux, marchant sur les eaux, et que saint Pierre, s'étant mis à marcher de
môme pour le rejoindre, mais ayant eu un moment de doute, commençait à
s'enfoncer. Saint Pierre y est représenté au moment où Notre-Seigneur tend
la main pour le soutenir, et l'on voit dans la barque ses onze compagnons,
diversement impressionnés. La scène, rigoureusement, est historique; mais
son sens figuré est trop connu et trop senti pour que nous ayons besoin de
justifier la place que nous lui donnons.
Si, parmi les œuvres du moyen âge, en dehors des séries de tableaux raj)-
portant la succession des faits conformément aux récils de l'Évangile, nous ne
pouvons citer aucun autre exemple de la barcpie de saint Pierre représentée
avec une signification directement plus symboli(|uo , nous ne l'attribuons qu'à,
l'insutrisance de nos recherches.
Une miniature de notre IJible moralisée, en regard de l'arche de Noé,
inoiilrc biiM une l)ar(|uo ; mais celte barque ne pourrait être considérée
loiniiic étant celle de saint Pierre que dans un sens Irès-éloigné. Saint Pierre
lie la monte |)as ; sur l'ordre de Dieu, que l'on voit apparaître plus haut, il
vient (lu ciel secourir trois chrétiens portés dans cette barque et en danger
d'être sui)mergés. Le texte porte : « Xoé, que Diex délivre de si grand
péril, sigiiefif tout bon chresticn qui persévère en ferme foy, lequel Diex
délivre (li; tout pi'-ril par la fermeté de sa foy », Saint Pierre pci-sonnifierait
donc ici, en quel(|ue sorte, la fermeté de la foi, et en même temps l'aide et la
lumière que l'Eglise, par la fermeté de ses décisions, apporte aux fidèles qui se
ninliciit en elle pour les soutenir et les diriger dans les dangers de celte vie.
La l);u(|Ui' ou le vaisseau se retrouvent |)lus liv(|uemmi-nl parmi les monu-
iMi lits primitifs ; le témoignage de Clément d'.Mexandrie atteste (ju'ils étaient
de son temps fort usités fumiiie emblèmes chrétiens, vl il encourage l'usage
(|n ni en faisait, ainsi (|ue celui de la colombe, du poisson, de l'ancre, de la
piilie '. L (111 ne peut douter (|ue celle barque ou ce vaisseau ne fussonl
I. « I'imIiij;. 11, lili. m, (M|i. Il-, Imkh.im •!•• ' l'-'lri ilinoro ». |>. i'JI.
2/|0 \\\ \i.i:s M;(:iii:oi,(t(iioi ks.
i'iii|)|()\i''s |ii»iir signifier ri'^nlisc ; lo cardiii.il l'itr.i en a n'iiiii dans son spiri-
légcdi's prouves non ôfiiiivoqiios '. Mais co nesl passeuicmeni en souvenir de la
l)ar(|iic (1(! sailli Pierre {|iie l'I^f^lise esl n-pirseiilée sons colle fij^iire; Terlullifii.
(lui a fail celle comparaison, compare aussi ri'iglise à l'arclie d<; Noé -. I.a
(lis|)osilii)ii ([iii a l'ail domier le nom de nef à la parlie principale de labasilicjue
cliréliciiiio esl loin aussi dèln; (''Irannèrc à remploi de ces mêmes figures,
l,i's (liv(!rses significalioiis des eiiil)lèines de la haripie el du vaisseau se
loiiibiiienl, se pénMrenl. se sépaiviil de la inèiiie manière que l'on rencontre
l'iiir à liiiir si''paré ou combiné le souvenir di-s poissons de la miilliplicalion
ûr^ pains, ((.'lui du |)oissoii (|iii se Iroiiva avec du pain sur les bords de la
merde Tibériade loiscpie le Seigneur y apparul après sa résurrcclion. l'allti-
si(<ii aux poissons pêches par saini l'ierre dans les deux pêches miraculeuses,
ou à celui (pril (Hisiil. >iir l'ordre de son divin maiirc. et dans le(piel il trouva
la pièce de monnaie nécessaire pour payer leur tribut, le souvenir encore de
Tobie. mais par-dessus toiil le sens mystérieux de l'anagramme î/O-J;, et
enlin le rapport du poisson avec l'eau, la matière du sacrement de baptême.
Une ancienne pierre gravée, du petit nombre de celles dont le chevalier
de Rossi adiiiel raiilhenlicilé •■*, pierie ([ni. j)ni)liée pour la première fois par
Ali'aiider en fl()2(). et puis reproduite par Foggini, Mamachi et beaucoup
d'autres'', représente la barque iiionlée par trois hommes nus; au-dessous
l'on voil un gros poisson; au-dessus deux colombes, l'une posée sur la poupe,
l'autre sur une soi'le de hauban; à côté, sur les Ilots qui entourent la barque,
apparaît saint Pierre soutenu par Noire-Seigneur avecleurs noms ainsi gravés :
IHC. IIKf.
l'oggini et '\lamaclii reproduisent aussi, d'après Biionarotli •"', un ivoire
provenant, selon toute apparence, de l'antiquité chrétienne la plus reculée.
Ce monument représente une barque montée par trois personnages : l'un
1. « Spicil. Solemn. », 1. m, p. Hil-, 479.
i. Tkut., «de Baptismo», cap. vin, xii; iM.vMACiii, « Orig.elantiq. chri.*t. », I. v, p. 293. On
cilc à cp propos ce passage de la première épilre de saint Pierre : « Qui increduli fuerant ali-
quando, quando expecUibant Dei palienliam in dieljus Noe, cum fabricarelur arca : in qua pauci,
id esl octo anima; salvic factœ sunt par aquam. Ouud et \ os nunc simiies formae silvos facit bap-
tisinus ». Cap. m, 20.
3. « Spicil. Solesmen<i do clii'isli.iiiis inonuiiipnlis », iy.66v e.\liibentibus, p. 363.
4. FoGGiM, « D. Pet. ilin. ». |i. 493; .Mamschi, « Orig. et anliq. christ. », t. i, p. 261.
j). FoGGiM, 0 D. Pot. ilin.», froîiti.^pico, Mam.vciii, o .\nt.chr. », p. 240; Buonarotti, o Osser-
Viizioni supra alcuni niodaglioni antiqui », p. 393; dk Hossi, n Spicil. Soleni. », p. .'iBS. Nous
citons les gravures des deux siècles derniers pour ce qu'elles valent, comme faisant connaitre des
élcnienls icoiiograpliiques, et nullement comme rappelant le caractère artistique des originaux.
APERÇU ICONOGRAF'lllOLE SLP. SAIM PIERRE ET SAINT PALL. 2((1
d'eux jetic un filet et piciid un gros poisson, et la barciue porle écrit sur ses
lianes le nom de Jésus ainsi loi iné : iiicx;.
Il faut rapprocher de ces nionumenls le plus remarquable de tous, la lampe
en forme de i)ar(|iie du musée de Florence, trouvée à Rome sur le mont
C'Jilius. relativement à laquelle nous n'avons d'ailleurs rien à ajouter.
Parmi les peintures du cimetière de Saint-Cali\te, récemment découxerles
par le chevalier de Rossi, et dont la copie est exposée au musée de Sainl-
.lean-df-Lalran. l'on remanpie une sci-ne presque idenli(|ue à celle de saint
Pierre soutenu sur les eaux, tel que le représente la pierre dAléander; une
colombe placée au-dessus rend le rapprochement plus sensible : on y voit
aussi une banpie ballottée |)ar les Ilots et un pêcheur à la li;^ne. sujet (pli se
trouve également représenté avec le mot l\0rc sur une des pierres gravées
jugées aiilhentiqups i)ar M. do Rossi '.
T(nit ce que l'étude îles moniniients a pu nous apprendre, tout ce que nous
savons de l'opinion des hommes (pii ont a|)profondi davantage ces (|uestions nous
a convaincu (pi'à part les encadrements de pure décoration, quelques poriraits,
un certain nombre de signes professionnels et commémoratifs sur les pierres sé-
pui(;rales, il n'est aiicime ligme. admise dans les lieux sacrés oii dormaient les
martyrs et où étaient célébrés les saints mystères, qui n'ait été placée avec un
sens chrétien et pieux -; nous nous croyons autorisé en consécpience à rapportt-r
li saint Pierre des sujets (pii. rencontrés partout ailleurs, pourraient à bon droit
passer pom- insignifiants. Nous comprenons cependant (pie nous ne jetons \uis
personnellement assez de jour sur la (piestion pour entraîner tous nos lecteurs.
et nous mettre en droit de leur demander autre chose que de suspendre leur
jugement jiis([u';i ce riuil leur arrive d'aillems des lumi('res plus ahondanles *.
I. « Spicil. Suicmn. », t. ni, p. iiOG, |>l. ii, lig. 4.
î. Nous lalâjons ii nolro lionor.ibio ol siiviml colhiboralour la r(<s|>on»ibllilii (li< $(»â opinionii m
i('ono;;rn|iliio clirolioniic. Nmis iivuns dit aiilrcruis, (liin-i l'a llisluiro de Dieu », ol (''i'>: n-
vicliiin plus nriolco iiiijoiirilTiiii ciiroro, ipio tous los sujets prinls ou Si'iilptis diins > a-
l)os no sont ni piuux ni iiu^nio cliroiltnis ; bcnucoup d'oniro eux up|Mirtii>nncnl purcmonl à l'urdn*
civil nu siinpIcnuMit h l'iirdrx s(^culi(>r. ot pliHiours procèdent diiooteiuiMU Aon i<l' 1 .1
croyiince n'y est pour ri«n; l'exisliMii'c terrestre y est pour tout. Je nie suis \ol 1.
dit dn pliicitr des iu)les snus les pa^es de M. le comte de S.iint-Liurcnl, ri jo ne veu\ \vt» nuin-
ipier il mil rcsolulion en donnniit ici les pnMivesde mon iissertion qui |Mriill con'- ■ ' «
diiMs une certaine mesure, l'upiniuii de mon cnllaliornieur. je me cond'nte, un<
de Taire (tetle réserve ipii servira |Hiur l'ensemlile du lr,i\ail iin|Hirlanl de M de Saint-t^ureni.
J'apprécie on outre et tres-liaulement lu science fort ingénieuse de .M. le cic" ■'•■•^ ■'■• H ■--
je ne iiio ronds nullement )i toutes les expliciitioim syinl>oli(|U(>s qu'il dunnr
des catacdinltes ou de la liaule .nitiipiiie clin>lienne. ( Xnlr ilt il. Ihn-
't N.iiK l'ioii itiil^ ni-iiii|iiiT ^1 n.itti< n'ili' ili< r.ii.itiirli'ilr AI nOtU n** il"'">li'>|o>"tt,. ,
2/,2 ANNALKS Mif:iir:r)i.(»(,|(.)LK.S.
PllKDICTION l)i; IIKNIKMI'.M l'.T SA HKI' \IUT10\. — l'iinili ll'S Ktljcls \WU
)ioiril)i'eii\ r(''p('li''s si:r les ;iiK'ieiis sarc(i|)liaf;os rlirétions. la prédiction du
n'iiicmciii (II- saiiil l'irrrc osl un de ceux r|uc l'on lonconlro le plus fréquerii-
Mienl, cl M. de Hossi en a n'-cemmcnt publi»'- dans son " Bulletin d'archéologie
clii'i'lii'iiiie » un exemple riiipiiinli' ;iii\ |iriiiliircs des Catacombes. Ce sujet
est ainsi représenté : Nulic-Seigncur lève la main pour marcpier (pi'il parle,
sailli Pierre iiii'l oïdiiiaiiciiiciil la sicmic sur sa bouche pour rappeler ses trop
pn''sompliieiiscs pioiiioses, et le co(|, cet emblème de vigilance, est placé le
plus souv(Mil il leurs pieds, mais (luclquefois sm- un arbre. Cet arbre est
d'ailliMiis (liiii l'eiiilla^e (|iii pcnni'l loujom's de le distinguer facilement du
palmii'r sin- lequel repose le pjii'iiix. et par conséquent d'éviter la confusion
(|iii |iniiiiail en résulter.
Les sarcophages offrent aussi quelques exemples de la représentation de
l'acte môme du reniement, i.e seul qui soit remarquable est donné par l'un
des plus beaux de ces monuments, qui est i)lacé maintenant au musée de
Saint-.Iean-dc-l.alran '. cl oii \e Christ, élevé au-dessus de la figure allégo-
ri(|iie (lu ciel DU de l'eau, fait le dmi du volume. La scène du reniement.
])lacée à l'un des bonis cl sciilpléc avec un faible relief, tandis que la face
|)riiii'ipale (lu sarcophage csl presque de ronde bosse, y prend d'ailleurs un
en bioîizfi (li'convcrt il \ n peu d'iuitKH-s prf's de la voie Appia, dan-; une ancienne petite basi-
lique, l'i. inaiiilcnant conservé an nuiséo Kirclier. La forme d(! ce vase est celle d'une palène
creuse, avec l'addilion d'un lonj; manche, et ses parois inlérieures sont tout entières recouvertes
de figures gravées au trait. On y voit, dans un mi'daillon central, une figure allégorique de
l'Océan el tout aulour une mer remplie de poissons et d'animaux aquatiques, au milieu desquels
sont disposés symctri(iuemenl Us qiiaU-o sujets suivants : I" une barque montée par deux hommes
imberbes, naviguant ii la ranie; 2" une autre banpio montée par un liomme barbu, naviguant à
la voile; 3" un pêcheur à la lijinc: 4" un lioiiiiiie dans des conditions (]ui font naturellement
penser au jeune Tobie : il est posé sur un monticule, appuyé d'une main sur un long bâton qui
semble (Mre le maiiclie d'une ligne, et l'auire main engagée dans la gueule d'un poisson, dune
manière [jarfaileiueiit serubl.ible à ce cpie l'on voit sur plusieurs fonds de verre chrétiens. Tous
ces honuiies sont nus; mais ceux dont la position ne dissimulerait |)as suflisjmmenl la nudité on'
un voile (pii leur pend de la ccintiiri'.
Nous voulons d'autant moins essayer de prouver qu'il s'agit dans ce monument d'autre chose
que d'une simple fantaisie, que nous tenons ii faire distinguer les conjectures que nous mettons
en avant comme pierre d'attente des opinions que nous croyons devoir soutenir d'après de solides
fondements. Nous ferons remarquer toutefois qu'il n'est aucune des figures de ce singulier monu-
ment qui ne se retrouve ou n'ait des analogues dans les peintures des catacombes, les anciennes
mosaï(|ues et aulr'es monuments chrétiens primitifs. Sa pr-ovenance chrétienne bien prouvée, il
s'expliquerait ti-ès-naturellemenl dans un sens chrétien, surtout par rapport à saint Pierre. La
mer, notamment remplie de tous ses hrbitanls, rappelle le Jourdain ainsi habité dans les mosa'i-
ques de Saint-Jean-de-Latran et de Sainle-.Mario-.Majcure.
1. lîos.. « Roma Sott. », p. 85; Raoul RociiiiTTii, « Tabl. des catacombes », pi. vui.
Al'KUÇL ICO.NOGIUFIIIOLE SLR SMNT l'IKKliK ET SAINT HALL. 2iâ
développement tout exceptionnel. Saint Pierre et la servante, dont les ques-
tions sulïirent pour faire évanouir toutes ses bonnes résolutions, sont placés
de chaque côté d'une colonne sur laquelle est posé le coq. Cet animal y reçoit
lui-même une importance qui ne lui est point ordinairement accordée, et c'est
à tort, selon nous. (]ue celte position sur une colonne a été considérée comme
faisant type, car nous ne voyons pas qu'on en ail cité aucun autre exemple.
Sui- un sarcophage (lu musée de Marseille (n' 5). provenant des cryptes de
Saint-Victor, qui aurait renfermé les restes de saint Chrysantlie et de sainte
Darie, sa femme, selon l'auteiu" du livret. au(|uel nous pouvons sans doute
nous en rapporter sur cette question purement historique, nonobstant le |)eu
de connaissance qu'il parait avoir de l'iconographie chrétienne, nous avons
cru reconnaître le reniement k la suite de sa prédiction.
Quant au sujet de la prédiction du reniement, bien distinct, nous le répé-
tons, du reniement lui-même, il joue véritablement un rôle des plus considé-
rables parmi les sculptures des sarcophages; à tel point qu'on le voit occuper
la première piaci; au inilieu de ces monuments, alors même (|iie, divisés en
arcature, leur arceau central semble uniquement réservé h la pensée du triom-
phe (le Jésus-Christ ou di- la toute-puissante intercession de sa divine mère •.
l'our(|iini (idtii- ce choix d'un sujet «[ui, au premier abord, paraîtrait do na-
ture à faiie peu (riioiuie(U' au chef de l'Iiglise? Kvidemment, on n'y com-
prendrait rien, si l'on s'arrêtait à la seule idée de la faute prédite; mais il
faut s'élever jusqu'à celle de la réparation. C'est ainsi (|ue l'on rentre dans la
pensée de délivrance et de triomphe, dans la penst!'e de nnlemplion (|ui fait le
fonds commun de tous les monuments ligures de la première épotpie chré-
tienne, comme du chrislianisine lui-même tout entier.
Le Sauveur (|ui prédit la faute est celui (|ui, par la vertu de son sacrilice,
expie toute faute; l'apôtre à (|ui elle est prédite recueillera tous les fruits de
ce sncrilirr. il s'y associera autant (|u'il sera en lui par ses larmes et par .son
sang. C'est lui principalement (|ui sera chargé, aprt\s sa conversion, de con-
lirmer les autres dans la foi avec une souveraine autorité, et de h-ur dispoiis«'r
les fruits siu'abondants du sacrilice réparateur-. Chose admirable, c'est un
pécheur (|ui cnn\if tous les pi^cheurs à venir puiser avec lui et par sttn mi-
nistère à la sourii- (11' toute griko, de toute réparation, de liuile béatitude.
Ce (|ue nous disons là n'est point une simple conjecture : ou nous n'y com-
I, Il \ 1MI ,1 )ilii-.ii>iii •« i>xiMiiiili'<> .lit iiiii^i'i' ili* l.ili.iii iiti .itilri* ilail:^ 1 O^tlH* ti** Sdint-Tri>|tliiiiio
irArIc.'»
t. <i l''.);o iiiili'lil i<>u,i\i jniili', ul iioii ilolii i.l liilr, lii.i >t lu
friilir-i liiiis. ■■ I.H.. wii, M. — . l'i'lm-» Mrj;,iMl iil en» lorol. Ni
'2i,lt AiSNAIJ'.S AIlCIIKOLOdlOUKS.
|iiviiiiiis lien, (il, avec iiiiiis, tous coiix qui so sont jamais occupés de ces
iiioniiinciils n'y ont rinn conipris, on en voilk le sens (|ui ressort (Je tout leur
ensemble, cunniie la conclusion résulte de pi'énn'ssos hieii posées.
(Icpcndanl le sujet (|nc nous avons décrit, pris isolément, ne peut se com-
|iriiMlir ;iin>i (|u"avec des sous-cnlendus, et tout conformes que soient ces
s()iis-(Miliiii|iis en langage concis, à la manière condensée des monuments qui
nous ()C(ii|iciil. l'i'spiil si'ia |)liis satisfait f|nand il verra la pensée s'en pro-
(hiiivavoc pins d'expansion et de clarté. La signification attachée k la prédic-
liiiii (lu reniement do saint Pierre est en ell'et développée au moyen de deux
autres scènes (|ui, ensemble ou séparément, l'accompagnent presque toujours,
el (|iii i'\pi iincnt à n'en pouvoir guère douter la double réparation de la pé-
nili'uce el (le l'apiilicaliiin ^\r!^ iiiiM'iles du Saiivmn'.
De la pari de saint Pierre, la réparation di- la pénitence alla jus(|u'au
niarlMc. cl la [iremière des deux scènes dont nous parlons est une allusion eu
(■Hrl au luailyn» (lu saiiil ap(')lre. selon le seul mode de représentation possible
aloi's.'l.a vu(> des iiisliiiiiieiils de supplice considénis comme tels, et le spec-
tacle (les l'Uliu'es éfaieni absolnnieal bannis de larl chrétien. Saint J'ierre, en
conséquence, dans celle composilion. ne snhil pas le niarlyn;, mais il y est
conduit : circonstance d'autant mieux choisie qu'elle rappelle les termes dont
Niilre-Sciiiiieur s'étail servi poui' pi'édire à son disciple non pins aucune
l'aille, mais le i;cnre de inorl par ia(|uellc celui-ci <« devait glorilier Dieu ».
(. Kn viM'ili''. en vérité ». lui disait-il. « (piand vous étiez jeune, vous vous
ceigniez, vous- nuMiie el vous allie/, où il vous plaisait; mais, lorsque vous serez
(levrnii \ieii\. vous éleiidre/, vos mains, ini aiilre vous ceindra et vous mènera
où vous ne Miiahicz pas '. <>
(\'cA aussi de celle manii're qu'est ordinairement exprimée sur les sarco-
pliages la passion du SauviMU' lui-même. Il est amené devant Pilate qui se
la\e les mains, double cii-constance souvent rendue par deux scènes dis-
liiicles-. Il airive encore assez fréquenniienl (pie l'on établit u\\ parallélisme
1. « .'Vmon. amen, diiu) libi, cum e-sses junior, cingcbas le elambulabas ubi voldja;;; ciini aii-
tcm semicris, oxlendos maiiii!; Uias et alius le cinget el iliicelqno lu non \ i-s. — Hoc aiilem dixit,
siL,'nilic,iiis (|ii,i niiiile cl.irilic.iUiriis e~set Dciini, et eiini hoc dixi~5et, dicil ei : Se(]uere me. »
,l0AN.. cap. NXl, V. 18, I',).
->. l^e Mrco[)liago pid)lii' diin> les " .\nniiles n, l. \xii. p. î'A. d'apri-s une pliolo.graphic que
iiou-i avons fait laire à Rome, en oll're un eveinpie r.'inaniuable. Le sentiment de trioinplie, qui
domine dans la peiis(î0 de tous ces nioiiuments, est exprime sur celui-ci avec un relief tout excep-
tionnel : (•'('>! lin chant de victoire el de victoire par la cioix. La croix elle-mùine est représentée
ilans l'arcade centiale el delà inani(jie la plus propre h rappeler le (Labarum) de Constantin et
la (ie\ise « In hoc sii;no vinces ». Sur les bras de celte croix, surmontée à son sommet d'une
APERÇU ICO.NOGKAI'lllOUt: SLH SAINT l'ItliKE ET SAINT PALL. 245
entre le maître et le disciple, ainsi emmenés chacun de leur côté pour subir
le même soit, conformément à la parole que Notre-.Seigneur ajouta à celles
que nous venons de rapporter, en disant à saint Pierre : « Suivez-moi ».
l.i; I'. Dassy a publié un des sarcophages du musée de Marseille, divisé
CM fiiKj ontre-colonnements, où, avec une variété du Christ triomphant dans
le compartiment central, le Christ emmené et le lavement des mains à gauche,
il a cru roconnailre à droite le martyre de saint Ktienne, suivi de la prédic-
tion du reniement de saint Pierre. D'accord avec le V. Dassy sur tout le reste,
nous nous étions permis, dans une entrevue que nous avons eu l'honneur
d'avoir avec lui, do lui contester saint lilienne et son martyre, |)ar celle raison
surtout (\nh répof|ue où parait remonter le monument, nous ne croyions pas
(jue l'art cliiétien eût encore admis aucun sujet de cette nature. Mais, peu
a|)rès, nous avons vu le martyre de saint l'!tienne manifestement représenté
sur un autre sarcophage du musée d'Arles (n" J.il '.
Ce dernier monument porte tous les caractères qui peuvent, parmi les mo-
numents du même genre, le faire classer dans la catégorie des plus récents;
il justifie ainsi, h sa inaiiii'ii'. l'opinion qui fait considérer la représentation
coiiroiino (|iii rotiformo lo clirisino, on voil (tinix colombes, iin<ir;o prohalilemonl «Ips imos piinifos
qui iiimont ii su reposer sur ce si;;no du Siilut; et, au-dessous, deux soldaU, l'un evedié el
l'autre endormi. Noseniit-ce pas un duulilo souvenir do ceux (|ui se convertirent sur lo Calvaire, el
do ceux (|ui dirent s'i^lie endormis au saint sépuliMo lors de la résnrroriion* A la fraurlio de celle
cofuposilion contralf, on rem;ir(piera les deux scènes dont nous parlons, de Je>us-(;iiri>t conduit
devant l'ilale, et do celui-ci pr6t h so laver les mains; mais là, c'est l'accusé qui juge, et le juge
<|ui su sent conilainné. l/uttitude du Christ est vraiment belle : ses doi^'ls le\és annoncent (|u°il
parle, ce f;pslo n'ayanl pas seulement la si{;iiilic.itii)n d'une bénédiction, comme l'a très-bien dé-
montré le P. Caliior dans les u Mélanges d'archéologie ■>. Pilale, conrondu, détourne la télo el
l'appuio d'im air pensif sur l'une do ses mains; nous ferons observer que cette li^to parall ceinlis
d'un<> sorl(! do iliadéine. Derrioni lo gouverneur roin.iin, ou plutôl à son culé, quelle osl cette figure
qui semble rangée axec lui sur cort^iin pied d'égalité? Ne serait-ce |tns sa foiiime apiMMi^sint lii
comme un remords? Les sujets do ces trois compartiments, souvent répétés sur Us sarrupltageif,
n'ont de particulier sur celui-ci que les traits sur lestpiols nous aliirons l'utleniinn. I.cs deux
scènes placées du coté ojiposé sont entièrement neuves : l'une est une allusion nu couronne-
ment d'épines, il n'y n guère lieu d'en duuier, mais avec une couronne In-' en
signe réel d'honneur, et l'autre est un portement de croix coni^u dans le même ■ ••*.
Cepeiid.int il est permis de le demander : celui qui porto la croix e.«t-d bien I ' re
nutableinenl. parles traits, le costume, la laiUe. des deux autres figures de Sa': , ....<•«»
dans les précédonLs compartiments; s'il n'était pas imlM'rlw, nous aurions ««' Pierre;
mais ce cnracière iconograpliitpie, appliipiè ailleun< au s,iini 4 notre
connaissance, dans l'école de sculpture i) laquelle «ont dus ; i<e pa»
Siumn lo (^.yrénéen, dans une p<<nséo analogue h celle que le P. 1 l'iioe dan» le*
" Vitraux de Bourges n î ou plutèt le bon larr^ • ■-•«-
diinl du jii^e l'onilamne? nu seulement, lonjnm ' i\\t
•2'i() ANNALKS AIICII KOl.OdlOl'KS.
flireclo du riiailyro luinmi; ('•Iraiif^/Tc à la pifinitM-e iK'Tiode d<' l'art rluvlirri.
Néanmoins il nous a l'ail ri''lli''i|iir, l't. sauf à discale r I'Ak<; du sarcophage «le
Marst'iili' il le temps où, lu iiiarlyrc cessaiil d'èlro h rcdoulor. on ne craiKiiil
plus, eu lo icpi'(''S('ulaul avec ses sauf^iaulcs réalilûs. do scandaiisi-r les
laibics. nous m; serions pas éloigné aujourd'hui de nous n-ridre à l'avis du
P. Dassy. Pour soufrer à saint Pierre ennnoné. là où il a \ii sainl Mlionne
m.olyrisi'. nous a\ ions en noire faveur un type do lif^uro ddul la barhe seni-
hlcrail miciiv cunM'nir ,'in pninirr (inau s(!Cond. le Vdimue porlé entre les
mains de ce personnage, la répélitiou prol)al)le d'un sujet Irès-connu, et qui
précisémeiil se tronvei'ait placi'" avec les aulics snjels du même monument
eu des rapports d'un usage i)ien conslalé el bien compris, c'est-à-dire paral-
IMenienl avec la scène du Glirisl emmené el à côté de celle du reniement
|)ri''ilil. et cela sons rinilueucc d'ime école où l'on n'admcllail jias facilement
des sujets nouveaux à ligurei' a\(!e ceux (pii avaient reçu, en (|ucl(|uc soi"le,
le droit de citi'.
D'nn antre côté, nous avouons (|ue le |)ersonnage dont il s'agit semble
parler; ([ue les deux lioninies ([ui l'acconipagnent semblent tenir des pierres
Impii oiicoro sor;iil-(i' Jesus-Cliiisl liii-iiiO'rno, mais rapetissé ;uix proporlioiis d'isanc, par exemple,
qui le figuraif? Quoi qu'il en soit, il y a là un travail d'Idées fort iiilcressanl à observer, entre la
pensée de gloiification et de salul allachée à la croix', et la crainte d'un certain i^indalc, si on
en chargeait les épaules du C.hrisi envisagé directement dans la plénitude de sa vivante person-
naliié. Les victoires jetées au-dessus des frontons, les couronnes suspendues au-dessous rentrent
dans la pensée générale de ce monument. Quant il ta frise qui en orne le couvercle, l'agape et les
dauphins qu'on y voit représentés, ils no lui appartenaient pas originairement, nous le pensons,
pas plus (pic ce couvercle lui-inèiiie.
Le musée de Latran possède un autre >arcophage analogue ii celui-ci, que nous aurions fait éga-
lenieiil (jholograpliier, grâce à la bieiiveillanle permission du cirdinal Aiitonelli. si te jour où il
est placé l'oùl permis. On le verr.i paraître avec tous les autres monuments de cette importante
collection, la phip.irt inédit-, dans urie publication que prépare, sous les auspices de l'éminenl
cardinal, le 1". l-'r. Toiigiorgi, successeur du !'. Vl.irehi.
Le centre de ce sarco|)hage étant occupé, autant que nous avons pu en juger, par une variété
du Ctu'isl triomphant entre les apôtres, on retrouve il gauclie le Christ captif, et Pilate qui va se
laver les mains. A droite, mais dans le compartiment le plus rapproché du centre, est un li'imme
imberbe chargé de la croix, lequel compirail devant un juge dans te compartiment voisin. Mai-
gre l'absence do barbe, nous avons beaucoup hésité il le prendre pour saint Pierre, à raison du
parallélisme habituel entre son martyre et la passion de .lésus-Christ, et la difficulté d'appliquer
à Notre-Seigneur la comparution devant le juge. Ce n'est pas que nous n'ayons songé à Caïphe;
mais ce sujet n'étant pas usité sur les sarcophages, et ne se trouvant pas placé comme il lui con-
viendrait, soit dans l'ordre des faits, soit dans c lui des idées, nous demeurons en su.spens. Il est
sensible que les sculpteurs de ces monument.s ont recherché une certaine symétrie de composi-
tion pittoresque, en même temps que l'association des idées. Cette observation pourrait servir ii
éclaircir la question ipie nous posons sans la résoudre.
AI'KliCL ICONOflliAI'HIOlT. SLK SAINT l'IKIiRF. KT SAINT PAUL. 217
et les lever sur lui ; que, comparés aux satellites du Christ, qui portent de
courtes luniquos. ils semblent avec leurs longues robes èlre plutôt Hébreux
que Romains. L'on peut ajouter enfin que le type de saint Élienne n'était pas
alors encore formulé comme il l'a été plus tard, c'est-à-dire jeune et im-
berbe, el que, l'eùt-il été, le caractère jusqu'à un certain point impersonnel et
hiéroglyphique que nous avons cru devoir assigner aux personnages de ces
monuinenls. (|uoique beaucoup moins qu'à ceux des peintures des Cala-
comljcs, suflirail pour ex[)liquer comment ce type n'a pas été suivi.
La justesse de ces réflexions admise, nous ne croyons pas pour cela qu'il
y ait à rejeter celles qui les précèdent. C'est, au contraire, à raison des con-
séquences à tirer de leur réuinon que nous nous appesantissons autant sur le
sarcophage r[iii ji's suggère. Ce serait donc bien l'idée en quelque sorte
absiraile du martyre (|ui aurait fait le Umd de la pensée dans le sujet haliiluel
de saint Pierre emmené, si, sans changer de place, sans presque changer de
caractère et de disposition, ce sujet a pu se transformer en une scène de
martyre proprement dite, surtout quand ce martyre peut servir de type à
Iniis ].'> autres, saint i;iiiiiiii; l'i.uil honoré comme le prince el le premier des
in.irlx rs.
M lilMMDI \lili m. s \ INT-I.MItl'NT.
(:iiam)i:lii:i; i:\ aik.k.m hoiiî
Ul LNZIK.MI, Sli;(,l.l.
Les (I Annales Arcliôolof};iqiics » (iiit déjà publié de nombreux chandeliers
appartenant au grand art du moyen âge, el elles peuvent se rendre celte justice
que ses gravures n'ont ]ioint été sans influence sur les modèles que l'indus-
trie possède aujourd'hui. Le temps n'est pas encore très-éloigné où un seul
modèle, trop connu, hélas! composé do séries de panneaux en ogives, à peu
près imités de la mcuuiseriu du xv*" siècle, de plus en plus petits et ajustés
les uns au-dessus des autres comme les cylindres d'une lunette, constituait
tout ce c|u'on pouvait trouver dans le commerce en fait do chandeliers ayant
la prétention de s'accorder avec un monument (luelconque du moyen âge. On
voulait du gothique : on en avait, puisqu'il y avait là des ogives. Aussi cela
servait et sert encore siu' tout ce (|ue les architectes ont dessiné d'aulels, sur
ce que les inari)ii('rs et les ornemanistes en ont taillé dans tous les styles qui
ont régné du xT au xvi" siècle. Là où l'on a parfois réussi à faire une œuvre
digno d'estime, le clergé et les fabricicns qu'il dirige viennent poser ces
allivux chandeliers qu'on leur a persuadé être gothicjues. et qui n'ont qu'un
seul mérite, celui d'clre à très-bon marché. Si encore ils rappelaient le style
du xv' siècle!
Malheureusement les modèles de cette époque sont rares; aussi avons-nous
saisi avec empressement l'occasion qui nous était oITerte d'en publier un ([iii
unit une grande richesse à une certaine élégance.
Les deux originaux du chandelier dont les » Annales Archéologiques »
publient aujourd'hui une gravure excellente, lune des plus Ihies et des plus
colorées (inc M. Ad. Varin ait encore exécutées, appartiennent à M. Ni-
PAR DIDRON. k PA.HIS
A" -V
ilAWT'iVr.T'!':!; "irr-r ;vk' r-R.rrr-
rmwnFi.irii f\ argent doré. 249
venheus, de Londres, qui les a trouvés en Allemagne. Chose étrange de la
part rl'un propriétaire, leur possesseur doute de leur authenticité!
On doute volontiers aujourd'hui, et des faux trop éclatants ont été commis
dans le commerce des objets d'art pour que la défiance ne doive pas être la
première vertu du curieux ou de l'archéologue. Nous avons donc examiné sur
toutes ses faces, dessous et dessus, à l'œil nu et à la loupe, les chandeliers
de M. \i venheus; nous les avons fait examiner par m\ orfèvre el, de notre
examen, il est résulté ceci : c'est que ces chamloliers sont exécutés par les
mômes procédés qu'eussent employés les orfèvres du xv' siècle, s'il n'est pas
leur œuvre. Les feuillages sont faits tantôt au repoussé, lorsqu'ils se déta-
(lii'iit des fonds; tantôt en argent fondu el ciselé, quand ils y sont attachés.
Les staluel tes sont fondues, réparées et ciselées. Les moulures prismatiques,
soit fondues, soit étirées, sont rapportées sur le fond. Enfin tout est fait.
comme ou dil, de pièces et de morceaux, exécuté avec une grande perfection,
une remarquable unilr' de style et de caractère. .Notons (pi'il nous e>t impos-
sible d'obtenir ces (pialilés dans les choses modernes que nous voulons faire
exécuter par les mêmes |)rocédés (pie les ancieimes, et qu'il faut renoncer h
déshabituer nos ouvriers de cerlaines pratiques d'atelier qui enlèvent pré-
cisément à liiii' travail ce caractère de l'ancienne orfèvrerie que nous trou-
vons ici.
Kiilin un orfi'vie, (|ui a fabriciué un bon nombre de pièces dans le style du
moyen i\gc, et au(|uel nous avons soumis ces chandeliers, n'y a non plus dé-
couvert aucime trace de travail moderne, et il estime que h' prix de revient
d'un seul d'entre eux serait supérieur à la sonnnc que l'on réclamait pour les
deux. Cette raison a bien son importance.
Vrai connue nous le supposons, ou faux comme on l'a cru, ce chandelier
rentre dans les formes géuérales adoplées pendant tout le moyen àgo pour ces
ustensiles du culte; seulement, il est beaucoup plus élevé que ceux dont les
exemplaires sont parvenus juscpi'îi nous, puiscpril mesure (V'.GO do hauteur.
Il n'iuirail donc aucmie transformation ii subir, counne il faut le faire aux
pilil-, modèles du Ml' e! du \iii' siècle, pour s'a|iproprier aux usages actuels.
Au lieu d'èlre Iriangiilain! et de poser sur trois pieds, le pied e.sl hexagone
et repose sur de ut)mbreu\ pi>ints d'appui. Il est formé en plan parla ren-
contre de six cercles tangents, dont les contours .s'aigui.seni aux cxlrènnlés
d'un méuie diamètre. Ainsi son contour forme six lobes aigus que suit nii-
desaous une galerie verticale ^ rosaces circulaires, ii'percées il'njours trilo-
bés, bordée de deux torsades el lernn'née à sa partie inférieure par mie
moulure eu doiicine. Celle-ci porl'- ^i'' '•• iw d'un lion assis \ l'.xli.'inii.' i|i«
250 ANNALKS Alîf;il KOI.OC K.il KS.
chaflMc Idlx". ot sur un |)olil mv^a musicien à la rencontre de chacun des-
lol)os .idjiiccnls. Tdiis les lions soni fundiis sur le même modèle. Il en est de
même poiu' les anj^cs ; mais ces derniers sont divtïrsifiés |)ar les insirumenis
(|ue l'on a placés dans leurs mains : Irois jouenl de lu mandoline el les Irois
auires du psMlh'i'ion. ■
Le cliauip des cercles (|in' l'ccouvrent le pied es! vidi'. Li'ur bordure est
formée d'un listel |il;il. chargé de petites rosettes saillantes à (jualre divisions
comprises entre (leu\ lllets, et d'une crête intérieure formée de feuilles de
vigne carrées, suivant la pi-ali(iue constante de l'orfèvrerie et de l'ornement
de cette époque, billes sont en argent fondu, et leurs queues s'attachent à une
torsade.
I.:i piiiiili' iiili I ii'ine de chacun des cercles donne naissance à une grande
feuille de figuier sauvage, profondément déchiquetée sur les bords et d'un
n'iief très-tonriiioiili' ; celle feuille monte sur la doucine qui commence la lige
du cliandclier. De la rencontre de deux cercles adjacents naît, à l'extrémité
d iiirr double tige figurée, une autre feuille plus petite d'où |)artent les courbes
(le si\ ogives simulées (]ui encadrent chacune l'une des grandes feuilles, et
coiiipriMiiuMil dans leur lynipan une autre feuille triangulaire de même nature
et également rapportée. Toutes les moulures et tous tes feuillages sont dorés,
ainsi que les arcs simulés. Les fonds seuls sont en argent.
lue sorte de premier nonid peu saillant arrête le pied. Il est formé de
trois cléments : d'une moulure à section prismatique placée entre deux tor-
sades; d'un réseau de deux rangs d'arcades ogivales à nervures triangulaires
entre-croisées; d'une seconde moulure supérieure terminée par un grand talon
qui se rattache à la tige par un filet saillant. Un réseau de branchages, d'où
naissent de grandes feuilles tombantes et des rosettes alternées, recouvrent
le talon.
Au-dessus monte la lige qui est hexagone, garnie d'arêtes prismatiques avec
une crête de petites feuilles (|(> vigne rapportées à la base et au sommet de
chaque panneau.
Le nœud est hexagone, à six loges aiguës comme le pied, et formé de deux
platines opposées et semblables, qui comprennent entre elles une frise formée
de sarments feuillages, tous fondus siu" le même modèle et formant à l'ex-
trémité de chaque lobe un petit berceau oii un ange est agenouillé. Les six
anges sortent tous du même moule et jouent les uns de l'orgue portatif, les
autres d'une mandoline à manche très-court.
Chacune des deux platines du nœud est ornée par six cercles ou six ovales
aigus tangents, garnis à leur intérieur d'un quatre-lobes qui encadre une
CIIA.MtELlKK EN AKGEM" DOUÉ. 251
rosace feuillagéo. Du point du rencontre de deux cercles adjacents part une
pelile feuille qui monte sur l'arête de la lige que suit une torsade, et de la
pointe intéricuro de chacun d'eux naît une grande feuille qui s'étale sur
chaque face de la tige. Il y a ainsi au-dessous et au-dessus du nœud une
/une ornée que termine une moulure horizontale.
Au-dessus monte une tige semblable à celle qui part du pied. Une espèce
de coriiiclie. garnie d'une feuille sur chaciue angle dans sa gorge, la tennine
et donne naissance à un chapile:iu (|ui supporte la bobèche.
Ce chapiteau, d'abord en prisme hexagone comme la tige, voit chacune de
ses faces se projeter en asaut, de façon à devenir horizontale h, son exlrénnlé
(|ui l'urme un lobe aigu. Cet encorbellement su|)porte im second prisme
hexagone h faces courbes concaves dont les arêtes correspondent aux lobes du
pied et du no'ud. Kn plan, l'hexagone du couronne nent est tangent h celui de
la tige par le milieu de ses faces courbes : les ajigics de l'un conespoiidanl
aux côtés de l'autre.
I.driiciiiriii.iiioii de ce chapiteau consiste, sous le revers de chaque face,
<ii im ovale aigu encadrant une rose de feuillages à cpiatre divisions, et don-
nant naissance à une grande feuille (pii descend le long de la lige. C'est le
même système que sur le pied et sur le na-uil. lue nervure garnit les arêtes,
(lessiiM! les ovales aigus et se raccorde à l'extrémité extérieure de ces d'-rniers
pnin monter verticalement le long des arêtes du second hexagone dont une
grande rosace feuillagée garnit cha(|ue face courbe.
C'est sur ce i-hapiteati i|iii' puse la coupe de la bobèche; coupe (|ui est c'\r^
culaire, mais inscrite dans un carré (|ue garnit une galerie descendante. Bien
(|ue les ornemenis appli(|iiés au revers de la bobèche s'ennnanchent trï's-
habilemenl avec le chapiteau, de façon à relier le mieux jmssible T hexagone
avec le carré, nous ne saurions approuver cette singularité. Kn elTet, dans
toutes les positions, hormis celle (|ue nous avons choisie pour la dessiner,
II! comoimement de celle (euvre éli'gante se présente guucliemenl à l'aMl.
L'ornemcnl dont nous parlons consiste en nervures saillantes (|ui de.<sinent
une étoile à côtis courbes rciilraiits, de forme mi peu irrégidicre. quatre de ses
pointes correspondant aux (pialre angles du carré. Des feuilles garni>seiil cha-
cinic di's pointes et le point où les côtés touchent les nervuirs du cimpiloau.
I,a g.ileije (pii piMirliilirne la bobèche est placée en retraite d'une moulure
en l)is(MU ; elle est formi-e (lime suite de petites ro.saces peri'ées do Irilolnv*.
séparée par une torsade d'ime ciète de petili's feuilles de vigne. Ces éléments
décoratifs, nous les avons d'-'' •• 'i- ■■- -■■■!- '< lorras.se ilu pioil ■■• du»» !•■»
méilaillons de celui-ci.
252 ANNALKS Alir.IlfiOl.oci oi; i:s.
Une point(\ que nous n'avons point figuiTo, monte au milieu do la i)oW<'lie.
Comme ce eii.mdL'Iier possi'di' à peu pivs jos dimensions (|U0 l'on est
accoutumé de domier aujourd'hui aux ciiandelieis d'autel du plus petit mo-
dèle, nous en donnons les n)esures principales ù l'usage de ceux qui vou-
draient le l'aire exécuter.
l'iKii. — Dinmètro d'imo tOlc do lion à l'atilre. . . 0,300
l)i;iini"'tr(' d'un ;nige ;i l'aiitie 0,200
|)i;iiiii'lic du r('scnii d'arcatiiic 0,002
tlniiloiir ju.sf|ii'à la niiissancc de la ti c. . 0,180 0,180
tiGE. — llaiilciu' du la parU'e inférieure 0,115 0,115
Hauteur de la partie supérieure 0,0'J5 0,095
Diamèlre d'tnie face à l'autre 0,0/|0
iNoia D. — Diaiuèire d'une pointe à l'auirc 0,100
Hauteur de la saillie 0,033
ilauirur totale entre les deux tiges .... 0,100 0.100
Boiirciii:. — Cùlé du carré 0.1 t.")
Hauteur totale, chapiteau compris .... 0,115 0.115
Hauteur t(jtale du chandelier. . . . 0,605
Il ii'''sl pas nécessiiire. croyons-nous, do moiilrer (jiii> celle o'uvre d'orfé-
\rerii' apparlienl au xv'" siècle, assez avanci; peut-être, et doit être de fabri-
cation alleniaiide. Le caractère aileniaiid se reconnaît dans la complication des
formes et siuioiil dans cette reclierclic des combinaisons contrariées des sur-
faces et des |)laiis (|ii(' l'on remarque dans l'amorlissemcnl supérieur de la
tii;e. L'oi'iieinenl du iiu'inl imus semble également caractéri-stique. La collec-
tion .Siill\k(ill' possédait un calice allemand, (|iii était en double à l'Exposition
de N'ieiine. dont la fausse coupe, la tige, le no'iid et le pied étaient formés
de >aniienis cnrhevètrés et garnis de feuillages, le lotit étant non pas fondu
dans un moule, mais fabriqué de morceaux rapportés et soudés en.semble.
C'est de cette façon (|ii'a été fabrif|iiée la garniture du nœud pour former
celle espèce dr bocage sacré qu'liabilenl des anges mtisiciens. Quant à
l'exéciitioii (le Icuile cette pièce d'orfèvrerie, elle est excellente. Si les ouvriers
(|ui Tonl l'abri(iiiée sont nos contemporains, ce que nous ne croyons pas,
ils ii'tnit (juii venir dans les ateliers de Paris, ils y gagneront d'excellents
salaires.
.\.LFni:n DAlîClîL.
MÉLANGES ET NOUVELLES
PALME ET FIOLE DU MARTYRE.
Voici, en texte et traduction, un décret récent de la Congrégation des rites
qui intéresse l'arcliéologie clirélienne. La question, douteuse jusqu'il présent,
est désormais tranchée. Tout cercueil, accompagné d'une lioie teinte de sang
et portant le dessin d'une palme, est la sépulture d'un martyr. Cette décision
importe surtout aux Uomains îi cause des Catacombes; mais elle doit nous
init'iosser également, parce qu'on peut rencontrer un jour ou Taulre, sur-
tout en ce mometil où l'on fouille partout, quelque sépulture accompagnée
do la fiole et marquée de la palme.
Voici d'abord le texte latin du décret :
« Post<|uam s:uculo xvi, laboribus pr;cscrtim et studiis Antonii Bosio itenuu
sacra suburbaua patuere cœmelcria, ([ua> a sa-culo vu cxeuntc Summurum
Ponlilicum cura pciiitus interclusa rcmanscrant , ne Barbari rumanum solum
dévastantes ibi ali(|uam iuterrent protanationem , in lis conquiri cœporuni
niartyrum rorpora (yuv adliuc ibidem permanebant in loculis a! ' :.i.
Tutissimiiiii diguosciMidi sacra luuc pigiiora .signuu» a majorum — .....uo
recepluni cranl pliiala3 vilrea?, vel liguliniu cruore tindie, aul crusias .>iAl(cni
sanguineas occludentes, qu.u vi-l intra vel extra loculos sepullorum afli\a<
mancbaiil. All.tinrn aliquibus visum fuit viris erudilis &\iixs pra;ter sanguincm
aduiilli're notas, (piibus ipsi martyres distingui aulumabant. Vorum, ul in ro
taiili MiDiMcnli imitTi-iisi) proct'dcrctm' pede, placuil C.leinenli l\, .Sunimo l'on*
tilici, siii^iilart-m dcligi-re Congregationcm. (juie e\ sanota- roman.u Kcclc^ia;
cardinalibus, aliis(|ue doctissiinis viris conslaret, oiquu Iwic 6ti|>cr ro gravi»-
sinnnn ( ommisil examen. Il.ic Congregalio, qu.i> |>ostoa h, Sucris Ileli(|uii9 el
\\u. S3
25/i ANNALKS AIlCII f:OLO«IOlJKS.
Iiiiliil^ciiliis iioinon li.ihiiil, ar^îdincnlis omnibus porponsis, die 10 A|)rilis
aiiiii IGOS, (lociclum hoc tulit : » Ciiin in Sacra Congrcf^aliono liKJiilgonliis,
K .Sa(;ris(|iie l\cli(niii.s |)ra:p().sila de iiolis disceplarctur, ex (|uibus venn sanc-
II toriiin iiiarlyriiin reliqiiiie a falsis cl dul)iis dignoscj possint, eadcm Sacra
Il Coiigregalio, rc diligonlei' cxainiiiata, consuit : Palinain el Vas illoriiin
Il sanguine linctnin pro signis certissimis Iiabcnda esse; aliorum vero signo-
II nim exaiiirii in uliiid tcnipus rejecit. » — « Dccrelum luijusmodi duoruin
fcrc saicnluriiiii (li'cin-su fidciiler scrvalmn est, quamvis pra^terilo verlenle
•sœcuio iioinuilli sciecii scriptores de l'iiiaia; Sanguinea; signo diversimode
dubilaveiiiil ; (piibus pra;cipue gravissiina Bencdicli XIV auctorilas obstilit,
qiunn in iitleris a|)osloiicis ad capiUilum mctropolilana; Ecclesiaj Bononiensis
de S. l'roco martyre ex cœmcteiio Thrasonis cum vase sanguinis elTosso edo-
cercl : « Ipsi dei)elin' ciilhis cl liliikis Sancti. (|iiia pmcul dnbio nulli unquam
Il vcnil iii niiMilrm, (luanlumvis acnto ingcnio is rucril et cupidus quœ-
II rendi, ni aiinil . nodum in scirpo, nnlli, inqnam. venil ad nionlem
Il dui)ilalio (|nod corpus in Calacninbis romanis invenlum cum vascuio
« sanguinis, ant pleiio aul tincto, non sit corpus alicujns qui mortem pro
Il Christo siislinuoril. » — « Al nostris iiiscc dicbus alii supervenere viri eru-
dilioiin a'(|ne pollentes, et in sacra? arclieologiœ studiis valde periti. qui vel
scriplis, vel etiam volnminibns editis advcrsus Phialam Sangnineam utpote
in dnbium marlyrii sigiunn decerfarunt. Sanctissimus autcm Dominus Noster
PlLiS l»Al'A I\ . de Decreti iiiius robore et auctoritate iiaud h;esitans, quum
viderel lanien enidilornm dinicuitates in cphemcridibus tum catholicis, tum
heterodoxis divnlgaii. ad praecavendum quodlii)cl inter fidèles scandalun sa-
pientissime censuit. ut hujiismodi diiïicultales in quadam peculiari Sacrorum
Rituum Congregatione severo subjicerenlur cxamini. Peculiaris vero Congre-
galio hœc nonnullis ex ejusdem Sacrorum Rituum Congregalionis cardinali-
bus, praîlatis olficialibus, ac sclcclis ecclesiasticis viris pietale , doctrina.
prudentia, reruniqui' usu eximie praîclitisconstituta, praî oculis habens uni-
versam argnmenlorum serieni, nec non fidelem ejusdem secretarii relationem.
quum omnia accuratissima ponderaverit disquisitione. die 27 Novembris ver-
tenlis anni, duobus his proposilis dnbiis :
« I. An Phialai vitreœ aut figulimu, Sanguine linctœ. quœ ad loculos
Il sepultorum in sacris cœmetcriis vel extra ipsos reperiuntur, censeri debeant
Il mai'lyrii signum ?
Il 11. An ideo sit standum ve! recedendnm a Decreto Sacrœ Congrega-
II tionis Indulgentiarum et Reli(|uiarum . diei 10 Aprilis 1608?
Il Respondit ad primum : A1''I''1RMATIVE;
MELANGES ET NOLVEELES. 255
« Respondit ad secundum : PROVISLM IN PRIMO.
« Ideoquc declaravit confirmanduin esse Oecrelum anni 1G68.
« Facta aiitem de prajmissis Sanctissimo Domino Nostro FIO PAP.E IX
a siibscripto secrelario accurata omnium exposilione. Sanclilas Sua seaten-
tiam Sacrœ Congregalionis ralam hai>uit, confirmavil, alque pra'sens Uecre-
tum expcdiri pra?cepit.
« Die 10 Deccmbris 1863.
» C. Epijropus Portucn. et S. Rufinap,
. Cjrd. l'ATRIZI, S. H. l'.. Pr.cf.
« D. Bahtolim, s. h. C. Secrctarius. »
Voici maintenant la Iradiiclion littérale de ce décret :
« Lorsqu'au xvr siècle, les travaux et les éludes d'Antoine B isio ame-
nèrent la réouverture des cimetières sacrés voisins de Home, qui depuis la
fin du vil" siècle étaient à peu près restés fermés par le soin des Souverains
Pontifes, dans la crainte qu'ils ne fussent profanés par les Barbares (|ui dévas-
laicnl alors le sol romain, on commença à y rechercher les corps des martyrs
qui y étaient restés cachés dans leurs cercueils. D'après la tradition générale-
ment reçue, le signe le plus sûr de reconnaitre ces jiieuses reliques élail la
présence de fioles on verre ou en terre cuite, leiiiles de sang, ou tout au
moins renfermani des croûtes de sang; fioles qu'on trouvait allachécs soit à
l'extérieur, soit h. l'intérieur des cercueils. Quelques savants pensaient . toute-
fois, fin'iin pouvait reconnaître les martyrs k d'autres marcpies que le sang.
Afin (le ne point marcher h l'aventure dans une chose de si haute importance,
il plut alors au souverain pontife (llémeiit I\ de choi.-ir une congrégation
spéciale, composée de cardinaux de la sainte l-lglise romaine et d'autres per-
sonnages érudils. et de lui confier l'examen d'un point si grave. Clolle congré-
gation. <|iii ii'ciit plus lard Ir nom de (îongrégation des sacrées reliques cl
des indulgences, pesa .scrupuleusement tous les motifs et rendit, le 10 avril
i(jG8, le décret suivant :
« Sur la question soulevée dans la congrégation préposée aux iiidulgencos
« et sacrées reli{|ues, de savoir i'i quelles mar(|ucs on pouvait reconnaître les
<i véritables reli(|ii('s des martyrs des ielii|ues fausses et douloiisos, la sacrée
I. congrégation, après s'être livrée h un examen attentif, a pen.sé que la
« palme et In liole teinte do .sang devaient être fonsitiéréojj comme les in-
(1 (lices les plus assurés du martyre; elle a renvoyé à un autre temps l'oxamen
<i des antres niai(|iies. »
« Pendant près de ileux siècles ce décret a été ndôlcinont exécuté, quoique
256 ANNALES ARCIlfiOLOGIOUES.
,'i la fin (lu siècle dernier quelques (écrivains (lYlile aient eu des opinions diffé-
rcnlcs sur la marque de la fiole de sang. L'imposante autoril(5 de Benoît XIV
avait principalement CCS savants en vue, lorsque ce grand ponlifc s'exprimait
en ces termes dans des lettres apostoliques adressées au chapitre de l'église
métropolitaine de Bologne au sujet de saint Procus, martyr, exhumé du cime-
tière de Thrason avec un vase de sang :
Il On lui doit le culte et le titre de saint, parce qu'il n'est jamais, assuré-
« ment, venu à l'esprit, quelque pénétrant qu'on puisse êlre, et quelque désir
<i qu'on ait de chercher, comme on dit, des dillicullés où il n'y en a point,
Il de douter qu'un corps trouvé dans les catacombes de Bome avec une fiole
« ou remplie ou teinte de sang, n'est point le corps d'un fidèle mort pour
(I l'ciuirc témoignage h la foi du Christ. »
«1 De nos jours , d'autres savants distingués, habiles dans la science de
l'archéologie sacrée, sont venus et, dans des écrits ou dans des livres, ont sou-
tenu que la présence d'une fiole de sang n'était point un indice indubitable du
martyr'e. Fort de la puissance et de l'autorité du décret ci-dessus, en présence
des opinions diverses émises par les savants , tant dans les journaux catho-
liques que dans des feuilles hétérodoxes, notre très-saint père le pape Pie IX,
pour se prémunir contre quelque scandale qui pourrait s'élever au milieu des
fidèles, a très -sagement décidé que ce point litigieux serait de nouveau
soumis à un sévère examen dans la congrégation spéciale des rites. En
conséquence, celte congrégation spéciale des sacrés rites, prenant en
considération l'avis des cardinaux de cette même congrégation des rites, des
prélats otTiciaux et d'autres personnages ecclésiastiques distingués par leur
piété, leur science, leur prudence et leur parfaite connaissance des usages,
s'étant fait représenter toute la suite des raisonnements donnés pour ou contre,
ainsi que le rapport fidèle du secrétaire, a mis en délibération, le 27 novembre
dernier (18G3), cl pesé dans le plus sérieux examen les deux questions
douteuses :
(I 1° Les fioles en verre ou en terre cuite teintes de sang, trouvées dans
les cercueils inhumés dans les saints cimetières ou ;\ côté d'eux, doivent-elles
êlre regardées comme le signe du martyre?
« 2° En conséquence, doit- on maintenir ou infirmer le décret rendu le
l" avril 1GG8 par la sacrée congrégation des indulgences et des reliques?
« Sur la première question, il est répondu : ArFinMATivEMENT.
« Sur la seconde question : Prévu dans la première.
Il Par ces motifs, elle a déclaré confirmé le décret de 1G68.
« Sur le rapport de tout ce que dessus, fait avec soin à notre très-saint
MÉLANGES ET NOUVELLES. 257
père Pie IX , pape, Sa Sainiclc a ratifié et confirmé l'avis de la sacrée congré-
gation, et a ordonné l'expédition du présent décret.
" C, (^v^qup de Porto Pi (le Sainto-Rufine,
■ Cardinal l'ATlilZI, préfei de la sacree congr gntion des nie*,
u D. Uahtoi,ini, secrélaire do la S. C. des R. ».
RÉFOIIME LITURGIQUE A NOYON EN 1779.
M«' de Grimaldi venait de quitter le siège du Mans (1777) pour devenir
évoque de Noyon, lorsque le mandement qu'il publia le 12 septembre 1779,
k l'elTel de modifier l'habit de chœur des chanoines, de supprimer certaines
fêtes, et de réduire le nombre des obits (de li!i/i 'i 53) , lit naître entre lui
et son chapitre de graves démêlés, fini donnèrent lien, de la part de ce der-
nier, h un appel connue d'abus.
L'entretien suivant que le prélat avait eu. (inolque temps auparavant,
avec plusieurs chanoines, nous révèle toute sa pensée. Il leur disait :
(1 Les chanoines du Mans avoicnt un hal)it de chunir semblable au vôtre;
comme vous, ils étoient engoncés dans un camail . et fatigués par de lourdes
et grandes chapes, ils se réunirent pour me demander un habillement nou-
veau. Je leur donnai le mien, à cela près qu'au lieu de leur permetire le
violet, je ne leur accordai que le noir; savoir : le drap pour l'hiver cl la soie
|)()in' l'i'li'. On observa (|ue, celle année-là, il y eut beaucoup moins de rhumes
que les précédentes, où l'on faisoit usage de vos habits actuels.
(I Quant aux oIKiccs et aux obits, ils en étoient surchargés comme vous.
J'ai réduit tous les obits ù douze par an; cha(|ue mois, on en dit un avec
toutes les solennités possibles, et les ofliccs étant moins longs, se chanlcul
pins Irnlcnicnt l'I plus décenuneiil.
« J'ai aussi supprimé des fêles dans le diocèse du Mans; ce sont des jours
rendus an Iravail. Ils opèrent un double bien, savoir : de procurer nu peuple
un nioyn df gagn(>r, el une occasion de dépense de moins en écartantlc
désa.'uvremcnl , (|ui le conduit au cabaret. »
Les partisans de ces réformes, en très-petit nonibre, il est vrai, disaient:
• Que les offices étoient, en rllil , d'inie longueur afTiousc; que les obits ne
finissoienl pas ; qu'il étnit impossible d'acquitter les fondations dont plusieurs
238 ANNALES ARCIlfiOLOGIQL ES.
iiYjloienl que votives et, d'ailleurs, très-anciennes, tandis que d'autres n'éloienl
pas snllisaniineiit lundùes. »
Ils ajoutaient : « Nous ressemblons à des mascpics avec nos habits de
ciiiiMir; les clianoines du Mans ont été bien plus sages f|ue nous. Nulle part
on n'csl si longtemps à l'église; des moines mêmes n'y liendroient pas. »
H A II ON i.i: I.A rON.S-MÉLICOQ.
SOCii;TK D'ARUNDEL.
La Société d'Arundel vient d'ajouter à ses publications, déjà nombreuses,
les reproductions suivantes, chromolilliograpiiiécs ou gravées, qu'elle dis-
tribue en ce moment à ses membres souscripteurs pour l'année 1864 :
1° PuiîsENTATiON AU Temim.i;. d'après la fresque de Luini, à Saronno. —
Chromolitliograpliie. Largein- 58 centimètres, hauteur 67 centimètres, sans
les marges. — ].e Temple, où est présenté le divin Enfant, est d'architecture
corinthienne et d'un grand caractère. Au-dessus de l'autel, on voit la création
d'Kve, et Moïse tenant les tables de la loi. A la Présentation assistent seize
personnes, entre autres la vieille prophéfesse Anne, dont la figure sibylline
est des plus nol)lcnient accentuées. Parmi les femmes, deux sont nimbées
comme la Vierge elle-même, en sorte que les trois Maries, qui sont présentes
à la mort et h la résurrection du Christ, assistent déjà à sa présentation au
Temple et presque à sa naissance. La prophétesse Anne annonce évidemment
les futures souffrances du Sauveur, car la sainte Vierge, à qui elle s'adresse,
a la figure frappée d'anxiété. Cinq petits personnages, outre les seize de la
scène principale, regardent, du haut d'une balustrade à jour, ce qui se passe
dans le Temple. Par la grande porte de l'édifice, on voit un riche paysage
que traverse la « l'uite en l'Egypte », une des premières souffrances du Sau-
veur et de sa mèie. Au fond, s'élève un édifice religieux que surmonte une
coupole à huit pans et qu'accompagne un joli clocher carré à six étages.
Cette Présentation de Luini mérite de figurer à côté de celle de Raphaël; l'ar-
chitecture en est bien préférable à celle de Raphaël, qui est si bizarre. Luini
a donc bien fait de signer sa fresque sur l'un des pilastres cannelés du
temple :
BEnNARDIWS LOVIWS PI^^IT. M.C.XXV.
Saronno possède encore de Luini le » Mariage de la Vierge » , 1' « Adoration
MÉLANGES ET NOUVELLES. 259
des Mages » cl le « Christ parmi les docteurs ». Le Mariage de la Vierge
sera publié par la Société d'Aruiidel en 18G5, et l'on peut y souscrire dès à
présent. Quant au Cliiisl parmi les docteurs, il vient d'être chromolitho-
graphie, et fait partie des publications supplémentaires de cette année.
2" Têtf. DR s,«i.\T Joseph, grandeur d'exécution, appartenant à la Présen-
tation au Temple de Luini. Chromolilhograi)liie. — Cette tète est jeune encore,
de quarante à quarante-cinq ans, et pleine d'intelligence. Ce serait un beau
modèle pour nos écoles de dessin et de peinture. En ce moment, où la dévo-
tion à saint Joseph jin-nd un certain essor, cette tète peinte par Luini peut
inspirer utilement nos artistes contemporains et les empêcher de faire doré-
navant ces saints Joseph fades et ridicules que nous connaissons trop.
ly Svi.NT Ji;v\ lîcnivANT SON LvvNfjri.K. Gravure sur métal d'après la fres-
que de l'". Angelico dans la chapelle de Nicolas V au Vatican. — Saint Jean
est dans le ciel étoile, tout environné de rayons et divinement mspiré. Son
aigle, placé à sa gauche, presse les nuages dans ses serres vivantes. L'apôtre
est chauve, longuement barbu et âgé de soixante ans au moins. C'est un vieil-
lard plein d'énergie comme les byzantins aiment à le re|)résenler, tandis que
les latins préfèrent figurer saint Jean évangélislc sous la forme d'un doux et
beau jeune homme.
Il° CoNVKiiSioN i)K SAINT l'\i 1 . Ciiavure sur métal d'après une tapisserie
du Vatican, exécutée sur un carton aujourd'hui perdu, et qui faisait partie de
la série conservée au château d'l[am|)ton-Court. Saul, en soldat romain, est
renversé sur le chemin de Damas que l'on aperçoit dans le fond. Le Sauveur
est dans le ciel, accompagné de ([ualre petits anges qui lui soulèvent les bra^.
Le bras droit, qui est étendu vers le futur apôtre, est d'un admirable geste.
i-a Irncur et le mouvement qui régnent dans cette scène, où s'agitent vingt
personnages, sont dignes du plus grand des peintres,
Kn dehors de ces quatre planches, qui sont ilislribuées aux membres sous-
cripteurs de la .Société d'Anindel pour IHn'i, est publiée une chromoliiho-
gra|)hie, large de S? centimètres, haute de ùl, sans les marges, d'après la
l'rcs(|uc de Luini à Samiino, Cette peinture, extrêmement roman|uablc, repré-
sente Jésus adolescent au milieu des docteurs, au moment où il est retrouvé
par la vierge Marie. Jésus s'est levé de son siège, devenu ainsi le Irône de la
sagesse, h l'approche de sa mère. Il lui tend alVecliieusement la main
toute grande ouverte, et, de l'index de la droite, lui moiitix' le ciel m. ., -,,;.
son l'ère dont il l'ail la volonté. La Vierge monte les degrés du siège comme
pour aller eniijiasser son lils, (|u'elle vient enl'm de retrouver. Son costume,
rouge il la robe, bleu au manteau doublé île vert, bleu au voile que traversent
200 ANNALP:S AltCm'lOLOlilOL'KS.
des fils (l'nr, est d'unr liilin simplicité. Marie tend la maiii gauche vers la
main gauche do son fils pour la presser; elle pose la main droite sur sa
poitrine. Kos yeux de la mère et du fils (pii se regardent, les sourires qui
s'ébauchent l'ont de ce tableau une des plus alTeclueuses scènes que l'on con-
naisse. Jésus n'est plus un enfant : c'est un bel adolescent de (juinze à dix-huit
ans. il est \ètu d'une robe courte, violacée, et qui laisse les jambes à décou-
vcit. Cette pelilo r(ii)o est serrée h la taille par une ccintiu-e verte et jaune.
Ihi manicau i)l('ii. encore plus court que la robe, est bouclé sur l'épaule droite
avec un boulon d'or. Sans la robe qu'exige la pudeur chrétienne, ce jeune
Jésus resseml)lerail à l'Apollon du Belvédère, dont il a le geste et dont la
chevelure d'un rouge ardent, qu'entourent des rayons d'or, rappelle la cheve-
lure enflammée du Soleil. Les vingt-cinq personnages, princes des prêtres,
docteurs de la loi ou simples assistants présents à cette « leçon » du Sauveur,
sont variés d'âge, d'attitude, de costume, de physionomie. Toutes ces tètes
sont pleines d'une expression bien diverse et qu'il serait trop long de spécifier.
En outre, saint Joseph est au fond de la salle, du côté de la sainte Vierge;
il tient un long bâton comme un voyageur qui vient de chercher en bien des
endroits le jeune égaré. L'architecture et la décoration du temple, l'agence-
ment du siège d'où se lève Jésus, la sculpture des deux escabeaux en bois,
où sont assis deux vieux docteurs, méritent d'être remarqués, car ils pour-
raient servira nos architectes, décorateurs et menuisiers d'aujourd'hui. Celte
espèce d' « École d'Athènes », où un adolescent enseigne une science divine
h ces vieux savants, mériterait d'être comparée à. la fresque immortelle de
Raphaël. Il y a moins d'air, moins de variété (\\ic dans la véritable « École
d'Athènes », mais bien des tètes sont dignes des plus belles que Raphaël ait
peintes. Luini est un grand artiste que la France ignore et que la Société
d'Arundel a la gloire de faire connaître à tous les amis de la grande et noble
peinture.
l'our 1805 la Société d'Arundel prépare :
1° Le (1 Couronnement de la Vierge », par l'i'. Angelico, au couvent de
Saint-Marc à Florence;
2" Le » Mariage de la Vierge », par Luini, à Saronno ;
3° « Saint Jacques devant Hérode Agrippa », par Mantegna, dans l'église
des Eremitani à Padoue;
k° La lettre capitale F, suite de l'alphabet historié et en couleur.
Nous croyons devoir rappeler que le nombre des membres souscripteurs de
la Société d'Arundel est complet. Pour entrer dans la Société, il faut s'in-
scrire parmi les surnuméraires, et l'on ne prend rang parmi les membres
MÉLANGKS KT NOUVELLES. 261
que quand il se lait une vacance. La souscription annuelle reste fixée au prix
de 20 IV. 25. Elle se paye d'avance. L'agence de la Société dWrundel, pour
Paris et la l'rance, est au bureau même des «i Annales Archi'-ologiques ».
CONCOURS DE PEINTUUE SlMt VEIlItE.
Depuis qiit'kiues années les Anglais poussent, avec une force admirable d'im-
pulsion, l'ait dans toutes ses voies : dans l'idéal le plus élevé comme dans la
pratique la plus réelle. Ils ont l'onde ce musée do Kensington, qui est devenu,
du premier élan, beaucoup plus important que notre musée de riiôlcl de Cluny
et que notre Conservatoire des arts et métiers, avec Icsque's il n'est pas sans
analogie. Les collections de tout genre ont tellement abondé, par dons et par
achats, qu'il a fallu, h plusieurs reprises, élargir et multiplier les constructions
(|ui (kvaiciit les abriter. Ces constructions, il s'agit aujourd'hui do les décorer,
et l'on l';iit appel à tous les arts, même à la peinture sur verre, pour les em-
bellir. Ce musée de Kensington est le palais des arts industriels, et l'on veut
(pie .«a décoration rappelle celte distinction et proclame le triomphe de l'art
ap|)li(|ué à l'industrie. Voilà le thème proposé comme sujet d'une verrière (|ui
a 3'"."ir) de largeur sur 5 "70 de hauteur, c'est-à-dire une superficie d'en-
viron I!) mèlros. C'est une assez belle surface, mais c'est (|uin/.o ou vingt
fois moindre (pie la surface décorée de vilraut îi notre palais de l'industrie,
où l'on aurait pu et dû largement développer le riche thème que les Anglais
proposent aujoiinriiui dans un concours universel.
IMus religieux ipie nous et plus com|)réliensils, les Anglaisent prisée thème
dans la tlible. dans le livre de rKcclésiasli(|ue attribué h Salomon. C'est le
lrenti:-huitièmc chapilii', du veisi-l wiv à la fin. qu'ils proposent comme
motif de la future verrière. .Si je comprends bien l'esprit (pii a pn'sidé nu
choix de ce texte, ce serait seulement des versets (|ui courent du wviii* nu
xxxvir (pi'il faudrait se préoccuper. Le verset x\iv engage les vivants à ne
pas Irop pleurer les morts; le verset x\v reconnnande de m: pas trop s'agiter
>i l'un \enl ètresttgo; les versets wvi et \\\ii semblent blâmer le laboureur
cl rélevenr de bestiaux, et leur reprocher de nuMtre la sagesse et la gloin*
dans leurs lr.i\;ui\'; les versets wwii. wvmii et \\\i\ déclarent que les
1. ia (loisi iliro i|uo Ip loxto Iulin iio iiio |Kinill im» contenir co blAino i|ui ihI lri'-<«-n<>lipmml
\\iv.
262 ANNALKS AUCII KOI.OOKJLES.
arlislos el irs artisans soni indignes d'exercer la inagistralurc. Cette lolc et
rclte (in du texte sacré me paraissent aller directenienl contre les inten-
tions des rédactonrs du programme, et voii'i ponr(|noi je me crois antorisé ii
dire que ce |)rograMinio doit su renl'ermer entre le xxviir el le xxxvii" verset.
Onoi qu'il en soif, comme je ne suis pas chargé de changer un iota dans la
rédaclion (|uc l'on vient de m'envoyer de Londres, voici le tcxli; complet de
rKccIésiastiquc rccommanch; à l'allcntion et aux méditations des futurs con-
currcnls :
24. Dans le ropo>, où il est oniré, laisse dormir la mémoire de celui qui n'est plus, et convoie-
loi de ce que son esprit est séparé de son corps.
25. Le docteur do la loi deviendra s;ige au jour do son repos, et celui qui s'agite peu acqucria
la sagesse.
26. Quelle sngesso peut avoir celui qui conduit une cli;irrup, qui met sa gloire dans l'aiguillon
avec Icqut 1 il anime les bœufs, qui vit au milieu de leurs labeurs et ne s'entretient que de flis de
taureaux ?
27. Il applique toul son cœur il tracer des sillons, et toutes ses veilles à engraisser des
gcnissi's,
28. .Ainsi l'ouvi ler en bois, et l'arcliilecte, consume dans son travail les jours et les nuits.
Ainsi celui qui grave varie ses ciselures par un travail assidu ; il applique tout son cœurà imiter
un modèle, cl, par ses v. illes, il achève son a-uvre.
29. Ainsi l'ouiriercn fer s'assied près de l'enclume et considère le fer qu'il emploie; la vapeur
(lu feu coiisuiiie sa (tliair, et il est sans cesse e\|)0sé a l'ardeur de la fournaise.
,'îO. Le b] uit des marteaux se renouvelle sans cesse à son oreille, et son œil est attentif à l'objet
qu'il imite.
31 . 11 applique son cœur à achever son ouvrage; il l'embellit et le perfectionne par ses veilles.
32. Ainsi le potier s'assied près de son ari;ile ; il tourne la roue avec ses pieds; il est dans une
sollicitude conlinuelle à cause de son œuvre, et il ne fait rien qu'avec mesure.
33. Sa main façonne l'argile, et il l'assouplit après qu'il l'a rendue flexible avec ses pieds.
34. Il applique son cœurà peindre son ouvrage, el il veille ii ce que son fourneau soit purifié.
33. Tous ces ouvriers espèrent en leurs mains, et chacun est sage en son art.
36. Sans eux nulle ville ne serait bâtie, ni habitée, ni fréquentée.
37. Mais ils n'entreront ni dans les assemblées, ni dans les conseils.
38. Ils ne seront point assis sur les sièges des juges, el ils n'auront point l'intelligence des
jugements; ils ne publieront ni les instructions ni les règles de la vie; ils ne trouveront point le
sens des paraboles.
30. Ils conserveront les œuvres du siècle; mais ils pouvaient prier au milieu de leurs travaux,
y appliquer leur àine cl rechercher la loi du Très-Haut.
Les rédacteurs du programme demandent donc que les concurrents glo-
rifient, en dessin et peinture sur verre, l'art et le métier des artistes et des
accusé dans la traduction de M. de Genoude. Comme rien n'est plus grave que de traduire soi-
même les livres saints, je préfère, pour n'endosser aucune responsabilité, me servir d'une traduc-
tion toute faite et acceptée par l'autorité ecclésiastique.
MKLANGES ET .NOLVIXLtS. 263
artisans. Le texte do l'Ecclésiastique ne doit pas être restrictif; mais il faut
l'élargir, au contraire, et l'étendre à tous les arts et à tous les métiers pour
([u'il concorde avec les collections du musée Kensington et l'esprit compré-
liensif (|ui a créé ce musée. Les dessinateurs et peintres verriers devront
donc représenter les architectes, les sculpteurs, les peintres, les musiciens,
les portes, les artistes du mouvement, les ciseleurs, les émailleurs. les céra-
mistes, les peintres-verriers, les bronziers, les forgerons ou ferronniers, les
orfèvres, les mécaniciens, les tisserands, les tapissiers, les dentelliers et
brodeurs, les ébénistes, les charpentiers; c'est-à-dire, tous les artistes et
ouvriers de la pensée, de la parole, du son, du geste, de la pierre grossière
ou précieuse, de l'argile et du plâtre, du métal, du bois, de la peau, du
tissu, du verre, etc., rap|)rociiés suivant Icin-s alllnités, éloignés suivant leurs
oppositions, mêlés dans un ensemble compact et proclamant tous en chœur le
triomplie do l'art et de rindustric. Dix-neuf ou vingt mètres poin* tout cela,
c'est voiilnir comprimer l'Océan dans un lac. et les plusieurs centaines de
MiMrcs que contiennent les deux verrières de notre palais de l'Industrie n'y
auraient même pas suffi. Mais le mérite des concurrents sera précisément de
tout diie en pou de mots et do tout montrer on quelques tableaux.
Après ou plutôt avec le << Triomphe de l'Agucau » qui est à Gand . lo
« Magnilicat de l'art » qui est h. l'rancfort-sur-le-.Mein, le « .higoment der-
nier 1) attribué 'i Jean Cousin, peut-être » l'École d'Athènes » et la ■■ Dispute
du Sainl-Sacremcnt » do Haphaël, surtout après ou avec les vastes scènes
sculptées ou peintes dans nos cathédrales du xin" siècle, je ne connais pas
de sujet plus grandiose et plus digne d'inspirer un artiste de talent. Si j'avais
eu le temps, j'aurais essayé de composer, de faire dessiner et peindre stn-
verre cet admirable ensemble, car c'est h des tableaux de ce genre que l'on
s'enllamme le plus facilemonl. Ouo je trouve un artiste dessinateur qui veuille
1110 cumiiriiiiire, et je nr dis pas nun : jo me terai peut-être concurrent sur
ce champ ouvert à tout le mondr. Il serait digne de la l-'rnnce et do ses
doux cents peintros-verriors, aclufllcuiont vivants ot pratiiiuants, do i)roMdre
part l'i cctio lulto si digne d'intérêt.
Voici maiiilciiiiiil les termes mêmes du concours; je traduis lexliicllcnionl
siu" l'anglais lo programim- oHiciol (|ue je viens de recevoir et <|ui porte en
litre :
iii^i'MVTi^urM i>K <iciit\r.it iT K'tnT, cnurri' ix^ co^^trii. hViicmtiosi, *u uit<i pi <oiT«-it^u»<>io>
I. I,i':< Iniil-, (lu iciiiiii' <lii l'oniioil H'iVliirntinn il^in'iil (i|iii>ntr yovr le mu«^> •! - ~
Kotisiin)i|tuii tin dessin iloslim^ ii uni- Tmi^lro en |Niinlnn> mr wrw MMTxfi »u non). Im Imip.
204 ANNALKS AIICIIKOLOCIQUES.
sommet c>lsoiiii-cir(.'uluira, portu les diiiioiisionj suivantes: 18 piods *J poucoi^ de hauteur jus-
(|u'.iu MjiniiR'l (lu l'urc, sur II piuds du lurgcur [soit, un mesures rnini;aises, :i"'3o de large sur
r)'"70do haut;.
2. I.u foMÔlre sera vue d'un esculier placé au coin nord de la grande cour du nord. La décord-
lion iircliilecluralo do l'escalier sera en slylo de la rcnaisMnce italienne. Le sujet du dessin est
l'ourni par le '.iS' chapitre do riicclésiasti(|ue, du verset 24 jusqu'à la fin du chapitre.
3. Le dessin devra ôtro à l'échcllo d'un pouce par pied (au 12°) et colorié. Il sera accompagné
d'un carton do grandeur d'exécution reproduisant une partie sulTisanle pour montrer l'exécution,
el d'un spécimen duno portion du dessin exécuté en verre, en gnindeur naturelle.
•l. Le concours est ouvert aux artistes de toutes les nations.
5. Une somme de 40 x (1,000 fr.) sera accordée au dessin qui paraîtra le plus convenable, et
une somme de 20 -É (500 fr.) au meilleur dessin suivant.
C. Les juges auront |)oui- instrurlion de donner hs prix aux dessins, seulement d'après leur
inérile artistique, sans s'occuper du coût probable de l'exécution.
7. Chaque dessin devra être accompagné d'une offre cachetée, établissant le prix auquel le des-
sin peut être exécuté, le temps que prendra l'exécution, el le nom et l'adresse de l'arlisle.
8. Los dessins et les dires devonl ôtro envoyés au musée de South-Kensington avant U*
!'■' mai I86j.
y. Les noms des juges seront |)ubliés plus tard.
10. Les dessins aux(|uels les prix auront été accordés doviondiont la propriété du départe-
ment (le science et d'arl, qui no s'oblige pas, cependant, à faire exécuter l'un d'eux.
Par ordre (lu Comité du conseil d'éducation,
HnsKY CULK, sefrétaire.
Juillet 18G4.
Jt! (iL'siiv ([lie cet ai)[)ol, adi'ossé à lotîtes les nations et surtout à la Ffaiice
à laquelle j'aime à le fépéter, soit entendu par tous les artistes d'élite. Ce
serait une véritable gloire pour notre pay.-^ si l'un des nôtres sortait vaiiKjueur
de cet honorable et difficile concotirs.
DIURON Ai.NK.
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35
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ICONOGRAPHIE
DE SAINT PIERRE ET SAINT PAUL
1
SAINT PIERRE, NOUVEAU MOÏSE.
Le troisième sujet qui vient, sur les sarcophages, compléter, dans le sens
d'une parfaite réparation ceux de la prédiction du reniement et, nous pour-
rions dire, du martyre annoncé et commencé, est celui du rocher frappe d'où
jaillit une source d'eau vive, source à laquelle une foule empressée vient se
désaltérer.
Pour prouver et faire comprendre la liaison qui existe entre ces trois scènes,
il est nécessaire d'entrer dans quelques explications.
Dans le sens propre, le personnage qui frappe le rocher est Moïse, et le
fait exprimé est celui qui se passa dans le désert, lorsque, sur l'ordre de Dieu,
le saint prophète fit, en ellct, d'une roche stérile jaillir une source abon-
dante pour désaltérer les Israélites mourant de soif 2. La signification de ce
fait n'est pas plus douteuse que le fait lui-même. Saint Paul le dit : « Petra
autem erat Christus*». Le rocher, dans le sens figuré, c'est donc Notre-
Seigneur Jésus-Christ, de qui découlent toutes les grâces du salut, l'efTicacité
de l'eau baptismale, le sang régénérateur. V.n conséquence, également dans
le sens figuré, il faiil (|ue celui qui frappe le rocher ne soit autre, en général,
que le prèlre chrétien qui, par la vertu des paroles sacramentelles, fait de
cette source divine jaillir les eaux de la grâce et les dispense aux fidèles;
t. « Annales Archéologiques», vol. xxiii, pages 26, 138 et 205; vol. xxiv, p. 03, 161 et 210.
2. « Exode », cap. xvii, v. 6.
3. « I Corinlh. », cap. x, v. 4. — M. UiuiioN, « Manuel d'Icun. ihrét. », p. 100, a très-bien
exprimé cette signification.
XXIV. 35
200 ANNAI.F.S AltCll flOLOOIQl'KS.
plus ovfcllfinmpiil, c'est saint Pierre lui-mCme, après Jésus-Christ, la tétc
(lu sacerdoce, le Moïse de la nouvelle loi, le chef du nouveau peuple de Dieu.
L'iinpoilance de ce sujet aux yeux des premiers chrétiens est attestée par
sa fré(|ueiilc répétition dans leurs peintures des catacombes, sur leurs fonds
de verre comme sui- leurs sarcopluif^cs. Nous n'en concluons pas (|uc, |)our
répondre k leur pensée, nous devions nous écrier, toutes les fois que nous
voyons Moïse fiappant le rocher : « voilJi saint Pierre! », comme si le premier
avait d'emblée perdu toute personnalité. Mais telle était alors la tendance à
s'allachcr à l'idée beaucoup plus qu'à la forme, qu'il arrivait de perdre de
vue celui qui figurait, pour songer unitiucmcnt Ji celui qui était figuré dans un
rôle bien plus excellent, d'une réalité présente et d'une cfTicacilé perpétuelle.
C'est ainsi que sur un fond de verre, souvent reproduit, et que nous avons
observé nous-mêmes au musée du Vatican, celui (|ui frappe le rocher est
désigné par son nom, et ce nom n'est pas celui de 3Ioïse, c'est celui de saint
Pierre, «i Petrus ».
Sur les sarcophages, le sujet du rocher frappé accjuicrt, pour se rapporter
à saint Pierre, une convenance de plus par son rapprochement et son accord
avec les deux autres sujets directement propres au saint apôtre que nous
avons fait connaître.
Ces trois sujets se suivent fréquemment dans l'ordre où nous les voyons sur
le sarcophage dont la gravure est placée sous les yeux de nos lecteurs *, en
4. Ce sarcopliafîo est un des plus remarquables spécimens de cette branclie de l'art ctirétien
primitif. La signification des difTérents groupes que l'on y voit sculptés comporterait de longues
explications, que nous no sommes point suffisamment en mesure de donner; nous nous conten-
terons d'en indiiiucr quelques-unes que nos lecteurs nous pardonneront de ne pas mieux justifier,
eu égard à l'espace toujours étroit d'une note, si longue qu'elle paraisse proportionnellement.
Dans le médaillon central on voit, avec son épouse, le haut personnage chrétien dont ce monu-
ment devait contenir les restes. Ce médaillon est soutenu par deux génies. Nous ne prenons pas
en cfi'et ces deux figures ailées pour des anges; c'est une réminiscence païenne dont on retrouve
des traces à toutes les époques do l'art chrétien, et nous ne croyons pas nous éloigner beaucoup
de la vérité en jugeant qu'il s'en est servi comme d'une sorte de personnification allégorique des
pensées.
A droite et h gauche de ce médaillon, on reconnaît : d'une part, la création de la première
femme, Eve, tirée de la côte d'Adam, et leur chulc ou plutôt leur condamnation à tous les deux;
de l'autre part, le miracle de Cana, celui de la muliiplication des pains, et la résurrection do
Lazare, c'est-à-dire, ce semble, la pensée de la création mise en regard de celle de la rédemption :
la création première avec ses imperfections, la chute et ses rigoureuses conséquences opposées
au renouvellemont, au pcrfectionnomcnl, à l'abondance, à la résurrection, à la vie. Cet ensemble
d'idées est mis en relief |)ar le rapprochement des sujets et leur opposition; mais on a pu consi-
dérerqu'il était résumé en chacun d'eux, tels qu'on les voit ailleurs séparément. La création de la
femme ofi'rirait alors une allusion à la fondation de l'Église. La condamnation au travail est expri-
ICONOGnAPlIIE DE SAINT PIERRE ET SAINT PAUL. 267
partant du centre, tantôt à droite, tantôt à gauche; il arrive aussi qu'ils sont
réunis sur le même monument sans se succéder immédiatement. 11 est très-
rare, alors môme, que leur ordre logique ne soit j^as obsei'vé; ordinairement
les traits attribués à saint Pierre dans les deux premiers se transmettent à
celui r[ui le représente dans le troisième. En pareil cas, on peut dire que le
personnage de saint Pierre absorbe en quelque sorte celui de Moïse. 11 est
une autre particularité dont notre sarcopjiagc olTre également un exemple, et
relativement à laquelle on dirait au contraire que Moïse revit en saint Pierre.
Celui-ci, en elTet, est mis en possession de la verge de Moïse. Cette verge,
signe de la mission divine du prophète, et qui fut entre ses mains l'instrument
de tant de merveilles, elle est passée dans celles de saint Pierre dans les
deux scènes de la prédiction et de l'arrestation, où il n'a pas à s'en servir,
comme dans la scène où elle fait jaillir l'eau du rocher. Elle est ainsi deve-
nue un des attributs fixes et personnels de saint Pierre, à tel point que nous
tnée par la remise des épis qu'Adam devra faire pousser, de la brebis ou de l'agneau dont Eve devra
filer la laine; h raison mt^'Hie de ces cmldéines les espérances consolantes, et le sentiment de la
réparation y débordent. Le miracle de Cana et la multiplication des pains, ces deux figures ainsi
rapprochées de l'Eucharistie, pourraient se rapporter à la distinction des deux espèces du pain et
du vin. Quant au sujot de Lazare, il exprime bien le jjassago do la mort à la vie.
Dans la rangée inférieure, la pensée fondamentale du triomphe sur la mort et en général sur
toutes les puissances ennemies est figurée au milieu par Daniel. A sa droite, les deux sujets de
l'adoration des Mages, avec une allusion évidente à l'étoile, et la guérison de l'aveugle-né, s'ac-
cordent dans une pensée commune d'éclaircissement et de manifestation; tandis que la gauche
est consacrée aux trois scènes relatives à saint Pierre qui nous occupent dans le corps de notre
étude.
On remarquera que dans le sujet de la création de la femme on a voulu probablement rendre
le « faciamus » de la Genèse, en représentant la Trinité sous la figure de trois hommes sembla-
bles; on pourrait donc invoquer, en faveur de ce mode de représentation, un exemple tiré de
l'antiquité chrétienne.
La chute est rappelée par le serpent qui tient encore la pomme fatale.
La multiplication des pains occupe sur certains sarcophages la position centrale, et les deux
apôtres qui présentent les pains et les poissons portent aussi des livres: dans la scène do Daniel,
on remarquera la petite figure d'ilabacuc apportant des pains; or, il arrise qu'on voit aux côtés
de Daniel non plus seulement un personnage portant les pains dans le rôle d'ilabacuc, mais encore
un second portant aussi des poissons; il est impossible de no pas voir, dans ces Iransposilions,
des allusions aux mêmes mystères, et, passant du figuratif au figuré, on peut se demander si
quelquefois dans les deux apôtres de la multiplication des pains, et les deux personnages analo-
gues rapprochés de Daniel, on n'a pas eu en vue le sacerdoce chrétien représenté en la personne
de ses chefs, saint Pierre et saint Paul? Quant au personnage qui dans ce sarcophage appuie la
main sur la tète d'Habacuo, nous no saurions dire quelle en est la signification. A moins que co
no soit une allusion à l'ordination faite par l'imposition des mains, pensée qui surgit îi l'instant
môme dans notre esprit et que nous livrons dans toute la fraîcheur d'un premier jol, mais aussi
comme un fruit d'une incertaine maturité.
258 ANNALES ARCIlfiOLOGlQL'ES.
aurions dû en i)ai|pr lorsf|iio notis nous sommes occupé de celle parlie de son
iconoKiapliic : le faire rnainlcnant, c'est rd-parcr une omission.
Cette sorte de sceptre primitif, dans les sculptures des anciens sarcophages
clirélicns, n'est attribué ([n'à .Jésus-Clirist, à Moïse ou k saint Pierre, c'est-
à-dire qu'il exprime la souveraine puissance et la souveraine juridiction qui,
appartenant en propre sciilcinent au premier, donné autrefois au second en
d('p(jl transitoire, a été, en défmilive, délégué au troisième.
La verge de Moïse lui servit spécialement dans l'une des situations les plus
solennelles de sa vie, lorsqu'il en frappa les eaux de la Mer-Rouge pour la
faire ouvrir sons les pas des Israélites, et qu'il l'étendit pour que cette mer
engloutît Pharaon et son armée, autre sujet qu'il n'est pas rare de rencontrer
sur les sarcophages de Rome, d'Arles, d'Aix; nouvelle allusion à la délivrance
opérée par la vertu de la croix, pensée que nous avons vue directement expri-
mée sur une miniature d'un manuscrit grec de la bibliothèque du Vatican
(n" 342). Dans cette miniature, la verge dont Moïse, le personnage histo-
rique, frappe les eaux de la Mer-Rouge, est devenue la croix, attribut de saint
Pierre, le personnage figuré^.
]\loïse apparaît encore sur les sarcophages comme recevant les tables de la
loi, ou se déchaussant pour s'approcher de Dieu; sujets qui, distincts histo-
riquement, semblent, sur ces monuments, à peu près se confondre, et y sont
assez souvent représentés en parallèle avec la scène du rocher frappé. La
substitution de l'apôtre de la nouvelle loi au prophète de l'ancienne n'y a
point été portée aussi loin que dans cette dernière scène. Quelquefois même
Moïse y demeure imberbe, tandis que saint Pierre, à côté, dans les scènes
qui lui sont directement propres , apparaît avec sa barbe traditionnelle. Nous
soupçonnons néanmoins que le don fait à Moïse n'exprime pas une pensée
foncièrement dilTérente de celle du don fait à saint Pierre, lorsqu'il reçoit le
volumen déployé. 11 est possible que, dans le premier cas, en représentant
ce qui fut le jirélude et la figure, on ait voulu porter l'attention aussi sur
la cliose désormais donnée dans son état de parfait accomplissement, comme
dans le second cas, où cette chose est l'objet explicite de la représentation.
Un sarcophage du musée de Latran nous olïre un intermédiaire relative-
1 . Cctto minialiiro, à première vue, nous avail paru, à nous et îi un jeune artiste de talent qui
en faisait un (icHsin pour M. le coiiite Oiivaroff, offrir une circonstance plus merveilleusement
appropriée ;i l'idée que nous exposons : nous voulons parler d'une petite tonsure sur le devant
de la tête. Mais, tout bien examiné, nous avons remarqué qu'elle n'en occupait pas tout à fait le
milieu, et nous nous sommes convaincus qu'elle était le résultat de l'enlèvement accidentel d'une
partie de la peinture.
ICONOGRAPHIE DE SAINT PIERRE ET SAINT PAUL. 269
ment auquel nous hésiterions à nous prononcer si le personnage, qu'on y voit
représenté dans l'attitude. ordinaire à Moïse recevant la loi, n'a pas aussi
quelque droit à prendre le nom de saint Pierre. Ce personnage, le pied posé
sur un rnonliculc, tient à la main non plus la table de la loi, mais le volumen
déroulé dont s'est déjà dessaisie la main divine aperçue au-dessus, et ses
traits, si nos souvenirs ne nous trompent pas, sont les mêmes que ceux de
saint Pierre dans la scène du reniement prédit qui occupe l'arc central du
monument.
Quels que soient d'ailleurs les nuances et les degrés offerts par cette sorte
de pénétration du figuratif par le figuré, il est certain, en définitive, que dans
nul autre sujet la iransition de Moïse à saint Pierre^ n'a été formulée avec
autant de netteté, soutenue avec autant de constance, que dans celui du
rocher frappé, à raison sans doute de la précision des paroles de saint Paul
et de la corrélation établie entre ce sujet et ceux de la prédiction du renie-
ment de saint Pierre et de son arrestation. Celte corrélation était passée h
l'état de pratique d'école; nous en signalerons un indice dans un détail d'ail-
leurs de minime importance, dont notre sarcophage offre spécialement un
exemple. Nous voulons parler de ces sortes de chaperons portés seulement
par les personnages accessoires qui emmènent saint Pierre dans la scène de
l'arrestation, (\u\ viennent puiser de leau dans la scène du rocher frappé. On
les retrouve dans un grand nomi)re de monuments, à Arles comme à Rome,
et rarement ailleurs que dans ces deux scènes -. Nous n'avons aucune donnée
sur l'origine et la signification de cotte coiffure; nous ne soutiendrons pas
qu'en la mettant exclusivement et simultanément sur des tètes si diverses au
point de vue de la réalité étroitement historique, les unes appartenant h des
Israélites du temps de Moïse, les autres à des Romains du temps de Néron,
la pensée des artistes se soit élevée jusqu'à vouloir expressément que les
satellites, chargés de conduire saint Pierre à la mort, soient devenus, un peu
après, les chrétiens qui se désaltèrent à la source sacrée. Le fait cependant
1. Cnmmo siiito du la môme idée, nous rappelons qu(> nous avons vu, dans noire « Bible mora-
liséc » do la Bibl. imp , saint Piorre assimilo à .Moïse. Et l'on a pu remarquer qu'au tambour de
la coupole du moriastèro grec do Caracallou, où les douze apôtres corros|)ondent ;i douze pro-
phètes, saint Pierre est mis en regard de Mo'ise, et saint Paul d'Èlist^o. <i Annales Archéologiques »,
t. XX, p. 280. C'est lanlôt une simple com|iaraison, tantôt une métaplioro.
2. 11 est à remanpier que sur le pied do la croix de Saiiit-Hoilin, publiée par les « Annales
Archéologiques », t. xx, p. 5, on retrouve cette sorte de chaperon dans la scène du rocher frappé.
— Un sarcopliago publié dans les « Cliieso di Roma », t. m, pi. xli, comme étant il Sainte- Ma-
rie-.Majoure, montre la mémo coilTuie sur la télo de deux personnages qui semblent venir consul-
ter un viLillard octupé il lire.
270 ANNALES AHCIIÉOLOGIQUES.
s'csl réalisé h la lot Ire, lorsque saint l'icrrc converlil et baptisa saint Pro-
cessus et saint Maitiiiien, ses gardiens et ses geôlier». Mais nous croyons que
la similitude s'csl établie d'inslinct entre les personnages des deux scènes,
ù. raison de la correspondance des idées, et qu'elle s'est maintenue de niènie.
Le rapport du rocher frai)pé avec le sacrement du baptême est directement
exprimé sur un sarcophage du musée d'Arles'. Tandis que la face principale
de ce sarcophage est occupée par les douze apôtres rangés de chaque côté du
monogramme du Christ élevé sur la croix et renfermé dans une couronne, à
ses deux exlrémilés on voit d'un côté représenté le premier de ces sujets,
cl de l'autre une seconde source qui, en jets abondants, sort aussi d'un
rocher. Le Sainl-Esprit, sous forme de colombe, descend sur ces eaux salu-
taires cl saint Jean -Baptiste s'en ap|)rochc. On reconnaît le Précurseur à la
peau de bète allacliée sur ses épaules; devant lui est une petite figure, nous
ne disons pas d'enfant, parce que l'infériorité de la taille n'avait pas toujours
celle signification; c'est un pénitent, ou plutôt un catéciiuméne que saintJean,
avant do 'le baptiser, semble vouloir présenter à un autre personnage qui,
tenant un volume, est placé à l'opposé et nous paraît être le Christ : saint
Jcan-Baptisle lui-même pouvant être pris pour la figure, en général, du
minisire du sacrement de baptême.
Voilà donc, par l'effusion des mérites de Jésus-Christ, une source où toute
faute trouve une réparation surabondante; voilà saint Pierre relevé de sa
chute, relevé aussi aux yeux des faibles de l'ignominie de son supplice et
placé à la tctc du i)lus haut ministère qui puisse se concevoir.
La tradition des clefs, quand elle se montre sur les sarcophages, entre ordi-
nairement aussi dans un ordre d'idées analogues à celles que nous venons
d'exprimer : elle est placée à la suite de la prédiction du reniement sur celui
de ces monuments qui contient aujourd'hui les restes du pape Grégoire W;
elle lui sert de pendant sur l'un des sarcophages de Saint-Maximin 2, à gauche
du Christ triomphant qui fait le don du volume déployé ; elle est associée à
la scène de l'arrestation sur le fragment que nous avons observé au musée
d'Avignon (n° 123).
1. Lalaizière, « Ilist. d'Arles », pi. xxv, Gg. 3 et 4.
2. Tombeau dit des saints Innocents, dans les « Mon. de Saint-Maximin », pi. viii. Nous nous
étonnons que, reconnaissant dans le sujet conlral rétablissement du règne de l'Église, M. L. Ros-
tan n'en ait pas conclu que le don du \olume sacré était fait à celui qui en est le chef. Le phé-
nix, il est vrai, ressemblant réellement à un coq sur le sarcophage de Saint-Maximin, quoique
posé sur lo palmier, sans possibilité de méprise à cet égard, a contribué à ce que nous nous
croyons permis d'appeler une erreur.
ICON'OGPiAPHlE DE SAINT PIERRE ET SAINT PAUL. 271
Ce sujet de la tradition des clefs, ainsi que ceux qui l'accompagnent, est
d'ailleurs, dans le système iconographique des monuments qui viennent de
nous occuper, bien moins destiné à la glorification du saint apôtre, dont il
exprime l'une des plus insignes prérogatives, qu'à célébrer l'ère de délivrance
et de pardon autant que de lumière et de paix inaugurée par le christianisme.
Songeons à tant de malheureux relevés de leur abaissement, k tant de crimi-
nels déchargés de leurs fautes, à tant de chaînes brisées, à tant de portes
ouvertes et à cette abondance de grâces qui, du sein de l'Église dont saint
Pierre est le chef, coulent incessamment dans le monde entier ; et par quel-
ques côtés du moins, nous aurons pénétré dans la pensée que les sculpteurs de
ces antiques tombeaux étaient chargés d'exprimer pour le soulagement des
morts et la consolation des vivants.
GRIMOUARD DE SAINT-LAURENT.
L'Airr ciii5i:tii:\
AU CONGRES DE MALINES
Dans le vingt-lroisiôme volume des « Annales Archéologiques », page 183,
je publiais le résume d'un discours tenu au congrès de Malines par M. l'abbé
Cartuyvels, docteur en théologie et professeur d'archéologie au grand sémi-
naire de Liège. Ce résumé, emprunté textuellement au journal le « blonde »,
qui n'est hostile ni aux ecclésiastiques ni à leurs doctrines sur l'art, était
conçu comme il suit :
« M. Cartuyvels, professeur d'archéologie au grand séminaire de Liège,
combat les orateurs précédents (^L^L Jean Bélhune de Gand, et Weale de
Bruges). 11 émet l'opinion qu'on ne peut pas dire que l'art du xjii' et du
xiv° siècle soit le seul type de l'art chrétien; il ne faut pas condamner les
écoles artistiques qui ont succédé à, celle du moyen âge, car ce serait nier le
progrès. 11 exprime encore l'opinion que l'art du iv' siècle était tout aussi
chrétien et aussi beau que celui du xin" siècle, et que les basiliques anciennes
sont supérieures aux cathédrales du moyen âge.
« M. l'abbé Brauwers (Pays-Bas) répond que fart chrétien , quoiqu'il ait
commencé dans les catacombes, ne s'est guère développé avant la conversion
de Constantin.
« M. Cartuyvels reprend la thèse qu'il a déjà développée. Selon lui, tout
n'est pas à condamner dans l'art païen. La représentation des passions hu-
maines n'est pas nécessairement mauvaise; elle peut même prêter des élé-
ments à l'expression des sentiments chrétiens. C'est à l'aide de ces éléments
que les v" et xvr siècles ont produit les plus beaux monuments dans les
églises de Rome. »
Ces propositions, étranges dans la bouche d'un ecclésiastique instruit et
L'ART CHRÉTIEN AU CONGRÈS DE MALINES. 273
professeur d'archéologie , je les ai relevées dans ce même volume des
« Annales », page 188, avec une vivacité que je ne puis pas regretter.
M. Cartuyvels, blessé du compte rendu et de mon espèce de réfutation, m'a
fait l'honneur de m'adresser la lettre suivante :
Monsieur,
Il est tard pcul-iMre do venir, après six mois, se plaindre d'une injure, mais il n'est jamais trop
tard pour la réparer. On m'a montré dernièrement un article de votre excellente « Revue » {oc-
tobre 1803), où l'appréciation du congrès de Malines vous amène à me prendre personnellement
à partie, avec un mépris très-peu déguisé. Cette attaque violente est d'autant plus déplacée qu'elle
a le malheur de porter complètement à faux. Je ne suis pas, Dieu merci, ce contempteur ignare
du moyen âge chrétien que vous fustigez avec indignation ; je désavoue entièrement les absurdités
que vous me prêtez avec une étrange bonne foi. En voici, monsieur, la preuve péremptoire : c'est
le texte même des paroles que j'ai prononcées à Malines, telles qu'elles sont reproduites par le
compte rendu officiel. Trompé sans doute par les relations incomplètes qui ont paru dans certains
journaux, vous avez cru devoir vous départir à mon égard de la courtoisie française comme de
la charité chrétienne. Si votre o Revue » avait moins d'autorité, monsieur, je laisserais volontiers
pa.^ser le temps sur cette injure. Mais la publicité étendue dont elle dispose, et le caractère public
des fonctions qui me sont confiées dans un SL'minairo diocésain, ne me permettent pas de rester
sous le coup d'une ditfamation semblable.
Je suis persuadé que cette rectification vous donnera, monsieur, un véritable regret de la vio-
lence inconsidérée à laquelle vous vous êtes laissé entraîner. J'ose espérer que votre équité ne
s'en tiendra pas au simple regret. Quant à la manière de réparer votre erreur, je vous en laissa
complètement l'arbitre.
Agréez, monsieur, l'expression de ma parfaite considération.
CiiARLES CARTUYVELS,
Docteur en théologie, professeur au séminaire de Liégo.
Liège, le 1«"- juillet 1864.
Ainsi donc, d'après les termes de sa lettre, M. Cartuyvels repousse comme
autant d' « absurdités », les propositions suivantes que lui prêtait le compte
rendu :
1° L'art du xiii" et du xiv siècle n'est pas le seul type do l'art chrétien ;
2° Il no faut pas condamner les écoles artistiques qui ont succédé il celle du moyeu âge, car
ce serait nier le progrès ;
3° L'art du iv" siècle est tout aussi chrétien et tout aussi beau que celui du xiii° siècle;
4" Les basiliques anciennes sont supérieures aux cathédrales du moyen âge;
5° Tout n'est pas à condamner dans l'art païen ;
6° La représentation dos passions humaines n'est pas nécessairement mauvaise; ollo peut mémo
prêter à l'expression dos senlimimls chrétiens;
7° C'est à l'aide do ces éléments quo les v" et xvi" siècles ont |)roduit les plus beaux monu-
ments dans les églises de Rome.
XXIV. 36
274 ANNALES Anr,lir:OLOG10UF.S.
Pour prouver pc^'rcmploiromcut. comme il li; dit dans sa leltre, que ces
proposilions ne sont pas contenues dans le discours qu'il a prononcé au con-
grus de Malines, M. Carluyvels nous a envoyé le texte même, le texte oOiciel
de ce discours. C'est un peu long et un peu vide de faits. Mais, si je me per-
mettais d'analyser ce discours, on aurait le droit de suspecter mon exactitude
cl même « ma bonne foi », comme il est gracieusement dit dans la lettre ci-
dessus. Il est donc préférable, sous tous les rapports, que je publie le mor-
ceau tout entier. Nos lecteurs verront ainsi très-clairement si le compte rendu
s'est trompé en prêtant h M. Cartuyvels les sept propositions numérotées plus
haut et si j'ai eu tort de relever vivement les susdites propositions. Pour ne pas
allonger par une réfutation en règle les opinions de M. Cartuyvels, que l'on va
IJrc, je me contenterai de placer en notes, au bas des pages, les points les
plus saillants auxquels je ferai une courte réponse. Je n'ai pas besoin de signer
ces notes, puisqu'elles sont toutes de moi. — Voici donc le discours officiel :
« Messieurs, les deux orateurs que vous venez d'entendre, en exposant les
caractères do l'art clirétien, ont insisté sur deux qualités indispensables à l'ar-
tiste : qu'il soit clirétien d'abord; qu'il ait ensuite, d'une façon chrétienne, le
sentiment du beau; cl, en effet, sans une foi vivante et sans une imagination
dirigée dans ses créations idéales par un cœur vertueux, l'artiste chrétien ne
se conçoit même pas. Mais il faut de plus, pour former un artiste chrétien
digne de ce nom, une troisième qualité fondamentale sur laquelle on insiste
généralement trop peu : cette qualité, c'est la doctrine, « la science de l'art
chrétien ». Il ne suffit pas à l'artiste, jaloux de réaliser des œuvres chrétien-
nes, d'avoir de la foi, du talent, d'avoir même le sentiment du beau: il lui faut
encore la connaissance des idées chrétiennes qu'il est appelé à traduire dans
une forme sensible; il lui faut surtout une connaissance approfondie des types,
du symbolisme, des formes traditionnelles de l'art chrétien.
« Car, dans le christianisme, l'art n'est pas une chose de pur agrément.
L'art religieux surtout n'a pas pour but de charmer les sens par une représen-
tation (|uelconque du beau; il a une destinée plus haute, et sa place est mar-
quée dans les desseins de Dieu pour la gloire et l'agrandissement de son œuvre
sur la terre. L'art est dans les mains de l'Eglise catholique un moyen d'in-
struire et de conduire les âmes h. Dieu. Il a pour mission de servir d'organe à
la vérité et de faire passer dans le peuple, au moyen dune forme sensible et
douce de splendeur, les vérités du dogme et l'histoire de la religion. De tout
temps, les églises ont été les livres sacrés des chrétiens qui ne savaient pas
lire. Nos cathédrales du moyen âge étaient de vastes histoires, où, depuis les
statues symboliques du portail jusqu'aux images des saints rangées autour du
L'ART CHRÉTIEN AU CONGRÈS DE MALINES. 275
sanctuaire ^, depuis le tableau de la création jusqu'à celui du jugement der-
nier, le peuple fidèle trouvait, mise à sa portée, une exposition sensible et pal-
pable des objets de sa croyance et de sa vénération. Les premiers sanctuaires
de l'Eglise naissante, les catacombes de Rome, dont le nom seul évoque toutes
les grandeurs de la religion, les catacombes ne sont qu'un vaste musée où
l'art chrétien, devenu l'organe et l'écho du sacerdoce, étale au milieu des plus
touchants et des plus sublimes souvenirs une représentation figurée du dogme
et de l'histoire évangélique, complète et expressive au point de fournir aux
chrétiens d'aujourd'hui des armes pour combattre l'hérésie, parfaitement
comprise du peuple chrétien d'alors, et reflet merveilleux de ses croyances, de
sa vie et de son héroïsme.
« Si l'art religieux a pour mission d'instruire, et s'il doit chercher dans
l'expression du beau le moyen de faire passer la vérité par les sens dans les
cœurs, il est de toute nécessité que l'artiste soit familiarisé avec la doctrine et
avec les types qui la rendent sensible aux yeux du peuple. Or. il faut bien lé
reconnaître, cette action puissante, cet auguste ministère que l'art exerçait
autrefois, il ne l'exerce plus aujourd'hui. Les peuples comme les artistes ont
perdu le sens de ce divin langage. La tradition a été « interrompue, brisée »,
et nous cherchons péniblement à en rassembler les vestiges épars et les frag-
ments mutilés. Ce qui fait parmi nous la faiblesse de l'art chrétien, et ce qui
condamne pour longtemps encore nos artistes à des expériences inutiles et à,
des tâtonnements douloureux, c'est la perte et l'oubli des traditions de l'art
religieux. La tradition vivante assurait autrefois, en dépit du cours des siècles,
la construction et l'ornementation d'une cathédrale telles que le projet en
sortait du génie de l'artiste; lui-même était arrivé à une conception sublime
en suivant les traces de ses devanciers, et le peuple tout entier s'associait à
ces œuvres merveilleuses, parce qu'il les comprenait dans leurs moindres
détails. Aujourd'hui, l'artiste est solitaire; il n'a personne pour lui tracer les
chemins, pour lui marquer un but, pour l'éloigner des écueils, et c'est pour-
quoi, dans la réalisation de l'idéal religieux, il en est réduit à se créer, d'après
une fantaisie individuelle ou par une iiuitalioa (jue le hasard seul dirige, des
types de pure convention, images souvent trop lidèles de ses convictions
ébranlées. (Jue faut-il donc pour relever l'art chrétien? Le rattacher à ses
traditions antiques par la science, par l'élude des anciens types soutenue et
1. Les stiilues qui docoront les porinils do nos ancipimos callu'dnilcs no s^ont ni plus ni moins
symljoliqucs que les images rangées autour du saneluairo : co sont les nu^inos scènes historiques,
les mômes sujets symboliques, les mômes saints au dedans comnio au dehors, ici aussi bien
que là.
270 ANNALES AtUllll'OLOGIOlJES.
dirifîiîc dans un esprit cliréticii, par une investigation patiente et pieuse du
passé qui conduira nos artistes non plus à des imilalions serviles, mais k des
œuvres vivantes inspirées du môme génie d'autrefois.
(( Mais ici, Messieurs, se présente une question fort grave et qui donnait
lieu tout à riieure k l'expression Irôs-animéc de certaines opinions inspirées
par un sentiment sincère et profond que je respecte, mais m(Mées aussi d'illu-
sions (pie je regrette de ne pouvoir partager. Celte question, la voici : Où
faut-il aller cliercluT la traditJDii, les types de l'art chrétien? A quelle école
l'artiste catholique ira-l-il demander des maîtres et des modèles? Existe-t-il
une forme consacrée, un type absolu du beau artistique dans le christianisme?
Il en est qui n'hésitent pas h ré|)ondre que ce type existe, réalisé dans des
œuvres impérissables; que c'est le type chrétien du xiii* siècle, « l'art gothi-
que », en un mot, dans toutes ses applications. Hors de là, point de salut pour
l'artiste. De 15, aussi, l'exclusion formelle donnée, au nom du catholicisme, à
toute forme de l'art empruntée Jv l'antiquité.
« Messieurs, cette doctrine exclusive, dont nous venons d'entendre tout à
l'heure des organes très-convaincus, semble à beaucoup d'autres aussi opposée
à l'esprit de l'Église qu'à sa gloire et au témoignage de ses annales.
(( Sans doute, il faut proscrire du domaine de l'art religieux toute repré-
sentation pernicieuse et de nature à corrompre les cœurs au lieu de les élever.
L'art chrétien n'admet pas de transaction à cet égard, pas plus que la morale
chrétienne. Mais s'ensuit-il qu'il faille proscrire les formes de l'art antique comme
fatalement vouées à l'expression du mal et radicalement impuissantes à expri-
mer le beau chrétien? Evidemment cette conclusion est erronée, car l'antique
se révèle à nous par plus d'un côté où il réalise avec splendeur, dans l'ordre
des idées et des sentiments naturels , les conceptions les plus élevées du genre
humain*.
« En fait d'art, la perfection consiste à revêtir le vrai des formes de la
beauté. Sans la beauté de la forme, l'art n'est pas complet, quelque sublime
que puisse être d'ailleurs la pensée ou le sentiment qui l'inspire. Ainsi, ces
peintres du moyen âge dont les images naïves ont le privilège de captiver le
cœur plus encore que les regards, ces peintres si profondément chrétiens
qu'on appelait Cimabué, BulTalmaco et tant d'autres, sont-ils pour nous en
fait d'art des modèles parfaits? Évidemment non. Ils ont l'idée, ils ont le
1. Le résumé dit : «Tout n'est pas à condamner dans l'art païen. La représentation des passions
humaines n'est pas nécessairement mauvaise; elle peut môme prêtera l'expression des senti-
ments chrétiens ». Le discours et le résumé parlent donc à l'unisson, quoi que JL Carluyvels en
puisse dire uujuurd'liui.
L'ART CHRÉTIEN AU CONGRÈS DE MALINES. 277
sentiment chrétien, ils le traduisent avec amour. Que leur manque-t-il donc?
La beauté de la forme. Ajoutez à l'expression naïve et frappante, qui caracté-
rise ces œuvres , la science du dessin , l'anatomie et la perspective , et ils réa-
liseront un type où tout homme sera forcé de reconnaître quelque chose de
l'idéale beauté du ciiristianisme, comme devant les toiles inspirées de Fra
Angelico de Fiesoie ou les fresques sublimes de Raphaël.
(1 La perfection de l'art chrétien consiste donc à rendre l'idée chrétienne,
bien comprise, par une forme belle , pure . harmonieuse et parfaite. El ce
n'est certes pas comprendre les types de l'art religieux, même ceux du moyen
âge, que de les imiter dans leurs défauts, de donner comme le terme de la
perfection la plus pure ce ([ui n'est que la phase transitoire de l'enfance de
de l'art ou l'ébauche informe de sa barbarie *.
« L'art ogival est, sans contredit, en fait d'architecture, une des créations
les plus merveilleuses de la pensée chrétieime. Est-ce le beau idéal que l'on
ne puisse dépasser et le type unique de l'architecture chrétienne? Y a-t-il
même une architecture exclusivement chrétienne? Ici, Messieurs, je crains
d'aller à la rencontre d'idées généralement admises, et, cependant, je ne puis
m'empêcher de tenir celte prétention exclusive pour une erreur.
« C'est faire injure à l'Église que de supposer (lu'elle ait été pendant douze
siècles sans soupçonner l'idéal de l'art chrétien ; et cette supposition on l'admet
en faisant de l'art gothique, né seulement au xiii'' siècle, le type exclusive-
ment chrétien de l'architecture 2. Non : l'art chrétien, comme la vérité révé-
lée, a existé dans l'Eglise dès l'origine. Il est né avec la prédication de
l'Évangile, et son premier berceau fut le premier autel et le premier sanc-
tuaire où l'Église s'assembla pour célébrer les mystères sacrés. En tout ce qui
touche l'œuvre de Dieu, Messieurs, il faut toujoiu's, pour trouver la source,
remonter le fleuve des âges jusqu'aux pieds du divin Fondateur. C'est de lui
qu'émane pour nous toute lumière, toute vérité, toute grâce. C'est de ce foyer
divin ([tic rayonnent sur l'Église toutes les traditions divines, celles de l'art
comme celles de la charité. La vérité descendait des lèvres du divin Sauveur
parée des riches couleurs de la parabole orientale, et les premiers essais de
l'art chrétien fixèrent sur le marbre, sur le bronze, sur les parois du sanc-
tuaire, cette vérité qui descendait du ciel parée de poésie. {Applciudisscmenls.)
i. Qui donc a jamais recommanda d'imilor les di^faiits do l'art du moyen .Igo? Quel est le pro-
fesseur qui conselllo h un jeune versificateur, son élève, d'iniiler les vers faux ou inconi|)lels
même de Viri^ile?
2. I.e résumé ne s'est donc pas trompé en disant, d'après lo discours : " L'art du xiii' et du
XIV* siècle n'est pasio seul type de l'art chrétien ».
278 ANNALES AHCIIKOLOOIQUES.
Le désir de Iransniellre aux regards attendris des fidèles le souvenir de sea
traits adorables ou la miséricordieuse figure de sa sainte Mère, inspira le pre-
mier pinceau chrétien; et li;s magnificences de l'art, déployées autour du
sanctuaire, lurent toujours et partout la conséquence de sa présence sur nos
autels. Oui, Dieu merci, il y eut dans tous les siècles des églises, des chré-
tiens, des artistes, des chefs-d'œuvre, un art chrétien vivant et glorieux,
avant ([uc l'architecture ogivale fût appliquée h. la construction des temples
p.ii un partie de l'Iiglise d'Occident'. {Applaudissements .)
u L'architecture religieuse du Christianisme n'a pas un type uniforme , ne
s'accommode pas d'un type national, parce que le Christianisme n'est ni
l'œuvre ni l'apanage d'une nation isolée : il les embrasse toutes dans les liens
de sa puissante uiiilé.
« Ce caractère universel de l'Lglise calhoUque est le sceau divin de son
origine. Oi', l'art ogival n'eut et n'aura jamais ce caractère d'universalité. Il
porte trop l'empreinte des peuples qui l'ont inventé, des climats où il a pris
naissance. Comment voulez-vous, par exemple, forcer l'Italien, ami du soleil,
de l'éclat, de la lumière-; l'Italien dont la religion est pleine d'expression,
de joie, de confiance, à prier sous les voûtes obscures et mystérieuses de nos
églises gothiques? Son cœur se resserre dans cet édifice si bien adapté, au
contraire, au caractère pensif et rêveur des peuples germaniques. Comment
ferez-vous pour imposer ce type à la Grèce? Comment ferez-vous pour le
rendre îi l'Orient où il a pris naissance^? Chaciue civilisation, chaque peuple
1. Dans cette tirade doubleraeiiL « applaudie », il n'y a que des mots et des phrases. La table
de la Cène et la chambre du Cénacle étaient une table et une salle h manger, et non pas des œu-
vres d'art. La table est conservée, aujourd'liui encore, à Saint-Jean-de-Latran, et rien n'est vrai-
ment plus digne de respect. Mais, comme art, le moindre autel roman ou gothique lui est inOni-
meiit supérieur. Quant au Cénacle, je ne sache pas qu'il ail jamais passé pour un monument
com|)arable à la cathédrale de Reims. M. Gartuyvels devrait être professeur de rhétorique et non
pas d'archéologie.
2. L'Italien, ami du soleil, de l'éclat et de la lumière, au dire de M. Cartuyvels, a une peur
affreuse du la lumière, de l'éclat et du soleil dans ses églises. Rien n'est plus petit que les fenê-
tres de la cathédrale de Pise, rien n'est plus obscur que Saint-Marc de Venise. Quand le style
commande de i^randes fenêtres, comme à la cathédrale d'Orviéto, on bouche ces fenêtres avec des
pierres spéculairos pour se garer du soleil et de la lumière, ou bien, comme il Torcello, on les
munit de volets en pierre qui interceptent entièrement le jour. Voilà pourtant où l'amour de
l'éloquence peut conduire un professeur d'archéologie!
3. Ceci est bientôt dit, mais serait plus long ii prouver. D'autres y ont mis plus de temps
pour démontrer que l'art ogival, né en Occident, est allé s'imposer, dans les xii' et xiii' siècles,
aux nations orientales. — .Mais, d'ailleurs, admirez que le style gothique soit né dans le lumi-
neux Orient, suivant M. Cartuyvels, et que cependant ses voûtes obscures et mystérieuses soient
si bien adaptées au caractère pensif et rêveur des peuples germaniques. 0 éloquence, 6 rhéto-
L'ART CHRÉTIEN AU CONGRÈS DE MALINES. 279
a sa manière à lui de sentir le beau et de l'exprimer par une forme sensible.
Chaque peuple aussi a une manière à lui d'entendre la majesté du culte et
la beauté du sanctuaire. Mais, au milieu des innombrables divergences qui
fractionnent l'humanité, il est une chose qui ne change jamais, c'est la foi du
chrétien, c'est la liturgie de l'Église'; et ce qu'il y a de merveilleux-, c'est qxie
l'Église adopte ces formes variées de l'art sans en subir elle-même, dans son
culte ou dans sa doctrine, le plus imperceptible changement. // ny a plus ni
Grecs, ni Barbares, disait saint Paul ; et en elTet, dans le monde régénéré, il
n'y avait plus que des enfants de Dieu. Comme consé(iuence éloignée de cette
grande parole de l'apôtre, nous dirons aussi : l'art chrétien n'est ni l'art de
la Grèce, ni l'art gothique; c'est un ai't qui inspire à la fois du même souffle
divin toutes ces formes variées, et qui réalise l'idée chrétienne aussi bien par
les lignes harmonieuses de l'art antique, que par les combinaisons neuves et
hardies de l'art ogival-.
« De quel droit voudrions-nous condamner cette merveilleuse et divine
fécondité de l'Église qui produit, d'âge en âge. des formes nouvelles de la
vérité immuable et des types nouveaux de l'idéale beauté? De quoi droit
irions-nous restreindre à un lieu et à un siècle, fùt-cc le grand siècle catho-
lique, et cette terre fùt-elle notre patrie, celte expansion indéfectible de l'art
chrétien? L'Église d'Orient a brillé pendant huit siècles de toutes les clartés
de la science, de toutes les gloires de l'apostolat et de la sainteté : elle aussi
a créé un type idéal , un système complet d'art chrétien . expression admirable
de la pensée comme de la liturgie de l'Église. Encore une fois, dans quel but
riquo, vous mo paraissez passablernpnl inconséquentes! M. Cartuyvels n'a p:is l'air de se douter
que l'Italie est pleine d'églises gothiques dont je no citerai que Saint-Jean-dc-Latran, la cathé-
drale d'Orviéto. la cathédrale de l'Iorence et la calliédrale de Milan, qui en valent bien d'autres,
sans compter l'i'gliso de Saint-François d'Assise.
-I. Si la liturgie de l'Église osl une et no change jamais, comment se (ait-il que les liturgies
orientales soient si dilTérenles de la liiurgie romaine; eoniniont le rite aml)rosien et le rite moza-
rabe existent-ils encore avec l'autorisation de la cour de Rome; comment le rite lyonnais a-t-il
subsisté jusqu'il présent, et n'csl-il pas encore tout ii fait mort; comment enfin, depuis plusieurs
années, a-l-on fait tant d'elTorts pour changer les liturgies particulières dans un si grand nombre
do diocèses de France?
2. Ainsi « l'art pa'i'cn réalise l'idée chrétienne aussi bien que l'art ogival u. Plus bas, iM. Cai^
luyvels insiste : « Il y a plus : l'art pa'ien lui-même se prête parfaitement à servir la pensée chré-
tienne ». — En d'autres termes, c'est dire que la Madeleine de Paris vaut la calhcilrale de Chartres,
et que le temple de la Victoire Aptère peut réaliser l'idée chrétienne tout aussi bien que laSainto-
Chapello de Paris. — Le compte rendu avait dit : « Tout n'est pas à condamner dans l'art pa'ien »,
et, s'il a faussé la pensée de M. ('artuyvels, c'est en l'amoindrissant. On croirait qu'd a voulu,
non pas dilTamer le professeur d'archéologie, mais couvrir son tort en l'alténuant.
280 ANNALKS AliClir:OLOGI0UES.
voiidiions-nous priver riij5li.sc de celle gloire, ol dénier h \'arl byzantin
le luérilc d'ôtre, dans son genre, inie forme accomplie et parfaite de l'arl
cliiV'licn?
« 11 y a plus : l'art anliquc lui-même se prête parfaitement h. servir la pen-
sée chrétienne, et cette alliance do la l'orme antique et de l'inspiration chrê-
liciiiic, réalisée à l'une des époques les plus glorieuses de l'Église, au milieu
de la plus splendide eiïlorcscence de la docirine et du sentiment religieux,
nous a donné l'art chrétien des hasilit/ucs. C'est là un des faits qui détruisent
d'une façon éclatante l'inconipatibilité prétendue du Christianisme et de l'art
païen.
« L'art est ordinairement le reflet des jiensées et des destinées de son siècle.
Plus un siècle est grand par le mouvement de ses idées, plus il laisse une
trace profonde dans le développement de la civilisation, et plus aussi l'épa-
nouissement de l'art pare son front comme d'une auréole oii .se réfléchis-sent
ses passions, sa foi, sa grandeur ou ses vices. Kh bien! quel siècle fut plus
gran'd par la foi, par les idées , par le mouvement donné à la civilisation, par
le chnngcnKînt du nioiulc, par l'ascendant vainqueur du Christianisme que le
iv' siècle de l'Eglise? Quel éclat dans la doctrine! Quelle profusion de beau.x
génies consacrés à la défense de la vérité! Quelle foi vivante dans ces peuples
néophytes baptisés dans le sang de leurs martyrs ! Quel développement
majestueux des pompes sacrées de la liturgie! Quels noms dans l'épiscopat!
Quels empereurs sur le trône! Et cet âge unique dans les annales de l'Église
n'aurait pas eu d'art chrétien! {Applaudissements .)
« Quoi! ces vieilles basiliques de Rome élevées par Constantin et ornées
par les 'pai)cs; ces ambons où l'on voyait monter saint Ambroisc, saint
Augustin, saint Léon; ces absides où la liturgie déployait toute la majesté des
saintes cérémonies au milieu de toutes les magnificences de l'empire et des
triomphantes manifestations de la foi populaire, n'avaient pas. en fait d'art,
un caractère chrétien? Sanctuaire vénérable élevé sur le tombeau des martyrs,
décoré à l'cnvi par la piété des peuples, reflétant dans son harmonieuse
structure les lois de la discipline de l'Eglise et dans ses ornements symboli-
ques le dogme, les mystères, l'Evangile... Ah ! Messieurs, s'il fallait choisir un
type idéal du temple chrétien, il semble que ce serait celui-là *! — Mais ces
1. Voilà une série d'exclamations et d'interrogations qui ont pu mériter les applaudissements
du « Congrès de Malinos ». Mais j'aurais préféré qu'on nous dit où sont ces basiliques constanti-
niennes, ces ambons, ces absides, ces sanctuaires du iv siècle, et qu'on nous en fit une exacte
description. .le soupçonne le professeur d'aroliéologie de Liège de n'avoir pas vu un seul de ces
sanctuaires et de ces ambons, une seule de ces absides et de ces basiliques. Il n'en parle que par
L'ART CIIRF'TIEN AU CONGRÈS DE MALINES. 281
basiliques sont des temples grecs, leurs sculptures et leurs bas-reliefs ne sont
que des emprunts faits au paganisme. La véritable tradition de l'art chrétien
n'est point là...
(( Messieurs, je crains de froisser peut-être quelques convictions arrêtées;
— mais le type de la basilique, le style grec appliqué au temple du vrai
Dieu, comme il l'était au iv" siècle, me semble réaliser, à certains égards,
d'une manière plus heureuse que nos édifices gothiques, l'idée chrétienne
d'une église^. Quel est en effet le but principal d'une église? Ce n'est pas
simplement la prière, c'est l'adorable sacrifice des autels. L'autel, voilà le
centre idéal de l'église; et par conséquent dans le temple chrétien toutes les
conceptions artistiques doivent tendre à faire sentir au regard, à l'âme, au
cœur du fidèle la présence de Dieu sur raulel. Or, dans ces vénérables basili-
ques tout est concentré, tout rayonne, pour ainsi dire, autour de ce lieu redou-
table : ces longues perspectives de colonnes qui conduisent tout d'abord le
regard, non pas vers la voûte, mais vers le sanctuaire; cet autel unique,
majestueux, recouvrant une tombe glorieuse, entouré de lampes ardentes et
de mystérieux voiles, dominant l;i I'ouIiî et séparé d'elle par ces barrières sym-
boliques qui marquent les dilférents degrés de la hiérarchie ; cette abside
éblouissante qui arrondit autour de lui, comme une couronne, le chœur sacer-
dotal dominé par la chaire du Pontife; ce Pontife lui-même qu'on apercevait
au fond du sanctuaire, dominant l'autel comme une personnification du divin
Sacrificateur : tout met en face l'idée du sacrifice, tout ramène l'âme et les
sens au mystère de l'autel ; et cette grande et vraie conception du lieu saint
ne le cède en rien à la majesté solitaire de nos églises gothiques, où souvent
l'autel est perdu dans les détails de l'architecture 2.
ouï-dire ou plutôt par les loxtos, puisqu'il n'en reste plus rien. Or, par JI. le professeur lui-
mônie, nous savons oominorit on peut s'exalter à froid et faire de l'éloquence à vide.
1. Le compte rendu, dans la troisième proposition, dit : « L'art du iv siècle est tout aussi chri^
tien et tout aussi beau (pie celui du xui' siècle ». — Dans son discours, M. Carluyvels déclare que
le style païen, devenu chrétien au iv siècle, lui paraît réaliser à certains égards, d'une manière
plus heureuse que les é lificcs gothi(]ues, l'idée chrétienne d'une église. ïci encore le compte
rendu ne va même pas jusipi'ii la pensée nette et franche de M. Cartuyvels.
2. On croirait que M. Cartuyvels, si sûr de ses « longues perspectives de colonnes liasili-
cales », n'est jamais entré dans une grande église gothique : il n'a qu'il voir à Laon, pour no
parler que de celle-là, les longues files de colonnes qui s'allongent du portail au chevet et s'éta-
gent du sol à la voûte. Quant il l'autel gothique d'une cathédrale, il n'en a pas vu, puisqu'il n'en
existe plus; mais il n'a pas vu davantage d'autel basilical, et il n'en parle q\io d'après les textes.
Or, nous autres, nous avons des textes aussi et des descriptions détaillées sur les autels gothiques
dos cathédrales de Tournai, d'Arras, do Hourges, d'Aniii-ns, de Sens, de Uayeux, de Paris, clc,
et nous pouvi}ns allirmer que ces autels, éclairés de couronnes ilo lumière et do chaiulolicrs à
XXIV. 37
282 ANNALKS MiC.Uf.OUXilQVKH.
■■ Kl |)n(irfiii(ii srrail-il iiilcnJil di; consacrr-r l'arl antique; à la gloire du vrai
Dieu? Ksl-il à ciaitidro (|uc' la foriin; empruntée aux anciens ne doive altérer
l'idée chrélicnne nu alTaihlir le snnlinicnt chrétien? Ici encore, laissons aux
faits le soin de répiMidrr. il n'y eut certes jamais de société chrétienne plus
fervente et plus p(nv que la primitive ïiglisc; il n'y eut jamais de chrétiens
plus pénétrés des dogmes de leur foi, plus près des traditions apostoliques et
divines, plus saints, plus héroïques, plus ennemis de toute influence païenne
que les chrétiens des catacombes : eh bien! descendez dans les catacombes,
et vous y verrez partout, sur les tombeaux des martyrs, sur les autels des
saillis, sur les galeries funèbres, sur les voûtes des sanctuaires les lignes har-
monieuses de l'art antique consacrées à l'expression de l'idée chrétienne et du
sentiment chrétien. Descendez dans ce sublime reliquaire de l'art, et vous y
verrez. partout sculptées, gravées, dessinées dans les formes antiques, mais
par une main chrétienne et un cœur clirélien, des images sacrées, expression
ravissante de la foi de ces anciens âges et monuments impérissables de la
vérité 1. Ail! cet art chrétien des premiers siècles, il n'avait pas seulement
sept branches, entourés do voiles mystérieux et de statues « symboliques », assis sur des corps
saints ou dominés [lardes reliquaires inapprécialjles, séparés de la foule par des barrières vivantes
de sculptures et ruisselantes d'or et de pierreries, que ces autels, dis-je. n'ont rien ii envier ;i ceux
du iv siècle.
■I . Il importo essentiellement de protester contre celte tendance, trop grande aujourd'hui, de
proposer l'art des catacombes comme le type de l'art chrétien. Dans les catacombes, c'est l'enfance,
le bégayement, l'impuissance; c'est le compromis perpétuel entre le paganisme qui s'éteint et le
christianisme qui s'allume. Les yeux malades aiment le crépuscule, qui n'est ni lumière ni ténè-
bres; mais la vue saine préfère le plein jour de midi. Midi, pour l'art clirélien, c'est le xni' siècle.
Un archéolosuo, un historien, peuvent aimer les époques de transition; mais un esthéticien, un
artiste i)réforeront toujours les époques franches et dégagées d'alliances adultères. Dans cette
livraison môme des « .\nnales», page 26.5, nous publions un tombeau remarquable, à peu près
conlpmpnrain des ciilacombes, et, dans tous les cas, de ces iv' ou v siècles tant chéris de M. Car-
tuyvcls. Or, je le demande, est-ce qu'un ecclésiastique, même renaissant, oserait proposer à un
peintre ou à un sculpteur, comme type de l'ange chrétien, ces deux petitsamours tout nus qui servent
de suppoiis ou plutôt de tenants à la coquille des deux époux, amours qui montrent tout et prin-
cipalement ce qu'on ne voudrait pas voir? Mais même dans les sujets religieux, oseriez-vous propo-
ser pour modèle ce Daniel, aussi nu que les deux amours, et qui s'offre effrontément en face de
tous, plus nu que l'Afiollon du Belvédère? La sainte Vierge de l'adoration des mages est assise
dans un fauU^iil, il est vrai, à i)eu près comme sur un trône vulgaire ; mais cette chaise, lourde et
laide, serait, au xn", au xiu' siècle, un noble trône, plein d'élégance et de richesse, et l'enfant
Jésus, au lieu de plonger avidement ses doux mains, comme un enfant banal, dans le vase aux
offrandes, tiendrait de la main gauche le livre de ses évangiles et bénirait de la main droite les
rois orientaux qui viennent l'adorer. Quant à ces rois, ce sont, sur ce tombeau, de grands gar-
çons accoutrés ridiculement. Voilii cet art sublime des catacombes. Je l'abandonne à M. Cartuy-
vels, et je retourne au moyen âge de nos contrées.
L'ART CHRÉTIEN AL CONGRÈS DE MALINES. 283
reçu du monde antique les traditions de la ligne de Phidias ou d'Apelle,
mais il avait reçu d'en haut le type de la beauté surnaturelle; il avait le
secret des Ecritures sacrées, le symbolisme des prophètes, les divines images
de l'Evangile, et cette étincelle du génie créateur qui grave, dans une image
sensible et dans un trait ineffaçable, l'expression populaire des dogmes mysté-
rieux et des vertus héroïques. A la beauté du type ancien régénéré par la
grâce, il unissait, d'une manière qui n'a jamais été égalée, l'exactitude théo-
logique'. Savez-vous, pour n'en citer qu'un exemple, comment la primitive
Eglise représente la sainte Mère de Dieu sur les autels des catacombes? l'allé
la représente sur un tronc : c'est une reine, tenant sur ses genoux et
appuyé sur son cœur son divin Fils qui bénit ^ : voilà la source de sa grâce
et de ses gloires; et elle-même, les yeux [et les bras levés au ciel, comme
Moïse sur la montagne, intercédant sans cesse pour le peuple de Dieu. Or, je
le demande, si le Christianisme à son époque la plus pure, la plus fidèle et la
plus glorieuse, a réalisé d'une manière éclatante l'alliance de l'art antique
avec la pensée chrétienne, qui sommes-nous pour proscrire cet art au nom du
Christianisme?
« Oui, c'est dans les catacombes, c'est au berceau même de l'Église que
l'art antique purifié a été consacré au vrai Dieu; c'est là qu'il a reçu le
baptême et l'adoption de la foi, et depuis la première chapelle des catacombes
jusqu'à la splendide basilique de Saint-Paul-hors-Ies-Murs ^, l'art antique n'a
jamais cessé de réaliser des chefs-d'œuvre chrétiens, parés de la double au-
réole du génie et de la foi. Ainsi, |des ruines du temple antique on vit surgir
<. J'en dcinaïule pardon au savant docteur on tlicologie, mais l'art des xir' et xiir siècles est
d'une exactitude tiiéoiogiquo irréprochable. Jusque dans l'iconograpliie des calices, dans cello des
retables en émail, dans celle des châsses, des reliquaires, des croix, des couronnes ardentes, la
théologie est développée et respectée comme on ne l'a ni fait ni essayé dans les époques précé-
dentes. Il faudrait entrer dans <ies détails trop nombreux pour démontrer cette llièso facile. Je
me contente de renvoyer aux « Mélanges d'archéologie » des PI'. .Martin et Cahier, et aux vingt-
quntro volumes des « Annales Archéologiques ». Mais, mieux encore, j'en appelle aux dix-huit
cents statues et aux six mille ligures de la cathédrale do Chartres.
2. Le divin Enfant bénit quand, en petit garçon avide, il ne s'empare pas à deux mains,
comme dans le sarcophage que nous publions aujourd'hui, dos présents que lui oITrent les rois
mages.
3. Je prie M. Cartuyvels de me dire ce qu'il entend par « la splendide basilique do Saint-Paul-
hors-les-Murs». Le Saint-Paul actuel est à peine terminé et ne remonte pas plus haut que 1823,
époque où il fut complètement incendié. Le Saint-Paul qui périt alors dans le feu datait du
xii" siècle au plus haut. Quant au Saint-Paul l'onde par Conslanlin, où M. le professeur d'archéo-
logie de Liège on a-t-il vu la splendeur"? Je ne trouve dans tout ce di-c- Mir-; qii' ■!.• 1 1 rhéiorique ;>
l'usage des congrès : « sunt vorba et voces ».
28.'i ANNALF.S AltCllfiOLOGIOURS.
le sanctuciirc chrétien, portant à la fois dans sa structure l'empreinte des
idées nouvelles et le souvenir du miracle acconi[)li. Ainsi la lanf;ue harmo-
nieuse de l'I.ilon el d'Jlomère avait été elle-même visitée par l'inspiration
divine, el devenait la langue sacrée du Nouveau Testament. Ainsi, le droit
romain, la raison écrite passait dans les codes de l'Mglise, comme la langue
de Home dans sa liturgie. Ainsi tout re (ju'il y avait dans l'ancien monde de
beau, de noble, de glorieux, racheté des profanations de l'homme et régénéré
par le Sauveur Jésus, revenait rendre honneur et gloire h la vérité.
Il De ce témoignage éclatant de l'histoire il faut conclure, Messieurs, ([ue
la dénomination d'fl;7 c/uélicn, attachée d'une façon exclusive aux œuvres
d'une époque isolée de l'existence de l'Kglise, fût-ce aux monuments gothi-
ques du xiir siècle, est une limitation arbitraire, étroite, en opposition avec
l'esprit catholique, du privilège divin que possède l'Église de produire le
beau d'après plusieurs types el d'eu créer de nouveaux à toutes les grandes
épociues de son histoire. 1/art chrétien n'est pas l'art byzantin, ni l'art
ogival, rti l'art ancien non plus ; c'est l'ensemble et la perfection de tous
ces types inspirés par une même pensée, mais réalisés par des organes dif-
férents qui constituent l'art chrétien. Chacun donc est libre de porter où il
sent mieux l'idée chrétienne le tribut de son admiration et de ses sympathies,
car dans le domaine de l'art comme dans celui de l'intelligence, l'Église
admet et bénit toutes les conceptions humaines qui respectent sa vérité. Et
c'est là une loi générale de son existence qui la place au-dessus des fluctua-
tions humaines, et qui altesie au monde sa divinité. Dans l'ordre politique, les
droits de Dieu sauvegardés, elle bénit avec la même sincérité la royauté de
saint Louis et la Constitution beige. Dans l'ordre philosophique, elle adopte
pour devise la parole de saint Augustin : in necessariis viiitas, in dubiis
libellas. Dans l'ordre moral aussi, la grâce ne défruit ni la liberté, ni la
nature. La grâce laisse subsister l'homme avec ses tendances, ses passions,
son caractère, mais elle le purifie, le dirige, l'élève jusqu'à Dieu. Voyez les
saints, ces divins artistes, ces copies vivantes de Jésus-Christ. Tous repro-
duisent ici-bas, dans leur vie, le même idéal, mais autre est la sainteté de
l'apôlre. autre la sainteté de la vierge fidèle, autre la sainteté du martyr; et,
cependant, dans toutes ces âmes transfigurées par la grâce, on retrouve la
ressemblance de Jésus-Christ. Ainsi en est-il du l'art chrétien. Par l'esprit
qui l'anime, il touche au ciel; il est un par le but qu'il se propose; et par les
moyens qu'il emploie, il est multiple, il varie, il progresse ou décline comme
l'humanité. {Applaudissemenis.) »
Ici finit le discours du trop éloquent professeur de Liège.
L'ART CHRÉTIEN AU CONGRKS DE MALINES. 285
J'ai le regret de ne pouvoir unir mes applaudissements à ceux du congrès
de Malines; d'ailleurs M. Carluyvels s'en passera parfaitement bien. Je suis
désolé de ne pouvoir rétracter ni la forme ni le fond de ce que j'ai écrit l'année
dernière à propos de ce discours singulier du professeur d'archéologie au
grand séminaire de Liège. Quand, pendant les trente-cinq années les plus
laborieuses de sa vie, on a étudié, sans relâche et sans interruption, l'art
chrétien dans tous ses monuments bâtis, sculptés, peints, écrits et même
notés, on peut être agacé d'entendre un ecclésiastique, haut placé et qui
exerce une grande influence sur l'esprit de nombreux jeunes gens, futurs
héritiers du sacerdoce et de l'art chrétien, nier à la face d'un congrès impor-
tant les doctrines les plus raisonnées, les plus saines , les mieux établies
sur les œuvres d'art de la plus belle époque que le monde ait jamais vue.
M. Cartuyvels déclare bien qu'il désavoue entièrement les absurdités que
lui prête le compte rendu du congrès de Malines; mais les sept propositions
extraites de ce compte rendu sont nettement contenues dans le discours qu'on
vient de lire : elles y sont même aggravées et multipliées, comme on sort de
le voir. Aucune injure n'a donc été faite à M. Cartuyvels; c'est lui-même qui
s'injurie, pour ainsi dire, de la première à la dernière ligne de son plaidoyer
contre le véritable et le plus sublime art chrétien. Je ne comprends, enfin,
ni la légitimité ni l'utilité de la réclamation inopportune et tardive de M. le
docteur Cartuyvels.
Je ne demande pas mieux, assurément, que M. Cartuyvels, ou n'importe
qui, soit nommé professeur d'archéologie chrétienne à l'Université de Lou-
vain, si toutefois, comme l'a désiré le congrès de Malines, cette chaire est
ainsi créée ; mais j'espère qu'avant d'enseigner à Louvain le professeur aura
solidement et impartialement étudié les monuments et les œuvres de l'art
chrétien de tous les temps et de tous les pays*.
DIDRON aîné.
1. Au moment où j'achève d'écrire ces lignes, j'apprends que M. Reusens, bibliothécaire en
chef do l'Université do Louvain, a été chargé de la nouvelle chaire d'archéologie. Je n'ai pas
l'honneur de connaître M. Reusens; mais j'espère que ses doctrines ne sont pas celles de M. Car-
tuyvels, et qu'il saura dire combien les cathédrales do Tournai et d'Anvers, par exemple,
sont supérieures à Saint-Jacques-sur-Caudemberg de Bruxelles, et combien les hôtels de ville
de Louvain, Yprcs et Bruxelles l'emportent sur la partie gréco-romaine de l'hôtel de ville de
Gand.
MOSAÏOUE DE SOUR
bUlTÏ ET FIN '.
Revenons maintenant au centre de l'église.
Au-dessus du riche tapis qui orne le bas de la nef 2, on voit d'abord une
assez jolie rosace; puis des ornements très-simples, la plupart maigres ou
mal dessinés et tous sans elTet. L'intérêt de cette partie du pavage, d'ailleurs
très-détériorée, se porte sur la grande inscription entièrement intacte dont le
fac-similé accompagne ce mémoire. Elle est renfermée dans un ornement tra-
ditionnel qui entoure ordinairement les inscriptions antiques, mais qui est
ici aussi maigre et mal dessiné que tous ceux qui l'entourent. Je lis ainsi ce
texte intéressant :
-|- réyovev to TïavspYov Tr,ç '|r/{(pa)C£o; [toù vaouj toO èvoo^ou <cal ravcsTiTOu [istp-
Tupo; àyîo'j XpicTocpopou èttI toO Ôeoçt'XecTâTou rewpywu àpyi[7rp£(7ê'jTepou?] xal
j(^opé-!ïi(7/COTCou xal i-zl to'j Oeotpi'XecTaTO'j Kupou âiaitovou y.al £Tît[Tpowou?] û— àp (7WTy,-
ûixç Twv o'Jio/.Tv;[/.àTtov oîz.ovoawv y.al vewpvwv /cal twv tsxvcov a'jTtov y.ai toD x^r^poo
Kal icapTTO'popo'JVTCdv év ypovo'.; toù ôsoceêEOTaTOu Zxyapioî TrpscêûTapou éXa/torou èv
[AYlvl àsff'.ou Toù (j;a £Tou; ivd. O.
C'est-à-dire :
L'ouvrage du pavement eu mosaïque [de l'église] du glorieux et très-vénérable mar-
tyr saint Christophe a été fait sous le très-chéri de Dieu George [archiprêtre?] et chor-
évêque et sous le très-chéri de Dieu Cyrus, diacre et [épitrope?], pour le salut des
économes et des laboureurs des deux domaines et de leurs enfants et du clergé et des
bienfaiteurs, au temps du très- respectable Zacharie, prêtre très - humble , au mois
décius de l'année 701, indiction ix.
1. Voir les « Annales Archéologiques», vol. xxiii, p. 278; vol. xxiv, p. o et 20o.
2. En tête de cet article, est placé le détail en grand de ce carré de mosaïque dont la gravure
n'était pas prête quand parut la description (« Annales Archéologiques », vol. xxiv, p. 7-10). On
pourra donc maintenant s'en référer à cette description pour reconnaître et apprécier les difTérents
groupes d'animaux et de personnages qui tapissent cette belle partie de la mosaïque de Sour.
PAR DIDHON À PARIS
MQUJÊi m& cou;r
/ - «.A.,«,y„, .1' „■■"/)„
mosaïque de SOUR. 287
Cette inscription et ma traduction nécessitent quelques observations. Au
premier mot un êta mis à la place d'un epsilon, au cinquième un epsilon mis
à la place d'un êta prouvent, ainsi que d'autres fautes d'orthographe du
même genre qui existent dans les noms accompagnant les figures en buste,
que ces deux lettres avaient quelquefois le même son dans la prononciation;
pouvons-nous savoir positivement que! était ce son? La question est très-
controversée et ne sera probaiilement jamais décidée. Ce sont des nuances
de prononciation que l'écriture n'a pu conserver. On pourrait tout au plus
induire du fait que je signale une prononciation particulière à la localité.
A l'appui de cette conjecture, je citerai des inscriptions trouvées dans la
partie de l'Egypte qui touche à la Syrie. Ces inscriptions contiennent aussi
des êta mis à la place de l'epsilon et réciproquement ^.
J'ai traduit to Travé'pyov -r?,? i|rfl(pMffeo; par « pavement en mosaïque », parce
que je pense qu'il ne s'agit que du pavé , et que la petite église de campagne
dédiée à saint Christophe n'avait pas ses murs ornés de mosaïques. Dans les
textes de lois, (l/r.owjai ( (c pavimenta » ) semble exprimer ce que nous appel-
lerions pavements de luxe. J'ai sous-entendu les mots toO vaoC qu'on trouve
dans des inscriptions analogues et que commande le sens de la phrase.
Un article du premier concile de Nicée nous renseigne suffisamment sur
les chorévèques. 11 dit : « La place de l'évêque pendant l'office doit être en
haut de l'église, dans le sanctuaire, vis-à-vis le milieu de l'autel, parce qu'il
est le pasteur et le maître. L'archidiacre doit s'asseoir après l'évêque, à sa
droite, parce qu'il est son vicaire et qu'il a la direction des aumônes et des
alTaires de l'église. Le chorévèque doit être assis ensuite à la gauche de
l'évêque, parce qu'il est aussi son vicaire et qu'il gouverne pour lui les mo-
nastères, les églises et les prêtres des villages de sa dépendance. En l'ab-
sence de l'évêque, il faut donner sa place à l'archiprêtre, parce qu'il est
aussi vicaire de l'évêque et qu'il est le chef de tous les prêtres du diocèse. »
Les fonctions de ces différents vicaires ont pu varier selon les temps et les
localités, et rien ne s'opposait, il me semble, à ce qu'elles eussent pu être
quelquefois remplies par le même personnage. C'est pourquoi j'ai pensé que
le mot âpyt, terminé par une abréviation, pouvait se traduire par archiprêtre,
sans contester cependant qu'on ne puisse admettre le mot archidiacre ou tout
autre, indiquant une fonction supérieure.
J'ai donné la qualification d'épilrope ou administrateur au diacre Cyrus, en
traduisant un autre mot abrégé. I^clronnc. dans un de ses mémoires, cite
1. Cf. « Observations sur quelques fragments de poterie antique », par M. Egger, Paris, «857.
288 A;N.NAI,i;.S AUCIl KOUH) IQU KS.
doux iiisciiplions analogues k celles de Sour. Dans l'une, un diacre d'figyple
est qualifié de TupoeTTôiToç, « préposi'j ». Il s'agissait toujours, dans l'une et
l'autre de ces inscriptions, de diverses fonctions administratives concernant
les hiens et aiïaires des églises.
Kr/i'(/.aTa, " pra^dia », biens ruraux, immeubles situés dans la campagne;
■/!TT[i/.aTa aypi/.ata, disent les textes de lois. L'église dont il s'agit avait été
construite probablonienl pour desservir une localité contenant deux exploita-
tions agricoles appartenant sans doute h. l'église de Tyr, comme l'a dit
M. Renan dans son rapport.
TÀç pour Toù ■/.lr,fvj /.oC: •/.a3TCoçopo'jvTo>v . IZlonné de voir, non comme autre
part, une simple faute d'orlhographe, mais un article féminin au lieu d'un
arlicle masculin, ce qui se comprend moins, j'avais cherché si -/.l-n^vj^ suivi
d'un signe abréviatif s'appliquanl généralement à toute espèce d'abréviation ,
ne serait pas le commencement d'un mol ; mais il m'a paru difficile d'ad-
mettre une combinaison d'où résulterait toujours une confusion évidente en
voyant le mot /.T-zipou très-connu. Ce mot, d'ailleurs, est employé ainsi que le
suivant dans la liturgie grecque où l'on prie pour le clergé et pour les bien-
faiteurs : « 'VT:èp TuavT'j'î toO xl/ipou.... toù ICupiou lîar.OwfjLEv. — AtôiAsSa 'jTrsp
Twv y.ap-!ïO(popoûvTa)v. — Mvïi'cÛ-/iTt, ivjpts, twv xapirocpofO'JvTwv. Ce dernier mot a son
équivalent dans l'inscription tracée au-dessous de la mosaïque qui décore
l'abside de l'église du Sinaï, et dont voici le texte publié par M. de Laborde,
dans son « Voyage en Arabie » : 'Ev ôvôy-aTi Tlarpà; !cal ïioO jcal 'Aytou nveu[ji,aTo;
yeyovsv to iràv èpyov ToiÏTO ÛTrep ctoT-opia; twv y.apTTOOopricàvTwv i—\ Aoyy'vou to5
ôdiOTaTou TTpecêÙTEpou "/.at riyouitevou.
Au nom du Père cl du Fils et du Saint-Esprit. Tout cet ouvrage a été fait pour le salut de ceux
qui y ont contribué piir leurs dons sous Longin, te très-saint prêtre et hégoumène.
La mosaïque du Sinaï a été, dit-on, exécutée sous l'empereur Justinien,
au vi" siècle. Il eût été intéressant de comparer son inscription avec celle de
Sour; mais le dessin de M. de Laborde n'est qu'une esquisse trop vague, qui
ne permet pas de bien juger de la forme exacte des lettres. J'y ai remarqué,
cependant , l'abréviation de ou et des oméga qui se voient à Sour.
Ces observations m'amènent à dire quelques mots sur la date 701 qui
termine l'inscription de Sour. Selon M. Renan, cette date s'appliquerait à
l'ère d'Antioche et correspondrait alors à l'année 652 de notre ère. J'avais
d'abord pensé qu'il était difficile d'admettre cette opinion à cause des pertur-
bations apportées nécessairement à l'état social de la Syrie par la conquête
musulmane, qui eut lieu en 632, et il me semblait que les chrétiens ne
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■ MOSAÏQUE DE SOUR. 289
devaient pas avoir à cette époque assez de tranquillité d'esprit et de bien-être
matériel pour construire des églises et les orner avec luxe, surtout dans les
campagnes. Mais sommes-nous bien instruits de tout ce qui se passait alors
en Syrie? Les Grecs étaient souvent de connivence avec les ennemis de l'em-
pire ; ceux qui habitaient la Syrie au vu*" siècle ont bien pu s'entendre avec
les nouveaux conquérants, pour jouir d'une certaine liberté, dans cette riche
contrée, aux dépens des indigènes, et nous savons que le père de saint
Jean Damascène fut nommé par les kalifes à de hautes fonctions administra-
tives; or, ce haut personnage était chrétien et vivait justement à cette
époque. En définitive, il faut accepter, je pense, jusqu'à meilleur avis, la
date 652 de notre ère, donnée par M. Renan, d'autant mieux que si l'on
consulte les tables données par Ducange et autres, on trouve que cette année
correspond à peu près avec la neuvième indiction. M. Rossi est sensiblement
d'accord avec M. Renan, car il s'est exprimé ainsi sur celte question :
« L'inscription, quelle que soit l'année précise à laquelle il faille la rapporter,
est sans aucun doute de la fin du vi" ou même du vu' siècle. »
Les deux autres inscriptions se réduisent à de courts fragments; elles
n'olTrent pourtant aucune difficulté. Celle trouvée au milieu de l'église, sous
la grande inscription, est une partie du dernier verset du psaume 92,
lequel finit ainsi : « t[<o otxco coO ■JipéTTêi 6Lyiy.a]u.a., Kupie, tic, [;.a/.po-r/iTa y,jA£pwv. »
« Domum tuam decet sanctitudo. Domine, in longitudine dierum. »
J'ai mis entre deux crochets les lettres du texte grec qui ont été retrou-
vées sur la mosaïque.
Une des prières de la liturgie des Grecs contient les deux premiers et une
partie du dernier verset du psaume 92, avec quelques mots ajoutés. Celte
prière se trouvait probablement, en totalité ou en partie, dans l'inscription
entière, soit que cette inscription tournât comme une bordure en forme de
carré, soit qu'elle tut sur une seule ligne. Voici la traduction latine de cette
prière prononcée par le prêtre lorsqu'il encense le calice :
(i Dominus regnavit, decorem indutus est. Indutus est Dominus fortitu-
dincm et prajcinxit se. Et cnim firmavit orbom terrtc, qui non commovebitur.
Domum tuam decet sanctitudo. Domine, in longituthne dierum; ubique, nunc
et semper, in stecula saeculorum, amen. » — Une traduction française de la litur-
gie de saint Jean Chrysostome, publiée par les Russes, donne à cet endroit
de la messe le psaume 92 entier et sans aucune addition. Je vois également,
dans une traduction de la liturgie des Arméniens, le même psaume entier,
mais terminé par la doxologie.
Le second fragment d'inscription a été retrouvé, ainsi (juc l'indiciuc le
XXIV. '^8
200 ANNAM'.S ,\Ilf:il KOl.fXWnU KS.
plan (lross(^ par M. Tliobois ^. sur le si-iiil d'une porte donnant acr^s dans le
bas ciMé scplenlrional 2; il conlioiit les premiers mots d'un passage du pre-
mier livre des Rois, au rhajjjtre xvi. Dans ce chapitre, nous apprenons que
Samuel, envoyé par le Seigneur k Fîelliléem pour choisir un roi, fil ce (|uc
le Seigneur lui uvait dit. Il vint Ji Bethléem, et les anciens de la ville en
furent surpris; ils allèrent au-devant de lui et dirent : <( Nous apportez-vous
la paix? » Il leur répondit : « Je vous apporte la paix, je suis venu pour
sacrifier au Seigneur. » L'inscription commence par la question faite à
Samuel et, entière, elle devait contenir la réponse.
Voici ce passage de la Bible parfaitement choisi pour être placé sous les
yeux de ceux qui entrent dans une église ou dans le sanctuaire : « 'H tîpTÎv»)
■fi f.mO'jç <70u i p)ver<5v; Kat îItcev eipv'v/, • Qùcaî tw KupiM ■«•/.w. ÀvutoÇkTiTe xal e'j^pav-
OviTS u.£t'-'[xoD (7/^jjiepov.
Si pax iiitroitus liius, o vidons? Et dixil : Pas. Ad sacrificandura Domino venio. SanclIGcamlDi
et lœlamini mecum liodio.
On peut reprocher aux inscriptions de la mosaïque de Sour des fautes de
style, de grammaire et même d'orthographe. Ces questions pourraient avoir
de l'importance et mériteraient sans doute une discussion. Mais je n'ai ni l'in-
tention , ni la prétention de m'en occuper ici. Je n'ajouterai donc rien aux
courtes remarques que j'ai déjà faites. Mon but était d'examiner non le style,
mais les faits et les idées qui résultent de ces curieuses inscriptions '. J'ai
1. Voir ce plan dans le tome xxiii des « Annales Arcliéoiogiques », page 278.
2. D'après le résumé des explications de .M. de Rossi, inséré dans le journal précité, c<? frag-
ment, précédé d'une croix, comme presque toutes les inscriptions byzantines, ne se trouverait pas
h l'endroit dont je parle, mais on n'indique pas clairement l'endroit où il serait placé.
3. Il y aurait certainement lieu d'ajouter à ce que j'ai dit plusieurs autres observations sur les
animaux, les calendriers, les inscriptions; mais, outre que je craindrais d'allonger beaucoup trop
ce travail, je sens que le temps et les iiioye i- me manquent pour faire plus que ce que j'ai entre-
pris. Cependant, sans vouloir être trop téméraire, j'appelle l'attention sur une particularité qui
n'est pas étrangère à notre sujet. J'ai cité, au commencement de mon mémoire, un passage de
saint Grégoire de Nysse. Voulant donner de ce passage une traduction très-exacte, j'ai pris des
conseils. On m'a notamment fait observer que de ce passage on pourrait induire que des repré-
sentations figurées, autrement dit des scènes de la vie du saint avaient été représentées sur
le sol. Mais je crois qu'il n'a pu en être ainsi, et qu'à celte époque on se serait fait scrupule de
représenter des saints et des objets sacrés sur le sol qu'on foule aux pieds; ce n'est que bien plus
tard qu'on en a agi autrement. Letronne (« Lettres d'un antiquaire à un artiste ») disait que,
dans les textes qui se rapportent aux mosaïques, il n'était pas toujours très-facile de distinguer
s'il est question de mosaïques à ornements ou de mosaïques il figures. Je pense donc que l'étude
mosaïque de SOUR. 291
trouvé , je l'avoue , un grand intérêt à étudier les trois dernières. En eflet ,
elles m'ont prouvé clairement que j'étais devant le sol d'une église chré-
tienne, foulé jadis par une population dont le souvenir m'attire par une com-
munauté de croyance. Cette église, autre motif d'intérêt, était dédiée à ce
saint Christophe si populaire autrefois dans nos contrées. D'autre part j'ai
éprouvé une sorte d'étonnement, en considérant que ce monument entière-
ment grec avait été découvert en pleine Syrie. La conquête et la civilisation
grecques avaient donc jeté des racines bien profondes en ce pays pour y lais-
ser des traces de cette nature jusque dans les campagnes qui devaient pour-
tant être peuplées de Syriens indigènes; car si Antioche était entourée de
gens ne parlant que le syriaque, comme on l'a observé^, n'en devait-il pas
être de même, et à plus forte raison poui' la campagne qui avoisinail la
principale ville des Syriens ?
J'ignore si des fouilles faites autour de la mosaïque auraient signalé (juelque
fragment important de l'église dont elle faisait partie. Je me figure cette
église d'une architecture simple, avec des murs couverts de peintures; une
coupole au-dessus du chœur; de petites fenêtres introduisant une lumière suf-
fisante; un portail précédé du porche, ce complément nécessaire de tout
monument public ; une façade avec une croix accompagnée de quelques orne-
des mnnumenls figurés est Irès-n6(e?saire pour venir en aide ;i l'inlcrpréialion des mots, et qu'il
me soit permis d'appuyer mon observation d'un fait qui me semble caractéristique.
Un savant helléniste, contestant le sens d'un mot grec donné par un des traducteurs du « Ti-
tulus» d'Autun, découvert il y a quelques années, prétendait qu'en disant:» Poisson, j'ai préparé
mes mains, — j'ai joint étroitement mes mains (dans l'intention de recevoir l'Eucharistie) », cette
disposition était fort peu convenable pour recevoir quoi que ce soit, mais encore moins l'Eucha-
ristie que toute autre chose. 11 ajoutait, h l'appui de son opinion, un passage de saint Cyrille de
Jérusalem, qui signifie : — « et ayant disposé la paume de ta main en creux, rcfois-y le corps
du Christ ». — Or, si le savant helléniste en question avait vu quelques monuments figurés, la
Dalmatique impériale, entre autres, publiée dans le i"^' vol. des « Annales Archéologiques »,
p. 28G de la seconde édition, il aurait vu comment les artistes grecs savaient représenter les
apôtres communiant en avançant les deux mains d'une façon très-noble et qui ne peut paraître
inconvenante à qui que ce soit, surtout à ceux qui se reportent aux usages orientaux. Ces usages
ont subsisté bien longtemps, puisque des voyageurs les ont encore remarqués, il y a quelques an-
nées, reproduits par la peinture sur les murs d'églises peu anciennes de la Grèce.
1. « Dans les villages aux portes d'Antioche on no parlait que la langue syriaque. Chrysostome
en faisait l'épreuve lorsqu'il allait parfois, hors dos murs de lu ville, prier dans quelque lieu
consacré, et il en exprime le regret dans un sermon qu'il prêchait il .Vntioche à la fèto des mar-
tyrs, devant la foule accourue des campagnes voisines pour voir les cérémonies s;iintos. En célé-
brant les mœurs laborieuses et la vie pure de ces hommes rustiques, il les nommait un peuple
séparé do lui par la langue, quoique uni dans la foi... » — M. Vii.i.umain , u TabliMU de l'élo-
quence chrétienne au iv siècle ». Paris, 18.19, p. 343.
292 ANNALES ARrilCOLOOIQUES.
menls et d'une inscriplion du genre de celle que Drummond* lisait au portail
d'une église de ces parages, inscriplion don! le texte grec, copié par ce voya-
geur, signifie :
+ Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur In terre aux hommes de bonne volonté'.
-f Déni soit celui (|ui relève le pauvre de la terre cl relire l'indigent du fumier. Gloire i vous
Seigneur. +
Je m'arrête sur ces belles prières et je finis par un remercîment.
Je prie M. Renan de recevoir l'expression de ma gratitude pour avoir bien
voulu me permettre de faire dessiner la mosaïque de iiour. Sans celle obli-
geante autorisation, je n'aurais pu faire convenablement, et d'une façon intel-
ligible aux lecteurs des « Annales Archéologiques » , la description de ce
monument précieux.
Jui-iEN DURAND.
4. « Travels », London, 1754. p. 234.
LA CHAMPAGNE
NOTRE-DAME DE L^EPINE
11 n'y a pas en France de province dont on ait plus mal parle, depuis Jules
César jusqu'à nos jours, que de la Champagne; dix-huit cents ans de dédain
pèsent sur ce pays et ses habitants. Quant au pays, je ne le réhabiliterai pas;
car de Reims à Rethel, de Reims h Châlons, de Châlons à Troyes, de Troyes
à Sézanne, c'est affreux : c'est plat, mat. morne, blanc ou gris, comme les
nuages qui fdent sans bruit au-dessus de la tête par un temps couvert. C'est
stérile, sans arbres, sans herbes, sans habitations. Cinq et six lieues sans un
village. Les brebis y trouvent à peine à pâturer efles lièvres à brouter. Il est
vrai que d'Aï à, Dormans, par jÉpernay, et Troissy, le long de la Marne et
des coteaux d'Hautvillers et d'Avize, de ^Damery, de Châtillon et de Rour-
sault, c'est un rare canton de beauté et de richesses. Quand on arrive de
Reims et qu'on débouche par la forêt de ce nom qui regarde Epernay, il faut
malgré soi s'arrêter près de quelques maisons appelées Relie-Vue, car on est
pris aux yeux par un gracieux et fertile paysage. On a sur sa gauche, devant
soi, dans un entonnoir de verdure, un petit village nommé Chanipillon. qui
fait songer à la Suisse. Il se tapit dans ses hautes herbes, dans ses grasses
vignes, dans ses arbres touffus qui descendent en pente douce jusqu'à la
route, comme dans un nid une couvée de petits oiseaux. A la vue de l'église,
qui dresse son clocher aigu, et des maisons du maire et de l'adjoint qui
haussent leurs grands pignons par-dessus toutes les autres constructions.
294 ANNALES AHCIIl'iOLOGIOCES.
on (lirait de ces petites fauvettes qui mettent la tète hors du nid et tendent
le cou pour recevoir avant les autres la becquée apportée par la mère. A
droite, c'est le long viila^çc d'Ilautvillers, né petit à petit k l'ombre d'une
célèbre abbaye de bénédiclius, oii fut (laf^ellé Gotescalc par l'ordre d'Ilinc-
mar, arclievô(|ue de Reims, où dort le savant Thierry Ruinart, où ma
pjuivre mère repose en paix^. Ce grand village a gravi la montagne à mi-
cliemiu, et là s'est posé de fatigue comme ne pouvant ou n'osant monter plus
haut. On le voit se détendre, s'allonger et onduler sur les mouvements du
terrain comme une rangée d'arbres sous le vent. En face, c'est Oizy, h droite
et àgauciie de la roule. Dans ce village, dont la partie moderne n'a qu'une
rue. kl roLitu inéniu, picsquc toutes les maisons sont des auberges ou des
cabarets. Là, cha([ue habitant semble sortir de chez lui au-devant de tout
voyageur qui passe, pour lui olfrir à boire, moyennant finance toutefois;
car, en Champagne . moins ([u'ailleurs peut-être, on ne donne son vin pour
rien. U.n peu plus hjin, cesl Épciiiay dont les maisons boivent l'eau sale et
jaunâtre de la Marne et les habitants de l'excellent vin mousseux. Kpeinay
se repose entre deux collines dont l'une est tournée vers Paris et l'autre vers
Chàlons, sans avoir pu les gravir ni l'une ni l'autre. Il faut dire cependant
que cette ville a fait de grands elVorls depuis plusieurs années : elle' a poussé
ses beaux quartiers, ses grandes maisons à mi-côte déjà de ces deux montées,
el l'une d'elles, qui s'en va vers Chàlons, elle l'a escaladée jusqu'en haut.
Ce qui frappe à Épernay, c'est la beauté pittoresque des maisons rouges de
brique, bleues d'ardoise, blanches de craie; c'est surtout la magnificence et
l'ampleur des caves. L'our les caves, ce sont des souterrains bien plus con-
sidérables que ces fameuses cryptes chrétiennes qui se promènent sous plu-
sieurs cathédrales de France. Ce sont des catacombes longues d'une demi-
lieue, croisées et recroisées en tous sens par des allées et des caveaux sans
fin; catacombes peuplées non de tètes ou d'os de morts, mais de tonneaux et
de bouteilles pleines de vin. On dit que M. Moët possède dans ces cryptes de
l'industrie dix-huit cent mille bouteilles de vin de Champagne. Tout cela est
1 . Lu f.uiiillo, comme l'aibrc en aiilonme, jette ses rameaux et ses feuilles au vent, pour en jon-
cher les champs voisins. Ma mère est ensevelie dans le cimetière d'Hautvillers, à côté de ses
anci^lres. Mon père s'est abattu dans le cimetière de S;iint-Memmie, à Chàlons-sur-Marne, à côté
de son frère, non loin de son père el de sa mère. Ma sœur est toute seule dans le cimetière
d'Épernay. Un frère puiné, du nom d'Ambroise, plus isolé encore, est enseveli il Troyes. Mon
frère Victor repose à Paris, au cimetière de Monl-I'arnasse. Si la destinée dernière m'emportait
à Reims, où j'ai passé mon enfance et ma jeunesse, je ne serais pas trop éloigné de tous les
miens, et nul de nous, sauf Victor, n'aurait, pour y dormir du dernier sommeil, quitté le pays de
sa naissance.
I
LA CHAMPAGNE ET NOTRE-DAME DE L'EPINE. 295
rangé contre les parois de la cave comme une treille contre un mur, comme
les ossements contre les parois des catacombes de Paris. Quand on sort de
là après un quart d'heure de promenade seulement, on est ivre, c'est à la
lettre, mais ivre altéré et en goût de boire beaucoup. C'est à peu près
comme le conscrit peureux avant la bataille, lequel brûle de se battre et de
se faire tuer lorsqu'une fois il a respiré l'odeur de la poudre.
Entre F.pernay et Dizy est couchée une large prairie toute verte, où la
Marne, grave comme une matrone, ainsi que le veut son nom romain, « Ma-
trona'. » s'attarde en détours charmants. Voilà le devant du théâtre avec une
coulisse qui laisse entrevoir Aï à gauche el Cumières à droite, deux gros
bourgs célèbres, l'un par son vin blanc, c'est Aï; l'autre par son vin rouge,
c'est Cumières. Pour le fond de la toile et les coulisses dernières, c'est Avize
tout au bout, à l'horizon, là où s'arrête la vue. Devant Avize, le pays de la
tisane de Champagne, s'avancent et se groupent à droite, à gauche et sur
les côtés, Cramant. Chouilly, Molins, Moussy, Pierry, Grauves et bien
d'autres encore; car les petites villes, les bourgs, les hameaux, les maisons
isolées pullulent dans cette fertile contrée. Du haut de Bernon . grand tertre
planté d'un petit bois de sapins, près d'Épernay, j'ai compté vingt-huit
villages de très-bonne venue, parmi lesquels Epernay qui est une ville et Aï
et Damery (]ui ne veulent pas, mais pourraient et devraient être des villes.
Tout ce qui est aplat est prairie verte; tout ce qui est montucux et versant
de croupe se tapisse de vignes; tout ce qui est cime de côte ou de montagne
se couvre de bois de haute futaie et de forets de grands chênes ou de vieux
ormes. 11 y a peu de places chauves dans ces épaisses chevelures d'arbres,
de vignes et d'herbes. Puis, comme dans la nuit, scintillent sur toute cette
végétation foncée des constellations de villages; ou bien, comme de petites
étoiles éparpillées dans le ciel, des maisons isolées, que presque toutes on
appelle des folies. On fait en vérité beaucoup de folies en Champagne, mais
des folies appropriées à la nature du sol et au tempérament des habitants :
des folies pour le vin. Toutes ces maisons ([ue vous voyez éparses abritent
la descente des caves qui portent aujourd'hui le nom des fous qui les ont
creusées, pas si fous qu'ils en ont l'air.
Mais, il faut U^. dii'c, dans le désert de la Champagne pouilleuse ce coin de
la Cham[)agne vineuse est une oasis; c'est une goutte d'eau dans une mer
de sable. Kn somme, la Champagne est un assez laid pays.
1. Est-co bien là l'étymologie véritable? Elle va bien à collp parossouse rivière, ol rien n'est
plus facile, par syncope, que de faire « Marna » de « Matrona ».
290 ANNALES AUCIIÉOLOCJIOI^ES.
11
(Jiuiiil aux habitants, c'est autre chose; on a eu tort d'en médire. Il y a,
dans ce champ des intelligences, des oasis plus nombreuses que dans celui
du sol; là le désert est plus bariolé de lignes fertiles. Kn topographie, il n y
a qu'un point brillant, d'Aï à Dormans , par Épernay; en chronologie, il y
en a plusieurs par siècle. Déjà M. Michclct a noté d'une meilleure marque,
dans son « Histoire de France », la province de Champagne, et réhabilité
l'esprit de ses habitants. On me perniellra de copier ce qu'il en dit :
« Le génie narratif qui domine en Champagne s'étendit en longs poèmes,
en belles histoires. La liste de nos poètes romanciers s'ouvre par Chrétien
de Troyes et Guyot de Provins. Les grands seigneurs du pays écrivent eux-
mêmes, leurs gestes : Villehardouin , Joinville et le cardinal de Relz nous ont
conté les croisades et la fronde. L'hisloire et la satire sont la vocation de la
Champagne. Pendant que le comte Thibaut faisait peindre ses poésies sur
les murailles de son palais de Provins, au milieu des roses orientales, les
épiciers de Troyes griffonnaient sur leurs comptoirs les histoires allégoriques
et satiriques de Renard et Isengrin. Le plus piquant pamphlet de la langue
est dû en grande partie à des procureurs de Troyes, Passerai, et Pithou :
c'est la Satire Ménippée. La Champagne est naïve et maligne; elle a de la
grâce et de l'ironie. Sur ces plaines blanches, sur ces maigres coteaux mûrit
le vin léger du Nord, plein de caprices et de saillies. A peine doit-il quelque
chose à la terie ; c'est le fils du travail , de la société. Là aussi crut cette
« chose légère » (La Fontaine), profonde pourtant, ironique à la fois et
rêveuse , qui retrouva et ferma pour toujours la veine des fabliaux ^. »
A ces bonnes paroles pour une province méconnue, je n'ajouterai que
peu. Sans Tiieroulde, l'auteur de la « Chanson de Roland », Chrétien de
Troyes serait le premier et le plus grand poëte épique du moyen âge, comme
Guyot de Provins en est le plus grand poëte satirique. Villehardouin est, en
date, le premier prosateur français, et, en talent, l'un des plus souverains.
Joinville et le cardinal de Retz n'ont pas besoin que je les fasse valoir.
Sur la Champagne reluisent encore d'autres noms illustres que ne cite pas
M. Michelet: saint Rémi, qui constitue la royauté en sacrant Clovis; Flodoard
1. Michelet, « Histoire de Franco ». tome ii, p. 99-101.
LA CHAMPA(;NE et NOTRE-DAME DE L'ÉPINE. 297
d'Epernay, historien de style, et qui rappelait à M. Guizol^ Homère faisant
battre Achille contre le Xanthe, lorsque saint Rémi est aux prises avec un
incendie qui dévore la ville de Reims; Hincmar, qui fonde la hiérarchie
ecclésiastique et doit être regardé comme le précurseur de Grégoire Vil, de
même que Colbcrt, ministre né à Reims, est le père des grandes industries
de France. Mabiilon , la plus grande gloire des bénédictins, appartient à la
Champagne, ainsi que le savant Thierry Ruinart. Pierre Coinestor, mort en
1179, auteur du livre le plus populaire au moyen âge, la « Bible historiale »,
était doyen de Troyes et non de Trêves, comme l'ont dit par erreur ceux qui
ne sont pas assez familiers avec l'écriture gothique. Je passe Mignard le
peintre et Girardon le sculpteur, qui sont de Troyes; je passe même le grand
Racine, qui est de La Ferté-Milon, comme La Fontaine est de Château-
Thierry, et je termine par les deux plus illustres architectes du moyen âge :
Libergier, qui a construit Saint-Nicaise de Reims, et Robert de Coucy-, qui
en a bâti la cathédrale. Je voudrais voir ces deux hommes de génie debout
sur les deux tours de Notre-Dame de Reims, comme Napoléon sur la colonne
Vendôme : ils y seraient au même titre assurément, et non moins solidement
posés. On parle de terminer ces tours, qu'on dit et qu'on croit inachevées;
en sachant bien s'y prendre, ce serait peut-être là le plus économique et le
plus glorieux moyen d'achèvement '.
Parmi les œuvres d'art (jne la Champagne peut montrer avec fierté, je
noterai ces vitraux sans nombre et de toutes les époques, de 1230 à 1690,
qui remplissent les dix églises de Troyes; vitraux admirables de couleurs et
merveilleux de sujets; car là sont peints les plus poétiques légendes, notam-
ment celle de la croix. 11 n'y a pas une seule ville en France, pas même
Rouen, où éclate une pareille splendeur. De Troyes. où étaient établies des
manufactures nombreuses et considérables, à ce qu'il parait, des vitraux
allèrent colorer toutes les églises des villages de la Marne, toutes les églises
de Châlons''. où nous les admirons aujourd'hui encore.
1. Voyez, dans la «Colleclion dos liistorions do Franco » Iradiiits sous la direction de M. Guizot,
la préface de « l'Histoire de l'église de Reims », par Frodoard ou Flodoard, né à Épernay,en 894.
2. Coucy appartient à la Picardie plutôt qu'à la Champagne; mais, quand on a fonde et bâti
une partie de la calliédrale de Uoims, on a reçu les grandes lettres do naturalisation, on est bour-
geois de la ville qu'on illustre ainsi à tout jamais.
3. S'il s'agissait de donner la nomenclature des hommes illustres de la Champagne, il y aurait
bien d'autres noms à citer, sans compter Jeanne d'Arc qui les domino tous [wr sii grandeur, et
Gerson, l'auteur do « l'Imitation », par son humilité.
4. Le premier peintre sur verre qui soit connu s'appelle Roger, el il est de Reims. Il devait
vivre au x" siècle. C'est lui peut-ôlro qui, sous rarcheviV]uc Adalbéron, vers 969, éclaira la catlié-
XXIV. 39
208 ANNALKS MICII KOLOC.IOI' l'.S.
III
Mais ce qui fail. la grandi: gloire de la Chainpapno. c'est qu'elle possède
deux églises dont ruiie cerlaincinent, qualitcis et défauts compensés, est la
plus belle du monde, et dont l'autre est peut-être la plus singulière, la plus
curieuse de France; toutes deux types de deux genres opposés. L'une, la
cathédrale de Reims, est le modèle do la beauté sévère et aristocratique;
c'est, comme l'a si bien dit M. Vitel, le partliénon chrétien. Cathédrale aus-
tère, sacerdotale, le soleil presque sans taches de cette architecture gothique
dont tous les autres monuments sont ternes en beaucoup de points, et défail-
lants par places. L'autre, c'est Notre-Dame de L'Épine, qui fait le sujet de cet
article, une église perdue dans un hameau, une simple église de paroisse, pas
même linc abbaye, bâtie par des paysans, sculptée et peinte par des Cham-
penois de la Champagne-Pouilleuse, et qui est le type de l'architecture gro-
tesque, bourgeoise, plébéienne, satirique, comme la Notre-Dame de Reims
est le type de l'architecture hiératique et royale. Toutes deux belles et vrai-
ment splendidcs. L'une solennelle comme une tragédie de Corneille; l'autre
intelligente, souple et spirituelle comme une comédie de Molière. L'une,
espèce d'Iliade bâtie; l'autre, une sorte de Pantagruel en pierre. Notre-Dame
de l'Lpine est une Notre-Dame de Reims grotesque, comme Rabelais est un
Homère boulïon. 11 n'y a donc pas de province plus noblement douée que la
Champagne, puisqu'elle chante comme Homère et rit comme Rabelais; puis-
que le monde de l'art, les deux hémisphères esthétiques, le sérieux et le gro-
tesque, y sont si parfaitement représentés. Aujourd'hui nous allons parler de
Notre-Dame de l'Épine; une autre fois, plusieurs autres fois, nous revien-
drons à Notre-Dame de Reims, dont nous avons déjà parlé dans les
« Annales ».
drale de foni^lres à personnages et sujets hisloriés. L'Iiistorien Riclier, moine de Saint-Remi de
Reims, qui écrivait dans les dernières années du x" siècle, dit : « Quam (ecclesiam rhemensem)
fenestris diversas coiitinentibus historias dilucidatam... dédit (Adalbero) ». — Si le premier
peintre sur verre est de Reims, on peut dire que les derniers peintres-verriers sont de Troyes,
car Linard Gontliier y travaille do 160Gà 1648, et Nicolas Cocot en 1690. La Champagne fail donc
l'aurore et le soir de la peinture sur verre. Voyez les « Peintres-verriers de Troyes », par .M. le
chanoine Coffinet, dans les « Annales Archéologiques », vol. xviii, p. 212-224. De l'an 1373 à
l'an 1690, M. CofTinet compte, nomme et date, pour la seule ville de Troyes, 62 peintres-ver-
riers. — Voyez RicHER, « Historiarum libri quatuor », édit. J. Guadet, t. ii, livre m, p. 23-25.
,A CHAMPAGNK KT NOTHK-DÂME DE L'ÉPINE. 299
IV
Notre-Dame de l'Iipine est l'église paroissiale dun village situé à deux
petites lieues de Chàlons-sur-Marne, route de Metz. Dans l'origine, cet
endroit n'était qu'une maison seigneuriale qui dépendait de l'abbaye de
Saint-Jean-de-Laon; aujourd'hui c'est un hameau habité par des fermiers
qui cultivent la plaine environnante , et par des hôteliers qui hébergent les
quelques voyageurs et rouliers de Metz à Châlons et de Châlons à Metz.
La Notre-Dame de ce hameau est aux églises des campagues ce qu'une
cathédrale est aux petites églises d'une même ville; c'est, dans toute la
grandeur du mot, une cathédrale de village.
Une tradition, malheureusement erronée, a conservé le nom des artistes
qui auraient bâti ou embelli Notre-Dame de l'Épine.
Ainsi, elle affirme que les architectes qui construisaient la cathédrale de
Cologne firent le tour de l'Europe pour semer sur leur passage les plus
belles conceptions architecturales, et qu'ayant mis pied ;\ terre dans la
Champagne, ils donnèrent, à la fin du xiv'' siècle, le plan de Notre-Dame
de l'Épine. Cette tradition n'est pas bien ancienne; elle n'a pas plus de cin-
quante ans, car elle date, si je ne me trompe, de M. Sulpice Boisserée, le
célèbre archéologue de Cologne. Vers 1815, M. Boisserée passait à l'Epine
dans une chaise de poste. II s'y arrêta une heure ou deux pour en visiter
l'église, et découvrit sur l'un des chapiteaux du sanctuaire, h, l'abside, une
inscription alors empâtée de badigeon ([u'il lut ainsi :
l'an MCiaV- ET XCVn GIICHART ANTIIOMS • COL • SACEU • Non • ACTEC •
J'ignore comment il comprenait la date et les deux derniers mots; mais de
COL. SACEU., il fit coLONiENSis SACEiiDOs et en conclut que Guichart Anlho-
nis, prêtre de Cologne, avait fondé, bâti ou seulement achevé Notre-Dame
de l'Epine. J'ai raconté dans les « Annales Archéologiques » (vol. ix, p. 24),
en note à un article de notre pauvre ami l'élix de Verneilii, sur la cathé-
drale de Cologne, comment il fallait lire cette inscription dont j'ai donné,
dans cette même page, un rac-simile. Cette inscription n'est p;is en latin,
mais en français, en orthographe et patois champenois du xvi" siècle; elle dit
tout simplement :
l'an • Mir. • y' ET • xxiui c.ijichaut anthoinb • tos ■ cathb • nos ■ at fet
300 ANNM.RS \iu;ii [^oi.f)r.ioir:s.
Il s'agit effectivcinciit «les quatre piliers, bases, fûts et chapiteaux du
centre de l'aiisidc, au fond du sanctuaire, qui ont Mt faits ou refaits en
môme temps, au xvi' sifïcle, par cet Antlioino (juicliarl qui, quatre ans aupa-
ravant, avait «également apposé sa signature sur l'église de Courtisols, à une
demi-Iieuc de J'Kpitic*,
Une tradition plus ancienne, mais non moins erronée, allribue îi un Irlan-
dais du nom de l'alrik le plan et les premières constructions de l'i'ipine. Cet
Irlandais, et en cela ce pourrait être vrai, se serait sauvé au beau milieu de
son travail, en faisant banqueroute et en emportant la caisse de ses ouvriers.
Cette tradition date de l'époque où l'on attribuait aux y\nglais toutes nos
constructions en gothique fleuri, de 1350 à 1/|50; mais elle n'en est pas plus
authentique pour cela.
Il n'y a de certain , dans ces rumeurs populaires, que la signature du
Champenois Anthoine Guichart, maître maçon ou sculpteur, peut-être, à Chà-
lons-sur- Marne, si ce n'est même tout bonnement à Courtisols.
Notre-Dame de l'Kpino est donc bien parfaitement champenoise, et le
prêtre de Cologne pas plus que le voleur irlandais n'ont i-ien h. y voir.
Les nombreuses grimaces de pierre que vous font dans cette église des
masques grotesques ou indécents, les malices naïves et spirituelles des gar-
gouilles qui décorent les deux étages de l'édifice , les saletés lubriques ou
satiriques des consoles qui reçoivent les retombées de plusieurs cordons d'ar-
chivoltes, vous l'appellent le Champenois La Fontaine, type admirable de cette
bonhomie des habitants de la Marne, passée en proverbe. C'est un Champe-
nois , le père et le compatriote de Passerat et de Pithou , qui a vivifié ces
pierres, qui leur a donné la forme de bêtes grotesques et d'hommes cyniques ,
pour la perpétuelle édification de la postérité. Anthoine Guichart est un
La Fontaine en sculpture ; mais un La Fontaine toujours bouffon et souvent
grossier, inclinant plutôt encore vers Rabelais que vers l'auteur des contes.
Projetée dans le courant du xiv* siècle , alors que se posait la dernière
pierre de la cathédrale de Reims, Notre-Dame de l'Lpine, commencée dans
les premières années du xv% fut terminée au conmiencement du xvi"; Anthoine
Guichart, qui sculpta les piliers en 1524, fut probablement le dernier artiste
qui ait travaillé à cette église.
I. En 1834, i'iii (léijadigoonné moi-même, avec une éponge imbibée d'eau, cette inscription
si singulièrement lue par M. Sulpice Boisserée. Au bout de cinq minutes de travail, j'avais le
plaisir de lire nettement ces! beaux caractères gothiques et j'avais le bonheur de restituer non-
soulemcnt ii la France, mais à la Champagne, un artiste dont l'éminent archéologue de Cologne
voulait bien indûment enrichir son pays et sa ville.
LA CJiAMPAGNt: ET NOTRE-DAME DE L'ÉPI.NE. 301
Quoique bâtie à une époque où le gothique était en pleine décadence ,
durant ce xv' siècle si lourd et si pédant, si grossier dans le choix des sujets
qu'il sculpta ou peignit, si convulsionnaire dans les formes qu'il avait adop-
tées, Notre-Dame de l'Épine est encore de très-bon goût. C'est que de
l'Épine à Reims il n'y a qu'une dizaine de lieues, et que la glorieuse ville de
Reims possède la plus admirable cathédrale que le christianisme ait jamais
élevée à Dieu ; c'est qu'en présence d'un tel chef-d'œuvre, les artistes qui
bâtirent l'Épine ne pouvaient pas faillir comme tous les autres artistes de
leur temps. Un grand homme donne le ton à son siècle : les Macédoniens
penchaient l'épaule comme Alexandre ; une cathédrale aussi doit faire la loi
aux églises qui l'entourent. Or, comme on entend sonner à plusieurs lieues le
bourdon de Notre-Dame de Reims, on peut bien respirer, à la même distance
à peu près, le parfum d'art qui s'exhale de cette cathédrale. A la pre-
mière vue, on sent instinctivement l'influence que le chef-d'œuvre de Reims
exerça sur Notre-Dame de l'Épine; à la seconde, on s'en rend compte ma-
tériellement.
En effet, à Notre-Dame de l'Épine, comme à Notre-Dame de Reims, une
draperie de pierre décore le soubassement du portail ; avec cette unique dif-
férence qu'à Reims c'est à l'occident qu'elle se déploie, et au sud à l'Épine.
A l'Épine, comme à Reims, et dans ces deux belles églises seulement, le
portail occidental, quoique adhérent à la nef, y est tellement bien ajusté et
soudé , qu'à l'intérieur on ne se douterait pas de son existence. On ne peut
soupçonner qu'an dehors monte au ciel un portail gigantesque qui, à lui
seul, est tout un monument.
A l'occident, regardez cette porte centrale llanquée à droite et à gauche
de deux portes plus étroites, plus basses, moins décorées, comme un prêtre
qui se montre entre deux acolytes plus petits et moins richement vêtus que
lui. Voyez ces trois portes coiffées de pignons dont celui du centre porte
triomphalement Jésus sur la croix ; voyez les tympans de deux portes laté-
rales non aveuglés par des tables de pierre, comme dans la plupart des
églises de France, mais au contraire tout ouverts, percés à jour et flam-
boyants de vitraux, pour que le soleil couchant vienne s'y rcllétcr cl s'y
reproduire comme une ligure se repèle dans un miroir. Voyez celte rose h
seize rayons, encadrée dans une ogive, connne le globe de l'ut-il entre les
a02 ANNALKS AIlCIIKOl.OiJ l^LliS.
deux paupières; laiidis (ju'ailliMir.s, k Cliailros par exemple, l'o'il existe,
niai.s non les paupières, le tableau et non son cadre. Voyez ces piliers bou-
tants décorés d'arcades à fines moulures dans leur hauteur, et portant des
clocliolons délicats connne un |)iodestal porte une statue. Voyez ces deux
loins aiguës qui encadrent et donn'nent le portail, comme les deux cornes de
llamme (|ui encadraient et dominaient le front de Moïse; et vous vous raj)-
pellerez les iiortcs, les tympans, les pif^nons . la rose, les piliers boulants,
les tours de \otrc-Uamc de Reims.
Entre ces deux églises, bien dilïérentes cependant quant h la date de la
construction, quant aux dimensions monumentales, quant à la richesse de la
sculpture, les analogies sont très-frappantes : vieillissez, agrandissez, enri-
chissez l'Kpine, et vous aurez Reims.
A l'Epine, comme à Reims, un banc de pierre longe en dedans le mur des
nefs latérales, pour que le pauvre peuple puisse s'y reposer; à l'Épine, comme
à Reims, un pilier rond, cantonné de quatre colonnes engagées, soutient les
grandes arches de la nef; à l'Epine, conime à Reims, une galerie délicate
est pratiquée dans l'épaisseur du mur de la grande nef et circule k l'intérieur,
tout au pourtour du vaisseau.
L'Epine a le plan et la coupe de Kotre-Dame de Reims. En plan trois nefs
dont les deux latérales tournent autour du chœur. Puis cinq chapelles pour
l'abside, et deux sur les flancs des croisillons; toutes sept entourent ce chevet,
dont l'étyraologie et la forme rappellent une tête, et lui font une auréole à sept
rayons, un nimbe, comme le nimbe qui décore la tête de Jésus-Christ. Mais
aussi pas une seule chapelle ne gonfle les côtés des contre-nefs; car l'Épine à,
eu le même bonheur que Reims. A Paris, Amiens, Troyes, etc., les xiv" et
xv° siècles crevèrent les murs des nefs latérales pour pousser en saillie des
chapelles dans chaque travée. Ces rejetons qui pullulent autour de la grande
église, ces boutons qui hérissent toute la tige d'aspérités, boursouflent et em-
pâtent le plan.
L'Épine est pure : le tronc n'a pas bourgeonné et son épanouissement
n'est qu'au sommet comme aux plus nobles arbres. L'Épine, ainsi que la
cathédrale de Reims, n'a pas permis que les siècles postérieurs vinssent
déposer des chapelles tout autour d'elle pour en altérer son plan.
En coupe, c'est encore Reims, ainsi que je l'ai annoncé, à propos des
piliers et de la galerie. Puis, à l'Epine comme à Reims, quatre faisceaux de
colonnes lilenl sans interruption du pavé à la voûte, pour aller porter le
centre de la croisée, tandis que des faisceaux semblables vont élever en l'air
les tours du portail occidental.
LA CHAMPAGNE ET NOTRE-DAME DE L'ÉPINE. 303
Comme >^otre-Dame de Reims, Notre-Dame de l'Épine fut bâtie sans
interruption et coulée d'un jet; mais ce jet plein de sève donna pendant cent
cinquante ans. Une église bien faite, une église normale, c'est comme une
statue de bronze : à la statue on commence par couler la tête, puis les
épaules, la poitrine et les bras, le corps, les jambes et ]e% pieds; à l'Epine,
la pierre comme le bronze suivit cet ordre. Ce fut d'abord l'abside qui soi-tit
du moule, puis le chœur, puis les bras du transept, puis la longueur des
nefs, et enfin le portail qu'on peut assimiler aux pieds du Christ ; car le por-
tail est troué de portes comme les pieds de Jésus furent percés de clous sm*
la croix. On suit la progression des siècles, depuis l'abside qui est à l'est,
jusqu'au portail qui est à l'ouest. C'est une sorte de course architecturale
comme celle du soleil qui va de même d'Orient en Occident. L'architecture
de l'Épine se lève à. l'abside et se couche au grand portail. — On peut s'en
tenir à ces points de comparaison pour établir et démonti'er l'influence toute-
puissante, quoique à deux cents ans de date et à plusieurs lieues de distance,
que la cathédrale de Reims exerça sur cette église.
L'I'lpine n'est donc qu'une con Ire-épreuve réduite de Notre-Dame de
Reims; mais en qucl(|ues endroits on a retouché cette seconde édition. Ainsi,
à Reims, les verrières des nefs latérales sont de mêmes formes, de mêmes
divisions que les hautes verrières de la grande nef. Cependant la nef centrale
est la nef d'honneur : elle est la plus haute, la plus large, la plus ornée. Les
verrières, par conséquent devraient se distinguer des autres par des additions
et des délicatesses spéciales. L'Épine a mieux saisi et mieux respecté les
droits de la hiérarchie : les fenêtres latérales n'ont que trois panneaux, les
fenêtres supérieures en étalent quatre.
VI
Indépendamment des causes favorables qui présidèrent à la naissance, îi
la création et au développement de Notre-Dame de l'Épine, cette église a eu
un autre bonheur : c'est qu'elle a conservé, du moins en grande partie, son
ameublement ancien. Pendant que la tempête de 1793 brisait avec tant de
fureur les sculptures de Saint-É^tienne et de Notre-Dame de Chàlons, pendant
qu'elle en réduisait loul lo mobilier on cendres, elle laissait en paix Notre-
Dame de l'Epine. La trombe politique courut ailleurs et ne creva pas sur le
hameau privilégié. Aussi devons-nous à cet oubli la conservation de ce joli
jubé en gothique llamboyant qui, de la nef, ne permet de voir le maître-
30/( ANNAI.r.S MU'.ilKOI.Or.lOI r.s.
aulel (|ii'à travers des ciilrelacs et des leuillii^cs de pierre, ainsi que dans la
caiiipafînc on n'aperçoit souvent un liorizon lointain qu'k travers des arbres.
Co jul)é, moitié en style de la renaissance, moitié en style gothique, est
percé, ain>i (lu'un are de triomphe, de trois arcades qui enlèvent en l'air
Jésus rrucilii'-. Le Christ est pleuré <i droite par la sainte Vierge, sa mère, et
à gauclie par saint Jean, son ami. On monte à la plate-forme de ce jubé par
un escalier à vis, très-étroit. Sur la balustrade est fixé un livre de pierre qui
sert de pupitre pour chanter surtout la Passion, le jour du vendredi saint.
Le dos et les plats de ce livre reposent sur une large feuille de chou, sur
laquelle raiii|)C et bave un escargot. Très-souvent le pupitre où se chantent
les leçons et les évangiles est porté par ini ange, l'attribut de l'évangéliste
saint Mallhieu; plus souvent encore par un aigle, le sublime attribut de saint
Jean, il fallait être vraiment Champenois rustique et Champenois de la re-
naissance, pour avoir remplacé l'ange et l'aigle par un escargot visqueux. Il
n'y a peut-être pas ailleurs une église où le trivial se montre avec autant
d'eUVonterie. et cependant nous sommes fort heureux, pour l'art et l'histoire,
que les convulsions politiques ou religieuses n'aient pas ruiné ces grotesques
sculptures.
A cet oubli des révolutions nous devons la gracieuse clôture . moitié
gothique et moitié renaissance comme le jubé, qui enferme le ehœur dans
un treillis de pierre; nous lui devons un i)etit monument en style fleuri, qui
servait probablement de custode, et qui, saisi par la clôture du sanctuaire,
renferme et abrite aujourd'hui une peinture de la Vierge, entourée de ses
attributs. Je crois qu'il n'existe nulle part en France un monument analogue,
espèce de châsse en pierre destinée à, conserver l'Eucharistie. Ici, cette jolie
niciie, qui est un abrégé réduit et corrigé du portail occidental, est toute
parfumée des litanies si poétiques de la Vierge, de ces litanies qui la procla-
ment belle comme la lune, colorée comme la rose, pure comme le lis, blanche
comme l'ivoire. Toutes ces louanges sont résumées dans des vers français
du xvf siècle, contemporains et compatriotes de cette niche de l'Epine.
Us sont écrits avec la navette sur une tapisserie de la cathédrale de Reims,
représentant la Vierge qui fait elle-même de la tapisserie, et qui est admirée
par deux licornes. La licorne est le symbole, au moyen âge, de la virginité, de
la pureté immaculée, parce que. dit cette époque plus satirique et moins
naïve qu'on ne pense généralement , la licorne est si rare qu'on ne l'a
presque jamais vue :
Marie, vierge chaste, de malin estoiie,
Porte du ciel, comme soleil eslue,
LA CHAMPAGNE ET NOTRE-DAME DE L'ÉPINE. 305
Puys (le vive eaue, ainsy que lune belle.
Tour (le David, fys de noble value,
Citi; de Dieu, clair mirouer non pollue,
Cèdre exalté, distillante fontaine,
En ung jardin fermé est résolue
De bésongnier, et sy de grâce est pleine.
Les plus petits détails sont conservés dans cette église, jusqu'à ces choses
légères que le temps enlève d'un coup de ses ailes ou d'iui soulïle de sa bou-
che. Les autels et piscines des chapelles du rond-point sont tous de la renais-
sance et parfaitement intacts. Les ornements y courent aussi légers que le
chèvrefeuille sur le berceau d'un jardin. Une de ces chapelles, qui sert et a
toujours servi de sacristie, est séparée du pourtour du sanctuaire par une
clôture en pierre percée à jour. Cette chapelle conserve encore des traces
importantes de peintures à fresque. Enfin, un joli pavement en carreaux ver-
nissés, à dessins gracTieux et très-variés, orne l'étage supérieur du jubé, ainsi
que les chapelles absidales, qui rayomicnt au pourtour du sanctuaire. Quand
on bat du pied cette peinture en émail et cuite au l'eu; ([uand on a sur la tète
la peinture des voûtes à fresque et séchée au soleil ; quand sur les murs qui
vous coudoient on contemple la peinture opaque que viennent éclairer des
rayons de soleil qui passent à travers les peintures transparentes et historiées
des vitraux, on est longtemps dans le ravissement. C'est réellement le jardin
de l'art; et peut-être que ce jardin est plus haut en couleurs, plus varié et
plus abondant en formes que la nature elle-même ne pounail le réaliser dans
un site de i)rédilection. Et pourtant, rappelez-vous que vous n'êtes que dans
un village, que ce village est en Champagne et dans cette partie de la Ciiam-
pagne qu'on appelle Pouilleuse, qui est plate, crayeuse et stérile! L'art est
vraiment royal dans ses générosités; il sème des perles partout où il croit
voir des mains tendues pour les recueillir.
Un puits miraculeux est creusé dans l'axe du croisillon septentrional; son
eau, qui guérit d'une foule de maladies, est le but de nombreux pèlerinages.
Deux troncs en bois, bardés de fer et accolés contre les piliers du jubé, sont
de la même époque que ce petit monmnent. Ces troncs re(;oivent les olïrandes
que les malades guéris par l'eau du piiils, (juc les femmes enceintes qui
accouchent d iiii gari;oii, après avoir tiré d'iiiie certaine manière la corde de
la plus harmonieuse des cloches, vieniu'iil y jeter par reconnaissance *.
1. Los anciens troncs sont lort rares; ceux de l'E|nni'. je uf |iiii|irisc pus de los irniler, car ils
sont grossiers, offrent cependant do l'intorôt.
xxiv. iO
306 ANNAI.r.S ARCIlf.OI.OOigi KS.
Vîl
liiilin un orgue, dont le buffet est orné de sculptures de la renaissance,
s'élève, comme à Noire-Dame de Reims, contre le mur septrional du croisillon
nord, et ab;it des masses d'harmonie sur le centre de la croisée. A ce centre,
qui est le chonir de l'édifice cl où s'élèvent le jubé et la Vierge miraculeuse de
l'église, viennent aboutir les ondes sonores de l'orgue, les chants du clergé,
les prières des fidèles, comme au cœur de l'homme afflue le sang de toutes
les veines.
Le bullot de l'orgue, un des plus curieux de France, mérite une mention
spéciale. 11 se compose de ti'ois parties : d'un avant-corps qui est au centre et
qui fait saillie, de deux arrière-corps en i-etraite et sur les côtés. Sur ces par-
ties rentrantes, humbles, cachées, sacrifiées évidemment à la partie centrale
qui se porte orgueilleusement en avant, se tiennent debout, sculptés en reliefs
très-bas, dans des arcades circulaires, saint Pierre, saint Paul, saint Jean,
saint Jacques à droite; à gauche, saint André, saint Barthélémy, saint Phi-
lippe, saint Simon. Ils sont caractérisés tous les huit par leurs attributs : saint
Pierre par les deux clefs, dont l'une ouvre et l'autre ferme le paradis; saint
Barthélémy par le couteau qui la écorclié vif. et ainsi des autres. Tous les
huit en longue robe et en grand manteau d'assez bonne étofîe. Ces apôtres,
qui ne sont pas même au complet, puisqu'il n'y en a que les deux tiers, cèdent
le pas et la place d'honneur à sept des principaux dieux du paganisme. Ainsi,
le Paradis s'éclipse et recule devant l'Olympe; à l'Épine, le moyen âge pâlit
devant la renaissance. Ils sont là tous les sept, ces dieux païens, s'enlevant
en forte saillie sur l'avanl-corps du bullèt, étincelant à tous les regards qu'ils
attirent, tandis qu'il faut aller chercher de ses deux yeux, ou plutôt de sa
lunette d'approche, les pauvres apôtres des arrière-corps, et qui battent on
retraite dans l'ombre.
C'est d'abord Apollon qui tient un gros soleil dans la main droite, la main
la plus forte. Apollon est un gros jeune homme de vingt ans ; il est habillé en
femme ; car la renaissance, qui savait son archéologie païenne, avait remar-
qué que les Apollons, virils quant au sexe, étaient elTéminés quant aux for-
mes. C'est un Apollon du Belvédère, mais bourgeois de tournure, trivial de
physionomie, et suant sous des habits qu'il a de la peine à porter.
Près de lui, c'est Diane, sa sœur, un peu plus chaste, au moins mytho-
LA CHAMPAGNE KT NOTRE-DAME DE L'ÉPINE. 307
logiquement parlaiil, que son frère si volage, ici Diane est une bonne femme
dudue, vêtue jusqu'aux genoux d'un pantalon boulfanl, nue au reste des jam-
bes. Elle tient de la main droite le croissant de la lune qui a la forme d'une
tranche de melon. Tout le costume de cette déesse, farouche et virginale dans
la mythologie, est celui d'une bonne grosse commère champenoise, h poitrine
saillante et un peu molle, connne si elle avait déjà nourri plusieurs en-
fants.
La vierge Diane est prise entre deux libertins; car à sa droite est Apollon,
et Mars à sa gauche. Mars a l'attitude d'un suisse d'église, mais d'un suisse
belliqueux; il est au repos, appuyant la main gauche sur une hallebarde. Son
costume voudrait être celui d'un empereur romain ; car il a les pieds chaus-
sés de bottines, la cuirasse antique au poitrail, les jambes et les bras nus. un
casque sur la tête.
Après Mars arrive Mercure; après la guerre, la paix. Mercure porte à la
main droite un caducée long comme une canne. 11 embouche une trompette
connue un charlatan qui veut attirer la foule. Cette trompette est la double
flûte dont ce musicien vulgaire est l'inventeur. Il a une mine intelligente,
pleine d'adresse, une vraie tournure de tilou ; il est coilfc d'un grand chapeau
à cornes, comme ces chanteurs des rues qui s'habillent en vieux marquis, et
qui, de leur voix aigre, écorchent les oreilles de Paris. 11 est vêtu d'une blouse
qui lui descend à mi-jambes, et sur laquelle retombe, à la poitrine, sa flûte
double, comme un rabat de magistrat.
Près de ce rusé coquin est le vieux Jupiter habillé comme Mars ; mais coiffé
d'une couronne et non d'un casque, car il est roi du ciel. Jupiter porte une
barbe longue et vénérable qui fait pendant et opposition à la petite barbe
courte et frisée de Mars. De la main droite il brandit des foudres en bois
blanc. Sa figure, surtout lorsqu'on quitte celle de Mercure, paraît assez niaise,
et rappelle un passage que voici de la légende de saint Martin : « Le grand
évoque de Tours était souvent lutine par le diable qui se montrait volontiers
à lui sous la forme des dieux du paganisme, tantôt déshabillé comme Vénus,
tantôt affublé de la mine de Mercure, ou coiiVé de la tète de Jui)iter. Vénus
n'avait aucune prise sur saint Martin, mais Mercure le tourmentait horrible-
ment : « Mercuriuin » , dit la « Légende Dorée » , « maxime paliebalur infeslum » .
Saint Martin les recoiniaissait tous et les insultait en les apostrophant par leurs
noms. Tais-toi, disait-il à Jupiter, tu n'es qu'une brûle et un imbécile : « Jovem
brutum atque hcbelcm dicebat ». Eh bien! ce Jupiter de saint Martin semble
avoir été sculpté on bois, douze cents ans |)lus lard, à l'orgue de Notre-Dame
de l'Epine.
308 ANNALES AKCIlÉOLOfJIOl'F.S.
.Iti|)il(ir coudoie une reiiiriif. forte; et Rrassc : c'est V('*nus; mais uiu' Vôiius
du \vi" siècle, une Vénus de villa^n. Du rcsie, le costume est historique ou
.'i |H'(i jir^s; car il y a nndil»'! parfaite. Ccjjendant, aux reins est lié un court
jupon. Mais, il faut le diir ;i riioiincur de Vénus, ce jupon rembarrasse, et
de la main f^auclic elle Ir relcv(! tant ([u'elle |)eul. Elle pose la main droite sur
la tète d'un petit bonhomme ailé et f[ui est l'Amour. l.'Amour est aussi paysan
que sa mrrc.
I'!iilin. prrs de Vénus es! .S.ilnrne; le \)\us âgé des dieux près de la plus
jeune déesse. Comme Vénus, Salm'nc a près de lui son fils, mais c'est pour
le dévorer. Ce Temps champenois tient de la main droite, au lieu de la faux
mylholof^ique, une faucille rustique. Il appuie son ai.sselle droite sur une
béquille, comme s'il était boiteux, tandis ([u'au icré de tout le monde il court
beaucoup trop vite. De la main gauche il tient un petit enfant tout nu, qui ne
voudrait ])as se laisser dévorer, et qui tire avec colère les poils de la barbe de
son père anthropophage. Du r(>ste, ce Saturne est si vieux, qu'il est couvert
de vctoments troués jmr le lem|)s, et cependant ce dieu économe a eu la pré-
caution de reti'ousser ses manches pour les user moins vite.
Après Jupiter, Saturne est évidemment le plus sacrifié de toutes les divi-
nités. Tous, Vénus en tète, semblent lui faire des mines grotesques. Le beau
rôle, au contraire, est à Mercure, qui est à la place d'honneur, au milieu de
tous; sa mine est pleine d'esprit et de finesse. A la Bourse, de nos jours, on
ne serait pas plus poli envers ce puissant dieu.
Je demande pardon d'avoir détaillé ainsi ces dieux païens représentés dans
une église, et de n'avoir dit qu'un mot des apôtres. Mais j'ai agi comme le
sculpteur sur bois et comme l'architecte ou le charpentier de l'orgue : j'ai mis
les païens en relief, en avant -corps; et les chrétiens en retraite, dans
l'ombre ^.
Cependant, l'église de l'Épine est une Notre-Dame, et elle ne l'oublie en
aucun cas. Au-dessus donc de ces dieux et de ces apôtres, tout en haut du
buffet d'orgue, elle a dressé en ronde-bosse la sainte Vierge qui tient Jésus,
groupe de bois assez délicatement sculpté. Deux anges, étendus de leur long,
accompagnent la Vierge et sonnent de la trompette pour traduire, aussi maté-
I. .loclierclie la raison qui a pu faire placer les apôtres et les sept planètes sur ce bufTet d'or-
gue. L'harmonie est céleste, je le sais bien, et l'on fait de la musique dans le ciel que les apôtres
habitent comme dans l'Olympe où les dieux résident; mais je ne vois entre ces personnases et les
cantiques en l'iionneui- de Dieu et de la Vierge qu'un rapport bien indirect et bien éloigné. Du
reste, la renaissance n'en fait jamais d'autres : elle sculpte ou peint des figures à tort et à travers,
sans trop savoir ce qu'elle veut.
LA CHAMPAGNE ET NOTRE-DAME DE L'ÉPINE. 309
riellement que possible, ces devises tirées des saintes Écritures et qu'on lit
en latin sui'tout le bufTet :
Louez le Seigneur des cieux ;
Louez-le sur les cithares;
Louez-le dans vos cœurs et sur l'orgue;
Louez-le au son de la (lùte;
Louez-le au plus haut des cieux;
Que toute âme loue le Seigneur '.
Deux anges, c'est très-bien pour faire de la musique sur un orgue, mais
malheureusement ils sont presque nus et ressemblent trop à des génies
antiques. Cependant, qu'un musicien touche de l'orgue au moment où vous
épellerez ces chaudes paroles , et toute votre âme éclatera en fanfares avec la
ravissante église, ainsi qu'il m'est arrivé un jour que je visitais ce curieux
monument.
VlU
Rien ne manque donc à cet heureux édifice : l'art y a vidé à fond sa corne
d'abondance, et les révolutions de la religion, de la politique et de la mode,
par le plus grand hasard et le plus rare bonheur, n'y ont pas touché. Cepen-
dant le plus beau feu a toujours sa fumée; et il faut bien dire qu'en ces der-
niers temps un badigeon jaune et blanc a recouvert çà et là quelques arabes-
ques peintes qui décoraient les piliers, depuis le jubé jusqu'au sanctuaire.
C'est une enveloppe grossière, un manteau en haillons, sur un habit brodé.
Il faut (lire aussi que sous Napoléon l'' on a renversé une des deux flèches du
portail, pour installer sur le moignon de la tour un hideux télégraphe.
Il faut déplorer enfin la perte de la plupart des vitraux, brisés non par les
honmics, inais par la violence des orages qui désolent assez souvent cette par-
tie de la Champagne. Heureusement que le plus intéressant, comme le plus
local et le plus historique, existe encore : c'est celui qui représente le miracle
auquel l'église doit sa fondation. Il est honorablement placé, comme ce devait
<• Laudatc Uoniinum do cœlis;
Laudate eura in cilharis;
Laudato eum in cordis et organe;
Laudate ouni in sono tuli;r;
Laudalo eum in cxcelsis;
Oninis spiiilus l.mdel Doniinum.
310 ANNALKS AKCIir.OLOrJIQL' KS.
riro, k la rciuMre centrale de la chapelle (Ju fond, sp^-rialr^ment di*di(5f à la
Vierge comiiie dans toutes les églises. Voici lu légende qu'il représente.
IX
Vers la fin du xiv" siècle, la veille de l'Annonciation, des bergers gardaient
leurs troupeaux dans ces plaines de Champagne qui, à cette époque de l'année,
comuiençaieni à verdir çà et là. Tout à wnip. h la tombée du jour, les brebis
qui broiUaicnl l'herbe naissante s'arrêtèrent immobiles et firent cercle devant
un buisson d'épines blanches d'où partait une lueur, comme la lumière (|ui
veille dans une lampe de porcelaine ou d • verre dépoli. Les bergers appro-
chèrent, et virent que ces bouffées lumineuses sortaient d'une petite statue
de Marie ([ui tenait .li''sus entre ses bras. Ils allèrent à Cliàlons ébruiter h'
miracle. On accourut de la ville et de tous les environs pour contempler cette
merveilleuse sculpture. On voulut tirer la Vierge de son buisson pour la
porter en triomphe dans la cathédrale de Chàlons; mais cette petite vierge,
plus lourde qu'un rocher, refusa de se laisser arracher du lieu qu'elle avait
choisi en descendant du ciel. On comprit alors que Marie voulait avoir une
église sur l'emplacement môme du buisson; et. à force de dévotion et d'ar-
gent, on lui bàlit le chef-d'œuvre que nous voyons aujourd'hui. Le buisson
est mort ; mais l'art, dans une arcade du jubé, lui a donné un remplaçant, je
dirais volontiers un héritier; car cette arcade est plus fieurie et aussi toutTue
que le buisson lui-même. Quant à la statue, elle est aujourd'hui le plus vénéré
comme le plus curieux ornement d'un autel consacré à la Vierge. Cet autel,
qui ne chôme jamais de fidèles prosternés sur ses marches, et surtout de
pauvres femmes qui ont tant de misères à conjurer et tant de maladies ii gué-
rir, est placé sous le jubé, au côté droit, comme sous un reposoir. C'est à
cet autel de la Vierge que les jeunes filles se marient, que les jeunes mères
font leurs relevailles; c'est à la statue miraculeuse de la Vierge, c'est au petit
Jésus qu'elle tient dans ses bras, que le curé de la paroisse bénit les langes
destinés à emmaillotter les nouveau-nés.
Il faut que l'imagination et l'art aient une l)ien grande puissance, puis-
qu'une simple métaphore, une comparaison historique, ont fait pousser dans
ce désert de la Champagne une des plus jolies églises gothiques. Le christia-
nisme savait bien que tous ses dogmes, que la virginité d'une mère entre autres,
devaient être prouvés par toutes les preuves possibles : par la raison, par le
LA CHAMPÂGjNE et ,NOTIiE-DAME DE L'ÉPINE. 311
sentiment, par l'histoire. Ce fut à l'histoire qu'il s'adressa de préférence en
beaucoup de cas ; ce fut à l'histoire et à la plus vénérable de toutes, à l'his-
toire sacrée et révélée, à l'Ancien Testament qu'il demanda l'analogue de la
virginité de la mère de Dieu qui éclate dans le Testament Nouveau. 11 vit
bien que Gédéon obtint une toison toute pleine de rosée pendant que la terre
sur laquelle posait sa laine était sèche à l'cntour; que le bâton mort et écorcé
d'Aaron fleurit en une nuit; mais ces faits ne lui sufTn-ent pas, il en voulut et
en trouva un autre plus explicite. Ce fait est sculpté en pien-e à Chartres,
au portail du nord qui est du xiii" siècle; il est peint sur bois, avec son ap-
plication symbolique, sur un beau tableau qui décore Saint-Sauveur d'Aix,
et qu'on attribue sans motif au roi René, qui en serait tout au plus le dona-
teur; il est peint sur parchemin dans tous ces manuscrits des xiii% xiv" et
xv" siècles, qu'on appelle miroir du salut de l'homme, «Spéculum humanae
salvationis » ; il est peint à fresque, il est tissu sur laine en divers endroits
de la France, et notamment à Reims, sur une de ces splendides tapisseries
du xvi" siècle, qui décorent la cathédrale, sur la tapisserie qui représente en
sujet principal « la Nativité de Jésus-Christ ». Là, on voit la Vierge tenant
l'enfant Jésus; elle est assise sur un buisson tout vert d'où sortent des lan-
gues de llamme et devant lequel se prosterne Moïse. On lit au bas ces vers
du xvi' siècle, tissés dans la laine :
Comment Moysc fut très fort esbalii
Quant apercent le vert buisson ardant
Dessus le mont llorob ou Synay,
Et n estoit rien de sa verdeur perdant ;
Pareillement la pucelle eust enfant,
Sans fraction ne aucune ou\orlure;
Et la virge d'Aaron fut florissant
En une nuict, cela le nous figure.
C'est la paraphrase littérale de cette inscription latine qu'on lit au bas du
tableau dit du roi René :
« Uubum quem viderai Moyses incombusUim, conser\alam agnoviuius luani laudabilem virgi-
nitatem, sancla Dei genitrix ».
Le buisson quo Moïse vit briiler sans se consumer nous prouve ta virginité, sainte mère de
Dieu.
Ainsi donc c'est cette comparaison pleine de grâce et de poésie, réalisée par
des bergers champenois la veille de l'Annonciation, au xiv* siècle, qui a fait
bâtir le bijou de Notre-Dame de l'Épine. Sur le vitrail qui représente la Vierge
dans son buisson, on voit les brebis se dresser sur leurs pieds, comme pour
312 ANNALKS AIlCIlfiOLDC lOIKS.
broiiliM' des feuilles de lumière h cet arbrisseau de feu, tandis que los bi-r^crs,
les paysans des villages voisins, et les bourgeois de (Ihàlons s'agenouillent à
deux genoux el prient h deux mains la Vierge, qui s'assied sur son .inbûjjine,
comme une reine sur son trône *.
Les autres verrières, dont les lambeaux ornent encore aujourd'hui ^ les
fenêtres des chapelles du sanctuaire et des croisillons, furent données par des
corporations ou de riches particuliers, itiarchands de Chàlons; par des mari-
niers de la Marne ou des marchands de laine de la Champagne, comme
l'annoncent les di'-bris de légendes sur verre qui subsistent encore en place '.
Ces verrières oui hniriblenient souffert, el en périssant elles ont entraîné la
perte d'une piutic imporlaiitc de l'histoire civile et religieuse de la Cham-
pagne.
1. Ceci a été écrit sur des notes prises on avril 1834. A cette époque, ce vitrail inappréciable
était conser\é, en bon étiit, dans los meneaux do la baie centrale qui éclaire la chapelle de la
Vierge. Quelques années plus lard, dos travaux de maçonnerie se firent dans celte chapelle, et,
par malfieur, sans nécessité réelle, on descendit le vitrail. Cette dépose se fil sans aucune précau-
tion, sans dessin fait à l'avanco el s:ms avoir préalablement collé du papier sur les panneaux pour
fixer les morceaux de verre aux plombs. Les panneaux, descendus avec négligence, furent super-
posés à plat, dans une chapelle voisine, où ensuite je les ai vus empilées, s' écrasant mutuelle-
ment, et où tous les visiteurs pouvaient les manier et les « déplumer » pour en emporter des
morceaux. Superposés l'un à l'autre, ces panneaux finirent par se broyer complètement, et tout ce
qui ne fut pas pris par les étrangers, et même par les enfants du village qui jouaient avec les
verres et fondaient le plomb pour faire des crayons, fut réduit en poussière. Au bout de peu de
temps, il no resta plus rien de ceKe verrière, une des plus curieuses de France, je puis le dire. A
l'une des séances du comité archéologique do Châlons, je réclamai contre cet acte inqualifiable de
vandalisme; mais il n'était plus temps, et les sacristains avaient balayé aux ordures la misérable
poussière qui avait été la verrière du miracle de l'Épine. Pour nous consoler de ce malheur, si
facile à prévenir, on a commandé à M. Maréchal, de .Metz, m'a-t-on dit, une verrière nouvelle qui
représente à peu près le même sujet. Une verrière de M. .Maréchal, quand elle est exécutée avec
soin, est une œu\re de valeur; mais, malgré tout son mérite, celle de l'Épine ne remplacera ja-
mais, sous aucun rapport, celle que j'ai vue encore, on place et en si bonne condition, au mois
d'avril 18.34. J'ai cité ailleurs, dans les « Annales » mêmes, le nom du négligent architecte de
Châlon.s-sur-Marno qui est coupable de ce vandalisme; je n'ai donc pas besoin de le redire ici.
2. Je le répèle, ceci est écrit d'après des notes prises en 1 834. Or, ce qui existait à cette époque
doit avoir disparu maintenant. Il y a bien des années que je n'ai vu Notre-Dame de l'Épine, el
je no puis dire aujourd'hui, à coup sûr, ce que le temps el l'architecte mentionné dans la note
précédente ont pu nous laisser.
3. Il est à peu près certain, malheureusement, qu'il n'existe plus rien aujourd'hui, ni débris
de vitraux, ni débris de légendes. .Mon ami M. de Guilhermy visitait l'Épine il y a quelques
semaines. A son retour, il m'a parlé avec un vif intérêt de la curieuse église. Il m'a fait savoir
que le vitrail nouveau de M. Maréchal rappelait le miracle auquel est due la construction de
l'église; mais il ne ma entretenu ni des lambeaux de vitraux que j'avais vus autrefois, ni des
fragments de légendes que j'avais lues et recueillies. Il en résulte donc que tout cela a com-
plètement disparu. C'est un malheur irréparable.
LA CHAMPAGNE ET NOTRE-DAME DE L'ÉPINE. 313
Mais la sculpture, plus durable, existe toujours. Outre les malicieux et
grossiers personnages des consoles et des gargouilles, dont je dirai un mot
dans un instant, il existe aux divers portails une série^de petites figures qui ne
manquent ni d'intérêt sous le rapport histoiùque, ni quelquefois, quoique rare-
ment, d'une certaine délicatesse sous celui du travail.
A la porte centrale du grand portail, à la place d'honneur, c'est l'histoire
de la sainte Vierge, patronne du lieu. En présence de plusieurs anges qui
remplissent l'air de leurs chants, à la face du soleil et de la lune qui éclairent
la scène en plein, elle met au monde l'enfant Jésus, le roi de là nature et le
maître des anges. Marie caresse du regard l'Enfant divin que le bœuF et l'àne
réchauffent de leur haleine. Tout auprès, d'autres anges entonnent le " Gloria
in excelsis » et annoncent aux bci'gers qui gardent leurs troupeaux (sujet fort
bien choisi pour la localité) qu'un enfant leur est né. Connne la Vierge est
l'héroïne de ce poème de pierre, tous ses ancêtres, depuis David jusqu'à
Joachim, rois et bourgeois; puis tous les prophètes qui ont parlé d'elle, avec
Tsaïc qui voyait l'avenir comme le présent et s'est écrié, « une vierge enfan-
tera. » entourent Marie et lui l'ont un cortège d'honneur.
A la porte gauche, c'est le crucifiement, dénoùniont tragique de ce drame
dont nous venons de voir l'exposition. Ce crucifiement fut sculpté probable-
ment aux frais de la confrérie de la Passion établie à Chàlons. 11 en est de
cette église, en effet, comme de ces fils et filles de princes dans les contes
qui ont réjoui notre enfance, et à la naissance desquels toutes les fées du voi-
sinage viennent faire un don, apporter un souhait. Notre-Dame de l'Epine a
été douée par les bergers, les laboureurs, les bourgeois, les marchands, les
confréries, les corporations et les prêtres de la Champagne. On a fait cercle
autour de son berceau. A des époques assez rapprochées de nous, des rois de
France ont voulu aussi apporter leur offrande à la petite Vierge de l'Epine,
soit pour édifier, soit pour embellir son église. En Jf|29, Charles Vil se
rendit à pied de Chàlons à l'Epine, et déposa sur le maitre-autel 1,200 écus
d'or. Louis XI, dévot à tontes les Notre-Dame de France, ne pouvait être
infidèle à celle de la Champagne; il la visita donc en 1Ù72, et lui donna une
forte somme pour construire le second clocher; c'est celui dont la llèche a
depuis été démolie et h la place de kuiuelle un télégraphe gesticule ou ages-
XXIV. /4I
ni/, ANNALFS ARCIll'OLOr.lOUKS.
liciik' (l'iino façon ridiriile. Il uc faut donc pas s'élonnor qiip des parlicu-
licrs, que des confréries aient fait un peu pour l'Kpine, quand les rois fai-
saifnl tant pour elln, fl l'on romprcnd que dans son Ironr. ils aient glissé
quelques liards f|uand la luuiiificenco royale y versait des pièces d'or.
Ainsi, à la porte de droite, sur le linteau, la compagnie des archers de
Chùlons'fit sculpter le martyre de son patron, saint Sébastien. Des archers,
en soldais de F-ouis \il ou de François I", et vêtus d'habits crevés et bouf-
fants, tirent au cœur et à la poitrine du saint.
Au portail du Sud est retracée l'histoire de saint .lean-Bapliste. Avant le
miracle (jui a donné naissance à l'église, il existait, non loin, une chapelle
dédiée au Précurseur. C'est pour en conserver le souvenir qu'on a consacré
les plus jolies, les plus fines, et les ])kis anciennes figures de tout l'édifice.
Ces sculptures racontent la vie de saint Jean, depuis sa naissance jusqu'à sa
décollation. Il fallait bien le dédommager de l'oratoire qu'on lui prenait.
XI
Toute cette sculpture est grave, digne, sacrée; l'ornementation, au con-
traire, est dévergondée, déliontée, débraillée. C'est aux gargouilles qui dé-
gorgent l'eau des toits sur le cimetière dont l'église est entourée ; c'est aux
consoles qui portent soit des retombées de nervures, soit des piédestaux où
se dressent des statues ; c'es.t aux contre-forts qui butent les murailles de
toute l'église, que ces bouffonneries satiriques ou luxurieuses étalent à l'aise
leurs laideurs et leurs rires. Tout grotesque ayant une basse fonction à rem-
plir est décoré d'une laide figure; le corps est là concordant avec le métier,
l'âme avec son enveloppe. 11 faut remarquer que c'est au chevet, la partie
sainte d'une église, son sanctuaire extérieur, (pie paradent ces grotesques
sculptures. Or, de certaines places décuplent toujours la qualité bonne ou
mauvaise de certaines choses; et le contraste surtout, si puissant dans le
monde artistique, ne l'est pas moins dans le monde moral. Ainsi une chan-
son de cabaret gagnerait assurément en puissance bachique si elle était
entonnée dans une église. A la Révolution, ces orgies, ces bals échevelés que
les Jacobins donnèrent dans les cathédrales, devaient s'emporter d'une furie
que les mêmes orgies et les mêmes bals n'atteindraient jamais à l'Opéra.
Le libertinage et l'intempérance dans une église, c'est un coup de tonnerre
dans les montagnes : le retentissement est grossi et multiplié par les échos.
LA CHAMPAGNE ET NOTIŒ-DAME DE L'ÉPINE. 315
Or, les saletés et les lubricités grondent à l'abside de Notre-Dame de
rÉpiue, élargies et gonflées par la sainteté du lieu, comme une tache d'huile
s'étend sous le feu. Figurez-vous Gargantua proférant ses plus grandes <''nor-
mités , non plus dans une taverne , mais dans une chaste église , une église
virginale, dédiée à Marie, et dans le Saint des saints !
Sculptées sous forme humaine, cylindriques, creuses et percées par les
deux bouts, selon la définition de l'homme donnée par un physiologiste, les
gargouilles semblent s'élancer horizontalement de la corniche , la tête en
avant, et regarder elfrontément les passants qu'elles menacent de leur poids.
Kilos ne sont reteimes que par les pieds qui sont engagés dans le mur. Ces
gargouilles représentent, en grande partie, la personnification des vices
principaux; c'est une éthique chrétienne en sculpture, montrée par le revers
seulement : par le laid et non par le beau, par le vice et non par la vertu.
Chez les Grecs, voyez l'échelle des vertus et des vices d'Aristote : la mère
des vertus c'est la force ou le courage; et autour de la hàcheté comme d'un
tronc se ramifie la foule des vices. Dans le christianisme, c'est tantôt l'or-
gueil, tantôt le doute qui engendrent les vices; et par contre, l'humilité ou la
foi qui mettent au monde toutes les vertus. Ces deux filiations différentes sont
conséquentes avec les civilisations dont elles expriment le caractère. A une
société de force, la force est tout le bien; à une religion de foi. l'incrédulité
est tout le mal. Si de nos jours, où domine l'industrie, on voulait établir une
filiation éthique et construire une échelle de la moralité humaine, on devrait
mettre certainement la paresse en tête de tous les vices, et l'activité en tète des
vertus. Le christianisme avait donc son éthi({uc à lui , éthique^ (jui ivgnait
partout où il était le maître, mais ([ui se modifiait cependant suivant certaines
localités, et qui s'accounnodait à certains tempéraments. Pour la Champagne,
par exemple, connue pour toutes les provinces chrétiennes, l'orgueil était un
grand vice : « Radix omnium malorum superbia » . et l'humilité une vertu
sublime. Cependant les moralistes du pays avaient pu remarquer que chez
eux l'un n'était pas la cause unique et première des vices, ni l'anln' la mère
principale des vertus; et qu'en cette province couverte de vignes, l'ivrognerie,
une branche de l'intempérance, était certainement la racine de tous les maux.
C'est le vin, bu avec excès, qui met à l'aumône toute une famille, car il en-
gendre la paresse et la prodigalité. C'est de l'ivrognerie que naissent la
luxure et la colère : l'homme ivre est toujours près de l'infidélité, et, dans le
ménage, les querelles éclatent au milieu des I'uiim'h's du vin aussi facilement
que les éclairs dans les nuages.
Le sculpteur champenois de Notre-Dame de rL|iinc a donc fait pieuve
31C ANNALKS AlUMlfiOl.OCIOL'KS.
d'un f^rnnd sons, en mettant rivrogncric à la Wlc des autres vices. Celte ivro-
p;ncri(' est pcrsonnifiéf dans un vigneron di'-jii sur le retour de l'âge, velu
d'Iiahits usés, tôtc sans IVonI cl sans intelligence, face aplatie, nez bour-
geonné, yeux ronds et slupides. On croit voir chanceler cet ivrogne, cl l'on
craint qu'il se détache de la pierre où ses pieds cependant sont engagés et
forliiiiiMil enciiaînés. (l(;l iiomnie esl ivrc-iiiort. on le voit bien, et pourtant il
lient ;i la main droite une énorme tasse où il clierclie k verser du vin d'un pot
(Iti'il lient à la main gauche. Il ouvre la bouche toute grande, comme s'il ava-
lait déjà le vin de sa tasse; car l'ivrognerie, comme la luxure, comme l'ambi-
lioii . ne dit jamais c'est assez. Cette laide, cette repoussante figure, est la
plus apparente, la mieux exposée de toutes : c'est le centre d'où rayonnent la
folie, la ciilère. la luxure et l'orgueil.
La folie, sous la figure d'un homme dont la face est plus slupide encore que
celle de l'ivrogne, est coiffée d'un bonnet à longues oreilles d'âne, l'aile agile
une m^irotte au bout de laquelle, parmi les sons d'un collier à grelots, rit
stupidement une petite lète de fou, le reflet, la miniature de la grande statue.
L'ivrognerie, ce qui lait perdre la raison, est assurément la vraie mère de la
folie.
Ivre et fou, on s'irrite pour la moindre cause. Nous avons tous vu des ivro-
gnes battre avec fureur des bornes, et meurtrir des pierres qui ne se déran-
geaient pas sur leur passage. Xerxès devait avoir bu, mais certainement il
était fou, lorscju'il faisait fouaillcr de verges le détroit des Dardanelles. La
colère se montre â l'Épine sous la figure d'une femme de trente ans qui s'ar-
rache les cheveux, et fait d'horribles grimaces en ouvrant sa bouche comme
une porte cochère.
Au même plan, et sous la figui'c d'une femme encore, surplombe la Luxure.
Agée de vingt-cinq à trente ans, elle est toute débraillée, levant honteusement
sa jupe sans la moindre pudeur. Par sa tournure, par les mines de son visage,
par tiiute son attitude, elle fait à tous les passants les provocations les moins
équivoques, mais des provocations si grossières que je ne puis en parler.
vSur tout cela, mais après l'ivrogne cependant, domine une réjouissante
figure : c'est un personnage comme en a dessiné Callot, un matamore armé
de pied en cap. Saflamberge, qu'il met au vent, est un sabre plus grand que
riionnne, et recourbé comme un cimeterre tiu'c. Sa mine ébouriffée s'allonge
au uienton d'une barbe très-fine et très-pointue. 11 est maigre comme Don
Quichotte, et provocateur comme un maître d'escrime. Mais pourtant, ce lait
qui s'emporte , ce matamore qui se hérisse quand on passe près de lui,
s'abaisserait vite, et rentrerait promptement les piquants de son caractère,
LA CHAMPAGNE ET NOTRE-DAME DE L'EPINE. 317
les pointes de sa barbe et la lame de son sabre, à la première parole ferme
et hardie que lui adresserait un homme de courage. Voilà l'orgueil bourgeois,
l'orgueil paysan de Notre-Dame de l'Épine; il fait la charge de cet autre
orgueil farouche, intraitable, fier encore quoique abattu avec son cheval, qui
se voit sculpté au portail occidental de la cathédrale de Reims. Je Fai dit.
Notre-Dame de l'Epine est une Notre-Dame de Reims bouffonne. — Ces gar-
gouilles, il faut les examiner surtout par une grande pluie, comme je les ai
vues une fois : elles fonctionnent alors, et prennent une incroyable vie. La
Colère f[ui rend l'écume des toits, l'Orgueil qui crache de la pluie avec ses
insolentes paroles, l'Ivrognerie qui se voit forcée de rendre des torrents d'eau
au lieu d'avaler son vin, vous font éclater de rire.
Parmi ces odieux personnages, je n'ai pas vu l'Avarice. 11 y a peu d'avares
chez les vignerons. En effet, voyez comme, encore aujourd'hui, ils dépensent
en un hiver la récolte entière de l'automne, et vont résolument à l'aumône
pendant les deux autres saisons! Le vigneron, c'est la cigale qui chante sans
s'inquiéter du lendemain. Au contraire, l'Avarice est sculptée plusieurs fois à
Chartres ; car le laboureur, fourmi qui ne prête jamais, le laboureur ne chante
ni ne danse : il entasse, il enfouit; il prévoit l'hiver en été.
Plus haut que ces gargouilles, sur le versant des piliers boutants, est per-
sonnifiée la morale de la fable, la (junition de ces vices dont je viens de nom-
mer les principaux. Mais comme tout est grotesque dans cette église de paysans,
cette punition est bouffonne aussi. Dans les cathédrales de France, à Notre-
Dame de Paris par exemple. Dieu envoie du ciel des anges, armés de lances et
de cuirasses, attaquer, exterminer ces vices hideux qui déforment et tuent
l'âme de l'homme. A l'Épine pas d'anges, mais des singes, des chiens, des
cochons; pas de batailles, mais un charivari. On ne blesse ni on ne tue; on
écorche les oreilles. Voyez, en effet, ce singe qui tire d'une musette des sons
stridents, cet autre qui grogne en s'accompagnant d'un tambour qu'il bat de
toutes ses forces, cette truie qui miaule avec une harpe, ce cochon qui sillle
avec une vielle, ce dogue qui gronde en sourds aboiements. Tout cela piaule,
glapit, glousse, hurle et fait un vacarme effroyable à rompre la tète de tous
ces pauvres vices , personnages satiriques qu'ils sont eux-mêmes , et repré-
sentants de la sottise humaine.
Pourtant, au milieu de ce grotesque tintamarre apparaît une lêle muette,
austère et qui glace d'effroi k la regarder. C'est le masque h. l'agonie d'un
homme de trente ou quarante ans, et f[ui semble se débattre dans les con-
vulsions de la mort. Cette sculpture, vraiment remarquable et d'une effrayante
vérité, vous ramène au cœur des pensées graves et salutaires que la Luxure
318 ANNAi,i:s Aru;iii^;oi,0(;if)iJKS.
avait ('(Tarouclif^es pai- ses gros.si(!res avances, ol que le» consoles dont jo n'ai
pas (lu parliîr avaient pu faire envoler. Ce tnastiue, c'est, comme a(irè.s le
carnaval, le mercredi dos cciidics qui vient vous dire h l'oreille : « SouvienH-
toi que lu n'es que poussière et que tu retourneras en poussière. »
\11
\v;iiil d'(!n finir avec cette église, dont j'ai cherché surtout k rendre la |)hy-
sionomic plnlôl (|ur le caractère archéologique, je dois faire une dernière
observation. Les plus magnifiques cathédrales, comme les plus illustres na-
tions, comme les plus resplendissantes familles, comme les plus superbes indi-
vidus, dorent leur origine cl leur blason avec des traditions épiques. Notre-Dame
de Paris prétend, et s'en fait gloire, que Charlemagne a posé sa première
pierre; Rome voulait descendre de Troie; les Francs cherchaient un ancêtre
dans r 'ti Iliade », et .Iules César plantait dans Knée la souche de son arbre
généalogique. Sans raison plausible. Notre-Dame de ITpinc se prétendait
issue de la cathédrale de Cologne; mais l'orgueilleuse, reculant sa naissance
bien plus haut encore, jusque dans la nuit des temps, comme on dit, elle
affirmait, — les habitants du village affirment encore, — qu'Attila l'avait
ennoblie de sa présence. Elle déclarait que ce grand barbare, qui s'était hu-
milié devant un évèque de Troyes, et avait reculé ses armées devant la sain-
teté épiscopale, avait passé, lui et les chefs de ses hordes hunniqucs. une nuit
en prière dans son sanctuaire. Pendant qu'il veillait à prier le Dieu dont saint
Loup lui avait révélé l'existence et la majesté par un regard de ses yeux, les
chevaux du héros et des chefs auraient été attachés contre les murs de l'église;
en dehors, h des anneaux de fer qu'on voit aujourd'hui encore. Plusieurs an-
neaux sont encastrés en efi'et dans la muraille des flancs du nord et du midi
surtout. Mais , historien véridique , je suis forcé de dire que ces murs sont
postérieurs à Attila de neuf cents ans à peu près; et que ces anneaux ont été
forgés et scellés pour attacher les ânes de la Champagne qui, chaque année,
amènent à l'Épine les pèlerins et les marchands. le jour de la fête qui est en
même temps le jour de la foire. J'en suis désolé ; mais il faut rabaisser le che-
val belliqueux à l'âne pacifique, Attila et ses Huns à des Champenois colpor-
teurs, fort inolTensifs et assez peu dignes de la grande épopée.
DIDRON AiWK.
IM< I IbliDN A ('M'. I .
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CIBOIRE EN ARGENT DORÉ
QUINZIÈME SIECLE
Après avoir publié dans un précédent numéro des (( Annales Archéologi-
ques i> un chandelier allemand du xv' siècle, c'est encore à l'Allemagne et à
ce siècle, pour lequel généralement nous n'avons point un grand faible, que
nous empruntons le ciboire d'aujourd'hui. Une fois que l'on a pu admettre
l'intrusion des formes de l'architecture et leur exacte reproduction dans l'ortë-
vrerie, il faut rcconnaîti-e que notre ciboire offre un modèle d'élégance et de
goût, en même temps qu'il sort du galbe adopte depuis le xii' siècle.
Au lieu des deux coupes hémisphériques aplaties qu'oflVenl le ciboire
d'Alpais, publié par nous jadis dans les « Annales Archéologi(iues » (t. xiv),
et tous les ciboires émaillés de la même classe, le ciboire de Sens, en vermeil
et qui date du xiiT' siècle, et un ciboire en argent doré de la collection Sauva-
geot, qui est du xv% nous voyons ici une coupe hexagone à bords droits, ayant
pour couvercle un dôme écaillé, le tout porté sur un pied élevé. Le reste n'est
que décoration. Mais c'est sur l'harmonieux agencement de cette décoration
que nous voudrions insister. Ces contre-forts détachés qui se prolongent de la
coupe au couvercle en traversant les limbes de leurs bords, et qui amplifient
les dimensions réelles de ces parties, les légers arcs-boutants qui les iviient
aux supports de l'édicule qui domine le couvercle, donnent à l'ensemble une
légèreté et une sveltesse encore augmentées par la netteté de l'exécution.
En examinant les combinaisons de l'amortissement de ce couvercle, cet
édicule si heureusement relié aux parties beaucoup plus larges qu'il surmonte,
et abritant une statuette de la Vierge, nous ne pouvons nous empocher de
songer à des œuvres de bien autres dimensions et qui auraient eu tout h
gagner en imitant quelque peu celle modeste pièce d'orfèvrerie. Ces œuvres
320 ANNALKS AliCiri'.oi.oi; UjUKS.
oiissent 6l(^ siipporlal)los ot i)oul-6lre satisfaisantes, tandis qu'elles sont iiorri-
blos. \oiis voilions |)arlor du domo do l'ourviiTOs, k Lyon, et du clorlier rjui
sininontc la tour de l'oy-Borland, k Bordeaux. Tous deux servent de piédestal
ti une (if^uic de la Vierge, et l'on ne peut se figurer un amortissement [dus
ni;ilciicoiilivu\ (|iic, ni' pcui rriic tme statue, aux contours nécessairement
iiiccrl.iins cl disseniblables, pour terminer les lignes rigides cl symétriques de
rarchitecturc. De plus, qu'elles ' soient les dimensions des figures que l'on
mcl ainsi sur d'immenses supports isolés, celles-ci paraîtront toujours trop
petites, d'autant plus qu'elles sont dévorées par le vide qui les entoure. C'est
le <i lidiciilus mus » de la fable que l'on a enfanté à grand'peine. Mais si, au
iimi (le faire de ces statues le point culminant de ces édifices, on les eût abri-
tées sous un édicule, gibboso-byzantin h Fourviéres, et du xn' siècle comme
la tour de Pcy-Berland, àBoi-deaux, les lignes de l'architecture se fussent trou-
vées naturellement prolongées et amorties, et l'on eût témoigné de plus de
révérence, peut-être, envers l'image de la Vierge en l'abritant. Certainement
celle-ci u'eùl rien perdu de son importance h être accompagnée, et il est pos-
sible qu'elle (;ùt gagné quekiuc chose de mystérieux à être entourée et pro-
tégée.
Mais tout ceci est loin de notre ciboire auquel il nous faut revenir, et dont
voici les dimensions principales :
Pied . . . Diamètre 0"' I oO
Tige... Hauteur jusqu'à fornement crénelé. 0, 17o 0"'l7o
Coupe.. Hauteur 0,075 0,073
Diamètre intérieur 0, 080
Dôme. . Hauteur 0, 050 0, 050
Pinacle. Hauteur 0, 1 90 0. 1 90
Hauteur totale 0,190
Le pied est hexagone. Sa base est formée de six lobes arrondis, ornés sur
leur tranche d'une galerie ajourée, cachée, à la rencontre de deux lobes adja-
cents, par un bouquet de feuilles allongées en argent découpé, repoussé et
contourné, appliquées après coup.
Cette base hexagone porte une petite hausse circulaire, en retraite des lobes,
d'où naît la lige composée de six feuilles aiguës, qui y étalent leur pointe,
1 . Puisque l'opéra de » Roland à Roncevaux » a mis à la mode « la Chanson de iioland, »
qu'on nous permette d'emprunter à ce poëme magnifique, vénérable ancêtre de notre littérature,
ce que les i^rammairiens appellent une faute de français. Faute heureuse et qui nous épargne
leur barbare « quel que... que ».
CIBOIRE EN ARGENT DORÉ. 321
se relèvent et se réunissent de façon à former une pyramide à six faces cour-
bes. Mais ce n'est point cette pyramide fiui, en devenant un prisme, forme la
tige du ciboire. Cela serait trop simple pour un orfèvre du xv'' siècle, et pour
un orfèvre allemand. Les rudiments d'un autre prisme, interrompu par un
nœud aussit(jt ([ue formé, s'implantent sur l'autre, mais en posant ses arêtes
au beau milieu des faces de ce dernier, et ses faces à cheval sur ses arêtes.
Les champs triangulaires placés entre les extrémités dos grandes feuilles,
d'où naît la tige et la circonférence du cylindre bas où elles s'appuient, sont
ornés de gravures. Quatre de celles-ci représentent les symboles évangéliques
non nimbi's, avec banderoles où leur nom est inscrit : deux aulres portent des
écus d'une forme tout allemande et que nous avons fait reproduire.
La transition entre le pied et la tige est formée par un nœud [)rismatique
quelque peu saillant, orné d'un fenestrage percé à jour sur chacune de ses
faces, d'un contre-fort sur chacun de ses angles, entre deux moulures dont
la supérieure porte un crénelé.
La tige hexagone, ornée sur chaque face d'une ogive gravée, porte un nanid
lenticulaire donnant naissance, sur sa circonférence, à six appendices à section
carrée, à l'extrémité de chacun desquels est enchâssée une phujue gravée
d'une lettre gothique carrée. Leur réunion forme le mot iiiecvs ^. De lon-
gues feuilles de figuier, profondément découpées, s'étalent au-dessus et au-
dessous du bouton entre les appendices saillants, et nous semblent fondues.
Au-dessus du ihiiuI part le prolongement de la tige , décorée aussi sur
chaque face d'une ogive gravée, bientôt interrompue par une moulure sail-
lante qui se perd dans une galerie crénelée au point où elle s'implante sous le
fond de la coupe du ciboire.
Le fond de cette coupe est recouvert de six grandes feuilles à profondes divi-
sions lancéolées, qui nous semblent imitées du persil . découpées dans une
feuille d'argent, repoussées et modelées, puis rapiiortées après coup. L'extré-
mité de chacune de ces feuilles, dim dessin et d'un modelé très-souples, sert
de support à la base des contre-forts qui garnissent chaque angle de la coupe.
Ces contre-forts, d'abord isoles de la coupe, s'y relient par un petit arc-bou-
tant qui supporte un second contre-fort, lequel, lui, appliqué contre l'arcte de
la coupe et traversant le limbe de celle-ci, se continue sur le couvercle.
Les bases de ces conlre-forts sont un monument à elles seules; car elles sont
garnies et ornées d'une ogive sur chacune de leurs arêtes, d'un petit contre-
fort terminé en pinacle à crochets sur leur face antérieure, qui est surmontée
1. Pounnioi un (1 au lieu d'un .S dans ce mot iiiixvs? lîsl-cû le signe d'une prononciation
qui se r;i|ipioeliorait du dialecte vénitien?
XXIV. !i2
:j22 ANiNALKS Al;(;iir;()l,(J(JlQUKS.
d'un |i<-lil l'idritoii ,ivcc. crocliots et IIi'iiidii loriiiirial. «lorrière loqiicl monte de
|)lu.s un cloclii.'toii.
(;iiaf|iio l'aco do la con|)o (nI i^arnio d'une moulure à sa base, el proliîgéc
par lin arc en accolade qui s'a|)puie sur les contro-forls de chaque arèle. Des
feuilles de vigne garnissent, en gnisc de crochets, les moulures de l'arc en
avant d'iuie galerie Ji jourcjui remplit ses tympans extérieurs. Le sommet de
l'arc louche au limhc de la coupe, el le lleiu'on (|iii le domino appartient au
couvercle.
Un bas-relief, en argent fondu et ciselé, occupe chaque face de la coupe.
Notre gra\ure iiKMiIre le |)riiici|»al. ([ni représente le Christ assis auprès de la
Vierge el la bénissanl. tandis (|u'un ange volant au-dessus de sa tète la cou-
ronne. Les lètes ne soûl point nimbées, mais celle du Chiisl est couronnée.
Les autres bas-reliefs sont les suivants :
Saint Christophe, appuyé sur un bâton llcuronné, porte sur ses épaules
reniant Jésus (|ni tient à la main la boule du monde, surmontée d'une croix.
Saint André tient un livre et la croix en \.
Saint Denis porte à deux mains sa tète coilTée d'une mitre. Il est revêtu
d'une chasuble parée par-dessus la timi({ue et l'aube.
Saint Laurent, en diacre, tient un gril.
Saint Michel, couronné el drapé sans armure, debout sur le dragon, lui
enfonce dans la gueule son écu croiselé el la hampe de la croix qu'il porte.
La ciselure de ces bas -reliefs est très-hardie; elle accuse franchement les
plans divers de la sculpture qui appartient encore au style du xiv' siècle par
l'abondance, le fouillé el le jet des draperies.
Une feuille d'argent, appliquée sur le bord de la coupe cl qui suit, en les
débordant, les contours des ornements qui garnissent ses flancs, forme son
limbe et reçoit une feuille pareille sur laquelle s'appuie tout le système de
construction du couvercle. Ce couvercle est en forme de dôme cà six faces
recouvertes d'écaillés et séparées par une arête saillante ornée de crochets.
A chacpic arête correspond un haut pinacle (pii est le prolongement de chacun
des contre-forts de la coupe. Entre eux el à la base du dôme règne une gale-
rie formée d'une série de cercles encadrant des quatre-lobes ajourés, et inter-
rompue ;i son milieu par le lleuron terminal de l'arc en accolade qui couronne
chaque face de la coupe.
Ces pinacles, d'une composition très-complexe, étant flanqués antérieure-
ment d'un autre petit pinacle à fronton et à crochets et interrompus par un toit
à deux rampants, dont le gable est orné de crochets et d'un fleuron terminal, se
prolongent au-dessus de ce toit avec une moindre section. Ce prolongement.
CIBOiHE EN AliGEM DORÉ. 323
à section carrée, porle sur une base ; il est orné d'ogives gravées sur chaque
face, et coiiïé d'un quadruple fronton que surmonte une aiguille à crochets el
à fleuron terminal. C'est au-dessous de l'un de ces quatre frontons que s'.atla-
chcnt des arcs-boutants moulurés, qui s'appuient aux montants de l'édicule
planté au sommet du dôme. Ils sont ornés d'une double file de créneaux sur
leur échine, et d'arcs rampants à pendentifs fleuroiinés en dessous.
Cet édicule abrite une statue de la Vierge portant l'enfant Jésus. Ce groupe
est posé sur une plate-forme entourée d'une moulure crénelée. Il est soutenu par
six piliers carrés, dont la face est ornée de deux redans inclinés. Au-dessus
du second, où s'insère l'arc-boutant. naissent des arcs en accolade aiguë ornés
de crochets et d'un fleuron ternn'nal. Loin- vide est rempli par un réseau de
quatre-lobes. Des pinacles accompagnent ces arcs et sont posés diagonalement
sur les piliers. En ari'ière naît un toit aigu, à six faces ornées d'écaillés arron-
dies, et garni de crochets sur ses arêtes. Une double moulure |)risn)atique
interrompt l'ordonnance de ce toit qui se prolonge en une fige carrée portant
deux larges fleurons aplatis de forme carrée, que surmoiile un crucifix. La
croix est ornée, à ses exirémilés, de fleurons à feuillages carrés; le Christ,
dont la tète est ornée du nimbe crucifère, y est attaché par trois clous. Les
lettres inri sont portées sur une banderole bien grande pour la croix.
Tel est l'ensemble de ce ciboire rapporté d'Allemagne par M. Mannheim,
exj)ert et marchand d'antiquités, rue de la Paix, qui l'avait prêté à l'exposition
d'art et d'archéologie faite à Rouen en dSGl, et qui nous a permis de le pho-
tographier il l'intention des « Annales Archéologiques ». Nous avons tenu à
le publier comme un modèle d'élégance et de fabrication, bien qu'il ait été
exécuté à une époque qui n'est remarquable ni par la sobriété, ni par la con-
venance. Certes, nous préférons les formes arrondies des ciboires romans :
cette forme est plus conmiode, eu égard à la deslinaliou du vase; les orne-
ments en sont plus rationnels et ap|)arliennenl plus en pro|)re ;i l'orfèvrerie.
Ici, à part certaines parties du |)i(Ml cl les feuilles estampées qui s'étalent sous
la coupe, cette coupe et tout ce qui la surmonte pourrai! avoir été aussi bien
exéculé en pierre qu'elle l'est en argent. L'échelle seule dilTère.
IMais cnlin, puisque toutes les églises ne sont point bâties en style du
xiii'' siècle; puisqu'il faul dr rorfr'vrcrio du w'' siècle pour celles qui appar-
tiennent à cette époque, voici un modèle d'une exécution excellente et (pii.
fabriqué probablement vers les commenccmenis de ce xv° siècle , montre
encore une certaine fermclé dans ses pnifils et un grand goût dans le dessin
de son ensemble.
Aliui:i> n.V UC liL.
ViAAX ])]■ VinNKirjT
De toutes les aniictions pliysiquos et morales qui assif^gent la dernière
période de la vie. il n'en est pas de plus douloureuse que de perdre ses amis
et de voir peu h peu le \ ide se former autour de soi. Les « Annales Archéo-
logiques 1) ont déjà |)(irli' \f druil di' llrnri Gérente, de Lassns. de l'abbé
Texier. Aujourd'hui, nous avons à dépinnM' la luort de l'Y'lix de Verneilh,
notre ami de près de trente ans, l'un de nos collaborateurs les plus assidus
et les plus dévoués. Il a succombé le 28 septembre dernier, dans la demeure
de ses pères, aux lieux mêmes où il était né, alors que nous pouvions espérer
encore pour lui di' loni^s jours, au moment où il préparait , dans toute la matu-
rité de sou talent , de nouvelles |)ul)licali()ns destinées k prendre place au
nombre des œuvres classiques de l'arcbéologie.
réiix de Verneilh naquit le 21 octobre 1820, au château de Puyraseau.
près de la petite ville de \ontron. 11 n'avait donc pas encore accompli sa qua-
rante-quatrième année lorsqu'il a été enlevé à, notre aiïection. Sa vie n'a été
qu'une suite de travau\' souvent remarquables, toujours utiles. 11 fit ses pre-
mières études à Limoges, et c'est certainement dans cette ville, pour laquelle
il a toujours conservé une prédilection particulière, que les églises du moyen
âge, les maisons anciennes, les productions de l'émaillerie commencèrent à
fixer son attention. Il terminait à Paris, quelques années plus tard, ses cours
de droit , ([uand un ministre, illustre entre tous ^, résolut de donner une puis-
sante impulsion aux études d'histoire et d'archéologie, [lar la création du
Comité des arts et monuments. De cette époque datent ses relations intimes
avec le directeur des « Annales Archéologiques » et avec nous. Heureuses
années où la France entière se sentait prise d'un véritable enthousiasme pour
1. M. tUiizot.
VEUX DE VERNEII.H. ' 325
les moimments de son glorieux passé! Les dijcumeiits les plus curieux sur
l'architecture, sui' l'iconographie, sur la niusitjue religieuse, sur les hommes
qui s'tMaienI distingués dans toutes les branches de l'art, les réclamations les
plus énergiques en faveur des monuments menacés de mutilations barbares
ou de restaurations inintelligentes, alïluaient vers le Comité nouveau, érigé en
tribunal par l'opinion publique dès les premiers jours de son existence.
Félix de Verneilh se plaça, dès le début , au premier rang des correspon-
dants ofTicieux du Comité. Il n'avait pas vingt ans lorsqu'il adressa, en 1840,
au ministre de l'instruction publicjue un mémoire d'une haute importance sur
cette église de Saint-Front de Périgueux, qui lui doit certainement le rang
considérable qu'elle occupe maintenant dans l'histoire de l'art. Ce mémoire
contenait déjà le plan généi-al , et même les principales divisions du livre qui
parut onze ans plus tard.
Le directeur des « Annales Archéologiques », alors secrétaire du Comité
historique des arts et monuments, a dit , dans un de ses procès-verbaux, quelle
fut la surprise du Comité quand on lui mit sous les yeux, pour la i)remière
fois, la vue d'ensemble de Saint-Front dessinée par Jules de Verneilh sous la
dictée de son frère Félix. L'édifice apparaissait avec sa physionomie byzan-
tine, débarrassé des lourdes toitures qui l'ont défiguré, surmonté de ses vastes
et majestueuses coupoles. Aucune légende n'indiquait le nom du mystérieux
monument. On se demanda dans ([uelle partie de la Grèce ou de l'Asie-
Mineure avait été retrouvée cette église; l'idée ne vint à personne que c'était
la cathédrale d'un de nos diocèses français. Le secrétaire du Comité appor-
tait, en même tmnps. au nom tic rauteur. un projet de restauivition, dont
l'exécution sim|)lo et facile aurait rendu à Saint-Front sou aspect iiriniilif'.
Nous ne pouvons ([ue regretter, comme nous croyons savoir (|ue Tadminislra-
tion des cultes le regrette aujourd'hui elle-même, qu'on ne se soit pas borné
à suivre le programme tracé par Félix de Verneilh. La cathédrale du l'érigord
nous serait déjà restituée avec ses caractères les plus essentiels, tandis que
nous ne verrons probablemiMil jamais le terme de la fâcheuse reconstruction
qui s'en opère lentement. Nous aurions voulu plus de respect , plus de scru-
pule àl'égai'd (l'un monument de cell(> valeur, dunl rornementalion n'i'lail pas
moins précieuse (jue l'archilecturc.
La création des « Annales Archéologi([ues », en 184/1, répondait à un îles
vœux les plus chers de Félix de Verneilh; aussi n'a-t-il cessé d'y apporter
1. « Bulletin archéologiquo du Comité iiistoiiquo dos arl,-; ot inonuinonls u, vol. i, session de
1840, page 115 ot pages 15Î-1S9.
326 ANNALKS AltClIKOl.OdlOl'KS.
I;i (:i)ll;il)oralii)ii l;i )tlii-s aclive peiid^iiil |)liis de \iiigl années, Les dernières
lisnos c[iio sa main ail lrac<!'es claienl destinées aux <> Annales », et c'est sur
son lit (II' iikhI (|u il a corrigé les éprouves de son mémoire sur le style ogival
(Il \ni;liliric cl en iXormandii- '. I,a réunion de sos articles formerait k elle
seule un ouvrage considérable; on If.s verrait se suivre et s'encliaîner dans
un ordre prcs(|ue matliémali(|ue, connue des propositions qui se démontrent les
unes par les antres. La rigueur do la logi(|ue s'y trouve d'ailleurs toujours
tempérée par un rare bon sons; les démonstrations les plus abstraites s'y jiro-
duisenl avec niio clarlé' (|ui les rend accessibles h toutes les intelligences. Puis,
quand le sujet s'y jjrètc, le style s'anime et se colore, sans rien perdre de sa
vigueur ni do sa précision.
Le premier article qu'il donna aux « Annales » avait pour ojjjel do déter-
miner la signification véritable du mot OfiivE, d'après les comptes manuscrits
du moyen îlge et d'après les traités d'architecture du \\i' siècle. 11 démontra
pércmploiremeiil (|ue nous abusons de ce mot en l'employant à désigner l'arc
en tiers-point, tandis que nos devanciers l'appliquaient aux arcs qui coupent
diagonaicmcnt une voûte d'arête. Un esprit moins sérieux aurait conclu à la
réforme do notre vocabulaire archéologique, quelles que dilïicultés qu'en eût
éprouvées l'élaboration. Au contraire, tout en nous instruisant pour le passé,
il réclamait on faveur d'une expression consacrée par un long usage, et qu'on
ne pouvait supprimer sans grave inconvénient, à moins (ron avoir une autre
d'égale valeur à lui substituer.
A combien do discussions et do systèmes l'origine de l'architecture ogivale
n'a-t-elle pas donné lieu, et que n'a-t-on pas écrit pour en découvrir le ber-
ceau en Asie, on Kgyple, en Espagne, à ])eu près partout, excepté dans sa
véritable patrie? La France, si longtemps indilTéronte à ses vieux titres de
gloire , s'était laissé déposséder au profit de l'Allemagne ou môme de l'An-
gletorro. Les bords du Rliin , où les grands monuments appartiennent en
majorité à l'art roman, passaient pour la terre classique du style qui a pro-
duit les cathédrales de Chartres, do Reims et d'Amiens, Le dôme de Cologne
était à la fois le type et le elier-d'ieuvro do l'art ogival, l'élix do Verneilh
rovoudi(iua pour la l'ranco l'iionnour d'avoir vu naître chez elle, au centre
même de sa force et de sa vitalité, la véritable architecture chrétienne. Si
nous nous servons de cette expression si vivement attaciuéo dans ces dernières
années, c'est qu'à notre avis le christianisme ne se trouve réellement chez lui
1. Deux arlicles encore, qui complètent ce mémoire important, el dont le mamiscrit est entre
nos mains depuis plusieurs mois, seront publiés dans les « Annales » fie 1S6d. Nous tromperons
ainsi les douleurs de la séparation en (coûtant la parole écrite de notre ami. {.\ole de M. Didron.)
FÉLIX DK VEIINKILU. 327
que dans l'église du moyen âge. Ju.s([u'alor.s il s'abritait tant bien que mal
dans des constructions dont le plan , le style et rornementation attestaient un
autre culte, d'autres rites et une civilisalion toute dilïérente. C'était une
grande et noble cause que notre ami se chargeait de défendre. J-a série d ar-
ticles ([d'il a publii's sur ce beau sujet forme uu plaidoyer plein de raison et
de patriotisme. Il prouva, dates en main . que l'architecture ogivale touchait
déjà dans notre pays à sa perfection, lorsque des artistes parisiens, picards
et champenois ou portèrent les premiers éléments au delà de nos frontières.
L'architecte du dôme de Cologne avait évidemment étudié la cathédrale
d'Amiens. Si le nioniuneut gerniani(jue rem])orto par ses proportions colos-
sales, n'oublions pas ([iie deux ou trois évoques d'Amiens, réduits à leurs
propres ressources, réussirent à faire de leur cathédrale une des merveilles
du xiii' siècle, tandis qu'il a fallu que, de nos jours, un roi luthérien s'avisât
de reprendre l'œuvre inachevée des puissants archevêques de la métropole
allemande. M. Viollet-lc-Duc esl venu à son tour continuer dans son « Diction-
naire d'architecture » le succès ohlenu. en accuuuilaiit les preuves et en ren-
dant manifeste pour tous les yeux, avec celte habileté de crayon dont il a le
secret, l'origine toute nalionale du grand art c|ui a eu pour ciéateurs ou pour
interprètes Robert de Coucy, Libergier, Piobert de Lusarches, Pierre de
Montereau.
Félix de Verncilh était un esprit essentiellement pratique. Il ne se conten-
tait pas d'adun'rer la hardiesse et la majesté des monuments du moyen âge,
ou de rechercher les secrets de leur construction dans les épures tracées par
les vieux maîtres : il voulait savoir ce que cette grande époque avait fait pour
la salubrité des villes, pour la facilité des moyens de communication, pour le
développement de l'agriculture et de l'industrie. Il fut bientôt convaincu que
les honnnes. ([ui avaient élevé des monuments à la fois si beaux et si bien
appropriés à leur desliiiation, n'apportaient pas moins de soin et d'intelli-
gence à dresser le plan d'une cité, à percer des routes, à jeter des ponis sur
les fleuves, à creuser des canaux pour arroser leurs terres ou pour mettre en
mouvement les rouages de leurs usines. Ses travaux sur les villes-neuves,
les villes-franches et les bastides de nos provinces méridionales sont appré-
ciés non-seulement par les archéologues et par les historiens, mais aussi par
les honnnes qui s'occupent d'administration et d'économie politique. Depuis
longleinps il avait formé le projet d'écrire sur cette malière un ouvrage spé-
cial. L'ai'chiiccturc religieuse du moyen âge a été étudiée jusque dans ses
moindres détails, tandis que l'archilecture civile de nos diverses provinces
n'est pas complétemcnl counui>. Les nombreux articles publiés dans les
328 ANNAI.KS A llCIIKOLfx; loi: i:s.
(I Aiin.ilcs » foiil assez prossciitir l'impurlarici; d'un |iarcil livre |)iil)liô par un
autour si l)ioii prc'paré.
[<o stylo (li; Félix do Veruoilh so trouvait eu parfaite harmonie avec la
iiialurilô de ses idées el avec la vigueur <li; sa raison. Nous l'avons vu sou-
tenir, sans désavantage, des luttes animées avec des écrivains émériles, lanlôl
l)uur répondre aux observations do M. Vitol. tantôt pour repousser lesalla(|ues
de M. llenan.
Nous n'avons pas voulu iiili'i'iouipro la siiilc logi(|uo des travaux do notre
uiui dans les » Annales »; mais le moment est vrtiu do rappeler son œuvre
capilali', (I rAri-hilrchiro byzantine en France », (ju il lil paraître en J85i.
Cummo fond cl comme forme, c'est assuréincnt un des plus beaux livres d'ar-
chéologie de notre temps. Rien n'était plus obscur (|ue l'histoire des influences
byzantines sur l'arl de notre pays. La |)luparl dos monuments, des sculp-
tures, des objets d'orfèvrerie, antérieurs au xif siècle, passaient pour byzan-
tins, et aujounlliiii encore on abuse étrangement de celte dénomination. Félix
do V'(TneilIi a pris sur lo fait l'iuiportalion de l'arl byzantin en France. Il
nous montre, le compas à la main, comment Saint-Front de Périgueux est
sorti de Saint-Marc de Venise, et comment Saint-Fronl a produit lui-même
tuulc une série d'édifices donl la coupole est le signe caractérislique. La
filiation byzantine se poursuit à travers le l'éi-igord et l'Angoumois pour
arriver jus(iuo sur les bords do la Loire, oîi ell(> se manifeste une dernière fois
dans les dômes de la grande église de Fontevrault. Après avoir écrit l'histoire
de l'art byzantin m I'i-ance, Félix do V^ernoilh se proposait de publier un livre
semblable sur l'Orient. Pour ce but , il avait entrepris un voyage à Constanti-
noplo, en Grèce, en Italie. Nous savons que la rédaction de l'ouvrage était
fort avancée, et nous avons tout lieu d'ospérer ([uo M. Jules de Verneilh se
fora un devoir pieux crachover dignement l'œuvre de son frère. Nous possé-
derons alors l'histoire complète de l'art byzantin : nous saurons quels éléments
onl concouru à, sa formation, quelles circonstances en ont favorisé l'épa-
nouisscmcnl, et quelle autorité il a exercée dans le monde chrétien.
Félix de Verneilh ne voulait rester étranger à rien de ce qui pouvait con-
tribuer au progrès de rarcliéologie. C'est ainsi qu'il a pris une part active aux
réunions de l'Listitut des provinces, aux travaux de la Société française pour
la conservation des monuments, à la publication du « Bulletin monumental ».
Il a fourni à ce dernier recueil des mémoires d'un grand intéièl sur les églises
à coupoles et sur les fortifications de Constantinople ; il y a résolu la question
vivement débattue de la priorité d'âge des émaux germaniques sur les émaux
limousins.
FÉLIX DE VERNEILH. 329
Il y a quelque chose que nous eslimons encore à plus haut prix que la
science, ce sont les qualités du cœur, la siireté dans les affections, le dévoue-
ment au devoir, le culte de ce qui est noble et bon. Tout cela, nous le trouvions
dans l'ami dont nous déplorons amèrement la fin prématurée. Dans les inter-
valles de ses études, il s'occupait sérieusement d'agriculture ; il apportait une
extrême sollicitude h toutes les questions d'intérêt public ou particulier de son
pays : aussi sa mort a-t-ellc été un deuil i)our la contrée tout entière, et, le
jour du suprême adieu, \iiigt paroisses se réunirent spontanément autour de
sa tombe.
F. Di; GUIMIFUMY.
XXIV. ii3
TI5AITi:S IM:I)H\s
SUU LA MUSIOL'i: DU MOYK^ AGI^
L'Iiisloirc do la iim>i(iiic n'a coiniiicncé à être trailée d'une iiiaiiière sérieuse
que depuis (|u'on a élé à mèuio d'en t'Iudior les éléments dans leurs véritables
sources, c'esl-à-dire dans les docmnents et les monuments originaux. Le
prince-ai)bé (lerbei't a rendu un service cminenl h la science en tirant de l'oubli
el en pni)liaiil dans son » Sci'iploi'cs de musica sacra potissimum >> (3 vol.
in-/i '. J 78'i) un grand nombre d'ouvrages inédits d'auteurs qui ont vécu depuis
le m" siècle jusqu'au xv'. Cette publication a l'ait une révolution dans les
études historiques concernant la musique; elle a été le puinl de départ de
tous les travaux solides sur le chant ecclésiastique et la musique mesurée, qui
se sont succédé depuis la lin (hi dernier siècle jusqu'à nos jours.
I. .\1. ilo CoiisseiiKilvcr vient il'aclievcr la puljlicalioii du premier volume de son grand ou-
\iaj;(" qui a pour lilro : « Scriptorum do musica niedii fcvi nova séries». Fort in-4» k deux
colonnes, imprimé, texte et notation, en caractères neufs ou fondus exprès. En It^to de ce beau
et savant volume, M. do Coussemaker met une préface qui résume les particularités principales
de l'ouvrage. Cette préface est écrite en latin, parce que tous les traités qui compo.^ent la pu-
blication appartiennent à cette langue. A notre demande, M. de Coussemaker a traduit sa préface
en français et l'a augmentée de faits propres à intéresser les lecteurs des « .\nnales ». Voici cette
préface, un peu technique, un peu longue peut-être pour nous qui ne sommes que des « monu-
mentalistes ». Mais il est bon do faire quelque chose pour la musique du moyen âge, qu'on ignore
beaucoup trop, et que d'autres qui, d'abord, avaient paru l'étudier et l'aimer, ont fini par aban-
donner à son malheureux sort. On nous saura gré d'être fidèle à l'adversité et, comme .M. de
Coussemaker, de proclamer la musique des xii', xiii' el xiv siècles digne d'être étudiée comme
on étudie l'architecture, la sculpture, la peinture el la poésie de cette période incomparable dans
l'histoire de l'art. {.\otc de M. Didron.)
TRAITÉS IXKDITS SUR LA MUSIQUE DU MOYEN AGE. 331
Mais Gerbort osl, loin d'avoir puisé à toutes les sources; il est loin d'avoir
connu tous les trésors contenus dans les bibliothèques de France, d'Italie,
d'Allemagne, d'Angleterre et de Belgique.
Plusieurs des plus importants documents sont restés manuscrits. La période
la moins bien représentée dans sa collection est celle du xif et du xiu' siècles,
la plus inl(''r('ssantc pour riiisloire.de la musique moderne; c'est pourciiioi
nous avons pensé qu'il convenait do faire figurer de préférence dans notre
preinier volume les traités de celte époque sur laquelle il règne le plus
d'obscurité. Nous espérons que les documents que nous éditons seront de
nature à répandre quelque jour sur cette i)artic de l'histoire de l'art.
Le chant ecclésiastique y a aussi une bonne part. Il >uHil d'indiquer le
traité de Jérôme de Moravie, ceu.K de Jean de Garlande, du nommé Aristote,
de Pierre de La Croix et de plusicm-s anonymes, pour faire voir de quels
secours ils peuvent èti'e pour l'histoire de la musique sacrée.
Pour faire apprécier à vol d'oiseau, pour ainsi dire, l'importance de la
publication, nous avons groupé ici l'ensemble des notes biographiques et sur-
tout iMhliographiqiies alTérentes à clKupie auteur et à cliacim de ses traités.
On aura, par cela même, une idée sommaire de ce que pouvait être la musique
ou du moins son enseignement au moyen âge.
m. VITE Uli JliUOMK Dli .MOU.VVli;.
Jérôme diî Moravie, ainsi nommé parce qu'il était originaire du pays de ce
nom, vécut dans la i>remière moitié du xin'' siècle, dans le couvent des Domi-
nicains établi rue Sainl-Jacques, à Paris. On ne sait sur sa vie rien autre
chose ([ue ce fini est l'apporté dans le « Scriptorcs ordinis Praxlicatorum » [lar
les PP. Quétif et Rocard, et que nous reproduisons ici: » llieronymus de
Moravia, c regno scilicet seu principatu luijus nominis Boemian inter et
Ilungariam sito ortus, a nullis, quod sciain, seu nosiralibus seu exlraneis
nomcnclatoribus rccensitus, prœterquam a Simlero , idquc iovitor et non
accurrate, e lencbris nunc eruitur ol in a[)iMiam luci-m prculuiilur. Medio
saîculi XIII, circa S. Thom;o de Aquino tempera, claruisso videlur et saltcm
annis ([uibusdam in domo Sanjacobea l*arisiensi egisse. Sic conjicio ex cod.
Ms. memb. fol. par. n" 1, p. S%, in Sorbona clianmum conservalo, ex logato
332 ANNALF.S AltCll l'iOl.OCIorr.s.
I*elri (lo Lcmovicis ejus (Jymnasii socii oi ipsius Iloljcrli <lo Soibona eqiialis
ri al) anno mcci.x sodalis individu! ». D'où il rosiillo que .lén^me a vccti anl<i-
l'icdroiiKMil h l;i socoiidc inoitii'' du mit siôclc. On doil soiilonif-nl ajoiilr-r que
r'i'-lail un iiiiisicicii tivs-inslriiit. Il est, en ciïul, auteur cl (;()m|)ilateur d'un
ti-aili'' qui poili- \)in\v lilre : » Traclalus de musica, compilalus a fralrc Icro-
iiiiiio Moravo, ordinis IValniin piaMiicalorum ». Il est contenu dans le inanii-
srrit (le lu Iîii)li()lliè(|(H' iinpi'iiak' de Paris, siqjpiénKMil du tonds latin,
11° 1817. aiiticl'ois à la .Sorbonnc sous le n" dS'i'i , formai iu-'i" à. deux
colonnes, 187 feuillets, plus un feuillet non |)agini;. Sur le recto de ce feuillet
est dessinée la main musicale; sur le verso, ou lit : a Iste liber est paiiperurn
m.agistrdnim de Soriiona, ex logato M' Pétri J.emovicis, quondam socii
domus liujus, in quo continelm- miisica fratris Feronimi. » On lit un peu plus
bas : « Prciii \x S. — incatlicnabitur in capella — G^'" inter quadriviales. »
Ces mentions sont précieus(>s : le dniialeur, Pierre de Limoges, avait acheté
le vokiqic vingt sols; il voulut (pie le manuscrit lut enchaîné dans la chapelle.
Ce volume était le soixante-quatrième de la classe des livres faisant partie du
« niiadi'ivium. »
Parce (|iie Ji'TÔme de .Morasiese dil liii-inèine compilateur, ^l. l'étis en
conclut qu'il n'a pas inséré les traités de quelques-uns de ses prédécesseurs;
qu'il était compilateur cl non copiste, qu'il a dû retrancher et quelc[uefois
ajouter'. C'est une erreur. Jérôme de Moravie est h, la vérité compilateur; il
reproduit des fragments |)lus ou moins considérables de Boèce, d'Isidore de
Séville. d' Al-i*'aiahi. (1(> llicard; mais il rapprirle en Icm- entier les traités de
.lean d(^ Ciarlande, de Francon de Cologne et de Pierre Picard. Kii outre,
les chapitres xviii à xxv el le chapitre xxviii sont de lui; s'ils avaient appar-
tenu à un autre auteur, il n'eût pas manqué d'en instruire le lecteur, comme
il l'a fait pour les autres.
Jérôme de Moravie était donc musicien et musicien versé dans la théorie
el la pratique, tant de la miisi(|ue mesurée que de la musique ecclésiastique.
Son traité est un des plus importants qu'on connaisse.
Le manuscrit porte des additions et des corrections qui paraissent émaner
de la même main que celle qui a écrit le corps du volume, ce qui donnerait
h croire que le manuscrit est autographe. On trouve ensuite sur les marges
des annotations de doux autres mains, l'une de la lin du xiii° siècle, l'autre
du xv^ Nous avons eu soin de repro(hiire les premières, dont quelques-unes
olTient des éclaircissements intéressants. Quant à celles du xv' siècle, nous
I. " Diograpliio universelle des musieiens n, 2' éd., t. ni, p. 409.
TRAlïl'S INKDITS SLR LA MUSIQUE DU MOYEN AGE. 333
avons dû les omettre entièrement, à cause des mutilations que leur a fait subir
le couteau du relieur.
Le traité de Jérôme de Moravie est resté inédit jusqu'à ce jour. Lue partie
de la préface et la table seulement ont été imprimées par les PP. Quétif et
Eccard dans leur ouvrage, cité plus haut, par Procliaska^ et Dlabacz^.
Un mot maintenant sur les ouvrages de dédiant contenus dans le traité.
La publication pourrait s'en faire de deux manières : ou bien on pourrait
donner le traité entier de Jérôme, tel qu'il est, en laissant à la place qu'ils
occupent les traités de dédiant vulgaire, et ceux de Jean de Garlande, de
Francon et de Pierre Picard; ou bien on pourrait en dislraire ces derniers et
leur donner une place particulière dans le volume. Nous avons donné la pré-
férence au premier mode, afin de ne pas détruire l'ensemble tel qu'il a été
créé par le savant dominicain. Mais, pour donner autant que possible satisfac-
tion à ce que l'autre mode peut présenter d'avantageux, nous avons mis un
grand titre en tête de chacun des tiaités particuliers dont il vient d'être parlé,
et nous allons consacrer ici à chacun d'eux une notice comme s'ils avaient un
numéro spécial.
TRAiTi': Dii DÉcuAiNT viLOAiuiî. — Jérôme de Moravie est le seul auteur, h
notre connaissance, qui mentionne ce traité. Il nous apprend en même temps
que le nom de doctrine vulgaire, « positio discantus vulgaris ». lui a été donné
parce qu'elle est d'un usage général chez certaines nations, et jiarce qu'elle
est plus ancienne que toutes les autres*.
L'auteur d'un traité anonyme du Musée britannique'"' parle aussi d'une doc-
trine antérieure à celles de Jean de C.arlande et de Francon, dont Robert de
Sabillon, maître de chapelle de Notre-Dame de Paris, était l'auteur. Est-ce la
doctrine dont il s'agit ici? Il serait dilllcile de rartirmer. mais toutes les pro-
babilités sont en faveur de celle hypotlièse. Ouoi (]u"il en soit, ce document est
précieux pour r;i|)préciation de l'art à cette épo(]ue.
TRArrii suii l\ misiquiî miîsiiu:!': diî jea.\ dk GAïu.ANDii •'. — On ne
connaît ni le lieu, ni la date de naissance de cet écrivain. On n'est pas
même d'accord sur l'orthographe de son nom. Jérôme de Moravie l'appelle
1. « Commcntariiis do s.fciilaribus liljoraliuin arliiim in lioliomia et Moravia fatis », p. Ii3.
2. « OiclioniKiiri' liisLoric|iu' des arlistosdp la HoliiSTm », I. ii, |i. 333.
3. « Qiia (juia ciiia'dani nalioncs iitiintur comiminilor, et iiiiia anliciiiior est omnibus, vulgarem
esse diciiiiiis ».
4. « Sci'iptoriim clc, t. i, p. 327.
u. Ce Irailc do Jean do Garlande est inlilulo : « Positio do musica monsuraliili ». Personne
n'admollia, ponsons-nous, l'intorprétatioii doiim'o au mol « posilio » par M. l-olis. « Bio!;r. univ.
des musiciens », 2'' éd., p. 40'.).
rMi ANNAi.KS Aii(:iir:oi,(jf;io(:i:s.
t.irilùl '• .loli.uini's (licliis (If Ciilaiif^ia », laiiliM « Jolianncs de Oarlandia ».
MoIh'iI (I(; IIcUkIIo <;l Jean llanljoys lii iiomriieiil <■ JoaiiiHîs de Garlaiidia ».
Adrien de l.a l'a<^e ' rilc ini niannscril de la hiltliittlièqiie de l'ise où, dans un
tiaili' conniicnçanl par ces mots : u Volenlilnis iniroduei iu arle contra-
puncli, ele. ». il est appi.-lé « .Jean de f'iiierlande ». Knfin, dans un traité de
l'in'lippe de Vilry.de la l)il)liotiiè(|ue du nionaslèrc d'EinsideIn, on le nomme
Il Joannes de (îarlaiidia ^ n.
Voici niaiiitcnanl les traités de musi<|ue qui portent le nom de .Jean de Gar-
iandc :
I" l>c Traité de musi(ine mesurée contenu dans l'ouvrage de Jérôme de
Moravie ;
2° Le même, avec variantes, dans un manuscrit du Vatican ;
3° Le Traité de plain-chanl inséré dans le manuscrit de Saint-Oié sous le
titre de : « Iiitroductio musicn n;
4° (1 Opiima iiilnxliictio in conlrapunchun pro nidibus », dans un manuscrit
d'EinsideIn et de l'ise;
5" Jean de Garlande était auteur d\in Traité de plain-chant; son Traité
de musicjuc mesurée conimence par un passage où cela est dit formelle-
ment ;
6° Uoberl de llaiidli) et Jean llaiibuys citent des passages d'un ouvrage
(ju'ils allriluient à Jean di; darlande.
Si l'on recherclie l'époque où a été écrit le Traité de musique mesurée rap-
porté par Jérôme de Moravie, on peut atïirnier qu'il est antérieur au xin" siècle,
puisqu'il est mentionné par l'anonyme du Musée britannique, dont le Traité
est antérieur à lleini IU. La doctrine de ce Traité est d'ailleurs en rapport
avec l'état de l'art à cette époque.
Ce fait, joint à cette autre circonstance, que le chanoine de Besançon, Jean
Gerland ou Garlaiid, était versé dans la connaissance des beaux-arts, nous a
fait penser ([ii'il était l'auteur du Traité en question. Mais cette attribution
peut soulever plus d'une objection : aussi n'avons-nous pas exclu la supposition
que ce Traité pouvait être l'œuvre d'un maître Jean de Garlande qui, suivant
^L Victor Le Clerc, membre de rListitul. « l'ut peut-être surnommé de Garlande,
moins pour ses rai^porls avec la noble fauiillc de Garlande que pour avoir
enseigné la grammaire et la logique dans le clos de Garlande, nommé depuis
Gallande, où s'établirent quel([ucs-unes des plus ancieinies écoles de l'univer-
1. « I^ss;ii> de liiphllu'roi^rapliie musicale », p. 388.
2. 1-0 R. P. Scliulji.ïer, en nous communiquant ce renseignement, exprime la pensée que le
traité d'EinsideIn doit èlro attribué ii Jean de Garlande, qui était à la fois médecin, ]'Oëte et
srrammairien.
TRAITÉS INÉDITS SLR LA MUSIQUE DU MOYEN AGE. 335
site '^D. Les renseignements qui suivent rendent cette sujjposilion vraisemblable.
On lit dans le Traité d'EinsidcIn : » Joliannes de Garlandia, quondam in studio
Parisino expertissimus atquc probatissimus ». Enfin le Traité de la biblio-
thèque de Pise finit ainsi : « Et lia;c dicta de contrapunctu sccundum magis-
trum Johanneni de Guerlandc in studio quondam Parisiens!, in nostra scliola
musical!. »
Jean de Garlande ou Galandc était donc niaitre à l'Université de Paris et
en même temps écrivain sur la musique. D'après cela, il est probable (pie le
Traité rapporté par Jérôme de Moravie lui appartient. Le mot <> ([uondam »
dont se sert Philippe de Vitry, cpii vivait à la fin du \iii° siècle, indique que
Jean de Garlande avait vécu longtemps auparavant. Ce fait concorde bien
d'ailleurs avec l'époque que nous assignons comme celle où a élé composé le
traité de Jean do Garlande.
Mais il existe, on l'a vu |)lus liant, d'autres ouvrages qui portent le nom de
Jean de Garlande ou ([ui lui sont allribués. Ces ouvrages indiquent un état de
l'art beaucoup plus avancé que celui que donne Jérôme de 31oravic, et que
possède le Vatican. Quand on rapproche de ce dernier celui qui se trouve à la
fois dans la bibliothèque de Pise cl dans celle d'Einsidelii. (|iiaii(l on K; com-
pare avec les passages cités |)ar llobcrt de Handlo et par .Icni lianboys,
comme extraits de Jean de Garlande, on est frappé de la dilférence de doctrine
enseignée dans les deux. Cette dilférence est telle, qu'il a dû s'écouler près
d'un siècle entre la rédaction de ces deux documents.
Comment expliquer ce fait? Il faut en conclure, pensons-nous, qu'il a existé
deux écrivains du nom di^ Jean de Garlande, ayant vécu à dcav époques diffé-
rentes, quoique peu éloignés l'un de l'autre. Ce point admis, nous croyons
qu'il faut attribuer les Traités composés à la lin du xii" siècle à Jean de Gar-
lande, maître à l'Université de Paris; quant aux Traités qui ont élé écrits h la
fin du xiii'-" siècle, ils doivent être assignés à un autre Jean de Garlande.
Aur m cuvNT MKSiiuiii.i:. vm\ Fuancon de Cologniî. — L' « ars canins
mensurabilis » a pour auteur iM-aiicon de Cologne; cela est aujourd'hui liocs do
doute, mais il n'en est pas de même à l'égard de répocpie où cet auteur vécut.
Les uns la fixent à la fin du xi'' siècle, et prélendcnt (pie ce l-'rancon est le
même que l'écolàtre de Liège, à qui on a attribué un ouvrage sur la quadra-
ture du cercle; les autres, se fondant iirincipalcmciit sur la comparaison de la
doctrine de l''rancon de Cologne a\(>c la siluation de l'ai'l. soiitiennenl ([u'il
n'a pas vécu avant la lin du \ii' siècle.
I. « llisloii'o lillrrairo tlo la Fraiicn », 1. xxi.
330 ANNALKS AltClIKOLOGIOL KS.
Nous ne reproduirons pas les longues discussions que celle question a sou-
levées ; nous n'analyserons niètne pas les rcnseigncnienls principaux exposés
(lo par! cl d'antre. La (|nc'slion nous paraît résolue en présence de faits ré\é!és
par i'anon\ me du Musée, brilanni(|uo, publié dans noire collection sous le litre
de (I de mensnris et discanlu », et d'où il résulte qu'il a existé un l'rancon
anh'riL'iirù l'rancon de (lologiie, et des traités sur la musique mesurée plus
anciens que celui du maître colonien'.
L' <i ars cantus mensurabilis « a été publié pour la première fois par Pabbé
Gei-bert dans le tome III de son nScriptoresecclesiastici de musica sacra polis-
simuniD. d'après un manuscrit de la bibliothèque Ambrosienne de Milan. Mais
celte ('(liliuii laisse beaucoup à désirer sous le rapport du texte et des exemples
de iii(isi(|iic. Le lexle d(! J('mùmii' de Moravie est généralement bon; les exem-
ples sont exacts. Nous en avons fait la base de notre édition. Afin qu'elle fût
aussi complète que possible, nous l'avons collalionnéc sur les meilleures copies
connues, en y ajoutant les vai-iantcs uliles.
Les manuscrits consultés sont les suivants :
Le |)reinier a|)i).u lient à la lîibliotlièquc impériale; il y porte le n° 1J2G7
(le l'ancien fonds et provient du fonds de Tontanieu. Dans l'inventaire dressé
en 1863 par M. J.éopold Dclislc, membre de l'Institut, l'ouvrage porte un
litre : « Traité sur la musique, xiii' siècle ». Le Mss n'a ni titre ni nom d'au-
teur; l'écriture en est line, serrée et fort abréviée. Le texte est bon, les
exemples sont utiles à consulter; ceux qui concernent les accords sont d'une
main un peu |ilus moderne que le reste du manuscrit. On lit sur la garde anté-
rieure : « Iste liber est Johannis de Plivls, canonici Sancti-Dyonisii Remensis ».
Le second manuscrit (jue nous avons examiné appartient à la bibliothèque
de Saint-Dié, où il a été découvert par M. Grosjean, organiste de cette ville.
Ce manuscrit est du xiv' siècle. L'écriture en est nette et facile ; les abrévia-
tions en sont régulières. Le copiste , « Frater Jordanus de Blankenburg » ,
était probablement musicien, car les exemples sont généralement écrits d'une
manière correcte; mais il ne paraît pas avoir été très-versé dans la langue
latine, le texte fourmille de fautes grossières. Nous y avons trouvé quelques
variantes utiles.
Enfin, le troisième manuscrit qui a été collationné est celui de la bibliothèque
Ambrosienne de Milan.
La réunion de ces divers éléments nous a permis de donner une édition en
1. Ce point historique sera traité d'une manière plus étendue dans notre ouvrage sous presse
et intitulé : « Musique harmonique et musiciens harmonistes aux xir et xiii' siècles ».
TRAITÉS INÉDITS SUR LA MUSIQUE DU MOYEN AGE. 337
rapport avec l'importance de l'ouvrage et avec la célébrité dont jouit son
auteur- Toutefois, cette célébrité devra dorénavant se partager pour être attri-
buée en partie à un autre maître qui, par suite d'une coïncidence de nom, a
été mis à l'écart et oublié. Ce maître est Francon de Paris, auteur d'un traité
sur la musique mesurée, qui constate l'initiative des réformes, attribuées jus-
qu'ici exclusivement à Francon de Cologne. Dans le traité anonyme du Musée
britannique, inséré dans notre » Scriptorum », page o26, il est appelé
« Franco primus », pour le distinguer de Francon de Cologne.
Traité sur. l\ musique mesuréu dk Piiiiuiii Pic\iiD. — Le nom de
Pierre Picard, qui se révèle ici pour la première fois, semble indiquer que ce
maître était originaire de la l'icaixlie. Il ne paraît pas avoir eu, aux yeux de
Jérôme de Moravie, qui rapporte son traité, et il n'a, en elTet, d'autre mérite
que celui d'avoir mis la doctrine de Francon de Cologne en abrégé.
Il existait vers la même époque un artiste du nom de Pierre de la Croix
( « Petrus de Cruce » ), natif d'Amiens, dont il sera parlé plus loin, et qm était
auteur d'un traité sur la musique mesurée; mais ces deux noms ne s'appli-
quent pas à un même personnage. Par des extraits qu'en donnent Robert de
ITandIo et Jean Ilanboys, il est facile de voir que l'ouvrage de Pierre de la
Croix était dilïcrent de celui de Pierre Picard.
Maintenant qu'on a pu apprécier les compilations et les reproductions de
traités entiers dont Jérôme de Moravie a enrichi son livre, disons un mol de la
pail qui lui revient. On voit d'abord un chapitre sur la fonte des cloches et
un autre sur le monocorde; ensuite, tout ce qui concerne la théorie et la pra-
tique du plain-chant a sa place dans les chapitres xx, xxi, xxii et xxui, trôs-
utiles à consullcr. Huant au chapitre xxv, qui traite du rhythme et de l'orne-
mentation du chant ecclésiastique, il est d'une importance considérable; nous
avons cherché à la faire ressortir dans notre « Histoire de l'harmonie au
moyen âge », page 123 et suivantes.
Le chapitre xxiii est un document unicfue; il contient sur Faccord et le
diapason des instruments à archet, en usage au xm" siècle et connus sous le
nom de « vièle » et de « rubèbe », des notions pour ainsi dire complètes.
Tout porte à croire que Jérôme de Moravie est l'auteur de ces excellentes
instructions.
XXIV. hk
:5;}H ANNALKS AIICIIÉOLOGIOUKS.
11
MANi'iM. ni; r)i';(: Il ANT m; ir.wc.ON i> i; (,oi.o<. n r,.
C'est dans ce traité (jiie Francon s'appollo lui-inômc Fraiicon de Cologne :
i< Ego Franco de Colonia ». Ilawkins cl, d'après lui, Burney, ont signalé ce
documciil comme existant dans un manuscrit de la bibliothèque Bodièienne
d'Oxford. Nous le donnons d'après une copie faite sur ce manuscrit par les
soins de M. Parker, à qui nous adressons nos vifs rcmcrcîments.
M. Fétis, à l'article Francon, dans sa « Biographie universelle des musi-
ciens », dit avoir trouvé une copie de ce traité k la Bibliothèque im|iériale de
Paris, sans en indicpier le numéro.
Un manuscrit du xiii" siècle, de cette bibliothèque, fonds Saint-Victor, 548.
contenait autrefois un traité intitulé : « Compendium arlis musicce ». lia été
arraché à une époque inconnue ; serait-ce là le manuscrit dont parle M. Félis?
Ce qu'on regrette dans le manuscrit d'Oxford, c'est qu'il ne contient pas les
exemples de musique (jui, d'après le nombre des portées vides et d'après les
mots « quadrupium, triplum, médius, discantus ». (jui accompagnent les
premières portées vides, auraient pu oITrir un grand intérêt.
m
l.MRODUCriON DE LA MLSIQLE SKLON ^lArrilK DE GABLANDE.
Jean de Garlande. l'auteur du « Traité de musique mesurée » dont il est
parlé plus haut, était en même temps auteur d'un « Traité sur le chant ecclé-
siastique ». Le début de son « Traité de musique mesurée » ne peut laisser de
doute h cet égard. Cette « Introductio musicee » est-elle le traité de plain-
chant auquel font allusion les paroles que nous venons de citer? Cela est pro-
bal)le. mais nous n'oserions l'affirmer. Nous avons extrait cette introduction
du manuscrit de Saint-Dié.
TRAITÉS INKDITS SUH LA MUSIQUE DU MOYE.N AGK. 339
IV
m VITE Dli ULSIQLE M /■ S l 11 ji li D K .IKA.N D K (; \ li I. A .\ DE.
Ce traité, dont nous avons eu occasion de parler dans notre » [[istoir'c de
riiarnionie an moyen âge », et dont nous devons la connniniication à l'obli-
geance de M. l'abbé Morelot et à M. Danjon, ([ui l'ont trouvé dans un manu-
scrit de la bibliothèque du Vatican, est le même ([ue celui que Jérôme de
Moravie a inséré dans son ouvrage. IMais les variantes y sont tellement consi-
dérables, (lue la reproduction intégrale de ce document nous a paru indispen-
sable. Ce traité jouissait d'une grande estime; ranonyme du Musée britan-
nique, dont nous avons déjcà parlé plusieurs fois, le cite à diverses reprises
comme une autorité ; toutefois, il n'en nomme pas l'auteur.
m AI TE DE WALTER 0D1\(;T0\.
Walter Odington a vécu dans la iircniière nioili('; du Mif siècle. Tanner, sur
l'autorité de Pils de Bàle el de Laland. dit qu'il llorissait vers 1240; mais,
d'après une charte d'Iitienne Langton , Walter, alors moine à Cantorbéry,
fut élu archevêque de cette ville en 1228. Comme il s'appelle lui-même dans
son traité « monachus Evcshamia; », il faut conclure qu'il a écrit cet ouvrage
pendant (pi'il élait moine dans ce monastère, par conséquent avant 1228,
année de son élection au siège archiépiscopal de Cantorbéry.
Le traité de Walter Odington se trouve dans un manuscrit de la biblio-
th('(|uc du collège du Corpus-Christi, à Cambridge. Ce manuscrit, le seul
connu où soit conservé l'ouvrage du moine d'iivesliam, y porte l'indication :
15 c'c'c'c'.
L'(''crilure est du xv" siècle; au comniencemcnl de plusieurs chapitres, on a
laissé des blancs destinés à, recevoir des Idlrines ornementées. 11 est en bon
état, excepté le bas des feuillets qui ont soull'ert de l'humidité. L'écriture est
facile, mais le texte est fort corrompu, ce qui est évidenmient le fait de l'igno-
rance du copiste, qui ne savait pas 'mieux lo lalin (juc la matière qui fait
3/i0 ANNAi,Ks Aiu;iii;f)i.o(:ioi'i:s.
l'ohjcl du Irailé. I-os abréviations y sont iionil)ninsoK, coninic dans |r-s maniis-
ciils (lt> la môme ('îpoquc. A partir de la quatrième partie, lY'ciilure o.<l d'une
.iiilrc main; mais le nouveau copiste ne paraît pas avoir été plus instruit (|uc
le [)n'iiii('i'.
On ne saurait décider si cette copie a été faite sur l'orif^ina! ou sur une
autre copie de sccondr m.iin; mais il est é\idiiil que la prenn'ère page du
manuscrit, qui a servi à la transcription de la copie de Cambridge, était telle-
ment usée, que plusieurs passages étaient illisibles. Ce fait se trouve constaté
par de nombreux vides ou blancs qu'a laissés le copiste, quand il n'a pu
décliilTrer ces passages. Dans notre édition, ces blancs sont indiqués par des
points, et nous avons mis en lettres italiques les mots qu'une main de la même
i'|)()(|ii(: (III d'une époque postérieure a essayé ou est parvenu k décliilTrer.
Les trois premières parties conlicnncnl de nombreuses erreurs dans le texte
et dans les exemples; il a fallu refaire les calculs. Malgré nos soins, malgré les
savants conseils dont a bien voulu nous aider notre obligeant confrère ,
M. Guiraudcl, ])rofesseur de la faculté des sciences k Lille, nous ne répon-
dons pas d'avoir toujours réussi à résoudre les dilTicultés que présentait
cette copie. Les trois dernières parties offraient aussi beaucoup d'irrégularités
que nous avons dû chercher à rectifier; mais nous l'avons toujours fait avec
la plus grande discrétion et en respectant le plus possible le texte, tout obscur
qu'il fût parfois.
M. Fétis, à l'article Walter Odington de sa « Biographie universelle des
musiciens », signale un manuscrit connu, dit-il. sous le nom de « Tiberius »
(B. IX, n° 3) du Musée britannique, comme contenant un traité de la notation
de la musique mesurée, à la fin ducpiel on trouve ces mots : « Hoc Oding-
tonus ». M. Fétis ajoute qui! ignore si ce petit ouvrage est extrait de celui de
Cambridge, n'en ayant pas fait collation lorsqu'il a examiné ce manuscrit
en 1829; mais ce manuscrit était déjà brûlé avant que M. Fétis fût né. Ce
n'est donc pas dans ce manuscrit, mais dans une copie faite pour le docteur
Pepusch, qu'il aurait pu lire cet extrait, lequel ne comprend que le para-
grajjlic » de generibus cantuum organicorum » .
Le traité de Walter Odington est surtout important pour l'étude du rhythme
musical au moyen âge. Tout ce qu'il dit des diverses espèces de déchants en
usage de son temps, est d'autant plus intéressant, qu'il accompagne ses expli-
cations d'exemples assez développés et propres à éclaircir la théorie souvent
obscure des autres didacticiens.
TRAITÉS INÉDITS SUR LA MUSIQUE DU MOYEN AGE. 341
VT
IRAITÉ Dlî MISIQLK UL N 0 M \l li A 11 I S l 0 T K.
Le nom d'Aristote cache évidemment un pseudonyme dont on n'est pas
encore parvenu à soulever le voile. Les premiers éditeurs des œuvres com-
plètes de Bède, dit le Vénérable, ont compris ce traité parmi les ouvrages
attribués au savant anglais ; mais l'abbé Gerbert et d'autres ont reconnu
l'impossibilité de cette attribution. Bottée de Toulmon^, d'après deux pas-
sages du « Spéculum musicse » de Jean de Mûris, a montré que ce traité a
pour auteur le nommé Aristote. En 185!2, nous avons signalé à l'attention
des érudits l'existence d'un manuscrit de la Bibliothèque impériale de Paris,
contenant une copie de ce traité. Ce manuscrit, qui porte aujourd'hui le
n° 11266 du fonds latin, a été successivement la propriété de Perne et de
M. Fétis, sans que ces savants se soient aperçus de l'identité de ce document
avec celui qu'on avait imprimé sous le nom de Bède.
Quel était le véritable nom de cet Aristote? On ne le sait. A quelle époque
vivait-il? Tout poiic à croiie qu'il llorissait peu avant Prancon ou à peu près
au même temps.
Deux manuscrits contiennent le traité de cet Aristote: celui que nous venons
de citer et qui a servi de base à notre édition, et un autre qui existe aussi à la
Bibliothèque impériale de Paris sous le n° C59 du fonds de Saint-Victor; mais
celui-ci ne renferme qu'un fragment de la partie relative au plain-chant ; il ne
nous a été d'aucun secours, le texte en étant incomplet et incorrect.
M. Fétis signale un manuscrit de la bibliothèque d'Oxford, sous le n° !2!265,
comme renfermant une copie complète de l'ouvrage de cet Aristote; mais les
recherches que, sur notre demande, M. Parker a eu l'obligeance de faire
faire, n'ont donné ([u'un résultat négatif. » Le manuscrit n" ^2265 de la
bibliothèque Bodléiennc, aujourd'hui n" 77, dit-il. est un petit in-4" qui con-
tient : 1° un commentaire de Boèce « de Musica », dans l'introduction duquel
est mentionné le nom de Pierre de Blois; 2° un traité intitulé « Musica ma-
nualis », dont la deuxième partie porte |)our titre » Tonale ». — « Nous avons
parcouru plusieurs autres manuscrits, ajoule-l-il ; mais nous n'a\oiis pu
trouver c(," (pie vous cherchez. Il jiarail donc cpic M. Fétis a fait une erreur en
I. « Bulli'liii nivhciilogiquo du (Comité liisloiiqnc des ;irls cl iiioiiuincnls ». I. m. |i. i'6\.
■M,-î ANNALKS AIlCIIKOLOGIQUES.
iii(li(|tianl li; ii" 22G5 rommo un iiiaiiuscril do la Bodléicnnc rciiferinanl le
(loCllIlKMll (|lli,' VOUS (|r|||;ill(i0Z. "
Ihniruusciiiuiil , lu iiiaiiuscrit ayant apparlonn à M. l'étis est Irès-corrcct.
Il y niant|nc les clmix pnMiiicrs feuillets; nous y avons suppléû au moyen de
l'édition (les (eiivrcs de Bède. Ce traité n'est pas moins important pour le
(•liant ec.clésiasli((iic (|Uo poin- la nnisi((ue mesurée.
Vil
rii Airii SI 11 i.iis TONS i'\i'. i-iLiiui'; dk i. v c.uoix.
J.e nom de Pierre de la Ci'oix ( <- Pelrus de Cruce » ) se rencontre dans les
traités de Robert de Ilandio, de Jean Ilanboys et de Jean de Mûris, comme
auteur, d'un ouvrage sur la musi(iuc mesurée, où est indiquée une méthode
particulière de notation, pour distinguer les semi-brèves majeures des semi-
brèves mineures. Pierre de la Croix a composé aussi un traité des tons que
nous publions d'après un manuscrit du fonds Ilarléien, n° 281 du Musée bri-
tannique. C'est dans ce traité (|ue iOii voit que Pierre de la Croix était
d'Amiens; M. I""étis lui donne la qualillcation de prêtre, mais il ne dit pas
d'après quel document.
Nous croyons reconnaître Pierre de la Croix dans le maître de Notre-Dame
de Paris que l'anonyme du Musée britannique, dont il sera parlé au n" \ii,
désigne sous le titre de « Petrus optinuis notator». Pierre de la Croix est
cfi'cclivemenl mentionné par R. de llandlo, par J. Ilanboys et par J. de Mûris
|K)ur sa méthode particulière de notation. Dans ce cas, Pierre de la Croix
aurait été l'élève et le successeur de maître Robert de Sabilion et aurait vécu
dans la seconde moitié du xif siècle.
Il y a en outre de fortes présomptions de croire que le Traité de musi(îue
mesurée de Pierre de la Croix est celui que nous axons publié dans notre
(i Histoire de l'harmonie au moyen âge » parmi les documents inédits, sous le
n" VI. page 276.
TRAITES INÉDITS SLR LA MUSIQUE DU MOYEN AGE. 3i3
Vin
ABUliCili DE M.VnilE l' K V NC 0 .\ , TAU JEAN liALLOCE.
On ne sait absoUnnenl n(;n sur ce Jean Ballocc. On ignore ce (|ii'il était et
à (lueiie époque il vivait. Sou Abrégé de Trancon est presque la copie littérale
du Traité de Francon de Paris, publié dans notre » Histoire de l'harmonie au
moyen âge », page 265. Nous avons extrait cet abrégé du manuscrit de la
Bibliothèque impériale de Paris, fonds latin, n° G59. On a ici la preuve que
la doctrine de Francon de Paris avait de la réputation et faisait réellement
autorité.
IX
ANONYME I. — TRAITE DES CONSON N A NCES.
Ce Traité se trouve dans un maïuiscril de la Bibliothèque royale de Bruxelles,
portant le n" 10,162. Ce manuscrit, qui renferme en outre les Traités de Gui
d'Arezzo, d'Odon. de Bernon et d'un autre anonyme du xiv" siècle, provient
de l'abbaye de Saint-Laurent de Liège, où il portait le n" 211. L'auteur a dû
vivre à une époque voisine de celle où florissaient les deux Francon. car la
(l()(;trine de déchant qui y est enseignée est la même que celle de ces mensu-
ralistes. L'écriture est du xv° siècle; mais une note ([ui se trouve au bas du
folio 48, où on lit ces mots à propos de portées restées vides dans le manu-
scrit : « Si hic est defectus, nescio, quia in libro ex quo scripsi (de S.-Jacobo)
adhuc magis est spatium derclictum », prouve que ce manuscrit est la copie
d'un autre probablement plus ancien.
Nous donnons aujourd'hui le nom d'iulervalles à ce que l'auleur de ce
Traité appelle consonnances. Les consonnances se nommaient alors concor-
dances et les dissonances discordances.
W ANNALLS Allf:ilf;OL()(;iQIJKS.
ANONïMi; II. — ru Mil; di: ih;(;ii\m.
Ce traité, dont nous avons déjà, parlé ailleurs*, est tiré d'un manu.scril de
la l)il)li()tiiùquc de Saiiil-I)ié. Il contient deux parties di.slinctes : la prenfiière
est relalivo à la notation de la niusiciue mesurée ; ce n'est pour ainsi dire
qu'une copie des règles de Francon de Paris. La seconde est relative au
déciiant; renseignenieiil y porle sur cette harmonie dans laciuelle le clianl,
donné pour tlièinc, est con.sidéré comme partie inférieure et comme partie
supérieure; ce traité est particulièrement intéressant à cause de cela.
XI
ANO.WHi; III. — OL' CHANT MESURE.
Dans ce traité, qui est également extrait du manuscrit de Saint-Dié, on
remarque aussi deux parties distinctes : l'une, ayant pour objet la notation
proportionnelle; l'autre, le déchant. La première est presque la copie littérale
du traité de Francon de Paris ; la seconde est à peu de chose près la doctrine
de dédiant telle qu'elle est enseignée dans le traité de déchant vulgaire.
\n
ANO^YME IV. DE LA MESIUE ET Dl DECIIANT.
Le traité que nous publions sous ce titre est sans contredit le document le
plus important de cette époque. Il est étonnant qu'on raison de son importance,
eu partie révélée par Ilawkins. il n'ait pas attiré l'attention spéciale des éru-
dits. C'est à la savante perspicacité de notre excellent ami, M. William Chap-
l)ell, l'auteur d'un remar([uable ouvrage sur les chants populaires en Angle-
1. « Notice sui- im maiiiiscril nnisical de la Biblioltlèqui" de Saint-Dié».
TP.AITÉS INÉDITS SUR LV MUSIQUE DU MOYEN AGE. 5hJ
terre, que nous sommes rcdeval)lc de la comminiicatioM de ce traité. Qu'il
veuille recevoir nos vifs reniercîmcnts, non-seulement |)our cette communica-
tion, mais aussi pour les soins et la peine qu'il s'est donnés à collationner
notre copie avec le manuscrit ancien, dont l'écriture est souvent difficile et
chargée d'abréviations.
Ce traité existait autrefois dans le manuscrit du Musée britannique, coté :
« Tibcrius » B. ix, fonds cottonicn ; mais ce manuscrit a été presque entière-
ment dévoré par rincendic qui délruisil la bibliothèque cottonienne à West-
minster. Ce qui reste du manuscrit u Tii)erius » ne conticnl plus rien de ce
traité; mais le même dépôt en possède ime copie, qui a été faite d'après ce ma-
nuscrit pour le docteur Pepusch ; elle porte le n" ù909 du supplément. Entin
il existe dans la môme bibliothèque un autre manuscrit du xiii' siècle ( Royal
manuscrit. 12, c. vi), contenant le même traité. Comme on n'a aucune notion
ni sur l'auteur de ce document, ni s(U" l'époque où il vécut, il pi'iit ressortir
des renseignements importants de la date de l'écriture du manuscrit. Le
rédacteur du catalogue du Musée britannique la fixe au xtii"" siècle; mais cela
n'otTre rien de certain et de précis. Un savant expert en celte matière, sir
Frédéric Madden, conservateur en chef du déparlemeni dos manuscrits, après
un examen attentif, estime que ce manuscrit est du milieu du mu' siècle, et
qu'en tout cas il n'a pas été écrit posléricureniciit à 1270. Un examen appro-
fondi du traité en question nous a convaincu ([in' l'auleiu' vivait sous Richard I"
Cœur-de-Lion ou sous Jean-sans-Terre, c'est-à-dii-c entre 1189 et 1215, ce
que nous démontrerons d'une manière 'détaillée dans notre ouvrage intitulé :
« Musique harmonique et musiciens harmonistes aux \if et xiii" siècles ».
C'est dans ce traité qu'un trouve les noms des plus anciens maîtres de cha-
pelle de Notre-Dame de Paris, et une série de savants maîli-es français, anglais,
espagnols et lombards. C'est ce docunuMit (|ui ninis a mis sur la voie de la
découverte de plusieurs compositions des plus célèbres artistes des xn' et
xui' siècles; c'est encore grâce à ce traité (pie l'on connaît l'existence de deux
Francon, Francon premier et Francon de Cologne, et que nous avons été mis
h même de démonli'cr (pu; Francon pi'ennV'i- l'Iail de Paris et ([u'on possède son
traité de musique mesurée, l'.nthi c(^ ducinucnt conticnl une foule d'autres
renseignements précieux jinur l'histoire de la niusiciuc mesurée de cette
époque.
xxiv. l\5
■M,C, AN.NALliS ArtClItOLOOIfll'KS.
Mil
\ N o \ Y M i; V . — D i; I) i: c ii \ \ i .
Ce |)olil Irailc se trouve h lasuilo du prôccdeiil dans la copie du docteur
Pcpusch; dans le manuscrit (Royal manuscrit, 12, c. vi) il est placé avant
le précédent. Le catalogue en fixe la date au xiv' siècle. La doctrine qui s'y
trouve enseignée est h peu près celle de cette époque.
\IV
A .\ 0 .N V M !•: \1. — TKArrii DES IKailKS Ot NOTES.
Ce traité était placé à la suite du précédent dans le manuscrit « Tiberius »,
n i\. Dans le Manuscrit royal, 12, c. vi, il se trouve entre les deux précé-
dents. Le catalogue en fixe la date au xiv' siècle. Ce document donne des
éclaircissements sur la doctrine de Philippe de Vitry. Les exemples sont sur-
tout utiles à consulter.
\V
t
A N 0 iN V M !•; \ I 1 . — 1 U V l T lî S t R LA M L à I Q L E .
Ce traité se trouve dans un manuscrit de la Bibliothèque impériale de Paris
sous le n" G280 du fonds latin. 11 provient de l'ancien fonds du Puy. Ce docu-
ment est l'œuvre d'un didacticien qui paraît avoir vécu au xii' siècle; la doc-
trine qui s'y trouve enseignée se rapproche bien plus de la doctrine vulgaire,
rapportée par Jérôme de Moravie, ([ue de celle de Francon de Cologne. 11 est
probable que ce traité appartient à l'im des auteurs mentionnés par l'anonyme
du Musée brilaïuiique, signalé plus haut sous le n° rv.
TliAlTKS INÉDITS SUR LA MUSiOLT. DU MOYEN AGE. 3?i7
XVI
REGLES DE U 0 13 !•: li r D li II \ M) L 0 .
Robert de Handlo est un musicien anglais du xiv" siècle. On ne sait rien ni
sur sa personne, ni sur le lieu de sa naissance. Il a écrit une sorte de commen-
taire sur l''rancon, qui porte la date de 132(5. Ce traité existait autrefois dans
le manuscrit « Tiberius », c. ix, aujourd'hui presque entièrement anéanti.
Heureusement, une copie faite pour le docteur l'epusch, et qui est au Musée
britannique sous le n" 141, nous a conservé l'ouvrage de Robert de Handlo.
Ce n'est point, comme le prétendent IJawkins et, d'après lui, Burney. Forkel
et M. rétis, un commentaire sur le traité de Francon de Cologne, mais sur
celui de Francon de Paris. Ce n'est pas non plus un dialogue entre l'auteur
et des interlocuteurs du nom de Piei-re de la Croix, Pierre le Viser, Jean de
Garlande, mais un véritable commentaire qui s'appuie sur dos passages tirés
de ces auteurs. Hawkins, Burney, Forkel et M Fétis sont donc dans l'erreur
à cet égard.
\ V 1 1
ABUEGE DE M A 1 Tli E .1 E \ \ IIWBOYS SIU I. A MISIQLE.
Jean Haiiboys est également un musicien anglais qui vivait au \iv' siècle.
D'après Basle ^, il avait des connaissances étendues dans les sciences et
dans les aris, parliculièrcmcnt dans la musique. Pits- en parle aussi avec le
plus grand éloge. Ces deux écrivains placent l'époque la plus florissante de sa
vie vers 1^70. La chronique de lloliiislnHl (t. ii, p. 1355) le fait vivre sous
Edouard IV, roi d'Angleterre.
Le traité de Jean Hanboys est contenu dans un manuscrit latin du Musée
britannic[uo. inscrit au catalogue particulier sous le n° 209 et sous le n° SSGO
du su])pléiiK'iiL g(''iiéi-al ; le maïuiscril csl ilu xv" siècle, l.'iua i'a,L;e ilr Jean
Hanboys y commence au f" Où. Il est |)récédé d'un autre traité intitulé :
1. « Siiiniuiirium illiislriuni maioris Urilanniir script. », p. 40.
2. « lU'Iiilioiuiin liisl. de relnis .\iiyl. », p. GG2.
3/(8 ANNM.FS Anriiini.ocioiT.s.
" Qii.itiior piinc.ipalia tolins artis inusicu; », et commençant par ces mots :
<< Oiicniadinodiiin inter tiitica et zi/.ania ". ([ue Tanner allribiie à Ilanlxtys et
Anl. WoikI à Tlioinas de Tewkesbury. Biirney d(''m(jntre((ue ce dernier onvraj^e
se trouve dans nn manuscrit d'Oxfoid sous le nom de Tunstedc. Le traité qui
est incoiilcsla!)li'iiiinl i\c .li;ui llanboys est celui rpie nous publions.
[ne sin^^ularilé que nous devons signaler est celle-ci : llanboys commence
son commenlairo par la reproduction du « l'roojmium » et d'une partie du cha-
pitre i du traité de Francon de Cologne. Plus loin, quand il cite le texte de
l'rancon, ce n'est plus celui de Francon de Cologne, mais celui de Francon de
i'aris.
l>e Iraih; de .Ican llanboys est important pour la notation musicale de cette
époque. Parmi les musiciens dont les noms sont invoqués comme autorité, on
reinarc|uc : Ilobert de Brunliam. Pierre de la Croix, Jean de Garlande, W. de
Duncaslre et Robert Trowell.
Nous avions d'abord l'intention de publier, dans le premier volume de
notre collection, lo livio vu du « Spéculum musicaî, » de Jean de Mûris,
parce que c'(;sl moins lui Irailé sur la musique mesurée de son temps qu'un
commentaire de la doctrine franconienne; mais nous avons trouvé préférable
(le doiniei' la jilace qu'aurait prise Jean de Mûris, au traité du Musée britan-
nique, imnilioniié plus haut sous le n" xii, à cause de son importance extrême
pour l'élude do l'art à cette époque.
Avaiil de leruiim-r nous ainioas à rappeler que les types de notation musi-
cale employés pour l'impression de notre livre, ont été gracieusement mis à
notre disposition par les RR. PP. bénédictins de Solesmes, qui les ont dessinés
cl fait graver pour une nouvelle édition des chants romains, dont ils ont confié
l'impression à M. Vatar, de Rennes. Mais comme ces beaux types étaient
insuffisants pour représenter tous les signes de la notation mesurée des xii° et
\uf siècles, nous avons fait graver et foudre un certain nombre de notes et
signes supplémentaires.
E. DE COUSSEMAKER,
Correspondant do riastîtut.
t'.^iJ'AJSMC A
/i„/,„i .1 <./.„..■ ,,.„ Il,,,/,/
Vn'J^AÏl.OU Xinr- SÏÊCIJî; a la CATlili:DRAI.K de CHAn
ÇU/" /■•"■ ''/'«^/■^'«. r.1
,r»*«.- .(■'/«.«
MÉLANGES ET NOUVELLES
CllAliLEMAG.NE ET ROLAND.
Un soir de l'année 1837, j'étais cliez M. Augustin Thierry, qui voulait bien
porter de l'intérêt à mes travaux. En même temps, dans la pièce qui servait
de petit salon et de cabinet à l'illustre aveugle, se trouvait tm grand fonc-
tionnaire de l'Université, que ses concitoyens venaient d'envoyer à la Clianibre
des députés. Tout fier de son élection, le nouveau député cherchait à faire
du bruit et se proposait de parler contre le budget de rinsiruclion publique,
dont le minisli-e éniinent était alors M. Guizot. C'était assez singulier de voir
un membre de l'Université se disposer k parler contre son propre budget ; un
enfant qui boude contre son ventre n'est guère plus raisonnable. Mais c'était
la mode à cette époque. Du reste, le ministre connaissait bien sa Chambre
des députés, et je l'ai entendu la comparer à un vase sans anses, qu'on ne
sail |)ar quel côté prendre. Ce qui mécontcnlait surtout notre universitaire en
visite, c'est que M. Guizot, qui venait de créer la Commission des travaux
historiques et le Comité des arts et monuments, demandait une centaine de
mille francs à la Chambre pour instituer dans son ministère un bureau spé-
cial, et préparer les travaux qui devaient aboutir à une slalislique monumen-
tale de la France entière. Vous noterez que nous étions chez un historien, et
que le dépulé ojjposanl, iiisIniiiMi lui-même, ou du moins annonçant (|u"il
avait l'intention de le devenir, préparait, nous disait-il, les éléments d'une
histoire de la religion chrétiemie. Ces éléments, à ce qu'il paraît , furent
longs ou même impossibles à recueillir, car la future histoiie du député,
septuagénaire aujourd'hui, ou peu s'en faut, est encore îi venir.
Avec la fine r;ullerii' (|u'avi\ ;iil encore sa figure intelligente, quoique plongée
dans les ténèbres, M. Augustin TliicMry lui fit observer (|n'il avait bien tort
de demander ou du moins de provoquer la (l(\<truclion des Comités liislori-
3j0 A.\i\ALi:S AHCIir:ULO(JI(.)Ui:S.
(Iiios, |)iiis(|iii; fos Comilns sombliiicnt créos huit exprès pour lui et pouvaient
iimiissLT, pour rollo f^nviiule n-uvre de l'Iiisloirc du clirislianisuio, des iiialé-
ri;ui\ ([ii'iiii lioiimi'' seul, loul i)ieii doué qu'il fùl, sorail peut-ùtro iiiipiii.ssaiit
il Iroiiver. Noire universitaire consentait bien à ce ([u'on recueillil, pour lui
èlie af;r6al)le, Ions les ren'seigneinenls écrits, mais il refusait d'entendre
parler des hàliincnis bâtis, sculptés ou peints; il en voulait surtout au Comité
historique des arts et monuments. A mon tour, avec la déférence que mon
âge et mon obscurité me commandaient pour un futur aussi grand lionime, je
me hasardai de dire que les moiiuiiicnls oITraient des renseignements graphi-
ques dignes d'im cerlain inlérèl. Je dis ((u'il était temps de ne plus faire
comme les bénédiclins des xvii" cl xviii'" siècles, qui secouaient la poussière
de toiilcs les paperasses pour écrire leurs vies de saints, leurs histoires pro-
vinciales ou locales, leurs traités de paléographie, et qui abattaient en même
temps églises abbatiales, cloîtres, monastères entiers remplis de la plus vraie,
de la plus abondante et de la meilleure hisloire, pour remplacer le tout
par de's bàliinoiits modernes fort laids et sans racines dans le passé. J'ajoutai
([u'on pouvait extraire des vieux monuments, par voie indirecte, une histoire
i-éelle, bien curieuse et bien inconnue, mais qu'en outre les édifices con-
tenaient quelquefois des chroniques, qui, pour être peintes sur verre ou sur
mur, n'en étaient pas moins aussi vcridiques, aussi intéressantes que celles
qui sont écrites sur parclieiiiin ou siu' papier, .l'apportai en exemples l'histoire
de Charlemagne et de Roland peinte sur verre à la cathédrale de Chartres;
une })artie de l'histoire de saint Tiiomas de Cantorbéry, peinte sur verre à la
cathédrale de Sens ; une partie de l'histoire de saint Louis, peinte sur verre à
l'église Sainte-Madeleine de Troyes. J'ajoutai que des tapisseries nombreuses,
nolaniment à la catJiécbale et h Saint-Remi de Reims, représentaient par
personnages les faits principaux de Clovis et do sainte Clotilde. 11 me sem-
blail. dis-je en finissant, que ces documents graphiques des xii% xiii, xiv,
XV'' et xvi" siècles . méritaient bien une certaine étude de la part d'un histo-
rien sérieux. M. Augustin Thierry m'encourageait de la voix et du geste, et
m'enhardissait à compléter mon énumération de documents ainsi figurés.
J'ignore l'impression cjue cette humble conversation a pu faire sur l'illustre
universitaire député, mais le budget proposé par M. Guizot passa sans obstacle,
et le député susdit ne dit rien contre ou en fut pour ses frais d'éloquence.
Depuis cette époque, il y a vingt-sept ans déjà, je me promis de faire
comiaître ces verrières historiques dont je viens de parler. Les tapisseries ont
été publiées par ÎMM. Achille Jubinal et Louis Paris, et il n'y a guère lieu de
s'en occuper maintenant. Quant aux verrières, sauf une, qui fut dessinée et
MÉLANGES ET NOUVELLES. 351
gravée à mon instigation par l^assiis, pour la « Monographie de la catlié-
dral(3 de Chartres ». elles sont toujours inconnues. Celle de Chartres, qui
représente l'expédition de Charlemagne en Orient et en Espagne, la bataille
de Roncevaux et la mort de Roland, a été gravée dans le format in-folio ;
ajoutez qu'elle est enfouie dans un ouvrage tronqué, et qui certainement ne
sera jamais achevé.
J'ai fait réduire cette gravure dans le formai des <i Annales », et c'est elle
qu'on voit en tète de cet article. Je ne me suis pas contenté du dessin de
Lassus; craignant des erreurs ou des oublis, j'ai i)rié M. Martel, le graveur,
d'aller à Chartres et de conti-ôlor sur place la gravure in-folio avant d'en
faire la réduction. M. Martel a pris des notes, réparé les fautes très-légères, il
faut le dire, marque les plombs avec soin, et jiroduit un travail que nous
avons le droit d'appeler irréprochable.
La place nous manque aujourd'hui dans celle livraison des « Annales »,
quoique double des autres, pour publier la description de cette imjiortanle
verrière. Mais, dans la livraison prochaine, qui sera la première du vingt-
cinquième volume de notre publication, nous donnerons ce texte descriptif
avec d'autres gravures destinées à faire connaître Charlemagne et Roland.
Après l'opéra de M. Mermet, « Roland à Roncevaux », le moment est opportun
pour parler du plus grand héros (|uc la l'"rance, si fertile en grands hommes
de cette trempe, puisse montrer avec orgueil.
DlDIiON aim;.
LES AnClIITECTES DE LA CATHEDRALE DE PRAGUE.
C'est une opinion communément répandue que les deux architectes qui
présidèrent successivement à l'édification de la cathédrale de Prague furent
deux Français : Mathieu d'Arras et Pierre de Boulogne, Cette croyance est
justifiée par le moiuuneul, (|ui (\st, en Allemagne, un des rares et des plus
complets spécimens de rarchiloctiu-e française de la fin du xiV siècle. Mais si
elle est d'accord avec les faits pour le premier maître de l'œuvre, Mathieu
ou Mathias d'Arras, il serait possible qu'il n'en lu! pas tout Ji fait de mémo
pour le second, Pierre do Boulogne.
En elïel, mon ami, .AI. A. Ksscnwcin, l'un des archéologues les plus
« français » de l'Allemagne, dessinateur très-habile dont les « Annales Archéo-
logiques » doivent bientôt publier d'intéressants travaux. M. Kssenwcin qui a
352 ANNAI.RS AIICHÉOLOGIOL'ES.
l'ail une Oliide très-particulière de la calhédrulc de Prague, m'envoie les
reiiseifçnciiiciils qui suivenl.
Dans la f^alerii' de la catiiédi'ale de Prague, il existe des portraits de l'ein-
pcrcur Charles I\^ de ses lemnies, de l'arclievèfiue de Prague, des clianoines
qui se sont occupés de la construction de l'église, enfin des deux premiers
maîtres de l'œuvre. Tous ces portraits sont contemporains des personnages
qu'ils représentent. Sous chacun d'eux, il y a une longue inscription pleine
d'abréviali(jMs, datant de la lin ilii \iv'' siècle ou du commencement du xv".
Je ne sais si \l. \. Mssenwein a calqué ou dessiné les portraits, qu'il nous
serait si intéressant de posséder alin de les publier, mais il a relevé les in-
scriptions que voici :
Malliia-; nalu> de Arr.i?, civitalc Franeie, priiniis ma^'isler f,il)rico liiijus eccicsie, queni Carolus
Quarlus, pro tune niarrliio Moravie, ciim elinaUis fuerat in rcgoin Ronianorum in Avinione,
abindc adiluxit ad fahricandam ceclesiam istani, qiiam a fundo incepil, anno Domini m°ccc°xlii,
et rcxit iisquo ad anniim m"ccc"lii, in qiio ol)iit.
Potrus lipiirici Arleri de Polonia, mniiistri de Gcmunden in Siievia, secundus magisler iiujus
Fabrice, queni ini|ierator Karolus Ouarlus adduxit de dicta civiiflle et fecit eum magislrnm liujus
ecclesio, et tune l'uerat anuorum xxiii, et incepil rogere a.d. m.cccmi, et perfecil cliorum islum
A.i>. M.cccLXXxvi; quo aiuio iiicepit sedilia cliori iliiusct infra tenq)us prescriptum; otiam inccpit
et [lerfecit clioruni omnium sanctorum, et rexil pontem Maltaviac, et incepit a fundo cliorum in
(".olonia, circa Albiani.
Tl résulte de la première de ces inscriptions que c'est d'Avignon que
Charles IV ramena à Prague l'architecte Mathias d'Arras, et cette circon-
stance explitjuc les nombreux témoignages d'influence italienne qui m'avaient
tant frappé dans certains détails de l'ornementation de la cathédrale de Prague.
Je parle de l'ornementation seulement, de la mosa'ique incrustée au flanc
méridional de l'église, des incrustations de pierres précieuses et des peintures
murales de la chapelle de Saint-Wenceslas. et du Saint-Georges, statue
équestre en bronze. Quant à la bâtisse do Mathias d'Arras, elle est en pur
style français du nord, et la seule particularité que M. A. Essenwein y ait
rernarquée, c'est qu'il existe une commune mesure, comme une échelle, entre
toutes les parties de l'édifice. Ce serait, si j'ai bonne mémoire, la quarantième
partie de l'entraxe de deux piliers adjacents.
La seconde inscription montre ciue Pierre, le second maître, fut amené fort
jeune, à vingt-trois ans. de Gemund en Souabe (Wurtemberg), à Prague, et
qu'il était fils de Henri Arlérus de Pologne. Nous disons fils, parce que géné-
ralement, dans les inscriptions latines du moyen âge. il faut sous-entendre
cette qualification lorsque, deux noms propres se suivant, le second est au gé-
MKLANGES ET NOUVELLES. 353
nitif. Mais M. A. KssenweJa inclinerait à penser, à cause de la parité possible
des âges, que Henri était plutôt le frère ou le parent de Pierre, qui aurait
commencé d'apprendre son art sous ses ordres, lin elTet, cet Henri construisit
l'église de Gemund, de Tannée 1361 à JilO. En 1386 il alla h Milan, où il
aurait tracé le plan de la calhi'-drale, pendant un séjour de neuf mois qu'il y
fit. Plus tard, il se serait relire à Bologne. Est-ce « Poionia » ou « Bolonia »
qu'il faut voir dans l'inscription, bien que ce soit le premier mot qu'on y lise?
Cracovie, fait observer M. A. Essenwein, était alors une ville tout allemande,
où l'on construisit quelques églises importantes, et il ne serait pas impossible
que Henii fût originaire de cette partie de la Pologne. En tout cas il n'est
pas de Boulogne en France, et c'est à regret que nous devons rayer cet archi-
tecte de notre liste d'artistes nationaux (pii ont exercé tant d'inOuence à
l'étranger.
Le Pierre, second architecte de Prague, a beaucoup consiruil sous Charles IV.
l\ acheva la cathédrale, ainsi que le château que Mathias d'Arras avait com-
mencé. 11 construisit ce qu'on appelle l'Octogone à Prague, qui est la cha-
pelle de Tous-les-Saints. 11 fonda le clui'ur de l'église de Coin sur l'Elbe, et
construisit ce célèbre pont de la Moldau que le xvh" siècle a enrichi de statues
quelque peu tourmentées et singulières, mais qui, vues à distance, à travers
les portes fortifiées du pont, forment un ensemble si vivant et si pittoresque.
Il est arrivé à la cathédrale de Prague à peu près la même chose qu'à la
cathédrale de CantcrbLU'y. en Angleterre. Guillaume de Sens on a tracé le plan
et commencé les constructions, (juil dirigea qucl([ue temps de son lit après sa
chute du haut des échafaudages, chute qui occasionna sa mort. C'est Guil-
laume l'Anglais qui, initié par lui à ses projets, lui succéda et développa peut-
être le système importé par son maître et lui donna une physionomie plus
britannique.
A Lin Kl) DAHCEL.
MARCUIl'; D'UNE VERRIÈRE POUR LA MMIT.ESSE VERRIÈRE DU CHŒUR
DE L'I'KU.ISE de SAINT-PlERliE DE LILLE.
« Aujourd'hui xiV d'aoust \v' vingt-trois, comparut en sa personne, en la
Chambre des comptes à Lille, France Van Musene, voiricr, demeurant en
ceste ville, auquel, en la présence de nions'" Gilleclion, escola.slre de l'église
XXIV. ■ /|('
35^1 ANNALKS AIlCIll'OI.OOIQLKS.
.Saiiil-Piori'o cuidil lion, fut niai'clian(l(; par mess" de ccsic Chambre de faire
iiiio verrière ou C(i;ur de lad. éf^lise Saiiil-IMerre, au cliief-lieu dud. ennir, eu
laquelle y aura par représentai ion noire Sauveur en la croix, sa glorieuse
nirre, nions' saint Jehan, saint Pierre, les figures des personnes de l'ICmpe-
reiH' el <\<' ns' l'arciiidiir dniii i'ernande, son frère, avec les armoiries,
selon cerlain patron qu'il doit brief faii'c, pour treize gros de Flandre le piel
et la vièsc verrière y eslani, laquelle demourra à son proulTif. A condicion que
(:eul\ de lad. église Saint-Pierre lui doivent livrer bois, cordes, doux el autres
matières, pour faire hourdaiges servans à asseoir lad. verrière, laquelle il a
promis de faire bien deuemcnl el riclienuMil pour en avoir honneur, et le
asseoir en lad. église entre les Pasques et le Penlecouste prouchain. Actum
en lad. (llianibre les jours et an dessusd.
Il Avant lequel marchiet conclud et depuis, mesd. ss'~ des comptes décla-
rèrent aud. escolaslre que combien ([ue, à sa rcquesle, ilz avoient voulentiers
|)ar son adviz marchandé avec l(>dil fiance Van Musene de lad. verrière,
toutes* voyes, ilz ne vouloienl ne enleiidoient de paier plus avant que les deux
cens livres parisis donnés par THnipercin' pom- faire icelle verrière : lequel
déclara que non plus avant n'enlendoil en travailler l'empereur, ne ceulx
de ceste d. (Chambre, dont cette nostc a esié faicte à la descharge de ceulx
de ceste Chambre^. »
11 n'est |)as (|uesli(>n di' ci'lli! vcrrièi'e dans les « Antiquités nationales » de
MiUin, ce qui est assez étonnant, vu les portraits de Charles-Quini <•[ do Fer-
nand d'Autriche qui devaient s'y trouver. Peut-cire aussi la verrière n'cxis-
tait-rlle déjà plus lorsque Millin écrivit son ouvrage; l'amour du verre blanc
el de la vive lumière avait sans doute engagé les chanoines de la collégiale
de Saint-Pierre à, la suppriniei-.
L. DESCIIAMPS DR PAS.
RECOMPENSES OFFICIELLES.
Deux de nos plus chers amis viennent de recevoir des récompenses dignes
de leur caractère et de leurs travaux.
Lassus, mort hélas ! depuis déjà sept ans, honore de son nom la rue de Paris
1 . « Archives do la Chambre des comptes de Lille. » Reg. M. 25, f» 282, v°.
MÉLANGES ET MOLVELLES. 355
qui conduit à l'église de Belleviile, église qu'il a terminée le jour même, pour
ainsi dire, où il quittait ce monde. Malgré des démarches pressantes, Lassus
n'a pu reposer dans son chef-d'œuvre; mais du moins, ce monument, il
l'abrite et l'embellit encore de son nom. On ne pourra donc entrer dans cette
rue Lassus sans voir se dresser en face ce simple et beau portail, en style
du xiii" siècle, que Libcrgicr, Eudes de Montreuil ou Robert de Luzarche?
auraient salué comme digne d'eux-mêmes.
M. Gaucherel, que les lecteurs des « Annales » connaissent depuis Torigine
de notre publication où il a fait ses débuts de graveur, vient de recevoir la
croix (le la Légion d'honneur. C'est à di; pareils artistes que la croix revient
de droit, car c'est pour riionncui-, on peut le croire, et non pour l'argent
(ju'ils prodiguent leur talent et leur temps.
Nous devons donc et nous offrons de vifs remercîments à la ville de Paris
pour Lassus, et au gouvernement pour .M. Gaucherel. Nous y associerons
M. Viollet-le-Duc qui, dans cette circonstance, a prêté un appui efficace à
M. Gaucherel, son ami et son premier élève.
DIDRON AiNÉ.
i;ir»iio(,iiAniii:
D'AUT F/r D'AUCHKOLOGIE
165. AcT'ES de l'Académie impcrialo dos sciences, beHes-leltres et arts de Bordeaux. Troisième
série. 25= année. 1863. 3" cl V trimestres. In-8° de 608 pages. — Notice sur les cailloux
ouvrés d'origine celtique des environs d'Agen, par J.-B. Gassies. — Les campagnes du comte
Dcrl)y en Guyenne, par !li:Mn liiiîAniEU. Discours, comptes rendus et rapports généraux.
166. Annai.es do i'Aliljaye d'AiL-uelielle, de l'ordre do Citeaux (Congrégation de Notre-Dame
do la Trappe), depuis sa fondation ju.squ'à nos jours { I0i:j-1863), par un religieux de ce
monastère. Deux volumes in-S" do xxxii-591 cl 621 pages. — Rapide extension de l'institut
monastique dans lo diocèse do .Saint-I'aul-Troi.s-Cliàtoaux, dès les premiers siècles, .\iguebelle
sous la réforme do Ckiny (10ir)-l.')3l). Prospérité, malliinirs et ruine de l'abbaye. Aiguebelle
sous la réforme de Citeaux ( 1 134-1 137). Ori-ino do Citeaux, de la F'crté, de Pontigny, de
Clairvaux et do Morimond. Gouvernement et administration dos abbés. Fondation et histoire
des abbayes du Frayssinot ot de Feniers. Famine et peste en Daupliiné; dévouement des reli-
gieux d'Aiguebelle. Aiguebelle sous les abbés commendalalres (1517-1620). Origine de la com-
mende, ses abus, ses conséquences. L'Ordre de Citeaux depuis la fin du xiv^ siècle jusqu'il la
Révolution fran(:aise ; ses réformes, sa décadence. Réforme des divers monastères de la Trappe.
Restauration d'Aiguebelle (1813). Ktat actuel do la congrégation de la Trappe. Pièces justifi-
catives. — Les deux volumes 12 fr.
167. Annuaire do l'itjslitut des provinces, dos sociétés savantes et des congrès scientifiques.
Seconde série. Sixième volume. XVI" volume de la collection. 1864. In-S" de xxxii-oS2 pages,
avec des gravures sur bois dans le texte 5 fr.
168. ARBAl'D. — Chants populaires de la Provence, recueillis et annotés par Damase Arbaud,
corre.spûiulanl du ministère de l'inslruclion publique. In- 12 do u-2.50 pages, texte et
musique 3 fr.
169. AURÈS. — Nouve;li.e TiiiioniE du module, déduite du texte mémo de Vitruve, et appli-
cation de cette théorie a quelques monuments de l'antiquité grecque et romaine, par M. Aurès,
ingénieur en chef des ponts et chaussées, membre de plusieurs sociétés savantes. In -4° de
55 pages.
BIDLIOGRAPIIIE D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE. 357
170. AURtS. — Etldk des dimension.^ de Ih colonne Trajiinc, au soûl point de vue de la
métrologie, par M. AuRiîs, ingénieur en chef des ponts et chaussées. In-i" de 80 pages et de
3 grandes planches. — Exposition. Étude des dimensions horizontales de la colonne Trajane
et de ses dimensions verticales. Concordance des textes anciens avec les résultats des mesures
modernes.
171. AUliÈS. — Étiiie des dimensions do la Maison-Carrée de Nimes, au triple point de
VU3 de l'archéologie, de l'architecture et de la métrologie, par M. Auniis, ingénieur en chef
des ponts et chaussées. Première partie, dimensions du plan. In- i° de -44 pages et de deux
planches.
172. AYZ.AC (d'}. — IcoNDCRAPiiiii ni- Dnvr.ox. par M""' Fih.ir.iiî d'.Vv/.vc. In-8° de 7'; pages
avec des dessins dans le texte. — Le Dragon connu des anciens, l'Ichtyosaurus, le Ptérodac-
tyle, le Kraken. Portrait du Dragon d'après les monuments écrits. Le Dragon est souvent
nommé dans les Écritures .siicrées, et toujours dans une même acception. Légendes mystiques
au moyen âge. Dragons vaincus par des prélats. Caractères attribués au Dragon dans des tra-
ditions légendaires; son rôle dans les légendes de l'éléphant, de la panthère et des colombes.
Le Dragon dans les œuvres peintes ou sculpturales de l'art chrétien ; son beau tvpe au
xiu' siècle. Dragons de Notre-Dame de Paris, des abbayes de Longpontel de Souilhac. Signi-
fication des membres prêtés au Dragon idéal du moyen âge et concourant à caractériser en
lui l'esprit du mal. Pourquoi les figures du démon s'ccarlent-elles quelquefois de leur tvpe
traditionnel? Leurs variantes spécifient dans le Dragon quelque caractère prédominant on
rapport avec l'action dans laquelle il est mis en scène. Dragon-àno de Saint-Denis. Dragons-
ânes de la clôture du chœur de Notre-Dame de Paris. Dragon-oiseau d'un ancien manus-
crit, etc.
173. .\Z.MS. — Dictionnaire des idiomes languedociens, étymologique, comparatif et techno-
logique, par Gabriei, Azais, secrétaire de la Société archéologique, scientifique et littéraire-
de Beziers. Premier volume. In-S" de xxvii-52 pages.
174. BALT.MU). — Di; la rniNTrnn: sur verre, par V. BM.TARn, membre de l'Académie des
Beaux-Ans. ln-4» do 17 jiages. Mémoire d'autant plus intérossanl, que la peinture sur verre
est en ce moment peul-èlro aussi florissante, sinon aussi parfaite, qu'aux xiii' et xvi'' siècles.
175. B.VRBIER de MONT.VL'LT. — Dkscription du Maitrc-Autel oû'ert par le prince .\i.i;xaxdre
ToBLONiA h la cathédrale do Boulogne-sur-Mer; traduite do l'italien par X. BAneiEn de Mon-
TAUi.T, chanoine delà basilique d'Anagni, Polit in-folio de 42 pages avec ii planches doubles.
— Détails historiques sur le sanctuaire do Notre-Dame. Pèlerinages et donations. Réédifica-
tion du Siinclnairc do .'\Iarie et do la cathoilralo do Boulogne. L'autel do Notre-Dame. Richesse
et variété dos pierres et des marbres de l'autel. Catalogue dos pierres et dos marbres antiques
du Maltre-.Vutol de la cathédrale do Notre-Dame, par l'avocat Erançois Belli,
176. BAlUtlin? de MONT.M'I.T. — I.a qi kstion dos messes sous les papes Uriimn VIII,
Innocent XII et Ci.i':mknt XI. par le chaiioino X. lUmiiiai do .Montai;i,t. In-8" de loti pages.
177. BARBIER de MONTAULT. — Antiquités chrétiennes do Romo du v au xvr siècle,
docriios par le chanoine X. Bardikr de Montault, et pholographioos par C.-B. Simki.i.!.
Première et deuxième livraisons. In-folio de 3 pages et de 3 planches chacune. (U>s planches
roprésonlont la croix do l'empereur Justin (vi° siècle), à Sainl-Piorre du Valiciin; un ivoire
byzantin du xi'-xu' siècle, au musée chrétien du Vatican; une croix processionnollo du
xv^ siècle et un polyptyque en ivoire de la même époque. — Cet im|iortant ouvrage, qui coin-
3j8 a.\nai,i;.s aiiciii'<jlu(;ioli:s,
pronilra dos ivoires, îles cinaux, dos objets d'oiTt'vrorio, Ole, classés par ordre chronologique,
sera comiilot on vitiyt livraisons. Avec la dernière paraltronl la couverture, le lilro, l'iiilroduo
lion et la table des iiialicres.
17.S. llAHKAri). — I>i;s iiA(itii;s à toutes les époques, et en particulier de l'anneau des évéqucs
et (les abbcs, |)ar l'abbé llAiiii.\ri) , ins|)ecteur de la Société française d'archéologie. In-8" do
228 piige.s, a\oc do nombreux dessins dans le texte. — Origine des bagues, leur usage cliez les
|ieu|ilcs de !'anli(|uité, destinations diverses des baignes, lear usage chez les premiers chrétiens.
Ancienneté de l'u.sage do raniieau pour les évéques, les abbés cl quelques autres dignitaires
ficclésiasiiipios. Maiiién' de poiler les anneaux, circonstances dans lesquelles on les quittait.
Matières avec lesiiucilos on a fabri(|iié les anneaux dans l'antiquité et au moyen âge. Formes
et ornements des anneaux. Suj(!ts gravés sur la pierre des bagues ou la tablette de mél;d qui
en lient la place. Signification symbolique et mystique des anneaux, et en particulier de
celui dos évoques cl dos abbés. DilTérents noms des anneaux. — Mémoire complet et définitif
sur une question qui no mancpic pas d'importance 4 fr.
I"'.i. ItAlDOT. — |{\i eoRT sur la découverte des peintures murales de l'église de Bagnol (Cotc-
d'Or), par lliixni Bauoot, piésidenl de la commission des antiquités de la Cote-d'Or. In-4°
lie 8 pages, avec une grande plaïK'ho représentant les peintures 2 fr. ;jO c.
IHO. Itl^.VUFFORT (de). — Vir:s dos saints de l'atelier. Saint TmiouALD, commissionnaire,
par Ui)iii;n ilc Beaufidut. I11-I8 de 54 pages 13 c.
lsl. lilCtlAT. — Notice sur l'iinpiiinerie ii Nevers, par Piiospiin Bégat, imprimeur, membre
lin la Société nivernaisi; des sciences, lettres et arts. In-8" de 86 pages. — Introduction, décou-
verte do rimprinierie. Législation de riniiiriinorio. 1,'imprimerio à Ncvers. Ordre chronolo-
gique lies imprimeurs et do leurs œuvres, à Nevers. Appendice 2 fr.
182. BIAL. — CiiisMiNs, habitations cl oppidum do la Gaule au temps de César, par Paul Bial,
capitaine d'artillerie, professeur à .l'école impériale do Besançon. Première partie, chemins
celliipies. In-8° de 312 pages et de o planches. — I.a Langucline d'Alaise. Itinéraire d'Alaise.
Le chemin creux de la Langucline. Sa description. Règle pour reconnaître les chemins cel-
tiques : temps primordiaux, âges do moyenne et de grande civilisation. Autres caractères indi-
rects des chemins celtiques. Histoire sommaire dos chemins de rantiquité. Examen critique
do quelques chemins celtiques roeoimus. Bases d'une carte stratégique de la Gaule indépen-
dante. Itinéraire celtique. — L:i seconde et la troisième parties paraîtront prochainement; elles
contiendront la description des habitations, des oppidum et des villes de la Gaule au temps de
César. — Chaque partie 8 fr.
183. BLVL. — Histoire de la civilisation celtique, par Paii. Bial, capitaine d'artillerie. Deux
volumes in-4° sur papier vélin, accompagnés de 24 dessins ou cartes. — Cet important ouvrage
paraîtra en 48 livraisons de deux feuilles chacune. Chaque livraison I fr. 25 c.
184. BOISXARD. — Le To.mbeau du Sauveur. Pèlerinage aux saints lieux, par l'abbé Bois-
NARD, aumônier de l'hôpital militaire de Marseille. In-i2 de xvi-316 pages. — Première par-
tie, le voyage : Cologne, Berlin, Dresde, Posth, Vienne, le Danube, le Bosphore, Constanti-
nople. Aihènos, Sniyrne, Ilhodes, Chypre, le Carmel, JafTa . Jérusalem. — Deuxième partie, les
sainls lieux : la procession des pèlerins, montagne des Oliviers, les mosquées, le Cénacle,
Bethléem, Saint-Jean-du-Désert, la Visilalion, l'église du Saint-Sépulcre, le patriarchat, le
tombeau du Sauveur. — Troisième partie, la Ville-Éternelle : .\lexandrie et Messine, Sainte-
Marie-Majeure, Sainl-Étionne-le-Rond, le Forum, Saint-Pierre, le Vatican, etc. — Quatrième
p;irlie, l'Egypte 3 fr.
biuliuguapiiil: d'art et d'archéologie. 359
ISo. lîOISSIER. — Les dermehs travaux d'archéologie grocquo et romaine, en France et à
l'étranger, pur Gaston Boissif.r, professeur de rhétorique au lycée Cliarlemagne. In-8° de
39 pages.
180. RRL'XET. — Mam'ei, du lihraire et de l'amaleur de livres, contenant : l'un nouveau
diclidiiiKiire bibliograplii(]uc dan.s lequel sont décrits les livres rares, précieux, singuliers,
et aussi les ouvrages les plus estimés en tout genre, qui ont paru tant dans les langues
anciennes que dans les principales langues modernes, depuis l'origine de l'imprimerie jusqu'à
nos jours, avec l'histoire des dlIFérentes éditions qui on ont été faites; 2° une tahie en forme
de catalogue raisonné où sont classés, selon l'ordre des matières, tous les ouvrages portés
dans le dictionnaire, et un grand nombre d'autres ouvrages utiles, mais d'un prix ordinaire,
qui n'ont pas dû être placés au rang des livres ou rares ou précieux; par Jacqlks-Cuahlrs
Bri'nut. Cin(|uiénic édition originale, enliéremcnt refondue et augmentée d'un ti(;rs par l'au-
teur. Tome sixième, première [larlie. In-8° de 9.'J9 pai;es. — L'ouvrage complet form;int
12 parlies ou 6 gros volumes 1 20 fr.
187. BiLi.ETi.N des travaux de la Société liistoriciue et scienlifiipie de Saint-Jenn-d'.Vngély (Gha-
renle-lnférieure). Première année. 1803. In-S" de 21 G pages. — La grosse pierre d'Antezant,
légende sainlongeaise, par M. Baril. Manuscrit du docteur Olliveau. Notice sur la fondation
de l'hôpilal militaire d'Anfrédi, à La Rochelle, par le docteur Gardailiiac 2 fr. 2o c.
188. CARDERERA. — Iconogi\ai>iiii; espagnole ou collection de portraits, statues, mausolés et
d'autres monuments inédits de rois, reines, grands capitaines, écrivains et personnages
célèbres de la nation, depuis le xr siècle jusqu'au xvii'; copiés d'après les originaux par don
Valentin CARDERiiRA, pcintro honoraire de la reine d'Espagne. Texte biographique et des-
criptif par le même. Livraisons 1 à 24. Grand in-folio de l [ilanches chacune, et de 4 feuilles
de texte. — Chaque li\ raison 22 fr.
189. CHATEAU. — Histoire et caractère de l'architecture en Erance, depuis l'époque drui-
dique jusqu'à nos jours, par Léon Château, directeur des études de l'école professionnelle
d'Ivry-sur-Seine, membre de plusieurs sociétés savantes. In-S" de xxxv-620 pages avec de
nombreux dessins sur bois dans le texte. — Inlroduciion. — Première [lartie : Gaule indé-
pendante, monuments druidiques, inlluenco grecque; Gaule romaine, monuments sacres,
funéraires, d'utilité publique; Gaule romaine, aqueducs et thermes, théâtres, cirques, habita-
tations privées et monuments d'origine incertaine; Gaule chrétienne, des premières églises
et des basiliques; Gaule mérovingienne, décadence ih^ l'art romain; Gaule carolingienne, les
Normands, l'an mil. — Deuxième partie : Franco ca()étienne ou féodale, iidluence bvzan-
tine, h^s Vénitiens en Aipiilaine, la basilique de Saint-Front à Périgueux; les cloches. Franco
féodale, les monastères, Cluny, Citoaux, architecture monacale ou romane, architecture ogivale
aux xtv et xv siècles, l'architecture civile du xr au xvi" siècle, l'architecture militaire aux
mêmes siècles. — Troisième et (luatrièmo parties : France monarchiciuo, la renaissance,
architecture contemporaine , vocabulaire d'arcliileclure 7 fr. iiO c.
190. CHEVAL. — Guide du pèlerin à Roc-Amadiuir, p;ir l'abbé Cheval. In-S" do ix-80 pages,
do 9 planches avec plusieurs dessins dans le texte. — L'hôpital, le village, plateau et chapelle
Saint-Michel, chapelle Notre-Dame, église Saint-Sauveur, église souterraine de Roc-.\mailour.
chapelles de Sainte-Anne et Sainl-Joachim, do Sainl-Blaiso et do Saint-Jean , de Saint-Jean-
Baptiste. Édifices en ruines. .Maison à Maiie. Le Château 2 fr. 2'i c.
191. CLOET. — Ki'ici'EiL de mélodies liturgi(pies, reslituces d'après un Irè.s-grand nombre do
monuments tant manuscrits qu'imprimés, pour servir à la rostauratlon du chant romain, avec
360 AiNNALIlS A ItCll LOLOGluLliS.
des pri'limiiiairos sur hi niélliodo (lu'uii ii .suivio, (Kir \'a\iM Clokt, clianoinc, doieii do Bi'iivrv.
Tonio socoiid. I11-I8 do ICO pages do lexUi cl tin inusii|(io. Co volume, 3 fr. .'10 ; le* deux, 7 fr.
lOi. (IdMiTi': Aui:iii.oi.or.i(ji'K de Scnlis. Comptes rendus et mémoires. Années I8G!-G3. In-8» de
i.xMi-27:i p.if;(S (3l do .'t phinclies, doiil une cnrlc du diocosn de Scnlis. — Mémoire sur l'ori-
j^iiio d(! lii ville et (lu nom de Seidis, par A. rir-: CAix-ui'.-SAiNT-Auoutt. Notice t)io;;rdpliii|uu sur
Jean Deslyoïis, doyen cl lliéolo^iil de lu cullicdralo de Senlis, par II. ue .Maiiicoliit. Pruiniérci
reclierciics sur la date de l'aposlolal de saint Kieul, par l'alibé II. Ulonk. Itltudo sur la chapelle
do la Vierge, à Notre-Dame de Scnlis, [lar l'ahhé J. GiiiuN. Kssai de>eriplif du portail occi-
dental do la calliédralo de Seiilis, jiar U. ni; Maiiicoukt. Note sur diirérenls objets trouves i
Vaumoisc, par M. de Longim':iiikii-(jiii.moaiii). Ilecliorclies sur divers lietix du pays des Sylva-
nectes, par M. PmcMi-DiiLAcouiiT. Note de .M. l'abhé Lepiianc, en réponse ii M. hk .Maricourt,
sur sa description du portail de Notre-Dame ilo Senlis .'i fr.
I9.i. ("{^liliLirr. — Cllte cl iconographie do Saint-Jean-Baptiste dans le diocèse d'Amiens, par
l'abbé Ji;i.i:s Cohiii.kt. In-8" do î't paj;i>s 1 fr.
194. COItlil.KT. — Liis Dessins de J. Nalalis, par l'abbé J. (loiirii.KT, chanoine honur.iire,
historiographe du diocèse d'Amiens. In-8" de Kî pages I fr.
193. CORDOt'.W. — IIiSTorni: de la commune de Lorgnes, par le docteur F. Cordouax, membre
de la 'Sociélé des sciences du Var. In-12 de 268 pages. — Origine et fondation de Lorgues,
son histoire depuis les Icmps les plus reculés jusqu'à la réunion de la Provence à la Franco.
Abbaye du Tlioronel, ses rapports avec la commune de Lorgues. Histoire de Lorgues depuis la
réunion do la Provence ii la Franco jusqu'à l'aimée 1789. Établissements religieux, couvents,
chapcll'S, Toulon cl Lorgues. Topographie, statistique, notices biographiques, maires de la
commune 3 fr. 30
190. C.OrSIN. — NiuvEAUX éclaiucisskmicnts .'■or l'emplacement de Quontowic, |)ar Loiis
Cousin, vice-président de la Société dunkcrquoise des sciences, des lettres et des arts. In-S"
de 84 pages.
197. COUSSn.MAKIiR 'de). — Élections aux états-généraux de 1789, dans la Flandre maritime.
Procès-verbaux, cahiers de doléances et autres documents, recueillis el publiés par E. de
Coussemakkr, correspondant de l'Inslilul. In-8", 134 pages. — Introduction. Clergé : élections
de députés, liste des ecclésiastiques, corps el communautés qui se sont fait représenter, et
noms de leurs mandataires. Noblesse : élections de députés, mémoire concernant les vier-
schaers de la Flandre maritime, mémoire sur les droits de quatre membres de Flandre. Tiers-
état: élections de députés, cahiers de doléances, délibérations diverses, liste des délégués
choisis par les villes, bourgs, paroisses et communautés de campagne ayant un rôle séparé
de contributions, .\nnexes.
198. CUK.MrU. — JiciiAN FoucQUET. par Curmer. Granrl in-8 de 76 pages. Documents précieux
sur les artistes de la renaissance 5 fr.
199. DALY. — Pn'mière causerie d'Iiistoire el d'estliéti(]uc. Ce que peut raconter une grille de
fer. De l'induence des femmes sur l'arcliiteclure au xviu' siècle, [lar César Dalv, architecte du
gouvernement. Grand in-8" de 40 pages.
200. D.VMAS (de . — En Orient. Voyage en Judée, par le R. P. de Damas. In-12 de 373 pages.
— La Terre-Sainte. Jaffa, l'ancienne Joppé. La plaine de Saron et le couvent de Ramloh. Les
chemins et les habitants de la Judée. .\ïnkarim, ou Saint-Jean au désert. La Visitation. La
niBLIOGRAPflIE D'ART ET D'ARCHÉOLOGIE. 361
fonlaine de Sainl-Pliilippo et Belsour. Iléhron et la vallée do M;mil)iv. Belhléem. La Grotte
sacrée. Environs de Bethléem. Le tomheau de Uac-hel et le puits des .Mages. Saint-Sabas et la
mer Morte. La fontaine d'Elisée et le Jourdain. Jéricho. Le ballet des Arabes et leurs usages de
société. Le mont de la Quarantaine. \a) chemin de Jéricho. Béthanie. La résurrection de Lazare.
Retour à Jérusalem 2 fr.
201. D.\RCLL. — Bkmx-.Vrts. Lus Artistes normands au Salon de I8G4, par .\i.kiiei) D.vrcel,
attaché à la conservation des Musées impériauv. In-lii de 48 pages. Peinture, dessins, aqua-
relles, miniatures, porcelaines, architecture, gravure, lilhograpliic I fr.
202. DKMARSV. — .\iimoiiiai, des évoques de Noyon, par .Xnriiun Dkmvksv, conservateur du
musée de Compiègne. In-S" de 20 pages avec 2 planches do l)lasons I fr. T6 c.
203. DE.MMIN. — Souviixiiis de voyage et causeries d'un collectionneur, ou Guide artistique
pour l'Allemagne, par Aucicste Drmmin. ln-12 de -ïO? pages. — Introduction. Baden-Baden.
Ulm, Sigmaringen, Augsbourg, Munich, Nuremberg, Ratisbonno, Landshut, Bamberg, Dresde,
Meissen, Weimar, Eisenach, .Marburg, Wuitzbourg, Francforl-sur-lc-.Mein, Geisenhein, Cologne.
Description complète de ces villes, avec leurs églises, couvents, chafiellps, châteaux, hôtels de
ville, musées, et vieilles traditions et légendes qui se lient aux villes et aux monuments
décrits , 7 fr. 50 c.
204. DE.MOGEOT. — IIisToiiu: de; la liltéralure française depuis ses origines jusqu'il nos jours,
par J. Dejiogeot, professeur de rhétorique au Lycée impérial Saint-Louis. Cinquième édition.
In-12 de xiii-(178 pages. — Première période, les origines : Les (leltes et les Ibères, la Gaule
grecque et romaine, l'invasion germanique en Gaule, la Gaule chrétienne, Cliarlemagne, langue
française. — Deuxième période, le moyen âge : Société féodale, jongleurs et trouvères, forma-
tion des chants épiques, cycles épiques, décadence de l'esprit féodal et des chants épiques,
poésie lyrique du Midi, les troubadours, société cléricale au moyen âge, ses travaux, l'histoire
dans les cloîtres et hors des cloîtres, le drame dans l'église, le théâtre hors do l'église, confré-
ries, XV' siècle. — Troisième période, la renaissance: La renaissance et l'éloquence au xyi' siècle,
le droit romain et la philosophie morale, pamphlets et mémoires au xvi" siècle, poésie, tenta-
tive et accomplissement de la réforme littéraire. — Quatrième, cinquième et sixième période.».
XVII", xviii' et xix" siècles : billuence de l'Espagne, théâtre, pliilosopiiie, éloquence sous Riche-
lieu; théâtre, poésie, éloquence et philosophie sous Louis XIV; prédicateurs et moralistes.
Voltaire et Jean-Jacques Rousseau, la réforme modérée, etc 4 fr.
20.J. DESC1I.\MPS DE PAS. — Les Éclisrs des Jésuites à Sainl-Omer et à Aire-sur-la-Lys,
par L. Desoiiamps de Pas, ingénieur des ponts et chaussées, correspondant des Comités histo-
riques. In-4" de 2:{ pages et de 3 planches repn'senlant les deux églises des jésuites et le
bailliage d'.Virc. Le portail de ces églises est d'une fort curieuse architecture, quo pourraient
étudier avec profit ceux do nos architectes (|ui construisent des églises nouvelles et qui détestent
le style ogival.
200. DES MOULINS. — La Patine des Silex travaillés de main d'homme, et quelques recherches
sur les questions diluviale cl alluviale, par Ciivhi.es Des Moulins, président de la Société
linnéenno de Bordeaux. Fn-S" de .30 pages. — Gisement des silex ouvrés en Périgord, leurs
couleurs, la patine, croilte naturelle des silex, historique de la discussion, le déluge historique,
traces du déluge historique dans la vallée do la Dordogno, témoignages do quelques savants à
l'appui de la discussion ci-dessus.
207. DI'IS S.VLLES. — fCvi.siiiÉ de Saint-Malo, anciennes reformations. Reproduction lexluello
d'un manuscrit ayant appartenu à M. Cmaui.es CuNAT, et montre do 1472 do l'archidiaconé
x.\iv. /i7
:)02 ANNAI.F.S MlCIIfioi.fXJIQUKS.
flo nini'in. nrxMiriK'nls int'dil-i [iiililirs |);ir IIi;mii [)ks Sm.i,i:s. ln-8» de xu-'.lîH pajrpi». — Ori-
;,'int,' (les dociimiMils. fcl.il (\c<. noldi-s do lu .Miirliiii(|ii«. l'n-mitTO roformalion do rfc\(>siclié do
Saitil-Mido, I42i ol loi:i; l'cxlrail dus rolles, par Hené Le Folio, procureur do Uinan, cl
IJeilrand Scvcslro, lieuloiiiiiil au rlit lieu. Seconde rérorinalion, 1313. Montre do 117* de l'ar-
riiidiaconé do Dinan. Talil(! iilpliab('li(|ue des nom.s des commissaires employé» ii la prcmiéro
ri'formalioii, des notns relovés dans le.s rérormalions et la montre, des paroisses aux refor-
mations 10 fr.
208. bHS Vi:R(il':HS. — L'fvrriuiiii: i;t i.iîs l'/riasoUKS, ou dix ans de fouilles dans les .Marcmmcs
toscanes, pai' Noi:i. Dics Vkhckhs, correspoïKlanl de l'Institut, incnibrc de plusiiurs sociétés
savantes. Doux volumes in-8° de 315 ol 4GI pages, avec un atlas in-folio de 40 planches dont
îO coloriées, représentant des peintures murales, dos amphores, des bijoux et autres objets et
fragnieiils trou\és dans les fouilles. — Introduction. — Première partie : les Maremmes. —
Deuxième partie : les Étrusques, origines, formation de la confédération des douze cités, la
confédération des Étrusques dans los plaines du l'o, les Étrusques en Campanie, premières
relations commerciales de l'Élrurio, commerce maritime et commerce intérieur, constitution
politique, système religieux des Étrusques et premier développement des arts en Étrurie. —
Troisième partie, histoire de l'Étrurie: lÉIrurie depuis la fondation de Home jusqu'à l'avéne-
ment de Servius Tullius, colonies étrusques dans la mer Tyrrhénienne, guerre de Porsenna,
les Éunsques de la Campanie en lutte contre les colonies grecques, tableau de l'Étrurie centrale
à l'epociue de la dissolution de la confédération, etc. — Cet important ouvrage, volumes et
allas loO fr.
:>0'.). hii: lUsii.iKicN ilesC.lirisliichon Homs (les basiliques de Rome chrétienne). Un volume in-folio
de 50 planches gravées. Plans, coupes, vues intérieures et extérieures, mosa'iques, etc. 45 fr.
210. DISDIER. — Ri:cni;iirni:s historiques sur saint Léonce, évèque de Fréjus et patron du
diocèse, par l'abbé J.-li. Disniiiii, vicaire à Draguignan. In-S" de I7C pages. — Introduction.
Première partie, los origines : origines de l'église de Fréjus et de saint Léonce. — Deuxième
partie, les monuments historiques : Saint Léonce, évèque de Fréjus, les monastères de Pro-
vence el les papes. — Troisième partie^ les traditions : «[lostolat de saint Léonce en Germanie,
saint Léonce honoré comme confesseur et, plus tard, comme martyr: la légende du martyre
de saint Léonce, les deux saints Léonce. Résumé chronologique, notes, éclaircissements et
pièces justificatives 3 fr.
211. UROUVN. — L\ (jiiKNNK militaire. Histoire et description des villes fortifiées, forteresses
et châteaux construits dans le pays qui constitue actuellement le département delà Gironde,
pendant la domination anglaise, par I.kû Duoivx. membre de l'Académie impériale des
sciences de Bordeaux. Livraisons 4.Î h 48. Grand in-i". Chaque livraison se compose de 3 gra-
vures à l'eau-forte, et de une ou deux feuilles de texte. — L'ouvrage complet aura 30 livrai-
sons. Son pr ix est porté à 200 fr.
2\î. Dr.MlîSNIL. — VoïAoïans français en Italie, depuis le xvr siècle jusqu'à nos jours,
par J. DiMKSNii., auteur de « l'Histoire des plus célèbres amateurs ». In-12 de iv-356 pages.
F. Rabelais : 1335-1 -xiT, . Michel do Montaigne (1580-1581. André Félibien '1647-1649;.
Le sieur de Sainl-Disdier (1672-1674). Dom Bernard de Montfaucon (1698-1701). Charles
de Brosses (1739-1740). L'abbé Barthélémy (1753-1757). Charles-Victor de Bonstetten (1800, .
Paul-Louis Courier (1798-1812). Frédéric Lullin de Château-vieux (1812-1813). — Le mont
Palatin à Rome, son histoire : édifices publics, palais, temples construits sur le mont Palatin
depuis Romulus jusqu'à l'établissement de l'empire; habitations particulières; panorama des
niomiments antiques de Rome 3 fr. 50 c.
BlL'LIOOr.APHlE D'ART ET D'AnCHÉOLOGIE. 363
213. DURAND. — Chapelms de la Sainte-Vierge en l'église de SaiiU-Péro, à Chartres. Explica-
tion de la nouvelle décoralion, par Paul Duraxd. In-8" de 46 pages el d'une planche repré-
sentant la Vierge et l'enfant Jésus, projet de vitrail pour la chapelle de l'église Paint-Père.
— Peintures formant quatre séries : mystères de la Trinité, de l'Incarnation et de la Rédemp-
tion; promesses, annonces du Messie; vertus opposées aux vices et fins dernières; symboles.
altrilnils (^onc^iniinl la Vierge ■ . . . ' fr.
214. FALISE. — Ckiuj.monial romain et cours abrégé de liturgie pratique, comprenant l'expli-
calioM (lu Missel, du Bréviaire et du Rituel, h l'usage dos églises qui suivent le rite romain,
par l'abhé Falise. Troisième édition, mise dans un ordre nouveau et considérablement aug-
mentée. In-S" de 360 pages. — Première partie : Cérémonial romain; cérémonies de la messe
basse, observations générales, cérénionial dos ollices dans les petites églises, des fonctions
annuelles ou cérémonial de Benoit NUI, cérémonial des oflices diins les grandes églises, des
messes solennelles, fonctions solennelles annuelles, cérémonial des offices pontificaux. —
Deuxième partie : De la rubrique et de ses sources, des livres liturgiques, des décrets de la
Congrégation des rites, de la messe en général, des parties de la messe en particulier, rubri-
ques générales du Bréviaire, rapport des offices entre eux, rubriques du Missel et du Bréviaire
appliquées au calendrier universcE journal liturgique, des fêtes spéciales, des sacrements, des
fonctions pastorales annexées aux sacrements, formules des actes h insérer sur les registres des
paroisses, des confréries, etc 0 fr.
215. FOURNIF.R. — Voyagbî ii Rome et dans (piehiues villes d'Italie, par l'abbé Fourxikr, curé
de Saint-Nicolas de Nantes, membre de plusieurs sociétés .savantes. In-S» de l-jj pages. —
Lyon et Marseille. Rome etscs grandeurs, Saint-Pierre, Sainl-Paul-Hors-les-Murs, Sainle-Marie-
des-Anges, Saint-1'ierre-in-Vincoli, le Vatican, les Loges cl les Chambres de Raphaël, la cha-
pelle Sixtine, la Bibliothèque vaticanc. Palais divers. Le Pincio. Monuments d e ome pa'ienne.
Quelques mots d'archéologie. Excursions à Tivoli, Frascati, Albano, Castel-Gandolfo, etc. Des
anciens monuments chrétiens de Rome, archéologie. Catacombes, églises de Saint-Clément,
de Saint-Jean-de-Latran, le Baptistère de Constantin. La Scala-Sanla, Sainte-Maric-Majeure.
Les reli(iues et les chaînes de Saint-Pierre, prison Mamertine. Quelques mots des monuments
charitables. Statistique.' 2 fr.
216. FL'STEL DE COULANGES. — La Citi; axtiuh:. Étude sur le colle, le droit, les institu-
tions d(! la Grèce et de Rome, par FrsTiii, m: Col'langks, prole-seur d'histoire à la Faculté des
lettres de Strasbourg. In-S» de !)i;j pages — De la nicessilé d'étudier les plus vieilles
croyances des anciens pour connaître leurs institutions. Antiques croyances : sur l'âme et sur
la mort, le culte des morts, le feu sacré, la religion donu>sti(iue. La fàmillc : le mariage chez
les Grecs et chez les Romains, de la continuité de la famille, de l'adoption et de l'émancipa-
tion, de la parenté, droits d(! propriété et de succession; l'autorité dans la famille, la « gens »
à Rome et en Grèce. La cité : nouvelles croyances religieuses, la ville, les dieux et la religion
de la cité, la loi, le patriotisme, les droits des gens. Les révolutions : patriciens et clients, les
plébéiens, changements dans la constitution do la famille, la plèbe entre dans la cité, révolu-
lions do Sparte. Le régime municipal disparait, la philosophie change les principes et les
règles do la politique, la conquête romaine. Le christianisme chango les conditions du gouver-
nement. — Ce volume '' fr.
217. G.MlMi:.— TiiviTii (lu Saint \'.>[n\\, cuin|>renanl l'histoire générale dos doux esprits qui se
disputent l'ompiro du monde et des doux cités qu'ils ont formées, avec les preuves de la di-
vinité du Saint-Esprit, la nature el l'étendue de son action sur l'homme et sur le monde, par
Mgr Gaume, protonotairo apostoliciue. Deux volumes in-S" do 517 et 686 pages. — Premier
30/i ANNALKS AUClIKOLOfilOL ES.
voltiino : L'cspril du bien et l'osprit ilu mal. Division du monde surnulurcl. Do;;mc qui a
donni! lieu .'i la division du monde surnaturel. Con.scqucncos de celte division. Li cité du bien
et lii cité du iii.il. L(! roi do la cité du bion. i.os [irincos do la cité du mal. Ix-s citoyens des
deux cilés. Ilisluint rolif;icuso des douv cités. Ilisloiro sociale des deux cités. Histoire ptili-
tique dos deux cités. Ilisluiro contoiiqioraiiio dos deux cités. Lo spiriliiimp. — Deusièmo vo-
lumi' : Divinité du .S.iint-Ksprit. l'rciivos diverses do la divinité du Saint-Esprit. Procession
du Saliit-rspril. Histoire du " l'ilioquc -.. Mission du Saint-Ksprit. Le Sainl-lisprit dans l'An-
cien Testamoni, promis et lifiuré, prédit et préparé. Lo Saint-Esprit dans le Nouveau Testa-
mont; ses créations : in sainte ViiMf,'e, Notre-Scigneur, rfi;,'lise, le chrétien. Dons du Siiint-
Espril. Les béatitudes et les fruits. Le culte du .Saint-Esprit. — Les deux volumes, lî fr.
218. GEBIl.MM'. — l'inxiTÎii.ii. Essai sur l'Iiisloiro de l'art et du génie grecs, depuis l'époque
de Périclès jusqu'à celle d'Alexandre, par IÏmili; Oi;niunT, membre do l'École française
d'Athènes. Ouvrage publié sous les auspices de M. Duruy, minisire de l'Instruction publique.
In-8" de 302 |)ages. — La sculpture idéaliste, expression de la vie invisible de l'àme, au
moyen do la vie du corps. L'art grec avant Praxitèle. Vie de Praxitèle, ses œuvres et son école.
Les dieux de Praxitèle. Le groupe des Niobides. Les aris et l'esprit public au temps de Praxi-
tèle. Lysippo et la décadence de la sculpture après Praxitèle. Conclusion 3 fr.
219. GOGUIU..— IIdmmks connus dans li> monde savant en France et b l'étranger, nés ou élevés
à Monlbélianl. Eludes, analyses, appréciations d'après leurs ouvrages, leurs notes, des docu-
nieiils aullienliques, dos pièces inédiles, des renseignements intimes; par G. Gogurl, pasteur.
I11-I2 lie viii-710 pages. — Introduction : but de l'ouvrage, la France protestante. — Éludes
sur les Cuvier, l.aurillard, Uuvcrnoy, les frères, fils cl neveu Parrol, Fallot, Ackermann. etc.
Notes et appendices. — l'arailronl prochaiiiemenl : n Hommes éminenis d'Angleterre, d'Alle-
magne, de Franco et de Suisse. » — Ce volume 6 fr. 50 r.
220. GOURGUES (de). — I.i: 11iia(;on de Bergerac. Élude sur une question relative à la vie de
saint Front, par le Nicoinlc dk Goiuciics. membre des Comités historiques. In-8° de 128 pages
et de 0 planches représenlant des monnaies, des sceaux, des aigles et des fragments romans
trouvés à Saint-Front de Périgucux 3 fr.
221. GU.\RDI.\. — Le Vovagu an Parnasse do Miciiki, Ci:rvantes, traduit en français pour la
première fois, avec une noiicc biographique, une lable des auteurs cités dans le poiime, et le
fac-similé d'un autographe inédit de Cervantes, par J.-M. Glardia, bibliothécaire adjoint à
l'Académie impériale de médecine. In-16 de clxxvi-2i;0 pages. — Avant-propos. — Vie de
Cervantes. Notes sur la vie. — Introduction. — Le voyage au Parnasse. Dédicace. Sonnet :
l'auteur à sa plume. Notice sur l'autographe inédit de Cervantes, reproduit dans ce volume, o fr.
222. II.VIIX-llAllX (de;. — Li;s l'i;iiES du désert, par la comtesse Ida ni; IIaux-Haiin. Ouvrage
traduit de l'allemand, en français, avec l'autorisation de l'auteur, par J. Tuuck. Deux volumes
in-12 de viii-3li et 334 pages. — Premier volume : Le christianisme dans la liberté. Le culte
chrétien. Fêtes et pénitences. Le Bosphore et le Nil. Les solitaires. Le désert. Paul de Thèbes.
Saint .\iiloine. Saint llilarion. Paul le simple. Saint .\nimon, abbé de Nitrie. Saint Pacôme,
abbé do Tabenne. Sérapion le Sindonile. Saint .\rsène. Le bienheureux Mo'ise. Frères Valens,
Éro, Ptolomée. — Second volume : Saint Éphrem le Syrien. Sainte Macrine. Les bienheureuses
Jlarana et Cyra. Sainte Thaïs. Sainte Pélagie. Saint Siméon Stylite. Saint Nilus. Saint Jean
Climaque. Les filles des Gracques. Sainte Marcella. Les bienheureuses Fabiola et Paule. Les
deux Mélanie. — Les deux VDliimes S fr.
223. — II.VLLÉGUEN. — l.'.VR\;omgiE bielonne, celtique, romaine et chrétienne, ou les Origines
BIIÎLIOGUVI'IIIK D'ART ET D'ARCHÉOLOGIi:. 365
armorico-ljrptoiinc?, par lo D'' H. II.vlliîgiex, président di- l'Associalion des médecins du
Finistère. Tome premier. Armorique romaine et chrétienne. In-8" de cvi-478 pages. — Pré-
face. Exposé iîénéral de i'Armoritiue romaine et tlirétienne. Conp dœil sur l'Iiistoire de la
basse Armorique aux V et vf siècles. Rssai sur les oriiiines liistori(iues et cliréliennes de
i'Armorique jjretonne : époques gallo-romaine, armoricaine, armorico-bretonne; Grégoire de
Tours, premier historien des Bretons. Généralités géographiciues. Comtes et comtés, préfec-
tures et évécliés. Monastères et ermitages dans toute la basse .\rmori(iue. État de l'histoire de
la Bretagne avant les bénédictin-. Appendice : dignités de l'empire d'Occident, division admi-
nistrative de la Gaule sous les Romains et après la chute de l'Empire. Concile de Vannes en
4G5. Table de l'analyse historique du carinlaire inédit de I.andévenncc. Charles diverses. —
Ce prciiîier volume, qui sera prochaincincnr suivi d'un second oX dernier G fr.
224. HENRY et LORIQUET. — Corruspondanciî du duc de Mayenne, publiée sur le manuscrit
de la Bibliothèque de Reims, par E. IIhnrv, membre honoraire de l'Académie de Reims, et
Cij. LoBiQUKT, bibliothécaire de la ville. Tome deuxième. In-S" de 411 pages. — Ce volume,
8 fr.; les deux 1 6 fr.
22o. JOL'VE. — Notes archéologiques sur quelques églises nouvellement bâties, ou actuellement
en construction, dans quelques églises de Lyon et dans les environs, par l'abbé Jolve, cha-
noine de Valence, membre de plusieurs sociétés savantes. In-S" de 14 pages. — Église romano-
byzantine de Couzon; église ogivale d'Anse; nouvelle église de Saint-Pierre, à Màcon, en style
roman de la dernière période.
226. JUBINAL. — Étuoks nouvelles sur un vieux poJtc. — Rutobcuf, par Achille Jlbinal, dé-
puté au Corps législatif. In-8° de 16 pages.
227. LABORDE (de). — Note sur la nécessité de publier la nouvelle édition des Chroniques
de JiJAM EitoissAUT, annoncée depuis trente ans, par le comie L. de lAitor.uE, membre de
l'Institut. In-8° de 11 pages.
228. L.\FF1NEUU. — Une vlsite à Notre-Dame de Noyon, ou Description sommaire de la
cathédrale de Noyon et de ses dépendances, par l'abbc Laffineur, supérieur du petit sémi-
naire de Noyon. In-S" de .'5 planches, d'un plan de la cathédrale et de ses dépendances, avec
134 pages de texte. — Histoire de l'église. Plan d.; la cathédrale, description extérieure et
intérieure de Notre-Dame. Dépendances do l'église. Dallage, pierres tombales. Notes. 2 fr.
229. L.\FORGE. — Lv Vieuoe, type do l'art clirétii>n. Histoire, monuments, légendes, par
Edouard Laforcm;. In-4" de xii-3o7 pages et de 6 portraits de la Vierge, dans les catacombes
et aux XI", xiv% xv% xvi' et xvu' siècles. — Vie de la Vierge racontée par les beaux-arts :
Mission de Marie, prédiction biblique annonçant la naissance de la Vierge, vision apocalyptique
concernant la Vierge. Culte do la Vierge, premiers monuments consacrés à la Vierge, dans
les catacombes, au moyen âge. Antiquité et généralité du culie do .Alarie. Produits do l'art
utiles à la religion; motifs de l'admission dans les temples des statues et des peintures reli-
gieuses; comparaison des œuvres do l'art grec avec celles de l'art moderne, sous le rapport
de la morale; clligie de la Vierge sur les monnaies. Antiquité do certaines images do la Vierge,
peintures nombreuses, madones remarquables, images do la Vierge en Orient. Vierges sous les
Grecs et sous les Byzantins, au v" siècle, sous différenls costumes, sous Cimabiie et son école,
sous Raphaël et les modernes. lùiipressemonl de l'art il représenter Mario Immaculée, etc. —
Ce beau volume , de l'inipriinerie l'enin âo fr.
230. LAG.VRDE. — GunoMQi:E do Maitre Guillaume de l'uylaurons sur la guerre dos AIbi-
aO<J AN.NALLS AlICIlÉOLOGIOL KS.
groii (1202-1272), trailiiilc du latiiii avec uno inlroduclion et des notes, pur (;ii.\iili> Laoaiide,
profossouf d'iiistoirc. monibro de lu Bociétc arclnSolof-ique de Bézicrs. In-t2 de x\\iv-314 |mges.
— Inlroduclion. Prologue. Saint Itornard, abbé dcClairvaiix, maudit le chiitcau de Vcifeil.
(JliiUcau (le l.avaur occupé ()ar les liérélicpiu.-*. l)iscus>-ioii soutenue par l'évoque d'Albv sur
l'aposlji.-iio de l'ierro de Dercns. Généalogie dos très-illustrcâ comics de Toulouse, l-'ulcrand.
évéïpie de Toulouse. Débats solennels ii .Monlréal. Origine de l'ordre des Frères- Prêcheurs.
Pierre, roi d'Aragon, épous(! Marie de .Montpellier. Prise de Bé/.iers. Soumis-ion de Car-
cassonne. Siège et prisn de la forteresse do Lavaur. Siège do Casicinaudary. .Massacre de la
milice toulousaine. Pierre de Bénévent, cardinal, est envoyé comme légat pour traiter de la
paix, elc 2 fr. 30 c.
i'i\. LANULOIS. — SouvE.Mii.s du pèlerinage ii Pouy-Sainl-Vinccnt-de-Paul (24 avril 1864).
Inauguration de la chapelle et do l'hospice construits au lieu où est né saint Vincent de Paul,
par Ai.i-iioNsi; Langlois. In-18 de 31 pages et d'une planche 30 c.
232. LA PORTE (de). — TaiisoR iii^nALDiQi'i': d'après d'Ilozier, .Ménéiricr, Boisseau, etc.,
comprenant : 1» la clef du blason et des armoiries; 2° le livre d'armes des familles illustres de
France; S" le recueil des armoiries des villes et des provinces, par A. de La Poiite, membre
de plusieurs sociétés archéologiques. In-r2 de xiv-320 pages, avec de nombreux dessins
dans le texte. — Les clefs du blason : avertissement sur l'origine des armoiries. — Première
partie do i'écu : des divisions et des émaux de l'écu, des ûgures du blason, des attributs des
figures. — Deuxième partie, pièces dont on entoure l'écu : timbre, supports, devises, ordres,
orneiiicnls des dignités. — Troisième partie : index alphabétique des termes de blason. —
Quatrième partie : édits, règlements et ordonnances concernant les armoiries. Le livre d'armes
des familles illustres de France. Armoiries des princijjales villes de France. Aperçu historique
et géographique 2 fr.
233. l,\SrFVIiIF (de). — Oiiskrvation.s critiques sur le Trésor de Conques et sur la description
qu'en a donnée M. Uarcel, par F. dk Lvsticviiie, membre de l'Institut. In-S" de 23 pages.
234. LF BUU.N-DALBANNE. — Le Trésor do la cathédrale de Troycs, par Le Brun-Dai.basxe.
In-S" de 43 pages et de 3 planches, représentant un coffret en ivoire, des émaux, une aumc-
nièrc, sous leurs faces dilîérentes. — Sculptures, reliquaires, émaux détachés, anneau, crosse
et calice de l'évèque liervée; coffrets et aumonières des comtes de Champagne.
233. LF LIÈVRE DE LA MORINIÈRE. — Li:s Rois à Vannes. Représentation bretonne des
rois mages. Notice, par M. Li: Lièvre de Lv MoRiNiiiRE, contrôleur des postes. In-8° de
8 pages 75 c.
236. LE LIÈVRE DE LA MORI.XIÈRE. — Notice historique sur les Postes en France, depuis
leur origine jusqu'en 1789. par Le Lii;vre de La Morinière. In-8° de 28 pages. I fr. 30 c.
237. LÉVÊQUE. — Le Spiritualisme dans l'art, par Charles Lévèque, professeur de philosophie
au Collège de Franco. In-12 de xxiv-184 pages. — Introduction. — Première étude : Ls
Spiritualisme dans la sculpture. — Deuxième étude : Un sculpteur spirilualiste, Charles
Siraart. — Troisième étude : Le spiritualisme dans la peinture, un peintre spiritualiste et
philosophe, Nicolas Poussin. — Appendice : Les origines platoniciennes de l'esthétique
spiritualiste 2 fr. 30.
238. LIN'AS (do^. — Orfèvrerie mérovingienne. Les Œuvres de saint Éloi et la verroterie
cloisonnée, par Charles de Linas. Grand in-S" de 131 pages et de 9 planches. — Considé-
rations préliminaires et diverses. Documents historiques : attribution du calice de Chelles à
BIBLIOGRAPHIF: D'ART et d'archéologie. 367
saint Éloi par plusieurs autorités; manuscrits et proccs-veibaux. Observations sur la gravure
du calice : talents artistiques des clianoinesses de Maubeuge, hachures héraldiques employées
pour exprimer les couleurs. Description du calice : matières qui le constituent, dimensions,
ornementation, caractère d'antiquité, monuments divers, contemporains du calice de Clielles.
Appréciations de du Saussay cl de Dom Marténe, système de M. l'abbé Texier. Œuvres
diverses attribuées à saint Éloi, considérations sur « l'Opus inclusorium ». Caractère spécial
de l'orfèvrerie durant la période mérovingienne, historique de la verroterie cloisonnée. Nature
des substances monices en serticlos sur les œuvres d'orfèvrerie barbare; les barbares ont-ils
pratiqué l'orfèvrerie? « l'halcrœ pectorales » des barbares. — .Mémoire définitif et digne de
l'Académie des inscriptions et belles-lettres sur celte dilTicile question de l'orfèvrerie mérovin-
gienne. — Colorié, 21 fr. ; en noir 12 fr.
239. LONGUEMAR (de). — Compti; rkmiu du Congrès archéologique de Fontenay-le-ComIe,
fait il la société des Aniiquaires de l'OuosI, lo 23 juin 1864, par .M. dk Longue.m.\b, vice-
président. Iii-S" de 40 pages 73 c.
240. MAIiS et WEALIi. — .Vlbim photographique des objets d'art religieux du moyen âge et
de la renaissance, exposés à Malincsen 1801, par J. .Maes; texte descriptif par W.-U. \Ve.\li;.
— Cet album se composera de o8 planches in-folio, représentant 120 objets principaux de
sculptures en ivoire, marbre, bois; de dinanderies, lutrins, chandeliers pascals, couronnes de
lumière; d'orfèvreries diverses, reliquaires, ostensoirs, crosses abbatiales, chrismatoircs, elc.
Les planches seront accompagnées d'un texte descriptif et explicatif par James Wcale. —
L'ouvrage conqjlet 210 fr.
241. .ALVUTIGNV. — Explication d'un sarcophage chrétien du Musée lapidaire do Lyon, par
l'abbé .Martignv, membre de plusieurs sociétés savantes. Iu-8" de 04 pages et d'une planche
représentant le sarcophage. — Notice préliminaire sur les sarcophages chrétiens en général,
et sur ceux de la Gaule en particulier. Description du sarcophage du musée de Lyon :
résurrection de Lazare, guérison du paralvti(pic, prédiction du reniement do saint Pierre,
guérison d'un aveugle. Job 2 fr. 60
242. M.VRTIN. — Le PiîLEmNAGE de Sainte-Anne d'Auray, suivi d'une notice historique sur
les environs, par le P. Anrniin Martin, de la compagnie de Jésus. In-3 2 de 288 pages et de
5 planches. — Découverte de la statue miraculeuse. Fondation de la chapelle. Pèlerinages.
Miracles. Notice sur ce qu'il y a de plus remarquable dans les environs de Sainte-Anne :
Notre-Dame de Rethlèem. Kcrloi. La chapelle Saint-Michel-du-Mont. La Chartreuse. Chapelle
expiatoire du champ des Martyrs. Ville d'.Vuray 1 fr. 2o.
243. M.VriIIEU. — Les grandes processions il Marseille depuis lo moyen âge jusqu'à nos
jours, par Joseph Mathieu. In 18 de 104 pages. Mémoire intéressant pour la liturgie
dramatique.
244. MAUREL. — Giide pratique de liturgie romaine, par lo P. Antonin Mairel, do la
compagnie de Jésus. In-12 de xvi-4ijl pages. — Première partie, notions générales : origine
et définition do la liturgie, droit do liturgie, langue et livres liturgiques, décrets des Congré-
gations. -• Douxièmc partie, notions particulières et pratiques : édifices liturgiques et objets
sacrés employés dans la célébration du saint sacrifice et dos oirice>; sacrements, sacramonlaux,
bréviaire ou heures canoniales; fôles, reliques et saintes images; culte des bienheureux;
bénédictions, processions, prédications, chant liturgique. Cimetières, tombe.iux, épiliiplios,
funérailles 3 fr.
308 ANNALES AIlClli;0I.O'',|OIi:S.
iV). MAZiiCRK. — Rkciikiiciiks liisloriqiios sur lu ciiiiton de RiWcoiirl, arrondissemeni do
Com|)i(';.'JU) (Oise), par Liio.N AIa/ikiii:. Ituillv, f^arlepont el Olievinroiirl. Troi^i lirorliiirc- in-8»
do 1 5, 20 el 23 pages. — lînscmblo :i fr.
il(i. MAZiiClii;. — lli:i:iiKii(;iii':.s liislori(|ues sur le canton de Hiliécourl. arrondissomcnl do
Conipiè),'iio, par I.kon MA/itiii:. (^anibroinic. In-8" do Ifi pages 2 fr.
247. iMIoI.LKVILLIi. — Le I'assaui; de l'.Visne par Julc^s César, l'assietlo do son camp el la
silualion de liihrax. Nouvelles rcclierclies sur ces divers points de la guerre des Gaules, |iar
Mellevii.i.i:, ineinbro do plusieurs sociétés savantes. In-8° de 46 pages, avec une carte du
passage (le l'.Visne et du champ de bataille do Jules Césarà Saint-Thomas (Aisne). — Historique.
Lieu de rasseniblemonl dos Belges. Passage de l'Aisne par Jules Cé.sar. Emplacement du camp.
Marche des Belges sur le camp de César, situation de leur campement. Emplacement du camp
de Titurius. Lieu du combat do l'arrière-gardo belge. Résumé 2 fr.
248. MiîMoiiiKs de la Ci)iiiinission des antiquités du département de la Cole-d'Or. Tome sixième,
rreiniére et deuxième livraisons. I862-I80.{. In-i» de l\vi-2I2 pages el de 14 planches
représentant le plan et la façade de la Sainle-(;ha|)ollo do Dijon, des détails d'intérieur et
d'architccluro, l'ostensoir de la Sainte Hostie, le tombeau de Gaspard de Saulx, seigneur de
Tavannes, et les pointures murales do l'Église de Bagnot. — Compte rendu des travaux de la
Commission, par AL Mic.nard. secrétaire. Essai historique sur la Sainte-Chapelle de Dijon,
parJ. d'Ariiaumont, membre litulairo. Pièces justificatives et additions. Unépisodede l'histoire
municipale do Dijon, pir M. Ghassijt, membre titulaire. Rapporta M. Henri Baudot, président,
sur les fouilles exéculéos au plateau dit do « Latidunum », en 1863, par Lucien Coctant,
associé correspoiidanl. Noie explicalive de l'inscription découverte dans les fouilles, faites en
janvier ISii.'i.aux lliermes gallo-romains du bourgdeVerlaut, ou « Landunum », parE. Photat.
Rapport sur li's pcinlures murales do l'église de Bagnot, par IL Itu dot, président. — Chaque
livraison ii fr.
249. ilÉMouui sur le déplacement do l'IIolol-Dieu d'Angers. In-16 de 1o [)ages.
250. Mkmoikes (11- la S'ociélé iin|)(M-ialo archéi)loi.'ique du midi de la France. Tome VIL Années
1833 il 18(10. In-l" de vi-394 |iagos, avec 13 planches et cartes représentant sainte Marthe el
la tarascpie, la vingt -sixième stalle du chœur de Sainte-Marie d'Aucli; lo plan des cryptes de
la basilique de Sainl-Salurnin, leur coupe; la façade orientale du mausolée de saint Thomas
d'Aquin; le plan du grand préau des Jacobins; la carte des ruines romaines du Dahra (Algérie);
les pierres tombales de Longrua de Arocha, abbesse de Goujon, et de Bernard de Rupé, à
Goujon ; l'église do Rieux ; la façade el la piscine do l'église de Cazères. — Essai iconographique
sur sainte Marthe, par l'abbé Canéto. Inscriptions romaines, par A. du MiiCE. Los cryptes de
Saint-Saturnin, par A. d'Aldéguier. Les ruines de Pompéiopolis, par Louis Bunel. Notice
sur l'église dos dominicains de Toulouse, par A. Ma.navit. Monographie de l'abbaye de
Granselve, par Jougf.ar. Notice sur les antiquités de Mimizan, par le vicomte de Lapasse.
Études d'histoire el d'archéologie sur l'invasion de l'Afrique septentrionale par les Romains,
par AzÉMA DE MoNTGRAviER. Vislto BU Camp romain nouvellemonl découvert a Saint-Porquier,
par Devals aîné. — Ce volume 20 fr.
251. MILSAND. — L'Esthétique anglaise. ÉludcsurM.JoiiN' Ruskin", par J. Milsand. In-I2de
xii-'180 pages. — Préface. — Quelques aperçus sur les trois formes de poésie nommées les
beaux-arts, el sur la longue enfance de l'esthétique. Où la peinture était arrivée sous l'influence
des idées qu'on s'était faites de l'art. Le réveil do l'imagination au commencement de notre
siècle. Les conséquences différentes où il a abouti en France et en Angleterre. M. Ruskin : ses
BJBLKJGliAI'IIIE D'AIi'f ET D'ARCHEOLOfi lE. 369
idéps sur la renaissance et ses écrits sur i'archileclure et sur la peinture ; la part qu'il y a faite
au beau, à limaginalion et à la vérité. En quoi il a réusèi, en quoi il a échoué 2 fr. 30
252. MONTI.Al'R 'de). — L\ Vu-; d le Rôve, par le marquis E. dk Montlair. Iii-I2 de
\iii-l90 pagp:;. Livre de poésie et de bon sens à la fois.
233. MONTRONf) (de). — Les Architectes et les sculpteurs les plus célèbres, par Maxime de
MoNTROND. ln-12 de xviu-'l90 pages et d'une planche. Troisième édition. — Ervin de
Stcinbacli fxiii"^ siècle). Pierre de Montereau (xiii' siècle). Jean de Pise (12. ..1320). Ârnoifo
di Lapo (1332-1400). Giotio '1266-1336;. Brunelleschi (1377-1414). Alichel-Ange (1474-1.364).
Germain l'ilon (1313). Jean (ioujon (1320-1372). Philibert Delorme (13... 1577). D. Fontana
(1543-1607). Rommi (1398-1680:. P. Puget [1722). Soumet (1711-1781). Canova (1747-
1822) 83 c.
234. Notice descriptive do l'église de Montfort-l'Amaury (Seine-el-Oise), et de ses vitraux.
In-8" de 16 pages 30 c.
233. OiicAMSATiON de la Société d'agriculture, des sciences, arts et belles-lettres du département
de l'Aube. Cinquième édition. In-S" de S3 pages.
236. PÉHANT. — Catalogue méthodique de la Bibliothèque publique de la ville de Nantes,
par É.MILE PÉiiANT, conservateur de la Ribliollièque rie Nantes. Trois volumes grand in-S"
de xxiv-663, 674 et 688 pages. — Premier volume : sciences religieuses, philosophiques et
sociales. Second volume : sciences naturelles, exactes et occultes; arts. Troisième volume :
belles- lettres. — Ces trois volumes 24 fr.
257. PEIGNÉ-DELACOURT. — Recherches sur divers lieux du pays des Silvanectes. fitudes
sur les anciens chemins de cette contrée, gaulois, romains, gaulois romanisés et mérovingiens,
par Pi:iGNi';-Di:i,Acoii.T, membre de plusieurs sociétés savantes, In-8" de 112 pages... 3 fr.
258. PETIT. — Notice sur Château-Renard (Loiret) et ses châteaux, par Petit, avocat, juge
de paix du canton de Cliàteau-Renard. In-8" de ii-128 pages et de 10 planches représentant
l'église et les châteaux de Château-Renard. — Origine de Château-Renard, ses châteaux et ses
seigneurs, statistique et description, organisation jutliciairc, instruction, viabilité, commerce,
industrie, cultes, conununautés religieuses, abbayes, prieurés. Notes et pièces justifica-
tives 3 fr.
239. PIERUET. — Mamei, d'archéologie pratique, par l'abbé Tii. Pierret, docteur en théologie,
arclii[)rètre do Rethel. In-8" de xvi-334 pages. — Avant-propos. — Première partie, de la
construction dos églises : nécessité pour les ecclésiastiques d'étudier l'archéologie sacrée, but
que se propose l'auteur de ce livre. Emplacement des églises, leur isolement, leur style el
leur orientation. De leurs plan, dimensions, proportions, beauté et solidité. Toit, voûte, pavé,
nefs, portes, fenêtres et colonnes des églises. Endroit où doivent être placés les chantres.
Matière, forme, gradins, dimension et emplacement des autels. Autels portatifs. Sacristie cl
ameublement. Fonts baptismaux. — Deuxième partie, de l'ameublemonl des églises: richesses
dos anciennes églises, principe d'unité à suivre dans l'amoublonient des églises, mobilier d'uno
chapelle des catacombes, mobilier d'une église du xui'' siècle, et celui d'uno église du xvi*.
Confessionnaux, chaire, etc. — Troisième partie, do la décoration des églises : sentiment du
beau^ art chrétien, unité. Scul[)luro, règles à suivre touchant les statues. Peinluiv murale,
vitraux, boiseries. — Appendices : des cimetières, de l'orgue. — Ce volume 3 fr.
260. PIERRO.N. — Histoire de la littérature grecque, par .\lexis Pierron, professeur au lycée
XXIV. /|8
370 ANNALKS AliClIÉOLOGIOLES.
Louis-lo-Grand. Troisième ôdilioii. I11-I2 do vii-580 pQj;es. — l'réliminairog. lj\ ()0(^sic grecque
avant lIomiTo. llomùro. l'oésioâ élégiaques, ïambiquo, cliolïumbiquc. Lyriques éolions cl
doriens. l'indaro. Tlifelo^îicnset pliilosoplies poiUes. Prcniiùrcs compositions en prose. Origines
du llii'iUro gri'P,. Docadonce do la trajiédic. Ancicnno comédie. Autres poi'les du siècle de
l'ériclès. Ancienne oloi|ucnco polili(|iip. Sophistes. Orateurs de la fin du v siècle avant J.-C.
Orateurs du iv" siècle avanlJ. -G. Gomodie moyenne. Comédie nouvelle. Littérature alexandrins
cl litténituro sicilienne. Écrivains des trois derniers siècles avant J.-C. Écrivains grecs
conloin()nniins d'Augusle et des premiers empereurs. Écrivains du siècle des Antonins.
Pliilosoplies ale\:in(lriiis. Historiens et so|)liistes du troisième siècle. École d'Athènes.. 4 fr.
2GI. l'IIiUllON. — llisToiiii; de l.i lilléralurc roniaino, par Alexis ['ieiiro^', prorefseur au lycée
Louis-lc-Grand. Troisième édition, ln-12 do xii-C54 pages. — I^angue des Romains. Les
cinq premiers .siècles do Riime. La prose latine avant Caton. Cnton, Knnius, Piaule, Gécilius,
Térence. Poètes comiques contemporains do Tèrencc. Satire, Lùcilius. Tragédie, Pacuvius et
Atlius. L'histoire depuis Caton jusqu'à César. L'éloquence depuis Caton jusqu'à César, et
depuis les Gracques jusqu'à Gicéron. Cicéron, ses correspondants. Varron, César, Sillusle et
Cornélius Népos, Titc-Live. Historiens contemporains de Tite-Livc. .\ulres prosateurs du
siècle d'Auguste. PoiUes élégiaqucs. Ovide, Phèdre, les Sénèque. La satire après Horace. Les
deux Pline. L'histoire depuis Tite-Livo jusqu''d Tacite. Tacite. Écrivains des deuxième,
troisième et quatrième siècles. L'histoire au quatrième siècle. Les derniers prosateurs. Les
dernîers poiHes 4 fr.
tiG2. l'ICiliOX. — Xoiivi:\u guide descriptif et historique du voyageur dans le Monl-Saint-Michel,
])ar l'abbé !•;. A. Pigicon, membre de i)lusicurs sociétés savantes, ln-18 de 121 pages et de
4 plaïuhes. — La cité. Le monastère. La basilique de l'Archange. Décoration intérieure de
l'église avant 1793. Chapelles diverses. Le sanctuaire. Pèlerinages.
'i(S3. POIîTTIî. — Lkgende do l'églisn do La-Haut, suivie d'une notice sur la fontaine Saint-
Ouentin, située dans les bois d'HoInon, par Cii. Poktte. In-8" de 10 pages. — Se \end au
|)rolil do la restauration de la fontaine Saint-Quentin 30 c.
2Gi. PONTÉCOUL.\NT (i'e)-— .Mlsék inslruiiicntcil du Conservatoire de musique. Histoires el
anecdotes, par le comte Ad. de Pomécoulant. In-18 de 197 pages. — Musée instrumental.
La harpe de M""= de Lamballe. Un tympanon. La harpe de Cousineau. La vielle de M"" Adélaïde.
La lyre de Fabry Garât. Le piano de voyage de Beethoven. Le clavecin de Han Roukers. Une
épinetle de I(il7. Un violon bavarois. Le violon de Baillot 2 fr.
2Go. PRESSENSÉ ;de). — Le Pays de l'Évangile. Notes d'un voyage en Orient, par Ed.mo.\d
DE Pressensé. In-12 de 334 pages et d'une carte de la Palestine. — Avant-propos : les pèle-
rinages el les voyages en terre sainte, grandes divisions géographiques de la Palestine. Notes
de vovage : la Basso-Égypte, Alexandrie, le Caire, les Pyramides, ruines de .^lemphis. La
Palestine : de Jaffa à Jérusalem, la Ville-Sainte, Béthanie, le .Mont des Oliviers, la mosquée
d'Omar, le Saint-Sépulcre. Bethléem, la Mer-.Morte, Hébron, la Samarie, Sichem, le Puits
de Jacob, le Carmel, Nazareth et le lac de Tibériade, Tibériade et Banias. — Épbèse, Beyrout,
Smyrne, .Mhènes, Constantinnple, le Bosphore; d'Athènes à Venise, le Parlhénon. Trois jours
dans le Péloponèse, Corfou, Veni>c, le retour 3 fr.
2Gi'>. Pnocics-VEUiiAix de la Commission départementale des antiquités de la Seine-Inférieure.
Tome premier. 1818 h 1848. In-S" de viii-436 pages. — Rapports sur dos antiquités, abbayes,
construrlions romnines, autels, bas-reliefs, cathédrales, églises, chapelles, chapiteaux, cercueils,
cirques, châteaux, croix, châsses, camps, dalles tuiiiulaires, peintures à fresques et autres,
BlBLlUGr.Al'lllE D'ART ET D'ARCHEOLOGIE. 371
dessins divers, fragments de conslriictions romaines, grilles et porles, inscriptions, monnaies,
musées, mosaïf|ues, etc. Notices diverses. Keclicrches iiistoriqiies. .M. l'abbé Cochet est le
principiil promoteur et auteur de ce volume qui commence une importante série.
267. RABUT. — IIuiitvtions lacustres de la Savoie, par Laurent Rablt, professeur de des-
sin, membre de plusieurs sociétés savantes. Un volume in-8° de 73 pages de texte et un album
grand iii-4" de 16 planches représentant des poteries, des objets en bronze, etc. — En ce
moment, les habitalions lacustres sont ii l'ordre du jour, comme les antiquités gallo-romaines
et césariennes. — • Le volume et l'atlas 8 fr.
268. Rappoiit de l'administralion de la Commission impériale sur la section française de l'expo-
sition universelle do I8G2, suivi do documents statistiques et ofTiciels et de la lisle des expo-
sants récompensés. In-l" de viii-266 pages. — Introduciion. Aperçu général de l'exposition.
Opérations do la Commission impériale. Opérations du jury des récompenses. Service financier.
Documents de statisticpic. Première partie : documents relatifs il la section française de l'expo-
sition, divisions de l'agriculture et do l'industrie, des beaux-arts, résultats financiers. Seconde
partie, documents relatifs à l'ensemble de l'exposition : division de l'agriculture et de
l'industrie, division dos beaux-arts, résultats financiers. Documents officiels Lisle des
exposants récompensés dans la section française. Plan du palais de l'exposition montrant les
emplacements occupés par les diverses puissances, et la disposition générale de leurs instal-
lations.
2G9. Relation du siège do Prague par les Autrichiens, en \'i>. In-li, sur papier vergé, de
20 pages. — Titre rouge et noir, charmante impression de .M. Uarnier de Chartres.
270. RESTOUT. — Essai sur les principes de la pointure, par Jean Restout, peintre ordinaire
de Louis XV, publié avec des notes, par U. de Edii.mignv do L\ Londe, membre de plusieurs
sociétés savantes. In-8" de 6i pages, d'un fac-similé d'une lettre de Jean Restout et de son
portrait. — Note sur Jean Restout et sur son « Essai ». Principaux peintres du nom de
Reslont, spécialement .lean (deuxième du nom), et son œuvre. Principaux traits de la vie de
Jean Restout (IG92 à 17681. — Notes. — Renseignements utiles ou curieux sur la pratique do
la peiiitiiic 3 fr.
271. RLCSS. — lIisToiiir- du Canon des Saintes écritures dans l'église chrétienne par Edouard
Reuss, professeur ii la Faculté de théologie do .'Strasbourg. Seconde édition. In-S» do viii-i32
pages. — Usage de l'ancien Testament dans l'église apostolique. Les écrits des apôtres dans
l'église primitive. Premières origines d'un recueil d'écrits apostoliques. L'hérésie. Le catholi-
cisme. Les collections usuelles vers la fin du second siècle. Bibliographie. Les troisième et
quatrième siècles. Statistique rétrospective. Essais do codification. É.;;lise d'Orient. Église
d'Occident. Théorie et terminologie. L(î moyen Age. La renaissance. Le ciitholicismo olliciel
et moderne. La théolocic des rèformaleurs. Les écoles confessionnelles. La critique cl
l'Église '. « f'--
272. REV.NIER. — Catai.ocie do la bibliothèque communale de Marseille, par J.-B. REVNiEn,
conservateur. Histoire. Tome premier. In-S" de xiv-alî pages.— Introduction. Bibliographie,
Histoire, Géographie, Voyages, Chronologie, Histoire universelle. Histoire des religions et des
superstilions. Histoire du clergé et des ordres religieux, avec l'histoire particulière de leurs
fondateurs, réformateurs et généraux ; Hagiographie; Histoire ancienne, Histoire générale el
particulière de la Grèce, Histoire de l'Italie, du peuple romain et de ses empereurs. Appendice
il l'histoire ancienne. — Ce premier volume, qui sera suivi de plusieurs autres.. . ii fr. 50 c.
■M2 ANNAI.KS AllCIi l'OlJJGlQUKS.
27.'t. IlOlllCHT. — OiiioiNiis ilo l'aris l'A do lotilrs le;» communes, liarncaux, rlii'iicaux, etc., «les
(l(''|>arl(!niciils (lo la Soino ol do Soine-(!t-Ois(>, par J.-B. Koiikiit. ivlymolugip8, cullcs et ccré-
iiioiiii's roligieiisoB, usagos, supRriitilions, Ptc. Tomo premier. Première livraison. In-S" de
xx\Mi-l2() pages. — Iniroduclion. Dcscriplioii <ks dt-parlornents de la Seine et de Seinc-cl-
Oisc : anciens peuples (|iii liabilaicnl ce territoire, rivières el ruisseaux, étangs et marais,
sniMces d'eaux minérales, bois et forêts, sominels principaux, voies dites romaines. Départe-
ment de la Seine, Paris : Paris sous la domination romaine, Paris sous les Franks. — Cet
ouvrage sera publié on six livraisons, qui formeront deux volumes in-8", et qui paraîtront de
mois on mois. Chaque livraison 2 fr. 50 c.
274. ROIilîItT. — iNTKni'RiÎTATioN naturelle des pierres et des os travaillés par les liai)itants
priniilil's (les (Jaules, par le docteur JacicMc KonEiiT. ln-8° do 24 pages.
27.J. liOi'.IIA.MBR.VU (i)i;). — ÉriDi; sur les origines de la Gaule, appliquée à la vallée du Loir
dans le Vendomois; habitations celtiques, par A. I,. de Rochambkau, membre de plusieurs
sociétés savantes. Deuxième édition. In-8" do .'!'J pages avec 2 plans des grottes de Rocham-
boau el du lireuil.
27G. ROLLER. — l.i; I)o(;mi; dans les catacombes do Rome, par Tu. lioi.i.ER, pasteur. In-S"
de 40 pages 7.5 c.
277. ROSSIGNOL. — Monoguai'mies communales ou Étude statistique, historique et monu-
mentale du département du Tarn, par Éi.iu-A. Rossignol, membre de plusieurs sociétés
savantes. Première partie, .\rrondissement de Gaillac. Tomo U. Canton de Gaillac. In- 8° de
398 page.s, avec une carte du canton de Gaillac el 8 planches représentant des détails de
sculpture de l'église de Roumanou (Tarn), le château de Mauriac, les peintures de la tour Pal-
niata, des détails de sculpture de l'église Saint-Michel, une cheminée en bois à Gaillac et une
miiison en pierre ;i lirons. — .\per(;u historique sur le canton de Gaillac. Communes de Mon-
tans ol Saint-Martin-du-Tour, de Drons, de Lagrave, de Rivières, de Labastide-.Montfort, de
liernac, de Castanet, de Cestayrols, de Fayssac, de Broze, de Senouillac et de Gaillac. Histoire
intérieure de la ville de Gaillac, ses seigneurs el ses droits, privilèges des habitants, adminis-
tration iimnicipalo des consuls, événements et institutions particulières; iiistoire ecclésiastique
de la commune, S(s paroisses et ses établissements religieux, etc. — Ce volume deuxième. 7fr.30c.
iia. ROUYER et DARCEL. — L'aiit auciiiticctijhai. en France, depuis François I" jusqu'à
Louis XIV. .Motifs de décoration intérieure el extérieure, dessinés d'après des modèles exécutés
el inédits des principales époques de la renaissance, comprenant lambris, plafonds, voûtes,
cheminées, portes, fenêtres, escaliers, grille-, stalles, autels, chaires à prêcher, confessionnaux.
tombeaux, vases, candélabres, etc., par Eigène Rouveb, architecle, ancien inspecteur aux
travaux flu Louvre; texte par Ai.fri:u l)ARc.!ii,, attaché à la conservation des Musées impé-
riaux, correspondant du Comité des monuments historiques. Livraisons 63 à 74. Grand in-4">
de 24 planches représentant des détails du château de Versailles, de l'hôtel de ville de
La Rochelle, du château de Baynac Dordogne); le salon du ministère des travaux publics, le
plafond en bois du château de Oyron ; Deux-Sèvres), el la galerie d'Apollon du Louvre. —
Chaque livraison t fr. 60 c.
279. RUPRICH-ROBERT. — L'Eglise Sainle-Trinite (ancienne Abbaye-aus-Dames) el l'église
Saint-Élienne (ancienne Abbaye-aux-Hommes), à Caen, par V. Ruprich-Robert, architecte
du gouvernement. Grand in-8" de 101 pages, avec 4 planches donnant les plans des églises
Sainte-Trinité et Saint-Etienne, la vue restaurée de l'église Sainte-Trinité. De nombreux des-
sins sont distribués dans le texte i fr.
BllîLIOdHAHHIE DART ET D'ARCHÉOLOGIE. 373
280. SAINT-ALBIN di: ol DURANTIN. — Le P.u.ais de Saint-Clold, résidence impériale,
par Philippe de Saint-Albix, bibliothécaire de l'Impératrice, et Akjiaxd Dubantin. In-8" de
257 pages avec le plan du palais de Saint-Cloud. — Historique du palais de Saint-Cloud. His-
toire et description de chacune de ses pièces isolément 6 fr.
281. S.\UVAGEOT. — Monoghapiiie de la chapelle de Notre-Dame de La Iloche, tc.xte, dessins
et gravure, par G. et L. Sauvageot. Grand in-4° de 18 pages et de 27 planches dont 4 en
couleur. — Cet ouvrage devrait être aux mains de tous les architectes et artistes divers qui
aiment à reproduire le plus beau style du xiii" siècle ." 2.5 fr.
282. SCIIAEl'KENS. — Extraits d'anciens registres de rentes et de biens de l'église Saint-
Servais h Maestriclit, jjar .S^lexaxdre Schaepkexs, président de la Société d'archéologie dans
le duché de Lindwurg. In-S° de 23 pages.
283. SCHAEI'KLNS. — Rlvoi.te à Maestricht, en 1539, par Arnaud Sciiaepkens. In-S" de
7 pages. — Traduction tVaiiraiso d'une relation llamandc sur une sanglante révolte, relation
intéressante au point de vue de l'hisloire locale du Liinbourg et de l'histoire générale du duché
de lir,d)ant.
284. SCIIALI'K1;NS. — CAnTUi-AiRES de l'ancienne prévôté de Meerssen , par Alexandre
SciiAEPKENs, président de la Société d'archéologie dans le duché de Limbourg. In-S" de
19 pages.
285. SEUBOIS (de). — Souvenirs de voyages en Bretagne et en Grèce, par L. de Serbois.
In-12 de3il pages. — Des voyages et des voyageurs. Guérande. Succinio, un château féodal.
La légende de saint Gildas et le monastère de Saint-Gildas. Vannes, l'ancien collège et le
Kloarek. Auray. Le l'.irdoii de Saiiile-Anne d'Auray et les idées religieuses dans le Morbihan.
Carnac et ses monuments druidiques. Saint-Kado, légendes. Langue et littérature bretonnes.
Lorient. Ilennebon, ou du poëme épique. — Morée : Corinthe. Les lacs Slymphale et de Plio-
nio. La chute du Styx. Le couvent de i\légaspiléon. Phigalie et Bassée. Un chapitre do Polybe.
La plaine de Togée 'î fr.
286. Sl'AClI. — Études sur quelques poêles alsaciens du moyen âge, du xvi' et du xMi' siècle,
par L. Spacii, archi\ isle du département du Bas-Uhin. ln-18 de 169 pages 2 fr.
287. St'.ACII. — Écrivains alsaciens du xvii'' siècle. « Simplicissimus ». Roman de l'époque de
la guerre de trente ans, par L. Spacii, archiviste du déparlemenl du Bas-Uhin. Iii-S" de
33 pages.
288. SPACII. — Une excommunication de .Mulhouse au xiii' siècle, par L. Spacii. Grand in-8"
do 16 pages.
289. SPACII. — Saint Léon 1.\, le pape alsacien, par L. Spai-.ii. Grand iii-S" de 27 pages.
290. SPACII. — Lettre d'indulgence en faveur du chapitre de Surbourg, par L. Spacii. Grand
iii-8" de 8 pages et d'une chromo-lithographie représentant la lettre d'indulgence.
291. SPACII. — L'ardave do Noubourg au moyen Age et la navigalion du Rhin, par Louis
Spacii. Grand in-S" do 19 pages.
292. SPACII. — L'ARCiiÉoi.oiiui: Jlri:.mie-Jacques (_)rerlin, par L. Si'vcii. (ir:md in-s° de
13 pages.
293. STATZ und UMII'WlTri.R. — Ckhiiisciie Musteruucii (Le livre dos modèles gotliiques),
37/i ANNALF.S AIlCIIKOl.OdlOUKS.
par V. Statz et C. L'.SGi;\vrrTi:ii, avfc une introduction par A. ItKii.iiKNsr F.nGcn. Prcmièro
livraison; grand in-4"dc 18 pages de Icxlo ft do 12 plandios, donnant des modèles d'alpliabcls,
do fonôtros, furruros, otc. 1,'ouvragc aura (|uin/,o livraisons, l'rix do chacune... 8 fr. 50 c.
29i. TAUBl"'). — Coi.i,i;<:tiov dos poi'los de Cliampa;;no antérieurs au xvi* siècle. I^ roman do
l'oiilcnie de Candie, par lliciiiiKitT Liiuui:, de Daiineinarlin, publié par l'iiosi-Ei» Tvhbk. In-8» de
Lxix-228 pages. — Notice sur Herbert Leduc do Dannemartin, et le « Roman de Foulque de
Candie ». Chansons. Noies sur les noms d'Iiomuies, de villes et de pays qui se trouvent dans
le « Roman de Foulque de Candie ». Glossaire 8 fr.
î^o. TARltK. — CoLLiccTioN des pot'lcs de Champagne antérieurs au xvi' siècle. Le roman des
quatre fils Aymon, prince des Ardonnes, par I'iiospkh Tmuif;. Iii-S" do x\iv-l37 pages. —
Notice sur le « Roman dos quatre fils Aymon ». Le roman 8 fr.
296. T.\RBÉ. — Collection dos poêles de Champagne antérieurs au xvi' siècle. Les œuvres
do Blonde! do Néelo, par I'iiosi>i;ii Tarhé, membre do la Société des antiquaires de la Mo-
rinio. In-8° do lv-238 pages. — Notice sur la vie et les œuvres de Blondel do Néele. Ses
chansons. Notes et variantes. Notice relative au nom, a la patrie et à la famille de Blondel de
Néelo. Chansons du roi Richard. Poésies relatives au roi Richard et à Blondel. Pièces à
l'appui. Glossaire des chûnsons de Blondel. — Ce volume 8 fr.
297. TARBÉ. — Collection des poètes de Cliampaiine antérieurs au xvr' siècle, f'oé.-ies d'Agnès
de Navarre-Champagne, dame de Foix, par Prospeii TAnBÉ. In-S" de xli-63 pages. — Pré-
face sur la vio et les œuvres d'Agnès de Navarre. Poésies d'Agnès de Navarre : rondeaux,
complaintes, ballades, chansons balladées, chanson royale, le lay du paradis d'amours, le lay
d'amoureux nriercy. Noies, gloss;iire 8 fr.
298. TCHIHATCIIEF (he). — Li: liospiioiiE et Constantinople avec perspective des pays
limitrophes, par P. de 'rciiiii atciief, membre correspondant de l'Inslilut, associé à plusieurs
académies savantes. Grand in-8° do xiii-589 pages, do doux cartes topographique et géolo-
gique du Bos|)lin[-e et de la contrée limitrophe, de neuf planches représentant Constantinople
vu du iiiilais de la Légation impériale de Russie, la vallée de l'Ilermus, les sources salines de
Touz.Ia, les sources d'.\kbounar et dlnova, le pont naturel de Pambouk-Kalessi, les dépôts de
Travertin il Pambouk-Kalessi et la plage de 'l'elianak-Kalessi ; en outre, neuf dessins dans le
texte. — Première partie : relief du pays et cours d'eau, système hydraulique de Constanti-
nople, îles, le règne animal, la chèvre d'.\ngora, chasse et pèche, végétation, considérations
sur les richesses minérales, météorologie, congélation de la mer Noire, séjour d'été sur les
rives du Bosphore, excursion sur le littoral occidental de l'Asic-Jlineure. — Deuxième par-
tie : roches éruplives, terrain dcvonicn, considérations sur le terrain devonicn du Bosphore,
terrain tertiaire, terrain quaternaire. — Ce volume 15 fr.
299. TIIIÉB.VUD. — Le Dicpaut ou nouvelle phase de la question liturgique dans le diocèse de
Besançon, par l'abbé Tiiiicbaud, chanoine de Besançon, vicaire général honoraire de Reims et
de Montauban. In-8" de 50 pages.
300. TUOCIIli. — Notice historique sur l'ancienne commune do Bellcville, annexée a Paris, et
sur sa nouvelle église en style du xiii' siècle, par N. M. Trociie. In-12 de x-98 pages, avec
une planche représentant cette belle église, bâtie par Lassus.
TABLE DES MATIERES
DU TOME VIXGT-QUATRIÈME
JANVIER-FEVRIER
l'ages
TEXTE. — I. Mosaifiue do Soiir, par M. Julien Durand 5
]I. La Grande-Chàsse, ûniaiix , par le D'' Cattois 11
III. Onzième station du Chemin de la croix, par M. BAitBiFn dv. Moxtaui.t '27
IV. Triomphe de la Chasteté, par M. Diduon aîné , 38
V. Un calice du xvii" siècle, par MM. Paui. et Louis be Farcï 55
VI. Un architecte du Pas-de-Calais , par M. DionoN aîné 50
VIL L'Archéologie et l'art en Pologne, par M. Staxishs Khzvzanowski 58
VIII. Dibliograpliie d'art et d'archéologie 03
DESSINS. — I. Mosaïque de Sour, l'Hiver, par MM. Pomba et Mautel 5
II. Encadrement de la mosaiquo de Sour, par MM. Ld. Didiion et L. Chapon G
III. Plan de la Grande-Châsse, par M. Ci,. Sauvaceot 11
ly. Détails des émaux de la Grande-Chàsse, par M. Cl. Sauvaceot 17
V. Clou de la Passion, par MM. Éd. Didron et L. Chapon 31
VI. Titre do la Croix, par MM. Ki>. Didron et L. Chapon 35
VII. Calice du wii'' siècle, par MM. Paul et L. de Farcy, gravé par M. A6. Vabin 55
MAUS-AVHIL
TEXTE. — I. Tapisserie du xiii'' siècle, légende de saint Martin, par M. .\. Darcel 73
IL Chapelle abbatiale de Saint-Jean-aux-Bois, par M. Louis Sauvaceot 85
m. Iconographie de saint Pierre et de saint Paul, par M. le comte de Saint-Laurent 03
IV. Les Harmonistes des \ii'' et xiii" siècles, par M. K. de Coussemaker 103
V. Iconographie de l'Opéra, par M. Didron aîné III
VI. Bibliographie d'art et d'archéologie 139
DESSINS. — I. Tapisserie de Saint-Martin, xiii" siècle, gravée par M. Martel 73
IL (;hcvet de Saint-Jcan-aux-Bois , i)ar M.M. L. et Cl. Sauvaceot 85
III. Coupe transversale de Saint-Jean-aux-Bois, par MM. L. et Cl. Sauvaceot 89
IV. Bénitier de Saint-Jean-aux-Bois, par MM. L. Sauvaceot et L. Chapon 80
V. Carrelage de Saint-Jcan-aux-Bois, par .MM. L. Sauvaceot et L. Chapon 87
VI. Entrée de l'abbaye de Saint-Jean-aux-Bois, par MM. L. Sauvaceot et L. Chapon 89
VIL Plan de Notre-Dame de la Roche, par MM. L. Sauvaceot et L. Chapon 01
VIII. Triomphe de saint Pierre, gravé par M. Gaucherel 93
I.\. Saint Pierre et saint Paul sur une bnlle du xiii' siècle, par .MM. Gaucherel et L. Chapon 90
MAI-.H IN
TEXTE. — I. Triomphe de la Mort, par M. DinnoN aîné 115
II. Iconographie de saint Pierre et de saint Paul, par M. le romie de Saimt-Laubent Ui|
III. Devis estimatif de la chapelle do Saint-Joan-aux-Bois, par M. L. Sauvaceot 173
IV. Los couvents de Saint-Grégoiro et de Simo-Pclra au mont .\llios, par M. DiimoN aîné 177
V. Bibliographie d'art et d'archéologie 191
370 1 wu.y. i»i;s matikut-s.
DESSINS. I. 'I riuni|ilio du riiriAt. I,C8 l'atriurrlic», par MM. I,. Du» ■■. .■ .i ■, (,i. StivAcrOT.. J45
II. l'i'iiiliiri- liyzaiilhie Biir boiii, gravide par M. L. Caichkaki 101
III. r''n'S(|iii! (Ii's Ciilaromlios, Kravi'ir par M. !.. Ctir.iitnKi Wll
IV. l'Iuiir nord (le Saiiil-Jeaii-aux-liuis, par MM. L. et Cl.. Saivaiip.ot l'^l
V. Coupe loiigitiidiiialo de Saiiil-Jeaii-aiix-Bois, par MM. L. et Ci.. Salvaceot 170
JllI.I.ET-AOUT
TEXTE. — I. Ooscriptioii de la mosniquo de Sour, par M. Jui.ikx DumjiD 205
II. Histoire de la pointure sur vcrio. Appendice i l'introdiiriion et Vitraux inrolores, p.ir
M. Kii. DihiiON 211
III. Le style ogival en .\nglclerre et en Norniamlie, par M. rKi.ix iiK VfiiXKii.ii 220
IV. lcouof;rapliie de saint Pierre et de saint l'aul, par M. le comte de SAi\T-LAtnE>T 238
V. Chandelier du w" siècle, par M. A. Dmicei 218
VI. Palme et llole du martyre . . 253
VII. Réforme litmgiquc de Noyon en 1770, par M. le haron iie la I'ons-Mélicoo 257
VIK. Publications de la société d'.Aruudel 258
I.\. Concours de peinture sur verre, par M. Dinnox aink '-lil
DESSINS. — I. Mosaicpic de Sour, Saisons, Vents et premiers Mois, par MM. Pomba et .MinTti.. . 205
II. .Mosaiiiue de Sour, Saisons, Vents et derniers Mois, par MM. Pomda et MAnrtx 209
m. Pierre de Fayet, chanoine du xiv' siècle, par MM. Ko. DinnoN et L. Chapon 22i
IV. Nervures de Péterboroug et de Wincliester, pur MM. F. de Viunkilh et L. Cii\po\ 233
V. Nervures de Roniscy et de Cambridge, par M. F. de Veunkilii et L. Chapon 235
VI. Chandelier du xv" siècle, par MM. A. Daicol et An. Vabim 248
SEPTEMBRE-OCTOBRE
TEXTE. — I. Iconographie de saint Pierre et de saint Paul, par M. le comte de Saixt-Lairent. . 2t;i
11. L'art chrétien au congrès de Malines, ])ar M. le docteur CAnTtvvEi.s 271
III. Mosai(|ue de Sour (suite et fin), par M. Julien Dirand 28G
DESSINS. — 1. Sarcophage des premiers siècles chrétiens, gravure de M. L. Gaucherel 204
II. Mosaïque de Sour, détail, par MM. Pomih et Mmitei 286
111. Inscriptions diverses de la mosaïque de Sour, par .M.M. Pomba et Mabtel 288
NOVEMBRE-DÉCEMBRE
TEXTE. — 1. La Champagne et Notre-Dame de l'Kpine, par .M. Didron aine 293
II. Ciboire du w" siècle, par M. A. Darcel 320
III. Félix de Verneilh, par M. le baron de Gi ilhermï 32i
IV. Traités inédits sur la musique du moyen âge, par M. E. de Coissemakeb 330
V. Charleniagne et Roland, par M. Didbon aîné 3i9
VI. .Vrchitectes de la cathédrale de Prague, par MM. Kssenwein et Dxrcel 351
VII. Marché pour une verrière du xvi' siècle, par M. L. Desciiamps de Pas 333
VIII. Récompenses officielles, par M. Didron aîné 351
I\. Ribliographie d'art et d'archéologie 356
DESSINS. — I. Ciboire du xv» siècle, gravure de M. Ad. Varin 320
11. \iir,iil lie Cbaileniagne et de Roland, xiii' siècle, dessin de Lassis, gravure de M. Martel 349
FIN Dr TOME Vl\GT-Ot VTRIÈME.
ABIS. — J. CLAVF, IMPRIMF-IR, Rl'K SMVT-CCNOIT, 7.
N Annales archéologiques
7810
A54
t. 24
PLEASE DO NOT REMOVE
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