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Full text of "Annales archéologiques"

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ANNALES 


ARCHÉOLOGIQUES 


l'Aïus.   -  iMPiiiMi;i;ii;  ui;  j.  c.i.ayi; 

n  i:  i;   s  .u  ti  t  ■  n  i  n  o  i  r  .    " . 


AXNALKS 


ARCIIÉOLOGIOLES 


i>Arv  DiDiiON  alm: 

stxiiÉTAinK  t)K  i.'ancies  comitr   iiisTonKjue  des  auts   et  «oîiiimests 

MEIIUHE    Ui:    l.'l.NSTITL'T  ROYAL   DES  A  HCIIITECTES  BR  I  TANMQl' ES 


TOMi:    \  INCT-OIATRIKME 


PAIUS 


i.ii'.i;  Aii'.ii:  M'.cii  i-.oi.oi.ini  i:  ni.  nictoi;  didiion 

m   I      s  l  1  N  I     IMl  M  I  M  0  I  I  -  >  A  I  N  T  - 1. 1:  n  U  M  N  ,    î  3 

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/>Ji/4r  far  /fit/ftin.:,X  nw  Sf /htautit^iif  .l'/ti'i''/Uri.r 


A.NAALF.S 


ARCnÉOLOGIOlES 


MOSAiOUi:   DE   SOIR 


SllTE    '. 


Le  pavé-mosaïqiic  rapport»;  de  Syrie  est  un  ouvrage  composé  de  petits 
cubes  en  pierre  formant  des  dessins  coloriés  et  appelé  par  les  anciens  «  opus 

tesscllatiiin  -   >.  Il  couvrait  presque  tout  le  sol  d'une  petite  église  dont  le  plan 

I.  Voir  les  «  Annales  Archéologiques  »,  vul.  xxiii,  p.  iOi).  —  Les  deu\  gravures  publiées 
iuijdiinriiui.  la  [neiniéro  sur  métal  cl  la  seconde  sur  bois,  ilunncronl  une  idée  sulVis.in(o  do  l'exo- 
cutioii  du  la  Miusaï<|ue.  I.a  gravure  sur  métal  représcnic  la  pcrsonnilication  de  l'Hiver,  Xiiui;tT«. 
On  la  retrouvera  dans  lo  plan  général  au  Lus-côlé  du  nord  ou  do  gaucho,  rangée  do  gauche. 
ncuvicmc  nicdailloti  en  partant  du  bas.  Dans  le  |>rocliain  article,  .M.  J.  Durand  en  donnera  l'expli- 
cation, ce  (|ui  nous  dispense  d'en  parler  ici.  l,e  fond  d'où  elle  se  deliiclie  est  blanc,  et  les  fdets  du 
médaillon  sont  colorés  dans  cot  ordre,  do  l'intérieur  il  l'extérieur  :  noir,  jaune  foncé,  jaune  plie, 
lilanc,  noir,  rouge,  violet  cl.iir,  blanc  et  noir.  L'inscription  est  noire.  Les  ailes  sont  on  jaune  |>ile. 
bordées  d'un  lilet  en  jaune  foncé.  Le  va.s<<  il  long  col  est  tilanc,  avec  Uindes  cl  cannelures  jaunâ- 
tres; il  est  bordé  d'un  Tilet  noir.  Les  plantes  qui  sortent  do  la  bouche  do  ce  vaso  sont  vertes.  Le 
vêtement  du  personnage  est  bl.inc  ornliré  do  gris,  de  iioirAtn'  et  de  noir;  il  est  borde,  en  dtsUiu 
et  en  dehors,  d'un  lilet  noir.  Li  ligure  et  le  cou  sont  de  carnation  rouge  |ti)le  et  fos4'<<.  I.O'»  stiur- 
rils,  les  paupières  et  la  boucho  .sont  noirs.  Les  yoiix  sont  blancs  il  la  comt<c,  noirs  à  U  prunelle. 
Des  reliauls  d'un  rouge  foncé  accusent  les  contours  du  nez,  dessinent  les  lévr\*s  et  lo  menton.  Ld 
gravure  est  exacte;  mais  le  ilessin  primitif,  incornvt  et  mou,  n'a  pu  prendrx>  kulti  sa  minent, 
sous  la  morsure  du  graveur,  l'Aprolé  do  cette  rudo  ligure  d'Hiver.  (.Voir  i/m  ihrfcleitr.] 

i.  L'usage  des  pavés-mosa'i'ques  en  |M>tits  cuIh^s  [«  pavimenld  lessrllala  •)  a  commence  axini 
l'èro  chrétienne;  il  a  ete  adopté  dans  tous  les  |iiiys  i|ui   ont  forme  l'eiiipiro  ronuin,  car  on  « 


f)  ANNAi.i;s  Aii<;iii:oi,0(;i(.)i;i;.s. 

ost  un  |);iralli''li)f^iamiiic  h  trois  liav(';<'s  ou  nefs.  La  porlion  du  sol  restant  à 
(Ircouvcrt  l'oniiail  le  sancluairc,  qui  csl  coniposi;  de  doux  parties  :  dans  l'une 
rlail  |)l;i(i''  l'auti'l  |)riiicipal.  on  haut  do  la  nef  centrale;  dans  l'autre  se  trouvait 
l'aiitrl  di'  la  I'  prollièse  »,  ou  table  d'(t(Torloire,  toujours  placé  au  nord,  et  en 
usa^e  dans  les  cérémonies  de  la  messe  selon  N;  rit  i^vc  (ie  dernier  endroit 
est  r.ii-ilo  à  i-i'c(iniKiiln'  sur  le  plan,  au  Ixnil  <l'  la  traNÔo  ou  nef  latérali;  do 
{gauche 

Le  grand  ((jinparlinicnl  plact;  an  itas  do  la  nof  centrale  est,  sous  le  rapjxjrl 
de  l'art,  lo  morceau  capital  du  pavé  dont  nons  nous  occupons.  Il  est  étendu 
cdMinH'  un  lai't;-!'  cl  beau  la|)is  à  rrnir{'M'  inrino  di'  la  grande  nef.  C'est  |iar  Ini. 
coinmi'  il  isl  jn-lo.  (|no  jo  dois  commencer  ma  description.  Lne  bordure,  com- 
posée d'une  largo  torsade  se  déroulant  entre  deux  lignes  festonnées  de 
«  postes  ».  on  l'ornu!  le  cadre.  Kn  voici  nii  grand  di-lail  ([ni  permettra  d'en 

Hos  \iyuK   i)K   SOI  ri. 


i>i:taii,    im;    [.  i;\  i:  adu  km  K-\t    dans   \.\    nef   ctVTnAi.K. 

juger  mieux  ragencemoni  ;  c'est  d'an  goût  (lue  l'antiquité  ne  répudierait  cer- 
tainement pas.  De  ([natre  vases  à  deux  anses  placés  dans  les  angles  s'élan- 
cent dos  branches  do  vignes  dont  los  rincoanx  élégants  sont  habilement  dis- 
posés de  façon  à  onlacor.  coinine  dans  nne  suite  de  médaillons  formant  sept 


dL'cuuvorl  (le  ces  pn\c'^  jii>imo  ijan?  la  (iraiulc-Bretagno.  Cet  u?age  a  continué  en  Orient  pendant 
tout  le  bas  empire  et  en  Occident  jusqu'au  \ni'  siècle  environ.  J'ai  donné  quelques  renseigne- 
ments sur  plusieurs  pavés  d'Orcideiit  d.ins  les  «.annales  Arcliéologiques  »,  t.  xv.  p.  2:23;  t.  x\n, 
p.  1 19,  et  t.  x\,  p.  57. 


MOSAIOLK   L)l-:  SOLIi.  7 

li;;nes  superposées,  des  figures  isolées  ou  groupées  d'hommes  et  d'animaux. 
r-\ainiiioiis  chacun  de  ces  sujets  en  commençant  par  en  haut.  .Sur  la  première 
ligne  nous  voyons  d'abord  un  renard  :  il  court,  il  se  sauve,  emportant  un  coq 
dans  sa  gueule;  en  pendant,  une  poule  mange  tranquillement  avec  ses  pous- 
sins, dont  un  est  perché  sur  son  dos  '.  Entre  ces  deux  sujets,  un  enfant,  une 
espèce  do  petit  génie  en  pied,  debout,  tenant  de  la  main  gauche  une  sorte  de 
vase,  assiette  ou  petit  plateau,  et  de  la  droite  un  fruit  probablement.  Cette 
figure  allégorique  domine  tout  le  tableau,  auquel  elle  semble  |)résider.  .Sur  la 
seconde  ligne,  une  panthère  poursuit  et  atteint  un  cerf  qui  se  sauve  au  galop. 
Puis  lin  lii)ii,  assis,  guette  et  attend  sa  proie;  cette  proie  est  une  gazelle  {|ui 
se  retourne  et  bondit  en  regardant  le  lion.  Cette  ligne  est  incomplète,  un  des 
sujets  a  été  détruit.  La  troisième  nous  oiTre  des  sujets  champêtres  :  deux 
brebis  couchées  dos  à  dos;  un  petit  berger,  assis,  jouant  de  la  double  llùte; 
un  animal  dont  il  ne  reste  guère  (|uc  les  jambes  et  une  partie  de  la  tète;  enfin, 
un  p(!lil  villageois  conduisant  par  la  longe  un  mulet  chargé  de  paniers  que 
remplissent  des  raisins.  Les  den\  premiers  médaillons  de  la  (|ualrièmc  ligne 
renferment  un  cheval  au  Imt  et  im  lièvre  qui  fait  son  repas  en  mangeant 
un  raisin.  Au  centre  de  celte  ligne  et  de  tout  le  tableau  est  un  pressoir 
dans  liMiiii;!  d(,'ux  enfants  sont  occupés,  l'un  h  serrer  la  vis  de  l'inslrument, 
l'aulre  à  fouler  le  raisin  dont  le  jus  sort  en  avant  et  coule  dans  un  réci|)ient  ; 
le  second  personnage  lève  les  bras  et  lient  dans  ses  mains  un  objet  que  je  ne 
|)uis  (ir'sigiier,  mais  (|ui  ressemble  à  une  grande  lyre. 

Dans  les  médaillons  suivants,  (ni  voit  un  écureuil  et  un  serpent.  Au  premier 
abord  l'écin-euil  paraît  un  peu  gros,  surtout  >i  on  le  compare  avec  le  lièvre 
(|ui  est  de  l'autre  côté  du  pressoir;  mais  il  faut  remar(|uer  (|ue  le  dessinateur, 
en  composant  son  tableau,  ne  s'est  pas  beaucoup  préoccupé  des  proportions  : 
il  s'est  contenté  de  iiiii|)lii-  l'espace  de  façon  que  l'ensemble  des  détails  pro- 
(liii>il  iiiir  liiniiiiiiie  agréable  à  l'u'il.  l)'aillein-s  il  iir  peut  y  avoir  de  doute 
sur  raiiiiii.'il  l'ii  (|iirstii)n  :  son  museau  |)ointu  et  la  pose  de  sa  (|ueue  indi(|uent 
évidemiiiriil  Mil  (■curciiil.    n   l/i'cin-euil   à  longues  soies  (dit  Oppien),  animal 

I .  Il'  riMMiil  i|iM  (Mii|iui'li-  iiii  coii  cl  II)  poiilu  <|iii  r.til  ii)iiii};or  ses  |i<)ussiiis  r.i|i|M>llonl  Ips  iiu^iiim 
siiji«ls  si»l|ili'S  liiilt  iTiits  iiiis  |iliis  Uird,  l'ii  I IHO.  iiii  jii1m>  du  K.ioiirl,  on  llrdii;;!!!».  Nous  ii\on» 
rctroiivo  les  iii^im>:<  .sujets  s('ul|it(>s,  ru  xn*  siùdc,  sur  le  (lorl.iil  laliTiil  nord  dp  Li  l'jlluHlmlp  dn 
Modi^iio.  Ajirès  les  iirticlos  do  5I.M.  Vici|li<t-l(>-[)uc  |tiVo  ot  di<  (ïuiltioriny,  «pri^  Id  crnvure  du 
julx^  (lu  l'aouol  \\,\r  M.  (iiiuilicri'l.  |iulili(»  diins  les  volumes  II  el  III  des  •  AniMle^  V 
<|ui's  »,  (m;;i's  2lS  cl  II,  il  c-l  inulile  d'entrer  diins  des  delails  sur  le  n»n.ird,  le  (tx|  et  I  i  . 
sullii'ii  il  nus  Incleurs  de  roviiir  lus  nrlicles  nii  ces  sujeU  sunl  ox|>lii)ues.  Ce  qui  nous  iin|iflr(o  iri, 
c'est  de  Tiire  renionler  l'i  une  iiu>si  liiiute  iintii|uitt<  rlirctienno  ces  expluils  du  n-iiiird  qu'on  !K>m- 
liluil  n'iiltnl'ucr  i|u'.iii\  \ii'  cl  M.r  siècles.  (  \olt<  ilr  M.  Itulnm. 


8  ANNALKS  All(:ilfv()l,f)(;i(.)i:  KS. 

liiiiidr'  qui.  il.iii-i  l.i  s.iixiii  Ix-ùLintc.  oppose  on  élevant  «a  (luetie  un  al)ri 
iialiin;!  aux  rayons  <lc  l'astro  du  jour  ».  Pline  fait  la  niônic  remarque  en 
parlant  des  écuirouils  :  "  I,ciu'  f|iieuc,  f^arnic  de  plus  de  poils  f|ue  le  reste  du 
rorps,  Ictu' Sfrt  d'abri  »  '.  <^)uant  au  serpent,  j'avoue  f|u'cn  le  regardant  sur 
la  mosaïque,  je  iir  ra\ais  j)as  examiné  assez  minutieusement;  depuis  j'ai 
ii'iiiar(|ui'  sm-  les  (Ic-sins  très-exactement  faits  sous  la  direction  de  M.  Ivlouard 
Didiuii,  si  SCI  ii|iiiliii\  (l.tns  CCS  matières,  que  cet  animal  a  une  tète  étrange 
et  ([ui  ressemble  à  celle  d'une  oie.  Cette  particularité  m'a  d'aulanl  plus  sur- 
pris, qu'il  n'y  a  dans  le  reste  de  la  mosaï(|ue  aucun  animal  fabuleux  ou  fan- 
tastique, ni  aucun  monslre.  Après  tout,  puisqu'il  en  est  ainsi,  ajoutons  k 
l'écureuil  de  Pline  cette  phrase  du  grand  naturaliste  :  «  On  a  vu  des  serpents 
aux  pattes  d'oie  »  -. 

Sur  la  cini|iiiènie  lii;-ne  imc  ]i;intlière  s'enfuit;  un  petit  homme,  armé  d'une 
lance,  court  en  sens  inverse;  un  lion  semble  descendre  dans  le  bas  du  tableau 
en  l'ugissanl.  Le  reste  est  détérioré;  on  distingue  cependant,  sur  le  dernier 
médaillon,  l'avant-ti'ain  d'un  cheval  au  galop. 

La  ligne  siiivanle  otlVe  un  mélange  d'animaux  en  course  ou  au  repos.  Ainsi 
un  ours  poursuit  une  autruche;  un  chien,  armé  d'un  collier,  s'élance  du  cùlc 
d'un  tigre  qui  s'en  inquiète  peu.  ([ui  est  assis  et,  levant  la  patte  droite  de 
devant,  semble  jouer  comme  un  chat.  Puis  vient  un  cheval  au  repos,  la  tète 
penchée  et  mordant  une  branche  de  vigne. 

Dans  la  dernière  ligne,  une  lionne  court  de  toutes  ses  forces  du  côté  d'un 
petit  honmic  ariiu'  d'une  lance  qui  s'enfuit  et  jette  l'alarme.  Enfin,  une  gazelle 
en  repos,  relevant  la  lète  et  paraissant  brouter,  termine  la  série  de  ces  char- 
mantes figures. 

Ces  rinceaux  renferment  donc  actuellement,  comme  on  le  voit  sur  la  gra- 
vure, six  hommes,  vingt-sept  animaux,  plus  un  petit  écureuil  et  cinq  petits 
oiseaux  perchant  sm*  les  branches,  en  dehors  des  médaillons. 

Comme  on  peut  le  renianjucr.  il  y  a  dans  tous  ces  sujets  un  mélange  de 
tranquillité  et  de  mouvement,  de  paix  et  de  guerre,  qui  semble  avoir  été  ainsi 
disposé  pour  représenter  ce  qui  se  passe  un  peu  partout  sur  la  terre.  Comme 
il  n'y  a  rien  en  tout  cela  que  de  très-naturel,  la  figure  du  petit  génie  qui 
occupe  le  sommet  du  tableau  pourrait  être  considérée  comme  la  personnifi- 
calion  de  la  Nature;  si  c'était  une  figure  de  femme,  on  pourrait  y  voir  encore 
la  l'ortuiie  ou  la  Concorde,  en  raison  de  la  similitude  qui   existe  entre  ces 

I.  Oi'PiKN,  0  l'oumc  sur  la  chasse»,  traduction  de  Belin  de  Ballu.  —  Pline,  traduction  de 
M.  Littré.  I.  I.  p.  m. 

"2.  Pline,  traduction  de  M.  Liltro.  t.  i.  p.  j68. 


mosaïque  Dt:  SOLR.  9 

représcntafions  symboliques,  telles  qu'on  les  remarque  sur  des  monuments 
antiques  (médailles,  diptytiues,  manu>crits,  etc.),  et  ce  petit  personnage  de  la 
mosaïque  ;  mais  malheureusement  le  costume  est  trop  court  pour  que  ce  soit 
celui  d'une  femme.  Quoi  qu'il  en  soit,  tous  les  sujets  du  tableau,  malgré  les 
contrastes  qui  y  sont  figurés,  présentent  un  ensemble  harmonieux  et  qui  plaît 
à  l'œil  ;  c'est  comme  dans  une  symphonie,  où  les  mouvements,  tantôt  vifs, 
tantôt  lents  et  modérés,  se  relient  habilement  et  forment  un  concert  agréable 
h  l'oreille. 

La  bordure  en  torsade  qui  entoure  le  tableau  que  je  viens  d'analyser,  et 
les  vases  d'où  sortent  des  rinceaux,  sont  des  motifs  d'ornementation  employés 
dès  l'antiquité  et  pendant  tout  le  bas  empire.  La  belle  mosaûiue  des  courses 
du  cirque,  aujourd'hui  au  musée  de  Lyon,  est  entourée  de  deux  larges  bor- 
dures dont  l'une  est  une  torsade  et  l'autre  un  rinceau  élégant  sortant  d'un 
vase.  Une  autre  mosaïque,  découverte  à  Brocas  dans  les  Landes,  et  publiée 
dans  la  «  Guienne  monumentale  »,  offrait  un  carre  dans  les  angles  duquel  on 
voyait  des  vases  d'où  sortaient  de  simples  rinceaux,  sans  aucune  adjonction. 
Va\  18^|.).  011  découvrait  en  Algérie  (Orléansville)  le  pavé  entier  d'une  basi- 
lique chrétienne  un  peu  plus  grande  que  celle  de  Sour.  Sur  ce  pavé  mosaïque, 
qui  paraît  avoir  été  recouvert  et  peut  cire  déiruil,  on  voyait,  parmi  plusieurs 
autres  iiiolifs  d'ornements,  un  carré  ayant  dans  ses  angles  quatre  vases  d'où 
sortaient  des  branches  de  vigne  chargées  de  fruits;  une  grappe,  pendant  au 
centre  entre  deux  colomiettes  simulées,  avait  eu  peut-être  une  signification 
symbolifiue  plus  réelle  que  celles  de  notre  mosaïque,  où  le  pressoir  en  forme 
de  croix,  semblable  h  d'autres  instruments  du  même  genre,  qui  se  voient 
([iifl(|iicf()is  dans  les  sujets  de  vendanges  chez  les  anciens,  est  placé  à  un 
endroit  trop  peu  honuiablo  pour  être  considéré  comme  une  ligure  du  signe  do 
notre  salul.  Dans  les  |)iemiers  siècles  de  l'Iiiglise,  les  chrétiens  pouvaient  voir 
partout,  sur  (iiiantilé  de  monuments  payens,  la  forme  do  la  (Iroix  et  le  mono- 
gramme (lu  Christ,  ciiinine  je  les  vois  aujourd'hui  sur  des  vases  grecs,  sur  des 
mosaïques  et  autres  obji^ts  aiiti(|ues  ;  ils  pouvaient,  en  em|)runlnnt  ces  formes, 
cacher  des  symboles  de  leur  croyance.  Mais,  avant  ([u'ils  ne  les  aient  volonlai- 
rcmeiil  placés  sur  le  sol  foulé  aux  pieds,  il  s'est  écoulé  plusieurs  siècles.  Je 
sais  qu'en  m'exprimant  ainsi,  je  no  suis  pas  de  l'avis  de  M.M.  Umaii  cl  do 
Rossi  ;  mais  je  me  borne  à  faire  cet  aveu,  car  je  ne  pourrais  potirsiiivn»  plus 
longtem|)s,  ici,  des  observations  (|ui  seraient  lro|)  longues  sur  colle  qucsiion, 
(|iii  m'ii  toujours  paru  obscure  cl  compli(|uée. 

De  cha(]iie  côlé  de  l'église  de  Sour  et  enire  les  bases  di'S  riiu]  proiniôrçs 
colonnes,  la  inosaï(iiie  forme  un  lablcaii  h  pari,  ciilonnWle  sa  bordure  cl  con- 

XMV.  2 


10  ANN.M.KS   AltClIKOl.OCIOUKS. 

louant  dciiv  riniiiiaii\  f|iii  cdiiichI,  l'im  sur  l'-iiilre;  c'osl  iiiio  cliassi;  en  huit 
sujets  dont  (inulre  à  gauclie  ou  au  nonJ  et  (|uatrc  Ji  droite  ou  au  sud.  Kn  com- 
inenrant  par  eu  has,  au  nord,  on  voit  un  k''"s  chien,  es|)^f•e  de  lévrier,  avec 
colliei',  courant  sur  un  li(';vrc  qui  tourne  la  t(Me  pour  regarder  son  enneuii.  Puis 
un  tigre  poursiii\;iiit  un  (iii.iijruix'jde  dont  il  ne  reste  que  le  train  de  derrière;  sa 
grosseur  et  la  l'orme  de  ses  pieds  pernietlcnt  de  supposer  que  c'est  un  bo'uf. 
Puis  un  oiu's  pnursuivani  un  clu'val  el  un  lion  rourant  sur  lui  corf. 

De  r.iulic  cùli'.  un  chien,  orné  d'un  collier  au(|uel  paraît  attaché  un  grelul. 
jjoursuit  un  du  \al.  In  tigre  ou  léopard  court  sur  un  taïu'eau.  In  lévrier  noir, 
le  cou  entouré  d'un  collier,  s'élance  sin-  un  lièvre.  Knfni  une  lionne  va  atteindre 
un  sanglier  '. 

(^es  groupes  d'aniniaiK  sont  bien  dessinés,  ils  sont  d'une  plus  grande 
propoilinii  (|u(!  ceux  de  la  nef  centrale.  I.es  combats  d'animaux  étaient  fré- 
quemnuMil  cuijiloyés,  comme  motifs  d'ornementation,  par  les  anciens,  qui 
savaient  toujours  les  traiter  et  les  disposer  avec  beaucoup  de  goût.  Sous  ce  rap- 
poit.  il  serait  intéi-essant  de  comparer  la  mosaïque  de  Sour  avec  une  mosaïque 
découverte  siu'  reuiplaceiiient  de  (larliiai^e.  où  l'on  voit  des  combats  d'ani- 
maux, (les  lionimes  à  ])ied  et  à  cheval  chassant  et  combattant  des  bêtes  féroces, 
chassant  aussi  le  cerf,  la  gazelle,  le  lièvre,  etc.  ;  ])uis  des  courses  en  char,  des 
oi.scaux.  des  arbres,  des  Heurs,  de  petites  croix  et  d'autres  ornements,  le  tout 
placé  au-dcdans  ou  autour  de  médaillons  formés  par  des  enroulements  en  spi- 
rales, pareils  à  ceux  qui  se  voient  ici  à  la  mosaïijue  de  Sour,  dans  les  bas 
ccMés  dont  je  parlerai  dans  la  livraison  pi-ochaine. 

Jui.iK.N    mHAM). 

\.  La  lionne  ost  jaiwio  et  le  saiii;iier  e.st  noir,  cria  va  #ans  liiie;  le  cliien  qui  poursuit  le  tlieval 
est  jaune,  et  le  taureau,  attaqué  par  le  tigre,  est  roux.  Ce.s  couleurs  semblent  se  rapporter  à  ce 
que  dit  Oppien  dans  ces  deux  passages  de  son  poëmo  :  •>  Les  chiens,  qui  portent  la  couleur  de 
Cérès  (  t  (lu  fromenl,  sont  à  la  fois  robustes  et  prompts  ii  la  course  ».  —  «  Les  taureaux  de  Syrie, 
roux.  Torts  et  courageux  ».  (Traduction  de  Belin  de  Ballu.) 


4  t^r-^a 


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LA  r.RWDE  CITASSE 


LES    ÉMAUX  ' 


Depuis  l()iigtem|)s  nous  somuics  eu  retard  avec  les  lecteurs  des  «  Anualcs 
Archéologiques  ».  Nous  n'aurions  point  à  nous  justifier  auprès  d'eux  de  tant 
de  lenteur,  si  la  manière  de  traiter  le  sujet  qui  nous  occupe  pouvait  approcher 
de  son  importance.  On  aura  perdu  de  vue  sans  doute  la  division  que  nous 
avons  adoptée  eu  entrant  en  matière;  qu'il  noussulTise  de  la  rappeler  en  peu 
de  mots.  I.c  grand  et  i)el  objet  cpii  nous  est  échu  en  |)arlagc  pour  le  décrire 
se  présentait  h  mms  sous  trois  faces  distinctes.  D'abord,  nous  y  avons  consi- 
(!i':ré  le  relicpiairc,  ce  réceptacle  consacré  'i  renfermer  les  précieux  restes  des 
corps  saints  ou  divinisés.  Nous  devions  y  voir  ensuite  l'émail,  mélange,  nous 
dirions  pres(|iie  conihinaison  de  pierre  fondue  et  de  métal,  union  ménagée 
pour  leur  mutuel  éclat  ;  et  enliu  l'édicule,  archétype,  selon  nous,  du  temple 

I.  Voir  les  «  Annales  Arcliéologiqups  «,  vol.  xxii,  iwgrs  .'i-ÎO,  comprenant,  avec  deux  gravurw 
(lo  lii  cliAssp,  lu  prt'niior  arlicle  do  M.  le  (lot-teiir  (^iillois.  An  volume  xx.  jinpo  307.  nous  avons 
pul)lii'<  uni)  vuo  (le  l'eiiscinblo  de  l'o  rcli(|Uiiire;  au  volume  xxi,  |>iii;es  105.  107,  lin  et  l'iO,  *anl 
données  quatre  planriies  do  détniks.  Les  plans,  publics  on  t^to  do  col  article,  donneront  une  idco 
préc.i.so  du  la  forme  du  petit  monument  et  toutes  les  varioles  d'émaux  (|ui  épiyont  le  toit,  la 
plan  osl  rn  iToix  dite  urecquo,  ii  liranelies  égale»,  avec  ressauts  s;iillants  et  à  angle»  drvils  d.in* 
les  aisselles  de  cliii(|uo  bnis  ou  croisillon.  C'est  un  plan  aimé  par  les  byzantins  cl  que  les  blins 
ont  que|i|U("f()is  adopté  dans  1rs  baptistères,  les  églis«'S  funéraires  et  les  petites  rlw|>ell<»*.  Ijuanl 
HU\  éniiiux,  l'erhelle  en  est  trop  pi-tilo  au  cinquièmo  d'exirulinn  |H)ur  qu'on  pui.sso  tri>»-nello- 
nieiit,  malgié  la  pointe  microscopiipiu  de  .M.  Claude  Stunagcut,  en  reconnaître  Id  forme;  mai» 
les  qualie  planclies  déjà  pul>lir>es  «  .Vnnates  .\rrliéologiques  »,  vol.  XXI,  pages  J03,  107.  IW  rt 
l!>0)  accusent  cette  forme  comme  sur  l'ubjet  même,  puis^pio  ces  détails  .sont  de  la  grandeur  de 
l'original.  .\  ces  quatre  planches,  nous  en  ajoutons  une  cinquième  du  même  giMirr,  qui  acitèwra 
de  préciser  la  miMi-  l>eaule  de  ceux  de  ces  cm.iu\  ipii  ont  di-s  rinceaux  |iuur  generatrur», 

l\atr  (/m  IHrerlenr. 


12  ANNAI.KS  AIICIIKOLOGIOLKS. 

cliii'liL'ii,  idi'al  du  saiicliiairc  h  réaliser  dans  son  plus  iiia;;niriquc  dévcluppc- 
niciil.  ("est  sous  ces  deux  d<'niiers  aspects  qu'il  nous  reste  Ji  cxan)iner  la 
(iiMiidi'-dliàsse ,  rdini'c  d'ail  de  ("«''inaillfur.  <•!  |i.'  plan  ou  les  belles  lignes 
do  la  concoplion  do  son  auloiir.  I,a  prcniioro  làclic  n'aura  pas  été  pour  nous 
la  plus  (linicilc;  qu'elle  soit  un  litre  do  jjIus  à  l'indulgence  pour  ce  qui  suit. 

lilablissons  avant  tout  un  fait  important  à  constater  :  nous  ne  devons  la 
conscrvalinii  i\r  co  trôsor  d'ail  (|u'à  son  6lat  d'émail  des  plus  parfaits  (|ui 
nous  soit  parvoiiii  jiis(|n'iri.  M  \t-  respect  que  pouvait  inspirer  sa  destination 
l)iriiiii'ii'.  ni  la  plu-  oxcolloiite  représentation  d'un  monument  religieux  élevé 
à  sa  plus  liaulo  puissance,  n'ont  élé  pour  rien  dans  les  motifs  qui  l'ont  mis  à 
l'abri  do  la  dosiruclion  ou  (l(!  l'abandon.  Malgré  toutes  les  déchéances  du 
goût,  malgré  toutes  les  défaillances  du  sentiment  du  beau,  ce  sentiment  et  ce 
goût  sont  toujours  demeurés  planant  sur  noire  édicule  comme  une  auréole 
(i'ailiiiiialinii  (|iii  l(>  soustrayait  à  la  plus  grande  profanation,  le  mépris  de 
l'Iii  r(''sii\  puis  h  ranéaiilisscmenl  dont  celle-ci  pouvait  le  menacer.  C'est  donc 
à  son'  seul  lilro  d'émail  qu'on  doit  rappoi'lcr  son  entière  préservation,  et  bien 
que  rémailleric  soil.  ])Ius  encore  peut-être  en  Allemagne  que  partout  ailleurs, 
déchue  (le  son  ancienne  estime  et  de  sa  vieille  splendeur,  cependant  c'est  au 
iiiilii'ii  (il-  |in|)nlalii)ns  prévenues  cl  ennemies,  c'est  |)ar  des  mains  adverses 
(jiii  i'('|)()iiss(>iil  loiilcs  nos  ])rali(|iios.  Ions  nos  instruments  et  ustensiles  du 
(  iilir  (•allioli(jiie,  ([lie  nous  ont  élé  conservés,  en  pays  pleinement  révolté,  et 
rensoniblo  de  la  (Irantle-Chàsse,  et  ses  plus  précieux  ornements  dans  leur 
])resque  complète  intégralité.  La  passion  du  beau  a  élé  plus  forte  que  la 
haine,  que  l'inimilié  des  idées  et  des  croyances. 

11  est  à  croire  néanmoins  (|u"il  y  a  en.  dans  tous  les  bouleversements  poli- 
li(|ii('s  cl  religieux  des  conlréos  voisines  du  Rhin,  bien  des  alternatives  de 
possession  et  de  dépossessioii  de  cet  inap|)réciable  produit  de  l'orfèvrerie  du 
moyen  âge  :  il  n'y  a  jamais  en.  pendant  plus  de  six  siècles,  de  renversements 
assez  pi-ofonds  pour  qu'il  ait  perdu  son  droit  de  cité  dans  sa  patrie  d'adop- 
tion, el  il  est  resté  aux  lieux  nièiiics  (pii  l'ont  reçu,  jusqu'à  ces  temps  de  tristes 
nécessités  d'argent  (pii  uni  suivi  les  derniers  di''pouilIements  de  tous  les  sanc- 
Inaires.  Ponr(|ni)i  donc  sous  les  lambris  d'or  (pii  l'ont  recueilli  au  milieu  de 
nous  n'a-t-il  point  trouvé  ce  repos,  cette  sécurité  que  le  ciel  de  la  France 
lui  devait  assurer?  La  France,  ce  plus  beau  ilcuron  de  l'empire  de  Charle- 
magne,  ne  devait-elle  pas  à.  jamais  étendre  sa  main  protectrice  sur  cet  enfant 
de  ses  prédilections,  sur  ce  fruit  (|u'on  pourrait  bien  dire  être  de  ses  entrailles 
et  de  son  génie  pent-èlre.  puisqu'apivs  lont,  an  moment  où  il  fut  mis  an 
monde,  elle  n'était  ])rcsque  encore  en  Europe  que  l'exlensioii  de  son  lien  de 


LA  GRANDE  CHASSE.  13 

destination  providentielle'.'  Nous  le  disons  avec  douleur,  la  France,  trop 
oublieuse  de  sa  maternité  adoptive,  n'a  point  fait  son  devoir.  Un  opulent 
seigneur  avait  acquis  noire  châsse  et  il  l'a  vendue.  Un  riche  amateur  en  bro- 
cantage  et  en  archéologie  l'a  rachetée  à  son  tour,  et  il  Ta  revendue,  kqui? 
à  l'étranger,  à  l'ennemi.  11  faudrait  qu'un  jour  il  y  eût  un  département  de  la 
Tamise,  pour  qu'un  retour  de  fortune  nous  rendit  ce  que  nous  avons  perdu  : 
ce  serait  là  une  justice  de  l'histoire. 

V.n  piésence  de  ces  tristesses,  qu'il  nous  soit  permis  d'apporter  h.  la  iiàte, 
comme  nous  les  avons  reçues,  quelques  consolations  pour  l'avenir.  Un  con- 
traste frappant  peut  nous  rendre  de  l'espoir.  11  s'agit  d'un  don  magnifique 
d'un  individu  à  l'Élat,  d'une  famille  à  la  société.  Dans  la  maison  des  d'Albert 
de  Luynes,  l'accord  est  unanime  pour  toute  grande  et  noble  action.  Qui  ne 
connaît  aujourd'hui  ce  fait  digne  des  temps  antiques,  bien  qu'à  vrai  dire  ni 
Saluste,  ni  Cicéron  n'aient  fait  une  aussi  belle  offrande  à  Rome?  Une  collec- 
lioii  de  médailles,  préparée  à  grands  frais,  atteigiiil,  sous  la  main  qui  l'a 
donnée,  une  estimation  (|u'un  gouvernement  seul  ose  affronter.  Plusieurs 
générations  peut-être  y  avaient  travaillé  :  c'était  assez  l'usage  des  grands 
d'avoir  un  inédailler  héréditaiic  L'avenir  de  ce  riche  fonds  in(|uiélait  ajuste 
raison  son  créateur  et  possesseur.  Sans  hésiter  il  l'ajoute  à  nos  trésors  publics, 
en  l'adressant  à  la  plus  belle  fondation  de  nos  rois,  à  la  Bibliothèque  impé- 
riale. Ne  voit-on  pas  en  cela  (iiiehiue  chose  de  la  grandeur  romaine  unie  à  la 
générosité  française'.'  Le  gentillionune,  issu  d'une  famille  originaire  de  l'Italie 
centrale;  le  savant,  adopté  par  notre  académie  des  inscriptions  et  bclles- 
letlres,  .se  montre  là  tout  entier,  grand  seigneur  de  la  cour  de  nos  princes 
d'autrefois,  noble  dispensateur  des  plus  beaux  et  des  meilleurs  fruits  de  s.i 
fortune  et  de  son  talent.  Quel  exemple  à  suivre,  et  quel  nïodèle  à  proposer  ! 
Comme  l'esprit  se  ras.-^ainif  et  se  relève  au  souvenir  d'actes  (|ui  illustrent 
encore  une  vie  déjà  toute  remplie  de  travau.x  impéri.ssables! 

Tant  insister  sur  notre  perle,  c'est  donner  un  peu  la  mesure  de  son  étendue 
|)our  nous.  l,.i  plus  exacte  reproduction  (pii  serait  faite  de  notre  émail,  fùl- 
clle  mille  fois  plus  belle,  n'en  .serait  pas  moins  mille  fois  moins  précieuse  pour 
l'Iiisloire  de  l'art.  Ce  côté  si  imporlani  de  noire  sujet  ne  se  trouvera  pas  moins 
favorisé,  nous  dira-t-on.  par  l'absence  que  par  la  pré.sence  de  l'objet  en  ques- 
tion :  on  n'étudiera  pas  moins  à  Londres  qu'à  Paris  tout  ce  (|ui  touche  h  celle 
ouvre,  restée  encore  bien  obscure  sur  plusieurs  points  intéressants  de  son 
origine.  D'ailleurs  le  Hanovre  aus.sj  possède  sinon  aulnnl.  au  moins  ré(|uiva- 
l.nt  ilr  d'  (|iii  nous  a  été  relire.  Tous  ceux  donc  (|ui  voudront  s'en  prcndn' 
directeuieut  au\  monuments  originaux,  pour  de  sérieuses  et  complètes  éludes. 


\li  ANNALKS  AIIf;ill':OI,0(;iOL'ES. 

.iiiruiil  relie  (loiil)l(j  rossource,  pour  lisiirs  travaux,  de  la  cour  de  Hanovre  et 
(lu  iii(isi>('  l)ril;iiiiii(iuc.  Mais  à  noire  capitale,  il  riiaiK|ucra  un  joyau  (|u'elle 
lioiivail  ajouter  h  «a  couronne  :  n'est-ce  pas  elle,  en  vérité,  qui  est  et  doit  être 
le  centre  où  convergent  tous  les  rayonnements  d'études,  de  recherches  et  d'ef- 
fdils  (!(;  l'esprit?  N'e-l-elle  pas  plus  encore  le  cahinel  de  travail,  l'atelier  des 
l)eaii\-arls.  le  laboratoire  scienlilii|iie  liii  monde,  l'université  dans  le  vrai  sons 
de  ce  mot.  (lu'iHc  n'est,  ;i  tons  égards,  le  salon  de  bonne  com|)aguie  du  |;lol)e 
entier?  Oui.  noire  moderne  Lutècc,  la  (Jrand'Ville  de  Henri  IV,  est  vérita- 
blement le  foyer  de  la  civilisation  ;  et  c'est  pourquoi  nous  vouons  honte  à  (jui 
la  juive,  s'oii'c  à  qui  la  dote  d'un  ornement  digne  d'elle. 

L'émail  consid/iable.  (|iie  nous  avons  un  niomcnt  possédé  sous  le  toit 
d'ini  ('■Iraiincr.  portail  (loin:  en  liii-iiii"'iiie  une  bien  grande  valeur  artisti(iue, 
liistori([ne.  archéologique,  pour  nous  avoir  ainsi,  par  son  abandon  cl  son  exil 
peri)étuel,  an'aclu';  tant  de  plaintes  amèrcs!  Oui,  certes,  il  était  à  lui  seul  une 
mine  inépuisable  de  toutes  sortes  de  richesses  pour  les  scrutations  des  plus 
sérieiiK  el  plus  patients  esprits.  A  son  état  tout  d'abord  se  rattachait  une  pre- 
mière (|neslioii  lie  la  plus  lianle  ini|)o|-|anee.  I'',lail-il  r(!elli'menl  un  travail  des 
Ixirds  du  Uliin,  c'esl-à-dire  in'^  dans  ces  ollicines  septentrionales  qui  s'ou- 
vrirent en  Allemagne,  à  rimitalion  de  ces  fabriques  de  By/ance  et  de  l'Orient 
(pii  ont  tant  étonné  le  monde  par  la  perfection  de  leurs  œuvres;  ou  bien 
n'était-il  pas  une  émanation  même  de  la  belle  et  limiineusc  contrée  que  les 
connaisseurs  et  les  a|ipr(''c'ial(Mii's  de  Toii'èvi'ei'ie  regai"(!ent  coiinnc;  le  di'])art 
de  cet  art,  de  ccM(!  industrie  habile  et  savanio,  comme  elle  semble  l'être  du 
soleil  levant  |K)ur  nous?  Avant  son  éloignemeiit  de  notre  sol  inhospitalier  sur 
une  terre  étrangère,  la  dilTicnlté  ([iie  nous  soulevons  n'a  peut-être  pas  été 
sulïisamment  imuie  par  les  hommes  faisant  autorité  dans  ces  conflits,  et  elle 
s'accroît  aujourd'hui  de  toute  la  distance,  bien  plus  morale  que  physique,  qui 
nous  sépai'e  des  nouveaux  d(''|i()silaii'es  dont  nous  sommes  ;i  bon  droit  envieux. 

(^)u'on  juge  de  Tembarras  où  nous  serions.  (|uanil  bien  môme  le  grand  reli- 
quaire serait  présent  sous  nos  yeux,  puis(|u'on  ne  peut  décider  du  mérite  de 
ces  choses  que  sur  des  nuances  infiniment  subtiles  et  déliées,  à  peine  acces- 
sibles aux  esprits  les  plus  liabilui's  à  les  saisir.  C'est  ce  qu'on  peut  voir  dans 
ces  lignes  de  M.  le  baron  de  (Juast.  rapprochant  entre  eux  sous  les  mêmes 
rayons  du  joiu'.  dans  le  iniMiie  lieu,  rr'glise  de  l.imboui'g  (jui  les  recèle,  deux 
reliquaires  émaillés  de  la  même  épo(|ue,  je  dirai  |)res(|ue  du  même  quart  de 
siècle.  Parlant  des  émaux  cloisonnés  sur  une  |)onmie  d'or  de  l'un  d'eux,  »  ils 
sont,  I)  dit-il,  »  tout  à  fait  exécutés  à  la  manière  byzantine;  mais  les  couleurs  sont 
moins  vives,  moins  harmonieuses  et  les  dessins  très-inféi'ieurs.  En  les  compa- 


LA  GRANDE  CHASSE,  15 

lant  il  ceux  du  reliquaire  son  voisin,  qui  vient  de  Constantinople  et  n'a  qu'une 
vingtaine  d'années  de  plus,  ou  ne  peut  pas  douter  que  l'étui  du  bâton  de 
Saint-Pierre  a  été  fabriqué  on  Allemagne,  et  que  ses  émaux,  bien  qu'imitant 
ceux  de  Byzance,  ont  aussi  été  faits  dans  le  pays.  Voilà,  ajoute  le  savant  anti- 
quaire, une  première  preuve  d'une  imitation  de  l'art  et  des  émaux  byzantins.  » 

Ouelle  variété,  quelle  mobilité  et  à  la  fois  quelle  profondeur  de  perception 
il  faut  avfiir  pour  saisir  ainsi,  dans  des  détails  d'un  fini  insaisissable  à  lant 
d'autres  regards,  des  témoignages  qui  attestent,  sans  crainte  d'erreur,  des 
oiigines  perdues  dans  les  oublis  des  générations  passées  !  Devant  ces  elTorls 
du  sens  le  mieux  doué,  devant  ces  éclairs  du  goût  le  plus  exercé,  on  nous 
pa.'donnera,  je  l'espère,  de  ne  point  encourir  la  responsabilité  de  prononcer 
avec  une  assurance  positive  sur  la  provenance  de  la  Grande-Châsse  :  il  nous 
sera  permis  de  ne  point  décider,  d  un  Ion  absolu,  si  elle  dérive  de  ce  splen- 
dide  Orient  d'où  nous  vient  toute  lumière,  ou  bien  si  son  brillant  organisme 
appartient  à  une  région  plus  ra|)procliée  de  nous  vers  le  pôle;  si  elle  émane 
du  siège  de  l'empire  de  Constantin,  ou  du  siège  de  l'empire  de  Charlemagne. 
Pour  notre  paît  d'impressions  déjà  trop  éloignées,  quoi(|ue  non  elTacées,  nous 
inclinerions  à  croire  qu'elle  aurait  été  donnée  à  notre  Occident  |)ar  Constan- 
tinople, et  nous  serions  induit  à  cette  préférence  d'origine,  non-seulement  à 
cause  de  la  perfection  du  travail  sous  tous  les  rapports  du  dessin,  de  rex(|uise 
fiisifin  (les  couleurs  et  du  plein  succès  de  la  main  d'univrc,  mais  encore  par 
uih;  ;iiilre  considération  que  voici  :  cette  châsse  serait,  selon  nous,  l'original 
de  la  seule  copie  qui  ail  été  faite  d'elle,  pour  le  plan,  l'élévation,  l'îispect 
gém'ial  (In  (l(liMi>  cl  1,1  disposition  du  dedans,  pour  l'ornementation  en 
émaillerie  et  en  sculptures  d'ivoire,  dont  l'agencement  est  entièrement  senn 
hlahle.  Une  modification  sans  importance  les  distingue,  comme  une  côte  ou 
di\isiiiii  (11-  plus  au  dôme,  et  imc  niche  de  plus  aussi  au  tambour  de  la  cou- 
po'c.  Ici  (|ni'  ,^e  comporte  en  son  ensemi)le  le  merveilleux  échantillon  du 
nièiii  •  laiic,  partie  essentielle  du  mobilier  de  la  couronne  dans  la  famille 
l'oyalf  (|r  llaiiuMo.  Combien  imir-.  devons  regreller  île  nouveau  In  .<*i»relé  de 
(•oii|)  d'iiil.  j'aiiiiiiidr.  1,1  science  spéciale  de  M.  Darcel.  pour  as.scoir  un  juge- 
ment (|iii  répondu  iiii\  exigences  de  la  tâche  dont  nous  nous  sommes  inipru- 
deniMient  cliargi'-. 

Ji;  tiri!  un  autre  argunjenl  en  la\eiM-  de  l'opinion  (|ue  je  viens  d'énjollre 
d'une  circonstance,  bien  plus  frappante  poiu"  mon  esprit  après  mon  voyajçe 
d'Oiiriii  ([Il Clli'  ne  rétail  avant  que  j'eusse  vi.silé  cc^  cités  tout  cntpreinlcs 
encore  de  |)hysionoinii'  byzantine  (|u'il  est  impossible  fi  Ift  description  de  saisir 
cl  <ic  riMidiv  ncllc iil.  I.c  trait  earaeti-ristiiiue  d<'  la  coupole  qui  ooumnno  .xi 


1()  ANNALKS  ARCHÉOLOGIQUES. 

bien  iiilrc  iiiti-viilloux  appareil,  l<;  ndet  mciiiagé  avec  tant  de  succès  d'une 
riiriiic  de  demi-sphère  qu'on  poiinait  dire  exclusivement  asiatique,  celle  appa- 
rence biilboïde  qui  se  montre  avec  cette  séduction  très-rare  dans  toutes  les 
productions  analogue?,  le  doux  et  harmonieux  renflement  de  la  convexité  du 
Il  vcium  I)  ([ui  ombrage  l(;.s  apôtres;  cet  air,  en  un  mot,  qui  est  comme  le 
Il  faciès  »  di;  la  |)('isoiiiio  et  le  rayon  de  son  âme,  le  ton,  le  cachet  imprimé 
dans  ceiti!  majestueuse  figmi'  d'un  simple  couvercle,  tout  cela  fait  ressortir 
une  conception  évidemment  propre  au  sol  oriental.  Cette  tournure,  cet  aspect 
(lii'oirrc  le  petit  dôme,  cette  désinvolture  d'expression  qu'il  tient  d'un  idéal 
manifestement  étranger  k  des  imaginations  réagissant  contre  la  pesanteur  et 
l'épaisseur  de  notre  atniospiière,  achève  de  me  convaincre  qu'il  n'est  point 
sorli  (II'  la  valh'i'  ilii  l'.liin.  J'insiste  sur  ce  point  d'une  configuration  telle  qu'un 
cifl  cliaiid  cl  limpide  peut  seul  inspirer,  pour  amener  hésitants  et  adversaires 
à  mon  sonlinu'iil.  D'autres  motifs  de  plan,  d'élévation,  d'arrangement  de 
toutes  les  parlies  entre  elles  me  viendront  plus  tard  en  aide  pour  me  donner 
plus  de  prise  sur  la  créance  d'autrui.  Mais  au  moins  le  doute  serait  peut-être 
commandé  par  une  réflexion  qui  nous  reste  à  exposer,  il  n'y  aurait  pas  deux 
seuls  spécimens  de  ce  ([uadruple  coiïret  que  relève  le  couronnement  légèrement 
bulbeux  dont  neus  faisons  à  dessein  re.-sortir  l'incontestable  effet.  Les  émail- 
leurs  allemands  en  auraient  fait  d'autres  de  toutes  dimensions  à  cette  image 
et  ressemblance,  s'ils  avaient  eu  le  premier  concept  de  celte  idée.  Le  champ 
était  trop  grand  cl  trop  beau  à  cultiver  pour  s'en  tenir  k  deux  enfantements 
de  ce  genre.  Toute  graine,  tout  germe  se  reproduit  dans  la  terre  qui  lui  a 
servi  do  sein  et  de  berceau.  Or.  nous  ne  rcnconirons  rien,  ni  en  orfèvrerie 
allemande,  ni  en  archilecluro  rhénane,  qui  nous  donne  le  moindre  rejaillisse- 
ment du  type  que  nous  cherchons  à  faire  connaître.  Deux  frères  jumeaux  nous 
ont  été  envoyés  de  l'extrémité  la  plus  reculée  de  l'Lurope  vers  l'Asie  :  ces 
deux  lils  d'une  mère  grecque  el  quelque  peu  latine,  par  transfusion  du  sang, 
sont  demeurés  sans  postérité  parmi  nous.  .Si  je  me  trompe  à  cette  heure,  on 
me  pardonnera  mon  illusion  :  elle  me  vient  de  lout  ce  (jue  j'ai  vu  et  ressenti, 
depuis  la  basili(|ue  de  .Saint-.lean.  à  Damas,  juscju'à  la  vieille  cathédrale 
d'Athènes,  en  passant  par  leur  maîtresse  à  toutes  deux,  par  la  dominatrice 
religieuse  de  la  haute  Méditerranée,  Sainte-Sophie  de  Constantinople. 

Ainsi,  en  se  refusant  à  nous  suivre  sur  ce  terrain,  on  en  serait  réduit  à 
dire,  ])arlant  des  ornements  de  notre  grande  composition  :  «  Les  émaux  sont 
exécutes  tout  à  fait  h  la  manière  byzantine,  mais  les  couleurs  sont  moins  vives, 
moins  harmonieuses,  et  les  dessins  très-inférieurs.  »  Nous  ne  pouvons  nous 
rendre  à  celte  dépréciation  d'une  œuvre  si  parfaite.  Nous  n'avons  sous  le 


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LA  GRANDE  CHASSE.  17 

regard,  en  ce  moment,  aucun  des  points  de  comparaison  désirés;  mais  il  nous 
est  impossible  de  voir  dans  les  rinceaux  déliés  qui  serpentent  çà  et  là  à  la 
surface,  dans  les  losanges  et  zigzags  si  finement  tracés  en  compartiments  de 
toutes  dispositions  aux  pentes  de  la  toiture,  dans  les  arabesques  d'un  goût 
inattaquable,  qui  se  déroulent  sur  les  tranches  bombées  de  la  calotte,  il  nous 
est  impossible  de  voir  aucun  linéament  qui  marque  infériorité  d'effort  dans 
celte  partie  de  l'art  de  l'orfévrc  dont  nous  examinons  l'ensemble  avec  un  zèle 
que  nous  voudrions  communiquer.  Les  ivoires  eux-mêmes  témoignent  pour 
nous  :  sujets  des  portiques  ou  scènes  des  quatre  arcs  triomphaux  d'entrée  ; 
simples  statuettes  d'ivoire  avec  leur  banderole  inscriptive  qui  déroule  un  texte 
sacré;  draperies  des  personnages  jetées  à  l'antique  et  traitées  h  la  manière 
ancienne  des  bas  temps  ;  attitudes  droites,  raides  et  longues  des  prophètes 
debout  dans  leur  arcaturc  d'honneur;  majesté  calme  des  apôtres  assis  sous  le 
toit  d'or  ou  «  vélum  »  divisé  en  autant  de  dais  avançant  sur  leurs  chefs;  tètes 
amaigries  au  rang  du  bas  par  les  langueurs  de  l'attente,  mais,  en  haut,  affer- 
mies au  contraire  par  la  confiance  de  la  possession  ;  puis  tout  le  cortège  d'or- 
nements, de  parements  ciselés,  fouillés  et  refouillés,  traces  de  coups  de  ciseau 
et  de  burin  rendus  dans  la  gravure  comme  ils  sont  à  leur  place  dans  leur 
simple  et  naïf  abandon,  ce  sont  là  autant  de  traits,  de  voix  parlantes  qui 
s'harmonisent  avec  la  vue  générale  de  l'édicule  pour  appuyer  une  assertion 
peu  conforme,  à  notre  grand  regret,  au  lilrc  do  la  première  estampe  '.  Voilà 
pHiir  nous  des  modèles  de  fine  sculpture  en  petit;  des  modèles  d'émaillerie, 
d'orfèvrerie,  donnés  par  l'Orient  à  l'Occident,  en  même  temps  qu'une  réduc- 
liiiii  lypi(juc,  une  image  du  temple  chrétien  comme  il  ne  s'en  éleva  jamais 
dans  les  limites  du  territoire  germanique.  L'Allemagne  n'a  jamais  pratit|ué 
cette  belle  (lonin'-c  de  la  construction  d'une  église,  comme  la  Grèce  ol  l'Asie 
Mineure  l'oiil  t.uit  reproduite  à  l'envi.  Qu'on  n'invo(|ue  pas,  pour  nous  les 
opposer,  les  dégradations,  les  altérations  moscovites  qui  se  sont  montrées 
jiis(|ue  sous  nos  y-iix;  un  tel  détour  confirmerait  notre  droit  de  nier  la  poâ»»i- 
bililé  (l'imiter  n'importe  où  et  dans  quel  temps  les  pures  conceptions  de  l'tu-l 
by/.antin. 

Nous  regrettons  certes  bien  vivement  de  ne   point  partager  le  jugement 

4.  Nous  <l(<miiiiiloiis  ù  M.  lo  docteur  DaUois  la  permission  do  conserver  le  lilro  do  no*  planclirn 
et  de  continuer  ù  croire  (|iio  les  i^nuiux  de  celte  cliAsso  sont  rhénans  et  non  |iaa  bjianlin».  Ld  pro- 
cédé de  rid)riciitiun,  i|ui  est  ici,  en  };enéral,  le  cliuni|ile\e;  loiiiicite  de  ces  éniu«\  cl  •  '". 
qui  est  très-iidoucie  de  ton,  eniptVhenl  de  confondre  ces  eniaux  u»ec  les  li;  «anlins,  >i 
sonnés  sur  or,  translucides  et  d'une  i^ninmo  écliitanle.  D'autres  caractère»  encore,  qu  il  icnil 
li()|i  loii^  diMuiiuérer,  assignent  il  l'Alleniagno  et  spécialement  il  •'  ■ 
omudlerie.                                                                                          > 

XMV.  3 


18  ANNAi.KS  Anniir:oi.or;iouES. 

buriné  sur  la  première  de  nos  planclics;  cette  dissidence,  née  pour  nous  d'im- 
pressions do  voyage  qui  nous  ont  saisi  sans  désoniparcr  pendant  [)ius  de  mille 
lieues  d'examen  cl  de  réflexions,  prouvera  précisément  et  noire  indépendance 
et  notre  bonne  foi,  et  il  nous  a  fallu  bien  compter  sur  la  bienveillance  du 
directeur  des  «  Annales  »,  pour  oser  produire  jusque  sous  ses  auspices  une 
arQrmalion  contraire  à  ses  vues  arrêtées.  Mais  fussions-nous  dans  l'erreur, 
eussions-nous  eu  l'œil  trompé  cent  et  cent  fois  par  nos  observations  impar- 
tiales cl  des  comparaisons  non  préconçues,  qu'encore  nous  demanderions  une 
suspension  d'arrêt  de  condamnation,  avant  de  clore  le  débat.  La  divergence 
nous  semble  Iroj)  iin|)orlante  en  cette  circonstance,  et  les  motifs  qui  l'ont  sou- 
levée troj)  r()n(l(''s  |)iiiii-  ([u'iiii  sago  atermoiement  de  décision  ne  soit  pas 
accordé  aune  sollicitude  désinléressée.  Pour  moi,  en  face  des  infinies  délica- 
tesses d'appréciation,  des  subliles  pénétrations  du  goût  dont  il  serait  néces- 
saire d'user  en  cette  manière,  j'aurais  besoin  d'une  signature  pour  abandonner 
ma  cause.  Jusque-là  qu'il  me  soil  permis  de  dire,  avec  une  certaine  crainte 
mêlée  d'espérance  :  »  Aclliiu;  suh  judicc  lis  est  ».  Non,  le  procès  n'est  pas 
(ini;  la  cause  n'est  pas  jugée. 

Je  sais  qu'on  nous  objectera  de  fortes  raisons,  comme  le  sont  celles  des 
experts  en  écriture  privée  qui  ne  se  trompent  jamais.  On  nous  dira  que  la  belle 
page  d'émail,  ([ui  se  déroule  devant  nous,  nous  la  devons  sans  conteste  à 
l'Allemagne  pour  la  fabrication;  mais  on  nous  concédera  immédiatement  que, 
pour  riiis|)iralioii.  l'art,  la  poésie,  par  l'cspi'il  (]ui  «  l'informa  »,  suivant  le 
sens  mélaphysiiiue  de  ce  mol,  elle  vient  en  droiture  des  bords  du  plus  beau 
port  du  monde,  de  la  Cornc-d'Or  :  génération  à  deux  âmes  qui  se  seraient  repro- 
duites virlucllemcnt  l'une  et  l'autre  dans  leur  résultante.  On  ajoutera  de  suite, 
pour  expli([uer  cette  multiplicité  d'influx  vital,  des  données,  des  considéra- 
tions de  métier  qui  séduisent  l'attention  par  leur  simplicité  même.  Le  regard 
connaisseur  di'couvrc  imuH'diaU'ineut  dans  l'otijct  de  notre  admiration  les 
caractères  de  l'émaillerie  allemande  :  nuances  opaques  des  matières  fondues, 
douce  teinte  de  vert  répandue  partout,  et  ce  large  faire  qui  combine  à  la  fois 
le  cloisonné  et  le  champlevé  dans  un  même  panneau  de  la  machine  ;  tandis 
que  si  celle-ci  eût  été  exécutée  à  Constantinople,  toutes  les  épaisseurs  vitri- 
fiées eussent  été  translucides  conmie  une  li(iucur  limpide,  les  couleurs  plus 
vives  et  plus  harmonieuses,  et  enfin  tous  les  résilles  d'ornement,  tous  ces  fils 
de  séparation  des  figures  et  autres  parties  eussent  été  autant  de  cloisons  fine- 
ment soudées  à  la  plaque  d'appui,  et  non  des  rubans,  des  refends  pris  aux 
dépens  de  la  propre  substance  du  soutien,  comme  cela  se  pratiquait  à  Cologne 
et  à  Limoges,  deux  autres  foyers  dérivés  du  premier. 


L\  GRANDE  CHASSE.  19 

Nous  avons  été  mis  sur  la  voie  de  ces  différences  qui  déterminent  et  défi- 
nissent les  genres  et  leurs  variétés,  et  nous  devons  avouer  que  les  alTirmalions 
données  par  une  savante  pratique  des  restaurations,  par  l'habitude  quoti- 
dienne de  ces  sortes  d'observations,  ne  nous  ont  point  convaincu  que  nous 
errions  en  déniant  à  nos  voisins  du  Nord  une  création  unique  de  son  espèce 
et  de  sa  valeur.  On  admet  bien  sans  conteste  qu'un  artiste  de  génie  venu  du 
pays  du  soleil,  ainsi  qu'on  dit,  a  laissé  cette  magnifique  trace  de  son  passage 
dans  les  ateliers  protégés  alors  par  les  empereurs  et  les  princes  de  la  Ger- 
manie. F,t  pourquoi  la  supposition  inverse  ne  serait-elle  pas  admissible  au 
même  degré?  Il  n'est  pas  plus  dilTicile  de  croire  qu'un  émailleur,  qu'un 
orfèvre  de  nos  parages  et  de  nos  goùls  aurait  porté  ses  procédés  de  fonte  des 
métaux,  son  entente  de  dessins  et  de  couleurs  à  un  maître  de  son  métier  jus- 
qu'aux rives  si  attrayantes  de  ce  Bosphore  tant  renommé.  Les  migrations 
d'artistes  suivaient  cette  pente  dans  ces  temps,  et  les  croisades  avaient  encore 
accéléré  ce  mouvement,  ce  grand  courant  des  talents  vers  le  but  do  toutes  les 
aspirations  de  la  société  chrétienne.  Les  flots  de  la  nouvelle  civilisation  ten- 
daient plutôt  à  remonter  à  leur  sçurce,  pour  nous  revenir  tout  parfumés  de 
leur  mélange  avec  les  eaux  asiatiques,  et  c'est  ce  qui  nous  explique  l'échange 
fécond  d'idées  et  d'impressions  entre  des  hommes  se  rejoignant  des  deux 
extrémités  do  l'Kurope  par  le  culte  et  le  seul  amour  du  beau. 

Ce  dut  être  un  grand  sujet  de  curiosité  à  Conslanlinople  d'apprendre  la 
conibiiKiison  de  doux  modes  d'établir  un  émail  à  frais  bien  inégaux  de  temps 
et  de  matière,  cette  dernière  considération  étant  toujours  et  partout  toule-puis- 
saiile.  VA  quand,  pniir  satisfaire  ces  vifs  désirs  de  l'esprit,  une  souveraine,  du 
beau  et  douv  nom  de  Théophanic,  ou  d'autres  princesses  de  même  origine 
grecque,  auraient  voulu  doter  leur  patrie  d'une  façon  de  procéder  qu'elle 
ignorait,  qu'y  aurail-il  do  surprenant,  dès  lors,  que  des  envoyés  à  la  fois  pour 
enseigner  et  pour  apprendre  oussoiit  fait  à  leur  impulsion  le  voyage  alors  tant 
souhaité,  et  eussent  rapport/'  ime  ou  deux  productions,  nombre  juste  de  celles 
(|iii  iHiiH  ii((ii|)iiil.  enliiiit^  (le  doux  génies  nationaux  mêlés  dans  une  môme 
<iinre?  Knrore  une  fois,  nous  le  répétons,  la  courbe  légèrement  ronllée  de  La 
cmiixile,  ligne  si  dilTicile  ou  mieux  impossible  à  atteindre  dans  sa  perfoclioii  k 
un  pn-inier  essai,  s'expliquerait  tout  naturellerneni  poiu'  notre  reliquaire,  non 
moins  <|ue  le  mélange  si  heureux  du  cliamplevé  et  du  cloisonné,  en  admellant 
riiypollièse  où  nous  nous  sommes  retranchés  .sans  enlrainemenl  do  sy.sièmc  : 
car  nous  sommes  prêt  ii  nous  rendre  à  l'avis  opposé,  dès  qu'il  nous  sera 
montré  (piehiue  fait  important.  (|ueh|ue  signe  canictérisliquo  qui  contredira 
avec  succès  notre  opinion.  .Ius(|iie-I;i.  t|u'il  nous  soit  pornùs  de  ne  point  reven- 


20  ANNALES  AHCIII^OLOCIQUES. 

(Ii(|ii.r  à  (liiiii,  rommn  tant  de  juges  cxp('!rimentés  n'hésitent  pas  îi  le  faire, 
l'origine  à  laquelle  nous  nous  l'attachons  pour  notre  part  sans  réserve. 
D'ailleurs  on  nous  relèverait  au  besoin  de  tout  reproche  de  singularité,  en 
lisant  ces  lignes  d'un  savant  écrivain  :  (i  Tous  tant  que  nous  sommes,  nous 
marchons  péiiiblcinent,  et  nous  avançons  par  degrés  vers  la  vérité,  cl  encore 
une  vérité  relative  ;  car  la  vérité  complète,  absolue,  n'est  guère  à  la  portée 
des  historiens  de  l'art.  Nous  raisonnons  de  notre  mieux  sur  les  faits  connus, 
et,  à  mesure  qu'il  s'en  produit  de  nouveaux,  nous  devons  changer  ou  modifier 
nos  systèmes  ».  Ainsi  parle  excellemment  M.  Félix  de  Verneilh,  et  tels  sont 
les  résultats  avoués  de  ses  recherches  et  de  ses  réflexions  approfondies  dans 
son  beau  mémoire  sur  les  »  lùnaux  d'Allemagne  ". 

].a  réponse  du  même  auteur  à  M.  le  comte  de  Lasteyrie  nous  abriterait 
encore  mieux  conlie  Iniile  accusation  de  téméril('  ou  de  pi'étention  mal  fondée. 
.lamais  on  n'a  vu  plus  de  finesse  d'esprit  et  du  plus  parisien,  unie  à  plus  de 
patience  de  savant  et  des  plus  retranchés  dans  leur  province,  plus  d'ardeur 
d'imagination,  de  verve  unie  à  plus  de  conscience  de  recherches  pour  élucider 
mille  et  mille  petites  difTicultés  et  obscurités  qui  se  sont  élevées  comme  des 
nuages  entre  tant  de  combattants.  Les  renommés  antiquaires  qui  sont  entrés 
dans  la  lice, M.  de  iMiborde.  M.  de  Lasteyrie, M.  Labarte.  M.  deQuast.  ^L  Julien 
Durand.  M.  Daicel,  la  l'rance,  l'Allemagne.  l'Angleterre,  l'Italie,  la  Grèce  elle- 
inriiie.  sont  les  héros  qui,  sous  la  plume  de  notre  habile  et  infatigable  collabo- 
rateur, s'agitent  avec  passion  dans  ces  sortes  de  pugilats  de  riulelligence.  où 
négations  et  alïirmations  se  hetu'tent  et  s'entre-choquent  en  étincelant  comme  des 
armes  d'acier.  N'oublions  point  le  savant  abbé  Texier.  dont  les  illusions  res- 
pectables se  seraient  dissipées  d'elles-mêmes  au  grand  jour  de  son  patriotisme 
mieux  éclairé.  11  me  semble  en  vérité,  au  milieu  de  ce  cliquetis  d'idées  et 
d'opinions  contraires,  voir  ces  graves  esprits  prendre  corps  et  s'agiter  sur  les 
résilles  d'or  des  émaux  comme  des  feux  follets  sur  des  fils  électriques.  L'un 
nie  ce  que  l'autre  affirme;  celui-ci  admet  ce  que  celui-là  exclut.  Aujourd'hui 
dément  hier,  après-demain  contredira  la  veille.  IJmogcs  a  voulu  seule  avoir 
enfanté  toute  entière  la  branche  de  la  céramique  qui  nous  occupe;  Cologne 
s'attribue  à  elle  seule  la  seule  taille  d'épargne;  Grecs  et  Vénitiens  n'ont  jamais 
fait  que  des  guillochis  h,  cloisons  soudées,  et  tout  h  coup,  parmi  toutes  ces 
exigences  qui  se  condensent  de  plus  en  plus,  une  note  modeste  nous  apprend 
que  M.  Julien  Durand  a  signalé,  dans  la  Pala  d'Oro,  une  plaque  émaillée  de  plus 
de  quatre  millions  de  francs,  du  travail  champlevé.  Or.  on  soutenait  que 
Byzance  avait  toujours  méconnu  ce  procédé  de  simplification  très-économique. 
Dans  ce  dédale  de  vues  préconçues  et  vacillantes,  à  peine  peut-on  saisir  un 


LA  GRANDE  CHASSE.  21 

fil  qui  puisse  diriger  la  main  de  celui  qui  cherche  le  vrai  pour  se  reposer, 
ou  le  probable  au  moins  pour  s'y  attacher.  Véritablement,  on  ne  le  connaît 
pas. 

Les  tentatives  de  la  taille  d'épargne  ont  été  les  premières  en  date;  elles  ont 
donné  des  résultats  appelés  barbares  ou  primitifs,  qui  remontent  aux  premiers 
siècles  de  notre  ère.  Les  Oallo-Romains  auraient  eu  cet  honneur  d'invention, 
sinon  les  Anglo-Saxons.  Pour  ce  qui  est  de  ces  ralTuiés  d'au  delà  des  Alpes, 
et  des  enfants  perdus  d'un  plus  beau  ciel  encore,  ils  n'auraient  pensé  que  long- 
temps apivs  avoir  vu  ces  giossièrcs  ébauches  à  ci'éer  la  céramique  que  j'ap- 
pellerais niélalli(]ue,  pour  compléter  celle  des  terres  cuites  en  si  grande  vogue 
surtout  chez  les  Italiens.  Telle  aurait  été  la  marche  de  ce  développement. 
Piiiii-  lie  point  s'embarrasser  davantage  dans  des  faits  recueillis  de  temps  plus 
anciens,  on  dit,  sans  regrets  ni  craintes  :  négligeons  les  premiers  essais 
tentés  par  los  l'^gypliens.  Mais  si  les  découvertes  de  M.  Mariette  sur  les  bords 
du  Nil  confirment  le  dire  de  M.  Schicklcr,  qui  est  aussi  le  sentiment  de 
M,  Paul  Durand  de  Chartres,  observateur  «  de  visu  »,  à  propos  des  bijoux 
et  joyaux  dits  de  la  reine  Sésostris,  trésor  sépulcral  exposé  à  tous  les  regards 
curieux  et  studieux  h  la  dernière  exhibition  de  Londres,  il  faudra  remonter  des 
mille  ans  dans  les  siècles  pour  trouver  le  point  initial  de  l'admirable  indus- 
trie dont  nous  traitons  en  passant.  Le  patient  et  heureux  exploraleur  des 
antiquités  du  Caire,  dans  son  excellent  ouvrage  «  V.n  Orient  »,  le  meilleur  du 
genre  que  nous  connaissions,  parle  du  musée  de  la  capitale  de  l'Lgypte  en 
appréciateur  exercé,  en  connaisseur  qui  ne  laisse  rien  échapper  ii  la  sagacité, 
h.  la  pénétration  de  son  cuni)  d'nil;  M.  Sciiicklcr  raconte  ainsi  son  entrée  dans 
ce  hangar  des  beaux-aris  (rime  civilisation  évanouie  :  «  On  visite  d'abord 
la  salle  de  droite,  au  milieu  de  laquelle  sont  déposés,  sous  une  cage  de  verre, 
les  nombreux  et  spleiidides  bijoux  de  la  reine  Aali-IIolep.  dix-septième  dy- 
nastie, (juc  M.  Muriel  le  a  trouvés  dans  un  tombeau  de  Tlièbes.  —  Par  (piels 
moyens  mécaniques  les  arlisics  égyptiens  étaient-ils  parvenus  îi  modeler  avec 
t;iiil  (11'  pcrrcclidii  l'argent  cl  l'or,  à  composer  les  longues  chaînes  de  gour- 
mettes d'une  extrême  témiilé  enlacées  les  unes  dans  les  auli-cs.  h  revélir  les 
métaux  précieux  de  l'émail  cloisonné  l(>  plus  éclalanl  ?  Il  n'y  a  point  d'oxagé- 
ralioM  à  diriî  (|ue  celte  parure  de  souveraine,  portét;  dix-huit  cents  ans  avant 
.lésus-ChrisI,  soutient  la  (•om|)arais()n  avec  les  bijoux  modornes  les  pins  fine- 
nient  exécutés.  Klle  a  mémi*  im  mérite  peut-être  supérieur,  celui  do  l'inven- 
liiiii  (|iii  a  su  ((iiicilii'r  une  élonnanlo  originalité  avec  le  goiil  le  pluscxqtiis.  » 
lîn  jiMiiH'  voyag(>ur.  M.  Drricic.  <|iii  sait  aussi  mellro  .ses  loisirs  cl  sa  ^n'Andc 
forluiic  ;ui  service  do  recherches  artislicyies  et  savante."»,  nous  a  connrmé  les 


22  ANNALF.S  ARCHÉOLOGIOJ'ES, 

mémos  faits  dans  les  mômes  lieux  nli  nous  n'avons  pu,  par  le  mauvais  vouloir 
(rcinployi's  français,  voir  et  palpor  comme  lui  tant  de  témoignages  importants 
à  rciudillir  pour  les  discussions  ii  venir. 

Mais  rapporlotis  aussi  nos  impressions  personnelles  en  traversant  les  mu- 
sées de  rKiirnpc  ([u'il  nous  a  l'ié  donné  de  visiter  depuis  que  nous  avons 
asstniM'  la  p('iiil)|i'  làdio  ([uc  nous  remplissons  :  elle  était  vraiment  au-dessus 
de  nos  ïnvi-r<  i|iic  nniis  n'.ivons  jamais  exercées  dans  ce  sens  d'études  et  d'ob- 
scrvatiiins.  Il  nous  revient  néanmoins  cette  faible  part  d'avoir  remarqué  parmi 
les  .•inli(|uités  étrusques,  au  Vatican,  des  anneaux  à  chatons  recouverts  de 
matières  vitreuses  qui  ne  nous  ont  point  laissé  de  doute,  non  plus  qu'à  un 
artiste  estimé  et  connu  du  public,  notre  compagnon  de  route  en  recherches 
archéologiques.  Nous  n'avons  pu,  il  est  vrai,  manier  ces  parures  trop  rares  et 
trop  |)récieuses  pour  éti'c  ah.induiHiées  à  l'examen  du  |)n'inier  ai'rivant  ;  mais 
nos  yeux  se  sont  fatigués  à  chercher  en  tous  sens  un  joint  qui  aurait  infirmé 
nos  réflexions,  et  toutes  celles-ci  se  sont  résumées  en  cette  idée  que  le  premier 
art  sorti  du  sol  itali(jue  a  connu  la  pratique  d'émailler  à  chaud  une  surface  de 
métal.  Nous  ajouterons,  avec  la  même  impartialité,  que  le  riche  et  vaste  musée 
de  Naples  ne  nous  a  point  ollri-t  dans  toutes  .ses  dépouilles  de  Pompéi  et 
(rifiTciilaninn  ricii  (\m  pùl  IImt  iioln^  altenlion  à  l'endroit  de  nos  remarques 
spéciales.  Pourquoi  nous  attacher  tant  à  cet  acte  de  naissance  qui  se  perd  en 
même  temps  dans  la  nuit  des  âges  et  dans  l'espace  ?  laisî^ons  à  notre  tour  le 
champ  libre  aux  investigations  dévouées  qui  voudront  s'y  attacher  avec  plus 
d'espoir.  De  l'enfant  trouvé  cpie  l'art  de  l'émaillerie  a  chanté  de  tant  de  façons, 
quelques-uns  ont  nièni<;  voulu  ndiiinicr  l(>  père,  (léserait  presque  dire  l'heure 
de  son  apparition  siu'  la  terre,  si  sa  généalogie  était  connue,  et  son  seing 
approuvé  par  les  générations  contemporaines.  Il  n'en  est  point  ainsi.  Mais 
nous  sommes  loin,  dès  aujourd'hui,  des  assertions  et  prétentions  de  ceux  qui 
ont  voulu  accorder  à  Limoges  l'honneur  d'une  primogéniture  qu'elle  n'a  pu 
conserver  parce  qu'elle  ne  l'a  jamais  eue.  La  France  et  sa  belle  province  du 
Liiiiousin  perdraient  beaucoup  à  trop  vouloir  de  privilèges  contestables  : 
elles  ont  assez  de  leurs  gloires  légitimes  sans  se  parer  du  bien  ou  de  l'éclat 
d'autrui. 

Et  pourquoi  les  doux  rameaux  de  la  céramique  les  plus  rapprochés  par  leur 
jonction  ou  leur  branche  originelle  n'auraient-ils  pas  coexisté  partout?  Les 
fa'iences  peintes  et  vernissées,  les  terres  cuites  entaillées  de  toutes  couleurs 
rcniontiMit  à  une  très-haute  antiquité  :  Memphis.  Abydos.  Lucqsor  nous  l'ont 
prouvé  à  nous-mème;  et  parmi  les  menus  objets  qu'il  nous  a  été  permis  de 
rapporter,  en  très-petit  nombre,  des  deux  bords  de  l'Afrique  et  de  l'Asie, 


LA   GKANDE  CHASSE.  23 

semés  de  tant  de  splendeurs  de  l'art  et  de  la  nature,  un  même  fétiche  nous 
présente  à  la  fois  en  élément  la  double  application  d'un  liquide  vitreux  qu'une 
pâte  a  reçu  et  coagulé,  avec  les  deux  extrémités  d'une  tige  de  bronze  pour 
soutenir  le  tout  ;  espèce  d'amulette  que  le  pauvre  idolâtre  portait  sur  la  peau 
sans  craindre  que  la  sueur  et  le  mouvement  détruisissent  trop  promptement  ce 
symbole  vénéré  qu'il  adorait.  Les  trois  espèces  de  vitrifications  qui  existent 
pour  l'art  sont  filles  d'un  seul  principe  ;  ce  sont  trois  sœurs,  trois  grâces  d'âge 
un  peu  différent  sans  doute,  et  la  dernière,  la  peinture  fondue  sur  verre,  se 
perd  aussi  de  son  côté  dans  la  nuit  des  temps.  Dans  les  desseins  de  Dieu,  les 
pensées  des  hommes  se  complètent  comme  les  êtres;  elles  tendent  à  la  durée, 
à  la  perpétuité  du  genre.  C'est  pourquoi  l'un  a  vu  l'immutabilité  des  traits 
fixés  dans  les  vitrifications  diverses  se  produire  jusque  dans  les  formes  en 
saillie  de  la  sculpture.  Sur  la  voie  de  ce  dernier  problème,  il  s'est  rencontré 
toute  une  famille  d'artistes,  pères,  frères,  fils,  neveux,  qui  ont  brillé  pendant 
le  cours  de  deux  siècles  environ.  Les  délia  Uobbia  n'ont  point  été  imités  dans 
les  autres  parties  de  la  céramique.  Quelle  perte  que  cet  esprit  de  tradition, 
cette  hérédité  du  talent  dans  une  même  lignée  ne  se  soit  maintenue  que  parmi 
eux.  De  nos  jours,  les  Froment-Meurice,  les  Rudolfi,  pour  émailler  les  métaux, 
ne  dureront  pas  plus  (jue  leurs  prédécesseurs.  Déplorons-le  :  leurs  succès, 
leurs  victoires  s'arrêteront  îi  eux. 

En  terminant,  il  nous  reste  à  présenter  une  considération  que  nous  nous 
étonnons  de  n'avoir  point  rencontrée  dans  tant  de  travaux  qui  nous  ont  passé 
dans  la  main  à  l'occasion  de  ces  développements.  Un  retour  vers  les  sciences 
physi(|ucs,  notre  chère  occupation  d'autrefois,  nous  y  amène  naturellement. 
N'esl-il  pas  surprenant  ([iie  le  nom  «  d'électrum  ».  donné  h  l'ambre,  ce  suc 
desséché  et  durci  de  l'écorce  d'un  arbre,  ait  aussi  été  attribué  à  un  mélange 
d'or  et  d'argent,  dans  une  proportion  cinq  fois  moindre  de  ce  dernier  métal 
par  rapport  au  premier.'  .Ii-  n'hésiterais  pas  à  dire  alliage,  si  la  définition  qui 
nous  a  éti'  donnée  de  cette  découverte,  par  IMiiie,  était  pour  nous  sans  difli- 
cultés  d'explication.  I,a  dénomination  identi(|uo  imposée  à  deux  corps  si  diffé- 
rents de  composition,  si  éloignés,  si  distants  d'origine,  ne  devail-t>lle  pas 
exprimer  une  similitude  de  propriétés,  de  phénomènes  spéciaux  (|ui  ne  se 
voyaient  (|u'en  eux?  L'un  est  le  |)roduit  de  la  vie  végétative,  le  résidu  orga- 
ni(|ue  <riiii  suintemeiil  de  sève  à  travers  les  fibres  d'une  plante  ivcherchée 
pour  cet  illi  t  ;  l'autre  résulte  du  hasard  heureux  cpii  a  rapproché  plutôt  que 
combiné  deux  minéraux,  deux  métaux,  éléments  sans  vie  d'aucune  sorte  :  car 
leur  sim|)licilé  exclut  d'eux  la  propriété,  la  faculté  de  vi\re.  Oui  a  donc  pu 
chez  les  anciens  rapjjrocher  ain.-<i  deux  existences  d'ordre  »'\  op|)osé  (|u'aucune 


2')  ANNALKS   AnClIÉOI.OGlQLES. 

apparence  extcrieiiro  ,  l;i  consistance  ,  rasjjcct ,  pas  môme  la  couleur  ne 
puisse  ôlrc  invoquée  counne  moyen  ou  raison  de  les  confondre  ou  de  les  unir 
sous  un  mAnie  vocable,  n  eloclrum  »  '.'  Un  fait  qui  présente  un  caractère  aussi 
élonnantdoit  appeler  l'attention. 

Ne  serait-ce  point  que  l'unect  l'autre  de  ces  matières,  mieux  que  toutes  autres 
cl  prc>(iui;  à  un  é^;il  degré,  seraient  douées  d'une  puissance  motrice,  de  force 
attractive  ou  répulsive  suivant  l'état,  dès  qu'un  léger  frottement  vient  susciter 
en  elles  cette  activité  qui  leur  devient  propre?  .Notre  nom  d'électricité  vient 
bien  de  là  sans  aucun  doute,  lui  si  bien  fait  pour  résumer  tous  ces  attraits 
singuliers  des  masses  inertes  entre  elles;  mais  il  est  vraiment  digne  de 
remar(|iii'  ([in'  le  phiiioniènu  ((u'Jl  exprime  dérive  à  la  fois  de  deux  sources 
ii;U(iiil|es  il  (le  si  grandes  distances  :  une  résine  précieuse  pour  sa  rareté  et 
son  parfuiii.  ei  un  cdiuiiosi''  in('t;illif|ue  que  l'antiquité  tenait  en  la  plus  grande 
estime  dans  la  fabrication  de  ses  bijoux.  Mais  le  mot  grec  Yi>.c-/.Tfov  et  l'ex- 
pi-ession  latine  presque  semblable  «  electrum  »  ne  sont  point,  selon  certains 
commentateurs,  le  nom  donné  par  nos  ancêtres  à  ce  que  nous  appelons  au- 
jiuird'liiii  des  émaux.  De  longues  dissertations  ont  été  faites  pour  trouver  une 
autre  étymologie,  ini  autre  radical,  cl  la  langue  hébraïque  a  été  mise  à  contri- 
bution pour  venir  en  aide  à  la  science  aux  abois.  liaschmal  a  été  tiré  du  sein  de 
la  liible  pour  ceux  (|ui  ont  prétendu  que  l'élcctre  de  Pline  et  des  auteurs  qui 
l'ont  suivi  élait  un  alliage  sans  rapport  avec  l'émail  ;  liaschmal  a  été  pour  ceux- 
là  l'origine  véritable  de  la  désignation  de  l'appellation  attribuée  au  produit  que 
nous  étudions,  el  ([ui  serait  aussi,  pour  les  jouteurs  de  ce  camp  d'érudits,  un 
iVuil  de  notre  civilisalion  cliiélienne.  Dans  celte  hypothèse,  le  plus  vieil  idiome 
aurait  servi  à  dénommer  une  invention  relativement  récente.  Quoi  qu'il  en  soit, 
nous  ne  serions  point  éloigné  de  ce  sentiment,  émail  émergeant,  aussi  bien  el 
mieux  de  smalli,  que  notre  titre  d'évcque  de  sa  racine  grecque  £-iV/.o-o;. 

C'est  avoir  trop  prolongé  une  discussion  obscurcie,  troublée  par  mille 
prélentions  diverses.  Dans  les  fourneaux  qui  s'allumaient  un  peu  partout, 
comme  le  dit  avec  tant  de  raison  le  directeur  des  «  Annales  Archélogiques  », 
dans  ces  foyers  qui  fondaient  de  tous  côtés,  et  presque  à  tous  endroits  où  la 
fantaisie  en  pouvait  naître,  des  matières  vitreuses  pour  notre  genre  de  céra- 
mique, dans  les  laboratoires  d'émaillerie  au  commencement  surtout,  ne  se  pro- 
duisit-il pas,  dans  la  fonte  des  matériaux,  des  phénomènes  d'électricité  que 
plus  de  perfection  de  fabrique  aurait  vaincus  plus  lard,  et  ne  serait-ce  point 
à  l'apparilion  de  ces  faits  singuliers  de  physique  que  serait  due  la  conserva- 
tion du  nom  «  d'électrum  »  qu'un  grand  nombre  de  savants,  à  la  tète  desquels 
se  montre  M.  Labarte,  maintiennent  aux  produits  de  nos  émailleries  d'art  bien 


L\   GRANDE  CHASSE.  25 

plus  que  d'industrie?  En  vérité,  dans  ce  ciiaos  d'opinions,  nous  n'avons  pu 
mettre  quelque  ordre  pour  nous-mème;  nous  avons,  au  contraire,  peut-être 
encore  ajouté  à  la  confusion,  par  le  nouvel  aliment  que  nous  apportons  à  l'es- 
prit de  discoïde,  il  n'est  pas  de  cercle  où  les  intelligences  se  soient  plus  étroi- 
tement renfermées  pour  s'escrimer  à  outrance  :  heureux  conflits  pourtant  qui 
n'ont  pas  eu  de  blessures  pour  les  amours-propres,  tant  les  armes  des  adver- 
saires ont  été  discrètes  et  courtoises.  Les  vaillants  combattants  qui  sont  entrés 
dans  la  lice ,  au  milieu  de  mêlées  toujours  croissantes  ,  sont  partout  des 
hommes  de  |)aix  dans  leurs  études,  de  tact  et  de  goût  dans  leurs  rapports  : 
témoins  les  plus  vifs  échanges  d'opinions  et  de  contradictions  entre  eux. 

Que  les  émaux  nous  viennent  de  rAfri(|ue  ou  de  l'Asie  vers  l'Orient,  des 
Bretons  ou  des  Gaulois  vers  notre  Occident;  qu'ils  nous  aient  été  envoyés  de 
lîyzance  avec  toute  la  finesse,  la  délicatesse,  avec  toutes  les  ingénieuses  tcxti- 
lilés  de  l'art  grec;  ou  bien  encore,  privilège  auquel  nous  ne  pouvons  plus  pré- 
tendre, que  nous  les  ayons  transmis  de  nos  provinces  de  France  et  des  con- 
trées voisines  aux  autres  peuples  épris  du  sentiment  du  beau,  toujours  est-il 
qu'ils  ont  été,  mieux  que  les  vitraux  peints,  exécutés  aussi  jîidis  un  peu  partout, 
mieux  que  les  vases  produits  avec  toutes  les  perfections  de  la  céramique,  tous 
enfants  nés  d'un  môme  génie  d'invention;  qu'ils  ont  été  mieux  adaptés  aux 
désirs  de  ceux  dont  la  piété  voulait  ajouter  aux  splendeurs  de  nos  teniple>. 
Dans  celte  forme,  les  hommages  religieux  des  grands  et  des  puissants,  comme 
liurs  présents  échangés  entre  eux.  craignaient  moins  la  destruction.  Sous  cet 
aspect,  le  mérite  des  olTrandes  revêtait  un  caractère  d'inaltérabilité,  de  pérennité, 
qui  leur  était  assuré;  et  la  (irande  Châsse  au  besoin  nous  viendrait  en  preuve 
de  l'immortalité  des  ajuvres  de  cette  nature,  puisqu'elle  a  tout  conservé,  tout, 
jus(|u';l  SCS  parties  les  moins  durables,  les  moins  adhérentes,  que  nous  nous 
réservons  de  décrire  plus  loin  avec  l'ensemble,  pour  achever  notre  lAche. 

C'était  ime  bonne  fortune  pour  les  élans  généreux  de  la  richesse  de  se  faire  do 
tous  (  ôl('s  |in>digues  d'ex-volo  dans  les  oratoires  et  les  chapelles,  avec  ces  fruits 
précieux  (\r  rnijVvrcric.  C'était  im  grand  honneur  pour  les  princes,  pour  les 
rois,  d'èlri!  inscrits  connue  "donataires')  dans  les  sanctuaires  les  plus  vénérés. 
V.n  retour  des  tributs  volontaires  {ju'ils  apportaient,  ils  recevaient  d'autivs  tré- 
sors plus  ina|)précial)les  encore  (|ue  les  leurs.  Nos  pères  n'ont  jamais  dit  aulix»- 
nn'iil  i|iii'  1,1  (I  Vierge  au  Donataire  »,  pour  spécifier  l'un  des  miracles  du  pin- 
ceau (le  lla|)li,iil  :  ints  pères  connaissaient  toute  la  valeur  de  leur  vocabulaire, 
par  les  notions  du  droit  romain  et  de  ses  termes  qu'ils  possédaient  '.  I-a  place 

I.  Au  lieu  (lo  ifontiliiiri'.  la  Kriimmiiiro  voudrnil  ittmnifur.  I.«<  don.iUirr  i'>i  celui  qui  ivçoil 
un  (loti;  (loiiiili'ur,  iplui  ipii  lo  f.iil.  Lo  ilonalnirp,  runimo  lo  ilwlinnlairc,  ost  |»o»if;  lo  doiuilour, 
XXIV.  h 


20  ANNALKS  AUCIlftOLOOlOUES. 

qu'occupait  le  cadre,  le  ran^  que  prenait  l'odicule  dans  rédifice,  la  grâce  qui 
lui  (îtait  faite  d'être  admis  d.uis  le  saint  lien,  la  faveur  d'ôlre  accueilli  pour  le 
maître  à  qui  tout  est  dû,  tels  étaient  les  motifs  f|ui  n'ont  jamais  fait  des 
offrants  que  de  simples  «  donataires  ».  Entraîné  par  cette  appellation  repro- 
duite à  tout  instant  dans  les  antiques  instruments  décoratifs  du  culte.  M.  de 
Vcrneilii.  écrivain  si  pur  et  qui  entend  bien  ne  se  soustraire  jamais  aux  lois 
(lr  r Aradi'iiiii'.  iii.il^'n''  lui  appelle  donataires  ceux  qu'en  maintes  autres  lignes 
il  iioinuii'  donateurs,  tant  le  souvenir  instinctif  de  ce  qu'il  a  vu  se  reproduit 
involontairement  sous  sa  plume.  Plus  haut,  malgré  nous,  nous  avons  suivi  son 
exemple  dominant.  Que  cette  faute  nous  soit  pardonnéc  par  amour  de  l'ar- 
clicologic,  par  respect  pour  notre  vieux  langage.  F.t  qu'on  le  saclie  bien  une 
fois  pour  toutes  :  pour  nous,  clirétiens,  il  ne  peut  y  avoir  qu'un  donateur*  en 
r Eglise  :  ce  donateur,  c'est  Dieu. 

D'  CATTOIS. 

coniiiio  II'  ili^-linntnir  :  ();iidon  |ioiii-  co  mol  qui  ii'esl  pii;  iisilé  encore),  est  actif.  Il  faudrait  donc 
diro  In  "  \  ipi'ijo  :ni  dnnaleiir  »;  le  donalairp,  dans  ce  cas,  c'est  la  Vierge  elle-même.  Un  jour  ou 
,  l'autre,  on  doit  l'cspéror,  la  grammairo  rofirendra  ses  droils;  en  ce  qui  nous  concerne,  nous  l'y 
aiderons,  et  nous  aurions  désiré  que  M.  le  docteur  Catlois  fût  des  nôtres,  même  à  partir  d'aujour- 
d'hui. {.\ole  de  M.  Didron.) 

1.  Le  Louvre  a  gardé  le  titre  de  «  donataires  »  à  tous  ceux  qui  lui  ont  fait  hommage  d'objets 
précieux.  En  cela  l'administration  de  nos  musées  a  suivi  l'Église  plutôt  que  r.\cadémie  sa  voi- 
sine, naguère  encore  sa  locataire,  et  elle  a  eu  raison.  La  place  accordée  sous  ses  voûtes  vaut 
mieu\  (]ue  le  don;  elle  l'honore  plus  qu'elle  n'est  honorée  par  elle.  Dans  tout  échange,  qui  re- 
çoit moins  qu'il  ne  rend  est  donateur;  qui  recueille  plus  qu'il  ne  sème  est  donataire. 


IC0i\()(;KAI41IE 


DU   C1IE3ILN    DE    LA   CKUlX 


O.N/.IKMK   STATIOiN   '. 

lÉSUS    EST    ATTACHÉ    A    LA    CHOIX. 

(Ici le  slalion,  d'apivs  le  litre  si  explicite  ([uc  lui  donne  la  sacrée  Congré- 
gation des  Indulgences,  représente  le  Culcikieme.nt,  c'est-à-dire  le  moment 
où  Jésus,  dépouillé  de  ses  vèlciiuMils,  est  étendu  cl  cloué  par  ses  bourreaux 
sur  l'arbrr  de  la  croix.  Quoique  i'iivangile  se  taise  sur  une  scène  aussi  dou- 
loureuse, (jue  Cicérou  stigmatise  par  les  dures  épilhètes  «  crudelissimum. 
leterrinuinum  »,  dans  son  discours  contre  Verres,  néanmoins  il  est  utile  de  la 
considérer  comme  liistoritiue,  car  les  scènes  finales  de  la  Passion  la  présup- 
posent nécessairement . 

Or.  noire  allriiiioii  d  lii  se  pniliT  principalement  sur  (jualrc  points  que 
j'essaierai  d'élucider  ;i  la  linnièredela  tradition. 

.lésus  fut  élcadu  nu  mit  la  croix,  alin,  disent  les  symbolistes,  que  ses  souf- 
frances fussent  à  la  fois  corporelles  et  morales  cl  (|ue  tout,  juscju'au  sonlimenl 
de  la  pudeur,  reçût  en  lui  une  blessure  profonde.  Le  nouvel  Adam  eut  à  rou- 
gir de  sa  nudité,  opprobre  (\c  son  humanité  llélrie  et  décliuc;  «  vulneralus  in 
naturalibus  »,  suivani  la  parolf  d'un  pi're  de  l'Kglisc. 

Que  celle  nudité  ait  été  comi)l6le,  c'est  incontestable:  les  évangtMisIcs  l'insi- 
niiciil,  sainte   lirigittc  n'Iii'-silc  jias  à  le  révéler-,  la  dixième  slalion  l'allirmi'. 

I.  Voir  les  «  Ann.ili's  Arcliéologiquos  »,  vol.  xx,  \w^i'i  191  pl  315;  vol.  \\i.  \>a,:o*  «9  pl  SIS, 
Mil.  XXII,  iNiRP  S'il;  vul.  \xiit,  |NIRP8  49,  105  cl  IIS. 
S,  u  Alligaliis  iiulfin   iiiliil  oiniiliio  oporiiiionli  liubobtil;   Mil   mouI  iwius  i>»l ,   »ic  >UtMl  pl 


28  ANNALES  ARCHÉOLOGIQUES. 

Rome  par  sa  Iradilion  '  \f  |jioclamc.  Mais  si  ces  trois  preuves  n'étaient  pas 
sulTisaiilcs  encore,  j'en  ajouterais  une  quatrième,  et  je  dirais  avec  un  auteur 
grec  qu'on  ne  crucifiait  même  i)as  autrement  :  «  nutli  crucifiguntur  »  -. 

Fuerich  a  l'cduulé  la  picu.se  indignation  dos  fidèles  k  la  vue  de  ce  corps 
sans  v(Mements,  et  il  a  en  conséquence  entortillé  un  linge  autour  des  reins  du 
Christ.  Sans  s'etTaroiiclKM'  (uilie  mesure  d'une  posture  (|ue  l'histoire  impose, 
je  crois  qu'avec  du  lal(Mil  (i  de  1  habileté  un  artiste  chrétien  sortira  toujours 
avec  avantage  de  la  dilliculté  ([uc  peut  nllVir  une  pareille  scène.  Le  peintre 
allemand  était  sur  la  voie  que  j'indique,  pour  concilier  tout  ensemble  les  exi- 
gences du  sujet  et  les  iiuiuiétudes  des  âmes  pieuses,  quand  il  a  replié  les 
jaiiiix's  du  Sauvoui'  et  opéré  un  de  ces  raccourcis  dont  il  faut  demander  à, 
Micli(;l-Aiige  le  secret. 

Deux  choses  sont  à  examiner  relativement  h  la  croix  :  la  matière  et  la 
forme. 

I5i)is  é(]uarri,  si  l'on  consulte  la  tradition.  la  croix  fut  au  contraire  un  arbre 
simplcinent  ébranché  et  encore  revelu  de  son  écorce,  si  l'on  s'en  rapporte 
aux  peintures  syiiil)i)li(]ne>  du  moyen  âge.  .^e  n'ai  pasà  fixer  de  règle  sur  un 
(h'tail  (|u'il  conNiciit  de  laisser  libi'e  au  goùl  de  chacun,  suivant  (jue  l'histoire 
DU  le  symbole  guidera  la  main  de  l'artiste  pour  l'interprétation  de  la  onzième 
station. 

Même  latitude  me  semble  possible  pour  la  l'orme;  car,  suivant  les  époques, 
il  y  a  deux  espèces  de  croix.  L'une  est  dite  «  croix  latine  »  ;  son  sommet 
dépasse  sa  traverse.  1. 'autre  est  appelée  croix  en  «  Tau  »,  parce  (pi'elle  a  la 
forme  du  T  grée  el  ([ue  son  croisillon  aj^iniie  sur  le  sommet  de  sa  hampe.  La 
première  l'orme  est  pins  usuelle  ;  probablement  aussi  c'est  la  plus  exacte  et  la 
plus  conforme  à  la  vérité.  La  seconde,  créée  par  les  albigeois,  apparaît  surtout 
aux  xv*^  et  xvi''  siècles,  et  son  adoption  est  souvent  motivée  par  des  textes  du 
genre  de  ceux-ci:  «  Ipsa  cnim  littera  Grœcorum  Tau;  nostra  autem  T.  species 
crucis.  ))   (Teutlllia.n.  «  Adv.  Marcion.  »)  —  u  Tau  littera  specieni  crucis 

paliebatur  erubcscentiiim  nuditalis  susd Et  ipse  Filius  meus  (c'est  la  Vierge  qui  parle', 

venieiis  il)i,  cxuit  se  pcrsonalilcr  vestil)iis  suis;  stanle  autem  l'ilio  mco,  slcut  natus  erat,  iiudo 
corporo  )). 

Mario  d'Agréda,  dont  on  a  beaucoup  trop  fait  do  bruit  on  France,  puisque  sa  «  Cité  mystique» 
a  été  condamnée,  le  2G  juin  I6SI.  pur  le  vénérable  lunocent  XI,  Marie  d'Agréda  soutient  sans 
fondement  l'opinion  conliairo,  qui  na  pour  nous  que  la  valeur  d'une  rêverie  ou  d'une  singu- 
larité. 

1.  S.  A.Mimus.,  (1  In  Luc.  »,  lib.  \.  —  S.  Atihnas..  «  Orat  de  l'ass.  et  Cruce  Dom.  ».  — 
S.  Augustin.,  «  De  Civit.  Doi  »,  I.  xvi,  c.  i.  —  S.  Cvi'RIan,  «  Epist.  ■>,  63. 

2.  .\rti;mii)oi\,  lib.  il.  cap.  o8. 


ICONOGIiAPllIi;   DU   CIIKMl.N   DK  LA  CROIX.  29 

démonslrat.  »  (Isidor.  «  de  Vocal  gent.  »)  —  «  Extrema  Tau  (littera)  crucis 
habet  similitudinem.  »  (S.  Hieko.wm.  «  In  Ezéchiel.  »,  cap.  ix.) 

Et  comme  il  ne  sulTirait  pas  de  constater  une  ressemblance  purement  phy- 
sique, on  s'élève  plus  haut  en  jetant  un  regaid  sur  le  passé  et  en  lui  deman- 
dant la  raison  de  ce  symbole. 

L'antiquité  a  admis  pour  les  pieds  du  crucifié  un  support  en  bois  destiné  à 
soulager  le  corps  et  empêcher  une  tension  intolérable  et  une  suspension  trop 
douloureuse.  Les  modernes  ont  rejeté  ce  support  (|u'il  serait  l)on  de  remettre 
en  usage  ;  car,  outre  son  emploi  à  peu  près  certain,  il  est  mentionné  par  deux 
auteurs  d'un  grand  poids  en  pareille  matière  :  l'un  du  vi'  siècle,  l'aulro  du  xiir, 
Grégoire  de  Tours  et  Innocent  III,  ces  deux  lumières  du  moyen  âge  naissant 
et  du  moyen  âge  à  son  apogée. 

Il  In  stipile  ereclo  foramen  faclum  manifeslum  est.  Pes  qtioque  parvai 
tabula;  in  hoc  foramen  insertus  est.  Super  hanc  vcro  tabulam,  tanquam  stan- 
tis  liominis,  sacra-  afTixii!  sunt  planliu.  »  (Giiegoh.  Tino.\E.\.  «  Ue  Glor. 
Mart.  i>,  c.  VI.)  —  «  Fucrunt  in  cruce  dominica  ligna  quatuor  :  slipes  erectus, 
et  lignum  Iransversum,  truncus  suppositus,  et  tilulus  superpositus.  »  >^I.n.\u- 
ci:m  III.  Sorin.  1.  »  De  uno  Mart.  ») 

.rinvo(|uerai  les  mêmes  autorités  pour  prouver,  ce  qui  me  parait  le  plus 
vraisemblable,  que  Jésus  fut  attaché  à  la  croix  par  quatre  clous. 

Il  Glavorum  domiiiicorum.  ([uod  quatuor  fucrint,  lia-c  est  ratio:  duo  sunt 
alTixi  in  palmis  et  duo  in  planlis.  »  (Gni;«;on.  Tlho.nkn.  «  De  Glor.  Martyr.  », 
c.  VI.)  —  Il  Fuerunl  clavi  (|ualiior.  quibus  manus  confixa'  sunt  et  pedes 
afTixi.  1)  (Innocent.  III,  «  Sermo  de  uno  Martyr.  Sermo  »  *.) 

Les  lexles  sont  d'accord  avec  les  moiiumenls  pour  aflirmer  celte  loi  icono- 
gra|)hir|uo,  |)()sée  déjà  par  M.  Didrun,  à  savoir  (|ue  jusiin'au  xiii'  siècle  les 
clous  sont  au  nombre  de  ([ualre;  mais  iju'à  partir  do  cette  époque,  on  n'en  fait 
plus  usage  que  de  trois  ^. 

Il  r^l  iiK'iMi!  curieux  d'apprendre  d'un  évé(|ue  de  Galice,  contemporain  du 
changeiiinit.  (|ue  ce  sont  les  albigeois  qui,  entre  autres  nouveautés  icoiiogra- 
plii(|ucs,  ont  imaginé  et  lait  adopter  les  crucilix  h  trois  clous;  celle  seule 
origine  notoirement  héréliciue  di.'vrait  désormais  faire  exchnv  les  trois  clous 
de  nos  églises. 

\.  (I  C.liivis  aocros  podos  (crobnintiltiis.  •  (S.  Cyprian.,  •  St>riii.  di'  l'asii.  Dom.  •)  —  |)u  lc\lr 
(lu  Siiiiil  JiMii  (<'.    MX.  V.  i'.i],  i|iii   |)arli<  lie  i|iiiilri)  |)iir(s  riiili'.H  |wr  lc*~  -  nifnU  du 

SiiuvtMir,  Il  ot  r<i('(<i'iiiil  t|iiiitiic>r  |iiirUs,  tiiiiciiii|iu'  iiullli  |itirl('iii  >,  un  |><'ii  i\  \  «tjii 

i|ii(t  qualru  solilul;*  oiTupi^  nu  orucincmoiii. 

i.  a  Annalps  Ari'lic^ologii]ut'!i  »,  I.  ni,  )<•  3bl. 


30  ANNALKS  AKClIKOLDlilOL'KS. 

lùioiiint  liiiii  toiiiporis  supradicti  liaL-rclici  cruccm  cuiii  tribus  branchiis 
tantiiin,  in  (|ua  oral  iinaj^o  iiiio  pede  super  aliuin  tribus  clavis  cidom  cruel 
alïixa;  (|uu;  itraciiio  eiiiiiieiitii)ri  carobat  ;  (|uaiii  veiiicntcs  populi  luco  cruels 
C.hrisli  dcvotissiuie  adorabaiit...  Aiii,  iiulla  l'ulti  autiioritalc,  asscrebaiit  tribus 
laiiluiii  claxis  cruei  fuisse  adixuiii,  cl  non  dcxtruin  latus  cjus  sed  sinistruni 
lancoa  vulncratuiii  i.  » 

Il  est  vraiment  clrange  que  Marie  d'Agréda.  (|ui  aflirnie  avoir  écrit  ses  ré- 
vélations sous  la  dictée  du  Sauveur,  se  prononce  [)our  les  trois  clous,  contrai- 
rement à  la  plus  saine  et  la  plus  vénérable  tradition.  Je  ne  m'étonne  pas  que 
rincpiisition  romaine  lui  ait,  à  cet  endroit,  inlligé  un  blâme  sévère,  car  l'Église 
ne  jjcul  pas  permettre  (pie  les  fidèles  soient  induits  en  erreur,  en  acceptant, 
comme  venant  de  Dieu,  ce  ([ui  est  le  fait  d'une  imagination  exallée  et  d'une 
natin'c  rêveuse. 

A  la  (in  (lu  Mil"  siècle,  le  fait  est  si  bien  accompli,  que  Jacques  de  Voraginc 
l'acceplc  sans  cuiilrùlc  et  l'insère  dans  sa  «  Légende  dorée  »  : 

«  Cruciatus  cnim  fuit  (Christus)  in  toto  corpore.  In  parte  suprema  fuit 
spinis  coroiialus.  lu  iiirdia  fuil  ad  columnam  iigatiis  et  flagellatus.  In  infuna 
fuit  pedibus  piMibralus.  iihi  sciisil  iiia<;iuim  dolorem,  quia  locus  erat  nervosus, 
et  quia  unus  pes  super  alitiin  positus,  et  quia  grossis  clavis  perforatus,  et  quia 
innitebatur  clavatis  pcdibus  totum  corpus  -.  » 

Les  clous  de  la  Passion,  vrais  ou  faux,  copies  ou  originaux,  ne  manquent 
pas  dans  l'univers  catlioli(|ue.  Ce  n'est  point  ici  le  lieu  d'en  discuter  l'authen- 
ticité, ni  même  d'en  énunir'i'er  le  iiuiiibn'.  Il  me  sufTit  de  ciler.  comme  modèle 
à  proposer  aux  artistes,  le  clou  déclaré  authentique  par  Benoît  XIV,  et  que 
l'on  conserve  à  Rome  dans  la  basilique  de  Sainte-Croix  de  Jérusalem.  Je  suis 
heureux  d'en  présenter  ici  la  forme  et  les  dimensions  exactes,  d'après  le  fac- 
similé  ([ue  distribuent  aux  étrangers  les  cisterciens  du  couvent  de  Sainte-Croix. 

On  remarquera  la  tète  arrondie,  la  tige  carrée,  épaisse  et  amincie  seule- 
ment à  la  pointe.  Sur  ce  clou  sont  encore  visibles  les  coups  de  marteau  qui 
l'enfoncèreiil  dans  le  buis  et  le  tiraillement  imprimé  par  les  tenailles  (jui  l'ont 
tordu  ^. 

\.  \\\\.\.  11  Pictor  christiaiuis  eru(iilns  ».  Madrid,  1730,  p.  167-168. 

2.  «  Legenda  aurea  ».  «  De  passionf»  Domini  ». 

3.  En  donnant  le  fac-siinile  du  clou  auquel  pend  le  lacs  de  soie  rouge  marqué  du  sceau  en 
cire  rouge  de  Sainte-Croix  de  Jérusalem,  les  cisterciens  délivrent  l'attestation  suivante,  signée  de 
leur  abbé  :  «  Universis  et  singulis  pnçsenles  iiUeras  inspeoturis  fidem  facimus  atque  attestamur 
Clavum  ferreum,  serica  vitta  rubri  coloris  parvo  nostro  sigillo  munita  colligatum,  apposilura 
fuisse  supra  unum  ex  Sacris  Clavis  quibus  I).  X.  J.  G.  crucifixus  fuit;  quique  asservatur  in 
sacr.iruin  reliquiarum  saccllo  apud   nionaslerium  Urbanum  Sanctaî-Crucis  in  Jérusalem.  Ordiais 


icoNOGRAr'nir-:  du  cnr.Mi.N  de  la  croix. 


31 


l\    DES    Cl.OtS    DE    H    cnoiv    DE    JÉSIS-CURIST. 


hM'BKS     I.E    F  \(,-SI  IIII.E    DE    S  A  1  \r  E -C  B  O  r  \     Il  E    JUllSAI.til,    A    nO«l. 

1,0  crucifiement  avait  lieu  par  «  asfixion  »,  par  «  astriclion  »,  ou  même 
par  <i  érection  ». 

On  rapporte  dans  les  «  Actes  »  de  saint  IMunitis  que  le  saint  inarl\r  se  dé- 
pouilla lui-même  de  ses  vêtements,  et,  rendant  grâces  à  Dieu,  s'étendit  sur  le 
bois  de  la  croix,  puis  livra  ses  mains  et  ses  pieds  au  cruciaire  pour  qu'il  les 
perçât  de  clous  ;  la  croix  fut  ensuite  élevée  en  l'air  *. 

Tel  est  sommairement  le  crucifiement  par  asfixion.  C'est  celui  que  l'Eglise 
romaine  a  adopté,  que  figure  un  charmant  émail  du  Louvre  -  cl  que  prescrit 
en  ces  termes  le  «  (niide  byzantin  de  la  pointure  »  : 

«  Lu  Christ  clouiî  sir  i,\  choix.  —  Une  montagne  sur  la(|uelle  sont  des 
juifs  et  des  soldats.  Au  milieu  d'eux,  une  croix  couchée  à  terre;  le  Christ  est 
étendu  dessus  à  la  renverse.  Autour  du  Christ,  trois  soldats  lui  tirent,  les  uns 
les  pinds  et  les  autres  1rs  mains,  avec  des  cordes;  d'autres  .'îoldats  apportent 
des  clous  et  les  enfoncent  à  cou|)s  di*  marteau  dans  ses  pieds  et  dans  ses 
mains.  On  voit  une  seconde  fois  le  Christ  debout  devant  la  croix.  Lu  soldat 
lui  présente  à  la  bouche  un  vase  plein  de  vin;  mais  le  Christ  détourne  la  tète 
en  arrière  et  refuse  de  boire  •''.  » 

Lcoutons  iii.iiiileiiaiit  le  séraphi(|ue  docteur  saint  Bonaventure,  cpii  a  laisse^ 
sur  l.i  vie  el  1,1  passion  du  Sauveur  de  touchantes  méditations  : 

(  (i  ;i  cel.i  l'ends-tui  pr/'-eiile  i|e  loiil  le  regard  de  ton  âme Vois  donc. 


Ciiitcrcionsiuni  ;  nuii)iloiiu)iio  lulou  nlTaliro  (<li)l)oriitiiiii,  iil  similliinuH  viilciitur.  —  IVilum  Roro.i>, 
in  nnslrn  mnniislorio  Siinolir-Oiicis  in  Jortisiilcm  >. 

t.  Il  Ultni  so  vosliincnlis  spolinvit  cl,  in  r<i>lum  sii!vipi(<ns  nr  I>(m  };r,iiiiM  H>;i>n!i,  !i(i|M*r  li);nuni 
so  i|)siini  o\t(Miilit  militii|uo  Iniiliilil  utcliivis  coiifigiToliir.  Kiini  i^iliir  li^no  fixuni  on-terunl.  • 

i.  Ciiilorid  (i'A|u)ll»n,  n"  Mî,  xv*  sitVIi'. 

:i.   •  M;iriiii'l  (ririiiin;;ni|)liit'  clirr'lii'niii',        (iiiiijo  ilo  lu  |M<inliiri<  »,  p.  l'U-IIS 


32  ANNALF.S  AUCIlf.OLOGIQUES. 

des  yoii\  <li'  Ion  àiiii-.  1rs  uns  ficher  la  croix  eii  terre,  les  autres  préparer  les 

riouris  ol  les  muricis,  d'autros  apprôlcr  rérhollo ,  d'autres  enrin  dépouiller 

le  Si.'igneur.  On  Ii-  (irpouille  en  elTet  et  il  est  nud,  ce  maintenant  pour  la  troi- 
sième fois,  devant  loutt;  la  multitude Aussi  est-elle  attristée  (Marie)  outre 

mesure  et  roiigit-clji'  d(,'  lioiile  de  ce  (|u'clle  le  voit  tout  nud;  i-ar  ils  ne  lui  ont 

même  pas  laissé  de  fémoraux (!y  remarque  attentivement  la  disposition  de 

la  croix.  L'on  dresse  deux  échelles  par  derrière,  l'une  joignant  le  bras  droit, 
l'autre  juit^nant  le  bras  gauche,  sur  lesquelles  ces  malfaisants  montent  avec 
clouds  el  martels.  I/on  dresse  encore  une  autre  échelle  par  devant,  atteignant 
jusques  au  lieu  où  doivent  être  cloués  les  pieds. 

«  Considère  bien  ores  chacune  chose.  Le  Seigneur  est  contraint  de  monter 

par  celle  pi'iili'  i''(lii'llc I.iirs  donc  ([u'il  est  parvenu  à  la  partie  supérieure 

do  celle  petite  échelle,  il  louiiic  les  reins  à  la  croix,  ouvre  ses  bras  royaux,  et 
étendant  ses  très-belles  mains  en  haut,  les  présente  à  ses  bourreaux.  Il  regarde 

au  ciel,  disant  à  son  Père  :  «  Me  voici,  mon  Père » 

«  Or  voilà  que  le  bourreau,  qui  est  par  derrière  la  croix,  saisit  la  main 
dextre  du  Siuivem-  et  ratlache  fortement  à  ladite  croix.  Ce  qu'étant  fait,  celui 
(|ui  est  du  côlé  gauciie  saisit  la  main  gauche,  la  tire  tant  ([u'il  peut ,  l'étend 
et  y  fiche  un  autre  cloud,  le  frappe  et  l'enfonce.  Ils  descendent  après  cela  el 
l'on  remporte  toutes  les  échelles. 

u  Le  Seigneur  est  suspendu  de  toute  la  pesanteur  de  son  corps  qui  tire  par 
en  bas;  il  n'est  soutenu  f|ue  par  les  clouds  enfoncés  en  ses  mains.  Néanmoins 
se  présente  encore  un  autre  bourreau.  f|iii  le  tire  par  les  pieds  tant  qu'il  peut, 
et  quand  il  est  bien  (''tendu  de  la  sorte,  un  auti'e  lui  perce  les  pieds  avec  un 
cloud  ti'ès-barbare  '. 

«  Il  en  est  toutefois  aucuns,  lesquels  pensent  que  ce  ne  fut  point  de  cette 
manière  qu'il  fut  crucifié;  ainsi,  qu'après  avoir  mis  bas  la  croix,  les  bourreaux 
l'y  ayant  attaché,  élevèrent  icelui,  et  fichèrent  cette  croix  en  terre.  Que  si  la 
chose  te  plaît  mieux  de  celte  sorte,  considère  conune  ils  le  prennent  dédai- 
gneusement, ainsi  que  le  i)lus  vil  ribaud,  et  avec  quelle  félonie  ils  le  couchent 
dessus  la  croix  qui  est  par  terre,  saisissant  ses  bras,  et,  après  une  violente 
extension,  les  attachant  très-durement  à  la  croix.  Considère  qu'il  en  fut  fait 
mémement  des  pieds,  lescjuels  ils  tirèrent  le  plus  violentement  qu'ils  purent. 
u  Voilà  qu'il  est  crucifié,  le  Seigneur  Jésus!  et  tellement  étendu  en  croix, 
que  l'on  pourrait  dénombrer  tous  ses  os,  ainsi  (|uc  lui-même  s'en  plaint,  par 
son  prophète.  Des  ruisseaux  de  son  très-sacré  sang  coulent,  de  toutes  parts, 

I.  Saint  Bonavcnliiie  est   mort   on  \i~'*.  II  vivait  donc  à  l'époque  où  déjà  prévalait  l'opinion 
d'un  seul  clou  pour  les  pieds,  opinion  qui  entraîna  la  suppression  du  «  suppedaneum  «. 


ICONOGRAPHIE  DU  CHEMIN   DE   L\   CROIX.  33 

de  ses  larges  plaies.  Il  est  tant  à.  l'étroit  qu'il  ne  se  peut  remuer,  si  ce  n'est 
de  la  lête.  Trois  clouds  lui  soutiennent,  tout  le  poids  de  son  corps;  il  souffre 
les  douleurs  les  plus  aiguës  et  est  tourmenté  par  delà  tout  ce  que  l'on  pour- 
roit  (lire,  ou  penser.  11  pend  entre  deux  larrons*.  » 

Saint  Bonaventure,  on  vient  de  le  voir,  hésite  sur  le  mode  du  crucifiement. 
Après  avoir  indiqué  son  sentiment,  qui  pencherait  pour  l'érection,  il  cite 
l'opinion  de  ceux  qui  croient  ti  rasfixion.  Or,  de  son  temps,  la  première  opi- 
nion semblait  prévaloir,  témoin  un  bel  ivoire  du  musée  de  Cluny,  qui  me 
remet  en  mémoire  cette  phrase  de  Cicéron,  indiquant  un  gibet  permanent  : 
«  In  campo  Martio  cruccm  ad  civium  supplicium  defigi  et  constilui  jubés.  » 

Le  juif  Josèphc  ne  parle  pas  différemment  :  »  Bassus  jussit  defigi  crucem. 
tanquam  statim  suspensurus  in  ea  Eleazalum.  »  (Lih.  Vil,  »  De  Excidio 
Jud.  ..) 

Enfin  l'astriction  employait  des  cordes  concurremment  avec  les  clous  ou 
même  sans  les  clous,  ainsi  qu'on  représente  souvent  les  deux  larrons,  liés, 
mais  non  transpercés  de  clous.  L'historien  grec  Nonnus  le  dit  expressément 
dans  ce  vers  : 

In  cruco  prxduris  clavis  Tixi  inquc  ligali, 

que  roiiliniio  iiik'  iiisniptioM  relevée  en  lfi53  par  Martinelli.  Or  celle  longue 
et  curieuse  inscriplion  |iorie  ([ue  sainte  Hélène  donna  à  la  basilique  de  Sainte- 
Croix  de  Jérusalem  la  corde  qui  attaicha  Jésus-Christ  sur  la  Croix  :  «  l'unis 
fiuo  ligatus  fuit  I).  N.  Jésus  Clirislus  in  crucc  »  -. 

.Ii;  ne  puis  oublier  le  témoignage  de  saint  Ililairc,  évé(|ue  do  Poitiers,  ni 
celui  de  Tertullicn,  qui,  dans  le  cmcificment  du  Sauveur,  joignent  l'astriction 
au  supplice  des  clous  :  «  Tune  l'otrus  ab  altero  ungilur,  cum  cruci  adslrin- 
gitur.  11  (Tkiiti  ii.iw.  »  lu  Scorpiaco  ».)  —  «  l'enduli  in  crucc  corporis  pœn;D 
et  colligantiiuM  fiuiiuni  violenta  viiicula,  et  adactorinn  clavoriun  viilnera  a. 
(S.  llii.Ait..  u  !),>  Trinilato  n,  lib.  \). 

i.ucain,  dans  sou  dialogue  de  l'romélhée.  doiuie  couinu'  il  suit  le  di'lail  dos 
diverses  phases  du  crufifiemont  :  »  Criirifigalin*,  exionsus  ambas  manus  ab 

har  |i.irh'  in  adM'r-aiii Srd  pia'ln'  dcxli'iani.    Tu    aiili'in.    \  uirnno,  as- 

tringe,  et  conlige,  et  malleum  forliter  demillc.  I)a  el  alterani.  qiio  illa  eliani 
rectc  astringatin*.  » 

11  uie  serait  dinicili'  de  iiréci-icr  li'  moment  auquel  le  litro  ou  écritcau  fut 

I.  «  Méilitiiliun^  sur  In  vio  (li<  N.  S.  J.-('.  «.  \y.\r  lo  <u^rn|iliiquo  doctrur  saint  lk»AVS>Ti'itt, 
U'ailuitos  pur  ilom  l.i<  l)annii>r,  t.  ii.  p    171-171. 
t.  Hoiiiii  l't  ollmlca  siimi  »,  p.  !(ti. 

XXIV.  5 


34  ANNALKS   ARCIlf:ni.f)f;iOlIES. 

attaché  au  sommet  do  la  croix.  On  peut  donc,  sans  invraisemblance,  lameflre 
aux  mains  d'un  des  assistants,  ainsi  que  l'a  fait  le  peintre  Fuericli,  ou  encore 
lui  donner  lout  de  suite  la  place  qu'il  doit  occuper  définilivemenl. 

Fendant  tout  le  moyen  âge,  et  de  nos  jours  encore,  on  a  fait  des  (îcriteaux 
de  fantaisie,  reproduisant  ou  le  monogramme  du  nom  de  Jésus,  iiis,  doublé 
parfois  du  monogramme  du  nom  de  Christ,  xrs,  ou  les  initiales  du  litre  véri- 
table :  I  •   N   •  n   •  I.  qui  signifient  jesls  n\zarem;s  rfa  .hdteorim. 

Les  dimensions  restreintes  de  l'écritcau  forcent  souvent  à  ce  dernier  parti  ; 
mais,  lorsque  l'étendue  de  la  composition  le  permettra,  il  est  d'une  archéo- 
logie sérieuse  et  bien  entendue  de  copier  le  vrai  titre  que  Rome  conserve  dans 
la  basilique  de  Sainte-Croix  de  Jérusalem  et  dont  voici,  à  l'autre  page,  une 
reproduction  faite  d'après  la  gravure  que  donnent  en  souvenir,  aux  pieux  visi- 
teurs, les  Cislerciens  de  Sainte-Croix  '. 

Saint  Matthieu  décrit  en  historien  le  tilic  de  la  croix,  c'est-à-dire  par  à-peu- 
près  et  sans  y  attacher  trop  d'importance  :  «  ïït  imposuerunt  super  caput  ejus 
causam  ipsius  scriptani  :  me.  est  jesi  s  nv.\  .11  d  koki  m  »  -. 

Si  sailli  Mallliicu  a  ajouli''  les  deux  mois  iiir.  est  et  supprimé  le  .\\z\- 
RENLis,  saint  Alarc.  qui  écril  plus  rapidement  et  sans  s'appesantir  sur  un  di'-tail 
minime  à  ses  yeux,  retrancho  la  moitié  de  l'inscription  et  n'en  laisse  subsister 
que  la  fin  :  «  VA  erat  tilulus  caus;p  ejus  insrriptus  :  \\v.\  .irn^;oui:.M  ». 
(S.  Mauc,  c.  \v.  ,\.  t2S.). 

Saint  Luc  tronque  rinscriplioii  en  ne  conservant  ([uo  lo  |iriiiripal  iiintir 
d'accusalion  l'ornuiir'  pai'  les  Juifs,  cl.  comme  saint  Matthieu,  njitutc  un  en-tête 
inulilc.  Mais  son  texio  est  pi'écioux,  parce  qu'il  affirme  un  l'ail  capital,  à  savoir 
que  le  titi'c  fut  gravé  dans  les  trois  langues  parlées  à  Jérusalem,  le  grec,  le 
latin  et  l'hébreu.  «  Erat  autem  et  superscriptio  scripta  super  eum  litteris 
grœcis  et  latinis  et  hebraicis  :  iiic  est  rex  jid/EOiîlm  ».  (S.  l.rc,  c.  xxin, 
f.  38.) 

Seul,  l'évangéliste  saint  .Tean,  qui  avait  assisté  à  la  Passion,  suivi  ses 
diverses  phases  et  enfin  avait  jiu  voir  la  croix  de  près,  nous  donne  l'idée  du 
titre  tel  qu'il  est.  Son   inscriplion  est  la  vraie,  et  il  pousse  même  la  fidélité 


1 .  Au  bas  do  celle  gravure  sur  métal,  on  lit  : 

«  Imago  triumplialis  Tituli  vivifioœ  Crucis  D.  N.  Icsu  Clirisli  quali>  liodie  Roiii.T.  npud  Cisler- 
ciân,  intra  basilicani  S.  Crucis  in  lerusalem,  seu  intra  capeliam  S'""  Rcliquiarum  conspicilur.  Cu- 
jus  Tiluli  vprilatein  alque  inventionem  bulla  Alex.  VI,  dat.  Rom;r,  die  29  lulii  1491).  plone  lesia- 
lur.  Cliaracleres  autem  infabre  tune  lemporis  sculptes,  ut  vides,  vetustas  paulatim  I.Tsit,  sed 
li.Tbraicos  magis  ». 

■î.  S.  Maltli.,  wvii.  37. 


ICONOGRAlMlli:   DU   CHEMIN   DE  LA   CROIX. 


35 


matérielle  jusqu'à  iiidic|uer  l'ordre  dans  lequel  les  trois  langues  sont  super- 
posées :  en  liaut,  l'hébreu;  au  milieu,  le  grec;  en  bas,  le  latin. 


TITIIE    DE    L\    CBOIX     Ut    J  KS  C  S-C  11  n  1  »T. 
KkOL'CTIOM    OU    rAC-ttlUlLB. 


Il  ■  ,\n  n  k  >   1.  x  (.  n  \  \  I  K  K  k  \  k  t;  i  T  k  e  a   ■.  \  i  m  e  -  c  ko  h    de  j  f.  n  i  s  a  l  e  u  ,   a   hou». 


Les  textes  des  trois  autres  évangélisles  sont  vagues  et  laissent  dans  l'indé- 
cision ;  sans  se  contredire  entre  eux,  au  moins  ils  ne  se  ressemblent  pas,  et 
surtout  sont  d'une  concision  qui  nous  renseigne  assez  peu. 

Saint  Jean  au  contraire  est  précis,  détaillé,  et  les  deuv  versets  qu'il  consacre 
ail  lilii'  soiil  si  rigoureusement  exacts  qu'on  peut,  ce  (|u'on  n'eût  pas  fait  pour 
les  autres,  les  conl'ronler  hardiment  avec  l'original.  C'est  donc  en  face  du 
fac-similé  qu'il  faut  lire  l'acte  d'accusation  écrit,  sinon  de  la  main,  du  moins 
sous  la  dictée  de  Pilate  :  «  Scripsit  auteni  et  titulum  Pilatus;  et  juisuil  super 
crucem.  Krat  autem  scriptum  :  »  jksis  na/.mu:ms  hkx  j i  d.i-oiu  \i  ".  — 
"  llniic  I  r;;ii  liliiluiii  iiiiilli  Jiida'orum  U'geruiil  :  (|uia  prope  civilalem  eral 
locus  iil)i  ciiicilixus  est  Jésus,  lit  erat  scriptum  liebraicc,  gra'co  et  latine.  — 
Dicrli.iiil  orgo  Pilato  pontitices  Juda-oriiiii  :  imli  scribere  :  lU'X  Juda'orum;  sed 
(juia  ipse  dixit  :  llex  sum  Juda'orum.  —  lle.-ponilit  l'ilaliis  :  (jiiod  scripsi, 
scripsi  1).  (S.  Jovnn.,  c.  xix,  j!.  11)-2'2.) 

Trouvé  sur  le  calvaire  par  sainte  Hélène,  puis  donné  h  la  basili(|uc  Sesso- 
rieime,  billic  iii  i'huiimiir  di-  la  sainte  Croix  sm-  riMiipInconR'nl  de  son  palais 
il  Uomc.  Ir  liliv  (liiiHiiia  piiisicurs  siècles  oublié,  méconnu,  égaré.  Va:  no  fut 
i\{\'k  la  lin  (lu  \vi"  siècle,  »|ut'  des  restaurations  entreprises  pour  le  rajeunisse- 
ment de  la  basili<iiii'  h'  lirciit  découvrir  dans  ré|)aisseur  d'un  mur,  altéré  p.ir 


36  ANNALES  AliCliriOLOGIOUES, 

l'Iiimiiiliti;  cl  roiig(';  entièrement  sur  un  de  ses  côtés.  La  gravure  fait  voir  dans 
quel  état  il  se  trouve  actuellement,  l/incurie  des  siècles  l'a  réduit  à  une  moitié 
de  ce  (|u'il  était  ;  cependant  il  en  reste  encore  assez  pour  juger  de  l'ensemble, 
qui  a  été  rétabli  par  un  savant   rabbin,  depuis  converti   au  catholicisme, 

.M.  Di'acli.  M^illii'iircnsi'iiii'iil  il  ]i'r\i>|c  (lu'iine  copie  de  cette  restitution  cl 
elle  est  enfermée  avec  la  i-eli(|iio  cllc-niénic  dans  le  trésor  de  Sainle-Ciroix. 

Le  litre  est  um^  lablelte  de  bois  rectangulaire,  large  el  peu  liaule,  gravée 
de  lettres  irrégulièi'cs,  mal  alignées  et  évidemment  tracées  avec  une  précipi- 
tation qu'expliquent  assez  les  circonstances.  Ce  n'est  donc  pas.  comme  l'ont 
imaginé  les  artistes  des  trois  dei'niers  siècles,  une  pancarte  de  parchemin  flol- 
taiit  au  \riil.  Col  un  panneau  (|u'il  fauili'a  di''sormais  représenter  et  attacher 
à  la  croix  par  Imis  clous.  |)uis([ue  saint  Cyprien  est  sur  ce  point  l'organe  de  la 
tradition  ecclésiastique,  consignée,  pour  passer  k  la  postérité,  dans  le  «  Corpus 
juris  canonici  »  :  —  «  Ponlius  Pilatus.  impulsa  mente  a  Deo.  acccpit  tabulam 
el  titulum  scripsil  tribus  linguis  :  cl  in  capile  ligni  clavis  tribus  tabulam  cum 
nomiiie  llegis  Juda-orum  conlixit.  » 

Tout  ce  que  jai  dil,  développé  et  connnciité  sur  les  détails  de  la  onzième 
slalidu  peut  se  résumer  dans  le  tableau  .--uivant.  fidèlement  tracé  par  le  père 
Tarvilliers,  qui,  en  ([uelques  mois  choisis,  trace  largement  l'iconographie  du 
crucifiement. 

Il  Aussitôt  (juil  lui  ari'ivé  en  haut,  ou  lui  lit  mettre  sa  croix  à  terre  sur  la 
place  du  crucifiement .  cl  tandis  qu'une  partie  des  soldats  prépare  les  marteaux, 
les  clous,  les  cordes  et  les  autres  instruments  du  supplice;  tandis  qu'une 
autre  partie  perce  les  trous  et  attache  le  titre  de  la  croix  et  fait  la  fosse  où  elle 
doit  être  plantée,  en  voici  cjui  le  dépouillent  tout  nud  pour  la  troisième  fois, 
et.  en  le  dépouillant,  renouvellent  toutes  les  playes  de  sa  llagellation.  Ce  fut 
un  spectacle  horrible  de  voir  le  corps  du  Sauveur  tout  en  sang  et  tout  déchiré. 
Les  bourreaux  lui  disant  :  »  Pauvre  honmie,  il  est  tems  de  mettre  fin  à  ta 
misérable  vie;  couche-toi  sur  ce  lit  douloui'eux  de  la  croix  ».  Quelques-uns  des 
plus  cruels  le  prennent  par  les  cheveux  et  par  la  barbe  et  l'abattent  sur  ce 
dur  bois.  Voici  la  manière  avec  laquelle  il  fut  crucifié  :  on  lui  prend  la  main 
droite,  et,  en  la  plaçant  sur  un  trou  fait  exprès  en  la  croix,  on  la  cloue  avec  treize 
grands  coups  de  marteau.  Quelle  douleur!  Une  partie  si  nerveuse,  si  fournie  de 
muscles  et  de  tendons,  de  veines  et  d'artères,  être  percée  avec  un  gros  cloud. 
Autant  de  coups  de  marteau  qu'on  donnoit  sur  la  main  du  Sauveur,  c'étoit 
autant  de  martyres  pour  sa  très-sainte  Mère,  qui  sentoit  les  contre-coups. 
Après  la  main  droite  clouée,  on  vient  à  la  main  gauche;  mais,  comme  tous  les 
nerfs  et  tous  les  muscles  s'éloient  retires  et  raccourcis,  elle  ne  pouvoit  joindre 


ICOiNOGRAPUIt;  UL    CHEMIN    UE  LA  CHOIX.  37 

le  trou  qui  lui  étoit  préparc.  Il  fallut  donc  la  tirer  et  la  faire  arriver  à  force  de 
bras.  l'ensez  avec  quel  sentiment  de  douleur  on  perça  et  on  cloua  celte 
seconde  main  avec  treize  grands  coups  de  marteau;  combien  de  sang  répandu 
de  ces  deux  mains,  quand  il  fut  question  de  venir  aux  pieds.  Or  qu'il  fallut 
faire  de  force  et  de  violence  pour  les  faire  descendre  jusques  aux  deux  trous 
qui  leur  étoient  destinez!  On  les  cloua  l'un  après  l'autre,  chacun  avec  dix-huit 
grands  coups  de  marteau  et  avec  une  rivière  de  sang...  0  sainte  Vierge!  on 
pouvoit  bien  dire  alors  que  votre  douleur  étoit  grande  comme  la  mer  !  Voilà 
donc  l'homme  de  douleur  crucifié;  il  ne  reste  plus  qu'à  élever  la  croix  et  à  la 
planter  d;ui.s  la  l'u.-'.su  (ju  on  lui  a  creusée  *.  » 

X.  liAliltli;»   1)1-;   MONTAULT, 

Chonoiao  liu  U  basiiiquo  d'Aoagni. 

I.  «  1x1  Dovolion  des  I>rc(lc?liiicz,  ou  les  Stations  de  Jérusalem  et  du  Calvaire  *,  par  lo  R.  P. 

A.  l'AUviMiiciis.  Liinogcs,  1734,  p.  IO0-IO8. 


TKioMriii:  i)i:  la  ciiasti:té 


Il  y  a  trois  Cliastclés  :  la  païenne,  la  chrétienne  et  celles  des  troubadours. 

La  Chasteté  païenne  a  pris  pour  héroïne  Diane  la  chasseresse.  11  parait  (|ue 
la  chasse,  surtout  dans  les  bois,  où  l'on  ne  rencontre  guère  que  des  bêtes 
sauvages,  porl(>  h  la  xcilu  de  chasteté.  11  ne  faudrait  pas  trop  s'y  fier  cepen- 
dant, et  la  iiiylhologic  raconte  ([iie  Diane  ellc-in(Mne  a  fait  plus  d'un  accroc  à 
son  iiiiniKnir.  Mais  t(nit(!  vertu  païenne,  celle-là  principalement,  n'est  jamais 
praticiuée  à  l'absolu,  et  la  moins  débauchée  des  déesses  peut  être  considérée 
comme  chaste.  Quoi  qu'il  en  soit,  Diane  a  été  prise  pour  le  type  de  la  pudeur 
antique,  et  c'est  elle  qu'on  place  dans  le  char  qui  mène  la  Chasteté  en 
triomphe. 

A  la  renaissance  du  xvi'  siècle,  on  représente  connue  il  suit  le  triomphe  de 
la  Chasteté  : 

Diane  presque  nue  '.  croissant  lumineux  à  la  tète,  carquois  sur  l'épaule 

1.  A  cette  époque  et  plus  tard  encore,  on  n'avait  pas  peiir,  comme  aujourd'hui,  de  quelque 
nudité.  Fénelon,  le  grave  arclievéque  de  Cambrai,  donnait  à  son  royal  élève  la  «  matière  »  sui- 
vanle  pour  une  amplification  latine.  L'intérêt  que  cette  citation  peut  avoir  pour  nous,  c'est  qu'il  y 
est  précisément  question  de  Diane  chasseresse,  ou  tout  au  moins  de  l'une  de  ses  compagnes.  On 
trouve  cette  petite  description  dans  les  «  CEu\res  diverses"  de  Fénelon,  parmi  les  «  Fabulosx 
narrationes  ».  —  «  Nyinpha  venatrix,  et  in  superandis  montium  jugis  cerva  velocior,  nostra 
neniora  nuper  invisit.  Capillos  aureos  ventis  difîundere  dabat.  Alte  succincta,  vestium  sinus 
fluentes  infra  mammas  nodo  colligit.  Nuda  genu,  nuda  lacertis  ».  —  Ainsi  Diane  ou  sa  nymphe 
est  recommandable  parce  qu'elle  a  les  bras  nus,  les  genoux  nus  pour  dégager  ses  jambes  nues. 
Les  vêtements,  haut  relevés,  sont  suffisamment  abaissés  du  cou  à  la  poitrine  pour  qu'on  lui  voie 
les  seins  nus.  Cette  matière  à  amplification,  je  serais  curieux  de  savoir  comment  le  jeune  et  royal 
écolier  l'avait  développée,  surtout  ce  passage  :  a  Vestium  sinus  fluentes  infra  mammas  nodo  col- 
ligit ».  Il  me  semble  que  cet  archevêque  Mentor  manquait  un  peu  de  prudence  envers  son  jeune 
Télémaque.  Aujourd'hui,  un  professeur  des  lycées  de  Paris  n'oserait  peut-être  pas  s'aventurer 
jusque-là.  Du  reste,  il  faut  le  dire,  Fénelon  n'avait  fait  que  décrire,  rapidement  et  en  très-bons 
termes,  notre  Diane  chasseresse  du  Louvre,  dite  «  Diane  a  la  biche  »;  c'est  là  évidemment  le  mo- 
dèle qui  avait  posé  pour  sa  vive  description. 


TRIOMPHE   DE  LA  CHASTETÉ.  39 

droite,  llèche  à  la  main  gauche,  est  assise  sur  un  ctiar  tiré  par  quatre  cerfs. 
Un  génie  ailé,  palme  à  la  main  gauche  (est-ce  la  palme  du  martyre?),  pose 
de  la  main  droite  une  couronne  de  laurier  sur  la  tête  de  la  déesse.  Deux  nym- 
phes, court  vêtues  comme  leur  maîtresse,  guident  les  cerfs  sauvages  en  les 
caressant  de  la  main.  Plus  avant,  deux  femmes  ailées  embouchent  chacune 
une  trompette  et,  double  Renommée,  célèbrent  la  Gloire  de  la  Chasteté.  Une 
seule  aurait  sutTi,  car  la  pudeur  n'aime  pas  qu'on  la  proclame  sur  les  toits. 
En  avant,  sur  les  cùtés  et  en  arrière  du  char,  de  grandes  nymphes,  toujours 
très-coiu"t  vêtues,  comme  si  les  longs  habits  étaient  un  obstacle  à  la  chasteté, 
sonnent  du  cornet  de  chasse,  tiennent  des  lévriers  en  laisse  et  portent  au  bout 
(lo  longues  perches  des  arcs,  des  carquois,  des  couronnes  de  laurier,  des 
cornes  de  cerf. 

A  l'arrière  du  char,  sur  le  char  même,  sont  accroupis,  liés  aux  mains  et 
aux  pieds  comme  des  captifs,  l'Amoin-  vaincu  et  Vénus  sa  mère.  Une  grande 
nympiie  élève  en  trophée,  au  bout  d'une  longue  hampe,  l'arc  et  le  carquois 
de  l'AiiMiiir,  ces  armes  naguère  redoutables,  mais  désormais  impuissantes. 

Derrière  ce  grou|)i'.  mais  à  pied,  trois  femmes  nues,  ailées,  pleurantes, 
honteuses,  mains  liées,  sont  menées  k  la  corde,  comme  des  chiens  en  laisse, 
par  ime  grande  nymphe  chasseresse  victorieuse  et  couronnée  de  lauriers. 
Sans  les  ailes,  je  croirais  ([ue  ces  trois  femmes  sont  trois  des  plus  grandes 
débauchées  de  l'anticiuilé,  je  suppose  Hélène,  Cléopàtre  et  Messaline.  Mais  les 
ailes  me  déroutent,  et,  quoique  rarement  on  ail  représenté  les  GrAces  avec  des 
ailes  aux  épaules,  il  se  pourrait  que  ces  trois  femmes  vaincues  par  la  Chasteté 
fussent  cffoclivemonl  les  trois  aimables  déesses.  Toutefois  on  aurait  pu  figurer 
ainsi  la  ixîrsonnificalion  dos  plaisirs  inipudicpics  :  le  .Icu,  la  Luxure  et  la 
Gourmandise.  Sur  la  tapisserie  de  la  «  Pénitence  de  David  »,  au  musée  de 
Cliuiy,  lu  Uuxurc  est  elTcctivement  personnifiée  dans  une  jeune  femme  ailée'. 
■Il-  |iii'rércrais  beaucoup  celte  explication,  car  il  me  répugne  de  croire  que  la 
Chasteté  ail  vaincu  il  Iih'  la  Ciiàci'.  l,a  VcrUi  sévère  peut  très-bien  avoir  pour 
compagne  cl  amie  la  Verlu  aimable. 

Voilà  l'un  des  Triomiiln-s  de  la  Chasteté  antique.  .îacques  Androuet  Du- 
ccrceau  l'a  gravé  |)our  un  fond  de  coupe  ou  d'aiguière,  el  j'ai  li'nu  à  ne  p.is 
composer  ce  sujet,  mais  îi  le  décrire  d'après  la  planche  même-. 

1.  "  Aiiniilo!*  Ar('li(^nln);iquos  »,  vol.  xvii,  pl.inriic  do  la  pnpp  5. 

i.  J.  Aiiclroiicl  DiiriTi'oaii  n  cinitpust'  io-i  cimi  iiiiln».*  triomphes  ilo  IVIrarqtii'.  rr<i\  dr  l'Amour, 
tlo  la  Morl.  ilo  l.i  lli'iioiiiim'o,  du  T(Mii|>s  cl  do  la  DiviniU*.  t'pdonii'nl  (xnir  dw  fi>niU  de  roupr  ou 
platiniiix  d'iiiKitlèro  qui  ppnl-ôtn<  no  Turonl  JaniniA  oxi^cutt^».  Ouil  la  modo,  à  l«  n'cuii««nc<«.  d« 
f.iirc  des  coiniinsilioiH  do  ri<  j;t'iiri',  iiuc  icipiaiciil  onsuito  ou  dont  «'in«pir»ionl  lc«  |M<inlrp9s  lo» 


^,n  A\\.\i,F.s  Anriii':oi,r)r,inrrs. 

Dans  le  passage  suivant,  extrait  de  Branlùine,  nous  allons  voir,  en  action  et 
par  porsonna;^os  vivants,  ricliemont  costumes,  le  triomphe  on  plutôt  la  chasse 
(le  Diane.  On  fera  attention  au  luxe  et  à  la  l'orme  des  vêtements. 

(c  Quasi  en  mesme  temps  que  ces  belles  festes  se  faisoient  es  Pays-Bas  et 
surtout  à  Bains,  sur  la  n'ccplion  du  roi  d'Kspagne  (Charles-Quint),  se  fit 
l'ciitrre  du  roy  Henry  (II).  Idiiriianl  de  visiter  son  pays  de  Piedmont  et  ses 
garnisons  de  i.yon,  qui  certes  fut  des  belles  et  plus  triomphantes,  ainsy  que 
j'ay  ouy  dire  à  d'honnestes  dames  et  gentils- hommes  de  la  cour  qui  y 
cstoient.  Or,  si  cette  feinte  et  représentation  de  Diane  et  de  sa  chasse  fut 
trouvée  belle  en  ce  royal  festin  de  la  reyne  d'Hongrie  (sœur  de  Charles- 
Quint),  il  s'en  fit  une  à  I.yon  qui  fut  bien  autre  et  mieux  imitée;  car,  ainsi  que 
le  roy  maniinil.  venant  à  rencontrer  un  grand  obélisque  à  l'antique  à  costé  de 
la  main  droite,  il  rencontra  de  mesnies  un  préau  ceint,  sur  le  grand  chemin, 
d'une  inin-aille  de  (luelque  peu  plus  de  six  pieds  de  hauteur,  et  ledit  préau 
haut  de  terre,  lequel  avoit  esté  distinctement  remply  d'arbres  de  moyenne 
fustaye,  entreplante/,  de  taillis  espais  et  à  force  de  touffes  d'autres  petits  ar- 
brisseaux, avec  aussi  force  arbres  fruitiers.  Et  en  cette  petite  forest  s'esbat- 
toient  force  petits  cerfs  tous  en  vie,  l)iches,  chevreuils,  toutefois  privez.  Et  lors 
Sa  Majesté  entrouyt  aucuns  cornets  et  trompes  sonner,  et  tout  aussitost  aper- 
cent venir,  au  travers  ladite  forest.  Diane  chassant  avec  ses  compagnes  et 
vierges  forestières,  elle  tenant  à  la  main  un  riche  arc  turquois,  avec  sa  trousse 
pendant  au  costé,  accoutrée  en  atours  de  nyniph(\  à  la  mode  que  l'antiquité 
nous  la  représente  encore.  Son  corps  estoit  veslu  avec  un  demy  bas  à  six 
grands  lambeaux  ronds  de  toile  d'or  noire,  semée  d'estoiles  d'argent,  les 
manches  et  le  demeurant  de  satin  cramoisy.  avec  jM-ofilure  d'or,  troussée  jus- 
([ucs  à  demy  jambe,  découvrant  sa  belle  jambe  et  grève,  et  ses  bottines  à 
l'antique  de  satin  cramoisy.  couvertes  de  perles  en  broderie  :  ses  cheveux 
estoient  entrelacés  de  gros  cordons  de  riches  ]ierles.  avec  quantité  de  pierre- 
ries et  joyaux  de  grande  valeur;  et  au-dessus  du  front  un  petit  croissant  d'ar- 
gent, brillant  de  menus  petits  diamants;  car  d'or  ne  fust  esté  si  beau  ny  si 
bien  représentant  le  croissant  naturel,  qui  est  clair  et  argentin. 

((  Ses  compagnes  estoient  accoutrées  de    diverses  façons  d'habits  et  de 

sculiitours,  les  policrs  de  terre  et  d'éliiin.  Nos  musées  possèdent  de  ces  plateaux  d'aiguière  où 
figurent  des  sujets  analogues,  comme  les  plats  d'étain  attribués  à  Briot,  où  se  voient  le  Triomphe 
des  Arts  libéraux,  le  Triomphe  des  Vertus,  etc.  Dans  «l'Art  pour  tousu,  volume  i",  n"  3, 
M.  V..  Reiber  a  publié  un  fac-similé  du  Triomphe  de  la  Chasteté  de  J.  Androuet  Ducerceau  :  il  a 
promis,  mais  il  nous  fait  trop  attendre,  les  autres  Triomphes  qui  intéresseraient  certainement 
tous  ses  nombreux  souscripteurs. 


TRIOMPllt;   Dt;  LA  CHASTETÉ.  41 

taffetas  rayez  d'or,  tant  plein  que  vuide,  le  tout  à  l'antique,  et  de  plusieurs 
autres  couleurs  à   l'antique,  eiitremeslées  tant  par  la  bizarrelé  que  par  la 
gayté;  les  chausses  et  bottines  de  satin;  leurs  testes  adornées  de  mesme  à  la 
nymphale,  avec  force  perles  et  pierreries.  Aucunes  conduisoient  des  limiers 
et  petits  lévriers  espaigneuls  et  autres  chiens,  en  laisse  avec  des  tordons  de 
soye  blanche  et  noire,  couleurs  du  roy  pour  l'amour  d'une  dame  du  nom  de 
Diane  qu'il  aimoit;  les  autres  accompagnoient  et  faisoient  coure  les  chiens 
courants,  (|ui  faisoient  grand  bruit.   Les  autres  porloient  de  petits  dards  de 
Brésil,  de  fer  doré  avec  de  petites  et  gentilles  houppes  pendantes,  de  soye 
blanche  et  noire,  les  cornels  et  trompes  mornées  d'or  et  d'argent  pendantes 
en  escharpes  h.  cordons  de  fil  d'argent  et  soye  noire.  Et  ainsi  qu'elles  aper- 
ccurent  le  roy,   un  lion  sortit  du  bois,  qui  estoit  privé  et  fait  de   longue 
iii.iiii  à  cela,  (jui  se  vint  jetter  aux  pieds  de  ladite  déesse,  lui  faisant  feste; 
laquelle,  le  voyant  ainsi  doux  et  privé,  le  prit  avec  un  gros  cordon  d'argent 
et  de  soye  noire,  et  sur  l'heure  le  présenta  au  roy;  et  s'approchant  avec  le 
lion  jusque  sur  le  bord  du  mur  du  préau  joignant  le  chemin,  et  à  un  pas  près 
de  Sa  Majesté,  lui  offrit  ce  lion  par  un  dixain  en  rime,  tel  qu'il  se  faisoit  de 
ce  temps,  mais  non  pourtant  trop  mal  limée  et  sonnante;  et  par  icelle  rime, 
(luClli'  |)n)non(;a  de  fort  bonne  grâce,  sous  ce  lion  doux  et  gracieux  lui  offroit 
la  ville  de  Lyon,  toute  douce,  gracieuse,  et  humiliée  à,  ses  loix  et  commande- 
ments. Cela  dit  et  fait  de  fort  bonne  grâce,  Diane  et  toutes  ses  compagnes 
lui  firent  une  humble  révérence,  qui.  les  ayant  toutes  regardées  et  saluées  de 
bon  œil,  monstrant  (|u'il  avoit  Irès-agréablc  leur  chasse,  et  les  en  remerciant 
de  bon  cœur,  se  partit  d'elles  et  suivit  son  chemin  de  son  entrée.  Or  notez 
que  cette  Diane  et  toutes  ses  belles  compagnes  cstoient  les  plus  apparentes  cl 
belles  femmes  mariées,  vcufves  et  filles  de  Lyon,  où  il  n'y  en  a  point  de  faute. 
(pii  jniïirinl  li'iirs  mystères  si  bien  et  de  si  bonne  sorte,  que  la  pluspart  des 
princes,  seiguL-iirs,  gcnlils-hommcs  et  courtisans  en  denieurércnt  fort  ravis.  Je 
vous  laisse  à  penser  s'ils  en  avoient  raison.   Madame  de   Valenlinois.   dite 
Diane  de  l'oiitiers,  (|uc  le  roy  servoil,  au  nom  de  la(|ueile  celte  chasse  se  fai- 
soil,  n'i'ii   lui    pas   moins   contenti'.   el   m  aima  toute  sa  vie  fort  la  ville  do 
Lyon;  aussi  cstoil-ello  leur  voisine,  à  cause  de  la  duché  de  Valenlinois  qui 
est  fort  proche  '.  » 

.Si  la  Diane  aiilitim;  imsI  p;is  d'imc  chasteté   irréprochable,  la  Diane  do 
l'oiliors  avait  encore  plus  de  reproilii";  à  s'adresser.   .Mais   la  n:nais>.ince 


I.   Un  \Nri'nii:,   .1  Vies  di-s   |).mii>!i  (.mI.uiIi's  ■>,   I)i>cours  m.   |>.i>;i'-    ITI-I7Î.  isl.    IS.1I,    l'jri*. 
iii-18,  liiiniicr  fiiVcs. 

XXIV.  0 


/l2  ANNALKS  AHCIll'oi.OCIOUES. 

cl  l'uni i(|uilé  n'y  regardaient  pas  de  si  près,  et  il  faut  prendre  celle  fôle  de 
Lyon  comme  un  des  plus  jolis  Triomphes  de  la  Diane  chasseresse. 

Lu  chasteté  chi'étienne  est  plus  sévèi-e  :  celle  qu'elle  place  sur  le  char  de 
Iriomplic  n'est  rien  autre  (jue  la  sainte  Vierge.  J'aurais  voulu  faire  graver  et 
ollVir  aux  lecteurs  des  «  Annales  »  un  vitrail  de  1553,  contemporain  de  l)u- 
cerceau  et  de  lu  lèle  doiinûe  à  Lyon.  (|ui  leprésente  le  triomphe  de  la  Virginité 
ou  de  la  CJiaslflé  clirétienne.  Mais  lu  Iciiips  m'a  manqué  pour  faire  exécuter 
cette  gravure.  Du  moins,  à  défaut  de  dessin,  voici  une  description  écrite 
d'abord  en  face  du  vitrail  même,  que  j'ai  étudié  dans  l'église  de  Couches 
(Eure),  et  ensuite  d'après  une  i)hotographie  que  j'ai  sous  les  yeux. 

C'est  dan>  lu  nef  latéialc  du  nord  que  se  voit  ce  vitrail,  daté  de  1555.  il 
est  à  trois  jours  et  s'amortit  en  une  ogive  également  percée  de  trois  jours. 

Dans  la  partie  rectangulaire  du  la  baie  est  figuré  le  triomphe  de  la  Vierge 
sous  la  forme  (ruin'  procession.  Trois  moimments,  (jui  font  partie  du  ti'iomphe, 
occupent  le  fond  du  vitrail.  A  gauche  s'élève  le  talais  viU(ii.\AL,  ainsi  nonuné 
par  une  inscri|iti()n  |)einlc  sur  l'entablement;  il  est  d'ordre  composite.  A 
droite,  le  i'\i.ais  pi;  iiissii,  comme  l'appelle  un  cartel  placé  sur  un  attique;  il 
est  égahnuLMil  (ronlru  composite  ul  enrichi  de  marbres  divers.  Au  centre, 
mais  reculé  dans  le  fond,  s'élève  le  tiîmim.k  DiiowiiLit.  suivant  l'inscription 
peinte  sur  la  frise  (jui  s'étend  entre  le  cintre  de  la  porte  et  le  triangle  du  fron- 
ton. Ce  monument,  plus  sévère  que  les  deux  autres  et  d'ordre  dorique,  est 
circulaire  et  couronné  d'une  coupole.  Des  niches  inoccupées  sont  creusées 
dans  lu  pourtour  extérieur;  d'autres  niches,  pratiquées  dans  le  tambour  de  la 
coupole,  sont  pcu[)lées  de  statues  qui  doivent  représenter  des  personnages 
illustres,  célèbres  par  leur  honnêteté  et  probablement  leur  chasteté.  A  sup- 
l)oser  que  le  peintre  verrier  ait  voulu  leur  donner  un  nom.  il  n'est  pas  pos- 
sible de  les  caractériser,  à  cause  de  leur  extrême  petitesse.  La  tète  de  la 
procession  entre  dans  le  temple  de  l'Honneur;  le  gros  du  cortège  passe  devant 
le  palais  de  Jessé;  la  fin  de  la  procession  débouche  du  Palais  Virginal. 

Du  palais  de  Jussé  sort  Jessé  lui-même,  le  premier  ancêtre  de  la  Vierge;  il 
est  suivi  des  rois  qui  descendent  de  lui.  Entre  les  autres,  on  reconnaît  David, 
à  la  lyre  qu'il  tient  sous  son  bras  gauche.  Les  rois  sont  coilTés  de  la  couronne 
à  pointes;  mais  Jessé.  qui  ne  fut  pas  roi,  a  la  tête  enveloppée  dans  un  riche 
turban. 

La  A^ierge  sort  de  son  Palais  Virginal.  Llle  est  assise  sur  un  char  qui  ne 
doit  avoir  que  deux  roues,  ut  cjui  est  tiré  par  deux  chevaux  richement  capa- 
raçonnés. Le  char  et  lus  roues  sont  sculptés  d'ornements  divers  et  d'un  goiit 
solide,  qui  semblerait  emprunté  à  l'Italie  du  wT  siècle.  Sur  la  plate-forme  du 


TRIOMPHE   DK   LA  CHASTETÉ.  il3 

char,  en  avant,  s'élève  un  riche  vase  d'or,  symbole  de  virginité,  d'où  s'élance 
un  grand  lis  tout  fleuri.  I.a  Vierge  porte  à  la  main  droite  une  grande  palme; 
elle  appuie  la  main  gauche  sur  sa  poitrine.  Son  costume  est  d'une  extrême 
simplicité  :  piods  chaussés  de  sandales  découvertes,  longue  robe,  voile  sur  la 
tète  et  rabattu  sur  les  épaules  et  la  poitrine,  en  forme  de  capuchon.  Aucun 
ornement  sur  la  robe  ni  le  voile.  Derrière  elle  arrive  on  volant  un  jeune  ange 
qui  pose  sur  la  tête  do  sa  maîtresse  une  couronne  dont  chaque  rayon  se  ter- 
mine par  une  étoile. 

Sur  le  siège  oii  la  Vierge  est  assise,  on  lit  :  dames  captives.  En  eiïet,  sur 
le  côté  du  ch.ar  et  en  arrière,  on  voit  quatre  femmes,  dont  la  première  a  les 
mains  liées;  les  mains  des  autres  captives  doivent  être  liées  également,  mais 
on  ne  les  voit  pas.  Près  do  cette  première  captive,  qui  est  probablement  Vé- 
nus, marche  le  jeune  Amour,  arc  et  carquois  sur  le  dos;  on  ne  distingue  pas 
ou  plus  ses  ailes,  qui,  du  reste,  sont  peut-être  coupées  par  le  triomphe  même 
de  la  Virginité.  Aux  piods  do  l'Amour,  qui  est  presque  nu,  comme  de  raison, 
est  jetée  la  torche  encore  allumée  dos  passions  amoureuses,  mais  qui  est  cassée 
et  va  s'éteindre.  Les  trois  captives  qui  accompagnent  leur  reine,  que  nous 
prenons  pour  Vénus,  bien  qu'elle  soif  très-habillée,  pourraient  bien  être 
Hélène  ou  C.lyti'mncstro,  Cléop;\lre  ou  Myriha.  Messaline  ou  Fausiine.  ou 
d'autres  encore.  (|iii  no  liiiiiit  \>;i^  dos  modèles  de  chasteté,  et  qui,  vaincues 
par  la  Vierge,  devaient  honorer  son  triomphe  comme  dépouilles  opinies.  La 
roue  droite  du  char  écrase  un  horrible  dragon,  tarholé  de  noir,  symbole  de  la 
luxure  malade. 

Les  doux  rhovaiix  qui  liront  le  char  sont  escortés,  ii  droite  et  h.  gaucho, 
par  i.i:s  7  vi:inus,  comme  dit  l'inscription  peinte  sur  un  filet  placé  près  des 
pieds  du  cheval  de  droite.  Ces  sept  Vertus  sont  les  quatre  cardinales  et  les 
trois  théologales.  Les  cardinales.  Tempérance,  Prudence,  Force  et  Justice, 
sont  les  plus  rapprochées  du  char;  les  théologales.  Foi,  F.spérance  et  Cliarilé, 
sont  îi  la  tôle  dos  chevaux.  Nous  aurions  aimé  que  les  Ihéologalos  fussent 
plus  rapprochées  de  la  Vierge  et  qu'elles  eussent  pris  la  place  des  cardinales; 
mais  nous  siiiniiii's  en  I  .">.").>,  en  pleine  renaissance,  et  les  Vertus  païennes 
devaient  primer  les  chrélioniH's.  La  Tonipérance  porte  doux  vases  et  verse  de 
celui  (jui  coiitiiMit  l'oau  dans  |(î  vase  du  vin.  La  Prudence,  qui  lient  un  miroir 
îi  la  main  gaucho,  a  lo  bras  droit  enroulé  d'ini  serpent.  La  Force  |>orlo  une 
roloiMio  corinihiouno,  liaiil  ot  l'orme,  connue  un  soldat  lient  son  fusil.  1^  Jus- 
tice (''lève  des  balances  à  la  hauteur  de  ses  yeux  poiu"  mieux  on  observer  Ia 
"justesse  ».  Toutes  les  quatre  sont  joinies,  tête  nue,  couronnées  do  laurier. 
Têtes  charmantes,  yeux  pleins  de  vivacité,  elles  rappellent  les  nymphes  do 


lik  ANNALES  ARCIlfiOLOniQUES. 

Jean  (imijon  ;i  l.i  luiilaiiie  des  Innocents.  Leurs  pieds  sont  nus.  mais  les  dames 
captives  ont  les  [licds  nus  aussi  ;  ce  caractère  iconographique  n'a  plus  de 
sens  à  cette  épo(iue,  —  J.a  Cliarité  tient  par  la  main  droite  un  enfant  qui 
marche  à  ses  côtés;  elle  porte  un  antre  enfant  sur  son  sein  gauche  :  c'est  une 
jeune  femme,  coiffée  d'un  mouchoir,  mais  moins  jeune  que  les  théologales. 
I/I''spérance  tient  une  ancre,  et  la  l'oi  porte  une  grande  croix. 

\/,i  dharili';  cl  la  l'in  louchent  îi.Iossé.  I/ancêtre  des  rois  de  Juda  se  retourne 
vers  les  rois  ses  descendants,  et.  fii  Iciu'  montrant  la  Vierge,  leur  adresse  ces 
paroles,  peintes  sin-  le  cartel  placé  au  bas  du  vitrail  et  inscrites  dans  un  riche 
cariouche  : 

\.\    \CI1:1.K    VIFRCE    [soin)    TIIIOMPIIANT    K\    IlOMlUtn 

m    l'vi.Ais  vinr.iNAi.  jLsyi'At  ïi.rLE  Diio>f:iii 

JESSF.   DE    SON    PALAIS   A    SA    VEIK    ESPAXBIE 
l'OLR    VEOiri    LES   DOl  ZE   BOIS    DOT    ELLE   EST   nESCEXDl  E 
ET    I.El  n    DIT  NOBLES   BOIS   VOILA    l)E    UIEL    LANCEI.LK 
(.111    V    TOIS   ENNOBLIT    ET   NON    PAS   VOIS   ICELI.E. 

Les  rois  regardent  tous  avec  admiration  la  Vierge  assise,  dans  une  attitude 
pleine  de  modestie,  sur  son  char  de  triomphe. 

Après  les  rois  s'avancent  en  foule,  en  hâte  et  en  courant  vers  le  temple  de 
rilonneur.  i.ks  7  Ar,rs  i.ir.Kr.Ai  \,  comme  dit  un  cailel  ])laeé  au  bout  crunc 
liampe  et  sommé  d'une  couronne  de  laurier.  Os  Arts  sont  représentés  par 
des  femmes  (jui  lienncnl.  au  bout  d'une  hampe  pareille,  également  cou- 
ronnée de  laurier,  on  l'urnio  d'étendard,  un  rarlcl  oîi  sont  inscrits  les  chilTres 
1  23/|  5(578910  11;  puis  le  mot  Théologik  et  d'autres  inscriptions  illisibles. 
Les  cliilfres,  on  le  comprend,  smil  |)orlés  par  rArilhniéticjuc;  l'étendard  de  la 
Théologi(\  par  la  ijorsonnincaiion  de  cette  science;  une  sj)hère.  par  l'Astro- 
nonn'e;  un  cartel  couvert  de  notes  et  de  portées  musicales,  par  la  Musique, 
et  ainsi  des  autres,  qu'il  n'est  pas  facile  de  reconnaître  dans  cette  foule  déjà 
éloignée,  mais  qui  figui-ent  certainement  la  Grammaire,  la  Géométrie,  la  Rhé- 
torique, la  Dialectique.  On  comprend  bien  que  les  arts  libéraux  figurent  dans 
le  triomphe  de  la  Chasteté,  de  la  Virginité,  car  la  science  et  l'art  sont  vierges, 
même  aux  yeux  des  païens,  et  veulent  être  cultivés  par  des  chastes.  D'ail- 
leurs, un  moyen  tout-puissant  de  conserver  la  vertu  de  chasteté,  c'est  de  ne 
pas  rester  oisif,  mais  de  se  livrer  aux  lettres,  aux  sciences  et  aux  arts. 

La  figure  de  ces  femmes  «  libérales  »  est  jeune  et  pleine  de  charme;  on  se 
sent  en  pleine  renaissance,  à  l'aurore  du  renouvellement  de  toute  science  et 
de  tout  art. 

Enlln  un  groupe  considérable,  une  vraie  foule,  entrée  dans  le  temple  de 
l'Honneur  ou  en  gravissant  déjà  les  marches,  sonne  de  la  trompette  et  chante 


TRIOMPHR  DR  LA  CHASTETÉ.  &5 

les  louanges  de  la  sainte  Vierge.  11  y  a  un  grand  mouvement  et  une  vive 
allégresse  dans  tout  ce  cortège,  surtout  dans  les  Arts  libéraux  et  la  tête  de  la 
procession.  C'est  un  tableau  complet;  par  malheur,  il  est  peint  sur  le  verre 
mince  de  la  renaissance,  une  matière  fragile  et  qui  a  déjà  beaucoup  souf- 
fert. S'il  était  sur  bois  ou  sur  toile,  les  plus  délicats  de  nos  critiques  d'art 
n'auraient  pas  trop  d'éloges  pour  en  célébrer  le  mérite  comme  composition  et 
même  comme  exécution.  Voilà,  où  est  notre  véritable  école  française  de  pein- 
ture, plutôt  assurément  que  dans  les  tableaux  de  Lebrun,  de  Mignard,  et 
j'oserai  môme  dire  de  Lesueur. 

Dans  l'ogive  d'amortissement,  on  voit  la  Bêle  à  sept  tètes,  dont  la  queue 
entraîne  les  étoiles  du  ciel,  et  dont  une  des  gueules  vomit  un  fleuve  contre  la 
Femme  qui  fient  l'Enfant,  suivant  la  vision  de  saint  Jean  dans  l'Apocalypse. 
Cette  femme  est  ailée,  ses  pieds  nus  posent  sur  le  croissant  de  la  lune,  sa  tôle 
est  couverte  d'une  couronne  dont  les  rayons  sont  allumés  d'étoiles.  Klle  est 
enveloppée  d'une  vive  lumière.  Celle  femme  est  celle  que  l'Kglise  reconnaît 
pour  la  vierge  Marie,  couronnée  de  douze  étoiles,  velue  du  soleil  et  les  pieds 
sur  la  lune.  f/Knfant,  contre  lequel  la  Bête  fait  rage  en  cherchant  à  le  noyer, 
est  recueilli  par  ilcnx  anges  dans  une  longue  nappe  cl  porté  vers  le  Père 
Klciml.  (|ui  tient  h  la  gauche  la  boulr  du  monde,  et  de  la  droite  bénit  son 
l'ils.  Cet  enfant  est  elTeclivemcnl  le  Sauveur,  le  fils  de  la  vierge  Marie. 

Ce  tableau  apocalyptique,  qui  termine  le  vitrail,  coiu-onnc  ce  triomphe  de 
la  sainte  Vierge;  il  le  complète  cl  il  en  donne  la  parfaite  intelligence. 

La  chasteté  des  troubadours  est  celle  de  Pétrarque,  car  le  poète  d'Arezzo 
est  un  troubadour  véritable,  dans  la  complète  acception  du  mot.  Voici  une 
analyse  de  son  triomphe  de  la  Chasteté. 

L'Amour  réunit  toutes  ses  forces  et  marche  contre  la  Chasteté,  qui  s'élance 
elle-même  pins  rapide  cpie  la  flamme  et  les  vents.  L'Amour  tient  «ne  flèche 
de  la  main  droite;  do  l'autre  main,  son  arc,  dont  il  tend  la  corde  contre  son 
oreille.  La  flèche  part  droit  contre  la  ligure,  mais  elle  tombe  sans  force  contre 
le  bouclier  <lniit  l.i  Chasteté  se  garantit  le  visage.  Au  contact  de  l'iionnélcli^ 
s'éteignent  tous  les  traits  embrasés  aux  flammes  de  la  beauté  ri  Irenipés  dans 
le  plaisir.  Avec  la  Chasteté,  les  Vertus  s'avancent,  se  tenant  par  la  main  el 
marchant  deux  h  deux  :  l'Ilonnételé  et  la  Pudeur  on  léle.  puis  la  Sagesse  et 
la  Modestie.  Au  milieu  du  dufuv,  la  Tranquillilé  el  le  ('.DUlenlemenl.  Li  Per- 
sévérance et  la  (îloin;  viennent  en  dernier  lieu.  Le  bel  Accueil  el  In  Pénélm- 
iion  sont  en  dehors;  an\  alentours  se  promènent  la  Courtoisie  cl  la  Purolé. 
LaCrainii-  dr  l'infamie  el  le  Désir  de  l'honneur,  les  Ponséci  du  vieil  Arc  dans 
la  jeunesse  et  la  Concorde  accompagnent  la  Chasielê.  (|ui  est  la  iK-aulé  su- 


liù  annaij:s  AHf;iir;oi.or,io[iES. 

|)iviiip.  I.'ln'roïnn,  cscortàc  de  celte  troupe,  marche  rt';solùmenl contre  l'Amour; 
elle  est  revêtue  d'iuie  robe  blanche  et  armée  du  bouclier  de  Minerve.  Kii  un 
instant  elle  enlève  nn'lle  d(''|)()uilles  et  arrache  mille  palmes  éclatantes.  Ellesaisit 
l'Amour  et   le  lie  h  une  colonne  de  jaspe  avec  une  chaîne  de  diamant  et  de 
topaze  ([ui  pionj^c  au  milieu  du  Léthé.  Lucrèce  et  Pénélope  brisent  au  vaincu 
frémissant  son  carquois  et  son  arc;  elles  lui  déplument  les  ailes  comme  à  un 
oiseau  (l(^  briss^-roiu-.  Virginie  est  près  de  là  avec  son  pèrr.  puis  les  femmes 
Germaines,  (pii,  par  ime  âpre  mort,  garantirent  leur  barbare  honnêteté.  Le 
triomphe  se  grossit  de  .Judith  et  de  Saplm.  do  |;i  Vestale  qui  se  purgea  d'ac- 
cusation (Ml  portant  au  temple,  dans  un  nihir.  de  l'i'aii  puisée  dans  le  Tibre. 
l'iiisuilc   pai'aissenl    ibîi'silic    cl    les   Sahiiios.    Diiloii  cl    l'icarda.  I,i'  li'iuiiiplie. 
tonni''   dcvaiil    iiaia.  s'en  \a  di'nit   h  Litornr  |)(>ui' pi'cndre  Sci|)iiiii  l'AIVicaiii; 
puis  il  se  rond  à  l»oinc  et  pénètre  dans  le  temple  de  la  Pudeur,  où  la  (chasteté 
dépose  ses  nombreuses  dépouilles,  ses  trophées  de  victoire  et  ses  feuillages 
sacrés.    La  Chasteté  commet  à  la  garde  du  temple  le  jeune  Toscan  qui  se 
déforma  le  visage  pour  détourner  les  femmes  de  sa  personne;  elle  lui  donne 
pour  compagnons  llip|>(ilyh'  l'I  .Idsopli.  do  (|ui  lAmour  reçut  un  refus  éclatant. 
!>e  Triomphe  de  l'Amour  était,  comme  nous  l'avons  vu.  boiu'i-i'  de  person- 
nages; cL'Iiii  do  la  Cliasloti'  on  est  indigent.  Les  chastes,  à  ce  qu'il  paraît,  ne 
sont  pas  bien  nombreux.  Pour  les  lorlifior.  P(>trarque  appelle  h  leur  aide  des 
êtres  de  raison,  l'Honnêteté,  la  Pudeur,  la  Sagesse,  la  Modestie,  et  quelques 
autres;  mais  les  personnages  historiques  sont  les  plus  clair-semés.  En   ne 
comi>lanl  ni  lo  _L;r()npo  dos  l'oiniiios  (loniiaines.  ni  celui  dos  Sal)ines.  Pi'-trai'que 
n'a  tniuvi'  (|iio  (|nali)r/.o  noms  :  Lucrèce.  Pénélope.  Virginie  et  son  père.  Ju- 
dith.  Sapho.  la  vestale  Tiiria.  Ilersilio.    Didon.   Picarda,   Scipion  l'Africain, 
le  jeune  Toscan.  Hippolyte  et  Joseph;  neuf  femmes  et  cinq  hommes.  C'est 
bien  peu.  ol  (>iicore  de  ce  nombre  il  faut  retrancher  Sapho  et  Didon,  Ilersilie 
et  Judilh,  ol  |)out-ètre  même  Picarda.  Un  enlèvement  suivi  d'un  mariage  n'est 
pas  rigoareiisoiiioiit  un  brevet  de  chasteté,  et  je  rayerais  impitoyablement  du 
nombre  des  chastes  Hersilie  et  toutes  les  Sabines  ses  compagnes.  Picarda 
s'était  d'abord  faite  religieuse  de  Sainte-Claire;  elle  se  maria  ensuite,  malgré 
elle,  à  ce  qu'il  paraît  ;  mais  il  n'y  a  pas  encore  là  un  suffisant  indice  de  chas- 
teté *.  Quant  à  Sapho  cl  Uidon.  c'est  une  dérision  de  les  placer  avec  Lucrèce 

1.  Picnrrla  fut,  sinir  ilii  jurisconsulte  florentin  Acciirse  et  de  l'orèse,  contemporains  de  Dante, 
et  dont,  le  grand  pointe  llorentin  parle  dans  la  »  Divine  Comédien,  Enfer,  ch.  xv;  Purgatoire, 
ch.  xxiM  et  XXIV.  Dante  nomme  Picarda  dans  le  eliant  xxiv  du  Purgatoire.  .\u  chant  m  du 
Paradis,  il  la  met  dans  la  I-une  avec  ceux  dont  les  vœux  furent  négligés  ou  rompus  en  partie; 
mais  il  n'a  garde  d'en  faire,  comme  Pétrarque,  une  héroïne  de  chasteté. 


TRIOMPHE  DE   LA 'CHASTETÉ.  47 

et  Pénélope;  autant  vaudraient  deux  louves  dans  une  bergerie*.  Pétrarque 
n'est  vraiment  pas  heureux  avec  Judith.  Comme  nous  l'avons  vu,  il  l'a  placée 
sans  raison  parmi  les  amoureuses  et,  ici,  il  la  met  sans  vrai  motif  au  milieu 
des  femmes  chastes.  Judith  n'est,  à  proprement  parler,  ni  amoureuse  ni 
chaste  :  c'est  une  femme  de  courage  qui  brave  tous  les  dangers,  même  ceux 
que  devait  courir  sa  chasteté,  pour  sauver  sa  ville  natale  et  sa  patrie. 
C'est  avec  les  Preux  et  les  Preuses  qu'il  faut  la  mettre,  et  c'est  là  que  nos 
jeux  de  cartes,  plus  intelligenls  que  Pétrari|ue  sur  ce  point,  l'ont  placée,  entre 
Charicmagne  et  Lahire,  à  côté  d'Hector,  de  Laiicelot  et  dOgier.  Ainsi  donc 
sur  noiif  fennncs  nommées,  nous  trouvons  encore  le  moyen  d'en  ôler  jusqu'à 
cinq,  plus  do  la  nioilié.  Pétrarque  s'est  appauvri  à  plaisir  :  en  sa  (lualilé 
de  poète  demi-païen,  il  pouvait  bien  faire  à  Minerve  et  à  Diane  l'honneur  de 
les  mettre  à  crtté  de  Pénélope  et  de  Lucrèce.  La  fille  de  Jephté  et  la  chaste 
Suzanne  auraient  en  oulre  avantageusement  remplacé  la  valeureuse  Judith.  11 
est  étrange  que  le  chanoine  i'étrarque  n'ait  pas  songé  à  la  vierge  Marie.  Lui. 
qui  disait  son  bréviaire  tous  les  jours,  il  pouvait  si  facilement  composer  un 
bouquet  de  vierges  et  de  femmes  chastes  avec  les  saintes  charmantes  dont  il 
céléi)nul  IDllice  chaque  année,  et  que  l'on  appelle  Lucie,  .\nastasie,  .\gnès, 
.\polline,  Agiitlii',  l'élroiiilli',  Marine,  Marguerite,  Praxèdc,  Christine,  Marthe, 
Cécile.  Julienne,  l'^uphémie.  Justine,  Dorothée,  Catherine  d'Alexandrie,  Ca- 
therine de  .Sieinie,  Brigide,  Irène,  Odile,  Barbe,  Claire,  Geneviève  de  Nanlerrc, 
Aure,  Eulalie,  Reine,  Lugénie  et  bien  d'autres.  Lnfin,  avec  sainte  Ursule  et 
ses  onze  mille  compagnes,  il  avait  une  armée  entière  à  lancer  contre  l'Amour. 
Tout  ce  jeune  et  aimable  monde,  il  pouvait  le  placer  sous  les  ordres  de 
sainte  Foi,  sainte  Kspérance  et  sainte  (Charité,  dont  nous  avons,  dans  le  temps, 
i-acdnli'  la  vie  et  le  martyre-. 

Je  nie  permets  de  dire  (|uc  l'élrar(|ue  a  coniplélement  maïKiuo  son  Trinnipho 
(le  1,1  ('.li;isli;té.  Cependant  il  lui  faut  savoir  gré  d'avoir  .songé  à  .Sci|)i(tn  l'Afri- 
cain. .Si  les  li\res  ont  lein'  destinée,  on  doit  en  dire  autant  des  faits  el  dos 
honnnes  hisloriciues.  l'onr  avoir  tlonné  la  moitié  de  .son  manteau  à  mi  pauvre, 
saint  Martin  est  devenu  l'un  des  plus  grands  saints  du  monde  chrétien.  Il  est 

I.  C.i'ci  ("Uiil  i^rit  au  nionionl  oi'i  j'iii  cunsuilt^  lo  commonUiiro  de  Vt'llulello.  J"y  voi.4  qui»  U 
cliiislc  "  (liciinic  (|iii  s'cliin(.M  iliins  lii  iiu>r  iifin  dt<  mourir  l'I  d'i'xiter  mio  crupllo  di>!>lirn>«»  »,  n'i-^l 
pus  Sapliu  menant  lin  ù  .so.s  dunlours  amutirt'usos  {Kir  le  Siiul  do  Leuendo,  w»\*  unp  jeunr  nilo 
nommée  llipjio  ipii,  pour  garder  sa  virginité  ol  se  Hoiistmirc  nu\  mouvais  (ruilcmonU  d>nnemU 
liarli.ires  (pii  l'avaient  emmenée  sur  un  xaissoau,  se  précipit.i  dans  la  mer.  Je  f  'ion 

il  l'étrar(pi.';  mais  de  ses  neuf  f(Mnmi'>  ili.i>le...  je  lui  OU  dispulo  quatie  enroi'  -lu- 

euup  trop 

î.  i<  \ ili-  Arclioolojjupie»  .,  vol.  w.  pajjes  150.  tOC,  J36.  J9.1;  vol.  »\l,  iMigi<»  ■*>  cl  ô7. 


/i8  ANNALi:S  AIICIII'OLOUIOL'KS. 

aussi  lionoré  dans  les  deux  Kglises  latine  et  grecque  que  saint  Pierre  et  saint 
Paul,  CCS  deux  fondateurs  et  organisateurs  du  christianisme,  fondateurs  et 
organisateurs  qui  ont  donné  à  Dieu  leur  vie,  et  non  pas  seulement  une  partie 
(ruii  vêtement  qui  n'est  pas  tout  à  fait  indispensable.  I.es  autres  apôtres,  les 
mari  VIS  et  les  confesseurs,  sont  placés  dans  le  culte  chrétien  bien  au-dessous 
do  sailli  M;iiliii.  ScipiDii  rAIViiuin  ml  un  l)onlieur  à  jieu  près  pareil.  Après 
avdii-  pris  (^arlliagèiic,  ses  soldais  pillrreiit  la  ville  et  déshonorèrent  les  femmes 
qu'ils  purent  rencontrer.  Croyant  faire  plaisir  à  leur  général,  ils  lui  amenèrent 
une  jeune  femme  d'une  rare  beauté.  Mais  les  parents  de  la  pauvre  captive 
allèrent  trouver  .Scipioii  et  lui  offrirent  de  l'argent  pour  racheter  leur  fille.  Le 
général  loiiiaiii  prit  cet  argent  et  le  remit  entre  les  mains  de  Lucius,  le  fiancé 
de  la  JL'uiic  fille,  coiiiiiie  dot  de  son  pi'ocliain  mariage.  Cet  acte  de  chasteté, 
de  générosité  cl  d'esprit  ne  maii(|ue  ni  de  r(jice  ni  de  grandeur  d'âme;  mais  ce- 
pendant il  n'y  a  là  rien  d'absolument  héroïque,  lorsque,  né  d'une  riche  famille 
et  vainqueur  d'un  peuple,  on  est  saturé  de  tous  les  plaisirs  et  de  toutes  les 
gloires  du  monde.  A  la  place  de  Scipion,  tout  général  en  aurait  fait  autant.  Eh 
bioii.  pour  cet  acte  de  continence  et  de  générosité,  l'Africain  a  été  honoré  par 
les  païens  de  Home,  e|  jiar  les  cliréliens  de  tous  les  lieux  et  de  tous  les  temps, 
coiimic  saint  Maiiin  fui  lioiiuré  lui-même.  Au  ])alais  ducal  de  Venise,  le  fa- 
meux chapiteau  angulaire  de  la  «  Juslice  »,  ([ui  ouvre  toute  la  série  et  sur 
lecpiel,  pour  ainsi  dire,  repose  le  monument  tout  entier,  représente  la  conti- 
nence de  Scipion.  Sur  ce  chapiteau,  on  se  le  rappelle',  sont  sculptés  Dieu 
doiinanl  ;i  Moïse  les  tables  de  la  lui.  Numa  l'()m|)ilius  l)àlissanl  des  temples 
pour  le  culte  divin,  Soloii  et  Aristote  donnant  des  lois,  Trajan  faisant  justice  à 
la  veuve,  le  génie  même  de  la  Justice  ailé  et  couronné;  le  tout  surmonté  par 
Salomon  qui  rend  à  la  vraie  mère  le  fils  qu'elle  réclamait.  C'est  au  milieu  de 
Dieu  législateur  et  de  la  Justice  personnifiée;  au  milieu  des  politiciues,  des 
sages  et  des  philosophes  de  la  Judée,  de  la  Grèce  et  de  Rome;  c'est  à  côté  d'un 
empereur  pa'ïen  (|u'an  pape  a  arraché  à  renier  poui'  le  paradis,  qu'a  été  placé 
Scipion  rendant  par  chasteté  une  jeune  tille  à  sa  mère  et  à  son  fiancé.  Scipion 
est  là,  trônant  comme  un  roi,  couronne  en  tète,  sceptre  à  la  main  droite, 
globe  du  monde  à  la  main  gauche,  absolument  comme  nous  représentons  le 
Père  Eternel.  Je  le  répète,  c'est  récompenser  bien  magnifiquement  un  acte 
assez  ordinaire.  Mais  l'antiquité  n'était  pas  riche  en  vertus,  surtout  en  chas- 
teté, et  elle  devait  se  complaire  à  exalter  cette  continence  du  grand  Africain. 
L'antiquité  a  légué  sa  dette  au  moyen  âge,  qui  fa  payée  à  Venise,  comme  on 

I.  (I  Annales  Arcliéologiques  »,  vol.  xvii.  [wgos  203-208  pi  planciie  do  l.i  page  297. 


TRIOMPHE  DE  L.\  CHASTETÉ.  49 

vient  de  le  dire;  et  le  moyen  âge  l'a  repassée  à  la  renaissance,  qui  s'est  fait 
honneur  de  la  solder  généreusement,  comme  nous  allons  le  voir. 

A  Boulogne-sur-Mer,  lors  de  l'entrevue  de  Henri  VIII  et  de  François  I", 
connue  sous  le  nom  de  «  Camp  du  drap  d'or  »  et  qui  eut  lieu  en  iôik,  furent 
tendues  de  nombreuses  et  splcndides  pièces  de  tapisserie  en  or  et  soie.  Les 
«  (jualre  pièces  de  tapisseries  principales,  qui  sont  victoires  de  Scipion  l'Afri- 
cain, faict  de  haute  lisse,  tout  de  fil  d'or  et  de  fil  de  soye,  ces  personnages 
les  mieux  faicls  et  au  naturel  qu'on  pourroit  faire,  n'est  possible  à  peintre  du 
monde  les  faire  mieux  sur  tableaux  de  bois,  et  dit-on  que  l'aune  en  couste 
cinquante  cscus'  ». 

Jules  Romain  avait  dessine  pour  le  duc  de  Ferrare  une  suite  de  dix  compo- 
sitions représentant  l'histoire  et  le  triomphe  de  Scipion  l'Africain.  On  peut 
croire  que  les  tapisseries  du  camp  du  drap  d'or  furent  exécutées  d'après  ces 
carions,  dont  notre  musée  du  Louvre  possède  quatre  parties  et  dont  quatre 
autres  parties  figurèrent,  en  juin  \S')li,  dans  une  vente  faite  après  le  décès  de 
M"  (Icntil  de  Chavagnac,  h  la(|uelle  elles  appartenaient.  Les  cartons  de 
M"'°  de  Chavagnac  rcpn''sentent  :  1°  le  débarquement  de  Scipion  en  Africjue  ; 
2"  Scipion  cl  Asdriib.i!  :i  la  coiu- di"  Sypiiax  ;  3°  la  défaite  de  Syphax;  h°  la 
bataille  de  Zama.  Mis  k  i)ri\  à  l.'jO.OUO  francs,  ces  quatre  carions  n'ont  pas 
trouvé  d'acquéreurs.  J'ignore  ce  (|u'ils  sont  devenus-. 

f.os  cartons  du  Louvre  re|)réscntent  : 

I  L'expulsion  des  habitants  de  la  ville  prise  (Carthagène  sans  doute).  Le 
piMil  (|iii  traverse  le  fleuve  est  ruiné,  les  maisons  efl'ondrécs  ou  près  des'écrou- 
l'i.  \)r>  individus,  chargés  do  ballots,  s'enfuient;  des  soldais  parcourent  la 
\ille  à  la  hâte,  pillent  les  maisons  et  font  charger  des  ballots  de  butin,  l  n 
homme,  sac  au  dos  et  accompagné  d'une  jeune  femme  et  d'un  cnfanl,  est 
repoussé  par  un  soldat  cuirassé  et  cas([ué. 

!2"  Des  habitants,  hommes,  femmes,  enfants,  jeunes  fille>.  vieillard»,  fuient 

1.  «  Momoiros  »  de  nopssiro  .Maivtin  im  I1i;i.h>,  ami.  1534;  wlit.  du  n  IMiilliéon  liUcrairB», 
p.  !JU4,  col.  î. 

t.  I.ii  liaiileui-  (11-  rliiicuii  do  cp.s  curions  csl  do  3"' 7.1  sur  une  largour  do  3  à  7  mi'lros.  Li  Iwu- 
lour  do  la  halaillo  do  Zama  ost  do  7"'08'.  Oulro  ces  quiUro  carions,  on  voyait  k  In  vcnio  d«  fng- 
Mionb  (|ui  uvaionl  |iu  provenir  do  la  nu^nio  suito,   lots  cpi'un  juijomcnt  dovant  un   i 
run)uln,  uno  liMo  do  foninio  oITrayiV,   uno  lOlo  do  fomuiu  oionnoo,  uno  uMo  d'entant  y  ■ 
soin  do  sa  iiioro,  uno  UMo  do  jouno  fille  lo  re^urd  0x6  devant  elle;  enfin  lu  gnièn?  do  Lirliiu,  copie 
d'une  parlio  du  carton  roprt^sonlanl  lo  <  Di'banpienu-ni  de  A-ipion  •.  —  Jo  ■! 
Unenicnts  ii   M.   lo  conilo   L.   Cleinenl   ilo  Uis ,   alUulK»   au\   iiiumk's  un|'. 
voulu  ino  communi(|uor  lo  cuUdoguo  do  M""  de  Chuvugnac  ol  y  ajouter  tes  intonnation*  penon- 
nelles. 

7 


50  ANNALKS   AltCllKOLOGlOUES. 

(I;iiis  I.L  ciiiipai^iie.  Ils  ont  (|uitlû  la  ville,  ([u'ils  rogardoiit  une  dernière  fois  en 
s:;  lamciil'aiil.  l  ik;  jeune  leminr  porte  un  enfant  dans  une  corbeille  sur  sa 
tète  et  tient  de  la  main  yauclie  une  petite  fille  toute  nue;  un  iioinnie  porte  sur 
ses  épaules  sa  femme  malade.  Horrible  tableau  de  désolation. 

;V'  f^e  commencement  du  cortège  triomphal  de  .Scipion;  on  débouche  d'un 
|)()nl,  sur  le  Tibre  sans  doute.  Un  signifère  porte  l'aigle  romaine.  Ln  licteur 
porte,  au  bout  d'un  faisceau  de  verges,  une  tablette  sur  la(|uelle  est  écrit  au 
rebours  et  à  l'ciiveis  : 

i;  .  (j  ■  i>  .  s  .  1 

Sur  le  p(jnl,  musiciens  divers  avec  trompettes  courbes  ou  droites,  cornet, 
cymbales.  Une  femme  puissante  fait  roiiller  un  tambour  de  basque.  .Signifères 
poiliuit  rua  un  dragon,  l'autre  un  verrat.  Sur  le  pont  se  lit,  de  même  à 
l'envers,  au  rebours  et  par  sigles,  l'entête  des  décrets  du  sénat  et  du  peuple 
romain  :  S  •  P   •  Q   •  R  • 

k"  l,e  triomphe  de  Scipion.  Siu'  un  ciiar  magnifique,  attelé  de  ([uatre  che- 
vaux (le  front,  blancs,  harnachés  de  rouge  et  richement  caparaçonnés,  est 
établi  un  Irùiie,  nue  chaise  curule.  mais  en  or,  siu'  la([uelle  est  assis  noblement 
le  vainciucur.  Du  dos  de  ce  trùne  s'élance  un  aigle  tenant  à  son  bec  une  cou- 
ronne de  laurier  qu'il  semble  lancer  à  Scipion.  Sur  l'avant-train  du  char  fume 
une  cassolette  d'encens.  Le  triomphateur,  couronne  royale  en  tète,  porte  à  la 
main  gauche  une  branche  de  laurier,  un  sceptre  à  la  main  d'roite;  c'est 
r  «  impcrator  »  anliciuc.  Derrière  le  char  courent  à  cheval  les  chefs  de  l'ar- 
mée et  les  vexillaires.  Devant  le  char,  un  signifère  porte  le  simulacre  en  relief 
d'un  chàtcau-forl;  un  autre,  le  simulacre  de  la  ville  de  Carthagène;  d'autres, 
un  lion  et  une  panoplie.  En  avant,  captifs  jeunes  ou  d'âge  moyen,  tristes  ou 
frémissants,  mains  liées,  guidés,  contenus  ou  pressés  par  des  soldats  romains. 
Sur  le  coté  droit,  au-dessus  d'un  mur.  le  peuple  regardant  et  admirant  le 
triomphateur,  ([ui  a  le  uu'illcur  air  et  la  plus  belle  attitude  du  monde.  On  est 
près  des  mms  de  Rome,  presque  à  l'entrée  d'une  porte  cintrée  vers  laquelle 
le  triomphe  se  dirige. 

Vasari  a  dit  que  les  tapisseries  de  ces  cartons  avaient  été  faites  par  deux 
Flamands,   maître   Nicolas   et  Jean-Baptiste    Roux  -.    On  croit  (jue   c'est  à 

1.  Les  car.ictères  lypograpliiques  peuvent  donner  lo  relwurs,  mais  non  l'envers. 

2.  «  Le  duc  de  Ferrare  demanda  également  à  notre  artiste  (Jules  Romain)  des  cartons  pour 
des  tapisseries  tissues  d'or  et  de  soie,  qu'il  Qt  exécuter  (à  Bruxelles)  par  deux  Flamands,  maes- 
tro Niccolo  et  Gio.-Batlista  Rosso.  Cescaitons  ont  été  gravés  par  Gio.-Batlista  de  Mantoue,  ainsi 
que  plusieurs  autres  compositions  de  Jules,  parmi  lesquelles  nous  citerons.  .  .  .  Scipion  et  An- 


TlilOMPHF.   DE   LA  CHASTETÉ.  51 

Bruxelles,  mais  plus  probableuient  dans  l'une  des  nombreuses  manufactures 
d'Arras  qu'elles  furent  exécutées.  Plusieurs  exemplaires,  comme  il  est  arrivé 
.souvent,  ont  pu  en  être  ti.ssés  successivement  ou  h  la  fois,  et  c'est  l'un  de  ces 
exemplaires  sans  doute,  tout  jeune  alors,  tout  frais,  tout  luisant  d'or  et  de 
soie,  qui  a  pu  appaitenir  à  François  I".  Quoi  qu'il  en  soit,  les  carions  sont  en 
France  aujourd'hui;  ils  sont  dessinés  sur  papier  et  peints  à  la  détrempe. 
Comme  les  tapissiers  de  haute  lisse  travaillent  à  l'envers,  Jules  Romain  eut 
l'attention  de  dessiner  h  l'envers,  pour  ([ue  le  résultat  produit  fût  h  l'endroit, 
les  inscriptions,  comme  le  s  •  p  •  Q  •  n  •  des  étendards  romains.  En  outre, 
le  triomphateur,  au  lieu  de  s'avancer  de  gauche  à  droite,  suivant  l'habitude, 
va  de  droite  ;i  gauche,  .sans  doute  poin-  le  môme  motif,  Hion  que  par  ces  deux 
faits,  par  le  premier  surtout,  on  peut  être  certain  que  ce  sont  bien  des  carions 
à  tapisseries, 

lîraniùme  parle  avec  admiration  de  ce  triomphe  de  Scipion,  .Suivant  lui. 
et  le  «  Camp  du  drap  fl'or  »  vient  à  l'appui  de  son  opinion.  François  1" 
aurait  fait  exécuter  ce  triomphe  d'après  les  cartons  de  Jules  Romain,  que 
nous  |iossédons  encore.  Ces  tapisseries  auraient  coûté  !22.(IOO  éciis,  mais 
Rranlôme  tléclare  qu'elles  en  valaient  plus  de  50,000*, 

Mazarin  avait  a<(|uis  du  maréchal  .^ainl-André  la  tapisserie  de  .Scipion  '. 
Cette  tapisserie  élait-cllc  colle  de  l'rançois  1"  ou  ûo  Henri  II,  et  celle  que 
nous  retrouvons  au  I.ouvre  *,  dans  l'apparlemonl  du  roi,  lors  de  l'arrivée 
de  la  reine  Clirisline  en  l'ranco.  en  Ki.'jfJ?  Dans  ce  cas.  qu'est-ello  devenue 
depin's?  i)ur\  inléièt  si  l'on  pouvait  la  retrouver  et  la  comparer  avec  les  car- 
Ions  de  Jules  Romain!  Nos  tapissiers  des  Ciobelins  pom-raient  y  étudier  cl 
saisir  tous  les  procédés  par  lescjnels  on  traduit  en  tissu  un  carton  colorié 
par  un  grand  peintre. 

Je  ne  puis  pas  ici  rechercher  combien  de  fois  on  a  dû  rcpn-senlcr  en  pein- 
lure  SIM-  nuir,  sur  pa|)ier,  sur  ti.ssu,  sur  parchemin,  sm-  bois;  en  émail  sur 

iiiluil  li.irimKiiiinl  IcMirs  solilals».  —  Vvs^ni.  <<  Vin  do  Jules  Hom:iiit».  lrii<l.  ilo  Ixîclamli"  -i  J"">- 
roii.  lomo  V,  |i.  iil-">î. 

I.  lliiyNTiiMi;,  «  lloinmos  itIiistiTs  et  grand!!  capilainn*  »,  ri),  ni.  —  Foliliion.  plus  i.u  m-Miif* 
liii'ii  n'iisnii,'iu'',  dit  dans  sps  «  ICnlrrlions  »  'loiiin  i.  |).  SOI  pi  lomo  ii,  p.  lîl,  l'dil.  d'AmMonlain) 
(lun  ci's  (apissi'iios  aiiraionl  »'«l(^  faites  pour  llonti  II.  Il  osl  |>ossililo  quo  lliMiri  II  on  i>it  f«il  o\i«- 
riilor  un  o\oinplairo  dapros  los  rartcins  du  l.tnivro,  mais  lo  camp  du  drap  ilor  osl  lit  pour  «nir- 
mor  iprollos  oxislalont  dojii  on  l.'illl. 

î.  n  Acquis  0  on  Cl  oblonu  d  on  no  sait  rominonl.  Voir  los  •  Mt'moins  »  do  l.omi*niP  tlo  Brionnc, 
pulilios  par  I'.  Ilarrioro,  l'aris,  18ï.s,  in-H",  lomo  n.  cli.  i\,  p.  n-!4ol  cilw  par  K.  Miclipl,  <  Rp- 
cliorclio.s  sur  los  oloiros  ■>,  l'aris,  IH.'U,  in-V\  lomo  il,  p.  Itl,  noio  i. 

3.  «  Môinoiros»  do  M""  do  Mcitti;vii.i.k,  dans  In  colleclion  Micliaud  cl  l'oiijoutal,  dou»i*mo 
sorio,  loiiio  \,  p.  iV.l,  col.  i. 


52  ANNALKS  AHCIlfiOLOGIQU  ES. 

niûlal  ou  terre  cuite;  en  sculpture  sur  marbre,  pierre,  bois  ou  ivoire;  en  gra- 
vure sur  m(;tal  et  sur  bois  la  continence  de  Scipion.  Ce  serait  une  monogra- 
phii'  iiili'Tcssaiilc.  in.iis  l'orl  longue  à  l'wliger.  Rien  n'est  plus  célèbre,  comme 
nous  Tavoiis  vu.  que  ce  fameux  quoique  facile  triomphe  de  la  chasteté  de 
l'Africain.  Pour  finir,  je  me  contenterai  d'indiquer  deux  faïences.  L'n  plat 
daté  de  lô/iS,  huit  ans  après  le  camp  du  drap  d'or,  deux  ans  avant  la  mort 
de  Jules  Romain,  représente  la  continence  de  Scipion.  Ce  plat  italien  appar- 
tient à  M.  le  baron  Scllière  et  fait  partie  de  la  collection  du  château  de  Mollo. 
Le  céramiste  italien  a  pris  pour  modèle  une  gravure  d'/Eneas  Viens,  imprimée 
h  Rome  par  Antoine  Sadeler.  Il  l'a  reproduite  scrupuleusement,  jusqu'k  la 
signatin'e  même  de  rimi)rimeur.  On  lit  donc,  au  l'cvers  de  ce  |)lat.  l'inscrip- 
tion suivante,  explicative  du  sujet  : 

A\r.\M    (.non    IH'.O    nKDIMEMIA  CAPTIVA    Mfir.IXE    PARENTES    ATTVI.En  \\T    I VCIO    SPflNSO   TnABIT   SCIPIO. 

nOM.E    E\C1).    ANT.    SAt.    '. 

Ce  n'est  pas  tout.  Au  musée  Napoléon  111,  formé  de  la  collection  Campana. 
sur  une  coupe  en  faïence  d'Urbinoest  peinte  la  continence  de  Scipion.  <i  Sci- 
pion est  assis  vers  le  centre,  tourné  à  droite,  en  avant  de  la  jeune  femme 
(|ue  lui  amènent  (lualre  soldats.  A  gauche,  au  fond,  deux  autres  soldats.  Lu 
édifice,  composé  d'une  grande  niche  centrale  abritant  une  statue  de  Vénus  - 
et  de  deux  galeries  latérales,  sert  do  fond  à  la  composition.  Deux  étendards, 
l'un  avec  les  lettres  s  •  p  •  o  •  r,  • ,  sont  posés  <aux  .angles  de  l'édifice... 
Revers  d'émail  blanc  avec  trois  cercles  jaunes;  sous  le  fond,  cette  inscription 
en  bleu  vif,  mal  tracée  : 

Corne  dcnan/i  a  sipionc 
lu  menala  uiia  belplissim.i 
l'erginc  nioi;lie  d  liiirio  jjrincipfi 
ccltibori  adolesconlft 

d  lilo  liuio  a  lihro  iloca 

loitia  .-^oUo 

a  cap.  Liiii. 

u  Comment,  on  prt'sencp  de  Scipion,  fui  m<^née  une  trcs-belle  vierge,  femme  do  I.ucius,  jeune 
l)rince  cellibore.  —  (Tile-Li\e.  décade  troisième,  livre  sept,  cliapilre  cinquante-quatre  n)  ''. 

llem'cux  Scipion!  me  pormcttra-t-on  de  répéter  encore,  d'avoir  acquis  k  si 
bon  marché  une  renommée  pareille. 

Pétrarqtie  n'a  pas  décrit  le  cliar  de  son   triomphe  de  la  Chasteté;  mais. 

1.  Alfred  I'arcei,,  «  Notice  des  faïences  peintes  ».  In-8",  Paris,  1864.  Introduction,  page  30. 

2.  C'est  la  \cnus  pudique,  je  suppose. 

S.  Alfred  Darcel,  «  Noiice  des  l'aiences  peintes  »,  pages  i2S-229,  G.  Mi. 


TRIOMFMIE  DF.  L\  CHASTKTfi.  53 

dans  le  commentaire  de  ses  poésies  qu'a  donné  Alessandro  Yellutello,  une 
petite  gravure  sur  bois  placée  en  haut  du  second  triompiie,  nous  donne  une 
idée  quelconque  de  ce  char  et  de  son  entourage  '. 

En  tète  du  cortège,  une  bannière  à  deux  grandes  flammes  portée  par  une 
femme  chaste.  Sur  celte  bannière  est  brodée  une  petite  hermine,  parce  que, 
comme  I.ucrèce,  la  blanche  hermine  préfère,  dit-on,  la  mort  à  la  souillure  : 
'c  mori  potius  quam  fa;dari  ».  Dans  Pétrarque,  l'enseigne  triomphale  de  la 
Chasteté  montre  sur  un  champ  vert  un  agneau  blanc  qui  porte  un  collier  d'or 
lin  et  de  topazes;  je  préfère  l'hermine  de  Yellutello.  Rn  avant  et  sur  les 
côtés  du  char,  une  foule  de  femmes,  beaucoup  plus  nombreuses  assurément 
c|iie  celles  nommées  par  Pétrarque,  s'avancent  en  chantant  avec  entrain  et 
portant  chacune  à  la  main  droite  une  palme  énorme,  plus  haute  que  celle 
donnée  aux  martyrs  par  l'iconographie  chrétienne.  Il  parait  qu'il  n'est  pas 
facile  d'èlre  chaste.  I.e  char  est  à,  deux  roues  et  entraîné  au  galop  par  deux 
licornes  richement  caparaçonnées.  La  licorne,  composée  du  pachyderme  par 
la  longue  corne  (|in'  lui  perce  le  front,  de  la  chèvre  par  la  barbiche  de  f-on 
menton  et  le  fourchement  de  ses  pieds,  du  cheval  ou  de  l'hémione  par  le  reste 
(In  cDips,  est  un  animal  plus  rare  encore  dans  la  zoologie  que  la  chasteté  dans 
l'espèce  humaine.  C'est  une  bêle  farouche  et  cruelle,  mais  qui  se  laisse  appri- 
voiser par  les  vierges  et  se  fait  prendre  par  les  chasseurs  dans  le  sein  d'une 
jeime  fille.  Pai'  son  caractère  et  sa  rareté  elle  a  mérité  de  devenir  le  symbole 
de  la  chasteté  -.  Le  char,  composé  d'une  caisse  ou  plutôt  d'une  plale-formo 
épaisse,  est  porté  sur  deux  roues  basses,  mais  solides  et  à  rayons  nombreux. 
Siu"  le  dev.uil  du  cli.ir  est  assis  l'Amour,  enfant  tout  nu,  ([ui  a  conservé  ses 
ailes,  mais  qui  baisse  humblement  et  tristcmeni  le  dos.  sur  lequel  sont  liées 
ses  deux  petites  mains.  Au  rentre  du  char  est  assise  la  Chasteté,  grande  et 
puissante  femme,  couverte,  bien  entendu,  d'une  robe  montante  et  remar(|tial)le 
par  sa  simplicité  extrême.  Ce  n'est  pas  une  religieuse  cependant,  car  il  y 

1.  Il  II  l'ctninlia  »,  <-()ii  l'osposiliono  (I'Alessamhio  Vki.i.itkllo,  largo  in-8";  imprimé  ii  Ve- 
nise, on  I7.'i0,  par  (îiiliiic!  (iiuliio  do  ferra iv,  fonillcl  171. 

2.  Los  loxlos  snr  la  licorno  oii  l'iiiiicomo  soiil  innonibniltlos.  Jo  mo  conlonlo  d'omprimlor  ti 
M.  (!.  Ili|>|iraii  r.iiiaUsr  iin'il  a  faite  do  l'iirlirlo  consacré  à  l'unicornc  (nir  (juilliiumc  do  Normnn- 
(li(!,  Uonvi'io  du  xiii*  sioi'lo  cl  iiiilonr  du  «  Hosliairo  divin  »  :  —  »  (>t  nniniul  n'ii  i]ii  ' 

au  niilioii  du  Tiont  :  il  osl  lo  soûl  (;ui  uso  anaquor  l'oloplianl.  Do  son  pio<l,  Irancliunl  <  ' 
airiiirllr,  il  lui  poicn  lo  vontro  ot  \'accil,  Los  clia»seurs,  pour  prondro  coUo  t)Alo  ronniilabic,  foni 
avancor  iinojoiino  vior)jo  dans  In  fori'^l  où  ollo  a  son  ri'imiro.   \ 

il  so  rudoui'il,  aci'ourl  vors  ollo,  so  fouclii' sur  rios  j^onuux  l'i  >  ,    . 

—  Il  Lo  llosliairo  divin  »  do  (iuillnunio,  clore  du  Nornuindio,  publié  |Mr  M.  ('..  IIippkao.  Io-8*i 
l>.  t  îi'i.  Caon.  \s",i.  Los  vors  do  Ciuilluumo  sur  l'unicornn  sont  il  lu  pajf;<>  133. 


5h  ANNALKS  A HCII l^iOLOOIOUKS. 

aiirall  "khiis  (\o  méiile  à  flic  d'ùtre  chasle,  mais  une  SL-culi^rc  dont  la  lôte 
est  niic,  sans  aucun  voile.  Ue  la  main  gauche  elle  montre  avec  l'index  le 
pauvre  petit  Amour  qu'elle  a  vaincu  avec  tant  de  peine;  di,'  la  main  droite 
elle  porte  une  palme  extrêmement  grande  et  feuillue.  On  ne  voit  pas  le  der- 
rière du  char,  mais  on  entrevoit  d'autres  femmes  chastes,  qui  portent  une 
forêt  (!(•  palmes.  Je  remarque  près  de  la  roue  droite  du  char,  un  peu  en  ar- 
rière. (leu\  fiMiimos.  palme  eu  main  et  robe  montante  sur  la  poitrine;  mais 
cette  robe  est  fendue  sur  la  jambe  et  le  haut  de  la  cuisse  qu'elle  laisse  à  dé- 
couvert. Ce  sont  des  chastes  évidemment,  mais  qui  n'ont  peur  de  rien  et  qui 
ne  se  gênent  pas  tout  à  fait  assez. 

A  la  livraison  prochaine  le  Triomphe  de  la  Mort. 

ninRON. 


l'A 


Hauteur 


Diamètre  du  pied 


îtÉ^\/fc/-,V'  •■ 


2C|  cein 


iQ  centime '.: 


Ocwrinf  /fur  J'.  ff  /..  i/i-  /T/m/. 


F.n  ARGKNr  REPOUSSÉ  BT  CISELÉ. 


/'ii6/ir'/-'r  KJr^n.^X  rt^  Sf  /X>mim./"--  .l'.'/i-^/itrti . 


MKLAXGKS   I:T   NOIVIILLIIS 


L.N    LALICL  DU   XMl'-   SIECLE. 

Lus  II  Annales  »  ont  déjà  publié  un  caiicc  qui  sort  du  style  qu'elles  aiment 
et  rccomnuindcnt  ^.  Celui-ci  s'en  éloigne  davantage  encore;  il  n'est  plus  du 
xvi%  mais  de  ce  wiT  siècle  qui  fut  une  triste  époque  pour  l'art  de  tout  genre 
et  les  œuvres  de  toute  espèce.  Mais,  afm  de  faire  loucher  h  l'u-il  la  supério- 
rité des  xii°  et  xiii'  siècles,  il  est  indispensable  de  montrer  ce  ([ue  les  périodes 
suivantes  ont  exécuté,  l'uur  faire  a|)précier  la  tempérance,  rien  d'éloquent 
cniiiiiir  (le  la  placer  devant  un  lionnne  ivre,  l'ar  ce  motif,  nous  avons  con- 
senti à  publier  ce  dessin  et  celte  notice,  que  nous  apportaient  MM.  de  l'arcy 
frères  ;  mais,  nos  lectetn's  peuvent  nous  en  croire,  nous  n'avons  aucun  goût 
pour  cotte  lourde  et  informe  orfèvrerie.  Comparez  la  coupe  de  ce  calice  avec 
celles  des  calices  de  Sainl-Remi,  d'Ilervi-,  du  bienheureux  Thomas  de  Bi\ille, 
déjà  publiés  dans  les  «  Annales  » ,  même  avec  celle  du  calice  de  la  reine 
Anne,  et  plaignez  Bossuel ,  i-'énelon .  Mabillun.  l'Iéchier,  saint  Vincent  de 
Paul  ,  qui  se  servaient  dini  pareil  vase,  il  sullil  de  jeter  les  yeuv  sur  le  cos- 
tume giolesque  porté  par  l'ange  informe  (|iii  lient  la  mlonne  et  la  lance,  pour 
se  dégoûter  à  jamais  de  l'orfésn'rie  du  wii*  siècle.  La  tèle  de  cet  ange  n'est 
|)as  sans  (piclque  vulgaire  beauté;  mais  tout  le  reste  est  vraiment  ignoble. 
MM.  ih'  l'.ucy  me  pardonneront  mmi  mépris  pour  les  u'u\res  de  celle 
époque;  ce  mépris,  ils  le  connaissaient  il'avancc  et  il  augmcnlu  tous  lesjour> 
au  lieu  de  décroître.  —  Voici  la  notice  (jue  nos  deux  jeunes  et  honorables 
correspondants  ont  bien  voulu  nous  remettre  avec  leur  dessin. 

Il  Ce  c.iliie  lui  ijiimii''  :i  r.''|>ii.]iii-  i|.'  I.i  révolution  à  NL  Le  Tessier-Douail- 

I.  Culicw  ot  l'iiU'iio  (lu  Siiiiit-JiMii-ilii-Doi;;!,  d  miuW  |mr  lu  n'ino  Aiino  (li<  Bn<l.ii;ni*.  •  Anii«k>!> 
Aruliùulo(;ii]iiU!i  >,  vol.  \ix,  p.  ;iî!t-;)is.  Tt>%U<  cl  (li>S!«iii!i  ilo  M.  Alfir»!  Diin»!. 


Idii,  ciiiv'  d'Ampoignc  (Mayenne),  par  M.  Allairc,  préirc  à  Cliùloau-Gonlier 
et  cliaiioiiie  de  la  collégiale  de  Sainl-Jiisl  dans  celle  mcînic  ville.  Au  iiioinenl 
de  la  révolulioii,  en  1792,  celle  église  fui  supprimée  cl  vendue,  ses  vîuscs 
sacrés  lurenl  dispersés  ;  on  en  trouve  encore  quelcpies  débris  dans  dilTéreiiles 
coMiiiiiiiiaiil(''s  et  |)aroisscs,  notamment  à  Sainl-Jean-Baptisle  cl  à  Saiiil-Josepli. 
M.  J.e  Tessier  se  icliia  dans  sa  vieillesse  à  sa  lerre  du  Petit-Coulonge,  où  il 
iiioui'ut.  (le  calice  ap|)aili('iit  maintenant  à  sa  famille,  ((ui  a  bien  voulu  nous 
pcrmcllrc  d'en  faire  le  croquis  et  nous  a  donné  les  quelques  renseignements 
que  l'on  vient  de  lire. 

<i  II  a  29  ceiilimèircs  de  iiauteur,  il  est  en  argent  ciselé  cl  repoussé  d'un 
liavail  ln's-(in.  L'onieiiicntation  se  compose  de  feuilles  d'acanthe,  de  lèles 
d'anges,  de  médaillons  représentant  les  instruments  de  la  passion  de  iNolrc- 
Seigncur.  La  coupe,  d'une  forme  un  peu  évasée,  est  ornée  de  trois  médail- 
lons séparés  par  des  tèles  d'anges  d'une  charmante  expression.  Le  médaillon 
que  nous  avons  représenté  renferme  la  robe  sans  couture  que  les  soldats 
tirèj'cnt  au  sort  après  la  mort  du  Christ.  L'autre,  le  coq  et  les  dés.  Le  troi- 
sièiiic.  l'ilalc  se  lavant  les  mains  à  une  fontaine  jaillissant  d'un  rocher;  c'est 
un  luiilif  nouveau  en  iconographie  et  peu  conforme  à  l'histoire,  puisque  Piiale 
u'élail  pas  dans  les  champs,  mais  dans  le  prétoire,  lorsqu'il  se  lava  les  mains. 
La  partie  où  le  prêtre  met  la  main,  c'est-à-dire  le  nœud,  est  la  plus  reniar- 
(|uablc  et  la  plus  soignée.  On  y  voit  trois  anges  portant  la  colonne  et  la  lance, 
réchcllc.  la  couronne  d'épines  et  le  roseau. 

«  Le  pied,  cpii  a  19  centimètres  de  diamètre,  offre  la  même  disposition  que 
la  coii|)e  :  trois  médaillons  séparés  par  des  têtes  d'anges.  On  y  voit  l'épée 
avec  l'oreille  de  Malchus,  les  trente  pièces  d'argent,  etc.  Il  se  termine  par 
une  galerie  à  jours,  d'un  beau  travail.  A  l'intérieur  de  ce  pied  on  lit  sur  le 
boi'd  ces  mots  gravés  : 

M.   ALEX.   ALLMnE,    PnÊinE  A   CHATEAl-GONTIEH . 

(I  Ce  calice  a  sa  patène,  également  ciselée;  elle  représente  la  face  de  Notre- 
Seigncur  sur  le  voile  de  sainte  Véronique,  entourée  de  quatre  têtes  d'anges 
sortant  de  nuages. 

u  Paul   i;  t  L  o  l  i  s  d  i-:  F  A  R  C  V  « . 


UN   AI'.CIHTECïli   DU   IWS-DE-CALAIS. 

Dans    les  premiers    v()lumcs   des  «  Annales  ».  nous   avons  mentionné  à 
plusieurs  reprises   le  nom  d'un  architecte,  ^L  Grigny.  d'Arras.  fort  jeune 


MÉLANGES  ET  NOUVELLES.  57 

alors ,  qui  construisait  en  style  gothique  du  xv*  siècle  la  chapelle  des  dames 
du  Saint-Sacrement,  à  Arras.  Depuis  lors,  17  ou  18  ans,  le  jeune  homme, 
mûr  de  talent  et  d'âge,  a  semé  un  peu  partout ,  mais  principalement  dans 
son  département  et  dans  celui  du  Nord,  de  nombreuses  constructions  nou- 
velles en  style  roman  du  xiT  siècle  et  en  style  ogival  des  xiii'  et  xiv*. 

Voici  la  liste  des  travaux  qu'il  a  exécutés  jusqu'à  ce  jour;  le  nombre  est 
déjà  d(!  trente- trois  monuments,  à  savoir  : 

Une  église  en  style  byzantin,  à  Crèvecœur  (Nord). 

Dix  églises  en  style  roman ,  dans  le  Pas-de-Calais  et  le  Nord. 

Un  clocher  h.  part  en  style  roman,  h  Beaumont  (Pas-de-Calais). 

Seize  églises  et  chapelles  en  style  du  xiii'  siècle,  dans  le  Pas-de-Calais,  le 
Nord  et  en  Suisse.  L'une  de  ces  églises  est  la  cathédrale  catholique  de 
Genève;  une  autre,  celle  de  Notre-Dame,  à  Valenciennes,  qui  est  presque 
aussi  grande  qu'une  cathédrale. 

Deux  églises  en  style  du  \i\'  siècle,  .'i  Lumbres  et  Oisy-le- Verger  (Pas-de- 
Calais). 

La  chapelle  du  Saint- Sacrement  d'Arras,  en  style  du  xV  siècle. 

Le  (Iùiul;  du  ciiœur  de  Saint- Jacques,  à  Douai,  en  style  du  wii*  siècle. 

Co  dôme  di"  Douai  et  l'église  byzantine  de  Crèvecœur  détonnent  dans  ce 
concert  imiian  et  golhi(|ue  ;  mais  ils  prouvent  la  grande  aptitude  de  l'archi- 
tecte d'Arras  à  se  plier  à  tous  les  styles,  et  ce  n'est  pas,  même  dans  ce 
temps-ci ,  un  léger  mérite. 

M.  Crigny  vient  d'achever,  sur  une  échelle  double  toutefois,  la  réédifica- 
liuii  (lu  ci'lèbrc  monument  de  la  Sainte-Chandelle,  d'Arras,  (jue  nous  avons 
publié  en  1850  dans  le  volume  .\,  page  .'iSG,  des  «  Annales  Ar<héulogi(|ues  ». 
Le  clocher  nouveau,  (lui  rcprodin'l  U'.  vieux  clocher  d'a|)rès  d'anciens  dessins. 
s'élève  'i  IGO  ])ieds  du  sol  et  repose  sur  une  base  de  15  pieds  seulement 
de  largeur  ;  il  est  cependant  tout  en  pierre,  mais  îi  jour,  à  peu  près  comme 
l'était  relui  d'autrefois  '.  C'est  un  loin-  d(î  force  que  le  mm'  siècle  avait  heu- 
reusement réalisé  et  (|uc  le  \i\',  nouiri  {\f^  traditions  anciennes,  a  non  moins 

llcIIITIIsi'lllriit    |-C|10ll\('|i''. 

Kn  1850,  nous  faisions  des  vœux  pour  que  les  habitants  d'Arras,  servis 
par  l'habilclé  de  M.  (irigny,  reronslruisissi'ul  la  Ix-llc  pyramide  du  Mil*  siècle. 
at)allu(r  en  171M.  Ces  vii-ux  viennent  d'èlrc  accomplis.  Les  dames  Irsulinos 
d'Arras  ont  fait   relever  cette  grande  flèche  de  pierre,  en  In  donnant  pour 

1.  Jo  (lis  u  il  peu  |iri's  ».  nir  hi  IIimIik  propH-iniMit  ililc  apiurlirnl  lnMiuoup  trop  nu  H\\c  du 
XV  »\Mi\  Uiiulis  ([iio  li>  roslc  roproiluil  .soiisibloiiii'iit  le  Mil'.  I-i  lliilio  anficnne  no  diKonlail 
pu!)  uiiisi  avec  l'iMisomblu  du  clot-lior. 

\xiv.  8 


58  ANNALKS  AUCIlf;0L001QUES. 

clocher  il  la  cIi,'i|h1Ic  ([u'ellcs  ont  chargé  M.  Grigny  de  leur  bâtir  en  style  du 
Mil',  ('otte  chapelle  et  cette  flt-che  dominent  en  ce  moment  la  ville  d'Arras; 
elles  n'atlcndent  plus  f|iiG  des  sculptures  et  des  vitraux,  (|ui  sont  déjà  com- 
mandés 1. 

M.  Grigny  est  à  la  moitié  de  sa  carrière  et  nous  espérons  qu'il  consacrera 
la  seconde  partie  do  sa  vie  h  construire  des  édifices  en  style  du  xiii'  siècle 
siM'toul.  car  c'est  là,  évidemment,  en  qui  fait  vibrer  le  plus  haut  et  le  plus 
juste  son  incontestable  talont. 

niniuiN  MNK. 


L'AliClIKOl.or.lK   F,T   l,'AI!T    I:N    I'OLDCNR. 

Sur  la  partie  moiitueuse  du  palatinat  de  Bractaw  2,  aux  bords  de  la  Toul- 
czynka.  au  milieu  d(^  rliamps  verdoyants,  est  située  aujourd'hui  la  bourgade 
(le  Tulczyn,  aucionncment  «  Tulcinium  »  et  îNesterwar.  L'étymologie  de  Xes- 
tcrwar  est  «  Ncstcr,  Dnestr  »  et  «  war  ».  ville  en  hongrois  ■"*. 

Au  xiu"  siècle,  notre  petite  ville  avait  un  aspect  tout  à  fait  différent.  Munie 
(l'uno  fort(M'esse  ^,  elle  appartenait  par  son  commerce  et  sa  population  au 
rang  di's  ]ilus  belles  et  des  plus  iiiijiorlaiitcs  villes  de  notre  palatinat. 

Son  histoire  est  courte.  En  1G23,  elle  a  été  témoin  de  la  défaite  des  Lis- 
sowvzyki  par  le  prince  Charles  Korechi.  Vingt-cinq  ans  après,  les  Cosaques, 
commandés  par  Krzywonosk,  dévastèrent  cette  bourgade  et  massacrèrent  tous 
les  nobles  du  pays.  Ainsi  périt  dans  des  souffrances  inexprimables  le  proprié- 
taire piiiice  Janus  Czetwertynski .  et  tous  les  juifs  habitants  de  ce  lieu,  à 
l'exception  seulement  de  dix  rabbins,  qui  furent  cependant  tourmentés  avec 
barbarie. 

Vers  la  (In  du  siècle  passé  (1775).  Tulczyn  devint  la  résidence  de  Félix 

1.  Dans  la  publicalion  (|ii'il  viont  de  faire  ?ur  ce  moiuiment  nouveau,  .^I.  Grigny  ne  cite  dans 
son  lexto  ni  le  travail  de  M.  de  I.inas  sur  la  Saintc-Ciiandelle;  ni  le  fac-similé  du  dessin  de  Verly 
que  M.  Ciauclierel  nous  a  donné;  ni  le  dessin  do  la  Sainle-Cliandello d'Arras  par  M.  Auguste  Des- 
cliamps  de  l'as;  ni  le  vœu  que  nous  avons  émis  au  sujol  de  la  réédification;  le  tout  publié  dans 
les  «  Annales  -archéologiques  »  de  IS.'iO,  vol.  x'',  pages  32l-:!27.  (""est  un  oubli  que  nous  sommes 
obligé  de  consigner  ici. 

2.  Aujourd'hui  gouvernement  de  Podolie. 

3.  Comme  nous  le  trouvons  mentionné  sous  ce  nom  dans  le  manuscrit  «  Stalus  causae  Mora- 
chensis  ».  1638.  —  «  Narratio  per  rcligiosum  .\ugustinum  Petrykowicz,  superiorem,  ejusque 
conventus  descriptio  n. 

4.  Ckllarius,  «  Reg.  Pol.  drscr.  «;  Amstel.  16")0,  p.  3flG. 


MÉL.VNGKS   KT  NOUVELLES.  59 

Potocki,  palatin  des  terres  russiennes  et  qui,  en  cette  qualité,  reçut  dans  ses 
murs,  douze  ans  après,  le  roi  Stanislas-Auguste  Poniatowski. 

Avec  ce  passé  do  la  b  jurgade  dans  ma  mémoire,  j'ai  commencé  mon 
excursion  par  une  visite  à  l'église  paroissiale.  Mais,  avant  de  franchir  le  seuil 
(lu  temple,  j'aperçus  tout  |)rés  de  la  route  un  petit  cippe  bâti  en  brique.  Au 
liDiil  de  ce  monument,  on  lit  une  inscription  russe  qui  nous  apprend  que  : 

Loin  do  sa  pairie,  dans  un  pays  étranger. 

Le  colonel  Soulcyman  s'endormit  d'un  sommeil  éternel. 

Pour  lo  bien  de  sa  patrie  il  sacrifia  sa  personne. 

Fils  fidèle,  il  fut  plein  do  bonté; 

Mais  la  méclianceté  de  ses  compatriotes,  en  récompense  de  ses  travaux. 

Le  forra  de  clierelior  un  refuge  lointain. 

Ce  colonel,  avant  autrefois 

sous  son  commundement,  dans 

la  Turquie  d'Europe,  6,000  liommcs 

de  l'armée  régulière,  sauva  la 

Turquie  de  la  guerre  civile  et 

tâcha  d'apaiser  les  factions 

nuisibles  à  la  patrie.  Il  mou- 
rut âgé  de  4o  uns,  dans  la  nuit 

du  18au  l'J  avril  ttil8. 

Après  avoir  copié  cette  singulière  épitaphe,  j'entrai  dans  l'cglisc.  Ce  mo- 
deste temple  de  Dieu,  étant  d'une  très-petite  dimension  .  servit  longtemps  de 
chapelle  de  cimetière  ;  mais,  après  la  suppression  du  couvent  des  domini- 
cains, on  lo  transforma  en  paroisse. 

Non  loin  (le  l'église,  au  milieu  de  la  rue,  s'élève  un  petit  obéli.squc  en  pierre 
de  taille.  Autrefois  l'inscription  gravée  sur  l'un  des  côtés  nous  apprenait  le 
nom  (lu  céièhre  maréchal  de  la  confédération,  Targowitra.  Maintenant,  nous 
lisons  seuli'iiii'iil  -. 


J.,e  reste  du  iinm.  réinini.>iceiK'e  d'un  événement  odieux  aux  cœurs  polonais, 
est  aujourd'hui,  fort  heureusement,  tout  à  fait  illisible. 

A  (ni('l(|iics  pas  (le  l.'i  s'élèvent  a.\oc  maj(\'*té  l'église  et  le  cloître  de  l'ordre 
des  Prr'cluniis.  I.e  monastère  fut  fondé  en  lb()7  par  le  même  Félix  Potocki. 
sur  r('ui|ilacemenl  du  cloître  en  bois  bAti  par  Adam  Kalinowski.  starostc  de 
Braclaw  (KL-iS). 

1,1!  Ii'iiiple  d'aujourd'hui,  changé  depuis  {|uel(iues  années  en  dôme  gnico- 
ru.sse,  était  célèbre  par  ses  autels  en  m().sal(|ue  cl  ses  images,  parmi  l»'S(|ucllo.s 
excellait  surtout  la  «  Descente  de  croix  »,  placée  au-dessus  de  l'aulei  principal. 


60  ANNALI'S  AIlCIIKOI.or.loUKS. 

Dans  les  catacombes  de  celte  église  gisaient  auparavant  :  I-Y-Iix  Polocki  et 
Trcinbccki,  le  célèbre  poëtc  du  «  Jardin  de  Sophiowka  ». 

Après  la  suppression  des  dominicains,  les  objets  sacrés  de  même  que  les 
tableaux  furciil  dispersés. 

Iji  (|iiill;iiil  IV'glise  et  passant  par  la  ville,  on  voit  sur  la  place  principale 
un  grand  obéliscim;  en  granit ,  consacré  au  souvenir  (k  l.i  iialte  de  quatre 
jours  de  Stanislas-Auguste,  en  J787.  Au  jour  de  son  érection,  le  généreux 
propriétaire  donna  la  liberté  'i  tous  les  habitants  d'alentour  dans  le  rayon 
d'une  lieue.  Mais  les  successeurs  du  bienfaiteur  annihilèrent  bientôt  ce  pri- 
vilège. 

Avant  d'entrer  dans  le  palais  des  fiers  magnats  de  la  République,  j'ai 
cherché  en  vain  h;  lieu  uù  l'un  dit  qu'existait  autrefois  rimprimcric  célèbre 
de  Tulczyn  '. 

En  m'acheminant  vei's  le  palais,  je  passai  par  la  cour  et  la  porte  du  pa\ill(jn 
cl  là,  en  face  du  monument,  je  me  suis  arrêté  un  moment  pour  en  contem- 
pler j'extérieur.  KIcvé  dans  le  style  italien.  <iui  llurissait  chez  nous  au  temps 
du  dernier  rui  SUunslas-Auguste,  par  l'architecte  Lecroix  (sic),  il  porte  sur 
son  frunlun  l'inscriplion  suivante  : 


yU  IL   SOIT   TOLJUtUS    1.A   DtMtinE    DES    LIDKES    ET   DES   VERTlttX 
ÉLEVÉ  EN    1782 


V.n  entrant,  je  montai  l'escalier  de  l'antichambi'e,  dont  les  murs  sont  ornés 
de  treize  portraits  à  l'huile,  de  la  famille  Polocki,  depuis  Jean  de  Moskarzew. 
palatin  de  l'odolie,  mort  en  1250,  jusqu'à  Félix,  déjà  mentionné,  mort  en 
1805.  A  cette  place,  ces  grands  châtelains  semblent  vous  inviter  à  visiter  leur 
palais. 

Après  avoir  jeté  un  coup  d'œil  sur  ces  peintures,  qui  sont  du  même  goût 
et  peut-être  de  la  main  du  même  peintre  (fin  du  siècle  passé)  ,  je  franchis 
le  seuil  du  salon  :  j'étais  guidé  par  un  cicérone  improvisé.  Autrefois  (1818), 
Jules  Ursin  Niemcewicz,  contemplant  la  richesse  des  ornements  et  des  meubles 
du  palais,  atTu-mait  qu'il  n'avait  jamais  vu  de  plus  beaux  salons.  Maintenant 
l'aspect  intérieur  a  tout  à  fait  changé  :  il  ne  reste  plus  pour  unique  témoin  de 
la  splendeur  passée  qu'une  collection  de  tableaux. 

Le  plus  magnifique  de  tous  est  une  belle  copie  de  la  »  Sacra  famiglia  »  de 

1.  Dans  les  «  Antiquités  de  la  Pologne  »  («  Starozyinojci  Polzkie-Poznais  ».  1842.  I,  22i;, 
Bandtkie  atrirme  qu'on  meltait  seulement  :  Tulczyn,  Targowilra  et  Souprasle  sur  les  broctiures 
qui  étaient  imprimées  contre  les  reformes  politiques  de  ce  temps-lii. 


MKLNNGE-;   KT  NOUVELLES.  61 

RaiihaiJl,  Ce  chef-d'œuvre  de  la  galerie  de  Tulczyn  coûta  au  propriélaire 
10,000  ducats. 

Non  loin  de  la  sainte  image,  nous  rencontrons  le  portrait  d'un  chevalier 
plein  de  fierté,  fait  par  Titien.  Le  personnage  dont  il  représente  les  traits  est 
inconnu. 

Après  avoir  regardé  avec  attention  ces  deux  excellents  tableaux,  je  me 
conteiili'  de  pa>sci-  !i;s  autres  en  revue  : 

Moleiiaer  Corneille.  <i  Sconc  dans  un  cabaret  de  village  ». 

Van  der  Ilclst.   «  Concert  de  famille  ». 

Rubens.  «  Chasse  aux  cerfs  »  (copie?). 

Lampi.  «  Portraits  de  Félix  Potocki  et  de  sa  femme  ». 

Lebrun.  «  l'orlrait  de  la  princesse  Pélagie  Sapieha,  née  Potocka  ». 

David  Teniers.  «  Fête  au  cabaret  »  (copie). 

Jean  van  Ilûchtenburg.  «  Promenade  à  cheval,  du  temps  de  Louis  \1Y  » 
(copie). 

Eugène  Devéria.  «Mort  d'un  pécheur  à  l'hôpital  des  sœurs  do  lu  charité». 

.lean-Bapliste  Rcgiiault.  «  Voyage  maritime  de  Vénus  ». 

Ary  Schelïer.  «  l'orlrail  d'  la  Dauphine  Potocka,  née  Komar  ».  etc. 

Aii\  aiilifpiaires  et  archéologues  je  recommande  de  voir  encore  :  deux 
anciens  gobeiins  un  peu  usés  par  le  temps,  une  collection  nmnismati(|ue  de 
monnaies  et  jetons  arrangés  très-syslématicjuement,  un  service  en  argent 
(surtout)  pour  cent  personnes,  quekjues  coupes  en  verre  de  très- grande 
dimension  avec  des  inscriptions',  une  coupe  allemande  du  wii'  siècle  avec 
ces  mots  en  allemand,  ([uc  je  traduis  et  qui  sont  sur  les  côtés  : 

—  »  L'électeur  de  l'Empire,  l'an  de  Dieu  lO.'iO  —  Dans  la  ville  de  Bran- 
debourg—  Le  premier  trésorier.  —  Bien  fait  aux  siens  —  Christ  mon  Sauveur.  » 

On  peut  voir  encore  un  buste  en  marbre  du  roi  Jean  Sobieski.  Ici  élaiont 
aiiiivfois  (1822)  les  inscriptions  de  l'ancienne  Olbia,  connue  l'iinirmail 
M.  Koeppen  -. 

Après  avoir  visité  la  galerie  de  tableaux  et  examiné  toutes  les  anti(|iiilés  qui 
sont  conservées  au  palais,  je  parcourus  la  bibliotiiè(|ue,  qui  compte  17,Ut)0  \o- 
linnos.  D'après  le  catalogue,  il  y  a  fort  peu  d'ouvrages  importants  sur  l'his- 
toire de  la  Pologne.  L'archive,  (|ui  .se  trouve  k  ([ueliiues  pas  de  là,  est  au 
contraire  très-riche  en  matériaux  histori(|ues  du  siècle  passé. 

J'ai  Uni  mon  excursion  h  Tulczyn  par  une  promenade  au  jardin  do  Cliorosia 

1.  lin  voiei  dru\  :  u  Vive  If  mv  AiiltusIc  III  u.  —  •■  Vivt»  Vn-loiro  l'oUvLti.  «'(«.uim' ilu  ca>lrl- 
liin  (io  Kiov  ■>. 

1.  Dans  su  brucliuro  :  a  Uubur  .Vllorlliuiu  uiid  Kuml  m  Kusjland  i.  \\  ion.  Mil.  tn-4'. 


62  ANNALKS   AUClIKOLOfJIOUES. 

(«Belle»,  (l.uis  la  laii'^iii:  nj.ss(j).  iji  sortant  du  palais,  je  passai  tout  |)rès  de 
bains  élevés  dans  le  style  mauresque  par  le  feu  propriétaire.  Sur  une  des  parois 
de  l'édilice,  quelque  peintre  inconnu  a  re|)résenté  à  fresque  la  l.éda  et  son 
dieu  changé  en  cygne. 

Après  avoir  regardé  ce  bàlimciil  ([ui,  d'après  son  plan,  me  rappelait  beau- 
coup la  façade  de  la  cliapclli;  Villa- Viciosa  à  Cordoue*,  je  parcourus  le 
jardin,  au  milieu  diuiUL'l ,  sur  tm  petit  étang,  s'élève  un  îlot  tout  couvert  de 
copies  anliciues  et  d'une  grandu  (|iiaiilité  de  débris,  d'urnes,  de  statues 
provenant  de  la  Grèce. 

Ayant  jeté  pour  la  dernière  fuis  un  regard  sur  le  jardin  et  le  palais,  je  dis 
adieu  à  la  résidence  seigneuriale  et,  emporté  dans  une  voilure  de  poste,  je 
passai  dans  la  contrée  des  steppes  et  des  tumulus,  dans  la  terre  mystique 
de  l'Ukraine,  (jui  m'est  si  chère. 

Stanislas   K  liZ  VZANU  WSKI. 

1.  Voir  GntAui.T  Dii  PiiANGiiY,  «  lîssai  sur  l'arcliiluciuro  des  Arabes  cl  des  Maures  en  Espa- 
gu;  ».  Paris,  1841,  (ilaiiclie  m,  lig.  4. 


lUHLïOGRAIMIIK 


D'ART   ET   D'ARCHÉOLOGIE 


1 .  ANDRÉ.  —  Histoire  de  l"abbayo  des  religieuses  de  Saint-Sauveur,  de  Marseille,  fondée  au 
V' sicrio,  d';ipr<'.s  l(>s  documonis  ini'dits  conserves  aux  archives  départementales  des  Bouches- 
du-Rlione,  p;ir  I'kbdinand  Ammii;,  archiviste-.idjoint  du  département.  ln-8°  de  X-2J7  pages 
cl  do  3  planches.  —  Fondation,  en  110,  par  l'abbé  Cassien,  des  abbayes  do  Saint-Victor  et  do 
Sainl-Sauvcur.  Privilèges  accordés  au  monastère  de  Saint-Sau\eur  par  le  pape  saint  Grégoire 
le  Grand.  Possessions  de  l'abbaye  aux  vm'  et  ix'  siècles.  Invasion  des  Sarrasins.  Huine  du 
monastère  vers  l'an  923.  Culto  de  .saint  Cyr,  titulaire  de  l'abbaye,  en  Provence.  Rétablissement 
du  monaslère  vers  la  fin  du  x'  .<iècle.  Administration  de  l'abbaye  do  Saint-S.iuv»'ur  et  do 
l'église  des  Accoiilcs  par  les  moines  de  Saint-Victor.  Bulle  d'Alexandre  III.  .Administration  des 
abbesses.  Legs  testamentaires  en  faveur  des  communautés  de  Marseille.  —  Confrérie  des  péni- 
tents do  Saint-Sauveur.  Suppression  de  l'abbaye  de  Siiint-Siiuveur  ;  son  rétablissement  par 
arrêt  du  parlenicrit.  Abbcssos  triennales  de  S;iint-S,iiiveur.  Vente  du  monastère  comme  bien 
national.  Catalogue  des  abbesses.  Pièces  justificatives  de  l'an  597  à  l'an  1614 7  fr. 

2.  BACH.  —  Les  oniciNKS  do  Metz,  Toui  et  Verdun.  Ëtudos  archéologiques  et  philologiques, 
par  le  P.  Jimen  Bacii,  jésuite.  Grand  in-8"  do  128  pages.  —  Distinction  primitive  des  \illes 
gauloises.  Ui  colonie  mosollane.  Les  Médiomiitriciens.  u  Uivdduruin  »,  forten\sse  des  Medio- 
malricions.  Ledruidisme  chez  les  Médiomatricions.  La  cité  romaine.  •  Meltis  »,  abréviation 
do  Médiomatrici.  «  Mottis  »  au  v  siècle.  —  Lf's  origines  de  Toul.  Toul  à  l'époque  romaine. 
Toul  au  v  siècle.  —  Preiiiicre  origine  de  Verdun.  Étude  sur  lo  nom  do  Veniun.  Verdun,  ville 
romaine,  a  Urb»  clavorum  »  (ville  dos  clous).  Verdun  ou  V  siècle ï  fr. 

3.  Bulletin  de  la  .Société  académique  do  Lnon.  TomoXIII'.  1803.  In-8°  do  viii-!iS  pagw  et  do 
KJ  planches.  —  RapporUs  sur  les  travaux  de  l'.innéo  l8(il-IHfi2,  |wr  M.  Iliok,  socn<loirT»  gi'n*- 
ral  (11-  la  .Société.  Li  rlia|M>llo  des  Kndormis  de  Sissy,  par  M.  Ciouaut.  Nouvciiux  délaih  Mir 
la  Boule  en  craie  de  Monlaigu,  par  M.  Mkllevili.e.  l'.hauss»>i>s  romaines,  par  M.  Purrrit.  l/>tire 
du  peintro  de  Li  Tour  il  M"'  de  Zuilen,  |>nr  M.  C.iiami'KI.kihv.  Fouilles  <lu  lumulus  d'Aubon- 
lon,  par  M.  Maiitin.  l'uuilles  de  Mauchamp.  par  M.  lin.  Flkurt.  Note  sur  une  Mdluotle  de 
broii/.e  trouvée  ii  Ni/.v-le-( jointe,  |>iir  le  Mi^UK.  Hachettes  en  silex  IrouviV»  dans  ^-<>- 
inent  de  Vervins,  par  M.  Papillon,  (.es  fêtes  de  révè<|ue  des  Innocent."»  et  du  \\\.  .'.c* 
Fous,  par  M.  lliiiÉ.  La  sépulture  niérovingienno  do  Brie,  par  M.  Ku.  Klieirt.  Le*  «nliquiU-s 
franquesilo  Verly,  par  M.  Pii.i.ov,  etc *  fr. 


W,  ANN.M.F.S  AUCHÉOLOGIQL'ES, 

;.  1  II  MBIIV  ni')  THONCRNOIin.  —  Rwi'onT  sur  Im  monumonls  liisloriquos  du  di-parlomprit 
il(?  la  M.iinc',  par  M.  lo  haroii  diAUlinv  ne  TnoNCRNonii,  incmbm  du  conseil  (;énér<il  de  lu 
Marne.  ln-«"  do  7  pa;;('s.  Happort  bienveillant  sur  di'smonuincnU.cl  Hurtoul  s-ur  ré;,'lise  Nolre- 
Uame  (In  Cliàlons  el  Nolrn-D.imi'  <lo  l'fCpine,  que  M.  le  baron  Cliauliry  recommande  cliaque 
année  à  la  générosilé  du  conseil  f;énéral.  Le  conseil  donne  peu,  mais  au  moins  quelque  cliose 
il  Notro-Dame  de  l'fcpine;  il  ne  donne  rien  du  tout  à  Notre-Dame  de  Cliàlons,  qui  pesé  de  toute 
sa  cliar^o  sur  le  curé,  M.  l'ahhé  Champenois.  Mais,  par  honliour,  .•■i  le  poids  est  lourd,  le  curé 
est  fort.  Ceperulaiit  un  prni  il'aiilo  pourrait  faire  ^'rand  bien. 

;j.  (;ili;V.VLIi:il.  —  .Viicimiis  uovalks  de  Cmexoxceau  :  —  1°  pièces  historiques  relatives  à  la 
chiistellenie  de  Clienonceau  sous  Louis  XII,  François  I",  Henri  II,  Diane  de  Poitiers  et  Cathe- 
rine de  Médicis.  —  2"  Comptes  des  recopies  et  desponces  faites  en  la  cliastcllenie  de  Clienonceau 
par  Diane  de  l'oitiers. —  .3"  Lettres  et  devis  de  Philibert  de  l'Orme  et  autres  pièces  relatives  à  la 
construction  du  cliàtoau  do  Clienonceau.  Ces  trois  parties,  distribuées  en  trois  volumes  ornés 
lie  vieilles  i;ravuros  (pu  n  présenlent  le  château  de  Chenoncoau,  ont  été  composées  par  .M.  l'abbé 
(;.  (;mi:vai.ii;ii  avec  les  riches  archives  inédites  de  Clienonceau.  On  a  ainsi  l'histoire  complète 
(l'un  (hi'ilcaii  royal  de  l,i  renaissance.  C'est  de  l'histoire  riche  en  renseignements  de  tout  genre, 
comme  .M.  le  comte  Léon  do  Labordo  aimait  Ji  en  faire,  tirée  dos  actes  originaux  et  autlien- 
liqucs.  Le  volume  do  lettres  et  do  devis  de  Philibert  de  l'Orme  est  une  mine  de  documents 
sur  la  construction  à  rép(i(iiio  do  la  renaiss;jnco.  Los  en I repreneurs,  appareilleurs,  maçons, 
p.oiiibiors,  fontainiors,  couvreurs,  marchands  do  bois,  charrons,  marchands  de  pierres,  terras- 
siers, tuiliers,  marchands  de  chaux,  charreliors,  bateliers,  maréchaux,  serruriers,  jardi- 
niers, etc.,  qui  otil  lionne  (les  quittances,  nous  fournissent  une  foule  do  renseignements  sur 
les  arts  et  iiiélicrs  du  xvi'  siècle.  On  ne  saurait  trop  encourager  les  publications  de  ce  genre, 
(|ui  nous  apprennent  tant  de  choses  curieuses,  et  qui  serviront  un  jour  de  base  à  une  histoire 
(le  l'industrie  et  de  l'art  en  Franco.  —  Ces  trois  volumes  in-S",  imprimés  avec  luxe  et  sur  pa- 
pier de  Hollande,  contiennent  ci.xxix-198.  240  et  312  pages.  L'auleur,  M.  l'abbé  Chevalier, 
est  secrétaire  de  la  Société  archéologique  de  Touraine  et  préparé  do  longue  main  aux  travaux 
d'érudition.  —  Los  Iniis  volumes -il   fr. 

fi.  D.VRCEL.  —  Notice  dos  fafcnces  peintes  it;ilieiines,  hispano-moresques  et  françaises,  et  des 
terres  cuites  émaillées,  par  Alfred  Darcel,  attaché  à  la  conservation  du  musée  des  Souve- 
rains et  des  objets  d'art  du  moyen  âge  et  de  la  renaissance.  In-12  de  408  pages.  —  Introduc- 
tion. Notice  sur  les  faïences  hispano-moresques  et  italo-moresquos  à  reflets  métalliques.  Cata- 
logue :  fabriques  do  la  Marche,  de  la  Toscane,  du  duché  d'Urbino,  des  Étals-Pontificaux,  des 
duchés  du  Nord,  delà  Vénélie,  de  l'État  de  Gènes,  du  royaume  de  Naples.  Fabriques  italiennes 
inconnues.  Faïences  à  inscriptions  françaises.  Fabriques  françaises.  Terres  vernissées.  Terres 
cuites  émaillées.  —  C'est  la  première  fois  que  l'on  publie  en  France  une  notice  aussi  savante, 
complète  et  détaillée  sur  les  faïences  peintes.  Un  grand  nombre  de  marques,  de  signatures,  de 
millésimos,  d'inscriptions  sont  distribués  en  fac-similés  dans  ce  livre,  qui  est  le  meilleur  guide 
de  l'amateur  do  faïences 3  fr. 

7.  DARCEL.  —  Un  guide  de  l'amateur  de  faïences  et  de  porcelaines,  par  .\.lfred  Darcel,  atta- 
ché à  la  conservation  des  Musées  impériaux.  Attaque  méritée  contre  un  <(  Guide  n  rempli  d'er- 
reurs et  publié  tout  récemment.  —  Grand  in-S"  do  13  pages 1  fr. 

8.  DEVALS.  —  MÉMOIRE  sur  les  habitations  troglody tiques  en  général,  et  spécialement  sur 
celles  du  département  de  Tarn-ct-Garonne,  par  Devals  aîné,  correspondant  du  ministère 
de  l'instruction  publique  pour  les  travaux  historiques.  In-12  do  31  pages  et  de  7  plans  des 
souterrains  décrits  dans  ce  «  Mémoire  ».  Désormais  on  saura  ce   que  sont  ces  habitations 


BIBLIOGRAPHIE   D'ART  ET  D'ARCHÉOLOGIE.  65 

souterraines,  si  nombreuses  partout  et  particulièrement  dans  le  midi  de  la  France.  Cn  pareil 
travail  estdéQnitir  sur  une  question  confuse  Jusqu'à  présent. 

9.  FLEURV.  —  Les  Manuscrits  à  miniatures  «le  la  Bibliothèque  de  Laon,  étudiw  au  point  de 
vue  de  leur  illustration.  II'  p;irtie.  xiir,  xiv,  xv  et  xvf  siècle!  Texte  et  dessins  par  Édoiard 
Flkuby,  président  de  la  Société  académique  do  Laon.  Grand  in-i'dc  ii-liO  pages,  de  23  plan- 
ches lithograpliiées  et  do  50  lettres  gravées  dans  le  texte.  La  première  partie  de  ce  lra\ail  a 
été  récoiiipensi'o  do  la  première  mention  très-lionorable  par  l'académie  des  inscriptions  et 
belles-loltres.  La  seconde  partie,  plus  remarquable  encore,  obtiendra  certainement  une  récom- 
pense su()érieure.  .Si  l'on  écrivait  et  si  l'on  illustrait  ainsi  l'histoire  de  nos  manuscrits  à  minia- 
turL'S  disséminés  dans  un  grand  nombre  de  bibliothèques,  on  aurait  en  peu  de  temps  une 
paléographie  et  une  icono^'raphie  Trançaises  des  plus  complètes  et  des  plus  sûres.  —  Cette 
deuxième  partie  des  u  .Manuscrits  ii  miniatures  u  de  Laon,  20  fr.  :  les  deux  parties  en- 
semble      40  fr. 

10.  G.VKIt ALD.  —  Essai  biographique  sur  le  comte  Wlcbix  de  Taillefer,  auteur  des  •  Anti- 
quités de  Vésono»,  par  Emmanuel  Garraud.  In-8°  de  16  pages  et  de  2  planches.  Dans  son 
a  Architecture  by/.antine  en  Fr.mce  »,  M.  F.  de  Verneilh  cite  souvent  et  asec  grande  estime 
les  travaux  historiques  ut  archéologiques  de  .M.  de  Taillefer. 

fl.  GAUTIER.  —  (JLEI.OUES  MOTS  sur  l'étude  de  la  Paléographie  et  de  la  Diplomatique,  par 
LÉON  Gattieh.  ln-16  de  104  pages  et  d'une  planche.  Préface.  Quelques  mots  sur  l'école  des 
chartes.  Cominuiicoinent  de  l'école  des  chartes ,  son  histoire  el  son  but.  Pourquoi  l'école 
des  chartes  s'appelle-t-ello  ainsi?  Du  point  de  dé|>art,  du  principe  fondamental  do  l'école  des 
chartes.  Les  plus  belles  facultés  de  l'homme  trouvent  à  l'école  des  chartes  un  exercice  néces- 
saire et  conlimicl;  comment  l'école  des  chartes  s'y  preiid-ollo  pour  arriver  ii  son  double  but? 
De  l'enseignement  do  cette  écolo  et  de  sa  belle  distribution.  Humble  ob.servalion  de  l'autour 
de  ce  petit  livre.  Réponse  à  quelques  attaques.  Conseil  aux  débutants.  Où  conduit  l'école 
des  chartes.  Quelques  mois  sur  l'étude  do  la  paléographie  et  de  la  diplomatique.  L'étude 
do  la  paléographie  doit  ouvrir  celle  du  moyen  ilgo,  imporlanco  de  cette  science  et  règles  à 
suivre 3  fr. 

12.  (jIlt.MII).  —  llisToinE  de  Vercingétorix,  roi  des  Arvornos,  par  Girard,  capitaine  en  re- 
traite. Iii-S"  de  viii-i()4  jiages  et  d'uno  planche.  «  Gergovia  d,  patrie  de  Voa-ingétorix.  Puis- 
sance de  r.\rvernio  au  temps  do  César.  Invasions  successives  des  Romains  dans  les  Gaules. 
César,  gouverneur  do  la  province  romaine  transalpine.  Vercingétorix  soulève  les  Arverncs. 
Armes  des  Romain'--  ol  des  Gaulois.  Ivtenduo  do  la  province  rom^iine  dans  les  Gaules.  Plan  do 
campagne  do  Vercingétorix.  Siège  d'  a  Avaricum  ».  Démêlés  politiques  chez  les  Èduens.  Ver- 
cingétorix est  proclamé  roi  de  tous  les  peuples  confédérés  contre  les  Romains.  Top<iRraphio 
d'  "  Alesia  n  et  de  se^  environs.  Premiers  travaux  de  tlésjir  autour  do  la  ville.  ('.umUit  îles  Ro- 
mains et  dos  troupesdo  Vercingétorix.  Bataille  d'  u  .Mosia  ».  Déroute  îles  Gaulois.  .Mort  de  Ver- 
cingétorix. Notes  sur  le  siégo  do  a  Gergovia  <>  et  sur  l'omplacemont  do  l'ancien  •  Uxollodunum  • 
il  Ussol  (Corrè/o).  —  Ces  nombreuses  questions  sont  tout  à  fait  à  l'ordre  du  jour  on  co  raonwnl. 

13.  GRE.'^LOlî.  —  ItEi'.intHcilKS  sur  la  Céramique,  suivies  de  m.n  -  ■'<* 
dlllerenles  fal>ri<|iies,  par  JuLKS  Grkslok,  meinbro  de  la  stM'ielé  ,11  i  i  -r. 
Iii-I  î  (le  \v-ï79  |Nigos  et  do  nombreux  dessins  (marques  et  monogmmino»)  on  couleur.  —  lo- 
troductioii.  Kecheri'hes  historiqui>H.  Tern<s  cuites,  m.ij"!  'o~ 
laines.  Procédés  de  fabrication  de  la  |Mircelaiiie.  M.i<  ,  '  e, 
Paris  ol  ses  environs.  Province.    Pays  étrungors  :  .\lloinagno,  Anglolorro,  Aulncbo,  Bo(u>a)«. 

XXIV.  9 


66  ANNAI.KS  Aiu;iif;()i,o(;ioi)KS. 

Dnneitiiirk,  Espagne,  Ftalio,  Pays-Bas,  Pologne,  Porliigal,  Prusse,  Russio,  Su*do  et  Suisse, 
Chine  ot  Japon,  liido  et  Perso.  Remarque»  sur  les  principaux  caraclèros  distinctirs  do  quelques 
poteries.  —  Cliarmiint  ouvrage,  imprime  avec  la  plus  rare  distinction •*  fr. 

M.  GRKINY.  —  Hkkdification  de  la  (lèelie  do  la  Sainlc-Chandello  d'Arras,  par  les  relifticuses 
L'rsulinps  do  celle  ville,  sur  les  plans  et  sous  la  direction  d'Ai.RXAMiRic  (ibicnï,  ar<:liil«clc. 
In-folio  (le  7  pages  cl  d'une  planche.  Colle  llôcho  est  tout  en  pierre  et  s'élèvo  it  58  mètres  au- 
dessus  (lu  ?ol 4  fr. 

l'j.  HAMON.  —  NoTnE-l)A.Mi:-i)E-FnA\cE  ou  Histoire  du  culte  de  la  sainte  Vierge  en  France, 
depuis  l'origine  du  christianisme  jusqu'à  nos  jours.  Provinces  ecclésiastiques  de  Bordeaux,  de 
Tours  et  de  Rennes,  par  l'abbé  IIamon,  curé  de  Saint-Sulpice.  Quatrième  volume.  In-S"  de 
vii-GOO  |)agos.  —  Province  eeclési:isliquc  do  Bordeaux  :  arehidiocèse  de  Bordeaux;  diocèses 
d'Agen,  d'Angoulème,  de  Luçon  et  de  Périgueux.  Province  ecclésiastique  de  Tours  :  arehidio- 
cèse do  Tours;  diocèses  d'Angers,  do  Laviil,  du  Mans  et  do  Nantes.  Province  ecclésiastique  do 
Rennes  :  arcliidiocèso  do  Rennes;  diorxjses  de  Ouimper,  de  Saint-Brieuc  et  de  Vannes.  Ca- 
Ihédralcs,  Notre-Dame,  églises,  chapelles,  sanctuaires  et  pèlerinages.  —  Ce  quatrième  volume, 
comme  cliacun  des  trois  premiers 0  fr. 

10.  ilATZFKLD.  —  Revue  critique  et  bibliographique  publiée  sous  la  direction  de  Ad.  Hatz- 
Fii.o,  :iiuien  professeur  de  littérature  étrangère  à  la  Faculté  de  Grenoble,  professeur  de  rhéto- 
rique au  lycée  Louis-le-Grand.  Première  livraison.  Janvier  186'».  In-S"  de  (18  pages.  —  Parait 
le  11)  do  chaque  mois.  Contient  l'examen  des  principaux  ouvrages  publiés  en  France  et  à 
l'étranger;  des  articles  littéraires,  historiques,  philosophiques,  scientifiques;  une  chronique 
mensuelle  et  un  bulletin  bibliographique.  Le  prix  de  l'abonnement  pour  Paris  est  de  10  fr.; 
pour  les  départements,  12  fr.  ;  pour  l'étranger,  les  frais  de  port  en  sus.  Chaque  numéro  sépa- 
rément       1   fr.  25  c. 

17.  IIUi'lIKR,  —  Cai.(iles  de  vitraux  delà  cathédrale  du  Mans,  par  M.  E.  Hlcher,  correspon- 
dant du  gouvernement  pour  les  travaux  historiques.  Grand  in-folio,  texte  et  planches.  Toutes 
les  planches  sont  en  couleur.  Livraison  IX'.  Chaque  livraison  contient  dix  planches  de  dessins 
et  deux  feuilles  de  texte  à  doux  colonnes.  Cette  livraison  neuvième  comprend  : 
1°  Tiiois  AeoTREs  du  vitrail  de  l'Ascension,  assigné  à  la  fin  du  xi""  siècle  ou  aux  premières 
années  du  xii"  (1093-1120).  Personnages  d'une  longueur  démesurée,  serrés  dans  leurs  vête- 
ments étroits  comme  dans  un  fourreau; 
2"  Sai.nt  Julien,  évèque  du  Mans,  ressuscitant  un  mort;  xii°  siècle.  Grosses  tètes  aux  traits 

durs,  épais,  énergiques; 
'6°  Le  «  Defensor  »  et  les  habitants  du  Mans  aux  pieds  de  saint  Julien;  xir  siècle; 
4°  PiLATE  se  lavatit  les  mains  et  bordure  do  l'.Vrbro  de  Jcssé  ;  fin  du  xii'  siècle,  commence- 
ment du  xiir"; 
5°  Un  ange  et  sainte  Valérie  assistant  au  .-upplice  du  seigneur  de  Trans;  xii'  siècle,  avec 

une  bordure  de  la  môme  époque  ; 
6°  Un  ANGE  ET  SAINT  ViTAL  assistant  au  supplice  du  même  seigneur;  xir  siècle,   avec  une 

bordure  de  la  même  époque; 
7°  Les  cuangeirs  du  Mans,  donateurs  de  deux  verrières;  xiiu-   siècle.  Dessin  plus  souple, 

figures  plus  humaines  et  plus  expressives  qu'aux  xir-  et  xi*"; 
8°  Annonciation;  xiii«  siècle.  Figures  nobles,  bien  posées,  au  geste  juste; 
9°  Les  APOTRES  saint  Jacques-le-Minour,  saint  Jean  et  saint  Thomas,  tenant  sur  des  banderolles 
les  propositions  du  «  Credo  »  qui  leur  sont  attribuées;  xv'  siècle.  Figures  modelées,  applica- 
tion du  jaune  d'argent,  fonds  damassés.  Recherche  du  progrès  pratique  aux  dépens  de  la 
simplicité  du  dessin,  de  la  noblesse  des  attitudes  et  de  l'intensité  de  la  couleur; 


lillîl.lOGRAI'HIK  D'ART  ET   D'ARCHÉOLOGIE.  67 

10°  Lks  APOTRES  sainl  Juo|uc»-lc-.M(ijcur,  suint  l'Iiilippe  et  saint  Barlliélemy  ;  xv  siècle.  Défauts 

et  cjualités  des  prcccdenls. 

En  texte,  deux  feuilles  de  description. 

On  a,  dans  cette  livrai.'ion  ainsi  composée,  un  s|iécimen  im|)Ortantde  la  peiniurc  sur  verre  aux 
xi",  XII',  xiii"'  l't  XV  siècles.  (;e  grand  travail  e>l  non-seuleini-iil  indispensable  aux  nombreux 
peintres-verriers  disséminés  aujourd'hui  dans  les  villes  principales  de  la  France,  qui  doivent  y 
puiser  une  foule  de  beaux  luolifs  pour  leurs  travaux,  mais  il  est  encore  fort  utile  aux  histo- 
riens qui  peuvent  y  truuter  toute  faite  une  histoire  de  la  |x.'iniuro  sur  verre  par  les  monu- 
ments. Quant  aux  ardiéolugues,  il  y  a  là,  pour  eux,  une  mine  de  faits  auUteutiques  >ur  le  «lyle 
de  chaque  époque  et  sur  l'iconographie  clirétienne.  —  Cliaque  livraison 45  fr. 

18.  Journal  do  la  Soi;iélé  d'archéologie  lorraine  et  du  comité  du  Musée  lorrain.  Douzième  an- 
née. 1863.  In-8'  do  "240  ()ages  et  d'une  planche.  —  Claude  Gelée,  dit  le  Lorrain,  par  Cuablks 
lIiitiUKT.  L'hôtel  et  l'épitaphe  de  Ualthazar  d'Uaussoiiville,  par  Lkon  .Moiiit.NOT.  La  ville  de 
Lixheim  jtendant  la  guerre  dite  de  Turenne,  par  Ahtmcr  Benoit.  Note  sur  les  constructions 
romaines,  découvertes  «  aux  Termes»,  territoire  de  Crézilles,  par  E.  Olbv.  Inscriptions  lor- 
raines à  Rome,  par  l'abbé  X.  Bahuii:»  \n:  .Montallt.  Notices  bibliographiques  sur  des  livres 
peu  connus,  jiar  GjiLET.  Ilotellcnes  du  Vieux-Nancy,  par  Léon  Moluenot.  .Notes  sur  le  vil- 
lage de  Uagncux,  par  G.  Di.iiv.  Peintures  murales  et  inscriptions  découvertes  dans  l'ancienne 
église  .^ainl-K])vre  de  Nancy,  par  l'ablié  liiii.i.AL'ui:.  Histoire  du  prieuré  de  La\-Saint-Chris- 
to|)he,  par  doin  Calinet,  éditée  j)ar  Henri  Li:i'\ge î  fr.  50  c. 

I'.).  LOKDICL.  —  Des  Strassourger  Mai.ers  uiid  fjrmschneiders  Johann  Weciitlin,  gcnaniil 
a  Pilgriin  n.  Le  peintre  et  graveur  strasbourgeois  Jhiiann  Weciitlin,  surnommé  Pèlerin. 
Gravuressurboisoii  clair-obscur  reproduites  en  gravure  sur  bois  par  Heinricii  Lueiiel,  graveur 
do  l'Univorsilé  do  Gii'tliiiguo.  l'élit  in-folio  do  23  pages  do  texte  par  Loodol  et  Sulzmann,  avec 
i)  gravures  dans  le  texte  et  13  grandes  gravuivs  à  plusieurs  tuiotcs  hors  du  ii'xte.  Ces  grd\  urts 
isolées  repiéseiiluiit  lu  Madone  iiu  jardin;  .<^int  Jérùmf  et  son  lion  dans  le  désert  de  Retjiléem; 
une  lètu  du  luorl  sous  lai|uelle  on  lit  :  Mvnhan.k  fELiuTATic»  uluhiv;  le  portrait  de  .Melaitch- 
lon  dgé  do  33  ans  (1519);  Orphée  tout  nu  (U|ki>B£v«  vatbs),  jouant  du  violon  au  milieu  des 
bi''tos  qui  l'écoiilent;  un  chevalier  armé,  accompagné  fl'un  soldat;  Alcon  pervani  d'une  llécho 
un  serpent  (|ui  entoure  un  enfant  : 

AU;«  luimplotiu  {fie)  Umiuat  simul  liocniiui  anifuu 
Liborat  artu  mira  turbijus  aU^uo  iic>'.-il  ; 

l'yraine  loiil  lui  l'i  percé  d'une  épée,  vers  lui|uol  Thisbe.  nue  égMiemenl.  noco«iri  «e  lanicn- 
tant: 

(juiil  Vonua  in  vonis  pouit  furur  uuibiu  twroni 
Ovriitmi*  liiM'  'rtiyibiw  (uiioro  tnnrvilrat  amin*; 

l'yi'guteles  nu,  abaissiiil  un  niveau  ^ur  une  piorru  où  l'oi)  vo>t  uo  L'oiupaj  et  une  K'^lc;  sainl 
Sébastien  nu,  attaché  il  une  colonne  et  perce  do  flèches;  la  Vierge  tenant  l'uifaitt  Jmus  liai» 
un  riche  encailie, lient  d'architecture  de  la  renaissance;  Jésus  ea  croix  entre  U  \  -'int 

Jean  avec  lu  .Madeleine  à  genoux  uu  pied  de  la  croix,  dans  un  même  oncadriMUoi.  .l'c- 

luir;  iiiémo  bujot  .sans  uncailremeut.  —  Ce  Joun  Wochtliu  signe  so«  a>uvros  tl«  ilous  bounlons 
croises  (Ml  siiitoir,  de  lii  .son  surnom  île  «  Pèlerin  ».  —  l)e->  gravun's,  ■>'■  '     ••      i^'«* 

et  iiii|iriinces,  foiu  honneur  ii  I  elablisseiinMil  do  M.  Kudolph  Woi.'el,  >;     <      .  -  li- 

loiir  lie  SI  be.iu\  et  de  si  nombreux  livrée)  d'art »•••••     ttV  ^C' 

iO.  M.VSSAlilAl'.  —  L\  catiikorali:  de  lleniius.  Notice  bi»U>rit|uo,  |Mr  I'aUm  y*»»Aauii, 
cimiiuine  honoiaiie,  si'crutairo  de  larchovi.ln'  de  lteniio.<i.  lo-V  do  Î3  |>ti^e..«.  —  H>vljoa-lh<» 


68  ANNALKS  AHCIlfiOLOGIQUES. 

sur  la  fondation  de  la  cathf-draio.  Traditions  ol  légende».  Dons  des  prinresol  barons  de  Bro- 
ta;;no  h  In  ciillK^drale;  sa  dédicace  solonnelle  en  13S9  par  l'iern?  de  Guéménée,  évéquo  de 
lionnes.  Arrél  des  travaux  au  xvi"  siècle,  pendant  les  guerres  religieuses.  (Jemandi-s  de  se- 
cours. Générosité  des  lïtats  de  la  province.  Réparations  et  rcslaumlions  en  1820,  4  8ï3el 
1 817 .10  c . 

21.  MATIIIKU.  —  Nouvelles  oBSEnvATioNS  sur  les  camps  romains  de  «  Gergovia  »,  suivies 
(l'une  <'  .Note  »  sur  dos  Souterrains  et  un  Dolmen,  découverts  au  pied  de  la  montagne,  par 
P.  I'.  MATiiiiiii,  ancien  professour  au  lycée  im()érial  de  Clermont-Ferrand,  membre  de  plusieurs 
sociétés  savantes.  In-8»  de  .'!7  pages  et  quatre  plans  avec  une  carte  générale  du  siège  de 
«  Gergovia  ».  —  Douhie  tranchée  entre  Orcol  et  Gondole.  La  Roche-Blanclie  a-t-elle  été  le 
siège  du  petit  camp  ?  Fossés  gaulois  au  domaine  de  «  Gergovia  »  et  à  Rizolles.  Camp  de  César 
impr()\isé  sur  la  Serre. 

22.  MÉMOIRES  de  la  Société  d'archéologie  lorraine.  Seconde  série.  V' volume,  ises.  In-8°  de 
459  pages  el  de  u  planches.  —  Représentation  d'Hercule,  vainqueur  des  géants,  dans  le  nord- 
est  de  la  Gaule,  par  Uretagne.  La  pierre  tombale  d'Arnould  .Souart,  par  Lotis  Benoit.  Une 
famille  de  sculpteurs  lorrains;  Note  sur  un  ancien  Pouillé  de  Toul,  par  Henri  Lepage.  .Monu- 
ments lorrains  à  Rome,  par  Mgr  Lacroix.  Tombeau  de  Henri  de  Lorraine,  comte  d'Harcourt, 
à  Asniores-sur-Oise,  par  Morky.  La  cathédrale  de  Toul,  par  l'abbé  Guillaime.  Détails  inédits 
sur  la  vil' cl  les  ouvrages  do  Florentin  lo  Thiorriat,  par  Charles  Laprevoté 3  fr.  .JO 

23.  MONTAIGLON  (de).  —  Notice  sur  M.  le  comte  de  I'Escalopier,  par  Anatole  de  iMon- 
TAiGLoN,  bibliothécaire  à  la  bibliothèque  de  Sainte-Geneviève.  In-S"  de  13  pages.  Notice 
pleine  d'intérêt  et  d'émotion  sur  un  homme  de  cœur  el  de  science. 

24.  MONTAIGLON  (de).  —  Notice  sur  M.  Gilhert,  membre  de  la  Société  française  d'archéo- 
logie, par  Anatole  de  Montaiglon,  bibliothécaire  à  la  bibliothèque  de  Sainte-Geneviève. 
In-S"  de  10  pages.  Les  nombreux  travaux  de  M.  Gilbert,  un  de  nos  précurseurs  en  archéologie 
chrétienne,  sont  enregistrés  avec  soin  par  M.  de  Montaiglon. 

2o.  V.  D.  L.  —  Description  de  quelques  églises  romanes  des  arrondissements  de  Clermont  et 
de  Hioiu  (extrait  d'une  statistique  inédite  des  églises  rurales  du  département  du  Puy-de-Dome, 
a|ip;nienant  au  style  roman),  par  p.  n.  l.,  membre  de  la  Société  française  d'archéologie.  In-S" 
de  viii-60  pages.  —  Arrondissement  de  Clermont  :  Églises  de  Cournon,  de  Rozat,  de  Gerzat, 
de  lienumonl,  de  Pont-du-Chàleau  et  d'Auliiat(xi"'  el  xir  siècles).  —  Arrondissement  de  Rioin  : 
Églises  de  Mozat,  de  Saint-Bonnet-les-Champs,  de  Chaptuzal,  de  Montpensier  et  de  Saint- 
Genès-du-Relz  (xi'elxii'  siècles). 

26.  PONTON  D'AMÉCOURT  (de).  —  Essai  sur  la  numismatique  mérovingienne  comparée  à  la 
géographie  de  Grégoire  de  Tours,  par  le  vicomte  de  Ponton  d'.Vmécourt.  Lettre  à  M.  Alfred 
Jacobs.  Grand  in-S"  de  vii-220  pages.  —  Préface.  Lettre  à  M.  .Mfred  Jacobs.  Géographie  de 
Grégoire  de  Tours,  de  Frédegaire  el  de  ses  continuateurs,  comparée  à  la  numismatique.  Sup- 
plément. Table  analytique  des  commentaires.  Table  alphabétique  des  noms  d'hommes  qui  figu- 
rent dans  les  légendes  des  monnaies  citées  dans  cet  ouvrage.  Composition  des  noms  francs 
d'origine  germanique.  Table  des  noms  modernes  des  lieux  auxquels  des  monnaies  sont  attri- 
buées dans  cet  ouvrage.  Table  latine  des  noms  de  lieux  auxquels  des  monnaies  ont  été  éga- 
lement attribuées 7  fr.  50 

27.  RENADDIN.  —  Nouveau  Guide  général  du  voyageur  en  Italie,  par  Edmond  Renaudd;. 
In-12  de  xxvi-460  pages,  avec  une  grande  carte  routière.  40  plans  de  villes  ou  de  musées,  et 


BIBLIOGRAPHIE  D'ART  ET  D'ARCHÉOLOGIE.  69 

20  gravures  et  vues  de  monuments.  —  Introduction.  —  Première  section  :  Rome  et  ses  envi- 
rons, Florence,  Bologne,  Ancone,  chaque  ville  avec  son  réseau.  —  Deuxième  section  :  Turin, 
Gènes,  Milan,  Venise  et  ses  environs,  chaque  ville  avec  son  réseau.  —  Troisième  section  : 
Naples  et  ses  environs,  réseau  de  Naples.  —  Oualrième  section  :  Les  Iles,  réseau  de  la  Sicile. 
—  Guide  complet,  contiïnant  o  tout  ce  que  l'Italie  renferme  de  curieux,  d'important  et  de 
pittoresque,  et  telle  que  l'ont  faite  les  événements  de  1859  et  les  chemins  de  fer  qui  la  sillon- 
nent maintonanl  pre.<(|uc  en  tous  sens».  On  annonce  déjà  une  seconde  édition,  qui  donnera  la 
description  détaillée  de  toutes  les  œuvres  d'architecture,  de  sculpture,  de  («einlure,  d'orfésTerie 
avec  tous  les  noms  d'artistes  recueillis  sur  les  monuments  mêmes.  Un  pareil  guide  sera  de  la 
plus  grande  utilité  [lour  les  nombreux  voyageurs  en  Italie,  non -seulement  pour  ceux  qui  vont 
y  clicrclier  «les  dislractions,  mais  |)i)ur  ceux  encore  qui  vont  s'y  instruire 10  fr. 

28.  Rlli:iN\\AI.I>.  —  I.ABDAVK  et  la  ville  de  Wissembourg,  avec  quelques  châteaux-forts  de  la 
Basse-Alsace  et  du  Palatinal.  Monographie  historique  par  J.  Riieixwalo,  régent  au  collège  de 
Wissembourg.  In-8"  rie  xxx-iilO  pages.  —  Première  période,  depuis  la  fondation  de  l'abbaye 
jusqu'à  la  mort  do  l'abbé  Edolin  (623-129.3).  Deuxième  période,  depuis  la  mortd"  l'abbé  Edelin 
jusqu'à  la  sécularisation  de  l'abbaye  fl293-l.">24).  Troisième  période,  depuis  la  sécularisation 
de  l'abbaye  jusqu'à  la  révolution  (l.")*4-17S9).  Tableaux  chronologiques.  Pièces  juslifica- 
tivos 4  fr- 

29.  TIIlKL'ItV.  —  AiiMdiim.  dos  Archevêques  de  Rouen,  avec  des  noies  généalogiques  el  bio- 
graphiques, par  Ji:i.i;s  Tiiikurï.  Petit  in-4°  de  vii-96  pages  et  de  15  blasons.  —  Biographies 
des  évOques  et  arclio\éqiios  do  Rouen,  depuis  s;iinl  Nicaiso  (91-100)  jusqu'au  cardinal  de 
Bonncchose,  archevêque  actuel <>  fr. 

3(1.  VAI  I  li:iî.  —  llisToiiii;  lie  la  statuaire  antique.  Son  origine,  ses  développements  el  sa 
décadence  clie/.  les  ditriMents  peuples,  par  L.  VAFFiEn.  In-lî  de  333  pages.  —  Quelle  a  été 
.l'origino  des  statues.  Des  statues  chez  les  Assyriens,  chez  les  Egyptiens,  Hébreux,  Troyens, 
Grecs,  Perses,  Carthaginois,  Étrusques,  Romains,  Celles  ou  anciens  Gaulois.  L'idolûirie  et  les 
statues  antiques.  Des  matièn-s  employées  pour  faire  les  statues.  Ornements,  couronnes  ol  ha- 
bits des  statues  des  Romains.  Estime  (pie  l'on  fait  de  ceux  qui  ont  réussi  dans  la  statuaire.  Do 
l'utilité  qu'on  peut  retirer  des  statues  pour  l'hisloiro,  les  belles-lettres  el  l'émulation  do  la  va- 
leur et  de  la  vertu.  De  la  pas-iinn  des  aTiciens  jiour  les  stiitues  antiques.  Liste  générale  de  tous 
les  statuaires  et  sculpteurs  do  l'antiquité  jus(praux  premiers  siècles  île  notre  ère 3  fr. 

31.  VALKNTIN.  IIistoirk  de  l'abbaye  d'Ormoni,  par  l'abbé  Valkntin,  curé  de  Monligny  el  de 
Brouil  (Marne),  ln-8»  do  64  pages.  —  Fondation  do  l'abbaye  (Iî3i),  par  Jean  de  Courlandon  ; 
chartes  publiées  en  sa  faveur.  Religieuses  cistereiennes  et  chanoinesses  régulières  de  sainl 
Augustin.  I24S  à  1412  :  bulle  du  pa|)e  Clément  IV,  état  de  l'abUiye  |)ondanl  les  guerro» 
anglaises.  1412  à  1f)2f)  :  les  religieuses  d'Ormont  à  Bourges  el  il  Mirevaux;  union  de  l'abbayo 
au  monastère  do  Siiinl-Denis  et  h  l'hôpital  de  Siinl-Antoine;  nVlamnlions  de  l'ablM-sse  Jtvinno 
do  llrebanl;  arrêt  royal  en  faveur  do  la  communauté;  guerres  de  rvligion;  inxasionailomando; 
translation  do  l'abbayo  d'Ormoni  dans  la  ville  do  Meaux,  où  elle  existe  justpi'on  fJ'JO.  Abbe*.Msi 
el  bienfaiteurs  d'Ormont.  fttat  des  bAtimonts  de  l'abliayn  après  le  dé|wrl  de»  ruJigiousosi.  Une 
visite  h  Sainl-Reini  de  Hoims.  Mahidrerie  d'Ormont.  Fontaine  Noire-Dame  ol  le»  FanlAnvM. 
Vassieux '  f""- 

3ï.   VAI.I'TTF  (nu).  —  Notice  sur  la    manifestiitlon.  le  culte  et  les  miracles  A'r  !i-  U 

sainte   Vierge,   située  dans  les  environs   de  Spolèle  (Italie  ),  rompiléo  par  le     :  I  iioi 

Maini,  traduite  do  l'italien  par  l'abU'  de  Vai.kttii,  aumônier  du  lyc*o  Impérial  N(pol«*oa. 
In-3t  do  33  pages  el  d'une  planche tS  c. 


70  ANNALKS    ARr.fll^lôl.Or.IOUES. 

a.).  \ AiN  l)i;il  KI:I.I.I:N.  —  .MtiiiM.iiii.iuaii.MiLN  (^roole  of  Si.  llavos-korli  te  llaarlfin  (Peis- 
TtHCs  MiiiiALiis  (le  lùi^lisc  (J(!  Saiiil-Bavoii,  ii  lliiurlciii),  (wr  I).  Vas  iikh  Kki.lkn,  iiieinbrc  do 
l'Acudùiiiiu  royale  îles  beaux-arls  et  (Je  la  SocitiUi  royale  arcliéolotjiquc,  a  Amslcrdarn.  In-folio 
(le  10  pludclies  C()lori('(!»  el  de  10  paj^-cs  de  li-xle.  —  Ouvrage  tiré  ii  100  exedipluircs.  —  fies 
lieiiiliircs  de  l'église  Sainl-Uuvon  de  llaurleid  datent  du  xiv  siiitle  el  représentent  les  a|)olrcs 
l'ecilaiil  cliaeuii  la  proposition  du  «  Credo  »  qui  lui  est  allriliuée  par  la  tradition.  I^s  («inturcs 
murales  du  moyen  ige  sont  rares,  el  celles-ci  peuvent  ollrir  des  motifs  intéressant:)  d'ornemen- 
lalion.  €cl  ouvrage  de  Yari  der  Kellen  est  déjà  devenu  rare îî  fr.  "iO  c. 

.ii.  SAN  II)  li  kl.LLli.N.  —  A.MiyiiTiis  des  Pays-Bas.  Choix  d'antiquités  remarquables  du 
Mil'  au  xviii"  siècle,  faisant  partie  de  plusieurs  collections,  tant  publiques  que  parliculiércs, 
dessinées,  gravées  à  l'eau-forte  el  dédiées  à  Guillaume  III,  roi  des  Pays-Bas,  par  D.  Vas  der 
Ki;i.i.EN.  membre  de  l'Académie  royale  des  beaux-arts  el  de  la  Société  royale  d'arcliéologie,  ii 
Amsterdam.  Grand  in-4"  de  i8  pages  de  texte  ol  de  87  planches.  Gel  ouvrage,  relié  à  l'an- 
glaise      8o  fr. 

3o.  \AN  DIUV.VL.  —  Dr  Sv.mii()i.is.mi;  dans  le  culte  et  daii:.  l'art.  Discour»  de  réception  de 
l'abbé  Iî.  Van  Dhival,  il  l'Académie  d'Arras.  In-S"  de  30  pages 1   fr. 

3().  V.\N  DlilVAL.  —  I.A  Croix  d'Oisy  et  autres  croix  anciennes.  Études  sur  les  règles  tiadi- 
lion(M;lles  concernant  Ks  crucilix  et  les  croix,  par  l'abbé  E.  Vax  Drival,  chanoine,  diretlenr 
au  grand  séminaire  d'Arras.  Grand  in-8"  de  4i  pages,  de  4  planches  et  de  dè^sin6  sur  bois.  — 
Celte  croix  d'Oisy  a  les  plus  grandes  allinilés  avec  le  reliquaire  de  la  Sainte-Épine  publié  d.ins 
les  «  Annales  Archéologiques  n.  C'e.sl  évidcmmcnl  le  même  orfèvre  qui  les  a  fabriqués  l'un  el 
l'autre.  M.  Van  Drivai  entre  dans  de  savants  détails  sur  les  croix  et  les  crucilix  à  propos  de  la 
belle  oeuvre  d'orfèvrerie  dite  la  «  Croix  d'Oisy  » 2  fr.  oO 

37.  VATM  DliIV.\L.  —  Les  Tapisseriks  d'Arras,  élude  artistique  et  historique,  par  l'abbé 
E.  Van  Dhival,  chanoine,  membre  de  plusieurs  sociétés  savantes.  Ia-8"  de  vii-193  pages.  — 
Préface.  Les  lapisseri(>s  chez  les  anciens  peuples.  Les  riches  étoffes  el  la  pourpre  d'.\rTas.  Du 
(•ommencemenl  des  tapisseries  d'.Vrras.  L'œuvre  d'.\rras  ou  »  l'Opus  Alrebaticum  ».  Les  tapis- 
series d'Arras  du  xu'  siècle  à  la  fin  du  xiv.  Les  tapisseries  d'Arras  sous  les  ducs  de  Bour- 
gogne (4  383-1477).  Louis  XI  à  Arras.  Comiiiencemenl  du  xvr  siècle.  Suite  du  même  siècle. 
Siège  de  16'tOol  décadence  des  tapisseries  d'.Vrras.  Notes  .-sur  le  wède  ou  pasiel  :  sur  la  gaude 
et  autres  substances  employées  à  la  teinture  des  fils  ou  étolfes  concurremment  avec  la  garance  ; 
sur  les  tapisseries  à  or  ballu  ou  ballucs  à  or.  —  De  nombreuses  el  fort  intéressantes  descrip- 
tions de  lapi.sseries  sont  mêlées  à  ce  texte  vraiment  scienlifique  el  le  premier  de  cette  espèce 
([u'on  ail  encore  publié.  Les  tapisseriiîs  ancionn(îs  sont  ii  la  mode  aujourd'hui  presque  autant 
que  les  faïences,  cl  le  curieux  ouvrage  de  M.  le  chiinoine  Van  Drivai  arrive  tout  à  fait  à 
point 3  fr.  50  c. 

38.  VAN  DRIVAL.  —  Uai-i'ort  sur  la  visite  faite,  par  les  membres  du  Congrès,  à  l'église  de 
S.iint-ICloi  de  Diinl>erque,  par  l'abbé  li.  Van  Dkivai,,  cliaiioine  lionoraire,  directeur  du  grand 
séminaire  à  .Vrras.  In-8°de  4i  pages. 

39.  V.\N  DRIVAL.  —  RApeonT  l'ail  à  l'.Vcadémie  d'Arras,  par  l'abbé  Van  Drival,  membre  rési- 
dant, sur  un  ouvrage  inlilulé  :  «  De  l'art  chrétien  dans  la  Flandre  »,  par  l'abbé  Dehaines, 
professeur  au  collège  Saint-Jean,  à  Douai,  ln-8"  de  30  pages. 

40.  VASSEUR.  —  Reciiehches  sur  la  léproserie  de  Sainl-Clair  et  Saint-Biaise  de  Lisieux,  par 
Charles  Vasseur,  membre  de  la  Société  frani.viise  d'aivhcologie.  In-S"  de  47  pages  et  d'une 


BIbLKXiKVPMIE   D'ART  ET   D'ARCHÉOLOGIE.  71 

planche  sur  eu ivro,  représentant  la  maladreric  de  Saint-Clair.  —  Origine  (1150),  organisa- 
lion  inlt'riciirc  de  la  léproserie,  statuts  approuvés  et  révises  par  les  hauts-doyens  de  Lisieux, 
en  1257  cl  en  13.Ï0;  «  Décrétâtes  »  de  Grégoire  IX  louclwnf  le  mariage  des  lépreux  :  ch.ipitrc 
36  des  «  Constitutions  »  de  Robert  Cénalis,  évéque  d'.Vvranches,  s'occupint  des  lépreux;  em- 
pêchements de  succession  dans  le  «  Grand-tJousturaier  o  ;  coutume  de  la  province  du  Hainaut  ; 
acquisitions  do  la  Maladrerie  de  Lisieux  aux  xiir  et  xiv*  siècles;  édiU  de  Louis  XIV.  Pièces 
juslificiitivcs. 

il.  VAS.SEUR.  —  L'i:riMiT.V(;i:  de  Saint-Christophe  de  Morvilly,  |>arCiiAai.Ea  Yassel'r,  membre 
de  la  Société  Française  darchéologie.  In-s°  de  Ifi  pages. 

42.  VERNKII.II  (de).  —  Les  Ëmaux  français  et  les  émaux  étrangers.  Mémoire  en  réponse  à 
M.  le  comte  F.  de  Lastevr»;,  lu  à  la  st-anee  archéologique  de  Limoges,  lo  Î8  noveml>re  I86i, 
par  .M.  l'iii.ix  m;  Vkunkii.h,  inspecteur  divisionnaire  de  la  Société  française  d'archéologie. 
In -8"  do  36  pages  et  de  *  planches  gravées  sur  métal 3  fr. 

43.  Vies  des  Saints  de  l'Atelier.  Saint  Ei.oi,  patron  des  orfèvres,  des  forgerons  et  dos  serru- 
riers, par  A.  F.  Ozanam.  —  Saint  Galmier,  serrurier,  par  Roger  do  BEVfpronT.  —  Saint 
Marcel,  evi^qiie  cl  palron  de  Paris,  pur  Laurent  Laporte.  —  Saint  .\quilas,  corroyeur,  jwr 
Roger  du  Reai'feout.  —  Saint  Joseph,  patron  des  char|>entiers,  menuisiers,  ébénistes,  par 
Michel  Cobnuket.  —  Suint  Théodolo,  cabaretier,  par  Roger  de  Beaifkoiit.  Six  brochures 
in-l  6  de  .'10  ii  .'JO  pages  chacune.  Les  six  ensemble 95  c. 

44.  VILM'MtS.  —  Étide  sur  la  chapelle  du  séminaire  do  Sommervieu  (Calvados),  par  G.  Vil- 
LEBS,  secrétau'o  do  la  Société  d'agriculture,  sciences,  arts  et  bolles-lcltres  de  liaycux.  In-S"  do 
12  pages.  Cette  importante  chapelle  a  été  bùlie  récotnmenl,  en  stylo  du  xiii*  siècle,  piir  les  soins 
de  M.  l'abbé  Nogol-Lacoudre,  directeur  du  séminaire  de  Sommervieu. 

4').  VIol.l.l'T-Ml-DL'C.  —  Dii-.nosN  MRE  raisonné  do  l'architecturo  française  du  xr  au  xvi'  siè- 
cle, par  Vioi.i,ET-i.E-l)t<:,  architecte  du  gouvernement,  vu'  volume,  I"  et  i'  fas»-iculi^;.  In-S" 
do  208  pages,  avec  de  notnbreu.ses  gravures  sur  bois  dans  lo  texte.  (Comprennent  les  mots  : 
Palais.  Palier.  Palissade.  Pan  do  bois.  Panne.  Parpaing.  Parvis.  Patience.  Pavage.  Peinlurt». 
Pendentifs.  Plafond,  et  •.  —  Chaque  fascicule,  4  francs;  (lar  la  poste l  fr.  S5  c. 

4(i.  VI()l,l,l"r-I.K-DUC.  —  Entretiens  sur  l'arfliitectnro,  par  Viollet-lk-Dic,  arv-hile«-te  du 
gouverneniunl.  Première  partie,  comprenant  un  volume  in-8°,  de  490  |>ages  avec  107  gravurvs 
sur  bois,  et  un  allas  petit  in-folio  oblong,  de  18  planches  gravées  sur  acier.  Cette  prumièro 
partie,  texto  et  atlas iO  fr. 

47.  VIR.\C.  —  n\ZAs  el  son  diocèse,  par  M.  Vnuc.  In-i"de  II  p-ige.s,  avec  une  carte  générale 
de  l'ancien  diocèse  de  lloi'deaux.  le\ée  et  drt>ssée  par  l'abbé  IIerland,  cun^  de  Suinl-M.iriin- 
do-Labarde,  pour  servir  aux  «  Variétés  borrrdaisos  »  do  l'ablié  Raurkin ^  fr. 

48.  VOISIN.  —  Les  Cknouans  nncions  el  modernes.  Histoire  du  département  do  la  Ssirtlie,  de- 
puis les  temps  les  plus  reiulés,  par  l'abbé  A.  Voisin,  meinln  \  ■  ili- 
fi(pios.  L'n  viilumo  in-S"  de  i\-;i'JO  pages.  —  Origines,  antiqu  '•< 
et  cliAteaux  anciens,  cor|x)mtions,  oncuintos  roiiuiine  et  byxanline,  anciens  inonuinenl- 
nionuments  celtiques,  cité  su|KW'ioure,  preuili  ■•'•<<  ,  .  ,,  i  ^_^ 
le  premier  Mans,  le  cloître  de  l'église,  la  r.ii  lo» 
premières  liasiliques,  les  maisons  canoniales,  la  Tour-ilu-lloi,  le  rtùliMU  ri'i                           do 

la  Coulure,  le.s  églises  rurales,  les  vieilles  halles,  anciens  beux  <'' •''  '  .■hih.mk' det 

noms  de  liiMix  ilii  Mans 5  fr. 


72  ANNALKS  AIICII  l^lOLOOiyUES. 

49.  VOISIN.  —  I,A  Ci(ANDRLi:i;n  ù  la  callicdraio  do  Tournai.  Communication  faiU)  à  la  Société 
liisloii(]U(!  (it  liltt'rairc  d(?  Tournai,  par  l'abbé  Voisin,  vicaire-général,  docteur  en  théologie. 
In-8"  do  60  pages  cl  d'une  planclio  qui  représente  le  sceau  de  l'ollicial  do  l'évèché  de  Tournai. 
—  Description  do  la  Tôto  do  la  Chandeleur  à  la  cathédrale  do  Tournai,  par  saint  Êloi  ;  documonl 
tiré  de  l'ouvrage  inlitulé  :  «  Maxima  bibliotlieca  vetcrum  patrum,  etc.  »  —  .Monseigneur  Ilirn, 
évi^ipie  de  Tournai,  au  concile  de  l'aris;  sa  détention  à  Vinccnnes.  Intrusion  do  .M.  de  .Niint- 
M(;(iaril  .i  Tournai  (1811-1814).  —  Voyage  en  Terre-Sainte,  fait  par  Jehan  de  Tournai,  en  1487, 
fragiiiiMit  tiré  d'un  manuscrit  de  la  bibliotiièque  de  Valencienncs  par  M.  le  baron  do  La  Fons- 
Mélicoq  et  publié  dans  les  «  Annales  Archéologiques  ». 

50.  VOISIN.  —  Nouveaux  renseignements  biographiques  sur  Nicolas  do  Lcuzo  a  a  Fraxinis  ». 
Communication  faite  ù  la  Société  historique  et  lilléraire  de  Tournai,  par  M.  le  vicaire-général 
Voisin,  membre  correspondant  do  la  commission  royale  des  monuments.  In-S"  de  13  pages. 

51.  VOISIN.  — NoTicii  sur  les  anciennes  tapisseries  de  la  cathédrale  de  Tournai,  et  sur  la 
corporation  des  haulc-lissicrs  do  celte  ville,  par  le  chanoine  Voisin,  vicaire  général  de  Tour- 
nai. In-8°  de  67  pages  et  d'une  planche  en  couleur.  —  Ancienneté  de  l'usage  des  tapisseries, 
fabrication.  Tapisseries  anciennes  les  plus  précieuses  qui  ont  été  conservées  à  Bayeux,  Oxford, 
Sens,  Beauvais,  la  Chaise-Diou  en  Auvergne,  Aix,  Nantes,  Valencienncs,  Reims,  Angers,  Rome. 
Tapisseries  de  la  cathédrale  de  Tournai,  leur  description;  les  haute-lissiers  de  Tournai. 
Ext^aits  de  l'invontairo  do  16^4  et  liste  des  maîtres  qui  ont  été  reçus  de  1312  à  1343. 

52.  VOSMAKR.  —  Remhhandt  llarmons  Van  Rijn.  Ses  précurseurs  et  ses  années  d'apprentis- 
sage, par  G.  VosMAER.  In-8"  de  xiv-190  pages  et  d'une  planche.  —  Avant-propos.  Un  pèleri- 
nage à  Leyden.  La  jeunesse  de  Rembrandt.  Van  Swanenburgh.  Développement  de  la  peinture 
au  xvi"  siècle.  Les  nouveaux  principes  en  peinture.  Les  précurseurs  de  Rembrandt.  Pieter 
Laslman.  Retour  à  Leyden.  Pièces  authentiques.  Généalogie  de  Rembrandt. Notes  relatives  aux 
Svvanonburgh  et  aux  précurseurs.  Catalogue  de  l'œuvre  de  P.  Lastman 3  fr.  50  c. 


LA  LÉGEXDi:  I)i:  SAINT   MAliTIN 


TAPISSERIK  DU  \II1«  SIÈCLi:.  SLU  CANEVAS". 

Kn  appelant  «  tapisserie  sur  canevas»  le  tissu  historié  que  nous  publions  ici, 
nous  voudrions  par  cela  seul  en  donner  à  nos  lecteurs  une  définition  claire  et 
précise;  car  chacun  sait  ce  qu'est  un  canevas  et  quel  nom  l'on  est  convenu 
de  donner  au  travail  de  l'aif^uille  qui  recouvre  celui-ci  de  dessins  en  soie  ou 
eu  laine.  Mais  notre  (léfiiiilion  d'aujourd'hui  sera-t-elle  comprise  de  l'érudit 
(|iii.  il.Mis  ciMil  ans,  aurait  la  fanlaisic  de  lire  ces  lignes? 

Une  sorte  de  falalité  semble  s'être  attachée  à  l'histoire  des  tissus.  Il  n'en 
est  pas  un,  croyons-nous,  dont  le  nom  ancien  puisse  nous  indiquer  la  nature; 
et  nous  doutons  même  que  la  l('rminolo;i;ic  moderne  soit  assez  fixée  pour 
que  les  appellations  d'aujourd'hui  puissent  être  d'un  grand  secours  aux 
chercheurs  futurs.  Combien  de  noms  de  fantaisie  n'avon.s-nous  pas  déjà 
vu  appli(nicr  à  nos  tissus  usuels  qui  paraissent  et  disparaissent,  revenant 
chaque  fois  avec  un  vocable  nouveau.  Ce  défaut  de  fixité  régnait  à  plus  forte 
raison  au  moyi-n  âge,  oii  la  langue  lerhnolof^ique  n'était  pas  encore  formée; 
aussi  est-il  prescpie  impossible  do  se  di-brouiller  au  milieu  des  texlrs  latins  ou 
français  que  celte  épofiue  nous  fournit.  FiCs  patientes  recherches  de  M.  Fran- 
cisque Michel   siu   Ir  1(1 u'vrr,  la  tabrication  et  l'usage  des  étoffes  de  soie, 

d'or  et  d'argent  pcndani  Ir  moyen  âge  2,  nous  monln-nt  touli'  la  profondeur 
de  l'obsciUMlé  répandue  sur  ces  matières.  Si  nous  nous  restreignons  îi  la  (|ues- 
lion  plus  spécial!»  dns  brodories.  nous  ne  trouvons  point  des  lénèbivs  mi»ins 
é|)aisses,  bien  (|u'elles  soient  circonscrites  dans  un  champ  plus  éliitil. 

Tout  tissu  historié  a  été  confondu  par  la  plupart  des  auteurs  avec  co  que 

I.   Au  musée  (lu  l.ouvri",  M"  1 1 17  lin  r.il.ilonui' lie  M.  Ui  lOinU' il 

î.  «  Heclu'i-clies  sur  l.i  r.iliiicMliou  dis  iioife-,  île  soie  »,  par  V.  Mi  a  vol.  piHil  in-l*. 

Paris,  I8ns-I8KV. 

XXIV.  '^ 


Il,  ANNALKS  ARCHÉOLOGIQUES. 

MOUS  appelons  aujourd'hui  mic  lai)isscne  de  liaule  lisse.  Ou'il  soit  question 
d'uni'  ('■titll'c  lissée  avec  plusieurs  couleurs,  comme  sont  les  brochés,  ou  d'une 
mosaïque  en  laine  exécutée  sur  inio  même  chaîne,  comme  les  tapisseries  des 
Gobeiins,  ou  enfin  d'une  broderie  sur  canevas  ou  sur  toile,  on  n'a  qu'une 
nicinc  expression  h  son  service.  Il  y  a  cependant  des  différences  profondes 
entre  ces  divers  genres  de  produits.  Dans  les  deux  premiers,  le  dessin  se  fait  en 
même  temps  que  l'on  i'ai)rique  le  tissu  ;  dans  le  dernier,  le  dessin  s'applique 
sur  un  lissu  déjà  fal)riqué.  ]\lais  une  distinction  radicale  doit  encore  être  éta- 
i)lir  entre  1rs  deux  genres  qui  composent  la  première  division. 

Dans  les  tissus  que  nous  désignons  sous  le  terme  générique  de  brochés,  la 
navette  dépose  le  fi!  de  trame  sur  toute  la  largeur  de  la  nappe  de  fils  qui 
cnnslituc  la  rhainc.  La  «duilc»,  pour  nous  servir  du  terme  consacré,  c'est  à 
dire  le  fil  dé|)()sé  par  la  navette  dans  sa  double  course  d'aller  et  de  retour,  va 
de  Ijord  en  bord  lUi  l'étoffe.  C'est  par  certaines  combinaisons  qui  permettent 
aux  fils  de  chaîne  de  laisser  apparaître  ou  de  cacher  par  endroits  les  fils  de 
ti'amei  que  le  dessin  se  forme.  C'est  sur  ce  principe,  qui  reçoit  une  foule 
d'applications  et  de  modifications  diverses,  qu'est  fondée  la  fabrication  de  tous 
les  tissus  a  dessins,  môme  les  plus  compliqués  et  les  plus  dissemblables 
d'a.siiect,  depuis  le  damassé  le  plus  simple  jusqu'aux  brocatelies  les  plus  riches. 
Dans  ce  genre  un  seul  inolif.  (juclles  que  soient  ses  complications,  est 
plusieurs  l'ois  répété  dans  tout  le  cours  de  l'étoffe,  soit  sur  sa  longueur,  soit 
sur  sa  largeur.  Les  anciens  tissus  de  soie,  qui  ont  dû  de  parvenir  jusqu'à  nous 
aux  usages  pieux  auxquels  on  les  avait  consacres,  montrent  à  quel  point  les 
tisserands  du  moyen  âge  étaient  habiles  et  pleins  de  goiit;  et  il  est  plu- 
sieurs de  ceux  que  l'on  reconnaît  pour  avoir  été  fabriqués  dès  avant  le  x"  siècle, 
que  les  industriels  modernes  réinventent  de  nouveau. 

Dans  ce  ([u'on  appelle  «tapisserie»,  la  fabrication  est  différente.  Une  nappe 
de  fils  est  étendue  devant  l'ouvrier.  C'est  sur  cette  chaîne  qu'il  tisse  partielle- 
ment le  motif  qui  la  recouvre  entièrement,  ne  faisant  parcourir  a  sa  navette 
qu'un,  deux,  trois  ou  plusieurs  fils,  suivant  les  exigences  du  dessin  et  de  la 
couleur.  La  tapisserie  est  donc  une  mosa'ique  en  laine.  Chaque  duite,  sur 
chaque  fil  de  chaîne,  représente  le  petit  prisme  de  marbre  ou  de  verre  des 
mosa'îques  ordinaires,  et  la  chaîne  sert  de  liaison.  Si  la  chaîne  a  été  placée 
horizontalement  devant  l'ouvrier,  la  tapisserie  est  dite  de  basse  lisse.  Elle  est 
de  haute  lisse  si  la  chaîne  est  verticale  ;  mais  le  tissu  et  le  point  sont  les 
mômes.  Rien  dans  le  résultat  ne  dilTérencie  la  tapisserie  faite  aux  Gobeiins,  sur 
les  métiers  verticaux  ou  de  haute  lisse,  de  celle  fabriquée  à  Beauvais  sur  les 
métiers  horizontaux  ou  de  basse  lisse. 


L.\  LÉGENDE  DE  SAINT  MARTIN.  73 

Un  seul  molif  couvre  d'habitude  les  tapisseries,  et  ce  sont  même  les  néces- 
sites qu'entraîne  après  soi  la  production  d'un  seul  molif  qui  ont  fait  imaginer 
la  fabrication  partielle.  Si,  en  eflet,  on  voulait  produire  un  tissu  historié  d'un 
sujet  unifjue  au  moyen  de  la  fabrication  ordinaire,  c'esl-à-dire  par  duites 
allant  d'un  bord  k  l'autre  de  la  chaîne,  il  faudrait  parfois  donner  tout  un  coup 
de  navette  pour  un  seul  point.  Il  y  aurait  alors  emploi  en  pure  perte  d'une 
certaine  quantité  de  matière,  puisque  tout  ce  qui  ne  serait  point  apparent 
resterait  caché.  Le  tissu  s'en  trouverait  considérablement  allourdi  et  épiiissi, 
.sans  parler  des  dilTicultés  que  rencontrerait  la  fabrication.  Il  est  vrai  qu'avec 
un  choix  habile  des  couleurs  et  du  dessin,  et  qu'avec  des  laines  d'une  finesse 
excessive,  on  peut  imiter  sur  le  métier  les  châles  de  l'Inde  qui  sont  des  mo- 
saïques en  laine  comme  les  tapisseries  de  haute  ou  basse  lisse  ;  mais  la  chose 
serait  inexécutable  s'il  s'agissait  d'une  grande  tentuio  avec  personnages,  et 
de  fils  de  laine  d'une  grosseur  ordinaire. 

Ces  différences  de  fabrication  étant  bien  établies,  on  voit  de  quelle  impor- 
tance ce  doit  être  dans  l'histoire  des  tissus  historiés  do  savoir  au  juste  à  quel 
genre  appartient  celui  dont  on  parle,  afin  de  ne  point  confondre  un  vrai  tissu 
avec  une  tapisserie,  et  une  tapisserie  avec  une  simple  broderie.  Aussi  croyons- 
nous  que,  faute  d'avoir  abordé  cette  partie  technique  de  la  question,  tous  les 
auteurs  qui  ont  jusqu'ici  traité  de  l'histoire  des  tapisseries  ont  commis  de 
graves  erreurs  en  faisant  remonter  la  fabrication  de  celles-ci  bien  avant 
l'époque  où  nous  croyons  qu'elle  fut  prali(iuéo. 

S'il  fallait  établir  un  ordre  chronologique  dans  l'apparition  successive  des 
différents  genres  de  tissus  historiés  dans  l'antiquité,  nous  croirions  être  d'ac- 
cord avec  la  logi(|uc  en  suppo.sant  (pic  les  tissus  peints  ont  dû  arriver  les 
premiers;  ([u'cnsuitc  est  venue  la  broderie,  cherchant  à  inuter  ceux-ci;  et 
(|u'('nfin  le  ti.'ssagc  h.  dispositi(tns,  les  étolïes  brochées  et  les  tapisseries  ont 
apparu  en  dernier  lieu.  Cet  ordre  a  dû  présider  au.ssi  à  la  résurreclinn  des  arts 
dans  le  Nord  et  l'Occident,  lorsqu'une  société  régulière  essaya  de  se  reconsli- 
tiicr  à  la  siiilc  de  l'invasion  des  Barbares.  Ainsi  (îrégoirc  de  Tours  (Nirlc 
formi'lliMiieiit  des  toilos  peintes.  «  vclis  depictis  »,  îi  propos  du  Implémo  do 
Clovis,  et  nous  pen.sons  (|ue  dans  tous  les  textes  de  l'époque  ménivingienno 
et  canilin;;ieimc,  d'où  il  n'est  pas  possible  d'inférer  (|u'il  s'agit  d'un  simple 
lissii,  il  faut  croire  (|u'il  est  (juestion  trime  broderie. 

l'uiir  cette  rai.xoii.  il  nous  est  impossible  de  voir  aiilro  chose  que  des  bro- 
deries dans  l'iimombrablc  ([iiantilé  de  parements  d'autels  qu'AniusIosc  lo 
liibliothécairc  nous  montre  avoir  été  donnés  aux  églises  de  I\ome  par  lespa|M:."« 
.SCS  contemporains.  Dans  ses  descriptions  sommaire.»»,  nous  voyons  le  plus  sou- 


70  ANiNALtS  AltClll';OLOG10UES. 

voiil  Nil  tissu  orné  de  niiklaillons  faits  d'une  étoffe  d'or  chargée  de  la  représen- 
liilion  diuic  scène  di;  ri!\uii;^ile  (ju  do  refligie  de  l'une  des  personnes  divines, 
bordcc  d'une  autre  étuHo  et  oi'n(;e  de  pierres  fnies,  comme  dans  cet  exemple 
ly|)i(|U('  pris  au  iiasard  :  »Vesteni  l'ubeani  alilliynani,  habenlem  in  niedio  labu- 
l;im  (II!  ciu'ysoclavo,  cum  iiistoria  D.  i\.  Jesu  Cln-isti...ex  niargaritis  ornatam 
...et  in  circuitu  b'stani  de  clirysociavo».  Parfois  il  est  possible  de  reconnaître 
(|ui!  le  fond  est  oriental  à  ce  (ju'il  est  chargé  de  lions,  d'éléphants  ou  de  grif- 
fons, ou  à  ce  (|u'il  est  appelé  iibyzantin»,  tandis  (|u"on  ne  saurait  discerner  la 
façon  dont  ont  été  figurées  les  «histoires»  sur  médaillons  tissés  d'or  qui  y  sont 
rapportés.  Mais  un  auteur  contemporain  d'Anastase  le  Bibliothécaire  est, 
heureusement  pour  nous,  plus  précis.  Jean  Diacre  entre,  en  effet,  dans  des 
détails  qui  nous  sont  ])récieux  sur  la  façon  dont  étaient  ornés  les  rideaux  et  les 
parements  d'aulel  (|iie  révoque  de  Naples,  Athanasius,  donnaà  l'église  Sainl- 
.lainici'.  (le  l'année  850  à  l'aimée  872.  Voici  ce  texte  :  «Supra  quod  (altare) 
velanien  coopérait,  in  quo  martyrium  sancti  Januarii  ejuscjue  sociorum  acu- 
|)ictili  t)perc  digressit. . ..  Kodcm  enim  opère  in  ecclesià  Stephanià  tredecim 
pannos  fccil,  evangclicam  in  eis  depingens  historiam.  quos  jussit  in  columna- 
rum  capitibus  ad  ornamentum  pendere  ». 

Sans  nous  ai-rèlcr  à  l'usage  de  suspendre  des  draperies  aux  chapiteaux 
des  colonnes  ([ue  ce  passage  révèle,  il  nous  est  impossible  de  voir  autre 
chose  (|ue  des  brodei-ies  dans  ce  travail  à  r«acu  pictili  »  dont  parle  Jean 
Diacre. 

Cette  citation  suilira  pour  montrer  quelle  réserve  on  doit  apporter  dans  la 
dénomination  des  tentures  historiées  dont  parlent  les  auteurs.  L'art  de  la  bro- 
derie devait  être  et  était  en  clïet  une  des  occupations  des  couvents  de  femmes 
dans  cette  grande  réhabilitation  du  travail  ([u'avaient  entreprise  les  ordres 
monastiques  d'Occident  à  leur  origine.  Des  textes  nombreux  nous  montrent 
des  écoles  et  des  ateliers  de  broderie  institués  dans  certaines  abbayes  du  Nord, 
ouvroirs  qui  durent  façonner  tout  ce  que  l'on  trouve  de  broderies  appliqué  aux 
usages  du  culte. 

Il  existait  cependant  des  brodeurs  laïques  dès  les  temps  les  plus  reculés, 
surtout  en  Angleteri'c.  où  ils  avaient  obtenu  une  réputation  si  universelle  que 
l'expression  «  opus  anglicanum  »  devint  synonyme  de  broderie  i.  A  Paris  ils 
étaient  en  assez  grand  nombre,  à  la  fin  du  xiii'  siècle,  pour  avoir  fait  enregis- 
trer leurs  statuts  devant  le  prévôt  de  Paris.  (îuillaume  de  Hangest.  Quatre- 
vingt-quinze  patrons  prirent  part   à  la  déclaration  des  coutumes  du  métier 

1.  «  Englisli  médiéval  embroiderv  "■  J-  H-  Parker.  London,  1848. 


LA  LÉGENDE  DE  SAINT  MARTIN.  77 

exercé  surtout  par  des  femmes,  car  nous  trouvons  82  brodeuses  contre  13 
brodeurs  seulement*.  C'est  ce  qui  explique  que  dans  les  rôles  de  la  taille  de 
Paris,  sous  Philippe  le  Bel,  en  1292.  on  ne  trouve  que  14  <■  brodeurs  ou  bro- 
deresses  »,  parce  que  presque  toutes  les  femmes  occupées  de  ce  métier 
étaient  mariées  à  des  artisans  ou  à  des  marchands-. 

Chaque  brodeur  ne  pouvait  avoir  qu'un  apprenti  à  son  service,  et  devait  le 
garder  huit  ans.  Pendant  la  dernière  année  seulement,  il  avait  le  droit  d'en 
prendre  un  second  pour  remplacer  celui  qui  allait  entrer  en  maîtrise- 
Brodeurs,  bi'odeuses  et  apprentis  se  réunissaient  chez  certains  d'entre  eux 
qui  tenaient  ouvroir,  pour  faire  œuvre  de  leur  métier,  suivant  les  nécessités 
des  commandes.  Mais  il  leur  était  défendu  d'aller  chez  des  étrangers  i  la 
corporation,  parce  qu'il  «  en  vient  tel  inconvénient  que  quant  li  mestres  ont 
convenant  à  riches  homes  de  fère  leur  œuvre,  il  ne  peuent  trouver  leurs 
ouvriers  parcequ'il  euvrent  ailleurs  que  chiez  ceuls  qui  sèvent  du  meslier.  et 
ne  peuent  tenir  convenant  aus  riches  homes  par  leur  deflauto.  »  Le  travail 
de  nuit  était  défendu,  «  car  l'œuvre  fête  de  nuiz  ne  peut  eslre  si  bone  ne  si 
souffisant  comme  l'euvre  fête  de  jourz.  »  Des  amendes,  au  profit  du  roi  et 
des  gardes  du  métier,  assuraient  l'exécution  de  ces  prescriptions,  prémisses 
de  cet  esprit  do  réglementation  (|ui  a  pesé  si  longtemps  sur  lindustrie 
française,  qu'elle  porte  encore  les  marf|ues  de  ces  entraves. 

Nous  n'avons  point  à  faire  ici  l'historique  de  l'art  de  la  broderie  pendant 
le  moyen  âge  :  on  en  trouvera  les  éléments,  avec  les  textes  ù  l'appui,  dans 
le  livre  où  M.  l'rancisque  Michel  a  réuni  tout  ce  que  ses  lectures  si  nom- 
breuses lui  avaient  donné  de  matériaux  sur  le  connncrce.  la  fabrication  et 
l'usage  des  tissus.  Nous  devons  même  ajouter  (|ue  la  partie  relative  au  sujet 
qui  nous  intéresse  possède  des  qualités  de  composition,  absentes  malheurou- 
scincnt  du  reste  do  l'ouvrage,  mine  inépuisable  de  documents*. 

Abandonnons  maintenant  les  textes  pour  nous  occuper  dos  monuments. 
Le  plus  ancien  (|uc  nous  connaissions  est  celle  grande  litre,  (pii  servait  jadis 
h.  décorer  la  cathédrale  do  liayiix  aux  jours  de  fêle  et  que  l'on  appelle  fort 
improprement  la  «  Tapisserie  de  la  reine  Malhilde  ».  Cette  tapisserie  n'est 
(in'inie  bniderio  faite  en  laines  de  plusieurs  couleurs  sur  une  toile  (|ui  serl  de 
lunil  e|   SIM'  la(|iiello  les  sujets  se  délachent  eu  vigueur.  Les  toinles  lie  la 

1.  Ci.  n.  Dki'I'inc,  ■•  HùgloinonU  sur  loa  nrls  i>t  inéliors  ilo  Piiri-i  »,  dans  Iw  •  DocumwiU  in*- 
ilils  ...  l'iiris,  1837. 

3.  II.  liKn.\iiit,  «  l'iiris  sous  l'liilip|iu  li>  llol  »,  tliins  li>s  •  Do-umonis  inMiU  •.  Puri*.  IHJT. 

U.  I'".  Mil  iiKi.,  .1  lU'fliorclios  sur  lus  iHolTos  do  »oio,  d'or  pl  d'nrgi'nt  |K'ndanl  lo  mo)-on  âgo  ». 
Tome  ir,  pogos  :i*9  ol  |)ussiin. 


78  ANNALi:S  AIlCm'OLOGIOL'ES. 

laine,  assoupies  cl  rompues  par  le  temps,  se  maricnl  au  l)lanc  jauni  du 
tissu  [)(iiir  rniiiifr  un  eiisemljlc  iiarmonieux  qui  rappelle  l'effet  des  peintures 
àgyptieiines.  Les  couleurs  sont  le  bleu  de  trois  tons,  le  vert,  le  rouge  cl  le 
jaune  i)run,  employés  avec  une  fçrande  liberté  do  fantaisie.  Les  tètes  cl  les 
mains  sont  dessinées  par  un  simple  trait  bleu  ou  rouge,  formé  par  une 
série  de  points  obliques  juxtaposés,  présentant  l'aspect  d'un  cordonnet 
tordu.  C\'M  nue  sorte  de  grossier  plumclis,  «  opus  plumarium  ».  Les 
vêlements  et  leurs  pli-,  les  chevaux,  les  édifices,  les  vaisseaux,  etc.,  dessinés 
l)ar  il!  même  procédé  que  les  tètes  et  les  mains  sont,  en  outre,  garnis  de 
laine  dont  les  fils,  couchés  parallèlement  les  uns  aux  autres,  vont  d'une 
extrémité  à  l'autre  du  champ  qu'ils  doivent  couvrir.  D'autres  fils  de  même 
couleui',  sinon  de  même  ton,  sont  couchés  parallèlement  de  distance  en 
distance  sur  les  premiers  avec  lesquels  ils  forment  un  angle  droit.  Knfin 
(les  points  posés  à  ciunai.  de  place  en  place,  sur  ces  fils  secondaires,  les 
cousent  au   fond  et  fixent  tout  le  système. 

Un  tètenient  n'est  jamais  de  la  couleur  du  trait  qui  le  circonscrit  ou  qui 
dessine  ses  plis,  un  manteau  bleu  étant  dessiné  en  rouge  ou  en  jaune 
brun,  tandis  qu'un  sayon  rouge  le  sera  en  bleu.  Cette  variété  rend  même 
inexactes  toutes  les  reproductions  que  l'on  a  faites  de  la  célèbre  broderie, 
car  les  traits  y  sont  toujours  exprimés  par  une  même  couleur  que  l'on  a 
faite  plus  foncée  que  les  objets,  tandis  ([u'en  réalité  elle  est  parfois  plus 
claire.  De  plus,  au  lieu  d'être  tracé  par  une  ligne  ferme  et  pleine,  le 
dessin  est  indécis,  tel  que  le  peut  donner  une  broderie  grossière. 

Certaines  miniatures  de  la  même  époque  sont  dessinées  et  peintes  par 
un  pi'océdé  absolument  semblable,  c'est-à-dire  en  teintes  plates  circonscrites 
ou  accentuées  par  un  trait  d'une  autre  couleur.  Enfin,  nous  ne  saurions 
mieux  comparer  cette  broderie  qu'à  un  émail  cloisonné,  où  le  dessin  est 
exprimé  par  une  bande  de  métal  qui  forme  des  alvéoles  où  l'on  parfond 
des  couleurs  vitrifiables. 

La  broderie  de  la  légende  de  la  saint  Martin,  f[ui  appartient  au  musée  du 
Louvi'e  où  elle  est  entrée  avec  la  collection  Révoil ,  en  1826,  bien  qu'elle 
couvre  tout  le  champ  du  tissu  qui  la  porte  et  qui  est  un  canevas  à  deux 
fils,  est  faite  par  les  mômes  procédés  que  celle  de  Bayeux.  Il  n'y  a 
d'exception  que  pour  les  visages  et  les  extrémités  qui  sont  brodés  au  point 
que  l'on  appelle  plumetis,  croyons-nous.  Les  points,  en  effet,  sont  obliques 
et  couchés  parallèlement  les  uns  aux  autres,  par  séries  opposées,  de  façon 
à  imiter  les  barbes  d'une  plume  insérées  de  chaque  côté  de  la  nervure 
qui  les  porte.  Ce  mode   de   travail,    qui  peut   suivre  tous   les  contoui's,  se 


LA  LÉGENDE  UE  SAINT  MARTIN.  79 

prêter  à  toutes  les  formes  et  recevoir  toutes  les  modifications  de  couleur? 
et  de  teintes,  perfectionné  par  des  ouvrières  habiles,  nous  semble  avoir  été 
celui  qui  a  servi  à  faire,  pendant  le  moyen  âge,  tant  de  chefs-d'œuvre  de 
broderie.  J.a  mitre  de  Jean  de  Marigny,  publiée  par  les  «  .Annales 
Archéologiques  »,  dans  le  tome  XIII,  est  un  des  remarquables  spécimens  de 
ce  système. 

Les  couleurs  employées  sont  le  blanc,  le  bleu  et  le  bleu  clair;  le  rouge, 
et  un  rouge  brun  qui  tourne  au  pourpre;  le  violet  foncé,  qui  remplace  le 
noir;  un  jaune  brun,  qui  était  peut-être  du  vert  et  dans  lequel  il  nous 
.'iC'inblc  reconnaître  deux  tons.  Mais  quatre  siècles  d'usage,  d'air,  de 
lumière  et  de  poussière  ont  altéré  et  assoupi  toutes  les  teintes,  qui  ont 
acquis  cette  harmonie  eiïacée  des  anciennes  fresques. 

Les  médaillons  circulaires  où  sont  distribuées  différentes  scènes  de  la 
légende  de  saint  Martin  sont  à  fond  blanc  et  circonscrits  par  un  cercle 
rouge  bordé  d'un  filet  rouge  foncé  entre  deux  filets  bleus.  Les  disques 
(|ui  relient  entre  eux  ces  médaillons  sont  à  fond  bleu,  ornés  de  rosaces  à 
huit  pétales,  quatre  jaune  brun,  quatre  violet  foncé,  bordés  en  rouge  avec 
contre-trait  blanc  à  l'intérieur. 

Les  champs  quadrangulaires  à  côtés  courbes,  compris  entre  les  médaillons, 
.sont  ti  fond  jaune  brun.  Les  fleurons  rayonnants  qui  les  décorent  sont  en 
couleur  bleue  de  deux  tons,  à  nervures  blanches  ou  rouges  et  bordés  de 
violet.  Ils  naissent  d'une  étoile  blancho,  Ixirdée  de  rouge,  cerclée  d'un 
anneau  rouge  bordé  de  blanc,  ou  d'iiii  carré  rouge  bordé  de  violet, 
encadrant  nu  i|ii;itrc-fcuillcs  blanc  sui'  l'nnd  violet.  La  bordure  est  formée 
d'un  filet  violet  bordé  de  rouge  disposé  en  zigzag  sur  un  fond  bleu  d'un 
coté,  blanc  de  l'autre,  de  façon  à  former  des  dents  de  scie.  La  bordure 
supérieure  n'existe  plus. 

Dans  les  sujets  (\\u'.  nous  allons  décrire,  les  chairs  sont  dessinées  en 
rouge  ou  en  rougi'  hniii.  ainsi  que  les  traits  du  visage  cl  les  cheveux,  qui 
sont  ex|)rimés  en  jaune  hiiiii.  lundis  (|ue  les  yeux  le  sont  par  ini  point  bleu. 
Nous  avons  dit  (|iii'  les  visages  et  les  mains  étaient  l)n)dés  au  plunictis. 
tanilis  que  tout  le  reste  était  en  laine  couchée.  Les  fils  (|ui  retionnonl  celle-ci 
sont  souveiil  en  lin  dont  la  teinture  a  |)arfois  blanchi,  .\ussi  parfois  les 
bleus  sont-ils  zébrés  de  bleu  clair. 

Les  scènes  do  la  légende  do  saint  .Martin  sont  rangées  par  lignes 
horizoïiiiili's  et  se  suivent  comme  les  mots  d'un  livre,  la  preniièro  commcnçonl 
dans  le  haut  à  gauche,  la  dernièro  finissant  dans  le  ba»  ù  droite.  C'est, 
piiiir  je  haiil  et  le  bas,  l'ordre  iincrso  des  vitraux. 


80  ANNALKS  ARCIIÈOLOGIOL'ES. 

I'ni:\iii.ii  Mi'nMi  i.oN.  —  Saint  Marliti  non  niiiild'!  donne  la  nioiliti  de  son 
manteau  ;i  un  pauvre.  —  Le  saint  est  vôlii  d'une  tuniqtie  bleue  dessinée  en 
rouge,  de  bas-de-cliausses  bleus  et  de  chaussures  violettes.  Son  manteau 
est  rouge.  Le  cheval  est  en  rouge  brun  dessiné  en  violet  avec  trait  intérieur 
en  jaune  brun.  Le  harnachement  est  jaune  et  bleu.  Le  pauvre  est  vêtu  de 
braies  violettes.  Son  corps  était  exprimé  en  laine  brune  couchée  et  maintenue 
par  des  poinls  en  lil  de  même  couleur.  Mais,  comme  nous  venons  de  le 
dire,  le  fil  a  blanchi,  tandis  (|ne  la  laine  s'est  foncée  de  ton,  de  sorte  que  le 
corps  (lu  pauvre  est  zéhré  de  lignes  blanches.  Ce  même  effet  s'est  souvent 
produit  dans  les  bleus  oii  le  fond  est  resté  plus  solide  f|uc  les  fils  d'attache. 
Tcriain  jaime  brun  l)()rdé  de  rouge. 

I)i:i:xiî;mk  MriDAii.i.ON.  —  Saint  Martin  voit  en  songe  .lésus-Christ  revêtu 
de  la  moi! il'  du  manteau  qu'il  a  donnée  au  pauvre. 

Saint  Martin,  non  nimbé,  est  couché  sur  un  lit  crénelé,  garni  de  colonnes 
formant  dossier,  autant  qu'on  peut  le  deviner  d'après  le  dessin  qui  nous 
semble'  représenter  le  lit  vu  par  les  pieds.  L'armure  du  saint,  composée 
de  sa  cotte  de  mailles,  de  son  é[)éc  et  de  son  bouclier,  y  est  suspendue. 
Le  saint,  la  tête  appuyée  sur  un  oreiller  à  laie  quadrillée  de  bleu,  est  vêtu 
d'une  tuni(|ue  rouge  et  recouvert  dune  drapeiie  bleue  à  plis  rouges  bordés 
de  jaune.  .lésus-Christ .  à  nimbe  blanc  croiseté  de  bleu,  est  vu  à  mi-corps, 
révolu  d'une  robe  bleu  clair,  tenant  de  chaque  main  le  manteau  rouge  posé 
sur  ses  épaules.  11  semble  sortir  d'un  arc-cn-cicl  à  chaque  extrémité  duquel 
est  placée  une  lête  d'ange  nimbée  de  bleu. 

TuoisiÈMK  MiioAiLLON.  —  Baplème  de  Saint  Martin.  — Saint  Martin,  nimbé 
de  i)leii.  est  |)longé  juscju'à  mi-corps  dans  une  cuve  en  forme  de  calice.  Le 
prêtre  qui  le  baptise,  largement  tonsuré,  est  revêtu  d'une  longue  aube  blanche 
dessinée  en  rouge;  il  porto  une  étole  bleue  qui  descend  très-bas.  La  main 
de  Dieu,  non  nimbée,  sort  de  nuages  bleus  et  bénit  saint  Martin.  La  cuve 
baptismale  et  le  clocher  qui  s'élève  derrière  le  prêtre  sont  de  couleurs  variées. 

Quatrième  mi';daii.i.()\.  —  Saint  Martin  ressuscite  un  catéchumène  à  Poi- 
tiers. —  Le  saint,  niuibé  de  bleu  bordé  de  rouge,  est  revêtu  d'une  longue 
robe  à  manches  larges  et  à  capuchon  qui  semble  attaché  à  un  camail.  Cette 
robe  est  en  violet  foncé  et  dessinée  en  bleu.  Les  manches  justes  d'un  vête- 
ment bleu  de  dessous,  d'une  tunique  par  exemple,  sortent  des  manches  larges 
du  vêtement  supérieur.  Saint  Martin  était  encore  moine  quand  il  fit  ce  miracle; 
aussi  ce  costume  doit-il  être  soit  celui  d'un  ordre  autre  que  les  bénédictins 
dont  le  vêtement  était  différent,  soit  celui  des  ecclésiastiques.  Kn  tout  cas,  il 
est  fort  intéressant  à  noter.   Le  catéchumène  est  à  demi  recouvert  d'une 


LA  LÉGENDE  DE  SAINT  MARTIN.  81 

draperie  rouge  dessinée  en  violet.    Le  lit  et  l'édifice  sont  en  couleurs  variées. 
La  main  de  Dieu,  non  nimbée,  sort  de  nuages  bleus  bordés  de  rouge. 

Ci\Qiiî;\ii'  MÉDAILLON.  —  Saint  Martin  rend  la  vie  h  un  pendu.  —  Le  saint. 
nimbé  de  bleu  avec  bordure  rouge,  porte  le  même  costume  que  dans  la  scène 
précédente.  La  main  de  Uieu,  non  nimbée,  sort  de  nuages  bleus  de  deuv  tons, 
bordés  de  rouge.  Le  pendu  deux  fois  représenté,  d'abord  au  gibet,  puis  debout 
à  côté  de  saint  Martin,  est  vôtu  d'une  tunique  rouge,  avec  une  ceinture  et  des 
bas-dc-chausses  bleus,  et  des  souliers  violets. 

.Sixiicml:  mkdaillon.  —  Saint  Marlin  sacré  évéque.  —  Le  saint  placé  à  droite, 
nimbé  de  l»leu,  reçoit  une  mitre  blanche  à  orfrois  bleus,  dessinée  en  rouge. 
Son  amict  est  bleu,  sa  chasuble  est  rouge  dessinée  en  bleu,  sa  tunique  en 
\>\im  clair  dessinée  en  rouge,  son  étole  en  jaune  brun  et  l'aube  est  parée  d'un 
orfroi  croiseté  de  rouge;  chaussures  violettes.  Le  prêtre  qui  pose  la  mitre  est 
en  aube  parée,  avec  une  étole  bleue  croisée  sur  la  poitrine.  Chaussures 
violettes.  Le  saint  évoque  qui  sacre  saint  Martin  est  nimbé  de  bleu.  .Sa 
mitre  est  .semblable  à  celle  précédemment  décrite.  Son  amict  est  rouge,  bordé 
de  pourpre;  sa  chasuble  en  bleu  clair  dessinée  en  rouge  bordée  de  pourpre; 
la  tuni(|ne  en  rouge  et  pourpre;  l'étole  en  jaune  brun;  l'aube  dessinée  en 
rouge  comme  toutes  les  choses  blanches  représentées  dans  cette  broderie,  et 
paréi;  de  bleu.  Chaussures  violettes  ;  gants  à  orfrois;  crosse  bleue.  Le  prêtre 
h  gauche  est  en  aube  blanche  et  en  étole  jainie  brun.  Il  lient  un  livre  et 
une  banderole  blanche  dessinée  en  bleu  clair  d'un  caractère  assez  indéfinis- 
sable, (jui  est  peut-être  le  pallium  archiépiscopal,  lin  avant  se  tient  un  enfant 
les  mains  joiiilcs;  il  est  vêtu  d'une  robe  bleue  Itordée  de  pourpre  et  dessinée 
de  trois  plis  en  jaune  brun.  La  main  de  Uieu,  sans  nimbe,  sort  de  nuages 
bleus  et  bénit  saint  Martin. 

SKi'iiii.Mii  MicoviLLON.  —  Saiul  Martin  guérit  le  Lépreux,  ou  fait  ap|>arailrt> 
le  fantôme  de  l'hounnc  dont  la  tombe  était  vénérée  dans  un  monastère  voisin 
de  Tours.  .Saint  Marlin  ,iyanl  encore  guéri  des  possédés,  il  nous  est  diflîcilc 
de  préciser  celte  scène  d'une  façon  absolue;  en  voici  la  coloration  : 

Saint  M;ulin,  nimbé  de  bleu,  en  mitre  blanche  ii  orfrois  bleus,  bordée  de 
rougi",  amiit  bleu  clair,  chasuble  rouge  dessinée  en  bleu,  tunique  bleu 
claii',  étole  blfin-,  aube  |)arée  de  bleu,  chaussure  violette,  gants  l)lancs  i\ 
orfrois,  crosse  \t\i-w.  Le  pos.'iédé.  le  lé|)reux  ou  le  fantôme  est  en  brun  clair; 
il  est  il  demi  vêtu  d'une  grande  draperie  violette  dessinée  on  jaune  brun  qui 
recouvre  sa  tête.  L'arbre  placé  derrière  lui  est  bleu  ;  l'édifice  placé  derrière 
.*>aint-Marliii  est  polychrome. 

liiinî.Mi;    Mi;n\iM()\.  — Saint  Martin  donne  sa  luni(|u«'  .i  nn  pausro  .i  U 
x\.\.  Il 


82  ANNALES   ARCIH'OLOGIOUES. 

porte  (Jo  la  basilique  de  Tours.  C'est  après  qu'il  se  Tut  ainsi  dépouilliî  pour  la 
seconde  lois  de  ses  vétenienis,  (ju'un  globe  lumineux  apparut  sur  la  t<'t<;  du 
saint  tandis  qu'il  ctjlébrail  la  messe. 

Saint  Martin,  nimbé  de  bleu,  est  représenté  entièrement  nu,  ne  portant  que 
sa  cliape,  qui  est  rouge,  dessinée  en  pourpre.  Une  calotte,  qui  n'est  peut-être 
que  le  capuchon  de  la  chape,  recouvre  sa  tête.  La  tunique  que  reçoit  le  pauvre 
agenouillé  est  |K)in-pre  à  phs  blmis.  La  basilique  de  Saint-Martin  est  indiquée 
par  une  grande  arcade  polylobée. 

NiiiivifiME  Médaillon.  —  Saint  Martin  ressuscite  un  enfant. 
Le  saint,  nimbé  de  rouge,  coilïé  de  la  même  mitre  que  dans  les  scènes 
précédentes,  est  velu  d'une  longue  tunique  bleue  dessinée  en  jaune,  recouverte 
par  une  chape  pourpre,  dont  le  capuchon  labattu  est  mieux  caractérisé  que 
todl  à  riiciiro.  L'cnrani.  à  moitié  nii,  a  le  bas  du  corps  enveloppé  dans  une 
draperie  jaune  brun.  Sa  mère,  qui  le  tient  debout  devant  elle,  porte  une  robe 
bleue  par-dessous  un  manteau  rouge  dessiné  en  bleu.  Un  voile  blanc  couvre  sa 
tète.  'Le  père  est  en  tunique  jaune  brun  dessinée  en  pourpre  et  retenue  par 
une  ceinture  bleue  :  ses  bas-de-chausses  sont  pourpres  ou  rouge  brun. 

Di.MKME  MiÎDvn.r.ox.  —  Saint  Martin  chasse  le  diable  du  corps  d'une  vache 
t'uricuse.  —  Le  saint.  niinlH;  de  bleu,  en  mitre  blanche  à  orfrois  bleus,  dessinée 
en  rouge,  est  l'evêtu  d'une  ciiape  pourpre  dessinée  en  rouge  par-dessus  une 
tunique   bleue.  Son  acolyte,  tonsuré,  porte  une  robe  jaune  brun  bordée  de 
violet.  J.e  diable  est  violet  dessiné  en  rouge  ;  il  tient  un  croc  recourbé  de  la 
grilTe  gauche.  La  vache  est  rouge  dessinée  en  pourpre.  I>e  terrain  est  poly- 
chrome :  un  jaune  !)ruii  (|ui  j)robablement  était  vert  y  domine. 
OivziiiMi':  lMi:imi.i.o\.  —  Saint  Martin  et  les  oiseau.x. 
Nous  ne  trouvons  rien  dans  la  «  Légende  dorée  »  qui  se  rapporte  à  ce  trait  de 
la  vie  de  saint  Martin,  non  plus  que  dans  Grégoire  de  Tours,  qui  n'enregistre 
guère  que  les  miracles  accomplis  par  les  reliques  de  l'un  de  ses  prédécesseur? 
sur  le  siège  épiscopal  de  Toui's.  Jacques  de  Voragine  raconte  seulement  que 
les  animaux  étaient  soumis  à  saint  Martin.  Dans  la  scène  qui  nous  occupe,  les 
oiseaux  semblent  pêcher  des  poissons  ou  s'abattre  sur  des  animaux  d'une 
forme  très-indéterminée,   qui  sont  figurés  soit  sur  le  sol,  soit  sur  l'eau.  Le 
saint  est  nimbé  et  vêtu  comme  dans  la  scène  précédente.  Son  acolyte,  large- 
ment tonsuré,  porte  une  robe  bleu  zébré,  à  manches  larges,  par-dessus  une 
robe  de  dessous  à  manclies  rouges  étroites.  Les  oiseaux  sont  en  jaune  brun 
dessinés  en  violet;  le  terrain  ou  l'eau  sont  exprimés  en  bleu;  les  animaux, 
quels  qu'ils  soient,  sont  en  jaune  brun. 

DocziÈME  Médaillon.  —  Mort  de  saint  Martin. 


LA   LI^GENDE  DE  SAINT  MARTIN.  8S 

Le  saint,  nimbé  de  rouge,  est  couché  sur  son  lit,  coiffé  de  sa  mitre  et  enve- 
loppé dans  une  grande  robe  à  capuchon  bleu,  dessinée  en  rouge.  Le  clergé 
qui  l'entoure  est  vêtu  de  robes  rouges,  de  même  forme,  dessinées  en  bleu.  Les 
deux  prêtres  de  droite  ont  seuls  leur  capuchon  relevé  sur  la  tète.  Ceux  de 
gauche  sont  tête  nue,  et  l'un  d'eux  lient  un  livre.  L'àme  de  saint  Martin,  sous 
la  forme  d'un  enfant  nu  et  sans  sexe,  est  soutenue  dans  les  airs  par  deux  anges 
vêtus  de  robes  jaune  brun,  dessinées  en  rouge.  Un  objet  assez  indéfinissable  est 
suspendu  à  droite  dans  les  airs  :  ce  doit  être  le  diable  que  saint  Martin  inter- 
pelle à  l'heure  de  sa  mort,  car  cette  scène  est  exactement  reproduite  d'après 
le  récit  de  la  «  Légende  dorée  ».  Le  saint  est  couché  sur  lo  dos  afin  de  mieux 
voir  le  ciel  ;  le  clergé  s'empresse  autour  de  lui  ;  le  sein  d'Abraham  va  recevoir 
son  âme,  et  le  diable,  interpellé  par  lui,  doit  assister  au  triomphe  de  celui  qui 
l'a  vaincu  si  souvent  déjà. 

Telle  est  cette  broderie,  qui  nous  semble  appartenir  au  milieu  du  xiii' siècle, 
et  que  nous  avons  décrite  dans  la  variété  de  ses  couleurs,  afin  de  faire  com- 
prendre l'économie  de  sa  décoration.  C'est  la  même  que  pour  les  vitraux,  un 
effet  disséminé  et  varié  au  moyen  de  teintes  plates  qu'harmonisent  des  lignes 
de  couleur  liant  entre  elles  les  couleurs  opposées.  Nous  ne  dirons  pas  que  le 
dessin  des  figures  de  ce  tissu  historié  soit  très-habile.  L'inexpérience  du  des- 
sinateur, la  rudesse  du  procédé,  la  grossièreté  de  la  matière,  les  altérations 
du  temps,  une  foule  de  causes  ont  concouru  à  doimcr  des  formes  (luolque 
peu  sauvages  aux  personnages  qui  figurent  la  légende  de  saint  Martin.  Mais, 
ti  distance,  l'effet  est  franc,  l'ensemble  harmonieux  ot  le  résultat  tout  à  fait 
satisfaisant.  Loisque  cette  broderie  était  suspendue  au  dossier  d'un  siège 
épiscopal  (Pli  au  front  diiii  autel,  elle  s'harmonisait  avec  les  peintures  des 
murs,  les  vitraux  des  fenêtres,  les  dalles  du  sol,  les  émaux  des  chAsscs.  les 
miniatures  dos  missels  et  les  tissus  dos  vêlomonts  ecclésiastiques,  f /art  déco- 
ratif était  un  dans  ses  manifestations  diverses,  et  une  harmonie,  dont  il  nous 
est  difficile  de  nous  faire  une  idée,  devait  résulter  de  celle  unité  (|ui  avait  pnS- 
sidé  h  la  fabiii  aliou  di'  lani  de  choses  faites  par  dos  procédés  différents. 

Il  ixiste  dans  les  galeries  du  Louvio  doux  autres  tissus  historiés  (]tii  feront 
mieux  comprondic  ces  (|ualités  décoratives  (|ue  nous  reconnaissons  h.  la  tapis- 
serie sur  canevas  que  nous  venons  do  décrire.  Ce  sont  m  l'anlopondiiim  ■•  ot 
le  relablo  do  la  cliapolle  du  Saint-Ksprit  au  musée  des  Souverains.  L'jirl  du 
brodeur  <•!  du  tapissier  y  .sont  |)()iissés  h  leur  perfection  :  les  personnages  aoni 
d  ini  (Irssin  trôs-coiTocl,  lo  modolé  on  est  suffisant;  rioii  n'y  p<Vlio  coijlro  les 
règles  de  l'art.  Mais  copondant  ces  morvoilles  tie  la  iiavello  cl  de  l'aiguille. 
vues  h  dislanco.  pordenl  los  qualités  donsemblo  (|irollos  oui  pu  posst^dor  de 


«',  ANNALF.S  ARCIII^OLOGIQLKS. 

près  loisqu'cllos  T'Iaionl  dans  toutes  leur  fiaîcliour.  mais  rjiii.  alors  comme 
.•uijouid'liiii,  (Icvainit  disparaître  lorsqu'on  s'en  écartait.  C'est  que  l'ouvrier 
a  voulu  rivaliser  avec  les  délicatesses  de  la  peinture  à  l'iiuile.  Il  a  soigné  ses 
tableaux  h  l'aif^uille  connue  aurait  fait  un  miniaturiste  avec  son  pinceau,  et  n'a 
pf)int  son^é  que  toutes  ces  délicatesses  seraient  inutiles,  devant  être  perdues 
dans  un  ensemble  décoratif. 

Nous  avons  parlé  de  navette  et  d'.aiguille  h  propos  des  tentures  de  la  cha- 
|ioll('  (lu  S;iiiil-I',>|)ril.  i'A  il  nous  faut  expliquer  cette  alliance  de  mots.  C'est 
que  ces  tentures  nous  semblent  être  le  pioduil  de  l'art  du  tapissier  et  de  celui 
du  brodeur  réunis.  Les  draperies,  les  fonds  et  les  accessoires  sont  exécutés 
en  tapisserie  de  laine  au  métier,  comme  nous  l'avons  expliqué  plus  haut. 
(Certains  ornements  seulement  y  sont  rapportés  k  l'aiguille.  Les  carnations,  au 
contraire,  ont  été  exclusivement  exécutées  en  broderie  de  soie  avec  beaucoup 
d'art.  Los  points  sont  parallèlement  rangés  les  uns  à  côté  des  autres  normale- 
ment aux  lils  de  la  chaîne,  autant  f[uc  la  chose  a  été  possible.  C'est  surtout 
clans  ics  visages  que  ce  soin  à  ne  point  apporter  de  trouble  dans  l'économie 
générale  du  tissu  se  remarque;  et  la  délicatesse  du  passage  d'un  ton  ou  d'une 
imance  aune  autre  n'y  perd  rien.  Dans  les  cheveux,  dans  les  extrémités,  le 
même  système  n'a  plus  été  possible,  et  il  a  fallu  suivre  les  contours.  Mais  les 
points,  couchés  les  uns  à  côté  des  autres,  restent  toujours  parallèles.  Nul 
travail,  mieux  que  celui  de  ces  tentures,  n'a  mérité  le  nom  de  «  opus  acupic- 
tile  »,  car  réellement  il  nous  représente  une  peinture  à  l'aiguille. 

Mentionnons  encore,  pour  en  finir  avec  la  broderie  décorative,  les  tentures 
à  personnages  compris  entre  de  grands  rinceaux  de  feuillages  que  possède  le 
musée  de  l'hôtel  de  Ciuny.  Ces  œuvres  du  xvi^et  peut-être  des  commencements 
du  xvn°  siècle  nous  ramènent  à  la  thèse  par  laquelle  nous  avons  commencé 
cette  étude.  C'est  que  l'histoire  des  tapisseries  historiées  s'est  de  tout  temps 
compliquée  de  celle  des  tentures  en  broderies,  et  que  l'on  ne  saurait  apporter 
tro]!  de  soins  dans  l'étude  des  textes  et  dans  celle  des  monuments,  ce  qui 
semble  beaucoup  plus  aisé  et  ce  qui  cependant  ne  l'est  guère,  à  ce  qu'il  paraît. 

Alfred  DARCEL. 


l'Ail  niui'un 


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Echelle 


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ÂB^BiîCO;  IDE  S?  JIË.SM''AIDCX:'-IB©ir£ 

CHEVET  DE  L  > 


CTT\IM-[J.E  AIUiATIALE 


DE  SAii\T-.i  i: A>.-xVi  x-n«ns 


StITE   '. 


lùitron.s  dans  le  petit  édifice. 

Par  une  disposition  exceptionnelle,  le  transept  est  divisé  par  une  pile 
monocylindrique.  Le  regard  en  est  frappé  tout  d'abord.  Craignant  la  trop 
grande  portée  des  arcs-ogives  de  la  croisée,  rarchitecte  les  a  soulagés  par  un 
arc-doubleau  intermédiaire  qui,  porté  par  les  piles,  empêche  toute  espèce  de 
déformation.  11  a,  de  pins,  afin  d'assurer  la  perpendicularité  de  ces  colonnes, 
sur  les(|ueilcs  s'exercent  des  poussées  contraires,  élevé  au-dessus  des  voûtes 
un  |)etil  mur  joignant  ceux  du  chœur  et  de  la  nef.  Ce  mur,  en  chargeant  les 
points  d'appui,  garantit  leur  stabilité  et  il  a  l'avantage  do  relier  la  construc- 
tion il  sa  partie  supérieure.  Le  chœur  est  voûté  de  la  même  manière  sur 
travée  double,  avec  cette  dilTérence  que  l'arc-doubleau  porto  sur  deux  culots 
fortement  engagés  dans  la  muraille.  C'est,  du  reste,  dans  la  composition  des 
voûtes  que  l'architecte  a  montré  sa  grande  habileté  de  consiructour.  Voulant 
avoir  toutes  ses  naissances  do  voûtes  à  la  même  hauteur  et  les  clos  au  menu» 
niveau,  malgré  l'ouverture  inégale  des  arcs,  il  a  très-simplomoni  résolu  le 
|iiiil)|riiic  en  élevant,  selon  le  besoin,  ses  ogives  sur  uru'  partie  verlioale 
complouïonlairo.  Ce  moyoïi  avait  l'avanlago  do  lui  piMinottro  de  prendre  des 
jours  latéraux  presque  jus(|uau  sommet  des  arcs-fonnerols  et  d'éviter,  d.ins 
le  ch(our  et  la  croisée,  la  forme  gonéralomonl  bombée  dos  voûlos  olovécs  .«ur 
plan  carré.   I-os  autres  parties  sont  voûtées  ordinairement  sur  travées  l)ar- 

I     Viilr  le^  a  Annules  Arclitologiques  •,  vol.  x\ni,  |wg09  <S0-ir>7. 


86  ANNALKS  AftCHÉOLOfJIQUES. 

Iinigiics;  loulofois  lus  Iravécs  do  la  nef  oui  une  largeur  iiiu.sili'c.  ],a  plupart 
des  clés  de  voûlc  sont  riclicmcnl  sculptées,  ainsi  que  le  montre  celle  dessinée 
sur  la  planche  de  détails,  avec  les  retombées  de  la  nef  et  du  clmur. 

Placée  au-dessous  de  la  rose,  une  élégante  arcalurc,  dont  le  soubassement 
forme  un  banc  continu,  se  retourne  et  s'interrompt  sur  les  murs  latéraux  de 
la  nef.  Celle  disposition,  à  défaut  de  la  construction,  sufTirail  li  montrer  qu'il 
n'y  a  jamais  en  de  porte  de  ce  côté  de  la  chapelle. 

Uicn  (iii'une  boiserie  moderne  pourtourne  le  chœur,  nous  avons  retrouvé 
l'ancienne  piscine  double  dont  nous  avons  indiqué  l'emplacement,  adroite  de 
rauti'l.  sur  le  plan  général.  C'est  un  simple  enfoncement  ogival,  autrefois 
décoré  de  i)cinUn-cs.  Peut-êlrc  existe-t-il  en  face  de  cette  piscine  une  armoire 
comme  celles  que  l'on  voit  dans  le  transept. 

On  trouve  près  de  la  porte  principale  un  petit  bénitier  ancien,  engagé 
dans  le  mur  du  pignon;  nous  le  reproduisons  ici,  afin  de  rendre  notre  mono- 
graphie aussi  complète  que  possible. 

3.    —    tllAI'KLI.E    ni;    SAI  XT-JEAN-AL  \- IlOIS. 


A  N  C  1  K  N    11 1;  M  T  l  E  R. 


La  lumière  est  distribuée  dans  la  chapelle  par  de  hautes  fenêtres,  percées 
à  chaque  travée  et  renfermant  toutes  autrefois  de  riches  vitraux.  II  ne  reste 
malheureusement  de  ces  verrières  ([ue  quelques  parties  où  nous  avons  copié 
les  {[uatre  beaux  motifs,  peints  en  grisailles,  formant  des  planches  que  nous 
publierons  à  part.  Ces  motifs  sont  composés  d'entrelacs  et  de  riches  rinceaux 
dont  le  peintre,  avec  beaucoup  de  talent,  a  su  éviter  la  confusion  en  les 
divisant  par  de  grandes  lignes  qui  permettent  de  les  lire  facilement. 

Nous  ne  nous  étendrons  pas  sur  la  construction  si  simple  de  ces  vitraux  ; 
les  panneaux,  comme  on  pourra  le  voir  sur  nos  gravures,  viennent  s'adapter 
dans  les  parallélogrammes  formés  par  l'armature  (fer  plat  de  0,01  X  0,03). 
et  y  sont  fixés  par  des  clavettes.  Entre  les  barres  horizontales  une  tringlette 


CHAPELLE  ABBATIALE  DE   SAINT-JEAN-AIX-BOIS. 


87 


empêche  tout  mouvement  des  petits  plombs.  Le  vitrail  central  de  l'abside,  le 
seul  en  couleur  et  à  personnages,  représente,  divisée  en  vingt-cinq  sujets,  la 
passion  de  Jésus-Christ.  Plusieurs  de  ces  panneaux  sont  détruits;  parmi  ceux 
qui  subsistent  encore,  nous  avons  reconnu  le  Portement  de  croix,  la  Mise  au 
tombeau,  la  Cène,  le  Christ  devant  Pilate.  Si  l'on  se  rend  compte,  par  la 
pensée,  de  l'cITct  harmonieux  produit  par  de  semblables  vitraux  dont  les 
teintes  claires  ne  faisaient  que  briser  et  répandre  également  les  rayon? 
solaires,  on  verra  que  l'intérieur  de  l'édifice,  entièrement  peint  d'une  couleur 
lumineuse,  était  certainement  bien  loin  de  présenter  l'aspect  sombre  et  triste 
si  fort  en  honneur  auprès  de  certains  littérateurs  ultra-romantiques. 

Le  système  de  peinture  murale,  bien  simple,  n'était  guère  composé  que  de 
l'appareil  tracé  en  blanc  sur  un  fond  jaune  d'ocre.  Les  seules  parties  plus 
riches  étaient  les  chapiteaux,  sur  lesquels  on  aperçoit  encore  des  traces  de 
couleurs  plus  brillantes.  Il  est  probable  que  les  clés  de  voîite  étaient  aussi 
peintes  de  diiTi'rentes  couleurs,  car  on  distingue,  à  travers  le  badigeon  dont 
elles  sont  recouvertes  aujourd'hui,  une  teinte  plus  foncée  qui  s'étend  jusque 
sur  l'amorce  des  arcs-ogives.  En  enlevant  avec  précaution  le  lait  de  chaux, 
on  retrouverait  peut-être  quehiues-unes  de  ces  décorations  dont  il  reste  si 
peu  d'exemples.  A  une  époque  assez  reculée,  la  chapelle  a  été  entièrement 
repeinte  sur  les  données  anciennes;  toutefois  le  décorateur  n'a  pas  repassé 
sur  les  traits  primitifs,  ainsi  que  le  montrent  plusieurs  endroits  où  l'humidité 
a  fait  tomber  cette  seconde  couche.  In  autre  motif  d'ornementation  ne  devait 
pas  peu  contribuer  à  donner  un  grand  caractère  ;\  notre  monument  :  nous 
voulons  parler  du  carrelage  en  terre  cuite  émaillée,  dont  malheureusement  il 
ni!  reste  plus  que  des  débris  peu  importants. 

i.   —     CIIAI'EI.LE    UE    SAIN  r-JK  l\-AH-ttOI^. 


ANCIIil    OklIliaLtOI    ■!<    TIHIIK    CVITt. 


Le  croisillon  imnl  est  cependant  encore  tout  entier  dallé  avec  des  piernîj» 
liimulaires  des  xin'  cl  xiv"  siècles,  dont  (|uatre,  li  double  figure,  sont  e» 


88  ANNALES  AnCllÉOLOOIQUES. 

marbro  noir.  Ces  dalles  sont  toulcs  plus  ou  moins  usées  ou  brisées.  La  mieux 
conservée  représente  un  personnage  noble  ayant  un  chien  à  ses  pieds  et 
entom-é  d'une  arcade  trilobée;  un  bouclier  est  à  son  côté.  Des  entailles, 
creusées  à  la  place  de  la  tête  et  des  mains  jointes,  avaient  reçu  des  pla(|ues 
de  marbre  blanc.  pfMil-(Mre  môme  de  cuivre,  sur  lesquelles  étaient  figurés 
le  masque  d  lr>  cxtriMiiilés.  1!  no  reste  des  inscriptions  que  (pielqucs  lettres, 
trop  i''loignées  les  unes  des  autres  pour  oiïrir  un  sens;  cela  est  d'autant  plus 
regrettable  (|ue  les  noms  seuls  de  ces  personnages  auraient  probablement 
jeté  un  jour  nouveau  sur  l'histoire  de  l'abbaye.  Plusieurs  autres  tombes,  de 
la  fin  de  la  renaissance,  dont  nous  avons  donné  plus  haut  les  inscriptions, 
ont  été  enlevées  et  déposées  ailleurs. 

Au  wii"  siècle,  les  religieux  avaient  conservé  le  même  mode  de  sépulture, 
comme  en  l'ont  foi  les  inscriptions  que  nous  avons  citées.  Ce  grand  nombre 
de  pierres  tumulaires.  de  diverses  époques,  a  dû  contribuer  à  conserver 
jusqu'aujourd'hui  l'habitude  de  ce  genre  d'inhumation;  aussi  voit-on,  dans 
le  cimetière  attenant  à  l'église,  de  nombreuses  dalles  posées  à  plat  et  char- 
gées d'épitaphes  élogieuses  à  la  mémoire  du  défunt.  Toutefois,  par  économie 
ou  ignorance  du  dessin,  on  ne  reproduit  plus  l'efTigie  de  la  personne  morte; 
en  outre,  les  inscriptions,  sauf  les  noms  semblables,  sont  si  bien  passées  à 
l'état  de  l'orniule.  que  nous  avons  trouvé  la  suivante  appliquée  à  un  enfant 
de  cinq  mois  cl  huit  jours  : 

0,    nON    F1I.S,    Qll    us    PENDANT   TA   TROP  C01I\TE   ME   UN    MODKI.l-:    DE   SAr.ESSE    KT   DE   VEBTU... 

Qu'il  y  a  loin  de  ces  ridicules  expressions  de  regret  à  la  grave  simplicité 
de  celles  du  moyen  âge!  xMais  rentrons  h  rintérieur  ]i()iu-  terminer  rapide- 
ment notre  description. 

On  voit  de  chaque  côté  du  clmur,  à  une  hauteur  de  cinq  mètres  environ, 
les  amorces  d'une  poutre  engagée  dans  les  piles  de  la  croisée.  Cette  poutre, 
sciée  aujourd'hui  et  dont  les  parties  visibles  sont  décorées  de  peintures  du 
xiii'"  siècle,  était  prévue.  Elle  devait  rester  en  permanence,  puisque  ses 
extrémités  reposent  sur  des  chapiteaux  dont  le  but  n'est  autre  que  de  les 
recevoir.  Il  est  permis  de  supposer  qu'elle  servait  de  support  Ji  un  Crucifix 
accompagné  de  la  Vierge  et  de  saint  Jean,  comme  certains  manuscrits  et 
d'anciennes  descriptions  en  donnent  des  exemples. 

La  sacristie  el  son  étage  supérieur,  ancien  chartricr.  auquel  on  accède 
maintenant  par  un  escalier  en  bois,  n'ont  rien  de  particulier;  ils  sont  tous 
deux  voûtés,  et  l'on  devine  aisément,  derrière  les  armoires  actuelles,  les 
portes  de  communication  avec  les  bâtiments  adjacents.  Une  série  de  stalles  à 


l'AR  pmnuH. 


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coure  TH.WSVBRSALE  DE  LÏCl^ 


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CHAPELLE  ABBATIALE  DE  SAINT-JEAN-AUX-BOIS.  89 

hauts  dossiers,  de  l'époque  de  Louis  XIII,  remplit  la  croisée  et  une  grande 
partie  de  la  nef;  elles  ne  se  font  remarquer  que  par  leur  lourdeur  et  leur 
grossière  exécution.  Signalons  des  fonts  baptismaux,  en  pierre  sculptée, 
résultat  des  loisirs  de  l'ancien  curé  de  Saint-Jean-aux-Bois.  Ces  sculptures 
sont  empreintes  d'une  naïveté  qui,  plus  expérimentée,  aurait  certainement 
|)roduit  des  œuvres  mieux  réussies. 

Les  bâtiments  contigus  à  la  chapelle  sont  peu  intéressants,  vu  leur  mau- 
vais état  de  conservation.  Cependant  on  trouve  encore,  à  peu  près  intacte, 
une  salle  dont  la  voûte,  divisée  en  six  travées,  porte  sur  des  colonnes  isolées; 
on  y  pénètre  de  l'extérieur  par  une  porte  de  forme  cintrée.  Une  autre 
salle  plus  petite,  dont  la  voûte  est  détruite,  relie  celle-ci  à  la  chapelle.  Nous 
avons  di'îjà  dit  que  le  premier  étage  est  démoli.  Toutes  ces  constructions 
étaient  soigneusement  encloses,  si  l'on  s'en  rapporte  k  la  grande  entrée  à 
pont-levis  et  flanquée  de  tourelles  que  l'on  voit  encore  k  cette  heure;  il  n'est 
pas  impossible  ([u'uii  système  de  défense  ait  servi  k  protéger  les  religieuses 
contre  les  entreprises  auxquelles  leur  isolement  pouvait  les  exposer. 


—     SAINT-JK  »\-,M  \-BOIS. 


VIIK    PKHMMICTI VK    II  II    t,*ll!ITIlAll    DM    L'AUnAYM.       -     ÉTAT    ACTOtL, 


CuiiiiiH'  1,1  |)lii|i;irl  (|i-s  Mioiiiiiiit'iils,  mémo  Irès-imporlanls,  du  Boauvoisis. 

la  chapelle  de  Saint-Joan-aux-Bois  est  enlièrenioiit  consinn'ie  en  pierres  de 

|"lilr  (liincnsion.  Sa  situation  au  milieu  dune  fortM  cl  hors  di*  la  pro\imili5 

(Ifs  carrières  était  une  raison  pour  no  pas  employer  de  grands  matériaux 

XXIV.  12 


00  ANNALKS  AUCIlfiOLOGlOUES. 

(Ii)iil  le  Iraii^piiii   .lurjiit  rW:  tro.s-dilTicilo  par  des  chemins  souvent  imprali- 

1  ahifs.  D'ailleurs  il  y  avait  do  l'ùconomie  cl  une  grande  facilité  h.  employer 
(h:  |)i'lils  tnati'riaiix.  Aussi,  sauf  les  piles  monocylindri(|ues,  les  chapiteaux, 
les  culots  et  les  colonncttcs,  toute  la  bâtisse  n'est-elle  composée  que  do 
moi-lion  laillé  ot  appareillé.  La  cathédrale  de  Noyon,  cnti^rement  construite 
par  le  même  procédé,  moniro  suirisammont  le  parti  que  l'on  peut  tirer  de  ce 
système  développé  sur  une  plus  grande  échelle. 

On  convii'iidia  (\\u^  notre  modeste  moiminenl,  quoique  bien  déchu  de  sa 
grandciii'  |)rinn'livc,  est  encore  intéressant  à  plus  d'un  point  de  vue.  Il 
semble,  du  reste,  que  sa  perfection  ait  été  appréciée  dès  sa  fondation,  car 
nous  le  soupçonnons  d'avoir  servi  de  type  h  une  série  d'édifices  avec  lesquels 
il  a  de  trop  frappanles  analogies  |)our  ne  pas  les  signaler  ici.  Prenons  comme 
exemple  la  chapelle  de  Notrc-Dame-dc-la-Roche,  près  Chevreuse,  ancienne 
demeure  d'augustins;  elle  en  est  une  sorte  de  diminutif.  L'occasion  que  nous 
avons  eue  (réludicr  celte  dernière  dans  toutes  ses  parties  nous  aidera  à 
essayer  d'établir  un  rapprochement  entre  ces  deux  monuments. 

En  HOC),  peu  de  temps  après  la  construction  de  Saint-Jean,  la  fondation 
du  petit  monastère  de  La  Roche  fut  confirmée  par  Maurice  de  Sully,  arche- 
vêque de  Paris.  La  chapelle,  toutefois,  n'a  été  consacrée  qu'en  1232,  ainsi 
(jne  le  montrent  les  dates;  si  quelques  sculptures  symboliques,  assez  bar- 
bares, paraissent  remonter  à  une  époque  antérieure,  il  ne  faut  s'en  prendre, 
croyons-nous,  qu'à  l'inhabilelé  du  sculpteur.  Simplifier  Saint-.Jean-aux-Bois, 
tout  en  conservant  un  style  et  un  aspect  agréable,  paraît  d'abord  impossible; 
Nolre-Dame-de-la-Roclic  vient  pourtant  prouver  le  contraire.  Le  plan  de  la 
chapelle,  donné  plus  loin,  accuse  franchement  la  même  disposition  ';  la  dif- 
férence consiste  dans  la  nef,  moins  longue  d'une  travée,  et  la  position  pré- 
férable de  l'escalier.  Les  proportions  moindres  de  l'édifice  n'ayant  pas 
nécessité  d'arcs  doubleaux  intermédiaires,  on  a  supprimé  les  piles  isolées  de 
l'entrée  du  transept;  celui-ci  conséqucmment  est  voûté  sur  une  seule  travée 
pour  chaque  croisillon.  11  est  évident  que  l'architecte  de  Notre-Dame-de-la- 
Roche  n'avait  pas  à  sa  disposition  les  mêmes  ressources  pécuniaires  que  son 
confrère  de  Saint-Jean- aux-Bois;  aussi  le  premier  a-t-il  élagué  toute  super- 
fluitc  à  l'extérieur.  Plus  de  dents  de  scie  aux  archivoltes  des  fenêtres,  une 
corniche  sans  sculpture,  absence  de  colonnes  à  l'intérieur.  Le  mode  de  con- 
struction a  lui-même  subi  de  sensibles  modifications,  et  c'est  surtout  là  que 


I.  Comparoz  ce  plan  avec  colui  de  Saint-Jean-aux-Bois,  publié  dans  les  «Annales  Archéolo- 
giques »,  vol.  xxin,  en  res^ard  de  la  page  130. 


CHAPELLE  ABBATIALE  DE  SAINT-JEAN-ALX-BOIS. 


91 


l'artiste  s'est  montré  habile  et  même  audacieux.  En  effet,  réservant  la  pierre 
seulement  pour  les  contreforts,  les  arcs  et  l'entourage  des  ouvertures,  il  a 
réalisé  une  grande  économie;  car  le  reste  de  la  maçonnerie  n'est  composé 
que  d'un  blocage  peu  coûteux,  revêtu  d'un  enduit.  Les  triangles  des  voûtes 
sont  fermés  par  un  mortier  mélangé  de  filasse  dont  la  légèreté  réduit  presque 
h,  rien  leur  poussée.  Des  trous,  percés  après  coup  dans  ces  voûtes,  nous  ont 
(Idhik;  la  mesure  de  leur  épaisseur  qui  ne  dépasse  pas  cinq  ou  six  centi- 
mètres. 11  n'est  pas  permis  de  douter  de  l'excellence  de  ces  moyens  de 

0.   —   xoTnE-rtAvr.   ne   i.\  nociip.   f snisiE-ET-oise). 


u  *    .--  • 


PLAN    DR     I.A    CI1M>KLLII. 


conslniiri'  ;'i  bon  marcln'.  en  présenci>  de  l.i  parfaite  conservation  de  la 
bâtisse,  malgré  un  entretien  plus  que  négligé  depuis  au  moins  un  domi- 
siècle.  Nous  ne  croyons  pas  trop  nous  avancer  en  considérant  cette  chapelle 
i-ommtî  le  «  ncc  plus  ultra  »  de  la  construction  sage  et  éconon)i(|uo.  de 
l.i  biinnc  et  sévère  décoration  (|ui  doit  accompagner  un  édifice  de  celle 
naline. 

Plus  heureuse  <[ue  celle  dt^  Sainl-Jean-aiix-Bois.  la  chapolle  de  \olre- 
l)amc-de-la-I\oche  a  conservé  presque  toutes  ses  anciennes  cl   précieuse* 


92  ANNALKS  AltCHÉOLOGIQUES. 

peintures  murales,  ainsi  que  ses  belles  stalles  du  xiii*  siècle,  qui  constituent 
à  elles  seules  un  vi-iitalile  trésor.  Il  est  vi'ai  que  quelques  années  encore  de 
l'abandon  actuel,  l'Iiuniidité  aid.ml,  .uiront  bien  vite  fait  disparaître  ce  ves- 
tige de  mobilier  âgé  de  six  siècles;  alors  sera  rétabli  une  déplorable  égalité 
cnlrn  ces  deux  monuments  religieux  *. 

Nous  terminerons  celte  nolice  en  essayant  de  combattre,  par  un  résumé 
du  devis  estimatif  de  la  chapelle  de  Saint-Jean-aux-Bois,  le  préjugé  de 
certaines  personnes,  nombreuses  encore.  (|uoique  devenues  plus  rares,  ten- 
dant à  faire  passer  l'architecture  gothique  comme  plus  onéreuse  à,  élever  que 
celle  d'un  autre  style,  (le  devis  sera  publié  dans  une  livraison  prochaine  des 
«  Annales  n . 

L.   SAUVAGEOT. 


1.  MM.  Cl.  cl  L.  Sauvageol  viennent  de  publier,  sous  le  titre  de  «  Monographie  de  la  ctiapelle 
do  Notrc-Ramo  do  la  Roclie  »,  un  travail  complet  sur  le  petit  édifice.  In-folio  de  18  pages  de  texte 
îi  2  colonnes,  avec  27  planches  hors  du  texte.  Tout  y  est  :  architecture,  sculpture  en  pierre, 
peinture,  ensembles  et  détails.  Les  architectes  qui  recherchent  aujourd'hui,  avec  une  si  grande 
avidité,  des  modèles  d'églises  en  style  ogival  de  la  première  moitié  du  xiir  siècle,  trouveront  là 
une  ample  satisfaction.  Les  menuisiers  y  ont  des  modèles  de  stalles  et  de  clôtures  en  bois;  les 
décorateurs,  des  peintures  murales;  les  céramistes,  des  motifs  nombreux  de  carreaux  émaillés. 
C'est  une  petite  mine  que  MM.  Sauvageot  ont  généreusement  et  savamment  exploitée  au  profit  de 
tous  les  artistes  qui  cherchent  à  faire  revivre  en  ce  moment  l'art  du  xuf  siècle. 

(Noie  de  M.  Didron.) 


ArKhCU  ICON()(.i;Anil()LK 


SUR   SAIM    1»1L:KKK    FT   saint   1>AIL 


DEUXIKME   PARTIE  >. 

COMPOSITIONS    IIELATIVES    A    SAINT    l'IEHIlE    ET    A    SAINT    l'AUL. 

Après  avoir  observé  autant  ([iie  nous  l'avons  pu  les  types  et  les  attributs 
(|iii.  selon  les  lieux  et  les  temps,  ont  servi  à  caractériser  les  apôtres  saint 
Pierre  et  saint  Paul,  il  nous  reste,  pour  achever  notre  tîlche,  h  passer  en 
revue  les  principales  cumposilions  où  l'art  chrétien  les  a  fait  lip;urer. 

Kiilre  tous  les  genres  de  composition,  nous  en  distinguons  deux  principaux  : 
1)11  l'on  exprime  sous  une  forme  sensible  des  vérités  abstraites  et  des  rapports 
généraux,  (ni  l'on  se  contente  de  représenter  les  faits  tels  qu'ils  se  sont  passés, 
ou  (|u'ils  auraient  pu  se  passer.  Nous  donnons  k  la  composition  le  nom  de 
Il  syml)oli(|uc  »  dans  le  premier  cas;  dans  le  second,  nous  l'appelons  «  his- 
lori(|iii!.  1) 

l.cs  (;()iiipi)silii)iis  c()iii|)riM'>  dans  ces  deux  grandes  catégories  comptirtoni 
d'autres  distinctions.  I.e  symbolisme  des  temps  primitifs  dilïérc  de  celui  du 
moyen  ftge  :  il  a  (|iie|(|iie  chose  de  plus  précis,  de  plus  formemont  aritMé; 
il  .s'en  lii'iil  presque  alKsoliniieiit  ;i  l'expression  des  .sacrements,  des  principaux 
mystères  de  notre  foi,  et  il  les  exprime  par  un  petit  nombre  de  faits  empruntés. 
sauf  (|iiel(|iies  exceptions,  aux  .saintes  Kcrilures  et  présentés  dans  leur  .<ens 
figuré.  Au  moyen  âge,  la  pensée  chrétieinK!  lai.sse  prendre  ^  l'imagination  un 
plus  libre  essor;  elle  .s'élance  dans  le  symbolisme  comme  elle  le  fait  dans  l'oRivc  : 

1.  Noir  les  «  Aiiniilc-t  .\rcliéologiquc!i  •,  vol.  wiii.  |>fl),'0!t  )G,  138  et  16,^. 


%  ANNALKS  AHCIIÉOLOOIOUES. 

clic  se  iimlti|)lic  (oiniiiu  les  nombreuses  chapelles  qui  rayoïiiienl  autour  de 
l'axe  (le  nus  cathédrales. 

\)>-  iiiènic  dans  les  compositions  historiques  :  tandis  que  l'art  primitif  se 
concentre  en  un  petit  nombre  de  faits  substantiels,  et  que  les  modernes  font 
des  tableaux  dans  le  sens  à  la  l'ois  artistique  et  littéraire  du  mot,  l'art  du 
moyen  âge  est  chroni(iueur  :  il  raconte  en  images  ce  qui  s'est  répété  ou  se 
répétera  bientôt  de  bouche  en  bouche. 

Toutes  CCS  distinctions,  applicables  à  l'iconographie  de  saint  Pierre  et  de 
suint  Paul .  serviront  h  éclairer  notre  maiciie.  Nous  commencerons  par  les 
compositions  qui  sont  symboliques  plutôt  quhisloriques,  mettant  en  première 
ligne  celles  qui  ont  un  caractère  plus  général,  parlant  de  celles  qui  sont 
conmiunes  aux  deux  apôtres,  avant  de  nous  attacher  à  celles  qui  leur  sont 
spéciales  à  l'un  ou  à  l'autre,  k  saint  l'ierre  d'abord,  îi  saint  l'aul  ensuite;  et, 
sans  nous  astreindre  h  l'ordre  chronologique,  par  le  fait  nous  ne  le  perdrons 
jamais  de  vue  et  nous  nous  en  écarterons  peu. 


COMPOSITIONS   SYMBOLIQUES. 

Saint  PiKur.i':  ici  saint  I'aii,  kéums.  —  Il  n'est  pas  de  composition  com- 
mune aux  deux  princes  des  apôtres  qui  soit  plus  ancienne  et  plus  importante 
que  celle  où  on  les  voit  à  droite  et  à  gauche  de  Notre-.Seigneur  Jésus-Christ, 
ou  d'un  signe  qui  le  représente,  comme  le  chrisme  ou  la  croix.  Une  assez 
nombreuse  série  de  fonds  de  verre  montre  au  milieu  des  deux  apôtres  le  Sau- 
veur lui-même,  mais  en  des  proportions  rudimentaires,  tenant  une  couronne 
sur  Irur  lètc.  (Quelquefois  il  ne  paraît  plus  que  la  couronne,  ou  seule,  ou  sou- 
tenue (le  la  main  divine.  La  couronne  elle-même  et  tout  autre  signe  d'une 
intervention  supérieure  disparaissent,  mais  la  pensée,  fixée  par  une  longue 
habitude,  y  supplée,  et  l'on  comprend  que  ces  deux  illustres  représentants  de 
l'Église  ne  cessent  jamais  d'être  invisiblement  assistés  et  couronnés  par  leur 
divin  iiKiiIre. 

On  pourrait  croire  que  la  couronne  a  trait  à  leur  martyre.  Mais,  en  leur 
personne,  le  peuple  fidèle  honorait  plus  que  de  simples  martyrs  :  en  eux  il 
voyait  ses  chefs;  leur  gloire  était  plus  spécialement  la  sienne.  Lisons  les 
titres  magnifiques  dont  les  comblent  les  saints  Pères,  et  nous  comprendrons 
mieux  la  signification  de  ces  images  des  deux  apôtres  réunis  que  prodigua 
l'art  chrétien  primitif. 


APERÇU  ICONOGRAPHIQUE  SUR  SAINT  PIERRE  ET  SAINT  PAUL.      95 

C'étaient  les  chefs,  disons  mieux,  les  généraux  de  l'armée  du  Seigneur*  ; 
les  fondateurs  de  la  cité  nouvelle^  ;  deux  citadelles,  deux  tours  armées  pour 
sa  défense';  les  deux  colonnes  de  l'édifice  sacré;  deux  étoiles,  deux  flambeauv 
pour  l'éclairer*;  deux  oliviers  choisis  croissant  devant  le  Seigneur*,  pour 
alimenter  la  lampe  du  sanctuaire;  mieux  encore  les  princes  des  prêtres  et  les 
docteurs  des  nations;  les  auteurs  des  martyrs'';  les  l'ères  de  toutes  les  Kglises; 
les  deux  chérubins  de  l'arche  de  la  nouvelle  alliance. 

Ces  héros  d'une  poésie  nouvelle,  plus  chaste  et  plus  vraie,  venaient  rem- 
placer les  demi-dieux  de  la  fable  et,  nobles  «  gémeaux  »  enfantés  le  même  jour 
à  la  vie  éternelle^,  ils  devaient  à  jamais  briller  dans  un  ciel  toujours  pur. 

En  voyant  si  souvent  les  deux  apôtres  représentés  jeunes  et  imberbes,  ou 
même  avec  la  barbe  de  l'âge  mCir  ou  de  la  vieillesse,  conserver  une  non  moindre 
similitude  de  traits,  nous  n'avons  pu  nous  défendre  de  songer  à  celte  allusion 
naturelle  dans  un  temps  où  les  chrétiens  ne  craignaient  pas,  en  leur  donnant 
un  sens  pur  et  plus  élevé,  d'emprunter  quelques  figures  au  paganisme  mourant. 

Position  hespective.  —  Confondus  dans  un  même  culte,  en  quelque  sorte 
dans  une  même  pensée,  .saint  Pierre  et  saint  Paul,  à  plus  d'un  litre,  peuvent 
ôtre  considérés  comme  ne  faisant  qu'un;  saint  Augustin  l'a  dit  :  «  duo  unum 
oraiil  '*.  >i  Pour  oxpiiincr  Iimii-  parfaite  association .  d'autres  Pères  les  ont 
comparés  à  deux  bœufs  attachés  au  même  joug  et  aux  deux  yeux  d'une  seule 
tête.  De  lîi,  en  partie  sans  aucun  doute,  mais  .selon  nous  en  partie  seule- 
ment, la  confusion  sur  leur  position  respective  <i  la  droite  ou  à  la  gauche  (|ui 
a  tant  exercé  la  sagacité  des  archéologues. 

Sur  les  fonds  de  verre  h.  figures  dorées,  monuments  ([ui.  dans  leur  ensemble, 
peuvent  être  con.sidérés  comme  les  plus  anciens  parmi  ceux  qui  nous  offrent 
les  deux  apôtres  réunis,  l'ordre  hiérarchitiuc  tel  (|iii'  nous  le  comprenons  a 
été  si  généralement  observé  que,  sur  une  soixantaine  d'exemples  de  saint 
Pierre  placé  à  la  droite,  à  peine  |)arnii  ces  monimienls  en  trouverait-on  doux 
ou  trois  (lu  conlraiic.   Mais  il  n'en  est   |)lus  do  môme  dans  les  monumeuU* 

1.  Saint  Ji':n(\Mi':. 

i.  Il  Miiiiiiiiii>-i  pDnliliciili's  «. 

;j.  Saint  KonTiNAT. 

4.  a  Momorio  i.storiclui  dollo  siinrto  losto  di  .«tinti  iipostoli  >,  (Uincollori,  in-i*,  p.  49.  Voir 
Iiiii,Mi('s  (II'  Siiiiil-Viflor,  siiiiit  Jran  Ciirjsoslomo,  olc. 

5.  Saint  Amimidisk. 

G.  I'aiimti:,  iliins  Martine 

7.  1  Naliiliii  ».  (','('•{, lit,  on  lo  siiil,  l(<  nom  iloniio  nii\  finies  di's  in.irljrs  a^U'hrvvs  urdinairpiupnl 
II'  jour  aniiivorsiiiri'  ilo  Inir  inorl. 
H.  Saint  AttiisTiN,  a  .Scrin.  ••,  295. 


!)6  ANNALES  AnCHf:OLOGI0UES. 

subsôqucnls  :  ii  p.niir  du  v"  siècle,  saint  Pierre  est  plus  communc^mcnt  passé 
h  la  gauche,  cl  saint  l'.nil  I  .i  remplacé  h  la  droite;  pendant  tout  le  moyen 
ilge  cet  (irdic  se  inainlirit  et  la  disposilimi  piiinitivc  ne  s'y  rencontre  qu'à 
titre  d'exception.  Les  exceptions  deviennent  plus  fréquentes  aux  approches 
do  la  renaissance  :  les  monnaies  pontificales  de  la  fin  du  xv'  et  du  commoncp- 
menl  du  xvi'  nous  attestent  qu'il  régnait  alors  une  grande  incertitude  sur  la 
position  à  donner  à  chacun  des  deux  apôtres,  combattu  que  l'on  était  entre 
la  pensée  si  naturelle  de  mettre  h  droite  celui  qui  fut  toujours  incontestable- 
ment considéré  comme  le  pirmici-  |)ar  rnix  mêmes  qui  refusent  de  le  recon- 
naître pour  le  chef,  et  un  reste  d'habitude  de  le  voir  à  gauche.  Enfin,  il  fallut 
que  l'induoncc  traditionnelle  achevât  de  se  perdre  dans  l'art,  pour  que  saint 
l'icirc  reprît  la  place  que,  dans  nos  idées  modernes,  nous  nous  étonnons  qu'il 
ail  jamais  pu  céder  k  un  autre,  et  toutefois  encore  l'ancien  usage  s'est 
conservé  sur  les  sceaux  de  plomb  des  bulles  pontificales. 


Sl'LLF.    DD    PAPF.    RONOBICS    III. 


SAINT     PIRRKE     A     T.  AUCHR,     SAINT     PAUL     A     DROITE. 


Le  temps,  les  lieux,  les  hommes,  sur  qui  en  pèserait  la  responsabilité, 
excluent  de  l'introduction  comme  de  la  propagation  de  cet  usage  tout  ce  qui 
serait  de  nature  à  préjudicier  le  moins  du  monde  au  dogme  catholique  de  la 
primauté  de  saint  Pierre;  mais  il  a  donné  lieu  de  penser  qu'cà  certains  égards, 
purement  personnels,  on  avait  voulu  mettre  en  relief  les  mérites  surémi- 
nenfs  de  l'apôtre  des  Gentils,  et  qu'on  s'était  cru  d'autant  plus  autorisé 
cl  le  faire,  en  Iai,s.sant  d'une  certaine  manière  saint  Pierre  au  second  rang, 
que  la  supériorité  de  celui-ci,  comme  seul  vicaire  de  Jésu.s-Christ.  demeurait 
mieux  d'ailleurs  à  l'abri  de  toute  contestation. 

Nous  insisterons,  quant  à  nous,  sur  la  distinction  à  faire  entre  les  raisons 
et  les  circonstances  premières  qui  ont  motivé,  dans  la  position  des  deux 
apôtres,  l'interversion  de  l'ordre  naturel,  et  les  raisons  qui,  données  dans  la 


APERÇi:  ICONOGRAPHIQUE  SUR  SAINT  PIERRE  ET  SAINT  PAUL.     97 

suite  des  temps  pour  l'expliquer,  ont.paru  assez  satisfaisantes  pour  consolider 
cl  généraliser  une  pratique  déjà  en  vigueur. 

Morii-s  nie  rmîsih.NCK  l'Otn  saint  Pail.  —  Nous  ne  mettons  pas  en 
doute  qu'en  attribuant  la  droite  à  saint  Paul  on  ait  eu  fréquemment  en  vue 
la  préférence  sur  les  Juifs  accordée  aux  Gentils,  dont  il  était  plus  spécialement 
l'apôtre.  Il  avait  été  appelé  h  l'apostolat  quand  Jésus-Christ  était  déjà  dans 
la  gloire,  tandis  que  la  vocation  des  autres  apôtres  avait  été  faite  par  le 
Sauveur  encore  volontairement  assujetti  aux  misères  de  l'humanité  :  autre 
motif  siilTisanl  aux  yeux  de  saint  Thomas  d'Aquin  pour  légitimer  la  distinction 
dont  saint  Paul  était  l'objet,  et  trop  dans  l'esprit  du  temps  pour  faire  consi- 
dérer le  motif  comme  exclusivement  propre  à  l'ange  de  l'Kcole;  d'autres, 
préférant  une  explication  moins  mystique,  s'en  sont  tenus  au  nombre,  aux 
fatigues,  aux  succès  supérieurs  des  prédications  du  grand  apôtre. 

Toutes  ces  raisons  se  résument  dans  l'observation  faite,  dès  le  xi'  siècle, 
par  saint  Pierre  Damien  et  généralement  adoptée  dans  les  siècles  suivants; 
nous  allons  en  donner  la  preuve.  On  s'est  plu  à  voir  en  saint  Paul,  le  dernier 
venu  dans  le  collège  apostolifpie,  l'objet  des  préférences  du  Seigneur,  de 
même  (|iic  Benjainin.  (iunt  il  l'iail  \c  plus  illustre  rejeton,  avait  été  de  la 
pari  (IcJacoi)  l'ohiil  (riiin'  |)r(''dilection  particulière;  et  la  signifiation  du  nom 
(le  Benjamin,  "  fils  do  la  droite  »,  relevée  par  le  savant  évèciue  d'Oslie,  eut 
certainement  sa  part  d'innucncc  sur  le  fait  iconographique  qui  nous  occupe. 

[.e  rili([uaire  en  forme  de  buste,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  où  Urbain  V 
on  i'.Vli)  renferma  la  tète  de  saint  Paul,  placé  à  la  droite  du  buste  analogue 
cniili  iMiii  la  tète  de  saint  Pierre,  |)orlail  ce  distique  gravé  dans  un  médaillon 
suspendu  sur  sa  poitrine  : 

CKDiT  Ai'OSTOi.icis  PRixcers  Tint,  pmi.k;  voc\ni'i 

\V«    litVTIlt.   >ATIH,    VAS,    TIIU    CI.Ml  \    l>l  O    '. 

Ln  coup  d'il  il  Mir  nos  lîibles  mmalisées,  traductions  ou  imitations  plus  ou 
moins  libres  de  la  «  Scolastica  llistoria  »  écrite  au  xn'  siècle  par  Pierre 
Comeslor,  fera  cesser  toute  hésitalion,  s'il  est  possible  il'en  avoir  encore. 

Dans  la  Bible  de  la  reine  Jeainie  d'Kvreux  (bibl.  Imp.  suppl.  fr.  (i.Vi,  H), 
on  lit.  lui.  :V,S  :  <  Itiilirii  (|tii  aniniriic  Itenjamin  scn'elie  li  angle  Dcu  qui 
cmmenen  sainl  Pou.  \.r  (|iir|  Hiiben  oiTre  Benjamin  devant  Joseph,  senelio 
ce  (|U(î  li  angle  oITrirent  saint  Pou  devant  Jhu  C.rist  et  Jhu  Crisl  le  reçoit  ». 
La  miniatinc  voisine  nous  montre  en  elTcl  saint  Paul  présenté  par  im  aiige  à 
Jésus-Cllirisl  ;  et  toute  l'histoire  de  Benjamin  lui  est  ainsi  appliquée. 

I.   IV.VuiM.oi  HT,  I.  III,  |il.  wwii. 

\MV.  13 


98  ANNALi;S  AIICIIIÎOLOCJKM  KS. 

Au  verso  (1(1  loi.  :M\,  sur  co  (cxlc  :  »  Ce  (|u«;  Josc-pli  reprit  ses  rrères 
scgiicfic  Jliii  (;ii>l  (|iii  iv|iiii  SCS  ;ip(Mros.  Ce  que  il  assisl  Benjauiin  plus  près 
(II'  loi.  scgncfie  (\nc  ,lhii  assist  saiul,  l'ol  '  jihis  près  de  lui  (|uc  les  autres,  cl 
lui  donna  lant  d»;  ci(ince  que  nul  des  autres  ».  La  niiin'ature  représente  une 
sall(^  (le  I);uKiiiet  riclieniciil  orni:o  et  divis(;c  en  trois  Iravr^es,  couronn<''es 
cliacuiii'  d  lin  arc  (riloh(j.  Noire  Seigneur  en  occupe  le  centre,  les  douze  api'itrcs 
sont  assis  de  chaquo  cùié,  six  par  six,  à  deux  labiés,  saint  Paul  le  premier  à 
drfiilc,  sailli   l'irnc  1,.  pi-rMuier  à  ganciie. 

La  BiUli'  (il' .li'aniKj  d'Kvri'iiN  m;  (Ioiiik;  (|irini  al)n',i,^i'  du  Icxie  :  ce  texte  est 
cxp(js(3  avec  loul  son  développcinunl  dans  le  niagiiilicjiie  manuscrit  (l)ii)I.  Imp. 
Ir.  ]GG-0(S!2îJ,)  avec  des  miniatiu'cs  hcaiicou|)  plus  niullipli(:'es,  oii  toujours, 
en  regard  des  prcjfôrenccs  de  Joseph  pour  Uenjainin,  l'on  voit  celles  dont  saint 
l'aiil  lut  l'objet  de  la  part  de  Dieu.  La  coupe  de  Josepli  est-elle  mise  dans  le 
sac  de  Benjamin  (fol.  Jô)  :  »  Ceci  segncfic,  dit  aussit(jt  le  commentaire,  que 
l'évangile  csl  mis  au  ciier  saint  l'ol  par  esp(5cial  »;  et  l'on  voit  saint  Paul, 
recomiaissable  à  son  Iront  chauve  cl  à  sa  longue  barbe  devenue  blanche-, 
lisant  avec  une  S(''réiiilé  admirable  dans  le  saint  livre,  tandis  que  le  .Saint- 
Lsprit,  suspendu  à  son  oreille  sous  la  figure  d'une  l)lanche  colombe,  lui  en 
ouvi-o  cl  lui  en  l'ait  savourer  le  sens  :  c'est  une  scène  intime  d'une  suavité 
d(;licieuse. 

Jose|)li  se  fait-il  ivcunnaîliv^  par  ses  frères,  aussitôt  on  écrit  en  regard  : 
«  Ceci  scgnofie  ([ue  Jiui  Crist  disl  à  ses  disciples  :  je  sui  voire  frère  et  pasteur 
qui  ai  mis  ma  vie  pour  vous  »;  et  l'on  voit  Jésus-Christ  jiai-lanl  .à  ses  disciples, 
saini  Paul  en  avant,  saint  Pierre  ne  venant  qu'après, 

Pi;iMM  ni  ni:  smm  Pikuiu:.  —  Ifàtons-nous  de  le  dire  cependant  :  si  saint 
Paul  onlre  les  apùlres  est  le  Benjamin,  saint  Pierre  est  le  Joseph.  Joseph  ordi- 
nairement est  considénj  comme  liguraiit  Jésus-Christ  lui-même.  Mais  ce  qui 
constitue  précisément  la  supériorité  de  saint  Pierre,  c'est  qu'en  l'absence 
visible  du  divin  maîlre  il  a  seul  le  droit  de  tenir  sa  place  et  de  le  représenter. 
Dans  la  n  Bible  historialc  »,  Joseph,  présentant  son  père  à  Pharaon  (fol.  IG), 
«  signehe  saiiil  Pierre  (|iii  présente  à  Dieu  l'empereur  Constantin,  car  il  le  fist 
croire  en  Jliu  Crist  p.  s.  amounestemenl  qui  li  doua  en  vision  ».  La  miniatm'e 
représente  l' l'église  sous  la  forme  d'un  petit  édifice  dans  lequel  sont  exposés 
sm-  un  autel  le  pain  et  le  vin  consacrés;  Dieu  est  au  dessus  dans  le  ciel; 

I.  Saint  l'.iul.  dans  co  inaniijcril,  est  appi>lc  laiilùl  saint  Pol,  latilôt  saint  Pou,  comme  le  nom 
lie  Dii'ii  s'i'crit  Dex  cl  Don,  exoniples  des  deux  cas  encore. conservés  dans  la  langue  française,  le 
noiniiKitil'  cl  le  cas  dérive'. 

i.  Dans  [unies  ces  iiiinialurcs,  saint  Paul  est  ainsi  \ieilli  mal  à  propos. 


APFIRÇL"  ICO.NOGRAPIIIOUE  SlIK  SAINT  PIERRE  ET  SAINT  PAUL.      99 

saint    Pierre    debout  et  Conslantiii   agenouillé   sont  en  avant  de  l'Église. 

Bientôt  après,  dans  ce  langage  symbolique  qu'il  ne  faut  pas  s'attendre  à 
trouver  toujours  également  serré  et  soutenu  dans  le  parallélisme  des  mêmes 
personnages,  saint  Pierre  est  (juelque  chose  de  plus  que  l'un  des  douze 
frères  :  il  représente  Jacob,  leur  père,  lorsque  Joseph  l'établit  dans  la  terre 
de  Gesscn,  sous  ce  lexle  :  «  Ici  signefie  Joseph  Jhu  Crist  qui  donna  à  saint 
l'ici  le  et  cl  ses  vicaires  autres  son  liglise  et  la  cure  des  âmes  pour  les  âmes 
Moiiri'ir  (page  12)  ». 

Dans  la  Bible  de  Jeanne  d'Kvreux  on  lit,  à  côté  des  diverses  miniatures  qui 
représentent  des  sujets  analogues,  ces  mois  :  "  Ce  que  Joseph  reçoit  son  père 
scncfie  Jhu  Crist  qui  reçoit  monsignor  saint  Père  (fol.  38);  ce  que  Joseph 
moslre  à  Pharaon  Jacob  senefie  Jhu  Crist  (|ui  demostre  saint  Père  à  Constan- 
tin (fol.  .39)  ».  Plus  loin  saint  Pierre  est  figuré  par  Moïse  :  Uieu,  en  même 
lenips  (pi'il  remet  au  pro|)liè(e  la  table  de  la  loi,  du  haut  du  ciel  également 
remet  une  clef  li  saint  Pierre. 

Noire  incursion  sur  le  terrain  du  moyen  âge  serait  prématurée  si  elle  n'avait 
|)our  but  de  inontier  dans  quel  sens  on  a  pu  considérer  l'attribution  de  la 
droite  k  saint  Paul  coiiinic  une  sorte  de  préférence  personnelle,  et  si  nous  ne 
devions  en  tirer  celte  induction  que,  môme  dans  ce  sens  restreint,  une  sem- 
l)lal)le  manière  de  com|)r(:Mi(lre  les  choses  appartient  beaucoup  plus  au  large 
éj)anouisscmcnt  de  l'imaginalion  chrétienne  à  colle  époque,  qu'aux  formes 
fi.ves  et  précises  du  langage  symboli(|ue  dans  l'Kglise  prinniive. 

Nous  remontons  maintenant  à  des  monuments  plus  anciens,  pour  constater 
(|irà  part  la  signification  encore  douteuse  de  la  position  respective  des  apôtres 
à  la  droite  et  à  la  gauche,  il  n'est  rien  de  mieux  établi  que  la  haute  préémi- 
nence accoidée  de  tout  ti^mps  dans  l'art  chrétien  à  saint  Pierre.  Si  (luehiirmi 
des  a|)ôtres  doit  prendre  place  au  milieu,  c'est  lui  qui  s'y  met  ;  si  l'un  d'eux 
doit  s'asseoir  sur  un  siège  plus  élevé,  c'est  lui  qu'on  y  voit  ;  les  deux  princes 
(les  apôtres  sont-ils  rangés  d'un  môme  côté,  il  marche  en  lèlo;  est-il  (|uel- 
(|h'iiii  {|iii  ;iil  un  signe  exceptionnel  de  ilignité,  c'est  lui  (|ui  le  porte,  et. 
(|iiauil  on  les  nounne.  son  nom  est  toujours  prononcé  le  premier,  on  dit  tou- 
jours :  11  saint  Pierre  et  saint  Paul  ». 

Un  des  tonds  de  verre  publiés  par  le  P.  (i.irucci'.  où  Ion  voit  les  dour.e 
apôtres  rangés  en  cercle  autour  du  C.lnisl.  ([ui  occuj)o  seul  un  méilaillon 
ccniral.  nous  montre  saint  l'ierre,  seul  aussi,  désigné  par  son  nom  parmi  les 
apôtres,  et  placé  au  |)oinl  culminant  de  ce  petit  monument,  au  dessus  même 
de  la  tète  de  son  divin  maître. 

I     «  Vriri  ui'iiiili  ■  ,  |il.  \i\. 


KK)  ANNAI.r.S  AIICIIÉOLOGKJUKS, 

Sur  Mil  l>r.iii  liiplyqiii-  iii  ivoiro  qiio  nous  avons  vu  au  imiisi'i-  du  Vatican, 
coiuirn'  sur  un  ,iiilir  Iml  .uialof^ue  |)ul)li<!;  par  Mama<;lii  *,  il  est  \>\na:  au  des- 
sous, mais  rgalciiKMit  au  iiiilii;u,  avoc,  saint  Jean  riwaii;;;<'lislc  à  sa  «Iroile  et 
saint  Paul  à  sa  f^auchc  :  la  sainte  Vierj^c  et  saint  Jean-Baptiste  occu|/ent  les 
places  coiTospondanles  aux  cotés  du  Christ,  dans  la  région  supérieure. 

I.a  croix  iMnailléc  du  Vatican  nous  a  oll'ert  aussi  l'iina^i;  de  saint  Pierre  à 
son  souiinel  au  dessus  du  C.Jirisl.  tandis  (pic  saint  Paul  n'en  occupe  que  la 
partie  inférieure.  Ce  monument  et  plusieurs  autres  nous  ont  déjà  donné  l'occa- 
sion de  sii^nalcr  les  nombreuses  distinctions  dont  l'art  chrétien  s'est  plu  à  com- 
bler le  chef  de  i'I'^ylisc,  soit  en  le  représentant  iuiberlie  cxceplioiniellemeul  ; 
soit  en  lui  allribuaiit  la  tonsure,  la  tiare,  le  palliinn  ;  soit  eu  lui  taisant  porter 
la  ci'oix  et  les  clefs  bien  des  siècles  avant  (pi'aucini  milre  des  apôtres  nait  (''té 
<;-|'aliru''  d'allribnl  spi''(:ial. 

Dans  les  mosaïques  du  xiii"  siècle  des  absides  de  Sainl-Jean-de-Lalran  et  de 
Sainle-lNlarie-Majeure.  saint  Pierre  est  placé  le  premier  k  droite.  Dans  un 
tableau  de  Deodalo  Orlaiidi.  peintre  luc([uois  du  xiv'' siècle,  il  est  le  premier 
à  gauche  el  saini  Paul  ne  \iciil  ([iiapivs  lui  du  même  côté-. 

\ii  iniisi'i'  chn'lien  du  N'atican  se  voit  le  panneau  peint  du  \iv'  siècle  dont 
nous  duniKiiis  la  i;i'avurc  et  (|ui  représente  l'exaltation  de  saint  Pierre.  Le 
saint  apùlre  est  assis  sur  un  trône.  Aux  extrémités  latérales  du  tableau,  quatre 
trompettes  portent  chacune  suspendue  sa  bannière  chargée  de  deux  clefs  en 
sautoir;  des  musiciens  en  sonnent  pour  appeler  la  foule  des  fidèles  qui  se 
pressent  auluur  de  saint  Pierre  et  lui  rendi-nl  hommage. 

Au  milieu  de  celle  foule  on  reconnaît  sainI  Pan!  Ini-iriéme  :  son  nimbe,  son 
type  11!  désigneraient  à  ne  pas  s'y  tromper,  quand  même  on  n'aurait  pas  à 
côté,  comme  moyen  de  confrontation,  un  autre  panneau  détaché  du  même 
ensemble  de  peinlures.  oii  saint  Pierre  et  saint  Paul  sont  représentés  ressusci- 
tant un  jeune  homme  devant  Néron  pour  confondre  Simon  le  Magicien. 

Il  serait  possible  de  inulli|)licr  ces  exemples-''.  Kn  leur  présence,  il  imus 
parail  de  Inule  |)nil)aliilité  (ine  rallribution  de  la  droite  à  saint  Paul  a  eu 
primitixcment  une  toute  autre  raison  que  la  pensée  de  lui  accorder  aucun 
genre  de  pn'fêreuce. 

I.  Mamacim,  (lOrig.  i"l  ant.  ciirist.  »,  t.  v,  p.  491;  Gori,  «  Tlies.  vet.  di(>ly.  .•,  t.  m,  (il.  xxi 
et  wvi. 

i.  HosiM,  «  Sioriadolla  PiUura  italiana  »,  pl.  ix,  1. 1. 

3.  Voir  ilans  d'AciNcouRT,  t.  v,  pl.  xcvii,  un  tableau  où  saint  Pierre  est  assis  sur  un  trône  ; 
pl.  (  ni,  iiîu'  minialurc  du  Nouveau  Teslamcnt  de  la  l)ibliolht'quc  du  Vatican,  n"  39,  où  saint 
l'ionc,  au  iiMiatlo.  o>t  au  milieu;  la  sainte  Vicrije  au-dessus  de  lui. 


APERÇU  ICONOGRAPHIQUE  SUR  SAINT  PIERRE  ET  SAINT  PAUL.    101 

PouRQLoi  s\iM  l'ii  r.iii;  \  oviciii:.  —  Saint  Pierre  serait-il  donc  à  gauche, 
comme  on  a  essaye  de  le  dire,  parce  que  la  droite  et  la  gauche  n'ont  pas  tou- 
jours eu  la  signification  que  nous  leur  accordons,  et  ([ue  la  gauche,  chez  les 
Grecs  notamment,  aurait  été  pendant  un  certain  temps  considérée  comme  une 
place  d'iioinieur?  On  rencontre  en  eiïet  un  assez  grand  nombre  de  monu- 
ments, entre  lesquels  les  deux  triptyques  en  ivoire  que  nous  avons  cités  il  y 
a  un  instant,  et  plusieurs  autres  d'origine  russe,  gravés  dans  les  propylées  de 
mai  des  bollandistes,  où  la  sainte  Vierge  est  placée  à  la  gauche  de  son  divin 
fils,  saint  .Toan-Raplisie  étant  à  la  droite.  Dans  la  mosaK|ue  de  l'église  de 
Saint-Marc  à  liome,  œuvre  du  vm"  siècle,  le  pape  saint  Marc,  principal  patron 
de  l'église,  est  également  à  gauche  du  Sauveur,  laissant  la  droite  à  saint  Féli- 
cien. Dans  celle  de  Sainte-Marie-in-Transtevere,  qui  est  du  xii"  siècle,  saint 
l'ierre  cède  la  droite  non  plus  h  saint  Paul,  mais  'i  saint  Calixte.  Dans  le 
tableau  de  Dcodalo  Orlandi,  dont  nous  avons  parlé,  il  la  cède  à  saint  Jacques  '. 
V.n  considérant  les  innombi'ables  monuments  de  toutes  les  époques  où,  sinon 
toujours  le  |)lus  élevé  en  dignité,  au  moins  celui  que  l'on  veut  momentanément 
le  plus  honorer,  est  placé  k  la  droite,  ces  exemples  du  contraire  ne  peuvent 
être  comptés  qu'à  titre  exceptionnel.  Nous  disons  exceptionnel  et  non  pas  erroné, 
Moii  pas  lorlin'l  :  nous  y  croyons  apercevoir  en  elTet  l'indice  d'inie  rais(m  incon- 
nue, tendant  à  relever  la  gauche  de  l'idée  d'infériorité  qui  s'y  attache  presque 
généralement.  Loin  de  croire  trouver  dans  ces  exemples  la  solution  de  notre 
problème,  nous  serions  porté  à  juger  pluttM  f|ue  la  gauche  a  été  relevée  par 
le  tait  ménii;  d'avoir  été  occupée  par  saint  Pierre.  Voyons  donc  quels  autres 
motifs  on  anrail  pu  avoir  de  \'y  placer  sans  cesser  d'avoir  l'intention  de  le 
niaiiihiiir  an  premier  rang. 

La  (lioile  cl  la  gauche  peuvent  s'apprécier  par  rapport  au  spectateur;  n'est- 
ce  pas  ainsi  tout  simi)lement  (|u'oii  l'a  entendu'.'  lit  là  oii  nous  nous  ('•lomions 
de  voir  saint  Pierre  à  la  gauche,  dans  l'idée  des  artistes  qui  l'ont  représenté, 
n'cst-il  pas  réellement  à  la  droite  ? 

1.  Nous  lin  U'non»  pas  conipln  d'iinn  pliiqiio  en  ivoirn  piiblii^  pnr  Fu^'^ini,  ■  do  R.  Prlri  ili- 
iioro  »,  p.  171,  foinitm  oITriiiit  inatiùru  à  soinl)l.il)li<  olisorviilioii,  cl  «pio  ikhis  nvoii*  itii  rivon- 
iiiiltro  iiii  tiiiist'n  (lu  l.ouvri',  où  ollo  iiuniit  du  tr.itisporlt'o  ilu  iiiu<<^(<  Itit-iirtii,  ili*  Klurpiu'o,  |miv«> 
<pin  oullu  pliupio  ii'islnil  |)iis,  nous  lu  (HMisons,  origliiiiirouuMU  dcsiinùo  ii  d(>ini<un>r  i«uli>o  coinmo 

nous  lu  voyons  miJDuni'liui.  S;iint  l'iurru  y  parait  à  la  piurlin  do   s.iinl  Andrù;  ntni^    '    ' ' 

^Iro  il  la  droito  d'un  porsonna;;i>  cuntr.d,  du  Clirisl,  s«lon  loiilo  apimri'niv,  li|;un^  >> 
Ccllo  pl,ii|iio  ivst  r(>|iro(liiili<  |i,ir  liori,  pi.  xxviii,  on  ruj;ard  d'uncaiiIrtMpio  luu(  aniion 

di'Uii'lit'o  du  iiiùnio  oiis<Mid)lo  ol  (|Uo  (ioii  axait  n<ni'onirt'U  à  Padouc;  saint  Paul  !•')'  ii,. ... 

giiurlio  do  sjiint  Jran  l'évanK^^listo,  co  qui  no  luiSiSO  |>iiS(|uo  do  donnor  lieu,  nous  ou  cunvciioiui,  il 
des  dinU'ullos  sur  notre  L'onjocliiro. 


102  ANNALKS  AUCII  K(}I,OniOl!ES. 

(jii.ind  lin  |iiis()iiii;if;o  esl  notiihlciiiciit  suix'-riuiii- ii  un  aiiln;  et  (|ii'il  le  vont 
honorer,  il  lo  met  à  sa  droite  et  se  trouve  par  là  riK^mc  h  la  gauche  de  celui-ci, 
sans  tMre  réputé  placé  au  dessous  de  lui.  N'en  esl -il  pas  de  niùnic  des  figures 
do  saint  Pierre  iclalivenient  h  celles  de  saint  l'aul?  Il  est  en  cITet  (|ur'lqiies 
monuments  qui,  pris  en  particulier,  permettraient  d'admettre  comme  satis- 
faisante i'imo  ou  l'autre  de  ces  explications  ;  mais  prenons  garde  qu'elles  no 
sauraient  ni  riiiH'  ni  l'antre  lépondre  à  la  presf|uc  généralité  des  faits.  C'est 
pai-  lappiiii  à  Notrc-Seigncur  ou,  à  son  défaut,  à  un  signe  cpii  le  repré- 
sente, en  général  îiun  personnage  central  d'une  dignité  supérieure,  ou  jouant 
seulement  lo  principal  riMe  à  un  titre  qui'lconquc,  que  s'apprécient  la  droite  et 
la  gauche  dans  la  plupart  des  monuments  qui  l'ont  la  diiriculté  :  il  est  bien 
évident  qu'on  l'entendait  ainsi  quand,  dès  le  onzième  siècle,  on  clierciiail  les 
moyens  de  la  résoudre. 

Tout  considéré,  nous  nous  sommes  persuadé  qu'il  fallait  chercher  en  dehors 
de  toute  idée  de  préséance  les  véritables  motifs  qui  ont  primitivement  amené 
saint' Pierre  de  la  droite  h.  la  gauche.  Mamachi  le  pressentait  quand  il  faisait 
observer  (|ue,  de  deux  personnages,  lepi'emier  en  dignité,  quand  il  est  repré- 
soiilé  en  aciion.  pouvait  êhe  |iiacé  à  gauche  sans  aucune  idée  d'infériorité'.  En 
ciïct.  n  l'ordre  de  préséance  de  la  droite  à  la  gauche  se  comprend  de  person- 
nages rangés  sur  une  mémo  ligne  dans  une  altitude  d'ai)parat,  ou  formant  un 
conseil;  quand  ils  agissent,  leur  place  est  déterminée  par  leur  rôle,  et  c'est  par 
les  rôles  eux-mêmes  que  se  trouve  indiqué  le  rang  de  chacun  d'eux  -.  »  Tout 
en  appuyant  en  ces  termes,  il  y  a  plusieurs  années,  l'observation  de  Mamachi. 
l'auleur  do  cette  élude  s'était  cru  ol)ligé  d'en  constater  l'insufTisance.  La 
grande  masse  des  monuments  dont  il  s'agit  n'oiïre  aucune  trace  d'action,  et 
cette  observation  tombe  d'elle-même  si  on  veut  s'en  servir  pour  les  expliquer 
directement.  Pour  lui  rendre  son  importance,  il  faut  en  premier  lieu  la  pouvoir 
appliquer  à  des  monuments  où  il  y  ait  réellement  action  et  où  cette  action  de- 
mande saint  Pierre  à  la  gauche;  il  faut,  en  second  lieu,  qu'en  regard  de  ces 
nioiiuineiils  d'un  caractère  plus  ou  moins  drainati(]uo,  on  en  rencontre  d'autres 
où  la  pensée  (|ui  les  animait,  toujours  reconnaissable,  se  soit  immobilisée,  s'il 
nous  est  permis  de  parler  ainsi,  et  où  saint  Pierre  cessant  d'agir  conserve  la 
position  où  l'avait  appelé  la  nécessité  de  son  rôle:  or,  que  ces  deux  sortes  de 
monuments  existent  c'est  ce  que  nous  donnerons  i\  juger  à  nos  lecteurs. 

II.    GUIMOU.MU)   DE  SA  IXT-LAl  KliNT. 

1.  (1  Orij;.  et  ant.  clirist.  n,  t.  v,  p.  BI5. 

t.  «  Le  Clirist  Iriomplianl  et  le  don  de  Dieu  »,  1858,  p.  iO. 


IJ'IS   HAUMONISÏRS 

i)i:s  uoLziÈMi:  i:t  tukizœmi:  sikcles  ' 


Dupuis  qiicl(iiic.s  années,  il  s'est  produit  un  mouvement  considérable  dans 
les  études  liistoriciues  sur  la  musiqnr.  L'archéologie  musicale  a  Hxé  l'allcn- 
lion  des  érudils  et  des  corps  savaiils.  On  a  compris  t|ue  l'arl  des  sons,  par 
la  puissance  de  ses  effets,  mérite  dans  l'Iiisloire  générale  une  place  au  moins 
égaie  h  colle  qu'on  y  a  accordée  aux  arts  plasti{|ues. 

Bien  que  rarcliéologie  musicale  ne  soit  pas  une  science  nouvelle,  témoins 
les  travaux  sur  la  mnsi(|ue  grecque,  témoins  les  savants  ouvrages  sur  le  plain- 
cliaiit  cl  la  niiisi(iiio  du  moyen  âge,  publiés  depuis  le  xvT  siècle  jusqu'à  nos 
jours,  néanmoins,  on  peut  le  dire,  le  ilévcloppement  (|u'onl  pris  ces  études 
lui  a  donné  un  caractère  et  une  importance  ([u'elle  n'avait  pas  auparavant. 

l/arclié()l()gio  musicale  forme,  selon  nous,  deux  branches  dislincles  :  l'une 
n-lalive  au  plain-chant,  l'autre  à  la  nuisi(|ue  |)ri>prement  dite. 

l/idée  de  retrouver  le  chant  de  saint  Cirégoire  et  de  le  rétablir  sur  ses  bases 
priiiiiliscs  a  di)ini(i  lieu  à  des  recherches  sérieuses  et  profondes  qui  devaient 

I.  (.'iirlicli!  (jn'on  va  lirn  doil  servir  (l'iiitroijiicllon  ii  un  ouvrage  iinporUinl  que  |>ri'(Mn<  M.  ilo 
CuiissiMiiiiker,  l'I  qui  mira  pour  lilro  :  "  Musi<iuo  liurinoni(|uc  ol  iiuisuioiis  luiruionisirs  aux  mi* 
ol  xni"  sii^clos  ».  Co  livre,  basé  sur  des  monumonls  rccuvillis  clans  un  inanuscril  musicnl  ilc!i  plus 
pn'cit'ux,  qui"  possi'ilo  la  bihliolliùquo  ilo  la  l'acullc  ilo  nu'iliH'ino  di'  Miiiil|M'llior,  confn  'ni 

»>>{•/.  iiijiivoau  t>l  foil  l'onlroxorM",  il  saviiir  (pu»  la  iiiusiquo  harmonique  olail  l'onnui'  ■  ■■■»' 

ilans  nos  plus  grandes  églises,  conimo  h  In  calhédnilo  de  l'aris,  dus  le  xir  siivio.  Ainsi  l>po.|uo 
di<  renaissanre,  m'i  N'épanouit  l'urcliilei'luro  romane  el  où  naipiil  l'nri'hili-.  '  i  ■      <  .      ■[,, 

préciséiuenl  où  l'Iiarmunlo  uiiisicale  prit  dos  (lù\i'li)p|H<iuents  inouïs.  \\i  m  •* 

sont  coiiteinporains  cl  solidaires.  Co  rail,  qui  caniclénso  \o»  plus  liolli^  pOnoiles  do  1 1 
hiiin.iiiie,  nous  l'axons  suiiveiil  6nuncé,  nous  loinenierons  donr  vivement  nolrcmii  M.  di-  «  ••n-- 
semakor,  de  venir  le  eonlirmer  une  lois  do  plus  |>.ir  les  nionunient't  d  un  arl  qui  rivulivo  a\cc  li-t 
plus  grands,  {.Vu»«i  rf«  V.  Duinm., 


lO/i  ANNALKS  AliClll'iOI.OOIOlîES, 

riiciier  h  des  n;siillat.s,  .sinon  al)solus.  du  moins  salisfaisanls.  Malliourt-usc- 
mont,  l'osprit  do  syslùmc  s'est  emparé  de  la  question  et  l'a  di-lounn'c  de  la 
vriilahle  voir  (|ui  pouvait  l.i  conduire  à  la  solution  désirée.  Ce  mouvement 
iiKuinpiet,  CCS  études  inachevées  ont  fait  croire  Ji  (|ucl(|ucs  esprits ,super(iciels 
que  les  cHorts  Icnlés  s'exerçaient  sur  un  terrain  stérile,  que  l'art  musical 
n'avait  pas  de  principes  ilxes,  qu'il  nianciuait  de  bases  solides  pour  cuii::tiluer 
une  science.  C'est  Ici  une  grave  erreur. 

Lorsque  la  question  sera  replacée  sur  son  viMitablo  terrain,  qu'elle  aura 
repris  son  essor  réellement  scientifuiuc,  on  verra  qu'aujourd'hui,  comme  aux 
épocpies  les  plus  brillantes  du  chrislianisme.  le  plain-chant  est  digne  d'occu- 
per l'attention  des  hommes  sérieux;  que  la  soliilion  des  graves  questions  qui 
s'agitent  sur  celte  matière  intéresse  au  plus  haut  point  l'art  catholique. 

Mais,  comme  nous  venons  de  le  dire,  l'étude  historique  du  plain-clianf  n'est 
(lu'une  des  brandies  de  l'archéologie  musicale.  Il  en  est  une  autre  tout  à  fait 
(listincte.  la  branche  relative  à  la  inu>i(|iic  pi-oprement  dite.  Celle-ci  n'est  ni 
moins  intéressante,  ni  moins  impoi'laiite  que  l'autre  au  point  de  vue  de  l'art. 
Kn  elTet,  s'il  y  a  un  intérêt  immense  à  connaître  et  à  faire  revivre  dans  nos 
cathédrales  et  dans  nos  églises  paroissiales  les  chants  primitifs  de  saint  Gré- 
goire, une  im])orlaiicc  incontestable  se  rattache  aux  questions  d'origine,  de 
coustitulion  et  de  développement  de  la  musique  moderne,  et  notamment  de 
riiarmoiiii'.  (|iii  en  a  fait  à  la  t'ois  une  science  et  un  art.  C'est  de  cette  partie 
de  l'archéologie  que  nous  allons  parler. 

Si  ([uelques  questions  concernant  la  musique  des  Grecs  sont  restées  dans 
le  domaine  de  la  controverse,  c'est  qu'on  ne  possède  pas  de  monuments  qui 
(laleiil  de  l'époque  où  lai't  était  llorissant.  11  est  évident  que  si  des  ouvrages 
prati(iucs.  si  des  compositions  de  ces  temps  reculés  nous  étaient  parvenus,  on 
y  tr()u\t>rail  des  éléments  certains  d'appréciation,  et  l'on  ne  verrait  pas  se 
perpétuer  des  discussions  où  sont  soutenues  les  thèses  les  plus  opposées,  sans 
que  les  questions  traitées  puissent  recevoir  une  solution  décisive,  faute  de 
preuves  à  l'abri  de  toute  contestation. 

11  en  a  été  longtemps  de  même  à  l'égard  des  origines  de  la  musique 
modcnic  :  les  documents  et  les  inonumcnls.  bien  (]u'ils  existassent,  étaient 
enfouis  dans  la  poussière  des  bibliothèques.  Mais  les  choses  ont  changé.  Vers 
la  thi  du  siècle  dernier,  le  prince-abbé  Gerbert  a  publié  une  collection  d'écri- 
vains qui  a  ouvert  une  ère  nouvelle  à  l'iiistoire  de  l'art,  en  mettant  les  érudifs 
à  même  de  l'étudier  dans  ses  sources  originales  *.  11  faut  le  dire  néanmoins, 

1.  «  Scriptorcs  ecrlcsiiislici  (k-  nnisica  sacra  polissinuim  ». 


o 


LKS   HARMONISTES.  105 

oiilio  que  cette  collection  ne  renferme  qu'une  faible  partie  des  documents  rela- 
tifs h  l'art  de  cette  époque,  elle  laisse  subsister  une  lacune  très-importante.  Les 
«  monumenis  »,  c'est-à-dire  les  compositions  musicales,  n'y  ont  aucune  place; 
on  semblait  même  en  ignorer  l'existence.  C'est  à  peine  si  l'on  en  trouve  ((uel- 
ques  fragments  sans  valeur  dans  Ilawkins,  Burney,  Forkel  et  Kiesewelter, 
dont  les  investigations  ont  été  si  patientes  et  si  laborieuses. 

Co  ne  fut  ([u'eii  18*27  que  M.  Fétis  annonça  la  découverte  de  quelques  ron- 
deaux h  trois  parties  d'Adam  de  la  Ilale.  et  en  publia  un  avec  une  traduction 
en  notation  moderne,  mais  traduction  totalement  fautive.  puis(|ue  le  morceau 
est  reproduit  en  mesure  à  deux  temps,  tandis  qu'il  appartient  h  celle  îi  trois 
temps,  (k's  compositions  cl  quelques  autres,  trouvées  depuis,  dont  les  unes  sont 
incomplètes  et  les  autres  inexactement  transcrites,  sont  loin  d'être  suffisantes 
pour  donner  une  idée  véritable  de  la  musique  harmonique  aux  xir  et  \iii*  siècles. 
Une  nouvelle  découverte  est  venue  combler  cette  lacune.  Ln  manuscrit  de 
la  bibliullièqne  de  la  l'acultcMle  médecine  de  Montpellier.  reiilVrmant  une  col- 
lection do  .'i/iS  compositions  à  deux,  trois  et  quatre  parties,  et  toutes  inédiles, 
est  destiné  à  jeter  une  vive  lumière  sur  l'histoire  de  l'art  d'écrire  la  musique 
harmoni(iue  dans  les  premiers  temps  de  ses  développements. 

Ce  manuscrit  contient  en  effet  des  oîuvres  de  tous  les  genres  de  composi- 
tions en  usage  aii\  \ir  cl  Mil'  siècles,  et  connues  sous  les  noms  de  dédiant. 
triple,  quadruple,  orgatuim.  iiioiei.  rondeau,  ciniduit,  etc.  De  toutes  ces  com- 
positions, on  n'avait  que  des  idées  plus  ou  moins  vagues. 

On  y  trouve  en  outre  des  morceaux  entiers  en  contre-point  double,  des 
canons,  des  imitations,  (innl  jiis(|u'ici  les  historiens  de  la  musicpie  ne  faisaient 
|);is  reiiiiinler  l'exislence  plus  liant  ([ue  le  W  siècle. 

C'est  dans  l'examen  de  ces  compositions  ([iidn  peut  apiirécier  l'art  d'écrire 
l'Iiannonie  dans  ce  temps,  la  manière  d'agencer  les  parties  entre  elles,  leur 
mélodie,  leur  rliytliine,  etc. 

Ce  inainiscrit  de  Montpi'llier,  dont  on  ne  saurait  proclamer  assez  haut  l'ini- 
[iiiii.iiicr,  iioii-sciileiiH'iit  |iniir  i'airliéoliigie  musicale,  mais  aussi  pour  la  lilli^ 
rature  du  moyen  iige,  pui-M|M  il  leiit'erme  plus  de  SOO  pièces  de  poésies  lutines 
et  françaises  *,  offre  pourtant  une  lacimo  fort  regrettable.  Les  iMiïi  pièces 
(pi'il  couiprend  sont  toutes  anonymes;  aucime  ne  porte  le  moinch'e  indice 
d'auli'ur.  Iletu'euscnienl  certains  docmnents,  et  nutammenl  les  traités  de 
.lén'ime  de  Moravie,  de  Walter  Odinglon,  «le  Udberl  de  llandio,  de  John 
llaiihuys  et   de  divers  anonymes  de  Sainl-I)ié  et   du   llrilish   Muséum,   sont 

4,  Cotto  (linV'runri<  iliins  to  noiiiliro  tlos  pitVr!)  linrmonii|iiM  ol  rollp  itm  po<S>iMi  |>m\irnl  «Je  n< 
qu'il  i-luii'iinK  ilivH  piùccs  liiirinoiiiquos  rorrcHpoiuloiil  (l(\4  (i<x(cs  mulliplM. 

XXIV.  1  ■, 


10(1  ANNM-i:s  Alir.llfiOLOCIQlJKS. 

vriiiis  ;i  iiolro  sofoiiis  pour  (Jélcrinincr  les  aulcurs  d'un  certain  nombre  de  ces 

coniposilions. 

Lis  invosli;;alions  auxqnollcs  nous  nous  .suiniiics  livn':  nous  ont  mU  h  mCnic 
(li;  cDiislulor  que,  parmi  les  compositions,  toulcs  anonymes,  du  manuscril  de 
Monipcllicr,  il  en  est  (|iii  onl  pour  auteurs,  les  unes  des  trouvères,  d'autres 
des  déciianlcurs,  d'autres  encore  (|uel(|(ies-uns  des  plus  c<5lèbres  théoriciens 
(le  I  l'iKKiiie.  C'est  |;ï  un  l'iiil  liislori(|uo  d'imo  importance  capitale. 

On  admetlail  {généralement  que  les  trouvères  étaient  mélodistes,  c'esl-Ji- 
dirc  inventeurs  de  mélodies,  noiannncnl  de  celles  qui  accompagnent  leurs 
poésies;  mais  on  ne  les  considérait  pas  comme  harmonistes,  c'est-à-dire 
comme  auteurs  de  compositions  à  plusieurs  parties;  celte  qualité  leur  était 
même  refusée^.  Nous  établirons  ici  (|ne  les  trouvères  étaient  véritablement 
iianuonisles.  el  (|iie  quelques-uns  n'étaient  pas  inférieurs,  dans  l'art  d'écrire, 
aux  déchanteurs  et  aux  didacliciens  de  l'époque. 

On  doit  ranger  dans  la  catégorie  des  trouvères  harmonistes  :  Adam  de  la 
Ilalc',  Gillon  Ferrant,  Moniot  d'Arras,  Moniot  de  Paris,  Jean  de  la  Fontaine, 
le  prince  de  Moréc,  Thomas  Ilcrrier. 

On  peu!  y  ajouter,  quoique  avec  moins  de  certitude,  d'abord  :  Andrieu  de 
Douai,  Gillcbert  de  Bernevillc,  Jacques  de  Cambrai,  Jocelin  de  Bruges,  Jac- 
ques de  Cisoing,  Jean  Fréiniau  ;  puis  Audrefoi  le  Bâtard,  Bande  de  la  Kake- 
ric,  Blondcau  de  îSesles,  Colard  le  Boutellier,  Gautier  d'Argies,  Gautier  de 
Soignics,  Guillaume  le  Vinicr,  Jean  Bodcl,  Jean  de  Neuville,  Jean  Erard,  Jean 
le  Cunelier,  Martin  le  Béguin  et  Simon  d'Authie;  de  plus  quelques  anonymes 
dont  l'origine  ne  saurait  être  équivoque,  tous  trouvères  musiciens,  tous  anté- 
rieurs an  Mv"  siècle,  et  quelques-uns  même  au  xin'. 

Dans  la  deuxième  classe  des  musiciens  harmonistes,  nous  plaçons  les  dé- 
ciianlcurs. Ces  artistes  se  distinguent  des  trouvères  en  ce  qu'ils  ne  compo- 
saient pas  eux-mêmes  les  paroles  qu'ils  mettaient  en  musique,  et  en  ce  que 
leur  profession  principale  était  Fart  musical,  tandis  que  les  trouvères  étaient 
avant  loul  poêles.  Ils  se  distinguaient  des  didacliciens  en  ce  qu'ils  ne  semblent 
pas  avoir  écrit  sur  leur  art.  C'est  parmi  les  déchanteurs  que  se  recrutaient  les 
maîli'es  de  chai)elle  et  les  organistes.  Il  y  avail  des  déchanteurs  qui  remplis- 
saient à  la  fois  ces  deux  fonctions.  Les  historiens  de  la  musieiue,  tels  que 
Hawkins ,  Burney,  Forkel ,  l'abbé  Gerbert  et  autres ,  ne  disent  rien  de  ces 
artistes;  ils  ne  paraissent  pas  avoir  connu  leur  existence. 

1.  FiîTis,  «  Biograpliie  universelle  des  musiciens»,   I"  édition,  tome  I,  «Résumé  philo^o- 
pliiqui;  de  l'iiislcire  de  la  musique  ».  p.  ci.xxxix. 


LES  IIARMONISTKS.  107 

M.  l'étis  a  prononcé  lo  nom  de  décliantcurs ;  selon  lui,  le  talent  de  ces 
arlistes  auiait  consisté  à  liarmonisor,  c'est-à-dire  à  mettre  en  parties  harmo- 
niques les  mélodies  des  trouvères.  Mai»  il  no  cite  à  l'appui  de  celte  asser- 
tion aucune  preuve;  il  ne  produit  aucune  composition  de  ce  genre,  ni  aucun 
nom  d'auteur.  Les  déclianlem-s  étaient  mélodistes  et  harmonistes;  ils  ne 
subissaient  pas  le  rôle  secondaire  que  M.  l'étis  leur  assigne. 

Nous  allons  citer  une  série  de  décliantcurs  et  de  maîtres  de  chapelle  restés 
inconnus;  la  mention  seule  de  leurs  noms,  avec  les  fonctions  qu'ils  remplis- 
saient, est  de  nature  à  exciter  le  plus  vif  intérêt  historique.  Nous  devons  cepen- 
dant nous  borner  ici  à  citer  un  passage  d'un  manuscrit  anonyme  du  Brilish 
Muséum  dont  l'écriture  est  antérieure  au  xiv"  siècle  ^  Voici  ce  qu'on  y  lit  : 

<i  Iste  régule  uluntur  in  pluribus  libris  anlifjuorum,  et  hoc  a  parte  et  in  suo 
tempore  Perolini  magni;  sed  nesciebant  narrarc  ipsas  cum  ([uibusdam  aliis 
postposilis,  et  semper  a  tempore  Leonis  pro  parle,  quoniam  duo  ligate  tune 
lemporis  pro  brcvi  longa  ponebantur,  et  Ires  ligate  simili  modo  in  pluribus 
locis  pro  longa  brcvi,  longa,  etc. 

c.  \'à  nota  qiiod  magisler  Leoainus,  socundum  quod  dicebalur,  fuit  opli- 
mus  organisla  qui  fecit  magnum  libruin  organi  de  graduali  et  antiphonario  jiro 
servitio  divino  mulliplicando;  et  fuit  in  usu  usque  ad  tempus  Perolini  magni 
qin'  abrcviavit  eumdem,  et  fecit  ciausulas  sivc  puncla  plurima  meliora; 
quoniam  opiimus  discanlor  erat,  cl  meliur  quam  Lconinus  eral,  sed  hic  non 
dicendus  de  sublililato  organi,  etc. 

"  Ipso  vero  magister  l'erolinus  fecit  (luadaipla  optima  sicut  :  «  Viderunl'  », 
cun)  abundanlia  colorum  armonice  artis;  (in)  super  et  tripla  plurima  nobi- 
lissima  sicut  :  «  Alléluia  »;  »  Posui  adjutorium  »;  »  Nativitas*  ». 

(1  Fecit  etiam  triplices  conductus,  ut  :  «  Salvatoris  hodic  »;  et  duplices  con- 
ductus  sicut  :  «  Dimm  sigillum  sununi  Palris  »;  et  simplices  conductus  cuni 
pluribus  aliis  sicut  :  «  IJeata  \iscera  ».  "  Jusiicia  »,  etc. 

M  Liber  vel  libri  magisiri  l'erotini  erant  in  usu  usque  ad  tempus  magistri 
l\oberli  de  Sabilone,  et  in  coro  béate  Virginis  majoris  ccclesie  Pari.Mcnsis,  el  a 
>iiii  lriii|)iir<'  us(|ue  in  hodiernum  ilieni,  simili  modo,  etc.,  proul  Pclrus.  nolalur 
opiimus,  et  Joliannes,  dictus  primarius.  cum  ciuibusdam  aliis  in  niajori  parle 
usque  in  tempus  magistri  l'rancunis  primi.  el  alterius  magisiri  l'ranconis  do 

1.  Cl-  iiiriiiii\  iliMiMiMMi  iiMii^  ,1  ru-  Mjjti.Mi-  l'.ii  M.  \\  illitim  (;iiii|i|>i'll .  Il'  MVanI  milour  ilc 
(1  P()|iiiliir  Mii^ic  (if  tlic  nlilcii  liinn  •. 

i,  (l'osl  li<  (iii'iiiii'i'  mol  iriiiip  piiNio  miisiriili». 

:).  Os  iiidlH  coniiiii'm'cnl  (liM'rsos  piiTcs  dp  niiisiiMi.'  ux.iu.IIi'h  il,  .miiu  il'.i|i|M<II.ilu>n  i  il 
ili<  llli'p. 


108  ANNALES   AltCllÉOLOGIQUKS, 

(^olonia,  qui  inooporaiit  in  suis  libiis  alKcr  pro  parle  notarc;  qua  de  causa 
alias  régulas  propiias  suis  libiis  approprialas  Iradidcrunt  ». 

Un  peu  plus  loin  : 

(I  Abievialio  cial  fada  pcr  signa  inaterialia  a  Icmpore  Porolini  magni  et 
paruni  anle,  et  bi-evius  docebaiit,  cl  adliuc  brevius  niagislri  lloberli  de  Sabi- 
lone,  quamvis  speciosc  docebat;  scd  iiimis  deliciose  fccit  mclos  canendo 
apparcre. 

(1  Oua  de  causa  fuit  valdc  laudandus  Parisius,  sicul  fuit  magisler  l'elrus 
Trolliuu  Aurelianis  in  canlu  piano;  scd  de  considcrationc  tomporum  parum 
aul  niliil  seiei)al,  sicut  dicebatur;  scd  magisler  Uobertus  supradiclus  oplime 
ea  cogiioscebal  cl  ndeliler  doccbal  posl  ipsuui  ex  docuincnto  suo. 

«  Fuit  magisler  Pctrus  optimus  nutator  cl  nimis  fideliler  libres  suos  secun- 
(Idiii  ii-iiiii  et  consueludiiiem  magislri  sui  cl  nielius  notabal;  et  tempore  illo 
liiil  (|iii  vocabatur  Thomas  de  Sancfo-Juliano,  Parisius  antiquus,  scd  non 
notabat  ad  modum  illoruni.  sed  bonus  fuit  secunduni  antiquiores. 

i>  Quidam  vero  fuit  alius  Anglicus,  et  habebat  modum  Anglicanum  notandi 
cl  cliam  in  quadam  |)arle  docendo.  Posl  ipsos  et  Icmpore  suo  fuit  quidam 
Juliaiiiics  supradiclus,  et  conlinuavit  modo  omniinii  supradiclorum  usque  ad 
Icmpiis  FraiKonis  ciuii  ([iiil)us<iam  aliis  magistris  sicut  :  magisler  Tlieobaldus 
Ciiillicus  cl  magisler  Simon  de  Sacalia,  ciim  ([uodam  magislro  de  Burgundia. 
ac  eliaiu  ([uodam  l'ro!)o  de  Picardia,  cujus  iiomeii  crat  Johannes  le  Fau- 
coner. 

«  Boni  canlorcs  cranl  in  Anglia,  cl  valdc  deliciose  canebant,  sicuti  magis- 
l('i-  .li>li;uines  lilius  De!  ;  sicuti  Makeblile  apud  Wynceslriam,  cl  Blakesmil 
in  ciiria  duniini  régis  Henrici  ullinii. 

«  Fuil  quidam  alius  bonus  canlor  in  multiplici  gcncre  cantus  et  organi;  cum 
<iuibusdam  alias  faciemus  menlionem,  etc.  ». 

11  résulte  de  ces  textes  que,  dès  le  xu"  siècle,  on  exécutait  de  la  musique 
l'.ai  luonique  à  Notre-Dame  de  Paris,  et  que  celle-ci  était  employée  aussi  dans 
raccompagnemenl  du  ]ilaiii-clKuit  par  l'orgue.  Ce  qui  n'est  ni  moins  impor- 
laiil  ni  moins  curieux,  c'est  que  nous  avons  là  les  noms  d'un  certain  nombre 
de  maîtres  de  chapelle  de  cette  célèbre  cathédrale. 

Ainsi ,  on  y  voit  d'abord  un  nommé  Léon  ou  Léonin  ,  organiste  et  dé- 
chanteur;  il  était  auteur  dua  livre  d'orgue  pour  le  graduel  et  l'anti- 
phonaire. 

A  sa  morl.  il  fut  remplacé  par  Pérotin,  appelé  le  Grand  («  Perotinus 
magnus  »),  à  cause  de  l'excellence  de  ses  compositions  harmoniques  («  opti- 
mus discantor  et  melior  quam  Leoninus  »).  Jean  de  Garlande  («  quondam  in 


LES  HARMONISTES.  109 

sludio  Parisino  expertissimus  atque  probatissimus  »)  cite  Pérolin  comme 
auteur  de  quadruples  excellents*  («  quadrupla  oplima  »). 

A  Pérotin  succéda  Robert  de  Sabillon;  puis  Jean,  appelé  «  Primarius  ». 

Dans  le  manuscrit  qu'on  vient  de  citer,  il  est  dit  que  ces  maîtres  de  cha- 
pelle de  Nolre-IJanie  de  Paris  suivaient  la  mélliode  de  notation  dont  parle 
l'auteur  du  document,  et  cette  métiiodc,  ajoute-t-il,  fut  suivie  jusqu'au  temps 
de  «  Franco  primus  »,  et  d'un  autre  maître  appelé  Francon  de  Cologne,  qui 
donnèrent  d'autres  règles. 

A  ces  noms,  il  faut  ajouter  ceux  do  :  Thomas  de  Saint-Julien,  de  Paris; 
Pierre  Trotluiii,  également  de  Paris,  et  maître  de  plain-chant  à  Orléans; 
maître  Tliéobald  le  Gallois;  maître  Simon  de  «  Sacalia  n;  Jean  de  Bour- 
gogne; Jean  le  Fauconnier,  dit  «Probus»,  de  Picardie;  «  Admetus»,  d'Or- 
léans; Pierre  le  Viser. 

I.  \iiglcterre  possédait  aussi,  à  la  même  époque,  d'excellents  déclianteurs. 
au  iioiiihrc  desquels  se  faisaient  remarquer  un  maître  Jean;  Makeblitc,  deWin- 
clicster;  Blakesmit,  attaché  à  la  cour  du  roi  Henri  III,  et  un  autre  simple- 
ment appelé  «  Anglicus  »,  notant  sa  nmsi([ue  d'aprôs  la  méthode  alors  en 
usage  en  Angleterre. 

l'anni  les  artistes  anglais  de  cette  époque,  il  faut  ranger  encore  Robert 
r.ninh.iiii.  W  .  ilr  Diincaster,  Robert  Trowell,  et  surtout  le  moine  de  Reading, 
qui  écrivait,  avant  1"2'20,  le  canon  à  six  voix,  rapporté  par  Burney  et  Hawkins 
connue  inie  truvre  du  xv°  siècle. 

L'Italie  et  l'Kspagnp,  ainsi  que  nous  le  ferons  voir,  ont  eu  leur  part  dans 
celle;  oMivre  d'élaboration  et  de  dévcloppomciil  de  l'art  harmoniciue. 

On  l'aura  dijà  remaniui'',  la  plupart  des  artistes  qu'on  vient  de  citer  sont 
antérieurs  à  Francon  de  Cologne.  Notre  document  mentionne  deux  maîtres 
de-  ce  nom  :  l'un,  appelé  «  Francon  premier»;  l'autre,  i<  Francon  de  Co- 
logne ».  Tous  les  deux  sont  signalés  pour  Irurs  innovations  progressives  dans 
l'art  de  noter  la  musi(|ue  mesurée. 

Nous  ne  saurions  assez  le  répéter,  ce  sont  là  des  faits  d'une  imporlonco 
capitale  |iiiur  l'hislipin;  df  la  musi(iue. 

Oiiant  aii\  Ihéoriciens  et  didacticiens,  on  ne  connaissait  d'eux  «nie  les  frag- 
mi-tits  ili!  compositions  (lu'ils  doimcnt  comnii'  exemples  dos  règles  qu'ils 
jioscmI.  I.i's  |)ii''c,es  entières  étaient  inconinies;  elles  semblaient  perdues,  lors- 
(jiK!  l'existence  d'im  certain  nombre  il'enlre  elles  fut  révélée  dans  le  inanu- 


4.  'I  Scripliiriiiii  ili'  inusicn  inodii  a}vi  nuva  sorios  >,  etc.,  p.  116.  —  Cet  ouvra^o  a»l  on  vcnlp 

Il  In  lilirairio  Didron. 


110  ANiNALKS   AhCIIlîOLOGIQLKS. 

scril  (li;  Monlpcllioi'.  On  y  trouve,  cm  cITct,  dos  composilions  k  Irois  cl  f|ualrc 
parlios,  de  railleur  du  tr.iili:  a|)|)cl<'-.  pac  .Jérôme  de  Moravie,  «  Traité  de 
(lécliaiit  viilf;airr  .,  du  noiiiiué  Arislotc;  do  Jean  de  (Jarlaiidc,  de  Pierre 
Picard,   de  J'ieiro  de  Croix,  du  Wallcr  Odiiigtoii  et  de  divers  anonymes. 

En  voilà,  assiz,  pensons-nous,  [)our  faire  voir  combien  le  manuscrit  de 
M(iiil|)rllicr  cl  li's  autres  documenis  que  nous  venons  de  signaler  sont  impor- 
laiils  pour  l'histoire  de  larl  luusical  aux' mT'  et  xiii"  siècles.  Celle  importance 
est  telle,  suivant  nous,  que  nous  avons  cru  utile  d'en  faire  un  examen  appro- 
fondi (pii  est  sous  i)rcssc  et  qui  portera  pour  titre  :  »  Klude  sur  la  musi(|uc 
liarnioniquc  et  sur  les  musiciens  iiarmonistes  aux  xii"  cl  mii"'  siècles  ». 

Ne  pouvant  éditer  en  entier  le  manuscrit  de  Montpellier,  qui  contient 
(SOO  paj^es  in-/|",  nous  en  avons  extrait  environ  60  pièces  qui  nous  ont  paru 
les  plus  propres  à  faire  apprécier  la  situation  de  l'art  à  cette  époque.  Mlles 
seront  reproduites  dans  la  notation  originale  avec  leur  traduction  en  notation 
moderne.  De  celte  façon,  ciiacun  pourra  vérifier  rcxactitude  de  nos  inlerpré- 
lalious;  on  jugera  en  même  temps  du  degré  de  dilliculté  inliérenlc  à  ces  sortes 
de  travaux. 

l/ouvrage  que  nous  allons  |iul)lier  sur  la  nialièrc  (|ni  l'ait  l'objet  de  cet 
arlieie,  embrassera  donc  l'examen  de  tous  les  genres  de  compositions  harmo- 
niques en  usage  aux  xii"  et  xiii''  siècles,  et  l'appréciation  de  la  part  de  mérite 
qui  revient  aux  divers  artistes  initiateurs  de  cet  art  alors  tout  à  fait  nouveau. 
Grâce  au  manuscrit  de  Monipellier,  grâce  aux  documents  importants  que 
nous  venons  de  citer,  et  qui  viennent  jeicr  un  jour  tout  à  fait  nouveau  sur  une 
période  de;  l'histoire  de  l'art,  restée  obscure,  nous  pourrons  présenter  un  tra- 
vail coniplel  sur  l'origine  et  les  premiers  développements  de  riiarnionie,  qui 
est  devenue,  entre  les  mains  des  hommes  de  génie  de  ces  derniers  siècles,  un 
art  et  une  science  à  la  fois. 

E.    HE    COUSSEMAKKR. 

Correspondant  du  riiiAtitut. 


ICONOGIlAIMIIi: 


DF  L'OPKR.V 


I 


l/Opér.i  est  le  lomplc  de  l'art  comme  la  cathédrale  est  le  temple  de  la 
religion.  A  l'église,  l'homme  adore  le  Créateur;  à  l'Opéra,  où  il  crée  'i  son 
tour,  il  s'adore  pour  ainsi  dire  lui-même.  Les  facultés  qu'il  a  reçues  de  Dieu, 
les  éléments  qui  lui  sont  assujettis  parce  ([u'il  est  le  roi  de  la  création,  il  les 
perfectionne,  les  transfigure  et  les  crée  en  quelque  sorte  à  nouveau  pour  les 
exalter  en  art.  Ainsi  de  la  dimension  il  fait  l'archileclure,  de  la  forme  la  scul|)- 
ture,  (le  la  couleur  la  peinture,  do  la  voix  la  poésie,  du  son  la  musique,  du 
geste  la  danse,  à  la(|uelle  je  voudrais  bien  que  l'on  donnât,  pour  la  généra- 
liser, le  nom  d'action. 

Ces  arts  principaux,  l'homme  les  place,  dans  la  cathédrale,  au  service  de 
la  religion,  pour  en  constituer  le  culte;  mais,  dans  l'Opéra,  il  les  loge  à  son 
propre  service  pour  s'y  rélléchir  et  s'y  admirer.  La  cathédrale  prime  l'Opéra 
comme  le  dévouenienl  prime  la  satisfaction  d'un  besoin  personnel;  mais. 
après  l'église,  je  ne  connais  pas  d'édifice  où  l'art,  où  tous  les  ai'ts  soi.nt  a|)- 
pelés  à  briller  de  plus  d'éclat  et  de  majesté  qu'îi  l'Opéra. 

Par  sa  destination,  par  les  services  importants  et  nombreux  qu'il  doit 
recueillir  et  la  l'oiili"  ipril  doit  abriter,  l'Opéra  couvre  une  superficie,  oITre 
une  massiî  de  constructions  qui  n'ont  d'égales  que  la  superficie  et  la  in.issc 
d'inie  vaste  cathi''(lrale.  Dans  ces  constructions,  en  raison  même  d-'-  •î'-irc 
du  monumenl.  doivent  s'étaler  toutes  les  grandeurs  et  toutes  les  n  de 

l'art. 

Une  cathédrale  est  un  petit  monde  peuplé  de  statues  cl  animé  de  figures  : 
di\-liuit  cents  ou  dciiv  mille  slaluctlos  cl  slalucs,  comme  à  Nolrc-D.injo  de 


112  ANNALF-S  AnCIlIvOLOGIOL'ES. 

Chartres;  (  iii((  du  six  tiiillc  figures  peintes  sur  verre,  comme  clans  le  même 
f'dince.  Je  ne  comprendrais  pas  r|u'nn  Opc'jra  contînt  moins  de  sculptures  cl 
(Ir  peintures.  Mais,  à  la  catliédrale,  l'iconographie  est  sp/îciaic;  exclusive- 
iiii'iit  rehgiensc,  clic  n^produit  les  |)ersoiniages  et  les  scènes  (jui  ont  occupé 
ou  occuj)('niiil  riiistoirc  liiiiu.iiiic  dans  ses  relations  avec  la  divinitt^  de|)uis  la 
création  jusqu'au  jugement  dernier.  A  iOpéra,  l'iconographie,  non  moins 
spéciale,  non  moins  exclusive,  fli>il  iclli'Ier  l'humanité  dans  son  amour  |)Our  le 
beau,  poiM'  l'idéal,  pour  toutes  les  sources  du  bonheur  terrestre. 

Dans  nos  climats,  la  sculpture  occupe  surtout  l'extérieur  des  monuments; 
c'est  h  l'intérieur  qu'appartient  principalement  la  peinture.  Mais  sculpture  et 
peinture  doivent  se  rap|)çler  Itiiie  laiitre,  comme  le  revers  d'une  médaille  en 
rappelle  et  complète  l'endroit.  I.a  sculpture  énonce  le  motif  que  la  peinture 
développe  h  loisir,  sur  une  large  surface,  avec  les  ressources  puissantes  qui 
sont  en  .sa  possession. 

L'ère  chrétienne,  les  temps  modernes  ont  trouvé  pour  la  catliédrale  tous 
les  m'otifs  religieux  dont  on  peut  remplir  une  église.  Pauvres  en  inventions 
])our  rOpéra.  nous  sommes  obligés  davoii'  recours  aux  imaginations  de  l'an- 
liiiuili''.  Tant  que  nous  n'aurons  pas  trouvé  une  mythologie  nouvelle  et  spé- 
cialement api)licablc  à  nos  sentiments  modernes,  il  nous  faudra  piller  la 
vieille  mythologie  dos  Grecs  et  des  Romains  pour  nous  l'approprier.  C'est 
une  nécessité  qu'on  peut  subir  à  contre-cœur,  mais  à  laquelle  il  n'est  pas  pos- 
sible de  se  soustraire  encore. 

Il  faut  donc  nous  résigner, 

A  l'extérieur  d'un  Opi'ra.  la  statuaire  revendique  pour  elle  les  niches,  les 
frises,  le  dos  des  entablements,  le  champ  des  tympans  et  frontons.  —  Le  fron- 
ton est  la  tête  d'un  édifice,  et  c'est  de  là,  comme  d'un  centre,  que  doivent 
partir  les  motifs  qui  peupleront  les  entablements,  les  frises  et  les  niches.  Aux 
tympans  et  frontons  des  cathédrales  s'étalent  les  grandes  scènes  du  christia- 
nisme :  la  naissance  ou  la  mort  de  .Tésus-Christ.  la  naissance  ou  la  moi't  de  la 
Vierge,  l'ascension  du  Sauveur  ou  le  jugement  universel.  Les  frontons  d'un 
Opéi'a  doivent  recevoir  également  les  grands  personnages  de  qui  le  théâtre 
relève,  à  qui  il  est  dédié. 


11 


L'Opéra  est  le  temple   de   l'idéal  ou   de    la  beauté  terrestre   telle  que 
'homme  peut   la  rêver.    Celte  beauté  complète,  résultante  de   toutes  les 


ICONOGRAPHIF.   DE   l/OPÉRA.  '  IIS 

beautés  parliclles,  trouve  son  absolu  dans  l'Iiumanilé  mcMiie,  et  surtout  dans 
la  femme.  C'est  ainsi  que  la  mythologie  l'entendait  lorsqu'elle  créait  Vénus, 
la  mère  du  beau  et  du  bonheur.  Par  la  bouche  de  Virgile,  l'antiquité  nous 
en  a  fait,  en  quelques  vers,  une  bien  magnifique  description.  Déguisée  en 
chasseresse  tyrienne,  elle  apparaît  à  son  fils  Knée  au  milieu  d'une  furet,  près 
de  la  cote  oii  Didon  bâtit  Carihage.  Son  fils,  sous  ce  vêlement  d'emprunt,  ne 
la  reconnaît  pas.  F.lle  console  Enée,  lui  prédit  ses  grandes  destinées,  laisse 
glisser  à  terre  son  costume  de  chassi  resse  et  regagne  le  ciel  d'où  elle  vient. 

Dixit,  et  avcriens  rosea  cervice  refiilsil, 
Ambrosi.Tque  cotnin  dixinum  vertice  otiorem 
Spiravpre.  Pcflps  vpstis  fleflii\it  ad  imo«. 
Et  vera  incessu  p^iltiitdca  ' 

On  trouve  dans  cette  description  la  personnification  de  la  beauté  suprême. 
L'Opéra,  avons-nous  dit,  est  le  temple  de  l'art  total,  décomposé  en  architec- 
ture, sculpture,  peinture,  poésie,  musique  et  danse.  Dans  cette  Vénus  tJe 
Virgile,  chacun  de  ces  arts  est  reflété  et  divinisé.  —  La  beauté  de  construc- 
tion il  (lo  forme  sculpturale  respire  dans  tous  ces  vers  du  poêle;  mais  il  suf- 
firait d'ailleurs  de  jeter  un  regard  sur  la  Vénus  de  Milo  pour  se  convaincre 
que  les  doux  premiers  arts  iilastifiiies  n'ont  jamais  caressé  d'autant  d'amour 
aucune  autre  figure.  —  C'est  à  la  peinture  (|uc  revient  cette  teinte  rosée  qui 
reluit  sur  ses  épaules  et  son  cou  :  «  Rosea  cervice  refulsit  ».  —  Li  musique 
cl  l;i  poi''sir  (hantent  dans  cette  voix  ([ui  n'a  rien  d'humain  :  «  Nec  vox  ho- 
ininnni  sonat  »,  comm(>  dit  Virgile  quelques  vers  plus  haut.  —  Jamais  l'har- 
monie du  geste  et  la  divinité  de  la  danse  n'ont  été  mieux  exprimées  que  par 
ces  (|uatre  mois:  u  Vera  inrossu  patuit  dea».  —  Lnfin,  il  n'est  pas  jus- 
qu'aux parfums,  que  l'on  n'a  pu  encore,  <v  cause  de  leur  volatilité,  constituer 
en  art,  {|ui  n'aient  trouvé  dans  Vénus  leur  source  odorante  cl  divine  :  «  Am- 
brosifequc  coma*  divinum  vertice  odorem  spiravere  ». 

Voilà  véritai)lement,  pardon  de  l'expression,  la  patronne  do  l'Opéra.  C'csl 
au  principal  fronton,  c'est  au  grand  portail,  connne  l'on  dirait  s'il  s'agissait 
d'une  <alliiMlrale,  (|u'il  faut  placer  Vénus. —  Non-seulement  le  nioyen  Age.  mais 
ranli(|Milé  MOUS  imposent  l'époque  de  sa  vie  où  la  charmante  iléosse.  toujours 
jinnc,  doit  ôtrc  représentée.  Phidias,  sur  le  fronton  oriental  du  Parthénon, 
sinlpla  la  naissance  (h'  Minerves  cntoini''!'  île  tous  les  dieux  de  l'olympo; 
c'est  la  naissance  de  Vénus  (|u'il  faudrait  également  représcnler  sur  lo  grand 

I .   Viiuai.i:,  <i  fCiiciili'  1),  liv.  I. 

xxiv.  1  • 


1l/i  ANNM.r.S  AI'.C.Iir.OLOr.KHIKS. 

fiDiiloii  (le  l'Opi'ra.   l,'(''(li(ico  ciiliir  lui  claiit  consarn^  on  la  voirait  iiailrc  h 
l'ciili-ro  iiiAiiio  (lu  monuinnnl  (.•!  vivre  dans  loiil  rinl(';ri('ur. 

1-0  mytlio  flo  Vi'niis  mo  paraît  allôro.  On  fait  naître  de  l'écmno  de  la  mor 
la  déopso  do  la  beauté;  ou  Itien.  eo  qui  rovioiit  au  môme,  on  la  donne  pour 
fille  h  Diono.  fillo  ollo-mèuio  de  l'Océan  et  de  Tétliys.  On  croit  que  pur  le 
iVoiihin  (lu  l'ailli(''noii.  où  elle  assiste  h  la  naissance  de  Minerve,  l'hidias 
r.ivail  assise  sur  les  genoux  de  Th.alassa,  la  nier  proprement  dilf.  I,a  mer  est 
II'  plus  infinie,  le  plus  grossier  des  quatre  éléments.  Les  animaux  {|ui  y  nais- 
sent cl  y  vivent  n'ont  que  les  rudiments  de  la  vie.  l'our  plusieurs,  des  séries 
entières,  on  ignore  si  ce  sont  des  plantes  ou  des  êtres  vivants  :  on  les  coupe 
en  morceaux,  el  ils  repoussent  comme  de  la  végétation.  Ils  sont  informes  et 
laids;  (|ni|(|ues-uns  sont,  immenses,  mais  d'une  immense  laideur.  Leur  goût 
n'est  pas  développé;  leur  odorat  esl  mil;  Iimii-  vue  est  celle  de  l'o-il  dans  le 
brouillaid;  leur  toucher,  sans  organe  propre,  n'est  pas  même  celui  de  la  .sen- 
sitive;  ils  sont  tous  muets  et  sourds.  Quant  aux  alTeclions,  même  celles  de  la 
famille,  elles  se  réduisent,  pour  les  mammifères  et  les  vivipares,  les  plus  par- 
faits des  poissons,  à  tuer  et  à  manger  leurs  petits  quand  ils  le  peuvent.  L'Océan 
ignore  les  saisons  :  il  n'a  ni  printemps,  ni  été.  ni  automne;  on  peut  dire  que 
l'hiver  y  rèi^no  pi-esqiio  perpétuellement.  Quoi  qu'en  disent  les  poètes,  la  mer 
n'est  pas  plus  belle  que  le  d(''sert  :  c'est  l'aride  des  deux  côtés.  La  vie  com- 
plète, grande  et  souveraine  n'est  ])as  là.  In  jour,  par  une  après-midi  magni- 
fi([ue  de  juillet,  je  voguais  sur  la  plus  belle  mer  du  monde,  entre  la  Sicile  et 
nie  de  Malle.  Mes  compagnons,  exaltés  par  l'inclinaison  d'un  soleil  d'or  et 
(le  ])iHii|)ro  sur  (li's  ilois  unis  ((iinnic  une  glace,  ne  tarissaient  pas  d'éloges  sur 
la  splendeur  de  la  mor.  .Vadinii'ais.  mais  je  n'étais  pas  enivré  comme  eux. 
et  mon  antipathie  contre  la  gros.'^ièreté  de  l'élément  liquide  croissait  en 
raison  mémo  de  l'exaltation  de  mes  amis.  Enfin,  leur  dis-je,  si  l'on  vous  pro- 
posait d'anéantir,  à  votre  choix,  la  mer  Méditerranée  ou  la  Suisse.  laquelle 
voudriez-vous  garder?  Quelques-uns.  les  plus  engagés  en  faveur  de  la  mer, 
ne  répoiidiri'iit  rion  ou  tniiivèiTiil  l'alliM-nalive  absurde;  mais  les  autres  décla- 
rèrent, malgré  ce  (|u"il  imi  coulait  à  leur  amour-propre,  qu'ils  préféreraient 
l'existence  de  la  Suisse.  Ces  imaginations,  honnêtes  et  franches,  ainsi  prises 
au  dé|)ourvu.  me  confirmèrent  dans  mon  goût  fort  modéré  pour  la  mer  et 
dans  mon  amour  immense  pour  la  terre.  11  me  sembla  que  le  bon  sens. 
purg(''  des  tirades  de  la  poésie,  avait  naïvement  dit  la  vérité. 

C'est  donc  une  grave  erreur  ([ue  d'avoir  fait  sortir  de  l'élément  laid  et. 
pis  encore,  de  l'écume  de  cet  élément  grossier,  la  beauté  suprême.  11  est  vrai 
(|u';i  peine  née.  Vénus  a  été  réclamée  par  l'olympe,  et  qu'elle  s'est  installée 


ICONOGliAI'lIlH  DK  L'UPHliA.  U5 

sur  1,1  tciTc,  à  CytlifTo,  Guide  et  Paplios,  pour  y  exercer  son  empire.  Ainsi, 
au  lieu  de  représenter  Vénus  sur  les  genoux  de  la  Mer  (Wi/.aTT«),  c'est  sur 
le  sein  de  la  Terre  (faîa)  qu'il  faudrait  la  bercer.  Qu'on  lui  nielte  les  pieds 
dans  l'eau  de  la  mer,  d'une  rivière  ou  d'un  lac,  je  le  veux  bien,  car  Vénus 
règne  sur  la  nature  entière;  mais  le  reste  du  corps  doit  se  coucher  dans  une 
vallée  et  la  tête  reposer  sur  une  colline  comme  sur  un  oreiller.  Tous  les  êtres 
bruts,  organisés  et  animés,  tons  les  dieux  doivent  assister  à  sa  naissance,  parce 
que  tous  lui  obéissent.  C'est  au  printemps,  cette  jeunesse  de  l'année,  que  la 
jeune  déesse  de  la  beauté  doit  naître;  elle  doit  venir  au  monde  quand  les 
plantes  sortent  de  terre,  que  les  arbres  reverdissent  et  que  les  flcins,  comme 
de  petites  lumières  de  végétation,  éclairent  les  vallées  et  les  montagnes.  Il 
Faut  que  Vénus  nous  arrive  au  moment  où  les  oiseaux  font  leurs  nids  et  où  la 
nature  ressuscite  dans  un  embrassement  universel. 


Il 


\ii\  (Iràces,  filles  de  Vénus,  semble  appartenir  le  fronton  secondaire  du 
Ikuic  gauche  de  l'Opéra.  Vénus  est  la  beauté  au  re|)os;  les  drAces  représen- 
tent la  beauté  en  mouvement.  On  en  compte  trois  :  Thalie,  Agiaé,  Eui>hni- 
syiie.  Leur  nom  est  plein  de  douceur  et  veut  dire  la  ^'erdoyanle.  la  Brillante, 
la  Joyeuse.  On  peut  croire  (|ue  chacune  d'elles  personnilie  le  contentement 
(jr  I  iiiii!  (Il-  nos  qualités  principales.  I.'honnnc  est  un  composé  de  sensations, 
d'alVeclions  cit  de  facultés.  La  verdoyante  Thalie  peut  être  chargée  spéciale- 
ment (le  nos  sensations  matérielles,  la  brillante  AgIaé  des  alTections  de  notre 
cœnv,  la  joyeuse  lùiphrosyne  des  facultés  de  notre  esprit,  ('.haciine  aurait 
ainsi  son  rôle  bien  mar(|ué,  et  toutes  les  trois  s'accorderaient  pour  faire  com- 
plétemiMil  noire  boiiheiu'. 

Si  \('iins  n.iit  .(Il  printemps,  ses  filles  peuvent  venir  au  monde  en  été,  dans 
la  saison  un  pi  ii  acre  et   violente  des  plaisirs. 

Les  .siulpleiirs  recherchent  la  nudilé  au  lieu  de  la  redouter;  mais  si  loiiles 
ces  femmes  nues,  Vénus,  les  (iiAces,  et  tout  à  l'heure  les  Muses,  semblaient 
olVrir  de  la  monotonie,  rien  ne  serait  plus  facile,  connue  Socratc  l'a  fait  lui- 
même  lors(|ue,  dans  sa  jeunesse,  il  sculpta  les  GrAces,  de  les  couvrir  d'un 
vôtemeiil.  Quant  aii\  Miims.  Uaphaél  les  n  toutes  habillées  dans  son  Par- 
nasse '.  Le  seul  Apollon,  dieu  du  soleil,  dieu  de  la  chaleur,  est  i»  peu  pri"»» 
('(iMipli''l('tiii'iil  nu. 

I.  O'u.-'l  lu  C(jlùb(«  fri'S(|(ii3  (l(<  lu  stiild  do  la  .^Ignnlurot  nu  Vnlicon. 


116  AN.NALKS  AlICIIIiOl.OOIOI  KS, 


J\ 


C'est  h  la  naissance  des  Muses  (lu'oii  devrait  réserver  le  froiiloii  du  liane 
clidil  de  rOpi'ia.  Coiniiu;  Vénus  et  les  Grâces,  les  Muses  naissent  à  l'extérieur 
d'un  inununicnt  dunt  elles  vont,  dans  tout  le  cours  de  leur  existence,  remplir 
i'iiilérieur.  On  dit  {|uc  les  Muses  sont  filles  de  Mnémosyne  ou  de  la  Mémoire. 
C'est  encore  un  nivllie  (jui  me  semble  all<''rr'.  Les  Muses  ne  sont  pas  les  tilles 
de  la  tradition  ou  du. passe,  mais  les  enfants  de  l'inspiration  ou  du  présent. 
(Jii  nui  iiii  \iril;il)le  artiste  compose,  ce  n'est  point  parce  qu'il  a  de  la  nié- 
iiioire  ut  (|u'il  se  souvient,  mais  parce  qu'il  invente.  11  ne  se  rappelle  pas; 
mais,  comme  Dieu,  il  crée  de  toutes  pièces  et  avec  rien.  Le  nom  de  poète,  de 
créateur,  qu'on  a  réservé  au  fabricant  de  vers,  appartient  à  tous  les  artistes. 
En  ma  ([ualifé  d'arcliéologue,  je  devrais  me  prévaloir  du  mythe  grec,  et 
allirnier  ([uc  l'art  est  un  souvenir  du  passé,  que  les  Muses  sont  filles  de  la  Mé- 
moire; mais  je  pi'éfèrc  la  vérité. 

Les  Muses,  connue  Vénus  et  les  Grâces,  sont  d'origine  divine  et  véritable- 
ment (illes  de  Dieu.  On  a  voulu  les  faire  naître  grossièrement,  comme  les 
enfants  des  hommes.  C'est  un  blasphème  dont  un  peintre  de  génie,  M.  Ingres, 
s'est  rendu  coupal)le  dans  un  petit  tableau  exécuté  il  y  a  quelques  années. 
Biicchus.  le  dieu  de  la  i)onne  chère  et  du  vin,  est  sorti  de  la  cuisse  de  Jupiter; 
mais  -Minerve,  la  déesse  de  la  sagesse,  a  |)ris  naissance  dans  le  siège  de  l'in- 
telligence, dans  le  cerveau  du  maître  des  dieux.  Par  analogie,  c'est  du  cœur 
de  la  divinité  suprême  (juc  doivent  s'envoler  les  Muses,  car  le  cœur  et  non  le 
ventre  fait  non-seulement  l'orateur,  mais  tous  les  artistes  :  «  pectus  est  quod 
disertos  facit  ». 

Sur  ce  fronton,  je  ferais  naître  les  Muses  en  automne,  car  l'art  est  vérita- 
bli'ineiil  le  fruit  niùr  do  la  grâce  et  de  la  beauté.  Connue  Raphaël,  je  les  met- 
trais sous  la  présidence  du  soleil  ou  d'Apollon,  sur  un  Parnasse  ou,  mieux 
encore,  dans  un  Paradis  rempli  d'herbes  portant  leurs  graines  et  d'arbres 
])ortant  leurs  fruits,  suivant  l'expression  de  la  Bible'.  Si  la  fontaine  Castalie 
ou  rilippocrène  n'y  sufTisaient  pas,  car  les  eaux  pa'ïennes  sont  beaucoup  trop 
maigres,  je  ferais  arroser  sans  scrupule  cette  terre  de  l'art  jiar  les  quatre 
neuves  du  Paradis  terrestre.  Le  Tigre  et  l'Eupin-ate,  le  Phison  et  le  Géhon, 
ne  refikseraient  certainement  ])as  de  rafraicliir  et  de  fertiliser  ce  Parnasse 
nouveau. 

I .  «  Genèse  »,  i,  12. 


ICONOGRAPHIE  DE  L'OPÉRA.  117 


Les  niclics  de  la  façade  et  des  flancs  de  l'Opéra  doivent  abriter  les  per- 
sonnages allégoriques  ou  réels  qui  composent  le  cortège  de  l'idéal  ou  de 
Vénus,  des  Grâces  et  des  Muses.  Les  Muses  personnifient  les  sciences  et  les 
arls;  mais  cette  encyclopédie  des  anciens  est  bien  incomplète.  Clio  représente 
l'histoire;  Tlialie,  la  comédie;  Melpomène,  la  tragédie;  Lrato,  la  poésie 
élégiaque  et  amoureuse  ;  Calliope,  l'épopée;  Uranie,  l'Astronomie;  l'olymnie, 
réli)(iuence  et  la  poésie  lyrique  ;  Terpsichore,  la  danse;  Eulerpe,  la  musique. 
En  fait  d'art,  la  poésie  n'a  pas  à  se  plaindre  :  sur  neuf  Muses,  elle  en  a  cinq 
à  sa  disposition  ;  c'est  véritablement  du  luxe.  Mais  aucun  des  arts  du  dessin 
n'a  de  Muse  pour  patronne.  Quant  aux  sciences,  l'astronomie  est  la  seule  qui 
ait  une  proleclrice  ici;  c'est  de  l'indigence.  Le  moyen  âge,  en  présence  de 
cette  classification  insufiisaiite,  semble  avoir  voulu  combler  les  lacunes,  et  il 
a  personnifié  à  sa  manière  les  arls  et  les  sciences.  Mais  ces  arts  sont  ceux  de 
la  parole  seulement,  la  Grammaire,  la  Uialeelique  et  la  Rhétorique,  et  il 
ajoute  encore  Ji  l'abondance  déjà  excessive  de  l'antiquité.  Quant  aux  sciences, 
puisque  la  Grèce  n'avait  songé  qu'à  l'astronomie,  le  moyen  âge  n'avait  pas 
de  peine  k  être  plus  complet,  et  il  a  groupé  en  faisceau  l'Arithméliquc,  la 
Géométrie,  l'Astronomie  et  la  Musitiuo.  Cette  dernière,  je  ne  sais  pouniuoi,  a 
bien  du  mal  îi  se  dé'gager  de  la  science  pour  prendre  son  essor  et  devenir  un 
art,  le  plus  grand  peut-être,  mais  sinlout  le  plus  immatériel.  Toutes  ces  clas- 
sifications me  paraissent  puériles,  et  il  serait  grand  temps  de  remettre  au 
creuset  les  Muscs  de  l'anticiuité  et  les  Arts  libéraux  du  moyen  Age,  pour  les 
allier  avec  des  éléments  nouveaux,  et  en  tirer  une  classification  complète  et 
vraiiiieiit  sérieuse.  La  décoration  de  l'Opéra  serait,  du  moins  ipiant  aux  arts, 
une  circonstance  des  plus  opportunes.  Quoi  qu'il  en  soit  et  en  attendant, 
laissons  les  Muscs  où  nous  les  avons  mises,  et,  pour  n'être  pas  ingrats  envers 
le  moyen  âge,  introduisons  dans  leur  cortège  la  personnification  des  sept 
Arts  libi'raux.  Sept  niches  sur  celle  grande  fa»;ade  ou  ces  flancs  allongés,  co 
n'est  pas  d(;maiider  trop.  Mais  une  fois  celte  justice  historique  rendue  à  tout 
le  mitndi',  à  ranti(|uité  connne  aux  époques  plus  récentes,  il  faul  faire  une 
place,  et  la  faire  belle,  à  la  |)ersonnilicati()n  de  l'archileclure.  de  la  sculptuix\ 
de  la  peinture,  de  la  danse,  de  la  musi(|ue  arl  et  non  science,  de  la  piK^io 
générale;  l't  mm  partirllc.  Puis,  connue  complément  ixVI  de  ces  pcrsuiinos 
idéales,  on  pourrait  rassembler  autour  de  l' Architecture  les  plus  grands  nrchi- 


ii«  AiN.NAi.Ks  ,\ii(;iii';oi.O(;i(.)ijKS. 

Ifclos  (lo  litiis  les  ti'inps  cl  de  tous  los  pays,  Libcrgicr  coiiiiih;  l)<;(lal<i  cl 
Icliiiiis,  H()l)oil  (le  Liizarclics  coiiiinc  Aijullodon;  (.-l  Orca^iia,  Cliii>lo|)ln; 
Wrt'ii  et  Briinollesclii,  Dcloniie  et  Diicein-aii.  Aiiloiir  de  la  .Sciil|)tiire  .se  ran- 
imeraient Pliidias,  l'raxilèle,  Nicolas  et  Andix-  de  l'ise,  Gliil)erti,  Michel-Anj,'»', 
l'ujet  et  tous  les  awti'cs  grands  sciilptetns.  I^a  Peinture  s'enorgueillirait  d'une 
escorte  |)Ius  nombreuse  encore.  I.a  Danse  aurait  un  collège  plus  réduit  et 
beaucoup  moins  illustre;  mais  la  Musique  et  surtout  la  Poésie  trôneraient  au 
milieu  (ji's  plus  sublimes  et  des  plus  nombi-eux  génies. 

J.es  niches  ne  sulliraienl  pas  pour  loger  cette  foule;  d'ailleurs,  par  leur 
espacement,  elles  ne  permettraient  pas  facilement  de  reconnaître  les  diil'é- 
rents  groupes.  Mais,  sur  les  longues  frises  de  la  façade,  des  flancs  et  du 
clicvet  de  l'édifice  pourraient  se  dérouler  des  scènes  où  chaque  art,  entouré 
de  .ses  plus  illiisires  cnfanls,  jouerait  s(jn  rôle  spécial.  C'est  au  développement 
d'histoires  analogues  que  les  frises  sont  ordinairement  consacrées.  Dans  les 
temples  anticiiies,  le  combat  des  Centaures  et  des  Lapitlies,  la  bataille  des 
Amazones,  les  travaux  d'Hercule,  occupent  les  frises  des  entablements  et  nous 
montrent  comment  nous  pourrions  décorer  les  frises  de  l'Opéra. 

Après  celte  stalinii  un  peu  longue  peut-être  au  dehors,  entrons  dans  l'inté- 
rieur do  l'édifice. 


VI 


D'abord  s'oiivi(!  'e  lai'ge  vestibule  où  la  foule  se  partage  à  gauche  et  à 
(hoilc  |)i)ur  gi'avir  les  doux  grands  escaliers  qui  conduisent  dans  la  salle  des 
représentations.  Au-dessus  du  vestibule  est  établi  le  foyer  public  où,  dans  les 
entr'acles,  les  spectateurs  circulent  pour  se  voir  de  près,  s'aborder,  se  com- 
niuniciuer  leurs  impressions  ou  se  livrer  simplement  au  délassement  de  la 
locomotion.  Derrière  la  scène,  à  droite  et  à  gauche,  sont  pratiqués  le  foyer 
(li;  la  musi(|iio  cl  le  l'oyor  do  la  danse,  oii  se  donnent  les  leçons  particulières 
et  où  se  font  les  répétitions  sj)éciales  avant  les  répétitions  générales  sur  la 
scène  et  avant  les  représentations.  Derrière  ces  foyers  est  établie  l'administra- 
tion de  l'Opéra,  dont  la  salle  de  conseil  et  le  salon  du  directeur  sont  les  pièces 
principales.  Tout  cela,  vestibule,  escaliers,  salle,  foyer  du  public,  foyer  de  la 
musique,  foyer  de  la  danse,  salle  du  conseil,  salon  du  directeur,  demande 
une  ornomonlation  particulière  et  appropriée  à  sa  destination.  La  sculpture 
s'est  cxclusivoniont  chargée  du  dehors  ;  au  dedans,  surtout  au  vestibule  et 
aux  escaliers,  elle  occupera  encore  une  place  assez  importante,   mais  cette 


ICONOGRAPIIIi;  DK  L'OPÉRA.  119 

place,  elle  la  partagera  avec  la  peinture,  qui  a  le  droit  de  posséder  la  salle, 

les  fovers  et  les  salons. 


VII 


Dans  le  vestibule,  espèce  d'antichannbre,  les  valets  alertes  des  opéras 
Ijoufl'es,  les  soubrettes  joyeuses  des  comédies,  les  rieuses  ballerines  des  danses 
les  plus  célèbres,  semblent  faits  tout  exprès  pour  recevoir  l'afiluence  qui  se  rend 
au  spectacle.  Ce  sont  les  domestiques  de  la  maison.  I.a  statuaire  est  bien  grave 
pour  ces  masques  grotesques  et  ces  figures  frippées  ;  mais  cependant  les  plus 
illustres  de  ces  gais  personnages,  car  il  y  en  a  d'illustres,  peuvent  animer  la 
pierre,  sinon  le  marbre.  Le  reste  se  peindrait  simplement  sur  les  murs. 


\  III 


Kscorlé  par  les  poêles  ordinaires  ot  les  librettistes,  par  les  musiciens  de 
seconde  classe  et  surtout  par  les  compositeurs  de  ballets,  un  monterait  les 
larges  escaliers  qui  conduisent  à  la  salle.  Ces  artistes  médiocres,  ces  «  poel;r 
minores  »,  sont  déjà  des  membres  de  la  famille,  et  c'est  entre  les  deux  haies 
qu'ils  formeraient  à  droite  et  ;i  gauche,  comme  les  gardes  tlu  corps  sur  les 
marches  d'un  escalier  impérial,  que  l'on  accéderait  ii  la  .salle  des  représen- 


I\ 


Ici,  dans  celle  salle,  la  pleine  lumière  et  le  luxe  éclatant  :  nous  somme.<s 
dans  l'olympe  de  l'art.  F,e  ciel  de  cet  olympe,  c'est  la  coupole  (|ui  couviv  In 
salle  entière  cuniine  la  voûte  céleste  couvre  et  enveloppe  la  terri».  I.c  sujet 
(|n  on  III'  peiil  Tviler  est  donc  la  représentation  du  séjour  habité  par  les  plus 
grands  dieux  du  monde  anti(|ue.  Connue,  tout  dieu  qu'on  soit,  on  ('mirait  par 
s'ennuyer  si  l'on  S(>  cont<'mplait  éternellement  sans  jamais  rien  faire,  il  semble 
(|ue  l'on  pourrait  représenter  ilans  celle  coupole  les  noces  de  l'Amour  cl 
l'syclié.  I,es  olympiens  no  dédaignaient  nullement  les  festins,  car  ils  onl 
iii\enlé  le  nectar  pour  boisson,  et  l'ambroisie  poiu"  nourriture,  avec  Hébé  el 
(iaiiyinède  pour  leiu'  servir  h  manger  el  à  boire.  Dans  un  Opém.  oii  tout  porto 
i'i  la  sensiialili*  el  à  ramoiu',  il  est  bon  cependant  de  modérer  cet  np|K4it  de  la 


120  ANN'Ai.FS  A nriifîoi.or.iorjES. 

iii.ilièrc  |).ii'  lin  l'Ii'nniil  plus  ('•llii''ré.  Oetle  jolie  fal)lc  du  mariage  de  l'ùme  liu- 
iiiaiiio,  sous  le  nom  di'  l'sycli(;.  avoc  le  (ils  de  Vénus,  semble  un  sujet  assez 
hicii  approprie  à  cette  place.  Au  moyen  âge,  on  a  visiblement  imité  celle  union 
de  l'Amour  et  Psyché  on  inventant  le  mariage  de  Mercure  avec  la  Philologie, 
c'est-à-(liiv  ili'  Il  ^i:iiiiiiiairc  avec  l'éloquence.  C'est  donc,  comme  création, 
un  (loiililc  lu  ril;i;j;i'  (|iril  faut  recueillir  avec  soin.  A  de  pareilles  noces,  mieux 
qu'à  celles  de  Thélis  cl  de  Pelée,  on  peut  convoquer  les  grands  dieux,  les 
demi-dieux,  les  héros,  les  grands  génies  de  tous  les  pays  et  de  tous  les  temps. 
Tout  le  monde  y  est  intéressé.  La  renaissance  des  xv"  el  xvi'  siècles  a  bien  des 
fois  représenté  ces  noces  de  l'Amour  et  de  Psyché;  mais  le  personnel  y  est 
Irt)])  |HMi  ii()nii)nMi\.  Iinp  exclusivement  réservé  aux  olympiens.  En  outre,  la 
fête  m'y  semble  mesquine  :  il  faut  que  la  musif|ue,  |)uisque  nous  sommes  à 
l'Opéra,  y  ait  une  place  encore  plus  im|)orlantc  qu'aux  noces  de  Cana;  il  faut 
que  la  danse  y  prenne  toutes  ses  aises.  La  fête  doit  être  incomparable  de  mou- 
vement et  d'éclat. 

Toutes  l(^s  places  ([ui.  dans  la  salle  des  représentations,  peuvent  être  occu- 
pées par  la  scuIpUii'e  el  la  peinlnre,  doivent  être  données  aux  grands  poètes, 
aux  grands  musiciens,  aux  grands  artistes  de  tout  genre  ;  c'est  la  digne  bor- 
dure de  ce  ciel  olympi([ue  où  h;  corps  s'unit  à  l'àme.  où  les  sens  se  marient 
aux  sensations. 


Dans  le  foyer  du  public,  je  voudrais  voir  -un  de  ces  sujets  développés, 
sinon  inventes,  par  Péhaniue.  notamment  le  Triomphe  de  l'Amour.  Tous  les 
spectateurs  qui  se  rendent  à  l'Opéra  sont  évidemment  poussés  par  l'amour, 
la  plus  [uùssaiitc  des  passions.  Pour  les  jeunes,  c'est  l'espérance;  pour  ceux 
d'ài;-e  moyen,  c'est  la  possession;  pour  les  vieux,  c'est  le  souvenir.  Le  tableau, 
historique  et  symbolique  à  la  fois,  des  ravages  et  des  bienfaits  de  l'Amour, 
me  semble  le  miroir  où  chacun  doit  se  regarder.  L'Amour,  non  pas  enfant, 
comme  l'ont  trop  souvent  représenté  l'antiquité  et  la  renaissance,  mais  jeune 
homme,  comme  aimait  à  le  faire  I(î  moyen  âge,  est  assis  ou  debout  sur  un 
char  (le  triomphe  cnilaninK!  ou  brillant  comme  le  feu.  Le  char  est  emporté  au 
galop  par  ([ualre  chevaux  blancs  couverts  de  harnais  tout  rouges.  La  foule  des 
amoureux  et  amoureuses  précède,  accompagne  ou  suit  le  triomphateur,  qui  a 
jiour  devise  : 

AMOn    OMMA    VIXCIT. 


ICONOGRAI'IIIK   Ui:  L'Ol'EKA. 


\-n 


(;cux  qui  précèdent  appartiennent  à  la  plus  haute  antiquité  :  ce  sont  des  As- 
syriens, des  Mèdes,  des  Perses,  des  égyptiens,  des  Hébreux.  Ceux  qui  flan- 
quent le  char,  à  droite  et  à  gauche,  sont  les  Grecs  et  les  Romains.  Les  nations 
modernes,  jusqu'à  nos  jours  et  par  delà,  terminent,  foule  non  moins  tumul- 
tueuse et  diverse,  ce  cortège  immense;  elles  s'enfoncent  dans  l'avenir.  Des 
noms,  il  est  inutile  d'en  doimer,  tout  le  monde  les  sait  par  cœur. 

Comme  compiiîment  et  souvent  comme  correctif,  je  désirerais  une  proces- 
sion des  plus  belles  femmes  de  l'hi.^toire.  Dans  son  palais  royal  de  Munich, 
Louis  l"  de  Bavière  avait  consacré  deux  salons  au  portrait  des  plus  belles 
femmes  de  son  temps.  Les  gardiens  du  palais,  qui  vous  conduisaient  dans  ces 
appartements  royaux,  osaient  vous  dire  que  ces  belles  contemporaines  de  tous 
les  pays,  surtout  de  l'Allemagne,  avaient  inspiré  au  roi  Louis  un  intérêt  plus 
vif  encore  que  celui  de  leur  beauté.  Je  fis  remarquer  à  l'un  d'eux  le  portrait 
de  la  reine  des  Grecs,  femme  du  roi  Olhon,  par  conséquent  belle-fille  du  roi 
Louis,  et  je  lui  dis  que  la  seule  présence  de  cette  jeune  et  charmante  personne, 
que  j'avais  vue  si  resplendissante  k  cheval,  dans  la  ville  d'Athènes,  en  1839. 
siilfisait  pour  détruire  la  calomnie.  Le  valet  rougit  et  resta  muet.  Cette  idée 
du  roi  Louis  1''  n'est  qu'une  réminiscence,  connue  tout  l'art  actuel  de  Munich, 
au  surplus,  l'elilot  a  peint  sur  émail  les  plus  belles  femmes  de  la  cour  de 
Louis  \IV.  Au  château  d  llampton-Court,  près  de  Londres,  une  salle  est 
occupée  p.ir  lis  beautés  de  la  cour  de  Charles  II.  A  la  renaissance  on  a  figuré, 
sur  tous  les  tons  et  par  tous  les  modes  possibles  de  sculpture  et  de  peinture, 
les  plus  belles  femmes  de  l'histoire.  Les  faïences  italiennes  de  nos  musées 
nous  oH'rent  un  grand  nombre  de  plats  et  d'assiettes  sur  lesfjuels  on  a  peint 
ces  belles  personnes  de  l'histoire  et  même  de  la  mythologie.  Ainsi,  au  musée 
du  Louvre  et  au  musée  de  Cluny,  on  piiil  voir  autour  du  portrait  en  buste 
de  ces  belles  femmes  les  légendes  (jui  suivent  : 


i.\  i>i\Mn\  iiKiit. 

UIIA.NOUA    lll.l.l.A. 

UMonck  n. 
i.\  r.A<«Mint  iit'i.i  A. 
i.A  nri.i  A  iiiiMHiTt. 
iiriii\uiA  nri  i.a. 
I.\(IC>AUIA   nti.iA. 
i'.«i.iiinKiA  n. 

A^itOM^A    Kl  I  I  \. 

CAiMiw  «ri.i.v. 
iri.iA  lin  I  t. 

tim.iMx  II 
WIV. 


i.iClinrnA  nrLLA. 
rtoHA  Br.i.M. 

ILAUlMt  Btl.LA. 
1^  WAKM.r.XA  Brl.Lt. 
I.IKIMI.IIt    nri.iA. 
r.inoi.vux  ntii.t. 
ORrilA  ««. 
RI.MDf-rt. 
lirKTIlK.t    (. 

u«r.>»  t»  mil  »  »o. 

«\lli.AlllTt   |i|««   Mil   HtM. 
AM.M.t  «ri  14. 
II«M>V    »I.I4. 


122  ANNALKS  MlCIll'iOLOtilOL  KS. 

Uo.sal)i!lla  cl  IJulladona  .scinlilcnt  avdir  pris  lijiir  iniin  de  ces  raïenccs  ita- 
lionncs.  Ce  sont  des  liellos  coiifonducs,  ])ar  un  mot  uiii(|ije  mais  composé, 
avec  la  femme,  beauté  aljsirailo,  (ît  avec  la  msc. 

.l'en  passe,  comme  on  dit,  et  dijs  meilleures,  car  la  liste  est  fort  l()nf,'iie. 
Dans  toutes  ces  belles  femmes,  plusieurs,  comme  l'auslinc  et  Flora,  (|ui 
n'élaienl  pas  di's  niodrlcs  de  cliastcté,  i)()urraienl  faire  un  double  emploi  avec 
les  amoureuses  qui  escortent  le  char  Iriomplial  dont  il  est  question  plus  liant. 
Oii  re;nar(|uera  cependant  (pic  toutes  sont  là  uniquement  pour  leur  beauté,  et 
([Ut!  l'on  a  pris  à  tàclic  d'inscrire  des  fonnnes  vertueuses  dans  cette  liste, 
comme  Cassandre,  Camille,  Lucrèce,  Virginie,  Béatrice,  Marguerile,  Angèlc. 
l\ladelciiie  s'y  trouve,  mais  Madeleine  repentie.  Aux  stalles  de  la  cathédrale 
(Il  lui.  (k^  statues  en  bois  vraiment  magnifiques  oITrent  toute  une  rangée  de 
bulles  femmes,  mais  de  belles  femmes  saintes.  Ainsi,  Anastasie,  Marthe,  Ma- 
deleine, Agnès,  Odile,  Dorothée,  Catherine,  Barbe,  Marguerite,  Ursule,  Cécile, 
Klisabelli,  \Valbui-ge.  Mlles  sont  précédées  des  belles  femmes  de  l'Ancien  Tes- 
tament, et  nolammenl  de  Réhecca  et  de  lîachel.  Sur  une  banderole  qui  accom- 
pagne le  liiisl(!  de  Rr;l)ecca.  on  lii  :  ihi:i.i.v  dixoua  mmis.  Sur  celle  du  buste 
de  lîachel.  est  grave  :  ri  dkcoiu  r\f.iK  i:r  vf.nusto  Asi'iicri .  Ce  sont  en  ellel 
deii\  a(linir;il)l(\s  jeunes  lllli's,  chefs-d'iruvre  de  l'art  et  de  la  nature.  Ces 
sculptures  datent  de  la  lin  du  xv"  siècle. 

Le  moyen  âge.  un  le  voit,  n'était  pas  insensible  à  la  beauté  de  la  femme. 
Dans  la  cathédrale  de  Strasbourg,  on  v<iit  également  une  rangée  de  belles 
leiniiies  saintes  sur  les  vitraux  de  la  grande  nef,  qui  datent  du  xm"  siècle.  Les 
preuses.  (|ne  l'on  aime  ;i  niotlre  en  regard  des  preux,  sont  des  femmes  remar- 
quables par  leur  \aiein'  et  leur  hca'ité  tout  à  la  fois,  comme  listher  et  .ludith. 
l'n  nianiiscril  de  la  l)il)!ii)tliè([u  >  de  l'Arsenal  ',  du  xiii*"  siècle,  dit  en  parlant 
do  Judith  : 

Clcr  ol  le  vis  et  la  cliii-  bi,iiice 
Comme  la  iioif  desor  la  brance. 

\  oiHi  (les  autorités  suQisantes,  et  il  serait  facile  de  citer  d'autres  faits  encore, 
polir  nous  al)soudre  de  demander  une  procession,  la  plus  longue  possible,  des 
plus  belles  femiiies  de  ranti(|uilé.  du  moyen  âge  et  des  temps  modernes  : 
t'iMOMics  liisl()ri([iies,  eoinme  Lucrèce;  femmes  poétiques,  comme  la  Béatrice 
du  Dante;  iV'iinu's  allégoriques,  comme  Psyché.  Pour  présidente  ou  direc- 
trice de  ce  cortège  immense,  nous  n'hésiterions  pas  à  proposer  Vénus  elle- 
même,  en  ([ui  se  résume  la  beauté  universelle. 

I.  la-fulio.  iS.Î,  R.  L.  1-r.  2:G,  \"  c.  i. 


ICO.NOUUAI'IIIK   Di:   L'Ol'KRA.  122 

Je  demande  aux  lecleurs  de  ne  pas  trop  s'efTarouclier  de  vuir  si  frériuem- 
ment  Vénus  et  l'Amour  dans  tout  cela.  Ils  savent  qu'aux  xii%  xiir,  \iv'  siècles, 
les  amours  de  Pyrame  et  Thisbé,  de  Virgile,  d'Arislote,  de  Lancelot  et  de 
Genièvre  se  sculptaient  jusque  dans  le  sanctuaire  des  cathédrales.  De  ce  côté, 
un  Opéra  a  plus  de  privilèges  encore  qu'un  monument  religieux.  Si  l'Amour 
et  sa  mère  doivent  se  représenter  quekiuc  part,  c'est  surtout  dans  une  salie 
d'Opéra  ;  car  ils  sont  là  chez  eux.  Au  moyen  âge  même,  au  xiii*  siècle,  on 
savait  très-bien  mettre  chaque  chose  à  sa  place.  Ainsi,  dans  une  maison,  dans 
un  château,  dans  la  chambre  particulière  d'une  bourgeoise  ou  d'une  châtelaine, 
on  aimait  h  représenter  des  amourettes  et  des  sujets  appropriés  à  leur  desti- 
nation. Marie  de  France  décrit  ainsi  les  peintures  qui  décoraient  la  chambre 
d'une  dame  de  son  temps  : 

Li  siro  ont  fait  dcdcnz  lo  mcur, 
l'ur  sa  fcnimo  nictro  à  seur 
CliuuiiiLrc  S01I7.  ciel  ii'out  plus  l)ele. 
A  l'entréo  fu  la  capele. 
La  caiiiTibre  est  paiiitj  lut  cnlur  : 
Vcniis,  la  dioucsse  (l'amiir, 
Fu  1res  bien  mis  en  la  peinture, 
Los  trai/.  muslie/.  é  la  nature, 
CunieiU  hum  doit  amur  tenir, 
E  léalmcnl  ô  bien  servir. 
Lo  livre  Ovide  ù  il  enseigne, 
Ooincnt  cascuns  s"amour  tesmcgni', 
Kn  un  fu  ardent  lesjoltout; 
V,  lu/,  iceux  escumengout, 
Ki  Jamais  cel  livre  lireienl 
Ktsun  onsoigncmcnt  fercionl  "• 

V^•l  (luni-  polir  Vénus  comme  chct  de  lile  clans  ce  bataillon  des  belles  feiiniies 
du  monde  eiilii-r. 


XI 


l'oiM'  il-  foyr  lie  la  nui.si(|ue,  c'est  la  musi(|ue  elle-même  qui  doit  rournir. 
pur  son  hisloire,  tous  les  motifs  de  décoration. 

1.  Voir  lo  0  Lni  de  (iugeitier  «  dans  les  «  I'o^^ip!»  •  de  Marie  ili<  FriUire,  xni*  «!■  par 

l(o(|uerort,  Paris,  tH;iJ.  Cite  \wr  M.  Viollel-le-|)iir,  •  |)ii-liiinn»iri<  r.ii*<>i>''"  ■'"  '  ■>  "' 

mot  «  Donjon  <>,  page  H^. 


t2'(  ANSAI.KS   AIlCIIKOl.Oiiigi'KS. 

L'Iiistoin!  ili!  I.i  iiiiisi(|uo  se  divise  en  |)liisieiirs  grnnJs  chapitres  dont  quel- 
ques-uns |)(,'uveiil  décorer  lu  f;iande  salle  où  nous  sommes.  Ces  chapitres,  en 
négligeant  Irs  divisions  secondaires,  s'étagent  chronologiquement.  D'ahord 
la  musi(|ue  dans  la  nature,  puisque  tout  son  eu  |)rocède  comme  un  fleuve  pro- 
cède de  sa  soin'cc.  Puis  la  musi(|uc  dans  la  mytiiologie,  (|ui  n'est  pas  spéciale 
aux  Cirers,  mais  appartient  à  tous  les  peuples.  Puis  la  musique  cliez  les  Assy- 
riens. Ii's  Iml  iM-.  les  égyptiens,  les  Hébreux,  les  Grecs  cl  les  Romains.  Puis 
Il  niM-i{|iii'  ,111  inayen  âge,  et  enfin  chez  les  peuples  modernes. 

l/air  est  le  principal,  sinon  riuii(|uc  véhicule  de  la  musique.  Tout  son  qui 
s"('(  liappc  de  l'eau,  de  la  terre  et  du  feu  est  charrié  par  l'air  qui  le  module  et 
I "appoile  h  roreilie.  Au  centre  d'une  composition,  je  figurerais  l'Air  en  le  per- 
sonnifiant à  peu  près  comme  le  xiiT  siècle  l'a  imaginé  dans  un  manuscrit  de 
la  ])ii)liothè(|ni'  niiniicipale  de  lieims  •.  C'est  une  grande  figure  humaine  ailée, 
jambes  et  bras  écartés,  posant  chaque  pied  et  chaque  main  sur  l'un  des  qualrc 
Vents  du  inonde.  Ces  vents  sont  à  la  musique  de  la  nature  ce  que  les  soudlels 
sont  à  celle  de  Torgiic.  Au  lieu  des  quatre  vents,  on  pourrait  n'en  figurer  qu'un 
seul  et  le  placer  dans  l'un  des  cantons  dont  les  trois  autres  seraient  occupés  par 
l'eau,  la  terre  et  le  feu.  C'est  de  l'eau  que  partent  les  bruissements  des  cascades 
et  les  tempêtes  de  la  mer.  La  terre  donne  le  frémissement  des  bois  et  le  cri  des 
hôtes  ;  le  son  s'y  i'é|)crcufo  en  écho.  Le  feu  fait  gronder  les  volcans,  et  de 
l'air  partent,  à  côté  du  chant  des  oiseaux,  les  explosions  de  la  foudre.  11  n'est 
pas  ]ihis  ditririle  de  personnifier  l'eau,  la  terre  et  le  feu  que  les  vents  et  l'air. 
D'ailleurs,  chaque  ligure,  éclairée  et  complétée  par  ses  attributs  spéciaux. 
prendrait  une  signification  parfaitement  précise.  l'.nlin  l'art  chrétien,  le  byzan- 
tin surliiiil.  (|iii  a  jieint  ]ilusiiMn-s  fois  le  cantique  des  trois  IL^breux  dans  la 
fournaise,  doiuieraii  les  indications  sutTisantes  pour  exprimer  par  le  dessin 
cette  musique  de  la  nature.  Dans  ce  cantique  on  personnifie,  on  fait  parler  et 
chanter  les  constellations,  la  pluie  et  la  rosée,  le  froid  et  le  chaud,  la  glace 
et  la  ni>igL\  les  éclairs  et  les  nuées,  les  montagnes  et  les  collines,  les  plantes, 
les  mers,  les  fleuves  et  les  fontaines,  les  oiseaux,  les  bêtes  féroces  et  les  trou- 
peaux "-.  Il  l'aiidrait  être  bien  maladi'oit  pour  ne  i)as  composer,  avec  de  pareils 
éléments,  la  miisi(iue  de  la  nature. 

La  inusi([ue  dans  la  mythologie  est  plus  facile  encore  à  composer.  Au  cen- 
tre, Apollon,  le  maître  des  Muses,  le  chef  d'orchestre  de  la  musique  humaine. 
Dans  les  quatre  côtés,   Orphée  qui  charme  les  enfers,  Arion  qui  apaise  les 

1 .  CeUo  iiiinialure,  ou  plulot  ce  dessin  au  Irait,  du  xiii"  siècle,  a  été  publié  dans  les  «  Annales 
Arclii'ologiques  »,  vol.  i,  page  aide  la  seconde  édition. 
î.  Daniklis  <r  Piopli'?'ia  »,  cap.  nr,  v   57-90. 


icoNocinpiiir.  di-:  i.'optitA.  i-:3 

flots,  Ampliii)ii  (|ui  anime  la  terre  et  les  pierres,  Pytliagore  qui  trouve  le 
rliythmc  dans  le  mouvement  des  corps  célestes.  Çà  et  là.  Mercure,  inventeur 
do  la  lyre;  Ilarmonia,  la  femme  de  Cadmus,  qui  trouve  la  fliite  simple;  Bac- 
fluis,  c'iqui  l'on  attribue  la  double  flùlc;  Pan,  qui  joue  de  la  flûte  à  sept  tuyaux; 
les  Tritons,  ([iii  font  sonner  les  conques  marines;  les  Sirènes,  qui  pincent  de 
la  harpe  en  s'accompagnanl  de  leur  voix.  Les  histoires  de  Philomèle,  de 
l'Hirondelle,  du  Cy^ne.  pourraient  alterner  avec  le  défi  des  Piérides,  de 
Marsyas,  de  Thamyris,  et  les  autres  légendes  mythologiques  où  l'arl  musical 
est  en  jeu . 

Quant  à  la  musique  chez  les  peuples  de  l'antiquité,  c'est  tout  simplement 
im  cours  de  l'histoire  musicale  k  représenter  dans  une  série  de  tableaux.  Il  n'y 
faudrait  oublier  ni  David  entouré  de  ses  chantres,  ni  les  Hébreux  captifs  sur 
les  rives  de  l'Eujjhrate,  ni  même  Jubal  auquel  est  attribuée  l'invention  des 
instruments  de  musique,  comme  est  attribuée  à  Linus  la  création  de  la 
mélodie. 

Le  moyen  âge,  auquel  nous  devons  l'invention  ou  tout  au  moins  l'immense 
développement  des  cloches,  des  carillons,  de  l'orgue  et  de  l'harmonie,  nous 
a  donné  :  sainte  Cécile,  la  patronne  dos  musiciens;  saint  Ambroise  et  saint 
Augustin,  les  auteurs  du  «  Te  Oeum  »;  saint  Grégoire  le  Grand,  (pii  a  renou- 
velé et  réduit  en  système  le  plain-chant  ;  saint  Thomas  d'Aquin.  qui  a  com- 
posé cet  oITico  (lu  .Saint-.Sacremcnt,  le  plus  éclatant  des  offices  de  ri-iglisc. 
Encore  un  tableau  dont  sainte  Cécile  occuperait  le  centre,  comme,  plus  haut 
Apollon  et  l'Air,  et  qui  serait  cantonm'-  par  saint  Ambroise,  saint  Augustin, 
saint  Grégoire,  saint  Thomas  d'A(|in'n. 

Kn  face  de  celle  musi(|uc  sacrée,  il  faudrait  poindre  la  musi((uc  profane  des 
troubadours  et  des  trouvères,  des  déchanteurs,  des  chansonniers,  dos  dra- 
maturges naissants,  ii  (jui  nous  devons  le  développement,  inconnu  à  l'anli- 
(|iiili'',  ilo  rii.iniinnir  iiiMsicalo. 

Ouant  aux  lem|is  modi'rnes  et  actuels,  il  faudrait  faire  un  choix,  lanl  les 
sujets  s'olTrenI  on  abondance  pour  figurer  l'histoire  de  la  nuisi(|ue  et  l'histoire 
dos  grands  musiciens  de  notn;  Kuropo.  C'est  \h.  (pi'à  l'imitation  de  l'élrarque, 
on  poin-rait  représenter  le  Triomphe  di!  la  Musique.  .Sur  le  char,  au  lieu  d'un 
soMJ  Irimiipli.ilriM  ,  j'i'ii  voudrais  trois  :  l'Air.  Apollon  ol  sainte  Cécile,  escortés 
par  les  musiciens  célèbres  de  tous  les  temps  ot  de  tous  les  pays'. 

I.  I.'Oih'tiI  ii'ii|i|iiii'lii<iit  |iiH  spiilomnnt  a  P.iri»,  mni't  îi  toiilo  lii  Fr.inco  ol  nu  mon<|p  i>nlipr.  Ij>« 
plus  >;r.iiiils  (.'l'iiii's  l'Iriium'rs,  roimiic  Mryorhpor  ol  llossini.  y  fonl  rliTlion  •'  ■  Pl  no  ne 

iToioiit  iflorioiix  (Hi'M|>ri'.H  y  «voir  i-li'  rouroiiiu'!).  Touh  I«J  p<i\»  ■•'  '""-  '■•'  '■•!  '  iLm.-  « 

fiiiro  corl^KO  nu  Trii)iii|ilio  ik<  lu  Musique. 


I2C.  ANNAI.KS  AltniKOLOfUOUKS, 


MI 


A  la  salle  du  foyor  de  la  !)an«c  appartient  ctclusivement  l'art  spf'-eial  do 
l'allilude  en  iiioiivemenl,  que  l'on  devrai!,  comme  je  l'ai  dit  plus  lianl. 
a|)peler  l'Aclion,  pour  lui  donner  un  earaclère  gt^néral. 

La  danse  dans  la  nature,  la  mytiiologie  et  l'histoire  correspondrait  aux 
lableau\  de  iniisi(|uc  indi(|ués  ci-dessus.  I-es  eaux  qui  ondulent  ou  bouillon- 
ni'iiU  les  |)lanlcs  et  les  arbres  qui  se  courbent  ou  se  balancent  au  soudle  du 
vent,  les  animaux  qui  rampent  ou  bondissent,  les  oiseaux  qui  planent  ou  qui 
volent,  la  flamme  (jui  s'élance;  ou  tourbillonne,  les  astres  qui  accomplissent  en 
chœur  leurs  diverses  révolutions,  rentrent  dans  le  domaine  de  la  danse  natu- 
relle et  primitive. 

Li'i,  mythologie  fait  exécuter  des  rondes  à  l'année,  aux  saisons,  aux  mois, 
aux  jours  et  siirtonl  aux  heures.  La  danse  des  dilTérentes  heures  du  jour  et 
de  la  nuit  est  une  de  celles  que  les  chorégraphes  aiment  à  composer.  Ils  font 
danser  les  saisons,  les  sens,  les  quatre  ou  cinq  parties  du  monde  avec  Vénus 
et  les  Amours,  avec  les  Grâces  et  les  Muses,  avec  Diane  et  les  Nymphes. 
Voitm-e  décrit,  dans  une  lettre  au  cardinal  de  La  Valette,  une  fête  que 
M""  (le  Vi^eaii  donnait  à  la  princesse  de  Condé.  11  ajoute '*  :  «  Au  bout  d'une 
allée,  gi'ande  à  perte  de  vue,  nous  trouvasmes  une  fontaine  qui  jettoit  toute 
seule  plus  d'eau  que  toutes  celles  de  Tivoli.  A  l'entour  estoient  rangés  vingt- 
quatre  violons  qui  avoient  de  la  peine  à  surmonter  le  bruit  qu'elle  faisoit  en 
tombant.  Quand  nous  en  fusmes  approchés,  nous  descouvrismes  dans  une 
niche,  (|ui  estoit  dans  une  palissade,  une  Diane  à  l'âge  d'onze  ou  douze  ans, 
et  plus  belle  que  les  forêts  de  Grèce  et  de  Thessalie  ne  l'avoient  jamais  vue. 
Tout  à  coup  la  déesse  sauta  de  sa  niche  et,  avec  une  grâce  qui  ne  se  peut 
représenter,  commença  un  ballet.  Ceux  qui  ne  croyent  pas  les  fables  crurent 
que  c'estoit  mademoiselle  de  Bourbon.  » 

Non-seulement  les  déesses  de  l'antiquité  mènent  des  ballets,  mais  on  fait 
danser  même  les  Arts  libéraux  du  moyen  âge,  qui  sont,  nous  l'avons  déjà  dit  : 
la  Granunaire.  la  Dialectique,  la  Rhétorique,  l'Arithmétique,  la  Musique,  la 
Géométrie  et  l'Astronomie. 

1.  Les  «  Œuvres  »  de  M.  de  Voit  rf.,  lettio  x,  Paris,  1658.  In-12,  page  27.  —  CeUe  citation 
est  tirée  d'un  mémoire  de  M.  le  comte  Léon  de  Laborde  sur  les  «  Châteaux  dans  les  environs  de 
Paris  au  xvir  siècle,  publié  dans  la  «  Revue  générale  de  l'architecture  »  de  M.  Daly.  vol.  vi, 
année  I8ld-I84(i,  col.  401-492. 


iroNOGRM'iiir.  [)!•:  l'oi-kka. 


127 


l.c  (i  Ballet  des  arts  »,  paroles  de  Benserade,  musique  de  Liilly,  fut  dansé 
pour  la  première  fois  par  Louis  XIV  le  8  janvier  16G3.  M""  de  Brancas, 
dont  les  pamphlets  du  teinps  ont  célébré  les  mœurs  légères  et  fort  bien  appro- 
priées à  la  danse,  y  représentait  la  Géométrie  : 


Brancas,  ceUe  jeune  merveille, 
Qui  a  le  pas  fin  et  l'oreille, 
Dans  ce  ballet,  non  par  hasard, 
Keprésentoit,  dit-on,  un  art; 


Oui,  c'éloil  la  Géométrie. 
Son  habit,  couleur  de  prairio 
El  qui  valoit  son  pesant  d'or. 
M'en  fait  ressouvenir  encor  '. 


J.a  danse  hisforiqtie  chez  les  différents  peuples  et  aux  différents  siècles, 
dcpin'à  la  danse  du  labyrinthe  décrite  dans  1' «  Iliade  »  d'Homère,  et  qui 
appartient  encore  à  la  mythologie,  jusqu'à  la  polka  ou  la  valse  de  nos  jours, 
fouiin'iait  un  nombre  infini  de  sujels  de  tableaux. 

I^a  danse  est  beaucoup  moins  profane  qu'on  ne  le  pense,  et  la  danse  de 
David  devant  l'arche  lui  donne  une  origine  suffisamment  respectable.  Autre- 
fois, dans  i'Mglise  lalitie,  la  plupart  des  cérémonies  étaient  accompagnées  de 
danses;  aujoind  Imi  encore,  surtout  en  Espagne  et  dans  l'Atnérique  du  Sud. 
on  danse  dans  les  rues,  dans  les  églises  même,  en  présence  du  Saint-Sacre- 
ment, surtout  à  l'époque  di\s  processions  de  la  l'otc-Dicu.  I/Eglise  grecque, 
plus  tenace  dans  ses  vieilles  coulumes  que  l'I-lglise  latine,  a  conservé  ses 
danses  liturgitiucs  dans  les  églises.  A  Kleusis,  j'ai  assisté  au  baptême  d'un 
enfant,  pendatit  lecpiel  le  prêtre  officiant  a  dansé  avec  la  maiTaine,  le  parrain 
et  toute  la  famille  autour  de  la  cuve  baptismale.  Dans  une  église  d'Atliènes, 
j'ai  vu  célébrer  un  mariage  qui  s'est  terminé  par  une  danse  dans  l'église 
même.  «  I/tisage,  dans  lequel  étaient  les  anciens  peuples  de  ne  jamais  sé- 
parer la  danse  de  la  miisi(|ue,  se  conserve  encore  dans  les  chants  religieux 
des  chrétiens  d'Abyssinie,  suivant  ce  que  m'ont  assuré  les  prêtres  et  les  pa- 
triarches de  cette  liglise,  (|iii'  j'ai  ni  l'occasion  de  consulter  à  ce  stijel,  dans 
les  fiétiuenles  visites  que  je  leur  ai  faites  au  Vieux-Caire,  où  ils  ont  un  lios- 
pice  ■-  ».  —  Chez  les  Arabes  et  les  Turcs,  des  moniistères  sont  occupés  exclu- 
sivement par  des  derviches  lotirncurs  dont  la  fonction  est  de  danser  dans  les 
mosiiuécs.  I.(,'s  aimées  de  l'Inde  sont  célèbres  par  h-tirs  danses  sacrées,  i|uoi- 
que  licencieuses,  dans  les  temples  de  Brahma  et  île  Bmidda.  Les  danses  rcli- 


1.  «  Len  rinis.so'4  l'nides  ou  les  Ainount  do  M""  de  Branras  et  autres  dames  do  la  cour  »,  «n* 

nmn  (ruulour  (  lliissy-ltabiitiii  piMit-i^lre),  à  la  suite  de  1'»  llislum'  ' >'  dw  (îiiulwi  »,  [ur 

lluH-N -Italiulin,  édit.  P«i:i.  IIihtivMi  et  Ou.  I.i\kt,  «  Uililiollii'>i|ue  '  -  •.  vul.  il,  p.  33t. 

2.  Viixiiti:m',  «  lliu-heri'hu'i  «ur  l'unalugio  du  lu  musiiiuu  iivoc  les  art»  qui  oui  |wur  o^jvl  i'imr 

littiuii  du  lan^ii;;  <  ..    i    g    |,    ',7 


128  ANNALKS  AltCllÉOLOfJIOLKS. 

{pieuses  lU:  \"\\i'.  l'oniiuse  sont  racontées  en  détail  par  les  voyageurs  anglais. 
J^es  prôtrcs  dansent,  sautent,  tournent  et  chantent  en  présence  de  leur 
patriarche  qui  assiste  à  ce  spectacle  avec  un  air  sérieux '.  Kiitin,  plus  près  de 
clic/,  nous,  à  liptornach,  dans  le  grand-duché  de  Kuxenibourg,  huit  ou  dix 
mille  personnes  exécutent  cette  fameuse  procession  dansante  qui  a  lieu,  dans 
le  mois  de  juin  di;  cliacjue  aimée,  au  tombeau  de  saint  Willibrod.  Hommes, 
Iriiimes,  vicillaids,  cnfaiils,  se  forment  en  cortège  et  dansent,  trois  pas  en 
avant  et  deux  en  arrière,  sur  l'air  :  «  Adam  avait  sept  fils  détrempant  de  leur 
sueur,  sans  paix  ni  trêve,  la  terre  du  chemin  2»,  Le 'JO  juin  1852,  huit 
inillc  cent  pèlerins,  venus  des  environs  et  même  de  pays  assez  lointains,  |)ri- 
i-enl  i)art  à  cette  procession.  Une  foule  immense  suivait  les  sauteurs  en  psal- 
iiindiaiil  dos  prières  ^. 

Un  (III  |ilusieurs  tableaux,  qui  représenteraient  ces  danses  religieuses  et 
lilurgicjues,  ne  seraient  certainemciil  pas  dénués  d'intérêt.  Il  paraît  que  sous 
les  premières  dynasties  chinoises,  mille  ans  et  plus  avant  Jésus-Christ,  l'ex- 
trèm'c  Orient  avait  des  danses  mimiques  du  caractère  le  plus  grave  et  le  plus 
religieux.  On  cilc  huit  grandes  danses  et  six  petites  que  les  fils  de  l'empire 
devaient  apprendre  et  exéciiler.  —  Voici  le  nom  des  grandes  :  1°  La  «  Porte 
des  nues  n,  en  riionncur  des  esprits  célestes;  2"  la  «  Tournante  »,  employée 
lorscpie  l'empereur  olïrail  les  sacrifices  sur  l'autel  rond;  .V  la  «  Simultanée  », 
lorsqu'il  les  olTrait  sur  l'autel  carré;  k"  la  «  Cadencée  ».  usitée  dans  les  sacri- 
fices aux  astres;  5°  la  «  Vertueuse  »,  pour  célébrer  les  esprits  des  montagnes 
et  des  rivières;  G°  la  «  Bienfaisante  »,  en  l'honneur  des  ancêtres  femmes; 
7"  la  «  (Wierrière  »,  en  l'honneur  des  ancêtres  hommes  ou  de  (pielque  vic- 
toire; 8"  r  «  Agitation  des  eaux  »,  exécutée  dans  les  sacrifices  aux  esprits 
terrestres  et  lors  de  la  fête  des  ancêtres.  Elle  imitait  le  mouvement  des  eaux 
agitées  par  la  brise.  —  Par  les  six  petites  danses  on  invitait  les  esprits  à 
venir  assister  aux  fêtes.  La  première,  celle  du  «  Drapeau  »,  appelait  les 
esprits  de  la  terre  et  des  moissons;  la  seconde,  celle  des  «  Plumes  »,  appelait 
les  esprits  des  (jualre  parties  du  monde;  la  troisième,  celle  de  l'oiseau  mys- 
térieux «  l'oang-lloang  »,  conjurait  la  sécheresse;  dans  la  quatrième  et  la 
cinquième,  celles  de  la  »  Queue  de  bœuf»  et  du  «  Dard  ».  on  honorait  les 
esprits  des  rivières  et  des  montagnes;   la  sixième,  nommée   la  danse  de 

1.  u  llliistraled  Londoii  News»,  novembre  1S.Ï9. 

2.  liiNTKniM,  c(  De  Sallaloria  quse  Eptcrnaci  quolannis  celebratiir  ».  ln-8°de  45  page?,  Dussel- 
dorf,  184s.  Coite  procession  a  etc  insliluée  en  1376  jiour  implorer  de  Dieu  la  cessalion  d'un 
fléau. 

3.  «  Le  Siècle-  du  29  |iiin  1852. 


ICONOGHAI'lIli:  DK  L'Oi'KUA.  123 

I' <i  Homme  »,  s'exécutait  les  mains  libres,  cgaicmcnl  en  l'honneur  des 
esprits*.  Tout  cela  est  bien  alambiqué  et  digne  de  l'esprit  symbolique  et 
ralTmé  des  Cliinois,  mais  un  maître  de  ballet  saurait  y  trouver,  même  aujour- 
d'hui, des  motifs  curieux.  En  tout  cas,  dans  le  foyer  de  la  danse,  à  l'Opéra. 
on  pourrait  en  tirer  un  ou  deux  tableaux  intéressants.  La  danse  des  Indiens, 
celle  des  Égyptiens-,  celles  des  Grecs  et  des  Romains,  fourniraient  des  com- 
positions aussi  nombreuses  et  aussi  curieuses  qu'on  le  voudrait.  Chez  les 
anciens  Grecs,  une  danse  était  parliculiùremcnt  célèbre;  c'est  celle  que  décrit 
Homère  dans  le  chant  xviiT  de  l'Iliade  et  qu'on  nomme  la  danse  de  Dédale 
ou  du  labyrinthe  : 

Il  Vulcain  trace  ensuite  (sur  le  bouclier  d'Achille)  un  chœur  semblable  h 
ceux  ([ue  jadis,  dans  la  vaste  Gnosse,  Dédale  forma  pour  Ariane  à  la  belle 
chevelure.  Des  jeunes  gens  et  des  vierges  attrayantes,  se  tenant  par  la  main, 
frappent  du  pied  la  terre.  De  longs  vêtements  d'un  lin  fin  et  léger,  des  cou- 
ronnes de  fleurs  parent  les  jeunes  filles.  Les  danseurs  ont  revêtu  des  tuniques 
d'un  tissu  riche  et  brillant;  leurs  épées  d'or  sont  suspendues  à  des  baudriere 
d'argent.  Tantôt  le  chojur  entier,  non  moins  léger  qu'expert,  tourne  aussi 
rapide  que  la  rouo  du  potier  lorsqu'il  éprouve  si  elle  peut  seconder  l'adresse 
de  ses  mains.  Tantôt  ils  se  séparent  et  forment  de  gracieuses  lignes  qui 
s'avancent  tour  h  tour.  La  foule  les  admire  et  se  délecte  à  ces  jeux.  Deux 
agiles  danseurs,  en  tête,  donnent  le  signal  des  chants  et  pirouettent  au  milieu 
du  chœur.  » 

Il  p.uaît  qu'on  exécute  encore  en  Géorgie  des  danses  qui  reproduiraient 
dans  leur  configuration  le  labyrinthe  de  Crète,  celle  «  maison  de  Dédains  », 
comme  dit  un  maiiustrit  d'Amiens  où  il  est  question  de  l'ancien  labyrinthe 
dont  était  pavée  la  nef  do  la  calli/'ilrale.  Ces  processions  d'enfants  et  |)eut-èlrc 
(le  grandes  personnes  aiiluiir  ûc^  labyrinthes  gothiques  de  nos  cathédrales 
(le  Chartres  ou  dr  Reims,  n'auraient-elles  pas  été  des  espèces  de  danses 
lilurgi(iues,  issues  de  la  danse  de  l'Iliade? 

Ce  serait  passablement  étrange.  Quoi  ([u'il  en  soi!,  la  danse  du  Labyrinthe, 

I.  Voir  AiiiiiiA  m.  l.\  I'm.i:,  «  ilistoiro  giinonilo  do  la  musiquo  cl  do  la  danse  >,  (.  i,  p.  338 
ot  siiiviinlos.  Du  Lu  l''ii);o  cilo  Amiut,  «  Mémuiro  sur  In  tiuisii|iio  des  Cliinoi-i  •;  Nokl  cl  I'lc- 
UUKT,  lo  a  Livre  ili,';)  :«oiiloiu'OS  >;  (■Rii'ttKn,  •  I)«  I»  l'.liino  ou  iloscri|ttion  i;t^n('rolc  de  rei  om- 
piro  •;  (îoui'AN,  «  Dirtiuiiniiire  de  ilflns4<  o;  |)k  L'AiXNAtK,  •  do  b  ivilliilion  tlii'ittrale  *,  olc. 

t.  Voir  AiiniKN  iik  La  l'Aiii:,  «  Histoire  gi^nériilo  do  l.i  iiiiisiqiio  ot  do  la  d.r  *  i  el  ii. 

In-H",  iivoo  allas  in-folio,  Paris,  InU.  MalliounMisonu'iit  do  l.a  l-'ai;oo'>l  mi>rt  .> ,iir  publia 

lu  suito  do  ce  grurid  ol  snvnnl  otivra^o  uii  il  aurait  donné  lu  iiiiiiiiquo  et  la  danite  rhet  le»  Grec*, 
les  lloinains  el  clio/,  les  nation;!  modornos.  Qui  donc  continuera  ro  livre  ti  curieux  ol  ti  utilo 
pour  riiistgiro  do  l'art? 

XXIV.  1  : 


1:50  ANNALKS  AltClIl'OLOdlOl.'ES. 

Ci;  (|iii  est  plus  iialiiiel,  sctnlilo  s'ôlri;  conservée  dans  lu  ville  d'Alliènes.  Voici 
II'  (|ui'  .l.-.l.  Ampère,  dans  la  <i  (Irècc,  Rome  cl  Danic  »,  en  dit  Ix  la  page  17  : 

«  La  danse  (pii  a  lieu  lods  les  ans,  le  l"  avril,  anionr  du  lemplc  de  Tliéséc, 
paraît  provenir  en  ligne  droite  de  la  danse  ([ue  Dédale  inventa  pour  la  belle 
Ariane,  dont  le  souvenir  serait  encore  lié  au  souvenir  de  son  ravisseur  infi- 
dèle. Les  voyageurs  les  plus  récents  remarquent  que  le  jeune  homme  (|ui 
conduit  le  chœur  se  permet  seul  des  bonds  et  des  sauts  périlleux  que  s'inter- 
disent les  autres  danseurs.  Il  en  est  de  même  des  n  cubistes  »,  qui,  dans  la 
danse  qu'Homère  a  dessinée  sur  le  i)i)uclicr  d'Achille,  conduisent  le  clianl  et 
bondissent  au  milieu  de  la  foule. 

«  Nous  devons  à  une  Grecque  aimable,  mère  du  plus  «  anti(|ue  »  de  nos 
po  tes,  à  M"'"  Chénier,  quelques  détails  curieux  sur  la  danse  d'Ariane.  Tantôt 
on  l'exécute  avec  un  fil  c|ui  rappelle  celui  du  labyrinlhe,  tantôt  avec  un  mou- 
clidir.  La  |)ersonne  ([ui  lii'ul  le  mouchoir  dit  ces  paroles  :  «  Navire,  qui  es 
Il  parti  et  (|iii  lu'enlèves  mon  bien-aimé,  mes  yeux,  ma  lumière,  reviens  pour 
<i  me  le  rendre  ou  pour  in'emmener  aussi.  »  On  voit  que  c'est  Ariane  qui 
parle  et  le  mouchoir  est  là  pour  essuyer  ses  larmes.  Quand  Ariane  a  chanté, 
le  cha;ur  lui  répond  sur  le  même  air,  en  s'unissant  au  sentiment  qu'elle 
éprouve,  à  la  manière  du  chu-ur  anli(iue  :  «  Maître  du  navire,  mon  seigneur, 
ce  et  vous,  nocher,  âme  de  ma  vie,  revenez  pour  me  le  rendre  ou  pour  m'em- 
«  mener  aussi.  »  Les  danses  dans  lesquelles  les  hommes  figurent  seuls  sont 
moins  gi'acieuses,  mais  bonnes  à  noter  ici,  comme  particulières  à  la  Grèce,  et 
ollVant  plus  de  ressemblance  avec  le  cliœur  antique,  où  ne  figuraient  jamais 
ensemble  des  hommes  et  des  femmes.  Il  y  a  un  rapport  frappant  entre  le 
chœur  tragique  qui  se  mouvait  autour  de  l'autel  de  Bacchus  et  la  ronde  des 
Albanais.  (|ne  Leake  appelle  un  chœur  circulaire,  et  qui,  d'après  l'énergique 
peinture  de  Byi'on.  semble  avoir  gardé  le  caractère  «  orgiastique  »  d'une 
danse  consacrée  à  Bacchus  ». 

Le  foyer  de  la  danse  de  l'Opéra  ne  peut  se  passer  d'un  tableau  représen- 
tant cette  danse  homéricpie.  Je  demande  pardon  de  m'ètre  attardé  aussi 
longtemps  sur  cette  danse  du  labyrinthe,  et  je  ne  dirai  plus  qu'un  mot  sur 
les  danses  modernes. 

Il  faudrait  représenter  les  saltarelles  et  les  tarentelles  de  l'Italie;  les  bolé- 
ros et  les  seguidilles  de  l'Espagne;  les  valses  do  l'Allemagne;  les  polkas  de 
la  Pologne;  les  standelles  de  l'Angleterre;  les  branles  et  les  rondes  de  la 
l'rance.  Dans  cet  Opéra  français,  on  doit  faire  une  grande  place  aux  danses 
nationales  de  iiolic  pays.  Chaque  province  pourrait  fournir  un  contingent  spé- 


iconograpiiif:  DF  L'OFÉKA.  131 

cial.  Ainsi  l'Auvergne  a|)poilcrait  la  bourrée  et  la  goignade  *;  la  Bretagne,  le 
triliory  et  le  passe-pied;  la  Provence,  la  volte  et  la  martagalle-;  la  Cham- 
pagne.. rile-de-France  et  la  Bourgogne,  les  branles  et  les  rondes  de  toute 
espèce  et  de  tout  caractère.  A  la  cour  de  Henri  H,  on  dansait  la  gaillarde  et 
la  courante,  les  branles  de  la  pavane,  de  la  torche,  de  la  jarretière'. 

Voici  sur  la  jarretière  un  assez  joli  passage  de  Brantôme  qui  s'entendait  à 
décrire  les  danses  de  la  renaissance  : 

(1  Celte  cérémonie  sainte  de  dames  ■''  me  fait  ressouvenir  (sans  comparaison) 
d'une  profane,  mais  belle  pourtant,  qui  fut  faite  à  Bome  du  temps  de  la 
guerre  punique,  ([ii'on  trouve  dans  Ïile-Live.  Ce  fut  une  pompe  et  une  pro- 
cession qin'  s'y  (it  de  (rois  fois  neuf,  qui  sont  vingt-sept  jeunes  belles  filles 
romaines  et  toutes  pucelles,  vestues  de  robettes  assez  longuettes  (l'histoire 
n'en  dit  point  les  couleurs);  lesquelles,  après  leur  pompe  et  procession  ache- 
vée, s'arreslèrent  en  une  place,  oii  elles  dansèrent  devant  le  peu|)le  une  danse 
en  s'entredonnans  une  cordelette,  rangées  l'une  après  l'autre,  faisant  un  tour 
de  danse  en  accommodant  le  mouvement  et  frétillement  île  leurs  pieds  Ji  la 
cadence  de  l'air  cl  de  la  chanson  ([u'elles  disoient  :  ce  qui  fut  une  chose  très 
bcllo  h  voir,  aillant  par  la  beauté  de  ces  belles  filles  que  pour  leur  bonne 
grâce,  leur  belle  façon  ;\  la  danse-,  et  poin-  leur  aiïflté  mouvement  de  pieds, 
qui  certes  l'est  d'une  belle  pucclle  quand  les  sçait  gentiment  et  mignardement 
conduire  et  mener.  Je  me  suis  imaginé  en  moy  cette  forme  de  danse,  cl  m'a 
fait  souvenir  {l'une  que  j'ai  vcu  de  mon  jeune  temps  danser  les  filles  de  njon 
pays,  qu'on  appeloit  «  la  jarretierre  »;  lesquelles  prenans  et  s'entredonnans 
la  jarretière  par  la  main,  les  passoienf  et  repassoient  par-dessus  leur  tcsic, 
puis  les  mesloienl  et  entrelassoient  entre  leurs  jambes  en  sautant  dispostcment 
par-dessus,  et  puis  s'en  desvelopoient  et  desengagoienl  si  gentiment  par  de 
petits  sauts,  tousjours  s'cntresuivans  les  unes  après  les  autres,  sans  jamais 


I.  I/al)l)i^  l'Iùiliior,  (|iii  n'éUiil  pas  oncoro  évoque,  parle  ainsi,  dans  l(S  «  Omnds  jours  d'Au- 
vorp;no  »,  do  ces  doii\  danso^  :  —  «  l.ii  liourn^e d'Auvergne  c?l  une  dunso  gnie,  rigunV«,  agréable; 
où  les  dt'i()arls,  les  rencontres  cl  les  mouvomonts  font  un  Irùs-bol  effi-l  cl  divertissent  fort  les 
spoclatours.  Mais  la  goignude,  sur  le  fond  de  la  gaieté  do  la  Uiurrée,  ajoute  une  bro<lerie  d'im- 
pudenco,  et  l'on  peut  dire  que  c'est  la  danso  du  monde  la  plus  dissolue.  Bile  se  soulionl  (vir  de» 

pas  fort  dùrégli's  et  (|ui  no  laissent  |>as  d'entre  uiestirés  et  justes,  et  par  des  (i ••'  iri*- 

liardies  el  qui  font  une  ngilalion  uni\ersolle  de  tout  le  cor|>s.  •  —  Je  nu  ft»'.  :\  U 

citation,  parce  (|ue,  bien  qu'émanant  d'un  ucclésiusti(|ue  i|ui  fut  oviV|uc,  elle  uio  |Mniii  un  peu 
trop  libre  d'expressions. 

•i.  Voir  les  «  Conte.sd'llutrapel  n,  173t.  In-li.  I.  i.  p.  301. 

;i.   llhAMÙMi:,  '<  Dames  gidantes  •>,  discours  vu,  p.  'MTi,  339,  istil.  in-lM,  IH.'il. 

\.    Haiiie-i  lie  Sienne,  ipii  s'rl.iii'nl  r'<|iil|ir'i>.i  pnor  drCiMiiln'  li'iir   \,"r  r.<iitii>   li-,  Imiihi  i  mt 


1:!2  ANNAI.KS   A  IICII  r.OLOGIOUES. 

|Hiilii'  la  cadaiico  (!<■  la  cliaiison  ou  (1<;  l'iiislrunienl  qui  les  guiiloil;  si  que  la 
chose  csloil  Irùs-piaisaiilc  .'i  voir,  car  les  sauts,  les  cnirelassemculs,  les  desga- 
Komcnls.  le  |K)rt  di;  la  jarret iùrc  ol  la  grâce  des  filles  porloieul  je  ne  sçay 
(|ucl([iic  lascivité  niignarde,  que  je  in'estoniic  (|uc  celle  danse  n'a  esté  prali- 
(|ii(''('  (Ml  nos  coiu's  de  nostre  temps,  puis(|uc  les  callcçons  y  sont  fort  propres, 
el  (in'nii  y  piiil  voir  aisément  la  belle  jamhe,  et  qui  a  la  chausse  la  mieux 
tirée,  et  ([ui  a  1 1  plu-  ImHc  disposition.  Cette  danse  se  peut  mieux  repré- 
senter |)ar  l;i  vcuë  (jue  par  l'escriture  ^  ». 

Une  danse  fort  célrhre  aux  xv'  et  xvi"  siècles,  danse  d'origine  orientale, 
mais  que  la  l'rancc  s'était  appropiiée  et  avait  rendue  nationale,  est  la  Mo- 
riscpie.  Le  document  qui  suit  ne  dit  pas  comment  on  la  dansait,  mais  com- 
liH'iil  on  s'hahillail  |)()ur  l'exécuter  : 

«  A  Mue  do  Boulogne,  varlet  de  ciiambrc  el  paintre  de  Mds  (mon  dit 
seigneur,  riiilippe  le  Hoii.  duc  de  Bourgogne),  pour,  par  l'ordonnance 
d'iccllui  S,  avoir  l'ait  de  son  incsticr  vu  habis  de  drap  de  soye  de  plusieurs 
coulléurs  cl  esli'aiige  faclion.  propices  à  danser  la  morisque  et  iceulx  cnrichiz 
d'ouvrage  de  [leaulx  de  Brésil  d'or  et  d'argent,  de  lettres  sarasinoises  et  de 
Idiirhclles  l'aides  h  manière  de  drap  d'or  el,  avec  ce,  fait  toutes  les  bordures 
el  iiianehes  et  le/,  enrirliiz  d'or  clinquant  de  trois  doubles  déhachées  h.  ma- 
nières de  franges  d'or  et  d'autres  ouvrages  non  semblables  l'un  à  l'autre,  et 
avec  chascun  habit  une  coquclucc  de  semblable  soye  et  de  pareilles  façon  et 
cstolïes.  estofl'ées  les  unes  de  elles  (ailes)  de  serpens  et  ung  long  col  à  ma- 
nière d'une  beste  tout  chargée  do  fremaillcs  et  d'or  tremblant,  le  plus  dru 
(|iie  l'aii'e  se  pi'iil,  et  les  autres  d'autres  devises;  ensamble  avec  chascun 
d'iceuK  habis.  une  pairc^  de  chausses  de  toille,  où  sont  faictes  testes  de  ser- 
pent de  bature  d'or  parcy,  qui  mordent  de  dessus  jusques  aux  genoulx  dont 
saillcnl  gouttes  comme  de  sang  et  autres  devises,  et  fait  à  chascun  une  barbe 
et  chevelure  estranges,  sollers  et  sonnettes  pour,  à  tous  iceulx  liabiz.  danser 
lamoris([uc;  pour  chascun  dcsquelz  lui  a  esté  tauxé.  tant  pour  cstolTes  de 
son  mestier  comme  poiu'  la  façon,  vu  I.  de  xl  gros  dicte  monnoye,  valent 
comme  appert  par  (juittance  dudit  Hue  et  certiiïicacion  de  Anthoine  de  l\o- 
chebaron,  cscuier  trcnchant  de  Mds.  par  lequel  icellui  S.  les  a  fait  faire  et 
ordonner  sur  les  pris,  marchié  et  délivrance  d'iceulx  habillemens...  XLix  1.  -  ». 

1.  lir.iiilome,  «  Dames  galantes  »,  discours  vi,  p.  2So-287,  édit.  in-18,  Paris,  1831. 

2.  Comte  L.  DE  Laborde,  «les  Ducs  de  Bouri;ogne  ».  seconde  partie,  t.  i.  preuves,  in-8°, 
Paris,  1849,  pages  2o2-253,  n"  8G8,  compte  de  Guy  Guilebaul,  années  1427-1428.  —  Dans  le 
compte  de  1439-1440,  pages  373-374,  n"  1301,  on  lit:  «  A  Pierre  de  Miguiel,  NIcaise  de  Cam- 
brav  et  quatre  autres  ieuis  compaignons,  quant  ils  ont  naguères  joué  jeux  de   personnaigcs  et 


ICONOGRAPHIE   DE  L'OPl'iliA.  133 

Il  est  probal)le  qu'à  toutes  ces  danses  fiévreuses  et  brûlantes  on  apportait 
quelques  réfrigérant,  et  que,  de  temps  à  autre,  on  exécutait  ce  fameux  branle 
de  la  mort  que  l'on  appelle  la  "  Danse  Macabre  »,  où  tous,  sans  exception, 
nous  avons  notre  rôle  à  jouer'.  Dans  un  foyer  de  l'Opéra,  ce  serait  un  sujet 
un  peu  lugubre,  une  espèce  de  «  Dies  iraî  »  coupant  une  chanson  bachique. 
Mais  si  le  cœur  nous  manque  à  regarder  cette  terrible  danse,  où  il  faudra 
bien  cependant  que  nous  entrions  un  jour  ou  l'autre,  on  pourrait  du  moins  en 
peindre  la  contrc-parlie  que  nous  trouvons  dans  l'histoire  du  petit  Jehan  de 
Sainlré.  Ce  calque  ou  plutôt  cet  envers  de  la  funèbre  médaille  de  la  danse 
macabre  est  vraiment  curieux  ;  là  ce  n'est  plus  la  mort,  mais  c'est  l'amour 
qui  fait  gémir  et  danser  le  genre  humain  : 

«  lié!  amours  très  faulces,  maulvaises  et  traistres,  semblerez-vous  tous- 
jours  enfer  qui  d'engloutir  âmes  jamais  ne  fut  saoul?  Ne  serez  aussi  jamais 
saoulez  do  Iravoiller  cueurs  et  les  meurdrir?  Dieu  et  nature  vous  ont  ilz  donné 
telle  puissance  que  de  prendre  et  mectre  en  vos  lacs  cueurs  de  papes,  de 
cardinaulx,  d'evesqucs,  d'arclievesqucs,  d'empereurs,  d'empericres,  de  roys, 
de  roynes,  de  ducz,  de  duchesses,  de  patriarches,  de  marquis,  de  marquises, 
de  princes,  de  princesses,  cueurs  d'abbez  et  d'abbesses,  de  contes,  de  con- 
tcsscs  et  de  gens  de  tous  aultrcs  estais,  et  religieuses  espirituelles  et  tempo- 
relles? Que  d'aukuns  en  avez  prins  cueurs,  ainsi  qu'en  maintes  hystoircs  se 
trouve  par  escri|)t,  dont  vous  en  êtes  très  faulcement  et  mauvaisement  serviz, 
et  puis  à  l.i  lin  liabandonnez,  et  méritez  d'avoir  perdu  leurs  âmes,  si  Dieu 
n'en  a  mercy,  et  leurs  honneurs-  » . 

Voilà  une  nouvelle  forme  du  triomphe  de  l'Amour;  ce  trio;nphe  est  arrangé 
en  ballot  et  semble  parfaitement  convenir  à  ce  foyer  de  la  danse  dont  il  est 
(Milin  grand  lom|)s  que  nous  sortions. 


Mil 


Les  bâtimenis  de  l'adminislralion  de  l'Opéra  se  résimieni  dans  une  grande 

|iircc.  (|iii  est  la  saili;  du  l'onscil,  dans  les  archives  et  la  bibliothèque. 

(iiitu-i^  (iaiicoH  (In  Mnrisqiios  (lovniil  lui  (Philippo  lo  Don,  duc  do  D<)urf;ognp),  en  Mn  liAtol,  k 
llruxollv!) \ij  friinc»  ■>, 

1.  Au  cliiUciiu  do  lll(ii!i,  |)nru)i  l(<â  Inpissorios  qu'on  o\|io«iil  |Kiur  l.i  rt>co|iliiin  tlos  prinrcw  ol 
prlni'CHSO!),  InpissorloH  do  rlin»sos,  do  joux,  d'Iiiitluitt'i  amnurouM^t,  on  voyail  uno  gnindo  Irnlurr 
où  i^tnit  ropri^onti'o  hi  diinso  ilos  nuiii-<. 

i.  Ant.  i>k  l.\  Sai.i:,  •  IU-I..M..  .1..  J..|i,in  do  Stiinlro  »,  rli.ipiiro  si 


13/i  ANNALKS  AIICIII' OI.Or.lQlES. 

I>;i  salle  (lu  conseil  est  ;i  l'Opc'-ra  co  f|iic  la  salle  de  la  si^^iialiin;  c-sl  ou  devait 
êlre  au  Valicaii  :  c'est  Ui  que  se  piépaieiif,  se  discutent  et  se  premieni  toutes 
les  mesures  iiiiportanles  qui  CDiiceiiicnl  les  inlérèls  de  la  poésie,  de  la  niu- 
si(iuc  et  (le  la  danse.. Te  voudrais  qu'on  y  vît  figiinjc,  surtout  par  la  peinture,  une 
histoire  conipièto  de  i'Op(''ra  par  les  faraudes  re[)résentali()ns  f|ui  ont  uianpié 
dans  rell('  liisloin;  (le|)uis  Mazarin  et  Louis  \l\'  jus(pr;i  nos  jours.  L'nesfM'ie 
de  tal)leaux,  ollVaiil  les  i)allets  où  dansait  le  chef  de  l'État  et  venant  aboutir  à 
«  Ciisellc»,  C(jtoierait  agrc^ablciiienl  ces  grandes  représentations  de  «  Guil- 
laume Tell  I),  de  la  «  Muette  »,  de  «  Don  Juan  »,  du  n  lîai-hier  de  Si'n'illc  », 
de  la  «  Favorite»,  de  la  «  .luive  ».  des  "  Huguenots  »,  de  «  Ilohert  le  Uiabic  », 
du  (I  Prophèlo  »  et  de  tant  d'autres  auxquelles  nous  avons  pu  assister'.  Ce 
sont  l;i  lis  archives  pittoresques  de  rOp('ra.  Avant  de  prendre  une  décision, 
le  directeur  et  les  membres  du  conseil  iiauiaienl  ([u"à  s'inspirer  de  ce  f|u'on 
a  fait  avant  eux  de  plus  grand  et  de  plus  beau.  Ce  serait  le  plus  éloquent  des 
exemples. 

Les  autres  archi\es  doivent  contenir  toutes  les  minutes  des  décisions,  tous 
les  manuscrits  des  opéras  et  des  ballets.  11  semble  qu'il  faudrait  y  joindre 
une  sorte  de  musée  contenant  ]irincipalement  les  instruments  de  musique 
ancicMis  et  modernes,  i'eul-ètre.  ce  qui  est  lait  déjà,  ce  musée  convient-il 
mieux  au  Conservatoire  de  musique,  où  l'on  enseigne  l'ensemble  de  l'art  mu- 
sical dans  son  esthéliquc  et  son  histoire.  Mais  ce  que  l'Opéra  demande  sur- 
tout, c'est  une  bibliotiièquc  spéciale,  où  les  décorateurs,  les  maciu'nistes. 
les  costumiers,  les  acteurs  puissent  accéder  à  chaque  instant.  Toutes  les 
publications  d'art  sur  l'architecture,  la  sculpture.  la  peinture  doivent  s'y 
trouver,  parce  que  les  peintres  des  décorations  et  les  tailleurs  des  costumes 
sont  forcés  d'y  recourir  constamment,  comme  les  écrivains  ont  recours  aux 
dictionnaires.  Les  costumes  de  tous  les  temps  et  de  tous  peuples,  l'ameuble- 
ment des  diverses  nations  aux  dilïérents  siècles  apportent  les  renseignements 
indispensables  pour  la  mise  en  scène  et  l'habillement.  Aux  livres  qui  décrivent 
les  costumes  ou  les  montrent  en  dessin  devraient  s'ajouter  les  moulages  pris 
sur  les  sculptures  antiques  et  du  moyen  âge.  Un  relief  en  dira  toujours  plus 


1.  Cette  idée  de  représenter  les  opéras  elles  ballets  en  peinture  n'est  pas  absolument  nouvelle. 
Au  palais  de  Saint-Cloud,  bâti  ou  refait  pour  Monsieur,  frère  de  Louis  XIV,  dans  le  salon  dit 
d'Armide,  Pierre  avait  représenté  au  plafond  les  cinq  actes  de  l'opéra  d'Armide.  Malheureusement 
la  reine  Marie-AntoineUe  ayant  acquis  ce  palais  de  la  famille  d'Orléans  en  1784.  moyennant  six 
millions,  fit  détruire  par  son  architecte  Micque  ce  plafond  et  ce  salon  qui  la  gênaient  pour  l'instal- 
lation de  ses  petits  boudoirs.  —  Voir  le  «  Palais  de  Saint-Cloud  »,  par  Philippe  deSaint-Ai.bin 
et  Ar.mami  I)lba>tin.  Iii-S",  Paris,  1864,  p.  14. 


ICO.NOGUAI'llII::   \)E  LOl'liRA.  135 

long  et  plus  clairement  qu'une  gravure.  Le  moulage  est  presque  une  personne 
vivante,  qui  se  laisse  déshabiller,  en  quelque  sorte,  pour  montrer  la  forme  et 
l'agencement  des  vêtements.  Ces  grandes  mises  en  scène  de  nos  opéras 
appellent  dans  la  bibliothèque  les  Triomphes  des  souverains  victorieux  et  les 
entrées  solennelles  des  empereurs  et  des  rois.  Enfin,  l'archéologie  générale 
et  spéciale  ne  doivent  pas  laisser  de  lacune  dans  cette  collection  d'ouvrages 
sur  l'ethnographie  de  tous  les  peuples  et  sur  l'histoire  de  tous  les  arts. 

La  décoration  de  la  salle  des  archives  et  de  la  salle  de  la  bibliothèque 
trouve  naturellement  ses  motifs  dans  les  objets  qu'elles  renferment.  Au- 
dessus  ou  à,  côté  des  ouvrages  sur  le  costume  antique,  on  figurerait  les  prin- 
cipaux personnages,  nobles  ou  esclaves,  hommes,  femmes  ou  enfants  de 
l'ordre  religieux,  militaire  ou  civil  dans  l'antiquité  orientale,  assyrienne,  lié- 
braïtiue,  égyptienne,  grec([ae,  romaine,  gauloise  ;  autant  en  demanderait  le 
moyen  âge,  autant  l'éjjoque  moderne.  Ces  représentations  serviraient  d'éti- 
quettes pour  ainsi  dire  à  ces  classes  diverses  de  publications. 


\IV 


Tous  los  genres  de  peinture,  comme  toutes  les  variétés  d^  sculpture,  |)oii- 
vent  trouvor  place  à  l'Opéra.  La  peinture  à  frescpie,  la  peinture  à  Ihuilo,  la 
mosaïque,  je  dirai  même  la  peinture  sur  verre,  doivent  y  avoir  accès.  Dans 
l'Opéra,  les  fêtes  se  donnent  particulièrement  la  nuit,  et  la  iieinlure  sur  verre, 
(|iii  n'existe  guère  que  par  la  lumière  du  soleil,  ne  semble  pas  beaucoup  con- 
venir à  ce  gi;nre  de  moninncnt.  Mais  le  foyer  de  la  musi(|ue,  le  foyer  de  la 
d;i!ise,  la  salle  d'admiiiislralioii,  le  salon  et  les  appartements  du  directeur,  la 
salle  des  archives,  la  bibliothèque,  servent  le  jour  plutôt  que  la  nuit.  La 
Laurentienne,  de  Florence,  qui  contient  tant  de  trésors  bibliograplii(|ues  et 
(|iii  admet  tant  de  lecteurs  et  de  studieux,  est  éclairée  par  trente  fenêtres  en 
grisaille,  aux  armes  des  Médicis,  avec  entourage  d'aral)es(|ues,  par  Jean 
d'I  dine,  cet  élève  de  Ua|)hai'l,  (|iii  peignit  et  stuqua  les  loges  du  Vatican. 
Ces  grisailles,  relevées  de  jauue,  d'argent  et  d'un  peu  de  couleur,  offrent  des 
orncmenis  d'une  grande  finesse  et  qui  se  détachent  sur  le  verre  dépoli,  lillcs 
dali'iil  (le  \:utS  il  l.")C)S.  |„i  bibliothè(pie  de  l'Opéra  ne  peut  pas  so  montrer 
plus  dilVicile  (|ue  la  Laurentienne,  et  des  verrières  exécutées  avec  une  cerlaiuo 
inlelligtMice  n'y  gêncraieni  nullement  la  vue. 

Mais  mêm(!  pom-  les  fêles  de  nuit,  pour  les  repré.>4'»nlalions  noclurno,"*,  îles 
vitraux  di-  coiiliun-  dans  \c  foyer  public,  prêteraient  iililomoMl  leur  éclat  Ji  tout 


13ij 


ANNALKS  AltClIl'iOLOCIOUES. 


I'('ii.sciiil)lc  (le  1,1  (liMoralioii.  On  |i('iil  (l()iil)|(;r  les  fen(Mrcs  du  foy<-"r.  comme 
on  l'ait  (laii.s  certains  iiùlels  pour  amortir  le  bruit  de  la  rue  et  arrêter  le  froid. 
Ou'on  laisse,  entre  la  fenêtre  extérieure  en  verre  blanc  et  la  fenêtre  intérieure 
en  verres  de  couleur,  un  espace  libre  dans  l'épaisseur  du  mur;  que  dans  cet 
espace  on  établisse  un  système  d'éclairage  qui  projetterait  la  lumière  sur  toute 
la  siiriacc  du  viliail,  et  l'oa  aura  des  tableaux  transparents  qui  se  verront 
ccrlaini'iniiil  beaucoup  mieux  (|ue  toutes  les  autres  peintures.  Ces  verrières, 
liisloriées  des  scènes  que  nous  avons  indiquées  ou  de  cent  autres  sujets  appro- 
priés à  la  destination  de  celte  galerie  qu'on  appelle  le  foyer  public,  auraient 
l'avantage  de  remplacer  i)ar  une  peinture  étincelanic  ces  trous  noirs  que  font 
la  nuit  les  fenêtres  d'une  salle  de  fêtes*. 

Il  nr  l'aiil  pas  croire  que  la  peinture  sur  verre,  même  au  moyen  âge,  n'était 
usitée  ([ue  dans  les  églises.  Les  châteaux,  les  liôfels  et  même  certaines  mai- 
sons paiii(  iilières  se  permettaient  ce  luxe  et  se  décoraient  de  verrières  dont 
les  sujets  convenaient  à  cliaquc  genre  d'habitation  et,  dans  une  même  habi- 
latioli,  à  la  nature  spéciale  des  dilTérenles  pièces  d'appartement. 


Un  jour  osloic  après  diiicr 
Alc'z,  pour  moi  osbanoier, 
Du  paveilloîi  liaut  apoicr 
V.n  une  lornclc  petite, 
Do  verrières  painte  et  escripto. 
IJele  et  sente  et  de  rictie  alour. 
Si  vi  .j  tornoi  tout  cntour 
l'ourtrait  el  [)aiiil  en  la  verrière  : 


Dont  j'oi  merveille  moult  très-fiere, 
Combien  que  II  veoir  lisl  biaus. 
Car  cis  tornois  et  cis  cembiaus, 
Dont  ci  vous  sui  avant  parliers, 
De  dames  et  de  clievalicrs 
Estoit  louz  ordenez  et  fais. 
Mes  merveilleus  estoit  li  fais 
El  orribles  à  resarder  -. 


Ainsi  un  chevalier  du  xiii'  siècle,  le  châtelain  peut-être,  ne  sachant  trop 
([ue  l'aire  après  son  diiier,  se  rend  dans  une  tour  de  son  château  et  s'amuse  à 
regarder  un  tournoi  peint  sur  une  verrière.  11  fait  tranquillement  sa  digestion 
en  considérant  les  chevaliers  qui  combattent,  les  dames  qui  assistent  à  la 
fête  donnée  en  leur  honneur  et  les  faits  d'armes,  honteux  ou  glorieux,  qui 
s'accomplissent  sur  celte  fenêtre.  11  ne  serait  pas  plus  diflicile  assurément 


1 .  C'est  à  M.  Mangrant,  un  habile  architecte  de  Paris,  que  je  dois  l'idée  de  cette  ingénieuse  déco- 
ration (l'un  foyer  de  tliéàlre  pendant  les  représentations  ou  d'un  salon  pendant  une  féto  nocturne. 

"2.  (c  Les  l'araboles  de  \érilé  >■,  etc..  [lar  \^■ATRIQUET,  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  l'Arsenal. 
Delles-lellres  françaises,  in-folio,  n"  318,  folio  3  verso.  Ce  passage  semble  dater  de  la  fin  du 
.\iir  siècle  ou  du  commencement  du  XIV^  Il  a  été  publié  pour  la  première  fois  par  .M.  Francisque 
Michel  dans  1'"  Histoire  de  la  guerre  de  Navarre  »,  ce  poëme  manuscrit  du  xiu'  siècle,  qui  fait 
aujourd'hui  jiarlie  de  la  «  Collection  des  documents  inédits  sur  l'histoire  de  France  ».  C'est  dans 
une  note,  pages  49o-49P,  que  M.  F.  Michel  donne  cette  description  d'un  tournoi  peint  sur  la  ver- 
rière d'un  château  féodal.  Je  dois  ii  mon  ami  .M.  de  Guilliermy  la  connaissance  de  ce  document 
vraiment  curieux. 


ICO.NOORAPllIE  DE  L'OPÉRA.  137 

de  peindre  ainsi  sur  les  fenêtres  du  foyer  public  de  l'Opéra  soit  le  Triomphe 
de  l'Amour,  soit  la  procession  de  ces  belles  femmes  dont  nous  avons  parlé. 

Un  triompiie  de  l'Amour,  il  y  en  avait  un  sur  verre  dans  la  grande  ga- 
lerie du  château  d'Écouen.  Il  représentait  en  un  grand  nombre  de  fenêtres 
l'histoire  de  l'Amour  et  Psyché  dont  nous  parlions  plus  haut  pour  la  coupole 
de  l'Opéra.  Alexandre  Lenoir  avait  apporté  au  Musée  des  monuments  fran- 
çais ces  belles  verrières  en  grisaille,  exécutées,  disait-on,  d'après  les  cartons 
de  Raphaël.  A  la  Restauration,  ces  fenêtres  furent  rendues  au  prince  de 
Condé,  auquel  Ixouen  appartenait.  A  la  mort  du  prince,  M.  le  duc  d'Aumale, 
son  héritier,  les  trouva  au  château  de  Chantilly  et  les  emporta  en  Angleterre 
où  elles  sont  aujourd'hui.  Dieu  sait  dans  quel  état  *  ! 

D'autres  triomphes  de  l'Amour  étaient  peints  sur  verre  de  la  main  de  Jean 
Cousin,  comme  on  le  prétend,  au  château  d'Anet.  Suivant  Levieil -,  «  toutes 
les  vitres  du  château  étoient  autrefois  peintes  sur  verre,  en  grisaille,  tt  conte- 
noient  divers  sujets  tirés  de  la  fable  ».  Ces  sujets  étaient  certainement  relatifs 
au  iiDin  (le  Diane  et  aux  amours  des  dieux  ou  des  rois  pour  les  mortelles  de 
bonne  volonté.  Il  devait  y  avoir,  comme  au  salon  de  Diane,  à  Saint-Cloud, 
la  toilette,  la  chasse,  le  bain,  le  sommeil  de  Diane  chasseresse  et  ses  amours 
nocturnes  avec  le  bel  Endyniinn.  Mais  on  devait  y  trouver  surtout  les  amours 
de  Jupiter,  c'est-!i-dire  du  roi  Henri  II,  pom-  Danaé,  Sémélé,  Léda,  Europe 
cl  bien  d'autres.  La  renaissance  était  plus  passionnée  pour  ces  gravelures 
que  le  moyen  âge  pour  ses  tournois,  pour  ses  preux  et  ses  preuses.  Cependant, 
à  l'Arquebuse  de  Troyes,  on  avait  peint  sur  verre  les  victoires  de  Henri  IV,  et, 
aujourd'hui,  la  hiblioihèque  publique  de  cette  ville  a  recueilli  la  bataille 
d'Ivry  (jni  provient  de  cet  établissement  des  arquebusiers  de  la  Champagne. 

Pour  en  linir,  je  noterai  encore  les  pairs  de  France  peints  sur  verre,  par 
Henri  Mi^llin,  pour  Jacques  Cœur,  qui  les  avait  fait  |)lacer  dans  son  fameux 
hôtel  de  Bourges^.  K'holel  existe  toujours,  mais  les  pairs  ont  disparu. 

On  le  voit,  et  il  suivrait  de  chercher  un  pi'ti  |i(iur  trouver  encore  d'autres 
nombreux  exemples,  la  peinture  sur  verre  ne  s'exerçait  pas  exclusivement  sur 


1 .  Aloxnndro  Lonoir  a  fiiil  tiiip  piil>linilinn  s|M''riiilo  sur  rcltp  liisloiro  di»  r.\mour  el  Pi\c\\d  du 
cliiUrau  d'fù'diKMi.  l'n  loxlo  descriptif  ac('oin|)ji^'iio  mio  si^rip  do  grnviin's  d'apny-i  li^iquollra  il  no 
serait  pas  im|)0!i»il)lo  do  n^parorcoa  préciouscs  verriètv:!,  »i  jnmois  M.  le  duo  d'Aunulo  songeait 
il  fairo  pxi'ciilor  co  linvail. 

ï.  0  Tniito  do  la  peinture  sur  vorre  ».  Col  ouvrage,  fort  inromplel  oj  fort  iniiuninnt  pour  Im 
procédés  do  fubricntion  ot  pour  l'Iiistuiro  do  In  |)cinlur«  sur  vorro,  o«l  rempli  do  bits  »(  d«  docti- 
ineiits  (|iron  ne  peut  pliiH,  après  la  ileslrm-lioi)  do  Iniil  du  vorriéroii,  trouver  quo  \k  aujourd'hui. 

:i.  Jo  (luis  ce  rtMisoignuiiuHit  ù  .M.  de  (ïuilliorniy. 

wiv.  1> 


U8  ANNALF.S  A  liClIKOl.OCIOfES. 

des  siijols  rolif^ieiiK.  I)<;  nos  jours,  oii  cvA  iul  riproruJ  une  vie  nouvelle,  il 
sentit  oppoiiiin  do  lui  donner  l'exlcnsion  (|M'il  iivait  an  moyen  i\ge  et  pendant 
la  renaissance.  An  lieu  de  renrermor  exclusivement  dans  les  scènes  et  les 
pcrsoiniaKcs  do  la  religion,  il  faudrait  lui  donner  encore  des  sujets  civils  cl 
iininc  ludlanis  à  li.iiUir.  Ce  serait  un  moyen  de  l'appeler  k  de  nouveaux  pro- 
grès qui  pro(itrraicnl  niciiic  ;ni\  sujets  religieux.  L'imagination  aiguisée,  la 
composition  déveloj)pée,  le  dessin  amélioré,  finiraient  par  relever  la  peinture 
sur  vci'rc  on  g('néral  et  par  la  i'0|ilacer  à  côti'-  de  la  mosaïque  et  do  la  fresque 
dont  elle  est  la  sœui'  légitime. 

m  1)11  ON    aîné. 


r,iiîLio(;i;Aiiiir: 


DWKT   r.T    D'AIWin-OLOGIE 


.■j3.  AI,I)I;IIIiINi;K  TIIIJM.  —  Dc  Dietsche  Wabande.  Revue  néerlandaise  des  arU  cl  de*  lel- 
Ircs,  piiljliéo  par  Ai.ui;ni)i.\tiK  Tiiuii.  Années  I8CI  à  1864  inclti>ivemcnt.  Un  fort  volume  in-8* 
de  0*2  pages  et  <le  3  grandes  planches.  —  Ce  sonl  les  u  Annales  Arcliéologiques  »  de  la  Hol- 
lande, mais  la  liKéraluro  y  prend  une  part  plus  importante  que  dans  notre  recueil...     15  fr. 

S4.  ALVIN.  —  L'allianxe  de  l'art  et  de  l'industrie  dans  ses  rapports  avec  l'enseignement  du 
dessin  en  Flelgiquo,  par  Lotis  .\lvin,  conservateur  en  chef  de  la  bibliothèque  royale  do 
Bruxelles,  lti-8"  do  290  pages.  —  Préliminaires.  (Je  que  c'elail  (|Uo  la  commission  de  (SSî. 
Opinion  do  cotte  commission  sur  l'application  dc  l'art  ii  l'industrie.  La  mimo  question  étudiéo 
en  France.  Objections  et  réplique.  Le  conseil  de  perfectionnement  do  l'enseignement  des  arts 
du  dessin.  Les  rapports  français  sur  l'exposition  universelle  de  Londres  de  I8GJ.  Critiques 
dont  les  académies  belges  sont  l'objet.  Les  échecs  do  l'industrie  belge  ù  l'exposition  univer- 
selle do  Londres.  L'art  doit-il  attendre  ses  progrès  du  perfectionnement  de  l'outillage? 
Une  opinion  do  M.  le  comte  Léon  de  Laborde.  L'éludo  du  corps  humain,  base  de  renseigne- 
ment du  dessin.  Examen  de  (|ne!i)ues  méthodes  nouvelles.  Organisation  des  écoles  de  dessin 
pour  la  classe  ouvrière,  î)  l'aris,  etc.  —  Jamais  ouvrage  n'a  paru  à  uno  é|>0(|uc  plus  op|Hir- 
luno:  en  ce  moment,  tout  co  (|ui  intéresse  l'art  industriel  remue  l'Europe  civilisée,  l'Angle- 
lorro  et  la  France,  la  Belgique  et  l'.Vulricho,  la  Prusse  et  lu  Russie. 

ij.'i.  AllB.M'.MONT  (  u').  —  Essai  hisloriipio  sur  la  Sainte-Chapelle  de  Dijon,  [vir  Jilks  d'.\«- 
DAUuu.NT,  secrélaire-udjoinl  de  la  Commission  dé|Hirtemenlale  dis  Antu|uités  de  la  (".oli^-d'Or. 
In-i°  do  117  pages  et  dc  6  planches.  —  Pa'mitre  |>iirlie  :  Vœu  de  llugui-s  IH.  fondation  dc  la 
rliap(<ll(<  ducale  (1171),  description  de  l'cdince.  —  Deuxième  partie  :  connils  aviv  l'iHtViuedo 
Laiigres  et  l'abbay»  de  Saint-Eticniie,  confirmation  des  privilèges  de  la  clia|i('lle  ductile,  con- 
stitution du  chapitre,  premières  fondations,  verrières  du  la  clia|>elle,  druit  do  justice.  —  Troi- 
sièiiie  partie  ;  réunion  du  duché  il  la  couronne,  couronne  île  Louis  XII,  dem 
guerres  de  religion,  évéqiies  de  Dijon,  fclats  di>  Bourgogne,  lu  n'\<'I>iiiiiii 
Suinto-CImpelle  (1701).  Pièces  jiisliflcallvos  et  additions 

l>{\.    \U1>  \\  1.  —  l.i  s  PoNCKT,  émailleiiiN,  p:ir  M\i;mi  i;  .Vhium,  aa'hivitio  do  lu  llnul^-Vionne. 
iii-.S"  di'  7   p.iges.  M.  .\rilaiit  recueille  et  publie  sans  reltUhe  loui  fo  qui  roncomc  In  or 
émaillcnrs  du  l.ini  >iisiii 


1^,0  ANNALKS  AHClIKOLOGigLES. 

57.  IlAltDIN.  —  CiiATEAUNKLP,  son  origino  ol  ses  dévclopiM!tnnnl)!,  par  rablK-  Uabihn,  tlianoino, 
vicairo  (j;én('T.il  (l'Orléans.  In-S"  du  ix-173  pa^'os  (il  do  i  lilliognipliies.  —  Iiitroduclion.  Ctiâ- 
toauiK'iir  dans  li-s  temps  anciens.  Sainl-Marlial  de  Monlraor  »  apud  Itonciam  ».  l'ondalion  do 
r(';;lisc  do  Cliiiloaiineiif.  I-a  fionce  dans  les  temps  inodornes.  Curés  de  Ciiâieauneuf.  L'ancien 
cliileau.  Le  cliAtcau  neuf.  Seigneurs  do  Cliàtcauneuf  :  les  rois,  1(58  ducs  d'Orléans,  les  enga- 
gistes,  le.s  propriétaires,  la  nation.  Notre-Dame  de  rftpinoy.  La  rliapelle  de  Saint-Jean-Uap- 
tisle.  L'abbaje  de  Sainte-Marie  do  Lenclie.  La  ville  do  CliAtcauneuf,  son  origine,  ses  noms,  son 
tilro,  sa  population,  son  industrie,  s(»  mœurs,  ses  institutions.  Journal  des  derniers  temps. 
L'ii()i)ital  et  ses  annexes.  Moiiiime)its  reniar(|ual)lo,s.  Hommes  célèbres  nés  à  CliAteauneur.  Mt-- 
nioires  sur  «  Caslelluiii  novum  .Moiitis  Trelierii  «  et  sur  »  Caslrum  Sincon  ».  Pièces  justifi- 
catives cl  curieuses .'J  fr. 

5S.  DK.VL'VIiUOICK  (i>i;)-  —  Li:s  Lnstitutioxs  civiles  de  la  France,  considérées  dans  leurs  prin- 
cipes, leur  liistiiiro,  leurs  analogies.  [)ar  le  baron  Edmon»  de  BKAtvi:nci-:n,  député  au  Corps 
législatif,  ln-8"  de  viii-i04  pages.  —  De  l'unité  nationale,  do  l'existence  communale  et  de  la 
centralisation  :  formation  historique  do  la  France,  de  l'organisation  communale  en  Russie,  en 
Angleterre  el  en  Amoriiiuc,  de  la  centralisation.  —  De  la  noblesse  impériale  :  fusion  sociale, 
institution  de  la  Légion  d'honneur  considérée  sous  ce  point  de  vue,  création  de  la  noblesse 
impériale,  décrets  de  ISOti,  1808,  1848  el  18u2.  —  Organisation  administrative  :  premiers 
essais,  système  de  l'an  viii,  gradualilé  des  fonctions,  conseil  d'Ét<il.  —  Organisation  judiciaire  : 
Angleterre,  Allemagne,  ancienne  France,  organisation  de  1790,  tribunaux,  cours.  —  Organi- 
sation militaire  :  considérations  générales,  système  antique,  système  féodal,  troupes  réglées, 
milices,  écoles,  législation.  —  Organisation  ecclésiastique  :  coup  d'œil  historique,  Angleterre, 
Russie,  Amérique,  ancienne  France,  discussion  sur  la  dime,  constitution  civile  du  clergé, 
concordat.  —  Finances.  Législation  civile.  Législation  pénale.  Di  l'intervention  de  l'Élatdans 
les  questions  économiques,  'rravaux  [)ublics.  De  l'assistance.  Économie  sociale 6  fr. 

îj9.  liFLLFVOYli.  —  Rapi'OKT  sur  un  aulol  portatif  de  la  cathédrale  de  Metz,  par  .M.  A.  Belle- 
voïE.  In-S"  do  8  pages  et  de  2  gravures  sur  bois  représentant  l'ensemble  et  les  détails  de  ce 
monument  aussi  rare  qu'important.  Gel  autel  est  fort  semblable,  de  matière  et  de  forme,  à  ceux 
que  nous  avons  publiés  dans  les  «  Annales  Archéologiques  ».  Il  doit  dater  de  la  première  par- 
lie  du  xii"  siècle. 

GO.  III'.UN.VRD.  —  Causeries  sur  les  fûtes  de  Sainte-Anne,  à  Apt,  par  le  docteur  Camille  Ber- 
nard. In-S"  do  137  pages. 

Gl.  BI.MIDOT.  —  ExiM.icATioN  du  symbolisme  des  terres  cuil^s  grecques  de  destination  funé- 
raire, par  E.  I'rosi'er  Biaruot.  Grand  in-8°  de  69  pages.  —  Question  des  plus  curieuses  cl 
des  plus  importantes  sur  le  symbolisme  dans  l'antiquité 1  fr. 

62.  BOUCHER  DE  PERTIIES.  -  Sous  i)i\  rois.  Souvenirs  de  1791  à  1860,  par  Boucher  de 
Pertiies,  membre  de  la  Société  française  d'archéologie.  Tome  sixième.  In-12  de  588  pages.  — 
Cliciqui'  volume 3  fr.  50  c. 

63.  BOL'I.\.  —  L\  question  liturgique  à  Lyon,  par  l'abbé  D.  Bouix,  docteur  en  théologie  el  en 
droit  canonique.  In-8°  de  152  pages.  —  La  liturgie  de  Lyon  au  point  de  vue  de  l'hisloire  et  du 
droit.  .\u  viii«  siècle,  l'ancienne  liturgie  gallicane,  qui  était  d'origine  orientale,  fut  générale- 
ment abolie  dans  les  églises  (le  France;  on  lui  substitua  la  liturgie  romaine,  qui  était  diffé- 
rent^^; (lociimeiils  à  l'apjjui  de  la  thèse.  .\  partir  du  viii''  siècle,  l'église  do  Lyon  a  suivi  la 
liturgie  romaine,  celle  que  l'epin  introduisit  dans  les  Gaules,  et  Charlemagne  dans  presque 
toutes  les  autres  églises  do  l'Occident;  confrontation  des  deux  liturgies.  Lettre  du  cardinal 


HIBLIOGHAI'JIIE   D'AUT  ET  D'AHCIIKOLOGIE.  Hl 

Putrizi,  préfet  do  la  suinte  congrégation  des  rites,  au  cardinul  de  Donald,  archevêque  de  Lyon. 
Examen  d'une  apologie  de  MM.  los  curés  de  Lyon;  olBervalions  sur  ce  sujet.  La  lettre  du 
cardinal  de  Donald,  du  30  octobre  1863,  est-cllo  suffisante  pour  justifier  la  conduite  de 
MM.  les  curés  de  Lyon  ? t  fr.  50  c. 

64.  DOURÉE.  —  Cabinkt  d'un  bibliopliile  rémois,  |)ar  .\d.  Dourée.  ln-18  de  31  pages,  sur  pa- 
pier de  lliillandc. 

63.  DOVER.  —  CoRRESPO.NOA.NCE  archéologique.  LcUres  ii  M.  Pcatui:,  par  IIippulite  Ooiek. 

In-8"  do  -47  pages. 

66.  DRÈAN.  —  Jules  César  dans  la  Gaule.  Genabum.  Los  Bo'fens.  Vellaunodunum.  Noviodu- 
nuni-Diturigurn.  Élut  de  lu  civilisation  dans  la  Gaule  à  l'époque  do  la  conquête.  Abrégé  do  la 
vie  do  César.  .Noie  sur  Vercingétorix,  [wr  .V.  Dréan.  In-S»  de  138  pages 3  fr. 

67.  BRISSART.  —  Ca/.ix,  sa  vie  et  ses  éditions,  par  un  cazino|)liile.  In-32  do  38  pages,  sur  pa- 
pier do  Hollande.  —  Notice  biographique,  fort  intéressante,  sur  lo  célèbro  imprimeur  rvmois 
du  xviir  siècle. 

68.  DIUS.SART.  —  Glidi:  du  voyageur  ii  Reims,  par  Drissart-Dinet,  de  la  Sociclé  des  biblio- 
philes. In-12  do  151  pages,  avec  plans  de  Reims  ani-ien  ot  moderne,  et  des  vues  de  ses  princi- 
paux moniiinonls.  Douxiéme  édition,  revue  et  augmentée.  —  Monuments  religieux  :  Notre- 
Dame,  Suint-Roitii,  Saint-Jaiques,  Suint-.Maurice,  Siiint-André,  Saint-Thomas,  hôpital  général. 
—  .Monuments  civils  :  Hôtel  de  ville,  place  Royale,  Palais  do  justice,  places  Godinol  ri  Orouoi, 
Tonluinc  des  Dnucheries,  arc  de  triomphe,  mosuïquo  romaine.  —  Histoire  do  Reims  du  xv*  au 
xvir  siècle,  histoire  do  Reims  uu  xix'  siècle.  Rémois  célèbres,  inscriptions  commémoralives, 
anciennes  enseignes  do  Reims.  —  Anciens  thermes  ou  bains  dos  Romains,  antiquités  trouvées 
à  Reims,  chi'uiins  (h's  Romains.  —  (jalorie  hislurii|uo  do  Reims,  historiens  do  Reims,  armes  de 
la  ville,  bil)liulliè(iues  et  cabinoLs  curieux.  Nomencluturo  dos  rues,  pluces,  boulevards,  fau- 
bourgs, Ole S  fr.  50  c. 

(i',1.  IIRUNF.T.  —  Notice  sur  les  Heures  gothiques  imprimées  ii  Paris,  à  la  fin  du  xv*  siècle  et 
ilans  une  (larlio  du  xvi",  par  J.-  C.  DnrNKT.  Petit  in-l"  de  133  pages,  dont  8  avec  encadre- 
inrnl  noir,  et  de  iionibrcusos  gravures  sur  bois  dans  le  texte.  Nolico  sur  los  Heures  gothiquis. 
Philip|>o  Pigouchel,  Simon  Yostro,  Antoine  Yérard,  Jean  Dupré,  Les  Hardouyn,  Guillaumo 
Kustace,  Guillaume  Goclard,  François  Itegnaiill.  Goofroy  Tory  et  ses  successeurs.  Ileun-s  pu- 
bliées depuis  l'année  1i88  jusque  vers  la  fin  du  xvi*  siècle,  par  divers  libraires  de  l^lris,  au- 
tres (|Uo  ceux  qui  font  l'objet  des  dix  paragnqilios  contenus  dans  celle  ■  Notice  ».  Heure:] 
publiées  en  dilïérontes  villes  de  Franco Il  fr. 

70.  DRUNET.  —  Mam.i:i.  du  libraire  et  de  l'amateur  de  livres,  contenant  :  !•  un  nouveau  dic- 
tionnaire bibliographique  dans  leqm-l  sntit  décrils  les  livri's  rares,  précieux,  singuliers,  et  au$«l 
les  ouvrages  los  plus  e.slimés  on  tout  genre,  qui  ont  |viru  tant  dans  los  langues  anciennes)  que 
dans  les  principales  langues  moderne*,  depuis  l'origine  de  l'imprimerie  jusqu'il  no»  jours .  «vw 
rhi.sluiro  des  diirerenles  édition^  qui  en  ont  été  faites,  etc.,  ï"  une  Uible  on  forme  «le  calalxguo 
raisonné  où  sont  clu';.*'»,  selon  l'ordre  do»  malières,  tous  les  ouvrages  |)orlé»  dan»  le  diction- 
naire, et  un  grand  nombre  d'autres  ouvrages  utiles,  mais  d'un  prix  ordinain\  qui  n'ont  |w!idù 
être  placés  au  rang  dos  livres  ou  rares  ou  précieux  ;  par  Jai^olks-IIu  milk.-'  Dm'MiT.  Cinquième 
édition  originale,  entièrement  refondue  et  augmentée  d'un  liors  |wr  l'autour.  Tome  cinquième» 
■J'  partie.  I11-8"  de  737  pages.  —  L'ouvrage  complet  formant  lî  iMrtios  ou  6  gro»  vol.     (  JO  fr. 

71.  IIULLKTI.N  de  lu  Sociéli'  |">Imii.ii|iI.|ii.>  i|ii    M.hI.iIo"      \ii I  si..!      In-S-  .Im    I  li)   ^>-i *" 


1/i2  ANNALKS  AltClIKOLOOloi  i:s. 

G  |)lanulios.  —  Lo  Trésor  do  Joan  Gucnnégo,  découvert  ii  QucstomlK'rl  on  I8C.J,  par  Taslk 
péro.  Not(!  ot  coiisidt'rulioiisarcliL'olo;,'i(pi(!.s  sur  Um  hron/os  gaulois  dL-couvorts  aux  environs  do 
Oiicslomljcrt,  par  (j.dc  Clossudeuc.  ftlude  sur  l'ancicnnu  abbaye  de  l'riéres,  au  diocèse  de 
Vannes,  par  l'ahbé  l'i^nKiiniLnE.  Nolo  sur  un  dolmen  découvert  sous  la  tombclle  de  Korcado, 
en  Carnao,  jiar  MM.  Lkfkiiviik  et  Rem':  Galles.  Note  sur  la  sé|>ulturc  du  dolmen  lumulairc  do 
Kercado,  par  0.  de  CLOswAnKUc.  DoiiniMi  découvert  sur  un  tumulus  il  Locmariaquor,  cl  noie 
sur  lo  .Manné-Lud,  par  M.M.  Li;ii;iivnE,  préfet  du  Morbihan,  et  René  Galles,  sous-intendanl 
militaire. 

72.  HUSSCIIER  (oe)  et  VIGNE  (de).  —  Aliiim  du  cortège  des  comtes  de  Flandre,  personnages 
et  costumes  dessinés  par  l'ùuK  de  Vio.nk,  peintre  d'histoire,  membre  de  plusieurs  Sociétés  et 
Académies,  et  Eu.\ioNn  de  Bissciier,  secrétaire  de  la  Société  royale  des  beaux-aris  de  Gand, 
et  do  plusieurs  autres  Sociétés  savantes.  Grand  in-8"  de  ii-20o  pages  et  de  80  planches  colo- 
riées      3o  fr. 

73.  C.VLLOT.  —  Lv  Rocnicli.e  protestante.  Recherches  politiques  et  religieuses  (HÎ6-I792), 
par  P.  S.  Callot,  membre  de  l'Académie  de  La  Rochelle.  In-S"  de  ii-138  pages.  —  Origine  de 
la  commune  et  de  ses  privilèges;  naissance  et  progrès  du  protestantisme;  guerres  religieuses; 
décadence;  les  religionnaires  depuis  la  révocation  de  l'èdit  de  Nantes  jusqu'à  la  révolution; 
liste  générale  des  miiiislrcs  de  La  Rochelle  ;  preuves  et  notes 2  fr.  oO  c. 

74.  CANONGE.  —  Notice  historique  sur  la  ville  des  Baux,  en  Provence,  et  sur  la  maison  des 
Baux,  par  Jules  Canoxge.  In-;î2  de  xv-148  pages.  Troisième  édition. —  Introduction.  Des- 
cription des  Baux.  Histoire  de  la  ville  des  Baux  et  de  la  maison  des  Baux;  faits  historiques. 
Notes.  Gentilshommes  des  Baux.  Villes,  places  fortes  ou  terres  possédées  par  les  princes  des 
Baux  et  dites  Baussenques I  fr. 

7a.  CASTELNAU  (de)  D'ESSENAL'LT.  —  Visite  ii  l'église  abbatiale  de  Conques  (Aveyron), 
par  Ii;  marquis  de  Gastelxau  d'Essenault,  membre  de  la  Société  française  d'archéologie. 
In-S"  de  22  pages. 

70.  CASTELN.VU  (de)  D'ESSEN.VULT.  —  Lnflurxce  de  l'architecture  ogivale  française  en 
Espa^'iie,  par  lo  marquis  de  Castelnal'  u'Esse.nal'lt,  membre  de  l'institut  des  provinces.  In-S" 
de  l-J  pages.  —  Réponse  à  celte  question  :  «  Les  écoles  régionales  françaises  ont-elles  exercé 
(lucKpic  iiidiieiice  sur  l'arcliitectiire  ogivale  en  Espagne?  —  Donner  un  aperçu  de  cette  archi- 
tecture et  déterminer  cette  influence  ».  M.  le  marquis  de  Caslelnau  démontre  et  détermine 
cette  inlhience  réelle  de  la  France  sur  l'Espagne. 

77.  Cll.VLON.  —  Notice  sur  un  plateau  do  verre  trouve  à  Corroy-le-Grand,  dans  une  sépulture 
gallo-romaine,  par  R.  Cualon.  ln-8"  de  7  pages  et  d'une  planche  en  couleur.  Notice  impor- 
tante et  qui  prouve  que  l'industrie  de  Venise  et  de  .Murano  a  été  pratiquée  par  les  Gallo- 
Hoinains. 

78.  COCHI'T.  —  liviTonts  adressés  ii  Son  l':;Miinence  le  cardinal  de  Bonnechose,  archevêque  de 
Rouen,  sur  l'inspection  des  églises  de  son  diocèse  pendant  les  années  1862  et  1863,  par  l'abbé 
Cochet,  membre  de  plusieurs  sociétés  savantes.  In-8"  de  84  pages.  —  Archidiaconé  de  Rouen  : 
doyennés  de  Darnètal,  Buchy,  Boos,  d'Elbeuf  et  de  Duclair.  Archidiaconé  de  Dieppe  :  doyen- 
nés (i'OfTranville,  Longueville,  Bacqueville,  d'Aulîray,  d'Envermeu,  de  Bellencombre  et  d'Eu. 
.\rclii(lia(oné  du  Havre  :  doyennés  de  Monlvilliers,  Saint-Romain-de-Colbosc,  Bolbec,  Goder- 
ville,  Griqnetot-l'Esneval  et  de  Fécamp.  Archidiaconé  de  Neufchàtel  :  doyennés  de  Blangy  et 
do  Saint-Saens.  Arciruliaconé  d'Vvi'tot  :  dovennés  de  Caudebec,  Valmont  et  de  Motteville,  etc. 


lilliLlOOliAPIIIi;   DAUT  ET  D'AHCHÉOLOGIE.  ii3 

7.).  CulUil.liT.  —  Les  iiANt.sciiiTi  à  iiiiniulurcs  do  la  bililiothèquc  de  Laon,  par  l'abbc  J.  Cor- 
Bi.ET,  clinnoinp,  historiographe  du  diocèse  d'Amiens.  In-8°  de  iî  jogis,  avec  des  gravures  sur 
bois  dans  le  texte.  —  Élude  sur  le  récent  et  iin|)ortant  travail  de  .M.  Edouard  Fleury,  intitulé  : 
u  Les  Manuscrits  à  miniatures  de  la  bibliothèque  de  Laon  <i. 

80.  l).\RCEf.,  et  ROL'VER.  —  L'Aiit  AnciiiTECTLBAi.  en  France,  depuis  François  I"  jusqu'à 
Louis  XIV.  .Motifs  de  décoration  inlërieure  et  extérieure,  dessinés  d'après  des  modèles  exécu- 
tés et  inédits  des  principales  époipies  de  la  renaissance,  compn'nant  :  lambris,  plafonds, 
voûtes,  cheminées,  portes,  fenêtres,  escaliers,  grilles,  slalles,  autels,  cliaires  à  prêcher,  coufis- 
sionnaux,  tombeaux,  vases,  candélabres,  etc.,  par  Eugène  KourER,  arcliilccto,  ancien  inspec- 
teur aux  travaux  du  Louvre;  texte  par  Alfrei»  Darcel,  attaché  à  la  conser\ation  des  inust-es 
impériaux.  Livraisons  00,  61,  6i.  iVtit  in-folio  de  6  planches.  —  Chaque  livraison,  I  fr.  60. 
Le  premier  volume  est  complet;  il  comprend  100  planches,  un  texte  et  une  table,  et  so  vend 
séparément  100  fr.  Le  second  volume,  dont  ces  livraisons  CO,  01  et  Cî  forment  le  commence- 
mont,  se  composera,  comme  le  premier,  de  30  livraisons;  une  table  et  un  texte  seront  Joinlâ 
aux  dernières  livraisons. 

81.  DEF.W.  —  Étude  sur  la  bataille  qui  a  précédé  le  blocus  d'.\lise,  par  Henri  Depay.  contrô- 
leur des  contributions  directes,  à  Langres.  In-S"  de  6i  pages  et  d'une  carte I  fr.  50  c. 

82.  DELOVE.  —  Notice  sur  deux  vases  antiques,  en  argent  massif,  trouvés  dans  le  lit  du  Rhono, 
en  1802,  et  acquis  par  le  musée  Calvot,  à  .\vignon,  par  Alijl'ste  Delove,  conservateur  du 
musée  Calvot,  correspondant  du  ministère  do  l'instruction  publique  pour  les  travaux  bi.stori- 
ques.  In-8''  de  10  pages  et  do  planches  sur  métal.  Notice  importante  et  savante. .     4  fr.  50  c. 

83.  DEM.MIN.  —  Les  i'seudo-critiquks  de  la  «  Gazette  dos  Beaux-.\rts  ».  Réponse  à  un  >vs- 
tènio  d'attaques  combinées  contre  la  seconde  édition  du  a  Guide  de  l'amateur  des  faïences  et 
porcelaines  »  do  .M.  Auguste  Demmin.  ln-8"  de  IC  pages.  Réponse  qui  n'est  qu'une  récrimi- 
nation dénuée  do  raisons. 

81.  DES  MOL'LINS.  —  S\f;oxDiGNAr.  par  Ciuni.ES  Des  Moulins,  secrétaire  giiural  de  lAca- 
déiiiio  do  Uonieaiix.  Iri-H"  do  l'i  pages.  Travail  rempli  des  aperçus  les  plus  ingénieux. 

85.  DONIOL.  —  Caiitii.aiiii:  de  llrioude  (»  Liber  de  llonoribus  Santo  Juliano  collatis  •),  par 
Ueniiv  Donioi,,  membre  do  l'Académie  do  Clormont.  Un  volume  in-4°.  —  .\vee  de  prcils 
livres,  la  Franco  finira  par  connaître  son  histoire 1 0  fr. 

80.  DONIOL.  —  CARTiLAinK  do  Sauxillanges,  publié  par  l'Académie  des  sciences,  l)elles-lettrrs 
et  arts  do  Clermont-Ferrand,  avec  des  notes  et  des  tables,  par  IIknri  Duniol,  membre  résidant 
do  l'Aciidémio.  In-4"  do  710  pagos.  —  Notes  sur  le  carlulaire  de  Siiuxillanges  :  le  manu-tcrii, 
lo  texte  du  cartulairo,  les  énonciations  du  carlulaire,  to|H)graphie  du  cartulain>,  état  îles  |)<>r- 
soniies,  la  propriété  et  l'étiil  des  terres,  droits  et  reilevances,  mesures  et  monnaies.  .\p|>cndic« 
sur  la  géographie  du  c^irtulairtule  Sauxillangos.  Tables  analytiques  des  notes  et  do  l'opiiondico. 
Tables  alphabétiques  des  noms  do  personnes,  du  lieux  et  dos  princiitales  mention.*.  —  Bol  cl 
savant  ouvrage 14  fr. 

87.  DUFAV.  —  Ks.sAi  biographique  sur  Jehan  l'erréal,  dit  Jehan  de  Pari*,  peiniro  ol  arrhilurlo 
lyonnais,  par  C.  J.  DrFAY,  membre  de  la  Société  littéraire  de  Lyon  '.é» 

savantes,  ln-8"  de  1)0  pagos.  —  Nai.ssjinco  do  Jehan  l'ern'al  (llii.      .-      ,    -   :,  lun 

l'erréal,  peintre  ol  poiUc,  directeur  des  fètra  h  Lyon,  l'eintumi  il  llrou.  HiVepiionii  princiérps  et 

cérémonies  pul)li(|ues  il  Lyon.  Anne  de  llrelagiie.  llxempliKiis  d  iiii|i<\t<  ri  j  |)^i 

par  Charles  VIII.  Éludes  de  JcIliii   de   l'.iri^  i>ii   ll.ilnv  Jcli.in.    .ll^llll<^l<'  i-t  .     .,!■ 


m  ANNALF.S  ARCHI^OLOOIQURS,  . 

ll(''piiriilions  au  pnnl  du  Itliono  on  do  lii  Oiiillolicro.  l'Iiililicit  li>  Iloau,  duc  de  Savoie.  Couvpnl, 
('•;,'liso  ni  lombcau  do  Urou,  m  Itrcssc.  Jeluiii  du  Paris,  aulcur  des  dpR»ins  cl  plans  de  rédifice 
Piilior.  Korlincations  do  l.yon.  IW-sies  de  Jclian  Perréal.  Analyse  do  la  correspondance  sur 
Jehan  (l((  Paris,  avec  l'indication  des  ouvra^-es  (|ui  en  fonl  mcnli(;n.  —  M.  iJufay  a  vérilabluinent 
révélo  Jean  Pnrrcal,  un  des  plus  grands  artislcs  do  la  renaissance 3  fr.  'M  c. 

88.  DU.MAX.  —  Sainte  AbniaiE.  Nolico  sur  ccllo  jcuno  sainlo  cl  sur  ses  reliques  que  possède 
l'église  de  Notre-Dame  des  Vicloircs,  par  l'abbé  V.  Dlmax,  sous-<]irecleur  général  de  l'arclii- 
confiéric.  In-8"  de  30  pages  el  d'une  planche.  —  fCUide  préliminaire  sur  les  catacombes  de 
Rome.  Noie  sur  les  principaux  symboles  clirélicns  représentés  sur  les  tombeaux  et  dans  les 
peintures  des  catacombes.  Notes  sur  le  monogramme  du  Sauveur  dans  les  calacoml>e5,  .«ur 
l'image  (lu  lion  Pasteur,  sur  le  vase  ou  fiole  de  sang  placé  prés  des  «  loculi  »  des  martyrs  dans 
les  catacombes:  et  sur  l'absence,  dans  les  catacombes,  de  loul  signe  de  vengeance  de  la  part 
dos  chrétiens  et  de  toute  représentation  qui  rappelle  le  supplice  dos  martyrs.  Notice  sur  sainte 
Aurélic  et  sur  ses  relicpies  :  supplice  et  martjro  de  la  sainte,  déposition  de  son  corps  dans 
les  catacombes,  le  tombeau  de  sainte  Aurélic  demeure  inconnu  pendant  plusieurs  siècles, 
découverte  des  reliques  de  la  sainte,  pèlerinage  dans  les  catacombes,  donation  à  M.  Des  Gc- 
ni'lti's  (lu  corps  de  sainte  Aurélic,  etc 75  c. 

89.  IJU.MAX.  —  L'mistoike  de  France  simplifiée.  Album  historique,  contenant  :  Les  arbres 
géni'alogiquos  des  souverains  de  la  France  et  des  principales  maisons  royales;  des  tableaux 
particuliers  pour  la  maison  de  Bourbon,  la  maison  d'Orléans  et  la  maison  impériale;  un  court 
traité  sur  les  armes  de  France  et  des  principales  maisons  royales,  cl  sur  celles  de  la  maison 
impériale,  par  l'abbé  V.  Dr.Mvx,  du  clergé  de  Paris.  In-l°  de  20  pages  et  de  2  grandes  caries. 
—  Ingénieuse  publicatinn,  qui  rend  plus  facile  l'élude  de  notre  histoire 2  fr.  50  c. 

90.  DURAND.  —  La  Toscane.  .Mlmiu  pittoresque  et  archéologique  publié  d'après  les  dessins 
recueillis  sous  la  direction  du  prince  Anatole  Dkmidoif,  en  1852,  par  André  Durand,  cor- 
respondant du  ministère  de  l'instruction  publique  pour  les  travaux  historiques,  el  lithogra- 
phies avec  la  collaboration  d'EuGÎîNE  Cicéri.  Livraisons  I  à  5.  Grand  in-folio  de  8  pages  do 
texte  et  de  30  [ilanclics.  L'ouvrage  complet  se  composera  de  80  planches  avec  lexte. 

91.  DLRr.  —  Bii!i,ioTiii;QUE  iiistoriole  de  l'Yonne,  ou  Collection  de  légendes,  chroniques  et 
documents  divers,  pour  servir  il  l'histoire  des  différentes  contrées  qui  forment  aujourd'hui  ce 
département,  publiée  par  la  Société  des  sciences  historiques  el  naturelles  de  l'Yonne,  sous  la 
direction  de  l'abbé  L.  M.  Duru,  chanoine  honoraire  de  Sens,  correspondant  du  ministère  de 
l'instruction  publicpie  pour  les  tra\aux  historiques.  Tome  ii.  10-4"  de  xxviii-G70  pages.  — 
Introduction.  Kcrits  historiques  d'IIéric,  moine  de  Saint-Germain  d'Auxerre  :  «  Yie  et  mira- 
cles 1)  de  l'évèque  d'.Vuxerre,  saint  Germain.  Flude  sur  les  médailles  frappées  jusqu'au  x'  siècle 
et  au  delà.  Séjour  des  reliques  de  saint  Martin  de  Tours,  il  Auxerre.  Écrits  de  saint  Romi 
d'Auxerre.  Actes  de  saint  Savinien  et  de  ses  compagnons.  Chronique  du  moine  Odoranne. 
Inscriptions  de  la  crypte  de  Saint-Savinien,  il  Sens.  Fae-similedu  manuscrit  de  Clarius,  moine 
de  Saint-Pierre-lc-Vif,  à  Sens.  Articles  sur  les  conciles  et  sur  des  lettres  de  Pierre  de  Sens  et 
de  Hugues  do  Màcon.  —  Ce  deuxième  volume,  lo  fr.;  les  deux 30  fr. 


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DE    LA    31  OUI 


L'Amour  triomplic  de  tout,  «  Amor  vincit  oiiinia  »  ;  mais  la  Chasteté,  mal- 
gré sa  faiblesse  apparente  et  le  petit  nombre  de  ses  compagnes  -,  a  vaincu 

I.  Voir  les  «  Annales  Archéologiques  »,  vol.  xxni,  |>.  283;  vol.  xxiv,  p.  38.  —  Le  lemps  a 
man(|ué  pour  faire  graver  un  Triomphe  do  la  Mort,  soit  d'après  une  miniature  de  la  BiLliolhèquo 
impériale,  soit  d'après  un  vitrail  de  Houen,  soit  d'après  une  sculpture  de  l'Iiùtel  Hourglherouldo. 
Mais  voici,  on  tèlo  do  cet  article,  lo  commencement  do  la  procession  do  Brou  dont  nous  avons 
déjà  publié  lo  centre  (  «  Annales  Archéologiques  »,  vol.  xxiii,  p.  Î83).  Les  personnages  qui  figu- 
rent en  l6to  du  cortège  sont  précisément  ceux  (wr  «pii  la  mort  est  entrée  dans  le  monde,  Kve  cl 
Adam,  et  ceux  par  qui  la  mort  a  élo  vaincue,  Noé,  Jonas  et  Ahraliara.  Dans  lo  ciel,  un  petit  ango, 
ayant  ii  la  droite  une  petite  croix,  parce  que  la  croix  a  fait  ouvrir  les  portes  do  la  vio,  montre 
do  la  main  gaucho  le  ciel  où  l'on  no  meurt  plus;  il  guide  ce  groupe  de  ipiatorzo  personnages  qui 
précèdent  les  hérauts  de  la  vie,  les  prophètes,  prédécesseurs  de  Jésus-Christ,  qui  a  dit  de  lui- 
même  :  (t  Je  suis  la  voie,  la  vérité  et  la  vio  n.  Plusieurs  de  ces  personnages  se  n'coimai.*senl 
aisément.   D'ahord   Eve  et  Adam  qui  aspirent,  mains  jointes,  au  ciel  dont  leur  faute  nous  avait 
dépossédés.  l'uis  Abel,  la  première  innoconto  victime  do  In  mort.  Puis  Noé,  qui  porto  triomph»- 
lomont,  au-dessus  do  sa  tète,  le  diminutif  syndioliquo  do  l'arche  où  il  a  sauvé  le  genre  humain. 
Puis  Mo'tso,  portant  au  bout  d'une  pique  les  Tables  qui  ont  Sfluvé  le  |>euple  d'Isnii'l;  il  est  nr- 
compagné  du  soldat  Josué  qui  a  conduit  dans  In  Terre  promise  lo  peuple  do  Dieu.  Puis  J 
ipii  porto  au  bout  d'un  bAlon  lo  modèle  réduit  du  monstre  marin  qui  l'engloutit  sans  lui   : 
perdre  la  vie.  l'uis  Abraham,  li<  père  des  croyants  et  dont  le  bras,  arnté  du  glaive  qui  allait  - 
Jlor  Isanc,  est  arrêté  par  un  ange.  Puis  David,  qui  chante  sur  sa  lyro  lo  Dieu  des  vivanLs  ei  des 
morts.  Près  de  David,  un  homme,  jeune  encore,  qui  n'est  distingué  |>ar  aucun  attribut,  mai-  -''r 
à  la  rigueur,  pourrait  être  Salumon  habillé  en  juge,  costume  ipii  rap|ii'llerail  le  jucenieni  iii. 
tel  qui  sauva  la  vie  ii  l'enfant  ri'clnmé  |>ar  sa  véritable  mère».  t)n  le  voit,  ce  | 
servir  d'introduction,  mais  par  voie  d'opposition  complète,  au  Trionip!'-  '!■•  '■  ^' 
dit,  cotte  frise  est  peinte  en  grisaille  sur  verre  blunc,   mais  n\«>c  un<' 

uno  couleur  si  mal  cuite,  que  des  iwrties  importantes  ont  dis|wru,  couimo  lo  cote  (iauclM*  d  K*o, 
lo  cété  droit  d'Abel  et  le  buste  d'Isaac. 

8.  «  Klles  étaient  en  petit  nombre,  jMirco  que  la  véritable  gloire  o»l  rare  »,  dit  PMrarquo,  au 
chapitre  premier  du  >  Triomphe  de  la  Mort  p. 

XXIV.  10 


1/,G  ANNALKS  AliCllÉOLOr.lQLKS. 

lAinoiir.  A  son  loiir.  la  MorI,  plus  forlc  que  l'une  cl  l'autre,  triomphe  direc- 
Icincnl  clc  la  (^liasloté.  Voici  l'analyse  de  ce  fjiie  Pétrarque  conlienl  de  plus 
subslanlid  dans  son  Triomphe  de  la  Mort  : 

»  La  Morl  est  une  dame  furieuse  enveloppée  dans  un  noir  vôlemonl.  Kilo 
a  conduit  à  leur  fin  les  Grecs,  les  Troyens  et,  en  dernier  lieu,  les  Komains 
avec  ré|)éc  dont  elle  est  armée,  cl  qui  sait  à  la  fois  percer  et  couper.  Les  autres 
peuples  bari)ares  cl  étrangers  ont  aussi  senti  sa  force.  La  campagne  qu'elle 
parcourt  sur  son  char  est  remplie  des  morts  de  l'Inde,  du  Calhai  (la  Chine), 
du  Maroc,  de  l'Espagne.  Pontifes,  rois,  empereurs,  qui  furent  appelés  heu- 
reux, sont  maintenant  nus,  misérables,  mendiants.  Une  valeureuse  troupe  de 
dames  chastes  s'olTre  aux  coups  de  la  ^lort  qui  choisit  entre  elles  la  plus  belle 
lleur  du  monde  ',  cl.  avec  sa  main,  enlève  de  celte  blonde  tête  une  chevelure 
dorée-.  La  terre  lut  baignée  de  bien  des  pleurs;  mais,  celle  mort,  c'est  la 
véritable  vie  ». 

Dans  les  deux  triomphes  de  l'Amour  cl  de  la  Chasteté,  ce  sont  des  indivi- 
dus qui  composent  le  personnel  du  cortège;  ici,  ce  sont  des  nations  et  des 
classes  entières,  les  Grecs  et  les  Romains,  les  papes  et  les  rois.  La  Mort  est 
comme  dans  un  champ  de  blé  :  elle  fauche,  non  pas  un  épi,  mais  une  gerbe, 
et  lont  un  sillon  du  mèinc  coup. 

Pélrar<jne  fait  de  la  Morl  une  femme  couverte  d'un  vêtement  noir,  et  non 
pas  un  squelelte  à  travers  lequel  on  voit  le  jour,  comme  par  une  grille  dont 
les  ossements  sont  les  barreaux.  La  Morl,  squelette  nu  et  sans  chair,  appar- 
tient à  l'iconographie  du  xv"  siècle,  et  surtout  du  xvi'.  Anlérieuremcnl,  prin- 
cipalement dans  le  haut  moyen  âge  et  même  encore  dans  le  xiv'  siècle,  on 
fait  do  la  morl  une  momie  au  moins  vêtue  de  sa  peau  et  quelquefois  d'un  ha- 
billement complet.  Pour  le  moyen  âge,  c'est  un  cadavre  vivant. 

Ce  serait  peut-être  ici  l'occasion  d'écrire  l'iconographie  de  la  mort,  mais 

1.  Cette  fleur,  on  le  devine,  est  la  maîtresse  de  Pétrarque,  la  belle  Laure  de  Noves. 

2.  Cette  image  semble  avoir  été  suggérée  à  Pétrarque  par  le  cheveu  que  la  déesse  Iris,  sur 
l'orJro  de  Junon,  vient  couper  à  Didon  étendue  mourante  sur  son  bûcher  funéraire. 

Deitra  crinem  secat.  Omnis  et  una 

Dilapsus  color,  atque  in  vcntos  vita  recessit. 

Vovez  la  fin  du  livre  iv  de  1'»  Enéide  ».  Je  ne  suis  pas  assez  mythologue  pour  expliquer  ni 
munie  pour  cauiprondi'e  le  sens  do  cette  opération  faite  à  la  chevelure  et  qui  entraîne  la  mort. 
Mais  je  ne  puis  m'empùcher  de  faire  observer  que  certains  peuples  orientaux,  qui  se  rasent  la  tête, 
gardent  avec  soin  un  pinceau  de  cheveux,  le  plus  long  possible,  pour  que,  à  la  fin  de  leur  vie, 
l'ange  de  la  mort  vienne  les  prendre  par  cette  queue  et  les  enlever  plus  facilement  dans  leur 
piradis.  Le  cheveu  de  Didon  et  la  chevelure  de  Laure  me  paraissent  proches  parents  de  la  queue 
des  Chinois. 


TltlOMMIE   UE   LA   MORT.  H7 

ce  vaste  sujet  nous  entraînerait  trop  loin  des  Triomphes  dont  nous  ne  devons 
pas  nous  éloigner. 

A  partir  de  Pétrarque,  ce  Triomplie  de  la  Mort  a  pris  des  développements 
successifs  jusqu'au  xviii'  siècle,  et  même  jusqu'à  nos  jours.  A  l'origine,  conçu 
avec  le  caractère  grave  et  tragique  qui  lui  convient,  il  a  peu  à  peu  étouffé  ses 
sanglots,  apaisé  sa  douleur,  essuyé  ses  larmes,  pour  se  montrer  impassible 
d'abord  et  goguenard  ensuite.  La  simple  énuinération  chronologique  de  quel- 
ques-uns de  ces  triomphes  sulTua  pour  établir  la  prouve  de  ce  fait. 

Pétrarque,  on  vient  de  le  voir,  déclare  que  la  .Mort  est  une  femme  furieuse, 
velue  de  noir,  qui  fauche  les  plus  belles  tètes  et  tire  des  larmes  îi  baigner 
la  terre. 

Andréa  Orcagna,  son  contemporain  (1329 -|- 1389).  représente  la  Mort 
sur  les  murs  du  «  Campo-Santo  »,  à  Pise,  sous  la  forme  de  cette  femme 
maigre,  noire,  furieuse,  fauchant  la  vie  de  jeunes  hommes  et  déjeunes  femmes, 
qui,  dans  un  bosquet  d'orangers,  sur  une  prairie  couverte  de  fleurs,  se  repo- 
sent au  son  des  instruments  de  musique  et  ail  regard  des  danses  joyeuses  for- 
mées par  des  groupes  pleins  de  jeunesse  et  de  santé.  Dans  un  coin,  des  men- 
diants, des  estropiés,  des  vieillards  implorent  la  .^lorl,  et  lui  disent  : 

o  MORTE I  «t:t)i(;i\\  u'of.M  rtWy 

llCIl!   VIEM    \   llAnM!  Onuti   l.'lLTtU\  CE.XA. 

0  morl!  romèdo  ti  tous  les  maux, 
Uo  grJco,  \icns  nous  servir  inuintcnanl  lo  dernier  repas! 

Mais,  ((  la  cruelle  qu'elle  est,  se  bouche  les  oreilles»,  et  s'en  prend  sur- 
tout aux  jeunes,  aux  puissants,  aux  heureux  de  ce  monde  pour  causer  plus  de 
douleurs  et  faire  répandre  plus  de  larmes.  Dans  une  autre  partie  du  tableau. 
toujours  pour  inspirer  une  grande  terreur,  en  regard  île  trois  nrinces  étendus 
dans  leur  cercueil  et  rongés  de  vers,  elle  met  trois  jeunes  scignein-s,  montés 
sur  des  chevaux  magniri([ues  et  se  rendant  à  la  chasse.  C'est,  ù  ma  connais- 
sance, la  première  représentation  du  sujet  des  «  Trois  vifs  cl  des  trois  morts  u, 
si  IVé(|uemmenl  reproduit  chez  nous,  au  xvT  siècle,  par  la  sculpture,  la  pein- 
ture et  la  gravure  sur  bois.  Toute  ci-lle  fres(|ii('  d'Orcngna  est  pleine  de  ter- 
rem-  et  traduit  bien  la  grave  poésie  de  Pétrarque  '. 

.Mais,  déjJi  vers  la  première  moitié  du  \v°  siècle.  Antoine  de  la  Sftlle 
(  l.'M)8  |- t/iti'i)  introduit  le  germe  de  ces  "  Danses  Macabres  «  qui  nuiront 
p;ir  dégénérer  en  véritables  bouffonneries.  Dans  la  livraison  pn'rodenle. 
page  l.'W.  nous  avons  publié  ce  texte  de  »  l'Histoire  du  petit  Jehan  de  Sain- 

I    VvsAHi,  '<  Vie  d'AïuIroa  Ort-a^na  <>,  tnid.  do  Lvlnm-lio  <>(  JiNinron,  vol.  i,  p.  379-381. 


1/,8  ANNAI.KS   Alîr.IIKOI.nniOI-FS. 

Ii('  11  qu'il  rsl  iiiulilc  de  vr.pt'Acv  ici.  Mais  le  liraiiic  est  donné;  la  danse  com- 
ini'iicc,  cl,  de  sérieuse  (|irc!lo  est  d'al)or<l.  elle  finira  par  devenir  bduf- 
l'oniie  : 

(1  Ainsy  f|iie  les  poissons  snni  prins  par  laine  ( l' hameçon  ■•)  preslemenl . 
aiiisy  pi'ciil  la  mori  les  iioniinfss  ;  car  la  moii  ne  cspareignc  nully.  roi  ne  eni- 
pcrciir.  riclie  ne  ])oiire.  nol)l(;  ne  vilain,  saifjr  ne  loi.  médecin  ne  cyrurgicn. 
jeune  ne  vici,  for!  ne  Coiijlc.  lionnne  ne  femme.  VI  n'est  ciiose  plus  certaine  : 
elle  les  fail  venir  à  la  danse  ^  ». 

Le  mot  de  »  danse  »  est  prononcé  et  la  chose  va  s'exécuter,  à  la  mémo 
époque,  sinon  dans  un  ballet,  au  moins  dans  un  récit  et  dans  un  drame  qui 
conduira  inévilablcineul  à  la  danse  exécutée  au  naturel  : 

i(  A  Nicaise  de  Cambray.  painctre.  demourant  en  la  ville  de  Douay,  pour 
lui  aidier  à  delVroier  ou  mois  de  septembre  l'an  MCCCXMX  de  la  ville  de 
J}ru{i;es.  quant  il  a  joué  devant  MdS  (mon  dit  seigneur  Philippe  le  Bon,  duc 
de  lîourf^ogne),  en  son  lioslcl  avec  autres  ses  compaignons ,  certain  jeu,  his- 
toire et  .moralité  sur  le  l'ail  de  la  Danse  Macabre,  viij  francs  ^  ». 

llciié  d'Anjou  (1608  -\-  J480),  contemporain  de  Philippe  le  Bon,  établit  à 
Aix,  en  Provence,  celte  fameuse  procession  de  la  l"èle-Dicu  sur  laquelle  nous 
aurons  à  revenir  plus  lard  et  h  parler  en  détail.  Au  nombre  des  personnages 
vivants  et  agissants  qui  figuraient  dans  cette  cérémonie,  la  ^iort,  habillée  de 
noir,  Il  avec  des  ossements  de  squelette  peints  dessus  »,  allait  et  venait  avec 
sa  faux,  lâchant  de  raser  tout  le  monde  par  le  pied  ^.  On  voit  d'ici  toutes  les 
peurs  que  cette  Mort  faisait  aux  spectateurs,  et  toutes  les  contorsions  et  fuites 
hâtées  de  la  fouh^  pour  échapper  à  ce  faucheur  étrange.  Voilà  déjà  le  co- 
mique dont  ce  sujet  ne  pourra  plus  se  débarrasser  et  qui  tombera  bientôt  dans 
le  grotesque.  Suivant  un  historien  suspect  d'inexactitude,  le  duc  de  Bedford, 
le  futur  assassm  de  Jeanne  d'Arc,  entra  dans  Paris,  après  la  bataille  de  Ver- 
ncuil  (l/|i2/i),  au  milieu  d'une  pompe  triomphale  :  «  Nous  voulons  parler  de 
cefte  fameuse  procession  qu'on  vit  défiler  dans  les  rues  de  Paris,  sous  le  nom 
de  Uansc  Macabrée  ou  infernale,  épouvantable  divertissement  auquel  prési- 
dait un  s(iueletle  ceint  du  diadème  royal ,  tenant  un  sceptre  dans  ses  mains 
décharnées ,  cl  assis  sur  un  trône  resplendissant  d'or  et  de  pierreries.  Ce 
spectacle  repoussant,  mélange  odieux  de  deuil  et  de  joie,  inconnu  jusqu'alors 

1 .  «  ForloiTSsc  de  la  I"oy  »,  niamisciit  du  w"  siècle,  à  la  bibliothèque  de  Valencienncs,  n"  233, 
extrait  copié  par  M.  le  baron  di;  i.\  l-'oNS-lliiLicou. 

2.  Comte  L.  DE  LABonni;,  les  «  Ducs  do  Bourgogne  »,  seconde  partie,  t.  i,  p.  393-394. 

3.  «  l'Xiiruatioii   des  céroiiionies  de  la   Fèlc-Diou  d'Aix  en  rrovence  »,   Aix,  1777,  p.    IIS. 

pi.    X. 


TRIOMPHE  DC  LA   MORT.  149 

et  qui  ne  s'est  jamais  renouvelé',  n'eut  guère  pour  témoins  que  des  soldats 
étrangers  (des  Anglais),  ou  quelques  maliieureux  échappés  à  tous  les  fléaux 
réunis,  et  qui  avaient  vu  descendre  tous  leurs  parents,  tous  leurs  amis  dans 
ces  sépulcres  qu'on  dépouillait  alors  de  leurs  ossements-  ». 

Je  ne  sais  d'où  .M.  de  Villeneuve  Bargemont  a  tiré  ce  récit;  mais  il  est  cer- 
tain que,  dans  celte  année  1424.  on  peignit  sur  les  murs  du  charnier  ou  ci- 
metière des  Innocents,  à  Paris,  une  Danse  .Macabre  qui  demanda  six  ou  sept 
mois  de  travail.  On  lit,  en  ellet,  dans  la  Chronique  de  Charles  VI  cl  VII  : 

«  L'an  U2/i  fut  faite  la  Danse  Macabre  aux  Innocents,  et  fut  commencée 
environ  le  moys  d'aoust  et  achevée  au  karesme  suivant.  En  l'an  1429.  le  cor- 
dclier  Richard,  prescliant  aux  Innocents,  esloit  monté  sur  ung  hault  eschaf- 
faul  qui  esloit  près  de  toise  et  demie  de  liaull.  le  dos  tourné  vers  les  charniers 
encontre  la  charonnerie,  h  l'endroil  de  la  Danse  Macabre'  ». 

A  partir  du  xv"  siècle,  on  est  inondé  de  danses  des  morts  peintes  sur  mur. 
peintes  en  miniatures,  sculptées  en  pierre,  fondues  en  métal,  gravées  sur  bois 
et  imprimées  en  typographie*.  Les  livres  spéciaux,  et  surtout  les  livres 
d'Heures  qui  conlionncnl  la  Danse  Macabre,  sont  vraiment  innombrables;  ils 
remplissent  toute  la  fin  du  w"  siècle  et  tout  le  cours  du  xvi'.  On  a  donc  eu 
grand  tort  de  dire  (|u'lIoll)cin  {IhOô -\- lôôli)  avait  inventé  les  Danses  Ma- 
cabres. 11  les  a  développées  peut-être,  car  ce  fait  même  n'est  pas  prouvé, 
mais  il  ne  les  a  certainement  pas  inventées,  comme  le  démontrent  tous  les  faits 
qui  précèdent.  La  Danse  Macabre  peinte  à  fresque  sur  le  revers  de  la  mu- 
raille, oii  s'adossent  les  stalles  du  chœur  dans  l'église  de  la  Chaise-Dieu,  en 
Auvergne,  est  antérieure  de  cin(|uante  ans  au  moins  à  la  naissance  d'Ilolbein  •\ 
Mais  il  y  a  des  gens,  et  llolbein  en  est.  qui  ont  du  bonheur  :  on  s'obsliue  à 
leur  attribuer  de  belles  inventions  qui  ne  leur  appartiennent  pas. 

1 .  Iloiililo  erreur  :  co  speclaclc  tiUiit  connu  alors,  commo  nous  allons  lo  voir,  cl  s'est  renouvelé 
ccnl  fois  depuis. 

î.  I)i:  Vii.i.KNKUVK  Dabc.kmont,  «  llisloiro  do  René  d'Anjou  »,  l.  i,  p.  54. 

3.  Ces  i-ilalioiis  do  !'"  IlislDire  do  Rom*  d'Anjou  .  cl  tie  lit  «  Clironinue  do  Clurlps  VI  •  M>nl 
oxlruiU'»  du  livre  do  M.  I'kancis  Doick,  «  llio  Danco  of  Dealli  *,  iu-S*.  p.  U  et  «S,  Londoo, 
in:\3.  Cel  ouvrage  esluuo  exiellenlo  et  presque  coinpiéle  inonugrapliie  de  la  •  Uinso  des  MorU», 
qu'illuslrenl  de  bonnes  gravures  sur  bois. 

4.  Voyez,  le  n  Manuel  du  libraire  >,  |wr  M.  J.-C.  Hhi.nct,  au\  mois  .  ltan<o  N.icjbr»  •,  I.  ii, 
col.  4'JO  et  suivantes  do  la  cimiuiènio  édition,  Didol,  l'aris,  «804.  V050»  surtout  K.  Doux,  •  Ihe 
Danco ofDeatli  d,  cité  ci-tlessus,  iliap.  v,  p.  >>">  et  suivantes. 

r>.  Voir  la  «  Danse  des  Morts  de  la  Chaise-Dieu,  fre^iue  inédite  du  x»-  siWo  »,  |Mr  Achille 
JuiiiNAi..  ln-4",  avo<'.  figures,  hiris,  I86ï.  A  la  Cliai.so-Diou,  U  Mort  n'osl  ni  un  tquoloilo  ni  un 
cadavre,  mais  bien  plutôt  un  econ-lié.  C'est  une  |>articularité  qu'il  est  boo  do  signaler.  L'ouvrage 
de  M  Jiibinal  abonde  en  rcnsoiijnemenlt)  curieux. 


150  ANNALES  ARCIII' OLOGIQl'ES. 

L'invonlion  n'en  est  pciil-ôlrc  h  personne,  cl  la  Danse  Macabre  s'est  déve- 
loppée successivement,  de  siècle  en  siècle,  d'année  en  année,  sous  l'inspira- 
tion de  tout  le  monde;  mais,  il  faut  le  recomiaîlre,  Ilolhein  compte  notable- 
ment dans  ce  développement.  Avant  lui,  la  Mort,  cadavre  écorchéou  squeletle, 
se  conlcnlc  do  venir  prendre  l'un  ou  l'autre  de  ses  clients  et  de  l'emmener 
dans  la  tombe  en  sautillant  ou  eu  daiisanl.  Voyez  surtout  la  «  Danse  Macabre 
des  hommes  et  des  fennnes  »,  publiée  en  1/|85  et  années  suivantes,  par  Guy 
Marchant  et  Antiioine  Vérard*.  Kn  homme  d'esprit.  Ilolbein  varia  ce  thème 
assez  monotone  en  composant  avec  chaque  groupe  un  petit  tableau.  La  Mort 
est  introduite  dans  le  monde  par  la  désobéissance  d'.Adam  et  d'iive,  (jui  sont 
chassés  du  paradis.  —  La  Mort  en  personne  les  conduit  sur  la  terre  de  douleur 
en  accompagnant,  dirigeant  et  hâtant  leius  pas  au  son  d'une  vieille.  —  La  Mort 
travaille  avec  Adam  et  bêche  la  terre,  ou  l'aide  à  défricher  les  forêts.  — La 
Mort  met  la  main  sur  le  collet  du  pape  au  moment  où  le  souverain  pontife  va 
placer  la  couronne  souveraine  sur  la  tète  de  l'empereur.  — Le  roi  est  à  table, 
entouré  d'une  quantité  indigeste  de  mets,  et  la  Mort  lui  verse  cllc-nième  à 
l)oire.  —  La  IMort  arrache  l'évêque  à  la  campagne,  alors  qu'il  visite,  bâton 
pastoral  à  la  main,  le  ti-(>u[)eau  syml)olique  de  ses  brebis.  —  La  Mort  saisit 
le  juge  cl  l'avocat  Icndanl  la  main  pour  recevoir  les  offrandes  et  honoraires 
des  plaideurs.  —  Un  ])rétre  va  porter  le  viatique  à  un  malade,  et  c'est  la  ^lort 
qui  le  mène  en  ricanant.  —  Un  astronome  étudie  la  sphère  céleste,  mais  la 
31orl  lui  présente  un  crâne,  cette  sphère  humaine  qu'il  devrait  bien  plutôt 
consulter.  —  La  comtesse  s'habille  et  se  pare  de  joyaux  que  la  Mort,  affreuse 
femme  de  cliauibre.  lui  assujettit  sur  les  épaules  et  le  cou.  —  Une  jeune  dame, 
qui  vient  de  se  marier,  écoute  les  propos  de  son  amoureux  pendant  que  la 
Mort  leur  fait  de  la  musique  et  bat  le  tambour.  —  Un  laboureur  mène  la 
charrue  dont  la  jMort  conduit  les  chevaux.  —  Une  mère  prépare  un  potage 
pour  son  enfant  que  la  Mort  emporte  en  riant.  —  Des  ivrognes  sont  à  table. 
et  la  Mort,  comme  au  roi  ([ui  précède,  verse  dans  la  bouche  énorme  de  l'un 
d'eux,  qui  va  en  être  noyé,  des  flots  de  bière.  —  Un  brigand  veut  voler  une 
femme  qu'il  lâche  d'étrangler;  mais  la  .Mort,  plus  prompte  que  le  criminel, 
étrangle  le  voleur  lui-même. 

1.  En  1838,  M.  Silvestrc,  ancien  libraire,  a  fait  réimprimer  cliez  Laliure,  L.  Polier,  éditeur, 
une  «  Danse  Macabre  »  des  hommes  et  des  femmes,  dont  les  gravures  sur  bois,  au  nombre  de 
87,  et  le  texte  sont  reproduits  d'après  Guy  Marchant  et  Yérard.  Cette  réimpression  a  pour  titre  : 
(c  La  grant  danse  Macabre  des  homes  et  des  femcs  avec  les  dis  des  trois  morts  et  trois  vifs,  le 
débat  du  corps  et  de  lame,  la  complainte  de  lame  dampnée  et  l'enseignement  pour  bien  vivre  et 
bien  mourir.  Nouvellement  imprimé  à  Paris,  xvij  •  c.  » 


TRIOMPHE  DE  LA  MORT.  151 

Voilà  quelques-unes  des  scènes  inventées  peuNÎIre  par  Ilolbein  et  qui  lui  ont 
fait  une  réputation  ([u'on  pourrait  qualifier  d'excessive.  Ses  contemporains  en 
ont  été  si  émerveillés,  qu'ils  l'ont  glorifié  de  ce  quatrain  recueilli  dans  les 
«  Nugae  »  de  Borbonius  : 

nP.   tlORTE    PICTt    *    niVSO   PICTORE   !liOBILI. 

Dum  morliâ  llansus  '  pictor  imagines  cxprimil , 
Tanla  arlc  mortcm  rctulit,  ut  mors  vivere 
Vidcatiir  ipsa,  et  ipse  se  immorlalibus 
Parem  iliis  feterit,  opcris  liiijus  gloria  •. 

l)i:  r.v  MOHT  peinte  l'.vfi  Ilvxs,  tE  noble  peintre.  —  llans  le  peintre,  en  exprimant  les 
images  do  la  mort,  a  retracé  lu  mort  avec  tant  d'art,  qu'il  parait  lu  faire  vi>re  et  qu'il  se  rend 
semblable  aux  dieux  immortels,  gloire  de  cette  œuvre. 

Une  fois  lancée  sur  la  voie  du  grotesque  par  Ilolbein  ou  ses  prédécesseurs, 
l'imnî^ination  s'est  donnée  libre  carrière,  et  le  pont  de  Luccrne,  qui  date  de 
ilHl,  est  peint  d'une  danse  macabre  ou  d'une  histoire  de  la  Mort  évidemment 
inlluencée  par  le  grand  artiste  de  Bàle.  Les  panneaux  en  bois  de  ce  pont 
couvert  sont  historiés  de  quarante-cinq  sujets  diiïérents  où  la  Mort  joue  un 
rôle.  En  1850,  je  traversais  Lucerne,  et  le  temps  m'a  manqué  potir  étudier 
et  noter  tous  ces  tableaux;  mais  voici  l'indication  des  onze  sujets  qui  m'onl 
frapjîé  davantage  : 

Un  jardinier  cultive  .'^cs  plantes,  et  la  Mort  répand  un  arrosoir  .sur  sa 
lèto.  Il  parait  que  l'eau,  qui  fait  vivre  les  plantes,  fait  périr  les  hommes.  — 
I  II  |irèlrc  dit  la  messe  (|ue  la  Mort  lui  sert.  —  Un  chirurgien  cherche  à 
gui'iir  un  malade  et  lui  fait  une  saignée;  mais  la  Mort  tient  le  vase  où  tombe 
le  sang,  l/cnseignc  de  ce  chirurgien  est  une  tête  de  mort  sur  un  fond  noir. 
—  La  Mort  apparaît  ii  une  fermière  bien  portante  et  qui  trait  sa  vache.  — 

i.  Huns  ou  Jean  Ilolbein. 

2.  lloiiiio.Mt's,  1»  .\ug,e  n,  p.  l!7,  édit.  do  Lyon,  apud  Grypliium;  p.  il3,  édit.  do  BAIo.  Voir 
Douce,  ><  llanco  of  Deatli  »,  (|ui  Tait  cette  citation,  p.  139.  —  Il  Taut  diri!  qu'on  n'est  pas  obso- 
lumont  certain  qu'IIolboin  ait  peint  une  danse  dos  morts,  môme  à  lUIc,  et  lo  quatrain  on  question 
est  |>(Mil-6lro  la  ineilleurn  preuve  do  rallirmativo.  Du  reste  la  Siii>><>,  avant,  pondant  et  apt^ 
lldibciii,  a  (.inguliéronionl  alToctionno  co  tliémo  do  la  mort  au\  prises  avec  Ia  vie.  Kn  IH.'»6,  on 
allant  do  Lucerne  il  lIAlo,  jo  m'arr^l^ii  dans  un  bourg  dont  inallicurousomenl  jo  no  me  nippplle 
plu.s  lo  nom,   mais  (pii  avoisino  lUIo.  J'avisiii  sur  l.i  f.i  •  maison  une  p-  i-- 

représentant  la  Mort  qui  faisait  dansor  un  liiiur)>oois.  I  >     '',  dans  une  ru'  i- 

tanto,  qui  mùno  il  la  cutliédmlo,  jo  lus,  sur  une  toute  |>otilo  maisifn  nouvollenu-nl  Uiio,  ccUt> 
pensrfl  pleine  do  plilloso|iliio  ot  donnée  do  naiolo  :  «  Siitis  nnipla  moi 
quo  la  Suisse  est  bien  molancoliipio,  si,  d'un  colo,  on  n'y  voyait  m>>, 

lu  niiNmo  ville  do  lii^lo,  lo  Triomphe  do  l'Amour  sous  des  formes  diverses.  D'où  l'on  |H>ui  coacluro 
quo  nii'lvétie  aime  tous  les  Triomphes,  quels  qu'ils  soient. 


152  ANNALKS  AliCHl'lOLOniOLES. 

La  Mort  siY'gc  au  soin  (riiii  cdiisfil  iiiunicipal  cl  Riicltc  sans  doulc  l'oralcur 
dissidf'iit  cl  passiomii'!  (|iii  va  frapper  son  vole  d'une  boule  noire.  —  Deux 
ninrls  (Milraiiionl  violenimcnl  un  roi  qui  résiste  avec  force,  mais  en  vain.  — 
Un  cavalier  fait  l'en  d'un  iiislolcl  sur  la  Alort  qui  l'attaque  et  (|ui,  comme  le 
Juif  errant,  csl  invuln(''ral)lc  cl  immortelle.  —  Festin  el  bal  où  des  morts 
I'omI  de  la  niusi(|uc.  —  .Jugement  dernier  où  les  victimes  de  la  Mort  res- 
suscitent pour  le  pai-adis  ou  l'enfer.  —  F.cs  deux  tableaux  qui  m'ont  le  plus 
intéresse,  on  pourra  le  concevoir,  représentent  un  arcliilcclc  cl  un  ingénieur 
qui  construisent  l'un  une  église  el  l'autre  un  ponl  ou  un  a([ueduc.  1/arrlii- 
tecle,  armé  de  sa  règle  magistrale,  en  est  au  portail  de  son  église  dont  il 
étale  le  plan  avec  un  certain  orgueil.  Mais  la  Mort  csl  là  qui  ne  lui  permettra 
pas  de  terminer  son  anivre.  L'artiste,  comme  Lavoisier,  sentant  qu'il  a  dans 
sa  léte  quclf|ue  chose  à  réaliser,  demande  un  peu  de  répit  pour  achever  son 
portail;  mais  la  Mort  ne  l'écoute  pas  et  le  lue.  L'ingénieur,  au  milieu  d'en- 
gins d'appareil,  et  d'instruments  pour  la  taille  des  pierres,  est  placé  dans  un 
coin  et  (loniio  des  ordres  de  construction;  mais  la  Mort,  accroupie  dans  un 
autre  coin,  le  guette  comme  un  chat  guette  une  souris,  pour  le  frapper  et 
l'enlever  à  ses  travaux.  Qui  sait  si  cet  ingénieur  n'est  pas  celui-là  même  qui 
a  construit  le  pont  de  Lucernc  et  dont  on  voit  l'inscription  suivante  gravée 
dans  la  pierre,  sur  l'une  des  piles  de  ce  pont  si  curieux  : 

J.    rUAMÏ    •     I.IDWIC.    •     NON    •     SOXNENDEIIG    •    DFR.    .    .    T    ■     BAI  IIFr.r,    •     ANNO    1771 

J.  Fiiiritz  Ludwig  do  Soniienberg directeur  de  la  construction  en  1774. 

Un  éminent  critique.  ^!.  Saint-Marc-Girardin.  a  écrit  au  sujet  de  la  Danse 
des  Morts  quelques  pages  remarquables  dont  l'extrait  suivant  ajoutera  utile- 
ment ;i  nos  indications  sur  les  peintures  du  pont  de  Lucernc  : 

((  Je  connais  deux  Danses  des  Morts  :  l'une  à  Dresde,  dans  le  cimetière, 
au  delà  de  l'Elbe;  l'autre  en  Auvergne,  dans  l'admirable  église  de  la  Chaise- 
Dieu.  Cette  dernière  est  une  fresque  que  l'humidité  ronge  chaque  jour.  Dans 
ces  deux  danses,  la  Mort  est  en  tète  d'un  cliœur  d'hommes  d'âges  et  d'états 
divers.  Il  y  a  le  roi,  le  mendiant,  le  vieillard  et  le  jeime  homme;  la  mort  les 
entraîne  tous  après  elle...  La  danse  d'IIolbcin  n'est  pas,  comme  celle  de 
Dresde  et  de  la  Chaise-Dieu,  une  chaîne  continue  de  danseurs  menés  par  la 
Mort  :  chaque  danseur  a  sa  Mort  costumée  d'une  façon  difTérente,  selon  l'état 
du  mourant  '...  Holbein  avait  ajouté  à  l'idée  populaire  de  la  danse  des  morts. 

t.  Le  costume  est  le  nit^mo,  si  costume  il  y  a,  puisque  c'est  un  cadavre  squelette,  mais  l'attri- 
but change  :  la  Mort  tient  une  faux,  une  flèciie,  une  fleur,  une  bcV'lie,  une  pioclie,  une  bière,  un 
instrument  de  musique,  suivant  les  hommes  ou  les  femmes  qu'elle  invile  à  danser. 


THIOMPllE  DE  LA   MORT.  153 

Le  peintre  inconnu  du  pont  de  Lucerne  a  ajouté  aussi  à  la  danse  d'IIolbein. 
Ce  ne  sont  pas  des  peintures  de  prix  que  les  peintures  de  Lucerne;  mais  elles 
ont  un  mérite  d'invention  fort  remarquable.  Le  peintre  a  représenté,  dans  les 
triangles  que  forment  les  poutres  qui  soutiennent  le  toit  du  pont,  les  scènes 
ordinaires  de  la  vie,  et  comment  la  mort  les  interrompt  promplement...  Au 
l)ont  de  Lucerne,  la  Mort  vit  avec  nous.  Faisons-nous  une  partie  de  cam- 
pagne? elle  s'habille  en  cocher  et  fait  claquer  son  fouet.  Les  enfants  rient  et 
pétillent;  la  mère  seule  se  plaint  que  la  voilure  va  trop  vile.  Que  voulez- 
vous?  c'est  la  Mort  qui  conduit  :  elle  a  hâte  d'arriver.  Allez-vous  au  bal? 
Voici  la  Mort  qui  entre  en  coilfeur,  le  peigne  à  la  main...  Le  pont  de  Lucerne 
nous  montre  la  Mort  h.  nos  côtés  et  partout  :  à  table,  où  elle  a  la  serviette 
autour  du  cou,  le  verre  ii  la  main  et  porte  des  santés...;  dans  la  boutique,  oii, 
en  garçon  marchand,  assise  sur  des  ballots  d'éloiïe,  elle  a  l'air  engageant  et 
appelle  des  pratiques;  au  barreau,  où,  vêtue  en  avocat,  elle  prend  des  con- 
clusions, (1  le  seul  avocat,  dit  la  légende  en  mauvais  vers  allemands,  placés  au 
bas  de  chaque  tableau,  qui  aille  vite  et  (|ui  gagne  toutes  ses  causes  ». 

<i  Avec  ces  peintures,  le  moyen  âge  ridiculisait  l'humanité  tout  entière  :  il 
raillait  sa  faiblesse,  son  insouciance,  sa  vanité.  Aujourd'Iun',  nos  caricatures 
frappent  sur  les  individus  au  lieu  de  frapper  sur  lliomme.  Elles  apprennent 
h  l'un  (|u'il  est  trop  maigre,  à  celui-ci  (|u'il  est  trop  gros,  à  l'autre  <|u'il  est 
trop  petit.  Ce  ne  sont  guère  là  de  grandes  découvertes  de  satire;  mais,  lieu.x 
communs  pour  lieux  communs,  je  ne  sais  si  je  ne  préfère  point  ceux  du  moyen 
iVge;  ils  in(lif|nent  tout  au  moins  ime  épo(|ue  plus  sérieuse  et  plus  grave,  un 
génie  qui  voit  de  plus  haut  les  choses  et  les  hommes,  et  une  imagination  qui 
garde  un  profond  sentiment  de  peine  dans  ses  gaietés  mêmes  et  dans  ses 
caprices'.  » 

Je  m'étoiiiir  iiu'iMi  si  judicieux  observateur  n'ait  ritMi  dit  du  chirurgien  du 
pont  de  f-ucerne,  car  c'est,  h.  mon  avis,  un  des  plus  curieux  sujets  de  la  série 
(>t  celui,  pout-ètr.\  dont  |o  caractère  général  devait  intéresser  le  plus  M.Siunt- 
Marc  (iirardin. 

('e  n'est  pas  d'aujourd'hui,  ee  n'est  pas  même  du  temps  de  Molière  scule- 
nntit  ([u'on  s'est  morpié  des  chirurgiens  et  des  médecins  :  il  en  est  d'eux 
comme  des  fenmies  dont  on  a  dit,  à  toutes  les  époques,  tout  le  niai  et  loul 
le  bien  [xissible.  Le  pont  de  Lucerne  donne  pour  enseigne  h  son  chirurgien 
une  léle  de  nmrl  et  fait  assister  la  Mort  à  la  saiguiS»,  (|ni  est  cependant  la  plus 
anodine  des  opi'-ralion-i.    Dans  une  petite  Daii^i' M  i.- du.- "i- iv.'..  r.  .■- ri|,ii|,»_ 

I.  X  Jotirniil  dos  DoImIs  '.  CI  riWricr  1833. 

XXIV.  20 


lâ^i  ANNM.F.S   AItClll';OLOGI0UES. 

wiccki,  l.'i  Mi)it  vient  se  placer  auprès  d'un  jeune  lionimc  assis  h  une  table 
d'fîtude.  Le  studieux  élève,  qui  ne  voudrait  pas  mourir  encore,  dit  à  son  ter- 

rilili'  \  isili^iii'  : 

Uo  Rnlco,  (?pargno-moi  :  je  mo  fais  médecin,  ol  lu  rpccvras  de  ma  main  la  moitié  des  malades  '. 

Oïl  ne  dil  |i.is  si  l;i  Moil.  loucliée  de  la  promesse  d'une  si  belle  rente  future. 
a  faii  f^ràcc  au  jeune  cludianl  ;  mais,  ce  (|iii  |i;iiaît  moins  douteux,  c'est  que 
mé(le(in.«,  ciiirurgiens  cl  apotliicaires  tuent  encore  aujourd'iiui  quelques-uns 
(le  it'iu's  clients. 

I/iiumanitc  se  pipe  elie-inème,  comme  dit  Moiilaif^ne,  et,  par  contenance, 
a  l'air  de  se  moquer  de  ce  qu'elle  craint  le  plus,  llolbcin  et  ses  successeurs 
fonl.  au  sujet  d(;  la  mort,  des  plaisanteries  qui  ne  sont  pas  toujours  de  bon 
ali)i;  ils  riciil  au\  larmes,  mais  aux  larmes  de  tristesse  et  de  désespoir,  et 
les  joyeuselés  de  J.  drandville,  qui,  vers  1850.  a  fait  en  neuf  litliogra- 
pliics  un  «Voyage  pour  i'Klcrnilé-  »,  ne  sont  pas  toutes  d'une  gaieté  bien 
franche. 

Au  pii'mier  dessin,  le  frontispice,  la  Mort  conduit  les  voyageurs  dans  son 
omnibus,  au  cimetière  du  Père-I.acliaise. 

Au  douxième,  la  Mort,  habillée  en  postillon,  donne  des  conseils  à  un  voya- 
geur surchargé  de  bagages  désormais  bien  inutiles;  elle  lui  dit  :  «  C'est  ici  le 
dernier  relai  ». 

Au  troisième,  la  Mort  entre  dans  la  boutique  d'un  horloger  et  fait  voir  sa 
montre  au  patron  et  à  rapprenli,  en  disant  :  «  Vais-je  bien?  »  —  A  quoi 
ils  répondent  elTrayés  :  c  Vous  avancez  horriblement  ». 

Au  quatrième,  la  Mort  entre  chez  un  vieux  baron  goutteux  étendu  sur  un 
lit.  Un  valet  dit  au  malade  :  "  Monsieur  le  baron,  on  vous  demande  »,  et  le 
baron  s'empresse  de  répondre  :  «  Dites  que  je  n'y  suis  pas  ». 

Au  cinquième  :  «  Soyez  tranquilles,  j'ai  un  garçon  qui  ne  se  trompe 
jamais  ».  dit  un  ai)olliicaire  à  des  malades  craintifs  qui  demandent  des  méde- 
cines. La  Mort,  en  garçon  pharmacien,  est  installée  dans  une  autre  pièce  où 
elle  pile  des  médicaments  dans  un  mortier. 

Au  sixième,  c'est  une  fête.  La  Mort,  en  domestique,  entre  avec  un  plat  de 


1.  I".  Douce,  «  Danse  of  Doadi  ",  page  207. 

2.  «  Voyage  pour  l'Éternité,  service  général  des  omnibus  accélérés,  départ  à  toute  Iieure  et  de 
tous  les  points  du  globe  >-.  In-i"  oblong.  Cet  ouvrage  parut  précisément  à  l'époque  où  les  omni- 
bus venaient  d'ùtre  établis  à  Paris.  Mais,  depuis,  on  a  créé  les  chemins  de  fer,  et  ce  serait  une 
bonne  occasion  de  répéter  le  même  «  Voyage  »  par  train  express.  A  grande  vitesse,  on  va  encore 
plus  rapidement  et  plus  sûrement  à  la  mort  que  par  les  omnibus. 


TRIOMPHE  DE  L.\  MORT.  155 

fruits  empoisonnés  et  dit  :  «.Voilà,  messieurs,  un  plat  de  mon  métier  ».  —  Ce 
lal)leau  est  parliculi(;rcnicnt  d'une  gaieté  lugubre  et  peu  spirituelle. 

Au  septième,  la  Mort,  en  fille  de  joie,  un  masque  sur  le  visage,  tâche  d'at- 
tirer un  jeune  homme  en  lui  disant  :  «Voulez-vous  monter  chez  moi,  mon 
polit  monsieur,  vous  n'en  serez  pas  fâché,  allez  ». 

Au  liuitiènif.  la  Mort,  en  entrepreneur  de  pompes  funèbres,  son  corbillard 
derrière  elle,  invite  un  vieillard  à  la  suivre  et  lui  dit  :  <■  Pour  une  consultation, 
docteur,  j'en  suis,  je  vous  suis  ».  —  C'est  inspiré  de  1'"  Ilernani  »  de  Victor 
Hugo,  qui  se  jouait  à  cette  époque,  et  dont  le  «  de  ta  suite  j'en  suis  »  était 
si  applaudi  des  uns  et  si  honni  des  autres.  Le  chirurgien  de  Lucerneet  l'étii- 
diant  en  médecine  de  Chodowiecki  me  paraissent  plus  spirituels  que  ce  docteur 
de  Granville. 

Enfin,  au  neuvième,  la  Mort,  déguisée  en  élégant,  conduit  à  une  voiture  une 
dame  suivie  de  sa  fille,  et  dit  :  »  Oui,  madame,  ce  sera  bien  la  promenade  la 
plus  délicieuse  :  une  voilure  dans  le  dernier  goût,  un  cheval  qui  fend  l'air  et 
le  meilleur  groom  de  l''rance»! 

Avec  ces  plaisanteries,  qui  ne  sont  ni  toutes  gaies,  ni  toutes  spirituelles, 
il  est  temps  de  quitter  les  Danses  Macabres  et  de  revenir  aux  véritables 
Triomphes  de  la  Mort. 

Les  manuscrits  à  miniatures',  les  sculptures  de  l'hôtel  Bourgtheroulde  îi 
Rouen,  les  anciens  livres  imprimés  avec  gravures  sur  bois^,  tout  le  xvi' siècle, 
.iiliii,  rcprésc !>■  Triomphe  de  la  Mort  comme  il  suit,  sauf  quelques  va- 
riantes d'une  importance  secondaire  : 

La  Mort,  en  sqiielelie  ou  en  cadavre,  est  debout  et  non  assise  sur  le  coffre 
ou  la  plate-forme  d'un  diar  à  deux  ou  quatre  roues  que  tirent  d<Mix  bullles  ou 
deux  taureaux  furieux  d  ,iii  galop.  Armée  d'une  longue  faux,  la  M"rt  fauche 
dans  le  cliami)  «|.'s  liuin.iiiis  à  dniite.  lï  gauche,  devant  et  derrière;  rien 
iM'cliappe  h  ses  coups*.  Les  tués,  hommes,  femmes,  vieillards,  enfants,  pape, 
empereur,  rois,  princes,  pauvres,  riches,  se  sauvent  devant  l'affreuse  vision 
qui  les  atteint  tous,  les  tranche  par  le  pied,  par  le  nulieu  du  corps  ou  par 
la  tète,  et  les  renverse  connne  des  épis  sin-  le  sillon. 

Le  grand  artiste  de  Venise.  Titien .  a  peint  im  triomphe  de  la  mort  ilonl  ji* 
viens  de  voir  la  gravure.  Cette  planche  est  signée  :  <•  Titianus  pinvit.  — It>.  An(. 
l'.nii  (li'l.  —  S\l\('sl.  l'omarede  sculp.  ». 

I.  Ni)lammonl  lo  m.iniKrni  maRninque  do  la  Bibliollu^uo  impt'rinlo.  fomi*  fr«nç«i».  n*  f>9k. 
inlitulô  ;   «  !.o«  Iriiqiliw  du  pronlio  mossiro  Françoy»  P«>lrarclio,  lr»n»lrtloi  k  Rouen  de  vulgaire 

iliilici)  (Ml  friiiiroy»  ((wir  lloniiinl  llliclniiis,  xvi«  siiVU'). 

i.  ■>  Il  IVlninliu  loii  ri<>|>o^lii.>in'  dMliv<'«4iiulro  Vollulello  ».  In  Vonejiij.  utit.  in-4-. 


156  ANNALES  AKCIIÉOLOGIOLT.S. 

Fm  I<'';;pik1i'  .  au  l)a.s  do  la  f^raviiro ,  ou  lit  : 

«  Tiiumplius  iiiorlis  a  Francisco  Pclrarclia  versibus  clcgaïUissiinc  scriplus, 
alqiio  iii  anholypa  Tiliani  colohcrrinii  picloris  tabula,  qua-  domini  loannis 
Micliilli  romani  iuris  est,  vivi.s  coloribus  ad  arlis  miraculutii  cxpressus  iieic 
rrre  inci.sus  apparel.  » 

Puis  les  Paniues,  qui  sont  h  bon  droit  les  suppôts  de  la  mort  cl  figurent 
dan.^  ce  triomphe,  se  disent  entre  elles  : 

Fila  liominuni  vitx  iiojlris  cito  curritc  fiisis, 

DUorunt  slabili  fjlorum  numinc  l'iirc.T, 

f.lollio,  Alropos,  I.acliosis.  Mors  nniriqiio  agil  alla  trliimplitim. 

Le  char,  en  fonne  de  lombeau  .  r-l  lin-  |iar  drs  buflles  aux  cornes  recour- 
bées en  dessous.  Sur  le  char,  Clolho,  Alropos,  Lacliésis  filant ,  enroulant  et 
coupant  le  fil  de  la  vie.  En  liaul  du  char,  h  l'arrière,  s'élève  la  Mort  couronnée, 
armée  d'une  faux.  Cette  Mort  est  en  chair;  c'est  une  momie  vivante  et  non 
un  squelette  :  une  draperie  étroite  lui  enveloppe  les  reins.  Une  foule  innom- 
brable est  renversée  et  foulée  par  le  cliar,  beaucoup  sont  déjà  étendus  morts. 
Alexandre  est  écrasé  par  une  des  roues  du  char.  On  lit ,  parmi  les  morts  ou 
les  mourants,  le  nom  de  Pompéius.  l'abius,  P.  .JuJius  11.  Ib,  im-.  Pyrrhus, 
Scipio,  Carlhaginienses.  Romani.  —  Thisbé  se  perce  d'une  épée  sur  le  corps 
inanimé  de  Pyrame.  Cléopùlre,  entre  les  bras  de  Marc-Antoine,  se  fait  piquer 
par  un  serpent,  etc.  Un  jeune  homme  et  une  jeune  femme  se  sauvent  à  toutes 
jambes  devant  les  buITles  dont  le  pas  «  tranquille  et  lent  »  saura  cependant 
bien  les  atteindre. 

Ce  triomphe  de  Titien  est  froid  et  mal  groupé;  c'est  fort  inférieur  à  nos 
triomphes  de  la  renaissance  et  même  à  ceux  du  xvii'  siècle*.  On  y  remarque  , 
ce  qui  n'est  pas  conforme  cependant  au  texte  de  Pétrarque,  où  tous  les  morts 
sont  anonymes,  des  noms  propres  d'hommes  et  de  femmes  célèbres,  et. 
entre  autres,  celui  du  pape  Jules  II,  ce  qui  donne  la  date  du  tableau  de 
Titien.  Le  pape  Jules  II  est  mort  en  1513,  et  Titien,  bien  longtemps  après 
lui.  en  1570.  Il  est  assez  remarquable  que  Titien  et  Holbein,  ces  deux 
peintres  de  la  Mort,  ont  péri  tous  les  deux  de  la  peste  :  Holbein  à  Londres, 
en  155Ù ,  à  59  ans;  Titien  à  Venise ,  en  J576,  à  99  ans. 


I.  Titien  a  composé  un  grand  Triomphe  de  la  Divinité,  qui  est  gravé.  Il  est  probable  qu'il  a 
fait  également  les  autres  Triomphes  de  Pétrarque,  car  on  a  gravé,  encore  d'après  lui,  le  Triomphe 
de  l'Amour,  dont  la  peinluro  était  et  est  peut-être  encore  à  Ferrare.  En  outre,  il  a  peint  à  Venise 
le  Triomphe  de  Judith,  sans  doute  pour  figurer  le  Triomphe  ds  la  Renommée.  Je  n"ai  pas  pu 
m'assurer  si  Ton  av;iit  de  lui,  pour  compléter  les  six,  le  Triomphe  de  la  Chasteté  et  celui  du 
Temps. 


TRIOMI'IIE   Di:  LA   MORT.  157 

La  peste ,  sans  en  excepter  la  guerre  et  la  famine ,  est  véritablement  le  plus 
beau  triomphe  de  la  mort.  Dans  ces  paroles  dont  Sainle-Marie-dcs-Fleurs ,  à 
Florence,  retentissait  avec  la  voix  de  .Savonarole  (H52 -]-  1^98) ,  on  entend 
comme  le  galop  du  cheval  pâle  de  la  Mort  *  et  les  soubresauts  du  char  funèbre 
que  conduisent  les  buffles  de  l'hôtel  Bourglheroulde. 

(1  0  Italie!  ô  Rome!  je  sèmerai  parmi  vous  la  peste,  une  peste  si  terrible 
que  peu  de  monde  y  résistera.  Croyez  celui  qui  vous  parle  :  il  n'y  aura  plus 
personr)e  pour  ensevelir  les  morts.  S'il  y  a  dix  hommes  dans  une  maison,  ils 
mouriont,  ils  seront  brûlés,  et  l'on  n'aura  plus  besoin  de  pourvoira  leur  sé- 
pulture. Ouand  ce  fléau  fondra  sur  vous,  il  y  aura  tant  de  morts  dans  les  mai- 
sons, qu'on  criera  dans  les  rues  :  »  Jetez  les  cadavres  dehors  " .  On  les  mettra 
sur  des  voitures  et  sur  des  chevaux,  on  en  fera  des  montagnes  et  on  les  brû- 
lera. On  n'entendra  plus  dans  la  ville  que  ce  cri  lugubre  :  "  Oui  a  des  morts? 
«  Que  tous  ceux  qui  ont  des  morts  les  descendent  sur  leurs  portes  !  »  Lne 
foule  de  gens  sortiront  sur  le  seuil  de  leurs  maisons  :  «  Voilà  mon  fils,  «  dira 
l'un;  "  voilii  miin  mari,  voilà  mon  frère,  »  dira  l'autre.  Kl  l'on  fera  de  grandes 
cl  horribles  fosses  pour  enterrer  tous  ces  cadavres,  l'uis  les  mêmes  hommes 
parcourront  de  nouveau  les  rues,  ils  crieront  :  «  N'y  a-l-il  plus  de  moris  par 
«  ici?  quoiqu'un  a-t-il  des  morts?  »  Kt  les  rangs  des  citoyens  s'éclaircironl,  au 
point  qu'il  restera  à  peine  quelques  personnes.  L'hcrbo  croîtra  dans  les  rues; 
les  routes  seront  connue  les  bois  et  les  forêts  -.  » 

Cette  ville  terrible  et  poétique  dr  Florence  ne  se  contentait  pas  de  parler  (lo 
la  peste  et  de  la  midiI  ;  elle  aimait  encore  à  en  inonlrer  la  représentation  vi- 
vante, si  l'on  peut  dire  ainsi.  In  contemporain  de  Savonarole.  l'étrange  peintre 
l'iero  di  Cosimo,  né  en  ilUiO,  mort  en  lô2l,  à  plus  île  quatre-vingts  ans, 
composa  une  de  ces  pompes  funèbres.  Ce  diame  revient  si  bien  à  noire  sujet, 
(pic  nous  transcrirons  en  entier  la  description  que  Vasari  en  a  donnée  cl 
<|ue  voici  •'  : 

"  l'iero  fut  beaucoup  recherché  par  la  jeune  noblesse  de  riorence,  précisé- 
nienl  à  cause  de  l'extravagance  et  de  la  singularité  de  son  imagination.  Nos 
jeunes  seigneiu's  l'employaienl.  .ni  f.irii.a.il,  U  m'^aniser  li-ur^  tli\i'iti>»einehl> 

1.   u  \'.l  oiTP  ('(iiiiis  |mlliiliis.  \'A  i|iii  st'ili'lj.il  Mi|it'r  rii;u  iui;iu'ii  illi  Mo  Uir 

oiiin.  I'!t  (liila  csl  llli  palcsliis  suiht  (|iiiituor  (lurlos  lornr  iiilorlicoro  j.  '  ''•  ^' 

liostiis  lorriu  •.  S.  Joiian>.  «  A|)unily|)sU  •>,  vi,  8, 

î.  Voir  M.  l'i;iiuK.Ns,  «  J.  Siivoiiarolu  »,  w  vli>,  sos  proilicitmii».  •  ■:    —  •  EiuiIm  «ur  U 

roniiissiiiHo  u,  par   I).   Nis.\iiii,   —   «  l'ii'rri»   Kiiiiui»  •,    pur   M.  <  iitaip,  i'«ri»,   I86i, 

p.  9-10. 

3.  Vaaahi,    n  Vioi   do»  poiiiln-s  »,  Unilurlion   tli'   LivlaiulM-  i-t   Jo.uiron,    -  V'-    '••   1' <    f; 

Cosimo  u,  vol.  IV,  p.  7î-*ii. 


158  ANNALKS   AIlCIIKOLOGIOUKS. 

qu'il  savait  cnri(  hir  d'iiiir  pompo  et  d'une  grandeur  inaccoulumf'e.  On  assure 
niùtnc  c|ui'.  \i-  pniiiiiT.  il  (il  iiarcourir  les  rues  aux  mascarades,  Ji  l'instar  des 
anciens  liioinplies.  \i\  moins  est-il  vrai  que,  le  premier,  il  sut  ii-ur  donner 
plus  d'rclal  el  de  popiilarilé,  en  iiilroduisant  une  action  h  la  représentation  de 
la(iiiclle  il  faisait  concourir  nHisif|iic,  paroli;s  et  costumes  avec  grand  renfort 
d'acteurs  li  pied  et  à  ciieval.  Il  y  avait  bien  là,  il  faut  le  reconnaître,  une  don- 
née large  et  ingénieuse;  <l  ce  devait  être  quelque  chose  de  magnifique  k  voir 
la  iiiiil.  à  la  lueur  de  plus  de  quatre  cents  torches,  qu'un  cortège  de  cavaliers, 
havcsiis  avec  goût  et  invention,  cheminant  deux  k  deux  sur  leurs  chevaux 
si)lendidemont  harnachés,  escortés  par  des  valets  en  livrée  uniforme  et  por- 
tant les  flambeaux.  Le  char  du  triomphe,  richement  orné,  était  plein  d'objets 
bizarres  :  cela  enchantait  le  peuple  et  ouvrait  les  esprits. 

u  l'aniii  loiilcs  ces  fêles,  je  veux  succinctement  en  signaler  une  qui  fut  con- 
duite j)ar  Piero,  déjJi  sur  le  retour  de  l'âge.  La  gaieté  de  celle-ci  ne  fit  pas  son 
succès.  Kilo  jilut.  au  contraire,  à  cause  de  ce  qu'elle  avait  d'horrible  et  d'inat- 
tendu;'car  l'horrible  peut  nous  plaire  quand  on  sait  nous  le  présenter  avec 
art  et  convenance;  les  représentations  tragiques  en  sont  la  preuve,  et  l'on 
goûte  ces  choses  comme  les  aliments  acides  et  acres  qu'on  recherche  quel- 
quefois. 

«  Piero  avait  donc  très-secrèfement  exécute,  dans  la  salle  du  pape  ^,  un 
char  de  la  Mort.  Rien  n'en  avait  transpiré,  et  la  ville  allait  en  recevoir  en 
même  temps  le  spectacle  et  la  nouvelle.  Cet  énorme  char  s'avançait,  traîné 
par  dos  bufTles.  Sa  couleur  noire  faisait  ressortir  les  ossements  et  les  croix 
hlaiK  lits  diiiil  il  était  soiné.  A  son  sommet  se  trouvait  la  gigantesque  repré- 
sentation de  la  Mort,  tenant  sa  faux  en  main,  et  entourée  de  tombeaux  qu'à 
chaque  station  on  voyait  s'cntr'ouvrir,  et  dont  sortaient  des  personnages  cou- 
verts d'une  draperie  sombre,  sur  laquelle  étaient  peints  les  os  des  bras,  du 
torse  et  des  jambes.  Des  masques  à  tête  de  mort  suivaient  à  distance  ce  char 
fantastique,  et  renvoyaient  à  demi,  à  tous  ces  pâles  squelettes,  à  toutes  ces 
(liapeiMcs  lunéraircs,  la  lueur  lniiitaiiie  de  leurs  torches.  La  terreur  était  à  son 
comble,  quand,  au  son  de  la  musique  sourde  et  lugubre  des  trompes,  les  sque- 
lettes soulevaient  lentement  le  couvercle  de  leurs  tombes,  et,  s'asseyant  sur  le 
bord,  entonnaient  d'une  voix  triste  et  languissante  cette  noble  complainte  : 

Dolor,  pianlo.  c  ponitenza,  etc. 

«  A  la  suite  s'avançait  encore  toute  une  légion  de  cavaliers  de  la  Mort,  sur 
les  chevaux  les  plus  maigres  et  les  plus  décharnés  qu'on  pût  avoir,  au  milieu 

l .  Au  vieux  palais  de  la  Seigneurie,  à  Florence. 


TRIOMPHE  DE  LA  MORT.  159 

d'un  peuple  de  valets  et  décuyers  agitant  leurs  torches  allumées,  et  leurs 
enseignes  noires  déployées.  Pendant  toute  la  marche,  celte  procession  chan- 
tait, en  mesure  et  d'une  voix  tremblante,  le  «  Miserere  »  des  psaumes. 

<i  Quoique  ce  sinistre  spectacle  ne  convûit  guère  au  temps  du  carnaval  ',  la 
perfection  de  son  arrangement  et  l'intelligence  qui  y  avait  présidé  remplirent 
la  ville  d'élonnemcnt  et  d'admiration,  l'iero.  le  grand  metteur  en  œuvre  de 
cette  pompe-,  fut  accablé  d'éloges  et  de  remercîmenis;  et  depuis,  chaque 
année  fournit  son  allégorie  nouvelle.  Au  reste.  Florence  peut  se  vanter  de 
n'avoir  jamais  eu  de  rivales  pour  ces  fêtes;  les  vieillards  qui  ont  vu  le 
Triomphe  de  la  Mort  en  gardent  un  profond  souvenir,  et  en  [tarlent  sans 
cesse  II . 

C'est,  comme  on  le  voit,  la  mise  en  action  de  la  poésie  de  Pétrarque,  de  la 
.sculpture  do  l'Iiùtel  Buurgllieroulde,  de  la  peinture  de  Titien  et  do  toutes  les 
représentations  en  miniatures  ou  gravures  du  Triomphe  de  la  Mort. 

riorence  était  passionnée  depuis  longtemps,  et  même  avant  Pétrarque,  pour 
ce  genre  de  spectacle.  Ainsi,  en  130/i,  l'année  môme  où  le  poète  des  Triomphes 
vint  au  monde,  la  ville  de  Florence  fit  exécuter  une  représentation  assez  ana- 
logue Ji  celle  de  Picro  di  Cosimo.  F.n  celte  année  130/|,  le  cardinal,  légal  du  pape 
IJonifacc  Vlil,  s'étant  rendu  dans  cette  ville  pour  ménager  un  rapproohomoni 
entre  les  factions  des  Blancs  et  des  Noirs  dont  le  Uante  dé-jà  avait  été  la  vic- 
time, «  le  peuple  eut  l'idée  do  donner  une  de  ces  fêtes  (|ue  l'on  se  plaisait  à 
célébrer  (|Uclquo  temps  avant,  lorsque  la  cité  était  Iraïuiuillo,  heureuse  et  flo- 
rissaiito.  Cha(|uc  quartier  rivalisa  pour  amuser  la  ville.  Depuis  longtemps  les 
habitants  do  relui  de  San-I'rediauo  étaient  renommés  pour  l'originalité  de 
leurs  inventions.  Celte  fois  ils  s'avisèrent  do  faire  publier  à  son  de  trompe  que 
ceux  qui  voudraient  savoir  des  nouvelles  de  l'autre  monde  n'avaient  qu'à  se 
trouver,  aux  calendes  de  mai,  sur  le  pou!  Alla  Carraia  ou  lo  long  des  bords  de 
l'Arnu.  Fil  effet,  ils  établirent  sur  le  fleuve  des  espèces  d'échafauds  placés 
sur  dos  l)ar(|uos,  et  là,  au  moyen  do  feux  et  d'illmninalions  artistement  pro- 
parés, ils  représentèrent,  h  cette  lumière,  dos  scènes  de  l'enfer.  l,es  uns  pa- 
raissaient nus,  d'autres  avaient  des  masques  et  des  habits  qui  les  faisaient 
prendre  pour  des  diables,  et  tous  ensemble  rendaient  des  scènes  de  danmation 
et  de  siq)plices  infernaux.  Toute  cette  pantomime  était  accompagnée  de  cris  et 

I.   tir^l  ,1  1,1  lui  ilii  r.irn.iv.ii,  li>   mcivri'ili  ili's  tii'inln^,  i|iii>  l'ftnli'iO    Mpin'llo  h  1' ■    ;'i'il 

niotiiTii  un  jour,  (ju'il  i<st  poussu'io  cl  rolourufr.i  on  |)ou*>i«Vi<.  Pioro  <li  C.osinio  n'.i  jm» 

trop  mil!  rliuisi  son  tonipH  pour  ri>préscn(or  lo  Triumplio  do  lu  Morl. 

î.  SuiviMit  Viisori,  Aiiiircii  ili  Cosimo  ol  !o  gr.inij  p<inlro  An'lnvi  dol  "^^ i.r...,; 

Pioro  dans  son  Iniviiil. 


100  ANNALKS  AltCIII^OLO(;lOUES.    , 

(|(!  liiirlciiH'iits  alTr<'ii\  ,  ot  causa  un  plaisir  singulier  Ji  tous  les  speclaleurs. 
Mais  conime,  h  celte  ô.\)tu\ii(i,  le  pont  Alla  (^arraia  était  construit  en  bois,  et 
que  l'aniucncc  du  monde  (|ui  s'y  était  porté  le  cliarf^ea  outre  mesure,  il  elTon- 
dra  en  plusieurs  endroits;  de  sorte  r|u'un  faraud  nombre  de  spectateurs,  ou  se 
noyèrent,  ou  se  tuèrent  en  tombant,  ou  enfin  se  firent  d'Iiorribles  blessures. 
Malgré  rallliclion  de  toutes  les  l'amilles  de  Florence.  (|ui.  après  cet  accident, 
avaient  un  jjarcnt  à  plem-i.T.  on  n'i'ii  lii  pas  moins  la  mauvaise  plaisanterie  de 
dire  que  les  gens  du  ([iiarticr  de  San-l''rediano  avaient  tenu  leur  promesse. 
puis(mo  beaucoup  de  gens  f|ui  étaient  sur  le  pont  «  étaient  allés  savoir  des 
»  nouvelles  de  l'autre  monde  '  ». 

Cet  accident  de  l-'lorence  m'en  rappelle  un  autri'  (|ui  liil  lieu  à  Ath,  en 
Belgique,  à  la  lin  du  w"  siècle,  dans  une  représentation  dramatique  du  même 
giMirc  A  la  lin  d'une  procession  à  spectacles,  on  avait  figuré  le  paradis, 
le  piM-galoire  el  l'enler.  Par  impmdence  cl  irréllcxion.  l'on  avait  mis  du  feu 
sous  la  chaudière  qui  représentait  l'enter  et  dans  laquelle  des  enfants  nus 
jouaient  le  rôle  des  danniés.  La  chaudière  finissant  par  s'échaufi'er,  les  enfants 
jetèrent  des  cris  épouvantables  et  firent  des  contorsions  aflreuses.  Plus  ils 
criaient  en  se  démenant,  plus  les  habitants  d'Ath  admiraient  la  perfection  avec 
laquelle  le  rôle  était  rempli.  On  s'aperçut  enfin  de  la  cause  des  lamentations 
de  ces  pauvres  petits.  On  parvint  à  éteindre  le  feu.  mais  trop  tard;  car  plu- 
sieurs de  ces  enfants  périrent  atteints  de  brûlures  mortelles,  et  tous  les  autres 
furent  estropiés  -. 

Ici  la  Mort  tut  doublement  triomphante,  comme  à  la  fête  du  pont  de  Flo- 
rence :  triomphante  par  le  sujet  du  spectacle  et  par  les  victimes  qu'elle  y  fit. 

La  Mort  l'empoile  donc,  comme  nous  venons  de  le  voir  amplement,  sur 
l'Amour  et  la  Chasteté;  mais,  à  son  tour,  elle  est  vaincue  par  la  Renommée, 
le  quatrième  des  Triomphes  de  Pétrarque. 

t.  Delécli'ze,  «  Histoire  de  laviilc  de  Florence  ». 

2.  M""  Clément  Hicmery,  k  Histoire  des  fOtes  de  la  Belgique  méridionale  ».  Iii-S",  Avesnes, 
1846,  p.  342. 

DIDRON    AINE. 


, r l  A  lA'LJS. Z  i-WCBE  OL D 


l-AH    JIIIHON    A    IV: 


^.■.^5»-j,„j. 


>s  /—■ '- 


AU    MUSÉE    CHRETIEN    DU     VATICAN 


J'.'  //^Mtim'ifHt-     .''.'  i'*^ /liru 


/m^rimb-  /ttr    4.  A-*)K-/ 


ArKUCL    ICU.NOGRAIMIIOL'E 


SUR   SAINT    PIKllUE    ET    SAl.NT   l'Ai  L 


Don  i)l  vommk  kmt  v  saint  I'ieiihe.  —  Nous  avons,  dans  le  cours  de  celle 
étude,  trouve  déjà  plusieurs  occasions  d'apprendie  ou  de  rappeler  aux  lec- 
teurs des  '(  Annales  Archéologiques  »  que  l'iuiporlante  composition  du  Chrisl 
liioiiiphaiil ,  donnant  à  l'un  de  ses  apôtres,  ordinairement  chargé  d'une  croix, 
un  «  volume  »  déployé  ,  avait  été  précédemment ,  de  notre  part ,  l'objet  de 
recherches  et  de  réflexions  sérieuses.  Elles  nous  avaient  amené  h  cette  conclu- 
sion que  le  don  fait  sous  cette  forme  n'était  autre  que  celui  de  la  loi  évan- 
gélique,  dégagée  des  ombres  et  des  entraves  de  la  loi  mosaïque,  dont  elle 
n'était  cependant  que  l'accomplissement  le  plus  parfait  :  loi  tl'amour,  principe 
d'éternelle  béatiinde,  source  de  toutes  les  grâces,  loi  par  excellence,  à  laquelle 
s'a|)pli(iiii'nl  .  concmiemmentavec  le  Sauveur  lui-même,  la  loi  vivante,  toutes 
les  idéces  de  liiomphe.  d'affranchissement .  de  renouvellement  et  d'expansion, 
de  vie.  de  lumière  et  do  |)aix,  e\|iriméos  dans  cette  composition  et  ses  acces- 
soires par  l'agneau,  la  montagne,  les  lleuves.  les  palmiers,  le  phénix,  les 
brebis,  etc.;  dernier  mot .  en  cpiehpie  manière,  de  la  composition  loul  enlière 
et  peut-être  en  général .  sinon  de  toutes,  au  moins  de  la  plupart  des  œuvres 
de  l'art  chrétien  h  cette  époque  primitive. 

Celte  loi,  tous  les  apùlres  (tnl  reçu  mission  île  la  prêcher,  de  la  repaïuhe . 
et  saint  Paul ,  le  dernier  venu  d'entre  eux ,  a  été  favorisé  de  gnkes  sup''  '■  'm-. - 
|)i)ur  l(!  faire  avec  une  puissance  et  une  efficacité  sans  égales.  I^  faii 
li(|ue.  au(|uel  se  rattache  le  mieux  la  scène  décisive  dont  nous  parlons,  est 
celui  (|ui .  rapporté  au    wviii'  chapitre  do  saint   Mathieu  cl  au  \\i'  de  saint 

1.  Voir  li"8  Aiiniilps  Aivln'.)loj;ii|uo*  »,  vol.  wiii    |     ■"'■    '  •*  ■•'  ■•'■■•    •  •'    wiv.  p.  93. 
.\xiv.  31 


162  ANNALES    AriClIÉOLOGIOUKS. 

Marc,  |)ri!;ci5(Ja  iininédialeiiuMil  l' Ascension  ,  lorsque  Ji''.su.s-Clu'ist,  sur  la 
montagne  où  il  les  avait  rassemblés,  dit  k  ses  a|)ôlres  :  «Tout  pouvoir  m'a 
été  donné  dans  le  ciel  et  sur  la  terre.  Allez  donc,  enseignez  toutes  les  nations, 
baptisez-les  au  nom  du  Père  et  du  Fils  et  du  Saint-Kspril  :  (  Data  est  milii 
omnis  polestas  in  cœlo  el  in  terra;  cuntes  crgo,  docetc  omnes  gcntes,  bapli- 
zantes  eos  in  nomiiic  Patris  et  Filii  et  Spiritus-Sancti  )  », 

Saint  Pixiil  n'y  iHiùi  pas;  mais  la  pensée  de  semblables  compositions  ne  se 
ronfoi'me  |ias  dans  des  conditions  restreintes  de  temps  et  de  lieu.  Ce  que 
Jésus-Clirist  a  fait  ainsi  ,  il  le  fait  perpétuellement,  selon  ses  propres  paroles 
ajoutées  en  terminant  dans  cette  occasion  même  :  »  Je  suis  avec  vous  jusqu'à 
la  consommation  des  siècles  (  Et  ecce  vobiscum  sum  omnibus  diebus 
usquc  ad  consummationem  saiculi)  ».  La  mission  de  saint  Paul  pouvait  donc 
parfaitement  être  considérée  comme  comprise  dans  un  acte  qui  se  continue 
tous  les  jours.  On  conçoit  dès  lors  sans  peine  que,  ne  voyant  dans  le  don  du 
volume  que  le  signe  de  la  mission  d'aller  prêcher,  des  commentateurs  distin- 
gués se  soient  arrêtés  à  l'idée  de  reconnaître,  dans  l'apôtre  (|ui  la  reçoit ,  celui 
dont  la  parole  a  produit  les  fruits  les  plus  abondants. 

Il  faut  le  dire  cependant,  en  faisant  cet  honneur  à  saint  Paul,  ils  nous  pa- 
raissent avoir  été  beaucoup  moins  dirigés  par  le  désir  de  le  lui  rendre  que  par 
la  crainte  de  la  difficulté  qui  résulte  de  l'interversion  de  positions.  Ils  ne 
prenaient  pas  garde  que,  l'évitant  dans  un  cercle  trop  étroit,  on  la  laisse 
subsister  dans  une  multitude  d'autres  monuments  dont  on  néglige  d'invoquer 
la  comparaison. 

Quant  à  nous,  convaincu  que  la  signification  du  don  sacré,  dans  les  cir- 
constances solennelles  où  il  est  fait,  ne  peut  être  limitée  à  la  seule  mission  de 
prêcher  l'Evangile,  mais  qu'il  comprend  le  pouvoir  de  souverainement  l'inter- 
préter, et  qu'il  a  toute  l'extension  que  nous  lui  avons  attribuée,  il  nous  était 
impossible  de  voir  dans  celui  qui  reçoit  le  dépôt  de  la  révélation  chrétienne 
aucun  autre  que  le  ciief  visible  de  l'Eglise,  le  vicaire  de  Jésus-Christ. 

Depuis,  les  monuments  connus  de  nous,  seulement  par  des  gravures  et  des 
descriptions  plus  ou  moins  fidèles,  nous  sont  passés  sous  les  yeux*;  d'autres 
monuments  nous  ont  apporté  des  lumières  nouvelles  :  nous  avons  recueilli  sur 
les  types  des  apôtres  des  notions  plus  complètes ,  et  nous  avons  acquis  la 
certitude  que  l'attribution  de  la  croix  était  exclusivement  propre  à  saint  Pierre. 

1 .  Nous  nous  sommes  assure,  on  voyant  lo  fond  de  verre  original  au  musée  du  Vatican,  que  la 
gravure  rie  lîuonarotti,  qui  a  servi  de  point  de  départ  ;i  l'élude  du  «  Christ  Iriompliant  >>,  était 
exacte  sur  tous  les  points  essentiels  beaucoup  plus  que  celles  qui  ont  été  publiées  depuis,  les 
auteurs  de  celles-ci  ayant  voulu  suppléer  par  interprétation  aux  ravages  du  temps. 


APERÇU  ICO.NOGRAPIIIOUE  SUR  SAINT  PIERRE  ET  SAINT  PAUL.     163 

Dans  ces  conditions ,  ce  qui  n'était  de  notre  part ,  dans  le  principe ,  qu'une 
opinion  très-plausible,  est  devenu  à  nos  yeux  la  vérité  démontrée.  Autant  nous 
admettons  que  personne  ne  cède  à  l'insuffisance  de  notre  témoignage,  autant 
nous  comprendrions  peu  qu'un  travail  plus  approfondi  ne  ramenât  pas  sur  ce 
point  à  notre  sentiment  ceux  que  des  éludes  commencées  en  tiendraient  encore 
éloignés. 

On  s'embarrasse  d'une  difficulté  qui ,  précisément,  dans  celle  composilion 
au  moins,  se  résout  d'elle-même,  par  la  raison  que  saint  Pierre  y  est  bien  en 
action;  et  que,  .s'il  pas.se  k  la  gauche,  c'est  pour  y  recevoir  avec  le  dépôt  sacré 
le  plus  grand  des  honneurs. 

Mais  quelle  nécessité  obligeait  le  Sauveur  à  faire  de  la  main  gauche  un 
semblable  don  ?  De  nécessité  absolue ,  nous  ne  disons  pas  qu'il  y  en  ait  aucune  ; 
mais  nous  y  voyons  un  motif  de  convenance  très-simple  :  c'est  que  de  la  main 
droite,  Noire-Seigneur  devant  montrer  qu'il  parle  et  qu'il  bénit,  la  gauche 
demeurait  seule  disponible,  et  il  en  est  résulté  une  autre  convenance  relative- 
ment à  .saint  l'aul,  qui,  spécialement  chargé  du  ministère  de  la  parole,  est 
reporté  du  côté  oii  le  geste  du  Christ  en  indi(|ue  l'action. 

A  cette  composition  ,  nous  demanderons-nous  maintenant,  est-il  des  monu- 
ments qui  correspondent  avec  un  môme  f^nd  de  pen.-iéos,  bien  que  le  don  du 
volume  n'y  soit  pas  aciuflicment  fait?  11  nous  parait  difficile  d'en  douter: 
comme  transition  ,  on  peut  observer  entre  autres  le  sarcophage  de  Junius 
Bassus,  qui  compte  parmi  les  plus  anciens,  et  cet  autre  sarcophage,  qui  nous 
semble  au  contraire  des  bas  temps,  et  qui  sert  aujourd'hui  de  de\anl  d'autel 
dans  une  chapelle  latérale  de  la  cathédrale  d'Arles,  oii  le  volume  à  demi 
déployé  entre  les  mains  du  Christ  parait  prêt  à  être  donné;  d'autres  où,  le 
volume  demeurant  roulé  ,  tout  le  reste  de  la  composition  est  exactement 
semblable  aux  monmnents  ([ui  en  représentent  exactement  le  don.  Ia:  «.  vo- 
lumen  »  .se  change  en  livre  :  ce  livre  lui-même  tour  ;\  tour  ."^'ouvre  cl  se  ferme; 
mais  la  composition  d'ailleurs  ne  .m;>  modifie  pas  ou  ne  .':c  modilic  (jue  par  des 
nuances  insensibles,  des  substitutions  équivalentes. 

Nous  en  donnons  un  exemple  reinai(|iiabl<'  dans  la  pcinliii'e'  des  .*y»in!s 
Marcollin  et  Pii-rre,  œuvre  probablement  du  v'  siècle  ,  (|ue  nous  publions.  On 
y  rfmai(|U('ra  les  types  du  Christ  cl  des  ai)ôties,  les  guirlaïules  jetées  autour 
i\'ru\  (Il  leur  honneur  :  peut-être  au.ssi  la  verge  ou  le  bAloii  tombé  aux  |)ieds 
de  .saint  Pierre;  l'agneau  si  fermement  posé  sur  la  montagne  d'où  coulent  les 
(|ualre  lleuvcs;  le  chrisme  en  forme  de  croix,  avec  l'alpha  et  l'oméga  inscrit* 
dans  .son  nimbe  comme  dans  le  fond   du  verre  de   Buonarotli;  le  nom  du 

Jourdain,    c  Jnrd.is  i  ,  smiri'e  d   [iriniipe  ije  Imiles  les    e.iliv  lie  la  LT.ue.  Itieii 


164  ANNALES  AnClIÉOLOGlQUES. 

que  ce  fleuve  n'y  soit  pas  lui-iin^mc  représenté;  les  quatre  martyrs  substitués 
aux  brebis  et  surtout ,  par  rapport  à  l'objet  cjui  nous  occupe  en  ce  moment , 
le  livre  ouvert  et  tourné  vers  saint  Pierre'. 

Ce  livre,  ce  volume,  ce  rouleau,  n'est-ce  pas  toujours  le  code  sacré  de  la 
loi  évang('li(|ue  donné  à  l'Église?  Dans  un  grand  nombre  des  plus  récents  de 
ces  monuments,  il  est  vrai ,  on  lit  dans  le  livre,  elles  sentences  qu'on  y  voit 
écrites  se  rapportent  ordinairement  à  Notrc-Seigneur  Jésus-Christ  lui-mômc  , 
en  ces  termes  :  «  Je  suis  la  lumière  ,  je  suis  la  voie ,  je  suis  la  résurrection  ,  lu 
vie ,  etc.  ».  Ou  bien,  en  invitant  h  venir  à  lui  :  «  Celui  qui  croit  en  moi  vivra; 
venez  h,  moi ,  vous  tous  qui  êtes  chargés ,  etc.».  C'est  que  Jésus-Christ  est  la 
loi  vivante,  comme  nous  l'avons  dit.  et  le  mode  de  procéder  de  l'iivangile. 
considéré  comme  texte  de  loi,  se  rapporte  admirablement  à  cette  pensée. 
L'Évangile  est  bien  loin  de  légiférer  article  par  article  ;  il  raconte  ce  que 
Jésus  a  dit,  ce  qu'il  a  fait,  et  c'est  là  la  loi.  «  Afin  que  vous  fassiez  comme 
j'ai  fait  moi-même  »,  a  dit  expressément  ce  divin  Sauveur  dans  saint  Jean. 

La  seule  inscription  qui  ait  été  signalée  comme  suffisamment  lisible  sur  le 
volume  déployé,  quand  il  est  donné,  est  celle  de  la  mosaïque  de  Sainte- 
Constance  à  Rome ,  où  nous  avons  lu  nous-même ,  conformément  à  la  version 
de  Ciampini ,  ces  mots  :  «  Dominus  pacem  dat».  suivis  du  monogramme  du 
Christ.  Celte  formule  porte  en  elle  son  cachet  d'authenticité;  car  elle  appartient 
bien  plus  au  viii''  siècle,  époque  probable  du  moment,  ou  aux  siècles  anté- 
rieurs, qu'à  aucun  de  ceu\  où  cette  mosaïque,  fort  délaissée  depuis  longtemps, 
ainsi  que  l'édifice  où  elle  est  renfermée,  a  pu  être  l'objet  d'une  réparation. 
Ces  mots  se  rapportent  à  ceux-ci  :  «  Pax  vobis  » ,  écrits  sur  le  livre,  dans  la 
mosaïque  du  Triclinium  de  Léon  III,  h  la  fin  du  même  siècle,  ou  simultané- 
ment à  cette  autre  inscription  :  «  Dominus  legem  dat»,  d'un  sarcophage  du 
musée  d'Arles  (a"  38)  -.  supposé  par  nous  à  peu  près  du  même  temps,  et  où 
elle  est  gravée  sur  le  volume  à  moitié  déployé  que  porte  le  Christ,  assis  au 
milieu  des  apôtres  et  des  évangélistes. 

Nous  ne  disons  pas  que  toutes  ces  formes  de  langage  soient  identiques,  que 
toutes  ces  variétés  de  composition  n'expriment  aucune  nuance  dans  les 
pensées.  Loin  de  là  :  dire  de  Jésus-Christ  qu'il  est  la  loi  vivante,  c'est  quelque 
autre  chose  que  de  parler  de  la  loi  dans  son  sens  propre  :  voit-on  le  livre, 

1 .  Personne  encore  n'a  pu  donner  une  explication  satisfaisante  des  lettres  placées,  dans  la  plu- 
part des  monuments  de  ces  temps-là,  sur  les  vêtements  des  personnages.  Ici,  tous  les  manteaux 
portent  uniformément  la  lettre  I. 

2.  «  Abrégé  chronologique  de  l'histoire  d'Arles  »,  par  M.  de  Noble  La  Lauzièbe,  in-4'', 
pi.  XXV,  fig.  t. 


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APERÇU  ICONOGRAI'IIIOLE  SLR  SAINT   PIERRE  ET  SAINT  PAUL.     165 

emblème  de  la  loi  divine  entre  les  mains  du  Sauveur,  on  comprend  aussitôt 
que  l'Kglise  par  là  môme  la  possède;  s'il  la  lui  présente,  c'est  afin  qu'elle  en 
use,  et  cependant  la  circonstance  de  la  recevoir  par  les  mains  de  son  ciicf  visible 
oflre  aussi  un  enseignement  particulier.  Sérieusement  distinctes  comme 
nuances,  ce  sont  bien  Ik  cependant  les  évolutions  différentes  d'une  pensée 
unique,  et  l'on  comprend  que  la  corrélation,  une  fois  établie  entre  le  livre 
sacré  et  l'apôtre  qui  le  reçoit,  n'ait  pas  dû  cesser  parce  que  l'action  cesse, 
et  que  la  composition,  de  quekiue  peu  dramatique  qu'elle  était,  prend  un 
caractère  de  complète  immobilité. 

Ainsi  saint  Pierre  serait  demeuré  à  la  gauche  ,  et .  saint  Paul  entré  par  li 
même  en  possession  de  la  droite ,  on  aurait  alors  aussi  songé  à  trouver  des 
raisons  directes  pour  la  lui  conserver,  lui  accordant  tout  honneur  qui  ne  préju- 
dicie  pas  à  l'autorité  souveraine  appartenant  à  saint  Pierre. 

Tel  est  en  résumé  ce  que  nous  avons  vu  de  plus  clair  dans  cette  question 
obscure  et  délicate  de  la  position  respective  des  apôtres;  les  juges  compétents 
diront  si  nous  avons  réussi  à  la  mettre  dans  son  véritable  jour. 

Dons  spiicivix  des  clefs  et  ul'  livue.  —  Dans  les  monuments  dont  nous 
nous  sommes  entretenus  jusqu'à  présent  .  relativement  au  don  du  volume , 
monuments  qui  remontent  tout  au  moins  au  viiT  siècle,  ce  don  tire  sa  signi- 
fication des  circonstances  où  il  est  représenté.  Les  circonstances  modiliées,  celte 
signification  n'est  plus  la  même  dans  une  composition  dont  le  siècle  suivant 
nous  oITre  plusieurs  exemples. 

Notrc-Seigneur,  toujours  placé  entre  les  deux  apôtres,  saint  Pierre  à  gauche, 
saint  Paul  à  droite,  rcmel  les  clefs  au  premier,  et  au  second  tantôt  un  "  vo- 
lume», comme  à  saint  Michel  de  Pavie' ;  tantôt  un  livre,  proprement  dit, 
comme  sur  le  tabernacle  do  la  basili(|ue  de  saint  Ambroisc  à  Milan,  dû  à 
l'archevôqueAngelbert  2,  et  sur  la  pla(]ue  en  ivoire  qui,  à  Paris,  recouvre  le 
psautier  de  Cliarics-ltî-dhauve.  Au-dessus  du  premier  de  ces  monuments,  on 
lit  ces  mois  :  «  Ordino  rex  estotc  super  omnia  régna  magisiros  «  ,  et  ceux-ci 
sur  le  livre  du  second  :  «  Accipe  librinn  sapiiMilia' '•.  I,c  troisième  n'offn* 
aucuiK*  inscription,  mais  il  se  com|)lète  par  la  présence  de  deux  anges,  tenant 
au-dessus  des  apôtres  des  torches  allumées  de  chaiiuo  côté  du  Christ,  et  au- 
dessous  (le  l'auréole  centrale  (jui  la  renferme ,  on  voit  une  ligure  allégorique, 
représentant,  selon  touli;  apparence,  la  terre  que  le  Sauveur  va  éclairer  par 
le  ministère  de  ses  apôtres. 


I.  Ai.KMANi,  Il  (In  l.alfranonsihii-*  |>arii-lilni'<  «,  p.  68. 

S.    l'KUnAlUO,  «  MoilUHii'iil.i  .li  vm    Vinlir.il.i        lit     wii.  p.  IH 


166  ANNAI.KS  ARCIIKOLOGIQUES. 

Ce  sont  les  dons  pailicdliors*  alliil)iii;s  à  cliacuii  d'eux  ()Oiir  l'exercice  de 
Cl'  iiiiiiisl(';r(!,  qui  coiistitiiciil  l'objet  spécial  de  celte  nouvelle  composilioii ;  saint 
l'aui  y  reçoit  un  livre  coiiinie  plus  particulièrement  docteur,  saint  Pierre  les 
fiefs  comme  |)lus  exclusivement  pasteur.  Comparé  avec  la  signification  du  don 
dans  la  composition  précédente,  c'est  celui  des  clefs  dans  celle-ci  qui  s'y  rap- 
j)ortc  le  mieux ,  le  pouvoir  de  lier,  d'ouvrir  et  de  fermer  se  confondant  avec 
la  (lualité  de  dépositaire  de  la  vérité  révélée  et  le  pouvoir  de  l'interpréter, 
tandis  que.  d'un  autre  côté,  le  geste  oratoire  du  Christ  correspond,  on  ne  peut 
mi(;iix,  avec  le  don  du  livre  compris  comme  le  fait  sulTisamment  entendre  l'usage 
(|ue  saint  Paul  en  a  fait. 

Le  caractère  dilTérent  de  ces  deux  compositions  est  d'ailleurs  rendu  très- 
sensible  par  la  disposition  de  tous  les  symboles  dont  la  pensée  s'appliquait 
d'une  manière  générale  à  Jésus-Clirist,  à  l'Hglise,  à  la  loi  divine.  En  cela  se 
manifeste  la  double  tendance  de  l'art  chrétien  :  porté,  nous  croyons  en  avoir 
acquis  la  preuve,  à  généraliser  dans  son  ère  primitive,  il  est  devenu  de  plus 
en  plus  enclin  à  spécialiser,  à  prendre  un  tour  personnel  aux  saints  qu'il  vou- 
lait honorer,  à  mesure  qu'il  s'est  rapproché  de  nous. 

Lus  1)11  \  \rôriu:s  alx  côtiîs  \)v.  I)ami:i..  —  Saint  Pierre  et  saint  Paul, 
les  premiers  ministres  de  Jésus-Christ,  sont  aussi,  s'il  nous  est  permis  d'ainsi 
parler,  ses  assistants  en  service  ordinaire.  Tandis  que  le  nombre  douze  rappelle 
inévitablement  la  totalité  du  collège  apostolique,  que  le  nombre  quatre  fait 
songer  aux  quatre  évangélistes.  la  valeur  et  la  signification  du  nombre  deux 
se  rapporte  principalement  à  saint  Pierre  et  à  saint  Paul.  Deux  personnages 
dans  les  anciens  monuments  chrétiens  sont-ils  rapprochés  avec  les  attributs 
des  apôtres  ou  seulement  sans  aucune  désignation  contraire ,  il  s'établit  aussi- 
tôt une  présom|)tion  pour  faire  reconnaître  en  eux  les  princes  des  apôtres,  et 
cette  présomption  s'accroît  singulièrement  si  on  les  voit  aux  côtés  du  Christ. 

Partant  de  là,  à  défaut  de  Notre-Seigneur  lui-même,  on  comprend  par  quel 
enchaînement  d'idées  saint  Pierre  et  saint  Paul  peuvent  être  amenés  aux  côtés 
diin  personnage  destiné  à  le  figurer.  Daniel  a  reçu  manifestement  ce  rôle; 
et  les  monuments  de  l'art  chrétien  primitif  ne  le  représentent  si  souvent  sain  et 
sauf  dans  la  fosse  aux  lions  que  pour  rappeler  celui  qui,  en  mourant,  a  triom- 
phé de  la  mort  -.  Il  n'est  pas  rare  que  l'on  voie  alors  à  droite  et  à  gauche  de 


1.  «  Pauhis  cœcalus  est  ut  vidcret,  Petriis  nogavit  ul  crederet  ;  huic  claves  cœlestis  imperii 
Iradidisli,  illum  ad  vocandas  génies  divinœ  iegis  scientiam  contulisti  ».  Telles  sont  les  paroles 
d'un  vieux  missel  mozarabe  cité  par  Borgia,  «  de  Cruco  A'eliterna  »,  p.  93. 

2.  Pendant  le  cours  du  moyen  âge,  la  figure  de  Daniel  s'est  développée  dans  le  sens  d'une 
personnificalion  plus  directo  du  Christ  figure.  Il  arrive  que  ce  n'est  plus  le  prophète,  mais  plutôt 


APERÇU  ICONOGRAPHIQUE  SUR  SAINT  PIERRE  ET  SAINT  PAUL.    167 

Daniel  deux  autres  personnages,  tellement  semblables  de  sentiment  et  d'attitude 
avec  saint  Pierre  et  saint  Paul,  placés  dans  le  même  monument  ou  dans  des 
monuments  analogues,  aux  côtés  du  Christ,  que  nous  ne  faisons  nulle  difliculté 
de  les  reconnaître.  Dans  une  peinture  publiée  par  Bosio  ',  et  que  nous  avons 
vue  dans  le  cimetière  de  Saint-Calixte,  ils  sont  l'un  et  l'autre  assis  dans  deux 
comparliments  latéraux,  et  tournés  vers  le  compartiment  central  occupé  par 
Daniel  ;  sur  les  sarcophages,  ils  portent  (luehpiefois  des  livres. 

Saint  Pieure  kt  saint  Paix  ai\  côtiîs  de  la  Sai.nte-Vieuge.  —  Comme 
aux  côtés  de  son  divin  Fils,  saint  Pierre  et  saint  Paul  sont  souvent  placés  à 
droite  et  à  gauche  de  la  Sainte-Vierge.  Les  fonds  de  verre  dorés  nous  en 
offrent  plusieurs  exemples.  Les  deux  apôtres  y  sont  désignés  par  leurs  noms; 
nous  sommes  en  conséquence  bien  autorisés  à  les  reconnaître  sur  d'autres  mo- 
numents où  ils  remjjlissent  le  même  rôle  sans  désignation  nominale.  La 
Sainte-Vierge  s'y  montre  ordinairement  dans  l'attitude  alors  consacrée  pour 
exprimer  la  prière,  c'est-à-dire  debout  et  les  mains  levées.  Ouclquefois  les 
deux  apôtres,  non  contents  de  l'assister  de  leur  présence,  remplissent  à  son 
égard  le  rôle  d'Aaron  et  de  lliir  sur  le  mont  Ilaphidim,  c'esl-à-dire  qu'ils  lui 
soutiennent  les  bras.  Une  peinture  des  catacombes  -  nous  en  offre  un  exemple  ; 
nous  en  avons  compté  trois  autres  parmi  les  treize  sarcophages  qui  nous  les 
ont  montrés  accomj)agnant  la  Sainte -Vierge. 

La  mosak[ue  de  l'oratoire  de  Saint -Venanco,  à  Rome,  où  leurs  types  sont 
parfaitement  caractérisés,  complète  la  scène  par  la  figure  de  Notre-Seigneur. 
qui,  au-dessus,  à  moitié  corps,  apparaît  sortant  des  nuages  entre  deux  anges; 
il  se  montre  ainsi  toujours  prêt  à  exaucer  les  prières  qui  lui  sont  adressées 
par  de  tels  intercesseurs. 

Lors([ue  l'usage  se  propagea  de  représenter  la  mère  de  Dieu  avec  son  divin 
Fils,  les  deux  apôtres  continuèrent  de  lui  être  associés  comme  assistants,  sur- 
tout l.iiil  (|u  i||(!  h;  liciil  sur  ses  genoux  connne  sur  un  trône,  plus  dans  un 
sentiment  de  dignité  ([lie  dans  celui  de  la  tendresse  maternelle  qui  prévaut 
dans  la  suite.  La  mosaïque  de  la  cathédrale  de  Capoue  en  offre  un  exemple, 
auipiel  nous  ne  nous  arrêterons  pas,  n'y  voyant  rien  de  nouveau  et  de  parti- 
culier dans  le  rôh^  dfs  apôtres  ^. 

lo  Christ  liii-nu^mo  i)iii  a|)|i;iniit  outre  les  lions;  modiflcntion  qui  a'iwnd  à  la  dilWrcncc  cti»Unt 
ontro  eus  doux  nioml)rus  do  plirnso  :  lo  Christ  dunt  Daniel  ost  la  nguro,  Dnniol  fieuranl  lo  Cbriri. 
Sur  un  cliapiti'ini  d'un  pilier  oxlériour  du  porclio  d»>  Siiint-I'orch.iin',  à  1'  ^l'il  un  oxein- 

plo  du  fail  (|uo  nous  signalons;  M.  di-  li>"  • nu  h.im-  i  li  .'n  n.i.i  i  .-n'ur:.  .lulrM. 

1.  0  Konia  sotlorranon  s,  p.  235. 

ï.   Il  lloinii  sniicrranca  »,  p.  105. 

:i.  CiAui-iNi,  1  Vi'l.  niun.  ■>,  I.  ii. 


168  ANNALKS  AUCIIKOLOCJIOU ES. 

L;i  composition  di;  l;i  Sainte -Vierge  dans  l'attitude  «  d'oranle  »,  et  sur- 
montée de  la  (iguif  du  Christ,  est  de  nature  à  (ixer  davantage  notre  attention 
eu  f'-gard  à  son  rapport  avec  la  représentation  du  mystère  de  l'Ascension,  avec 
la(|uclle  nous  allons  voir  (|u'elle  a  pu  se  confondre. 

SMvr  l'iKiiiiK  i:r  saint  I'auf.  l'niîsiiiNTS  a  l'Ascension  i;r  a  i.v  l)hsci;Mii 
m  Smm-I.simwi.  —  C'est  une  idée  particulière  à  l'art  moderne,  et  provenant 
(les  tendances  naturalistes  duni  l;i  lîenaissance  fut  imprégnée,  que  de  rcs- 
Ireindiv  la  leprésentation  des  mystères  de  notre  religion  aux  circonstances  ma- 
térielles du  fait  principal  de  leur  manifestation,  et  de  taxer  d'anachronisme 
l'introduction  de  toute  personne  ou  de  toute  chose  qui  iic  peut  s'y  rattacher 
((n'en  d'autres  conditions  de  temps  et  de  lieux. 

I,a  pensée  autrefois  T'Iait  i)lus  large.  Dans  l'école  de  l'érugin  encore,  il  est 
évideni  (|iio  l'arlisli',  en  re|)roduisant  par  exemple  ce  sujet  de  l'Ascension,  si 
aimé  d'elle,  ne  se  |)roposait  nullement  de  montrer  comment  le  corps  du  .Sau- 
veur, s'alTranciiissant  des  lois  de  la  pesanteur,  avait  pu  monter  au  ciel; 
mais  son  but  était  d'exprimer  qu'il  y  est  monté  et  qu'y  étant,  il  ne  s'est  pas 
pour  cela  éloigné  de  son  Église  et  de  chacun  de  nous.  Le  Christ  est  là  dans  la 
gloire,  à  portée  de  nous  entendre;  c'est  à  nous  de  tenir  toujours,  comme  les 
apôtres,  levés  vers  lui  nos  yeux  et  nos  cœurs. 

Dans  les  monuments  plus  voisins  des  temps  primitifs,  la  pensée  de  l'Ascen- 
sion se  confond  encore  mieux  avec  celle  du  perpétuel  triomphe  du  divin  au- 
teur du  christianisme,  comme  le  souvenir  de  la  Descente  du  Saint-Esprit  avec 
celui  (ii>  l'assistance  et  de  l'inspiration  que  le  divin  Consolateur  ne  cesse  de 
répandre  sur  l'Kglise.  La  représentation  de  ces  mystères  étant  conçue  en  ces 
termes,  on  ne  s'étonnera  pas  d'y  voir  saint  Paul,  aussi  bien  que  saint  Pierre, 
y  tenir  sa  place  à  la  tète  du  collège  apostolique.  Le  plus  souvent  on  l'y  re- 
connaît seulement  à  son  type;  nous  croyons  pouvoir  le  dire,  en  particulier, 
de  la  couverture  en  ivoire  de  l'évangéliaire  de  la  bibliothèque  Barlierini,  que 
nous  avons  vue  à  Tionie.  et  (\m  est  probablement  du  x"  ou  du  xr  siècle  ^  La 
Sainte-Vierge  continue  elle-même  d"y  jouer  dans  l'Ascension  son  rôle  d'inter- 
cession, les  mains  levées,  ce  qui  établit  de  grands  rapports  entre  cet  ivoire  et 
la  mosaïque  de  Saint-Venance. 

On  ne  la  voit  plus  dans  la  Descente  du  Saint- Lspril  qui  fait  le  pendant  de 
l'Ascension,  nonobstant  ses  droits  maintenus  généralement  à  y  conserver  la 
même  place.  Nous  n'en  croyons  pas  moins  pouvoir  dans  celui-ci,  avec  assez 
de  vraisemblance,  prendre  les  deux  premiers  des  apôtres  pour  saint  Pierre  et 

t.  Goni.  il  Tlies.  vct.  dyp.  »,  t.  ni.  pi.  vi.  vu. 


AI'KRÇL   ICONOGRAPIIIOUE  SLR  SAINT  PIERRE  ET  SAINT  PAUL.    169 

saint  Paul,  Ils  sont  nommés  dans  une  autre  Descente  du  Saint-Esprit  d'un 
manuscrit  grec  des  évangiles,  oliservé  à  Florence  par  Gori,  et  jugé  par  lui  du 
x'  siècle'.  Plusieurs  miniatures  de  nos  »  Emblemata  biblica»,  au  psaume 
«  Quam  bonum  »,  représentent  une  Descente  du  .Saiiil-Esj)rit  et  une  .Ascension. 
D'autres  miniatures  de  la  Bible  moralisée,  déjà  plusieurs  fois  citée,  représen- 
tent le  premier  de  ces  mystères,  fol.  xiv,  xv.  Elles  se  conlenlent  de  les  dési- 
gner par  leurs  types;  mais  ces  types  sont  assez  bien  soutenus  dans  l'ensemble 
des  miniatures  de  ces  manuscrits,  pour  ôter  toute  espèce  de  doute  relativement 
à  l'intention  des  enlumineurs.  Nous  pensons  qu'il  ne  serait  pas  diflîcile  de 
multiplier  ces  exemples,  que  nous  donnons  d'ailleurs  sous  toutes  réserves  et 
sans  prétendre  qu'ils  soient  bons  k  suivre  quand  on  se  propose  de  faire  une 
composition  plus  expressément  historique, 

Misiv  i;v  scksK  de  diverses  oi  alifications,  —  Saint  Pierre  et  saint  Paul, 
dans  les  exemples  que  nous  .venons  de  citer,  sont  considérés  connne  les  chefs 
des  apôtres,  et  les  apôtres  eux-mêmes  comme  représentant  l'Église  tout 
entière.  Souvent  l'expression  de  cette  pensée  se  condense  encore  plus,  et 
l'Eglise  est  représentée  par  ses  deux  principaux  chefs,  ou  même  seulement  par 
le  premier  d'entre  eux;  nous  nous  occuperons  plus  lard  des  monuments  où 
saint  Pierre  seul  remplit  ce  rôle.  Parmi  ceux  où  il  lui  est  assigné  plus  ou  moins 
expressément,  concurrennnenl  avec  saint  Paul,  nous  croyons  qu'il  faudrait  en 
l'ompler  un  grand  nombre  du  précédent  oit  les  deux  apôtres  se  montrent,  ou 
simplement  réunis,  ou  aux  côtés  tour  a  tour  de  Noire-Seigneur  et  de  laSainle- 
Vierge.  Nous  avons  des  raisons  de  plus  pour  le  prétendre,  lorsqu'ils  accom- 
pagnent ainsi  un  personnage  dont  ils  ne  peuvent  être  considérés  comme  les 
ministres  cl  les  simples  assistants,  parce  qu'ils  lui  sont  manifestement  sup(5- 
rieurs  en  dignité,  comme  saint  Eauront,  par  exemple,  et  sainte  Agnès  dans 
plusieurs  fonds  de  verres  dorés.  N'a-t-on  pas  voulu  dire  alors  que  c'est  l'Église 
tout  entière  qui  honore  ces  saints,  ou  qu'ils  snnl  honorés  dans  l'Eglise?  .Sur 
d'autres  monuments,  il  s'agit  d'une  simple  «  orante  ",  el,  diuis  un  petit  écrit 
honoré  do  siilTrage  de  M,  le  chevalier  de  Rossi,  ce  qui  nous  encourage  h  le 
citer,  bii'M  (]ui^  nous  ne  soyons  pas  assiu'é  quo  l'illustre  investigateur  des 
cafacombi's  adopte  toutes  nos  idées,  nous  les  avons  ainsi  formulées  .\  ,r  »iiii<t  : 
Il  La  signilicalion  di'  la  présence  des  princes  des  apôlrcs  dans  celle  •  .iice 

ne  nous  semble  pas  douteuse,  ils  représentent  l'Église  :  c'est  seulemcnl  au  sein 
de  l'Eglise  el  en  union  avec  elle  (|ii(;  la  prière  a  loule  son  ctllcacité.  «  L'oronle* 
elle-même   peut   être  considérée   connne   une  sorte   de  personnification  do 


I.  Uoni,  u  Tlu'S.  vi't.  (I\ji.  ■•.  I.  m,  pi    mi. 

XXIV.  33 


170  ANNAI.KS  ARrilf;OLOGI0L'KS. 

riiRliso;  aliirs  los  apùircs  l'assistent  comme  les  chefs  du  miiiisl<'Te  sacré*  ». 

Nous  dirons  hiontôt  avec  quelle  variél<5  on  leur  a  fait  exercer  diverses  fonc- 
tions de  ce  ministère  dans  le  riche  rt-pcrloire  de  nos  manuscrits  h  miniatures 
du  moyen  Age.  Voyons  auparavant  comment,  h.  d(!s  époques  très-diverses,  on 
a  exprimé  quelques-unes  de  leurs  qualifications  et  de  leurs  prérogatives. 

Dans  la  «  Dispute  du  Saint-Sacrement  »  de  Raphaël ,  œuvre  relativement 
moderne,  mais  tout  imprégnée  de  l'esprit  des  temps  primitifs,  saint  Pierre  et 
saint  Paul  apparaissent  les  premiers  après  la  Sainte -Vierge  et  saint  Jcan- 
Baptislo.  parmi  les  divers  ordres  de  saints,  qui,  autour  du  Christ,  forment  la 
cour  céleste.  Les  martyrs  y  sont  représentés  par  saint  Etienne  et  saint  Lau- 
rent ;  les  prophètes,  par  David  et  Isaïe;  les  patriarches,  par  Joh  et  Abraham. 
On  ne  peut  pas  dire  que  saint  Pierre  et  saint  Paul  représentent  eux-mêmes  les 
apôtres,  qui  mit  déjà  pi)ur  représentants  saint  Jean  et  saint  Jacques;  il  faut 
donc  les  considérer  comme  résumant  en  eux  quelque  chose  de  plus  excellent, 
qui,  en  général,  appartienne  à  l'Eglise. 

Us  en  sont  les  principales  colonnes.  On  peut  dire,  jusqu'à,  un  certain  point, 
que  c'est  à  ce  titre  qu'on  les  voit  si  souvent  figurer  les  premiers  aux  portes  de 
nos  édifices  religieux.  Dans  tous  les  cas,  c'est  avec  cette  pensée  certainement 
qu'ils  occupent  habituellement  les  deux  bouts  des  châsses  émaillées  de  Li- 
moges, ces  petites  églises  en  diminutif. 

I^e  petit  tableau  grec  peint  sur  fond  d'or,  ([ue  nous  avons  obtenu  de  faire 
photogriqihier  au  musée  du  Vatican ,  et  dont  la  gravure  exécutée  pour  les 
«  Annales  »  oITre  une  réduction  de  moitié,  est  conçu  d'après  les  mêmes  idées, 
plus  clairement  exprimées.  Les  deux  apôtres  supportent  l'Église,  représentée 
par  cette  petite  coupole  byzantine  au  dedans  de  laquelle  on  aperçoit  sur  un 
autel  les  espèces  consacrées  du  pain  et  du  vin. 

Dans  nos  miniatures,  nous  rencontrons  des  idées  analogues,  exprimées  dans 
un  symbolisme  ralTiné,  mais  souvent  plein  de  grâce. 

Sur  ce  texte  d'Isaïe  :  «  Super  muros  tuos  constitue  custodes  »,  accompagné 
de  ce  commentaire  :  «  Sunt  apostoli  qui  muniunt  Ecclesiam  angeli  custodes  », 
une  miniature  des  «  Emblemata  biblica  »  représente  de  cliaque  côté  de  l'Eglise, 
figurée  par  des  arcades,  deux  anges,  et  au-dessous  saint  Pierre  et  saint  Paul 
également  préposés  à  sa  garde.  La  Bible  de  Jeanne  d'Évreux  nous  les  montre 
portant  le  livre  des  Evangiles  sur  un  brancard,  avec  l'image  de  Notre-Seigneur 
au-dessus,  des  païens  renversés  au-dessous.  «  Ces  ii  anges  chérubins  »,  dit 
notre  Bible  moralisée,  parlant  des  chérubins  de  l'arche  dont  les  deux  apôtres 

1.  «  La  prière  de  Marie  et  le  Bon  l'asteur  »,  étude  sur  un  sarcopliage  d'Arles,  I86J. 


APERÇU  ICONOGRAPHIQUE  SLR  SAINT  PIERRE  ET  SAINT  PAUL.    171 

rappelaient  tout  à  l'heure  les  porteurs,  «  signe/ient  saint  Pierre  et  saint  Pol 
qui  gardent  l'Église  ».  Et  nous  voyons  dans  la  miniature  les  deux  apôtres, 
comme  deux  sentinelles  qui  montent  la  garde,  portant  en  guise  d'armes,  l'un 
une  grande  clef,  l'autre  une  forte  épée,  de  chaque  côté  d'un  petit  édifice  cpii 
représente  l'Église. 

MiMSTtKES  DiVEUs.  —L'Eglise  veille  toujours;  toujours  elle  est  prête  à  ré- 
veiller ceux  do  ses  enfants,  les  religieux  surtout,  engagés  par  état  à  une  plus 
grande  perfection ,  qui  s'endorment  dans  l'oubli  de  leur  devoir.  Ce  passa«^ 
d'Ezéchiel  :  «  Sedebam  in  domo  mea  et  senes  Juda  sedebant  coram  me  ■< 
(«  J'étais  assis  dans  ma  maison,  et  les  anciens  de  Judas  étaient  as^is  devant 
moi  »),  les  <(  Emblemata  bihiica  »  le  commentent  ainsi  :  Être  assis  dans  sa 
maison,  c'est  quand  la  conscience  de  quelqu'un  s'endort  et  qu'elle  a  besoin 
d'être  réveillée.  Puis  ils  représentent  saint  Pierre  et  saint  Paul  tenant  levées, 
le  premier  sa  croix,  et  le  second  son  épée,  près  d'un  religieux  en  somnolence, 
f|ui  laisse  tomber  un  livre  sur  ses  genoux. 

Parmi  les  miniatures  de  notre  «  Bible  moralisée  »,  il  en  est  une.  fol.  l'i. 
où  l'on  voit  saint  Pierre  et  saint  Paul  envoyés  par  Jésus-Christ  et  s'avançanl 
vei's  un  groupe  de  peuple  prêt  k  les  écouter  d'une  oreille  attentive.  C'est  un 
pclil  tableau  plein  do  suavité  et  de  fraîcheur.  Nous  sommes  persuadé  qu'il 
ne  s'agit  nullement  ici  delà  prédication  apostolique  proprement  dite,  mais  de 
cette  prédication  de  tous  les  jours  faite  dans  nos  églises  au  peuple  fidèle, 
saint  Pierre  et  saint  Paul  étant  pris  pour  les  types  de  tous  les  prédicateurs. 
Ec  texte  semble  vouloir  ainsi  le  faire  entendre  :  «  Les  messages  qui  \  ienrent  à 
Jacob  signcfient  les  moss,i-,.s  ji,,-,  c:,\<i  qui  viennent  annucier  la  vérité  de 
salut  au  bon  peuple». 

C'est  sans  doute  parce  que  le  ministère  de  la  prédication  lui  est  plus  spécia- 
lement propre  que  saint  Paul,  dans  celle  miniature,  marche  en  tèto.  C'est 
également  dans  ce  .sens  que  l'on  a  interprété  sa  position  debout  et  levant  In 
main,  |)rès  do  la  proue  ,  sur  la  belle  lampo  chrétienne,  en  forme  do  barque  . 
du  musée  de  Florence',  tandis  (|ue  saint  Pierre,  assis  ;i  rarrière.  lient  le 
gouvernail,  s'il  est  vrai,  comme  il  y  a  toute  apparence,  que  ces  doux  per- 
sonnages représentent  les  doiiv  api"ilros.  Dans  l'iconographie  chrtMiennc . 
saint  Paul  est  bien  réellement  <■  dux  vorbi-,  selon  l'expression  de  rÉoriture', 
relevée  par  les  commonlatours  à  propos  do  ce  monumonl. 

C'est  siirlnrii  |..,nii|  |,w  nombrousos  miniatiiros  dos  ..  Emblomnia  biblica  », 


I.  "  Mcl.  (l'arcli.  »,  t.  m,  p.  l.">.  |)|.  i. 
î.  «  Act.  A|>ost.  u,  \i\.  II. 


172  ANNALTS   AnrIII^0I,0^,IOt•F.S. 

appliqiu'os  au  rommonlairo  du  «  Caiiliquc  dos  Cantiques  » ,  que  saint  Pierre 
et  saint  l'aul  sont  mis  le  |)liis  souvent  on  aotion,  pour  exprimer,  dans  lésons 
qui  nous  occupe,  tout  ce  qui  mérite  h  l'iiglise  les  prédilections  de  son  bien- 
aimé  céleste.  La  distinction  du  rCAc  dos  deux  apôtres  est  de  nouveau  bien  mar- 
(piée  dans  une  de  ces  miniatures  (p.  71).  oîi  saint  l'.ml  proche,  tandis  que 
saint  Pierre  baptise;  ce  qui  n'empèclie  pas  que  ces  deux  fonctions  ecclésias- 
tiques ne  soient  ensuite  remplies  séparément  par  chacun  d'eux  :  saint  Paul,  h 
son  toiu',  administre  les  sacrements  ;  mais  saint  Pierre  surtout  ne  pouvait  céder 
entièrement  à  un  autre  le  soin  d'annoncer  la  parole  divine.  Les  auteurs  de  ces 
petits  tableaux,  pleins  do  pensée  et  de  vie,  semblent  avoir  compris  que  c'était 
h  lui  de  se  mettre  particulièrement  en  avant  quand  cette  parole  prend  un 
caractère  d'autoril(''  plus  inan|U('.  l/usagc  de  la  chaire  chrétienne  lui  paraît 
plus  spécialement  attribué.  Ouckiue  part  Jésus  lui-même  parle  ,  et  saint  Pierre, 
sous  ses  yeux ,  renverse  les  idoles.  .Sur  ces  mots  :  «  Ascendam  in  palmam  » 
(p.  7I4),  le  palmier  est  devenu  la  croix,  et  c'est  saint  Pierre  qui,  à  ses  pieds, 
annonce- les  mystères  d'un  Dieu  crucifié. 

Saint  Paul,  cependant,  ferait  toutes  ces  choses,  qu'il  n'y  aurait  aucun  lieu 
d'en  être  surpris  :  nous  marchons  ,  nonobstant  les  préférences  secondaires 
dont  ils  peuvent  être  l'objet,  sur  un  terrain  commun  aux  deux  apôtres;  nous 
les  retrouverons  ensemble  pour  ne  plus  les  séparer  quand,  parlant  des  com- 
positions historiques,  nous  approcherons  de  la  fin  de  leur  vie.  Nous  y  attacher 
maintenant  serait  trop  nous  éloigner  de  deux  choses  dont  nous  avons  com- 
mencé h  traiter  :  les  idées  générales  et  symboliques  d'une  part,  les  temps 
primitifs  de  l'autre.  Ce  que  nous  avons  à  dire  de  saint  Pierre,  en  particulier, 
nous  ramènera  à  ceux-ci  et  nous  retiendra  longtemps  encore  sur  celles-là. 

II.  GRIMOIAIIU   I)F.  SAINT-LAURENT. 


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CHAPELLE  AL;BATL\LE 


DE    SAINT-JEAN-AIX-BOIS 


RÉSUMÉ   OU   DEVIS   ESTIMATIF. 

Voici  ce  qu'il  en  coûterait  aujourd'hui  pour  construire  un  ëililice  comme 
cette  grande  ciiapelle  ou  cette  petite  église  de  Saint-Jean-aux-Bois  : 

TERRASSE. 

Fouilles.  —  Faites  par  iranchdes  de  2""  00  de  profondeur 
moyenne.  — Dévcloppemenl  172""  x  2  x  i.'iO  cu- 
bent          ?,81"  GO 

I.e  mètre  cube  à  0  fr.  75 361  fr.  20 

MAÇONNERIE. 

Fondations.  —  Les  fondations  en  bi5ton,  liourdd  en  mor- 
tier de  chaux  hydraulique,  et  moellon  dur,  liourdtî 

de  ni("ni(j 

Longueur  développée,  172"00  X  2  x  1,^0  = ?)/|7'»*20 

Le  mètre  cube  à  15  fr.  00,  produit 0,703       » 

Élévation.  —  Les  murs  et  les  contre-forts,  élevés  en 
moellon  piqué,  cubent  (déduction  faite  des  ouver- 
tures)      1 ,838"  00 

Le  mètre  cube  h  24  fr.  (compris  taille  des  pare- 
ments), produit 611.112 

A  reiwrter 51,181  fr.  20 

1.  Voir  los  «  Annaloa  Arcliùologiqucs  >.  vol,  xxiii,  |ugo  ISO;  vol.  x\iv,  |<,  85. 


11!,  ANNALF.S  ARCIII'OLOGIQUES. 

Roport 51.181  fr.  20 

l'iEiiiiE  DK  TAiiXE.  —  Poiif  colonnos  isolt'os,  coloiintîtlcs, 
chapileaiix,  ciilols,  etc.,  cubant  I^^^OO  ;i  70  fr.  le 
mùtro,  produit 980       » 

l'u;iiiiEi)Liu;.  —  Los  marclies  de  l'escalier,  cubant 2°  30 

Le  mètre  cube  à  100  fr.  produit 230       » 

Tauxes.  —  Les  marches  de  l'escalier,  formant  noyau,  su- 
perficie   92""- 00 

Les  colonnes  inonocylindriqiies.  Les  deux  ensemble.  25""  20 

Les  angles  de  la  croisée.  Les  quatre  ensemble l/iO""  00 

Les  piles  engagées  des  transepts.  Deux  semblables. .  SB""  00 

Les  colonnes  de  la  nef  et  des  transepts.  Lnsemijle.. .  32""  00 

Les  arcs  doublcaux,  arcs  ogives  et  arcs  formerels. . .        542™  20 

Total 859»=  f|0 

Le  mètre  superficiel  à  2  fr.  50 ,  produit 2,1/|8       50 

VourES.  —  Les  voûtes  en  blocage 700™  00 

Le  mètre  superficiel  à  /)  fr.  50  compris  forme 3,150       » 

LvALUATioNS.  —  Taille  de  la  porte  principale,  compris  pro- 
fils, dents  de  scie,  et  sculpture  des  chapiteaux,  es- 

tim(5e 500       » 

La  rose  en  dalles  découpées  et  profilées,  compris 

goujons,  taille  et  sculpture,  estimée 1,600       » 

Les  quatre  croix  amortissant  les  pignons,  50  fr.  cha- 
cune. Ensemble , 200       » 

Sculpture  des  chapiteaux,  culots,  clefs  de  voûte, etc., 
évaluée 5,000       » 

Carrelage.  —  Le  carrelage,  comjiris  aire  battue,  le  mètre 

à  3  fr.  —  /i20  mètres  superficiels,  produisent 1,260       » 

CHARPENTE. 

La  charpente  de  la  nef,  du  chœur  et  des  transepts 

en  chêne.  Cube 35'   00 

Le  stère  à  105  fr.,  posé,  produit 3,675       » 

La  charpente  de  la  flèche 3,000       » 

COUVERTURE. 

La  couverture  en  tuiles  plates  neuves,  compris  lattes 

et  pose.  Le  mètre  à  3  fr.,  produit 850     00  2,550       » 

Parties  de  la  fièchc  couvertes  en  ardoises Itk     80 

A  3  fr.  50  le  mètre  superficiel,  produit 156       80 


A  reporter 75,031       50 


CHAPELLE  ABBATIALE  DE  SAI.NT-JEAN-AUX-BOIS.  i75 


PLOMBERIE. 

Report 75,631        50 

Plombpourlallècheet  les  noues  de  la  croisée.  Poids:     2,000''  00 

Le  kilogramme  à  0  fr.  85  produit 1,700       » 

Plus-value  pour  le  repoussage  des  ornements  de  la 
flèche 200       » 

SERRURERIE. 

Gros  fers.  —  Gros  fers  pour  la  charpente.  Poids 600''  00 

Armatures  des  vitraux  en  fers  plats  de  0,01   x   0,03 

Pèsent /i.OOO^   00 

Le  kilogramme,  à  0  fr.  75  produit 3,^50       » 

QuiNCAiLLEfliE.  —  Pentures  et  serrures,  évaluées 300       d 

VITRERIE. 

Vitraux  en  verre  blanc  demi-double,  compris  la  mise 

en  plomb  et  la  pose 200"  00 

Le  mètre  superficiel  à  20  fr.  produit 6,000       » 

MENUISERIE. 

La  porte  principale  en  chêne  assemblé,  avec  écliarpes 

à  l'intérieur,  lîivaluée 80       » 

Porte  de  l'escalier,  en  chùnc.  Évaluée 20       ■• 

ÉCIIAFAUDS  ET  CINTRES. 

(dois  en  location). 

Los  échafauds  pour  la  construction 1 .000       » 

Les  cintres  pour  les  arcs,  voûtes,  baies 3,000       n 

Total 80.381       50 


RÉCAPITULATION. 

Ternisse  ci  maçonnerio 6ft.9ft«       70 

ClinriMMitc 

A  rt«|>oriir. .  72.924       70 


72.924 

70 

2.706 

80 

l.OOO 

» 

3.750 

» 

4,000 

n 

100 

» 

4.000 

n 

89.381 

50 

8.938 

15 

98,319 

65 

4,915 

95 

103,235  fr 

.60 

170  ANNALES  AndlII'OLOGlOUES. 

lU'porl 

Oniivorliirc 

Moinberif 

Serrurerie 

Vitrerie 

Menuiserie 

Échafauds  et  cintres 

T(il;il    rf,'.il 

Un  dixième,  pour  imprévu 

Ensemble 

Honoraires  de  l'arciiitccte  à  5  p.  100 

Total  général 


(le  chilTro  de  cent  (iiialrn  mille  francs,  quelque  i)cu  élevé  qu'il  paraisse, 
peut  cependant  être  regardé  comme  «maximum»,  et  il  va  sans  dire  qu'il 
baisserait  proportionnellement  aux  prix  de  série  de  certaines  localités.  11  serait 
aussi  possible  do  diminuer  le  cube  de  la  maçonnerie,  en  réunissant  les  contre- 
forts par  des  arcs  de  décharge  extérieurs,  correspondant  aux  formerets  des 
voiites,  qui  reporteraient  la  charge  sur  les  points  d'appui.  Cette  précaution 
permettant  de  réduire  beaucoup  l'épaisseur  des  murs,  sous  ces  arcs,  sans 
nuire  à  la  solidité  de  l'édifice,  on  obtiendrait  par  ce  moyen  une  économie 
marquée,  puisque  la  maçonnerie  entre  pour  plus  des  deux  tiers  dans  le  total 
général.  Il  ne  faut  pas  non  plus  oublier  que  nous  parlons  d'une  construction 
durable;  la  chapelle  de  Saint-Jcan-aux-Bois  est  debout  depuis  plus  de  six 
siècles.  Convenablement  entretenue,  elle  pourrait  exister  encore  autant.  Une 
pareille  durée  (en  ne  parlant  que  du  passé)  rachète  largement  la  petite  plus- 
\alue  qu'il  peut  y  avoir  sur  des  constructions  en  plâtre  et  carton-pierre,  que 
Fou  sera  obligé  de  réédifier  plus  sagement  dans  cinquante  ans. 

La  chapelle  de  l'ancienne  abbaye  de  Saint-Jean-aux-Bois  peut  contenir  cinq 
cents  personnes.  Modifiée  selon  les  besoins  et  les  exigences  diverses  ,  elle 
serait  un  excellent  modèle  d'église  cantonale  ;  réduite  aux  proportions  de 
Notre-Dame-de-la-Roche,  beaucoup  de  villages  s'en  feraient  gloire. 

Aujourd'hui,  c'est  un  monument  historicfue,  et  sa  restauration  est  confiée 
aux  soins  de  M.  Aymar  Verdier,  architecte  diocésain.  C'est  assez  dire  que  ses 
mauvais  jours  sont  passés,  et  qu'il  n'y  a  plus  rien  à  craindre  pour  son  avenir. 

L.  SAUVAGEOT. 


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SAIM-GKl-GOIUI 


.\rior  —  ri'Hioi'tor 


Les  moines  de  Saint-Denis  nous  avaient  pris  on  aiïeclion  et .  au  moment  du 
départ  pour  nous  rendre  h,  Saint-Grégoire ,  ils  nous  donnèrent  des  noisettes, 
du  vin  excellent,  pins  des  confitures,  ou  "  glyko  ■<.  et  enfin  du  café  préparé  à 
la  turque. 

A  quatre  heures  et  demie  du  soir,  nous  nous  mettons  en  route.  Le  chemin 
(le  Saint-Denis  Ji  Saint-Grégoire  est  alTrcuv  ;  c'est  la  kakiscala  (mauvaise 
échelle)  de  Mégare,  mais  beaucoup  plus  longue  et  beaucoup  plus  mauvaise 
encore.  Lorsf|u'on  regarde  derrière  soi ,  on  ne  comprend  |)as  qu'on  ait  pu 
avancer,  en  montant  à  pic  ou  en  descendant,  comme  par  une  échelle  do 
rocheis,  dans  des  ravins  très-profonds.  I^a  route  de  la  Corniche,  de  Nice  à 
Gènes,  peut  donner  une  idée  de  ce  chemin;  mais  la  corniche  est  une  roule, 
tandis  qu'ici  c'est  un  sentier  à  peine  frayé ,  nullement  aplani,  cl  où  des  mulets 
seuls  peuvent  aller.  Le  niiili't  ([uj  porte  nos  bagages  s'arrête  quehiucfuis ,  il 
refuse  d'avancer  et  recule  même  en  voyant  le  chemin  qu'il  a  devant  lui.  Ce 
chemin  longe  la  mer  qui ,  en  plusieurs  endroits .  s'étend  à  pic  devant  nous. 
Depuis  Suintc-Laure  jus(iu';i  Saint-Grégoire,  il  est  impossible  à  un  bâtiment 
d'aborder.  Les  moines  de  Saiiit-l'aul,  je  l'ai  déjà  dit,  ont  mémo  refusé  de 
nous  conduire  en  banjueel  'i  rames.  C'était  de  la  poliromierie;  mais  ce|)ciidan( 
les  rochers  qui  dominent  la  mer  et  (pii  en  ont  obstrué  l'abord,  en  y  laissaiil 
tomber  li'iu'  somnn-l.  pniuaiini.  piii^(iiril  y  avait  un  léger  grain,  les  autoriser 
dans  leur  refus. 

Le  couvent  de  .Saint-Grégoire est  bAti  sur  le  bord  de  la  mer,  qui  vient  .se  bri.ser 
contre  le  rorlier  sur  le((uel  il  s'élève.  La  chambre  «les  lu^tes  .surpliunbe  méinc, 
et  l'dii  aperçoit  la  mer  h  travers  les  fentes  du  plancher.  Ce  Siiir-I.\,  6  no- 
XXIV.  23 


178  ANNALES  AHCIIl'OLOOMjlJKS. 

vcrnbrc  18.'M),  les  values  étaionl  |)liospliorcscc'nles,  et  l'on  aurait  dit  que  des 
lignes  (li;  feu  allaient  monter  jus(|u'îi  nous  pour  nous  incendier. 

Nous  arrivons  à  Saint-Grégoire  à  la  nuit  close,  après  une  grande  heure  de 
marche.  Le  pf)rticr  refusa  d'abord  de  nous  admettre  dans  l'intérieur  du  cou- 
veiil  ;  iM;tis  (juand  on  lui  eut  dit  que  nous  étions  français,  que  nous  avions  une 
lettre  dcsépistatcs  de  Karès,  et  que  nous  étions  munis  d'un  (irman  du  pacha 
de  .Saloni(|ue ,  il  nous  ouvrit  la  double  porte.  Notre  muletier  retourna  U  Saint- 
Denis,  inalgié  la  nuit  et  les  chemins  alTrcux  où  sa  bête  avait  failli  tomber 
plusieurs  ibis.  Quant  h  nous  ,  on  nous  introduisit  dans  la  chambre  des  hôtes 
où,  couchés  sur  des  nattes,  nous  avons  passé  tranquillement  la  nuit,  après 
avoir  reçu  la  visite  de  l'un  des  prinials  du  couvent  qui  remplissait  les  fonctions 
d'épitrope. 

Ce  moine  avait  connu  Mynoïde-Mynas,  né  h  Salonique,  professeur  h  .Serrés, 
(jui  avait  figuré  dans  la  guerre  de  l'indépendance  et  s'était  réfugié  à  Paris,  où 
il  donnait  des  leçons  de  grec  pour  exister.  En  1830,  j'avais  reçu  des  leçons 
(le  Mynas,  et  je  m'eiiln'lins  (|uei(iue  temps  de  lui  avec  son  ami  de  Saint- 
Grégoire  (lui,  ])assi()nni''  pour  la  liberté,  comme  beaucoup  de  moines,  nous 
étala  ses  opinions  jjoliticjues.  »  Il  faudrait,  nous  disait  ce  révolutionnaire  du 
mont  Athos,  chasser  les  Turcs  de  l'Europe  et  les  renvoyer  dans  le  centre  do 
l'Asie.  Ces  ignobles  conquérants,  ennemis  du  travail  et  du  progrès,  ont  ap- 
pauvri et  corrompu  le  pays  que  le  sabre  et  le  fanatisme  ont  mis  entre  leurs 
mains.  La  France,  qui  peut  loul  ce  qu'elle  veut  ,  devrait  expulser  les  Turcs». 
J'écoutais  avec  un  grand  intérêt  et  une  vive  sympathie  ces  plaintes  et  ces 
désirs  du  moine  de  Saint-Grégoire,  quoi(jue  sa  conversation  fût  un  peu 
déclamatoire  et  rognât  les  heures  que  nous  devions  donner  au  sommeil  pour 
nous  délasser  de  nos  fatigues. 

On  respire  dans  ce  couvent  un  vif  sentiment  de  la  liberté,  car  c'est  la 
liberté  (jui  l'a  rétabli.  Pendant  la  guerre  de  l'indépendance,  tous  les  moines 
de  Saint-Grégoire  se  sont  dispersés  pour  prendre  le  fusil  et  attaquer  les  Turcs. 
Après  la  paix,  ils  revinrent  au  bercail,  conduits  par  un  parent  et  secrétaire 
d'Alexandre  Ypsilanli.  Ce  parent,  du  nom  de  Grégoire  ,  comme  son  couvent, 
fut  nommé  tout  naturellement  épitrope  perpétuel.  Lorsqu'il  eut  repeuplé  et 
consolidé  le  monastère,  il  parcourut  la  Russie,  où  il  était  à  l'époque  de  notre 
voyage,  pour  recueillir  l'argent  nécessaire  au  couvent.  Mais  il  avait  alors 
quatre-vingts  ans,  et  il  nomma  un  vice-épitrope  qui  le  remplaçait  au  mont 
Athos.  Absent,  son  esprit  vivait  au  couvent,  et  le  vice-épilrope.  qui  réclamait 
de  la  France  l'expulsion  des  Turcs,  n'était  que  l'écho  de  tous  ses  confrères.  Sur 
cette  terre  où  régnait,  quoique  bien  éreinté,  le  despotisme  musulman,  entendre 


SAINT-GRÉGOIRE.  iTO 

parler  de  liberlô  nous  paraissait  aussi  savoureux  que  de  manger  un  fruit 
défendu,  gagné  à  la  sueur  du  front  ou  à  la  pointe  du  courage,  et  deux  heures 
entières  de  notre  nuit  furent  passées  à  nous  entretenir  de  rêves  qui  ne  sont  pas 
encore  réalisés. 

Mais,  par  malheur,  l'amour  de  la  liberté  ne  va  pa.s  toujours  avec  la  richesse. 
et  le  couvent  de  Saint-Grégoire  est  certainement  l'un  des  plus  pauvres  de 
tout  le  mont  Athos.  Il  y  avait  trente  moines  à  l'époque  de  notre  passage, 
vivant  sous  le  régime  "idiorliythme  »,  chacun  h  leur  guise  et  conune  ils  pou- 
vaient, car  ils  n'auraient  pu  suffire  à  la  vie  commune  ou  «  cénobitique  >,  Le 
réfectoire  général,  désormais  inutile,  est  vraiment  minable  ;  c'est  une  mauvaise 
salle  sans  peintures  et  dont  les  murs  sont  simplement  blanchis  à  la  chaux  qui 
s'écaille  ou  se  salit  partout.  Saint -Grégoire  est  |)lus  pauvre  encore  que  le 
couvent  de  l'hilothéoii,  dont  nous  avons  déjîi  parlé  '. 

Mais  une  richesse  pour  ce  couvent,  ce  sont  les  pointures  de  sa  grande  église 
et  de  sa  chapelle  du  cimetière.  Peintures  du  wiii'  siècle  et,  sous  le  rapport 
de  l'art,  fort  médiocres  pour  ne  pas  dire  mauvaises,  mais  extrêmement  inté- 
ressantes au  point  de  vue  de  l'iconographie.  Cette  église  est  dédiée  h  saint 
Nicolas,  évèque  de  Myre,  dont  le  culte  est  répandu,  dans  les  deux  Eglises 
grecque  et  latine ,  à  l'égal  do  celui  des  plus  grands  saints. 

Un  porche  de  trois  travées  d'écartemontct  do  doux  d'ontre-colonnomont  pré- 
cède l'église  propniiiont  dite;  il  se  compose  ainsi  de  trois  nefs  à  deux  travées 
do  profondeur.  Ce  porche  est  entièrement  voûté  en  coupoles,  mais  les  seules 
coupoles  de  la  travée  occidentale  dos  deux  nefs  latérales  font  saillie  au  dehors. 
FJles  rcmplaconi  nos  clochers,  qui  sont  à  pou  près  inconnus  en  Oriont.  L'église 
est  arrondie  aux  croisillons  et  à  l'absido,  en  dedans;  mais,  Ji  l'oxlériour,  cette 
abside  et  ces  croisillons  sont  h  pans  ,  système  assez  fréciuemment  employé  en 
Grèce  et  au  iiiont  Athos.  La  grande  coupole  centrale,  très-saillanto  au  dehors, 
est  portée  par  quatre  colonnes  dont  les  chapiteaux  sont  cubi(|ues. 

Cette  égjise  n'est  pas  ancienne,  elle  date  peut-être  de  1770  ou  177'2.  Fn 
effet,  les  pcinlin'os  portent  lo  millésimo  do  1770.  co  (]ui  forait  remonter  la 
construction  à  1772  environ;  car  l'habiludo,  au  mont  Athos,  est  do  peindre 
huit  ou  dix  ans  après  la  maçonnerie  terminée. 

Dans  lo  pon  lu-,  on  vnil  (l'iiii  côté  saint  Grégoire  et  Joachim.  l'im  patron 
ol  l'autre  fondateur  du  couvent.  Suivant  l'usage,  ils  sont  debout,  tenant  .\  eux 
doux  la  roprésonlalion  du  mouiLsIère.  Ils  portent  le  costume  de  moine.  ,S.iini 
Cirégoiri"  ost  nimlx'-,  .loachim  no  l'osl  pas.  Sous  cette  pointure,  on  lit  : 

I.  »  Annnios  AiTlu'itlouiiiups  i\  vol.  wiii.  paeps  l97-tO"l. 


IHO  ANNALES  ARCIIÉOLOGIQL  ES. 

Siiinl  (irogoiro  lo  fondalour.  —  Joachim  le  nouveau  fondalour. 

I)c  l'aiilrp  cC)\é  est  pciiil  un  moine  fJabriel  ,  tenant  de  la  main  droite  une 
église,  qui  est ,  malgré  son  inexactitude  ,  le  modijie  de  l'église  actuelle.  Ce 
Gabriel  est  l'artiste  qui,  avec  Grégoire,  son  élève  probablement,  a  peint  celle 
église,  comme  le  dil  foiiiH'lli'ineiil   l'iii-cripliou   suivante  que  j'ai  copiée  lex- 

luelifmrnt. 

raSpiijîi  tepojiovâyo'j  xai  rpniifopîou  tx  iiô)xo;  KaiJTopr^; 
£v  It£i  1779  •    'CxToPpiou  10. 

Ilislorié  par  K's  iiiiiin>  des  trùs-lmmbles  peintres  Gubriel,  prétre-moine,  et  do  Grégoire, 
do  la  ville  de  Kastoric.  En  l'année  1779,  le  16  d'octobre. 

Ces  deux  humbles  religieux  sont  de  mauvais  peintres,  mais  ils  possèdent 
encore  foules  les  anciennes  traditions  et  méritent  l'attcnlion  de  l'archéologue. 
\iiisi,,(laiis  le  porclic.  ils  oui  leprésenté  la  vie  de  saint  Nicolas  en  dix  sujets, 
dont  plusieurs  semblent  exécutés  d'après  les  prescriptions  du  «  Guide  de  la 
peinture  '  ».  ce  (jui  me  permettra  de  ne  donner  ici  qu'une  simple  indication. 

1.  Saint  Nicolas,  déjà  évoque  et  vieux  2,  donne  au  père  de  trois  jeunes 
filles,  couchées  dans  le  même  lit.  l'argent  qui  doit  leur  servir  de  dot  et  les 
préserver  de  la  prostitution. 

2.  Saint  Nicolas  arrache  un  homme  aux  flots  qui  l'engloutissaient. 

S.  Saint  Nicolas  sauve  des  méchancetés  du  démon  plusieurs  matelots.  Sa- 
tan, déguisé  en  religieuse  vêtue  d'une  robe  noire  que  couvre  un  voile  blanc, 
tient  à  la  main  im  vase  rem|)li  d'une  huile  diabolique,  qui  bri'ilail  dans  l'eau 
et  calcinait  la  pierre.  Le  saint  démasque  Satan  qui  s'enfuit. 

/l.  Saint  Nicolas  secourt  et  guérit  des  malades. 

5.  Saint  Nicolas  renverse  des  idoles. 

0.  L'empereur  Constantin  envoie  dos  présents  h  saint  Nicolas. 

7.  Saint  Nicolas  apparaît  en  songe  à  l'empereur  Constantin  et  à  Ablabius 
(  '.VoXaêito) .  Le  saint  ordonne  à  l'empereur  d'épargner  la  vie  à  des  innocents 
dont  le  ])révôt  Ablabius  avait  conseillé  la  mort. 

8.  Saint  Nicolas  sauve  les  athonites  (toù;  âôtio'j;)  de  la  mort.  Il  arrache  le 
sabre  d'un  soldat  (|ni  allait  décapiter  un  innocent. 

1 .  Voyez  le  «  Manuel  d'iconographie  clirétiennc  »,  par  Didron,  pages  3G3-368. 

2.  D'après  la  «  Légende  dorée  »,  Nicolas  était,  à  l'époque  où  il  accomplit  cet  acte  de  généro- 
silé,  un  jeune  homme  non  élevé  encore  à  l'épiscopal.  La  peinture  de  Gabriel  et  de  Grégoire  lui 
donne  le  costume  épiscopal  sans  doute  comme  un  aUribut  et  pour  qu'on  le  reconnaisse. 


SAlNï-GKÉGOlUt:.  181 

9.  Saint  Nicolas  apparaît  à  des  matelots  dans  une  barque  et  les  encourage 
contre  la  tempête. 

10.  Saint  Nicolas  meurt  en  présence  d'un  patriarche,  de  plusieurs  arche- 
vêques et  évèques,  et  d'une  grande  foule. 

Le  mur  occidental  du  porche  offre  une  représentation  importante  du  Juge- 
ment dernier*.  Je  ne  puis  en  faire  une  description  complète,  parce  que  ce 
serait  trop  long  et  qu'il  faudrait  un  dessin,  que  je  n'ai  pas,  pour  en  faciliter 
l'intelligence;  je  me  contenterai  de  (|uel([ues  obsersations  principales  sur 
Satan  et  la  personnification  de  la  Terre  qui  sont,  après  Uieu,  les  plus  grands 
acteurs  de  ce  dame. 

Le  diable  en  chef,  Satan,  est  représenté  assis  sur  l'enfer  comme  sur  un  trône. 
L'enfer  est  un  monstre  dont  la  queue  se  découpe  en  sept  têtes  de  serpent. 
Chaque  tête  dévore  un  individu.  Dans  la  "  Divine  Comédie  »,  ce  n'est  pas 
l'enfer,  mais  Satan  qui  mange  les  danmés;  il  n'en  broie  pas  sept,  mais  seule- 
ment trois  h.  la  fois,  parce  que,  trinité  du  mal,  il  n'a  que  trois  tètes  et  non  sept. 
Ces  trois  damnés  sont  Brutus,  Cassius  et  Judas,  les  trois  plus  grands  traîtres 
du  monde  aux  yeux  d'un  monarchiste  et  d'un  chrétien  -.  Les  sept  damnés  de 
•Saint-Grégoire  sont  anonymes. 

Le  Satan  de  l'Athos  est  nu;  cm  général,  sa  forme  c>t  colli'  de  l'homme, 
mais  singulièrement  compli(|uée  de  la  forme  bestiale.  .Ses  pattes  et  ses  mains 
sont  de  l'aigle,  sa  tête  est  du  bœuf  avec  des  cornes  et  une  barbe  de  bouc,  ses 
oreilles  sont  vertes  et  ra|)pollent  celles  du  chien.  Les  épaules,  faites  d'uni- 
gueule  ouverte,  vomissent  de  la  llanime.  Son  nombril  herniaire  se  termine  par 
une  léle  de  dragon  d'où  sortent  trois  petits  serpents  tout  verts.  Chacun  de 
ses  genoux  a  pour  rotule  une  tête  qui  vomit  des  llammes.  Knfin.  une  longue 


1.  J'ai  d6\h  fait  romnr(|iipr  plusieurs  fois,  mais  on  me  permoUra  d'insi:)tcr,  quv  los  Ju^-nmcnls 
(Icrniors  sont  toujours  représentes,  (Juns  l'Ëgliso  grecque  comme  dans  l'Êgliso  latine,  sur  la 
façade   occidentale  dos  monuments  reli};ieux.  Les  e\c<?plions  sont  d'une  rarolé  en"  '  ■  l'on 

pi'Ul  louJDiirs  les  rxpliipier.  Hn  Piani'e,  où  la  sculpture  l'cnqujrle  sur  l.i  peintun-,  .  iiL» 

ui'cupent  les  tympans  extérieurs  des  ^riinds  portails,  comme  a  Paris.  Amiens,  Reim-s   ltourgT>», 

A,utitn,  etc.  Kn  Grèce,  où  la  sculpture  est  |H)ur  ainsi  dire  inconnue,  c'est  la  |>einlurf  '  ■■■  ftu- 

ploie  pour  celle  vaste  scène,  et,  comme  la  |ieinture  se  détériore  facilement  oux  in  on 

iilirile  les  Jii^einenls  derniers  il  l'intérieur,  contre  le  mur  nccidenlal,  comme  h  SuintHiri'goirc, 
comme  ii  la  l'ana^liia-l'linnéroméni  do  SaLimine,  et  mémo  ii  l'église  semi-b\zantine  do  Torrollo, 
près  do  Venise,  bien  que  lli  ce  soit  une  mosaïque.  Un  arcluH>lo^uc,  qui  fait  Justement  autorité,  a 
dilipie  les  Jugements  derniers  s»'  plavnient  aux  |iorlails  du  nord;  cV<i   une  ■  et 

(jiie  nous  atioMs  il  canir  île  comkillre  encore  une  fois.  Il  n'y  u  pus  de  miMm  -; ,  .  .  :..>to- 

ri(|ue  ou  autre  qui  exige  de  mettre  les  Jugomonbi  derniers  au  nord;  d'ailleurs,  le»  fait*  aool  U 
et  veulent  (pie  l'occidenl  soit  reservi'  ii  la  lin  du  monde. 

t.   D.VNTK,  a  liiifer  ".  chant  xwn. 


182  ANNAIJCS  A  ne  llf;0  LOGIQUES. 

(|uciio  do  lion  complote  le  loiii.  Il  cumule  ce  qu'il  y  a  de  plus  rc'doulal)Ic  en  ce  • 
monde  :  l'af^ilili'.  la  force,  la  cruauté,  la  laideur,  tous  les  inslincls  sauvages  et 
dépravés.  C'est  la  litanie  panthéc  du  mal.  Il  noue  autour  de  ses  reins  un  coin- 
luron  auquel  est  altacliée  la  clef  de  l'enfer,  a  peu  i)rès  comme  une  femme  de 
charge  ou  une  ménag(';re  porte  les  clefs  de  la  maison  qu'elle  dirige.  A  beau- 
coup d'égards,  il  ressemble  au  Satan  que  j'ai  publié  d'après  une  miniature 
française  du  xv'  siècle  *. 

La  Terre,  qui  a  englouti  tant  de  morts  qu'elle  est  sommée  de  rendre  jîour  le 
jugement  dernier,  est  une  reine  couronnée,  assise  entre  un  lion  à  sa  gauche  et 
une  lionne  à  sa  droite.  Le  lion  et  la  lionne,  qui  rugissent,  sont  couchés  sur  un 
animal  à  queue  de  reptile.  La  Terre  tient  de  la  main  gauche  un  long  serpent; 
de  la  droite,  elle  tend  un  calice  d'où  sortent  six  tètes  de  serpent.  Cette  femme 
couronnée  entre  un  lion  et  une  lionne  est  parente  à  un  assez  proche  degré  de 
la  Cybèle  antique;  mais  les  serpents  qu'elle  fait  naître  ou  qu'elle  dompte  rap- 
pellent le  symbolisme  chrétien  -. 

Une' des  scènes  importantes  de  ce  Jugement  dernier  représente  Moïse  qui 
apostrophe  les  Juifs  eu  leur  montrant  Jésus-Christ  auquel  ils  ont  refusé  de 
croire.  Les  Juifs,  incrédules  jusqu'à  la  fui,  sont  précipités  dans  l'enfer. 

Dans  une  coupole  sont  peintes  les  louanges  à  Dieu,  d'après  le  cantique  des 
trois  jeunes  Hébreux  au  milieu  de  la  fournaise.  Dans  l'autre  coupole,  les  anges 
portent  en  triomphe  Jésus- Christ  en  grand  archevêque,  enveloppé  d'une 
auréole  circulaire. 

Du  porche,  entrons  dans  l'église  et  nous  y  trouverons  un  grand  nombre  de 
peintures  importantes  qu'il  suffira  de  désigner,  parce  que  nous  les  avons  déjà 
vues  et  décrites  dans  d'autres  couvents. 

Au  mur  occidental,  au-dessus  de  la  porte  d'entrée,  est  peint  le  sommeil  de 
Jésus  enfant ,  sujet  que  les  athonites  aiment  beaucoup.  Plus  haut  est  repré- 
sentée la  mort  ou  plutôt  la  «  dormition  »  de  la  sainte  Vierge. 

Dans  le  tambour  de  la  grande  coupole  se  déroule  le  magnifique  sujet  de  la 
divine  Liturgie.  C'est  moins  beau  que  toutes  celles  déjà  décrites  ou  publiées  en 
gravure  dans  les  «  Annales  '  »  ;  mais,  pour  une  monographie  spéciale  de  cet 
important  sujet ,  la  divine  Liturgie  de  Saint-Grégoire  offrirait  des  variantes 
curieuses. 

1.  «  Histoire  do  Dieu  »,  page  521,  n"  133.  Manuscrits  français  de  la  Bibliotlièquc  impériale, 
"  Histoire  du  Saint-Graal  »,  n°  6770. 

2.  Voyez,  enlro  autres  articles  et  gravures,  le  «  Symbolisme  des  quatre  éléments  »  dans  le  vol. 
xviii  des  «  .\nnales  Archéologiques  »,  pages  232-344. 

3.  Volume  v,  p.  1o4;  vol.  x,  p.  I;  vol.  xxii,  p.  39. 


SAINT-GRÉGOIRE.  183 

A  la  clôture  du  sanctuaire,  dans  un  petit  cadre  qui  surmonte  la  porte  et  la 
termine  en  fleuron,  se  voit  Jésus  imberbe,  âgé  de  quinze  à  dix-liuit  ans,  sous 
ce  nom  d'Emmanuel  que  les  Byzantins  affectionnent.  Ce  Jésus  adolescent,  que 
notre  art  latin  connaît  a  peine,  tient  le  milieu  entre  l'enfant  divin  que  porte  sa 
mère  et  l'homme  qui  porte  sa  croix. 

Dans  le  chœur,  sous  un  trône,  est  placée  la  riche  et  grande  image  de  i«iint 
Nicolas,  le  patron  de  l'église.  La  tête  est  peinte,  vieille  et  noire;  mais  tout  le 
reste  est  en  argent  repoussé  et  ciselé.  Évidemment  il  y  a  là  plus  d'argent  que 
dans  la  caisse  du  couvent.  —  Comme  pendant  se  voit  une  image  miraculeuse 
de  la  sainte  Vierge.  En  1761,  lu  four  au  pain,  chaulTé  lro|)  violemment,  mil 
le  feu  au  couvent.  Toutes  les  images  furent  brûlées,  excepté  celle  de  la  Vierge 
tenant  .Jésus,  et  cette  image  est  celle  que  l'on  vénère  aujourd'hui  auprès  du 
grand  saint  Nicolas  d'argent.  J'ai  encore  remarqué  dans  cette  église  une  assez 
bonne  peinture  sur  bois.  ;i  fond  d'or,  représentant  sainte  Julitte  et  son  petit 
garçon  saint  Cyr,  (jiii  piraît  avoir  de  six  à  sept  ans.  L'enfant  porte  ii  la  tète 
un  linii  (le  pierre  et  montre  avec  la  main  droite  cette  marque  de  son  martyre. 
Ces  deux  .saints  m'ont  beaucoup  intéressé,  parce  qu'ils  sont  les  |)alrons  de 
l'une  de  nos  grandes  églises,  la  cathédrale  de  Nevers.  et  que  j'ai  exécuté,  poin- 
recevoir  leurs  relifiues,  lâchasse  byzantine  dont  M.  le  docteur  Ciitlui-  iinn>  a 
fait  la  description. 

Il  ny  a  pas  de  bibliothèque,  pas  de  livres,  pas  de  secrétaire  ou  d'homme 
de  science  dans  ce  couvent  de  moines  ré|)ublicains  et  soldats,  mais  le  trésor  de 
l'église  est  assez  riche  en  reliques.  On  y  voit  : 

La  main  de  l'un  des  anargyres  Cosmc  et  Uamien  '. 

La  main  du  saint  Grégoire  lu  Théologien;  elle  est  placée  dans  une  main  ilu 
cuivre  moderne  et  laide. 

Le  genou  de  saint  Grégoire,  archevôciue  d'Arménie. 

La  JHHibe  de  sainte  Anastasic  la  lloniaine. 

Ln  os  de  saint  Charalanipos. 

Vn  os  de  saint(!  Paraskevi. 

Malgré  sa  pauvreté,  Saint-Grégoire  possède  cinq  églises,  outre  le  cntholicnn 
de  saint  Nicolas.  En  voici  les  noms  :  Sainle-.Vnastasic,  Saint-Démétrius,  la 
l'anaghia,  les  Archanges  et  Tous-les-Saints. 

L'église  de  Toussaint  ( 'Ayîoi-llàvTe;)  est  la  chapelle  du  cimotièro  ;  c'o.<sl  la 
seule  <|ui  mériie  de  nous  arrêter  ((uelques  instants. 

I.  Il  faut  sp  lappolcr  quo  ce  nom  d'Annrgyrc»,  •  «an»  argent  •,  leur  a  M  Aonn^  p«rec  qu'il* 
s(ii(;nairnl  les  inalaiIcH  )>ratiill(<ii))>iit.  Nos  ^ninds  Pl  p«>liU  nuWlocin»  cl  rliirurgicn»  d"à  prx^*pnl  nr> 
tiunl  plus  (lo  co  li<iiips-lii. 


18/)  ANNAI.KS  AlîCllfiOI.OC.IQL'KS. 

Ccito  (li.ipL'Ile  est  h  chcvL't  droit  cl  non  circulaire  à  l'cxléricur;  mais,  à  l'in- 
li;ri('iir,  ce  cliL-vot  est  creuse  en  forme  de  niche  circulaire.  C'est,  en  très-petit. 
la  niùme  disposilion  qu'à  la  cathédrale  de  i'oitiers.  Au  centre,  rédifice  est 
surinoiiti'  (111110  coupole  et  un  porche  en  précède  l'entrée.  Tout  est  peint  par 
les  mètnes  artistes  qui  ont  décoré  la  grande  église,  Gabriel  et  Grégoire.  C'est 
iiirnio  par  cette  chapelle  (pi'ils  ont  débuté;  car  la  construction  date  de  17-S9. 
i^t  les  peintures  doivent  avoir  été  faites  en  1750  environ. 

I.c  porche  est  peint  d'un  vaste  .lugcnient  dernier,  scène  qui  convient  si  bien 
à  une  chapelle  de  cimclière.  Coninic  dans  le  porche  de  la  grande  église,  la 
Terre  (r,  r-/;;  poiu- r,  ir, )  y  est  représentée  en  reine;  mais  c'est  une  reine 
paysanne,  car  elle  file  au  fuseau  sur  le  dragon  où  elle  est  assise.  Ce  dragon 
rend  un  liommc  (|u'il  avait  avalé.  Auprès  des  morts  qui  ressuscitent  pour  as- 
sister au  jugenient  dernier,  on  voit,  assis  siu-  un  banc,  les  rois  Cyrus  (K'jpoç), 
Porus  (riopo;),  Darius  (Aapto;)  et  Alexandre  ('A).c';avcîco?).  Tous  quatre  portent 
le  costume  royal.  Ils  tiennent  une  épée  nue,  pointe  en  l'air,  comme  si  ce 
glaive. pouvait  loin-  rire  utile  en  ce  moment;  mais  c'est  une  «  pièce  à  convic- 
tion 1)  que  le  grand  Juge  va  invoquer  contre  eux.  Alexandre  est  jeune  et  im- 
berbe, les  trois  autres  sont  vieux  et  à  barbe  blanche. 

Satan  est  assis  sur  un  dragon  à  sept  tètes.  Quatre  de  ces  tètes  dévorent 
(juatre  rois  couronnés,  pcut-èlrc  les  quatre  (pii  précèdent;  deux  autres  tètes 
mangent  deux  moines  couverts  du  camylafki ,  voile  monacal.  J'ai  oublié  de 
noter  la  proie  dévolue  à  la  septième  tête,  qui  est  peut-être  inoccupée  et  qui 
attend  une  victime. 

Dans  l'enfer,  on  voit  cinq  vices  personnifiés  par  des  individus  que  désigne 
le  vice  même. 

Le  premier  vicieux  est  le  Voleur  (ô  vJ.iTrzr.ç,  le  Klefte),  sur  lequel  est  étendu 
un  lourd  sac  d'argent;  sur  ce  sac  un  diable  pèse  de  toutes  ses  forces.  Un 
antre  diable  oblige  le  voleur  à  recevoir  dans  ses  mains  nues  de  l'or  brûlant.  Ce 
diable  fùté  a  la  mine  d'un  voyageur  auquel  on  demande  la  bourse  ou  la  vie. 
Il  donne  la  bourse,  mais  pour  en  punir  le  voleur  qui  crie  comme  un  damné. 
Le  vol ,  nous  en  entendons  parler  tous  les  jours  encore  dans  les  journaux, 
est  le  vice  le  plus  grand  et  le  plus  invétéré  des  Grecs;  il  fallait  donc  le  mettre 
en  lète  de  cotte  échelle  du  mal  et  le  punir  par  deux  bourreaux  à  la  fois. 

Le  second  vicieux  est  le  Gourmand  (6  *âya;  pour  6  <^ayo;).  Un  diable  lui 
prépare  sa  nourriture ,  un  second  lui  danse  sur  le  ventre ,  deux  autres  dia- 
bles lui  crèvent  les  yeux.  Quatre  bourreaux  pour  un  mangeur  dans  ce  pauvre 
monastère  où  il  n'y  a  jamais  eu  rien  à  manger,  en  quelque  sorte,  c'est  certai- 
nement du  luxe. 


SAINT-GRfÎGOIRE.  185 

Le  troisième  vicieux  est  le  Libertin  (ô  nôpvoç).  Il  est  nu,  pendu  la  tête  en 
bas,  comme  un  veau  chez  un  boucher  .  d  deux  diables  lui  coupent  les  parties 
de  son  corps  dont  il  a  trop  souvent  abusé. 

Le  quatrième  est  l'Avare  (o  <l>iXapy/;po;  pour  o  «iXapY^po;).  Il  est  pendu  au- 
dessus  d'un  feu  ardent:  h  son  cou  sont  attachés  quatre  sacs  gonflés  d'argent 
el  qui  l'étranglent. 

Le  cinriuième  vice  se  dédouble.  H  est  représenté  par  le  Paresseux  (ô  ôxvci^T,;), 
et  le  Dormeur  (ô  <I>î).'jrv<-j;) .  —  Le  paresseux  est  un  moine  étendu  lâchement 
sur  un  divan  et  lumanl  une  longue  pipe  que  les  diables  lui  allument.  —  Le 
Dormeur  est  un  moine  encore,  également  couché  sur  un  divan,  lu  diable  lui 
soulïle  des  rêves  agréables  pour  qu'il  dorme  tranquille  et  longtemps;  et  un 
autre  diable  tient  et  tourne  au-dessus  de  sa  tête  une  espèce  de  parasol ,  pour 
qu'il  ne  se  réveille  ni  à  la  pluie,  ni  au  soleil .  ni  aux  insectes,  et  qu'à  la  suite 
de  son  long  sommeil  il  aille  plus  sûrement  en  enfer. 

Il  n'y  a  ni  orgueil,  ni  colère,  ni  envie  dans  ces  péchés  capitaux ,  tandis  que 
la  paresse  et  l'amour  de  l'argent  ou  l'avarice  y  figurent  deux  fois.  On  comprend 
bien  que  la  paresse  puisse  être  double  dans  un  monastère;  mais  c'est  h  tort 
qu'on  n'a  pas  fait  figurer  la  colère  dans  ce  couvent  de  Saint-Grégoire,  qui  ne 
cesse  pas  de  s'exaspérer  contre  les  Turcs.  Ou  plutôt  ce  grand  vice  est  sans 
doute  ici  considi-ré  comme  une  grande  vertu ,  puisqu'il  a  déjà  procuré  une 
espèce  d'ind('pendance,  et  qu'il  pourrait  amener,  un  jour  ou  l'autre,  l'affran- 
chissement complet. 

Assurément  il  y  a,  de  ce  jugement  dernier  de  Saint-Grégoire  au  jugement 
dernier  de  Michel-Ange,  aussi  loin  que  d'une  image  d'Hpinal  h  une  peinture 
de  M.  Ingres;  mais  les  dftix  peintres  allionites  ont  fait  preuve  d'imagination 
et  même  d'originalité.  D'ailleurs,  leurs  diablotins  noirs  ressemblent  Ji  ceux  de 
notre  moyen  âge,  cl  cela  m'aurait  suffi  pour  m'y  arrêter  avec  intérêt. 

Le  jugement  dernier  est  précédé  de  la  création  et  de  la  chute  de  l'homme, 
comme  un  effet  est  précédé  de  sa  cause.  A  la  création ,  l'homme  cl  la  femme 
n'ont  ni  nombril  ni  parties  sexuelles.  L'arbre  de  la  chute  est  ini  oranger;  le 
serpent  Icnlateiir  est  serpent  de  la  tête  h  la  (jueue.  Adani  est  endormi  pend-int 
qu'IÀe  cui'illc  une  orange  qu'elle  va  manger.  Adam  est  h  peine  éveillé  lors- 
(|u'il  succombe  ;  il  semble  donc  moins  coupable.  \\n  général ,  nu  mont  Athos, 
on  aimi-  h  montrer  la  femme  plus  criminelle  (|ue  l'homme.  Le  moine  nlhonilo, 
qui  expulse  les  femmes  cl  les  femelles  de  .sa  montagne  sainte  .  garde  nu  sexe 
féminin  ime  rancune  plus  tenace  (pie  partout  ailleurs. 

Au-dessus  de  l:i  porte  de  l'église,  à  l'extérieur  et  ditiinanl  sur  le  porche, 
on  voit  peinte  une  Trinité ,   composée  de  trois  figures  humaines  pour  une 

XXIV.  îlt 


isfi  ANNALES  Aitf:iii:oi,or;ioi  Ks. 

seule  t(îtc  cl  un  seul  corps,  absolument  comme  celle  que  nous  avons  publiée 
dans  les  «Annales  Arcliéoiogiques  '  »,  d'après  un  vilrail  de  Noire-Dame 
de  Cliàlons-snr-Marno.  I.es  trois  figures  ont  (|iialrc  yeux,  trois  nez  el  trois 
boiiciios,  (liinl  ragoncenienl  est  tel  (lue  chaque  figin-e  paraît  complète  el  avoir 
pour  s.i  pjirl  ses  deux  yeux.  Un  seul  nimi)e  entoure  celte  triple  face;  il  esl 
croisé  cl  porte,  sim-  les  liramlies  do  la  croix,  le  o  wv  (l'Htre),  que  les  Grecs 
liyzantins  aiment  à  inscrire  sur  cette  croix  du  nimbe  des  personnes  divines. 
C'est  la  seule  fois  (|ae  j'ai  vu  en  drèce  une  Trinité  de  ce  genre,  et  l'inlluence 
de  l'iconogiapliic  latine  des  \\'  et  xvi'  siècles  est  peul-ètrc  pour  beaucoup 
dans  l'adoption  de  cette  étrange  image. 

Sous  cette  chapelle  funéraire  est  pratiquée  une  crypte,  où  l'on  verse  les 
ossements  des  morts  (|iic  l'on  déterre  après  trois  ans  de  séjour  dans  le  cime- 
tière. Des  myriades  d'araignées  filent  leur  toile  autour  de  ces  ossements  et 
dans  ces  crânes  déciiarnés;  elles  font  un  bruit  sourd  et  fort  étrange.  On  croi- 
rait, en  y  prêtant  l'oreille  attentivement,  entendre  comme  le  susurrement  de 
petiteë  âmes  qui  se  parleraient  à,  voix  éteinte. 

Après  avoir  employé  toute  la  matinée  k  explorer  ce  pauvre  monastère, 
nous  nous  apprêtons  h  pavWv  pour  Siuio-Petra,  le  couvent  voisin.  Nous  de- 
mandons aux  moines  lem\s  commissions  pour  leurs  confrères,  pour  les  couvents 
non  encore  visités,  pour  Salonique  ou  Constantinople ,  mais  ils  nous  considè- 
rent comme  de  trop  grands  personnages,  et  ils  n'osent  nous  charger  de  leurs 
petites  affaires. 

Au  moment  de  partir,  se  présente  à  nous  un  jeune  Hellène  en  pèlerinage  et 
ou  ((uèle  dans  lo  mont  Athos  et  la  Cfrèce.  où  il  tâche  de  recueillir  en  aumônes 
une  somme  nécessaire  pour  délivrer  do  prison  son  père,  sa  mère  et  ses  deux 
frères.  Un  jour,  nous  dit-il.  son  père  croyant  tuer  un  poulet  à  coup  do  fusil, 
tua  un  Turc.  On  mit  le  père  en  prison  avec  sa  famille  et  on  le  condamna  à 
une  forte  rançon  ;  le  fils  aîné  fut  autorisé  fi  parcourir  lo  monde  pour  trouver  la 
somme  du  rachat.  .Je  dis  à  ce  fils  aine,  qui  me  paraît  fort  intelligent  et  fort 
rusé,  que  Platon,  l'un  de  ses  ancêtres,  avait  affirmé  qu'un  homme  était  un  coq 
sans  plumes,  mais  (fiie  cependant  un  Turc  ressemble  de  trop  loin  à  un  poulet 
pour  qu'on  puisse  prendre  l'un  pour  l'autre.  Malgré  tout,  nous  lui  donnons 
six  piastres,  environ  un  franc  cinquante  centimes  ,  dont  il  paraît  fort  content. 
Au  uioment  oii  nous  sortons  ,  le  portier  nous  remet  à  chacun  trois  grosses 
noix.  Kst-ce  symbolitiue  ou  simplement  réaliste  et  destiné  à  tromper  notre 
faim?  Nous  remercions  ce  portier  généreux  avec  quelques  menues  monnaies, 
et  nous  partons  comblés  de  vœux  et  de  bénédictions. 
1.  Volume  II,  p.  9. 


SIMO-I'KIRA.  187 


simo-|'i;ti;a. 


<:HMo-nF.TP\ 


C'est  ainsi  que  l'on  prononce  le  nom  de  ce  inonastère;  mais  on  l'orllio- 
grapliie  Simo-Pétra  ou  Ciino-Pélra,  à  volonté.  Cette  appellation,  ii  ce  qu'il 
semble ,  devrait  désigner  que  ce  couvent  est  sous  le  vocable  du  chef  des 
apAtrcs,  Siinoii-Piorre  ;  mais  les  agliiorites  soutiuinient,  je  ne  sais  pourquoi, 
(pu-  ce  .Simoii-l'iene,  leur  fondateur,  était  un  simple  ermite,  (|ui  \ivait  à 
l'endroit  oii  le  couvent  fui  établi,  et  nullement  le  pèclieur  de  la  Galilée.  Nous 
avons  déjà  vu  (|ue  le  couvent  de  Saint- Paul  avait  pris  son  vocable  d'un  ermite 
de  l'Atlios  et  non  de  l'apôtre  des  Gentils. 

Je  ne  suis  nullement  convaincu  de  la  véracité  et  de  la  science  des  moines 
aghiorites,  qui  sont  un  peu  menteurs  comme  les  Grecs  et  fort  ignorants  comme 
presque  tous  les  religieux  de  la  sainte  montagne.  Ouoi  qu'il  en  soit,  ils  tien- 
nent à  leur  ermite  et ,  dans  leur  grande  église ,  ils  ont  placé  sur  un  Irùne  un 
tableau  qui  représente  la  légende  du  fondateur,  légende  qui  n'est  nullement 
l'histoire  de  l'apôtre  saint  Pierre.  Simon-Pierre  serait  donc  le  premier  fonda- 
ti'iir  (lu  couvent  ;  mais,  un  roi  de  Servie,  Jean  Ouglouch,  en  serait  le  second  et 
II'  Mai,  celui  (|ui  aurait  payé  les  frais  de  la  construction. 

De  Saint-Grégoire  à  Simo-Pétra,  il  y  a  une  grande  heure  de  marche,  par 
un  chemin  trés-escarpé,  (jui  escalade  une  montagne  sur  la  pointe  de  laquelle 
est  planté  le  couvent.  On  a  rasé  le  rocher  de  25  à  .iO  mètres  pour  y  pralitjuer 
un  plateau  nécessaire  à  asseoir  les  constructions.  Nous  arrivons  sur  oo  pla- 
teau h  une  heure  de  l'après-midi. 

La  mer  est  à  une  demi-lieue  de  là,  an  b;is  d'un  vallon  en  ampliilliéAti'C, 
(|ui  descend  pres([ue  à  pic  du  monastère  au  rivage.  C'est  dans  cet  amphi- 
tlii'iUrc  de  verdure  (pi'est  établi  le  jardin  du  couvent;  malheureusemcnl  les 
moines,  par  .u-citlenl  un  peut-être  pom*  voir  la  mer  plus  h  leur  aise,  uni  brùlii 
les  arbre»  et  la  petite  végétation  arborescente  (|ui  descendait  jusqu'au  i 
Sin-  les  bords  de  la  mer  est  bAli  un  petit  arsenal,  «pii  se  r  .l'inic  tour 

carrée  et  d'un»;  maison;  la  maison,  espèce  de  hangar,  almi.  ..i  uarqiio  du 
miinaslère.  Chacun  de  ces  cou\enls  de  l'ouot  de  l'Alhos  pos,s<>de  une  barque 
qui  siM'l  il  la  pèche,  à  la  communication  d'ini  m>iiiaslèro  h.  l'autrv,  ol  surluul 


188  ANNALKS   ARCIlÉOLOd  lOI  KS. 

,'111  tr;u)S|iotl  des  liommos  cl  des  choses  à  Karès,  la  capilale  séculir-re  de 
l'Allios. 

A  la  skitf  (le  Saiiile-Aniie  la  harqiic  apparticnl  ii  un  laïc  Tous  les  ven- 
dredis, elle  viorif  cIioitIhm'  les  ascètes  (|ui  vont  |)orter  h  Karès,  pour  le  uiarclié 
du  samedi ,  1rs  piodiiils  dr  leur  indiisliie.  Chaque  ascète  paye  une  piastre 
|)(iiii-  rallcr.  une  pi.isirc  puni-  k  ii'lunr.  La  piastre  \al;inl  de  20  k  25  cen- 
times, on  voit  ([ue  ce  moyen  de  liansporl  n'est  pas  ruineux.  Quand  un  seul 
ascète  prend  la  barque,  il  doit  cIiki  |jiaslres  pour  aller,  autant  pour  revenir. 

Le  couvent  de  Simo-Pétra  aurait  six  cents  ans  d'existence,  mais  il  a  été 
reconstruit  en  briques,  il  y  a  une  centaine  d'années,  et  les  bâtiments,  faute 
d'entretien,  tombent  déjà  en  iinin'. 

Saint-Grégoire  est  pauvre,  Simo-Pétra  est  plus  pauvre  encore,  et  cepen- 
dant la  vie  y  est  commune  ou  cénobilique.  Les  trente  ou  trente-cinq  moines 
qui  le  composent  sont  gouvernés  par  un  igoumène  ou  plutôt  se  gouvernent 
tout  seuls,  car  l'igoumène,  qui  ne  trouve  rien  à  manger  dans  son  couvent , 
est  parti  pour  Constantinople  sous  prétexte  d'atTaires.  On  se  rappellera  que 
dans  les  couvents  cénobitiques  l'igoumène  est  unique  et  nommé  à  vie  par 
ceux  des  moines  qui  poilcnl  le  nom  de  "père»,  tandis  que  dans  les  idiorythmes 
ou  républicains,  les  chefs,  nommes  épilropes  et  qui  sont  au  nombre  de  deux, 
se  renouvellent  assez  fréquemment.  Les  votes  se  donnent  de  vive  voix  et  non 
au  scrutin  secret,  soit  pour  l'igoumène,  soit  pour  les  épitropes.  Une  fois  élu, 
l'igoumène  reste  en  charge  jusqu'à  sa  mort.  S'il  se  conduit  mal,  les  pères 
s'elTorcent  de  le  corriger.  Si  l'igoumène  est  trop  mécontent  des  pères,  et  les 
pères  trop  mécontents  de  l'igoumène,  on  se  rend  à  Karès,  où  les  épistates.  di- 
recteurs généraux  de  tous  les  couvents,  ordonnent  de  conserver  ou  de  changer 
l'igoumène.  Leur  jugement  est  souverain. 

Le  réfectoire  de  ce  pauvre  couvent  est  une  grande  salle  oblongue ,  cintrée 
au  midi  (lù  s'an-oiidii  l'abside.  Cette  salle  était  autrefois  entièrement  peinte; 
aujourd  luii  les  pcinlurcs  ont  p(Mi.  Tumbées  en  grande  partie,  il  n'en  reste 
plus  que  quelques  grands  saints  en  pied  et  quelques  médaillons  de  la  vie  du 
Christ.  Le  plafond  est  un  plancher  tout  uni.  De  bons  mets  perdraient  de  leur 
saveur  dans  un  pareil  local  ;  la  li-iste  nourriture  qu'on  y  prend  doit  être  nau- 
séabonde. Du  reste,  nous  n'avons  pas  eu  l'occasion  d'en  faire  l'expérience. 

La  nouri-iturc  inicllecluclle .  celle  des  livres,  ne  doit  être  ni  meilleure,  ni 
plus  abondante  à  Simo-Pétra.  La  bibliothèciue  consiste  en  une  petite  chambre 
qu'on  nous  a  montrée,  mais  qu'on  a  refusé  de  nous  ouvrir,  sous  prétexte  que 
le  bibliothécaire  était  absent  et  avait  emporté  la  clef.  Les  moines  nous  disent 
que  les  Turcs  ont  fait  des  cartouches  avec  la  plupart  de  leurs  livres,  qu'ils 


Sl.MO-f'ETRA.  189 

en  ont  déchiré  d'autres,  parce  que  tel  était  leur  bon  plaisir,  et  que  le  petit 
nonnbre  d'ouvrages  qui  ont  survécu  ne  sont  pas  en  ordre.  Tout  cela  explique 
trop  bien  que  le  bibliothécaire  soit  parti  avec  la  clef  dans  sa  poche,  et  je 
m'étonne  qu'on  se  soit  donné  le  luxe  d'un  bibliothécaire. 

Simo-Pétra  renferme  quatre  églises  : 

La  grande  se  nomme  -h  Tewrciç  toO  XcistoG  (u  la  Nativité  du  Christ  »).  Elle 
esl  dédiée  à  f'immanuel  que  les  Byzantins  ainuMit  tant. 

Les  trois  autres  ont  pour  vocable  Sainte- Madeleine,  Saint- Georges  et 
Saint-Simon  (ayio;  Sf.awv). 

Hors  du  couvent,  la  chapelle  du  cimetière  porte  le  nom  de  "  Uormilion 
de  la  Vierge  »,  vî  Koîjj.r,otç  t?;;  navayi'aç. 

Ces  églises  n'offrent  pas  un  grand  intérêt  ;  voici  pourtant  quelques  noies 
sur  la  grande  : 

Sa  forme  est  celle  qui  règne  dans  tout  le  mont  Athos  :  sanctuaire  i\  trois 
absides;  transept  Ji  croisillons  arrondis  en  dedans,  à  pans  en  dehors,  sur- 
monté, au  centre,  d'un  dôme  que  portent  quatre  colonnes;  nef  flanquée  de 
deux  petits  bas  côtés.  Le  tout  précédé  d'un  narthex  ou  porche  fermé,  ayant 
deux  travées  d'entre-colonnement  et  trois  d'écartement.  Au  centre  de  ce  nar- 
thex, une  coupole.  A  l'extérieur,  ces  coupoles  du  porche  et  de  l'église  sont 
couvertes  en  |)lomh.  Le  plomb  prend  même  tout  le  tambour  des  coupoles  et 
aveugle  les  fenêtres.  C'est  en  plomb  également,  mais  fort  mal  entretenu,  que 
l'église  entière  est  couverte.  La  phiii-,  (|ui  tombe  dans  l'édifice  par  une  foule 
de  fissures,  a  endommagé  et  perdu  toutes  les  peintures  intérieures.  Hors  de 
l'église  est  peint  siiiiil  Simon  .  le  >>  producteur  di'  myrrhe  >  ot  le  fcmdateur 
du  couvent,  ainsi  orthogra[)iiié  : 

L'Eglise  by/aiiliiie  .liini'  les  saints  (|ui  embaument  et  desquels  des  parfums 
découlent  comme  l'eau  sort  d'une  source.  Du  tombeau  de  sainte  Catherine, 
au  mont  Siiiaï,  coule  perpélui'llemenl  une  huile  |)arfumée  ,  comme  il  en  .sort 
du  tombeau  de  saiiil  Déuiélriiis  ;\  .S;iloiii(|ue.  Le  »  (iuide  de  la  peintim»  • 
a  été  jusqu'à  établir  un  ordre  de  saintes  myrrhophoros  ou  porle-parfums  ', 
Même  après  sa  translation  stn*  le  sol  latin,  le  grand  saint  Nicolas,  dont  le 
corps  repose  aujourd'hui  à  Hari .  distilli;  incessamment  des  parfums.  Il  est 
vrai  i|Mi'  rKglise  latine  elle-même  n'est  pas  ennemie  du  sens  de  l'odorat, 
et  (jiie  M  iiMiuriren  odeur  de  sainteté  •«  est  une  expression  qu'elle  affectionne 

r   <i  Miinucl  (l'irunocnipliio  ",  p.ir  IIiiiiihn.  y.   (il 


190  ANNALKS  A  HCm':OL(J(;iOUKS. 

l)f,uii'i)U|).  (Ai  saint  Simon  ost  iiiiiilv;.  l)ioii  (.'iileiidu.  Il  porlii  (J«-  la  iiiaiii 
gaiiclic  ri'îî^lisc  du  iiKniasli'To  (IdmI  il  ost  li;  pL-re.  Celte  |)eiiilure,  torl  mé- 
diocre, d.ite  (le  177.'^. 

Dans  l'iiih  rii.'iir  de  l'éf^lisc  on  \oil  un  tableau  de  sainte  Madeleine  aux 
pieds  de  Jésus  ressuscité.  Le  Christ  n'y  est  pas  en  jardinier,  comme  on  le 
reprcsonle  cliez  nous  dans  celle  scène,  ni  vêtu  seulement  d'un  manteau  i|ui 
laisse  à  découvert  ses  jambes,  ses  bras  et  une  partie  de  sa  poitrine.  L'Allios 
a  peur  des  nudités,  et  le  Sauveur  est  là  complètement  couvert  d'une  loiif^ne 
robe  ul  d'un  ample  manteau.  —  Dans  celte  <';glise,  on  voit  un  cerluin  nombre 
d'images  nouvelles  peinles  et  signées  par  l'artiste  loasapli  (.Joseph),  qui  dé- 
corait l'église  d'Kspliigmenou  lorsque  nous  y  avons  passé. 

\ai  trésor  de  Sinio-1'étra  renferme  : 

Du  bois  de  la  vraie  croix.  —  Des  os  nombreux  de  divers  saints.  —  Le  crâne 
de  saint  Paul  le  conl'eescur ,  archevêque  de  Constantinople.  —  Le  crâne  de 
saint  Modeste.  —  Le  crâne  de  saint  Bacchos,  martyr.  —  Le  pied  de  saint 
C.yw  (ils  de  sainte  JuliUe.  —  La  main  de  sainte  Marine.  —  La  main  de  sainte 
IJarhe. 

(^e  sont  des  reliques  précieuses,  rhais  renfermées  dans  des  boîtes  modernes, 
pauvres  et  laides. 

Ce  (ju'il  y  a  do  plus  inléressant  à  Simo-l'étra,  c'est  un  aqueduc  composé 
de  trois  étages  d'arcades;  cette  construction  réunit  deux  montagnes  qui  sé- 
parent un  vallon  profond,  l'ont  du  (Jard  en  petit  et  en  laid,  mais  fort  pitto- 
resque.  il  est  mal  bàli.  en  moellons  ([ui  se  disjoignent  et  menacent  ruine. 
A  l'étage  inférieur,  pres([ue  toutes  les  arcades  sont  bouchées  pour  que  le 
monument  ne  tombe  pas.  Il  était  question  de  le  rebâtir;  mais  il  faut  de  l'ar- 
gent pour  cela  et  j'ignore  si  l'igoumène  en  aura  rapporté  de  Constantinople. 
Cet  aqueduc  au)ène  l'eau  dans  tout  le  monastère.  Les  moines,  cela  va  sans 
dire,  ne  savent  ni  quand  ni  par  ([ui  celle  utile  et  importante  construction  fut 
faite;  imi)ossible  de  tirer  d'eux  le  moindre  renseignement. 

Nous  avions  hâte,  il  faut  en  convenir,  de  quitter  ce  couvent.  Nous  deman- 
dons un  muletier  pour  conduire  nos  bagages  au  prochain  monastère  de  Xiro- 
potamou  ;  mais  on  nous  répond  que  les  muletiers  sont  à  la  chasse,  et  qu'on 
ne  |ieut  nous  en  prêter,  .le  soupçonne  (ju'il  n'y  avait  ni  muletiers  ni  mulets  à 
Sinio-Péti-a,  et  c'est  notre  conducteur  de  Saint-Grégoire  qui  continue,  avec  sa 
bêle,  à  faire  route  avec  nous. 

Nous  parlons  à  Irois  heures,  après  cette  courte  visite  d'une  heure  et  demie. 

DinRON   AÎNÉ. 


i;ii;li(m.|(aiiiii: 


D'ART   F.T   D'ARCHÉOLOr.IE 


'.)2.  ADIiN-CZRA  et  ABEN-Yfi  lllA.  —  Délices  royales  ou  le  Jeu  des  Échecs;  son  histoire,  ses 
règles  ot  sa  valeur  moral(!,  par  AiiiiN-KzttA  et  Aukn-Vkiiu,  rabbins  du  xii'  siècle:  (raduciioii 
dp  l'Iiébre»  par  I,i;on  IIoli.  kniikiiski.  In-16  de  08  [jiij;es ï  fr. 

'J3.  AKOIIINAHI».  —  i.KS  ÉoiFicus  religieux  de  la  ville  de  Uenève,  par  Anubi;  Arciiinadu, 
pasteur.  In-8°  do  xi-3ijîi  pages.  —  Les  chapelles  :  l'Oratoire  de  Palais,  Saiol-l'aul,  Sainte-Mar- 
guerite, Tem|)lo  do  Siiint-Jean  de  Itliodcs,  Notre-Damo-du-Poiil,  les  MaiThalx-ts,  fui  des  anciens 
temps,  destruction  des  chapelles  et  ses  causes,  destruction  des  images,  distinction  il  faire 
dans  l'œuvro  de  la  Ucforme.  —  Los  couvenLs  :  la  régie  op|>os«jo  au  culto  libre,  le  prieuré  de 
Saint-Jean-les-tJrottLs,  le  couvent  île  Palais,  les  .Viitonins,  François  Uonivard  (xm'  siècle;  el 
sa  captivité:  S.iiiit-l'ran(;ois  do  Uives,  prcsiiges  de  réforme,  couvent  do  Sainte-Claire,  vanda- 
lisme, destruction  des  faubourgs  en  1334.  —  Les  églises  :  beautés  de  l'architecture  gothii|ue, 
le  culto  libre,  Saint-Viclor,  Saint-Léger,  Saint-Germain,  Saint-Uervais,  juifs  des  parois-ios, 
légendes  diverses,  monument  de  l'Escalade,  conseil  de  dizaine,  la  Madeleine  et  sa  richesse, 
prédication  de  Tarel  on  1335,  Siiiiil-Piorro,  le  leinple  païenconverti  en  église  :  sii  forme,  ses  dimen- 
sions, SOS  verrières;  maltre-autel,  retables,  stalles  et  chaire,  etc.  Notes  supplémentaires.     5  fr. 

9i.  .M'UKR.  —  L'Annkau  de  Sainte  Kadcgondo  et  ses  reliques,  il  Poitiers,  |>ar  l'abbé  Avikr, 
chanoine  de  l'église  do  Poitiers,  historiographe  du  diocèse.  Deux  liriH-liures  in-8°  do  M  (Miges 
ensemble,  u\ec  plusieurs  dessins  sur  bois  dans  le  texte.  Les  doux  notices 4  fr. 

06.  BAllX.  —  Nom  1.1  M  H  H  du  déparlement  de  l'Ain  (xvii'  et  xviir  siècles).  Bo 

Gex,    par  Jti.Ks    Baux,  archiviste  du  déjmrtemenl  de  r.\in,   membre  de  plu- 

savantes.  Deuxième  volume,  (jiiind  in-8  Jésus  de  xvi-'iOS  |)agcs,  —  Kiofs  du  Buf;ev  e»  du 

pav'i  de  liex  :  adinissioiis  dans  les  assemblées  de  la  iiolilesso  du  llugry,  elal  el    ' 

de»   genlilsliommes  du   llugey  en   t'xH;   procès  \erlml  di-s  prin-uralion-i,   \erii 

18  mars  I78U,  ii  Bolley,  ii  l'église  de  Saint-Jenn;  procès-vorbnux  do  l'a-uM'inblée  do  la  nobiciviw 

du  llugey,  convoquée  confiirmemenl  au  n-glement  du    ■• 

de  la  nobles»'  du  llugey  aux  eluls  généraux  ,  de  l'a--' 

luge  de  (iex  ;  pi-oteslntion  des  genlilshomiiies  frunçnis  du  |Mys  do  Oox  ronlrv  i  a\tt 

états  généniiix  des  luibles  genevois,  olc,  —  l.»<  troisième  et  ili  i  '  ■    «fur  imiwr- 

taiite  ptililication  s(>ru  coiiMicre  a  «  l'histoiro  do  la  nuble-^ii  du  di ,  Vm,  •  ol,  «oui. 


192  ANNALKS   AlîCII  KOLOOIQL'ES. 

il  so  vendra  soparémunl  dos  doux  promièros  parties  du  «  Nobiliairo  •.  —  Le^i  duux  pruinient 
volurnfs 50  fr. 

'Mi.  llliUïllOL'l).  —  FiiANçois  d'Ahsisi:.  i'.iuih  lii.storii|uo  d'après  lo  doclpiir  Kmil  IIask,  pro- 
ffsseiir  à  l'uiiiversito  d'Iona,  par  Cii.\ni.i':s  Bkhtiiuiji).  Iii-S"  de  x\-207  p.i(:f!«.  —  Les  winc- 
luairos.  Los  prominrs  bio^raplios  do  François  d'Assise.  I>a  vocation.  Los  prcmicni  disciplos. 
l''r.in(;ois  d'Assise  et  Innocent  IIL  Tran-formation  du  inonacliismc.  I..i'8  trois  ordreg.  l)ominic|uu 
ol  François  d'Assise.  François  chez  les  Sarrasins.  François  prédicateur  et  lroul)adour.  Commu- 
nion do  Fninçois  avec  la  nature.  Ixs  miracles.  Los  stigmates.  Les  derniers  jours.  Appendice  : 
Histoire  d'un  miracle 2  fr. 

97.  BERTV.  —  La  Uiînaissanci;  monumentale  en  France,  spécimen  de  composition  et  d'ornemen- 
tation arciiilecloniques  emprunlécs  aux  édifices  construits  depuis  lo  règne  do  Charles  VIII 
jusqu'à  celui  de  Louis  XIV,  par  Anoi.piii;  IIkhtv.  Livraisons  40  à  .'5(1  terminant  l'ouNrage. 
Grand  in-i"  de  4  planches  représentant  des  détails  des  cliAteaux  de  Cliambord  et  de  Bournazel, 
de  l'hôtel  d'Assezat  et  do  la  Maison  rue  Saint-Rome,  à  Toulouse.  Lo  texte,  do  môme  format, 
comprend  dos  notices  sur  les  cliAtoaux  de  Bourna/.el,  de  Colombier,  l'église  de  Tilloloy,  l'Iiôtel 
Vogiié,  à  Dijon,  une  maison  rue  des  Yergcaux,  à  Amiens,  les  orgues  et  h  clôture  du  chœur  de 
la  cathédrale  do  Rliodez,  et  enfin  les  litres  et  les  tables  des  deux  volumes.  L'ouvrage,  complet 
dans  ces  deux  volumes,  contient  cent  planches 90  fr. 

98.  BOCK.  —  I)i;n  K«onli;i'l;hteii  Kaisers  Fnii;i)nic:ii  Babbaiiossa.  (La  couronne  de  lumière 
de  l'eiiipereur  Frédéric  Barborous.so  dans  le  nionaslère  carlovingien  d'Aix-la-Cliapelle,  et  les 
couronnes  de  lumière  d'Ilildosheim  et  do  Comburg),  par  le  docteur  Fn.  Bock,  chanoine.  1  vo- 
lume grand  in-4°  de  56  pages  de  texte  avec  18  gravures  sur  bois,  contenant  16  planches  tirées 
avec  les  cuivres  gravés  originaux  de  la  Couronne  d'Aix-la-Chapello 27  fr.  50  c. 

99.  BOUDEVILLAIN.  —  Notice  topographique,  historique,  archéologique,  administrative  et 
statistique  sur  Ruan,  par  l'abbé  Boudevillain,  membre  de  la  Société  archéologique  du  Ven- 
domois.  In-S"  de  -47  pages.  —  Préface.  Étymologie  du  mot  Ruan.  Histoire  de  Ruan.  Tableau 
chronologique  des  faits  les  plus  importants  à  dater  de  1606.  Maires  de  Ruan  depuis  1790. 
Histoire  ecclésiastique.  Curés  de  Ruan  depuis  1666.  Château  de  la  Bullière.  Église  Saint-Lau- 
rent. Usages.  Statistique  religieuse.  Supplément 1  fr.  60  c. 

100.  BOURBON.  —  Introduction  aux  cérémonies  romaines  ou  notions  sur  le  matériel,  le  per- 
sonnel et  les  actions  liturgiques,  le  chant,  la  musique  et  la  sonnerie,  par  l'abbé  A.  Bourbon, 
chanoine  et  maître  des  cérémonies  de  la  cathédrale  de  Luron.  In-S»  de  xv-So8  pages.  — 
Première  partie,  matériel  liturgique  :  de  l'autel  et  du  tabernacle,  de  l'autel  en  lui-même, 
divers  sens  du  mot  «  autel  »,  de  la  décoration  de  l'autel,  du  tabernacle;  du  sanctuaire  et  du 
fhœur,  ce  qu'on  entend  par  sanctuaire  et  chœur;  position  respective  de  l'un  et  de  l'autre,  de 
leur  ameublement  en  général  et  on  particulier;  du  luminaire;  de  quelques  dispositions  maté- 
rielles de  l'église;  de  la  sacristie;  des  vases  sacrés  et  non  sacrés;  des  linges  d'église;  des 
vêlements  liturgiques.  —  Seconde  partie,  personnel  liturgique  :  du  clergé,  do  la  distinction 
do  divers  corps  dans  le  clergé,  des  laïques  suppléant  le  clergé,  du  peuple,  confréries.  —  Troi- 
sième partie  :  diverses  actions  liturgiques.  —  Quatrième  partie  :  chant,  musique  et  son- 
nerie      6  fr. 

loi.  Bulletin  des  travaux  de  la  société  historique  et  scientifique  de  Saint-Jean-d'Angély 
(Charente-Inférieure).  Première  année.  1863.  In-l"  de  ^16  pages.  —  Discours  divers.  La 
grosse  pierre  d'Antozanl  (légende  sainlongeoise),  par  Baril.  Manuscrit  du  doctc-ur  Olliveau. 
Notice  sur  la  fondation  de  l'hôpital  militaire  li'Anfrédi,  à  la  Rochelle,  par  le  docteur  Cardailhac. 


IJIBLIOGHAIMIIK   D'AKT   ET   D'ARCHÉOLOGIE.  193 

Compto  rendu  (Je  l;i  premit-re  excursion  de  la  Société  historique  et  scientifique  de  Saint-Jean- 
d'Angély,  par  Thémi;au  do  Uociiebruni; !  fr.  iô  c. 

102.  CAHIHR  ft  .M.MtTIN.  —  Suitk  aux  '<  .Mélanges  d'archéologie  »,  rédigés  ou  rocuciMis  par  les 
auteurs  des  «  Vitraux  de  Bourges,  »  les  R.  P.  Cahier  et  A.  .Martin,  de  la  Compagnie  de  Jésus, 
publiée  par  lu  R.  P.  Cii.  Cahier.  Première  série,  carrelages  ri  tissus.  Livraisons  I  a  4.  Grand 
in-4"  de  xii  pages  de  texte  et  de  20  planches  coloriées.  —  Celle  première  série  .«era  publiée 
on  deux  volumes  do  vingt-cinq  livraisons  chacun,  grand  in-i"  jésus.  Chaque  livraison  est 
composuo  de  cinq  planches  imprimées  en  bistro.  Il  en  parait  di-ux  par  mois.  Prix  de  ta 
livraison î  fr. 

103.  COHUIN.  —  La  Cathédrale  de  Bordeaux.  Ëtudu  historique  et  archéologique,  par  l'abbé 
CoBRiN,  pnMre  du  diocèse  do  Bordeaux.  [n-H  de  20s  pages.  —  Première  partie,  tablettes 
chronologique.;  ot  précis  de  monographie  du  corps  de  l'édifice  :  fondation  de  l'église  de 
Bordeaux  (année  62  de  l'ère  chrétienne),  consécration  de  l'édifice,  roman  du  xi*  sit'-cle,  travail 
des  XII'  et  xiii'  siècles,  stylos  divers,  travaux  des  siècles  suivants  jus(|u'au  xiV.  — Iteuxième 
partie,  les  ciiafietles  do  l'hémicyclo  :  Nolre-l)amo-du-Monl-Carmel,  rArinonciation.  Sainte- 
Marguerite,  Sîiinte-Anne,  Saint-Charles,  Saint-Joseph,  le  Sacré-Cœur,  exiérieur  de  l'abside, 
symbolisme  chrétien.  —  Notes  et  éclaircissements  :  sur  l'époque  de  l'apostolat  de  Sainl-.Marlial  ; 
sur  les  anciennes  lnisili(|ues  romanes  ou  latines;  sur  Saint-Léonce  II;  du  style  roman;  >ur 
l'ancienne  position  do  la  cathédrale,  xr  et  \ii'  siècles;  sur  le  nom  de  ramille  de  Clément  V:  sur 
les  orgues  de  Sainl-Andre.  Les  deux  bourdons  de  la  tour  de  Pey-Borli.nd  et  le  piédestal  de 
Nolrc-Damc-d'Ai|uilaine.  Prérogatives  de  ré;:liso  Saint-André *  fr.  .'iO  c. 

104.  COUSSE.MAKLR  (E.  de.  —  I.ks  IIaruonistes  des  xii'  et  xiir  siècles,  jwr  E.  de  (^tssE- 
MAKKR,  correspondant  do  l'Instilul.  ln-4°  de  li  |)agP8.  Extrait  do  la  noiice  publiée  dans  les 
«  Annales  Archéologiques  n,  où  ,M.  do  Cous>emaLer  a  révélé  l'exislence  et  le  nom  d'un  grand 
nombre  d'harmonistes  d'une  époque  (pi'on  avait  cru,  bien  ii  tort,  denuiv  d'harmonie  musi- 
cale. 

lO.'i.  COLSSEMAKHR  (E.  de).  —  Scriptohim  iIo  mus'icu  medii  œvi  novam  seriein  a  gerbertina 
alleram  colli'git  nuiieque  primum  edidil,  E.  de  Cousseuaker,  rorrespondani  de  l'Institut, 
membre  des  (Comités  historiques.  I'a.<cicules  I  il  i.  In-i°  ilo  80  pages  chacun,  de  texte  ot  do 
musi(|uo.  —  Le  volume  do  cotte  nouvelle  série  dos  n  Scriptores  »  contiendra  les  iruvres  dp 
Jérôme  de  .Moravie,  do  Jean  de  Garlando,  do  Erancon  de  t^ologne,  de  Pierre  Picard,  de 
Waitor  O.lingtun,  du  nomme  Arintulo,  de  Jean  Ualluce,  de  quatre  anonuiies;  les  commen- 
taires de  Robert  do  llandio,  de  John  llomlmys,  de  Jean  de  .Mûris.  C'o-t  un  ntiuveau  el  grand 
service  (|ue  .M.  de  Coussismakor  rond  aux  historiens  de  la  mu>iqui>  du  moyen  Ago.  —  Cluiquo 
fascicule 8  fr. 

(Ot;,   HAMAS  (dej.  —  En  Orient.  Voyage  nu  Sinaï,  pur  le  R.  P.  de  !V\\i\s.  In-lî  de  x\xv-3HI 
pages.  —  Marseille  et   la    Provence.   La    mer.    Les  deux  voies.  Malle.  .Vf'xandrio.   A   Ir.ner* 
rfigypte    Le  (laire.   b's  Pyramides.  Le  désert.    Ui  caravane.    L'Anibic  |H>ln'e.   I.»  ..m.'ni 
Suinlu-Culherine.  Lu  premier  Age  du  monde.   Le  mont  SinuY.   Enroro  lo  désori  i  > 
Voyngo  inlérossani,  mai»  oi'i  l'anocdote  remplace  trop  soiivonl  la  science j  (r. 

107.  DEI'OIRNY.  —   La  l.or  m;  Hi  ahmont.  t'.oiip  dœil  sur    ■ 
moyen  âge,   par  ral>be  |)i:Koi>nM  (Pieiihe  Utroinj,  cure  de  l>  \ 

do  l'Aciidémio  impériale  de  Rcim.i.  In-M"  do  17i>  pages  el  do  i  plnnrliM,  rvprd>«nliinl  le  pUn 
cavalier  do  llo.iuiiionl-on  Ar^oiiim  au  Xlir  siècle, 

do  lu   loi  de  lle.iuiiionl  (Tac -.m  m  du  de  l'ontète).  Inli  > 

XXiv. 


i(i/i  ANNAij;s    \i:(:ii(^:()|.(m;|(»i!rs. 

phio,  ('t|)fi(|iic  histuriquo,  ahliiiyo'i  de  .Mou/nn  nt  rlo  lioUul:  cliarlp  et  loi  ilo  Bcaiimont.  orcani- 
nnlion  do  lii  comiimiio  (l';i[)r<'s  cctU'  loi,  <*lal  des  |)f(rrOimi'«  «l  condition  d(w  If rr»-*  avant  \p* 
(•(iiiccs-iions  do  riiiclu'vi^qiic  (iiiillmiino,  c-oiistilulirtn  di-  la  proprlôto  suivant  la  luidi-  llcaiimont, 
iin|]6ls  oii  irdi'viiiiccs;  bicti-ùlrc  do  la  |)n|)uhitiiin  au  moyen  à};n,  liberté  cominorciali- ;  de  la 
IM'iuililr  des  lois  en  f^éiioral,  do  la  ju-tici-  envers  los  sci-rneurs;  cundilion  do  lafoinmo  sous  la 
loi  do  lioauninnl,  ciiarilé  ii  Doauinont,  maladrorio,  llôlol-Diou,  organisation  mililairo,  c-aracliTO 
reli;.'ieiix  de  hi  loi  de  ll(Nniinonl.  l'ièces  j usl i lira li vos.  Docuinonls  inédits  tirés  dos  notes 
inséré  s  |iar  les  lilul  lires  do  la  cure  do  Koauinont ."»  fr. 

\m.  DIsSMAZi;.  —  P.  Uamis.  prorosseur  au  Col!éf;o  do  Kr;inco:  sa  vie,  ses  écrits,  sa  mort  '«515- 
1o72j,  [)ai'  Cmaiilks  Uksmaïe,  jugo  d'iiislnu-lioii  au  Iriltunal  de  la  Seine,  ln-12  do  i:U  pages 
el  (lu  porlrail  ilo  Kanius.  —  Étal  de  la  ehrétionle  au  \n'  siècle,  Savonarole,  Ér.ismo.  Thomas 
.Moins,  iMélanclillion,  Luther,  la  rérormcen  .\llemagne  el  en  France,  premières  asseiiibléos  de  la 
réfornie  à  l'aris,  Kamus  marche  ii  la  suite  do  Luther  et  de  Calvin.  Kamus  nait  dans  le  [Mys  do 
(laKiii,  les  philosiiphos  du  moyen  àiic.  la  Renaissance,  les  novateurs  du  xvr  siècle,  études  de 
Kamus,  censure  des  livres  de  Lullir^r  par  la  Faculté  de  théologie,  enseignement  au  xvr  siècle, 
le  parlement  défend  les  cours  sur  In  sainte  Écriture,  les  Universités  de  France,  réformation 
lie  l'Université  de  Paris,  plans  et  travaux  do  llamus,  sa  nomination  au  Collège  de  France.  \>er- 
sécution  contre  les  héréliijues.  Itamus  visite  les  Universités  d'Allemagne,  mort  de  It^imus, 
appréciation  dos  historiens  sur  Kamus 2  fr. 

I(i!i.  l)i;V.\I.S  —  .'\loMiii(;()i  X,  par  Hicvals  aine,  membre  rorrespondant  de  l'Académie  des 
sciences,  inscriptions  et  belles-lettres  de  Toulouse.  In-8»  de  43  pages.  Montricoux  e.st  une 
petite  ville  du  département  de  Tarn-el-Garonnc,  située  sur  l'Aveyron.  M.  Devais  en  6iii  l'his- 
toire depuis  l'époque  romaine,  en  traversant  le  moyen  âge,  jusqu'à  nos  jours.  C'est  une  mono- 
gniphie  r.ipide,  mais  complète,  d'une  commune  où  des  événements  d'une  certaine  import;mco 
se  sont  passés.  La  charte  communale  d'alTranchi.ssemont,  déli\rée,  en  1277,  par  les  templiers 
auxquels  Moniricoux  appartenait,  est  certainement  des  plus  curieuses. 

1 10.  DIDUON.  —  IcoNor.nAPMiK  lic  l'Opéra.  |ar  IlinRON  aîné,  directeur  des  «  Annales  Archéo- 
logiques ».  In-8"  (le  .'iG  pages 2  fr.  73  c. 

1)1.  DU  CASSE.  —  IIiSTuini':  anecdoliipie  de  l'ancien  théâtre  en  Fiance:  'l'Iiéàtre-Français, 
Opéra,  Opéra-Comique,  Theàlre-Ilalien,  Vaudeville,  théâtres  forains,  etc.,  par  A.  Du  Casse. 
2  vol.  in-8"  de  3-52  et  386  pages.  — Origine  du  théâtre  en  Fiance,  les  deux  premières  périodes, 
de  1402  à  1388  :  théâtre  de  Saint- .Maur,  lettres  patentes  de  1102.  confrères  de  la  Passion, 
origine  du  droit  pour  les  hôpitaux  ,  pcr.sonnages  habituels  dis  mystères  et  dos  moralités, 
origine  du  prologue,  mystères  joués  dans  les  églises  au  xiir  siècle,  influence  sur  le 
théâtre  des  fêtes  données  ii  Isabeau  de  lîivière  en  1383.  —  Troisième  période  dramatique  de 
1.'i88  à  1G30  :  les  confrères  de  la  Passion  cèdent  leur  théâtre  de  l'hotel  de  Bourgogne,  établis- 
sement do  la  seconde  troupe  au  .Marais,  dill'érents  usages,  droits  d'autour,  l'art  dramatique 
pendant  les  trente  premières  années  du  xvii'  siècle.  Farces  et  turlupinades ,  de  1383  à  1634. 
Comédie-Françiiisc,  de  1600  à  1789.  — Quatrième  période  dramatique,  les  deux  Corneille,  de 
1630  à  1674.  Richelieu  et  ses  collaborateurs,  de  1636  à  1632.  Contemporains  de  Pierre  Cor- 
neille. Racine,  de  1666  h  1690,  contemporains  de  Racine,  de  Racine  à  Voltaire;  Voltaire,  de 
1718  à  1773.  Pendant  et  après  Yolt;iire,  depuis  1718.  La  Comédie  avant  Molière.  Molière,  de 
1620  à  1673.  Contemporains  de  Molière.  La  Comédie  après  Molière  (fin  du  règne  de  Louis  XIV). 
La  Comédie  sous  la  régence,  de  1713  à  1723.  La  Comédie  sous  Louis  XV  et  sous  Louis  XYL 
La  Comédie-Italienne.  Théàire-Italien  'depuis  1716).  — Les  2  volumes 10  fr. 


niBLIOMiAl'UlK  IVAIti   Kl    D'ARCHÉOLOGIE.  195 

i\î.  ULUANU.  —  La  Toscank.  Alhum  piilorosquc  et  arrhcologique  publié  d'après  les  dessins 
recueillis  sous  la  direction  du  prince  Anatolk  Dkuidoff,  en  4853,  par  Andhê  Ddiiand.  cor- 
respondant du  ministère  de  linstruction  publique  pour  Ici  travaux  lii-itori(]ueT,  el  lithographies 
par  l'auteur,  avec  la  collaboration  d'EuGÈNK  Cicébi.  Grand  iofolio  de  texte  cl  de  planches. 
Ce  qui  concerne  l'ik'  d'Ellx^  et  la  ville  de  Florence  e.'l  terminé.  L'ilc  d'Elbe,  18  pL,  54  fr. 
—  Florence,  I  i  planche^ 36  fr. 

II.'}.  FAGE  [de  laj.  —  HisToiiiE  centrale  do  la  musique  cl  do  la  dan?o,  par.VoBiEN  de  i.4 
1''a(;e.  Deux  volumes  in-S°  de  xvi,  614  et  ii9  pages.  Ces  deux  volumes  contienni-nl  Ihisloire 
de  la  musique  el  de  la  danse  chez  les  Chinois,  les  Indous,  les  Égyptiens  et  les  Hébreux.  De  La 
Fa^e.  mort  récemment,  n'a  pas  poussé  plus  loin  son  savant  oi  curieux  travail.  Il  aurait  certai- 
ncnuMit  appris  bien  des  p  irticuiarilés  sur  la  musique  et  la  d.mse  des  Grecs  et  des  Komains.  Il 
connaissait  mal  et  jugeait  défavorablement  la  musique  du  moyen  âge  que  M.  de  Coiissemakcr 
finiia  par  nous  dévoiler  complélomenl;  mais  mAme  encore,  sur  ce  terrain,  il  aurait  jeté  plus 
rrune  idée  nouvelle  el  apporté  plus  d'un  fait  intéressant.  La  mort  a  inlerronqm  cette  œuvre,  el 
l'on  ne  voit  pas  encore  qui  pourrait  la  continuer.  —  Ces  deux  volumes 10  fr. 

III.  FAUX.  —  MiELQUES  réflexions  sur  d'anciennes  monnaies  bretonnes  (d'après  la  •  Mythologie 
des  Druides  bretons  n  de  Daviks  ,  par  le  dociour  Faux,  médecin  do  1  ho,iiial  el  de  la  maison 
centrait'  du  Doullens.  In -8"  de  oi  pa^es  el  d'uni-  planche. 

<I3.  FAVE  DE  LIIOIMTAL  (de  la)  —  Description  archéologique  des  S;iintes-CI(apelle3  de 
l'Auvergne  (extrait  d'une  statistiqne  monumentale  inédite)  ,  pir  hb  la  Fave  i>  :  l'Hôpital. 
membre  de  la  Société  française  d'archéologie  |iuur  la  conser\ation  des  monuments  histo- 
riques. In-S"  de  iv-2i  pa;;rs.  —  Notice  préliminaire.  Sainti-t^hapcllo  de  Riom,  SLiinte-t^hapello 
d'Aigueperse,  Sainte-Chapelle  do  Vic-le-Comle. 

1 1  r«.  FliER.  —  l.i;s  IUines  de  Ninive.  ou  description  des  (lulais  détniiis  des  bor.ls  du  Tii^re,  sui- 
vie d'uno  description  du  nmsée  assyrien  du  Louvre,  par  II.  L.  Fekb.  ln-8*  de  vii-.ll9  ivig""*,  do 
6  planches  el  de  dessins  dans  le  lexto.  —  Iji  plaine  assyrienne  ,  destinée  do  Niiiixe,  accom- 
plissement dos  prophéties,  découverte  récente  des  ruines  de  Ninive,  description  générale  du 
pays,  exploration  do  Rich,  ses  résultats  généraux.  KhMrsid>a(l,  dé.  ou\ertrs  de  M.  Boita  :  pre- 
miers travaux  sur  le  Koyoundjek.  vue  el  descriplion  du  inonticnlo  de  Kh  irsidiail,  diVouverle 
d'un  palais,  dilTicultés,  activité  des  travaux,  transport  dos  antiquités  de  Khorsabad  jusqu'au 
Tigre,  leur  arrivée  en  Franco.  Nimroud,  découM-rtes  de  M.  l^uird  :  voyaijo  do  M.  Liyard  do 
.Mossoul  il  Niinrou  I.  lo  monticule,  la  di^no,  la  p\ramiilo,  preniiori's  sculptures,  fausses  tonil>o<i, 
tfilo  gigantesque,  premier  envoi  d'antiquités  assyriennes  en  Angleterre,  transport  du  taureau, 
fin  des  fonillos.  Ko\ouiidjok.  Kalah-t'liorgah,  Karanilés  :  oiic!>into  de  .Ninive  et  nutri-s  luralilés, 
imporlan<'o  do  Koyoundjok.  fonillos  di-  .M.  Liyard,  les  doux  p.il.iis,  la  st;ilno,  origine  et  signifl- 
calinn  du  mol  «  Al-Hadlir  ».  L*-s  palais  assyriens  :  nature  di<9  é<linces  découvort",  mode  do 
conslructiiin,  destination  des  divei-sos  parties  du  |mlais.   Décoration  «Km  |Kit'        -^  -  '- 

gieuses,  royales,  guerrières,  do  mivuis,  doch.i-ises  el  do  fo.slins.  —  On  peut  ■!  t 

et  intelligenl  ouvrage  l'sl  une  histoire  complète  de  l'nrl  assyrien  dans  l'étal  a 
naissances.  L'administration  des  musées  impériaux  prenant,  pour  n^diger  '■• 
quilés   us.<yricnnes,   grec<|uus  el  romaine.s,    un   temps  dont    nous  ne 
l.i  lin,   il  faut  romorcior  vivement  .M.  l'eer  ilo  nous  a. 
lo  ratalogiio  du   musée  assyrien  du  l.on\ro.  Il  scr'!>    >< 
coiiimo  M.  Foor,  en  ll.ssenl  autant  (mur  les  GriK'.s  e 

117.  ri'.VItE.  —  Di    i.«  rkstai  RATION  de  lu  musique  n-Iigieu^e.  I,<>lln' .>  M^l    J.  n«it<M-ni(  ei 


19f)  ANNALKS   AUCIII^OL()(;lOl'KS. 

V.  Duriii»,  tiiinislri'h  lit-  l<i  jiislico,  «les  ciillcs  pt  do  rinKlriii-lion  |iubliqu'>,  |»ar  l'aliU''  JviiTls 
l'i  viii:.  In-H"  (le  .U  [i;if,'cs I   fr. 

Hs,  l'ISori:!'.  —  lli^iiiiiiK  arcliéologiqiiu  cl  (Jcscripiivo  de  Nolro-Damu  de  Paris,  |>ar  II.  l-'i*- 
OUKT,  mt'tnliro  de  plusieurs  sociétés  savanles.  In-H"  de  i.xiv  partis.  —  Notion*  hislori(|ues.  — 
lixloriciir  de  l'église  :  orienliilion,  grand  porlail,  portail  scplenlrioiial ,  portail  méridional, 
tours  et  cloclii's,  airr;-l)oulanls  cl  galeries.  —  Intérieur  de  l'église  ;  orgue,  roses  et  \itraux, 
galeries  intérieures,  chaire,  pavé  de  l'église,  chœur  et  sanctuaire,  aigle  en  cuivre  doré,  niallre- 
autel,  clôture  du  chœur,  cha[iclles,  cryptes  du  chieur  et  tombeaux,  cénotaphe  d'filicnnc  Vvcr, 
sacristie,  trésor.  —  événements  divers  dont  la  cathédrale  a  été  le  théâtre,  de  l'an  !i8i  à  jan- 
vier I8G:J.  —  Liste  chronologique  des  évéques  el  archevêques  de  Paris,  HO  cvéqucs  et 
17  iir(lii'vé(|ues.  y  conq)ris  Mgr  D.irboy.  l'hapilre  luetropolitain  de  Notre-Dame  de  Paris      i  fr. 

H'J.  [''L'OIIS.  —  La  STiciiiconiiiioMii:,  peinture  nionumentale,  par  le  docteur  J.  N.  Fftils,  de 
.Munich,  traduite  do  l'allemand.  Fn-^"de7l  pages.  —  Introduction.  Application  spéciale  du 
verre  solid)le.  De  la  peinluie  inur.ile  ou  inonuiiiintaie  >ur  for;d  de  mortier.  Note  du  traduc- 
teur      î  fr. 

I  20.  (i.XLlI  Zl.N.  —  Inventaihe  des  meubles,  bijoux  et  livres  estant  ii  (Mienonceaux,  le  8  janvier 
Mnciii,  précédé  d'une  histoire  sommaire  de  la  vie  de  Louise  de  Lorraine,  reine  <le  France; 
suivi  d'une  notice  sur  le  château  de  C^henonccaux,  par  le  prince  Auguste  Galitzin.  In-8°  de 
yiv-TG  pages,  avec  un  portrait  de  Loui.se  de  Lorraine,  et  une  vue  du  château  do  Chenonceaux. 
l'apicr  vergé 8  fr. 

lit.  (iAI.ITZIN.  —  Les  riiioMi'Mi;s  faiclz  il  l'entrée  de  François  11  et  de  Marye  Stuart  au  chas- 
teau  (le  (^hcnoncoau.  le  dyinaiiclie,  dernier  jour  de  mars  mdmx,  précédés  d'une  introduction 
par  le  piinco  Alglste  Gai.itzi.n.  Iri-S"  de  viii-20  pages.  Papier  vergé i  fr.  oO  c. 

4>2.  GKUVEH.  —  Raphaël  el  l'aiiliquité,  par  V.  A.  GiiuvEn.  Deux  volumes  in-8°  de  460  et 
487  pages.  —  Introduction  :  l'anliquilô  dans  les  Catacombes,  le  moyen  âge  et  l'antiquité,  la 
Renaissance  et  l'antiquité.  Rapliaël  et  l'antiquité:  les  trois  Grâces,  le  marbre  antique  de 
Sienne,  le  dessin  et  le  tableau  de  RaphaiM;  R^iphaél  poursuit  ii  Florence  la  trace  de  l'antiquité, 
Raphnël  à  Rome,  la  Farnésinc,  le  Translevère  romain,  la  villa  d'Augustin  Chigi.  Le  triomphe 
de  Galatée  :  fable  de  Galatée,  la  fresque  de  Raphaël  el  les  monuments  antiques,  ce  que  vaut 
la  fresque  de  Raphaël  par  rapport  à  la  Renaissance.  Les  sibylles,  ii  Sainte- .Marie  de  la  Paix  : 
do  l'existence  des  sibylles,  description  de  la  frescjue  de  liaphnël,  l'art  païen  et  l'art  chré- 
tien en  présence  des  sibylles  de  Raphaël,  les  sibylles  de  Michel -.\nge,  le  prophète  Isafe 
il  l'église  de  Saint-Augu>tin,  les  prophètes  ii  Sainte-.Marie  de  la  Paix,  la  vision  d'Ézéchiel. 
Chiipelle  d'.Vugiislin  Chigi,  ii  Sainte-Marie  du  Peuple  :  les  planètes,  les  signes  du  zodiaque; 
dans  quelle  mesure  Raphaël,  dans  ses  pla  rir-.  s'est  iiis|)iré  de  l'antiquité.  Statue  du  prophète 
Jonas.  Travaux  de  R;i|ihaël  sur  Rome  antique.  Dessins  de  Raphaël  inspirés  par  l'antiquité  : 
décoration  de  la  chambre  de  bains  du  cardinal  Bibbiena.  fre.-ques  de  la  villa  Palatina,  fresques 
de  la  villa  de  Raphaël,  Psyché.  Appendice.  —  Los  deux  volumes 15  fr. 

123.  GUÉUIN.  — Notice  abrégée  sur  la  sainte  tunique  de  Notre-Seigncur  Jésus-Christ,  par 
L.  F.  GciiuiN,  membre  de  plusieurs  sociétés  savantes.  In-IS  de  108  pages.  —  De  diverses 
reliques  de  Noire-Scigneur  el  de  la  sainte  Vierge.  Lh  relique  que  possède  l'égli-se  d'Argenleuil 
est  une  relique  insigne,  lille  y  e.-l  vénérée  depuis  des  siècles.  La  sainte  tunique  a  élé  tissue 
par  Marie.  De  la  tradition  écrite  concernant  la  siiinle  tunique  d'Argenleuil.  Soin  des  premiers 
chrétiens  à  recueillir  les  reliques  du  Sauveur.  La  sainte  tunique  est  portée  dans  une  ville  de 
Galalie,  puis  ii  Zaphal  ou  JalVa  ;  au  vi'  siècle,  ii  Jerus^dcm;  en  Perse,  avec  la  vraie  croix,  en 


Hiin.iocr.M'iiii:  d'akt  ht  d'archéolocif..  197 

6<4;  elle  rsl  replacée  ii  Jérusalem,  en  6J7;  |)ortc'c  di'ux  fuis  à  ConsUinlinople,  d'où  elle  est  tirée 
pour  l'aire  oirerlo  ii  CliarIcma.L'ne  qui  l.i  donne,  en  800.  à  Tliéodrade,  sa  fille,  at^besse  du  monas- 
tère d'Ari,'cnt»uil.  Preuves  historiques  au  sujet  de  ce  don  do  Charicroagne.  Quelques  roots  sur 
le  monaslèred'Argenteuil.  —  Celle  notice,  vendue  au  profil  de  l'œuvre  d'.\r;;enteuil...     I  fr. 

124.  HACHETTE.  —  Uéponse  ii  .M.  Jkan.M.xck,  auteur  d'une  brochure  intitulée:  •  Conseils  pour 
l'étiiblissiTiient  de»  Bibliothèque»  comrrunales  >-.  par  L.  II.\<:ui-;ttk.  In- 8°  de  16  page?. 

125.  llisToiitK  anonyme  de  la  guerre  dos  Albigeois.  Nouvelle  étiition  publiée  p<jur  la  première 
fois  séparémenl,  rc\ue  et  corrigée  sur  l'édition  des  bénédictins,  sur  celle  lîc  M. du  MtcECt  sur 
le  manuscrit  de  Toulouse,  avec  un  glossaire,  des  fragments  de  langue  romane  et  une  intro- 
duction. ln-8"  d  ■  wxi-l  Î7  pages I   fr.  75  c. 

lit).  llUlZfc.  —  Étudk  sur  la  signification  des  noms  de  lieux  en  France,  par  A.  HoizÉ.  |n-8»  de 
I4U  pages.  —  Auleuil  :  nom  C('lli(]uc  composé  du  substantif  u  ait  s  (colline},  et  du  diminutif 
u  oil  »,  latinisé  par  Oilus;  formes  romanes  de  ce  diminutif.  Clianicloup  :  signification  du  mol 
u  chante  »  accolé  à  des  noms  d'animaux.  Èpernay  :  nom  composé  du  mot  armoricain  «  spcrn  ■ 
(épinej,  et  de  la  finale  collective  ■•  ce  »  répond.mt  au  mol  latin  i  spinelum  >.  au  mot  fr.mçais 
u  épinaic  »;  exemples  de  noms  celtiques  colleclils  avec  la  finale  •  ec  •>.  Slaneux  :  nom  composé 
rie  "  slane  ><,  forme  \allone  du  mol  armoricain  "  laim  "  (chêne),  et  du  sullixo  •  eux  »,  répon- 
dant h  la  finale  celtique  u  oil  o  et  au  collectif  latin  «  ctum  o,  ctc "<  fr 

127.  J.\(',(jri-;MIN.  —  .MoNOGnAPiiiK  du  théâtre  antique  d'.VrIcs,  jKir  Louis  J.\cqi  kmi.n.  U'ux 
\olnines  grand  in-8"  de  xi.iii-.il7  et  413  pages.  —  ,\  va  ni -propos,  tirigine  des  iheàtres  anti- 
ques. Construction  du  théâtre  do  Kacrhus  à  Athènes  par  Philon.  La  (terfecliun  des  lliédtrps 
amène  l'elle  du  dr.imc.  Antériorité  des  théâtres  en  pierre  de  Sicile  et  d'Étrurie  sur  ceux  du 
Pélo|>onéso.  Los  choréges  et  les  chorentes.  Oénio-lhenes  et  .Midias,  Division  de  la  comédie 
grecque.  Il  nous  reste  onze  comédies  d'ArislnpIiane.  Construction  des  deux  théâtres  d'I^pidaure 
et  de  Mégalopolis,  par  l'olvclèlo  et  Themistocle.  Piission  des  Athéniens  pour  !ik  npiésenta- 
lions  de  l.i  .scène.  Ischyle,  Sophocle  et  Euripide.  Caus<>s  prolables  de  la  su[i«'riorité  des  |M>èles 
dramali(|ue's  de  la  (ïrèce.  La  choragie.  Dispersion  des  grands  iicicurs  en  t:g)'ptp.  en  Sicile  et 
on  Asie.  Introduction  de  ta  danse  dans  les  specliiclcs.  État  préciire  des  histrions  il  Rome,  leurs 
privilèges  sous  Augii>le.  Ev|>ulsioii,  plusieurs  fois  renouvelée,  des  histrions.  Le  |>anlomimp 
Paris.  Indulgence  do  Néron  envers  les  histrions.  Ce  que  coûtent  &  Ves|M>ien  le*  jeux  de 
l'inaiiguralion  du  lhéi\tro  de  Marcellus,  restauré  par  ses  soins.  Réduction  du  .salaire  des 
acteurs.  Ivlé|)hants  jongleurs  ot  comédiens,  etc.  —  Ce  n'est  pas  .M'ulemcnt  la  savante  monogra- 
phie du  ihéilire  d'.VrIes,  c'est  encore  l'Iiisluire  complète  du  théâtre  aiitii)ue lî  fr. 

(ÏN.  J.\MESi)N.  —  Li':iiKMis  ok  tiii-:  Maoonna.  l-es  légeiules  do  lii  Vierge  rcpreMtntée*  par  Im 
beau\-arts,    p.ir  madame  Jwikson,    .'I*    édition,    l'n  volume  in-8°  de  ISO    ■  lo 

lli.'i  gravures  sur  bois  ilans  le  texte,  ot  île  Ï7  planches  sur  acier.  L'ouvrage  .  ..|j 

parties  :  1°  Introduction  historique,  t"  Sujets  do  dévotion,  rumpionant  le«  rx>prè>pnLitjuii5  do 
ht   Vierge  seiili»  ot  de  l,i  Viergo  avec  l'onfanl.  H*  Sujets  hi-  la 

Viergo,   depuis  sji   naiss.ince  jus<pr,i    son  niaringe;    depuis  nr 

d'fCgvpte;  depuis   le  lotoiir  d  lïgypio  jus(|u'uu  crucifleii.oni,    et  enfin  dopuiii  ki  i  n 

jusqu'à  r.\ssoinption. ...  ■  ,  i 

tt'i.   Kl.ll'l  TEI  .    --    Lis   I'ahvu.ks    u.e«sins.    ftliide  sur    U    i  ..no  du    »iu*  au 

XVI*    s.è.le.    pur   I>.    IIkmxi    Kneri'Ki.      iniires'ieui    irhistni^  \\..i,     (■<  s     .i.. 


108  A.WAi.Ks  Aii(;ii(';oi,o(;i(^UKS. 

\-J.)8  |);i(,'cs.  —  Ori^jinc  cl  ri>n»itltuliun  «les  paraifjrw  incx'iiig.  OrgiiiiiKation  (l(>  la  ri'publinui' 
ini'SsiiK-  sdtis  lis  pHnil^jtis  :  les  coiisflis  ot  les  iti<i;{iiitriilurc8.  fcliil  (!»iii(iini(|ue  «le  Jlclz  sous  lit* 
|):iriiij;('s  :  les  fiiiiiiici's,  riiiihislrii',  raj^i-iriilliirc,  lr  coiiimcrci'.  f;ial  iiionil  de  la  rf()iililii|ui« 
mcs-iinc  sons  les  (Kiniini-s  :  ;  s^-islaiice  |)iilili(|iic.  Ii6|iil.il.  l(''(inisiTic,  iiioiil-<Jp  |ii(-l<-,  l«  clergé  PI 
l'Klal.  Uillrcs,  st.'i(>ii)'(>s  ol  iirls.  f'^lal  iiilliUiiiK  (h:  la  r('|>ublii|iic  iiiitssiiio  sous  Ii-h  |iar.ii;;os  :  les 
sujets,  Mol/,  l't  rnmpirn.  Grandeur,  (Ire.iilenee  el  ruine  des  |iarai;,'es .'>  fr. 

l:i(i  Ki)illi;N.  —  Norici:  sur  les  cryiilos  de  l'ahliayo  .Sainl-Viclor-le/-Mar»eillo.  Précis  liislo- 
ri(|ue  et  deseripliori  do  ce^  soiilerrains,  par  Kotiikn.  Iii-8°  de  Mi-lll  pages,  avec  un  plan  île 
l'i'^'lise  intérieure  île  Saiiit-Victor-lcz-MMrseille,  et  o  fac-similés  frinscriptions.  —  Première 
p;irtie,  liisloiro  ;  cliapollo  Nutre-Danie-di.'-tÀiiifessiun,  les  nefs  voùtéi-s  furcnant  lo  reste  d^-  la 
crypte.  —  Deuxième  partie,  descriplion  :  grotte  S.iinte-.Madcleine,  cliupolle  Notre-Dame,  an- 
cien autel,  do  cpielqucs  usages  particuliers,  la  grande  crypte,  toinijeaiix  des  saints  lùiS4'-l)ie, 
Cassicn,  Y<.irn,  Clirysante  el  Darie;  cliapellcs  di\erses,  anciens  us<igcs.  —  Appendice  :  é|>ila- 
plies  des  l'isaiis  ot  de  WiH'reil,  ablié;  toinlioaux  du  pape  Urbain  V,  de  Julien  de  Médicis  el  de 
Poiis  de  Ulmo.  —  PiecesjusliPicatives  :  extrait  do  la  vie  do  saint  Vsarn,  privilèges  accordés  par 
Pierre  du  Lac,  légende  au  sujet  des  bougies  vertes,  mandeiiionl  de  Beisunce  en  I7J),  fonda- 
tion de  la  cliapelleiiie  Saiiil-Vicloi-,  cliapi.'ilenie  Sainl-Jean  ^Èvangeli^le  el  Saint-Jean-Bapliste. 
—  Nous  avons  enlin  une  bonne  monograpliio  de  CJtle  abbaye  si  importante 3  fr.  iiO  c. 

I.U.  I.AlM.,VNl!!  (de).  —  L'abhavu  de  Clairniarais,  d'après  ses  archives,  par  H.  de  Lapla.nb. 
ancien  député,  secrétaire  général  de  la  Société  impériale  des  Antiquaires  de  la  Morinie. 
Premier  volume.  In-8"  de  i.vii-il.'î  pages  avec  16  planches  représentant  des  vues  diverses  de 
l'église  et  do  l'aljbayc  do  Clairmarais,  les  portraits  des  cliàlelains  de  Saint-Omer,  le  plan  lopo- 
graphiquo  de  la  foret  de  (Clairmarais,  la  salle  abbatiale  du  refuge,  les  anciens  châteaux  de 
Blaidwurg  et  de  Maiilrayanl  au  xv  siècle,  et  la  vue  générale  de  l'ancienne  abbaye  et  de 
l'église  paroissiale  de  Blandecques.  — Première  partie  :  Fondation  de  l'abbaje  (1128,,  faits 
qui  s'y  rallachenl,  l'égliso,  les  bàtijnenis,  leurs  dépendances,  dét;iils.  —  Deuxième  partie: 
Vie  et  travaux  des  moines  do  Clairmarais,  leur  règle,  leur  utilité,  leur  nombre,  leur  suppres- 
sion, liste  ononi^istiquo  et  chronologique  des  abbés  ot  des  prieurs  claustraux.  —  Appendice  : 
l'n  mot  sur  les  anciennes  abbayes  cisterciennes  dépendantes  de  Clairmarais  dans  la  circonscrip- 
tion du  diocèse  de  Sainl-Omer  :  Blandecipies.  Wœstine,  Uavensberg,  Beaupré;  bibliothèque 
de  Clairmarais,  ancien  cal  iloguo  de  ses  manuscrits,  d'après  doiii  Berlin  de  Vissery,  religieux 
de  ce  iiionaslèro.  Pièces  justificatives.  —  Le  deuxième  volume  paraîtra  prochainement.  Le 
premier  volume 10  fr. 

i:i2.  La  RovALLic  kntbkk  dv  Roy  et  de  la  Uoyne,  en  la  ville  de  Chartres,  avec  les  magnificences 
et  cérémonies  qui  s'y  sont  observées  le  joudy  26  septembre  (1619).  ln-12,  sur  papier  azuré, 
de  10  pages.  Reimpression  remarquable  laite  par  .M.  Garnier  de  Chartres.  Ce  roi  est  Louis  XIII 

et  cotte  reine  Anne  d'.Xulriche. 

133.  LATOU.  -^  Vie  m;  saint  Satubnin,  disciple  de  saint  Pierre,  premier  évoque  de  Toulouse 
el  m.-irtyr.  Précédée  d'une  dissertation  sur  son  apostolat  au  premier  siècle,  par  l'abbé  Maxime 
l.vTou,  prêtre  du  diocèse  de  Toulouse.  In-S»  de  314  pages.  —  Avant-propos  :  Exposilion  his- 
lorique  de  la  question  et  division  de  la  dissertation.  —  Première  partie,  opinion  qui  fait  venir 
saint  Saturnin  ;i  Toulouse  au  1"  siècle  :  le  christianisme  a  été  prêché  dans  les  Gaules  au 
1''  siècle,  par  des  évèques  disciples  des  apôtres,  chargés  de  fonder  des  églises  el  d'ériger  des 
sièges  épiscopaux;  saint  Saturnin,  premier  evèque  de  Toulouse,  fut  envoyé  dans  cette  ville 
par  saint  Pierre;  acies  anciens  qui  lo  prouvent  élancions  livres  liturgiques  de  "Toulouse  qui 


BIBLIOGliM'HIK  D'AHT   Kl    D'AHCHÉOLOGIE.  199 

le  iloiiionrent.  —  Ueuxicme  |>ailie,  réfulalion  de  l'opinion  qui  fait  venir  saint  Saturnin  au 
111'  siècle  :  auloriU's  sur  lesquelles  on  appuie  celle  opinion,  les  actes  préleodus  sincères  de 
saint  SHliirnin  ne  prouvent  pas  qu'il  ?oil  venu  au  iir  siècle,  lénioignasies  imposants  et  conlrairps 
h  ces  actes  sur  l'èlat  du  clirisllanisme  dans  les  Gaules  au  iii«  siècle,  valeur  de  Grè^'oire  de  Tours 
comme  liistorien.  —  Troisième  partie  :  vie  de  saint  Saturnin,  pn-mier  év&|ue  d.-  Toulouse. 
et  son  apostolijt.  —  Appendice 

1.34.  L.\UR.\r;.  —  (Jii.vKAi.oGiE  des  comtes  de  Toulouse,  ducs  de  Narbonne,  marquis  de  l'r^jvrnce, 
avec  leurs  portraits  tirés  d'un  manuscrit  roman;  nouvelle  éjlition  conforme  il  celle  de 
.M.  G.  G.\TEL,  conseiller  du  roi  en  sa  cour  du  Parlement,  avec  un  prologue,  par  Jean-Geoiiges 
I.Mim  .  ln-8"  de  lO  papes  et  dn  10  pi  inches  représentant  les  comtes  de  Toulouse.     3  fr.  50  c. 

13;).  I,A\  IGli.  —  REvtK  des  musées  d'Espagne,  ou  catalogue  détaillé  et  raisonne  des  peiniucvs 
et  scul|)lurcs  exposées  dans  les  galeries  publiques  et  parliiulières  et  dans  lis  églises,  pnvédé 
d'un  examen  sommaire  des  monuments  les  plus  remarquables,  par  A.  Lavicu.  In-lî  de 
viii-.'}l2  pages.  —  Introduction.  Barcelone,  Burgos,  Grenade.  Madrid,  .Malaga,  Saragitssc, 
Ségovie,  Séville,  Tolède,  Valence  et  Valladolid.  Description  complète  des  monnmenLs  civils  et 
religieux,  des  écoles  de  dessin  et  musées,  des  sculptures  antiques  et  modernes  et  des  peintures 
de  CCS  différentes  villes j  fp 

^^^fl.  I.KGAV.  —  Le  Guide  du  voyageur  au  Mans  et  dans  le  département  do  la  Sarttie,  contenant 
la  carte  du  département,  .sa  division  administrative,  la  de>cription  et  l'histoire  abrégée  des 
monuments  de  la  ville  du  M.iiis,  un  précis  liistorique  sur  les  concnunes  du  dé(i;irlemenl  de  la 
Sartlie,  avec  l'indication  de  la  population,  de  la  distance  de  chaque  commune  au  Man.*.  des 
cliAleaux  et  maisons  remarquicblos,  des  particularités  qui  s'y  rattachent  et  des  noms  de  l.-urs 
propriétaires,  etc.,  par  F.  Leu.w.  In-IO  de  i9i)  pages  et  cl'unv.'  carte «  fr. 

i:iT.  I.F.  Hol.  —  Cl  iiiosiTÉs  historiques  sur  Louis  XIII,  Louis  XIV,  Louis  XV,  .M*»*  de  Mainte- 
non,  M""  do  l'ompiidour.  M""  Du  Barry,  etc.,  par  i.  A.  Le  IIoi,  conservateur  de  la  Bibliothè- 
que do  Versaiiles;  précéilées  d'une  introduction   par  Tli.  Livallée.  lti-8"  de  xxiii-377  |Mgcs. 

—  Introduction.  Le  cliAleau  de  Vers;iilles  sous  Louis  .Mil  el  1 1  Journée  iles  Dupes  (Ifi*7-I6.10j. 
!.ii  naissance  du  duc  de  Bourgogne  (KiSS).  Mort  de  l.ouvnis  'IfiOl  .  L'apiwrteinont  de  M"*  de 
.Maintcnon  (IfiSii-ITI.'i;  L'ancienne  maclime  do  .Marly  ou  Do  Ville  et  Ronnequin,  Pièces  justi- 
ficatives. Détails  inédits  sur  la  mort  do  Louis  XIV  [ITIô,.  Relevé  des  depeiis<>s  de  M""  do 
Pompadotir.  Le  l'arc  aux  cerfs.soiis  Louis  .XV  (l7'>o-l77l  ;.  .M""  Du  Barry    1768-1793).  Notes. 

—  Livre  des  plus  instructifs,  qui  relevé  bien  des  erreurs  historiques  ri  révèle  bien  des  faitâ 
inconnus g  fp 

I:i8.  I.IiUOy.  —  NoTicK  sur  les  anti(|uilés  g.illo-romnines  du  la  place  Notre-Dame  de  Melun, 
par  G.  Lkroy.  In-S"  do  10  pages  et  ï  planches,  dont  un  plan  de  lu  place  Notre-Dame  de  Melun. 

—  Tiié.i  cent  itxemphiires  sur  papier  vergé. 

iiW.  I.ONliPfiRIKR  (de).  —  Le  Misée  Napoléon  III.  Archilwtun',  s<-ul|>ture,  ornenionUlioii. 

Terri's  cuiles  el  marbres  de  l'ex-collection  Caui-an t.  lient  idinchi-s  d'.i;         '  '    '          '    '  .- 

grnphiipiesdel,,  Laffon,  lilhophologruphieeset  imprimées  |Mr  Li:tii:ni:ii  ■.< 
introduction  et  de  tables  explicatives,  par  A.  de  LoMii<i:niER,  ntembre  '        i 

leur  di'S  antiques  et  de  la  sculpture  moderne  des  Musées  imperi.iux.  l.i....  ,    m.iiio 

in-folio  do  II)  planches.  Aucune  livniison  no  se  vend  se|)iir«'menl ,  ch.icune.  5  fr. 


140.  LONlil'KM.VR  (|)K).  —  Coueii:  m  miu  do  i|uelqur<>  eiplornlioii»  nrrliMogiqur*  eTik-uté<« 


200  ANNM.Ks  Aii{:iir;(n.ri(;ioi  Ks. 

par  M.  tU'  Gi;nnks,  pn-sidcnl  di-  lu  SociéUi  dui  aiili(|uiiiri'S  (Jo  l'OuPHt,  pl  MM.  Rhouii.i.kt  et  «le 
I.dNi.i  i:M.\n,  |)nr  Li;  Toizii  m-;  Lo.nouimaii.  ln-8"  de  II  p.'iKf*  ot  «luiii-  pi.ini'lii-. .     »  fr.  2".  r 

II!  MANNOl'ItV.  -  1)1  cDMTi':  irMciii.'oii.  d'où  il  di-pnnduil,  et  (|Ufll!)  princO'i  i'onC  [K>»s<'dé. 
|i;fi  M.  Man.noiiiv,  iivociil  du  ruy  au  liaillia^n  d'Alunçon  pour  la  vicomlé  d'Argcnlan  cl 
illAiiii-s,  public  par  Ohwki.le-Diisii.is,  arcliivisli;  du  doparlcuiriit  dn  l'Orne,  il'aprù»  In  ina- 
iiuscril  dcponi- diiiis  les  areijivcs  de  la  prefccluro.  In-S"  de  1 1  2  pa^es.  —  Du  cuintc  d'Aleuron. 
d'où  il  di'p(Midoit,  et  quels  princes  l'ont  possédé.  De  la  li},'ne  masculine  dos  princes  de  Uel- 
losine.  (Jucllcs  choses  dépendoieiil  du  comté  fl'Alonçon  lors<pie  la  donation  en  fui  faite  a 
Pliilippe-Auf;usle.  l'ar  (picis  inoieiis  ont  clé  joints  au  duché  d'Alençon  les  terres  cl  vicomie/. 
i|iii  en  d('penilent.  Scij^neurs  d'.Mençon,  olc 3  fr. 

112.  MKCJH  (i>i).  —  Al»  iiÉoi.odiK  pyrénéenne.  Anliipiités  n-li^'ieuses,  historiques,  militaires, 
artistiques,  domestiques  et  sépulcrales,  d'une  imrlion  de  la  Narbonaise  et  de  l'Aquitaine,  celle 
dernière  province  nommée  plus  lard  Novompopiilaiiie,  ou  monuments  authentiques  de  l'his- 
toire du  sud-ouest  de  la  Franco,  depuis  les  plus  anciennes  époques  jusqu'au  commencement 
du  xiii"  siècle,  par  l'eu  ALiiXANuiii;  du  .Mbce  (do  La  llaye;,  membre  de  plusieurs  .--ociétés 
savantes.  Tome  III,  (leu.\ièmo  partie,  fin  des  monuinenls  mytliolugiqucs.  In-S"  de  207  pages  de 
texte  et  d'un  allas  j^ivind  in-folio  (livraisons  (i  vl'i)  de  14  planches.  —  Monuments  en  pierres 
brutes,  roliouvés  dans  la  Narijonaise  cl  dans  rAijuitaino  ;  peulvans,  inenliirs,  pierres  iiran- 
lanlcs,  i;romleclis;  dessins  des  monuinenls  élevés  à  des  déités  crues  gauloises  ou  ibériennes; 
aulcls,  monuinenls  consiicrés  aux  divinités  topii|ues  et  aux  montagnes;  élé\ations  en  terres 
rapportées  (|ue  l'on  a  cru  être  des  images  des  montagnes  adorées  par  les  anciens  peuples; 
culte  des  arbres,  des  dieux  grecs  et  romains  dans  la  première  Narbonai.se  et  dans  l'Aquitaine; 
culte  et  monuinenls  de  Jupiter  et  de  Junon,  de  Bacchiis,  d'Apollon,  de  Mars,  de  .Mercure,  etc. 
—  Celle  deuxième  partie  du  tome  m  et  l'allas  (liv.  (i  ei  7),  18  fr.  L'ouvrage  com(>let.     84  fr. 

■143.  Mi':moiri;s  cl  docuiiicnls  publiés  par  la  Société  savoisienne  d'histoire  et  d'archéologie.  Tome 
septième.  1863.  In-S"  de  xi.iv-479  pages  et  de  3  planches.  —  Notice  his!orique  sur  l'église  de 
Saint-Léger,  à  Chambéry,  par  PiinniN  ANnnÉ.  Documents  inédits  relatifs  à  la  Savoie,  6'  dé- 
cade, extraits  de  diverses  archives  de  Turin,  el  publiés  par  .\uguste  Dufour.  Les  constitu- 
tions du  cardinal  Louis  II  de  Gorievod,  évèque  de  Maurienne  et  prince  (loOfi).  Étude  hislo- 
rique,  par  EtcÈNi:  BifiiMi;n.  Notice  historique  sur  le  prieuré  de  Bellevaux  en  Chablais,  sur  la 
rdialion  de  l'abbaye  d'Ainay  et  sur  la  commune  de  ce  nom  (Haute-Savoie),  par  Melleville 
Glover.  Documents  inédits  relatifs  à  la  Savoie,  7"=  décade,  publiés  par  .A.  Difol'h.  La  crue 
des  gages  des  gendarmes,  épisode  do  l'histoire  de  la  Savoie,  sous  le  icgnc  de  Henri  H  (lo.^O), 
documents  extraits  des  archives  de  la  ville  de  Sallanches,  par  .V.  Bo.nnefoy.  Les  Antonins  de 
Chambéry,  glanes  hisloriques,  par  FnANtois  li  vbct.  — Co  septième  volume 5  fr.  iiO 

144.  MÉMoini:s  de  la  Société  d'agriculture,  commerce,  sciences  el  arts  dn  département  de  la 
Marne.  .\nnée  1803.  In-8"  de  231  pages.  — Discours  sur  l'applicalion  du  sy>téme  de  culture 
de  M.  Daniki.  lIooiunicNK.  par  le  doetour  Douin.  Description  géologique  du  déparlemenl  de  la 
Marne,  par  Duoi :i:t.  Slatislique  du  déparlenieni  do  la  Marne,  par  Moiien,  Faune  du  dépar- 
lemenl de  la  Marne,  par  le  docleiir  Salle.  Poésie  par  M.  CiiARBONMEn. 

I4-).  MÉ.X.VIID.  —  ItAi'eoiiT  sur  les  tra\aux  de  la  Société  des  antiquaires  de  l'Ouest  pendant 
l'année  I8G3,  par  .Mknard,  secrétaire.  In-18  de  12  pages.  Cette  Société  des  antiquaires  de 
rOuesl  est  l'une  dos  plus  savantes  el  des  plus  actives  de  la  France. 

14i;.  NOËL.  —  l'Lis  DE  Jubé  !  Réponses  aux  derniers  anicles  de  M.  Alibkrt,  par  l'abbé  Noël, 
chanoine,   vicaire-général  de   llodez.   In-S"  de  34  pages.  M.  Noël  s'obstine  à  demander   la 


BIKLIOGRAPHIE   D'AIlT   ET   D'ARCHÉOLOGIE.  201 

supprci^sion  ou  le  déplacemeat,  ce  qui  revipnt  à  peo  prés  au  môme,  de  l'iniéressant  jubé  de 
Rodez. 

117.  l'II.oT.  —  Notice  sur  l'église  de  Saint-Laurent  de  Grenoble,  par  J.-J.-A.  Pilot.  ln-16  de 
206  pn^'cs.  —  Ancienneté  de  l'église  de  Saint-Liurenl.  Crypte,  chœur  de  l'église.  Prieuré  de 
Saint-Luirent,  son  étal,  ses  dîmes  et  ses  revenus:  droits  seigneuriiiux,  donations  faites  à 
l'église  et  au  prieuré.  Cliapitre  de  Saint-Paul,  restauration  de  la  crjpte,  ancien  ban  du  \in  du 
prieuré,  confrérin  de  Saint-Laurent.  Cour  du  cloître,  salle  capilulaire,  chapelle  df  Sainl- 
Nicolns,  appelée  au-si  chapelle  des  Pénitents.  Cloches,  anciens  cimetières,  anciennes  chapelles, 
vitraux,  tombeaux  gallo-romains.  Reliques  do  saint  Laurent  et  de  quelques  autres  martyrs. 
Anciennes  pièces  relatives  à  l'église  de  Saint-Laurent  de  Grenoble t  fr. 

148.  PuDLicATio.NS  do  la  Société  d'archéologie  dans  le  duché  de  Limbourg.  Tome  I"  I86i. 
Première  livrai.son.  In-8°  de  96  pages  et  d'une  planche  représentant  des  fragments  de  vases 
trouvés  à  VVittem.  —  Description  des  fragments  de  vases  trouvés  ii  Witleni,  parJ.  V*x  oeb 
Maelkn.  Rechcicho-i  sur  Atuulucaet  (.loriovulluin,  par  Jos.  Rissel.  KxlrjiLs  d'anciens  registres 
de  renies  et  do  biens  «le  l'église  de  Saint-Servais  ,'i  .Maestricht,  par  Alexandre  Schaepkbns. 
Chronijk  von  Maastricht  en  Omslrcken,  par  Jos.  IIabbts.  Variétés  et  nouvelles. 

140.  RAGl'T.  —  (',  MiTii.Aini:  de  Saint-Vincent  de  Mdcon,  connusousie  nomde  ■  livre  enclialné», 
publié  sdus  les  auspices  et  aux  frais  de  l'iicadéinie  de  MAron,  |>;ir  M.  C.  Raci't.  l'un  de  ses 
membres,  et  archiviste  du  département  de  Saône-ct-l.oire.  fn-l°  de  cccxviii-is8  pages.  —  Six 
cent  trente-trois  chartes  du  viirau  xiii*  siècle  composent  co  <  Carlul.iirc  ».  Elles  sont  rolatites 
aux  donations,  échanges,  acquisitions  faites  par  h-  chapitre  de  Siiint-Vincenl,  aux  tran.<iiclions 
entre  les  chanoines  et  les  soigneurs  du  voisinage,  à  leurs  droits  respoitifs  aux  contt•^talions 
qui  s'élevaient  entre  eux  et  ces  soigneurs,  aux  services  et  redevances  dos  diverses  églises  i  la 
cathédrale.  Dans  leur  suite,  elles  offrent  la  nomenclature  des  comtes  et  évalues  de  MAcon,  et 
d(!  précieux  renseignements  sur  l'histoire  particulière  du  MiWonnais,  de  la  Bavso  chalunnaise, 
des  départements  da  l'Ain,  du  Jura,  et  d'autres  lieux  voisins  du  .MAconnais 47  fr. 

t'>i).  KAIH'T.  —  |)ii:iii>NNAinK  des  fiefs  du  Cliarollais  et  du  .MAconnais  ou  nobiliaire  do  ces 
contrées,  sui\i  de  la  table  généalogique  des  familles  et  do  l'Armoriai,  publie  sou<  les  auspices 
de  l'iicadéinie  des  sciences  de  MAron,  par  C.  Uvgit,  iiivhi\isle  du  déparle(nenl  de  S,ione-«t- 
Loiro,  membre  do  l'académie  do  Dijon.  Un  volume  orné  de  blasons SO  fr. 

r>l.  ltf''.\tMI..  —  Notice  sur  la  chapelle  do  Saint-Gabriel,  près  Tarascon,  [uir  Hknbv  R^voiu, 
architecte  du  gouvernement,  ln-8"  de  M  pagi>s.  Notice  écrite  p.ir  un  nrchilecle-ar\"lie<ilogue  et 
(|ui  se  reeoininande  par  ce  double  mérite. 

loi.  ROIlIvRT.  —  .\ge  présumablo  des  monuments  celtiques,  étjibli  d'après  des  monuments  do 
môme  niilure,  dont  il  est  principalement  fait  mention  dans  In  Itible,  fuisiinl  suite  i>  •  l'Inlcrpn^. 
tatioii  iialiin>lle  des  pierres  et  des  os  travaillés  par  les  habilaiils  prin   -  '     '       :     ' 
docteur  K.  Iliuii  nr.  Iii-H"  de  J4  pages.  —  Avant-pro|H).s.  (^iir.iclére  - 

pierre  d'nrigino  colti(pio  et  liébratipie.  .Menhirs,  cromlechs,  dolmens,   tu  rou- 

vertes, galgals.  Couteaux  de  pierro,  haches  celtiques,  chênes  druidiqui>s.  M.i.  iii.ii->  m-  .m-rt*. 

15:1.   ROSSIGNOL.  —  Monoorai'MIKs  conununnles  ou  éliiile    '  '    ' '' •  ■ -'  ■■ 

taie  du  ilépartemenl   ilu    Tarn,    p.ir    Ki.ie   Rossiunoi. . 
d'archéologie,  membre  de  plusieurs  sociétés  saMiiile>.  \'t< 

d'une  Ciirtndu  canlcui  do  (Uidalen.  De*  planches  represeni ,, 

de  l'église  di<  i!adalen,  lu  reli(|uairo  de  l'égliso  de  l.jdH-.'vMere ,  |  lavurm  »ur  boisswnl 

\M\.  2l» 


202  ANNM.rS    AnCllI^Ol.Or.IQUES. 

(liHSériiifK^ps  (liiris  lo  loxlo.  —  C.onsidrriilions  ^;<'Mirnil(s  sur  li*  (l('>|Kirli>nii-iit  «lu  Tarn,  a|M'n;u 
liJ8(oi'ii|iic  l'I  ({(!n;{ni|iliii|ii(*.  Arrun(llssi>incnt  de  (iuilliic,  ainloii  dt-  l^ilalcii,  a|K<ri,'ii  lil!i(orii|u<]. 
Communes  do  Cndalon,  de  Técou,  do  Liibcssiùre-Candeil,  doii  Uniiggcg,  d'Au^Mc,  do  Fénol»  ot 
do  ['lorcnlin.  Iiii|)(irlatico  rclalivo  dos  r.omimiiios,  mesures  anciennes,  docuiiieiiLs.  Histoire  de 
l'ai^hayo  de  Camloil  ,  do  l'ordre  do  CKoaux,  au  diorow!  d'Allii  ;  rondaiion  (xir  siècle;,  jinvi- 
lé;;es,  faits  aoconiplis  dans  le  Lin-çuodoc  depuis  lo  xir  siècle  jus<|u'à  l'an  1790,  biens  et  revenu-i, 
haute  et  basse  justice  oxorcoo  par  les  aljbés  do  tlandeil  :  documoiits.  —  Cotte  première  partie 
se  composera  do  quatre  volmiies  cpii  cotnprondroril  les  cantons  de  Cordes,  de  Vaour,  de  (^»- 
loln;iu-(lc-Monlmiral,  do  Salvagnac,  do  Itabasten-;  ol  do  Lislo.  —  Cliaque  volume     7  fr.  .'iO  c. 

154.  KOrAlU).  —  l'iiAN(.ois  I"  chez  M""  do  Hoisy.  Notii'c  d'un  recueil  de  crayons  ou  portraits 
aux  crayons  do  (uiilour,  enrichi  par  le  roi  François  l"  de  \ers  et  de  devises  inodiles.  apparte- 
nant à  la  bibliollièquo  Mojanes,  d'Aix,  par  M.  RouAim,  bibliothécaire,  correspondant  du  mi- 
nistère de  l'inslruclion  publique,  ln-4»  de  vii-86  pages  avec  12  portraits  choisis,  lithographies 
on  fac-similé.  Extrait  d'un  «  Kecueil  ».  —  Ce  remarquable  volume  sort  des  presses  de  Perrin, 
do  Lvon.  L'origine  et  l'exécution  de  ces  portraits  remontent  aux  années  Ibl5-1324,  premières 
du  règne  (lo  Trançois  !'■'.  M.  Kouard  est  l'un  des  plus  siivants  bibliolhocaires  de  France,  et 
l'un  des  plus  heureux  dans  ses  docouvcrl^'S  1 1  ses  publications.  Ce  nouvel  ouvrage  apprend 
beaucoup  do  faits  curieux  sur  cette  curieuse  époque  de  la  renaissance l'j  fr. 

loi).  SUCILMX.  —  (iAi.KHiE  biographique  du  déparlement  do  la  Haute-Saône,  par  L.  SuciiAfx, 
membre  do  plusieurs  sociétés  savantes.  In-8"  fie  xxiv-424  pages. —  Ce  volume  contient  quatre 
cent  vingt-sept  notiies,  dont  deux  cent  quarante  inédites,  classées  par  catégories  de  dignités, 
de  fondions  ou  do  professions:  ministres,  ambassadeurs,  pairs  de  France,  sénateurs,  députés, 
membres  du  clergé  régulier  ou  séculier,  magistrats,  jurisconsultes,  savants,  ingénieurs,  ar- 
tistes, agronomes,  historiens,  publicistos,  professeurs,  littérateurs,  médecins,  chirurgiens,  vété- 
rinaires, militaires.  —  Journées  remarquables  de  la  Révolution  française  (de  1789  à  1804). 
Table  chronologique  do  nos  diverses  assemblées  nationales  ou  législatives  depuis  1780.     8  fr. 

156.  TAIlBft.  — CoLLixTioN  dos  pointes  de  Champagne,  antérieurs  au  xvr  siècle.  Romanckro 
do  Champagne,  par  I'rospi:r  Tardé.  Cinq  volumes  \n-8°  de  350  pages  environ  chacun.  — 
Premier  volume,  chants  religieux  :  oraisons,  les  patrons  de  la  Champagne,  les  noëls  de  la 
Champagne.  —  Deuxième  volume,  chants  populaires  :  Champagne  et  Champenois,  chansons 
d'us  et  coutumes,  mariés  et  mal  mariés,  récits  et  légendes,  (louretles  de  Jouvence,  chansons 
de  métiers,  études  zoologiques,  vendanges  et  chansons.  —  Troisième  volume,  chants  légen- 
daires et  historiques  (420-1550)  :  fondation  de  Reims  après  le  déluge,  fondation  de  Reims  par 
les  partisans  de  Honnis,  Troye  et  Reims,  légende  do  la  reine  Ursii,  légendes  des  SS.  Gorgon  et 
Nicaise.  chansons  sur  la  guerre  des  barons  contre  le  comte  de  Champagne  (1228-1230).  et 
sur  la  sixième  croisade,  etc.  — Quatrième  ot  cinquième  volumes,  chants  historiques  'IboO- 
1829)  :  Sacre  de  Henri  H  (1547),  léchant  des  calvinistes  au  sacre  de  Charles  l\  ;io6l), 
huguenots  et  catholiques  en  Champagne  (1570-1590  .  —  Les  cinq  volumes 40  fr. 

157.  TÛURN.\L.  —  Catalogue  du  Musée  de  Narbonno,  et  noies  historiques  sur  cette  \illc,  par 
Tournai.,  correspondant  du  niinislèrc  de  l'instruction  publique,  secrétaire  de  la  Commission 
archéologique.  In-8"  do  xxvi-202  pages.  —  Notico  sur  le  musée  et  le  palais  des  archevêques. 
Considérations  générales  sur  la  période  anté-historique.  .Monuments  anlé-historiques  et  cel- 
tiques. Vases  étrusques  et  grecs.  Antiquités  grecques  et  égyptiennes.  Épigrapliie  :  inscriptions 
antiques,  romaines,  chrétiennes  des  premiers  siècles,  visigothes,  hébra'fques,  du  moyen  âge  et 
modernes,  conqilomonlairos.  Kpoque  romaine  :  vasi's  funéraires,  en  terre-cuite  rouge  et  de 
divers  genres,  lampes,  marques  de  fabrique,  objets  en  verre,  mosa'iques,  figurines,  bas-reliefs. 


BlHlJOiiliAl'Ilir.   D'Alii   ET   D'ARCHÉOLOGIE.  203 

busU's,  slatues,  fragmonls  fi'architeclure.  É[)o<|up  chréiienne  :  tombeaux  des  premiers  siècles, 
bas-reliefs  mérovingiens,  chapiteaux  roman»,  gothiques  et  de  la  renaissance,  sculptures 
diverses,  sceaux,  émaux,  objets  divers  de  la  Gn  du  xiv  siècle  jusqu'à  réfto<|ue  moderne,  céra- 
mique moderne.  Tableaux  :  écoles  française,  espagnole,  italienne,  flainandc  et  hollandaise, 
dessins  originaux,  gra\  ures.  Plâtres  moulés  sur  l'antique,  médaillier,  collections  diverses,  notes. 

—  M.  Tournai  a  le  droit  d'être  fier  do  »?  musée  dont  il  est  réellement  le  créateur.  Son  cata- 
logue est  celui  d'un  propriétaire  qui  sait  la  provenance  et  l'importance  de  chaque  objet.  Quand 
ce  propriétaire  est  un  savant  comme  .M.  Tournul,  on  est.  sur  d'iivoir  un  catalogue  qui  est  un 
modèle  et  qui  s'élève  à  l'importance  d'une  histoire 3  fr. 

1o8.  TOl'HNECR.  —  Description  historique  et  archéologique  de  Notre-Daiije  de  lleims.  |iar 
l'alibij  \ .  TofR.Mitn,  archipriMre  de  Sedan,  membre  du  Comité  archéologique  de  l'arrondis-sc- 
ment  di'  Itoims.  In-t8  de  60  pages  et  d'une  planche.  —  Notions  historiques:  cathédrale  de 
Saint-Sixic,  de  Bétause,  de  Saint-.Nicaise,  d'Eblxjn  et  Ilincmar;  cathédrale  actuelle;  incendie 
de  1841,  réparations.  Villard  de  llonnecourt,  Libergier,  Robert  de  Coucy.  Descripliun,  no- 
tions générales  :  caractères  généraux,  plan,  orientation,  appareils,  slatues,  dimensions,  soli- 
dité. Rxtérieur  :  le  parvis,  le  portail,  ensemble,  profxjrtions,  rez-de-chaussée;  porches  central, 
do  gauche  et  do  droite;  premier  étage,  grande  rosace;  deuxième  étage,  a  Gloria  »,  les  tours. 
Pourtour  de  l'église,  transepts  du  nord  et  du  sud,  abside,  arcades  latérales,  etc.  Intérieur,  des- 
cription générale  et  complète I  fr. 

t59.  TOYTOT  (dk).  —  Lks  A^ts  et  les  peintures  céramiqu(ts,  par  Kbxest  i>e  Tovtot.  ln-8'  de 
40  pages.  Origine  des  arts  céramiciues.  L'art  italien.  Kaïences  de  l'.ilissy,  laïence?  de  Henri  IL 
Les  origines  de  la  raïencc  française,  découverte  et  commencement  de  l'industrie  céramique  à 
Nevers.  Les  classifications  de  l'art.  —  Première  époque  :  tradition  italienne  de  1600  à  1660. 

—  Deuxième  époque  :  goût  persan  cle  lfi:t(i  à  1700;  goilt  chinois  et  ja|ionais  de  1630  à  1750; 
goiit  franco-nivi-rniiis  de  I6'»0  à  1780.  —  Troisième  époque  :  tradition  de  Rouen,  I70il  ii  1789; 
tradition  de  Moustiers,  1730  ii  )78'J.  —  Quatrième  époque  :  goût  de  S.ixc,  1770  u  I7H9.  — 
Cinquième  époque:  décadence  de  l'art,  de  178'J  jusqu'à  nos  jours.  La  rcnais-^ince. 

160.  \.\LMV  ni;).  —  l.i:  Passk  ict  i.'Avimii  m-;  i.'.\m;iiiTKCTiHK,  piir  le  duc  de  Valjii.  ln-8* 
do  18'.)  pages.  —  Do  l'impuissance  de  larchilecturo  coiileiiqioraine.  Les  lyp-s  du  beau.  I.es 
types  de  convention.  Les  types  de  la  renaissjince.  Résumé  et  conclusion.  t-Atrail  du  rap|Hirt  de 
M.  lo  surintendant  des  beaux-arts.  Ëtymologie  ou  explication  de  quelques  termes  aiïeclés  |«r- 
tirulièrement  à  l'arcliiteclure.  —  Le  pas-é  et  l'iivenir  de  l'architeclun»  est  la  plus  lielle  question 
d'art  qui  puisse  se  pu>er  aujourd'hui.  Amant  passionne  de  l'architecluR'  grecque,  .M.  le  duc 
do  Valiny  ne  reconnnlt  do  beau  dans  lu  passé  ol  n'admettra  comme  be.iu  dans  l'avenir  que  l'art 
original  de  Phidias  ou  l'art  de  Palladio,  qui  en  est  la  bouture.  Pour  lui,  l'an  i  ^n 

de  vices  et  l'art  ogi\al  plein  de  dè^iuts  que  teuiperi'iit  assez,   mal  (pielque^  .-. 

•M.  Il-  duc  de  Valmy  appelle  pour  la  Knince  un  stylo  original,  et  il  mot  uuo  médaille  do  4,500  fr. 
au  concours  entri"  les  architectes  c|ui  \c)u<lraient  roiinulor  un  code  d'.in'hitiviure  et  inventer 
un  si)  lo  nouveau.  Mais,  comme  .M.  Ie<luc  de  Valmy  decl,iivi|ue  l'art  grec  est  l'alplui  et  roin<kga 
du  beau,  il  n'y  a  plus  rien  à  trouver;  il  s'agit  seulement  d'appliquer  ce  qui  esiitle.  Ce 
concours  sciait  jti^é  (xir  r.Vcadémie  des  beau\-nrls,  |K)ur  In  consoler  vi 
perdu  ileniièreiiienl  s.i  pernicieu.s»»  iiilluence  sur  les  jeunes  elcxcMl'' If  ■  t>le  I 
et  l'humeur  nous  manquent  pour  discuter  avec  M.  le  duc  de  Valmy  • 

ipi'il  nviince  et  ses  projets  de  reforme.  Celte  ilisciissinn  seniii   ■■  ■  .iiuni-    ..u  i  ..us 

sommes  aux  deux  pôles  cohtrnire-',  et  la  reiiconlr»'  n'i«sl  |>a«  i  *.  si  nousfdi««ms 

(les  réserves  de  tiiiile  espèce  sur  les  idi'vs  de  M.  le  duc  de  \iiliiiy,  nuu.o  n'en  f.iiM>ns  «ucunr 
sur  lo  st\le  de  son  livre  :  il  serait  dithcile  cl..  i....i>,..  .1..-  ..i.. in-    .l..ff..-  ..|  une  dicliuu 


204  ANNALKS  Anr.ni?oi,or,ior KS. 

|ilii>)  rraiu-.li(t  ol  [iliis  lini|iiiJr.  Il  csl  rc^icHLililu  (|ui-  iJcs  qu;iliie->  illl'^■<l  rcfllis  quo  raros  soient 
inlsi>s  iiii  sorvIcR  (J'iiin)  cau^e  (jui  nous  |)arjlt  iiiuuviiiM?,  ul  ilulinitivr-muiil  |>iTduu 3  fr. 

■Itil.  \  lALI.I-:!'.  —  Ai'i-:(n;u  sur  los  Anibons  ou  los  Juhr'-s.  do  leur  origino,  ilolour  dmlinatlundans 
la  lilursic  callioliquo;  —  une  mnssc  de  Nolil  auv  \iii'.  xiv,  xv  cl  \\\'  siècles;  —  «slalial»  de 
la  crt't'lie;  —  ('(joiiui;  (U- Ipuc  décadence,  par  L.  Viai.i.et,  ineinhre  de  la  Socii-U'- des  leilre*, 
sciences  cl  arls  de  l'Aveyron.  In-H"  do  iH  pages.  —  M.  le  dDcIcur  Viallel  dom.mdo  la  eonser- 
valion  du  jubé  do  Uodoz,  (|u'on  xeul  absolument  enlever.  Nous  e.«|)érons  cependant  que 
M.  Viiill(4  ot  ses  nomliroux  adliéronls  finiront  par  l'emporter  sur  les  Tanatiques  de  la  destruc- 
tion, qui  sont  aussi  nombreux  et  poul-étro  encore  plus  |iulssants. 

Wtî.  VIALIdir.  —  lioi  iMKMs  |i(.iir  servir  ii  l'iilsloire  des  hôpitaux  cl  des  institutions  cliari- 
ritables,  exislanlou  ayant  existé  en  Rouergue,  en  I7!)0,  par  le  docteur  L.  Viallkt,  membre 
de  la  Société  française  d'arcbéologie.  In-8"  de  16  pages.  Belle  question,  dont  il  faudrait  faire 
au  moins  un  gros  volume  pour  le  Rouergue  seul. 

16:î.  VniîT.  —  fviLDKs  sur  l'Iiistoirc  de  l'art,  par  L.  Vitet,  membre  de  l'Académie  française. 
Quatre  volumes  In-IS.  ensemble  x\viii-n)20  pages.  —  Première  série,  antiquité,  Grèce, 
Rome,  Bas-Empire  :  Pindarc  et  l'art  grec,  les  marbres  d'Eleusis,  tiouvelles  fouilles  a  Eleusis, 
projet  d'un  nouveau  musée  de  sculpture  grecque,  .Mhènes  du  xv  au  wii'  siècle,  la  collection 
Campana,  monuments  antiques  de  la  ville  <rOrange,  les  mosaïques  chrétiennes  de  Rome,  l'ar- 
chitectiiro  byzantine  en  France.  —  Deuxième  série,  moyen-âge  :  N'otre-Damc  de  Noyon,  l'ar- 
chitecture chrétienne  en  Judée,  l'architecture  du  moyen-âge  en  Angleterre,  l'architeclure 
lombarde,  l'église  S;iint-Cuuiherl  ;i  Cologne,  les  monuments  historiques  du  nord -ouest  de  la 
France,  le  Musée  do  l'bôtol  de  Cluny,  l'orfèvrerie  r.'ligieuse  au  moyen-âge,  l'art  et  l'archéologie, 
M.  (Charles  Lenormant.  —  Troisième  série,  temps  modernes,  la  peinture  en  Italie,  en  France 
et  aux  Pays-Bas  :  Raphaël  ii  Florence,  Fusiache  Lnsueur,  les  peintres  flamands  et  hollandais, 
J.-L.  David,  Paul  Delaroche,  Ary  Schedor,  la  chapelle  des  Saints-.\nges  par  Eugène  Delacroix; 
peintures  murales,  peintures  de  Saint-Vincent-de-Paul  et  de  l'Hôtel-de-Ville.  —  Quatrième  et 
dernière  série,  temps  modernes,  arts  divers,  musique  religieuse,  musique  dramatique  :  De  la 
théorie  des  jardins,  des  nielles  et  de  l'origine  de  la  gravure  en  taille-douce,  les  arls  et  les 
artistes  en  France  au  xvr  siècle.  Essai  sur  les  anciennes  notations  musicales  de  l'Europe, 
histoire  de  l'Iiarmonie  au  moyen-âge,  de  la  musique  théâtrale  en  France,  de  l'harmonie  pra- 
tique et  de  l'harmonie  scientifique,  la  musique  mise  à  la  portée  de  tout  le  monde,  Rossini  et 
l'avenir  de  la  musique.  —  Les  quatre  volumes  ou  séries 12  fr. 

4  64.  VOGÙft  (de).  —  Lk  Ti:.mpi.u  de  Jkius.m.km.  Monographie  du  Ilaram-Ech-Chérif,  suivi 
d'un  essai  sur  la  topographie  de  la  Ville- Siiinte,  parle  comte  Mklchior  de  Voglé,  membre  de  la 
Société  impériale  des  antiquaires  do  France  et  de  plusieurs  autres  sociétés  savantes.  Livraisons 
1  et  2,  in-folio  de  .32  pages  de  texte,  orné  de  gravures  sur  bois  et  de  16  planches,  dont  o  colo- 
riées, qui  représentent  des  détails  de  la  mosquée  d'Omar,  des  vitraux  du  xvi«  siècle,  le  plan  de 
la  mosquée  el  Aksa,  etc.  —  Sommaire  de  ces  deux  premières  livraisons  :  Description  géné- 
rale du  Ilaram-Ecli-Chérif.  murs  d'enceintes,  portes,  substruclions,  histoire  du  temple,  des- 
cription de  l'ancien  temple.  —  «  Le  Temple  do  Jérusalem  »  comprendra  quarante  planches 
in-folio,  avec  texte,  gravées  par  les  meilleurs  artistes.  Les  vitraux,  les  mosafques,  les  faïences, 
seront  reproduits  on  couleurs.  L'ouvrage  sera  complet  en  cinq  livraisons.  Aucune  livraison  ne 
se  vend  séparément.  —  Prix 100  fr. 


PAR  : 


/ffiiiiu  ftitr  ti  ffinitt  . 


KIVF.K  ET  PHINTRMPS,  DF.WX    VKNTS,  SIX  PHKHIKUS    MOIS 


1.1 


raM.  /wr  <a;rfi«  .-.I.  /*,-  X* //.viiimfw  .'■'/P*"/*^/^ 


MOSAioii:  i)i:  soru 


St  ITE  '. 


Les  mosaïques  formant  le  pavage  des  bas  côtes  icpréscnlent  des  médail- 
lons circulaires  traces  par  des  lignes  qui  se  croisent  et  s'entrelacent  sur 
deux  rangées  parallèles.  (Iliaque  médaillon  est  occupé  par  une  plante, 
par  1111  animal,  ou  par  le  buste  d'une  figure  liumaine.  Les  vides  ou  inter- 
valles qui  séparent  les  médaillons  sont  remplis  par  des  ornements  de  fantai- 
sie, noirs  et  rouges.  Le  tout  est  encadré  dans  une  double  bordure  composée 
d'une  torsade  que  flanque  une  ligne  crénelée,  noire  et  rouge.  Je  vais  pas- 
ser en  revue  chaque  médaillon,  en  commençant  par  le  bas  côté  gauche 
de  l'église,  celui  qui  devait  être  au  nord.  Les  deux  premiers  contiennent 
chacun  une  brebis  marchant,  face  h.  face;  puis  viennent  deux  poissons,  deux 
coqs,  deux  chèvres,  deux  autres  poissons  et  deux  chiens.  Les  médaillons  qui 
suivent  contiennent  des  figures  humaines  représentant  une  partie  des  mois, 
des  saisons  il  des  vents.  Je  reviendrai  sur  ces  ligures,  parce  qu'elles  deman- 
dent à  être  examinées  à  part;  je  continue  donc.  Au-dessus,  se  voient  deux 
quadrupèdes  noirs  détériorés  (chiens  ou  chats-tigres?),  deux  poissons,  deux 
boucs  ou  chèvres,  deux  coqs,  encore  deux  poissons,  puis  deux  béliers.  Tous 
ces  animaux  sont  affrontés;  ils  marchent  <>u  s'avaiicciil  l'un  vers  l'autre.  I^s 
poissons  nagent  comme  s'ils  étaient  dans  leur  élément. 

La  seconde  nef  latérale  (bas  côté  méridional)  est  complètement  ctjuvcrti' 
par  la  mosaïque,  sans  que  l'on  puisse  distinguer  s'il  y  avait  près  du  sanctuaire 
un  endroit  réservé  pour  le  «  diaconicon  »  jilacé  ordinairement  en  cet  endroit. 
On  peut  supposer  (juc  le  diaconicon  occupait  smilemcnt ,  dans  cette  petite 
églisi'.  rabsidiolc  iii(!i(|iii'e  sur  le  plan  général,  relevé  d'aprè-s  le  dessin  do 

t.  Voir  l(<s  u  Annules  Arcliiiologinuos  »,  vol.  xmii.  p.  J78;  vol.  sxiv,  p.  S. 

XXIV.  27 


200  ANNAi.iis  Aiif:iii;oi,or;ioL'KS. 

M.  Tlioliois,  aiT.liiloctc  allacliô  h  la  mission  de  M.  Renan.  Ce  plan  a  éli;  piibli<î 
dans  le  voluiiiu  WIIl  des  ((  Annales  Arcliéojogiqnes  ».  pa<?c  27H.  Quoi  (ju'il 
en  soit,  les  figures  de  ce  côlé,  pareilles  ou  analogues  h.  celles  du  roté  sep- 
Icnlrional,  sont,  en  commençant  par  le  haut  :  deux  poissons,  deux  faisans, 
deux  larges  feuilles  trilobées,  deux  (5I(5pIianls.  deux  |)oissons,  deux  oies,  deux 
grenades,  encore  deux  oies  et  deux  grenades  ;  puis  les  bustes  des  autres  mois. 
saisons  et  vents;  puis  enfin,  deux  poissons,  deux  éléphants,  deux  couples  de 
plantes  altacliées  ensemble,  deux  faisans,  deux  poissons  et  deux  béliers.  Il 
faut  noter  que  les  coqs  du  côté  nord  sont  remplacés,  au  sud,  par  des  faisans, 
et  ([III'  ce  côté  sud  a  non-seulement  des  éléphants  et  des  oies  qui  manquent  au 
nord,  mais  encore  des  feuilles,  des  fruits  et  des  légumes  qui  ne  se  trouvent 
que  là.  Le  côté  nord  ne  présente  que  des  animaux  et  des  bustes  humains. 

Tous  ces  animaux  des  bas  côtés,  sans  être  très-remarquables  sous  le  rap- 
port du  dessin,  sont  exactement  faits  ;  si  le  pavé  était  intact,  on  les  reconnaî- 
trait facilement  à  la  première  vue  et  sans  hésiter.  Mes  connaissances  en  his- 
toire naturelle  sont  trop  i)ornées  pour  que  je  puisse  faire  à  leur  endroit  aucune 
remarque  sur  les  races  et  les  espèces  ;  je  ne  saurais  même  désigner  les  pois- 
sons par  leur  nom  particulier.  Je  ferai  seulement  observer  que  ceux-ci  ont 
tous  cl  peu  près  la  même  forme  ;  je  n'ai  remarqué  de  dilTérence  que  dans  la 
couleur,  les  uns  étant  rougeàtres  et  les  autres  blanchâtres.  On  peut  en  voir 
de  pareils  sur  une  mosaïque  découverte  à  Constantine  et  transportée  au  Lou- 
vre ;  magnifique  tableau  d'une  belle  conservation,  représentant  le  triomphe 
de  Neptune  et  d'Amphitrite. 

Tous  ces  animaux  sont  en  repos,  ou,  du  moins,  aucun  ne  court.  Tous  sont  vus 
de  profil  et  tous  se  regardent.  Sous  ce  rapport,  on  peut  comparer  la  mosaïque 
de  Sour  avec  celle  de  l'église  de  D'jemilah,  découverte  en  Algérie,  où  l'on  voit 
des  quadrupèdes  (gazelles,  cerfs,  brebis,  bœufs,  etc.),  et  des  bipèdes  (faisans, 
paons,  colombes,  etc.),  debout  et  de  profil  dans  des  médaillons  circulaires 
entourés  d'ornements.  Ce  motif  se  répète  dans  les  trois  nefs  de  l'église, 
en  sorte  que  le  pavé  de  cette  basilique,  dont  la  fondation  peut  remonter  au 
quatrième  siècle,  présente  plus  d'uniformité  que  celui  de  l'église  de  Sour, 
comme  aussi  il  paraît  être  d'une  ornementation  généralement  plus  riche,  bien 
que  d'un  très-beau  style  ^. 

Je  reviens  aux  médaillons  contenant  des  figures  humaines  en  buste,  genre 
d'ornement  très-fréquemment  employé  [)ar  les  Grecs  de  l'antiquité  et  ceux  du 


1.  M.  Albert  Lenoir  a  publié  un  fragment  de  ce  pavé  dans  le  premier  volume  de  !'«  Architec- 
ture monastique  »,  p.  245. 


MOSAIOLE   DE  SOLR.  207 

Bas-Empire.  A  ce  sujet  je  rappellerai,  en  passant,  la  belle  mosaïque  d'Italica. 
près  Cadix,  où  les  bustes  des  Muses  sont  mêlés  avec  des  animaux,  des 
courses  en  char,  des  groupes  de  personnages,  etc.  Les  bustes  du  pave  que 
nous  étudions  représentent  la  personnification  des  douze  mois  de  l'année,  des 
quatre  saisons  et  des  quatre  principaux  vents;  j'examine  d'abord  les  mois. 

Les  inscriptions  qui  accompagnent  les  mois  nous  apprennent  que  ce  sont 
ceux  du  calendrier  macédonien  introduit  en  Asie  lors  des  conquêtes  d'A- 
lexandre. 

Ces  mois  s'appellent  et  s'écrivent  ainsi  : 

iïo;.  —  'Kr.iùalai.  —  AOôvivaïo;.  —  ïlEfiTio;.  —  AOot(>o;.  —  SxiOixo;.  —  'Apn|iivio;.  —  Aoioto;  ou 
iéaio;.  —  nàve|io;.  —  Aûo;.  —  l'opitiaïo;.  —  'l'TiEfïîîraïo;. 

Le  mosaïste  n'a  pas  tracé  ces  noms  a\  ec  une  jiarfaite  exactitude.  On  verra. 
en  comparant  la  liste  que  je  viens  de  donner  avec  les  gravures  ci-jointes, 
qu'il  a  commis  des  fautes  d'orthographe  aux  deuxième,  troisième,  onzième  et 
douzième  mois,  dont  il  a  écrit  les  noms  comme  il  les  prononçait.  11  faut  remar- 
quer aussi  que  le  cinquième  mois  (A-Jcrpoç)  a  perdu  son  nom,  c|ui  a  été  brisé. 
M.  Alfred  Maury  iiidi(|ue,  dans  son  petit  travail  sur  les  calendriers  de  l'anti- 
quité'.  un  autre  calendrier  pareil  h.  celui  dit  Macédonien;  c'est  l'KpIiésien.et  il 
ajoute  ([uc  le  premier  jour  du  j^rcmier  mois  (aîo;)  correspondait  au  2'|  sep- 
tembre. L'année  commençait  donc  vers  l'équinoxe  d'automne  ;  aujourd'hui 
encore,  les  Grecs  ont  conservé  l'usage  très-ancien  de  commencer  l'année 
ecclésiastique  au  premier  septembre.  Le  calendrier  syro-macédonien ,  qui 
figure  éguloiiient  parmi  ceux  pulilit's  par  M.  Main-y.  désigne  h's  mois  par  les 
mômes  noms  que  les  calendriers  dont  je  viens  de  parler;  il  diflère  cependant 
de  ceux-ci,  en  ce  que  »  Hyperberelicus  »  s'y  trouve  le  premier  mois.  Or,  il 
n'y  a  rien  de  syriaque  dans  notre  mosaïque,  môme  sur  ce  point,  cl  llvpcrhe- 
rclaius,  place  ù  la  lin  de  l'année,  rappelle  ce  proverbe  dos  (irecs,  dont  parle 
Suidas,  où  l'on  doime  le  nom  de  ce  dernier  mois  ji  ceux  (lui  agissent  trop  tard. 

Ne  disoiis-uDUs  pas  aussi,  en  parlant  de  quelqu'un  en  relard,  «  il  arrive 
comme  saint  Silvcslrc  >i.  parce  que  nous  faison>^  mcnuiire  de  ce  saint  le  dernier 
jour  de  l'année? 

Toutes  les  figures  des  mois  de  notre  pavé  se  ressemblent,  ou  n'ont  cnlro 
elles  (juc  de  légères  difi'érences.  Je  ne  distingue  rien  (|ui  les  caractérise  au 
poini  de  vue  des  saisons  dans  les(juclles  ils  se  Irouvcnl.  Si  le  troisième  (.Vudy- 
neus)  a  la  tôle  envelnppéo  et  semble  faire  presscni'i-  mi.'  t.iuii.'r.iiinv  fioiil,- 

I.  "  Aiinimiro  do  In  Société  iK's  aiUi(]uain<!)  »  pour  t8.1l. 


208  ANNALES  AnCHfiOI.OGIQUES. 

ou  pluvieuse ,  je  ne  vois  pas  que  ceux  qui  devaient  figurer  des  mois  plus 
cliauds  aient  inic  [jjiysiononiie  plus  riante.  l'urietli  {«  Do  nuisivis  ")  raconte 
avoir  vu  à  Honic,  ou  aux  environs,  une  lij;tne  du  mois  do  juin,  provenant  d'un 
pavé  en  mosaïque  ol  fiKurée  sous  les  traits  d'un  jeune  homme  à  la  fleur  de 
l'âge  ;  mais  ici  on  |)oiii  rail  in  diiv  aiitaiil  di;  pres(|ue  toutes  les  têtes  des  mois. 
car  elles  sont  jeunes  el,  à  l'cvceplion  do  ilctix,  louips  imberbes;  toutes,  liors 
une  seule,  ont  la  tête  iiuo.  Il  y  a  beaucoup  do  jeunesse,  do  vie,  de  calme  cl 
mC'mc  de  gaieté  dans  ces  ligures  des  mois,  f.e  sou!  AYATNr.o^,  mois  d'Iiivcr. 
osl  triste,  morose,  maigre,  assez  rorlomont  barbu  et  coiiïé  d'un  chaud  capu- 
chon. 

Les  saisons  commencenl  par  l'Hiver,  XEIMEPIINH,  placé  sans  doute  avec 
intention  après  le  troisième  mois,  qui  doit  correspondre  à  cette  division  du 
temps.  Les  ancnons  figm'aieiil  f|uolqucfois  l'hiver  sous  les  traits  de  l'roserpine, 
tenant  un  Ihyrso.  1/iiivor,  (juc  nous  voyons  ici,  peut  passer  pour  une  femme  : 
elle  a  la  lèlc  enveloppée  comme  pour  se  prémunir  contre  le  froid  ;  elle  tient 
un  objet  qui  ressemble  à  un  long  vase,  à  une  espèce  de  fiole.  L'idée  attachée 
à  cet  attribut  m'échappe  '. 

Le  Printemps,  akimnii  pour  r.AlMNH,  vient  ensuite  tout  naturellement  ;  il 
tient  une  corbeille  de  Heurs,  attribut  qui  n'a  pas  besoin  d'explication.  Il  porto 
une  couronne  qui  doit  être  également  de  fleurs. 

L'Été  a  son  nom  détérioré  ;  il  en  reste  assez  cependant  pour  restituer 
0EPINH.  Ce  mot  et  le  précédent  n'étaient  peut-être  pas  employés  par  les  bons 
écrivains,  mais  ils  se  trouvent  dans  Cosmas.  Des  espèces  de  cornes,  des  épis, 
sans  doute,  sortent  du  front  de  cette  jeune  Céros  ailée. 

L'Automne  se  disait  ordinairement  Ml'.TOniîPON.  Ici,  la  figure  qui  repré- 
sente cette  saison  est  désignée  par  le  mot  megoiip.  finissant  avec  une  abré- 
viation, sans  que  l'on  puisse  savoir  si  la  désinence  est  en  H  comme  aux  autres 
mois.  Le  thêta,  mis  à  la  place  du  tau.  permettrait-il  de  voir  le  mot  MÉ0Y. 
(jui  rappellerait  les  vendanges  faites  en  cette  saison  ? 

Les  quatre  figures  des  saisons  sont  jeunes,  imberbes  et  ailées.  L'Eté  et  l'Au- 
tomne se  distinguent  par  des  ornements  dans  les  cheveux  et  aux  oreilles.  Les 
ornements  des  cheveux  doivent  être,  comme  nous  venons  de  le  dire,  des  épis 
pour  l'Été,  et  peuvent  être  des  pampres  pour  l'Automne.  Le  Printemps  porte 

1.  En  janvier,  en  plein  liiver,  le  Verseau  tient  une  «amphore  »  pour  désij^ner  la  saison  des 
pluies,  la  saison  aqueuse.  Ce  Janvier,  au  moyen  âge,  est  ordinairement  figuré  par  un  Janus,  un 
liomme  à  double  tùte,  qui  boit  et  mange  assis  à  table  près  d'un  bon  feu.  Ainsi  donc,  que  cette 
amphore  de  la  mosaïque  de  Sour  contienne  de  l'eau  ou  du  vin,  il  semble  que  cet  attribut  est  bien 
lelui  qui  convient  à  l'hiver.  {.Xole  de  M.  Didron.) 


PAR  UUHiON   A  l'ARIS 


) 


MOSMl^UJil  ID]B1  S©TOi.--i.j.\G-CDTE  SUD 

ETE  ET  AUTOMNE .  DEUX   VENTS  .   SIX  DERNIERS  MOIS 


/iif/ir'  f,lr  /A\Avw.  ;■,',  mr  .t'.' fXlniiiii^H.    .f.'t-'''^iUl 


mosaïque  de  SOUR.  209 

une  couronne  de  fleurs,  tandis  que  l'hiver  est  coiffé  d'un  chaud  capuchon.  Il 
n'y  a  donc  aucun  doute  sur  le  sens  particulier  de  ces  divers  attributs. 

Les  Vents  sont  représentes  à  moitié  nus;  leur  épaule  droite  est  seule  cou- 
verte d'un  manteau.  Ils  ont  sur  la  tète  deux  petites  ailes,  attribut  de  la 
vitesse,  et,  de  leur  bouche,  sort  un  souffle  rapide  comme  un  trait.  Mais. 
caractère  de  l'art  antique,  ce  souille  ne  leur  fait  pas  gonfler  les  joues,  afin  que 
leur  visage  ne  soit  |)as  déforme.  Au  nombre  de  quatre,  ces  vents  sont  désignés 
et  orthographiés  comme  il  suif  : 

NQTOC  —  niiAi'KrAr,  —  bopeac  —  iiiPOQC. 

Nolos,  le  vent  du  midi;  Borée,  lovent  du  nord;  Eurus,  de  l'est;  tous  trois  sont 
bien  connus.  Le  second  est  sans  doute  «  Aparctias  » ,  ([ui  figure  dans  la  rose  des 
vents  chez  les  anciens  ;  il  devrait  tenir  ici  la  place  du  vent  d'ouest  pour  com- 
pléter les  quatre  points  cardinaux,  car  je  pense  (jue  c'était  l'intention  de  celui 
qui  a  placé  ici  quatre  figures  des  vents.  Mais,  comme  la  rose  des  vents  varie 
dans  ses  dénominations  chez  les  anciens  et  au  bas  empire  ',  que  parfois  l'est 
se  noimne  Boréo  et  le  nord  Aparctias,  je  n'essayerai  pas  de  donner  des  indi- 
cations plus  précises.  On  peut  voir  des  figures  de  vents  pareilles  h.  celle  de  la 
mosaïque  sur  un  monument  du  nuisée  des  antiques,  au  Louvre  :  c'est  un  frag- 
ment connu  sous  le  nom  de  «  Planisphère  gréco-égyptien  de  Bianchini  »;  il  a 
été  découvert  à  Rome  dans  le  siècle  dernier. 

Ce  qui  caractérise  spécialement  ces  figmx's  des  vents,  c'est  le  soufllc  qui 
sort  de  leur  bouche;  car  pour  ce  qui  est  de  leurs  petites  ailes,  implantées 
sur  le  front,  ils  partagent  cet  attribut  avec  Mercure  -  et  avec  d'autres  dieux 
ou  génies,  que  leurs  fonctions  obligent  d'être  toujours  en  mouvement  et  d'exé- 
cuter rapidement  les  ordres  des  grands  dieux.  Deux  de  ces  génies  ainsi  coif- 
fés, qu'on  me  passe  l'expression,  se  voyaient  dans  le  nuisée  Napoléon,  parmi 
les  objets  rapportés  de  la  mission  de  Macédoine,  sur  un  sarcophage  romain 
provenant  de  Nicop(>|,is  •*, 

J'ai  parlé  dans  les  «  Annales  Archéologiques  »  (I.  \V  et  WII)  île  |)liisieurs 
pavés-mosaï(|ues  de  France,  d'Italie  et  d'autres  pays.  J'ai  fait  remanpier,  au 
sujet  de  ceux  contenant  des  labyrinthes,  la  tradition  (pii  reliait  le  moyen  Age 
îi  ranlif|uité.  Je  ferai  la  même  observation  au  sujet  des  médaillons,  do  forme 
encore  anli(|ue,  de  la  m(isaï(|iit'  de  Sour,  représenl.wil  les  Mois,  les  Saisons  et 

<.  Cf.  i'ouvnigo  do  M.  ilr  Sarilunmi  sur  la  •  (lottmoKrnpIiio  au  moyen  àgr  ». 
î.  Lo  pliinispliùro  (li>  lljiiiu'hitii  on  ulTrc  un  oxom|ilp. 
3.  N"  iS  du  cululoguo. 


210  ANNALI^S  AltOlIKOLOGIOLKS. 

les  Vciils.  o(  je  rappellerai  le  pavé-mosaïque  de  la  cathédrale  d'Aostc,  publié 
dans  les  o  Annales  ».  t.  XVll,  sur  Icfiiie!  on  voit  l'année  personnifiée  («  An- 
nus  11),  tenant  le  soleil  et  la  lune  cl  entourée  des  douze  mois  (  <<  Januarius  », 
etc.)  ;  puis  le  pavé-niosaïqnc  (|ui  ornait  autrefois  le  sol  de  l'église  abbatiale  de 
Sainl-Henii,  à  Reims,  où  li{;uraicnt  les  quatre  Saisons  («  Ver,  Estas,  Aulum- 
iius,  lliems  »).  les  douze  mois,  les  signes  du  Zodiaque,  etc.  Ces  signes  du 
zodiaque,  sculptés  sur  la  façade  de  la  cathédrale  d'Athènes  et  de  tant  de 
monuments  l'ciigieux  de  noire  pays,  se  voyaient  aussi  quekjucfois  en  mosaïque 
.sur  les  pavés  des  églises,  comme  à  Plaisance,  à  Lyon,  à  Saint-Omcr,  etc. 
N'cst-il  pas  intéressant  de  constater  combien  est  ancien  et  général  cet  usage 
dos  chrétiens  de  mettre  les  signes  et  les  divisions  du  temps  sous  les  yeux  de 
ceux  qui  entraient  dans  les  églises  ?  C'est  qu'aussi  les  prêtres  devaient  con- 
naîlre  le  cours  du  temps  et  le  calendrier,  ainsi  que  l'explique  G.  Durand  dans 
les  derniers  chapitres  de  son  «  Rational  ».  Or,  les  prêtres  surveillaient  et  diri- 
geaient jadis  la  construction  des  églises;  ils  donnaient  en  outre  et  surtout  les 
indications  nécessaires  pour  leur  ornementation,  et  nous  savons  avec  quel 
goût,  avec  quelle  intelligence  ils  remplissaient  celte  importante  mission. 

Jtr.ii-N    DUliANI). 


ïïfSTOIRE 
DE    LA    PEIMLKE    SIK    VKKKE 

KN  ELUUPE 


AIM'KMJICK    A    l/IN  ll'.ODl  Cl  1()\  ' 

En  tenniiiaiit  l.i  piMile  ('tiidc  des  clôtures  de  fenêtres  en  pierre  que  nuus 
avons  faite  dans  «l'Introduction  » ,  nous  avons  dit  qucUjucs  mois,  sous  forme 
de  note,  sur  les  clôtures  en  nacre  remarquées  h.  la  cathédrale  de  Cîoa  (Mala- 
bar), par  M.  le  contre-amiral  l'Ieuriut  de  Langle.  Il  était  bon  de  signaler  ce 
curieux  système  de  fermeture  des  fenêtres  en  Asie  ;  mais  il  n'y  avait  pas  lieu 
i|i'  nous  appesantir  sur  ce  sujet,  qui  rentre  fort  indirectement  dans  le  cadre  de 
ce  travail.  Cependant,  celte  note  si  courte  nous  ayant  valu  l'honneur  d'une 
lettre  pleine  de  renseignements  nouveaux,  signée  d'un  nom  bien  connu  dans 
les  sphères  oITicielles  du  commerce  et  de  l'industrie,  nous  croyons  devoir  faire 
partager  cette  bonne  furtuno  à  nos  lecteurs  : 

«  Paris,  févrior  I8C4. 

Il  MonsieiM' , 

<i  Dans  l'intéressante  histoire  do  la  peinture  sur  verre  en  Europe  que  les 
Il  Annales  Archéologiciues  n  publient,  vous  signalez  les  coquilles  de  nacn* 
parmi  les  matières  employéi-s  pour  clori"  le-;  fi-nélres  et  voua  au  signalez  que 
rc\cnq)Ie  de  la  cathédrale  de  Goa. 

I.  Voiries  II  Aiinulc<)  ArcliOulogiquus  >,  vol.  \\in,  p.  43  ot  101. 


212  annaij:s  Ai(f;ifi:oLO(;iQui:s. 

l'iiiiiolloz-mfii  (le  vdiis  (lir(!  qu'il  y  a  des  exemples  iioml)rcux  de  l'emploi 
(je  CL'S  (-(Kiiiillcs 

iiC'c'lait  lo  devoir  des  d(''l(''p;iii''.s  du  luiuislèrc  du  coinnierce,  allacliés  k  la 
ruissioii  en  Cliine  de  iHI\'6h  18/|G,  d'étudier  loulee  qui  se  rappoilail  à  l'indus- 
Irie  cl  au  commerce  ;  j'étais  uu  de  ces  délégués.  J'ai  remar(|ué  l'importation  de 
coquilles  de  nacre  de  diverses  sortes;  j'ai  dû  en  rechercher  l'origine  cl  l'c^mploi. 

(i  Cela  vous  explique,  monsieur,  (|ue  je  me  sois  occupé  plutôt  de  la  matière 
que  de  la  fenêtre  où  celte  matière  était  placée  ;  et,  comme  le  commerce  de  ces 
nacres  présentait  d'ailleurs  peu  d'intérêt,  je  ne  m'y  suis  pas  arrêté  longtemps. 

«  On  se  sert  donc,  en  Chine  et  dans  i)lusieurs  pays  de  l'Indo-Chine,  de 
coquilles  (le  iiarr(>  pour  clore  les  fenêtres.  Ce  mode  de  clôture  n'est  employé 
(|iic  dans  les  maisons  chinoises,  et  seulement  dans  le  midi.  On  fait  usage  de 
papier  au  nord  et  en  Corée.  L'emploi  du  verre  est  encore  à  présent  très-res- 
li'cinten  Chine,  quoique  sa  fabrication  y  .soit  fort  ancienne. 

«Ces  co(inilles  de  nacre  ne  sont  pas  celles  de  Vavicule  perlière  ^  ;  elles 
sont  colles  du  jilacnne  [jjlacuna  placenta).  On  les  appelle  en  chinois  li-hoh 
ou  mimj-i/ii. 

(1  Elles  sont  apportées,  pour  la  plus  grande  partie,  des  îles  Philippines  où 
elles  abondent.  On  en  pêche  aussi  beaucoup  dans  la  baie  de  Tamblegam. 
I)rês  de  Trincomalie,  à  Ccylan. 

«  Ces  coquilles  valent  à  Canton  de  J5  h  20  f.  les  dix  mille. 

<i  Elles  sont  plates  et  peu  épaisses;  on  les  amincit,  on  les  taille  en  carré, 
i>t  l'on  en  fait  de  petites  vitres  blanches,  solides,  légères,  translucides,  qui  ont 
environ  dix  ou  douze  centimètres  de  côté. 

(i  La  fenêtre  est  de  bois  ;  elle  porte  un  châssis  de  bois,  ordinairement  de 
bois  de  bambou  ;  les  petites  vitres  de  nacre  sont  clouées  sur  les  baguettes 
horizontales  de  ce  châssis.  Ces  tablettes  de  nacre  sont  imbriquées,  je  veux 
dire  qu'elles  sont  i)osécs  les  unes  sur  les  autres,  comme  les  tuiles  de  nos 
toitures. 

«  Cette  clôture  est  solide ,  et  les  vitres  laissent  pénétrer  un  jour  assez  vif 
dans  les  maisons  ;  vous  faites,  au  sujet  de  l'ancien  emploi  des  pierres  spécu- 
laires  dans  le  midi  de  l'Europe,  une  observation  très-juste,  qui  s'applique 
également  à  l'usage  des  coquilles  de  nacre  dans  le  midi  de  l'Asie. 

«  Voilà,  monsieur,  tout  ce  que  je  me  rappelle  et  ce  que  j'ai  trouvé  dans 
mon  journal  de  voyage,  au  sujet  des  coquilles  de  nacre  qui  vous  intéressent. 
Vous  pouvez  publier  ces  renseignements,  si  vous  le  jugez  utile. 

I.  «  La  nacre  de  cette  coquille  est  employée  à  la  fabrication  des  objets  de  tabletterie  ». 


HISTOlKt:   DE  LA   PEINTURE  SUR  VERRE  EN   EUROPE,  213 

«Voulez-vous  me  permettre  d'ajouter  une  observation  relative  aux  clô- 
tures? Vous  ne  citez  que  celles  faites  de  bois  et  de  pierre.  Il  y  a  en  Chine 
un  grand  nombre  de  clôtures  de  fenêtres  en  terre  cuite.  On  fait  de  terre  cuite 
vernissée  plusieurs  types  qui  peuvent  être  réunis  pour  former  différents  dessins, 
et  le  plus  souvent  des  méandres  ;  la  clôture  de  la  fenêtre  est  donc  composée 
de  plusieurs  de  ces  pièces  assemblées.  Les  jours  sont  souvent  fermés  avec  les 
coquilles  de  nacre. 

H  Je  vous  prie  d'agréer,  monsieiu'.  l'assurance  de  ma  considération  dis- 
tinguée. 

a  Natalis  RONDOT, 

■  Ancien  d«:Ié(;ué  du  mini^tAre  du  commerce,  aiticM 
à  la  minîun  do  France  eo  Chine.  ■ 

Cette  nacre,  irisée  par  les  rayons  du  soleil,  doit  être  d'un  effet  charmant 
appliquée  ainsi  à  la  défense  et  à  la  décoration  des  fenêtres  dans  l'extrême 
Orient.  Nous  comprenons  facilement  que  son  emploi .  si  peu  coûteux ,  soit 
encore  préféré  à  celui  ilii  verre,  plus  fragile  et  d'un  prix  beaucoup  plus  élevé. 
Mais  le  verre  est  transparent  et  la  nacre  ne  l'est  pas.  Il  est  vrai  que,  sans 
aller  en  Chine,  nous  verrons  bientôt  que  l'usage  du  verre,  dans  l'architecture 
domestique,  fut  assez  restreint  en  lùirope  jusqu'à  une  époque  avancée  du 
moyen  âge,  et  que  le  papier,  connne  au  nord  de  la  Chine  et  en  Corée,  a  été 
longtemps  en  faveur  dans  nos  contrées. 

l'!ii  rniillclanl  li'  ;j,i;uiil  oiivragi-  de  Pierre  Le  Vieil  sur  la  peinture  sur 
verre  ',  nous  avons  trouvé  un  passage  relatif  à  ces  mêmes  clôtures  en  coquille 
(le  nacre,  et  dans  lequel  il  est  question,  en  outre,  d'écaillés  de  crocodiles  et 
de  tortues  pour  le  même  emploi.  Ce  fait  nous  a  semblé  a.<sez  intéressant  pour 
être  rapporté  ici,  bien  que  les  voyageurs  qui  l'ont  signalé  ne  méritent  pas. 
disent  certains  érudils,  une  entière  confiance. 

Voici  ce  passage  du  livri-  de  I,r  \  ii'il  : 

«  Nous  ne  mantiuons  pas  d'exemples  de  coquilles  employées  aux  fenêtres 
au  lieu  de  carreaux  de  verre.  Les  Ja|)onais,  dit  M.  Vosgicn  -,  se  servent,  au 
li(Mi  (le  vitres,  de  grandes  ro(|uilles  cprils  tirent  dos  lies  Le(|uios,  où  il  s'en 
fait  un  grand  commcrci'.  M.  labbé  Prévost'  dit  que  les  Chinois  emploient. 

I.   1 1.'Arl  eli<  l;i  |)i<liiliiri>  sur  vi<rro  ol  dti  la  vilri'iii'  ».  par  P.  I.k  Vikil.  —  <774.  —  l"  nat1i<>. 
I>.  II.  —  (('.i>lli<('lii>ii  ili'.s  aitsi<t  mt'licrs,  à  In  llit)liotlii't|iio  iiii|M>riali>.) 
i.  'I  l)i('lionnain<  géographiqiip  portnlif  •  ilo  Vohgikn,  au  mot  •  l.t<<|ui«)  •. 
;i.   Il  lli-ilniro  (les  voyiij;i>s  »,  iii-lî,  1719,  l.  XX,  livr.  I. 

«  M.   l'ablHi  (lo  Miii'.sy,  «  lli.stuiru  iiuiilcrno  •,  Pari:),   1754,  l.  i",  p.  96.  parlp  »una\  ■:    -  • 
lires  dos  fciiAtri's  du»  Chinois;  p.  4i8,  do  culli>!)  dra  Cocliindiinois  ;  o(  I.  iv,  p.  St,  do  l'usagv  où 
XXIV.  ââ 


2Hi  .         ANNALKS  AHCIIÉOLOGIOUES. 

dans  la  constniclion  de  leurs  hàtimonls,  l'ôcaillc  d'une  grosse  liuilrc  que  l'on 
prend  dans  le  canal  de  (^lian-To  ;  que  les  Portugais  les  Iravaillent  avec  tant 
de  finesse,  (in'ils  les  rendent  propres  à  lenir  lieu  de  vitres  aux  fenêtres.  » 

Nous  profilerons  de  cet  <i  Ap|)cndicc  »  pour  dire  quelques  mois  sur  les  clô- 
tures en  pierre  de  la  cathédrale  de  Constantine  (Algérie)  et  qui  nous  ont  étd 
signalées  dernièrement  par  un  de  nos  amis.  M,  Charles  Prat,  juge  de  paix  à 
.leniniapcs. 

Cette  cathédrale  de  Constantine  est  une  ancienne  mosquée  dont  la  splen- 
deur a  été  fort  amoindrie  h  la  suite  de  sa  transformation  en  église  catholique. 
Les  murs  sont  couverts  d'arahcsques  et  de  légendes  enroulées,  en  relief  et 
coloriées.  l,;i  prininn;  est  récente,  mais  elle  doit  être  conforme  îj  celle  qui  fut 
appli(|uée  à  l'origine.  Dans  un  espace  déterminé,  le  fond  sur  lequel  repose  cette 
ornementation  est  pei'cé  à  jour,  de  manière  à  figurer  une  fenêtre.  Les  ara- 
bcscpics  ainsi  découpées  se  continuent  au  delà  de  cet  espace  ajouré  sur  le  mur 
plein.  Les  ouvertures  pratiquées  de  celte  façon  ont  été  garnies  sans  aucun 
goût,' depuis  la  conquête,  avec  du  verre  de  couleur  qui,  très-probahlement  du 
reste,  a  remplacé  un  système  de  décoration  semblable,  mais  mieux  compris. 
('.oiiiiiK!  on  le  voit,  la  combinaison  adoptée  dans  l'ancienne  mosquée  de 
Constantine  n'a  pas  d'analogie  directe  avec  les  exemples  que  nous  avons  publiés 
dans  «rintroductionn  et  elle  ne  forme  pas  de  clôtures  proprement  dites,  dis- 
tinctes de  l'agencement  général  de  l'édifice. 

Les  grilles  en  pierre  appliquées  à  la  fermeture  des  fenêtres,  sont  fréquentes 
en  Orient.  La  Turquie,  la  Perse  et  surtout  l'Egypte  en  offrent  de  nombreux 
spécimens,  comme  le  prouve  un  grand  ouvrage  que  nous  avons  sous  les  yeux, 
ouvrage  composé  de  planches  d'ornementation  exécutées  d'après  des  motifs 
orientaux  K  Dans  le  nombre  considérable  de  gravures  dont  se  compose  ce 
recueil,  nous  avons  remarqué  plusieurs  fenêtres  avec  clôtures  en  pierre  ou  en 
marbre.  Ces  clôtures  sont  formées  de  grands  et  magnifiques  rinceaux  découpés. 

sont  iictuollemcnl  los  Indiens  do  se  servir  à  cet  effet  de  carreaux  d'écaillé  ou  de  nacre,  qui  tem- 
pèrent l'éclat  du  soleil  sans  trop  afTaiblir  sa  lumière.  M.  l'abbé  de  La  Porte,  dans  le  iv  tome  de 
son  «  Voyageur  François  »,  ajoute  que  les  écailles  de  crocodiles,  ou  de  tortues,  ou  de  nacre, 
employées  à  la  fermeture  des  fenêtres,  en  rendent  la  lumière  plus  agréable  par  la  variété  de  leurs 
couleurs.  Il  parait  que  cette  variété  de  couleurs  sur  les  vitres  a  toujours  beaucoup  flatté;  car  l'au- 
teur de  !'«  Histoire  moderne  »,  t.  v,  p.  268,  rapporte  qu'à  Batavia,  capitale  de  l'ile  de  Java,  les  fenê- 
tres dans  la  chapelle  du  gouverneur  sont  formées  par  des  vitrages  de  toutes  espèces  de  couleurs 
(qui  y  ont  été  vraisemblablement  importés  par  les  Ilollandois,  maîtres  de  cette  isie).  ...» 

(A'oles  de  P.  Le  Vieil.) 
1.  «  Recueil  de  dessins  pour  l'art  et  l'industrie  »,  gravés  par  E.  Collinot  et  Aoalbert  de 
Beauuont. 


HISTOIRE   DE  LA   PEINTLRE  SIR  VERRE  EN    EUROPE.  213 

laissant  passer  le  jour  par  de  larges  ouvertures.  La  pierre  est  sculptée  comme 
à  Conslaritine,  et,  chose  remarquable!  certains  détails,  certains  feuilles  ont  le 
même  caractère  que  l'on  constate  dans  l'ornementation  adoptée  à  l'époque 
romane  en  Kurope.  Quatre  de  ces  clôtures,  en  marbre  blanc,  décorent  un 
tombeau  au  Caire  ;  deux,  une  mosquée  de  la  même  ville  ;  une  autre  se  trouve 
dans  un  tonil)eau  monj^ol  k  .Sultanieli,  en  l'erse,  et  une  autre  encore  à  Diar- 
bekir,  en  Mésopotamie;  celle  dernière  est  en  pierre.  Lne  fontaine  du  Kiosque 
de  Hussein-Pacha,  sur  le  Bosphore,  offre  une  coupole  surbaissée  avec  des 
fenêtres  ogivales  découpées  de  la  même  manière. 

Le  même  alhum  lums  montre  aussi  de  bien  curieux  exemples  de  vitraux, 
mais  dont  le  dessin  et  la  description  sont  si  insufllsants.  qu'il  ne  nous  est  pas 
possible  d'en  donner  une  idée  complète. 

[^n  vitrail  du  collège  du  Scliah,  à  Ispahan,  est  composé  d'ornements,  de 
fleurs  et  d'inscriptions.  Le  fond  général  est  jaune,  les  fleurs  bleues  et  rouges, 
les  feuilles  vert  clair,  et  au  centre,  les  lettres  jaunes  sur  fond  bleu.  Le  tout 
doit  être  d'un  elfet  douteux  et  d'un  ton  un  peu  cru.  H  est  regrettable  que  le 
dessinateur  n'ait  pas  fait  comprendre  la  façon  dont  cette  ornementation  est 
exécutée  sur  le  verre,  et,  en  outre,  qu'il  n'ait  pas  indiqué  si  les  morceaux  de 
la  matière  transparente  sont  encastrés  dans  du  plomb,  du  bois,  du  fer,  ou  du 
plùlre  comme  dans  les  vitraux  de  la  mosquée  d'Omar.  aux(|uels  d'ailleurs  ils 
ressemblent  beaucoup. 

Une  cloison  du  palais  des  Quarante-Colonnes,  k  Ispahan,  est  décorée  d'un 
vitrail  représentant,  connue  le  précédent,  des  ornements  et  des  fleui"s;  mais 
plusieurs  comparlimenls  se  composent  simplement  de  combinaisons  géomé- 
triques formées  par  une  sorte  d'armatmc  en  bois  qui  retient  des  fragments 
de  verre  non  peints. 

Kniiii.  il  existe  à  Ispahan  uu  système  de  décoration  de  fenêtres  tout  ;i  fait 
dilVérent  de  ceux  (|ui  ont  été  décrits  jusqu'ici  :  l'ouverture  proprement  dite 
est  vide,  mais  l'encadrement  en  pierre  sculptée  h.  jour  est  garni  à  l'extérieur 
de  verres  colorés.  Au-dessus  et  au-dessous  du  catire ,  est  prati(|uée  une 
large  ouverlme  en  forme  de  frise,  et  elle  est  ornée  d'une  suite  de  rosaces  en 
verres  de  couleur  dont  les  morceaux  sont  retenus  entre  eux  par  une  armature 
en  fer. 

L'usage  du  verre  étant  jissez  ancien  dans  les  pays  orientaux,  il  n'est  pa,s 
douteux  (jue  ces  vitraux  soient  indigènes;  mais  il  reste  .'i  établir  leur  date, 
ce  qui  est  dillicilf.  les  renseigncniiMils  domiés  par  les  auteurs  du  recueil 
l'-ianl  très-incomplets.  Toutefois,  nous  pensons  que  s'ils  ne  sont  pas  \  jwu 
près  contemporains,  ils  ne  sont  pas  non  plus  antérieurs  au  wii*  siècle,  t^uanl 


210  ANNALES   ARC1II^;OLOGIOL' F.S, 

aux  clôtures  en  pierre,  il  faudrait  avoir  sous  les  yeux  les  monument.';  qu'elles 
décorent  poin-  (Hablir  leur  àtçe. 

Un  mode  do  clùtiire  spôciaicincnl  familier  à  rKgypti'.  mais  qu'on  retrouve 
un  peu  parloiil  on  OrionI,  ost  le  «  moucliaral)y  ».  On  nomme  ainsi  les  treillis 
do  l)ois  (|in'  dtjfondcnt  les  fenêtres  en  formant  avant-corps  h  l'extérieur, 
Tiiiitùl  II'  «  moucharaby  »  est  parlifiiiior  h  chacune  des  croisées  d'une  con- 
struction, tantôt  il  est  commun  à  toutes  celles  d'un  môme  étage,  de  façon  k 
l'ormor  une  galerie  enlièrement  cluse,  sauf  quoique;  ouvertures  ménagées  de 
di.slaucc  CM  distance  j)Our  introduire  une  plus  grande  quantité  d'air  et  de 
lumière  que  n'en  peuvent  donner  les  petits  trous  ronds,  en  losanges  ou  en 
lignes  brisées,  (inni  lo  •  innncliaraby  »  est  percé.  Ces  clôtures  en  bois,  sur- 
tout lorsqu'elles  sont  particulières  h  chaque  fenêtre,  sont  d'une  grande 
élégance.  Comme  elles  forment  avant-corps,  elles  ont  des  supports  en  me- 
nuiserie finement  découpés,  et  quol(|iicfois  elles  sont  divisées  par  de  petits 
cloclictons  également  en  bois  d'un  travail  exquis. 

L'étude  des  clôtures  do  fenêtres  chez  tous  les  peuples  offre  un  grand  inté- 
rêt. Mlle  niérilerail  d'être  longuement  développée  et  formerait  certainement 
un  cmii'iix  livrr;  mais  nous  sommes  obligé  de  nous  arrêter  maintenant,  sauf 
à  revcnii-  pins  tard  siu'  cette  question  dans  un  ouvrage  spécial. 


ERRATUM. 

Dans  l'Introduction,  et  à  propos  d'une  clôture  on  plâtre,  une  distraction 
nous  a  t'ait  iiiottre  rAlliainl)ra  à  Cordouc  au  lieu  de  le  placer  à  Grenade.  Nos 
lecteurs  auront  fait  avant  nous  la  rectification  que  nous  croyons  devoir  ne  pas 
omettre  cependant,  à  la  suite  de  cet  «  Appendice  ». 


CIIAIMTP.  E    PREMIER. 


VITUMX    BL.VXCS    DITS     "    INCOLORES   ». 
I 

Le  vitrail  blanc,  dit  «  incolore  »  ou  «  unicolore*  »,  représente  l'idée  la  plus 
simple  qu'on  puisse  se  former  des  clôtures  de  fenêtres  en  verre.  Son  carac- 
tère spécial  consiste  li  être  compose  exclusivement  de  verre  blanc,  non  peint, 
et  toute  sa  décoration  est  constituée  par  les  baguettes  de  plomb  qui  en 
réunissent  les  différentes  parties. 

Les  grisailles  peintes  ne  peuvent  être  rangées  dans  cette  catégorie  de 
vitraux  ;  car  le  trait  au  pinceau,  l'émail  dont  elles  sont  revêtues,  en  font  un 
système  h.  part  que  nous  étudierons  dans  les  deux  chapitres  suivants. 

Jusqu'il  l'époque  où  la  fabrication  du  verre  en  feuilles  de  grande  dimen- 
sion no  fut  plus  une  exception  ou  môme  une  impossibilité,  le  système  le  plus 
rudimenlaire  qui  pût  être  applifiué  aux  vitrages  non  colorés  devait  amener 
forcément   un  assemblage  plus  ou  moins  élégant  des  morceaux  de  la  ma- 

1 .  Ceci  03(  uno  question  do  mots  qui  n'ii  pns  une  (;rando  importance,  mais  sur  l.iquellc  ccpon- 
(lacil  il  est  lM)n  d'iiisislor.  I.a  qualification  (l'Miicolorc"  donnoo  jusqu'ici  îi  ros  vitr.iu\  ■  '  V 

impropre,  car  le  Idanc  est  une  vériUible  couleur,  mieux  encore,  la  dilTuiiion  de  toute»  !■  ;  - 

On  lo  sait,  lu  lumiùre,  qui  est  blanche,  produit  les  sept  couleurs  du  prisme  lorsqu'elle o»(  décom- 
posée; c'est  elle  qui  a  la  propriélé  do  f.iiri'  |MiaUre  les  objets  roup-;,  lileii-  1'  >  .1 
est  rouge,  par  exemple,  lors<|u'il  lédrcliil  un  rayon  rouge  et  nlxiirlx' le-,  rayon  .•( 
autres.  Par  conséquent,  un  morceau  do  verre  blanc  nous  semble  tel,  |tarce  qu'il  n^n{V:hil  indi*- 
tinctemenl  tous  les  rayons  lumineux  sans  en  absorlxT  aucun.  Si  donc  le  terme  de  •  incolore  > 
n'("<l  pas  exact,  celui  do  <i  unicolore  •  ne  l'est  guère  plus;  il  (iiudriiit  lruu\er  un  mot  qui  Ht 
comprendre  l'idée  do  toutes  lescouleum  fondues  en  une  seule.  Mais,  comme  nou.-!  ne  nouji  char- 
geons pas  d'inventer  ce  mol.  nous  nommerons  les  vitraux  dits  «incolore!^»  simplenient  :  <  vitraux 
blancs  ». 


218  ANNALES   Anrill'iOLOr.IOL'F.S. 

liiTc  Ir.'iiisparciil*,'  pom-  occuper  un  espace  df^lermim-.  De  celte  nécessil*^ 
esl  sorti  un  genre  de  vitrail  oITranl  un  véritable  intérêt,  cl  dans  lequel  l'art  a 
souvent  donné  la  main  îi  l'industrie,  car  le  plomb  destiné  h  réunir  les  frag- 
ments de  verre  all'ccta  qucUiucfois,  grâce  à  sa  malléabilité,  les  lignes  les  plus 
gracieuses  et  les  plus  contournées.  Le  style  et  le  goût  de  chaque  époque  se 
montrent  en  rullcv  dans  le  modeste  vitrail  de  verre  Itlanc,  comme  nous  essaye- 
rons de  le  prouver  avec  les  dessins  qui  accompagnent  cette  étude.  Certes,  on 
peut  bien  dire  que  l'esprit  d'un  individu,  d'une  nation  ou  d'un  siècle  se 
prouve  dans  les  plus  petites  choses  :  si  on  peut  presque  juger  un  homme  non- 
seulement  à  la  manière  dont  il  parle,  mais  encore  ci  celle  dont  il  s'habille,  il 
est  au  moins  aussi  facile  d'apprécier  par  les  monuments  la  valeur  des  diffé- 
rentes périodes  qui  nous  ont  laissé  des  exemples  de  vitrerie  proprement  dite. 
Autrefois,  la  question  d'art  avait  le  pas  sur  celle  du  confort;  aujourd'hui, 
c'est  le  contraire  :  quand  on  vitre  les  ouvertures  d'une  maison  ou  d'un  palais, 
on  s'empresse  de  profiter  de  la  facilité  avec  laquelle  on  fabrique  des  feuilles 
de  verre  d'une  grande  étendue  pour  garnir  les  fenêtres  de  carreaux  immenses, 
fragiles  et  d'une  uiiilonnité  désespérante.  Nos  croisées  sont  fermées,  mais 
elles  ne  sont  pas  décorées.  11  est  vrai  que  l'œil  peut  aisément  plonger  dans  la 
rue  sans  èlre  gêné  par  la  multiplicité  des  lignes  noires  produites  par  les 
plombs;  en  outre,  la  lumière  pénètre  plus  facilement  dans  l'intérieur  des 
appartements,  ce  qui  a  son  mérite;  mais  il  est  possible  de  tout  concilier,  et 
nous  chercherons  à  le  démontrer  en  terminant  ce  chapitre.  Le  moyen  âge  et 
la  renaissance  faisaient  tout  avec  le  goût  le  plus  exquis,  même  les  marteaux 
de  porte,  les  serrures  et  les  clefs,  choses  si  laides  maintenant  ;  le  moyen  âge 
seul  avait  trouvé  le  moyen  de  rendre  la  vitrerie  intéressante,  et,  par  une 
simple  combinaison  de  plomb,  il  a  su  transformer  une  industrie  en  art  véri- 
table. Les  siècles  suivants,  au  lieu  d'être  en  progrès,  ont  amené  une  déca- 
dence (jui  n'a  cessé  d'augmenter,  et  pourtant,  peut-être  devons-nous  regretter 
les  dilTcrents  systèmes  de  vitrerie  employés  aux  xvi"',  xvii*  et  xviiT  siècles, 
si  peu  élégants  d'ailleurs  et  ressemblant  beaucoup  trop  à  des  dallages,  mais 
préférables  encore  à  nos  carreaux  contemporains. 

Bien  que  la  découverte  du  verre  soit  fort  ancienne,  et  que,  naturellement, 
le  verre  blanc  ou  vordàtrc  soit  l'aîné  du  verre  coloré,  cependant  ce  verre  ne 
fut  pas  employé  de  prime  abord  à  la  fermeture  des  fenêtres.  On  commença  à  le 
tourner  en  vases,  en  coupes,  en  plats  et  récipients  de  toute  espèce.  La  fabri- 
cation en  était  devenue  assez  vulgaire  chez  les  Romains,  les  Grecs  et  les  Phé- 
niciens; antérieurement  môme,  les  Gaulois  en  connaissaient  l'usage.  Mais  il 
semble  évident  qu'on  ne  dût  pas  négliger  longtemps  l'emploi  de  cette  mer- 


HISTOIRE   DE  LA   PEINTURE  SLR   VERRE   EN   EUROPE.  219 

veilleuse  matière,  si  utile  pour  clore  les  ouvertures  des  constructions  civiles. 
Cet  emploi  ne  fut  pas  général  dès  le  principe,  assurément;  il  l'était  à  peine 
vers  la  fin  du  xv-  siècle.  Toutefois,  il  est  k  présumer  que  la  vitrerie  des  fenêtres 
dans  l'architecture  domestique  remonte,  comme  usage  très-restreint,  à  une 
époque  reculée  et  qui  a  suivi  de  près  le  temps  oii  on  a  commencé  h.  produire 
des  objets  de  toute  sorte  en  même  matière. 

Le  vitrail  blanc  a  toujours  été  bien  plus  spécial  aux  constructions  civiles 
qu'aux  églises;  car,  dans  ces  dernières,  le  vitrail  coloré  doit  être  d'un  usage  à 
peu  près  aussi  ancien  que  l'application  du  verre  à  la  fermeture  des  fenêtres, 
tandis  que  celui  dont  la  mise  en  plomb  constitue  l'unique  mode  de  décoration 
y  fut  introduite  titre  d'exception;  exception  répétée  fréquemment,  il  est  vrai, 
et,  dans  l'origine,  pour  des  causes  particulières  que  nous  ne  tarderons  pas  à 
examiner.  Cependant,  d'une  part,  les  exemples  de  vitraux  civils  incolores  nous 
font  con)piétcment  défaut  avant  les  temps  modernes,  et  cela  se  comprend 
aisément,  une  maison  n'ayant  pas  la  longue  existence  d'une  église;  d'ailleurs, 
les  réparalions  successives  subies  par  les  constructions  anciennes  de  cet  ordre 
qui  ont  survécu  ont  fait  disparaître  les  clôtures  primitives.  D'autre  part. 
Sauvai,  et  après  lui  d'autres  auteurs,  P.  Le  Vieil  entre  autres,  parlent, 
comme  d'un  fait  exceptionnel  et  éminemment  luxueux,  d'ouvertures  closes 
avec  du  verre  blanc  au  xiv°  siècle.  ïi\  pourtant  les  exemples  de  vitraux  blancs 
étaient  prescpie  comnnins  dans  les  églises  dès  le  xii*  siècle!  Mais  Sauvai  et 
Le  Vieil,  faibles  autorités  du  reste,  le  premier  surtout,  sous-cnlendaient  peut- 
être  un  verre  parfaitement  blanc,  cjuand  la  fabrication  ordinaire  no  produisait 
qu'une  matière  assez  grossière  et  fortement  teintée. 

Le  Vieil,  seul  auteur  qui  ait  traité  la  c[uestion  de  la  vitrerie  d'une  façon  spé- 
ciale, sans  l'approfondir  et  sans  avoir  étudié  les  monuments,  donne  pour 
raison  à  l'exclusion  du  vei  le  comme  moyen  de  fermer  les  croisées  des  nuii- 
sons  l'usage,  Irès-connnun  en  France,  du  papier  pour  cet  objet. 

Ce  système  do  clôtures  en  pa|)ier,  peu  coûteux  .sans  doute,  était  singu- 
lièrement grossier  et  fragile,  et  en  somme  fort  ridicule  ;"i  ime  époque  telle  que 
les  xvr  cl  wii"  siècles,  où  il  était  encore  en  faveur.  Le  Vieil  donne  des  dé- 
tails curieux  cl  son  jugement,  (|ui  l'est  peut-être  davantage,  sur  ces  clia^is 
de  papier;  on  nous  pcrmctira  donc  de  reproduire  ce  qu'il  tiit  Ji  ce  sujet  '  : 

i.'nsai^e  de  garnir  ili's  châssis  de  fenêtres  de  carreaux  de  papier  huilé 
n'a  pas  toujours  été  propre  aux  vitriers  exclusivement.  \  Lyon,  par  oxomplc, 
cette  occupation  fait  encore  de  nos  jours  une  jiartio  du  métier  des  cl)ar|H>nlicr:$ 

4.  Voir  lu  tn*  partie  <l«  !'«  Art  do  poindre  sur  vrrrc  b,  |<iir  I'.  I.r.  \t>:iL,  rliaptiro  vi,  p.  135. 


220  ANNALES  Alt(;iir:()LO(JIOUES. 

([iii  façonnent  le  bois  des  crois(';es,  et  les  garnissent  de  papier  concurremment 
avec  les  vitriers.  A  Paris  inùme,  vers  la  lin  du  dernier  siècle,  ceux  r|ui  les 
garnissoiont  ainsi  étoient  connus  sous  le  nom  de  «  chassissicrs  n,  et  le  vitrier 
qui  rcparoil  ou  ncttoyoit  les  vitres  des  croisées  de  dedans  des  salles  du  l'alais 
et  déjicndances  laissoit  au  «  cliassissier  »  le  soin  de  renouveller  les  doubles 
croisées  en  papier. 

«  Les  châssis  garnis  do  jiapier  étoient  autrefois  fort  en  usage  dans  Paris, 
où  il  est  très-rare  d'en  trouver  encore,  si  ce  n'est  dans  les  ateliers  des  peintres 
et  des  graveurs.  Ces  châssis  tenoieni  les  appartements  plus  clos  et  plus  sourds 

contre  le  Imiil  du  dehors 

«  Il  n'y  avoit  |iiiiiil  <ln  lieu  d'étude  ou  de  communauté  religieuse  qui  n'eût 
des  doubles  châssis  garnis  de  carreaux  de  papier.  Ces  châssis  tcnoicnt  lieu  de 
rideaux  contre  l'indiscrétion  de  la  curiosité  du  dehors  ou  du  dedans. 

((  L'usage  d'y  insérer  un  rang  de  carreaux  de  verre  parut  l'approprier  par 
la  suite  à  la  profession  de  vitrier;  ils  demandoient  de  la  part  de  ceux  qui  les 
garnissoient  beaucoup  de  soins  et  de  précaution.  On  en  jugera  par  leur  appa- 
reil que  nous  allons  décrire. 

«  On  employoit  alors  du  papier  d'Auvergne  «  bon  »,  c'est-à-dire  dont  les 
feuilles  fussent  entières,  sans  tache  d'eau  et  sans  «  trous  de  grattoirs  ».  Ces 
défauts,  qui  se  rencontrent  dans  le  papier  «  retrié  »,  le  rendent  impropre  à 
cet  usage.  Le  papier  d'impression  est  préférable,  comme  moins  «  collé  »  : 
trop  de  colle  empêcheroit  les  matières  grasses  et  onctueuses,  dont  nous  ver- 
rons qu'on  se  sort  pour  donner  au  papier  plus  de  transparence,  de  le  péné- 
trer également 

«  Cette  mince  garniture  de  châssis,  qui.  exposée  à  la  pluie,  au  soleil  et  au 
vent,  ne  pouvoit  résister  à  leurs  attaques  plus  d'une  année,  et  par  consé- 
quent devoit  être  renouveliée  tous  les  ans,  occasionnoit  plus  de  dépense  que  le 
lavage  ordinaire  des  carreaux  de  verre  collés  ou  mastiqués  ;  et  c'est,  je  crois, 
ce  qui  n'a  pas  peu  contribue  à  en  proscrire  l'usage  de  la  part  des  plus  ména- 
gers. Par  rapport  à  d'autres  moins  sages,  et  sectateurs  des  modes,  le  recueil- 
lement que  l'usage  des  carreaux  de  papier  sembloit  perpétuer,  n'entrant  point 
dans  le  goiit  de  frivolité,  de  dissipation  ou  de  luxe  qui  les  animoit,  ils  les  ont 
fait  disparoître,  comme  ils  l'ont  fait  à  l'égard  des  vitres  peintes  et  des  vitres 
en  plomb.  » 

Les  clôtures  en  papier  huilé  ou  graissé  paraissent  donc  s'être  maintenues, 
en  France  du  moins,  jusqu'à  la  fin  du  xvii'  siècle  et  concurremment  avec  les 
clôtures  en  verre.  Du  reste,  c'est  tout  au  plus  si  les  carreaux  en  papier  ont 
complètement  disparu  de  certaines  maisons  très-pauvres  dans  nos  campagnes. 


IlISTOllii:   l)l-;   LA   l'l::iMCRE  SUR   VKRRE  EN   EUROPE.  221 

Mais  cela  no  prouve  nullement  que  le  verre  ne  fût  pas  d'un  usage  très-fréquent 
aux  fenêtres  des  riches  habitations  dès  le  moyen  âge.  après  avoir  été  appli- 
qué d'une  manière  restreinte  dans  l'antiquité.  Vers  la  fin  du  xV  siècle  seule- 
ment, sa  fabrication  se  développa  .-ingulièrement  avec  l'établissemenl  par 
Louis  \l,  en  J'ifi7,  de  la  corporation  des  maîtres  vitriers. 

La  question  d'ancienneté  de  rem|)loi  des  vitres  aux  fenêtres  des  maisons 
préoccupait  beaucoup  Le  Vieil  ;  il  se  livre  dans  son  ouvrage  à  une  assez 
longue  discussion  sur  ce  sujet,  en  examinant  l'opinion  des  auteurs  qui  l'ont 
étudié  avant  lui,  et  surtout  Bcrneton  de  l'erin,  qui.  dans  sa  »  Dissertation  sur 
l'art  de  la  verrerie  »,  publiée  au  mois  de  novembre  1733  par  le  «Journal  de 
Trévoux  »,  avance  que  "  les  iMançais  employèrent  le  verre  à  vitres  pour  se  met- 
Ire  à  couvcil  (le  l'intempérie  de  l'air  dans  leurs  maisons,  dès  le  xiii'  siècle, 
et  que  cet  usage  était  ass(r/.  iVé(|uent  ».  Le  Vieil  combat  vivement  cette  asser- 
tion, assez  vraiseml)lai)le  pourtant;  mais  nous  allf)ns  voir  qu'il  ne  fait  pas 
remonter  au  delà  du  xiv"  siècle  l'inlroduction  du  verre  comme  système  de 
l'erineture  des  fenêtres  dans  les  babilalions.  et  du  vitrail  blanc  dans  les  églises. 
l'diir  |nrii\is  il  l'appui,  il  cite  un  texte  et  un  fait  intéressants  tous  deux,  mais 
pi'ii  cnncluants  '  ; 

«  .Selon  Sauvai-,  d'a|)rès  l'histoire  de  Charles  VI  écrite  par  Jean  Juvénal 
des  L'rsins,  ce  ne  fut  guère  (jue  vers  la  fin  du  xiV  siècle  que  Jean,  duc  de 
Bcrry,  après  avoir  fait  rebâtir  magnilKiuemenl  sa  maison  de  plaisance  de 
Bicêtrc  •'  et  l'avoir  enrichie  de  ((uantité  de  peintures,  «  pour  dernier  cnibellissc- 
ineiit.  y  ajouta  des  châssis  de  verre  qui  ne  faisoient  dans  le  temps  (jue  de 
connnenccr  à  orner  rarchitectiirc  ».  Or,  celte  distinction  entre  la  quantité  de 
peintures  et  l'embellissement  des  châssis  à  verre  est  trop  sensiblement  amenée 
par  cet  auleiu",  contemporain  du  prince  dont  il  écrivit  l'histoire,  pour  que 
nous  n'y  reconnoissions  pas  sous  le  nom  de  »  peintures  »  même  les  peintures 
s(n-  verre,  et  .sous  celui  de  «  châssis  de  verre  »  les  vitres  blanches  dont  l'usage 
ne  faisoit  «  que  connnencer  à  orner  rarcliiloclurc  ». 

Il  Passons  aux  munuinents.  Je  rrois  être  autorisé  à  mettre  au  rang  des  mo- 
ntniienls  les  plus  anciens  de  vitres  blanches  appli(|uées  aux  fenêtres  mêmes 
des  églises,  les  six  vitraux  (|iii  éloicnt  encore  en  I7<>1  dans  la  galerie  autour 
du  clneur  de  l'iiglise  de  Paris,  au-dessus  de  l;i  ceinture  du  sancluairo.  et  que. 

1.  Vi>ir  la  iir  (wrlio  (li<  l'a  Art  iU<  |M>iiiilri>  iiiir  vorrt»  »,  —  clw|iitn<  i",  p.  ÏOO  vt  -tuivanlc». 

2.  «  Anlii|uili'>H  (lo  l'iiris  »,  livr.  7.  cit.  vn,  p.  7î.  —  Piiris,  I7JI. 

3.  Il  C'est  pur  cornipliiin  iiu'on  iii)iniiu<  tiin-i  i-«  oliAlcnii  ;  on  dovmil  plulùi  le  nniiintpr  Vincmlrv, 
(lu  nom  (II'  Jciiii,  fv^<|iio  do  Yiiuprtlcr,  on  An|{li'lcrn<,  h  c|iii  il  iivoil  upivirtpnu  <iH  l'anmv  IlOi.  > 

{Xole  lie  /'.  U  Vtul. 
wiv.  .  29 


222  ANNAI.KS  AHCIII^IOLOUIOL'KS. 

(Il'  l'uidiv  (lu  r||,i|)iiic.  j'.ii  irmplacr'S  par  des  vitres  neuve».  Ces  t^h  vitraux 
l'^loipiil  (jii  vitres  i)laiiclies  sans  auciuie  cr)uvcrle  de  peinture;  mais  d'une  or- 
<ionriuiice  (|iii  annoiiidil  le  peu  d'usaf^e  oii  l'on  r'stftil  poin-  lors  d<'  faire  d<'S 
vilrcsdc  (elle  siirle.  I.i;  verre,  (|iii  en  éloil  très-blane,  avoit  ses  surlaces  on- 
dées el  lahoieu-es ;  leurs  coniparliments  étoieiil  en  pièces  quarrécs  posées 
en  pointes,  cimniie  la  luzanj^e,  d'ini  très-mauvais  };oùt.  Dans  un  de  ces  \ilraii\ 
l'Inil  ini  seul  |)aiiiie;iii  ije  \erie  pi'iiil,  dans  lequel  on  (lislinfj;uoil  un  ecclé- 
siasIiqiK!  re\èlii  dinic  (lalniati(|Me,  ([ni  lenoit  dehout  entre  ses  mains  le  plan 
en  riévalion  dini  de  ces  vitraux  l'cmpli  de  vitres  lilanclies.  dans  le  même  com- 
parlinieut  (|iie  dessus,  seinhioil  en  faire  l'iiiauj^inMlion.  Au  bas  de  ce  panneau 
éloil  en  lollres  noires,  siu'  un  fond  du  uiéiiu'  verre  (|ue  le  restant  du  \itrau, 
nue  inscriplion  Irè.s-dérangéc  dans  son  contenu,  dans  laquelle  je  retrouvai 
né'animiins,  (>n  caiviclères  du   \i\'   siècle  :  Micliael   de  Darenciaco,   cap — us 

lias  sex  vili'iaiias aniio  '. 

Il  Curieux  de  retrouver,  s'il  i''loil  possible,  la  date  de  ces  vitraux,  reinar- 
f|uai)K\s  |)ar  le  mauvais  .ujoùl  de  leur  ordonnance,  j'eus  recours  à  M.  l'abbé 
(liiillnl  (le  M(inlioi(>,  chanoine  de  Paris,  l'un  des  deux  intendants  de  la 
ral)ri(|ii(!.  (lonl  les  soins  inl'aligables.  la  vigilance  el  le  bon  goût  pour  les 
réparutions  et  rembellissenient  de  la  cathédrale,  sont  au-dessus  des  éloges 
(|u'une  pliunc  aussi  foiblc  que  la  mienne  enireprendroit.  Aussitôt  M.  l'archi- 
vislo  du  chapitre  lui  chargé  de  recherciicr  ce  qu'on  pourroit  découvrir  sur  le 
nom  François  de  ce  donateur,  sur  le  rang  qu'il  tenoif  dans  le  chapitre,  et 
siu'  le  leiii|)s  aïKjiiel  il  pDiivoil  avoii'  fait  don  de  ces  six  \ili'aux.  Les  recherches 
nous  apprireni  (|ii'il  \  avoit  eu  un  chapelain  de  Saint-Ferréol  dans  l'Fglise  de 
Paris  du  nom  de  Michel  Uaraiicy  "-,  très-riche,  et  qu'il  avoit  fait  en  faveur  de 
cette  Église  un  testament  en  date  de  l'an  1358. 

I.  Cctlc  inscription  aviiil  (Hé  remise  en  place  probablement  par  I.o  Vieil  lui-même,  car  elle  ne 
fut  (lcfiniti\cni('Mt  cnloviM-  qu'en  ISGI:  l'année  précédente,  M.  le  baron  de  Guilhermy  l'avait  co- 
piée ainsi  : 

MICIUKI.    111     IIMII-XCUCO   CM'liI.LANlS 

IIAS    SEX    MrilIAllIAS   A.WO    DOMIM 


Au-dessous  de  cette  inscription  en  gothique  minuscule,  on  voyait  la  date  de  1300;  mais  ce 
millésime  était  moderne  el  on  l'avait  figuré  en  blanc  sur  du  verre  bleu. 

2.  Michel  Daiancy  avait  proijablemoiil  pris  son  nom  du  village  de  Drancy,  en  latin  «  Daren- 
tiacum  »,  situé  non  loin  de  l'abbajo  de  Saiiil-Denis.  Divisé  en  grand  et  petit  Drancy.  il  faisait 
partie  de  l'ancien  doyenné  de  Chelles.  On  consultera  avec  intérêt,  au  sujet  de  ce  \illage,  !'«  His- 
toire (lu  dioci'-se  de  Paris  »,  par  l'abbé  I^ebeuf,  IToo.  —  Tome  vi,  p.  269. 

L'abbé  Lebeuf  ne  signale  ([u'un  seul  ecclésiastique  (|ui  ail  tiié  son  nom  du  village  de  Drancy  : 
« Il  ne  s'est  présenté  à  nos  recherches  qu'un  nommé  Guillaunie  de  Drancy,  qui  fut  cha- 


IIIMOIIiK   DE   LA    IKI.NTLKK  .SL  U   VKlUitl  EN   ELKOPE.  223 

(I  On  peut  donc  iiiIVri-r  df  cf.*  monument  ([ue  l'usage  des  vitres  blanciies, 
même  dans  les  églises,  n'éloit  pas  encore  fréquent  dans  les  premières  années 
(lu  xiv"  siècle.  Si  l'on  cxann'nc  surtout  la  nature  du  verre  qui  fut  employé 
dans  ces  six  vitiaiix.  la  grossièreté  de  leurs  compartiments,  et  le  mérite  que 
ce  chapelain  parut  s'en  faire  comme  d'une  chose  rare,  dont  il  voulut  que  la 
mémoire  lui  conservée  dans  le  panneau,  oii  il  s'étoit  fait  représenter,  et  dans 
l'inscription  qu'il  y  avoit  fait  insérer,  je  serois  presque  tenté  de  croire  que  les 
peintres  vitriers  qui  embrassoient  alors  les  deux  arts,  présageant  dés  lors  la 
ruine  que  les  vitres  blanches  pourroient  causera  la  peinture  sur  verre,  ne  se 
prêtèrent  pas  volontiers  ;\  les  employer;  tant  il  répugne  de  se  figurer  que  des 
mains  si  habiles,  dès  le  xiiT'  siècle,  h  traiter  les  compartiments  de  toutes  sortes 
de  grisailles  en  lacis,  dont  nous  avons  parlé  <;n  traitant  de  la  |)einture  sur 
verre  de  ce  temps-là,  dont  la  plu|)arl  des  églises  de  l'ordre  de  Saint  Benoît  et 
de  Saint  Bernard,  et  dont  l'/vglise  do  Paris  conserve  elle-même  des  vitraux 
dans  quelques  chapelles  au  pourtour  du  clidiir.  aveni  si  grossièrement  traité 
les  vitres  blanches  dont  nous  venons  de  parler.  » 

Comme  on  le  voit,  le  principal  argimienl  dont  Le  Vii'il  se  sert  pour  démon- 
trer que  le  vitrail  blanc  était  à  ses  débuts  au  xiv'  siècle  consiste  dans  l'imper- 
fection (lu  verre  em|)loyé  en  celte  circonstance,  cl  dans  ce  qu'il  appelle  le 
mauvais  goût  de  l'assemblage  des  plombs.  Il  s'appuie  encore  s(n-  ce  fait  que 
le  chapelain  donateur  a  cru  tievoir  se  faire  représenter  sin*  un  de  ces  vitraux, 
accompagné  d'une  inscription  destinée  à  immortaliser  sa  mimilicence.  Notre 
aniein'  est  singulièrement  naïf  de  ne  pas  C()m|)ren(in'  (pie  le  bon  chapelain  a 
cédé  simplement  à  un  mouvi'incnt  de  vaniti-,  et  (|iie  son  but  était,  mm  pas  de 
constater  l'importance  de  ses  verrières  blanches,  mais  bien  de  profiter  d'une 
occasion  |)oiir  |)ass('|-  lui-nn-me  à  la  post(''iiti''.  Son  cadeau  h.  la  cathédrale  de 
l'aris  est  avant  tout  son  portrait,  et  les  vitraux  en  sont  le  prétexie.  IV-ut-êtiv, 
cependant,  ces  verrières  avaient-elles  une  certaine  valem-,  mais  .seulement  en 
ce  sens  (|M'elles  étaient  formées  de  verre  parfaileiuenl  blanc,  connue  l,c  Vieil 
l'a  consl/ili'.  ,iu  lieu  de  verre  vtM'dàlre,  selon  la  labiication  relativement  tléfec- 
liiiii-i'  (lu  moyen  ùge.  C'est  ainsi  probablement  (|u'il  faut  cumprendro  ro  que 
Juvénal  des  l'rsinsdil  des  n  cha.ssjs  de  verre  »  du  cliAteau  de  Bicétre.  Huant 
à  la  con(lu>ion  lin'e  de  loiil  cela  pai-  l,e  Vieil,  elle  est  puérile;  elle  prouve 
(|n'il  ne  connaissait  pas  les  vitraux  en  simple  mise  en  plomb  des  \ii*  cl 
xm"  sii'îdes,  encore  assez  nombreux  dans  plusieurs  églises  de  France  et  d'Al- 
lemagne, et  (pii  devaient  l'être  bien  davantage  à  son  époque. 

iioiiic  (l(<  ri'^;list>  crAiiMMTo  (lu  ii'"'|'-  '!.■  I  |...).-    (I  .-^i  niiinini'  |Minni  I"-  I".  nfiii.-nr.  ..m.,. 

il(Val)lo'«  dp  l'iililiino  fin  l.ivrv. 


i\ï3ï(iiiL:i;i;  iiiii;i[iËDiDtiiiD'D:£î 


■',\n  DU)  Il  UN,  A  l'A  m  s. 


,11 


Ifl^i 


chrome' bc* 
[.itiris  3  bon 

llrs  \oir 
lires  ^Cut 
^Miû  Tffurt' 
ffanfc, 


Dessillé  par  E.  Didron. 


Gravé  par  L.  Chapon. 


FAYKT,   GHI.rîOIHS  IDl  FAIIS,  MI'  SliSCILÏÏ. 


AL'     MLSKE     ne     LOIVRE. 


Publié  par  Didron.  2^,  rue  S'-Dominique,  Paris. 


Imprimé  par  J.  Clayc,  *.  rue  S*-Benoîl,  Paiis. 


HISTOIRE   DE  LA   PEI.NTLIiE  SLR   VERRE  EN    ELROPE.  225 

Cette  donation  flo  verrières  faite  à  la  cathédrale  de  Paris,  au  M\'  siècle, 
par  le  chapelain  Michel  Darancy  (ou  de  Drancy).  nous  rappelle  que,  vers  la 
même  é|)oque,  un  chanoine  nommé  Pierre  de  Fayet  disposa  de  deux  cents 
livres  parisis  pour  contribuer  à  l'exécution  de  la  magnifique  clôture  du  chœur 
de  Notre-Dame  de  Paris,  ainsi  qu'à  celle  de  plusieurs  vitraux  placés  dans  le 
sanctuaire.  L'ne  belle  sculpture  du  temps  constatait  la  libéralité  du  cha- 
noine'.  Après  avoir  fait  partie  du  musée  des  Petits-Augustins,  fondé  par 
Alexandre  Lenoir.  elle  fut  déposée  au  château  de  Versailles.  M.  Jeanron, 
directeur  des  musées  nationaux,  la  transporta  au  Louvre,  où  elle  est  encore 
maintenant.  \ous  publions  ici  cette  œuvre  curieuse,  malgré  l'intérêt  fort  indi- 
rect qui  la  rattache  à  notre  travail. 

ÉDOi-Anii    DIDUoN. 

1.  On  nous  pprmcUra  de  reproduiro  une  inlfTPSsante  «Ipscriplion  de  la  clOlurc  du  ctiœur  do 
Notrf-Dame  île  l'aris,  faite  nu  xvir  siècle  par  un  moine  de  Sainl-Gerrnaiii-tles-l'n-.-.  el  (|ui  fora 
coinprrndre  au  lecteur  la  place  uccupcc  par  lu  sculpture  dont  il  s'agit  : 

«  Le  (ra'ur  de  l'fCgiiso  Nostrc-Danie  est  clos  d'un  mur  percé  ii  jour  autour  du  grand  autel.  Au 
haut  duquel  sont  re|)ré.-entés  en  grands  pcrsoniia.i.'OS  de  pierre  dore/,  et  bien  peints,  l'Iii'toire 
du  Nouveau  Testament  avec  des  escrits  au-dessoubs  qui  expliquent  losditos  liistoires. 

0  Le  grand  crucifix  qui  est  au-dojsus  do  la  grande  porto  du  cœur,  avec  la  croix,  n'est  que 
d'une  pièce  :  et  le  pied  d'iceluy  fait  en  arcade  d'une  autre  seule  pièce  :  qui  sont  deu\  chefs- 
d'œuvre  de  taille  cl  sculpture. 

«  Au  bas  d'iceluy,  du  coslé  de  midy,  dans  la  nef,  se  voit  une  gr.inde  ligure  de  ia  \  ier..e  Marie, 
faicto  d'une  seule  pièce,  ornée  d'une  rubbe,  devant  laquelle  so  font  il  toutes  lieures  une  infinilé 
do  prières  :  ut  mosmo  l'on  tient  y  avoir  esté  faici  quelque  miracle. 

«  Du  mesmc  costé,  vers  lo  grand  aulel,  est  une  autre  ligure  de  la  sustlilo  Viergo.  nppoloo  Nos- 
lrc-t)anio  do  consolation,  lîl  auprès  il  y  a  la  (igure  d'un  areliexcsque  :  où  sont  gnivtt'S  ces 
paroles  : 

u  Noble  liomnie  (Guillaume  de  Melun,  arclicvesrpie  de  .^ens,  a  fait  faire  cesle  lii-i|oire  entre  ces 
«  deux  pilliors  en  l'Iionneur  do  Dieu,  do  No?lro-Dame  et  de  Monsieur  Sainci  Eslienne.  • 

«  Kn  continuant  vers  Orient,  l'on  voit  la  figure  il'un  liummo  d'église,  orneo  d'une  DiiliiMtirquo, 
à  costé  du(|uel  ce  (]ui  suit  est  gravé: 

(I  Malstrc  l'ierro  de  Fayel,  clianoino  île  Paris,  a  ilonné  deux  cens  livres  pour  ayder  h  fain»  ces 
Cl  histoires,  et  pour  les  nouvelles  verrières  qui  sont  sur  le  cœur  de  cenns.  • 

"  (Continuant  vers  le  coslé  do  Septentrion,  vis-ii-vis  de  la  porto  rouge  riMidiinl  du  rœur  nu 
cloistro,  l'on  void  les  noms  des  sculpteurs  (|ui  ont  fait  toutes  les  rigurt>s  <)u  lourdudit  cœur.  Uii 
près  d'une  slatile  d'un  lionnne  à  genoux  les  ni.iins  jointes  sont  ces  paroles  gr.ivees  : 

«  C'est  mai>tre  Jean  Uauy,  qui  fut  nuisson  de  Noslri'-Daine  do  Paris,  (kir  l'e-ipace  de  \\\i  ans, 
«  et  commença  ces  nouvelles  histoires  :  cl  inaistro  Jeun  le  llouteillor  les  n  iwrfailcs  on  l'an 

ic  Mcrc.l.l.  0 

Voir  le  II  ThéiUre  des  nnliqujlo/.  do  P.iris  <>,  par  le  It.  P.  I'.  Jacques  Du  Ilreuil,  Pari>ii-n.  rvli- 
gieux  do  SiiimU-dermain  des  Prez.  Paris,  tG39.  p.  10  et  II. 


Li:  STYLi:   (M.l\  AL 


EN   AM.Li:Ti:r»KE    Kï    E>    .N(li;.MA>DIK 


J.a  iNonnaiidic  est  sans  dnnli'  |;i  |)|iis  lnllc  (h'^  provinces  de  la  l'"i"ance.  Il 
n'en  e«t  du  moins  aiuiinc  (|iii  snii  plus  lianlc.  plu-  fertile,  plus  industrieuse. 
plii>  liclic.  a  loiiles  les  époques,  en  grands  hommes  et  en  beaux  monuments. 
Aïkiinc  n'a  eu  au  moyen  à<2;e  ime  histoire  aussi  Ijrillante  et  n'a  vécu  d'une 
vie  aussi  indépendante.  Mais,  précisément  à  cause  de  cette  circonstance,  la 
Normandie,  au  point  de  vue  de  l'art,  se  trouve  plus  étroitement  unie  à  l'An- 
gleterre ([u'à  la  France  ellc-nicme  ;  et,  ce  qui  est  singulier,  cet  état  de  choses 
se  coniiiim»  près  d'un  siècle  ^n•ès  la  réunion  de  la  province  à  la  couronne. 
peiulanl  loute  la  jiériode  la  plus  féconde  du  moyen  âge. 

Après  avoir  fait  l'éducation  artistique  de  l'Angleterre,  la  Normandie  s'est 
plus  tard  laissé  entraînera  sa  suite,  au  moment  même  où  elles  venaient  l'une 
et  l'autre  d'emprunter  directement  à  la  France  royale  les  premiers  éléments 
(le  l'art  gothique.  Les  deux  pays  ne  doivent  donc  pas  être  séparés,  quand  il 
s'agit  d'essayer  une  statistique  du  style  ogival,  et  c'est  alors  ;i  l'Angleterre 
(ju'il  app.ii'lieul  de  llgurei'  en  ]ir('inière  ligne. 

D'autres  provinces  françaises,  toutes  celles  de  la  région  de  l'Ouest,  depuis 
le  Mans  et  Angers  jusqu'il  Rayonne,  ont  été.  comme  la  Normandie,  gouvernées 
par  les  souvei'ains  de  l'Angleterre.  Mais  cette  réunion  dans  les  mêmes  mains 
de  pays  si  divers  a  été,  cette  fois,  sans  conséquences  artistiques.  On  s'efforce, 
depuis  jjlusieurs  années,  de  trouver  en  Angleterre  quelques  traits  du  styledo- 
mical  (le  l'Anjou  et,  en  Gascogne,  quelques  traces  tout  aussi  douteuses  du 
style  ogival  anglais.  Nous  verrons,  en  étudiant  le  style  ogival  du  sud-ouest  de 
la  France,  que  ces  imitations  sont  dans  tous  les  cas  de  peu  d'importance. 

Ces  résultats  si  différents  d'événements  analogues  se  conçoivent  aisément. 


LE  SIYLK  OflIVAL.  E\   ANGLKTLKHE    Kl    KN    NOKMAN  L)IK.  227 

D'abord,  il  n'y  a  plus  de  coiuiuête,  c'est-à-diic  de  population  qui  se  trans- 
plante avec  sa  civilisation  et  son  art,  mais  seulement  des  successions  et  des 
mariages  qui.  en  concentrant  le  pouvoir,  laissent  chaque  province  à  ses  tradi- 
tions particulières.  Il  n'y  a  pas  davantage  de  supériorité  constatée  et  évidente 
(l'un  pays  sur  l'antn',  en  fait  d'art.  I^es  réunions  s'opèrent  lard,  lorsque 
clia(iu(;  ville  a  ses  artistes  et  son  école,  qu'on  ne  cliangera  (»as  sans  de  graves 
motifs. 

Lnlin,  et  cette  rais(jn  doit  surtout  être  invoquée  pour  la  période  ogivale,  le 
voisinage  est  infiniment  moins  grand.  La  mer  est  devenue  dans  ces  derniers 
siècles  une  barrière  et  une  séparation  entre  la  Norcnandie  et  l'Angleterre  ; 
mais  il  n'en  était  pas  de  même  au  \in"  siècle.  .Malgré  la  confiscation  qui 
s'eiïectua  sous  Philippe-Auguste  et  les  courtes  guerres  qui  en  furent  la  suite, 
elle  unissait  les  deux  bords  de  la  Manche,  connue  le  Uhin  réunit  .ses  deux 
rives,  par  la  navigation  et  le  commerce.  Caen  ou  Coutances  pouvaient  donc 
avoir  et  avaient  réellement,  à  en  juger  parleurs  monuments,  plus  de  relations 
avec  Londres  et  avec  Cantorbéry,  cette  autre  capitale  de  l'Angleterre  au  point 
de  vue  religieux,  qu'elles  n'en  avaient  avec  Paris. 

N'oublions  pas  aussi  (|ue  la  plupart  des  abbayes  et  des  cathédrales  nor- 
mandes avaient  été  dotées,  comme  les  compagnons  de  (Juillaume,  avec  les 
fruits  de  la  con(|uéte,  et  possédaient  encore  de  nombreux  domaines  en  .\ngle- 
terre.  il  en  résultait  de  fréquents  voyages  et  .souvent  des  importations  artisti- 
ques. Ce  qui  est  certain,  c'est  (|uc  les  monuments  ugivaux  de  la  Basse-Nor- 
niiiiidie  sont  plus  anglais  (|ue  français  par  le  style. 

Il  y  avait  là  un  sujet  aussi  neuf  (|u'inléressant,  lorsque  nous  l'avons  efllcui^ 
l)oiM-  la  priMiiière  fois,  en  JSôO,  dans  une  lettre  à  M.  de  Caumonl.  sur  sa  sta- 
tisli(iue  luoiiiunentale  du  (ialvados  '.  Depuis  et  en  attendant  (|u'uii  .second 
voyage  (Ml  Angleterre  nous  permit  de  l'approi^judir  davantage,  le  Bév.  John 
!..  l''iii  '.  M  l'.iikrr  %  et  surloiil  M.  \iollel-le-l)iic  \  ont,  k  plusieurs  repri- 
ses, apprli'î  l'atlenliou  du  public  archéologue  sur  une  partie  des  faits  (|ue  nous 
avons  .'i  présenter  aujourd'hui.  Il  ne  sera  cependant  pas  inutile  do  résumer 
CCS  faits,  de  les  compléler  el  de  les  rectifier  parfois,  et  de  leur  donner  leur 
sigiiilicalii)n  véritable. 

Mous  connnencerons  par  rappeler  (iin'.  pour  le  style  ronum,  l'aimlogic  est 

4,   n  IIiiIIkIiii  ini)iiuiiii'ii(.il  i>.  IHr>0,  p.  4!l. 

i.   n  Arcliilcctur.il  stiidit'.s  in  l'ïiiiico  »,  I.iiiiiln's,  l.sr>V.  cli.  i,  |i.  S  ,  «11.  \.  |i.  HO. 
3.  «  Pro;j;rÙ!*  ((iiiniiirt»!*  <lo  liircliiloiMiiro  on  AnRli'Iorr»»  fl  on  Kmncu  •.    •  liiill.  mon.  ».  tK60, 
|i.  ixo. 

l.    Il  nii'liiiiiii.iiii'  irari'liilci'liiii'         1     II     \\     liiii     I     \     I.    II.? 


22S  ANNALKS  AIICII  l'OLOCIOL'KS. 

(omplrlo  et  (•(»iisl;iiitc  des  deux  cMrs  do  la  Manche.  Il  osl  vrai  que  l'Aiiglc- 
teric  n'avait  pas  d'archilecture  au  nioiuonl  de  la  C()iu|uéle  ;  car  les  iiirormes 
essais  des  cniistrueloiirs  saxons  ne  nii'-rilenl  pas  ce  nom.  Dès  lors  il  était  iia- 
lurel  (|ue.  les  nouveaux  uiailres  de  la  (Irande-Brelaf^nc  deuiaiidassent  long- 
temps leurs  artistes  à  la  NOiinandie.  Mais  ce  style  roman  est  uniforme  dans 
les  (lilTércnles  parties  de  rAii^;lelerre  ainsi  (|ii(!  (\i:  la  N'ormandie,  et  il  n'a  (|ue 
peu  (!(!  piiiiils  (le  eiinlact  avec  les  autres  styles  romans  (|ui  se  partagent  le  sol 
français. 

Il  est  siipeillu  d^'uuniércr  ici  les  earaclères  si  tranchés  de  rarcliitecture  an- 
gi()-nonnaii(le  à  i'i'poque  romane.  Tous  nos  lecteurs  connaissent  ces  plans 
simples  et  grandioses,  avec  deux  grosses  tours  à  la  l'açade  occidentah;  ;  cette 
excellenli' tli.-posilion  des  masses  architecturales  ;  cette  solidité  d'autant  plus 
grande  (|ue  li'  \ais<eau  reiilral  n'est  jamais  voûté.  Ou  connaît  aussi  cette  orne- 
meiilaliun,  souvent  si  ai)oiidante,  mais  toujours  un  peu  rude  et  sauvage,  pres- 
que toute  en  zigzags,  eu  damiers,  en  billeltes  et  autres  moulures  géométri- 
([ues,  "sans  figures  et  sans  feuillages,  ou  peu  s'en  faut.  Klle  semble  vraiment 
(1  taillée  au  marteau  »,  et  non  «  sciiipliH;  au  ciseau  ".  selon  la  distinction 
proposée  par  M.  Parker,  d'après  le  texte  de  Gervais  de  Cantorbéry. 

Peul-èlie  les  grands  (''ilificcs  romans  de  l'Angleterre  sont-ils  supérieurs  à 
ceux  (11'  la  Normandie  et  généralement  plus  avancés,  parce  qu'ils  sont  d'une 
date  un  peu  postérieure.  C'est  dans  la  seconde  moitié  du  \f  siècle,  en  efTet, 
que  se  fondent  les  pi-incipaux  monastères  de  la  Normandie,  tandis  qu'en 
Angleterre,  la  première  moilié  du  siècle  suivant  est  l'époque  de  grande  fé- 
condité. 

Arrivons  vite  à  la  transition,  sauf  à  revenir  quand  il  en  sera  besoin  sur  cer- 
tains caractères  de  cet  art  roman.  La  transition  se  présente  en  Angleterre  de 
la  même  manière  qu'en  Normandie,  mais  avec  plus  de  netteté  dans  les  dates. 
L'ogive  y  est  employée  tardivement  ;  elle  est  même  tout  à  fait  inconnue,  non- 
seuicmciit  au  xi'  siècle,  mais  pendant  la  première  moilié,  ou  tout  au  moins  le 
premiers  tiers  du  \ii'.  Ou  n'en  voit  i^oint  dans  les  constructions  primitives  des 
cathédrales  de  Cantorbéry  et  de  Uochestcr.  consacrées  l'une  et  l'autre  en 
1  loO.  J-c  cliirur  de  Péterborough.  bâti  de  1117  à  Uùo.  les  transepts  du 
même  i'"dinci\  élev(\s  de  1155  à  1177.  la  nef  d'Lly,  qui  n'est  pas  antérieure  à 
117'i.  n'en  ollVent  jias  davantage.  A  la  vérité,  ces  dernières  constructions 
ont  ('lé  faites  eu  conliiuialion  d'ouvrages  antérieurs;  mais  elles  n'en  prouvent 
pas  moins  combien  l'ogive  était  rare  encore  et  sans  influence  en  Angleterre  ; 
combien  elle  y  est  étrangère  au  style  roman  du  xn''  siècle,  qui,  du  reste,  n'en 
avait  pas  besoin  et  s'en  passe  parfaitement  pour  réaliser  ses  conceptions  les 


LE  STY[,F:  ogival   E\   ANGLETERRE  ET  EN   NORMANDIE.  229 

plus  grandioses  et  les  plus  complètes.  A  la  môme  époque,  dans  tout  le  nord 
de  la  France,  de  quelque  façon  qu'un  édifice  eiit  été  commencé,  assurément 
on  n'aurai!  pas  eu  assez  d'égard  à  la  syi;iélrie  pour  le  continuer  sans  ogives, 
et  on  userait  de  même  de  toutes  les  autres  res.sources  du  style  ogival. 

r.orsque  l'ogive  arrive  enfin  en  Angleterre,  elle  est  employée  çà  el  là,  ch 
vue  de  certaines  convenances  architecturales,  mais  exceptionnellement.  Elle  ne 
se  propage  pas  vile,  parce  qu'on  en  liie  d'abord  peu  de  parti.  L'église  de 
Kirckstall,  bâtie  de  J 152  à  1 1<S2,  et  où  l'on  s'est  seru  de  l'ogive  pour  les  gran- 
des ai'cades  qui  mellcnl  la  net' en  communication  avec  les  bas-cùtés,  a^  long- 
temps passé  pour  le  plus  ancien  monument  à  dale  certaine  oii  l'on  pût  con- 
stater sa  présence  '.  Malmesbury  el  Fountaiiis-Abbey  en  offrent  cependant  îi  la 
même  place.  Mais  si  Fountains-Abbey,  par  exemple,  a  élé  fondée  en  \  132.  on 
parle  d'un  incendie  en  ll/|().  el  mi  ajoute  que  l'abbé  John  d'York  rebâtit  son 
église  en  120/i,  depuis  les  «  fondements  »  '-.  Les  mêmes  incertitudes  régnent 
sur  la  dale  de  M;ihnesbury,  car  la  dernière  édition  du  Glossaire  d'architec- 
ture ^  fixe  à  llôU  l'époque  approximative  du  «  triforium  »  en  plein  cintre  qui 
repose  sur  les  arcades  ogivales  du  rez-de-chaussée,  bien  que  tout  Tédilice  ail 
été  bâti,  selmi  lîickiiKiiiii.  ilr  111.")  :i   1  l.i!i  '. 

Les  archéologues  anglais  ont  cherché  à  découvrir  (pieUpies  ogi\es  plus  an- 
ciennes que  celles  de  Kirckstall  dans  la  rotonde  du  Sainl-Sé|)ulcre  à  Nor- 
lliamplon.  fondée  avant  1127,  et  dans  l'église  de  Saiiit-iîarthélemy  de  Smith- 
licld  à  Londres  (I  123  à  lL"i3).  NLiis  on  a  reconnu  bien  vite  (pie.  dans  l'un  el 
l'autre  cas,  les  arcs  aigus  ne  pouvaient  guère  appartenir  à  la  fondation  primi- 
livo-'. 

D'aprrs  M.  l'arki-r'',  il  \  aurait  des  ogives  anciennes  ii  Sainte-Croix  de 
Winchester,  fondée  cm  1  L'J(»  par  ili-nry  de  Hlois,  frère  du  roi  lilienne,  el  dont 
la  construc.lion  s'est  prolongée,  dil-on,  pendant  vingt  ans  au  moins.  Mais  nous 
n'avons  pas  reniar(|ué,  pour  noire  pari,  clans  celte  curieuse  église,  d'autres 
ogives  primitives  que  celli's  (pii  n''sullcnt  de  l'inter-serlion  des  arcs  en  plein 
cintre  du  li il'oi iiiiii.  ru  ;i\anl  (1rs  fenêtres;  et.  h  pro|)remeiit  parler,  ce  ne 
sont  pas  des  ogives,  (|iioi(pie  le  doclctn-  Milner  ait  vu  là .    précisémenl,  la 

1 Tlio  carlicsl  oxpinplrs  of  llio  |inintr<l  iin-li  in  Hn);lmul  of  wliicli  thc  dau**  can 

1)0  siitisriuini'ily  iiscciliiincil.  ii|)|)i<iir  lo  bo  lliu  cliiircli  of  Kirksiall,  U<;:un  .\.l).  11.5!  ami  |jn>-»- 
coiil  priory  (livliralcd  I  Ki'J  »  (  »  (ilos.sjiiio  •>  ilo  l'.\iikhn,  cilitioti  ili>  IHjU,  (   i.  |>.  3H;, 

i.    llUKUAN,  l'illlioll  (II'    INI'l!,   |l.    Il'ii. 

3.   Il  (ilossiiry  of  turliiloi'liiri'  »,  pl.  «cwi 

i.    lIlCkMAN,   p.  I.')li. 

H.  Hir.KxnN.  p.  i;i9  Pl  IfiO. 

("i.   Un  KMv\,  ni.  ilc>  istii.  p.  Ifi.l. 


•2:50  ANNALKS  AlUllIKOl.OfMOUKS. 

source  (II' Ions  les  arcs  aif^iis.  Du  rcsio ,  l'é^^lisf  de  Sainte-Croix,  IkiIIo  par 
un  l'raiicais,  luonlrc.  ronnuc  nous  le  verrous  bionlôt,  des  traces  plus  positives 
(le  l'.ul  j;ollii(|uc  et  (le  riiinucnce  française. 

L'ogive  ne  se  nioulre  guère  eu  Angleterre  avant  1150.  lille  n'y  devient 
r(;elleuicnl  habiliiello  et  syslémalifiuc  .  elle  n'est  par  exemple  adoptée  pour 
les  l'cmMres,  ([u'à  partir  de  1175.  après  les  travaux  de  Guillaume  de  Sens,  et 
encore  pas  partout,  il  s'en  faut  de  beaucoup;  tandis  qu'en  France  elle  est  par- 
faitement syst(^'mati(|ue  lrent(3  ans  plus  li'it,  depuis  Sainl-IJenis,  dans  toutes 
les  prn\  iiiccs  (In  domaine  l'oyai.' 

La  voûte  d"ur(jtcs  sur  nervures,  autre  éi(5ment.  plus  important  encore,  du 
slyie  ogival,  serait,  si  l'on  s'en  rapportait  aux  livres  élémentaires  d'archéologie, 
bien  antérieure  à  l'ogive  en  Angleterre  et  plus  ancienne  même  qu'elle  ne  l'est 
en  l'rancc.  ou  tlans  aucun  autre  pays  de  l'Europe.  Mais  on  était  tombé  à  cet 
égard  dans  une  iin'piise.  liV's-excusabIc  à  vrai  dire,  quoiqu'elle  semble  évidente 
aujonririnii.  Chose  singulière!  vers  l'époque  où  l'on  couvrit,  pour  la  première 
fois,  les  nefs  de  Sain I- Etienne  et  de  la  Trinité  de  Caen,  de  voiites  toutes  ro- 
manes et  norniandes  par  rornemcnlation.  mais  toutes  gotliicpies  par  l'origine, 
on  se  mit  aussi  en  Angleterre  à  intioduirc  après  coup  des  voûtes  à  nervures, 
non  pas  sur  le  vaisseau  cenlral.  mais  dans  les  bas-côtés  des  églises  romanes. 

Occupons-nous  d'abord  de  la  Normandie  où  la  (|uestion  a  été  mieux  étu- 
diée. L'abbaye  aux  iloninies,  de  Caen.  avait  été  destinée  probablement  à 
recevoir  un  jom-  des  voûtes  sur  la  grande  nef,  si  les  progrès  incessants  de  l'art 
de  bâtir  permettaient  de  les  établir  solidement.  Il  suffit,  pour  admettre  la 
possibilité  de  ce  fait,  de  voir  quelle  épaisseur  atteignent  les  murs  et  les  piles, 
tandis  que  dans  des  monuments  pour  le  moins  aussi  vastes,  mais  un  peu  plus 
anciens,  tels  (juc  Saint-Ccrniain-des-l'rés  et  surtout  Sainl-Remi  de  Reims, 
piles  et  imu's  restent  remai'quablemcut  minces.  Il  n'en  est  pas  moins  positif 
que  la  nef  principale  de  Saint-Etienne  a  été  d'abord  achevée  sans  voûtes.  Le 
fait  était  soupcjonné  et  à  peu  près  admis  depuis  longtemps '.  M.  Parker-  et 
M.  Bouet^  en  ont  donné  la  preuve  incontestable  ,en  signalant  Tarcature  au- 

1.  Dans  son  n  Voyage  arcliéologiquc  on  Normandie  »,  [niblk^  à  Loiidre-:  en  I8:î6,  et  traduit  à 
Caen  par  l(\s  soins  de  M.  de  Caumoiil  en  1838,  M.  Gaily-Kniglit  disait  déjà  :  «  La  voiite  de  la 
nef  de  Sainl-Étieiinc  est  évidemment  normande;  il  peut  cependant  se  faire  qu'elle  ait  été  ajoutée 
à  une  époque  plus  récente  ».  El  plus  loin  :  «  Il  y  a  dans  les  petites  colonnes  auxiliaires  qui 
aident  à  siipporlcr  les  voiUcs  de  Saiiit-Lltienne.  dans  la  manière  dont  elles  sont  adaptées  et  dans 
leurs  ornements,  (pielque  chose  qui  vient  donner  un  nouveau  poids  à  l'idée  de  l'addition  subsé- 
(luoiite  de  la  voùle  en  pierie.  » 

2.  «  Mémoires  de  l'Institut  des  arcliilectes  britanniques»,  1863. 

3.  «  lîulk'tiii  niunumenlal  »,  I8G;Î,  p.  57,  et  1S(J3.  p.  769. 


LE   STVLK  OGIVAL  li.N   ANGLETERRE  El    EN   NORMANDIE.  231 

jourd'hui  bouchée  qui  règne  en  arrière  des  retombées  de  la  voûte  actuelle  et 
qui  a  cerlaineinent  soutenu  un  simple  plafond.  Cependant,  quand  les  piles  de 
la  nef  furent  fondées,  on  songeait  ap|)arenimenl  à  de  grandes  voûtes  d'arêles 
embrassant  deux  travées,  puisque  ces  piles  sont  alternativement  inégales,  en 
raison  du  poids  inégal  qu'elles  devaient  recevoir.  M.  Bouet,  dans  son  premier 
mémoire,  avait  expliqué  cette  disposition  par  l'existence  d'arcades  transver- 
sales, placées  de  deux  en  deux  travées,  et  soutenant  la  charpente,  comme  on 
le  voit  à  Cérisy;  mais  il  a  constaté,  depuis  K  qu'il  n'avait  rien  existé  à  Saint- 
Étienne  d'analogue  à  ces  arcs  de  Cérisy.  Il  faut  donc  s'en  tenir  à  l'hypothèse 
des  voûtes  d'arêtes  simples,  telles  qu'on  en  voit  sur  les  bas-cùtés.  Alors,  les 
voûtes  des  galeries  devaient  aussi  être  des  voûtes  d'arêtes  simples,  et  l'on  en 
voit,  en  effet,  les  amorces  dans  la  travée  plus  ancienne  qui  est  contiguë  aux 
Iransopts.  Plus  tard  on  semble  avoir  passé  à  l'idée  de  voûtes  ou  berceaux, 
comme  celles  de  l'Auvergne  ou  de  la  Bourgogne,  car  la  voûte  actuelle  des 
galeries  de  la  nef  est  un  arc  de  cercle,  connnc  pour  contre-buter  ces  berceaux. 
Mais  nous  le  répétons,    toutes  réflexions  faites,  on  se  contenta  prudemment 
de  plafonds  qui  n'avaient  aucun  besoin  d'être  contre-butés.  Comme  c'était  à 
regret,  aussitôt  que  Poissy,  Saint-Denis  et  d'autres  monuments  de  l'Ile-de- 
l'rance  offrirent  l'exemple  des  voûtes  d'arêles  sur  nervures,  à  la  fois  légères 
et  solides,  on  s'empressa  d'en  élever  de  pareilles  sur  la  nef  de  la  grande 
abbaye  de  Cacn.  Mais  l'arcliilecle  était  normand  et  ne  prenait  aux  monuments 
(lu  (Imiiaine  royal  que  l'idée  des  voûtes  sur  nervures,  non  leur  ornementation. 
Toutes  les  sculptures  des  voûtes  cl  des  portions  de  mur  ([ui  ont  été  construites 
en  mêiiio  temps  sont  donc  géométri(|ues,  sans  aucun  feuillage,  et  restent  con- 
fornii's  au  style  roman  de  Normandie. 

l/abbayc!  aux  Dames  ou  de  la  Trinité,  fondée  à  Caen  i)ar  la  reine  Mathilde, 
iors(|iic  Ciuillamne  le  Conciuéranl  fondait  l'abbaye  aux  Hommes,  donne  lieu 
,iii\  mêmes  observations  ;  avec  celte  différence  qu'il  reste  seulement  quelques 
pans  de  mur  do  la  constructron  primitive.  Mais,  (|uoi(|ue  rédiliee  ait  été  re- 
manié et  embelli  à  une  époipie  |)ostéricure,  vers  le  rommencomenl  du 
xir  siècle,  il  ne  comporlait  point  encore  de  voûtes  sur  la  grande  nef.  M.  Bu- 
prich-Bobert.  (|iii  restaure  cet  édifice,  s'en  est  convaincu  par  des  ivcherches 
apiirofondies,  poursuivies  parallèlement  à  celles  de  MM.  Parker  et  Bouel.  et 
(|iu  oui  abouti  au  même  résultat,  sauf  pour  (|uel(|ues  point.s  de  détail,  à 
l'égard  desquels  il  ne  parait  pas  en  mesure  de  faire  prévaloir  délinilivenienl 
son  opinion. 

1        liiilli  lui  niiimiiiionUil       l**'-'    !•    "    ■- 


2:i2  ANNAI-KS  ARCIlfiOLOCIOL  ES. 

Dans  les  environs  (1(;  Cricn,  d'aulnes  monuments  secondaires,  comme  le 
piioiin;  (le  Sainl-flabriel,  près  do  Ciriiilly,  |)n'nnenl  aussi  des  voùles  après 
coup.  (Jii(;l(|ii('s-uns,  moins  imporlanis  enc<»rc.  comme  l'église  paroissiale  de 
(îrcuilly  ',  sont  conçus  dès  i'orijiiine  avec  des  nervures,  car  ils  onl,  en  plan,  des 
colunnellcs  posées  diayonalemcnl.  Titus  soni  poslérir-urs  aux  voùles  de  Sainl- 
l'ilicnnc  iiii  lnul  au  plus  cnMliinpdi'aiii^  ;  mais  aucun  n'a  (i'Iiistoire  cl  de  (laie 
précise.  On  pcul  dire  appro.ximalivemcnt  ([u'ils  nul  éti''  hàlis  enln-  1l'|0  et 
1  !()().  épo(|iic  projjablc  des  voùles  de  Saiiil-Klienne. 

i.n  Aiij^lolerre  ce  u'esl  pas  sur  le  vaisseau  central,  mais  dans  les  bas-cùlés 
des  églises  romanes,  que  des  voûtes  à  nervures  sont  ajoutées  après  coup.  Il 
y  avail  (li'jà  des  voûtes  simples,  c'est-à-dire  sans  nervin'cs,  au-dessus  des 
collatéraux  des  monuments  dont  il  s'agit  ici  ;  et  rien  M'itidi(|ue  (pièces  voùles, 
de  portée  Irès-restreinte,  man(iiiasscnt  de  solidité,  car  les  murs  et  les  piliers 
son!  demeurés  inébranlables.  !*ar  des  motifs  de  pur  embellissement,  à  ce 
(lii'il  semble,  ou  introduisit  des  nervures  sous  les  arêtes  des  voûtes  primitives, 
ou  Idn  remplaça  en  entier  ces  voûtes,  sans  rien  changer  à  la  forme  et  à  la  di- 
l'eclioii  des  su|i|)inis  inrérieius.  Aussi,  les  colonnes  engagées  qui  reçoivent  la 
retombée  des  nervures,  au  lieu  de  leur  l'aire  l'ace,  conformément  à.  un  usage 
très-général  et  très-logique,  se  présentent-elles  alors  par  l'angle  de  leurs  bases 
et  de  leurs  chapiteaux.  Comme  on  a  laissé  les  arcs-doubleaux  en  plein  cintre 
et  mémo  en  cintre  outre-passé,  ce  qui  est  assez  disgracieux,  afm  de  ne  pas 
modilier  les  hauteurs  d'étages  ;  et  comme  les  profils  des  nervures  diagonales 
sont  très-simples,  en  tore  unique,  par  exemple,  l'illusion  est  complète. 

Habitué  cependant  à  voir  les  chapiteaux  faire  face  aux  nervures,  je  conçus 
des  doutes  sur  raulhcnticitédes  voûtes  de  l'éterborough,  en  visitant  cet  édi- 
fice, car  jusque-là  je  l'avais  tenu,  d'après  les  livres  et  les  dessins,  pour  tout 
à  lait  homogène.  M.  l'arker,  qui  avait  bien  voulu  me  servir  de  guide,  m'in- 
di(|ua  aussitôt  un  moyen  d'éclaircir  ce  soupçon,  et,  en  montant  sur  la  clôture 
du  chœur,  je  pus  n)'élever  ;i  la  hauteur  des  chapiteaux.  Quelle  ne  fut  pas  ma 
satisfaction  en  voyant  là  (|u"uii  antiquaire,  aussi  défiant  et  plus  autorisé  que 
moi,  s'était  penuis  de  marteler  le  mortier,  à  la  jonction  des  nervures  avec  les 
autres  arcs,  et  peut-être  de  casser  une  piei're!  Dans  tous  les  cas,  cette  pierre 
est  cassée,  et  on  constate  nettement,  en  cet  endroit  et  en  plusieurs  autres,  que 
les  moulures  des  arcs  latéraux,  nécessairement  pi'imitifs,  puisqu'ils  suppor- 
tent les  murs,  se  continuent  derrière  les  nervures,  connue  le  montrent  les  deux 
cro({uis  de  la  page  qui  suit. 

1.  Vovcz  la  0  Slalislique  monumonlalc  du  Ciilv-ido»  n,  par  iM.  de  Cvumont.  t.  i". 


m:  style  ogival  en  Angleterre  et  en  Normandie.       233 

Il  a  fallu,  contre  foute  raison,  rt^duire  k  trois  centimètres  l'épaisseur  de  la 
partie  carrée  des  nervures  en  arrière  du  tore,  et  marteler  les  moulures  posté- 
rieures pour  que  la  voûte  prit  sa  forme  actuelle. 


H"   1.   —  Mrnvinns    ajoitkf.s    tpnis  coii-. 


1 


ntTKKnOROUOH. 


wi  M  cil  «HT  Ha. 


rii  TlEO^tK')  (>■>>■- 


M.  Viollet-lc-l)uc  a  donné,  dans  son  Dictionnaire  d'architecture',  un  dessin 
de  ces  voûtes  du  chœur  de  Pétcrhorougii.  Il  fait  reniar{|uer  la  manière  dont 
le  couronnomeiil  de  cha(|ue  pilier  monostyle  a  été  morcelé  et  suhilivisé  en  au- 
tant de  chapiteaux  (pi'il  en  fallait  pour  recevoir  les  diverses  retraites  des  arcs 
latéraux  et  des  arcs-douhleaux,  ainsi  que  les  nervures.  Il  ne  doute  donc  pas 
(II-  r.iiilhenticité  de  ces  nervures.  Kn  elTet.  il  ny  aurait  prus  îi  en  douter,  si  la 
gra\iin-  publiée  par  le  Dictionnaire  d'arciiitectiH-e  était  exacte.  Mais,  soit  que 
iM.  Viollet-le-Duc  ait  complété  loin  du  monument  un  cnxiuis  fait  h  la  hàlc; 
soit  (in'il  se  soit  servi,  toujours  en  la  complétant,  do  quelipu*  gravure  anglaise 
qui  n'iii(li(iuait  pas  la  disposition  des  assises  et  l'arranj^ement  dos  joinl.s.  il 
a  l'ail,  il  col  é{j;ard,  ce  (|ui  devrait  exister,  et  nullomont  ce  <|ui  exi.ste.  An 
lirii  (rime  lit;ne  de  joints  parfaitement  horizontale  <|iii  sonderait  les  nervures 
diaf^onales  aux  arcs  latéraux,  tii  iii(ii(|uant  qtio  les  uns  et  les  aulivs  sont  pris 
à  leur  naissance,  dans  la  munie  assise,  et  dans  les  mêmes  blocs,  il  y  a  rvello- 


Kicliiimi.iiii'  il.ir.lni.'.  iiiri'   •    I     i\     i.    10^ 


2:W|  ANNAi.r.s  aiu;iii':()I,ogioi:ks. 

iiiciil  à  IVtoil)on)iinli  iiii'î  soliilioii  de  coiitiiiuiti';,  ;iiis.si  iiclle  que  possible,  entre 
les  nervures  cl  le  reste  de  la  fonslriielii)ii.  Klle-s  diiI  donc  été  ajoulées  après 
coup,  je  le  répèle,  et  les  <liapil<'au.\  sur  l'angle  descpicis  elles  reposent  étaient 
déjà  iiécossaircs  pour  recevoir  les  naissances  des  voûtes  d'arêtes  simples.  C'est 
celle  dernière  forme  de  voûtes  rprils  accusent,  «ai-  c'est  avec  elle,  et  avec  elle 
seule,  (ju'ils  s'accordent. 

Après  !*élerl)oroiigli,  nous  avons  visité  Windicsler,  puis  Uomsey,  et,  dans 
ces  deux  monuments,  les  mêmes  vérilicalions  de  l'authenticité  des  nervures 
avaient  eu  lieu  et  avaient  donné  les  mêmes  résultats.  Partout  le  mortier  avait 
été  enlevé  de  façon  à  mettre  en  évidence  le  remaniement  des  voûtes. 

A  W  iiii  liestcr,  où  les  nervures  rcnionieraieiit  au\  dernières  années  du 
XI' siècle,  si  elles  étaient  primitives,  il  n'y  en  a  pas  dans  toutes  les  travées,  de 
sorte  que  le  même  pilier,  olïrant  des  deux  côtés  le  même  nombre  de  colonnes 
cl  le  même  arrangement  de  chapiteaux,  supporte,  d'une  part,  des  voûtes  à 
nervures  et.  de  l'autre,  des  voûtes  d'arêtes  simples.  C'est  là  que  l'on  voit  le 
micux.comhien  des  piliers  tels  que  ceux  de  Péterborough  sont  motivés  par  la 
voûte  romane,  el  non  jku-  la  voûte  gothique.  Aussi,  le  fait  de  l'adjonction 
après  coup  des  ncrvuns  do  W'iiiciicster  a-t-il  été  reconnu  depuis  longtemps. 
V.n  18/i(i,  an  meeliiig  de  l' Institut  archéoI()gi(|UC  qui  cul  lieu  à  Winchester 
même,  M.  \\  illis,  en  esquissant  l'hisloire  arciiilccturalc  de  cette  cathédrale, 
disait  déjà  (pio  «  les  voûtes  d'arêtes  simples  sont  de  la  construction  originale, 
el  que  les  additions  aux  piliers,  ainsi  que  les  voûtes  à  nervures,  appartiennent 
à  imc  seconde  slrucliire^.  » 

J'avais  pensé  que  M.  Wiilis  pouvait  seul  avoir  «  dégradé  »  les  voûtes  de 
Péterborough  aussi  bien  que  celles  de  Winchester  et  de  Romsey  pour  en  véri- 
fier ranlhenlicité.  et  je  n'ai  pas  manqué  d'interroger  sur  ce  point  le  savant 
professeur  de  Cambridge.  Mais,  si  je  me  rappelle  bien  l'explication  qu'il  m'a 
donnée  verbalenient,  tout  en  convenant  ([u'il  avait  fait  les  vérifications  dont  il 
s'agit,  il  ne  jugerait  i)as  qu'on  dût  c!i  tirer  nécessairement  les  mêmes  conclu- 
sions (juu  moi.  Tout  s'expliquerait  à  la  rigueur  par  l'inexpérience  el  les  tâton- 
nements des  architectes,  sinon  de  Winchester,  du  moins  de  Péterborough. 

Toujours  est-il  que  M.  Wiilis,  le  plus  compétent  des  archéologues  anglais, 
avait  des  doutes  sur  l'ancienneté  réelle  des  voûtes  à  nervures  dans  son  pays, 
et  que  ces  doutes,  loin  d'être  démentis  par  les  vérifications  qu'il  a  faites,  ont 
été  au  contraire  confirmés  dans  une  mesure  quelconque.  Il  faut  donc  se  défier 

].  « l'iame  tiiis  infer  tliat  tlie  plains  groined  vaiilts  are  of  liie  original  structure,  and 

lliat  tho  additions  lo  tlie  piers  togelher  uitii  llio  ribbod  vaulls  belong  to  tlie  second  structure.  » 
((  Muetiiig  de  l'Inslilut  archéologique  à  Winchester»,  1846.  Londres,  Longmann;  Oxford,  l'arker. 


LE  STYLF:   ogival  en    ANC.LETERRE  et  en    NORMANDIE. 


2S5 


sinfçulièremcnt  de  l'anthenticité  des  ners'ures  en  Angleterre  quand  l'Iiisloire 
leur  attribue  une  date  trr's-reculéc.  Ainsi  dans  la  crypte  de  Glocesler,  où  elles 
seraient  comme  à  Winchester  de  l'an  1100,  on  aperçoit,  sur  la  seule  inspec- 
tion des  dessins,  que  les  piliers,  d'abord  cantonnés  de  plusieurs  colonnes,  ont 
pris  vers  le  bon  côte,  lorsque  les  nervuresont  été  ajoutées,  l'aspect  d'une  grosse 


<ir. mines  ajoitkks  kt  meiixiiiks  priuitives. 


r-  A  U  U  K  I  D  o  ■■ 


colonne  monocyliiidri(|iio,  dont  le  chapiteau  est  à  un  niveau  plus  bas.  De  môme 
dans  l'église  ronde  de  (laiiibridge,  bâtie  au  retoiu"  des  premirres  croisades 
sur  le  modèle  du  Saint-Sépulcre,  les  consoles  qui  reçoivent  aujourd'hui  la 
retombée  des  nervures  diagonales  étaient  destinées  ù  des  arcs-doubleaux  per- 
pendiculaires au  bas-côté  qui  séparait  des  travées  allernalivement  carrées 
et  triangulaires.  C'est  ce  qui  fait  (|u'aujourd'liui  la  nervure,  carrée  en  section 
et  très-ancienne  au  premier  abord,  s'enfonce  et  se  perd  d'un  côté  dans  la  mu- 
raille, comme  le  monire  le  cro(|uis  ci-dessus. 

On  aurait  facilement  évité  cet  inconvénient,  si  la  construction  avait  été 
homogène,  en  rendant  la  console  oblique. 

I.c>  premières  voûtes  à  nervures  (|ui  m'aient  paru  bien  anlhenti(|iies  en 
Angleterre  sont  ci'lles  de  la  crypte  de  Warvick  et  du  "  l.avaloriuni  »  do  Cm\- 
lorbéry,  petit  édilice  circulaire  attenant  au  graml  cloître,  l.ii  les  colonnes  en- 
gagées font  face  au\  nervun's,  comme  c'est  en  l'rance  im  usage  constant  dès 
l'origine  d<!  la  voùle  gothicpie.  sauf  des  exceptions  intinimeni  ran's  (pii  s** 
voieiil.  p,ir  exemple,  à  Saint-Denis,  non  dans  le  choiir.  mais  dans  le  narlliev, 
non  dans  tontes  les  Iravi-es.  mais  dans  une  s<'ule  et  la  plus  ancienne;  encore 
les  chapiteaux  (pn  se  présentent  par  l'angle,  pour  recevoir  les  nervuivs,  sont- 
ils  molivé^  p;ir  im   arratigemeni  tout   parliciilier  du   pilier  et  doit  vuttlv^n  qui 


236  ANNAI.r.S   ARCIiriOLOGIOLES. 

l'uriinnl  ('nidoiiiinciit  un  (3ii.sciiil)l(;  li(jmofî<';nc.  M;illi<nireusomciil,  ni  |ioiir 
W.iivick,  ni  |)iMii- 1(!  »  Lavaloiiiiin  »  de  Caiitorbijiy  oii  n'a  de  dates  positives. 
On  sait  sculciiicnl  ciiic  cette  dernière  conslniclion  est  postérieure  ii  l'enseuible 
de  la  catiiédrale,  consacrrc  en  1  \'M).  cl  où  il  n'y  a  pas  plus  de  nervures  (pie 
d'()<i;iv<^s. 

La  (ry|)ti'  de  la  (•allii''dra!('  d'Vink  l'I  (|iiclr|iics  parties  dr  l'abhaye  de  Rurn- 
sey  ollVcnl  .iiissi  <\i'!>  nervures  appailenanl  à  la  eonstruclion  primitive.  Le  plan 
des  piliers,  la  direction  des  chapiteaux  et  l'appareil  des  relrtinbées  de  voûtes 
servent  à  le  constater.  Dans  l'abside  carrée  de  Ronisey.  les  arcs-doubleaux 
(|iii  manpient  la  naissance  des  chapelles  prcscnlent  k  leur  sommet  deux  cla- 
\r;iiiN  plus  longs  que  les  autres,  et  forment  une  saillie  triangulaire  sur  laquelle 
\iennenl  s'a|i|)uyer  les  nervures  k  section  carrée,  dont  les  supports  n'avaient  pas 
été  ménagés  dans  l;i  partie  inri''ri(.'nre  de  la  construction.  Siu-  un  autre  point 
de  Téglise.  un  seul  piliei'.  construit  en  dernier  lieu,  a  dos  chapiteaux  disposés 
de  manière  à  faire  face  aux  nervures,  qui.  par  conséc[uent.  sont  authentiques 
dans  cette  travée '.  Du  reste  la  crypte  d'Yoï'k  et  les  chapelles  de  Romsey  ne 
dateraient.  d'ajM'ès  le  Glossaire  d'architecture,  que  de  IIGO  environ-,  époque 
oii  le  système  des  voûtes  à  nervures  était  depuis  longtemps  pratiqué  en  France 
sur  la  plus  -ranile  échelle  et  devait  iiatin'elleineiit  commencer  à  se  répandre 
dans  les  pays  eireonvoisins. 

Aussi  bien,  comment  la  voûte  à  nervures  aurait-elle  été  inventée  en  Angle- 
leire.  où  les  architectes  romans  n'en  avaient  aucun  besoin,  on  peut  le  dire,  pour 
réaliser  leurs  conceptions  les  plus  grandioses  et  les  plus  complètes?  En  ell'et. 
ils  ne  cherchaient  pas.  connue  les  nôtres,  à  voûter  les  nefs  principales;  ils  se 
contentaient,  sans  regrets,  de  ])lat'onds  lambrissés  ou  de  charpentes  apparentes, 
et  |)arfois.  en  plein  \ii''  siècle,  ils  ne  faisaient  pas  du  tout  de  voûtes,  même 
sur  les  bas-c(Més,  notamment  dans  la  belle  abbaye  de  Waltham  et  dans  la  ca- 
thédrale de  Rochcster.  Or.  quand  il  s'agit  simplement  de  voûter  des  bas-côtés, 
dont  les  travées,  aussi  larges  (pie  longues,  ne  dépassent  guère  six  mètres  de 
portée  ;  lorsque  d'ailleurs  on  ne  se  sert  pas  de  l'ogive,  la  voûte  d'arête  à  la 
romaine  suffit  parfaitement  et  vaut  mieux,  à  tout  prendre,  que  la  voûte  gothique 
à  neivures.  Moins  ouvragée,  sans  doute,  et  par  conséquent  moins  riche  d'as- 
pect, elle  est  plus  correcte,  plus  simple,  et  sa  solidité  ne  laisse  rien  à  désirer. 
C'est  ce  (pic  pensaient  certainement  les  artistes  qui  ont  élevé,  vers  1170,  les 
travées  occidentales  de  la  nef  d'Lly,  car  ils  ne  pouvaient  point  ne  pas  con- 

1.  Voyez  sur  la  gravure  préccîdcnto,  n°  2,  ce  pilier  de  Itonisey  et  un  de  ceux  où  les  nervures 
ont  été  intercalées,  tant  bien  que  mal,  derrière  les  retombées  des  autres  arcs. 

2.  (1  filossaire  d'ArchilecUnr  i>.  pi.  iv. 


LK  STVI.i:  0(;i\\L   E\   ANGLKTKliRK   F.ï   KN    NOIlMANDIE.  237 

naître  l'exemple  tout  voisin  fie  I*(''terborougli,  où  l'imitation,  peut-être  irréflé- 
chie, des  voiite.s  françaises  avait  fait  introduire  après  coup  des  nervures. 

Le  premier  édifice  anglais  un  peu  con-idérable,  dont  le  plan  primitif  com- 
poitc  des  voùlcs  sur  la  nef  principale,  est  en  même  temps  le  premier  où  on 
ait  su  tirer  parti  de  lu  voûte  à  nervures,  si  ce  n'est  pas  celui  où  on  la  ren- 
contre pour  la  première  fois  avec  une  date  précise.  Mais  le  ciiœur  de  Sainte- 
Croix  de  Wiiiciiester  dont  il  s'agit  ici  a  été  élevé,  comme  nous  l'avons  vu,  par 
un  prélat  fiançais  et  probahlemeni  sons  une  influence  française.  Postérieur 
à  la  nef,  où  les  nervures  ont  été  ajoiilées,  et  qui  n'a  elle-même  été  commencée 
([u'en  H36,  il  est,  selon  toute  apparence,  moins  ancien  (pie  le  clio-ur  de  .Saint- 
Denis.  au(iuel  il  lie  saurait  être  comparé  sous  aucim  rapport.  Il  est  néanmoins 
iiiii;in|iiable  en  Angleterre  par  l'emploi  raisonné  de  la  voûte  à  nervures,  et 
par  lasubstitulion.  non  moins  caraclérisli(pic.  des  cha|)iteaux  en  feuillages  aux 
chapiteaux  cubiques  ou  godronnés  du  style  roman  de  Nonnandie.  Toulefois 
je  ne  suppose  pas  que  l'église  de  Sainte-Croix  ait  eu  |iotn' architecte  un  Fran- 
çais. —  Kilo  est  encore  anglaise  par  trop  de  côtés.  —  Mais  l'artiste  qui  en 
dirigea  la  construclioii  pourrait  avoir  été  envoyé  en  l'rancc  par  Henri  de 
Blois  et  s'être  ap|)roprié  iiK'iiie  iiicomplétenieni  le  sl\lu  français  d'archi- 
tecture. 

In  l'ait  analogue  s'observerait  à  llochester.  où  l'on  a  adopté,  vers  I  l.")(l.  non 
\iiniv  Iriisenible  de  la  façade,  mais  seulement  pour  la  grande  porte  occiden- 
lide,  1('  type  français  avec  statues  aux  jambages,  si  difl'érenl  des  Ivpes 
anglo-normands.  —  De  pareilles  (races  d'inlhience  française  et  gothique  se 

iitri'iil  r;i  cl  là  |)i'n(lant  le  second  tiers  du  doir/.ième  siècle  en  Anglelentî; 

mais  tout  rc,  dont  il  faut  s'élonner,  c'est  (pi'elles  ne  soient  pas  plus  impor- 
tantes encore,  (piaiid  on  considère  d'une  part  l'évidente  supériorité  «le  Saint- 
Denis,  ainsi  «(U(!  de  nos  premières  églises  gothlipies,  sur  les  plus  belles  con- 
slruclioiis  riiiiiaiKs  :  il  (juand  un  songe  à  la  facilité,  îi  la  frécpience  dos  comnut- 
iiicalions  eiilre  l'Aiiglelerre  el  Paris;  quand  on  voit,  par  exemple,  un  évétjne 
de  Salisbin-y,  le  contemporain  et  le  voisin  le  plus  prociic  do  Henri  de  Win- 
chester, exprimer  dans  une  lettre.  (|ni  s'est  conservée  jns(|u'à  nous,  loulo 
son   admiration  poin*  Snger.  (|u'il  compare  à  Salomon  ',  et  pour  l'église  de 

Sainl-Denis  (|u'il  dit  éln;  venu  visiler. 

I-Miv  1.1    MHNKII.II. 

1.  Voyez.  «Ilins  l-Vliliioii,  «  llisl.  ili>  Inlilwyo  ili<  Siiiiil-IViiist  »,  |>.  tHl.   I.t  lollrp  ilt»  Jo^l  «i« 

Silli^'liiiiN,  i|iii  iliili'  ili>  1 1 IK. 

Il,a  aiiilv  l'ê  lu  livrnixon  prorluuHir. 


APiJîci    h;<K\(M.i;Anii()i  i: 


SUR  SAINT  nr.Kui:  i/r  saint  pail 


SAINT    l'ir.liliK   S[;i  !.. 

Les  deux  apôlres  enseiiil)l("  icpn'sentcnt  l'Eglise  romaine,  la  mère  et  la 
maitics.M-  (i(>  l()ut(>s  les  Églises  parliriilirros  ;  par  exlension,  ils  représentent 
l'Eglise  loiil  t'iilirir.  C/csl  plus  piopreineiil  et  plus  directement  comme  son  chef 
et  son  représentant  (pic  saint  IMei're  apparaît  isolé  :  il  n'est  plus  seulement 
alors  le  promiiM' luinistrc  de  .lésu.s-Christ.  il  est  son  vicaire  et  son  lieutenant 
dans  tmitc  la  l'orcu  du  tcimc  :  il  lient  sa  place,  il  le  supplée  ;  il  est  le  Moïse 
de  la  nouvelle  loi  et,  par  excellence,  le  pécheur  des  âmes  et  le  pilote  de  l'É- 
glise. Nous  allnns  successiveini'nt  voir  runnnent  l'art  chrétien  a  rendu  à  sa 
manière  ces  trois  idi'cs  capitales. 

Saint  PiEiiuii  pAcniiLu  irr  batki.ier.  —  Si  l'Église  se  complaît  au  souvenir 
de  la  première  profession  de  son  chef,  ce  n'est  pas  seulement  en  esprit  d'hu- 
milité ,  c'est  surtout  à  raison  du  sens  figuré  auquel  le  Sauveur  a  donné  la 
sanction  de  sa  bouche  di\  ine  :  saint  Pierre  est  devenu  «  pêcheur  d'hommes  »  -, 
et  sa  barque,  la  figure  de  l'Église.  Sur  bi>ii  nombre  de  monnaies  pontificales,  à 
])aitir  du  XV'  siècle,  on  voit  cette  barque  conduite  par  le  seul  pilote  qui  ait 
reçu  une  assurance  certaine  contre  les  écueils  et  les  tempêtes  ;  ou  bien,  du 
sein  de  cette  barque,  le  pêcheur  sacré  jette  ses  filets  pour  tirer  les  hommes 
de  la  mer  du  monde.  C'est  aussi,  il  paraît,  du  commencement  de  ce  siècle 
(juc  date,  pour  sceller  les  brefs  apostoliques,  l'usage  du  sceau  connu  sous  le 
111)111  d'  »  anneau  du  pécheur  ».  parce  (lu'il  représente  le  même  sujet. 

1.  (I  Annales  Archéologiques  »,  vol.  xxiii,  pages  26,  438  et  i&o\  vol.  x\iv.  pages  93  et   161. 
i.  M vTTii.  IV,  19. 


AI'ERÇL   ICONOGRAPIIIQIE  SLI',  SAINT  l'IEHRE  ET  SAINT  PAUL.  239 

Quelle  est  l'origine  de  ces  compositions?  En  remontant  la  suite  des  âges, 
comme  œuvre  du  xiv'  siècle,  nous  rencontrons  sou»  le  porti{|ue  de  la  basilique 
du  Vatican  la  célèbre  mosaïque  de  Giotto  dite  de  la  «  Navicella  <>.  Nonob- 
stant les  retouches  considéral)les  qu'elle  a  subies,  nous  pouvons  croire,  d'après 
le  caractère  de  la  composition,  qu'elle  n'a  point  été  gravement  altérée,  quant 
aux  parties  essentielles.  Elle  représente  proprement  le  fait  évangélique  rap- 
porté au  xiv"  chapitre  de  saint  .Matthieu,  lorsque  les  apôtres,  montés  sur  une 
barque  et  assaillis  par  des  vents  contraires,  virent  le  Sauveur  s'avancer  vers 
eux,  marchant  sur  les  eaux,  et  que  saint  Pierre,  s'étant  mis  à  marcher  de 
môme  pour  le  rejoindre,  mais  ayant  eu  un  moment  de  doute,  commençait  à 
s'enfoncer.  Saint  Pierre  y  est  représenté  au  moment  où  Notre-Seigneur  tend 
la  main  pour  le  soutenir,  et  l'on  voit  dans  la  barque  ses  onze  compagnons, 
diversement  impressionnés.  La  scène,  rigoureusement,  est  historique;  mais 
son  sens  figuré  est  trop  connu  et  trop  senti  pour  que  nous  ayons  besoin  de 
justifier  la  place  que  nous  lui  donnons. 

Si,  parmi  les  œuvres  du  moyen  âge,  en  dehors  des  séries  de  tableaux  raj)- 
portant  la  succession  des  faits  conformément  aux  récils  de  l'Évangile,  nous  ne 
pouvons  citer  aucun  autre  exemple  de  la  barcpie  de  saint  Pierre  représentée 
avec  une  signification  directement  plus  symboli(|uo  ,  nous  ne  l'attribuons  qu'à, 
l'insutrisance  de  nos  recherches. 

Une  miniature  de  notre  IJible  moralisée,  en  regard  de  l'arche  de  Noé, 
inoiilrc  biiM  une  l)ar(|uo  ;  mais  celte  barque  ne  pourrait  être  considérée 
loiniiic  étant  celle  de  saint  Pierre  que  dans  un  sens  Irès-éloigné.  Saint  Pierre 
lie  la  monte  |)as  ;  sur  l'ordre  de  Dieu,  que  l'on  voit  apparaître  plus  haut,  il 
vient  (lu  ciel  secourir  trois  chrétiens  portés  dans  cette  barque  et  en  danger 
d'être  sui)mergés.  Le  texte  porte  :  «  Xoé,  que  Diex  délivre  de  si  grand 
péril,  sigiiefif  tout  bon  chresticn  qui  persévère  en  ferme  foy,  lequel  Diex 
délivre  (li;  tout  pi'-ril  par  la  fermeté  de  sa  foy  »,  Saint  Pierre  pci-sonnifierait 
donc  ici,  en  quel(|ue  sorte,  la  fermeté  de  la  foi,  et  en  même  temps  l'aide  et  la 
lumière  que  l'Eglise,  par  la  fermeté  de  ses  décisions,  apporte  aux  fidèles  qui  se 
ninliciit  en  elle  pour  les  soutenir  et  les  diriger  dans  les  dangers  de  celte  vie. 

La  l);u(|Ui'  ou  le  vaisseau  se  retrouvent  |)lus  liv(|uemmi-nl  parmi  les  monu- 
iMi  lits  primitifs  ;  le  témoignage  de  Clément  d'.Mexandrie  atteste  (ju'ils  étaient 
de  son  temps  fort  usités  fumiiie  emblèmes  chrétiens,  vl  il  encourage  l'usage 
(|n  ni  en  faisait,  ainsi  (|ue  celui  de  la  colombe,  du  poisson,  de  l'ancre,  de  la 
piilie  '.  L  (111  ne  peut  douter  (|ue  celle  barque  ou   ce  vaisseau  ne  fussonl 

I.   «  I'imIiij;.  11,  lili.  m,  (M|i.  Il-,  Imkh.im       •!••  ' l'-'lri  ilinoro  ».  |>.  i'JI. 


2/|0  \\\  \i.i:s  M;(:iii:oi,(t(iioi  ks. 

i'iii|)|()\i''s  |ii»iir  signifier  ri'^nlisc  ;  lo  cardiii.il  l'itr.i  en  a  n'iiiii  dans  son  spiri- 
légcdi's  prouves  non  ôfiiiivoqiios  '.  Mais  co  nesl  passeuicmeni  en  souvenir  de  la 
l)ar(|iic  (1(!  sailli  Pierre  {|iie  l'I^f^lise  esl  n-pirseiilée  sons  colle  fij^iire;  Terlullifii. 
(lui  a  fail  celle  comparaison,  compare  aussi  ri'iglise  à  l'arclie  d<;  Noé -.  I.a 
(lis|)osilii)ii  ([iii  a  l'ail  domier  le  nom  de  nef  à  la  parlie  principale  de  labasilicjue 
cliréliciiiio  esl  loin  aussi  dèln;  (''Irannèrc  à  remploi  de  ces  mêmes  figures, 

l,i's  (liv(!rses  significalioiis  des  eiiil)lèines  de  la  haripie  el  du  vaisseau  se 
loiiibiiienl,  se  pénMrenl.  se  sépaiviil  de  la  inèiiie  manière  que  l'on  rencontre 
l'iiir  à  liiiir  si''paré  ou  combiné  le  souvenir  di-s  poissons  de  la  miilliplicalion 
ûr^  pains,  ((.'lui  du  |)oissoii  (|iii  se  Iroiiva  avec  du  pain  sur  les  bords  de  la 
merde  Tibériade  loiscpie  le  Seigneur  y  apparul  après  sa  résurrcclion.  l'allti- 
si(<ii  aux  poissons  pêches  par  saini  l'ierre  dans  les  deux  pêches  miraculeuses, 
ou  à  celui  (pril  (Hisiil.  >iir  l'ordre  de  son  divin  maiirc.  et  dans  le(piel  il  trouva 
la  pièce  de  monnaie  nécessaire  pour  payer  leur  tribut,  le  souvenir  encore  de 
Tobie.  mais  par-dessus  toiil  le  sens  mystérieux  de  l'anagramme  î/O-J;,  et 
enlin  le  rapport  du  poisson  avec  l'eau,  la  matière  du  sacrement  de  baptême. 

Une  ancienne  pierre  gravée,  du  petit  nombre  de  celles  dont  le  chevalier 
de  Rossi  adiiiel  raiilhenlicilé  •■*,  pierie  ([ni.  j)ni)liée  pour  la  première  fois  par 
Ali'aiider  en  fl()2().  et  puis  reproduite  par  Foggini,  Mamachi  et  beaucoup 
d'autres'',  représente  la  barque  iiionlée  par  trois  hommes  nus;  au-dessous 
l'on  voil  un  gros  poisson;  au-dessus  deux  colombes,  l'une  posée  sur  la  poupe, 
l'autre  sur  une  soi'le  de  hauban;  à  côté,  sur  les  Ilots  qui  entourent  la  barque, 
apparaît  saint  Pierre  soutenu  par  Noire-Seigneur  avecleurs  noms  ainsi  gravés  : 

IHC.    IIKf. 

l'oggini  et  '\lamaclii  reproduisent  aussi,  d'après  Biionarotli  •"',  un  ivoire 
provenant,  selon  toute  apparence,  de  l'antiquité  chrétienne  la  plus  reculée. 
Ce  monument  représente  une  barque   montée   par  trois  personnages  :   l'un 


1.  «  Spicil.  Solemn.  »,  1.  m,  p.  Hil-,  479. 

i.  Tkut.,  «de  Baptismo»,  cap.  vin,  xii;  iM.vMACiii,  «  Orig.elantiq.  chri.*t.  »,  I.  v,  p.  293.  On 
cilc  à  cp  propos  ce  passage  de  la  première  épilre  de  saint  Pierre  :  «  Qui  increduli  fuerant  ali- 
quando,  quando  expecUibant  Dei  palienliam  in  dieljus  Noe,  cum  fabricarelur  arca  :  in  qua  pauci, 
id  esl  octo  anima;  salvic  factœ  sunt  par  aquam.  Ouud  et  \  os  nunc  simiies  formae  silvos  facit  bap- 
tisinus  ».  Cap.  m,  20. 

3.  «  Spicil.  Solesmen<i  do  clii'isli.iiiis  inonuiiipnlis  »,  iy.66v  e.\liibentibus,  p.  363. 

4.  FoGGiM,  «  D.  Pet.  ilin.  ».  |i.  493;  .Mamschi,  «  Orig.  et  anliq.  christ.  »,  t.  i,  p.  261. 

j).  FoGGiM,  0  D.  Pot.  ilin.»,  froîiti.^pico,  Mam.vciii,  o  .\nt.chr.  »,  p.  240;  Buonarotti,  o  Osser- 
Viizioni  supra  alcuni  niodaglioni  antiqui  »,  p.  393;  dk  Hossi,  n  Spicil.  Soleni.  »,  p.  .'iBS.  Nous 
citons  les  gravures  des  deux  siècles  derniers  pour  ce  qu'elles  valent,  comme  faisant  connaitre  des 
élcnienls  icoiiograpliiques,  et  nullement  comme  rappelant  le  caractère  artistique  des  originaux. 


APERÇU  ICONOGRAF'lllOLE  SLP.  SAIM    PIERRE   ET  SAINT  PALL.    2((1 

d'eux  jetic  un  filet  et  piciid  un  gros  poisson,  et  la  barciue  porle  écrit  sur  ses 
lianes  le  nom  de  Jésus  ainsi  loi  iné  :  iiicx;. 

Il  faut  rapprocher  de  ces  nionumenls  le  plus  remarquable  de  tous,  la  lampe 
en  forme  de  i)ar(|iie  du  musée  de  Florence,  trouvée  à  Rome  sur  le  mont 
C'Jilius.  relativement  à  laquelle  nous  n'avons  d'ailleurs  rien  à  ajouter. 

Parmi  les  peintures  du  cimetière  de  Saint-Cali\te,  récemment  découxerles 
par  le  chevalier  de  Rossi,  et  dont  la  copie  est  exposée  au  musée  de  Sainl- 
.lean-df-Lalran.  l'on  remanpie  une  sci-ne  presque  idenli(|ue  à  celle  de  saint 
Pierre  soutenu  sur  les  eaux,  tel  que  le  représente  la  pierre  dAléander;  une 
colombe  placée  au-dessus  rend  le  rapprochement  plus  sensible  :  on  y  voit 
aussi  une  banpie  ballottée  |)ar  les  Ilots  et  un  pêcheur  à  la  li;^ne.  sujet  (pli  se 
trouve  également  représenté  avec  le  mot  l\0rc  sur  une  des  pierres  gravées 
jugées  aiilhentiqups  i)ar  M.  do  Rossi  '. 

T(nit  ce  que  l'étude  îles  moniniients  a  pu  nous  apprendre,  tout  ce  que  nous 
savons  de  l'opinion  des  hommes  (pii  ont  a|)profondi  davantage  ces  (|uestions  nous 
a  convaincu  (pi'à  part  les  encadrements  de  pure  décoration,  quelques  poriraits, 
un  certain  nombre  de  signes  professionnels  et  commémoratifs  sur  les  pierres  sé- 
pui(;rales,  il  n'est  aiicime  ligme.  admise  dans  les  lieux  sacrés  oii  dormaient  les 
martyrs  et  où  étaient  célébrés  les  saints  mystères,  qui  n'ait  été  placée  avec  un 
sens  chrétien  et  pieux  -;  nous  nous  croyons  autorisé  en  consécpience  à  rapportt-r 
li  saint  Pierre  des  sujets  (pii.  rencontrés  partout  ailleurs,  pourraient  à  bon  droit 
passer  pom- insignifiants.  Nous  comprenons  cependant  (pie  nous  ne  jetons  \uis 
personnellement  assez  de  jour  sur  la  (piestion  pour  entraîner  tous  nos  lecteurs. 
et  nous  mettre  en  droit  de  leur  demander  autre  chose  que  de  suspendre  leur 
jugement  jiis([u';i  ce  riuil  leur  arrive  d'aillems  des  lumi('res  plus  ahondanles  *. 


I.  «  Spicil.  Suicmn.  »,  t.  ni,  p.  iiOG,  |>l.  ii,  lig.  4. 

î.  Nous  lalâjons  ii  nolro  lionor.ibio  ol  siiviml  colhiboralour  la  r(<s|>on»ibllilii  (li<  $(»â  opinionii  m 
i('ono;;rn|iliio  clirolioniic.  Nmis  iivuns  dit  aiilrcruis,  (liin-i  l'a  llisluiro  de  Dieu  »,  ol  (''i'>:  n- 

vicliiin  plus  nriolco  iiiijoiirilTiiii  ciiroro,  ipio  tous  los  sujets  prinls  ou  Si'iilptis  diins  >  a- 

l)os  no  sont  ni  piuux  ni  iiu^nio  cliroiltnis  ;  bcnucoup  d'oniro  eux  up|Mirtii>nncnl  purcmonl  à  l'urdn* 
civil  nu  siinpIcnuMit  h  l'iirdrx  s(^culi(>r.  ot  pliHiours  procèdent  diiooteiuiMU  Aon  i<l'  1 .1 

croyiince  n'y  est  pour  ri«n;  l'exisliMii'c  terrestre  y  est  pour  tout.  Je  nie  suis  \ol  1. 

dit  dn  pliicitr  des  iu)les  snus  les  pa^es  de  M.  le  comte  de  S.iint-Liurcnl,  ri  jo  ne  veu\  \vt»  nuin- 

ipier  il  mil  rcsolulion  en  donnniit  ici  les  pnMivesde  mon  iissertion  qui  |Mriill  con'-  ■  ' « 

diiMs  une  certaine  mesure,  l'upiniuii  de  mon  cnllaliornieur.  je  me  cond'nte,  un< 

de  Taire  (tetle  réserve  ipii  servira  |Hiur  l'ensemlile  du  lr,i\ail  iin|Hirlanl  de  M    de  Saint-t^ureni. 

J'apprécie  on  outre  et  tres-liaulement  lu  science  fort  ingénieuse  de  .M.  le  cic"  ■'•■•^  ■'■•  H  ■-- 

je  ne  iiio  ronds  nullement  )i  toutes  les  expliciitioim  syinl>oli(|U(>s  qu'il  dunnr 

des  catacdinltes  ou  de  la  liaule  .nitiipiiie  clin>lienne.  (  Xnlr  ilt  il.  Ihn- 

't      N.iiK  l'ioii  itiil^    ni-iiii|iiiT   ^1     n.itti<    n'ili'    ili<     r.ii.itiirli'ilr      AI    nOtU  n**    il"'">li'>|o>"tt,.    , 


2/,2  ANNALKS    Mif:iir:r)i.(»(,|(.)LK.S. 

PllKDICTION    l)i;    IIKNIKMI'.M     l'.T    SA     HKI' \IUT10\.     —     l'iinili     ll'S    Ktljcls    \WU 

)ioiril)i'eii\  r(''p('li''s  si:r  les  ;iiK'ieiis  sarc(i|)liaf;os  rlirétions.  la  prédiction  du 
n'iiicmciii  (II-  saiiil  l'irrrc  osl  un  de  ceux  r|uc  l'on  lonconlro  le  plus  fréquerii- 
Mienl,  cl  M.  de  Hossi  en  a  n'-cemmcnt  publi»'-  dans  son  "  Bulletin  d'archéologie 

clii'i'lii'iiiie  »  un  exemple  riiipiiinli'  ;iii\  |iriiiliircs  des  Catacombes.  Ce  sujet 
est  ainsi  représenté  :  Nulic-Seigncur  lève  la  main  pour  marcpier  (pi'il  parle, 
sailli  Pierre  iiii'l  oïdiiiaiiciiiciil  la  sicmic  sur  sa  bouche  pour  rappeler  ses  trop 
pn''sompliieiiscs  pioiiioses,  et  le  co(|,  cet  emblème  de  vigilance,  est  placé  le 
plus  souv(Mil  il  leurs  pieds,  mais  (luclquefois  sm-  un  arbre.  Cet  arbre  est 
d'ailliMiis  (liiii  l'eiiilla^e  (|iii  pcnni'l  loujom's  de  le  distinguer  facilement  du 
palmii'r  sin- lequel  repose  le  pjii'iiix.  et  par  conséquent  d'éviter  la  confusion 
(|iii  |iniiiiail  en  résulter. 

Les  sarcophages  offrent  aussi  quelques  exemples  de  la  représentation  de 
l'acte  môme  du  reniement,  i.e  seul  qui  soit  remarquable  est  donné  par  l'un 
des  plus  beaux  de  ces  monuments,  qui  est  i)lacé  maintenant  au  musée  de 
Saint-.Iean-dc-l.alran '.  cl  oii  \e  Christ,  élevé  au-dessus  de  la  figure  allégo- 
ri(|iie  (lu  ciel  DU  de  l'eau,  fait  le  dmi  du  volume.  La  scène  du  reniement. 
])lacée  à  l'un  des  bonis  cl  sciilpléc  avec  un  faible  relief,  tandis  que  la  face 
|)riiii'ipale  (lu  sarcophage  csl  presque  de  ronde  bosse,  y  prend  d'ailleurs  un 

en  bioîizfi  (li'convcrt  il  \  n  peu  d'iuitKH-s  prf's  de  la  voie  Appia,  dan-;  une  ancienne  petite  basi- 
lique, l'i.  inaiiilcnant  conservé  an  nuiséo  Kirclier.  La  forme  d(!  ce  vase  est  celle  d'une  palène 
creuse,  avec  l'addilion  d'un  lonj;  manche,  et  ses  parois  inlérieures  sont  tout  entières  recouvertes 
de  figures  gravées  au  trait.  On  y  voit,  dans  un  mi'daillon  central,  une  figure  allégorique  de 
l'Océan  el  tout  aulour  une  mer  remplie  de  poissons  et  d'animaux  aquatiques,  au  milieu  desquels 
sont  disposés  symctri(iuemenl  Us  qiiaU-o  sujets  suivants  :  I"  une  barque  montée  par  deux  hommes 
imberbes,  naviguant  ii  la  ranie;  2"  une  autre  banpio  montée  par  un  liomme  barbu,  naviguant  à 
la  voile;  3"  un  pêcheur  à  la  lijinc:  4"  un  lioiiiiiie  dans  des  conditions  (]ui  font  naturellement 
penser  au  jeune  Tobie  :  il  est  posé  sur  un  monticule,  appuyé  d'une  main  sur  un  long  bâton  qui 
semble  (Mre  le  maiiclie  d'une  ligne,  et  l'auire  main  engagée  dans  la  gueule  d'un  poisson,  dune 
manière  [jarfaileiueiit  serubl.ible  à  ce  cpie  l'on  voit  sur  plusieurs  fonds  de  verre  chrétiens.  Tous 
ces  honuiies  sont  nus;  mais  ceux  dont  la  position  ne  dissimulerait  |)as  suflisjmmenl  la  nudité  on' 
un  voile  (pii  leur  pend  de  la  ccintiiri'. 

Nous  voulons  d'autant  moins  essayer  de  prouver  qu'il  s'agit  dans  ce  monument  d'autre  chose 
que  d'une  simple  fantaisie,  que  nous  tenons  ii  faire  distinguer  les  conjectures  que  nous  mettons 
en  avant  comme  pierre  d'attente  des  opinions  que  nous  croyons  devoir  soutenir  d'après  de  solides 
fondements.  Nous  ferons  remarquer  toutefois  qu'il  n'est  aucune  des  figures  de  ce  singulier  monu- 
ment qui  ne  se  retrouve  ou  n'ait  des  analogues  dans  les  peintures  des  catacombes,  les  anciennes 
mosaï(|ues  et  aulr'es  monuments  chrétiens  primitifs.  Sa  pr-ovenance  chrétienne  bien  prouvée,  il 
s'expliquerait  ti-ès-naturellemenl  dans  un  sens  chrétien,  surtout  par  rapport  à  saint  Pierre.  La 
mer,  notamment  remplie  de  tous  ses  hrbitanls,  rappelle  le  Jourdain  ainsi  habité  dans  les  mosa'i- 
ques  de  Saint-Jean-de-Latran  et  de  Sainle-.Mario-.Majcure. 

1.  lîos..  «  Roma  Sott.  »,  p.  85;  Raoul  RociiiiTTii,  «  Tabl.  des  catacombes  »,  pi.  vui. 


Al'KUÇL   ICO.NOGIUFIIIOLE  SLR  SMNT  l'IKKliK  ET  SAINT  HALL.    2iâ 

développement  tout  exceptionnel.  Saint  Pierre  et  la  servante,  dont  les  ques- 
tions sulïirent  pour  faire  évanouir  toutes  ses  bonnes  résolutions,  sont  placés 
de  chaque  côté  d'une  colonne  sur  laquelle  est  posé  le  coq.  Cet  animal  y  reçoit 
lui-même  une  importance  qui  ne  lui  est  point  ordinairement  accordée,  et  c'est 
à  tort,  selon  nous.  (]ue  celte  position  sur  une  colonne  a  été  considérée  comme 
faisant  type,  car  nous  ne  voyons  pas  qu'on  en  ail  cité  aucun  autre  exemple. 

Sui-  un  sarcophage  (lu  musée  de  Marseille  (n'  5).  provenant  des  cryptes  de 
Saint-Victor,  qui  aurait  renfermé  les  restes  de  saint  Chrysantlie  et  de  sainte 
Darie,  sa  femme,  selon  l'auteiu"  du  livret.  au(|uel  nous  pouvons  sans  doute 
nous  en  rapporter  sur  cette  question  purement  historique,  nonobstant  le  |)eu 
de  connaissance  qu'il  parait  avoir  de  l'iconographie  chrétienne,  nous  avons 
cru  reconnaître  le  reniement  k  la  suite  de  sa  prédiction. 

Quant  au  sujet  de  la  prédiction  du  reniement,  bien  distinct,  nous  le  répé- 
tons, du  reniement  lui-même,  il  joue  véritablement  un  rôle  des  plus  considé- 
rables parmi  les  sculptures  des  sarcophages;  à  tel  point  qu'on  le  voit  occuper 
la  première  piaci;  au  inilieu  de  ces  monuments,  alors  même  (|iie,  divisés  en 
arcature,  leur  arceau  central  semble  uniquement  réservé  h  la  pensée  du  triom- 
phe (le  Jésus-Christ  ou  di-  la  toute-puissante  intercession  de  sa  divine  mère  •. 

l'our(|iini  (idtii-  ce  choix  d'un  sujet  «[ui,  au  premier  abord,  paraîtrait  do  na- 
ture à  faiie  peu  (riioiuie(U'  au  chef  de  l'Iiglise?  Kvidemment,  on  n'y  com- 
prendrait rien,  si  l'on  s'arrêtait  à  la  seule  idée  de  la  faute  prédite;  mais  il 
faut  s'élever  jusqu'à  celle  de  la  réparation.  C'est  ainsi  (|ue  l'on  rentre  dans  la 
pensée  de  délivrance  et  de  triomphe,  dans  la  penst!'e  de  nnlemplion  (|ui  fait  le 
fonds  commun  de  tous  les  monuments  ligures  de  la  première  épotpie  chré- 
tienne, comme  du  chrislianisine  lui-même  tout  entier. 

Le  Sauveur  (|ui  prédit  la  faute  est  celui  (|ui,  par  la  vertu  de  son  sacrilice, 
expie  toute  faute;  l'apôtre  à  (|ui  elle  est  prédite  recueillera  tous  les  fruits  de 
ce  sncrilirr.  il  s'y  associera  autant  (|u'il  sera  en  lui  par  ses  larmes  et  par  .son 
sang.  C'est  lui  principalement  (|ui  sera  chargé,  aprt\s  sa  conversion,  de  con- 
lirmer  les  autres  dans  la  foi  avec  une  souveraine  autorité,  et  de  h-ur  dispoiis«'r 
les  fruits  siu'abondants  du  sacrilice  réparateur-.  Chose  admirable,  c'est  un 
pécheur  (|ui  cnn\if  tous  les  pi^cheurs  à  venir  puiser  avec  lui  et  par  sttn  mi- 
nistère à  la  sourii- (11'  toute  griko,  de  toute  réparation,  de  liuile  béatitude. 

Ce  (|ue  nous  disons  là  n'est  point  une  simple  conjecture  :  ou  nous  n'y  com- 

I,    Il  \  1MI  ,1  )ilii-.ii>iii •«  i>xiMiiiili'<>  .lit  iiiii^i'i'  ili*  l.ili.iii    iiti  .itilri*  ilail:^  1  O^tlH*  ti**  Sdint-Tri>|tliiiiio 
irArIc.'» 

t.    <i  l''.);o  iiiili'lil  i<>u,i\i  jniili',  ul  iioii  ilolii  i.l   liilr,  lii.i      >t  lu 
friilir-i  liiiis.  ■■  I.H..  wii,  M.  —    .  l'i'lm-»  Mrj;,iMl  iil  en»  lorol.      Ni 


'2i,lt  AiSNAIJ'.S   AIlCIIKOLOdlOUKS. 

|iiviiiiiis  lien,  (il,  avec  iiiiiis,  tous  coiix  qui  so  sont  jamais  occupés  de  ces 
iiioniiinciils  n'y  ont  rinn  conipris,  on  en  voilk  le  sens  (|ui  ressort  (Je  tout  leur 
ensemble,  cunniie  la  conclusion  résulte  de  pi'énn'ssos  hieii  posées. 

(Icpcndanl  le  sujet  (|nc  nous  avons  décrit,  pris  isolément,  ne  peut  se  com- 
|iriiMlir  ;iin>i  (|u"avec  des  sous-cnlendus,  et  tout  conformes  que  soient  ces 
s()iis-(Miliiii|iis  en  langage  concis,  à  la  manière  condensée  des  monuments  qui 
nous  ()C(ii|iciil.  l'i'spiil  si'ia  |)liis  satisfait  f|nand  il  verra  la  pensée  s'en  pro- 
(hiiivavoc  pins  d'expansion  et  de  clarté.  La  signification  attachée  k  la  prédic- 
liiiii  (lu  reniement  do  saint  Pierre  est  en  ell'et  développée  au  moyen  de  deux 
autres  scènes  (|ui,  ensemble  ou  séparément,  l'accompagnent  presque  toujours, 
el  (|iii  i'\pi  iincnt  à  n'en  pouvoir  guère  douter  la  double  réparation  de  la  pé- 
nili'uce  el  (le  l'apiilicaliiin  ^\r!^  iiiiM'iles  du  Saiivmn'. 

De  la  pari  de  saint  Pierre,  la  réparation  di-  la  pénitence  alla  jus(|u'au 
niarlMc.  cl  la  [iremière  des  deux  scènes  dont  nous  parlons  est  une  allusion  eu 
(■Hrl  au  luailyn»  (lu  saiiil  ap(')lre.  selon  le  seul  mode  de  représentation  possible 
aloi's.'l.a  vu(>  des  iiisliiiiiieiils  de  supplice  considénis  comme  tels,  et  le  spec- 
tacle (les  l'Uliu'es  éfaieni  absolnnieal  bannis  de  larl  chrétien.  Saint  J'ierre,  en 
conséquence,  dans  celle  composilion.  ne  snhil  pas  le  niarlyn;,  mais  il  y  est 
conduit  :  circonstance  d'autant  mieux  choisie  qu'elle  rappelle  les  termes  dont 
Niilre-Sciiiiieur  s'étail  servi  poui'  pi'édire  à  son  disciple  non  pins  aucune 
l'aille,  mais  le  i;cnre  de  inorl  par  ia(|uellc  celui-ci  <«  devait  glorilier  Dieu  ». 
(.  Kn  viM'ili''.  en  vérité  ».  lui  disait-il.  «  (piand  vous  étiez  jeune,  vous  vous 
ceigniez,  vous-  nuMiie  el  vous  allie/,  où  il  vous  plaisait;  mais,  lorsque  vous  serez 
(levrnii  \ieii\.  vous  éleiidre/,  vos  mains,  ini  aiilre  vous  ceindra  et  vous  mènera 
où  vous  ne  Miiahicz  pas  '.  <> 

(\'cA  aussi  de  celle  manii're  qu'est  ordinairement  exprimée  sur  les  sarco- 
pliages  la  passion  du  SauviMU'  lui-même.  Il  est  amené  devant  Pilate  qui  se 
la\e  les  mains,  double  cii-constance  souvent  rendue  par  deux  scènes  dis- 
liiicles-.  Il  airive  encore  assez  fréquenniienl   (pie  l'on  établit  u\\  parallélisme 

1.  «  .'Vmon.  amen,  diiu)  libi,  cum  e-sses  junior,  cingcbas  le  elambulabas  ubi  voldja;;;  ciini  aii- 
tcm  semicris,  oxlendos  maiiii!;  Uias  et  alius  le  cinget  el  iliicelqno  lu  non  \  i-s.  —  Hoc  aiilem  dixit, 
siL,'nilic,iiis  (|ii,i  niiiile  cl.irilic.iUiriis  e~set  Dciini,  et  eiini  hoc  dixi~5et,  dicil  ei  :  Se(]uere  me.  » 
,l0AN..  cap.  NXl,  V.  18,    I',). 

->.  l^e  Mrco[)liago  pid)lii'  diin>  les  "  .\nniiles  n,  l.  \xii.  p.  î'A.  d'apri-s  une  pliolo.graphic  que 
iiou-i  avons  fait  laire  à  Rome,  en  oll're  un  eveinpie  r.'inaniuable.  Le  sentiment  de  trioinplie,  qui 
domine  dans  la  peiis(î0  de  tous  ces  nioiiuments,  est  exprime  sur  celui-ci  avec  un  relief  tout  excep- 
tionnel :  (•'('>!  lin  chant  de  victoire  el  de  victoire  par  la  cioix.  La  croix  elle-mùine  est  représentée 
ilans  l'arcade  centiale  el  delà  inani(jie  la  plus  propre  h  rappeler  le  (Labarum)  de  Constantin  et 
la  (ie\ise  «  In  hoc  sii;no  vinces  ».  Sur  les  bras  de  celte  croix,  surmontée  à  son  sommet  d'une 


APERÇU  ICO.NOGKAI'lllOUt:  SLH  SAINT  l'ItliKE  ET  SAINT  PALL.     245 

entre  le  maître  et  le  disciple,  ainsi  emmenés  chacun  de  leur  côté  pour  subir 
le  même  soit,  conformément  à  la  parole  que  Notre-.Seigneur  ajouta  à  celles 
que  nous  venons  de  rapporter,  en  disant  à  saint  Pierre  :  «  Suivez-moi  ». 

l.i;  I'.  Dassy  a  publié  un  des  sarcophages  du  musée  de  Marseille,  divisé 
CM  fiiKj  ontre-colonnements,  où,  avec  une  variété  du  Christ  triomphant  dans 
le  compartiment  central,  le  Christ  emmené  et  le  lavement  des  mains  à  gauche, 
il  a  cru  roconnailre  à  droite  le  martyre  de  saint  Ktienne,  suivi  de  la  prédic- 
tion du  reniement  de  saint  Pierre.  D'accord  avec  le  V.  Dassy  sur  tout  le  reste, 
nous  nous  étions  permis,  dans  une  entrevue  que  nous  avons  eu  l'honneur 
d'avoir  avec  lui,  do  lui  contester  saint  lilienne  et  son  martyre,  |)ar  celle  raison 
surtout  (\nh  répof|ue  où  parait  remonter  le  monument,  nous  ne  croyions  pas 
(jue  l'art  cliiétien  eût  encore  admis  aucun  sujet  de  cette  nature.  Mais,  peu 
a|)rès,  nous  avons  vu  le  martyre  de  saint  l'!tienne  manifestement  représenté 
sur  un  autre  sarcophage  du  musée  d'Arles  (n"  J.il  '. 

Ce  dernier  monument  porte  tous  les  caractères  qui  peuvent,  parmi  les  mo- 
numents du  même  genre,  le  faire  classer  dans  la  catégorie  des  plus  récents; 
il  justifie  ainsi,  h  sa  inaiiii'ii'.  l'opinion  qui  fait  considérer  la  représentation 

coiiroiino  (|iii  rotiformo  lo  clirisino,  on  voil  (tinix  colombes,  iin<ir;o  prohalilemonl  «Ips  imos  piinifos 
qui  iiimont  ii  su  reposer  sur  ce  si;;no  du  Siilut;  et,  au-dessous,  deux  soldaU,  l'un  evedié  el 
l'autre  endormi.  Noseniit-ce  pas  un  duulilo  souvenir  do  ceux  (|ui  se  convertirent  sur  lo  Calvaire,  el 
do  ceux  (|ui  dirent  s'i^lie  endormis  au  saint  sépuliMo  lors  de  la  résnrroriion*  A  la  fraurlio  de  celle 
cofuposilion  contralf,  on  rem;ir(piera  les  deux  scènes  dont  nous  parlons,  de  Je>us-(;iiri>t  conduit 
devant  l'ilale,  et  do  celui-ci  pr6t  h  so  laver  les  mains;  mais  là,  c'est  l'accusé  qui  juge,  et  le  juge 
<|ui  su  sent  conilainné.  l/uttitude  du  Christ  est  vraiment  belle  :  ses  doi^'ls  le\és  annoncent  (|u°il 
parle,  ce  f;pslo  n'ayanl  pas  seulement  la  si{;iiilic.itii)n  d'une  bénédiction,  comme  l'a  très-bien  dé- 
montré le  P.  Caliior  dans  les  u  Mélanges  d'archéologie  ■>.  Pilale,  conrondu,  détourne  la  télo  el 
l'appuio  d'im  air  pensif  sur  l'une  do  ses  mains;  nous  ferons  observer  que  cette  li^to  parall  ceinlis 
d'un<>  sorl(!  do  iliadéine.  Derrioni  lo  gouverneur  roin.iin,  ou  plutôl  à  son  culé,  quelle  osl  cette  figure 
qui  semble  rangée  axec  lui  sur  cort^iin  pied  d'égalité?  Ne  serait-ce  |tns  sa  foiiime  apiMMi^sint  lii 
comme  un  remords?  Les  sujets  do  ces  trois  compartiments,  souvent  répétés  sur  Us  sarrupltageif, 
n'ont  de  particulier  sur  celui-ci  que  les  traits  sur  lestpiols  nous  aliirons  l'utleniinn.  I.cs  deux 
scènes  placées  du  coté  ojiposé  sont  entièrement  neuves  :  l'une  est  une  allusion  nu  couronne- 
ment d'épines,    il  n'y  n  guère   lieu  d'en   duuier,   mais  avec  une  couronne    In-' en 

signe  réel  d'honneur,  et  l'autre  est  un  portement  de  croix  coni^u  dans  le  même  ■  ••*. 

Cepeiid.int  il  est  permis  de  le  demander  :  celui  qui  porto  la  croix  e.«t-d  bien  I  '  re 

nutableinenl.  parles  traits,  le  costume,  la  laiUe.  des  deux  autres  figures  de  Sa':  ,  ....<•«» 

dans  les  précédonLs  compartiments;  s'il  n'était  pas  imlM'rlw,  nous  aurions  ««'  Pierre; 

mais  ce  cnracière  iconograpliitpie,  appliipiè  ailleun<  au  s,iini  4  notre 

connaissance,  dans  l'école  de  sculpture  i)  laquelle  «ont  dus  ;  i<e  pa» 

Siumn  lo  (^.yrénéen,  dans  une  p<<nséo  analogue  h  celle  que  le  P.  1  l'iioe  dan»  le* 

"  Vitraux  de  Bourges  n  î  ou  plutèt  le  bon  larr^  •  ■-•«- 

diinl  du  jii^e  l'onilamne?  nu  seulement,  lonjnm  '  i\\t 


•2'i()  ANNALKS   AIICII  KOl.OdlOl'KS. 

flireclo  du  riiailyro  luinmi;  ('•Iraiif^/Tc  à  la  pifinitM-e  iK'Tiode  d<'  l'art  rluvlirri. 
Néanmoins  il  nous  a  l'ail  ri''lli''i|iir,  l't.  sauf  à  discale  r  I'Ak<;  du  sarcophage  «le 
Marst'iili'  il  le  temps  où,  lu  iiiarlyrc  cessaiil  d'èlro  h  rcdoulor.  on  ne  craiKiiil 
plus,  eu  lo  icpi'(''S('ulaul  avec  ses  sauf^iaulcs  réalilûs.  do  scandaiisi-r  les 
laibics.  nous  m;  serions  pas  éloigné  aujourd'hui  de  nous  n-ridre  à  l'avis  du 
P.  Dassy.  Pour  soufrer  à  saint  Pierre  ennnoné.  là  où  il  a  \ii  sainl  Mlionne 
m.olyrisi'.  nous  a\  ions  en  noire  faveur  un  type  do  lif^uro  ddul  la  barhe  seni- 
hlcrail  miciiv  cunM'nir  ,'in  pninirr  (inau  s(!Cond.  le  Vdimue  porlé  entre  les 
mains  de  ce  personnage,  la  répélitiou  prol)al)le  d'un  sujet  Irès-connu,  et  qui 
précisémeiil  se  tronvei'ait  placi'"  avec  les  aulics  snjels  du  même  monument 
eu  des  rapports  d'un  usage  i)ien  conslalé  el  bien  compris,  c'est-à-dire  paral- 
IMenienl  avec  la  scène  du  Glirisl  emmené  el  à  côté  de  celle  du  reniement 
|)ri''ilil.  et  cela  sons  rinilueucc  d'ime  école  où  l'on  n'admcllail  jias  facilement 
des  sujets  nouveaux  à  ligurei'  a\(!e  ceux  (pii  avaient  reçu,  en  (|ucl(|uc  soi"le, 
le  droit  de  citi'. 

D'nn  antre  côté,   nous  avouons  (|ue   le  |)ersonnage   dont   il  s'agit   semble 
parler;  ([ue  les  deux  lioninies  ([ui  l'acconipagnent  semblent  tenir  des  pierres 

Impii  oiicoro  sor;iil-(i'  Jesus-Cliiisl  liii-iiiO'rno,  mais  rapetissé  ;uix  proporlioiis  d'isanc,  par  exemple, 
qui  le  figuraif?  Quoi  qu'il  en  soit,  il  y  a  là  un  travail  d'Idées  fort  iiilcressanl  à  observer,  entre  la 
pensée  de  gloiification  et  de  salul  allachée  à  la  croix',  et  la  crainte  d'un  certain  i^indalc,  si  on 
en  chargeait  les  épaules  du  C.hrisi  envisagé  directement  dans  la  plénitude  de  sa  vivante  person- 
naliié.  Les  victoires  jetées  au-dessus  des  frontons,  les  couronnes  suspendues  au-dessous  rentrent 
dans  la  pensée  générale  de  ce  monument.  Quant  il  ta  frise  qui  en  orne  le  couvercle,  l'agape  et  les 
dauphins  qu'on  y  voit  représentés,  ils  no  lui  appartenaient  pas  originairement,  nous  le  pensons, 
pas  plus  (pic  ce  couvercle  lui-inèiiie. 

Le  musée  de  Latran  possède  un  autre  >arcophage  analogue  ii  celui-ci,  que  nous  aurions  fait  éga- 
lenieiil  (jholograpliier,  grâce  à  la  bieiiveillanle  permission  du  cirdinal  Aiitonelli.  si  te  jour  où  il 
est  placé  l'oùl  permis.  On  le  verr.i  paraître  avec  tous  les  autres  monuments  de  cette  importante 
collection,  la  phip.irt  inédit-,  dans  urie  publication  que  prépare,  sous  les  auspices  de  l'éminenl 
cardinal,  le  1".  l-'r.   Toiigiorgi,  successeur  du  !'.  Vl.irehi. 

Le  centre  de  ce  sarco|)hage  étant  occupé,  autant  que  nous  avons  pu  en  juger,  par  une  variété 
du  Ctu'isl  triomphant  entre  les  apôtres,  on  retrouve  il  gauclie  le  Christ  captif,  et  Pilate  qui  va  se 
laver  les  mains.  A  droite,  mais  dans  le  compartiment  le  plus  rapproché  du  centre,  est  un  li'imme 
imberbe  chargé  de  la  croix,  lequel  compirail  devant  un  juge  dans  te  compartiment  voisin.  Mai- 
gre l'absence  do  barbe,  nous  avons  beaucoup  hésité  il  le  prendre  pour  saint  Pierre,  à  raison  du 
parallélisme  habituel  entre  son  martyre  et  la  passion  de  .lésus-Christ,  et  la  difficulté  d'appliquer 
à  Notre-Seigneur  la  comparution  devant  le  juge.  Ce  n'est  pas  que  nous  n'ayons  songé  à  Caïphe; 
mais  ce  sujet  n'étant  pas  usité  sur  les  sarcophages,  et  ne  se  trouvant  pas  placé  comme  il  lui  con- 
viendrait, soit  dans  l'ordre  des  faits,  soit  dans  c  lui  des  idées,  nous  demeurons  en  su.spens.  Il  est 
sensible  que  les  sculpteurs  de  ces  monument.s  ont  recherché  une  certaine  symétrie  de  composi- 
tion pittoresque,  en  même  temps  que  l'association  des  idées.  Cette  observation  pourrait  servir  ii 
éclaircir  la  question  ipie  nous  posons  sans  la  résoudre. 


AI'KliCL   ICONOflliAI'HIOlT.  SLK  SAINT  l'IKIiRF.  KT  SAINT  PAUL.    217 

et  les  lever  sur  lui  ;  que,  comparés  aux  satellites  du  Christ,  qui  portent  de 
courtes  luniquos.  ils  semblent  avec  leurs  longues  robes  èlre  plutôt  Hébreux 
que  Romains.  L'on  peut  ajouter  enfin  que  le  type  de  saint  Élienne  n'était  pas 
alors  encore  formulé  comme  il  l'a  été  plus  tard,  c'est-à-dire  jeune  et  im- 
berbe, el  que,  l'eùt-il  été,  le  caractère  jusqu'à  un  certain  point  impersonnel  et 
hiéroglyphique  que  nous  avons  cru  devoir  assigner  aux  personnages  de  ces 
monuinenls.  (|uoique  beaucoup  moins  qu'à  ceux  des  peintures  des  Cala- 
comljcs,  suflirail  pour  ex[)liquer  comment  ce  type  n'a  pas  été  suivi. 

La  justesse  de  ces  réflexions  admise,  nous  ne  croyons  pas  pour  cela  qu'il 
y  ait  à  rejeter  celles  qui  les  précèdent.  C'est,  au  contraire,  à  raison  des  con- 
séquences à  tirer  de  leur  réuinon  que  nous  nous  appesantissons  autant  sur  le 
sarcophage  r[iii  ji's  suggère.  Ce  serait  donc  bien  l'idée  en  quelque  sorte 
absiraile  du  martyre  (|ui  aurait  fait  le  Umd  de  la  pensée  dans  le  sujet  haliiluel 
de  saint  Pierre  emmené,  si,  sans  changer  de  place,  sans  presque  changer  de 
caractère  et  de  disposition,  ce  sujet  a  pu  se  transformer  en  une  scène  de 
martyre  proprement  dite,  surtout  quand  ce  martyre  peut  servir  de  type  à 
Iniis  ].'>  autres,  saint  i;iiiiiiii;  l'i.uil  honoré  comme  le  prince  el  le  premier  des 
in.irlx  rs. 

M     lilMMDI    \lili    m.   s  \  INT-I.MItl'NT. 


(:iiam)i:lii:i;  i:\  aik.k.m  hoiiî 


Ul  LNZIK.MI,  Sli;(,l.l. 


Les  (I  Annales  Arcliôolof};iqiics  »  (iiit  déjà  publié  de  nombreux  chandeliers 
appartenant  au  grand  art  du  moyen  âge,  el  elles  peuvent  se  rendre  celte  justice 
que  ses  gravures  n'ont  ]ioint  été  sans  influence  sur  les  modèles  que  l'indus- 
trie possède  aujourd'hui.  Le  temps  n'est  pas  encore  très-éloigné  où  un  seul 
modèle,  trop  connu,  hélas!  composé  do  séries  de  panneaux  en  ogives,  à  peu 
près  imités  de  la  mcuuiseriu  du  xv*"  siècle,  de  plus  en  plus  petits  et  ajustés 
les  uns  au-dessus  des  autres  comme  les  cylindres  d'une  lunette,  constituait 
tout  ce  c|u'on  pouvait  trouver  dans  le  commerce  en  fait  do  chandeliers  ayant 
la  prétention  de  s'accorder  avec  un  monument  (luelconque  du  moyen  âge.  On 
voulait  du  gothique  :  on  en  avait,  puisqu'il  y  avait  là  des  ogives.  Aussi  cela 
servait  et  sert  encore  siu'  tout  ce  (|ue  les  architectes  ont  dessiné  d'aulels,  sur 
ce  que  les  inari)ii('rs  et  les  ornemanistes  en  ont  taillé  dans  tous  les  styles  qui 
ont  régné  du  xT  au  xvi"  siècle.  Là  où  l'on  a  parfois  réussi  à  faire  une  œuvre 
digno  d'estime,  le  clergé  et  les  fabricicns  qu'il  dirige  viennent  poser  ces 
allivux  chandeliers  qu'on  leur  a  persuadé  être  gothicjues.  et  qui  n'ont  qu'un 
seul  mérite,  celui  d'clre  à  très-bon  marché.  Si  encore  ils  rappelaient  le  style 
du  xv'  siècle! 

Malheureusement  les  modèles  de  cette  époque  sont  rares;  aussi  avons-nous 
saisi  avec  empressement  l'occasion  qui  nous  était  oITerte  d'en  publier  un  ([iii 
unit  une  grande  richesse  à  une  certaine  élégance. 

Les  deux  originaux  du  chandelier  dont  les  »  Annales  Archéologiques  » 
publient  aujourd'hui  une  gravure  excellente,  lune  des  plus  Ihies  et  des  plus 
colorées  (inc  M.  Ad.  Varin  ait  encore  exécutées,    appartiennent  à  M.   Ni- 


PAR  DIDRON.  k  PA.HIS 


A"  -V 


ilAWT'iVr.T'!':!;  "irr-r  ;vk' r-R.rrr- 


rmwnFi.irii  f\  argent  doré.  249 

venheus,  de  Londres,  qui  les  a  trouvés  en  Allemagne.  Chose  étrange  de  la 
part  rl'un  propriétaire,  leur  possesseur  doute  de  leur  authenticité! 

On  doute  volontiers  aujourd'hui,  et  des  faux  trop  éclatants  ont  été  commis 
dans  le  commerce  des  objets  d'art  pour  que  la  défiance  ne  doive  pas  être  la 
première  vertu  du  curieux  ou  de  l'archéologue.  Nous  avons  donc  examiné  sur 
toutes  ses  faces,  dessous  et  dessus,  à  l'œil  nu  et  à  la  loupe,  les  chandeliers 
de  M.  \i venheus;  nous  les  avons  fait  examiner  par  m\  orfèvre  el,  de  notre 
examen,  il  est  résulté  ceci  :  c'est  que  ces  chamloliers  sont  exécutés  par  les 
mômes  procédés  qu'eussent  employés  les  orfèvres  du  xv'  siècle,  s'il  n'est  pas 
leur  œuvre.  Les  feuillages  sont  faits  tantôt  au  repoussé,  lorsqu'ils  se  déta- 
(lii'iit  des  fonds;  tantôt  en  argent  fondu  el  ciselé,  quand  ils  y  sont  attachés. 
Les  staluel tes  sont  fondues,  réparées  et  ciselées.  Les  moulures  prismatiques, 
soit  fondues,  soit  étirées,  sont  rapportées  sur  le  fond.  Enfin  tout  est  fait. 
comme  ou  dil,  de  pièces  et  de  morceaux,  exécuté  avec  une  grande  perfection, 
une  remarquable  unilr'  de  style  et  de  caractère.  .Notons  (pi'il  nous  e>t  impos- 
sible d'obtenir  ces  (pialilés  dans  les  choses  modernes  que  nous  voulons  faire 
exécuter  par  les  mêmes  |)rocédés  (pie  les  ancieimes,  et  qu'il  faut  renoncer  h 
déshabituer  nos  ouvriers  de  cerlaines  pratiques  d'atelier  qui  enlèvent  pré- 
cisément à  liiii'  travail  ce  caractère  de  l'ancienne  orfèvrerie  que  nous  trou- 
vons ici. 

Kiilin  un  orfi'vie,  (|ui  a  fabriciué  un  bon  nombre  de  pièces  dans  le  style  du 
moyen  i\gc,  et  au(|uel  nous  avons  soumis  ces  chandeliers,  n'y  a  non  plus  dé- 
couvert aucime  trace  de  travail  moderne,  et  il  estime  que  h'  prix  de  revient 
d'un  seul  d'entre  eux  serait  supérieur  à  la  sonnnc  que  l'on  réclamait  pour  les 
deux.  Cette  raison  a  bien  son  importance. 

Vrai  connue  nous  le  supposons,  ou  faux  comme  on  l'a  cru,  ce  chandelier 
rentre  dans  les  formes  géuérales  adoplées  pendant  tout  le  moyen  àgo  pour  ces 
ustensiles  du  culte;  seulement,  il  est  beaucoup  plus  élevé  que  ceux  dont  les 
exemplaires  sont  parvenus  juscpi'îi  nous,  puiscpril  mesure  (V'.GO  do  hauteur. 
Il  n'iuirail  donc  aucmie  transformation  ii  subir,  counne  il  faut  le  faire  aux 
pilil-,  modèles  du  Ml'  e!  du  \iii' siècle,  pour  s'a|iproprier  aux  usages  actuels. 

Au  lieu  d'èlre  Iriangiilain!  et  de  poser  sur  trois  pieds,  le  pied  e.sl  hexagone 
et  repose  sur  de  ut)mbreu\  pi>ints  d'appui.  Il  est  formé  en  plan  parla  ren- 
contre de  six  cercles  tangents,  dont  les  contours  .s'aigui.seni  aux  cxlrènnlés 
d'un  méuie  diamètre.  Ainsi  son  contour  forme  six  lobes  aigus  que  suit  nii- 
desaous  une  galerie  verticale  ^  rosaces  circulaires,  ii'percées  il'njours  trilo- 
bés, bordée  de  deux  torsades  el  lernn'née  à  sa  partie  inférieure  par  mie 
moulure  eu  doiicine.  Celle-ci  porl'-  ^i''   '••    iw  d'un  lion  assis  \  l'.xli.'inii.'  i|i« 


250  ANNALKS  Alîf;il  KOI.OC  K.il  KS. 

chaflMc  Idlx".  ot  sur  un   |)olil  mv^a  musicien   à  la  rencontre  de   chacun  des- 
lol)os  .idjiiccnls.  Tdiis  les  lions  soni  fundiis  sur  le  même  modèle.  Il  en  est  de 
même  poiu'  les  anj^cs  ;  mais  ces  derniers  sont  divtïrsifiés  |)ar  les  insirumenis 
(|ue  l'on  a  placés  dans  leurs  mains  :  Irois  jouenl  de  lu  mandoline  el  les  Irois 
auires  du  psMlh'i'ion.    ■ 

Le  cliauip  des  cercles  (|in'  l'ccouvrent  le  pied  es!  vidi'.  Li'ur  bordure  est 
formée  d'un  listel  |il;il.  chargé  de  petites  rosettes  saillantes  à  (jualre  divisions 
comprises  entre  (leu\  lllets,  et  d'une  crête  intérieure  formée  de  feuilles  de 
vigne  carrées,  suivant  la  pi-ali(iue  constante  de  l'orfèvrerie  et  de  l'ornement 
de  cette  époque,  billes  sont  en  argent  fondu,  et  leurs  queues  s'attachent  à  une 
torsade. 

I.:i  piiiiili'  iiili  I  ii'ine  de  chacun  des  cercles  donne  naissance  à  une  grande 
feuille  de  figuier  sauvage,  profondément  déchiquetée  sur  les  bords  et  d'un 
n'iief  très-tonriiioiili' ;  celle  feuille  monte  sur  la  doucine  qui  commence  la  lige 
du  cliandclier.  De  la  rencontre  de  deux  cercles  adjacents  naît,  à  l'extrémité 
d  iiirr  double  tige  figurée,  une  autre  feuille  plus  petite  d'où  |)artent  les  courbes 
(le  si\  ogives  simulées  (]ui  encadrent  chacune  l'une  des  grandes  feuilles,  et 
coiiipriMiiuMil  dans  leur  lynipan  une  autre  feuille  triangulaire  de  même  nature 
et  également  rapportée.  Toutes  les  moulures  et  tous  tes  feuillages  sont  dorés, 
ainsi  que  les  arcs  simulés.  Les  fonds  seuls  sont  en  argent. 

lue  sorte  de  premier  nonid  peu  saillant  arrête  le  pied.  Il  est  formé  de 
trois  cléments  :  d'une  moulure  à  section  prismatique  placée  entre  deux  tor- 
sades; d'un  réseau  de  deux  rangs  d'arcades  ogivales  à  nervures  triangulaires 
entre-croisées;  d'une  seconde  moulure  supérieure  terminée  par  un  grand  talon 
qui  se  rattache  à  la  tige  par  un  filet  saillant.  Un  réseau  de  branchages,  d'où 
naissent  de  grandes  feuilles  tombantes  et  des  rosettes  alternées,  recouvrent 
le  talon. 

Au-dessus  monte  la  lige  qui  est  hexagone,  garnie  d'arêtes  prismatiques  avec 
une  crête  de  petites  feuilles  (|(>  vigne  rapportées  à  la  base  et  au  sommet  de 
chaque  panneau. 

Le  nœud  est  hexagone,  à  six  loges  aiguës  comme  le  pied,  et  formé  de  deux 
platines  opposées  et  semblables,  qui  comprennent  entre  elles  une  frise  formée 
de  sarments  feuillages,  tous  fondus  siu"  le  même  modèle  et  formant  à  l'ex- 
trémité de  chaque  lobe  un  petit  berceau  oii  un  ange  est  agenouillé.  Les  six 
anges  sortent  tous  du  même  moule  et  jouent  les  uns  de  l'orgue  portatif,  les 
autres  d'une  mandoline  à  manche  très-court. 

Chacune  des  deux  platines  du  nœud  est  ornée  par  six  cercles  ou  six  ovales 
aigus  tangents,  garnis  à  leur  intérieur  d'un  quatre-lobes  qui  encadre   une 


CIIA.MtELlKK   EN   AKGEM"   DOUÉ.  251 

rosace  feuillagéo.  Du  point  du  rencontre  de  deux  cercles  adjacents  part  une 
pelile  feuille  qui  monte  sur  l'arête  de  la  lige  que  suit  une  torsade,  et  de  la 
pointe  intéricuro  de  chacun  d'eux  naît  une  grande  feuille  qui  s'étale  sur 
chaque  face  de  la  tige.  Il  y  a  ainsi  au-dessous  et  au-dessus  du  nœud  une 
/une  ornée  que  termine  une  moulure  horizontale. 

Au-dessus  monte  une  tige  semblable  à  celle  qui  part  du  pied.  Une  espèce 
de  coriiiclie.  garnie  d'une  feuille  sur  chaciue  angle  dans  sa  gorge,  la  tennine 
et  donne  naissance  à  un  chapile:iu  (|ui  supporte  la  bobèche. 

Ce  chapiteau,  d'abord  en  prisme  hexagone  comme  la  tige,  voit  chacune  de 
ses  faces  se  projeter  en  asaut,  de  façon  à  devenir  horizontale  h,  son  exlrénnlé 
(|ui  l'urme  un  lobe  aigu.  Cet  encorbellement  su|)porte  im  second  prisme 
hexagone  h  faces  courbes  concaves  dont  les  arêtes  correspondent  aux  lobes  du 
pied  et  du  no'ud.  Kn  plan,  l'hexagone  du  couronne  nent  est  tangent  h  celui  de 
la  tige  par  le  milieu  de  ses  faces  courbes  :  les  ajigics  de  l'un  conespoiidanl 
aux  côtés  de  l'autre. 

I.driiciiiriii.iiioii  de  ce  chapiteau  consiste,  sous  le  revers  de  chaque  face, 
<ii  im  ovale  aigu  encadrant  une  rose  de  feuillages  à  cpiatre  divisions,  et  don- 
nant naissance  à  une  grande  feuille  (pii  descend  le  long  de  la  lige.  C'est  le 
même  système  que  sur  le  pied  et  sur  le  na-uil.  lue  nervure  garnit  les  arêtes, 
(lessiiM!  les  ovales  aigus  et  se  raccorde  à  l'extrémité  extérieure  de  ces  d'-rniers 
pnin  monter  verticalement  le  long  des  arêtes  du  second  hexagone  dont  une 
grande  rosace  feuillagée  garnit  cha(|ue  face  courbe. 

C'est  sur  ce  i-hapiteati  i|iii'  puse  la  coupe  de  la  bobèche;  coupe  (|ui  est  c'\r^ 
culaire,  mais  inscrite  dans  un  carré  (|ue  garnit  une  galerie  descendante.  Bien 
(|ue  les  ornemenis  appli(|iiés  au  revers  de  la  bobèche  s'ennnanchent  trï's- 
habilemenl  avec  le  chapiteau,  de  façon  à  relier  le  mieux  jmssible  T hexagone 
avec  le  carré,  nous  ne  saurions  approuver  cette  singularité.  Kn  elTet,  dans 
toutes  les  positions,  hormis  celle  (|ue  nous  avons  choisie  pour  la  dessiner, 
II!    comoimement   de  celle  (euvre  éli'gante  se  présente  guucliemenl  à  l'aMl. 

L'ornemcnl  dont  nous  parlons  consiste  en  nervures  saillantes  (|ui  de.<sinent 
une  étoile  à  côtis  courbes  rciilraiits,  de  forme  mi  peu  irrégidicre.  quatre  de  ses 
pointes  correspondant  aux  (pialre  angles  du  carré.  Des  feuilles  garni>seiil  cha- 
cinic  di's  pointes  et  le  point  où  les  côtés  touchent  les  nervuirs  du  cimpiloau. 

I,a  g.ileije  (pii  piMirliilirne  la  bobèche  est  placée  en  retraite  d'une  moulure 
en  l)is(MU  ;  elle  est  formi-e  (lime  suite  de  petites  ro.saces  peri'ées  do  Irilolnv*. 
séparée  par  une  torsade  d'ime  ciète  de  petili's  feuilles  de  vigne.  Ces  éléments 
décoratifs,  nous  les  avons  d'-''  ••  'i- ■■-  -■■■!-  '<  lorras.se  ilu  pioil  ■■•  du»»  !•■» 
méilaillons  de  celui-ci. 


252  ANNALKS    Alir.IlfiOl.oci  oi;  i:s. 

Une  point(\  que  nous  n'avons  point  figuiTo,  monte  au  milieu  do  la  i)oW<'lie. 

Comme  ce  eii.mdL'Iier  possi'di'  à  peu  pivs  jos  dimensions  (|U0  l'on  est 
accoutumé  de  domier  aujourd'hui  aux  ciiandelieis  d'autel  du  plus  petit  mo- 
dèle, nous  en  donnons  les  n)esures  principales  ù  l'usage  de  ceux  qui  vou- 
draient le  l'aire  exécuter. 

l'iKii.   —  Dinmètro  d'imo  tOlc  do  lion  à  l'atilre.  .  .  0,300 

l)i;iini"'tr('  d'un  ;nige  ;i  l'aiitie 0,200 

|)i;iiiii'lic  du   r('scnii  d'arcatiiic 0,002 

tlniiloiir  ju.sf|ii'à  la  niiissancc  de  la  ti  c.   .  0,180       0,180 

tiGE.    —   llaiilciu' du  la  parU'e  inférieure 0,115       0,115 

Hauteur  de  la  partie  supérieure 0,0'J5       0,095 

Diamèlre  d'tnie  face  à  l'autre 0,0/|0 

iNoia  D.  —   Diaiuèire  d'une  pointe  à  l'auirc 0,100 

Hauteur  de  la  saillie 0,033 

ilauirur  totale  entre  les  deux  tiges  ....  0,100       0.100 

Boiirciii:.  —  Cùlé  du  carré 0.1  t.") 

Hauteur  totale,  chapiteau  compris  ....  0,115       0.115 


Hauteur  t(jtale  du  chandelier.  .  .  .  0,605 

Il  ii'''sl  pas  nécessiiire.  croyons-nous,  do  moiilrer  (jiii>  celle  o'uvre  d'orfé- 
\rerii'  apparlienl  au  xv'"  siècle,  assez  avanci;  peut-être,  et  doit  être  de  fabri- 
cation alleniaiide.  Le  caractère  aileniaiid  se  reconnaît  dans  la  complication  des 
formes  et  siuioiil  dans  cette  reclierclic  des  combinaisons  contrariées  des  sur- 
faces et  des  |)laiis  (|ii('  l'on  remarque  dans  l'amorlissemcnl  supérieur  de  la 
tii;e.  L'oi'iieinenl  du  iiu'inl  imus  semble  également  caractéri-stique.  La  collec- 
tion .Siill\k(ill' possédait  un  calice  allemand,  (|iii  était  en  double  à  l'Exposition 
de  N'ieiine.  dont  la  fausse  coupe,  la  tige,  le  no'iid  et  le  pied  étaient  formés 
de  >aniienis  cnrhevètrés  et  garnis  de  feuillages,  le  lotit  étant  non  pas  fondu 
dans  un  moule,  mais  fabriqué  de  morceaux  rapportés  et  soudés  en.semble. 
C'est  de  cette  façon  (|ii'a  été  fabrif|iiée  la  garniture  du  nœud  pour  former 
celle  espèce  dr  bocage  sacré  qu'liabilenl  des  anges  mtisiciens.  Quant  à 
l'exéciitioii  (le  Icuile  cette  pièce  d'orfèvrerie,  elle  est  excellente.  Si  les  ouvriers 
(|ui  Tonl  l'abri(iiiée  sont  nos  contemporains,  ce  que  nous  ne  croyons  pas, 
ils  ii'tnit  (juii  venir  dans  les  ateliers  de   Paris,  ils  y  gagneront  d'excellents 

salaires. 

.\.LFni:n    DAlîClîL. 


MÉLANGES  ET  NOUVELLES 


PALME  ET  FIOLE  DU    MARTYRE. 

Voici,  en  texte  et  traduction,  un  décret  récent  de  la  Congrégation  des  rites 
qui  intéresse  l'arcliéologie  clirélienne.  La  question,  douteuse  jusqu'il  présent, 
est  désormais  tranchée.  Tout  cercueil,  accompagné  d'une  lioie  teinte  de  sang 
et  portant  le  dessin  d'une  palme,  est  la  sépulture  d'un  martyr.  Cette  décision 
importe  surtout  aux  Uomains  îi  cause  des  Catacombes;  mais  elle  doit  nous 
init'iosser  également,  parce  qu'on  peut  rencontrer  un  jour  ou  Taulre,  sur- 
tout en  ce  mometil  où  l'on  fouille  partout,  quelque  sépulture  accompagnée 
do  la  fiole  et  marquée  de  la  palme. 

Voici  d'abord  le  texte  latin  du  décret  : 

«  Post<|uam  s:uculo  xvi,  laboribus  pr;cscrtim  et  studiis  Antonii  Bosio  itenuu 
sacra  suburbaua  patuere  cœmelcria,  ([ua>  a  sa-culo  vu  cxeuntc  Summurum 
Ponlilicum  cura  pciiitus  interclusa  rcmanscrant ,  ne  Barbari  rumanum  solum 
dévastantes  ibi  ali(|uam  iuterrent  protanationem  ,  in  lis  conquiri  cœporuni 
niartyrum   rorpora  (yuv  adliuc   ibidem   permanebant    in   loculis   a!  '  :.i. 

Tutissimiiiii  diguosciMidi  sacra  luuc  pigiiora  .signuu»  a  majorum  — .....uo 
recepluni  cranl  pliiala3  vilrea?,  vel  liguliniu  cruore  tindie,  aul  crusias  .>iAl(cni 
sanguineas  occludentes,  qu.u  vi-l  intra  vel  extra  loculos  sepullorum  afli\a< 
mancbaiil.  All.tinrn  aliquibus  visum  fuit  viris  erudilis  &\iixs  pra;ter  sanguincm 
aduiilli're  notas,  (piibus  ipsi  martyres  distingui  aulumabant.  Vorum,  ul  in  ro 
taiili  MiDiMcnli  imitTi-iisi)  proct'dcrctm' pede,  placuil  C.leinenli  l\,  .Sunimo  l'on* 
tilici,  siii^iilart-m  dcligi-re  Congregationcm.  (juie  e\  sanota-  roman.u  Kcclc^ia; 
cardinalibus,  aliis(|ue  doctissiinis  viris  conslaret,  oiquu  Iwic  6ti|>cr  ro  gravi»- 
sinnnn  (  ommisil  examen.  Il.ic  Congregalio,  qu.i>  |>ostoa  h,  Sucris  Ileli(|uii9  el 
\\u.  S3 


25/i  ANNALKS   AIlCII  f:OLO«IOlJKS. 

Iiiiliil^ciiliis  iioinon  li.ihiiil,  ar^îdincnlis  omnibus  porponsis,  die  10  A|)rilis 
aiiiii  IGOS,  (lociclum  hoc  tulit  :  »  Ciiin  in  Sacra  Congrcf^aliono  liKJiilgonliis, 
K  .Sa(;ris(|iie  l\cli(niii.s  |)ra:p().sila  de  iiolis  disceplarctur,  ex  (|uibus  venn  sanc- 
II  toriiin  iiiarlyriiin  reliqiiiie  a  falsis  cl  dul)iis  dignoscj  possint,  eadcm  Sacra 
Il  Coiigregalio,  rc  diligonlei'  cxainiiiata,  consuit  :  Palinain  el  Vas  illoriiin 
Il  sanguine  linctnin  pro  signis  certissimis  Iiabcnda  esse;  aliorum  vero  signo- 
II  nim  exaiiirii  in  uliiid  tcnipus  rejecit.  »  —  «  Dccrelum  luijusmodi  duoruin 
fcrc  saicnluriiiii  (li'cin-su  fidciiler  scrvalmn  est,  quamvis  pra^terilo  verlenle 
•sœcuio  iioinuilli  sciecii  scriptores  de  l'iiiaia;  Sanguinea;  signo  diversimode 
dubilaveiiiil  ;  (piibus  pra;cipue  gravissiina  Bencdicli  XIV  auctorilas  obstilit, 
qiunn  in  iitleris  a|)osloiicis  ad  capiUilum  mctropolilana;  Ecclesiaj  Bononiensis 
de  S.  l'roco  martyre  ex  cœmcteiio  Thrasonis  cum  vase  sanguinis  elTosso  edo- 
cercl  :  «  Ipsi  dei)elin' ciilhis  cl  liliikis  Sancti.  (|iiia  pmcul  dnbio  nulli  unquam 
Il  vcnil  iii  niiMilrm,  (luanlumvis  acnto  ingcnio  is  rucril  et  cupidus  quœ- 
II  rendi,  ni  aiinil  .  nodum  in  scirpo,  nnlli,  inqnam.  venil  ad  nionlem 
Il  dui)ilalio  (|nod  corpus  in  Calacninbis  romanis  invenlum  cum  vascuio 
«  sanguinis,  ant  pleiio  aul  tincto,  non  sit  corpus  alicujns  qui  mortem  pro 
Il  Christo  siislinuoril.  »  —  «  Al  nostris  iiiscc  dicbus  alii  supervenere  viri  eru- 
dilioiin  a'(|ne  pollentes,  et  in  sacra?  arclieologiœ  studiis  valde  periti.  qui  vel 
scriplis,  vel  etiam  volnminibns  editis  advcrsus  Phialam  Sangnineam  utpote 
in  dnbium  marlyrii  sigiunn  decerfarunt.  Sanctissimus  autcm  Dominus  Noster 
PlLiS  l»Al'A  I\  .  de  Decreti  iiiius  robore  et  auctoritate  iiaud  h;esitans,  quum 
viderel  lanien  enidilornm  dinicuitates  in  cphemcridibus  tum  catholicis,  tum 
heterodoxis  divnlgaii.  ad  praecavendum  quodlii)cl  inter  fidèles  scandalun  sa- 
pientissime  censuit.  ut  hujiismodi  diiïicultales  in  quadam  peculiari  Sacrorum 
Rituum  Congregatione  severo  subjicerenlur  cxamini.  Peculiaris  vero  Congre- 
galio  hœc  nonnullis  ex  ejusdem  Sacrorum  Rituum  Congregalionis  cardinali- 
bus,  praîlatis  olficialibus,  ac  sclcclis  ecclesiasticis  viris  pietale ,  doctrina. 
prudentia,  reruniqui'  usu  eximie  praîclitisconstituta,  praî  oculis  habens  uni- 
versam  argnmenlorum  serieni,  nec  non  fidelem  ejusdem  secretarii  relationem. 
quum  omnia  accuratissima  ponderaverit  disquisitione.  die  27  Novembris  ver- 
tenlis  anni,  duobus  his  proposilis  dnbiis  : 

«  I.  An  Phialai  vitreœ  aut  figulimu,  Sanguine  linctœ.  quœ  ad  loculos 
Il  sepultorum  in  sacris  cœmetcriis  vel  extra  ipsos  reperiuntur,  censeri  debeant 
Il   mai'lyrii  signum  ? 

Il  11.  An  ideo  sit  standum  ve!  recedendnm  a  Decreto  Sacrœ  Congrega- 
II   tionis  Indulgentiarum  et  Reli(|uiarum .  diei  10  Aprilis  1608? 

Il    Respondit  ad  primum  :   A1''I''1RMATIVE; 


MELANGES  ET  NOLVEELES.  255 

«  Respondit  ad  secundum  :  PROVISLM  IN  PRIMO. 

«  Ideoquc  declaravit  confirmanduin  esse  Oecrelum  anni  1G68. 

«  Facta  aiitem  de  prajmissis  Sanctissimo  Domino  Nostro  FIO  PAP.E  IX 
a  siibscripto  secrelario  accurata  omnium  exposilione.  Sanclilas  Sua  seaten- 
tiam  Sacrœ  Congregalionis  ralam  hai>uit,  confirmavil,  alque  pra'sens  Uecre- 
tum  expcdiri  pra?cepit. 


«  Die  10  Deccmbris  1863. 


»  C.  Epijropus  Portucn.  et  S.  Rufinap, 
.  Cjrd.  l'ATRIZI,  S.  H.  l'..  Pr.cf. 
«  D.  Bahtolim,  s.   h.  C.  Secrctarius.  » 


Voici  maintenant  la  Iradiiclion  littérale  de  ce  décret  : 

«  Lorsqu'au  xvr  siècle,  les  travaux  et  les  éludes  d'Antoine  B  isio  ame- 
nèrent la  réouverture  des  cimetières  sacrés  voisins  de  Home,  qui  depuis  la 
fin  du  vil"  siècle  étaient  à  peu  près  restés  fermés  par  le  soin  des  Souverains 
Pontifes,  dans  la  crainte  qu'ils  ne  fussent  profanés  par  les  Barbares  (|ui  dévas- 
laicnl  alors  le  sol  romain,  on  commença  à  y  rechercher  les  corps  des  martyrs 
qui  y  étaient  restés  cachés  dans  leurs  cercueils.  D'après  la  tradition  générale- 
ment reçue,  le  signe  le  plus  sûr  de  reconnaitre  ces  jiieuses  reliques  élail  la 
présence  de  fioles  on  verre  ou  en  terre  cuite,  leiiiles  de  sang,  ou  tout  au 
moins  renfermani  des  croûtes  de  sang;  fioles  qu'on  trouvait  allachécs  soit  à 
l'extérieur,  soit  h.  l'intérieur  des  cercueils.  Quelques  savants  pensaient .  toute- 
fois, fin'iin  pouvait  reconnaître  les  martyrs  k  d'autres  marcpies  que  le  sang. 
Afin  (le  ne  point  marcher  h  l'aventure  dans  une  chose  de  si  haute  importance, 
il  plut  alors  au  souverain  pontife  (llémeiit  I\  de  choi.-ir  une  congrégation 
spéciale,  composée  de  cardinaux  de  la  sainte  l-lglise  romaine  et  d'autres  per- 
sonnages érudils.  et  de  lui  confier  l'examen  d'un  point  si  grave.  Clolle  congré- 
gation. <|iii  ii'ciit  plus  lard  Ir  nom  de  (îongrégation  des  sacrées  reliques  cl 
des  indulgences,  pesa  .scrupuleusement  tous  les  motifs  et  rendit,  le  10  avril 
i(jG8,   le  décret  suivant  : 

«  Sur  la  question  soulevée  dans  la  congrégation  préposée  aux  iiidulgencos 
«  et  sacrées  reli{|ues,  de  savoir  i'i  quelles  mar(|ucs  on  pouvait  reconnaître  les 
<i  véritables  reli(|ii('s  des  martyrs  des  ielii|ues  fausses  et  douloiisos,  la  sacrée 
I.  congrégation,  après  s'être  livrée  h  un  examen  attentif,  a  pen.sé  que  la 
«  palme  et  In  liole  teinte  do  .sang  devaient  être  fonsitiéréojj  comme  les  in- 
(1  (lices  les  plus  assurés  du  martyre;  elle  a  renvoyé  à  un  autre  temps  l'oxamen 
<i   des  antres  niai(|iies.  » 

«  Pendant  près  de  ileux  siècles  ce  décret  a  été  ndôlcinont  exécuté,  quoique 


256  ANNALES   ARCIlfiOLOGIOUES. 

,'i  la  fin  (lu  siècle  dernier  quelques  (écrivains  (lYlile  aient  eu  des  opinions  diffé- 
rcnlcs  sur  la  marque  de  la  fiole  de  sang.  L'imposante  autoril(5  de  Benoît  XIV 
avait  principalement  CCS  savants  en  vue,  lorsque  ce  grand  ponlifc  s'exprimait 
en  ces  termes  dans  des  lettres  apostoliques  adressées  au  chapitre  de  l'église 
métropolitaine  de  Bologne  au  sujet  de  saint  Procus,  martyr,  exhumé  du  cime- 
tière de  Thrason  avec  un  vase  de  sang  : 

Il  On  lui  doit  le  culte  et  le  titre  de  saint,  parce  qu'il  n'est  jamais,  assuré- 
«  ment,  venu  à  l'esprit,  quelque  pénétrant  qu'on  puisse  êlre,  et  quelque  désir 
<i  qu'on  ait  de  chercher,  comme  on  dit,  des  dillicullés  où  il  n'y  en  a  point, 
Il  de  douter  qu'un  corps  trouvé  dans  les  catacombes  de  Bome  avec  une  fiole 
«  ou  remplie  ou  teinte  de  sang,  n'est  point  le  corps  d'un  fidèle  mort  pour 
(I   l'ciuirc  témoignage  h  la  foi  du  Christ.  » 

«1  De  nos  jours ,  d'autres  savants  distingués,  habiles  dans  la  science  de 
l'archéologie  sacrée,  sont  venus  et,  dans  des  écrits  ou  dans  des  livres,  ont  sou- 
tenu que  la  présence  d'une  fiole  de  sang  n'était  point  un  indice  indubitable  du 
martyr'e.  Fort  de  la  puissance  et  de  l'autorité  du  décret  ci-dessus,  en  présence 
des  opinions  diverses  émises  par  les  savants ,  tant  dans  les  journaux  catho- 
liques que  dans  des  feuilles  hétérodoxes,  notre  très-saint  père  le  pape  Pie  IX, 
pour  se  prémunir  contre  quelque  scandale  qui  pourrait  s'élever  au  milieu  des 
fidèles,  a  très -sagement  décidé  que  ce  point  litigieux  serait  de  nouveau 
soumis  à  un  sévère  examen  dans  la  congrégation  spéciale  des  rites.  En 
conséquence,  celte  congrégation  spéciale  des  sacrés  rites,  prenant  en 
considération  l'avis  des  cardinaux  de  cette  même  congrégation  des  rites,  des 
prélats  otTiciaux  et  d'autres  personnages  ecclésiastiques  distingués  par  leur 
piété,  leur  science,  leur  prudence  et  leur  parfaite  connaissance  des  usages, 
s'étant  fait  représenter  toute  la  suite  des  raisonnements  donnés  pour  ou  contre, 
ainsi  que  le  rapport  fidèle  du  secrétaire,  a  mis  en  délibération,  le  27  novembre 
dernier  (18G3),  cl  pesé  dans  le  plus  sérieux  examen  les  deux  questions 
douteuses  : 

(I  1°  Les  fioles  en  verre  ou  en  terre  cuite  teintes  de  sang,  trouvées  dans 
les  cercueils  inhumés  dans  les  saints  cimetières  ou  ;\  côté  d'eux,  doivent-elles 
êlre  regardées  comme  le  signe  du  martyre? 

«  2°  En   conséquence,  doit- on  maintenir  ou  infirmer  le  décret  rendu  le 
l"  avril  1GG8  par  la  sacrée  congrégation  des  indulgences  et  des  reliques? 
«  Sur  la  première  question,  il  est  répondu  :  ArFinMATivEMENT. 
«   Sur  la  seconde  question  :  Prévu  dans  la  première. 
Il  Par  ces  motifs,  elle  a  déclaré  confirmé  le  décret  de  1G68. 
«  Sur  le  rapport  de  tout  ce  que  dessus,  fait  avec  soin  à  notre  très-saint 


MÉLANGES   ET   NOUVELLES.  257 

père  Pie  IX  ,  pape,  Sa  Sainiclc  a  ratifié  et  confirmé  l'avis  de  la  sacrée  congré- 
gation, et  a  ordonné  l'expédition  du  présent  décret. 

"  C,  (^v^qup  de  Porto  Pi  (le  Sainto-Rufine, 
■  Cardinal  l'ATlilZI,  préfei  de  la  sacree  congr  gntion  des  nie*, 
u  D.  Uahtoi,ini,  secrélaire  do  la  S.  C.  des  R.  ». 


RÉFOIIME   LITURGIQUE  A   NOYON   EN   1779. 

M«'  de  Grimaldi  venait  de  quitter  le  siège  du  Mans  (1777)  pour  devenir 
évoque  de  Noyon,  lorsque  le  mandement  qu'il  publia  le  12  septembre  1779, 
k  l'elTel  de  modifier  l'habit  de  chœur  des  chanoines,  de  supprimer  certaines 
fêtes,  et  de  réduire  le  nombre  des  obits  (de  li!i/i  'i  53) ,  lit  naître  entre  lui 
et  son  chapitre  de  graves  démêlés,  fini  donnèrent  lien,  de  la  part  de  ce  der- 
nier, h  un  appel  connue  d'abus. 

L'entretien  suivant  que  le  prélat  avait  eu.  (inolque  temps  auparavant, 
avec  plusieurs  chanoines,  nous  révèle  toute  sa  pensée.  Il  leur  disait  : 

(1  Les  chanoines  du  Mans  avoicnt  un  hal)it  de  chunir  semblable  au  vôtre; 
comme  vous,  ils  étoient  engoncés  dans  un  camail .  et  fatigués  par  de  lourdes 
et  grandes  chapes,  ils  se  réunirent  pour  me  demander  un  habillement  nou- 
veau. Je  leur  donnai  le  mien,  à  cela  près  qu'au  lieu  de  leur  permetire  le 
violet,  je  ne  leur  accordai  que  le  noir;  savoir  :  le  drap  pour  l'hiver  cl  la  soie 
|)()in'  l'i'li'.  On  observa  (|ue,  celle  année-là,  il  y  eut  beaucoup  moins  de  rhumes 
que  les  précédentes,  où  l'on  faisoit  usage  de  vos  habits  actuels. 

(I  Quant  aux  oIKiccs  et  aux  obits,  ils  en  étoient  surchargés  comme  vous. 
J'ai  réduit  tous  les  obits  ù  douze  par  an;  cha(|ue  mois,  on  en  dit  un  avec 
toutes  les  solennités  possibles,  et  les  ofliccs  étant  moins  longs,  se  chanlcul 
pins  Irnlcnicnt  l'I  plus  décenuneiil. 

«  J'ai  aussi  supprimé  des  fêles  dans  le  diocèse  du  Mans;  ce  sont  des  jours 
rendus  an  Iravail.  Ils  opèrent  un  double  bien,  savoir  :  de  procurer  nu  peuple 
un  nioyn  df  gagn(>r,  el  une  occasion  de  dépense  de  moins  en  écartantlc 
désa.'uvremcnl ,  (|ui  le  conduit  au  cabaret.  » 

Les  partisans  de  ces  réformes,  en  très-petit  nonibre,  il  est  vrai,  disaient: 
•  Que  les  offices  étoient,  en  rllil ,  d'inie  longueur  afTiousc;  que  les  obits  ne 
finissoienl  pas  ;  qu'il  étnit  impossible  d'acquitter  les  fondations  dont  plusieurs 


238  ANNALES  ARCIlfiOLOGIQL  ES. 

iiYjloienl  que  votives  et,  d'ailleurs,  très-anciennes,  tandis  que  d'autres  n'éloienl 

pas  snllisaniineiit  lundùes.  » 

Ils  ajoutaient  :  «  Nous  ressemblons  à  des  mascpics  avec  nos  habits  de 
ciiiiMir;  les  clianoines  du  Mans  ont  été  bien  plus  sages  f|ue  nous.  Nulle  part 
on  n'csl  si  longtemps  à  l'église;  des  moines  mêmes  n'y  liendroient  pas.  » 

H  A  II  ON   i.i:  I.A  rON.S-MÉLICOQ. 


SOCii;TK   D'ARUNDEL. 

La  Société  d'Arundel  vient  d'ajouter  à  ses  publications,  déjà  nombreuses, 
les  reproductions  suivantes,  chromolilliograpiiiécs  ou  gravées,  qu'elle  dis- 
tribue en  ce  moment  à  ses  membres  souscripteurs  pour  l'année  1864  : 

1°  PuiîsENTATiON  AU  Temim.i;.  d'après  la  fresque  de  Luini,  à  Saronno.  — 
Chromolitliograpliie.  Largein-  58  centimètres,  hauteur  67  centimètres,  sans 
les  marges.  —  ].e  Temple,  où  est  présenté  le  divin  Enfant,  est  d'architecture 
corinthienne  et  d'un  grand  caractère.  Au-dessus  de  l'autel,  on  voit  la  création 
d'Kve,  et  Moïse  tenant  les  tables  de  la  loi.  A  la  Présentation  assistent  seize 
personnes,  entre  autres  la  vieille  prophéfesse  Anne,  dont  la  figure  sibylline 
est  des  plus  nol)lcnient  accentuées.  Parmi  les  femmes,  deux  sont  nimbées 
comme  la  Vierge  elle-même,  en  sorte  que  les  trois  Maries,  qui  sont  présentes 
à  la  mort  et  h  la  résurrection  du  Christ,  assistent  déjà  à  sa  présentation  au 
Temple  et  presque  à  sa  naissance.  La  prophétesse  Anne  annonce  évidemment 
les  futures  souffrances  du  Sauveur,  car  la  sainte  Vierge,  à  qui  elle  s'adresse, 
a  la  figure  frappée  d'anxiété.  Cinq  petits  personnages,  outre  les  seize  de  la 
scène  principale,  regardent,  du  haut  d'une  balustrade  à  jour,  ce  qui  se  passe 
dans  le  Temple.  Par  la  grande  porte  de  l'édifice,  on  voit  un  riche  paysage 
que  traverse  la  «  l'uite  en  l'Egypte  »,  une  des  premières  souffrances  du  Sau- 
veur et  de  sa  mèie.  Au  fond,  s'élève  un  édifice  religieux  que  surmonte  une 
coupole  à  huit  pans  et  qu'accompagne  un  joli  clocher  carré  à  six  étages. 
Cette  Présentation  de  Luini  mérite  de  figurer  à  côté  de  celle  de  Raphaël;  l'ar- 
chitecture en  est  bien  préférable  à  celle  de  Raphaël,  qui  est  si  bizarre.  Luini 
a  donc  bien  fait  de  signer  sa  fresque  sur  l'un  des  pilastres  cannelés  du 
temple  : 

BEnNARDIWS    LOVIWS     PI^^IT.    M.C.XXV. 

Saronno  possède  encore  de  Luini  le  »  Mariage  de  la  Vierge  » ,  1'  «  Adoration 


MÉLANGES  ET  NOUVELLES.  259 

des  Mages  »  cl  le  «  Christ  parmi  les  docteurs  ».  Le  Mariage  de  la  Vierge 
sera  publié  par  la  Société  d'Aruiidel  en  18G5,  et  l'on  peut  y  souscrire  dès  à 
présent.  Quant  au  Cliiisl  parmi  les  docteurs,  il  vient  d'être  chromolitho- 
graphie, et  fait  partie  des  publications  supplémentaires  de  cette  année. 

2"  Têtf.  DR  s,«i.\T  Joseph,  grandeur  d'exécution,  appartenant  à  la  Présen- 
tation au  Temple  de  Luini.  Chromolilhograi)liie.  —  Cette  tète  est  jeune  encore, 
de  quarante  à  quarante-cinq  ans,  et  pleine  d'intelligence.  Ce  serait  un  beau 
modèle  pour  nos  écoles  de  dessin  et  de  peinture.  En  ce  moment,  où  la  dévo- 
tion à  saint  Joseph  jin-nd  un  certain  essor,  cette  tète  peinte  par  Luini  peut 
inspirer  utilement  nos  artistes  contemporains  et  les  empêcher  de  faire  doré- 
navant ces  saints  Joseph  fades  et  ridicules  que  nous  connaissons  trop. 

ly  Svi.NT  Ji;v\  lîcnivANT  SON  LvvNfjri.K.  Gravure  sur  métal  d'après  la  fres- 
que de  l'".  Angelico  dans  la  chapelle  de  Nicolas  V  au  Vatican.  —  Saint  Jean 
est  dans  le  ciel  étoile,  tout  environné  de  rayons  et  divinement  mspiré.  Son 
aigle,  placé  à  sa  gauche,  presse  les  nuages  dans  ses  serres  vivantes.  L'apôtre 
est  chauve,  longuement  barbu  et  âgé  de  soixante  ans  au  moins.  C'est  un  vieil- 
lard plein  d'énergie  comme  les  byzantins  aiment  à  le  re|)résenler,  tandis  que 
les  latins  préfèrent  figurer  saint  Jean  évangélislc  sous  la  forme  d'un  doux  et 
beau  jeune  homme. 

Il°  CoNVKiiSioN  i)K  SAINT  l'\i  1  .  Ciiavure  sur  métal  d'après  une  tapisserie 
du  Vatican,  exécutée  sur  un  carton  aujourd'hui  perdu,  et  qui  faisait  partie  de 
la  série  conservée  au  château  d'l[am|)ton-Court.  Saul,  en  soldat  romain,  est 
renversé  sur  le  chemin  de  Damas  que  l'on  aperçoit  dans  le  fond.  Le  Sauveur 
est  dans  le  ciel,  accompagné  de  ([ualre  petits  anges  qui  lui  soulèvent  les  bra^. 
Le  bras  droit,  qui  est  étendu  vers  le  futur  apôtre,  est  d'un  admirable  geste. 
i-a  Irncur  et  le  mouvement  qui  régnent  dans  cette  scène,  où  s'agitent  vingt 
personnages,  sont  dignes  du  plus  grand  des  peintres, 

Kn  dehors  de  ces  quatre  planches,  qui  sont  ilislribuées  aux  membres  sous- 
cripteurs de  la  .Société  d'Anindel  pour  IHn'i,  est  publiée  une  chromoliiho- 
gra|)hie,  large  de  S?  centimètres,  haute  de  ùl,  sans  les  marges,  d'après  la 
l'rcs(|uc  de  Luini  à  Samiino,  Cette  peinture,  extrêmement  roman|uablc,  repré- 
sente Jésus  adolescent  au  milieu  des  docteurs,  au  moment  où  il  est  retrouvé 
par  la  vierge  Marie.  Jésus  s'est  levé  de  son  siège,  devenu  ainsi  le  Irône  de  la 
sagesse,  h  l'approche  de  sa  mère.  Il  lui  tend  alVecliieusement  la  main 
toute  grande  ouverte,  et,  de  l'index  de  la  droite,  lui  moiitix'  le  ciel  m.  .,  -,,;. 
son  l'ère  dont  il  l'ail  la  volonté.  La  Vierge  monte  les  degrés  du  siège  comme 
pour  aller  eniijiasser  son  lils,  (|u'elle  vient  enl'm  de  retrouver.  Son  costume, 
rouge  il  la  robe,  bleu  au  manteau  doublé  île  vert,  bleu  au  voile  que  traversent 


200  ANNALP:S   AltCm'lOLOlilOL'KS. 

des  fils  (l'nr,  est  d'unr  liilin  simplicité.  Marie  tend  la  maiii  gauche  vers  la 
main   gauche  do  son   fils  pour  la  presser;  elle  pose  la  main  droite  sur  sa 
poitrine.   Kos  yeux  de  la  mère  et  du  fils  (pii  se  regardent,  les  sourires  qui 
s'ébauchent  l'ont  de  ce  tableau  une  des  plus  alTeclueuses  scènes  que  l'on  con- 
naisse. Jésus  n'est  plus  un  enfant  :  c'est  un  bel  adolescent  de  (juinze  à  dix-huit 
ans.  il  est  \ètu  d'une  robe  courte,  violacée,  et  qui  laisse  les  jambes  à  décou- 
vcit.   Cette  pelilo  r(ii)o  est  serrée  h  la  taille  par  une  ccintiu-e  verte  et  jaune. 
Ihi  manicau  i)l('ii.  encore  plus  court  que  la  robe,  est  bouclé  sur  l'épaule  droite 
avec  un  boulon  d'or.  Sans  la  robe  qu'exige  la  pudeur  chrétienne,  ce  jeune 
Jésus  resseml)lerail  à  l'Apollon  du  Belvédère,  dont  il  a  le  geste  et  dont  la 
chevelure  d'un  rouge  ardent,  qu'entourent  des  rayons  d'or,  rappelle  la  cheve- 
lure enflammée  du  Soleil.  Les  vingt-cinq  personnages,  princes  des  prêtres, 
docteurs  de  la  loi  ou  simples  assistants  présents  à  cette  «  leçon  »  du  Sauveur, 
sont  variés  d'âge,  d'attitude,  de  costume,  de  physionomie.  Toutes  ces  tètes 
sont  pleines  d'une  expression  bien  diverse  et  qu'il  serait  trop  long  de  spécifier. 
En  outre,  saint  Joseph  est  au  fond  de  la  salle,  du  côté  de  la  sainte  Vierge; 
il  tient  un  long  bâton  comme  un  voyageur  qui  vient  de  chercher  en  bien  des 
endroits  le  jeune  égaré.  L'architecture  et  la  décoration  du  temple,  l'agence- 
ment du  siège  d'où  se  lève  Jésus,  la  sculpture  des  deux  escabeaux  en  bois, 
où  sont  assis  deux  vieux  docteurs,  méritent  d'être  remarqués,  car  ils  pour- 
raient servira  nos  architectes,  décorateurs  et  menuisiers  d'aujourd'hui.  Celte 
espèce  d'  «  École  d'Athènes  »,  où  un  adolescent  enseigne  une  science  divine 
h  ces  vieux  savants,  mériterait  d'être  comparée  à.  la  fresque  immortelle  de 
Raphaël.  Il  y  a  moins  d'air,  moins  de  variété  (\\ic  dans  la  véritable  «  École 
d'Athènes  »,  mais  bien  des  tètes  sont  dignes  des  plus  belles  que  Raphaël  ait 
peintes.  Luini  est  un  grand  artiste  que  la  France  ignore  et  que  la  Société 
d'Arundel  a  la  gloire  de  faire  connaître  à  tous  les  amis  de  la  grande  et  noble 
peinture. 

l'our  1805  la  Société  d'Arundel  prépare  : 

1°  Le  (1  Couronnement  de  la  Vierge  »,  par  l'i'.   Angelico,  au  couvent  de 
Saint-Marc  à  Florence; 

2"  Le  »  Mariage  de  la  Vierge  »,  par  Luini,  à  Saronno  ; 
3°  «  Saint  Jacques  devant  Hérode  Agrippa  »,  par  Mantegna,  dans  l'église 
des  Eremitani  à  Padoue; 

k°  La  lettre  capitale  F,  suite  de  l'alphabet  historié  et  en  couleur. 
Nous  croyons  devoir  rappeler  que  le  nombre  des  membres  souscripteurs  de 
la  Société  d'Arundel  est  complet.  Pour  entrer  dans  la  Société,  il  faut  s'in- 
scrire parmi  les  surnuméraires,  et  l'on  ne  prend  rang  parmi  les  membres 


MÉLANGKS   KT  NOUVELLES.  261 

que  quand  il  se  lait  une  vacance.  La  souscription  annuelle  reste  fixée  au  prix 
de  20  IV.  25.  Elle  se  paye  d'avance.  L'agence  de  la  Société  dWrundel,  pour 
Paris  et  la  l'rance,  est  au  bureau  même  des  «i  Annales  Archi'-ologiques  ». 


CONCOURS   DE   PEINTUUE  SlMt   VEIlItE. 

Depuis  qiit'kiues  années  les  Anglais  poussent,  avec  une  force  admirable  d'im- 
pulsion, l'ait  dans  toutes  ses  voies  :  dans  l'idéal  le  plus  élevé  comme  dans  la 
pratique  la  plus  réelle.  Ils  ont  l'onde  ce  musée  do  Kensington,  qui  est  devenu, 
du  premier  élan,  beaucoup  plus  important  que  notre  musée  de  riiôlcl  de  Cluny 
et  que  notre  Conservatoire  des  arts  et  métiers,  avec  Icsque's  il  n'est  pas  sans 
analogie.  Les  collections  de  tout  genre  ont  tellement  abondé,  par  dons  et  par 
achats,  qu'il  a  fallu,  h  plusieurs  reprises,  élargir  et  multiplier  les  constructions 
(|ui  (kvaiciit  les  abriter.  Ces  constructions,  il  s'agit  aujourd'hui  do  les  décorer, 
et  l'on  l';iit  appel  à  tous  les  arts,  même  à  la  peinture  sur  verre,  pour  les  em- 
bellir. Ce  musée  de  Kensington  est  le  palais  des  arts  industriels,  et  l'on  veut 
(pie  .«a  décoration  rappelle  celte  distinction  et  proclame  le  triomphe  de  l'art 
ap|)li(|ué  à  l'industrie.  Voilà  le  thème  proposé  comme  sujet  d'une  verrière  (|ui 
a  3'"."ir)  de  largeur  sur  5  "70  de  hauteur,  c'est-à-dire  une  superficie  d'en- 
viron I!)  mèlros.  C'est  une  assez  belle  surface,  mais  c'est  (|uin/.o  ou  vingt 
fois  moindre  (pie  la  surface  décorée  de  vilraut  îi  notre  palais  de  l'industrie, 
où  l'on  aurait  pu  et  dû  largement  développer  le  riche  thème  que  les  Anglais 
proposent  aujoiinriiui  dans  un  concours  universel. 

IMus  religieux  ipie  nous  et  plus  com|)réliensils,  les  Anglaisent  prisée  thème 
dans  la  tlible.  dans  le  livre  de  rKcclésiasli(|ue  attribué  h  Salomon.  C'est  le 
lrenti:-huitièmc  chapilii',  du  veisi-l  wiv  à  la  fin.  qu'ils  proposent  comme 
motif  de  la  future  verrière.  .Si  je  comprends  bien  l'esprit  (pii  a  pn'sidé  nu 
choix  de  ce  texte,  ce  serait  seulement  des  versets  (|ui  courent  du  wviii*  nu 
xxxvir  (pi'il  faudrait  se  préoccuper.  Le  verset  x\iv  engage  les  vivants  à  ne 
pas  Irop  pleurer  les  morts;  le  verset  x\v  reconnnande  de  m:  pas  trop  s'agiter 
>i  l'un  \enl  ètresttgo;  les  versets  wvi  et  \\\ii  semblent  blâmer  le  laboureur 
cl  rélevenr  de  bestiaux,  et  leur  reprocher  de  nuMtre  la  sagesse  et  la  gloin* 
dans  leurs  lr.i\;ui\';   les  versets  wwii.  wvmii  et   \\\i\  déclarent  que  les 

1.  ia  (loisi  iliro  i|uo  Ip  loxto  Iulin  iio  iiio  |Kinill  im»  contenir  co  blAino  i|ui  ihI  lri'-<«-n<>lipmml 
\\iv. 


262  ANNALKS   AUCII  KOI.OOKJLES. 

arlislos  el  irs  artisans  soni  indignes  d'exercer  la  inagistralurc.  Cette  lolc  et 
rclte  (in  du  texte  sacré  me  paraissent  aller  directenienl  contre  les  inten- 
tions des  rédactonrs  du  programme,  et  voii'i  ponr(|noi  je  me  crois  antorisé  ii 
dire  que  ce  |)rograMinio  doit  su  renl'ermer  entre  le  xxviir  el  le  xxxvii"  verset. 
Onoi  qu'il  en  soif,  comme  je  ne  suis  pas  chargé  de  changer  un  iota  dans  la 
rédaclion  (|uc  l'on  vient  de  m'envoyer  de  Londres,  voici  le  tcxli;  complet  de 
rKccIésiastiquc  rccommanch;  à  l'allcntion  et  aux  méditations  des  futurs  con- 
currcnls  : 

24.  Dans  le  ropo>,  où  il  est  oniré,  laisse  dormir  la  mémoire  de  celui  qui  n'est  plus,  et  convoie- 
loi  de  ce  que  son  esprit  est  séparé  de  son  corps. 

25.  Le  docteur  do  la  loi  deviendra  s;ige  au  jour  do  son  repos,  et  celui  qui  s'agite  peu  acqucria 
la  sagesse. 

26.  Quelle  sngesso  peut  avoir  celui  qui  conduit  une  cli;irrup,  qui  met  sa  gloire  dans  l'aiguillon 
avec  Icqut  1  il  anime  les  bœufs,  qui  vit  au  milieu  de  leurs  labeurs  et  ne  s'entretient  que  de  flis  de 
taureaux  ? 

27.  Il  applique  toul  son  cœur  il  tracer  des  sillons,  et  toutes  ses  veilles  à  engraisser  des 
gcnissi's, 

28.  .Ainsi  l'ouvi  ler  en  bois,  et  l'arcliilecte,  consume  dans  son  travail  les  jours  et  les  nuits. 
Ainsi  celui  qui  grave  varie  ses  ciselures  par  un  travail  assidu  ;  il  applique  tout  son  cœurà  imiter 
un  modèle,  cl,  par  ses  v.  illes,  il  achève  son  a-uvre. 

29.  Ainsi  l'ouiriercn  fer  s'assied  près  de  l'enclume  et  considère  le  fer  qu'il  emploie;  la  vapeur 
(lu  feu  coiisuiiie  sa  (tliair,  et  il  est  sans  cesse  e\|)0sé  a  l'ardeur  de  la  fournaise. 

,'îO.  Le  b]  uit  des  marteaux  se  renouvelle  sans  cesse  à  son  oreille,  et  son  œil  est  attentif  à  l'objet 
qu'il  imite. 

31 .  11  applique  son  cœur  à  achever  son  ouvrage;  il  l'embellit  et  le  perfectionne  par  ses  veilles. 

32.  Ainsi  le  potier  s'assied  près  de  son  ari;ile  ;  il  tourne  la  roue  avec  ses  pieds;  il  est  dans  une 
sollicitude  conlinuelle  à  cause  de  son  œuvre,  et  il  ne  fait  rien  qu'avec  mesure. 

33.  Sa  main  façonne  l'argile,  et  il  l'assouplit  après  qu'il  l'a  rendue  flexible  avec  ses  pieds. 

34.  Il  applique  son  cœurà  peindre  son  ouvrage,  el  il  veille  ii  ce  que  son  fourneau  soit  purifié. 
33.  Tous  ces  ouvriers  espèrent  en  leurs  mains,  et  chacun  est  sage  en  son  art. 

36.  Sans  eux  nulle  ville  ne  serait  bâtie,  ni  habitée,  ni  fréquentée. 

37.  Mais  ils  n'entreront  ni  dans  les  assemblées,  ni  dans  les  conseils. 

38.  Ils  ne  seront  point  assis  sur  les  sièges  des  juges,  el  ils  n'auront  point  l'intelligence  des 
jugements;  ils  ne  publieront  ni  les  instructions  ni  les  règles  de  la  vie;  ils  ne  trouveront  point  le 
sens  des  paraboles. 

30.  Ils  conserveront  les  œuvres  du  siècle;  mais  ils  pouvaient  prier  au  milieu  de  leurs  travaux, 
y  appliquer  leur  àine  cl  rechercher  la  loi  du  Très-Haut. 

Les  rédacteurs  du  programme  demandent  donc  que  les  concurrents  glo- 
rifient, en  dessin  et  peinture  sur  verre,  l'art  et  le  métier  des  artistes  et  des 

accusé  dans  la  traduction  de  M.  de  Genoude.  Comme  rien  n'est  plus  grave  que  de  traduire  soi- 
même  les  livres  saints,  je  préfère,  pour  n'endosser  aucune  responsabilité,  me  servir  d'une  traduc- 
tion toute  faite  et  acceptée  par  l'autorité  ecclésiastique. 


MKLANGES   ET   .NOLVIXLtS.  263 

artisans.  Le  texte  do  l'Ecclésiastique  ne  doit  pas  être  restrictif;  mais  il  faut 
l'élargir,  au  contraire,  et  l'étendre  à  tous  les  arts  et  à  tous  les  métiers  pour 
([u'il  concorde  avec  les  collections  du  musée  Kensington  et  l'esprit  compré- 
liensif  (|ui  a  créé  ce  musée.  Les  dessinateurs  et  peintres  verriers  devront 
donc  représenter  les  architectes,  les  sculpteurs,  les  peintres,  les  musiciens, 
les  portes,  les  artistes  du  mouvement,  les  ciseleurs,  les  émailleurs.  les  céra- 
mistes, les  peintres-verriers,  les  bronziers,  les  forgerons  ou  ferronniers,  les 
orfèvres,  les  mécaniciens,  les  tisserands,  les  tapissiers,  les  dentelliers  et 
brodeurs,  les  ébénistes,  les  charpentiers;  c'est-à-dire,  tous  les  artistes  et 
ouvriers  de  la  pensée,  de  la  parole,  du  son,  du  geste,  de  la  pierre  grossière 
ou  précieuse,  de  l'argile  et  du  plâtre,  du  métal,  du  bois,  de  la  peau,  du 
tissu,  du  verre,  etc.,  rap|)rociiés  suivant  Icin-s  alllnités,  éloignés  suivant  leurs 
oppositions,  mêlés  dans  un  ensemble  compact  et  proclamant  tous  en  chœur  le 
triomplie  do  l'art  et  de  rindustric.  Dix-neuf  ou  vingt  mètres  poin*  tout  cela, 
c'est  voiilnir  comprimer  l'Océan  dans  un  lac.  et  les  plusieurs  centaines  de 
MiMrcs  que  contiennent  les  deux  verrières  de  notre  palais  de  l'Industrie  n'y 
auraient  même  pas  suffi.  Mais  le  mérite  des  concurrents  sera  précisément  de 
tout  diie  en  pou  de  mots  et  do  tout  montrer  on  quelques  tableaux. 

Après  ou  plutôt  avec  le  <<  Triomphe  de  l'Agucau  »  qui  est  à  Gand .  lo 
«  Magnilicat  de  l'art  »  qui  est  h.  l'rancfort-sur-le-.Mein,  le  «  .higoment  der- 
nier 1)  attribué  'i  Jean  Cousin,  peut-être  »  l'École  d'Athènes  »  et  la  ■■  Dispute 
du  Sainl-Sacremcnt  »  do  Haphaël,  surtout  après  ou  avec  les  vastes  scènes 
sculptées  ou  peintes  dans  nos  cathédrales  du  xin"  siècle,  je  ne  connais  pas 
de  sujet  plus  grandiose  et  plus  digne  d'inspirer  un  artiste  de  talent.  Si  j'avais 
eu  le  temps,  j'aurais  essayé  de  composer,  de  faire  dessiner  et  peindre  stn- 
verre  cet  admirable  ensemble,  car  c'est  h  des  tableaux  de  ce  genre  que  l'on 
s'enllamme  le  plus  facilemonl.  Ouo  je  trouve  un  artiste  dessinateur  qui  veuille 
1110  cumiiriiiiire,  et  je  nr  dis  pas  nun  :  jo  me  terai  peut-être  concurrent  sur 
ce  champ  ouvert  à  tout  le  mondr.  Il  serait  digne  de  la  l-'rnnce  et  do  ses 
doux  cents  peintros-verriors,  aclufllcuiont  vivants  ot  pratiiiuants,  do  i)roMdre 
part  l'i  cctio  lulto  si  digne  d'intérêt. 

Voici  maiiilciiiiiil  les  termes  mêmes  du  concours;  je  traduis  lexliicllcnionl 
siu"  l'anglais  lo  programim-  oHiciol  (|ue  je  viens  de  recevoir  et  <|ui  porte  en 
litre  : 

iii^i'MVTi^urM  i>K  <iciit\r.it  iT  K'tnT,  cnurri'  ix^  co^^trii.  hViicmtiosi,  *u  uit<i  pi  <oiT«-it^u»<>io> 

I.  I,i':<   Iniil-,   (lu  iciiiiii'  <lii   l'oniioil  H'iVliirntinn  il^in'iil  (i|iii>ntr  yovr  le  mu«^>  •!  -    ~ 
Kotisiin)i|tuii  tin  dessin  iloslim^  ii  uni-  Tmi^lro  en  |Niinlnn>  mr  wrw  MMTxfi  »u  non).  Im  Imip. 


204  ANNALKS   AIICIIKOLOCIQUES. 

sommet  c>lsoiiii-cir(.'uluira,  portu  les  diiiioiisionj  suivantes:  18  piods  *J  poucoi^  de  hauteur  jus- 
(|u'.iu  MjiniiR'l  (lu  l'urc,  sur  II  piuds  du  lurgcur  [soit,  un  mesures  rnini;aises,  :i"'3o  de  large  sur 
r)'"70do  haut;. 

2.  I.u  foMÔlre  sera  vue  d'un  esculier  placé  au  coin  nord  de  la  grande  cour  du  nord.  La  décord- 
lion  iircliilecluralo  do  l'escalier  sera  en  slylo  de  la  rcnaisMnce  italienne.  Le  sujet  du  dessin  est 
l'ourni  par  le  '.iS'  chapitre  do  riicclésiasti(|ue,  du  verset  24  jusqu'à  la  fin  du  chapitre. 

3.  Le  dessin  devra  ôtro  à  l'échcllo  d'un  pouce  par  pied  (au  12°)  et  colorié.  Il  sera  accompagné 
d'un  carton  do  grandeur  d'exécution  reproduisant  une  partie  sulTisanle  pour  montrer  l'exécution, 
el  d'un  spécimen  duno  portion  du  dessin  exécuté  en  verre,  en  gnindeur  naturelle. 

•l.  Le  concours  est  ouvert  aux  artistes  de  toutes  les  nations. 

5.  Une  somme  de  40  x  (1,000  fr.)  sera  accordée  au  dessin  qui  paraîtra  le  plus  convenable,  et 
une  somme  de  20  -É  (500  fr.)  au  meilleur  dessin  suivant. 

C.  Les  juges  auront  |)oui-  instrurlion  de  donner  hs  prix  aux  dessins,  seulement  d'après  leur 
inérile  artistique,  sans  s'occuper  du  coût  probable  de  l'exécution. 

7.  Chaque  dessin  devra  être  accompagné  d'une  offre  cachetée,  établissant  le  prix  auquel  le  des- 
sin peut  être  exécuté,  le  temps  que  prendra  l'exécution,  el  le  nom  et  l'adresse  de  l'arlisle. 

8.  Los  dessins  et  les  dires  devonl  ôtro  envoyés  au  musée  de  South-Kensington  avant  U* 
!'■'  mai  I86j. 

y.  Les  noms  des  juges  seront  |)ubliés  plus  tard. 

10.  Les  dessins  aux(|uels  les  prix  auront  été  accordés  doviondiont  la  propriété  du  départe- 
ment (le  science  et  d'arl,  qui  no  s'oblige  pas,  cependant,  à  faire  exécuter  l'un  d'eux. 

Par  ordre  (lu  Comité  du  conseil  d'éducation, 

HnsKY  CULK,  sefrétaire. 

Juillet  18G4. 


Jt!  (iL'siiv  ([lie  cet  ai)[)ol,  adi'ossé  à  lotîtes  les  nations  et  surtout  à  la  Ffaiice 
à  laquelle  j'aime  à  le  fépéter,  soit  entendu  par  tous  les  artistes  d'élite.  Ce 
serait  une  véritable  gloire  pour  notre  pay.-^  si  l'un  des  nôtres  sortait  vaiiKjueur 
de  cet  honorable  et  difficile  concotirs. 

DIURON  Ai.NK. 


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ICONOGRAPHIE 


DE   SAINT   PIERRE    ET   SAINT   PAUL 


1 


SAINT   PIERRE,    NOUVEAU   MOÏSE. 

Le  troisième  sujet  qui  vient,  sur  les  sarcophages,  compléter,  dans  le  sens 
d'une  parfaite  réparation  ceux  de  la  prédiction  du  reniement  et,  nous  pour- 
rions dire,  du  martyre  annoncé  et  commencé,  est  celui  du  rocher  frappe  d'où 
jaillit  une  source  d'eau  vive,  source  à  laquelle  une  foule  empressée  vient  se 
désaltérer. 

Pour  prouver  et  faire  comprendre  la  liaison  qui  existe  entre  ces  trois  scènes, 
il  est  nécessaire  d'entrer  dans  quelques  explications. 

Dans  le  sens  propre,  le  personnage  qui  frappe  le  rocher  est  Moïse,  et  le 
fait  exprimé  est  celui  qui  se  passa  dans  le  désert,  lorsque,  sur  l'ordre  de  Dieu, 
le  saint  prophète  fit,  en  ellct,  d'une  roche  stérile  jaillir  une  source  abon- 
dante pour  désaltérer  les  Israélites  mourant  de  soif  2.  La  signification  de  ce 
fait  n'est  pas  plus  douteuse  que  le  fait  lui-même.  Saint  Paul  le  dit  :  «  Petra 
autem  erat  Christus*».  Le  rocher,  dans  le  sens  figuré,  c'est  donc  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ,  de  qui  découlent  toutes  les  grâces  du  salut,  l'efTicacité 
de  l'eau  baptismale,  le  sang  régénérateur.  V.n  conséquence,  également  dans 
le  sens  figuré,  il  faiil  (|ue  celui  qui  frappe  le  rocher  ne  soit  autre,  en  général, 
que  le  prèlre  chrétien  qui,  par  la  vertu  des  paroles  sacramentelles,  fait  de 
cette  source  divine  jaillir  les  eaux  de  la  grâce  et  les  dispense  aux  fidèles; 

t.  «  Annales  Archéologiques»,  vol.  xxiii,  pages  26,  138  et  205;  vol.  xxiv,  p.  03,  161  et  210. 

2.  «  Exode  »,  cap.  xvii,  v.  6. 

3.  «  I  Corinlh.  »,  cap.  x,  v.  4.  —  M.  UiuiioN,  «  Manuel  d'Icun.  ihrét.  »,  p.   100,  a  très-bien 
exprimé  cette  signification. 

XXIV.  35 


200  ANNAI.F.S  AltCll  flOLOOIQl'KS. 

plus  ovfcllfinmpiil,  c'est  saint  Pierre  lui-mCme,  après  Jésus-Christ,  la  tétc 
(lu  sacerdoce,  le  Moïse  de  la  nouvelle  loi,  le  chef  du  nouveau  peuple  de  Dieu. 

L'iinpoilance  de  ce  sujet  aux  yeux  des  premiers  chrétiens  est  attestée  par 
sa  fré(|ueiilc  répétition  dans  leurs  peintures  des  catacombes,  sur  leurs  fonds 
de  verre  comme  sui-  leurs  sarcopluif^cs.  Nous  n'en  concluons  pas  (|uc,  |)our 
répondre  k  leur  pensée,  nous  devions  nous  écrier,  toutes  les  fois  que  nous 
voyons  Moïse  fiappant  le  rocher  :  «  voilJi  saint  Pierre!  »,  comme  si  le  premier 
avait  d'emblée  perdu  toute  personnalité.  Mais  telle  était  alors  la  tendance  à 
s'allachcr  à  l'idée  beaucoup  plus  qu'à  la  forme,  qu'il  arrivait  de  perdre  de 
vue  celui  qui  figurait,  pour  songer  unitiucmcnt  Ji  celui  qui  était  figuré  dans  un 
rôle  bien  plus  excellent,  d'une  réalité  présente  et  d'une  cfTicacilé  perpétuelle. 
C'est  ainsi  que  sur  un  fond  de  verre,  souvent  reproduit,  et  que  nous  avons 
observé  nous-mêmes  au  musée  du  Vatican,  celui  (|ui  frappe  le  rocher  est 
désigné  par  son  nom,  et  ce  nom  n'est  pas  celui  de  3Ioïse,  c'est  celui  de  saint 
Pierre,  «i  Petrus  ». 

Sur  les  sarcophages,  le  sujet  du  rocher  frappé  accjuicrt,  pour  se  rapporter 
à  saint  Pierre,  une  convenance  de  plus  par  son  rapprochement  et  son  accord 
avec  les  deux  autres  sujets  directement  propres  au  saint  apôtre  que  nous 
avons  fait  connaître. 

Ces  trois  sujets  se  suivent  fréquemment  dans  l'ordre  où  nous  les  voyons  sur 
le  sarcophage  dont  la  gravure  est  placée  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs  *,  en 


4.  Ce  sarcopliafîo  est  un  des  plus  remarquables  spécimens  de  cette  branclie  de  l'art  ctirétien 
primitif.  La  signification  des  difTérents  groupes  que  l'on  y  voit  sculptés  comporterait  de  longues 
explications,  que  nous  no  sommes  point  suffisamment  en  mesure  de  donner;  nous  nous  conten- 
terons d'en  indiiiucr  quelques-unes  que  nos  lecteurs  nous  pardonneront  de  ne  pas  mieux  justifier, 
eu  égard  à  l'espace  toujours  étroit  d'une  note,  si  longue  qu'elle  paraisse  proportionnellement. 

Dans  le  médaillon  central  on  voit,  avec  son  épouse,  le  haut  personnage  chrétien  dont  ce  monu- 
ment devait  contenir  les  restes.  Ce  médaillon  est  soutenu  par  deux  génies.  Nous  ne  prenons  pas 
en  cfi'et  ces  deux  figures  ailées  pour  des  anges;  c'est  une  réminiscence  païenne  dont  on  retrouve 
des  traces  à  toutes  les  époques  do  l'art  chrétien,  et  nous  ne  croyons  pas  nous  éloigner  beaucoup 
de  la  vérité  en  jugeant  qu'il  s'en  est  servi  comme  d'une  sorte  de  personnification  allégorique  des 
pensées. 

A  droite  et  h  gauche  de  ce  médaillon,  on  reconnaît  :  d'une  part,  la  création  de  la  première 
femme,  Eve,  tirée  de  la  côte  d'Adam,  et  leur  chulc  ou  plutôt  leur  condamnation  à  tous  les  deux; 
de  l'autre  part,  le  miracle  de  Cana,  celui  de  la  muliiplication  des  pains,  et  la  résurrection  do 
Lazare,  c'est-à-dire,  ce  semble,  la  pensée  de  la  création  mise  en  regard  de  celle  de  la  rédemption  : 
la  création  première  avec  ses  imperfections,  la  chute  et  ses  rigoureuses  conséquences  opposées 
au  renouvellemont,  au  pcrfectionnomcnl,  à  l'abondance,  à  la  résurrection,  à  la  vie.  Cet  ensemble 
d'idées  est  mis  en  relief  |)ar  le  rapprochement  des  sujets  et  leur  opposition;  mais  on  a  pu  consi- 
dérerqu'il  était  résumé  en  chacun  d'eux,  tels  qu'on  les  voit  ailleurs  séparément.  La  création  de  la 
femme  ofi'rirait  alors  une  allusion  à  la  fondation  de  l'Église.  La  condamnation  au  travail  est  expri- 


ICONOGnAPlIIE   DE  SAINT   PIERRE   ET  SAINT   PAUL.  267 

partant  du  centre,  tantôt  à  droite,  tantôt  à  gauche;  il  arrive  aussi  qu'ils  sont 
réunis  sur  le  même  monument  sans  se  succéder  immédiatement.  11  est  très- 
rare,  alors  môme,  que  leur  ordre  logique  ne  soit  j^as  obsei'vé;  ordinairement 
les  traits  attribués  à  saint  Pierre  dans  les  deux  premiers  se  transmettent  à 
celui  r[ui  le  représente  dans  le  troisième.  En  pareil  cas,  on  peut  dire  que  le 
personnage  de  saint  Pierre  absorbe  en  quelque  sorte  celui  de  Moïse.  11  est 
une  autre  particularité  dont  notre  sarcopjiagc  olTre  également  un  exemple,  et 
relativement  à  laquelle  on  dirait  au  contraire  que  Moïse  revit  en  saint  Pierre. 
Celui-ci,  en  elTet,  est  mis  en  possession  de  la  verge  de  Moïse.  Cette  verge, 
signe  de  la  mission  divine  du  prophète,  et  qui  fut  entre  ses  mains  l'instrument 
de  tant  de  merveilles,  elle  est  passée  dans  celles  de  saint  Pierre  dans  les 
deux  scènes  de  la  prédiction  et  de  l'arrestation,  où  il  n'a  pas  à  s'en  servir, 
comme  dans  la  scène  où  elle  fait  jaillir  l'eau  du  rocher.  Elle  est  ainsi  deve- 
nue un  des  attributs  fixes  et  personnels  de  saint  Pierre,  à  tel  point  que  nous 

tnée  par  la  remise  des  épis  qu'Adam  devra  faire  pousser,  de  la  brebis  ou  de  l'agneau  dont  Eve  devra 
filer  la  laine;  h  raison  mt^'Hie  de  ces  cmldéines  les  espérances  consolantes,  et  le  sentiment  de  la 
réparation  y  débordent.  Le  miracle  de  Cana  et  la  multiplication  des  pains,  ces  deux  figures  ainsi 
rapprochées  de  l'Eucharistie,  pourraient  se  rapporter  à  la  distinction  des  deux  espèces  du  pain  et 
du  vin.  Quant  au  sujot  de  Lazare,  il  exprime  bien  le  jjassago  do  la  mort  à  la  vie. 

Dans  la  rangée  inférieure,  la  pensée  fondamentale  du  triomphe  sur  la  mort  et  en  général  sur 
toutes  les  puissances  ennemies  est  figurée  au  milieu  par  Daniel.  A  sa  droite,  les  deux  sujets  de 
l'adoration  des  Mages,  avec  une  allusion  évidente  à  l'étoile,  et  la  guérison  de  l'aveugle-né,  s'ac- 
cordent dans  une  pensée  commune  d'éclaircissement  et  de  manifestation;  tandis  que  la  gauche 
est  consacrée  aux  trois  scènes  relatives  à  saint  Pierre  qui  nous  occupent  dans  le  corps  de  notre 
étude. 

On  remarquera  que  dans  le  sujet  de  la  création  de  la  femme  on  a  voulu  probablement  rendre 
le  «  faciamus  »  de  la  Genèse,  en  représentant  la  Trinité  sous  la  figure  de  trois  hommes  sembla- 
bles; on  pourrait  donc  invoquer,  en  faveur  de  ce  mode  de  représentation,  un  exemple  tiré  de 
l'antiquité  chrétienne. 

La  chute  est  rappelée  par  le  serpent  qui  tient  encore  la  pomme  fatale. 

La  multiplication  des  pains  occupe  sur  certains  sarcophages  la  position  centrale,  et  les  deux 
apôtres  qui  présentent  les  pains  et  les  poissons  portent  aussi  des  livres:  dans  la  scène  do  Daniel, 
on  remarquera  la  petite  figure  d'ilabacuc  apportant  des  pains;  or,  il  arrise  qu'on  voit  aux  côtés 
de  Daniel  non  plus  seulement  un  personnage  portant  les  pains  dans  le  rôle  d'ilabacuc,  mais  encore 
un  second  portant  aussi  des  poissons;  il  est  impossible  de  no  pas  voir,  dans  ces  Iransposilions, 
des  allusions  aux  mêmes  mystères,  et,  passant  du  figuratif  au  figuré,  on  peut  se  demander  si 
quelquefois  dans  les  deux  apôtres  de  la  multiplication  des  pains,  et  les  deux  personnages  analo- 
gues rapprochés  de  Daniel,  on  n'a  pas  eu  en  vue  le  sacerdoce  chrétien  représenté  en  la  personne 
de  ses  chefs,  saint  Pierre  et  saint  Paul?  Quant  au  personnage  qui  dans  ce  sarcophage  appuie  la 
main  sur  la  tète  d'Habacuo,  nous  no  saurions  dire  quelle  en  est  la  signification.  A  moins  que  co 
no  soit  une  allusion  à  l'ordination  faite  par  l'imposition  des  mains,  pensée  qui  surgit  îi  l'instant 
môme  dans  notre  esprit  et  que  nous  livrons  dans  toute  la  fraîcheur  d'un  premier  jol,  mais  aussi 
comme  un  fruit  d'une  incertaine  maturité. 


258  ANNALES   ARCIlfiOLOGlQL'ES. 

aurions  dû  en  i)ai|pr  lorsf|iio  notis  nous  sommes  occupé  de  celle  parlie  de  son 
iconoKiapliic  :  le  faire  rnainlcnant,  c'est  rd-parcr  une  omission. 

Cette  sorte  de  sceptre  primitif,  dans  les  sculptures  des  anciens  sarcophages 
clirélicns,  n'est  attribué  ([n'à  .Jésus-Clirist,  à  Moïse  ou  k  saint  Pierre,  c'est- 
à-dire  qu'il  exprime  la  souveraine  puissance  et  la  souveraine  juridiction  qui, 
appartenant  en  propre  sciilcinent  au  premier,  donné  autrefois  au  second  en 
d('p(jl  transitoire,  a  été,  en  défmilive,  délégué  au  troisième. 

La  verge  de  Moïse  lui  servit  spécialement  dans  l'une  des  situations  les  plus 
solennelles  de  sa  vie,  lorsqu'il  en  frappa  les  eaux  de  la  Mer-Rouge  pour  la 
faire  ouvrir  sons  les  pas  des  Israélites,  et  qu'il  l'étendit  pour  que  cette  mer 
engloutît  Pharaon  et  son  armée,  autre  sujet  qu'il  n'est  pas  rare  de  rencontrer 
sur  les  sarcophages  de  Rome,  d'Arles,  d'Aix;  nouvelle  allusion  à  la  délivrance 
opérée  par  la  vertu  de  la  croix,  pensée  que  nous  avons  vue  directement  expri- 
mée sur  une  miniature  d'un  manuscrit  grec  de  la  bibliothèque  du  Vatican 
(n"  342).  Dans  cette  miniature,  la  verge  dont  Moïse,  le  personnage  histo- 
rique, frappe  les  eaux  de  la  Mer-Rouge,  est  devenue  la  croix,  attribut  de  saint 
Pierre,  le  personnage  figuré^. 

]\loïse  apparaît  encore  sur  les  sarcophages  comme  recevant  les  tables  de  la 
loi,  ou  se  déchaussant  pour  s'approcher  de  Dieu;  sujets  qui,  distincts  histo- 
riquement, semblent,  sur  ces  monuments,  à  peu  près  se  confondre,  et  y  sont 
assez  souvent  représentés  en  parallèle  avec  la  scène  du  rocher  frappé.  La 
substitution  de  l'apôtre  de  la  nouvelle  loi  au  prophète  de  l'ancienne  n'y  a 
point  été  portée  aussi  loin  que  dans  cette  dernière  scène.  Quelquefois  même 
Moïse  y  demeure  imberbe,  tandis  que  saint  Pierre,  à  côté,  dans  les  scènes 
qui  lui  sont  directement  propres ,  apparaît  avec  sa  barbe  traditionnelle.  Nous 
soupçonnons  néanmoins  que  le  don  fait  à  Moïse  n'exprime  pas  une  pensée 
foncièrement  dilTérente  de  celle  du  don  fait  à  saint  Pierre,  lorsqu'il  reçoit  le 
volumen  déployé.  11  est  possible  que,  dans  le  premier  cas,  en  représentant 
ce  qui  fut  le  jirélude  et  la  figure,  on  ait  voulu  porter  l'attention  aussi  sur 
la  cliose  désormais  donnée  dans  son  état  de  parfait  accomplissement,  comme 
dans  le  second  cas,  où  cette  chose  est  l'objet  explicite  de  la  représentation. 

Un  sarcophage  du  musée  de  Latran  nous  olïre  un  intermédiaire  relative- 

1 .  Cctto  minialiiro,  à  première  vue,  nous  avail  paru,  à  nous  et  îi  un  jeune  artiste  de  talent  qui 
en  faisait  un  (icHsin  pour  M.  le  coiiite  Oiivaroff,  offrir  une  circonstance  plus  merveilleusement 
appropriée  ;i  l'idée  que  nous  exposons  :  nous  voulons  parler  d'une  petite  tonsure  sur  le  devant 
de  la  tête.  Mais,  tout  bien  examiné,  nous  avons  remarqué  qu'elle  n'en  occupait  pas  tout  à  fait  le 
milieu,  et  nous  nous  sommes  convaincus  qu'elle  était  le  résultat  de  l'enlèvement  accidentel  d'une 
partie  de  la  peinture. 


ICONOGRAPHIE  DE  SAINT   PIERRE  ET  SAINT  PAUL.  269 

ment  auquel  nous  hésiterions  à  nous  prononcer  si  le  personnage,  qu'on  y  voit 
représenté  dans  l'attitude. ordinaire  à  Moïse  recevant  la  loi,  n'a  pas  aussi 
quelque  droit  à  prendre  le  nom  de  saint  Pierre.  Ce  personnage,  le  pied  posé 
sur  un  rnonliculc,  tient  à  la  main  non  plus  la  table  de  la  loi,  mais  le  volumen 
déroulé  dont  s'est  déjà  dessaisie  la  main  divine  aperçue  au-dessus,  et  ses 
traits,  si  nos  souvenirs  ne  nous  trompent  pas,  sont  les  mêmes  que  ceux  de 
saint  Pierre  dans  la  scène  du  reniement  prédit  qui  occupe  l'arc  central  du 
monument. 

Quels  que  soient  d'ailleurs  les  nuances  et  les  degrés  offerts  par  cette  sorte 
de  pénétration  du  figuratif  par  le  figuré,  il  est  certain,  en  définitive,  que  dans 
nul  autre  sujet  la  iransition  de  Moïse  à  saint  Pierre^  n'a  été  formulée  avec 
autant  de  netteté,  soutenue  avec  autant  de  constance,  que  dans  celui  du 
rocher  frappé,  à  raison  sans  doute  de  la  précision  des  paroles  de  saint  Paul 
et  de  la  corrélation  établie  entre  ce  sujet  et  ceux  de  la  prédiction  du  renie- 
ment de  saint  Pierre  et  de  son  arrestation.  Celte  corrélation  était  passée  h 
l'état  de  pratique  d'école;  nous  en  signalerons  un  indice  dans  un  détail  d'ail- 
leurs de  minime  importance,  dont  notre  sarcophage  offre  spécialement  un 
exemple.  Nous  voulons  parler  de  ces  sortes  de  chaperons  portés  seulement 
par  les  personnages  accessoires  qui  emmènent  saint  Pierre  dans  la  scène  de 
l'arrestation,  (\u\  viennent  puiser  de  leau  dans  la  scène  du  rocher  frappé.  On 
les  retrouve  dans  un  grand  nomi)re  de  monuments,  à  Arles  comme  à  Rome, 
et  rarement  ailleurs  que  dans  ces  deux  scènes  -.  Nous  n'avons  aucune  donnée 
sur  l'origine  et  la  signification  de  cotte  coiffure;  nous  ne  soutiendrons  pas 
qu'en  la  mettant  exclusivement  et  simultanément  sur  des  tètes  si  diverses  au 
point  de  vue  de  la  réalité  étroitement  historique,  les  unes  appartenant  h  des 
Israélites  du  temps  de  Moïse,  les  autres  à  des  Romains  du  temps  de  Néron, 
la  pensée  des  artistes  se  soit  élevée  jusqu'à  vouloir  expressément  que  les 
satellites,  chargés  de  conduire  saint  Pierre  à  la  mort,  soient  devenus,  un  peu 
après,  les  chrétiens  qui  se  désaltèrent  à  la  source  sacrée.  Le  fait  cependant 

1.  Cnmmo  siiito  du  la  môme  idée,  nous  rappelons  qu(>  nous  avons  vu,  dans  noire  «  Bible  mora- 
liséc  »  do  la  Bibl.  imp  ,  saint  Piorre  assimilo  à  .Moïse.  Et  l'on  a  pu  remarquer  qu'au  tambour  de 
la  coupole  du  moriastèro  grec  do  Caracallou,  où  les  douze  apôtres  corros|)ondent  ;i  douze  pro- 
phètes, saint  Pierre  est  mis  en  regard  de  Mo'ise,  et  saint  Paul  d'Èlist^o.  <i  Annales  Archéologiques  », 
t.  XX,  p.  280.  C'est  lanlôt  une  simple  com|iaraison,  tantôt  une  métaplioro. 

2.  11  est  à  remanpier  que  sur  le  pied  do  la  croix  de  Saiiit-Hoilin,  publiée  par  les  «  Annales 
Archéologiques  »,  t.  xx,  p.  5,  on  retrouve  cette  sorte  de  chaperon  dans  la  scène  du  rocher  frappé. 
—  Un  sarcopliago  publié  dans  les  «  Cliieso  di  Roma  »,  t.  m,  pi.  xli,  comme  étant  il  Sainte- Ma- 
rie-.Majoure,  montre  la  mémo  coilTuie  sur  la  télo  de  deux  personnages  qui  semblent  venir  consul- 
ter un  viLillard  octupé  il  lire. 


270  ANNALES    AHCIIÉOLOGIQUES. 

s'csl  réalisé  h  la  lot  Ire,  lorsque  saint  l'icrrc  converlil  et  baptisa  saint  Pro- 
cessus et  saint  Maitiiiien,  ses  gardiens  et  ses  geôlier».  Mais  nous  croyons  que 
la  similitude  s'csl  établie  d'inslinct  entre  les  personnages  des  deux  scènes, 
ù.  raison  de  la  correspondance  des  idées,  et  qu'elle  s'est  maintenue  de  niènie. 

Le  rapport  du  rocher  frai)pé  avec  le  sacrement  du  baptême  est  directement 
exprimé  sur  un  sarcophage  du  musée  d'Arles'.  Tandis  que  la  face  principale 
de  ce  sarcophage  est  occupée  par  les  douze  apôtres  rangés  de  chaque  côté  du 
monogramme  du  Christ  élevé  sur  la  croix  et  renfermé  dans  une  couronne,  à 
ses  deux  exlrémilés  on  voit  d'un  côté  représenté  le  premier  de  ces  sujets, 
cl  de  l'autre  une  seconde  source  qui,  en  jets  abondants,  sort  aussi  d'un 
rocher.  Le  Sainl-Esprit,  sous  forme  de  colombe,  descend  sur  ces  eaux  salu- 
taires cl  saint  Jean -Baptiste  s'en  ap|)rochc.  On  reconnaît  le  Précurseur  à  la 
peau  de  bète  allacliée  sur  ses  épaules;  devant  lui  est  une  petite  figure,  nous 
ne  disons  pas  d'enfant,  parce  que  l'infériorité  de  la  taille  n'avait  pas  toujours 
celle  signification;  c'est  un  pénitent,  ou  plutôt  un  catéciiuméne  que  saintJean, 
avant  do 'le  baptiser,  semble  vouloir  présenter  à  un  autre  personnage  qui, 
tenant  un  volume,  est  placé  à  l'opposé  et  nous  paraît  être  le  Christ  :  saint 
Jcan-Baptisle  lui-même  pouvant  être  pris  pour  la  figure,  en  général,  du 
minisire  du  sacrement  de  baptême. 

Voilà  donc,  par  l'effusion  des  mérites  de  Jésus-Christ,  une  source  où  toute 
faute  trouve  une  réparation  surabondante;  voilà  saint  Pierre  relevé  de  sa 
chute,  relevé  aussi  aux  yeux  des  faibles  de  l'ignominie  de  son  supplice  et 
placé  à  la  tctc  du  i)lus  haut  ministère  qui  puisse  se  concevoir. 

La  tradition  des  clefs,  quand  elle  se  montre  sur  les  sarcophages,  entre  ordi- 
nairement aussi  dans  un  ordre  d'idées  analogues  à  celles  que  nous  venons 
d'exprimer  :  elle  est  placée  à  la  suite  de  la  prédiction  du  reniement  sur  celui 
de  ces  monuments  qui  contient  aujourd'hui  les  restes  du  pape  Grégoire  W; 
elle  lui  sert  de  pendant  sur  l'un  des  sarcophages  de  Saint-Maximin  2,  à  gauche 
du  Christ  triomphant  qui  fait  le  don  du  volume  déployé  ;  elle  est  associée  à 
la  scène  de  l'arrestation  sur  le  fragment  que  nous  avons  observé  au  musée 
d'Avignon  (n°  123). 


1.  Lalaizière,  «  Ilist.  d'Arles  »,  pi.  xxv,  Gg.  3  et  4. 

2.  Tombeau  dit  des  saints  Innocents,  dans  les  «  Mon.  de  Saint-Maximin  »,  pi.  viii.  Nous  nous 
étonnons  que,  reconnaissant  dans  le  sujet  conlral  rétablissement  du  règne  de  l'Église,  M.  L.  Ros- 
tan  n'en  ait  pas  conclu  que  le  don  du  \olume  sacré  était  fait  à  celui  qui  en  est  le  chef.  Le  phé- 
nix, il  est  vrai,  ressemblant  réellement  à  un  coq  sur  le  sarcophage  de  Saint-Maximin,  quoique 
posé  sur  lo  palmier,  sans  possibilité  de  méprise  à  cet  égard,  a  contribué  à  ce  que  nous  nous 
croyons  permis  d'appeler  une  erreur. 


ICON'OGPiAPHlE   DE  SAINT  PIERRE  ET  SAINT  PAUL.  271 

Ce  sujet  de  la  tradition  des  clefs,  ainsi  que  ceux  qui  l'accompagnent,  est 
d'ailleurs,  dans  le  système  iconographique  des  monuments  qui  viennent  de 
nous  occuper,  bien  moins  destiné  à  la  glorification  du  saint  apôtre,  dont  il 
exprime  l'une  des  plus  insignes  prérogatives,  qu'à  célébrer  l'ère  de  délivrance 
et  de  pardon  autant  que  de  lumière  et  de  paix  inaugurée  par  le  christianisme. 
Songeons  à  tant  de  malheureux  relevés  de  leur  abaissement,  k  tant  de  crimi- 
nels déchargés  de  leurs  fautes,  à  tant  de  chaînes  brisées,  à  tant  de  portes 
ouvertes  et  à  cette  abondance  de  grâces  qui,  du  sein  de  l'Église  dont  saint 
Pierre  est  le  chef,  coulent  incessamment  dans  le  monde  entier  ;  et  par  quel- 
ques côtés  du  moins,  nous  aurons  pénétré  dans  la  pensée  que  les  sculpteurs  de 
ces  antiques  tombeaux  étaient  chargés  d'exprimer  pour  le  soulagement  des 
morts  et  la  consolation  des  vivants. 

GRIMOUARD    DE    SAINT-LAURENT. 


L'Airr  ciii5i:tii:\ 


AU   CONGRES   DE    MALINES 


Dans  le  vingt-lroisiôme  volume  des  «  Annales  Archéologiques  »,  page  183, 
je  publiais  le  résume  d'un  discours  tenu  au  congrès  de  Malines  par  M.  l'abbé 
Cartuyvels,  docteur  en  théologie  et  professeur  d'archéologie  au  grand  sémi- 
naire de  Liège.  Ce  résumé,  emprunté  textuellement  au  journal  le  «  blonde  », 
qui  n'est  hostile  ni  aux  ecclésiastiques  ni  à  leurs  doctrines  sur  l'art,  était 
conçu  comme  il  suit  : 

«  M.  Cartuyvels,  professeur  d'archéologie  au  grand  séminaire  de  Liège, 
combat  les  orateurs  précédents  (^L^L  Jean  Bélhune  de  Gand,  et  Weale  de 
Bruges).  11  émet  l'opinion  qu'on  ne  peut  pas  dire  que  l'art  du  xjii'  et  du 
xiv°  siècle  soit  le  seul  type  de  l'art  chrétien;  il  ne  faut  pas  condamner  les 
écoles  artistiques  qui  ont  succédé  à,  celle  du  moyen  âge,  car  ce  serait  nier  le 
progrès.  11  exprime  encore  l'opinion  que  l'art  du  iv'  siècle  était  tout  aussi 
chrétien  et  aussi  beau  que  celui  du  xin"  siècle,  et  que  les  basiliques  anciennes 
sont  supérieures  aux  cathédrales  du  moyen  âge. 

«  M.  l'abbé  Brauwers  (Pays-Bas)  répond  que  fart  chrétien ,  quoiqu'il  ait 
commencé  dans  les  catacombes,  ne  s'est  guère  développé  avant  la  conversion 
de  Constantin. 

«  M.  Cartuyvels  reprend  la  thèse  qu'il  a  déjà  développée.  Selon  lui,  tout 
n'est  pas  à  condamner  dans  l'art  païen.  La  représentation  des  passions  hu- 
maines n'est  pas  nécessairement  mauvaise;  elle  peut  même  prêter  des  élé- 
ments à  l'expression  des  sentiments  chrétiens.  C'est  à  l'aide  de  ces  éléments 
que  les  v"  et  xvr  siècles  ont  produit  les  plus  beaux  monuments  dans  les 
églises  de  Rome.  » 

Ces  propositions,  étranges  dans  la  bouche  d'un  ecclésiastique  instruit  et 


L'ART  CHRÉTIEN   AU   CONGRÈS  DE   MALINES.  273 

professeur   d'archéologie ,  je   les  ai    relevées    dans    ce   même  volume   des 
«  Annales  »,  page  188,  avec  une  vivacité  que  je  ne  puis  pas  regretter. 

M.  Cartuyvels,  blessé  du  compte  rendu  et  de  mon  espèce  de  réfutation,  m'a 
fait  l'honneur  de  m'adresser  la  lettre  suivante  : 

Monsieur, 

Il  est  tard  pcul-iMre  do  venir,  après  six  mois,  se  plaindre  d'une  injure,  mais  il  n'est  jamais  trop 
tard  pour  la  réparer.  On  m'a  montré  dernièrement  un  article  de  votre  excellente  «  Revue  »  {oc- 
tobre 1803),  où  l'appréciation  du  congrès  de  Malines  vous  amène  à  me  prendre  personnellement 
à  partie,  avec  un  mépris  très-peu  déguisé.  Cette  attaque  violente  est  d'autant  plus  déplacée  qu'elle 
a  le  malheur  de  porter  complètement  à  faux.  Je  ne  suis  pas,  Dieu  merci,  ce  contempteur  ignare 
du  moyen  âge  chrétien  que  vous  fustigez  avec  indignation  ;  je  désavoue  entièrement  les  absurdités 
que  vous  me  prêtez  avec  une  étrange  bonne  foi.  En  voici,  monsieur,  la  preuve  péremptoire  :  c'est 
le  texte  même  des  paroles  que  j'ai  prononcées  à  Malines,  telles  qu'elles  sont  reproduites  par  le 
compte  rendu  officiel.  Trompé  sans  doute  par  les  relations  incomplètes  qui  ont  paru  dans  certains 
journaux,  vous  avez  cru  devoir  vous  départir  à  mon  égard  de  la  courtoisie  française  comme  de 
la  charité  chrétienne.  Si  votre  o  Revue  »  avait  moins  d'autorité,  monsieur,  je  laisserais  volontiers 
pa.^ser  le  temps  sur  cette  injure.  Mais  la  publicité  étendue  dont  elle  dispose,  et  le  caractère  public 
des  fonctions  qui  me  sont  confiées  dans  un  SL'minairo  diocésain,  ne  me  permettent  pas  de  rester 
sous  le  coup  d'une  ditfamation  semblable. 

Je  suis  persuadé  que  cette  rectification  vous  donnera,  monsieur,  un  véritable  regret  de  la  vio- 
lence inconsidérée  à  laquelle  vous  vous  êtes  laissé  entraîner.  J'ose  espérer  que  votre  équité  ne 
s'en  tiendra  pas  au  simple  regret.  Quant  à  la  manière  de  réparer  votre  erreur,  je  vous  en  laissa 
complètement  l'arbitre. 

Agréez,  monsieur,  l'expression  de  ma  parfaite  considération. 

CiiARLES   CARTUYVELS, 

Docteur  en  théologie,  professeur  au  séminaire  de  Liégo. 
Liège,  le  1«"- juillet  1864. 


Ainsi  donc,  d'après  les  termes  de  sa  lettre,  M.  Cartuyvels  repousse  comme 
autant  d'  «  absurdités  »,  les  propositions  suivantes  que  lui  prêtait  le  compte 
rendu  : 


1°  L'art  du  xiii"  et  du  xiv  siècle  n'est  pas  le  seul  type  do  l'art  chrétien  ; 

2°  Il  no  faut  pas  condamner  les  écoles  artistiques  qui  ont  succédé  il  celle  du  moyeu  âge,  car 
ce  serait  nier  le  progrès  ; 

3°  L'art  du  iv"  siècle  est  tout  aussi  chrétien  et  tout  aussi  beau  que  celui  du  xiii°  siècle; 

4"  Les  basiliques  anciennes  sont  supérieures  aux  cathédrales  du  moyen  âge; 

5°  Tout  n'est  pas  à  condamner  dans  l'art  païen  ; 

6°  La  représentation  dos  passions  humaines  n'est  pas  nécessairement  mauvaise;  ollo  peut  mémo 
prêter  à  l'expression  dos  senlimimls  chrétiens; 

7°  C'est  à  l'aide  do  ces  éléments  quo  les  v"  et  xvi"  siècles  ont  |)roduit  les  plus  beaux  monu- 
ments dans  les  églises  de  Rome. 

XXIV.  36 


274  ANNALES    Anr,lir:OLOG10UF.S. 

Pour  prouver  pc^'rcmploiromcut.  comme  il  li;  dit  dans  sa  leltre,  que  ces 
proposilions  ne  sont  pas  contenues  dans  le  discours  qu'il  a  prononcé  au  con- 
grus de  Malines,  M.  Carluyvels  nous  a  envoyé  le  texte  même,  le  texte  oOiciel 
de  ce  discours.  C'est  un  peu  long  et  un  peu  vide  de  faits.  Mais,  si  je  me  per- 
mettais d'analyser  ce  discours,  on  aurait  le  droit  de  suspecter  mon  exactitude 
cl  même  «  ma  bonne  foi  »,  comme  il  est  gracieusement  dit  dans  la  lettre  ci- 
dessus.  Il  est  donc  préférable,  sous  tous  les  rapports,  que  je  publie  le  mor- 
ceau tout  entier.  Nos  lecteurs  verront  ainsi  très-clairement  si  le  compte  rendu 
s'est  trompé  en  prêtant  h  M.  Cartuyvels  les  sept  propositions  numérotées  plus 
haut  et  si  j'ai  eu  tort  de  relever  vivement  les  susdites  propositions.  Pour  ne  pas 
allonger  par  une  réfutation  en  règle  les  opinions  de  M.  Cartuyvels,  que  l'on  va 
IJrc,  je  me  contenterai  de  placer  en  notes,  au  bas  des  pages,  les  points  les 
plus  saillants  auxquels  je  ferai  une  courte  réponse.  Je  n'ai  pas  besoin  de  signer 
ces  notes,  puisqu'elles  sont  toutes  de  moi.  —  Voici  donc  le  discours  officiel  : 

«  Messieurs,  les  deux  orateurs  que  vous  venez  d'entendre,  en  exposant  les 
caractères  do  l'art  clirétien,  ont  insisté  sur  deux  qualités  indispensables  à  l'ar- 
tiste :  qu'il  soit  clirétien  d'abord;  qu'il  ait  ensuite,  d'une  façon  chrétienne,  le 
sentiment  du  beau;  cl,  en  effet,  sans  une  foi  vivante  et  sans  une  imagination 
dirigée  dans  ses  créations  idéales  par  un  cœur  vertueux,  l'artiste  chrétien  ne 
se  conçoit  même  pas.  Mais  il  faut  de  plus,  pour  former  un  artiste  chrétien 
digne  de  ce  nom,  une  troisième  qualité  fondamentale  sur  laquelle  on  insiste 
généralement  trop  peu  :  cette  qualité,  c'est  la  doctrine,  «  la  science  de  l'art 
chrétien  ».  Il  ne  suffit  pas  à  l'artiste,  jaloux  de  réaliser  des  œuvres  chrétien- 
nes, d'avoir  de  la  foi,  du  talent,  d'avoir  même  le  sentiment  du  beau:  il  lui  faut 
encore  la  connaissance  des  idées  chrétiennes  qu'il  est  appelé  à  traduire  dans 
une  forme  sensible;  il  lui  faut  surtout  une  connaissance  approfondie  des  types, 
du  symbolisme,  des  formes  traditionnelles  de  l'art  chrétien. 

«  Car,  dans  le  christianisme,  l'art  n'est  pas  une  chose  de  pur  agrément. 
L'art  religieux  surtout  n'a  pas  pour  but  de  charmer  les  sens  par  une  représen- 
tation (|uelconque  du  beau;  il  a  une  destinée  plus  haute,  et  sa  place  est  mar- 
quée dans  les  desseins  de  Dieu  pour  la  gloire  et  l'agrandissement  de  son  œuvre 
sur  la  terre.  L'art  est  dans  les  mains  de  l'Eglise  catholique  un  moyen  d'in- 
struire et  de  conduire  les  âmes  h.  Dieu.  Il  a  pour  mission  de  servir  d'organe  à 
la  vérité  et  de  faire  passer  dans  le  peuple,  au  moyen  dune  forme  sensible  et 
douce  de  splendeur,  les  vérités  du  dogme  et  l'histoire  de  la  religion.  De  tout 
temps,  les  églises  ont  été  les  livres  sacrés  des  chrétiens  qui  ne  savaient  pas 
lire.  Nos  cathédrales  du  moyen  âge  étaient  de  vastes  histoires,  où,  depuis  les 
statues  symboliques  du  portail  jusqu'aux  images  des  saints  rangées  autour  du 


L'ART  CHRÉTIEN   AU   CONGRÈS   DE  MALINES.  275 

sanctuaire  ^,  depuis  le  tableau  de  la  création  jusqu'à  celui  du  jugement  der- 
nier, le  peuple  fidèle  trouvait,  mise  à  sa  portée,  une  exposition  sensible  et  pal- 
pable des  objets  de  sa  croyance  et  de  sa  vénération.  Les  premiers  sanctuaires 
de  l'Eglise  naissante,  les  catacombes  de  Rome,  dont  le  nom  seul  évoque  toutes 
les  grandeurs  de  la  religion,  les  catacombes  ne  sont  qu'un  vaste  musée  où 
l'art  chrétien,  devenu  l'organe  et  l'écho  du  sacerdoce,  étale  au  milieu  des  plus 
touchants  et  des  plus  sublimes  souvenirs  une  représentation  figurée  du  dogme 
et  de  l'histoire  évangélique,  complète  et  expressive  au  point  de  fournir  aux 
chrétiens  d'aujourd'hui  des  armes  pour  combattre  l'hérésie,  parfaitement 
comprise  du  peuple  chrétien  d'alors,  et  reflet  merveilleux  de  ses  croyances,  de 
sa  vie  et  de  son  héroïsme. 

«  Si  l'art  religieux  a  pour  mission  d'instruire,  et  s'il  doit  chercher  dans 
l'expression  du  beau  le  moyen  de  faire  passer  la  vérité  par  les  sens  dans  les 
cœurs,  il  est  de  toute  nécessité  que  l'artiste  soit  familiarisé  avec  la  doctrine  et 
avec  les  types  qui  la  rendent  sensible  aux  yeux  du  peuple.  Or.  il  faut  bien  lé 
reconnaître,  cette  action  puissante,  cet  auguste  ministère  que  l'art  exerçait 
autrefois,  il  ne  l'exerce  plus  aujourd'hui.  Les  peuples  comme  les  artistes  ont 
perdu  le  sens  de  ce  divin  langage.  La  tradition  a  été  «  interrompue,  brisée  », 
et  nous  cherchons  péniblement  à  en  rassembler  les  vestiges  épars  et  les  frag- 
ments mutilés.  Ce  qui  fait  parmi  nous  la  faiblesse  de  l'art  chrétien,  et  ce  qui 
condamne  pour  longtemps  encore  nos  artistes  à  des  expériences  inutiles  et  à, 
des  tâtonnements  douloureux,  c'est  la  perte  et  l'oubli  des  traditions  de  l'art 
religieux.  La  tradition  vivante  assurait  autrefois,  en  dépit  du  cours  des  siècles, 
la  construction  et  l'ornementation  d'une  cathédrale  telles  que  le  projet  en 
sortait  du  génie  de  l'artiste;  lui-même  était  arrivé  à  une  conception  sublime 
en  suivant  les  traces  de  ses  devanciers,  et  le  peuple  tout  entier  s'associait  à 
ces  œuvres  merveilleuses,  parce  qu'il  les  comprenait  dans  leurs  moindres 
détails.  Aujourd'hui,  l'artiste  est  solitaire;  il  n'a  personne  pour  lui  tracer  les 
chemins,  pour  lui  marquer  un  but,  pour  l'éloigner  des  écueils,  et  c'est  pour- 
quoi, dans  la  réalisation  de  l'idéal  religieux,  il  en  est  réduit  à  se  créer,  d'après 
une  fantaisie  individuelle  ou  par  une  iiuitalioa  (jue  le  hasard  seul  dirige,  des 
types  de  pure  convention,  images  souvent  trop  lidèles  de  ses  convictions 
ébranlées.  (Jue  faut-il  donc  pour  relever  l'art  chrétien?  Le  rattacher  à  ses 
traditions  antiques  par  la  science,  par  l'élude  des  anciens  types  soutenue  et 

1.  Les  stiilues  qui  docoront  les  porinils  do  nos  ancipimos  callu'dnilcs  no  s^ont  ni  plus  ni  moins 
symljoliqucs  que  les  images  rangées  autour  du  saneluairo  :  co  sont  les  nu^inos  scènes  historiques, 
les  mômes  sujets  symboliques,  les  mômes  saints  au  dedans  comnio  au  dehors,  ici  aussi  bien 
que  là. 


270  ANNALES   AtUllll'OLOGIOlJES. 

dirifîiîc  dans  un  esprit  cliréticii,  par  une  investigation  patiente  et  pieuse  du 
passé  qui  conduira  nos  artistes  non  plus  à  des  imilalions  serviles,  mais  k  des 
œuvres  vivantes  inspirées  du  môme  génie  d'autrefois. 

((  Mais  ici,  Messieurs,  se  présente  une  question  fort  grave  et  qui  donnait 
lieu  tout  à  riieure  k  l'expression  Irôs-animéc  de  certaines  opinions  inspirées 
par  un  sentiment  sincère  et  profond  que  je  respecte,  mais  m(Mées  aussi  d'illu- 
sions (pie  je  regrette  de  ne  pouvoir  partager.  Celte  question,  la  voici  :  Où 
faut-il  aller  cliercluT  la  traditJDii,  les  types  de  l'art  chrétien?  A  quelle  école 
l'artiste  catholique  ira-l-il  demander  des  maîtres  et  des  modèles?  Existe-t-il 
une  forme  consacrée,  un  type  absolu  du  beau  artistique  dans  le  christianisme? 
Il  en  est  qui  n'hésitent  pas  h  ré|)ondre  que  ce  type  existe,  réalisé  dans  des 
œuvres  impérissables;  que  c'est  le  type  chrétien  du  xiii*  siècle,  «  l'art  gothi- 
que »,  en  un  mot,  dans  toutes  ses  applications.  Hors  de  là,  point  de  salut  pour 
l'artiste.  De  15,  aussi,  l'exclusion  formelle  donnée,  au  nom  du  catholicisme,  à 
toute  forme  de  l'art  empruntée  Jv  l'antiquité. 

«  Messieurs,  cette  doctrine  exclusive,  dont  nous  venons  d'entendre  tout  à 
l'heure  des  organes  très-convaincus,  semble  à  beaucoup  d'autres  aussi  opposée 
à  l'esprit  de  l'Église  qu'à  sa  gloire  et  au  témoignage  de  ses  annales. 

((  Sans  doute,  il  faut  proscrire  du  domaine  de  l'art  religieux  toute  repré- 
sentation pernicieuse  et  de  nature  à  corrompre  les  cœurs  au  lieu  de  les  élever. 
L'art  chrétien  n'admet  pas  de  transaction  à  cet  égard,  pas  plus  que  la  morale 
chrétienne.  Mais  s'ensuit-il  qu'il  faille  proscrire  les  formes  de  l'art  antique  comme 
fatalement  vouées  à  l'expression  du  mal  et  radicalement  impuissantes  à  expri- 
mer le  beau  chrétien?  Evidemment  cette  conclusion  est  erronée,  car  l'antique 
se  révèle  à  nous  par  plus  d'un  côté  où  il  réalise  avec  splendeur,  dans  l'ordre 
des  idées  et  des  sentiments  naturels  ,  les  conceptions  les  plus  élevées  du  genre 
humain*. 

«  En  fait  d'art,  la  perfection  consiste  à  revêtir  le  vrai  des  formes  de  la 
beauté.  Sans  la  beauté  de  la  forme,  l'art  n'est  pas  complet,  quelque  sublime 
que  puisse  être  d'ailleurs  la  pensée  ou  le  sentiment  qui  l'inspire.  Ainsi,  ces 
peintres  du  moyen  âge  dont  les  images  naïves  ont  le  privilège  de  captiver  le 
cœur  plus  encore  que  les  regards,  ces  peintres  si  profondément  chrétiens 
qu'on  appelait  Cimabué,  BulTalmaco  et  tant  d'autres,  sont-ils  pour  nous  en 
fait  d'art  des  modèles  parfaits?  Évidemment  non.  Ils  ont  l'idée,  ils  ont  le 

1.  Le  résumé  dit  :  «Tout  n'est  pas  à  condamner  dans  l'art  païen.  La  représentation  des  passions 
humaines  n'est  pas  nécessairement  mauvaise;  elle  peut  môme  prêtera  l'expression  des  senti- 
ments chrétiens  ».  Le  discours  et  le  résumé  parlent  donc  à  l'unisson,  quoi  que  JL  Carluyvels  en 
puisse  dire  uujuurd'liui. 


L'ART  CHRÉTIEN   AU   CONGRÈS   DE  MALINES.  277 

sentiment  chrétien,  ils  le  traduisent  avec  amour.  Que  leur  manque-t-il  donc? 
La  beauté  de  la  forme.  Ajoutez  à  l'expression  naïve  et  frappante,  qui  caracté- 
rise ces  œuvres ,  la  science  du  dessin ,  l'anatomie  et  la  perspective  ,  et  ils  réa- 
liseront un  type  où  tout  homme  sera  forcé  de  reconnaître  quelque  chose  de 
l'idéale  beauté  du  ciiristianisme,  comme  devant  les  toiles  inspirées  de  Fra 
Angelico  de  Fiesoie  ou  les  fresques  sublimes  de  Raphaël. 

(1  La  perfection  de  l'art  chrétien  consiste  donc  à  rendre  l'idée  chrétienne, 
bien  comprise,  par  une  forme  belle ,  pure .  harmonieuse  et  parfaite.  El  ce 
n'est  certes  pas  comprendre  les  types  de  l'art  religieux,  même  ceux  du  moyen 
âge,  que  de  les  imiter  dans  leurs  défauts,  de  donner  comme  le  terme  de  la 
perfection  la  plus  pure  ce  ([ui  n'est  que  la  phase  transitoire  de  l'enfance  de 
de  l'art  ou  l'ébauche  informe  de  sa  barbarie *. 

«  L'art  ogival  est,  sans  contredit,  en  fait  d'architecture,  une  des  créations 
les  plus  merveilleuses  de  la  pensée  chrétieime.  Est-ce  le  beau  idéal  que  l'on 
ne  puisse  dépasser  et  le  type  unique  de  l'architecture  chrétienne?  Y  a-t-il 
même  une  architecture  exclusivement  chrétienne?  Ici,  Messieurs,  je  crains 
d'aller  à  la  rencontre  d'idées  généralement  admises,  et,  cependant,  je  ne  puis 
m'empêcher  de  tenir  celte  prétention  exclusive  pour  une  erreur. 

«  C'est  faire  injure  à  l'Église  que  de  supposer  (lu'elle  ait  été  pendant  douze 
siècles  sans  soupçonner  l'idéal  de  l'art  chrétien  ;  et  cette  supposition  on  l'admet 
en  faisant  de  l'art  gothique,  né  seulement  au  xiii'' siècle,  le  type  exclusive- 
ment chrétien  de  l'architecture 2.  Non  :  l'art  chrétien,  comme  la  vérité  révé- 
lée, a  existé  dans  l'Eglise  dès  l'origine.  Il  est  né  avec  la  prédication  de 
l'Évangile,  et  son  premier  berceau  fut  le  premier  autel  et  le  premier  sanc- 
tuaire où  l'Église  s'assembla  pour  célébrer  les  mystères  sacrés.  En  tout  ce  qui 
touche  l'œuvre  de  Dieu,  Messieurs,  il  faut  toujoiu's,  pour  trouver  la  source, 
remonter  le  fleuve  des  âges  jusqu'aux  pieds  du  divin  Fondateur.  C'est  de  lui 
qu'émane  pour  nous  toute  lumière,  toute  vérité,  toute  grâce.  C'est  de  ce  foyer 
divin  ([tic  rayonnent  sur  l'Église  toutes  les  traditions  divines,  celles  de  l'art 
comme  celles  de  la  charité.  La  vérité  descendait  des  lèvres  du  divin  Sauveur 
parée  des  riches  couleurs  de  la  parabole  orientale,  et  les  premiers  essais  de 
l'art  chrétien  fixèrent  sur  le  marbre,  sur  le  bronze,  sur  les  parois  du  sanc- 
tuaire, cette  vérité  qui  descendait  du  ciel  parée  de  poésie.  {Applciudisscmenls.) 

i.  Qui  donc  a  jamais  recommanda  d'imilor  les  di^faiits  do  l'art  du  moyen  .Igo?  Quel  est  le  pro- 
fesseur qui  conselllo  h  un  jeune  versificateur,  son  élève,  d'iniiler  les  vers  faux  ou  inconi|)lels 
même  de  Viri^ile? 

2.  I.e  résumé  ne  s'est  donc  pas  trompé  en  disant,  d'après  lo  discours  :  "  L'art  du  xiii'  et  du 
XIV*  siècle  n'est  pasio  seul  type  de  l'art  chrétien  ». 


278  ANNALES  AHCIIKOLOOIQUES. 

Le  désir  de  Iransniellre  aux  regards  attendris  des  fidèles  le  souvenir  de  sea 
traits  adorables  ou  la  miséricordieuse  figure  de  sa  sainte  Mère,  inspira  le  pre- 
mier pinceau  chrétien;  et  li;s  magnificences  de  l'art,  déployées  autour  du 
sanctuaire,  lurent  toujours  et  partout  la  conséquence  de  sa  présence  sur  nos 
autels.  Oui,  Dieu  merci,  il  y  eut  dans  tous  les  siècles  des  églises,  des  chré- 
tiens, des  artistes,  des  chefs-d'œuvre,  un  art  chrétien  vivant  et  glorieux, 
avant  ([uc  l'architecture  ogivale  fût  appliquée  h.  la  construction  des  temples 
p.ii  un  partie  de  l'Iiglise  d'Occident'.  {Applaudissements .) 

u  L'architecture  religieuse  du  Christianisme  n'a  pas  un  type  uniforme ,  ne 
s'accommode  pas  d'un  type  national,  parce  que  le  Christianisme  n'est  ni 
l'œuvre  ni  l'apanage  d'une  nation  isolée  :  il  les  embrasse  toutes  dans  les  liens 
de  sa  puissante  uiiilé. 

«  Ce  caractère  universel  de  l'Lglise  calhoUque  est  le  sceau  divin  de  son 
origine.  Oi',  l'art  ogival  n'eut  et  n'aura  jamais  ce  caractère  d'universalité.  Il 
porte  trop  l'empreinte  des  peuples  qui  l'ont  inventé,  des  climats  où  il  a  pris 
naissance.  Comment  voulez-vous,  par  exemple,  forcer  l'Italien,  ami  du  soleil, 
de  l'éclat,  de  la  lumière-;  l'Italien  dont  la  religion  est  pleine  d'expression, 
de  joie,  de  confiance,  à  prier  sous  les  voûtes  obscures  et  mystérieuses  de  nos 
églises  gothiques?  Son  cœur  se  resserre  dans  cet  édifice  si  bien  adapté,  au 
contraire,  au  caractère  pensif  et  rêveur  des  peuples  germaniques.  Comment 
ferez-vous  pour  imposer  ce  type  à  la  Grèce?  Comment  ferez-vous  pour  le 
rendre  îi  l'Orient  où  il  a  pris  naissance^?  Chaciue  civilisation,  chaque  peuple 

1.  Dans  cette  tirade  doubleraeiiL  «  applaudie  »,  il  n'y  a  que  des  mots  et  des  phrases.  La  table 
de  la  Cène  et  la  chambre  du  Cénacle  étaient  une  table  et  une  salle  h  manger,  et  non  pas  des  œu- 
vres d'art.  La  table  est  conservée,  aujourd'liui  encore,  à  Saint-Jean-de-Latran,  et  rien  n'est  vrai- 
ment plus  digne  de  respect.  Mais,  comme  art,  le  moindre  autel  roman  ou  gothique  lui  est  inOni- 
meiit  supérieur.  Quant  au  Cénacle,  je  ne  sache  pas  qu'il  ail  jamais  passé  pour  un  monument 
com|)arable  à  la  cathédrale  de  Reims.  M.  Gartuyvels  devrait  être  professeur  de  rhétorique  et  non 
pas  d'archéologie. 

2.  L'Italien,  ami  du  soleil,  de  l'éclat  et  de  la  lumière,  au  dire  de  M.  Cartuyvels,  a  une  peur 
affreuse  du  la  lumière,  de  l'éclat  et  du  soleil  dans  ses  églises.  Rien  n'est  plus  petit  que  les  fenê- 
tres de  la  cathédrale  de  Pise,  rien  n'est  plus  obscur  que  Saint-Marc  de  Venise.  Quand  le  style 
commande  de  i^randes  fenêtres,  comme  à  la  cathédrale  d'Orviéto,  on  bouche  ces  fenêtres  avec  des 
pierres  spéculairos  pour  se  garer  du  soleil  et  de  la  lumière,  ou  bien,  comme  il  Torcello,  on  les 
munit  de  volets  en  pierre  qui  interceptent  entièrement  le  jour.  Voilà  pourtant  où  l'amour  de 
l'éloquence  peut  conduire  un  professeur  d'archéologie! 

3.  Ceci  est  bientôt  dit,  mais  serait  plus  long  ii  prouver.  D'autres  y  ont  mis  plus  de  temps 
pour  démontrer  que  l'art  ogival,  né  en  Occident,  est  allé  s'imposer,  dans  les  xii'  et  xiii'  siècles, 
aux  nations  orientales.  —  .Mais,  d'ailleurs,  admirez  que  le  style  gothique  soit  né  dans  le  lumi- 
neux Orient,  suivant  M.  Cartuyvels,  et  que  cependant  ses  voûtes  obscures  et  mystérieuses  soient 
si  bien  adaptées  au  caractère  pensif  et  rêveur  des  peuples  germaniques.  0  éloquence,  6  rhéto- 


L'ART  CHRÉTIEN   AU   CONGRÈS   DE   MALINES.  279 

a  sa  manière  à  lui  de  sentir  le  beau  et  de  l'exprimer  par  une  forme  sensible. 
Chaque  peuple  aussi  a  une  manière  à  lui  d'entendre  la  majesté  du  culte  et 
la  beauté  du  sanctuaire.  Mais,  au  milieu  des  innombrables  divergences  qui 
fractionnent  l'humanité,  il  est  une  chose  qui  ne  change  jamais,  c'est  la  foi  du 
chrétien,  c'est  la  liturgie  de  l'Église';  et  ce  qu'il  y  a  de  merveilleux-,  c'est  qxie 
l'Église  adopte  ces  formes  variées  de  l'art  sans  en  subir  elle-même,  dans  son 
culte  ou  dans  sa  doctrine,  le  plus  imperceptible  changement.  //  ny  a  plus  ni 
Grecs,  ni  Barbares,  disait  saint  Paul  ;  et  en  elTet,  dans  le  monde  régénéré,  il 
n'y  avait  plus  que  des  enfants  de  Dieu.  Comme  consé(iuence  éloignée  de  cette 
grande  parole  de  l'apôtre,  nous  dirons  aussi  :  l'art  chrétien  n'est  ni  l'art  de 
la  Grèce,  ni  l'art  gothique;  c'est  un  ai't  qui  inspire  à  la  fois  du  même  souffle 
divin  toutes  ces  formes  variées,  et  qui  réalise  l'idée  chrétienne  aussi  bien  par 
les  lignes  harmonieuses  de  l'art  antique,  que  par  les  combinaisons  neuves  et 
hardies  de  l'art  ogival-. 

«  De  quel  droit  voudrions-nous  condamner  cette  merveilleuse  et  divine 
fécondité  de  l'Église  qui  produit,  d'âge  en  âge.  des  formes  nouvelles  de  la 
vérité  immuable  et  des  types  nouveaux  de  l'idéale  beauté?  De  quoi  droit 
irions-nous  restreindre  à  un  lieu  et  à  un  siècle,  fùt-cc  le  grand  siècle  catho- 
lique, et  cette  terre  fùt-elle  notre  patrie,  celte  expansion  indéfectible  de  l'art 
chrétien?  L'Église  d'Orient  a  brillé  pendant  huit  siècles  de  toutes  les  clartés 
de  la  science,  de  toutes  les  gloires  de  l'apostolat  et  de  la  sainteté  :  elle  aussi 
a  créé  un  type  idéal ,  un  système  complet  d'art  chrétien .  expression  admirable 
de  la  pensée  comme  de  la  liturgie  de  l'Église.  Encore  une  fois,  dans  quel  but 


riquo,  vous  mo  paraissez  passablernpnl  inconséquentes!  M.  Cartuyvels  n'a  p:is  l'air  de  se  douter 
que  l'Italie  est  pleine  d'églises  gothiques  dont  je  no  citerai  que  Saint-Jean-dc-Latran,  la  cathé- 
drale d'Orviéto.  la  cathédrale  de  l'Iorence  et  la  calliédrale  de  Milan,  qui  en  valent  bien  d'autres, 
sans  compter  l'i'gliso  de  Saint-François  d'Assise. 

-I.  Si  la  liturgie  de  l'Église  osl  une  et  no  change  jamais,  comment  se  (ait-il  que  les  liturgies 
orientales  soient  si  dilTérenles  de  la  liiurgie  romaine;  eoniniont  le  rite  aml)rosien  et  le  rite  moza- 
rabe existent-ils  encore  avec  l'autorisation  de  la  cour  de  Rome;  comment  le  rite  lyonnais  a-t-il 
subsisté  jusqu'il  présent,  et  n'csl-il  pas  encore  tout  ii  fait  mort;  comment  enfin,  depuis  plusieurs 
années,  a-l-on  fait  tant  d'elTorts  pour  changer  les  liturgies  particulières  dans  un  si  grand  nombre 
do  diocèses  de  France? 

2.  Ainsi  «  l'art  pa'i'cn  réalise  l'idée  chrétienne  aussi  bien  que  l'art  ogival  u.  Plus  bas,  iM.  Cai^ 
luyvels  insiste  :  «  Il  y  a  plus  :  l'art  pa'ien  lui-même  se  prête  parfaitement  à  servir  la  pensée  chré- 
tienne ».  —  En  d'autres  termes,  c'est  dire  que  la  Madeleine  de  Paris  vaut  la  calhcilrale  de  Chartres, 
et  que  le  temple  de  la  Victoire  Aptère  peut  réaliser  l'idée  chrétienne  tout  aussi  bien  que  laSainto- 
Chapello  de  Paris.  —  Le  compte  rendu  avait  dit  :  «  Tout  n'est  pas  à  condamner  dans  l'art  pa'ien  », 
et,  s'il  a  faussé  la  pensée  de  M.  ('artuyvels,  c'est  en  l'amoindrissant.  On  croirait  qu'd  a  voulu, 
non  pas  dilTamer  le  professeur  d'archéologie,  mais  couvrir  son  tort  en  l'alténuant. 


280  ANNALKS  AliClir:OLOGI0UES. 

voiidiions-nous  priver  riij5li.sc  de  celle  gloire,  ol  dénier  h  \'arl  byzantin 
le  luérilc  d'ôtre,  dans  son  genre,  inie  forme  accomplie  et  parfaite  de  l'arl 
cliiV'licn? 

«  11  y  a  plus  :  l'art  anliquc  lui-même  se  prête  parfaitement  h.  servir  la  pen- 
sée chrétienne,  et  cette  alliance  do  la  l'orme  antique  et  de  l'inspiration  chrê- 
liciiiic,  réalisée  à  l'une  des  époques  les  plus  glorieuses  de  l'Église,  au  milieu 
de  la  plus  splendide  eiïlorcscence  de  la  docirine  et  du  sentiment  religieux, 
nous  a  donné  l'art  chrétien  des  hasilit/ucs.  C'est  là  un  des  faits  qui  détruisent 
d'une  façon  éclatante  l'inconipatibilité  prétendue  du  Christianisme  et  de  l'art 
païen. 

«  L'art  est  ordinairement  le  reflet  des  jiensées  et  des  destinées  de  son  siècle. 
Plus  un  siècle  est  grand  par  le  mouvement  de  ses  idées,  plus  il  laisse  une 
trace  profonde  dans  le  développement  de  la  civilisation,  et  plus  aussi  l'épa- 
nouissement de  l'art  pare  son  front  comme  d'une  auréole  oii  .se  réfléchis-sent 
ses  passions,  sa  foi,  sa  grandeur  ou  ses  vices.  Kh  bien!  quel  siècle  fut  plus 
gran'd  par  la  foi,  par  les  idées ,  par  le  mouvement  donné  à  la  civilisation,  par 
le  chnngcnKînt  du  nioiulc,  par  l'ascendant  vainqueur  du  Christianisme  que  le 
iv'  siècle  de  l'Eglise?  Quel  éclat  dans  la  doctrine!  Quelle  profusion  de  beau.x 
génies  consacrés  à  la  défense  de  la  vérité!  Quelle  foi  vivante  dans  ces  peuples 
néophytes  baptisés  dans  le  sang  de  leurs  martyrs  !  Quel  développement 
majestueux  des  pompes  sacrées  de  la  liturgie!  Quels  noms  dans  l'épiscopat! 
Quels  empereurs  sur  le  trône!  Et  cet  âge  unique  dans  les  annales  de  l'Église 
n'aurait  pas  eu  d'art  chrétien!  {Applaudissements .) 

«  Quoi!  ces  vieilles  basiliques  de  Rome  élevées  par  Constantin  et  ornées 
par  les  'pai)cs;  ces  ambons  où  l'on  voyait  monter  saint  Ambroisc,  saint 
Augustin,  saint  Léon;  ces  absides  où  la  liturgie  déployait  toute  la  majesté  des 
saintes  cérémonies  au  milieu  de  toutes  les  magnificences  de  l'empire  et  des 
triomphantes  manifestations  de  la  foi  populaire,  n'avaient  pas.  en  fait  d'art, 
un  caractère  chrétien?  Sanctuaire  vénérable  élevé  sur  le  tombeau  des  martyrs, 
décoré  à  l'cnvi  par  la  piété  des  peuples,  reflétant  dans  son  harmonieuse 
structure  les  lois  de  la  discipline  de  l'Eglise  et  dans  ses  ornements  symboli- 
ques le  dogme,  les  mystères,  l'Evangile...  Ah  !  Messieurs,  s'il  fallait  choisir  un 
type  idéal  du  temple  chrétien,  il  semble  que  ce  serait  celui-là  *!  — Mais  ces 

1.  Voilà  une  série  d'exclamations  et  d'interrogations  qui  ont  pu  mériter  les  applaudissements 
du  «  Congrès  de  Malinos  ».  Mais  j'aurais  préféré  qu'on  nous  dit  où  sont  ces  basiliques  constanti- 
niennes,  ces  ambons,  ces  absides,  ces  sanctuaires  du  iv  siècle,  et  qu'on  nous  en  fit  une  exacte 
description.  .le  soupçonne  le  professeur  d'aroliéologie  de  Liège  de  n'avoir  pas  vu  un  seul  de  ces 
sanctuaires  et  de  ces  ambons,  une  seule  de  ces  absides  et  de  ces  basiliques.  Il  n'en  parle  que  par 


L'ART  CIIRF'TIEN   AU  CONGRÈS   DE  MALINES.  281 

basiliques  sont  des  temples  grecs,  leurs  sculptures  et  leurs  bas-reliefs  ne  sont 
que  des  emprunts  faits  au  paganisme.  La  véritable  tradition  de  l'art  chrétien 
n'est  point  là... 

((  Messieurs,  je  crains  de  froisser  peut-être  quelques  convictions  arrêtées; 
—  mais  le  type  de  la  basilique,  le  style  grec  appliqué  au  temple  du  vrai 
Dieu,  comme  il  l'était  au  iv"  siècle,  me  semble  réaliser,  à  certains  égards, 
d'une  manière  plus  heureuse  que  nos  édifices  gothiques,  l'idée  chrétienne 
d'une  église^.  Quel  est  en  effet  le  but  principal  d'une  église?  Ce  n'est  pas 
simplement  la  prière,  c'est  l'adorable  sacrifice  des  autels.  L'autel,  voilà  le 
centre  idéal  de  l'église;  et  par  conséquent  dans  le  temple  chrétien  toutes  les 
conceptions  artistiques  doivent  tendre  à  faire  sentir  au  regard,  à  l'âme,  au 
cœur  du  fidèle  la  présence  de  Dieu  sur  raulel.  Or,  dans  ces  vénérables  basili- 
ques tout  est  concentré,  tout  rayonne,  pour  ainsi  dire,  autour  de  ce  lieu  redou- 
table :  ces  longues  perspectives  de  colonnes  qui  conduisent  tout  d'abord  le 
regard,  non  pas  vers  la  voûte,  mais  vers  le  sanctuaire;  cet  autel  unique, 
majestueux,  recouvrant  une  tombe  glorieuse,  entouré  de  lampes  ardentes  et 
de  mystérieux  voiles,  dominant  l;i  I'ouIiî  et  séparé  d'elle  par  ces  barrières  sym- 
boliques qui  marquent  les  dilférents  degrés  de  la  hiérarchie  ;  cette  abside 
éblouissante  qui  arrondit  autour  de  lui,  comme  une  couronne,  le  chœur  sacer- 
dotal dominé  par  la  chaire  du  Pontife;  ce  Pontife  lui-même  qu'on  apercevait 
au  fond  du  sanctuaire,  dominant  l'autel  comme  une  personnification  du  divin 
Sacrificateur  :  tout  met  en  face  l'idée  du  sacrifice,  tout  ramène  l'âme  et  les 
sens  au  mystère  de  l'autel  ;  et  cette  grande  et  vraie  conception  du  lieu  saint 
ne  le  cède  en  rien  à  la  majesté  solitaire  de  nos  églises  gothiques,  où  souvent 
l'autel  est  perdu  dans  les  détails  de  l'architecture  2. 

ouï-dire  ou  plutôt  par  les  loxtos,   puisqu'il   n'en   reste  plus  rien.  Or,  par  JI.  le  professeur  lui- 
mônie,  nous  savons  oominorit  on  peut  s'exalter  à  froid  et  faire  de  l'éloquence  à  vide. 

1.  Le  compte  rendu,  dans  la  troisième  proposition,  dit  :  «  L'art  du  iv  siècle  est  tout  aussi  chri^ 
tien  et  tout  aussi  beau  (pie  celui  du  xui' siècle  ».  —  Dans  son  discours,  M.  Carluyvels  déclare  que 
le  style  païen,  devenu  chrétien  au  iv  siècle,  lui  paraît  réaliser  à  certains  égards,  d'une  manière 
plus  heureuse  que  les  é  lificcs  gothi(]ues,  l'idée  chrétienne  d'une  église.  ïci  encore  le  compte 
rendu  ne  va  même  pas  jusipi'ii  la  pensée  nette  et  franche  de  M.  Cartuyvels. 

2.  On  croirait  que  M.  Cartuyvels,  si  sûr  de  ses  «  longues  perspectives  de  colonnes  liasili- 
cales  »,  n'est  jamais  entré  dans  une  grande  église  gothique  :  il  n'a  qu'il  voir  à  Laon,  pour  no 
parler  que  de  celle-là,  les  longues  files  de  colonnes  qui  s'allongent  du  portail  au  chevet  et  s'éta- 
gent  du  sol  à  la  voûte.  Quant  il  l'autel  gothique  d'une  cathédrale,  il  n'en  a  pas  vu,  puisqu'il  n'en 
existe  plus;  mais  il  n'a  pas  vu  davantage  d'autel  basilical,  et  il  n'en  parle  q\io  d'après  les  textes. 
Or,  nous  autres,  nous  avons  des  textes  aussi  et  des  descriptions  détaillées  sur  les  autels  gothiques 
dos  cathédrales  de  Tournai,  d'Arras,  do  Hourges,  d'Aniii-ns,  de  Sens,  de  Uayeux,  de  Paris,  clc, 
et  nous  pouvi}ns  allirmer  que  ces  autels,  éclairés  de  couronnes  ilo  lumière  et  do  chaiulolicrs  à 

XXIV.  37 


282  ANNALKS  MiC.Uf.OUXilQVKH. 

■■  Kl  |)n(irfiii(ii  srrail-il  iiilcnJil  di;  consacrr-r  l'arl  antique;  à  la  gloire  du  vrai 
Dieu?  Ksl-il  à  ciaitidro  (|uc'  la  foriin;  empruntée  aux  anciens  ne  doive  altérer 
l'idée  chrélicnne  nu  alTaihlir  le  snnlinicnt  chrétien?  Ici  encore,  laissons  aux 
faits  le  soin  de  répiMidrr.  il  n'y  eut  certes  jamais  de  société  chrétienne  plus 
fervente  et  plus  p(nv  que  la  primitive  ïiglisc;  il  n'y  eut  jamais  de  chrétiens 
plus  pénétrés  des  dogmes  de  leur  foi,  plus  près  des  traditions  apostoliques  et 
divines,  plus  saints,  plus  héroïques,  plus  ennemis  de  toute  influence  païenne 
que  les  chrétiens  des  catacombes  :  eh  bien!  descendez  dans  les  catacombes, 
et  vous  y  verrez  partout,  sur  les  tombeaux  des  martyrs,  sur  les  autels  des 
saillis,  sur  les  galeries  funèbres,  sur  les  voûtes  des  sanctuaires  les  lignes  har- 
monieuses de  l'art  antique  consacrées  à  l'expression  de  l'idée  chrétienne  et  du 
sentiment  chrétien.  Descendez  dans  ce  sublime  reliquaire  de  l'art,  et  vous  y 
verrez. partout  sculptées,  gravées,  dessinées  dans  les  formes  antiques,  mais 
par  une  main  chrétienne  et  un  cœur  clirélien,  des  images  sacrées,  expression 
ravissante  de  la  foi  de  ces  anciens  âges  et  monuments  impérissables  de  la 
vérité  1.  Ail!  cet  art  chrétien  des  premiers  siècles,  il  n'avait  pas  seulement 


sept  branches,  entourés  do  voiles  mystérieux  et  de  statues  «  symboliques  »,  assis  sur  des  corps 
saints  ou  dominés  [lardes  reliquaires  inapprécialjles,  séparés  de  la  foule  par  des  barrières  vivantes 
de  sculptures  et  ruisselantes  d'or  et  de  pierreries,  que  ces  autels,  dis-je.  n'ont  rien  ii  envier  ;i  ceux 
du  iv  siècle. 

■I .  Il  importo  essentiellement  de  protester  contre  celte  tendance,  trop  grande  aujourd'hui,  de 
proposer  l'art  des  catacombes  comme  le  type  de  l'art  chrétien.  Dans  les  catacombes,  c'est  l'enfance, 
le  bégayement,  l'impuissance;  c'est  le  compromis  perpétuel  entre  le  paganisme  qui  s'éteint  et  le 
christianisme  qui  s'allume.  Les  yeux  malades  aiment  le  crépuscule,  qui  n'est  ni  lumière  ni  ténè- 
bres; mais  la  vue  saine  préfère  le  plein  jour  de  midi.  Midi,  pour  l'art  clirélien,  c'est  le  xni'  siècle. 
Un  archéolosuo,  un  historien,  peuvent  aimer  les  époques  de  transition;  mais  un  esthéticien,  un 
artiste  i)réforeront  toujours  les  époques  franches  et  dégagées  d'alliances  adultères.  Dans  cette 
livraison  môme  des  «  .\nnales»,  page  26.5,  nous  publions  un  tombeau  remarquable,  à  peu  près 
conlpmpnrain  des  ciilacombes,  et,  dans  tous  les  cas,  de  ces  iv'  ou  v  siècles  tant  chéris  de  M.  Car- 
tuyvcls.  Or,  je  le  demande,  est-ce  qu'un  ecclésiastique,  même  renaissant,  oserait  proposer  à  un 
peintre  ou  à  un  sculpteur,  comme  type  de  l'ange  chrétien,  ces  deux  petitsamours  tout  nus  qui  servent 
de  suppoiis  ou  plutôt  de  tenants  à  la  coquille  des  deux  époux,  amours  qui  montrent  tout  et  prin- 
cipalement ce  qu'on  ne  voudrait  pas  voir?  Mais  même  dans  les  sujets  religieux,  oseriez-vous  propo- 
ser pour  modèle  ce  Daniel,  aussi  nu  que  les  deux  amours,  et  qui  s'offre  effrontément  en  face  de 
tous,  plus  nu  que  l'Afiollon  du  Belvédère?  La  sainte  Vierge  de  l'adoration  des  mages  est  assise 
dans  un  fauU^iil,  il  est  vrai,  à  i)eu  près  comme  sur  un  trône  vulgaire  ;  mais  cette  chaise,  lourde  et 
laide,  serait,  au  xn",  au  xiu'  siècle,  un  noble  trône,  plein  d'élégance  et  de  richesse,  et  l'enfant 
Jésus,  au  lieu  de  plonger  avidement  ses  doux  mains,  comme  un  enfant  banal,  dans  le  vase  aux 
offrandes,  tiendrait  de  la  main  gauche  le  livre  de  ses  évangiles  et  bénirait  de  la  main  droite  les 
rois  orientaux  qui  viennent  l'adorer.  Quant  à  ces  rois,  ce  sont,  sur  ce  tombeau,  de  grands  gar- 
çons accoutrés  ridiculement.  Voilii  cet  art  sublime  des  catacombes.  Je  l'abandonne  à  M.  Cartuy- 
vels,  et  je  retourne  au  moyen  âge  de  nos  contrées. 


L'ART  CHRÉTIEN   AL    CONGRÈS   DE  MALINES.  283 

reçu  du  monde  antique  les  traditions  de  la  ligne  de  Phidias  ou  d'Apelle, 
mais  il  avait  reçu  d'en  haut  le  type  de  la  beauté  surnaturelle;  il  avait  le 
secret  des  Ecritures  sacrées,  le  symbolisme  des  prophètes,  les  divines  images 
de  l'Evangile,  et  cette  étincelle  du  génie  créateur  qui  grave,  dans  une  image 
sensible  et  dans  un  trait  ineffaçable,  l'expression  populaire  des  dogmes  mysté- 
rieux et  des  vertus  héroïques.  A  la  beauté  du  type  ancien  régénéré  par  la 
grâce,  il  unissait,  d'une  manière  qui  n'a  jamais  été  égalée,  l'exactitude  théo- 
logique'. Savez-vous,  pour  n'en  citer  qu'un  exemple,  comment  la  primitive 
Eglise  représente  la  sainte  Mère  de  Dieu  sur  les  autels  des  catacombes?  l'allé 
la  représente  sur  un  tronc  :  c'est  une  reine,  tenant  sur  ses  genoux  et 
appuyé  sur  son  cœur  son  divin  Fils  qui  bénit  ^  :  voilà  la  source  de  sa  grâce 
et  de  ses  gloires;  et  elle-même,  les  yeux  [et  les  bras  levés  au  ciel,  comme 
Moïse  sur  la  montagne,  intercédant  sans  cesse  pour  le  peuple  de  Dieu.  Or,  je 
le  demande,  si  le  Christianisme  à  son  époque  la  plus  pure,  la  plus  fidèle  et  la 
plus  glorieuse,  a  réalisé  d'une  manière  éclatante  l'alliance  de  l'art  antique 
avec  la  pensée  chrétienne,  qui  sommes-nous  pour  proscrire  cet  art  au  nom  du 
Christianisme? 

«  Oui,  c'est  dans  les  catacombes,  c'est  au  berceau  même  de  l'Église  que 
l'art  antique  purifié  a  été  consacré  au  vrai  Dieu;  c'est  là  qu'il  a  reçu  le 
baptême  et  l'adoption  de  la  foi,  et  depuis  la  première  chapelle  des  catacombes 
jusqu'à  la  splendide  basilique  de  Saint-Paul-hors-Ies-Murs  ^,  l'art  antique  n'a 
jamais  cessé  de  réaliser  des  chefs-d'œuvre  chrétiens,  parés  de  la  double  au- 
réole du  génie  et  de  la  foi.  Ainsi,  |des  ruines  du  temple  antique  on  vit  surgir 


<.  J'en  dcinaïule  pardon  au  savant  docteur  on  tlicologie,  mais  l'art  des  xir'  et  xiir  siècles  est 
d'une  exactitude  tiiéoiogiquo  irréprochable.  Jusque  dans  l'iconograpliie  des  calices,  dans  cello  des 
retables  en  émail,  dans  celle  des  châsses,  des  reliquaires,  des  croix,  des  couronnes  ardentes,  la 
théologie  est  développée  et  respectée  comme  on  ne  l'a  ni  fait  ni  essayé  dans  les  époques  précé- 
dentes. Il  faudrait  entrer  dans  <ies  détails  trop  nombreux  pour  démontrer  cette  llièso  facile.  Je 
me  contente  de  renvoyer  aux  «  Mélanges  d'archéologie  »  des  PI'.  .Martin  et  Cahier,  et  aux  vingt- 
quntro  volumes  des  «  Annales  Archéologiques  ».  Mais,  mieux  encore,  j'en  appelle  aux  dix-huit 
cents  statues  et  aux  six  mille  ligures  de  la  cathédrale  do  Chartres. 

2.  Le  divin  Enfant  bénit  quand,  en  petit  garçon  avide,  il  ne  s'empare  pas  à  deux  mains, 
comme  dans  le  sarcophage  que  nous  publions  aujourd'hui,  dos  présents  que  lui  oITrent  les  rois 
mages. 

3.  Je  prie  M.  Cartuyvels  de  me  dire  ce  qu'il  entend  par  «  la  splendide  basilique  do  Saint-Paul- 
hors-les-Murs».  Le  Saint-Paul  actuel  est  à  peine  terminé  et  ne  remonte  pas  plus  haut  que  1823, 
époque  où  il  fut  complètement  incendié.  Le  Saint-Paul  qui  périt  alors  dans  le  feu  datait  du 
xii"  siècle  au  plus  haut.  Quant  au  Saint-Paul  l'onde  par  Conslanlin,  où  M.  le  professeur  d'archéo- 
logie de  Liège  on  a-t-il  vu  la  splendeur"?  Je  ne  trouve  dans  tout  ce  di-c- Mir-;  qii'  ■!.•  1 1  rhéiorique  ;> 
l'usage  des  congrès  :  «  sunt  vorba  et  voces  ». 


28.'i  ANNALF.S  AltCllfiOLOGIOURS. 

le  sanctuciirc  chrétien,  portant  à  la  fois  dans  sa  structure  l'empreinte  des 
idées  nouvelles  et  le  souvenir  du  miracle  acconi[)li.  Ainsi  la  lanf;ue  harmo- 
nieuse de  l'I.ilon  el  d'Jlomère  avait  été  elle-même  visitée  par  l'inspiration 
divine,  el  devenait  la  langue  sacrée  du  Nouveau  Testament.  Ainsi,  le  droit 
romain,  la  raison  écrite  passait  dans  les  codes  de  l'Mglise,  comme  la  langue 
de  Home  dans  sa  liturgie.  Ainsi  tout  re  (ju'il  y  avait  dans  l'ancien  monde  de 
beau,  de  noble,  de  glorieux,  racheté  des  profanations  de  l'homme  et  régénéré 
par  le  Sauveur  Jésus,  revenait  rendre  honneur  et  gloire  h  la  vérité. 

Il  De  ce  témoignage  éclatant  de  l'histoire  il  faut  conclure,  Messieurs,  ([ue 
la  dénomination  d'fl;7  c/uélicn,  attachée  d'une  façon  exclusive  aux  œuvres 
d'une  époque  isolée  de  l'existence  de  l'Kglise,  fût-ce  aux  monuments  gothi- 
ques du  xiir  siècle,  est  une  limitation  arbitraire,  étroite,  en  opposition  avec 
l'esprit  catholique,  du  privilège  divin  que  possède  l'Église  de  produire  le 
beau  d'après  plusieurs  types  el  d'eu  créer  de  nouveaux  à  toutes  les  grandes 
épociues  de  son  histoire.  1/art  chrétien  n'est  pas  l'art  byzantin,  ni  l'art 
ogival,  rti  l'art  ancien  non  plus  ;  c'est  l'ensemble  et  la  perfection  de  tous 
ces  types  inspirés  par  une  même  pensée,  mais  réalisés  par  des  organes  dif- 
férents qui  constituent  l'art  chrétien.  Chacun  donc  est  libre  de  porter  où  il 
sent  mieux  l'idée  chrétienne  le  tribut  de  son  admiration  et  de  ses  sympathies, 
car  dans  le  domaine  de  l'art  comme  dans  celui  de  l'intelligence,  l'Église 
admet  et  bénit  toutes  les  conceptions  humaines  qui  respectent  sa  vérité.  Et 
c'est  là  une  loi  générale  de  son  existence  qui  la  place  au-dessus  des  fluctua- 
tions humaines,  et  qui  altesie  au  monde  sa  divinité.  Dans  l'ordre  politique,  les 
droits  de  Dieu  sauvegardés,  elle  bénit  avec  la  même  sincérité  la  royauté  de 
saint  Louis  et  la  Constitution  beige.  Dans  l'ordre  philosophique,  elle  adopte 
pour  devise  la  parole  de  saint  Augustin  :  in  necessariis  viiitas,  in  dubiis 
libellas.  Dans  l'ordre  moral  aussi,  la  grâce  ne  défruit  ni  la  liberté,  ni  la 
nature.  La  grâce  laisse  subsister  l'homme  avec  ses  tendances,  ses  passions, 
son  caractère,  mais  elle  le  purifie,  le  dirige,  l'élève  jusqu'à  Dieu.  Voyez  les 
saints,  ces  divins  artistes,  ces  copies  vivantes  de  Jésus-Christ.  Tous  repro- 
duisent ici-bas,  dans  leur  vie,  le  même  idéal,  mais  autre  est  la  sainteté  de 
l'apôlre.  autre  la  sainteté  de  la  vierge  fidèle,  autre  la  sainteté  du  martyr;  et, 
cependant,  dans  toutes  ces  âmes  transfigurées  par  la  grâce,  on  retrouve  la 
ressemblance  de  Jésus-Christ.  Ainsi  en  est-il  du  l'art  chrétien.  Par  l'esprit 
qui  l'anime,  il  touche  au  ciel;  il  est  un  par  le  but  qu'il  se  propose;  et  par  les 
moyens  qu'il  emploie,  il  est  multiple,  il  varie,  il  progresse  ou  décline  comme 
l'humanité.  {Applaudissemenis.)  » 

Ici  finit  le  discours  du  trop  éloquent  professeur  de  Liège. 


L'ART  CHRÉTIEN   AU  CONGRKS   DE  MALINES.  285 

J'ai  le  regret  de  ne  pouvoir  unir  mes  applaudissements  à  ceux  du  congrès 
de  Malines;  d'ailleurs  M.  Carluyvels  s'en  passera  parfaitement  bien.  Je  suis 
désolé  de  ne  pouvoir  rétracter  ni  la  forme  ni  le  fond  de  ce  que  j'ai  écrit  l'année 
dernière  à  propos  de  ce  discours  singulier  du  professeur  d'archéologie  au 
grand  séminaire  de  Liège.  Quand,  pendant  les  trente-cinq  années  les  plus 
laborieuses  de  sa  vie,  on  a  étudié,  sans  relâche  et  sans  interruption,  l'art 
chrétien  dans  tous  ses  monuments  bâtis,  sculptés,  peints,  écrits  et  même 
notés,  on  peut  être  agacé  d'entendre  un  ecclésiastique,  haut  placé  et  qui 
exerce  une  grande  influence  sur  l'esprit  de  nombreux  jeunes  gens,  futurs 
héritiers  du  sacerdoce  et  de  l'art  chrétien,  nier  à  la  face  d'un  congrès  impor- 
tant les  doctrines  les  plus  raisonnées,  les  plus  saines ,  les  mieux  établies 
sur  les  œuvres  d'art  de  la  plus  belle  époque  que  le  monde  ait  jamais  vue. 

M.  Cartuyvels  déclare  bien  qu'il  désavoue  entièrement  les  absurdités  que 
lui  prête  le  compte  rendu  du  congrès  de  Malines;  mais  les  sept  propositions 
extraites  de  ce  compte  rendu  sont  nettement  contenues  dans  le  discours  qu'on 
vient  de  lire  :  elles  y  sont  même  aggravées  et  multipliées,  comme  on  sort  de 
le  voir.  Aucune  injure  n'a  donc  été  faite  à  M.  Cartuyvels;  c'est  lui-même  qui 
s'injurie,  pour  ainsi  dire,  de  la  première  à  la  dernière  ligne  de  son  plaidoyer 
contre  le  véritable  et  le  plus  sublime  art  chrétien.  Je  ne  comprends,  enfin, 
ni  la  légitimité  ni  l'utilité  de  la  réclamation  inopportune  et  tardive  de  M.  le 
docteur  Cartuyvels. 

Je  ne  demande  pas  mieux,  assurément,  que  M.  Cartuyvels,  ou  n'importe 
qui,  soit  nommé  professeur  d'archéologie  chrétienne  à  l'Université  de  Lou- 
vain,  si  toutefois,  comme  l'a  désiré  le  congrès  de  Malines,  cette  chaire  est 
ainsi  créée  ;  mais  j'espère  qu'avant  d'enseigner  à  Louvain  le  professeur  aura 
solidement  et  impartialement  étudié  les  monuments  et  les  œuvres  de  l'art 
chrétien  de  tous  les  temps  et  de  tous  les  pays*. 

DIDRON   aîné. 

1.  Au  moment  où  j'achève  d'écrire  ces  lignes,  j'apprends  que  M.  Reusens,  bibliothécaire  en 
chef  do  l'Université  do  Louvain,  a  été  chargé  de  la  nouvelle  chaire  d'archéologie.  Je  n'ai  pas 
l'honneur  de  connaître  M.  Reusens;  mais  j'espère  que  ses  doctrines  ne  sont  pas  celles  de  M.  Car- 
tuyvels, et  qu'il  saura  dire  combien  les  cathédrales  do  Tournai  et  d'Anvers,  par  exemple, 
sont  supérieures  à  Saint-Jacques-sur-Caudemberg  de  Bruxelles,  et  combien  les  hôtels  de  ville 
de  Louvain,  Yprcs  et  Bruxelles  l'emportent  sur  la  partie  gréco-romaine  de  l'hôtel  de  ville  de 
Gand. 


MOSAÏOUE   DE    SOUR 


bUlTÏ    ET    FIN    '. 


Revenons  maintenant  au  centre  de  l'église. 

Au-dessus  du  riche  tapis  qui  orne  le  bas  de  la  nef  2,  on  voit  d'abord  une 
assez  jolie  rosace;  puis  des  ornements  très-simples,  la  plupart  maigres  ou 
mal  dessinés  et  tous  sans  elTet.  L'intérêt  de  cette  partie  du  pavage,  d'ailleurs 
très-détériorée,  se  porte  sur  la  grande  inscription  entièrement  intacte  dont  le 
fac-similé  accompagne  ce  mémoire.  Elle  est  renfermée  dans  un  ornement  tra- 
ditionnel qui  entoure  ordinairement  les  inscriptions  antiques,  mais  qui  est 
ici  aussi  maigre  et  mal  dessiné  que  tous  ceux  qui  l'entourent.  Je  lis  ainsi  ce 
texte  intéressant  : 

-|-  réyovev  to  TïavspYov  Tr,ç  '|r/{(pa)C£o;  [toù  vaouj  toO  èvoo^ou  <cal  ravcsTiTOu  [istp- 
Tupo;  àyîo'j  XpicTocpopou  èttI  toO  Ôeoçt'XecTâTou  rewpywu  àpyi[7rp£(7ê'jTepou?]  xal 
j(^opé-!ïi(7/COTCou  xal  i-zl  to'j  Oeotpi'XecTaTO'j  Kupou  âiaitovou  y.al  £Tît[Tpowou?]  û— àp  (7WTy,- 
ûixç  Twv  o'Jio/.Tv;[/.àTtov  oîz.ovoawv  y.al  vewpvwv  /cal  twv  tsxvcov  a'jTtov  y.ai  toD  x^r^poo 
Kal  icapTTO'popo'JVTCdv  év  ypovo'.;  toù  ôsoceêEOTaTOu  Zxyapioî  TrpscêûTapou  éXa/torou  èv 
[AYlvl  àsff'.ou  Toù  (j;a  £Tou;  ivd.    O. 

C'est-à-dire  : 

L'ouvrage  du  pavement  eu  mosaïque  [de  l'église]  du  glorieux  et  très-vénérable  mar- 
tyr saint  Christophe  a  été  fait  sous  le  très-chéri  de  Dieu  George  [archiprêtre?]  et  chor- 
évêque  et  sous  le  très-chéri  de  Dieu  Cyrus,  diacre  et  [épitrope?],  pour  le  salut  des 
économes  et  des  laboureurs  des  deux  domaines  et  de  leurs  enfants  et  du  clergé  et  des 
bienfaiteurs,  au  temps  du  très- respectable  Zacharie,  prêtre  très  -  humble ,  au  mois 
décius  de  l'année  701,  indiction  ix. 

1.  Voir  les  «  Annales  Archéologiques»,  vol.  xxiii,  p.  278;  vol.  xxiv,  p.  o  et  20o. 

2.  En  tête  de  cet  article,  est  placé  le  détail  en  grand  de  ce  carré  de  mosaïque  dont  la  gravure 
n'était  pas  prête  quand  parut  la  description  («  Annales  Archéologiques  »,  vol.  xxiv,  p.  7-10).  On 
pourra  donc  maintenant  s'en  référer  à  cette  description  pour  reconnaître  et  apprécier  les  difTérents 
groupes  d'animaux  et  de  personnages  qui  tapissent  cette  belle  partie  de  la  mosaïque  de  Sour. 


PAR    DIDHON    À    PARIS 


MQUJÊi  m&  cou;r 


/  -    «.A.,«,y„,      .1'  „■■"/)„ 


mosaïque  de  SOUR.  287 

Cette  inscription  et  ma  traduction  nécessitent  quelques  observations.  Au 
premier  mot  un  êta  mis  à  la  place  d'un  epsilon,  au  cinquième  un  epsilon  mis 
à  la  place  d'un  êta  prouvent,  ainsi  que  d'autres  fautes  d'orthographe  du 
même  genre  qui  existent  dans  les  noms  accompagnant  les  figures  en  buste, 
que  ces  deux  lettres  avaient  quelquefois  le  même  son  dans  la  prononciation; 
pouvons-nous  savoir  positivement  que!  était  ce  son?  La  question  est  très- 
controversée  et  ne  sera  probaiilement  jamais  décidée.  Ce  sont  des  nuances 
de  prononciation  que  l'écriture  n'a  pu  conserver.  On  pourrait  tout  au  plus 
induire  du  fait  que  je  signale  une  prononciation  particulière  à  la  localité. 
A  l'appui  de  cette  conjecture,  je  citerai  des  inscriptions  trouvées  dans  la 
partie  de  l'Egypte  qui  touche  à  la  Syrie.  Ces  inscriptions  contiennent  aussi 
des  êta  mis  à  la  place  de  l'epsilon  et  réciproquement  ^. 

J'ai  traduit  to  Travé'pyov  -r?,?  i|rfl(pMffeo;  par  «  pavement  en  mosaïque  »,  parce 
que  je  pense  qu'il  ne  s'agit  que  du  pavé ,  et  que  la  petite  église  de  campagne 
dédiée  à  saint  Christophe  n'avait  pas  ses  murs  ornés  de  mosaïques.  Dans  les 
textes  de  lois,  (l/r.owjai  (  (c  pavimenta  »  )  semble  exprimer  ce  que  nous  appel- 
lerions pavements  de  luxe.  J'ai  sous-entendu  les  mots  toO  vaoC  qu'on  trouve 
dans  des  inscriptions  analogues  et  que  commande  le  sens  de  la  phrase. 

Un  article  du  premier  concile  de  Nicée  nous  renseigne  suffisamment  sur 
les  chorévèques.  11  dit  :  «  La  place  de  l'évêque  pendant  l'office  doit  être  en 
haut  de  l'église,  dans  le  sanctuaire,  vis-à-vis  le  milieu  de  l'autel,  parce  qu'il 
est  le  pasteur  et  le  maître.  L'archidiacre  doit  s'asseoir  après  l'évêque,  à  sa 
droite,  parce  qu'il  est  son  vicaire  et  qu'il  a  la  direction  des  aumônes  et  des 
alTaires  de  l'église.  Le  chorévèque  doit  être  assis  ensuite  à  la  gauche  de 
l'évêque,  parce  qu'il  est  aussi  son  vicaire  et  qu'il  gouverne  pour  lui  les  mo- 
nastères, les  églises  et  les  prêtres  des  villages  de  sa  dépendance.  En  l'ab- 
sence de  l'évêque,  il  faut  donner  sa  place  à  l'archiprêtre,  parce  qu'il  est 
aussi  vicaire  de  l'évêque  et  qu'il  est  le  chef  de  tous  les  prêtres  du  diocèse.  » 

Les  fonctions  de  ces  différents  vicaires  ont  pu  varier  selon  les  temps  et  les 
localités,  et  rien  ne  s'opposait,  il  me  semble,  à  ce  qu'elles  eussent  pu  être 
quelquefois  remplies  par  le  même  personnage.  C'est  pourquoi  j'ai  pensé  que 
le  mot  âpyt,  terminé  par  une  abréviation,  pouvait  se  traduire  par  archiprêtre, 
sans  contester  cependant  qu'on  ne  puisse  admettre  le  mot  archidiacre  ou  tout 
autre,  indiquant  une  fonction  supérieure. 

J'ai  donné  la  qualification  d'épilrope  ou  administrateur  au  diacre  Cyrus,  en 
traduisant  un  autre  mot  abrégé.   I^clronnc.  dans  un  de  ses  mémoires,  cite 

1.  Cf.  «  Observations  sur  quelques  fragments  de  poterie  antique  »,  par  M.  Egger,  Paris,  «857. 


288  A;N.NAI,i;.S    AUCIl  KOUH)  IQU  KS. 

doux  iiisciiplions  analogues  k  celles  de  Sour.  Dans  l'une,  un  diacre  d'figyple 
est  qualifié  de  TupoeTTôiToç,  «  préposi'j  ».  Il  s'agissait  toujours,  dans  l'une  et 
l'autre  de  ces  inscriptions,  de  diverses  fonctions  administratives  concernant 
les  hiens  et  aiïaires  des  églises. 

Kr/i'(/.aTa,  "  pra^dia  »,  biens  ruraux,  immeubles  situés  dans  la  campagne; 
■/!TT[i/.aTa  aypi/.ata,  disent  les  textes  de  lois.  L'église  dont  il  s'agit  avait  été 
construite  probablonienl  pour  desservir  une  localité  contenant  deux  exploita- 
tions agricoles  appartenant  sans  doute  h.  l'église  de  Tyr,  comme  l'a  dit 
M.  Renan  dans  son  rapport. 

TÀç  pour  Toù  ■/.lr,fvj  /.oC:  •/.a3TCoçopo'jvTo>v .  IZlonné  de  voir,  non  comme  autre 
part,  une  simple  faute  d'orlhographe,  mais  un  article  féminin  au  lieu  d'un 
arlicle  masculin,  ce  qui  se  comprend  moins,  j'avais  cherché  si  -/.l-n^vj^  suivi 
d'un  signe  abréviatif  s'appliquanl  généralement  à  toute  espèce  d'abréviation , 
ne  serait  pas  le  commencement  d'un  mol  ;  mais  il  m'a  paru  difficile  d'ad- 
mettre une  combinaison  d'où  résulterait  toujours  une  confusion  évidente  en 
voyant  le  mot  /.T-zipou  très-connu.  Ce  mot,  d'ailleurs,  est  employé  ainsi  que  le 
suivant  dans  la  liturgie  grecque  où  l'on  prie  pour  le  clergé  et  pour  les  bien- 
faiteurs :  «   'VT:èp TuavT'j'î  toO  xl/ipou....  toù  ICupiou  lîar.OwfjLEv.  —  AtôiAsSa 'jTrsp 

Twv  y.ap-!ïO(popoûvTa)v.  —  Mvïi'cÛ-/iTt,  ivjpts,  twv  xapirocpofO'JvTwv.  Ce  dernier  mot  a  son 
équivalent  dans  l'inscription  tracée  au-dessous  de  la  mosaïque  qui  décore 
l'abside  de  l'église  du  Sinaï,  et  dont  voici  le  texte  publié  par  M.  de  Laborde, 
dans  son  «  Voyage  en  Arabie  »  :  'Ev  ôvôy-aTi  Tlarpà;  !cal  ïioO  jcal  'Aytou  nveu[ji,aTo; 
yeyovsv  to  iràv  èpyov  ToiÏTO  ÛTrep  ctoT-opia;  twv  y.apTTOOopricàvTwv  i—\  Aoyy'vou  to5 
ôdiOTaTou  TTpecêÙTEpou  "/.at  riyouitevou. 

Au  nom  du  Père  cl  du  Fils  et  du  Saint-Esprit.  Tout  cet  ouvrage  a  été  fait  pour  le  salut  de  ceux 
qui  y  ont  contribué  piir  leurs  dons  sous  Longin,  te  très-saint  prêtre  et  hégoumène. 

La  mosaïque  du  Sinaï  a  été,  dit-on,  exécutée  sous  l'empereur  Justinien, 
au  vi"  siècle.  Il  eût  été  intéressant  de  comparer  son  inscription  avec  celle  de 
Sour;  mais  le  dessin  de  M.  de  Laborde  n'est  qu'une  esquisse  trop  vague,  qui 
ne  permet  pas  de  bien  juger  de  la  forme  exacte  des  lettres.  J'y  ai  remarqué, 
cependant ,  l'abréviation  de  ou  et  des  oméga  qui  se  voient  à  Sour. 

Ces  observations  m'amènent  à  dire  quelques  mots  sur  la  date  701  qui 
termine  l'inscription  de  Sour.  Selon  M.  Renan,  cette  date  s'appliquerait  à 
l'ère  d'Antioche  et  correspondrait  alors  à  l'année  652  de  notre  ère.  J'avais 
d'abord  pensé  qu'il  était  difficile  d'admettre  cette  opinion  à  cause  des  pertur- 
bations apportées  nécessairement  à  l'état  social  de  la  Syrie  par  la  conquête 
musulmane,  qui  eut   lieu  en  632,   et  il   me  semblait  que  les  chrétiens  ne 


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■     MOSAÏQUE   DE  SOUR.  289 

devaient  pas  avoir  à  cette  époque  assez  de  tranquillité  d'esprit  et  de  bien-être 
matériel  pour  construire  des  églises  et  les  orner  avec  luxe,  surtout  dans  les 
campagnes.  Mais  sommes-nous  bien  instruits  de  tout  ce  qui  se  passait  alors 
en  Syrie?  Les  Grecs  étaient  souvent  de  connivence  avec  les  ennemis  de  l'em- 
pire ;  ceux  qui  habitaient  la  Syrie  au  vu*"  siècle  ont  bien  pu  s'entendre  avec 
les  nouveaux  conquérants,  pour  jouir  d'une  certaine  liberté,  dans  cette  riche 
contrée,  aux  dépens  des  indigènes,  et  nous  savons  que  le  père  de  saint 
Jean  Damascène  fut  nommé  par  les  kalifes  à  de  hautes  fonctions  administra- 
tives; or,  ce  haut  personnage  était  chrétien  et  vivait  justement  à  cette 
époque.  En  définitive,  il  faut  accepter,  je  pense,  jusqu'à  meilleur  avis,  la 
date  652  de  notre  ère,  donnée  par  M.  Renan,  d'autant  mieux  que  si  l'on 
consulte  les  tables  données  par  Ducange  et  autres,  on  trouve  que  cette  année 
correspond  à  peu  près  avec  la  neuvième  indiction.  M.  Rossi  est  sensiblement 
d'accord  avec  M.  Renan,  car  il  s'est  exprimé  ainsi  sur  celte  question  : 
«  L'inscription,  quelle  que  soit  l'année  précise  à  laquelle  il  faille  la  rapporter, 
est  sans  aucun  doute  de  la  fin  du  vi"  ou  même  du  vu'  siècle.  » 

Les  deux  autres  inscriptions  se  réduisent  à  de  courts  fragments;  elles 
n'olTrent  pourtant  aucune  difficulté.  Celle  trouvée  au  milieu  de  l'église,  sous 
la  grande  inscription,  est  une  partie  du  dernier  verset  du  psaume  92, 
lequel  finit  ainsi  :  «  t[<o  otxco  coO  ■JipéTTêi  6Lyiy.a]u.a.,  Kupie,  tic,  [;.a/.po-r/iTa  y,jA£pwv.  » 
«  Domum  tuam  decet  sanctitudo.  Domine,  in  longitudine  dierum.  » 
J'ai  mis  entre  deux  crochets  les  lettres  du  texte  grec  qui  ont  été  retrou- 
vées sur  la  mosaïque. 

Une  des  prières  de  la  liturgie  des  Grecs  contient  les  deux  premiers  et  une 
partie  du  dernier  verset  du  psaume  92,  avec  quelques  mots  ajoutés.  Celte 
prière  se  trouvait  probablement,  en  totalité  ou  en  partie,  dans  l'inscription 
entière,  soit  que  cette  inscription  tournât  comme  une  bordure  en  forme  de 
carré,  soit  qu'elle  tut  sur  une  seule  ligne.  Voici  la  traduction  latine  de  cette 
prière  prononcée  par  le  prêtre  lorsqu'il  encense  le  calice  : 

(i  Dominus  regnavit,  decorem  indutus  est.  Indutus  est  Dominus  fortitu- 
dincm  et  prajcinxit  se.  Et  cnim  firmavit  orbom  terrtc,  qui  non  commovebitur. 
Domum  tuam  decet  sanctitudo.  Domine,  in  longituthne  dierum;  ubique,  nunc 
et  semper,  in  stecula  saeculorum,  amen.  »  —  Une  traduction  française  de  la  litur- 
gie de  saint  Jean  Chrysostome,  publiée  par  les  Russes,  donne  à  cet  endroit 
de  la  messe  le  psaume  92  entier  et  sans  aucune  addition.  Je  vois  également, 
dans  une  traduction  de  la  liturgie  des  Arméniens,  le  même  psaume  entier, 
mais  terminé  par  la  doxologie. 

Le  second  fragment  d'inscription  a  été  retrouvé,   ainsi  (juc  l'indiciuc  le 
XXIV.  '^8 


200  ANNAM'.S   ,\Ilf:il  KOl.fXWnU  KS. 

plan  (lross(^  par  M.  Tliobois  ^.  sur  le  si-iiil  d'une  porte  donnant  acr^s  dans  le 
bas  ciMé  scplenlrional  2;  il  conlioiit  les  premiers  mots  d'un  passage  du  pre- 
mier livre  des  Rois,  au  rhajjjtre  xvi.  Dans  ce  chapitre,  nous  apprenons  que 
Samuel,  envoyé  par  le  Seigneur  k  Fîelliléem  pour  choisir  un  roi,  fil  ce  (|uc 
le  Seigneur  lui  uvait  dit.  Il  vint  Ji  Bethléem,  et  les  anciens  de  la  ville  en 
furent  surpris;  ils  allèrent  au-devant  de  lui  et  dirent  :  <(  Nous  apportez-vous 
la  paix?  »  Il  leur  répondit  :  «  Je  vous  apporte  la  paix,  je  suis  venu  pour 
sacrifier  au  Seigneur.  »  L'inscription  commence  par  la  question  faite  à 
Samuel  et,  entière,  elle  devait  contenir  la  réponse. 

Voici  ce  passage  de  la  Bible  parfaitement  choisi  pour  être  placé  sous  les 
yeux  de  ceux  qui  entrent  dans  une  église  ou  dans  le  sanctuaire  :  «  'H  tîpTÎv») 
■fi  f.mO'jç  <70u  i  p)ver<5v;  Kat  îItcev  eipv'v/, •  Qùcaî  tw  KupiM  ■«•/.w.  ÀvutoÇkTiTe  xal  e'j^pav- 
OviTS  u.£t'-'[xoD  (7/^jjiepov. 


Si  pax  iiitroitus  liius,  o  vidons?  Et  dixil  :  Pas.  Ad  sacrificandura  Domino  venio.  SanclIGcamlDi 
et  lœlamini  mecum  liodio. 


On  peut  reprocher  aux  inscriptions  de  la  mosaïque  de  Sour  des  fautes  de 
style,  de  grammaire  et  même  d'orthographe.  Ces  questions  pourraient  avoir 
de  l'importance  et  mériteraient  sans  doute  une  discussion.  Mais  je  n'ai  ni  l'in- 
tention ,  ni  la  prétention  de  m'en  occuper  ici.  Je  n'ajouterai  donc  rien  aux 
courtes  remarques  que  j'ai  déjà  faites.  Mon  but  était  d'examiner  non  le  style, 
mais  les  faits  et  les  idées  qui  résultent  de  ces  curieuses  inscriptions  '.  J'ai 


1.  Voir  ce  plan  dans  le  tome  xxiii  des  «  Annales  Arcliéoiogiques  »,  page  278. 

2.  D'après  le  résumé  des  explications  de  .M.  de  Rossi,  inséré  dans  le  journal  précité,  c<?  frag- 
ment, précédé  d'une  croix,  comme  presque  toutes  les  inscriptions  byzantines,  ne  se  trouverait  pas 
h  l'endroit  dont  je  parle,  mais  on  n'indique  pas  clairement  l'endroit  où  il  serait  placé. 

3.  Il  y  aurait  certainement  lieu  d'ajouter  à  ce  que  j'ai  dit  plusieurs  autres  observations  sur  les 
animaux,  les  calendriers,  les  inscriptions;  mais,  outre  que  je  craindrais  d'allonger  beaucoup  trop 
ce  travail,  je  sens  que  le  temps  et  les  iiioye  i-  me  manquent  pour  faire  plus  que  ce  que  j'ai  entre- 
pris. Cependant,  sans  vouloir  être  trop  téméraire,  j'appelle  l'attention  sur  une  particularité  qui 
n'est  pas  étrangère  à  notre  sujet.  J'ai  cité,  au  commencement  de  mon  mémoire,  un  passage  de 
saint  Grégoire  de  Nysse.  Voulant  donner  de  ce  passage  une  traduction  très-exacte,  j'ai  pris  des 
conseils.  On  m'a  notamment  fait  observer  que  de  ce  passage  on  pourrait  induire  que  des  repré- 
sentations figurées,  autrement  dit  des  scènes  de  la  vie  du  saint  avaient  été  représentées  sur 
le  sol.  Mais  je  crois  qu'il  n'a  pu  en  être  ainsi,  et  qu'à  celte  époque  on  se  serait  fait  scrupule  de 
représenter  des  saints  et  des  objets  sacrés  sur  le  sol  qu'on  foule  aux  pieds;  ce  n'est  que  bien  plus 
tard  qu'on  en  a  agi  autrement.  Letronne  («  Lettres  d'un  antiquaire  à  un  artiste  »)  disait  que, 
dans  les  textes  qui  se  rapportent  aux  mosaïques,  il  n'était  pas  toujours  très-facile  de  distinguer 
s'il  est  question  de  mosaïques  à  ornements  ou  de  mosaïques  il  figures.  Je  pense  donc  que  l'étude 


mosaïque   de  SOUR.  291 

trouvé ,  je  l'avoue ,  un  grand  intérêt  à  étudier  les  trois  dernières.  En  eflet , 
elles  m'ont  prouvé  clairement  que  j'étais  devant  le  sol  d'une  église  chré- 
tienne, foulé  jadis  par  une  population  dont  le  souvenir  m'attire  par  une  com- 
munauté de  croyance.  Cette  église,  autre  motif  d'intérêt,  était  dédiée  à  ce 
saint  Christophe  si  populaire  autrefois  dans  nos  contrées.  D'autre  part  j'ai 
éprouvé  une  sorte  d'étonnement,  en  considérant  que  ce  monument  entière- 
ment grec  avait  été  découvert  en  pleine  Syrie.  La  conquête  et  la  civilisation 
grecques  avaient  donc  jeté  des  racines  bien  profondes  en  ce  pays  pour  y  lais- 
ser des  traces  de  cette  nature  jusque  dans  les  campagnes  qui  devaient  pour- 
tant être  peuplées  de  Syriens  indigènes;  car  si  Antioche  était  entourée  de 
gens  ne  parlant  que  le  syriaque,  comme  on  l'a  observé^,  n'en  devait-il  pas 
être  de  même,  et  à  plus  forte  raison  poui'  la  campagne  qui  avoisinail  la 
principale  ville  des  Syriens  ? 

J'ignore  si  des  fouilles  faites  autour  de  la  mosaïque  auraient  signalé  (juelque 
fragment  important  de  l'église  dont  elle  faisait  partie.  Je  me  figure  cette 
église  d'une  architecture  simple,  avec  des  murs  couverts  de  peintures;  une 
coupole  au-dessus  du  chœur;  de  petites  fenêtres  introduisant  une  lumière  suf- 
fisante; un  portail  précédé  du  porche,  ce  complément  nécessaire  de  tout 
monument  public  ;  une  façade  avec  une  croix  accompagnée  de  quelques  orne- 


des  mnnumenls  figurés  est  Irès-n6(e?saire  pour  venir  en  aide  ;i  l'inlcrpréialion  des  mots,  et  qu'il 
me  soit  permis  d'appuyer  mon  observation  d'un  fait  qui  me  semble  caractéristique. 

Un  savant  helléniste,  contestant  le  sens  d'un  mot  grec  donné  par  un  des  traducteurs  du  «  Ti- 
tulus»  d'Autun,  découvert  il  y  a  quelques  années,  prétendait  qu'en  disant:»  Poisson,  j'ai  préparé 
mes  mains,  —  j'ai  joint  étroitement  mes  mains  (dans  l'intention  de  recevoir  l'Eucharistie)  »,  cette 
disposition  était  fort  peu  convenable  pour  recevoir  quoi  que  ce  soit,  mais  encore  moins  l'Eucha- 
ristie que  toute  autre  chose.  11  ajoutait,  h  l'appui  de  son  opinion,  un  passage  de  saint  Cyrille  de 
Jérusalem,  qui  signifie  :  —  «  et  ayant  disposé  la  paume  de  ta  main  en  creux,  rcfois-y  le  corps 
du  Christ  ».  —  Or,  si  le  savant  helléniste  en  question  avait  vu  quelques  monuments  figurés,  la 
Dalmatique  impériale,  entre  autres,  publiée  dans  le  i"^'  vol.  des  «  Annales  Archéologiques  », 
p.  28G  de  la  seconde  édition,  il  aurait  vu  comment  les  artistes  grecs  savaient  représenter  les 
apôtres  communiant  en  avançant  les  deux  mains  d'une  façon  très-noble  et  qui  ne  peut  paraître 
inconvenante  à  qui  que  ce  soit,  surtout  à  ceux  qui  se  reportent  aux  usages  orientaux.  Ces  usages 
ont  subsisté  bien  longtemps,  puisque  des  voyageurs  les  ont  encore  remarqués,  il  y  a  quelques  an- 
nées, reproduits  par  la  peinture  sur  les  murs  d'églises  peu  anciennes  de  la  Grèce. 

1.  «  Dans  les  villages  aux  portes  d'Antioche  on  no  parlait  que  la  langue  syriaque.  Chrysostome 
en  faisait  l'épreuve  lorsqu'il  allait  parfois,  hors  dos  murs  de  lu  ville,  prier  dans  quelque  lieu 
consacré,  et  il  en  exprime  le  regret  dans  un  sermon  qu'il  prêchait  il  .Vntioche  à  la  fèto  des  mar- 
tyrs, devant  la  foule  accourue  des  campagnes  voisines  pour  voir  les  cérémonies  s;iintos.  En  célé- 
brant les  mœurs  laborieuses  et  la  vie  pure  de  ces  hommes  rustiques,  il  les  nommait  un  peuple 
séparé  do  lui  par  la  langue,  quoique  uni  dans  la  foi...  »  —  M.  Vii.i.umain  ,  u  TabliMU  de  l'élo- 
quence chrétienne  au  iv  siècle  ».  Paris,  18.19,  p.  343. 


292  ANNALES  ARrilCOLOOIQUES. 

menls  et  d'une  inscriplion  du  genre  de  celle  que  Drummond*  lisait  au  portail 
d'une  église  de  ces  parages,  inscriplion  don!  le  texte  grec,  copié  par  ce  voya- 
geur, signifie  : 

+  Gloire  à  Dieu  au  plus  haut  des  cieux  et  paix  sur  In  terre  aux  hommes  de  bonne  volonté'. 
-f  Déni  soit  celui  (|ui  relève  le  pauvre  de  la  terre  cl  relire  l'indigent  du  fumier.  Gloire  i  vous 
Seigneur.  + 

Je  m'arrête  sur  ces  belles  prières  et  je  finis  par  un  remercîment. 

Je  prie  M.  Renan  de  recevoir  l'expression  de  ma  gratitude  pour  avoir  bien 
voulu  me  permettre  de  faire  dessiner  la  mosaïque  de  iiour.  Sans  celle  obli- 
geante autorisation,  je  n'aurais  pu  faire  convenablement,  et  d'une  façon  intel- 
ligible aux  lecteurs  des  «  Annales  Archéologiques  » ,  la  description  de  ce 
monument  précieux. 

Jui-iEN  DURAND. 
4.  «  Travels  »,  London,  1754.  p.  234. 


LA   CHAMPAGNE 


NOTRE-DAME    DE    L^EPINE 


11  n'y  a  pas  en  France  de  province  dont  on  ait  plus  mal  parle,  depuis  Jules 
César  jusqu'à  nos  jours,  que  de  la  Champagne;  dix-huit  cents  ans  de  dédain 
pèsent  sur  ce  pays  et  ses  habitants.  Quant  au  pays,  je  ne  le  réhabiliterai  pas; 
car  de  Reims  à  Rethel,  de  Reims  h  Châlons,  de  Châlons  à  Troyes,  de  Troyes 
à  Sézanne,  c'est  affreux  :  c'est  plat,  mat.  morne,  blanc  ou  gris,  comme  les 
nuages  qui  fdent  sans  bruit  au-dessus  de  la  tête  par  un  temps  couvert.  C'est 
stérile,  sans  arbres,  sans  herbes,  sans  habitations.  Cinq  et  six  lieues  sans  un 
village.  Les  brebis  y  trouvent  à  peine  à  pâturer  efles  lièvres  à  brouter.  Il  est 
vrai  que  d'Aï  à,  Dormans,  par  jÉpernay,  et  Troissy,  le  long  de  la  Marne  et 
des  coteaux  d'Hautvillers  et  d'Avize,  de  ^Damery,  de  Châtillon  et  de  Rour- 
sault,  c'est  un  rare  canton  de  beauté  et  de  richesses.  Quand  on  arrive  de 
Reims  et  qu'on  débouche  par  la  forêt  de  ce  nom  qui  regarde  Epernay,  il  faut 
malgré  soi  s'arrêter  près  de  quelques  maisons  appelées  Relie-Vue,  car  on  est 
pris  aux  yeux  par  un  gracieux  et  fertile  paysage.  On  a  sur  sa  gauche,  devant 
soi,  dans  un  entonnoir  de  verdure,  un  petit  village  nommé  Chanipillon.  qui 
fait  songer  à  la  Suisse.  Il  se  tapit  dans  ses  hautes  herbes,  dans  ses  grasses 
vignes,  dans  ses  arbres  touffus  qui  descendent  en  pente  douce  jusqu'à  la 
route,  comme  dans  un  nid  une  couvée  de  petits  oiseaux.  A  la  vue  de  l'église, 
qui  dresse  son  clocher  aigu,  et  des  maisons  du  maire  et  de  l'adjoint  qui 
haussent  leurs   grands  pignons  par-dessus  toutes  les  autres  constructions. 


294  ANNALES   AHCIIl'iOLOGIOCES. 

on  (lirait  de  ces  petites  fauvettes  qui  mettent  la  tète  hors  du  nid  et  tendent 
le  cou  pour  recevoir  avant  les  autres  la  becquée  apportée  par  la  mère.  A 
droite,  c'est  le  long  viila^çc  d'Ilautvillers,  né  petit  à  petit  k  l'ombre  d'une 
célèbre  abbaye  de  bénédiclius,  oii  fut  (laf^ellé  Gotescalc  par  l'ordre  d'Ilinc- 
mar,  arclievô(|ue  de  Reims,  où  dort  le  savant  Thierry  Ruinart,  où  ma 
pjuivre  mère  repose  en  paix^.  Ce  grand  village  a  gravi  la  montagne  à  mi- 
cliemiu,  et  là  s'est  posé  de  fatigue  comme  ne  pouvant  ou  n'osant  monter  plus 
haut.  On  le  voit  se  détendre,  s'allonger  et  onduler  sur  les  mouvements  du 
terrain  comme  une  rangée  d'arbres  sous  le  vent.  En  face,  c'est  Oizy,  h  droite 
et  àgauciie  de  la  roule.  Dans  ce  village,  dont  la  partie  moderne  n'a  qu'une 
rue.  kl  roLitu  inéniu,  picsquc  toutes  les  maisons  sont  des  auberges  ou  des 
cabarets.  Là,  cha([ue  habitant  semble  sortir  de  chez  lui  au-devant  de  tout 
voyageur  qui  passe,  pour  lui  olfrir  à  boire,  moyennant  finance  toutefois; 
car,  en  Champagne .  moins  ([u'ailleurs  peut-être,  on  ne  donne  son  vin  pour 
rien.  U.n  peu  plus  hjin,  cesl  Épciiiay  dont  les  maisons  boivent  l'eau  sale  et 
jaunâtre  de  la  Marne  et  les  habitants  de  l'excellent  vin  mousseux.  Kpeinay 
se  repose  entre  deux  collines  dont  l'une  est  tournée  vers  Paris  et  l'autre  vers 
Chàlons,  sans  avoir  pu  les  gravir  ni  l'une  ni  l'autre.  Il  faut  dire  cependant 
que  cette  ville  a  fait  de  grands  elVorls  depuis  plusieurs  années  :  elle'  a  poussé 
ses  beaux  quartiers,  ses  grandes  maisons  à  mi-côte  déjà  de  ces  deux  montées, 
el  l'une  d'elles,  qui  s'en  va  vers  Chàlons,  elle  l'a  escaladée  jusqu'en  haut. 
Ce  qui  frappe  à  Épernay,  c'est  la  beauté  pittoresque  des  maisons  rouges  de 
brique,  bleues  d'ardoise,  blanches  de  craie;  c'est  surtout  la  magnificence  et 
l'ampleur  des  caves.  L'our  les  caves,  ce  sont  des  souterrains  bien  plus  con- 
sidérables que  ces  fameuses  cryptes  chrétiennes  qui  se  promènent  sous  plu- 
sieurs cathédrales  de  France.  Ce  sont  des  catacombes  longues  d'une  demi- 
lieue,  croisées  et  recroisées  en  tous  sens  par  des  allées  et  des  caveaux  sans 
fin;  catacombes  peuplées  non  de  tètes  ou  d'os  de  morts,  mais  de  tonneaux  et 
de  bouteilles  pleines  de  vin.  On  dit  que  M.  Moët  possède  dans  ces  cryptes  de 
l'industrie  dix-huit  cent  mille  bouteilles  de  vin  de  Champagne.  Tout  cela  est 

1 .  Lu  f.uiiillo,  comme  l'aibrc  en  aiilonme,  jette  ses  rameaux  et  ses  feuilles  au  vent,  pour  en  jon- 
cher les  champs  voisins.  Ma  mère  est  ensevelie  dans  le  cimetière  d'Hautvillers,  à  côté  de  ses 
anci^lres.  Mon  père  s'est  abattu  dans  le  cimetière  de  S;iint-Memmie,  à  Chàlons-sur-Marne,  à  côté 
de  son  frère,  non  loin  de  son  père  el  de  sa  mère.  Ma  sœur  est  toute  seule  dans  le  cimetière 
d'Épernay.  Un  frère  puiné,  du  nom  d'Ambroise,  plus  isolé  encore,  est  enseveli  il  Troyes.  Mon 
frère  Victor  repose  à  Paris,  au  cimetière  de  Monl-I'arnasse.  Si  la  destinée  dernière  m'emportait 
à  Reims,  où  j'ai  passé  mon  enfance  et  ma  jeunesse,  je  ne  serais  pas  trop  éloigné  de  tous  les 
miens,  et  nul  de  nous,  sauf  Victor,  n'aurait,  pour  y  dormir  du  dernier  sommeil,  quitté  le  pays  de 
sa  naissance. 


I 


LA  CHAMPAGNE   ET   NOTRE-DAME   DE  L'EPINE.  295 

rangé  contre  les  parois  de  la  cave  comme  une  treille  contre  un  mur,  comme 
les  ossements  contre  les  parois  des  catacombes  de  Paris.  Quand  on  sort  de 
là  après  un  quart  d'heure  de  promenade  seulement,  on  est  ivre,  c'est  à  la 
lettre,  mais  ivre  altéré  et  en  goût  de  boire  beaucoup.  C'est  à  peu  près 
comme  le  conscrit  peureux  avant  la  bataille,  lequel  brûle  de  se  battre  et  de 
se  faire  tuer  lorsqu'une  fois  il  a  respiré  l'odeur  de  la  poudre. 

Entre  F.pernay  et  Dizy  est  couchée  une  large  prairie  toute  verte,  où  la 
Marne,  grave  comme  une  matrone,  ainsi  que  le  veut  son  nom  romain,  «  Ma- 
trona'.  »  s'attarde  en  détours  charmants.  Voilà  le  devant  du  théâtre  avec  une 
coulisse  qui  laisse  entrevoir  Aï  à  gauche  el  Cumières  à  droite,  deux  gros 
bourgs  célèbres,  l'un  par  son  vin  blanc,  c'est  Aï;  l'autre  par  son  vin  rouge, 
c'est  Cumières.  Pour  le  fond  de  la  toile  et  les  coulisses  dernières,  c'est  Avize 
tout  au  bout,  à  l'horizon,  là  où  s'arrête  la  vue.  Devant  Avize,  le  pays  de  la 
tisane  de  Champagne,  s'avancent  et  se  groupent  à  droite,  à  gauche  et  sur 
les  côtés,  Cramant.  Chouilly,  Molins,  Moussy,  Pierry,  Grauves  et  bien 
d'autres  encore;  car  les  petites  villes,  les  bourgs,  les  hameaux,  les  maisons 
isolées  pullulent  dans  cette  fertile  contrée.  Du  haut  de  Bernon .  grand  tertre 
planté  d'un  petit  bois  de  sapins,  près  d'Épernay,  j'ai  compté  vingt-huit 
villages  de  très-bonne  venue,  parmi  lesquels  Epernay  qui  est  une  ville  et  Aï 
et  Damery  (]ui  ne  veulent  pas,  mais  pourraient  et  devraient  être  des  villes. 
Tout  ce  qui  est  aplat  est  prairie  verte;  tout  ce  qui  est  montucux  et  versant 
de  croupe  se  tapisse  de  vignes;  tout  ce  qui  est  cime  de  côte  ou  de  montagne 
se  couvre  de  bois  de  haute  futaie  et  de  forets  de  grands  chênes  ou  de  vieux 
ormes.  11  y  a  peu  de  places  chauves  dans  ces  épaisses  chevelures  d'arbres, 
de  vignes  et  d'herbes.  Puis,  comme  dans  la  nuit,  scintillent  sur  toute  cette 
végétation  foncée  des  constellations  de  villages;  ou  bien,  comme  de  petites 
étoiles  éparpillées  dans  le  ciel,  des  maisons  isolées,  que  presque  toutes  on 
appelle  des  folies.  On  fait  en  vérité  beaucoup  de  folies  en  Champagne,  mais 
des  folies  appropriées  à  la  nature  du  sol  et  au  tempérament  des  habitants  : 
des  folies  pour  le  vin.  Toutes  ces  maisons  ([ue  vous  voyez  éparses  abritent 
la  descente  des  caves  qui  portent  aujourd'hui  le  nom  des  fous  qui  les  ont 
creusées,  pas  si  fous  qu'ils  en  ont  l'air. 

Mais,  il  faut  U^.  dii'c,  dans  le  désert  de  la  Champagne  pouilleuse  ce  coin  de 
la  Cham[)agne  vineuse  est  une  oasis;  c'est  une  goutte  d'eau  dans  une  mer 
de  sable.  Kn  somme,  la  Champagne  est  un  assez  laid  pays. 


1.  Est-co  bien  là  l'étymologie  véritable?  Elle  va  bien  à  collp  parossouse  rivière,  ol  rien  n'est 
plus  facile,  par  syncope,  que  de  faire  «  Marna  »  de  «  Matrona  ». 


290  ANNALES  AUCIIÉOLOCJIOI^ES. 


11 


(Jiuiiil  aux  habitants,  c'est  autre  chose;  on  a  eu  tort  d'en  médire.  Il  y  a, 
dans  ce  champ  des  intelligences,  des  oasis  plus  nombreuses  que  dans  celui 
du  sol;  là  le  désert  est  plus  bariolé  de  lignes  fertiles.  Kn  topographie,  il  n  y 
a  qu'un  point  brillant,  d'Aï  à  Dormans ,  par  Épernay;  en  chronologie,  il  y 
en  a  plusieurs  par  siècle.  Déjà  M.  Michclct  a  noté  d'une  meilleure  marque, 
dans  son  «  Histoire  de  France  »,  la  province  de  Champagne,  et  réhabilité 
l'esprit  de  ses  habitants.  On  me  perniellra  de  copier  ce  qu'il  en  dit  : 

«  Le  génie  narratif  qui  domine  en  Champagne  s'étendit  en  longs  poèmes, 
en  belles  histoires.  La  liste  de  nos  poètes  romanciers  s'ouvre  par  Chrétien 
de  Troyes  et  Guyot  de  Provins.  Les  grands  seigneurs  du  pays  écrivent  eux- 
mêmes,  leurs  gestes  :  Villehardouin ,  Joinville  et  le  cardinal  de  Relz  nous  ont 
conté  les  croisades  et  la  fronde.  L'hisloire  et  la  satire  sont  la  vocation  de  la 
Champagne.  Pendant  que  le  comte  Thibaut  faisait  peindre  ses  poésies  sur 
les  murailles  de  son  palais  de  Provins,  au  milieu  des  roses  orientales,  les 
épiciers  de  Troyes  griffonnaient  sur  leurs  comptoirs  les  histoires  allégoriques 
et  satiriques  de  Renard  et  Isengrin.  Le  plus  piquant  pamphlet  de  la  langue 
est  dû  en  grande  partie  à  des  procureurs  de  Troyes,  Passerai, et  Pithou  : 
c'est  la  Satire  Ménippée.  La  Champagne  est  naïve  et  maligne;  elle  a  de  la 
grâce  et  de  l'ironie.  Sur  ces  plaines  blanches,  sur  ces  maigres  coteaux  mûrit 
le  vin  léger  du  Nord,  plein  de  caprices  et  de  saillies.  A  peine  doit-il  quelque 
chose  à  la  terie ;  c'est  le  fils  du  travail ,  de  la  société.  Là  aussi  crut  cette 
«  chose  légère  »  (La  Fontaine),  profonde  pourtant,  ironique  à  la  fois  et 
rêveuse  ,  qui  retrouva  et  ferma  pour  toujours  la  veine  des  fabliaux  ^.  » 

A  ces  bonnes  paroles  pour  une  province  méconnue,  je  n'ajouterai  que 
peu.  Sans  Tiieroulde,  l'auteur  de  la  «  Chanson  de  Roland  »,  Chrétien  de 
Troyes  serait  le  premier  et  le  plus  grand  poëte  épique  du  moyen  âge,  comme 
Guyot  de  Provins  en  est  le  plus  grand  poëte  satirique.  Villehardouin  est,  en 
date,  le  premier  prosateur  français,  et,  en  talent,  l'un  des  plus  souverains. 
Joinville  et  le  cardinal  de  Retz  n'ont  pas  besoin  que  je  les  fasse  valoir. 

Sur  la  Champagne  reluisent  encore  d'autres  noms  illustres  que  ne  cite  pas 
M.  Michelet:  saint  Rémi,  qui  constitue  la  royauté  en  sacrant  Clovis;  Flodoard 

1.  Michelet,  «  Histoire  de  Franco  ».  tome  ii,  p.  99-101. 


LA  CHAMPA(;NE   et   NOTRE-DAME   DE   L'ÉPINE.  297 

d'Epernay,  historien  de  style,  et  qui  rappelait  à  M.  Guizol^  Homère  faisant 
battre  Achille  contre  le  Xanthe,  lorsque  saint  Rémi  est  aux  prises  avec  un 
incendie  qui  dévore  la  ville  de  Reims;  Hincmar,  qui  fonde  la  hiérarchie 
ecclésiastique  et  doit  être  regardé  comme  le  précurseur  de  Grégoire  Vil,  de 
même  que  Colbcrt,  ministre  né  à  Reims,  est  le  père  des  grandes  industries 
de  France.  Mabiilon  ,  la  plus  grande  gloire  des  bénédictins,  appartient  à  la 
Champagne,  ainsi  que  le  savant  Thierry  Ruinart.  Pierre  Coinestor,  mort  en 
1179,  auteur  du  livre  le  plus  populaire  au  moyen  âge,  la  «  Bible  historiale  », 
était  doyen  de  Troyes  et  non  de  Trêves,  comme  l'ont  dit  par  erreur  ceux  qui 
ne  sont  pas  assez  familiers  avec  l'écriture  gothique.  Je  passe  Mignard  le 
peintre  et  Girardon  le  sculpteur,  qui  sont  de  Troyes;  je  passe  même  le  grand 
Racine,  qui  est  de  La  Ferté-Milon,  comme  La  Fontaine  est  de  Château- 
Thierry,  et  je  termine  par  les  deux  plus  illustres  architectes  du  moyen  âge  : 
Libergier,  qui  a  construit  Saint-Nicaise  de  Reims,  et  Robert  de  Coucy-,  qui 
en  a  bâti  la  cathédrale.  Je  voudrais  voir  ces  deux  hommes  de  génie  debout 
sur  les  deux  tours  de  Notre-Dame  de  Reims,  comme  Napoléon  sur  la  colonne 
Vendôme  :  ils  y  seraient  au  même  titre  assurément,  et  non  moins  solidement 
posés.  On  parle  de  terminer  ces  tours,  qu'on  dit  et  qu'on  croit  inachevées; 
en  sachant  bien  s'y  prendre,  ce  serait  peut-être  là  le  plus  économique  et  le 
plus  glorieux  moyen  d'achèvement  '. 

Parmi  les  œuvres  d'art  (jne  la  Champagne  peut  montrer  avec  fierté,  je 
noterai  ces  vitraux  sans  nombre  et  de  toutes  les  époques,  de  1230  à  1690, 
qui  remplissent  les  dix  églises  de  Troyes;  vitraux  admirables  de  couleurs  et 
merveilleux  de  sujets;  car  là  sont  peints  les  plus  poétiques  légendes,  notam- 
ment celle  de  la  croix.  11  n'y  a  pas  une  seule  ville  en  France,  pas  même 
Rouen,  où  éclate  une  pareille  splendeur.  De  Troyes.  où  étaient  établies  des 
manufactures  nombreuses  et  considérables,  à  ce  qu'il  parait,  des  vitraux 
allèrent  colorer  toutes  les  églises  des  villages  de  la  Marne,  toutes  les  églises 
de  Châlons''.  où  nous  les  admirons  aujourd'hui  encore. 


1.  Voyez,  dans  la  «Colleclion  dos  liistorions  do  Franco  »  Iradiiits  sous  la  direction  de  M. Guizot, 
la  préface  de  «  l'Histoire  de  l'église  de  Reims  »,  par  Frodoard  ou  Flodoard,  né  à  Épernay,en  894. 

2.  Coucy  appartient  à  la  Picardie  plutôt  qu'à  la  Champagne;  mais,  quand  on  a  fonde  et  bâti 
une  partie  de  la  calliédrale  de  Uoims,  on  a  reçu  les  grandes  lettres  do  naturalisation,  on  est  bour- 
geois de  la  ville  qu'on  illustre  ainsi  à  tout  jamais. 

3.  S'il  s'agissait  de  donner  la  nomenclature  des  hommes  illustres  de  la  Champagne,  il  y  aurait 
bien  d'autres  noms  à  citer,  sans  compter  Jeanne  d'Arc  qui  les  domino  tous  [wr  sii  grandeur,  et 
Gerson,  l'auteur  do  «  l'Imitation  »,  par  son  humilité. 

4.  Le  premier  peintre  sur  verre  qui  soit  connu  s'appelle  Roger,  el  il  est  de  Reims.  Il  devait 
vivre  au  x"  siècle.  C'est  lui  peut-ôlro  qui,  sous  rarcheviV]uc  Adalbéron,  vers  969,  éclaira  la  catlié- 

XXIV.  39 


208  ANNALKS   MICII  KOLOC.IOI' l'.S. 


III 


Mais  ce  qui  fail.  la  grandi:  gloire  de  la  Chainpapno.  c'est  qu'elle  possède 
deux  églises  dont  ruiie  cerlaincinent,  qualitcis  et  défauts  compensés,  est  la 
plus  belle  du  monde,  et  dont  l'autre  est  peut-être  la  plus  singulière,  la  plus 
curieuse  de  France;  toutes  deux  types  de  deux  genres  opposés.  L'une,  la 
cathédrale  de  Reims,  est  le  modèle  do  la  beauté  sévère  et  aristocratique; 
c'est,  comme  l'a  si  bien  dit  M.  Vitel,  le  partliénon  chrétien.  Cathédrale  aus- 
tère, sacerdotale,  le  soleil  presque  sans  taches  de  cette  architecture  gothique 
dont  tous  les  autres  monuments  sont  ternes  en  beaucoup  de  points,  et  défail- 
lants par  places.  L'autre,  c'est  Notre-Dame  de  L'Épine,  qui  fait  le  sujet  de  cet 
article,  une  église  perdue  dans  un  hameau,  une  simple  église  de  paroisse,  pas 
même  linc  abbaye,  bâtie  par  des  paysans,  sculptée  et  peinte  par  des  Cham- 
penois de  la  Champagne-Pouilleuse,  et  qui  est  le  type  de  l'architecture  gro- 
tesque, bourgeoise,  plébéienne,  satirique,  comme  la  Notre-Dame  de  Reims 
est  le  type  de  l'architecture  hiératique  et  royale.  Toutes  deux  belles  et  vrai- 
ment splendidcs.  L'une  solennelle  comme  une  tragédie  de  Corneille;  l'autre 
intelligente,  souple  et  spirituelle  comme  une  comédie  de  Molière.  L'une, 
espèce  d'Iliade  bâtie;  l'autre,  une  sorte  de  Pantagruel  en  pierre.  Notre-Dame 
de  l'Lpine  est  une  Notre-Dame  de  Reims  grotesque,  comme  Rabelais  est  un 
Homère  boulïon.  11  n'y  a  donc  pas  de  province  plus  noblement  douée  que  la 
Champagne,  puisqu'elle  chante  comme  Homère  et  rit  comme  Rabelais;  puis- 
que le  monde  de  l'art,  les  deux  hémisphères  esthétiques,  le  sérieux  et  le  gro- 
tesque, y  sont  si  parfaitement  représentés.  Aujourd'hui  nous  allons  parler  de 
Notre-Dame  de  l'Épine;  une  autre  fois,  plusieurs  autres  fois,  nous  revien- 
drons à  Notre-Dame  de  Reims,  dont  nous  avons  déjà  parlé  dans  les 
«  Annales  ». 


drale  de  foni^lres  à  personnages  et  sujets  hisloriés.  L'Iiistorien  Riclier,  moine  de  Saint-Remi  de 
Reims,  qui  écrivait  dans  les  dernières  années  du  x"  siècle,  dit  :  «  Quam  (ecclesiam  rhemensem) 
fenestris  diversas  coiitinentibus  historias  dilucidatam...  dédit  (Adalbero)  ».  —  Si  le  premier 
peintre  sur  verre  est  de  Reims,  on  peut  dire  que  les  derniers  peintres-verriers  sont  de  Troyes, 
car  Linard  Gontliier  y  travaille  do  160Gà  1648,  et  Nicolas  Cocot  en  1690.  La  Champagne  fail  donc 
l'aurore  et  le  soir  de  la  peinture  sur  verre.  Voyez  les  «  Peintres-verriers  de  Troyes  »,  par  .M.  le 
chanoine  Coffinet,  dans  les  «  Annales  Archéologiques  »,  vol.  xviii,  p.  212-224.  De  l'an  1373  à 
l'an  1690,  M.  CofTinet  compte,  nomme  et  date,  pour  la  seule  ville  de  Troyes,  62  peintres-ver- 
riers. —  Voyez  RicHER,  «  Historiarum  libri  quatuor  »,  édit.  J.  Guadet,  t.  ii,  livre  m,  p.  23-25. 


,A  CHAMPAGNK   KT   NOTHK-DÂME   DE   L'ÉPINE.  299 


IV 


Notre-Dame  de  l'Iipine  est  l'église  paroissiale  dun  village  situé  à  deux 
petites  lieues  de  Chàlons-sur-Marne,  route  de  Metz.  Dans  l'origine,  cet 
endroit  n'était  qu'une  maison  seigneuriale  qui  dépendait  de  l'abbaye  de 
Saint-Jean-de-Laon;  aujourd'hui  c'est  un  hameau  habité  par  des  fermiers 
qui  cultivent  la  plaine  environnante ,  et  par  des  hôteliers  qui  hébergent  les 
quelques  voyageurs  et  rouliers  de  Metz  à  Châlons  et  de  Châlons  à  Metz. 

La  Notre-Dame  de  ce  hameau  est  aux  églises  des  campagues  ce  qu'une 
cathédrale  est  aux  petites  églises  d'une  même  ville;  c'est,  dans  toute  la 
grandeur  du  mot,  une  cathédrale  de  village. 

Une  tradition,  malheureusement  erronée,  a  conservé  le  nom  des  artistes 
qui  auraient  bâti  ou  embelli  Notre-Dame  de  l'Épine. 

Ainsi,  elle  affirme  que  les  architectes  qui  construisaient  la  cathédrale  de 
Cologne  firent  le  tour  de  l'Europe  pour  semer  sur  leur  passage  les  plus 
belles  conceptions  architecturales,  et  qu'ayant  mis  pied  ;\  terre  dans  la 
Champagne,  ils  donnèrent,  à  la  fin  du  xiv''  siècle,  le  plan  de  Notre-Dame 
de  l'Épine.  Cette  tradition  n'est  pas  bien  ancienne;  elle  n'a  pas  plus  de  cin- 
quante ans,  car  elle  date,  si  je  ne  me  trompe,  de  M.  Sulpice  Boisserée,  le 
célèbre  archéologue  de  Cologne.  Vers  1815,  M.  Boisserée  passait  à  l'Epine 
dans  une  chaise  de  poste.  II  s'y  arrêta  une  heure  ou  deux  pour  en  visiter 
l'église,  et  découvrit  sur  l'un  des  chapiteaux  du  sanctuaire,  h,  l'abside,  une 
inscription  alors  empâtée  de  badigeon  ([u'il  lut  ainsi  : 

l'an    MCiaV-    ET    XCVn    GIICHART   ANTIIOMS    •     COL    •      SACEU    •     Non    •    ACTEC    • 

J'ignore  comment  il  comprenait  la  date  et  les  deux  derniers  mots;  mais  de 
COL.  SACEU.,  il  fit  coLONiENSis  SACEiiDOs  et  en  conclut  que  Guichart  Anlho- 
nis,  prêtre  de  Cologne,  avait  fondé,  bâti  ou  seulement  achevé  Notre-Dame 
de  l'Epine.  J'ai  raconté  dans  les  «  Annales  Archéologiques  »  (vol.  ix,  p.  24), 
en  note  à  un  article  de  notre  pauvre  ami  l'élix  de  Verneilii,  sur  la  cathé- 
drale de  Cologne,  comment  il  fallait  lire  cette  inscription  dont  j'ai  donné, 
dans  cette  même  page,  un  rac-simile.  Cette  inscription  n'est  p;is  en  latin, 
mais  en  français,  en  orthographe  et  patois  champenois  du  xvi"  siècle;  elle  dit 
tout  simplement  : 

l'an  •    Mir.  •   y'  ET  •   xxiui  c.ijichaut  anthoinb  •   tos  ■   cathb  •   nos  ■   at  fet 


300  ANNM.RS  \iu;ii [^oi.f)r.ioir:s. 

Il  s'agit  effectivcinciit  «les  quatre  piliers,  bases,  fûts  et  chapiteaux  du 
centre  de  l'aiisidc,  au  fond  du  sanctuaire,  qui  ont  Mt  faits  ou  refaits  en 
môme  temps,  au  xvi'  sifïcle,  par  cet  Antlioino  (juicliarl  qui,  quatre  ans  aupa- 
ravant, avait  «également  apposé  sa  signature  sur  l'église  de  Courtisols,  à  une 
demi-Iieuc  de  J'Kpitic*, 

Une  tradition  plus  ancienne,  mais  non  moins  erronée,  allribue  îi  un  Irlan- 
dais du  nom  de  l'alrik  le  plan  et  les  premières  constructions  de  l'i'ipine.  Cet 
Irlandais,  et  en  cela  ce  pourrait  être  vrai,  se  serait  sauvé  au  beau  milieu  de 
son  travail,  en  faisant  banqueroute  et  en  emportant  la  caisse  de  ses  ouvriers. 
Cette  tradition  date  de  l'époque  où  l'on  attribuait  aux  y\nglais  toutes  nos 
constructions  en  gothique  fleuri,  de  1350  à  1/|50;  mais  elle  n'en  est  pas  plus 
authentique  pour  cela. 

Il  n'y  a  de  certain  ,  dans  ces  rumeurs  populaires,  que  la  signature  du 
Champenois  Anthoine  Guichart,  maître  maçon  ou  sculpteur,  peut-être,  à  Chà- 
lons-sur- Marne,  si  ce  n'est  même  tout  bonnement  à  Courtisols. 

Notre-Dame  de  l'Kpino  est  donc  bien  parfaitement  champenoise,  et  le 
prêtre  de  Cologne  pas  plus  que  le  voleur  irlandais  n'ont  i-ien  h.  y  voir. 

Les  nombreuses  grimaces  de  pierre  que  vous  font  dans  cette  église  des 
masques  grotesques  ou  indécents,  les  malices  naïves  et  spirituelles  des  gar- 
gouilles qui  décorent  les  deux  étages  de  l'édifice  ,  les  saletés  lubriques  ou 
satiriques  des  consoles  qui  reçoivent  les  retombées  de  plusieurs  cordons  d'ar- 
chivoltes, vous  l'appellent  le  Champenois  La  Fontaine,  type  admirable  de  cette 
bonhomie  des  habitants  de  la  Marne,  passée  en  proverbe.  C'est  un  Champe- 
nois ,  le  père  et  le  compatriote  de  Passerat  et  de  Pithou ,  qui  a  vivifié  ces 
pierres,  qui  leur  a  donné  la  forme  de  bêtes  grotesques  et  d'hommes  cyniques , 
pour  la  perpétuelle  édification  de  la  postérité.  Anthoine  Guichart  est  un 
La  Fontaine  en  sculpture  ;  mais  un  La  Fontaine  toujours  bouffon  et  souvent 
grossier,  inclinant  plutôt  encore  vers  Rabelais  que  vers  l'auteur  des  contes. 

Projetée  dans  le  courant  du  xiv*  siècle ,  alors  que  se  posait  la  dernière 
pierre  de  la  cathédrale  de  Reims,  Notre-Dame  de  l'Lpine,  commencée  dans 
les  premières  années  du  xv%  fut  terminée  au  conmiencement  du  xvi";  Anthoine 
Guichart,  qui  sculpta  les  piliers  en  1524,  fut  probablement  le  dernier  artiste 
qui  ait  travaillé  à  cette  église. 

I.  En  1834,  i'iii  (léijadigoonné  moi-même,  avec  une  éponge  imbibée  d'eau,  cette  inscription 
si  singulièrement  lue  par  M.  Sulpice  Boisserée.  Au  bout  de  cinq  minutes  de  travail,  j'avais  le 
plaisir  de  lire  nettement  ces!  beaux  caractères  gothiques  et  j'avais  le  bonheur  de  restituer  non- 
soulemcnt  ii  la  France,  mais  à  la  Champagne,  un  artiste  dont  l'éminent  archéologue  de  Cologne 
voulait  bien  indûment  enrichir  son  pays  et  sa  ville. 


LA  CJiAMPAGNt:  ET  NOTRE-DAME  DE  L'ÉPI.NE.  301 


Quoique  bâtie  à  une  époque  où  le  gothique  était  en  pleine  décadence , 
durant  ce  xv'  siècle  si  lourd  et  si  pédant,  si  grossier  dans  le  choix  des  sujets 
qu'il  sculpta  ou  peignit,  si  convulsionnaire  dans  les  formes  qu'il  avait  adop- 
tées, Notre-Dame  de  l'Épine  est  encore  de  très-bon  goût.  C'est  que  de 
l'Épine  à  Reims  il  n'y  a  qu'une  dizaine  de  lieues,  et  que  la  glorieuse  ville  de 
Reims  possède  la  plus  admirable  cathédrale  que  le  christianisme  ait  jamais 
élevée  à  Dieu  ;  c'est  qu'en  présence  d'un  tel  chef-d'œuvre,  les  artistes  qui 
bâtirent  l'Épine  ne  pouvaient  pas  faillir  comme  tous  les  autres  artistes  de 
leur  temps.  Un  grand  homme  donne  le  ton  à  son  siècle  :  les  Macédoniens 
penchaient  l'épaule  comme  Alexandre  ;  une  cathédrale  aussi  doit  faire  la  loi 
aux  églises  qui  l'entourent.  Or,  comme  on  entend  sonner  à  plusieurs  lieues  le 
bourdon  de  Notre-Dame  de  Reims,  on  peut  bien  respirer,  à  la  même  distance 
à  peu  près,  le  parfum  d'art  qui  s'exhale  de  cette  cathédrale.  A  la  pre- 
mière vue,  on  sent  instinctivement  l'influence  que  le  chef-d'œuvre  de  Reims 
exerça  sur  Notre-Dame  de  l'Épine;  à  la  seconde,  on  s'en  rend  compte  ma- 
tériellement. 

En  effet,  à  Notre-Dame  de  l'Épine,  comme  à  Notre-Dame  de  Reims,  une 
draperie  de  pierre  décore  le  soubassement  du  portail  ;  avec  cette  unique  dif- 
férence qu'à  Reims  c'est  à  l'occident  qu'elle  se  déploie,  et  au  sud  à  l'Épine. 
A  l'Épine,  comme  à  Reims,  et  dans  ces  deux  belles  églises  seulement,  le 
portail  occidental,  quoique  adhérent  à  la  nef,  y  est  tellement  bien  ajusté  et 
soudé ,  qu'à  l'intérieur  on  ne  se  douterait  pas  de  son  existence.  On  ne  peut 
soupçonner  qu'an  dehors  monte  au  ciel  un  portail  gigantesque  qui,  à  lui 
seul,  est  tout  un  monument. 

A  l'occident,  regardez  cette  porte  centrale  llanquée  à  droite  et  à  gauche 
de  deux  portes  plus  étroites,  plus  basses,  moins  décorées,  comme  un  prêtre 
qui  se  montre  entre  deux  acolytes  plus  petits  et  moins  richement  vêtus  que 
lui.  Voyez  ces  trois  portes  coiffées  de  pignons  dont  celui  du  centre  porte 
triomphalement  Jésus  sur  la  croix  ;  voyez  les  tympans  de  deux  portes  laté- 
rales non  aveuglés  par  des  tables  de  pierre,  comme  dans  la  plupart  des 
églises  de  France,  mais  au  contraire  tout  ouverts,  percés  à  jour  et  flam- 
boyants de  vitraux,  pour  que  le  soleil  couchant  vienne  s'y  rcllétcr  cl  s'y 
reproduire  comme  une  ligure  se  repèle  dans  un  miroir.  Voyez  celte  rose  h 
seize  rayons,  encadrée  dans  une  ogive,  connne  le  globe  de  l'ut-il  entre   les 


a02  ANNALKS  AIlCIIKOl.OiJ  l^LliS. 

deux  paupières;  laiidis  (ju'ailliMir.s,  k  Cliailros  par  exemple,  l'o'il  existe, 
niai.s  non  les  paupières,  le  tableau  et  non  son  cadre.  Voyez  ces  piliers  bou- 
tants décorés  d'arcades  à  fines  moulures  dans  leur  hauteur,  et  portant  des 
clocliolons  délicats  connne  un  |)iodestal  porte  une  statue.  Voyez  ces  deux 
loins  aiguës  qui  encadrent  et  donn'nent  le  portail,  comme  les  deux  cornes  de 
llamme  (|ui  encadraient  et  dominaient  le  front  de  Moïse;  et  vous  vous  raj)- 
pellerez  les  iiortcs,  les  tympans,  les  pif^nons .  la  rose,  les  piliers  boulants, 
les  tours  de  \otrc-Uamc  de  Reims. 

Entre  ces  deux  églises,  bien  dilïérentes  cependant  quant  h  la  date  de  la 
construction,  quant  aux  dimensions  monumentales,  quant  à  la  richesse  de  la 
sculpture,  les  analogies  sont  très-frappantes  :  vieillissez,  agrandissez,  enri- 
chissez l'Kpine,  et  vous  aurez  Reims. 

A  l'Epine,  comme  à  Reims,  un  banc  de  pierre  longe  en  dedans  le  mur  des 
nefs  latérales,  pour  que  le  pauvre  peuple  puisse  s'y  reposer;  à  l'Épine,  comme 
à  Reims,  un  pilier  rond,  cantonné  de  quatre  colonnes  engagées,  soutient  les 
grandes  arches  de  la  nef;  à  l'Epine,  conime  à  Reims,  une  galerie  délicate 
est  pratiquée  dans  l'épaisseur  du  mur  de  la  grande  nef  et  circule  k  l'intérieur, 
tout  au  pourtour  du  vaisseau. 

L'Epine  a  le  plan  et  la  coupe  de  Kotre-Dame  de  Reims.  En  plan  trois  nefs 
dont  les  deux  latérales  tournent  autour  du  chœur.  Puis  cinq  chapelles  pour 
l'abside,  et  deux  sur  les  flancs  des  croisillons;  toutes  sept  entourent  ce  chevet, 
dont  l'étyraologie  et  la  forme  rappellent  une  tête,  et  lui  font  une  auréole  à  sept 
rayons,  un  nimbe,  comme  le  nimbe  qui  décore  la  tête  de  Jésus-Christ.  Mais 
aussi  pas  une  seule  chapelle  ne  gonfle  les  côtés  des  contre-nefs;  car  l'Épine  à, 
eu  le  même  bonheur  que  Reims.  A  Paris,  Amiens,  Troyes,  etc.,  les  xiv"  et 
xv°  siècles  crevèrent  les  murs  des  nefs  latérales  pour  pousser  en  saillie  des 
chapelles  dans  chaque  travée.  Ces  rejetons  qui  pullulent  autour  de  la  grande 
église,  ces  boutons  qui  hérissent  toute  la  tige  d'aspérités,  boursouflent  et  em- 
pâtent le  plan. 

L'Épine  est  pure  :  le  tronc  n'a  pas  bourgeonné  et  son  épanouissement 
n'est  qu'au  sommet  comme  aux  plus  nobles  arbres.  L'Épine,  ainsi  que  la 
cathédrale  de  Reims,  n'a  pas  permis  que  les  siècles  postérieurs  vinssent 
déposer  des  chapelles  tout  autour  d'elle  pour  en  altérer  son  plan. 

En  coupe,  c'est  encore  Reims,  ainsi  que  je  l'ai  annoncé,  à  propos  des 
piliers  et  de  la  galerie.  Puis,  à  l'Epine  comme  à  Reims,  quatre  faisceaux  de 
colonnes  lilenl  sans  interruption  du  pavé  à  la  voûte,  pour  aller  porter  le 
centre  de  la  croisée,  tandis  que  des  faisceaux  semblables  vont  élever  en  l'air 
les  tours  du  portail  occidental. 


LA  CHAMPAGNE  ET  NOTRE-DAME   DE  L'ÉPINE.  303 

Comme  >^otre-Dame  de  Reims,  Notre-Dame  de  l'Épine  fut  bâtie  sans 
interruption  et  coulée  d'un  jet;  mais  ce  jet  plein  de  sève  donna  pendant  cent 
cinquante  ans.  Une  église  bien  faite,  une  église  normale,  c'est  comme  une 
statue  de  bronze  :  à  la  statue  on  commence  par  couler  la  tête,  puis  les 
épaules,  la  poitrine  et  les  bras,  le  corps,  les  jambes  et  ]e%  pieds;  à  l'Epine, 
la  pierre  comme  le  bronze  suivit  cet  ordre.  Ce  fut  d'abord  l'abside  qui  soi-tit 
du  moule,  puis  le  chœur,  puis  les  bras  du  transept,  puis  la  longueur  des 
nefs,  et  enfin  le  portail  qu'on  peut  assimiler  aux  pieds  du  Christ  ;  car  le  por- 
tail est  troué  de  portes  comme  les  pieds  de  Jésus  furent  percés  de  clous  sm* 
la  croix.  On  suit  la  progression  des  siècles,  depuis  l'abside  qui  est  à  l'est, 
jusqu'au  portail  qui  est  à  l'ouest.  C'est  une  sorte  de  course  architecturale 
comme  celle  du  soleil  qui  va  de  même  d'Orient  en  Occident.  L'architecture 
de  l'Épine  se  lève  à.  l'abside  et  se  couche  au  grand  portail.  —  On  peut  s'en 
tenir  à  ces  points  de  comparaison  pour  établir  et  démonti'er  l'influence  toute- 
puissante,  quoique  à  deux  cents  ans  de  date  et  à  plusieurs  lieues  de  distance, 
que  la  cathédrale  de  Reims  exerça  sur  cette  église. 

L'I'lpine  n'est  donc  qu'une  con Ire-épreuve  réduite  de  Notre-Dame  de 
Reims;  mais  en  qucl(|ues  endroits  on  a  retouché  cette  seconde  édition.  Ainsi, 
à  Reims,  les  verrières  des  nefs  latérales  sont  de  mêmes  formes,  de  mêmes 
divisions  que  les  hautes  verrières  de  la  grande  nef.  Cependant  la  nef  centrale 
est  la  nef  d'honneur  :  elle  est  la  plus  haute,  la  plus  large,  la  plus  ornée.  Les 
verrières,  par  conséquent  devraient  se  distinguer  des  autres  par  des  additions 
et  des  délicatesses  spéciales.  L'Épine  a  mieux  saisi  et  mieux  respecté  les 
droits  de  la  hiérarchie  :  les  fenêtres  latérales  n'ont  que  trois  panneaux,  les 
fenêtres  supérieures  en  étalent  quatre. 


VI 


Indépendamment  des  causes  favorables  qui  présidèrent  à  la  naissance,  îi 
la  création  et  au  développement  de  Notre-Dame  de  l'Épine,  cette  église  a  eu 
un  autre  bonheur  :  c'est  qu'elle  a  conservé,  du  moins  en  grande  partie,  son 
ameublement  ancien.  Pendant  que  la  tempête  de  1793  brisait  avec  tant  de 
fureur  les  sculptures  de  Saint-É^tienne  et  de  Notre-Dame  de  Chàlons,  pendant 
qu'elle  en  réduisait  loul  lo  mobilier  on  cendres,  elle  laissait  en  paix  Notre- 
Dame  de  l'Epine.  La  trombe  politique  courut  ailleurs  et  ne  creva  pas  sur  le 
hameau  privilégié.  Aussi  devons-nous  à  cet  oubli  la  conservation  de  ce  joli 
jubé  en  gothique  llamboyant  qui,  de  la  nef,   ne  permet  de  voir  le  maître- 


30/(  ANNAI.r.S  MU'.ilKOI.Or.lOI  r.s. 

aulel  (|ii'à  travers  des  ciilrelacs  et  des  leuillii^cs  de  pierre,  ainsi  que  dans  la 
caiiipafînc  on  n'aperçoit  souvent  un  liorizon  lointain  qu'k  travers  des  arbres. 
Co  jul)é,  moitié  en  style  de  la  renaissance,  moitié  en  style  gothique,  est 
percé,  ain>i  (lu'un  are  de  triomphe,  de  trois  arcades  qui  enlèvent  en  l'air 
Jésus  rrucilii'-.  Le  Christ  est  pleuré  <i  droite  par  la  sainte  Vierge,  sa  mère,  et 
à  gauclie  par  saint  Jean,  son  ami.  On  monte  à  la  plate-forme  de  ce  jubé  par 
un  escalier  à  vis,  très-étroit.  Sur  la  balustrade  est  fixé  un  livre  de  pierre  qui 
sert  de  pupitre  pour  chanter  surtout  la  Passion,  le  jour  du  vendredi  saint. 
Le  dos  et  les  plats  de  ce  livre  reposent  sur  une  large  feuille  de  chou,  sur 
laquelle  raiii|)C  et  bave  un  escargot.  Très-souvent  le  pupitre  où  se  chantent 
les  leçons  et  les  évangiles  est  porté  par  ini  ange,  l'attribut  de  l'évangéliste 
saint  Mallhieu;  plus  souvent  encore  par  un  aigle,  le  sublime  attribut  de  saint 
Jean,  il  fallait  être  vraiment  Champenois  rustique  et  Champenois  de  la  re- 
naissance, pour  avoir  remplacé  l'ange  et  l'aigle  par  un  escargot  visqueux.  Il 
n'y  a  peut-être  pas  ailleurs  une  église  où  le  trivial  se  montre  avec  autant 
d'eUVonterie.  et  cependant  nous  sommes  fort  heureux,  pour  l'art  et  l'histoire, 
que  les  convulsions  politiques  ou  religieuses  n'aient  pas  ruiné  ces  grotesques 
sculptures. 

A  cet  oubli  des  révolutions  nous  devons  la  gracieuse  clôture .  moitié 
gothique  et  moitié  renaissance  comme  le  jubé,  qui  enferme  le  ehœur  dans 
un  treillis  de  pierre;  nous  lui  devons  un  i)etit  monument  en  style  fleuri,  qui 
servait  probablement  de  custode,  et  qui,  saisi  par  la  clôture  du  sanctuaire, 
renferme  et  abrite  aujourd'hui  une  peinture  de  la  Vierge,  entourée  de  ses 
attributs.  Je  crois  qu'il  n'existe  nulle  part  en  France  un  monument  analogue, 
espèce  de  châsse  en  pierre  destinée  à,  conserver  l'Eucharistie.  Ici,  cette  jolie 
niciie,  qui  est  un  abrégé  réduit  et  corrigé  du  portail  occidental,  est  toute 
parfumée  des  litanies  si  poétiques  de  la  Vierge,  de  ces  litanies  qui  la  procla- 
ment belle  comme  la  lune,  colorée  comme  la  rose,  pure  comme  le  lis,  blanche 
comme  l'ivoire.  Toutes  ces  louanges  sont  résumées  dans  des  vers  français 
du  xvf  siècle,  contemporains  et  compatriotes  de  cette  niche  de  l'Epine. 
Us  sont  écrits  avec  la  navette  sur  une  tapisserie  de  la  cathédrale  de  Reims, 
représentant  la  Vierge  qui  fait  elle-même  de  la  tapisserie,  et  qui  est  admirée 
par  deux  licornes.  La  licorne  est  le  symbole,  au  moyen  âge,  de  la  virginité,  de 
la  pureté  immaculée,  parce  que.  dit  cette  époque  plus  satirique  et  moins 
naïve  qu'on  ne  pense  généralement ,  la  licorne  est  si  rare  qu'on  ne  l'a 
presque  jamais  vue  : 

Marie,  vierge  chaste,  de  malin  estoiie, 
Porte  du  ciel,  comme  soleil  eslue, 


LA   CHAMPAGNE   ET  NOTRE-DAME  DE  L'ÉPINE.  305 

Puys  (le  vive  eaue,  ainsy  que  lune  belle. 

Tour  (le  David,  fys  de  noble  value, 

Citi;  de  Dieu,  clair  mirouer  non  pollue, 

Cèdre  exalté,  distillante  fontaine, 

En  ung  jardin  fermé  est  résolue 

De  bésongnier,  et  sy  de  grâce  est  pleine. 

Les  plus  petits  détails  sont  conservés  dans  cette  église,  jusqu'à  ces  choses 
légères  que  le  temps  enlève  d'un  coup  de  ses  ailes  ou  d'iui  soulïle  de  sa  bou- 
che. Les  autels  et  piscines  des  chapelles  du  rond-point  sont  tous  de  la  renais- 
sance et  parfaitement  intacts.  Les  ornements  y  courent  aussi  légers  que  le 
chèvrefeuille  sur  le  berceau  d'un  jardin.  Une  de  ces  chapelles,  qui  sert  et  a 
toujours  servi  de  sacristie,  est  séparée  du  pourtour  du  sanctuaire  par  une 
clôture  en  pierre  percée  à  jour.  Cette  chapelle  conserve  encore  des  traces 
importantes  de  peintures  à  fresque.  Enfin,  un  joli  pavement  en  carreaux  ver- 
nissés, à  dessins  gracTieux  et  très-variés,  orne  l'étage  supérieur  du  jubé,  ainsi 
que  les  chapelles  absidales,  qui  rayomicnt  au  pourtour  du  sanctuaire.  Quand 
on  bat  du  pied  cette  peinture  en  émail  et  cuite  au  l'eu;  ([uand  on  a  sur  la  tète 
la  peinture  des  voûtes  à  fresque  et  séchée  au  soleil  ;  quand  sur  les  murs  qui 
vous  coudoient  on  contemple  la  peinture  opaque  que  viennent  éclairer  des 
rayons  de  soleil  qui  passent  à  travers  les  peintures  transparentes  et  historiées 
des  vitraux,  on  est  longtemps  dans  le  ravissement.  C'est  réellement  le  jardin 
de  l'art;  et  peut-être  que  ce  jardin  est  plus  haut  en  couleurs,  plus  varié  et 
plus  abondant  en  formes  que  la  nature  elle-même  ne  pounail  le  réaliser  dans 
un  site  de  i)rédilection.  Et  pourtant,  rappelez-vous  que  vous  n'êtes  que  dans 
un  village,  que  ce  village  est  en  Champagne  et  dans  cette  partie  de  la  Ciiam- 
pagne  qu'on  appelle  Pouilleuse,  qui  est  plate,  crayeuse  et  stérile!  L'art  est 
vraiment  royal  dans  ses  générosités;  il  sème  des  perles  partout  où  il  croit 
voir  des  mains  tendues  pour  les  recueillir. 

Un  puits  miraculeux  est  creusé  dans  l'axe  du  croisillon  septentrional;  son 
eau,  qui  guérit  d'une  foule  de  maladies,  est  le  but  de  nombreux  pèlerinages. 
Deux  troncs  en  bois,  bardés  de  fer  et  accolés  contre  les  piliers  du  jubé,  sont 
de  la  même  époque  que  ce  petit  monmnent.  Ces  troncs  re(;oivent  les  olïrandes 
que  les  malades  guéris  par  l'eau  du  piiils,  (juc  les  femmes  enceintes  qui 
accouchent  d  iiii  gari;oii,  après  avoir  tiré  d'iiiie  certaine  manière  la  corde  de 
la  plus  harmonieuse  des  cloches,  vieniu'iil  y  jeter  par  reconnaissance  *. 

1.  Los  anciens  troncs  sont  lort  rares;  ceux  de  l'E|nni'.  je  uf  |iiii|irisc  pus  de  los  irniler,  car  ils 
sont  grossiers,  offrent  cependant  do  l'intorôt. 

xxiv.  iO 


306  ANNAI.r.S   ARCIlf.OI.OOigi  KS. 


Vîl 


liiilin  un  orgue,  dont  le  buffet  est  orné  de  sculptures  de  la  renaissance, 
s'élève,  comme  à  Noire-Dame  de  Reims,  contre  le  mur  septrional  du  croisillon 
nord,  et  ab;it  des  masses  d'harmonie  sur  le  centre  de  la  croisée.  A  ce  centre, 
qui  est  le  chonir  de  l'édifice  cl  où  s'élèvent  le  jubé  et  la  Vierge  miraculeuse  de 
l'église,  viennent  aboutir  les  ondes  sonores  de  l'orgue,  les  chants  du  clergé, 
les  prières  des  fidèles,  comme  au  cœur  de  l'homme  afflue  le  sang  de  toutes 
les  veines. 

Le  bullot  de  l'orgue,  un  des  plus  curieux  de  France,  mérite  une  mention 
spéciale.  11  se  compose  de  ti'ois  parties  :  d'un  avant-corps  qui  est  au  centre  et 
qui  fait  saillie,  de  deux  arrière-corps  en  i-etraite  et  sur  les  côtés.  Sur  ces  par- 
ties rentrantes,  humbles,  cachées,  sacrifiées  évidemment  à  la  partie  centrale 
qui  se  porte  orgueilleusement  en  avant,  se  tiennent  debout,  sculptés  en  reliefs 
très-bas,  dans  des  arcades  circulaires,  saint  Pierre,  saint  Paul,  saint  Jean, 
saint  Jacques  à  droite;  à  gauche,  saint  André,  saint  Barthélémy,  saint  Phi- 
lippe, saint  Simon.  Ils  sont  caractérisés  tous  les  huit  par  leurs  attributs  :  saint 
Pierre  par  les  deux  clefs,  dont  l'une  ouvre  et  l'autre  ferme  le  paradis;  saint 
Barthélémy  par  le  couteau  qui  la  écorclié  vif.  et  ainsi  des  autres.  Tous  les 
huit  en  longue  robe  et  en  grand  manteau  d'assez  bonne  étofîe.  Ces  apôtres, 
qui  ne  sont  pas  même  au  complet,  puisqu'il  n'y  en  a  que  les  deux  tiers,  cèdent 
le  pas  et  la  place  d'honneur  à  sept  des  principaux  dieux  du  paganisme.  Ainsi, 
le  Paradis  s'éclipse  et  recule  devant  l'Olympe;  à  l'Épine,  le  moyen  âge  pâlit 
devant  la  renaissance.  Ils  sont  là  tous  les  sept,  ces  dieux  païens,  s'enlevant 
en  forte  saillie  sur  l'avanl-corps  du  bullèt,  étincelant  à  tous  les  regards  qu'ils 
attirent,  tandis  qu'il  faut  aller  chercher  de  ses  deux  yeux,  ou  plutôt  de  sa 
lunette  d'approche,  les  pauvres  apôtres  des  arrière-corps,  et  qui  battent  on 
retraite  dans  l'ombre. 

C'est  d'abord  Apollon  qui  tient  un  gros  soleil  dans  la  main  droite,  la  main 
la  plus  forte.  Apollon  est  un  gros  jeune  homme  de  vingt  ans  ;  il  est  habillé  en 
femme  ;  car  la  renaissance,  qui  savait  son  archéologie  païenne,  avait  remar- 
qué que  les  Apollons,  virils  quant  au  sexe,  étaient  elTéminés  quant  aux  for- 
mes. C'est  un  Apollon  du  Belvédère,  mais  bourgeois  de  tournure,  trivial  de 
physionomie,  et  suant  sous  des  habits  qu'il  a  de  la  peine  à  porter. 

Près  de  lui,  c'est  Diane,  sa  sœur,  un  peu  plus  chaste,  au  moins  mytho- 


LA   CHAMPAGNE   KT  NOTRE-DAME  DE  L'ÉPINE.  307 

logiquement  parlaiil,  que  son  frère  si  volage,  ici  Diane  est  une  bonne  femme 
dudue,  vêtue  jusqu'aux  genoux  d'un  pantalon  boulfanl,  nue  au  reste  des  jam- 
bes. Elle  tient  de  la  main  droite  le  croissant  de  la  lune  qui  a  la  forme  d'une 
tranche  de  melon.  Tout  le  costume  de  cette  déesse,  farouche  et  virginale  dans 
la  mythologie,  est  celui  d'une  bonne  grosse  commère  champenoise,  h  poitrine 
saillante  et  un  peu  molle,  connne  si  elle  avait  déjà  nourri  plusieurs  en- 
fants. 

La  vierge  Diane  est  prise  entre  deux  libertins;  car  à  sa  droite  est  Apollon, 
et  Mars  à  sa  gauche.  Mars  a  l'attitude  d'un  suisse  d'église,  mais  d'un  suisse 
belliqueux;  il  est  au  repos,  appuyant  la  main  gauche  sur  une  hallebarde.  Son 
costume  voudrait  être  celui  d'un  empereur  romain  ;  car  il  a  les  pieds  chaus- 
sés de  bottines,  la  cuirasse  antique  au  poitrail,  les  jambes  et  les  bras  nus.  un 
casque  sur  la  tête. 

Après  Mars  arrive  Mercure;  après  la  guerre,  la  paix.  Mercure  porte  à  la 
main  droite  un  caducée  long  comme  une  canne.  11  embouche  une  trompette 
connue  un  charlatan  qui  veut  attirer  la  foule.  Cette  trompette  est  la  double 
flûte  dont  ce  musicien  vulgaire  est  l'inventeur.  Il  a  une  mine  intelligente, 
pleine  d'adresse,  une  vraie  tournure  de  tilou  ;  il  est  coilfc  d'un  grand  chapeau 
à  cornes,  comme  ces  chanteurs  des  rues  qui  s'habillent  en  vieux  marquis,  et 
qui,  de  leur  voix  aigre,  écorchent  les  oreilles  de  Paris.  11  est  vêtu  d'une  blouse 
qui  lui  descend  à  mi-jambes,  et  sur  laquelle  retombe,  à  la  poitrine,  sa  flûte 
double,  comme  un  rabat  de  magistrat. 

Près  de  ce  rusé  coquin  est  le  vieux  Jupiter  habillé  comme  Mars  ;  mais  coiffé 
d'une  couronne  et  non  d'un  casque,  car  il  est  roi  du  ciel.  Jupiter  porte  une 
barbe  longue  et  vénérable  qui  fait  pendant  et  opposition  à  la  petite  barbe 
courte  et  frisée  de  Mars.  De  la  main  droite  il  brandit  des  foudres  en  bois 
blanc.  Sa  figure,  surtout  lorsqu'on  quitte  celle  de  Mercure,  paraît  assez  niaise, 
et  rappelle  un  passage  que  voici  de  la  légende  de  saint  Martin  :  «  Le  grand 
évoque  de  Tours  était  souvent  lutine  par  le  diable  qui  se  montrait  volontiers 
à  lui  sous  la  forme  des  dieux  du  paganisme,  tantôt  déshabillé  comme  Vénus, 
tantôt  affublé  de  la  mine  de  Mercure,  ou  coiiVé  de  la  tète  de  Jui)iter.  Vénus 
n'avait  aucune  prise  sur  saint  Martin,  mais  Mercure  le  tourmentait  horrible- 
ment :  «  Mercuriuin  » ,  dit  la  «  Légende  Dorée  » ,  «  maxime  paliebalur  infeslum  » . 
Saint  Martin  les  recoiniaissait  tous  et  les  insultait  en  les  apostrophant  par  leurs 
noms.  Tais-toi,  disait-il  à  Jupiter,  tu  n'es  qu'une  brûle  et  un  imbécile  :  «  Jovem 
brutum  atque  hcbelcm  dicebat  ».  Eh  bien!  ce  Jupiter  de  saint  Martin  semble 
avoir  été  sculpté  on  bois,  douze  cents  ans  |)lus  lard,  à  l'orgue  de  Notre-Dame 
de  l'Epine. 


308  ANNALES  AKCIlÉOLOfJIOl'F.S. 

.Iti|)il(ir  coudoie  une  reiiiriif.  forte;  et  Rrassc  :  c'est  V('*nus;  mais  uiu'  Vôiius 
du  \vi"  siècle,  une  Vénus  de  villa^n.  Du  rcsie,  le  costume  est  historique  ou 
.'i  |H'(i  jir^s;  car  il  y  a  nndil»'!  parfaite.  Ccjjendant,  aux  reins  est  lié  un  court 
jupon.  Mais,  il  faut  le  diir  ;i  riioiincur  de  Vénus,  ce  jupon  rembarrasse,  et 
de  la  main  f^auclic  elle  Ir  relcv(!  tant  ([u'elle  |)eul.  Elle  pose  la  main  droite  sur 
la  tète  d'un  petit  bonhomme  ailé  et  f[ui  est  l'Amour.  l.'Amour  est  aussi  paysan 
que  sa  mrrc. 

I'!iilin.  prrs  de  Vénus  es!  .S.ilnrne;  le  \)\us  âgé  des  dieux  près  de  la  plus 
jeune  déesse.  Comme  Vénus,  Salm'nc  a  près  de  lui  son  fils,  mais  c'est  pour 
le  dévorer.  Ce  Temps  champenois  tient  de  la  main  droite,  au  lieu  de  la  faux 
mylholof^ique,  une  faucille  rustique.  Il  appuie  son  ai.sselle  droite  sur  une 
béquille,  comme  s'il  était  boiteux,  tandis  ([u'au  icré  de  tout  le  monde  il  court 
beaucoup  trop  vite.  De  la  main  gauche  il  tient  un  petit  enfant  tout  nu,  qui  ne 
voudrait  ])as  se  laisser  dévorer,  et  qui  tire  avec  colère  les  poils  de  la  barbe  de 
son  père  anthropophage.  Du  r(>ste,  ce  Saturne  est  si  vieux,  qu'il  est  couvert 
de  vctoments  troués  jmr  le  lem|)s,  et  cependant  ce  dieu  économe  a  eu  la  pré- 
caution de  reti'ousser  ses  manches  pour  les  user  moins  vite. 

Après  Jupiter,  Saturne  est  évidemment  le  plus  sacrifié  de  toutes  les  divi- 
nités. Tous,  Vénus  en  tète,  semblent  lui  faire  des  mines  grotesques.  Le  beau 
rôle,  au  contraire,  est  à  Mercure,  qui  est  à  la  place  d'honneur,  au  milieu  de 
tous;  sa  mine  est  pleine  d'esprit  et  de  finesse.  A  la  Bourse,  de  nos  jours,  on 
ne  serait  pas  plus  poli  envers  ce  puissant  dieu. 

Je  demande  pardon  d'avoir  détaillé  ainsi  ces  dieux  païens  représentés  dans 
une  église,  et  de  n'avoir  dit  qu'un  mot  des  apôtres.  Mais  j'ai  agi  comme  le 
sculpteur  sur  bois  et  comme  l'architecte  ou  le  charpentier  de  l'orgue  :  j'ai  mis 
les  païens  en  relief,  en  avant -corps;  et  les  chrétiens  en  retraite,  dans 
l'ombre  ^. 

Cependant,  l'église  de  l'Épine  est  une  Notre-Dame,  et  elle  ne  l'oublie  en 
aucun  cas.  Au-dessus  donc  de  ces  dieux  et  de  ces  apôtres,  tout  en  haut  du 
buffet  d'orgue,  elle  a  dressé  en  ronde-bosse  la  sainte  Vierge  qui  tient  Jésus, 
groupe  de  bois  assez  délicatement  sculpté.  Deux  anges,  étendus  de  leur  long, 
accompagnent  la  Vierge  et  sonnent  de  la  trompette  pour  traduire,  aussi  maté- 

I.  .loclierclie  la  raison  qui  a  pu  faire  placer  les  apôtres  et  les  sept  planètes  sur  ce  bufTet  d'or- 
gue. L'harmonie  est  céleste,  je  le  sais  bien,  et  l'on  fait  de  la  musique  dans  le  ciel  que  les  apôtres 
habitent  comme  dans  l'Olympe  où  les  dieux  résident;  mais  je  ne  vois  entre  ces  personnases  et  les 
cantiques  en  l'iionneui-  de  Dieu  et  de  la  Vierge  qu'un  rapport  bien  indirect  et  bien  éloigné.  Du 
reste,  la  renaissance  n'en  fait  jamais  d'autres  :  elle  sculpte  ou  peint  des  figures  à  tort  et  à  travers, 
sans  trop  savoir  ce  qu'elle  veut. 


LA  CHAMPAGNE  ET  NOTRE-DAME  DE  L'ÉPINE.  309 

riellement  que  possible,  ces  devises  tirées  des  saintes  Écritures  et  qu'on  lit 
en  latin  sui'tout  le  bufTet  : 

Louez  le  Seigneur  des  cieux  ; 

Louez-le  sur  les  cithares; 

Louez-le  dans  vos  cœurs  et  sur  l'orgue; 

Louez-le  au  son  de  la  (lùte; 

Louez-le  au  plus  haut  des  cieux; 

Que  toute  âme  loue  le  Seigneur  '. 

Deux  anges,  c'est  très-bien  pour  faire  de  la  musique  sur  un  orgue,  mais 
malheureusement  ils  sont  presque  nus  et  ressemblent  trop  à  des  génies 
antiques.  Cependant,  qu'un  musicien  touche  de  l'orgue  au  moment  où  vous 
épellerez  ces  chaudes  paroles  ,  et  toute  votre  âme  éclatera  en  fanfares  avec  la 
ravissante  église,  ainsi  qu'il  m'est  arrivé  un  jour  que  je  visitais  ce  curieux 
monument. 


VlU 


Rien  ne  manque  donc  à  cet  heureux  édifice  :  l'art  y  a  vidé  à  fond  sa  corne 
d'abondance,  et  les  révolutions  de  la  religion,  de  la  politique  et  de  la  mode, 
par  le  plus  grand  hasard  et  le  plus  rare  bonheur,  n'y  ont  pas  touché.  Cepen- 
dant le  plus  beau  feu  a  toujours  sa  fumée;  et  il  faut  bien  dire  qu'en  ces  der- 
niers temps  un  badigeon  jaune  et  blanc  a  recouvert  çà  et  là  quelques  arabes- 
ques peintes  qui  décoraient  les  piliers,  depuis  le  jubé  jusqu'au  sanctuaire. 
C'est  une  enveloppe  grossière,  un  manteau  en  haillons,  sur  un  habit  brodé. 
Il  faut  (lire  aussi  que  sous  Napoléon  l''  on  a  renversé  une  des  deux  flèches  du 
portail,  pour  installer  sur  le  moignon  de  la  tour  un  hideux  télégraphe. 

Il  faut  déplorer  enfin  la  perte  de  la  plupart  des  vitraux,  brisés  non  par  les 
honmics,  inais  par  la  violence  des  orages  qui  désolent  assez  souvent  cette  par- 
tie de  la  Champagne.  Heureusement  que  le  plus  intéressant,  comme  le  plus 
local  et  le  plus  historique,  existe  encore  :  c'est  celui  qui  représente  le  miracle 
auquel  l'église  doit  sa  fondation.  Il  est  honorablement  placé,  comme  ce  devait 

<•  Laudatc  Uoniinum  do  cœlis; 

Laudate  eura  in  cilharis; 
Laudato  eum  in  cordis  et  organe; 
Laudate  ouni  in  sono  tuli;r; 
Laudalo  eum  in  cxcelsis; 
Oninis  spiiilus  l.mdel  Doniinum. 


310  ANNALKS   AKCIir.OLOrJIQL' KS. 

riro,  k  la  rciuMre  centrale  de  la  chapelle  (Ju  fond,  sp^-rialr^ment  di*di(5f  à  la 
Vierge  comiiie  dans  toutes  les  églises.  Voici  lu  légende  qu'il  représente. 


IX 


Vers  la  fin  du  xiv"  siècle,  la  veille  de  l'Annonciation,  des  bergers  gardaient 
leurs  troupeaux  dans  ces  plaines  de  Champagne  qui,  à  cette  époque  de  l'année, 
comuiençaieni  à  verdir  çà  et  là.  Tout  à  wnip.  h  la  tombée  du  jour,  les  brebis 
qui  broiUaicnl  l'herbe  naissante  s'arrêtèrent  immobiles  et  firent  cercle  devant 
un  buisson  d'épines  blanches  d'où  partait  une  lueur,  comme  la  lumière  (|ui 
veille  dans  une  lampe  de  porcelaine  ou  d  •  verre  dépoli.  Les  bergers  appro- 
chèrent, et  virent  que  ces  bouffées  lumineuses  sortaient  d'une  petite  statue 
de  Marie  ([ui  tenait  .li''sus  entre  ses  bras.  Ils  allèrent  à  Cliàlons  ébruiter  h' 
miracle.  On  accourut  de  la  ville  et  de  tous  les  environs  pour  contempler  cette 
merveilleuse  sculpture.  On  voulut  tirer  la  Vierge  de  son  buisson  pour  la 
porter  en  triomphe  dans  la  cathédrale  de  Chàlons;  mais  cette  petite  vierge, 
plus  lourde  qu'un  rocher,  refusa  de  se  laisser  arracher  du  lieu  qu'elle  avait 
choisi  en  descendant  du  ciel.  On  comprit  alors  que  Marie  voulait  avoir  une 
église  sur  l'emplacement  môme  du  buisson;  et.  à  force  de  dévotion  et  d'ar- 
gent, on  lui  bàlit  le  chef-d'œuvre  que  nous  voyons  aujourd'hui.  Le  buisson 
est  mort  ;  mais  l'art,  dans  une  arcade  du  jubé,  lui  a  donné  un  remplaçant,  je 
dirais  volontiers  un  héritier;  car  cette  arcade  est  plus  fieurie  et  aussi  toutTue 
que  le  buisson  lui-même.  Quant  à  la  statue,  elle  est  aujourd'hui  le  plus  vénéré 
comme  le  plus  curieux  ornement  d'un  autel  consacré  à  la  Vierge.  Cet  autel, 
qui  ne  chôme  jamais  de  fidèles  prosternés  sur  ses  marches,  et  surtout  de 
pauvres  femmes  qui  ont  tant  de  misères  à  conjurer  et  tant  de  maladies  ii  gué- 
rir, est  placé  sous  le  jubé,  au  côté  droit,  comme  sous  un  reposoir.  C'est  à 
cet  autel  de  la  Vierge  que  les  jeunes  filles  se  marient,  que  les  jeunes  mères 
font  leurs  relevailles;  c'est  à  la  statue  miraculeuse  de  la  Vierge,  c'est  au  petit 
Jésus  qu'elle  tient  dans  ses  bras,  que  le  curé  de  la  paroisse  bénit  les  langes 
destinés  à  emmaillotter  les  nouveau-nés. 

Il  faut  que  l'imagination  et  l'art  aient  une  l)ien  grande  puissance,  puis- 
qu'une simple  métaphore,  une  comparaison  historique,  ont  fait  pousser  dans 
ce  désert  de  la  Champagne  une  des  plus  jolies  églises  gothiques.  Le  christia- 
nisme savait  bien  que  tous  ses  dogmes,  que  la  virginité  d'une  mère  entre  autres, 
devaient  être  prouvés  par  toutes  les  preuves  possibles  :  par  la  raison,  par  le 


LA   CHAMPÂGjNE   et   ,NOTIiE-DAME  DE  L'ÉPINE.  311 

sentiment,  par  l'histoire.  Ce  fut  à  l'histoire  qu'il  s'adressa  de  préférence  en 
beaucoup  de  cas  ;  ce  fut  à  l'histoire  et  à  la  plus  vénérable  de  toutes,  à  l'his- 
toire sacrée  et  révélée,  à  l'Ancien  Testament  qu'il  demanda  l'analogue  de  la 
virginité  de  la  mère  de  Dieu  qui  éclate  dans  le  Testament  Nouveau.  11  vit 
bien  que  Gédéon  obtint  une  toison  toute  pleine  de  rosée  pendant  que  la  terre 
sur  laquelle  posait  sa  laine  était  sèche  à  l'cntour;  que  le  bâton  mort  et  écorcé 
d'Aaron  fleurit  en  une  nuit;  mais  ces  faits  ne  lui  sufTn-ent  pas,  il  en  voulut  et 
en  trouva  un  autre  plus  explicite.  Ce  fait  est  sculpté  en  pien-e  à  Chartres, 
au  portail  du  nord  qui  est  du  xiii"  siècle;  il  est  peint  sur  bois,  avec  son  ap- 
plication symbolique,  sur  un  beau  tableau  qui  décore  Saint-Sauveur  d'Aix, 
et  qu'on  attribue  sans  motif  au  roi  René,  qui  en  serait  tout  au  plus  le  dona- 
teur; il  est  peint  sur  parchemin  dans  tous  ces  manuscrits  des  xiii%  xiv"  et 
xv"  siècles,  qu'on  appelle  miroir  du  salut  de  l'homme,  «Spéculum  humanae 
salvationis  »  ;  il  est  peint  à  fresque,  il  est  tissu  sur  laine  en  divers  endroits 
de  la  France,  et  notamment  à  Reims,  sur  une  de  ces  splendides  tapisseries 
du  xvi"  siècle,  qui  décorent  la  cathédrale,  sur  la  tapisserie  qui  représente  en 
sujet  principal  «  la  Nativité  de  Jésus-Christ  ».  Là,  on  voit  la  Vierge  tenant 
l'enfant  Jésus;  elle  est  assise  sur  un  buisson  tout  vert  d'où  sortent  des  lan- 
gues de  llamme  et  devant  lequel  se  prosterne  Moïse.  On  lit  au  bas  ces  vers 
du  xvi'  siècle,  tissés  dans  la  laine  : 

Comment  Moysc  fut  très  fort  esbalii 
Quant  apercent  le  vert  buisson  ardant 
Dessus  le  mont  llorob  ou  Synay, 
Et  n  estoit  rien  de  sa  verdeur  perdant  ; 
Pareillement  la  pucelle  eust  enfant, 
Sans  fraction  ne  aucune  ou\orlure; 
Et  la  virge  d'Aaron  fut  florissant 
En  une  nuict,  cela  le  nous  figure. 

C'est  la  paraphrase  littérale  de  cette  inscription  latine  qu'on  lit  au  bas  du 
tableau  dit  du  roi  René  : 

«  Uubum  quem  viderai  Moyses  incombusUim,  conser\alam  agnoviuius  luani  laudabilem  virgi- 
nitatem,  sancla  Dei  genitrix  ». 

Le  buisson  quo  Moïse  vit  briiler  sans  se  consumer  nous  prouve  ta  virginité,  sainte  mère  de 
Dieu. 

Ainsi  donc  c'est  cette  comparaison  pleine  de  grâce  et  de  poésie,  réalisée  par 
des  bergers  champenois  la  veille  de  l'Annonciation,  au  xiv*  siècle,  qui  a  fait 
bâtir  le  bijou  de  Notre-Dame  de  l'Épine.  Sur  le  vitrail  qui  représente  la  Vierge 
dans  son  buisson,  on  voit  les  brebis  se  dresser  sur  leurs  pieds,  comme  pour 


312  ANNALKS    AIlCIlfiOLDC  lOIKS. 

broiiliM'  des  feuilles  de  lumière  h  cet  arbrisseau  de  feu,  tandis  que  los  bi-r^crs, 
les  paysans  des  villages  voisins,  et  les  bourgeois  de  (Ihàlons  s'agenouillent  à 
deux  genoux  el  prient  h  deux  mains  la  Vierge,  qui  s'assied  sur  son  .inbûjjine, 
comme  une  reine  sur  son  trône  *. 

Les  autres  verrières,  dont  les  lambeaux  ornent  encore  aujourd'hui  ^  les 
fenêtres  des  chapelles  du  sanctuaire  et  des  croisillons,  furent  données  par  des 
corporations  ou  de  riches  particuliers,  itiarchands  de  Chàlons;  par  des  mari- 
niers de  la  Marne  ou  des  marchands  de  laine  de  la  Champagne,  comme 
l'annoncent  les  di'-bris  de  légendes  sur  verre  qui  subsistent  encore  en  place  '. 
Ces  verrières  oui  hniriblenient  souffert,  el  en  périssant  elles  ont  entraîné  la 
perte  d'une  piutic  imporlaiitc  de  l'histoire  civile  et  religieuse  de  la  Cham- 
pagne. 

1.  Ceci  a  été  écrit  sur  des  notes  prises  on  avril  1834.  A  cette  époque,  ce  vitrail  inappréciable 
était  conser\é,  en  bon  étiit,  dans  los  meneaux  do  la  baie  centrale  qui  éclaire  la  chapelle  de  la 
Vierge.  Quelques  années  plus  lard,  dos  travaux  de  maçonnerie  se  firent  dans  celte  chapelle,  et, 
par  malfieur,  sans  nécessité  réelle,  on  descendit  le  vitrail.  Cette  dépose  se  fil  sans  aucune  précau- 
tion, sans  dessin  fait  à  l'avanco  el  s:ms  avoir  préalablement  collé  du  papier  sur  les  panneaux  pour 
fixer  les  morceaux  de  verre  aux  plombs.  Les  panneaux,  descendus  avec  négligence,  furent  super- 
posés à  plat,  dans  une  chapelle  voisine,  où  ensuite  je  les  ai  vus  empilées,  s' écrasant  mutuelle- 
ment, et  où  tous  les  visiteurs  pouvaient  les  manier  et  les  «  déplumer  »  pour  en  emporter  des 
morceaux.  Superposés  l'un  à  l'autre,  ces  panneaux  finirent  par  se  broyer  complètement,  et  tout  ce 
qui  ne  fut  pas  pris  par  les  étrangers,  et  même  par  les  enfants  du  village  qui  jouaient  avec  les 
verres  et  fondaient  le  plomb  pour  faire  des  crayons,  fut  réduit  en  poussière.  Au  bout  de  peu  de 
temps,  il  no  resta  plus  rien  de  ceKe  verrière,  une  des  plus  curieuses  de  France,  je  puis  le  dire.  A 
l'une  des  séances  du  comité  archéologique  do  Châlons,  je  réclamai  contre  cet  acte  inqualifiable  de 
vandalisme;  mais  il  n'était  plus  temps,  et  les  sacristains  avaient  balayé  aux  ordures  la  misérable 
poussière  qui  avait  été  la  verrière  du  miracle  de  l'Épine.  Pour  nous  consoler  de  ce  malheur,  si 
facile  à  prévenir,  on  a  commandé  à  M.  Maréchal,  de  .Metz,  m'a-t-on  dit,  une  verrière  nouvelle  qui 
représente  à  peu  près  le  même  sujet.  Une  verrière  de  M.  .Maréchal,  quand  elle  est  exécutée  avec 
soin,  est  une  œu\re  de  valeur;  mais,  malgré  tout  son  mérite,  celle  de  l'Épine  ne  remplacera  ja- 
mais, sous  aucun  rapport,  celle  que  j'ai  vue  encore,  on  place  et  en  si  bonne  condition,  au  mois 
d'avril  18.34.  J'ai  cité  ailleurs,  dans  les  «  Annales  »  mêmes,  le  nom  du  négligent  architecte  de 
Châlon.s-sur-Marno  qui  est  coupable  de  ce  vandalisme;  je  n'ai  donc  pas  besoin  de  le  redire  ici. 

2.  Je  le  répèle,  ceci  est  écrit  d'après  des  notes  prises  en  1 834.  Or,  ce  qui  existait  à  cette  époque 
doit  avoir  disparu  maintenant.  Il  y  a  bien  des  années  que  je  n'ai  vu  Notre-Dame  de  l'Épine,  el 
je  no  puis  dire  aujourd'hui,  à  coup  sûr,  ce  que  le  temps  el  l'architecte  mentionné  dans  la  note 
précédente  ont  pu  nous  laisser. 

3.  Il  est  à  peu  près  certain,  malheureusement,  qu'il  n'existe  plus  rien  aujourd'hui,  ni  débris 
de  vitraux,  ni  débris  de  légendes.  .Mon  ami  M.  de  Guilhermy  visitait  l'Épine  il  y  a  quelques 
semaines.  A  son  retour,  il  m'a  parlé  avec  un  vif  intérêt  de  la  curieuse  église.  Il  m'a  fait  savoir 
que  le  vitrail  nouveau  de  M.  Maréchal  rappelait  le  miracle  auquel  est  due  la  construction  de 
l'église;  mais  il  ne  ma  entretenu  ni  des  lambeaux  de  vitraux  que  j'avais  vus  autrefois,  ni  des 
fragments  de  légendes  que  j'avais  lues  et  recueillies.  Il  en  résulte  donc  que  tout  cela  a  com- 
plètement disparu.  C'est  un  malheur  irréparable. 


LA   CHAMPAGNE   ET  NOTRE-DAME  DE   L'ÉPINE.  313 


Mais  la  sculpture,  plus  durable,  existe  toujours.  Outre  les  malicieux  et 
grossiers  personnages  des  consoles  et  des  gargouilles,  dont  je  dirai  un  mot 
dans  un  instant,  il  existe  aux  divers  portails  une  série^de  petites  figures  qui  ne 
manquent  ni  d'intérêt  sous  le  rapport  histoiùque,  ni  quelquefois,  quoique  rare- 
ment, d'une  certaine  délicatesse  sous  celui  du  travail. 

A  la  porte  centrale  du  grand  portail,  à  la  place  d'honneur,  c'est  l'histoire 
de  la  sainte  Vierge,  patronne  du  lieu.  En  présence  de  plusieurs  anges  qui 
remplissent  l'air  de  leurs  chants,  à  la  face  du  soleil  et  de  la  lune  qui  éclairent 
la  scène  en  plein,  elle  met  au  monde  l'enfant  Jésus,  le  roi  de  là  nature  et  le 
maître  des  anges.  Marie  caresse  du  regard  l'Enfant  divin  que  le  bœuF  et  l'àne 
réchauffent  de  leur  haleine.  Tout  auprès,  d'autres  anges  entonnent  le  "  Gloria 
in  excelsis  »  et  annoncent  aux  bci'gers  qui  gardent  leurs  troupeaux  (sujet  fort 
bien  choisi  pour  la  localité)  qu'un  enfant  leur  est  né.  Connne  la  Vierge  est 
l'héroïne  de  ce  poème  de  pierre,  tous  ses  ancêtres,  depuis  David  jusqu'à 
Joachim,  rois  et  bourgeois;  puis  tous  les  prophètes  qui  ont  parlé  d'elle,  avec 
Tsaïc  qui  voyait  l'avenir  comme  le  présent  et  s'est  écrié,  «  une  vierge  enfan- 
tera. »  entourent  Marie  et  lui  l'ont  un  cortège  d'honneur. 

A  la  porte  gauche,  c'est  le  crucifiement,  dénoùniont  tragique  de  ce  drame 
dont  nous  venons  de  voir  l'exposition.  Ce  crucifiement  fut  sculpté  probable- 
ment aux  frais  de  la  confrérie  de  la  Passion  établie  à  Chàlons.  11  en  est  de 
cette  église,  en  effet,  comme  de  ces  fils  et  filles  de  princes  dans  les  contes 
qui  ont  réjoui  notre  enfance,  et  à  la  naissance  desquels  toutes  les  fées  du  voi- 
sinage viennent  faire  un  don,  apporter  un  souhait.  Notre-Dame  de  l'Epine  a 
été  douée  par  les  bergers,  les  laboureurs,  les  bourgeois,  les  marchands,  les 
confréries,  les  corporations  et  les  prêtres  de  la  Champagne.  On  a  fait  cercle 
autour  de  son  berceau.  A  des  époques  assez  rapprochées  de  nous,  des  rois  de 
France  ont  voulu  aussi  apporter  leur  offrande  à  la  petite  Vierge  de  l'Epine, 
soit  pour  édifier,  soit  pour  embellir  son  église.  En  Jf|29,  Charles  Vil  se 
rendit  à  pied  de  Chàlons  à  l'Epine,  et  déposa  sur  le  maitre-autel  1,200  écus 
d'or.  Louis  XI,  dévot  à  tontes  les  Notre-Dame  de  France,  ne  pouvait  être 
infidèle  à  celle  de  la  Champagne;  il  la  visita  donc  en  1Ù72,  et  lui  donna  une 
forte  somme  pour  construire  le  second  clocher;  c'est  celui  dont  la  llèche  a 
depuis  été  démolie  et  h  la  place  de  kuiuelle  un  télégraphe  gesticule  ou  ages- 

XXIV.  /4I 


ni/,  ANNALFS   ARCIll'OLOr.lOUKS. 

liciik'  (l'iino  façon  ridiriile.  Il  uc  faut  donc  pas  s'élonnor  qiip  des  parlicu- 
licrs,  que  des  confréries  aient  fait  un  peu  pour  l'Kpine,  quand  les  rois  fai- 
saifnl  tant  pour  elln,  fl  l'on  romprcnd  que  dans  son  Ironr.  ils  aient  glissé 
quelques  liards  f|uand  la  luuiiificenco  royale  y  versait  des  pièces  d'or. 

Ainsi,  à  la  porte  de  droite,  sur  le  linteau,  la  compagnie  des  archers  de 
Chùlons'fit  sculpter  le  martyre  de  son  patron,  saint  Sébastien.  Des  archers, 
en  soldais  de  F-ouis  \il  ou  de  François  I",  et  vêtus  d'habits  crevés  et  bouf- 
fants, tirent  au  cœur  et  à  la  poitrine  du  saint. 

Au  portail  du  Sud  est  retracée  l'histoire  de  saint  .lean-Bapliste.  Avant  le 
miracle  (jui  a  donné  naissance  à  l'église,  il  existait,  non  loin,  une  chapelle 
dédiée  au  Précurseur.  C'est  pour  en  conserver  le  souvenir  qu'on  a  consacré 
les  plus  jolies,  les  plus  fines,  et  les  ])kis  anciennes  figures  de  tout  l'édifice. 
Ces  sculptures  racontent  la  vie  de  saint  Jean,  depuis  sa  naissance  jusqu'à  sa 
décollation.  Il  fallait  bien  le  dédommager  de  l'oratoire  qu'on  lui  prenait. 


XI 


Toute  cette  sculpture  est  grave,  digne,  sacrée;  l'ornementation,  au  con- 
traire, est  dévergondée,  déliontée,  débraillée.  C'est  aux  gargouilles  qui  dé- 
gorgent l'eau  des  toits  sur  le  cimetière  dont  l'église  est  entourée  ;  c'est  aux 
consoles  qui  portent  soit  des  retombées  de  nervures,  soit  des  piédestaux  où 
se  dressent  des  statues  ;  c'es.t  aux  contre-forts  qui  butent  les  murailles  de 
toute  l'église,  que  ces  bouffonneries  satiriques  ou  luxurieuses  étalent  à  l'aise 
leurs  laideurs  et  leurs  rires.  Tout  grotesque  ayant  une  basse  fonction  à  rem- 
plir est  décoré  d'une  laide  figure;  le  corps  est  là  concordant  avec  le  métier, 
l'âme  avec  son  enveloppe.  11  faut  remarquer  que  c'est  au  chevet,  la  partie 
sainte  d'une  église,  son  sanctuaire  extérieur,  (pie  paradent  ces  grotesques 
sculptures.  Or,  de  certaines  places  décuplent  toujours  la  qualité  bonne  ou 
mauvaise  de  certaines  choses;  et  le  contraste  surtout,  si  puissant  dans  le 
monde  artistique,  ne  l'est  pas  moins  dans  le  monde  moral.  Ainsi  une  chan- 
son de  cabaret  gagnerait  assurément  en  puissance  bachique  si  elle  était 
entonnée  dans  une  église.  A  la  Révolution,  ces  orgies,  ces  bals  échevelés  que 
les  Jacobins  donnèrent  dans  les  cathédrales,  devaient  s'emporter  d'une  furie 
que  les  mêmes  orgies  et  les  mêmes  bals  n'atteindraient  jamais  à  l'Opéra. 

Le  libertinage  et  l'intempérance  dans  une  église,  c'est  un  coup  de  tonnerre 
dans  les  montagnes  :  le  retentissement  est  grossi  et  multiplié  par  les  échos. 


LA  CHAMPAGNE   ET   NOTIŒ-DAME   DE   L'ÉPINE.  315 

Or,  les  saletés  et  les  lubricités  grondent  à  l'abside  de  Notre-Dame  de 
rÉpiue,  élargies  et  gonflées  par  la  sainteté  du  lieu,  comme  une  tache  d'huile 
s'étend  sous  le  feu.  Figurez-vous  Gargantua  proférant  ses  plus  grandes  <''nor- 
mités ,  non  plus  dans  une  taverne ,  mais  dans  une  chaste  église ,  une  église 
virginale,  dédiée  à  Marie,  et  dans  le  Saint  des  saints  ! 

Sculptées  sous  forme  humaine,  cylindriques,  creuses  et  percées  par  les 
deux  bouts,  selon  la  définition  de  l'homme  donnée  par  un  physiologiste,  les 
gargouilles  semblent  s'élancer  horizontalement  de  la  corniche ,  la  tête  en 
avant,  et  regarder  elfrontément  les  passants  qu'elles  menacent  de  leur  poids. 
Kilos  ne  sont  reteimes  que  par  les  pieds  qui  sont  engagés  dans  le  mur.  Ces 
gargouilles  représentent,  en  grande  partie,  la  personnification  des  vices 
principaux;  c'est  une  éthique  chrétienne  en  sculpture,  montrée  par  le  revers 
seulement  :  par  le  laid  et  non  par  le  beau,  par  le  vice  et  non  par  la  vertu. 

Chez  les  Grecs,  voyez  l'échelle  des  vertus  et  des  vices  d'Aristote  :  la  mère 
des  vertus  c'est  la  force  ou  le  courage;  et  autour  de  la  hàcheté  comme  d'un 
tronc  se  ramifie  la  foule  des  vices.  Dans  le  christianisme,  c'est  tantôt  l'or- 
gueil, tantôt  le  doute  qui  engendrent  les  vices;  et  par  contre,  l'humilité  ou  la 
foi  qui  mettent  au  monde  toutes  les  vertus.  Ces  deux  filiations  différentes  sont 
conséquentes  avec  les  civilisations  dont  elles  expriment  le  caractère.  A  une 
société  de  force,  la  force  est  tout  le  bien;  à  une  religion  de  foi.  l'incrédulité 
est  tout  le  mal.  Si  de  nos  jours,  où  domine  l'industrie,  on  voulait  établir  une 
filiation  éthique  et  construire  une  échelle  de  la  moralité  humaine,  on  devrait 
mettre  certainement  la  paresse  en  tête  de  tous  les  vices,  et  l'activité  en  tète  des 
vertus.  Le  christianisme  avait  donc  son  éthi({uc  à  lui ,  éthique^  (jui  ivgnait 
partout  où  il  était  le  maître,  mais  ([ui  se  modifiait  cependant  suivant  certaines 
localités,  et  qui  s'accounnodait  à  certains  tempéraments.  Pour  la  Champagne, 
par  exemple,  connue  pour  toutes  les  provinces  chrétiennes,  l'orgueil  était  un 
grand  vice  :  «  Radix  omnium  malorum  superbia  »  .  et  l'humilité  une  vertu 
sublime.  Cependant  les  moralistes  du  pays  avaient  pu  remarquer  que  chez 
eux  l'un  n'était  pas  la  cause  unique  et  première  des  vices,  ni  l'anln'  la  mère 
principale  des  vertus;  et  qu'en  cette  province  couverte  de  vignes,  l'ivrognerie, 
une  branche  de  l'intempérance,  était  certainement  la  racine  de  tous  les  maux. 
C'est  le  vin,  bu  avec  excès,  qui  met  à  l'aumône  toute  une  famille,  car  il  en- 
gendre la  paresse  et  la  prodigalité.  C'est  de  l'ivrognerie  que  naissent  la 
luxure  et  la  colère  :  l'homme  ivre  est  toujours  près  de  l'infidélité,  et,  dans  le 
ménage,  les  querelles  éclatent  au  milieu  des  I'uiim'h's  du  vin  aussi  facilement 
que  les  éclairs  dans  les  nuages. 

Le  sculpteur  champenois  de  Notre-Dame  de  rL|iinc  a  donc  fait  pieuve 


31C  ANNALKS   AlUMlfiOl.OCIOL'KS. 

d'un  f^rnnd  sons,  en  mettant  rivrogncric  à  la  Wlc  des  autres  vices.  Celte  ivro- 
p;ncri('  est  pcrsonnifiéf  dans  un  vigneron  di'-jii  sur  le  retour  de  l'âge,  velu 
d'Iiahits  usés,  tôtc  sans  IVonI  cl  sans  intelligence,  face  aplatie,  nez  bour- 
geonné, yeux  ronds  et  slupides.  On  croit  voir  chanceler  cet  ivrogne,  cl  l'on 
craint  qu'il  se  détache  de  la  pierre  où  ses  pieds  cependant  sont  engagés  et 
forliiiiiMil  enciiaînés.  (l(;l  iiomnie  esl  ivrc-iiiort.  on  le  voit  bien,  et  pourtant  il 
lient  ;i  la  main  droite  une  énorme  tasse  où  il  clierclie  k  verser  du  vin  d'un  pot 
(Iti'il  lient  à  la  main  gauche.  Il  ouvre  la  bouche  toute  grande,  comme  s'il  ava- 
lait déjà  le  vin  de  sa  tasse;  car  l'ivrognerie,  comme  la  luxure,  comme  l'ambi- 
lioii .  ne  dit  jamais  c'est  assez.  Cette  laide,  cette  repoussante  figure,  est  la 
plus  apparente,  la  mieux  exposée  de  toutes  :  c'est  le  centre  d'où  rayonnent  la 
folie,  la  ciilère.  la  luxure  et  l'orgueil. 

La  folie,  sous  la  figure  d'un  homme  dont  la  face  est  plus  slupide  encore  que 
celle  de  l'ivrogne,  est  coiffée  d'un  bonnet  à  longues  oreilles  d'âne,  l'aile  agile 
une  m^irotte  au  bout  de  laquelle,  parmi  les  sons  d'un  collier  à  grelots,  rit 
stupidement  une  petite  lète  de  fou,  le  reflet,  la  miniature  de  la  grande  statue. 
L'ivrognerie,  ce  qui  lait  perdre  la  raison,  est  assurément  la  vraie  mère  de  la 
folie. 

Ivre  et  fou,  on  s'irrite  pour  la  moindre  cause.  Nous  avons  tous  vu  des  ivro- 
gnes battre  avec  fureur  des  bornes,  et  meurtrir  des  pierres  qui  ne  se  déran- 
geaient pas  sur  leur  passage.  Xerxès  devait  avoir  bu,  mais  certainement  il 
était  fou,  lorscju'il  faisait  fouaillcr  de  verges  le  détroit  des  Dardanelles.  La 
colère  se  montre  â  l'Épine  sous  la  figure  d'une  femme  de  trente  ans  qui  s'ar- 
rache les  cheveux,  et  fait  d'horribles  grimaces  en  ouvrant  sa  bouche  comme 
une  porte  cochère. 

Au  même  plan,  et  sous  la  figui'c  d'une  femme  encore,  surplombe  la  Luxure. 
Agée  de  vingt-cinq  à  trente  ans,  elle  est  toute  débraillée,  levant  honteusement 
sa  jupe  sans  la  moindre  pudeur.  Par  sa  tournure,  par  les  mines  de  son  visage, 
par  tiiute  son  attitude,  elle  fait  à  tous  les  passants  les  provocations  les  moins 
équivoques,  mais  des  provocations  si  grossières  que  je  ne  puis  en  parler. 

vSur  tout  cela,  mais  après  l'ivrogne  cependant,  domine  une  réjouissante 
figure  :  c'est  un  personnage  comme  en  a  dessiné  Callot,  un  matamore  armé 
de  pied  en  cap.  Saflamberge,  qu'il  met  au  vent,  est  un  sabre  plus  grand  que 
riionnne,  et  recourbé  comme  un  cimeterre  tiu'c.  Sa  mine  ébouriffée  s'allonge 
au  uienton  d'une  barbe  très-fine  et  très-pointue.  11  est  maigre  comme  Don 
Quichotte,  et  provocateur  comme  un  maître  d'escrime.  Mais  pourtant,  ce  lait 
qui  s'emporte ,  ce  matamore  qui  se  hérisse  quand  on  passe  près  de  lui, 
s'abaisserait  vite,  et  rentrerait  promptement  les  piquants  de  son  caractère, 


LA  CHAMPAGNE  ET  NOTRE-DAME   DE  L'EPINE.  317 

les  pointes  de  sa  barbe  et  la  lame  de  son  sabre,  à  la  première  parole  ferme 
et  hardie  que  lui  adresserait  un  homme  de  courage.  Voilà  l'orgueil  bourgeois, 
l'orgueil  paysan  de  Notre-Dame  de  l'Épine;  il  fait  la  charge  de  cet  autre 
orgueil  farouche,  intraitable,  fier  encore  quoique  abattu  avec  son  cheval,  qui 
se  voit  sculpté  au  portail  occidental  de  la  cathédrale  de  Reims.  Je  Fai  dit. 
Notre-Dame  de  l'Epine  est  une  Notre-Dame  de  Reims  bouffonne.  —  Ces  gar- 
gouilles, il  faut  les  examiner  surtout  par  une  grande  pluie,  comme  je  les  ai 
vues  une  fois  :  elles  fonctionnent  alors,  et  prennent  une  incroyable  vie.  La 
Colère  f[ui  rend  l'écume  des  toits,  l'Orgueil  qui  crache  de  la  pluie  avec  ses 
insolentes  paroles,  l'Ivrognerie  qui  se  voit  forcée  de  rendre  des  torrents  d'eau 
au  lieu  d'avaler  son  vin,  vous  font  éclater  de  rire. 

Parmi  ces  odieux  personnages,  je  n'ai  pas  vu  l'Avarice.  11  y  a  peu  d'avares 
chez  les  vignerons.  En  effet,  voyez  comme,  encore  aujourd'hui,  ils  dépensent 
en  un  hiver  la  récolte  entière  de  l'automne,  et  vont  résolument  à  l'aumône 
pendant  les  deux  autres  saisons!  Le  vigneron,  c'est  la  cigale  qui  chante  sans 
s'inquiéter  du  lendemain.  Au  contraire,  l'Avarice  est  sculptée  plusieurs  fois  à 
Chartres  ;  car  le  laboureur,  fourmi  qui  ne  prête  jamais,  le  laboureur  ne  chante 
ni  ne  danse  :  il  entasse,  il  enfouit;  il  prévoit  l'hiver  en  été. 

Plus  haut  que  ces  gargouilles,  sur  le  versant  des  piliers  boutants,  est  per- 
sonnifiée la  morale  de  la  fable,  la  (junition  de  ces  vices  dont  je  viens  de  nom- 
mer les  principaux.  Mais  comme  tout  est  grotesque  dans  cette  église  de  paysans, 
cette  punition  est  bouffonne  aussi.  Dans  les  cathédrales  de  France,  à  Notre- 
Dame  de  Paris  par  exemple.  Dieu  envoie  du  ciel  des  anges,  armés  de  lances  et 
de  cuirasses,  attaquer,  exterminer  ces  vices  hideux  qui  déforment  et  tuent 
l'âme  de  l'homme.  A  l'Épine  pas  d'anges,  mais  des  singes,  des  chiens,  des 
cochons;  pas  de  batailles,  mais  un  charivari.  On  ne  blesse  ni  on  ne  tue;  on 
écorche  les  oreilles.  Voyez,  en  effet,  ce  singe  qui  tire  d'une  musette  des  sons 
stridents,  cet  autre  qui  grogne  en  s'accompagnant  d'un  tambour  qu'il  bat  de 
toutes  ses  forces,  cette  truie  qui  miaule  avec  une  harpe,  ce  cochon  qui  sillle 
avec  une  vielle,  ce  dogue  qui  gronde  en  sourds  aboiements.  Tout  cela  piaule, 
glapit,  glousse,  hurle  et  fait  un  vacarme  effroyable  à  rompre  la  tète  de  tous 
ces  pauvres  vices ,  personnages  satiriques  qu'ils  sont  eux-mêmes ,  et  repré- 
sentants de  la  sottise  humaine. 

Pourtant,  au  milieu  de  ce  grotesque  tintamarre  apparaît  une  lêle  muette, 
austère  et  qui  glace  d'effroi  k  la  regarder.  C'est  le  masque  h.  l'agonie  d'un 
homme  de  trente  ou  quarante  ans,  et  f[ui  semble  se  débattre  dans  les  con- 
vulsions de  la  mort.  Cette  sculpture,  vraiment  remarquable  et  d'une  effrayante 
vérité,  vous  ramène  au  cœur  des  pensées  graves  et  salutaires  que  la  Luxure 


318  ANNAi,i:s  Aru;iii^;oi,0(;if)iJKS. 

avait  ('(Tarouclif^es  pai-  ses  gros.si(!res  avances,  ol  que  le»  consoles  dont  jo  n'ai 
pas  (lu  parliîr  avaient  pu  faire  envoler.  Ce  tnastiue,  c'est,  comme  a(irè.s  le 
carnaval,  le  mercredi  dos  cciidics  qui  vient  vous  dire  h  l'oreille  :  «  SouvienH- 
toi  que  lu  n'es  que  poussière  et  que  tu  retourneras  en  poussière.  » 


\11 


\v;iiil  d'(!n  finir  avec  cette  église,  dont  j'ai  cherché  surtout  k  rendre  la  |)hy- 
sionomic  plnlôl  (|ur  le  caractère  archéologique,  je  dois  faire  une  dernière 
observation.  Les  plus  magnifiques  cathédrales,  comme  les  plus  illustres  na- 
tions, comme  les  plus  resplendissantes  familles,  comme  les  plus  superbes  indi- 
vidus, dorent  leur  origine  cl  leur  blason  avec  des  traditions  épiques.  Notre-Dame 
de  Paris  prétend,  et  s'en  fait  gloire,  que  Charlemagne  a  posé  sa  première 
pierre;  Rome  voulait  descendre  de  Troie;  les  Francs  cherchaient  un  ancêtre 
dans  r  'ti  Iliade  »,  et  .Iules  César  plantait  dans  Knée  la  souche  de  son  arbre 
généalogique.  Sans  raison  plausible.  Notre-Dame  de  ITpinc  se  prétendait 
issue  de  la  cathédrale  de  Cologne;  mais  l'orgueilleuse,  reculant  sa  naissance 
bien  plus  haut  encore,  jusque  dans  la  nuit  des  temps,  comme  on  dit,  elle 
affirmait,  —  les  habitants  du  village  affirment  encore,  —  qu'Attila  l'avait 
ennoblie  de  sa  présence.  Elle  déclarait  que  ce  grand  barbare,  qui  s'était  hu- 
milié devant  un  évèque  de  Troyes,  et  avait  reculé  ses  armées  devant  la  sain- 
teté épiscopale,  avait  passé,  lui  et  les  chefs  de  ses  hordes  hunniqucs.  une  nuit 
en  prière  dans  son  sanctuaire.  Pendant  qu'il  veillait  à  prier  le  Dieu  dont  saint 
Loup  lui  avait  révélé  l'existence  et  la  majesté  par  un  regard  de  ses  yeux,  les 
chevaux  du  héros  et  des  chefs  auraient  été  attachés  contre  les  murs  de  l'église; 
en  dehors,  h  des  anneaux  de  fer  qu'on  voit  aujourd'hui  encore.  Plusieurs  an- 
neaux sont  encastrés  en  efi'et  dans  la  muraille  des  flancs  du  nord  et  du  midi 
surtout.  Mais ,  historien  véridique ,  je  suis  forcé  de  dire  que  ces  murs  sont 
postérieurs  à  Attila  de  neuf  cents  ans  à  peu  près;  et  que  ces  anneaux  ont  été 
forgés  et  scellés  pour  attacher  les  ânes  de  la  Champagne  qui,  chaque  année, 
amènent  à  l'Épine  les  pèlerins  et  les  marchands.  le  jour  de  la  fête  qui  est  en 
même  temps  le  jour  de  la  foire.  J'en  suis  désolé  ;  mais  il  faut  rabaisser  le  che- 
val belliqueux  à  l'âne  pacifique,  Attila  et  ses  Huns  à  des  Champenois  colpor- 
teurs, fort  inolTensifs  et  assez  peu  dignes  de  la  grande  épopée. 

DIDRON  AiWK. 


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CIBOIRE   EN   ARGENT   DORÉ 


QUINZIÈME  SIECLE 


Après  avoir  publié  dans  un  précédent  numéro  des  ((  Annales  Archéologi- 
ques i>  un  chandelier  allemand  du  xv'  siècle,  c'est  encore  à  l'Allemagne  et  à 
ce  siècle,  pour  lequel  généralement  nous  n'avons  point  un  grand  faible,  que 
nous  empruntons  le  ciboire  d'aujourd'hui.  Une  fois  que  l'on  a  pu  admettre 
l'intrusion  des  formes  de  l'architecture  et  leur  exacte  reproduction  dans  l'ortë- 
vrerie,  il  faut  rcconnaîti-e  que  notre  ciboire  offre  un  modèle  d'élégance  et  de 
goût,  en  même  temps  qu'il  sort  du  galbe  adopte  depuis  le  xii'  siècle. 

Au  lieu  des  deux  coupes  hémisphériques  aplaties  qu'oflVenl  le  ciboire 
d'Alpais,  publié  par  nous  jadis  dans  les  «  Annales  Archéologi(iues  »  (t.  xiv), 
et  tous  les  ciboires  émaillés  de  la  même  classe,  le  ciboire  de  Sens,  en  vermeil 
et  qui  date  du  xiiT'  siècle,  et  un  ciboire  en  argent  doré  de  la  collection  Sauva- 
geot,  qui  est  du  xv%  nous  voyons  ici  une  coupe  hexagone  à  bords  droits,  ayant 
pour  couvercle  un  dôme  écaillé,  le  tout  porté  sur  un  pied  élevé.  Le  reste  n'est 
que  décoration.  Mais  c'est  sur  l'harmonieux  agencement  de  cette  décoration 
que  nous  voudrions  insister.  Ces  contre-forts  détachés  qui  se  prolongent  de  la 
coupe  au  couvercle  en  traversant  les  limbes  de  leurs  bords,  et  qui  amplifient 
les  dimensions  réelles  de  ces  parties,  les  légers  arcs-boutants  qui  les  iviient 
aux  supports  de  l'édicule  qui  domine  le  couvercle,  donnent  à  l'ensemble  une 
légèreté  et  une  sveltesse  encore  augmentées  par  la  netteté  de  l'exécution. 

En  examinant  les  combinaisons  de  l'amortissement  de  ce  couvercle,  cet 
édicule  si  heureusement  relié  aux  parties  beaucoup  plus  larges  qu'il  surmonte, 
et  abritant  une  statuette  de  la  Vierge,  nous  ne  pouvons  nous  empocher  de 
songer  à  des  œuvres  de  bien  autres  dimensions  et  qui  auraient  eu  tout  h 
gagner  en  imitant  quelque  peu  celle  modeste  pièce  d'orfèvrerie.  Ces  œuvres 


320  ANNALKS  AliCiri'.oi.oi;  UjUKS. 

oiissent  6l(^  siipporlal)los  ot  i)oul-6lre  satisfaisantes,  tandis  qu'elles  sont  iiorri- 
blos.  \oiis  voilions  |)arlor  du  domo  do  l'ourviiTOs,  k  Lyon,  et  du  clorlier  rjui 
sininontc  la  tour  de  l'oy-Borland,  k  Bordeaux.  Tous  deux  servent  de  piédestal 
ti  une  (if^uic  de  la  Vierge,  et  l'on  ne  peut  se  figurer  un  amortissement  [dus 
ni;ilciicoiilivu\  (|iic,  ni'  pcui  rriic  tme  statue,  aux  contours  nécessairement 
iiiccrl.iins  cl  disseniblables,  pour  terminer  les  lignes  rigides  cl  symétriques  de 
rarchitecturc.  De  plus,  qu'elles  '  soient  les  dimensions  des  figures  que  l'on 
mcl  ainsi  sur  d'immenses  supports  isolés,  celles-ci  paraîtront  toujours  trop 
petites,  d'autant  plus  qu'elles  sont  dévorées  par  le  vide  qui  les  entoure.  C'est 
le  <i  lidiciilus  mus  »  de  la  fable  que  l'on  a  enfanté  à  grand'peine.  Mais  si,  au 
iimi  (le  faire  de  ces  statues  le  point  culminant  de  ces  édifices,  on  les  eût  abri- 
tées sous  un  édicule,  gibboso-byzantin  h  Fourviéres,  et  du  xn' siècle  comme 
la  tour  de  Pcy-Berland,  àBoi-deaux,  les  lignes  de  l'architecture  se  fussent  trou- 
vées naturellement  prolongées  et  amorties,  et  l'on  eût  témoigné  de  plus  de 
révérence,  peut-être,  envers  l'image  de  la  Vierge  en  l'abritant.  Certainement 
celle-ci  u'eùl  rien  perdu  de  son  importance  h  être  accompagnée,  et  il  est  pos- 
sible qu'elle  (;ùt  gagné  quekiuc  chose  de  mystérieux  à  être  entourée  et  pro- 
tégée. 

Mais  tout  ceci  est  loin  de  notre  ciboire  auquel  il  nous  faut  revenir,  et  dont 
voici  les  dimensions  principales  : 

Pied  . . .     Diamètre 0"'  I  oO 

Tige...     Hauteur  jusqu'à  fornement  crénelé.  0,  17o  0"'l7o 

Coupe..     Hauteur 0,075  0,073 

Diamètre  intérieur 0,  080 

Dôme. .     Hauteur 0,  050  0,  050 

Pinacle.     Hauteur 0,  1 90  0.  1 90 

Hauteur  totale 0,190 

Le  pied  est  hexagone.  Sa  base  est  formée  de  six  lobes  arrondis,  ornés  sur 
leur  tranche  d'une  galerie  ajourée,  cachée,  à  la  rencontre  de  deux  lobes  adja- 
cents, par  un  bouquet  de  feuilles  allongées  en  argent  découpé,  repoussé  et 
contourné,  appliquées  après  coup. 

Cette  base  hexagone  porte  une  petite  hausse  circulaire,  en  retraite  des  lobes, 
d'où  naît  la  lige  composée  de  six  feuilles  aiguës,  qui  y  étalent   leur  pointe, 

1 .  Puisque  l'opéra  de  »  Roland  à  Roncevaux  »  a  mis  à  la  mode  «  la  Chanson  de  iioland,  » 
qu'on  nous  permette  d'emprunter  à  ce  poëme  magnifique,  vénérable  ancêtre  de  notre  littérature, 
ce  que  les  i^rammairiens  appellent  une  faute  de  français.  Faute  heureuse  et  qui  nous  épargne 
leur  barbare  «  quel  que...  que  ». 


CIBOIRE    EN   ARGENT   DORÉ.  321 

se  relèvent  et  se  réunissent  de  façon  à  former  une  pyramide  à  six  faces  cour- 
bes. Mais  ce  n'est  point  cette  pyramide  fiui,  en  devenant  un  prisme,  forme  la 
tige  du  ciboire.  Cela  serait  trop  simple  pour  un  orfèvre  du  xv''  siècle,  et  pour 
un  orfèvre  allemand.  Les  rudiments  d'un  autre  prisme,  interrompu  par  un 
nœud  aussit(jt  ([ue  formé,  s'implantent  sur  l'autre,  mais  en  posant  ses  arêtes 
au  beau  milieu  des  faces  de  ce  dernier,  et  ses  faces  à  cheval  sur  ses  arêtes. 

Les  champs  triangulaires  placés  entre  les  extrémités  dos  grandes  feuilles, 
d'où  naît  la  tige  et  la  circonférence  du  cylindre  bas  où  elles  s'appuient,  sont 
ornés  de  gravures.  Quatre  de  celles-ci  représentent  les  symboles  évangéliques 
non  nimbi's,  avec  banderoles  où  leur  nom  est  inscrit  :  deux  aulres  portent  des 
écus  d'une  forme  tout  allemande  et  que  nous  avons  fait  reproduire. 

La  transition  entre  le  pied  et  la  tige  est  formée  par  un  nœud  [)rismatique 
quelque  peu  saillant,  orné  d'un  fenestrage  percé  à  jour  sur  chacune  de  ses 
faces,  d'un  contre-fort  sur  chacun  de  ses  angles,  entre  deux  moulures  dont 
la  supérieure  porte  un  crénelé. 

La  tige  hexagone,  ornée  sur  chaque  face  d'une  ogive  gravée,  porte  un  nanid 
lenticulaire  donnant  naissance,  sur  sa  circonférence,  à  six  appendices  à  section 
carrée,  à  l'extrémité  de  chacun  desquels  est  enchâssée  une  phujue  gravée 
d'une  lettre  gothique  carrée.  Leur  réunion  forme  le  mot  iiiecvs  ^.  De  lon- 
gues feuilles  de  figuier,  profondément  découpées,  s'étalent  au-dessus  et  au- 
dessous  du  bouton  entre  les  appendices  saillants,  et  nous  semblent  fondues. 

Au-dessus  du  ihiiuI  part  le  prolongement  de  la  tige  ,  décorée  aussi  sur 
chaque  face  d'une  ogive  gravée,  bientôt  interrompue  par  une  moulure  sail- 
lante qui  se  perd  dans  une  galerie  crénelée  au  point  où  elle  s'implante  sous  le 
fond  de  la  coupe  du  ciboire. 

Le  fond  de  cette  coupe  est  recouvert  de  six  grandes  feuilles  à  profondes  divi- 
sions lancéolées,  qui  nous  semblent  imitées  du  persil .  découpées  dans  une 
feuille  d'argent,  repoussées  et  modelées,  puis  rapiiortées  après  coup.  L'extré- 
mité de  chacune  de  ces  feuilles,  dim  dessin  et  d'un  modelé  très-souples,  sert 
de  support  à  la  base  des  contre-forts  qui  garnissent  chaque  angle  de  la  coupe. 
Ces  contre-forts,  d'abord  isoles  de  la  coupe,  s'y  relient  par  un  petit  arc-bou- 
tant  qui  supporte  un  second  contre-fort,  lequel,  lui,  appliqué  contre  l'arcte  de 
la  coupe  et  traversant  le  limbe  de  celle-ci,  se  continue  sur  le  couvercle. 
Les  bases  de  ces  conlre-forts  sont  un  monument  à  elles  seules;  car  elles  sont 
garnies  et  ornées  d'une  ogive  sur  chacune  de  leurs  arêtes,  d'un  petit  contre- 
fort terminé  en  pinacle  à  crochets  sur  leur  face  antérieure,  qui  est  surmontée 

1.  Pounnioi  un  (1  au  lieu  d'un  .S  dans  ce  mot  iiiixvs?  lîsl-cû  le  signe  d'une  prononciation 
qui  se  r;i|ipioeliorait  du  dialecte  vénitien? 

XXIV.  !i2 


:j22  ANiNALKS    Al;(;iir;()l,(J(JlQUKS. 

d'un  |i<-lil  l'idritoii  ,ivcc.  crocliots  et  IIi'iiidii  loriiiirial.  «lorrière  loqiicl  monte  de 
|)lu.s  un  cloclii.'toii. 

(;iiaf|iio  l'aco  do  la  con|)o  (nI  i^arnio  d'une  moulure  à  sa  base,  el  proliîgéc 
par  lin  arc  en  accolade  qui  s'a|)puie  sur  les  contro-forls  de  chaque  arèle.  Des 
feuilles  de  vigne  garnissent,  en  gnisc  de  crochets,  les  moulures  de  l'arc  en 
avant  d'iuie  galerie  Ji  jourcjui  remplit  ses  tympans  extérieurs.  Le  sommet  de 
l'arc  louche  au  limhc  de  la  coupe,  el  le  lleiu'on  (|iii  le  domino  appartient  au 
couvercle. 

Un  bas-relief,  en  argent  fondu  et  ciselé,  occupe  chaque  face  de  la  coupe. 
Notre  gra\ure  iiKMiIre  le  |)riiici|»al.  ([ni  représente  le  Christ  assis  auprès  de  la 
Vierge  el  la  bénissanl.  tandis  (|u'un  ange  volant  au-dessus  de  sa  tète  la  cou- 
ronne. Les  lètes  ne  soûl  point  nimbées,  mais  celle  du  Chiisl  est  couronnée. 

Les  autres  bas-reliefs  sont  les  suivants  : 

Saint  Christophe,  appuyé  sur  un  bâton  llcuronné,  porte  sur  ses  épaules 
reniant  Jésus  (|ni  tient  à  la  main  la  boule  du  monde,  surmontée  d'une  croix. 

Saint  André  tient  un  livre  et  la  croix  en  \. 

Saint  Denis  porte  à  deux  mains  sa  tète  coilTée  d'une  mitre.  Il  est  revêtu 
d'une  chasuble  parée  par-dessus  la  timi({ue  et  l'aube. 

Saint  Laurent,  en  diacre,  tient  un  gril. 

Saint  Michel,  couronné  el  drapé  sans  armure,  debout  sur  le  dragon,  lui 
enfonce  dans  la  gueule  son  écu  croiselé  el  la  hampe  de  la  croix  qu'il  porte. 

La  ciselure  de  ces  bas -reliefs  est  très-hardie;  elle  accuse  franchement  les 
plans  divers  de  la  sculpture  qui  appartient  encore  au  style  du  xiv'  siècle  par 
l'abondance,  le  fouillé  el  le  jet  des  draperies. 

Une  feuille  d'argent,  appliquée  sur  le  bord  de  la  coupe  cl  qui  suit,  en  les 
débordant,  les  contours  des  ornements  qui  garnissent  ses  flancs,  forme  son 
limbe  et  reçoit  une  feuille  pareille  sur  laquelle  s'appuie  tout  le  système  de 
construction  du  couvercle.  Ce  couvercle  est  en  forme  de  dôme  cà  six  faces 
recouvertes  d'écaillés  et  séparées  par  une  arête  saillante  ornée  de  crochets. 
A  chacpic  arête  correspond  un  haut  pinacle  (pii  est  le  prolongement  de  chacun 
des  contre-forts  de  la  coupe.  Entre  eux  el  à  la  base  du  dôme  règne  une  gale- 
rie formée  d'une  série  de  cercles  encadrant  des  quatre-lobes  ajourés,  et  inter- 
rompue ;i  son  milieu  par  le  lleuron  terminal  de  l'arc  en  accolade  qui  couronne 
chaque  face  de  la  coupe. 

Ces  pinacles,  d'une  composition  très-complexe,  étant  flanqués  antérieure- 
ment d'un  autre  petit  pinacle  à  fronton  et  à  crochets  et  interrompus  par  un  toit 
à  deux  rampants,  dont  le  gable  est  orné  de  crochets  et  d'un  fleuron  terminal,  se 
prolongent  au-dessus  de  ce  toit  avec  une  moindre  section.  Ce  prolongement. 


CIBOiHE   EN   AliGEM    DORÉ.  323 

à  section  carrée,  porle  sur  une  base  ;  il  est  orné  d'ogives  gravées  sur  chaque 
face,  et  coiiïé  d'un  quadruple  fronton  que  surmonte  une  aiguille  à  crochets  el 
à  fleuron  terminal.  C'est  au-dessous  de  l'un  de  ces  quatre  frontons  que  s'.atla- 
chcnt  des  arcs-boutants  moulurés,  qui  s'appuient  aux  montants  de  l'édicule 
planté  au  sommet  du  dôme.  Ils  sont  ornés  d'une  double  file  de  créneaux  sur 
leur  échine,  et  d'arcs  rampants  à  pendentifs  fleuroiinés  en  dessous. 

Cet  édicule  abrite  une  statue  de  la  Vierge  portant  l'enfant  Jésus.  Ce  groupe 
est  posé  sur  une  plate-forme  entourée  d'une  moulure  crénelée.  Il  est  soutenu  par 
six  piliers  carrés,  dont  la  face  est  ornée  de  deux  redans  inclinés.  Au-dessus 
du  second,  où  s'insère  l'arc-boutant.  naissent  des  arcs  en  accolade  aiguë  ornés 
de  crochets  et  d'un  fleuron  ternn'nal.  Loin-  vide  est  rempli  par  un  réseau  de 
quatre-lobes.  Des  pinacles  accompagnent  ces  arcs  et  sont  posés  diagonalement 
sur  les  piliers.  En  ari'ière  naît  un  toit  aigu,  à  six  faces  ornées  d'écaillés  arron- 
dies, et  garni  de  crochets  sur  ses  arêtes.  Une  double  moulure  |)risn)atique 
interrompt  l'ordonnance  de  ce  toit  qui  se  prolonge  en  une  fige  carrée  portant 
deux  larges  fleurons  aplatis  de  forme  carrée,  que  surmoiile  un  crucifix.  La 
croix  est  ornée,  à  ses  exirémilés,  de  fleurons  à  feuillages  carrés;  le  Christ, 
dont  la  tète  est  ornée  du  nimbe  crucifère,  y  est  attaché  par  trois  clous.  Les 
lettres  inri  sont  portées  sur  une  banderole  bien  grande  pour  la  croix. 

Tel  est  l'ensemble  de  ce  ciboire  rapporté  d'Allemagne  par  M.  Mannheim, 
exj)ert  et  marchand  d'antiquités,  rue  de  la  Paix,  qui  l'avait  prêté  à  l'exposition 
d'art  et  d'archéologie  faite  à  Rouen  en  dSGl,  et  qui  nous  a  permis  de  le  pho- 
tographier il  l'intention  des  «  Annales  Archéologiques  ».  Nous  avons  tenu  à 
le  publier  comme  un  modèle  d'élégance  et  de  fabrication,  bien  qu'il  ait  été 
exécuté  à  une  époque  qui  n'est  remarquable  ni  par  la  sobriété,  ni  par  la  con- 
venance. Certes,  nous  préférons  les  formes  arrondies  des  ciboires  romans  : 
cette  forme  est  plus  conmiode,  eu  égard  à  la  deslinaliou  du  vase;  les  orne- 
ments en  sont  plus  rationnels  et  ap|)arliennenl  plus  en  pro|)re  ;i  l'orfèvrerie. 
Ici,  à  part  certaines  parties  du  |)i(Ml  cl  les  feuilles  estampées  qui  s'étalent  sous 
la  coupe,  cette  coupe  et  tout  ce  qui  la  surmonte  pourrai!  avoir  été  aussi  bien 
exéculé  en  pierre  qu'elle  l'est  en  argent.  L'échelle  seule  dilTère. 

IMais  cnlin,  puisque  toutes  les  églises  ne  sont  point  bâties  en  style  du 
xiii'' siècle;  puisqu'il  faul  dr  rorfr'vrcrio  du  w'' siècle  pour  celles  qui  appar- 
tiennent à  cette  époque,  voici  un  modèle  d'une  exécution  excellente  et  (pii. 
fabriqué  probablement  vers  les  commenccmenis  de  ce  xv°  siècle ,  montre 
encore  une  certaine  fermclé  dans  ses  pnifils  et  un  grand  goût  dans  le  dessin 
de  son  ensemble. 

Aliui:i>    n.V  UC liL. 


ViAAX    ])]■    VinNKirjT 


De  toutes  les  aniictions  pliysiquos  et  morales  qui  assif^gent  la  dernière 
période  de  la  vie.  il  n'en  est  pas  de  plus  douloureuse  que  de  perdre  ses  amis 
et  de  voir  peu  h  peu  le  \  ide  se  former  autour  de  soi.  Les  «  Annales  Archéo- 
logiques 1)  ont  déjà  |)(irli'  \f  druil  di'  llrnri  Gérente,  de  Lassns.  de  l'abbé 
Texier.  Aujourd'hui,  nous  avons  à  dépinnM'  la  luort  de  l'Y'lix  de  Verneilh, 
notre  ami  de  près  de  trente  ans,  l'un  de  nos  collaborateurs  les  plus  assidus 
et  les  plus  dévoués.  Il  a  succombé  le  28  septembre  dernier,  dans  la  demeure 
de  ses  pères,  aux  lieux  mêmes  où  il  était  né,  alors  que  nous  pouvions  espérer 
encore  pour  lui  di'  loni^s  jours,  au  moment  où  il  préparait ,  dans  toute  la  matu- 
rité de  sou  talent ,  de  nouvelles  |)ul)licali()ns  destinées  k  prendre  place  au 
nombre  des  œuvres  classiques  de  l'arcbéologie. 

réiix  de  Verneilh  naquit  le  21  octobre  1820,  au  château  de  Puyraseau. 
près  de  la  petite  ville  de  \ontron.  11  n'avait  donc  pas  encore  accompli  sa  qua- 
rante-quatrième année  lorsqu'il  a  été  enlevé  à,  notre  aiïection.  Sa  vie  n'a  été 
qu'une  suite  de  travau\'  souvent  remarquables,  toujours  utiles.  11  fit  ses  pre- 
mières études  à  Limoges,  et  c'est  certainement  dans  cette  ville,  pour  laquelle 
il  a  toujours  conservé  une  prédilection  particulière,  que  les  églises  du  moyen 
âge,  les  maisons  anciennes,  les  productions  de  l'émaillerie  commencèrent  à 
fixer  son  attention.  Il  terminait  à  Paris,  quelques  années  plus  tard,  ses  cours 
de  droit ,  ([uand  un  ministre,  illustre  entre  tous  ^,  résolut  de  donner  une  puis- 
sante impulsion  aux  études  d'histoire  et  d'archéologie,  [lar  la  création  du 
Comité  des  arts  et  monuments.  De  cette  époque  datent  ses  relations  intimes 
avec  le  directeur  des  «  Annales  Archéologiques  »  et  avec  nous.  Heureuses 
années  où  la  France  entière  se  sentait  prise  d'un  véritable  enthousiasme  pour 

1.  M.  tUiizot. 


VEUX   DE  VERNEII.H.  '  325 

les  moimments  de  son  glorieux  passé!  Les  dijcumeiits  les  plus  curieux  sur 
l'architecture,  sui'  l'iconographie,  sur  la  niusitjue  religieuse,  sur  les  hommes 
qui  s'tMaienI  distingués  dans  toutes  les  branches  de  l'art,  les  réclamations  les 
plus  énergiques  en  faveur  des  monuments  menacés  de  mutilations  barbares 
ou  de  restaurations  inintelligentes,  alïluaient  vers  le  Comité  nouveau,  érigé  en 
tribunal  par  l'opinion  publique  dès  les  premiers  jours  de  son  existence. 

Félix  de  Verneilh  se  plaça,  dès  le  début ,  au  premier  rang  des  correspon- 
dants ofTicieux  du  Comité.  Il  n'avait  pas  vingt  ans  lorsqu'il  adressa,  en  1840, 
au  ministre  de  l'instruction  publicjue  un  mémoire  d'une  haute  importance  sur 
cette  église  de  Saint-Front  de  Périgueux,  qui  lui  doit  certainement  le  rang 
considérable  qu'elle  occupe  maintenant  dans  l'histoire  de  l'art.  Ce  mémoire 
contenait  déjà  le  plan  généi-al ,  et  même  les  principales  divisions  du  livre  qui 
parut  onze  ans  plus  tard. 

Le  directeur  des  «  Annales  Archéologiques  »,  alors  secrétaire  du  Comité 
historique  des  arts  et  monuments,  a  dit ,  dans  un  de  ses  procès-verbaux,  quelle 
fut  la  surprise  du  Comité  quand  on  lui  mit  sous  les  yeux,  pour  la  i)remière 
fois,  la  vue  d'ensemble  de  Saint-Front  dessinée  par  Jules  de  Verneilh  sous  la 
dictée  de  son  frère  Félix.  L'édifice  apparaissait  avec  sa  physionomie  byzan- 
tine, débarrassé  des  lourdes  toitures  qui  l'ont  défiguré,  surmonté  de  ses  vastes 
et  majestueuses  coupoles.  Aucune  légende  n'indiquait  le  nom  du  mystérieux 
monument.  On  se  demanda  dans  ([uelle  partie  de  la  Grèce  ou  de  l'Asie- 
Mineure  avait  été  retrouvée  cette  église;  l'idée  ne  vint  à  personne  que  c'était 
la  cathédrale  d'un  de  nos  diocèses  français.  Le  secrétaire  du  Comité  appor- 
tait, en  même  tmnps.  au  nom  tic  rauteur.  un  projet  de  restauivition,  dont 
l'exécution  sim|)lo  et  facile  aurait  rendu  à  Saint-Front  sou  aspect  iiriniilif'. 
Nous  ne  pouvons  ([ue  regretter,  comme  nous  croyons  savoir  (|ue  Tadminislra- 
tion  des  cultes  le  regrette  aujourd'hui  elle-même,  qu'on  ne  se  soit  pas  borné 
à  suivre  le  programme  tracé  par  Félix  de  Verneilh.  La  cathédrale  du  l'érigord 
nous  serait  déjà  restituée  avec  ses  caractères  les  plus  essentiels,  tandis  que 
nous  ne  verrons  probablemiMil  jamais  le  terme  de  la  fâcheuse  reconstruction 
qui  s'en  opère  lentement.  Nous  aurions  voulu  plus  de  respect ,  plus  de  scru- 
pule àl'égai'd  (l'un  monument  de  cell(>  valeur,  dunl  rornementalion  n'i'lail  pas 
moins  précieuse  (jue  l'archilecturc. 

La  création  des  «  Annales  Archéologi([ues  »,  en  184/1,  répondait  à  un  îles 
vœux  les  plus  chers  de  Félix  de  Verneilh;  aussi  n'a-t-il  cessé  d'y  apporter 


1.  «  Bulletin  archéologiquo  du  Comité  iiistoiiquo  dos  arl,-;  ot  inonuinonls  u,  vol.  i,  session  de 
1840,  page  115  ot  pages  15Î-1S9. 


326  ANNALKS  AltClIKOl.OdlOl'KS. 

I;i  (:i)ll;il)oralii)ii  l;i  )tlii-s  aclive  peiid^iiil  |)liis  de  \iiigl  années,  Les  dernières 
lisnos  c[iio  sa  main  ail  lrac<!'es  claienl  destinées  aux  <>  Annales  »,  et  c'est  sur 
son  lit  (II'  iikhI  (|u  il  a  corrigé  les  éprouves  de  son  mémoire  sur  le  style  ogival 
(Il  \ni;liliric  cl  en  iXormandii-  '.  I,a  réunion  de  sos  articles  formerait  k  elle 
seule  un  ouvrage  considérable;  on  If.s  verrait  se  suivre  et  s'encliaîner  dans 
un  ordre  prcs(|ue  matliémali(|ue,  connue  des  propositions  qui  se  démontrent  les 
unes  par  les  antres.  La  rigueur  do  la  logi(|ue  s'y  trouve  d'ailleurs  toujours 
tempérée  par  un  rare  bon  sons;  les  démonstrations  les  plus  abstraites  s'y  jiro- 
duisenl  avec  niio  clarlé'  (|ui  les  rend  accessibles  h  toutes  les  intelligences.  Puis, 
quand  le  sujet  s'y  jjrètc,  le  style  s'anime  et  se  colore,  sans  rien  perdre  de  sa 
vigueur  ni  do  sa  précision. 

Le  premier  article  qu'il  donna  aux  «  Annales  »  avait  pour  ojjjel  do  déter- 
miner la  signification  véritable  du  mot  OfiivE,  d'après  les  comptes  manuscrits 
du  moyen  îlge  et  d'après  les  traités  d'architecture  du  \\i'  siècle.  11  démontra 
pércmploiremeiil  (|ue  nous  abusons  de  ce  mot  en  l'employant  à  désigner  l'arc 
en  tiers-point,  tandis  que  nos  devanciers  l'appliquaient  aux  arcs  qui  coupent 
diagonaicmcnt  une  voûte  d'arête.  Un  esprit  moins  sérieux  aurait  conclu  à  la 
réforme  do  notre  vocabulaire  archéologique,  quelles  que  dilïicultés  qu'en  eût 
éprouvées  l'élaboration.  Au  contraire,  tout  en  nous  instruisant  pour  le  passé, 
il  réclamait  on  faveur  d'une  expression  consacrée  par  un  long  usage,  et  qu'on 
ne  pouvait  supprimer  sans  grave  inconvénient,  à  moins  (ron  avoir  une  autre 
d'égale  valeur  à  lui  substituer. 

A  combien  do  discussions  et  do  systèmes  l'origine  de  l'architecture  ogivale 
n'a-t-elle  pas  donné  lieu,  et  que  n'a-t-on  pas  écrit  pour  en  découvrir  le  ber- 
ceau en  Asie,  on  Kgyple,  en  Espagne,  à  ])eu  près  partout,  excepté  dans  sa 
véritable  patrie?  La  France,  si  longtemps  indilTéronte  à  ses  vieux  titres  de 
gloire  ,  s'était  laissé  déposséder  au  profit  de  l'Allemagne  ou  môme  de  l'An- 
gletorro.  Les  bords  du  Rliin  ,  où  les  grands  monuments  appartiennent  en 
majorité  à  l'art  roman,  passaient  pour  la  terre  classique  du  style  qui  a  pro- 
duit les  cathédrales  de  Chartres,  do  Reims  et  d'Amiens,  Le  dôme  de  Cologne 
était  à  la  fois  le  type  et  le  elier-d'ieuvro  do  l'art  ogival,  l'élix  do  Verneilh 
rovoudi(iua  pour  la  l'ranco  l'iionnour  d'avoir  vu  naître  chez  elle,  au  centre 
même  de  sa  force  et  de  sa  vitalité,  la  véritable  architecture  chrétienne.  Si 
nous  nous  servons  de  cette  expression  si  vivement  attaciuéo  dans  ces  dernières 
années,  c'est  qu'à  notre  avis  le  christianisme  ne  se  trouve  réellement  chez  lui 

1.  Deux  arlicles  encore,  qui  complètent  ce  mémoire  important,  el  dont  le  mamiscrit  est  entre 
nos  mains  depuis  plusieurs  mois,  seront  publiés  dans  les  «  Annales  »  fie  1S6d.  Nous  tromperons 
ainsi  les  douleurs  de  la  séparation  en  (coûtant  la  parole  écrite  de  notre  ami.  {.\ole  de  M.  Didron.) 


FÉLIX   DK  VEIINKILU.  327 

que  dans  l'église  du  moyen  âge.  Ju.s([u'alor.s  il  s'abritait  tant  bien  que  mal 
dans  des  constructions  dont  le  plan  ,  le  style  et  rornementation  attestaient  un 
autre  culte,  d'autres  rites  et  une  civilisalion  toute  dilïérente.  C'était  une 
grande  et  noble  cause  que  notre  ami  se  chargeait  de  défendre.  J-a  série  d  ar- 
ticles ([d'il  a  publii's  sur  ce  beau  sujet  forme  uu  plaidoyer  plein  de  raison  et 
de  patriotisme.  Il  prouva,  dates  en  main  .  que  l'architecture  ogivale  touchait 
déjà  dans  notre  pays  à  sa  perfection,  lorsque  des  artistes  parisiens,  picards 
et  champenois  ou  portèrent  les  premiers  éléments  au  delà  de  nos  frontières. 
L'architecte  du  dôme  de  Cologne  avait  évidemment  étudié  la  cathédrale 
d'Amiens.  Si  le  nioniuneut  gerniani(jue  rem])orto  par  ses  proportions  colos- 
sales, n'oublions  pas  ([iie  deux  ou  trois  évoques  d'Amiens,  réduits  à  leurs 
propres  ressources,  réussirent  à  faire  de  leur  cathédrale  une  des  merveilles 
du  xiii'  siècle,  tandis  qu'il  a  fallu  que,  de  nos  jours,  un  roi  luthérien  s'avisât 
de  reprendre  l'œuvre  inachevée  des  puissants  archevêques  de  la  métropole 
allemande.  M.  Viollet-lc-Duc  esl  venu  à  son  tour  continuer  dans  son  «  Diction- 
naire d'architecture  »  le  succès  ohlenu.  en  accuuuilaiit  les  preuves  et  en  ren- 
dant manifeste  pour  tous  les  yeux,  avec  celte  habileté  de  crayon  dont  il  a  le 
secret,  l'origine  toute  nalionale  du  grand  art  c|ui  a  eu  pour  ciéateurs  ou  pour 
interprètes  Robert  de  Coucy,  Libergier,  Piobert  de  Lusarches,  Pierre  de 
Montereau. 

Félix  de  Verncilh  était  un  esprit  essentiellement  pratique.  Il  ne  se  conten- 
tait pas  d'adun'rer  la  hardiesse  et  la  majesté  des  monuments  du  moyen  âge, 
ou  de  rechercher  les  secrets  de  leur  construction  dans  les  épures  tracées  par 
les  vieux  maîtres  :  il  voulait  savoir  ce  que  cette  grande  époque  avait  fait  pour 
la  salubrité  des  villes,  pour  la  facilité  des  moyens  de  communication,  pour  le 
développement  de  l'agriculture  et  de  l'industrie.  Il  fut  bientôt  convaincu  que 
les  honnnes.  ([ui  avaient  élevé  des  monuments  à  la  fois  si  beaux  et  si  bien 
appropriés  à  leur  desliiiation,  n'apportaient  pas  moins  de  soin  et  d'intelli- 
gence à  dresser  le  plan  d'une  cité,  à  percer  des  routes,  à  jeter  des  ponis  sur 
les  fleuves,  à  creuser  des  canaux  pour  arroser  leurs  terres  ou  pour  mettre  en 
mouvement  les  rouages  de  leurs  usines.  Ses  travaux  sur  les  villes-neuves, 
les  villes-franches  et  les  bastides  de  nos  provinces  méridionales  sont  appré- 
ciés non-seulement  par  les  archéologues  et  par  les  historiens,  mais  aussi  par 
les  honnnes  qui  s'occupent  d'administration  et  d'économie  politique.  Depuis 
longleinps  il  avait  formé  le  projet  d'écrire  sur  cette  malière  un  ouvrage  spé- 
cial. L'ai'chiiccturc  religieuse  du  moyen  âge  a  été  étudiée  jusque  dans  ses 
moindres  détails,  tandis  que  l'archilecture  civile  de  nos  diverses  provinces 
n'est  pas  complétemcnl   counui>.    Les   nombreux  articles   publiés  dans    les 


328  ANNAI.KS  A  llCIIKOLfx;  loi:  i:s. 

(I  Aiin.ilcs  »  foiil  assez  prossciitir  l'impurlarici;  d'un  |iarcil  livre  |)iil)liô  par  un 
autour  si  l)ioii  prc'paré. 

[<o  stylo  (li;  Félix  do  Veruoilh  so  trouvait  eu  parfaite  harmonie  avec  la 
iiialurilô  de  ses  idées  el  avec  la  vigueur  <li;  sa  raison.  Nous  l'avons  vu  sou- 
tenir, sans  désavantage,  des  luttes  animées  avec  des  écrivains  émériles,  lanlôl 
l)uur  répondre  aux  observations  do  M.  Vitol.  tantôt  pour  repousser  lesalla(|ues 
de  M.  llenan. 

Nous  n'avons  pas  voulu  iiili'i'iouipro  la  siiilc   logi(|uo  des  travaux  do  notre 
uiui  dans  les  »  Annales  »;  mais  le  moment  est  vrtiu  do  rappeler  son  œuvre 
capilali',  (I  rAri-hilrchiro  byzantine  en  France  »,   (ju  il   lil   paraître  en  J85i. 
Cummo  fond  cl  comme  forme,  c'est  assuréincnt  un  des  plus  beaux  livres  d'ar- 
chéologie de  notre  temps.  Rien  n'était  plus  obscur  (|ue  l'histoire  des  influences 
byzantines  sur  l'arl  de  notre  pays.  La  |)luparl   dos  monuments,  des  sculp- 
tures, des  objets  d'orfèvrerie,  antérieurs  au  xif  siècle,  passaient  pour  byzan- 
tins, et  aujounlliiii  encore  on  abuse  étrangement  de  celte  dénomination.  Félix 
do  V'(TneilIi  a  pris  sur  lo  fait  l'iuiportalion  de  l'arl  byzantin  en   France.  Il 
nous  montre,  le  compas  à  la  main,  comment  Saint-Front  de  Périgueux  est 
sorti  de  Saint-Marc  de  Venise,  et  comment  Saint-Fronl  a  produit  lui-même 
tuulc   une  série  d'édifices  donl  la  coupole  est  le  signe  caractérislique.  La 
filiation  byzantine  se  poursuit  à  travers   le   l'éi-igord  et   l'Angoumois  pour 
arriver  jus(iuo  sur  les  bords  do  la  Loire,  oîi  ell(>  se  manifeste  une  dernière  fois 
dans  les  dômes  de  la  grande  église  de  Fontevrault.  Après  avoir  écrit  l'histoire 
de  l'art  byzantin  m  I'i-ance,  Félix  do  V^ernoilh  se  proposait  de  publier  un  livre 
semblable  sur  l'Orient.  Pour  ce  but ,  il  avait  entrepris  un  voyage  à  Constanti- 
noplo,  en  Grèce,  en  Italie.  Nous  savons  que  la  rédaction  de  l'ouvrage  était 
fort  avancée,  et  nous  avons  tout  lieu  d'ospérer  ([uo  M.  Jules  de  Verneilh  se 
fora  un  devoir  pieux  crachover  dignement  l'œuvre  de  son  frère.  Nous  possé- 
derons alors  l'histoire  complète  de  l'art  byzantin  :  nous  saurons  quels  éléments 
onl  concouru  à,  sa  formation,  quelles  circonstances  en  ont  favorisé  l'épa- 
nouisscmcnl,  et  quelle  autorité  il  a  exercée  dans  le  monde  chrétien. 

Félix  de  Verneilh  ne  voulait  rester  étranger  à  rien  de  ce  qui  pouvait  con- 
tribuer au  progrès  de  rarcliéologie.  C'est  ainsi  qu'il  a  pris  une  part  active  aux 
réunions  de  l'Listitut  des  provinces,  aux  travaux  de  la  Société  française  pour 
la  conservation  des  monuments,  à  la  publication  du  «  Bulletin  monumental  ». 
Il  a  fourni  à  ce  dernier  recueil  des  mémoires  d'un  grand  intéièl  sur  les  églises 
à  coupoles  et  sur  les  fortifications  de  Constantinople  ;  il  y  a  résolu  la  question 
vivement  débattue  de  la  priorité  d'âge  des  émaux  germaniques  sur  les  émaux 
limousins. 


FÉLIX   DE   VERNEILH.  329 

Il  y  a  quelque  chose  que  nous  eslimons  encore  à  plus  haut  prix  que  la 
science,  ce  sont  les  qualités  du  cœur,  la  siireté  dans  les  affections,  le  dévoue- 
ment au  devoir,  le  culte  de  ce  qui  est  noble  et  bon.  Tout  cela,  nous  le  trouvions 
dans  l'ami  dont  nous  déplorons  amèrement  la  fin  prématurée.  Dans  les  inter- 
valles de  ses  études,  il  s'occupait  sérieusement  d'agriculture  ;  il  apportait  une 
extrême  sollicitude  h  toutes  les  questions  d'intérêt  public  ou  particulier  de  son 
pays  :  aussi  sa  mort  a-t-ellc  été  un  deuil  i)our  la  contrée  tout  entière,  et,  le 
jour  du  suprême  adieu,  \iiigt  paroisses  se  réunirent  spontanément  autour  de 

sa  tombe. 

F.  Di;  GUIMIFUMY. 


XXIV.  ii3 


TI5AITi:S    IM:I)H\s 


SUU    LA    MUSIOL'i:    DU    MOYK^    AGI^ 


L'Iiisloirc  do  la  iim>i(iiic  n'a  coiniiicncé  à  être  trailée  d'une  iiiaiiière  sérieuse 
que  depuis  (|u'on  a  élé  à  mèuio  d'en  t'Iudior  les  éléments  dans  leurs  véritables 
sources,  c'esl-à-dire  dans  les  docmnents  et  les  monuments  originaux.  Le 
prince-ai)bé  (lerbei't  a  rendu  un  service  cminenl  h  la  science  en  tirant  de  l'oubli 
el  en  pni)liaiil  dans  son  »  Sci'iploi'cs  de  musica  sacra  potissimum  >>  (3  vol. 
in-/i '.  J  78'i)  un  grand  nombre  d'ouvrages  inédits  d'auteurs  qui  ont  vécu  depuis 
le  m"  siècle  jusqu'au  xv'.  Cette  publication  a  l'ait  une  révolution  dans  les 
études  historiques  concernant  la  musique;  elle  a  été  le  puinl  de  départ  de 
tous  les  travaux  solides  sur  le  chant  ecclésiastique  et  la  musique  mesurée,  qui 
se  sont  succédé  depuis  la  lin  (hi  dernier  siècle  jusqu'à  nos  jours. 

I.  .\1.  ilo  CoiisseiiKilvcr  vient  il'aclievcr  la  puljlicalioii  du  premier  volume  de  son  grand  ou- 
\iaj;("  qui  a  pour  lilro  :  «  Scriptorum  do  musica  niedii  fcvi  nova  séries».  Fort  in-4»  k  deux 
colonnes,  imprimé,  texte  et  notation,  en  caractères  neufs  ou  fondus  exprès.  En  It^to  de  ce  beau 
et  savant  volume,  M.  do  Coussemaker  met  une  préface  qui  résume  les  particularités  principales 
de  l'ouvrage.  Cette  préface  est  écrite  en  latin,  parce  que  tous  les  traités  qui  compo.^ent  la  pu- 
blication appartiennent  à  cette  langue.  A  notre  demande,  M.  de  Coussemaker  a  traduit  sa  préface 
en  français  et  l'a  augmentée  de  faits  propres  à  intéresser  les  lecteurs  des  «  .\nnales  ».  Voici  cette 
préface,  un  peu  technique,  un  peu  longue  peut-être  pour  nous  qui  ne  sommes  que  des  «  monu- 
mentalistes  ».  Mais  il  est  bon  do  faire  quelque  chose  pour  la  musique  du  moyen  âge,  qu'on  ignore 
beaucoup  trop,  et  que  d'autres  qui,  d'abord,  avaient  paru  l'étudier  et  l'aimer,  ont  fini  par  aban- 
donner à  son  malheureux  sort.  On  nous  saura  gré  d'être  fidèle  à  l'adversité  et,  comme  .M.  de 
Coussemaker,  de  proclamer  la  musique  des  xii',  xiii'  el  xiv  siècles  digne  d'être  étudiée  comme 
on  étudie  l'architecture,  la  sculpture,  la  peinture  el  la  poésie  de  cette  période  incomparable  dans 
l'histoire  de  l'art.  {.\otc  de  M.  Didron.) 


TRAITÉS   IXKDITS   SUR   LA   MUSIQUE   DU   MOYEN   AGE.  331 

Mais  Gerbort  osl,  loin  d'avoir  puisé  à  toutes  les  sources;  il  est  loin  d'avoir 
connu  tous  les  trésors  contenus  dans  les  bibliothèques  de  France,  d'Italie, 
d'Allemagne,  d'Angleterre  et  de  Belgique. 

Plusieurs  des  plus  importants  documents  sont  restés  manuscrits.  La  période 
la  moins  bien  représentée  dans  sa  collection  est  celle  du  xif  et  du  xiu'  siècles, 
la  plus  inl(''r('ssantc  pour  riiisloire.de  la  musique  moderne;  c'est  pourciiioi 
nous  avons  pensé  qu'il  convenait  do  faire  figurer  de  préférence  dans  notre 
preinier  volume  les  traités  de  celte  époque  sur  laquelle  il  règne  le  plus 
d'obscurité.  Nous  espérons  que  les  documents  que  nous  éditons  seront  de 
nature  à  répandre  quelque  jour  sur  cette  i)artic  de  l'histoire  de  l'art. 

Le  chant  ecclésiastique  y  a  aussi  une  bonne  part.  Il  >uHil  d'indiquer  le 
traité  de  Jérôme  de  Moravie,  ceu.K  de  Jean  de  Garlande,  du  nommé  Aristote, 
de  Pierre  de  La  Croix  et  de  plusicm-s  anonymes,  pour  faire  voir  de  quels 
secours  ils  peuvent  èti'e  pour  l'histoire  de  la  musique  sacrée. 

Pour  faire  apprécier  à  vol  d'oiseau,  pour  ainsi  dire,  l'importance  de  la 
publication,  nous  avons  groupé  ici  l'ensemble  des  notes  biographiques  et  sur- 
tout iMhliographiqiies  alTérentes  à  clKupie  auteur  et  à  cliacim  de  ses  traités. 
On  aura,  par  cela  même,  une  idée  sommaire  de  ce  que  pouvait  être  la  musique 
ou  du  moins  son  enseignement  au  moyen  âge. 


m. VITE     Uli     JliUOMK     Dli     .MOU.VVli;. 

Jérôme  diî  Moravie,  ainsi  nommé  parce  qu'il  était  originaire  du  pays  de  ce 
nom,  vécut  dans  la  i>remière  moitié  du  xin''  siècle,  dans  le  couvent  des  Domi- 
nicains établi  rue  Sainl-Jacques,  à  Paris.  On  ne  sait  sur  sa  vie  rien  autre 
chose  ([ue  ce  fini  est  l'apporté  dans  le  «  Scriptorcs  ordinis  Praxlicatorum  »  [lar 
les  PP.  Quétif  et  Rocard,  et  que  nous  reproduisons  ici:  »  llieronymus  de 
Moravia,  c  regno  scilicet  seu  principatu  luijus  nominis  Boemian  inter  et 
Ilungariam  sito  ortus,  a  nullis,  quod  sciain,  seu  nosiralibus  seu  exlraneis 
nomcnclatoribus  rccensitus,  prœterquam  a  Simlero ,  idquc  iovitor  et  non 
accurrate,  e  lencbris  nunc  eruitur  ol  in  a[)iMiam  luci-m  prculuiilur.  Medio 
saîculi  XIII,  circa  S.  Thom;o  de  Aquino  tempera,  claruisso  videlur  et  saltcm 
annis  ([uibusdam  in  domo  Sanjacobea  l*arisiensi  egisse.  Sic  conjicio  ex  cod. 
Ms.  memb.  fol.  par.  n"  1,  p.  S%,  in  Sorbona  clianmum  conservalo,  ex  logato 


332  ANNALF.S  AltCll  l'iOl.OCIorr.s. 

I*elri  (lo  Lcmovicis  ejus  (Jymnasii  socii  oi  ipsius  Iloljcrli  <lo  Soibona  eqiialis 
ri  al)  anno  mcci.x  sodalis  individu!  ».  D'où  il  rosiillo  que  .lén^me  a  vccti  anl<i- 
l'icdroiiKMil  h  l;i  socoiidc  inoitii''  du  mit  siôclc.  On  doil  soiilonif-nl  ajoiilr-r  que 
r'i'-lail  un  iiiiisicicii  tivs-inslriiit.  Il  est,  en  ciïul,  auteur  cl  (;()m|)ilateur  d'un 
ti-aili''  qui  poili-  \)in\v  lilre  :  »  Traclalus  de  musica,  compilalus  a  fralrc  Icro- 
iiiiiio  Moravo,  ordinis  IValniin  piaMiicalorum  ».  Il  est  contenu  dans  le  inanii- 
srrit  (le  lu  Iîii)li()lliè(|(H'  iinpi'iiak'  de  Paris,  siqjpiénKMil  du  tonds  latin, 
11°  1817.  aiiticl'ois  à  la  .Sorbonnc  sous  le  n"  dS'i'i  ,  formai  iu-'i"  à.  deux 
colonnes,  187  feuillets,  plus  un  feuillet  non  |)agini;.  Sur  le  recto  de  ce  feuillet 
est  dessinée  la  main  musicale;  sur  le  verso,  ou  lit  :  a  Iste  liber  est  paiiperurn 
m.agistrdnim  de  Soriiona,  ex  logato  M'  Pétri  J.emovicis,  quondam  socii 
domus  liujus,  in  quo  continelm-  miisica  fratris  Feronimi.  »  On  lit  un  peu  plus 
bas  :  «  Prciii  \x  S.  —  incatlicnabitur  in  capella  —  G^'"  inter  quadriviales.  » 

Ces  mentions  sont  précieus(>s  :  le  dniialeur,  Pierre  de  Limoges,  avait  acheté 
le  vokiqic  vingt  sols;  il  voulut  (pie  le  manuscrit  lut  enchaîné  dans  la  chapelle. 
Ce  volume  était  le  soixante-quatrième  de  la  classe  des  livres  faisant  partie  du 
«  niiadi'ivium.  » 

Parce  (|iie  Ji'TÔme  de  .Morasiese  dil  liii-inèine  compilateur,  ^l.  l'étis  en 
conclut  qu'il  n'a  pas  inséré  les  traités  de  quelques-uns  de  ses  prédécesseurs; 
qu'il  était  compilateur  cl  non  copiste,  qu'il  a  dû  retrancher  et  quelc[uefois 
ajouter'.  C'est  une  erreur.  Jérôme  de  Moravie  est  h,  la  vérité  compilateur;  il 
reproduit  des  fragments  |)lus  ou  moins  considérables  de  Boèce,  d'Isidore  de 
Séville.  d' Al-i*'aiahi.  (1(>  llicard;  mais  il  rapprirle  en  Icm-  entier  les  traités  de 
.lean  d(^  Ciarlande,  de  Francon  de  Cologne  et  de  Pierre  Picard.  Kii  outre, 
les  chapitres  xviii  à  xxv  el  le  chapitre  xxviii  sont  de  lui;  s'ils  avaient  appar- 
tenu à  un  autre  auteur,  il  n'eût  pas  manqué  d'en  instruire  le  lecteur,  comme 
il  l'a  fait  pour  les  autres. 

Jérôme  de  Moravie  était  donc  musicien  et  musicien  versé  dans  la  théorie 
el  la  pratique,  tant  de  la  miisi(|ue  mesurée  que  de  la  musique  ecclésiastique. 
Son  traité  est  un  des  plus  importants  qu'on  connaisse. 

Le  manuscrit  porte  des  additions  et  des  corrections  qui  paraissent  émaner 
de  la  même  main  que  celle  qui  a  écrit  le  corps  du  volume,  ce  qui  donnerait 
h  croire  que  le  manuscrit  est  autographe.  On  trouve  ensuite  sur  les  marges 
des  annotations  de  doux  autres  mains,  l'une  de  la  lin  du  xiii°  siècle,  l'autre 
du  xv^  Nous  avons  eu  soin  de  repro(hiire  les  premières,  dont  quelques-unes 
olTient  des  éclaircissements  intéressants.  Quant  à  celles  du  xv'  siècle,  nous 

I.  "  Diograpliio  universelle  des  musieiens  n,  2'  éd.,  t.  ni,  p.  409. 


TRAlïl'S   INKDITS  SLR    LA   MUSIQUE   DU   MOYEN   AGE.  333 

avons  dû  les  omettre  entièrement,  à  cause  des  mutilations  que  leur  a  fait  subir 
le  couteau  du  relieur. 

Le  traité  de  Jérôme  de  Moravie  est  resté  inédit  jusqu'à  ce  jour.  Lue  partie 
de  la  préface  et  la  table  seulement  ont  été  imprimées  par  les  PP.  Quétif  et 
Eccard  dans  leur  ouvrage,  cité  plus  haut,  par  Procliaska^  et  Dlabacz^. 

Un  mot  maintenant  sur  les  ouvrages  de  dédiant  contenus  dans  le  traité. 
La  publication  pourrait  s'en  faire  de  deux  manières  :  ou  bien  on  pourrait 
donner  le  traité  entier  de  Jérôme,  tel  qu'il  est,  en  laissant  à  la  place  qu'ils 
occupent  les  traités  de  dédiant  vulgaire,  et  ceux  de  Jean  de  Garlande,  de 
Francon  et  de  Pierre  Picard;  ou  bien  on  pourrait  en  dislraire  ces  derniers  et 
leur  donner  une  place  particulière  dans  le  volume.  Nous  avons  donné  la  pré- 
férence au  premier  mode,  afin  de  ne  pas  détruire  l'ensemble  tel  qu'il  a  été 
créé  par  le  savant  dominicain.  Mais,  pour  donner  autant  que  possible  satisfac- 
tion à  ce  que  l'autre  mode  peut  présenter  d'avantageux,  nous  avons  mis  un 
grand  titre  en  tête  de  chacun  des  tiaités  particuliers  dont  il  vient  d'être  parlé, 
et  nous  allons  consacrer  ici  à  chacun  d'eux  une  notice  comme  s'ils  avaient  un 
numéro  spécial. 

TRAiTi':  Dii  DÉcuAiNT  viLOAiuiî.  —  Jérôme  de  Moravie  est  le  seul  auteur,  h 
notre  connaissance,  qui  mentionne  ce  traité.  Il  nous  apprend  en  même  temps 
que  le  nom  de  doctrine  vulgaire,  «  positio  discantus  vulgaris  ».  lui  a  été  donné 
parce  qu'elle  est  d'un  usage  général  chez  certaines  nations,  et  jiarce  qu'elle 
est  plus  ancienne  que  toutes  les  autres*. 

L'auteur  d'un  traité  anonyme  du  Musée  britannique'"'  parle  aussi  d'une  doc- 
trine antérieure  à  celles  de  Jean  de  C.arlande  et  de  Francon,  dont  Robert  de 
Sabillon,  maître  de  chapelle  de  Notre-Dame  de  Paris,  était  l'auteur.  Est-ce  la 
doctrine  dont  il  s'agit  ici?  Il  serait  dilllcile  de  rartirmer.  mais  toutes  les  pro- 
babilités sont  en  faveur  de  celle  hypotlièse.  Ouoi  (]u"il  en  soit,  ce  document  est 
précieux  pour  r;i|)préciation  de  l'art  à  cette  épo(]ue. 

TRArrii  suii  l\  misiquiî  miîsiiu:!':  diî  jea.\  dk  GAïu.ANDii  •'.  —  On  ne 
connaît  ni  le  lieu,  ni  la  date  de  naissance  de  cet  écrivain.  On  n'est  pas 
même  d'accord  sur  l'orthographe  de  son  nom.  Jérôme  de  Moravie  l'appelle 

1.  «  Commcntariiis  do  s.fciilaribus  liljoraliuin  arliiim  in  lioliomia  et  Moravia  fatis  »,  p.  Ii3. 

2.  «  OiclioniKiiri'  liisLoric|iu'  des  arlistosdp  la  HoliiSTm  »,  I.  ii,  |i.  333. 

3.  «  Qiia  (juia  ciiia'dani  nalioncs  iitiintur  comiminilor,  et  iiiiia  anliciiiior  est  omnibus,  vulgarem 
esse  diciiiiiis  ». 

4.  «  Sci'iptoriim  clc,  t.  i,  p.  327. 

u.  Ce  Irailc  do  Jean  do  Garlande  est  inlilulo  :  «  Positio  do  musica  monsuraliili  ».  Personne 
n'admollia,  ponsons-nous,  l'intorprétatioii  doiim'o  au  mol  «  posilio  »  par  M.  l-olis.  «  Bio!;r.  univ. 
des  musiciens  »,  2''  éd.,  p.  40'.). 


rMi  ANNAi.KS  Aii(:iir:oi,(jf;io(:i:s. 

t.irilùl  '•  .loli.uini's  (licliis  (If  Ciilaiif^ia  »,  laiiliM  «  Jolianncs  de  Oarlandia  ». 
MoIh'iI  (I(;  IIcUkIIo  <;l  Jean  llanljoys  lii  iiomriieiil  <■  JoaiiiHîs  de  Garlaiidia  ». 
Adrien  de  l.a  l'a<^e  '  rilc  ini  niannscril  de  la  hiltliittlièqiie  de  l'ise  où,  dans  un 
tiaili'  conniicnçanl  par  ces  mots  :  u  Volenlilnis  iniroduei  iu  arle  contra- 
puncli,  ele.  ».  il  est  appi.-lé  «  .Jean  de  f'iiierlande  ».  Knfin,  dans  un  traité  de 
l'in'lippe  de  Vilry.de  la  l)il)liotiiè(|ue  du  nionaslèrc  d'EinsideIn,  on  le  nomme 
Il  Joannes  de  (îarlaiidia  ^  n. 

Voici  niaiiitcnanl  les  traités  de  musi<|ue  qui  portent  le  nom  de  .Jean  de  Gar- 
iandc  : 

I"  l>c  Traité  de  musi(ine  mesurée  contenu  dans  l'ouvrage  de  Jérôme  de 
Moravie  ; 

2°  Le  même,  avec  variantes,  dans  un  manuscrit  du  Vatican  ; 
3°  Le  Traité  de  plain-chanl  inséré  dans  le  manuscrit  de  Saint-Oié  sous  le 
titre  de  :  «  Iiitroductio  musicn  n; 

4°  (1  Opiima  iiilnxliictio  in  conlrapunchun  pro  nidibus  »,  dans  un  manuscrit 
d'EinsideIn  et  de  l'ise; 

5"  Jean  de  Garlande  était  auteur  d\in  Traité  de  plain-chant;  son  Traité 
de  musicjuc  mesurée  conimence  par  un  passage  où  cela  est  dit  formelle- 
ment ; 

6°  Uoberl  de  llaiidli)  et  Jean  llaiibuys  citent  des  passages  d'un  ouvrage 
(ju'ils  allriluient  à  Jean  di;  darlande. 

Si  l'on  recherclie  l'époque  où  a  été  écrit  le  Traité  de  musique  mesurée  rap- 
porté par  Jérôme  de  Moravie,  on  peut  atïirnier  qu'il  est  antérieur  au  xin"  siècle, 
puisqu'il  est  mentionné  par  l'anonyme  du  Musée  britannique,  dont  le  Traité 
est  antérieur  à  lleini  IU.  La  doctrine  de  ce  Traité  est  d'ailleurs  en  rapport 
avec  l'état  de  l'art  à  cette  époque. 

Ce  fait,  joint  à  cette  autre  circonstance,  que  le  chanoine  de  Besançon,  Jean 
Gerland  ou  Garlaiid,  était  versé  dans  la  connaissance  des  beaux-arts,  nous  a 
fait  penser  ([ii'il  était  l'auteur  du  Traité  en  question.  Mais  cette  attribution 
peut  soulever  plus  d'une  objection  :  aussi  n'avons-nous  pas  exclu  la  supposition 
que  ce  Traité  pouvait  être  l'œuvre  d'un  maître  Jean  de  Garlande  qui,  suivant 
^L  Victor  Le  Clerc,  membre  de  rListitul.  «  l'ut  peut-être  surnommé  de  Garlande, 
moins  pour  ses  rai^porls  avec  la  noble  fauiillc  de  Garlande  que  pour  avoir 
enseigné  la  grammaire  et  la  logique  dans  le  clos  de  Garlande,  nommé  depuis 
Gallande,  où  s'établirent  quel([ucs-unes  des  plus  ancieinies  écoles  de  l'univer- 

1.  «  I^ss;ii>  de  liiphllu'roi^rapliie  musicale  »,  p.  388. 

2.  1-0  R.  P.  Scliulji.ïer,  en  nous  communiquant  ce  renseignement,  exprime  la  pensée  que  le 
traité  d'EinsideIn  doit  èlro  attribué  ii  Jean  de  Garlande,  qui  était  à  la  fois  médecin,  ]'Oëte  et 
srrammairien. 


TRAITÉS   INÉDITS   SLR   LA  MUSIQUE   DU    MOYEN   AGE.  335 

site '^D.  Les  renseignements  qui  suivent  rendent  cette  sujjposilion  vraisemblable. 
On  lit  dans  le  Traité  d'EinsidcIn  :  »  Joliannes  de  Garlandia,  quondam  in  studio 
Parisino  expertissimus  atquc  probatissimus  ».  Enfin  le  Traité  de  la  biblio- 
thèque de  Pise  finit  ainsi  :  «  Et  lia;c  dicta  de  contrapunctu  sccundum  magis- 
trum  Johanneni  de  Guerlandc  in  studio  quondam  Parisiens!,  in  nostra  scliola 
musical!.  » 

Jean  de  Garlande  ou  Galandc  était  donc  niaitre  à  l'Université  de  Paris  et 
en  même  temps  écrivain  sur  la  musique.  D'après  cela,  il  est  probable  (pie  le 
Traité  rapporté  par  Jérôme  de  Moravie  lui  appartient.  Le  mot  <>  ([uondam  » 
dont  se  sert  Philippe  de  Vitry,  cpii  vivait  à  la  fin  du  \iii°  siècle,  indique  que 
Jean  de  Garlande  avait  vécu  longtemps  auparavant.  Ce  fait  concorde  bien 
d'ailleurs  avec  l'époque  que  nous  assignons  comme  celle  où  a  élé  composé  le 
traité  de  Jean  do  Garlande. 

Mais  il  existe,  on  l'a  vu  |)lus  liant,  d'autres  ouvrages  qui  portent  le  nom  de 
Jean  de  Garlande  ou  ([ui  lui  sont  allribués.  Ces  ouvrages  indiquent  un  état  de 
l'art  beaucoup  plus  avancé  que  celui  que  donne  Jérôme  de  31oravic,  et  que 
possède  le  Vatican.  Quand  on  rapproche  de  ce  dernier  celui  qui  se  trouve  à  la 
fois  dans  la  bibliothèque  de  Pise  cl  dans  celle  d'Einsidelii.  (|iiaii(l  on  K;  com- 
pare avec  les  passages  cités  |)ar  llobcrt  de  Handlo  et  par  .Icni  lianboys, 
comme  extraits  de  Jean  de  Garlande,  on  est  frappé  de  la  dilférence  de  doctrine 
enseignée  dans  les  deux.  Cette  dilférence  est  telle,  qu'il  a  dû  s'écouler  près 
d'un  siècle  entre  la  rédaction  de  ces  deux  documents. 

Comment  expliquer  ce  fait?  Il  faut  en  conclure,  pensons-nous,  qu'il  a  existé 
deux  écrivains  du  nom  di^  Jean  de  Garlande,  ayant  vécu  à  dcav  époques  diffé- 
rentes, quoique  peu  éloignés  l'un  de  l'autre.  Ce  point  admis,  nous  croyons 
qu'il  faut  attribuer  les  Traités  composés  à  la  lin  du  xii"  siècle  à  Jean  de  Gar- 
lande, maître  à  l'Université  de  Paris;  quant  aux  Traités  qui  ont  élé  écrits  h  la 
fin  du  xiii'-"  siècle,  ils  doivent  être  assignés  à  un  autre  Jean  de  Garlande. 

Aur  m  cuvNT  MKSiiuiii.i:.  vm\  Fuancon  de  Cologniî.  —  L'  «  ars  canins 
mensurabilis  »  a  pour  auteur  iM-aiicon  de  Cologne;  cela  est  aujourd'hui  liocs  do 
doute,  mais  il  n'en  est  pas  de  même  à  l'égard  de  répocpie  où  cet  auteur  vécut. 
Les  uns  la  fixent  à  la  fin  du  xi''  siècle,  et  prélendcnt  (pie  ce  l-'rancon  est  le 
même  que  l'écolàtre  de  Liège,  à  qui  on  a  attribué  un  ouvrage  sur  la  quadra- 
ture du  cercle;  les  autres,  se  fondant  iirincipalcmciit  sur  la  comparaison  de  la 
doctrine  de  l''rancon  de  Cologne  a\(>c  la  siluation  de  l'ai'l.  soiitiennenl  ([u'il 
n'a  pas  vécu  avant  la  lin  du  \ii'  siècle. 

I.   «  llisloii'o  lillrrairo  tlo  la  Fraiicn  »,  1.  xxi. 


330  ANNALKS   AltClIKOLOGIOL  KS. 

Nous  ne  reproduirons  pas  les  longues  discussions  que  celle  question  a  sou- 
levées ;  nous  n'analyserons  niètne  pas  les  rcnseigncnienls  principaux  exposés 
(lo  par!  cl  d'antre.  La  (|nc'slion  nous  paraît  résolue  en  présence  de  faits  ré\é!és 
par  i'anon\ me  du  Musée,  brilanni(|uo,  publié  dans  noire  collection  sous  le  litre 
de  (I  de  mensnris  et  discanlu  »,  et  d'où  il  résulte  qu'il  a  existé  un  l'rancon 
anh'riL'iirù  l'rancon  de  (lologiie,  et  des  traités  sur  la  musique  mesurée  plus 
anciens  que  celui  du  maître  colonien'. 

L'  <i  ars  cantus  mensurabilis  «  a  été  publié  pour  la  première  fois  par  Pabbé 
Gei-bert  dans  le  tome  III  de  son  nScriptoresecclesiastici  de  musica sacra polis- 
simuniD.  d'après  un  manuscrit  de  la  bibliothèque  Ambrosienne  de  Milan.  Mais 
celte  ('(liliuii  laisse  beaucoup  à  désirer  sous  le  rapport  du  texte  et  des  exemples 
de  iii(isi(|iic.  Le  lexle  d(!  J('mùmii'  de  Moravie  est  généralement  bon;  les  exem- 
ples sont  exacts.  Nous  en  avons  fait  la  base  de  notre  édition.  Afin  qu'elle  fût 
aussi  complète  que  possible,  nous  l'avons  collalionnéc  sur  les  meilleures  copies 
connues,  en  y  ajoutant  les  vai-iantcs  uliles. 

Les  manuscrits  consultés  sont  les  suivants  : 

Le  |)reinier  a|)i).u  lient  à  la  lîibliotlièquc  impériale;  il  y  porte  le  n°  1J2G7 
(le  l'ancien  fonds  et  provient  du  fonds  de  Tontanieu.  Dans  l'inventaire  dressé 
en  1863  par  M.  J.éopold  Dclislc,  membre  de  l'Institut,  l'ouvrage  porte  un 
litre  :  «  Traité  sur  la  musique,  xiii'  siècle  ».  Le  Mss  n'a  ni  titre  ni  nom  d'au- 
teur; l'écriture  en  est  line,  serrée  et  fort  abréviée.  Le  texte  est  bon,  les 
exemples  sont  utiles  à  consulter;  ceux  qui  concernent  les  accords  sont  d'une 
main  un  peu  |ilus  moderne  que  le  reste  du  manuscrit.  On  lit  sur  la  garde  anté- 
rieure :  «  Iste  liber  est  Johannis  de  Plivls,  canonici  Sancti-Dyonisii  Remensis  ». 

Le  second  manuscrit  (jue  nous  avons  examiné  appartient  à  la  bibliothèque 
de  Saint-Dié,  où  il  a  été  découvert  par  M.  Grosjean,  organiste  de  cette  ville. 
Ce  manuscrit  est  du  xiv'  siècle.  L'écriture  en  est  nette  et  facile  ;  les  abrévia- 
tions en  sont  régulières.  Le  copiste ,  «  Frater  Jordanus  de  Blankenburg  » , 
était  probablement  musicien,  car  les  exemples  sont  généralement  écrits  d'une 
manière  correcte;  mais  il  ne  paraît  pas  avoir  été  très-versé  dans  la  langue 
latine,  le  texte  fourmille  de  fautes  grossières.  Nous  y  avons  trouvé  quelques 
variantes  utiles. 

Enfin,  le  troisième  manuscrit  qui  a  été  collationné  est  celui  de  la  bibliothèque 
Ambrosienne  de  Milan. 

La  réunion  de  ces  divers  éléments  nous  a  permis  de  donner  une  édition  en 


1.  Ce  point  historique  sera  traité  d'une  manière  plus  étendue  dans  notre  ouvrage  sous  presse 
et  intitulé  :  «  Musique  harmonique  et  musiciens  harmonistes  aux  xir  et  xiii'  siècles  ». 


TRAITÉS  INÉDITS  SUR   LA   MUSIQUE   DU   MOYEN   AGE.  337 

rapport  avec  l'importance  de  l'ouvrage  et  avec  la  célébrité  dont  jouit  son 
auteur-  Toutefois,  cette  célébrité  devra  dorénavant  se  partager  pour  être  attri- 
buée en  partie  à  un  autre  maître  qui,  par  suite  d'une  coïncidence  de  nom,  a 
été  mis  à  l'écart  et  oublié.  Ce  maître  est  Francon  de  Paris,  auteur  d'un  traité 
sur  la  musique  mesurée,  qui  constate  l'initiative  des  réformes,  attribuées  jus- 
qu'ici exclusivement  à  Francon  de  Cologne.  Dans  le  traité  anonyme  du  Musée 
britannique,  inséré  dans  notre  »  Scriptorum  »,  page  o26,  il  est  appelé 
«  Franco  primus  »,  pour  le  distinguer  de  Francon  de  Cologne. 

Traité  sur.  l\  musique  mesuréu  dk  Piiiiuiii  Pic\iiD.  —  Le  nom  de 
Pierre  Picard,  qui  se  révèle  ici  pour  la  première  fois,  semble  indiquer  que  ce 
maître  était  originaire  de  la  l'icaixlie.  Il  ne  paraît  pas  avoir  eu,  aux  yeux  de 
Jérôme  de  Moravie,  qui  rapporte  son  traité,  et  il  n'a,  en  elTet,  d'autre  mérite 
que  celui  d'avoir  mis  la  doctrine  de  Francon  de  Cologne  en  abrégé. 

Il  existait  vers  la  même  époque  un  artiste  du  nom  de  Pierre  de  la  Croix 
(  «  Petrus  de  Cruce  »  ),  natif  d'Amiens,  dont  il  sera  parlé  plus  loin,  et  qm  était 
auteur  d'un  traité  sur  la  musique  mesurée;  mais  ces  deux  noms  ne  s'appli- 
quent pas  à  un  même  personnage.  Par  des  extraits  qu'en  donnent  Robert  de 
ITandIo  et  Jean  Ilanboys,  il  est  facile  de  voir  que  l'ouvrage  de  Pierre  de  la 
Croix  était  dilïcrent  de  celui  de  Pierre  Picard. 

Maintenant  qu'on  a  pu  apprécier  les  compilations  et  les  reproductions  de 
traités  entiers  dont  Jérôme  de  Moravie  a  enrichi  son  livre,  disons  un  mol  de  la 
pail  qui  lui  revient.  On  voit  d'abord  un  chapitre  sur  la  fonte  des  cloches  et 
un  autre  sur  le  monocorde;  ensuite,  tout  ce  qui  concerne  la  théorie  et  la  pra- 
tique du  plain-chant  a  sa  place  dans  les  chapitres  xx,  xxi,  xxii  et  xxui,  trôs- 
utiles  à  consullcr.  Huant  au  chapitre  xxv,  qui  traite  du  rhythme  et  de  l'orne- 
mentation du  chant  ecclésiastique,  il  est  d'une  importance  considérable;  nous 
avons  cherché  à  la  faire  ressortir  dans  notre  «  Histoire  de  l'harmonie  au 
moyen  âge  »,  page  123  et  suivantes. 

Le  chapitre  xxiii  est  un  document  unicfue;  il  contient  sur  Faccord  et  le 
diapason  des  instruments  à  archet,  en  usage  au  xm"  siècle  et  connus  sous  le 
nom  de  «  vièle  »  et  de  «  rubèbe  »,  des  notions  pour  ainsi  dire  complètes. 
Tout  porte  à  croire  que  Jérôme  de  Moravie  est  l'auteur  de  ces  excellentes 
instructions. 


XXIV.  hk 


:5;}H  ANNALKS  AIICIIÉOLOGIOUKS. 

11 

MANi'iM.    ni;    r)i';(:  Il  ANT   m;    ir.wc.ON    i>  i;   (,oi.o<.  n  r,. 

C'est  dans  ce  traité  (jiie  Francon  s'appollo  lui-inômc  Fraiicon  de  Cologne  : 
i<  Ego  Franco  de  Colonia  ».  Ilawkins  cl,  d'après  lui,  Burney,  ont  signalé  ce 
documciil  comme  existant  dans  un  manuscrit  de  la  bibliothèque  Bodièienne 
d'Oxford.  Nous  le  donnons  d'après  une  copie  faite  sur  ce  manuscrit  par  les 
soins  de  M.  Parker,  à  qui  nous  adressons  nos  vifs  rcmcrcîments. 

M.  Fétis,  à  l'article  Francon,  dans  sa  «  Biographie  universelle  des  musi- 
ciens »,  dit  avoir  trouvé  une  copie  de  ce  traité  k  la  Bibliothèque  im|iériale  de 
Paris,  sans  en  indicpier  le  numéro. 

Un  manuscrit  du  xiii"  siècle,  de  cette  bibliothèque,  fonds  Saint-Victor,  548. 
contenait  autrefois  un  traité  intitulé  :  «  Compendium  arlis  musicce  ».  lia  été 
arraché  à  une  époque  inconnue  ;  serait-ce  là  le  manuscrit  dont  parle  M.  Félis? 
Ce  qu'on  regrette  dans  le  manuscrit  d'Oxford,  c'est  qu'il  ne  contient  pas  les 
exemples  de  musique  (jui,  d'après  le  nombre  des  portées  vides  et  d'après  les 
mots  «  quadrupium,  triplum,  médius,  discantus  ».  (jui  accompagnent  les 
premières  portées  vides,  auraient  pu  oITrir  un  grand  intérêt. 


m 

l.MRODUCriON     DE     LA     MLSIQLE     SKLON     ^lArrilK     DE     GABLANDE. 

Jean  de  Garlande.  l'auteur  du  «  Traité  de  musique  mesurée  »  dont  il  est 
parlé  plus  haut,  était  en  même  temps  auteur  d'un  «  Traité  sur  le  chant  ecclé- 
siastique ».  Le  début  de  son  «  Traité  de  musique  mesurée  »  ne  peut  laisser  de 
doute  h  cet  égard.  Cette  «  Introductio  musicee  »  est-elle  le  traité  de  plain- 
chant  auquel  font  allusion  les  paroles  que  nous  venons  de  citer?  Cela  est  pro- 
bal)le.  mais  nous  n'oserions  l'affirmer.  Nous  avons  extrait  cette  introduction 
du  manuscrit  de  Saint-Dié. 


TRAITÉS   INKDITS   SUH    LA   MUSIQUE   DU   MOYE.N   AGK.  339 

IV 

m  VITE     Dli     ULSIQLE     M /■  S  l  11  ji  li     D  K     .IKA.N     D  K     (;  \  li  I.  A  .\  DE. 

Ce  traité,  dont  nous  avons  eu  occasion  de  parler  dans  notre  »  [[istoir'c  de 
riiarnionie  an  moyen  âge  »,  et  dont  nous  devons  la  connniniication  à  l'obli- 
geance de  M.  l'abbé  Morelot  et  à  M.  Danjon,  ([ui  l'ont  trouvé  dans  un  manu- 
scrit de  la  bibliothèque  du  Vatican,  est  le  même  ([ue  celui  que  Jérôme  de 
Moravie  a  inséré  dans  son  ouvrage.  IMais  les  variantes  y  sont  tellement  consi- 
dérables, (lue  la  reproduction  intégrale  de  ce  document  nous  a  paru  indispen- 
sable. Ce  traité  jouissait  d'une  grande  estime;  ranonyme  du  Musée  britan- 
nique, dont  nous  avons  déjcà  parlé  plusieurs  fois,  le  cite  à  diverses  reprises 
comme  une  autorité  ;  toutefois,  il  n'en  nomme  pas  l'auteur. 


m  AI  TE     DE     WALTER     0D1\(;T0\. 

Walter  Odington  a  vécu  dans  la  iircniière  nioili(';  du  Mif  siècle.  Tanner,  sur 
l'autorité  de  Pils  de  Bàle  el  de  Laland.  dit  qu'il  llorissait  vers  1240;  mais, 
d'après  une  charte  d'Iitienne  Langton ,  Walter,  alors  moine  à  Cantorbéry, 
fut  élu  archevêque  de  cette  ville  en  1228.  Comme  il  s'appelle  lui-même  dans 
son  traité  «  monachus  Evcshamia;  »,  il  faut  conclure  qu'il  a  écrit  cet  ouvrage 
pendant  (pi'il  élait  moine  dans  ce  monastère,  par  conséquent  avant  1228, 
année  de  son  élection  au  siège  archiépiscopal  de  Cantorbéry. 

Le  traité  de  Walter  Odington  se  trouve  dans  un  manuscrit  de  la  biblio- 
th('(|uc  du  collège  du  Corpus-Christi,  à  Cambridge.  Ce  manuscrit,  le  seul 
connu  où  soit  conservé  l'ouvrage  du  moine  d'iivesliam,  y  porte  l'indication  : 
15  c'c'c'c'. 

L'(''crilure  est  du  xv"  siècle;  au  comniencemcnl  de  plusieurs  chapitres,  on  a 
laissé  des  blancs  destinés  à,  recevoir  des  Idlrines  ornementées.  11  est  en  bon 
état,  excepté  le  bas  des  feuillets  qui  ont  soull'ert  de  l'humidité.  L'écriture  est 
facile,  mais  le  texte  est  fort  corrompu,  ce  qui  est  évidenmient  le  fait  de  l'igno- 
rance du  copiste,  qui  ne  savait    pas 'mieux  lo  lalin  (juc  la  matière   qui  fait 


3/i0  ANNAi,Ks  Aiu;iii;f)i.o(:ioi'i:s. 

l'ohjcl  du  Irailé.  I-os  abréviations  y  sont  iionil)ninsoK,  coninic  dans  |r-s  maniis- 
ciils  (lt>  la  môme  ('îpoquc.  A  partir  de  la  quatrième  partie,  lY'ciilure  o.<l  d'une 
.iiilrc  main;  mais  le  nouveau  copiste  ne  paraît  pas  avoir  été  plus  instruit  (|uc 
le  [)n'iiii('i'. 

On  ne  saurait  décider  si  cette  copie  a  été  faite  sur  l'orif^ina!  ou  sur  une 
autre  copie  de  sccondr  m.iin;  mais  il  est  é\idiiil  que  la  prenn'ère  page  du 
manuscrit,  qui  a  servi  à  la  transcription  de  la  copie  de  Cambridge,  était  telle- 
ment usée,  que  plusieurs  passages  étaient  illisibles.  Ce  fait  se  trouve  constaté 
par  de  nombreux  vides  ou  blancs  qu'a  laissés  le  copiste,  quand  il  n'a  pu 
décliilTrer  ces  passages.  Dans  notre  édition,  ces  blancs  sont  indiqués  par  des 
points,  et  nous  avons  mis  en  lettres  italiques  les  mots  qu'une  main  de  la  même 
i'|)()(|ii(:  (III  d'une  époque  postérieure  a  essayé  ou  est  parvenu  k  décliilTrer. 

Les  trois  premières  parties  conlicnncnl  de  nombreuses  erreurs  dans  le  texte 
et  dans  les  exemples;  il  a  fallu  refaire  les  calculs.  Malgré  nos  soins,  malgré  les 
savants  conseils  dont  a  bien  voulu  nous  aider  notre  obligeant  confrère , 
M.  Guiraudcl,  ])rofesseur  de  la  faculté  des  sciences  k  Lille,  nous  ne  répon- 
dons pas  d'avoir  toujours  réussi  à  résoudre  les  dilTicultés  que  présentait 
cette  copie.  Les  trois  dernières  parties  offraient  aussi  beaucoup  d'irrégularités 
que  nous  avons  dû  chercher  à  rectifier;  mais  nous  l'avons  toujours  fait  avec 
la  plus  grande  discrétion  et  en  respectant  le  plus  possible  le  texte,  tout  obscur 
qu'il  fût  parfois. 

M.  Fétis,  à  l'article  Walter  Odington  de  sa  «  Biographie  universelle  des 
musiciens  »,  signale  un  manuscrit  connu,  dit-il.  sous  le  nom  de  «  Tiberius  » 
(B.  IX,  n°  3)  du  Musée  britannique,  comme  contenant  un  traité  de  la  notation 
de  la  musique  mesurée,  à  la  fin  ducpiel  on  trouve  ces  mots  :  «  Hoc  Oding- 
tonus  ».  M.  Fétis  ajoute  qui!  ignore  si  ce  petit  ouvrage  est  extrait  de  celui  de 
Cambridge,  n'en  ayant  pas  fait  collation  lorsqu'il  a  examiné  ce  manuscrit 
en  1829;  mais  ce  manuscrit  était  déjà  brûlé  avant  que  M.  Fétis  fût  né.  Ce 
n'est  donc  pas  dans  ce  manuscrit,  mais  dans  une  copie  faite  pour  le  docteur 
Pepusch,  qu'il  aurait  pu  lire  cet  extrait,  lequel  ne  comprend  que  le  para- 
grajjlic  »  de  generibus  cantuum  organicorum  » . 

Le  traité  de  Walter  Odington  est  surtout  important  pour  l'étude  du  rhythme 
musical  au  moyen  âge.  Tout  ce  qu'il  dit  des  diverses  espèces  de  déchants  en 
usage  de  son  temps,  est  d'autant  plus  intéressant,  qu'il  accompagne  ses  expli- 
cations d'exemples  assez  développés  et  propres  à  éclaircir  la  théorie  souvent 
obscure  des  autres  didacticiens. 


TRAITÉS   INÉDITS  SUR   LA   MUSIQUE  DU   MOYEN   AGE.  341 

VT 

IRAITÉ     Dlî     MISIQLK     UL      N  0  M  \l  li     A  11  I  S  l  0  T  K. 

Le  nom  d'Aristote  cache  évidemment  un  pseudonyme  dont  on  n'est  pas 
encore  parvenu  à  soulever  le  voile.  Les  premiers  éditeurs  des  œuvres  com- 
plètes de  Bède,  dit  le  Vénérable,  ont  compris  ce  traité  parmi  les  ouvrages 
attribués  au  savant  anglais  ;  mais  l'abbé  Gerbert  et  d'autres  ont  reconnu 
l'impossibilité  de  cette  attribution.  Bottée  de  Toulmon^,  d'après  deux  pas- 
sages du  «  Spéculum  musicse  »  de  Jean  de  Mûris,  a  montré  que  ce  traité  a 
pour  auteur  le  nommé  Aristote.  En  185!2,  nous  avons  signalé  à  l'attention 
des  érudits  l'existence  d'un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris, 
contenant  une  copie  de  ce  traité.  Ce  manuscrit,  qui  porte  aujourd'hui  le 
n°  11266  du  fonds  latin,  a  été  successivement  la  propriété  de  Perne  et  de 
M.  Fétis,  sans  que  ces  savants  se  soient  aperçus  de  l'identité  de  ce  document 
avec  celui  qu'on  avait  imprimé  sous  le  nom  de  Bède. 

Quel  était  le  véritable  nom  de  cet  Aristote?  On  ne  le  sait.  A  quelle  époque 
vivait-il?  Tout  poiic  à  croiie  qu'il  llorissait  peu  avant  Prancon  ou  à  peu  près 
au  même  temps. 

Deux  manuscrits  contiennent  le  traité  de  cet  Aristote:  celui  que  nous  venons 
de  citer  et  qui  a  servi  de  base  à  notre  édition,  et  un  autre  qui  existe  aussi  à  la 
Bibliothèque  impériale  de  Paris  sous  le  n°  C59  du  fonds  de  Saint-Victor;  mais 
celui-ci  ne  renferme  qu'un  fragment  de  la  partie  relative  au  plain-chant  ;  il  ne 
nous  a  été  d'aucun  secours,  le  texte  en  étant  incomplet  et  incorrect. 

M.  Fétis  signale  un  manuscrit  de  la  bibliothèque  d'Oxford,  sous  le  n°  !2!265, 
comme  renfermant  une  copie  complète  de  l'ouvrage  de  cet  Aristote;  mais  les 
recherches  que,  sur  notre  demande,  M.  Parker  a  eu  l'obligeance  de  faire 
faire,  n'ont  donné  ([u'un  résultat  négatif.  »  Le  manuscrit  n"  ^2265  de  la 
bibliothèque  Bodléiennc,  aujourd'hui  n"  77,  dit-il.  est  un  petit  in-4"  qui  con- 
tient :  1°  un  commentaire  de  Boèce  «  de  Musica  »,  dans  l'introduction  duquel 
est  mentionné  le  nom  de  Pierre  de  Blois;  2°  un  traité  intitulé  «  Musica  ma- 
nualis  »,  dont  la  deuxième  partie  porte  |)our  titre  »  Tonale  ».  —  «  Nous  avons 
parcouru  plusieurs  autres  manuscrits,  ajoule-l-il  ;  mais  nous  n'a\oiis  pu 
trouver  c(,"  (pie  vous  cherchez.  Il  jiarail  donc  cpic  M.  Fétis  a  fait  une  erreur  en 

I.  «  Bulli'liii  nivhciilogiquo  du  (Comité  liisloiiqnc  des  ;irls  cl  iiioiiuincnls  ».  I.  m.  |i.  i'6\. 


■M,-î  ANNALKS   AIlCIIKOLOGIQUES. 

iii(li(|tianl  li;  ii"  22G5  rommo  un  iiiaiiuscril  do  la  Bodléicnnc  rciiferinanl  le 

(loCllIlKMll    (|lli,'   VOUS  (|r|||;ill(i0Z.    " 

Ihniruusciiiuiil ,  lu  iiiaiiuscrit  ayant  apparlonn  à  M.  l'étis  est  Irès-corrcct. 
Il  y  niant|nc  les  clmix  pnMiiicrs  feuillets;  nous  y  avons  suppléû  au  moyen  de 
l'édition  (les  (eiivrcs  de  Bède.  Ce  traité  n'est  pas  moins  important  pour  le 
(•liant  ec.clésiasli((iic  (|Uo  poin-  la  nnisi((ue  mesurée. 


Vil 

rii Airii   SI  11    i.iis  TONS   i'\i'.    i-iLiiui';   dk   i.  v   c.uoix. 

J.e  nom  de  Pierre  de  la  Ci'oix  (  <-  Pelrus  de  Cruce  »  )  se  rencontre  dans  les 
traités  de  Robert  de  Ilandio,  de  Jean  Ilanboys  et  de  Jean  de  Mûris,  comme 
auteur, d'un  ouvrage  sur  la  musi(iuc  mesurée,  où  est  indiquée  une  méthode 
particulière  de  notation,  pour  distinguer  les  semi-brèves  majeures  des  semi- 
brèves  mineures.  Pierre  de  la  Croix  a  composé  aussi  un  traité  des  tons  que 
nous  publions  d'après  un  manuscrit  du  fonds  Ilarléien,  n°  281  du  Musée  bri- 
tannique. C'est  dans  ce  traité  (|ue  iOii  voit  que  Pierre  de  la  Croix  était 
d'Amiens;  M.  I""étis  lui  donne  la  qualillcation  de  prêtre,  mais  il  ne  dit  pas 
d'après  quel  document. 

Nous  croyons  reconnaître  Pierre  de  la  Croix  dans  le  maître  de  Notre-Dame 
de  Paris  que  l'anonyme  du  Musée  britannique,  dont  il  sera  parlé  au  n"  \ii, 
désigne  sous  le  titre  de  «  Petrus  optinuis  notator».  Pierre  de  la  Croix  est 
cfi'cclivemenl  mentionné  par  R.  de  llandlo,  par  J.  Ilanboys  et  par  J.  de  Mûris 
|K)ur  sa  méthode  particulière  de  notation.  Dans  ce  cas,  Pierre  de  la  Croix 
aurait  été  l'élève  et  le  successeur  de  maître  Robert  de  Sabilion  et  aurait  vécu 
dans  la  seconde  moitié  du  xif  siècle. 

Il  y  a  en  outre  de  fortes  présomptions  de  croire  que  le  Traité  de  musi(îue 
mesurée  de  Pierre  de  la  Croix  est  celui  que  nous  axons  publié  dans  notre 
(i  Histoire  de  l'harmonie  au  moyen  âge  »  parmi  les  documents  inédits,  sous  le 
n"  VI.  page  276. 


TRAITES  INÉDITS  SLR  LA  MUSIQUE  DU   MOYEN  AGE.  3i3 


Vin 


ABUliCili     DE     M.VnilE     l' K  V  NC  0  .\ ,     TAU     JEAN     liALLOCE. 

On  ne  sait  absoUnnenl  n(;n  sur  ce  Jean  Ballocc.  On  ignore  ce  (|ii'il  était  et 
à  (lueiie  époque  il  vivait.  Sou  Abrégé  de  Trancon  est  presque  la  copie  littérale 
du  Traité  de  Francon  de  Paris,  publié  dans  notre  »  Histoire  de  l'harmonie  au 
moyen  âge  »,  page  265.  Nous  avons  extrait  cet  abrégé  du  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  impériale  de  Paris,  fonds  latin,  n°  G59.  On  a  ici  la  preuve  que 
la  doctrine  de  Francon  de  Paris  avait  de  la  réputation  et  faisait  réellement 
autorité. 


IX 


ANONYME  I.  —  TRAITE  DES  CONSON  N  A  NCES. 

Ce  Traité  se  trouve  dans  un  maïuiscril  de  la  Bibliothèque  royale  de  Bruxelles, 
portant  le  n"  10,162.  Ce  manuscrit,  qui  renferme  en  outre  les  Traités  de  Gui 
d'Arezzo,  d'Odon.  de  Bernon  et  d'un  autre  anonyme  du  xiv"  siècle,  provient 
de  l'abbaye  de  Saint-Laurent  de  Liège,  où  il  portait  le  n"  211.  L'auteur  a  dû 
vivre  à  une  époque  voisine  de  celle  où  florissaient  les  deux  Francon.  car  la 
(l()(;trine  de  déchant  qui  y  est  enseignée  est  la  même  que  celle  de  ces  mensu- 
ralistes.  L'écriture  est  du  xv°  siècle;  mais  une  note  ([ui  se  trouve  au  bas  du 
folio  48,  où  on  lit  ces  mots  à  propos  de  portées  restées  vides  dans  le  manu- 
scrit :  «  Si  hic  est  defectus,  nescio,  quia  in  libro  ex  quo  scripsi  (de  S.-Jacobo) 
adhuc  magis  est  spatium  derclictum  »,  prouve  que  ce  manuscrit  est  la  copie 
d'un  autre  probablement  plus  ancien. 

Nous  donnons  aujourd'hui  le  nom  d'iulervalles  à  ce  que  l'auleur  de  ce 
Traité  appelle  consonnances.  Les  consonnances  se  nommaient  alors  concor- 
dances et  les  dissonances  discordances. 


W  ANNALLS  Allf:ilf;OL()(;iQIJKS. 


ANONïMi;    II.    —     ru  Mil;    di:    ih;(;ii\m. 

Ce  traité,  dont  nous  avons  déjà,  parlé  ailleurs*,  est  tiré  d'un  manu.scril  de 
la  l)il)li()tiiùquc  de  Saiiil-I)ié.  Il  contient  deux  parties  di.slinctes  :  la  prenfiière 
est  relalivo  à  la  notation  de  la  niusiciue  mesurée  ;  ce  n'est  pour  ainsi  dire 
qu'une  copie  des  règles  de  Francon  de  Paris.  La  seconde  est  relative  au 
déciiant;  renseignenieiil  y  porle  sur  cette  harmonie  dans  laciuelle  le  clianl, 
donné  pour  tlièinc,  est  con.sidéré  comme  partie  inférieure  et  comme  partie 
supérieure;  ce  traité  est  particulièrement  intéressant  à  cause  de  cela. 


XI 


ANO.WHi;  III.  —  OL'  CHANT  MESURE. 

Dans  ce  traité,  qui  est  également  extrait  du  manuscrit  de  Saint-Dié,  on 
remarque  aussi  deux  parties  distinctes  :  l'une,  ayant  pour  objet  la  notation 
proportionnelle;  l'autre,  le  déchant.  La  première  est  presque  la  copie  littérale 
du  traité  de  Francon  de  Paris  ;  la  seconde  est  à  peu  de  chose  près  la  doctrine 
de  dédiant  telle  qu'elle  est  enseignée  dans  le  traité  de  déchant  vulgaire. 


\n 


ANO^YME     IV.    DE     LA     MESIUE     ET    Dl      DECIIANT. 

Le  traité  que  nous  publions  sous  ce  titre  est  sans  contredit  le  document  le 
plus  important  de  cette  époque.  Il  est  étonnant  qu'on  raison  de  son  importance, 
eu  partie  révélée  par  Ilawkins.  il  n'ait  pas  attiré  l'attention  spéciale  des  éru- 
dits.  C'est  à  la  savante  perspicacité  de  notre  excellent  ami,  M.  William  Chap- 
l)ell,  l'auteur  d'un  remar([uable  ouvrage  sur  les  chants  populaires  en  Angle- 

1.  «  Notice  sui-  im  maiiiiscril  nnisical  de  la  Biblioltlèqui"  de  Saint-Dié». 


TP.AITÉS   INÉDITS  SUR    LV   MUSIQUE  DU   MOYEN   AGE.  5hJ 

terre,  que  nous  sommes  rcdeval)lc  de  la  comminiicatioM  de  ce  traité.  Qu'il 
veuille  recevoir  nos  vifs  reniercîmcnts,  non-seulement  |)our  cette  communica- 
tion, mais  aussi  pour  les  soins  et  la  peine  qu'il  s'est  donnés  à  collationner 
notre  copie  avec  le  manuscrit  ancien,  dont  l'écriture  est  souvent  difficile  et 
chargée  d'abréviations. 

Ce  traité  existait  autrefois  dans  le  manuscrit  du  Musée  britannique,  coté  : 
«  Tibcrius  »  B.  ix,  fonds  cottonicn  ;  mais  ce  manuscrit  a  été  presque  entière- 
ment dévoré  par  rincendic  qui  délruisil  la  bibliothèque  cottonienne  à  West- 
minster. Ce  qui  reste  du  manuscrit  u  Tii)erius  »  ne  conticnl  plus  rien  de  ce 
traité;  mais  le  même  dépôt  en  possède  ime  copie,  qui  a  été  faite  d'après  ce  ma- 
nuscrit pour  le  docteur  Pepusch  ;  elle  porte  le  n"  ù909  du  supplément.  Entin 
il  existe  dans  la  môme  bibliothèque  un  autre  manuscrit  du  xiii'  siècle  (  Royal 
manuscrit.  12,  c.  vi),  contenant  le  même  traité.  Comme  on  n'a  aucune  notion 
ni  sur  l'auteur  de  ce  document,  ni  s(U"  l'époque  où  il  vécut,  il  pi'iit  ressortir 
des  renseignements  importants  de  la  date  de  l'écriture  du  manuscrit.  Le 
rédacteur  du  catalogue  du  Musée  britannique  la  fixe  au  xtii""  siècle;  mais  cela 
n'otTre  rien  de  certain  et  de  précis.  Un  savant  expert  en  celte  matière,  sir 
Frédéric  Madden,  conservateur  en  chef  du  déparlemeni  dos  manuscrits,  après 
un  examen  attentif,  estime  que  ce  manuscrit  est  du  milieu  du  mu'  siècle,  et 
qu'en  tout  cas  il  n'a  pas  été  écrit  posléricureniciit  à  1270.  Un  examen  appro- 
fondi du  traité  en  question  nous  a  convaincu  ([in'  l'auleiu'  vivait  sous  Richard  I" 
Cœur-de-Lion  ou  sous  Jean-sans-Terre,  c'est-à-dii-c  entre  1189  et  1215,  ce 
que  nous  démontrerons  d'une  manière  'détaillée  dans  notre  ouvrage  intitulé  : 
«  Musique  harmonique  et  musiciens  harmonistes  aux  \if  et  xiii"  siècles  ». 

C'est  dans  ce  traité  qu'un  trouve  les  noms  des  plus  anciens  maîtres  de  cha- 
pelle de  Notre-Dame  de  Paris,  et  une  série  de  savants  maîli-es  français,  anglais, 
espagnols  et  lombards.  C'est  ce  docunuMit  (|ui  ninis  a  mis  sur  la  voie  de  la 
découverte  de  plusieurs  compositions  des  plus  célèbres  artistes  des  xn'  et 
xui'  siècles;  c'est  encore  grâce  à  ce  traité  (pie  l'on  connaît  l'existence  de  deux 
Francon,  Francon  premier  et  Francon  de  Cologne,  et  que  nous  avons  été  mis 
h  même  de  démonli'cr  (pu;  Francon  pi'ennV'i-  l'Iail  de  Paris  et  ([u'on  possède  son 
traité  de  musique  mesurée,  l'.nthi  c(^  ducinucnt  conticnl  une  foule  d'autres 
renseignements  précieux  jinur  l'histoire  de  la  niusiciuc  mesurée  de  cette 
époque. 


xxiv.  l\5 


■M,C,  AN.NALliS  ArtClItOLOOIfll'KS. 


Mil 


\  N  o  \  Y  M  i;    V .  —    D  i;    I)  i: c  ii  \  \  i . 


Ce  |)olil  Irailc  se  trouve  h  lasuilo  du  prôccdeiil  dans  la  copie  du  docteur 
Pcpusch;  dans  le  manuscrit  (Royal  manuscrit,  12,  c.  vi)  il  est  placé  avant 
le  précédent.  Le  catalogue  en  fixe  la  date  au  xiv'  siècle.  La  doctrine  qui  s'y 
trouve  enseignée  est  h  peu  près  celle  de  cette  époque. 


\IV 


A  .\  0  .N  V  M  !•:     \1.     —     TKArrii    DES     IKailKS     Ot     NOTES. 

Ce  traité  était  placé  à  la  suite  du  précédent  dans  le  manuscrit  «  Tiberius  », 
n  i\.  Dans  le  Manuscrit  royal,  12,  c.  vi,  il  se  trouve  entre  les  deux  précé- 
dents. Le  catalogue  en  fixe  la  date  au  xiv'  siècle.  Ce  document  donne  des 
éclaircissements  sur  la  doctrine  de  Philippe  de  Vitry.  Les  exemples  sont  sur- 
tout utiles  à  consulter. 


\V 

t 

A  N  0  iN  V  M  !•;     \  I  1 .    —     1  U  V  l  T  lî    S  t  R    LA    M  L  à  I Q  L  E . 

Ce  traité  se  trouve  dans  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris 
sous  le  n"  G280  du  fonds  latin.  11  provient  de  l'ancien  fonds  du  Puy.  Ce  docu- 
ment est  l'œuvre  d'un  didacticien  qui  paraît  avoir  vécu  au  xii'  siècle;  la  doc- 
trine qui  s'y  trouve  enseignée  se  rapproche  bien  plus  de  la  doctrine  vulgaire, 
rapportée  par  Jérôme  de  Moravie,  ([ue  de  celle  de  Francon  de  Cologne.  11  est 
probable  que  ce  traité  appartient  à  l'im  des  auteurs  mentionnés  par  l'anonyme 
du  Musée  brilaïuiique,  signalé  plus  haut  sous  le  n°  rv. 


TliAlTKS    INÉDITS  SUR   LA   MUSiOLT.  DU   MOYEN    AGE.  3?i7 


XVI 


REGLES     DE     U  0  13  !•:  li  r     D  li     II  \  M)  L  0 . 

Robert  de  Handlo  est  un  musicien  anglais  du  xiv"  siècle.  On  ne  sait  rien  ni 
sur  sa  personne,  ni  sur  le  lieu  de  sa  naissance.  Il  a  écrit  une  sorte  de  commen- 
taire sur  l''rancon,  qui  porte  la  date  de  132(5.  Ce  traité  existait  autrefois  dans 
le  manuscrit  «  Tiberius  »,  c.  ix,  aujourd'hui  presque  entièrement  anéanti. 
Heureusement,  une  copie  faite  pour  le  docteur  l'epusch,  et  qui  est  au  Musée 
britannique  sous  le  n"  141,  nous  a  conservé  l'ouvrage  de  Robert  de  Handlo. 
Ce  n'est  point,  comme  le  prétendent  IJawkins  et,  d'après  lui,  Burney.  Forkel 
et  M.  rétis,  un  commentaire  sur  le  traité  de  Francon  de  Cologne,  mais  sur 
celui  de  Francon  de  Paris.  Ce  n'est  pas  non  plus  un  dialogue  entre  l'auteur 
et  des  interlocuteurs  du  nom  de  Piei-re  de  la  Croix,  Pierre  le  Viser,  Jean  de 
Garlande,  mais  un  véritable  commentaire  qui  s'appuie  sur  dos  passages  tirés 
de  ces  auteurs.  Hawkins,  Burney,  Forkel  et  M  Fétis  sont  donc  dans  l'erreur 
à  cet  égard. 


\  V  1 1 


ABUEGE    DE     M  A  1  Tli  E    .1  E  \  \     IIWBOYS     SIU     I.  A     MISIQLE. 

Jean  Haiiboys  est  également  un  musicien  anglais  qui  vivait  au  \iv'  siècle. 
D'après  Basle  ^,  il  avait  des  connaissances  étendues  dans  les  sciences  et 
dans  les  aris,  parliculièrcmcnt  dans  la  musique.  Pits-  en  parle  aussi  avec  le 
plus  grand  éloge.  Ces  deux  écrivains  placent  l'époque  la  plus  florissante  de  sa 
vie  vers  1^70.  La  chronique  de  lloliiislnHl  (t.  ii,  p.  1355)  le  fait  vivre  sous 
Edouard  IV,  roi  d'Angleterre. 

Le  traité  de  Jean  Hanboys  est  contenu  dans  un  manuscrit  latin  du  Musée 
britannic[uo.  inscrit  au  catalogue  particulier  sous  le  n°  209  et  sous  le  n°  SSGO 
du  su])pléiiK'iiL  g(''iiéi-al  ;  le  maïuiscril  csl  ilu  xv"  siècle,  l.'iua  i'a,L;e  ilr  Jean 
Hanboys  y   commence  au  f"  Où.  Il  est   |)récédé   d'un  autre   traité  intitulé  : 

1.  «  Siiiniuiirium  illiislriuni  maioris  Urilanniir  script.  »,  p.  40. 

2.  «  lU'Iiilioiuiin  liisl.  de  relnis  .\iiyl.  »,  p.  GG2. 


3/(8  ANNM.FS  Anriiini.ocioiT.s. 

"  Qii.itiior  piinc.ipalia  tolins  artis  inusicu;  »,  et  commençant  par  ces  mots  : 
<<  Oiicniadinodiiin  inter  tiitica  et  zi/.ania  ".  ([ue  Tanner  allribiie  à  Ilanlxtys  et 
Anl.  WoikI  à  Tlioinas  de  Tewkesbury.  Biirney  d(''m(jntre((ue  ce  dernier  onvraj^e 
se  trouve  dans  nn  manuscrit  d'Oxfoid  sous  le  nom  de  Tunstedc.  Le  traité  qui 
est  incoiilcsla!)li'iiiinl  i\c  .li;ui  llanboys  est  celui  rpie  nous  publions. 

[ne  sin^^ularilé  que  nous  devons  signaler  est  celle-ci  :  llanboys  commence 
son  commenlairo  par  la  reproduction  du  «  l'roojmium  »  et  d'une  partie  du  cha- 
pitre i  du  traité  de  Francon  de  Cologne.  Plus  loin,  quand  il  cite  le  texte  de 
l'rancon,  ce  n'est  plus  celui  de  Francon  de  Cologne,  mais  celui  de  Francon  de 
i'aris. 

l>e  Iraih;  de  .Ican  llanboys  est  important  pour  la  notation  musicale  de  cette 
époque.  Parmi  les  musiciens  dont  les  noms  sont  invoqués  comme  autorité,  on 
reinarc|uc  :  Ilobert  de  Brunliam.  Pierre  de  la  Croix,  Jean  de  Garlande,  W.  de 
Duncaslre  et  Robert  Trowell. 

Nous  avions  d'abord  l'intention  de  publier,  dans  le  premier  volume  de 
notre  collection,  lo  livio  vu  du  «  Spéculum  musicaî,  »  de  Jean  de  Mûris, 
parce  que  c'(;sl  moins  lui  Irailé  sur  la  musique  mesurée  de  son  temps  qu'un 
commentaire  de  la  doctrine  franconienne;  mais  nous  avons  trouvé  préférable 
(le  doiniei'  la  jilace  qu'aurait  prise  Jean  de  Mûris,  au  traité  du  Musée  britan- 
nique, imnilioniié  plus  haut  sous  le  n"  xii,  à  cause  de  son  importance  extrême 
pour  l'élude  do  l'art  à  cette  époque. 

Avaiil  de  leruiim-r  nous  ainioas  à  rappeler  que  les  types  de  notation  musi- 
cale employés  pour  l'impression  de  notre  livre,  ont  été  gracieusement  mis  à 
notre  disposition  par  les  RR.  PP.  bénédictins  de  Solesmes,  qui  les  ont  dessinés 
cl  fait  graver  pour  une  nouvelle  édition  des  chants  romains,  dont  ils  ont  confié 
l'impression  à  M.  Vatar,  de  Rennes.  Mais  comme  ces  beaux  types  étaient 
insuffisants  pour  représenter  tous  les  signes  de  la  notation  mesurée  des  xii°  et 
\uf  siècles,  nous  avons  fait  graver  et  foudre  un  certain  nombre  de  notes  et 
signes  supplémentaires. 

E.  DE  COUSSEMAKER, 

Correspondant  do  riastîtut. 


t'.^iJ'AJSMC  A 


/i„/,„i  .1  <./.„..■  ,,.„  Il,,,/,/ 


Vn'J^AÏl.OU  Xinr-  SÏÊCIJî;  a  la  CATlili:DRAI.K   de   CHAn 


ÇU/"  /■•"■    ''/'«^/■^'«.  r.1 


,r»*«.-  .(■'/«.« 


MÉLANGES  ET  NOUVELLES 


CllAliLEMAG.NE  ET  ROLAND. 

Un  soir  de  l'année  1837,  j'étais  cliez  M.  Augustin  Thierry,  qui  voulait  bien 
porter  de  l'intérêt  à  mes  travaux.  En  même  temps,  dans  la  pièce  qui  servait 
de  petit  salon  et  de  cabinet  à  l'illustre  aveugle,  se  trouvait  tm  grand  fonc- 
tionnaire de  l'Université,  que  ses  concitoyens  venaient  d'envoyer  à  la  Clianibre 
des  députés.  Tout  fier  de  son  élection,  le  nouveau  député  cherchait  à  faire 
du  bruit  et  se  proposait  de  parler  contre  le  budget  de  rinsiruclion  publique, 
dont  le  minisli-e  éniinent  était  alors  M.  Guizot.  C'était  assez  singulier  de  voir 
un  membre  de  l'Université  se  disposer  k  parler  contre  son  propre  budget  ;  un 
enfant  qui  boude  contre  son  ventre  n'est  guère  plus  raisonnable.  Mais  c'était 
la  mode  à  cette  époque.  Du  reste,  le  ministre  connaissait  bien  sa  Chambre 
des  députés,  et  je  l'ai  entendu  la  comparer  à  un  vase  sans  anses,  qu'on  ne 
sail  |)ar  quel  côté  prendre.  Ce  qui  mécontcnlait  surtout  notre  universitaire  en 
visite,  c'est  que  M.  Guizot,  qui  venait  de  créer  la  Commission  des  travaux 
historiques  et  le  Comité  des  arts  et  monuments,  demandait  une  centaine  de 
mille  francs  à  la  Chambre  pour  instituer  dans  son  ministère  un  bureau  spé- 
cial, et  préparer  les  travaux  qui  devaient  aboutir  à  une  slalislique  monumen- 
tale de  la  France  entière.  Vous  noterez  que  nous  étions  chez  un  historien,  et 
que  le  dépulé  ojjposanl,  iiisIniiiMi  lui-même,  ou  du  moins  annonçant  (|u"il 
avait  l'intention  de  le  devenir,  préparait,  nous  disait-il,  les  éléments  d'une 
histoire  de  la  religion  chrétiemie.  Ces  éléments,  à  ce  qu'il  paraît ,  furent 
longs  ou  même  impossibles  à  recueillir,  car  la  future  histoiie  du  député, 
septuagénaire  aujourd'hui,  ou  peu  s'en  faut,  est  encore  îi  venir. 

Avec  la  fine  r;ullerii'  (|u'avi\  ;iil  encore  sa  figure  intelligente,  quoique  plongée 
dans  les  ténèbres,  M.  Augustin  TliicMry  lui  fit  observer  (|n'il  avait  bien  tort 
de  demander  ou  du  moins  de  provoquer   la  (l(\<truclion  des  Comités  liislori- 


3j0  A.\i\ALi:S  AHCIir:ULO(JI(.)Ui:S. 

(Iiios,  |)iiis(|iii;  fos  Comilns  sombliiicnt  créos  huit  exprès  pour  lui  et  pouvaient 
iimiissLT,  pour  rollo  f^nviiule  n-uvre  de  l'Iiisloirc  du  clirislianisuio,  des  iiialé- 
ri;ui\  ([ii'iiii  lioiimi''  seul,  loul  i)ieii  doué  qu'il  fùl,  sorail  peut-ùtro  iiiipiii.ssaiit 
il  Iroiiver.  Noire   universitaire  consentait  bien  à  ce  ([u'on   recueillil,  pour  lui 
èlie  af;r6al)le,  Ions  les  ren'seigneinenls  écrits,  mais  il  refusait  d'entendre 
parler  des  hàliincnis  bâtis,  sculptés  ou  peints;  il  en  voulait  surtout  au  Comité 
historique  des  arts  et  monuments.  A  mon  tour,  avec  la  déférence  que  mon 
âge  et  mon  obscurité  me  commandaient  pour  un  futur  aussi  grand  lionime,  je 
me  hasardai  de  dire  que  les  moiiuiiicnls  oITraient  des  renseignements  graphi- 
ques   dignes   d'im   cerlain   inlérèl.  Je  dis  ((u'il  était  temps  de  ne   plus   faire 
comme  les  bénédiclins  des  xvii"  cl  xviii'"  siècles,  qui  secouaient  la  poussière 
de  toiilcs  les  paperasses  pour  écrire  leurs  vies  de  saints,  leurs  histoires  pro- 
vinciales ou  locales,  leurs  traités  de  paléographie,  et  qui  abattaient  en  même 
temps  églises  abbatiales,  cloîtres,  monastères  entiers  remplis  de  la  plus  vraie, 
de  la   plus  abondante  et  de  la  meilleure  hisloire,    pour  remplacer  le  tout 
par  de's  bàliinoiits  modernes  fort  laids  et  sans  racines  dans  le  passé.  J'ajoutai 
([u'on  pouvait  extraire  des  vieux  monuments,  par  voie  indirecte,   une  histoire 
i-éelle,  bien  curieuse  et  bien  inconnue,  mais  qu'en  outre  les  édifices  con- 
tenaient quelquefois  des  chroniques,  qui,  pour  être  peintes  sur  verre  ou  sur 
mur,  n'en  étaient  pas  moins  aussi  vcridiques,  aussi  intéressantes  que  celles 
qui  sont  écrites  sur  parclieiiiin  ou  siu'  papier,  .l'apportai  en  exemples  l'histoire 
de  Charlemagne  et  de  Roland  peinte  sur  verre  à  la  cathédrale  de  Chartres; 
une  })artie  de  l'histoire  de  saint  Tiiomas  de  Cantorbéry,  peinte  sur  verre  à  la 
cathédrale  de  Sens  ;  une  partie  de  l'histoire  de  saint  Louis,  peinte  sur  verre  à 
l'église  Sainte-Madeleine  de  Troyes.  J'ajoutai  que  des  tapisseries  nombreuses, 
nolaniment   à  la  catJiécbale  et  h  Saint-Remi   de   Reims,    représentaient  par 
personnages  les  faits  principaux  de  Clovis  et  do  sainte  Clotilde.  11  me  sem- 
blail.  dis-je  en  finissant,  que  ces  documents  graphiques  des  xii%  xiii,  xiv, 
XV''  et  xvi"  siècles .  méritaient  bien  une  certaine  étude  de  la  part  d'un  histo- 
rien sérieux.  M.  Augustin  Thierry  m'encourageait  de  la  voix  et  du  geste,  et 
m'enhardissait  à  compléter  mon   énumération  de  documents  ainsi  figurés. 
J'ignore   l'impression  cjue  cette  humble  conversation  a  pu  faire  sur  l'illustre 
universitaire  député,  mais  le  budget  proposé  par  M.  Guizot  passa  sans  obstacle, 
et  le  député  susdit  ne  dit  rien  contre  ou  en  fut  pour  ses  frais  d'éloquence. 

Depuis  cette  époque,  il  y  a  vingt-sept  ans  déjà,  je  me  promis  de  faire 
comiaître  ces  verrières  historiques  dont  je  viens  de  parler.  Les  tapisseries  ont 
été  publiées  par  ÎMM.  Achille  Jubinal  et  Louis  Paris,  et  il  n'y  a  guère  lieu  de 
s'en  occuper  maintenant.  Quant  aux  verrières,  sauf  une,  qui  fut  dessinée  et 


MÉLANGES  ET   NOUVELLES.  351 

gravée  à  mon  instigation  par  l^assiis,  pour  la  «  Monographie  de  la  catlié- 
dral(3  de  Chartres  ».  elles  sont  toujours  inconnues.  Celle  de  Chartres,  qui 
représente  l'expédition  de  Charlemagne  en  Orient  et  en  Espagne,  la  bataille 
de  Roncevaux  et  la  mort  de  Roland,  a  été  gravée  dans  le  format  in-folio  ; 
ajoutez  qu'elle  est  enfouie  dans  un  ouvrage  tronqué,  et  qui  certainement  ne 
sera  jamais  achevé. 

J'ai  fait  réduire  cette  gravure  dans  le  formai  des  <i  Annales  »,  et  c'est  elle 
qu'on  voit  en  tète  de  cet  article.  Je  ne  me  suis  pas  contenté  du  dessin  de 
Lassus;  craignant  des  erreurs  ou  des  oublis,  j'ai  i)rié  M.  Martel,  le  graveur, 
d'aller  à  Chartres  et  de  conti-ôlor  sur  place  la  gravure  in-folio  avant  d'en 
faire  la  réduction.  M.  Martel  a  pris  des  notes,  réparé  les  fautes  très-légères,  il 
faut  le  dire,  marque  les  plombs  avec  soin,  et  jiroduit  un  travail  que  nous 
avons  le  droit  d'appeler  irréprochable. 

La  place  nous  manque  aujourd'hui  dans  celle  livraison  des  «  Annales  », 
quoique  double  des  autres,  pour  publier  la  description  de  cette  imjiortanle 
verrière.  Mais,  dans  la  livraison  prochaine,  qui  sera  la  première  du  vingt- 
cinquième  volume  de  notre  publication,  nous  donnerons  ce  texte  descriptif 
avec  d'autres  gravures  destinées  à  faire  connaître  Charlemagne  et  Roland. 
Après  l'opéra  de  M.  Mermet,  «  Roland  à  Roncevaux  »,  le  moment  est  opportun 
pour  parler  du  plus  grand  héros  (|uc  la  l'"rance,  si  fertile  en  grands  hommes 
de  cette  trempe,  puisse  montrer  avec  orgueil. 

DlDIiON   aim;. 


LES  AnClIITECTES  DE   LA    CATHEDRALE   DE  PRAGUE. 

C'est  une  opinion  communément  répandue  que  les  deux  architectes  qui 
présidèrent  successivement  à  l'édification  de  la  cathédrale  de  Prague  furent 
deux  Français  :  Mathieu  d'Arras  et  Pierre  de  Boulogne,  Cette  croyance  est 
justifiée  par  le  moiuuneul,  (|ui  (\st,  en  Allemagne,  un  des  rares  et  des  plus 
complets  spécimens  de  rarchiloctiu-e  française  de  la  fin  du  xiV  siècle.  Mais  si 
elle  est  d'accord  avec  les  faits  pour  le  premier  maître  de  l'œuvre,  Mathieu 
ou  Mathias  d'Arras,  il  serait  possible  qu'il  n'en  lu!  pas  tout  Ji  fait  de  mémo 
pour  le  second,  Pierre  do  Boulogne. 

En  elïel,  mon  ami,  .AI.  A.  Ksscnwcin,  l'un  des  archéologues  les  plus 
«  français  »  de  l'Allemagne,  dessinateur  très-habile  dont  les  «  Annales  Archéo- 
logiques »  doivent  bientôt  publier  d'intéressants  travaux.  M.  Kssenwcin  qui  a 


352  ANNAI.RS  AIICHÉOLOGIOL'ES. 

l'ail  une  Oliide  très-particulière  de  la  calhédrulc  de  Prague,  m'envoie  les 
reiiseifçnciiiciils  qui  suivenl. 

Dans  la  f^alerii'  de  la  catiiédi'ale  de  Prague,  il  existe  des  portraits  de  l'ein- 
pcrcur  Charles  I\^  de  ses  lemnies,  de  l'arclievèfiue  de  Prague,  des  clianoines 
qui  se  sont  occupés  de  la  construction  de  l'église,  enfin  des  deux  premiers 
maîtres  de  l'œuvre.  Tous  ces  portraits  sont  contemporains  des  personnages 
qu'ils  représentent.  Sous  chacun  d'eux,  il  y  a  une  longue  inscription  pleine 
d'abréviali(jMs,  datant  de  la  lin  ilii  \iv''  siècle  ou  du  commencement  du  xv". 

Je  ne  sais  si  \l.  \.  Mssenwein  a  calqué  ou  dessiné  les  portraits,  qu'il  nous 
serait  si  intéressant  de  posséder  alin  de  les  publier,  mais  il  a  relevé  les  in- 
scriptions que  voici  : 

Malliia-;  nalu>  de  Arr.i?,  civitalc  Franeie,  priiniis  ma^'isler  f,il)rico  liiijus  eccicsie,  queni  Carolus 
Quarlus,  pro  tune  niarrliio  Moravie,  ciim  elinaUis  fuerat  in  rcgoin  Ronianorum  in  Avinione, 
abindc  adiluxit  ad  fahricandam  ceclesiam  istani,  qiiam  a  fundo  incepil,  anno  Domini  m°ccc°xlii, 
et  rcxit  iisquo  ad  anniim  m"ccc"lii,  in  qiio  ol)iit. 

Potrus  lipiirici  Arleri  de  Polonia,  mniiistri  de  Gcmunden  in  Siievia,  secundus  magisler  iiujus 
Fabrice,  queni  ini|ierator  Karolus  Ouarlus  adduxit  de  dicta  civiiflle  et  fecit  eum  magislrnm  liujus 
ecclesio,  et  tune  l'uerat  anuorum  xxiii,  et  incepil  rogere  a.d.  m.cccmi,  et  perfecil  cliorum  islum 
A.i>.  M.cccLXXxvi;  quo  aiuio  iiicepit  sedilia  cliori  iliiusct  infra  tenq)us  prescriptum;  otiam  inccpit 
et  [lerfecit  clioruni  omnium  sanctorum,  et  rexil  pontem  Maltaviac,  et  incepit  a  fundo  cliorum  in 
(".olonia,  circa  Albiani. 

Tl  résulte  de  la  première  de  ces  inscriptions  que  c'est  d'Avignon  que 
Charles  IV  ramena  à  Prague  l'architecte  Mathias  d'Arras,  et  cette  circon- 
stance explitjuc  les  nombreux  témoignages  d'influence  italienne  qui  m'avaient 
tant  frappé  dans  certains  détails  de  l'ornementation  de  la  cathédrale  de  Prague. 
Je  parle  de  l'ornementation  seulement,  de  la  mosa'ique  incrustée  au  flanc 
méridional  de  l'église,  des  incrustations  de  pierres  précieuses  et  des  peintures 
murales  de  la  chapelle  de  Saint-Wenceslas.  et  du  Saint-Georges,  statue 
équestre  en  bronze.  Quant  à  la  bâtisse  do  Mathias  d'Arras,  elle  est  en  pur 
style  français  du  nord,  et  la  seule  particularité  que  M.  A.  Essenwein  y  ait 
rernarquée,  c'est  qu'il  existe  une  commune  mesure,  comme  une  échelle,  entre 
toutes  les  parties  de  l'édifice.  Ce  serait,  si  j'ai  bonne  mémoire,  la  quarantième 
partie  de  l'entraxe  de  deux  piliers  adjacents. 

La  seconde  inscription  montre  ciue  Pierre,  le  second  maître,  fut  amené  fort 
jeune,  à  vingt-trois  ans.  de  Gemund  en  Souabe  (Wurtemberg),  à  Prague,  et 
qu'il  était  fils  de  Henri  Arlérus  de  Pologne.  Nous  disons  fils,  parce  que  géné- 
ralement, dans  les  inscriptions  latines  du  moyen  âge.  il  faut  sous-entendre 
cette  qualification  lorsque,  deux  noms  propres  se  suivant,  le  second  est  au  gé- 


MKLANGES   ET  NOUVELLES.  353 

nitif.  Mais  M.  A.  KssenweJa  inclinerait  à  penser,  à  cause  de  la  parité  possible 
des  âges,  que  Henri  était  plutôt  le  frère  ou  le  parent  de  Pierre,  qui  aurait 
commencé  d'apprendre  son  art  sous  ses  ordres,  lin  elTet,  cet  Henri  construisit 
l'église  de  Gemund,  de  Tannée  1361  à  JilO.  En  1386  il  alla  h  Milan,  où  il 
aurait  tracé  le  plan  de  la  calhi'-drale,  pendant  un  séjour  de  neuf  mois  qu'il  y 
fit.  Plus  tard,  il  se  serait  relire  à  Bologne.  Est-ce  «  Poionia  »  ou  «  Bolonia  » 
qu'il  faut  voir  dans  l'inscription,  bien  que  ce  soit  le  premier  mot  qu'on  y  lise? 
Cracovie,  fait  observer  M.  A.  Essenwein,  était  alors  une  ville  tout  allemande, 
où  l'on  construisit  quelques  églises  importantes,  et  il  ne  serait  pas  impossible 
que  Henii  fût  originaire  de  cette  partie  de  la  Pologne.  En  tout  cas  il  n'est 
pas  de  Boulogne  en  France,  et  c'est  à  regret  que  nous  devons  rayer  cet  archi- 
tecte de  notre  liste  d'artistes  nationaux  (pii  ont  exercé  tant  d'inOuence  à 
l'étranger. 

Le  Pierre,  second  architecte  de  Prague,  a  beaucoup  consiruil  sous  Charles  IV. 
l\  acheva  la  cathédrale,  ainsi  que  le  château  que  Mathias  d'Arras  avait  com- 
mencé. 11  construisit  ce  qu'on  appelle  l'Octogone  à  Prague,  qui  est  la  cha- 
pelle de  Tous-les-Saints.  11  fonda  le  clui'ur  de  l'église  de  Coin  sur  l'Elbe,  et 
construisit  ce  célèbre  pont  de  la  Moldau  que  le  xvh"  siècle  a  enrichi  de  statues 
quelque  peu  tourmentées  et  singulières,  mais  qui,  vues  à  distance,  à  travers 
les  portes  fortifiées  du  pont,  forment  un  ensemble  si  vivant  et  si  pittoresque. 

Il  est  arrivé  à  la  cathédrale  de  Prague  à  peu  près  la  même  chose  qu'à  la 
cathédrale  de  CantcrbLU'y.  en  Angleterre.  Guillaume  de  Sens  on  a  tracé  le  plan 
et  commencé  les  constructions,  (juil  dirigea  qucl([ue  temps  de  son  lit  après  sa 
chute  du  haut  des  échafaudages,  chute  qui  occasionna  sa  mort.  C'est  Guil- 
laume l'Anglais  qui,  initié  par  lui  à  ses  projets,  lui  succéda  et  développa  peut- 
être  le  système  importé  par  son  maître  et  lui  donna  une  physionomie  plus 
britannique. 

A  Lin  Kl)  DAHCEL. 


MARCUIl';  D'UNE  VERRIÈRE  POUR   LA  MMIT.ESSE  VERRIÈRE  DU  CHŒUR 
DE  L'I'KU.ISE  de  SAINT-PlERliE  DE  LILLE. 

«  Aujourd'hui  xiV  d'aoust  \v'  vingt-trois,  comparut  en  sa  personne,  en  la 
Chambre  des  comptes  à  Lille,  France  Van  Musene,  voiricr,  demeurant  en 
ceste  ville,  auquel,  en  la  présence  de  nions'"  Gilleclion,  escola.slre  de  l'église 

XXIV.  ■  /|(' 


35^1  ANNALKS   AIlCIll'OI.OOIQLKS. 

.Saiiil-Piori'o  cuidil  lion,  fut  niai'clian(l(;  par  mess"  de  ccsic  Chambre  de  faire 
iiiio  verrière  ou  C(i;ur  de  lad.  éf^lise  Saiiil-IMerre,  au  cliief-lieu  dud.  ennir,  eu 
laquelle  y  aura  par  représentai  ion  noire  Sauveur  en  la  croix,  sa  glorieuse 
nirre,  nions'  saint  Jehan,  saint   Pierre,  les  figures  des  personnes  de  l'ICmpe- 

reiH'  el  <\<'    ns'   l'arciiidiir  dniii   i'ernande,  son  frère,   avec  les  armoiries, 

selon  cerlain  patron  qu'il  doit  brief  faii'c,  pour  treize  gros  de  Flandre  le  piel 
et  la  vièsc  verrière  y  eslani,  laquelle  demourra  à  son  proulTif.  A  condicion  que 
(:eul\  de  lad.  église  Saint-Pierre  lui  doivent  livrer  bois,  cordes,  doux  el  autres 
matières,  pour  faire  hourdaiges  servans  à  asseoir  lad.  verrière,  laquelle  il  a 
promis  de  faire  bien  deuemcnl  el  riclienuMil  pour  en  avoir  honneur,  et  le 
asseoir  en  lad.  église  entre  les  Pasques  et  le  Penlecouste  prouchain.  Actum 
en  lad.  (llianibre  les  jours  et  an  dessusd. 

Il  Avant  lequel  marchiet  conclud  et  depuis,  mesd.  ss'~  des  comptes  décla- 
rèrent aud.  escolaslre  que  combien  ([ue,  à  sa  rcquesle,  ilz  avoient  voulentiers 
|)ar  son  adviz  marchandé  avec  l(>dil  fiance  Van  Musene  de  lad.  verrière, 
toutes*  voyes,  ilz  ne  vouloienl  ne  enleiidoient  de  paier  plus  avant  que  les  deux 
cens  livres  parisis  donnés  par  THnipercin'  pom-  faire  icelle  verrière  :  lequel 
déclara  que  non  plus  avant  n'enlendoil  en  travailler  l'empereur,  ne  ceulx 
de  ceste  d.  (Chambre,  dont  cette  nostc  a  esié  faicte  à  la  descharge  de  ceulx 
de  ceste  Chambre^.  » 

11  n'est  |)as  (|uesli(>n  di'  ci'lli!  vcrrièi'e  dans  les  «  Antiquités  nationales  »  de 
MiUin,  ce  qui  est  assez  étonnant,  vu  les  portraits  de  Charles-Quini  <•[  do  Fer- 
nand  d'Autriche  qui  devaient  s'y  trouver.  Peut-cire  aussi  la  verrière  n'cxis- 
tait-rlle  déjà  plus  lorsque  Millin  écrivit  son  ouvrage;  l'amour  du  verre  blanc 
el  de  la  vive  lumière  avait  sans  doute  engagé  les  chanoines  de  la  collégiale 
de  Saint-Pierre  à,  la  suppriniei-. 

L.   DESCIIAMPS   DR   PAS. 


RECOMPENSES   OFFICIELLES. 

Deux  de  nos  plus  chers  amis  viennent  de  recevoir  des  récompenses  dignes 
de  leur  caractère  et  de  leurs  travaux. 

Lassus,  mort  hélas  !  depuis  déjà  sept  ans,  honore  de  son  nom  la  rue  de  Paris 

1 .  «  Archives  do  la  Chambre  des  comptes  de  Lille.  »  Reg.  M.  25,  f»  282,  v°. 


MÉLANGES   ET  MOLVELLES.  355 

qui  conduit  à  l'église  de  Belleviile,  église  qu'il  a  terminée  le  jour  même,  pour 
ainsi  dire,  où  il  quittait  ce  monde.  Malgré  des  démarches  pressantes,  Lassus 
n'a  pu  reposer  dans  son  chef-d'œuvre;  mais  du  moins,  ce  monument,  il 
l'abrite  et  l'embellit  encore  de  son  nom.  On  ne  pourra  donc  entrer  dans  cette 
rue  Lassus  sans  voir  se  dresser  en  face  ce  simple  et  beau  portail,  en  style 
du  xiii"  siècle,  que  Libcrgicr,  Eudes  de  Montreuil  ou  Robert  de  Luzarche? 
auraient  salué  comme  digne  d'eux-mêmes. 

M.  Gaucherel,  que  les  lecteurs  des  «  Annales  »  connaissent  depuis  Torigine 
de  notre  publication  où  il  a  fait  ses  débuts  de  graveur,  vient  de  recevoir  la 
croix  (le  la  Légion  d'honneur.  C'est  à  di;  pareils  artistes  que  la  croix  revient 
de  droit,  car  c'est  pour  riionncui-,  on  peut  le  croire,  et  non  pour  l'argent 
(ju'ils  prodiguent  leur  talent  et  leur  temps. 

Nous  devons  donc  et  nous  offrons  de  vifs  remercîments  à  la  ville  de  Paris 
pour  Lassus,  et  au  gouvernement  pour  .M.  Gaucherel.  Nous  y  associerons 
M.  Viollet-le-Duc  qui,  dans  cette  circonstance,  a  prêté  un  appui  efficace  à 
M.  Gaucherel,  son  ami  et  son  premier  élève. 

DIDRON  AiNÉ. 


i;ir»iio(,iiAniii: 


D'AUT  F/r   D'AUCHKOLOGIE 


165.  AcT'ES  de  l'Académie  impcrialo  dos  sciences,  beHes-leltres  et  arts  de  Bordeaux.  Troisième 
série.  25=  année.  1863.  3"  cl  V  trimestres.  In-8°  de  608  pages.  —  Notice  sur  les  cailloux 
ouvrés  d'origine  celtique  des  environs  d'Agen,  par  J.-B.  Gassies.  —  Les  campagnes  du  comte 
Dcrl)y  en  Guyenne,  par  !li:Mn   liiiîAniEU.  Discours,  comptes  rendus  et  rapports  généraux. 

166.  Annai.es  do  i'Aliljaye  d'AiL-uelielle,  de  l'ordre  do  Citeaux  (Congrégation  de  Notre-Dame 
do  la  Trappe),  depuis  sa  fondation  ju.squ'à  nos  jours  { I0i:j-1863),  par  un  religieux  de  ce 
monastère.  Deux  volumes  in-S"  do  xxxii-591  cl  621  pages.  —  Rapide  extension  de  l'institut 
monastique  dans  lo  diocèse  do  .Saint-I'aul-Troi.s-Cliàtoaux,  dès  les  premiers  siècles,  .\iguebelle 
sous  la  réforme  do  Ckiny  (10ir)-l.')3l).  Prospérité,  malliinirs  et  ruine  de  l'abbaye.  Aiguebelle 
sous  la  réforme  de  Citeaux  (  1 134-1 137).  Ori-ino  do  Citeaux,  de  la  F'crté,  de  Pontigny,  de 
Clairvaux  et  do  Morimond.  Gouvernement  et  administration  dos  abbés.  Fondation  et  histoire 
des  abbayes  du  Frayssinot  ot  de  Feniers.  Famine  et  peste  en  Daupliiné;  dévouement  des  reli- 
gieux d'Aiguebelle.  Aiguebelle  sous  les  abbés  commendalalres  (1517-1620).  Origine  de  la  com- 
mende,  ses  abus,  ses  conséquences.  L'Ordre  de  Citeaux  depuis  la  fin  du  xiv^  siècle  jusqu'il  la 
Révolution  fran(:aise  ;  ses  réformes,  sa  décadence.  Réforme  des  divers  monastères  de  la  Trappe. 
Restauration  d'Aiguebelle  (1813).  Ktat  actuel  do  la  congrégation  de  la  Trappe.  Pièces  justifi- 
catives. —  Les  deux  volumes 12  fr. 

167.  Annuaire  do  l'itjslitut  des  provinces,  dos  sociétés  savantes  et  des  congrès  scientifiques. 
Seconde  série.  Sixième  volume.  XVI"  volume  de  la  collection.  1864.  In-S"  de  xxxii-oS2  pages, 
avec  des  gravures  sur  bois  dans  le  texte 5  fr. 

168.  ARBAl'D.  —  Chants  populaires  de  la  Provence,  recueillis  et  annotés  par  Damase  Arbaud, 
corre.spûiulanl  du  ministère  de  l'inslruclion  publique.  In- 12  do  u-2.50  pages,  texte  et 
musique 3  fr. 

169.  AURÈS.  —  Nouve;li.e  TiiiioniE  du  module,  déduite  du  texte  mémo  de  Vitruve,  et  appli- 
cation de  cette  théorie  a  quelques  monuments  de  l'antiquité  grecque  et  romaine,  par  M.  Aurès, 
ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées,  membre  de  plusieurs  sociétés  savantes.  In -4°  de 
55  pages. 


BIDLIOGRAPIIIE   D'ART  ET  D'ARCHÉOLOGIE.  357 

170.  AURtS.  —  Etldk  des  dimension.^  de  Ih  colonne  Trajiinc,  au  soûl  point  de  vue  de  la 
métrologie,  par  M.  AuRiîs,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  chaussées.  In-i"  de  80  pages  et  de 
3  grandes  planches.  —  Exposition.  Étude  des  dimensions  horizontales  de  la  colonne  Trajane 
et  de  ses  dimensions  verticales.  Concordance  des  textes  anciens  avec  les  résultats  des  mesures 
modernes. 

171.  AUliÈS.  —  Étiiie  des  dimensions  do  la  Maison-Carrée  de  Nimes,  au  triple  point  de 
VU3  de  l'archéologie,  de  l'architecture  et  de  la  métrologie,  par  M.  Auniis,  ingénieur  en  chef 
des  ponts  et  chaussées.  Première  partie,  dimensions  du  plan.  In-  i°  de  -44  pages  et  de  deux 
planches. 

172.  AYZ.AC  (d'}.  —  IcoNDCRAPiiiii  ni-  Dnvr.ox.  par  M""'  Fih.ir.iiî  d'.Vv/.vc.  In-8°  de  7';  pages 
avec  des  dessins  dans  le  texte.  —  Le  Dragon  connu  des  anciens,  l'Ichtyosaurus,  le  Ptérodac- 
tyle, le  Kraken.  Portrait  du  Dragon  d'après  les  monuments  écrits.  Le  Dragon  est  souvent 
nommé  dans  les  Écritures  .siicrées,  et  toujours  dans  une  même  acception.  Légendes  mystiques 
au  moyen  âge.  Dragons  vaincus  par  des  prélats.  Caractères  attribués  au  Dragon  dans  des  tra- 
ditions légendaires;  son  rôle  dans  les  légendes  de  l'éléphant,  de  la  panthère  et  des  colombes. 
Le  Dragon  dans  les  œuvres  peintes  ou  sculpturales  de  l'art  chrétien  ;  son  beau  tvpe  au 
xiu'  siècle.  Dragons  de  Notre-Dame  de  Paris,  des  abbayes  de  Longpontel  de  Souilhac.  Signi- 
fication des  membres  prêtés  au  Dragon  idéal  du  moyen  âge  et  concourant  à  caractériser  en 
lui  l'esprit  du  mal.  Pourquoi  les  figures  du  démon  s'ccarlent-elles  quelquefois  de  leur  tvpe 
traditionnel?  Leurs  variantes  spécifient  dans  le  Dragon  quelque  caractère  prédominant  on 
rapport  avec  l'action  dans  laquelle  il  est  mis  en  scène.  Dragon-àno  de  Saint-Denis.  Dragons- 
ânes  de  la  clôture  du  chœur  de  Notre-Dame  de  Paris.  Dragon-oiseau  d'un  ancien  manus- 
crit, etc. 

173.  .\Z.MS.  —  Dictionnaire  des  idiomes  languedociens,  étymologique,  comparatif  et  techno- 
logique, par  Gabriei,  Azais,  secrétaire  de  la  Société  archéologique,  scientifique  et  littéraire- 
de  Beziers.  Premier  volume.  In-S"  de  xxvii-52  pages. 

174.  BALT.MU).  —  Di;  la  rniNTrnn:  sur  verre,  par  V.  BM.TARn,  membre  de  l'Académie  des 
Beaux-Ans.  ln-4»  do  17  jiages.  Mémoire  d'autant  plus  intérossanl,  que  la  peinture  sur  verre 
est  en  ce  moment  peul-èlro  aussi  florissante,  sinon  aussi  parfaite,  qu'aux  xiii'  et  xvi''  siècles. 

175.  B.VRBIER  de  MONT.VL'LT.  —  Dkscription  du  Maitrc-Autel  oû'ert  par  le  prince  .\i.i;xaxdre 
ToBLONiA  h  la  cathédrale  do  Boulogne-sur-Mer;  traduite  do  l'italien  par  X.  BAneiEn  de  Mon- 
TAUi.T,  chanoine  delà  basilique  d'Anagni,  Polit  in-folio  de  42  pages  avec  ii  planches  doubles. 
—  Détails  historiques  sur  le  sanctuaire  do  Notre-Dame.  Pèlerinages  et  donations.  Réédifica- 
tion du  Siinclnairc  do  .'\Iarie  et  do  la  cathoilralo  do  Boulogne.  L'autel  do  Notre-Dame.  Richesse 
et  variété  dos  pierres  et  des  marbres  de  l'autel.  Catalogue  dos  pierres  et  dos  marbres  antiques 
du  Maltre-.Vutol  de  la  cathédrale  do  Notre-Dame,  par  l'avocat  Erançois  Belli, 

176.  BAlUtlin?  de  MONT.M'I.T.  —  I.a  qi  kstion  dos  messes  sous  les  papes  Uriimn  VIII, 
Innocent  XII  et  Ci.i':mknt  XI.  par  le  chaiioino  X.  lUmiiiai  do  .Montai;i,t.  In-8"  de  loti  pages. 

177.  BARBIER  de  MONTAULT.  —  Antiquités  chrétiennes  do  Romo  du  v  au  xvr  siècle, 
docriios  par  le  chanoine  X.  Bardikr  de  Montault,  et  pholographioos  par  C.-B.  Simki.i.!. 
Première  et  deuxième  livraisons.  In-folio  de  3  pages  et  de  3  planches  chacune.  (U>s  planches 
roprésonlont  la  croix  do  l'empereur  Justin  (vi°  siècle),  à  Sainl-Piorre  du  Valiciin;  un  ivoire 
byzantin  du  xi'-xu' siècle,  au  musée  chrétien  du  Vatican;  une  croix  processionnollo  du 
xv^  siècle  et  un  polyptyque  en  ivoire  de  la  même  époque.  —  Cet  im|iortant  ouvrage,  qui  coin- 


3j8  a.\nai,i;.s  aiiciii'<jlu(;ioli:s, 

pronilra  dos  ivoires,  îles  cinaux,  dos  objets  d'oiTt'vrorio,  Ole,  classés  par  ordre  chronologique, 
sera  comiilot  on  vitiyt  livraisons.  Avec  la  dernière  paraltronl  la  couverture,  le  lilro,  l'iiilroduo 
lion  et  la  table  des  iiialicres. 

17.S.  llAHKAri).  —  I>i;s  iiA(itii;s  à  toutes  les  époques,  et  en  particulier  de  l'anneau  des  évéqucs 
et  (les  abbcs,  |)ar  l'abbé  llAiiii.\ri) ,  ins|)ecteur  de  la  Société  française  d'archéologie.  In-8"  do 
228  piige.s,  a\oc  do  nombreux  dessins  dans  le  texte.  —  Origine  des  bagues,  leur  usage  cliez  les 
|ieu|ilcs  de  !'anli(|uité,  destinations  diverses  des  baignes,  lear  usage  chez  les  premiers  chrétiens. 
Ancienneté  de  l'u.sage  do  raniieau  pour  les  évéques,  les  abbés  cl  quelques  autres  dignitaires 
ficclésiasiiipios.  Maiiién'  de  poiler  les  anneaux,  circonstances  dans  lesquelles  on  les  quittait. 
Matières  avec  lesiiucilos  on  a  fabri(|iié  les  anneaux  dans  l'antiquité  et  au  moyen  âge.  Formes 
et  ornements  des  anneaux.  Suj(!ts  gravés  sur  la  pierre  des  bagues  ou  la  tablette  de  mél;d  qui 
en  lient  la  place.  Signification  symbolique  et  mystique  des  anneaux,  et  en  particulier  de 
celui  dos  évoques  cl  dos  abbés.  DilTérents  noms  des  anneaux.  —  Mémoire  complet  et  définitif 
sur  une  question  qui  no  mancpic  pas  d'importance 4  fr. 

I"'.i.  ItAlDOT.  —  |{\i  eoRT  sur  la  découverte  des  peintures  murales  de  l'église  de  Bagnol  (Cotc- 
d'Or),  par  lliixni  Bauoot,  piésidenl  de  la  commission  des  antiquités  de  la  Cote-d'Or.  In-4° 
lie  8  pages,  avec  une  grande  plaïK'ho  représentant  les  peintures 2  fr.  ;jO  c. 

IHO.  Itl^.VUFFORT  (de).  —  Vir:s  dos  saints  de  l'atelier.  Saint  TmiouALD,  commissionnaire, 
par  Ui)iii;n  ilc  Beaufidut.  I11-I8  de  54  pages 13  c. 

lsl.  lilCtlAT.  —  Notice  sur  l'iinpiiinerie  ii  Nevers,  par  Piiospiin  Bégat,  imprimeur,  membre 
lin  la  Société  nivernaisi;  des  sciences,  lettres  et  arts.  In-8"  de  86  pages. —  Introduction,  décou- 
verte do  rimprinierie.  Législation  de  riniiiriinorio.  1,'imprimerio  à  Ncvers.  Ordre  chronolo- 
gique lies  imprimeurs  et  do  leurs  œuvres,  à  Nevers.  Appendice 2  fr. 

182.  BIAL.  —  CiiisMiNs,  habitations  cl  oppidum  do  la  Gaule  au  temps  de  César,  par  Paul  Bial, 
capitaine  d'artillerie,  professeur  à  .l'école  impériale  do  Besançon.  Première  partie,  chemins 
celliipies.  In-8°  de  312  pages  et  de  o  planches. —  I.a  Langucline  d'Alaise.  Itinéraire  d'Alaise. 
Le  chemin  creux  de  la  Langucline.  Sa  description.  Règle  pour  reconnaître  les  chemins  cel- 
tiques :  temps  primordiaux,  âges  do  moyenne  et  de  grande  civilisation.  Autres  caractères  indi- 
rects des  chemins  celtiques.  Histoire  sommaire  dos  chemins  de  rantiquité.  Examen  critique 
do  quelques  chemins  celtiques  roeoimus.  Bases  d'une  carte  stratégique  de  la  Gaule  indépen- 
dante. Itinéraire  celtique.  —  L:i  seconde  et  la  troisième  parties  paraîtront  prochainement;  elles 
contiendront  la  description  des  habitations,  des  oppidum  et  des  villes  de  la  Gaule  au  temps  de 
César.  —  Chaque  partie 8  fr. 

183.  BLVL.  —  Histoire  de  la  civilisation  celtique,  par  Paii.  Bial,  capitaine  d'artillerie.  Deux 
volumes  in-4°  sur  papier  vélin,  accompagnés  de  24  dessins  ou  cartes. —  Cet  important  ouvrage 
paraîtra  en  48  livraisons  de  deux  feuilles  chacune.  Chaque  livraison I  fr.  25  c. 

184.  BOISXARD.  —  Le  To.mbeau  du  Sauveur.  Pèlerinage  aux  saints  lieux,  par  l'abbé  Bois- 
NARD,  aumônier  de  l'hôpital  militaire  de  Marseille.  In-i2  de  xvi-316  pages.  —  Première  par- 
tie, le  voyage  :  Cologne,  Berlin,  Dresde,  Posth,  Vienne,  le  Danube,  le  Bosphore,  Constanti- 
nople.  Aihènos,  Sniyrne,  Ilhodes,  Chypre,  le  Carmel,  JafTa .  Jérusalem.  —  Deuxième  partie,  les 
sainls  lieux  :  la  procession  des  pèlerins,  montagne  des  Oliviers,  les  mosquées,  le  Cénacle, 
Bethléem,  Saint-Jean-du-Désert,  la  Visilalion,  l'église  du  Saint-Sépulcre,  le  patriarchat,  le 
tombeau  du  Sauveur.  —  Troisième  partie,  la  Ville-Éternelle  :  .\lexandrie  et  Messine,  Sainte- 
Marie-Majeure,  Sainl-Étionne-le-Rond,  le  Forum,  Saint-Pierre,  le  Vatican,  etc.  —  Quatrième 
p;irlie,  l'Egypte 3  fr. 


biuliuguapiiil:  d'art  et  d'archéologie.  359 

ISo.  lîOISSIER.  —  Les  dermehs  travaux  d'archéologie  grocquo  et  romaine,  en  France  et  à 
l'étranger,  pur  Gaston  Boissif.r,  professeur  de  rhétorique  au  lycée  Cliarlemagne.  In-8°  de 
39  pages. 

180.  RRL'XET.  —  Mam'ei,  du  lihraire  et  de  l'amaleur  de  livres,  contenant  :  l'un  nouveau 
diclidiiiKiire  bibliograplii(]uc  dan.s  lequel  sont  décrits  les  livres  rares,  précieux,  singuliers, 
et  aussi  les  ouvrages  les  plus  estimés  en  tout  genre,  qui  ont  paru  tant  dans  les  langues 
anciennes  que  dans  les  principales  langues  modernes,  depuis  l'origine  de  l'imprimerie  jusqu'à 
nos  jours,  avec  l'histoire  des  dlIFérentes  éditions  qui  on  ont  été  faites;  2°  une  tahie  en  forme 
de  catalogue  raisonné  où  sont  classés,  selon  l'ordre  des  matières,  tous  les  ouvrages  portés 
dans  le  dictionnaire,  et  un  grand  nombre  d'autres  ouvrages  utiles,  mais  d'un  prix  ordinaire, 
qui  n'ont  pas  dû  être  placés  au  rang  des  livres  ou  rares  ou  précieux;  par  Jacqlks-Cuahlrs 
Bri'nut.  Cin(|uiénic  édition  originale,  enliéremcnt  refondue  et  augmentée  d'un  ti(;rs  par  l'au- 
teur. Tome  sixième,  première  [larlie.  In-8°  de  9.'J9  pai;es.  —  L'ouvrage  complet  form;int 
12  parlies  ou  6  gros  volumes 1  20  fr. 

187.  BiLi.ETi.N  des  travaux  de  la  Société  liistoriciue  et  scienlifiipie  de  Saint-Jenn-d'.Vngély  (Gha- 
renle-lnférieure).  Première  année.  1803.  In-S"  de  21 G  pages.  —  La  grosse  pierre  d'Antezant, 
légende  sainlongeaise,  par  M.  Baril.  Manuscrit  du  docteur  Olliveau.  Notice  sur  la  fondation 
de  l'hôpilal  militaire  d'Anfrédi,  à  La  Rochelle,  par  le  docteur  Gardailiiac 2  fr.  2o  c. 

188.  CARDERERA.  —  Iconogi\ai>iiii;  espagnole  ou  collection  de  portraits,  statues,  mausolés  et 
d'autres  monuments  inédits  de  rois,  reines,  grands  capitaines,  écrivains  et  personnages 
célèbres  de  la  nation,  depuis  le  xr  siècle  jusqu'au  xvii';  copiés  d'après  les  originaux  par  don 
Valentin  CARDERiiRA,  pcintro  honoraire  de  la  reine  d'Espagne.  Texte  biographique  et  des- 
criptif par  le  même.  Livraisons  1  à  24.  Grand  in-folio  de  l  [ilanches  chacune,  et  de  4  feuilles 
de  texte.  —  Chaque  li\  raison 22  fr. 

189.  CHATEAU.  —  Histoire  et  caractère  de  l'architecture  en  Erance,  depuis  l'époque  drui- 
dique jusqu'à  nos  jours,  par  Léon  Château,  directeur  des  études  de  l'école  professionnelle 
d'Ivry-sur-Seine,  membre  de  plusieurs  sociétés  savantes.  In-S"  de  xxxv-620  pages  avec  de 
nombreux  dessins  sur  bois  dans  le  texte.  —  Inlroduciion.  —  Première  [lartie  :  Gaule  indé- 
pendante, monuments  druidiques,  inlluenco  grecque;  Gaule  romaine,  monuments  sacres, 
funéraires,  d'utilité  publique;  Gaule  romaine,  aqueducs  et  thermes,  théâtres,  cirques,  habita- 
tations  privées  et  monuments  d'origine  incertaine;  Gaule  chrétienne,  des  premières  églises 
et  des  basiliques;  Gaule  mérovingienne,  décadence  ih^  l'art  romain;  Gaule  carolingienne,  les 
Normands,  l'an  mil.  —  Deuxième  partie  :  Franco  ca()étienne  ou  féodale,  iidluence  bvzan- 
tine,  h^s  Vénitiens  en  Aipiilaine,  la  basilique  de  Saint-Front  à  Périgueux;  les  cloches.  Franco 
féodale,  les  monastères,  Cluny,  Citoaux,  architecture  monacale  ou  romane,  architecture  ogivale 
aux  xtv  et  xv  siècles,  l'architecture  civile  du  xr  au  xvi"  siècle,  l'architecture  militaire  aux 
mêmes  siècles.  —  Troisième  et  (luatrièmo  parties  :  France  monarchiciuo,  la  renaissance, 
architecture  contemporaine  ,  vocabulaire  d'arcliileclure 7  fr.  iiO  c. 

190.  CHEVAL.  —  Guide  du  pèlerin  à  Roc-Amadiuir,  p;ir  l'abbé  Cheval.  In-S"  do  ix-80  pages, 
do  9  planches  avec  plusieurs  dessins  dans  le  texte.  —  L'hôpital,  le  village,  plateau  et  chapelle 
Saint-Michel,  chapelle  Notre-Dame,  église  Saint-Sauveur,  église  souterraine  de  Roc-.\mailour. 
chapelles  de  Sainte-Anne  et  Sainl-Joachim,  do  Sainl-Blaiso  et  do  Saint-Jean ,  de  Saint-Jean- 
Baptiste.  Édifices  en  ruines.  .Maison  à  Maiie.  Le  Château 2  fr.  2'i  c. 

191.  CLOET. —  Ki'ici'EiL  de  mélodies  liturgi(pies,  reslituces  d'après  un  Irè.s-grand  nombre  do 
monuments  tant  manuscrits  qu'imprimés,  pour  servir  à  la  rostauratlon  du  chant  romain,  avec 


360  AiNNALIlS  A  ItCll  LOLOGluLliS. 

des  pri'limiiiairos  sur  hi  niélliodo  (lu'uii  ii  .suivio,  (Kir  \'a\iM  Clokt,  clianoinc,  doieii  do  Bi'iivrv. 
Tonio  socoiid.  I11-I8  do  ICO  pages  do  lexUi  cl  tin  inusii|(io.  Co  volume,  3  fr.  .'10  ;  le*  deux,    7  fr. 

lOi.  (IdMiTi':  Aui:iii.oi.or.i(ji'K  de  Scnlis.  Comptes  rendus  et  mémoires.  Années  I8G!-G3.  In-8»  de 
i.xMi-27:i  p.if;(S  (3l  do  .'t  phinclies,  doiil  une  cnrlc  du  diocosn  de  Scnlis.  —  Mémoire  sur  l'ori- 
j^iiio  d(!  lii  ville  et  (lu  nom  de  Seidis,  par  A.  rir-:  CAix-ui'.-SAiNT-Auoutt.  Notice  t)io;;rdpliii|uu  sur 
Jean  Deslyoïis,  doyen  cl  lliéolo^iil  de  lu  cullicdralo  de  Senlis,  par  II.  ue  .Maiiicoliit.  Pruiniérci 
reclierciics  sur  la  date  de  l'aposlolal  de  saint  Kieul,  par  l'alibé  II.  Ulonk.  Itltudo  sur  la  chapelle 
do  la  Vierge,  à  Notre-Dame  de  Scnlis,  [lar  l'ahhé  J.  GiiiuN.  Kssai  de>eriplif  du  portail  occi- 
dental do  la  calliédralo  de  Seiilis,  jiar  U.  ni;  Maiiicoukt.  Note  sur  diirérenls  objets  trouves  i 
Vaumoisc,  par  M.  de  Longim':iiikii-(jiii.moaiii).  Ilecliorclies  sur  divers  lietix  du  pays  des  Sylva- 
nectes,  par  M.  PmcMi-DiiLAcouiiT.  Note  de  .M.  l'abhé  Lepiianc,  en  réponse  ii  M.  hk  .Maricourt, 
sur  sa  description  du  portail  de  Notre-Dame  ilo  Senlis .'i  fr. 

I9.i.  ("{^liliLirr.  —  Cllte  cl  iconographie  do  Saint-Jean-Baptiste  dans  le  diocèse  d'Amiens,  par 
l'abbé  Ji;i.i:s  Cohiii.kt.  In-8"  do  î't  paj;i>s 1  fr. 

194.  COItlil.KT.  — Liis  Dessins  de  J.  Nalalis,  par  l'abbé  J.  (loiirii.KT,  chanoine  honur.iire, 
historiographe  du  diocèse  d'Amiens.  In-8"  de  Kî  pages I  fr. 

193.  CORDOt'.W.  —  IIiSTorni:  de  la  commune  de  Lorgnes,  par  le  docteur  F.  Cordouax,  membre 
de  la 'Sociélé  des  sciences  du  Var.  In-12  de  268  pages.  —  Origine  et  fondation  de  Lorgues, 
son  histoire  depuis  les  Icmps  les  plus  reculés  jusqu'à  la  réunion  de  la  Provence  à  la  Franco. 
Abbaye  du  Tlioronel,  ses  rapports  avec  la  commune  de  Lorgues.  Histoire  de  Lorgues  depuis  la 
réunion  do  la  Provence  ii  la  Franco  jusqu'à  l'aimée  1789.  Établissements  religieux,  couvents, 
chapcll'S,  Toulon  cl  Lorgues.  Topographie,  statistique,  notices  biographiques,  maires  de  la 
commune 3  fr.  30 

190.  C.OrSIN.  —  NiuvEAUX  éclaiucisskmicnts  .'■or  l'emplacement  de  Quontowic,  |)ar  Loiis 
Cousin,  vice-président  de  la  Société  dunkcrquoise  des  sciences,  des  lettres  et  des  arts.  In-S" 
de  84  pages. 

197.  COUSSn.MAKIiR  'de).  —  Élections  aux  états-généraux  de  1789,  dans  la  Flandre  maritime. 
Procès-verbaux,  cahiers  de  doléances  et  autres  documents,  recueillis  el  publiés  par  E.  de 
Coussemakkr,  correspondant  de  l'Inslilul.  In-8",  134  pages.  —  Introduction.  Clergé  :  élections 
de  députés,  liste  des  ecclésiastiques,  corps  el  communautés  qui  se  sont  fait  représenter,  et 
noms  de  leurs  mandataires.  Noblesse  :  élections  de  députés,  mémoire  concernant  les  vier- 
schaers  de  la  Flandre  maritime,  mémoire  sur  les  droits  de  quatre  membres  de  Flandre.  Tiers- 
état:  élections  de  députés,  cahiers  de  doléances,  délibérations  diverses,  liste  des  délégués 
choisis  par  les  villes,  bourgs,  paroisses  et  communautés  de  campagne  ayant  un  rôle  séparé 
de  contributions,  .\nnexes. 

198.  CUK.MrU.  —  JiciiAN  FoucQUET.  par  Curmer.  Granrl  in-8  de  76  pages.  Documents  précieux 
sur  les  artistes  de  la  renaissance 5  fr. 

199.  DALY.  —  Pn'mière  causerie  d'Iiistoire  el  d'estliéti(]uc.  Ce  que  peut  raconter  une  grille  de 
fer.  De  l'induence  des  femmes  sur  l'arcliiteclure  au  xviu'  siècle,  [lar  César  Dalv,  architecte  du 

gouvernement.  Grand  in-8"  de  40  pages. 

200.  D.VMAS  (de  .  —  En  Orient.  Voyage  en  Judée,  par  le  R.  P.  de  Damas.  In-12  de  373  pages. 
—  La  Terre-Sainte.  Jaffa,  l'ancienne  Joppé.  La  plaine  de  Saron  et  le  couvent  de  Ramloh.  Les 
chemins  et  les  habitants  de  la  Judée.   .\ïnkarim,  ou   Saint-Jean  au  désert.  La  Visitation.  La 


niBLIOGRAPflIE   D'ART  ET   D'ARCHÉOLOGIE.  361 

fonlaine  de  Sainl-Pliilippo  et  Belsour.  Iléhron  et  la  vallée  do  M;mil)iv.  Belhléem.  La  Grotte 
sacrée.  Environs  de  Bethléem.  Le  tomheau  de  Uac-hel  et  le  puits  des  .Mages.  Saint-Sabas  et  la 
mer  Morte.  La  fontaine  d'Elisée  et  le  Jourdain.  Jéricho.  Le  ballet  des  Arabes  et  leurs  usages  de 
société.  Le  mont  de  la  Quarantaine.  \a)  chemin  de  Jéricho.  Béthanie.  La  résurrection  de  Lazare. 
Retour  à  Jérusalem 2  fr. 

201.  D.\RCLL.  —  Bkmx-.Vrts.  Lus  Artistes  normands  au  Salon  de  I8G4,  par  .\i.kiiei)  D.vrcel, 
attaché  à  la  conservation  des  Musées  impériauv.  In-lii  de  48  pages.  Peinture,  dessins,  aqua- 
relles, miniatures,  porcelaines,  architecture,  gravure,  lilhograpliic I  fr. 

202.  DKMARSV.  —  .\iimoiiiai,  des  évoques  de  Noyon,  par  .Xnriiun  Dkmvksv,  conservateur  du 
musée  de  Compiègne.  In-S"  de  20  pages  avec  2  planches  do  l)lasons I  fr.  T6  c. 

203.  DE.MMIN.  —  Souviixiiis  de  voyage  et  causeries  d'un  collectionneur,  ou  Guide  artistique 
pour  l'Allemagne,  par  Aucicste  Drmmin.  ln-12  de  -ïO?  pages.  —  Introduction.  Baden-Baden. 
Ulm,  Sigmaringen,  Augsbourg,  Munich,  Nuremberg,  Ratisbonno,  Landshut,  Bamberg,  Dresde, 
Meissen,  Weimar,  Eisenach,  .Marburg,  Wuitzbourg,  Francforl-sur-lc-.Mein,  Geisenhein,  Cologne. 
Description  complète  de  ces  villes,  avec  leurs  églises,  couvents,  chafiellps,  châteaux,  hôtels  de 
ville,  musées,  et  vieilles  traditions  et  légendes  qui  se  lient  aux  villes  et  aux  monuments 
décrits , 7  fr.  50  c. 

204.  DE.MOGEOT.  —  IIisToiiu:  de;  la  liltéralure  française  depuis  ses  origines  jusqu'il  nos  jours, 
par  J.  Dejiogeot,  professeur  de  rhétorique  au  Lycée  impérial  Saint-Louis.  Cinquième  édition. 
In-12  de  xiii-(178  pages.  —  Première  période,  les  origines  :  Les  (leltes  et  les  Ibères,  la  Gaule 
grecque  et  romaine,  l'invasion  germanique  en  Gaule,  la  Gaule  chrétienne,  Cliarlemagne,  langue 
française.  —  Deuxième  période,  le  moyen  âge  :  Société  féodale,  jongleurs  et  trouvères,  forma- 
tion des  chants  épiques,  cycles  épiques,  décadence  de  l'esprit  féodal  et  des  chants  épiques, 
poésie  lyrique  du  Midi,  les  troubadours,  société  cléricale  au  moyen  âge,  ses  travaux,  l'histoire 
dans  les  cloîtres  et  hors  des  cloîtres,  le  drame  dans  l'église,  le  théâtre  hors  do  l'église,  confré- 
ries, XV'  siècle. —  Troisième  période,  la  renaissance:  La  renaissance  et  l'éloquence  au  xyi'  siècle, 
le  droit  romain  et  la  philosophie  morale,  pamphlets  et  mémoires  au  xvi"  siècle,  poésie,  tenta- 
tive et  accomplissement  de  la  réforme  littéraire.  —  Quatrième,  cinquième  et  sixième  période.». 
XVII",  xviii'  et  xix"  siècles  :  billuence  de  l'Espagne,  théâtre,  pliilosopiiie,  éloquence  sous  Riche- 
lieu; théâtre,  poésie,  éloquence  et  philosophie  sous  Louis  XIV;  prédicateurs  et  moralistes. 
Voltaire  et  Jean-Jacques  Rousseau,  la  réforme  modérée,  etc 4  fr. 

20.J.  DESC1I.\MPS  DE  PAS.  —  Les  Éclisrs  des  Jésuites  à  Sainl-Omer  et  à  Aire-sur-la-Lys, 
par  L.  Desoiiamps  de  Pas,  ingénieur  des  ponts  et  chaussées,  correspondant  des  Comités  histo- 
riques. In-4"  de  2:{  pages  et  de  3  planches  repn'senlant  les  deux  églises  des  jésuites  et  le 
bailliage  d'.Virc.  Le  portail  de  ces  églises  est  d'une  fort  curieuse  architecture,  quo  pourraient 
étudier  avec  profit  ceux  do  nos  architectes  (|ui  construisent  des  églises  nouvelles  et  qui  détestent 
le  style  ogival. 

200.  DES  MOULINS.  —  La  Patine  des  Silex  travaillés  de  main  d'homme,  et  quelques  recherches 
sur  les  questions  diluviale  cl  alluviale,  par  Ciivhi.es  Des  Moulins,  président  de  la  Société 
linnéenno  de  Bordeaux.  Fn-S"  de  .30  pages.  —  Gisement  des  silex  ouvrés  en  Périgord,  leurs 
couleurs,  la  patine,  croilte  naturelle  des  silex,  historique  de  la  discussion,  le  déluge  historique, 
traces  du  déluge  historique  dans  la  vallée  do  la  Dordogno,  témoignages  do  quelques  savants  à 
l'appui  de  la  discussion  ci-dessus. 

207.  DI'IS  S.VLLES.  —  fCvi.siiiÉ  de  Saint-Malo,  anciennes  reformations.  Reproduction  lexluello 
d'un  manuscrit  ayant  appartenu  à  M.  Cmaui.es  CuNAT,  et  montre  do   1472  do  l'archidiaconé 
x.\iv.  /i7 


:)02  ANNAI.F.S    MlCIIfioi.fXJIQUKS. 

flo  nini'in.  nrxMiriK'nls  int'dil-i  [iiililirs  |);ir  IIi;mii  [)ks  Sm.i,i:s.  ln-8»  de  xu-'.lîH  pajrpi».  —  Ori- 
;,'int,'  (les  dociimiMils.  fcl.il  (\c<.  noldi-s  do  lu  .Miirliiii(|ii«.  l'n-mitTO  roformalion  do  rfc\(>siclié  do 
Saitil-Mido,  I42i  ol  loi:i;  l'cxlrail  dus  rolles,  par  Hené  Le  Folio,  procureur  do  Uinan,  cl 
IJeilrand  Scvcslro,  lieuloiiiiiil  au  rlit  lieu.  Seconde  rérorinalion,  1313.  Montre  do  117*  de  l'ar- 
riiidiaconé  do  Dinan.  Talil(!  iilpliab('li(|ue  des  nom.s  des  commissaires  employé»  ii  la  prcmiéro 
ri'formalioii,  des  notns  relovés  dans  le.s  rérormalions  et  la  montre,  des  paroisses  aux  refor- 
mations     10  fr. 

208.  bHS  Vi:R(il':HS.  —  L'fvrriuiiii:  i;t  i.iîs  l'/riasoUKS,  ou  dix  ans  de  fouilles  dans  les  .Marcmmcs 
toscanes,  pai'  Noi:i.  Dics  Vkhckhs,  correspoïKlanl  de  l'Institut,  incnibrc  de  plusiiurs  sociétés 
savantes.  Doux  volumes  in-8°  de  315  ol  4GI  pages,  avec  un  atlas  in-folio  de  40  planches  dont 
îO  coloriées,  représentant  des  peintures  murales,  dos  amphores,  des  bijoux  et  autres  objets  et 
fragnieiils  trou\és  dans  les  fouilles.  —  Introduction.  —  Première  partie  :  les  Maremmes.  — 
Deuxième  partie  :  les  Étrusques,  origines,  formation  de  la  confédération  des  douze  cités,  la 
confédération  des  Étrusques  dans  los  plaines  du  l'o,  les  Étrusques  en  Campanie,  premières 
relations  commerciales  de  l'Élrurio,  commerce  maritime  et  commerce  intérieur,  constitution 
politique,  système  religieux  des  Étrusques  et  premier  développement  des  arts  en  Étrurie.  — 
Troisième  partie,  histoire  de  l'Étrurie:  lÉIrurie  depuis  la  fondation  de  Home  jusqu'à  l'avéne- 
ment  de  Servius  Tullius,  colonies  étrusques  dans  la  mer  Tyrrhénienne,  guerre  de  Porsenna, 
les  Éunsques  de  la  Campanie  en  lutte  contre  les  colonies  grecques,  tableau  de  l'Étrurie  centrale 
à  l'epociue  de  la  dissolution  de  la  confédération,  etc.  —  Cet  important  ouvrage,  volumes  et 
allas loO  fr. 

:>0'.).  hii:  lUsii.iKicN  ilesC.lirisliichon  Homs  (les  basiliques  de  Rome  chrétienne).  Un  volume  in-folio 
de  50  planches  gravées.  Plans,  coupes,  vues  intérieures  et  extérieures,  mosa'iques,  etc.     45  fr. 

210.  DISDIER.  — Ri:cni;iirni:s  historiques  sur  saint  Léonce,  évèque  de  Fréjus  et  patron  du 
diocèse,  par  l'abbé  J.-li.  Disniiiii,  vicaire  à  Draguignan.  In-S"  de  I7C  pages.  —  Introduction. 
Première  partie,  los  origines  :  origines  de  l'église  de  Fréjus  et  de  saint  Léonce.  —  Deuxième 
partie,  les  monuments  historiques  :  Saint  Léonce,  évèque  de  Fréjus,  les  monastères  de  Pro- 
vence el  les  papes.  —  Troisième  partie^  les  traditions  :  «[lostolat  de  saint  Léonce  en  Germanie, 
saint  Léonce  honoré  comme  confesseur  et,  plus  tard,  comme  martyr:  la  légende  du  martyre 
de  saint  Léonce,  les  deux  saints  Léonce.  Résumé  chronologique,  notes,  éclaircissements  et 
pièces  justificatives 3  fr. 

211.  UROUVN. —  L\  (jiiKNNK  militaire.  Histoire  et  description  des  villes  fortifiées,  forteresses 
et  châteaux  construits  dans  le  pays  qui  constitue  actuellement  le  département  delà  Gironde, 
pendant  la  domination  anglaise,  par  I.kû  Duoivx.  membre  de  l'Académie  impériale  des 
sciences  de  Bordeaux.  Livraisons  4.Î  h  48.  Grand  in-i".  Chaque  livraison  se  compose  de  3  gra- 
vures à  l'eau-forte,  et  de  une  ou  deux  feuilles  de  texte.  —  L'ouvrage  complet  aura  30  livrai- 
sons. Son  pr  ix  est  porté  à 200  fr. 

2\î.  Dr.MlîSNIL.  —  VoïAoïans  français  en  Italie,  depuis  le  xvr  siècle  jusqu'à  nos  jours, 
par  J.  DiMKSNii.,  auteur  de  «  l'Histoire  des  plus  célèbres  amateurs  ».  In-12  de  iv-356  pages. 

F.  Rabelais  :  1335-1 -xiT, .  Michel  do  Montaigne  (1580-1581.  André  Félibien  '1647-1649;. 

Le  sieur  de  Sainl-Disdier  (1672-1674).  Dom  Bernard  de  Montfaucon  (1698-1701).  Charles 
de  Brosses  (1739-1740).  L'abbé  Barthélémy  (1753-1757).  Charles-Victor  de  Bonstetten  (1800, . 
Paul-Louis  Courier  (1798-1812).  Frédéric  Lullin  de  Château-vieux  (1812-1813).  —  Le  mont 
Palatin  à  Rome,  son  histoire  :  édifices  publics,  palais,  temples  construits  sur  le  mont  Palatin 
depuis  Romulus  jusqu'à  l'établissement  de  l'empire;  habitations  particulières;  panorama  des 
niomiments  antiques  de  Rome 3  fr.  50  c. 


BlL'LIOOr.APHlE   D'ART   ET  D'AnCHÉOLOGIE.  363 

213.  DURAND.  —  Chapelms  de  la  Sainte-Vierge  en  l'église  de  SaiiU-Péro,  à  Chartres.  Explica- 
tion de  la  nouvelle  décoralion,  par  Paul  Duraxd.  In-8"  de  46  pages  el  d'une  planche  repré- 
sentant la  Vierge  et  l'enfant  Jésus,  projet  de  vitrail  pour  la  chapelle  de  l'église  Paint-Père. 
—  Peintures  formant  quatre  séries  :  mystères  de  la  Trinité,  de  l'Incarnation  et  de  la  Rédemp- 
tion; promesses,  annonces  du  Messie;  vertus  opposées  aux  vices  et  fins  dernières;  symboles. 
altrilnils  (^onc^iniinl  la  Vierge ■ . . .      '  fr. 

214.  FALISE.  —  Ckiuj.monial  romain  et  cours  abrégé  de  liturgie  pratique,  comprenant  l'expli- 
calioM  (lu  Missel,  du  Bréviaire  et  du  Rituel,  h  l'usage  dos  églises  qui  suivent  le  rite  romain, 
par  l'abhé  Falise.  Troisième  édition,  mise  dans  un  ordre  nouveau  et  considérablement  aug- 
mentée. In-S"  de  360  pages.  —  Première  partie  :  Cérémonial  romain;  cérémonies  de  la  messe 
basse,  observations  générales,  cérénionial  dos  ollices  dans  les  petites  églises,  des  fonctions 
annuelles  ou  cérémonial  de  Benoit  NUI,  cérémonial  des  oflices  diins  les  grandes  églises,  des 
messes  solennelles,  fonctions  solennelles  annuelles,  cérémonial  des  offices  pontificaux.  — 
Deuxième  partie  :  De  la  rubrique  et  de  ses  sources,  des  livres  liturgiques,  des  décrets  de  la 
Congrégation  des  rites,  de  la  messe  en  général,  des  parties  de  la  messe  en  particulier,  rubri- 
ques générales  du  Bréviaire,  rapport  des  offices  entre  eux,  rubriques  du  Missel  et  du  Bréviaire 
appliquées  au  calendrier  universcE  journal  liturgique,  des  fêtes  spéciales,  des  sacrements,  des 
fonctions  pastorales  annexées  aux  sacrements,  formules  des  actes  h  insérer  sur  les  registres  des 
paroisses,  des  confréries,  etc 0  fr. 

215.  FOURNIF.R.  —  Voyagbî  ii  Rome  et  dans  (piehiues  villes  d'Italie,  par  l'abbé  Fourxikr,  curé 
de  Saint-Nicolas  de  Nantes,  membre  de  plusieurs  sociétés  .savantes.  In-S»  de  l-jj  pages.  — 
Lyon  et  Marseille.  Rome  etscs grandeurs,  Saint-Pierre,  Sainl-Paul-Hors-les-Murs,  Sainle-Marie- 
des-Anges,  Saint-1'ierre-in-Vincoli,  le  Vatican,  les  Loges  cl  les  Chambres  de  Raphaël,  la  cha- 
pelle Sixtine,  la  Bibliothèque  vaticanc.  Palais  divers.  Le  Pincio.  Monuments  d  e  ome  pa'ienne. 
Quelques  mots  d'archéologie.  Excursions  à  Tivoli,  Frascati,  Albano,  Castel-Gandolfo,  etc.  Des 
anciens  monuments  chrétiens  de  Rome,  archéologie.  Catacombes,  églises  de  Saint-Clément, 
de  Saint-Jean-de-Latran,  le  Baptistère  de  Constantin.  La  Scala-Sanla,  Sainte-Maric-Majeure. 
Les  reli(iues  et  les  chaînes  de  Saint-Pierre,  prison  Mamertine.  Quelques  mots  des  monuments 
charitables.  Statistique.' 2  fr. 

216.  FL'STEL  DE  COULANGES.  —  La  Citi;  axtiuh:.  Étude  sur  le  colle,  le  droit,  les  institu- 
tions d(!  la  Grèce  et  de  Rome,  par  FrsTiii,  m:  Col'langks,  prole-seur  d'histoire  à  la  Faculté  des 
lettres  de  Strasbourg.  In-S»  de  !)i;j  pages  —  De  la  nicessilé  d'étudier  les  plus  vieilles 
croyances  des  anciens  pour  connaître  leurs  institutions.  Antiques  croyances  :  sur  l'âme  et  sur 
la  mort,  le  culte  des  morts,  le  feu  sacré,  la  religion  donu>sti(iue.  La  fàmillc  :  le  mariage  chez 
les  Grecs  et  chez  les  Romains,  de  la  continuité  de  la  famille,  de  l'adoption  et  de  l'émancipa- 
tion, de  la  parenté,  droits  d(!  propriété  et  de  succession;  l'autorité  dans  la  famille,  la  «  gens  » 
à  Rome  et  en  Grèce.  La  cité  :  nouvelles  croyances  religieuses,  la  ville,  les  dieux  et  la  religion 
de  la  cité,  la  loi,  le  patriotisme,  les  droits  des  gens.  Les  révolutions  :  patriciens  et  clients,  les 
plébéiens,  changements  dans  la  constitution  do  la  famille,  la  plèbe  entre  dans  la  cité,  révolu- 
lions  do  Sparte.  Le  régime  municipal  disparait,  la  philosophie  change  les  principes  et  les 
règles  do  la  politique,  la  conquête  romaine.  Le  christianisme  chango  les  conditions  du  gouver- 
nement. —  Ce  volume ''  fr. 

217.  G.MlMi:.— TiiviTii  (lu  Saint  \'.>[n\\,  cuin|>renanl  l'histoire  générale  dos  doux  esprits  qui  se 
disputent  l'ompiro  du  monde  et  des  doux  cités  qu'ils  ont  formées,  avec  les  preuves  de  la  di- 
vinité du  Saint-Esprit,  la  nature  el  l'étendue  de  son  action  sur  l'homme  et  sur  le  monde,  par 
Mgr  Gaume,  protonotairo  apostoliciue.  Deux  volumes  in-S"  do  517  et  686  pages.  —  Premier 


30/i  ANNALKS  AUClIKOLOfilOL  ES. 

voltiino  :  L'cspril  du  bien  et  l'osprit  ilu  mal.  Division  du  monde  surnulurcl.  Do;;mc  qui  a 
donni!  lieu  .'i  la  division  du  monde  surnaturel.  Con.scqucncos  de  celte  division.  Li  cité  du  bien 
et  lii  cité  du  iii.il.  L(!  roi  do  la  cité  du  bion.  i.os  [irincos  do  la  cité  du  mal.  Ix-s  citoyens  des 
deux  cilés.  Ilisluint  rolif;icuso  des  douv  cités.  Ilisloiro  sociale  des  deux  cités.  Histoire  ptili- 
tique  dos  deux  cités.  Ilisluiro  contoiiqioraiiio  dos  deux  cités.  Lo  spiriliiimp.  —  Deusièmo  vo- 
lumi'  :  Divinité  du  .S.iint-Ksprit.  l'rciivos  diverses  do  la  divinité  du  Saint-Esprit.  Procession 
du  Saliit-rspril.  Histoire  du  "  l'ilioquc  -..  Mission  du  Saint-Ksprit.  Le  Sainl-lisprit  dans  l'An- 
cien Testamoni,  promis  et  lifiuré,  prédit  et  préparé.  Lo  Saint-Esprit  dans  le  Nouveau  Testa- 
mont;  ses  créations  :  in  sainte  ViiMf,'e,  Notre-Scigneur,  rfi;,'lise,  le  chrétien.  Dons  du  Siiint- 
Espril.  Les  béatitudes  et  les  fruits.  Le  culte  du  .Saint-Esprit.  —  Les  deux  volumes,     lî  fr. 

218.  GEBIl.MM'.  —  l'inxiTÎii.ii.  Essai  sur  l'Iiisloiro  de  l'art  et  du  génie  grecs,  depuis  l'époque 
de  Périclès  jusqu'à  celle  d'Alexandre,  par  IÏmili;  Oi;niunT,  membre  do  l'École  française 
d'Athènes.  Ouvrage  publié  sous  les  auspices  de  M.  Duruy,  minisire  de  l'Instruction  publique. 
In-8"  de  302  |)ages.  —  La  sculpture  idéaliste,  expression  de  la  vie  invisible  de  l'àme,  au 
moyen  do  la  vie  du  corps.  L'art  grec  avant  Praxitèle.  Vie  de  Praxitèle,  ses  œuvres  et  son  école. 
Les  dieux  de  Praxitèle.  Le  groupe  des  Niobides.  Les  aris  et  l'esprit  public  au  temps  de  Praxi- 
tèle. Lysippo  et  la  décadence  de  la  sculpture  après  Praxitèle.  Conclusion 3  fr. 

219.  GOGUIU..—  IIdmmks  connus  dans  li>  monde  savant  en  France  et  b  l'étranger,  nés  ou  élevés 
à  Monlbélianl.  Eludes,  analyses,  appréciations  d'après  leurs  ouvrages,  leurs  notes,  des  docu- 
nieiils  aullienliques,  dos  pièces  inédiles,  des  renseignements  intimes;  par  G.  Gogurl,  pasteur. 
I11-I2  lie  viii-710  pages.  —  Introduction  :  but  de  l'ouvrage,  la  France  protestante.  —  Éludes 
sur  les  Cuvier,  l.aurillard,  Uuvcrnoy,  les  frères,  fils  cl  neveu  Parrol,  Fallot,  Ackermann.  etc. 
Notes  et  appendices.  —  l'arailronl  prochaiiiemenl  :  n  Hommes  éminenis  d'Angleterre,  d'Alle- 
magne, de  Franco  et  de  Suisse.  »  —  Ce  volume 6  fr.  50  r. 

220.  GOURGUES  (de).  —  I.i:  11iia(;on  de  Bergerac.  Élude  sur  une  question  relative  à  la  vie  de 
saint  Front,  par  le  Nicoinlc  dk  Goiuciics.  membre  des  Comités  historiques.  In-8°  de  128  pages 
et  de  0  planches  représenlant  des  monnaies,  des  sceaux,  des  aigles  et  des  fragments  romans 
trouvés  à  Saint-Front  de  Périgucux 3  fr. 

221.  GU.\RDI.\.  —  Le  Vovagu  an  Parnasse  do  Miciiki,  Ci:rvantes,  traduit  en  français  pour  la 
première  fois,  avec  une  noiicc  biographique,  une  lable  des  auteurs  cités  dans  le  poiime,  et  le 
fac-similé  d'un  autographe  inédit  de  Cervantes,  par  J.-M.  Glardia,  bibliothécaire  adjoint  à 
l'Académie  impériale  de  médecine.  In-16  de  clxxvi-2i;0  pages.  —  Avant-propos.  —  Vie  de 
Cervantes.  Notes  sur  la  vie.  —  Introduction.  —  Le  voyage  au  Parnasse.  Dédicace.  Sonnet  : 
l'auteur  à  sa  plume.  Notice  sur  l'autographe  inédit  de  Cervantes,  reproduit  dans  ce  volume,    o  fr. 

222.  II.VIIX-llAllX  (de;.  —  Li;s  l'i;iiES  du  désert,  par  la  comtesse  Ida  ni;  IIaux-Haiin.  Ouvrage 
traduit  de  l'allemand,  en  français,  avec  l'autorisation  de  l'auteur,  par  J.  Tuuck.  Deux  volumes 
in-12  de  viii-3li  et  334  pages.  —  Premier  volume  :  Le  christianisme  dans  la  liberté.  Le  culte 
chrétien.  Fêtes  et  pénitences.  Le  Bosphore  et  le  Nil.  Les  solitaires.  Le  désert.  Paul  de  Thèbes. 
Saint  .\iiloine.  Saint  llilarion.  Paul  le  simple.  Saint  .\nimon,  abbé  de  Nitrie.  Saint  Pacôme, 
abbé  do  Tabenne.  Sérapion  le  Sindonile.  Saint  .\rsène.  Le  bienheureux  Mo'ise.  Frères  Valens, 
Éro,  Ptolomée.  —  Second  volume  :  Saint  Éphrem  le  Syrien.  Sainte  Macrine.  Les  bienheureuses 
Jlarana  et  Cyra.  Sainte  Thaïs.  Sainte  Pélagie.  Saint  Siméon  Stylite.  Saint  Nilus.  Saint  Jean 
Climaque.  Les  filles  des  Gracques.  Sainte  Marcella.  Les  bienheureuses  Fabiola  et  Paule.  Les 
deux  Mélanie.  —  Les  deux  VDliimes S  fr. 

223.  —  II.VLLÉGUEN.  —  l.'.VR\;omgiE  bielonne,  celtique,  romaine  et  chrétienne,  ou  les  Origines 


BIIÎLIOGUVI'IIIK  D'ART   ET  D'ARCHÉOLOGIi:.  365 

armorico-ljrptoiinc?,  par  lo  D''  H.  II.vlliîgiex,  président  di-  l'Associalion  des  médecins  du 
Finistère.  Tome  premier.  Armorique  romaine  et  chrétienne.  In-8"  de  cvi-478  pages.  —  Pré- 
face. Exposé  iîénéral  de  i'Armoritiue  romaine  et  tlirétienne.  Conp  dœil  sur  l'Iiistoire  de  la 
basse  Armorique  aux  V  et  vf  siècles.  Rssai  sur  les  oriiiines  liistori(iues  et  cliréliennes  de 
i'Armorique  jjretonne  :  époques  gallo-romaine,  armoricaine,  armorico-bretonne;  Grégoire  de 
Tours,  premier  historien  des  Bretons.  Généralités  géographiciues.  Comtes  et  comtés,  préfec- 
tures et  évécliés.  Monastères  et  ermitages  dans  toute  la  basse  .\rmori(iue.  État  de  l'histoire  de 
la  Bretagne  avant  les  bénédictin-.  Appendice  :  dignités  de  l'empire  d'Occident,  division  admi- 
nistrative de  la  Gaule  sous  les  Romains  et  après  la  chute  de  l'Empire.  Concile  de  Vannes  en 
4G5.  Table  de  l'analyse  historique  du  carinlaire  inédit  de  I.andévenncc.  Charles  diverses.  — 
Ce  prciiîier  volume,  qui  sera  prochaincincnr  suivi  d'un  second  oX  dernier G  fr. 

224.  HENRY  et  LORIQUET.  —  Corruspondanciî  du  duc  de  Mayenne,  publiée  sur  le  manuscrit 
de  la  Bibliothèque  de  Reims,  par  E.  IIhnrv,  membre  honoraire  de  l'Académie  de  Reims,  et 
Cij.  LoBiQUKT,  bibliothécaire  de  la  ville.  Tome  deuxième.  In-S"  de  411  pages.  —  Ce  volume, 
8  fr.;  les  deux 1 6  fr. 

22o.  JOL'VE. —  Notes  archéologiques  sur  quelques  églises  nouvellement  bâties,  ou  actuellement 
en  construction,  dans  quelques  églises  de  Lyon  et  dans  les  environs,  par  l'abbé  Jolve,  cha- 
noine de  Valence,  membre  de  plusieurs  sociétés  savantes.  In-S"  de  14  pages.  —  Église  romano- 
byzantine  de  Couzon;  église  ogivale  d'Anse;  nouvelle  église  de  Saint-Pierre,  à  Màcon,  en  style 
roman  de  la  dernière  période. 

226.  JUBINAL.  —  Étuoks  nouvelles  sur  un  vieux  poJtc.  —  Rutobcuf,  par  Achille  Jlbinal,  dé- 
puté au  Corps  législatif.  In-8°  de  16  pages. 

227.  LABORDE  (de).  —  Note  sur  la  nécessité  de  publier  la  nouvelle  édition  des  Chroniques 
de  JiJAM  EitoissAUT,  annoncée  depuis  trente  ans,  par  le  comie  L.  de  lAitor.uE,  membre  de 
l'Institut.  In-8°  de  11  pages. 

228.  L.\FF1NEUU.  —  Une  vlsite  à  Notre-Dame  de  Noyon,  ou  Description  sommaire  de  la 
cathédrale  de  Noyon  et  de  ses  dépendances,  par  l'abbc  Laffineur,  supérieur  du  petit  sémi- 
naire de  Noyon.  In-S"  de  .'5  planches,  d'un  plan  de  la  cathédrale  et  de  ses  dépendances,  avec 
134  pages  de  texte.  —  Histoire  de  l'église.  Plan  d.;  la  cathédrale,  description  extérieure  et 
intérieure  de  Notre-Dame.  Dépendances  do  l'église.   Dallage,  pierres  tombales.  Notes.     2  fr. 

229.  L.\FORGE.  —  Lv  Vieuoe,  type  do  l'art  clirétii>n.  Histoire,  monuments,  légendes,  par 
Edouard  Laforcm;.  In-4"  de  xii-3o7  pages  et  de  6  portraits  de  la  Vierge,  dans  les  catacombes 
et  aux  XI",  xiv%  xv%  xvi'  et  xvu'  siècles.  —  Vie  de  la  Vierge  racontée  par  les  beaux-arts  : 
Mission  de  Marie,  prédiction  biblique  annonçant  la  naissance  de  la  Vierge,  vision  apocalyptique 
concernant  la  Vierge.  Culte  do  la  Vierge,  premiers  monuments  consacrés  à  la  Vierge,  dans 
les  catacombes,  au  moyen  âge.  Antiquité  et  généralité  du  culie  do  .Alarie.  Produits  do  l'art 
utiles  à  la  religion;  motifs  de  l'admission  dans  les  temples  des  statues  et  des  peintures  reli- 
gieuses; comparaison  des  œuvres  do  l'art  grec  avec  celles  de  l'art  moderne,  sous  le  rapport 
de  la  morale;  clligie  de  la  Vierge  sur  les  monnaies.  Antiquité  do  certaines  images  do  la  Vierge, 
peintures  nombreuses,  madones  remarquables,  images  do  la  Vierge  en  Orient.  Vierges  sous  les 
Grecs  et  sous  les  Byzantins,  au  v"  siècle,  sous  différenls  costumes,  sous  Cimabiie  et  son  école, 
sous  Raphaël  et  les  modernes.  lùiipressemonl  de  l'art  il  représenter  Mario  Immaculée,  etc.  — 
Ce  beau  volume  ,  de  l'inipriinerie  l'enin âo  fr. 

230.  LAG.VRDE.  —  GunoMQi:E  do  Maitre  Guillaume  de  l'uylaurons  sur  la  guerre  dos  AIbi- 


aO<J  AN.NALLS   AlICIlÉOLOGIOL  KS. 

groii  (1202-1272),  trailiiilc  du  latiiii  avec  uno  inlroduclion  et  des  notes,  pur  (;ii.\iili>  Laoaiide, 
profossouf  d'iiistoirc.  monibro  de  lu  Bociétc  arclnSolof-ique  de  Bézicrs.  In-t2  de  x\\iv-314  |mges. 
—  Inlroduclion.  Prologue.  Saint  Itornard,  abbé  dcClairvaiix,  maudit  le  chiitcau  de  Vcifeil. 
(JliiUcau  (le  l.avaur  occupé  ()ar  les  liérélicpiu.-*.  l)iscus>-ioii  soutenue  par  l'évoque  d'Albv  sur 
l'aposlji.-iio  de  l'ierro  de  Dercns.  Généalogie  dos  très-illustrcâ  comics  de  Toulouse,  l-'ulcrand. 
évéïpie  de  Toulouse.  Débats  solennels  ii  .Monlréal.  Origine  de  l'ordre  des  Frères- Prêcheurs. 
Pierre,  roi  d'Aragon,  épous(!  Marie  de  .Montpellier.  Prise  de  Bé/.iers.  Soumis-ion  de  Car- 
cassonne.  Siège  et  prisn  de  la  forteresse  do  Lavaur.  Siège  do  Casicinaudary.  .Massacre  de  la 
milice  toulousaine.  Pierre  de  Bénévent,  cardinal,  est  envoyé  comme  légat  pour  traiter  de  la 
paix,  elc 2  fr.  30  c. 

i'i\.  LANULOIS.  —  SouvE.Mii.s  du  pèlerinage  ii  Pouy-Sainl-Vinccnt-de-Paul  (24  avril  1864). 
Inauguration  de  la  chapelle  et  do  l'hospice  construits  au  lieu  où  est  né  saint  Vincent  de  Paul, 
par  Ai.i-iioNsi;  Langlois.  In-18  de  31  pages  et  d'une  planche 30  c. 

232.  LA  PORTE  (de).  —  TaiisoR  iii^nALDiQi'i':  d'après  d'Ilozier,  .Ménéiricr,  Boisseau,  etc., 
comprenant  :  1»  la  clef  du  blason  et  des  armoiries;  2°  le  livre  d'armes  des  familles  illustres  de 
France;  S"  le  recueil  des  armoiries  des  villes  et  des  provinces,  par  A.  de  La  Poiite,  membre 
de  plusieurs  sociétés  archéologiques.  In-r2  de  xiv-320  pages,  avec  de  nombreux  dessins 
dans  le  texte.  —  Les  clefs  du  blason  :  avertissement  sur  l'origine  des  armoiries.  —  Première 
partie  do  i'écu  :  des  divisions  et  des  émaux  de  l'écu,  des  ûgures  du  blason,  des  attributs  des 
figures.  —  Deuxième  partie,  pièces  dont  on  entoure  l'écu  :  timbre,  supports,  devises,  ordres, 
orneiiicnls  des  dignités.  —  Troisième  partie  :  index  alphabétique  des  termes  de  blason.  — 
Quatrième  partie  :  édits,  règlements  et  ordonnances  concernant  les  armoiries.  Le  livre  d'armes 
des  familles  illustres  de  France.  Armoiries  des  princijjales  villes  de  France.  Aperçu  historique 
et  géographique 2  fr. 

233.  l,\SrFVIiIF  (de).  —  Oiiskrvation.s  critiques  sur  le  Trésor  de  Conques  et  sur  la  description 
qu'en  a  donnée  M.  Uarcel,  par  F.  dk  Lvsticviiie,  membre  de  l'Institut.  In-S"  de  23  pages. 

234.  LF  BUU.N-DALBANNE.  —  Le  Trésor  do  la  cathédrale  de  Troycs,  par  Le  Brun-Dai.basxe. 
In-S"  de  43  pages  et  de  3  planches,  représentant  un  coffret  en  ivoire,  des  émaux,  une  aumc- 
nièrc,  sous  leurs  faces  dilîérentes.  —  Sculptures,  reliquaires,  émaux  détachés,  anneau,  crosse 
et  calice  de  l'évèque  liervée;  coffrets  et  aumonières  des  comtes  de  Champagne. 

233.  LF  LIÈVRE  DE  LA  MORINIÈRE.  —  Li:s  Rois  à  Vannes.  Représentation  bretonne  des 
rois  mages.  Notice,  par  M.  Li:  Lièvre  de  Lv  MoRiNiiiRE,  contrôleur  des  postes.  In-8°  de 
8  pages 75  c. 

236.  LE  LIÈVRE  DE  LA  MORI.XIÈRE.  —  Notice  historique  sur  les  Postes  en  France,  depuis 
leur  origine  jusqu'en  1789.  par  Le  Lii;vre  de  La  Morinière.  In-8°  de  28  pages.     I  fr.  30  c. 

237.  LÉVÊQUE. —  Le  Spiritualisme  dans  l'art,  par  Charles  Lévèque,  professeur  de  philosophie 
au  Collège  de  Franco.  In-12  de  xxiv-184  pages.  —  Introduction.  —  Première  étude  :  Ls 
Spiritualisme  dans  la  sculpture.  —  Deuxième  étude  :  Un  sculpteur  spirilualiste,  Charles 
Siraart.  —  Troisième  étude  :  Le  spiritualisme  dans  la  peinture,  un  peintre  spiritualiste  et 
philosophe,  Nicolas  Poussin.  —  Appendice  :  Les  origines  platoniciennes  de  l'esthétique 
spiritualiste 2  fr.  30. 

238.  LIN'AS  (do^.  —  Orfèvrerie  mérovingienne.  Les  Œuvres  de  saint  Éloi  et  la  verroterie 
cloisonnée,  par  Charles  de  Linas.  Grand  in-S"  de  131  pages  et  de  9  planches.  —  Considé- 
rations préliminaires  et  diverses.  Documents  historiques  :  attribution  du  calice  de  Chelles  à 


BIBLIOGRAPHIF:   D'ART  et  d'archéologie.  367 

saint  Éloi  par  plusieurs  autorités;  manuscrits  et  proccs-veibaux.  Observations  sur  la  gravure 
du  calice  :  talents  artistiques  des  clianoinesses  de  Maubeuge,  hachures  héraldiques  employées 
pour  exprimer  les  couleurs.  Description  du  calice  :  matières  qui  le  constituent,  dimensions, 
ornementation,  caractère  d'antiquité,  monuments  divers,  contemporains  du  calice  de  Clielles. 
Appréciations  de  du  Saussay  cl  de  Dom  Marténe,  système  de  M.  l'abbé  Texier.  Œuvres 
diverses  attribuées  à  saint  Éloi,  considérations  sur  «  l'Opus  inclusorium  ».  Caractère  spécial 
de  l'orfèvrerie  durant  la  période  mérovingienne,  historique  de  la  verroterie  cloisonnée.  Nature 
des  substances  monices  en  serticlos  sur  les  œuvres  d'orfèvrerie  barbare;  les  barbares  ont-ils 
pratiqué  l'orfèvrerie?  «  l'halcrœ  pectorales  »  des  barbares.  —  .Mémoire  définitif  et  digne  de 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  sur  celte  dilTicile  question  de  l'orfèvrerie  mérovin- 
gienne. —  Colorié,  21  fr.  ;  en  noir 12  fr. 

239.  LONGUEMAR  (de).  —  Compti;  rkmiu  du  Congrès  archéologique  de  Fontenay-le-ComIe, 
fait  il  la  société  des  Aniiquaires  de  l'OuosI,  lo  23  juin  1864,  par  .M.  dk  Longue.m.\b,  vice- 
président.  Iii-S"  de  40  pages 73  c. 

240.  MAIiS  et  WEALIi.  —  .Vlbim  photographique  des  objets  d'art  religieux  du  moyen  âge  et 
de  la  renaissance,  exposés  à  Malincsen  1801,  par  J.  .Maes;  texte  descriptif  par  W.-U.  \Ve.\li;. 
—  Cet  album  se  composera  de  o8  planches  in-folio,  représentant  120  objets  principaux  de 
sculptures  en  ivoire,  marbre,  bois;  de  dinanderies,  lutrins,  chandeliers  pascals,  couronnes  de 
lumière;  d'orfèvreries  diverses,  reliquaires,  ostensoirs,  crosses  abbatiales,  chrismatoircs,  elc. 
Les  planches  seront  accompagnées  d'un  texte  descriptif  et  explicatif  par  James  Wcale.  — 
L'ouvrage  conqjlet 210  fr. 

241.  .ALVUTIGNV.  —  Explication  d'un  sarcophage  chrétien  du  Musée  lapidaire  do  Lyon,  par 
l'abbé  .Martignv,  membre  de  plusieurs  sociétés  savantes.  Iu-8"  de  04  pages  et  d'une  planche 
représentant  le  sarcophage.  —  Notice  préliminaire  sur  les  sarcophages  chrétiens  en  général, 
et  sur  ceux  de  la  Gaule  en  particulier.  Description  du  sarcophage  du  musée  de  Lyon  : 
résurrection  de  Lazare,  guérison  du  paralvti(pic,  prédiction  du  reniement  do  saint  Pierre, 
guérison  d'un  aveugle.  Job 2  fr.  60 

242.  M.VRTIN.  —  Le  PiîLEmNAGE  de  Sainte-Anne  d'Auray,  suivi  d'une  notice  historique  sur 
les  environs,  par  le  P.  Anrniin  Martin,  de  la  compagnie  de  Jésus.  In-3  2  de  288  pages  et  de 
5  planches.  —  Découverte  de  la  statue  miraculeuse.  Fondation  de  la  chapelle.  Pèlerinages. 
Miracles.  Notice  sur  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  dans  les  environs  de  Sainte-Anne  : 
Notre-Dame  de  Rethlèem.  Kcrloi.  La  chapelle  Saint-Michel-du-Mont.  La  Chartreuse.  Chapelle 
expiatoire  du  champ  des  Martyrs.  Ville  d'.Vuray 1   fr.  2o. 

243.  M.VriIIEU.  —  Les  grandes  processions  il  Marseille  depuis  lo  moyen  âge  jusqu'à  nos 
jours,   par   Joseph  Mathieu.   In  18   de  104  pages.   Mémoire   intéressant  pour  la    liturgie 

dramatique. 

244.  MAUREL.  —  Giide  pratique  de  liturgie  romaine,  par  lo  P.  Antonin  Mairel,  do  la 
compagnie  de  Jésus.  In-12  de  xvi-4ijl  pages.  —  Première  partie,  notions  générales  :  origine 
et  définition  do  la  liturgie,  droit  do  liturgie,  langue  et  livres  liturgiques,  décrets  des  Congré- 
gations. -•  Douxièmc  partie,  notions  particulières  et  pratiques  :  édifices  liturgiques  et  objets 
sacrés  employés  dans  la  célébration  du  saint  sacrifice  et  dos  oirice>;  sacrements,  sacramonlaux, 
bréviaire  ou  heures  canoniales;  fôles,  reliques  et  saintes  images;  culte  des  bienheureux; 
bénédictions,  processions,  prédications,  chant  liturgique.  Cimetières,  tombe.iux,  épiliiplios, 
funérailles 3  fr. 


308  ANNALES   AIlClli;0I.O'',|OIi:S. 

iV).  MAZiiCRK.  —  Rkciikiiciiks  liisloriqiios  sur  lu  ciiiiton  de  RiWcoiirl,  arrondissemeni  do 
Com|)i(';.'JU)  (Oise),  par  Liio.N  AIa/ikiii:.  Ituillv,  f^arlepont  el  Olievinroiirl.  Troi^i  lirorliiirc-  in-8» 
do  1 5,  20  el  23  pages.  —  lînscmblo :i  fr. 

il(i.  MAZiiClii;.  —  lli:i:iiKii(;iii':.s  liislori(|ues  sur  le  canton  de  Hiliécourl.  arrondissomcnl  do 
Conipiè),'iio,  par  I.kon  MA/itiii:.  (^anibroinic.  In-8"  do  Ifi  pages 2  fr. 

247.  iMIoI.LKVILLIi.  —  Le  I'assaui;  de  l'.Visne  par  Julc^s  César,  l'assietlo  do  son  camp  el  la 
silualion  de  liihrax.  Nouvelles  rcclierclies  sur  ces  divers  points  de  la  guerre  des  Gaules,  |iar 
Mellevii.i.i:,  ineinbro  do  plusieurs  sociétés  savantes.  In-8°  de  46  pages,  avec  une  carte  du 
passage  (le  l'.Visne  et  du  champ  de  bataille  do  Jules  Césarà  Saint-Thomas  (Aisne).  —  Historique. 
Lieu  de  rasseniblemonl  dos  Belges.  Passage  de  l'Aisne  par  Jules  Cé.sar.  Emplacement  du  camp. 
Marche  des  Belges  sur  le  camp  de  César,  situation  de  leur  campement.  Emplacement  du  camp 
de  Titurius.  Lieu  du  combat  do  l'arrière-gardo  belge.  Résumé 2  fr. 

248.  MiîMoiiiKs  de  la  Ci)iiiinission  des  antiquités  du  département  de  la  Cole-d'Or.  Tome  sixième, 
rreiniére  et  deuxième  livraisons.  I862-I80.{.  In-i»  de  l\vi-2I2  pages  el  de  14  planches 
représentant  le  plan  et  la  façade  de  la  Sainle-(;ha|)ollo  do  Dijon,  des  détails  d'intérieur  et 
d'architccluro,  l'ostensoir  de  la  Sainte  Hostie,  le  tombeau  de  Gaspard  de  Saulx,  seigneur  de 
Tavannes,  et  les  pointures  murales  do  l'Église  de  Bagnot.  —  Compte  rendu  des  travaux  de  la 
Commission,  par  AL  Mic.nard.  secrétaire.  Essai  historique  sur  la  Sainte-Chapelle  de  Dijon, 
parJ.  d'Ariiaumont,  membre  litulairo.  Pièces  justificatives  et  additions.  Unépisodede  l'histoire 
municipale  do  Dijon,  pir  M.  Ghassijt,  membre  titulaire.  Rapporta  M.  Henri  Baudot,  président, 
sur  les  fouilles  exéculéos  au  plateau  dit  do  «  Latidunum  »,  en  1863,  par  Lucien  Coctant, 
associé  correspoiidanl.  Noie  explicalive  de  l'inscription  découverte  dans  les  fouilles,  faites  en 
janvier  ISii.'i.aux  lliermes  gallo-romains  du  bourgdeVerlaut,  ou  «  Landunum  »,  parE.  Photat. 
Rapport  sur  li's  pcinlures  murales  do  l'église  de  Bagnot,  par  IL  Itu dot,  président.  —  Chaque 
livraison ii  fr. 

249.  ilÉMouui  sur  le  déplacement  do  l'IIolol-Dieu  d'Angers.  In-16  de  1o  [)ages. 

250.  Mkmoikes  (11-  la  S'ociélé  iin|)(M-ialo  archéi)loi.'ique  du  midi  de  la  France.  Tome  VIL  Années 
1833  il  18(10.  In-l"  de  vi-394  |iagos,  avec  13  planches  et  cartes  représentant  sainte  Marthe  el 
la  tarascpie,  la  vingt -sixième  stalle  du  chœur  de  Sainte-Marie  d'Aucli;  lo  plan  des  cryptes  de 
la  basilique  de  Sainl-Salurnin,  leur  coupe;  la  façade  orientale  du  mausolée  de  saint  Thomas 
d'Aquin;  le  plan  du  grand  préau  des  Jacobins;  la  carte  des  ruines  romaines  du  Dahra  (Algérie); 
les  pierres  tombales  de  Longrua  de  Arocha,  abbesse  de  Goujon,  et  de  Bernard  de  Rupé,  à 
Goujon  ;  l'église  do  Rieux  ;  la  façade  el  la  piscine  do  l'église  de  Cazères.  —  Essai  iconographique 
sur  sainte  Marthe,  par  l'abbé  Canéto.  Inscriptions  romaines,  par  A.  du  MiiCE.  Los  cryptes  de 
Saint-Saturnin,  par  A.  d'Aldéguier.  Les  ruines  de  Pompéiopolis,  par  Louis  Bunel.  Notice 
sur  l'église  dos  dominicains  de  Toulouse,  par  A.  Ma.navit.  Monographie  de  l'abbaye  de 
Granselve,  par  Jougf.ar.  Notice  sur  les  antiquités  de  Mimizan,  par  le  vicomte  de  Lapasse. 
Études  d'histoire  el  d'archéologie  sur  l'invasion  de  l'Afrique  septentrionale  par  les  Romains, 
par  AzÉMA  DE  MoNTGRAviER.  Vislto  BU  Camp  romain  nouvellemonl  découvert  a  Saint-Porquier, 
par  Devals  aîné.  —  Ce  volume 20  fr. 

251.  MILSAND.  —  L'Esthétique  anglaise.  ÉludcsurM.JoiiN'  Ruskin",  par  J.  Milsand.  In-I2de 
xii-'180  pages.  —  Préface.  —  Quelques  aperçus  sur  les  trois  formes  de  poésie  nommées  les 
beaux-arts,  el  sur  la  longue  enfance  de  l'esthétique.  Où  la  peinture  était  arrivée  sous  l'influence 
des  idées  qu'on  s'était  faites  de  l'art.  Le  réveil  do  l'imagination  au  commencement  de  notre 
siècle.  Les  conséquences  différentes  où  il  a  abouti  en  France  et  en  Angleterre.  M.  Ruskin  :  ses 


BJBLKJGliAI'IIIE  D'AIi'f  ET  D'ARCHEOLOfi lE.  369 

idéps  sur  la  renaissance  et  ses  écrits  sur  i'archileclure  et  sur  la  peinture  ;  la  part  qu'il  y  a  faite 
au  beau,  à  limaginalion  et  à  la  vérité.  En  quoi  il  a  réusèi,  en  quoi  il  a  échoué 2  fr.  30 

252.  MONTI.Al'R  'de).  —  L\  Vu-;  d  le  Rôve,  par  le  marquis  E.  dk  Montlair.  Iii-I2  de 
\iii-l90  pagp:;.  Livre  de  poésie  et  de  bon  sens  à  la  fois. 

233.  MONTRONf)  (de).  —  Les  Architectes  et  les  sculpteurs  les  plus  célèbres,  par  Maxime  de 
MoNTROND.  ln-12  de  xviu-'l90  pages  et  d'une  planche.  Troisième  édition.  —  Ervin  de 
Stcinbacli  fxiii"^  siècle).  Pierre  de  Montereau  (xiii'  siècle).  Jean  de  Pise  (12. ..1320).  Ârnoifo 
di  Lapo  (1332-1400).  Giotio  '1266-1336;.  Brunelleschi  (1377-1414).  Alichel-Ange  (1474-1.364). 
Germain  l'ilon  (1313).  Jean  (ioujon  (1320-1372).  Philibert  Delorme  (13... 1577).  D.  Fontana 
(1543-1607).  Rommi  (1398-1680:.  P.  Puget  [1722).  Soumet  (1711-1781).  Canova  (1747- 
1822) 83  c. 

234.  Notice  descriptive  do  l'église  de  Montfort-l'Amaury  (Seine-el-Oise),  et  de  ses  vitraux. 
In-8"  de  16  pages 30  c. 

233.  OiicAMSATiON  de  la  Société  d'agriculture,  des  sciences,  arts  et  belles-lettres  du  département 

de  l'Aube.  Cinquième  édition.  In-S"  de  S3  pages. 

236.  PÉHANT.  —  Catalogue  méthodique  de  la  Bibliothèque  publique  de  la  ville  de  Nantes, 
par  É.MILE  PÉiiANT,  conservateur  de  la  Ribliollièque  rie  Nantes.  Trois  volumes  grand  in-S" 
de  xxiv-663,  674  et  688  pages.  —  Premier  volume  :  sciences  religieuses,  philosophiques  et 
sociales.  Second  volume  :  sciences  naturelles,  exactes  et  occultes;  arts.  Troisième  volume  : 
belles- lettres.  —  Ces  trois  volumes 24  fr. 

257.  PEIGNÉ-DELACOURT.  —  Recherches  sur  divers  lieux  du  pays  des  Silvanectes.  fitudes 
sur  les  anciens  chemins  de  cette  contrée,  gaulois,  romains,  gaulois  romanisés  et  mérovingiens, 
par  Pi:iGNi';-Di:i,Acoii.T,  membre  de  plusieurs  sociétés  savantes,  In-8"  de  112  pages...     3  fr. 

258.  PETIT.  —  Notice  sur  Château-Renard  (Loiret)  et  ses  châteaux,  par  Petit,  avocat,  juge 
de  paix  du  canton  de  Cliàteau-Renard.  In-8"  de  ii-128  pages  et  de  10  planches  représentant 
l'église  et  les  châteaux  de  Château-Renard.  —  Origine  de  Château-Renard,  ses  châteaux  et  ses 
seigneurs,  statistique  et  description,  organisation  jutliciairc,  instruction,  viabilité,  commerce, 
industrie,  cultes,  conununautés  religieuses,  abbayes,  prieurés.  Notes  et  pièces  justifica- 
tives       3  fr. 

239.  PIERUET.  —  Mamei,  d'archéologie  pratique,  par  l'abbé  Tii.  Pierret,  docteur  en  théologie, 
arclii[)rètre  do  Rethel.  In-8"  de  xvi-334  pages.  —  Avant-propos.  —  Première  partie,  de  la 
construction  dos  églises  :  nécessité  pour  les  ecclésiastiques  d'étudier  l'archéologie  sacrée,  but 
que  se  propose  l'auteur  de  ce  livre.  Emplacement  des  églises,  leur  isolement,  leur  style  el 
leur  orientation.  De  leurs  plan,  dimensions,  proportions,  beauté  et  solidité.  Toit,  voûte,  pavé, 
nefs,  portes,  fenêtres  et  colonnes  des  églises.  Endroit  où  doivent  être  placés  les  chantres. 
Matière,  forme,  gradins,  dimension  et  emplacement  des  autels.  Autels  portatifs.  Sacristie  cl 
ameublement.  Fonts  baptismaux.  —  Deuxième  partie,  de  l'ameublemonl  des  églises:  richesses 
dos  anciennes  églises,  principe  d'unité  à  suivre  dans  l'amoublonient  des  églises,  mobilier  d'uno 
chapelle  des  catacombes,  mobilier  d'une  église  du  xui''  siècle,  et  celui  d'uno  église  du  xvi*. 
Confessionnaux,  chaire,  etc.  —  Troisième  partie,  do  la  décoration  des  églises  :  sentiment  du 
beau^  art  chrétien,  unité.  Scul[)luro,  règles  à  suivre  touchant  les  statues.  Peinluiv  murale, 
vitraux,  boiseries.  —  Appendices  :  des  cimetières,  de  l'orgue.  —  Ce  volume 3  fr. 

260.  PIERRO.N.  —  Histoire  de  la  littérature  grecque,  par  .\lexis  Pierron,  professeur  au  lycée 
XXIV.  /|8 


370  ANNALKS  AliClIÉOLOGIOLES. 

Louis-lo-Grand.  Troisième  ôdilioii.  I11-I2  do  vii-580  pQj;es.  —  l'réliminairog.  lj\  ()0(^sic  grecque 
avant  lIomiTo.  llomùro.  l'oésioâ  élégiaques,  ïambiquo,  cliolïumbiquc.  Lyriques  éolions  cl 
doriens.  l'indaro.  Tlifelo^îicnset  pliilosoplies  poiUes.  Prcniiùrcs  compositions  en  prose.  Origines 
du  llii'iUro  gri'P,.  Docadonce  do  la  trajiédic.  Ancicnno  comédie.  Autres  poi'les  du  siècle  de 
l'ériclès.  Ancienne  oloi|ucnco  polili(|iip.  Sophistes.  Orateurs  de  la  fin  du  v  siècle  avant  J.-C. 
Orateurs  du  iv"  siècle  avanlJ. -G.  Gomodie  moyenne.  Comédie  nouvelle.  Littérature  alexandrins 
cl  litténituro  sicilienne.  Écrivains  des  trois  derniers  siècles  avant  J.-C.  Écrivains  grecs 
conloin()nniins  d'Augusle  et  des  premiers  empereurs.  Écrivains  du  siècle  des  Antonins. 
Pliilosoplies  ale\:in(lriiis.  Historiens  et  so|)liistes  du  troisième  siècle.  École  d'Athènes..     4  fr. 

2GI.  l'IIiUllON.  —  llisToiiii;  de  l.i  lilléralurc  roniaino,  par  Alexis  ['ieiiro^',  prorefseur  au  lycée 
Louis-lc-Grand.  Troisième  édition,  ln-12  do  xii-C54  pages.  —  I^angue  des  Romains.  Les 
cinq  premiers  .siècles  do  Riime.  La  prose  latine  avant  Caton.  Cnton,  Knnius,  Piaule,  Gécilius, 
Térence.  Poètes  comiques  contemporains  do  Tèrencc.  Satire,  Lùcilius.  Tragédie,  Pacuvius  et 
Atlius.  L'histoire  depuis  Caton  jusqu'à  César.  L'éloquence  depuis  Caton  jusqu'à  César,  et 
depuis  les  Gracques  jusqu'à  Gicéron.  Cicéron,  ses  correspondants.  Varron,  César,  Sillusle  et 
Cornélius  Népos,  Titc-Live.  Historiens  contemporains  de  Tite-Livc.  .\ulres  prosateurs  du 
siècle  d'Auguste.  PoiUes  élégiaqucs.  Ovide,  Phèdre,  les  Sénèque.  La  satire  après  Horace.  Les 
deux  Pline.  L'histoire  depuis  Tite-Livo  jusqu''d  Tacite.  Tacite.  Écrivains  des  deuxième, 
troisième  et  quatrième  siècles.  L'histoire  au  quatrième  siècle.  Les  derniers  prosateurs.  Les 
dernîers  poiHes 4  fr. 

tiG2.  l'ICiliOX.  —  Xoiivi:\u  guide  descriptif  et  historique  du  voyageur  dans  le  Monl-Saint-Michel, 
])ar  l'abbé  !•;.  A.  Pigicon,  membre  de  i)lusicurs  sociétés  savantes,  ln-18  de  121  pages  et  de 
4  plaïuhes.  —  La  cité.  Le  monastère.  La  basilique  de  l'Archange.  Décoration  intérieure  de 
l'église  avant  1793.  Chapelles  diverses.  Le  sanctuaire.  Pèlerinages. 

'i(S3.  POIîTTIî.  —  Lkgende  do  l'églisn  do  La-Haut,  suivie  d'une  notice  sur  la  fontaine  Saint- 
Ouentin,  située  dans  les  bois  d'HoInon,  par  Cii.  Poktte.  In-8"  de  10  pages.  —  Se  \end  au 
|)rolil  do  la  restauration  de  la  fontaine  Saint-Quentin 30  c. 

2Gi.  PONTÉCOUL.\NT  (i'e)-—  .Mlsék  inslruiiicntcil  du  Conservatoire  de  musique.  Histoires  el 
anecdotes,  par  le  comte  Ad.  de  Pomécoulant.  In-18  de  197  pages.  —  Musée  instrumental. 
La  harpe  de  M""=  de  Lamballe.  Un  tympanon.  La  harpe  de  Cousineau.  La  vielle  de  M""  Adélaïde. 
La  lyre  de  Fabry  Garât.  Le  piano  de  voyage  de  Beethoven.  Le  clavecin  de  Han  Roukers.  Une 
épinetle  de  I(il7.  Un  violon  bavarois.  Le  violon  de  Baillot 2  fr. 

2Go.  PRESSENSÉ  ;de).  —  Le  Pays  de  l'Évangile.  Notes  d'un  voyage  en  Orient,  par  Ed.mo.\d 
DE  Pressensé.  In-12  de  334  pages  et  d'une  carte  de  la  Palestine.  —  Avant-propos  :  les  pèle- 
rinages el  les  voyages  en  terre  sainte,  grandes  divisions  géographiques  de  la  Palestine.  Notes 
de  vovage  :  la  Basso-Égypte,  Alexandrie,  le  Caire,  les  Pyramides,  ruines  de  .^lemphis.  La 
Palestine  :  de  Jaffa  à  Jérusalem,  la  Ville-Sainte,  Béthanie,  le  .Mont  des  Oliviers,  la  mosquée 
d'Omar,  le  Saint-Sépulcre.  Bethléem,  la  Mer-.Morte,  Hébron,  la  Samarie,  Sichem,  le  Puits 
de  Jacob,  le  Carmel,  Nazareth  et  le  lac  de  Tibériade,  Tibériade  et  Banias.  —  Épbèse,  Beyrout, 
Smyrne,  .Mhènes,  Constantinnple,  le  Bosphore;  d'Athènes  à  Venise,  le  Parlhénon.  Trois  jours 
dans  le  Péloponèse,  Corfou,  Veni>c,  le  retour 3  fr. 

2Gi'>.  Pnocics-VEUiiAix  de  la  Commission  départementale  des  antiquités  de  la  Seine-Inférieure. 
Tome  premier.  1818  h  1848.  In-S"  de  viii-436  pages.  —  Rapports  sur  dos  antiquités,  abbayes, 
construrlions  romnines,  autels,  bas-reliefs,  cathédrales,  églises,  chapelles,  chapiteaux,  cercueils, 
cirques,  châteaux,  croix,  châsses,  camps,  dalles  tuiiiulaires,  peintures  à  fresques  et  autres, 


BlBLlUGr.Al'lllE  D'ART  ET  D'ARCHEOLOGIE.  371 

dessins  divers,  fragments  de  conslriictions  romaines,  grilles  et  porles,  inscriptions,  monnaies, 
musées,  mosaïf|ues,  etc.  Notices  diverses.  Keclicrches  iiistoriqiies.  .M.  l'abbé  Cochet  est  le 
principiil  promoteur  et  auteur  de  ce  volume  qui  commence  une  importante  série. 

267.  RABUT.  —  IIuiitvtions  lacustres  de  la  Savoie,  par  Laurent  Rablt,  professeur  de  des- 
sin, membre  de  plusieurs  sociétés  savantes.  Un  volume  in-8°  de  73  pages  de  texte  et  un  album 
grand  iii-4"  de  16  planches  représentant  des  poteries,  des  objets  en  bronze,  etc.  —  En  ce 
moment,  les  habitalions  lacustres  sont  ii  l'ordre  du  jour,  comme  les  antiquités  gallo-romaines 
et  césariennes.  — •  Le  volume  et  l'atlas 8  fr. 

268.  Rappoiit  de  l'administralion  de  la  Commission  impériale  sur  la  section  française  de  l'expo- 
sition universelle  do  I8G2,  suivi  do  documents  statistiques  et  ofTiciels  et  de  la  lisle  des  expo- 
sants récompensés.  In-l"  de  viii-266  pages.  —  Introduciion.  Aperçu  général  de  l'exposition. 
Opérations  do  la  Commission  impériale.  Opérations  du  jury  des  récompenses.  Service  financier. 
Documents  de  statisticpic.  Première  partie  :  documents  relatifs  il  la  section  française  de  l'expo- 
sition, divisions  de  l'agriculture  et  do  l'industrie,  des  beaux-arts,  résultats  financiers.  Seconde 
partie,  documents  relatifs  à  l'ensemble  de  l'exposition  :  division  de  l'agriculture  et  de 
l'industrie,  division  dos  beaux-arts,  résultats  financiers.  Documents  officiels  Lisle  des 
exposants  récompensés  dans  la  section  française.  Plan  du  palais  de  l'exposition  montrant  les 
emplacements  occupés  par  les  diverses  puissances,  et  la  disposition  générale  de  leurs  instal- 
lations. 

2G9.  Relation  du  siège  do  Prague  par  les  Autrichiens,  en  \'i>.  In-li,  sur  papier  vergé,  de 
20  pages.  —  Titre  rouge  et  noir,  charmante  impression  de  .M.  Uarnier  de  Chartres. 

270.  RESTOUT.  —  Essai  sur  les  principes  de  la  pointure,  par  Jean  Restout,  peintre  ordinaire 
de  Louis  XV,  publié  avec  des  notes,  par  U.  de  Edii.mignv  do  L\  Londe,  membre  de  plusieurs 
sociétés  savantes.  In-8"  de  6i  pages,  d'un  fac-similé  d'une  lettre  de  Jean  Restout  et  de  son 
portrait.  —  Note  sur  Jean  Restout  et  sur  son  «  Essai  ».  Principaux  peintres  du  nom  de 
Reslont,  spécialement  .lean  (deuxième  du  nom),  et  son  œuvre.  Principaux  traits  de  la  vie  de 
Jean  Restout  (IG92  à  17681.  —  Notes.  —  Renseignements  utiles  ou  curieux  sur  la  pratique  do 
la  peiiitiiic 3  fr. 

271.  RLCSS.  —  lIisToiiir-  du  Canon  des  Saintes  écritures  dans  l'église  chrétienne  par  Edouard 
Reuss,  professeur  ii  la  Faculté  de  théologie  do  .'Strasbourg.  Seconde  édition.  In-S»  do  viii-i32 
pages.  —  Usage  de  l'ancien  Testament  dans  l'église  apostolique.  Les  écrits  des  apôtres  dans 
l'église  primitive.  Premières  origines  d'un  recueil  d'écrits  apostoliques.  L'hérésie.  Le  catholi- 
cisme. Les  collections  usuelles  vers  la  fin  du  second  siècle.  Bibliographie.  Les  troisième  et 
quatrième  siècles.  Statistique  rétrospective.  Essais  do  codification.  É.;;lise  d'Orient.  Église 
d'Occident.  Théorie  et  terminologie.  L(î  moyen  Age.  La  renaissance.  Le  ciitholicismo  olliciel 
et  moderne.  La  théolocic  des  rèformaleurs.  Les  écoles  confessionnelles.  La  critique  cl 
l'Église '. «  f'-- 

272.  REV.NIER.  —  Catai.ocie  do  la  bibliothèque  communale  de  Marseille,  par  J.-B.  REVNiEn, 
conservateur.  Histoire.  Tome  premier.  In-S"  de  xiv-alî  pages.—  Introduction.  Bibliographie, 
Histoire,  Géographie,  Voyages,  Chronologie,  Histoire  universelle.  Histoire  des  religions  et  des 
superstilions.  Histoire  du  clergé  et  des  ordres  religieux,  avec  l'histoire  particulière  de  leurs 
fondateurs,  réformateurs  et  généraux  ;  Hagiographie;  Histoire  ancienne,  Histoire  générale  el 
particulière  de  la  Grèce,  Histoire  de  l'Italie,  du  peuple  romain  et  de  ses  empereurs.  Appendice 
il  l'histoire  ancienne.  —  Ce  premier  volume,  qui  sera  suivi  de  plusieurs  autres.. .     ii  fr.  50  c. 


■M2  ANNAI.KS   AllCIi  l'OlJJGlQUKS. 

27.'t.  IlOlllCHT.  —  OiiioiNiis  ilo  l'aris  l'A  do  lotilrs  le;»  communes,  liarncaux,  rlii'iicaux,  etc.,  «les 
(l(''|>arl(!niciils  (lo  la  Soino  ol  do  Soine-(!t-Ois(>,  par  J.-B.  Koiikiit.  ivlymolugip8,  cullcs  et  ccré- 
iiioiiii's  roligieiisoB,  usagos,  supRriitilions,  Ptc.  Tomo  premier.  Première  livraison.  In-S"  de 
xx\Mi-l2()  pages.  —  Iniroduclion.  Dcscriplioii  <ks  dt-parlornents  de  la  Seine  et  de  Seinc-cl- 
Oisc  :  anciens  peuples  (|iii  liabilaicnl  ce  territoire,  rivières  el  ruisseaux,  étangs  et  marais, 
sniMces  d'eaux  minérales,  bois  et  forêts,  sominels  principaux,  voies  dites  romaines.  Départe- 
ment de  la  Seine,  Paris  :  Paris  sous  la  domination  romaine,  Paris  sous  les  Franks.  —  Cet 
ouvrage  sera  publié  on  six  livraisons,  qui  formeront  deux  volumes  in-8",  et  qui  paraîtront  de 
mois  on  mois.  Chaque  livraison 2  fr.  50  c. 

274.  ROIilîItT.  —  iNTKni'RiÎTATioN  naturelle  des  pierres  et  des  os  travaillés  par  les  liai)itants 
priniilil's  (les  (Jaules,  par  le  docteur  JacicMc  KonEiiT.  ln-8°  do  24  pages. 

27.J.  liOi'.IIA.MBR.VU  (i)i;).  —  ÉriDi;  sur  les  origines  de  la  Gaule,  appliquée  à  la  vallée  du  Loir 
dans  le  Vendomois;  habitations  celtiques,  par  A.  I,.  de  Rochambkau,  membre  de  plusieurs 
sociétés  savantes.  Deuxième  édition.  In-8"  do  .'!'J  pages  avec  2  plans  des  grottes  de  Rocham- 
boau  el  du  lireuil. 

27G.  ROLLER.  —  l.i;  I)o(;mi;  dans  les  catacombes  do  Rome,  par  Tu.  lioi.i.ER,  pasteur.  In-S" 
de  40  pages 7.5  c. 

277.  ROSSIGNOL.  —  Monoguai'mies  communales  ou  Étude  statistique,  historique  et  monu- 
mentale du  département  du  Tarn,  par  Éi.iu-A.  Rossignol,  membre  de  plusieurs  sociétés 
savantes.  Première  partie,  .\rrondissement  de  Gaillac.  Tomo  U.  Canton  de  Gaillac.  In- 8°  de 
398  page.s,  avec  une  carte  du  canton  de  Gaillac  el  8  planches  représentant  des  détails  de 
sculpture  de  l'église  de  Roumanou  (Tarn),  le  château  de  Mauriac,  les  peintures  de  la  tour  Pal- 
niata,  des  détails  de  sculpture  de  l'église  Saint-Michel,  une  cheminée  en  bois  à  Gaillac  et  une 
miiison  en  pierre  ;i  lirons.  —  .\per(;u  historique  sur  le  canton  de  Gaillac.  Communes  de  Mon- 
tans  ol  Saint-Martin-du-Tour,  de  Drons,  de  Lagrave,  de  Rivières,  de  Labastide-.Montfort,  de 
liernac,  de  Castanet,  de  Cestayrols,  de  Fayssac,  de  Broze,  de  Senouillac  et  de  Gaillac.  Histoire 
intérieure  de  la  ville  de  Gaillac,  ses  seigneurs  el  ses  droits,  privilèges  des  habitants,  adminis- 
tration iimnicipalo  des  consuls,  événements  et  institutions  particulières;  iiistoire  ecclésiastique 
de  la  commune,  S(s  paroisses  et  ses  établissements  religieux,  etc.  —  Ce  volume  deuxième.  7fr.30c. 

iia.  ROUYER  et  DARCEL.  —  L'aiit  auciiiticctijhai.  en  France,  depuis  François  I"  jusqu'à 
Louis  XIV.  .Motifs  de  décoration  intérieure  el  extérieure,  dessinés  d'après  des  modèles  exécutés 
el  inédits  des  principales  époques  de  la  renaissance,  comprenant  lambris,  plafonds,  voûtes, 
cheminées,  portes,  fenêtres,  escaliers,  grille-,  stalles,  autels,  chaires  à  prêcher,  confessionnaux. 
tombeaux,  vases,  candélabres,  etc.,  par  Eigène  Rouveb,  architecle,  ancien  inspecteur  aux 
travaux  flu  Louvre;  texte  par  Ai.fri:u  l)ARc.!ii,,  attaché  à  la  conservation  des  Musées  impé- 
riaux, correspondant  du  Comité  des  monuments  historiques.  Livraisons  63  à  74.  Grand  in-4"> 
de  24  planches  représentant  des  détails  du  château  de  Versailles,  de  l'hôtel  de  ville  de 
La  Rochelle,  du  château  de  Baynac  Dordogne);  le  salon  du  ministère  des  travaux  publics,  le 
plafond  en  bois  du  château  de  Oyron  ;  Deux-Sèvres),  el  la  galerie  d'Apollon  du  Louvre.  — 
Chaque  livraison t   fr.  60  c. 

279.  RUPRICH-ROBERT.  —  L'Eglise  Sainle-Trinite  (ancienne  Abbaye-aus-Dames)  el  l'église 
Saint-Élienne  (ancienne  Abbaye-aux-Hommes),  à  Caen,  par  V.  Ruprich-Robert,  architecte 
du  gouvernement.  Grand  in-8"  de  101  pages,  avec  4  planches  donnant  les  plans  des  églises 
Sainte-Trinité  et  Saint-Etienne,  la  vue  restaurée  de  l'église  Sainte-Trinité.  De  nombreux  des- 
sins sont  distribués  dans  le  texte i  fr. 


BllîLIOdHAHHIE  DART  ET   D'ARCHÉOLOGIE.  373 

280.  SAINT-ALBIN  di:  ol  DURANTIN.  —  Le  P.u.ais  de  Saint-Clold,  résidence  impériale, 
par  Philippe  de  Saint-Albix,  bibliothécaire  de  l'Impératrice,  et  Akjiaxd  Dubantin.  In-8"  de 
257  pages  avec  le  plan  du  palais  de  Saint-Cloud.  —  Historique  du  palais  de  Saint-Cloud.  His- 
toire et  description  de  chacune  de  ses  pièces  isolément 6  fr. 

281.  S.\UVAGEOT.  —  Monoghapiiie  de  la  chapelle  de  Notre-Dame  de  La  Iloche,  tc.xte,  dessins 
et  gravure,  par  G.  et  L.  Sauvageot.  Grand  in-4°  de  18  pages  et  de  27  planches  dont  4  en 
couleur.  —  Cet  ouvrage  devrait  être  aux  mains  de  tous  les  architectes  et  artistes  divers  qui 
aiment  à  reproduire  le  plus  beau  style  du  xiii"  siècle ." 2.5  fr. 

282.  SCIIAEl'KENS.  —  Extraits  d'anciens  registres  de  rentes  et  de  biens  de  l'église  Saint- 
Servais  h  Maestriclit,  jjar  .S^lexaxdre  Schaepkexs,  président  de  la  Société  d'archéologie  dans 

le  duché  de  Lindwurg.  In-S°  de  23  pages. 

283.  SCHAEI'KLNS.  —  Rlvoi.te  à  Maestricht,  en  1539,  par  Arnaud  Sciiaepkens.  In-S"  de 
7  pages.  —  Traduction  tVaiiraiso  d'une  relation  llamandc  sur  une  sanglante  révolte,  relation 
intéressante  au  point  de  vue  de  l'hisloire  locale  du  Liinbourg  et  de  l'histoire  générale  du  duché 

de  lir,d)ant. 

284.  SCIIALI'K1;NS.  —  CAnTUi-AiRES  de  l'ancienne  prévôté  de  Meerssen ,  par  Alexandre 
SciiAEPKENs,  président  de  la  Société  d'archéologie  dans  le  duché  de  Limbourg.  In-S"  de 
19  pages. 

285.  SEUBOIS  (de).  —  Souvenirs  de  voyages  en  Bretagne  et  en  Grèce,  par  L.  de  Serbois. 
In-12  de3il  pages.  —  Des  voyages  et  des  voyageurs.  Guérande.  Succinio,  un  château  féodal. 
La  légende  de  saint  Gildas  et  le  monastère  de  Saint-Gildas.  Vannes,  l'ancien  collège  et  le 
Kloarek.  Auray.  Le  l'.irdoii  de  Saiiile-Anne  d'Auray  et  les  idées  religieuses  dans  le  Morbihan. 
Carnac  et  ses  monuments  druidiques.  Saint-Kado,  légendes.  Langue  et  littérature  bretonnes. 
Lorient.  Ilennebon,  ou  du  poëme  épique.  —  Morée  :  Corinthe.  Les  lacs  Slymphale  et  de  Plio- 
nio.  La  chute  du  Styx.  Le  couvent  de  i\légaspiléon.  Phigalie  et  Bassée.  Un  chapitre  do  Polybe. 
La  plaine  de  Togée 'î  fr. 

286.  Sl'AClI.  —  Études  sur  quelques  poêles  alsaciens  du  moyen  âge,  du  xvi'  et  du  xMi'  siècle, 
par  L.  Spacii,  archi\  isle  du  département  du  Bas-Uhin.  ln-18  de  169  pages 2  fr. 

287.  St'.ACII.  —  Écrivains  alsaciens  du  xvii''  siècle.  «  Simplicissimus  ».  Roman  de  l'époque  de 
la  guerre  de  trente  ans,  par  L.  Spacii,  archiviste  du  déparlemenl  du  Bas-Uhin.  Iii-S"  de 
33  pages. 

288.  SPACII.  —  Une  excommunication  de  .Mulhouse  au  xiii' siècle,  par  L.  Spacii.  Grand  in-8" 
do  16  pages. 

289.  SPACII.  —  Saint  Léon  1.\,  le  pape  alsacien,  par  L.  Spai-.ii.  Grand  iii-S"  de  27  pages. 

290.  SPACII.  —  Lettre  d'indulgence  en  faveur  du  chapitre  de  Surbourg,  par  L.  Spacii.  Grand 
iii-8"  de  8  pages  et  d'une  chromo-lithographie  représentant  la  lettre  d'indulgence. 

291.  SPACII.  —  L'ardave  do  Noubourg  au  moyen  Age  et  la  navigalion  du  Rhin,  par  Louis 
Spacii.  Grand  in-S"  do  19  pages. 

292.  SPACII.  —  L'ARCiiÉoi.oiiui:  Jlri:.mie-Jacques  (_)rerlin,  par  L.  Si'vcii.  (ir:md  in-s°  de 
13  pages. 

293.  STATZ  und  UMII'WlTri.R.  —  Ckhiiisciie  Musteruucii  (Le  livre  dos  modèles  gotliiques), 


37/i  ANNALF.S  AIlCIIKOl.OdlOUKS. 

par  V.  Statz  et  C.  L'.SGi;\vrrTi:ii,  avfc  une  introduction  par  A.  ItKii.iiKNsr  F.nGcn.  Prcmièro 
livraison;  grand  in-4"dc  18  pages  de  Icxlo  ft  do  12  plandios,  donnant  des  modèles  d'alpliabcls, 
do  fonôtros,  furruros,  otc.  1,'ouvragc  aura  (|uin/,o  livraisons,  l'rix  do  chacune...     8  fr.  50  c. 

29i.  TAUBl"').  —  Coi.i,i;<:tiov  dos  poi'los  de  Cliampa;;no  antérieurs  au  xvi*  siècle.  I^  roman  do 
l'oiilcnie  de  Candie,  par  lliciiiiKitT  Liiuui:,  de  Daiineinarlin,  publié  par  l'iiosi-Ei»  Tvhbk.  In-8»  de 
Lxix-228  pages.  —  Notice  sur  Herbert  Leduc  do  Dannemartin,  et  le  «  Roman  de  Foulque  de 
Candie  ».  Chansons.  Noies  sur  les  noms  d'Iiomuies,  de  villes  et  de  pays  qui  se  trouvent  dans 
le  «  Roman  de  Foulque  de  Candie  ».  Glossaire 8  fr. 

î^o.  TARltK.  —  CoLLiccTioN  des  pot'lcs  de  Champagne  antérieurs  au  xvi'  siècle.  Le  roman  des 
quatre  fils  Aymon,  prince  des  Ardonnes,  par  I'iiospkh  Tmuif;.  Iii-S"  do  x\iv-l37  pages. — 
Notice  sur  le  «  Roman  dos  quatre  fils  Aymon  ».  Le  roman 8  fr. 

296.  T.\RBÉ.  —  Collection  dos  poêles  de  Champagne  antérieurs  au  xvi'  siècle.  Les  œuvres 
do  Blonde!  do  Néelo,  par  I'iiosi>i;ii  Tarhé,  membre  do  la  Société  des  antiquaires  de  la  Mo- 
rinio.  In-8°  do  lv-238  pages.  —  Notice  sur  la  vie  et  les  œuvres  de  Blondel  do  Néele.  Ses 
chansons.  Notes  et  variantes.  Notice  relative  au  nom,  a  la  patrie  et  à  la  famille  de  Blondel  de 
Néelo.  Chansons  du  roi  Richard.  Poésies  relatives  au  roi  Richard  et  à  Blondel.  Pièces  à 
l'appui.  Glossaire  des  chûnsons  de  Blondel.  —  Ce  volume 8  fr. 

297.  TARBÉ.  —  Collection  des  poètes  de  Cliampaiine  antérieurs  au  xvr'  siècle,  f'oé.-ies  d'Agnès 
de  Navarre-Champagne,  dame  de  Foix,  par  Prospeii  TAnBÉ.  In-S"  de  xli-63  pages.  —  Pré- 
face sur  la  vio  et  les  œuvres  d'Agnès  de  Navarre.  Poésies  d'Agnès  de  Navarre  :  rondeaux, 
complaintes,  ballades,  chansons  balladées,  chanson  royale,  le  lay  du  paradis  d'amours,  le  lay 
d'amoureux  nriercy.  Noies,  gloss;iire 8  fr. 

298.  TCHIHATCIIEF  (he).  —  Li:  liospiioiiE  et  Constantinople  avec  perspective  des  pays 
limitrophes,  par  P.  de  'rciiiii atciief,  membre  correspondant  de  l'Inslilut,  associé  à  plusieurs 
académies  savantes.  Grand  in-8°  do  xiii-589  pages,  do  doux  cartes  topographique  et  géolo- 
gique du  Bos|)lin[-e  et  de  la  contrée  limitrophe,  de  neuf  planches  représentant  Constantinople 
vu  du  iiiilais  de  la  Légation  impériale  de  Russie,  la  vallée  de  l'Ilermus,  les  sources  salines  de 
Touz.Ia,  les  sources  d'.\kbounar  et  dlnova,  le  pont  naturel  de  Pambouk-Kalessi,  les  dépôts  de 
Travertin  il  Pambouk-Kalessi  et  la  plage  de  'l'elianak-Kalessi  ;  en  outre,  neuf  dessins  dans  le 
texte.  —  Première  partie  :  relief  du  pays  et  cours  d'eau,  système  hydraulique  de  Constanti- 
nople, îles,  le  règne  animal,  la  chèvre  d'.\ngora,  chasse  et  pèche,  végétation,  considérations 
sur  les  richesses  minérales,  météorologie,  congélation  de  la  mer  Noire,  séjour  d'été  sur  les 
rives  du  Bosphore,  excursion  sur  le  littoral  occidental  de  l'Asic-Jlineure.  —  Deuxième  par- 
tie :  roches  éruplives,  terrain  dcvonicn,  considérations  sur  le  terrain  devonicn  du  Bosphore, 
terrain  tertiaire,  terrain  quaternaire.  —  Ce  volume 15  fr. 

299.  TIIIÉB.VUD.  —  Le  Dicpaut  ou  nouvelle  phase  de  la  question  liturgique  dans  le  diocèse  de 
Besançon,  par  l'abbé  Tiiiicbaud,  chanoine  de  Besançon,  vicaire  général  honoraire  de  Reims  et 

de  Montauban.  In-8"  de  50  pages. 

300.  TUOCIIli.  —  Notice  historique  sur  l'ancienne  commune  do  Bellcville,  annexée  a  Paris,  et 
sur  sa  nouvelle  église  en  style  du  xiii'  siècle,  par  N.   M.  Trociie.  In-12  de  x-98  pages,  avec 

une  planche  représentant  cette  belle  église,  bâtie  par  Lassus. 


TABLE  DES  MATIERES 

DU  TOME   VIXGT-QUATRIÈME 


JANVIER-FEVRIER 


l'ages 


TEXTE.  —  I.  Mosaifiue  do  Soiir,  par  M.  Julien  Durand 5 

]I.  La  Grande-Chàsse,  ûniaiix ,  par  le  D''  Cattois 11 

III.  Onzième  station  du  Chemin  de  la  croix,  par  M.  BAitBiFn  dv.  Moxtaui.t '27 

IV.  Triomphe  de  la  Chasteté,  par  M.  Diduon  aîné , 38 

V.  Un  calice  du  xvii"  siècle,  par  MM.  Paui.  et  Louis  be  Farcï 55 

VI.  Un  architecte  du  Pas-de-Calais ,  par  M.  DionoN  aîné 50 

VIL  L'Archéologie  et  l'art  en  Pologne,  par  M.  Staxishs  Khzvzanowski 58 

VIII.  Dibliograpliie  d'art  et  d'archéologie 03 

DESSINS.  —  I.  Mosaïque  de  Sour,  l'Hiver,  par  MM.  Pomba  et  Mautel 5 

II.  Encadrement  de  la  mosaiquo  de  Sour,  par  MM.  Ld.  Didiion  et  L.  Chapon G 

III.  Plan  de  la  Grande-Châsse,  par  M.  Ci,.  Sauvaceot 11 

ly.  Détails  des  émaux  de  la  Grande-Chàsse,  par  M.  Cl.  Sauvaceot 17 

V.  Clou  de  la  Passion,  par  MM.  Éd.  Didron  et  L.  Chapon 31 

VI.  Titre  do  la  Croix,  par  MM.  Ki>.  Didron  et  L.  Chapon 35 

VII.  Calice  du  wii''  siècle,  par  MM.  Paul  et  L.  de  Farcy,  gravé  par  M.  A6.  Vabin 55 

MAUS-AVHIL 

TEXTE.  —  I.  Tapisserie  du  xiii''  siècle,  légende  de  saint  Martin,  par  M.  .\.  Darcel 73 

IL  Chapelle  abbatiale  de  Saint-Jean-aux-Bois,  par  M.  Louis  Sauvaceot 85 

m.  Iconographie  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul,  par  M.  le  comte  de  Saint-Laurent 03 

IV.  Les  Harmonistes  des  \ii''  et  xiii"  siècles,  par  M.  K.  de  Coussemaker 103 

V.  Iconographie  de  l'Opéra,  par  M.  Didron  aîné III 

VI.  Bibliographie  d'art  et  d'archéologie 139 

DESSINS.  —  I.  Tapisserie  de  Saint-Martin,  xiii"  siècle,  gravée  par  M.  Martel 73 

IL  (;hcvet  de  Saint-Jcan-aux-Bois ,  i)ar  M.M.  L.  et  Cl.  Sauvaceot 85 

III.  Coupe  transversale  de  Saint-Jean-aux-Bois,  par  MM.  L.  et  Cl.  Sauvaceot 89 

IV.  Bénitier  de  Saint-Jean-aux-Bois,  par  MM.  L.  Sauvaceot  et  L.  Chapon 80 

V.  Carrelage  de  Saint-Jcan-aux-Bois,  par  .MM.  L.  Sauvaceot  et  L.  Chapon 87 

VI.  Entrée  de  l'abbaye  de  Saint-Jean-aux-Bois,  par  MM.  L.  Sauvaceot  et  L.  Chapon 89 

VIL  Plan  de  Notre-Dame  de  la  Roche,  par  MM.  L.  Sauvaceot  et  L.  Chapon 01 

VIII.  Triomphe  de  saint  Pierre,  gravé  par  M.  Gaucherel 93 

I.\.  Saint  Pierre  et  saint  Paul  sur  une  bnlle  du  xiii'  siècle,  par  .MM.  Gaucherel  et  L.  Chapon 90 

MAI-.H  IN 

TEXTE.  —  I.  Triomphe  de  la  Mort,  par  M.  DinnoN  aîné 115 

II.  Iconographie  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul,  par  M.  le  romie  de  Saimt-Laubent Ui| 

III.  Devis  estimatif  de  la  chapelle  do  Saint-Joan-aux-Bois,  par  M.  L.  Sauvaceot 173 

IV.  Los  couvents  de  Saint-Grégoiro  et  de  Simo-Pclra  au  mont  .\llios,  par  M.  DiimoN  aîné 177 

V.  Bibliographie  d'art  et  d'archéologie 191 


370  1  wu.y.  i»i;s  matikut-s. 

DESSINS.       I.  'I  riuni|ilio  du  riiriAt.  I,C8  l'atriurrlic»,  par  MM.  I,.  Du»  ■■.  .■  .i  ■,  (,i.  StivAcrOT..  J45 

II.  l'i'iiiliiri-  liyzaiilhie  Biir  boiii,  gravide  par  M.  L.  Caichkaki 101 

III.  r''n'S(|iii!  (Ii's  Ciilaromlios,  Kravi'ir  par  M.  !..  Ctir.iitnKi Wll 

IV.  l'Iuiir  nord  (le  Saiiil-Jeaii-aux-liuis,  par  MM.  L.  et  Cl..  Saivaiip.ot l'^l 

V.  Coupe  loiigitiidiiialo  de  Saiiil-Jeaii-aiix-Bois,  par  MM.  L.  et  Ci..  Salvaceot 170 

JllI.I.ET-AOUT 

TEXTE.  —  I.  Ooscriptioii  de  la  mosniquo  de  Sour,  par  M.  Jui.ikx  DumjiD 205 

II.  Histoire   de   la   pointure    sur  vcrio.    Appendice   i   l'introdiiriion   et   Vitraux    inrolores,   p.ir 

M.  Kii.  DihiiON 211 

III.  Le  style  ogival  en  .\nglclerre  et  en  Norniamlie,  par  M.  rKi.ix  iiK  VfiiXKii.ii 220 

IV.  lcouof;rapliie  de  saint  Pierre  et  de  saint  l'aul,  par  M.  le  comte  de  SAi\T-LAtnE>T 238 

V.  Chandelier  du  w"  siècle,  par  M.  A.  Dmicei 218 

VI.  Palme  et  llole  du  martyre . .  253 

VII.  Réforme  litmgiquc  de  Noyon  en  1770,  par  M.  le  haron  iie  la  I'ons-Mélicoo 257 

VIK.  Publications  de  la  société  d'.Aruudel 258 

I.\.  Concours  de  peinture  sur  verre,  par  M.  Dinnox  aink '-lil 

DESSINS.  —  I.  Mosaicpic  de  Sour,  Saisons,  Vents  et  premiers  Mois,  par  MM.  Pomba  et  .MinTti.. .  205 

II.  .Mosaiiiue  de  Sour,  Saisons,  Vents  et  derniers  Mois,  par  MM.  Pomda  et  MAnrtx 209 

m.  Pierre  de  Fayet,  chanoine  du  xiv'  siècle,  par  MM.  Ko.  DinnoN  et  L.  Chapon 22i 

IV.  Nervures  de  Péterboroug  et  de  Wincliester,  pur  MM.  F.  de  Viunkilh  et  L.  Cii\po\ 233 

V.  Nervures  de  Roniscy  et  de  Cambridge,  par  M.  F.  de  Veunkilii  et  L.  Chapon 235 

VI.  Chandelier  du  xv"  siècle,  par  MM.  A.  Daicol  et  An.  Vabim 248 

SEPTEMBRE-OCTOBRE 

TEXTE.  —  I.  Iconographie  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul,  par  M.  le  comte  de  Saixt-Lairent.  .  2t;i 

11.  L'art  chrétien  au  congrès  de  Malines,  ])ar  M.  le  docteur  CAnTtvvEi.s 271 

III.  Mosai(|ue  de  Sour  (suite  et  fin),  par  M.  Julien  Dirand 28G 

DESSINS.  —  1.  Sarcophage  des  premiers  siècles  chrétiens,  gravure  de  M.  L.  Gaucherel 204 

II.  Mosaïque  de  Sour,  détail,  par  MM.  Pomih  et  Mmitei 286 

111.  Inscriptions  diverses  de  la  mosaïque  de  Sour,  par  .M.M.  Pomba  et  Mabtel 288 

NOVEMBRE-DÉCEMBRE 

TEXTE.  —  1.  La  Champagne  et  Notre-Dame  de  l'Kpine,  par  .M.  Didron  aine 293 

II.  Ciboire  du  w"  siècle,  par  M.  A.  Darcel 320 

III.  Félix  de  Verneilh,  par  M.  le  baron  de  Gi  ilhermï 32i 

IV.  Traités  inédits  sur  la  musique  du  moyen  âge,  par  M.  E.  de  Coissemakeb 330 

V.  Charleniagne  et  Roland,  par  M.  Didbon  aîné 3i9 

VI.  .Vrchitectes  de  la  cathédrale  de  Prague,  par  MM.  Kssenwein  et  Dxrcel 351 

VII.  Marché  pour  une  verrière  du  xvi'  siècle,  par  M.  L.  Desciiamps  de  Pas 333 

VIII.  Récompenses  officielles,  par  M.  Didron  aîné 351 

I\.  Ribliographie  d'art  et  d'archéologie 356 

DESSINS.  —  I.  Ciboire  du  xv»  siècle,  gravure  de  M.  Ad.  Varin 320 

11.  \iir,iil  lie  Cbaileniagne  et  de  Roland,  xiii'  siècle,  dessin  de  Lassis,  gravure  de  M.  Martel 349 

FIN    Dr     TOME    Vl\GT-Ot  VTRIÈME. 


ABIS.     —     J.     CLAVF,     IMPRIMF-IR,     Rl'K     SMVT-CCNOIT,     7. 


N        Annales  archéologiques 

7810 

A54 

t. 24 


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