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Full text of "Annales historiques de la révolution française"

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REVUE  HISTORIQUE 

DE   LA 

RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

ET  DE  L'EMPIRE 


Janvier-Juin   1914 


REVUE  HISTORIQUE 

DE     LA 

RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

ET  DE  L'EMPIRE 


DIRECTEUR  :  CHARLES  VELIiAY 


tom:é    cinquième 

Janvier-Juin    1914 

PARIS 

4\ 

Aux  Bureaux  de  la  REVUE  HISTORIQUE  DE  U  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

9,   Rue  Saulnier  (IX') 

1914 

TROIS  LETTRES  INÉDITES 

DE 

CLÂVIÈRE  A  ETIENNE  DUMONT 

(1791-1792) 


Le  21  novembre  1782,  Glavière,  D'Ivernois,  Etienne  Dumont, 
Duroveraye  et  trois  autres  Genevois,  chefs  du  parti  bourgeois  des 
représentants  (libéraux),  furent  condamnés  au  bannissement  perpé- 
tuel de  Genève  par  le  parti  patricien  des  négatifs  (conservateurs), 
victorieux  de  son  adversaire  grâce  à  l'appui  armé  des  gouverne- 
ments français,  sarde  et  bernois. 

Glavière,  D'Ivernois,  Duroveraye  et  quelques  autres  exilés 
essayaient  alors,  mais  sans  succès,  de  fonder  ime  colonie  genevoise 
en  Irlande  et  acquéraient  même  la  nationalité  irlandaise. 

Eux  trois  et  Etienne  Dumont  devaient,  dans  la  suite,  jouer  des 
rôles  assez  importants  dans  l'histoire  européenne.  D'Ivernois 
deviendra  l'actif  agent  officieux  de  l'Angleterre,  contre  la  France 
révolutionnaire  et  impériale  ;  les  trois  autres  seront  (avec  le  Genevois 
Reybaz)  les  collaborateurs  et  parfois  les  inspirateurs  de  Mirabeau  ; 
Etienne  Dumont  deviendra  l'apôtre  de  Bentham  sur  le  continent,  et 
Glavière  sera,  en  1792  et  1793,  mini-stre  des  Finances  de  la  France 
et  un  des  chefs  de  la  Gironde. 

Les  trois  lettres  suivantes  datent  d'une  époque  où,  seul,  D'Ivernois 
avait  plus  ou  moins  renié  ses  conceptions  libérales  d'autrefois.  Les 
trois  anciens  collaborateurs  de  Mirabeau  étaient  encore  assez  unis 
d'idées,  sauf  en  ce  qui  concernait  Genève,  que  Glavière  aurait  pro- 


6       REVUE    HISTORIQUE   DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

bablement  préféré  voir  française  que  soumise  à  l'influence  de  ses 
anciens  adversaires  «  négatifs  ». 

Ces  pièces  sont  conservées  à  la  Bibliothèque  publique  et  univer- 
sitaire de  Genève  (Ms.  D.  33.  Corresp.  I). 

0.  Karmin. 


Dimanche,  26  novembre  1791. 

Compte  fait,  mon  cher  Diimont,  j'ai  bien  trois  lettres  de 
vous  sans  vous  avoir  donné  aucun  signe  de  vie.  Mais  quand 
aurai-je  pu  ?  Je  n'ai  de  libre  que  les  momens  de  fatigue  ;  et  si 
je  ne  sentois  pas  que  Du  Roverai  va  partir,  Dieu  sait  si  je  vous 
ecrirois. 

Vous  devez  avoir  été  persuadé  que  je  n'éprouverois  aucun 
chagrin  à  ne  pas  être  de  l'assemblée  nationale^.  Je  crois  que 
j'y  aurois  mis  plus  d'activité  relativement  aux  finances,  parce 
quej'étois  désigné  pour  cet  objet  ;  c'est  le  seul  point  de  vue  qui 
relativement  à  l'utilité  publique  m'ait  donné  du  regret.  Je  n'en 
ai  pas  boudé  :  fidèle  à  ma  vocation  de  Casse  cou,  j'ai  demandé 
à  être  entendu  comme  pétitionnaire  à  la  barre  de  l'Assemblée 
où  j'ai  requis"  que  les  remboursemens  qui  se  font,  sans  règle 
ni  mesure,  à  la  caisse  de  l'extraordinaire,  de  la  dette  non 
consfifiiée,  à  mesure  (ju'on  liquide,  fussent  suspendus,  jusqu'à 
cequ'on  enconnoisse  la  totalité  et  que  l'on  puisse  assiijetir  ces 
remboursemens  à  un  ordre  qui  ne  soit  pas  contrarié  par  les 
circonstances  et  ne  puisse  pas  non  plus  les  contrarier''. 

Je  pris  celte  résolution  tout  à  coup,  et  au  milieu  d'un  autre 
travail,  ensorle  que  ma  jietition  n'a  pas  pu  recevoir  la  méthotie 
et  la  clarté  qui  auroient  été  nécessaires  :  personne  ne  |)ouvoit 

1.  Lors  des  élections  pour  l'Assemblce  léyislative,  Clavière  n'avait  réussi  qu'à 
être  ilu  troisième  suppléant.  Lors  de  la  démission  de  Monneron,  i"  avril  179s, 
appelé  à  le  remplacer,  il  opla  pour  le  ministère  des  contributions  publiques,  auquel 
il  avait  été  nommé  le  a4  mars  179a. 

a.  Le  texte  portait  d'abord  :  demandé. 

3.  Assemblée  législalive,  séance  du  5  novembre. 


TROIS    LETTRES    INÉDITES    DE    CLAVIÈRE    A    ETIENNE    DUMONT  7 

m'aider  ;  je  n'avois  pas  à  coté  de  moi  ce  certain  Dûment  qu'on 
ne  perd  rien  à  connoître  et  à  consulter.  Quoiqu'il  en  soit,  je  fus 
écouté  avec  attention;  je  parlai  une  heure,  je  fus  aplaudi  et 
l'assemblée  décréta  que  ma  pétition  seroit  imprimée  et  distri- 
buée à  tous  les  membres  ^  C'est  une  véritable  démarche  d'en- 
fant perdu  ;  je  ne  suis  plus  bon  à  pendre  ;  il  faudroit  me  brû- 
ler à  petit  feu,  si  l'on  en  croyoit  ceux  qui  s'accommodoient  très 
bien  de  ces  remboursemens,  qui  sont  un  vrai  desordre.  Il  n'y 
a  rien  encore  de  résolu.  Biissot  a  apuyé  Jeudy  D"^  la  nécessité 
de  la  suspension^'  par  un  discours  plus  fort  que  le  mien, 
comme  cela  devoit  être  ;  un  autre  Député  l'avoit  précédé  ;  et 
sans  doute  qu'après  demain  M.  Gondorcet  s'en  chargera  et  que 
la  mesure  sera  adoptée.  Je  vous  envoyé  ma  pétition. 

Du  Roveray  a  eu  quelque  véleïté  de  m'en  détourner  à  cause 
de  la  nuée,  toujours  croissante,  d'ennemis  qui  me  déchirent. 
Je  l'ai  prié  de  me  laisser  aller  selon  ma  bonne  ou  ma  mauvaise 
tête,  et  je  crois  que,  témoin  de  l'audience  qui  m'a  été  accor- 
dée, il  a  fini  par  croire  que  j'ai  bien  fait. 

Je  vous  envoyé,  avec  cette  pétition,  l'ouvrage  que  je  faisois 
sur  l'état  des  finances  ^.  Lassé  de  faire  la  guerre  avec  ma  bourse 
et  ma  santé,  j'ai  accepté  de  donner  ce  travail  à  un  imprimeur 
patriote  associé  de  Bonneville,  qui  ont  entrepris  une  chroni- 
que du  Mois',  à  laquelle  doivent  travailler  les  personnes  que 
vous  verrez  nommées  au  frontispice.  J'ai  rempli'',  comme 
vous  l'observerez,  les  deux  cahiers  qu'on  donne  gratis  ;  je 
continuerai  à  y  traitter  toutes  les  matières  de  finance,  et  les  au- 
tres feront  ce  qu'ils  doivent.  Vous  serez  étonné  d'y  voir  Bider- 
mann^,  qui  s'il  le  veut,  pourroity  faire  quelques  bons  articles 

1.  Pétition  fuite  à  l'Assemblée  nationale...  sur  le  remboursement  des  créances 
publiques  non  vérifiées,  et  sur  le  paiement  des  domaines  nationaux  en  assignats 
et  espèces  ej/ectiues...  3i  p. 

2.  Séance  du  24  novembre   1791. 

3.  Peut-être  ;  Réflexions  sur  les  formes  et  les  principes  auxquels  une  nation 
libre  doit  assujétir  l'administration  des  finances.  Paris,  1791. 

4.  La  Chronique  du  Mois,  ou  les  cahiers  patriotiques,  novembre  1791-juin 
1793.  20  numéros. 

5.  Le  texte  portait  d'abord  :  j'ai  fait  les. 

6.  Probablement  Jacques  Bidermann,  négociant,  membre  de  la  municipalité  de  Paris. 


8       REVUE  mSTORIQOE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇALSE    ET    DE    L'EjrPIRE 

sur  le  commerce.  Ily  a  dans  tout  cela  un  peu  de  charlatannerie 
typographique,  pour  attirer  les  chalans  ;  et  comme  je  n'y  entens 
rien,  on  s'est  bien  gardé  de  me  consulter.  Voila,  mon  cher 
ami,  l'histoire  de  mes  trasaux  depuis  qu'on  m'a  fait  supléant. 
Un  de  mes  collègues,  M.  Kersaint  \  président  du  corps  électo- 
ral, lorsque  je  fus  élu,  piqué  de  ce  que  la  cabale  ignorante 
et  aristocratique  se  jouoit  de  nous,  malgré  les  efforts  des  Pa- 
triotes, fit  à  mon  discours  d'acceptation  une  réponse  dont  je 
n'ai  pas  voulu  tout  à  fait  avoir  le  démenti.  Et  je  crois  en  effet 
que  si  l'élection  éloit  à  recommencer,  nous  serions  élus  l'un  et 
l'autre,  car  le  public  n'a  pas  été  content  du  soin  des  électeurs 
d'écarter  des  hommes  que  les  circonstances  reclamoient.  Je  vous 
envoyé  ces  deux  discours.  Votre  philosophie  paresseuse  sou- 
rira de  pitié  à  tout  cela  ;  mais  après  tout  vous  ne  serez  pas  fâ- 
ché que  justice  se  fasse  et  que  les  vrais  amis  du  bien  public 
acquièrent  quelque  réputation. 

Lord  Lansdown,  à  qui  je  présente  mes  honneurs,  trouvera 
ma  véritable  opinion  sur  les  finances  de  ce  pays  dans  les  deux 
N°*  de  la  Chronique,  (jue  je  vous  prie  de  lui  remettre  de  ma 
part.  C'est  tout  ce  que  peut  en  penser  un  homme  qu'on  écju-te 
avec  soin  des  lieux  où  la  vérité  peut  se  trouver.  On  verra  du 
moins  que  je  ne  dissimule  pas  les  observations  sévères  que  l'état 
des  choses  exige  ;  et  que  l'ami  de  la  liberté  et  des  bons  princi- 
pes ne  perd  pas  l'occasion  de  dire  son  mot  au  milieu  des 
calculs  de  Barème.  Si  la  Révolution  se  maintient,  nous  pou- 
Aons  beaucoup  dépenser  d'argent  et  ne  pas  faire  banqueroute  ; 
mais  si  les  conlrerévolutionnaires  avoient  le  dessus,  ou  assez 
de  force  pour  opérer  des  balancemens,  tout  seroit  perdu  :  on 
n'éviteroit  pas  la  guerre  civile.  Je  doute  que  ces  Messieurs 
d'outre  Rhin  puissent  faire  d'autre  compte  que  celui  de  tout 
solder  par  le  néant,  et  je  ne  serois  pas  étonné  qu'ils  s'en  fissent 
un  mérite  auprès  du  Peuple,  connue  de  l'unique  moyen  de  le 
décharger  des  impots. 

Vous  pouvez  juger  aussi  bien  que  ilous  de  leurs  espérances. 

I.  Armaiid-Guy-Simoo  de  Coetnenipren,  cmnle  de  KcrsainI,  1742-171)3. 


TROIS    LETTRES    INEDITES    DE    CXAVIERE    A    ETIENNE    DUMONT  i) 

On  regarde  une  invasion  de  leur  pari  comme  certaine  et  même 
prochaine  ;  mais  à  la  manière  dont  on  en  parle,  il  me  semble 
qu'on  s'en  inquiète  peu,  et  qu'on  ne  doute  pas  qu'ils  n'échouent. 
On  paroit  même  désirer  la  tentative,  comme  pouvant  mettre  fin 
à  toutes  les  menaces  et  à  tons  ces  projets  qui  entretiennent 
entre  l'Assemblée,  le  Roi  et  les  Ministres  un  état  de  défiance 
avec  lec[uel  rien  ne  s'assenit. 

Il  ne  s'agit  plus  de  république  ;  mais  l'inqierfcction  de  la 
Constitution  relativement  au  point  de  contact  qu'il  doit  y  avoir 
entre  les  deux  puissances  nourrit  les  espérances  des  royalistes 
renforcés,  et  leur  politique  tend  à  tirer  parti  de  cette  imperfec- 
tion pour  arriver  aux  deux  Chambres,  tant  désirées  comme 
dédommagement  de  la  destruction  des  titres  de  noblesse. 

Que  font,  que  veulent  faire  les  Puissances  étrangères?  voila 
sur  quoi  l'horison  ne  s'éclaircit  pas.  Elles  s'accoutumeront 
dilficilement  à  cesvingt-cin<j  millions  d'hommes  libres.  Mais  que 
feront-elles  ?  Les  réduire  à  retourner  au  despotisme  est  une 
entreprise  à  laquelle  la  ligue  générale  de  tous  les  rois  suffiroit 
à  peine.  On  veut  nous  faire  croire  à  cette  ligue,  mais  que 
d'intérests  à  combiner  !  que  de  défiances  à  vaincre  !  que  de 
futurs  contingens  à  méditer,  soit  ])ùur  le  succès,  soit  pour  le 
contraire  !  On  ne  remarque  de  ténacité  que  dans  l'Impératrice 
de  Russie  et  dans  le  Roi  de  Suède.  Pourquoi  ?  Oue  leur  im- 
porte que  la  France  soit  libre  ou  esclave  ?  Les  Russes  sont 
encore  loin  de  rien  comprendre  à  la  déclaration  des  droits.  Les 
Suédois  ne  s'en  inquiètent  gueres.  La  Czarine  voudroit-elle 
essayer  de  prendre  un  ton  impératif  sur  tous  les  potentats 
Européens?  En  ce  cas,  et  qu'elle  réussît  à  se  faire  craindre,  ce 
seroit  leur  faute.  Ou  bien  veut-elle  ([ue  le  Roi  de  Suéde  s'en- 
gage dans  des  aventures  de  chevalier  errant,  comme  sa  tête 
semble  y  être  disposée?  Ce  serait  un  moyen  pour  elle  de  re- 
prendre son  enjambée,  à  laquelle  on  ne  peut  pas  croire  qu'elle 
ait  renoncé.  Elle  étoit  en  si  beau  chemin  1...  Le  Roi  de  Suéde 
peut  trouver  beau  de  venir  faire  triompher  en  France  la  cause 
des  Rois,  et  sans  doute  qu'il  n'y  perdroit  rien  s'il  avoit  la 
fortune  d'Alexandre.  Les  Rois  révent  comme  les  autres  hom- 


10       REVLE   HISTORIQUE    DE    LA    REVOLLTION    FRANÇAISE    ET   DE   L  EMPIRE 

mes.  M.  Gustave  peut  bien  penser  qu'après  avoir  mis  Louis  XVI 
hors  des  mains  de  la  Nation,  il  seroit  nécessaire  qu'il  restât 
long  tems  son  tuteur,  son  maire,  pour  consolider  la  besogne. 

Vous  autres  Anglois  dont  les  têtes  sont  si  pensantes  —  quels 
sont  vos  prognostics  ?  Vous,  Dumont,  faites  moi  sur  tout  cela 
un  petit  roman  politique  bien  peigné  et  bien  gentil,  pour  le 
mettre  dans  la  Chronique  du  Mois,  et  au  défaut  de  ce  roman 
envoyez  moi  du  moins  quelque  chose  de  votre  bon  esprit,  de 
votre  cœur  aimant  et  de  votre  plume  agréable.  Je  vous  mets 
à  contribution,  vous  et  tous  ceux  de  vos  amis  que  vous  pourres 
engager  à  cette  bonne  œuvre.  Ce  journal  ne  paroissant  que 
chaque  mois,  il  faut  qu'il  ne  renferme  que  des  choses  utiles 
au  progrès  de  la  Nacion  et  de  la  liberté  :  il  faut  y  apeller  tous 
les  penseurs  honnêtes  amis  de  la  liberté  et  de  l'égalité. 

Du  Roveray  vous  rendra  compte  des  affaires  genevoises. 
Le  code  politique  a  passé,  mais  comme  on  dit  à  la  raclette  ', 
et  si  j'en  crois  ce  que  m'a  dit  un  de  nos  compatriotes,  la  paix 
des  Genevois  n'est  rien  moins  que  solide.  Je  n'ai  causé  de  ces 
affaires  qu'à  mon  corps  déffcndant.  Je  pense  toujours  qu'il 
valoit  mieux  de  rien  faire  et  attendre  rpie  la  révolution  francoise 
fut  parfaitement  consolidée.  Ils  répondent  par  les  localités-,  et 
en  vérité  c'est  une  pitoyable  réponse.  Ils  veulent  toujours 
avoir  fait  les  meilleures  Loix  que  les  Genevois  ayent  pu  ad- 
mettre et  cejtendant  un  très  grand  nombre  de  Genevois  vou- 
droienl  des  Loix  qui  les  rendissent  meilleurs.  Entre  la  ligne 
qu'il  faloit  dépasser  et  celle  où  ils  sont  arrivés,  la  différence 
est  si  petite  pour  l'aristocratie  qu'il  falloit  avoir  le  courage 
d'aller  au  vrai  point.  Quand  pour  lo  louis  un  natifs  peut  être 
citoyen  actif,  vaut-il  la  peine  de  parler  de  l'excès  de  plébenia- 
nisme  cju'il  y  auroit  eu  à  ne  faire  de  mécontens  ni  dehors,  ni 
dedans?  Enfin  notre  ami  Du  Roveray  me  paroit  avoir  beau- 

1.  Expression  genevoise  :  tliffic'Uement .  —  Le  nouveau  Code  genevois,  que  le 
1'  Petit  et  le  Grand  Conseil  n  avaient  a|)prouv<'  les  a,  g  et  ii  novembre  1791,  fut 
accepté  par  le  n  Conseil  souverain  »  (l'ensemble  des  électeurs)  par  969  voix 
conire  761. 

a.  Cette  lecture,  parfaitement  certaine,  ne  donne  aucun  sens. 

3.  Etranger  né  sur  le  territoire  genevois. 


TROIS    LETTRES    INEDITES    DE    CLAVIERE    A    ETIENNE    DUMONT  I  I 

coup  plus  causé  avec  sa  bile  qu'avec  son  cerveau  :  sa  haine 
pour  Grenus^  l'a  furieusement  inllueiicé;  du  moins  je  crois  le 
voir  ainsi.  A  peu  ne  tienne  qu'ici  il  ne  soit  aristocrate  de  mau- 
vaise humeur.  L'enfance  de  la  liberté  le  choque  parce  que 
l'Assemblée  nationale  n'est  pas  comme  le  Deux  cent  de  Ge- 
nève-, pédantes([uement  politique;  il  ne  veut  voir  que  des 
polissons  dans  cette  assemblée.  Elle  est  très  patriotique,  et  si 
c'est  du  plebs  tout  pur,  elle  prouvera  que  le  plebs  est  ce  qu'il  y 
a  de  meilleur. 

Si  de  votre  coté,  on  vouloil  parler  d'une  belle  alliance  desti- 
née à  protéger  la  liberté  et  à  unir  les  deux  nations  qui  main- 
tenant renferment  le  plus  de  têtes  saqes  et  pensantes,  je  crois 
que  de  ce  coté-ci  on  y  donneroit  bientôt  les  mains.  Je  ne 
sai  quel  club  d'amis  de  la  Constitution  on  suspendu  dans  leur 
sale  les  3  drapeau  anqlois,  américain  et  francois  entrelassés. 
Il  seroit  tems  de  voir  les  pactes  nationaux  remplacer  les  pactes 
de  famille. 

Allons,  mon  ami  Dumont,  échauffés  vous  un  peu.  Envoyes- 
nous  de  votre  prose  ou  de  vos  vers.  Cà  ira,  ou  plutôt  venez 
nous  voir.  Vous  trouverez  une  troisième  fdle  qu'on  batise 
pendant  que  je  vous  écris  des  balivernes. 

Nous  nous  portons  tous  assez  bien.  Je  suis  le  plus  malade. 
Je  sors  d'accès  de  colique  qui  a  manqué  me  trousser.  Le 
moment  au  reste  ne  seroit  pas  mal  choisi.  J'ai  la  faveur  popu- 
laire autant  qu'un  reclus  comme  moi  peut  l'obtenir. 

Adieu,  mille  chose  pour  moi  à  Chauvet,  Romilly,  etc.  etc. 

Je  viens  d'apprendre  que  Duroveray  ne  part  pas  encore.  Il 
est  dans  la  diplomatie  et  va  trailter  pour  Genève  l'affaire  des 
dixmes  que  les  Genevois  perçoivent  au  pays  de  Gex,  et  sur 
lesquelles  les  chanoines  ou  autres  ecclésiastiques  d'Annecy  ont 
des  prétentions.  Je  ne  sai  s'il  ne  reste  pas  pour  la  politique 


I.  L'avocat  Jacques  Grenus,  il'une  vieille  famille  genevoise,  un  des  chefs  du 
parti  révolutionnaire  et  francophile. 

a.  Le  Conseil  des  Deux-Cents,  ou  Grand  Conseil,  le  corps  législatif  de  la  Répu- 
blique de  Genève. 


12       REVUE    HISTORIQl'E    DE   LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

genevoise.  Il  ne  peut  pas  parler  (ranf[uilpment   des  Articles 

du  Patriote  francois  sur  Tieneve. 

[Pas  de  signature.] 
The  Ricjht  lion''/'- 
Marquis  of  Lansdown 
jor  M.  Duniont 
Londres. 

II 

19  May  1792- 

Mon  cher  Dunionl.  Je  prie  Milord  Lansdown  de  vous 
dépêcher  vers  moi.  Venez,  je  vous  en  prie,  vous  nous  trouverez 
établi  à  la  Mairie  tant  bien  que  mal.  Reybaz  ^  y  sera,  et  vous 
remonterez  votre  ami  qui  en  a  besoin  ;  les  détails  le  surmontent, 
des  inquiétudes  personnelles  le  tracassent,  sa  santé  dépérit  de 
plus  en  plus  et  une  solitude  désolante  règne  autour  de  lui, 
elle  changera  lorsque  je  serai  réuni  avec  Reybaz,  ce  qui  ne 
tardera  pas. 

Vous  in'aporlerez  des  nouvelles  de  nos  amis,  de  leurs  tra- 
vaux, de  l'état  des  choses.  S'il  faut  en  croire  les  nouvelles,  les 
esprits  fermentent  et  cette  disposition  a  résister  aux  change- 
mens  n'est  pas  aussi  puissante  que  vous  le  disiez  ici.  Vous 
aurez  su  que  M.  de  Graves  -  s'étoit  retiré.  Son  successeur 
est  un  parfait  honnête  homme,  patriote  zélé,  loyal  et  actif. 
J'augure  bien  de  sa  présence  dans  le  Ministère,  si  les  cabales 
ne  le  détruisent  pas. 

Aportez-moi,  je  vous  prie,  tout  ce  que  vous  pourrez  recueil- 
lir d'instructif  sur  la  police  relative  à  l'entretien  des  grands 
chemins,  et  principalement  ce  qui  concerne  les  furnpike  ',  à 

1.  Eticnne-Salomon  Reybaz,  1737-1804,  collaburaleur  de  Mirabeau  df  mai  1790 
juscju'à  la  mort  de  ce  dernier.  Après  un  séjour  en  Angleterre,  il  rentra  à  Paris 
lors  des  difQcultcs  franco-genevoises  en  automne  1791.  Le  2?  novembre  179a  la 
République  de  Genève  le  nomma  son  ministre  à  Paris  par  intérim  ;  ce  titre  fut 
régularisé  le  6  mai  179A. 

a.  Pierre-Marie,  marquis  de  Grave,  I75ô-i8a;i,  avait  remplacé  Narbonne  au 
ministère  de  la  guerre,  le  9  mars  179s.  Il  démissionna  le  8  mai  suivant.  Son  suc- 
cesseur fui  Josepb  Servan  de  Gerbev,  dont  Dnmouriez  prendra  la  place  le  i3  juin 
1793. 

3.  Barrière  (de  péager). 


.TROIS    LETTRES    INEDITES    DE    CLAYIÈRE    A    ETIENNE    DLMONT  l3 

quelle  distance  on  les  place  en  cjencral,  et  le  tarif  de  l'imposi- 
tion qu'on  paye  en  passant.  Ces  barrières,  je  crois  qu'on  seroit 
assez  disposé  à  écouter  (?)  des  arrangemens  pour  les  grands 
chemins  qui  puissent  pourvoir  à  la  dépense  qu'ils  exigent  et 
remplacer  l'impôt  trop  général  des  patentes.  —  Votre  ami 
Bentham  n'auroit-il  point  le  courage  de  vous  accompagner 
pour  solliciter  l'essai  de  son  panoptique  ^ 

Je  vous  embrasse  de  tout  mon  cœur  et  souhaite  bien  que 
mes  bras  puissent  vous  atteindre. 

Glaviere. 
A  Monsieur 
Monsieur  Dunwnt 
à  Londres. 

III 

Saverne,  le  19  juillet  1792. 

Votre  dernière  lettre,  mon  cher  Dumont,  m'a  trouvé  dans 
un  moment  de  peine,  de  travail  et  d'inquiétude.  L'infernale 
cohorte  des  agioteurs  ne  m'a  pas  vu  plutôt  hors  du  Ministère-, 
qu'elle  s'est  occupée  de  vengeances,  et  je  ne  fais  même  aucun 
doute  que,  de  quelqu'autre  coté,  on  ne  la  pousse  fortement 
contre  moi.  On  veut  ni'oter  ma  place  d'administrateur  de  la 
compagnie^  et  pour  me  l'ôter  on  cherche  à  diffamer  mon 
administration.  On  m'a  mis  aux  trousses  des  commissaires 
fourbes,  ignorans  et  avides  sans  doute  de  pêcher  dans  le  bas- 
sin dont  ils  se  sont  chargés  de  troubler  l'eau.  J'ai  crû  qu'il 
falloit  d'abord  déllendre  la  compagnie  avant  de  me  défTendre 
moi  même,  j'ai  cru,  pour  la  conservation  des  principes,  devoir 
me  refuser  à  des  comptes  qu'on  me  demande,  à  datter  dès 
l'origine  de  la  compagnie,  parce  que  chaque  année  les  comptes 
ont  été  rendus  et  approuvés.  Mais  je  prévois  que  pour  ma 

!.  Prisou-modéle  proposée  par  Jeremy  Bentham  dans  son  ouvrage  Panoplicon, 
or  The  Inspection-House.  (Dublin,  1791.) 

2.  Clavière  avait  été  renvoyé  du  ministore,  avec  Roland  et  Servan,  le  i3  juin 
1792.  Il  fut  remplacé  par  Beaulicu,  et  revint  au  pouvoir  le  10  août. 

3.  Nous  ne  savons  de  quelle  compagnie  il  s'agit. 


I^       REVUE    HISTOniQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FIIANÇALSE    ET    DE    l'eMMRE 

propre  satisfaction,  et  vu  le  genre  d'inculpation  qu'on  a  osé 
répandre  contre  moi,  je  serai  obligé  de  céder  aux  demandes 
de  la  méchanceté  la  plus  caractérisée.  Vendredy  dernier'  il  y 
a  eu  une  assemblée  générale  où  j'avois  la  majorité;  mais  la 
minorité  fit  un  tel  tapage  et  de  si  fausses  démarches  pour  tout 
embrouiller  que  je  fus  forcé  à  dix  heures  et  demi  du  soir  de 
lever  la  séance  sans  qu'il  fut  possible  de  rien  mettre  aux  voix. 
Ah,  s'il  en  eut  été  de  la  compagnie  comme  d'un  habit,  je  le  leur 
eusse  abandonné,  trop  heureux  d'aller  me  mettre  au  pain  et  à 
l'eau  ;  mais  c'est  la  maudite  chemise  de  Nessus  s'il  faut  la 
poser  tout  à  coup.  Je  suis  forcé  malgré  moi  de  rester  à  la  tète 
des  affaires  jusques  à  ce  que  j'aye  pu  repousser  toutes  les 
infamies  dont  on  me  charge. 

Voila,  mon  cher  ami,  dans  quelle  situation  j"ai  reçu  votre 
lettre  ;  c'est  à  dire  au  milieu  d'un  suplice  dont  un  nouvel 
accès  doit  commencer  Vendredi  prochain.  Je  comptais  cepen- 
dant passer  la  journée  de  hier  à  vous  répondre,  mais  une 
cruelle  migraine,  dont  je  suis  encore  tout  ébranlé,  m'a  forcé 
de  garder  le  lit.  Je  l'ai  gagnée  et  par  le  travail,  l'agitation,  et 
une  promenade  de  douze  heures  sans  interruption  que  j'ai 
faite  le  Samedi  par  une  extrême  chaleur  et  le  soleil  sur  la  tête. 
Invité  par  la  Commune  de  Paris,  dont  je  suis  resté  membre,  à 
me  rendre  avec  elle  et  les  officiers  municipaux,  mes  anciens 
collègues,  à  la  Fédération,  j'ai  depuis  sept  heures  du  matin 
jus[qu']à  sept  heures  du  soir  [assisté  àl  un  spectacle  qu'il 
seroit  difficile  de  vous  peindre.  Petion  avoit  été  réintégré,  et 
réintégré  avec  justice".  Ce  n'est  pas  trop  dire  que  d'affirmer 
que  les  4/5"°  des  habitans  de  Paris  sont  venus  le  voir  passer. 
Prenez  le  plan  de  Paris,  suivez  la  ligne  depuis  la  grève  à  la 
bastille,  de  la  bastille  à  la  porte  St-Denis  par  le  boulevard,  et 
de  là  au  champ  de  Mars  ]>ar  les  rues  St-Denis  et  St-Honoré, 
place  Louis  XV,  jus([ues  au  champ  de  Mars  par  l'inti-rieur  du 

1.    i5  jiiillol  179a. 

:!.  Pi'tion  de  Villeneuve,  élu  maire  de  Paris  le  i4  novembre  1791,  avait  Hé  sus- 
pendu de  ses  fondions,  le  6  juillet  171)3,  par  l'administration  du  département  de 
Paris.  Le  roi  approuva  celle  décision  le  12  juillet.  Le  lendemain  la  Législative  leva 
cette  suspension. 


TROIS    LETTRES    INEDITES    DE    CLAVIEHE    A    ETIENNE    DUMONT  l5 

Faux  bourg  St-Germain,  et  représentez-vous  tout  cela  plein 
de  spectateurs  sans  interruption  depuis  les  deux  bords  de  la 
rue  jusques  sur  les  toits;  represenlez-vous  toutes  les  fenêtres, 
balcons,  avant  toits,  en  un  mot  :  tout  ce  qui  pouvoit  suporter 
la  charge  d'un  homme,  garni  d'hommes,  de  femmes,  d'enfans 
les  uns  sur  les  autres,  représentez-vous  le  champ  de  Mars 
plein  comme  doit  l'être  la  vallée  de  Josaphat,  et  vous  jugerez 
si  en  elfet  les  quatre  cinquièmes  de  Paris  n'étoient  pas  specta- 
teurs du  cortège.  Un  cri  continuel  de  Vive  Petion  !  n'a  pas 
abandonné  un  instant  les  oreilles  de  la  municipalité  suivant 
son  maire,  et  ce  cri,  j'ai  remarqué  bien  peu  de  monde  qui  ne 
le  poussât  en  battant  des  mains,  en  donnant  les  marques  de  la 
plus  vive  allégresse.  Je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait  d'exemple  d'un 
témoignage  d'attention  aussi  éclatant  et  aussi  gênerai  ;  j'eusse 
voulu  qu'on  y  eut  pas  joint  des  injures  contre  le  département 
et  contre  La  Fayette  ;  mais  cela  supose  une  habitude  de 
reflexion  et  de  calcul  dont  bien  peu  de  gens  sont  capables. 
Le  fait  est  que  tout  étoit  en  faveur  de  Péthion,  qu'il  a  sauvé 
Paris  ou  d'un  horrible  carnage,  ou  de  la  guerre  civile.  Le  fait 
est  que  les  dangers  extérieurs  qui  menacent  la  France  et 
l'agravent  chaque  jour  ne  paroissent  rien  à  la  l'action  atroce  et 
méprisable  dont  Lafayette  est  le  coriphée.  Voila  ce  que  vous 
autres  Anglais  vous  ne  voyez  point,  et  voila  comment  perdant 
le  fd  des  conséquences,  à  mesure  que  la  cause  première  semble 
s'éloigner,  vous  abandonnez  les  opinions  saines,  les  jugemens 
réfléchis  et  que  ceux  qui  sont  fait  pour  conserver  à  l'opinion 
publique  son  poids  en  faveur  de  l'humanité  et  de  la  liberté  la 
laissent  s'altérer  par  de  misérables  incidens,  que  la  nature  des 
choses  rend  inévitables. 

Ceci,  mon  cher  Dumont,  me  ramené  à  votre  lettre,  à  laquelle 
je  voudrois  bien  avoir  le  tems  de  répondre.  Je  ne  le  puis.  Le 
peu  de  mots  devoit  partir  Lundy  dernier,  et  ne  partira  que 
demain,  et  vous  ne  l'auriez  pas  du  tout,  si  j'entreprenois  de 
répondre  à  votre  lettre. 

Je  ne  suis  pas  moins  en  peine  que  vous  de  notre  sort,  mais 
j'espère  beaucoup  dans  les  difficultés  sans  cesse  renaissantes 


l6       REVUE    HISTORIQUE    DE   LA    REVOLUTION    FRANÇ^ALSE    ET    DE    l'eMPIRE 

qu'éprouveront  nos  ennemis  de  tout  genre.  Cette  nation  cy  a 
un  fond  inépuisable  de  sensibilité  :  elle  se  reveille  aussi 
fréquemment  qu'elle  s'endort;  je  ne  crois  point  à  la  létargie. 
Ainsi  mesurez  des  veux  notre  sol,  pensez  à  notre  population 
et  ne  désespérez  pas.  Votre  lettre  renferme  des  choses  vraies, 
mais  quoique  vous  ne  fassiez  que  narrer  ce  qu'on  pense,  je 
vois  de  votre  part  un  certain  aquiescement  aux  jugemens 
dont  vous  m'instruisez,  qui  me  fait  peine  et  craindre  que  mon 
ami  Dumont,  fait  pour  élever  ses  méditations  et  ses  jugemens 
au  dessus  du  mouvement  des  opinions  vulgaires,  ne  soit  des- 
cendu dans  la  foule  et  ne  se  lasse  de  soutenir  une  révolution 
dont  on  n'a  pas  —  heureusement  sans  doute  —  calculé  les 
difficultés.  Songez  donc,  mon  ami,  que  nous  jouons  comme 
des  hommes  pris  à  l'improviste  et  que  sur  cent  individus  de 
ceux  qui  élèvent  la  voix,  il  n'y  en  a  pas  deux  peut-être  qui  ne 
soient  corrompus  ou  par  le  cœur,  ou  par  l'esprit,  ou  par  les 
habitudes... 

Je  tacherai  de  vous  écrire  sur  votre  lettre  avec  plus  de  suite. 
Mais  je  gémis  sur  de  l'inaction  de  votre  cabinet.  11  est  fou  s'il 
veut  laisser  perdre  la  France;  il  est  bête  si,  argumeutant  de 
l'instabilité  des  évenemens,  il  suspend  une  alliance  qui  tout 
d'un  coup  deviendroit  le  balancier,  le  régulateur  des  mouve- 
mens  qui  vous  affligent.  Rien  de  plus  peuple  —  puis  qu'enfin 
il  faut  que  cette  expression  serve  encore  à  peindre  la  mesqui- 
nerie des  combinaisons  politiques  —  rien  de  plus  peuple  que 
vos  politiques  favorables  à  l'alliance,  s'il  attendent  pour  la 
faire  le  succès  de  toutes  les  chances  qui  peuvent  la  rendre 
impossible.  Certes,  ils  seront  bien  avancés  quand  en  restant 
derrière  le  rideau,  le  champ  de  bataille  restera  aux  tyrans,  à 
la  politique  imbecille  et  corrompue  qui  jusqu'ici  dispose  de 
l'Europe  et  la  trouble  sans  cesse  !  Fi  —  et  j'en  ai  honte  pour 
ceux  de  mes  amis  qui  sur  cela  m'ont  écrit  tant  de  balivernes. 
Je  vous  dis  que  l'.Vngleterre,  c'est-à-dire  l'alliance  entre  la 
France  et  l'Angleterre  est  le  moyen  qui  fera  prendre  à  toutes 
choses  la  disposition  à  l'ordre,  qui  —  ramenant  le  courage  el 
l'espoir  des  honnêtes  gens,  et  intimidant  nos  ennemis  —  en 


TROIS    LETTRES    INÉDITES    DE    CLAVIÈUE    A    ETIENNE    DUJIONT  I7 

fera  dès  ce  moment  disparaître  un  grand  nombre.  C'est  l'évé- 
nement dont  nous  avons  besoin,  c'est  — je  ne  puis  pas  mieux 
peindre  mon  idée  —  le  balancier  de  la  montre  ;  elle  ne  prend 
des  mouvemens  rérjuliers  que  lorsqu'il  est  aposé^  D'ailleurs 
on  donne  trop  d'importance  aux  bruyants  incidens  qui  agitent 
la  Capitale.  La  Nation  veut  être  libre  :  voilà  un  fait,  et  jusqu'à 
ce  moment,  si  nous  jugeons  par  les  résultats,  rien  ne  porte 
l'empreinte  du  desastre.  Sûreté  par  tout,  activité  par  tout, 
prospérité  par  tout,  voilà  pourtant  ce  que  présente  la  France 
à  celui  qui  sauroit  taire  abstraction  de  l'Assemblée  nationale, 
du  Roi,  des  factions  et  des  armées.  Je  vois  bien  ce  qu'on  peut 
répondre.  Mais  aussi  je  dis  aux  Anglois  :  alliez-vous  inces- 
samment avec  nous,  et  la  cause  du  genre  humain  ne  court 
plus  de  risques, 

On  dit  que  je  dois  être  rapellé  au  Ministère.  La  proposition 
officielle  ne  m'en  a  pas  encore  été  faite.  J'ignore  le  parti  que 
je  prendrai,  et  c'est  pour  qu'il  soit  sage  en  tout  point,  et  que 
les  motifs  en  soyent  bien  exprimés  que  je  vous  voudrois  ici. 
Je  ne  rentrerai  certainement  qu'avec  mes  collègues,  et  ce  n'est 
pas  ce  qu'il  y  a  de  plus  rejouissant.  Roland,  le  plus  triste  per- 
sonnage pour  les  circonstances,  est  devenu  un  homme  impor- 
tant, et  je  ne  puis  comptei-  que  sur  sa  vanité  et  sur  les  pédan- 
teries politiques  de  sa  femme.  Je  ne  veux  pas  non  plus  être  de 
service  avec  La  Fayette.  Je  ne  puis  vous  dire  à  quel  point  cet 
homme  est  digne  de  mépris  et  combien  son  imperturbable 
vanité,  et  son  manque  absolu  de  talens,  si  ce  n'est  pour  l'in- 
trigue, le  rendent  dangereux.  Enfin  je  ne  suis  pas  aimé  dans 
l'Assemblée.  C'est  mon  tort  de  n'avoir  que  peu  d'amis.  Jugez 
de  là  des  chances  de  ma  rentrée  au  ministère. 

[La  fiu  de  cette  lettre  —  si  fin  il  y  avait  —  est  perdue.] 

I.  Clavière  est  bien  Genevois. 


A  L4  VEILLE  DES  PAUUES  VÉRONilSES 

(Juillet-Août  1796) 


La  fondation  Querini  Stampalia,  à  Venise,  doit  au  rôle  diploma- 
tique que  le  patricien  Querini  joua  en  France  pendant  les  premières 
années  de  la  Révolution  et  à  l'intérêt  qu'il  ne  cessa  pas  de  porter 
aux  affaires  de  France,  de  posséder  divers  documents  utiles  pour 
l'histoire  de  cetle  période  et  assez  peu  connus.  A  titre  d'exemple 
je  signalerai  ici  le  manuscrit  534  de  la  classe  IV,  intitulé  Politica 
veneta  rispetto  alla  rivolazione  francese.  Mixcellanea.  Ce  volume 
de  mélanges  contient  des  sommaires  de    dépêches  des  mmistres 
vénitiens  résidant  près  les  cours  étrangères  après  la  Révolution  de 
France  (1791-1794).  des  pièces  relatives  au  congé  officiel  donné  au 
marquis  do  Bonibelles  et  à  la  reconnaissance  du  chargé  d'affaires 
de  la  République  (1791),  des  réflexions  {consiilii)  sur  les  affaires  de 
la  Révolution  française  et  leurs  conséquences  pour  l'Italie,  des  notes 
secrètes  sur  la  résidence  du  comte  de  Provence  a  Vérone  sous  le 
nom  de  comte  de  Lille,  des  notes  {species  facti)  et   mémoires  du 
chargé  d'affaires   de   France  au  sujet  de  l'expulsion  des  Français 
républicains  hors  du  territoire  de  Venise,  des  notes  (sp>'aes  factf) 
sur  les  armées  françaises  dans  l'État  vénitien,  enfin  des  mélanges 
sur  l'état  des  affaires  après  la  Révolution.  Ces  diverses  rubriques 
sont  riches  en  renseignements  de  provenance  quasi  officielle,  déri- 
vant tous  des  bureaux  du  ministère  vénitien  toujours  bien  informé 
par  ses  agents  publics  ou  secrets  et  par  le  service  de  l'intercept  qu. 
fonctionnait  alors  avec  une  activité  plus  grande  que  jamais. 

Ces  notes  sur  les  actes  des  Français  en  Vénétie  sont  intéressantes  ; 
elles  apportent  des  précisions  sur  une  période  confuse  de  la  guerre 
entre  la  Sérénissime  et  Bonaparte,  ce  second  semestre  de  1796  ou 
le  Sénat  vénitien  hésite  pitoyablement  entre  l'alliance  loyale  et  la 
rupture  ouverte,  se  montre  tout  k  fiiit  incapable  de  se  décider,  faute 


A    LA    VEILLE    DES    PAQUES    YÉRONAISES  ig 

de  courage  civique  et  d'intelligence  chez  les  gouvernants;  période 
qui  commence  avec  l'occupation  consentie  de  Vérone  et  qui  aboutit 
aux  pâques  véronaises  (2  juin  1796-17  avril  1797).  L'armée  fran- 
çaise occupe  non  seulement  Vérone,  mais  la  plus  grande  partie  du 
territoire  \énitien.  Les  nouvelles  recueillies  par  le  Gouvernement 
vénitien  pour  ses  ambassadeurs  montrent  dans  le  plus  grand  détail, 
presque  quotidien,  les  mouvements  et  les  actes  des  troupes  fran- 
çaises ;  on  a  noté  sans  aucune  bienveillance  assurément  tous  les 
menus  abus  de  pouvoir,  les  exactions,  les  violences,  suites  plus  ou 
moins  obligées  et  naturelles  de  l'état  de  guerre,  que  la  politique 
indécise  et  les  arrière-pensées  perfides  du  Sénat  rendaient  peut-être 
nécessaires,  mais  qui  devaient  exaspérer  la  population  surtout 
rurale  et  qui  expliquent,  autant  que  la  lâcheté  des  patriciens  véni- 
tiens, ce  furieux  et  barbare  réveil  du  sentiment  patriotique  que 
furent  les  pàques  véronaises.  Quelques  exemples  suffiront  ci-dessous 
à  montrer  ce  que  sont  ces  sommaires  et  quel  en  est  l'intérêt.  Il  faut 
remarquer  qu'ils  n'étaient  pas  envoyés  identiques  à  toutes  les  cours; 
leur  contenu  diffère  suivant  leur  destination.  Il  y  a  là  un  souci  de 
ne  dire  qu'une  partie  de  la  vérité  qui  est  évidemment  d'origine 
diplomatique. 

Léon-G.  Pélissier. 


Speciesfacti.  Aile  corti.  16  luglio. 

Li  Francesi  occuparono  in  gran  numéro  la  fortezza  di  Le- 
çjnago  e  la  fortificarono  aspostandone  artiglieria  e  munizioni 
con  minaccia  di  usare  la  forza  se  quel  N.  H.  Prov.  avesse  insis- 
tilo  nella  opposizione. 

Munirono  in  seguito  con  truppe  tutti  i  passi  dell'  Adige  da 
Legnago  fine  alla  badia  facendo  passare  alF  opposta  riva  tutle 
le  barche  e  molini  e  contrapponendo  le  più  vive  minaccia  aile 
rappresentazioni  che  loro  venivano  faite  in  contrario.  Final- 
mente  il  générale  Bonaparte  s'impossessô  di  tulta  l'artiglieria 
esistente  in  V^erona  per  armarne  li  rampari  délia  città  e  fatti 
occupare  dalle  sue  truppe  primo  il  castello  di  San  Felice  poi 
anche  il  Castelvecchio  esiggette  cor  medesimi  modi  risoluti  le 
chiavi  di  tutte  le  munizioni  e  depositi  pubblici,  niente  curando 


20       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANI,;AJ.SE    ET    DE    L  EMPIRE 

le  più  série  e  forti  rimoslrarize  dal  prov.  générale  rcplicata- 
menle  avanzale  in  voce  e  in  iscritto  in  questo  e  in  tutti  cjli  altri 
simili  incùiitri. 

Continuazione  Species  facti .  Roma,  26  ajosfo. 

Persistendo  i  Francesi  ne!  loro  sistema  di  violenza  e  nel 
negligere  ogni  riguardo  di  neutralità  ed  ospitalità  non  ebbe 
riguardo  il  générale  Augereau  di  soslenere  in  ojiposizione  aile 
rimostranze  fatlegli  dal  comandante  veneto  in  Yerona  sull' 
asporto  délie  lettere  dirette  adAustriaci  dall'  uffizio  postale  di 
Verona,  che  le  ragionf  délia  guerra  lo  ponevano  in  nécessita 
di  penetrar  per  ogni  modo  i  progetti  del  nemico  e  toglievano 
ogni  ragione  ai  Veneti  di  lagnarsi,  non  chè  ogni  motivo  di  sor- 
presa,  se  eguali  niisure  prendesse  anche  in  seguito,  rilevando 
che  vene  esistessero  délie  allre  dirette  ad  iifficiali  austriaci. 

Al  quai  proposito  riesce  poi  ancora  più  riflessibile  il  sistema 
adottato  dai  Francesi  in  Milano  dove  si  sa  che'  aprono  tutte  le 
publiche  e  private  lettere  andanti  e  venienti  dallo  Stato  veneto, 
e  per  ovunque  dirette  e  si  giunse  persino  a  trar  copia  di  alcuni 
pieghi  e  spedirla  al  générale  Bonaparte. 

Tollo  inseguito  pretesto  dall'  uccisioned'unsoldato  francese 
e  ferila  di  un  altro  succedute  in  tempo  di  notte  per  opéra  di 
persona  incognita  e  che  per  qualche  indizio  potrebbe  forse 
esser  anche  Francese,  giunse  il  générale  Augereau  a  minacciar 
di  rinnovar  in  Verona  i  terribili  esempi  dati  in  qualche  altro 
luogo  d'Italia,  se  dentro  24  ore  non  fossero  scoperti  e  castigali 
li  rei. 

C.ontiuuano  gia  le  Inippe  francesi  ad  esiggere  somminis- 
trazioni  di  viveri  e  foraggi  in  ogni  luogo  dove  accampano  per 
moite  délie  quali  non  è  stato  neppure  possibile  di  ritrarne  le 
corrispoiidenti  ricevute  c  giunsero  fm  anche  avolere  con  modi 
risoluti  e  violent!  che  t'ossero  loro  concessi  sotto  titolo  di  pres- 
lanza  ottocenlo  (juintali  di  biscotto  chi  esisleva  nei  pubblici 
dcposili  di  Verona  pcl  pro^•vedim(>nto  délia  veiieta  guarni- 
gionc. 

Sorpassando  il  générale  Buonaparte  ogni  riguardo  al  do- 


A    LA    VEILLE    DES    PAQUES    VEUONAISES  21 

minio  di  priacipe  amico  e  neulrale  diede  ordine  che  fosse  demo- 
lita  la  Rocca  d'Anfo  di  vcneta  apparteiieiiza,  adducendo  in 
risposta  al  prov.  cstraor'"  che  gliene  fece  vive  rimostranze  che 
([uesto  cra  di  assoluta  nécessita  aile  sue  viste  e  restringen- 
dossi  a  promcttere  di  far  trasportar  in  Brescia  li  cannoni 
veneti  che  vi  si  ritrovassero. 

Le  violenze  e  l'indisciplina  poi  de  soldati  francesi  giunse 
(iao  (anche  dopo  averconimesso  mollissimi  saccheggi  neiterri- 
tori  di  Esle  e  Montagnana)  ad  infierire  contro  un  povero  vil- 
lico  che  cercava  di  soUrare  la  propria  nioglie  dalla  loro  licenza 
anipulando  al  medesimo  un  braccio  con  un  colpo  di  sciabla, 
alla  quai  vista  l'infelice  feminina  avanzata  nella  gravidanza  fini' 
di  vivcre. 

Continuazione  Species  facti  a  tntte  le  corti,  eccetlo  Vienna, 
Parigi  e  Romii.  2^  agosto  ijg6'. 

Si  aggiunge  a  tullo  ciô  che  li  soldati  francesi  disperdono  le 
carrette  che  servono  alli  trasporli  délie  loro  provvigioni  e  ne 
maltrattano  continuamente  li  condutlori  e  che  vennero  dalli 
medesimi  per  le  maggior  parte  alTondate  e  disperse  le  barche 
di  per  cantina  inservienti  ai  trasporti  lluviali. 

A  Desenzano  poi  li  soldati  francesi  colla  sciabla  alla  mano 
e  coi  cannoni  puntati  contro  la  case,  saccheggiarono  ([uell'  abi- 
tato  ed  aprirouo  anche  la  pubblica  dogana  asportandone  vari 
generi.  Simili  cd  anche  più  gravi  eccessi  si  ripeterono  lungo  lï 
monti  Lesini  da  ambedue  i  lati  nei  contorni  di  Caprino  sulle 
rive  deir  Adige,  a  Lubiana,  Ceredelo,  Albare  di  Bardesana,  e 
fin  presso  le  porte  délia  città  di  Verona,  spogliando  i  poveri 
villici  de'  loro  averi  e  non  rispettando  neppure  le  chiese  ed  in 
alcuni  luoghi  la  licenza  ed  indisciplina  délie  truppe  giunse  a 
tal  segno  che  3oo  famiglie  spogliate  de'  loro  averi  saccheggiate 
in  ogni  lor  proprietà  e  perduti  perfino  alcuni  de'  loro  individui, 
sono  costrette  ad  andar  esuli  raniinghe  c  nude  per  le  più  scos- 


I.  Ce  sommaire  répète  d'abord  le   j  3  du  pn-cédenl:  Contlnuano  gia  le  truppe 
/rancesi,  etc. 


22       REVUE   HISTORIQUE   DE    LA   REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

cese  montagne  per  salvar  una  vila  che  non  sanno  più  comme 
alinientare  K 

Aile  rimostranze  che  vengono  fatte  dai  veneti  comandanti  ai 
generali  francesi  si  risponde  con  délie  generali  promesse  di 
voler  mantenere  la  disciplina  délie  Iruppe  e  con  proteste  d'ami- 
cizia  per  la  Republica  ma  non  corrispondono  quasi  mai  gli 
effetti  a  tali  assicurazioni,  come  awenne  nella  villa  di  Nasar  dis- 
tante solo  4  miglia  da  Verona  ove  sulli  vivi  reclami  avanzati 
per  la  violenza  d'un  corpo  di  truppe  francesi  che  saccheggia- 
vano  quella  terra  con  taie  furore  che  un  vecchio  capo  di  fami- 
glia  si  vide  costretto  a  geltarsi  dalla  fiiiestra,  si  spedi  dal  gé- 
nérale francese  un  dislaccaniento  di  cavalleria  per  arrestare  li 
rei,  ma  non  si  vide  poi  ne  castigo  ne  risarcimento  di  alcuno. 

Nel  loro  ritorno  poscia  a  Verona  ricomparsi  in  tempo  di 
notte  e  trovala  la  porta  di  San  Zeno  occupata  ancora  dagli  Aus- 
Iriaci  essi  nulla  curando  l'aiigustiosa  situazione  di  Veneti  ne 
volendo  ascoltare  il  governator  délia  piazza  che  anche  durante 
la  mischia  si  era  porfato  per  parlamentare  col  loro  coman- 
dante,  senza  frapporre  il  niinimo  ritardo  fracassarono  a  colpi 
di  canone  la  porta  stessa  e  successivamente  disposle  nume- 
rose  guardie  aile  altre  porte  délia  città  e  forte  presidio  nelli 
due  castri  San  P"elice  e  San  Pietro,  accanipai'ono  un  grosso  dis- 
taccamento  di  truppe  con  bandiera  innalzata  nella  piazza  stessa 
délia  città,  inutili  riuscendo  le  più  ferme  proteste  opposte  dai 
veneti  comandanti. 

Non  contenti  in  seguito  del  Lazzaretto  che  prima  avea  loni 
servito  per  raccogliere  gli  ammalali  fù  forza  sulla  ricerca  del 
générale  Augereau  concedere  a  taie  uso  il  convento  di  Santa 
Eufemia,  facendone  sloggiare  quei  religiosi  con  grandissima 
inquietudinc  degli  abitanti  e  solo  con  lungo  e  difficile  maneg- 
gio  si  riusci  a  preservare  la  chiesa  parrochiale  ai  consueti  eser- 
cizi  di  religione. 

Nel  loro  soggiorno  nelli  castelli  spezzarono  vari  letti  dell 
artiglieria  ivi  csistenti.  Intorno  a  Peschiera  tagliano  gli  alberi 

.:.  Ici  est  répète  sauf  variantes  sans  importance  le  §  5  du  sommaire  précédent. 


A    LA    VEILLE    DES    PAQUES    VKRONAISES  23 

e  devastiiiio  le  campagne,  dltre  il  tiru   dei   cannoni   del  piii 
grosso  calibro. 

Ricercarono  fiiialmente  di  nuovo  al  governator  délia  piazza 
di  Verona  che  ordinasse  ai  custodi  dei  bastioni  ed  a  quelli  dei 
différent i  inagazzini  situali  nei  torioni  dei  aprirli  perché  esso 
potesse  coniaiidare  l'artiglieria  délia  piazza  e  farla  armare  com' 
era  prima  della  loro  partenza  da  quella  città,  ma  finora  si  potè 
col  rifiiito  di  dar  alcuno  ordiiie  e  colle  più  rigorose  proteste 
allontanare  l'esecuzione  di  un  tal  progetto  '. 

Violano  essi  perfine  ogni  più  sacro  riguardo  di  neutralità  e 
di  ospitalità  poiche  un  capitano  francese  levô  a  forza  dali' 
uffizio  postale  di  Verona  due  leltere  dirette  l'una  al  maresciallo 
Wurmser,  l'altra  ad  altro  générale  anstriaco  né  ebbe  riguardo 
il  générale  Augeieau  di  sostenere  in  opposizione  aile  rimos- 
tranze  che  gliene  vennero  faite,  che  la  nécessita  in  cui  lo  po- 
nevano  le  ragioni  della  guerra  di  penetrar  in  ogni  modo  i  pro- 
getti  de!  nemico,  toglieva  ogni  motivo  di  sorprcsa  se  eguali 
niisure  prendesse  anche  in  seguito  rilevando  la  esistenza  di 
nuove  lettere  ad  ufficiali  austriaci  -. 

Non  diverso  è  il  procedere  del  générale  Buonaparte  in  Bres- 
cia  ove  oltre  il  richiedere  secundo  il  solito  sussistenze  per  le 
sue  truppe  occupô  et  fortiiicô  il  castello  disponendo  a  suc 
piacere  dell'  artiglieria  in  esso  esistente  e  dove  non  contente 
degli  ospitali  apparecchiati  per  quattro  milia  ammalati,  mandô 
senza  alcun  preventivo  avviso  ad  occupare  con  guardie  sei 
conventi  coll'  intenzione  di  collocarvi  altri  2.000  ammalati  circa 
ed  intimando  nello  stesso  tempo  alli  rappresentanti  di  quella 
città  di  dover  fornire  denlro  la  giornata  l'esorbitante  numéro 
di  6.000  camicie,  3. 000  aunes  di  tela,  moltissima  acquavita, 
aceto,  limoni,  vino  e  fino  anche  zucchero  con  la  minaccia  se 
non  si  eseguisse  il  suc  ordine,  di  tassare  la  città  stessa  in  tre 
milioni  e  prendersi  colla  forza  cio  che  non  gli  venisse  sommi-v 
nistrato.  Si  potè  sul  momento   conciliare   in  qualche  modo 


I.  Ici  est  répété  le  §  2  du  sommaire  précédent. 
a.  Ici  est  répété  le  §  2  de  la  lettre  du  a5  août. 


24       REVUE    HISTORIQUE    DE    LX   RÉVOLUTIOX    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

l'afTare  coll'  approntare  Ire  di  questiconventi  e  persuader  esso 
(jenerale  a  niandar  due  mila  di  questi  aminalati  a  Cremona. 

Anche  daqli  Austriaci  selibene  con  modi  più  moderati 
furono  violati  in  molli  incoiitri  i  riguardi  dovuti  alla  neutraiilà 
della  republica  e  comniessi  non  piccoli  eccessi. 

Comparse  di  fatto  le  Iruppe  imperiali  a  Bassano  osservarono 
la  più  lodevole  disciplina  e  pagarono  a  denaro  contante  le  sus- 
sistenze  ma  avanzatesi  poscia  nel  tcrritorio  vicentino  e  discese 
nella  provincia  veronese  in  maggior  numéro  i  loro  comandanti 
ricercarono  copiosi  approvvigiamenti  per  l'armata  impegnan- 
dosi  di  corrispondere  iii  denaro  soltanto  le  mercedi  per  le  con- 
dotte  de'  carriagi,  limitandosi  al  rilascio  di  semplici  ricevute 
per  gli  altri  generi  ed  acconipagnando  una  taie  ricerca  con 
qualche  signiQcazione  di  minaccia  se  per  parte  dei  Veneti  non 
si  avesse  aderito  prontamente. 

Penelrato  in  Brescia  improvvisamente  grosso  corpo  délie  loro 
trappe  attaccarono  con  le  armi  alla  inano  li  poclii  Francesi 
ivi  allora  esistenti  uccidendone  alcuni  e  lacendo  prigioni  gb' 
altri  con  che  posero  a  sommo  rischio  la  Iranquillità  e  sicu- 
rezza  di  quegli  abitanti.  Enella  loro  retirata  poî  dopo  la  batta- 
glia  di  ^  aleggio  introdoltisi  a  iorza  nella  città  di  Verona 
dietro  la  minaccia  di  atterrarne  le  porte  se  si  avesse  dilazio- 
nato  di  pochissiino  (einpo  ad  aprirle  le  occuparono  con  nume- 
rose  guardie. 

Sopraggiunti  in  segnito  li  Francesi  la  notte  degli  8  a  quella 
di  San  Zeno  la  inopporluna  loro  resistenza  mostrando  di  voler 
sostenere  in  quel  posto,  attirô  le  vie  di  fatto  per  parte  dei 
Francesi  che  l'atterrarono  a  colpi  di  cannone  eccitando  la 
maggior  inquietudine  ed  esponendo  a  non  lieve  pericolo  quella 
innocente  e  numerosa  popolazione. 

iVon  si  asiennero  neppure  li  soldati  austriaci  dalle  violenze 
ed  eccessi  poichc  fù  da  essi  porto  a  sacco  tutto  il  paese  di  Vil- 
lanuova  e  moite  abitazioni  di  Sali,  uccisi  cinque  di  quoi  miseri 
abitanti  spoglialo  di  denaro  e  di  altri  effetti  il  co.  Bettoni 
derubbata  la  casa  dcl  vicario  e  spczzali  li  restelli  dei  palazzo 
della  pubbliia  Rappuza.  Anche  nella  villa  di  Fonlauiva  terri- 


A    LA    VEILLE    DES    PAQUES    VÉRONAISES  25 

torio  vicentino  iina  Iruppa  d'iilani  comise  alcuiii  eccessi  nella 
casa  d'un  povero  villico. 

Al  Castello  Veneto  délia  Scala  vicino  al  confine  veneto,  ove 
s'attrova  accampato  (jrosso  numéro  di  Iruppe  austriaclie  guas- 
larono  (jeueralmente  li  fieni,  tagliarono  albori  vili  e  sorghi 
non  ancora  maturi  e  divagando  per  quelle  case,  terre  e  sulle 
strade,  rubbarono  e  sacclieggiarouô  per  ogni  dove  persino  la 
casa  stessa  del  capitanio  di  quel  castello.  Spinte  in  seguito 
dclle  divisioni  délie  loro  truppe  a  Bassano,  Treviso  cd  in  qual- 
che  altro  luogo  dello  Stato  veneto  continuarono  a  ricercar  prov- 
vigioni  di  pane  aveno  e  fieno  mediante  il  solo  rilascio  délie 
corrispondenti  rice\ute. 

Oltre  a  ciô  una  divisione  délie  loro  truppe  di  900  teste  circa 
tra  cavaleri  e  fanlarie  che  da  Bassano  s'incamminô  verso  la 
Ponteba  non  contenta  di  esigger  le  sudette  somministrazioni 
in  Conegliano  per  cinque  giorni  quantunc[ue  non  vi  si  fermas- 
sero  che  tre,  tentô  di  avère  una  somininistrazione  in  denaro, 
prima  di  mille  fiorini,  poi  di  5oo,  adducendo  il  comandante  il 
pretesto  di  dover  con  ([uesti  somministrar  le  paghe  ai  suoi  sol- 
dati  ricerca  che  lu  poi  ripeluta  anclie  alla  persona  destinata 
dal  governo  ad  invigilare  perché  potessero  dette  truppe  nei 
luoghi  del  loro  viaggio  ritrovare  le  necessarie  sussistenze,  dalla 
quai  demanda  se  si  potè  dalla  suaccennata  persona  sottrarsi, 
non  si  potè  perô  ricusare  di  accordar  una  vettura  al  coman- 
dante che  precedeva  questa  truppa,  col  solo  rilascio  di  una 
ricevuta  da  soddisfarsi  a  tempo  e  luogo  e  finalmente  tanto 
insisté  il  générale  di  divisione  che  conduceva  la  truppa  aus- 
triaca  presso  il  capitano  giurisdicente  di  Yenzone  che  lo  per- 
suase  ad  accordargli  una  prestanza  in  via  perô  tulta  privata  di 
600  fiorini. 

Contùmazione  species  farti  a  Vienna.  —  1796.  2j  agosto. 

Continuando  nello  Stato  veneto  la  stazione  de  qualche  parte 
délie  truppe  austriaclie  non  cessano  per  parte  loro  gl'  incom- 
modi  e  danni  aile  suddite  popolazioni. 

Indocile  questa  truppa  va  minacciando  di  tagliar  gli  alberi 


26       REVUE   HISTORIQUE    DE    L\    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    UE    l'eMPIRE 

délie  campagne  e  di  commettere  altri  eccessi  se  cjli  si  ritarda  la 
somministrazione  deila  legna  o  di  qualche  altro  dei  generi 
ricercati. 

Species  facti.  Cirmlnre  eccetto  Parigi,  Roma  e  Vienne, 
ij  se//.  1  jgO. 

La  inarcia  délie  tnippe  fraiiresi  dal  Tirolo  per  Bassano, 
Padova  e  Vicenza  a  Legnago  fù  una  continuata  série  di  vio- 
lenze  ed  eccessi  a  carico  de'  sudditi  Veneti. 

Incamminalcsi  verso  il  veneto  Stato  pel  canal  di  Brenta, 
ollre  ad  aver  spogliato  di  tutto  il  veneto  uffiziale  stanzionante 
alla  Scala,  minacciando  anche  di  ucciderlo  se  si  opponeva  al 
saccheggio  délie  proprie  sostanze  desolarono  esse  talinenle 
colle  rubbene  e  saccheggi  li  comuni  di  Primolano,  Cismono, 
S.  Nazaro,  Solagna,  Pore,  Valstagna,  Oliero,  Campolongo, 
Campese  e  lutte  le  altre  ville  di  quei  distrelti  clie  ridotti  quei 
miseri  villici  alla  disperazlone  dopo  aver  veduto  aggredirsi  le 
abitazioni,  derubarsi  gli  elTetti  e  le  sete  clie  si  lavoravanonegli 
edifizi,  spogliare  le  chiese  de'  vasi  sacri  ed  arredi  ecclesiastici 
e  le  loro  famiglie  de'  generi  di  prima  nécessita  furono  costretli 
a  nascondersi  colle  mogli  e  co'  figii  nei  dirupi  de'  prossimi 
moiiti  per  salvare  almeno  la  vita. 

Giunte  a  Bassano  quantunque  si  cola  tratfato  il  générale 
Buonaparte  con  tali  dimostrazioni  di  amicizia  e  biiona  corris- 
pondenza  clie  lo  obbligarono  a  dictuarare  in  iscritto  de  non 
aver  in  nessun'  altra  città  dello  Stato  veneto  ritrovato  tanta 
ospilalità  e  gentilezza  furono  gli  stessi  osti  ed  ogni  altro 
génère  di  vcnditori  e  bottegai,  costretli  a  tener  chiuse  le  loro 
botleghe  per  sottrarsi  dallo  svaleggio  giaccliè  niun  publico 
o  privalo  inczzo  valse  a  contenerle  in  moderazionc  e  convenne 
flno  anche  sospendere  le  sacre  funzioni  nclle  chicsc  per  collo- 
carvi  i  loro  periti,  poichè  non  vollero  adattarsi  ad  alcun  altro 
ripiego  ne  perinettere  che  fossero  trasportati  in  altro  sito. 

Divisa  ivi  l'armata  una  parte  marciô  sopra  Padova,  devas- 
tando  e  saccheggiando  quasi  lutte  le  case  che  esistono  lungo 
qucUa  strada. 


A    LA    VEILLE    DES    PAQUES    VERONAISES  27 

Pervenute  in  qiiella  città,  il  générale  Augereau  che  coman- 
dava  questo  corpo  irritato  perche  alla  prima  comparsa  de'  suoi 
picchetti  non  ancora  ben  conosciuti  si  fossero  chiuse  le  porte 
ne  fece  délie  vivissime  rimostranze  al  rappresentante,  aggiun- 
gendo  ciie  riconosceva  questo  come  un  ullimo  segno  dalla 
cattiva  disposizione  del  veneto  Governo  versa  la  Republica 
francese  e  che  se  avesse  avuto  seco  li  cannoni  avrebbe  rinnovalo 
r  esempio  dato  in  Verona. 

Mentre  poi  fino  nei  sobborghi  vicini  alla  città  si  continua- 
vano  da"  suoi  soldati  le  rapine  e  violenze  e  che  nella  città  stessa 
fu  necessario  di  chiudere  frettolosamente  la  porta  délia  chiesa 
di  San  Clémente  per  impedirne  la  profanazione  gia  minacciata 
da  un  corpo  di  Francesi  voile  esso  générale  che  venisse  inti- 
mato  ai  sudditi  di  consegnare  tutti  i  eavali  armi  viveri  ed 
equipaggi  che  fossero  stati  rubbali,  acquistati  o  in  qualunque 
altro  modo  ricevuti  dagli  Austriaci  appoggiando  la  domanda 
coU'alternativa  di  far  la  visita  militare  nelle  case  degli  abi- 
tanti  e  mostrando  di  fare  somma  grazia  nel  desistere  dallo 
preteso  che  il  rappresentante  dovesse  indicargli  gli  effetti 
e  magazzini  austriaci  che  cssistessero  in  Padova  e  lungi  dal 
far  restituire  gli  effetti  derubati  ai  sudditi  come  avea  promesso 
tolerô  anzi  che  fossero  questi  publicamente  venduti  da'  suoi 
soldati. 

Ne  différente  per  quanto  finora  si  è  potuto  rilevare  fù  il 
contegno  di  délia  truppa  pel  rimanente  délia  strada  fino  a 
Montagnana  dove  anzi  dojio  aver  la  sera  venduti  gli  effetti 
tolti  a  piccolo  corpo  di  Austriaci  fatti  prigionieri  la  mattina 
susseguente  si  esiggé  che  fossero  obbligati  11  compratori  a 
restituire  ail'  armata  li  cavalli  che  aveaiio  comprati.  Egualmente 
r  altra  parte  di  detta  armata  che  marcio  per  Vicenza  segui- 
tando  il  medesimo  sistema,  desolô  li  villaggi  di  Angarano 
Nove,  Longa,  ed  altri  conterminanti,  con  taie  furore  che  fino  a 
Morostica  intendevansi  le  grido  de'  sventurati  abitanti  spogliati 
d'  ogni  lor  sostanza  e  délie  donne  a  cui  si  strappavano  dalle 
orecchie  e  dal  collo  gli  ornamenti  de  qualche  valore  non  meno 
che  le  continue  archibugiate  contro  queglino  che  ne  facevano 


28       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTIOX    FRANÇAISE    ET    DE    lV.MPIRE 

qimlche  riseiiliinento  o  teiUavaiio  di  salvar   le  loro  moijlL  e 
fi(jlie  dalla  iiiilitare  licenza. 

In  Altavilla  giunsero  ijli  eccessi  a  lai  segiio  che  i"u  necessario 
molta  destrezza  per  Iranquillizare  que"  villici  che  già  si  erano 
tumultuarianiente  raccolti  per  provs'edersi  di  arnil  benche 
vedessero  certo  il  loro  totale  esterminio. 

Anche  in  Vicenza  Irattanto  il  générale  Biionaparte  minac- 
ciava  di  far  eseguire  délie  visite  militari  per  riconoscere  ed 
impadronirsi  de'  magazzini  austriaci  che  siipponevaesistervi  e 
fu  gran  fortuna  di  riuscire  a  persuaderlo  che  non  avendovi 
fatto  l'arniata  impériale  che  un  semplice  passaggio  non  poteva 
avervi  magazzini.  E  in  ([uei  conturni  pure  la  licenza  mililare 
giunse  a  tal  punto  che  sorpresi  alcuni  soldati  Francesi  da 
veneta  militar  pattuglia  mentre  depredavano  un  misero  tugurio 
de  villici  ardirono  di  fargli  fuoco  contro.  Eccesso  questo  che  fù 
riconosciulo  dallo  stesso  aiutante  del  générale  Massena,  il  quale 
pregô  che  si  ritenessero  in  carcere  tre  dei  medesimi  soldati 
che  riusci  alla  pattuglia  di  arrestare  proniettendo  di  portare 
egli  stesso  il  rapporto  al  suo  générale. 

Dispersesi  poscia  alcune  partite  di  Francesi  dopo  superati 
gli  Austriaci  in  Tirolo  per  li  prossimi  veneti  territori  di  Asolo 
e  Feltre  vi  derubarono  gli  abitanti  di  cavalli  orologi  ed  altri 
elTetti  preziosi  ed  in  «[uello  di  Feltre  spezialmente  chiunque 
si  abbattè  suUa  strada  da  loro  percorsa  fù  derubato  e  sp<igliato 
sotto  il  pretesto  che  tutto  fosse  di  appartenenza  austriaca  dalla 
quai  disgrazia  non  poterono  neppure  sotlrarsi  alcuni  viaggiatori 
passati  per  la  villa  di  Arsié,  dove  tratlenutisi  îi  Francesi  entra- 
rono  fino  nelle  case  spogliando  le  donne  di  loro  ornamenli  di 
qualche  prezzo  ed  altri  o  di  denaro  o  di  elfetti  o  di  coinestibili 
e  penelrali  ne  ao  circa  nelia  citlù  stessa  de  Feltre,  dopo  aver  ' 
bevuto  e  mangiato  senza  pagare  alcuno,  vi  comiuisero  varie 
violenze  e  rapine  lasciandovi  anche  morlalnienle  ferito  un 
povero  villico. 

Nel  ritorno  poi  cadendo  nella  prossima  giornata  una  fiera 
nella  villa  di  Fonsaro,  spogliarono  tulte  quelliche  inooutrarono 
degli  elTetli  deiiaii  e  merci  che  Irasportavano. 


A    LA    VEILLE    DES    PAyiJE.S    YKRONAISES  2(» 

Eguale  dappcrtiitto  l'aibitraria  condolta  dci  Francesi,  offen- 
dcnle  le  piii  sacri  doveri  di  sovraiiita  e  dominio  territoriale  in 
Orzinuovi  un  ufficiale  francese  ricercô  al  prov.  veneto  de  far 
arniare  quella  fortezza  coll'  artiglieria  ivi  esistente  e  poi  di 
lasciar()li  Irasportare  la  sudelta  artiglieria  a  fortificazione  del 
vicino  canipo  francese  in  Snneino  e  sul  giusto  de  lui  rifiuto  a 
lali  ricerche  se  ne  parti  niinacciando  di  ritornar  in  brève  con 
forza  bastante  a  superare  la  di  lui  raredenza. 

Il  castello  di  Ponterrio  fi'i  occupato  da  loo  fanli  e  4o  canno- 
nieri  che  vi  cominciarono  eziandio  alc^ini  lavori  nelle  fortifica- 
zioni  ed  occupala  la  fortezza  di  Legnago  a  fronte  délie  più  vive 
riniostranze  di  quel  prov°  s'impossessarono  dell  artiglieria  lutta 
e  munizioni  ivi  esislenti.  Finalmenle  nella  città  stessa  di  Brescia 
avendo  li  Francesi  rilevato  esistere  in  quella  dogana  molti  colli 
continenti  la  spezieria  austriaca  il  gen.  Soret  spedi  un  uffiziale 
con  scorla  militare  a  farne  l'aporto  allegando  aile  rappresenta- 
zioni  fattegli  di  voler  usar  represaglia  per  gli  effetti  tolti  dagli 
Austriaci  ai  F'rancesi  nella  sorpresa  fatta  in  quella  med™^  città. 
Non  meno  pesante  riusci  la  marcia  de  queste  truppe  ai 
Veneti  sudditi  perle  somniinislrazioni  copiossissime  che  dovet- 
tero  fare  aile  med""-"  poiche  a  Bassaïui  si  esigge  che  fosse 
approntalo  nello  spazio  d'un  giorno  il  bisogno  di  vino  pane  bovi 
fieno  acquavite  ed  avena  per  tulta  l'arniata,  ed  istantaneamente 
poi  20  carri  e  i4o  bovi  da  attiraglio  per  trasportar  il  bottino 
preso  sui  loro  nemici. 

Quasi  più  grave  perô  ancora  riusci  a  quella  città  e  lerri- 
torio  la  nécessita  di  dover  far  trasportar  verso  Legnago  i  baga- 
gli  e  le  prede  che  l'armala  francese  avea  lasciate  addietro 
nella  sua  marcia  poiche  occorrendo  a  laie  oggetlo  5oo  paie  di 
bovi  dopo  aver  impiegalo  tutti  li  propri  fù  costretta  a  ricorrere 
aili  contermini  terrilori  di  Marostica,  Asolo,  ciltadella  e  Castel- 
franco  e  menlre  almeno  si  sperava  che  dielro  li  concerti  presi 
il  peso  non  dovesse  giungere  che  a  Vicenza  furono  quel  miuseri 
villici  costretli  a  progredire  fino  sul  N'eronese  dove  giunti  in 
vicinanza  al  fatto  d'armi  cola  seguito,  35  carri  dovettero  abban- 
donarsi  da'  loro  conduttori  per  salvare  la  vita. 


3o       REVl'E    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

A  Padova  nella  brève  loro  dimora  di  circa  24  ore  dopo  aver 
oUenuta  la  matlina  l'occorrente  provigione  par  quel  corpo  di 
12  m.  uomini  che  vi  era  accampato  repcterono  più  tardi  la 
somministrazione  d'  un'  immensa  quanlità  di  pane  nello  spazio 
di  due  ore  per  cui  oltre  il  lavoro  estraordinario  di  tutti  H 
pistori  convenue  raccogliere  anche  lutto  il  pane  de'  monasteri 
e  conventi  e  finalmente  la  sera  sul  punto  di  partire  ricercarono 
pane  viiio  acquavita  sacchi  e  carri  per  trasporto  de'  bagagli  e 
nel  mentre  che  esiggevano  dalla  citlà  12  m.  razioni  di  carne  li 
soldati  cercavano  di  esitare(?)  20  bovi  predati  agli  Austriaci. 

Cola  pure  mancano  moite  délie  boarie  dovutesi  raccogliere 
anche  da  Este,  Monselice  e  Montagnana  per  trasportare  gli 
efTetti  dell'  armata  francese  diretta  verso  Legnago  o  abban- 
donate  queste  da'  proprii  conduttori  pei  sottrarsi  aile  violenze 
de  soldati  francesi,  o  costretti  con  sommo  loro  danno  e  peri- 
colo  a  progredire  ancora  il  lor  viaggio  e  continuano  inces- 
santemente  poi  dei  passaggi  dei  piccoli  corpi  i  quali  pesano 
colle  loro  violenze  e  col  mantenimento  che  esiggon'o  de  vitto, 
dalloggio  e  d'  ogni  altra  cosa. 

A  Vicenza  oltre  la  quasi  instantanea  ricerca  de  viveri  fatta 
per  F  armata  per  raccogliere  li  quali  convenue  al  pub"  rappre- 
sentantc  roininciando  dai  proprii  prevalersi  dei  carrettoni  e 
cavalli  di  quasi  tutte  le  nobili  laniiglie  délia  città  furono 
anche  ricercate  4  m-  paie  di  scarpe  alla  quai  domanda  perô 
non  fu  possibile  d'intieramente  supplirc. 

Giunti  cola  poi  i  prigioneri  e  feriti  austriaci  che  discende- 
vano  dal  Tirolo  e  pel  mantenimento  dei  quali  dagli  avvisi  dei 
generali  francesi  pareva  che  dovesse  supplirsi  in  denaro,  ricusô 
l'ufliziale  direttore  di  tare  alcuii  contamento  col  pretesto  che 
non  era  precisamente  impiegata  nellc  carte  de  i  suoi  generali 
la  parola  di  denaro  contante,  fù  di  nécessita  provedere  per 
loro  trasporto  120  carri,  disporre  un  alloggio  a  Montebello 
per  i  l(Miti  med'  e  cola  poi  raccogliere  dalla  città  e  coniuni 
contermini  un  corrispondente  numéro  di  cavalli,  onde  dare  il 
cambio  alli  bovi  che  non  avrebbero  potulo  reggere  al  lungo 
viaggio  da  Vicenza  a  ^'erona. 


A    LA    V£ILLE    DES    PAQUES    VÉRONAISES  3l 

Aile  Umtc  di  Este  e  Moiitarjuana  finalmente  oltre  1'  aversi 
dovuto  provedere  il  corpo  diretto  dal  gen.  Augereau  nel  tempo 
délia  sua  stazione  in  quelle  terre  fu  commessa  la  giornaliera 
susseg^  provista  fino  di  lo/m  razioiii  di  pane  6/m  di  carne  e 
sci  botti  di  vino  sino  a  nuove  disposizioni  dei  generali  fran- 
cesi.  Ne  l'aggravio  recato  dall'  arinata  francese  aile  diverse 
venete  provintie  sollevi  quella  di  Verona  dai  pesi  clie  la  deso- 
laiio  poiche  la  città  di  Verona  è  aggravata  con  sempre  cres- 
centi  ricerche  pei  il  mantenimento  di  3/m  persone  che  com- 
pongono  le  varie  amministrazioni  di  lutte  le  loro  armate  di 
nioltissimi  feriti  che  riempiono  gli  ospitali  di  S.  Euffemia  et 
del  Lazzaretto  et  di  grandiose  numéro  di  prigionieri  austriaci 
alFutellati  nei  conventi  e  guella  parte  di  truppe  che  è  restata 
in  el  territorio  continua  dopo  avère  spogliato  di  tutto  gli  abi- 
(anti  dei  villaggi  ad  esiggere  le  sussistenze. 


TRADUCTION 

Speciesjacti.  Aux  cours.  i6  Juillet. 

Les  Français  en  grand  nombre  ont  occupé  la  forteresse  de 
Legnago  et  l'ont  fortifiée,  v  enlevant  l'artillerie  et  les  munitions, 
menaçant  d'employer  la  force  si  le  provéditeur  persistait  dans  son 
opposition. 

Ensuite  ils  ont  muni  de  troupes  tous  les  gués  de  l'Adige  de 
Legnago  jusqu'à  la  Badia,  faisant  passer  sur  la  rive  opposée  toutes 
les  barques  et  les  bacs,  et  ripostant  par  les  plus  vives  menaces  aux 
représentations  contraires  qui  leur  étaient  faites.  Finalement  le 
général  Bonaparte  s'est  emparé  de  toute  l'artillerie  e.vistanl  à  Vérone, 
pour  armer  les  remparts  de  la  ville  et,  après  avoir  fait  occuper  par 
ses  troupes  d'abord  le  château  de  San  Felice,  puis  le  château  vieux, 
il  a  exigé,  avec  les  mêmes  manières  résolues,  les  clefs  de  tous  les 
dépôts  de  munitions  et  dépôts  publics,  sans  se  soucier  des  remon- 
trances les  plus  sérieuses  et  les  plus  fortes  du  provéditeur  général, 
présentées  à  deux  reprises  de  vive  voi.v  et  par  écrit  à  cette  occasion 
et  dans  toutes  les  occasions  analogues. 


3 2       REVUE    HISTORIQIE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRA>-ÇAI.SE   ET    DE    l'eJIPIRE 

Continuation  île  la  Spccies  facti.  Pour  Home.  25  août. 

Les  Français  persistent  dans  leur  système  de  violence,  dans  un 
manque  absolu  d'égards  pour  les  Étals  neutres  et  hospitaliers  ;  le 
général  Augereau  n'a  pas  craint  de  soutenir,  en  opposition  aux 
remontrances  que  lui  faisait  le  commandant  vénitien  de  Vérone  sur 
la  saisie  des  lettres  adressées  aux  Autrichiens  par  l'office  postal  de 
Vérone,  que  des  raisons  militaires  lui  faisaient  une  nécessité  de 
pénétrer  par  tous  les  moyens  les  projets  de  l'ennemi  et  étaient  aux 
Vénitiens  toute  raison  de  plaintes  et  tout  motif  d'étonnement  si  par 
la  suite  il  prenait  des  mesures  analogues  ;  il  fit  remarquer  qu'il  y 
avait  eu  d'autres  lettres  aussi  adressées  aux  officiers  autrichiens. 
Encore  plus  digne  d'attention  est  le  système  adopté  par  les  Français 
à  Milan  où,  comme  l'on  sait,  on  ouvre  toutes  les  lettres  publiques 
et  particulières  qui  vont  et  viennent  de  l'Etal  vénitien,  quelle  qu'en 
soit  la  destination,  et  l'on  en  arrive  à  prendre  copie  de  certains  plis 
et  à  envoyer  ces  copies  au  général  Bonaparte. 

Ensuite,  sous  prétexte  du  meurtre  d'un  soldat  français  et  de  la 
blessure  d'un  autre,  arrivés  de  nuit,  par  le  fait  d'une  personne 
inconnue  (qui  d'après  certains  indices  pourrait  être  un  Français), 
le  général  .\ugereau  en  est  venu  à  menacer  de  renouveler  à  Vérone 
les  terribles  exemples  donnés  en  certains  autres  lieux  d'Italie,  si 
dans  les  vingt-quatre  heures  les  coupables  n'étaient  pas  découverts 
et  châtiés. 

Les  soldats  français  continuent  à  exiger  des  fournitures  de  vivres 
et  fourrages  partout  où  ils  campent;  pour  beaucoup  d'entre  elles 
il  n'a  pas  même  été  possible  de  se  faire  donner  les  reçus  corres- 
pondants ;  ils  en  sont  arrivés  à  vouloir,  avec  des  manières  impé- 
rieuses et  violentes,  qu'on  leur  livrât  à  titre  de  prestation  8oo  quin- 
taux de  biscuit  existaut  dans  les  dépôts  [lublics  de  Vérone  pour  les 
besoins  de  la  garnison  vénitienne. 

Le  général  Bonaparte,  sans  aucun  respect  pour  le  domaine  d'un 
souverain  am'i  et  neutre,  a  donné  l'ordre  de  démolir  la  Rocca 
d'Anfo,  propriété  de  Vepise,  répondant  aux  vives  objections  du  pro- 
véditeur  extraordinaire  que  cela  était  d'absolue  nécessité  pour  ses 
vues  et  se  bornant  à  promettre  de  faire  ti'ansporter  à  Brescia  les 
canons  vénitiens  qu'on  pourrait  y  trouver. 

Les  violences  et  l'indiscipline  des  soldats  français  sont  arrivées  à 
tel  point  que,  après  avoir  commis  de  très  nombreux  pillages  dans 


A    LA    VEILLE    DES    PAQUES    VÉHONALSES  33 

les  territoires  d'Esté  ot  tle  Montagnana,  ils  se  sont  déchaînés  contre 
un  pauvre  paysan  qui  cherchait  à  soustraire  sa  propre  femme  à 
leur  licence  et,  d'un  coup  de  sabre,  lui  ont  coupé  un  bras;  spectacle 
qui  tua  la  malheureuse  femme,  laquelle  était  dans  un  état  de  gros- 
sesse avancée. 

Continuation  de  la  Speciesfacti  à  toutes  les  cours 
(excepté  Vienne,  Paris  et  Rome).  2j  août. 

A  tout  cela  on  ajoute  que  les  soldats  français  abîment  les  char- 
rettes qui  servent  aux  transports  de  leurs  provisions  et  maltraitent 
continuellement  les  conducteurs  ;  que  pour  la  plupart  sont  coulées 
et  dispersées  les  barques  de  cantines  servant  aux  transports  flu- 
viaux. 

A  Desenzano  les  soldats  français,  l'épée  à  la  main  et  les  canons 
pointés  contre  les  maisons,  ont  saccagé  le  pays  et  ont  pénétré  dans 
la  douane,  faisant  diverses  déprédations.  De  semblables  et  plus 
graves  excès  se  répétèrent  sur  les  deux  versants  des  Monti  Cesini,  aux 
environs  de  Caprino,  sur  les  bords  de  l'Adige,  à  Lubiana.  Ceredelo, 
Albare  di  Bandesana,  jusqu'aux  portes  de  la  ville  de  Vérone;  on  a 
dépouillé  de  leur  avoir  de  pauvres  paysans;  on  n'a  pas  respecté  les 
églises  :  dans  certains  endroits  la  licence  et  l'indiscipline  des 
troupes  sont  allées  si  loin  que  3oo  familles,  dépouillées  de  tous 
leurs  biens,  voyant  leurs  propriétés  saccagées,  quelques-uns  de 
leurs  membres  perdus,  ont  été  forcées  de  s'exiler,  errantes  et  nues, 
dans  les  plus  rudes  montagnes  pour  sauver  une  vie  qu'elles  ne 
savent  plus  comment  alimenter. 

Aux  observations  que  les  commandants  vénitiens  font  aux  géné- 
raux français  on  répond  par  des  promesses  vagues  qu'on  veillera 
au  maintien  de  la  discipline  des  troupes,  par  des  protestations 
d'amitié  pour  la  République  ;  mais  presque  jamais  les  effets  ne 
répondent  h  de  telles  assurances,  comme  il  est  arrivé  dans  la  ville 
de  Nasar,  a  4  milles  seulement  de  Vérone,  oh  sur  des  vives 
réclamations  (motivées  par  la  violence  d'un  corps  de  troupes  fran- 
çaises —  qui  saccageaient  le  pays  avec  tant  de  fureur  qu'un  vieux 
chef  de  famille  se  vit  réduit  à  se  jeter  de  la  fenêtre),  le  général 
français  envoya  un  détachement  de  cavalerie  pour  arrêter  les  cou- 
pables, mais  on  n'a  jamais  vu  leur  punition,  ni  aucune  réparation 
de  ces  dommages. 

REV.    HIST,    DE  LA.  KBVOL.  8 


34       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

A  leur  retour  à  Vérone  ils  y  carrivèrent  de  nuit  et  trouvèrent  la 
porte  San  Zeno  encore  occupée  par  les  Autrichiens.  Eux,  sans  se 
soucier  de  la  délicate  situation  des  Vénitiens,  ne  voulurent  pas 
écouter  le  gouverneur  de  la  place  qui  durant  la  mêlée  était  allé 
avec  leur  propre  commandant  parlementer  avec  eux  ;  sans  consentir 
au  moindre  retard,  ils  fracassèrent,  à  coups  de  canon,  la  porte  elle- 
même,  et  ayant  successivement  placé  de  nombreuses  gardes  aux 
autres  portes  de  la  ville  et  une  forte  garnison  dans  les  deux  forts 
San  Felice  et  San  Pietro,  un  gros  détachement  campa,  drapeaux 
déployés,  sur  la  place  même  de  la  cité  ;  et  les  plus  fermes  protestations 
des  commandants  vénitiens  furent  inutiles. 

Puis,  ne  se  contentant  plus  du  lazaret  qui  leur  avait  servi  d'abord 
pour  recueillir  les  malades,  on  fut  forcé,  sur  la  requête  du  général 
Augereau,  de  leur  céder,  pour  cet  usage,  le  couvent  de  Sainte- 
Euphémie,  en  le  faisant  évacuer  par  les  religieux,  avec  une  très 
grande  inquiétude  des  habitants,  et  ce  n'est  que  par  une  longue  et 
difficile  négociation  qu'on  réussit  à  préserver  l'église  paroissiale 
pour  les  exercices  ordinaires  de  la  religion.  Dans  leur  séjour  dans 
les  forts,  ils  détruisirent  divers  affûts  d'artillerie.  Près  de  Pes- 
chiera,  ils  coupent  les  arbres  et  dévastent  les  campagnes,  et  font  des 
exercices  de  tir  avec  les  canons  de  plus  gros  calibre. 

Enfin,  ils  ont  de  nouveau  demandé  au  gouverneur  de  la  place 
de  Vérone  d'ordonner  aux  gardiens  des  bastions  et  à  ceux  des  divers 
magasins  situés  dans  les  grosses  tours  de  les  ouvrir  pour  qu'il  pût 
commander  l'artillerie  de  la  place  et  la  faire  armer  comme  elle 
était  avant  leur  départ  de  cette  ville.  Mais  jusqu'à  présent  on  a  pu, 
par  le  refus  de  donner  aucun  ordre  et  par  les  plus  rigoureuses 
protestations,  éloigner  l'exécution  de  ce  projet. 

Ils  violent  les  plus  saints  égards  de  neutralité  et  d'hospitalité.  Un 
capitaine  français  a  pris  de  force  k  la  poste  de  Vérone  deux  lettres 
adressées  l'une  au  maréchal  Wurmser,  l'autre  à  un  autre  général 
autrichien,  el  Augereau,  en  réponse  aux  observations  qu'on  lui  en 
fit,  n'eut  pas  honte  de  soutenir  que  la  nécessité  où  le  mettaient  les 
raisons  militaires  de  pénétrer  de  toute  façon  les  projets  de  l'ennemi, 
devait  faire  cesser  tout  étonnement  s'il  prenait,  par  la  suite,  de 
semblables  mesures,  au  cas  où  il  découvrirait  l'existence  de  nou- 
velles lettres  aux  officiers  autrichiens. 

A  Brescia,  pareil  fut  le  procédé  du  général  Bonaparte.  Outre  la 
réquisition  ordinaire  des  subsistances  pour  ses  troupes,  il  a  occupé 


A    LA    VEILLE    DES    PAO I  ES    VÉRONAISES  35 

et  fortifié  le  château;  il  a  disposé  à  son  plaisir  de  l'artillerie  et,  non 
content  des  hôpitaux  préparés  pour  4.000  malades,  il  a  envoyé,  sans 
aucun  avis  préalable,  occuper  par  des  gardes  six  couvents,  avec 
l'intention  d'y  placer  2.000  autres  malades  environ;  en  même  temps 
il  a  ordonné  aux  repré.sentants  de  cette  ville  de  fournir,  dans  les 
vingt-quatre  heures,  le  nombre  exorbitant  de  6.000  chemises, 
3.000  aunes  de  toile,  une  quantité  d'eau-de-vie,  de  vinaigre,  de 
citrons,  de  vin,  voire  de  sucre,  sous  menace,  si  cet  ordre  n'était  pas 
exécuté,  d'infliger  à  la  ville  une  amende  de  trois  millions  et  de 
prendre  de  force  ce  qu'on  ne  lui  fournirait  pas.  On  put  arranger 
l'affaire,  en  préparant  sur-le-champ  trois  de  ces  couvents  et  en 
persuadant  au  général  d'envoyer  deux  mille  de  ces  malades  à 
Crémone. 

Les  Autrichiens  aussi,  quoique  avec  des  manières  plus  modérées, 
violèrent  plusieurs  fois  les  égards  dus  à  la  neutralité  de  la  Répu- 
blique et  commirent  de  graves  excès.  Les  troupes  impériales,  en 
effet,  apparues  à  Bassano,  observèrent  la  plus  louable  discipline  et 
payèrent  comptant  leurs  approvisionnements,  mais  ensuite,  à  mesure 
qu'elles  avancèrent  dans  le  territoire  vicentin  et  s'étendirent  dans 
les  provinces  véronaises  en  plus  grand  nombre,  leurs  commandants 
requirent  de  copieux  approvisionnements  pour  l'armée,  s'engageant 
à  payer  en  argent  seulement  le  prix  des  transports,  se  borucint  à 
laisser  de  simples  reçus  pour  les  autres  denrées,  et  ils  accompa- 
gnèrent cette  requête  de  menaces,  pour  le  cas  où  les  Vénitiens  n'y 
r.''pondraient  pas  promptemeut. 

Etant  entré  dans  Brescia  k  l'impruviste,  un  gros  corps  de  leurs 
troupes  attaqua,  les  armes  k  la  main,  le  peu  de  Français  qui  s'y 
trouvaient,  en  tua  quelques-uns,  fit  les  autres  prisonniers  et,  par 
Ik,  e.xposa  à  de  grands  risques  la  tranquillité  et  la  sûreté  de  ces 
habitants.  Puis,  dans  leur  retraite,  après  la  bataille  de  Valeggio, 
ils  pénétrèrent  de  force  dans  la  place  de  Vérone,  sous  menace  d'en 
aliattre  les  portes,  si  l'on  tendait  le  moins  du  monde  k  les  ouvrir, 
et  ils  les  occupèrent  avec  de  nombreux  postes. 

Les  Français  survinrent  ensuite,  la  nuit  du  8,  h  la  porte  de  San 
Zeno.  L'inopportune  résistance  des  Autrichiens  qui  montrèrent  leur 
dessein  de  résister  dans  ce  poste  provoqua  la  voie  de  fait  chez  les 
Français  qui  abattirent  la  porte  k  coups  de  canon,  excitant  les  plus 
vives  inquiétudes  et  exposant  au.x  plus  graves  périls  cette  innocente 
et  nombreuse  population. 


36       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET  DE    l'eMPIRE 

Les  soldats  autrichiens  ne  s'abstinrent  pas  des  violences  et  des 
excès;  ils  mirent  à  sac  tout  le  pays  de  Villanuova,  beaucoup  de 
logements  de  Salo,  tuèrent  cinq  de  ces  malheureux  habitants, 
dépouillèrent  le  comte  Bettoni  de  son  argent  et  de  ses  autres  effets, 
volèrent  la  maison  du  vicaire  et  brisèrent  les  vitres  du  palais  de  la 
magistrature.  Dans  la  ville  de  Fontaniva  (territoire  vicentin),  une 
troupe  de  hulans  commit  des  excès  dans  la  maison  d'un  pauvre 
paysan. 

A  Castello  Veneto  délia  Scala,  voisin  de  la  frontière  vénitienne, 
où  se  trouve  campé  un  grand  corps  autrichien,  les  soldats  ont,  géné- 
ralement, gâté  les  foins,  coupé  les  arbres,  les  vignes,  le  maïs  avant 
maturité  et,  vagabondant  dans  les  maisons,  les  terres  et  les  rues, 
ont  volé  et  saccagé  partout,  et  jusqu'à  la  maison  du  capitaine  de  ce 
fort.  Ayant  ensuite  envoyé  des  divisions  de  leurs  troupes  a  Bassano, 
Trévise  et  dans  quoique  autre  lieu  de  l'Etat  vénitien,  ils  continuèrent 
à  requérir  des  provisions  de  pain,  avoine  et  foin,  moyennant  la 
simple  remise  des  reçus  correspondants. 

De  plus,  une  division  de  leurs  troupes  d'environ  900  hommes 
entre  cavaliers  et  fantassins  qui,  de  Bassano,  s'est  acheminée  vers 
la  Pontebba,  non  contente  d'exiger  les  mêmes  fournitures  à  Cone- 
gliano  pendant  cinq  jours,  —  tout  en  ne  s'y  arrêtant  que  trois,  — 
essaya  d'obtenir  une  prestation  en  argent,  d'abord  i.ooo  florins, 
puis  5oo,  le  commandant  prétextant  devoir  employer  cet  argent  à 
payer  la  solde  de  ses  hommes  ;  requête  qui  fut  ensuite  renouvelée 
en  s'adressant  à  la  personne  destinée  par  le  gouvernement  vénitien 
à  veiller  à  ce  que  ces  troupes,  aux  étapes  de  leur  voyage,  pussent 
retrouver  les  subsistances  nécessaires,  requête  à  laquelle  ladite  per- 
sonne put  se  soustraire.  Mais  elle  ne  put  refuser  d'accorder  une 
voiture  au  commandant  qui  précédait  cette  troupe,  contre  la  simple 
remise  d'un  reçu  à  faire  acquitter  en  temps  et  lieu.  Finalement,  le 
général  autrichien  qui  conduisait  ces  troupes  insista  de  telle  sorte 
près  le  capitaine  de  juridiction  de  Venzone  qu'il  le  persuada  de  lui 
accorder  un  prêt  de  Goo  florins,  mais  en  forme  absolument  privée. 

2-]  août  fjgli.  Continuation  de  la  Species  facti.  A    Vienne. 

La  résidence  d'une  partie  des  troupes  autrichiennes  continuant 
dans  l'EUit  vénitien,  les  dommages  et  inconvénients  ne  cessent  pas 
de  leur  part  pour  ces  populations. 


A    LA    VEILLE    DES    PAQUES    VIÎRONAISES  87 

Cette  troupe  indocile  menace  de  couper  les  arbres  des  campagnes 
et  de  commettre  d'autres  excès  si  on  tarde  à  lui  fournir  le  bois  ou 
toute  autre  denrée  qu'elle  réclame. 

//  septembre  fj'jô-  Species  Jacli.  Circulaire. 
Excepté  Paris,  Rome  et    Vienne. 

La  marche  des  troupes  françaises  du  Tyrol  par  Bassano,  Padoiie, 
Vienne  et  Legnago  fut  une  continuelle  série  de  violences  et  d'excès 
aux  dépens  des  sujets  vénitiens. 

En  s'acheminant  vers  l'Etat  vénitien  par  le  canal  de  Brento,  non 
seulement  ils  dépouillèrent  de  tout  l'officier  vénitien  résidant  à  la 
Scala,  menaçant  de  le  tuer  s'il  s'opposait  au  pillage  de  ses  propres 
biens;  ils  désolèrent  tellement,  par  leurs  vols  et  leurs  ravages,  les 
communes  de  Primolano,  Asmons,  San  Nazaro,  Sologna,  Pore, 
Valstagne,  etc.,  et  tous  les  autres  lieux  de  ces  districts  que  ces  mi- 
sérables paysans,  réduits  au  désespoir  après  avoir  vu  attaquer  leurs 
habitations,  prendre  leurs  effets  et  la  soie  qu'ils  travaillaient  à  do- 
micile, dépouiller  les  églises  des  vases  sacrés  et  des  ornements 
ecclésiastiques,  leurs  familles  des  objets  de  première  nécessité, 
furent  contraints  de  so  cacher  avec  femmes  et  enfants  dans  les 
rochers  dos  montagnes  voisines  pour  sauver  au  moins  leur  vie. 

Arrivés  à  Bassano,  quoique  Bonaparte  y  ait  été  reçu  avec  de 
telles  démonstrations  d'amitié  et  un  si  bon  accueil  qu'ils  l'obligè- 
rent à  déclarer  par  écrit  de  n'avoir,  dans  aucune  autre  ville  de 
l'État  vénitien,  trouvé  autant  d'hospitalité  et  de  courtoisie,  ces 
mêmes  hôtes  et  toutes  les  autres  espèces  de  revendeurs  et  de  bouti- 
quiers furent  forcés  de  tenir  leurs  boutiques  fermées  pour  se  sous- 
traire au  pillage,  car  aucun  procédé  public  ou  privé  ne  réussit  à  les 
modérer.  Il  fallut  même  suspendre  les  cérémonies  du  culte  dans  les 
églises  pour  y  placer  leurs  blessés,  car  ils  ne  voulurent  pas  se 
contenter  d'aucun  autre  arrangement  ni  permettre  que  leurs  blessés 
fussent  transportés  ailleurs. 

L'armée  se  divisa  :  une  partie  marcha  sur  Padoue,  dévastant  et 
saccageant  presque  toutes  les  maisons  qui  existent  le  long  de  cette 
route.  Arrivé  à  cette  ville,  Augereau,  qui  commandait  ce  corps, 
irrité  qu'à  la  première  apparition  de  ses  éclaireurs  non  encore  bien 
connus  on  eût  formé  les  portos,  en  fit  de  très  vives  remontrances 
au  représentant,  ajoutant  qu'il  voyait  là   un  dernier  signe  de  la 


38       REVUE   HISTORIQUE    DE    LA.    RÉVOLUTION    FRANÇAISE   ET   DE    l'eMPIRE 

mauvaise  disposition  du  gouvernement  vénitien  envers  la  Répu- 
blique française,  et  que  s'il  avait  eu  ses  canons  il  aurait  renouvelé 
l'exemple  donné  à  Vérone. 

Pendant  que,  dans  les  faubourgs  voisins  de  la  ville,  ses  soldats 
continuaient  les  rapines  et  les  violences  et  que  dans  la  ville  même 
il  était  nécessaire  de  fermer  en  hâte  la  porte  de  l'église  de  S.  Clé- 
ment pour  en  empêcher  la  profanation  dont  un  corps  de  Français 
la  menaçait  déjà,  le  même  général  voulut  qu'on  ordonnât  à  tous 
les  sujets  de  consigner  tous  les  chevaux,  vivres,  armes,  équipages 
qui  avaient  été  dérobés,  acquis  ou  de  quelque  autre  manière  reçus 
des  Autrichiens  ;  il  appuya  cette  demande  de  l'ultimatum  de  faire 
visiter  militairement  les  maisons  des  habitants  ;  il  montra  qu'il  fai- 
sait une  grande  concession  en  abandonnant  la  prétention  de  se 
faire  indiquer  par  le  représentant  les  magasins  et  effets  autrichiens 
qui  avaient  existé  à  Padoue  et,  loin  de  faire  restituer  aux  habitants 
les  biens  volés,  comme  il  l'avait  promis,  il  toléra  que  ses  soldats 
les  vendissent  publiquement. 

Et,  autant  qu'on  a  pu  le  constater,  la  tenue  de  ces  troupes  a  été 
semblable  sur  le  reste  de  la  route  jusqu'à  Montagnana  oîi,  après 
avoir,  le  soir,  vendu  les  effets  enlevés  à  un  petit  corps  d'Autrichiens 
faits  prisonniers,  le  lendemain  matin  on  exigea  que  les  acheteurs 
fussent  obligés  de  restituer  à  l'îirmée  les  chevaux  achetés  par  eux. 

De  même,  l'autre  partie  de  l'armée  qui  s'avança  par  Vicence 
suivit  le  même  système,  désola  les  villages  de  Angarano,  Nove, 
Longa  et  autres  voisins  avec  une  telle  fureur  que  jusqu'à  Marostica 
on  entendait  les  cris  des  malheureux  habitants  dépouillés  de  tous 
leurs  biens,  et  des  femmes  à  qui  l'on  arrachait  des  oreilles  et  du 
cou  les  ornements  de  quelque  valeur,  et  les  coups  de  fusil  conti- 
nuels tirés  à  ceux  qui  manifestaient  quelque  indignation  ou 
essayaient  de  sauver  leurs  femmes  et  leurs  filles  de  la  licence  de  la 
soldatesque. 

A  Allavilla,  les  excès  allèrent  à  un  tel  point  qu'il  fallut  beaucoup 
d'habileté  pour  tranquilliser  ces  paysans  qui  s'étaient  réunis  en 
tumulte  pour  prendre  les  armes,  bien  qu'ils  fussent  sûrs  d'être  com- 
plètement exterminés. 

Entre  temps,  à  Vicence,  le  général  Bonaparte  menaçait  de  faire 
faire  des  visites  militaires  pour  reconnaître  les  magasins  autrichiens 
et  s'en  emparer,  et  ce  fut  une  grande  chance  de  réussir  à  le  persua- 
der que  l'armée  impériale,  n'ayant  fait  qu'y  passer,  ne  pouvait  y 


A    LA    VEILLE    DES    PAQUES    VÉRONAISES  3() 

avoir  do  magasins.  Dans  cos  environs,  la  licence  militaire  alla  si 
loin  que  quelques  soldats  français  ayant  été  surpris  par  une 
patrouille  militaire  vénitienne  tandis  qu'ils  pillaient  une  misérable 
chaumière  de  paysans,  osèrent  faire  feu  contre  elle.  Excès  qui  fut 
reconnu  par  le  propre  aide  de  camp  du  général  Masséna,  lequel 
demanda  qu'on  mît  en  prison  trois  de  ces  soldats  heureusement 
arrêtés  par  la  patrouille  et  promit  de  faire  lui-même  un  rapport  au 
général. 

Quelques  partis  de  Français,  après  avoir  vaincu  les  Autrichiens 
en  Tyrol,  s'étant  dispersés  sur  les  territoires  vénitiens  voisins 
d'Asolo  et  de  Feltre,  y  volèrent  aux  habitants  leurs  chevaux,  leurs 
montres,  tous  leurs  objets  précieux.  Sur  le  pays  de  Feltre  surtout, 
quiconque  vint  à  pa.sser  sur  la  route  qu'ils  parcouraient  fut  dérobé 
£t  dépouillé  sous  prétexte  que  tout  appartenait  à  l'Autriche,  malheur 
auquel  ne  purent  même  pas  se  soustraire  quelques  voyageurs  passés 
par  la  ville  d'Arsié,  où  les  Français  entrèrent  dans  les  maisons, 
prirent  aux  femmes  leurs  ornements  de  quelque  valeur,  leur  argent, 
leurs  effets  et  leurs  comestibles.  Une  vingtaine  pénétrèrent  dans  la 
ville  de  Feltre  où,  après  avoir  bu  et  mangé  sans  payer  personne,  ils 
commirent  diverses  violences  et  rapines,  et  laissèrent  même  un 
pauvre  paysan  mortellement  blessé. 

Au  retour,  comme  le  lendemain  était  jour  de  foire  dans  la  ville 
de  Fonsaro,  ils  dépouillèrent  tous  ceux  qu'ils  rencontrèrent  de  leurs 
effets,  de  leur  argeni,  des  marchandises  qu'ils  transportaient. 

Partout  fut  pareille  la  conduite  arbitraire  des  Français,  offensant 
les  plus  saints  devoirs  de  souveraineté  et  de  domaine  territorial.  A 
Orzinuovi,  un  officier  français  demanda  au  provéditeur  vénitien  de 
faire  armer  cette  forteresse  avec  l'artillerie  qui  s'y  trouvait,  puis  de 
lui  laisser  emporter  cette  artillerie  pour  fortifier  le  camp  français 
voisin  à  Soncino.  Et  sur  son  juste  refus  d'obéir  à  pareille  requête,  il 
partit,  menaçant  de  revenir  sous  peu  avec  une  force  suffisante  pour 
vaincre  cette  résistance. 

Le  château  de  Poutevico  a  été  occupé  par  loo  hommes  de  la  ligne 
et  4o  canonniers  qui  y  ont  commencé  certains  travaux  sur  les  forti- 
fications et,  ayant  occupé  la  forteresse  de  Legnago  malgré  les  plus 
vives  remontrances  de  ce  provéditeur,  ils  se  sont  emparés  de  toute 
l'artillerie  et  des  munitions  qui  s'y  trouvaient.  Finalement,  dans  la 
ville  même  de  Brescia,  les  Français  ayant  reconnu  à  la  douane 
l'existence  de  nombreux  colis  qui  constituaient  la  pharmacie  autri- 


IfO       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIHE 

chienne,  le  général  Soret  a  envoyé  un  officier  et  une  escorte  mili- 
taire pour  les  emporter  et  a  répondu  aux  protestations  que  c'était 
en  représailles  pour  les  effets  enlevés  par  les  Autiichiens  aux  Fran- 
çais dans  la  surprise  de  cette  ville. 

La  marche  de  ces  troupes  n'a  pas  été  moins  lourde  aux  sujets 
vénitiens  à  cause  des  très  nombreuses  prestations  qu'ils  ont  dû 
fournir.  A  Bassano,  on  a  exigé  qu'on  apportât  dans  l'espace  d'un 
jour  la  quantité  de  vin,  de  pain,  de  bœufs,  de  foin,  d'eau-de-vie  et 
d'avoine  nécessaire  pour  toute  l'armée,  et  instantanément  vingt 
charrettes  et  i4o  bœufs  d'attelage  pour  transporter  le  butin  pris  sur 
l'ennemi. 

Presque  [dus  grave  encore  fut  pour  cette  ville  et  son  territoire  la 
nécessité  d'avoir  a  faire  transporter  vers  Legnago  les  bagages  et 
Ils  prises  que  l'armée  française  avait  laissés  en  arrière  dans  sa 
marche,  car  comme  il  fallait  pour  cela  5oo  paires  de  bœufs,  la  ville 
ayant  employé  tous  les  siens  fut  contrainte  de  recourir  aux  pays 
voisins  de  Marostica,  Asolo,  Gettadella  et  Gastelfranco  et  tandis 
qu'on  espérait  qu'en  raison  des  engagements  pris  cette  charge  dût 
s'arrêter  à  Vicenza.  Ces  malheureux  paysans  furent  contraints  à 
avancer  jusque  sur  le  pays  de  Vérone  où,  arrivés  dans  le  voisinage 
du  fait  d'armes  qui  a  eu  lieu  là,  35  charrettes  durent  être  abandon- 
nées par  leurs  conducteurs  pour  sauver  leurs  vies. 

A  Padoue,  pendant  leur  court  séjour  de  vingt-quatre  heures, 
après  avoir,  le  matin,  obtenu  les  approvisionnements  nécessaires 
pour  le  corps  de  12.000  hommes  qui  y  campait,  ils  redemandèrent 
ensuite  la  fourniture  d'une  énorme  quantité  de  pain  dans  les  deux 
heures,  pour  laquelle,  outre  le  travail  extraordinaire  de  tous  les  bou- 
langers, il  fallut  recueillir  aussi  le  pain  des  monastères  et  des  cou- 
vents ;  finalement  le  soir,  au  moment  de  partir,  ils  réclamèrent  du 
pain,  du  vin,  de  l'eau-de-vie,  des  sacs  et  des  chars  pour  le  trans- 
port des  bagages,  et  tandis  qu'ils  exigeaient  de  la  ville  1 2.000  rations 
de  viande,  les  soldats  cherchaient  k  vendre  20  bœufs  volés  aux  .\utri- 
chiens. 

Là  aussi  man(iuent  beaucoup  des  bœufs  qu'on  a  dû  réunir  d'Esté, 
Monselice,  Montagnana,  pour  transporter  les  bagages  de  l'armée 
française  en  marche  vers  Legnago  ;  les  conducteurs  ont  abandonné 
leurs  bètes  pour  se  soustraire  aux  violences  des  soldats  français; 
or,  ils  ont  été  contraints,  k  leur  grand  dommage  et  péril,  de  conti- 
nuer leur  voyage.  Incessamment  continuent  des  passages  de  petits 


A    LA    VEILLE    DES    PAQUES    VÉRONALSES  4' 

corps  lesquels  pèsent  par  leurs  violences  et  l'entretien  qu'ils  exigent 
de  vivres,  logement  et  toutes  autres  choses. 

A  Vicence,  outre  la  presque  instantanée  requête  des  vivres  faite 
par  l'armée  que  le  magistrat  ne  put  réunir  qu'en  se  servant  des 
charrettes  et  chevaux  de  toutes  les  familles  nobles  de  la  ville,  en 
commençant  par  les  siens,  on  demande  aussi  4.ooo  paires  de  bottes, 
demande  à  laquelle  il  fut  impossible  de  satisfaire  entièrement. 

Ensuite,  étant  arrivés  là,  les  prisonniers  et  blessés  autrichiens 
qui  descendaient  du  Tyrol  et  à  l'entretien  desquels  il  semblait, 
d'après  les  avis  des  généraux  français,  qu'on  devait  subvenir  en 
argeat,  l'officier  directeur  refusa  de  faire  aucun  compte,  sous  pré- 
texte que  le  mot  (Vargent  comptant  n'était  pas  textuellement 
employé  dans  les  papiers  de  ses  généraux  ;  il  fallut  fournir  pour 
leur  transport  120  charrettes,  préparer  un  logement  à  Montebello 
pour  les  blessés  eux-mêmes,  et  ensuite  tirer  de  la  ville  et  des  envi- 
rons un  nombre  analogue  de  chevaux  pour  changer  les  bœufs  qui 
n'auraient  pu  résister  au  long  voyage  de  Vicence  à  Vérone. 

Dans  les  pays  d'Esté  et  Montagnana  enfin,  il  a  fallu  pourvoir 
le  corps  commandé  par  Augereau  pendaiit  son  séjour;  il  a  fallu 
fournir  chaque  jour  10.000  rations  de  pain,  6.000  de  viande, 
6  barriques  de  vin,  jusqu'à  disposition  nouvelle  des  généraux  fran- 
çais. Et  les  charges  supplémentaires  imposées  par  l'armée  fran- 
çaise aux  diverses  provinces  vénitiennes  n'ont  pas  soulagé  celle  de 
Vérone  de  celles  qui  la  désolaient.  La  ville  de  Vérone  est  surchar- 
gée de  requêtes  toujours  croissantes  pour  l'entretien  de  3. 000  per- 
sonnes qui  composent  les  diverses  administrations  de  toutes  leurs 
armées,  de  très  nombreux  blessés  qui  remplissent  les  hôpitaux  de 
Sainte-Euphémie  et  du  Lazaret  et  d'un  nombre  immense  de  prison- 
niers autrichiens  incarcérés  dans  les  couvenis,  et  la  partie  des 
troupes  qui  est  restée  sur  le  territoire  continue,  après  avoir 
dépouillé  de  tout  les  habitants  des  villages,  à  exiger  sa  subsistance. 


LA  MONTANSIER 

FONDATRICE  ET  DIRECTRICE  DE  THÉÂTRES 
SOUS  L'ANCIEN  RÉGIME  ET  PENDANT  LA  RÉVOLUTION 


«  Une  histoire  vraie  de  M"^  Montaiisier,  dit  M.  Maurice 
Tourneux,  est  encore  à  écrire  ^  »  En  effet,  la  petite  histoire, 
qui  coule  à  ph?ins  bords,  fourmille  d'erreurs  à  son  propos. 
Parmi  ces  erreurs,  il  y  a  des  infamies  qui  ne  comptent  pas, 
vu  leur  source  anonyme  et  impure.  Il  y  a  aussi  des  absurdités. 
Quelques  notes  critiques,  quelques  indications  nouvelles  ne 
seront  pas  inutiles  au  futur  historien  de  la  Montansier,  s'il 
se  révèle  un  jour. 

Març)uerile  Brunet  naquit  à  Bayonnc  el  y  fut  baptisée  le 
19  décembre  1780.  Elle  était  fille  d'un  fabricant  d'éj)ingles, 
Joseph  Brunet,  qu'elle  perdit  à  l'âge  de  cinq  ans  (d'après 
\ Inventaire  après  décès  de  la  Montansier,  étude  Lardy).  On 
peut  supposeï'  qu'elle  fut  privée  aussi  de  bonne  heure  des 
soins  maternels,  s'il  est  vrai,  comme  le  mentionne  V Annuaire 
dramatique'-  de  182 1,  ([u'ellc  ait  été  élevée  aux  Ursulines  de 

1.  Bibliogiaphie  de  l'Histoire  de  Paris,  t.  IV  (1906),  p.  486,  article  Montansier 
(Manjuerile  lîrunet,  dite),  ad  finem. 

2.  Par  Armand  Raguexeau  el  Audiffret,  in-Sa,  171  el  18'  années,  p.  383.  Bib. 
nal.  Inv.  Yf.  1857.  —  M.  L.-Henry  Lecomte,  auleiir  de  Lu  Montansier,  ses 
aventures,  ses  entreprises  (Paris,  igoS,  in-16  de  a86  p.),  indique  à  lorl  le 
seizième  volume  de  VAnnuaire.  Il  ne  semble  pas,  bien  qu'il  la  crilique,  avoir  lu 
atlciUivcmenl  cette  nécroloyie  de  i5  pages.  —  Jadin,  dans  la  Biographie  Didot, 
en  extrait  l'essentiel  ;  mais  Jadin  cite  de  confiance  VAnnuaire  nécrologique  de 
Muhul,  qui,  vérification  faite,  ne  contient  pas  un  mot  sur  la  Montansier.  —  Rabbe, 
il  (juelqucs  détails  près,  résume  l'Annuaire,  et  relève  les  erreurs  de  la  Biographie 
Michaud. 


LA    MONTANSIKK  4^ 

Bordeaux.  Il  ne  faudrait  pas  jiujer  de  son  instruction  par  les 
l'aulaisies  —  plus  sinçiulières  d'ailleurs  qu'ininlelliyentes  — 
de  son  orthographe  :  en  général,  dans  ses  lettres,  elle  s'ex- 
prime avec  force  et  clarté.  Elle  sortit  des  Ursulines,  dit 
V Annuaire,  pour  aller  en  Amérique  :  «  ici,  on  la  perd  de  vue 
pendant  longtemps  :  il  paraît  (|u'elle  y  resta  quelques 
aimées.  »  Le  chroniqueur,  (|ui  est  un  liouime  discret,  officieux, 
et  presque  officiel ',  jette  un  voile  sur  la  jeunesse  galante  de 
son  héroïne.  Le  plus  probable  est  que,  de  Bordeaux,  elle  vint 
à  Paris  habiter  chez  une  tante  par  alliance,  marchande  de 
modes  rue  Saint-Roch,  n"  12,  M'"'=  Montansier.  On  lui  donna 
le  nom  de  cette  seconde  mère  ;  et,  si  elle  le  garda,  c'est  peut- 
être  parce  qu'il  sonnait  mieux,  mais  c'est  peut-être  aussi  par 
reconnaissance.  Elle  l'écrivait  tantôt  Montansier,  tantôt  Mon- 
tencier,  etc.  Elle  reprend  d'ailleurs,  dans  les  affaires,  le  nom 
de  Brunet,  et  finit  par  s'appeler  «  Brunet-Montansier  ».  Dans 
quelques  lettres,  sous  l'ancien  régime,  elle  signe  carrément  : 
«  De  Montansier  >>.  On  voit  qu'elle  n'était  pas  fixée. 

Un  rapport  de  l'observateur  de  police  Meunier  (24  sept. 
lyoO)  exhumé  des  papiers  de  l'Arsenal  par  M.  G.  Lenôtre^, 
dit  qu'elle  était  connue  à  Paris  dès  1748,  donc  à  l'âge  de 
dix-huit  ans.  Quant  au  voj'age  d'Améri(pie,  c'est  un  conseiller 
à  la  troisième  chambre  des  enquêtes,  Burson,  qui,  nommé 
intendant  de  la  Martinique  (1749),  l'aurait  emmenée  avec  lui, 
et  établie  marchande  de  modes  à   Saint-Domingue^.  On   la 


1.  L'Annuaire  dramatique  était,  sjiis  Louis  XVIII,  «  seul  autorisé  par  l'iiilen- 
dant  des  Menus-plaisirs  '. 

2.  Paris  révolutionnaire.  Vieil/es  maisons,  inea.c  papiers,  a"=  série,  Paris  (Per- 
riii),  1903,  p.  233. 

3.  On  verra  plus  loin  ses  rapports  suivis  av^c  Paul-Ulric  Duhuisson,  un  «  colo- 
nial »  du  temps,  qui  avait  fait  une  petite  fortune  »  aux  Iles  ».  Il  est  incidemment 
question  d'un  autre  colonial,  le  «  chevalier  »  Duplessis,  dans  son  interrogatoire 
devant  la  commune  de  Paris.  —  D'après  M.  le  vicomte  de  Reiset  (ie  Carnet, 
190A,  p-  20),  elle  se  serait  enfuie,  à  quatorze  ans,  de  la  maison  des  Ursulines 
pour  s'engager  dans  une  troupe  de  comédiens,  à  Bordeaux,  et  suivre,  en  Amé- 
rique, un  beau  comédien  qui  l'avait  séduite.  Point  de  preuve.  Le  même  article 
affirme  d'ailleurs  que  son  père  avait  '•  un  petit-  emploi  dans  la  marine  o  (or  il 
était  mort);  qu'elle  obtint  de  débuter  à  la  Comédie  Française;  que  son  protecteur, 
Sainl-Conlv,   était    «    puissamment   apparenté    »  ;    que    Duhem    l'aurait    dénoncée 


44       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

revoit  à  Paris  cinq  ans  après,  en  assez  bel  équipage,  dont 
deux  nègres.  Mais  elle  loge  au  troisième,  rue  Saint-Honoré, 
«chez  le  charcutier  (|ui  fait  le  coin  de  la  rueNeuve-du-Luxem- 
bourg  ».  On  la  disait  Provençale  (à  cause  de  son  accent 
gascon  et  de  son  type  méridional)  —  et  fille  d'un  avocat 
(origine  plus  reluisante  qu'un  épinglier).  Elle  donne  à  souper, 
lient  un  salon  de  jeu  à  l'usage  des  désœuvrés  de  la  noblesse  : 
«  sa  partie  »,  au  dire  de  la  charcutière,  comprend  MM.  d'Es- 
parbès,  de  Souvré,  de  Jonzac,  de  Bezons,  de  Seignelay,  de 
Ximenès,  de  Villegagnon,  de  Puységur,  de  Viarme,  le  duc  de 
la  Trémoille,  Thiroux  de  Montregard,  etc.  Elle  vit  de  ces 
belles  relations  —  plus  ou  moins  authentiques,  —  et  de  la 
cagnolle,  mais  elle  ne  thésaurise  pas. 

On  ne  sait  pas  au  juste  quand  lui  vint  le  goût  du  théâtre  : 
probablement  avant  son  retour  à  Paris.  L'Annuaire  cité  dit 
qu'elle  joua  Nanine  '  en  province,  et  que,  sans  son  accent, 
elle  aurait  débuté  aux  Français.  En  tout  cas,  elle  ne  paraît 
s'être  distinguée  dans  aucun  rôle,  pas  même  dans  celui  de 
la  fausse  Gasconne  de  M.  de  Pitiireeauynac  -.  Il  est  possible 
que,  dans  l'administration  théâtrale,  elle  ait  débuté  par 
Nantes.  Elle  approchait  de  la  quarantaine  lorsqu'elle  fit 
connaissance  d'un  M.  de  Saint-Conty  —  d'autres  écrivent 
Saint-Contest  ^  —  i|ui  «  l'aida  de  tous  ses  moyens  »  à  prendre 
la  direction  du  petit  théâtre  de  la  rue  Satory.  à  Versailles 
(17C8).  Ue  là  sortirent  M"^  Saint-Aubin,  alors  très  jeune, 
(irammont,  Amiel,  Fleury  :  celui-ci,  dans  les  Mémoires 
(ju'on  lui  attribue,  n'a  que  des  éloges  pour  la  Montansier, 
non  sans  quelques  anecdotes  devenues  légendaires.  Le  succès 
de  cette  première   entreprise  stimula  son  ambition.  Dès   le 


comme  n  amie  .des  arislocratcs  »  (or  Duhem  fit  juste  le  contraire);   enfin   qu'elle 
se  serai!  remariée  «  serrfetemeut  1,  octogénaire,  au  petit  dansem"  Forioso,  etc. 
I.  llicn  d'in^Taisemblable,  Nanine  avant  été  jouée,  à  Paris,  on  1749- 
a.  Annuaire,   p.   384,  "■    >■  —  M-  de   Reisel  la  donne   donc  à  tort  comme  une 
o  célèbre  comédienne  t  (^loc.  cit.,  p.  a3). 

.■?.  Il  y  a  une  famille  normande,  les  Ballerie  de  Saint-Contest,  sur  laquelle  on 
trouvera  des  détails  dans  le  Dictionnaire  de  La  Ghesnaye  de  Desbois.  Il  n'y  a  pas 
de  Sainr-Gonty  :  mais  ce  nom  peut  bien  être  un  nom  de  guerre  ou  de  théâtre. 


LA    MONTANSIER  ^5 

temps  de  la  Du  Barry,  elle  se  poussa  en  cour  par  le  moyen 
classique  des  gentilshommes  de  la  Chambre.  Peut-être  aussi 
amusa-t-elle  Marie-Antoinette  en  rupture  d'étiquette.  Quoi 
([u'il  en  soit,  elle  acquit  à  bon  compte'  un  terrain  donnant 
sur  le  parc  pour  y  construire  le  grand  théâtre  de  la  rue  des 
Réservoirs,  de  concert  avec  Saint-Gonty.  Celui-ci  mourut  à 
trente-deux  ans,  et  elle  demeura  seule  propriétaire. 

Le  privilège  royal  du  19  mai  1777,  enregistré  en  Parlement, 
lui  accordait  pour  vingt  ans  la  régie  et  la  direction  des 
théâtres  de  Versailles,  Fontainebleau,  Saint-Cloud,  Marlv, 
Compiègne,  Haute  et  Basse-Normandie,  «  et  autres  villes  ». 
Elle  était  officiellement  chargée  d'organiser  les  spectacles  à 
la  suite  de  la  Cour.  Ne  pouvant  suffire  à  la  tâche,  le  26  juillet 
1779,  elle  fut  amenée  à  contracter  une  société  avec  un  mau- 
vais acteur  dont  elle  s'était  engouée  et  qu'elle  devait  épouser 
vingt  ans  après.  Honoré  Bourdon,  dit  De  Neuville^.  Il  était 
bien  bâti,  et  portait  beau,  bien  qu'il  fût  un  peu  voûté ^.  Elle 
s'en  montra  jalouse,  ce  qui  semble  impliquer,  vers  la  cinquan- 
taine, quelque  fidélité.  Elle  crut  le  tenir  par  l'intérêt.  Dans 
les  saisons  ou  représentations  de  province  qu'il  avait  à  gérer, 
elle  fermait  les  yeux  sur  le  produit  des  recettes;  mais  si  elle 
apprenait  quelque  chose,  elle  faisait  valoir  énergiquement  ses 
droits.  Cependant,  ils  paraissent  avoir  été  douteux  quant  au 
théâtre  de  Rouen,  dont  M.  C.  Hippeau  a  raconté  les  vicis- 
situdes^. Neuville  l'emporta  une  première  fois,  et  définitive- 
ment (nous  le  verrons)  douze  ans  après. 

Dans  l'intervalle,  la  Montansier  eut  assez  de  bonté  et  d'in- 

I.  Le  terrain  coula  3.333  livres  6  sous  6  deniers,  d'après  \' Inventaire  de  l'étude 
Lardy.  —  Il  appartenait  à  Thiery,  valet  de  chambre  du  roi. 

a.  Elle  écrit  souvent  :  «  Nœuville  »  ;  peu  importe  puisque  c'est  un  nom  de  fan- 
taisie. Il  était  né  à  Onde-Fontaine,  près  Caen,  le  3i  mai  1736.  Elle  était  donc 
son  aînée  de  six  ans. 

3.  Correspondance  littéraire,  éd.  Tourneux,  t.  VIII,  p.  24. 

4.  D'après  M.  C.  Hippeau,  le  privilège  des  théâtres  des  généralités  de  Rouen 
Caen,  Alençon,  obtenu  par  l'entremise  du  duc  d'Harcourt,  gouverneur  de  la  Nor- 
mandie et  de  M.  Campan,  secrétaire  du  cabinet  de  la  Reine,  ne  nommait  que  Neu- 
ville. La  Montansier  explique  la  chose  autrement  dans  une  lettre  du  la  juin  1779 
au  duc  d'Harcourt,  citée  par  M.  C.  Hippeau  lui-même,  Le  Comédien  De  Neuville, 
Rouen,  1862,  in-S".  Bil).  nal.  Ln-'  i5i53,  pièce. 


40       REVUE   HISTORIQUE   DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE   l'eMPIRE 

fluence  pour  le  sauver  à  deuLX  reprises  des  mains  de  la  jus- 
tice :  la  première  fois,  à  l'occasion  d'un  coup  d'épée  qu'elle 
en  avait  reçu  au  bras,  à  Versailles,  un  soir  qu'elle  était  venue 
le  surprendre  en  conversation  amoureuse  et  avait  essayé  de 
forcer  sa  porte  (r6  décembre  1781);  la  seconde  fois,  à  Rouen, 
à  propos  d'un  coup  de  couteau  dont  il  avait  blessé  griève- 
ment, chez  lui,  un  garçon  coiffeur  (i5  mars  1782).  Cette  fois, 
les  perruquiers  de  la  ville  s'étant  ameutés,  il  fallut  que 
iVeuville  se  cachât  et  s'enfuît  :  il  obtint,  en  1784,  des  lettres 
d'abolition*.  Dans  cette  Cour  dissolue,  où  elle  tenait  sans 
doute  le  fil  de  maintes  intrigues  galantes,  la  Montansier  était 
donc  une  puissance-.  Sa  troupe,  où  figurèrent  Crétu,  iM"'JoIy, 
M"'  Lillié  «  le  rossignol  »,  et  M"^  Mars,  enfant,  rayonnait  sur 
la  Normandie,  et  aussi,  d'après  VAnnuaire,  sur  les  villes  de 
la  Loire,  Orléans,  Tours,  Angers,  où  elle  envoyait,  de  temps 
à  autre,  un  ou  deux  de  ses  meilleurs  sujets.  Elle  résolut  de 
faire  la  conquête  de  Paris,  et  même  du  royaume  :  et  cette 
ambition  n'était  pas  déraisonnable,  si  l'on  tient  compte  des 
précédents. 

*  * 

Le  premier  privilège  théâtral  accordé  en  France,  dont  on 
connaisse  le  texte,  avait  été  signé  par  Louis  XIV,  contresigné 
par  Colbert,  le  28  juin  1669,  en  faveur  du  poète  Pierre  Perrin  : 
«  Nous  avons  audit  sieur  Perrin,  disaient  les  lettres  patentes, 
accordé  et  octroyé,  accordons  et  octroyons...  la  permission 
d'establir  en  nostre  bonne  ville  de  Paris  et  autres  de  notre 
royaume,  des  académies  composées  de  tel  nombre  et  qualité 
de  personnes  qu'il  avisera,  pour  représenter  et  chanter  en 
public  des  opéra  et  représentations  en  musique  en  vers  fran- 
çois,   pareilles  et  semblables  à   celles  d'Italie.   »    Dès   1672, 

1.  En  1786,  il  haliile  au  Palais-Royal,  n»  112,  puis  n"  10.'),  comme  en  témoignent 
trois  procès-verbaux  de  police  où  figurent  son  nom  et  ses  adresses  (Arch.  nat. 
Y  i568o  et  i568i).  Le  premier  (i5  fév.  1786)  fui  rédigé  sur  les  plaintes  d'un  tail- 
leur, son  créancier,  qu'il  avait,  au  lieu  de  le  payer,  saisi  aux  cheveux,  terrassé,  et 
blessé  à  la  main  et  au  poignet  (Communication  de  M.  René  Farges). 

2.  Voir  l'excellente  monographie  de  M.  P.  Fhomageot,  Le  Théâtre  de  Versailles 
et  ta  Muntansier.  Versailles,  igoô,  iu-S»  de  67  p.  Bib.  nat.  8°  Vf  i5i3. 


LA    MONTANSIEU  [^n 

Lully  déposs(Mail  Perrin;  et  l'année  suivante,  à  la  mort  de 
Molière,  il  obtenait  la  jouissance  de  la  salle  du  Palais-Royal. 
Cette  salle  fui  incendiée  une  première  fois  en  1763.  Recons- 
truite par  Moi'eau,  elle  se  rouvrait  en  1770.  Second  incendie 
le  8  juin  1781.  C'est  alors  que  Lenoir,  en  quatre-vingt-six 
jours,  éleva  la  bâtisse  de  la  Porte-Saint-Martin,  qui  put  être 
inaugurée  le  27  octobre  de  la  même  année.  En  somme,  la 
glorieuse  carrière  de  «  l'Académie  royale  de  musique  »  avait 
été  semée  de  catastrophes.  Indépendamment  des  incendies,  les 
vingt-huit  atlministrations  successives  de  cet  établissement 
n'avaient  jamais  connu  que  le  déficit,  depuis  le  sieur  Perrin 
jusqu'au  sieur  De  Vismes  en  1779.  Dans  les  seules  années 
1778- 1779,  la  Ville  de  Paris  y  avait  perdu  pour  sa  part 
595.908  livres.  Necker  et  Maurepas  obtinrent  alors  du  Roi 
une  contribution  annuelle  de  i5o.ooo  livres. 

Or,  dans  un  mémoire  au  baron  de  Rreteuil  \  ministre  de 
Paris  et  de  la  maison  du  Roi,  M"''  Montaiisier  s'engageait  à 
verser  elle-même  cette  somme,  à  condition  que  la  Compagnie 
formée  par  ses  soins  obtiendrait  le  privilège  de  tous  les  théâ- 
tres du  royaume,  —  tout  comme  Perrin  en  i66g.  Rien  ne 
serait  changé  quant  au  mode  général  d'administration.  Les 
ministres  se  partageant  alors  l'administration  du  territoire, 
l'on  correspondrait  avec  chacun  d'eux  suivant  les  localités. 
Comme  par  le  passé,  on  acquitterait  les  honoraires  ou  rede- 
vances d'usage  aux  bureaux  des  gouverneurs  et  commandants 
pour  le  Roi  dans  les  provinces,  le  droit  des  pauvres,  etc.  L'on 
s'entendrait  à  l'amiable  avec  les  entrepreneurs  et  directeurs 
en  possession,  pour  se  charger  du  loyer  de  leurs  salles,  ac- 
quérir les  décors  et  accessoires  de  théâtre,  etc. 

On  sait  que  les  fermiers  généraux  avaient  leur  homme  de 
paille,  leurs  traitants,  leurs  partisans.  Il  est  clair  que  la  ferme 
générale  des  théâtres  proposée  au  baron  de  Rreteuil  était  une 

I.  D'après  G.  Hippeau,  toc,  cit.,  p.  21.  Il  analyse  ce  mémoire  et  en  donne  la 
date  :  1784.  S'il  le  trouve  outrecuidant,  insensé,  c'est  évidemment  qu'il  ignore  les 
précédents,  et  en  parliculier  la  charte  de  fondation  de  l'Opéra.  Au  reste,  les 
ËJiauces  étant  obérées,  la  mode  était  aux  monopoles,  aux  privilèges  :  dans  le 
nombre,  on  peut  citer  un  projet  d'assurance  d'État  sur  la  vie. 


48       REVUE    HISTORIQUE  DE   LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

opération  du  même  type  et  que,  dès  ce  moment,  la  Montansier 
servait  de  prête-nom  à  des  commanditaires,  capitalistes  en 
mal  de  gros  revenus,  gens  en  place,  courtisans  habiles  à  trafi- 
quer de  leur  influence.  La  combinaison  échoua.  La  femme 
d'affaires,  sans  rien  délaisser  de  ses  autres  entreprises,  se 
rejeta  sur  le  Palais-Royal,  ou  plutôt  sur  le  palais-marchand  ', 
que  le  duc  d'Orléans,  obéré,  louait  ou  vendait  en  détail. 

Les  jardins  royau.x,  Tuileries,  etc.,  n'étaient  alors  ouverts 
qu'aux  gens  de  la  bonne  société,  convenables,  bien  vêtus;  on 
redoutait  les  assemblemenls  illicites,  les  voleurs  à  la  tire,  les 
semeurs  de  faux  bruits,  les  débitants  de  «  nouveautés  »,  c'est- 
à-dire  de  libelles  satiriques  ou  obscènes,  les  intrigants,  les 
agioteurs,  les  prostituées.  C'est  le  duc  d'Orléans  qui,  le  pre- 
mier, donna  chez  lui  toutes  facilités  à  ce  monde  interlope,  et 
lui  assura  une  impunité  relative.  La  police  n'y  eut  ses  entrées 
que  difficilement,  occasionnellement,  comme  par  exemple  en 
vertu  d'une  lettre  royale  du  19  avril  1787,  vu  «  la  multiplicité 
des  faiseurs  de  fausses  lettres  de  change  »  -.  Le  Palais-Roval 
n'en  demeura  pas  moins  la  «  capitale  de  Paris  »  comme  disait 
Sébastien  Mercier'.  Or  il  y  avait,  au  bout  de  la  galerie  de 
Beaujolais  (actuellement,  péristyle  de  Joinville),  une  petite 
salle  de  spectacle  aménagée  en  1788  pour  des  marionnettes, 
puis  pour  une  troupe  d'enfants  qui  jouaient  des  pantomimes. 
t7est  sur  ce  théâtre,  dit  des  Beaujolais,  que  la  Montansier  jeta 
d'abord  son  dévolu. 

A  quelle  époque?  M.  Lenôtre  *  croit  que  c'est  après  les 
journées  d'octobre,  lorsqu'elle  comprit  qu'à  Versailles  «  les 


1.  Edifié  [lar  l-uiiis  Je  1780  à  1784.  —  Ed  1790,  les  operatious  ilu  duc  d'Orléans 
lui  avaient  rapporte  déjà  10  millions.  V^oir  mon  article  de  la  Granité  Encyclopédie, 
t.  X.XV,  p.  8a6,  le  livre  de  J.  Vatoul  sur  Le  Palais  Royal  (1S47),  et  surtout  l'in- 
troduction de  M.  Tuetey  au  t.  11  de  son  Répertoire  général  des  sources  manus- 
crites (le  riiistoire  de  Paris  pendant  la  Révolution  (1894). 

3.  H.  Mo.M.N,  État  de  Paris  en  i;8g,  Paris,  1889,  in-8»  ;  pp.  384,  639. 

3.  L'attraction  devint  plus  forte  encore,  après  que  la  démolition  des  anciens 
Quinze-Vingts  (rue  de  Rolian)  eut  permis  de  dégager  au  sud  la  rue  de  Richelieu 
(Lettres  patentes  de  décembre  1779). 

4.  Ouvr.  cité,  p.  a4o.  .M.  Lenôtre  renvoie  à  l'Intermédiaire  des  chercheurs  et 
des  curieux  du  25  juillet  1866. 


LA    MONTANSIER  49 

beaux  jours  de  son  théâtre  étaient  passés.  —  La  scène  (des 
Beaujolais),  dit-il,  était  petite,  le  plafond  bas,  la  salle  étroite. 
La  Montansier  acheta  pour  670.000  livres  cette  baraque,  que 
l'architecte  Louis  transforma  en  un  théâtre  confortable,  et, 
par  miracle,  presque  vaste  »,  inauguré  le  12  avril  1790. 

On  ne  voit  pas  trop  cette  femme  d'affaires  achetant  pour 
670.000  livres  une  baraque.  Voici  ce  qu'on  lit  au  Sommier  des 
biens  nationaux  de  la  Seine ^,  section  de  la  Biiffe-des-Moiilins, 
Palais-Egalilé,  article  5  : 

«  Rez-de-chaussée  avec  entresol  de  l'arcade  n°  76'-'.  Origine  : 
d'Orléans,  condamné.  Valeur  :  9.000  francs.  Valeur  locaiive  : 
5oo  francs.  Emploi  :  vacant.  Observation  :  Cet  objet  fait  partie 
des  arcades  vendues  à  la  citoyenne  Montansier  par  d'Orléans, 
le  i4  avril  1788,  et  avait  été  réservé  par  lui  pour  le  logement 
d'un  Suisse.  »  D'autre  part,  VInventaire  après  décès  contient 
la  mention  suivante  :  «  Titres  de  propriété  de  1 1  arcades  du 
Palais-Royal,  n°'  68  à  78,  qui  ont  appartenu  aux  sieur  et  dame 
de  Neuville  et  qui  depuis  ont  été  vendues.  «  Et,  dans  leur  acte 
de  mariage,  on  lit  :  «  Par  contrat  passé  devant  M'  Rouen  et 
son  confrère  le  i5  juin  1789,  ils  avaient  acquis  du  duc  d'Or- 
léans i3  arcades  faisant  partie  du  pourtour  du  Palais-Égalité, 
moyennant  670.000  livres  payables  aux  époques  déterminées 
par  ce  contrat  et  qui  étaient  encore  dues.  »  Il  est  vraisemblable 
que  le  premier  contrat  ne  concernait  que  les  deux  arcades 
terminales  avec  la  soi-disant  «  baraque  »  ;  que  le  second,  com- 
plétant et  embrassant  le  premier,  concernait  onze  arcades  en 
tout,  pour  le  prix  de  670.000  francs;  et  que,  dans  l'acte  de 
mariage  sous  le  régime  de  la  communauté,  les  deux  arcades 
de  1788  sont  venues  faire  double  emploi,  d'où  le  nombre  de 
treize.  Quoi  qu'il  en  soit,  par  ses  dates,  l'acquisition  n'a  aucun 
rapport  avec  les  journées  d'octobre  et  le  retour  forcé  de  la 
famille  royale  aux  Tuileries^. 

1.  Archives  de  la  Seine. 

2.  Les  numéros  des  arcades  n'ont  pas  changé. 

3.  On  croit  généralement  que  le  duc  d'Orléans  s'était  contenté  de  louer  ses 
arcades.  Or  il  avait  commencé  à  en  vendre  dès  1787  au  moins  :  les  n'^  i3,  i4>  i5 
au  libraire  Galtey  ;  le  n»  io4  à  la  dame  Gomand.  Les  contrats  de  vente,  par-devant 


50       REVUE    HISTOUIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

D'autre  part,  peut-on  imaginer  qu'à  celte  époque,  le  Roi  ait 
quitté  Versailles  «  malgré  les  supplications  de  la  Montansier 
qui  dépêcha  ses  comédiens  pour  arrêter  les  voitures  de  la 
Cour^  »?  C'est  là  une  des  nombreuses  inventions  de  ceux  qui 
voulurent  la  faire  guillotiner,  sous  la  Terreur.  \ous  verrons 
plus  tard  comment  elle  y  a  répondu. 


La  Montansier  gagnait  au  contraire  beaucoup,  —  du  moins 
en  espérance,  —  à  la  rentrée  du  Roi  dans  sa  capitale.  Il  ne  faut 
pas  oublier,  en  effet,  que  Paris  et  la  maison  du  Roi  ressortis- 
saient  alors  au  même  ministère  ;  que  le  privilège  de  l'entrepre- 
nante directrice  avait  encore  huit  ans  à  courir,  et  qu'il  com- 
portait l'organisation  de  tous  spectacles  à  la  suite  de  la  Cour  : 
or,  de  par  la  Révolution,  la  Cour  était  fixée  aux  Tuileries.  La 
Montansier  avait  donc  le  droit  incontestable  de  faire  concur- 
rence aux  théâtres  parisiens,  petits  ou  grands  :  et  c'est  ce 
qu'elle  fît,  sans  s'inquiéter  des  genres.  Toutefois,  au  théâtre 
du  Palais-Royal  qui  prit  son  nom,  —  ou  plutôt  qui  n'en  avait 
aucun,  c'est  le  public  qui  le  baptisa,  —  elle  donna  principale- 
ment des  opéras  italiens  ou  du  genre  italien,  avec  paroles  en 
français.  La  bâtisse  de  la  Porte  Saint-Martin,  si  mal  située  dans 
le  Paris  de  cette  époque,  n'avait  qu'à  se  tenir  !  Quant  au 
théâtre  récemment  ouvert  sous  la  protection  de  Monsieur 
(théâtre  Feydeau),  on  y  jouerait  devant  les  banquettes-  ! 

Les  intérêts  menacés,  les  vanités  exaspérées  se  coalisèrent. 
C'est  tout  ce  qu'il  faut  retenir  des  libelles  abominables,  et, 
bien  entendu,  anonymes,  qui  parurent  contre  elle  en  1789  et 

Kouen  (—  M''  l.ardy,  6,  bùulevard  île  la  Madeleine)  sont  des  6  juillet  et  i3  août 
1787.  —  Ou  verra  plus  bas  que  la  Montansier  acciuit  encore  trois  autres  arcades, 
mais  seulement  en  l'an  VII,  aux  numéros  178  à  i8o.  Les  onze  arcades,  68  à  78, 
furent  cédées  pour  un  tiers  à  un  nommé  Gardeur  ;  mais  ce  tiers  fut  racheté  par  la 
Montansier  et  Neuville,  le  i4  floréal  an  III  (.4rch.  de  la  Seine,  Lettres  de  rectifi- 
cation du  16  brumaire  an  IV,  n"  6260  bis,  série  C). 

I.  G.  Lenôtre,  ouvr.  cité,  p.  a^o. 

1.  Les  actes  relatifs  à  ce  théâtre  sont  conservés  dans  les  minutes  de  XI'  Jorel, 
notaire  à  Paris.  Nous  le  remercions  de  son  bienveillant  accueil. 


LA    MONTANSIER 


1790,  et  dont  M.  Lecomte  a  donné  de  trop  abondants  extraits. 
Cette  femme  sexagénaire  devient  la  «  Ribaude  du  Palais - 
Royal  »,  l'universelle  procureuse  de  tous  les  vices  de  la  Cour 
et  de  la  Ville,  la  matrone  des  «  non-conforniisles  »  et  des  tri- 
bades.  La  malheureuse  reine  de  France  est  traînée  vive  dans 
ce  flot  d'ordures.  Suivant  la  mode  du  temps  (ô  Jean-Jacques  1) 
elle-même  confesse  sa  lubricité  contre  nature'.  On  pense  bien 
que  Neuville,  «  le  Roué  »  (au  sens  propre  du  mot),  n'est  pas 
épargné  ;  acteurs  et  actrices  du  nouveau  théâtre  figurent  dans 
ce  cortège  de  Cythère,  de  Lesbos  et  de  Gomorrhe^. 

La  Montansier  «  n'opposa  que  le  silence  à  la  rage  factice 
de  tous  ces  scélérats  »^  de  plume.  —  Notons  de  suite  que 
lorsqu'elle  eut,  sous  la  Terreur,  à  subir  l'interrogatoire  de 
la  Commune,  il  ne  fut  pas  du  tout  question  des  infamies  de 
1789  et  1790.  Il  aurait  fallu  être  bien  crédule,  pour  n'en  pas 
reconnaître  la  véritable  origine  :  l'envie,  l'éternelle  envie  des 
impuissants  et  des  malchanceux.  D'ailleurs  elle  s'était  fait 
des  amis  tant  par  son  obligeance,  «  qu'en  ayant  toujours 
soin  d'avoir  dans  sa  troupe  un  choix  des  plus  jolies  actrices  » 
(Rabbe). 

Le  théâtre  Montansier,  pour  l'ouverture  duquel  le  district  de 
Saint-Roch  insistait  dès  février  1 790  *,  trouva  des  champions 
parmi  les  révolutionnaires.  C'était  le  premier,  affirmait  l'un 
d'entre  eux,  qui  eût  dû  son  existence  au  «  Code  de  la  liberté  ». 
Assertion  maintes  fois  répétée,  et  absolument  fausse  !  La  li- 
berté des  théâtres  ne  date  que  du  i3  janvier  1791,  et  le 
théâtre  de  la  Montansier  ouvrit  le  12  avril  1790.  Rien  plus,  en 
vertu  de  son  privilège,  elle  exigea  une  redevance  des  admi- 
nistrateurs du  théâtre  de  Monsieur,  et  le  Châtelet  lui  donna 
raison  sans  appel  possible,  les  tribunaux  de  district  n'ayant 


1.  Essais  historiques  sur  la  vie  de  Marie-Antoinette.  Londres  et  Versailles,  chez 
la  Montansier,  hôtel  des  Courtisanes,  1789.  (Lecomte,  La  Montansier,  Paris,  Juven, 
1905,  in-i6  de  286  p.  ;  pp.  33  à  8g.) 

2.  La  Ribaude  du  Palais-Royal...  par  le  sieur  Neuville,  dit  le  Roué...  Paris, 
1790,  in-i8,  60  p.  et  8  gr.  —  Réimprimé  en  1872. 

3.  Annuaire  dramatique  de  1821  (cité  plus  haut),  p.  397. 

4.  S.  Lacroix,  Actes  de  ta  Commune,  i"  série,  t.  I,  p.  323,  38i,  386. 


52       REVUE    HISTORIOUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

pas  encore  été  installés.  Saisie  par  Rabaud  de  cette  contesta- 
tion, la  Constituante  passa  à  l'ordre  du  jour^  Les  deux 
théâtres  donnaient  de  la  musique  italienne.  Mais  celui  du 
Palais-Royal  avait  un  adroit  parolier,  qui  savait  traduire  en 
français  musical  les  livrets  italiens,  et  en  produire  aussi  d'ori- 
ginaux. C'était  Paul-Ulric  Dubuisson,  qui  dès  1786  transcrivait 
ainsi  Le  roi  Théodore- ,  musique  de  Paisiello  (livret  italien  de 
Casti).  Outre  cet  opéra  qui  fut  repris  le  28  octobre  1790,  Du- 
buisson donnait  la  même  année,  au  théâtre  Montansier  :  Les 
époux  mécontents  ;  —  Hélène  et  Francisque  ;  —  L'arbre  de 
Diane;  —  Le  maître  généreux  ;  —  Le  curieux  indiscret.  Il  fai- 
sait l'éloge  de  la  maison,  et  le  sien  propre,  dans  le  Moniteur^. 
L'heureuse  directrice  s'était  installée  à  quelques  pas  de  sa 
recette,  au-dessus  du  café  de  Chartres,  arcade  82  du  Palais 
Royal;  les  fenêtres,  exposées  au  midi,  donnaient  sur  le  jardin 
dans  toute  sa  longueur,  jusqu'aux  galeries  de  bois,  appelées 
aussi  des  Tartares.  Foyer  et  salon  tout  ensemble,  son  apparte- 
ment s'ouvrait  à  tout  le  monde  :  auteurs  dramatiques,  musi- 
ciens, artistes,  politiciens,  journalistes,  joueurs,  femmes  à  la 
mode.  En  janvier  1791,  elle  consentit  à  contracter  une 
«  société  universelle  »  avec  son  Neuville,  garde  du  corps 
devenu  indispensable  au  milieu  de  la  cohue  révolutionnaire  *. 

1.  Moniteur,  Réimpression,  t.  VII,  p.  iSS. 

2.  Le  28  octobre,  à  Fontainebleau,  cette  pièce  fut  jouée  pour  la  première  fois 
devant  la  Cour  par  la  troupe  de  la  Monlansier.  Ensuite  elle  reparut  souvent  à  Ver- 
sailles, avec  le  plus  grand  succès.  Elle  fut  reprise  au  Palais-Royal  le  28  octobre 
1790.  D'après  Quérard,  l'édition  est  do  1786.  —  Dubuisson  fit  partie  du  syndicat 
d'auteurs  dramatiques  qui,  sous  la  direction  de  Bcaumareliais,  revendiqua  les  droits 
de  propriété  littéraire  méconnus  par  les  directeurs  de  spectacles.  Leur  fondé  de 
pouvoirs  était  Framery,  el  leur  notaire,  M'  Rouen,  celui  même  de  la  Montansier. 
Le  17  sepicmbre  1791,  Dubuisson  est  un  des  43  signataires  de  la  Pétition  contre 
la  représcnlation,  en  France,  de  pièces  françaises  traduites  en  langues  étrangères 
sans  l'autorisation  de  leurs  auteurs  (.4rch.  nat.,  .\D  VIII,  pièces  i3  et  i4). 

3.  Supplément  du  12  juin  1790;  Moniteur,  Réimp.,  t.  IV^,  p.  608.  —  L'arliclç  est 
signé  a  Mélophile  ».  Comme  Mélophile  porte  aux  nues  deux  pièces  de  Dubuisson 
(sans  écrire  ce  nom  qui  figurait  sur  les  affiches)  notre  attribution  saute  aux  yeux. 
Il  daube  sur  les  paroliers  du  théâtre  Fcydeau,  et  dit  de  lui-même,  à  la  troisième  per- 
sonne :  «  Il  a  la  triture  de  ce  genre,  qui  doit  être  d'une  prodigieuse  dilBculté.  d 

4.  C'est  pendant  la  clôture  pascale  de  1791  que  Louis  réussit  à  doubler  la  lon- 
gueur et  1.1  largeur  de  la  salle  (Annuaire  dramatique  de  1821,  cité  plus  haut).  — 


LA    MONTANSIER  53 

Il  est  bien  possible  aussi  que  cette  brute  ait  réussi  à  la  ter- 
roriser. 

Après  le  manifeste  de  Brunswick  et  le  lo  août,  au  moment 
où  la  marche  des  Prussiens  mettait  la  patrie  en  danger,  celle 
([ui  passait,  —  ni  plus  ni  moins  que  la  princesse  de  Lamballe, 
—  pour  avoir  favorisé  et  partagé  les  «  déportements  »  de 
Marie-Antoinette,  ne  pouvait  manquer  de  courir  les  plus 
graves  dangers.  Le  bruit  fut  répandu  que  le  théâtre  Montan- 
sier  recelait,  à  la  disposition  des  traîtres,  nombre  de  fusils  et 
autres  armes.  «  M"''  Montansier,  dit  le  Moniteur,  a  repoussé 
cette  calomnie  dans  un  placarda  »  Elle  fit  mieux;  le  3  sep- 
tembre 1792,  elle  se  présentait  à  la  barre  de  la  Législative, 
donnant  le  bras  à  Neuville,  à  la  tète  de  quatre-vingt-cinq  artistes 
et  ouvriers  de  son  théâtre.  Ils  demandèrent  et  obtinrent  de 
former  une  compagnie  franche,  dans  le  bataillon  sectionnaire 
de  la  Butte-des-MouIins.  Hérault  de  Séchelles,  président, 
accorda  aux  artistes  citoyens  les  honneurs  de  la  séance.  Ils  par- 
tirent pour  le  camp  de  la  Lune  -  et  n'en  revinrent  que  six 
semaines  après,  lorsque  l'ennemi  eut  évacué  le  territoire.  Plu- 
sieurs même  restèrent  sous  les  drapeaux,  comme  Dufresse,  qui 
devint  aide  de  camp  du  général  Moreton.  Mais  ce  ne  fut  point 
le  cas  de  Neuville.  D'abord,  il  convient  de  rappeler  qu'il 
avait  alors  cinquante-six  ans  !  Ensuite,  il  eut  à  Reims  un 
accident  de  cheval,  et  la  vieille  Montansier  s'empressa  de  re- 
joindre son  vieux  beau  pour  le  ramener  au  logis.  Elle  était  la 
seule  qui,  spontanément,  eût  suspendu  ses  représentations 
théâtrales.  De  plus,  elle  avait  garanti  à  ses  pensionnaires  — 
ou  à  leurs  familles  —  la  totalité  de  leurs  appointements  pen- 
dant cette  relâche  pour  la  Patrie  '. 


Vlni'entaire  de  l'élude  Lardy  mentionne  effeclivemcnt,  à  la  date  du  3i  janvier 
1791,  des  arrangements  pris  avec  Durand,  maître  maçon,  en  vue  de  cet  agrandisse- 
ment. 

1.  Moniteur,  Bèimp.,  t.  XIII,  p.  65o,  col.  a  (lo  septembre  179a).  —  Le  placard 
nous  est  inconnu. 

2.  Le  i4  septembre. 

3.  Cf.  Reuae  d'art  dramatique,  janvier  1792.  —  Parmi  les  compagnons  d'armes 
de  Neuville,  on  cite  :  Gallet,  auteur  du  Ballet  de  Bacchus  à  l'Opéra  ;  Sevestre, 


54       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

Or  il  advint  qu'après  Jemmapes,  Lavs  et  d'autres  artistes 
de  l'Opéra  furent  envoyés  par  le  Conseil  exécutif,  au  général 
Dumouriez,  afin  de  lui  faire  fête.  Ils  arrivèrent  avec  une  affiche 
dont  le  texte,  ironique  pour  les  Autrichiens  vaincus,  a  été 
souvent  reproduit.  Il  me  paraît  authentif|ue.  Sans  doute, 
le  lieu  et  la  date  de  la  représentation,  «  le  12,  novembre 
1792,  en  vue  d'Auderlecht  »,  sont  avec  raison  contestés  par 
M.  Chuquet.  Mais  ce  ne  fut  que  partie  remise,  puisque,  deux 
jours  après,  Dumouriez  et  son  étal-major  entraient  à  Bruxel- 
les; et  il  dit  dans  ses  mémoires  qu'il  eut  un  jour  à  dîner  chez 
lui  «  ces  virtuoses  de  l'opéra...  beaucoup  plus  sages  que  les 
ministres  qui  les  avaient  envoyés  «  ^. 

Saisie  d'une  belle  émulation,  et  forte  des  sentiments  patrio- 
tiques dont  elle  avait  donné  le  témoignage,  la  Montansier 
obtint  d'aller  les  propager  en  Belgique.  Cette  «  campagne  » 
a  été  racontée  avec  humour  par  M.  Cli.  Gailly  de  Taurines, 
non  sans  des  détails  que  M.  Maurice  Tourneux  trouve  «  sin- 
gulièrement suspects  ».  Ce  n'est  pas  mon  impression.  M.  de 
Taurines  est  très  précis  ([uant  aux  dates.  Il  s'appuie  princi- 
palement sur  trois  lettres  de  la  directrice,  des  26  novembre 
1792,  4  et  8  janvier  1798,  au  ministre  Lebrun-Tondu,  qui  sont 
conservées  aux  Archives  nationales.  Sans  doute,  au  point 
de  vue  strictement  historique,  il  abuse  du  style  direct  et  du 
dialogue.  Mais  le  fond  est  exact,  c'est-à-dire  conforme  aux 
documents. 

La  troupe  parisienne  s'empara  un  peu  militairement  du 
théâtre  de  la  Monnaie,  où  l'on  déclamait,  dans  Pierre  le 
Cruel  : 

Un  roi,  même  coupable,  est  un  objet  sacré. 

Pierre  le  Cruel [\x\.  remplacé,  non  seulement  par  le  répertoire 

mort  dirccleur  des  théâtres  de  la  Seine  hors  Paris  ;  Gilbert,  mort  le  3  arril  i8ai, 
cher  d'orchestre  chez  M"«  Montansier  et  aux  Variétés,  pendant  quaranle  ans  (.4/1- 
nuaire  dramatique  de  i8ai,  p.  887). 

1.  Une  phrase  de  Danton,  26  venlose  an  II  (17  mars  1794),  rappelle  le  texte  de 
cette  affiche.  Or  Danton  fut,  en  décembre  1792,  commissaire  en  Belgique.  Voir 
MonileiH-,  Réimp.,  t.  XIX,  p.  715.  La  mission  de  l'Opéra  se  place  entre  le  4  et  le 
20  ddcenibre.  V.  Clironiijue  de  Paris,  ^  et  20  décembre  1793. 


L.V    MO>n'\NSIER  55 

ordinaire  du  Palais-Royal,  mais  aussi  par  des  pièces  de  circons- 
tance, anti-catlioliques  et  ullra-palriotiques,  qui  n'eurent  guère 
le  don  d'enthousiasmer  les  bons  Belges.  La  mission  de  pro- 
pagande ne  dura  pas  trois  mois^  Elle  n'avait  pas  coûté  loo.ooo 
livres  à  la  République,  comme  le  dit  M.  de  Taurines,  mais  la 
moitié  à  peine,  si  l'on  opère  la  réduction  de  la  somme  en  assi- 
gnats ".  Le  prince  de  Cobourg  y  mit  fin  par  sa  victoire  à  Neer- 
winden  (i8  mars).  La  Montansier  ne  put  tenir,  comme  elle 
l'avait  promis  au  public,  jusques  et  y  compris  Pâques  ^.  Elle 
s'enfuit  avec  ses  pensionnaires,  juste  à  temps  pour  échapper 
aux  Autrichiens,  abandonnant  son  «  magasin  »,  c'est-à-dire  les 
malles  de  costumes  et  accessoires,  et  oubliant  sa  montre,  à 
moins  qu'au  dernier  moment  elle  ne  l'eût  mise  en  gage.  Sans 
doute,  sur  les  routes  encombrées,  «  fléchissait-elle  sous  le 
poids  de  la  fatigue  »  ;  mais,  «  sous  celui  du  remords  »,  comme 
le  suppose  M.  de  Taurines,  il  y  a  lieu  d'en  douter*. 


Les  envieux  n'avaient  pas  chômé  pendant  son  absence.  Le 
conventionnel  Duhem  reçut  un  beau  matin  une  médaille 
contre-révolutionnaire,  de  la  grandeur  d'un  écu  de  six  livres, 
à  l'effigie  de  Louis  XVI,  avec  ces  mots  :  a  Roi  de  France  et  de 
Navarre.  Louis  XVI,  né  à  Versailles  le  28  août  1764;  roi  le 
10  mai  1774;  martyrisé  le  21  janvier  1793.  »  A  cette  médaille 
était  joint  le  billet  anonyme  suivant  :  «  La  Montansier,  payée 
par  la  France  à  Bruxelles,  y  a  apporté  de  ces  médailles  °,  et  la 
jeune   Crumpipen,  maîtresse  de   Dumouriez,  en  a  distribué 

1.  Du  a  jnnvier  au  28  mars.  C'est  le  24  que  les  Autricliiens  réoccupèrent 
Bruxelles.  Voir  Cli.  Gaillt  de  Taurines,  Une  campagne  en  Belgiijae  :  La  Mon- 
tansier à  Bruxelles  (Revae  des  Deux-Mondes  du  i"  avril  1904). 

2.  Son  mémoire  au  ministre  porte  53.330  llv.  i4  s.  6  d.  de  dépenses.  Elle  avait 
reçu  33.000  liv.  assignats.  Elle  réclamait  la  différence,  pour  les  frais  matériels  de 
l'entreprise,  el  \a  faveur  d'une  indemnité  pour  ses  artisles. 

3.  Depuis  1790,  c'était  sa  marotte  de  jouer  les  jours  de  fêtes  consacrées  par 
l'Église.  C'était  aussi  son  inlérèt.  La  mimicipalilé  de  Paris,  comme  celle  de  Ver- 
sailles, s'y  opposa  alors.' 

4.  Article  cité,  Revae  des  Deux-Mondes,  1"  avril  1904,  p.  683. 

5.  Elle  était  arrivée  à  Bruxelles  dix-neuf  jours  avant  l'exécution  de  Louis  XVI  1 


56       REVUE  HISTORIQUE   DE    LA.   REVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE   l'eMPIRE 

j)artout.  »  Duhem  fit  part  de  cet  envoi  et  de  cet  avis,  qu'il  taxa 
«  d'espièglerie  »,  d'abord  à  ses  collègues  du  Comité  de  Sûreté 
générale,  puis  à  la  Convention  (12  mars  1793).  Il  conclut  : 
«  J'ai  pris  des  renseignements  sur  la  conduite  de  la  Montan- 
sicr.  Elle  est  à  Bruxelles,  où  Delacroix  m'a  assuré  qu'elle 
avait  rendu  de  grands  services  à  la  liberté,  en  donnant  gratis, 
pour  l'instruction  du  peuple,  des  pièces  très  révolutionnaires. 
Nos  acteurs  ont  converti  plus  d'aristocrates  que  les  aristo- 
crates ne  pervertiront  de  patriotes.  » 

Mais,  cpiinze  jours  après,  le  vaincu  de  Neervvinden  passait 
au  camp  autrichien  !  Ses  amis  tombaient  au  rang  des  sus- 
pects... Danton  lui-même.  Le  brevet  de  patriotisme  que 
Duhem  avait  délivré  à  la  Montansier  allait  se  retourner  contre 
elle  !  Les  dénonciations  devinrent  d'autant  plus  nombreuses, 
d'autant  plus  pressantes,  qu'elle  s'était  préparé  une  rentrée 
triomphale,  en  faisant  construire  à  son  usage,  par  l'architecte 
Louis,  un  théâtre  nouveau  de  fond  en  comble,  isolé  de  toutes 
parts  et  admirablement  aménagé,  —  sans  abandonner  d'ail- 
leurs ni  celui  de  Versailles,  ni  celui  du  Palais-Royal.  Elle  en- 
tendait faire  concurrence  à  l'Opéra  de  la  Porte-Saint-Martin, 
dont  elle  avait  en  vain  sollicité  l'entreprise  en  1790^ 

Le  terrain,  situé  dans  l'enclos  de  l'ancien  hôtel  Louvois,  en 
face  de  la  Bibliothèque  nationale,  était  délimité  par  la  rue 
Richelieu  (-=  de  la  Loi)  et  trois  autres  rues;  contenance  : 
575  toises  carrées.  Elle  l'acquit  du  citoyen  Cottin,  administra- 
teur de  la  Caisse  d'escompte,  par  contrat  devant  Rouen-  et 
Robin,  le  7  décembre  1791,  moyennant  4^o-4oo  livres'',  à 
payer  en  douze  annuités.  Léonard  Mouchonnet,  entrepreneur 
de  bâtiments  à  Paris,  s'engageait,  au  mois  de  janvier  suivant,  à 
construire  la  salle  de  spectacle,  des  bâtiments  au  pourtour,  et 
à  se  charger  des  douze  premières  décorations.  A  la  livraison 

1.  Arcli.  nat.  AD  VUI,  44,  5''  liasse,  37  6i>  (Rapport  de  MM.  les  commissaires 
de  la  Commune  relativement  aux  spectacles,  in-4"  de  34  pages,  p.  27). 

a.  Rouen  est  représente  actuellement  par  M'  Lardy  (6,  boulevard  de  la  Madeleine) 
auprès  duipicl  j'ai  renconiré  toutes  taeilitcs  pouf  ce  trarail.  C'est  un  devoir  pour 
moi  de  l'en  remercier  ici. 

3.  Soit  environ  aoo  livres  le  mètre  carré. 


LA    MONTANSIER  67 

de  la  salle,  il  lui  serait  payé  un  acompte  de  35o.ooo  livres,  et, 
quant  au  surplus  de  ses  mémoires  acceptés,  60.000  livres  par 
an,  tant  capital  qu'intérêts  réunis,  à  commencer  le  premier 
payement  en  janvier  i794'  La  Montansier  avait  soldé,  de  ses 
deniers,  55.25o  livres  sur  le  prix  du  terrain,  s'engageant  à 
payer  le  reste  par  annuités  de  60.000  livres,  à  partir  de  1792; 
des  prêteurs  et  commanditaires  lui  avaient  fait  confiance,  soit 
à  elle,  soit  à  Mouclionnet,  pour  tout  le  surplus. 

C'était  un  jeu  pour  l'architecte  Louis  de  taire  les  plans  et 
devis  d'un  nouveau  théâtre,  depuis  qu'il  avait  édifié  celui  de 
Bordeaux,  son  chef-d'œuvre,  où  s'élève  aujourd'hui  sa  statue. 
Mais  il  y  avait  aussi  des  bâtiments  annexes,  dont  la  Montan- 
sier entendait  tirer  bon  parti;  et  puis,  les  maçons  demandent 
du  temps  :  en  sorte  que  si  le  «  Théâtre-National  »  fut  peut-être 
«  livré  »,  suivant  les  conventions,  au  jour  de  la  Pentecôte  de 
l'année  1792,  la  salle  n'ouvrit  que  l'année  suivante.  La  hau- 
teur et  l'amplitude  de  la  scène  ^  les  di'cors  qui  montaient  et 
descendaient  au  lieu  de  rouler  sur  galets,  le  chauffage,  les 
réservoirs  d'eau  en  cas  d'incendie,  la  commodité  exception- 
nelle des  dégagements,  tout  était  fait  pour  contenter  et  ras- 
surer le  public".  La  liberté  absolue  des  théâtres  permettait 
d'ailleurs  d'aborder  tous  les  genres,  de  donner  ce  que  nous 
appelons  la  «  pièce  à  spectacle  »,  la  grande  pantomime, 
«  oubliée  depuis  Servandoni  »,  le  célèbre  directeur  de  la 
Monnaie. 


«  On  est  en  pleine  Terreur,  dit  M.  G.  Lenôtre^,  et  voilà  la 
Montansier  prête  à  inaugurer  son  grand  théâtre  de  la  rue 
Richelieu;  jamais  son  activité  n'a  été  plus  folle;  déjà  on 
équipe  les  décors  »  (etc.,  etc.),  «  quand  la  Commune  de  Paris 

!.  Protbndeur,  75  pieds;  largeur,  70  pieds;  hauteur,  100  pieds. 

3.  Pour  une  plus  ample  description,  renvoyons  à  l'ouvrage  déjà  cité  de  M.  Le- 
comle,  et  à  Marionneau,  L'architecte  Louis,  Bordeaux,  1871,  gr.  in-S",  enfin  à 
Albert  de  Lasalle,  Les  treize  salles  de  l'Opéra,  Paris,  1870,  in-8". 

3.  Ouvr.  cité,  p.  245. 


58       RE^TJE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRAN(;A1SE    ET  DE    LEMPIRE 

confisque  lo  nouveau  théâtre  et.  pour  s'éviter  les  récriminations 
de  la  propriétaire,  décerne  contre  elle  un  mandat  d'arrêt.  » 

Décidément,  la  «  petite  histoire  »  ne  pratique  pas  volontiers 
l'art  de  vérifier  les  dates!  Ici,  la  chose  est  facile.  Le  Théâtre 
National  ouvrit,  —  par  bravade  anticatholique,  — le  i5  août 
1793,  jour  de  l'Assomption';  le  9  novembre,  les  affiches 
annonçaient  l'engagement  de  Mole,  qui  devait  jouer  Alcesle, 
du  Philliite ;  et  ce  fut  le  28  brumaire  =  i3  novembre,  donc  trois 
mois  après  l'ouverture,  que  Chaumette,  faisant  chorus  avec  le 
n°  3 10  du  Pèi^e  Duchesne,  dénonça  devant  le  Conseil  de  la 
Commune  la  citoyenne  Montansier.  De  quoi  l'accusail-on  ? 
D'avoir  des  intelligences  avec  les  Anglais  ;  d'avoir  puisé  chez 
eux  une  grande  partie  des  fonds  qui  avaient  servi  à  la  cons- 
truction de  son  théâtre-;  de  mettre  en  danger,  en  cas  d'in- 
cendie, la  Bibliothèque  nationale  qui  y  faisait  face,  etc. 

Chaumette  ne  faisait,  à  son  dire,  que  rendre  compte  des  dé- 
nonciations qui  lui  avaient  été  adressées.  L'une  d'elles  portait 
vraisemblablement  :  «  Elle  veut  donc  mettre  le  feu  à  la  Biblio- 
thèque nationale  !  »  façon  de  parler  que  ses  ennemis  affec- 
tèrent de  prendre  au  pied  de  la  lettre.  Mais  Chaumette  ne 
paraît  pas  lui  avoir  attribué  une  intention  aussi  absurde  que 
criminelle^.  —  Hébert  appuva  «  personnellement  »  le  réqui- 
sitoire de  Chaumette.  II  avait  reçu  des  renseignements  contre 
elle;  et,  de  plus,  il  lui  avait  été  offert  une  loge  pour  s'engager 
à  se  taire.  Bref,  le  Conseil  de  la  Commune  décida  l'arrestation 
de  la  Montansier  comme  suspecte  ;  Chaumette  obtint  de  plus 
que  dorénavant  le  personnel  des  théâtres  de  Paris  passerait 
sous  la  censure  municipale*. 


I.  Il  donna  un  ]irolof]iie,  La  naguelte  mngique,  en  l'honneur  de  l'architecte;  — 
AdHe  el  Paulin,  dr.ime  en  trois  actes  par  Delrieu  ;  —  La  Constitution  à  Conslan- 
tinople,  comédie,  par  LavoUée  ;  —  et  un  ballet  avec  trois  danseuses  premiers  sujets 
de  l'Opéra,  plus...  les  chevaux  de  Franconi. 

a.  On  disait  aussi  que  la  Reine  lui  avait  fourni  Bo.ooo  écus. 

3.  D'après  le  Moniteur  {Réimp.,  t.  XVIII,  p.  /(s6,  col.  a)  il  fit  observer  que  «  le 
thcâlre  ('l;inl  près  de  la  Bibliothèque  nationale,  il  met  en  danqer  cet  établissement 
précieux,  dans  le  cas  où  le  feu  se  manifesterait  dans  ce  spectacle  ». 

4.  Rappelons  ipie  dès  le  i'"'  septembre,  les  ex-comédiens  du  Roi  qui  formaient, 
par  scission  avec  le  thédlre  de  la  Hépubliciue  (Palais-Royal),  le  théâtre  de  la  Xation, 


LA    MONTANSIER  5^ 

Le  jour  même,  il  fut  procédé  à  la  fcrinctiirc  du  Théâtre 
National.  L'affiche  portail  une  pièce  de  Dubuisson,  Lucinde 
et  Raymond^.  Cet  auteur,  qui  sans  doute  présidait  à  la  répé- 
tition, fut  donc  des  premiers  averti  du  danger  que  courait  la 
directrice.  Il  prit  sur  lui  de  menacer  Hébert,  Cliauniette,  toute 
la  Conunune,  du  mécontentement  de  Robespierre.  De  fait,  — 
quoi  que  l'on  pût  penser  de  la  portée  des  dénonciations,  —  il 
est  clair  que  leur  teneur  n'intéressait  pas  seulement  la  police 
municipale,  la  sécurité,  mais  bien  la  Nation  elle-même,  aux 
prises  avec  l'étranger  et  les  «  conspirations  de  l'étranger  ». 
Le  dernier  mol  appartenait  aux  Comités  de  Salut  public  et  de 
Sûreté  générale.  L'usurpation  du  Conseil  de  la  Commune  était 
soutenable  en  droit  :  depuis  un  mois  et  plus  (19  vendémiaire 
an  11=  10  octobre  lygS),  sur  le  rapport  de  Saint-Jusl,  la  Con- 
vention, en  proclamant  le  gouvernement  révolutionnaire  jus- 
qu'à la  paix,  avait  placé  en  principe  tous  les  agents  d'autorité, 
Conseil  exécutif,  ministres,  généraux,  corps  constitués,  sous  la 
surveillance  du  Comité  de  Salut  public.  En  appeler  à  Robes- 
pierre, c'était  donc,  en  réalité,  rappeler  la  Commune  au  res- 
pect de  la  Convention,  du  Comité,  de  la  Loi.  Mais  le  gouver- 
nement révolutionnaire  n'était  pas  encore  organisé  :  il  ne  le 
fut  que  le  i4  frimaire  (4  décembre),  et,  d'autre  part,  le  i4  août 
1798,  la  Convention  avait  rendu  un  décret  autorisant  «  les 
Conseils  des  Communes  à  diriger  les  spectacles,  et  y  faire  re- 
présenter les  pièces  les  plus  propres...  à  développer  l'énergie 
républicaine  ».  Dans  cette  période  de  transition,  d'anarchie, 
de  dyarchie,  —  comme  ou  voudra  l'appeler,  —  la  Commune 
demeurait  un  pouvoir  de  fait,  fort  de  son  alliance  du  2  juin 
avec  les  Montagnards,  responsable  comme  eux  et  plus  qu'eux 
peut-être  de  l'exécution  des  Girondins  (3o  octobre).  Aussi  ni 
Robespierre,  ni  personne  n'intervint  en  faveur  de  la  directrice. 
Le  mandat  d'arrêt  fut   décerné  le  il\  et  exécuté  le  26  bru- 

avaiciit  élé  incarcérés  à  la  suite  des  représenlatioiis  de  Painéla  (par  François  de 
Neufchâteau).  Seul,  Mole  avait  été  excepté.  —  Le  g  thermidor  les  délivra. 

I.  Le  29  août,  du  même,  le  Théâtre  National  avait  donné  Les  époux  mécontents; 
le  a5  septembre,  Hélène  et  Francisque.  Les  trois  pièces  étaient  des  reprises  du 
théâtre  Montansier  (Palais-Royal j. 


Go       REVUE    HISTORIQUE    DE    L.V    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

maire  ^,  au  moment,  dit  V Annuaire  dramatique,  où,  accom- 
pagnée de  Fabre  d'Eglantine,  elle  montait  en  voiture  pour 
«  terminer  »  avec  M"^  Contât,  qui  devait  jouer  dans  Philinle-. 

Elle-même  a  prétendu,  dans  une  de  ses  suppliques',  cpi'elle 
revenait  de  la  cérémonie  faite  «  en  l'honneur  de  l'immortel 
Marat  »,  et  où  elle  avait  figuré  avec  cinq  cents  «  camarades  », 
partis  de  son  théâtre.  Un  des  décrets  de  la  Convention  portant 
que  le  corps  de  Mirabeau  serait  retiré  du  Panthéon,  et  que 
celui  de  Marat  y  serait  porté,  est  bien  du  24  brumaire';  mais 
la  translation  solennelle  n'eut  lieu  que  l'année  suivante,  l'^jour 
sans  culotlide  an  II  =  20  septembre  1794-  Cependant  il  est  pos- 
sible que,  dès  la  publication  du  décret,  il  y  ait  eu  quelque 
cérémonie  :  la  section  du  Théâtre  Français  (Odéon)  prit  alors, 
en  effet,  le  nom  de  Marat.  —  Dans  son  Mémoire  justificatif,  la 
Montansier  ne  fait  pas  allusion  aux  circonstances  personnelles 
de  son  arrestation  :  «  Je  gémis,  dit-elle,  sur  le  sort  tlu  citoyen 
Neuville,  contre  lequel  il  n'y  avait  pas  de  mandat  d'arrêt 
décerné...,  et  dont  l'unique  crime  est  d'avoir  eu  un  apparte- 
ment (pii  communiquait  avec  le  mien.  »  Il  semble  bien, 
d'après  ce  passage,  qu'elle  fut  tout  simplement  appréhen- 
dée chez  elle,  avec  son  associé,  c'est-à-dire  au  n°  82  du  Palais- 
Royal  =. 

Quant  à  l'auteur  favori  de  la  troupe  Montansier,  Paul-Ulric 
Dubuisson,  son  intervention  ne  tarda  pas  à  lui  être  funeste.  Il 
n'était  pas  seulement  poète,  il  était  aussi  publiciste,  politicien, 
diplomate  à  ses  heures,  en  un  mot,  intrigant.  Sous  l'ancien 

1.  10  novembre  179/1. 

a.  Philinle  avait  cté  donné  au  Théâtre  Français  le  aa  février  1790.  On  sait  que 
Fabre  avait  été  comédien  à  Beauvais,  qu'il  avait  épousé  une  actrice,  M"«  Lesagc. 
En  1799,  fut  publiée  sa  correspondance  amoureuse  avec  une  autre  actrice  du  théâtre 
de  la  Montansier,  M""  Caroline  Remy. 

3.  Le  28  prairial  an  U,  texte  publié  par  M.  Martial  Tekko  :  Le  procès  de  ta 
Monlansier,  dans  Le  Monde  artisle,  i3,  ao  et  27  sept.  igoS.  Bibl.  nat.  Inv.  Z. 
1096,  a8. 

4.  TouRNEUX,  ouvr.  cité,  t.  I,  article  /(SiS. 

5.  Dans  la  lettre  du  18  fructidor  au  Comité  de  Sûreté  générale,  oii  elle  rappelle 
son  arrestation,  elle  précise  que  Neuville  fut  arrêté  0  dans  son  lit,  la  minute 
d'après,  sans  aucun  mandat  d'arrêt,  sur  le  seul  molif  d'ime  porte  de  communication 
de  son  lugcment  au  sien  i  (Martial  Texeo,  Hcvue  citée,  27  sept.  ujo^). 


LA    MONTANSIER  6l 

régime,  après  avoir  débuté  par  des  vers  erotiques  ^  —  ce  qui, 
alors,  ne  passait  pas  pour  un  grand  crime,  —  il  avait  disserté 
sur  Saint-Domingue,  sur  le  commerce  maritime,  et  dialogué 
avec  l'abbé  Raynal.  Rien  n'indique  qu'il  ait  été  ensuite  un 
«  révolutionnaire  exalté  »,  ni  un  «  partisan  des  hébertistes^  ». 
Il  conviendrait  plutôt  de  le  classer  au  nombre  des  dantonistes. 

En  effet,  c'est  le  Conseil  exécutif  qui  lui  avait  donné  auprès 
de  Dumouriez,  à  l'époque  où  ce  général  songeait  à  la  trahi- 
son, une  mission  de  confiance,  en  compagnie  de  Proly  et  de 
Pereira.  Tous  trois,  après  Neervs^inden,  passèrent  pour  des 
«  agents  de  l'étranger  ».  Cependant,  en  mai  lygS,  il  avait 
encore  été  employé  comme  «  observateur  »  à  Bâle  et  en  Suisse. 
De  retour  à  Paris,  il  continuait  à  jouer  avec  le  feu. 

Il  n'était  pas  le  seul  :  «  Un  fait  certain,  dit  M.  James  Guil- 
laume', c'est  que  les  intrigants  s'efforçaient  de  diviser  les 
patriotes.  L'un  d'eux*  était  allé  dire  à  Hébert  que  Robes- 
pierre accusait  le  rédacteur  du  Père  Diichesne  d'être  payé  par 
Pitt  et  Cobourg  ;  un  autre,  Dubuisson,  faisait  avertir  Hébert 
que  Robespierre  devait  dénoncer  la  Commune  et  le  départe- 
ment, Pache,  Chaumette,  Hébert,  Dufourny,  Momoro,  à  propos 
de  l'arrestation  de  l'actrice  Montansier;  on  prévenait  Pache 
que  Chaumette  et  Hébert  étaient  dénoncés  au  Comité  de 
Sûreté  générale  comme  ayant  trempé  dans  la  conjuration  de 
l'Angleterre  ;  à  Chaumette,  on  disait  que  c'était  Pache  et 
Hébert  seulement  qui  étaient  dénoncés,  à  Hébert,  que  c'étaient 
Pache  et  Chaumette.  » 

C'est  alors  que  Robespierre,  dans  la  séance  des  Jacobins  du 
i"  frimaire,  désigna  nominativement  les  intrigants  :  Proly, 
Dubuisson,  Desfieux  et  Pereira,  et  demanda  que  ces  trois  der- 
niers, qui  étaient  membres  de  la  Société  des  Jacobins,  en  fussent 
chassés.  C'est  ce  qui  fut  voté  séance  tenante.  Au  début  de  fri- 

1.  Le  Tableau  de  la  Volupté  (juillet  1771),  réédité  de  nos  jours.  Voir  la  Cor- 
respondauce  littéraire,  éd.  Tourneux,  t.  IX,  p.  349,  et  le  Catalogue  général  de  la 
Bibliothèque  nationale,  au  mot  Dubuisson  (Paul-Uli'ic). 

2.  Article  de  la  Grande  Encyclopédie,  signé  F, -A.  A. 

3.  Eludes  révolutionnaires,  Paris  (Stock),  190g,  a"  série,  pp.  180  et  suivantes. 
h-  Cellier. 


62       REVUE   HISTORIOUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

maire,  ils  furent  arrêtés  et  emprisonnés.  Ils  périrent  en  1794, 
4  germinal  an  II,  sur  le  même  échafaud  que  le  Père  Duchesne  : 
mais  cela  ne  prouve  aucunement  qu'ils  fussent  hébertisles. 

Dans  le  «  procès  instruit  et  jugé  au  tribunal  révolutionnaire 
contre  Hébert  et  consorts  »  ',  il  y  eut  vingt  accusés,  dont  un  seul 
fut  acquitté.  Le  n"  19  est  «  Paul-Ulric  Dubuisson,  âgé  de 
quarante-huit  ans,  né  à  Laval,  demeurant  à  Paris,  rue  Saint- 
Honoré,  section  de  la  Montagne^,  homme  de  lettres'  ».  Le 
seul  témoin  entendu  contre  lui  fut  Jacques  Moine,  agent  d'un 
atelier  d'armes  :  il  rapporta  que  Proly,  Dubuisson  et  Pereira 
fréquentaient  assidûment  le  ministre  Lebrun  ;  qu'un  jour  le 
déposant  ayant  parlé  contre  un  article  d'un  journal  rédigé 
sous  les  ordres  du  ministre  Lebrun,  ces  trois  accusés  l'invec- 
tivèrent;  qu'en  décembre  1792,  Proly  et  Dubuisson  avaient 
arrangé  un  dîner  chez  Girardin,  restaurateur,  cour  des  Jaco- 
bins. Le  déposant,  qui  y  fut  invité,  ne  vit  pas  sans  indignation 
paraître  Bonne-Carrère''  qui  fut  amené  par  Proly.  —  Proly  dit 
qu'il  serait  nécessaire  que  la  Société  des  Jacobins  s'occupât 
de  savoir  s'il  ne  conviendrait  pas  de  faire  la  paix  avec  les 
puissances  étrangères.  Il  ajouta  qu'il  connaissait  des  agents 
des  puissances  qui  entameraient  cette  négociation. 

Dubuisson,  en  ce  qui  le  concernait,  déclara  n'avoir  connu 
Pereira  qu'en  mars  1793,  quand  celui-ci  lui  avait  proposé  la 
députation  en  Belgique  ;  n'avoir  eu  avec  Proly  eî  Desficux  que 
des  relations  accidentelles,  au  café  Corazza  ;  n'avoir  également 
connu  le  ministre  Lebrun-Tondu  qu'à  propos  de  cette  mission-'. 

1.  Bib.  nat.,  Lb",  loSa. 

2.  Nouveau  nom  de  la  seclion  de  la  Butte-des-Moiilins. 

3.  Procès  cite,  p.  i6.  • —  D'après  Rabbe,  Dubuisson  serait  né  à  la  Martinique 
et  non  à  Laval.  Il  s'appuie  sur  la  préface  du  premier  ouvrage  de  Dubuisson, 
Nadir.  (11  aurait  donc  pu,  à  onze  ans,  y  connaître  la  Montansier.)  Ce  qui  est 
certain,  c'est  qu'il  fit  un  séjour  »  aux  îles  »,  en  1783,  après  l'échec  du  Vieax 
garçon,  pour  tenter  la  fortune  ou  peut-être  pour  recueillir  une  succession. 

4.  Siu-  Bonne-Garrère,  voir  F.  Masson,  Le  département  des  Affaires  étrangères 
soiis  ta  Révolution,  Paris,  1877. 

5.  Dumas,  aux  Jacobins  (ai  germinal  an  II),  le  désigna  clairement,  sans  le 
nommer,  comme  a  l'émissaire,  l'homme  de  conliance  de  Dumouriez,  à  l'époque  de 
sa  traliispn  :  sans  mission,  sans  ordre,  sans  prétexte,  il  fut  dans  la  lente  du  roi 
de  Prusse.  «  Sa  tète  venait  de  rouler.  Ce  nouveau  cjrief  n'a  pas  de  sens. 


LA    MONTANSIER  63 

En  tout  cela,  il  ne  fut  pas  question  de  la  Montansier  :  elle 
n'avait  été  que  le  prétexte,  mais  elle  a  pu  fort  bien  se  croire 
la  cause,  —  innocente  d'ailleurs,  —  de  l'arrestation  et  de  la 
mort  de  son  auteur  favori  (21  germinal  an  II  =  4  avril  179^). 


Elle  avait  été  enfermée  à  la  Petite-Force.  Elle  avait  assez  de 
ressources,  d'entregent  pour  y  être  bien  traitée,  et  n'y  souffrit 
pas  matériellement.  Au  fond,  les  puissants  du  jour  en  vou- 
laient à  ses  entreprises  et  non  à  sa  personne.  Si  elle  avait,  sur- 
tout dans  le  monde  de  l'Opéra,  des  envieux,  des  concurrents, 
elle  avait  aussi  pour  elle,  et  en  grand  nombre,  des  auteurs,  des 
musiciens,  des  pensionnaires,  des  emplovés,  des  fournisseurs, 
des  entrepreneurs,  des  décorateurs,  enfin  des  créanciers  dont 
la  fortune  et  l'existence  étaient  attachées  à  sa  barque.  II  n'est 
donc  pas  juste  de  dire,  avec  M.  Lenôtre  :  «  Elle  ameute  si 
bien  les  badauds  qu'on  n'ose  l'envoyer  à  la  guillotine'.  »  On 
avait  de  bien  autres  audaces  ! 

Elle  eut  tout  le  temps,  tous  les  moyens  de  se  défendre.  Elle 
a  signé  un  long  et  probant  Mémoire  justificatif  qu'elle  n'a 
probablement  pas  rédigé  seule,  mais  dont  seule  elle  pouvait 
fournir  les  éléments  de  fait  et  de  droit  :  «  Dès  les  premiers 
jours  de  sa  captivité,  dit  son  dernier  biographe,  M.  Lecomte'^, 
elle  avait  entrepris  un  mémoire  dans  lequel  les  insinuations 
calomnieuses  de  Hébert  et  de  Chaumette  étaient  point  par 
point  réfutées.  Ce  mémoire,  aujourd'hui  [)erdu,  nous  en  trou- 
vons trace  dans  un  catalogue  d'autographes  publié  en  1849... 
C'est,  si  l'on  en  croit  le  rédacteur  du  catalogue,  un  modèle  de 
fourberie  et  d'ingratitude  envers  d'illustres  bienjaiteurs  deve- 
nus malheureux^.  Il  fut  envoyé  le  24  décembre  1793  à  Cou- 

I.  Ouvr.  cité,  p.  246. 

a.  Ouvr.  cité,  p.  196. 

3.  Cette  allusion  ne  peut  s'appliquer  qu'à  Marie-Antoinette  ou  plutôt  à  la  mé- 
moire de  la  «  veuve  Capet  ».  De  quels  «  bienfaits  »  s'agil-il?  Du  privilège  de 
1 777  ?  De  la  grâce  accordée  à  Neuville  ?  La  Reine  est-elle  personnellement  inter- 
venue en  cela?  Il  est  impossible  de  sortir  des  «  on-dil  ». 


04       REVUE    H1ST0RIOI.E    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇ.VISE    ET    DE    l'eMPIRE 

ihon...  avec  ce  billet  qui,  plus  heureux  que  la  pièce  même,  a 
été  consente  :  Au  Président  de  la  Convention.  Prison  de  la 
Petite-Force,  4  nivôse,  an  IL  Citoten,  tu  es  un  vrai  républiquin 
par  conséquent  juste...  Je  t' envois  un  exemplaire  de  mon  Mé- 
moire. Tu  y  liras  la  Vérité  rien  que  la  vérité.  Cependant  je 
suis  en  prison  depuis  cinq  semaines.  » 

Ce  Mémoire  justificatif ,  —  facile  en  réalité  à  consulter  à  la 
Bibliothèque  nationale,  bien  que  personne  ne  l'ait  encore 
utilisé,  —  est  un  factum  imprimé  dans  la  forme  usuelle,  et 
daté  :  «  A  la  Petite-Force  le  lo  frimaire  an  II,  Montansier^  w 
On  voit  qu'elle  n'avait  pas  perdu  de  temps,  et  que  Ton  n'en 
avait  pas  perdu  à  son  service  :  en  quinze  jours  sa  défense  fut 
prête. 

Comment,  dit-elle  en  substance,  pourrait-elle  être  so///)fon/ïee.' 
Sa  profession  de  directrice  de  spectacle  met  au  grand  jour  sa 
conduite  publique  et  privée.  Il  faut  qu'elle  reçoive  chez  elle 
amis,  ennemis,  indiCférents.  Si  elle  était  une  femme  dangereuse, 
aurait-on  attendu  quatre  ans  de  Révolution  pour  s'assurer  de 
sa  personne?  Elle  est  donc  positivement  accusée.  Les  envieux, 
qui  «  ne  cherchent  pas  à  vous  perdre  parce  que  vous  avez  mal 
fait,  mais  parce  que  vous  faites  trop  bien  »,  ont  imaginé  sur 
son  compte  un  «  roman  d'impostures  »,  un  «  corps  de  calom- 
nie ».  Elle  se  félicite  qu'un  «  moment  de  contrainte  »  lui  four- 
nisse l'occasion  de  percer  à  jour  d'absurdes  dénonciations,  et 
«  d'imposer  à  jamais  silence  à  ses  détracteurs  ».  Elle  ne  fera 
«  pas  de  phrases  »,  elle  ne  dira  que  «  des  choses  ». 

On  l'accuse  d'avoir  connu  Marie-Antoinelte.  Elle  ne  le  nie 
pas.  Mais  a-t-elle  été  son  agente,  sa  confidente,  l'a-t-elle  servie 
dans  «  ses  crimes  '?  »  Non.  «  Sous  l'ancien  régime,  la  Cour 
avait  des  loges  à  l'Opéra,  aux  Français,  aux  Italiens.  Elle  en 
avait  aussi  aux  spectacles  de  Versailles  dont  j'étais  directrice. 
L'Opéra,  les  Français,  les  Italiens,  portaient  leur  répertoire  à 
la  Cour.  Ils  attendaient  dans  Tanlichambre.  Je  le  portais  égale- 
ment, et  j'attendais  dans  l'antichambre.  » 

i.  Paris,  imp.  Potier,  rue  Favarl,  n"  5.  —  In-A"  de  i6  p.  Bibl.  nat.,  Ln-'  i4.55 


LA    MONTANSIER  65 

Après  le  l'i  juillt-t,  la  Montansier  déclare  avoir  ouvertement 
pris  parti  pour  la  Révolution,  en  faisant  jouer  à  Orléans,  où 
elle  avait  une  troupe,  La  prise  de  la  Bastille^.  La  Reine  lui  fit 
alors  savoir  rju'elle  ne  payerait  plus  sa  loge. 

«  Depuis,  elle  n'est  plus  venue  à  mon  spectacle.  D'ailleurs 
elle  n'était  qu'abonnée  et  ne  m'a  jamais  fait  donner  un  écu  au 
delà  de  ce  qu'elle  me  devait-.  » 

Quand,  en  octobre,  les  Parisiens  marchèrent  sur  Versailles, 
«  Capet  et  sa  femme'  voulurent  se  sauver...  Qu'est-ce  qui  fit 
échouer  leur  projet?  Une  partie  de  mes  pensionnaires  qui, 
conjointement  avec  d'autres  citoyens,  arrêtèrent  :  i"  les  voi- 
tures de  Capet,  à  la  chute  du  jour,  le  5  ;  2°  celles  de  la  veuve 
Capet,  dans  la  nuit  du  5  au  6  ».  La  Montansier  sent  bien  ce 
qu'une  telle  assertion  a  d'imprévu.  Mais  ou  entendra  des 
témoins  :  elle  n'en  «  impose  »  pas*. 

(Ultérieurement,  dans  une  lettre-supplique  du  28  prairial 
an  II  aux  Citoijens  composant  la  Commission  populaire,  elle 
n'insiste  plus  sur  cette  inten-ention  de  son  personnel,  qui, 
somme  toute,  ne  prouvait  rien  quant  à  ses  propres  sentiments. 
En  revanche,  elle  prétend  avoir  refusé  son  théâtre  pour  ce 
banquet  des  gardes  du  corps  qui  eut  lieu  à  Versailles,  au  château 
même,  et  provoqua  la  colère  de  Paris  ;  et  l'avoir  ouvert  aux 


I.  Peut-«tre  était-ce  ce  hiérodrame  tiré  des  livres  saints,  musique  de  Désaugiers 
(Marc-Antuine),  dont  la  partition  est  perdue,  et  qui  fut  aussi  représente  à  Rouen. 
Voir  la  Revue  hislorique  de  la  flévolulion,  n°  ii,  p.  497. 

a.  Le  comte  d'Artois  avait  aussi  sa  loge  réservée  au  grand  théâtre  de  VersaiJles, 
en  face  de  celle  de  la  Reine.  Il  la  payait  2.400  li\Tes.  Les  Pages  du  Roi,  suivant 
la  tradition  antérieure,  donnaient  aoo  livres  par  mois  (P.  Fromageot,  ouvr.  cité, 
pp.  35  et  36). 

3.  Il  n'v  a  pas  i\  tenir  rigueur  à  la  prisonnière  d'une  expression  qui,  sous  la  Ter- 
reur, était  de  style. 

4.  On  a  ru  plus  haut  une  autre  interprétation,  dans  le  sens  royaliste.  Il  est  pro- 
bable qu'elle  date  de  la  Restauration.  —  D'après  les  Mémoires  de  Barras  (t.  I, 
p.  349)  ou  plus  exactement  d'après  l'Appendice  VIII  composé  par  Rousselin  de 
Saint-Albin,  la  Montansier  aurait  été  reçue  dans  les  petits  appartements  de  la 
Reine,  comme  Léonard,  le  coiffeur.  M"»  Berlin,  la  marchande  de  modes.  C'est, 
dit-il,  que  0  le  théâtre  donnait  le  ton  aux  modes  ;  et  la  Cour  était  la  première  à 
les  recevoir  du  théâtre  ».  Or  ce  qui  peut  être  vrai  de  la  Contât,  la  Suzanne  du 
Mariage  de  Figaro,  celte  prima  dona  de  la  mode,  ne  l'est  évidemment  pas  d'une 
directrice  de  théâtre  plus  que  miire  I 

BEV.    HIST.    DE   LA    RÉVOL.  5 


66       REVCE    HISTOIUQLE    DE    LA    RKVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    L'EJfPIRE 

Parisiens  pour  leur  servir  d'asile  pendant  la  nuit  du  5  au  6, 
leur  procurer  et  des  subsistarices  et  des  distractions  :  «  car 
ils  eurent  aussi  des  violons  »  '.  En  quoi  il  est  bien  clair  que,  si 
ces  faits  sont  avérés,  la  directrice  senait  le  château  en  apaisant 
et  détournant  l'orage  à  sa  façon,  ou  en  vertu  d'ordres  supé- 
rieurs.) 

Revenons  au  Mémoire  de  frimaire,  fondamental.  —  Il  est 
exact  que,  lors  de  la  Fédération,  la  Montansier  envoya  son 
monde  à  Versailles,  jouer  des  pièces  patriotiques,  «  analogues 
aux  circonstances  ».  Sa  lettre  du  3  juillet  1790-  aux  officiers 
municipaux  de  Versailles  prouve  que,  sur  ce  point,  elle  n'en 
impose  pas.  Par  voie  de  conséquence,  on  peut  croire  aussi  que, 
lors  du  passage  des  soldats  du  régiment  de  Château  vienne  ^, 
elle  fit  jouer  Guillaume  Tell,  à  Versailles,  au  bénéfice  de  ces 
victimes  de  Bouille  cl  de  l'aristocratie. 

Aucun  doute,  non  plus,  sur  la  véracité  de  la  déclaration 
suivante  : 

«  La  première,  j'ai  fait  jouer  la  comédie  les  jours  de  Vierge, 
la  semaine  qu'on  disait  sainte,  le  vendredi  qu'on  disait  saint, 
le  jour  de  Pâques  qu'on  disait  saint*^.  Je  reçus  plusieurs  lettres 
anonvmcs  où  l'on  me  menaçait  de  brûler  ma  salle.  Cela  ne 
m'arrêta  point  et  je  jouai.  » 

La  Montansier  passe  à  ses  relations  avec  le  général  Dumou- 
riez.  Etant  donnée  l'arrestation  ou  récente  ou  imminente  de 
Dubuisson,  c'était  évidemment,  contre  elle,  le  grief  le  plus 
dangereux,  et  qui  l'avait  visée  avant  même  que  la  trahison  du 
vaincjueur  de  Jemmapes  ne  fût  connue^.  Ici,  documents  en 
main,  le  plaidoyer  de  la  Montansier  ne  dit  que  la  vérité,  si  elle 
ne  la  dit  pas  tout  entière  : 

Le  Conseil  exécutif  m'envoya  dans  la  Belgique  pour  jouer  des 

1.  Martial  ^E^■Eo,  remie  citée,  37  septembre  igoS. 

2.  Collection  de  M.  P.  Fromageot. 

.  3.  C'est  le  dimanche  i5  avril  179a  qu'ils  furent  reçus  et  fêtés  à  Paris. 

/(.  On  peut  ajouter  :  la  Penlrcôte  :  en  1791,  ce  jour-là,  les  affiches  qui  annoD- 
çaient  le  spectacle  furent  arrachées  par  ordre  de  la  municipalité  de  Versailles 
(P.  Kromaoeot,  oiwi:  cité,  p.  64). 

5.  Viiir  plus  liaul  l'hisloire  de  la  médaille  contre-révolutionnaire. 


LA    MONTANSIEK  67 

pièces  révolutionnaires.  C'est  un  fait  dont  les  ordres  et  une  corres- 
pondance qu'on  a  dû  trouver  sous  les  scellés  font  foi. 

Je  n'ai  point  vu  Dumourier  à  Bruxelles'.  J'invoque  à  cet  égard 
le  témoignage  des  représentans  du  peuple,  des  commissaires  du 
pouvoir  exécutif,  de  mes  camarades,  de  tous  les  Français  qui  étoient 
k  Bruxelles.  J'étois  adressée  par  le  ministre  au  général  Moreton,  et 
non  point  à  Dumourier. 

Je  pa.ssai  huit  jours  k  l'auberge,  k  Bruxelles,  avec  mes  camarades, 
sans  pouvoir  parvenir  à  jouer  sur  le  théâtre.  Des  directeurs  et  une 
troupe  en  étoient  en  possession,  et  ce  ne  fut  qu'après  bien  des  soins 
que  j'y  parvins,  et  par  l'appui  du  général  Moreton  qui  présida  au 
marché  que  je  conclus  avec  eux. 

Dumourier  con.spirait  contre  la  liberté,  et  je  ne  jouai  que  des 
pièces  pour  propager  et  maintenir  la  liberté,  telles  que  Les  Victimes 
cloîtrées  "  et  autres  de  ce  genre.  Je  n'étois  donc  pas  de  concert  avec 
lui. 

Dumourier  s'opposoit  k  la  réunion  de  la  Belgique,  étoit  d'accord 
avec  les  Autrichiens  pour  marcher  sur  Paris  et  livrer  la  France  ;  et 
moi,  je  fus  obligée  de  me  sauver  précipitamment  de  Bruxelles,  avec 
mes  camarades,  pour  n'être  pas  tuée,  et  d'y  aLandonner  tout  mon 
magasin  que  j'y  avois  fait  transporter'. 

Voici  l'instant  oîi  je  crus  pouvoir  m'adresser  k  Dumourier.  Les 
enaemis  approchoient  de  Bruxelles,  nous  étions  sans  argent  et  sans 
ressources.  J'en  avois  demandé  aux  représentans  du  peuple.  Les 
affaires  majeures  dont  ils  étoient  occupés  leur  laissèrent  négliger 
celle-lk.  J'écrivis  un  billet  de  quatre  lignes  à  Dumourier  pour  l'in- 
viter k  m'en  faire  prêter  :  mon  billet  resta  sans  réponse.  Je  n'étois 
donc  pas  d'accord  avec  lui. 

On    l'accusait   aussi    d'avoir,    à    Bruxelles,   discrédité   les 


1.  D'après  sa  lettre  du  a6  novembre  179a  à  Lebrun-Tondu,  elle  avait  vu  Dumou- 
riez  à  son  passage  à  Paris  et  lui  avait  demandé  l'agrément  de  conduire  à 
Bruxelles,  aussitôt  qu'il  y  serait  entré,  une  troupe  de  la  Propagande.  «  Il  sourit... 
et  me  donna  rendez-vous  pour  les  fêtes  de  Noël.  »  —  En  fait,  avec  l'appui  et  une 
subvention  de  Lebrun,  la  troupe  française  joua  à  Bruxelles  du  10  janvier  au 
23  mars  1793  ;  les  Autrichiens  y  rentrèrent  le  lendemain.  Aucune  assertion  du  Mé- 
moire de  l'an  II  n'est  démentie  par  les  textes,  quant  au  voyage  et  à  l'entreprise 
de  Belgique. 

2.  Par  Monvel. 

3.  Voir  son  bilan  dans  Lecomte,  oavr.  cité,  p.  162. 


f)8       REVUE   HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FR,\NÇA1SE    ET   DE   l'eMPIRE 

assignats  de  la  République  par  le  prix  des  places.  La  rt^futa- 
tion  est  lumineuse  : 

Les  directeurs-propriétaires  du  spectacle  de  Bruxelles  avoient, 
d'accord  avec  le  général  Moreton,  fixé  les  prix.  Ils  étoient  indiqués 
par  leurs  affiches  à  7  livres  10  sols  en  assignats  et  6  livres  en  numé- 
raire '.  La  fixation  des  prix  resta  telle  qu'elle  étoit  avant  mon  arri- 
vée k  Bruxelles,  le  général  Moreton  m'ayant  dit  de  les  laisser 
subsister  de  même  ;  la  différence  ne  vient  donc  pas  de  moi,  et  il  ne 
dépendoit  pas  de  moi  de  la  changer. 

Plusieurs  artistes  de  l'Opéra,  qui  ont  été  envoyés  aussi  par  le 
pouvoir  exécutif  a  Bruxelles  avant  moi,  savent  qu'on  prenoit  aux 
représentations  qu'ils  y  ont  joué  7  livres  10  sols  en  assignats  et 
tj  livres  en  numéraire. 

Le  prix  des  bals  seul  dépendoit  de  moi.  Il  n'y  en  avoit  pas  encore 
eu  de  donnés,  et  des  affiches  peuvent  prouver  que  je  n'y  avois  point 
mis  de  différence  entre  l'argent  et  le  papier.  Les  commissaires  du 
pouvoir  exécutif  m'y  engagèrent.  Je  m'empressai  de  répondre  à  leur 
désir;  ils  en  prévinrent  le  ministre  et  lui  firent  passer  une  de  mes 
affiches. 

Lorsque  le  public  prenoit  des  billets  à  la  porte,  les  malveillants 
et  les  créatures  de  Dumourier  s'y  trouvoient,  et  disoient  aux  per- 
sonnes qui  payoient  en  argent  :  «  Cela  vous  est  égal  de  payer  avec 
du  papier,  donnez-moi  votre  argent,  voilà  un  assignat.  »  Plusieurs 
furent  arrêtés  ;  j'étois  seule  victime  de  cette  fraude  ;  il  étoit  donc  de 
mon  intérêt  que  les  prix  fussent  égaux  en  numéraire  et  en  papier, 
puisque  ce  monopole  n'auroit  pas  existé. 

Sur  le  prétendu  dessein  de  mettre  le  feu  à  la  Bibliothèque 
nationale,  ou  sur  la  vraisemblance  plus  on  moins  grande  d'un 
danger  d'incendie  accidentel,  la  fondatrice  du  Théâtre  Natio- 
nal avait  beau  jeu  -  : 

Ai-je  l'ait  bâtir  le  théâtre  de  la  rue  de  la  Loi  pour  mettre  le  feu  à 

1.  Les  assignats  perdaient  en  réalité  beaucoup  plus.  Dans  le  compte  .idressé  à 
Lebrun,  on  lit  :  b  Dépenses  en  numéraires  15.5.17  liv.  a  s.  5  d.,  qui  ont  coûté 
en  assign.its  31.07/1  liv.  4  s.  6  d.  »,  soit  le  double,  valeur  nominale. 

•!.  .-iu  reste,  le  Tlitàlre  Xalional  ne  chôma  que  quelques  jours,  et  logea  l'Opira, 
institution  d'Elat,  jusqu'en  iSaS.  Il  est  vrai  qu'on  démolit  des  annexes.  Il  n'y 
aurait  eu  qu'à  en  interdire  l;i  construction.  —  Deux  arrêtes   du  Directoire,  i"'  et 


LA.    MONTANSIER  6q 

la  Bibliothèque  nationale  ?  Si  j'avois  eu  cette  idée,  j'aurois  été  bien 
bête  de  placer  le  théâtre  de  ma  salle  à  rextrémité  opposée  à  la 
Bibliothèque  nationale.  Si  j'avois  eu  cette  idée,  j'aurois  été  bien 
absurde  de  faire  construire  trois  gros  murs  entre  la  rue  et  le  par- 
terre de  la  salle.  Si  j'avois  eu  cette  idée,  j'aurois  été  bien  adroite 
de  persuader  à  vingt  particuliers  d'y  sacrifier  leur  fortune.  Si  j'avois 
eu  cette  idée,  j'aurois  été  bien  audacieuse  de  faire  communiquer  le 
plan  de  ma  salle  aux  inspecteurs  des  travaux  publics  et  à  la  com- 
mune. 

Si  j'avois  eu  cette  idée,  j'aurois  été  bien  ignorante  de  ne  pas 
savoir  que  les  livres  en  masse  ne  brûlent  point  et  que  le  feu  est 
celui,  de  tous  les  fléaux,  que  les  livres  craignent  le  moins. 

Si  j'avois  eu  cette  idée,  j'aurois  été  bien  gauche  de  faire  cons- 
truire à  ma  salle  des  réservoirs  immenses  et  qui  sont  pleins  d'eau. 

Si  j'avois  eu  cette  idée,  j'eusse  été  bien  lente  à  l'e.itécuter,  puisque 
ma  salle  a  été  dix-huit  mois  à  bâtir,  qu'il  y  a  trois  mois  qu'elle  est 
ouverte,  qu'on  n'y  a  pas  vu  une  seule  pièce  à  incendie,  et  que  d'ail- 
leurs les  feux  dont  on  se  sert  dans  les  théâtres,  qui  ne  sont  ordinai- 
rement composés  que  d'esprit  de  vin,  ne  sont  jamais  dangereux. 

Maintenant,  je  demande  à  ceux  qui  me  supposent  cette  idée, 
quel  intérêt  j'aurois  eu  et  ce  qu'il  m'en  seroit  revenu?  Certes,  le 
moindre  accident  k  cet  égard  eût  fait  fermer  mon  spectacle,  etvoilk 
ce  que  j'y  aurois  gagné...  » 

Ai-je  fait  bâtir  mon  théâtre,  rue  de  la  Loi,  avec  l'argent 
de  Pitt  et  i5o.ooo  livres  de  la  veuve  Capet? 

Je  demanderai  d'abord  pourquoi  Pitt  auroit  fait  bâtir  un  superbe 
théâtre  à  Paris  ?  Il  n'est  pas  présumable  qu'il  s'intéresse  beaucoup 
aux  artistes  et  aux  arts  français.  Pour  faire  tomber  l'Opéra,  dira-t-on  ? 
Mais,  faire  tomber  l'opéra  pour  le  ressusciter  plus  brillant  encore, 
cela  n'est  pas  conséquent. 

Mais  vous  avez  engagé  des  sujets  de  l'Opéra,  preuve  que  vous 


i3  germinal  an  VII,  concernent  les  spectacles  «  sous  le  rapport  des  incendies  ». 
Le  deuxième,  art.  4>  prescrit  des  mesures  «  provisoires  »  pour  la  sûreté  de  la 
Bibliollièque  nationale,  menacée,  moins  par  le  Théâtre,  que  par  la  proximité  de  la 
Trésorerie.  Un  mur  en  ])ierre  et  en  briques  fut  ordonné,  au  lieu  de  cloisons  qui 
fermaient  des  escaliers  donnant  sur  la  rue  de  la  Loi  (Arch.  Nat.  AD  VIII  44, 
pièce  3o). 


70       REM.iE   mSTORIQUF.    DE    LA.   REVOLUTION   FRANÇAISE    ET   DE   L  EMPIRE 

VOUS  entendiez  avec  Pitt  pour  faire  tomber  l'Opéra?  Point  du  tout, 
parce  qu'il  auroit  paru  indifférent  à  Pilt  que  les  sujets  de  J'Opéra. 
eussent  dansé  sur  le  boulevard  ou  rue  de  la  Loi,  et  que  cela  n'eût 
pas  réalisé  son  projet. 

Mais  vous  avez  eu  des  sujets  de  l'Opéra,  parce  que  vous  les 
payiez  plus  cher  qu'à  l'Opéra,  preuve  que  vous  vous  entendiez  avec 
Pitt,  pour  faire  tomber  l'Opéra?  Point  du  tout,  car  si  je  payois  les 
sujets  plus  cher  qu'à  l'Opéra,  je  les  fixois  à  Paris,  et  Pitt  auroit  été 
déjoué  par  ce  calcul,  puisqu'il  auroit  conservé  l'Opéra  bien  plus 
qu'il  ne  l'auroit  détruit  :  car  l'Opéia  consiste,  non  dans  la  cage  où 
on  le  joue,  mais  dans  les  talents  qu'il  renferme,  et  ces  talents  reste- 
ront où  ils  se  trouveront  le  plus  payés  '. 

Un  dernier  mot  sur  cette  prétendue  intelligence  avec  Pitt.  Le 
terrein  qu'occupe  ma  salle  a  été  acheté  le  7  décembre  1791.  La 
salle  devoit  m'être  livrée  par  l'entrepreneur  kïa. Pentecôte  de  i/ga, 
et  la  déclaration  de  guerre  k  l'Angleterre  est  du  premier  fé\Tier 
1798.  Que  l'on  compare  maintenant  ma  prétendue  connivence  avec 
Pitt,  et  que  l'on  prononce. 

La  Montansier  expose  ensuite  le  plan  général  de  son  entre- 
prise théâtrale  rue  de  la  Loi  -. 
Suivent  deux  tableaux  intitulés  : 


1°  Sommes  payées  par  .a  citoyenne  de  Montansier, 
tant  de  ses  deniers  personnels  que  d'emprunts. 


DATES  NOMS  SOMME    PATEE 

des  des  acquisition  du  terbain  sans 

actes  notaires  empninl 

7  déc.  1791.  Rouen.  4'J0.4oo '■  55. 260  1. 


1.  L'acteur  François  Lays,  premier  sujet  de  l'Opéra,  après  sa  mise  en  liberté 
(i5  messidor  an  111)  se  vante  lui-même  dans  un  factum  «  de  s'être  opposé  de 
toutes  ses  forces  à  l'ambition  insatiable  de  la  Montansier  «,  accaparcuse  d'une 
«  grande  partie  des  théâtres  de  la  République  «  (Arcb.  nat.  .40  VIII,  44,  pièce  i3). 
—  De  son  côte,  le  régisseur  de  la  Montansier,  Verteuil,  incrimine  «  les  odieuses 
mesures  combinées  dans  les  saturnales  et  dans  les  orgies  »  entre  Hébert,  Chau- 
melle,  et  les  sujets  de  l'Opéra.  Ce  conseil  •  jmlilico-ljrique  »  n'avait  .pour  but 
que  de  pourvoir,  par  une  confiscation  <  aux  plaisirs  cl  aux  convenances  de  quel- 
ques mécènes  do  coulisses  »  (Tour.neu.x,  ouv.  cité,  art.  i834i)- 

2.  Voir  plus  haut. 


LA    MOiNT.VNSIEll 


r^DEMEURE? 

■t'teurs 

sou  H  ES 

empruntées 
et  payées 

l'entrepreneur 

NOMS 

des 
notaires 


i3  mars  1792.  Rouen.  Constitution  viagère  de  5. 000  I. 
au  principal  de  53. 000  1., 
au  profil  de  François-Louis- 
Claude  Marin  et  sa  femme, 

rue  du  Mail .jS.ooo  1. 

24  mai.  Rouen.        Obligation  à  Pierre  Jour,  rue 

Sl-Honoré,  de. So.ooo  1. 

24  mai.  Le  même.      Trois     obligations,      ensemble 

gg.oool.  à  Jean-Charles  Heh- 
TRAND,  assesseur  Balivol'.à 
Tverdun,  canton  de  Berne, 
logé  alors  hôtel  Francfort, 
rue  des  Vieux-Augustins.  .  gg.ooo  I. 
3o  juin.  Le  même.      Quittance  de  200.000  1.,  avec 

subrogation,  en  faveur  d'An- 
toine Lepescheux,  négociant, 

rue  de  l'Fchiquier 200.000  1. 

i"  juillet.  Le  même.      Jean    Mac-Mahon    Leadmore, 

rue  Saint-Joseph 11.000  1. 

I»'  octobre.         Le  même.      Marguerite  Boudier,  veuve  Al- 
lègre, rue  de  Grammonl .    .        20.000  1. 
1 1  octobre.         Le  même.      Gaétan    V'ellony  et    Victoire- 
Marguerite    Allègre,    sa 
femme,  rue  Saint-Thomas- 

du- Louvre i4.ooo  1. 

Total  des  sommes  payées  avec  emprunt 447.ooo'- 


2°  Sommes  empruntées  par  l' Entrepreneur  et  par  lui  versées 
à  ses  entrepreneurs. 

i5  fév.  1792.  Dufouleur.  Marie -Joseph -Apollinaire  Mo- 
RA.ND  et  son  épouse,  aux  Ja- 
cobins          81.000  1. 

i5  octobre.  Rouen.        Antoine    Lepescheux,    rue    de 

l'Échiquier 3oo.ooo  1. 

i''  mai  [1793].      Le  même       Le  même. 3oo  000  1. 

Sur  les  600.000  livres  prêtées  par  Lepescheux,  il  en  a  transporté  : 

1°  Par  acte  passé  devant  Garnier,  notaire  à  Paris,  le  26  mai 
1793,  à  Jean-Baptiste  d'Huicque,  rue  Montmartre jo.ooo  1. 

I.  Balivol  n'a  pas  de  sens.  On  peut  conjecturer  :  «  baillival  »,  ou  «  bénévole  ». 


72       RE\'UE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

2°  Par  un  autre  acte  du  même  jour,  devant  le  même  no- 
aire,  à  Marie-Françoise  Benard,  veuve  Pruneau,  rue  Mont- 
martre            ôo.ooo  I. 

3°  Par  acte  passé  devant  Rouen,  le  28  mai  lygS,  au  citoyen 
Desages,  rue  du  Boulloy i4o.ooo  1. 

4°  Par  acte  passé  devant  le  même  notaire,  à  Charles-An- 
toine Lefebvre,  garde  d'artillerie  à  Douay,  et  Marie-Louise 
Laurent,  sa  femme,  le  premier  juin  1798 9.000  I. 

5°  Par  acte  passé  devant  Rouen,  le  7  septembre  1798,  à 
la  veuve  Alibert,  marchande-bijoutière,  cul  de  sac  du  Paon.        10.000  I. 

6"  Par  acte  passé  devant...  à...  la  somme  de  17.000  1.,  ci.        17.000  1. 

70  Et  par  acte  passé  devant  Rouen,  le  20  septembre  1798, 
au  citoyen  Desages,  rue  du  Boulloy lOo.ooo  1. 

En  tout 430.000  1. 

(//  ne  ri'sie  pins  au  cit.  Lepescheux,  sur  les  600.000  livres  prêtées, 
que  :  164.000  1.)' 

8  sept.  1798.  Rouen.        12.000 1.  à  constitution  de  rente 

viagère,  de  Pierre  Gandras 
et  Marie- Madelaine- Gene- 
viève Dlbois,  demeurants  à 

Saint-Vallery 12  000  1. 

28  octobre.  Le  même.      Barthélémy  Despeisse,  rue  des 

Vieilles-Thuilleries    ....        80.000  1. 
4  nov.  Fourcault-     La  citoyenne  Senicourt,  cul  de 

Pavant.  sac  Sainte-C'roi.x 20.000  1. 

Total  (les  sommes  empruntées  par  l'entrepreneur:  748.000  1. 


Indépendamment  des  447-000  1.  empruntées  à  la  citoyenne  Montansier, 
il  lui  a  encore  été  prêté,  tant  pour  subvenir  aux  dépenses  extraordinaires 
de  ce  bâtiment,  que  pour  nouvelles  décorations,  et  payement  des  sujets 
attachés  à  ce  spectacle,  les  sommes  ci-après  : 

DATES  NOMS   ET    DEMEURÏS  SOMMES 

des  NOTAIRES  des  nrptiiM 

actes  prêteurs  prêtées 

19  fév.  1798.  Rouen.         Pignere-Labollnoye,   rue   des 

Tournelles i2.5ool. 

Id.  1<1.  MoNiET,   rue   Montmartre,   en 


1.  D'après  le  faclum  intitulé  «  Hélulation  des  ineiisonjes,  etc.  »  (Tolr.velx,  ouv. 
cit.  art.  i835o),  Lepescheux  était  iirimitivemcnl  associé  pour  un  quart  clans  le 
bénéfice,  et  non  duns  la  perte  de  l'enlisprise.  Il  s'était  engage,  par  acte  notarié, 
à  faire  face  à  la  plupart  des  billets  en  circulation. 


DATES 

des 
actes 

NOTAIRES 

Id. 

Id. 

Id. 

Id. 

21  fév.  1793 

Id. 

Id. 

Id. 

5  mars. 

Id. 

Id. 

Id. 

6  mars. 

Rouen. 

i5  mars. 

Id. 

I"  avril. 

Id. 

Id. 

Id. 

1 7  doc.  17^3. 

Id. 

LA    MONTAN'SIER  •jS 

NOMS    ET    DEMEURES 

des  SOMMES 

préteurs  P''*"'=« 

face  celle  du  Jour iS.ooo  I. 

Briois,  rue  Vivienne,  n»  27.    .  i5.ooo  I. 

Godard-Daucour,  rue  Vivien- 
ne, n"  I i5.ooo  I. 

Daubonne.\u-Milsan,    rue     de 

Rohan,  no42 10.000  1. 

Frin,  place  du  Carrousel  .    .    .  7.5oo  I. 

V>'«  CouTANCEAU,  place  des  Vic- 
toires, n»  3 7 .  5oo  I. 

TiiiBOUT,  rue  Caumartin,  n°  3i.  7.5oo  I. 

Baulny,  rue  Vivienne,  n"  27  .  i5.ooo  1. 

Granger,  rue  du  Renard.    .    .  7.500  I. 

Bacot,  rue  St-André-des-.-\rts.  7.500  1. 

iMuRGEON,  rue  des  Deu.\-Kcu.s.  i5.ooo  1. 

V^f  Boileau,  rue  de  Provence, 

aux  Écuries 10.000  1. 

V^'  Badets,  rue  .Mouffetard.   .  10.000  1. 

Total i52.5oo  I. 


Il  était  facile  et  il  l'est  encore,  de  vérifier  l'exactitude  de  ces 
tableaux  par  les  actes  eux-mêmes,  pour  la  plupart  déposés  en 
minutes  dans  l'étude  Rouen  (r=  Lardy,  6  boulevard  de  la 
Madeleine) ^  Ainsi  s'évanouissaient  la  lérjcnde  des  sommes 
puisées  à  Londres,  ou  dans  la  bourse  de  Marie-Antoinette. 

Enfin,  au  cours  de  ses  campagnes,  ni  à  Versailles,  ni  au 
Palais-Royal,  ni  à  Bruxelles,  ni  rue  de  la  Loi,  aucune  des 
pièces  ou  représentations  données  au  public  n'avait  pu  être 
taxée  de  contre-révolution.  On  n'y  avait  dansé  cpie  «  des  bal- 
lets patriotiques  ».  —  «  Celui  de  la  Fête  civique  fut  le  plus 
majestueux  en  ce  genre.  »  Quant  aux  tragédies,  comédies, 
opéras,  il  suffisait  de  parcourir  les  répertoires  pour  y  consta- 
ter la  place  considérable,  exceptionnelle,  que  tenaient  les 
œuvres   de   propagande.    La    Montansier  pouvait    encore   se 


I.  Pour  se  rendre  compte  de  l'état  au  vrai  de  l'alTaire,  il  faudrait  voir  si  les 
sommes  sont  stipulées  en  numéraire  ou  en  assignais,  ou  partie  l'un,  partie  l'autre  : 
mais  la  dépréciation  progressive  du  papier-monnaie  et  les  sou-s-seings  privés  aux- 
quels les  particuliers  eurent  sans  doute  recours  pour  éluder  les  conséquences  du 
cours  forcé  rendraient  bien  aléatoires  les  conclusions. 


'/If       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE   l'eMPIRE 

vanter,  avec  preuves  à  l'appui,  du  nombre  de  ses  représenta- 
tions gratuites,  «  pour  et  par  le  peuple  »,  avant  que  l'Etat 
eût  assuré  à  leur  égard  des  indemnités  et  depuis  que  ces 
dédommagements  avaient  cessée  Elle  n'omettait  pas  de  rap- 
peler, bien  entendu^  et  le  corps  franc  organisé  par  elle  en  sep- 
tembre 1792,  et  sa  campagne  de  Belgique,  qui  lui  avaient 
coûté  des  pertes",  sans  indemnité,  et  ne  lui  avaient  rapporté 
que  d'atroces  calomnies. 

Ayant  ainsi  démontré  son  innocence,  son  civisme,  et  lié 
étroitement  sa  cause  avec  celle  de  son  associé,  la  prisonnière 
ne  croit  pas  avoir  à  rechercher  quels  sont  ou  peuvent  être  ses 
ennemis.  Elle  met  simplement  sa  personne,  sa  propriété,  son 
industrie,  sous  la  protection  de  la  loi  constitutionnelle, 
«  qu'elle  a  jurée  »,  et  des  magistrats  chargés  de  l'appliquer. 


Au  lendemain  du  jour  où  elle  avait  signé  son  Mémoire  qui 
sans  doute  était  hors  de  ses  mains,  à  l'impression,  la  prison- 
nière subit  une  première  comparution  devant  les  administra- 
teurs de  la  commune  au  département  de  la  police,  Caillieux  et 
Godard  (11  frimaire  an  II);  ils  l'interrogèrent  une  seconde 
fois  le  i4  nivôse.  Le  dépouillement  des  cinq  cartons  saisis  à 
son  domicile  avait  fourni  nombre  de  lettres  d'auteurs,  d'ac- 
teurs, sans  aucune  preuve  d'incivisme,  ni  rien  de  contraire  aux 
intérêts  de  la  République.  Elle  cita  de  mémoire  les  noms  de 
ses   créanciers  personnels  (pour  l'achat   du    terrain)'.   On   la 

1.  En  particulier  le  lo  août  1798,  fêle  de  l'acceptatinn  de  la  Constitution  par  le 
souverain  (le  peuple)  et  anniversaire  de  la  prise  des  Tuileries.  —  Parmi  les  pièces 
patriotiques  qui  furent  montées,  Verteuil  (mémoire  cité)  énumfere  :  Le  Siège  de 
Dankerque,  sans-culottide  en  trois  actes;  Le  Siège  de  Toulon,  grand  opéra  du 
cit.  Dantilly,  musiiiue  de  Kreutzer  ;  Le  Siège  de  Granmlte,  grand  ballet  en  trois 
actes  du  cit.  Gallct  ;  Pisurre  ou  les  Horreurs  du  fanatisme,  du  cit.  Piron,  ballet 
du  même  ;  Le  Nmijrage  ltérot</ue  du  Vengeur,  grajid  opéra  de  Moline. 

2.  Elle  nie  a\oir  à  ce  sujet  réclamé  80.000  livres  d'indemnité  à  la  GonventioQ, 
quoiqu'elle  fut  «  assurément  dans  le  cas  de  le  faire  ». 

3.  Quelques  noms  sont  défigurés  dans  le  procès-verbal  publié  par  M.  M.  Teneo  : 
Mannehou  pour  Mac  Mahon,  Guelteau  pour  Gaétan,  etc. 


LA    MONTANSIEll  ^5 

questionna  spécialement  :  i"  sur  le  principal  créancier,  Le 
Pescheux,  négociant;  i°  sur  Claude  Marin  ^,  autre  prêteur  ; 
3°  sur  Duplessis-,  dit  le  «  chevalier  ».  Ces  personnes  étaient 
sans  doute  au  nombre  des  suspects.  Elle  ne  donna  aucun 
renseignement  sur  leur  compte.  Il  ne  fut  pas  plus  parlé  de 
Dubuisson  dans  le  procès  de  la  Montansier,  qu'il  ne  devait 
l'êlre  de  celle-ci  dans  le  procès  de  celui-là.  Elle  échappait  au 
fatal  amalgame. 

M.  Martial  Teneo  a  publié  et  le  procès-verbal  (évidemment 
très  abrégé)  de  ces  deux  interrogatoires,  et  diverses  suppliques 
de  la  prisonnière  en  date  des  il\  nivôse,  28  prairial  et  18  fruc- 
tidor. La  seconde  est  adressée  aux  membres  de  la  commission 
de  cinq  membres  chargée  par  la  Convention  d'activer  les  pro- 
cès et  de  désencombrer  les  prisons  ;  la  première  et  la  troisième 
ne  portent  pas  de  suscriplion.  Elles  n'ont  pu,  à  mon  sens,  être 
adressées,  comme  le  croit  M.  Teneo,  à  quelque  membre  de  la 
Commune,  mais  bien  au  Comité  de  vSûreté  générale,  à  qui  le 
procès-verbal  des  interrogatoires  avait  été  remis,  ainsi  que  les 
])apiers  saisis.  C'est  à  la  Petite-Force  que  la  Montansier  apprit 
la  mort  de  son  ami  Fabre  d'Églantine  ;  puis  celle  de  ses  dénon- 
ciateurs, Hébert,  Chaumette,  et,  le  même  jour,  de  son  auteur 
favori  Dubuisson;  puis  l'immolation  de  Danton,  le  soi-disant 
complice  de  Dumouriez;  enfin  celle  de  Robespierre  et  des 
«  décemvirs  ».  Après  le  9  thermidor,  elle  fut  transférée  à  la 
maison  d'arrêt  Égalité,  ci-devant  collège  du  Plessis-  C'est  de 
là  que  partit  sa  troisième  supplique.  Le  Comité  de  Sûreté  géné- 
rale, sur  16  membres,  n'en  comptait  plus  que  3  nommés  anté- 
rieurement au  9  thermidor;  5  étaient  du  i4;  7,  du  i5  fructi- 
dor; I,  du  lô''.  Ce  Comité  homologua  sans  plus  ample  informé 
les  conclusions  favorables  des  administrateurs  de  la  police.  La 


I.  Homme  de  leUres,  ex-censeur  royal,  né  le  6  juin  1721,  mort  à  Paris  le  7  juillet 
1809,  d'après  Quérard. 

3.  Pierre  Duplessis,  homme  de  lettres,  auteur  d'une  tragédie  lyrique,  Pizarre, 
1785,  el  des  Mémoires  de  sir  George  WoUap,  1787-1788.  Il  était  né  à  la  Marti- 
nique. La  réserve  de  la  Bibliothèque  nationale  a  des  exemplaires  de  ses  œuvres 
reliés  aux  armes  de  la  Reine  et  de  M^^  Adélaïde. 

3.  Voir  James  Guillaume,  ouvr.  cité,  t.  II,  p.  323. 


^C       REVUE   HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE    ET    DE   l'eMPIRE 

Montansier  fut  mise  en  liberté  le  3o  fructidor.  Neuville  fut 
élargi  le  même  Jour  qu'elle. 


Pendant  ces  dix  mois  de  détention  arbitraire,  le  théâtre  de 
la  petite  salle  du  Palais-Royal  n'avait  pas  suspendu  ses  repré- 
sentations :  mais  au  lieu  de  s'appeler  Théâtre  Montansier,  il 
fut  désigne  sous  le  nom  de  Théâtre  du  Péristyle  ou  Jardin  Ega- 
lité, puis  sous  celui  de  Théâtre   de   la   Montagne  (28   avril 

1794)- 

Quant  au  grand  théâtre  de  la  rue  de  la  Loi,  on  craignait  si 
peu  l'incendie  qu'il  rouvrit  quelques  jours  après  l'arrestation 
de  la  directrice,  par  autorisation  du  Conseil  de  la  Commune  : 
son  nom  de  Théâtre-National  ne  lui  fut  pas  contesté.  Il  fui 
dirigé  par  une  société  provisoire  formée  entre  les  artistes',  qui 
prirent  comme  commissaire  Vertcuil-,  ex-régisseur  de  la  Mon- 
tansier, assisté  de  Bonneville.  L'acteur  Mole  y  débuta  le  7  dé- 
cembre, dans  le  Misanthrope.  La  dernière  nouveauté  donnée 
pendant  cette  période  fut  un  opéra  en  trois  actes,  Wenzel  ou 
le  Magistrat  du  peuple,  10  avril  1794-  Neuf  jours  après,  la 
société  provisoire  était  dissoute  par  le  Comité  de  Sûreté  géné- 
rale, et  ses  débris  s'installèrent  à  l'Odéon.  Les  artistes  péti- 
tionnèrent pour  eux-mêmes  et  pour  les  citoyens  «  que  leurs 
talents  faisaient  vivre  »  :  «  l'année  comédienne  »  allait  expirer 
dans  peu  de  jours,  et,  si  leur  situation  n'était  pas  réglée,  il  n'y 
avait  pas  d'espoir  d'engagement  pour  eux.  Ils  crurent  tirer  un 
solide  argument  de  la  liste  des  pièces  patriotiques  qu'ils  avaient 
jouées  depuis  le  i5  août  1792,  ou  qui  étaient  à  l'étude-^.  Le 
gouvernement  révolutionnaire  demeura  insensible  à  ces  récla- 
mations. 


1.  Une  pensionnaire  non  payée.  M"'"  Sainval,  avait  fait  mettre  en  bail  judiciaire 
le  Thcàtrc-National. 

2.  Verteuil  a  signr  un  faclurn  pour  la  Montansier.  Arcli.  nat.  AD  VIII,  4S- 

3.  Martial  Te.neo,  revue  citée,  ao  sept.  iyo7,  p.  ôgâ.  (La  pétition  n'est  pas  datée; 
mais  comme  les  eni|agcmcnts  partaient  du  i"  lloréal,  il  est  clair  qu'elle  est  de  la 
fin  de  (jerniioal.) 


LA    MONTANSIER  "T 

Pièces  patriotiques,  sans-culotlides,  anti-capucinades,  etc., 
il  y  en  avait  sans  doute  beaucoup.  Cette  production  débor- 
dante faisait  la  risée  des  gens  de  goût  et  des  étrangers,  qui  ne 
reconnaissaient  plus  notre  génie.  N'était-ce  pas  encore  là  «  une 
conspiration  payée  p;ir  Pitt  et  Cobourg  pour  faire  tomber  dans 
l'avilissement  le  théâtre  français?  »'.  C'était  uniquement  le 
résultat  de  la  loi  du  1 3  janvier  1791,  qui  avait  délivré  de  toute 
entrave  l'industrie  dramatique,  artistique,  théâtrale.  Depuis 
cette  époque,  les  scènes  s'étaient  multipliées-.  Toutes  préten- 
daient aborder  tous  les  genres.  Aucune  n'avait  de  droit  sur  un 
répertoire.  La  foire  aux  artistes  battait  son  plein  toute  l'année  ; 
les  directions  ne  cessaient  de  se  les  disputer,  de  se  les  enlever 
les  uns  aux  autres;  le  souci  des  contrats,  des  dédits  était 
médiocre.  En  cette  matière,  comme  dans  les  plus  importantes, 
le  Comité  de  Salut  public  entendait  légiférer,  centraliser, 
ordonner  le  chaos. 

C'est  pourquoi  le  Théâtre-NaiionaP  devint  Opéra,  d'abord 
sous  le  nom  de  Théâtre  des  Arts  (7  août  lygd)-  Au  fond,  c'est 
l'ancienne  Académie  royale  de  musique  qui,  de  par  la  Révo- 
lution, —  au  nom  de  la  Nation  si  l'on  veut,  —  expulsait  du 
bâtiment  construit  par  Louis  la  troupe  bigarrée  qui  l'avait 
inauguré.  Elle  y  joua,  elle  y  dansa  pendant  vingt-six  ans,  et 
sans  doute  y  fût  demeurée  longtemps  encore  sans  l'assassinat 
du  duc  de  Berry  (12  février  1820),  qui  fit  décider  la  démoli- 
lion  de  l'édifice,  dont  la  place  Louvois  représente  aujourd'hui 
le  périmètre. 


Si  la  Montansier  avait  été  guillotinée  comme  royaliste, 
complice  de  Dumouriez,  etc.,  la  confiscation  eût  été  de  droit; 
mais  l'Etat  aurait  été  aux  prises,  tôt  ou  tard,  avec  les  légi- 

1.  Moniteur  du  i8  nivôse  an  II,  cité  par  A.  Rambaud,  Histoire  de  la  ciuilisalion 
contemporaine  en  France,  Paris,  1888,  in-S";  p.  i85. 

2.  Moins  encore  cependant  que  leurs  dénominations  :  les  plus  érudits  risquent 
toujours  de  s'y  perdre. 

3.  Arrêté  du  Comité  de  Salut  public,  27  germinal  an  II.  Signé  :  Prieur,  Barére  et 
Carnot. 


78       REVUE   HISTORIQUE    DE   LA   RÉVOLUTION   FR.VNÇA1SE    ET   DE    l'eMPIRE 

limes  revendications  des  prêteurs  et  fournisseurs  de  toute 
sorte.  Aussitôt  délivrée,  elle  eut  à  plaider  sa  cause  et  la  leur, 
et,  faute  d'un  procès  proprement  dit,  l'État  se  trouvant  à  la 
fois  juge  et  partie,  elle  protesta  jusqu'à  la  dernière  année  de 
son  existence,  qui  dura  encore  un  quart  de  siècle  : 

«  La  voilà  dehors,  dit  M.  G.  Lenôtre*.  On  va  rire.  Elle 
actionne  la  Convention  nationale  et  réclame  7  millions  d'in- 
demnité. «  Sept  millinns,  s'écrie  Bourdon  de  l'Oise,  pour  ce 
<.<  prix-là  on  aurait  une  escadre!  »  On  prétend  qu'elle  en 
toucha  huit,  mais  en  assignats  :  et  cette  dérision  fouetta  sa 
colère;  jusqu'à  la  fin  elle  ne  se  lassera  plus  de  crier  :  Au  vol  ! 
et  de  ce  jour  elle  se  crut  riche  de  tous  les  millions  qu'elle 
réclamait^.  »  Les  choses  se  passèrent  tout  autrement. 

L'on  a  vu  plus  haut  la  somme  considérable  des  emprunts 
directs  de  la  Montansier  :  447-ooo  +  i52.5oo  =  699.500 
livres,  et  de  ses  emprunts  indirects,  au  compte  provisoire  de 
Mouchonnel  :  743.000  livres.  Total  :  i.342.5oo  livres. 

Il  restait  encore  à  payer  4o5.i5o  livres  pour  le  terrain. 
D'après  l'aperçu  des  mémoires  de  maçonnerie,  charpente, 
menuiserie,  serrurerie,  peinture  et  décoration,  machinerie, 
couverture,  tapisserie,  carrelage,  vitrerie,  chauffage,  sculp- 
ture, le  théâtre  de  la  rue  de  la  Loi  devait  revenir  (terrain  non 
compris)  à  la  somme  globale  de  2.409.000  livres,  sur  laquelle 
1. 190.000  Viwns  avaient  été  soldées,  soit  447-ooo  par  la  Mon- 
tansier et  743.000  par  l'entrepreneur.  La  somme  due  (au 
10  frimaire  an  II,  date  du  Mémoire  /usfi/icatif)  ressoviissah 
donc  à  1.724.150  livres. 

1.  Ouvr.  cité,  p.  246. 

2.  M.  Lenôlre  continue  :  0  Elle  avait  failli  l'être  bien  davantage,  car  il  s'en  fallut 
de  très  peu  qu'elle  ne  devint  impératrice.  «  M.  Lenôtre  a  trouve  piquant  de  prendre 
au  sérieux  la  mauvaise  plaisanterie  de  Barras,  Mémoires,  1,  p.  243  et  349  *1-  ^* 
qui  est  fort  possible,  c'est  que  la  Montansier  se  soit  entremise  pour  marier  Bona- 
parte, dans  le  sens  français  du  mot  (négocier  un  mariage)  et  non  dans  le  sens 
méridional  (le  contracter).  Elle  avait  trente-huit  ans  de  plus  que  lui  !  Et  puis,  que 
serait  devenu  Neuville,  à  qui  elle  était  attachée  de  cœur,  d'habitude,  et  —  ne 
l'oublions  pas  —  d'intérêts,  vu  la  société  universelle  de  janvier  1791  qui  les  liait. 
N'insistons  pas  sur  i-ille  «  ijaléjade  ».  —  M.  Tenco  a,  sans  le  savoir  peut-être, 
vengé  Bonaparte,  en  faisant  de  la  Montansier  j  l'amaute  adorée  de  Barras  i,  sans 
compter  Barnave,  Vergniauil,  Danton  (Herue  citée,  20  sept.  1907,  p.  Sgô). 


LA    MONTANSIER  ■JQ 

La  Convention  n'avait  aucun  compte  à  tenir  des  dettes  ini- 
tiales contractées  par  la  Moatansier,  mais  :  i°  de  la  valeur 
réelle  de  la  propriété,  terrain,  bâtiments  et  mobilier;  2°  du 
manque  à  gagner,  qui  pouvait  s'établir  d'après  les  recettes 
du  théâtre  et  le  prix  de  location  des  annexes;  3°  des  frais  de 
poursuite,  protêts,  etc.,  qui  s'étaient  accumulés  contre  elle 
pendant  sa  détention;  4°  des  intérêts  arriérés. 

Rentrée  en  possession  de  ses  papiers  (i  3  vendémiaire  an  III), 
elle  réclama  ou  sa  propriété  ou  sept  millions  ^  Le  28  frimaire, 
Ramel  fit  le  rapport  de  cette  affaire.  Il  reconnaissait  implicite- 
ment rilléqalité  de  l'arrêté  de  confiscation  du  Comité  de  Salut 
public  (27  germinal  an  II);  il  proposait  d'indemniser  la  Mon- 
tansier  et  Neuville,  et  de  faire  l'acquisition  de  leur  immeuble 
pour  7  millions.  C'est  là  que  se  place  l'interruption  de  Bour- 
don (de  l'Oise)  :  <f  Sept  millions  pour  un  théâtre  !  On  aurait  à 
ce  prix  une  escadre  de  sept  vaisseaux!  »  [Vifs  applaudisse- 
ments.') Cependant,  il  ne  pouvait  s'agir  que  d'assignats  :  grâce 
au  cours  forcé,  les  bénéficiaires  paieraient  leurs  créanciers  et 
fournisseurs  de  la  même  monnaie,  et  l'affaire  serait  liquidée, 
Dieu  sait  comme  !  L'intervention  de  Pelet,  Tallien,  Cambon, 
Thibault  (28  frimaire)  et,  le  lendemain,  de  Raffron^,  fit  ajour- 
ner cette  solution.  —  Le  10  nivôse,  nouvelles  pétitions  des 
<(  propriétaires  du  Théâtre  National  »,  et  des  artistes  eux- 
mêmes,  vivement  appuyées  par  Lecointre,  de  Versailles^.  Un 
second  rapport,  déposé  par  Lefebvre  le  16  ventôse  (6  mars 
1796),  conclut  qu'il  n'y  avait  qu'à  rendre  sa  propriété  de  la 


1.  Les  propriétaires  du  Théâtre  National  à  la  Convention  nationale,  ao  fri- 
maire an  III  [10  déc.  1794]*  L)e  l'école  thipographiqiie  (sic)  des  femmes,  rue  des 
Deux-Portes-Bon~Conseil  n^'  8.  S.  d.  in-4^  de  l\  p.  Signé  :  Bourdon-Neuvil  (5/r), 
Brunet-Montansieh,  Arch.  nat.,  AD.  VIII,  44  (Toubneux,  Bibliographie  citée, 
article  i8343). 

2.  Ralîron  éluda  la  question  de  droit  strict,  fil  une  sortie  contre  «  les  folies  de 
Thalie  et  les  yrelots  de  Momus  »,  et  pour  conclure,  demanda  qu'à  l'avenir  on  portât 
les  théâtres  aux  extrémités  de  la  ville.  {Moniteur,  Riimp.,  t.  XXII,  p.  747  et  75i). 

3.  Les  Artistes  du  ci-devant  Théâtre  National,  rue  de  la  Loi,  à  la  Convention 
nationale.  Imp.  des  Enfants-Aveugles.  S.  d.  in-4°,  7  p.  Déposée  le  26  brumaire 
an  III  [i5  nov.  1794].  —  Deuxième  pétition...  Imp.  Forget.  S.  d.  in-4°,  5  p.  Pré- 
sentée le  10  nivôse  an  III  [3o  déc.  1794]-  Arcli.  nat.  R.  AD  VIII,  44. 


8o       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    rRANÇ.USE   ET    DE    l'eMPIRE 

rue  de  la  Loi  à  la  Montansier,  et  à  réexpédier,  dans  trois  mois, 
les  artistes  de  l'Opéra  à  leur  salle  de  la  Porte  Saint-Martin  ^. 
—  Alors,  objecta  Bentabole,  la  citoyenne  Montansier  fera 
encore  de  son  second  théâtre,  comme  du  premier,  un  lieu  de 
ralliement  pour  les  contre  -  révolutionnaires  1  II  ajouta,  non 
sans  un  effroi  qui  parut  comique,  que  l'on  venait  encore  de 
chanter  dans  la  salle  du  Palais-Egalité,  «  des  vers  en  l'hon- 
neur de  Charlotte  Corday  «  :  ce  qui,  évidemment,  ne  pouvait 
regarder  que  la  police,  et  non  la  direction. 

Mais,  demanda  Lemoine,  la  confiscation  n'est-elle  pas  le 
fait  du  Comité  de  Salut  public  ?  Est-ce  à  la  Convention  de 
réparer  les  torts  des  décemvirs  ? 

L'honnête  et  énergique  Reubell  ne  put  contenir  son  indi- 
gnation :  «  Je  ne  me  serais  jamais  imaginé^,  s'écria-t-il,  qu'il 
ne  fallût  pas  rendre  justice  à  un  propriétaire  de  spectacle 
parce  qu'on  aurait  chanté  de  mauvais  couplets  sur  son  théâtre. 
Le  Comité  de  Salut  public  a  ruiné  la  citoyenne  Montansier  en 
lui  prenant  sa  salle  et  tous  ses  accessoires;  et  elle  sera  toujours 
ruinée  si,  en  lui  rendant  sa  salle,  nous  ne  lui  rendons  pas  ce 
qui  peut  la  faire  valoir.  Vous  devez  lui  remettre  sa  chose  dans 
l'état  où  vous  l'avez  prise,  et  lui  en  payer  les  loyers...  » 

Par  malheur,  cette  conclusion,  inattaquable  au  point  de 
vue  juridique,  était  matériellement  inapplicable,  en  tout  cas 
très  litigieuse  encore  et  très  onéreuse,  tant  la  propriété  avait 
été  amoindrie  et  dénaturée. 

Legendre  appuya  Reubell  et  fit  vibrer  la  passion  politique.  Il 
ne  s'était  agi,  prétend-il,  que  de  perdre  Danton  et  Delacroix. 
Hébert  et  Chaumette,  alors  agents  de  Robespierre,  avaient 
donc  répandu  le  bruit  que  Danton  et  Delacroix-  avaient 
contribué  à  la  construction  de  ce  théâtre  ;  et  «  il  a  été  prouvé 

1.  liibl.  liai.,  Le"  1270  et  Moniteur,  Réimp.,  l.  XXIII,  p.  O28.  C'est  probable- 
ment à  cette. date  que  se  rapporte  l'opuscule  :  Encore  7  millions  pour  le  Grand- 
Opéra  ?  Ça  ne  /irendra  pas  :  rendes:  la  salle  à  la  Montansier.  De  l'imprimerie  de 
la  Vérité,  rue  du  l'uits-qui-parlc.  S.  d.  in-S»,  11  p.  (Collection  de  M.  P.  Lacombe). 
TounNEDx,  otwr.  cité,  article  18268. 

2.  Rien  de  lel  dans  les  documents  du  procès  tels  qu'ils  subsistent.  Mais  cette 
calomnie  n'est  pas  plus  invraisemblable  que  toutes  celles  qui  avaient  pour  leit- 
motiu  :  •  D'où  vient  l'argent?  « 


LA    MONÏA.NSIIiil  8l 

depuis  qu'ils  u'y  avaieut  pas  mis  un  sou  )).  —  «  La  Moulansior 
a  été  onze  mois  en  prison.  Elle  a  échappé  à  l'éclialaud,  et 
tout  son  crime  était  d'avoir  bâti  un  spectacle  pour  enrichir 
la  Nation  :  car  c'est  l'enrichir  que  de  faire  prospérer  les  arts.  » 
Après  quoi,  il  se  prit  à  bafouer  Bentabole,  puis  à  l'excuser, 
vu  son  tempérament  pusillanime  et  peureux.  Bentabole  se 
fâcha,  balbutia.  Forestier  mit  un  terme  à  ce  dialogue  en  assu- 
rant qu'au  Comité  des  fuiances,  la  Montansier  avait  renoncé 
à  la  propriété  de  son  théâtre,  à  condition  que  la  République 
lui  en  payât  le  prix. 

C'est,  en  effet,  dans  cette  voie  que  l'affaire  allait  se  pour- 
suivre. Dès  le  3  (jerminal  an  III  (aS  mars  i7<)5)  lui  est  allouée, 
à  titre  d'acompte  sur  les  indemnités  qui  lui  sont  ducs,  la 
somme  de  3oo.ooo  livres  ^. 

Le  22,  on  s'occupa  des  artistes.  Daunou,  rapporteur,  insista 
sur  ce  l'ait,  qu'après  l'arrestation  de  leur  directrice,  sans 
crédit,  sans  autre  ressource  que  leur  recette  journalière,  ils 
avaient  fait  face  aux  dépenses  courantes  -.  Transférés  brutale- 
ment au  Théâtre  Français  (qui  était  fermé  depuis  le  3  sep- 
tembre 1793)'  par  l'arrêté  du  27  germinal  an  II,  assujettis  à 
un  régime  odieux,  despotique,  sous  la  surveillance  d'un 
agent  national,  ils  avaient  fini  par  se  retirer  tous,  faute  de 
paiement  des  dix  représentations  que,  d'ordre  exprès,  ils 
avaient  données  par  et  pour  le  peuple.  La  dette  de  l'Etat,  vu 
la  pénurie  des  artistes,  fut  immédiatement  liquidée  à  la 
somme  de  109.306  li\res  6  sous  10  deniers,  pris  sur  les  fonds 
de  l'Instruction  publique  (3  avril  i79r>)^. 

Environ  deux  mois  après,  le  2  messidor' an  lII(2ojuin  1795), 
dans  l'après-midi,  la  citoyenne  Montansier  parut  à  la  barre, 
accompagnée  du  citoyen  Neuville.  Ils  demandent  : 

1°  La  reslitutiou  de  leur  propriété  et  de  ses  dépendances  mobi- 
lières et  iminoliilii'res  ; 

I.  Moniteur,  Réimp.,  t.  XXIV,  p.  49- 
9.  Ibid.,  t.  XXIV,  p.   199. 

3.  Date  de  l'arrestation  en  masse  de  la  Comédie  Française. 

4.  Le  rapport  de  Daunou  est  du  i4  germinal  an  III.  Bibl.  nat.  Le>«  iSag. 

5.  Moniteur,  Réimp.,  t.  XXV,  p.  37. 

REV.    HIST.    DE    LA    RÉVOL.  6 


82        REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

2°  Que,  par  experts  nommés  respectivement  entre  le  Gouverne- 
ment et  eux,  il  soit  procédé  sur-le-champ  k  l'estimation  des  sommes 
à  eux  dues  par  le  Gouvernement,  tant  pour  raison  de  la  jouissance 
qu'il  a  eue  et  a  encore  de  leur  propriété,  que  pour  raison  des 
dégradations  faites  au  bâtiment...  ;  lesquels  experts  seront  tenus  de 
terminer  leurs  opérations  dans  le  délai  d'un  mois  ; 

3°  Que,  sur  le  vu  du  procès-verbaJ  d'estimation  desdits  experts, 
Ja  trésorerie  nationale  on  paiera  le  montant,  soit  à  eux,  soit  à  leurs 
créanciers,  qui,  jusque-là,  ne  pourront  faire  d'autres  poursuites 
contre  eux,  que  de  simples  actes  conservatoires,  comme  il  a  déjà 
été  ordonné  par  un  précédent  décret'  qui  continuera  d'avoir  son 
effet  jusqu'alors. 

Quelques  jours  après,  le  7  messidor  an  III  (20  juin  lygô), 
sur  le  rapport  de  Vernier  au  nom  du  Comité  des  finances,  la 
Convention  adopta  le  décret  suivant  : 

La  salle  du  Théâtre  de  la  Loi,  avec  toutes  ses  dépendances  mobi- 
lières et  immobilières,  est  réunie  au  domaine  national,  par  voie 
d'acquisition,  du  consentement  des  citovens  Bourdon-Neuville  et 
Brunet-Montansier,  propriétaires,  moyennant  la  somme  de  huit 
millions,  et  autres  conditions  portées  dans  les  soumissions  par  eux 
remises  à  raison  de  cette  acquisition,  lesquelles  demeureront 
annexées  au  présent  décret  et  seront  imprimées  à  la  suite,  pour  être 
exécutées  tant  envers  eux  qu'envers  leurs  créanciers,  suivant  leur 
forme  et  teneur  ". 

Le  théâtre  des  Arts  est  inscrit  au  Sommier  des  hieiis  natio- 
naux de  la  Seine  ',  mais  sans  aucune  mention  d'origine  ni  de 

I.  Celui  du  3  (|erminal  au  III  (aS  mars  1795),  qui  leur  accordait  un  acompte.  — 
C'est  peadani  que  l'affaire  traînait  que  ])arurent,  sans  date,  des  Obsenmtiont..., 
par  les  créanciers,  que  les  propriétaires  traitèrent  de  mensongères;  les  Dernières 
observations  des  propriétaires  du  Théâtre  National  à  la  Convention  nationale. 
Imp.  Forgel,  in-^",  4  p-  ;  enfin  une  Note  essentielle  relative  à  Caffaire  des  pro- 
priétaires du  Théâtre  National  volés,  incarcérés,  vexés  par  l'ancien  Comité  de 
Salut  public,  qui,  pour  la  forme  au  moins,  avait  ordonné  de  payer  leurs  créan- 
ciers et  de  les  indemniser.  Imp.  Forgel,  in-S",  4  p.  —  .\rch.  nat.,  R.  -\D  VIII,  45. 
Ce  sont  de  simples  brûlots. 

a.  Moniteur,  Réimp.,  t.  .\XV,  p.  78. 

ii.  Kédiiji'  en  l'an  VII,  apiistilk'  en  l'an  X,  tenu  h  jour  depuis  lors,  plus  ou  moins 
réguliérenienl  (Arcli.  de  la  Seine).  Voir  l'article  10  de  la  rue  de  la  Loi,  dans  la 
section  (ou  plutôt  division)  Le  l'eletier. 


LA    MONTANSIER 


prix  OU  date  d'acquisition.  La  colonne  Observation  ne  concerne 
que  la  démolition  en  1828,  d'après  la  loi  du  10  juillet  1822. 

Le  Goniitc  des  finances  et  celui  des  domaines  réunis,  puis 
la  Convention,  avaient  donc  jugé  avantageux  de  le  réunir  au 
domaine  national:  l'Etat  avait  trai/é  avec  la  Montansier  et  lui 
avait  accordé  6  millions  et  demi  pour  le  terrain  et  les  bâti- 
ments, et  I  million  et  demi  pour  la  valeur  du  mobilier  et  autres 
réclamations.  Le  prix  était  payable  en  assignats  ou  en  monnaie 
ayant  cours  à  l'époque  des  paiements.  L'échelle  de  proportion 
sur  la  valeur  des  assignats  ne  devait  rien  changer  aux  clauses 
de  cet  acte  au  préjudice  des  deux  associés;  «  eux,  leurs  créan- 
ciers, conserveront  leurs  droits,  et  leur  hypothèque  spéciale 
sur  cette  propriété  ». 

Or,  la  fabrication  des  assignats  fut  arrêtée  par  la  loi  du 
2  nivôse  an  IV  (25  déc.  lygS)  :  leur  cours  était  alors,  à  Paris, 
de  5JJ  de  leur  valeur  nominale,  ce  qui,  pour  les  faibles  som- 
mes, couvrait  à  peine  leur  prix  de  revient  !  La  planche  aux 
assignats  fut  solennellement  brisée  le  ig  février  1796.  Le 
papier-monnaie  en  circulation  fut  reçu  en  échange  de  mandats 
territoriaux'  dont  il  fut  émis,  d'abord  pour  800, 'puis  pour 
1.400  millions,  ce  qui  les  fit  tomber  de  100  livres  (le  pair)  à 
18  livres.  Enfin,  la  liberté  des  transactions  fut  rétablie;  et,  le 
21  mai  1797,  un  décret  annula  les  assignats  demeurés  encore 
en  circulation. 

D'après  la  loi  du  7  messidor  an  III,  le  Trésor  s'était  chargé 
de  payer  tous  ceux  des  créanciers  de  la  Montansier  qui  se 
seraient  rendus  opposants  dans  les  deux  mois,  et  le  paiement 
devait  être  effectué  dans  le  même  délai.  Mais  il  faut  croire 
qu'ils  ne  se  hâtèrent  pas,  car,  d'après  un  compte  détaillé  du 
i"  prairial  an  VI,  l'Etat  devait  encore  à  celte  date  1.450.977 
livres,  capital  et  intérêts".  Il  n'avait  pu  continuer  à  s'acquitter 
en  assignats,  puisqu'il  les  avait  supprimés,  ni  leur  substituer 


1.  Sur  la  base  de  3o  pour  i. 

a.  Rapport  de  Cholet  aux  Cinq-Cents.  Bibl.  nat.  L/'  igaô  (28  germinal  an  VI 
=  ;7  avril  1798)  en  réponse  au  message  du  Direcloire  du  y  ventôse,  sur  lequel  les 
intéressés  dirent  aussi  leur  mot.  (Tourmeux,  art.  i8353.) 


84       REVUE    IIISTORIQCE    DE    LA    HÉVOLUTIO.N    FRANÇAISE    ET    L>E    l'eMPIRE 

des  mandats,  puisque  les  mandats  n'étaient  pas  une  monnaie, 
et  que  d'ailleurs  la  loi  du  7  messidor  an  III  — véritable  contrat 
de  vente  —  n'avait  pu  les  prévoira  La  conséquence  évidente 
est  que  le  reliquat  devenait  exigible  en  numéraire.  Avec  les 
intérêts,  au  i"  germinal  an  VII,  il  s'élevait  à  près  de  i  million 
et  demi  (i./i99-ôi4  fr.)-. 


En  ce  qui  la  concernait  personnellement,  et  d'après  ses 
propres  dires,  la  Montansier  n'avait  pas  eu  trop  à  se  plaindre. 
Si  les  6.o5o.o65  francs  qu'elle  avait  touchés,  elle  et  les  créan- 
ciers opposants,  ne  faisaient  que  1 74-000  livres  d'après  l'échelle 
de  dépréciation  du  département  de  la  Seine,  il  lui  avait  été  fait 
remise  du  prix  en  numéraire  des  1 1  arcades  du  Palais-Royal, 
soit  570.000  francs^,  et,  par  une  loi  spéciale  du  i3  floréal  an  VI, 
accordé  un  acompte  de  66.000  livres,  également  en  numé- 
raire. Mais  les  créanciers  s'étaient  gardés,  en  général,  de  re- 
connaître la  Nation  comme  leur  débitrice;  ils  savaient  trop  bien 
en  quelle  monnaie  ils  auraient  été  réglés.  Ils  firent  constam- 
ment juger,  même  en  cassation,  qu'ils  n'avaient  affaire  qu'à  la 
Montansier  et  que  seule  elle  était  obligée  envers  eux.  C'est  en 
recourant  à  de  nouveaux  emprunts  de  plus  en  plus  onéreux 
qu'elle  échappait  aux  conséquences  de  leurs  poursuites.  Le 
Directoire  avait  d'abord  pensé  à  résilier  la  vente,  rendre  le 
Théâtre  de  la  Loi,  et  rejjrendre  les  arcades,  plus  i4n.ooo  livres, 
plus  66.000  livres.  Mais  la  Montansier  estimait  à  4o.ooo  livres 
de  revenu  les  maisons  et  boutiques  disposées  autour  du  théâtre, 
et  démolies  d'office  avant  même  la  vente  du  mobilier.  Il  eût 
fallu  que  l'Etat  payât  à  dire  d'experts  la  moins-value,  les  inté- 
rêts. La  propriété  du  Théâtre  des  Arts,  tous  accessoires  cnm[)ris, 
avait  été  évaluée  par  Ramel  lui-même  à  1.800.000  francs  en 
numéraire;  la  Montansier,  au  nom  de  la  loi  de  messidor  an  III, 

I.  Rapport  de  Briut.  (Bibl.  nat.,  I,„"  3o0i.) 
a.  Ibid.,  p.  31. 

3.  Une  telle  proprii-tc  n'était  rien  moins  que  sure,  vu  l'existence  des  contrats  de 
vente  de  1788  et  1789  :  la  Révolution  les  considéra  comme  nuls  et  non  avenus. 


LA    MONTANSIEIl  '       85 

n'en  demandait  que  i.5oo.ooo!  elle  déclarait  encore  v  perdre 
plus  de  I  million^. 

Cependant,  par  une  soumission  en  date  du  29  nivôse  an  VII, 
elle  réduisait  ses  prétentions  à  800.000  livres  pour  solde  de 
tout  compte  :  soit  600.000  livres  en  bons  valeur  écus  à  em- 
ployer comme  tels  en  acquisition  de  biens  nationaux,  i4o.ooo 
en  numéraire,  et  60.000  ayant  comme  gaqe  une  créance  de 
l'Etat  sur  dame  Latapy,  ex -directrice  du  théâtre  de  Bor- 
deaux. Le  ministère  des  Finances  faisait  état  de  ceci,  que  les 
oppositions  des  créanciers  se  trouvaient  réduites  à  ij4.584 
francs,  «  les  citoyens  Neuville  et  Montansier  ayant  trouvé 
moyen  de  s'arranger  ».  —  En  contractant  de  nouvelles  dettes 
plus  onéreuses,  répliquaient-ils  !  Néanmoins,  les  Conseils  trou- 
vèrent encore  exagérée  la  somme  de  800.000  francs.  —  La 
Montansier  et  Neuville  signèrent  une  nouvelle  soumission,  de 
625.072  francs,  le  5  germinal  an  VII.  A  la  suite  d'un  message 
de  Barras,  du  21,  Briot  en  expose  les  bases  : 

1.  Il  sera  fait  cession  aux  C""  Neuville  et  Montansier  de  la  créance 
d'environ  Cj.ooo  francs  que  la  République  a  sur  la  citoyenne 
Latapy'',  sans  garantie,  mais  seulement  avec  subrocjation  aux  privi- 
lèges et  hypothèques  du  Gouvernement. 

2.  Il  leur  sera  payé  une  somme  de  100.000  francs  numéraire,  à 
raison  de  26.000  francs  par  décade. 

3.  Il  leur  sera  payé  ime  somme  de  4oo.ooo  francs  en  bons  admis- 
sibles en  paiement  de  domaines  nationaux,  aux  conditions  détermi- 
nées par  la  loi  du  i3  floréal  an  VP. 

4-  Il  leur  sera  donné  quittance  de  la  somme  de  4-ooo.ooo  de 
francs  payable  en  bons  de  deux  tiers  qu'ils  doivent  pour  le  prix  de 
l'adjudication  à  eux  faite,  le  24  frimaire  an  VII  de  trois  (n"*  178,  17g, 
180)  nouvelles  arcades  au  Palais  Égalité;  laquelle  somme  repré- 
sente aujourd'hui  environ  42.800  francs  en  numéraire. 

5.  Il  leur  sera  donné  quittance  de  leurs  contributions  de  l'an  VI, 
montant  à  2.007  francs  3  deniers. 


1.  Exactement  1.073.634  livres. 

2.  Lalapy  et  consorts,  propriétaires  du  tlicàtre  de  Bordeaux. 

3.  Cette  loi  obligeait  l'État  à  un  accord  amiable  avec  les  dépossédés. 


86       REVUE    HISTORIQUE   DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

Ces  conventions,  disait  le  rapporteur  Briot,  ramenaient  à 
environ  6i4.ooo  francs*  la  somme  à  leur  payer,  et  ils  demeure- 
raient chargés  de  payer  leurs  créanciers  non  encore  rembour- 
sés et  de  rapporter  la  mainlevée  de  toutes  oppositions  qui 
pourraient  subsister  contre  eux  sur  le  Théâtre  des  Arts.  Les 
propositions  soumises  aux  deux  Conseils,  des  Cinq-Cents  et 
des  Anciens,  étaient  le  «  dernier  mot  »  des  requérants.  Ne  pas 
les  homologuer,  ce  serait  remettre  l'affaire  aux  tribunaux  de 
droit  commun,  la  discussion  en  serait  de  plus  en  plus  difficile, 
l'issue  douteuse,  etc. 

La  solution  apparaissait  comme  imminente,  lorsque  les  deux 
associés  s'aperçurent  que,  sur  leurs  dernières  soumissions, 
acceptées  par  le  Gouvernement  (620.072  fr.),  la  loi  à  intervenir 
impliquait  encore  un  rabais  arbitraire  de  10.488  francs;  que, 
de  plus,  elle  ne  les  exemptait  pas  de  la  «  servitude  vraiment 
féodale  »  à  eux  imposée  par  d'Orléans  (vente  de  1788),  de 
conserver  un  logement  pour  un  Suisse  dans  son  Palais-,  ce 
qui  était  un  des  articles  convenus.  De  là,  protestations  immé- 
diates contre  les  conclusions  annexées  par  le  rapporteur  Briot 
au  message  de  Barras.  La  Montansier  el  Neuville  estiment 
que  leur  seconde  soumission  est  déchirée  du  fait  du  Gouverne- 
ment, et  représentent  la  première  (800.000  fr.). 

Ce  coup  droit  porta.  Le  i4  prairial  an  VII  (3  juin  1799), 
Briot,  encore  rapporteur,  reprit  le  chilTre  de  626.000  francs. 
Les  Cinq-Cents  étaient  alors  dans  un  état  d'irritation  chroni- 
que contre  le  Directoire  :  déjà  se  tramait,  contre  Meilin,  La 
Réveillère  et  Treilhard  le  coup  d'État  qui  devait  terminer  le 
mois  (3o  prairial).  Après  l'intervention  deCrochon.  de  Jacque- 
minot  et  de  Richard,  la  question  préalable  fut  votée ^. 

I.  Exactement  :  6i4.584  francs. 

3.  Ce  rez-Je-chaussce,  avec  entresol  de  l'arcade  76,  était  inoccupé  à  ré|ioiiue  où 
fut  rédigé  le  sommier,  c'est-à-dire  en  l'an  VII  ;  fttteur  :  9.000  francs  ;  valeur  loca- 
tive  :  .5oo  francs.  La  Montansier  n'en  ayant  pas  fait  l'acquisition  au  duc  d'Orléans, 
la  servitude,  de  féodale,  était  devenue  domaniale  par  le  fait  de  la  confiscation  des 
biens  du  condamné. 

3.  Moniteur,  Réimp.,  t.  X.\X,  p.  Gyg-  Opinion  de  Groclion,  i4  prairial  an  VII 
(18  pages).  Bibl.  nat.  L»"  3173.  Il  voulait  qu'on  appliquât  tout  simplement  à  la 
créance  Montansier  les  lois  générales  des  a3  frimaire,  6  et  9  vendémiaire  an  VI  ; 


LA    MONTANSIEH  87 

Les  versions  abomlent  sur  le  dénpuemenl.  L'Annuaire  dit  : 
1°  que  Barras,  toujours  directeur,  ollrit  à  la  Montansier 
1.600.000  livres  qu'elle  eut  le  tort  de  refuser;  2°  que  Bona- 
parte, premier  Consul,  fit  estimer  la  salle  (c'est-à-dire  le 
Théâtre  des  Arts)  dont  la  valeur  ne  fut  portée  qu'à  i.3oo.ooo 
francs,  et  que  les  choses  en  restèrent  là  pendant  douze  ans  ; 
3°  qu'en  18 12  elle  reçut  1.200.000  livres  pour  l'arriéré,  et  une 
nscription  de  cent  mille  francs  sur  le  Grand-Livre.  «  C'est  de 
Moscou  qu'arriva  ce  décret...  Du  même  gouffre  était  sorti 
l'autre  décret  fameux  du  i5  octobre,  sur  l'organisation  de  la 
Comédie  Française.  Beaucoup  admirèrent.  Quelques-uns  ne 
virent  qu'un  voile  de  gaze  qui  cachait  l'incendie.  » 

Jadin,  dans  la  biographie  Didot,  dit  que  ce  décret  de 
Moscou  lui  accordait  Soo.ooo  francs. 

Elle-même,  dans  un  placet  à  Louis  XVIII  ',  que  le  comte  de 
Pradel  transmet  au  duc  de  Duras  le  29  avril  i8ig,  affirme 
(ju'elle  fut  contrainte  «  par  un  arrêté  des  consuls  du  i3  floréal 
an  IX,  de  se  contenter  d'un  tiers  de  ce  qui  lui  était  dû,  et 
encore  en  inscriptions  sur  le  Grand-Livre  ».  Elle  ne  précise 
pas  la  somme,  mais  comme  elle  avait  accepté  l'évaluation  de 
Ramel,  1.800.000  livres,  ce  tiers  correspond,  somme  toute,  à 
sa  dernière  soumission  au  Directoire.  La  loi  du  i3  ventôse 
an  IX  avait  créé  2.700.000  francs  de  renies  perpétuelles  3  °ja 
affectées  exclusivement  au  paiement  des  dépenses  non  encore 
acquittées  des  exercices  de  l'an  V,  de  l'an  VI,  de  l'an  VIF. 
L'arrêté  concernant  l'an  VII  est  du  29  germinal  an  IX.  La 
créance  de  la  Montansier  a  été  liquidée  en  principe  deux  se- 
maines après.  Ce  qui  est  certain,  c'est  qu'elle  n'a  pas  été  exclu- 

donc,  que  fût  rapportée  comme  entachée  de  privilège,  el  obtenue  par  surprise,  la 
loi  du  i3  floréal  an  VI.  Il  accuse  la  négligence  et  la  prévarication  des  fonction- 
naires qui  n'ont  pas  tout  réglé  en  assignats,  à  l'époque  du  discrédit.  La  banque- 
route du  tiers  consolidé  doit,  prétend-il,  atteindre  les  requérants  comme  les  autres 
créanciers  de  la  République  ;  et,  à  ce  compte,  loin  d'avoir  à  réclamer,  ils  rede- 
vaient 15.900  francs!  Ces  sophismes  furent  accueillis  comme  ils  le  méritaient. 
Crochon  n'oubliait  qu'une  chose  :  c'est  que  les  requérants  avaient  été  expropriés 
violemment. 

I.  Intégralement  donné  par  M.  Lecomte,  ouur.  cité. 

a.  Bulletin  ries  Lois,  n"  76  (3"  série,  t.  II,  p.  445,  n"  596). 


88       HEVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

sivement  iiuleinnisée  en  inscriptions  sur  le  Grand-Livre.  L'in- 
demnité comprit  pour  le  moins,  outre  des  remises  d'impôts, 
le  prix  en  numéraire  des  onze  arcades  68  à  78',  le  rez-de- 
chaussée  et  l'entresol  du  n°  76-,  et  les  trois  arcades  178,  179, 
180  qui  lui  avaient  été  adjugées  pour  4'OOi.ooo  en  bons  des 
deux  tiers,  soit  42.000  en  numéraire,  le  28  frimaire  an  VIP. 
Tout  en  acceptant  les  immeubles,  la  Montansier  se  refusa  sans 
doute  à  retirer  le  titre  de  rente,  solde  de  l'indemnité.  C'est  ici 
qu'intervient  en  effet  un  décret  daté  du  quartier  impérial  de 
Moscou,  II  octobre  1812,  «  portant  que  toute  liquidation 
payable  en  rentes,  faite  avant  le  i"  janvier  1807,  et  non  encore 
réclamée,  sera  considérée  comme  nulle  »,  à  partir  du  i"  jan- 
vier 18 13  (Bulletin  des  Lois).  Elle  se  décida. 

Dans  l'intervalle,  en  avril  1798,  elle  avait  loué  son  théâtre 
du  Palais-Royal  à  «  l'administration  des  Cinq  »,  Poignet, 
Ribié,  Simon,  veuve  Nicolet,  et  X...  Cet  inconnu,  c'est  elle- 
même  :  elle  s'assurait  le  cinquième  des  recettes.  En  1801, 
elle  avait,  pour  faire  sa  cour  au  nouveau  Gouvernement, 
installé  les  «  Bouffons  »  au  Théâtre  Olympique  de  la  rue  de 
la  Victoire.  Mais,  le  premier  Consul  et  sa  femme  ne  lui  ayant 
pas  fait,  comme  elle  l'espérait,  l'honneur  de  leur  présence,  elle 
les  transporta  salle  Favart,y  fit  de  mauvaises  affaires,  résilia  en 
février  i8o3.  Les  créanciers  se  jetèrent  sur  elle;  elle  fut  mise 
en  prison  pour  dettes,  mais  «  traitée  avec  tous  les  égards  pos- 
sibles ».  Au   bout  de  vingt  jours,  pour  être  libre,  elle  dut 

I.  La  preuve  est,  qu'elle  les  vendit  et  cjuc  ce]iendaat  les  titres  ligurèreut  à  l'in- 
ventaire de  sa  succession.  Voir  plus  haut. 

a.  La  preuve  est  qu'elle  les  vendii  avec  le  no  76,  d'oii  procès  du  duc  d'Orléans 
à  M"**  veuve  Neuville,  ot  jugement  en  faveur  du  duc,  du  tribunal  de  première  ins- 
tance de  la  Seine,  le  8  mars  1816  (Inventaire,  cahier  10,  folio  1).  Les  droits  du  duc 
d'Orléans  s'étendaieut  du  reste  à  tout  ce  qui  concernait  la  vente  du  i4  avril  1788, 
et  c'est  par  effet  rétroactif  que  les  onze  arcades  avaient  été  assimilées  à  des  biens 
nationaux. 

3.  La  preuve  est,  qu'elle  les  a  vendues,  et  que  l'inventaire  après  décès  conserve 
encore  la  trace  de  contestations  à  cet  égard.  —  Voir,  Appendice  I,  l'arrêté  consu- 
laire du  12  floréal  an  IX,  base  d'une  liquidation  dont  les  conclusions  en  chiffres 
nous  échappent.  Par  l'article  i"  de  cet  arrêté,  on  voit  que  la  -Montansier  avait 
traduit  l'aycnt  du  Trésor  public  devant  les  tribunaux  civils  de  première  instance 
et  d'appel  du  département  de  la  Seine,  et  que  leurs  décisions,  qu'elle  y  consentit 
ou  non,  furent  «  regardées  comme  non  avenues  ».  Elles  seraient  à  retrouver. 


LA    MONTANSIEU 


aliéner  les  trois  arcades  qui  lui  restaient  encore  sur  les  qua- 
torze qu'elle  avait  eues.  En  juin  1806,  afin  de  ramener  le 
public  aux  Français,  un  décret  ordonna  l'évacuation  du 
Théâtre  Monfansicr,  qui  s'appelait  alors  les  Variétés.  Le 
lliéàtre  qui  porte  aujourd'hui  ce  nom  fut  bâti,  et,  le  24  juin 
1807  seulement,  après  un  exil  de  cinq  mois  au  théâtre  de  la 
Cité,  la  troupe  inaugura  son  nouveau  local  :  la  Montansier 
demeura  naturellement  intéressée  pour  un  cinquième. 

Les  Pupi  napolitains  de  Francisco  Alberico,  qui  ne  pou- 
vaient faire  concurrence  au  Théâtre  Français,  s'installèrent 
alors  aux  anciennes  Variétés.  Ce  fut  la  revanche  des  marion- 
nettes. La  Montansier  qui  habitait  à  qauche  du  péristyle  au 
n°  i3,  aujourd'hui  17,  de  la  rue  de  Beaujolais,  s'intéressa 
évidemment  à  Francisco  Alberico,  puisqu'elle  le  mit  sur  son 
testament  :  de  là  une  légende,  recueillie  par  Paul  de  Kock, 
qui  lui  attribue  une  passion  séniie  pour  un  jeune  acrobate  des 
Piipi,  le  danseur  F"orioso'. 

Elle  avait  conseiTé  beaucoup  d'amis  dans  ce  monde  des 
théâtres  dont  elle  avait  partagé  les  folles  espérances,  les  tra- 
vaux, les  dangers  pendant  la  Révolution.  Le  19  fructidor 
an  VIII  (5  septembre  1799),  âgée  de  soixante-neuf  ans,  elle 
avait  «  régularisé  sa  situation  »  par  un  mariage  civil  avec 
Bourdon  de  Neuville,  qui  en  avait  soixante-trois-,  et  qu'elle 
perdit  quatre  ans  après,  le  29  fructidor  an  XIP,  l'année  même 
où  elle  avait  fait  vingt  jours  de  prison  pour  dettes.  Son  homme 
d'affaires  Bonrniset,  son  avocat   Lheureux,  lui  demeurèrent 

1.  Les  Pupi  Napoliluni,  avec  Pierre  Forioso,  ne  jouèrent  au  théâtre  de  la  Mon- 
tansier (Palais-Royal)  que  du  16  mai  1810  au  i3  juin,  d'après  M.  H.  Lecomte. 
Le  i4  août,  ils  faisaient  place  aux  jeux  forains,  fermés  en  1882  seulement.  L'acro- 
bate Gabriel  Ravel  l'avait  emporté  sur  Forioso.  C'est  Ravel  qui  figure  à  titre  de 
(■  filleul  11  sur  le  testament  de  la  Montansier,  pour  une  rente  viagère  de  5oo  francs. 
V.  DE  Manne  et  C.  Ménétrier,  Galerie  historique  des  comédiens  de  la  troupe  de 
Nicolet,  Lyon,  1869,  in-8,  pages  218  à  2a6. 

2.  «  Son  premier  soin  à  sa  sortie  de  prison  »  n'avait  donc  pas  été  «  d'épouser 
Bourdon  de  iMeuville  »  comme  l'avance  M.  Reiset  {ouvr.  cit.,  p.  3a).  Elle  avait  bel 
et  bien  attendu  cinq  ans. 

3.  Rue  de  Chaillot,  n"  180  (Inventaire).  Ni  le  contrat,  sous  le  régime  de  la 
communauté,  ni  les  papiers  de  la  succession  Bourdon  ne  révèlent  quoi  que  ce  soit 
de  l'état  de  leurs  affaires. 


90       REVUE    HISTORiniE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇALSE    ET    DE    L  EMPIRE 

très  attachés',  et  sans  doute  elle  n'eut  qu'à  s'en  louer.  Mais 
c'est  une  vieille  actrice,  le  «  rossignol  »  qui  en  1786  avait  joué 
devant  la  Cour  le  rôle  de  Corinne,  dans  le  Roi  Théodore  de 
Paisiello  et  de  Dubuisson,  c'est  M"'  Lillié  qui  est  sa  compagne 
ordinaire,  son  amie  de  toujours  «  depuis  quarante  ans  »,  nous 
dit  V Annuaire.  —  L'inventaire  de  sa  succession  nous  révèle 
que  M"' Lillié  était  en  l'éalité  M""  Villonne,  et  que  son  mari,  en 
182  j,  était  contrôleur  des  matières  d'or  à  Laval  ^.  On  ne  sait 
quand  ni  comment  elle  avait  délaissé  ce  monsieur,  qui  paraît 
ne  s'être  soucié  d'elle  que  lorsque  le  moment  fut  venu  de  l'au- 
toriser à  accepter  moitié  de  la  succession  de  la  Montansier  : 
l'autre  légataire  fut  Francisco  Alberico  ;  Boumisel  n'avait  pas 
été  oublié,  mais  il  mourut  six  mois  avant  sa  cliente.  Cette 
mort  termina  aussi  le  bail  de  neuf  ans,  pour  5. 000  francs  par 
an,  qu'elle  lui  avait  consenti  le  26  août  i8i4,  de  la  salle  de 
spectacle  de  Versailles,  rue  des  Réservoirs. 


La  Montansier,  née  sept,  ans  après  la  Régence,  vil  la  pre- 
mière Restauration,  les  Cent-Jours,  les  premières  années  de 
la  seconde  Restauration.  Elle  était,  pour  bien  des  gens,  une 
curiosité  du  Palais-Royal.  Depuis  le  règne  de  la  Pompadour 
elle  avait  passé  sa  vie  à  s'adapter  aux  circonstances  et  ne 
doutait  de  rien.  Le  comte  d'Artois,  lieutenant  général  pour  le 
Roi,  ayant  dès  son  entrée  aux  Tuileries  reçu  les  femmes  (181 4), 
<i  tout  ce  qui  voulut  s'y  présenta,  raconte  la  comtesse  de 
Boigne',  jusqu'à  M"'  Montansier,  vieille  directrice  de  théâtre 
qui,  dans  la  jeunesse  du  prince,  avait  été  complaisante  pour 
ses  amours.  Mais  la  joie  sincère  de  la  plupart  d'entre  nous 
couvrait  de  reste  ce  manque  d'étiquette  ».  —  L'année  d'après, 


1.  Son  icstameiit  et  le  billet  lie  décès  publié  par  M.  Fromageol  en  sont  la 
preuve. 

a.  Dubuisson  était  aussi  de  Laval,  rappelons-le.  Ces  rapprochements  topograplii- 
qucs  ne  prouvent  rien  en  eux-mêmes,  mais  peuvent  indiquer  de  nouvelles  pistes. 

3.  Mémoires...,  i5«  édition  (1908),  t.  I,  p.  379. 


LA    MONTANSIER 


nouvelle  audace  :  le  curé  de  Saint-Roch  ayant  refusé  l'entrée 
de  son  église  au  cercueil  de  M"'  Raucourt,  la  Montansier,  de 
son  prie-Dieu,  l'apostropha  vivement*;  la  foule  s'en  mêla,  et 
Louis  XVlll,  aveiti,  prit  le  parti  spirituel  d'envoyer  un  de  ses 
chapelains  dire  l'absoute.  11  faut  que  la  Montansier  ait  été  très 
sûre  de  sa  popularité  dans  le  monde  artistique,  et  aussi  de  la 
sympathie  générale,  pour  avoir  demandé  qu'une  fois  par  an, 
cet  Opéra  qu'elle  avait  fait  construire  donnât  une  représenta- 
tion à  son  bénéfice.  L'Année  dramatique  prétend  que  l'in- 
succès de  cette  demande  la  tua  (i3  juillet  1820);  et  la  biogra- 
phie Michaud,  qu'elle  mourut  dans  le  besoin. 

Il  n'en  est  rien.  Elle  approchait  de  quatre-vingt-dix  ans.  Elle 
fut  assez  longtemps  malade,  surtout  pour  son  âge,  car  les  frais 
de  maladie  inscrits  à  V Inventaire  s'élèvent  à  2.000  francs^. 
Sa  fortune  apparente  consistait  dans  sa  part  d'un  cinquième 
aux  bénéfices  des  Variétés  ;  dans  la  propriété  du  théâtre  de 
Versailles,  mis  en  vente  après  sa  mort.  Mais  celle  de  la  maison 
qu'elle  habitait,  i3,  rue  de  Beaujolais,  est  fictive,  en  dépit  de 
l'affirmation  du  billet  de  décès  :  car  elle  devait,  d'après  l'in- 
ventaire, 1.875  francs  pour  trois  termes  échus,  ce  qui  met  la 
valeur  locative  de  son  appartement  à  2.5oo  francs.  Aujourd'hui 
ce  serait  largement  le  double.  Le  personnel  de  la  défunte  se 
composait  d'une  cuisinière,  la  dame  Baron,  d'une  femme  de 
chambre,  la  dame  Roussel,  et  d'un  domestique  mâle,  portier 
de  la  maison,  Joseph  Dominique.  Les  frais  d'obsèques  at- 
teignirent environ  un  millier  de  francs^. 

Ce  fut  l'affaire  de  Marc-Antoine  Jobart  de  Saint-Gand,  admi- 
nistrateur des  Variétés,  exécuteur  testamentaire  avec  saisine 
pendant  un  an  et  un  jour,  de  régler  les  dettes  urgentes.  Quant 

1.  Elle  dit  au  curé  qu'il  n'avait  pas,  du  vivant  de  l'actrice,  considéré  comme 
impur  l'argent  qu'elle  lui  donnait  pour  ses  pauvres. 

2.  Son  médecin  ordinaire  était  Sue,  médecin  du  Roi,  —  le  père  d'Eugène  Sue. 
Elle  en  consulta  deux  autres. 

3.  Pompes  funèbres  :  487'3o.  Fabrique  de  Saint-Roch  :  3^3  francs.  Mairie  du  a!'  : 
100  francs.  Total  :  gag'ao.  —  .ajoutons  encore  que  le  percepteur  réclamait 
i,8a6'4o  pour  le  solde  de  l'année  i8ao.  —  Voir  d'autres  détails,  quant  aux  legs 
[>articuliers,  dans  Le  Carnet,  article  de  M.  G.  Bord  (igo4). 


^2       REVUE   HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

aux  légataires,  chacun  pour  moitié,  Francisco  Alberico,  de 
Naples,  et  Agnès-Sophie  Lillié,  femme  de  Nicolas  Villonne 
autorisée  par  son  mari,  ils  n'acceptèrent  la  succession  que 
sous  bénéfice  d'inventaire^.  La  testatrice  «  se  croyait  riche  » 
affirme  l'Annuaire  dramatique.  Mais  ajoute-t-il,  ses  affaires 
«  ne  seront  à  jour  que  dans  un  nombre  considérable  d'années  ». 
Le  fait  est  que  l'on  dépensa  20^30,  rien  que  pour  le  papier, 
les  plumes  el  l'encre  au  cours  de  l'interminable  inventaire  des 
papiers  :  naturellement  les  inscriptions  sur  le  Grand-Livre  n'y 
figurent  point,  pas  plus  que  dans  la  Déclaration  de  Jobart  de 
Saint-Gand.  Gelui-ci  était  en  même  temps  créancier  ;  M"'  Lillié, 
était  en  même  temps  créancière.  Il  est  vraisemblable  qu'une 
femme  aussi  experte  que  la  Montansier  • —  et  aussi  bien  con- 
seillée —  avait  trouvé  le  moyen,  et  depuis  longtemps,  de  pour- 
voir avant  sa  mort  et  en  dehors  de  son  testament'-  à  ses  der- 
nières volontés. 

La  reconnaissance  de  M"°  Lillié  n'est  ceilainement  pas 
étrangère  à  la  notice  nécrologique  parue  dans  V Annuaire  dra- 
matique, —  la  plus  détaillée  que  l'on  puisse  rencontrer  dans  la 
collection  de  ces  in-32  de  poche.  En  effet,  l'auteur  y  fait  en 
passant  un  éloge  ému  de  cette  amie  incomparable,  et  rappelle 
ses  succès  de  cantatrice  à  Versailles,  à  Paris,  en  citant  les 
titres  des  pièces,  Isabelle,  Seliko  ou  les  Nègres,  etc. 

Quant  à  la  défunte,  VAnnaaire  avoue  qu'elle  n'eut  pas 
«  toutes  les  vertus  ».  Mais  qui  les  a  ?  Il  loue  avec  raison  et  son 
énergie,  et  sa  dignité  sous  le  coup  des  calomnies  les  plus  gros- 
sières. Il  stigmatise  les  libellistes  anonymes,  «  rampants  et 
sangxiinaircs  suivant  l'occasion  et  les  lieux  n.  Il  dépasse  la 
mesure  quand  il  rappelle  que  la  propriétaire  du  Théâtre  des 
Arts  fut  «  spoliée  lâchement,  à  la  face  de  l'Europe,  par  un  gou- 
vernement, et  outragée  par  la  Convention  ».  Hébert  et  Ghau- 
mette,  les  vrais  responsables,  n'étaient  pas  un  gouvernement  ; 
l'Europe  avait  d'autres  soucis  que  la  Montansier;  et  la  Con- 

1.  Je  n'ai  pas  cru  pouvoir  m'infomior  de  la  litiuidalion  :  cVi'it  <■«'  abuser  de  la 
complaisance  de  M«  Lardj,  el  peut-èire  lui  demander  l'impossible. 

2.  Du  i6  juin  1819.  (Élude  Lardy.) 


LA    MONTANSIER  gS 

vention,  loin  de  l'outrager,  lui  rendit  justice,  du  moins  en  prin- 
cipe, autant  qu'il  était  possible. 

Ce  qui  est  incontestable,  c'est  qu'elle  sut  employer,  former 
d'excellents  artistes  ;  qu'elle  n'eut  d'ennemis  ou  plutôt  d'adver- 
saires masqués,  que  dans  le  personnel  de  l'Opéra';  que  ses 
vieux  camarades  de  la  scène  et  de  l'orchestre  la  pleurèrent 
sincèrement".  Bonne  fille  dans  sa  jeunesse,  intrigante  à  toute 
heure,  elle  se  relève  par  un  travail  assidu,  une  remarquable 
entente  de  son  dur  métier,  une  volonté  et  une  endurance 
exceptionnelles,  jusqu'à  l'âge  le  plus  avancé. 

Elle  a  marqué  assez  longtemps  et  assez  profondément  dans 
l'histoire  du  théâtre  pour  qu'une  inscription  municipale  ou 
autre  rappelle  aux  Parisiens  sa  maison  mortuaire,  l'ancien 
n°  1 3  de  la  rue  des  Beaujolais.  Ce  n'est  pas  le  n°  1 1  bîs  actuel. 
C'est  le  n°  17,  comme  il  résulte  de  la  minutieuse  élude  des 
plans  cadastraux,  qu'ont  bien  voulu  faire  pour  moi  MM.  René 
Farge  et  Lucien  Lazard.  Ce  n°  17  correspond  d'ailleurs  aux 
arcades  79  à  82,  c'est-à-dire  à  l'appartement  occupé  par  la 
Monlansier  dès  son  avènement  théâtral  au  Palais-Royal,  noa- 
vcau  style,  Egalité.  En  avait-elle  jamais  été  j)ropriétaire?  Ce 
qui  est  certain,  c'est  que  cet  immeuble  fut  acquis  le  5  juillet 
1787,  par  la  famille  Fontaine,  de  Philippe  d'Orléans.  La  mu- 
tation de  propriété  qui  eut  lieu  le  16  brumaire  an  lY,  date 
des  Lettres  de  ratification  (Arcli.  de  la  Seine,  n°  623i)  ne 
mentionne  pas  la  Montansier.  En  1820,  et  depuis  1809,  au 
moins,  le  propriétaire  de  l'immeuble  était  Louis  Colas  de 
Bronville  (Enregistrement,  Reg.  94)- 

On  ne  connaît  de  la  Monlansier  aucun  portrait,  aucun  buste.- 
Le  policier  de  1 766  dit  qu'elle  n'était  ni  très  bien  faite,  ni  belle  : 
peut-être  était-elle  pire,  — •  grande,  brune,  provocante,  le  nez 
en  l'air,  les  yeux  très  vifs,  avec  des  cils  noirs  très  fournis,  sui- 
vant des  souvenirs  recueillis  par  M.  C.  Hippeau^.  Paul  de  Kock 


I.  Il  semble  bien,  sans  qu'il  y  ait  des  preuves  formelles,  que   l'ultra-révolution- 
naire Lays  fut  à  la  tète  de  la  cabale  de  1793. 

a.  (I  Elle  vint  à  leur  secours  et  les  protégea  tant  qu'elle  put  »,  dit  l'Annuaire. 
3.  Ouvrage  cité,  p.  28,  note.  —  D'après  une  tradition  que  j'ai  recueillie  il  y  a 


9^       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE   l'eMPIRE 

esquisse,  vers  i8i5,  une  vieille  fée  ratatinée,  en  turban  jaune, 
qui  trottinait  par  les  galeries  du  Palais-Royal.  —  Manyer,  qui 
la  rencontra  en  1816  chez  Brunet,  célèbre  artiste  des  Variétés, 
ne  dit  rien  d'elle  au  physique,  mais  affirme  que  par  sa 
mémoire,  sa  conversation  toujours  enjouée,  elle  dominait 
encore  dans  un  salon,  et  se  faisait,  en  dépit  de  son  âge,  fort 
bien  écouter. 

il.    MONIN. 


APPKNDICES 
I 

la    liquidation    du    théâtre    de    la    rue    de    la    LOI  ' 

Projet  d'arrêté^. 

Les  Consuls  de  la  République,  sur  le  rapport  du  ministre  des 
finances,  le  Conseil  d'Etat  entendu. 
Arrêtent  : 

Arl.  I.  Les  jugements  des  tribunaux  civils  de  première  instance 
et  d'appel  du  département  de  la  Seine  intervenus  les  i4  pluviôse 
an  VIII  et  i'"^  frimaire  an  IX,  entre  l'agent  du  Trésor  public  et  les 
citoyens  Neuville  et  D""  Montensier^,  sont  regardés  comme  non 
avenus. 

Art.  2.  Pour  parvenir  k  la  liquidation  des  sommes  dues  pour 
l'acquisition  du  Théâtre  des  Arts,  il  sera,  conformément  à  la  loi  du 
16  nivôse  an  VI,  procédé,  dans  le  délai  de  deux  décades  à  compter 
de  ce  jour,  à  l'estimation  de  la  valeur  en  numéraire,  au  7  messidor 
an   III,  des  terrains  et  bâtiments  compris  au  contrat  de  vente  de 

bien  quarante  ans,  la  Montansier  aurait  fondi",  rue  des  Dcux-Portes-Sainl-Sauveur, 
n"  3i,  la  maison  de  fards  pour  le  théâtre  et  pour  la  Tille  qui  se  nomme  aujourd'hui 
maison  Monin-Dorin,  27,  rue  Grenier-Saint-Lazare.  —  Voir  Appendices,  III. 

1.  Successivement  Théâtre  national.  Théâtre  des  jVrts,  Opéra. 

2.  Extrait  du  registre  des  délibérations  du  Conseil  d'État,  séance  du  la  tloréa 
an  IX.  On  lit  en  marge  :  0  Approuvé,  B.  «  Cette  approbation  de  Bonaparte  donna 
donc  force  exécutoire  au  «  projet»,  par  là  devenu  0  Arrêté  des  Consuls  «.  — 
Arch.  nat.  AF"'  34. 

3.  Sic,  et  non  n  Montansier  «. 


LA    MONTANSIKR  q5 

ladite  salle,  à  l'efiet  de  laquelle  le  Préfet  du  Département  de  la 
Seine  et  lesdits  citoyens  Neuville  et  demoiselle  Montensier  nomme- 
ront chatuii  un  architecte  expert,  et,  dans  le  cas  où  lesdits  experts 
no  seraient  point  d'accord  entre  eux,  le  ministre  des  finances  nom- 
mera le  tiers  expert. 

Art.  3.  La  somme  de  i.ôoo.ooo  francs  payée  par  le  Trésor  public 
aux  citoyens  Neuville  et  demoiselle  Montensier  sera  imputée  pour 
valeur  du  mobilier,  des  loyers,  des  intérêts  et  des  indemnités  com- 
pris dans  la  vente  par  eux  faite  pour  pareille  somme. 

Art.  4-  La  somme  de  4.550.065*^02  restante  de  celle  de6.o5o.o65 
francs  de  payements  faits  tant  aux  vendeurs  qu'à  leurs  créanciers,  en 
assignats,  et  celle  de  788.  i5o  francs  pour  principal  et  intérêt  des 
arcades  du  Palais-Egalité  suivant  la  liquidation  du  Département  de 
la  Seine  du  8  brumaire  an  VI,  dont  la  compensation  est  stipulée 
par  le  contrat  de  vente,  lesdites  sommes  formant  celle  de  5.288.2 15 
Irancs,  seront  imputées  en  acquit  de  la  République  française  pour 
une  quotité  proportionnelle  avec  les  6.5oo.ooo  francs,  prix  principal 
des  terrains  et  bâtiments  compris  dans  la  vente. 

Art.  5.  La  quotité  proportionnelle  dont  le  Trésor  public  se  trou- 
vera débiteur,  d'après  l'estimation  prescrite  par  l'article  2,  sera 
payée  aux  citoyens  Neuville  et  demoiselle  Montensier  comme  les 
créances  numéraires  de  la  même  nature'. 

Art.  6.  Le  ministre  des  finances  est  chargé  de  l'exécution  du 
présent. 

Le  Conseil  d'Etat,  après  avoir,  sur  le  renvoi  des  consuls,  et  sur 
le  rapport  de  la  section  des  finances,  discuté  le  projet  ci-dessus, 
l'approuve  et  arrête  qu'il  sera  présenté  aux  Consuls  dans  la  forme 
prescrite  par  le  règlement. 

Pour  extrait  conforme  : 

Le  secrétaire  général  du  Conseil  d'État, 

Signé  :  J.  G.  Locré. 

II 

LA    MALSON    MORTUAIRE  DE    LA    MONTANSIER 

Au  n°  82  est  le  café  de  Chartres,  aujourd'hui  restaurant  Véfour. 
Le  second  étage,  situé  au-dessus  des  arcades  de  ce  café,  fut  long- 

1.  C'est-à-dire  en  inscription  sur  le  GranJ-Livre  de  la  Deltc  publique. 


gG       REVUE    HISTORIQUE    UE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

temps  habité  par  M"=  Montansicr,  propriétaire  et  directrice  du 
théiUre  auquel  elle  a  donné  son  nom  en  1790  :  une  vaste  salle  à 
manger,  un  grand  salon,  une  chambre  à  coucher  et  quelques  pièces 
de  service  et  de  dégagement  en  formaient  le  principal  et  les  acces- 
soires. Un  défilé  obscur  conduisait  au  théâtre'. 

Le  salon  était  le  véritable  paudémonium  de  l'époque.  On  v  a  vu 
rassemblés  dans  une  même  soirée  Dugazon  et  Barras,  le  père  Du- 
chesne  et  le  duc  de  Lauzun,  Robespierre  et  M"'^  Maillard,  Saint- 
Georges  et  Danton,  Martainville  et  le  marquis  de  Chauvelin,  Lays  et 
Marat,  Volange  et  le  duc  d'Orléans.  Toutes  les  combinaisons  de 
l'intrigue  ont  trouvé  place  dans  ce  salon,  depuis  les  intrigues  amou- 
reuses jusqu'aux  intrigues  politiques;  on  y  donnait  la  même  impor- 
tance à  une  nuit  de  plaisirs  qu'à  une  journée  de  parti  :  on  s'y  oc- 
cupait aussi  sérieusement  des  succès  de  la  petite  Mars  que  des 
événements  du  3i  mai.  La  belle  M''^  Lillier  y  faisait  autant  d'im- 
pression que  les  discours  de  Vergniaud,  Au  bout  du  même  canapé 
de  damas  bleu  de  ciel,  usé,  fané  et  délabré,  sur  lequel  la  Montan- 
sier  arrangeait  son  spectacle  de  semaine  avec  Verteuil,  sou  régis- 
seur, le  régisseur  Grammont  organisait  à  l'autre  bout,  avec  Hébert, 
l'émeute  du  lendemain  aux  Cordeliers.  Dans  un  coin  du  salon, 
Desforges  perdait  contre  Saint -Georges,  à  l'impériale,  l'argent 
qu'il  empruntait  à  la  Montansicr  sur  ses  droits  d'auteur  de  la  pièce 
eu  répétition.  Une  bruyante  table  de  quinze  rassemblait  après  le 
spectacle  les  actrices  du  théâtre  qui  délassaient  par  leurs  saillies 
tous  les  coryphées  de  la  Convention.  Trois  jours  avant  le  9  ther- 
midor, Tailien,  Collot  d'Herbois,  Saint-Just  et  Robespierre  avaient 
fait  dans  ce  salon  une  partie  de  whist  qui  avait  duré  jusqu'à  trois 
heures  du  matin. 

...  Barras  occupait,  avant  d'habiter  le  palais  du  Luxembourg, 
deux  petites  chambres  situées  tout  au  haut  de  la  maison  occupée 
par  le  café  de  Chartres,  et  que  lui  louait  M"'  Montansier.  Ce  modeste 
logement  suffisait  au  général  de  la  Convention  depuis  qu'il  avait 
quitté  son  logement  de  la  rue  Traversière-Saint-Honoré,  qu'il  était 
devenu  commensal  de  son  hôtesse,  et  qu'il  fai.sait  les  honneurs  de 
sa  maison... 

M"=  Montansier  termina  le  1 3  juillet  1820,  à  quatre-vingt-dix  ans, 
son  aventureuse  et  roinaiiosque  carrière,  dans  le  même  appartement 

1.  Au-dessus  du  péristyle  do  JoinviUe. 


LA    MOJNTANSIER  07 

OÙ,  pendant  trente  ans,  elle  avait  éprouvé  tant  de  hasards  divers, 
vécu  au  milieu  de  tant  de  célébrités  et  dépensé  si  follement  une 
prodigieuse  fortune. 

A  côté  de  l'entrée  du  théâtre  Baujolais  était  l'entrée  du  club, 
dont  les  salons  donnaient  sur  le  jardin...  ' 

m 

LA    MONTANSIER    ET    LA    MAISON    DE    FARDS    MONIN-DORIN 

Il  y  a  bien  une  quarantaine  d'années,  provincial  récemment 
arrivé  à  Paris,  je  me  promenais  au  Palais-Royal  avec  mon  cousin 
Hector  Monin,  propriétaire  de  la  maison  de  fards  à  la  tête  de  la- 
quelle est  actuellement  son  fils,  ^laurice  Monin  (27,  rue  duGreuier- 
Saint-Lazare). 

Je  levais  les  ^eux  pour  apprendre  le  nom  des  galeries.  Ayant  lu 
tout  haut  :  «  Galerie  Moutpensier  »,  mon  cousin  me  dit  :  «  C'est 
un  nom  qui  date  de  Louis-Philippe,  les  vieux  Parisiens  disaient  : 
galerie  Montansier  »-.  Il  m'apprit  que  M"'  Montansier  —  dont 
j'ignorais  le  nom,  —  avait  fondé  le  théâtre  du  Palais-Royal,  et,  de 
plus,  ajouta-t-il,  la  maison  de  fards  Dorin,  que  gérait  une  vieille 
actrice  de  son  théâtre,  et  que  lui-même  avait  acquise  de  Titard. 

Je  ne  songeai  pas,  alors,  à  m'enquérir  des  preuves  de  cette  ori- 
gine; j'eus  grand  tort,  car  je  ne  puis  apporter  —  en  dehors  de  la 
tradition  —  que  des  probabilités. 

* 
*  * 

M.  Maurice  Monin  m'a  retrouvé  un  en-tête  de  facture  du  18  mars 
1816,  ainsi  rédigé  : 

RUE    DES    DEUX-PORTES-SAINT-SAUVEUR 

n°  3i 

V  M'"  dite  Dlbuison 

fabricante  de  rouge  végéinl,  blanc  de  perle,  crépons, 
couleur  fine  d'Espagne  sur  papier  rose,  en  tasses  et  sur  assiettes. 

La  première  facture  connue  du  cessionnaire  Dorin,  du  5  février 
1819,  porte  :  a  Dorin,  rue  Michel-le-Comte,  n°  34,  successeur  de 

1.  GiRAULT  DE  Saint-Farjeau,  Les  qaarante-huil  quartiers  de  Paris;  Paris, 
chez  l'auteur,  1846;  in-i6,  p.  i63. 

3.  La  Révolution  de  i848  a  ressuscité  le  nom  de  a  Théâtre  Montansier  ». 

REV.    HIST.    DE   L.V   BEVOL.  ' 


gS       HEVUE    mSTORIOLE    DE    LA    RÉVOLUTION    FR-^NÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

M"^  ye  Dubuisson  ».  Les  doux  S  sont  rétablis,  contbrmémont  à  la 
prononciation. 

L'acte  de  cession  de  V'  Dubuisson  à  Dorin  n'a  pas  été  conservé. 
Il  est  d'ailleurs  possible  que  la  vente  ait  eu  lieu  de  la  main  à  la 
main,  sous  seing  privé.  —  Les  titres  de  l'immeuble  de  la  rue  des 
Deux-Portcs-Saiut-Sauvcur  (des  Deux-Portes-Bon-Conseil,  pendant 
la  Révolution,  aujourd'hui  rue  Dussoubs)'  n'ont  donné  aucun 
renseignement.  Reste  le  domaine  des  hypothèses. 

Pour  qui  a  pénétré  quelque  peu  dans  le  dédale  des  affaires  de  la 
Montansier  et  de  sa  succession,  il  n'est  pas  douteux  qu'elle  ait 
poussé  jusqu'au  génie,  —  elle  et  ses  hommes  d'affaires  Lhcureux  et 
Bourniset,  —  l'art  de  brouiller  ses  traces,  de  dépister  ses  créan- 
ciers, de  dissimuler  son  actif  et  son  passif.  Dès  lors  on  peut,  de 
l'en-tête  de  facture,  dégager  :  i°  son  prénom  a  Marguerite  »,  écrit 
avec  deux  /,  suivant  son  orthographe;  2°  son  état  civil  de  veuve;' 
3"  enfin,  le  nom  du  fécond  parolier,  Paul-L'lric  Dubuisson,  à  qui 
elle  avait  dû  son  premier  grand  succès  devant  la  cour,  le  Roi  Théo- 
dore (1786);  qui  avait  été  arrêté  pour  être  intervenu  en  sa  faveur, 
en  1793,  contre  la  toute-puissante  Commune  de  Paris;  qui  enfin,  à 
la  suite  de  cette  intervention  et  pour  d'autres  causes  ou  prétextes, 
avait  été  guillotiné  avec  les  Hébertistes. 

Si  non  e  vero,...  cherchez  mieux. 

H.   .MOMN. 


I.  Entre  les  rues  Tiquetonne  cl  du  Caire.  —  Notons  que  le  banquier  de  la  Mon- 
tansier, le  célèbre  Perregaux,  avait  débuté  rue  Saint-Sauveur  ;  elle-même,  à  sa  sortie 
de  prison,  fit  publier  son  premier  /ac/tto!  par  «  l'École  typoi]raphique  des  femmes  », 
rue  des  Deux-Porles-Bon-Conseil,  n"  S.  Le  quartier  lui  était  donc  familier. 


SANARY 

ET    LE 

SIÈGE    DE     TOULON 

{Suite  ') 


IX 

Selon  une  singulière  légende,  de  véritables  théories  de  Sana- 
rvens  auraient  abandonné  ce  lieu  à  l'approche  de  l'armée  répu- 
blicaine jiour  chercher  leur  salut  à  Toulon.  Cette  tradition  est 
manifestement  fausse  pour  quiconque  est  tant  soit  peu  au  cou- 
rant de  l'histoire  locale.  Bandol  fut  sous  la  domination  des 
fédéralistes  du  19  juillet  au  26  août  et  sa  section  fut  sous  l'in- 
fluence des  sections  de  Toulon,  tout  en  conservant  l'ancienne 
municipalité".  Or,  si  la  municipalité  de  Sanary  correspondit 
avec  ces  dernières  sections,  aucun  pouvoir  fédéraliste  ne  fut 
constitué  dans  cette  ville,  où  les  représailles  politiques,  en  cas 
de  succès  des  troupes  républicaines,  n'étaient  dès  lors  guère  à 
craindre. 

A  Grasse,  le  19  septembre,  les  représentants  du  peuple.  Bar- 
ras et  Fréron,  décrétèrent  la  mise  sous  séquestre  des  biens 
d'  «  une  infinité  de  mauvais  citoyens  du  département  réfugiés 
à  Toulon  et  partageant  la  trahison  des  conspirateurs  renfer- 

1.  Voir  Revue  historique  de  la  Révolution  fram^-aise  et  de  l'Empire  de  janvier- 
mars  1913  et  numéros  suivants. 

2.  PoupÉ,  Le  mouvement  fédéraliste  à  Bandol  {Revue  de  Provence,  n"  85J. 


100       REVUE    HISTORIQLE    DE    LA   RÉVOLLTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

mes  dans  celte  ville  »  et  l'arrestation  de  toutes  les  personnes 
de  cette  dernière  catégorie  «  si  elles  passoient  sur  le  territoire 
du  dit  département  ».  (anfjjoui's  auparavant,  (iasparin,  Escu- 
dieretSaliceti  avaient  ordonné  l'incarcération  des  gens  suspects 
se  trouvant  dans  le  territoire  de  la  République  (i  4  septembre). 
L'administration  du  département  du  Var  décida  leur  interne- 
ment dans  le  Séminaire  de  Fréjus  ^ 

Analvsons  quelques  délibérations  du  Comité  de  Salut  Pu- 
blic de  Saint-Nazaire.  Les  1 1  et  12  octobre  fut  dressée  la  liste 
générale  des  personnes  se  trouvant  «  dans  la  traite  ville  de 
Toulon,  soit  avant  ou  après  l'arrivée  du  général  Cartaud  ». 
Elle  comprenait  : 

1°  Jérôme  Fournier,  Laurens  Deprat,  Charles  Hermitte,  An- 
toine Aicard,  Barthélémy  Reboul,  Jean  André,  Calixte  Rous- 
tan,  Laurent  Saliatier,  Jean-Louis  Reboul,  Joseph  Reboul, 
Antoine  Andrac, Toussaint  Andrac,  Joseph  Lien,  Antoine  De- 
prat, Nazaire  Daniel  et  Deloulle,  tous  embarqués  sur  les  vais- 
seaux de  la  République  ;  2°  Jean-Louis  Arnoux,  Barthélémy 
Vidal  et  son  fils,  Jean  Allègre,  Louis  Comte,  Pierre  Armelin 
et  son  fils,  Cyprien  Vernet,  François  Vernet,  Nicolas  Dugué, 
Jean  Mistre,  employés  à  l'Arsenal  ;  3°  Jacques  Fournier,  pa- 
tron d'un  bâtiment  de  la  côte,  Duvignos,  commissaire  de  la 
marine,  habitant  Toulon,  Hédouin,  officier  d'artillerie,  marié  à 
Sanary,  Jean  Gautier  fixé  à  Toulon  depuis  i5  ans,  Grâce  An- 
drac, mariée  à  Toulon  depuis  12  ans,  Jean-Jacques  Verdillon 
au  service  de  la  République,  soit  en  tout  33  personnes.  La  femme 
et  les  enfants,  le  cas  échéant,  de  3  personnes  seulement  s'é- 
taient réfugiés,  disait-on,  à  Toulon  ;  la  sœur  de  2  autres 
avait  pris  la  même  détermination.  Le  i!\  octobre  furent  ajoutés 
à  ce  tableau,  deux  citoyens  habitant  Toulon  :  Joseph  Aicard, 
officier  bombardier  dans  cette  ville,  possédant  des  immeubles 
à  Saint-Xazaire,  et  Jean-Joseph  Tournaire,  embarqué  sur  les 
vaisseaux  de  la  République.  Trois  noms  de  Toulonnais,  pro- 
priétaires de  biens  à  Sanary,  furent  encore  relevés  (22  octobre)^. 

I.  ArcTiires  de  Sanary,  l\. 
a.  Ibid.,  D4. 


SANARY    ET    LE    SIEGE    DE    TOULON  101 

Comme  il  était  aisé  do.  le  prévoir,  une  letlre  de  l'adminis- 
tration provisoire  du  district  du  Beausset,  adressée  aux  officiers 
municipaux  de  Sanary,  réclama  la  liste  de  toutes  les  personnes 
absentes  et  de  celles  qui  s'étaient  réfugiées  dans  la  ville  rebelle 
de  Toulon  (27  brumaire)  (17  novembre  1793).  Elle  fut  suivie 
d'une  lettre  écrite  par  la  municipalité  de  Bandol  au  sujet  d'An- 
drac,  qui  s'était  échappé,  lors  de  la  création  de  la  compagnie 
franche  (2  frimaire)  '■. 

Bienlôt  un  arr.^té  des  représentants  prescrivit  la  tenue  d'un 
registre  destiné  à  recevoir  le  nom  des  citoyens  désireux  de 
concourir  à  la  défense  des  droits  de  l'homme,  afin  qu'un  poste 
leur  soit  désigné  dans  le  département.  A  la  veille  de  la  prise 
de  Toulon  (24  frimaire)  (i4  décembre),  un  nouveau  registre 
fut  ouvert  pour  inscrire  les  noms  des  patriotes  fugitifs  de  Tou- 
lon, Marseille  et  Commune-Affranchie,  auxquels  le  décret  du 
i'"'  frimaire  accordait  des  secours.  Vers  le  milieu  de  ce  même 
mois,  les  représentants  près  l'armée  d'Italie  prescrivirent  la 
vente  immédiate  des  biens  des  émigrés.  Au  mois  de  brumaire, 
Barras  et  Fréron  avaient  ordonné  la  démolition  :  1°  des  châ- 
teaux «  environnés  de  murailles,  de  fossés  et  de  tours  «  ;  2°  des 
couvents  et  des  abbayes,  seulement  si  ces  derniers  pouvaient 
offrir  un  poste  avantageux  aux  ennemis". 

Les  décisions  concernant  les  émigrés  étaient  principalement 
destinées  à  frapper  les  Toulonnais  fugitifs  et  les  habitants  des 
environs  ayant  abandonné  leurs  foyers  à  la  nouvelle  de  l'arri- 
vée prochaine  des  troupes  de  Carteaux. 

X 

L'administration  du  département  du  Var  avait  décidé  à 
Grasse,  le  10  octobre  précédent,  d'enjoindre  à  celle  du  district 
du  Beaussel  d'ordonner  sur-le-champ  à  toutes  les  communes 
de  son  ressort  de  lui  faire  parvenir  dans  les  vingt-quatre  heures 
toutes  les  armes  de  calibre  se  trouvant  chez  les  habitants.  Pour 

I.  Archives  de  Sanary,  Ij. 
3.  Ibid.,  D<. 


102        REVIE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

parvenir  à  ce  but,  les  visites  domiciliaires  étaient  autorisées 
sans  réserve  et  la  moindre  négligence  des  municipalités  de- 
vait être  punie  avec  rigueur.  Enfin  les  déserteurs  devaient 
<*tre  mis  en  demeure  de  regagner  leur  corps  et  à  peine  de  desti- 
«  tution  contre  les  officiers  municipaux  convaincus  de  conni- 
«  vence  et  d'être  transportés  à  vingt  lieues  des  frontières  en  vertu 
('  de  l'arrêté  du  26  septembre  approuvé  par  les  représenlans 
«  du  peuple  et  àpeine  d'arrestation  comme  suspects  et  séques- 
«  tration  des  biens  de  leurs  parens  qui  recèleront  lesditsdéser- 
«  teurs'.  »  Qu'il  y  eût  des  déserteurs  plus  que  jamais,  rien,  ma 
foi,  n'était  plus  naturel,  étant  donné  le  manque  décourage  des 
masses  populaires;  mais  que  l'on  pût  recueillir  encore  des  armes 
de  calibre,  cela  était  matériellement  impossible. 

Les  documents  suivants  démontrent  qu'après  les  demandes 
de  toute  nature  adressées  aux  habitants  du  niallieureux  district 
du  Beausset,  leurs  demeures  furent  bientôt  vides  : 

Jean-François  Carleaux,  rjénh'al  en  chej  des  armées  de  la  Répu- 
blique française,  commandant  l'année  du  Midi-  et  de  l'Italie. 

Il  est  ordonné  à  la  municipalité  de  Saint-Nazaire,  de  faire  amener 
au  quartier  général  a  Oiilioulos,  sur  des  voitures  qu'elle  i-equerera  à 
cet  efTet,  savoir  : 

1°  Vingt  cordes  de  quarante  pieds  de  longueur  ; 

2°  Dix  échelles  en  bois  de  vingt  pieds; 

3°  Dix  échelles  de  douze  pieds  ; 

4°  Vingt  chaînes  en  fer  de  quatre  pieds  de  longueur; 

5°  Vingt  crochets  très  larges  ; 

La  municipalité  de  Saint-Nazaire  fera  tout  son  possible  pour  que 
tous  ces  différents  objets  sojent  rendus  à  Oulioules,  ce  soir  avant 
dix  heures. 

Carteaux. 
Au  quartier  général  d'Oulioules,  i"  octobre  l'an  a' 
de  la  République  Frani^aise  '. 

I.  Archives  de  Sanary,  H.. 

3.  Imprimé  jusque-là. 

3.  Ou  10  vendémiaire  an  II  (Archires  de  Sanary,  HJ.  A  ce  moment-là  (a  octo- 
bre) était  afGchcc  l'adresse  de  la  Convention  aux  départements  méridionaux,  dirigée 
contre  «  la  manœuvre  horrible  et  l'insigne  perfidie  des  rebelles  de  Toulon  et  celles 
j  de  ses  adliérans  »  (Archiues  de  Sanary,  H'). 


SANARY    ET    LE    SIÈGE    DE    TOULON  Io3 

La  suite  doiinre  à  cet  ordre  n'est  pas  connue.  Il  n'a  proba- 
l)Iemenl  pas  pu  être  exécuté  tel  quel.  Carteaux  n'eut  phis,  du 
reste,  recours  à  cette  municipalité,  dont  Fobliijeance  était  déjà 
appréciée. 

dépendant,  les  réquisitions  succédèrent  aux  réquisitions.  Le 
12  octobre,  à  (îrasse,  l'administration  du  déparlement  du  Var 
prescrivit  aux  administrateurs  du  directoire  du  district  du 
Beausset  de  faire  rechercher,  en  vertu  de  l'arrêté  du  Comité  de 
Salut  Public  du  i3  septembre  précédent,  dans  les  maisons,  les 
matières  «de  première  nécessité  »  pour  la  fonte  des  canons,  la 
fabrication  des  armes  et  des  munitions  de  guerre,  telles  que 
plomb,  enivre,  étain,  fer,  acier,  fonte,  métaux  de  cloche,  etc., 
en  dressant  un  état  exact  de  leur  origine,  même  s'ils  prove- 
naient des  biens  des  émigrés.  La  ré(|uisition  s'applirpiait  égale- 
ment aux  chevaux,  mulets,  voitures,  matelas,  paillasses,  etc. 

Trois  jours  plus  tard  (i5  octobre),  à  Nice,  les  représen- 
tants du  peuple,  députés  par  la  Convention  Nationale  à  l'armée 
d'Italie,  Ricord  et  Robespierre  jeune,  mirent  en  réquisition  tout 
le  plomb  existant  dans  le  département  du  Var  pour  être  trans- 
porté à  l'arsenal  de  Nice,  après  vérification  du  poids  et  de  la 
qualité  dans  le  but  d'en  payer  le  prix  à  leur  propriétaire.  Toutes 
perquisitions  utiles  étaient  autorisées.  La  circulaire,  conforme, 
des  administrateurs  du  district  du  Beausset  était  datée  du 
2  1  octobre  suivant  et  rappelait  que  les  poids  des  métiers  et  des 
pendules  '  rentraient  dans  la  catégorie  des  objets  réclamés. 

Le  8' jour  de  la  i"  décade  du  2^  mois  de  l'an  II  de  la  Répu- 
blique (8  brumaire  an  11)  (29  octobre  1793)  les  administra- 
teurs du  district  du  Beausset  firent  mettre  en  réquisition  tous 
les  boutons  d'  «  uniformes  nationaux  »,  se  trouvant  dans  les 
magasins  des  marchands  des  communes  du  ressort. 

Le  lendemain  (9  brumaire)  fut  prescrite,  en  vertu  d'ordres 
supérieurs,  la  réquisition,  sauf  paiement,  des  draps  bleu,  blanc 
et  écarlate  de  toute  nature  et  de  toute  qualité,  des  draps  de 
toute  couleur  «  depuis  les  Elbeuf  et  en  dessous  »,  des  étoffes 

I.  Horloges  à  poids. 


Ï0\       REVUE    HISTORIQUE   DE    l.\    REVOLITIOX    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

en  laine,  propres  à  l'équipement  des  volontaires,  des  bas  pour 
hommes,  en  laine  ou  en  colon,  aptes  au  même  usage,  enfin 
des  toiles  et  des  (ils.  Le  tout  devait  l'Ire  rendu  dans  les  trois 
jours  au  Beausset. 

Le  lendemain  encore  (lo  brumaire),  lurent  mis  en  réquisition 
les  souliers  se  trouvant  chez  les  cordonniers  et  les  «  marchan- 
«  dises  propres  à  les  faire  pour  la  quantité  de  vingt-cinq  paires 
«  souliers  »  à  confectionner  tout  de  suite.  L'envoi  du  tout  devait 
parvenir  au  chef-lieu  du  district  avant  l'expiration  du  délai  de 
quinze  jours  '. 

A  son  tour  «  Jacques  Coquille  Dugommier,  général  en  chef 
«  de  l'Armée  d'Italie  et  chargé  de  la  conduite  du  siège  de  Tou- 
lon »  -'  fit  parA'enir  à  la  municipalité  de  Saint-Nazaire  l'ordre 
suivant  : 

Au  nom  de  la  République  française  une  et  indivisible, 
La  municipalité  de  Saiut-Nazaire  est  requise  de  fournir  cinq  cha- 
loupes des  navires  Holandois  et  tous  les  ustencilles  nécessaires  pour 

leur  transport. 

Au  quartier  général  d'Ollioules, 
26°  jour  du  2«  mois  l'an  2«  de  la  République^. 

Le  Général  en  chef, 

DuGO.VMIER*. 

Les  exigences  de  l'autorité  militaire  ne  se  firent  ensuite  plus 
sentir  pendant  près  de  trois  semaines. 

."Vu  quartier  (jénéral  d'Ollioules,  le  16®  frimaire'  l'an  second 
de  la  République  française  une  et  indivisible. 

Biionnparte ,  commissaire  des  guerres,  chargé  de  la  police  des 
hôpitaux,  à  la  municipalité  de  Saint-Nazaire. 

Le  .service  de  raniiée  e.\ige,  citoyens,  que  vous  requerrissiés,  sur 

1.  Conformément  à  un  décret  de  la  Convention  du  19  brumaire,  les  mêmes  admi- 
nistrateurs prescrivirent  le  25  de  dresser  un  registre  pour  y  inscrire  le  nom  des 
républicains  olfrant  .'i  la  patrie  des  chemises,  des  bas  et  des  souliers  destinés  à 
être  distribués  au.x  «  braves  défenseurs  de  la  cause  sacrée  du  peuple  ».  (.Verne* 
archives,  D,). 

2.  Titre  imprimé. 

3.  16  novembre  1793. 

I\.  Signature  autographe  (Mêmes  archives,  D,). 
."1.  6  décembre  1798. 


SAXARY    ET    LE    SIÈGE    DE    TOULON  I05 

lo  champ,   toutes  les  cliarretes  qui  peuvent  se  trouver  dans  votre 
canton  et  qu'elles  soient  rendues  ici,  demain  matin  sans  faute. 

Votre  patriotisme  me  fait  espérer,  de  votre  part,  la  plus  grande 
activité  à  cet  égard.  Mettant  sous  votre  responsabilité  tout  inconvé- 
nient en  cas  de  négligence. 

Salut  et  fraternité. 

Pour  le  commissaire  des  guerres, 

ROUSTAN  '. 

Cette  «  pièce  »  émane  de  Josepii  Bonaparte  ;  la  suivante,  du 
futur  Napoléon. 

Ollioules,  le  21  frimaire,  2»  année". 

Le  Commandant  de  l'artillerie  de  l'armée  devant  Toulon,  aux 
officiers  municipaux  de  Saint-Xazaire, 

Je  vous  requiers,  citoyens,  de  mettre  en  réqui.sition  tout  le  plomb 
qui  se  trouve  à  Saint-Nazaire  et  de  le  remettre  au  citoyen  Mathieu 
capitaine  d'artillerie. 

BUONAPARTE  '. 

Cette  injonction,  demeurée  probablement  sans  résultat,  té- 
moigne incontestablement  de  la  pénurie  de  balles  dont  souf- 
frait l'armée.  Cette  situation  était  même  pire  pendant  tout  le 
temps  qu'elle  eut  Carteaux  pour  clief.  Elle  explique,  à  elle 
seule,  la  prédilection  de  ce  général  pour  l'arme  blanche,  pré- 
dilection qui  a  soulevé  des  railleries  à  tort. 

I.  Signature  autographe.  Le  papier  montre  dans  le  filigrane  un  cornet  comme 
pièce  essentielle  {Mêmes  archives,  D  ,). 

a.  11  décembre  1793. 

3.  Copie  de  l'époque.  La  signatiu'e  de  Bonaparte  n'est  pas  autographe.  Onze 
jours  auparavant,  Bonaparte  avait  fait  preuve  d'un  grand  coiirage.  Un  com*rier 
extraordinaire  «  dépêché  par  les  reprcsentans  du  [leuple  et  le  général  Dugommier  » 
avait  laissé  à  Agricol  Moureau  une  relation,  datée  d'Ollioules  et  relative  à  la  journée 
du  10  frimaire,  due  à  «  Gilln,  secrétaire  de  la  commission  »  : 

Il  L'énergie  républicaine  devoit  triompher  lorsqu'ime  colonne  de  huit  cent  hommes 
(I  conduite  par  le  commandant  d'artillerie  Buonaparte  est  arrivée  battant  la  charge, 
«  a  attaqué  les  ennemis  par  le  centre  et  a  précipité  le  moment  de  la  déroute  totale 
«  des  ennemis;  ils  ont  le  temps  d'enclouer  les  cimons,  mais  dans  une  demie-heure 
"  ils  ont  été  désencloués  et  ont  foudroyés  («l'c)  les  encloueurs...  Les  généraux  Mouret 
«  et  Garnier  et  Buonaparte  se  sont,  dans  cette  occasion,  conduits  d'une  manière  dis- 
«  tinguée  ».  (Courrier  d'Avignon,  n"  367  du  i3  frimaire  an  II,  p.  1067-8.)  Dugom- 
mier envoya  un  rapport  analogue  en  haut  lieu. 


I06       REVUE  HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION'    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMI'IRE 

Le  même  capituine  Matliieu  fut  chargé  par  Joseph  Bonaparte 
d'une  autre  mission.  A  raison  «  de  la  bonne  volonté  »  témoi- 
fpiée  par  les  officiers  municipaux  de  Saint-Nazaire,  le  com- 
missaire des  guerres  les  invita,  le  20  frimaire,  à  tenir  prêts  à 
mettre  à  la  voile  douze  bateaux  «  pécheurs  »  pour  transporter 
des  blessés  à  Marseille,  et  ces  bateaux  devaient  être  «  couverts 
«  des  voiles  rengées  en  cerceau  pour  garantir  les  malades  de 
«  la  pluie  et  du  soleil  »  '.  dette  sollicitude  est  à  noter  -. 

Afin  de  ne  pas  donner  trop  d'ampleur  à  ce  mémoire  et  dans 
le  but  aussi  de  ne  pas  abuser  de  la  cordiale  hospitalité  de  cette 
Revue,  nous  allons  résumer,  à  deiix  exceptions  près,  quelques 
textes  rigoureusement  inédits  comme  tous  ceux  étudiés  dans 
ce  travail  et  tous  relatifs  à  Sauarv. 

I"  Réquisition  des  officiers  municipaux  du  Beausset  de  faire 
transporter  immédiatement  à  Ollioules  six  matelas  destinés  au 
dépôt  de  malades  établi  en  ce  lieu  (22  septembre);  2°  Lettre 
de  Guinet,  capitaine,  commandant  les  batteries  du  Brusc, 
concernant  une  fourniture  de  67  barils  de  vin  à  raison  de 
12  francs  le  baril  de  3  milleroUes  (26  septembre);  3°  Une  ré- 
quisition naturellement  dans  le  stvle  de  l'époque. 

Au  nom  de  la  lov, 
La  municipalité  faira  requérir,   pour  domains  à  cinq  heures  les 
munitions  de  guerre;  pour  l'armée;  qu'ils  esterminera  et  bombar- 
dera les  abominables  Toulonnais. 

A  Saint-Nazaire,  co  5  octobre   I7g3,  l'an  3^  de  la  République  française. 

Mathieu, 
Capitaine  commandant  l'artillerie  de  la  côte  '. 

4°  Lettre  comminatoire  du  sans-culotte  Gury,  commissaire 
du  congrès  républicain  formé  à  Marseille,  près  les  armées  vers 


I.  Mêmes  archives,  Dj. 

3.  D'après  divers  documenis,  le  »  io=  bataillon  de  la  Drome  »  séjourna  à  Saint- 
Nazaire,  aux  mois  de  ijerininal  et  de  floréal  de  l'an  II  (mars-mai  1794)  {Mêmes 
arc/tiues,  piissim). 

.1.  Simple  signature.  Document  rédigé  par  une  autre  main. 


SANARY    ET    LE    SIÈGE    DE    TOULO  s  IO7 

Toulon,  menaçant  les  citoyens  municipaux  de  Saint-Nazaire 
de  leur  faire  répondre  sur  «  leurs  têtes  à  la  République  »  du 
commerce  frauduleux  de  vin  se  faisant  dans  leur  port  en  faveur 
des  escadres  ennemies  payant  ces  fournitures  avec  des  écus, 
tandis  qu'ils  devraient  veiller  à  l'envoi  de  ce  vin  à  Nice  à  l'ar- 
mée républicaine  (Aubagne,  7  octobre);  5°  Réquisition  d'une 
bouteille  d'huile  pour  éclairer  le  corps  de  garde  du  Rrusc 
par  Guinet,  capitaine  Allobroge  commandant  les  batteries  sur 
les  Côtes  Maritimes  (8  octobre);  6"  Réquisition  immédiate  par 
Machurot,  maréchal  des  logis,  commandant  de  la  redoute  des 
Quatre-Moulins',  d'un  drapeau  tricolore  (16  octobre);  7°  Docu- 
ment important  : 

Ollioules,  le  17  octobre  I7Ç)3. 

Le  citoyen  Buonaparte  commandant  de  l'artillerie  du  Midi  et 
des  Côtes,  aux  officiers  municipaux  de  Saint-Nnzaire. 

Je  vous  requiers,  citoyens,  de  fournir  pour  le  service  de  l'artillerie 
de  l'armée,  huit  cents  fascines  composées  de  brains  de  bois  de  5  à 
6  lignes  d'épaisseur  sur  sept  a  huit  pieds  de  longueur.  Ces  fascines 
étant  très  nécessaires,  je  vous  prie  de  faire  en  sorte  de  les  procurer 
pour  le  dix-huit  du  courant.  Je  vous  les  envoyerez  prendre  par 
dos  voitures  du  parc,  du  moment  que  vous  m'aurez  averti  qu'elles 

I.  La  batterie  des  Hommes  sans  peur  fut  établie  le  24  octobre  au-devant  des  Deu.x- 
Moulins. 

On  remarquera  que  Bonaparte  n'eut  pas  bas  'in  de  demander  le  moindre  concours 
à  la  municipalité  de  Sanary,  ni  pour  la  batterie  des  Hommes  sans  peur,  ni  pour  celle 
de  la  Convention,  démasquée  trop  tôt  par  les  représentants  (37-8  novembre),  ni  pour 
les  autres  batteries.  Selon  la  tradition,  les  boulets  rouqes  étaient  chauffés  à  Portissol 
(GoTTrN,  Toulon  el  les  Anglais,  p.  271).  La  distance  de  la  batterie  de  Portissol  aux 
batteries  installées  pendant  le  sièqe  était  telle  que  cette  tradition  est  certainement 
fausse.  Dans  ses  Mémoires,  le  maréchal  Victor  emplace  la  batterie  des  Sans-Culottes 
tout  simplement  près  de  la  Seyne  et  la  batterie  de  la  Convention  sur  la  hauteur  des 
Arènes  (p.  i.58,  17a  et  179).  La  première  se  trouvait  à  côté  de  la  chapelle  de  Bré- 
gaillon. 

Victor  a  critiqué  à  son  tour  le  projet  d'enlever  forts  et  retranchements  à  la  baïon- 
nette, sans  se  douter  du  manque  de  balles  et  de  la  situation  où  les  circonstances 
plaçaient  Garteaux.  Le  général  Zurlinden  vient  de  consacrer  à  Saiiceti,  dans  Le  Gaulois 
du  29  octobre  iyi3,  un  article  qu'a  bien  voulu  me  communiquer  jnou  frère,  M.  Vallentin 
du  Ghey lard,  capitaine  adjudant-major  d'infanterie,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur. 
Les  archives  de  Sanary  ne  renferment  aucune  trace  du  débarquement  en  ce  lieu  du 
mortier  demandé  à  La  Ciotat  par  Bonaparte  (Cf.  Laval,  Op.  l.,  p.  371). 


lo8       RJEVL'E    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLLTION    FRANÇAISE    ET    DE   l' EMPIRE 

seront  prêtes.  Je  vous  rembourserai  tous  les  frais  que  cette  fourni- 
ture vous  occasionnera. 

Le  commandant  de  l'artillerie  du  Midij  et  des  Cotes. 

BUONAPARTE  '. 

8°  Circulaire  du  procureur  (jénéral-syndic  du  département 
du  Var  et  lettre  du  procureur-syndic  du  Beausset,  relatives  à 
la  dresse  du  tableau  des  grains  existants  chez  les  citoyens 
«  pour  ne  pas  entraver  la  marche  des  subsistances  dont  le  sort 
«  de  la  République  dépend  »  (i6  et  i8  octobre). 

9°  Lettre  des  commissaires  municipau.x  d'Ollioules  pro- 
mettant de  faire  rendre  4  matelas,  8  draps  de  litet  \  couvertures, 
dès  qu'ils  ne  seront  plus  nécessaires  (28  brumaire)  (i3  novem- 
bre 1793);  10°  Lettre  du  directeur  des  subsistances  militaires 
de  la  8°  division  demandant  un  concours  effectif  à  la  munici- 
palité pour  tirer  un  parti  convenable  du  port  de  Saint-Nazaire 
à  proximité  du  quartier  yénéral  par  le  moyen  de  la  création 
en  ce  lieu  d'un  entrepôt  des  denrées  destinées  à  l'armée,  d'ac- 
cord avec  le  général  et  les  représentants  du  peuple  (24  bru- 
maire) -  ;  1 1°  Convocation  au  Beausset  d'un  commissaire  de  la 
municipalité  de  Saint-Nazaire  pour  étudier  la  question  des 
subsistances  avec  les  administrateurs  du  district,  devant  se 
rendre  à  Marseille  auprès  de  l'Assemblée  générale  et  des  Re- 
présentanls  (29  brumaire)  ;  1 2°  Réquisition  du  capitaine  (îeorges 
et  de  deux  officiers  du  i"^  régiment  de  hussards  détachés  à 
Saint-Nazaire  au  sujet  de  la  nourriture  d'un  cheval  malade 
(20  novembre  ou  3o  brumaire);  i3"  Circulaire  des  administra- 
teurs du  district  prescrivant  l'approvisionnement  en  avoine  et 
fourrages  des  marchés  et  des  auberges  où  se  trouve  le  relai  des 
postes  et  messageries  (2  frimaire)  ;  14°^  Lettre  de  Blanchel, 
inspecteur  principal  des  subsistances  militaires,  au  sujet  de  la 
■confection  immédiate  de  pain  pour  la  subsistince   de    deux 

1 .  Signature  autographe. 

3.  Le  a8  vendémiaire  an  II,  à  Marseille,  les  représentants  du  peuple  envoyés  dans 
les  départements  méridionaux,  dressèrent  une  réquisition  du  blé  se  trouvant  dans 
le  département  des  Bouclies-du-lthone  (Bibl.  d'.\viijnon,  ms  3767). 

3.  Tout  est  extrait  îles  Arcliiues  de  Sanary  H;. 


SANARY    ET    LE    SIÈOE    DE    TOULON  lOf) 

bataillons  arrivés  à  Ollioliles  sans  <?lre  annoncés  (3  frimaire); 
i5°  Letlre  du  comité  des  subsistances  du  déparlement  du  Var 
aux  administrateurs  du  district  du  Beausset,  reconnaissant  le 
manque  de  denrées  dans  leur  ressort,  annonçant  l'envoi  d'une 
partie  du  chargement  d'un  vaisseau  génois  pourvu  de  600 
charges  de  blé  et  ajant  abordé  au  golfe  Jouan  et  prévoyant 
rarri%ée  avant  un  mois  de  grains  à  Saint-Maximin,  où  des  ma- 
gasins étaient  préparés  (Grasse,  6  frimaire);  i(5°  Circulaire  des 
mêmes  administrateurs  faisant  coiuiaître  l'arrêté  des  représen- 
tants Barras  et  Fréron  taxant  la  ration  de  fourrage  à  i5  livres 
et  celle  d'avoine  à  2/3  de  boisseau  (2  frimaire);  17°  Circulaire 
des  mêmes,  relative  aux  irrégularités  remarquées  dans  les  états 
concernant  les  fournitures  des  étapes  et  des  convois  militaires 
et  les  levées  faites  en  vertu  de  la  réquisition  du  23  août  (8  fri- 
maire); 18°  Circulaire  des  mêmes  relative  à  la  réquisition  per- 
manente pendant  trois  mois,  en  vertu  du  décret  du  4  frimaire, 
de  tous  les  cordonniers,  tenus  de  remettre  par  décade  cinq 
paires  de  souliers  en  leur  nom  et  autant  par  ouvrier  employé 
(9  frimaire);  19°  Circulaire  des  mêmes  demandant  des  bandes 
de  18  pans  de  longueur  et  de  3  doigts  de  largeur  pour  le  pan- 
sement des  blessés  «  l'armée  se  trouvant  surchargée  de  malades 
«  et  de  blessés  et  étant  sur  le  point  d'en  avoir  un  plus  grand 
«  nombre  par  les  attaques  qui  doivent  se  faire  contre  la  ville 
«  rebelle  de  Toulon  »  (9  frimaire);  20°  Circulaire  des  mêmes 
annonçant  que  le  comité  des  subsistances  du  département 
va  venir  en  aide  aux  communes  (11  frimaire)  (!"■  décembre 
1793)  et  cette  promesse  fut  tenue  malgré  divers  obstacles; 
21°  Lettre  des  commissaires  provisoires  d'Ollioules  demandant 
l'envoi  de  matelas,  de  couvertures  et  de  draps  de  lit,  leurs 
«  moyens  »  ayant  été  épuisés  par  les  réquisitions  des  représen- 
tants du  peuple  près  l'armée  du  Midi,  des  généraux  et  du  com- 
missaire ordonnateur  de  cette  armée  (i  i  novembre)  ;  22°  Lettre 
de  rappel  des  mêmes,  car  «  le  général  Doppet  manque  de  tous 
«  ces  objets  »  et  annonçant  l'envoi  d'un  gendarme  pour  activer 
leur  livraison  (12  novembre);  23"  Lettre  du  24  frimaire  (i 4  dé- 
cembre 1793)  d'Isoard,  chirurgien  en  chef  de  l'aile  droite  et 


I  I O       REVUE    HISTORIQUE   DE    LA    REVOLUTION   FRANÇAISE   ET    DE    L  EMPIRE 

datée  du  quartier  de  Lombard,  réclamant  au  nom  de  Ihuma- 
nité  du  «  mauvais  linge  »,  des  pots  de  terre  et  des  écuelles, 
car  l'hôpital  était  dépourvu  de  tout. 

En  vertu  de  l'arrêté  des  représentants  du  peuple  accordant 
aux  vaisseaux  hollandais  tout  ce  dont  ils  avaient  besoin,  le 
commissaire  des  guerres  adjoint  Léorat  ordonna  de  leur  faire 
délivrer  de  l'huile  et  du  bois  «  d'une  manière  utile  et  écono- 
mique »  (OUioules,  23  frimaire)  (i3  décembre  lygS).  La  lutte 
touchait  à  sa  fin  et  l'administration  s'arrêtait,  comme  toujours, 
à  des  minuties.  Toutefois,  le  fait  suivant  atteste  son  activité 
employée  en  général  d'une  façon  utile.  Les  membres  de  la 
commission  municipale  délégués  par  les  représentants  du 
peuple  et  chefs  du  comité  de  la  guerre  avisèrent  en  effet  les  offi- 
ciers municipaux  de  Saint-Nazaire  de  l'envoi,  conformément 
aux  ordres  du  commissaire  ordonnateur  en  chef  Ghauvet  ',  des 
bateaux,  le  .9am/-/*«erre  (capitaine  Barthélémy  Au  tard),  lei'ans- 
Culotte  (patron  Antoine  Arnaud),  la  Sainle-Anne  (patron  Jean- 
Honoré  Pignatel)  et  le  Noël  (capitaine  Jacques  Pignatel),  tous 
chargés  de  barriques,  planches  et  autres  objets  destinés  au 
siège  de  Toulon.  Ces  objets  une  fois  débarqués,  un  courrier 
extraordinaire  devait  prévenir  le  général  en  chef  Dugommier 
et  le  commandant  du  corps  du  génie  Marescot  ou  Marescaut 
(Marseille,  25  frimaire)  (i5  décembre).  Le  lendemain,  26  fri- 
maire, Mathieu,  toujours  capitaine  commandant  l'artillerie  de 
la  côte,  confirmait  cet  ordre  et  invitait  la  municipalité  de  Saint- 
Nazaire  à  faire  partir  pour  le  parc  d'artillerie  de  l'année  les 
canonniers  de  la  Ciolat  dès  leur  arrivée.  Les  archives  du  mi- 
nistère de  la  guerre  doivent  renfermer  un  dossier  relatif  à  cet 
officier,  qui,  s'il  n'atteignit  pas  les  grades  élevés,  remplit  du 
moins  son  devoir  avec  un  dévouement  illimité  et  avec  une  in- 
domptable énergie.  Un  hommage  à  sa  mémoire  s'imposait. 

Les  fournitures  faites  par  la  commune  de  Saint-Nazaire  pen- 
dant les  mois  de  vendémiaire,  brumaire  et  frimaire  aux  batte- 
ries de  la  Cride,  de  Portissol  et  du  Môle  Vieux,  aux  corps  de 

1.  M\  sujet  des  généraux  Mouret  et  Garnier  cl  de  l'ordonnateur  Chauvct,  cf. 
CnuçuET,  La  jeunesse  de  Napoléon,  Toulon,  p.  ,304-306  et  3i3. 


SANART    ET    LE    SIEGE    DE    TOULON 


f]arde  du  Village  et  «  Avant  dans  le  chemin  »  s'élevèrent  res- 
j)ectivenienl  à  358  I.  9  s.,  420  1.  i3  s.  et  encore  420  1.  i3  s.  ^. 
Ces  détails  n'ont  qu'un  intérêt  rétrospectif;  ils  attestent  néan- 
moins les  services  rendus  par  ce  lieu,  grâce  à  sa  position  to- 
pographique et  grâce  au  concours  de  sa  municipalité,  et  qui 
ne  furent  pas  récompensés. 

L'inspecteur  en  chef  des  subsistances  militaires  Lotli  délivra 
au  Porl-la-Montagne,  le  i"  ventôse  an  II  (19  février  1794)5  un 
reçu  de  420  livres,  à  Joseph  Giboin,  délégué  de  Saint-Nazaire, 
pour  prix  de  douze  charges  de  blé,  livrées  à  cette  ville,  à  rai- 
son de  35  livres  la  charge.  L'autorité  supérieure  n'eût  pas  dû 
en  accepter  le  montant.  L'ingratitude  se  retrouve  aussi  bien 
au  sein  des  gouvernements  que  dans  l'âme  des  particuliers. 


XI 

Nous  avons  déjà  relevé  l'attitude  pleine  de  menaces  du 
commissaire  Gury.  Le  groupe  de  ces  «  commissaires  des  So- 
«  ciétés  populaires  réunies  à  Marseille,  autorisés  par  les 
«  représentants  du  peuple  près  les  armées  vers  Toulon  »  - 
veilla  au  transfert  à  Marseille  de  Jean  Granet,  arrêté  précé- 
demment (28  brumaire  ou  18  novembre)  ^.  Le  portefeuille  de 
ce  dernier  avait  été  déposé  au  corps  de  garde  de  Sanary  et  il 
fut  adressé  «  bien  cacheté  »  à  Saliceti.  Ces  mêmes  commis- 
saires firent  procéder  à  Ollioules  à  une  enquête,  le  2  frimaire, 
au  sujet  de  la  prise  d'un  bateau  de  pêche  *.  Le  curé  de  Saint- 
Nazaire  se  trouva  malade  au  moment  même  où  ils  avaient 
besoin  de  ses  services.  D'après  eux,  l'octogénaire  Terras,  prê- 
tre ayant  fixé  son  domicile  en  ce  lieu,  aurait  pu  suffire  à  la 

1.  En  buis  et  en  huile. 

2.  Les  titres  de  ces  commissaires  étaient  précédés  ou  suivis  de  la  mention  «  Salut, 
u  union,  force,  traternité  n.  Parmi  ces  agents,  se  trouvaient  :  Jouve  cadet,  Gury 
Néguier,  Bayssière,  etc.  Leur  séjour  au  quartier  général  d'Ollioules  laissa  peu  de 
traces  à  Sanary  (Cf.  au  besoin  Gottin,  Op.  l.,  p.  284-286  et  217). 

3.  Un  administrateur  du  département  intervint  en  sa  faveur  à  la  demande  de  Gautier, 
f|ui  l'avait  cache  cliez  lui  pendant  qu'il  était  poursuivi  par  les  aristocrates  de  Toulon. 

4-  Celle  formalité  avait  été  demandée  par  le  capitaine  Mathieu. 


112       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE  ET   DE    l'eMPIRE 

célébration  d'une  messe  «  qu'il  doit  savoir  par  cœur  depuis 
qu'il  est  prêtre  »  et,  en  ce  cas,  le  vicaire  Charignon  aurait  pu 
officier  à  Bandol  (3  frimaire).  Le  i"'  frimaire,  ils  avaient  requis 
la  municipalité  de  Saint-Nazaire  d'inviter  l'un  des  prêtres 
(Julien  curé,  Charignon  vicaire,  ou  Terras)  à  aller  desservir 
provisoirement  la  paroisse  de  Bandol,  dont  le  curé,  Louis 
Jonquier,  avait  été  arrêté  la  veille.  Le  3  (28  novembre),  ils 
demandèrent  l'envoi  de  6  exemplaires  de  l'arrêté  des  représen- 
tants du  peuple,  Barras  et  Fréron,  prescrivant  la  célébration 
de  fêles  civiques  «  tous  les  jours  de  repos  ».  Cette  décision 
devait  être  publiée  par  les  «  ci-devant  prêtres  au  bon  peuple 
de  Saint-Nazaire  »  et  ils  prouveraient  ainsi  qu'ils  «  sont 
comme  nous  les  enfants  de  la  République  ».  Quelques  jours 
plus  tard  (i5  frimaire),  l'administration  du  district  du  Beaus- 
set  rendit  obligatoire  la  célébration,  chaque  décadi,  d'une 
fête  civique  «  en  vrais  répulilicains  »  et  la  suppression  du 
dimanciie  '. 

Au  début  du  mois  de  brumaire,  les  représentants  du  peuple 
avaient  déclaré,  à  Marseille,  que  l'embargo  serait  mis  sur 
les  bâtiments  de  Gênes  se  trouvant  dans  les  ports  français,  à 
raison  de  l'outrage  fait,  dans  ce  port,  au  pavillon  national  et 
aux  droits  de  la  nation  et  de  l'humanité.  L'année  précédente 
(juin  1792),  la  République  de  Gènes  avait  déclaré  qu'elle 
observerait  la  plus  stricte  neutralité  «  dans  les  mouveiuens  de 
guerre  »^.  C'était  faire  là  un  acte  de  haute  sagesse.  Une  partie 
notable  des  denrées  nécessaires  à  la  Provence  était  tirée  de 
Gênes  et  de  ses  environs  et  le  transport  en  était  effectué  par  la 
batellerie  de  ce  port.  D'après  les  renseignements  qu'a  bien 
voulu  me  donner  Î\L  Boggiano,  le  si  sympathique  premier  ad- 
joint à  la  municipalité  de  Sanarv,  le  blé  néc»>ssaire  fut  livré  aux 
Alliés,  pendant  le  siège  de  Toulon,  par  les  patrons  des  petits 
bateaux  de  la  Rivière  de  Gênes.  Petit  à  petit,  la  plupart  de  ces 
bateaux  furent  capturés  par  les  bâtiments  français,  et  leurs  pro- 
priétaires, généralement  aisés  jusqu'alors,  furent  ruinés. 

I.  Archives  de  Sanary,  D^. 
3.  Mêmes  archives,  T>,. 


SANARY    ET    LE    SIÈGE    DE    TOULON  Il3 


XII 


Pour  abréger,  nous  rappellerons  uniquement  la  position 
au  21  frimaire,  huit  jours  avant  la  chute  de  Toulon,  de  quelques 
groupes,  ceux  qui  nous  intéressent  le  plus,  à  notre  point  de 
vue  spécial.  Aux  mois  de  janvier  et  de  février  179'^,  avant  l'ar- 
rivée de  Carteaux  à  Tournon,  le  i"  bataillon  de  la  Drôme  avait 
été  formé  à  Romans  avec  des  compagnies  franches,  tandis  qu'une 
compagnie  de  chasseurs  était  réunie  à  Crest.  Le  premier 
bataillon  quitta  Valence  le  22  juin  et  le  2^  partit  de  Montélimar 
le  même  jour',  etc.  Le  21  frimaire,  nous  trouvons  :  1°  dans 
la  division  de  l'est,  devant  Toulon,  la  compagnie  franche  de 
Sanary  (Sg  hommes),  le  14"  bataillon  de  la  Drôme  (778  hom- 
mes) et  le  10''  bataillon  de  laDrônie(5o9  hommes);  1°  à  l'aile 
droite,  dans  la  plaine  de  la  Seyne,  le  11"  bataillon  (622  hom- 
mes); 3°  à  la  colonne  du  centre,  le  9°  bataillon (64o  hommes); 
4°  à  l'aile  gauche,  le  12^(703  hommes)  et  la  compagnie  fran- 
che (56  hommes).  Ces  derniers  corps  portaient  le  nom  de  la 
Drôme.  Enfin,  Sanary  était  occupée  par  54  hommes  (Sg",  33  ; 
Aubagne,  21)  -. 

Divers  auteurs  ont  décrit  les  scènes  qui  se  sont  produites 
lors  de  la  prise  de  Toulon.  Nous  n'y  reviendrons  pas.  Voici, 
cependant,  deux  documents  officiels  qui  établissent,  d'une 
part  que,  contrairement  à  la  tradition,  la  lutte  continua  pendant 
et  après  l'évacuation  de  la  ville,  même  durant  les  premières 
heures  de  la  journée  du  29  brumaire,  et  d'autre  part,  que  les 
forçats  ne  furent  pas  les  seuls  à  éteindre  le  feu  mis  à  l'arsenal, 
si  toutefois  ils  ont  pris  une  part  importante  à  cet  acte  de 
dévouement. 

Le  28  frimaire,  les  alliés  auraient  reçu,  à  9  heures  du  soir, 
l'ordre  du  départ  et  à  10  heures  l'abandon  delà  ville  aurait  été 
terminé.  L'embarquement  de  ceux-ci  et  des  Touionnais  fugi- 

I.  Kbebs  et  Moris,  Op.  l»t  p.  235  et  262. 
3.  Ibid.,  p.  CXLI. 


Il4       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

lifs  aurait  commencé  à  ii  heures.  Enfin,  le  29  frimaire,  à 
3  lieures  du  matin,  les  troupes  républicaines  seraient  entrées, 
après  avoir  attendu  les  événements  depuis  plusieurs  heures 
autour  de  Toulon.  En  réalité,  l'artillerie  des  Alliés,  en  se  reti- 
rant, dut  répondre  au  feu  de  l'armée  républicaine  qui,  faute 
de  renseignements  précis  ou  par  surcroît  de  précautions,  con- 
tinua à  bombarder  la  ville  et  la  flotte  eimemie,  jusqu'à  l'occu- 
pation  défiinitive  de  la  première  et  jusqu'à  l'éloignement 
complet  de  la  seconde.  Si  l'attaque  fut  héroïque,  la  résistance 
fut  désespérée.  D'après  les  termes  de  la  déclaration  de  Marie 
Pourcicr,  la  version  fixant  la  prise  de  possession  de  l'ensemble 
de  Toulon  par  l'armée  de  la  Convention,  au  cours  de  la  matinée, 
oflVe  les  plus  grandes  chances  de  probabilité. 

Le  4  pluviôse  an  II  (28  janvier  1794)»  Marie  Pourcier,  née 
au  Buis  (Drôme)  '■,  déclara  à  l'officier  de  l'état  civil  de  Toulon 
que,  dans  la  nuit  du  28  frimaire  (18  décembre  1793),  «  ayant 
«  été  effrayée  par  le  bombardement  que  la  ville  essuya  et  parle 
«  feu  que  les  Anglais,  les  Espagnols  et  autres  ennemis  mirent 
«  à  l'arsenal  et  aux  poudrières  »,  elle  sortit  de  la  ville  avec  sa 
fille  et  son  mari  Barallier,  peintre.  Son  mari,  épouvanté  par 
les  bombes  et  par  les  boulets  qui  tombaient  en  grand  nombre 
autour  de  leur  lieu  de  refuge,  chercha  avec  elle  un  nouvel 
asile  et  mourut  le  lendemain,  à  7  heures  du  matin.  Cette  cons- 
tatation officielle  ne  donne  pas  les  causes  de  ce  décès.  Barallier 
ou  Barrallierdut  être  victime  de  la  peur.  Le  spectacle  devait  être, 
en  effet,  terrifiant. 

Le  certificat  suivant  se  passe  de  commentaires  : 

Liberté  ftt'publi'que  Françoise  Egalité 

Le  citoyen  Joseph  Louis,  coutellier,  fils  de  Joseph,  a  été  présent 
ail  feu  qui  avoit  été  mis  par  les  infâmes  ennemis  de  la  République. 
Il  a  donné  dans  cette  occasion  une  marque  de  civisme,  en  enfonçant 
une  porte  de  l'attelier  de  la  tonnellerie  pour  ôter  des  étoupes  qui 
éloient  pendues  sur  des  fenêtres. 

1.  Atlribuc  au  dcpartcmenl  des  Basses-Alpes  (i'c)  dans  la  déclaration. 


SANARY    ET    LE    SIÈGE    DE    TOULON  Il5 

En  foi  de  quoi  je  lui  ai  livré  le  présent  certificat  pour  lui  servir  et 
valoir  en  tant  que  de  besoin. 

Au  Port-de-la--Montagne,  ce  12  ventôse  *  la  a^  année  républiquaine. 
J.  Roux.  Rainouard. 

Vu  :  Levallier  fils  a. 

Vu  par  le  commandant  d'armes  Castellan"  . 

L'attitude  observée  par  les  galériens  n'a  pas  été  précisée 
d'après  des  documents  certains  ^.  Leur  nombre  se  serait  élevé 
à  600,  lors  de  la  prise  de  Toulon.  Les  uns  auraient  été  brûlés 
vifs,  les  autres  auraient  eu  une  attitude  menaçante  à  l'égard  des 
Alliés  se  retirant.  D'autres  enfin  se  seraient  joints  à  ceux  qui 
arborèrent  la  cocarde  tricolore,  lors  du  départ  de  ces  der- 
niers *.  Incontestablement,  d'après  un  texte  publié  plus  haut, 
les  Alliés  eurent  recours  à  eux,  au  cours  du  siège,  pour  les 
corvées.  La  chiourme  était  d'ailleurs  sensiblement  réduite  à  ce 
moment-là.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'examen  du  dossier  des  récom- 
penses officielles  décernées  aux  sauveteurs  d'une  partie  de 
l'arsenal  serait  d'un  puissant  intérêt  et  causerait  peut-être  bien 
des  surprises,  si  toutefois  ce  dossier  existe  encore. 

{A  suivre) 

R.  Vallentin  du  Cheylard. 


!.  a  mars  1794. 

2.  Archives  de  Sanary,  I^. 

3.  Cf.  Lauvergne,  Histoire  de  la  Révolution  Jrançaise  dans  le  département  du 
Vnr  depuis  lySg  jusqu'en  171/8,  p.  5i3,  elc,  etc. 

4.  GorriN,  Op.  l.,  p.  333.  Cet  auleur  donne  de  précieuses  indications  sur  la  situa- 
tion économique  de  Toulon  (p.  54,  i56,  3oi  et  s.) 


LETTRES  INÉDITES 

DE 

M  A  R  I  E  -  C  A  R  0  L I  N  E 

REINE  DES  DEUX-SICILES 

au.    marquis    de    Grallo 

(1789-1806) 

(Suite  ') 


CGXLVII 

Vienne,  le  29  mai  1802.  (Chiffre). 

Je  VOUS  écris  encore  ainsi,  mais  je  vous  avoue,  j'ai  si  peu  de 
confiance  en  ce  que  tout  moyen  est  bon  au  citoyen  Buona- 
parte,  que  je  crains  arrestations,  fouillages,  séductions,  s'il  en 
croyait  valoir  la  peine  ;  mais  je  compte  qu'il  ne  nous  juge  pas 
dignes  de  son  attention.  Je  ne  puis  vous  dire  combien  j'ai 
l'âme  opprimée  :  aucun  espcjir  d'établir  mes  filles  qui  sont 
désespérées,  désolées  de  devoir  retourner  à  Naples.  Moi-même 
j'en  suis  inconsolable,  et  n'ose  le  dire  à  cause  des  Napolitains 
ici  à  la  Cour  où,  je  crois,  on  me  voit  partir  avec  grand  plaisir. 
Pour  moi  autant  que  je  regrette  Vienne,  autant  peu  je  regrette 
la  Cour  et  toute  la  famille,  sans  en  excepter  en  premier  lieu 
mes  deux  filles,  mais  surtout  l'aînée.  Il  est  incroyable  la 
conduite  (pi'elle  a  tenue  durant  ma  maladie  et  tout  ce  qu'elle 
fait  encore.  Mais  cela  ne  peut  durer.  Tant  va  la  cruche  à  l'eau 

I.  \'o\r  Revue  historique    de  la  Révolution  française  de  janvier-mars  uiii   et 
numéros  suivants. 


LETTRES    INEDITES    DE    MARIE-CAROLINE    AU    MARQUIS    DE    GALLO        II7 

qu'elle  se  casse,  et  cela  doit,  si  elle  ne  change,  indubitable- 
ment arriver.  —  Pour  moi,  elle  a  entièrement  aliéné  mon 
cœur,  et  c'est  pour  la  vie.  Elle  me  paraît  une  princesse  à  moi 
étrangère.  Malgré  cela,  je  désire  retourner  à  Vienne,  y  finir 
mes  jours  avec  mes  deux  filles,  hors  de  la  Cour  et  vivant  pour 
moi.  —  Je  vous  écrirai,  comme  je  le  fais  de  partout,  sincère- 
ment et  vraiment.  Mais  biùlez  mes  lettres,  comme  je  vous 
donne  parole  de  faire  des  vôtres. 

Vous  saurez  que  votre  belle  Polonaise  est  restée  veuve, 
riche.  Ayant  fait  la  paix  avec  son  mari,  elle  a  presque  tout 
hérité  de  lui,  mais  aussi  pendant  sa  maladie  s'est  1res  bien 
conduite.  Elle  est  retournée  gaie,  contente  à  Wilna.  Lors  de 
la  nouvelle  de  votre  mariage  elle  se  voulait  tuer.  A  propos  de 
tuer,  Zouboir  le  prince,  et  le  chevalier  de  Saxe,  ils  veulent  en 
faire  autant.  Zoubofl,  voulant  l'éviter,  fait  excuses,  explications, 
mais  Saxe  n'en  veut  pas  démordre.  C'est  à  la  frontière  que 
cela  doit  avoir  lieu.  Je  crains  le  pire  de  tout  cela.  On  blâme 
Saxe  de  ne  s'être  pas  contenté  des  excuses  données  par 
Zouboff.  Enfin  nous  verrons  l'issue. 

Pour  les  affaires  il  paraît  qu'A(cton)  est  toujours  tout-puis- 
sant. Il  est  mécontent,  je  crois,  du  Prince  et  je  prévois  des 
incalculables  déboires. 

Mon  voyage  à  Barcelone  n'est  pas  un  petit  sacrifice  de  ma 
part  au  sentiment  maternel,  car  réellement,  hors  pour  le 
bien-être  de  mes  enfants,  rien  ne  m'y  inspire  curiosité.  Ici  on 
se  flatte  de  ravoir  la  Toscane,  le  roi  d'Etrurie  '  ayant  donné 

I.  Don  Louis,  infant  d'Espagne,  cousin  el  gendre  du  roi  d'Espagne  Charles  IV 
dont  il  avait  épousé  la  fille  Marie-Louise,  roi  d'Etrurie,  par  la  grâce  du  Premier 
Consul  en  1801.  Sa  santé  déclina  rapidement  au  bout  de  quelques  mois  de  royauté. 
Les  rapports  de  Clarke  et  de  Tassoni  signalaient  de  violentes  attaques  d'épilepsie 
dont  la  fréquence  était  attribuée  aux  preuves  trop  multiples  d'amour  qu'il  donnait 
à  sa  i'emme.  Invité  à  dîner  par  Murât,  il  se  leva  de  table  pour  revêtir  une  robe 
de  chambre  et  s'armer  d'un  sabre  et  se  mettre,  en  frappant  de  taille  et  d'estoc,  à 
la  poursuite  d'ennemis  imaginaires.  On  -.dut  le  lier  sur  un  lit  pour  arracher  à  sa 
fureur  ses  ministres  tpi'il  voulait  tuer.  Une  dernière  crise  l'enleva  le  27  mai  i8o3  à 
l'âge  de  trente  ans  à  peine,  laissant  un  fils  encore  au  berceau,  l'infant  Charles- 
Louis  qui  lui  succéda  et  fut  proclamé  sous  le  nom  de  Louis  II.  Sa  mère  exerça  la 
régence  jusqu'en  décembre  1807  (Traité  secret  de  Fontainebleau)  (Voir  Z,e  floyaume 
d'Etrurie,  conférence  par  E.  Melchior  de  Vogué). 


Il8       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

signe  de  manifeste  folie.  On  se  flatte  aussi  d'un  morceau  de  la 
Suisse  qu'on  va  démenbrer.  On  parle  aussi  de  la  Valachie, 
Moldavie,  Bosnie,  mais  sauf  de  céder  le  Vénitien  au  Grand- 
Duc  pour  empêcher  et  faciliter  l'indemnisation  en  Allemagne, 
je  serai  assez  tentée  de  le  croire.  Car  Buonaparte  désire 
l'Empereur  hors  d'Italie.  —  Enfin  ici  le  secret  devant 
moi  est  sévère,  car  je  suis  notée  comme  dangereuse.  Cela 
blesse  le  coeur  d'une  si  bonne  mère  et  parente  comme  moi  ; 
mais  patience  !  Je  désire  au  Grand-Duc  la  Toscane,  unique 
objet  de  ses  vœux.  La  Grande- Duchesse  est  enceinte  de 
cinq  mois,  l'Impératrice  de  trois  ;  c'est  un  secret  pour  moi. 

La  Rospigliosi  a  pris  le  prétexte  de  reconduire  les  enfants 
et  a  planté  la  Grande -Duchesse  seule  chez  moi.  Je  suis 
inquiète,  mes  ciifaiits  désolés  de  partir,  Antoinette  d'aller  en 
Espagne  ;  tous  nos  gens  allemands  demandent  de  rester  et 
aucun  ne  veut  retourner  à  Xaples.  Cela  est  très  pénible;  mais 
je  les  excuse.  Car  j'en  ferais  volontiers  autant,  mais  j'ai  peines 
et  déboires  de  toute  espèce,  et  si  je  n'y  succombe  point,  c'est 
un  miracle,  faible  de  santé  comme  je  suis. 

Allez  des  commissions  de  modes  qui  sont  factices  à  l'autre 
billet  qui  est  vrai. 

CCXLVIIl 

Vieiine,  le  12  juÏD  180a.  No  7. 

Je  vous  écris  à  tout  hasard.  On  m'a  dit  qu'un  courrier  allait 
partir  pour  Paris,  et  comme  je  vais  aujourd'hui  en  Hongrie 
pour  trois  ou  quatre  jours  afin  de  voir  l'Empereur  et  ma  fille 
que  je  n'ai  pas  vus  depuis  plus  de  quai-ante  jours,  je  laisserai 
cette  lettre  toute  prête  afin  que  le  courrier  puisse  s'en  charger. 

Ma  santé  est  en  apparence  raffermie.  Mais  en  réalité  je  ne 
me  sens  pas  mieux  et  je  ne  crois  pas  qu'on  ait  réussi  à  triom- 
pher du  mal  et  à  le  déraciner. 

J'attends  maintenant  la  nouvelle  de  l'arrivée  des  bâtiments 
royaux  à  Trieste.  Dès  qu'ils  y  seront,  je  me  mettrai  en  route 
pour  rentrer.  Je  le  fais  avec  une   tristesse  à  lacjuelle  je  me 


LETTRES    INÉDITES    DE    MAaiE-CAllOLl.NE    AU    MARQUIS    DE    GALLO        II9 

résigne  par  raison.  C'est  comme  une  drogue  ou  un  poison 
qu'il  s'agirait  d'avaler.  Mieux  vaut  le  faire  tout  d'un  coup. 

Mes  chers  enfants  vont  bien. 

J'attends  avec  impatience  vos  nouvelles  et  les  commissions. 
Mille  et  mille  compliments  à  votre  chère  épouse  et  croyez-moi 
toujours  voti'e  reconnaissante  maîtresse  et  amie. 

Garolina. 
Une  feuille  en  chiffre. 
Une  lettre  pour  San  Teodoro. 

GCXLIX 

Schônbninn,  le  29  juin  i8oa  (Chiffre). 

Ici  on  parle  beaucoup  des  indemnisations,  et  la  liste  qui 
court  n'est  avantageuse  que  pour  le  roi  de  Prusse  et  l'électeur 
de  Bas'ière.  Le  pauvre  Grand-Duc  est  bien  mal  traité  et  tout 
morceau  divisé.  Le  duc  de  Modène,  il  n'en  est  pas  question. 
Voilà  le  roi  de  Sardaigne  abdiqué  '.  Son  successeur  le  duc 
d'Aoste  '  sera-t-il  plus  heureux  ou  loyal,  cela  se  montrera. 
Pour  moi,  je  crois  que  l'Italie  ne  restera  point  tranquille.  Les 
projets  sur  la  Turquie  feront  sa  ruine  de  force  ou  de  gré  et 
Malle  le  sera  d'un  autre  côté.  Enfin  je  prévois  bien  noir.  On 
nous  leurrera,  Morée,  Grèce,  etc.,  etc.  Ce  seront  les  appâts 
pour  nous  dévorer  et  mettre  sous  le  plein  joug.  Je  suis  par- 
faitement convaincue  que  nous  n'aurons  pas  deux  années  de 
repos  et  tran([uillité  à  Naples. 

Vous  ne  m'écrivez,  ne  me  mandez  rien  dans  ces  moments  si 
critiques  de  l'élection  du  Premier  Gonsul  à  vie,  de  ce  que  l'on 
parle  et  traite  pour  l'héréditaire.  Enfin  vous  oubliez,  soit  poli- 
tique, prudence  ou  oubli,  que  j'existe  à  Vienne.  Cela  me 
peine,  mais  ne  m'étonne  point.  Les  souverains  d'ici  sont 
toujours  à  Presbourg,  c'est-à-dire  que  ma  fille,  il  y  a  deux 
mois,  peut-être  les  derniers  de  ma  vie  où  j'aurais  pu  la  voir, 
je  ne  l'ai  pas  vue.  Gela  fait  peine,  mais  je  m'en  fais  une  raison. 

I.  Charles-Emmanuel  IV  abdiqua  le  4  juin  1802  en  faveur  de  son  fils,  le  dyc 
d'AosIe,  qui  régna  sous  le  nom  de  Victor-Emmanuel  I". 


120       REVUE    HISTORIQUE    DE    I,\    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

La  malheureuse  mort  du  chevalier'  me  cause  une  peine 
affreuse.  Je  le  vois  partout  et  m'imagine  ce  que  son  âme  a  dû 
éprouver  se  sentant  et  par  trahison  tué  par  celui  qui  lui  avait 
donné  le  coup  de  canne.  Enfin,  ce  brave  jeune  homme  avec 
mille  bonnes  qualités  est  mort  et  on  |)eut  dire,  est  né,  a  vécu 
sous  une  étoile  malheureuse.  Pour  moi  je  le  regretterai  toute 
ma  vie. 

Je  compte  partir  tout  de  suite,  que  je  saurai  les  bâtiments 
partis  de  Naples,  pour  faire  mon  vovage  durant  le  temps  qu'ils 
feront  leur  traversée.  Ecrivez-moi  donc  un  peu  plus  régulière- 
ment, donnez-moi  part  des  nouvelles,  ressouvenez-vous  qu'à 
part  les  autres  titres,  je  suis  \o\ve  ancienne  vraie  amie  et  le 
serai  juscju'au  tomi)eaii. 

Toutes  vos  lettres  sont  brùli'cs.  Je  ne  porte  pas  une  ligne 
écrite  de  personne  avec  inoi  à  Naples.  Adieu. 

CCL 

Tricsle,  le  8  août  1802.  N"  i. 

J'ai  répondu,  par  le  courrier  Bellolti  expédié  le  i8  juillet,  à 
vos  lettres  des  24  et  3o  juin.  Depuis  je  n'ai  plus  rien  reçu  et 
compte  peut-être  en  retrouver  à  Naples.  Je  vous  écris  celle-ci 
de  Trieste  d'où  je  compte  demain  soir  m'embarquer  et  aller  à 
Manfredonia  et  de  là  à  Naples  courir  ma  destinée.  11  m'en  a 
coûté  l'impossible  pour  partir  de  Vienne  où  j'étais  plus  tran- 
quille et  qui  est  un  endroit  (]ue  je  regretterai  toute  ma  vie.  On 
m'y  a  témoigné,  toutes  les  classes  et  toute  ma  famille,  un  vif 
intérêt.  J'ai  été  à  Maria  Zell,  de  là  à  Bruck  où  j'ai  pris  congé 
de  mon  malheureux  frère  et  du  peu  heureux  Grand-Duc,  de  là 
à  Marburg  où  j'ai  dormi  une  nuit  et  de  là  à  Trieste,  ce  qui  est 
assez  long.  J'y  suis  arrivée  le  3  d'août.  Cela  est  assez  vile. 
Je  compte  les  moments  pour  arriver  chez  moi,  Trieste  me  dé- 
plaisant à  l'excès,  et  le  sacrifice  le  plus  sensible  étant  fait,  je 
désire  arriver  chez  moi.  — J'espère  à  Naples  trouver  de  vos 
nouvelles  et  de  là  je  vous  écrirai  avec  plus  de  détails.  Ici  les 

t.  I^e  clievalier  ilc  Saxe  tué  ilans  un  duel  avec  Slscheibatolî. 


LETTRES    INEDITES    DE    MARIE-CAROLINE    AU    MARgUlS    DE    GALLO        12  1 

moments  sont  trop  courts.  Je  vois  tout  ce  qui  m'arrive  comme 
un  triste  songe  et  suis  tout  étourdie.  Mais  tous  mes  souhaits, 
projets,  espoir,  travail  se  réduisent  à  mon  repos,  tranquillité 
et  vivre  à  moi;  mais  avant  tout,  il  faut  avoir  établi,  ou  assuré 
et  rendu  libre  la  fortune  de  mes  enfants. 

Je  désire  vivement  vous  voir  à  Barcelone,  y  parler  à  qui  me 
comprend  et  en  prendre  les  conseils.  Je  vais  à  Naples  avec 
une  répu(|nance  extrême.  Je  vois  toutes  les  batteries  formées 
contre  moi  et  n'ai  aucune  envie  de  les  combattre,  le  but  ne 
m'intéressant  pas  assez  pour  cela. 

Mes  chers  enfants  se  portent  bien.  Antoinette  est  craintive 
pour  son  sort.  Je  partage,  quoiqu'en  le  lui  cachant,  ses  inquié- 
tudes. J'ai  dû  nécessairement  laisser  à  Vienne  une  des  dames 
qui  s'est  conduite  dans  cette  occasion  comme  une  vilaine.  J'ai 
mis  comme  compagnie  auprès  de  mes  filles  une  baronne  Man- 
de H  recommandée  par  la  Glianclos,  veuve  d'un  général.  Elle  me 
paraît  femme  du  monde.  Toute  chose,  dont  dépend  la  tran- 
quillité de  mes  enfants,  est  pour  moi  du  plus  grand  intérêt. 

Je  ne  vous  parle  pas  de  moi.  Je  suis  isolée.  Luzzi  que  vous 
connaissez  est  toujours  le  même.  Rull'o,  qui  s'imagine  depuis 
des  mois  être  malade  et  que  je  vois  à  peine,  ne  peut  m'être 
utile.  Enfin  ma  position  présente,  et  encore  plus  future,  ne 
promet  que  peines.  Aussi  je  sens  que  j'y  succomberai. 

Mandez-moi  toutes  mes  commissions  si  elles  peuvent  arriver 
à  temps  à  Naples.  Sans  cela  mandez-les-moi,  ou  je  désirerai 
bien  plus,  portez-les-moi  à  Barcelone.  Je  vais  à  Naples  où 
j'entends  chaque  jour  avec  grande  merveille  des  emplois  don- 
nés, des  choses  faites,  et  je  bénis  Dieu  de  n'avoir  rien  à  y  faire. 

Mandez-moi  ce  que  je  vous  dois  et  mes  comptes. 

Adieu,  j'aurais  encore  bien  des  choses  à  vous  dire,  mais  le 
temps  presse.  Adieu,  écrivez-moi  avec  sincérité.  Vos  lettres 
seront  lues  et  aussitôt  brûlées.  Je  connais  trop  le  monde  et  les 
choses  pour  faire  autrement.  Ecrivez-moi,  venez  à  Barcelone 
et  croyez-moi  toujours  votre  vraie  amie. 

Vient  une  feuille  en  chiffre. 

Un  paquet  pour  l'envoyer  en  Espagne. 


122       REVUE    HISTORIOUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAKSE    ET    DE    L  EMPIRE 

Mille  excuses  de  ce  que  le  mamjue  de  temps  ne  me  fait 
point  écrire  à  votre  épouse.  Je  le  ferai  une  autre  fois. 

Adieu.  Plaignez-moi.  Je  le  mérite,  et  croyez-moi  jusqu'au 
tombeau  Votre  constante  et  recoimaissanle. 

CCLI 

Manfredunia,  le  i5-iC  août  1802. 

Je  vous  envoie  une  supplique  faite  en  faveur  de  son  frère 
par  un  pilote  qui  est  sur  notre  navire.  Il  me  semble  que  Buo- 
naparte  et  la  grande  nation  doivent  faire  respecter  les  prin- 
cipes et  les  règles  consacrées  s'ils  veulent  encourager  le  com- 
merce. Je  ne  vous  envoie  cette  requête  et  ne  vous  prie  de  faire 
le  nécessaire  que  parce  que  je  voudrais  pouvoir  consoler  une 
famille  malheureuse.  Ne  craignez  pas  d'autres  importunités 
de  ma  part.  Je  me  suis  fait  une  règle  de  ne  plus  m'occuper 
que  de  remplir  mon  devoir  et  ceci  me  suffit. 

Mille  compliments  à  votre  femme.  C.i-joiut  deux  lettres  que 
vous  enverrez,  l'une  en  Espagne,  l'autre  en  Angleterre. 

Nous  avons  fait  un  très  heureux  voyage,  vent  frais,  mais  mer 
calme  et  à  9  1/2  heures  nous  avons  jeté  l'ancre.  —  .Ascoli  est 
chargé  de  tout  pour  le  Roi. 

Je  comjite  partir  à  4  heures  du  matin  et  aller  d'une  traite 
jusqu'à  Naples  d'où  je  vous  écrirai. 

Envoyez,  je  vous  prie,  cette  lettre  à  San  Teodoro  en  Espagne 
et  l'autre  à  Gastelcicala  en  Angleterre.  Quels  sentiments  et 
quelles  peines  j'éprouve  en  ce  moment!  Dieu  le  sait  et  le  voit. 

Croyez-moi  toujours  avec  une  véritable  reconnaissance  votre 
vraie  amie. 

Carolixa. 

A  minuit,  du  i5  au  16  août. 

CCLII 

-Naplt's,  le  a3  août   180a. 

Je  suis  arrivée  depuis  le  17  ;  mais,  comme  vous  pouvez  vous 
le  figurer,  je   suis  accablée  d'occupations.  Arrivée,  dévalise- 


LETTRES    INÉDITES    DE    M.VRIE-CAKOLINE    ,VIj    MARQUIS    DE    GALLO        123 

nient,  réinstallation,  préparatifs  du  nouveau  mariage  et  du 
voyage,  tout  cela  ne  me  laisse  guère  le  temps  de  respirer  et 
je  vole  ces  minutes  rien  que  pour  vous  assurer  de  ma  constante 
estime  et  amitié. 

Je  suis  toujours  très  peinée  du  manque  de  vos  nouvelles; 
mais  ici  j'ai  lu  toutes  vos  lettres  du  i5  juillet  au  3  et  au  5  août, 
toutes  les  nouvelles  qu'elles  contiennent,  toutes  vos  impres- 
sions et  observations  et  j'en  ai  conclu  que  vous  ne  pouviez 
avoir  ni  le  temps,  ni  le  cœur  pour  m'écrire.  Il  pourrait  bien 
m'arriver  la  même  chose  maintenant  que  je  respire  l'air  du 
Vésuve.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  je  sens  et  pense  bien 
autrement  qu'à  Vienne  où,  si  on  y  lisait  vos  lettres,  on  y  serait 
fort  étonné,  mais  probablement  moins  satisfait. 

Du  reste,  ma  carrière  politi([ue  est  finie  et  cela  bien  décidé- 
ment. Je  n'ai  ni  le  talent,  ni  la  souplesse  qu'il  faut  pour  cela. 
Je  suis  mère  et  n'ai  à  cœur  que  le  sort  de  mes  enfants  et  de 
ma  famille.  Je  ne  désire  que  le  re])os  et  la  tranquillité  et  notre 
existence  assurée,  puis  disparaître  de  ce  monde  des  affaires 
et  des  intrigues  dans  lequel  mon  âme  honnête  a  trop  à  souffrir. 
Voilà  ce  qu'a  fait  naître,  ce  qu'a  développé  en  moi  la  lecture 
de  vos  lettres  dont  la  teneur  diffère  sensiblement  du  langage 
qtie  vous  teniez  avec  moi.  Ceci  dit  en  passant  et  en  vous  inter- 
disant les  récriminations,  excuses  ou  reproches  qui  me  donne- 
raient des  déboires  et  ne  changeraient  en  rien  l'opinion  que  je 
me  suis  faite  après  avoir  lu  ce  que  j'ai  lu  de  mes  yeux  et  vu 
écrit  de  votre  main... 

20  août  après  diner.  —  Ce  matin  ma  fille  .Antoinette  a  été 
solennellement  mariée  au  prince  des  Asturies... 

CCLIII 

Naples,  le  27  août  1802.  N»  a  (Chiffre). 

Je  suis  enchantée  quand  j'ai  occasion  d'écrire  et  j'en  pro- 
fite malgré  que  je  trouve  vos  lettres  différentes  de  vos  dis- 
cours avec  moi.  Je  vous  plains,  car  c'est  naviguer  avec  le 


I  24       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

vent.  Je  puis  vous  assurer  que  je  ne  le  ferai  jamais;  mais  je 
plains,  qui  en  a  la  faiblesse... 

J'ignore  encore  si  j'irai  à  Barcelone  dans  un  bâtiment  de 
pavillon  napolitain,  sans  gens  à  moi,  sans  argent  ni  présents, 
défrayée  de  la  Cour  d'Espagne.  J'avoue  que  je  doute  pouvoir 
me  résoudre  à  faire  cette  humiliante  figure.  Ma  tendresse 
pour  ma  clière  Antoinette  pourrait  m'y  conduire;  mais  elle  a 
de  l'espi'il  et  depuis  qu'elle  est  à  Naples  soupire  après  le 
moment  de  son  départ  et  se  trouve  heureuse  de  partir.  Je 
doute  que  j'en  ai  le  courage. 

Le  Prince*  est  veuf,  volontaire,  entouré  de  gens  dévoués  à 
l'Espagne  et  n'a  nullement  besoin  de  moi.  Enfin  on  ne  veut 
me  donner  aucun  moyen  et  j'avoue  j'ai  une  répugnance  mor- 
telle à  m'y  retrouver.  Ainsi  j'en  doute.  Ici  tous  désirent  mon 
départ,  les  enfants  que  je  les  accompagne,  le  Roi,  le  ministre, 
j'ignore  pourquoi,  mais  tous  poussent  à  mon  départ. 

Je  ne  vous  parle  [)oint  de  Naples.  .Fe  l'ai  trouvée  au  plus 
mal  et  suis  convaincue  que  toutes  les  classes  sont  ulcérées. 
J'aimerais  mieux  bêcher  la  terre  dans  un  pays  tranquille  que 
vivre  ici.  —  .\lquier  et  tout  le  monde  s'empressent  à  me  faire 
sentir  ce  que  l'on  s'est  plu  à  tort  de  répandre  et  faire  sentir. 
Cela  nir-  peine,  mais  comme  cela  me  vient  de  gens  que  je 
mésestime  profondément,  cela  ne  me  fait  rien  que  la  peine  du 
moment.  Brûlez,  je  vous  prie,  mes  lettres. 

J'ai  retrouvé  le  Roi  bien  en  santé  et  raison,  plus  ambitieux, 
plus  despote,  plus  glorieux,  vaniteux  de  lui-même,  mais  rai- 
sonnable, honnête  malgré  l'agitation  du  pour  et  du  contre 
qu'on  lui  dit  et  fait  approuver  sans  cesse  et  qui  dérouterait 
la  tête  la  mieux  organisée.  —  J'ai  trouvé  le  Prince  grossi  à 
faire  peur  et  la  conception  embourbée,  mécontent,  frondeur 
de  tout  comme  les  personnes  de  sa  très  basse  société,  domes- 
tiques lui  impriment.  Je  rougis  pour  la  figure  et  tournure  de 
le  présenter  en  Espagne. 

Acton  est  riuiiiiuc  qui  a  la  confiance  du  Uoi.  Des  autres,  il 

I .  Le  jirinco  royal  François. 


LETTRES    INEDITES    DE    MARIE-CAROLINE    AU    MARQUIS    DE    GALLO        125 

se  sert  sans  confiance.  Vaslo  s'en  donne  les  airs  en  chicanant 
sur  une  table  ou  une  chaise  et  jouant  l'important;  mais  cette 
âme  sale  et  de  boue  ne  peut  exister  qu'autant  qu'on  ne  veuille 
lui  donner  un  coup  de  pied  qui  le  jette  dans  la  boue  dont  il 
est  pétri.  —  Toutes  les  classes  sont  mécontentes.  La  cherté 
des  vivres  prophétise  un  triste  hiver. 

Ecrivez-nous  ce  que  l'on  pense  pour  le  Turcque  {s/c),  car 
ceci  est  très  sérieux  pour  nous  qui  en  aurons  sûrement  les 
éclaboussures.  —  Ce  que  l'on  a  écrit  de  Russie,  de  mon  cher 
et  à  plaindre  Vienne  fait  peine  aux  âmes  honnêtes  qui  voient 
sans  passion.  Car  la  destruction  de  l'Autriche  ne  porte  à 
aucun  des  avantages,  et  je  n'y  vois  que  notre  général  escla- 
vage. De  plus  on  m'avertit  des  deux  côtés  que  la  mine  est 
sous  nos  pieds,  qu'une  seule  mèche  peut  la  faire  éclater;  ainsi 
tout  cela  est  bien  précaire. 

Moi  j'estime  et  ai  la  plus  haute  opinion  du  Premier  Consul 
comme  l'homme  le  plus  digne  de  toute  l'Europe  de  gouverner 
des  hommes,  et  s'il  voulait  pour  une  année  seulement,  pas  un 
jour  de  plus,  réordonner  Naples  et  toutes  les  classes,  qui 
toutes  auraient  besoin  de  son  actif,  sage  et  ferme  gouverne- 
ment, ce  désir  vous  prouve  mon  opinion  que  j'ai  réellement 
pour  lui.  Adieu... 

CCLIV 

Naples,  le  g  septembre  1802.  N"  3. 

...Je  crois  ce  pays  absolument  corrompu.  Je  désire  me 
tromper;  mais  je  crois  fermement  qu'on  marche  sur  un  volcan, 
sur  un  sol  miné  que  la  moindre  étincelle  ferait  sauter.  Les 
vivres  sont  horriblement  chers,  la  récolte  très  mauvaise  dans 
les  deux  royaumes.  Bref  tous  les  malheurs  à  la  fois.  Toutes 
les  classes  sont  également  corrompues.  En  somme  je  vois  très 
noir  et  désire  me  tromper.  J'espère  surtout  tpie  la  guerre  ne 
va  pas  recommencer  ni  avec  l'Angleterre,  ni  avec  l'Espagne. 
Dans  le  premier  cas,  il  nous  faudrait  rester  absolument  et  com- 
plètement neutres.  Dans  le  second,  rien  qu'à  cause  de  ce  qui 


I  aC       REVUE    HISTORIQUE   DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

reste  encore  à  l'Empereur  en  Italie,  force  nous  serait  de  le 
suivre.  Autant  de  motifs  pour  lesquels  je  désire  la  paix  et  la 
tranquillité  en  politique  et  aussi  du  côté  de  Malte.  Le  général 
Acton  vous  écrira  et  vous  renseignera  sur  tout  ceci.  Moi  je  ne 
comprends  et  ne  sais  rien,  et  comme  je  désire  ne  mécontenter 
personne,  je  suis  bien  décidée  à  ne  me  mêler  de  rien... 

/^  septembre.  —  Le  général  Acton  vient  de  me  dire  que 
l'ambassadeur  Alquier  l'a  invité  à  me  demander  ce  que  je 
pourrais  désirer.  Le  Premier  Consul,  ayant  envoyé  des  présents 
à  la  reine  d'Espagne,  aux  deux  impératrices  de  Russie,  fai- 
sant fabriquer  des  armes  pour  le  Roi,  voudrait  aussi  m'offrir 
une  attention.  Voici  ma  réponse  claire  et  nette  afin  que  vous 
la  connaissiez  :  «  Sensible  à  l'attention  du  Premier  Consul 
«  qui  montre  son  harmonie  et  bonne  volonté  d'être  en  paix  et 
«bien  avec  nous,  je  n'accepterai  jamais  rien;  mais  si  cela 
«  peut  déplaire  au  Premier  Consul,  comme  on  fabrique  très  bien 
«  au  naturel  les  fleurs,  une  seule  petite  branche  d'olive  (sic) 
«  pour  faire  bonne  union  dont  elle  est  l'augure,  sera  acceptée 
«  et  rien,  mais  absolument  rien  d'autre.  » 

Je  vous  prie  dans  le  cas  où  en  passant  par  plusieurs  bou- 
ches, Alquier  ne  rendrait  pas  bien  ma  réponse,  de  la  trans- 
mettre clairement  et  textuellement.  Toutes  les  souveraines  du 
monde  pourraient  faire  autrement  que  je  ne  changerais  pas 
pourcela.  Adieu,  croyez  à  mon  éternelle  reconnaissance,  estime 
et  amitié. 

CCLV 

Naplcs,  le  14  septembre  1803.  N°  2  (ChiUrc  et  noir). 

(^Lettre  écrite  en  noir.) 

Je  vous  annonce  que  Zurlo,  Acton,  ou  je  ne  sais  qui  vous 
enverront  la  valeur  de  200.000  fire  qui  vous  sont  dues.  Ce 
<pii  surpasse  ma  dette  et  celle  de  ma  fille,  vous  le  retiendrez, 
me  direz  le  quantitatif  atin  que  je  vous  destineà  quoi  l'employer. 
Je  vous  renvoie  la  note  de  l'Impératrice.  Vous  la  lui  en\errez 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE    AU    MAROUIS    DE    GALLO        I27 

et  non  à  moi,  ne  pouvant  et  ne  voulant  faire  aucune  dépense, 
le  Roi  ne  me  donnant  plus  rien.  Adieu. 

(Lettre  écrite,  au  citron.) 

Je  vous  écris  encore  deux  mots  de  cette  façon  pour  vous 
parler  avec  liberté,  me  flattant  (jue  vous  n'en  ferez  aucun  abus. 
Sans  cela,  ce  serait  trahir  complètement  la  confiance  d'une 
amie  sincère  et  malheureuse. 

J'ai  vu  ce  matin  le  vaisseau  espagnol  qui  est  superbe,  de 
112  canons,  mais  sans  ordre  ni  discipline.  Les  appartements 
très  bien  meublés,  tous  les  officiers  enchantés  de  leur  petite 
Princesse  qui,  j'en  suis  sûre,  les  mettra  tous  en  poche  ayant 
esprit,  amabilité  et  qrâce.  Je  le  désire  à  ma  petite,  mais  je 
crains  qu'on  ne  me  la  pervertisse. 

Vous  me  ferez  le  plaisir  de  dire  ce  que  je  vous  ai  écrit  sur 
l'offre  du  présent  ;  car  je  crains  que  le  général  ne  l'oublie  de 
dire,  comme  je  désire  qu'on  sache  ma  réponse,  à  Alquier.  Je 
n'accepterai  jamais,  jamais  rien.  Une  branche  d'olive  en  signe 
de  bonne  harmonie  et  de  paix  m'est  le  plus  agréable.  Hors  de 
cela  rien.  Je  vois  que  le  Roi  a  eu  la  vilenie  de  dire  qu'il  préfé- 
rait aux  armes  des  meubles.  Il  est  le  maître  de  dire  et  penser 
ce  qu'il  veut.  Mais  je  ne  changerai  jamais  mon  opinion.  J'en 
rougis  pour  les  autres  et  suis  étonnée  qu'Acton,  qui  a  toute  sa 
vie  été  délicat  à  l'excès,  actuellement,  soit  faiblesse  ou  pour 
m'induire  en  erreur,  soit  si  changé.  Enfin  ce  qui  est  certain, 
c'est  que  je  ne  prendrai  rien  au  monde  de  qui  que  ce  soit, 
beaucoup  moins  d'un  usurpateur,  homme  de  génie  et  grand 
caractère,  mais  usurpateur. 

Le  général  Acton  m'a  raconté  tout  content  les  instances, 
prières,  conjurations  que  vous  lui  faites  de  rester  en  place, 
appelant  trahison  s'il  quittait. 

Je  me  suis  tue,  mais  n'en  ai  pas  moins  repassé  dans  mon 
souvenir  ce  que  je  vous  ai  entendu  mille  fois  dire  des  causes, 
motifs  et  suites  de  tous  nos  malheurs.  J'ai  appris  que  vous 
m'avez  été  envoyé  pour  empêcher  mon  inconduite,  soit  politique 
soit  en  économie.  Je  crois  ne  vous  avoir  donné  rien  à  faire. 


I  28       REVL'E    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

Je  vois  et  entends  de  toutes  parts  des  choses  incroyables  et 
qui  me  rendent  la  vie  odieuse.  Les  vrais  tout-puissants  sont 
Acton,  Zurlo  qui  est  poussé  par  Acton  et  qui  finira  par  le 
supplanter,  étant  plus  maître  de  lui,  ayant  plus  de  talents  et 
travail  et  régissant  le  point  intéressant  et  de  la  passion  prédo- 
minante de  l'argent.  Vasto  joue  pour  la  même  raison  un  grand 
rôle  ;  mais  comme  il  est  bêle  au  possible,  il  joue  l'insolent  avec 
moi  et  quoique  favori  en  forme,  je  suis  sûre  qu'avant  six  mois 
je  le  ferai  chasser  de  grand  maître.  Je  me  fierai  d'en  faire 
autant  de  chacun.  Car  je  connais  à  fond  le  terrain,  mais  je  ne 
veux  pas,  croyant  les  ministres  utiles,  et  je  me  contente  de 
rester  sur  ma  défensive.  Car  on  m'a  joué  des  traits  iniques.  On 
a  fait  sanctionner  un  nouveau  traitement  où  moi  et  mes  enfants 
avons  la  moitié  de  ce  que  le  Roi  leur  avait  solennellement 
accordé  et  cela  avec  une  tournure  infâme  :  mais  je  tiens  le 
brouillon  tout  fait  de  la  main  du  Roi,  comme  aussi  l'original 
formé  de  lui  le  i"  janvier  1798.  Cela  sera  une  éternelle  honte 
à  lui. 

Enfin  je  soulfre,  depuis  le  mois  que  je  suis  à  Naples,  l'impos- 
sible. Mais,  au-dessus  de  tous  les  en  dira-t-on,  je  me  moque 
de  tout  et  vais  mon  chemin.  Le  Roi,  du  fond  de  sa  fille  bien  à 
elle,  a  ôté  120.000  ducats  pour  la  dot  d'Isabelle  et  se  l'appro- 
prier. Nous  sommes  en  manquant  de  tout.  Lui  bâtit  en  Sicile 
pour  12.000  et  plus  de  ducats  le  mois  et  meuble  avec  un  luxe 
recherché  la  Favorite  durant  que  femme  et  enfants  man(]ueiit 
de  tout.  —  Mes  enfants  ne  font  que  pleurer.  Le  Prince  est 
outré  et  ces  Messieurs  à  son  temps  s'en  ressentiront.  Le  ver- 
tueux Gra\  ina  est  outré.  Enfin  je  ne  prêche  ([u'obéissance  et 
patience. 

C'est  avec  ces  sentiments  que  François  va  en  Espagne.  J"ai 
parlé  à  son  confesseur,  à  ce  qui  l'entoure,  pour  sermonner 
résignation,  patience,  obéissance.  J'espère  y  arriver.  Je  veux 
être  honnête  jiis(prau  bout  quoif|ue  méconnue;  mais  je  souffre 
l'impossible  d'être  si  mal  traitée.  Et  par  (pii  !  (-ela  me  révolte, 
mais  ne  m'avilit  pas,  mais  me  ferme  le  c(eur  et  me  fait  désirer 
de  sortir  à  jamais  de  cet  enfer  et  de  faire  tout  pour  v  réussir. 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE    AU    MARQUIS    DE    GALLO        121) 

Je  VOUS  conjure,  détruisez  ces  deux  feuilles  en  jaune  ;  assurez 
m'en.  —  Adieu,  vous  voyez  ma  sincérité,  ma  confiance.  Ayez-en 
de  même  pour  moi.  Je  ne  désire  que  mon  pain  et  celui  de  mes 
enfants  assuré  et  me  retirer  pour  la  vie  de  tout.  J'ai  trop  vu  et 
éprouvé  l'ingratitude  des  hommes  pour  ne  point  penser  ainsi. 
Adieu,  détruisez  mes  lettres,  écrivez-moi  sincèrement.  Croyez 
(ju'elles  seront  aussitôt  lues,  aussitôt  brûlées.  Parlez-moi 
sincèrement,  plaignez-moi,  je  le  mérite  et  croyez-moi  votre 
sincère  éternelle  amie  pour  la  vie. 

CCLVI 

Naples,  le  i5  septembre  1802. 

Le  courrier  n'étant  pas  parti,  affaire  de  secrétaires,  comme 
en  rangeant  mes  papiers  j'ai  retrouvé  le  petit  billet  de  Thérèse 
avec  ses  deux  commissions,  je  vous  l'envoie  afin  que  vous  vous 
entendiez  avec  elle  parce  que  malheureusement,  à  cause  des 
revers  qui  m'accablent,  je  ne  suis  plus  en  position  de  faire  la 
moindre  gracieuseté,  le  moindre  présent  à  qui  (jue  ce  soit, 
manquant  moi-même  de  tout,  tout  comme  mes  chers  enfants 
qui  partagent  mon  sort  dans  le  présent  et  dans  l'avenir.  Malgré 
tout  et  bien  que  mes  ennemis  cachés  s'étudient  à  me  faire  un 
mal  et  un  tort  irréparables,  je  leur  pardonne.  Mais  tout  cela 
m'a  rendu  la  vie  encore  plus  odieuse. 

En  dehors  de  cela,  rien  de  nouveau  à  vous  dire.  Je  vous  suis 
sincèrement  reconnaissante  de  tout  le  mal  que  vous  vous 
donnez  à  cause  de  mes  commissions.  Croyez-moi  toujours 
votre  éternelle  et  véritable  amie. 

GCLVII 

Naples,  le  26  scplcinbre  1802. 

Je  vous  recommande  avec  tout  l'intérêt  les  affaires  de  Bres- 
sac^  qu'il  vous  expliquera  lui-même  et  dont  je  ne  suis  pas  assez 

I.  Un  des  anciens  agents  de  Breteuil  à  Naples  en  1793.  Envoyé  en  179.5  par 
Marie-Caroîine  à  Venise  avec  la  mission  de  négocier  avec  la  France. 

BEV.    niST.    DE    LA    RÉVOL.  9 


llHo      REVCE    HISTORIQUE    DE    LA    nÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

bien  informée  pour  vous  les  détailler,  mais  seulement  pour 
vous  assurer  de  tout  l'intérêt  que  je  mets  à  la  réussite  de  tout 
ce  qui  peut  être  de  son  bien-être  d'affaires,  lui,  ayant  été  cons- 
tamment et  avec  zèle  attaché  à  ses  devoirs  et  à  ses  souverains. 
C'est  en  vous  le  recommandant  de  nouveau  que  je  vous 
assure  de  toute  ma  sincère  reconnaissance. 

Charlotte. 

CCLVIII 

Porlici,  le  a  octobre  i8oa.  N"  3  (Chiffre). 

Je  risque  de  vous  écrire  celle-ci,  en  laissant  la  lettre  en 
chemin,  par  le  courrier  qui  va  en  Espagne  porter  à  nos 
enfants  les  tristes  lettres  de  la  perte  faite  de  la  bonne  Grande- 
Duchesse^.  Je  n'avais  pas  besoin  de  ce  nouveau  coup  pour 
abattre  ma  faible  santé  après  le  départ  de  ma  chère  Antoi- 
nette, qui  m'avait  coûté  l'impossible.  J'ai  souffert  comme  si 
j)hysiquement  on  m'arrachait  le  cœur,  sentant  bien  que  je  ne 
la  reverrai  de  ma  vie.  Cette  bonne  et  malheureuse  fille  est  la 
victime  de  l'inexpérience,  des  caprices  et  des  bêtises.  On  l'a 
laissée  mourir  sans  le  vouloir  avouer.  Elle  a  été  immolée  à 
l'indolence,  froideur  et  ignorance. 

Enlin  je  crois  toujours  que  si  j'y  avais  été,  j'aurais  pu  lui 
être  de  quelque  secours,  car  elle  a  été  honteusement  négligée, 
étant  en  travail  depuis  3  heures  du  matin,  morte  entre  5  et 
C  heures  de  l'après-midi,  c'est-à-dire  déjà  en  grand  danger  à 
midi  et  on  a  tenu  le  banquet  régulier  de  dimanche  chez  le  duc 
Albert  à  Baden.  On  a  été  à  la  Redoute  masquée,  au  Casino 
alors  qu'elle  était  déjà  morte.  Son  mari  voulait  aller  se  pro- 
mener, lorsque  le  vieu.x  SchalTgotsch  a  crié  :  «  Mais  elle  est 
morte  !  »  Voilà  comme  elle  a  été  négligée.  Cela  fait  saigner  le 
cœur,  cela  est  peu  encourageant,  mais  vrai. 

J'ai I ends  des  nouvelles  de  Vienne,  que  vous  saurez  mieux 
et  avant  moi.  Si  au  pauvre  Grand-Duc,  ce  démon  de  liuona- 
parte  rendait  sa  Toscane  et  créait  roi  des  Lombards  ce  roi 

I.  L.1  grandc-duchessi-  de  Toscane,  Louise,  morte  le  iij  septembre  1803. 


LETTRES    INÉDITES    DE    MAniE-CAROLINE    AU    MARQUIS    DE    GALLO        l3l 

d'Etrurie  «'pileptique,  ce  serait  réellemenl  un  acte  de  justice  et 
de  iiientaisance.  Il  la  (|ouvernerait  moyennant  sa  naturelle 
faiblesse  et  la  dépendance  de  Manlredini  tout  aussi  et  peut- 
être  plus  despotiquement  ([ue  le  roi  d'Etrurie.  Alors  on  pour- 
rait penser  à  ce  veuf  qui  sans  cela  ne  vivra  pas  non  plus  dans 
ce  climat  d'Allemagne. 

L'affaire  des  injustes  indemnités  d'Allemagne  est  une  dure 
cruauté,  Buonaparte  en  maître  fait  ce  qu'il  veut.  La  Prusse 
continue  à  jouer  l'infâme  rôle  qu'elle  a  toujours  joué;  mais 
c'est  à  la  Russie  que  je  ne  le  pardonne  point  après  tant  de 
solennelles  promesses.  Etant  une  si  grande  puissance  hors  de 
tout  danger,  c'est  vraiment  être  infâme  pour  le  plaisir  de 
l'être. 

J'attends  avec  une  impatience  sans  égale  des  nouvelles  de 
mon  épouse  en  voyage.  Dieu  veuille  la  tenir  éloignée  de  tout 
danger.  Je  suis  tellement  accoutumée  au  malheur  que  je  crains 
tout  et  suis  très  en  peine.  Mon  fils  doit  retourner  de  Barcelone 
par  ordre  exprès  de  son  père  sous  un  prétexte  quelconque. 
Ainsi  à  la  fin  de  novembre  il  sera  ici.  J'ai  soin  actuellement 
de  sa  fille  qui  est  gentille,  mais  très  délicate,  très  négligée.  Je 
tremble  qu'elle  ne  tienne  de  la  mauvaise  santé  de  sa  mère  et 
qu'elle  ne  vive  point,  au  moins  pourvu  qu'elle  résiste  et  reste 
bien  portante  jusqu'au  retour  de  son  père. 

Le  8  octobre.  J'espère  que  voyant  mon  exactitude  à  vous 
écrire,  vous  le  serez  aussi  un  peu  plus  ;  mais,  si  vous  le 
croyez  nuisible  à  vos  intérêts,  je  vous  en  dispense. 

J'ai  fait  ce  matin  le  triste  office  pour  l'âme  de  la  pauvre 
Louise.  Tout  ce  qui  me  confirme  ce  malheur  me  fend  le  cœur, 
Je  suis  inconsolable  et  ce  sera  une  plaie  difficile  à  guérir. 
Enfin  Dieu  l'a  voulu.  Il  faut  adorer  ses  décrets. 

Je  vis  retirée  avec  mes  chers  enfants.  C'est  mon  unique 
sort,  ne  trouvant  avec  qui  vivre.  Toutes  les  classes  sont  mau- . 
vaises,  changées  et  gâtées.  Je  trouve  Naples  dans  un  état  exé- 
ciaJjle.  Papan  Iglou  avec  i.ooo  hommes  en  devient  s'il  lèvent 
le  maître  et  souverain.  Ils  ne  feront  pas  de  révolution  crai- 


|32       KEVUE    HISTORIQUE    DE  LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

(jnant  les  partis,  les  Sanjedisti,  mais  ils  se  donneront  à  qui  les 
voudrait,  tant  peu  ils  ont  d'attachement  pour  leur  maître.  — 
Je  ne  parle  pas  de  moi  qui  suis  injustement  la  bête  noire. 
Enfin  la  vie  y  est  excessivement  désagréable  et  il  faut  compter 
et  s'attendre  à  tout  le  mal.  Pour  moi,  j'y  suis  résignée. 

Adieu,  mandez-moi  de  vos  nouvelles  et  crovez-moi  avec 
bien  de  la  reconnaissance. 

Mandez-moi  sincèrement  sans  courtisanerie  ce  que  l'on  dit 
de  ma  petite  épouse  et  de  mon  fils  à  Paris.  Ce  dernier  est  bien 
maussade  et  lourd.  Adieu.  Et  de  plus  une  autre  fois.  Comptez 
sur  ma  reconnaissance. 

CCLIX 

Sans  date  '  i8oa. 

{En  noir  et  entre  les  lignes  au  citron). 

Commissions  -. 

6  cartons  de  fleurs,  de  fruits  pour  tête  et  bouquet. 

6  bonnets  de  dilFérentes  sortes,  blancs,  brodés  avec  chemi- 
settes, mouchoirs  de  même. 

3  habits  de  goût,  modes  décentes  pour  jeunes  personnes. 

Des  meubles  ou  nippes,  petites  galanteries  selon  votre  bon 
goût. 

Livres,  estampes  nouvelles. 

Toute  la  commission  entre  3  et  4-ooo  ducats. 

(Chiffre.  Citron.) 

Pour  continuer  eu  toute  sincérité  à  vous  parler  de  celte 
fatale  et  maudite  politique,  certes  si  cette  mort  du  duc  de 
Parme  pouvait  remettre  le  Grand-Duc  en  Italie,  ce  serait  un 
bonheur.  Le  Premier  Consul  pourrait  être  sûr  qu'il  aurait  un 
tout  obéissant  dévoué  à  la  France  dans  le  malheureux  Grand- 
Duc   en    lui   rendant  sa  Toscane   volée.   Il  y  contenterait  le 

I.  Postérieure  au  g  octobre,  date  de  la  mort  du  duc  Ferdinand  de  Parme.  Pro- 
bablement du  11  ou  du  13. 

a.  Partie  de  la  dépêche  écrite  à  l'encre. 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE    AU    MARQUIS    DE    GALLO        l33 

peuple,  obligerait  tous,  et  le  moribond  roi  d'Étrurie  serait 
bien  plus  heureux  comme  roi  des  Lombards  qu'actuellement. 

Je  désirerais  que  le  Modenais  fût  rendu  à  son  légitime  sou- 
verain, mais  si  cela  ne  se  peut,  l'indemnité  décidée  en  Alle- 
magne pour  le  Grand-Duc  pourrait  se  donner  au  duc  de 
Modène  avec  d'autant  plus  de  facilité  que  cette  branche,  avec 
la  prodigieuse  quantité  d'archiducs  qu'il  y  a,  n'a  aucune  idée 
de  pouvoir  jamais  succéder  à  la  Monarchie  et  agrandir  par  là 
sa  force  en  Allemagne.  Le  cas  n'étant  pas  le  même  pour  le 
Grand-Duc,  je  crois  en  vérité,  si  amicalement  et  sagement  on 
représentait  cela  à  Buonaparte,  il  y  viendrait,  et  s'il  le  voulait 
ou  ordonnait,  la  chose  serait  facile.  Car  sa  volonté  est  toute- 
puissanle.  Enfin  si  vous  pouvez,  comme  de  vous,  en  parler,  cela 
serait  un  grand  bien  et  me  rendrait  heureuse  de  faire  le  bon- 
heur de  ces  pauvres  g.ens,  même  si  aucun  avantage  ou  mariage 
à  moi  n'en  dût  résulter.  Je  sens  par  moi  le  bonheur  de  se  voir 
rétabli  chez  soi  et  c'est  ce  qui  fait  (jue  je  n'ai  aucune  rancune 
contre  les  Jacobins,  leurs  efforts  ayant  été  en  vain. 

Mandez-moi,  je  vous  prie,  ce  que  vous  entendez  dire  en 
bien  ou  en  mal  de  mes  enfants  en  Espagne.  Mon  Dieu,  que  ma 
chère  Antoinette  me  tient  à  cœur!  Je  voudrais  son  bonheur  au 
prix  de  mon  sang.  Pour  celle  qui  doit  venir,  je  ne  l'aime  ni  ne 
la  hais.  François  et  le  public  l'ont  voulue,  ils  l'auront.  Le  Roi, 
à  mon  grand  étonnemenl,  n'a  nul  sentiment  ni  pour  celle  qui 
vient,  ni  pour  la  maison  d'Espagne.  Je  croyais  le  trouver 
enthousiasmé.  Point  du  tout.  J'ai  dû  insister  pour  faire  donner 
un  dîner  aux  Espagnols  et  il  n'a  été  nullement  prévenant  pour 
eux.  Le  Roi  est  profondément  et  irréparablement  blessé  de  ce 
qu'il  a  éprouvé.  Son  âme  en  est  affectée  et  il  ne  l'oubliera 
jamais  et  tout  ce  qui  de  loin  ou  de  près  tient  à  cela  lui  est 
odieux.  Son  fils,  il  ne  l'aime  point  et  n'est  charmé  de  l'avoir 
que  lorsqu'il  pense  à  tout  quitter.  Il  a  un  fils  honnête  homme, 
bon,  sage,  vertueux  principes;  mais  tout  le  monde  travaille  à 
mettre  père  et  fils  mal  l'un  contre  l'autre.  —  Tous  les  Napoli- 
tains, noblesse,  clergé,  avocats,  militaires,  peuple,  désirent, 
préfèrent  le  fils.  Il  est  neuf,  ils  ne  sont  pas  coupables  devant 


l34       REVUE   mSTORlQUE    DE    LA    RlivOI.UTION    FRANÇAISE    ET  DE    l'eMPIRE 

lui  et  il  a  pu  jouer  le  beau  rôle  de  dire  :  «  Je  n'en  sais  rien,  je 
désirerais  mieux,  etc.,  etc.  ».  Mais  le  fils  est  plus  honnête 
homme,  j'en  réponds  et  on  ne  le  séduira  point.  Je  craiçjnais  les 
caresses  en  Espagne;  mais  il  ne  peut  s'y  voir,  déteste,  méprise, 
abhorre  le  prince  de  la  Paix,  sa  fortune,  ses  moyens.  Ainsi 
j'espère  qu'il  reviendra  bientôt  et  échappera  à  cette  séduction. 
François  se  sent  prince  et  successeur,  mais  il  est  vertueux  et 
honnête  et  cela  le  sauve. 

Si  cette  frégate  nous  reporte  nos  trois  fréyates',  ce  sera  un 
■\Tai  bonheur  et  obligation  que  nous  vous  aurons  comme  aussi 
tous  les  papiers  et  découvertes  pour  couper  court  aux  trames 
de  ces  petits  inquiets  mauvais  sujets. 

Adieu,  mon  cher  ancien  ami  Gallo;  dites-moi  sincèrement 
ce  que  l'on  dit,  pense  de  moi  dans  le  pays  où  vous  êtes.  Brûlez 
mes  lettres.  Je  fais  de  même  des  vôtres.  Adieu.  Oui  sait  si 
jamais  nous  nous  reverrons,  mais  croyez  que  je  conserverai 
toujours  dans  mon  cœur  une  sincère  reconnaissance  pour  votre 
personne  et  que  je  suis  pour  la  vie  votre  sincère  amie.  — Adieu. 

(^A  suivre) 


I.  Cf.  pour  le  renvoi  et  la  restituiion  des  trois  frégates  napolitaines  le  passage 
suivant  de  la  dépêche  d'.\li[uier  au  ministre  des  Relations  Extérieures  du  ag  fruc- 
tidor an  X  (i6  août  i8oa)  :  «  Citoyen  Ministre,  le  bâtiment  qui  va  conduire  à 
«  Toulon  les  étals-majors  destinés  à  ramener  les  frégates  napolitaines  qui  nous  ont 
H  été  prêtées  jusqu'à  la  paix  portera  enfin  les  antiques  que  le  Roi  oEfrc  au  Premier 
'  Consul.  » 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS 


Benjamin  Franklin  et  le  procès  du  paratonnerre  de  Saint-Omer 

{1782-1J83) 

Nous  avons  publié,  dans  notre  étude  sur  Robespierre  et  le  procès 
du  paratonnerre  ',  le  texte  d'une  lettre  que  Robespierre  adressa  k 
Benjamin  Franklin,  le  i"^  octobre  1788,  en  lui  envoyant  ses  Plai- 
doyers pour  M'  Vissery  de  Bois-Valé.  Cette  affaire  ne  pouvait 
manquer,  en  effet,  d'intéresser  Franklin,  puisqu'il  s'agissait  de  la 
mise  en  discussion  d'une  de  ses  inventions  les  plus  célèbres  et  de 
la  résistance  k  laquelle  se  heurtait,  dans  l'opinion  publique  de  cer- 
taines contrées,  son  application. 

En  réalité,  la  lettre  de  Robespierre  ne  fut  pas  la  seule  que  reçut 
Franklin  à  l'occasion  de  ce  procès.  Deux  autres  lui  étaient  déjà 
parvenues,  l'une  en  décembre  1782,  l'autre  en  mars  1788^.  La  pre- 
mière émanait  de  Vissery  de  Bois-Valé  lui-même,  la  seconde  de 
Des  Essarts,  l'éditeur  des  Causes  célèbres^. 

Le  procès  était  engagé  depuis  le  mois  de  juin  1780.  Le  jugement 
de  l'échevinage  de  Saint-Omer,  rendu  à  cette  époque,  n'était  pas 
encore  venu  en  appel  devant  le  Conseil  d'Artois.  Antoine  Buissart 
avait  publié,  en  1782,  son  Mémoire  pour  M'  Charles  Dominir/ue  de 
Vissery  de  Bois-Valé.  Peu  après  la  publication  de  ce  Mémoire, 
Vissery  de  Bois-Valé  écrivit  à  Franklin,  le  10  décembre  1782,  la 
lettre  suivante  : 

Monsieur 
Poarroit-on  s'imaginer  qu'en  imitant  ce   que   vous  Jaite  de  si 

1.  Le  Puv,  1909;  in-8  de  3i  paijes.  —  La  lettre  de  Robespierre  à  Franklin  est 
citée  aux  pp.  27-28. 

2.  Il  est  probable  qu'il  y  en  eut  aussi  une  de  Buissart,  puisqu'il  lui  envoya  son 
Mémoire,  mais  nous  n'en  avons  pas  retrouvé  la  mention  dans  les  Papiers  de 
Franklin. 

3.  Ces  deux  lettres  sont  aujourd'hui  conservées  dans  les  Papiers  de  Franklin,  à 
l'American  Philosophical  Society  de  Philadelphie,  qui  a  bien  voulu  nous  en  faire 
parvenir  une  copie. 


l'iQ       KEVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION'    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

admirable  pour  le  bien  de  l'humanité,  je  me  serais  fait  une  affaire 
sérieuse  avec  mes  voisins,  avec  mes  concitoyens,  avec  mes  juges  de 
police  enfin,  qui  m'ont  condamné  rigoureusement  à  détruire  mon 
paratonnerre  dans  les  24  heures  pour  tout  délai,  comme  une  inven- 
tion des  plus  dangereuse. 

Sentence  Jrapante  qui  a  causée  une  fermentation  e.rtraordi- 
naire  parmi  le  bas  peuple  ;  qui  a  exposé  ma  personne  et  ma  mai- 
son à  des  insultes  inattendues,  et  outrageantes;  comme  vous  pauv- 
re z  le  voir  dans  le  n)é moire  que  mon  avocat  d'Arras^  se  charge 
de  vous  faire  parvenir.  C'est  un  hommage  que  je  crois  devoir  à 
l'Auteur  d'une  invention  si  célèbre  par  toute  la  terre  et  cependant 
jadis  si  redoutée  à  S'  Orner,  mais  maintenant  adoptée  par  les 
/)erso/i/ies  ins/r'uiles.  —  Vous  ne  serez  peut-être  pas  fâché  que  je 
vous  retrasse  ici  un  abrégé  de  ce  qui  a  donné  lieu  à  tant  de  peine 
et  de  tracasseries  que  l'on  m'a  fait  essuier  à  ce  sujet.  Ce  fut  d'a- 
bord une  voisine  (pii  m'a  chicanée  ci  devant  plusieurs  Jois,  pour 
une  muraille  de  séparation  de  nos  jai'dins  réciproques,  laquelle 
dans  un  Conseil  Jéminin,  a  exagéré  le  péril  de  cette  invention, 
insinuant  que  la  lame  d'épée  étoit  aimantée  et  électrisée  et  que 
par  ce  moyen  j'allais  attirer  le  tonnerre  des  4  coins  de  la  ville, 
et  par  ainsi  les  exposer  à  être  brûlés,  et  écrasés  dans  leurs  mai- 
sons. 

D'oïl  on  conclut  (pï il  fallait  présenter  une  Requesie  au  Magi.t- 
trat  à  effet  de  Jaire  détruire  une  machine  si  dangereuse. 

Le  petit  et  tendre  mary  d'une  voisine  en  fut  le  colporteur  secret, 
pour  obtenir  des  signatures  :  j  ou  8  /jersonnes  l'ont  fait  par 
complaisance  ou  par  importunités,  tandis  que  des  dames,  et  même 
deux  de  ses  oncles  l'ont  refusé  constnment .  —  La  plus  proche 
voisine  aiant  un  frère  L'chevin  aussi  peureux  qu'elle,  secondé  par 
un  bruyant  faiseur  d'ordonnances  de  vie  et  de  mort,  \disant  que 
les  femmes  auraient  avortées,  ils  firent  pancher  la  balance  de 
Thémis,  avec  d'autres  peureux,  pour  la  destruction  de  tout  l'ap- 
pareil :  sentence  mémorable  !  qui  fut  prononcée  contre  l'avis  des 
meilleurs  têtes  qui  font  toujours  le  plus  petit  nombre  dans  les 
assemblées. 

Mêlant  rendu  iqiposant  ci  celle  sentence  par  déjaut,  elle  fut 
ce/tendant  conjirmée  malgré  les  autorités  respectables,  comme  la 

I.  Antoine  Buissarl.  —  C.  V. 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  187 

vôtre,   Monsieur,   citées   dans  la  plnidoierie,   attendu,    est-il  dit, 
qu'il  s'agit  de  police,  de  tranquilité  et  de  sûreté  publique. 

Une  sentence  aussi  foudroyante  renversa  la  cervelle  à  la  multi- 
tude if/nare,  on  s'est  attroupé,  on  a  menacé,  et,  comme  le  dit  le 
Mémoire  :  —  dans  cette  crise,  abandonné  ici  de  tout  le  monde, 
J'écrivis  à  plusieurs  Académies  et  à  de  bons  physiciens,  pour 
savoir  à  (/uoi  m'en  tenir,  —  Je  reçus  des  consolations  de  tout 
côté,  et  surtout  de  Dijon  ((juoiqu'i/iconnu),  comme  le  prouve 
l'avis  honorable  de  cette  savante  Académie. 

Plusieurs  bons  écrioins  se  sont  oJJ'erts  ijénéreusement  pour  faire 
le  Mémoire  et  surtout  M''  Buissart,  qui  regarde  cette  affaire 
comme  la  sienne  propre,  s'en  est  acquité  avec  honneur.  —  Pour 
d'autant  mieux  appaiser  la  chose,  on  a  voulu  une  consultation  de 
célèbres  .Avocats  de  Paris. 

Cette  consultation,  mieux  raisonnes  nu  commencement  qu'à  la 
fin  puis  ce  que  les  craintes  du  peuple  n'existaient  plus,  s'est  fait 
attendre  pendant  un  an.  —  MM.  les  .Avocats  d'Arras,  par  leur 
consultation  /mstérieure,  ont  rectifiés  cette  Jin  qui  n'était  pas  de 
mon  goût. 

Ce  Mémoire  enfin  étant  imprimé,  fat  signifié  à  la  partie  publi- 
que au  commencement  de  novembre  iy82.  —  Un  des  plus  éloquent 
plaideur  d'.Arras  '  s'est  chargé  de  la  plaider.  J'en  attend  le  résul- 
tat avec  une  sorte  d'impatience,  et  voilà  à  quoi  les  choses  en  sont. 

Compatissant  comme  vous  este.  Monsieur,  pour  les  opprimés, 
votre  indulgence  excusera,  J'espère,  la  longueur  de  cette  Epître 
qui  détaille  en  bref  les  peines  et  les  tracasseries  d'un  pauvre  mar- 
tir  de  la  chicane  qui  a  l'honneur  de  se  dire  avec  non  moins  de 
confiance,  d'admiration  de  vos  talents  supérieurs  que  de  respect, 
Monsieur, 

Votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 


De  VYS-'iERY de  Bojs-Valé 

dmt  :  Marc/lé  aux  /lerbes. 


A  S'  Orner,  le  jo  Dec.  i-ji. 


Quelques  semaines  plus  tard,  en  1788,  Des  Essarts  consacra  au 
procès  du  paratonnerre  de  Saint-Omer  une  grande  partie  du 
tome  XCIX  (pp.  3-iio)  de  ses  Causes  célèbres,  curieuses  et  inté- 

I.  Robespierre.  —  C.  V. 


l38       REVUE    HISTORIQUE   DE   LV    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

ressanles,  de  toutes  les  cours  souveraines  du  Royaume,  avec  les 
Ju/jements  qui  les  ont  décidres.  Quand  ce  tome  XCIX  parut,  Des 
Essarts  l'envoya  a  Franklin  >'t  l'accompagna  de  la  lettre  que  voici  : 

Monsieur, 
Je  vous  supplie  d'aggréer  le  volume  que  j'ai  l'honneur  de  vous 
envoyer,  il  renferme  une  cause  qui  doit  vous  interresser,  celle  du 
paratonnerre  de  S"  Orner.  Tous  ceux  qui  sont  capables  de  sentir  le 
prix  des  bienfaits  du  Génie,  vous  doivent  de  la  reconnaissance. 
J'ai  saisi  arec  plaisir  l'occasion  de  vous  offrir  l'hommage  de  la 
mienne.  Ce  sera  une  jouissance  délicieuse  pour  moi  si  vous  l'ag- 
gréez  ;  et  si  vous  éprouvés  quelqu  intérêt  en  parcourant  mon  ou- 
vrage, ce  sera  In  récompense  la  plus  flatteuse  que  je  puisse  obtenir 
de  mon  travail. 

Je  suis  avec  respect. 
Monsieur 

Votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 

Des  EasA/iTS,  avocat, 
membre  de  plusieurs  Académies. 

Rue  Dauphine,  /tôtel  de  Mouy. 
Paris,  ce  2  Mars  i;83. 

La  lettre  que  Franklin  reçut  de  Robespierre,  eu  octobre  1788, 
semble  être  la  dernière  pièce  de  ce  dossier.  Il  est  impossible  de 
dire  si  Franklin  répondit  à  ces  divers  envois.  Nous  ne  connaissons, 
en  tous  cas,  aucune  lettre  de  lui  adressée  à  Buissart,  à  Vissery  de 
Bois-Valé,  à  Des  Essarts  ou  à»Robespierro. 

Charles  Vellay 


Deux  lettres  inédites  du  général  de  Moutesquiou  au  directoire 

du  département  de  la  Gironde 

{.\oùt  ijg2) 

Par  ordonnance  royale  en  date  du  7  avril  1792  «  le  sieur  de  Mon- 
tesquiou,  intendant  général  des  ;irniées  »,  fut  nommé  commandant 
en  l'hef  di's  troupes  des  Vll«,  VI11^  IX'-,  X=.  XI=  et  XLV  divisions 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  iS^ 

militaires,  avec  mission  de  réunir  les  forces  nécessaires  pour  proté- 
ger les  t'rontières  des  Alpes  et  des  Pyrénées  '. 

C'est  k  cette  occasion  que  l'Administration  départementale  de  la 
Gironde  entra  en  correspondance  avec  lui. 

Nous  avons  trouvé  dans  les  Archives  départementales  de  la 
Gironde,  série  L,  liasse  libo,  les  deux  lettres  suivantes,  écrites  par 
le  général  de  Montesquiou  aux  Bordelais,  et  qui  ne  manquent  pas 
d'intérêt. 

Roger  Brouillard. 

Au  camp  de  Cassieux  le  //  août  iy(j2  l'an  4"  de  la  liberté. 

A  Messieurs  les  Administrateurs  du  Directoire 
du  Département  de  la  Gironde. 

Messieurs, 
J'ai  reçu  la  lettre  (jue  vous  m'avez Jait  l'honneur  de  ni  écrire  le 
10  avec  un  exemplaire  de  l'arrêté  que  vous  avez  pris  pour  l'orga- 
nisation de  vos  nouveaux  bataillons  'K  Je  ne  connois  rien  de  plus 
beau  que  la  rapidité  des  mouvemens  que  votre  patriotisme  fait 
exciter  parmi  vos  concitoyens.  Je  n'ai  aucun  besoin  d'ordres  du 
ministre  pour  la  destination  de  ces  nouvelles  troupes.  Elles  appar- 
tiennent absolument  à  l'armée  du  niidy,  mais  je  crains  bien  de 
déplaire  à  vos  braves  citoyens  en  vous  rendant  compte  des  mesures 
qu'il  me  semble  que  la  prudence  exige.  Il  est  impossible,  surtout 
depuis  les  derniers  événemens,  que  nous  soyons  sans  inquiétudes 
■sur  les  révolutions  de  l'Espagne.  En  conséquence  il  me  senibleroit 
du  plus  grand  danger  de  ne  pas  nous  réserver  les  moyens  d'y 
porter  tout  à  coup  une  force  très  imposante  :  mon  plan  seroit  de 
ne  rien  tirer  pour  l'armée  des  Alpes  des  quinze  départemens  qui 
avoisi/ient  les  Pyrénées,  afin  de  pouvoir  tout  à  coup,  si  le  cas  le 
requeroit,  y  porter  une  Jorce  imposante.  D'après  cela,  Messieurs, 
je  dois  vous  prier  de  jormer  vous-même  cette  réserve  et  de  laisser 
entrevoir  ces  vues  utiles  à  ceux  que  leur  zèle  voudrait  éloigner  de 

1.  Une  copie  de  celle  ordonnance  se  Irouve  dans  la  liasse  668,  série  L,  des 
Archives  de  la  Gironde. 

2.  Par  arrêté  du  6  août  1792,  le  directoire  du  déparlcmenl  de  la  Gironde  con- 
voqua «  tous  les  citoyens  qui  se  sont  inscrits  pour  former  le  balaillon  de  Bordeaux, 
à  se  réunir  au  Champ  de  Mars  (le  Jardin  Public  actuel)  pour  la  formation  des 
compagnies  de  volontaires  et  l'élection  des  officiers  »  (Arch.  de  la  Gironde,  L  5i4). 


l4o       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE  l'eMPIRE 

leurs  foyers,  f  espère  que  vous  approuverés  ces  dispositions.  L'effet 
en  est  particulièrement  destiné  à  votre  sûreté,  et  véritablement  il 
seroit  injuste  de  perdre  de  vue  les  intérêts  de  ceux  qui  les  oublient 
quand  il  s'agit  de  voler  au  secours  de  l'Etat. 

Le  Général  île  V. Armée  (lu  Midy, 
A.  P.  MoyTEsQViou. 


Du  camp  de  Cassieux  le  20  aodl  7792  l'<in  /f  de  la  liberté. 

Messieurs, 
J'ai  vu  avec  une  vive  satisfaction  les  preuves  multipliées  de  zèle 
et  d'activité  que  vous  offrez  sans  cesse  à  notre  estime  et  notre 
reconnaissance,  rien  n'égale  l'empressement  des  citoyens  de  Bor- 
deaux à  voler  à  la  défense  de  la  patrie.  Bataillons  de  volontaires, 
régiments  de  ligne,  ils  fournissent  à  tout  ;  dans  un  grand  nombre 
de  départemens,  les  jeunes  citoyens  par  des  motijs  sans  doute  infi- 
niment louables  se  précipitent  en  foule  dans  les  bataillons  de 
volontaires  et  les  régiments  de  ligne  restent  déserts.  Je  suis  bien 
loin  d'avoir  un  pareil  reproche  à  vous  faire.  Car  f  ai  été  moi-même 
étonné  du  nombre  des  recrues  que  vous  m'annoncez.  Je  voudrais 
bien  recevoir  de  partout  d'aussi  bonnes  nouvelles,  et  alors  il  .'serait 
vrai  de  dire  que  le  peuple  s'est  levé  tout  entier.  Je  vous  remercie 
également  de  la  célérité  que  vous  avés  mise  à  exécuter  la  loy  du 
25  juillet,  ("est  sur  cette  opération  si  bien  adaptée  aux  mœurs 
d'un  peuple  libre  et  belliqueux  que  se  fonde  principalement  le  salut 
de  la  patrie.  Mais  comme  par  les  der/iiers  événements  les  vues  de 
l'Espagne  peuvent  être  fort  incertaines  à  notre  égard,  je  me  suis 
déterminé  à  n'user  qu'avec  beaucoup  de  réserve  des  compagnies 
de  Grenadiers  et  (Jhasseurs  qui  se  rassemblent  dans  votre  partie. 
C'est  sur  elles  que  je  compte  s'il  fallait  repousser  les  entreprises  de 
l'Espagne  si  elle  en  formait,  elle  éprouverait  bientôt  les  effets  du 
courage  et  du  patriotisme  qui  distinguent  les  citoyens  de  Bordeaux. 

Le  Général  de  l'Armée  du  Midi, 

A.  P.  Mo.XTESOUlOU. 

Messieurs  les  Administrateurs  du  Directoire  du  Département  de 
la  Gironde  à  Bordeaux. 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  I^I 

Quelques  lettres  de  volontaires 

(.4,,  If) 

Les  lettres  adressées  par  les  volontaires  à  leur  famille  offrent 
toujours  quelque  intérêt,  soit  par  les  détails  qu'elles  renferment  sur 
les  opérations  militaires,  soit  par  les  renseignements  qu'elles  nous 
donnent  sur  l'état  d'esprit  qui  régnait  dans  les  armées.  Nous  avons 
retrouvé  celles  que  nous  publions  ici  dans  les  archives  municipales 
de  la  commune  d'Albias  (Tarn-et-Garonne).  Elles  ne  font  pas  encore 
partie  du  fonds  inventorié  des  Archives  départementales. 

E.  T. 

Prés  Thionville,  janvier  an  II  de  la  Répuùliifue. 

...Depuis  ma  dernière  lettre,  nous  avons  bien  souvent  cliangé  de 
garnison  :  nous  avons  été  à  Verdun,  à  Metz,  à  Sarrelouis,  et  de 
là  dans  le  pays  de  l'Electeur  de  Trêves  r/ui  est  pays  ennemi. 

Nous  sommes  maintenant  cantonnés  à  Rierf,  à  trois  lieues  de 
Luxembourg. 

Le  trezième  courant  nous  avons  reçu  l'ordre  d'aller  à  trois-quart 
de  lieue  de  notre  cantonnement,  une  armée  de  4.ooo  hommes  devait 
s'y  assembler  pour  désembusquer  une  armée  des  ennemis  qui  sont 
retranchés  dans  une  grande  forêt. 

Il  ne  s'est  rendu  que  trois  bataillons,  celui  de  Pépincourt,  celui 
de  la  Seine-Inférieure  et  le  nôtre  avec  un  escadron  de  cavalerie, 
mais  ni  le  général  Hunibert  qui  devait  nous  commander  ni  le  reste 
de  l'armée  ne  se  sont  présentés. 

Toute  l'armée  devait  être  assemblée  à  g  heures  du  matin  et 
cependant  personne  plus  n'est  arrivé. 

A  une  heure  après-midi  nous  avons  été  attaqués  par  les  enne- 
mis, ils  avaient  des  pièces  de  canon  qui  tiraient  sur  nous  chargées 
à  boulets  et  à  mitrailles. 

Notre  armée  étant  bien  petite  et  sans  artillerie  ni  général  pour 
diriger  notre  marche  nous  avons  été  obligés  de  nous  retirer  en 
retraite  jusqu'à  notre  cantonnement. 

Le  projet  des  ennemis  était  si  nous  avions  couchés  à  Riefde  noui 
égorger  durant  la  nuit  suivante. 


l42       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANf.USE    ET   DE   l'eMPIRE 

Nous  sommes  allés  à  Sierk  ;  il  ne  se  passe  aucun  Jour  qu'on  ne 
reçoive  quelque  alerte,  cependant  l'on  nous  a  promis  de  nous  can- 
tonner du  côté  de  Thionville  nu  du  côté  de  Mets  pour  passer  le 
Cartier  d'hiver. 

De  Metz  me  trouvant  trop  de  butin  —  parce  que  nous  étions 
obligés  de  le  porter  — f  ai  fait  un  paquet  qui  contenait  une  veste, 
un  gilet,  une  paire  de  culottes,  deux  chemises,  un  mouchoir  que 
J'ai  adressé  au  citoyen  Escales,  maître  d'école. 

Pierre  Miquel  , 

Soldat  volontaire  dans  ta  sixième  compagnie  du  premier  bataillon 
du  Lot  en  garnison  au  Dépôt  à  Sarrelouis  (Moselle). 


Saint-Jean-de-Luz 

Au  camp  des  Sans-Culottes 

g  thermidor  an  II  de  la  République 
Une  et  Indivisible. 

...Nous  avons  donné  une  bataille  te  y  de  ce  mois  avec  les  Espa- 
gnols. Le  feu  a  commencé  à  5''  314  du  matin;  dans  cinq  heures  de 
temps  nous  leur  avons  pris  le  camp  qu'ils  occupaient  et  auquel  ils 
étaient  attachés  ;  nous  avons  fait  4oo  prisonniers,  pris  toute  l'artil- 
lerie et  avec  leurs  canons  nous  leur  avons  fait  quelques  décharges. 
Nous  les  avons  repoussés  de  vive  force  et  Vive  la  Montagne  (sic)  ! 
ils  ont  brûlé  eux-mêmes  une  de  leurs  villes. 

On  avait  miné  pour  faire  périr  notre  armée  mais  rependant  nous 
n'avons  pas  perdu  beaucoup  dans  cette  affaire.  Nous  avons  mis  le 
Jeu  à  une  ville  que  l'on  nomme  Fontarabie,  il  ij  a  4  Jours  qu'il 
brûle  et  nous  attendons  qu'il  ait  fini  avant  d'aller  tambour  battant 
en  Espagne.  Je  crois  qu'avant  longtemps  nos  ennemis  se  rendront 
à  la  proposition  qui  va  leur  êtrejaite. 

AxTorxE  Martï, 

g^  bataillon  du  Lot-et-Garonne,  5*  compagnie. 


Irun,  3o  tliermidor  an  II  de  la  Républigue. 

...Nous  avons  essuyé  une  forte  bataille,  le  premier  Jeu  a  duré 
huit  jours  durant  lesquels  nous  avons  bombardé  Fontarabie;  noas 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  l43 

avons  /iris  aux  Espagnols  un  village  et  nous  les  avons  poursuivis 
de  telle  façon  que  nous  sommes  à  sept  lieues  dans  le  pays  :  dans 
cette  région  il  y  a  dix-neuf  villages  et  une  jolie  ville  que  l'on 
nomme  Saint-Sébastien. 

Maintenant  nous  sommes  à  Pampehine  dont  nous  allons  faire  le 
siège  demain  ou  après-demain. 

Dans  tout  cela  nous  avons  pris  au  moins  cinq-mille  prisonniers, 
trois-cents  pièces  de  canon,  des  «  mortiers  »  et  beaucoup  de  ma- 
gasins à  poudre,  un  certain  nombre  de  ces  derniers  ont  été  brûlés 
car  ces  b...-lù  avaient  miné  à  deux  endroits.  Nous  avons  pris 
aussi  6.000  Jusils  et  des  vivres  dont  nous  avons  pour  six  mois. 
Nous  avons  eu  en  tout  2.000  hommes  blessés  ou  morts. 

Pierre  Laca\, 

Bataillim  du  3i  mai,  régiment  du  Lot, 
compagnie  de  canonniers  en  cantonnement  à  Iran. 


Département  des  Basses-Pyrénées  occidentales 

Saint-Jean-Pied-de-Port 

10  fructidor  an  II  de  ta  République 

Salut  et  Fraternité 

Vive  la  Montagne  ! 

...Nous  avons  eu  une  belle  prise  avec  les  Espagnols,  nous  leur 
avons  pris  trois  villes  dont  l'une  est  Bastaint  où  nous  avons  trouvé 
uti  magasin  de  farine  de  3oo  quartiers,  fait  4oo  liommes  prison- 
niers et  pris  /f  pièces  de  canon. 

Nous  avons  pris  aussi  Santaravery  qu'il  a  fallu  bombarder  et  le 
port  de  Saint-Sébastien  avec  600  prisonniers  et  200  pièces  de 
canon. 

Nous  avons  pris  en  tout  4o4  pièces  de  canon  et  1.200  hommes. 

Jeax  Souz argues, 
6'  compagnie,  6'  bataillon  du  Lot. 


l44       REVUE    HISTORIQUE    DE   LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE   ET   DE    l'eMPIRE 

Une  lettre  inédite  de  Briois  de  Beaumez  à  Etienne  Dumont 
sur  ses  impressions  d'Amérique. 

(3  avril  lygâ) 

Premier  pn'.sident  du  Conseil  d'Artois  avant  la  Rt^volution,  élu 
en  1789  député  de  la  Noblesse  de  la  Gouvernance  d'Arras  aux  États 
généraux,  membre  de  la  gauche  de  l'Assemblée  constituante,  pré- 
sident de  cette  assemblée  du  26  mai  au  8  juin  1790,  Bon-Albert 
Briois  de  Beaumez  entra  en  relations  avec  Mirabeau  et  très  ^Tai- 
semblablement  aussi  avec  son  secrétaire,  Etienne  Dumont.  A  l'expi- 
ration de  son  mandat,  il  fut  élu  membre  du  Directoire  du  dépairte- 
ment  du  Pas-de-Calais.  Devenu  suspect,  il  émigra,  alla  d'abord  en 
Allemagne,  ensuite  en  Angleterre,  où  il  se  rencontra  certainement 
avec  Etienne  Dumont,  enfin  en  Amérique,  d'où  il  lui  écrivit  la  lettre 
suivante,  dont  l'original  autographe  est  conservé  à  la  Bibliothèque 
publique  et  universitaire  de  Genève,  dans  le  recueil  de  lettres  adres- 
sées à  Etienne  Dumont  (Ms.  D,  33,  I). 

0.  K. 

Philadelphie,  3  avril  lygS. 

Onze  mois  en  Amérique .'  Mon  cher  Dumont .'  et  je  ne  i<oiis  ai  pas 
encore  écrit?  C'est  que  Je  voulais  vous  écrire  quelque  chose  —  mais 
je  m' appercois  que  c'est  an  projet  insensé  et  qui  ne  sert  qu'à  m'em- 
pêcher  de  vous  écrire.  En  arrivant  on  remarque  tout,  même  ce  qui 
ne  vaut  pas  la  peine  cTêire  regardé  et  si  l'on  décrivait  ce  serait 
avec  minuties.  On  croit  ensuite  avoir  Jait  des  observations  et  si 
l'on  vient  à  les  repasser  on  y  trouve  tant  de  fautes  qu'on  se  dégoûte 
défaire  et  d'envoier  des  mémoires.  —  N'en  attendes  donc  point. 
Ce  paU-cij  est  comme  un  autre  ;  il  y  a  quelques  grands  faits  que 
tout  le  monde  connoit  et  avec  lesquels  on  peut  de  son  cabinet  de 
Londres  deviner  toute  l'Amérique.  Vous  savez  quelle  est  la  Jorme 
de  son  Gouvernement  ;  qu'il  y  a  de  grands  et  immenses  espaces  de 
terreins  incultes  et  inhabités  oà  chacun  peut  acquérir  une  propriété 
à  un  prix  qui  n'a  aucun  rapport  avec  celui  de  la  terre  en  Europe. 

—  Vous  savez  qu'il  y  a  ici  beaucoup  d'ardeur  pour  faire  Jortune. 

—  Vous  savez  qu'en  tout  pais  ceux  qui  ont  fait  fortune  cherchent 


MÉLANGES    ET    UOCLMENT.S  1^5 

ordiimircmenl  à  raiig/iien/er.  —  \'uiis  connoisses  lu  nouveauté  de 
l' Améri<jue  et  vous  savez  (/a'elle  a  peu  de  Capitaux  à  elle.  —  Com- 
binez tims  cela  et  vous  savez  l'Amérique  beaucoup  mieux  que  la 
majorité  des  ooiageurs  et  des  liabitans. 

On  pourra  vous  citer  des  faits  ;  mais  précisément  parce  qu'ils 
sont  remarquables,  ces  faits  sont  des  exceptions.  Par  vos  médita- 
tions vous  arriverez  aux  résultats  constants  et  généraux.  —  Dans 
tout  ce  que  j'ai  regardé,  fai  été  extrêmement  aidé  par  la  connois- 
sance  et  les  développements  de  votre  principe  sur  la  morale  dont 
l'application  se  retrouve  constamment.  Votre  livre  ^  seroit  certaine- 
ment d'une  grande  utilité  au  pats  s'il  pouvoit  y  être  lu  et  compris. 
Mais  il  est  en  français,  il  est  bien  volumineux,  et  il  y  a  bien  peu 
de  chiffres  pour  qu'on  le  lise.  Je  suis  lié  avec  les  personnes  qui  l'a- 
cheteroient  et  ces  personnes  sont  une  Douzaine  qui  ne  répondraient 
pas  du  débit  de  la  seconde  douzaine.  —  Il  y  a  en  Pensilvanie  un 
quaker  nommé  Cabel  Lownes  qui  est  tout  près  de  vous  entendre  et 
qui  vous  a  même  un  peu  deviné  ;  il  a  fait  dans  les  prisons  de  Phi- 
ladelphie des  changements  qui  appartiennent  à  un  Moraliste-pen- 
seur et  à  un  Philantrope  actif.  Les  détails  de  cette  bonne  œuvre 
sont  dans  une  longue  lettre  que  M'  de  Liancourt  ^  adresse  à  Jérr- 
mie  Benttiam  et  que  celui-cy  vous  remettra  si  vous  la  lai  deman- 
dez. Les  faits  sont  curieux  et  exacts.  Je  les  avais  recœuillis  pour 
vous.  Mais  Liancourt,  plus  inquisitif  que  mai,  m'a  précédé  en  rédac- 
tion et  je  suis  bien  aise  que  vous  recœaillez  le  fruit  de  sa  peine. — 
Il  y  a  aussi  des  faits  qui  sont  intéressants  pour  vos  études  qu'a  re- 
cœuillis da/is  une  petite  brochure  M'  Bradfort,  attarney  General 
des  E.  Unis  '.  Mais  comme  cette  brochure  ne  s'est  pas  vendue,  elle 
est  épuisée  et  l'auteur  qui  n'en  a  plus  qu'un  Exemplaire,  me  l'a 
prêté,  mais  n'a  pas  voulu  me  le  donner  pour  vous.  Il  s'y  serait  dé- 
cidé cependant  sur  mes  instances,  s'il  n'était  au  moment  de  réim- 
primer cet  ouvrage  avec  des  additions  importantes.  Vous  aurez 
cette  seconde  Edition  dès  qu'elle  paraîtra. 

1.  Nous  ne  savons  pas  à  quel  o.ivrage  Brîois  de  Beaumez  fait  allusion. 

2.  Françuis-Alexandre-Frédéric  La  Rochelbucauld,  duc  de  Liancourt  (1747-1827), 
auteur  du  livre  Des  prisons  de  Philadelphie,  par  un  Européen  (Philadelphie  et 
Paris,  1796). 

3.  Il  s'agit  probablement  de  :   William  Bradford.  An  inquinj  hoiu  Jur   the  pii- 

nishment  ofdeath  is  necessary  in  Pennsyluania containing  an  uccount  of  the 

Goal  and  Pemlentiary  of  Philadelphia  and  the  management  Ihere  o/(Philadelphia, 
1793;  in-8°). 


1^6       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISK    ET    DE    l'eMPIRE 

Vous  rappelez-l'ous  que  nous  doutions  si  le  duel  etoit  commun 
en  Amérique.  —  //  l'est  presque  comme  en  Angleterre  —  premiè- 
rement tout  le  pats  est  milicien  ;  et  cet  esprit  militaire  donne  l'idée 
de  l'appel  à  la  force  individuelle.  Le  duel  n'est  pas  souvent  précédé 
par  des  scènes  de  vivacité,  ni  de  violence  ;  mais  une  injure  quand 
elle  est  assez  grave  ou  assez  notoire  n'admet  point  d'autre  répara- 
tion. Ce  vice  se  trouve  au  même  degré  à  tous  les  étages  parce  que 
la  prétention  du  pais  est  qu'il  n'y  a  pas  <'e  distinction  d'étages.  — 
On  m'a  parlé  d'un  homme  qui  en  a  appelle  en  duel  un  autt  e  pour 
la  raison  que  celuy-ci  avoif  mal  parlé  du  General  Washington. 
«  //  ne  peut  pas  vous  en  demander  raison  lui  même,  dit-il,  il  faut 
bien  que  ses  amis  le  vengent.  »    Cet  homme  étoit  militaire. 

Sur  le  parfait  accord  dans  lequel  vivent  toutes  les  religions  quand 
aucune  n'est  dominante,  ce  pats-cy  offre  une  continuité  de  Jaits 
très  relevants.  Le  temps  seul  nous  apprendra  si  celte  libre  variété 
de  cultes  tend  à  les  détruire  ou  à  les  conserver  tous. 

Observes  quand  vous  songes  à  l'Amérique  qu'en  général  les  pas- 
sions m'y  paroissent  moins  énergiques  qu'en  aucun  lieu  de  ma 
connoissance.  Tout  me  conduit  à  celte  remarque. 

Vous  ne  seriez  pas  content  si  nous  ne  disions  rien  de  nous,  ^ous 
nous  sommes  constament  bien  portés.  Le  païs  nous  a  rapporté 
autant  d'agréments  qu'il  en  peut  fournir.  .\ous  avons  passé  notre 
premier  été  en  volages  curieux  et  utiles  pour  nous,  et  nous  avons 
assez  bien  vu  toute  ta  partie  de  l'Amérique  depuis  Philadephie 
jusqu'à  la  Nouvelle-écosse.  .\ous  n'avons  encore  rien  vu  à  l'ouest, 
ni  au  sud  de  Philadelphie.  Notre  hiver  a  été  passé  dans  cette  der- 
nière ville.  Centre  du  Gouvernement  fœderal,  et  la  plus  vivante 
durant  cette  Partie  de  l'année.  Au  premier  de  May  nous  entrons  à 
.Xeiv  York  dans  une  petite  muson  louée  pour  un  an.  Durant  l'été 
je  ferai  plusieurs  courses,  mais  nous  ne  projetions poini  de  volages. 
Ceux  que  nous  avons  fait  nous  sufjtsent  pour  comprendre  le  pats. 
Desmeuniers  '  et  venu  il  y  a  i5  jours  renjorcer  notre  petite  Société 
et  nous  parler  de  nos  amis.  Il  nous  a  aussi  apporté  de  leurs  lettres. 
Vous  sentes  que  ce  sont  de  bons  moments  dans  notre  vie. 

Rappeliez  moi  bien  à  M'  Chauvet^  et  à  toute  sa  famille;  remer- 
cies pour  moi  M'  D'Ivernois^  qui  a  bien  voulu  m'envoier  son  excel- 

i.  Jean-Nicolas  Desmeuiiier  (1701-1814),  l'ancien  Constituant. 

3.  David  Ghauvet,  Genevois  liabitant  Londres  à  IVpociue  de  la  Hcvolution. 

3.  Francis  D'ivernois  (1757-1842). 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  l47 

lent  ouvrage,  et  faîtes  ma  cour  de  toutes  les  manières  à  Mylord 
LMnsdown'  et  à  toutes  les  dames  de  sa  famille. 

Tachez  aussi  que  l'Angleterre  ne  devienne  pas  une  Province  de 
France  ;  fatme  que  chacun  soit  màitre  chez  soi. 

A  vous  pour  la  oie  et  bien  sincèrement 

Bbaumez. 

Talley.  ''  ne  vous  écrit  pas  aujourd'hui,  afin  que  sa  lettre  soit  un 
duplicata. 


Un  récit  de  l'expédition  de  Quiberon 

Les  papiers  D'Ivernois  renferment  une  note,  non  signée,  pliée 
comme  une  lettre,  et  portant  en  suscription  :  Ma''  Leveque  de  Léon, 
n°  10,  queen  Street,  Blombsburi  Square,  à  Londres  ^.  Sur  cette 
note,  Francis  D'Ivernois  a  inscrit  la  mention  suivante  :  Réclamo!- 
tion  de  l'E'véque  d'Usés  ■*  et  note  sur  l'affaire  de  Quiberon,  juillet 
i8oy.  Dans  son  ouvrage  inédit  Les  cinq  accusations,  D'Ivernois 
cite  la  fin  de  cette  note,  et  ajoute  qu'elle  lui  a  été  remise  par  «  le 
digne  évêque  de  Saint-Pol  de  Léon  ».  Voici  le  texte  complet  de  ce 
document^. 

0.  K. 

L'expédition  pour  Quibei'on  sortit  des  ports  d' Angleterre  le 
12  juin  ijg^J. 

La  descente  se  fit  à  Carnac,  dans  la  baie  de  Quiberon,  le  2j  du 
même  mois. 

Du  2  au  3  juillet,  les  troupes  se  rendirent  partie  jiar  terre  et 
l'autre  fjar  eau  devant  le  Jort  Penthièvre  ;  il  se  soumit  à  la  pre- 
mière sommation,  de  même  que  le  petit  fort  de  Portaleguen. 

Dans  la  nuit  du  y  juillet,  les  royalistes  attaquèrent  les  avant- 
postes  du  Camp  de  Sainte-Barbe,  occupé  par  les  républicains  ; 
lis  furent  surpjris,  partie  prisonniers,  le  surplus  repoussé  jusque 
dans  le  Camp. 

1.  William  Petty,  first  marquis  of  Lansclown,  Lord  Shelburnc  (1737-1805). 
a.  Evidemment  Talleyrand,  alors  émigré  en  Amérique, 

3.  Bibliothèciue  de  Genève.  Papiers  D'Ivernois,  carton  I,  liasse  7. 

4.  Cette  «  réclamation  »  se  trouve  dans  la  même  liasse;  elle  est  d'une  écriture 
différente  de  celle  de  la  note. 

5.  Orthographe  moderne. 


1  48       REVUE    IlISTOniQUE    DE    LA    KÉVÛLUTIO.N    FltANÇ.VlSE    ET    DE    l'eMPIKE 

Le  iC)  juillet,  lu  lolalitt-  des  troupes  co/n/josées  des  trois  régi- 
ments il  cocarde  l>laitcUe,  et  du  corps  d'artillerie  de  Rothalier  se 
mirent  en  marche  pour  Jorcer  le  Camp  de  Sainte-Barbe.  Trois 
mille  Chouans  devaient  V attaquer  par  un  autre  point.  Aucune  de 
ces  attaques  ne  réussit,  on  perdit  beaucoup  de  monde,  et  si  l'on 
parvint  ii  faire  une  retraite,  ce  Jat  parce  que  les  républicains 
n'avaient  que  peu  ou  point  de  troupes  à  cheval.  Au  surplus,  celle 
affaire  du  16  fut  très  funeste  :  elle  découragea  les  troupes  et 
décida  beaucoup  de  gens  à.  se  ranger  au  parti  que  flattait  la 
fortune. 

Dans  la  nuit  du  20  au  21,  le  fort  Penthièvrefut  surpris  et  enlevé 
par  les  républicains  pendant  la  marée  basse,  et  toute  la  presqu'île 
ne  tarda  pas  à  subir  le  même  sort.  Cependant,  les  divers  chefs  de 
corps,  instruits  de  la  surprise  du  fort  Penthièvre  seulement  par  les 
colonnes  républicaines  qui  marchaient  sur  eux,  rallièrent  ce  qu'ils 
purent  de  monde,  et  dirigeaient  leur  retraite  sur  le  petit  fort  de 
Portaleguen,  où,  réunis  sans  munition  et  sans  aucun  moyen  de 
défense,  l'on  fut  réduit  à  capituler. 

L'amiral  anglais,  voyant  au  pavillon  qui  flottait  sur  le  fort 
Penthièvre,  et  au  désordre  qui  régnait  sur  la  presqu'île,  combien 
la  position  des  royalistes  était  critique,  envoya  le  plus  qu'il  put  de 
bâtiments  pour  sauver  du  monde  ;  des  chaloupes  canonnières  et 
des  corvettes  pour  en  protéger  la  retraite.  Leur  feu  fut  très  meur- 
trier sur  la  colonne  républicaine  qui  longeait  le  bord  de  la  mer. 
Sitôt  la  ra/tilulation  Jaile,  M.  De  Geri,  officier  de  la  marine,  se 
rendit  à  bord  à  la  nage  pour  le  ^  aire  cesser,  et  revint  à  terre.  Cet 
acte  de  courage  et  de  loyauté  ne  lui  a  /jus  moins  valu  que  d'être 
Jusillé. 

Le  corps  de  la  Marine  Royale  de  France  a  perdu  dans  l'e.rpé- 
dition  de  (Juiberon  83  ojficiers,  dont  i  chej  d'escadre,  6  chefs  de 
division,  S  capitaines  de  vaisseaii.v,  11  majors  de  vaisseau.r, 
45  lieutenants,  3  sous-lieutenants  de  vais.ieaux  et  g  élèves  de  la 
Marine.  ' 

L'on  ne  se  permettra  point,  dans  un  précis  aussi  serré,  d'enia- 

I.  La  noie  suivante,  de  la  main  de  D'ivcrnois,  se  trouve  en  manjc  de  ce  pstssage  : 
a  11  a  péri  plus  de  l'io  offiiicrs  de  la  Marine  dans  l'armée  de  Coudé,  dans  les  corps 
Cl  de  Bcon,  en  Hollamle,  et  dans  l'armée  royaliste  de  la  N'endée.  Depuis  la  Révo- 
0  lution  il  en  est  mort  naturellement  plus  de  aoo,  et  plusieurs  sont  devenus  inc«pa> 
Il  bles  de  servir  par  leurs  inUrmités  et  leur  âge.  ' 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  I^Ql 

mer  une  discussion  approfondie  sur  l'expédition  de  Quiberon.  Le 
projet  en  lui-mfinie,  et  tenté  en  (jrand,  était  sûrement  bon,  mais 
l'an  ne  rrnint  pas  de  dire  r/ue  les  moyens  d'exécution  étaient  si 
faibles,  si  mal  dirigés,  et  leur  réunion  si  dépendante  de  circons- 
tances presque  impossible  à  connaître,  (/n'il  n'en  pouvait  rien 
résulter  d'avantageux  pour  le  parti  du  Roi  de  France,  ni  de  glo- 
rieux pour  les  armes  de  S.  M.  B.  '  Les  frais  considérables  que  le 
gouvernement  anglais  a  faits  pour  cette  expédition,  les  pertes  de 
tout  genre  qu'il  a  souffertes,  réduisent  pour  tous  les  gens  sensés  à 
une  pure  et  gratuite  calomnie  les  reproches  de  trahison  que  les 
papiers  français  prodiguent  au  Cabinet  de  Saint-James  sur  cette 
expédition.  Il  n'en  sera  pas  de  même  du  reproche,  fondé  et  mérité 
par  le  gouvernement  français,  d'avoir  traîtreusement  violé  une 
capitulation,  pour  se  donner  l'atroce  et  barbare  Jouissance  de 
massacrer  des  milliers  d'individus,  dont  un  grand  nombre  déjà 
blessés  et  sans  défense,  et  d'autres  qui,  comme  le  Respectable 
Evêqae  de  Dol,  n'avaient  jamais  porté  les  armes. 


A  propos  de  la  mort  du  tzar  Paul  P''  ^ 

ÇiiJ23  mars  i8oi^ 

Dans  la  Revue  rétrospective  de  1848,  J.  Taschereau  a  publié  une 
lettre  privée,  adressée  à  Guizot  par  une  «  femme  d'État  »,  dont  il 
n'imprime  pas  le  nom,  concernant  le  meurtre  du  tzar  Paul  I". 

On  sait  que,  d'une  part,  cette  Revue  ne  renferme  guère  que  des 
documents  sur  lo  règne  de  Louis-Philippe,  recuoillis  après  la  prise 
des  Tuileries  ;  que,  d'autre  part,  elle  n'est  pas  pourvue  d'une  table 
analytique  dos  noms  et  matières.  Comme,  enfin,  la  lettre  en  ques- 
tion se  trouve  incluse  dans  un  article  intitulé  :  M.  Guizot  et  le  suc- 
cès de  r  «  Histoire  du  Consulat  et  de  l'Empire  »  ^,  il  n'est  pas  éton- 
nant qu'elle  ait  échappé  aux  historiens  de  Paul  I"  et  d'Alexandre  I". 

I.  Sa  Majesté  BritaDDique. 

a.  \o\t  la  Revue  Historique  de  la  Révolution  française  el  de  l'Empire  de  juil- 
let-septembre 1913,  article  de  M.  Goriaïnow,  pages  4o6-4o7- 

3.  Revue  rétrospective  ou  archives  secrètes  du  dernier  gouvernement,  recueil 
non  périodique;  Paris  (Paulin),  gr.  in-8»  ;  p.  AgS  (n°  3i  el  dernier).  La  Préface 
du  n"  I  (mars  1848)  est  signée  :  «  J.  Taschereau  ».  —  (Notes  aux  .\rchives  de  la 
Seine,  sur  le  dépouillement  des  papiers.) 


l5o       REVUE    HISTORIQUE   DR    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAJSE    ET    DE    l'eMPIRE 

Il  peut  doQc  être  utile  de  lui  donner,  avec  un  indispensable  com- 
mentaire, une  nouvelle  publicité. 


DOCUMENT    TASCHEREAU 

M.  Giiisot  et  le  succès  de  l'Histoire  du  Consulat  et  de  l'Empire. 

«  Les  trois  premiers  volumes  de  l'Histoire  du  Consulat  et  de 
l'Empire  parurent  en  mars  i845,  et  obtinrent,  dès  leur  apparition, 
un  succès  d'enthousiasme,  que  quatre  autres  volumes  sont  depuis 
venus  justifier.  Il  paraîtrait,  d'après  les  archives  de  M.  Génie',  que 
les  courtisans  de  M.  Guizot  rendaient  à  cet  homme  d'Etat  assez  peu 
de  justice  pour  croire  que  le  moyen  de  le  flatter  était  de  se  montrer 
grossièrement  injuste  envers  M.  Thiers  et  son  travail.  Nous  ne  pou- 
vons, à  cause  des  sujets  intimes  qui  y  sont  traités,  publier  une 
lettre  du  25  mars  i845,  signée  par  une  des  parties  prenantes  des 
bons  du  ministre  des  Affaires  étrangères*,  mais  en  voici  le  post- 
scriptum  : 

«  Je  viens  d'achever  la  lecture  des  trois  volumes  de  l'Histoire  du 
K  Consulat  et  de  l'Empire,  un  crayon  et  une  loupe  à  la  main.  J'ai 
«  de  fières  démangeaisons  d'écrire  mes  impressions  àc  femme  d'Etat, 
«c  sur  cette  collection  bureaucratique...  Mais,  pour  me  rincer  la 
a  bouche,  je  me  suis  mise  ii  relire  l'Histoire  d'Angleterre  et 
«  Washington  ». 

«  Nous  trouvons,  on  outre,  dans  les  mêmes  papiers,  une  relation 
de  l'assassinat  de  Paul  I'"',  qui  n'est  pas  sur  le  ton  du post-scriptum, 
mais  qui  a  la  prétention  d'être  plus  exacte  que  le  récit  de  M.  Thiers. 
Nous  avons  pensé  qu'il  pouvait  n'élre  pas  sans  intérêt  de  conserver 
cette  autre  version.  La  voici  "  : 

«  Les  détails  du  meurtre  de  Paul  \",  que  j'ai  r<'cueillis,  dilTèrent 

I.  Chef  du  cabinet  et  secrétaire  de  Guizot. 

a.  Très  iirobablement  la  princesse  de  Lieven  (née  BenJjendorfT),  veuvp  en  iSSg  du 
prince  Cbristopbe  de  Lieven  (ambassadeur  de  Russie  à  Londres  de  1812  à  i834). 
Elle  s'éUùl  fixée  à  l'aris  en  1837;  elle  tenait  à  l'hôtel  Talleyrand  un  salon  diploma- 
tique célèbre,  et  passait  pour  inspirer  Guizot. 

3.  Cq  préambule,  de  Tascbereau,  tst  en  petits  caractères  et  entre  crochets.  L'é- 
diteur n'a  pas  aulhentiiiué  ni  guillemeto  la  lettre  de  la  0  femme  d'Etat  »,  qui 
s'était  empressée  de  quitter  Paris  après  les  journées  de  février,  luais  qui  revint  y 
habiter,  et  y  mourut  en  1857. 


MBLANGES  ET  DOCUMENTS  l5l 

«  du  récit  de  M.  Thiers  '  en  certiins  points  ;  ce  sont  peut-être  les 
«  plus  essentiels.  Je  vais  d'abord  indiquer  la  source  dans  laquelle 
«  M.  Thiers  se  nble  avoir  puisé.  En  parlant  d'un  émigré  français 
«  qui  aurait  lu  les  Mémoires  du  comte  de  /iennigsen  ^  M.  Thiers 
«  veut  sans  doute  parler  de  M.  d'Aragon,  qui,  vers  l'année  1812", 
«  s'était  lié,  par  un  concours  de  circonstances  fortuites,  avec  le 
«  général  de  Bennigsen.  M.  d'Aragon  a  lu  les  Mémoires  du  général, 
«  il  les  a  même  eus  pendant  quelques  jours  à  sa  disposition.  Il 
«  devient  dès  lors  probable  qu'il  a  copié  l'article  ayant  trait  à  la 
'i  mort  de  Paul  I"'.  Ce  qui  le  ferait  admettre,  c'est  que  le  récit  de 
(!  M.  Thiers  se  trouve,  d'après  les  souvenirs  des  personnes  de  ce  pays 
«  qui  ont  lu  ces  Mémoires,  entièrement  conforme  au  récit  consigné 
«  dans  les  papiers  de  M.  de  Bennigsen  ;  mais  le  général  de  Bennig- 
«  sen  n'a  pas  écrit  la  vérité. 

«  On  comprend  qu'il  n'ait  pas  voulu  avouer  qu'il  avait  participé 
«  matériellement  à  la  mort  de  l'Empereur  et  qu'il  ait  cherché  k 
«  défigurer  un  fait,  que  les  résultats,  quelque  heureux  qu'ils  aient 
«  pu    être',   ne  peuvent   néanmoins  justifier.    M.    de    Bennigsen, 


1.  Histoire  du  Cnnsulat  et  de  /'Empire  (i""  éd.),  i84û,   t.  II,  |i|).  424  à  /|35. 

2.  Thiers  donne  comme  sources  de  son  récit  :  i"  Bignon,  secrétaire  d'ambassade 
prés  la  cour  de  Prusse;  3"  les  «  précieux  mémoires  manuscrits,  aujourd'hui  pro- 
priété de  la  France,  d'un  émigré  français  qui  avait  passé  sa  vie  au  service  de  la 
Ru.-rsie,  s'y  était  acquis  une  certaine  renommée  militaire,  était  devenu  l'ami  du 
comte  Pahlen  et  du  général  Bennigsen,  et  qui,  «  se  trouvant  un  jour  dans  les  terres 
du  comte  Pahlen  »  avec  Benningsen,  avait  obtenu  de  l'un  et  de  l'autre  des  détails 
circonstanciés.  —  Thiers  ne  dit  nulle  part  que  l'émigré  ait  eu  entre  les  mains  des 
Mémoires  de  Bennigsen.  Tliicrs  écrit  constamment  :  n  Benningsen  ».  Les  péri- 
phrases dont  il  se  sert  désignent  assez  clairement  Langeron,  et  pas  du  tout 
d'Aragon. 

3.  Bcmiigsen  était  le  premier  général  russe  qui  eùl  osé  tenir  tête  à  Napoléon 
(Eylau,  f(''vr.  1807).  En  :8i2,  le  succès  qu'il  avait  remporté  à  Tarontino  lui  valut 
l'ordre  de  Saint-Wladimir  de  i'"  classe  et  un  cadeau  de  cent  raille  roubles.  En  i8i3, 
il  commanda  en  chef  l'armée  de  Pologne.  D'.\ragon  était  parmi  les  émigrés  ([ui 
rentrèrent  en  France  avec  les  Cosaques. 

4.  La  femme  d'État  se  place  au  point  de  vue  de  la  Russie.  Elle  oublie  un  peu 
qu'elle  écrit  à  un  Français,  témoin  de  deux  invasions...  Mais  Guizot  avait  été  à 
Gand,  ainsi  que  le  lui  avaient  rappelé,  en  janvier  i844i  les  légitimistes  «  flétris  ». 
Il  était,  lui  aussi,  rentré  dans  les  fourgons  de  l'étranger.  —  La  suite  du  récit  ex- 
plique l'expression  ;  «  matériellement  ».  Ces  distinctions  subtiles  sont...  grossières. 
Pour  le  prince  de  Ligne,  c'est  Kedor-Petrowicli  Ouwaroff  qui  fut  l'étrangleur  :  il 
ne  le  nommait  pas  autrement  à  l'époque  oii,  général,  aide  de  camp,  homme  de 
conflancc  d'Alexandre,  Ouwaroff  figurait  au  congrès  de  Vienne  (Voir  l'article  de 
M.  le  commandant  Weil,  Revue  de  Paris,  i"  juin  i(ji3,  p.  611  et  note  6.) 


l52       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

«  d'origine  hanoviienne  ',  s'était  retiré  dans  le  Hanovre  ',  et  plus 
«  d'une  fois,  il  s'est  laissé  aller  à  des  communications  de  nature  à 
«  démentir  ce  qui  se  trouvait  consigné  dans  les  Mémoires  lus  par 
«  M.  d'Aragon. 

«  Après  une  lutte  assez  violente  dans  laquelle  Paul  I^'',  déjà 
a  blessé,  fut  renversé  par  terre,  Plato-Suboff,  courbé  sur  l'Empe- 
«  reur,  se  retourna  vers  Bennigsen  et  dit  :  «  Dennigsen  ! 
«  l'écharpe  !  »  M.  de  Bennigsen  remit  alors  son  écharpe  à  Suboff, 
«  et  ajouta  ces  paroles  :  «  Achevez-le  !  »  Ce  fut  au  moyen  de  cette 
«  écliarpe,  aux  couleurs  de  la  Russie,  que  l'infortuné  Paul  fut 
«  étranglé  '.  D'après  les  récits  qui  m'ont  été  faits,  M.  de  Bennigsen 
«  aurait  assisté  jusqu'à  la  fin  à  ce  drame  horrible,  et  ce  serait  lui 
a  qui,  à  diverses  reprises,  aurait  pendant  l'accomplissement  du 
«  crime,  soutenu  la  résolution  dos  conjurés,  dont  la  plupart  venaient 
«  de  puiser  le  courage  dans  les  fumées  de  l'orgie.  Le  comte  âe 
«  Bennigsen  et  le  comte  Pahlen  *  étaient  les  seuls  qui  eussent  con- 
«  serve  leur  raison  entière.  Je  tiens  le  récit  qui  précède  de  quelques 
«  hommes  actuellement  haut  placés,  qui  ont  été  fort  liés  avec  le 
«  général  de  Bennigsen,  pendant  les  dernières  années  de  sa  vie°. 
«  L'un  de  ces  messieurs,  auprès  duquel  j'insistais  pour  obtenir  des 
«  éclaircissements,  et  auquel  j'objectais  le  récit  de  M.  Thiers,  me 
«  répondit  :  «  //  me  semble  voir  le  froid  et  impassible  Dennigsen 
«  prononcer  ces  paroles  :  Aclieves-le  !  —  Ces  mots  peignent  son 
«  caractère  ». 

1.  Il  rtai!  ne  à  Brunswick,  lo  lo  février  1745.  La  famille  est  originaire  de  la 
Basse-Saxe  où  se  trouve  le  château  de  Bennigsen,  près  Calenberg.  Mais  le  général 
russe  avait  débuté  c  mme  page  et  officier  au  service  du  Hanovre. 

a.  Il  mourut  à  Bantein,  près  Hanover  (1826). 

3.  D'après  Thiers,  la  lampe  fut  renversée  au  moment  où  Paul  I^'  se  défendait 
de  signer  son  acte  d'abdication.  «  Benningsen  court  en  chercher  une  autre  et,  en 
rentrant,  il  trouve  Paul  expirant  sous  les  coups  de  deux  des  assassins.  L'un  lui 
avait  enfoncé  le  crAne  avec  le  pommeau  de  son  épée,  l'autre  lui  avait  serré  le  cou 
avec  son  écharpe  »  (/ii'rf.,  p.  433). 

4.  Pierre  .^lexiévilch,  comte  de  Pahlen,  fui  éloigné  de  la  Cour  par  Alexandre  I", 
et  finit  ses  jours  sur  ses  terres,  près  de  Millau  (i8a6).  .Mais  son  lils  Pierre-Petro- 
vitch,  un  des  plus  célèbres  généraux  russes  (i776-i804),  représenta  Nicolas  I" 
aujircs  de  Louis-Philippe,  de  1830  à  i84i.  Il  IVéquenla,  ainsi  que  tous  les  diplomates, 
le  salon  de  la  princesse  de  Lieven.  Livonien  d'origine,  comme  le  prince  de  Licven, 
il  a  pu  opposer  la  version  Pahien  à  la  version  Bennigsen.  Mais  si  la  princesse  avait 
cite  sa  vraie  source,  celle-ci  n'aurait  pas  mérité  plus  de  crédit  que  la  première  ! 

5.  C'est  en  1818  qu'il  prit  sa  retraite  et  revint  eu  .\llemagnc.  Il  perdit  la  vue. 
II  vécu,t  si.\  ans  encore,  jusqu'au  3  octobre  i83t3.  Ces  dates  rendent  vraiseinbla» 
bles  les  explications  de  la  «  feiuine  d'Ltat  >. 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  l53 

«  La  version  que  je  viens  de  donner  est  déjà  connue  ;  elle  est 
«  reproduite,  partiellement  il  est  vrai,  dans  plusieurs  historiens 
«  allemands.  Il  est  probable  que  les  sources  dans  lesquelles  ces 
«  écrivains  ont  puisé  ne  sont  autres  que  les  indiscrétions  échappées 
«  dans  le  temps  aux  amis  et  confidents  de  M.  de  Bennigsen  et  de 
«  ses  complices. 

«  Il  ne  sera  peut-être  pas  sans  intérêt  de  savoir  ce  que  sont  deve- 
«  nus  les  Mémoires  de  M.  de  Bennigsen.  A  la  mort  de  ce  général, 
«  M.  de  SchrOder,  ministre  de  I\ussie  près  les  cours  de  Dresde  et 
«  Hanovre,  s'est  rendu  à  Hanovre,  et  il  a  obtenu  de  la  veuve  la 
«  remise  des  manuscrits  eu  échange  d'une  pension  de  6.000  roubles, 
«  réversible  sur  les  enfants. 

«  Suivant  M.  Hormayer,  une  copie  aurait  toutefois  été  conservée 
«  par  la  famille  de  Bennigsen.  Le  peu  de  considération  accordée  à 
«  cet  écrivain  '  permet  d'envisager  ce  fait  au  moins  comme  dou- 
«  teux.  » 


Le  document  Taschereau  ne  résout  évidemment  pas  la  question 
«  matérielle  »  de  l'assassinat.  Rien  d'ailleurs  n'aurait  pu  la  résoudre, 
sinon  une  instruction  judiciaire  :  enquête  sur  place,  procès-verbal 
de  l'état  des  lieux,  procès-verbal  d  autopsie,  déclarations  des  témoins 
et  acteurs,  confrontations,  aveux.  Or —  en  France  du  moins  —  l'on 
commença  par  accuser  l'Angleterre  et  son  ambassadeur  Withworth  : 
«  C'est  à  l'histoire,  imprima  le  Moniteur  (alors  officiel),  à  éclaircir 
le  mystère  di-  cette  mort  tragique,  et  à  dire  quelle  e^t  dans  le 
monde  la  politique  intéressée  à  provoquer  une  telle  catastrophe".  » 

1.  Le  baron  Joseph  de  Hormayer,  né  à  Innsbruck  en  1781,  mort  à  Munich  en 
1848,  major  de  la  landwehr  tyrolienne  à  dix-neuf  ans,  puis  attaché  au  ministère  des 
AlTaires  étrangères,  accompagna  en  1809  l'archiduc  Jean  pour  provoquer  Tinsur- 
rection  du  ïyrol,  dont  il  fut  plus  tard  l'historien.  Entre  temps  il  avait  été  direc- 
teur des  archives  aux  Affaires  étrangères.  —  Passe  en  i8a8  dans  la  diplomatie  ba- 
varoise, il  représenta  le  roi  Louis  près  la  cour  de  Hanovre.  Il  mourut  directeur 
des  archives  du  royaume  de  Bavière.  —  On  voit  qu'il  se  trouva  parfaitement 
placé  pour  être  bien  informé  sur  le  point  particulier  dont  il  s'agit,  et  avec  lequel 
n'a  rien  à  voir  le  plus  ou  moins  de  «  considération  »  que  lui  accorde  la  femme 
d'Etat.  Rappelons  qu'à  l'occasion  de  ces  rapports  avec  cette  Egérie  cosmopolite, 
«  partie  prenante  des  bons  du  ministère  des  .'affaires  étrangères  »,  l'austère  Guizot 
ne  fut  pas  épargné  par  les  mauvaises  langues  du  parti  de  Thiers. 

2.  Thiers  n'indique  pas  le  locus.  Le  Moniteur  de  l'an  IX,  autant  que  j'ai  pu 
m'en  assurer,  ne  contient  pas  cette  phrase.  Peut-être  ce  soupçon  n'a-t-il  été  publié 
que  lors  de  la  rupture  de  la  paix  d'Amiens. 


l54       REVUE    HISTORIQUE   DE   LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

Thiers  s'étonne  d'une  telle  insinuation,  si  peu  conforme  à  «  l'impar- 
tialité »  du  premier  Consul.  Il  s'agissait  bien  d'impartialité  !  L'occa- 
sion était  trop  belle  pour  ne  pas  appliquer  à  la  perfide  Albion  le 
proverbe  si  commode  :  h  fecit  cui  prodest.  Au  reste,  la  vérité  fut 
vite  connue  sur  la  «  révolution  de  palais  »,  dont  les  causes  et  les 
excuses  présentaient  plus  d'un  rapport  avec  un  des  derniers  actes 
politiques  de  Pierre  le  Grand,  et  avec  le  premier  acte  politique  de 
^iatherine  II,  la  Sémiramis  du  Nord. 

La  lettre  de  la  femme  d'Etat  suggère  d'autres  problèmes  que 
ceux  du  détail  de  l'assassinat. 

1°  La  lettre  est-elle  bien  de  la  princesse  de  Lieven  ?  On  ne  pour- 
rait en  être  absolument  certain  que  par  la  production  de  l'original. 
Mais,  il  y  a  bien  des  raisons  de  la  lui  attribuer.  D'abord,  ses  rela- 
tions intimes  avec  Guizot,  à  qui  elle  a  légué  ses  papiers  et  notes 
diplomatiques.  Ensuite,  on  ne  voit  pas  d'autre  personne,  dans  la 
haute  société  de  l'époque,  qui  ait  pu  s'intéresser  au  bout  de  qua- 
rante ans  à  la  mort  de  Paul  l",  et  se  donner  comme  confidente  des 
conspirateurs.  Mais  il  y  a  un  argument  plus  décisif.  Un  récit  de  la 
mort  de  Paul  I"='',  par  la  princesse  «  Darja  Christophorowna  Liewen, 
née  baronne  Benkendorff  »,  a  été  publié  en  1902,  a  Berlin,  par  le 
professeur  Théodore  Schiemann  '. 

Maliieureusement,  ce  récit  n'a  d'autre  date  que  celle  de  l'événe- 
ment raconté.  On  ne  peut  guère  se  risquer  à  le  déclarer  soit  anté- 
rieur, soit  postérieur  à  la  lettre. 

Il  se  présente,  non  sous  forme  d'une  conclusion  historique,  mais 
comme  un  témoignage,  comme  un  fragment  de  Mémoires  personnels. 

En  1801,  la  baronne  de  Benkendorff  venait  d'épouser,  à  l'âge  de 
quinze  ans,  le  prince  de  Lieven,  aide  de  camp  et  ministre  de  la 
Guerre  de  Paul  I",  d'autre  part  ami  intime  de  Pahlen.  Malgré  cette 
liaison,  le  prince  de  Lieven  ne  fut  pas  initié  au  complot.  11  était 
depuis  quelque  temps  malade^,  se  faisait  poser  des  vésicatoires, 
gardait  la  chambre. 

Dans  le  récit  du  crime,  soi-disant  composé  d'après  les  premières 
versions  qui  circulèrent,  la  narratrice  ne  met  pas  en  scène  Bennig- 


I.  P.  35  à  52  du  rerm-il  intitulé  :  Die  Ermordang  Pauls  und  die  Thronbe- 
ateigang  Nicoluus  I,  neue  Materialien,  etc.,  Berlin  (Reimer),  1903.  —  Bib.  Nat.  8» 
M  ia.278. 

a.  On  est  en  droit  de  soupçonner  qu'il  faisait  le  malade  et  que  l'Empereur  s'eD 
doutait  l)ien,  ear,  ne  le  voyant  plus  au  palais  Michel,  il  le  révoqua  durement. 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  l55 

sen,  ni  son  écharpo  '.  Elle  le  décrit  au  physique  :  «  grand,  sec,  raide 
et  grave,  la  statue  du  Commandeur  dans  Don  Juan.  »  C'est  lui 
donner  implicitement  un  rôle  de  justicier. 

De  Pahlen,  qu'elle  dit  avoir  mieux  connu,  elle  fait  un  portrait 
séduisant  :  «  haute  stature,  front  élevé,  physionomie  ouverte,  hon- 
nête, joviale.  »  Il  avait  toutes  les  qualités,  esprit,  originalité,  bon- 
homie, finesse.  C'était  l'image  vivante  de  la  «  droiture,  de  la  joie 
et  de  l'insouciance  ». 

Cependant  elle  dit  ailleurs '^  :  «  La  troupe  de  Pahlen  »,  qui  se 
tint  constamment  en  dehors  du  palais,  «  devait  sans  doute,  suivant 
l'occurrence,  porter  secours  à  l'Empereur  ou  proclamer  son  succes- 
seur. »  Etrange  contradiction  !  M'"'  de  Lieven  met  Alexandre  abso- 
lument hors  de  cause,  tout  en  insistant  sur  les  raisons  qu'il  pouvait 
avoir  de  croire  l'empire  russe,  sous  le  sceptre  d'un  demi-fou,  en 
perdition,  et  de  se  considérer  lui-même  comme  en  état  de  légitime 
défense.  Elle  se  porte  caution  de  son  «  angélique  pureté  ».  Elle 
a  vu  son  désespoir,  surtout  en  présence  de  l'Impératrice  douai- 
rière'. Colle-ci  aurait  réclamé  hautement  le  châtiment  des  conspira- 
teurs. C'était  impossible,  vu  leur  nombre  et  leur  qualité.  .\  Saint- 
Pétersbourg,  «  non  seulement  aucun  des  conjurés  ne  se  cachait  de 
son  crime,  mais  chacun  avait  son  histoire  à  raconter  et  se  vantait 
peut-être  de  pire  qu'il  n'avait  fait  ».  Elle  cite  le  récit  de  Pahlen,  qui, 
incriminé  a  brûle-pourpoint  par  Paul  I*"^,  la  veille  même  du  crime, 
se  tira  d'affaire  par  son  aplomb.  Après  l'événement,  il  aurait  eu 
l'imprudence  de  dire  de  l'Impératrice  :  «  Je  saurai  bien  me  débar- 
rasser de  la  femme,  comme  je  l'ai  fait  du  mari.  »  Il  fut  seul  puni, 
c'est-à-dire  relégué  dans  ses  terres  de  Courlande.  A  tous  les  anni- 
versaires du  II  mars,  il  s'enivrait  régulièrement  à  lo  heures  du 
soir,  pour  ne  sortir  de  cet  état  que  le  lendemain.  Il  mourut  quel- 
ques semaines  après  .\lexandre. 

On  voit  que  ce  récit,  que  nous  résumons  a  grands  traits,  ne  dit  k 
peu  près  rien  des  circonstances  matérielles  du  crime,  et  qu'il  ne 
tend  pas  à  charger  Bennigsen,  pas  plus  qu'à  innocenter  Pahlen. 


1.  Tout  se  sérail  passé  en  ilix  minutes,  d'après  elle,  dans  la  chambre  à  coucher 
de  Paul. 

2.  I'.  45. 

3.  La  mère  du  prince  de  Lieven,  gouvernante  des  jeunes  frères  d'.Alexandre, 
et  confidente  de  l'impéralrice,  peut  être  ici  regardée  comme  la  véritable  informa- 
trice. 


l56       REVUE    HISTORIQUE  DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

Il  n'y  a  pas,  en  somme,  contradiction  avoc  la  lettre.  La  lettre  sem- 
blerait plutôt  compléter  le  récit  d'après  les  informations  obtenues 
ultérieurement. 

2°  Les  mémoires  dont  parle  Thiers  sont-ils  ceux  de  d'Aragon  ? 
Il  ne  saurait  s'agir  que  de  Jean-Louis-Henri  Bancalis  de  Maurel, 
marquis  d'Aragon,  pair  de  France  sous  la  Restauration.  Or,  on  ne 
connaît  pas  do  Mémoires,  soit  imprimés,  .soit  manuscrits,  portant 
son  nom.  D'autre  part,  ce  personnage  ne  s'e.st  acquis  aucune 
«  renommée  militaire  »,  et  n'a  eu  de  relations  suivies  ni  avec  Fab- 
ien, ni  avec  Bennigsen.  La  périphrase  dont  Thiers  s'est  servi 
s'applique  au  contraire  parfaitement  au  comte  de  Langeron,  doDt 
les  mémoires  manuscrits  sont  effectivement  propriété  de  la  France  '. 
Ces  Mémoires  ont  été  publiés,  mais  partiellement,  par  la  Société 
d'histoire  contemporaine  :  un  volume  allant  de  1792  à  i794i  Pt 
un  volume  sur  les  campagnes  de  1812,  i8i^3  et  i8i4.  Quant  à  la 
partie  intermédiaire,  elle  comprend  effectivement  un  récit  de  la 
mort  de  Paul  1^'. 

Ce  récit  a  été  utilisé  par  Thiers,  mais  concurremment  avec 
d'autres  sources.  Il  a  été  reproduit  ou  du  moins  largement  analysé 
dans  un  article  de  la  Bévue  britannique'. 

Quant  aux  Mémoires  de  Bennigsen,  écrits  sous  forme  de  lettres,  on 
sait  qu'ils  commençaient  en  1768  et  qu'en  1818.  ils  comptaient  sept 
volumes.  A  la  mort  de  l'auteur,  des  éditeurs  français  en  offrirent 
k  la  veuve  60.000  thalers.  Elle  ne  voulut  pas  les  vendre  sans  l'autori- 
sation du  gouvernement  russe,  elle  la  demanda  par  l'intermédiaire 
de  von  Struwe,  ministre  de  Russie  à  Hanovre.  On  lui  répondit  de 
communiquer  les  Mémoires,  en  lui  faisant  la  promesse  de  les  lui 
renvoyer  :  l'on  n'en  fit  rien.  Mais  une  des  filles  du  général,  Sophie 
von  Lente,  avait  eu  la  précaution  de  faire  prendre  la  copie  des  pai^ 
lies  les  plus  intéressantes.  C'est  des  archives  privées  de  la  famille 
Bennigsen  que  M.  Théodore  Schiemann  put  tirer  et  publier,  un  siècle 
après  l'événement  du  11  mars,  la  «  lettre  »,  c'est-a-dire  le  chapitre 
où  il   le  racontait  h  sa  façon  ^.  M.  E.  Cazalas,  capitaine  du  génie 


I.  Ministère  des  Affaires  clrangères.  Mémoires  France,  t.  XX  à  XXV. 

a.  La  mort  de  Paul  I"  d'après  tes  Mémoires  inédits  de  Langeron,  conservés 
aux  Arc/iiues  des  Affaires  étrangères,  .\rticle  cite  par  M.  E.  Cazalas.  (Voir  ci- 
ajiros.) 

3.  Graf  von  Benniijsens  Bricf  an  dcn  General  von  Fock  ubcr  die  Ermordimg 
Kaisers  l'aul  1  {Hislur.  Vierteljaliresctirift,  igoi,  t.  I.  p.  5S). 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  l57 

breveté,  qui  a  publié  en  1907  '  la  seule  partie  des  Mémoires  de  Ben- 
iiigsen  (de  1806  à  181 3),  que  l'on  ait  retrouvée  en  Russie,  a  traduit 
dans  sa  remarquable  Introduction  (p.  xxiv  à  xxvii),  le  récit  de  Ben- 
uigsen  qui  concorde,  ainsi  qu'on  pouvait  s'y  attendre,  avec  celui 
((ue  lui  prête  Langeron,  comme  aussi  avec  l'exposé  du  prince  Eugène 
de  Wurtemberg  *. 

Bennigsen  déclare  qu'au  moment  du  meurtre  il  était  hors  de  la 
chambre  à  coucher.  —  II  en  fut  témoin,  dit  Langeron.  —  Il  fît 
passer  son  écharpe  aux  exécuteurs  pour  l'achever,  dit  la  «  femme 
d'Etat  ».  —  D'après  Las  Cases,  «  il  donna  le  dernier  coup  et  marcha 
sur  le  cadavre'.  »  Pour  M.  Cazalas,  comme  pour  la  plupart  des 
historiens,  Pahlen  fut  vraiment  la  tête  du  complot.  Quant  au  rôle 
de  Bennigsen,  il  consista  sans  doute  à  veiller  à  l'exécution  et  à  ne 
pas  laisser  traîner  la  chose. 

Tout  bien  pesé,  le  récit  le  plus  vraisemblable  an  fait  paraît  encore 
être  celui  de  Veliaminov-Sernov''.  Les  conjurés,  qui  étaient  une 
quinzaine  au  moins  —  sans  compter  les  officiers  du  2'  régiment  de 
la  Garde,  —  commencèrent  par  des  discours  et  des  reproches  à 
Paul  !"■,  qui  s'était  jeté  à  bas  de  son  lit  et  caché  dans  la  cheminée 
derrière  un  paravent.  Alors  Bennigsen  demanda  si  l'on  était  venu 
là  pour  s'amuser.  .\  ces  mots  Nicolas  Zubov,  un  colosse,  saisit 
une  tabatière  en  or  massif^  et  en  frappa  à  la  tempe  gauche  l'Empe- 
reur qui  était  tombé  à  genoux.  Tous  les  autres  conjurés  se  précipi- 
tèrent pour  l'achever. 

Etait-il  bien  mort  ?  L'écharpe  a  pu  servir  à  s'en  assurer.  Il  fallait 
aussi  penser  au  décorum  do  l'exposition  officielle  du  cadavre.  Les 


1.  3  vol.  gr.  in-8°,  librairie  Lavauzelle. 

2.  \ori  Helldorff.  Ans  dem  Leben  des...  Prinzen  Eugen  von  Vûrlemberçf, 
etc.  Berlin,  1861,  p.  i35. 

3.  Mémorial,  t.  II,  p.  02. 

4.  Dans  Tliéod.  Schiemann,  ouvrage  cité,  p.  3o. 

5.  Détail  caractérislique,  et  mieux  en  situation  nue  le  pommeau  d'épée  donl 
parle  ïhiers.  —  Langeron  approuve  Pahlen  de  s'être  ouvert  à  Valérien  Zubov. 
Quant  à  ses  deux  frères,  Platon  Zubov  «  était  le  plus  lâche  et  le  plus  vil  des 
liiimmes  »  ;  Nicolas  Zubov  était  un  «  taureau  qui  pouvait  avoir  de  l'audace  quand 
il  ctiùt  ivre,  et  non  autrement  )'.  Ce  jugement  s'expli(jue  par  le  récit  de  Velia- 
minov-Sernov. —  Le  Moniteur  (officiel)  français  parle  peu  des  derniers  actes  de 
Paul  1°'',  et  pas  du  tout  du  crime  (An  IX,  pp.  129,  941,  945i  gtii,  1067).  Pour  les 
obsèques  (p.  945)  il  donne  ce  détail,  que  la  famille  étant  tenue  de  faire  à  pied 
une  lieue  et  (juart,  on  aménagea  un  parquet  en  planche  couvert  de  drap  noir 
pour  le  trajet.  Etait-ce  le  symbole  de  parents  marchant  sur  leur  deuil  ? 


]58       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRT 

hommes  de  l'art  réparèrent  autant  que  possible  les  affreux  résultats 
de  la  sinistre  besogne,  la  victime  avant  été  déflgurée  par  le  casse- 
tête  de  Nicolas  Zubov.  « 

H.    MONIN. 


La  question  du  pain  à  Paris  en  l'an  IX 

La  lettre  suivante,  adressée  au  général  Junot,  le  25  fructidor 
an  IX,  offre  un  bref  mais  intéressant  tableau  des  mouvements 
populaires  provoqués  à  cette  époque  à  Paris  par  la  rareté  du  pain. 
Elle  a  aussi  cet  autre  intérêt  de  montrer  comment  le  méconten- 
tement populaire  faisait  remonter  au  Premier  Consul  la  responsa- 
bilité de  cette  situation. 

C.  V. 

PLACE  DE  PARIS 

6'  arrondissement  /y'  brigade 

Le  20  fructidor  an  g  de  la  République  française 
une  et  indivisible. 

Général, 

J'ai  l'honneur  de  vous  rendre  compte  que  les  Jacobins  se  ré- 
jouissent de  voir  la  queue  à  la  porte  des  boulangers  et  disent  que 
Bonaparte  est  très  bon  pour  commander  une  armée,  mais  non  pour 
gouverner.  Les  autres  citoyens  craignent  de  se  trouver  encore  ex- 
posés à  manquer  de  pain,  vu  qu'il  est  enlevé  dès  le  matin. 

Aujourd'hui  il  g  a  la  quefie  chés  les  boulangers,  mais  tout  est 
assés  tranquile. 

Il  y  a  apparance  que  les  boulangers  ont  eu  ordre  de  faire  des 
pains  de  deux  livres  pour  satisfaire  ceuœ  qui  n'ont  point  l'habitude 
de  prendre  du  pain  chés  eux  pour  les  empêcher  de  crier,  mais  les 
foni  de  quatre  livres  pour  leurs  pratiques. 

Vers  les  six  heures  du  matin,  il  y  avait  une  grande  queue  chés 
un  boulanger  rue  Frépillon  qui  a  été  discipée  jjar  les  huées  des 
Jardinières  qui  revenaient  de  la  Halle,  qui  traitaient  de  Jacobins 
ceu.v  qui  la  faisaient  et  leurs  disaient  qu'eux  seuls  étaient  capables 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  iSg 

de  faire  ces  sortes  de  rassemblemens  et  troubler  ainsi  la  tranquilité 
publique.  Aujc  Jardinières  se  sont  joins  les  voisins  qui  par  leurs 
croisées  ont  arrosé  la  queiie. 
Salut  et  respect. 

Le  capit^  adjnâ^  près  In  77®  brigade 
DUMEZ. 

[Suscription  :]  Au  Général  Junot  (à  lui  seul),  commandant  d'ar- 
mes de  la  Place  de  Paris  '. 

I.  Bibliothèque  nationale,  Mss.,  Nouv.  acq.  fr.,  2730. 


TRAVAUX  BIBLIOGRAPHIQUES 


Essai  d'une  IiiDliograptiie  de  J.-B.  Carrier 


II 
CARRIER  DEVANT  LA  CONVENTION 

42.  —  Appel  nominal  des  3  et  4  frimaire,  l'an  III'  de  la  Répu- 
blique française,  une  et  indivisible,  sur  cette  question  :  Y  a-t-il  lieu 
à  accusation,  oui  ou  non,  contre  le  citoyen  Carrier,  représentant 
du  peuple  ? 

Imprimé  par  ordre  de  la  Convention  Nationale,  distribué  à  ses 
membres,  et  envoyé  aux  Départements  et  aux  Armées. 

A  Paris,  de  l'Imprimerie  Nationale  des  lois.  Frimaire,  an  III=. 

In-80  de  87  p. 

Autre  édition  :  A  Paris.  De  rimprimerie  nationale.  —  In-8°  de  34  p- 

Autre  édition  :  In-8°  de  78  p. 

43.  —  Carrier  à  la  Tribune  de  la  Convention  Nationale  (dans  les 
séances  des  i  et  2  frimaire  an  111). 

S.  1.  n.  d.  —  In-8°  de  72  p. 

44-  — Discours  prononcé  par  le  Représentant  du  Peuple  Carrier, 
à  la  Convention  Nationale,  dans  sa  séance  du  soir  du  3  frimaire  de 
l'an  III  de  la  République  française  une  et  indivisible. 

Imprimé  en  vertu  du  décret  du  8  brumaire,  l'an  III. 

In-8°  de  i()  p- 

I.  Voir  lieime  liistorique  de  la  Révolution  française  et  de  l'Empire  d'octobre- 
décembre  1913. 


TUAVAUX    BIBLIOGRAPHIQUES  l6l 

45-  —  Pièces  remises,  à  cinq  époques  difrérentes,  parles  Comités 
réunis,  à  la  Commission  des  vingt-un. 

Imprimées  par  ordre  de  la  Convention  Nationale. 
A  Paris,  de  l'Imprimerie  Nationale,  Brumaire,  au  III. 

In-8»  de  126  p.,  signé  par  Monestier  (du  Puy-de-Dôme),  président,  elles 
membres  de  la  Commission  des  vingt-et-un. 


46.  —  Rapport  de  Carrier,  représentant  du  Peuple  français,  sur 
les  différentes  missions  qui  lui  onl  été  déléguées. 
Imprimé  par  ordre  de  la  Convention  Nationale. 
A  Paris,  de  l'Imprimerie  Nationale.  Vendémiaire,  l'an  III. 
In-8°  de  4o  P- 

47-  —  Suite  du  Rapport  de  Carrier,  représentant  du  Peuple  fran- 
çais, sur  sa  mission  dans  la  Vendée. 

Imprimée  par  ordre  de  la  Convention  Nationale.  Brumaire, 
l'an  III. 

In-8°  de  82  p. 

48.  —  Convention  Nationale.  Rapport  fait  à  la  Convention  Natio- 
nale, par  la  Commission  des  vingt-un,  créée  par  décret  du  8  bru- 
maire, l'an  III,  pour  examiner  la  conduite  du  représentant  du  peuple 
Carrier; 

Imprimé  par  ordre  de  la  Convention  nationale. 

De  l'Imprimerie  Nationale,  brumaire,  l'an  III. 

[Par  Gilbert  Romme]. 

In-80  de  48  p-,  signé  par  Monestier  (du  Puj-de-Dôme),  président,  et  les 
autres  membres  de  la  Commission  des  vingl-et-un. 


III 


MISE  EN  ACCUSATION,  PROCÈS,  JUGEMENT  DE  CARRIER 

49-  —  Acte  d'accusation  contre   Carrier  présenté   aux  Comités 
réunis,  à  la  Convention  Nationale,  et  au  Peuple  François. 
S.  1.  n.  d.  —  In-8»  de  i5  p. 

REV.   HIST.   DE  LA  RÉVOL.  11 


iGa       REVIE    HISTORIQUE   DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

5o.  —  Acte  d'accusation  contre  Carrier  par  Y.  Baralère  [Jolli- 
vet]. 

«  Cet  écrit  forme,  en  partie,  les  VIII*"'  et  IX*"'  numéros  de  l'Ami 
de  la  Convention.  Les  abonnés  l'ont  reçu.  » 

S.  I.  n.  d.  —  Iii-S"  de  lâ  p. 


01,  —  Bulletin  du  Tribunal  Révolutionnaire  établi  par  la  loi  du 
10  Mars  1793  pour  juger  sans  appel  les  conspirateurs. 

A  Paris,  chez  R.  J.  Clément. 

Le  procès  du  Tribunal  Révolutionnaire  de  Nantes,  puis  de  Carrier, 
occupe  les  0°^  .55  à  100  de  la  Vie  partie,  puis  i  à  20  de  la  Vn=  partie. 

02.  —  Jugement  rendu  par  le  Tribunal  Révolutionnaire. 
[Signé  :  Dobsex,  président  ;  N.  J.  Paris,  greffier.] 

De  l'imprimerio  du  Tribunal  Révolutionnaire,  enclos  du  Temple, 
n°  87. 

In-4°  de  70  p. 

53.  —  Jugement  rendu  par  le  Tribunal  Révolutionnaire,  établi  à 
Paris  par  la  loi  du  10  Mars  1793,  pour  juger  en  dernier  ressort  les 
Conspirateurs,  qui  condamne  à  la  peine  de  mort  Jean-Baptiste 
Carrier,  Député  pai-  le  Département  du  Cantal  à  la  Convention  Na- 
tionale, et  ses  complice  (sic), 

A  Paris,  de  l'imp.  d'Aug.  Donnieret  Ramelot,  rue  Honoré,  enclos 
des  ci-devant  Jacobins. 

In-i2  de  7  p. 

Frontispice  gravé  sur  bois,  représentant  une  exécution. 

54.  —  Jugement  rendu  par  le  Tribunal  Révolutionnaire,  établi  k 
Paris,  pour  juger  sans  appel  les  conspirateurs,  qui  condamne  à  la 
peine  de  mort  Jean-Baptiste  Carrier,  ex-député  à  la  Convention 
Nationale  et  ses  complices,  tous  atteints  et  convaincus  d'avoir  noyé 
hommes,  femmes,  enfants,  assassiné  un  grand  nombre  de  per- 
sonnes, incendié  des  communes,  où  des  hommes  et  des  femmes 
ont  été  égorgés  et  des  filles  violées. 

Paris,  De  l'imprimerie  de  la  rue  de  (Chartres,  N°  08. 
In-'i"  de  4  p. 


TRAVAUX    BIBLIOGUAPHIQUES  l63 

55.  —  Jugement  du  Tribunal  Révolutionnaire  qui  condamne  à  la 
peine  de  mort  J.  B.  Carrier,  âgé  de  36  ans,  natif  d'Yolay,  près 
Aurillac  (Cantal),  27  frimaire  an  III. 

In-4''  de  4  P- 

[D'après  le  catalogue  Chossonery  (1887),  n°2267.] 

50.  —  La  Loire  vengée  ou  recueil  historique  des  crimes  de 
Carrier  et  du  Comité  Révolutionnaire  de  Nantes, 

avec  les  Détails  de  la  Procédure  et  des  moyens  employés  par  ces 
scélérats  et  leurs  complices  pour  se  soustraire  au  glaive  de  la  loi. 

A  Paris,  chez  Mcurant,  libraire,  Cloître  Honoré  ;  Lenfant, 
libraire,  Maison  Egalité,  Galerie  de  Bois,  côté  de  la  cour,  N°  2o5  ; 
Houel,  Imprimeur-Libraire,  rue  Serpente,  N°  17. 

An  troisième  de  la  République. 

Epigraphe  :  Quel  bras  a  retenu  le  glaive  de  la  loi? 

L'ouvrage  comprend  deux  parties,  de  format  in-80  :  la  première,  de 
vii-32 1  pages,  a  pour  frontispice  le  portrait  en  médaillon  de  Carrier  ;  la 
deuxième,  de  111-317  pages,  est  précédée  d'une  gravure  représentant  l'inté- 
rieur d'une  prison. 

57.  —  Motifs  de  l'acte  d'accusation  contre  Carrier  ;  par  [Charles, 
François]  Du  puis,  représentant  du  peuple,  député  par  le  départe- 
ment de  Seine-et-Oise.  Première  [et  seconde]  partie. 

S.  1.  [Paris],  imp.  Anjubault.  —  S.  d. 

[n-80  de  36  p.  (pour  les  deux  parties). 

58.  —  Procédure  du  Comité  Révolutionnaire  de  Nantes  et  de 
Joseph  (sic)  Carrier,  membre  de  la  Convention  Nationale. 

A  Lyon,  chez  Carret,  place  Confort,  au  coin  de  la  rue  Raisin,  au 
premier  étage,  N°  30.  —  Fayollc,  rue  Dominique,  N°  C2. 
1795. 
In-80  de  3o8  p. 

59.  —  Procès  de  Jean-Baptiste  Carrier,  député  par  le  Départe- 
ment du  Cantal  à  la  Convention  Nationale,  et  des  membres  du 
Comité  révolutionnaire  de  Nantes. 

Se  trouve  à  Paris,  chez  Augustin  Donnier  et  Hamelel,  Impri- 
meurs, aux  ci-devant  Jacobins,  rue  Honoré,  cour  des  Casernes. 


l64       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE   ET    DE    l'eMPIRE 

L'an  troisième  de  la  rdpiibliijuc. 

In-i2  de  23  p. 

Epigraphe  :  Grands  Dieux  !  Extermine:  de  la  terre  oà  nous  sommes 

Quiconque  avec  plaisir  répand  le  sang  des  hommes 
Compte  rendu  sommaire,  jour  pjir  jour,  du  7  au  2?i  frimaire,  du  procès 
de  Carrier. 

60.  —  Procès  criminel  des  Membres  du  Comité  Révolutionnaire 
de  Nantes  (el  du  ci-devant  représentant  du  peuple  Carrier), 

Instruit  par  le  Tribunal  révolutionnaire  établi  a  Paris,  par  la  loi 
du  10  Mars  1793  (vieux  style). 

A  Paris,  Chez  la  citoyenne  Toubon,  sous  les  galeries  du  théâtre 
de  la  république,  à  côté  du  passage  vitré. 

L'An  III  de  la  République. 

Cinq  parties  de  format  in-12  précédées  chacune  d'un  frontispice. 

Epigraphe  :  Celui  qui  met  un  frein  à  la  fureur  des  flots 
Sait  aussi  des  méchants  arrêter  les  complots. 

[Nous  indiquons  ici  pour  mémoire  cet  ouvrage  dont  nous  n'avons  pas 
encore  pu  rencontrer  un  exemplaire  bien  complet.  La  description  en  sera 
donnée  ultérieurement.] 

(A  suivre) 

Paul  Portevin. 


NOTES  ET  GLANES 


L'opinion  de  Beaumarchais  sur  les  affaires  de  France  en 
1790  et  sur  la  division  du  royaume  en  départements.  —  «  Les 
iilFaires  Je  P'iance  ont  pris  la  meilleure  (ournure  possible  et,  ce 
qu'on  n'eût  jamais  osé  espérer,  c'est-k-dire  que  la  nouvelle  division 
du  Royaume  en  départemons,  qui  renverse  tout  l'ordre  passé, 
s'accomplirait  tranquillement,  eh  bien  !  elle  est  à  peu  près  achevée 
et  sans  aucun  débat,  avec  un  dévouement,  une  raison,  un  accord 
presque  universels,  qui  détruisent  h.  jamais  la  possibilité  de  ren- 
verser la  nouvelle  constitution  de  ce  beau  Royaume.  Mais  ce  qui 
met  le  sceau  à  la  joie  des  patriotes,  c'est  la  démarche  à  jamais  mé- 
morable que  vient  de  faire  le  Roy  des  Français  Louis  XVI,  en 
venant  de  son  chef  à  l'Assemblée  nationale,  le  4  de  ce  mois,  en  y 
prononçant  un  discours  que  je  joins  icy  et  qui  a  inspiré  pour  lui 
un  enthousiasme  universel.  »  (Copie  de  la  lettre  de  Reaumarchais 
à  Ghevallié  fils,  à  Nevi^-York,  en  date  du  4  février  1790;  pp.  gS-gG 
du  Registre  III  des  Papiers  Reaumarchais  à  la  Bibliothèque  de  la 
Ville  de  Paris.) 

Ce  passage  est  d'autant  plus  à  noter,  que  tout  le  reste  de  la 
longue  lettre  dont  il  est  extrait  ne  concerne  que  les  affaires  liti- 
gieuses de  Beaumarchais  avec  le  gouvernement  des  Etats-Unis.  Sa 
confiance  dans  la  monarchie  constitutionnelle  était  partagée  par  la 
plupart  des  gens  éclairés  et  des  bons  citoyens.  Il  est  faux  de  le 
représenter  comme  hostile  a  la  Révolution,  homme  de  l'ancien  ré- 
gime, etc.,  sous  le  prétexte  de  ses  déboires  personnels  et  de  sa 
démission  forcée  de  représentant  de  la  Commune  de  Paris'.  Si  la 
monarchie  a  sombré  sous  le  poids  de  ses  fautes  et  de  ses  trahisons, 
Beaumarchais  n'en  a  pas  moins  vu  juste  sur  un  point  aujourd'hui 
trop  remis  en  discussion  :  la  nécessité  d'une  division  rationnelle  du 
territoire  français,  et  le  caractère  organique,  régénérateur,  de  celte 
réforme  universellement  désirée  et  acceptée.  — -  H.  Monin. 

I .  Cf.  ToORNÉux,  Bibliographie  fie  l'hisloire  de  Paris  pendant  In  Révolulion, 
Tome  IV^,  n^^  21792  et  21793. 


l('l6       REVLE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLLTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

L'émotion  causée  dans  le  Pays  de  Gex  par  la  fuite  à  Varennes. 

—  «  Le  2^  juin,  à  g  heures  du  soir,  le  Conseil  [de  Genève]  fut  averti 
que  le  Pays  de  Gex  s'armait  et  que  l'on  sonnait  le  tocsin  dans  tous 
les  villages,  vu  l'avis  reçu  que  le  roi,  la  reine,  le  dauphin,  etc., 
avaient  quitté  Paris  et  allaient  sortir  du  royaume,  et  qu'il  fallait  bor- 
der de  troupes  toutes  les  frontières,  empêcher  de  sortir  tout  le  monde, 
fouiller  les  papiers,  etc.,  afin  d'arrêter  le  complot  et  ses  auteurs. 

«  Le  25  juin,  à  1 1  heures  [du  matin]  la  municipalité  de  Gex 
envoya  un  message  au  Conseil  [de  Genève]  pour  lui  dire  qu'elle 
venait  d'apprendre  que  le  roi  était  arrêté  à  Saint-Lizier  en  Cham- 
pagne. »  (Extrait  du  Journal  inédit  d'.Vmi  Dunant,  conservé  à  la 
Bibliothèque  publique  et  universitaire  de  Genève,  Mss.  f.,  ii4'> 
III,  f°  63).  —   0.  K. 

L'impopularité  de  Marie-Antoinette  en  1790.  —  «  Les  députés 
des  d(''pai'teinens  et  de  l'arinro  allèronl  le  soir  [du  i4  juillet  1790] 
se  rafraîchir  à  la  Muette,  oii  .M.  la  Favette  nnirut  risque  d'être 
étoufl'é  par  les  embrassans  ;  ils  se  rendirent  ensuite  par  diverses 
bandes,  et  tous  allèrent  sous  les  fenêtres  des  Tuileries,  crier  vwe 
le  roi...  On  cria  peu  vive  la  reine.  Cependant  des  placards  placés 
depuis  deux  jours  sur  les  piédestaux  des  statues  des  Tuileries  sol- 
licitoient,  mendioient  pour  elle  les  faveurs  des  fédératifs;  on  y 
lisoit  :  K  Français,  que  sommes-nous  devenus  ?  SoufTrirons-nous 
«  qu'une  reine,  qui  est  le  plus  bel  ornement  de  la  F'ranco,  n'assiste 
«c  pas  k  la  fête  qui  "se  prépare?  Nous  laisserons-nous  abuser  plus 
«  long-temps  par  les  calomnies  répandues  contre  une  femme  aussi 
«  vertueuse,  etc..  ?  »  (Rnioliiiions  de  Paris...,  n"  53,  du  17  juillet 
1790,  ]ip.  10-11.)  —  C.  V. 

Napoléon  à  l'ile  d'Elbe.  —  «  i" août  181^.  Il  a  passé  à  (Jenève  un 
cominissaire  de  la  marine  anglaise  qui  a  été  trois  jours  avec  Bona- 
parte à  l'île  d'Elbe.  Il  dit  qu'il  lui  a  paru  très  malheureux,  sansces.se 
en  activité  et  agité  comme  un  homme  qui  fuit  sa  pensée.  Il  n'écrit 
rien;  il  bâtit  un  palais,  des  forts,  et  avec  les  1900  hommes  de  troupes 
françaises  qui  sont  autour  de  lui  et  qui  lui  sont  dévouées,  il  projette  la 
conquête  de  quelques  fies  dé.sertes  qui  sont  autour  de  l'île  d'Elbe- 
Il  vit  dans  la  crainte  perpétuelle  d'être  assassiné;  il  a  gagné  uu  ser- 
gent lie  la  marine  anglaise  qui  couche,  comme  son  mameluk,  dans 


NOTES    ET    GLANES  167 

son  antichambre.  Il  fait  le  bonhomme  avec  le  grand  nombre  d'An- 
cjlais  qui  lui  rendent  visite  et  qui  se  laissent  prendre  à  ce  qu'il  dit 
et  au  rôle  qu'il  joue.  Le  grand  nombre  de  badauds,  touristes  comme 
on  les  appelle  en  Angleterre,  ceux  qui  se  croient  obligi^s  d'imprimer 
leurs  voyages,  ne  manquera  pas  de  nous  en  parler.  C'était  a  la  Ber- 
mude  qu'il  fallait  l'envoyer.  »  (Extrait  d'une  lettre  de  Charles  de 
Constant-Rebecque  à  sa  sœur  Rosalie,  publié  dans  La  Restauration 
de  la  République  de  Genève,  témoignages  de  contemporains  re- 
cueillis par  Lucie  Ac/iard  et  Edouard  Favre ;  T.  II,  pp.  63-64. 
Genève,  Jullien,  igiS.)  —  0.  K. 


BIBLIOGRAPHIE 


Jean  Loutchisky,  professeur  honoraire  à  l'Université  de  Kiev,  dé- 
jiuté  à  la  Douma  d'État  à  Saint-Pétorsbounf,  La  propriété  pay- 
sanne en  France  à  la  veille  de  la  Révolution  (principalement 
en  Limousin),  Paris,  Honoré  Champion.  1912;  in-8"  de  296 
payes. 

Dans  un  court  Averlissemenl,  l'auteur  énumère  les  documents 
inédits  qu'il  a  dépouillés,  (ie  sont  les  rôles  des  vingtièmes  et  des 
tailles  aux  Archives  de  la  Corrèze  ;  des  vingtièmes  à  celle.s  de  la 
Haute- Vienne,  de  la  Haute-Garonne,  de  l'Aisne;  des  centièmes  à 
celles  du  Pas-de-Calais.  Il  indique  les  cotes,  le  nombre  des  paroisses. 
Aucune  source  imprimée  de  quelque  valeur  n'a  été  négligée. 

Comme  on  a  souvent  contesté  le  parti  que  l'histoire  pouvait  tirer 
des  rôles  des  vingtièmes,  M.  Loutchiskv  a  consacré  tout  le  chapitre  I 
à  une  étude  critique  de  leur  caractère  et  de  leur  valeur'.  II  a  dé- 
montré, en  examinant  chacun  de  ces  rôles  séparément,  et  en  com- 
parant cette  source  aux  cadastres,  aux  palpes'^  et  surtout  aux  ar- 
pentements,  que  l'on  pouvait  s'en  servir  en  toute  sécurité  pour  dres- 
ser un  tableau  de  la  propriété  foncière  au  dix-huitième  siècle.  Il  est 
bien  vrai  que  les  rôles  ne  donnent  que  d'une  façon  inexacte  l'évalua- 
tion des  revenus  ;  mais  leurs  données  relatives  au  dénombrement  des 
terres  ne  sauraient  être  mises  en  doute.  D'ailleurs,  s'obstinàt-on  à 
soutenir,  —  ce  qui  nous  paraît  impossible,  —  que  les  rôles  ne  four- 
nissent que  des  données  approchées,  encore  serait-on  obligé  de  re- 
connaître l'immense  supériorité  de  celte  source  sur  toutes  les  autres. 
L'histoire  de  la  propriété  ne  peut  se   faire   par  échantillonnage'', 

1.  Les  articles  de  M.  -Marion  et  de  -M.  lirctlc  dans  La  Révolulion  française 
(nov.  1894  el  janv.  1890),  les  conclusions  arbitraires  que  tire  M.  Edmc  Champion 
de  quelques  extraits  des  cahiers  de  1789,  en  un  mot  les  divinations  de  nos  savants 
historiens  y  sont  soumises  à  une  discussion  aussi  acérée  que  cmirtoise. 

2.  Dénomination  limousine. 

îî.  Voir  p.  301  à  p.  206  ce  ijoe  M.  Loutchisky  pense  tle  ce  procédé,  et  des  con- 
clusions audacieuses  de  M.  Marion  sur  la  concentration  prétendue  de  la  propriété 
entre  les  mains    os  paysans. 


BIBLIOGKAI'IIIE  1 6() 

mais  spulement  au  moyen  de  statistiques.  Les  monographies  isolées 
no  sont  jamais  concluantes.  11  faut  comparer  des  régions,  saisir  leurs 
traits  seinblajjles  ou  divers.  C'est  donc  une  méthode,  disons  mieux, 
c'est  la  méthode  à  suivre  pour  l'histoire  de  la  propriété,  qui  se  place 
au  premier  plan  de  l'ouvrage. 

Toutefois,  des  recherches  sur  le  Limousin,  et  auxquelles  l'auteur 
s'est  livré,  il  tire  des  résultats  d'une  portée  plus  générale.  Ce  n'est 
pas  au  hasard  qu'il  a  choisi  le  Limousin  :  cette  province  est,  en  fait, 
une  de  celles  qui  représentent  le  mieux  l'état  agricole  de  l'ancienne 
France,  une  de  celles  qui  se  sont  le  moins  transformées  ;  enfin  et 
surtout,  c'est  là  que  sont  conservés  les  documents  les  plus  com- 
plets et  les  plus  suggestifs. 

La  France  du  dix-huitième  siècle  est  rurale  par  excellence.  Dans 
les  campagnes  s'introduit  cependant  l'industrie  domestique.  Mais 
celle-ci  n'est  qu'un  appoint  ;  elle  ne  détache  pas  les  paysans  de  la 
terre.  Ni  les  artisans  des  campagnes,  ni  les  industriels  proprement 
dits,  meuniers,  blatiers,  etc.,  ne  sauraient  figurer  dans  les  rangs  de 
la  bourgeoisie  '  :  les  achats  et  ventes  de  terres  qu'ils  ont  effectués 
témoignent  de  la  médiocrité  de  leurs  ressources. 

Les  paysans  du  dix-huitièmesiècle  sont  propriétaires  d'une  portion 
notable  du  sol,  variable  cependant  de  pays  à  pays  et  même  de  paroisse 
à  paroi.sse.  Ils  n'ont  fait  qu'accroître  leur  propriété,  sous  Louis  XV 
et  sous  Louis  XVI,  et  c'est  à  cette  même  épocjue  que  le  sol  s'est  de 
plus  en  plus  morcelé,  tandis  que  dans  la  plupart  des  autres  pays 
de  l'Europe  les  latifandia  s'annexaient  les  lopins.  La  petite  pro- 
priété n'est  donc  et  ne  saurait  être  en  aucune  façon  un  effet  de  la 
vente  des  biens  nationaux.  Mais  cette  propriété,  si  répandue,  n'im- 
plique aucunement  l'aisance  et  la  «  douceur  de  vivre  ».  L'inégalité 
est  très  grande  dans  la  répartition  des  fonds,  de  région  à  région,  de 
paroisse  à  paroisse,  et  même  dans  le  cercle  des  divers  groupes  de  la 
classe  agricole.  C'est  dans  les  pays  où  les  non-propriétaires  sont  le 
plus  nombreux  que  l'industrie  s'est  développée  dans  les  campagnes. 
Le  Limousin,  qui  ne  présentait  qu'un  pourcentage  de  17  °|o  de  non- 
propriétaires,  est  resté  exclusivement  agricole. 

La  portion  du  sol  appartenant  aux  classes  privilégiées  apparaît 
comme  moins  considérable  qu'on  ne  l'a  souvent  affirmé.  Ce  fait  est 
évident  pour  les  biens  d'églises  (sauf  au  nord  de  la  Franco).  La  pro- 
priété noble  est  au  premier  rang  dans  le  Nord  et  une  partie  du  Centre; 

I.  La  bourgeoisie,  pour  M.  Loutchisky,  ne  se  définit  réellement  que  par  la  capa- 
cité d'achat.  L'auteur  n'a  pas  attendu  moins  de  quinze  ans  pour  répondre  aux  ob- 
servations improvisées  à  ce  sujet  (/,a  Révolution  française,  avril  1898,  p.  374); 
mais  sa  réponse  défie  toute  nouvelle  polémique. 


170       UEVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

la  pro])riété  bourgeoise  a  pris  de  l'extension  dans  quelques  régions 
du  Centre  et  dans  le  Midi. 

Plus  une  contrée  est  pauvre,  d'exploitation  difficile,  plus  elle  a 
de  grands  domaines.  Plus  elle  est  fertile,  plus  les  parcelles  sont 
nombreuses.  Mais  le  régime  parcellaire  est,  dans  l'ensemble,  le  ca- 
ractère de  la  propriété  en  France.  L'exploitation  y  perd.  Les  classes 
privilégiées,  qui  ne  disposent  guère  de  grands  domaines  d'un  seul 
tenant,  ne  s'intéressent  guère  à  la  culture,  et  ne  font  preuve  d'au- 
cune initiative.  Elles  sont  obligées  de  louer  à  des  paysans.  Bref, 
tout  le  sol  cultivable  est  exploité  par  des  paysans,  ou  propriétaires, 
ou  locataires.  Il  est  absolument  faux  que  les  meilleures  terres  aient 
appartenu  aux  privilégiés.  Le  métayage,  la  petite  location,  ne  font 
place  au  fermage  que  sur  les  terres  du  clergé  et,  çà  et  là,  sur  celles 
de  la  noblesse,  dans  les  plaines  septentrionales  de  la  France.  Donc, 
peu  ou  point  de  grands  domaines  à  la  manière  anglaise.  Aussi  l'agri- 
culture, en  dépit  des  savants,  des  théoriciens  et  des  Sociétés,  ne 
parvient  pas  à  se  dégager  de  ses  routines  séculaires.  Elle  attire  peu 
l'argent;  elle  ne  le  fait  circuler  qu'avec  peine.  Le  livre  de  M.  Lout- 
chisky  corrobore  et,  ce  qui  vaut  mieux  encore,  explique  '  le  nombre 
et  la  nature  dos  observations  critiques  qu'Arthur  Young  notait  de 
visu,  au  cours  de  ses  voyages  agronomiques  h  la  veille  et  au  début 
de  la  Révolution. 

H.   Mo.NIN. 


F.-A.  .\uLARD,  Recueil  des  Actes  du  Comité  de  salut  public... 
Tome  XXI,  12  inars-i  i  avril  1790(22  venlôso-22  germinal  an  111); 
Paris,  Imp.  nat.,  191 1;  i  vol.  gr.  in-8°  de  879  pp.  Tome  XXII, 
12  avril-9  mai  1795  (22  germinal-2o  floréal  an  III);  Paris,  Imp. 
nat.,  1912;  I  vol.  gr.  in-8°  de  868  pp. 

Faute  d'introductions,  de  tables  analytiques,  ces  tomes  XXI  et 
XXII  sont  aussi  difficiles  à  utiliser  que  les  précédents.  Il  arrive 
quelquefois  à  l'éditeur  de  se  plaindre  que  des  historiens,  soit  à  Pa- 
ris, soit  en  province,  ignorent  tel  ou  tel  des  documents  qu'il  a  mis 
au  jour.  C'est  qu'ils  n'ont  pas  le  sens  de  la  divination.  L'on  ne  peut 
vraiment  exiger  d'un  travailleur  que,  pour  une  élude  particulière, 
il  dépouille  l'énorme  collection  de  textes  parmi  lesquels  il  imagine, 
a  priori,  eu  trouver  qui  l'intéressent.  Voici,  par  exemple,  un  ingé- 

I .  P.  i4G,  p.  17'. 


BIBLIOGRAPHIE  171 

iiieur  qui  s'occupe  de  l'histoire  du  Creuset  pendant  la  Révolution. 
Dans  les  Actes  du  Comité  de  salut  public,  il  lui  faudra,  à  partir  du 
tome  VI,  lire  attentivement  dix-sept  tables  des  matières,  de  chacune 
trente  pages,  pour  y  dénicher  la  correspondance  des«  représentants 
en  mission  au  Creusot  ».  Il  se  résignera  sans  doute  a  ignorer,  pro- 
visoirement, s'il  est  question  ailleurs  de  la  fonderie  de  canons,  qui 
a  rendu  de  si  éminents  services  à  la  défense  nationale. 

Dans  les  tomes  XXI  et  XXII,  comme  dans  les  précédents,  on  ne 
trouvera  pas  seulement  les  Actes  du  Comité  de  salul  public  (séances, 
correspondance  offlcielle  des  représentants  en  mission),  mais  aussi 
des  Actes  du  Comité  de  sûreté  générale,  et  du  Comité  de  législation, 
que,  d'après  le  titre  du  Recueil,  on  ne  serait  pas  tenté  d'y  chercher 
Au  tome  XXII,  p.  43i,  figure  de  [dus  une  lettre  au  Comité  d'instruc- 
tion publique  : 

«  Nous  ne  reproduisons  en  général,  dit  l'éditeur,  que  les  lettres 
des  représentants  adressées  au.K  Comités  de  gouvernement,  surtout 
aux  Comités  de  salut  public,  de  sûreté  générale,  et  de  législation 
(ces  deux  derniers  depuis  le  décret  du  7  fructidor  an  II,  qui  ôtait 
au  Comité  de  salut  public  une  partie  de  ses  attributions  pour  les 
leur  donner).  Toutefois,  les  lettres  au  Comité  d'instruction  publique 
sont  si  intéressantes  pour  l'histoire  générale,  et  d'autre  part  elles 
sont  si  peu  nombreuses,  que  nous  n'hésitons  pas  k  les'  reproduire.  » 
Or,  à  supposer  que  l'on  puisse  définir  un  terme  aussi  vague  que 
celui  d'  «  iiistoire  générale  »,  il  nous  semi)le  :  1°  qu'un  éditeur 
n'a  pas  à  préjuger  de  l'usage  possible  des  textes  qu'il  édite;  2°  que 
toute  incursion  hors  du  domaine  fixé,  si  agréable  que  puisse  être  la 
surprise,  est  faite  pour  étonner  les  esprits  méthodiques. 

Si  un  érudit  entreprend  d'étudier  l'histoire  des  écoles  centrales  — • 
sujoît  parlirulier,  —  ou  simplement  celle  de  l'école  centrale  de 
Troyes  —  sujet  encore  plus  particulier,  —  comment  pourrait-il  être 
averti  qu'il  e.viste  à  ce  propos  quatre  pages  du  représentant  Dupuis 
adressées  au  Comité  d'instruction  [lublique,  et  que  ces  quatre  pages 
figurent  dans  les  Actes  du  Comité  de  salut  public?  Xu  reste,  la  mis- 
sion de  Dupuis  s'est  continuée  par  Cliaumont,  Dijon,  Dôlo,  Besançon, 
Porrentruy,  Bourg  et  Lyon.  N'en  subsiste  t-il  d'autres  traces  que 
sa  lettre  de  Troyes,  6  floréal  an  III,  25  avril  1795?  Cherchez... 
Voilà  un  sujet  amorcé  au  hasard  par  l'éditeur,  et  sans  aucun  lien 
avec  l'objet  propre  de  la  publication. 

Espérons  qu'elle  ne  se  grossira  pas  d'autres  apports,  qui,  tout 
au  moins,  devraient  être  placés  en  appendice,  ou  signalés  dans  une 

I.  Il  n'y  en  a  qu'une  seule  aux  lomes  XX,  .\.\I,  X.XIl.  iiue  nous  avons  dé- 
pouillés. 


172       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

note  préliminaire,  ou  détachés  en  caractères  spéciaux  ;ï  la  table  des 
matières. 

En  désespoir  de  cause,  nous  poursuivons  ici,  pour  les  tomes  XXI 
et  XXII,  un  classement  sommaire  qui  a  rendu  service  pour  le 
tome  XX  '  ;  nos  lecteurs  verront  que  nous  avons  tenu  compte  de  quel- 
ques critiques  de  détail,  qui  nous  ont  été  adressées  personnellement. 

Tome  vingt-et-unièine. 

1.  Séances  journalières  du  (lomité  de  salut  public  :  Pp.  i,  17,  46, 
63,  96,  121,  102,  173,  210,  286,  246,  261,  274,  29g,  323,  341,  356, 
870,  898,  424,  433,  454.  478,  5o3,  547,  587,  609,  664,  699,  744. 
801. 

II.  I .  Décrets  de  la  Convention  relatif  au  Comité  de  salut  public  : 
Pp.  28,  107,  128,  484.  5i3,  762. 

2.  Missions  de  représentants  décrétées  ou  prorogées  par  la  Conven- 
tion :  Pp.  69,  129,  i3o,  167,  i58,  218,  266,  283,  333,  847,  436, 
437  (Barras  et  Merlin  de  Thionville  près  Pichegru),  46o,  485,  5i3, 
5i4,  5i5,  635  (relative  à  l'instruction  publique),  686,  683-,  684, 
722,  728,  760,  761  (relative  à  l'instruction  publique).  817. 

3.  Autres  décrets  relatifs  aux  missions  ou  au.x  représentants  : 
Pp.  57,  58,  i58  (rappels),  289,  46i. 

III.  Correspondance  du  Comité  de  salut  public,  etc.,  et  des  repré- 
sentants dans  les  départements,  ports  de  mer,  localités. 

I.  Départements.  Ain  :  Pp.  69,  87,  243,  6o5,  688,  697.  Aisne  : 
Pp.  58,  489,  473,  521 ,  562,  565,  691,  800.  Ardèche  :  Pp.  5oi,  5o2,  824. 
Aube  :  Pp.  42,  60,  61,  74,  86,  87,  200,  201,  281,  257,  3ii,  812, 
385,  386,  438,  6o4.  64o,  696,  726.  789,  741,  769,  828.  Aveyron  : 
Pp.  43o,  5o2. 

Bec  d'Ambez'  :  Pp.  109,  866,  64o,  794,  796.  Boucbe.s-du-Rhône  : 
Pp.  i46,  160,  170,  172,  200,  867,  368,891,  898,  046,  607,608,698, 
742,  84o. 

Calvados  :  Pp.  241,  203,  2Ô4,  365,  688.  656.  692.  822,  883.  Cha- 
rente :  Pp.109,  366.  Corrèze  :  Pp.  16,  887.  412.  Côtt-d'Or  :  Pp.  488. 
661,  697.  Creuse  :  P.  60. 

Dordogne  :  Pp.  16,  109,887,412,  64o,  794,  796.  Doulis  :  Pp.  545, 
6o4.  Drôme  :  P.  5o2. 


1 .  Voir  le  u"  6  de  la  lieuae  histnri(/ue  de  la  Révolulion  française  (.ivTil-jiiin  igt  i). 
pp.  279  à  383. 

2.  La  table  des  maliéres,  p.  871,  i.3«  arlicle,  porte  Haute-Loire;  il  faut  corriger  : 
Haute-Saône. 

X.  Gironde. 


BIBLlOlillAI'HIE  IjS 

Eure  :  Pp.  2Ôu,  288,  537,  ^'-"i-  Kure-et-Loir  :  Pp.  200,  288,  587, 
829. 

Gard  :  Pp.  355,  45i,  002,  64i. 

HcVault  :  Pp.  355,  45i,  5o2,  64i. 

Indre-et-Loire  :  Pp.  80,  i5f),  179,  288,  289,  471,  493,  536,  56o. 
Isère  :  Pp.  87,  243,  473,  6o5,  088,  697,  800. 

Jura  :  Pp.  545,  6o4. 

Loir-et-Cher:  Pp.  80,  lôg,  179,  248,  288,  289,  43o,  493,  536,  50o, 
638,  818.  Loire  :  Pp.  59,  87,  243,  338,  889,  5oi,  6o5,  688,  824. 
Loire  (Haute-)  :  Pp.  5oi,  824.  Loiret  :  Pp.  80,  159,  179,  288,  289, 
493,  536,  56o.  Lot-et-Garonne  :  P.  64o.  Lozère  .•  Pp.  59,  87,  243, 
338,  389,  5o2. 

Manche  :  P.  180.  Marne  :  Pp.  42,  60,  61,  74,  86,  200,  201,  281, 
257,311,  3 12,  385,  386,  438,  6o4,  64o,  696,  726,  789,  741,  769, 
828.  Marne  (Haute-)  :  Pp.  298,  4i5,  417,  58i,  686.  Mayenne  :  Pp.  87, 
85,  119,  194.  241,  298,  347,  468,  588,  579,  58o,  659,  768,  787,  790, 
791,  838.  Meurthe  :  Pp.  62,  110,  i4o,  i4i)  258,  354,  43i,  542,  544, 
545,  601,  602,  6o3,  64i,  662,  668,  696,  74i,  770.  Meuse  :  P.  821. 
Mont-Blanc  :  Pp.  545,  604.  Moselle  :  Pp.  62,  110,  i4o,  i4i,  258, 
354,  481,  542,  544,  545,  601,  602,  608,  64i,  662,  663,  696,  741, 
770. 

Nord  :  Pp.  29,  59,  69,  159,  524,  566,  646,  684. 

Oise  :  Pp.  684,  826.  Orne  :  Pp.  492,  596. 

Paris  (Raffinerie  de  salpêtre  à)  :  Pp.  642,817.  Paris  (Départements 
voisins  de)  :  Pp.  24,58,  12g,  178,  181,  229,  248,  284,  809,  3io, 
38i,  535,  562,  648,  644,  655,  685,  788,  762,  772,  784.  Pas-de- 
Calais  :  Pp. 29,  59,  69,  159,  524,  566,  646,  684.  Pyrénées  (Basses-)  : 
Pp.  499-  542,  797.  Pyrénées  (Hautes-)  :  Pp.  499,  542,  797.  Pyrénées- 
Orientales  :  P.  45- 

Rhin  (Bas-)  :  Pp.  545,  6o4.  Rhône  :  87,  248,  478,  6o5,  688,  697, 
800. 

Saône  (Haute-)  :  Pp.  545,  604.  Saône-et-Loire  :  Pp.  59,  87,  248, 
338,  889,  6.)7,8oo.  Sarthe  :  Pp.  492,  596.  Seine-Inférieure:  Pp.  ii5, 
118,  198,  884,  4o8,  439,  467,  486,  537,  571,  575,  648,  684,  691, 
782,  788,  888.  Seine-et-Marne  :  P.  112.  Seine-et-Oise  :  Pp.  4o8, 
643,  684,  691,  826.  Somme:  Pp.  29,  59,  69,  159,  25o,  291,  3i2, 
3i3,  348,  35i,  860,  877,  878,  38o,  38i,  464,  487,  52i,  524,  568, 
566,  648,  644i  724,  729,  772,  778,  824. 

Var  :  Pp.  i46,  160,  170,  172,  2o5,  867,  368,  891,  898,  546, 
607,  608,  698,  742,  84o.  Vaucluse  :  P.  5o2. Vienne  :  P.  60.  Vienne 
(Haute-)  :  P.  60. 

Yonne  :  Pp.  112,  661,  697. 


■  74       nEVUK    HlSTORlytE    DE    LA    REVOLUTION    FRANI,:aISE    ET    UE    L  EMPIRE 

2.  Ports  de  la  Manche  et  de  l'Océau  :  Pp.  i4.  157,  891.  468,  litji, 
C85.  —  3.  Rivières  :  Pp.  650,  799.  —  t\.  Localités  groupées.  — 
Bavonne,  Bordeaux,  La  Rochelle  et  Rochefort  :  Pp.  [\i,  i38,  189, 
337,  4i  i)  446,  47  ij  496,  601.  639,  661,  694,  834.  —  Brest  et  Lorient 
ou  Côtes  de  Brest  et  Lorient  :  Pp.i4,  81,  166,  168,  194,  254.  353, 
439,  44ï-  494i  5781  638,  64i,  667,  65g,  692,  694.  —  Calais,  Dieppe, 
Dunkerque  et  Le  Havre  :  Pp.  298,  597,  818.  —  Cette,  Marseille, 
Toulon  et  Nice  :  P.  867.  —  Le  Creusol  et  Pont-de-Vaux,  fonderies: 
Pp.  42,  44>  4i8,  082,  6o5.  —  Tulle  et  Berrjerac,  manufactures  d'ar- 
mes :  P.  167. 

5.  Localités  isolées.  —  Landau  :  Pp.  i4i,  44/»  448,  5oo.  —  Lan- 
drecies  :  Pp.  i3o,  691.  — Meudon  :  Pp.  iio,  m,  112,  i3i,  182, 
5i5.  —  Rennes  :  Pp.  807.  7(17.  —  Toulon  :  Pp.  i58,  5oi,  688,  771. 

IV.  Correspondance  du  Comité  de  saliit  public,  etc.  et  des  repré- 
sentants au.x  armées. 

1.  Alpes  :  Pp.  245,  689. 

2.  Alpes  et  Italie  :  Pp.  92,  log,  i46,  i5i.  173,  278,  38o,  896. 

3.  Côtes  de  Brest  et  de  Cherbourg  :  Pp.  27,  87,  85.  119,  194, 
221,  228,  280,  241,  255,  2g5,  847,  4o8,  488,  468,  495,  538,  54o, 
576,  579,  58o,  595,  599,  600,  609,  784.  768,  785,  787,  790,  791, 
822,  828,  888. 

4.  Italie  :  Pp.  45>  63,  88,  94.  121,  207,  228,  810,  886,  867,  368, 
897,  419.  42a,  428,  402,  474,  475,  477!  546,  586,  642,  698,  726, 
743. 

5.  Méditerranée  (Armée  navale  de  la)  :  Pp.  88.  207,  208,  228, 
259,  868,  4.Ï2,  474,  47Ô,  584.  585.  698. 

6.  Nord  et  Sambre-ct-Meuse  :  Pp.  8,  9,  28,  24,  3o,  70,  72,  75, 
76,  77,  78,  79,  ii4,   i33,   lOo,    161,    1O6,    182,  (188),  (i84),  (i85), 

(187),     191,    192,    225,    228.    (289),    240,    (266),    268,    285,    286,     289, 

290,  291,  3o2,  3o3,  (807),  816,  (817),  334.  846,  847,  861.  (363), 
(864).  879,  38i,  4o4.  (4o6),  [43i],  462,  465,  466,  489.  490,  016, 
(5i8),  527,  566,  (069),  598,  686,  687,  64O,  647,  648,  65i.  687,  725, 
729,  780,  782,  768,  764.  770,  (819).  821,  827.  828.  —  .V.  B.  Les 
références  entre  parenthèses  se  rapportent  à  l'armée  du  Nord  seu- 
lement ;  celle  qui  est  entre  crochets,  à  l'armée  do  Sambre-et-Meuse, 
seulement;  les  autres,  au  libellé  :  «  armées  du  Nord  et  de  Sambre- 
ct-Meuse  ». 

7.  Ouest  :  Pp.  i5,  4o,  120,  i33,  i35,  188.  169,  198,  222,  228, 
268,  270,  296,  297,  3o8,  384,  409,  4ii,  445.496,  076.  686.  784,  735, 
785,  787,  792. 

8.  Pyrénées-Occidentales  :  Pp.  366,  4i2,  146,  472.  497.  5o8, 
■")'(i,'66o,  695,  725,  786,  787,  788,  797,  836. 


BIBLIOGRAPHIE  l'JO 

9.  Pyrc^n(''es-Orientales  :  Pp.  i/(2,  167,  180,  220,  281,  233,  242, 
255,  3i8,  335,  33C,  389,  390,  420,  45i,  [689]'. 

10.  Rhin  et  Moselle  :  Pp.  8,  9,  10,  11,  108,  2o4,  218,  819,  820, 
38i.  387.  388.  432,  41)3,  472,  520,  652,  653,  687,  887,  888,  889. 

11.  Sambre-el-Meuse.  V.  Nord  et  Sambro-et-Mcuso. 

12.  Pays  occupé  :  Hollande:  Pp.  81,  34,  i83,  161,  1G2,  i63,  i64, 
iG5,  i83,  184.  i85,  187,  188.  3o4,  428,  528,  584,  64G,  764,  778, 
781,  819. 

V.  Missives  qui,  dans  la  (Correspondance,  concernent  : 

1.  La  Convention  ou  son  président  :  Pp.  i35.  i4o,  i4i,  i46,  170. 
200,  291,  35i,  354î  867,  389,  891,  898,  4'i>  4i5,  417,  480,  448, 
496,  535,  544-  545,  546,  56o,  560,  58i,  598,  099,  Goi,  65i,  787. 

2.  Le  Comité  de  législation  :  Pp.  58,  59,  60,  86,  log,  iio,  189, 
159,  160,  168,  181,  201,  218,  200  (deux),  258,  288,  887,  380,  438. 
5i5,  575,  688. 

8.  Le  Comité  de  sûreté  générale  :  Pp.  3ii.  386.  466.  505.  644, 
729,  78a,  762,  769.  794. 

4.  Les  Comités  de  salut  public  et  de  sûreté  générale  réunis  : 
Pp.  542,  571. 

5.  Les  Comités  de  salut  public,  législation,  et  sûreté  générale  : 
Pp.  298,  6o5. 

6.  Les  Comités  de  salut  public,  législation,  sûreté  générale,  ins- 
truction publique,  et  finances  :  P.  789. 

VL  Lettres  airectant,  par  quelque  détail,  un  caractère  privé  :  Ch. 
Cochon  à  Merlin  de  Douai.  P.  188.  —  Lacombe  Saint-Michel  à  Ri- 
chard, représentant  à  l'armée  du  Nord  en  Hollande.  P.  807.  — 
Reubell  à  Pérès  et  Portiez  de  l'Oise.  P.  838.  —  Du  Bois  Du  liais  à 
Lacombe  Saint-Michel.  P.  492.  —  Lacombe  Saint-Michel  à  Du  Bois 
Du  Bais.  P.  596.  — Merlin  (de  Douai)  à  Le  Febvre.  P. 096.  —  Bous- 
quet (du  Gers),  au  Comité  de  salut  puijiic.  P.  G89.  —  Cil.  (Cochon 
à  Merlin  (de  Douai).  P.  781. 

Tome  vingt-deuxième. 

L  Séances  journalières  du  Comité  de  salut  public  :  Pp.  i,  33, 
67,  98,  147,  174,  210,  288,  265,  291,  38û,  857,  386,  4o8,  489,  489, 
522,  542,  558,  5gi,  610,  64o,  686,  714,  780,  772,  801. 

IL  I.  Décrets  de  la  Convention  relatifs  au  Comité  de  salut  public  : 
Pp.  618,  666  (renouvellement). 

2.  Missions  de  représentants  décrétées  ou  prorogées  par  la  Gon- 

1.  Lettre  de  Bousquet  (député  du  Gers),  datée  de  Paris,  mentionnée  à  cette 
place  vu  son  objel,  l'état  sanitaire  de  l'armée  des  Pyrénées-Orientales.  Cf.  p.  722. 


176       REVUE    HISTORIQIE    DE    LA    HÉVOLITION   FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

vention  :  Pp.  i3,  !\i,  48,  74,  70,  1 10  (inspection  des  relais),  m, 
i56  (pays  conquis  en  deçà  de  la  Meuse,  et  de  la  Meuse  au  Rhin), 
i85,  273',  274,  370,  391,  417,  449  (rappel),  467,  478  (réparation 
des  routes),  565,  618,  619,  667,  722,  748. 

3.  Autres  décrets  relatifs  aux  missions  ou  aux  représentants  : 
Pp.  75,  i85,  721,  747,  783,  784,  811. 

III.  Correspondance  du  Comité  de  salut  public,  etc.,  et  des  re- 
présentants dans  les  départements,  ports  de  mer,  localités. 

I.  Départements.  —  Ain  :  Pp.  63,  139,  4oi,  4o2,  487,  555,  711, 
728,  822.  Aisne  :  Pp.  807,  748.  Allier  :  P.  7G8.  Alpes  (Basses-)  : 
P.  191.  Alpes  (Hautes-)  :  P.  191.  Alpes-Maritimes  :  P.  801.  Ardè- 
clie  :  Pp.  3o,  94,  290,  353,  391,  609.  Aube:  Pp.  63,  117,  118,  189, 
202,  2o3,  224,  282,  25i,  288,  322,  350,^371,  898,  461,  485,  517, 
53o,  540,  548,  568,  584,  585,  586,  622,  682,  684,  685,  669,  709, 
710,  724,  755,  789,  8i3,  822.  Aveyron  :  Pp.  i4o,  891. 

Bec  d'Aiiibez  ou  Gironde  :  Pp.  168,  169,  281,  824,  417,  46o,  484, 
558.  680,  670,  704,  797,  812.  Bouchos-du-Rhône  :  Pp.  66,  96,  97, 
209,  288,  828,  355,  878,  556,  584,  685. 

Calvados  :  Pp.  49,  i64,  206,  3i4.  849,  538,  553,  57g,  6o4,  675, 
748,  795.  812,  8i5.  Charente  :  P.  27.  Cher  :  Pp.  188,  290,  344, 
35o,  383.  3gg.  426,  52g,  549,  597,  683,  766.  Corrèze  :  Pp.  19,  63, 
897,  426,  598.  621.  Côte-d'Or  :  Pp.  118.  698. 

Dordognc  :  Pp.  ig,  27,  63,  168,  16g,  281,  824.  3g7,  417,  426, 
460,  484,  485,  553.  584.  598,  621,  63o,  670,  754.  7g7.  Doubs  : 
Pp.  118.  586.  798.  Drôme  :  Pp.  i4o,  891. 

Eure  :  Pp.  58.  208,  343.  588.  790.  Eure-et-Loir  :  Pp.  58,  208. 
348. 

Gard  :  Pp.  ig,  119,  172,  207.  262.  353.  Garonne  (Haute-): 
Pp.  gi.  169.  Gers  :  Pp.  91.  169. 

Hérault  :  Pp.  19,  119,  172,  207.  262,  853. 

Indre  :  Pp.  899,  426.  597.  Indre-et-Loire  :  Pp.  62,  76O.  Isère  : 
Pp.  63,  189,  191,  344-  4oi,  4o2,  487.  555.  711.  822. 

Jura:  Pp.  118,  586,  798. 

Loir-et-Cher  :  Pp.  80,  i38,  290.  85o,  383,  899,  52g,  688.  Loire  : 
Pp.  80,  68,  g4,  189,  290,  853,  4oi.  4o2,  487.  555,  609,  711,  728, 
822.  Loire  (Haute-)  :  Pp.  3o,  94,  290,  353,  60g.  Loiret  :  Pp.  425. 
Lot-et-Garonne  :  Pp.  584,  63o.  812.  Lozère  :  Pp.  i4o,  8gi,  728. 

Manche  :  Pp.  i63,  255,  424,  457.  538,  077,  608,  762,  768,  795. 
Marne  :  Pp.  63,  117,  118,  189,  202,  208,  224.  282,  25i.  288,  822, 
350.871.  898,461, 484,485,517, 580,540,548, 568, 584, 585,  586,622, 

I .  ji  -Mission  de  Gasenave  à  .\mieiis  ■  :  c'est-à-dire  dans  la  Somme,  où  il  rem- 
plaça Blaux. 


BIBLIOGRAPHIE  I77 

('>32,  634,  635,  669,  70g,  710,  724,  755,  789,  8i3,  822.  Mayenne  : 
Pp.  18,  2G,  61,  9o,i3i,  166,  168,  229,  258,  286.  Meurthe  :  Pp.  80, 
91,  118,  322,  324,  391,517,  o8(i.  Meuse  :  Pp.  171,  3o8,  768.  Mont- 
Blanc  :  Pp.  118,  igi,  586.  Mont-Terrible  :  Pp.  728,  797.  Moselle  : 
Pp.  80.  91,  322,324,  391,  517. 

Nièvre  :  Pp.  i38,  290,  35o,  383,  399,  529,  683.  Nonl  :  Pp.  76, 
342,455,481,482,534,601,674. 

Oise  :  Pp.  i4,  20,  iSg.  34i,  393.  507,  5o8,  009.  Orne  :  Pp.  bij. 
538,  795. 

Paris  (approvisionnement  de)  :  Pp.  i3,  ni,  122,  124,  160,  25o, 
619,  69g,  724,  782,  790,  8i3,  814.  Paris  (départements  voisins  de)  : 
Pp.  20,  88,  186,  222,  224,  253,  3io,  375,  3g3,  4i8,  565,  695,  622, 
671,  791,  794.  Pas-de-Calais  :  Pp.  76,  342,  455,  481,482,  534,  601, 
674.  Pyrénées  (Ba.sses-)  :  Pp.  25i,  398,  427.  797.  Pyrénées  (Hautes-)  : 
Pp.  25i,  398,  427,  797- 

Rhin  (Bas-)  :  Pp.  118,  586,  728.  797.  Rhin  (Haut-)  :  Pp.  728, 
797.  Rhône  :  Pp.  63.  139.  4oi,  4o2,  555,  568,  569,  711,  728,  822. 
"  Saône  (Haute-)  :  Pp.  118,  586,  798.  Saône-et-Loire  :  Pp.  63, 
139,  4oi,  4o2,  487,  555,  711,  728,  822.  Sarthe  :  Pp.  59,  538,  790. 
Seine-Inférieure  :  Pp.  164,  187,  257,  3g6,  l^ô■].  538,  553,  57g,  6o4, 
6o5,  626,  676,  705,  724,  764,  7g5,  7g6,  81 5.  Seine-et-Marne  :  P.  374. 
Seine-el-Oise  :  Pp.  i4,  20,  i5g,  252,  34i,  393,  507.  Somme  : 
Pp.  5o,  52,  76,  126,  157',  162,  194,  195,  253,  254,  255,  274  ^ 
3o8%  3io,  344,  345,  375,  376,  3g4,  4i8,  419,  420,  452,  453,  480, 
507,  5og,  5io,  5ii,  532,  533,  547,  55i,  566,  567,  5g5.  59g,  600, 
622,  623,  624,  668,  700,  723,  749,  784. 

Tarn  :  Pp.  91,  i6g. 

Var  :  Pp.  66,  g6,  97,  20g,  233,  828,  355,  373,  556.  685.  Vau- 
cluse  :  P.  i4o.  ^'ienne  :  P.  426.  Vienne  (Haute-)  :  Pp.  27.  399,  097, 
766. 

Yonne  :  Pp.  874,  479-  698. 

1  bis.  Districts  de  Bourg-Egalité  (Bourg-la-Reine)  et  de  Frau- 
ciade  (Saint-Denis)  :  Pp.  159,  202,  34i,  893,  507. 

I  ter.  Indes  orientales  [lettre  datée  de  Brest]  :  P.  582. 

i  qiiater.  Inspection  des  relais  :  P.  757. 

2.  Ports  de  la  Manche  et  de  l'Océan  :  Pp.  22,  28,  258,  3i4,  872, 
378,  423,  483,  6o5,  706. 

3.  Rivières  :  Pp.  289,  302,  383,  487. 

1.  La  table  des  matières  et  le  libellé  portent  :  a  Blaux,  représentant  à  Amiens». 
Mais  c'est  de  tout  le  déparlcnient  de  la  Somme  qu'il  s'agit. 

2.  Même  observation. 
S.  Id. 

BFV.    HIST.    I)K    LA    nÉVOL.  iS 


170       RF.VLE    HISTOUiniE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

4-  Localitt's  groupées  :  Bayonne,  Bordeaux,  La  Rochelle  et  Ro- 
chefort  :  Pp.  18,  168.  287.  288.  882,  459<  681.  Brest  et  Lorientou 
côtes  (le  Brest  et  Lorient  :  Pp.  60,  61.  i3o,  2a3,  258,  3i5,  3i8,  819, 
f^Sl^.  539,  567,  O77.  764,  796.  Calais,  Dieppe,  Dunkerque  et  Le 
Havre.  Cette,  iMarseille,  Toulon  et  Nice.  Ronfleur,  Port-Malo, 
Nantes  et  Paimbeuf  :  Pp.  i65,  629.  Le  Creusot  et  Pont-de-Vaux  : 
Pp.  3o,  81,  4oo.  463,  587.  Tulle  et  Bergerac  :  P.  583,  680. 

5.  Localités  isolées  :  Landrecies  :  Pp.  112.  127,  346.  548,  670, 
791.  Landau  :  Pp.  170,  259.  260,  822.  Liège  :  Pp.  609,  786.  Meu- 
don  :  P.  756.  Toulon  :  Pp.  97,  t43.  i45.  i46.  208.  264.  291,  3a8, 
357.  385,  4o4.  4o5>  407,  438,  465,  466,  55o,  Sgo.  598,  638.  684, 
698.  756,  824.  Vernon  :  Pp.  762.  799. 

IV.  Correspondance  du  Comité  de  salut  public,  etc.,  et  des  re- 
présentants aux  armées. 

1.  Alpes.  V.  Alpes  et  Italie. 

2.  Alpes  et  Italie  :  Pp.  66,  94.  i4o.  45o.  5i8.  558.  598,  610,  729, 
771,  §01,  826. 

3.  Côtes  de  Brest  et  de  Cherbourg  :  Pp.  17,  18.  24.  26.  89,  90, 
i3i,  i34.  i65.  166.  168.  227.  229.  258.  284.  286.  3i5.  879.  425. 
458,  58o,  58i.  58ï.  606.  627.  670.  676.  706,  707.  720.  726.  811, 
816,  818,  819. 

4.  Italie  :  Pp.  3i,  82.  81.  96.  97.  119.  i4i.  i42,  il^'i,  ili5,  i46, 
172,  178,  282,  252.  264.  291.  828.  33o,  357,  874.  385.  386,  4o4. 
4n5.  407.  4o8.  438,  439.  45o.  465.  466.  522.  54i.  555.  588.  Sgo, 
099,  635.  687.  688.  689.  671.  685,  -jôG.  790,  828. 

5.  Méditerranée  (Armée  navale  de  la)  :  Pp.  3i,  82,  81.  97,  iig, 
i43,  i45,  i46.  264,  291,  828,  857,  385.  4o4-  4o5,  407,  438,  465, 
466,  590,  635.  687.  638,  68^,  824. 

6.  Nord  et  Sambre-ot-Meusc  :  Pp.  i5.  20.  56,  82.(85).  85,  (ii3), 
(116),  (129),  129,  i58,  196,  201.  (221),  (226),  275,  278,  (2-79). 
(280).  (281),  282,  309.  (3ii).  3ii,  8:3,  [342],  347,  348.  (876),  .895, 
(895),  (420),  (422),  (423),  455.  462.  5i2.  5i3.  5i4,  (5i5),  (534), 
(537),  (538).  (55 1),  552,  570,  578,  (574),  (576).  (SgS),  (Sgli),  597, 
601,  621  ',  625,  626,  668,  701.  (704),  7o5.  (728),  (750),  (751),  752, 
I753],  785,  791,  814. 

7.  Ouest  :  Pp.  184,  187.  166.  188.  280,  284.  280,  3i5.  820.  38o. 
897,  4495  458,  568,  082,  669,  680.  726,  727. 

8.  Pyrénées-Occidentales  ;  Pp.  48,  325,  344.  372.  429.  4Ô9,  5i6. 
589,  54i.  554.  607.  63i.  681,  682,  708.  754,  755.  767,  819,  820. 

I.  Le  libellé  de  1,t  suscriplion  porle  :  «  Cambacérès,  membre  du  Comité  de  salut 
public;  à  Pérfcs,  représenlaiil  à  Bni.\clle.';  ».  Il  faut  suppléer  :  <  aux  armées  du 
JVord  et  de  Sambrc-ct-Mcusc  ». 


BIBLIOGRAPHIE  l'yg 

I).  Pyrén(?p.s-Orientalos  :  Pp.  ig,  64,  igi,  262,  268,  277,  325, 
828.  383.  4o4,  484,  435,  438,  464,  479,  487,  53o,  53i,  769,  770,  799. 

10.  Rhin-et-Moselle  :  Pp.  118,  171,  189,  260,  27G,  549,  787. 

11.  Sainbre-el-Meuse  :  V.  Nord  et  Sambre-et-Meuse. 

12.  Pays  occupé  :  Hollande  ou  Proviaces-Unies  :  Pp.  16,  53,  77, 
85,  112,  116,  226,  249,  279,  280,  281,  3i  I,  3 12,  876,  895,  420,  422. 
428,  5i5,  534,  537,  538,  55i,  574,  576,  695,  5g6,  675,  704,  728, 
700,  75i,  757,  760,  761. 

V.    Missives  qui,  dans  la  correspondance,  concernent  : 

1.  La  Convention  ou  son  président  :  Pp.  28,  122,  i84,  i4i,  i59, 
160,  170,  8i3.  346,  42g.  5i6,  57g,  6o5,  035,  705. 

2.  Le  Comité  de  légi.slation  :  Pp.  288,  2go,  449-  46i,  485,  767, 
812. 

8.  Le  Comité  de  sûreté  générale  :  Pp.  62,  118,  194,  288,  845, 
871,  899,  4o2,  420,  453.  5ii,  533,  547,  566,  567,  568,  624,  698. 
711,  712,  748,  74g. 

4.  Les  Comités  de  salut  public  et  de  sûreté  générale  réunis  : 
P-;3g. 

5.  Les  Comités  de  salut  public,  législation,  et  sûreté  générale  : 
P.  188. 

6.  Les  Comités  de  législation  et  de  sûreté  générale  :  P.  427. 

7.  Le  Comité  d'instruction  publique  '   :  P.  43i. 

VL  Lettres  afTectant,  par  quelque  détail,  un  caractère  privé.  De 
Simon  Camboulas, député  de  l'Ardèche,  au  Comité  :  P.i3g.  —  J.  Le 
Febvre  à  Merlin  (de  Douai).  P.  ig6.  — Albert  à  Lesage.  P.  202. 
—  Pérès  à  Cambacérès.  P.  347-  —  Bouret  k  Aubry.  P.  424-  — 
Delaunav  à  Lesage.  P.  582.  —  Cambacérès  à  Pérès.  P.  621.  -^  De- 
lamarre  à  Merlin  (de  Douai).  P.  674.  — Merlin  (de  Douai)  à  Merlin 
(de  Thionville).  P.  787.  —  Isoré  à  Cambacérès.  P.  8i4-  —  Guezno, 
Guermeur  et  Grenot  à  Defermon.  P.  818. 

H.  MONIN. 


I.  La  suscriplion  «  au  Comité  de  l'Instruction  publique  »  est  omise  à  la  table 
des  matières,  p.  8^8.  article  i3.  —  C'est  au  Comité  de  salut  public  que  s'adresse 
un  autre  représentant  (Bailleul)  chargé  de  l'exécution  des  lois  relatives  à  l'instruc- 
lion  publique,  mais  pour  se  plaindre  des  postes  et  messageries  (P.  764). 


lOO       REVITE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

Comte  O'Kellv  de  Galway.  Francisco  de  Miranda,  général  de 
division  des  armées  de  la  République,  héros  de  l'indépendance 
américaine.  Biographie  et  Iconographie.  Paris,  Champion, 
igi3.  In-8°  île  190  p..  fig. 

Francisco  Miranda',  né  à  Caracas  le  9  juin  1706,  se  dévoua  dès 
sa  jeunesse  à  l'aflranchissement  de  la  capitainerie  du  Venezuela  et 
du  royaume  de  la  Nouvelle-Grenade,  colonies  opprimées  par  la 
métropole  européenne,  encouragées  dans  leurs  justes  revendications 
par  l'exemple  des  Etats-Unis  de  l'Amérique  du  Nord.  Officier  au 
service  de  l'Espagne,  a-t-il  fait  partie  du  corps  espagnol  qui  alla 
seconder  Rochanibeau  et  Washington  ?  Plusieurs  historiens  l'affir- 
ment :  M.  O'Kellv  de  Galway  est  muet  sur  cette  question.  Ses  dé- 
marches auprès  de  Washington,  de  Catherine  II,  de  Pitt,  en  faveur 
de  l'indépendance  latine,  ne  nous  paraissent  appuyées  que  sur  de 
bien  vagues  témoignages.  Somme  toute,  ayant  quitté  le  service  de 
l'Espagne  et  parcouru  une  partie  de  l'Europe,  Miranda  vient  en 
France  en  avril  1792.  Lié  avec  Brissot(qui  dès  l'ancien  régime  avait 
fondé  la  Société  des  Amis  des  Noirs)-,  et  avec  Petion,  il  obtint  un 
commandement  dans  l'armée  de  Dumouriez,  à  l'arrière-garde,  et 
rallia  le  16  septembre  1792  dix  mille  recrues  prises  de  panique,  et 
qui  participèrent,  quatre  jours  après,  à  la  victoire  de  Valmy.  Miranda 
prit  Anvers  le  29  novembre.  Le  5  janvier  1793,  successeurdu  géné- 
ral Valence,  il  dirigea  le  bombardement  de  Maëstricht  (février)  et, 
après  la  panique  d'Aix-la-Chapelle,  battit  en  retraite  et  sut  échapper 
à  l'ennemi  (2  mars).  11  prit  part  à  la  bataille  de  Neerwinden  (18  mars) 
et  fut  accusé  de  la  défaite.  Dénoncé  par  Dumouriez,  il  alla  dès  le 
21  mars  rendre  compte  de  sa  conduite  à  la  Convention  et  réclamer 
des  juges.  Il  fut  traduit  devant  le  tribunal  révolutionnaire,  qui  écou- 
tait encore  les  prévenus  et  les  avocats  (onze  séances;  plaidoiries  de 
Chauveau-Lagarde  ;  discussion,  par  Miranda,  de  chacune  des  dépo- 
sitions). Le  iG  mai,  il  fut  acquitté  k  l'unanimité  et  triomphalement 
reconduit  k  son  domicile,  couronné  de  fleurs.  Il  n'en  fut  pas  moins 
emprisonné  sous  la  Terreur,  comme  ami  des  Girondins;  le  9  ther- 
midor an  II  lui  donna  la  liberté;  au  18  fru<-tidor  an  V,  il  fut  pros- 
crit et  se  réfugia  en  Angleterre.  Il  était,   en  France,   suspect  de 

I.  Son  acte  de  baptême,  cilé  p.  71,  ne  porte  pas  la  particule.  —  L'auteur  décrit 
le  blason  de  la  noble  et  ancienne  famille  Miranda,  dont  les  titres  remonteraient  au 
neuvième  siècle  ;  mais  il  ne  prouve  nullement  que  Francisco  ^liranda  s'y  rattache,  et 
donne  même  (p.  7/1)  un  extrait  de  lettre  du  général  Dumas,  d'après  lequel  ils  seraient 
tous  deux  du  même  sany,  c'est-à-dire  hommes  de  couleur. 

3.  Cette  indication  nous  est  personnelle  (H.  M.}. 


BIBLIOGRAPHIE 


royalisme,  et  non,  à  ce  qu'il  semble,  sans  de  sérieux  indices.  Il  no 
paraît  plus  avoir  demandé,  en  tout  cas  il  n'a  pas  obtenu  de  nou- 
velles lettres  de  service  dans  les  armées  de  la  République,  ni  du 
Consulat,  ni  de  l'Empire.  Il  fut  même  encore  arrêté  k  Paris,  mais 
relâché  de  suite,  lors  du  complot  de  la  machine  infernale  (1801). 
De  retour  à  Londres,  il  y  reçut  les  moyens  de  se  rendre  en  Amérique 
pour  diriger,  en  180O,  deux  expéditions  contre  le  gouvernement 
espagnol  du  Venezuela  :  il  échoua  (Notons  qu'à  ce  moment  de  sa 
carrière,  Miranda  doit  être  compté  parmi  les  adversaires  de  la  poli- 
tique française,  intimement  liée  à  celle  du  roi  d'Espagne).  C'est  en 
iSioque  Miranda  revint,  toujours  d'Angleterre,  avec  le  jeune  Simon 
Bolivar,  aux  côtés  duquel  l'histoire  le  place.  Celte  fois  il  l'oinporla. 
Le  gouvernement  républicain  de  Caracas  se  maintint  jusqu'en  1812. 
Mais  le  général  Miranda  éprouva  des  revers,  fut  fait  captif  et  traité 
en  rebelle.  Il  mourut,  martyr  de  la  liberté,  dans  un  cachot  de  Cadix 
(11  juillet  1816). 

Le  nom  de  Miranda  est  gravé,  dit  M.  O'Kelly  de  Galway,  k  la 
quatrième  colonne  du  pilastre  nord-ouest  de  l'arc  de  triom[)he  de 
l'Etoile,  parmi  seize  généraux  qui  ont  servi  dans  les  armées  du  Nord  : 
Grouchy,  Villaret,  Dillon,  Charbonier,  Miranda,  Valence,  Tilly, 
Ferrand,  Chazot,  Landremont,  Lanoue,  Pully,  d'Aboville,  Carnot, 
Duval,  Leveneur.  (Dumouriez,  Kellormann,  Stengel,  Chamorin, 
Thouvenot,  Dampierre,  Custine,  Bcurnonville  sont  inscrits  sur 
d'autres  colonnes). 

L'iconographie  de  Miranda  est  assez  maigre,  du  moins  comme 
documents  contemporains.  En  revanche,  l'auteur  nous  donne  à 
profusion  les  portraits  des  Vénézuéliens,  etc.,  qui  ont  contribué  k 
le  glorifier. 

La  bibliographie  est  traitée  avec  soin  ;  les  ouvrages  sont  donnés 
avec  leurs  cotes  dans  les  dépôts  publics.  Nous  n'y  trouvons  pas  les 
Lettres  sur  l'abus  des  conquêtes  dans  une  République,  citées  par 
un  ami  et  compagnon  de  captivité  (aux  Madelonnettes)  du  généra) 
Miranda  :  je  veux  dire  Quatremère  de  Quincy.  M.  Schneider,  le 
plus  récent  biographe  de  Quatremère  (1910),  les  indique  avec  la 
mention  :  «  Paris,  1796  »'.  A  la  même  date,  M.  O'Kelly  de  Galway 
enregistre''  :  «  Opinion  du  général  Miranda  sur  la  situation  ac- 
tuelle de  la  France  et  sur  les  remèdes  convenables  à  ses  maux. 
Paris,  imprimerie  de  la  rue  de  Vaugirard,  n°  790,  an  III  de  la  Répu- 
blique, in-8°.  Bib.  Nat,  cote  LB  "  1912.  »  Le  danger  d'une  trop 
grande  extension  du  territoire  de  la  République  y  est  effectivement 

1.  Schneider,  Quatremère  de  Quincy.  Paris,  1910  ;  p.  i65,  note  2. 

2.  P.  i83. 


l82       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRB 

prévu,  —  on  peut  dire  aujourd'hui  prédit,  —  avec  une  singulière 
sagacité.  Les  deux  opuscules,  vraisemblablement,  n'en  font  qu'un. 
Quatremère  en  a  peut-être  masqué  le  titre  pour  la  même  raison  de 
prudence  qui  l'a  empêché  de  nommer  Miranda  dans  les  deux  édi- 
tions de  1795  de  ses  propres  Lettres  sur  le  préjudice  qu'occasionne- 
raient... le  déplacement  des  monuments  de  l'art  en  Italie,  le  dé- 
membrement de  ses  écoles,  etc.  et  dans  celle  de  181 5  (Rome). 
.Miranda  ne  figure  sur  le  titre  que  dans  la  quatrième  édition  (i83G). 
Peut-être  manque-t-il  à  l'ouvrage  de  M.  O'Kelly  de  Galvvay  un 
chapitre  sur  les  relations  amicales  et  politiques  de  Quatremère  et 
de  Miranda  :  relations  qui  ne  purent  qu'être  l'ort  mal  vues  du  vain- 
queur d'Arcole,  et  surtout  du  premier  Consul. 

H.  MONIN. 


Le  chanoine  Deniau,  Dom  Chamard  et  l'abbé  Uzureau,  directeur 
de  V An/ou  historique.  Histoire  de  la  guerre  de  Vendée  ;  .\ngers 
(J.  Siraudeau,  éditeur),  s.  d.  ;  gr.  in-8°.  Tomes  V  et  VI,  821  et 
825  pp.  —  F'ascicule  de  cartes. 

Ainsi  que  nous  l'avons  mentionné  à  l'occasion  des  tomes  I  à  IV, 
M.  l'ahbé  Uzureau  s'est  donné  la  tâche  difficile  et  délicate  de  rema- 
nier, ça  et  là,  et  surtout  de  compléter  l'œuvre  de  ses  prédécesseurs. 
La  cinquième  partie  (t,  V  et  pp.  i  à  i5i  du  t.  VI)  conduit  le  lecteur 
du  24  décembre  1794  au  16  février  1800;  la  si.xième  et  dernière 
partie  comprend  les  événements  de  i8i4-i8id,  et  l'aventureuse 
tentative  de  la  duchesse  de  Berrj,  mère  de  k  l'héritier  légitime  du 
trône  de  France  »,  contre  «  l'usurpateur  »  Louis-Philippe  I",  roi  des 
Français,  en   1882. 

Ces  derniers  volumes,  d'une  lecture  attachante,  conservent  leur 
caractère  de  vulgarisation  érudite.  L'illustration  se  borne  à  quel- 
ques portraits  (Cormatin,  D'.\utichamp,  Frotté,  De  Bourmont,  etc.). 
En  revanche,  les  références  sont  devenues  plus  abondantes  et  plus 
précises.  L'historien  a  peut-être  fait  une  place  trop  large  à  des  épi- 
sodes, k  des  anecdotes  bien  difficiles  à  contrôler.  .-Vtroces  ou  édi- 
fiants (l'un  n'empêche  même  pas  l'autre),  ces  récits  intéresseront 
d'ailleurs  plus  que  celui  des  pacifications  révolutionnaires,  des 
intrigues,  tergiversations,  et  lâchetés  de  la  haute  politique.  Les 
«  héros  »  vendéens  sont  encore  l'objet  d'un  culte  de  village  ou  de 
famille  ;  et  c'est  un  des  caractères  historiques  de  cette  guerre 
civile  d'avoir  fourni  ample  matière  à  la  légende. 

.\u  reste,  l'esprit  vendi'eii  s'elTace  avec  le  temps  :  «  Où  trouver 


BlBLIOliKAPIlIE  l83 

[parmi  les  Vendéens  d'aujourd'hui],  s'écrie  l'auteur,  de  vrais  légi- 
timistes? On  peut  les  compter.  Ont-ils  mieux  conservé  leur  foi 
religieuse  que  leur  foi  politique?...  Qu'est  devenu  leur  respect  et 
leur  soumission  envers  leurs  anciens  seigneurs,  leur  vénération 
envers  leurs  prêtres  ?...  Qu'avons-nous  vu  en  1870?  Que  répétait-on 
alors  journellement  de  bouche  en  bouche  ?  Que  les  nobles  et  les 
prêtres  étaient  cause  de  la  guerre...  qu'ils  faisaient  passer  aux  Prus- 
siens des  sommes  fabuleuses,  qu'ils  voulaient  l'extermination  de 
leurs  enfants  et  qu'ils  cherchaient  à  rétablir  la  dîme  et  tous  les 
anciens  droits  féodaux  !  Pourra-t-on  se  figurer  qu'aucun  raisonne- 
ment ne  pouvait  les  dissuader  de  pareilles  inepties  ?  Voila  pourtant 
ce  que  nous  avons  vu  de  nos  yeux,  entendu  de  nos  oreilles  pendant 
plusieurs  années  consécutives.  » 

L'auteur  constate  néanmoins  que  les  «  devoirs  stricts  envers 
Dieu  »  sont  remplis,  que  les  associations  pieuses,  que  l'habitude 
des  pèlerinages  fleurissent  toujours  dans  la  région  de  l'Ouest.  Ce 
qui  manque,  ce  seraient  «  le  respect  et  le  dévouement  »,  honneur 
et  gloire  des  aïeux.  «  Qu'un  souffle  d'en  haut  vous  accorde  cette 
divine  faveur!  Et,  un  jour,  il  faut  l'espérer,  votre  cri  de  guerre  sera 
encore  :  Dieu  et  le  Roi  !  »  (T.  VI,  p.  772-773.) 

Le  malheur  est  que  ce  «  Roi  »  serait  justement  le  descendant  de 
Philippe-Egalité,  le  «  régicide  »  ;  celui  de  Louis-Philippe,  l'usurpa- 
teur, lequel  se  complut  à  déshonorer  la  mère  du  roi  légitime,  la 
duchesse  de  Berry,  sa  prisonnière  ! 

De  tels  souvenirs,  l'enseignement  qu'ils  comportent,  l'ingratitude 
bien  connue  de  la  Restauration  envers  les  chefs  et  les  soldats  des 
insurrections  vendéennes,  expliquent  h  merveille  que  le  catholicisme 
se  soit  dégagé  de  la  superstition  monarchique;  peut-être  perdrait-il 
à  la  vouloir  lessusciter... 

L'ouvrage  a  reçu  son  indispensable  complément  géographique  et 
topographique.  Il  consiste  en  cartes  h  grande  échelle  qui  concer- 
nent : 

1.  Les  combats  de  Cholet,  i4  mars  et  17  octobre  1798;  le  combat 

de  La  Tremblaye,    i5    octobre  ;    le    combat    de    Mortagne, 
28  mars  1794; 

2.  Les  combats  de  Chantonnay,  19  mars  et  5  septembre  1798  ; 

3.  Les  combats  de  Chemillé,   i3  mars  et  11  avril  1793;  celui  de 

Saint-Lambert,  3o  mars  ;  celui  de  Pont-Barré,  19  septembre 

'793; 
4-    Les  combats  de  Beaupréau,  22  avril  1798; 

5.  Les  batailles  de  Fonfenay,  16  et  20  mai  1798  ; 

6.  La  prise  de  Saumur,  9  juin  1798; 


10%        REVUE    HISTORIl^LE    DE    LA    REVOLUTION    FRAN^:aISE    ET    UE    L  EMPIRE 

7.  Le  siège  de  Nantes,  29  juin  1798; 

8.  Les  batailles  de  Chàtillon,  3-5  juillet  et  4  octobre  1793  ; 

9.  La  bataille  de  Vihiers,  18  juillet  1798  ; 

10.  Les  batailles  de  Luçon,  28  juin,  3o  juillet,  4  août  1798  ; 

11.  L'île  de  Noirmoutiers  et  la  baie  de  Bourgnmif; 

12.  La  bataille  de  Torfou,  19  septembre  1798; 

i3.    Les  batailles  d'Eutrammes,  26-27  novembre  1798; 

i4-   Le  siège  de  Granville,  i4-iô  novembre  1798  ; 

i5.   Les  l)alailles  de  Dol  et  d'Antrain,  21-22  novembre  1798  ; 

16.  La  bataille  de  Savenay,  28  décembre  1798  ; 

17.  L'afTaire  de  Quiberon,  16  et  21  juillet  1795. 

Une  carte  générale  des  guerres  de  Vendée  et  de  la  chouannerie 
au  4Ô0  000^  permet  d'embrasser  l'ensemble  des  opérations. 

Ces  cartes  ont  été  dressées  avec  le  plus  grand  soin  par  !NL  Ernest 
Colon,  d'après  Cassini,  la  carte  d'Etat-major,  et  divers  documents 
locau.x  '. 

H.    MONIN. 

Lettres  et  documents  pour  servir  à  l'histoire  de  Joachim  Murât 
(1767-1815).  [ndiliés  par  S.  A.  le  Prince  .Mirât,  avec  une  intro- 
duction et  des  notes  par  Paul  Le  Bretiion,  archiviste-paléographe, 
Ijibliothécaire  honoraire  ii  la  Bibliothèque  nationale.  T.  VII, 
(Rovaume  de  Naples,  i"  février-9  septembre  1809).  i  vol.  in-8°, 
5o6  p.,  avec  gravures  hors  texte.  Paris,  Pion,  1918. 

Les  six  premiers  volumes  des  Lettres  pour  servir  à  l'histoire  de 
Joachim  Marat,  que  publie  S.  A.  le  prince  Murât  et  que  M.  Paul  Le 
Brethon  annote  avec  tant  de  soin  et  d'érudition,  avaient  déjà  donné 
une  foule  de  lettres  présentant  un  vif  intérêt,  non  seulement  pour 
la  vie  de  IMurat,  mais  pour  l'histoire  militaire  de  la  Révolution  et 
de  l'Empire.  Avec  le  tome  VII  (du  1'='^  février  au  9  septembre  1809), 
nous  continuons  à  suivre  les  débuts  de  Mural  comme  roi  de  Naples. 
A  ce  titre,  cet  ouvrage  apporte  une  contribution  d'une  grande  valeur 
à  l'étude  du  .système  napoléonien  eu  général  et  du  conflit  qui  se 
posa  tout  de  suite  pour  Murât,  entre  ses  devoirs  envers  l'Empereur 
et  la  France  d'une  part,  envers  ses  sujets  d'autre  part. 

Saliceti  (lettre  n"  8835)  lui  expose  en  termes  d'une  netteté  sai- 
sissante l'idée  impériale  : 

L'Empereur,  comme  centre  de  toutes  les  dynasties  (pi'il  a  fondées,  veut 
en  diriger  les  opérations,  pour  en  faire  concourir  l'ensemble  à  l'affermis- 
senient  .du  grand  système  qui  va  fi.xer  les  destinées  du  monde. 

1 .  Le  fascicule  qui  les  contient  se  vend  à  part  a  fr.  5o. 


BIBLIOGRAPHIE  l85 

Uerthier  (lettre  n°  3888)  lui  dit  de  son  côté  :  «  Soyez  roi  pour 
vos  sujets,  pour  l'Empereur  soyez  un  vice-roi.  »  Et  il  ajoute  :  «  Soyez 
Français,  et  non  Napolitain.  » 

Mais  Murât  a  beaucoup  de  peine  à  accepter  cette  idée.  Il  ne  se 
console  pas  d'être  k  Naples,  loin  de  l'Empereur  et  de  ses  conseils. 
Pendant  la  campagne  de  1809,  il  frémit  d'impatience  à  la  pensée 
qu'on  se  bal  sans  lui  :  il  ne  demande  aucun  commandement,  mais 
seulement  l'honneur  d'accompagner  l'Empereur,  ou  de  servir  comme 
simple  soldat  (lettre  SgôS).  Plus  tard  il  écrit  :  «  Sire,  si  vous  sa- 
viez ce  que  je  souffre  loin  de  vous!  »  (lettre  n"  4i(Jo).  Il  est  sincère. 
Toutes  ses  lettres  de  cette  période  le  montrent  animé  du  vif  désir 
de  donner  satisfaction  à  Napoléon,  tout  en  remplissant  de  son  mieux 
ses  devoirs  envers  ses  sujets.  Elles  sont  à  la  fois  document  d'histoire 
et  document  de  psychologie. 

Gomme  les  précédents  volumes,  celui-ci  contient  do  nombreuses 
lettres  des  correspondants  de  Murât.  Nous  en  avons  cité  de  Saliceti 
et  de  Berthier,  et  avons  vu  celui-ci  donner  au  roi  de  bons  conseils. 
Il  lui  parle  aussi  de  la  guerre  contre  l'Autriche.  Retenons  cette  ap- 
préciation, assez  piquante  dans  sa  sobriété,  qu'il  porto  sur  ses  ca- 
marades :  «  Masséna,  Lannes,  Oudinol,  Davout  vont  bien  :  ce  sont 
dos  hommes  dévoués...»  (lettre  n°  l\o-]ti.)Qa&al  k  Murât,  tout  le  monde 
le  regrette  comme  chef  de  cavalerie  :  pei'sonne  ne  remplace  son  ac- 
tivité et  son  talent  à  l'avant-garde  ;  privée  de  lui,  la  cavalerie  ne 
donne  plus  les  grands  résultats  qu'elle  avait  obtenus  sous  son  com- 
mandement dans  les  cumpagpes  précédentes  (Du  général  Beaumont, 
note  de  la  page  240). 

Signalons,  entre  beaucoup  d'autres,  quelques  lettres  d'Aymé, 
toutes  pleines  de  mystère,  d'allusions,  de  réticences:  «  Le  papierne 
permet  pas  de  raisonner  sur  des  matières  aussi  délicates.  »  Il  rap- 
porte k  Murât  les  bruits  qui  courent  à  Paris,  et  l'on  dirait  qu'il 
prend  plaisir  k  n'omettre  aucun  de  ceux  qui  peuvent  énerver  le  roi, 
l'indisposer  contre  l'Empereur  et  mettre  la  brouille  dans  le  ménage 
royal.  Combien  plus  raisonnable  est  Janvier,  le  secrétaire  de  la  reine, 
qui  la  rappelle  à  la  discrétion  et  lui  signale  combien  sont  dangereux 
ces  petits  rapports. 

M.  Le  Brethon  a  très  heureusement  éclairé  ces  documents  en  don- 
nant des  extraits  des  rapports  adressés  à  Champagny  par  d'Aubusson 
la  Feuillade.  Dans  ses  dépêches,  dont  l'allure  diplomatique  et  le 
style  correct  jurent  avec  les  vivacités  de  plume  de  Murât,  «  l'ambas- 
sadeur de  famille  »  montre  les  événements  sous  un  jour  différent  et 
aide  le  lecteur  à  s'en  faire  une  idée  plus  juste. 

Toute  la  partie  administrative  de   la  correspondance   de  Murât, 


l86       KEVCE    HlSrOHlyLi;    DL    LA    RÉVOLITION    FRANÇAISE   ET    DE    l'eMPIRE 

lettres  et  ordres  à  ses  ministres  et  à  ses  généraux,  présente  un  réel 
intérêt.  Il  s'y  révèle  appliqué  aux  détails,  plein  d'activité,  faisant  de 
sou  mieux  pour  se  tirer  d'une  situation  vraiment  difficile;  bienveil- 
lant, mais  ferme  ;  il  sait  bien  ce  qu'il  veut  et  ne  laisse  personne  se 
dérober  à  son  autorité.  Dans  cet  ordre  d'idées,  sa  lettre  au  général 
Partouneaux,  du  22  juillet  (u°  432i),  est  caractéristique. 

On  trouvera  à  glaner,  dans  les  sept  cent  quinze  lettres  que  con- 
tient ce  volume,  beaucoup  de  traits  pittoresques.  Citons  seulement 
ces  quelques  lignes,  où  M"-  Récamier  tourne  assez  habilement  son 
compliment  au  Roi  : 

Sire,  la  rcpousc  ubUgeanlc  de  V.  M.  ne  m'a  point  étonnée;  quand,  au 
titre  de  femme,  on  joint  la  recommandation  des  malheurs,  on  doit  réussir 
auprès  de  ces  âmes  élevées  qui  savent  emliellir  la  bonté  de  tout  l'éclat  de 
la  gloire.  (N°  SgSy.) 

Ce  recueil  se  lit  avec  facilité  et  agrément,  tant  il  v  a  de  vie  dans 
ces  documents,  qui  se  rapportent  à  de  grands  faits,  et  où  l'on  voit 
défiler  la  plupart  des  personnages  de  l'époque. 

Une  publication  aussi  complète  est.  par  l'abondance  et  la  variété 
des  renseignements  quelle  fournil,  un  précieux  instrument  de  tra- 
vail. Quant  aux  témoignages  ainsi  mis  à  notre  disposition,  nous  les 
croyons  presque  toujours  sincères,  plus  dignes  de  foi  en  tout  cas 
que  la  plupart  des  Mémoires  rédigés  après  coup.  Si  la  véracité  de 
Murât  dans  ses  lettres  est  quelquefois  suspecte,  il  y  expose  les  faits 
tels  qu'il  les  voyait  sous  l'influence  de  ses  intérêts  du  moment.  Et 
c'est  ce  qu'il  nous  importe  de  savoir. 

A.   DE  Tarlé. 


Léonce  (Ihasii.ier.  Évasioas  de  prisonniers  de  guerre  favorisées 
parles  francs-maçons  sous  Napoléon  V  ■  Paris.  Daragim.  In-8 
de  i5  p.  ;  i  l'r.  5o. 

S'autorisant  de  trois  ou  quatre  cas,  l'auteur  affirme  que  «  /es  sol- 
dats de  Napoléon  qui  faisaient  des  prisonniers  sur  les  champs  de 
bataille,  rentrés  dans  leur  garnison  s'ingéniaient,  en  tant  que  francs- 
maçons,  à  faire  évader  ces  mêmes  prisonniers  »  (p.  i5). 

Nous  n'avons  pas  l'intention  de  discuter  ni  les  généralisations  de 
M.  G.,  ni  la  manière  dont  il  présente  ses  pièces  à  conviction.  Voici 
seulement  quelques  indications  qui  permettront  de  mesurer  la  con- 
fiance que  méritent  ses  témoins. 


BIBLIOGRAPHIE  187 

Le  (jéucral  Wirioa,  dans  sa  lettre  à  Fouché  du  9  juillet  1808,  af- 
firme ijue  «  pas  au-dessous  de  100  Anglais  »  prisonniers  font  partie 
(le  la  loge  de  Verdun.  Le  28  juillet  1808,  le  même  général  Wirion 
écrit  à  Real  qu'il  a  la  certitude  que  «  pas  moins  de  70  Anglais  » 
ont  été  reçus  à  la  loge  des  francs-maçons  de  Verdun.  —  Voici  ce 
qu'était  cette  loge,  d'après  des  documents  conservés  aux  Archives 
du  G.-.  0.-.  de  France  : 

Reconnue  en  1790  [)ar  le  G.'.  0.'.  sous  le  titre  distinctif  des  Frères 
a/nis  ',  endormie  pendant  la  Terreur  et  réveillée  le  3o  messidor 
an  XII,  cette  loge  changea  son  nom  en  celui  de  La  Franche  Amitié, 
en  180^.  Elle  comptait  alors  cinq  membres  étrangers  :  Mears, 
.Mayers,  Tapley,  Forest  et  Vholtby.  La  même  année,  le  général 
Roussel  figure  parmi  ses  membres.  —  En  1806,  quatre  ](risonniers 
anglais  demandent  des  certificats  maçonniques  :  Thomas  Cramer, 
gentilhomme  ;  John  Mackenzie,  lieutenant  de  vaisseau  ;  Richard 
Galliers,  négociant;  Edward  Barker,  lieutenant  de  vaisseau. 

En  1807,  ces  quatre  Anglais  renouvellent  leur  demande,  en  même 
temps  que  onze  autres  prisonniers  anglais  :  Ahel  Wantner-Thomas, 
lieutenant  de  vaisseau;  YvesHurry^,  négociant;  Lovell  Edgeworth, 
gentilhomme  irlandais  ;  William  Spence,  lieutenant  de  vaisseau  ; 
Edmond  Temple,  offlcier  de  la  marine  royale  anglaise;  Charles 
Earle  Freeman,  officier  au  9^  régiment  d'infanterie  de  S.  M.  britan- 
nique ;  Richard  Gusack  Kearney,  gentilhomme  irlandais;  William 
Cochran,  lieutenant  de  vaisseau  ;  Thomas  Hutchinson,  professeur 
de  langues;  William  Gunningham  Dalyele,  lieutenant  de  vaisseau; 
Charles  Shaw,  lieutenant  de  vaisseau. 

C'est  tout.  En  revanche,  le  nom  de  Le  Maire,  c'est-à-dire  celui  du 
franc-maçon  qui  aurait  fait  évader  Yves  Hurry,  ne  figure  pas  parmi 
les  maçons  verdunois. 

En  1810,  cette  loge  demande  des  lettres  capitulaires  sous  le  titre 
de  Sainte-Joséphine  de  la  Reconnaissance .  Ces  lettres  sont  accor- 
dées sous  le  même  titre  que  celui  de  la  loge.  Au  tableau  des  fonda- 
teurs on  remarque  entre  autres  :  Lambry,  procureur  impérial; 
Lefébure,  sous-préfet;  Gand,  maire;  Elios,  lieutenant-colonel; 
Pommery,  inspecteur  des  postes. 

La  loge  a  .suspendu  ses  travau.Y  en  181 6. 

0.  K. 


I.  Le  prêtre-vicaire  Béguinet  en  avait  été  vén.-.  en  1787;   quatre  ex-bénédictins 
en  faisaient  partie  en  1791. 

a.  Et  non  Harr\-,  comme  l'écrit  M.  G.  d'aiirês  Wirion. 


IbO       REVUE   HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

D"^  Ulrich  Molsen,  Philosophie  und  Dichtung  bei  Quinet  ;  I.  Teil  : 
Jugend.  Allona,  Clir.  Adoltl',  i()i3.  lii-8°  dr  <j5  pages. 

Edgar  Quinet  se  définissait  lui-même  «  un  esprit  de  liberté  ». 
Patriote,  mais  non  point  chauvin,  aucune  nationalité  ne  lui  fut 
indilTérentc.  Il  en  est  même  arrivé,  bien  à  tort,  à  passer  pour  un 
cosmopolite.  Le  l'ait  est  qu'il  ne  s'est  généralement  pas  préoccupé 
de  s'adapter  au  public  français  pour  lequel  il  écrivait,  et,  lorsqu'il 
l'a  séduit,  ce  fut  par  rencontre.  A  l'heure  qu'il  est,  à  en  juger  par 
nos  plus  notables  histoires  de  la  littérature,  sa  pensée  et  son  œuvre 
ne  paraissent  occuper  chez  nous  qu'une  place  modeste. 

Un  Allemand  se  trouvait  par  conséquent  plus  apte  qu'un  Français 
à  pénétrer  les  origines  philosophiques  de  Quinet.  Le  mérite  de 
I\I.  Ulrich  Molsen  est  de  s'être  acquitté  de  ce  travail  avec  une  mé- 
thode sûre,  et  une  documentation  incomparable'.  Il  retrace  la  jeu- 
nesse inquiète  de  Quinet,  e.xhume  ses  [iremiers  essais,  demeurés 
manuscrits,  indique  l'inlluence  que  le  philosophe  Herder  a  exercée 
sur  son  traducteur,  et,  des  Tablettes  du  Juif  errant ,  passe  à  l'analyse 
critique  à' Ahasvérus,  dont  voici,  en  substance,  les  coiclusions  : 

1°  On  retrouve  dans  Ahasvérus  les  idées  directrices  exposées  par 
Herder  dans  la  préface  de  sa  Philosophie  de  l'humanité  :  Tout  indi- 
vidu doit  affranchir  sa  pensée  des  dogmatismes  qui  cherchent  à 
l'enchaîner,  et  l'humanité  elle-même  doit  poursuivre  sa  lutte  contre 
les  forces  hostiles  de  la  nature.  2"  l'Ultramontanismc,  le  Jésuitisme 
ont  fait  leur  temps.  S'il  faut  k  l'homme  un  Dieu  nouveau,  les 
«  attributs  »  de  ce  Dieu  sont  la  Liberté,  la  Raison,  la  Justice. 
3°  Ahasvérus  s'inspire  du  Faust  de  Goethe,  mais  sans  plagiat. 
Comme  Goethe,  Edgar  Quinet  s'est  dégagé  du  pessimisme,  de  la 
mélancolie,  du  fau.x  romantisme,  pour  s'élever  à  la  conception 
d'une  vie  ennoblie  et  sanctifiée  par  l'effort.  4°  Ahasvérus  est  le 
symbole  de  l'humanité,  en  marche  vers  une  vérité  toujours  fuyante, 
vers  un  absolu  insaisissable. 

Le  travail  de  M.  Molsen  no  nous  conduit  que  jusqu'en  i833,  et 
Quinet  est  mort  en  1870.  Mais  on  voit  et  on  sent  qu'il  le  connaît  à 
fond,  et  qu'il  admire  plus  encore  son  caractère  que  son  talent.  Eu 
terminant,  il  lui  applique  ce  mot  :  Dieser  ist  ein  Mann  geivesen,  und 
das  heisst  ein  Kàmpjer  sein.  C'est  ce  qu'oublient  beaucoup  trop 
ceux  qui,  chez,  nous,  traitent  Quinet  eu  simple  homme  de  lettres. 

C  Senil. 


I.  La  liiblioijrapliic  (p.  lo  à  lO)  nous  a  révclé  do  nombreux  opusculi's  ou  articles 
soit  inconnus,  soit  néijliyés  en  France.  .M.  iMolsen  a  e.vploré  avec  le  plus  gi-auJ 
soin  les  inédils  de  Quinel,  don  de  sa  veuve  à  la  Bibliothèque  nationale. 


BlBI.IilORAl'HIE  l8() 


Livres  nouveaux 

Charli's-F rancis  Adams,  Stiidies  militarj  and  diplomatie,  1775- 
i805.  New-York.  Macmillaii.  In-8°  ;  2  s.  5o.  —  A.  Aulard,  Les 
grands  orateurs  do  la  Révolution  :  Mirabeau,  Vergniaud,  Danton, 
Robespierre.  Paris,  Rieder.  1914-  In-8°  de  3o3  p.,  avec  pi.;  7  fr.  5o. 
—  Fernand  Autorde,  Archives  départementales  de  la  Creuse.  Ré- 
pertoire numérique.  Série  L.  (Période  révolutionnaire).  Guéret, 
Impr.  Centrale,  igiS.  In-4°  de  90  col.  —  Paul  Ballaguy,  Un  gé- 
néral de  l'an  deux,  Charles  Seriziat  (1756-1802).  Lyon,  Rey,  1918. 
In-8°  de  .\n-348  p.,  avec  illustr.  ;  7  fr.  5o.  —  Otto  Bitense,  Meck- 
lenburg  imd  die  Mecklenburger  in  der  grossen  Zeit  der  dentschen 
Befreiungskriege  (i8i3-i8i5).  Neubrandenburg,  Nachmacher,  1918. 
ln-8°  de  viii-208  p.  et  cartes;  4  fr.6o.  —  Albert  Blossier,  Cahiers 
de  doléances  du  bailliage  de  Honfleur  pour  les  Etats  généraux  de 
1789.  Caen,  Impr.  G.  Poisson,  1918.  ln-8"  de  Lin-2i4  p.  — •  Pierre 
Bodereau,  Bonaparte  à  Ancône.  Préface  du  général  de  Lacroix. 
Paris,  Alcan,  1914  [igiS].  In-i6  de  xni-254  p.,  avec  2  cartes;  3  fr. 
5o.  —  J.  L.  Borgerhoff,  Le  théâtre  anglais  à  Paris  sous  la  Restau- 
ration. Paris,  Hachette,  1913.  In- 16  de  xi-249  p.  ;  5  fr.  —  Capitaine 
Francis  Borrey,  Le  général  Lecourbe  et  son  système  de  défense 
du  Jura  en  i8i5.  Paris,  Imhaus  et  Chapelot,  1918.  In-8"  de  35  p.  ; 
75  cent.  —  Comte  Boulay  de  la  Meurthe,  Correspondance  du 
duc  d'P]nghien  (i8oi-i8o4),  et  documents  sur  son  enlèvement  et  sa 
mort.  Tome  IV.  Paris,  A.  Picard,  1918.  In-8°  de  xxvi-2g9  p.  — •  Le 
Régime  de  l'industrie  en  France  de  i8i4  à  i83o.  Recueil  de  textes 
publiés  par  Georges  Bourgin  et  Hubert  Bourgin.  Tome  !"■  (mai 
i8i4-mai  1821).  Paris,  A.  Picard,  1912.  ln-8°  de  xxi-888  p..  — 
A.  Bresson,  Les  prêtres  de  la  Haute-Marne  déportés  sous  la  Conven- 
tion et  le  Directoire.  Langres,  Impr.  champenoise,  1918.  In-8°  de 
xni-843  p.,  avec  planches.  —  A.  Brùckner,  Geschichte  Russlands 
bis  zum  Ende  des  XVIII.  Jalirhunderts.  II.  Gotiia.  Perthes,  1918.  In-8° 
de  xn-5o7  p.  ;  i3  fr.  80.  —  Chanoine  A.  Gauchie,  Le  comte  L.  C.  M. 
de  Barbiano  di  Belgiojoso  et  ses  papiers  d'Etat  conservés  à  Milan. 
Contribution  à  l'histoire  dos  réformes  de  Joseph  II  on  Belgique. 
Bruxelles.  Woissenbruch,  1912.  In-8°  do  190  p.  —  André  Chénier, 
(Euvros  inédiles,  publiées  par  Aboi  Lefranc.  Paris,  Champion, 
1918.  In-8°  ;  7  fr.  5o.  —  Arthur  Chuquet,  Inédits  napoléoniens.  Pa- 
ris, Fontemoing,  1918.  In-8°  de  5io  p.;  12  fr.  —  John  M.  Cunn, 
The  political  philosophy  of  Biirke.  London,  Arnold.  In-8°  de  vi- 
272  p.  —  K.  W.  Dannenberg,  Kriegstagebuch  von  i8i3-i4.  Ber- 


igO        REVIE    HISTORTyl-E    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

lin,  Siegisinund.  In-8°  de  ii4  p.  ;  i  mk.  5o.  —  Ernest  Daudet, 
De  la  Terreur  au  Consulat.  Paris,  Emile-Paul.  igiS.  In-i8;  3  fr. 
5o.  —  John  Dean  Paul,  Journal  d'un  voyage  à  Paris  au  mois 
d'août  1802.  Traduit  et  annoté  par  Paul  Lacombe.  Paris,  A.  Picard, 
igiS.  In-S"  de  xxix-iCS  p.  et  fig.  ;  5  fr.  —  E.  Dubois,  Les  préli- 
minaires de  la  Révolution  dans  l'Ain.  Cahiers  de  doléances  des 
bailliages  de  Bourg,  Belley  et  Gex  et  de  la  Sénéchaussée  de  Tré- 
voux. Bourg.  Impr.  du  «  Courrier  de  l'Ain  »,  igiS.  In-8°  de  819  p. 

—  G.  Ducaunnès-Duval,  Inventaire  sommaire  des  archives  muni- 
cipales de  la  ville  de  Bordeaux.  Période  révolutionnaire  (1789- 
aii  VIII).  III.  Bordeaux,  Imp.  Pech,  1918.  In-4°  de  xiv-342  j).  ;  10  fr. 

—  Enquêtes  sur  la  Révolution  en  Cùte-d'Or.  Fascicule  11°  6.  Dijon, 
Nourry,  igiS.  In-8°,  paginé  28g  à  35i.  —  C.  Faure,  Le  départe- 
ment de  la  Drôme  de  1800  à  1802.  Valence,  Impr.  Céas,  igiS. 
In-8°  de  vii-254  p.  ;  5  fr.  —  Abbé  P.-M.  Favret,  Abbaye  de  Saint- 
Remi  de  Reims  :  Inventaire  des  28,  29  et  3o  avril  1790.  Reims, 
Impr.  Monce,  iiji3.  In-8°  de  12  ji.  —  P.-M.  Favret,  Inventaire  de 
l'abbaye  d'Etival  (1790).  Épinal,  Impr.  nouvelle.  igiS.  In-8°  de 
27  p.  —  P.  Feyel,  Histoire  politique  du  xix*  siècle.  Tome  II. 
Paris,  Bloud,  igi4-  In-8°  de  70g  p.,  avec  grav.  et  portraits.  — 
P.  Fiel  et  A.  Serrières,  Gustave  III  et  la  rentrée  du  catholicisme 
en  Suède,  d'après  des  documents  inédits.  Paris.  Pion,  igi3.  In-i6 
de  vi-3i5  p.;  3  fr.  5o.  —  Journal  du  Capitaine  François,  dit  le 
Dromadaire  d'Egypte.  1 792-1830,  publié,  d'après  le  manuscrit  ori- 
ginal, par  Charles  Grolleau.  Paris.  Ferdinando,  igi3.  Deux  vol. 
in-8°  avec  cartes  et  estampes;  i5  fr.  —  Hans  Freimark,  Robes- 
pierre, eine  historisch-psychologische  Studie.  Wiesbadcn,  J.-F. 
Bergmann,  igiS.  In-8°  de  46  p.  ;  i  mk.  3o.  —  Rudolf  Friederich, 
Die  Befreiungskriege.  Bd.  V  :  Der  Feldzug  i8i5.  Berlin.  .Mittler. 
In-8°  de  ix-392  p.  ;  5  mk.  — •  Br.  v.  Germar,  Napoléon  I  und  Kai-1 
August  von  Weimar.  Ruhla,  Schwiiiger.  In-S"  de  87  p.  —  Frei- 
herr  von  der  Goitz,  1818  :  Blûchcr  und  Bonaparte.  Stuttgart. 
Deutsche  Verlagsanstalt.  In-8°  de  go  p.;  2  mk.  00.  —  Hermann 
Granier,  Hohenzollembriefe  ans  den  Freiheitskriegen,  i8i.3-iSi5. 
Leipzig,  Hiizel.  In-8°  de  vin-364  p.;  8  mk.  —  John  .\lfreil  Green, 
Life  and  Work  of  Pestalozzi.  London,  Clive.  In-8''  de  viii-394  p., 
avec  illustr.  —  Ch.  Guyot,  Souvenirs  de  la  première  invasion, 
d'après  le  journal  de  Charles  d'Espinal,  maire  de  Fouchécourt  (a.") 
décembre  i8i3-i«'' mai  i8i4)-  Nancy,  Bergcr-Levrault,  igiS.  Iu-i6 
de  21  p.  —  J.  Harmand,  L^ne  prophétie  du  xvi'  siècle  sur  la  Révo- 
lution. L<'  Liber  Mirabilis.  Paris.  Picard,  1918.  In-S"  de  27  p. — 
D'Hauteclair,  Statistique  de  la  commune  d'.\rconnay.  rédigée  en 


BIBLIOGHAPHIE 


l'an  IX  (1801).  Le  Mans,  Impr.  Monnoyer.  igiS.  In-8°  de  54  p.  — 
J.  Hommey,  Le  Collège  de  Séos  après  la  Ri^volution.  Fiers,  Impr. 
Follope,  içfi'i.  In-i2  de  24  p.  —  Otto  Karmin,  Inventaire  des  pa- 
piers de  Sir  Francis  d'Ivernois  conservés  à  la  Bibliothèque  publi- 
(|ue  et  universitaire  de  Genève.  Nancy,  Impr.  Berç|er-Levrault. 
In-S"  de  25  p.  —  Hugo  Kerchnawe  und  Alois  Veltzé,  Feld- 
niarschall  Karl  Fûrst  zu  Scliwarzeuberg,  der  Fùlirer  der  Verbùn- 
deten  in  den  Befreiungskricgen.  Wien,  Gerlacli  und  Wiedling, 
1918.  In-8°  de  271  |).  et  pi.  ;  25  fr.  —  Les  massacres  du  2  septem- 
bre 1792  à  la  prison  des  Carmes  à  Paris.  Reproduction  du  manus- 
crit de  l'abbé  de  Lapize  de  la  Pannonie,  avec  introduction  par 
Mê''  de  Teil.  Paris,  Desclée,  igiS.  In-4°  de  24  p.,  avec  grav.  —  Com- 
mandant Jean  de  La  Tour,  Duroc,  duc  de  Frioul,  grand  maréchal 
du  Palais  impérial  (1772-1813).  Paris.  Imhaus  et  Chapelot.  igiS. 
In-i6  de  vn-.320  p.,  avec  portr.  ;  3  fr.  5o.  —  A.  Lecler,  Le  Limou- 
sin et  la  Marche  au  tribunal  révolutionnaire  de  Paris.  Tome  II. 
Limoges,  Impr.  Ducourtieux,  igiS.  In-8°  de  422  p.  —  Léon 
Le  Grand,  Les  sources  de  l'histoire  religieuse  de  la  Révolution 
aux  Archives  nationales.  Paris.  Champion,  igi4-  In-8°  de  210  p.  ; 
3  fr.  5o.  —  Alfred  Marquisat,  Les  bas  bleus  du  premier  Empire. 
Paris.  Champion.  191  3.  In-S"  de  217  p.  ;  3  fr.  5o.  —  Frédéric  Mas- 
son.  Pour  l'Empereur  (i79(i-i82i).  Paris,  Ollendorff,  1913.  In-i8; 
3  fr.  5o.  — ■  Chanoine  J.-M.  Meunier,  Souvenir  du  centenaire  de 
l'arrêt  de  Pie  VII  k  Tronsanges  (Nièvre).  Ne  vers,  Impr.  Vallière, 

1912.  In-8°  de  80  p.  et  fig.  ;  2  fr.  — Le  Congrès  deRastatt(ii  juin 
1798-28  avril  1799).  Correspondance  et  documents,  publiés  par 
P.  Montarlot  et  L.  Pingaud.  Tome  III.  Paris,  A.  Picard.  igiS.  In-S" 
de  419  p.  —  Hermann  Mùller,  Die  Schlachtbei  Hanau  (3o.  und  3i. 
Oktober  i8i3)  und  ihre  Vorgeschichle.  Hanau.  Alherti.  In-8°  de 
,\n-ii4  p.  avec  cartes;  3  mk  —  VVilli.  Oechsli,  Gescliichte  der 
Schweiz    im  xix.   Jahrhundert.    II    (i8i3-i83o).    Leipzig,    Hirzel, 

1913.  In-80  de  XIX-S48  p.;  18  fr.  76.  —  Joseph  Pollio,  Autour  de 
Casanova.  Paris,  Lehec,  1914.  In-8°  de  5oo  p.;  10  fr.  —  Al. 
Roeck,  Graf  Joseph  de  Maistre  :  ein  Versuch  ûber  seine  Persôn-, 
lichkeit  und  seine  Ideen.  Mûnchen,  Lentner,  1913.  In-S"  de  157  p.  ; 
3  fr.  —  Eug.  de  Rossi,  Il  m"  di  linea  dal  1800  al  i8i4;  fasti  e 
vicende  dl  un  reggimcnto  ilaliano  al  servizio  francese.  Torino, 
Tip.  Olivero,  i9i2.In-8°de  222  p.  et  pi.  —  H.  Sandri,  Die  Franzo- 
senkâmpfe  in  Krain  1809.  Laibach,  Von  Kleinmayr.  1912.  In-8°  de 
87  p.  et  pi.  ;  2  fr...20.  —  Hugo  Schmerber,  Prager  Bankunst  um 
1780.  Strassburg,  Heitz.  In-8°  de  44  p-.  ;ivec  illustr.  ;  8  mk. — 
Attilio  Simioni,  La  spedizione  deU'ammiraglio  La  Toiiche-Tréville 


192       REVLE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLITIO.N    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

a  Napoli  nel  dicembre  1792.  Napoli,  Tip.  L.  Pieno,  19 12.  In-8° 
de  65  p.  — Carnet  de  campagne  du  colonel  Trefcon  (1798-1815), 
publié  par  André  Lévi.  Paris.  Dubois,  1918.  In-8°.  avec  portr.  ; 
7  fr.  5o.  —  Hans  Ubersberger,  Russlands  Orientpolitik  in  den 
letzten  zwei  Jahrhunderten.  Bd.  1  :  Bis  zum  Friedeu  von  Jassy 
(1792).  Stuttgart,  Deutsche  Verlagsanstalt.  In-8°  de  x-38o  p.; 
7  mk.  —  Mémoires  de  Madame  Valon,  Souvenirs  de  la  Révolution 
dans  le  département  de  Loir-et-Cher,  publiés  par  Guy  Trouillard. 
Paris,  Emile-Paul,  1918,  In-8°,  avec  héliogravure;  8  l'r.  5o.  — 
A.  Veltzé,  Die  Politik  Metternichs,  I.  Innsbruck.  Edlinger,  191 1. 
In-8°  de  102  p.  et  fig,  ;  3  fr.  25.  —  Capitaine  Vidal  de  la  Blache, 
L'évacuation  de  l'Espagne  et  l'invasion  dans  le  Midi  (Juin  18 13- 
Avril  i8i4).  Paris,  Berger-Levrault,  1914-  Deux  vol.  in-8°  de  SgG 
et  Gii  pages,  avec  8  cartes;  les  2  vol.,  20  fr.  —  R.  Villate  des 
Prugnes,  Les  effectifs  de  la  Grande  Armée  pour  la  campagne  de 
Russie  de  1812.  Paris,  A.  Picard,  1918.  In-8°  de  43  p.  —  Eugène 
Welvert,  Napoléon  et  la  police  sous  la  première  Restauration, 
d'après  les  rapports  du  comte  Beugnot  au  roi  Louis  XVIIL  Paris, 
Roger  et  Ghernoviz,  s.  d.  (1918).  Iii-8°  de  vu  -827  p. 


PÉRIODIQUES 


Abhandlungen  zur  sozialistischen  Bildung.  —  kjiS,  Hcft  3  : 
Max  GnuNWALi),  (loctlie  uml  die  Ariieiter. 

Action  nationale  (L').  —  Juillet  njiS  :  Pierre  Sauret,  Napo- 
léon \"  et  les  Jésuites. 

Altpreussische  Monatsschrift.  —  L  (igiS),  4  •"  A.  v.  Schoenaich, 
Zur  Wirgescliirhle  der  BelVciungskriege  :  Kriegsberichle  von  1812. 

Annales  de  Bretagne.  —  Juillet  igiS  :  H.  Bourde  de  La  Rogerie 
et  P.  Delarue.  La  vie  économique  à  Saint-Marc-le-Blanc  (Ille-et^ 
Vilaine)  pendant  la  Révolution  [extraits  des  registres  des  délibéra- 
tions municipales  conservés  dans  les  archives  de  la  commune  ;  les 
documents  cités  vont  de  1790  à  1800];  E.  Galmiche,  Quelques  do- 
cuments sur  le  Comité  de  surveillance  de  Saint-Brieuc  [règlement 
intérieur  établi  par  le  Comité  de  surveillance  pour  la  police  des 
maisons  nationales  où  étaient  détenus  les  suspects,  règlement  daté 
du  G  octobre  1798,  et  liste  des  personnes  mises  en  état  d'arrestation 
par  le  Comité  de  surveillance  du  dépaitement  des  Côtes-du-Nord]. 

Annales  de  Provence.  —  Juillet-octobre  igi3  :  P.  Gaffarel. 
La  Terreur  à  Marseille  (proconsulat  de  Barras  et  de  Fréron);  F.-N. 
Nicoi.LET,  L'Académie  universitaire  d'Aix  pendant  les  Gent-Jours. 

Annales  des  Alpes.  — •  XVI  (igiS)  :  Evénements  mémorables 
de  l'époque  révolutionnaire  dans  les  Haute.s-Alpes. 

Annales  fléchoises  et  la  Vallée  du  Loir  (Les).  —  Juillet-août 
igi3  :  L.  Froger,  Les  conditions  d'apprentissage  k  la  fin  du 
xvni'=  siècle. 

Annales  fribourgeoises.  — l(i(ji3),  2:  Alfred  Weitzel,  L'incen- 
die de  Neirivue  du  i8  avril  1791. 

Antiquitâten-Zeitung.  —  26  mars  ig/3  :  Heinrich  Pudor,  Der 
Directoirc-Stil. 

Archiv  fur  die  Geschichte  der  Naturwissenschaften  und  der 
Technik.  —  VI  {igi3)  :  Karl  Kassel,  Die  Bekâmplung  der  vene- 
rischen  Seuclie,  ein  Erinnerungslilatt  ans  dem  eliemaligen  Sûd- 
preu.ssen  (1798);  Joseph  Schuster.  Zum  Begrâbniswesen  in  Bayern 
Ende  des  18.  Jahrhunderts,  speziell  das  BegrSbnis  protestantischer 
Soldaten  betreffend. 


LA  ItEVOL. 


Icj4       KEVIE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOMTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

Archivio  storico  siciliano.  —  iQiS,  Jase.  3-4  ■■  G.  La  Mantia, 
Di  un  [iinyettd  di  ilesiii/ione  dei  feudi  délia  Sicilia  nell'  aniio  1802. 

Boletin  de  la  Real  Academia  de  la  Historia.  —  Septembre- 
octobre  "ji.'i  •  J.  P.  de  GuzMAN.  La  aviarion  militar  en  Espana,  bajo 
el  reiiiadii  de  Carlus  IV,  en  1792. 

Bulletin  de  la  Société  archéologique,  historique  et  artistique 
«  Le  Vieux  Papier  ».  —  1"  Juillet  igi3  :  R.  Havette.  Une  famille 
de  tachvyiaplies  à  l'époque  de  la  Révolution  (les  Coulon  de  Théve- 
not)  ;  D' H.  Voisin.  Episodes  de  la  campagne  d'Italie,  i8i3-i8i4; 
G.  Regelsperger,  Un  brevet  de  garde  national  en  1798. 

Bulletins  de  la  Société  des  lettres,  sciences  et  arts  de  la  Cor- 
rèze.  —  Juillet-septembre  ir/i3  :  \ ■  Forot.  l^es  émigrés  corréziens 
pendant  la  période  révolutionnaire  et  la  nomenclature  de  leurs  biens 
séquestrés;  J.  Plantadis,  Les  conventionnels Brival  etLanot,  députés 
de  la  Corrèze. 

Bulletin  de  la  Société  d'études  des  Hautes-Alpes.  —  3"  tri- 
mestre i(ji3  :  Abbé  P-  Guillaume,  Situation  économique  du  dépar- 
tement des  Hautes-Alpes  en  1801. 

Bulletin  de  la  Société  française  d'histoire  de  la  médecine. 
—  XII  (^i(ji3)  :  R.  PiCHEViN.  La  première  Académie  de  médecine 
do  Paris.  i8o4-i8i4. 

Bulletin  de  la  Société  Gorini.  —  Juillet  igi3  :  Q'  G.  Rebocl, 
Un  cuié  en  Bresse  pendant  la  Ri'volution  :  Notice  sur  Pierre  Reboul 
(suite  en  octobre'). 

Bulletin  de  la  Société  Robespierre.  —  Janvier-juin  igi3  : 
Compic  rendu  moral  de  la  Société  Robespierre  pour  l'année  1912  ; 
Compte  rendu  financier  [la  Société  Robespierre  accuse  44  adhérents 
au  !"■  janvier  1918,  soit  8  de  plus  qu'au  i"' janvier  1912];  Robes- 
pierre jugé  par  ]NL  Adalbert  \Vahl  [extraits  tirés  d'une  étude  parue 
dans  la  Revue  historique  de  la  Révolution  française  et  de  l'Empire]  ; 
Charles  Vellay,  Robesjiierre  dans  l'œuvre  de  Pierre  Kropotkine 
[malgré  l'influence  qu'ont  exercée  sur  M.  Pierre  Kropotkine  les  histo- 
riens hostiles  à  Robespierre,  cet  écrivain  a  su.  dans  son  livre  sur  la 
Grande  Révolution,  rendre  justice  au  grand  révolutionnaire];  Ro- 
bespierre dans  l'enseignement  public  [suite  de  l'enquête,  commencée 
dans  les  numéros  précédents,  sur  les  appréciations  malveillantes 
dont  Robespierre  est  l'objet  dans  les  manuels  d'histoire  en  usage 
dans  les  écoles  publiques];  Chronique  robcspierriste  (Société  Robes- 
pierre, Le  mouvement  robespierriste  dans  les  départements,  Jour- 
naux et  Revues). 

Bulletin  du  Comité  d'art  chrétien  [Nîmes]. — XÇigis)  :  Albert 
Durand,  Histoire  religieuse  du  département  du  Gard  |)endant  la 


PÉRIODIQUES  195 

Révolution  française;  François  Durand,  La  chapollo  de  Sainte- 
Croix  (le  Valverdun  à  Montfrin  en  1798. 

Carnet  de  la  Sabretache.  — Juin  igi3  :  Campagnes  et  souvenirs 
militaires  de  Jean-Auguste  Oyon  (1783-1852)  (suite  en  juillet);  Vi- 
comte de  Saint-Geniès,  Le  gc^néral  de  division  vicomte  de  Saint- 
Geniès  (1777-1889)  (suite  en  juillet);  Lettre  du  chirurgien-major 
Lagneau,  du  4°  régiment  de  tirailleurs  de  la  Garde  (i8i3);  J.  Du- 
BiEUx,  Cornet  acoustique  donné  en  récompense  à  un  officier  de 
l'armée  d'Orient  (1800).  —  Juillet  :  H.  Defontaine,  Le  colonel  d'ar- 
tillerie Chauvoau  (1778-1813). 

Chronique  médicale  (La).  —  i"  septembre  igi3  :  D'  M.  Billard, 
Lu  mort  de  Moreau  ;  Lotlres  inédites  de  Bonaparte  et  de  M™'  Bona- 
parte. —  1"  octobre  :  D'  F.-F.  Vallon,  Diderot  intempérant,  ma- 
lade et  garde-malade  ;  La  nourrice  du  Roi  de  Rome.  —  i5  octobre  : 
Diderot  et  le  frère  Côme. 

Conférences.  —  25  septembre  i(ji3  :  E.  Huon,  Les  hôpitaux  et 
les  pauvres  pendant  la  Révolution. 

Contemporains  (Les).  —  28  septembre  igi3  :  R.  Le  Cholleux, 
Louis-Jean-Marie  de  Bourbon,  duc  de  Penthièvre  (1725-1798).  — 
5  octobre  :  F.  Normand,  Maréchal  Maison  (i 771-1840).  —  12  oc- 
tobre :  .\hl)é  Barthélémy',  Cardinal  de  Boisgeliii,  archevêque  d'Ai.x 
et  de  Tours  (1782-1804)- 

Deutsche  Revue.  —  Octobre  igi3  :  V.  d.  Goltz,  1818  :  Die 
Entscheidung  ;  F.  v.  Bernhardi,  Vor  100  Jahren  :  Ungedruckte 
Briefp  Willieim  von  Burgdorll's  an  Wilhelm  und  Karoline  von  Hum- 

lioldt. 

Deutsch-Oesterreich.  —  /  (igi3),  43  :  0.  Weber,  Oesterreich 
in  den  Befreiungskriegen. 

Dresdner  Geschichtsblâtter.  —  XXI,  Bd.  5.  —  M.  Segnitz, 
Briefe  eines  Dresdner  Biirgers  aus  dem  Jahr  i8i3. 

Edinburgh  Review  (The).  —  Octobre  igi3  :  J.  Rolland  Rose, 
Napoleoii's  lasl  campaign  in  Germany. 

Êlsàssische  Monatsschrift  fur  Geschichte  und  Volkskunde.  — 
IV  (igi3),  7  .•  D''  Grupe,  Die  lifUiorliclion  Unruhen  in  der  Grafschaft 
Hanau-Lichtenlierg  im  Summer  1789. 

Espana  moderna  (La)  .  —  i"  juillet  igi3  :  F.  A.  del  Olmet,  La 
socretaria  de  estada  de  Josef  Bonaparte. 

Figaro  (Le),  supplément  littéraire.  —  12  juillet  igi3  :  Augustin 
Thierry,  Gazetiers  et  journalistes  d'autrefois  :  le  chevalier  de 
Champcenetz  ;  Edouard  Gachot,  Quelques  notes  sur  le  i4  juillet 
1789;  J.-P.  Belin,  Le  commerce  des  livres  prohibés  à  Paris,  de 
1700  à  178g.  —  2  août  :  Pierre  Dufay,  Les  Sociétés  populaires  et 


ir)G       REVUE    HISTORlyUE    DE    LA    RÉVOLUTIO.N    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

l'armée  (1791-1794)-  —  3o  août  :  Daiipliin  Mei.nilr.  Lettres  inédites 
de  Mirabeau  à  M.  Combs  (1789).  —  i3  septembre  :  G.  Dupont- 
Ferrier.  Villégiatures  masculines  :  Joseph  et  Lucien  Bonaparte  ; 
Paul  d'EsTRÉE,  Le  Théâtre  sous  la  Terreur.  —  30  septembre  : 
G.  Dlipont-Ferrœr,  Villégiatures  masculines  :  Talleyrand.  — 
2y  septembre  :  Dauphin  Meunier,  La  jeunesse  d'un  Hamlet 
couronné  :  Paul  \",  empereur  de  Russie. 

Forschung  und  Wissen.  —  /(igiS),  2  :  Eine  Uegegnung  zwischen 
Friedrich  von  Geniz  und  Georg  Andréas  Reimer  [Icllre  inédite  de 
Gentz  du  10  août  1820]. 

France  médicale  (La).  —  10  septembre  igi3  :  N.  Legraxd,  La 
collet  lion  des  thèses  de  l'ancienne  Faculté  de  Médecine  de  Paris  de- 
puis 1539  et  son  catalogue  inédit  jusqu'en  1798  :  Quelques  docu- 
ments sur  l'histoire  de  la  Faculté  pendant  la  Révolution  (suite  le 
20  septembre).  —  10  octobre  :  J.  Bergounioux,  Galerie  médicale 
du  Lot  :  Un  critique  médical  du  commencement  du  xix'  siècle  : 
Louis  Castel,  ancien  médecin  de  l'hôpital  de  la  Garde  impériale, 
membre  de  l'Académie  de  médecine  (i  77  i-i852)(suite  \ea5  octobre). 

Gazette  des  Beaux-Arts.  —  Juillet  igi3  :  Ch.  Saumer,  Le 
«  Marat  expirant  »  de  Louis  David  et  ses  copies. 

Gazette  numismatique  française.  —  i9'3,  i  :  Ernest  Labadie, 
Les  billets  de  conAance  émis  par  les  caisses  patriotiques  du  dépar- 
tement de  la  Gironde,  1791-1793. 

Gids  (De).  —  Juillet  igi3  :  Léonie  van  Nierop,  Eene  enquête  in 
1800  :  eene  bijdrage  tôt  de  economische  geschiedenis  der  Bataaf- 
sche  Republiek  (suite  en  août). 

Grande  Revue  (La).  —  25  septembre  igi3  :  P.  Degouv,  Diderot. 

Greif  (Der).  —  Novembre  igi3  :  H.  Granier,  Jugendhriefe 
Kaiser  Wilhelin  I  und  des  Prinzen  Friedrich  von  Oranien  aus  den 
Jahren  dcrFreilieitskriege  ;  E.  Mûsebeck,  E.  M.  Arndts  Verfassungs- 
plSne  fiir  das  zukunflige  Deutschland  aus  den  Jahren  1807-1810. 

Hannoverische  Geschichtsblàtter.  —  XV/(igi3),  1  .H.  Dei- 
CHERT,  Die  Slacit  Hannovir  wtthrend  der  Fremdherrschaft,  iSoS- 
i8i3.  —  2  :  H.  Wendland,  Eine  namenlose  lilerarische  Gesellschal't 
in  Hannover,  179G-1798. 

Heraldica.  —  II  {iyi3),  5  :  Baron  de  Roure  et  Cadet  de  Gassi- 
couRT,  L'héraldique  imjiériale  française. 

Hessenland.  —  XXVIl  (/gi.3),  16  :  P.  IlEn>ELBACH.  Die  Kasseler 
Napoleonstatue.  —  20  .•  E.  Wexzel.  Kleine  Kasseler  Erinnerungen 
an  die  Leijizigrr  Si'hlacht. 

Hessische  Chronik.  —  Septembre  igi3  :  Marie  Uli.rich,  Aus 
dein  Lclien  ineiiics  Grossvalers  Friedrich  Kiimincll,  1810-1814. 


PERIODIQUES  197 

Illustrierte  Blatt  (Das)  [Francfort].  —  a3  août  igi3  :  General- 
stal)saizl  D^  K.,  «  La  recherche  est  interdite  »,  ein  Geschichtchen 
ans  lilu'inhesseiis  Kranzosenzeit. 

Illustrierte  Zeitung  [Leipzig].  —  CA'A'AYA'  ({()i3)  :  Theod. 
LiNDNER,  «  i8i3  »  ;  A.  FouRNiER,  Napoléon  ;  Ferdinand  Goetz,  Frie- 
drich Liidwig  Jahn  und  seine  Tiirner  in  den  Freiheitskriegen  ; 
Walter  Bloem,  Das  Lied  als  Freiheitsschwert  ;  A.  Wulffius,  Rnss- 
land  im  Jahre  i8i3  ;  Georg  KAUFMArw,  Breslau  im  Jahre  i8i3  ; 
G.  S.  Urff.  Die  Srhlacht  lie!  Haiiau  am  3o.  nnd  3i.  Oktober  i8i3. 

Intermédiaire  des  chercheurs  et  curieux.  —  10  septembre 
igi3  :  Santerre  et  la  mort  de  Louis  XVI  (suite  le  20  octobre); 
A  propos  de  Blùcher  (suite  le  3o  octobre);  La  voilure  de  Napoléon 
à  Waterloo.  —  20  septembre  :  L'hôtel  de  M.  de  Lal'ayette.  —  3o  sep- 
tembre :  La  condamnation  de  Louis  XVI  et  la  franc-maçonnerie 
(suite  le  20  octobre);  Louis  XVIII  à  Blankenfeld  en  i8o4  (suite  les 
10  et  20  octobre);  Volney  demande  un  réverbère.  —  10  octobre  : 
Axel  de  Fersen  :  documents  k  Montréal  (suite  le  3o  octobre); 
Guerres  de  Vendée  :  les  prisonniers  de  Saint-Florent  (suite  le  20  oc- 
tobre). —  20  octobre  :  Marat  assassiné  dans  sa  baignoire,  tableau 
de  David  ;  La  femme  du  général  Hugo  et  les  Vendéens  ;  Un  Enragé 
végétarien  en  l'an  V.  —  3o  octobre  :  Arrestation  de  Thérésa  Cabarrus. 

Internationale  Monatsschrift.  —  Octobre  igi3  :  G.  Kaufmann, 
Goethe  unil  die  Fipihcitskricge. 

Journal  des  sciences  militaires.  —  j5  août  igi3  :  Lieutenant- 
colonel  BuAT,  Les  Allemands  en  Russie  (1812);  Capitaine  Borrey, 
Le  général  Lecourbe  et  son  sv.stème  de  défense  du  Jura  en  i8i5. 

Jurnal  ministerstva  narodnago  prosvesceniia.  —  Août 
igi3  :  P.  I.  TiKHOV.  La  niéderine  en  Russie  au  temps  des  guerres 
napoléoniennes. 

Korrespondenzblatt  des  Gesammtvereins  der  deutschen  Ge- 
schichts-  und  Altertumsvereine.  —  LXf  (i<ji3),  g-io  :  Klinken- 
BORG.  IJie  FhiihtLUHj  der  Arcliivalien  von  Berlin  nach  Breslau  und 
Kônigsberg  im  Jahre  i8i3. 

Lectures  pour  tous.  —  /"  octobre  igi3  :  G.  Lenôtre,  Marie- 
Antoinette  a  la  Conciergerie. 

Légitimité  (La).  —  Août-septembre  igi3  :  Osmond,  Réplique  k 
M.  Vaissière  [sur  Naundorff]  ;  A.  Lanne.  Un  démenti  à  M.  François 
Laurentie  [sur  Naundorfl"]  ;  Osmond,  Réplique  à  M.  Laurentie 
[sur  Naundorfl].  — Octobre  :  Osmond,  M.  de  Manteyer  tantôt  notre 
allié,  tantôt  notre  adversaire  [sur  l'affaire  Naundorff]. 

Lehrproben  und  Lehrgànge.  —  ig'3,  Heft  4  :  Herman.m,  Der 
Geist  des  Ldtzowschen  Freikorps. 


igo       HEVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    L  EMPIRE 

Literarische  Rundschau.  —  i"  septembre  igi3  :  A.  Herrmann, 
Xoiivrlli's  |ialili(ati(iiis  pour  l'histoire  de  la  Révolution  frani;aisc  et 
de  Napolron. 

Lyon  médical.  —  CXXl  (jgiS)  :  J.  Drivon.  Le  corps  de  santé 
lyonnais  pendant  la  Tem-ur. 

Mémoires  et  documents  de  l'Académie  salésienne.  —  .V.Y.VV 
(^igi2)  :  AIiIk'  Mouthon,  La  Révolution  dans  la  vallée  de  Boëge. 

Militàr-Wochenblatt.  —  igrS,  n"  ii8:  Die  Schlacht  bei  Dennc- 
witz  am  6.  Septomher  i8i3.  —  i2/  :  Das  Troiren  an  der  Gfihrde 
am  iC).  September  i8i3.  —  i34  :    W'ailenburg  :  ^.  Oktober  i8i3. 

Mitteilungen  der  kôniglich-preussischen  Archivverwaltung. 

—  igio,  Hejt  23  :  Enist  Musebeck,  Frciwiliiçp»  Gai)iMÈ  uml  < Jpl'cr 
des  preussisrhi'ii  Vnlkos  in  den  Jabrt'n   i8i3-i8ir). 

Mitteilungen  der  ôsterreichischen  Gesellschaft  fur  Miinz- und 
Medaillenkunde.  —  Décembre  nji2  :  Renner.  Noue  .Modaillen 
und  Plakilten  l'ur  Sakularfeier  des  Jahres  i8i3. 

Mitteilungen  des  Vereins  fur  Geschichte  der  Deutschen  in 
Bôhmen.  —  LU  (igi3),  i  .- J.  Friedrich.  Dio  Franzosen  im  Doutsch- 
Galjler  Hczirko  iin  Jahre  i8i3;  K.  Ludwh;.  Karlshad  wahrend  der 
BeiVeinngskrirqe. 

Mitteilungen  des  Vereins  fur  nassauische  Altertumskunde.  — 
XVI <^i(ji3),  2  .•  E.  Si:haus,  ^^■ilhelnl  Lndwif|  Medicus,  i73i)-i8il); 
F.  Seibert-Panroo,  FreiheiT  von  Stein  und  Herr  von  Marschall, 
i8i3. 

Mois  littéraire  et  pittoresque  (Le).  — Septembre  iyi3  :  G.  Hue 
et  R.  do  GoNTAUT-BiRON,  Le  roman  d'un  obscur  ('>irondin  :  Jacques 
Boilleau. 

Monatshefte  der  Comeniusgesellschaft.  —  Septembre  igi3  : 
Die  Freiniaurer  im  Diinste  der  Ideen  von  i8i3,  nach  Berichten  eines 
russisclicn  Gênerais. 

Monistische  Jahrhundert(Das).  —  If(ig/3),  2g  :  Marie  Gampert, 
Denis  Diderot. 

Muséum  Journal  (The)  [Philadelphie].  —  IV  (igi3),  2  :  E.  P. 
WiLKiNs,  .Napoléons  Egvpt. 

Neue  Zeit  (Die).  —  XXXII  (igi3),  3  :  Hermann  Wendel,  Der 
Tag  von  Leipzig.  —  4-3  '■  Georg  Schuhmacher,  Die  Kontinenlalsperre 
und  ihre  Wirkungen  auf  die  links-  und  rechisrluMuischen  Indiis- 
triez\vçii|e. 

Nineteenth  Century  and  afteriThe).  —  Août  igi3  .-  Mrs.  Law- 
rence, Pctersburg  in  i8o('>.  — Octobre  :  F.  Gkibble,  Denis  Diderot. 

Nord  und  Sud. hiillel  igi3  :  \.  Fournier,  Hanlenberg,  Hum- 

boldl  uiiil  Mctternich  aul'  dom  Wiener  KiuKiress. 


PERIODIQUES  199 

Panache  (Le).  — •  aojuillef  iqi3  :  Vicomte  de  Reiset,  Joséphine 
(le  Siivciie,  comtesse  de  Provence  (suite  \eS  août).  — 20  septembre  : 
P.  de  Pradel  de  Lamase,  Notes  intimes  d'un  émiçjré  (suite  le  5  oc- 
tobre). • 

Pays  lorrain  et  le  pays  messin  (Le).  —  20  octobre  igi3  :  Jean 
JiLLiEN,  Metz  en  i8i3  et  i8i4  :  Récit  de  M.  Michel,  directeur  des 
postes  de  la  Moselle  ;  C.  Clouoald,  Récit  de  l'émigration  d'une  fa- 
mille lorraine  aux  Etats-Unis  d'Amérique  en  i83o. 

Protestantenblatt.  —  XLVI  {igi3),  43  :  Zscharnack,  Die  Frôm- 
migkeil  ilcr  Freilioitskriege  (suite  dans  les  numéros  44  et  45)- 

Quarterly  Review  (Thei.  ^  Octobre  iyi3  :  C.  W.  Oman, 
«  181 3  ». 

Questions  ecclésiastiques.  —  Septembre  igi3  :  F.  Uzureau, 
Un  martyr  de  la  loi  en  1794- 

Rassegnanazionale  (La).  —  16  Juillet  igi3  :  L.  Cappelletti,  Il 
principe  di  Metternicli  c  la  contessa  di  Lieven. 

Révolution  dans  les  Vosges  (La).  —  i4  octobre  igi2  :  E.  Mar- 
tin, Les  cahiers  de  doh'-ances  du  bailliage  de  Mirecourt  (fin  le  i4  jan- 
vier iyi3)  [cahiers  des  communautés;  l'esprit  du  peuple  en  1789; 
liste  des  membres  de  la  noblesse  et  du  clergé  ayant  pris  part  à  l'as- 
semblée générale  du  16  mars  1789];  C.  Cornu,  L'assassinat  de  Ma- 
rie-Fiançoise  Pommier,  femme  de  François  (de  Ncufchàteau)  [as- 
sassinat commis  à  Vicherey,  le  18  thermidor  an  XII]  ;  Léon  Schwab, 
Les  femmes  aux  armées.  —  1 4  janvier  igi3  :  E.  Richard,  Ru.ssang 
pendant  la  Révolution  [chapitre  I  :  administration  municipale]; 
Georges  Boizot,  Les  forges  vosgiennes  en  l'an  IV  [documents  con- 
servés aux  Archives  départementales  des  Vosges  et  relatifs  à  la  situa- 
tion de  la  métallurgie  du  fer  dans  ce  département  en  1796]  ;  Paul 
Boudet,  Les  sources  de  l'histoire  du  département  des  Vosges,  de 
1789  a  1800,  aux  Archives  nationales  [administration  départementale, 
comptabilité  générale]  ;  André  Philippe,  Un  appel  de  François  (de 
Neufchàteau)  à  la  commune  de  Paris  (20  se[itembre  1798)  [lettre 
par  laquelle  François  (de  Neufchàteau)  annonce  a  la  commune  de 
Paris  l'envoi  de  son  mémoire  justificatif  à  propos  de  l'affaire  de 
Paméla]. 

Révolution  française  (La).  —  i4  septembre  igi3  :  J.  Savina, 
Les  Fédérés  du  Finistère  pour  la  garde  de  la  Convention  (décembre 
1792-mai  1798);  M.  Blanchard,  Une  campagne  de  brochures  dans 
l'agitation  dauphinoise  de  l'été  de  1788  ;  P.  Chevrelx,  A  propos  des 
premiers  lycées  de  1802  -  i8o4;  A.  Blossier,  La  famille  de  Musset 
à  Vendôme  pendant  la  Révolution  ;  L'organisation  du  district  de 
Mur-de-Barrez.  —   i4  octobre  :  A.  Aulard,  La  Féodalité  sous  la 


200       REVUE   HISTORIQUE   DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

Révolution  :  survivance,  vicissitudes,  suppression;  C.  Perroud, 
André  Chénier  à  Versailles  en  1798;  A.  Artonne,  Les  papiers  de 
Maignel  ;  E.  Lebègue,  Thouret  et  le  bicamérisme. 

Revue  (La).  —  i"  septembre  t(ji3  :  F.  Caussy,  Voltaire  à  Ferney. 
—  i^'  octobre  :  A.  Chuouet,  Alexandre,  l'éphémère  ministre.  — 
j5  octobre  :  C.  Flammarion,  Diderot. 

Revue  alsacienne  illustrée.  —  'y'-^t  'i"  4  ■'  G.  Delahache,  L'in- 
surrection (le  Stiasliourf[,  3o  octobre  i836. 

Revue  catholique  d'Alsace.  —  XXXII {kjiS),  i-4  :  A.  M.  P.  In- 
GOLD,  Les  premières  années  de  Louis  de  Béer,  gouverneur  de  Béné- 
vent,  i8o3-i8o4. 

Revue  catholique  de  Normandie.  —  15  juillet  iyi3  :  E.  Seves- 
tre,  Etudes  (jénéi'ales  du  wiii*^  siècle  et  de  la  Révolution  intéres- 
sant l'histoire  de  la  Normandie. 

Revue  catholique  des  institutions  et  du  droit.  —  Juillet  igi3  : 
Geoffroy  de  Grandmaison,  Pie  Vil  à  Fontainebleau.  —  Août  :  G. 
Gautherot,  L'agonie  des  cathédrales  à  l'époque  révolutionnaire. 

Revue  catholique  et  royaliste.  —  20  juillet  igi3  :  F.  Clavequin, 
Réformes  administratives  de  Louis  XVI.  —  20  août  :  A.  Granel, 
Les  conséquences  réparatrices  de  la  Révolution  française.  —  20  sep- 
tembre :  E.  Clavequin,  Réformes  administratives  de  Louis  XVI 
avant  la  Révnliilion.  —  20  octobre  :  E.  Clavequin,  Denis  Diderot. 

Revue  critique  des  idées  et  des  livres  (La).  —  10  juillet  igi3: 
F.  R.,  Les  plagiaires  de  la  Révolution  française  [à  propos  de  La  Ré- 
volution française  et  l'Amérique  du  Sud  de  M.  Luis-Alberto  de 
Herrera]  ;  Henri  Cellerier,  Le  Périgord  en  i8i3.  — 10  septembre  :^ 
Henri  Rouzaud,  Un  ministre  de  la  Restauration  :  le  comte  de  Mont- 
bel.  —  10  ni'tàhre  :  Le  général  de  Partourneau.K  à  la  Bérésina. 

Revue  de  Bretagne.  —  Mars  igi3  :  P.  Nicol,  Les  prisonniers 
du  château  de  Penvern  :  épisode  de  la  chouannerie  morbihannaise 
sous  le  Consulat. 

Revue  de  Gascogne.  —  Juillet-août  igi3  :  C.  Laff.4^rgue,  Etudes 
d'histoire  révolutionnaire  (suite  en  septembre-octobre). 

Revue  de  l'Agenais.  —  Juillet-août  igi3  :  R.  Bonnat,  Crvpto- 
graphie  agenaise.  ou  .lournal  secret  d'.\gen,  depuis  le  i"inars  i8i4 
jusques  à  pareil  jour  181 7,  de  Jean-Florimond  Boudon  de  Saint- 
Amans  ;  Duffau,  La  Révolution  française  dans  la  commune  de  Sos; 
P.  Lauzun,  Les  correspondants  de  Borv  de  Saint- N'incenl  :  .lean- 
Florimond  Boudon  de  Saint-.\mans. 

Revue  de  l'histoire  de  'Versailles  et  de  Seine-et-Oise.  -  Mid 
iyi3  :  l\.  du  Lac,  lu  sous-[>rérel  à  Rambouillet  sous  la  Restauration. 


CHRONIQUE 


A  nos  lecteurs.  —  Après  avoir  paru  sur  i6o  pages  en  igio  et  en 
Kjii,  sur  176  pages  en  1912,  et  sur  192  pages  en  1918,  les  fasci- 
cules de  la  Revue  historique  de  la  Révolution  française  et  de 
l'Empire  paraîtront  désormais  sur  208  pages,  formant  ainsi,  avec 
les  fascicules  des  Œuvres  complètes  de  Maximilien  Robespierre, 
un  total  annuel  de  1088  pages. 

A  travers  les  journaux.  —  Parmi  les  articles  d'histoire  publiés, 
au  cours  de  ces  derniers  mois  (du  i"^  septembre  au  1"  décembre 
1918),  par  les  journaux  quotidiens,  nous  relevons  les  titres  suivants  : 

Les  diplomates  de  la  Révolution,  par  M.  L.  Beaujeu,  dans 
r  Action  française  du  3o  octobre; 

Le  vandalisme  jacobin,  par  M.  G.  Gautherot,  dans  la  Croix  du 
7  novembre  ; 

Qui  a  brûlé  Moscou?  par  I\I.  Frédéric  Masson,  dans  l'Echo  de 
Paris  du  7  septembre  ;  Madame  de  Favras,  par  M.  Paul  Gaulot 
(jbid.,  9  septembre);  Le  maréchal  Neij,  du  i3  au  20  mars  i8i5, 
par  M.  Frédéric  Masson  (ibid.,  21  et  28  septembre);  La  duchesse 
d'Orléans  et  Madame  de  Genlis,  par  M.  Frédéric  Masson  (ibid., 
20  octobre)  ; 

La  bataille  de  Leipzig,  par  M.  Joseph  Bon,  dans  l'Eclair  du 
i5  octobre;  La  mort  de  Sainte-Hélène,  par  M.  Georges  Montor- 
gueil  {ibid.,  21  novembre); 

L'exécution  du  duc  d'Enghien  et  l'Europe,  par  M.  le  comte 
d'Haussonville,  dans  le  Figaro  du  17  septembre;  Au  bas  des  lettres 
de  Madame  Roland,  par  M.  Henry  Roujon  (jbid.,  27  septembre); 
Le  carlin  de  M^^  Joséphine  Bonaparte,  par  M.  Georges  Gain  (jbid., 
ig  octobre);  Le  prince  Auguste  de  Prusse,  Madame  de  Staël  et 
Madame  Récamier,  par  M.  le  comte  d'Haussonville  (j6;V/.,  22  no- 
vembre) ; 

Eine  judische  Kàmpferin  in  den  Freiheitskriegen  :  Esther  Manuel- 
Grafemus,  dans  la  Frankfurter  Zeitung  du  i3  septembre;  Eine 
wiedergefundene  Napoleonstatue  [œuvre  de  Chaudet,  retrouvée  à 


202       REVUE   HISTORIQUE    DE    L\    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

Cassel]  {ibid.,  i4  septembre);  Ein  Bliicher-Brief,  23.  Juif  1810 
(Jbid.,  17  octobre);  Von  Liitsen  bis  Leipziij,  par  M.  K.  A.  Junge 
(ibid.,  18  octobre);  Die  liheinbundtrnppen  bei  Leipzig,  par 
M.  K.  A.  J.  (ibid.,  19  octobre);  Wie  starb  Joseph  Poniatowski? 
par  M.  Paul  Holzhausen  {ibid.,  28  octobre);  Die  SchlaclU  bei 
Haiiau,  par  M.  K.  A.  Junge  (Jbid.,  2g  octobre);  Napoléons  Plan  der 
Eroberang  Marokkos.  1808  {ibid.,  i!^  novembre);  Die  Plebiszite 
der  franzôsischen  Reunlution  und  Napoléon  /.  (ibid.,  lO  novembre)  ; 

La  défection  du  général  .loniini,  par  M.  P.  Contamine  de  Latour, 
diins  le  Gaulois  du  20  septembre  ;  Napoléon  et  la  bibliographie, 
par  M.  B'ri^deric  Masson  {ibid.,  12  octobre);  Il  y  a  cent  ans  :  no- 
vembre 181.3,  par  M.  G.  Servières  {ibid.,  1"  novembre)  ;  Le  18  Bru- 
maire et  la  réalité,  par  M.  Frédéric  Masson  {ibid.,  9  novembre); 
L'armée  de  Condé,  iyg3-i8oo,  par  M.  Frédéric  .Masson  {ibid-, 
12  novembre);  Une  lettre  apocryphe  :  Le  maréchal  Ney  au 
prince  d'Essling  en  mai  1810,  par  M.  le  général  Bonnal  {ibid., 
17  novembre); 

Souvenirs  de  médecins  de  la  Grande-Armée,  par  M.  G.  Malet,  dans 
la  Gazette  de  France  du  G  octobre  ;  La  Bataille  des  Nations 
{Leipzig) {ibid.,  27  octobre);  Le  général Damoariez,  par  M.  G.  Malet 
{ibid.,  2-3  novembre);  Paris  en  1802,  par  M.  G.  Malet  {ibid., 
17  novembre)  ; 

La  perte  de  la  Valteline  [i8i5],  par  M.  Ed.  Secretan,  dans  la 
Gazette  de  Lausanne  du  21  septembre;  La  bataille  de  Leipzig, 
16-18  octobre  i8i3,  par  M.  le  comte  de  Sérignan  (j'^/W.,  iC  et  17  oc- 
tobre) ; 

La  bataille  de  Leipzig,  lO-iy  octobre  i8i3,  par  M.  Pierre  .\ncel, 
dans  l'Homme  libre  du  17  octobre; 

Josepli  II  et  Marie-.\ntoinette ,  [lar  .M.  Pierre  de  Nolliac,  dans  le 
Journcd  des  Débats  à\i  10  septembre;  Marie-Antoinette,  Fersen  et 
Barnave,  par  AI.  Fernand  de  Brinon  {ibid.,  10  octobre);  La  bataille 
des  Nations  {Leipzig'),  par  M.  Henri  Welscliiuger  {ibid.,  i5  octo- 
bre); L'abbé  Edgeworth,  par  M.  A.  Filon  {ibid.,  3t  octobre); 
l'n  Mi  lord  ii  Paris  en  1802,  par  M.  J.  A.  {ibid.,  1"  novembre); 
Le  Hameau  de  Marie-Antoinette,  par  M.  Pierre  de  Nolhac  {ibid., 
5  novembre)  ; 

La  Révolution  et  les  séditia/is  niilituires,  par  .M.  Léon  Gosset, 
dans  la  Liberté  du  16  septembre;  Un  Anglais  à  Paris  en  i8o2> 
par  M.  Etienne  Gharles  {ibid.,  i5  novembre); 

Le  pédantisme  musical  et  Napoléon,  par  M.  Phvlax,  dans  la 
Libre  Parole  du  17  novembre  ;  .Vos  ports  de  guerre  pendant  la  Ré- 
volution, par  M.  Edouard  nrumoat  {ibid.,  22  novembre); 


CHRONIQUE  203 

Robespierre  et  la  presse  rroolationnaire,  par  M.  Michel  Bor- 
rossi,  dans  la  Petite  République  du  14  novembre; 

Une  victoire  nationale  :  Zurich  {25-26  septembre  ijgQ),  par 
M.  le  colonel  X.,  dans  le  Petit  Journal  du  28  septembre; 

L'impôt  sur  le  revenu  sous  Louis-P/iilippe,  par  M.  Jules  Roche, 
dans  le  Petit  Marseillais  du  i3  septembre; 

Les  dépenses  d'un  empereur  [Napoléon  I^''],  par  M.  Jean  Frollo, 
dans  le  Petit  Parisien  du  16  septembre  ; 

Les  Volontaires  des  Bouclies-du-Rhdne  (^i-^gi-ijg2'),  par  M.  le 
lieutenant  Vialla,  dans  le  Petit  Provençal  du  4  novembre  ; 

Robespierre  et  la  Terreur,  par  M.  H.  Ghesquière,  dans  le  Réveil 
du  Nord  du  6  septembre  ;  Robespierre  et  les  bourgeois,  par 
M.  H.  Ghesquière  (ibid.,  i3  septembre); 

Au  camp  de  Grenelle  (^i/g6),  par  M.  J.  .Mantenay,  dans  le  Soleil 
du  28  septembre;  La  Reine  Marie-Antoinette  et  Lamartine,  par 
M.  le  général  Rebillot  (jbid.,  9  octobre)  ;  L'anniversaire  de  la  ba- 
taille de  Leipzig  {18  octobre  i8i3),  par  M.  0.  Havard  (ibid., 
18  octobre;  Une  mission  secrète  [auprès  de  Ferdinand  VII  d'Es- 
paçjne,  à  Valençay,  en  i8i3],  par  M.  J.  Mantenay  [ibid.,  i5  no- 
vembre) ; 

Le  maréchal  Ondinot,  par  M.  A.  Mézières,  dans  le  Temps  du 
2  septembre  ;  L'odyssée  de  iauniànier  de  Louis  XVI,  par  M.  Mon- 
joux-Gapillery  {ibid.,  28  septembre);  André  Chénier  Journaliste, 
par  M.  G.  D.  {ibid.,  12  octobre);  La  bataille  de  Leipzig  {i6-ig  oc- 
tobre i8i3),  par  M.  Réginald  Kann  {ibid.,  17  octobre);  La  fonda- 
tion de  Napoléon-Vendée,  par  M.  G.  Lenotre  {ibid.,  29  octobre); 
En  marge  [sur  André  Chénier],  par  M.  Henry  Roujon  {ibid.,  i  no- 
vembre) ; 

Les  «  mystiques  atrocités  »  de  la  Révolution,  par  M.  G.  Gau- 
therot,  dans  l'Univers  des  i'^''  et  2  septembre;  Les  assassins  de  la 
Reine  [Marie-Antoinette],  par  M.  G.  Gaulherot  {ibid.,  i3-i4  octo- 
bre); Un  épisode  de  la  bataille  de  Leipzig,  par  M.  Saint-Roman 
{ibid.,  22  octobre);  La  Révolution  ^^  française  »  et  l'étranger,  par 
M.  G.  Gautherot  {ibid.,  4  novembre);  L'oeuvre  politique  d'André 
Cliénier,  par  M.  Ssânt-Romaa  {ibid.,  i4  novembre);  Napoléon  et 
le  comte  de  Fersen,  par  M.  H.  G.  Fromm  {ibid.,  3o  novembre). 

Le  bi-centenaire  de  Diderot.  —  Le  5  octobre  1913,  à  l'occasion 
du  bi-cculeuaire  de  la  naissance  de  Diderot,  notre  collaborateur 
Otto  Karmin  a  fait  une  conférence  sur  le  grand  écrivain,  à  Lis- 
bonne, dans  l'ancienne  église  du  Saint-Sauveur,  devenue  aujour- 
d'hui le  siège  du  Cercle  Magalhaës  Lima. 


204       REVUE   HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'e.MPIRE 

Les  incidents  des  Archives  nationales.  —  Des  incidents  assez 
vifs  se  sont  produits,  dans  le  courant  du  mois  de  décembre,  aux 
Archives  nationales. 

Le  8  décembre,  M.  Ernest  d'Hauterivo,  dont  on  connaît  les  tra- 
vaux sur  la  période  impériale,  déposait  entre  les  mains  de  M.  Lan- 
glois,  directeur  des  Archives,  une  plainte  contre  M.  Aulard.  Ce  der- 
nier }•  était  accusé  d'avoir  altéré  une  quantité  considérable  de 
documents  conservés  aux  Archives  nationales,  de  les  avoir  raturés, 
de  les  avoir  surchargés  de  marques  diverses  au  crayon  rouge  ou 
noir,  d'avoir  corrigé  des  dates,  rectifié  des  noms,  de  s'être  livré 
enfin,  contre  ces  documents,  a  un  travail  de  destruction  ou  d'altéra- 
tion d'une  extrême  gravité. 

Le  directeur  des  Archives  communiqua  à  .M.  Aulard  la  plainte 
dirigée  contre  lui.  Celui-ci  la  retourna,  le  1 1  décembre,  en  se  con- 
tentant de  nier  sa  culpabilité. 

Le  directeur  des  Archives  décida  alors  d'ouvrir  une  enquête,  et 
M.  Aulard  fut  avisé,  dès  le  12  ou  le  1 3  décembre,  de  cette  décision. 

M.  Aulard  résolut,  pour  écarter  l'orage  qui  le  menaçait,  de  lancer 
contre  le  directeur  des  Archives  une  accu.sation  d'une  autre  nature. 
Il  donna  au  Matin  les  éléments  d'un  article  qui  parut  le  i5  dé- 
cembre sous  ce  titre  :  D'importants  documents  historiques  ont  dis- 
paru des  Archives  nationales.  En  même  temps  il  inondait  toute  la 
presse  d'articles,  d'interviews,  de  lettres,  de  communications  diver- 
ses, afin  de  submerger  sous  les  invectives  le  directeur  des  Archives, 
accusé  par  lui  d'avoir  envoyé  au  pilon  des  documents  de  la  plus 
haute  importance. 

Or,  la  destruction  de  ces  documents  avait  été  faite  en  vertu  des 
règlements  eu.x-mèmes  ;  elle  remontait  à  six  mois  en  arrière,  au 
mois  de  juillet  1918,  et  M.  Aulard  ne  .s'en  était  souvenu  que  pour 
s'en  faire  une  arme  tardive  contre  le  directeur  des  Archives  ;  enfin, 
les  documents  détruits  n'avaient  aucune  valeur  et  ne  présentaient 
aucun  intérêt  d'aucune  sorte.  Au  reste,  l'incident  fut  clos,  dès  le 
20  décembre,  par  ta  note  ministérielle  suivante  : 

A  la  suite  d'accusations  lancées  dans  le  public  contre  la  direction  des 
Archives,  le  ministre  de  l'instruction  publique  a  ouvert  une  enquête  qu'il 
a  personnellement  menée  et  que  ses  occupations  parlementaires  l'ont  em- 
pêché de  terminer  plus  tôt. 

La  direction  des  .\rchives  a  été  accusée  d'avoir  procédé  à  des  destruc- 
tions de  pièces  importantes  pour  l'histoire  du  di.x-neuvièmc  siècle  et  d'y 
avoir  procédé  «  illégalement  »,  en  ce  sens  ([u'clle  aurait  négligé  de 
recueillir  l'avis  de  la  commission  consultative  des  Archives. 

Sur  le  premier  point,  le  ministre  de  l'instruction  publique  déclare  que 


CHRONIQUE  2o5 

les  documents  détruits,  pour  la  plupart  conservés  en  double  dans  d'autres 
dépôts,  n'avaient  aucune  valeur  et  ne  concernaient  en  rien,  quoi  qu'on  en 
ait  (lit,  l'histoire  de  la  loi  Falloux. 

Sur  le  second,  il  déclare  que  la  direction  des  Archives  a  agi  en  igiî 
conformément  aux  précédents  et  n'a  détruit  de  documents  que  dans  les 
sous-séries  qui  avaient  été  antérieurement  l'objet  de  suppressions  auto- 
risées. 

Néanmoins,  pour  éviter  à  l'avenir  toute  interprétation  divergente,  il  se 
propose  de  remanier  le  texte  de  l'arrêté  ministériel  pris  en  1887  sur  la 
matière  par  M.  Berthelot,  en  vertu  duquel  la  commission  des  Archives 
doit  être  consultée  au  sujet  des  suppressions  de  papiers  inutiles. 

Le  premier  iuciilent  se  trouvant  ainsi  terminé  à  la  confusion  de 
M.  Auiard,  restait  le  second,  c"est-;i-dire  celui  qu'avait  soulevé  la 
plainte  de  M.  Ernest  d'Hauterive.  Dans  une  lettre  adressée  à  V Eclair, 
et  publiée  dans  le  numéro  du  22  décembre  de  ce  journal,  M.  d'Hau- 
terive précisait  en  ces  termes  ses  accusations  : 

Quand  j'ai  constaté  sur  de  très  nombreux  manuscrits  des  marques  au 
crayon,  des  corrections  de  noms,  des  traces,  en  un  mot,  d'un  véritable 
sabotage,  j'ai  comparé  ces  marques  ou  annotations  aux  publications  de 
M.  Auiard  et  j'en  suis  arrivé  à  cette  conclusion  que  seule  la  personne  qui 
avait  choisi  les  documents  en  vue  de  la  publication  avait  pu,  pour  abréger 
son  propre  travail,  faire  ces  marques  en  indiquant  ainsi  au  copiste  les 
passages  à  reproduire.  Il  y  a,  en  effet,  une  concordance  rigoureuse  entre 
toutes  ces  annotations  et  les  passages  cités  par  M.   Auiard. 

En  second  lieu,  aucun  travailleur  consultant  des  documents  dans  la 
salle  du  public  n'aurait  pu  employer  un  pareil  procédé  ;  sous  la  surveil- 
lance de  l'archiviste  président  de  la  salle,  des  gardiens  de  bureau,  du 
public,  il  aurait  été  rapidement  signalé.  M.  Auiard,  au  contraire,  s'est 
fait  donner  un  bureau  spécial,  où  il  travaille  seul,  avec  ses  copistes,  en 
dehors  de  toute  surveillance. 

Enfin,  les  documents  incriminés  sont  tous  relatifs  aux  publications 
de  M.  Auiard.  Nulle  part  ailleurs,  à  ma  connaissance  du  moins,  on  ne 
•trouve  des  marques  ainsi  méthodiquement  tracées. 

Une  enciuèle  se  poursuit  à  ce  sujet  aux  Archives.  Que  M.  Auiard  en 
ileniancle  la  publication.  C'est  la  seule  fa<;on  dont  il  pourrait  se  justifier. 

Aux  yeux  de  tout  historien,  ces  faits  sont  d'une  gravité  exceptionnelle 
ilont  le  public  ne  comprend  peut-être  pas  toute  l'importance.  Et  ce  qui 
ajoute  à  leur  gravité  —  et  ceci  le  public  le  comprendra  —  c'est  que  celui 
qui  s'en  est  rendu  coupable  est  le  président  même  de  la  Commission  des 
Archives,  c'est-à-dire  l'homme  qui  devrait  le  plus  avoir  à  cœur  de  veiller 
sur  la  conservation  des  documents. 

Vers  la  même  date,  .M.   Augustin  (lochin,  signataire,  lui  aussi. 


ao6 


REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE  L  EMPIRE 


d'une  plainte  contre  M.  Aulard,  écrivait  à  ce  dernier  une  lettre, 
que  le  Matin  du  aS  décembre  publia,  et  dont  voici  les  passages 
essentiels  : 

J'ai  dit,  dans  une  Ictlre  du  19  décembre,  à  M.  le  rédacteur  en  chef  du 
Malin,  que  vous  aviez  raturé  des  milliers  de  documents  des  Archives, 
altéré  des  noms  et  des  dates.  Vous  n'avez  pas  répondu  un  mot  à  ma 
lettre  —  car  injurier  n'est  pas  répondre.  .le  prends  acte  de  ce  silence,  qui 
est  un  aveu,  et  je  |)récise  encore. 

Publiant,  aux  irais  du  ministère,  les  arrêtés  du  Comité  de  Salut  public, 
vous  aviez  deux  sources  principales  à  consulter  sans  sortir  de  l'unique 
fonds  AF"  des  Archives  nationales  :  les  minutes  de  ces  arrêtés  et  les  copies 
enregistrées  par  les  divers  bureaux  du  comité.  Vous  avez  livré  à  vos 
copistes  la  série  des  minutes  et  un  des  registres  ;  vous  avez  négligé  tous 
les  autres,  que  vous  connaissiez  pourtant,  puisque  vous  les  citez  comme 
sources  essentielles  dans  votre  introduction.  Vous  ne  les  avez  ouverts  qu'a- 
près dix-sept  volumes  parus,  au  bout  de  vingt  ans,  —  trop  tard  :  près  de 
800  arrêtés  vous  manquaient  pour  l'année  de  la  Terreur.  Tel  registre 
(AF"*22i)  vous  révélait  247  lacunes  sur  ses  275  premiers  arrêtés;  telle 
collection  numérotée  de  la  commission  d'agriculture,  répétée  sous  onze 
formes  différentes,  vous  révélait  54  lacunes  sur  ses  loo  premiers  numéros, 
etc..  De  là  un  erratum  énorme,  affolé,  très  incomplet  d'ailleurs,  qui  pou- 
vait se  résumer  en  une  seule  ligne,  ainsi  conçue  :  J'ai  négligé  la  moitié 
des  sources  que  j'avais  indiquées  moi-même.  Vous  avez  préféré  citer  un 
à  un  les  arrêtés  omis,  en  alléguant  le  chaos  des  archives  —  or  il  s'agit 
de  registres  ;  le  mauvais  vouloir  des  archivistes  —  or  vous  travaillez  par 
faveur  spéciale  dans  un  cabinet  réservé,  sans  surveillance  ni  contrôle,  et 
vous  êtes  président  de  la  commission  supérieure  des  archives. 

Chose  plus  grave,  cet  erratum  a  laissé  des  traces  sur  les  documents 
négligés.  Quand  l'arrêté  se  trouve  aux  deux  fonds  utilisés,  donc  à  votre 
recueil,  vous  pointez  la  pièce;  quand  il  manque,  vous  marquez  d'une 
croix  la  pièce  ;  quand  sa  date  diffère  (ces  variantes  sont  nombreuses), 
vous  corrigez  la  date  de  la  pièce.  Comme  vous  êtes  pressé,  vous  vous 
trompez,  et  vous  raturez  vos  ratures  sur  la  pièce  :  on  croirait  voir  une 
copie  d'élève  sabrée  au  crayon  rouge  par  un  professeur  trop  sévère. 

Publiant  dans  le  même  recueil  la  correspondance  des  représentants  en 
mission,  vous  deviez  compléter  l'une  par  l'aulre  deux  séries  :  les  lettres 
originales  —  et  les  analyses  enregistrées  de  ces  lettres.  Vous  avez  com- 
mencé ce  travail  de  collation,  marquant  à  grands  coups  de  crayon  rouge 
au  registre  des  analyses  (AF"*  i4t)  les  articles  manquant  au.x  originaux. 
Mais  vers  l'article  4oo  vous  vous  êtes  découragé.  Les  marques  s'espacent, 
puis  cessent  —  et,  en  effet,  dans  le  surplus  du  registre,  tout  ce  qui  man- 
que aux  originaux  manque  à  votre  recueil  —  soit,  pour  les  trois  jours  où 
j'ai  vérifié,  de  une  à  quatre  lettres  par  jour. 

Voilà,  monsieur,  quelques-uns  des  faits  que  j'ai  signalés  à  M.  le  direc- 
teur des  Archives.  J'en  ai  beaucoup  d'autres  à  vos  ordres,  qui  sufliraient. 


CHUONIOIE  207 

comme  ceux-là,  à  disqualifier  le  moindre  des  élèves  de  l'École  des  Char- 
les. L'enquête  officielle  en  cours  dira  si  j'ai  tort  ou  raison. 

Nous  ne  ferons  pas  état  de  tous  les  articles  auxquels  cet  incident  a 
donné  lieu,  ni  des  lettres  des  divers  intéressés.  Ceux  qui  voudront 
les  connaître  pourront  consulter  le  Matin  des  i5,  18,  20,  21,  2a,  26, 
24  et  28  décembre,  le  Temps  du  21  décembre,  l'Action  des  21,  28 
et  24  décembre,  l'Homme  libre  du  21  décembre,  le  Gaulois  du 
28  décembre,  le  Radical  du  21  décembre,  l'Humanité  du  24  dé- 
cembre, la  Libre  Parole  du  26  décembre.  Nous  nous  contenterons 
de  dégager  de  ces  incidents  —  dont  le  second  n'est  pas  terminé  — 
la  moralité  qu'ils  comportent. 

On  sait  ce  que  nous  pensons  de  l'œuvre  historique  de  M.  Aulard 
Peu  d'auteurs  ont  accumulé  autant  que  celui-là  les  erreurs,  les  mé- 
prises, les  bévues  de  toute  espèce.  Son  inintelligence  des  textes  et 
son  ignorance  des  faits  les  plus  connus  et  les  plus  clairs  sont  stupé- 
fiantes. Malheureusement,  la  plupart  de  ses  travaux  sont  publiés  aux 
frais  de  l'État  et  aux  frais  de  la  Ville  de  Paris,  c'est-à-dire,  en  défi- 
nitive, aux  frais  du  public  ;  de  telle  sorte  que  des  ouvrages  .sans  au- 
cune valeur,  et  qui  sont  une  source  permanente  d'erreurs  pour  tous 
ceux  qui  les  consultent,  jouissent  néanmoins  d'une  protection  offi- 
cielle et  d'une  garantie  de  continuité  qui  font  défaut  à  des  ouvrages 
plus  méritoires.  C'est  là  un  scandale  qui  a  déjà  été  dénoncé  et  qu'il 
ne  faut  pas  se  lasser  de  rappeler.  En  consacrant  des  sommes 
énormes  à  la  publication  des  travaux  de  M.  Aulard,  l'État  et  la 
Mlle  de  Paris  se  livrent  à  une  véritable  dilapidation  des  deniers  pu- 
blics, car  ces  dépenses,  si  fructueuses  pour  .M.  .\ulard,  aboutissent 
à  une  œuvre  morte,  beaucoup  plus  nuisible  qu'utile,  et  qui,  en  tout 
cas,  ne  répond  en  rien  au  but  poursuivi,  et  n'apporte  aucune  aide 
aux  historiens. 

Mais  les  faits  que  les  incidents  de  ces  jours  derniers  viennent  de 
mettre  en  lumière  ajoutent  une  accu.sation  grave  à  toutes  celles 
qu'on  est  en  droit  de  porter  contre  M.  Aulard,  contre  ses  procédés 
personnels,  contre  ses  méthodes  de  travail.  Ils  nous  le  montrent 
raturant,  ou  faisant  raturer,  on  laissant  raturer,  des  textes  originaux, 
dénaturant  des  pièces  d'archives,  se  livrant  enfin  à  une  besogne 
qui  eiît  immédiatement  exposé  tout  autre  que  lui  à  des  poursuites 
judiciaires.  M.  Aulard  travaille  seul,  avec  ses  secrétaires,  dans  un 
cabinet  particulier  des  Archives  nationales,  à  l'abri  de  toute  sur- 
veillance. On  voit  à  quels  désastres  aboutit  une  telle  tolérance 
quand  elle  s'exerce  imprudemment  au  profit  de  personnages  vis- 
à-vis  desquels  aucune  méfiance  n'est  supertlue.  Il  y  aurait  beau- 


208       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

coup  à  dire  à  cet  égard.  Peut-être  aurons-nous  l'occasion  de 
revenir  sur  la  gravité  de  ces  faits  et  sur  les  conséquences  et  les 
enseignements  qu'ils  entraînent.  Président  de  la  Commission 
supérieure  des  Archives,  président  de  la  Société  d'histoire  de  la 
Révolution  française,  vice-président  de  la  Commission  de  la  vie 
économique  de  la  Révolution,  professeur  d'histoire  de  la  Révolu- 
tion française  à  la  Sorbonne,  M.  Aulard,  quoique  discrédité  depuis 
longtemps  aux  yeux  de  tous  les  vrais  historiens,  jouit  de  toutes  les 
faveurs  que  dispense  le  pouvoir  officiel.  11  a  profité  de  cette  situa- 
tion privilégiée  pour  se  faire  accorder  des  subventions  considérables 
qui  grèvent  le  budget  de  l'Etat,  et  pour  plier  sous  sa  férule  le 
peuple  timide  des  archivistes  et  des  fonctionnaires.  Il  serait 
vraiment  excessif  que  ce  régime  malfaisant,  ce  régime  de  tvrannie 
et  de  caprice  s'exerçât  encore  au  détriment  de  nos  Archives  natio- 
nales et  des  documents  précieux  qui  y  sont  conservés.  —  C.  V. 


Le  Directeur-Gérant  :  Charles  Vellay. 


NANCV-PAIUS,   IMPRIMEIUE  DERUEH'LEVRAL'LT 


to^ 


TROIS  LETTRES  UNE  DITES 

DU 

BARON  DE  LÛTZOW 

A  SIU  FllANCIS  DTVEMOIS 

SUR     LA     GUERRE     D'ESPAGNE 

(1810-1812) 


Né  à  Berlin  le  24  mars  1786,  Léopold  Heinrich  Wichard,  baron 
de  Lûtzow,  dit  Léon  de  Lûtzow,  frère  cadet  du  célèbre  comman- 
dant des  «  chasseurs  de  Lûtzow  »,  après  avoir  terminé  ses  éludes  à 
l'Académie  militaire  de  cette  ville,  fut  nommé,  en  mars  i8o3, 
officier  au  régiment  prussien  de  la  Garde  n"  i5  et  prit  part  à  la 
bataille  d'Auerstaedt. 

Après  la  paix  de  Tilsit,  Liitzow  fut  un  des  intermédiaires  entre 
Stein,  Gneisenau,  Scharnhorst  et  les  «  patriotes  »  westphaliens. 
Lors  de  la  prise  d'armes  de  Schill  il  quitta  l'armée  et  se  joignit  à 
ce  capitaine.  Il  s'empara  de  Kôthen  par  un  mouvement  hardi,  mais 
se  sépara  de  son  commandant  après  avoir  vainement  tenté  de  le 
convaincre  de  la  nécessité  d'une  marche  sur  la  Westphalie,  et  au 
moment  où  il  le  vit  s'enfermer  dans  Stralsund.  Il  échappa  ainsi  à 
la  débâcle  de  Schill,  entra  au  service  de  l'Autriche  où,  d'abord 
sous-lieutenant,  il  fit  bientôt  partie  de  l'état-major  du  général 
von  Kienmayer.  Après  la  paix  de  Vienne,  il  quitta  l'Autriche,  se 
rendit,  en  passant  par  l'Angleterre,  en  Espagne,  avec  Karl  Wilhelm 
Georg  von  Grolmann  (1777-1848)  et  Fabian,  comte  de  Dohna,  et 
y  prit  du  service  à  Cadix.  Il  assista  ainsi  successivement  aux  affaires 

BEV.    HIST.    DE   LA    RÉVOL.  14 


2  10       REVUE   HISTORIQUE    UE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

d'Albuera,  Murviedro,  Niebla  et  Quarte,  et  fut  fait  prisonnier  à 
Valence,  le  i3  janvier  1812.  Transporté  a  Autun,  il  s'enfuit  le  18 
mars  de  la  même  année,  et  arriva  au  camp  de  Drissa  le  2  juin.  Passé 
au  service  de  la  Russie,  il  prit  part  à  toutes'les  affaires  jusqu'à  la 
première  paix  de  Paris.  Il  reprit  alors  du  service  en  Prusse,  com- 
battit sous  les  ordres  de  Blûcher  à  Ligny  et  à  Waterloo,  et  fut 
chargé  par  le  maréchal  d'apporter  à  Berlin  la  nouvelle  de  cette 
bataille. 

Devenu  général  (181 5),  directeur  de  l'Ecole  de  guerre  (i832-i 834), 
commandant  de  la  9°  brigade  d'infanterie,  puis  de  la  9'  division 
(i836),  gouverneur  de  la  ville  de  Berlin  (i843),  il  mourut  à  Gotha 
le  27  août  i844- 

Des  trois  lettres  que  nous  publions  ici  et  qui  furent  adressées  par 
lui  à  Sir  François  D'Ivcrnois,  deux  se  rapportent  à  la  guerre  d'Es- 
pagne, et  sont  datées  de  1810.  La  troisième,  un  peu  postérieure 
(181 2),  com|)orte  surtout  des  réflexions  sur  la  campagne  de  Russie; 
mais,  comme  elle  fait  aussi,  dans  sa  première  partie,  allusion  aux 
événements  d'Espagne,  nous  l'avons  jointe  aux  deux  autres.  Toutes 
les  trois  sont  conservées  à  la  Bibliothèque  publique  et  universitaire 
de  Genève  (Papiers  D'ivernois,  Carton  XII). 

Otto  Kar.min. 


Monsieur  '  1 

Après  avoir  attendu  pour  notre  départ  trois  semaines  à 
Portsnioufh,  nous  sommes  arrivés  d'après  une  très  bonne 
voyaçe  de  quinze  jours,  dans  les  derniers  jours  d'Avril,  à 
Cadix.  Je  Vous  aurois  déjà  écrit  plutôt,  Monsieur,  pour  Vous 
repeter  nos  renierciments  pour  l'intérêt  que  ^'ous  avez  bien 
voulu  mettre  à  nos  intentions  ainsi  que  pour  Vous  donner  de 
nos  nouvelles  :  si  je  n'avois  jias  attendu  pour  Vous  parler  de 
notre  placement,  de  Vous  donner  de  détail  sur  la  coniinission 

t.  Nous  avons  respecté  l'orlhograplie  de  Lutzow.  Ces  lettres  sont  remplies 
ilr  germanismes  extraordinaires;  nous  no  prenons  la  peine  de  les  signaler  et  de 
li-s  rei-lifier  que  là  ou  ils  peuvent  rendre  le  texte  équivoque  on  inintelligible. 


TROIS    LETTRES    INEDITES    DU    BARON    DE    LUTZOW  211 

dont  Vous  m'avez  chargé,  et  de  pouvoir  Vous  dire  mes  idées 
sur  la  situation  des  choses,  tels  qu'ils  me  sont  présenté. 

En  arrivant  ici  nous  trouvions  que  la  régence  avoit  pris 
l'idée  de  former  un  Corps  des  déserteurs  de  l'enneinis  qui  se 
présentèrent.  On  nous  disoit  qu'on  nous  voudroit  y  employer, 
pour  se  servir  de  nos  personnes  et  de  nos  noms  surtout  dans 
le  commencement,  vu  qu'ensuite  on  nous  employeroit  dans 
l'Etatmayor  qui  devoit  être  formé,  et  qui  n'existe  point 
encore  dans  les  armées  d'Espagne.  Nous  acceptions  cette 
offre  ;  ce  corps  vient  de  se  former  dans  la  semaine  passée 
sous  le  nom  de  Légion  e.\trangera,  et  on  a  donné  a  Mr.  de 
Grolman  le  grade  de  Major,  ainsi  qu'au  Comte  Dohna  et  à 
moi  des  Compagnies.  Le  fond,  le  noyiau  de  ce  corps  doit  se 
former  de  soldats,  natif  hors  d'Espagne,  qui  ont  déjà  servi 
en  Espagne  ;  on  laisse  le  choix  dans  les  diferents  régiments 
qui  en  ont,  pour  que  les  gens  peuvent  passer  dans  cette 
Légion,  ainsi  que  le  commencement  de  cette  formation 
consiste  de  quelques  centaines. 

Je  ne  peux  nier  que  je  le  trouve  raissonable  d'avoir  fait  un 
essay  de  cette  foimation  :  cependant  moi,  ainsi  que  je  Vous  ai 
déjà  dit  à  Londre,  je  n'attends  pas  beaucoup  d'une  telle 
entreprise,  ainsi  que  j'aurois  préféré  à  me  trouver  de  me  voir 
dans  d'autres  relations  :  mais  voulant  une  fois  entrer  dans  le 
service  d'Espagne,  cette  offre  n'eloit  pas  à  refuser.  La  forma- 
tion se  fait  à  l'Isle  de  Léon,  lieu  qui  par  sa  situation  naturelle 
ne  protège  pas  beaucoup  les  déserteurs  qui  veulent  passer.  Le 
gouvernement  espaa^nol  nous  a  traité  bien  conforme  au 
recommandation  du  gouvernement  anglois  avec  toute  poli- 
tesse et  exprimant  satisfaction  de  nous  voir  désirer  son  ser- 
vice ;  et  des  manières  des  autorités  angloises,  ainsi  de  Mr.  Wel- 
lesley*  que  de  ceux  de  General  Greham-,  nous  avons  a  nous 
en  louer  beaucoup. 


1.  Henry  WcUesley,   baron  Cowley,  1773-1847,   envoyé  extraordinaire,  puis   am- 
bassadeur du  Gouvernement  britannique  en  Kspagne. 

2.  Peut-être  Sir  Thomas  Graham,  qui  commanda  l'aile  gauche  de  Wellington  en  i8i3 


2  I  2       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

Mr.  Gaspard  Jovellanos'^  n'etoit  plus  en  Cadix  quand  nous 
arrivions.  La  plus  part  des  membres  de  la  Junte  suprême 
se  sont  retiré  d'après  la  dissolution  d'elle  dans  les  provin- 
ces desquelles  ils  avoient  été  députés  ;  ainsi  s'etoit  retiré 
Mr.  Jovellanos  en  Asturie.  J'ai  tâché  de  m'informér  des  moyens 
pour  lui  faire  parvenir  d'abord  votre  lettre,  mais  on  ne  me 
pourroit  pas  indiquer  le  lieu  ou  il  s'etoit  retiré.  Mr.  Wau- 
gham  ^  m'a  dit  depuis  que  .Mr.  Jovellanos  arrivant  en  .\sturie 
n'avoit  pas  été  reçu  très  favorablement,  ainsi  qu'il  avoit 
choisi  le  moyen  de  se  retirer  pour  le  premier  moment  chez  un 
de  ses  amis,  ce  qu'il  avoit  exécuté  avec  tant  de  secret  que 
réellement  on  ne  saurait  pas  même  à  Cadi.x  ce  lieu  de  son 
choix.  Mr.  Waugham  tenoit  déjà  trois  lettres  pour  les  lui  faire 
parvenir,  et  il  s'est  également  chargé  de  lui  faire  parvenir  le 
votre  sitôt  qu'il  se  pourroit. 

Je  me  suis  donné  toute  peine  pour  faire  passer  Vos  derniers 
ouvrages  dans  les  liJMairies  de  Cadi.x,  sans  que  j'ai  puis 
réussir  entièrement.  Vous  [sjavez  en  générale  que  le  commerce 
des  livres  se  trouve  encore  en  Espagne  dans  l'enfance.  Les 
libraii'es  sont  en  même  tems  imprimeur  et  relieur,  ne  font 
presque  aucun  autre  commerce  de  livre  que  avec  ceux  de  leur 
impression  et  avec  des  livres  anciens.  Cadix  y  diferoit  autrefois, 
puisqu'il  avoit  plusieurs  libraires  francois  qui  firent  le  com- 
merce de  livres  espagnols  et  francois  dans  une  plus  grande 
extension.  Mais  ces  libraires  se  trouvèrent  avant  la  guerre  sur 
la  protection  du  Consulat  francois,  ce  qui  leur  a  fait  partager 
le  sort  avec  tous  les  habitans  qui  vivoienl  lors  du  commence- 
ment de  la  revolucion  d'Espagne  sous  la  protection  du  gou- 
vernement francois  :  ils  ont  été  arrêté  et  leur  fortune  a  été 
confisquée.  .\près  este'  se  trouve  seulement  un  seul  libraire  a 
Cadix  qui  fait  un  commerce  avec  des  livres  francois,  tous  les 
autres,  quoiqu'il  y  en  a,  en  assez  grand  nombre,  ne  font  que  le 

1.  Don  Gaspar-Melchior  de  Jovellanos,  1749-1811,  ancien  ministre  de  Charles  III 
cl  de  Charles  IV^  ;  ennemi  de  Godoy  ;  membre  de  la  Junle  suprême. 

2.  Charles  Richard  Vaughan,  1774-18/19,  nomme  secrétaire  de  la  Lcijation  britan- 
nique en  Espagne  le  5  janvier  1810. 

3.  Mot  espagnol  qui  signifie  cela. 


TROIS    LETTKES    INEDITES    DU    HARON    DE    I.UTZOW  2l3 

commerce  avec  les  (jazeUe  et  pamplets  du  jour,  et  avec  des 
vieux  livres  qu'ils  envoyenl  en  Amérique.  Ce  libraire  qui  tra- 
ri([ue  avec  des  livres  François  me  disoil  au  commencement  de 
vouloir  pi-endre  des  exemplaires,  à  la  fin  il  me  declaroit  qu'il 
les  reqardoit  de  trop  cher,  qu'il  n'etoit  pas  l)ien  sur  d'y  trou- 
ver son  compte  et  qu'il  v  renoncoit.  Mais  au  lieu  de  cela  il  fait 
la  préposition  d'en  prendre  une  partie  en  commission.  Il  se 
trouve  chez  lui  également  en  conunission  l'Ambiqu  de  Pel- 
letier^, et  il  Vous  fait  la  proposition.  Monsieur,  de  lui  faire 
passer  par  cette  même  voie  tant  d'exemplaires  que  Vous 
trouverez  convenable,  et  sous  les  mêmes  conditions  qu'il  a 
l'Ambigu  en  commission.  L'adresse  de  ce  libraire  est  :  Al 
Librero  Senor  D"  Carlos  del  Castillo,  Calle  de  San  P'rancisco, 
en  Cadix.  Il  vendra  naturellement  les  livres  pour  le  prix  que 
vous  lui  fixerez.  Si  Vous  entrez,  Monsieur,  dans  cette  propo- 
sition, je  Vous  prie  de  disposer  de  moi,  si  je  Vous  y  pourrois 
arranger  quelque  chose. 

Mr.  Waugham  me  dit  d'avoir  communiqué  Vos  livres  à 
Mrs.  Gapmani-et  Quintana^,  dans  l'intention,  qu'ils  en  parlent, 
et  donnent  des  extraits  dans  des  feuilles  publique,  et  y  fixent 
de  cela  l'attention  publique.  La  publicité  a  naturellement  fait 
de  progresses  en  Espagne  dans  ce  dernier  tems  :  ils  ont  paru 
au  moins  quelques  bonnes  ouvrages,  pamplets  et  périodiques 
tendant  a  chancer  l'esprit  et  éclairer  les  idées.  Mr.  Capmani 
et  Ouintana  s'y  sont  distinguée,  l'un  et  l'autre  a  travaillé  au 
Semanario  Patriotico,  un  de  ces  meilleurs  périodiques,  qui 
fut  défendu  de  continuer  dans  le  dernier  tems  de  la  Junte 
suprême.  Tous  deux  sont  des  gens  de  lettre  renomés  en 
Espagne  et  le  premier  etoit  un  des  premiers  coniis  du 
département  de  la  guerre  et  l'est  aujourd'hui  de  celui  des 
affaires  étrangers. 

Il  m'a  été  naturellement  du  plus  grand  intérêt  de  voir  de  près 

1.  Le  journaliste  royaliste  bien  connu. 

2.  Don  Antonio  de  Capmani  y  de  Montpalaii,  1742-1813,  secrétaire  de  l'Académie 
royale  d'histoire,  un  des  plus  remarquables  philologues  espagnols. 

3.  Manuel  José  de  Quintana,  1772-1857,  poète  espagnol,  auteur,  entre  autres,  de 
la  célèbre  Oda  a  la  mar  et  de  Vidas  de  Espanoles  célèbres. 


2l4       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

l'etal  de  chose  dans  ce  pais  qui  par  ces  actions  s'est  si  forte- 
ment disliiifjué  parmi  le  reste  de  l'Europe  dans  ces  années 
dernier.  Erjalcment  se  sont  naturellement  changés  plusieurs 
de  mes  vues,  et  m'ont  donné  plus  de  clarté  sur  les  raisons  et 
les  effets  :  quoique  en  générale  sur  l'entier  de  la  situacion  mes 
idées  sont  restés  les  mêmes. 

La  nation  espagnole  est  susceptible  avec  force  el  persévé- 
rance de  suivre  les  idées  qui  se  lui  présentent  comme  vrai  el 
juste.  Ils  y  donnent  sans  penser  au  suites  personelles  qui 
peuvent  en  naitre  pour  eux,  ils  n'y  reflechient  pas,  ils  suivent 
la  vivacité  de  leur  sentiment.  Cette  manque  de  reflection, 
leur  faisant  suivre  l'instinct  naturel  el  les  opinions  orgueil- 
leuses qu'ils  ont  d'eux  mêmes,  a  fait  naitre  la  révolution 
d'Espagne;  la  persévérance  dans  leur  caractère  l'a  fait 
continuer  et  a  fait  paroitre'  les  exploits  qu'ils  ont  réelle- 
ment fait  :  mais  cet  même  manque  de  reflection,  les  peux 
de  lumières  qui  sont  vulgaires-,  les  peux  d'hommes  qui 
connoissent  le  vrai  intérêt  de  la  nation  et  savent  la  guider 
dans  ses  grands  relations,  le  rende  si  dificile  et  presque 
imposible  que  la  nation,  comme  nation,  atteint  leur  but,  si  le 
sort  ne  lui  accorde  un  grand  homme  qui  se  jette  à  leur  tête. 
L'état  du  monde  actuel  où  l'intelligence  est  généralement 
séparé  de  la  volonté  et  de  force  dans  le  caractère^  nous 
présente  dans  notre  tems  si  rarement  de  grands  hommes,  et 
on  en  cherche  en  vain  dans  la  guerre  de  l'Espagne. 

Avant  la  révolution  en  Espagne,  Napoléon  jouissoit  de  la 
plus  grande  vénération  en  Espagne;  on  dit  qu'il  v  avoil  peut- 
être  plus  d'admirateur  que  dans  aucun  pais.  On  etoit  très 
mécontent  du  règne  de  Charles  IV  ou  plutôt  de  la  régence 
dcspoti<|iie  du  Prince  de  la  Paix.  Toutes  les  espérances 
s'eloient  dirigées  sur  le  Prince  de  l'Asturie.  Dans  l'intervalle 
qui  se  trouvoit  entre  l'arrestation  du  Prince  et  la  révolution 
d'.Vranjuez  ({ui  le  mettoit  sur  le  trône,  et  dans  le  tems  qui 

I.  .Apparaître. 
3.  Répandus. 
3.  Force  de  caraclcre. 


TKOIS    LETTRES    INÉDITES    DU    BARON    DE    LUTZOW  2l5 

suivoit  celleci  immédiatement  on  alleiuioit  le  bonheur  d'une 
union  plus  étroite  de  Ferdinand  Vil  avec  Napoléon.  On  preten- 
doil  m<^me  (jue  raveuçilement  etoit  si  f|rand  et  si  général  que 
si  les  actions  de  Bayonne  n'aïuoient  ]ias  eu  lieu,  si  Ferdinand 
les  prévoyant  s'etoit  refusé  d'aller  en  Bayonne  et  avoit  appelle 
aux  armes,  que  la  nation  n'auroit  pas  même  cru  que  tels 
pourroient  avoir  été  les  intentions  de  Bonaparte,  et  que  la 
résistance  n'auroit  été  que  Ibible.  Mais  la  nation  se  voyant 
trompé  et  même  privé  de  Ferdinand  à  la  personne  du  quel  ils. 
attachèrent  les  idées  de  leur  bonheur,  nous  les  avons  vu  se 
déclarer  unanimement,  dans  tous  les  provinces  et  dans  un  et  le 
même  tenis  et  avec  des  actions  héroïques,  contre  ce  même 
Bonaparte,  sans  penser  aux  suites  qui  pourroient  en  naitre,  et, 
vu  la  grande  oppinion  qu'ils  ont  d'eux  mêmes,  sans  aussi  croire 
qu'ils  pourroient  en  naitre  pour  eux  des  suites  funeste  et 
sérieuse.  Toute  la  nation  partage  les  mêmes  sentiments;  on 
a  tort  de  dire  que  les  riches  du  clergé  et  de  la  noblesse  se  sont 
documenté'  traître.  Ces  riches  étant  généralement  a  la  tète 
des  affaires  ont  fait  beaucoup  de  mal  à  la  cause  par  leurs  vus 
restrinctes^,  par  le  goût  de  commander,  sans  le  pouvoir 
exécuter,  par  des  intrigues  qui  regnoient  parmi  eux,  par  les 
demi  mesures  qu'ils  ont  suivi,  mais  le  nombre  des  vrais 
Iraitres,  des  personnes  qui  ont  joués  double  jeu  est  très  petite 
et  ne  peut  pas  être  compté  comme  une  cause  des  malheurs.  La 
révolution  une  fois  faite  il  s'est  montré  dans  tous  les  démar- 
ches que  la  nation  n'etoit  point  encore  mûr  pour  se  gou- 
verner et  se  diriger  elle  même.  Les  démarches  que  les  dife- 
rents.  gouvernement  provincial  et  le  gouvernement  central  ont 
entrepris  soient  politique  ou  militaire  ont  perdu  le  pais,  pen- 
dant que  les  exploits,  les  actions  que  le  peuple  a  exécuté,  et 
exécute  encore  '^  sans  qu'il  y  a  de  connection  entre  eux,  ont 
jusqu'à  présent  sauvé  la  cause  et  la  tiennent  encore. 

L'armée   espagnole  a   perdu   le   pais,  et   dans    l'armée   se 

I.  Montré, 
a.  Étroites. 
3.  Le  texte  portait  d'abord  :  loujours. 


2l6       REVUE    HISTORIQUE    DE    hX    RÉVOLUTION    FRANÇAISE   ET    DE    l'eMPIRE 

trouvent  les  mêmes  braves  espagnols,  qui  se  battent  si  bien 
séparé  et  chaque  jours  chez  eux,  et  qui  ont  fait  ces  brillantes 
défenses  dans  les  villes.  La  mauvaise  organisation  de  l'.Ai-mée 
et  la  conduite  des  Généraux  a  empêché  à  cet  esprit  bon  de  se 
déclarer  dans  les  armées.  C'est  un  malheur  que  l'arinement 
contre  la  usurpasion  n'a  pas  été  joint  avec  des  démarches 
révolutionnaire  dans  l'intérieur  :  cela  auroit  donné  des  élants 
et  efforts  aux  gouvernements,  au  lieu  que  se  présente  apre- 
sent  un  tableau  d'intrigue  dans  les  gouvernements  provinciaux 
et  dans  celui  du  centre.  Ce  dernier  n'a  presque  jamais  eu  et 
ne  lient  même  aujourd'hui  pas  plus  qu'un  ombre  de  pouvoir. 
L'argent  que  les  Colonies  lui  envoyent  et  les  négociations  avec 
les  Allés  lui  donnent  de  l'influence  dans  les  gouvernements 
provincaux,  sans  qu'il  les  commandent  réellement  dans 
l'étendu  nécessaire  pour  donner  un  ensemble  nécessaire. 

La  régence  d'aujourd'hui  a  de  grands  préférence  pour  celle 
de  la  Junta  suprême,  mais  aucun  de  ses  membres  est  un 
homme  de  talents  distingués.  Aussi  peu  (ju'on  peut  raisona- 
blement  fonder  de  grandes  espérances  sur  un  résultat  heureux, 
aussi  peu  peut  on  juger  du  tems  jusqu'auquel  la  guerre  dans 
ce  pais  durera.  La  force  du  peuple  se  documente'  continuel- 
lement. Les  provinces  de  Guandalaxara  et  de  Cuenca  sont 
depuis  six  mois  sans  qu'un  seul  homme  des  ennemis  s'y  est 
montré.  Des  trouppes  réguliers  s'y  sont  formés,  et  il  y  a  eu 
des  affaires  avec  eux  dans  les  environs  de  Davoca,  Calatayud, 
Guadalaxara,  pas  loin  les  cins(?)de  Zaragossa,  et  le  derrier  de 
Madrid. 

Les  parties  légères  (las  gucrillas)  sont  partout,  il  est  très  vrai 
(ju'il  n'apartienl  au  fraiicois  que  le  terrein  ou  ils  se  trouvent 
justement;  les  habitans  leurs  l'ont  continuellement  la  guerre; 
à  chaque  marche  ils  perdent  les  hommes  qui  fatigués  restent 
en  arrière  ;  dans  les  montagnes  ils  tirent  sur  les  colonnes  qui 
les  passent,  etc. 

Force  de  volonté  existe  el  se  documenle  toujours  encore,  il 

I.  Se  manifeste. 


mois    LETTRES    INEDITES    Dr    BARON    DE    LUTZOW  217 

deiiiendoit  seulement  de  la  doiiiir-r  unité  dans  l'action,  ce  qui 
est  posible,  mais  pas  trop  vraisemblable. 

La  durée  de  la  (juerre  en  Espagne  est  donc  pour  elle  même, 
comme  pour  l'Etat  politique  en  général,  de  la  plus  grande  im- 
portance. 

La  situation  de  Cadix  et  de  l'Isle  de  Léon  en  elle  est  extrê- 
mement tort.  Elle  est  séparée  de  la  terre  firme  par  un  bras 
de  la  mer,  nulleparl  guéable,  et  surtout  vers  la  coté  de  l'en- 
nemi très  maricageux.  Les  Caracas,  magazins  de  la  marine, 
et  l'isle  St.  Pétri  sont  les  deux  points  fortifié  sur  les  flantjues 
de  ce  bras  de  mer,  le  long  du  quel  se  trouvent  des  ouvrages 
fortifiés  pour  ilefendre  son  passage,  ainsi  qu'il  y  a  sur  les  hau- 
teurs au  (juels  est  situé  la  ville  de  l'isle,  des  ouvrages  assez 
forts  en  eux.  A  l'isthme  qui  unit  la  ville  de  Cadix  avec  l'isle 
de  Léon  a  ete  nouvellement  érigé  une  fortification  perma- 
nente :  la  cordadura  de  San  Fernando,  justement  là  où  l'isthme 
est  le  plus  étroit,  ses  flanques  s'appuyent  au  mer,  les  faux 
bourgs  sont  rasés.  La  perte  de  Malagorda  a  été  sans  suite 
réelle  :  il  ne  pourroit  bombarder  de  ce  point  la  ville  de 
Cadix,  et  empêche  non  plus  que  les  vaisseaux,  seulement  un 
peu  plus  retiré,  soyent  avec  toute  sûreté  dans  le  harbour'. 

Le  manque  d'eaux  n'existe  pas  si  fortement  à  Cadix  :  dans 
les  derniers  vingt  ans  ont  été  établi  sufisament  de  puix  et  de 
cisternes  pour  fournir  la  ville  sans  l'eau  de  Puerta  Maria  et 
seulement  dans  une  très  courte  espace  de  l'été  pourroit  se 
présenter  la  nécessité  a  en  attirer.  Cet  année  a  eu  plus 
de  pluie  quejamais,  ainsi  qu'on  croit  avoir  j>our  lui  sufisament. 

Le  prix  des  vivres  a  ete  toujours  assez  haut  à  Cadix  :  ils  ont 
augmenté,  mais  ne  sont  pas  si  extraordinaire  comme  on  le 
croit  en  Angleterre.  Le  pain  de  froments  est  aujourd'hui  en 
tiers  de  plus  cher  qu'il  estoit  en  tems  de  repos  ;  mais  on  en 
fait  apresent  une  sorte  mêlé  avec  du  ris,  qui  se  vende  du 
même  prix  que  autrefois  le  pain  pur  de  froment.  La  viande 
n'est  pas  beaucoup  plus  cher  aujourd'hui  qu'à  l'ordinaire,  mais 


2l8       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

la  qualité  n'est  pas  la  meilleure.  Cependant  l'Espagnol  ne 
mange  pas  beaucoup  de  viande.  En  général  ne  manque  aucun 
article,  quoique  les  prix  ont  augmentés. 

La  perte  de  Lerida  est  sans  doute  très  considérable.  Elle 
s'est  rendu  le  i3  de  .Mav,  après  que  General  0.  Donel'avoit  été 
battu  le  26  d'Avril  dans  la  plaine  de  Urgel,  pas  loin  de  Lerida. 
Selon  les  derniers  nouvelles  etoit  le  quartier  gênerai  de 
Odonel  à  Vallo,  près  de  Taragona.  Taragona,  Tortosa,  Mequi- 
niza,  Urgel,  Berga,  Cardona  el  le  Caslel  de  las  Medas 
sont  les  points  forls  qui,  en  Catalogne,  se  trouvent  encore 
dans  les  mains  des  espagnols.  Ilostalrich  qui  a  fait  une 
défense  merveilleuse  depuis  le  moi  de  Febrier  doit  avoir  été 
évacué  par  la  garrison,  qui  s'est  jette  dans  la  Montagne  de 
Monlveny,  dont  les  habitans  ont  joué  et  jouent  encore  un 
rôle  très  remarquable  dans  la  guerre  de  Catalogne. 

Dans  l'Andalousie  continuent  les  habitans  de  la  Xavada  de 
Grenada,  des  Alpucharras,  et  des  Montagnes  de  Ronda  a 
soutenir  leur  indépendance.  Il  y  a  des  trouppes  réguliers  qui 
les  soutiennent  dans  diferentes  parties. 

Général  Sebastiani  après  avoir  entré  dans  le  royaume  de 
Murcie  et  dans  la  ville  de  Murcie  elle  même  se  trouve  apresent 
à  Grenade,  mouvement  de  retraite  qui  n'a  point  été  exécuté 
d'après  des  affaires-,  comme  on  le  croyait  premièrement, 
mais  qu'il  paroit  avoir  fait  pour  ne  pas  trop  s'éloigner  du  gros 
de  l'Armée,  vue  l'état  dans  le  quel  se  trouvent  les  montagnes 
audessus  dites.  Les  trouppes  qui  se  trouvent  de  l'cnneinis 
sont  vraisemblablement  pas  de  très  grande  force,  et  paroisseni 
s'égaler  presque  des  deux  côtes. 

Les  anglois  continuent  dans  leur  malheureuse  inactivité  en 
Portugal;  ils  ont  donné  du  tems  à  l'enneiuis  à  ces  entreprises 
contre  l'Andalousie  sans  tendre  à  lui  faire  diversion,  ils  lui 
ont  laissé  lems  à  se  reunir,  a  tirer  des  reinforcements  de  la 
France,  pendant  qu'ils  ont  habillé  des  Porlugues,  croyant 
d'eu  forin(>r  de  soldats  en  leur  donnant  des  uniformes. 

I.  Don  .losé  Enrique  O'Donnell,   i77iviS3.'t,  général  csp.iijnol. 
3.  Combats. 


TROIS    LETTRES    INEDITES    DU    HARON    DE    LUTZOW  2 1 1) 

La  conduite  des  Généraux  fraiicois  dans  la  guerre  d'Espagne 
se  montre  très  souvent  sans  force  et  presque  toujours  sans 
unité.  Très  probable  que  Bonaparte  les  a  remplacé  par 
d'autres  qui  selon  des  ordres  distinctes  commenceront  des 
opérations.  Sans  doute  celle  contre  Portugal  devoit  être  une 
des  premières  :  dieu  veuille  que  les  anglois  ne  le  quitte  sans 
se  battre,  ou  après  avoir  gagné  une  bataille  :  ce  que  je  crains 
beaucoup  plus  que  qu'ils  perderont  vine  action. 

Depuis  la  prise  du  fort  de  Matagorda  n'a  aucune  action 
militaire  eu  lieu  dans  les  environs  de  Cadix.  Quelques  enga- 
gements des  avantpostes  ne  méritent  pas  d'en  parler  :  les 
espagnols  sont  encore  dans  la  possession  du  même  terrein 
qu'il  avoit  au  commencement.  Nous  avons  chaque  jours 
quelques  coups  de  canon,  ou  même  une  sorte  de  cannonade  de 
part  et  d'autre,  qui  sont  presque  sans  faire  le  moindre 
domage  et  ne  paroissent  que  servir  pour  ne  pas  oublier  qu'il 
y  a  deux  armées  opposées.  Cet  inactivité  qui  règne  apresent 
ici  et  dans  plusieurs  partis  du  royaume,  surtout  en  Valencia 
y  Murcia,  du  côté  des  espagnols  est  très  malheureuse  et  une 
preuve  de  ce  manque  d'ensemble  dans  les  grandes  de- 
marches. 

Mr.  de  Grolmann  Vous  remercie.  Monsieur,  pour  la  lettre 
que  Vous  avez  bien  voulu  lui  envoyer,  et  qui  ainsi  que  la 
lettre  de  l'Abbé  Picard  '  pour  moi,  nous  a  ete  justement 
remis.  Je  tacherai  sûrement  de  m'informer  le  plus  tôt  possible 
de  recevoir  des  renseignements  sur  le  sort  du  frère  de  l'Abbée 
Picard  et  le  lui  écrirai  alors. 

Si  Vous  voulez  me  faire  l'honneur.  Monsieur,  de  m'ecrire  et 
me  donner  de  Vos  nouvelles,  ou  si  peutetre  quelqu'un  devoit 
s'informer  chez  Vous  de  mon  adresse  :  je  prie  d'envoyer  les 
lettres  à  Cadix,  en  ajoutant  chez  Mrs.  (îordon  Show&Comp., 
par  les  quels  je  les  recevrai  toujours,  soit  en  me  trouvant  à 
l'isle  de  Léon,  ou  même  en  partant  pour  quelque  part 
d'Espagne. 

I.  L'abbé  Piccard,  gouverneur  du  fils  cadet  du  baron  d'Arnifeld. 


220       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

Mr.  de  Grolmann  et  le  Comte  Dohna  Vous  renouvellent  avec 
moi,  Monsieur,  nos  remercimenis  pour  la  bonté  avec  la  quelle 
Vous  Vous  êtes  intéressé  à  nous  et  Vous  prient  de  leur  garder 
un  bon  souvenir. 

Moi  je  profite  de  la  permission  iiuc  Ndus  m'avez  donné  de 
Vous  ajouter  une  lettre,  et  j'ose  Vous  prier  de  faire  passer  la 
ci-jointe  à  Mr.  Erns,  N.  4  Cliurcli  Row,  Fenchurch,  London. 
Je  profite  de  cette  occasion,  Monsieur,  de  vous  renouveler 
l'assurance  du  plus  parfait  estime  avec  leipiel  j"ai  l'honneur 
d'être 

Monsieur 

Votre  très  humble  et  très  obéissant 
Serviteur  L.  Bar.  Lutzow. 

Cadix,  le  8  de  juin  iSio. 

II 

Monsieur  ! 

Je  vous  rends  bien  grâce.  Monsieur,  de  la  lettre  que  Vous 
avez  bien  voulu  m'envoyez,  accompagnée  de  quelques  mots 
sur  Votre  santé  et  Vos  occupations  littéraires  du  moment, 
sous  le  7  du  mois  passé.  Dans  les  derniers  jours  du  Juin  j'ai 
reçu  une  lettre  de  ma  famille,  qui,  vu  que  j'y  ai  trouvé  Votre 
nom,  probablement  m'est  venu  également  de  Votre  bonté. 
Eutre  ces  deux  lettres  sont  arrivé  pour  moi  d'Angleterre  à 
Cadix,  deux  autres  lettres  à  l'adresse  de  Mrs.  Show,  l'une  au 
commencement  et  l'autre  à  la  fin  du  Juillet  qui  malheureuse- 
ment ont  été  perdu  par  la  poste  entre  Cadix  et  l'isle  de  Léon. 
L'un  d'eux  avoit  probablement  passé  par  \'os  mains,  parceque 
Mr.  Show  ma  dit  qu'il  etoit  délivré  par  Mr.  Perceval'.  J'ai 
l'honneur  de  Vous  en  avertir,  pour  le  cas  que  peutètre  Vous 
m'y  aviez  parlé  d'une  ou  de  l'autre  chose  intéressante. 

L'édition  qui  se  fait  des  ses-  ouvrages  qui  caractérise  l'état 
de  la  France  et  l'efet  que  produit  la  politique  suivi  par  son 
tirau   doit    uatnrellemeul    intéressé    les  espagnols,   et    le    fera 

I.  Le  ministre  anglais. 

a.  Lapsus  calami:  il  faut  certainement  lire  vos. 


THOIS    LETTRES    INEDITES    DU    BARON    DE    LUTZOW  22  1 

sûrement  quoique  vraisemblablement  pas  autant  qu'il  devoit. 
J'ai  fait  passé  le  prospectus  à  des  libraires  de  Cadix,  qui 
m'ont  dit  qu'ils  ecriroient  à  Londres  pour  en  recevoir  des 
exemplaires,  et  apresent  une  personne  de  ma  connaissance 
l'a  traduit  en  espagnol,  et  il  sera  mis  dans  les  feuilles  pu- 
blirjue;  dans  cette  traduction  ont  été  nommés  encore  les  titres 
de  \'os  derniers  ouvrages  en  gênerai. 

Je  reprends  le  fde  de  ma  dernière  lettre;  et  je  Vous  parlerai 
des  événements  plus  intéressants  qui  se  sont  présenté  depuis 
elle.  Quoiqu'ils  Vous  ont  déjà  connu  de  leur  .existence,  je 
crois  qu'il  ne  Vous  sera  pas  désagréable  de  les  entendre  avec 
les  points  de  vue  qu'ils  me  paraissent  de  devoir  être  regardé. 

Pour  ce  qui  touche  l'état  des  armées  :  ce  ne  sont  que  dans 
les  environs  de  Ciudad  Rodrigo  et  en  Catalogne  que  nous 
avons  eu  des  actions.  Après  la  Batalle  de  Talavera  le  Maré- 
chal Soult  fut  nommé,  a  la  place  du  Maréchal  Jourdan,  Mayor 
General  de  José,  et  se  trouvoit  par  cela  à  la  tête  des  opéra- 
tions en  Espagne.  Il  a  gardé  cette  direction  jusqu'au  prin- 
temps de  cette  année.  Apresent  il  v  a  trois  et  même  quatre 
Généraux  en  Chef  francois  qui  commandent  dans  les  diferentes 
parties  d'Espagne  et  qui  reçoivent  ses^  ordres  directe  de 
Paris.  Dans  les  parties  du  nord-ouest  le  Maréchal  Massena 
commande  le  2',  le  6"  et  le  S''  Corps.  Dans  le  Sud  le  Maréchal 
Soult  comande  le  i"  le  4"  et  le  5"  Corps.  General  Suchet 
commande  en  Aragogne  le  3'  et  le  Maréchal  Macdonald  en 
Calalogn<'  le  'j"  Corps. 

Dans  toute  la  guerre  en  Espagne  le  manque  d'unité  dans 
les  opérations,  l'absence  du  grand  General  s'est  documenté 
très  ouvertement,  a  fait  voir  ce  qui  est  surtout  à  craindre  dans 
les  armées  francoises.  Des  intrigues,  manque  de  force  de 
volonté,  et  d'esprit  d'entreprise  se  démontre  dans  la  conduite 
des  Généraux  francois  et  a  favorisé  les  espagnols.  L'absence 
de  Napoléon,  retenu  par  l'hymen  ou  parcequ'il  voit  que  des 
jours  brillants  ne  lui  conquièrent  pas  l'Espagne,  fait  continuer 


222        HEVIE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

cet  avantage,  et  la  division  du  Commandement  l'augmenteront 
encore. 

Pendant  l'année  passée  l'Armée  francoise  n'a  reçue  que  très 
peu  de  renforcements.  Depuis  la  paix  de  Vienne  seulement 
l'Armée  dans  le  nord  ouest  a  ete  considérablement  renforzée, 
les  armées  en  Catalogne  et  Aragone  en  ont  reçu  quelquesuns, 
et  les  .Armées  du  Sud  aucun.  Cela  nous  indique  déjà  qu'il 
destine  r.\rmée  du  Sud  à  la  défensive  et  que  l'objet  de  sa 
campagne  est  surtout  dirigé  sur  le  ouest,  sur  l'armée  de  Mas- 
sena. 

Des  trouppes  qui  ont  combatit  en  Alemagne  à  l'exception 
de  quelques  régiments  isolés,  ce  n'est  que  le  8'  Corps  de 
Junot  qui  a  repasé  le  Rhin  et  est  entré  en  Espagne;  les  autres 
renforcements  consistent  plutôt  dans  des  conscrits  nouvelle- 
ment formés  comme  3'^™'  ou  quatrième  Bataillons  des  Régi- 
ments. Tous  ces  renforcements  paraissent  ne  pas  passer' 
4o.ooo  hommes,  ainsi  que  très  probablement  inclusivement 
eux  toute  la  force  des  francois  en  Espagne  ne  surpasse  pas 
le  i5o.ooo  hommes. 

Il  paroit  que  ce  ne  sont  pas  seulement  les  vues  politique 
qui  fixent  les  trouppes  de  l'Empereur  en  Allemagne  et  vers  le 
nord,  mais  que  les  dépenses  qu'ils  lui  causent  dans  ce  pays, 
aulieu  que  l'-Vllemagne  les  paye,  est  une  cause  également 
essentiel  que  Napoléon  n'y  envoyé  et  n'y  peut  envoyer  d'avan- 
tage. 

Sur  ce  point  des  lettres,  interceptés  à  deux  lieu.x  de  Madrid, 
qui  etoient  dirigé  par  le  Duc  de  Santa  Fé,  .Ambassadeur  de  José 
à  Paris,  à  ce  Roi  et  à  ses  Ministres,  qui  ont  été  publiée  il  y  a 
quelques  jours  par  le  gouvernement,  nous  fournissent  des 
faits  intéressants.  Le  Duc  fut  envoyé  par  José  pour  faire  des 
représentations  à  l'empereur  sur  l'incorperation  des  provinces 
au  delà  de  l'Ebro.  11  y  a  des  mois  qb'il  est  a  Paris  sans  f[u'on 
a  voulu  lui  parlé  d'affaires.  Enfin  on  lui  a  parlé  d'affaires, 
mais  pas  de  ceux  pour  les    quels  il  est   envoyé,  mais  pour 

1.  Dépasser. 


TROIS    LETTilF.S    INEDITES    DU    BARON    DE    LUTZOW  2  20 

marquer  de  mécontement  avec  la  conduite  de  José,  surtout 
dans  ce  qui  regarde  le  point  de  l'argent.  La  France  prétend 
selon  les  mots  du  Duc  de  Gadore  même,  que  l'Espagne  lui  a 
coûté  200  inillons  livres  et  4oo.ooo  hommes.  On  voit  que 
d'après  des  arrangements  prises  la  France  y  envoyé  aujour- 
d'hui 2  millons  livres  chaque  mois,  et  que  Napoléon  proteste 
de  pouvoir  y  envoyer  d'avantage,  ou,  que  selon  les  propres 
expressions  de  l'empereur  :  «  a  l'imposible  personne  n'est 
tenu  ». 

Ces  faits  quoique,  surtout  pour  ce  qui  regarde  les  4oo.ooo 
hommes,  en  parti  exagéré,  sont  aussi  intéressant  relativement 
aux  finances  de  Bonaparte  que  sur  la  sorte  de  guerre  qu'il 
se  voit  sûrement,  malgré  lui,  forcé  a  conduire  en  Espagne. 

Si  Bonaparte  s'etoit  trouvé  a  la  tète  de  l'armée  francoise, 
elle  seroit  très  propablement  à  Cadix.  Maréchal  Victor  se 
trouvoit,  après  avoir  passés  la  Sierra  Morena,  à  quelques 
journées  de  Marche  plus  proche  à  cette  ville  que  le  Duc 
d'Albuquerque  ;  s'il  avoit  voulu  oser  la  joindre  avant  le  Duc  il 
l'auroit  pu;  il  ne  le  hasardoit  pas  :  ce  n'est  que  rentre[)renant 
([ui  peut  espérer  d'être  favorisé  dans  la  guerre. 

Si  ensuite  Victor  avoit  fait  des  entreprises  contre  l'isle  de 
Léon,  très  probablement  qu'elles  auroient  réussi.  Aujourd'hui 
la  prise  de  Cadix  coûtera  une  Armée  aux  fran(;ais  :  il  se 
demande  quand  ils  l'auroient  a  y  sacrifier.  Aujourd'hui 
chaque  tentative  leur  est  impossible  :  le  Corps  de  Victor  qui 
nous  est  opposé,  et  qui  nous  bloque,  parce(jue  nous  nous 
laissons  bloquer  de  lui,  n'a  pas  plus  de  force  que  de  12  a 
1 5.000  hommes,  presque  la  moitié  de  ce  que  nous  possédons 
reunis  à  l'isle. 

Le  Corps  du  Duc  de  Trevise  se  trouve  en  général  à  Seville, 
couvrant  la  communication  de  Victor  avec  l'intérieur  du  pais  ; 
ces  divisions  sont  en  partis  à  droite  et  a  la  gauche  du  Guadal- 
quivir,  contre  les  trouppes  de  Balasteros,  ([ui  fait  parti  de 
Romana,  et  séparé  dans  la  province  pour  la  tenir  à  la  bride. 

Le  Corps  de  Sébastian!  est  à  Grenade,  observant  Murcie,  les 
côtes  et  les  montagnards.  Pour  soutenir  ces   derniers   nous 


224       REVUE    HISTORigiE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇALSE    ET    DE    l'eMPIRE 

avons  eu  au  milieu  de  Juin  une  expédition  sous  le  Commande- 
ment du  Générai  Lacy  dans  les  Mdntaijnes  de  Ronda.  Sans 
avoir  eu  de  pertes  considérables  l'expédition  n'a  point  efecté^ 
de  résultats  :  peutêtre  n'auroit-on  pas  dû  envoyer  des  trouppes 
réguliers,  [mais]  une  Division  formée  dans  ces  contrées.  Il 
paroil  que  General  Lacy,  un  General  de  beaucoup  de  bonnes 
qualités,  a  laisser  échapper  le  moment  decisiv,  et  qu'ensuite 
il  fut  hors  d'état  de  tenir  tète  a  l'ennemi  qui  fut  détaché  de 
toute  côte  contre  lui,  parcequ'il  ne  fut  pas  occupé  ailleurs. 

La  perte  de  Lerida  et  Mequinenza  est  très  desavantageuse 
pour  l'état  des  choses  dans  l'est  de  la  péninsule. 

General  Suchet  est  devant  Tortosa.  Les  evcnenienls  heu- 
reux en  Catalogne  aux  commencement  d'Avril,  les  affaires 
de  Villafranca  et  Esperguerra  ont  presque  jusqu'  apresent 
interdit  aux  François  de  s'étendre  en  Catalogne  :  Barcelone 
a  été  de  nouveau  bloqué  :  mais  selon  les  derniers  notices, 
Macdonald  amenant  des  renforts  c'est  poussé  jusqu'à  cette 
forteresse,  et  bien  probablement  qu'il  est  aujourd'hui  devant 
Taragona  et  joint  avec  Suchet. 

L'armée  de  Massena  opère  avec  grande  précaution.  Il  a 
assiégé  Aslorga  et  Ciudad  Rodrigo,  avant  de  s'aprocher  sur 
son  objet  principal.  Je  crois  (jue  peutètrc  il  n'auroit  pas  eu 
besoin  d'autant. 

Les  armées  angloises,  toujours  très  braves  les  jours  de 
Bataille,  sont  très  pénible-  :  mais  les  maximes  politique- 
militaires  du  gouvernement  et  des  généraux  font  que  ses 
opérations  ne  sont  pas  beaucoup  à  craindre.  Je  ne  crains  pas 
que  les  anglois  soyent  battu,  mais  je  crains  qu'ils  ne  s'embar- 
quent sans  avoir  battu,  ou  qu'ils  s'enibar(|ucnt  après  une 
Bataille  gagnée. 

La  conduite  des  anglois  dans  cette  année  est  militairement 
et  même  politiquement  pas  à  défendre.  La  constitution  d'An- 
gleterre, la  situation  de  ce  pais  qui  proprement  ne  combat 
pour  sa  défense,  mais  pour  sa  plus  grande  jirosperité,  et  le 

I.  Obtenu. 

a,  DirBcilei  à  traiter. 


IHOIS    LETTRES    INEDITES    DU    BARON    DE    LUTZOW  220 

manque  d'homme  de  génie  qui  quide  et  réuni  les  esprits, 
expliquent  cette  conduite. 

Manque  de  force  et  manque  de  génie  et  d'esprit  d'entreprise 
à  la  tète  des  francois  leui'  a  fait  exécuter  jusqu' apresent  une 
campagne  sans  grande  activité  et  événements. 

Mais  les  espagnols  que  leurs  ayent  ils  opposé?  —  Le  peuple 
une  résistance  continuelle,  constance  et  attachement  a  sa 
cause.  Mais  le  gouvernement  qui  devoit  tirer  le  profit  conve- 
nable de  ces  dispositions,  qui  devoit  les  diriger  et  les  guider  : 
il  n'a  rien  fait.  Il  y  a  sans  doute  des  dispositions  superbes 
dans  le  caracter  de  cette  nation  espagnols  :  mais  elle  est  extrê- 
mement dégénéré.  Ce  n'est  pas  un  moment  d'action  qui  peut 
changer  subitement  cette  degénération^;  ce  n'est  qu'un  bou- 
leversement entier,  ce  n'est  qu'une  guerre  de  durée  qui  lui 
peut  procurer  une  murété^  dans  le  plus  court  espace  de  tems. 
C'est  la  continuation,  la  durée  de  la  guerre  que  aujourd'hui  je 
souhaite  le  plus  à  ce  pais.  Pour  la  durée  je  ne  crains  rien 
moins  que  ce  que  les  ressources  pour  continuer  la  guerre 
manqueront  un  jour.  Le  gouvernement  actuel  est  sans  doute 
mieux  que  celui  d'auparavant  :  il  est  composé  de  honètes, 
mais  de  gens  sans  talents. 

Le  manque  d'unité  dans  les  démarches  de  diferentes  pro- 
vinces de  l'Espagne  a  été  pendant  toute  la  guerre  un  trait 
caractéristique  et  très  influant  dans  le  cours  des  événements. 
Chaque  province  avoit  formé  sa  révolution  pour  soi,  c'était 
déclaré  contre  les  ennemis  et  les  avoit  réponse,  ou  causé  par 
ses  démarches  que  l'ennemis  se  retira.  Dans  chacune  c'était 
formé  une  Junta  central,  qui  ne  voudroit  obéir  à  aucune  des 
autres  provinces.  Des  ambitieux  et  des  gens  qui  avoient  le 
sentiment  d'avoir  fait  ou  au  moins  d'avoir  voulu  faire  resis- 
tence  se  trouvèrent  dans  cettes  Jimtas.  Le  goût,  le  désir  de 
gouverner  se  démontra  partout.  Si  la  Capitale  eut  donné  le 
signal,  peutètre  que  ses  chefs  auroient  été  reconnus  pour'ceux 
dé  la  monarchie  :   mais  les  chefs  des  provinces  voudroient 

1.  Dégénérescence. 

2.  Maturité. 


2  26       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

plutôt  une  conlôderation  des  provinces  qu'une  obéissance  à 
quelque  autorité.  Ce  sont  ces  querelles,  ces  intrigues  de  per- 
sonalite  contre  lesquels  la  Junta  suprême  central  a  eu  à  lutter 
dans  l'intérieur,  qui  ont  causé  leur  mauvaise  composition  et  le 
peu  de  force  executive  qu'elle  a  pu  exercé-  La  composition  en 
elle  est  mieux  aujourd'hui  mais  le  manque  d'obéissance  et 
d'unité  dans  les  provinces  continue  encore. 

L'argimt  tiré  d'Amérique  qui  entroit  dans  le  pouvoir  de  la 
Junte  Suprême  fut  le  unique  lieu  qui  conduisoit  encore  les 
provinces  à  l'obéissance.  Pour  l'administration  de  ces  fonds 
la  régence,  en  s'instituant,  a  comis  ime  faute  de  la  quelle  elle 
a  lieu  à  se  repentir  aujourd'hui  très  fortement.  Toute  Es- 
pagne s'etoit  plaint  de  la  mauvaise  administration  des  finances 
au  tems  de  la  Junta  suprême,  et  on  leur  avoit  fait  la  dessus 
des  imputations  les  plus  graves.  La  Régence  prit  alors  la 
résolution  de  ne  pas  administrer  le  trésor  elle  même,  mais  de 
le  mettre  sur  la  surveillence  d'une  authorité  qui  n'etoit  pas 
dépendante  d'elle,  mais  qui  le  fut  de  l'opinion  publique,  et 
manque'  d'autre  authorité  de  ce  genre  l'administration  fut 
confié  à  la  Junta  de  la  ville  de  Cadix. 

Par  cette  démarche,  très  bonne  eir  elle  môme,  mais  pas 
convenable  pour  les  circonstances  actuel,  la  Régence  a  laissé 
échappé  de  sa  main  le  seul  pouvoir  réel  qu'elle  avoit.  La  Junte 
de  Cadix  sent  bien  le  pouvoir  qu'elle  en  a  reçue  et  a  pris  une 
influence  très  grande  dans  le  gouvernement  des  provinces  en 
général,  qu'elle  exerce  d'autant  plus  fort  qu'elle  se  prévaut  de 
la  masse  du  peuple  à  Cadix  et  fait  craindre  des  scènes  égaux 
a  ceux  qui  y  etoient  quelques  fois  pendant  le  cours  de  la 
révolution.  Cette  influence  elle  a  surtout  manifesté  dans  une 
circunistance  assez  singulier,  que  je  Vous  veux  raconter, 
Monsieur,  parceque  le  sujet  Vous  interesse  peutetre  particu- 
lièrement. 

Au  milieu  de  Juin  parut  imprimé  dans  l'imprimerie  royal  un 
décret  de  la  régence,  qui  declaroit  le  commerce  des  colonies 


TROIS    LETTRES    INEDITES    DU    BARON    DE    LÙTZOW  227 

ameriques  libre  pour  chaque  espagnol,  ainsi  que  pour  les 
étrangers,  (ladix,  ville  priviligée  de  ce  commerce  en  fut 
frappée,  la  Junta  se  rassemble,  envoyé  une  deputation  sur  ce 
sujet  à  la  régence;  elle  se  présente  à  la  régence,  et  celleci 
déclare  que  ce  soit  un  décret  qu'elle  n'avoit  pas  donnée, 
qu'elle  n'avoit  pas  voulu  donner,  et  de  l'impression  du  quel 
elle  n'avoit  pas  la  moindre  connaissance.  Ils  paraissent  des 
publications  qui  déclarent  nulle  ce  décret  ;  on  nomme  une 
commission  pour  rechercher  cette  affaire  :  il  se  trouve  qu'on 
avoit  fait  mettre  à  son  insue  à  Saavedra.  membre  de  la 
Régence,  le  imprimatur,  et  le  Ministre  des  Finances,  ainsi 
que  les  premiers  Comis  des  Bureaux  du  département  des 
Indes  furent  arrêtés  dans  le  cours  de  la  recherche. 

Les  mouvements  dans  la  Province  de  Carracas  n'ont  pas 
peu  ailarmés  les  esprits  :  on  tache  d'en  dissiper  les  notices, 
ceux  qui  les  gazettes  angloises  nous  en  donnent  sont  les  plus 
circonstantiées  que  le  public  en  possède. 

L'arrivée  du  Duc  d'Orléans  a  également  intéressé  au  moins 
quelquetems  aux  esprits.  En  général  le  peuple  a  fait  peu  de 
cas  de  lui,  on  voit  en  lui  le  francois  et  le  petit  égalité,  et 
moins  le  Bourbon  et  le  parent  du  Roi.  On  prétende  qu'il  est 
arrivé  à  l'insue  des  Anglois  et  même  contre  leur  volonté.  De 
prendre  un  Commandement  en  Espagne  c'est  le  but  qu'il  a 
exprimé  ouvertement  pour  son  arrivée.  Quoique  déjà  deux 
mois  ici,  on  n'entende  rien  de  son  placement,  et  il  parait 
rester  ici  attendre  les  Cortes,  se  flattant  peutetre  déjouer  une 
rôle  par  eux. 

Ces  Cortes  longtems  promis,  enfin  dans  un  mois  la  reunion 
doit  s'efectuer.  Il  paroit  que  la  Régence  a  tardé  de  les  joindre 
et  que  le  bruit  qui  couroit  un  jour  sur  le  mariage  de  Ferdi- 
nand VII  avec  une  Princesse  Napoleonne,  la  Jonction  des 
Cortes  par  José  à  Seville  et  la  conduite  de  la  Junta  de  Cadix  a 
causé  enfin  leur  ouverture. 

L'opinion  publique  est  contraire  a  la  Régence  actuelle  et  il 
est  très  vraisemblable  qu'elle  ne  se  conservera  pas  et  qu'un 
autre   gouvernement   le    remplacera.  Les   scènes   des   Cortes 


2  28       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'e.MPIRE 

seront  sans  doute  très  intéressant,  ils  nous  donneront  un 
portrait  du  vrai  état  de  la  nation.  Chose  que  je  crains,  c'est 
que  les  Cortes,  guidés  par  ce  malheureux  désir  de  commander 
eux',  ne  chercheront  a  joindre  en  eux  le  pouvoir  exécutif,  au 
lieu  de  le  concentrer  et  se  conserver  le  pouvoir  législatif  et 
controlleur. 

Jusqu'alors  tous  les  authorites  établis  en  Espagne  ont 
été  aveuglé  par  cette  manie  de  commandé.  La  nation  hautaine 
ne  regarde  personne  audessus  de  lui,  elle'  critique  chaque 
supérieur  et  est  persuadé  de  pouvoir  mieux  agir  que  lui  :  cette 
disposition  est  la  cause  que  tous  les  gouvernements  qui  s'éta- 
blissent ne  se  conservent  pas  même  aussi  longtems  et  aussi 
bien  dans  l'opinion  que  proprement  ils  le  méritent.  Ce  ne  sera 
que  Militaire  ^  qui  agisse  avec  éclat  et  ferme  ainsi  les  bouches, 
qui  dans  un  moment  tel  que  celui  pourra  reunir  les  bouches^. 
Mais  pour  agir  militairement  avec  succès  ils  fallait  détruire 
les  abus  sans  nombre  dans  le  militaire  et  dans  le  département 
de  la  guerre.  Plusieurs  ont  essayé  ce  chemin,  mais  ces  efforts, 
qui  ne  plaisent  pas  à  la  multitude  contre  laquelle  ils  sont 
dirigés,  et  leurs  ont  coûtés  ces  employs. 

Ainsi  s'accumulent  les  dificultés  pour  quiconque  y  tache 
d'agir;  et  bien  probablement  demandera-t-il  beaucoup  de 
tems  jusqu'à  ce  chaos  se  remete  en  elle  même.  La  force  de 
volonté  dans  le  peuple,  l'aversion  contre  les  francois  qui 
s'augmente  de  jour  en  jour  avec  la  pauvreté  et  les  combats 
journalier  est  ce  qui  y  donne  l'unité  et  la  direction.  Manque 
des  ressources  aux*  francois  fera  bien  probablement  conti- 
nuer longtems  encore  cette  guerre,  en  y  laissant  une  sorte 
d'équilibre. 

L'Amiral    Iveats"'   commande  depuis  quelques  semaines  la 

1.  Eux-mêmes. 

2.  L'armée. 

3.  Les  suffrages. 

4.  Du  côtr  des  Français. 

,").  Sir  Hicliaril  Goodwin  Kcals,  1757-1834;  envoyé  à  ("adix  en  1810  pour  y  com- 
mander la  Bolle  anglaise;  nomme  vice-jimiral  le  i^'  aoiil  181 1,  il  quitta  Cadix  quel- 
ques jours  après. 


TROIS    LETTRES    INEDITES    DU    BARON    DE    LUTZOW  229 

flotte  dans  le  harbour,  au  lieu  de  I^'Ainiral  Pickonow  (?),  du 
(juel  relativement  à  son  indolence  et  inactivité  on  etoit  très 
mécontent.  Keats  a  démontré  des  désirs  d'activité.  Ils  se  trou- 
vèrent pris  de  12  vaisseaux  de  ligne  espagnols  et  une  quantité 
de  t'regattes  dans  le  harbour;  tous  furent  en  assez  mauvais  état, 
pas  pourvu  du  nécessaire,  ni  en  tacelage'  ni  en  matelot.  Keats 
a  déclaré,  ayant  envoyé  de  son  gouvernement"  pour  agir  et  en- 
treprendre, il  ne  le  pourroit  pas,  car  ces  vaisseaux  s'y  trouvè- 
rent, en  tems  d'hiver,  forcé  par  des  tempêtes  de  chercher  la 
mère,  ils  v  risqueroient,  et  a  causé  ainsi  et  enfin  que  tous  ces 
vaisseaux  espagnols,  à  l'exception  des  nécessaires  pour  les 
transports,  ont  quitté  le  harbour  et  sont  allés  à  la  Havane  et  à 
Mahon,  points  où  des  Départements  de  marine  se  doivent 
former.  On  a  amené  des  bâtiments  plats  d'Angleterre  pour 
opérer  avec  eux  aux  cotes  et  les  employer  dans  le  harbour 
pendant  le  teins  des  tempêtes. 

Le  gouvernement  se  trouve  en  ce  moment  en  embarras 
d'argent  :  la  Junta  suprême  avoit  fait  un  arrangement  au 
Mexique  sur  je  crois  12  Mille  :  lequels  vi'i  le  changement  du 
gouvernement  ne  sont  pas  arrivé  au  tems  fixé.  L'opinion  géné- 
rale est  aussi  ici  que  le  gouvernement  d'Espagne  a  tiré  soit  en 
argent  comptant,  soit  en  effet  pendant  les  années  de  la  guerre 
60  Millions  de  piastres  forts  ;  excepté  ce  qu'elle  a  tire  indirec- 
tement par  les  droits  sur  le  commerce  des  individus.  — ■  Le 
prospectus  de  l'ofiénd  (?)  à  Bonaparte  n'a  point  encore  paru 
imprimé,  sans  cela  je  Vous  l'aujouterois  ici.  —  General 
Blake  est  parti  depuis  le  milieu  de  Juillet,  reprendre  le 
commandement  de  l'armée  en  Murcie.  General  Lapefia  com- 
mande aprésent  les  trouppes  ici. 

Je  profite  de  Votre  permission.  Monsieur,  et  j'y  joins  deux 
lettres,  l'un  pour  Mr.  de  Scharnhorst,  l'autre  pour  Mr.  Erns, 
les  quelles  je  Vous  prieerai  de  bien  vouloir  expédier  selon 
leur  adresse.  —  Mr.  de  Grolmann  et  le  Comte  Doiina  me 


1.  «  Takelage  »,  gréement. 

2.  Ayant  été  envoyé  par  son  gouvernement. 


23o       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

prient  de  Vous  faire,  Monsieur,  de  ses  compliments,  et  moi  je 
Vous  prie  d'être  persuadé  de  la  considération  la  plus  distin- 
guée, après  la  quelle  j'ai  l'honneur  d'être 
Monsieur 

Votre  très  humble  et  très  obéissant  Serviteur 
Baron  de  Lutzow. 

Ax.  Isla  de  Léon  le  20  d'Août  1810. 
III 

Monsieur  ! 

C'est  a  i|ran(l('  distance  du  lieu  duquel  Vous  avez  reçu, 
Monsieur,  ma  dernière  lettre,  que  Vous  recevez  ma  présente. 
Que  l'homme  est  le  jouet  du  sort  !  —  Je  suppose,  Monsieur,  que 
Vous  avez  soupçonné  déjà  ce  qui  m'est  arrivé.  Vous  avez 
sçu,  si  ma  dernière  lettre  Vous  est  parvenue,  que  j'ai  fait 
parti  de  la  garnison  de  Valence.  Il  etoit  donc  facile  a  deviner 
que  j'eus  eu  le  même  malheur  que  le  reste.  Et  en  vérité  j'ai 
été  fait  prisonnier  par  la  malheureuse  capitulation  qui  a  mis 
cette  forteresse  entre  les  mains  des  francois.  Je  devois  être 
échangé  ;  l'echage  ne  s'est  point  vérifié'  et  j'ai  été  conduit  eu 
France,  à  Autun  dans  l'ancienne  Bourgogne.  J'etois  résolu 
dès  le  premier  moment  de  ma  captivité  de  m'en  délivrer, 
je  n'ai  pu  l'exécuter  en  roule,  mais  j"ai  eu  le  bonheur  de 
l'exécuter  du  dépôt  d'Autun. 

A  quarante  lieux  de  la  Suisse  je  me  suis  dirigé  à  ce  pays  ; 
j'ai  pu  me  pourvoir  là  avec  des  passeports  avec  les  quels  j'ai 
pu  tranquillement  continuer  mon  voyage  pour  l'Allemagne.  La 
guerre  dans  le  nord  etoit  alors  a  éclater-  :  cette  grande  et 
intéressante  crisis^'  pour  l'Europe  entier. 

J'avois  résolu  avant  ma  captivité  de  quitter  le  service 
d'Espagne,  lors  de  la  rupture  dans  le  nord,  pour  être  plus 
près  à  ma  patrie  et  pour  pouvoir  servir  à  tout  ce  qui  y  peut 

I.  Effectue. 

a.  Sûr  le  point  d'rclater. 
.    3.  Crise. 


TROIS    LETTUES    INEDITES    DU    BARON    DE    LUTZOW  23 1 

influer.  La  singularité  de  mon  sort  m'a  jette  par  un  autre 
chemin  que  je  m'etois  attendu  dans  ces  contrées.  Je  n'ai  pu 
me  résoudre  de  m'eloigner  du  tlieatre  dans  le  nord;  je  m'y  suis 
au  contraire  dirigé. 

On  doit  trouver  en  Espagne  cette  resolution  très  naturel,  et 
on  doit  être  d'accord  que  je  ne  fais  pas  le  chemin  inutile  d'y 
retourner  pour  demander  mon  congé  et  pour  perdre  d'ailleurs 
du  lems.  Dans  ces  vues  j'ai  demandé  d'ici  ma  congé  du  ser- 
vice d'Espagne,  et  je  m'ai  fait  placer  dans  l'Armée  Russe  où 
on  m'a  fait  Capitaine  de  l'Etat  major  dans  la  première  Armée 
de  l'Ouest,  commandé  par  le  Général  Barclay  de  Tolli.  J'ai 
demandé  ce  congé  et  j'ose  m'adresser  à  Votre  bonté.  Mon- 
sieur, et  Vous  prier  de  faire  parvenir  la  lettre,  dans  la  quelle 
je  le  demande,  entre  les  mains  du  Ministre  d'Espagne  à 
Londres. 

Vous  ne  Vous  étonnerez  pas  de  cette  liberté,  Vous  savez 
Vous-même  que  Vous  m'avez  gâté  par  Votre  complaisence. 
Vous  jugez,  Monsieur,  qu'il  m'est  très  important  de  recevoir 
avec  sûreté  la  réponse.  Il  me  seioit  très  agréable  si  Vous  vou- 
liez avoir  la  bonté  de  Vous  faire  remettre  cette  réponse  par  le 
Ministre,  et  j'ai  même  osé  déjà  indiquer  au  Ministre  ce  moyen 
pour  me  la  faire  avoir.  De  Vous  je  pourrois  la  recouvrir,  si 
Vous  voudriez  avoir  la  complaisance  de  la  faire  remettre  sur 
l'adresse  du  Major  Général  Baron  Dornberg,  dans  la  maison 
du  Comte  Munster  à  Londre,  où  peutêtre  de  me  la  faire  avoir 
par  Mr.  le  General  Armfeldt,  le  quel  je  crois  Vous  l'avoir  oui 
dire,  lié  avec  Vous. 

J'aimerois  me  pouvoir  entretenir  avec  Vous  sur  l'état  des 
choses,  tel  qu'il  se  me  présente  ici,  mais  la  délicatesse  me 
force  à  n'y  entrer  dans  aucun  détail.  Mais  je  peux  Vous  repe- 
ter ce  que  d'autres  voix  Vous  auront  déjà  dit  que  c'est  une 
Superbe  Armée  qui  se  trouve  en  campagne,  et  qu'on  a  fait 
des  grandes  préparations  pour  le  recompletlement.  On  est 
persuadé  que  la  guerre  ne  se  déterminera  pas  politiquement. 
On  tache  d'éviter  de  grandes  accions.  On  entraine  l'ennemi  à 
des  grandes   distances   de   ses   resources,  où  la   disette   des 


232       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

vivres,  le  clima,  lui  doivent  incommoder  infiniment,  et  où  il 
aura  à  faire  avec  les  forces  d'un  empire,  tandis  qu'il  s'atten- 
doit  sur  le  choque  d'un  jour. 

C'est  au  milieu  des  troubles  dun  quartier  général  que  je 
Vous  écris  ces  lignes,  Vous  pardonnerez  donc  que  je  les 
abrège.  —  Mais  je  ne  peux  les  finir  sans  vous  parler  encore 
du  frère  de  Mr.  l'Abbé  Piccard,  le  (îouverneur  du  jeune 
Armfeld.  Mr.  l'Abbé  m'avoit  donné  une  lettre  pour  son  frère, 
que  je  n'ai  pu  trouver  que  au  moment  de  me  voir  en  Valence. 
Colonel  du  Régiment  d'Alcantara,  il  a  servi  avec  beaucoup  de 
distinction,  mais  il  a  eu  le  même  malheur  que  moi,  et  se 
trouve  prisonnier  de  guerre  à  Baume,  Département  de  la  Côte 
d'or.  Je  lui  ai  promis  de  tacher  d'en  informer  Mr.  son  frère,  du 
quel  il  souhait  dans  sa  présente  situation  de  tirer  de  l'argent. 
Si  Vous  êtes  informé  de  son  séjour  Vous  m'obligerez  infini- 
ment de  l'en  avertir.  —  Je  renouvelle  l'assurance  de  la  plus 
parfaite  considération  avec  la  quelle  j'ai  l'honneur  d'être 
Monsieur 

Votre  très  humble  et  très  obéissant  Serviteur 
le  Baron  de  Lutzovv. 

Witepsk  le  34/12  de  juillet  1812. 

J'ai  été  informé  que  le  Comte  de  Fernan  Nufiez  est 
apresent  Ministre  d'Espagne  à  Londres.  Si  ce  n'est  pas,  je 
Vous  prie  de  donner  la  lettre  à  son  adresse,  a  qui  occupe  cette 
place  en  Angleterre. 


m  PETIT-FILS  DE  MONTESQUIEU 

SOLDAT    DE    L'INDÉPENDANCE    AMÉRIGALNE 

(D'APRÈS   DES  DOCUMENTS  INÉDITS ') 


Le  28  novembre  1749)  e»  l'écjlise  paroissiale,  métropo- 
litaine et  primatiale  de  la  Majestat  Saint-André  de  Bordeaux, 
l'auteur  de  L'Esprit  des  Lois  tenait  sur  les  fonts  baptismaux 
un  petit-fils  né  la  veille  et  auquel  il  déclara  donner  les  pré- 
noms de  Charles-Louis. 

Confié  aux  soins  d'un  précepteur  émérite,  François  de 
Paule  Latapie,  l'enfant  fut  élevé  dans  sa  famille,  au  château 
de  La  Brède  et  à  Bordeaux. 

La  sollicitude  de  l'illustre  aïeul  veilla  sur  ses  jeunes 
années.  C'est  pour  son  petit-fils,  en  elfet,  et  «  devant  son  ber- 
ceau »  que  l'auteur  des  Lettres  Persanes  écrivit  ces  lignes  : 
«  J'avais  pensé  à  vous  donner  des  préceptes  de  morale  ;  mais, 
si  vous  ne  l'avez  pas  dans  le  cœur,  vous  ne  la  trouverez  pas 
dans  les  livres.  Ce  n'est  point  notre  esprit,  c'est  notre  âme 
qui  nous  conduit.  Ayez  des  richesses,  des  emplois,  de  l'esprit, 
du  savoir,  de  la  piété,  des  agréments,  des  lumières;  si  vous 
n'avez  pas  de  sentiments  élevés,  vous-  ne  serez  jamais  qu'un 
homme  commun.  Sachez  aussi  que  rien  n'approche  plus  des 

1.  AI.  Raymond  Céleste,  dans  un  travail  paru  en  1902  (Bordeaux,  G.  Gounouil- 
hou,  in-H»),  sous  le  titre  :  L'n  petit-fils  de  Montesquieu  en  Amérique,  a  donné  une 
bonne  biographie  du  personnage  qui  nous  occupe  ;  cependant,  les  documents  dont 
nous  nous  servons  lui  sont  restés  étrangers.  Ils  sont  conservés  aux  Archives  de 
l'Aube,  sous  les  cotes  E.  987-988  (Papiers  de  la  famille  de  Saini-Cliainans,  proprié- 
taire de  la  terre  de  Villenauxe,  Aube). 


234       REVUE   HISTORIQUE   DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

sentiments  bas  que  l'orgueil  et  que  rien  n'est  plus  près  des 
sentiments  élevés  que  la  modestie...  n 

Que  ne  pouvons-nous  citer  ici  en  entier  cette  magnifique 
page  '  qui  fait  partie  des  Pensées  inédites  de  Montesquieu  et  que 
son  petit-fîls,  devenu  homme,  semble  n'avoir  jamais  oubliée. 

Le  jour  vint  de  songer  à  l'établissement  de  Charles-Louis. 

Aussi  loin  qu'ils  pussent  remonter  dans  le  passé  de  leur  race, 
les  Secondât  de  Montesquieu  voyaient  leurs  ancêtres  ceints 
de  l'épée.  En  consultant  son  arbre  généalogique,  en  fouillant 
le  chartrier  de  La  Brède,  Charles-Louis  constata  qu'il  était 
d'une  lignée  de  soldats.  Son  aïeul  n'avait  rompu  avec  la  tra- 
dition militaire  des  Secondât  que  pour  écrire  dans  la  solitude 
du  manoir  L'Esprit  des  Lois,  les  Lettres  Persanes,  les  Consi- 
dérations. En  définitive,  lui  aussi  avait  été  soldat,  soldat  du 
droit,  et  ses  œuvres,  en  somme,  étaient  encore  de  fort  beaux 
coups  d'épée  férus  dans  les  abus  de  r.\ncieii  Régime. 

Son  fils,  par  exemple,  avait  entendu  n'être  qu'un  gentil- 
homme campagnard,  aimant  ses  terres,  attaché  au  terroir 
gascon,  exploitant  avec  intelligence  le  vignoble  de  La  Brode, 
le  clos  de  Moussan,  les  coteaux  de  Médoc  et  consacrant  les 
loisirs  que  lui  laissait  l'agriculture  à  des  études  scientiliques 
et  littéraires. 

Charles-Louis  de  Secondât  de  Montesquieu  ne  devait  être 
ni  philosophe  ni  vigneron.  Il  voulut  être  soldai,  comme  tous 
ceux  de  son  sang  ;  aussi,  ne  ramassa-t-il  point  la  plume  tom- 
bée des  mains  de  son  illustre  aïeul,  aussi  dédaigna-t-il  les  chais 
dont  se  glorifiait  son  père  et  reprit-il  l'épée  des  ancêtres. 

D'abord  sous-lieutenant,  le  l'^juin  1772,  au  régiment  de 
cavalerie  Royal-Champagne,  successivement  en  garnison  à 
Metz,  à  Lille,  à  Neufchàteau,  il  prit  rang  de  capitaine,  le 
21  avTil  1777,  au  régiment  Dauphin-Cavalerie  qu'il  rejoignit 
à  Brest.  Le  29  avril  1779,  il  passait,  avec  le  même  grade,  au 
régiment  de  Royal-Picmont-Cavalerie-. 


1.  Citi'e  par  .M.  H.  Gilestc,  ouvr.  cit.,  p.  6-7. 

2.  CÉLESTE,  ouït.  cH.,  |).  h>-12;  et  Arcli.  de  l'Aubo  (E,  1)87,  liasse). 


UN    PETIT-FILS    DE    MONTESQUIEU  235 

Retiré  ensuite  dans  sa  famille,  à  Bordeaux,  il  y  vécut 
quelque  temps,  aidant  son  père  dans  rex[)loilation  de  ses 
vastes  domaines,  rongeant  son  frein,  las,  comme  tant  d'autres, 
de  l'inaction  à  laquelle  les  gens  d'épée  furent  réduits  à  l'é- 
poque cl  qui  devait  pousser  tant  de  Français  à  voler  au 
secours  de  rAiiiéri(pie,  pour  la  joie  de  férir,  au  service  d'une 
sainte  cause,  de  grands  coups  et  de  vivre  la  vie  d'aventures 
dans  un  pa^s  inconnu. 

Une  lettre  que,  de  Bordeaux,  Charles-Louis  de  Secondai 
écrivit  le  20  novembre  1777  à  l'un  de  ses  meilleurs  amis,  le 
vicomte  Amand  de  Saint-Chamans,  baron  de  Rébénac\  sei- 
gneur de  Villenauxe^  et  autres  lieux,  peint  bien  son  état 
d'esprit  : 

Il  semble  que  rengourdissement  s'empare  de  moi,  lorsque  je  res- 
pire l'air  épais  de  Bordeaux.  Toujours  atTairé,  sans  rien  faire,  j'y 
passe  six  mois,  partie  à  m'ennuyer,  partie  à  m'impatientor  et  partie 
à  me  divertir;  voilà  la  vie  humaine. 

Comme  vous  vous  intéressez  à  moi,  vous  apprendrez  avec  plaisir 
que  le  Roi  ayant  jugé  à  propos  de  faire  ériger  des  statues  aux  hom- 
mes qui  ont  fait  le  plus  d'honneur  à  la  France,  celle  de  mon  grand- 
père,  celle  du  chancelier  Daguesseau,  celle  du  Grand  Corneille  et 
celle  de  Bossuet  vont  être  confiées  au  ciseau  des  plus  habiles  sculp- 
teurs. Elles  serviront  de  pendant  à  celles  d'Henri  Quatre,  de  Sully, 
de  Descartes  et  du  chancelier  de  L'Hôpital.  Je  vous  avoue,  mon  cher 
Saint-Chamans,  que  cet  hommage  rendu  à  la  mémoire  de  mon  grand- 
père  m'a  flatté  infiniment.  M.  D'Angiviller"  a  écrit  à  mon  père  la 
lettre  la  plus  flatteuse  et  j'ai  joui  d'un  plaisir  que  je  ne  connaissais 
pas  encore,  car,  enfin,  ce  monument  n'ajoute  rien  à  la  gloire  d'un 
philosophe  dont  les  accents  respirent  l'humanité  et  la  bienfaisance  ; 
il  n'est  donc  flatteur  que  pour  ses  descendants.  Adieu,  mon  bon 
ami,  vous  partagerez  sûrement  la  joie  qui  me  transporte  et  vous 
viendrez  l'augmenter  par  votre  présence,  le  plus  tôt  que  vous  pour- 
rez. Adieu,  je  vous  aime  de  tout  mon  cœur. 

1.  Rcbénac  :  arrondissement  d'Oloron,  Basses-Pyrénées. 

2.  Villenauxe  :  chef-lieu  de  canton,  arrondissement  de  Nogent-sur-Seine,  Aube. 

3.  Directeur  yénéral  des  bâtiments,  jardins  et  manufactures  du  I^oi,  vice-protec- 
teur de  rAcadôniie  royale  de  peinture  et  de  sculpture. 


236       REVL'E   HISTORIQUE    DE    L.V    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eIIPIRE 

Au  dos  :  A  monsieur,  monsieur  le  vicomte  de  Saint-Chamans- 
Rébénac,  capitaine  au  régiment  de  Royal-Champagne-Cavalerie,  à 
Agen  '. 


La  question  de  l'Indépendance  de  l'Amérique,  cependant, 
passionnait  tous  les  esprits.  En  France,  pays  des  sympathies 
généreuses  et  désintéressées,  cette  cause  sacrée  avait  trouvé 
de  chauds  partisans.  Le  marquis  de  La  Fayette,  le  duc  de 
Lauzun,  les  marquis  de  Coiqny,  de  Talleyrantl-Périi|ord,  de 
Vaudreuil,  les  comtes  de  Xoailles,  de  Ségur,  de  Vioménil,  etc., 
olîrirent  leurs  épées  aux  insurffcnts.  Cédant  enfin  à  la  pression 
de  l'opinion  publique,  Louis  XVI,  après  de  longues  hésita- 
tions, conclut  avec  l'Amérique  un  traité  d'alliance,  le  6  février 
1778.  En  conséquence,  le  comte  d'Estaing  quittait  peu  après 
Toulon  avec  une  escadre  de  douze  vaisseaux  et  de  quatre  fré- 
gates, faisant  voile  pour  le  nouveau  continent  (i3  avril).  Deux 
ans  après,  Louis  XVI  rassemblait  à  Brest,  à  destination  de 
l'Amérique,  sept  vaisseaux,  des  transports,  environ  5. 000  hom- 
mes d'élite  et  une  brillante  noblesse  sous  les  ordres  du  comte 
de  Rochambeau  (1780). 

Charles-Louis  de  Secondât  de  Montesquieu  devait  faire  par- 
tie de  l'expédition,  en  qualité  d'aide  de  camp  du  marquis  de 
Chastellux.  Dès  le  29  mars  1780,  il  était  à  Brest,  attendant 
l'embarquement.  De  cette  ville,  il  écrivait  à  Saint-Chamans  : 

Brest,  le  29  mars  1780. 

Je  voulois,  mon  cher  Saint-Chamans,  vous  mander  des  nouvelles; 
mais,  j'ai  eu  beau  faire,  je  n'ai  pu  en  apprendre  aucune.  Je  crois 
que  nous  ne  partirons  pas  avant  le  i5,  malgré  le  désir  qu'ont  nos 
généraux  de  partir  le  plus  tôt  possible.  On  attend  de  Bordeaux  des 
vaisseaux  de  transport  qui  n'arrivent  pas  et  qui  ne  peuvent  même 
arriver  qu'au  milieu  du  mois  prochain.  Je  connais  mes  chers  com- 

t.  Inédite,  celli'  Icllrc  est  conservée  comme  les  suivantes  aux  Archives  de 
r.\ube,  dans  les  papiers  concernani  la  seigneurie  de  ViUenauxe  (Série  E.  n»'  987- 
988,  liasses.) 


UN    PETIT-FILS    DE    MONTESQUIEU  287 

|)atriotes;  ils  auront  sûrement  fait  leur  possible  pour  ne  point  fréter 
de  vaisseau  au  roi.  Ils  sont,  à  cet  égard,  d'une  méfiance  extrême. 
Ainsi,  je  crains  bien  qu'ils  ne  nous  retardent.  J'habite  un  pays  à 
trois  siècles  au  moins  du.  reste  du  royaume  ;  je  n'aurais  jamais  cru 
qu'il  existât  en  France  une  ville  aussi  sauvage.  Je  commence  à  m'y 
accoutumer,  mais,  lès  premières  vingt-quatre  heures  m'ont  paru 
dures..  Adieu,  mon  bon  ami,  le  courrier  part.  J'avois  attendu  au 
dernier  moment  pour  écrire  ma  seconde  lettre.  Il  faut  que  je  la  fi- 
nisse, bon  gré  malgré.  Charles  de  Lameth  '  se  porte  fort  bien.  C'est 
un  charmant  jeune  homme.  Nous  avons  dit  bien  des  folies  pendant 
la  route.  Adieu,  mille  amitiés  à  Théodore  -  et  à  Alexandre  ^. 

Mes  adorations  ;ï  M™''  de  Jumilliac. 

Au  dos  :  A  Monsieur,  Monsieur  le  marquis  de  Saint-Chamans,  en 
son  hôtel,  rue  des  Vieilles  Thuilleries,  à  Paris. 


Brest,  le  2  avril  1780. 

Nous  partons  dans  huit  jours,  si  les  vents  nous  le  permettent, 
mon  cher  Saint-Chamans.  Tout  sera  prêt  alors.  J'ai  reçu  des  nou- 
velles de  mes  parents  :  ils  ont  bien  pris  la  chose.  Latapie  me  mande 
qu'ils  ont  parfaitement  pris  leur  parti.  Cela  me  fait  grand  plaisir. 
Ainsi,  mon  bon  ami,  voilà  une  épine  hors  de  mon  cœur.  J'ai  vu 
Brest  le  mieux  que  j'ai  pu,  depuis  huit  jours.  Se  peut-il  que  le  centre 
de  notre  puissance  maritime  manque  des  bâtiments  nécessaires  pour 
loger  les  matelots  qui  arrivent  d'un  long  voyage  et  ceux  qui  se  dis 
posent  à  s'embarquer?  Se  peut-il  que  ces  malheureux  soient  entas- 
sés dans  des  cabarets  et  chez  des  femmes  de  mauvaise  vie  et  que 
l'on  les  dispose  de  cette  manière  à  faire  de  longs  et  pénibles  voyages  ? 
Le  port  m'a  paru  très  beau.  Il  me  semble,  cependant,  qu'il  n'est 
fait  que  de  pièces  de  rapport  et  que  l'on  n'a  pas  formé  un  grand 
plan  avant  que  de  le  commencer.  Brest,  à  ce  qu'on  m'a  dit,  renfer- 
me ordinairement  35.ooo  habitants.  Ce  nombre,  en  temps  d'arme- 
ment, est  porté  à  55.ooo.  L'année  dernière,  il  a  été,  dit-on,  porté  à 
90.000.  Les  rues  sont  d'une  malpropreté  dégoûtante.   Je   suis  con- 

1.  Charles-Malo-François,  comte  de  Lameth  (1757-1832). 

2.  Théodore,  comte  de  Lameth  (i756-i854),'  l'rère  du  précédent. 

3.  Alexandre-Théodore-Victor,  comte  de  Lamclh  (1700-1820),  frère  des  précé- 
dents. 


238       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    LEMPIRE 

vaincu  que  c'est  faute  de  soins  et  non  par  un  vice  local  que  Brest 
est  mal  sain.  Il  est  mort  ij.ooo  matelots  à  la  fin  de  la  campagne  der- 
nière :  quelle  prodigieuse  consommation  d'une  espèce  si  rare  et  si 
précieuse  1  On  remédieroit,  je  crois,  à  cet  abus,  si  l'on  bâtissoit  de 
belles  et  vastes  casernes,  tant  pour  les  matelots  partants  que  pour 
ceux  qui  arrivent  et  si  l'on  avait  soin  d'entretenir  une  discipline  exacte 
parmi  eux.  C'est  la  misère,  la  malpropreté  et  la  débauche,  suites 
ordinaires  de  l'indiscipline,  qui  font  perdre  au  Roi  et  à  l'Etat  une 
aussi  grande  quantité  d'hommes.  Donnez-moi,  je  vous  prie,  de  vos 
nouvelles,  mon  bon  ami.  Parlez  quelquefois  de  moi  k  M""'  de  Ju- 
milhac.  J'ai  pour  elle  le  respect  et  l'attachement  le  plus  vrai  et  le  plus 
sincère.  Elle  est  si  aimable!  Donnez-moi  aussi  des  nouvelles  de 
]\jme  (J'Harville  ;  elle  est  donc  à  la  campagne?  Puisse-t-elle  y  être 
aussi  contente  et  aussi  heureuse  que  je  le  désire.  Adieu,  mon  bon 
ami,  je  vous  aime  de  tout  mon  cœur. 

Charles  se  porte  à  merveille.  Mille  amitiés  à  Théodore  et  à 
Alexandre. 

Le  départ  rie  l';irinée  de  Rochambeau,  retardé  par  divers 
contretemps,  ne  put  s'effectuer  que  le  2  mai  1780.  De  Montes- 
quieu était  à  bord  du  Duc-de-Bourgogne,  avec  l'état-major. 
«  La  traversée  fut  des  plus  pénibles;  elle  dura  soixante  et  onze 
jours,  et,  lorsque,  le  11  juillet,  la  flotte  arriva  dans  la  rade  de 
NewporI,  on  était  sur  le  point  de  manquer  d'eau  et  de  vivres. 
Le  nombre  des  hommes  malades  fut  considérable;  l'épreuve 
dut  paraître  dure  aux  jeunes  officiers  qui  s'étaient  volontaire- 
ment engagés  dans  cette  expédition  dangereuse.  Le  camp  de 
l'armée  française  fut  installé  hors  de  la  ville  de  Newport;  ou  y 
éleva  des  baraquements  et,  pour  se  prémunir  contre  une  attaque 
possible,  on  le  mil  eu  état  de  défense  ^  »  De  Montesquieu, 
entre  temps,  écrivit  à  Saint-t^-liamans  les  lettres  suivantes  : 

J'igncire,  mon  cher  Saint-Chamans,  si  vous  avez  i'e(,-u  une  de  mes 
lettres.  Je  suis  certain,  par  e.\eiuple,  que  dix  pages  dune  relation 
assez  exacte  de  mon  voyage  ont  été  englouties  dans  les  flots  en  sor- 
tant de  Newport.  Je  vous  écrivis  à  la  hâte  quelques  jours  après,  par 
une  occasion  qui  n'était  pas  trop  sûre  et  c'est  du  sort  de  cette  lettre 

I.  CÉLESTE,  oavr.  cit.,  p.  i4> 


UN    PETIT-FILS    DE    MONTESQUIEU  23g 

que  je  suis  inquiet.  Comme  les  répétitions  pourraient  vous  ennuyer, 
je  glisserai  légèrement  sur  les  événements  maritimes  ;  il  suffira  de 
vous  dire  que  j'ai  vu  un  abrégé  de  tout  ce  qui  peut  arriver  en  mer, 
au  naufrage  près  :  Tempête  dans  le  golfe  de  Gascogne,  vaisseaux 
démâtés,  calme,  beau  tems,  baleines,  marsouins,  etc.,  évolutions, 
jirises,  chasses,  combat,  le  tout  en  abrégé.  Nous  avons  essuyé  pen- 
dant quatre  jours,  aux  approches  de  la  terre,  des  lirouillai'ds  si  épais 
qu'on  ne  voyait  pas  même  dans  les  vaisseaux,  à  quatre  pas  devant 
soi.  Le  convoi  mouilla  cependant  très  heureusement  k  l'entrée  de 
Uhode  Island,  le  ii  juillet,  après  71  jours  de  traversée.  Nous  com- 
mencions à  former  nos  différents  établissements,  lorsque  la  visite 
des  Anglois  hâta  nos  préparatifs  ;  ils  parurent  à  la  vue  de  l'île,  le 
dixième  jour  de  notre  arrivée,  avec  1 1  vaisseaux  de  guerre  et  plus 
de  10.000  hommes  de  débarquement.  Nous  nous  disposâmes  à  les 
bien  recevoir  ;  dans  trois  jours,  l'île  fut  hérissée  de  batteries  et  l'on 
pouvoit,  dans  demie-heure,  porter  des  troupes  et  du  canon  sur  tous 
les  points  de  débarquement.  L'île  ne  fut,  cependant,  malgré  toute 
notre  activité,  en  parfait  état  de  défense  que  le  premier  août.  Les 
Anglais,  instruits  par  les  Torris  (?),  qui  sont  ici  en  très  grand 
nombre,  des  préparatifs  que  nous  faisions  pour  les  bien  recevoir, 
disparurent  après  quelques  jours  de  croisière  et  allèrent  faire  des 
vivres  à  l'île  de  Marthas  Vineyard,  à  l'est  de  Rhode  Island.  Nous 
eûmes,  pendant  tout  le  tems  que  les  Anglois  parurent  devant  l'île, 
un  camp  de  4ooo  hommes  de  milices  américaines  qui  se  sont  reti- 
rées dès  que  la  flotte  a  disparu.  J'ai  vu  plusieurs  fois  ces  milices 
américaines.  Elles  sont  composées  d'hommes  grands,  bien  faits, 
élancés  et  plus  agiles  en  général  qu'ils  ne  sont  forts.  Je  les  ai  vus 
exercer  et  ils  m'ont  paru  beaucoup  mieux  dressés  que  nos  milices 
de  France.  Ils  ne  brilloient  ni  par  la  bonté  ni  par  l'élégance  de  leurs 
vêtements  ;  ils  étoient  assez  bien  armés  et  paroissaient  disposés  à 
faire  un  bon  usage  de  leurs  armes.  Nous  avons  eu  pour  eux  tous  les 
soins  et  tous  les  égards  possibles,  ce  qui  a  paru  leur  faire  grand 
plaisir.  On  assure  que  le  général  Clinton  '  est  brouillé  avec 
Arbuthnol  ■  qui  vouloit  absolument  nous  attaquer.  On  dit  même 
qu'Arbuthnot  a  dépêché  un  petit  bâtiment  en  Angleterre,  pour  ren- 
dre compte  de  la  conduite  du  général  qu'il  désapprouve.  Nous  ne 


I.  Sir  Henry  Clinton,  général  anglais. 
a.  Amiral  anglais. 


24o       REVUE    HISTORIOUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

pouvons  pas  encore  savoir  bien  positivement  quels  étoient  les  cinq 
vaisseaux  que  nous  rencontrâmes  le  20  juin  à  la  hauteur  de  la 
Bermude  et  auxquels  nous  tirâmes  près  de  2.000  coups  de  canon, 
avec  aussi  peu  de  succès  que  ceux  qu'ils  nous  rendirent.  On  croit 
que- ces  vaisseaux  allaient  secourir  la  Jamaïque.  Les  nouvelles  que 
nous  avons  reçues,  depuis  peu,  des  Antilles  nous  feroient  croire  que 
l'expédition  de  M.  de  Guichen  n'a  pas  eu  lieu.  Vous  savez  sans 
doute,  depuis  longtems,  qu'il  s'est  battu  trois  fois  contre  l'amiral 
anglais  et  qu'il  a  eu  un  succès  marqué  dans  les  trois  combats.  Voilà 
bien  de  vieilles  nouvelles,  mon  bon  ami.  Mais,  je  vous  mande  ce 
que  l'on  sait  à  Nevs'port  où  il  y  a  très  grande  apparence  que  nous 
hivernerons.  Nous  ne  ferons  rien  jusques  au  printems  prochain. 
Nous  n'avons  jamais  eu  plus  d'un  dixième  de  nos  troupes  malade. 
Malgré  la  longueur  de  la  traversée  et  malgré  la  vivacité  des  travaux 
pendant  les  chaleurs  qui  ont  été  violentes  ici,  j'étais  k  cheval  dans 
le  tems  et  aux  heures  les  plus  chaudes  et  je  persiste  dans  mon  sen- 
timent que  bien  des  gens  trouvent  ridicule,  le  voici  :  j'ai  toujours 
soutenu  que  j'avois  éprouvé  en  Guyenne  des  chaleurs  aussi  vives  et 
je  crois  avoir  raison.  Je  crois  que  le  climat  de  Rhode  Island  est  fort 
sain;  les  plantes  que  l'on  voit  communément  en  France  croissent  ici 
en  abondance  ;  les  prairies  sont  absolument  tapissées  des  mêmes 
herbes;  les  bœufs  sont  grands  et  beaux,  les  chevaux  sont  excellents. 
J'en  ai  cependant  déjà  crevé  un,  tant  j'ai  couru  pendant  les  premiers 
jours  de  notre  arrivée.  J'en  ai  deux  qui  me  plaisent  beaucoup.  Je 
suis  devenu  sauteur  de  barrières;  le  pays  en  est  rempli;  on  ne  fait 
pas  cent  pas  sans  rencontrer  quelque  clôture.  Rhode  Island  est 
percé  de  tous  sens  par  plusieurs  grandes  et  belles  routes.  L'ile  n'a 
guère  que  7  lieues  de  long,  sur  une  largeur  variée  de  4i  ^  et  2  lieues. 
Elle  se  rétrécit  vers  le  nord  ;  elle  est  bordée  au  sud  d'une  chaîne  de 
rochers  qui  la  défendent  contre  la  fureur  des  flots.  Ce  pays  seroit 
un  des  plus  riches  de  la  nature,  sans  la  sobriété  et  l'indolence  de 
ses  habitans,  la  plupart  mauvais  cultivateurs.  Toutes  les  plantes 
utiles,  tous  les  fruits,  tous  les  légumes  y  viendroient  avec  de  légers 
secours.  Au  lieu  de  cela,' on  ne  voit  que  des  champs  de  maïs  et 
quelques  champs  de  pommes  de  terre.  Le  bled,  abondant  dans  le 
continent,  est  fort  rare  ici.  On  a  cependant  toutes  les  ressources 
possibles  pour  en  faire  venir  de  façon  ou  d'autre.  Sans  l'arrivée 
di's  Français,  c'en  étoit  fait  de  la  liberté  de  l'Amérique.  Le  peuple, 
fatigué  d'uiir  longue  g\ierr(',  alloit  courber  la  tète  sous  le  joug  de 


UN    PETIT-FILS    DE  -MONTESQUIEU  2^1 

l'Angleterre  qui  est  maîtresse  de  toutes  les  côtes,  depuis  la  Floride 
jusi|ucs  à  l'ernliouchure  de  la  rivière  de  Hudson,  et,  depuis  Boston 
jusques  à  Québec.  Ils  eussent  été  maîtres  de  Rhode  Island,  si  la 
Hotte  française  fût  arrivée  dix  jours  plus  tard.  New-York  est,  dans 
ce  moment-ci,  le  centre  des  forces  anglaises.  Clinton  l'occupe  avec 
son  armée.  Washington  est  campé  à  six  lieues  de  lui,  sur  la  rive 
droite  de  la  rivière  de  Hudson.  11  paroît  qu'il  n'y  aura  rien  d'inté- 
ressant à  la  fin  de  la  campagne.  Nous  attendons  la  seconde  division 
pour  agir  en  grand.  Si  elle  rejoignoit  de  bonne  heure,  nous  pour- 
rions faire  des  choses  décisives  l'été  prochain.  Lameth,  Fersen  '  et 
Damas ^  se  portent  tous  fort  bien  et  paroissent  s'amuser.  Les  fem- 
mes sont  fort  jolies  ici;  on  dit  même  qu'elles  ne  sont  point  cruelles. 
Lameth  est  assez  sage  et  s'en  trouve  fort  bien.  Quand  j'aurois  choisi 
le  genre  de  vie  qui  me  convenoit  le  plus,  je  n'aurois  pas  mieux 
rencontré.  Je  monte  à  cheval  une  grande  partie  de  la  journée.  Je 
vois  des  troupes,  des  travaux,  en  un  mot,  des  choses  qui  m'intéres- 
sent. J'apprends  l'anglais  fort  à  mon  aise.  Il  est  vrai  que  je  n'y  fais 
pas  de  grands  progrès.  Je  vois  des  gens  qui  me  plaisent  et  je  ne  me 
suis  pas  encore  repenti  un  instant  d'avoir  .saisi  l'occasion  de  voir 
l'Amérique.  Daignez,  mon  cher  Sainl-Chamans,  me  rappeler  au 
souvenir  de  notre  ami  Nadaillac.  Je  lui  écris  aujourd'hui  ;  mais,  en 
cas  que  ma  lettre  fût  perdue,  vous  lui  donneriez  de  mes  nouvelles. 
J'écris  aussi  à  mes  parents  ;  mais,  si  vous  recevez  ma  lettre,  vous 
me  feriez  grand  plaisir  de  mander  à  mon  père  que  vous  avez  reeu 
de  mes  nouvelles  et  que  je  me  porte  bien.  Dieu  veuille  que  je  le 
retrouve  en  bonne  santé,  ainsi  que  ma  mère  !  C'est  tout  ce  que  je 
désire,  à  mon  retour,  auquel  je  n'ai  garde  de  songer,  tant  je  le  crois 
éloigné.  Mon  cœur  a  quelquefois  soupiré  quand  j'ai  songé  k  mes 
parents  et  à  mes  amis.  J'ai  souvent  désiré  qu'ils  fussent  aussi  heu- 
reux que  moi  et  j'aurois  voulu  pouvoir  leur  communiquer  ma 
manière  de  sentir.  J'ignore  quel  sera  mon  sort,  d'ici  à  mon  retour 
en  France.  Je  désire  seulement  de  jouir  du  calme  heureux  que  je 
goûte  dans  ce  moment-cy.  Spectateur  paisible  des  événements,  j'ai 
mille  moyens  de  satisfaire  ma  curiosité  et  d'étudier  les  hommes 
dans  les  grandes  situations  de  la  vie.  Je  suis  enchanté  de  nos  géné- 
raux, de  leur  conduite,  de  leur  affabilité,  de  leur  justice,  de  leur  hu- 


I.  Hans-Axel,  comte  de  Fersen  (1755-1810). 

a.  Joseph-François-Louis-Charles-Gcsar,  duc  de  Damas  d'Aiititjny  (1708-1829). 

REV,   DIST.   DE   LA  RÉVOL.  16 


242       RENTE    HISTOIligiE    DE    L.V    Ri;\  ULUTIO.N    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

manité  et  des  soins  qu'ils  prennent  d'une  petite  armée  la  mieux 
disciplinée  de  l'Europe.  Aussi,  ai-je  toujours  cru  que  nous  ferions 
de  grandes  choses,  avec  de  très  petits  moyens.  Aussi,  lorsque  j'ai 
vu  douze  mille  hommes  prêts  à  en  attaquer  cinq  mille  (car  je  ne 
eomptois  pas  nos  alliés  qui  n'étoient  pas  encore  arrivés),  ai-je  été 
dans  la  plus  grande  sécurité,  persuadé  ou  qu'ils  n'oseroient  pas 
nous  attaquer  ou  qu'ils  seroient  hors  d'état  de  rien  entreprendre  du 
reste  de  la  campagne.  Voilà,  mon  bon  ami,  comment  je  vois  les 
choses.  Ne  serais-je  pas  comme  ces  gens  qui,  quand  ils  ont  bien 
dîné,  croient  que  personne  ne  peut  avoir  faim  ;  l'expérience  m'a 
appris  qu'il  falloit  être  fort  indulgent  et  que  le  mieux  possible,  tel 
que  bien  des  gens  le  définissent,  iHoit  une  chose  imjiossible  dans 
toute  l'étendue  du  terme. 

J'oubliois  de  vous  parler,  mon  cher  Saint-Chamans,  de  nos  amis 
les  sauvages  Oneydas";  ils  nous  ont  envoyé  quinze  ambassadeurs, 
grands  et  bien  faits  qui  n'avoient  pas  l'air  trop  sauvages  ;  ils  dînè- 
rent chez  le  général,  le  lendemain  de  leur  arrivée.  Ils  ne  parurent 
point  embarrassés  de  manger  de  la  viande  cuite  avec  des  fourchettes 
et  du  potage  avec  des  cuillers.  Je  vous  assure  que  les  Bas-Bretons 
que  j'ai  vus  sont  réellement  plus  sauvages  que  ces  sauvages-là.  Il  y 
en  avoit  un  qui  parloittrès  bien  français  et  qui  nous  dit  que  plusieurs 
nations  ayant  appris  que  leurs  anciens  alliés,  les  Français,  étoient 
arrivés  en  Amérique,  ils  venoient  pour  renouveler  amitié  et  alliance 
avec  nous;  que  les  Anglais  Jes  avoient  assurés  que  les  Français  ne 
roviendroient  jamais  et  qu'ils  voyoient  avec  plaisir  qu'ils  s'étoient 
trompés.  Voilà,  mon  cher  ami,  quelle  fut  la  harangue  de  leurs  am- 
bassadeurs qui  avoient  tous  une  figure  assez  douce  et  dont  la  plu- 
part étoient  grands,  bien  faits  et  d'une  taille  svelte. 


NewporI,  le  12  octobre  1780. 

Je  commence  à  croire,  mon  cher  Saint-Chamans,  que  nous  ne  re- 
cevrons lies  nouvelles  d'Europe  qu'à  la  paix.  J'avoue  que  c'est  une 
privation  pour  moi  qui  me  paroilra  encore  plus  désagréable  si  elle 
dure  longtemps.  Ce  n'est  pas,  assurément,  que  je  m'ennuie  ici.  J'y 
mène  une  vie  parfaitement  analogue  à  mon  caractère  et  à  mes  pro- 
jets. Si  j'étais  en  droit  de  me  plaindre,  je  me  plaindrais  de  l'inaction  ; 

i.  Tribu  indienne  ilc  la  Confidcialion  tics  Iroiinois. 


UN    PETIT  FILS    DE    MONTESQUIEU  2^3 

mais,  je  sais  que  dans  le  meilleur  îles  inondes  possibles,  tout  est 
|ii)ur  le  mieux.  J'étudie  les  hommes  fort  à  mon  aise;  cette  étude 
mon  bon  ami,  n'est  pas  fort  satisfaisante  ;  mais,  je  doute  qu'il  y  en 
ait  de  plus  piquante  et  de  plus  utile.  Les  différents  travaux  que  l'on 
a  faits  pour  mettre  Rhode  Island  en  état  de  défense  m'ont  fort  amu- 
sé. Nos  soldats  en  ont  fait  une  partie  avec  la  plus  grande  activité  ; 
dans  les  moments  où  ils  ne  pensaient  pas  en  avoir  besoin  prompte- 
ment  pour  se  défendre,  ils  travaillaient  avec  plus  de  lenteur.  Mais, 
celte  lenteur  et  cette  mollesse  n'approchaient  pas  de  celle  des  Améri- 
cains qui  n'ont  jamais  su  travailler  avec  activité.  Il  est  étonnant 
qu'avec  une  pareille  nonchalance,  ils  aient  pu  supporter  une  guerre 
si  pénible.  Plus  je  passe  de  temps  ici,  plus  je  suis  content  d'y  être 
venu.  11  faut  voir  les  choses  de  près,  mon  cher  Saint-Chamans,  il 
faut  les  voir  avec  sang-froid  pour  s'en  faire  un  juste  idée.  Cette 
probité,  ces  mœurs,  cette  simplicité  tant  vantée  des  habitants  de 
l'Amérique  septentrionale,  n'existe  que  dans  les  romans  philoso- 
phiques que  nous  avons  lus.  Ces  honnêtes  Quakers  sont  aussi  inté- 
ressés, aussi  hypocrites  et  aussi  vicieux  que  le  reste  des  humains. 
Il  est  vrai,  cependant,  que  ceux  de  cette  secte  qui,  livrés  à  l'agricul- 
ture, l'exercent  loin  des  villes  commerçantes  et  corrompues,  sont 
plus  honnêtes  gens  que  les  autres  hommes,  mais,  le  nombre  en  est 
assez  petit,  ici  comme  ailleurs  ;  la  tolérance,  par  exemple,  n'existe 
pas  dans  toute  son  étendue  ;  quoique  différentes  sectes  y  exercent 
publiquement  leur  religion,  ces  sectes  sont  elles-mêmes  intolérantes 
et  jalouses  l'une  de  l'autre. 

Je  vous  avais  parlé,  mon  cher  Saint-Chamans,  des  affaires  politiques 
d<'  l'Amérique.  Je  vais  vous  parler  d'un  événement  qui  fait  le  sujet 
de  toutes  les  conversations.  M.  le  comte  de  Rochambeau,  M.  de  Ter- 
nay'  et  le  général  Washington  devaient  conférer  ensemble  sur  les 
opérations  de  la  fin  de  la  campagne.  Ils  s'étaient  rendus  à  Hartford', 
petite  ville  également  distante  de  l'un  et  l'autre  camp  et  ils  avaient 
terminé  les  affaires  qui  les  avaient  engagés  à  cette  entrevue  tenue 
fort  secrète  de  part  et  d'autre,  quand  le  général  Washington  passant 
par  West  Point,  poste  très  important  dont  il  avait  confié  la  garde 
au  général  Arnold,  apprit  que  ce  traître  voulait  livrer  ce  poste  aux 
Anglais.  Des  milices  américaines  arrêtèrent  le  major  André,  officier 

1.  Charles-Henry  d'Arsac,  dit  le  clicvalier  de  Ternay,  chrl'  d'escadre.  Mort  en 
Amérique,  le  i5  décembre  1780. 

2.  Capitale  et  port  du  Connecticut. 


244       REVUE    HISTORIQCE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE   l'eMI'IRE 

anglais  déijuisc,  rniiui  il'iin  |iasse|iorl  du  rjénéral  ArnoM.  et  qui 
tiaitail  cette  all'aire  avec  lui.  Arnold,  se  voyant  découvert,  prit  la 
fuite  et  se  réfugia  sur  une  frégate  anglaise  qui  était  mouillée  dans 
la  rivière  de  Hudson  à  quelques  milles  de  West  Point.  On  dit  qu'il 
s'est  rendu  sur  le  champ  à  New-York  où  il  a  paru,  peu  de  jours 
après,  avec  l'uniforme  de  lieutenant-général  des  troupes  anglaises  '. 
On  avait  répandu  le  bruit  ici  que  le  major  André  avait  été  pendu  et 
qu'il  était  mort  avec  beaucoup  de  courage,  disant  qu'il  est  permis 
de  mettre  tout  en  usage  pour  réduire  des  rebelles,  etc.;  mais,  on  ne 
lui  a  pas  encore  fait  son  procès.  Les  Anglais,  je  crois,  finiront  la 
campagne  par  quelque  opération  dans  les  provinces  du  Sud.  La 
défaite  du  général  Gates  n'a  pas  été  aussi  complète  que  les  Anglais 
avaient  voulu  le  faire  croire.  Il  eut  le  dessous,  au  commencement  de 
.septembre,  dans  une  all'aire  où  les  milices  l'abandonnèrent  et  où  il 
fut  entraîné  dans  leur  fuite.  Mais,  les  troupes  continentales,  quoique 
très  peu  nombreuses,  se  rallièrent  à  4  milles  du  champ  de  bataille 
et  Gates  ne  perdit  que  deux  cents  hommes  et  quelques  prisonniers 
que  l'on  a  repris  depuis  ce  temps-là.  Les  Américains  ont  même  eu 
quelques  succès  contre  un  parti  de  royalistes  qui  cherchait  k  les 
attaquer.  Les  papiers  publics  sont  si  menteurs  ici  que  l'on  ne  peut 
y  ajouter  foi.  Partout,  on  cherche  à  tromper  les  hommes  par  des 
mensonges;  je  voudrais  bien  savoir  k  quoi  cela  est  bon. 

Il  y  a  lieu  de  croire,  mon  bon  ami,  que  nous  passerons  long  temps 
eu  Amérique,  si  l'on  ne  nous  envoyé  pas  des  secours  assez  considé- 
rables pour  nous  mettre  en  état  de  chasser  les  Anglais  de  New-York. 
L'entreprise  serait  d'autant  plus  glorieuse  qu'elle  est  difficile.  Nous 
nous  ennuyons  ici  de  l'oisiveté  dans  laquelle  on  nous  laisse,  quoique 
nous  avons  été  déjà  deux  fois  k  même  d'avoir  sur  les  bras  une  grande 
partie  des  forces  anglaises.  L'arrivée  de  Roduey  ',  sa  jonction  avec 
Arbuthnot  nous  firent  croire  qu'il  tenterait  de  venir  brûler  avec 
22  vaisse.nux  notre  petite  e.scadre  ;  mais,  dans  quatre  jours,  nous 
mîmes  le  port  en  état  de  faire  une  si  vigoureuse  résistance  qu'il  y  a 
lieu  de  croire  qu'il  a  renoncé  à  ce  projet.  Nous  avons  établi  sur  une 
petite  île  une  batterie  de  4»  pièces  de  canon  dont  dix  pièces  de 
Irente-six,  le  reste  de  vingt-quatre  et  de  di.\-huit.  Cette  batterie  en- 
file et  bal  lout(>  l'entréo  du  goulet;  elle  appuie  la  droite  de  la  ligne 


I.  (le  ijcmral  américain,  Irailre  à  sa  patrie,  mounil  in  .inylilerre  on  iSoi. 
a.  Amiral  anglais  (17 17-1792). 


UN    PETIT-FILS    DF    MONTKSOUIEU  245 

formée  par  nos  sept  vaisseaux  enibossés  dont  la  fjauche  esl  soutenue 
par  une  batterie  de  douze  pièces  de  vingt- quatre  et  de  quatre  mor- 
liers  de  douze  pouces.  On  peut  considérer  notre  position  comme 
une  courtine  garnie  de  230  pièces  de  canon,  flanquée  par  deux  forts 
qui  servent  de  bastions  à  cette  courtine  et  dont  les  feux  se  croisent 
devant  une  partie  de  l'étendue  de  la  ligne.  Voilà  la  position  que 
nous  avons  prise  ;  elle  me  parait  d'autant  plus  formidable  que,  lais- 
sant en  apparence  la  passe  par  laquelle  on  pourrait  nous  attaquer 
libre,  elle  invite  à  s'engager  sous  le  feu  de  toute  notre  artillerie  de 
terre  et  de  mer. 

Il  y  a  déjà  plusieurs  jours  que  nous  n'avons  reçu  de  nouvelles  de 
Washington.  Nous  craignons  que  la  perfidie  d'Arnold  n'ait  rendu 
la  correspondance  établie  entre  les  deux  armées  plus  difficile  et  que 
les  Anglais  n'aient  surpris  quelques-unes  de  nos  dépêches.  Daignez, 
mon  cher  Saint-Chamans,  me  rappeler  au  souvenir  de  M"'°  de  Ju- 
milhac  et  de  M"=  d'Harville.  Je  crains  bien  de  ne  pouvoir  leur 
écrire  par  cette  occasion-ci.  C'est  un  peu  ma  faute  :  j'ai  été  fort 
paresseux  et  je  vais  chercher  à  réparer  mes  torts.  Adieu,  mon  bon 
ami,  je  vous  aime  et  vous  embrasse  de  tout  mon  cœur.  Je  suis  fort 
content  de  mon  général';  il  est  très  aimable  et  me  traite  on  ne 
peut  pas  mieux.  Lameth  se  porte  fort  bien,  il  s'ennuie  un  peu  de 
la  tournure  que  prennent  les  choses  :  il  n'est  pas  le  seul.  Quant  à 
moi,  j'ai  été  assez  heureux  pour  ne  pas  éprouver  tin  seul  instant 
d'ennui  quoique  j'aie  certainement  perdu  beaucoup  de  temps.  Adieu, 
mon  bon  ami,  je  vous  aime  et  vous  embrasse  bien  tendrement.  Mille 
choses,  je  vous  prie,  de  ma  part  à  Théodore  et  à  Alexandre  de  La- 
meth. Si  ma  lettre  vous  est  rendue,  faites-moi  le  plaisir  de  faire 
écrire  à  mes  parents  que  je  me  porte  fort  bien.  Je  leur  écris  par  une 
occasion  différente  en  tout.  Nos  lettres  ont  été  jusqu'à  présent  fort 
bazardées.  Mille  amitiés,  je  vous  prie,  à  Nadaillac  ;  je  lui  ai  écrit 
trois  fois  depuis  mon  arrivée  ici,  c'est-à-dire  par  les  trois  seules  oc- 
casions que  nous  aions  eues;  j'ignore  s'il  aura  reçu  mes  lettres. 


Newport,  le  ii  novembre  1780. 

Je  pars  incessamment  pour  Philadelphie,  mon  cher  Saint-Cha- 
mans. J'y  vais  avec  mon  général  qui  est  le  plus  aimable  des  hom- 

I.  Le  marquis  de  Gliastellux. 


24G       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

mes,  ainsi  que  mon  camarade  Lvnch'.  Le  hazard  m';i  parfaitement 
servi  et  loin  de  m'ennuyer  ici,  je  me  trouve  fort  bien.  Je  mande  k 
M""=  de  Jumilhac  les  nouvelles  américaines  ;  ainsi,  mon  bon 
ami,  je  ne  vous  en  parlerai  pas.  Je  vous  prierai  seulement  de  me 
rappeler  à  son  souvenir  et  à  celui  de  M.  de  Jumilhac.  Voyez-vous 
quelquefois  M""  d'Harville?  Est-elle  constamment  à  la  campagne? 
S'y  amuse-t-elle  ?  Voilà  bien  des  questions,  mais,  il  est  permis  d'en 
faire  quand  on  est  à  dix-huit  cent  lieues  et  qu'il  y  a  six  mois  qu'on 
n'a  reçu  de  nouvelles  d'Europe.  Voilà  cependant,  mon  bon  ami,  où 
nous  en  sommes;  ce  silence  étonne  tout  le  monde  et  l'ennuy  com- 
mence à  s'emparer  de  l'armée.  Vous  avez  sûrement  déjà  vu  le  Vi- 
comte de  Rochamboau".  J'ignore  s'il  obtiendra  un  renfort  qui  nous 
mît  en  état  d'agir  plus  ofTensiveinent  et  de  faire  le  siège  de  New- 
York.  Il  nous  faudrait  pour  cela  des  forces  navales  supérieures  à 
celles  des  Anglais  et  12.000  Français  de  plus.  Nous  croyons  que  la 
pai.x  se  fera  cet  hiver  et  nous  pensons  que  si  la  guerre  continue,  on 
sera  obligé  de  nous  envoyer  un  puissant  renfort,  si  l'on  veut  nous 
mettre  en  état  de  faire  quelque  chose.  Voilà,  mon  cher  Saint-Cha- 
mans,  quelle  est  ma  politique.  Au  reste,  je  vis  au  jour  la  journée, 
sans  songer  à  mon  retour  en  France;  j'avoue  que  j'éloigne,  autant 
qu«  je  puis,  toutes  les  idées  qui  pourraient  troubler  la  paix  dont  je 
jouis  et  que  je  n'ai  encore  nulle  impatience  de  retourner  en  France. 
Vous  voyez,  mon  bon  ami,  que  ma  tête  commence  à  devenir  vrai- 
ment philosophique  et  que  Nadaillac  pourra  être  content  de  moi.  Je 
crois  qu'il  m'était  fort  nécessaire  de  faire  un  voyage  de  long  cours. 
J'avoue  que  tout  ce  que  je  vois  ici  m'intéresse  et  que  la  vie  mono- 
tone que  je  mène  ne  me  déplaît  pas.  Adieu,  mon  bon  ami,  je  n'ai 
que  le  temps  de  vous  embrasser  et  de  vous  dire  que  je  vous  aime 
de  tout  mon  cœur.  Notre  ami  Charles  a  donné  deux  coups  d'épée 
au  C.  Charles  de  D.  Cela  a  fait  du  bruit  ici,  mais  on  n'en  parle  plus 
et  tout  va  le  mieux  du  monde.  Adieu,  mon  cher  Saint-Chamans,  je 
vous  aime  de  tout  mon  cœur. 


Ncwporl,  3  fovrior  1781. 
J'ai  fait  un  voyage  charmant,  mon  ciier  Saint-Chamans,  un  voyage 

1.  Isidore  LyiK-li,  aussi  aille  Je  camp  il.i  marquis  de  Cliasttllux. 

2.  Uonatien-Maric-Josepli  de   Viuuur,  vicouitc   de  Rooliambeau  (i75o-i8i3),  fils 
du  comte  de  Hochambeau. 


UN    PETIT-FILS  -DE    MONTESOUIEU  2^7 

([ui  m'a  l'ait  le  [tins  grand  plaisir.  Dès  que  notre  petite  armée  est 
entrée  dans  ses  quartiers  d'hiver,  je  suis  parti  avec  M.  de  Chastcl- 
lux  pour  le  quartier  général  de  l'armée  américaine'.  Je  crois  vous 
avoir  mandé  de  Philadelphie  le  plaisir  que  j'éprouvais  en  vojant 
le  général  Washington.  J'ai  parcouru  tout  le  théâtre  de  la  guerre  et 
j'ai  vu  les  principales  positions  et  les  principaux  champs  de  bataille  ; 
enfin,  mon  cher  ami,  vous  saurez  que  j'ai  eu  le  plaisir  de  faire  plus 
de  4oo  lieues  dans  un  pays  entièrement  nouveau  pour  moi,  où  tout 
m'offrait  quelque  chose  de  piquant,  quelque  chose  qui  m'intéressait. 
Je  n'ai  pas  le  temps,  mon  bon  ami,  de  vous  donner  un  aperçu  de 
mon  voyage;  vous  recevrez  un  volume  de  moi  [wir  la  prochaine  oc- 
casion. Je  n'ai  pas  écrit  à  M""^  de  Jumilhac  :  je  vous  prie  de  lui 
dire  qu'on  parle  d'elle  quelquefois  en  Amérique  et  qu'on  met  au 
rang  du  bonheur  à  venir  le  plaisir  de  passer  quelques  heures  avec 
file.  Je  ne  me  suis  pas  ennujé  un  seul  instant  depuis  mon  départ 
de  France.  J'ai  beau  écrire  des  volumes,  je  ne  reçois  point  de  nou- 
velles. Ainsi,  mon  bon  ami,  je  finirai  à  la  seconde  page,  puisque 
ma  lettre  pourrait  bien  être  noyée,  ainsi  que  plusieurs  autres  que 
j'ai  écrites.  Si  vous  jugez  en  Europe  que  la  guerre  dure  plus  d'un 
an,  je  vous  prierai,  mon  bon  ami,  d'avoir  la  bonté  de  me  faire 
envoyer  quatre  aunes  de  drap  bleu,  des  boutons  d'aide  de  camp, 
deux  épaulettos  de  mon  grade,  deux  aunes  do  drap  écarlate  avec 
la  quantité  de  galon  suffisante  pour  faire  deux  vestes  d'aide  de 
camp.  Je  vous  prierai  d'ajouter  à  cela  si.x  aunes  de  drap  de  Berry 
vert,  pour  habiller  mes  gens,  avec  la  doublure  idem  et  les  boutons 
blancs.  Pardon,  mon  bon  ami,  do  vous  charger  de  ce  minutieux 
détail  quo  jo  vous  prierai  do  confier  à  votre  tailleur.  Mais,  quoique, 
grâce  à  vos  soins,  je  sois  parti  parfaitement  muni  de  toutes  choses, 
je  serai  obligé  de  renouveler  mes  provisions,  si  la  guerre  est  longue. 
Adieu,  je  vous  aime  et  vous  embrasse  de  tout  mon  co^ur;  mille 
amitiés  à  Nadaillac. 

Un  coup  de  vent  très  fort  a  fait  périr  un  vaisseau  anglais  de  7^  h 
la  fin  de  janvier  et  a  fort  endommagé  l'escadre  anglaise  mouillée 

I.  M.  de  Ghastelltix  partil  le  11  novembre  1780  avec  ses  deux  aides  de  camp  et 
l'ut  de  retour  à  Newport  le  g  janvier  1781.  Il  a  publié  en  1786,  à  Paris,  chez 
Prault,  une  relation  de  son  voyage  sous  le  titre  :  Voyage  de  M.  le  marquis  de 
Cliaslellax  dans  L' Amérique  septentrionale,  dans  les  années  1780,  ijSi,  lySa 
(2  vol.  in-S").  Quant  au  baron  de  Montesquieu,  il  écrivit  à  Latapie  une  longue 
relation  de  ce  voyage  que  M.  Riymond  Céleste  a  retrouvée  aux  archives  du  châ- 
teau de  La  Bréds  et  qu'il  a  publiée  (oaur.  cit.,  p.  18-2^). 


246       REVUE   HISTORIQUE   DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

daiis  la  baie  de  Gardner.  à  l'cxtrcmité  septentrionale  de  Long 
Island.  Vous  verrez  peut-être  à  ^'ersailles  un  homme  de  mérite  qui 
part  en  qualité  d'envoj'é  des  Ktats-Unis.  C'est  le  colonel  Laurens, 
homme  d'esprit  et  l'un  des  plus  braves  défenseurs  de  l'Amérique. 
J'ai  fait  connaissance  avec  lui  à  Philadelphie  et  j'ai  eu  le  plaisir  de 
le  voir  ici  peu  de  jours  avant  son  départ.  Parlez-lui  de  moi,  si  vous 
le  voyez  ;  il  parle  fort  bien  français. 


Ncwport,  le  4  avril  1781. 

Je  n'ai  pas  eu  le  plaisir,  mon  bon  ami,  de  recevoir  de  vos  nou- 
velles ;  mais,  je  ne  vous  en  veux  pas  de  mal,  puisque  M™=  de 
Jumilhac  m'a  mandé  que  vous  vous  portiez  bien.  Je  vous  ai  écrit 
des  volumes;  mais,  puisque  vous  n'y  répondez  pas,  je  ne  vous  écri- 
rai que  quatre  pages  et  je  vous  parlerai  plus  de  moi  que  des 
nouvelles  politiques  et  militaires  que  vous  saurez  par  Charles  de 
Lameth,  que  j'aime  de  tout  mon  caur.  Je  ne  m'ennuie  pas  à 
Ncwport.  J'y  passe  ma  vie  avec  des  gens  aimables.  J'ai  fait  environ 
5oo  lieues  pendant  l'hiver;  j'ai  vu  Philadelphie,  Albany,  Saratoga, 
etc.,  etc.  ;  en  un  mot,  j'ai  passé  deu.x  mois  d'hiver  de  la  manière  la 
plus  agréable.  J'ai  un  général  très  aimable  qui  me  traite  on  ne 
peut  pas  mieux.  M.  de  Rochambeau  me  traite  aussi  bien  qu'il  peut 
me  traiter  et  je  n'ai  depuis  un  an  qu'à  me  louer  de  tout  le  monde, 
excepté  toutefois  des  ministres  qui  devraient,  en  conscience,  me 
faire  colonel  d'une  façon  quelconque.  Mon  général  a  envoyé  déjà 
deu-v  mémoires  en  ma  faveur,  écrits  avec  toute  la  chaleur  possible  ' 
et,  de  ce  côté-là,  je  n'ai  qu'à  me  louer  de  mon  bonheur.  Au  reste, 
mon  cher  ami,  je  suis,  en  Amérique,  bien  moins  ambitieux  qu'en 
France,  si  toutefois  on  peut  nommer  ambition  le  désir  d'être  ce 
que  beaucoup  de  gens  sont.  Vous  ne  sauriez  croire  à  quel  point  la 
vie  que  je  mène  me  convient.  Le  temps  a  passé  aussi  rapidement 
ici  que  partout  ailleurs  et,  quoique  mille  liens  m'attachent  à  la 
France,  je  n'ai  pas  regretté  un  seul  instant  la  démarche  que  je  fis 
l'année  dernière.  C'est  un  grand  [jiaisir.  mim  bun  ami.  que  de 
satisfaire  sa  curiosité  et   d'être  témoin   d'une  révolution  aussi  inté- 

I.  M.  Raymond  Céleste  a  publii'  {ouvr.  cit.,  \>.  i5)  une  lellre  Ibrt  éloiiieuse 
écrite  par  le  marquis  de  Chaslellux  au  prince  de  Monlbarrey,  ministre  de  la  Guerre, 
en  octobre  1780,  demandant  pour  le  baron  de  Montesquieu  le  grade  de  colonel. 


UN    PETIT-FILS    DE    MONTESQUIEU  2^9 

rossante  ot  qui  ticmlra  nt'cessairement  tant  do  place  dans  l'histoire 
de  ce  siècle.  Si  jamais  je, revois  l'Europe,  j'aurai  bien  du  plaisir  à 
causer  avec  vous  de  ce  que  bien  des  gens  ont  appelé  une  folie.  A 
propos  de  cela,  je  reçus  par  la  frégate  VAstrée  une  lettre  de  mon 
|ière  dont  je  fus  très  content.  Il  paroît  avoir  pris  son  parti  et  même 
ne  désapprouve  pas  ma  curiosité.  La  santé  de  ma  mère,  à  ce  qu'il 
me  mande,  n'a  pas  été  plus  mauvaise  l'année  dernière  que  les  pré- 
cédentes. Elle  a  même  été  un  peu  meilleure.  Dieu  veuille  que  cela 
dure  et  que  j'aie  le  plaisir  à  mon  retour  de  retrouver  mes  parents  et 
quelques  amis  en  bonne  santé.  Voila,  mon  cher  Saint-Chamans, 
mon  unique  désir,  car  je  suis  assez  sage  pour  attacher  peu  de  prix  à. 
tout  le  reste.  Mais,  il  faut  que  je  vous  prie  d'une  chose  :  mon  père 
n'a  pas  songé  k  m'cnvoyer  d'argent  par  cotte  occasion-cy.  Vous  me 
feriez  plaisir  de  déposer  cent  louis  chez  M.  do  Sérillj  et  de  m'en- 
voyerun  ordre  sur  le  trésorier  de  l'armée  pour  pareille  somme  par 
le  premier  vaisseau  ou  par  la  première  occasion.  Je  vous  prierai 
alors  d'en  donner  avis  à  mes  parents  pour  vous  faire  rembourser 
cette  somme.  Vous  voyez,  mon  bon  ami,  que  je  ne  me  gêne  pas 
avec  vous.  Mais,  je  compte  trop  sur  votre  amitié  pour  vous  en  remer- 
cier d'avance.  Je  n'ai  ici  aucun  traitement  et  je  suis  obligé  d'avoir  des 
chevaux  et  deux  domestiques  qui  me  coûtent  assès  cher.  Au  reste, 
quand  on  n'a  pas  fait  dans  la  vie  plus  de  folies  que  moi,  on  ne 
craint  pas  de  dépenser  un  peu  plus  qu'à  son  ordinaire.  Je  savais 
bien,  mon  bon  ami,  que  je  trouverois  un  moyen  de  recevoir  de  vos 
nouvelles  en  vous  donnant  occasion  de  m'obliger.  Je  parie  que  vous 
répondrez  plus  exactement  à  cette  lettre  qu'à  toutes  les  autres. 
Adieu,  mon  bon  ami,  je  vous  aime  et  vous  embrasse  de  tout  mon 
cœur.  J'écris  à  Ma  dame  de  Jumilhacetje  lui  mande  quelques  nouvelles 
que  vous  saurez  l'un  et  l'autre  d'une  manière  plus  détaillée  par 
notre  ami  Charles  de  Lameth  qui  vous  embrasse  bien  tendrement, 
ainsi  que  moi.  Je  l'aime  de  tout  mon  cœur,  ce  bon  Charles;  il  n'est 
pas  de  créature  plus  honnête  dans  tout  l'univers.  Un  million  de  ten- 
dresses à  Nadaillac,  qui  n'a  pas  reçu  mes  lettres,  à  coup  sûr. 


Newport,  le  i6  may   1781. 

Il  est  bien  incroyable,  mon  bon  ami,  que  je  n'aie  pas  reçu  une 
seule  lettre  de  vous,  depuis  que  je  suis  en  Amérique.  M'avez-vous 


25o       RE\TJE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eUIPIRE 

ocril?  je  n'ose  le  croire.  Car,  il  n'est  pas  possible  qu'une  de  vos 
lettres  ne  me  fût  parvenue.  Au  reste,  je  suis  fort  tranquille  sur 
votre  sort.  ^1""=  d'Harville  me  mande  que  vous,  Théodore  et  M°"  de 
Jumilhac  .sont  en  bonne  santé.  Lameth  vient  d'être  nommé  aide- 
maréchal-des-logis  avec  lo.ooo  livres  d'appointements.  Son  ancien- 
neté de  commission  de  capitaine  le  met  avant  M.  de  Béville  le  fils 
et  M.  Collot;  ainsi,  il  réunira  tous  les  agréments  de  la  place.  Cela 
me  fait  le  plus  grand  plaisir.  D'ailleurs,  notre  bon  ami  n'étant  pas 
a.ssez  riche  pour  faire  ici  la  guerre  à  ses  dépens,  il  va  se  trouver 
tout  d'un  coup  dans  l'aisance.  Son  métier  d'aide  de  camp  pouvoit 
bien  l'ennuyer,  car  son  général  n'est  pas  tout  à  fait  aussi  aimable 
que  le  mien.  Il  est  déjà  remplacé  dans  .ses  nobles  fonctions  auprès 
du  général  par  M.  Gromot  du  Bourg,  nouvellement  arrivé  de  la 
cour  avec  de  fortes  lettres  de  recommandation  et  qui  n'espéroit  pas 
moins  que  la  place  que  l'on  a  donnée  à  Lameth.  Je  le  trouve  très 
heureux  d'avoir  celle  d'aide  de  camp,  après  toutes  les  difficultés 
qu'il  y  avoit  l'année  dernière  pour  venir  dans  ce  pays-cy.  J'ima- 
gine que  c'est  un  piu  passé  de  mode  et  qu'il  n'y  a  plus  tant  de 
dupes.  Ouant  à  moi,  je  suis  très  content  ;  je  monte  lieaucoup  à 
cheval  ;  je  vois  un  nouveau  pays,  des  hommes  qui  m'intéressent  ; 
en  un  mot,  je  me  trouve  fort  bien  et  s'il  plaisoit  au  ministre  de 
me  faire  colonel  en  second,  à  mon  retour  ou  même  un  peu  avant, 
je  serois  fort  aise  d'être  venu  ici.  D'ailleurs,  je  deviens,  je  crois, 
philosophe,  et,  par  conséquent,  moins  ambitieux  depuis  que  je 
suis  à  portée  de  connoître  de  plus  près  les  hommes  et  les  affaires. 
Qu'êtes-vous  devenu,  mon'  bon  ami,  depuis  quatorze  mois  que 
nous  nous  sommes  quittés?  Nous  n'avons  pas  été  si  longtemps  sans 
nous  voir  depuis  que  nous  nous  connaissons.  Que  sont  devenus  nos 
anciens  camarades?  Comment  se  porte  Nadaillac?  Il  ne  m'a  pas 
donné  signe  de  vie,  quoique  je  lui  aie  écrit  plusieurs  fois  depuis 
que  je  suis  ici. 

Nous  avons  l'air  d'être  voués  à  l'inaction,  i|Uoique  nous  nous 
disposions  à  quitter  Rhode  Island  pour  nous  rapprocher  de  New- 
York.  Malgré  cela,  mon  bon  ami,  il  est  toujours  agréable  de  voir 
une  nation  nouvelle  qui  cherche  à  sortir  de  l'esclavage.  Le 
V[icomte]  de  R[ochambeau]  n'eut  pas  de  grands  succès  a  la  cour, 
lors(]u'il  V  arriva  porteur  des  dépêches  de  son  père;  il  n'en  a 
|ias  cil  un  plus  grand  ici,  à  son  arrivée,  d'autant  qu'il  n'a  pas 
niêine  rapporté  les  croix  de  Saint-Louis  dues  de  droit  à  l'ancien- 


Vff    PETIT-FILS    DE    MONTESQUIEU  25 1 

ncté.  Vous  jugez,  par  là,  combien  il  est  aimé  clans  l'armée.  Son 
père  est  un  brave  et  honnête  général,  moins  aimé,  je  crois,  qu'il 
ne  le  mérite,  parce  qu'il  n'a  pas  l'extérieur  pour  lui  et  qu'il  a  l'air 
de  peu  s'occuper  des  autres.  Notre  petite  armée  a  vécu  cet  hiver 
avec  tant  de  sagesse,  a  observé  une  discipline  si  exacte  que  nous 
sommes  presque  parvenus  à  faire  aimer  le  nom  français  dans  ce 
pays-ci.  Les  habitants  de  Newport  sont  dans  l'étonnement  ;  ils  nous 
croyaient  plus  indisciplinés  encore  que  les  troupes  anglaises  et  ils 
sont  forcés  de  reconnaître  notre  supériorité  à  cet  égard,  comme 
nous  les  forcerions  à  nous  admirer  si  quelque  occasion  brillante  se 
présentait...  Adieu  !  mon  bon  ami,  je  vous  aime  de  tout  mon  cœur. 
Faites-moi  le  plaisir  d'écrire  à  mon  père  pour  lui  demander  les 
moyens  qu'il  a  pris  pour  me  faire  passer  de  l'argent.  Le  meilleur 
moyen  est  de  s'adresser  à  M.  de  Sérilly  qui  pourroit  me  donner  un 
ordre  sur  le  trésorier  de  l'armée,  car  les  lettres  de  change  sur 
M.  Olker,  consul  de  France  à  Philadelphie,  et  sur  tous  les  négo- 
cians  de  ce  pays-cy  perdent  un  tiers,  ce  qui,  comme  vous  pensez, 
n'est  pas  agréable.  Le  vicomte  de  Noailles  est  dans  ce  cas-là;  on 
ne  veut  lui  donner  que  16.000  francs  pour  des  lettres  de  change  de 
2^.000  francs  sur  Philadelphie. 

Pardon  d'entrer  avec  vous  dans  ce  petit  détail.  Adieu,  je   vous 
aime  de  tout  mon  cœur. 


Après  la  prise  de  Yorklown  et  la  reddition  de  t^oniwallis 
(17  octobre  1781),  M.  de  Rochainbeau  chargea  le  duc  de 
Lauzun  de  porter  en  France  la  nouvelle  de  ce  glorieux 
succès.  Parmi  les  officiers  désignés  pour  l'accompagner  qui 
s'embarquèrent,  le  24,  sur  la  Surveillante  se  trouvait  le 
baron  de  Montesquieu  que  sa  brillante  conduite,  lors  des 
derniers  événements,  avait  achevé  de  mettre  en  relief. 

Il  arriva  à  Brest  vers  la  nii-noveinbre.  En  janvier  1782,  il 
était  dans  sa  famille,  à  Bordeau.x,  d'où  il  écrivait  à  son  ami  : 

J'ai  trouvé  mon  père  très  affaibli  par  la  suite  d'un  gros  rhume. 
Il  est  convalescent  depuis  quinze  jours  et  très  maigre  encore.  Ma 
mère  avait  eu  aussi  quelques  accès  de  fièvre  dont  elle  était  guérie 
depuis  quelques  jours.  Ils  vont  mieux  l'un  et  l'autre.  Mon  père  m'a 


202       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

dit  qu'il  avait  fait  les  fonds  nécessaires  pour  ma  campagne  très 
prochaine.  Ainsi,  je  suis  débarrassé  du  soin  de  cherchei-  de  l'argent, 
ce  qui  me  fait  grand  plaisir...  Je  suis  excédé  de  toutes  les  plates 
questions  que  l'on  me  fait  ici  et  si  la  santé  de  mes  parents  leur  per- 
mettait de  partir  sur-le-champ  pour  la  campagne,  je  les  engagerais 
à  y  aller.  Ils  prennent  tous  les  jours  des  forces  et,  s'il  ne  faisait  pas 
un  temps  affreux,  je  suis  convaincu  que  l'air  de  la  campagne  leur 
ferait  le  plus  grand  bien...  J'aurai  de  la  peine  à  ne  pas  rlonner 
à  mon  père  tous  les  moments  que  je  passerai  en  France.  Il  a  si 
bien  pris  son  parti  ;  il  s'est  conduit  avec  tant  de  bonté  à  mon  égard 
que  je  serais  plus  qu'ingrat,  si  je  ne  chei-chais  à  lui  en  témoigner 
ma  reconnaissance.  Je  ne  puis  le  faire  qu'en  passant  huit  jours  de 
plus  avec  lui.  Ma  mère  qui  m'avait  un  peu  boudé  en  arrivant  a  pris 
aussi  son  parti.  Ainsi,  je  suis  très  heureux  et  je  repartirai  avec 
autant  de  gaieté  que  la  première  fois,  peut-être  même  davantage. 

Le  2  février,  nouvelle  lettre  à  .Saint-Chainaiis  : 

Si  mes  parents  étaient  à  la  campagne,  je  serais  beaucoup  plus 
content  qu'à  Bordeaux  qui  m'ennuie  déjà,  malgré  tout  l'accueil 
que  l'on  m'v  a  fait.  J'ai  enfin  eu  le  plaisir  de  voir  jouer  la 
comédie  dans  la  belle  salle  dont  nous  vîmes  ensemble  le  projet. 
Rien  de  plus  beau  et  même  de  plus  magnifique  à  mes  veux.  L'en- 
trée, vaste,  spacieuse,  réunit  tous  les  avantages  de  la  beauté  et  de 
la  commodité.  L'escalier  me  plaît  infiniment  et  l'intérieur  de  la  .salle, 
quoique  d'une  extrême  magniflcence,  ne  dépare  point  les  femmes 
qui  sont  toujours  le  plus  bel  ornement  d'un  spectacle. 

La  promotion  a  été  si  peu  nombreuse,  écrit-il  encore  à  son  ami, 
le  19  février,  que  je  ne  suis  pas  étonné  de  n'y  être  point  compris. 
(Montesquieu  attendait,  en  effet,  avec  une  certaine  impatience,  sa 
nomination  à  un  grade  supérieur).  On  parle  d'une  promotion,  on 
parle  de  la  création  de  régiments  provinciaux.  J'ignore  si  je  parti- 
rai sur-le-champ  pour  Paris.  Je  ferais  bien,  dussé-je  n'y  passer 
que  trois  jours.  Mais,  mes  parents  me  bouderont,  si  je  le  fais.  Si 
je  pars,  je  serai  chez  vous  le  vendredi  au  soir,  8  du  mois,  au  plus 
tard...  En  tous  cas,  si  je  ne  passe  pas  par  Paris,  je  pars  pour  Brest 
où  il  faut  que  je  sois  le  20  de  mars.  Ce  n'est  qu'après  l'arrivée  du 
courrier  que  je  me  déciderai  à  partir  pour  Paris.  Ainsi,  je  suivrai 
de  près  ma  lettre,  ou  je  passerai  encore  une  semaine  avec  mes 
parents  et  me  rendrai  à   Brest. 


UN    PETIT-FILS    RF.    MONTESOUIEU  200 

AJieu,  je  inpiirs  il'eiivie  de  vous  embrasser  avant  de  passer  les 
mers.  Qui  sait  si  je  ferai  bien  ou  si  je  ferai  mal  d'aller  à  Paris?  Je 
me  console  d'avance  du  peu  de  succès  des  démarches  que  je  ferais 
pour  mon  avancement.  Adieu,  mon  bon  ami,  je  vous  aime  et  vous 
embrasse  de  tout  mon  cœur   (2  mars). 

Montesquieu  n'alla  pas  à  Paris.  Le  10  mars  1782,  il  quittait 
Bordeaux  pour  Brest  ;  la  veille,  il  avait  écrit  à  son  ami  : 

Je  suis  fâché  que  mon  père  se  soit  opposé  à  mon  petit  voyage  de 
Paris...;  mais,  cela  lui  eût  fait  une  peine  réelle;  il  tient  fortement  à 
ses  idées  et  je  n'ai  pas  voulu  le  contrarier,  quelque  nuisible  que 
cela  puisse  être  à  mon  avancement...  Je  pars  demain.  Je  suis 
désolé  de  n'avoir  pu  vous  embrasser  avant  mon  départ. 

Les  lettres  qui  suivent  vont  nous  apprendre  ce  que  furent 
la  seconde  traversée  de  Montesquieu  et  son  second  séjour  en 
Amérique. 

Rnchdbrt,  le  6  juillet  1783. 

Nous  partirons'  peut-être  dans  quatre  ou  cinq  jours,  mon  cher 
Saint-Chamans,  pour  annoncer  la  paix  k  l'Amérique.  M.  de 
Lafayette  ne  vient  plus  avec  nous.  Le  Baron  de  Vioménil  arrive  et 
il  y  a  déjà  ici  sept  colonels,  deux  majors  et  treize  aides  de  camp 
destinés  à  guerroyer  en  Amérique.  Les  aides  de  camp  qui  n'ont 
pas  encore  été  en  Amérique  sont  MM.  de  Fleury,  de  Lameth  ', 
Frédéric  de  Chabannes,  de  Bozon,  de  Vaudreuil,  de  Langeron,  de 
Ricci,  de  Melfort,  de  Champcenetz  et  le  fils  et  le  gendre  du  baron 
de  Vioménil.  Jugez  de  la  grimace  que  feront  nos  généraux  en 
voyant  arriver  ces  recrues.  On  a  déjà  débarqué  toutes  les  troupes 
destinées  à  aller  en  Amérique  ot,  comme  les  dispositions  de  la 
campagne  sont  très  pacifiques,  on  nous  envoie  guerroyer,  je  ne 
sais  où. 

Il  parait  que  nous  partirons,  malgré  les  bruits  de  paix  et  le  peu 
d'espérance  d'une  campagne  active.  Cependant,  je  ne  serais  pas 
étonné  d'aller  passer  l'automne  en  Guyenne.  En  ce  cas-là,  je  me 

I.  Montesquieu  s'embarqua  sur  la  Gloire  qui  mil  à  la  voile  le  17  mai,   fit  escale 
à  Paimbœuf  et  à  Lorient  et  se  rendit  à  Rochefort  pour  y  joindre  Y  Aigle. 
a.  Alexandre  de  Lametli. 


204       HEVUE    HISTORIQUE  DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    LE.MPIRE 

trouverais  ici  tout  porté,  car  il  n'y  a  pas  bien  loin  de  Rochefort  k 
Bordeaux.  J'ai  fait  un  cours  complet  de  ports  de  mer  et  je  ne  me 
suis  pas  ennuyé  du  tout.  Le  hasard  m'a  fait  vivre  beaucoup  avec  le 
comte  de  Ségur'  et  le  prince  de  Broglie  qui  sont  tous  les  deux  fort 
aimables.  Ségur  m'assure  que  je  serai  un  des  premiers  placés  si 
son  père  y  peut  quelque  chose  et  surtout  s'il  y  a  quelque  chose  de 
vacant.  Je  prends  patience,  en  attendant,  et  je  ne  trouve  pas  le 
temps  long.  Si  l'on  avait  envoyé  M.  de  Guichen  aux  Antilles 
avec  la  grande  flotte  espagnole,  nous  pourrions  faire  encore  une 
campagne  bien  brillante  et  l'armée  de  Rochambeau  pourrait  y 
jouer  un  des  principaux  rôles.  Nous  arriverions  à  temps  si  nous 
partons  dans  quatre  ou  cinq  jours,  comme  nous  l'espérons.  Mais, 
je  n'ose  me  flatter  que  cette  espérance  soit  fondée.  En  attendant, 
on  a  rassemblé  à  Rochefort  tous  les  différents  convois  destinés 
pour  le  nord  et  pour  le  sud  ;  il  y  a  plus  de  cent  cinquante  voiles  à 
l'île  d'Aix''.  J'ai  vu,  il  y  a  deux  ou  trois  jours,  le  fameux  fort  cons- 
truit par  M.  de  Montalembert''.  Je  n'en  ai  pas  été  émerveillé  et  je 
«ois  qu'il  a  dépensé  beaucoup  d'argent  eu  pure  perte.  II  a  d'abord 
construit  une  tour  triangulaire  en  bois  avec  deux  plateformes  sur 
chacune  desquelles  il  a  élevé  des  batteries,  ce  qui  formoit  avec  la 
batterie  du  rez-de-chaussée  trois  batteries  l'une  sur  l'autre.  Il  a 
senti  combien  c'étoit  défectueux  et  il  a  formé  en  avant  de  celte 
tour  une  enceinte  de  batteries  beaucoup  meilleures  et  bien  plus 
avantageusement  emplacées  que  la  batterie  basse  de  la  tour  qui  est 
devenue  inutile  parce  qu'elle  détruiroit  la  nouvelle  enceinte;  il  ne 
piul  donc  se  servir  que  de  ses  deu.v  batteries  supérieures;  mais,  il  y 
a  entassé  le  canon  si  près  qu'on  ne  pourroit  bien  servir  que  les 
deux  tiers  des  pièces.  Cette  batterie  présente  les  mêmes  inconvé- 
nienls  que  colles  des  vaisseaux;  elle  est  presque  aussi  combustible, 
beaucoup  plus  étouffée  et  plus  sujette  aux  éclats  de  bois.  Il  a  formé 
une  espèce  de  plateforme  eu  terre  battue  sur  le  sommet  des  para- 
pets de  la  tour  et  l'humidité  qui  filtre  au  travers  rend  les  casernes 
qui  sont  pratiquées  dans  la  batterie  même  d'une  humidité  affreuse. 
11  faut  cependant  convcnirque  les  batteries  rasantes  de  la  droite  qui 
sont  il  quelques  toises  de   la  lour  sont  parfaitcinint   bonnes  ;  il  a 

1.  Fils  ilu  ininislro  de  la  Guerre. 
T.  A  rernbouchurc  de  la  Cliarentc. 

3.  IM.iiT-Hené,  marquis  do  Montaleniberl  (1714-1800),  général,  écrivaia  français, 
auteur  de  La  Forlijication  perpendiculaire  (Paris,  1770-9/),  11  vol.  in-4°.) 


UN    PETIT-FILS    DE    MONTESQUIEF  255 

couplé  les  pièces;  les  parapets  ne  peuvent  être  détruits  par  la  plus 
lorte  artillerie  ;  les  pièces  y  sont  cachées  et  défilées  par  de  bonnes 
traverses.  Le  feu  des  différentes  batteries  se  croise  très  bien.  L'ou- 
vrage qu'il  a  fait  construire  du  côté  de  la  terre  me  paroît  très 
défectueux  ;  il  a  diminué  les  faces  d'une  demi-lune  et  a  construit 
une  espèce  de  tenaille  angulaire  et  deux  petits  réduits  qui  sont 
autant  de  nids  k  rats.  Le  revêtement  d'une  partie  de  ces  ouvrages 
est  en  pierre  sèche  ;  ainsi,  gare  les  éclats.  Je  ne  crois  pas  qu'il  fût 
possible  d'y  tenir  longtemps\  Adieu,  mon  bon  ami... 


A  bord  de  la  frcgale  la  Gloire,  dans  la  rade 
de  risie  d'Aix,  le  lo  juillet  1782. 

Il  est  vrai,  mon  cher  Saint-Chamans,  que  depuis  que  je  voyage 
en  frégate,  je  vous  ai  fort  peu  écrit.  C'est  ma  faute,  car  j'ai  écrit 
quelques  lettres  k  nos  amies  et  si  j'ai  négligé  mon  ami  que  j'aime 
cependant  par-dessus  toutes  choses,  ce  n'est  pas  faute  d'avoir 
songé  à  lui.  Voici,  mot  k  mot,  mon  histoire.  Vous  savez,  mon  cher 
Saint-Chamans,  que,  toujours  pressé,  je  partis  de  Bordeaux,  le 
20  de  mars,  dans  l'espoir  de  m'embarquer  dans  les  premiers  jours 
d'avril.  Je  m'établis  bien  k  Brest  et  j'attendis  les  amateurs  qui 
devaient  venir  de  Paris.  Ils  arrivèrent  effectivement  le  lo  avril.  On 
devait  faire  partir  un  convoi  ;  on  devait  embarquer  sept  cents  recrues 
pour  l'armée  de  Rochambeau.  Les  recrues  étaient  arrivées  k  Brest 
sans  officiers.  M.  le  comte  de  Langeron  jugea  à  propos  de  me  don- 
ner le  commandement  d'un  de  ces  détachements  composé  de  200 
hommes.  On  attacha  des  officiers  à  chacun  des  trois  autres  et  je  fis  les 
fonctions  de  major  de  ce  corps-là  dont  MM.  de  Ségur  et  de  Broglie 
étaient  colonels.  M""^  de  Ségur  et  M^^^  de  Fresne,  sa  belle-sreur,  pas- 
sèrent quelques  jours  k  Brest  et  je  passai  avec  elles  la  plus  grande 
partie  du  temps  que  les  détails  dont  on  m'avait  chargé  ne  consu- 
inoient  pas.  La  prise  du  convoi  de  l'Inde  fit  changer  la  destination 
du  convoi,  différa  son  départ  et,  au  lieu  du  bâtiment  de  transport 
sur  lequel  j'étais  maître  absolu,  je  demandai  à  passer  sur  la  frégate 
la  Gloire  avec  MM.  de  Lauzun,de  Ségur,  de  Broglie,  de  Lillyhorne^ 

1.  Le  marquis  de  Montalembert  avait  été  chargé  en  1779  des  travaux  de  défense 
de  l'île  d'Aix  qui,  de  la  sorte,  put  soutenir  victorieusement  les  attaques  des  Anglais. 

2.  Ou  de  Ligliorn,  aide  de  camp  du  roi  de  Suède. 


256       REVUE    HISTORIQUE   DK    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

qui  y  passaient.  Je  l'obtins  aisément,  mais  à  condition  que  je  n'em- 
baïquerais  avec  moi  qu'une  seule  malle  et  un  seul  domestique.  Les 
si.x  autres  passagers  qui  obtinrent  la  permission  de  s'y  embarquer 
ne  furent  pas  plus  heureux  que  moi,  et  nous  partîmes  sans  équipa- 
ges, le  19  mai.  Un  coup  de  vent  assez  ordinaire,  mais  très  exagéré 
à  Paiis  ainsi  que  nos  dangers,  nous  obligea  de  relâcher  k  l'entrée  de 
la  rivière  de  Nantes.  Notre  frégate  avait  besoin  d'être  réparée  ;  nous 
avions  été  obligés  de  courir  au  plus  près  par  un  assez  gros  temps 
pour  nous  élever  de  la  côte  et  les  mouvements  vifs  de  tîingage 
avaient  légèrement  endommagé  sa  guivTe.  Nous  expédiâmes  sur  le 
champ  un  courrier  au  ministre  pour  lui  demander  ses  ordres  et  le 
port  qu'il  choisirait  pour  nous  réparer.  La  frégate  reçut  ordre  d'aller 
à  Lorient  et  nous  attendîmes  à  Nantes  qu'elle  fût  prête.  Je  ne  vous 
parlerai  ici  de  nos  folies  ni  de  mes  bonnes  fortunes.  Nous  passâmes 
trois  semaines  le  plus  gaiement  du  monde,  malgré  les  dîners  et  les 
soupers  dont  on  nous  accablait.  Mes  compagnons  de  voyage  étaient 
tous  fort  aimables.  Le  comte  de  Ségur  surtout,  avec  lequel  je  me 
suis  lié  plus  qu'avec  les  autres,  était  d'une  gaieté  charmante.  EaRn, 
la  bonne  chère,  la  bonne  compagnie,  la  mauvaise  même,  tout  con- 
tribua à  nous  faire  trouver  le  temps  que  nous  passâmes  à  Nantes 
assez  court.  Je  fis  plusieurs  courses  à  cheval  dans  les  environs;  je 
vis  les  forges  d'Indret  et  ce  qu'il  y  avait  de  plus  intéressant,  et  je 
partis  pour  Lorient  le  12  ou  le  i3  juin.  Nous  trouvâmes  notre  fré- 
gate prête  ;  mais,  ce  qui  nous  contraria  infiniment,  c'est  que  le 
ministre  nous  avait  ordonné  d'attendre  à  Lorient  de  nouvelles  ins- 
tructions. Nous  fûmes  huit  jours  sans  les  recevoir;  enfin,  on  nous 
donna  ordre  d'aller  à  Rochefort.  Jugez  combien  nous  fûmes  contra- 
riés :  nous  y  arrivâmes  le  22  juin  ;  on  parlait  alors  de  pai.x.  Nous 
devions  partir  avec  M.  de  Lafayette  ;  il  ne  vient  point  et  nous  avons 
reçu  ordre  de  partir  sans  lui  avec  la  frégate  V Aigle  qui  porte  M.  de 
Vioménil  et  quinze  aides  de  camp  pour  l'armée  de  Rochambeau  ; 
il  y  a  vingt-deux  passagers  à  bord  de  V Aigle.  Nous  ne  sommes  que 
huit  à  bord  de  la  Gloire  parce  que  le  duc  de  Lauzun  et  Sheldon  ont 
])référé  de  passer  sur  r.4/<7/c  avec  M.  de  Latouche  qu'ils  connai.ssent 
depuis  longtemps.  Notre  capitaine,  très  bon  officior  d'ailleurs,  craint 
beaucoup  de  se  trop  encombrer.  Le  prince  de  Broglie  et  Ségur  por- 
tent une  partie  de  leurs  équipages  avec  eux.  Ma  grosse  caisse  de 
selles- viendra  par  le  convoi.  Je  suis  désolé  d'y  avoir  mis  mes  bottes 
et  quelques  autres  choses  i|iii  tieiineiil  peu  de  place  que  j'aurais  pu 


UN    PETIT-FILS    DE    MONTESQUIEU  267 

porter  avec  moi,  mais,  j'ai  obtenu  d'emmener  mon  palefrenier  et 
d'avoir  un  cadre  dans  la  grande  chambre  ;  ainsi,  me  voilà  très  bien. 
Voilà,  mon  cher  Saint-Ghamans,  mon  histoire  de  trois  mois.  Mais, 
comme  il  faut  que  je  fasse  un  cours  complet  de  ports  de  mer,  nous 
allons  à  la  Rochelle  pour  nous  dépêtrer  du  très  nombreux  convoi 
qui  est  mouillé  à  l'île  d'Aix.  Nous  partirons  par  le  premier  vent 
favorable  ;  je  crois  que  nous  serons  sous  voile  dans  deux  ou  trois 
jours.  Nous  sommes  sur  deux  bonnes  frégates  et  nous  nous  tirerons 
bien  d'affaire.  Si,  par  hasard,  je  suis  pris,  je  profiterai  de  cette  occa- 
sion pour  voir  l'Angleterre  et  pour  ensuite  vous  aller  embrasser  à 
Calais'.  Il  faut  savoir  prendre  son  parti  sur  tout.  Mes  compagnons 
de  voyage  sont  gais  et  aimables,  surtout  Ségur  et  le  prince  de 
Broglie;  Alexandre  commence  à  s'égayer.  En  tout,  nous  avons  été 
excessivement  contrariés  depuis  trois  mois.  Il  faut  espérer  que  notre 
voyage  sera  heureux  et  que  nous  arriverons  sains  et  saufs  à  notre 
destination.  Voilà,  mon  bon  ami,  une  longue  histoire;  voici  ma  jus- 
tification de  ne  vous  avoir  point  écrit  :  premièrement,  je  n'ai  pas 
une  seule  bonne  raison  qui  puisse  excuser  mon  silence  à  votre 
égard;  ainsi,  il  faudra  que  vous  vous  contentiez  des  mauvaises  que 
voici  :  les  contrariétés  m'ont  rendu  paresseux.  J'ai  passé  la  plus 
grande  partie  de  mon  temps  àcauser  et  à  polissonuer  et  je  n'ai  pres- 
que écrit  qu'à  des  femmes.  Les  discussions  philosophiques,  les  nou- 
velles et  les  plaisanteries,  en  un  mot,  tout  ce  que  l'on  fait  pour  tuer 
le  temps,  m'ont  accoutumé  à  la  paresse.  J'espère  que  je  recouvrerai 
mon  activité  en  Amérique.  Je  vous  plains  sincèrement  d'avoir  perdu 
vos  procès  et  je  vous  plains  bien  plus  encore  de  ne  les  avoir  pas 
finis.  Ne  croyez  pas  être  le  seul  contrarié  par  l'inconséquence  du 
pays  que  vous  habitez.  Tout  est  plein  de  contradictions  :  il  faut  s'v 
endurcir  et  rire  de  tout;  j'ai  pris  ce  parti-là  et  je  m'en  trouve  bien. 
Je  dis  toujours  que  dans  le  meilleur  des  mondes  possibles  tout  est 
pour  le  mieux,  et,  à  force  de  le  dire,  je  parviens  quelquefois  à  me  le 

persuader 

Adieu,  mon  Ijon  ami,  je  vous  aime  de  tout  mon  cœur.  Alexandre 
se  porte  à  merveille,  malgré  son  air  langoureu.x  ;  nous  l'aimons  tous 
à  la  folie.  Adieu,  mon  bon  ami,  pardonnez-moi  mon  long  silence  : 
mon  cœur  n'y  avait  point  de  part,  mais  vous  savez  bien  qu'on  peut 


I.  M.  de  Saint-Chamans  était  alors  maître  de  camp  en  second  au  régiment  de 
La  Fère,  à  Calais. 

REV.    HIST.    DE    LA    RÉVOL.  IT 


258       REVUE    IIISTOniQUE   DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

aimer  ses  amis,  sans  leur  écrire  beaucoup.  J'ai  cependant  été  si  sen- 
sible a  vos  reproches  que  je  n'ai  été  content  que  lorsqu'il  m'a  été 
possible  de  trouver  un  petit  coin  de  table  pour  vous  répondre  et 
pour  vous  dire  que  je  vous  aime  de  tout  mon  cœur.  Voilà  ce  que 
c'est  que  d'être  pare.sseu.x  :  on  se  reproche  sa  paresse,  comme  si  ce 
n'était  pas  une  chose  naturelle  à  l'homme. 


La  Rochelle,  le  i3  juillet  1782. 

Adieu,  le  meilleur  des  amis  ;  je  pars  dêms  l'instant  et  je  n'ai  que 
le  temps  de  vous  dire  que  je  vous  aime  de  tout  mon  coeur. 

^Adresse  :  Monsieur  le  marquis  de  Saint-Chamans,  martre-de- 
camp  en  second  du  régiment  de  La  Fère,  à  Calais.) 


Philadelphie,  le  18  septembre  1782. 

Il  y  a  déjà  trois  jours  ',  mon  cher  Saint-Chamans,  que  je  suis  à 
Philadelphie  et  il  y  en  a  six  que  je  suis  descendu  dans  une  petite 
barque  sur  la  terre  d'Amérique,  portant  mon  bagage  en  sautoir  et 
marchant  à  pied  avec  Ségur,  le  prince  de  Broglie,  Lameth  et  tous 
les  autres  passagers.  Voici  notre  histoire  après  deux  mois  de  navi- 
gation pendant  lesquels  nous  avions  été  forcés  de  relâcher  aux 
Açores  pour  faire  de  l'eau,  après  avoir  soutenu  le  5  septembre  un 
combat  de  trois  heures  à  portée  de  la  voix  contre  un  vaisseau  de 
74.  Quand  je  dis  à  portée  de  la  voix,  c'est  au  pied  de  la  lettre,  car 
nous  nous  parlions  pour  chercher  à  nous  connaître.  Après  une 
heure  et  demie  du  combat  le  plus  vif  entre  la  Gloire  sur  laquelle 
j'étais  et  le  vaisseau  ennemi,  la  Gloire  fut  enfin  secourue  par  l'Aigle 
qui,  connaissant  mieux  que  nous  la  force  de  ce  vaisseau,  avait  tenu 
le  vent  et  nous  avait  fait  le  signal  de  le  suivre,  chose  qui  nous  eût 
fait  prendre  à  coup  sûr.  parce  que,  pour  nous  retirer,  il  eût  fallu 
prêter  la  hanche  h  tout  le  feu  d'un  vaisseau  qui,  de  la  première 
volée,  devait  nous  couler  bas.  RI.  de  Valongne,  notre  capi- 
taine, prit  son  parti  sur-le-champ  et  attaqua  le  vaisseau,  en  profi- 
tant de  la  légèreté  de  sa  frégate  pour  le  battre  toujours  de  l'avant 

I.  Monles(|uieu  arriva  à  Philadelphie  le  i5  sei>tembre. 


UN    PETIT-FILS    DE    MONTESQUIEU  25^ 

OU   de  l'arrière,  eu  ne  prêtant  le  côté  que  le  moins  qu'il  pouvait. 
Cette  manœuvre  réussit  et  nous  l'avions  déjà  fort  maltraité  quand 
YAigle  vint   à  notre  secours.  Le  combat  devint  plus  chaud    que 
jamais,  jusques  à  0   heures  du  matin  que  nous  décomTÎmes  des 
forces  supérieures  qui  nous  engagèrent  à  abandonner  le  vaisseau 
([ui  n'aurait  pas  soutenu  encore  plus  d'une  heure  de  combat,  car 
il  ne  pouvait  plus  manœuvrer,  ayant  ses  voiles  hachées  et  parais- 
sant dans  le  plus  grand  désordre.  En  voilà  assez  pour  un  épisode. 
Voici  la  suite  de  notre  histoire  :   cinq  jours  s'écoulèrent  et  nous 
étions  à  vue  de  terre  quand  nous  découvrîmes  l'escadre  anglaise 
sous  le   vent  à  nous.  Un  petit  bâtiment  de  seize  canons  vint  nous 
reconnaître  de  si  près  que  nous  lui  envoyâmes  quelques  boulets  et 
que  nous  le  prîmes  à  la  barbe  de  son  escadre.  C'est  ce  qui  causa 
nos  malheurs.  Nous  perdîmes  du  temps.  Les  vents  nous  obligeaient 
à  courir  des  bords  {sic)  et  nous  ne  pûmes  mouiller  que  le  soir  à 
portée  de  la  terre.  Malheureusement,  la  mer  était  très  grosse  ;  le 
canot  que  M.  de  Latouche,  commandant  de  l'Aigle,  avait  envoyé  à 
terre  périt  avec  les  pilotes  qu'il  avait  été  chercher,  et,  le  lendemain, 
à  la  pointe  du  jour,  nous  fûmes  obligés  de  couper  nos  câbles,  d'ap- 
pareiller sur  le  champ  et  de  donner  sans  pilote  dans  la  Delaware, 
poursuivis  par  une  escadre  anglaise  de   12  voiles  dont  plu.sieurs 
vaisseaux  de    74.  Nous  enfilâmes  la  mauvaise  passe;   nous  étions 
au  moment  d'être  joints,  quand  M.  de  Latouche  nous  cria  dans  le 
porte-voix  :  «  Quand  vous  serez  échoués,  vous  couperez  vos  mâts, 
vous  ferez  un  large  sabord  pour  faire  couler  la  frégate  et  vous  sau- 
verez, s'il  est  possible,  votre  équipage.  »  Cet  ordre  de  notre  com- 
mandant ne  fit  pas  l'impression  qu'il  aurait  dû  faire.  Notre  équi- 
page, accoutumé  à  se  battre  contre  des  vaisseaux  de  74,  fier  encore 
de  ses  succès,  dit  :  Eh  bien  !  s'il  n'y  a  que  des  frégates  qui  puissent 
venir  à  nous,  nous  les  battrons,  et  si  ce  sont  des  vaisseaux,  nous  nous 
battrons  !  Tel  est  l'hommage  que  je  dois  rendre  à  l'équipage  de  la 
Gloire.  Je  l'ai  vu,  dans  les  deux  circonstances  les  plus  périlleuses, 
conserver  cette  gaieté,  cette  bravoure  et  cette  activité  qui  caracté- 
risent la  nation    française.   Les    ennemis  craignant  de  s'échouer, 
mouillèrent  à  trois  portées  de  canon.  On  tint  conseil  de  guerre  à 
bord  de  l'Aigle  et  il  fut  décidé  que  l'on  débarquerait  sur-le-champ 
les  passagers,  ce  qui  fut  fait  tout  de  suite.  Nous  descendîmes  de  nos 
personnes  à  dix  milles  de  Dover;  on  fit  débarquer  l'argent  pendant 
la  nuit  ;  mais,  comme  on  avait  aperçu  des  chaloupes  ennemies  très 


aOo       REVUE    HISTORIQUE    UE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE   ET    DE    l'eMPIUE 

bien  armées,  on  jeta  l'argent  à  la  mer  pour  empêcher  qu'il  ne  fût 
pris.  Les  ennemis,  heureusement,  ne  débarquèrent  pas.  Nous 
repêchâmes  tout  l'argent  '  ;  nous  le  fîmes  charger  sur  des  chariots  ; 
nous  l'escortâmes  nous-mêmes  et  il  arriva  sain  et  sauf  à  Philadelphie, 
hier  à  midi.  Nous  n'avons  perdu  que  5o.ooo  écus  sur  les  deux 
millions  quatre  cent  mille  livres  que  nous  portions. 

La  frégate  la  Gloire  et  notre  prise  ont  heureusement  passé  et 
sont  mouillées  à  Philadelphie.  La  malheureuse  frégate  \' Aigle  a 
touché,  a  coupé  ses  mâts,  s'est  l'ait  couler  et  a  été  obligée  d'amener 
son  pavillon,  après  un  combat  désavantageux,  dans  lequel,  couchée 
sur  le  côté,  elle  était  labourée  de  l'avant  à  l'arrière  par  le  canon 
d'une  frégate  ennemie.  Latouche  et  tout  son  équipage  ont  été  faits 
prisonniers.  Les  Anglais  s'occupent  à  relever  la  frégate,  mais  je 
doute  qu'ils  puissent  le  faire.  J'ai  été  si  occupé  tons  ces  jours-ci 
pour  les  affaires  de  l'armée,  j'ai  été  sur  pied  nuit  et  jour,  crevant 
des  chevaux,  qu'il  m'a  été  impossible  de  mander  le  moindre  détail 
à  M""^  de  Jumilhac.  Ainsi,  faites-lui  lire  ma  lettre,  mon  bon  ami,  si 
vous  la  voyez.  Adieu,  mon  cher  Saint-Chamans.  M.  de  Vioménil 
m'envoie  à  l'armée  avec  des  dépêches  très  importantes.  Adieu,  mon 
bon  ami,  je  vous  aime  et  vous  embrasse  de  tout  mon  cœur.  Tout 
le  monde  se  porte  bien.  Une  chose  très  surprenante,  c'est  que  notre 
combat  du  5  contre  le  vaisseau  de  74  ne  nous  a  fait  perdre  que 
vingt  ou  vingt-cinq  hommes  et  qu'il  n'j  en  a  eu  que  deux  de  tués 
à  côté  de  moi  sur  la  Gloire.  Adieu,  mon  bon  ami,  je  vous  aime  de 
tout  mon  cœur. 


Au  camp  de  Crampond,  le  5  octobre  1782. 

.\h  !  quelle  foule  de  situations  différentes,  mon  bon  ami,  depuis 
que  je  ne  vous  ai  écrit.  J'ai  passé  par  toutes  les  aventures,  tem- 
pêtes, calmes,  relâches,  combats,  atterrages  ;  tout  a  été  intéressant 
et  il  y  a  eu  des  moments  propres  à  développer  l'énergie  de  l'âme. 
J'ai  couru  bien  des  hazards  depuis  trois  mois;  j'ai  vu  les  Açores  ; 

I.  Suivant  un  entrefilet  paru  dans  le  journal  Z.'.l«6e,  imprimé  autrefois  à  Troyes, 
n»  du  6  novembre  1874.  l'argent  aurait  été  coulé,  puis  repéché  par  les  soins  du 
marquis  Cbarles  de  Mac-Mahon,  oncle  du  maréchal,  président  de  la  Hépublique.  Le 
prince  de  Galles  (plus  tard  Edouard  VII)  aurait,  d'après  le  même  journal,  rappelé 
ce  fait  au  maréchal,  lors  d'une  chasse  à  Marly,  en  1874. 


UN    PETIT-FILS    DE    MONTESQUIEU  26 1 

j'ai  eu  ma  pari  d'un  combat  do  trois  heures,  à  portée  de  la  voix 
entre  deux  frégates  et  un  vaisseau  de  soixante-quatorze  canons; 
la  frégate  la  Gloiri',  sur  laquelle  j'étois,  a  <>ngagé  le  combat  à  dix 
toises  du  vaisseau  ennemi  et  lui  a  tenu  tête  toute  seule  pendant 
une  heure  un  quart.  J'ai  fait,  une  seconde  fois,  à  un  combat  de  mer 
les  fonctions  d'aide  de  camp.  Il  est  vrai  que  le  premier  n'étoit 
qu'une  plaisanterie  et  que  le  second  n'a  pas  été  aussi  chaud  qu'il 
devoit  l'être,  car  il  y  avoit  à  peu  près  cent  à  parier  contre  un  que 
nous  serions  coulés  bas  avant  la  fin  de  la  première  heure.  La  fré- 
gate V Aigle  est  venue  à  notre  secours  une  heure  un  quart  après  les 
premiers  coups  de  canon  et  nous  nous  sommes  encore  battus  pen- 
dant une  heure  trois  quarts.  J'ai  été  enchanté  de  la  bravoure  et  de 
la  gaieté  de  notre  équipage  qui  s'est  conduit  à  merveille.  Mais,  ce 
qui  vous  paroîtra  incroyable,  après  un  combat  aussi  long,  c'est  que 
nous  n'avons  eu  que  deux  hommes  tués  et  blessés  et  que  VAigle 
qui  a  commencé  plus  tard  n'a  eu  que  vingt  hommes  tués  ou  blessés. 
Deux  cents  hommes  de  morts  sur  les  deux  frégates  auroient  donné 
de  la  célébrité  k  cette  action,  qui,  quelque  extraordinaire  qu'elle 
puisse  être,  sera  condamnée  à  l'oubli.  Ce  n'étoit  pas  là  la  fin  de  nos 
aventures  ;  le  1 1  septembre,  à  6  heures  du  matin,  nous  avons  aperçu 
une  escadre  angloise  sous  le  vent  à  nous  et  sous  le  vent  du  cap  May. 
La  mouche  de  cette  escadre  qui  étoit  au  vent  s'est  trop  avancée  et 
nous  l'avons  prise.  Nous  avons  perdu  de  vue  les  ennemis  qui  cour- 
roient  la  bordée  du  large  et  nous  avons  mouillé  le  soir  k  3  lieues 
de  la  côte.  M.  de  Latouche,  commandant  des  deux  frégates,  a 
envoyé  son  canot  à  terre  pendant  la  nuit  pour  chercher  des  pilotes. 
Le  canot  a  péri  et  le  lendemain  matin,  à  la  pointe  du  jour,  nous 
nous  sommes  trouvés  au  milieu  de  l'escadre  angloise. 

Nons  avons  coupé  nos  câbles  et  appareillé  sur-le-champ  et  nous 
avons  donné  dans  la  Delaware,  sans  pilotes.  Nous  nous  sommes 
engagés  dans  la  mauvaise  passe,  toujours  poursuivis  par  les 
ennemis  ;  k  trois  heures  de  l'après-midi,  lorsqu'ils  furent  bien  sûrs 
que  nous  ne  pouvions  pas  leur  échapper,  ils  mouillèrent  k  trois 
portées  de  canon  de  nous  ;  nous  tînmes  conseil  de  guerre  k  bord 
de  V  Aigle  et  il  fut  décidé  que  l'on  mettroit  k  terre  l'argent  et  les 
passagers  des  deux  frégates. 

Nous  nous  embarquâmes  dans  le  canot,  sans  domestiques, 
n'ayant  avec  nous  que  notre  portefeuille.  On  débarqua  l'argent 
pendant  la  nuit;  mais,    le  lendemain    matin,    tandis    que   j'étois 


262       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

occupé  à  rassembler  les  chevaux  et  les  wagons  nécessaires,  il 
parut  des  chaloupes  sur  le  rivage.  M.  de  Vioménil  leur  fil  tirer  deux 
coups  de  pierrier,  les  seules  ai-mes  à  feu  que  nous  eussions,  fit 
rouler  les  barils  d'argent  dans  la  rivière,  fit  charger  400.000  livres 
en  or  sur  une  voiture  et  gagna  le  grand  chemin  qui  conduit  de 
Bilotstown  à  Philadelphie.  Quatre  heures  après,  on  lui  dit  que  les 
chaloupes  avoient  disparu  ;  il  revint  sur  le  rivage,  fit  repêcher 
l'argent  qu'on  retrouva  en  entier.  Il  arriva  quatre  jours  après  à 
Philadelphie.  Pendant  ce  tems-là,  l'Aigle  avoit  ordonné  à  la  Gloire 
et  à  notre  prise  de  tenter  le  passage  des  ba.s-fonds  ;  elles  le  firent 
avec  succès  et  mouillèrent  devant  Philadelphie,  quatre  ou  cinq  jours 
après.  Mais,  V Aigle,  qui  tiroit  plus  d'eau,  a  échoué  sur  un  banc  de 
sable,  a  coupé  ses  mâts  et  a  été  obligé  d'amener  son  pavillon.  Les 
Anglois  l'ont  relevée  et  conduite  à  New-York. 

Voilà  nos  aventures,  mon  cher  Saint-Chamans.  Le  duc  de 
Lauzuii,  le  baron  de  Vioménil,  le  marquis  de  Laval  et  tous  les 
passagers  de  V Aigle,  ont  perdu  tous  leurs  équipages  et  une  partie 
de  leurs  domestiques.  Ségur,  le  prince  de  Broglie,  Lameth  et  tous 
les  passagers  de  la  Gloire  et  moi  n'ont  rien  perdu.  Il  est  vrai  que 
je  ne  portais  qu'une  seule  malle  et  que  le  gros  ballcit  où  étaient 
mes  bottes,  mes  selles,  mes  chapeaux,  le  drap  et  les  manteaux  que 
je  porte,  ainsi  que  ma  tente  arriveront,  quand  Dieu  voudra,  par  le 
convoi.  On  n'avait  pas  voulu  me  les  embarquer  et  je  m'en  passe  k 
merveille.  J'ai  trouvé  deux  tentes  qu'on  n'avait  pas  vendues  ;  mes 
autres  effets  avaient  produit  fort  au  delà  de  ce  qu'ils  me  coûtaient 
en  France  et  j'ai  trouvé  de  l'argent  en  arrivant,  ce  qui  ne  m'a  pas 
fait  de  peine. 

J'ai  été  dépêché  de  Philadelphie  avec  les  paquets  pour  l'armée 
qui  est  campée  k  6  milles  de  West  Plains,  k  3o  milles  environ 
de  New- York.  C'est  dessous  la  toile  que  je  vous  écris.  J'ai  un  bon 
brasier  devant  ma  tente  ;  il  y  avait  déjà  de  la  glace  ce  matin.  Nous 
serons  campés  jusques  au  mois  de  novembre.  Quand  nous  serons 
en  quartier  d'hiver,  j'irai  voyager  dans  le  Sud  et  voir  les  Carolines 
et  la  Géorgie  que  je  ne  connais  pas. 

Les  Anglais  évacuent  Gharlestown.  Ils  ont  fait  dos  propositions 
de  paix  au  Congrès,  qui  a  répondu  qu'il  ne  pouvait  entendre 
aucune  proposition  sans  la  médiation  de  la  France.  Notre  petite 
armée  a  soutenu  la  bonne  opinion  qu'elle  avait  donnée  de  la  nation 
française.  J'ai  été  étonné  de  l'amitié  que  nos  alliés  ont  prise  pour 


UN    PETIT-FILS    DK    MONTESQUIEU  263 

nous.  C'est  la  première  cliose  qui  m'a  frappé  dans  la  course  rapide 
que  j'ai  faite  pour  rejoindre  l'armée. 

Mais,  pourquoi  diable  nous  envoyer  tant  d'aimaldes  de  Paris, 
justement  quand  il  n'y  a  rien  à  faire.  Dieu  veuille  qu'ils  aient  la 
sagesse  de  ne  pas  nous  faire  haïr.  On  dit  que  M.  de  Rochambeau  et 
M.  de  Chastellux  reviennent  en  France  cet  hiver.  J'en  suis  fàch6 
pour  mille  raisons,  plus  encore  pour  le  bien  de  la  chose  que  pour 
moi  personnellement  qui  leur  suis  fort  attaché. 

J'ai  été  le  premier  Français  arrivé  par  les  frégates  qui  ait  vu  le 
général  Washington.  J'ai  cru  pouvoir  passer  un  quart  d'heure  chez 
lui  avant  do  voir  M.  de  Rochambeau  à  qui  Ségur  portait  les  dé- 
pêches pressées.  Je  ne  portais  que  les  secondes.  Vous  n'avez  pas 
d'idée,  mon  bon  ami,  de  la  manière  dont  le  grand  homme  m'a  reçu. 
Il  m'a  embrassé  avec  joie  et  m'a  comblé  de  politesses.  Je  l'ai  vu 
deux  ou  trois  fois  depuis,  quoique  son  camp  soit  à  i5  milles  du 
nôtre  ;  je  l'aime  de  tout  mon  cœur,  car  je  suis  persuadé  qu'il  a  plus 
de  perfections  morales  qu'aucun  homme  au  monde. 

Adieu,  mon  bdU,  mon  ancien,  mon  tendre  ami.  Je  passerai  tout 
le  temps  que  durera  la  guerre  en  Amérique,  car  je  ne  veux  pas 
faire  tous  les  ans  S.ooo  lieues  sur  mer.  Passe  encore  de  les  faire 
par  terre.  Si  vous  voyez  M™^  de  Jumilhac  et  que  vous  croyez  ma 
lettre  lisable  et  lisible,  lisez-la-lui  ;  je  l'aime  de  tout  mon  cœur. 
Vous  pouvez  le  lui  dire 


Le  II  novembre  1782,  le  baron  de  Secondât  de  Montes- 
quieu était  nommé  niestre  de  camp  en  second  dans  le  régi- 
ment de  Bourbonnais. 

Peu  après,  le  4  février  1783,  la  paix  était  signée  entre  les 
belligérants  et  Montesquieu  rentrait  en  France  sur  VÈme- 
raude,  le  10  février  1783. 

Il  devait  mourir  lieutenant-général  des  armées  du  Roi,  le 
19  juillet  1824,  à  l'âge  de  soixante-quinze  ans^. 

Octave  Beuve. 

I.   CÉLESTE,   ouur.  cit. 


QUELQUES  DOCUMENTS  BIOGRAPHIQUES 


CONVENTIONNEL     COURTOIS 


Les  papiers  proveiiaiit  de  H.  Cmirtois  nous  permettent  de 
préciser  quelques  points  de  la  bior|rapiiie  du  conventionnel 
son  père. 

Malgré  l'étude  remarquable  de  M.  H.  Labourasse  et  diffé- 
rentes notices  éparses  çà  et  là,  la  vie  d'Edme-Bonaventure  Cour- 
tois est  encore  à  écrire.  Les  énigmes  y  abondent. 

Ces  ([uelques  noies  que  nous  livrons  aujourd'hui  ne  sont  pas 
capitales  sans  doute;  elles  complètent  cependant,  ou  confir- 
ment, certains  renseignements.  C'est  à  ce  titre  que  nous  les 
donnons. 


Parlant  des  fonctions  publiques  exercées  par  son  père, 
H.  Courtois  considère  comme  calomnieuse  l'anirmalion  que 
eelui-ci  avait  été  receveur  du  district  d'Arcis. 
Voici  en  eft'et  ce  qu'il  écrivait  vers  i845-i85o  : 
«  J'ai  éprouvé  un  sentiment  pénible  en  voyant  encore  exhu- 
mer de  la  tombe  la  mémoire  de  mon  père.  Je  crois  remplir  un 
devoir  sacré  en  vous  demandant  la  rectification  des  erreurs 
calomnieuses  insérées  dans  la  notice  historique  et  biographique 
du  dép'  de  l'.Vube  où  mon  père  est  né.  Il  n'est  pas  à  ma  con- 
naissance qu'il  ait  été  receveur  du   district.   Il   habitait  .Vrcis- 


DOCUMENTS    BIOGR.il'HIQUES    StR    LE    CONVENTIONNEL    COURTOIS       203 

sur-Aube  où  il  faisait  un  commerce  considérable  avec  les  hô- 
pitaux de  Paris  dont  il  était  fournisseur.  Mon  père  était  fils 
unit[ue,  avait  de  la  fortune  de  son  patrimoine  ;  il  ne  s'est  pas 
enrichi  dans  les  alï'aires  de  la  Révolution  qui  lui  a  été  fort  pré- 
judiciable. D'infâmes  calomnies  ont  été  répandues  à  ce  sujet, 
et  quand  il  s'est  retiré  dans  sa  campagne  de  Piembluzin  la  mo- 
dicité de  sa  fortune  en  a  fait  justice.  » 

Or,  H.  Courtois  était-ii  de  bonne  foi  en  écrivant  cela?  La 
question  peut  se  poser,  car  dans  ses  papiers  nous  avons  re- 
trouvé un  «  Bordereau  pour  comptes  entre  les  citoyens  Courtois 
et  Menuël  relativement  aux  recettes  et  dépenses  faites  par  le 
premier  sur  toutes  les  parties  en  sa  qualité  de  receveur  du  dis- 
trict d'Arcis  ».  Ce  Bordereau,  signé  «  Courtois  »,  a  été  fait  et 
arrêté  le  7  novembre  1792. 

Nous  y  avons  également  retrouvé  une  pièce  qui  prouve 
qu'avant  1789  Courtois  ne  s'occupait  pas  uniquement  de  son 
commerce  de  boissellerie. 

L'an  mil  sept  cent  quatre-vingt-quatre,  le  dix  août  sur  les  cinq 
heures  de  relevée  en  l'hôtel  et  pardevantnous  Nicolas-Jean-Baptisle 
Vernier  et  Pierre-François-RollanJ  Gueslon,  Conseillers  du  Roy, 
Juge  garde  do  la  Monnoye  de  Troyes,  assisté  de  notre  Greffier  ordi- 
naire. 

Est  comparu  Edme-Bonaventure  Courtois  négociant  demeurant  à 
Arcis-sur-Aube. 

Lequel  nous  a  dit  que  par  arrêt  de  la  Cour  des  Monnoyes  en  datte 
du  premier  mai  mil  sept  cent  quatre  vingt  quatre,  collationné,  con- 
trollé  et  signé  par  la  cour  des  Monnoyes  Gueudré  avec  grille  et  pa- 
raphe ;  il  a  été  commis  pour  remplir  par  commission  le  change  k  la 
Résidence  d'Arcis  à  la  charge  par  lui  de  tenir  registre  des  espèces 
et  matières  d'or  et  d'argent  qui  seront  apportées  à  son  change  et  de 
faire  vérifier  les  poids  et  balances  pardevant  nous.  Et  comme  il  dé- 
sirerait faire  les  fonctions  de  laditte  commission,  il  requiert  qu'il 
nous  plaise  ordonner  que  le  dit  arrêt  sera  enregistré  en  notre  greffe 
pour  être  exécuté  selon  la  forme  et  teneur  aux  ofTres  qu'il  fait  de 
prêter  serment  aux  cas  requis  et  accoutumés  et  ordonne  que  les  ba- 
lances et  poids  consistans  en  quatre  marcs  seront  par  nous  vérifiés 
et  que  son  registre  sera  par  nous  cotte  et  paraphé  pour  par  lui  faire 


266       REVUE   HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'e5IPIRE 

les  fonctions  de  ladittc  commission  conformément  audit  ordre.  Sur 
laquelle  réquisition  faisant  droit 

Courtois  fut  donc  dès  1784  changeur  à  Arcis-sur-Aube,  et, 
vers  1790-1791,  receveur  du  district. 


Nous  possédons  également  une  pièce  se  rapportant  à  la  mis- 
sion de  Courtois  représentant  à  l'armée  du  Nord  et  des  Ar- 
dennes.  C'est  une  lettre  de  Custine  du  i3  juin  1798  relative  à 
l'approvisionnement  des  places. 

Cambrai  le  i3  juin  i7()3,  l'an  3"  de  la  Rqiublique  française. 

Le  général  Castine  aux  citoyens  représen/ans  du  Peuple. 

J'ai  ordonné  citoyens  k  l'ordonnateur  en  chef  de  l'armée  d'appro- 
visionner toutes  les  places  frontières  sans  aucun  retard  et  d'y  faire 
verser  les  fonds  nécessaires  pour  assurer  la  subsistance  des  troupes 
et  les  ouvrages  de  fortification. 

L'ordonnateur  m'a  répondu  qu'il  avait  donné  les  ordres  les  plus 
précis  AUX  administrations  pour  l'approvisionnement  des  places  que 
je  lui  ai  indiquées,  que  journellement  il  les  pressait  pour  les  faire 
effectuer  et  que  les  administrateurs  auprès  de  lui  en  étaient  empêchés 
à  deffaut  de  fonds. 

11  est  instant,  citoyens  représentans  que  vous  vous  fassiez  reudre 
compte  par  l'ordonnateur  du  besoin  des  places  et  que  vous  lui  pres- 
criviez de  faire  completter  les  approvisionnemens  en  toute  espèce  de 
subsistances,  ce  sans  aucun  retard. 

Le  général  en  chef  des  armées  du  Nord  et  des  Ardenncs. 

Custine. 

Voici  la  minute  de  la  réponse  que  firent  à  Custine  les  repré- 
sentants Hollet,  Belfroy,  ...  et  Courtois.  Cette  minute  paraît 
être  de  la  main  de  ce  dernier. 

Aussitôt  la  réception,  citoïen  général,  de  la  lettre  que  vous  nous 
avez  adressée  ce  matin,  nous  avons  donné  l'ordre  au  commissaire 
général  de  nous  rendre  compte  dans  le  jour  de  l'approvisionnement 


DOCUMENTS    BIOGRAPHIQUES    SUR    LE    CONVENTIlINNEL    COURTOIS       2O7 

(les  places  dans  tous  les  genres  d'objets  de  consommation.  Vous 
trouverez  ci-jointe  la  copie  de  notre  lettre. 

Déjk  nous  avons  senti  combien  l'abondance  dans  les  places  me- 
nacées pourrait  servir  la  chose  publique  eu  nous  mettant  à  même  de 
profiter  des  vains  efforts  par  lesquels  l'ennemi  se  consumerait,  pour 
nous  instruire,  nous  organiser,  nous  (lisci])liner,  nousaguériret  nous 
mettre  en  état  de  le  battre.  Nous  avions  déjà  demaadé  des  états,  mais 
ils  n'étaient  que  partiels  et  nous  n'avons  pu  sur  ces  apparences 
nous  déterminer  à  aucun  parti.  L'excessive  cherté  de  tous  les  objets 
nous  effraye  d'ailleurs  assez  pour  que  nous  y  regardions  à  deux  fois; 
mais  les  circonstances  devenant  plus  pressantes  chaque  jour,  nous  ne 
différerons  plus,  nous  ne  mettons  pas  en  balance  l'intérêt  pécuniaire 
avec  celui  de  la  liberté  et  de  la  victoire.  Nous  croyons  que  ce 
serait  risquer  un  trop  long  tems  que  d'attendre  des  décisions  de  Paris 
et  nous  autoriserons  dès  aujourd'hui  quelques  marchés  qui  procure- 
ront au  moins  des  ressources  promptes  et  sûres  en  différons  genres. 

Ce  qui  a  attiré  notre  attention  sur  celte  correspondance,  c'est 
ce  fait  que  l'ordonnateur  en  ciief  de  l'armée,  dont  il  s'agit  ici, 
était  aloi's  Petiljean.  Relâché  après  une  première  arrestation 
pour  malversations,  celui-ci  comparut  à  nouveau  sous  le  mê- 
me chef  d'accusation  devant  le  tribunal  révolutionnaire  et  fut 
condamné  à  mort  le  i8  floréal  II.  Or  ce  Petitjean  intéressait  sû- 
rement Courtois,  car  parmi  les  papiers  de  ce  dernier  se  trouve 
une  copie  d'un  mémoire  justificatif  présenté  par  l'ordonnateur 
en  chef,  mémoire  dont  une  autre  copie  se  retrouve  au  dossier 
Petiljean  aux  A.  N.,  W.  36o. 

Il  faut  également  rappeler  ici  que  parmi  ces  mêmes  papiers 
se  trouve  toute  une  liasse  de  la  comptabilité  de  Perrin,  four- 
nisseur aux  armées.  Ce  Perrin  était  allié  à  Courtois,  comme 
lui  étaient  aussi  alliés  deux  autres  fournisseurs  aux  armées, 
condamnés  à  mort  le  26  prairial  an  II,  Ruinet  et  Lorcet. 

Il  semble  que  de  tout  cela  on  peut  conclure  que  Courtois, 
par  lui-même  ou  par  les  siens,  eut  des  intérêts  dans  l'appro- 
visionnement des  armées  et  que  le  procès  de  Petitjean,  en  par- 
ticulier, ne  le  laissa  pas  indifférent. 


200       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE  L  EMPIRE 

En  vendomiaire  an  IV,  Courtois  reçut  la  lettre  suivante  : 

Aire  le  23  vendémiaire,  4*^  aimée  républicaine. 
LIBERTÉ,     ÉGALITÉ.    FRATERNITÉ 

Daval  président  de  l'assemblée  électorale,  département  de  pas  de 
Calais,  Au  citoyen  Courtois  membre  de  la  convention  nationale. 

Citoven. 

Je  m'empresse  de  vous  informer  que  l'assembli'e  électorale  du 
département  du  pas  de  Calais  vous  a  élu  au  nombre  des  vingt  sept 
qui  composent  sa  liste  supplémentaire  pour  les  doux  tiers  desrepré- 
sentans  qui  doivent  être  du  Corps  Législatif. 

C_v  joint  est  l'e-xtrait  du  procès  verbal  qui  le  constate,  certiCé, 
comme  il  est  réglé  par  l'art.  6  de  la  loi  du  lo  Vendémiaire  et  l'art.  4 
de  celle  insérée  au  Bullcliii  du  i5  du  même  mois. 

Salut  et  fraternité. 

DuVAL. 


II  est  une  fonction  publique,  à  laquelle  fut  appelé  Courtois, 
dont  il  n'a  jamais  été  parlé,  du  moins  à  notre  connaissance  : 
celle  de  consul  de  la  République  française  à  la  Corogne. 

Le  fait  cependant  est  indéniable. 

Par  arrêté  du  Directoire  exécutif  du  0  prairial  an  V  :  «  Le 
citoyen  Courtois  est  nommé  au  consulat  de  la  Corogne.  Son 
traitement  annuel  est  fixé  à  quatre  mille  cinq  cent  livres.  « 

En  lui  transmettant  cette  nomination,  le  niinistredes  Relations 
extérieures,  Cli.  Delacroix,  lui  adressait  le  12  prairial  une  lettre 
très  élogieuse,  tellement  élogieuse  qu'on  se  demande  quel  in- 
térêt le  Directoire  avait  à  éloigner  Courtois  des  Anciens. 

Au  citoyen  ('ourtois,  consul  de  la  Répiibli(/iie  française 
à  la  Coroyne. 

L'hoiniiu'  qui,  pendant  sa  mission  législative,  a  su  si  bien  justifier 
la  confiance  de  la  nation,  méritait,  Citoven,  toute  celle  du  Gouver- 


DOCUMENTS    BIOGRAPHIQUES    SUR    LE    CONVTNTIONNEL    COURTOIS       269 

iiement.  Le  Directoire  exécutif  vous  remet  aujourd'hui  l'honorable 
soin  (le  protéger  à  la  Corogne  le  commerce  des  Français;  il  a  pensé 
que,  pendant  l'exercice  de  vos  fonctions,  ce  commerce  pourrait  ac- 
quérir plus  d'importance  et  d'étendue,  par  les  renseignemens  pré- 
cieux que  vous  pourriez  transmettre  du  lieu  de  votre  résidence;  et 
il  a  senti  que  la  République  serait  dignement  représentée  par  un 
de  ses  fondateurs  et  de  ses  sincères  amis. 

Salut  et  fraternité. 
Ch.  Delacroix. 

Courtois  fut-il  flatté  de  sa  nomination?  Il  est  difficile  de  le 
savoir.  En  tous  cas,  Delacroix  crut  bon  de  le  stimuler  à  nouveau 
le  24  messidor. 

Je  vous  adresse,  citoyen,  la  commission  de  la  place  de  consul  à 
Inquelle  vous  avez  été  appelé  par  arrêté  du  6  Prairial. 

La  protection  constante  dont  les  navigateurs  et  les  négocians  de 
la  République  ont  besoin  dans  les  ports  étrangers  exige  que  vous 
vous  rendiez  incessamment  à  la  Corogne,  d'où  le  C'"  Févelat  partii'a 
bientôt  pour  se  rendre  à  Carthagëne. 

Vous  voudrez  bien,  citoyen,  m'accuser  réception  de  la  commission 
ci-jointe,  et  me  faire  connaître  l'époque  de  votre  départ. 

Salut  et  fraternité  ^ 

Ch.  Delacroix. 

Courtois  ne  se  pressa  sans  doute  pas.  Aussi,  le  7  fructidor, 
nouveau  rappel  du  ministre  qui  était  alors  Talleyrand. 

Le  bien  du  service  exige,  citoyen,  que  vous  vous  rendiez  le  plutôt 
possible  au  nouveau  poste  où  vous  a  appelé  la  confiance  du  Direc- 
toire exécutif  et  le  citoyen  Févelat,  votre  prédécesseur  au  consulat 
de  la  Corogne,  n'attend  que  le  moment  de  votre  arrivée  pour  passer 
sans  délai  à  Carthagène,  où  sa  présence  est  des  plus  nécessaires. 

Je  vous  prie,  citoj-en,  de  m'indiquer  le  jour  où  vous  pourrez  vous 
rendre  à  vos  importantes  fonctions,  afin  que  j'avise  aux  moyens  de 
hâter  le  remplacement  de  l'e.x-consul  de  Carthagène. 

Courtois  se  décida-t-il  à  devenir  consul  à  la  Corogne?  Nous 
l'ignorons,  mais  cela  paraît  vraisemblable  ;  plusieurs  pièces 


270       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

relatives  à  l'administralion  consulaire  de  la  Corogne  se  trou- 
vent en  effet  dans  ses  papiers.  Notons  cependant  que  toutes 
sont  antérieures  au  i3  messidor  an  V. 


Voici,  pour  terminer,  deux  brouillons  de  lettres  du  conven- 
tionnel exilé  en  Belgique,  en  18 16,  fin  mai  probablement  : 


M.  le  Gouverneur. 

Je  m'applaudissais  depuis  quelques  jours  d'avoir  choisi  Namur 
pour  y  fixer  ma  résidence,  lorsque  j'ai  reçu  l'ordre  de  M.  le  com- 
missaire de  police,  non  seulement  de  quitter  cette  ville  mais  même 
la  Flandre  et  le  Hainaut,  pour  me  retirer,  si  bon  me  semblait,  dans 
le  Brabant  ;  que  tels  étaient  les  ordres  émanés  de  sa  Majesté  le  Roi 
de  Hollande  et  des  Pays  Bas.  Personne,  M.  le  Gouverneur,  n'est  plus 
disposé  que  moi  à  obtempérer,  sans  délai,  à  des  ordres  aussi  pres- 
sants ;  mais  telle  est  la  gravité  de  la  maladie  dont  je  suis  atteint  en 
ce  moment  qu'il  me  .serait  impossible,  avec  la  voiture  la  plus  douce, 
de  me  pouvoir  transporter  audelà  de  3  à  4  lieues  sans  que  ma  santé 
on  fut  altérée  au  point  de  me  replonger  dans  un  état  encore  plus 
fâcheux  que  celui  dont  je  viens  tout  récemment  d'éprouver  les  tristes 
effets.  Si  le  certificat  que  je  joins  à  ma  pétition  vous  trace  fidèlement 
au  dehors  l'état  de  mon  physique  délabré,  il  est  loin  de  vous  peindre 
les  douleurs  et  les  souffrances  dont  je  suis  presque  sans  relâche  la 
malheureuse  victime.  Il  y  a  M.  le  Gouverneur,  deux  mois  que  je 
suis  à  Namur;  j'ose  vous  protester  que  je  n'y  ai  pas  joui  pendant 
deux  jouis  de  suite  dun  bien  être  qui  me  laissât  l'ospoir  d'un  avenir 
plus  heureux. 

J'ose  donc,  M.  le  Gouverneur,  au  nom  de  l'humanité,  au  nom  de 
la  longue  série  de  malheurs  qui  n'ont  que  trop  pesé  sur  moi,  vous 
supplier  de  m'obtenir  de  la  bienveillance  de  SaMajesté,  une  excep- 
tion pour  rester  à  Namur.  Cette  faveur  ne  peut  tirer  k  conséquence 
quand  il  est  question  du  salut  d'un  père  de  famille  infirme  et  âgé 
do  62  ans  dont  les  goûts  paisibles  (uit  prouvé  jusqu'ici  que  l'obscu- 
rité la  i>lus  prnfondo  était  son  xérilalilo  élément.  La  looturo  de  quoi- 


DOCUMENTS    BIOGRAPHIQUES    SUR    LE    CONVENTIONNEL    COURTOIS       27 1 

ques  livres  choisis,  la  société  peu  fréquente  de  deux  ou  trois  amis 
dont  les  principes  et  le  dévouement  au  régime  actuel  sont  connus, 
telles  sont  les  jouissances  avec  lesquelles  il  cherche  à  faire  diversion 
aux  chagrins  qui  le  dévorent  quelquefois  quand  il  songe  aux  pertes 
irréparables  qu'il  a  éprouvées  et  dont  il  trouve  en  quelque  sorte  le 
dédommagement  sur  cette  terre  hospitalière  dont  Sa  Majesté  et  les 
i^"  fonctionnaires  publics  qu'il  a  choisis  pour  le  représenter  ont  fait, 
à  l'aide  d'un  gouvernement  vraiment  paternel,  un  séjour  de  paix 
et  de  bonheur. 


M^ 

M.  votre  frère  m'a  remis  hier  chez  M.  Bloq  où  nous  dînions  en 
petite  société,  votre  lettre  qui  m'a  fait  un  plaisir  que  je  ne  puis 
vraiment  exprimer.  Ma  chère  fille,  accompagnée  de  ma  belle  sœur, 
vient  d'arriver  et  aussitôt  que  j'aurai  la  permission  d'aller  à  Bru- 
xelles, que  le  brave  g'*'  Even  sollicite  en  ma  faveur,  rien  ne  retardera 
mon  départ.  Dans  le  cas  où  le  permis  ne  viendrait  pas  assez  vite, 
je  tâcherai  d'obtenir  de  cet  excellent  homme,  une  apostille  k  mon 
passeport  qui  me  mette  à  même  d'y  aller  pour  cause  de  santé.  Je 
ne  pense  pas  qu'il  refuse  une  demande  aussi  juste. 

Depuis  qu'on  sait  ici,  M ,  l'accueil  distingué  quemefaitM.  le 

g^'  Even  et  que  je  partage  quelquefois  les  honneurs  de  sa  table, 
vous  ne  sauriez  croire  combien  mes  actions  ont  augmenté.  Cette 
bienveillance  de  sa  part  a  produit  un  assez  bon  effet  en  ce  qu'elle 
a  fait  taire  tous  ces  clabaudeurs  dont  les  petites  villes  fourmillent 
et  qu'on  voit  toujours  prêts,  dans  le  malheur,  à  vous  donner  le  coup 
de  pied  de  l'âne. 

Ma  chère  fille,  qui  se  montre  ainsi  que  moi  sensible  à  tout  ce 
que  votre  amitié  vous  inspire  en  notre  faveur,  me  charge  de  vous 
prévenir  qu'elle  a  mis  à  votre  adresse  une  petite  caisse  qui  renferme 
deux  tableaux  que  je  lui  avais  dit  de  me  faire  passer.  Veuillez  bien, 
M...,  en  rembourser  le  port  qui  vous  sera  remis  avec  exactitude. 
Quant  aux  deux  malles  de  livres,  je  ne  pense  pas  qu'elles  vous 
parviennent  sitôt  ;  la  crainte  de  quelque  inquisition  à  la  frontière 
m'a  fait  retarder  l'envoi. 

Que  contenaient  ces  caisses?  Probablement  des  livres  pré- 
cieux et  des  papiers  que  la  police  aurait  eu  intérêt  à  saisir. 


272       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA   RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

Plus  lard,  H.  Courtois  f'erarevenir  plusieurs  ouvrages  en  dépôt 
en  Belgique.  Plus  tard  aussi,  son  frère  Auguste  cherchera  à 
faire  argent,  toujours  en  Belgique,  de  documents  très  impor- 
tants, disait-il.  Il  est  probable  que  ces  documents  provenaient 
de  ces  deux  caisses  et  que,  parmi  eux,  se  trouvaient  les  lettres 
que  le  comte  de  Provence  aurait  adressées  à  FavTas. 

Nous  reviendrons  sur  cette  correspondance  Favras  pour 
examiner  les  affirmations  produites  à  leur  sujet  par  H.  Cour- 
tois. 

P.-M.    Favret. 


LES  VICAIRES  GÉNÉRAUX  DE  PARIS 

ET 

LE  SERMENT  CONSTITUTIONNEL 

EN    JANVIER   1791 


Le  26  novembre  1790,  Voidel,  au  nom  des  Comités  d'aliéna- 
tion, ecclésiastique,  des  rapports  et  des  recherches  réunis, 
présentait  à  l'Assemblée  constituante  un  long  rapport,  suivi 
d'un  projet  de  décret,  sur  l'application  de  la  constitution 
civile  du  clergé.  Le  décret  fut  voté  le  lendemain,  27  novembre, 
après  quelques  remaniements  du  texte.  Aux  termes  de  ce 
décret,  «  les  évèques,  ci-devant  archevêques,  les  curés  con- 
servés en  fonctions,  étaient  tenus  de  prêter  le  serment  auquel 
ils  étaient  assujettis  par  l'article  3o  du  décret  du  24  juillet 
dernier...  En  conséquence,  ils  devaient  jurer  de  veiller  avec 
soin  sur  les  fidèles  du  diocèse,  de  la  paroisse  qui  leur  était 
confié,  d'être  fidèles  à  la  nation,  à  la  loi  et  au  roi,  et  de  main- 
tenir de  tout  leur  pouvoir  la  constitution  décrétée  par  l'As- 
semblée nationale  et  acceptée  par  le  roi,  savoir  :  ceux  qui 
étaient  actuellement  dans  leur  diocèse  ou  dans  leurs  cures, 
dans  la  huitaine;  ceux  qui  en  étaient  absents,  mais  qui  étaient 
en  France,  dans  un  mois;  et  ceux  qui  étaient  en  pays  étran- 
ger, dans  deux  mois ».  Les  vicaires  des  évê(]ues   étaient 

tenus  de  faire,  dans  le  même  délai,  «  le  serment  de  remplir 
leurs  fonctions  avec  exactitude,  d'être  fidèles  à  la  nation,  à  la 
loi  et  au  roi,  et  de  maintenir  de  tout  leur  pouvoir  la  consti- 


LA    REVOL. 


274       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

tuiion  décrétée  par  l'Assenibiée  nationale  et  acceptée  par  le 
roi  ».  Le  serment  devait  avoir  lieu  «  un  jour  de  dimanche,  à 
l'issue  de  la  messe  ».  Les  intéressés  devaient  enfin  «  faire  par 
écrit,  au  moins  deux  jours  d'avance,  leur  déclaration  au  grefle 
de  la  municipalité,  de  leur  intention  de  prêter  le  serment,  et 
se  concerter  avec  le  maire  pour  en  arrêter  le  jour  ».  Tout  ré- 
fractaire  serait  «  réputé  avoir  renoncé  à  son  office  »  et  il  devait 
être  «  pourvu  à  son  remplacement  comme  en  cas  de  vacance 
par  démission  ». 

L'Eijlise  de  Paris  était  alors  sans  direction  épiscopale. 
Voidel,  dans  son  rapport,  avait  fait  remarquer  que  c'était 
«  du  fond  de  la  Savoie  que  depuis  un  an  M.  l'évèque  métropo- 
litain de  Paris  veillait  sur  son  diocèse  ».  En  effet,  émigré 
depuis  le  mois  d'octobre  1789,  l'archevêque  de  Paris,  Leclerc 
de  Juigné,  s'était  installé  à  Chambéry.  Le  i4  avril  1790,  il 
avait  écrit  au  président  de  l'Assemblée  constituante  pour  lui 
annoncer  son  intention  de  rentrer  en  France  et  de  prêter  le 
serment  civique.  Mais  il  s'en  était  tenu  là,  et  sa  promesse 
n'avait  été  suivie  d'aucun  acte. 

Quand,  le  27  novembre,  fut  voté  le  décret  présenté  pai' 
Voidel,  les  vicaires  généraux  qui  administraient  le  diocèse  en 
l'absence  de  l'archevêque  '  adressèrent  à  leur  pasteur  la  lettre 
suivante  : 

Lettre  de  MM.  les  vicaires  généraux  à  ,1/s'  l'Arclievèque. 

iM. 

Vous  êtes  instruit  sans  doute  des  décrets  que  l'Assemblée 
Nationale  a  rendus  contre  le  Clergé  le  27  de  ce  mois.  D'après 
leur  teneur,  les  vicaires  des  Evèques,  et  tous  les  Ecclésiastiques 
fonctionnaires  publics,  sont  obligés  de  prêter  le  serment  prescrit, 
dans  la  huitaine,  à  compter  du  jour  de  la  publication.  (Quoique 
nous    lie    soyons    pas   vicaires  selon   la   nouvelle    organisation,    il 


I.  Voici,  d'apixs  VAlnianacIt  lioyal  poui'  l'annie  iji/',  les  mims  îles  huit  vicaires 
g.iiéraux  alors  eu  fonctions  :  MM.  Olievreuil,  Asseline,  D'Argent,  Do  Dampierre, 
Du  tioisbasset,  De  Floirac,  Malvaux  et  De  La  Bintiuaye. 


LES    VICAIRES    GÉNÉRAUX    DE    l'ARIS  ET  LE  SERMENT  CONSTITUTIONNEL    2-jb 

paroîtroit  assez  que,  comme  fonctionnaires  publics  au  moins  provi- 
soires, nous  sommes  dans  le  cas  de  prêter  le  dit  serment. 

Nous  espérons  que  la  grâce  de  Dieu  nous  soutiendra  et  ne 
permettra  pas  que  nous  manquions  aux  lumières  de  notre  cons- 
cience. Nous  connoissons  assez  vos  vertus  et  votre  façon  de  penser, 
pour  ne  pas  douter  de  votre  attachement  aux  vrais  principes.  Nous 
osons  prendre  la  liberté  de  vous  dire  que  peut-être  nous  aurions 
désiré  que  déjà  vous  l'eussiez  fait  connoître  à  votre  Diocèse,  au 
moins  par  votre  adhésion  à  la  Déclaration  de  la  Minorité  de  l'As- 
semblée et  aux  conclusions  de  votre  Chapitre.  Il  ne  nous  appartient 
pas  d'approfondir  les  raisons  qui  vous  ont  empêché  de  le  faire 
d'une  manière  publique  et  notoire. 

Mais  dans  ce  moment-ci  nous  sommes  forcés  de  prendre  un 
parti.  Si  nous  nous  conformons  aux  Décrets,  nous  sommes  prévari- 
cateurs. Si  non,  nous  sommes  exposés  à  faire  des  actes  extérieurs, 
qui  seront  inutiles  et  nuls  aux  yeux  de  la  Loi  dominante,  puisque 
le  refus  de  prêter  le  serment,  selon  le  texte  du  Décret,  emporte 
ipso  facto  la  renonciation  à  nos  fonctions. 

Nous  sommes,  Monseigneur,  vos  représentans.  Des  mandataires 
ne  doivent  agir  que  d'après  les  intentions,  non  pas  seulement  inter- 
prétées, mais  claires  et  connues,  de  leur  commettant. 

C'est  à  vous,  Monseigneur,  à  nous  diriger.  Nous  vous  conjurons 
seulement  d'observer  qu'il  nous  seroit  impossible  de  continuer  nos 
fonctions,  si  vous  ne  vous  déterminiez  à  déclarer  publiquement  et 
solennellement,  à  l'exemple  de  nombre  d'Evêques  de  france,  que 
vous  exercerez  à  l'ordinaire,  dans  votre  Diocèse,  toute  la  jurisdic- 
lion  dont  vous  êtes  revêtu,  et  que  vous  n'adopterez  aucun  change- 
ment sans  l'intervention  de  la  puissance  ecclésiastique. 

Vous  comprenez  combien  nous  serions  sensiblement  affligés 
d'abandonner  l'Eglise  de  Paris  dans  des  conjonctures  aussi  critiques. 
Mais,  outre  que  nous  serions  traduits  comme  perturbateurs  de 
l'ordre  public,  nous  exposerions  les  fidèles  à  recevoir  de  nous, 
dans  le  for  extérieur,  des  actes  que  les  Décrets  frappent  de  nul- 
lité. 

M.  L'offîcial'  se  trouve,  par  sa  [dace  de  Député,  dans  une  cir- 
constance particulière  et  des  plus  pressantes,  qui  exige  de  vous 
une  prompte  réponse. 

I.  L'abbé  Chevreuil.  —  C.  V. 


276       REVLE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

Nous  partageons  l)ien  siiicèromont  toutes  les  peines  que  vous 
avez  éprouvées  et  celles  que  votre  cœur  ressent  à  présent.  Nous  fai- 
sons les  vœux  les  plus  ardens  pour  que  Dieu  conserve  votre  santé, 
qui  devient  de  plus  en  plus  précieuse  pour  le  bien  de  l'Eglise  de 
Paris  et  de  la  Religion.  Nous  vous  prions  d'agréer  l'homniage  de 
notre  tendre  attachement  et  du  profond  respect  avec  lequel  nous 
sommes...  etc.  ' 

Nous  ignorons  quelle  fut  la  réponse  de  l'Archevêque  à  ses 
vicaires  généraux.  Nous  savons  seulement,  par  le  Journal 
ecclésiastique  de  janvier  1791,  qu'il  joignit  sa  protestation  à 
celle  de  la  plupart  des  autres  évêques  de  France  contre  le 
serment  civique. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'incertitude  des  vicaires  générau.x  ne 
s'apaisa  point,  ils  ont  laissé  eux-mêmes,  dans  un  exposé  qui 
semble  avoir  été  rédigé  vers  la  lin  du  mois  de  janvier  1791, 
un  récit  très  détaillé  et  ti'ès  curieux  de  leurs  hésitations,  de 
leurs  délibérations,  de  leurs  divergences  de  vues,  des  conver- 
sations engagées  entre  eux  et  la  municipalité  de  Paris  à  celte 
occasion,  et  enfin  un  tableau  des  raisons  qui  dictèrent  la 
conduite  de  chacun  d'eux.  Ce  texte,  qui  éclaire  si  nettement 
les  débats  de  ces  heures  difficiles,  paraît  avoir  échappé  jusqu'à 
ce  jour  à  l'attention  des  historiens  de  la  Révolution.  Le  voici, 
reproduit  intégralement  : 

Exposé  de  lu  conduite  des  vicaires  (jénérnax  de  Paris  relativement 
à  la  cessatioit  de  leurs  Jonctions,  et  à  lu  reprise  des  mêmes  Jonc- 
tions par  t/uelques-iins  d'entre  eux. 

La  prestation  tlu  serment  prescrit  par  le  di'cret  du  26  X''"  1790 
ayant  été  fi.xée  par  la  municipalité  de  Paris  au  neuf  janvier 
1791,  les  vicaires  généraux  convinrent  de  cesser  leurs  fonctions  le  11 
dud.  mois  de  janvier,  terme  fatal  marqué  par  le  ilécret',  et  d'infor- 
mer par  voye  de  prudence  et  de  sage.sse,  sans  entrer  dans  aucune 


i.  Bibl.  nat.,  Mss.,  .Noiiv.  acq.  l'r.,  2730. 

2.  Le  décret  n'ayant  iHé  publié  que  le  a  janvier,  le  délai   de  huit  jours  lixé  pour 
la  prestation  du  serment  e.\|)irail  le  10  au  soir.  —  C.  \'. 


LES    VICAIRES    GENKRAUX    DE   PARIS  ET  LE  SERMENT  CONSTITUTIONNEL    277 

explication,   la  (lommune  do  leur  résolution,   nfin  <le  prt'vcnir    le 
trouble  que  l'on  voudroit  imputer  a  l'interruption  de  leur  service. 

Deux  d'entre  eux  demeurants  a  l'archevêché  reçurent  le  5  dud. 
mois  de  janvier  la  visite  de  M.  de  Joly,  secrétaire  de  la  commune, 
qui  venoit  signifier  à  M.  l'archevêque  de  se  trouver  le  9  à  Notre- 
Dame  pour  y  prêter  son  serment  devant  M.  le  Maire.  Ils  crurent 
devoir  profiter  de  l'occasion  pour  demander  s'ils  pouvoient,  quoi- 
que non  assermentés,  continuer,  après  le  10,  leurs  fonctions,  sans 
être  regardes  comme  perturbateurs  de  l'ordre  public.  M.  de  Joly 
observa  que  les  vicaires  généraux  ne  formant  qu'une  personne  avec 
M.  l'archevêque,  lequel  par  son  absence  hors  du  royaume  avoit 
deux  mois  pour  prêter  le  serment,  ses  représentans  dévoient  béné- 
ficier du  même  délais  ;  qu'en  conséquence  il  estimoit  qu'ils 
pouvoient  exercer  en  pleine  liberté,  que  néanmoins  il  consulteroit 
sur  ce  point  délicat,  le  lendemain  6,  le  conseil  de  la  commune, 
et  que  le  7  il  rendroit  une  réponse  précise  ;  il  la  rendit  verbalement, 
et  elle  se  réduisit  à  dire  que  les  vicaires  généraux  qui  ne  prête- 
roient  pas  le  serment,  seroient  considérés  comme  ayant  renoncé  à 
leurs  fonctions. 

Le  mardi  11,  M.  de  Joly  revint  à  l'archevêché  pour  requérir 
M.  l'archevêque  de  procéder  dans  les  24  heures  à  l'organisation  de 
l'Eglise  métropolitaine  et  à  la  réunion  des  paroisses  à  cette  Eglise, 
quoiqu'il  y  eut  une  affiche  de  la  municipalité  qui  prorogcoit  la 
prostation  du  serment  jusqu'au  dimanche  16'. 

Le  lendemain  12,  I\L  de  Joly  se  transporta  encore  k  l'archevêché 
et  requit  légalement  l'un  des  vicaires  généraux  qu'il  trouva,  de 
déclarer  si  le  secrétariat  étoit  fermé  et  si  les  vicaires  généraux 
avoient  ces'sé  leurs  fonctions.  Le  vicaire  général  répondit  et  signa 
que  le  secrétariat  étoit  fermé,  et  que  les  vicaires  généraux  avoient 
cessé  leurs  fonctions,  mais  qu'ils  étoient  disposés  à  les  reprendre, 
dès  qu'ils  y  seroient  nu/horisé.t  par  un  décret  de  l'Assemblée  Natio- 
nale. 

La  Commune  arrêta  le  i3  une  adresse  k  l'A.ssemblée  Nationale 
pour  organiser  l'Eglise  Métropolitaine.  Cette  adresse  fut  décrétée 
le  i4,  et  le  16  les  curés  de  la  Madeleine  en  la  Cité  et  de  la  Basse 

I.  Cette  afficlie  expliquail  que  le  délai  pour  la  prestation  ilu  serment  expirant  le 
10  janvier,  c'est-à-dire  un  lundi,  il  devait  en  réalitc-  être  prolongé  jusqu'au 
dimanche  16  janvier,  puisque  la  loi  Qxail  expressémenl  à  un  dimanche  la  céré- 
monie du  serment.  —  C.  V. 


278       REVUE    HISTORIQIE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

S'=  Chapelle  furent  solennellement  installés  par  M.  le  Maire, 
comme  vicaires  aux  termes  des  décrets;  et  le  17  les  deux  vicaires 
établirent  un  secrétariat  pour  la  concession  et  l'expédition  des 
dispenses.  Le  21  est  intervenue  l'instruction  de  l'Assemblée  Natio- 
nale qui  porte  que  les  fonctionnaires  publics  qui  n'ont  pas  prêté  le 
serment,  peuvent  et  doivent  continuer  leurs  fonctions  jusqu'à  leur 
remplacement';  et  le  28  a  été  affichée  la  proclamation  de  la 
municipalité  pour  faire  connoitre  cette  interprétation  '. 

Le  24  s'est  élevée  entre  les  vicaires  généraux  la  question  de 
scavoir  s'ils  dévoient  prudement  reprendre  leurs  fonctions  :  les 
raisons  pour  et  contre  ont  été  débattues.  D'un  côté  on  a  exposé  que 
les  vicaires  généraux  pouvoient  se  reprocher  d'avoir  contribué  par 
la  cessation  de  leurs  fonctions  à  l'organisation  de  la  cathédrale  ; 
parce  que  s'ils  ne  les  avoient  pas  discontinuées,  la  municipalité 
n'auroit  pas  songé  à  l'effectuer,  et  que,  pour  réparer  ce  tort  dans 
l'esprit  de  bien  d'honnêtes  gens,  il  étoit  instant  de  les  reprendre, 
afin  d'opposer  une  digue  aux  fausses  dispenses,  vu  surtout  que 
d'après  l'instruction  de  l'assemblée,  et  la  proclamation  de  la  muni- 
cipalité, rien  ne  s'opposoit  a  ce  que  les  fonctions  fussent  reprises. 

D'un  autre  côté  on  a  répliqué  que  le  reproche  allégué  n'étoit 
nullement  fondé  :  qu'il  étoit  évident  que  la  cessation  des  fonctions 
des  vicaires  généraux  n'étoit  entrée  pour  rien  dans  la  précipitation 
de  la  Commune  pour  l'organisation  de  la  cathédrale  ;  qu'en  effet  la 
sommation  de  procéder  dans  les  24  heures  a  son  organisa- 
tion faite  à  M.  l'archevêque,  est  antérieure  à  la  réquisition  faite 
au  vicaire  général  de  déclarer  si  les  vicaires  généraux  avoient 
cessé  leurs  fonctions,  puisque  d'ailleurs  la  réponse  du  vicaire 
général  a  cette  réquisition  n'étoit  pas  de  nature  à  accélérer  cette 
organisation,  attendu  qu'elle  portoil  que  les  vicaires  généraux 
étoient  disposés  à  reprendre  leurs  fonctions,  dès  qu'ils  y  seroient 

1.  Cette  instruction  expliquait  que  les  mesures  répressives  prévues  par  l'Assemblée 
n'étaient  pas  dirigées  contre  le  refus  du  serment,  puis  pie  le  serment  n'était  pas 
obligatoire,  mais  contre  la  résistance  éventuelle  des  prêtres  insermentés  qui,  «  éle- 
vant autel  contre  autel,  ne  céderaient  pas  leurs  fonctions  à  leurs  successeurs  », 
L'instruction  ajoutait  que,  "  jusqu'au  remplacement,  l'exercice  dos  fonctions  était 
censé  avoir  du  être  continué  i>.  —  C.  V. 

2.  L'afOche  de  la  municipalité  de  Paris  disait,  plus  nettement  encore  que  rin»> 
Iruclion,  que  «  les  ercli'siastiques  fonctionnaires  publics,  tels  que  les  euros,  vicaires 
et  autres,  qui  n'avaient  pas  prèle  le  serment  ordonné  par  la  loi,  pouvaient  continuer 
l'exercice  de  leurs  fonctions  jusqu'à  ce  qu'ils  fussent  remplacés  dans  les  formes 
preicriles  par  les  décrets  i.  —  G.  V. 


LES    VICAIRES    GENERAUX    DE    PARIS    ET  LE  SERMENT  CONSTITUTIONNEL    27g 

aulhorisés  car  un  décret  de  l'Assemblée  nationale  ;  que  les  vicaires 
(]6n6raiix  qui  avoient  été  nommément  désignés  dans  l'affiche  pour 
la  prestation  du  serment  sous  la  qualification  de  cideuant  vicaires 
(jméraux,  comme  s'ils  n'étoient  déjà  plus,  ou  qu'ils  fussent  réduits 
à  la  qualité  de  simples  vicaires  de  l'évêquc  curé  de  la  cathédrale 
de  Paris,  n'étoient  point  rappelles  dans  la  proclamation  qui  porte 
que  les  curés  et  vicaires  et  autres  etc.  peuvent  et  doivent  continuer 
leurs  fonctions  jusqu'à  leur  remplacement  ;  qu'ainsi  il  paroissoit 
douteux  qu'ils  y  fussent  compris  ;  que  ce  doute  étoit  fondé  sur  ce 
qu'on  pouvoit  les  considérer  comme  remplacés  par  les  deux 
vicaires  de  la  cathédrale  ;  que  dans  le  fait  ces  deux  vicaires 
exeri;oient  publiquement  au  vu  et  au  scû  de  la  municipalité  des 
fonctions  de  vicaires  généraux;  que  la  déclaration  faite  à  M.  de 
Joly  que  les  vicaires  généraux  étoient  disposés  à  reprendre  leurs 
fonctions,  dès  qu'ils  y  seroieni  authorisés  par  un  décret  de  l'Assem- 
blée Nationale,  loin  d'être  un  motif  de  les  reprendre,  étoit  plutôt 
une  raison  péremptoire  de  s'y  refuser;  parce  qu'en  agissant  d'après 
cette  déclaration,  ce  seroit  reconnoitre  que  la  puissance  temporelle 
peut  non  seulement  lever  un  obstacle  qu'il  lui  a  plu  de  mettre  à 
l'exercice  des  fonctions  spirituelles  ;  mais  encore  aulhoriser  à  les 
exercer;  qu'enfin  de  la  reprise  des  fonctions,  il  résulteroit  et  danger 
et  inconvénients  sans  nombre  ;  qu'il  y  avoit  danger  en  ce  que  l'on 
seroit  tôt  ou  tard  traduit  comme  perturbateur  du  repos  public,  sous 
prétexte  d'élever  autel  contre  autel,  comme  s'exprime  l'instruction 
du  21.  janvier;  qu'en  effet  le  premier  acte  indispensable  à  faire  en 
reprenant,  seroit  de  notifier  juridiquement  au  nom  de  M.  l'arche- 
vêque aux  deux  vicaires  de  la  cathédrale  qu'ils  aient  à  s'abstenir 
(le  toute  fonction  appartenante  aux  vicaires  généraux  du  diocèse; 
mais  que  cet  acte  et  cette  notification  seroicnt  bientôt  dénoncés  ; 
qu'il  interviendroit  infailliblement  un  jugement  fâcheux  soit  contre 
i'authorité  légitime,  soit  contre  les  personnes  des  vicaires  géné- 
raux; qu'il  y  auroit  de  grands  inconvénients;  parcequ'il  seroit 
nécessaire  pour  maintenir  les  véritables  règles,  de  rejetter  toutes 
les  demandes  formées  par  des  prêtres  intrus  exerçant,  en  vertu  de 
la  mission  de  la  Municipalité,  notamment  par  les  deux  vicaires  de 
la  cathédrale;  que  ces  refus  indispensables  seroient  suivis  de 
trouble  peut-être  d'émeute  de  la  part  des  parties  intéressées  ;  que  la 
différence  de  conduitte  envers  tel  prêtre  ou  telle  paroisse  seroit  un 
sujet  continuel  de  clameur,  et  que  la  cause  commune  de  la  Reli- 


280       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

gion  n'en  souffriroit  que  d'avantage,  en  voulant  mettre  quelques 
consciences  en  sûreté. 

Là  s'est  terminée  la  conl'érence  :  les  opinions  ont  été  exactement 
partagées  et  on  s'est  retiré  le  lundi  24.  à  8  heures  du  soir.  Le 
lendemain  matin  20.  on  a  sçu  que  l'un  des  vicaires  généraux  avoit 
fait  expédier  et  signé  la  veille  avant  la  conférence,  et  qu'il  avoit 
promis  le  même  jour  dans  l'après  midi  k  divers  particuliers  d'ac- 
corder le  lendemain  dans  la  matinée,  toutes  les  dispenses  d'usage 
dont  on  auroit  besoin.  M.  Chassé  a  rapporté  depuis  à  la  tribune  de 
l'assemblée  que  la  parole  avoit  été  donnée  en  présence  des  deux 
vicaires  de  la  cathédrale  ;  faits  dont  il  u'u  pas  été  dit  un  mot  pen- 
dant toute  la  conférence  de  la  veille,  quoiqu'il  fut  juste  naturel  et 
loyal  de  ne  rien  taire,  de  ne  rien  celer  dans  une  discussion  aussi 
importante. 

Cependant  le  vicaire  général  qui  avoit  promis  de  délivrer  le  25. 
dans  la  matinée  toute  dispense  ordinaire  qui  lui  seroit  demandée, 
ne  se  trouva  point  chés  lui  ;  les  parties  outrées  du  manquement  de 
sa  parole,  après  avoir  fait  beaucoup  de  tapage,  et  de  tumulte,  ont 
couru  au  comité  eclésiastique  porter  leurs  plaintes  ;  le  comité  après 
les  avoir  entendues  a  pris  une  délibération  dont  le  préambule  sup- 
posé des  plaignants  est  une  approbation  des  décrets  concernant 
l'organisation  du  clergé,  et  le  prononcé  est  une  infraction  des  lois 
de  la  discipline  eclésiastique,  en  ce  qu'il  y  est  décidé  qu'une  simple 
sommation  faite  du  moins  sur  la  foi  des  promesses,  poura  autho- 
riser  les  curés  à  passer  outre  à  la  célébration  des  mariages.  Cette 
délibération  ayant  été  rapportée  et  remise  sur  le  soir  du  20.  aux 
vicaires  généraux  dont  l'opinion  étoit  dv  reprendre  leurs  fonctions, 
ont  sur  l'exhibition  de  cette  pièce  en  due  forme,  fait  e.xpédier  et 
délivrer  les  dispenses  demandées  et  promises,  dit-on,  sans  diffi- 
culté suivant  l'exposé  fait  au  comité  eclésiastique. 

On  ne  se  permettra  aucune  réflexion  sur  la  réticence  mistérieuse 
de  celui  des  vicaires  généraux  qui  avant  la  conférence  du  24.  avoit 
.signé  une  dispense  et  avoit  promis  d'en  accorder  le  lendemain  à 
qui  en  demanderoit.  On  se  contentera  d'observer  que  la  conscience 
des  deux  vertueux  vicaires  généraux  que  le  zele  pour  le  salut  des 
âmes  a  déterminés  a  reprendre  leurs  fonctions,  doit  être  peiné  (sic) 
de  les  avoir  continuées  sinon  en  vertu,  au  moins  sur  l'exhibition 
d'une  délibération  contraire  aux  vrais  principes,  sans  aucune  sorte 
de  réclamation,    ni  d'improbation   de   leur    part    dans   cet    instant 


LES    VICAinES    GENERAUX    DE    PAUIS   ET  LE   SERMENT  CONSTITUTIONNEL    201 

critique.  Ils  croyont  sans  doute  servir  la  religion  en  s'exposant 
généreusement  et  courageusement  à  toutes  les  suites  qu'entraînera 
la  reprise  de  leurs  fonctions.  Mais  leurs  deux  autres  collègues 
pensent  au  contraire  que  loin  de  venir  par  là  au  secours  de  l'église 
et  de  ses  ministres,  c'est  plutôt  faciliter  les  moyens  de  régénérer 
doucement  le  clergé,  c'est  à  dire  de  parvenir  progressivement  à 
tout  détruire  dans  l'ordre  spirituel;  ils  sont  persuadés  qu'une 
résistance  passive  au  nouvel  ordre  décrété,  seroit  plus  efficace  et 
plus  sensible  qu'une  accommodante  condescendance  qu'il  est  aisé  de 
tourner  en  faveur  do  l'exécution  des  décrets'. 

Rien,  dans  le  texte  de  ce  mémoire,  n'indique  dans  quel  but  il 
fut  rédigé  ni  à  qui  il  était  destiné.  Peut-être  est-ce  un  dupli- 
catuin  d'un  document  adressé  à  l'archevêque  de  Paris  pour 
le  mettre  au  courant  de  ce  qui  se  passa  à  l'archevêché  dans 
le  cours  du  mois  de  janvier  1791.  Le  fait  que  ce  texte  est 
accompagné,  dans  le  même  dossier,  de  la  copie  d'une  lettre 
des  vicaires  généraux  à  leur  archevêque  sur  le  même  sujet, 
rend  celle  hypothèse  1res  vraisemblable.  En  tout  cas,  comme  la 
copie  de  la  iellre,  ce  mémoire  ne  porte  aucune  signature,  et  il 
esl  difûcile  de  préciser  s'il  est  le  fruit  d'une  collaboration  de 
tous  les  vicaires  généraux  ou  le  travail  personnel  de  l'un 
d'entre  eux. 

Charles  Vei.lay. 

i.Bibl.  nat.,  Mss.,  Nouv.  acq.  fi'.,  2720. 


SANARY 

ET    LE 

SIÈGE    DE     TOULON 

(Suite  et  fin  ') 


XIII 

Le  4  nivôse  an  II,  la  Convention  ordonna  la  célébration 
d'une  fête,  le  premier  décadi  qui  suivrait  la  publication  de  ce 
décret  n°  1985,  dans  toute  l'étendue  de  la  République,  en  com- 
mémoration de  la  prise  de  l'infâme  Toulon,  dénommée  désor- 
mais Port-la-Montaqne  -.  Cette  cérémonie  eut  lieu  sans  grand 
éclat  dans  les  localités  environnant  cette  ville,  surtout  chez 
celles  qui  avaient  eu  le  plus  à  souffrir  des  horreurs  de  la  guerre, 
.le  n'ai  pas  pu  découvrir  la  moindre  relation  locale  à  ce  sujet  ^. 

Les  péripéties  de  la  lutte  avaient  été  suivies  avec  angoisse 
dans  la  plus  grande  partie  du  territoire  de  la  France.  Si  les 
efforts  suprêmes  des  chefs  des  assiégeants  n'avaient  pas  été 
couronnés  d'im  succès  presque  inespéré,  de  nouvelles  forces 
allaient  être  levées  pour  vaincre  définitivement  une  résistance 
pleine  d'incertitude.  Déjà"  à  la  suite  de  la  réquisition  faite  par 
le  représentant  Paganel,  le  conseil  départemental  de  Lot-et- 

1.  Voir  Reime  historii/ue  de  la  Révolution  française  et  de  l'Empire  ilo  janvier- 
mars  1913  et  numéros  suivants. 

a.  Décret  de  ta  Convention  nationale,  Paris,  impr.  nal.,  in-8°,  s  p. 

3.  La  fête  célébrée  à  Nice  fut  brillante  (Tisserahd,  Histoire  de  la  Révolution 
française  dans  les  Alpes-Maritimes,  p.  2i5  et  s.),  comme  la  fête  solennelle  donnée 
à  Connaux  (Gard)  ((Courrier  d'Avignon,  u"  320  du  6  pluviôse). 


SANARY    ET    LE    SlÈCiE    DE    TOULON  283 

(ïaronne  avait  pris  un  arrêté,  le  29  frimaire,  au  sujet  des 
citoyens  de  bonne  volonté,  désireux  de  se  réunir  pour  marcher 
sur  Toulon  et  reprendre  ce  port,  enlevé  à  la  République  par 
la  trahison  et  par  les  cjuinées  de  Pilt  '.  Faute  d'éléments,  ce 
sujet  ne  peut  qu'être  effleuré,  pour  le  moment  du  moins. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'occupation  de  Toulon  donna  naissance 
à  une  littérature  déjà  signalée,  mais  qui  pourrait  faire  l'objet 
d'une  notice  spéciale,  à  elle  seule  ^.  Nous  rappellerons  uni- 
(juement  les  publications  les  moins  connues. 

Le  citoyen  Picque,  comédien  sans-culotte,  prononça  un 
discours  à  la  Comédie,  lors  des  réjouissances  publiques  pres- 
crites par  la  Convention  et  une  pièce  de  vers,  comprenant 
3  strophes  de  8  vers,  sortit  de  la  plume  du  citoyen  Pépin, 
autre  comédien  sans-culotte.  Les  deux  derniers  vers  de  la 
première  strophe  font  certainement  allusion  au  dénûment  des 
assiégeants  : 

Pour  vaincre,  les  sans-culottes 
N'ont  besoin  que  de  leurs  bras^. 

Ricard,  de  son  côté,  a  composé  un  drame  héroïque  et  révo- 
lutionnaire, en  trois  actes*.  Cinq  couplets,  dus  à  un  patriote 
et  chantés  sur  l'air.  Allons,  enfants  de  la  Patrie,  virent  le  jour 
à  Villeneuve-de-Rerg  (Ardèche).  Le  premier  est  ainsi  conçu  : 

A  des  cohortes  étrangères 

Toulon  avait  vendu  sa  foi  : 

Dans  son  sein,  ces  vils  mercenaires 

Nous  présentaient  des  fers,  un  roi. 

Ecoute  et  tremble,  ville  ingrate, 

Pour  répondre  à  tes  vœux  impurs, 

Sur  tes  maîtres  et  sur  tes  murs, 

La  foudre  des  guerriers  éclate. 

Tombez,  murs  odieux,  fuyez  vains  conquérans. 

Ainsi  {bis)  que  vous,  périssent  les  tyrans'. 

I.  Affiche  in-f",  imprimée  à  Agen,  qu'il  ne  m'a  pas  été  possible  d'acquérir. 
a.  Cf.  CoTTiN,  Toulon  et  les  Anglais,  p.  x. 

3.  Discours  prononcé  à  la  Corné  iie  par  le  citoyen  l'icqae,  comédien  sans- 
culotte,  lors  de  la  réjouissance  de  In  prise  de  la  ville  de  Toulon,  imprimé  sar 
la  demande  des  citoyens  de  Grenoble.  Grenoble,  Allier,  s.  d.,  in-S",  4  p. 

4.  Le  siège  de  Toulon,  etc.,  Marseille,  Jouve,  an  II,  in-S",  48  p. 

5.  Couplets  sur  la  prise  de  Toulon  présentés  à  la  Société  populaire  de  Villeneuve- 


284       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

Ces  trois  imprimés  peu  communs  appartieiinimt  à  la  Biblio- 
thèque de  Toulon.  Leur  seul  mérite  résulte  de  leur  rareté.  Le 
même  reproche  peut  être  adressé  aux  couplets  chantés  à 
Sainte-Pélagie  '. 

Vivent  nos  généreux  guerriers  (bis) 
Ils  ont  moissonné  des  lauriers  (6i'*) 
Paris  les  cliantera 
Londre  (sic).y  réflécliira,  etc. 

De  patientes  recherches  permettraient  d'élever  à  une  dizaine, 
peut-être,  le  nombre  des  productions  littéraires,  d'ailleurs 
bien  faibles,  sorties  de  l'imagination  des  Provençaux  et  des 
Languedociens,  imagination  enflammée  par  la  chute  de  la  ville 
infâme.  Je  signale  cette  lacune  aux  bibliophiles  de  ces  régions, 
car  j'ai  dirigé  mes  investigations,  de  préférence,  vers  les  publi- 
cations poétiques  et  dramatiques  de  cette  catégorie.  Toutefois, 
je  consacrerai  une  mention  à  l'œuvre  de  Masse  -,  auteur 
également  de  Jeunne  de  iWap/es,  car  son  roman  impute  aux 
Sanarj'ens  un  acte  de  complicité  avec  les  Anglais,  dont  j'ai  pu 
démontrer  la  fausseté  ^.  Le  siège  de  Toulon  fît  les  délices  des 
lecteurs  des  cabinets  littéraires  de  la  régitm.  Le  cabinet  litté- 
raire toidonnais  de  Fleury  le  possédait.  J.  Renoux  le  maintint 
dans  le  cabinet  qu'il  forma  avec  le  fonds  de  Fleury,  son  prédé- 
cesseur, et  qu'il  annexa  à  la  librairie  qu'il  tenait,  comme  celui-ci 
d'ailleurs,  qui  avait  créé  son  établissement  au  cours  de  la  Res- 
tauration '. 

de-Berg,  district  de  Coiron,  département  de  l'Ardèche,  par  an  patriote.  Montpellier, 
imprimerie  révolutionnaire,  ches  Marat  Bonnariq  et  Cuton  Avignon,  «  an  second 
a  de  la  fondation  de  la  République,  près  la  maison  commune,  n'  fia  »,  inS',  3  p. 

1.  Couplets  chantés  à  Sainte-Pélagie  sur  la  prise  de  Toulon,  par  un  détenu. 
Paris,  Gouriet,  in-16,  s.  d. 

2.  Le  sirge  de  Toulon  uu  les  six  derniers  mois  île  i^iyl.  Paris,  Delongchamps, 
1834,  2  fol.  inS". 

3.  T.  Il,  p.  45-46.  (^e  romancier  cite  la  monnaie  de  3  liards,  frappée  à  Dardennes 
{ibid.,  p.  i44)  el  le  poisson  pèche  à  Sanarj-  {ibid.,  p.  294)  {Ma  bibliothèque). 

II.  Le  siège  de  Toulon  ne  pnrait  pas  avoir  excite  la  verve  Jéconde  ou  mieux  la 
faconde  des  littérateurs  luulonnais  connus.  Cependant,  Etienne  Pélabou  a  laissé 
Lou  Sans-Culotto  à  yiço,  comédie  en  un  acte  el  en  vers.  Louis  Pélabon,  son  petit- 
fils,  a  composé  Lo  pesto  de  Touloun  en  lyii,  poème  en  quatre  chants,  et  diverses 
œuvres  dont  la  scène  se  passe  à  Toulon. 


SANAUY    ET    LE    SIÈOE    DE    TOULON  285 

Notons  enfin  le  jeu  des  groupes  d'enfants,  scaudant  les  deux 
vers  informes  : 

Combien  faut-il  de  coups  de  canon 
Pour  bombarder  la  ville  de  Toulon? 


et  appliquant  successivement  à  chacun  d'entre  eux  une  syllabe 
de  ces  mots  pour  déterminer  celui  qui  doit  faire  telle  ou  telle 
chose  convenue  à  l'avance.  Ce  jeu  est  encore  usité  à  notre 
époque  dans  le  Sud-Est  et  même  à  Montélimar. 


XIV 


La  Tour  quelque  peu  légendaire  de  Sanary  et  dépourvue  de 
pont-lcvis  en  1789,  fut  transformée  pendant  le  siège  en  un 
vulgaire  magasin.  Elle  ne  pouvait,  en  effet,  rendre  aucun  service 
au  point  de  vue  stratégique. 

A  une  époque  assez  ancienne,  il  avait  été  bâti  des  maisons  à 
l'ouest  et  au  nord  de  ce  monument.  Il  subsistait,  à  l'entour, 
une  cour  assez  vaste,  close  par  une  haute  muraille  à  l'est  et  au 
midi.  A  l'angle  des  deux  côtés,  est  et  midi,  se  trouvait  une 
petite  fnaison  où  se  rendait  autrefois  la  justice  en  première 
instance  et  qui  fut  vendue  pendant  la  Révolution.  A  dater  de 
1801,  diverses  constructions  continuèrent  à  enclaver  la  Tour 
et  leurs  propriétaires  n'hésitèrent  pas,  graduellement,  à  faire 
édifier  des  latrines  appuyées  contre  elle.  Ces  données  sont 
certaines.  Elles  sont  extraites  d'une  dénonciation  adressée  avec 
raison,  il  y  a  quatre-vingts  ans  environ,  à  la  sous-préfecture  de 
Toulon,  par  un  Sanaryen  indigné  du  sans-géne  peu  ordinaire 
de  plusieurs  de  ses  ccunpatriotes.  La  plus  belle  de  ces  construc- 
tions est  devenue  l'hôtel  de  la  Tour. 

En  1664,  dans  leur  rapport,  le  capitaine  Jacques  Isnard, 
de  Toulon,  et  Louis  Marrot,  de  la  Ciotat,  pilote  royal,  consta- 
tèrent l'existence  à  Sainl-Nazaire  «  d'une  forteresse  au  bord  de 


286       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    LEMPIRE 

«  la  mer  et  du  costé  du  ponent',  munie  de  deux  pièces  de  canon, 
«  entourée  d'un  fossé  rempli  d'eau  de  la  mer,  d'asses  bonne 
«  delTance,  servant  de  rampart  et  de  crainte  aux  ennemis  ».  Le 
môle,  sis  près  des  Baux,  mesurait  alors  90  pas  et  il  aurait  été 
utile  de  le  prolonger  de  5o  pas.  Du  côté  de  «  Grec  »",  un  autre 
petit  môle  comptait  i4o  pas  et  son  prolongement  à  concurrence 
de  5o  pas,  aurait  été  indispensable'. 

Les  fossés  de  l'enceinle  de  la  Tour  furent  comblés  en  1704, 
moyennant  le  prix  de  24a  livres,  payé  à  Brun  par  la  commu- 
nauté, le  seigneur  qui  la  possédait  ayant  donné  son  consente- 
ment. Trois  ans  plus  tard  (1707),  une  grande  fenêtre  fut  «  bou- 
chée pour  mettre  en  sûreté  *  les  soldats  de  milice  »,  empri- 
sonnés dans  la  salle  correspondante  '".  La  destination  de  cette 
pièce  se  maintint  fort  longtemps,  avec  des  alternatives  diverses. 
La  Tour  demeura  néanmoins  seigneuriale  jusqu'à  la  Révolution, 
et  la  clef  de  la  porte  d'entrée  se  trouva  déposée  entre  les  mains 
d'un  tiers.  Lors  de  l'autorisation  accordée  par  François  de 
Vintimille  à  la  séparation  de  Saint-Nazaire  et  d'Ollioules,  il 
avait  revendiqué  les  casemates  de  l'enceinte  de  la  Tour,  les 
braies  et  les  fossés  lui  appartenant.  En  outre,  il  s'engagea  à 
employer  les  100  pistoles  ou  i.ioo  livres  promises  par  les 
habitants,  à  mettre  en  état  les  casemates,  sises  dans  la  super- 
ficie des  fossés  (i  663)''.  Des  arbres  ne  tardèrent  pas  à  être  plantés 
dans  l'enceinte,  à  la  suite  du  comblement  de  ces  derniers  (17 10). 
Une  «  cha.Tibre  »  continua  à  servir  de  poudrière  (17 12).  Au 
cours  du  dix-huitième  siècle,  les  canons  de  la  Tour  furent 
encore  tirés  pendant  les  processions,  comme  aux  époques 
antérieures.  Deux  canons  de  fer,  de  8  livres  de  balles,  pesant 
en  tout  4-4oo  livres  avaient  été  délivrés,  en  1709,  au  baron  de 
Vintimille,  pour  être  placés  à  la  Tour.  A  raison  de  i3  livres 

I.  Occident. 
3.  Est. 

3.  L'importante  prolonyation  du  grand  mole  (plus  de  vingt  mètres),  faite  au  dix- 
neuvième  siècle,  est  due  à  l'adininisl  ration  des  ponts  et  chaussées 

4.  L'expression  est  restée  dans  les  termes  i  chambre  de  sùrclé  «. 

5.  Archives  de  Sanary,  Dj,  cl  CC 

6.  Brun,  Op.  t.,  p.  36. 


SANARY    ET    LE    SIÈGE    DE    TOULON  287 

16  sols  le  quintal  de  loo  livres,  ils  furent  estimés  607  livres. 
4  sols  ^ 

Des  militaires  et  des  réquisitionnaires  s'étant  évadés  par  la 
fenêtre  de  l'étage  «  de  la  Tour,  qui  sert  de  salle  de  discipline 
et  de  prison  »,  le  commandant  de  Sanary,  Lyon,  demanda 
(ju'elle  fût  «  barrée  ».  Le  16  frimaire  an  VII  (i7()8),  le 
conseil  municipal  prit  une  délibération  conforme  et  décida, 
en  évaluant  la  dépense  à  45  livres,  de  faire  «  bâtir,  de  l'épais- 
«  seur  du  mur,  en  pierres  solides,  la  fenêtre  de  la  Tour  don- 
«  nant  sur  la  mer  et  qu'il  sera  laissé  au  haut  de  la  dite  fenêtre 
«  une  ouverture  d'un  pan  et  demi  au  quarré,  pour  donner  de 
«  la  clarté  aux  prisonniers  et  aérer  la  prison  »  -.  Les  deux 
échelles  de  l'intérieur  avaient  été  réparées  sous  Louis  XV 
(1744) ^ 

En  1788,  le  seigneur  avait  vendu  la  maison  servant  autrefois 
de  juridiction  et  les  enclos  du  nord  et  du  couchant  à  Guigou. 
Un  acte  administratif  consacra,  en  l'an  IV,  la  cession  de  l'écurie 
du  ci-devant  seigneur  au  même  Guigou.  Dès  lors,  la  Tour 
n'eut  plus  d'annexés.  A  notre  époque,  un  canon  provenant  de 
sa  plate-forme  a  appartenu  au  général  Rose,  l'un  des  bienfai- 
teurs de  Sanary,  et  se  trouve  actuellement  dans  la  propriété  de 
M"""  Victor  Brun,  née  Jarret  de  la  Mairie.  Deux  autres  canons, 
d'origine  incertaine,  sont  fichés  en  terre,  sens  dessus  dessous, 
jirès  du  vieux  môle,  et  servent  à  amarrer  les  bateaux.  La  des- 
tinée des  choses  est  parfois  singulière! 

Le  chantier  de  construction,  dont  j'ai  narré  succinctement 
ailleurs  l'iiistoire*,  ne  paraît  pas  avoir  été  mis  à  contribution,  au 
temps  du  siège  de  Toulon.  De  création  ancienne,  cet  établisse- 
ment qualifié  «  chantier  de  construction  maritime  »,  à  l'instar 
d'une  entreprise  importante,  ne  bénéficiait  pas  d'un  emplace- 
ment définitif.  D'après  une  pétition  signée  en  1792,  il  se 
trouvait  tantôt  d'un  côté,  tantôt  de  l'autre.  Les  changements 

1.  Archives  de  Sanary,  Dj  el  E. 

2.  Registre  des  délibérations,  f'^^  429-430, 

3.  Cf.  pour  l'histoire  de  Sanary  en  général,  Achard,  Dictionnaire,  etc. 

4.  H.  V.  G.,  Notes  historiques  sur  Sanary  (Var),  p.  11. 


288       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

étaient  effectués  toutes  les  l'ois  que  l'agrandisseuient  de  Saint- 
Xazaire  '  l'exiijeait -'. 

Gont'ormément  à  ce  qui  a  été  oiiservé  dans  la  région,  cette 
ville  eut  de  bonne  heure  des  biens  personnels  étendus,  des 
terres  gastes  que  j'ai  étudiées  naguère^,  mais  pas  de  moulins. 
Peu  d'années  après  sa  constitution  en  communauté,  la  munici- 
palité songea  à  faire  mettre  en  état  les  moulins,  dont  Sanarv 
avait  affermé  la  jouissance  au  seigneur  et  qui  se  trouvaient  sur 
le  territoire  d'Ollioules.  Au  contraire,  le  fdur  banal  était 
exploité  par  un  tiers. 

Au  cours  des  années  1 699-1 700,  des  travaux  furent  effectués 
au  canal  destiné  à  conduire  les  eaux  au  moulin  de  Parreissol, 
ouPareissoljOuParissol,  et  une  indemnité  fut  payée  àGuillot, 
marchand,  pour  dégâts  faits  à  une  terre  qu'il  possédait  sur  le 
territoire  d'Ollioules,  au  quartier  du  Plan,  le  long  du  canal 
amenant  les  eaux  à  ce  moulin.  Une  v-oùte  et  une  muraille 
durent  être  faites  au  Pas  du  Puget  allant  à  Oliioules,  pour  les 
besoins  de  ce  canal. 

En  1701,  des  réparations  furent  faites  à  l'écluse  du  moulin, 
emportée  à  trois  reprises  par  les  eaux  de  la  rivière.  Deux  ans 
après,  eut  lieu  le  dégagement  du  canal  des  moulins  à  blé, 
obstrué  par  le  débordement  des  eaux  de  la  Rcppe.  Des  amé- 


1.  En  l'an  II,  on  trouve  la  formule  n  Bauport,  ci-devant  Sanary  ».  Au  dire  de 
divers  auteurs,  après  le  combat  du  3i  août,  les  Alliés  auraient  placé  un  détacliement 
sur  un  plateau  pour  surveiller  le  chemin  de  Saiot-Nazaire  à  Toulon.  Quoi  qu'il  en 
soit,  ils  n'entretinrent  aucune  relation  avec  la  municipalité  du  premier  de  ces  lieux. 

2.  Un  point  de  la  presqu'île  de  Saint-Mandrier  porte  la  dénomination  de  la  Croix 
des  Signaux.  La  date  de  l'établissement  de  la  Croix  des  Signaux  sur  le  territoire  de 
Saint-Nazaire.  au-dessus  de  la  pointe  de  la  Crilc,  n'est  pas  connue.  Longtemps 
après  I7y3,  deiLx  préposés  «  à  la  vigie  des  signaux  »  étaient  encore  installés  à  la 
tour  de  Portissol. 

3.  Presque  dès  le  début  des  temps  nouveaux,  l'allention  de  l'autorité  fol  portée 
sur  les  anciens  liefs  connus  sous  le  nom  de  terre  à  besace,  cl  l'on  désignait  ainsi  «  les 
«  fiefs  ou  seigneuries  existant  dans  des  endroits  inhabités  où  il  n'y  a  pas  de  paroisses 
•  établies  ».  Telle  est  la  définition  donnée  par  les  administrateurs  du  directoire  de 
Toulon,  à  la  date  du  27  octobre  1790.  Quelques  jours  après,  le  même  corps  appelait 
liefs  à  besace  »  ceux  qui  ne  font  pas  une  habitation  et  qui  sont  ou  disséminés  dans 
"  l'enclave  des  municipalités  ou  voisins  des  municipalités  »  (^Archires  de  Sanary,  Fj). 
Le  pâturage  d'hiver  s'appelait  coussou  dans  la  Basse-Provence  et  montagne  dans 
la  Haute-Provence. 


SANAHY    ET    LE    SlÈlîE    DE    TOULON  2St) 

lioratioiis  avalent  été  faites  dès  i68()  à  l'écluse  du  nicnie, 
niûuliu  dont  le  nom  a  été  transformé  en  Portissol  ',  par  suite 
du  défaut  d'attenliou  des  transcripteurs  de  deux  documents 
analysés  dans  ce  mémoire  et  dans  une  autre  notice'-.  A  son  tour, 
la  dénomination  Parissol  ou  Pareissol  était  devenue  dans  le  lan- 
gage vulgaire  Palissole. 

Tous  ces  documents  concernent  le  même  moulin.  Mais  le 
moulin  à  eau  de  la  Figuière,  situé  à  proximité  de  celui-ci,  et 
sur  la  Reppe,  était  également  affermé  à  la  communauté  de 
Sanarv  (17 12).  A  la  fin  de  l'ancien  régime,  cette  dernière  le 
tenait  en  location  aussi  bien  que  le  moulin  de  Pareissol.  Dès 
l'abolition  des  privilèges,  la  population  Sanaryenne  continua 
à  manifester  ses  préférences  pour  le  moulin  de  Pareissol, 
devenu  une  vulgaire  propriété  particulière.  Le  n)oulin  à  vent, 
élevé  en  1798  par  Allemand  sur  la  colline  de  Portissol  ^,  obtint 
un  plein  succès  et  c'est  là  qu'au  cours  du  siège  les  Sanaryens 
firent  principalement  moudre  les  céréales.  Il  subsista  fort 
longtemps  au  dix-neuvième  siècle  et  son  rôle  est  de  nos  jours 
tout  différent,  comme  celui  de  l'autie  moulin  à  vent  élevé 
dans  son  voisinage. 

Mes  recherches  pour  déterminer  les  conditions  du  fonction- 
nement des  anciens  moulins  seigneuriaux  et  des  divers  mou- 
lins, épars  sur  les  territoires  d'Ollioules  et  de  Sanarv  et  créés 
à  dater  de  1790,  au  cours  du  siège  de  Toulon,  n'ont  pas  pu 
aboutir,  les  documents  les  concernant  n'ayant  pas  été  conser- 
vés. L'histoire  de  ces  établissements  au  point  de  vue  écono- 
mique pendant  cette  terrible  période  eût  été  bien  curieuse  et 
nous  eût  quelque  peu  dédommagés  de  la  monotonie  de  l'his- 
toire-bataille,  déjà  si  ressassée. 

1.  Le  grès  des  Baux  Rouyes  est  recherché  pour  alTùter  les  oiilils  par  certains 
ouvriers  de  la  récjion.  La  pointe  de  Portissol  était  appelée  aussi  Pointe  Baurouge 
ou  de  rUtrier.  Un  jour,  Sanary  aura  sa  corniche,  appuyée  sur  cette  pointe.  Elle 
n'aura  plus  à  envier  la  corniche  de  Bandol,  ni  celle  de  Marseille.  L'adjectif  provençal 
ulrié,  uiriero,  est  synonyme  de  tout  d'une  pièce,  d'une  grosseur  uniforme. 

2.  Notes  historiques  sur  Sanary  {Yar),  p.  ii. 

3.  Déjà,  la  municipalité  avait  autorisé  la  construction  d'un  four  à  chaux  en  face 
du  vieux  môle  et  sur  la  même  «  montagne  »,  dite,  à  l'occasion,  montagne  de  Notre- 
Dame  de  Pitié  (1791). 

REV.    IIIST.    DE    LA    RÉVOL.  I9 


29U       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUIIO.N    FRANÇAISE    ET   DE    L  EMPIRE 

Quant  aux  fours  employés  par  l'armée  républicaine,  en 
dehors  des  tours  seigneuriaux  d'OUioules  et  de  Sanary,  ils 
furent  improvisés  avec  des  moyens  de  fortune.  D'ailleurs, 
les  dimensions  du  four  de  ce  dernier  lieu  n'étaient  plus  en 
h;u"monie  avec  l'impoitance  de  la  population,  bien  avant 
1789.  La  nuinicli)alité  dut  remédier  à  cet  état  de  choses  dès 
l'an  III. 

Le  I'"' mai  1790,  eut  lieu  l'encadaslrement  des  droits  fonciers 
du  marquis  du  Luc,  seigneur  de  Saint-Nazaire  ^  et  le  montant 
s'en  éleva  à  un  capital  de  9.000  livres  tournois,  correspondant 
à  3oo  petites  livres  cadastrales'-.  Les  lods  donnaient  par  an 
1.700  livres,  les  immeubles  ruraux  personnels  au  seigneur 
900  livres,  les  deux  moulins  de  la  Figuière  et  de  Pareissol 
800  livres^,  les  taxes  diverses  900  livres,  la  pension  féodale 
servie  par  la  communauté  et  le  droit  de  censelage  ou  les  cens 
207  livres*.  Le  produit  du  four  banal  était  compris  dans  les 
taxes  diverses.  Ce  four  avait  été  bâti  en  1627''.  Du  moins  cette 
date  était  inscrite  sur  une  pierre  en  dépendant,  qui  a  été 
conservée  soigneusement  et  disposée  dans  la  façade  lors  de  la 
réfection  de  cet  immeuble,  sis  rue  Général-Rose  (maison 
Mistre)  et  dont  le  nom  antérieurement  avait  été  rue  Vinti- 
mille,pour  devenir  ensuite  rue  d'Orléans  (i83i)  et  rue  Grande. 
Par  divers  arrêts,  le  parlement  de  Provence  avait  déclaré  que 
Gaspard  de  Yhitiniille,  des  comtes  de  Marseille,  baron  de 
Tourves  et  seigneur  d'OUioules,  était  «  seigneur  direct,  uni- 
«  versel    et  féodal  et   fondé  en  directe  en  tout   le  dit  ''  lieu 


I.  Emmanuel  de  Vintimillc,  seigneur  du  Luc,  Vins,  Les  Arcs,  Ollioules  et  Saint- 
Nazaire,   dont  le  domicile  était  à  Paris. 

3,  En  17G8,  la  petite  livre  cadastrale  était  co  nptée  pour  2^  sols  tournois. 

3.  L'une  des  rues  de  SanaPi-  porte  la  dénomination  de  rue  du  Moulin,  en  souvenir 
d'un  moulin  à  huile. 

4.  Les  bois,  d'ailleurs  sans  revenu  appréciable,  lui  app;irten;mt,  comprenaient 
687.936  toises. 

5.  Le  chiffre  2  est  pour  ainsi  dire  écrasé. 

6.  Les  littérateurs  ont  décrit  les  sites  grandioses  du  Bec  de  l'.-Ugle  et  du  cap  Sicié 
sans  consacrer  quelques  lignes  à  la  majesté  singulière  de  la  colline  ou  montagne  de 
Portissol  (Méry,  A'ouuelles  Nouvelles,  p.  i83  et  s.  —  L'Athènes  ouvrière,  p.  a8i 
et  s.,  etc.). 


SANARY    ET    LE    SIEGE    DE    TOULON 


d'Ollioules  et   son   terroir    »   (i6i3-i625) '.    Cette    solution 
frappa  Sanary,  partie  intégrante  alors  d'Ollioules^. 


XV 


En  dehors  de  l'archevêque  de  Paris  et  de  l'évêque  de 
Toulon,  la  maison  de  Vintimille  a  fourni  plusieurs  person- 
nages marquants^. 

Au  cours  d'un  long  procès  furent  publiés  de  nombreux 
mémoires  contre  ou  en  faveur  de  «  messire  Guillaume  de 
«  Raousset,  chevalier,  marquis  de  Seillon  et  de  Maillanne, 
«  conseiller  au  parlement  de  Provence,  curateur  légitime  à 
«  l'imbécillité  de  Messire  Gaspard  de  Vintimille,  des  comtes 
«  de  Marseille,  baron  d'Oulioules  son  beau-frère  »  (1727). 
François  de  Vintimille,  des  comtes  de  Marseille,  avait  épousé 
Anne  d'Agoult,  d'où  quatre  enfants:  Pierre-François-Hyacinthe, 
l'aîné,  comte  d'Ollioules;  Anne  de  Vintimille,  mariée  au 
conseiller  de  Raousset;  Magdelon,  chevalier  de  Malte,  mort 
en  1700  et  Gaspard  de  Vintimille,  chevalier  non  profès.  Ce 
dernier,  né  en  1682,  était  malade  depuis  1699.  M™'  de  Vin- 
timille, née  d'Agoult,  mourut  à  Paris  au  mois  d'avril  1722. 
Bientôt  le  comte  de  Vintimille  ramena  son  frère  Gaspard  à 
Saint-Nazaire,  où  il  l'installa  non  dans  la  maison  que  lui- 
même  habitait  accidentellement,  mais  dans  une  maison  de 
louage  sous  la  direction  d'une  femme  «  à  l'esprit  contrariant  ». 
Le  comte  retourna  proinptement  à  Paris,  où  il  mourut  sans 
enfants  le  19  mai  1727.  Il  légua  les  terres  d'Ollioules  et  de 

I.  Bibliothèque  de  Grenoble,  V  6,  271. 

a.  Un  arrêt  du  parlement  de  Provence,  du  i5  février  1567,  maintint  Honoré  de 
Porcellet  «  en  la  faculté  d'accenser  et  de  disposer  à  son  plaisir  de  la  terre  gaste, 
«  vacante,  inculte,  patis  et  paluds  «  d'un  lieu  comme  étant  un  effet  de  son  fief  et 
«  de  sa  directe  universelle  sur  ce  terrain  »  (Bibl.  de  Grenoble). 

Le  roi  René  avait  donné  à  Aix  les  terres  gastes  ou  inculles  du  territoire  de  cette 
ville  (De  Haitze,  Hist.  de  la  ville  d'Aix,  etc.,  t.  I,  p.  481). 

3.  Gaspard  de  Vintimille,  seigneur  de  Figanièrcs,  qui  fut  condamné  à  mort  par 
le  parlement  de  Provence  (1660),  n'eut  aucun  rapport  avec  Sanary  {Le  Petit  Provençal , 
numéro  du  a  septembre  igiS). 


292        RENTE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOI.ITION    FRANÇAISE    ET    DE    L  EMPIRE 

Saint-Nazaire  au  marquis  des  Arcs',  petit-fils  de  Charles- 
François  de  Vintimille,  des  comtes  de  Marseille,  comte  du  Luc, 
marquis  des  Arcs  et  autres  lieux,  conseiller  d'Etat  d'épéc, 
chevalier  des  ordres  du  roi,  ancien  ambassadeur  près  la  Cour 
de  Vienne  (i653-i74o).  Ce  petit-fils  fut  Jean-Baptiste-Félix- 
Hubert  de  Vintimille  (i 720-1 776),  père  à  son  tour  de  Charles- 
Emmanuel-Marie-Maqdelon,  dit  le  demi-Louis  à  raison  de  sa 
ressemblance  bien  naturelle  et  même  adultérine  avec  le  roi,  et 
dernier  seigneur  de  Sanarv. 

Ces  données  historiques  sont  inédites  et  leur  place  est  tout 
indiquée  ici,  car  c'est  le  dernier  seigneur  de  Sanary,  qui,  en 
cpialité  de  maréchal  du  camp,  fit  prêter,  le  28  août  1789,  à 
Toulon,  au  Champ  de  bataille,  le  serment  de  fidélité  à  la 
Nation,  à  la  Loi  et  au  Roi,  aux  officiers  des  troupes  de  la 
garnison  et  des  milices  bourgeoises  -. 


XVI 


Divers  documents  •'  permettront  de  se  rendre  un  compte  très 
exact  de  la  situation.  Bientôt  furent  lancées  en  effet  les  cir- 
culaires de  l'admiiiistration  du  district  du  Beausset,  concernant 
l'exécution  de  l'arrêté  pris  le  i4  septembre  par  les  représen- 
tants du  peuple  Gasparin,  Escudier  et  Saliceti,  au  sujet  de 
l'arrestation  de  toutes  les  personnes  suspectes  ou  enfermées 
dans  Toulon  et  à  raison  de  «  l'infâme  trahison  qui  a  livré  la 
«  ville  de  Toulon  aux  ennemis  de  la  République  »  (4  octo- 
bre), selon  la  formule  usitée*.  Cette  mesure  fut  complétée  par 
la  proclamation  de  la  municipalité  de  Saint-Nazaire  pour  obliger 
les  habitants  absents  à  regagner  leur  domicile  dans  la  huitaine 
sous  peine  d'être  déclarés  émigrés  (9  octobre).  Cette  menace 

I.  Bibliothèque  de  Grenoble,  R.  4,  271. 

3.  Hi.vnY,  l/isl.  de  Toulon  depuis  ijSy,  etc.,  p.  70-71. 

3.  Gf^aii  besoin  la  lettre  écrite  le  27  frimaire  par  Bourdeaux,  sans-culotte  d'OIlioulos 
{(Courrier  d'Avignon,  n°  2S6,  du  a  nivôse)  et  le  numéro  du  même  journal  du  8  nivôse. 

4.  Archives  de  Sanary,  Ij  et  D,, 


SANARY    ET    LE    SIEGE    DE    TOULON  2(j3 

fut  Sïtius  ellet  comme  d'ailleurs  les  instruclions  de  la  lettre  du 
procureur-syndic  du  district  du  Beausset  au  procureur  de  la 
commune  de  Saint-Nazaire  ^  prescrivant  l'ouverture  d'un  regist  re 
dans  toutes  les  communes  du  département  destiné  à  l'inscrip- 
tion des  citoyens  désireux  de  concourir  à  la  yarde  des  gens 
suspects  (lo  octobre).  Pour  atténuer  le  mauvais  effet  des 
décisions  relatives  aux  absents,  parut  une  lettre  des  adminis- 
trateurs du  district  du  Beausset,  déclarant  que  les  ouvriers  et 
les  marins  employés  à  Toulon  étaient  à  l'abri  de  l'arrêté  des 
représentants  du  i4  septembre,  à  moins  d'avoir  donné  des 
preuves  d'incivisme  depuis  le  commencement  de  la  Révolu- 
tion. D'ailleurs  ils  ne  pouvaient  pas  sortir  de  cette  ville  et  l'on 
faisait  feu  sur  ceux  qui  cherchaient  à  s'échapper  (i4  octobre)'-. 

Tout  naturellement,  ce  mémoire  est  terminé  par  des  données 
nouvelles,  empruntées  au  registre  des  délibérations  de  la  ville 
de  Sanary. 

Le  II  octobre,  la  Société  populaire  décida  l'ouverture 
d'une  souscription,  confiée  au  zèle  du  curé  l^ierre  Julien^  et 
de  trois  autres  commissaires  Roustan,  Geoll'roy  et  Granet.  Ils 
recueillirent  10.878  livres  10  sols.  Les  commissaires  du  comité 
des  subsistances  Guigou,  Cay,  Gautier  et  Trotabas  devaient 
avec  cette  somme,  recueillie  avant  le  27  octobre,  soit  en 
quinze  jours  environ,  et  d'accord  avec  la  municipalité,  faire 
des  achats  de  blé'.  Cette  somme  comprenait  5. 600  livres  en 
assignats  d'une  valeur  supérieure  à  100  livres  n'ayant  pasi 
cours,  de  telle  sorte  que  la  souscription  était  réduite  à  6.278 


I.  Les  procureurs  de  la  commune  les  plus  connus  furent  Boyer  (1792)  et  Arma- 
gnin(  1790),  appartenant  sans  doute  à  la  lamille  du  délicat  lettré  toulonnais  M.Arma- 
gnin,  auteur  d'œuvres  estimées  telles  que  Litanies  d'amour,  éditées  par  Lemerre, 
chef  de  bureau  à  la  mairie  de  Toulon  et  à  l'obligeance  duquel  les  érudits  n'ont 
jamais  eu  recours  en  vain. 

a.  Mêmes  archives,  I .. 

3.  Le  22  fructidor  au  lit,  le  curé  Julien  déclara  qu'il  allait  exercer  dans  la  com- 
mune le  culte  catholique,  apostolique  et  romain  avec  soumission  aux  lois  de  la 
République,  conformément  à  la  loi  du  11  prairial  an  III.  Il  précisa  les  termes  de  sa 
déclaration,  quelque  temps  après  (an  IV}.  Cf.  aussi  la  délibération  du  28  floréal  an  IV 
el  le  serment  prèle  par  lui  le  3^  jour  complémentaire  an  V  (19  septembre  1797). 

4.  Registre  des  délibérations,  f°*  i  et  s. 


294       UEVL'E    HISTORIQUE   DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

livres  10  sols.  Deux  Sanarvens  :  Jean  Granet  et  Pierre  Fabre, 
versèrent  1.200  livres  chacun. 

La  pénurie  de  blé  se  faisait  toujours  sentira  Le  5  novembre, 
Saint-Nazaire  comprenait  en  totalité  2.020  personnes,  outre 
38o  citoyens  de  la  Seyne,  obligés  d'abandonner  ce  lieu.  Le 
directoire  du  district  fit  droit  à  la  demande  de  secours 
adressée  par  la  municipalité.  Caiteaux  avait  en  effet  prescrit 
aux  habitants  de  la  Seyne  et  de  Six-Fours  d'évacuer  ces  deux 
lieux  et  de  se  réfugier  à  Sanary  ou  dans  ses  environs,  non 
occupés  par  les  troupes  républicaines-. 

Victor,  «  adjudant-général  chef  des  brigades  près  l'armée 
du  général  Carteaux  »,  avait  requis  le  2  novembre  la  munici- 
palité de  faire  réparer  les  chemins  et  établir  un  pont  sur  la 
Reppe,  destiné  à  faciliter  le  passage  des  charrettes  pour  le 
service  de  la  République.  Ce  torrent,  servant  de  limite  à  la 
commune  de  Six-Fours  et  à  celle  de  Saint- ÎVazaire,  un  extrait 
de  cette  demande  fut  transmis  à  la  municipalité  de  Six-Fours. 
Après  un  examen  fait  ensemble,  il  fut  décidé  que  le  pont  serait 
fait  à  frais  communs,  la  commune  de  Six-Fours  devant  fournir 
les  bois  nécessaires,  qu'elle  possédait  du  reste. 

Le  «  besoin  »  de  blé  devenant  plus  «  funeste  »,  une  déléga- 
tion fut  envoyée  à  Ollioules  auprès  des  représentants  du  peuple 
à  Marseille  et  des  commissaires  du  bureau  des  subsistances 
(i3  frimaire)  (3  décembre  1793). 

Le  16  frimaiie,  il  fut  constaté  que  la  compagnie  des  volon- 
taires levés  à  Saint-Nazaire  avait  pour  capitaine  Jérôme  Pardi- 
gon,  greffier  de  la  commune. 

Quatre  jours  plus  tard,  le  conseil  considéra  «  le  village  » 
comme  se  trouvant  en  état  de  guerre,  à  raison  de  l'afiluence 
journalière  des  troupes,  de  sa  garnison,  des  bâtiments  natio- 

I.  Le  28  décembre  17921  le  directoire  du  département  dut  arrêter  un  singulier 
genre  de  spéculation  sur  les  blés.  Les  habitants  du  district  étaient  autorises  à  acheter 
le  blé  I  de  la  nation  »  se  vendant  au  marché  de  Toulon.  De  tristes  accaparements 
avaient  eu  lieu.  Pour  obtenir  du  blé,  même  à  prix  d'argent,  les  citoyens  durent 
exliibcr  iin  certificat  de  leur  municipalité  respective  indiquant  la  quantité  qui  leur 
était  utile  (Archiiies,  D  ,). 

a.  II partit  le  7  novembre  ])our  son  nouveau  comniandemeut  (Laval,  Op.  t.,  p.  45a). 


SANARY    ET    LE    SIÈGE    DE    TOULON  ZgS 

naux  e(  des  9  vaisseaux  hollandais,  pris  et  amenés  dans  le 
port  par  deux  corsaires  avec  l'aide  de  tous  les  bateaux  de 
pêche  de  la  commune,  trois  mois  auparavant.  Il  constata  l'in- 
suffisance de  l'approvisionnement  en  blé  (20  frimaire). 

Le  lendemain  (21  frimaire),  il  décida  de  faire  exécuter  à 
Marseille,  par  un  sculpteur,  une  statue  de  la  Liberté,  afin  de 
«  célébrer  les  décades  avec  emphase  et  avec  tout  le  civisme 
«  d'une  commune  républicaine  ». 

Le  25  frimaire  (i5  décend)re  1793),  les  «  approchesde  l'atta- 
«  que  de  Toulon  et  de  l'ouverture  du  sièrje  »  avaient  déterminé 
le  commissaire  des  guerres,  Bonaparte,  chargé  de  la  police 
des  hôpitaux  de  l'armée  sur  Toulon,  à  se  transporter  à  Saint- 
Nazaire,  accompagné  du  directeur  de  l'hôpital  ambulant  d'Ol- 
lioules,  pour  requérir  des  fournitures  de  lits  provenant  tant 
des  biens  des  émigrés  qne  des  habitants  et  la  commune  avait 
été  déclarée  en  état  de  guerre. 

Le  conseil  se  montra  favorable  à  l'installation  de  cent  lits 
dans  l'église  paroissiale  et  fit  transcrire  la  réquisition  sur  le  re- 
gistre des  délibérations.  Bientôt  (i^"^  nivôse) (21  décembre  1793), 
il  vota,  comme  suite  à  la  prise  de  Toulon  et  en  vertu  de  la  loi 
du  21  mars  1798,  la  constitution  d'un  comité  de  surveillance'. 

A  titre  d'incident  local,  mentionnons  l'arrestation  du  greffier 
de  la  justice  de  paix.  La  présence  d'une  petite  garnison  et  le 
passage  continuel  de  troupes  avaient  hâté  l'épuisement  des 
réserves  de  blé. 

Plus  lard,  nous  voyons  réquisitionner  la  madrague  se  trou- 
vant au  Brusc,  à  la  demande  de  deux  personnes  qui  consen- 
taient à  en  livrer  le  produit  à  Toulon,  moyennant  rétribution 
pour  augmenter  les  subsistances.  Elle  appartenait  à  des  émi- 
grés comme  la  madrague  de  Brégançon,  sise  dans  le  golfe 
d'Hyères  et  dont  la  pêche  recevait  la  même  destination  (3  plu- 
viôse an  II).  L'arrêté  fut  signé  par  Ricord,  représentant  du 
peuple.  Les  subsistances  étaient  centralisées  à  Toulon  au  grand 
détriment  des  communes  voisines.  Celle  de  Sanary  dut  envoyer 

I.  Hegistre  des  délibérations,  f"'  65  cl  i  à  8. 


296       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

des  mandataires  pour  acheter  du  blé  à  Nice  (3o  pluviùse) 
(18  février  1794)- 

Les  administrateurs  du  district  du  Beausset  déléguèrent 
Antoine  Casteliii  d'Ollioules,  pour  rechercher  les  brides,  selles, 
licols,  etc.,  se  trouvant  chez  des  particuliers.  L'opération  fut 
faite  à  Sanary  le  6  ventôse.  Saliceti  appela  les  patrons  pêcheurs 
habitant  les  départements  du  Midi,  pour  le  service  de  mer  sur 
les  bâtiments  de  guerre  de  la  République  ^ 

Aux  ternies  de  la  délibération  du  17  ventôse,  la  seule  res- 
source des  habitants  consistait  dans  la  vente  des  vins  et  le 
conseil  émit  le  vœu  que  la  prohibition  en  tut  levée.  De  cette 
manière,  les  bateaux  génois  livreraient  en  échange  des  vins, 
de  la  morue,  du  riz  et  du  fromage,  comme  ils  le  faisaient  à 
Bandol,  à  la  Ciotat  et  à  Cassis-.  A  ce  moment-là,  le  port  de 
Sanary  était  un  précieux  port  de  relâche. 

La  question  du  blé  l'ut  de  nouveau  à  l'ordre  du  jour.  Les 
2.027  habitants  de  Sanarv  consommaient  annuellement  /i.o54 
charges,  soit  par  mois  387  charges,  i  panale  1/2 ''.  Au  19  plu- 
viôse, les  provisions  comprenaient  00  charges,  i  panale  de 
blé  ;  2  charges,  4  panales  d'orge  et  7  charges,  9  panales  de 
farine.  Le  7  ventôse,  il  avait  été  accordé  80  charges  de  blé  et 
20  charges  d'orge  par  la  Nation  et  le  tout  avait  été  retiré  à 
Nice.  Le  déficit  récent  de  221  charges  et  9  panales*  avait  été 
comblé  par  un  emprunt.  Un  nouveau  secours  fut  demandé 
(28  ventôse)  (i3  mai's  1794)-  Pour  faciliter  l'ensi'mencement, 
il  fut  envoyé  du  côté  de  Brignoles  un  Sanarven  chargé  d'ache- 
ter pour  le  compte  de  la  commune  20  quintaux  de  pommes  de 
terre,  destinées  à  être  distribuées  aux  habitants  à  prix  coûtant 
et  avec  adjonction  des  frais  (27  ventôse)''.  Vers  le  même  mo- 

1.  Registre  des  délibérations,  f»»  al^  et  s. 

2.  Au  commeiicemenl  du  dix-liuitième  siècle,  des  bateaux  catalans  paraissaient  sou- 
rcnt  dans  ces  parages.  En  1723  (avril),  deux  vaisseaux  algériens  avaient  capture  un 
petit  vaisseau  catalan  en  vue  de  Baiidol  {Arc/iiues  de  Sanary,  série  E). 

3.  Sous  l'ancien  régime,  le  blé  était  frappé  à  Sanary,  à  Toulon,  etc.,  d'un  droit 
d'octroi  appelé  piquet  cl  très  impopulaire. 

4.  La  panale  ou  panai  valait  un  dixième  de  charge. 

5.  C'est  là  la  seule  l'ois  que  j'ai  rencontré  la  mention  de  ces  tubercules  dans  les 
nombreux  documents  de  celte  époque,  que  j'ai  consultés. 


SANARY    ET    LE    SIEGE    DE    TOULON  297 

ment,  la  commission  des  subsistances  et  approvisionnements 
(le  la  République  mit  en  ré(juisitioii  toutes  les  huiles  se  trou- 
vant dans  le  département  (24  ventôse).  La  municipalité  dut 
décider  c|ue  la  livraison  du  blé  et  de  l'orge  ne  se  ferait  plus 
séparément,  car  les  personnes  riches  faisaient  consommer 
l'orge  par  leurs  bestiaux  !  Désormais,  la  remise  du  blé  et  de 
l'orge  aurait  lieu  «  grains  mêlés  »  (i5  germinal) (4  avril  1794)' 
La  tartane,  le  5'«//î/-/^r«rtfo/s,  commandée  par  le  capitaine  F'ran- 
rois  Pons  et  chargée  de  blé,  se  trouvait  ancrée  et  en  quaran- 
taine dans  le  port  de  Sanary  M  Le  représentant  du  peuple, 
Maltedo,  annula  l'arrêté  de  son  collègue  Maignet  pris  à  Port- 
la-Moiitagne  le  3  ventôse  an  II  (21  fé\rier  1794))  prescrivant 
l'envoi  de  ce  blé  à  Marseille  et  douna  l'ordre  de  le  transporter 
à  Port-la-Montagne  par  les  soins  de  Loth,  inspecteur  des  sub- 
sistances militaires  (17  germinal),  en  prenant  de  grandes  pré- 
cautions pour  éviter  la  contagion  -. 

Malgré  la  demande  instante  du  conseil,  l'autorité  compé- 
tente avait  accordé  un  secours  insuffisant,  70  charges  de  blé 
et  3o  d'orge.  Une  nouvelle  tentative  fut  entreprise  (19  ger- 
minal). L'absence  de  toute  marchandise  était  aussi  absolue 
(jue  le  manque  des  denrées  et  les  cordonniers  s'engagèrent  à 
fabric[uer  des  souliers  conformément  à  la  loi  du  i4  ventôse, 
pourvu  qu'on  leur  remît  le  nécessaire  (24  germinal).  Le  len- 
demain, l'installation  d'un  atelier  de  fabrication  de  salpêtre 
fut  décidée  sur  la  Place  à  côté  du  temple  de  la  Raison.  Quatre 
jours  plus  tard,  la  dresse  d'un  autel  à  la  patrie  dans  ce  dernier 
monument  fut  décrétée  (29  germinal  an  II).  Aucun  événement 
local,  digne  d'intérêt,  n'eut  lieu  jusqu'au  11  floréal,  jour  où  un 
nouveau  secours  de  blé  fut  voté  (3o  avril  1794)-  Le  lendemain, 
des  mesures  furent  prises  pour  le  recensement  des  porcs, 
conformément  à  l'arrêté  du  Comité  de  Salut  public  du  22  ger- 
minal. Senès  le  jeune,  agent  national  du  district  du  Rcausset, 

1.  Registre  des  délibérations,  f"s  54  à  76. 

2.  S'il  faut  en  croire  L'Historique  du  pays  conservé  aux  archives,  le  marquis  de 
Centurion,  lieutenant-général  des  armées  navales,  aurait  aftirmé  la  supériorité  du 
port  de  Sanary  sur  ceux  de  Bandol  et  de  la  Ciolat  (4  mai  1667). 


298       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇALSE    ET   DE    l'eMPIRE 

en  coins  d'opérations  au  I^ort-Ia-Montagne,  ne  tarda  pas  à 
écrire  à  l'afjeat  national  de  Sanarv-Beauport  une  lettre  rela- 
tive aux  fonctions  d'agent  national  des  communes  (26  germi- 
nal). Le  12  floréal,  des  certificats  de  résidence  constante 
depuis  plus  de  six  mois,  c'est-à-dire  antérieurement  au  mois 
de  novembre  lygS,  furent  remis  par  le  conseil  général  de  la 
commune  à  l'ancien  curé  (le  Sanarv,  Julien',  à  un  religieux 
Minime,  à  un  frère  lav  Cordelier  et  à  une  Ursuline  (i"  mai 
1794),  puis  un  peu  plus  lard  à  une  Clarisse. 

La  municipalité  d'Ollioules  fut  autorisée  à  délivrer  à  celle 
de  Sanarv,  pour  le  service  de  l'atelier  de  salpêtre  en  construc- 
tion, une  chaudière  et  un  chaudron  provenant  des  biens  de 
l'émigré  Liotaud  (mai  1794)-  '-e  local  coiniu  sous  le  nom  de 
Salpètrièie  rendit  peu  de  services.  Construit  en  grande  partie 
par  les  habitants  «  ayant  passé  chacun  à  son  tour  plusieurs  jour- 
nées de  corvée  »,  en  forme  de  halle  et  élevé  sur  la  place,  il  fut 
démoli  à  la  fin  de  l'an  IV. 

La  réquisition  des  chevaux  était  rendue  difficile,  parce  que 
les  habitants  «  éparpillés  »  dans  les  campagnes  ou  propriétés 
rurales  n'avaient  pas  encore  regagné  leur  domicile  (i4  floréal) 
(3  mai  1794)-  Enfin  la  vétusté  de  l'horloge  installée  dans  le 
clocher  de  l'église  paroissiale  transformée  en  temple  de  la 
Raison  -  était  telle  que  des  réparations  ne  pouvant  y  être  faites 
qu'en  pure  perte,  tous  les  fers  en  furent  offerts  sans  succès  à 
la  nation^.  Moyennant  le  salaire  de  00  livres  par  an.  Biaise 
fut  chargé  de  «  faire  aller  »  la  cloche  laissée  dans  cette  tour  à 
8  heures  du  matin,  à  midi,  à  i  heure  et  à  5  heures  du  soir, 
conformément  aux  heures  de  travail  et  de  repos  des  ouvriers 
(i4  floréal).  La  marche  des  événements  amena  le  maintien 
d'une  «  modique  »  escouade  d'artilleurs  dans  les  batteries 
locales.  Mais  le  8  fructidor  an  III  (26  août  1790),  Paclhod, 


I.  Ce  ]irètre  reçut  le  i8  messidor  un  nouveau  ccrlifical  de  résidence. 

3.  D'après  une  délibération  de  l'an  IX,  relative  à  la  réouverture  au  culle  du 
Temple  décadaire,  celui-ci  renfermait  les  statues  de  la  Liberté,  de  Voltaire,  de 
IVousseau,  de  Brutus  et  d'Helvétius  (Begistre  des  délibérations,  C  çjô). 

i.  Registre  des  délibérations,  P>'  99  à  106. 


SANARÏ    ET    LE    SIÈGE    DE    TOULON  SQQ 

(|énéral  de  brigade  commandaiil  la  place  de  Marseille  en  état 
de  siège,  donna  l'ordre  au  capitaine  Lions,  dont  la  compagnie 
était  cantonnée  dans  celte  ville,  d'aller  tenir  garnison  avec  ses 
hommes  à  Bandol,  sous  la  réserve  de  fournir  un  détachement  à 
Sanaiy.  Ultérieurement,  le  général  de  division  Mourel  com- 
mandant à  Toulon  la  8"  division  militaire,  prescrivit  le  6  ven- 
tôse an  l\,  au  chef  d'escadron  \'illers  du  25^  régiment  de 
chasseurs  à  cheval,  d'aller  à  Bandol,  Six-Fours  et  Sanary  pour 
obliger  ces  communes  au  versement  des  fourrages,  dont  elles 
étaient  débitrices. 

Un  capitaine  de  canonniers.  Ferrante,  fut  chargé  des  batteries 
de  Sanary,  de  Bandol  et  du  Brusc.  Le  général  de  brigade  Moy- 
nat-Dauxon^,  commandant  à  Toulon  le  i"  arrondissement  du 
Var,  lui  donna  l'ordre  de  prendre  le  «  commandement  »  des 
deux  premières  communes  et  de  celle  de  Six-Fours  (28  frimaire 
an  V)  (18  décembre  1796)".  Il  prescrivit  en  même  temps  le 
désarmement  de  la  batterie  du  môle  et  le  dépôt  de  son  matériel 
dans  la  tour  de  Sanary'.  Ferrante  demanda  quelque  temps 
ajjrès  l'autorisation  de  construire  une  maison  au  midi  de  la 
«  batterie  supprimée  du  vieux  môle  »  et  à  12  toises  de  la  mer*. 
Constatons  avec  plaisir  que  l'histoire  militaire  de  cette  ville  est 
désormais  dépourvue  d'intérêt  après  avoir  été  par  trop  agitée. 
Relevons  cependant  une  mention  inscrite  à  l'état  di'essé  par  la 
municipalité  le  i5  frimaire  an  IV  (6  décembre  1795)="  :  «  Les 
«  chapelles'',  église  et  maison  à  l'hôpital  ne  produisent  aucuns 

I.  Ces  fonctions  furent  eusuile  dévolues,  par  ordre  de  ce  fjénéral,  au  capitaine 
Balp,  du  3'  bataillon  d'infanterie  du  Jura  (1797). 
a.  Registre  des  délibérations ^  fo^  206  à  262. 

3.  Des  réparations  furent  effectuées  en  1797  au  môle  du  ponant. 

4.  Au  contraire,  l'état  des  batteries  de  la  Cride  et  de  Porlissol,  du  Cap-Nègre  et 
des  Embiez  (Six-Fours)  était  suffisant.  Lors  de  leur  suppression,  il  y  a  environ 
vingt-cinq  ans,  chaque  gardien  avait  un  logement  de  cinq  ou  six  pièces  à  sa  dispo- 
sition pour  sa  famille.  Chaque  poste  comprenait  en  outre  deux  soldats. 

5.  Lors  de  la  formidable  explosion  d'un  train  charge  de  20.000  kilos  de  poudre 
qui  eut  lieu  le  5  février  1871,  près  du  pont  de  Labcau,  la  chapelle  des  pénitents  fut 
transformée  en  ambulance  et  vingt  soldats  blessés  y  furent  soignés.  Edmond  Adam, 
mari  de  Juliette  Lamber,  fut  au  nombre  des  victimes  et  put  recouvrer  la  santé 
(Juliette  Lambfk,  Le  Siège  de  Paris,  p.  438  et  s.). 

6.  Ces  chapelles  étaient  celles  :  1"  des  Pénitents  blancs  (Notre-Dame  de  Consola- 
ion  ou  Vierge  de  Consolation);  2"  de  Notre-Dame  de  Bonrcpos,  rappelée  par  un  ora- 


300      REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

«  revenus,  attendu  qu'elles  ont  été  dévastées  par  les  troupes 
«  qui  ont  passé  et  mises  hors  de  tout  service  ^  »  Tout  en  avant 
moins  soulFert  qu'OUioules,  sa  voisine,  Sanary  eut  à  réparer 
d'importants  dommages  matériels.  Par  leur  esprit  d'économie 
et  par  leur  amour  du  travail,  les  habitants  eurent  bientôt  raison 
des  difficultés  rencontrées  par  eux. 


XVII 

Une  lettre  expédiée  le  25  germinal  an  II  (i4  avril  1794)1  par 
Senès  le  jeune  en  cours  d'opérations  à  Port-la-Montagne  à 
l'agent  national  de  Sanarv,  témoigne  de  l'indignation  qui  venait 
de  le  saisir  à  la  vue  de  charretiers  eld'emplovés  au  service  des 
charrois  militaires,  en  train  de  fourrager  dans  une  propriété 
nationale  d'émigrés  ensemencée  d'avoine  et  sise  sur  la  roule 
d'Ollitiules.  Bien  longtemps  avant  1793,  les  vols  se  multi- 
pliaient, et,  le  !'■  septembre  1792,  les  officiers  municipaux  de 
Toulon  durent  décider  que  les  personnes  porteuses  de  fruits 
n'entreraient  pas  dans  la  ville  sans  être  munies  d'un  billet  de  la 
municipalité  compétente -.  Effectivement,  .'5oo  ou  4oo  galériens 
s'étaient  évadés  ensemble  d'après  la  lettre  du  i"  août  précé- 

loire;  3"  de  Notre-Dame  de  la(Millière  (chapelle  parliculière);  4°  du  Sacré-Cœur  (me 
des Bernards) ;  5°  de  Sainte-Catherine  ou  de  Saint-Dominique;  6"  de  Notre-Dame  de 
Htié;  7°  de  Saiut-Roch;  8°  de  Saiule-Ternide  ou  de  la  Sainte-Trinité;  g"  de  Noire- 
Dame  de  Pâmoison  ou  mieux  d'Espaime  (chapelle  parliculière). 

Le  chapelain  de  la  première  était  Soleillel,  en  1788. 

L'état  dressé  en  1819  attribua  75  toises  à  Notre-Dame  de  Pitié,  et  celui  du  lô  fri- 
maire an  IV  mentionna  70  cannes  seulement.  .Après  la  Révolution,  la  chapelle  des 
pénitents  fît  retour  au.\  pénitents,  et  la  chapelle  des  Saints-Enfants  ou  de  l'Enfant- 
Jésus  ou  du  Saint-Enfant  Jésus  ou  du  Sacré-Cœur,  devint  la  propriété  de  la 
Congrégation  des  Filles.  Cette  dernière  chapelle  est  aujourd'hui  dans  un  médiocre 
état. 

La  chapelle  des  Pénitents  aurait  été  fondée  par  Barthélémy  de  Don,  tué  à  l'enocmi 
(1710),  et  capitaine  d'un  vaisseau  de  guerre.  Par  suite  de  je  ne  sais  quelles  circons- 
tances, ce  nom  ne  ligure  pas  sur  une  liste  des  ofDciers  de  la  marine  du  port  de 
Toulon,  dressée  en  1707. 

Toules  ces  chapelles  ont  été  occupées  par  des  soldats  pend.inl  le  siège  do  Toulon 
et  elles  avaient  été  rendues  impropres  à  tout  usage. 

I.  Archives  de  Snnary,  Ij  et  Registre  des  délibérations,  f*  Sgo. 

a.  Archives  de  Sanary,  I ,. 


SANARY    ET    LE    SIÈGE    DE    TOULON  3o  I 

dent  (^manant  de  la  même  administration'.  Que  de  dégâts  ne 
durent-ils  pas  commettre?  Je  n'ai  pas  pu  retrouver  la  moindre 
trace  de  leur  réintégration  dans  leurs  fers.  La  frontière,  si 
voisine  à  cette  époque,  permit  probablement  à  la  plupart  d'entre 
eux  d'aller  traîm-r  leur  existence  sous  un  autre  ciel.  Je  suis 
d'ailleurs  convaincu  qu'ils  surent  profiter  des  circonstances 
pour  vivre  à  leur  guise  et  pour  servir  tel  ou  tel  parti  au  gré  de 
leurs  intérêts  ou  de  leurs  besoins.  Leur  c£)nduite  n'a  pu  man- 
(|uer  d'être  équivoque. 

Comme  il  est  aisé  de  le  supposer,  le  plus  grand  désarroi 
régnait  jiartont.  Le  service  de  santé  se  montra  à  la  hauteur  de 
sa  tâche",  mais  l'insuffisance  du  personnel  ne  lui  permit  pas 
de  faire  face  à  toutes  les  besognes,  même  les  plus  urgentes. 

Le  29  germinal  an  II,  Senès^  dut  rappeler  les  municipalités 
à  l'exécution  des  instructions  du  comité  de  santé  concernant 
«  l'inhumation  des  cadavres  dans  les  lieux  où  il  y  a  eu  des 
«  batailles;  dans  plusieurs  endroits  les  cadavres  paroissent  sur 
«  terre  exhalant  des  miasmes  qui  ne  peuvent  que  produire  des 
«  maladies*  ». 

1.  Mêmes  archives,  H  3. 

2.  Les  soins  les  ])lus  dévoues  furent  donnés  continuellement  aux  blesses  et  aux 
malades.  Cette  sollicitude,  digne  d'éloges,  se  perpétua  durant  de  longs  mois.  Joseph 
Fournier,  commissaire  des  guerres,  employé  dans  la  huitième  division  militaire  et 
chargé  du  service  de  la  place  du  Port-de-la-Monlagne,  requit,  le  11  ventôse  an  II 
(!'''■  mars  1794)1  'a  municipalité  de  Saint-Nazaire  de  choisir  deux  patrons  pêcheurs 
devant  pêcher  journellement  le  poisson  nécessaire  aux  malades  et  convalescents  des 
iiopitaux  (Archives  de  Sanary,  HJ. 

Les  pontons  anglais  ont  laissé  dans  l'histoire  de  sinistres  souvenirs.  Au  contraire, 
l(?s  prisonniers  français  n'eurent  qu'à  se  louer  des  Anglais  au  cours  du  siège  de 
Tculon.  L'inlérèl  de  cette  constatation  est  assez  vif.  Le  21  frimaire,  Dugommier 
correspondit  d'OUioules  avec  le  Journal  d'Avignon  et  lui  envoya  la  copie  de  la  lettre 
écrite  par  lui,  le  20  frimaire,  au  général  O'Hara,  prisonnier  à  Aix,  et  de  celle 
adressée  à  Bonaparte,  le  11  octobre,  par  un  officier  d'artillerie  se  louant  des  bons 
traitements  des  Anglais  vis-à-vis  des  prisonniers  (Courrier  d'Avignon,  n"  27g,  du 
20  frimaire). 

3.  Scnès  (Jean-Baptiste-Pierre),  dit  Sencs  le  jeune,  dont  le  dévouement  à  la  chose 
imblique  l'ut  sans  bornes,  annonça  son  installation  en  qualité  de  sous-préfet  de  Toulon 
par  la  circulaire  du  i5  prairial  an  VIIL  Né  à  Toulon  le  21  octobre  1707,  il  mounit 
le  4  janvier  1829  (Salvarelli,  Les  administrateurs  du  département  du  Var  (1790- 
1897),  p.  207).  Bonhomme  fut  nommé  procureur  syndic  le  27  mai  1794  en  rempla- 
cement de  Sencs  (Ibid.,  p.  21 3),  qui  fut  assez  longtemps  agfnt  national  près  le 
district  du  Beausset. 

4.  Ibid.,  1 ,. 


3o2       REVIE    IIISTORIQUK    DE   LA    RÉVOLUTION    FRANÇALSE    ET    DE    l'eMPIRE 

Marquis,  chirurgien  en  chel'  de  l'Armée  du  Midi  et  chargé 
du  service  de  santé  sous  les  ordres  de  Joseph  Bonaparte,  a 
étudié  la  flè^re  adynamique  qui  se  développa  à  Toulon  après 
le  siège.  Son  mémoire  est  intitulé  :  ('considérations  médico- 
chiriiryicales  sur  les  maladies  qui  ont  réijné pendant  et  après 
le  sièye  de  Toulon  durant  le  cours  des  années  II  et  III  de  la 
République  française^.  Malgré  la  présence  de  cet  écrivain  aux 
opérations  militaires,  les  renseignements  historiques  donnés 
par  lui  sont  inexacts. 

XVIII 

Un  mot,  au  sujet  d'une  affaire  sensationnelle,  paraît  s'im- 
poser sans  conteste. 

Six  arrêtés  pris  au  Beausset  le  9  brumaire  an  III  (3o  octobre 
1794)  par  les  représentants  du  peuple  envoyés  dans  les  dépar- 
tements des  Bouches-du-Rhône,  du  Var  et  de  l'Ardèche,  ont 
tous  été  imprimés  à  Marseille  à  1'  «  im])rimerie  révolutionnaire 
de  Jean  Mossy,  l'an  3""-'  de  la  République  ».  Devaient  cesser 
leurs  fonctions  :  1°  le  juge  de  paix  et  le  secrétaire-greffier  du 
canton  du  Beausset  ;  1°  les  membres  composant  le  tribunal  du 
district  du  Beausset  ;  3°  les  membres  du  directoire  de  ce  dis- 
trict ;  4°  les  membres  composant  le  bureau  de  conciliation  de 
ce  même  district  ;  5"  les  membres  composant  le  comité  révolu- 
tionnaire du  même  district;  6°  les  membres  de  la  numicipalité 
du  Beausset.  Sans  insister  sur  les  causes  de  ces  mesures, 
rappelons  qu'un  Sanaryen  Granet,  propriétaire  au  quartier 
de  Sainte-Ternide,  lut  désigné  pour  faire  partie  du  comité  révo- 
lutionnaire. Les  successeurs  de  toutes  les  personnes  destituées 
sont  d'ailleurs  nommés  dans  chaque  arrêté.  Les  représentants 
du  peuj)le  étaient  Auguis  et  J.  J.  Serres.  Le  nom  de  ce  dernier 
figure  seul  sur  chacune  des  six  ariiches-. 

1.  Paris,  QoiLLAu,  an  XII,  in-4°,  19  p.  {ISihl.  de  Toulon). 

a.  Arcbwes  de  Sanuri/.  Par  suite  d'une  erreur,  Au<juis  a  clé  imprime  Ânguis 
sur  ces  afGches. 


SANAIIY    ET    LE    SIÈGE    DE    TOULON  3o3 


XIX 

L'histoire  défiiiilive  des  préliminaires  du  siè(|e  de  Toulon 
lie  j)Ourra  j)as  être  écrite  sans  les  archives  du  district  de  cette 
ville,  dont  le  chef-lieu  fut  transféré  au  Beausset  par  Gasparin 
et  Saliceti  le  i5  septembre '^.  Or  ces  archives  doivent  exister 
quelque  part,  car,  d'après  une  délibération  du  17  messidor 
an  II,  l'administration  dn  district  du  Beausset  venait  de  décla- 
rer par  une  circulaire  qu'elle  avait  perdu  un  temps  précieux 
pour  se  procurer  les  archives  du  ci-devant  district  de  Toulon 
renfermant  notamment  les  matrices  des  rôles  dont  le  besoin 
était  urgent".  Elles  doivent  se  trouver  dans  un  dépôt  public 
et  sont  encore  vierges. 

L'état  de  désorganisation  auquel  en  était  arrivée  l'adminis- 
tration pourra  être  établi  par  un  fait  particulier.  Les  percep- 
teurs des  communes  de  Sanary  et  de  Bandol,  formant  un  seul 
canton,  n'avaient  pas  rendu  leurs  comptes  des  années  1792  à 
l'an  IV  inclus.  Une  vérification  minutieuse  en  fut  prescrite  le 
20  messidor  an  VI  par  l'administration  municipale  de  Sanary^. 
Son  résultat  n'est  pas  connu,  mais  l'intérêt  en  serait  relatif. 

D'importants  documents  ont  été  certainement  détruits  dans 
le  fol  espoir  d'effacer  à  jamais  tout  souvenir  de  l'ancien  régime. 
Le  bon  sens  finit  par  reprendre  son  empire.  Senès  le  jeune, 
agent  national  près  l'administration  du  district  de  Port-la- 
Montagne,  prescrivit,  le  21  germinal  an  II,  conformément  à  la 
loi  du  12  frimaire,  de  réunir  et  de  mettre  sous  scellés  dans  les 
dépôts  les  «  parchemins,  livres  et  papiers  manuscrits  qui 
pourroient  blesser  les  principes  de  liberté  et  de  raison  ». 
Bientôt,  le  24  germinal  suivant  (10  avril  1794^))  les  adminis- 
trateurs du  district  du  Beausset  rappelèrent  (|ue  l'on  devait 

1.  PouPF,  Les  districts  ilu  Vur  (1790-1790),  p.  idli. 

2.  Registre  des  délibérations,  f"  i43. 

3.  Ibid.,  f  375. 

4.  Toutes  les  conversions  de  style  ont  été  faites  grâce  à  la  Concordance  générale 
des  calendriers  républicain  et  grégorien,  etc  ,  Avignon,  Joly,  1S18,  in-12,  i56  p. 
Un  exemplaire  de  cet  opuscule  fait  partie  des  archives  de  Sanary. 


3o4       REVL'E    HISTORIQUE    DE   LA    RtVOLUTlON    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

placer  sous  scellés  les  «  parchemins,  livres  et  papiers  manus- 
crits ou  imprimés  qui  seroient  donnés  librement  pour  être 
brûlés  »,  jusqu'à  la  décision  de  la  Convention'.  Celle-ci  fit 
l'objet  d'instructions  précises^.  Le  sort  des  souvenirs  du  temps 
passé  était  désormais  assuré. 

Malheureusement  les  manuscrits,  comme  les  livres,  accom- 
plissent leur  destinée.  M.  Barthélémy  Caribbo,  le  fin  bouqui- 
niste toulonnais,  acheta,  il  y  a  quelques  années,  un  lot  de 
pa])icrs^.  Parmi  ceux-ci,  un  cahier,  écrit  en  anglais  et  couvert 
de  notes,  attira  son  attention.  Ayant  demandé  le  sens  du 
contenu  à  une  personne  prétendant  connaître  la  langue  anglaise, 
il  lui  fut  répondu  que  ce  cahier  était  un  recueil  de  chansons 
anglaises!  Las  de  ne  pas  trouver  d'acquéreur  pour  ce  manus- 
crit, M.  Garibbo  le  céda  à  un  Français  de  passage,  en  ayant 
compris  tout  de  suite  l'importance.  Celui-ci  le  rétrocéda  au 
poids  de  l'or  à  un  Anglais  en  villégiature  à  Hyères.  Quelques 
jours  plus  tard,  notre  Français  vint  s'enquérir  auprès  du  ven- 
deur de  l'existence  possible  d'autres  papiers  analogues  au 
cahier  acheté  par  lui.  Sur  la  réponse  négative  de  M.  Garibbo^, 
il  finit  par  déclarer  que  ce  cahier  était  extrêmement  précieux. 
C'était  tout  simplement  un  carnet  de  notes  prises  au  cours  du 
siège  de  Toulon  par  l'amiral  Flood  !  Soidiaitons  vivement  que 
son  propriétaire  actuel  le  confie  quel([ue  jour  à  un  historien 
capable  de  tirer  parti  de  son  contenu  et  plus  spécialement  au 
bienveillant  directeur  de  la  Renne  /lisforii/iie  de  la  Révolution 
française. 

1.  Mcmes  archives,  D4. 

2.  Jnstruclion  sur  la  manière  d'inventorier  et  de  conserver,  dans  toute  rétendue 
de  ta  Répulilique,  tous  les  objets  qui  peuvent  servir  aux  arts,  aux  sciences  et  à 
l'enseignement,  proposée  pur  la  commission  temporaire  des  arts  et  adoptée  par 
le  comité  d'instruction  publique  de  la  Convention  .\ationale.  Paris,  imp.  nation., 
an  II,  in-Zf",  70  p.  (^Arcliives  de  Sananj,  C). 

3.  Insialli*  cil  1880,  il  s'est  tout  d'abord  livn-  unù]uement  au  ooiniiicrce  des 
livres  anciens. 

4.  Sun  lils,  M.  Anliiiuc  Garibbo.  est  l'auleiir  applaudi  de  maintes  chansons  impri- 
nii'cs  pour  la  plupart  el  d'une  pièce  comique  en  3  actes,  mallieurensemenl  non 
imprimée  et  représentée  avec  un  plein  succès  à  la  place  Sainl-Kocb  de  Toulon  (1896), 
Lei  buf/adièro  de  San  R6.  Diverses  scènes  ont  été  reproduites  parla  pholo»jrsphic. 
Une  pièce  du  cancvassier  marseillais,  Dray  père,  porte  ce  même  titre. 


SANARY    ET    LE    SIEGE    DE    TOULON 


3o5 


Ce  mémoire  n'aurait  pas  pu  être  rédigé  sans  l'obligeance 
sans  bornes,  que  m'ont  témoignée  :  i°  MM.  drondona,  maire 
de  Sanarv',  Flotte  et  Btiggiano  (premiers  adjoints  successifs), 
Gautier,  second  adjoint  ;  2°  MM.  Susini,  secrétaire  général  de 
la  Mairie,  officier  de  réserve  et  titulaire  de  plusieurs  déco- 
rations vaillamment  gagnées,  et  H.  Flotte,  ayant  classé  les 
archives-;  3°  MM.  Mary-Lasserre,  conservateur  de  la  Biblio- 
thèque municipale  de  Toulon  et  Marins  Raibaud,  bibliothé- 
caire adjoint,  dont  la  librairie,  sise  6,  rue  de  l'Intendance,  était 
bien  connue  (i886-igo3)  et  (jui  a  édité  un  livre  provençal  re- 
cherché de  nos  jours  ^.  Qu'ils  agréent  l'expression  de  ma  pro- 
fonde gratitude*  ! 

R.  Vallentin  du  Cheylard. 


1.  Dans  la  région,  la  commune  de  Signes  est  citée  volontiers  pour  l'étendue  de  son 
territoire  (i3.3io  hectares).  Hyères,  avec  ses  1 1.684  hectares,  était  encore  plus 
importante  autrefois,  car  il  faut  ajouter  à  sa  superficie  actuelle  les  3, 660  hectares  de 
la  Crau,  les  8.400  hectares  de  La  Londe-les-Maures,  érigée  en  1901,  et  les  1.600 
licctares  de  r,arqupiranne.  Les  prétentions  de  Sanarv  sont  moins  élevées.  Elle  compte 
1.924  hectares,  tandis  qu'Ollioules,  dont  elle  fut  séparée  en  1688,  a  seulement  2.017 
hectares.  L'administration  supérieure  fut  donc  très  généreuse  à  l'égarJ  de  la  nourelle 
communauté,  tandis  que  Bandol,  distraite  de  La  Cadière  (i7i5_),  ne  possède  que 
856  hectares,  faible  partie  de  cette  dernière  commune  qui  donna  naissance  plus  tard 
à  Saint-Gyr. 

2.  La  délibération  du  32  germinal  an  VIII  (12  avril  1800)  fut  très  importante  pour 
le  sort  de  ces  archives.  Transportées  dans  la  Tour  pendant  l'un  des  sièges  de  Toulon 
(1707),  leur  classement  n'était  pas  encore  fini  en  171 1  et  elles  se  trouvaient  à  moitié 
'I  pourries  n  à  ce  moment-là.  Leur  conservation  est  aujourd'hui  assurée, 

.\u  contraire,  d'après  la  tradition,  les  archives  anciennes  d'Ollioules  auraient  jadis 
scn'i  aux  amusements  des  enfants. 

3.  Mangih,  L'année  d'aulrejois  en  Provence.  Paris,  Duc;  Toulon,  Raihaud, 
1895,  in-is,  2  p.  n.  ch.,  IV  et  yS  p.,  et  2  p.  n.  ch. 

4.  Ce  mémoire  sera  complété  par  d'autres  études  :  i^  ISotes  sur  quelques  médailles 
provençales  et  sur  de  faux  louis  de  Louis  XVII;  2°  Après  le  siège  de  Toulon; 
3»  Notes  sur  la  numismatique  des  districts  de  Toulon  et  du  Beausse/ (1790-1795) . 
4*'  Notes  sur  la  sigillograplne  des  districts  de  Toulon  et  du  Beausset  (1790-1795); 
5"  Notes  historiques  sur  Sanary  (Var);  6"  Notes  archéologiques  sur  Sanary  (Var); 
7"  Essai  sur  les   impressiois   varoises  de  Marc   et  d'Auguste  Aurel  (1793-1802), 


RKV.   HIST.    DE  LA  BEVOL. 


LETTRES  INÉDITES 

DE 

MARIE-CAROLINE 

REINE  DES  DEUX-SICILES 

au.    marquis    de    Gallo 

(1789-1806) 

{Saite  ') 


CCLX 

Naples,  le  i3  novembre  i8oa.  N"  6. 

(£>i  noir.) 

Commissions. 

Une  belle  garniture,  point  d'Alençon,  s'entend,  un  bonnet 
avec  les  barbes  ou  palatines  de  dentelles  larges  (24  aunes 
j)our  garnir  un  habit;,  et  des  moins  larges,  12  aunes  tout  pour 
garnir  un  habit,  dessein  égal). 

De  plus  bonnet,  fichu,  chemisettes  pour  négligé  à  la  mode, 
fleurs. 

(En  chiffre.) 

J'espère  bien  que  vous  rôtirez  celte  feuille.  J'écris  demi  à 
l'obscur.  La  commission  est  vraie.  Je  désire  ces  dentelles  et 
compte  sur  votre  bon  goût. 

Je  suis  dans  les  plus  grandes  inquiétudes  sur  les  nouvelles 
de  guerre,  qui  depuis  quelques  jours  généralement  se  débi- 

I.  Voir  Revue  historique  de  la  Révolution  française  de  janvier-mars  191 1  et 
numéros  suivants. 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE    AU    MARQUIS    DE    GALLO       807 

teiil'.  Si  ce  malheureux  événement  est  vrai,  c'est  tout  ce  qui 
nous  pourrait  arriver  de  plus  fatal.  Ce  n'est  point  que  nous  ne 
soyons  bien  décidés  à  la  paix  et  stricte  neutralité  ;  mais  ces 
Messieurs  où  vous  habitez  le  croiront-ils  ?  Ne  leur  conviendra- 
t-il  pas  mieux  d'en  douter,  de  nous  mettre  garnison,  de  s'em- 
parer de  nos  ports,  de  nos  vivres,  de  nos  subsistances,  et 
après  nous  avoir  ruinés,  nous  traiter  comme  ils  ont  fait  au  roi 
de  Sardaigne  et  au  malheureux  grand-duc  de  Toscane,  tous 
deux  leurs  humbles  sujets,  tous  deux  par  eux  dépouillés  et 
chassés  sans  motif  de  leurs  Etats.  Je  vous  avoue,  je  regarde 
cette  guerre  comme  un  malheur  incalculable.  Pour  nous,  je 
m'attends,  si  elle  se  vérifie,  à  tout.  Mais  quoique  le  bruit  en 
soit  général,  je  ne  puis  encore  le  croire,  vous  connaissant  si 
attentif  et  ne  voyant  aucun  courrier  de  votre  part,  qui  nous 
annonce  une  nouvelle  de  telle  importance  pour  nous.  C'est  ce 
qui  encore  me  l'ait  conserver  l'espoir  que  la  nouvelle  ne  soit 
pas  vraie.  Si  elle  se  vérifie,  je  me  compte  pour  perdue  et  nos 
malheurs  seront  incalculables  surtout  avec  l'entière  désorga- 
nisation de  l'intérieur  et  les  mauvaises  dispositions  de  toutes 
les  classes  des  gens  qui  sont  tous  mécontents. 

Je  vous  prie  de  m'aviser  de  tout.  Ma  peine  cuisante,  ce  sont 
mes  enfants,  car  pour  moi  tout  bonheur  et  illusions  sont 
détruits.  Mais  finir  mes  dernières  années  dans  la  misère,  à 
charge  à  tout  le  monde,  cela  me  perce  le  cœur.  Je  ne  veux 
penser  à  rien  avant  de  savoir  par  vous  ce  qui  en  est. 

J'écris  cette  lettre  de  nuit  sans  y  voir.  Mandez-moi  si  elle 
est  arrivée  en  bon  étatj  si  vous  m'avez  pu  lire.  Dites-moi  si 
elles  sont  toutes  brûlées  et  croyez-moi  pour  la  vie  votre  triste 
et  reconnaissante  amie. 

CCLXI 

Naplcs,  le  29  novembre  i8oa.  N»  7. 

Je  profite  d'une  occasion  sûre  pour  vous  écrire  ces  quelques 
lignes,  malgré  votre  silence  qui  ne  m'a  pas  encore  découragée, 

I.  Diflicultés  qui  conduisirent  à  la  rupture  tle  la  paix  d'Amiens. 


3o8       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA   RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE   l' EMPIRE 

et  la  distance  qui  nous  sépare.  Mais  le  pays  où  vous  êtes  est 
trop  intéressant  pour  nous  pour  que  je  ne  désire  pas  avoir  de 
vos  nouvelles  et  pour  que,  de  mon  côté,  je  ne  vous  en  donne 
pas  quand  j'en  ai  l'occasion. 

Ma  santé  laisse  beaucoup  à  désirer.  J'ai  dû  me  faire  saigner 
le  i6  de  ce  mois  parce  que  j'avais  trop  de  peine  à  respirer.  Je 
vais  un  peu  mieux,  mais  ne  suis  pas  encore  entièrement 
rétablie.  Mes  chers  enfants  sont  bien,  grâce  à  Dieu.  J'attends 
maintenant  avec  impatience  et  anxiété  la  nouvelle  de  l'heureux 
accouchement  de  ma  fille,  l'Impératrice.  J'ai  toujours  présent 
à  la  mémoire  le  malheur  qui  a  été  la  suite  de  celui  de  Louise. 
Les  dernières  nouvelles  disaient  qu'elle  allait  bien  et  qu'elle 
accoucherait  dans  le  courant  du  mois. 

Les  nouvelles  que  j'ai  de  l'intéressante  malheureuse  et  si 
chère  Antoinette  vont  jusqu'au  3o  octobre.  Elle  avait  fait  une 
course  jusqu'à  Figueras  à  la  suite  de  leurs  Majestés,  et  elle  nous 
en  fait  la  description.  Elle  a  habité  une  fois  dans  un  colombier. 
«  Pardon,  me  dit-elle,  si  j'écris  mal,  mais  excusez  une  pauvre 
voyageuse  traînée  à  la  suite  de  sa  maîtresse  qui  doit  régler  sa 
conduite  avec  la  plus  grande  prudence.  »  Elle  continue  à  être 
horriblement  affligée  et  j'en  suis  inconsolable  car  les  gran- 
deurs achetées  au  prix  du  bonheur  d'une  fille  ne  sont  pas  un 
soulagement  pour  mon  cœur  de  mère. 

François  commence  à  s'habituer  à  sa  poupée  qui  n'est  pour 
lui  ni  une  compagne  ni  une  ressource.  Elle  a  la  tête  d'une  belle 
jeune  fille  fraîche  et  bien  portante,  mais  la  tournure  d'une 
naine,  des  cuisses  el  des  jambes  très  courtes,  les  doigts  et  les 
bras  beaucoup  plus  gros  que  les  miens  et  est  un  peu  jtius  petite 
que  Léopold.  Voici  pour  l'extérieur;  quant  au  moral,  elle  est 
bonne,  mais  n'a  aucune  idée  du  monde  qui  lui  est  complète- 
ment indiiTérent.  Elle  aime  son  mari  sans  avoir  pour  lui  le 
moindre  sentiment.  En  somme  elle  n'est  ni  une  compagne  ni 
une  ressource  pour  François  qui  doit  veiller  à  ce  qu'elle  ne 
fasse  pas  des  galfes  du  matin  au  soir.  11  en  soutfre,  cherche  à 
se  résigner;  mais  cette  chaîne  lui  pèse.  Le  vovage  en  F.spagne 
l'y  a  pour  toujours  détaché  de  cette  Cour,  de  ces  principes  de 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE    AU    MARQUIS    DE    GALLO        SoQ 

gouvernement  et  aussi  de  toute  cette  famille.  Le  traitement  que 
lui  et  tous  ceux  qui  l'ont  accompagné  ont  enduré  n'est  pas 
près  de  s'elTacer  de  leur  mémoire. 

Grâce  à  Dieu,  les  bruits  alarmants  qu'on  avait  répandus  et 
qui  faisaient  craindre  une  nouvelle  guerre  se  sont  dissipés.  Je 
remercie  le  Ciel  parce  que  j'avoue  que  cela  m'inquiéterait 
beaucoup  à  cause  du  contre-coup  qui  nous  menacerait.  La 
vilaine  mode  d'empoisonner  a  commencé  par  le  duc  de  Parme. 
Maintenant  c'est  le  comte  de  Maurienne'  qui  vient  de  mourir  à 
Sassari  en  quatre  heures.  Il  est  hors  de  doute  qu'il  s'agit  de 
jioison.  J'avoue  que  le  procédé  qui  n'a  rien  d'agréable  ne  me 
cause  aucune  crainte. 

Adieu,  rien  de  nouveau  à  vous  dire.  Italinsky  a  eu  son 
audience  de  congé  et  va  comme  ministre  à  Constantinople. 
C'est  un  poste  de  confiance,  mais  bien  dangereux  de  ce  temps- 
ci.  Le  Roi  est  déjà  rétabli,  il  fait  des  courses  en  ville.  Nous  irons 
à  Caserte  dans  le  courant  de  ce  mois  aussitôt  que  le  palais 
sera  à  peu  près  habitable. 

Adieu,  je  finis  ma  lettre  en  vous  priant  de  faire  mes  compli- 
ments à  votre  épouse  et  pour  vous  prouver  que  je  n'ai  pas 
fini  de  vous  importuner,  je  vous  prie  de  choisir  ce  qu'il  faut 
pour  un  meuble  en  tapisserie,  canapé,  chaise,  tabouret  d'un 
joli  dessin  pour  en  finir  le  fond  et  de  me  l'envoyer  avec  les 
soies,  aiguilles  et  tout  ce  qu'il  faut  pour  pouvoir  achever  ces 
travaux  et  envoyer  le  tout  à  ma  fille  à  Madrid  et  lui  donner  une 
occupation  qui  l'intéresse.  Je  vous  prie  donc  d'exécuter  cette 
commission  avec  votre  zèle  connu  de  moi. 

Adieu,  soyez  heureux  et  croyez-moi  toujours  votre  vraie  et 
reconnaissante  amie. 

Vient  une  feuille  en  chiffres. 

Une  de  commission. 

•Mille  compliments  à  votre  digne  épouse. 


i.  Frère  puîné  du  duc  d'Aoste,  Victor-Emnaanuel  I",  qui  succéda  à  Charles-Em- 
manuel IV. 


SlO      REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE   ET  DE    l'eMPIRE 

CGLXII 

Casertc,  le  ;io  iiovembre  1803.  N»  y. 

Je  prolite  du  départ  d'un  courrier  d'Espagne  pour  vous 
écrire  deux  mots  et  vous  assurer  de  toute  mon  estime.  Vous  me 
connaissez  assez  pour  vous  en  apercevoir  rien  qu'à  la  lecture 
de  ces  mots  tracés  à  la  liAte.  Le  long  silence  que  vous  persistez 
à  garder  avec  moi  me  peine  d'un  côté,  mais,  me  prouve  de 
l'autre  qu'il  ne  s'est  passé  rien  de  bien  essentiel,  ce  qui  est 
toujours  un  bonheur  dans  les  temps  actuels. 

Je  suis  depuis  le  27  à  Caserte.  Le  temps  est  bien  mauvais. 
Comme  les  appartements  sont  vastes  et  beaux,  ma  belle-lille 
dit  s'y  plaire. 

Adieu,  portez-vous  bien,  donnez-moi  donc  de  vos  nouvelles 
et  croyez-moi  avec  bien  de  la  reconnaissance. 

(Partie  de  la  lettre  écrite  au  citron.) 

Je  \ous  écris  deux  lignes  par  une  occasion  qui  me  donne 
toujours  de  l'inquiétude,  mais  que  le  général  .\cton  croit  sûre. 
Malgré  cela  je  m'en  remets  à  mon  impression  que  je  crois  la 
meilleure,  je  ne  vous  écris  donc  que  le  plus  pressé,  et  garderai 
le  reste  pour  une  occasion  plus  sûre.  J'ai  hâte  de  recevoir  de 
vos  nouvelles  sages  et  loyales  d'autant  plus  que  nous  sommes 
ici  dans  l'ignorance  la  plus  absolue,  même  des  actes  du  célèbre 
Moliterno.  Ce  n'est  pas  que  j'y  attache  grande  importance 
mais  je  désire  en  finir  avec  les  réceptions  et  les  beaux  discours 
des  têtes  chaudes  et  des  oisifs  d'ici.  J'espère  qu'il  en  sera 
ainsi,  mais  désire  que  tout  cela  finisse  vite  et  ([u'on  n'en  parle 
plus. 

On  fait  circuler  ici  un  livre  révolutionnaire  en  trois  volumes 
sur  Naples,  très  violent  et  très  dangereux.  Je  l'ai  lu  parce  que 
j'aime  tout  savoir;  mais  je  ne  l'ai  dit,  ni  au  roi  ni  à  Acton.  Le 
premier  en  profiterait  pour  redoubler  de  sévérité  et  de  rigueur 
et  le  second  en  tomberait  malade.  Mais  on  le  vend  à  Naples  et 
ils  l'ignorent.  Je  l'ai  fait  acheter  en  me  servant  d'un  faux  nom. 
On  y  cite  le  livre  de  Uonamy  et  de  Pignatelli  que  je  crois  être 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE    AU    MARQUIS    DE    GALLO       3n 

Moliterno.  Faites-moi  avoir  ces  deux  livres.  Je  suis  d'autant 
plus  curieuse  de  les  lire  qu'il  y  est  surtout  question  de  notre 
fatale  campagne.  Bref,  je  vous  prie  de  me  les  envoyer  avec 
tout  ce  qu'on  publie  de  nouveau  en  France.  —  Je  n'ai  plus  que 
de  l'indifférence  pour  tout  et  en  tout  et  me  considère  comme 
morte  civilement.  Je  regrette  de  voir  tout  ce  que  j'aurai  pu 
faire,  mais  je  considère  cela  comme  une  faute  qui  n'est  pas  due 
à  mon  mauvais  vouloir,  mais  uniquement  aux  événements,  à  des 
négligences  ou  à  des  causes  semblables.  Je  m'en  afflige,  mais 
n'ai  aucun  remords. 

Je  ne  sais  absolument  rien  de  ce  qui  arrive  dans  le  monde. 
Il  paraît  que,  grâce  à  Dieu,  les  bruits  de  guerre  n'avaient  aucun 
fondement  sérieux.  Je  souhaite  du  plus  profond  de  mon  cœur 
que  la  paix  dure.  La  guerre  serait  notre  perte  certaine  et 
inévitable.  Je  vois  les  choses  bien  noires  si  elle  venait  à  éclater. 

D'après  les  lettres  d'Espagne  du  3o  (je  me  trompe,  ce  sont 
celles  du  7)  ma  fille  est  femme  et  plus  contente.  San  Teodoro  le 
prétend  du  moins.  Ses  lettres  à  elle  n'en  disent  rien;  mais  je 
veux  l'espérer,  cette  chère  enfant  est  un  chiodo  (clou)  pour  mon 
cœur. 

Notre  pâté^  est  bon;  mais  François  ne  peut  s'y  attacher 
puisqu'il  lui  est  impossible  de  parler,  de  se  lier  avec  lui.  Je 
vois  qu'il  lui  pèse  beaucoup  et  je  cherche  à  établir  plus  d'inti- 
mité entre  eux.  Mais  c'est  dur  pour  moi. 

Quant  à  moi  je  mène  toujours  une  triste  existence,  désirant 
en  sortir  au  plus  vite,  n'aspirant  qu'au  calme  et  à  la  tranquil- 
lité et  entièrement  désabusée  de  tout. 

Adieu,  envoyez-moi  des  nouvelles  bien  détaillées.  Que  fait  le 
grand  homme  du  siècle  qu'est  sans  aucun  doute  Buonaparte  ? 
Ah  1  s'il  voulait  venir  pendant  une  année  réorganiser  le  royaume 
de  Naples  pour  me  le  rendre  ensuite,  il  pourrait  y  faire  de 
grandes  choses.  Mais  comme  j'ai  peur  qu'il  ne  consentirait  pas 
à  faire  la  seconde,  je  prie  Dieu  que  la  première  éventualité  ne 
se  réalise  pas. 

I.  L'infante  Isabelle,  la  deuxième  femme  du  Prince  royal. 


3l2       REVUE    HISTORIOIE    DE    LA    RÉVOLITION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

Ecrivez-moi  tout  sincèrement,  écrivez-moi,  dites-moi  si  vous 
avez  pu  lire  mes  lettres  et  croyez-moi  avec  une  éternelle  recon- 
naissance. 

CCLXIII 

Caserle,  le  i4  décembre  1802.  N»  11. 

Je  profile  avec  plaisir  et  à  la  hâte  de  ce  courrier  que  l'on 
envoie  à  Paris  pour  vous  annoncer  que  j'ai  reçu  votre  lettre  du 
21  de  novembre  et  lu  toutes  les  dépèches  que  vous  nous  man- 
dez et  dans  lesquelles  je  reconnais  toujours  plus  votre  zèle  et 
la  sagesse  de  vos  expressions  et  conduite  en  tout  et  je  ne  puis 
assez  vous  en  remercier.  La  raison  de  cette  expédition,  selon 
ce  que  m'a  dit  le  général  Acion,  est  d'anticiper  des  plaintes 
très  vives  que  fait  l'ambassadeur  Alquier  puisqu'on  n'accorde 
point  une  coupe  très  copieuse  de  bois  dont  on  veut  nous  favo- 
riser. Les  raisons  pour  lesquelles  cela  est  impossible,  le  mi- 
nistre vous  les  mandera  ;  mais  je  suis  bien  convaincue  que 
malgré  tout  cela  arrivera. 

Je  ne  puis  vous  parler  d'alTaires.  Je  n'en  sais  aucune.  Je  vis 
à  Caserte  comme  une  ermite,  lisant  tout  ce  qu'on  me  donne  et 
ne  me  mêlant  de  rien.  —  Le  Roi  et  le  Prince  vont  beaucoup  à 
la  chasse,  les  femmes  vont  promener.  Pour  moi,  je  suis  pres- 
([uc  toujours  seule.  Je  lis,  dessine,  joue  du  clavecin,  travaille, 
m'occupe  et  ai  ample  matière  à  penser  et  à  rélléciiir  sur  le 
passé,  présent  et  avenir  qui  pour  les  affaires  et  la  politique  est 
fini,  mais  non  p(uu'  la  vie  privée  et  l'existence  de  moi  et  de 
ma  famille.  Tout  ce  que  je  désire  est  d'établir  mes  deux 
filles  et  d'assurer  un  sort  pécuniaire  à  Léopold  et  en  dernier 
lieu  à  moi  pour  finir  mes  jours  tran(|uillement  et  sans  besoin  et 
pouvant  encore  faire  le  bien. 

Les  affaires  politiques,  j'en  ai  ])onr  ma  vie  assez  et  j'explique 
toute  la  politique  actuelle  entre  commander  et  obéir,  étant  ceci 
le  cas  de  toute  l'Europe.  Toute  illusion  sur  cet  article  est 
détruite,  et  de  notre  vie  et  existence  empirer  pourra  le  sort, 
mais  sûrement  point  ineilleurer,  tellement  les  choses  sont  dis- 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE    AU    MARQUIS    DE    GALLO       3l3 

posées.  Ainsi  toute  idée  et  illusion  de  ç|loire,  réputation  de  se 
faire  un  nom,  honneur  est  détruit.  Heureux  celui  qui  empê- 
chera une  dose  majeure  de  maux  et  maliieurs  à  nos  sujets. 
Nous  en  avons  déjà  eu  une  bonne  portion.  Je  prie  Dieu  que 
les  vues  et  les  idées  de  paix  durent  et  cela  pour  longtemps.  Je 
crois  toujours  au  renouvellement  de  guerre.  Ne  fût-ce  qu'entre 
les  deux  puissances  rivales  et  maritimes  sans  que  le  continent 
en  fût  mêlé,  je  regarderai  toujours  cette  guerre  comme  un 
malheur  pour  nous  réel,  indiscutable.  Même  en  gardant  la 
j)lus  stricte  neutralité  je  suis  persuadée  qu'elle  entraînerait 
notre  perte.  Si  ensuite  elle  devenait  continentale,  le  reste  de 
l'Italie,  l'Alleinagnc,  les  États  de  l'Empereur,  l'Espagne,  le 
Portugal,  tout  serait  dévasté,  ruiné  et  complètement  asservi 
par  les  armées  et  l'opinion  françaises  et  par  les  traîtres  qui  se 
trouvent  dans  toutes  les  cours,  cabinets  et  armées.  Ceci  est  un 
malheur  irréparable  et  me  fait  désirer  un  demi-siècle  de  paix 
afin  que  la  race  des  actuels  vivants  s'éteigne  et  peut-être  l'excès 
de  la  prospérité  leur  donnera  dans  le  futur  moins  de  prosélv- 
tes.  Une  guerre  réunirait  tous  les  j)artis  et  ruinerait  tout  sans 
faute. 

J'attends  avec  un  empressement  sans  égal  et  à  tout  moment 
le  courrier  qui  doit  me  porter  la  nouvelle  de  l'heureux  accou- 
chement de  ma  chère  Imj)ératrice  qui  cette  fois-ci  est  épou- 
vantée et  pleine  d'appréhensions  de  ce  ([u'elle  a  vu  arriver  à 
sa  sœur  et,  j'avoue,  moi-mêmeje  suis  plus  craintive  etd'aulant 
plus  empressée  de  savoir  la  chose  heureusement  finie.  A  force 
de  persuasion  de  l'Empereur,  ma  fille  s'est  décidée  à  ne  point 
se  servir  de  cet  apoplectique  de  Vespa,  mais  de  Steideler. 
Dieu  veuille  que  tout  passe  bien.  Ce  sera  Smitmain  (Schmid- 
mayer),  le  valet  de  chambre  de  ma  fille,  qui  doit  nous  en 
apporter  la  nouvelle. 

Le  pauvre  Grand-Duc  est  toujours  afiligé  et  ne  peut  se 
consoler  de  la  perte  de  sa  bonne  et  attachée  femme.  Cela  fait 
honneur  à  son  cœur.  Je  crois  pourtant  qu'à  la  longue  il  se 
remariera  et,  j'avoue,  je  désirerais  beaucoup  qu'il  pensât  à  ma 
fille  et  surtout  à  l'honnête  et  bonne  Mimi.  Mon  sentiment  le 


3l4       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

plus  vif  et  ardent  est  d'établir  heureusement  mes  deux  filles, 
assurer  un  sort  pécuniaire  à  Léopold  et  alors  seulement  pen- 
ser au  mien. 

Je  suis  en  campagne  où  je  vis  à  moi,  entre  des  innombrables 
peines,  privations  et  ressouvenirs.  J'ai  retrouvé  ma  bibliothè- 
que, que  je  croyais  avoir  sauvée,  ruinée,  gâtée  et  la  plus 
grande  partie  des  ouvrages  manquant  des  volumes,  enfin  plus 
de  la  moitié  des  plus  belles  éditions  et  ouvrages  gâtés. 
Patience  !  mais  c'est  une  privation. 

J'ai  vu  chez  le  Roi  un  bulletin  journal  typngiaphù/iie  et 
bibliographique.  Vous  me  ferez  plaisir  de  me  le  mander 
comme  aussi  quelques  catalogues  des  meilleurs  libraires. 
Mais  ce  journal,  envoyez-le  moi  fois  par  fois  comme  il  sort. 
Quand  vous  m'écrirez,  vous  m'enverrez  autant  de  feuilles 
sorties,  ceci  facilitant  les  idées  et  le  choix  des  nouveautés.  C'est 
encore  l'unique  goût  qui  m'est  resté,  les  livres,  l'espoir  d'y 
puiser  une  ressource  pour  m'étourdir  à  penser,  une  occupa- 
tion et  instruction.  Au  reste,  tous  les  plaisirs  et  illusions  sont 
chez  moi  détruits. 

Je  vous  remercie  de  l'intérêt  que  vous  prenez  à  ma  chère 
Antoinette.  Ses  dernières  lettres  sont  du  i5  de  novembre  de 
Tarragone.  Elle  m'écrivait  peu,  étant  en  voyage  et  me  promet- 
tait d'écrire  plus  au  long  le  27  de  novembre  de  Valence.  Ainsi 
je  l'attends  d'un  moment  à  l'autre.  Elle  se  conduit,  grâce  à 
Dieu,  très  bien  dans  sa  pénible  et  difficile  situation. 

Le  petit  pd/e  que  nous  avons  ici  est  inexplicable.  Xi  enfant, 
ni  grande,  aucune  instruction  ni  envie  d'en  avoir,  aucun 
amour-propre,  curiosité  ni  développement.  Elle  n'est  que  sens 
et  cela  d'une  manière  ni  vive,  ni  aimable,  ni  séduisante,  mais 
pâté.  —  Je  ne  puis  m'en  plaindre.  Elle  ne  m'incommode  ni 
gêne.  Elle  est  bonne,  d'une  parfaite  nullité.  A  son  mari  elle 
pèse  infiniment,  n'v  trouvant  aucune  ressource  d'esprit,  société, 
compagnie,  amitié,  rougissant  de  ses  sottises,  trouvant  en  tout 
un  ton  chez  nous  inconnu  de  polissonnerie,  sans  idée  ni  esprit 
mais  très  très  indécente,  intime,  polissonne  avec  ses  femmes, 
qu'il  a  déjà  fallu  mettre  un  frein,  enfin  des  choses  inconce- 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE    AU    MARQUIS    DE    GALLO       3l5 

vables.  Je  ne  crois  point  que  jamais  elle  meilleurera.  Car  elle 
n'a  ni  envie  d'apprendre,  ni  embarras  de  sa  nullité,  ni  aucun 
point  d'honneur,  un  être  réellement  particulier  et  qu'il  faut 
voir  pour  le  croire.  Enfin  il  n'y  a  qu'à  prendre  patience. 

J'en  étais  là  de  ma  lettre  et  voulais  la  teriuiner  avec  com- 
modité quand  un  monde  de  visites,  compliments  pour  le  jour 
d'Antoinette  et  d'affaires  ne  me  permet  plus  d'écrire  au  long. 
—  Le  général,  étant  pressé  de  terminer  le  courrier  pour  les 
affaires  qu'il  vous  dira,  je  termine  donc  et  me  réserve  de  vous 
écrire  encore  successivement  par  les  courriers  d'Espagne  ce 
qui  peut  m'intéresser. 

Je  vous  envoie  deux  petites  feuilles  de  commission  et  deux 
feuilles  en  chiffre,  une  lettre  pour  votre  femme.  Adieu,  à 
demain  je  vous  écrirai  de  nouveau.  Je  vous  recommande 
toutes  nos  affaires,  sûre  de  votre  zèle,  et  croyez-moi  pour  la 
vie  votre  reconnaissante  amie. 

Charlotte. 

2  feuilles  en  chill'res  ; 

2  feuilles  de  vraie  commission  ; 

I  lettre  à  votre  épouse  ; 

I  lettre  à  Auguste  Télerand  (Talleyrand). 

Je  vous  inclus  une  lettre  pour  Castelcicala.  Je  vous  prie  de 
la  donner  à  Mary  ou  à  VVithworlh  ou  à  quelqu'un  de  sûr  qui 
allât  en  Angleterre  pour  lui  être  remise  avec  sûreté.  Excusez 
l'incommodité,  comptez  sur  toute  ma  reconnaissance,  on  me 
presse,  je  finis  et  reprendrai  demain. 

CCLXIV 

Gaserte  (jeudi  21  décembre  1802).  N»  5a  (Chiffre). 

Je  profite  du  courrier  d'Espagne  pour  vous  écrire,  enchantée 
de  cette  occasion  qui  nie  permet  d'avoir  plus  souvent  de  vos 
nouvelles.  Vous  nous  promettez  vite  un  courrier.  On  l'attend 
avec  impatience.  Placé  comme  vous  l'êtes  à  la  source  même  de 
tout  ce  qui  arrive,  vous  sachant  aussi  clairvoyant  que  dévoué 
et  fidèle,  je  ne  pourrais  jamais  assez  vous  recommander  nos 
affaires.  Ce  qui  est  surtout  essentiel  pour  nous,  c'est  qu'on  ne 


3l6       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE   ET   DE    l' EMPIRE 

nous  tracasse  pas,  qu'on  ne  nous  oblige  pas  à  gaspiller  nos 
ressources  el  notre  argent,  qu'on  nous  laisse  un  semblant  de 
tranquillité  qui  ne  peut  nous  venir  (]ue  de  l'endroit  où  vous 
êtes.  La  conclusion  d'une  paix  durable  avec  les  Barbaresques 
et  les  régences  africaines  serait  d'un  prix  inestimable  pour 
notre  Patrie  dont  le  commerce,  seul  moyen  de  panser  ses 
blessures  et  de  réparer  ses  perles,  ne  tarderait  pas  à  refleurir. 

Quant  à  moi,  je  suis  morte  civilement  et  bien  revenue  de 
tout.  Mon  seul  désir  est  de  finir  mes  jours  en  paix  dans  une 
retraite  calme  et  tranquille,  de  pouvoir  bien  établir  mes 
enfants  (]ue  je  ne  voudrais  pas  voir  malheureux,  comme  l'est 
leur  sœur  Antoinette  et  comme  j'ai  tout  lieu  de  craindre  qu'elle 
continuera  à  l'être.  Personnellement  j'aimerais  à  finir  mes 
tristes  jours  en  paix  el  repos  aux  environs  de  Vienne,  de 
préférence,  ou  ailleurs  s'il  le  faut,  si  on  l'exige,  pourvu 
toutefois  que  ce  ne  soit  ni  à  Naples,  ni  en  Sicile  ne  pouvant 
vraiment  vivre  en  simple  particulière  dans  des  endroits  où  j'ai 
été  Reine. 

Je  vous  parle,  vous  le  voyez,  a\ec  sincérité,  .l'accepterai 
sans  faire  l'ombre  d'une  difficulté,  avec  plaisir  même,  tout 
arrangement  qui  nous  donnera  à  tous  deux,  à  Fran<;ois  et  à 
moi.  notre  entière  liberté.  Il  y  a  maintenant  une  femme  à  la 
Cour,  une  Spagnoleita.  Personne  n'a  plus  besoin  de  moi  et 
moi  j'ai  besoin  de  repos  pour  vivre.  Tel  est  runi([ue  objet  de 
mes  désirs  et  de  mes  pensées. 

Ici,  j(!  vis  très  retirée  ;  mais  c'est  le  chaos  complet.  Un 
homme  (jui  est  en  lutte  à  la  haine  générale,  mais  dont  je  ne 
puis  contester  l'énorme  talent,  l'esprit,  la  netteté  de  juge- 
ment, l'énergie,  el  qui,  en  d'autres  temps,  aurait  fait  mon 
admiration,  c'est  Zurlo.  Maintenant  je  l'observe,  je  l'étudié  et 
je  le  plains.  Le  Roi,  Aclon,  le  prince  l'estiment  et  ont  bonne 
opinion  de  lui.  Lui  suit  tranquillement  son  chemin;  mais, 
malgré  beaucoup  de  lumières  et  de  connaissances,  il  est 
détesté,  abhorré  par  tout  le  monde.  Acton  parle  toujours  de 
partir.  Il  est  de  bonne  foi  et  je  crois  (ju'il  en  a  sérieusement 
l'intention. 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE    AU    MARQUIS    DE    GALLO        817 

Miqlioriiii  à  la  Justice  est  un  Paglietfa  (avocassier)  doux, 
jésuitique.  Forteguerri  à  la  Guerre  est  tellement  stupide  et 
maladroit  que  depuis  cinq  mois  que  je  suis  à  Naptesje  n'ai  pas 
encore  eu  le  courage  de  lui  parler.  Tout  va  ainsi  son  petit 
train  et  vogue  à  l'aventure. 

Le  cardinal  Ruffo  mécontent  est  retourné  à  Rome  et  Cassero 
a  obtenu  la  permission  d'aller  en  Sicile.  Vous  le  voyez,  chacun 
tire  de  son  côté. 

Ma  belle-fiUe  est  une  bonne  enfant,  mais  d'une  telle  nullité 
qu'il  faut  le  voir  pour  le  croire.  Elle  taquine  à  tout  instant 
son  mari.  Elle  est  extraordinaire  et  je  suis  sûre  que,  malgré 
tout  ce  qu'on  fera,  elle  ne  sera  jamais  autrement  parce  qu'elle 
manque  absolument  d'esprit  et  à'intellectualité  (sic).  Elle  n'a 
aucune  curiosité,  ne  fait  attention  à  rien,  et  n'a  aucune  envie 
de  s'instruire.  Ce  n'est  réellement  pas  naturel. 

Antoinette  est  toujours  malheureuse  et  presque  désespérée. 
J'en  ai  un  profond  chagrin  et  j'en  tremble  pour  elle.  Le  prince 
des  Asturies  est  bête  au  possible  et  d'un  physique  désa- 
gréable. Je  ne  crois  pas  qu'il  soit  encore  son  mari  et  me 
demande  même  s'il  le  sera  jamais.  Vous  sentez  que  sans  espoir 
de  maternité,  attachée  au  sort  d'un  animal  de  cette  espèce  et 
obligée  de  mener  une  telle  vie,  c'est  acheter  par  trop  cher 
l'honneur  d'être  Princesse  des  Asturies,  et  elle  le  sent  vive- 
ment. Toutes  ses  lettres  sont  navrantes.  Elle  voit  dans  la  mort 
la  seule  délivrance  possible.  Je  ne  fais  que  l'exhorter  à  la 
patience,  à  la  résignation;  mais  c'est  plus  facile  à  dire  qu'à 
faire  e(  j'en  sais  quelque  chose. 

Adieu,  j'attendrai  jusqu'à  demain  pour  terminer  cette  lettre 
après  avoir  reçu  les  nouvelles  de  vous  que  j'attends  et  désire. 
Adieu,  comptez  sur  ma  constante  estime,  confiance  et 
amitié. 

Le  23.  —  Je  n'ai  rien  reçu  de  vous.  J'en  suis  très  peinée  et 
n'y  puis  rien  comprendre,  puisqu'il  y  a  deux  postes  d'arrivées, 
devienne  et  de  Londres.  Paciens  a  f  et  encore  Pacienra/ C'est 
tout  ce  que  je  puis  dire.  J'espère  recevoir  dans  peu  de  jours 
un  courrier  et  me  réserve  alors  de  vous  écrire  en  détail.  Pour 


3l8       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

le  moinenl  je  ne  saurai  rien  vous  dire  de  ce  que  je  vois  et  de 
ce  que  je  prévois.  Car  tout  est  profondément  affligeant. 

On  prétend  ici,  on  répand  le  bruit  que  le  Roi  est  décidé 
à  retourner  à  Païenne.  Toutes  ses  actions  et  ses  paroles 
semblent  en  ell'et  l'indiquer.  Mais  ce  que  je  ne  comprends  pas, 
c'est  comment  il  s'y  prendra  pour  gouverner  le  continent  de 
cette  île.  Quand  on  lui  parle  de  cette  difficulté,  il  répond  en 
disant  qu'il  abdiquera.  Somme  toute,  ma  position  est  bien 
peineuse.  Je  ne  serai  tranquille  que  lorsque  j'aurai  pu  établir 
mes  filles,  nous  assurer  à  Léopold  et  à  moi  une  existence, 
convenable  parce  que  je  crains  à  tout  instant  quelque  irrépa- 
rable extravagance.  Je  n'ai  plus  la  force  de  supporter  de 
nouveaux  tourments,  persécutions  et  malheurs.  J'attends  mon 
sort  avec  une  triste  résignation.  Mais  je  ne  veux  pas  vous 
attrister  et  vous  décourager  et  mieux  vaut  que  je  m'arrête. 

Peut-être  pourrai-je  encore  ^ous  importuner,  vous  et  votre 
épouse  que  je  vous  prie  de  bien  saluer  de  ma  part,  pour 
quelques  choses  de  goût  en  genre  de  trousseaux. 

Adieu,  soyez  heureux  et  croyez-moi  toujours  avec  un  cœur 
véritablement  reconnaissant. 

Il  y  a  aujourd'hui  quatre  ans  que  nous  sommes  partis  hon- 
teusement de  Naples.  Je  regrette  de  n'être  pas  morte  aupara- 
vant. Que  d'amères  douleurs  et  d'horribles  désenchantements 
cela  m'aurait  épargnés  !  Mais  mes  sombres  pensées  me  repren- 
nent et  je  m'arrête. 

CGLXV 

Caserle,  le  ^  janvier  i8o3. 

Cher  Marquis,  je  voulais  et  je  comptais  vous  parler  tout  au 
long  par  ce  courrier  ;  mais  comme  on  a  su  que  le  ministre 
d'Angleterre  allait,  lui  aussi,  en  expédier  un  ces  jours-ci,  on  a 
décidé  de  faire  partir  le  nôtre  en  toute  hâte  de  sorte  que  je 
n'ai  même  pas  le  temps  de  vous  dire  la  millième  partie  de  ce 
que  j'avais  l'intention  de  vous  communiquer. 

Je  ne  puis  répondre  ni  à  vos  lettres  du   i4  décembre,  ni 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-OAROLINE    AU    MAROUIS    DE    GALLO       SlQ 

même  à  celles  de  votre  femme.  Vous  lui  Iransmettrez  mes 
excuses  en  attendant  que  je  le  fasse  moi-même  dès  que  je  le 
pourrai  et  la  remercierez  de  ma  part,  comme  je  vous  en 
remercie  aussi,  de  la  façon  merveilleuse  dont  elle  s'est 
acquittée  de  mes  commissions. 

Je  vous  envoie  les  mesures  de  mes  deux  lilles  et  de  ma  bru. 
Vous  pensez  bien  que  ce  que  je  fais  pour  cette  dernière,  c'est 
uniquement  parce  que  la  politesse  et  l'étiquette  m'y  obligent, 
tandis  que  pour  mes  filles  cela  part  du  cœur. 

Grâce  à  Dieu,  nous  sommes  tous  en  bonne  santé.  Nous 
vivons  très  retirés  à  Caserte. 

Impossible  de  vous  écrire  plus  louquement;  car  le  courrier 
doit  partir.  Comptez  sur  ma  véritable  reconnaissance  qui  ne 
finira  qu'avec  ma  vie. 

Viennent  trois  feuilles  en  chiffre. 

Une  lettre  de  Talleyrand  que  je  vous  recommande  de  faire 
remettre. 

Je  vous  en  dirai  davantage  une  autre  fois. 

GGLXVI 

Cascrlc,  le  8  janvier  i8o3. 

Je  reçois  des  lettres  d'Espagne  nullement  consolantes. 

Enfin  toutes  les  choses  et  la  vie  n'est  qu'un  tissu  de  peines. 
J'ai  oublié  par  le  courrier  parti  dernièrement  de  dire  à  Pae- 
siello  qu'il  m'envoye  le  triste  Requiem  fait  par  lui  à  l'occasion 
du  triste  décès  de  la  chère  Glémentine,  comme  aussi  s'il  a  des 
autres  musiques  nouvelles  faites,  il  m'obligera  beaucoup  en 
me  les  envoyant-  Car  outre  que  cela  sert  à  moi  et  à  mes 
enfants  à  Naples,  je  puis  me  faire  encore  un  mérite  à  Vienne 
où  vous  savez  combien  on  aime  la  musique — 

CCLXVII 

Caserte,  le  i5  janvier  i8o3.  N^  3. 

Je  vous  prie  de  me  faire  savoir  en  quelles  mains  se  retrouvent 
les  obligations  de  la  banque  de  Vienne  au  capital  de  55  mille 


320       REVUE    HISTORIQUE    DE  LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

florins  de  propriété  de  ma  fille  Marie-Dirisline,  comme  aussi 
les  intérêts  de  ces  valeurs,  depuis  le  mois  de  septembre  1798 
jusqu'au  mois  courant  janvier  i8o3'. 

Don  Gregorio  Bisogni.  qui  a  la  gestion  du  Multiplico  des 
filles  et  auquel  j'en  ai  demandé  le  compte,  m'a  fait  savoir  que 
vous  seul  administrez  ces  capitaux  et  que  seul  vous  en  avez 
connaissance. 

En  même  temps,  aux  mains  de  qui  se  trouvent  les  obliga- 
tions de  la  dot  de  ma  feu-bru  Clémentine  en  200  mille  florins 
de  capital  et  les  intérêts  de  tant  d'années  écoulées,  parce  qu'on 
veut  faire  un  troc  avec  la  petite  lille  de  mon  fils  en  lui  donnant 
des  biens  fonds  de  même  valeur  situés  dans  le  royaume  et  assi- 
gner en  échange  à  mes  filles  les  fonds  qui  sont  en  Alle- 
magne. 

Je  vous  prie  de  me  donner  des  explications  sur  le  tout. 

CCLXVllI 

Caserte,  le  3o  janvier  i8o3.  X»  5. 

Je  vous  écris  ce  peu  de  lignes  de  mon  lit  où  je  me  retrouve 
depuis  hier  ayant  eu  un  de  ces  accidents,  comme  j'en  eus 
quatre  ou  cinq  pendant  mou  voyage.  Or,  comme  je  n'en  avais 
pas  eu  pendant  un  an  et  demi,  je  m'en  croyais  définitivement 
débarrassé.  J'ai  craché  le  sang.  Ce  matin  on  m'en  a  tiré  et 
deux  heures  après  j'ai  eu  un  évanouissement  en  même  temps 
qu'une  congestion  cérébrale  qui  m'a  valu  une  forte  fièvre.  Elle 
a  beaucoup  diminué  aujourd'hui  et  je  vous  écris  de  mon  lit 
pour  que  vous  ne  soyez  pas  inquiet  sur  mon  compte.  Je  ne 
puis  le  faire  en  chilTre  n'avant  pas  encore  la  tête  suffisamment 
solide  et  libre. 

Mon  mari,  mes  enfants,  et  ma  petite-fille  se  portent,  grâce 
à  Dieu,  tous  bien. 

J'attends  avec  impatience  de  vos  nouvelles.  C'est  de  l'en- 
droit où  vous  êtes  que  tout  émane,  que  tout  jaillit  et  c'est 

I.  Cf.  G«llo  «  la  reine.  Paris,  18  février  i8o3. 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE    AU    MARQUIS    DE    GALLO       32  1 

pour  cela  que  vos  lettres  sont  toujours  si  intéressantes  pour 
moi. 

Mille  compliments  à  votre  épouse  ainsi  qu'à  ladv  Mounck. 
Ne  m'oubliez  pas  et  crojez-moi  avec  un  cœur  reconnaissant 
votre  vraie  sincère 

Caroline 

CCLXIX 

Gascrie,  le  9  février  i8o3.  N"  6. 

(En  noir). 

Je  profite  de  ce  courrier  pour  vous  écrire  en  toute  hâte 
puisqu'il  s'agit  de  répondre  en  vingt-quatre  heures  à  deux 
courriers  d'Espagne,  à  deux  de  vous  et  à  une  quantité  d'ar- 
riérés d'Allemagne  et  d'Italie.  Répondre  même  en  partie  à 
tout  cela  n'est  pas  chose  facile,  surtout  quand  on  a  une  tête 
encore  aussi  faible  f[ue  la  mienne.  Vous  m'excuserez,  j'en  suis 
presque  certaine,  parce  que  vous  connaissez  mes  sentiments 
et  savez  que,  si  je  parle  peu,  je  ne  pensn  pas  moins  et  que  je 
vous  suis  infiniment  et  sincèrement  reconnaissante  de  toute  la 
peine  que  vous  vous  donnez  pour  nos  affaires  et  que  je  sais 
reconnaître  tout  ce  (|ue  vous  faites  pour  notre  service  et  notre 
bien. 

Je  n'ai  malheureusement  pas  le  temps  de  m'étendre  aujour- 
d'hui sur  une  foule  de  choses  dont  je  désire  vous  entretenir. 
Mais  je  1er  réserve  pour  une  autre  fois.  Je  ne  suis  pas  encore 
bien  forte  et  je  peine  à  écrire.  Mais  je  sais  apprécier  ce  que 
vous  écrivez,  dites  et  faites  pour  nous  et  ma  reconnaissance 
durera  autant  que  ma  vie. 

J'inclus  une  lettre  pour  Castelcicala  que  vous  ne  tarderez 
pas  trop  à  lui  envoyer.  L'occasion  pour  cela  ne  peut  vous 
manquer.  Je  vous  envoie  aussi  un  pli  pour  San  Teodoro  en 
Espagne.  Vous  me  ferez  le  plaisir  de  le  lui  envoyer,  ou  par  un 
étranger  allant  dans  ce  pays,  ou  par  un  courrier,  anglais,  alle- 
mand, de  n'importe  quelle  nation,  pourvu  qu'il  ne  soit  pas 
espagnol.  Je  trouve  absolument  inouï  qu'on  ait  supprimé  les 
courriers  napolitains  et  privé  ainsi  une  mère  de  la  possibilité 


REV.  HIST.   DE  LA   REVOL. 


322        REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET  DE    l'eMPIRE 

de  correspondre  avec  sa  fille,  de  prodiguer  ses  conseils  et 
quelques  encouiageinents  et  des  consolations  à  la  malheu- 
reuse enfant  qu'on  a  forcée  à  ce  sacrifice.  C'est  là  une  liorrible 
et  atroce  cruauté,  et  c'est  pour  cela  que  je  vous  recommande 
surtout  ce  paquet.  Courrier  anglais,  allemand,  français  même 
s'il  le  faut,  mais  de  préférence  quelque  honnête  étranger.  Je 
m'en  remets  du  reste  à  vous,  sûre  que  vous  ferez  mieux  que  je 
ne  saurai  vous  le  dire. 

Ma  santé  laisse  beaucoup  à  désirer.  Je  soufï're  encore  de 
mes  nerfs  et  me  ressens  de  ma  dernière  attaque.  J'ai  tous  les 
jours  des  accès  de  fièvre  et  ma  tête  est  encore  si  faible  que  je 
me  sens  incapable  de  vous  écrire  aussi  longuement  que  je  le 
voudrais.  Je  dois  me  borner  à  vous  remercier  de  tout  ce  que 
vous  faites  si  bien  afin  de  débrouiller  nos  difficiles  affaires  et 
à  vous  prier  de  continuer  à  déployer  le  même  zèle  et  la  même 
activité. 

Nous  avons  cette  année  un  alTreux  hiver.  Il  pleut  depuis 
quarante  jours  et  maintenant  il  neige,  il  grêle,  il  tonne  et  il 
pleut.  Un  temps  à  faire  peur.  Dieu  veuille  que  cela  ne  nuise 
pas  trop  à  la  campagne  et  à  la  santé  publique.  Il  y  a  ici  cette 
année  quantité  d'étrangers,  mais  surtout  des  Anglais.  Je 
compte  les  voir  demain  en  allant  à  Naples  pour  le  carnaval. 

Je  vous  envoie  dans  ce  paquet  des  lettres  et  recommanda- 
lions  dont  on  m'a  chargée  pour  vous  et  dont  je  n'ai  pu  arriver 
à  vous  dispenser.  Pour  moi,  j'espère  être  un  peu  plus  libre  et 
maîtresse  de  mon  temps  une  autre  fois  afin  de  pouvoir  vous 
écrire  plus  longuement.  Aujourd'hui  entre  la  lecture  et  l'expé- 
dition des  lettres,  postes  et  courriers,  entre  le  carnaval  et  les 
masques,  parce  qu'il  me  faut  bien  contenter  mes  enfants  qui 
veulent  en  avoir  leur  part,  et  le  Président  du  royaume  de 
Sicile'  qui  est  in  extremis,  nouvel  embarras  qui  redonne  au 
Roi  l'idée  d'y  retourner,  d'abdiquer,  etc.,  etc.,  c'est  toute  une 
affaire.  Je  vous  assure  même  tpi'il  faut  m'excuser  si  je  dérai- 
sonne et  si  j'écris  à  la  diable.  L'essentiel,  c'est  que  comme 

1.  L'arclicvèiiuc  Picjiialelli. 


LETTRES    INÉDITES    DE    MARIE-CAROLINE    AU    MARQUIS    DE    GALLO       323 

toujours  je  vous  recommande  nos  affaires  et  me  fie  entière- 
ment à  vous. 

J'écris  deux  mots  à  votre  chère  épouse.  Je  la  charge  d'une 
commission  et  la  prie  de  s'arranger  de  façon  à  ce  qu'elle  me 
parvienne  ici  fin  avril  ou  commencement  de  mai.  J'abuse 
encore  de  votre  complaisance  et  de  votre  amitié  et  vous  prie 
de  m'envoyer  des  livres. 

Je  compte  pouvoir  vous  écrire  mieux  et  plus  longuement 
sous  peu  et  je  tâcherai  alors  de  mettre  un  peu  plus  d'ordre 
dans  mes  idées.  Mais  ce  n'est  pas  parce  que  ma  lettre  est  brève 
et  confuse  qu'il  faut  croire  que  je  suis  ingrate.  Ce  serait  me 
faire  tort  injustement.  Adieu,  croyez-moi  pour  la  vie  votre 
véritable,  reconnaissante  et  sincère  amie. 

Caroline. 

Une  feuille  en  chiffre  pour  vous. 

Un  paquet  pour  San  Teodoro,  à  Madrid. 

Une  lettre  pour  Castelcicala,  à  Londres. 

Une  lettre  pour  vous  de  la  belle  Ventiiniglia  et  une  note 
qui  explique  son  affaire  que  je  vous  recommande  parce  que 
je  désirerais  lui  rendre  service,  elle  et  son  mari  se  conduisent 
très  bien. 

Une  lettre  à  Auguste  Talerand  (sic)  (Talleyrand)  de  ses 
parents. 

Une  recommandation  en  faveur  de  l'honnête  et  fidèle  baron 
Tschoudy,  un  des  rares  militaires,  honnêtes,  intelligents  et 
restés  fidèles  et  dévoués. 

Une  lettre  pour  votre  épouse. 

Une  lettre  pour  Milady  Mounck. 

Une  lettre  pour  Motel  qui  m'est  recommandée  par  Mandel. 

(A  suivre) 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS 


Robespierre  et  l'admission  des  femmes  dans  les  Sociétés 
littéraires 

On  sait  que  le  texte  du  discours  prononcé  par  Robespierre  à 
l'Académie  d'Arras,  le  i8  avril  1787,  en  réponse  à  celui  de 
M"*  de  Kéralio,  n'a  pas  été  conservé.  Ernest  Hamel  en  donne,  dans 
son  Histoire  de  Robespierre  (I,  p.  61),  une  analyse  dont  il  n'indique 
pas  l'origine.  J.-A.  Paris  (^La  Jeunesse  de  Robespierre,  pp.  i^Q- 
i5o)  ne  donne  pas  des  éclaircissements  plus  complets.  Nous  avons 
retrouvé,  dans  une  publication  périodique  où  on  ne  s'attendrait 
peut-être  pas  à  le  rencontrer,  un  autre  compte  rendu  de  ce  discours. 
Voici,  en  effet,  ce  qu'on  lit  aux  pages  417-420  du  tome  III  (1787, 
n°  XXI\')  de  La  nature  considérée  sous  ses  dijférens  aspects,  oa 
Journal  d'histoire  naturelle...  de  l'abbé  Bertholon  : 

«  Monsieur  de  Robespierre  s'étant  proposé  d'examiner  s'il  étoit 
utile  en  gédéral  d'admettre  les  femmes  dans  les  Sociétés  littéraires, 
a  développé  les  avantages  qu'il  croyoit  attachés  à  cette  institution, 
dans  un  discours  lu  à  l'Académie  d'Arras',  dont  nous  allons  donner 
une  notice.  D'abord  il  la  regarde  comme  le  moyen  de  rassembler 
les  talens  divers  que  la  nature  semble  avoir  partagés  entre  les 
deux  sexes  ;  la  force  et  la  profondeur  qui  caractérisent  le  génie  de 
l'homme,  l'agrément  et  la  délicatesse  qui  distinguent  celui  de  la 
femme,  et  par  conséquent  de  contribuer  à  la  perfection  des  produc- 
tions de  l'esprit  qui  consiste  dans  la  réunion  de  ces  qualités 
différentes. 

«  L'admission  des  femmes  dans  les  Académies  leur  reudroit, 
suivant   INI.   de  Robespierre,   un  service  encore  plus  essentiel,  en 

I.  Srànce  publique  du  18  avril  1787.  M'i»  ili-  Keralio  arait  cto  i-luc  a  académi- 
cienne honoraire  u.  Hobespicrrc,  direcleur  de  l' Académie,  repond  au  discours  de 
.Mil»  de  Keralio  que  venait  de  lire  le  secrétaire  perpétuel  Dubois  de  Fosseux.  — 
H.  D. 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  320 

attachant  h  la  fréquentation  assidue  des  assemblées  un  intérêt 
puissant  qui  rendroit  à  leurs  travaux  leur  première  activité,  en 
inême  temps  qu'elle  leur  prèteroit  des  charmes  jusqu'alors  inconnus. 

«  Ici  l'orateur  trace  un  tableau  propre  à  faire  envier  le  bonheur 
dont  les  sociétés  littéraires  jouiroient  dans  son  système.  Il  décrit 
ensuite  les  heureux  effets  que  produiroit  l'émulation  excitée  par  le 
désir  d'obtenir  le  suffrage  de  ces  juges  intéressans. 

«  Il  prouve  que  le  soin  d'encourager  les  talens  est  un  des 
premiers  devoirs  des  femmes,  et  la  plus  belle  de  leurs  prérogatives, 
fondée  sur  les  premières  lois  de  la  nature  et  sur  l'intérêt  de  la 
société.  Après  avoir  analysé  ce  sentiment  qu'on  appelle  l'amour  de 
la  gloire,  et  qui  n'est  autre  chose  que  le  désir  d'obtenir  l'estime  et 
l'admiration  de  nos  semblables,  il  observe  que  c'est  surtout  aux 
personnes  qui  nous  intéressent  le  plus  que  nous  désirons  d'inspirer 
ces  dispositions  ;  et  comme  la  nature  a  voulu  que  des  deux  portions 
qui  composent  le  genre  humain,  les  femmes  fussent  la  plus  intéres- 
sante aux  veux  des  hommes,  il  conclut  que  l'amour  de  la  gloire  a 
pour  objet  principal  d'obtenir  le  suffrage  des  femmes  et  que  telle 
est  en  effet  la  première  base  et  le  ressort  le  plus  actif  de  ce  noble 
sentiment. 

«  Parcourant  ensuite  les  différentes  périodes  de  notre  histoire,  il 
nous  montre  dans  tous  les  temps  les  femmes  faisant  naître  et 
développant  tous  les  genres  de  mérite  analogues  aux  mœurs  qui 
dominoient  à  chaque  période.  Dès  ces  siècles  reculés  où  l'humanité 
dégradée  sembloit  anéantie  sous  l'infâme  joug  de  la  tj'rannie  féo- 
dale, de  braves  guerriers  courent  pour  l'amour  d'elles  venger 
l'innocence  et  exterminer  les  brigands.  Dans  les  temps  postérieurs, 
on  voit  se  perfectionner  et  s'étendre  cette  institution  bizarre  et 
sublime  de  la  Chevalerie  qui  enfanta  ces  héros  brillans,  consacrés 
au  culte  de  la  beauté,  dont  le  généreux  enthousiasme  élevoit  les 
femmes  au-dessus  de  l'humanité,  et  que  les  femmes  à  leur  tour 
élevoient  au-dessus  d'eux-mêmes. 

«c  Enfin,  la  lumière  des  lettres  commence  à  luire  sur  l'Europe,  et 
ce  sont  les  femmes  qui  accélèrent  l'heureuse  révolution  qu'elle  doit 
opérer.  L'esprit  de  la  Chevalerie,  dirigé  vers  des  objets  plus  pai- 
sibles et  plus  utiles,  leur  consacre  les  premiers  essais  des  muses 
naissantes;  on  ne  vient  plus  apporter  à  leurs  pieds  les  dépouilles 
sanglantes  d'un  guerrier  redouté,  mais  on  vient  y  déposer  les 
productions    du    géuie,    on   soutient  des   thèses   publiques   en  leur 


320       REVLE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE  l'eMPIRE 

honneur,  comme  on  avoit  jadis  rompu  des  lances  pour  l'amour 
d'elles;  elles  sont  l'àme  de  ces  sociétés  célèbres  où  tous  les 
hommes  de  génie  de  la  France  venoient  faire  hommage  de  leurs 
chefs-d'œuvre  aux  grâces  et  à  la  heauté  ;  c'est  à  leur  empire  qu'on 
doit  principalement  l'ardeur  avec  laquelle  ils  cultivent  les  lettres, 
et  par  conséquent,  les  progrès  des  lumières  et  de  la  raison. 

«  D'après  ces  faits,  l'orateur  invite  son  siècle  et  son  pays  à 
rendre  aux  femmes  des  privilèges  aussi  utiles  à  l'humanité  que 
glorieux  pour  elles-mêmes,  en  accueillant  toutes  les  institutions  qui 
peuvent  tendre  à  diriger  leurs  efforts  et  les  nôtres  vers  des  objets 
salutaires  au  bien  public  :  il  exhorte  les  Académies  k  les  adopter, 
et  les  femmes  et  surtout  nos  concitoyennes  à  ne  point  dédaigner 
les  Lettres,  mais  k  se  souvenir  qu'elles  sont  les  protectrices  natu- 
relles des  talens,  et  que  le  Ciel  ne  leur  a  point  prodigué  les  dons 
qui  les  embellissent  pour  être,  dans  l'univers,  une  vaine  décora- 
tion, mais  pour  concourir  au  bonheur  et  à  la  gloire  de  la  société.  » 

Ce  compte  rendu,  comme  on  le  voit,  est  beaucoup  plus  détaillé 
que  celui  que  donnent  les  deux  biographes  de  Robespierre.  Certai- 
nes expressions  sont  d'ailleurs  semblables,  ce  qui  permet  de  sup- 
poser que  les  uns  et  les  autres  ont  bien  pu  puiser  k  une  même 
source. 

H.   DUVAL. 


Un  rapport  inédit  de  Robespierre  à  l'Académie  d'Arras 

Quand  J.-A.  Paris  écrivit  sou  livre  La  Jeunesse  de  Roùespierre, 
les  Archives  de  l'Académie  d'.\rras  étaient  fort  incomplètes,  cl  il  dut 
se  servir  surtout  de  documents  conservés  dans  des  collections  par- 
ticulières. Depuis  cette  époque,  ces  Archives  se  sont  enrichies  d'un 
lot  considérable,  et  Vlnoentaire  publié  par  M.  le  comte  de  Haute- 
clocque  en  i8()7  mentionne  plusieurs  pièces  qui  étaient  restées 
ignorées  du  biographe  de  Robespiîrre. 

La  plus  importante  de  ces  pièces  est  sans  cdiUreilit  un  rapport  de 
1787,  à  la  rédaction  duquel  Robespierre  participa. 

L'Académie  d'.Vrras  avait  mis  au  concours,  pour  le  prix  de  cette 
année-là,  l'étude  du  commerce  de  l'Artois  depuis  les  temps  les 
plus  reculés,  des  causes  de  sa  décadence  et  des  moyens  de  le  revi- 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  827 

vifier.  Les  commissaires  chargés  de  l'examen  des  mémoires  étaient 
au  nombre  de  quatre  :  Robespierre,  Biiiot,  Lesage  et  Dubois  de 
Fosseux.  Leurs  quatre  signatures  figurent  au  bas  du  texte  ;  mais  il 
n'est  pas  possible  de  déterminer  quelle  l'ut  la  part  de  chacun  dans 
le  travail  de  rédaction. 

Nous  devons  la  copie  de  ce  texte  à  l'obligeance  de  M.  E.  Morel, 
bibliotliécaire  de  l'Académie  d'Arras,  qui  a  bien  voulu  la  faire  éta- 
blir pour  nous  et  la  coUationner  sur  l'original  avec  le  plus  grand 
soin. 

Charles  Vellay. 


Rapport  des  Commissaires  nommés  par  l'Académie  Royale  des 
Belles-Lettres  d'Arras,  pour  l'Examen  des  Mémoires  qui  doivent 
concourir  pour  le  prix  de  ijSj, 
sur  cette  question  : 

«  Quelles  furent  autrefois  les  différentes  brandies  de  Commerce 
«  dans  les  contrées  qui  forment  présentement  la  province  d'Artois, 
«  en  remontant  même  aa  tems  des  Gaulois  ?  Quelles  ont  été  les 
«  causes  de  leur  décadence,  et  quels  seraient  les  moyens  de  les 
«  rétablir,  notamment  les  manufactures  de  la  ville  d'Arras.» 

Il  a  été  adressé  à  l'Académie  trois  mémoires  sur  cette  question. 

Le  premier  cotté  N°  I",  porte  pour  Ëpigraplie. 
0  Tempora. 

//  est  accompagné  d'un  billet  cacheté. 

L'Auteur  avance  d'abord  que  tous  les  peuples  ont  plus  où  moins 
pratiqué  Le  Commerce,  il  en  conclut  que  les  Gaulois  l'ont  prati- 
qué aussi,  mais  il  ne  s'attaclie  qu'à  la  partie  de  ce  peuple  qui 
habitait  l'Artois. 

De  ce  que  les  At rebutes  et  les  Marins  aimaient  à  combattre  où  à 
se  divertir,  l'auteur  conclut  qu'ils  ont  été  rommerçans. 

Il  dit  cependant  que  ce  ne  sont  In  que  des  preuves  négatives 
et  pour  contenter  ceux  qui  en  veulent  des  positives,  il  cite  ce  pas- 
sage de  M.  Hennebert. 

«  Les  historiens  nous  laissent  igntrer  l'Esprit  du  Gouvernement 
«  des  Atrébales  et  des  Marins  et  celui  de  leurs  loix  usitées  avant 
«  l'invasion  de  César. 

Il  n'a  trouvé  que  ce  passage  qui  est  plus  étendu,  sur  le  Com- 
merce de  l'Artois  avant  que  ce  pays  ait  suivi  la  loix  des  Romains- 


328       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

//  /((//  ensuite,  par  ordre  alpfiabi'l'Kpie,  l'Eimmératlon  des  diffé- 
rentes branches  du  Commerce  de  l'Artois. 

Ces  branches  sont 

1°  L'avoine  sur  laquelle  il  ne  dit  rien  qui  ait  rapport  au  com- 
merce. 

2°  La  bière  sur  laquelle  il  rapporte  deux  ordonnances  qui  ne 
signifient  rien. 

3°  Le  blé  à  l'occasion  duquel  l'auteur  rapporte  un  passage  de 
Guicciardin  assez  curieux,  et  une  déclaration  de  Louis  XIV.  qui 
fiait  défienses  de  transporter  des  grains  hors  du  Royaume  et  à  la 
vérifiicdtion  de  laquelle  le  Conseil  d'Artois  fiât  seul  chargé  de 
procéder. 

4°  Le  bois  sur  lequel  l'auteur  rapporte  différens  [jassages  qui 
prouvent  qu'il  y  avoit  des  bois  en  Artois  et  rien  de  plus. 

5°  Les  chevaux  sur  lesquels  rien. 

6°  Les  Draps  sur  lesquels  on  rapporte  un  passage  de  Locrius  et 
une  ordonnance  de  Louis  XL  qui  prouvent  l'un  et  l'autre  qu'il  y 
avoit  en  Artois,  sous  le  règne  de  ce  dernier  Prince  et  en  283,  des 
manufiactures  de  Draperies. 

7°  Les  Eaux  de  vie,  8°  le  filet, 

g°  Les  fiourr âges,  io°  Le  firomage. 

11°  Lesfiruits  :  très  pieu  de  chose  sur  tous  ces  articles. 

12"  La  garance,  un  passage  de  Dom  de  Vienne. 

Dans  le  même  article  on  parle  des  urines  qui  servoient  pour  la 
teinture  et  sur  lesquelles  l' Empereur  Vespasien  mit  un  impôt. 

i3°  L'hydromele  et  i4°  la  laine,  fiort  peu  de  chose.  On  prouve 
que  le  Commerce  de  Laine  existait  ; parcequ'il  g  avoit  des  artisans 
qui  prenoient  le  titre  'de  Lainier. 

lô"  un  passage  de  pline  sur  le  Un . 

i6°  La  Moquette,  manufiacture  établie  en  iGSO  à  S'  Orner  et 
tombée. 

iy°  Le  fiorc,  rien  de  curieux  sur  cet  article. 

i8°  Le  salpêtre,  rien. 

iQ°  La  Sayette  ou  serge,  un  trait  de  l'Empereur  Gallien.  la 
chartre  de  Louis  Xf  et  un  passage  de  Guicciardin  sur  ce  Commerce. 

30°  Le  sel,  rien  de  particulier. 

a/°  Les  tapisseries,  l'auteur  cite  à  ce  Sufit  plusieurs  /lassaijes  qui 
prouvent  qu'on  a  fabriqué  autrefois  en  Artois  de  superbes  tapisse- 
ries dont  il  existe  encore  quelques  unes. 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  32g 

22°  Les  toiles  peu  de  chose. 

23°  Le  vin  sur  lesquels  on  cite  quelques  passages  qui  prouvent 
qu'autrefois  on  en  fait  en  Artois. 

24°  La  viande  et  le  poisson  sur  lesquels  l'auteur  cite  fort  peu  de 
chose  qui  ait  rapport  au  Commerce  qu'on  en  faisoit. 

L'Auteur  traite  ensuite  des  fabriques  de  l'Artois  de  ce  qui 
concerne  le  beurre,  le  cuivre,  les  métaux^  l'or  et  l'argent  mon- 
nayés, le  Jer,  toute  espèce  d'orféverie  et  de  jouaillerie,  la  verrerie, 
les  crystaux,  la  librairie  et  l' Imprimerie . 

Il  donne  sur  tous  ces  objets  des  notions  fort  vagues  et  rapporte 
quelques  ordonnances  et  cite  des  auteurs  et  surtout  des  auteurs 
modernes,  il  parle  ensuite  de  la  chambre  de  Commerce  de  la  ville 
d'Arras  de  laquelle  il  dit  très  peu  de  chose. 

L'Auteur  traite  des  causes  de  la  décadence  du  Commerce  en 
Artois  il  en  trouve  trois  i°  l'abondance  du  pays  2°  l'espèce  de  dés- 
honneur que  les  Nobles  du  pays  ont  depuis  longtêms  attaché  à 
l'exercice  du  commerce  3°  les  guerres  dont  la  province  a  été  pour 
ainsi  dire  le  théâtre  continuel. 

Sur  le  premier  article  l'auteur  ne  prouve  rien,  il  se  contente  de 
combattre  foiblement  le  sentiment  erroné  de  ceux  qui  pensent  que 
le  commerce  doit  être  banni  de  l'Artois  à  cause  delà  fertilitédu  pays. 

L'Auteur  combat  ensuite  avec  la  même  faiblesse  le  préjugé  qui 
éloigne  les  nobles  du  Commerce  sans  prouver  encore  qu'il  soit  une 
des  causes  de  la  décadence. 

Il  montre  un  peu  mieux  le  tort  que  les  guerres  ont  fait  au  Com- 
merce, il  passe  enfin  aux  moyens  de  le  rétablir,  il  en  donne  quatre 
1°  le  regard  favorable  du  Souverain  2°  le  concours  des  Etats  de 
la  province  à  seconder  vos  vues  bienfaisantes.  3°  la  rénovation 
des  privilèges  contenus  dans  la  chartre  de  Louis  XI.  4°  Là  contri- 
bution des  riches  particulières. 

1°  Ce  que  l'auteur  parait  entendre  principalement  du  regard 
favorable  du  Souverain,  c'est  le  rappel  des  protestans. 

2°  Ce  qu'il  demande  aux  Etats,  c'est  d'exposer  au  Roi  la  situa- 
tion de  notre  Commerce  et  d'en  obtenir  le  rétablissement  des  pri- 
vilèges contenus  dans  la  chartre  de  Louis  XI.  enfin  le  dernier 
moyen  de  l'auteur,  est  le  projet  chimérique  que  chaque  particulier 
vienne  verser  gratuitement  dans  le  trésor  des  Etats,  des  sommes 
proportionnées  à  ses  Jàcultés,  pour  servir  d'encouragement  et  de 
soutien  au  Commerce. 


33o       REVUE  HISTORIOtTE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

La  I'"  partie  de  ce  mémoire  sur  les  anciennes  manujac- 
tares,  n'apprend  rien. 

La  2^  sur  les  causes  de  la  décadence  du  commerce,  ne  prouve 
rien. 

La  3'^  sur  le  moyen  de  rétablir  ne  mené  à  rien. 

Il  est  d'ailleurs  écrit  fort  lâchement  et  incorrectement,  il  ne 
mérite  donc  aucune  sorte  de  considération. 

.V"  2 

Le  Mémoire  cotté  M"  2  porte  pour  épigraphe  felix  qui  poterit 
rerum  cognoscere  causas. 

n  est  divisé  en  trois  partie. 

La  première  traite  des  dijf'érentes  branches  de  Commerce  dans 
les  contrées  qui  /arment  présentement  la  /irovince  d'Artois,  en 
remontant  jusqu'aux  Gaulois . 

La  2'^"  indique  la  cause  de  leur  décadence . 

La  J''""  Les  moyens  de  rétablir  ces  branches  de  Commerce, 
notamment  les  manufactures  de  la  ville  d'Arras. 

C'est  la  division  du  programme . 

L' Auteur  montre  d'abord  combien  le  commerce  devait  être  Jaible 
chez  les  Belges  où  les  Artésiens,  avant  .fuies  César. 

Il  établit  sur  des  probabilités  faute  de  monument,  l'accroisse- 
ment qu'il  prit  sous  la  Domination  des  Romains,  il  annonce  que 
son  état  devint  florissant  sous  les  Empereurs  Alexandre  Seoere 
et  Julien. 

Un  mot  de  Callienet  le  témoignage  de  S' Jérôme  sont  les  notions 
qu'on  a  Commerce  dans  les  3'  et  4'  Siècles,  on  en  a  peu  sous  le 
Gouvernement  des  Comtes  de  flandre. 

L'Auteur  s'étend  ensuite  sur  les  tapisseries  de  haute  lice  qu'on 
fabriquait  à  .irras.  sur  les  serges  de  laine  où  Sayetterie,  sur  des 
draps  rnaiiufaclurés  à  S-  Orner  dès  iZ/io.  et  dans  d'autres  Endroits 
de  la  province. 

Il  parle  aussi  des  bonracans.  des  bnrats  ou  camelots,  des  vires, 
des  peluches,  des  pannes,  des  tiretaines,  des  flanelles,  d'une  manu- 
facture de  Moquette  établie  à  S'  Orner  en  1686  et  du  Commerce 
de  chapeaux. 

Tel  est  le  contenu  de  la  première  partie. 

L'Auteur  commence  la  .'seconde  par  annoncer  que  les  causes  de 
la  décadence  du  Commerce  de  l'Artois  sont  où  physiques  où  ma- 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  33 1 

raies,  que  les  unes  ont  été  préparées  par  des  Evénemens  inévi- 
tables, que  les  autres  sont  nées  des  circonstances  occasionnées  par 
la  conduite  des  hommes. 

Le  commerce  fut  d'abord  contrarié  sous  les  Empereurs,  par  des 
hostilités  fréquentes  et  éprouva  les  mêmes  vicissitudes  sous  les 
deux  premières  races  de  nos  Rois. 

Une  autre  cause  de  ta  chute  du  Commerce  d'Artois,  fut  le  res- 
sentiment de  Louis  XI  contre  les  habitons  d'Arras.  Charles  VIII 
tacha   vainement  de  réparer  ce  qa'avoit  fait   son  prédécesseur. 

L'Auteur  déduit  ici  tes  causes  de  la  décadence  des  tapisseries  à 
l'une  des  quelles  il  attribue  aussi  celle  des  draps  et  serges;  il 
attribue  encore  cette  décadence  aux  guerres  fréquentes  de 
Louis  XIII  et  de  Louis  XIV  et  à  différentes  autres  causes  telles  que 
les  fléaux  qui  diminuèrent  la  population.  Les  reglemens  trop 
rigoureux  où  mal  exécutés,  le  rachat  d'un  grand  nombre  de 
charges  nouvelles,  eta. 

L'Auteur  débute  dans  la  J'™"  partie  par  le  tableau  des 
facilités  que  l'Artois  a  pour  le  commerce,  les  moyens  d'en  profiter 
sont  1°  de  tirer  du  cru  de  l'Artois  autant  de  matières  premières 
qu'il  est  possible,  ces  matières  premières  sont  la  laine,  la  soie,  le 
lin,  le  chanvre,  le  poil  de  chèvre  et  le  coton. 

Il  donne  sur  toutes  ces  matières  des  notions  et  des  conseils  qui 
ne  sont  pas  sans  mérite  et  dont  l'exécution  produirait  un  grand 
bien  à  la  province.  2°  S'attacher  des  artistes  distingués  et  un 
nombre  suffisant  d'ouvriers  en  leur  assurant  un  sort  honnête  et 
proportionné  à  leurs  talens. 

3°  Vendre  les  Etoffes  à  un  prix  modéré,  l'auteur  en  montre  la 
nécessité  et  l'utilité. 

4°  Donner  au  Commerce  une  grande  liberté,  l'Auteur  fait  voir 
les  entraves  qu'il  éprouve  et  démontre  les  moyens  de  les  diminuer. 

5°  l'rotéger  et  surveiller  le  commerce  l'A  uteur  prouve  les  avan- 
tages de  cette  protection  tant  de  la  part  du  lioi  que  de  celle  des  Etats 
d'Artois,  il  parle  aussi  du  bon  effet  des  prix  d' encouragement, 
enfin  il  termine  son  mémoire  par  le  tableau  des  manufactures  et 
fabriques  de  l'Artois,  il  parle  de  celles  des  villes  d'Arras,  de 
S'  Omer,  de  S^ pol,  de  frages,  et  de  hesdin. 

Ce  mémoire  ne  nous  paroit  pas  sans  mérite. 

La  première  partie  rassemble  des  choses  très  satisfaisantes  sur 
le  commerce  de  l'Artois. 


332       REVUE    HISTORIQn:    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

La  5'"°'>  nous  semble  contenir  les  véritables  causes  de  la 
décadence  des  manu  factures. 

La  3'^"  nous  parait  plus  faible  nous  croyons  Les  moyens 
que  l'Auteur  propose  insuffisans. 

Ce  mémoire  est  digne  de  quelque  attention,  il  est  d'ailleurs  assez 
bien  écrit  et  dans  le  style  convenable  It  la  chose. 


I^  3 

Le  Mémoire  cotté  n°  3,  porte  cette  Epigraphe. 

Labor  improbas  omnia  vincit. 

L' Auteur  de  ce  Mémoire  fait  aussi  la  division  du  problème,  il 
avance  d'après  un  passage  des  Commentaires  de  César  que  du 
tems  de  cet  Empereur  il  n'y  a  voit  aucun  Commerce  chez  les 
Atrebates  ils  en  conçurent  le  goût  d'après  leurs  liaisons  avec  les 
phéniciens  et  les  Marseillais  et  en  283.  dit  l'Auteur  la  ville  d'Arras 
étoit  extrêmement  marchande.  Sous  V Empereur  Severe,  le  Com- 
merce des  Atrebates  était  très  renommé  l'.Auteur  cite  à  ce  su/et 
l'Empereur  Gallien,  S'  Jérôme  et  M.  Maillard. 

L'Auteur  ensuite  revient  à  Auguste  et  après  avoir  parlé  des  vexa- 
tions qu'essuyèrent  les  Belges  de  la  part  de  licinius  et  d'autres 
faits  assez  étrangers  à  la  question  il  revint  à  dire  que  selon 
Locrius  la  ville  d'arras  était  extrêmement  renommée  pour  ses 
manufactures  en  283  et  qu'on  y  fabriquait  des  Etoffes  précieuses 
que  les  Romains  appellerent  vestes  atrebaticœ. 

Dans  la  ^'■'•>=  partie  L'auteur  parle  d'abord  des  ravages 
des  huns,  des  Vandales,  des  normands  etc.  et  il  place  la  renais- 
sance du  Commerce  en  Artois  sous  le  règne  de  S'  Louis  il  dit  qu'il 
devint  florissant  saas  le  Gouvernement  de  Ducs  de  Bourgogne  et 
qu'en  i^ji.  il  entrait  chaque  semaine  dans  Arras  au  mains  six 
cens  pièces  de  vin . 

L'Auteur  ne  parle  gueres  dans  cette  partie  que  des  guerres, 
mortalités  et  peste  que  l'Artois  a  essuies  il  n'y  fait  mention  des 
tapisseries  d'.irras  que  vers  la  fin. 

Le  premier  moyen  que  l'Auteur  propose  pour  donner  au  Com- 
merce de  l'Artois  son  ancienne  s/>lendeur  c'est  la  culture  de  la 
garance. 

Le  a*^"»»  moyen  c'est  la  facilité  du  transport  des  marchan- 
dises pour  la  navigation  des  Rivières  et  l'entretien  des  grands 


MELANGES  ET  DOCUMENTS  333 

chemins  article  sur  lequel  V auteur  dit  qu'on  ne  peut  reprocher 
aucune  négligence  auj:  Etats  d'Artois. 

Le  S''"'  moyen  c'est  de  procurer  aux  jabriques  des  Edifi- 
ces assez  vastes  pour  y  établir  leurs  magasins  et  y  placer  leurs 
ouvriers. 

Ce  mémoire  n'a  ni  plan  ni  suite,  il  ne  contient  rien  de  neuj,  rien 
d'utile,  il  est  mal  rédigé,  mal  écrit,  il  n'a  qu'un  seul  mérite,  celui 
d'être  court. 

Dans  ces  circonstances  nous  Estimons  que  l'Académie  n'a  /tas 
■  reçu  de  mémoire  assez  satisfaisant  pour  lui  décerner  le  prix  qu'elle 
pourrait  accorder  une  mention  honorable  au  mémoire  cotté 
Numéro  2  et  si  elle  juge  à  propos  de  remettre  pour  une  troisième 
fois  la  même  question  au  concours  engager  l'Auteur  à  le  travail- 
ler de  nouveau  et  surtout  la  troisième  partie  que  nous  avons 
trouvé  la  plus  foible. 

Quant  aux  Mémoires  cottes  jX°^  1  et  3.  A^ous  Estimons  qu'ils  ne 
méritent  aucune  espèce  de  considération. 

De  Robespierre,  Binot, 

Le  Sage,  Dubois  de  Fosse ux. 


Une  lettre  de  Delessart  au  ministre  de  France  à  Mayence 
sur  la  question  des  émigrés 

(i4  novembre  lygi) 

Le  16  novembre  1791,  Delessart,  ministre  de  l'Intérieur,  annon- 
çait à  l'Assemblée  législative  qu'il  venait  d'être  chargé,  par  intérim, 
du  département  des  Affaires  étrangères.  Mais  déjà,  deux  jours  avant 
cette  date,  il  avait  fait  acte  de  ministre  des  Affaires  étrangères, 
comme  on  le  verra  par  la  lettre  que  nous  publions.  Il  s'agissait  de 
la  grave  question  des  émigrés.  Un  mois  auparavant,  le  17  octobre, 
Delessart  avait  adressé  aux  départements  la  proclamation  du  roi 
sur  les  émigrations  en  l'accompagnant  d'une  circulaire  chaleureuse, 
dans  laquelle  il  leur  recommandait  «  de  la  faire  réimprimer  pour 
l'envoyer  aux  districts  et  à  toutes  les  municipalités,  de  la  faire  lire 
aux  prônes  des  paroisses  et  afficher  partout,  de  manière  qu'elle  eût 
toute  la  publicité  possible  ». 


334        REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE   l'eMPIRE 

Comme  ministre  des  Affaires  étrangères,  Delessart  avait,  en  no- 
vembre, k  s'adresser,  pour  le  même  objet,  a  d'autres  fonctionnaires, 
aux  ministres  de  France  près  des  cours  étrangères.  Les  souverains 
qu'il  convenait  surtout  d'atteindre  et  de  persuader  étaient  ceux  de 
la  région  rhénane,  puisque  c'était  surtout  dans  cette  région  que  les 
émigrés  français  se  rassemblaient. 

Le  i4  novembre  1791,  Delessart  écrivit  donc  k  O'Kelly,  ministre 
plénipotentiaire  de  France  près  l'Electeur  de  Mayence,  la  lettre  sui- 
vante, où  l'on  remarquera  surtout  la  curieuse  et  paradoxale  argu- 
mentation du  ministre,  qui  démontre  l'adhésion  du  Roi  k  la  Cons- 
titution par  l'e.xercice  du  droit  de  veto. 

Paris,  le  i4  iiorembre  lygi- 

Vous  êtes  sans  doute  lU'jà  informé.  Monsieur,  que  l'Assemblée 
Nationale  a  rendu  un  décret  concernant  les  émigrés^.  Le  Roi,  à 
qui  ce  décret  a  été  présenté,  a  jugé  apropos  d'y  refuser  sa  sanc- 
tion. Cet  acte  libre  et  absolu  de  la  /jrérogative  royale  ne  peut  plus 
laisser  aucun  doute  sur  l'adhésion  du  Roi  à  la  Constitution,  ni  sur 
la  ferme  résolution  où  il  est  de  la  maintenir,  de  la  défendre  et  de 
la  faire  exécuter. 

Il  importe,  Monsieur,  que  celte  vérité  soit  bien  sentie  par  les 
émigrés  ;  et  vous  êtes  plus  à  portée  que  personne  de  la  leur  faire 
connoitre.  Ils  jugeront  d'un  côté  que  leurs  projets  manquent  désor- 
mais de  base,  puisqu'ils  portoient,  en  grande  partie,  sur  la  pré- 
tendue contrainte  où  ils  ont  affectés  de  supposer  Sa  Majesté,  de 
l'autre  que  le  Roi,  en  se  ret usant  à  des  mesures  de  rigueur,  met 
assez  de  confiance  dans  leur  sagesse  et  dans  leur  attachement  à 
sa  personne  pour  se  flatter  que  touchés  de  sa  sollicitude  pour  eux 
et  réflécldssant  davantage  sur  les  suites  qu'auroit  leur  persévé- 
rance, ils  se  rendront  enfin  aux  exhortations  paternelles  de  Sa 
Majesté,  et  qu'ils  se  détermineront  à  rentrer  dans  leur  Patrie,  ou 
aumoins  à  Jaire  cesser  l'agitation  que  causent  leurs  démonstra- 
tions. C'est  dans  cet  espoir  que  le  Roi  a  fait  publier  la  nouvelle 

I.  Il  s'aijil  du  décret,  vote  le  g  novembre  précédent,  qui  déclarait  "  supects  de 
conjuration  coutrc  la  l-'rance  »  les  émigrés  rassemblés  sur  les  frontières  du  royaume, 
et  dont  Tarlicle  11  spécifiait  que  a  si,  au  i«r  janWer  l'jya,  ils  étaient  encore  dans 
le  même  -état  de  rasseniblemeut,  ils  seraient  déclarés  coupables  de  conjuration, 
poursuivis  connue  ti-Is,  et  punis  de  mort  ».  Le  roi  refusa  de  sanctionner  ce  décret. 
—  C.  V. 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  335 

proclamation  que  je  vous  envoïe\  et  que  Sa  M'''  a  écrit  aux 
deux  Princes  ses  Jrères  les  lettres  dont  vous  trouvères  ci-joint  un 
exemplaire. 

Vous  voudrez  bien,  Monsieur,  faire  part  à  l'Electeur  de  Maijence 
du  contenu  de  celte  dépêche.  Le  Roi  se  plait  à  croire  que  ce  Prince, 
éclairé  sur  les  véritables  intentions  de  Sa  M'',  sentira  de  plus 
en  plus  la  nécessité  de  faire  cesser  les  dispositions  hostiles  des  émi- 
grés qui  sont  rassemblés  dans  ses  Etats. 

Le  Roi  ne  pourroit  pas  voir  sans  la  plus  grande  peine  que 
S.  A.  E.  continuât  à  favoriser  ou  à  tolérer  des  projets  qui  ne  sont 
pas  moins  contraires  au  repos  personnel  de  Sa  Majesté  qu'à  la 
tranquillité  du  Royaume,  et  vous  ne  sauriez  trop  assurer  S.  A.  E. 
que  le  Roi  sera  infiniment  sensible  à  tout  ce  qu  Elle  Jera  pour 
mettre  un  terme  prochain  à  des  mesures  qui  ne  peuvent  être  Justi- 
fiées sous  aucun  raport. 

Le  Ministre  des  ajjaires  étrangères  par  intérim, 

Delessart. 

M.  OKelly'-. 

Dans  son  discours  du  surlendemain,  1 6  novembre,  Delessart  rendait 
compte  à  l'Assemblée  législative  des  démarches  faites  auprès  des 
puissances  étrangères  au  sujet  des  émigrés.  Après  avoir  énuméré 
les  mesures  prises  par  l'Empereur,  sur  la  demande  de  Louis  XVI, 
dans  les  Pays-Bas  autrichiens,  il  ajoutait  que  des  démarches  analo- 
gues avaient  été  faites  auprès  de  l'Electeur  de  Trêves,  et  aussi 
auprès  de  l'Electeur  de  Mayence,  en  sa  qualité  d'évèque  de  Worms. 
C'est  k  la  lettre  qu'on  vient  de  lire  que  Delessart  faisait  allusion  ^. 

Au  reste,  la  démarche  que  dut  faire  O'Kelly  à  la  suite  de  cette 
lettre  resta  stérile,  malgré  les  arguments  ingénieux  suggérés  à  ce 

1.  Il  s'agit  de  la  proclamation  du  12  novembre  1791,  oii  Louis  XVI  rappelait 
son  refus  de  sanctionner  le  décret  trop  rigoureux  du  9  novembre  et  par  laquelle  il 
invitait  les  émigrés  à  rentrer  en  France,  ajoutant  que,  dans  le  cas  où  ses  instances 
resteraient  vaines,  «  il  n'était  aucune  loi  juste,  mais  vigoureuse,  qu'il  ne  fût  résolu 
d'adopter  >.  —  C.  V. 

2.  Bibliothèque  nationale,  Mss.,  Nouv.  acq.  fr.,  2720. 

3.  Delessart  parle  aussi,  dans  ce  discours,  d'une  réponse  reçue  de  l'Électeur  de 
Mayence.  Mais  il  est  bien  évident  qu'il  ne  s'agit  pas  d'une  réponse  à  la  lettre 
adressée  le  i4  novembre  à  O'Kelly.  Delessart  fait  allusion  à  la  réponse  de  l'Élec- 
teur de  Mayence  à  la  communication  qui  lui  avail  été  adressée,  comme  aux  autres 
souverains,  pour  lui  annoncer  que  le  roi  avait  accepté  la  Constitution. 


336       REVUE    HISTOniQlE   DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

diplomate  par  Delessart,  car,  peu  de  jours  après,  le  27  novembre, 
Rews  exposait  à  la  tribune  de  l'Assemblée  législative  l'activité 
des  émigrés  et  ajoutait  qu'ils  trouvaient  l'appui  le  plus  dévoué 
auprès  des  princes  germaniques  et  notamment  auprès  de  l'Electeur 
de  Mayence. 

Charles  Vellay. 


Le  «  Journal  de  Genève  »  comme  source  de  l'histoire 
de  la  Révolution  française 

Au  dix-huitième  siècle,  Genève  possédait  peu  de  publications 
périodiques.  La  vie  politique  genevoise  —  très  intense  cependant 
■ —  ne  se  manifestait  que  par  d'innombrables  brochures,  dont 
M.  E.  Rivoire  a  dressé  un  excellent  catalogue  critique  '. 

C'était  surtout  par  les  gazettes  françaises  et  par  des  correspon- 
dances particulières  que  les  nouvelles  politiques  du  dehors  arri- 
vaient k  Genève.  Cette  république,  qui  comptait  environ  34.000 
âmes  en  1788,  ne  semble  pas  avoir  éprouvé  le  besoin  d'une  infor- 
mation régulière  publiée  sur  place. 

Au  moment  de  la  Révolution,  cette  situation  ne  se  modifie  pas. 
Les  périodiques  qui  surgissent  alors  ne  sont,  en  fait,  que  des 
brochures  de  polémique  locale,  paraissant  sous  un  même  titre  et 
portant  un  numéro  d'ordre.  On  j  trouvera  peu  d'indications 
utiles,  sauf  pour  l'histoire  de  Genève  même.  Tout  au  plus  les 
Considérations  bougrement  signijîantes  du  Jils  Dachêne,  foatre, 
suivies  des  Foutus  contes  du  même,  pourraient  avoir  quelque 
intérêt  comme  exemple  de  contagion  psychologique  et  philo- 
logique. 

Une  exception  ne  doit  être  faite  que  pour  le  Journal  de  Genève, 
où  l'historien  trouvera  quelques  renseignements  dépassant  le  cadre 
de  l'histoire  locale.  Nous  les  avons  relevés,  et  nous  espérons  que 
es  notes  qui  suivent  pourront  épargner  h  d'autres  travailleurs  des 


I.  Emile  RivomE,   Bibliographie  historique  de  Genève  au  dia>huitième  siècle. 
T.  I,  1701-1792;  T.  II,  1793.1798  [6a  18  numéros].  Genève,  JuUien,  1897. 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  337 

recherches  d'autant  plus  malaisées  qu'on  ne  connaît  que  très  peu 
d'exemplaires  du  Journal  de  Genève  de  l'époque  révolutionnaire  '. 

1789 

Le  prospectus  de  ce  journal  est  daté  du  ii  avril  1787.  Le 
premier  numéro  parut  le  4  août  suivant.  Il  était  destiné  à  donner 
des  nouvelles  météorologiques,  l'état  civil  de  la  ville,  des  mercu- 
riales et  autres  nouvelles  tout  à  fait  objectives  et  complètement 
étrangères  k  la  politique.  Ce  n'est  que  le  8  août  1789  que  cette 
feuille  hebdomadaire  donna  le  premier  renseignement  d'ordre 
politique. 

Avant  cette  date,  et  pour  l'année  178g,  il  faut  cependant 
signaler  : 

4  avril  :  Lettre  du  D"^  Francklin  sur  les  Sauvages  du  nord  de 
l'Amérique ,    adressée    au.\    rédacteurs    du    Journal   de    Genève. 

25  avril  :  L'inscription  de  M.  François  d'Ivernois  '  comme 
associé  bienfaiteur  de  la  Société  des  Arts  de  Genève. 

20  juin  :  Sur  la  manière  de  jouer  à  la  Loterie  Royale  de  France. 

8  août  :  «  Avis  DES  RÉDACTEURS.  —  Uu  Gcuevois  digne  de  toute 
confiance  nous  fait  parvenir  les  détails  de  la  malheureuse  affaire  de 
Vesoul,  dont  il  a  pris  sur  les  lieux  mêmes  tous  les  renseignements 
possibles.  Nous  nous  empressons  de  les  communiquer  au  public. 

«  Vous  connoissez  l'accusation,  voici  le  fait.  Un  Conseiller  au 
Parlement  de  Besançon,  homme  bien  famé,  grand  agriculteur, 
s'occupoit  depuis  longtems  à  faire  sauter  des  rocailles  dans  sa 
terre  de  Quince,  à  demi-lieue  de  Vesoul,  pour  y  planter  des  vignes 
et  pour  cela  on  lui  fournissoit  de  la  poudre  des  magasins  de 
Besançon,  et  il  en  avoit  quelques  barils  chez  lui.  Lors  de  la  der- 
nière effervescence,  ses  amis  lui  conseillèrent  de  quitter  la  pro- 
vince, dans  laquelle  il  étoit  mal  vu  par  son  opposition  au  Tiers.  En 
partant,  il  remit  le  soin  de  sa  terre  à  un  Officier  local  très-populaire 
et  très-attaché  au  Tiers,  et  lui  recommanda  si  le  peuple  venoit  chez 
lui  de  ne  point  résister,  et  de  donner  du  vin  et  tout  ce  qu'il  deman- 
deroit.  Cet  homme  enferma  par  précaution  les  barils  de  poudre 

1.  Il  ne  faut  pas  confondre  oc  Journal  de  Genève  avec  la  feuille  du  même  nom 
que  Mallet  du  Pan  publia,  avec  Panckoucke,  à  Paris,  ni  avec  le  journal  paraissant 
à  Genève  depuis  1826. 

2.  Le  l'ulur  Sir  Francis  D'Ivernois,  l'agent  anti-français  de  Pitt  et  de  ses  succes- 
seurs. 


LA   REVOL. 


338       REVIE    HISTORIQUE   DE    LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

dans  un  four  situé  dans  une  cour  isolée  du  château,  et  qui  fermoit 
à  clef,  comme  le  lieu  le  plus  à  l'abri  d'accidens,  et  le  moins  dan- 
gereux s'il  en  arrivoit.  Cette  cour  joignoit  à  une  espèce  de  verger, 
dans  laquelle  les  gens  du  Conseiller  qui  y  faisoient  vendre  du  vin 
plaçoient  les  buveurs.  Un  jour  de  fête,  où  il  v  avoit  quelques  paysans 
et  une  dixaine  de  Dragons  de  la  garnison  de  Vesoul,  ceux-ci,  qui 
s'y  étoienl  grisés,  y  restèrent  tard,  et  l'un  d'eux  avec  une  chan- 
delle k  la  main  força  la  porte  de  la  cour  et  la  porte  du  four  pour 
voir  ce  qui  y  étoit,  alluma  la  poudre  et  le  fit  sauter.  Deux  de  ses 
Camarades  qui  le  suivoient  et  lui  y  périrent,  mais  ni  le  château,  ni 
le  village,  ni  aucun  de  ceux  qui  y  étoient  n'en  furent  endommagés. 
Le  lendemain  la  populace  et  plusieurs  Dragons  en  fureur,  accusans 
le  Conseiller  d'avoir  projeté  de  faire  périr  le  peuple,  vinrent  ravager 
ce  qui  lui  appartenoit,  démolir  le  château,  etc.,  malgré  les  efforts 
des  paysans  du  village,  qui  assuroient  que  leur  Soigneur  étoit  un 
homme  doux,  pacifique,  charitable,  sans  les  secours  duquel  ils 
seroient  péris  do  faim  et  de  froid  l'hiver  dernier.  Mr.  D.  parla  hier 
à  plusieurs  paysans  qui  versoient  des  larmes  amères,  sur-tout  de  la 
crainte  qu'il  ne  fût  pis  arrivé  à  leur  Seigneur.  On  doit  avoir  fait 
une  enquête  juridique  qui  portera  à  l'évidence  ce  que  je  viens  de 
vous  dire.  » 

/.)  août  :  «  Lettre  de  M.  le  professeur  Pictot...  »  (sur  l'établisse- 
ment d'éducation  du  chevalier  Paulet  '). 

i4  novembre  :  Lettre  d'un  abonné  «...M.  le  Professeur  Necker, 
père  du  célèbre  Ministre,  dont  nous  nous  glorifions  à  juste  titre  d'être 
les  Compatriotes,  et  qui  honore  encore  plus  notre  République  par 
son  génie  et  ses  rares  qualités  que  par  son  élévation  et  sa  gloire...  » 

ig  décembre  :  «  Idées  physiognomiques  de  M.  Necker  d'après  une 
entrevue  do  deux  heures  et  demie,...  le  24  juillet  1789,  à  Bàle... 
par  Lavater.  » 

1790 

2  octobre  :  «  Extrait  d'une  Lettre  d'un  Officier  Anglois  au  Service 
de  Suède  »  (la  mort  de  Treveren,  officier  anglais  au  service  de  la 
Russie,  «  l'âme  de  la  flotte  russe  »,  tué  au  combat  naval  de  Swensk- 
Sund). 

I  Pièce  non  citée  par  M.  James  Guillaume  dans  son  étnde  sur  Le  chevalier  Pawlet 
et  l'école  des  orphelins  niililaires  (^Éludes  réiiolutionnaires,  a"  série). 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  SSq 


1791 

3o  avril  :  «  Lettre  »  (éloge  de  Washington.  «  L'étonnante  pros- 
périté des  États-Unis  d'Amérique  chez  lesquels  le  bonheur  national 
semble  se  réfugier  k  mesure  qu'on  le  chasse  de  l'Europe...  »). 

ai  mai  :  B.  €  Dialogue  entre  A...  et  X...  sur  un  livre  nouveau  » 
(éloge  d'une  Morale  du  citoyen). 

i8  juin  :  B.  «  Sur  la  manière  de  finir  ses  lettres  »  (demande 
que  Genève  donne  l'exemple  à  l'Europe  de  formules  finales  simples 
et  dignes  pour  les  lettres). 

Le  Journal  de  Genève  ne  parut  pas  pendant  le  second  semestre 
de  1791.  Il  ne  reprit  que  le  21  janvier  1792. 

Les  tableaux  météorologiques  disparaissent  alors,  ainsi  que  les 
mercuriales. 

1792 

//  et  18  Jévrier  :  «  Etablissement  national  pour  faciliter  les 
mariage.s,  proposé  à  l'instar  de  celui  de  Paris  »  (recommando 
d'imiter  V Indicateur  des  mariages  de  la  rue  Saint-Martin  de 
Paris). 

24  'no-i  ■  «  Lettre  de  Dentand,  ancien  syndic  »  (donne  le  début 
d'un  discours  proposé  par  l'Académie  de  Châlons-sur-Marne  en 
1786  :  Quels  seraient  les  moyens  de  faire  naître  et  d'encourager  le 
patriotisme  ?). 

/4  avril  :  La  fondation  de  la  Société  économique  k  Paris. 

2g  septembre  :  «  Adresse  d'un  Genevois  k  ses  compatriotes  » 
(prend  la  défense  des  autorités  genevoises  auxquelles  on  reprochait 
d'avoir  fait  appel  aux  Suisses  pour  envoyer  k  Genève  une  garnison 
de  1 .600  soldats). 

6  octobre  :  «  Lettre  adressée  aux  rédacteurs  du  journal  »  (pro- 
teste contre  l'accusation  que  Genève  soit  entrée  dans  une  coalition 
contre  la  France,  que  son  Conseil  souverain  ait  pris  une  mesure 
hostile  en  faisant  appel  aux  troupes  suisses.  «  Il  ne  songeait  qu'à  se 
mettre  à  l'abri  des  commotions  militaires,  si  dangereuses  pour  les 

petits  Etats Dirai-je  ici  que  nos  murs  renferment  des  têtes  qui 

ont  des  droits  sur  les  finances  de  France.  Elles  seront  sacrées  pour 
les  Français,  leur  loyauté  est  noire  rempart...  a) 


3^0       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIIIE 

i3,  20,  2j  octobre,  3,  lo,  ij,  2^  nooembre ,  i",  8  et  i5  décembre  : 
Recueil  de  pièces  relatives  au  conflit  franco-genevois  ; 

Arrêté  du  Magnifique  Petit  Conseil  du  22  septembre  1792. 

Extrait  des  registres  du  Conseil  du  28  septembre. 

Note  remise  le  27  de  septembre  1792  k  M.  le  Premier  Syndic, 
par  M.  d'Arneville,  de  la  part  de  M.  de  Chateauneuf,  Rési- 
dent de  France. 

Réponse  du  Conseil  à  la  Note  du  27  de  septembre. 

Copie  d'une  note  remise  le  3o  de  septembre  à  M.  le  Premier 
Syndic,  par  M.  d'Arneville,  de  la  part  de  M.  de  Chateauneuf. 

Adresse  aux  Genevois  (par  les  magistrats  de  Genève). 

Note  remise  le  3  d'octobre,  par  M.  d'Arneville,  a  M.  le  Pre- 
mier Syndic,  de  la  part  de  M.  de  Chateauneuf. 

Lettre  de  M.  Clavière  à  M.  Flournois  (Paris,  le  28  septembre 

1792)- 
Note  adressée  aux  (Citoyens  et  Habitants  de  la  ville  de  Genève 

(par  le  résident  de  France),  le  9  octobre. 
Seconde  lettre  de  M.  Clavière  à  M.  Flournois  (s.  d.)(accom- 

jiagnée  de  notes  anti-françaises  d'un  rédacteur). 
Allocution  de  M.  Micheli,  syndic  de  la  garde,  k  la  Légion 

Genevoise,  le  10  octobre. 
Adresse  de  la  Légion  Genevoise,   à  Messieurs  les  Syndics, 

remise  le  10  octobre. 
Extrait  des  registres  du  Conseil  du  1 1  octobre. 
Lettre  de  M.  Le  Brun,  ministre  des  Affaires  étrangères,  à  la 

Convention  Nationale,  telle  qu'elle  est  imprimée  dans  le 

n°  i4  du  Journal  des  Débats. 
Copie   de  la  lettre  adressée  par  les  Syndics  et  Conseil  de 

Genève  à  sou  Excellence  M.  Le  Brun,  ministre  et  secrétaire 

d'État  au  département  des  .\ffaires  étrangères  k  Paris,  le 

10  octobre  1792. 
Lettre  et  Déclaration  du  citoyen  Henri  Deonna  h  ses  compa- 
triotes  (sur   ses   deux    entrevues    avec    le    général    Mon- 

tesquiou). 
Lettre  de  Bérenger  '  k  Condorcet  (8  octobre). 
Réponse  k  M.  Condorcet"  (-.'.o  octobre). 

I.  Jean-Pierre  Berenger,  1737-1807,  professeur  el  historien  genevois. 
2.  a  Nous  donnerions  ici  la  lettre  de  M.  Condorcet,  s'il  nous  l'avait  permis.  » 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  34 1 

Première  lettre  à   M.   Clavière,   ministre  des   Contributious 

publiques,  par  Bérenger  (8  octobre). 
Réponse  de  M.  d'Yvernois  à  M.  Joliannot'. 
Extrait  des  registres  du  Conseil  du  20  novembre. 
/"■   décembre  :  Compte  rendu  des  Réflexions  présentées  à  la 
Nation  Française  par  M.  Necker. 

1793 

5  janvier  :  «  Lettre  d'Etienne  Dumont  au  citoyen  Reibaz  (sic), 
envoyé-subrogé  de  la  République  de  Genève,  du  i'^''  janvier,  l'an 
premier  de  l'Égalité.  »  (Récit  des  événements  genevois  à  la  fin  de 
1792,  qui  marquèrent  le  triomphe  de  la  démocratie.  Voici  la  fia  de 
cette  lettre  :  «  Telle  est,  citoyen,  la  révolution  qui  vient  de  s'opérer 
parmi  nous  et  dont  je  suis  chargé  par  le  Comité  administratif  de 
vous  prier  de  donner  connaissance  au  Pouvoir  exécutif  de  la  Répu- 
blique Française,  auprès  duquel  la  commission  que  vous  aviez  reçue 
du  Petit  Conseil  vous  est  provisoirement  conservée  ;  le  Comité 
ayant  été  unanime  à  reconnaître  que  personne  ne  pouvait  annoncer 
avec  plus  d'éclat  le  triomphe  de  l'Egalité  et  de  la  Liberté  parmi 
nous  qu'un  Citoyen  tel  que  vous  qui  n'avez  cessé  de  servir  cette 
noble  cause.  Veuillez  représenter  au  Pouvoir  exécutif  de  la  Répu- 
blique Française,  que  plus  nous  faisons  de  pas  fermes  et  soutenus 
dans  la  carrière  qu'elle  a  ouverte  au  genre  humain,  plus  nous 
osons  compter  sur  la  bienveillance  qu'EUe  nous  a  témoignée.  Nous 
n'aurons  que  de  la  reconnaissance  à  lui  offrir;  mais  une  Nation 
généreuse  regardera  comme  une  récompense  le  bonheur  même 
auquel  elle  aura  contribué.  Puisse  la  République  Française  pros- 
pérer !  Puisse-t-elle  ne  voir  autour  d'elle  que  des  peuples  heureux 
qui  respirent  en  paix,  et  n'aient  plus  qu'à  la  bénir  !  ») 

12  Janvier  :  Le  numéro  de  ce  jour  annonce  une  nouvelle  trans- 
formation du  Journal  de  Genève.  Il  sera  bi-hebdomadaire  et  don- 
nera des  informations  suivies  sur  les  événements  politiques  gene- 
vois. Cette  nouvelle  série  commence  le  18  février  1793. 

i4  mars  :  «  Lettre  du  Citoyen  Clavière  au  Citoyen  Gasc  »,  du 
3   mars    1793,   et  «   Réponse  du  Président  Anspach  ^  au  Citoyen 


1.  Jean-Daniel  Johannot,  citoyen  genevois  hal)itanl  Paris. 

2.  Président  de  l'Assemblée  Nationale  Genevoise. 


342       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE   l'eMPIRE 

Clavière  »  du  i3  mars  1798  (Clavière  envoyait  à  la  «  Convention 
nationale  »  de  Genève  un  exemplaire  du  projet  de  la  Constitution 
française  de  l'an  II). 

//  anril  :  «  RL^flexions  importantes,  par  le  Citoyen  Humbert,  sur 
les  circonstances  actuelles  »  (à  propos  de  la  législation  annonaire 
française). 

1 3  juin  :  «  Adresse  k  la  Convention  Nationale  de  France,  par  un 
Citoyen  actif  du  Pays  de  Gex  »  (J.  J.  Galloix)  (s'élève  contre  «  le 
despotisme  des  Tribunes  »  et  recommande  à  la  France  de  s'inspirer 
de  la  Constitution  d'Appenzell). 

8  juillet  :  «  Discours  du  Citoyen  Jean-Louis  Soulavie,  résident  de 
la  République  française...  »,  le  3  de  juillet  1793.  — ■  «  Discours 
[réponse]  du  Citoyen  Dentand,  Président  du  Comité  d'administra- 
tion »  (8  juillet). 

i5  juillet  :  Lettre  de  Soulavie  au  président  de  l'Assemblée 
nationale  genevoise,  du  5  juillet  179^  (annonçant  son  départ  pour 
le  Valais,  et  sa  prochaine  visite  k  la  Convention  genevoise). 

18  juillet  :  Lettre  de  Jacques  Odier,  président  de  l'Assemblée 
nationale  genevoise,  k  Soulavie  (accuse  réception  de  la  lettre  du 
5  juillet  et  s'excuse  de  ne  pouvoir  admettre  Soulavie  k  prendre  la 
parole  devant  l'Assemblée,  celle-ci  n'ayant  a  pas  le  droit  d'admettre 
aucun  e.xterne,  pas  même  les  membres  des  autorités  constituées,  k 
lui  rien  adresser  autrement  que  par  écrit  »). 

16  décembre  :  «  Lettre  d'un  Citoyen  a  son  Ami  sur  la  fête  de 
l'Escalade.  »  Genève,  i3  décembre,  l'an  second  de  l'égalité.  (Com- 
mémoration de  l'attaque  du  duc  de  Savoie  contre  Genève,  1602, 
repoussée  par  les  Genevois.  Cette  fête  avait  été  supprimée  en  1782  et 
rétablie  en  1793'.  «Le  citoyen  Résident"  arrivé,  le  citoj'en  Bourdillon- 

Diedez  adressa  un  discours  de  circonstance et  en  s'adre-ssant  au 

citoyen  Résident,  il  dit  que  c'était  k  la  France  que  Genève  devait 
et  sa  Révolution  et  ses  succès,  etc.,  etc Ensuite  le  citoyen  Rési- 
dent adressa  un  discours  républicain  où  il  entra  dans  plusieurs 
détails  qui  annoncent  une  profonde  connaissance  de  notre  histoire, 
et  en  nous  retraçant  les  vertus  civiques  de  nos  aïeux  avec  beaucoup 
d'onction  et  de  sensibilité,  il  développa  pour  le  Peuple  Genevois 

I.  C'est  en  cette  circonstance  que,  sur  l'air  de  la  Carmagnole,  fut  cliantée  pour 
la  première  fois  la  cliansoD  :  «  Ah,  la  belle  Escalade,  Savoyard  !  gare  !  gare  I  » 

a.  Soulavie.  Cf.  sur  cette  fête  :  .\.  Mazox.  Histoire  de  Soulavie  (Paris,  i8g3), 
t.  I,  p.  ao8. 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  343 

des  sentiments  d'estime  et  d'affection  qui  ne  nous  laissent  aucun 
doute  de  ceux  qu'a  pour  nous  la  puissante  et  généreuse  Nation 

dont  il  est  l'envoyé La  séance   fut  levée  au  sgn  de  l'hymne 

Allons,  enfants  de  la  Patrie.  La  dernière  strophe,  Amour  sacré  de 
la  Patrie,  fut  chantée  et  répétée  avec  ce  sublime  et  religieux 
enthousiasme  qui  caractérise  un  Peuple  libre  et  qui  mérite  de 
l'être.  ») 

1794 
Le  Journal  de  Genève  cessa  de  paraître  le  17  février  1794- 

Otto  Karmin. 


Un  journal  bordelais  patronné  par  Ysabeau 

{An  ni) 

Lorsque  Mittié  fils  vint  dans  le  département  du  Bec  d'Ambès 
(Gironde)  chargé  par  le  Comité  de  Salut  public  d'y  organiser 
l'instruction,  il  estima  qu'un  des  meilleurs  moyens  de  propager  les 
bons  principes  était  de  créer  un  journal.  Son  projet  trouva  un 
excellent  accueil  auprès  du  représentant  du  peuple  Ysabeau,  à  ce 
moment-là  «  en  séance  »  à  Tonneins-la-Montagne  ;  et,  en  vendé- 
miaire an  in,  Mittié  fit  placarder  sur  les  murs  de  Bordeaux  l'affiche 
suivante  dont  un  exemplaire  se  trouve  aux  Archives  de  la  Gironde 
(Série  L,  n°  44?)  1  nous  la  croyons  presque  complètement  inconnue, 
car  aucun  des  érudits  qui  ont  écrit  sur  la  presse  bordelaise  pendant 
la  Révolution  n'en  a  fait  état. 


«  Liberté.  Egalité. 

«  Le  Représentant  du  Peuple  délégué  par  la  Convention  Natio- 
nale dans  les  Départemens  du  Bec  d'Ambès  et  de  Lot-et-Garonne, 
maintenant  en  séance  à  Tonneins. 

«  Considérant  qu'un  des  moyens  le  plus  propre  à  affermir  le 
succès  de  la  Révolution  est  de  propager  l'instruction  publique  ; 

«  Considérant  que  les  écrits  périodiques  répandent  les  lumières 
et  déjouent  les  manœuvres  des  intrigans; 


344       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA   RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

«  Considérant  que  le  Département  du  Bec  d'Ambès  est  privé 
d'un  journal  capable  d'instruire  ses  habitans  ; 

«  Considérant  que  le  citoyen  Mittié  fils,  auteur  de  plusieurs 
journaux,  est  déjà  chargé  par  nous  (comme  agent  des  Représentans 
du  Peuple)  de  l'organisation  de  l'instruction  publique,  et  que  ses 
fonctions  se  lient  parfaitement  avec  la  rédaction  d'un  journal 
propre  à  échauffer  le  patriotisme  dans  ces  contrées  ; 

«  Considérant  que  les  principes  d'un  gouvernement  sage  sont 
d'encourager  et  de  protéger  les  lettres  : 

«  Arrête  que  le  citoyen  Mittié  fils  est  invité  à  fonder  une  entre- 
prise littéraire  et  à  rédiger  un  journal  d'après  les  principes  qui  ont 
toujours  dirigé  ses  écrits  et  ses  actions. 

«  Le  Représentant  du  Peuple. 

«   C.  Alex.  YsABEAU. 

«  Valete,  secrétaire  de  la  Commission  Nationale. 
«  Tonneins  le  i5  vendémiaire  l'an  3  de  l'ère  républicaine.   » 


«  PROSPECTUS 
«  Chronique  de  Bordeaux. 
«    Journal   rédigé    par   Mittié    fils,    agent  des  Représentans    du 
Peuple. 

«  La  pensée  était  enchaînée  sous  le  règne  du  dernier  tyran  de  la 
France  ;  retenue  et  captive,  elle  mordoit  son  frein  :  elle  vient  de  le 
briser,  et  ne  demande  qu'à  se  développer  pour  éclairer  les  Peuples. 
Les  écrivains  ont  provoqué  la  Révolution  ;  le  Peuple  l'a  faite  ;  les 
écrivains  l'achèveront. 

«  Il  semble  que  ce  soit  une  dette  sacrée  pour  l'homme  droit  et 
sincère  de  reprendre  la  plume,  lorsqu'il  voit  encore  des  incrédules 
à  convaincre,  des  intrigans  à  démasquer,  des  fripons  à  combattre. 
La  lutte  établie  entre  la  vertu  et  le  crime,  existe  encore;  la  philo- 
sophie n'a  pas  détruit  tous  les  préjugés;  la  morale  n'a  pas  renversé 
tous  les  vices. 

a  Sans  être  effrayé  de  cette  tâche  immense,  j'entreprends  de 
nouveau  un  journal,  puisque  le  Représentant  du  Peuple  m'en  fait 
un  devoir;  car  une  invitation  est  un  ordre,  quand  il  s'agit  de 
consacrer  ses  veilles  à  la  chose  publique  ;  ce  travail  se  lie  étroite- 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  3^5 

ment  avec  les  fonctions  que  m'a  confiées  le  Représentant  du 
Peuple  Yzabeau  pour  l'organisation  Je  l'instruction  publique  et  des 
Ecoles-Primaires.  La  vérité  voilà  mon  guide  ;  la  Convention  Natio- 
nale voilà  mon  point  de  ralliement. 

«  La  politique,  l'instruction  publique,  les  nouvelles  des  Armées, 
les  Arrêtés  importans  des  Représentans  du  Peuple,  les  débats  des 
séances  les  plus  intéressantes  du  Club  National,  la  littérature,  les 
arts  et  les  théâtres,  le  commerce  maritime  et  toutes  les  annonces 
utiles  au  public,  tels  sont  les  objets  du  ressort  de  ce  journal  qui 
s'intitulera  :  Chronique  de  Bordeaux. 

«  J'userai  de  la  liberté  de  la  presse  ;  je  serai  seul  responsable  de 
mes  opinions;  je  recevrai  avec  plaisir  toutes  les  notes  et  avis  utiles 
et  je  m'environnerai  des  lumières  des  hommes  instruits,  en  obser- 
vant pour  règle  constante  de  n'insérer  que  des  articles  signés. 

«  Ce  journal  sera  composé  d'une  feuille,  c'est  à  dire  de  seize 
pages  d'impression  ;  il  paroîtra  tous  les  quintidi  et  décadi.  Le 
premier  numéro  sera  mis  au  jour  le  premier  Brumaire. 

«  On  s'abonne  tous  les  jours  chez  Moreau  imprimeur  rue 
Guillaume  T^ll  maison  des  ci-devant  Minimettes,  près  le  Départe- 
ment et  chez  l'auteur  maison  Saige  au  Chapeau-rouge,  où  il 
faudra  adresser  toutes  les  lettres  relatives  au  journal. 

«  Le  prix  de  l'abonnement  est  de  36  livres  pour  une  année 
et  i8  livres  pour  si.x  mois. 

«  On  voudra  bien  affranchir  les  lettres.  » 

(I  A  Bordeaux  chez  Moreau  imprimeur  rue  Guillaume  Tell  près  le 
département  n»  i8.  » 


Ce  journal  parut  effectivement  du  i'^'^  brumaire  an  III  (22  octobre 
1794)  au  16  nivôse  de  la  même  année  (4  janvier  1795).  La  collec- 
tion des  seize  numéros  se  trouve  à  la  Bibliothèque  nationale 
(Le"  166).  Les  Archives  de  la  Gironde  (L  43 1)  n'en  possèdent  que 
neuf  numéros. 

Roger  Brouillard. 


346       REVUE    mSTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAJSE    ET   UE    l' EMPIRE 

Une  lettre  inédite  de  John  Adams  à  Sir  Francis  D'Ivernois 

(//   décembre  i /<)■'>) 

Parmi  les  lettres  adressées  à  Sir  Francis  D'Ivernois  et  con- 
servées à  la  Bibliothèque  publique  et  universitaire  de  Genève,  celle 
qu'on  va  lire  est  certainement  l'une  des  plus  curieuses.  On  y  voit 
John  Adams  protester  avec  force  contre  l'épithète  de  «  républicain  » 
que  lui  avait  donnée  Francis  D'Ivernois.  Il  déclare  qu'il  n'est  pas 
républicain;  que,  sur  ce  point,  il  se  sépare  nettement  de  Franklin; 
et  que,  si  l'on  veut  absolument  lui  donner  cette  épithète,  on  doit 
reconnaître  que  sa  conception  de  la  République  est  toute  particu- 
lière, puisqu'elle  suppose  un  pouvoir  exécutif  très  fort,  armé  du 
veto  et  capable  de  lutter  par  ce  moyen  contre  le  pouvoir  législatif. 

L'illustre  homme  d'Etat  qui  allait  devenir,  en  1797,  président  de 
la  République  américaine,  formule  ici,  en  termes  énergiques  et 
précis,  son  credo  politique.  Cette  lettre  constitue  donc,  pour  l'his- 
toire de  John  Adams,  un  document  fort  précieux  et  qui  mérite 
d'être  connu. 

Elle  fut  écrite  par  John  Adams,  le  11  décembre  1790,  en  réponse 
à  l'envoi  que  lui  avait  fait  Francis  D'Ivernois  de  ses  Réfle. rions  sur  la 
guerre.  L'original  autographe  est,  comme  nous  le  disons  plus  haut, 
conservé  dans  les  papiers  de  Francis  D'Ivernois,  à  la  Bibliothèque 
de  Genève  (Correspondance,  tome  I,  v). 

0.  K. 

l'hiladfilpkia  Decr  11.  ijijâ 

Sir 
I  hane  red  ijonr  knil  L'tter  t)f  the  -jijth  nf  Jaly.  and  hâve 
pcesented  the  tion  Pamphlets  lit  the  Président  '  as  ijou  desired. 
Accept  oj  mij  best  thanks  or  those  i/oii  were  so  good  as  to 
inclose  for  me.  l  hâve  read  nothing  for  a  long  time  loith  so  rnuch 
pleasare  as  the  Réflexions  sur  la  Guerre.  //  seemed  to  me  like 
the  returning  down  of  Renson  aniong  Mankind.  While  I  amflat- 
tered  with  the  Compliments  ijou  are  pleased  ta  bestow  npon  me, 
I  am  noi  at  ail  obliged  to  you  for  applying  to  me  the  Epithet 
«  Apostate  ftepublican  ».     /  am  no  .Apostate.    I  neoer  was  a  Repu- 

1.  Washington.  —  0.  K. 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  34? 

blican  in  nny  other  sensé  oj  the  loord,  than  is  explained  in  my 
«  Dej'ence  ».  On  the  confrary  l  alioays  diffeved  in  Congress  froni 
Franklin,  and  his  superftcial  Disciples,  as  early  as  lyy-''  and  ij/6, 
concerning  the  hest  Jorm  of  n  Repablic,  and  ahvays  openly  ad- 
vocated,  bolh  in  writing  and  in  Congress,  and  in  our  State  Con- 
gressesand  Conventions,  a  Sovereignty  in  three  intégral  Branches, 
particularly  in  the  Convention  of  the  Massachusetts,  whicli  in 
tyygframed  the  Constitution  qfthat  State. 

I  hâve  long  be  astonished,  thai  such  writers  as  Paine  and  thou- 
sand  others,  hâve  been  suffered  to  rave  about  Représentative 
Government,  withoat  being  called  upon  to  sheio  that  Représenta- 
tive Government  differs  from  Elective  Government,  and  also  to 
shew  how  the  Peace,  Liberty  and  Safety  of  the  People  in  a  great 
Nation  can  be preseroed  in  an  Elective  Sovereignty.  Dans  un  grand 
Empire  la  vacance  de  la  première  Place  est  un  foyer  toujours  allumé 
de  discordes,  de  [mot  illisible]  et  de  guerres  civiles.  And  you 
might  liave  added  in  a  small  Empire  too.  —  In  oar  little  Ameri- 
can Empire  it  is  alivays  a  source  ofdiscords  and  divisions.  The 
French  derice  of  five  Directors,  which  they  borroived  from  De 
Mably  will  not  answer  their  end.  Among  thèse  Emulation  unll 
soon  produce  divisions.  Division  Contention,  Contention  Hatred, 
Hatred  Rage,  and  Rage  Civil  War.  Emulations  too  will  start  up, 
between  tlie  great  Leaders  in  the  Council  of  Ancients  and  of  5oo, 
and  the  five  Directors.  Those  Emulations  will  instantly  produce 
Envy  and  Jealousy,  thèse  opposition.  Opposition  Party  Spiril, 
and  a  Party  Spirit  Sophisty,  Chicanery,  Intrigue,  (Jorrup/ion, 
Hatred,  Rage,  Civil  War. 

The  Executive  Power,  in  the  new  Constitution,  is  exactly  like  Da- 
niel in  the  Den  of  Lions,  or  Shadrack  andC°  in  tlie  Fiery  Farnace  : 
it  they  are  not  torn  in  Pièces  or  consumed  in  the  Fiâmes,  they 
must  be  preserved  from  such  destruction  by  a  miraculous  Interpo- 
sition of  divine  Power.  Anliangry  Wolf  will  not  fly  at  an  innocent 
Lamb,  with  more  certainty  than  a  Législative  Power  at  an  Exe- 
cutive, provided  the  latter  lias  not  a  Veto  with  which  to  défend 
itself.  I  Write  thus  freely  to  you,  in  Confidence  tliat  no  use  will  be 
made  ofit,  to  my  Disadvantage.  I  prétend  not  to  tlie  degree  of 
Information  necessary  to  Jorm  a  gênerai  Judgment  of  French 
affairs  :  but  t hère  are  certain  Essentials  in  afree  Government  with 
which  I  am  sure  it  cannot  long  endure. 


348       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇALSE    ET   DE    l'eMPIRE 

/  regret  with  ijou  t/tal  America  cannot  avait  lierself  of  the 
Science  and  Literaiure  ofthe  Genevan  L'niocrsi/i/'  :  but  the  com- 
plète Impossibililij  of  it  is  aùsolutely  certain. 

I  am  greatly  obligea,  to  ijoufor  the  kind  Communications  you 
hâve  made  to  me  from  time  to  lime  :  Bat  I  am  not  able  to  make 
you  suitable  Returns.  Comte  Sarsejield  once  said  to  me  :  «  Mon- 
sieur, il  no  vaut  pas  un  sous  (s/r) d'être  votre  ami.  »  It  was  agréât 
Truth.  The  Comforts  of  genuine  Repiiblicanism  are  everlasting 
Labour  and  fatigue.  No  time  for  Pleasure,  Utile  Jor  Study,  less  for 
Profit,  and  without  even  the  convenient  Accomodations  of  Life. 
AH  this,  and  a  sacrifice  offorfy  years  ouf  ofsixiy  of  my  Life, 
I  chearfully  submit  to,  and  I  ivish  rallier  than  hope  thaï  my 
Country  may  find  others  to  do  the  same  ajler  me. 

I  am  Sir  toilh  great  Esteein  yonr  very  gond  friend  and  most 
humble  sert. 

JuH.y  ADA.\fS. 

M.  Francis  D'/vernois  '. 


1.  Il  avait  été  question,  en  1793-1704.  de  transférer  en  Amérique  l'Académie  de 
Genève.  —  0.  K. 

2.  Traduction  : 

«  Philadelphie,  11  décembre  1795. 

»  Monsieur, 

«  J'ai  lu  votre  aimable  lettre  du  29  juillet,  et  j'ai  adressé  les  deux  brochures  au 
Président,  selon  votre  désir.  Agréez  mes  remerciements  pour  celles  que  vous  m'aviez 
envoyées  à  moi-même.  Depuis  longtemiis  je  n'ai  rien  lu  avec  autant  de  plaisir  que 
les  Réflexions  sur  la  Guerre.  Ola  m'a  paru  être  le  retour  de  la  Raison  chez 
l'Humanité.  Mais  si  je  suis  flatté  des  compliments  que  vous  me  faites,  je  ne  vous 
suis  pas  du  tout  obligé  de  l'épilhëte  d'Apostat  Républicain  que  vous  m'oclroyez. 
Je  ne  suis  pas  apostat.  Je  n'ai  jamais  été  républicain  dans  aucun  autre  sens  du 
mot  que  celui  qui  est  expliqué  dans  ma  «  Défense  •.  Bien  au  contraire,  dans  le 
Congrès  j'ai  toujours  différé  de  Franklin,  et  de  ses  disciples  superQciels,  sur  la 
question  de  la  forme  la  meilleure  à  donner  à  une  République,  et  cela  dès  1775  et 
1776.  Soit  dans  mes  écrits,  soit  dans  les  congrès,  et  dans  nos  congrès  nationaux  et 
nos  convenlions,  j'ai  toujours  professé  librement  la  théorie  d'une  souveraineté  en 
trois  branches  intégrales,  et  particulièrement  à  la  convention  de  Massachusetts  qui, 
en  1779.  a  servi  de  base  à  la  constitution  de  cet  État. 

«  J'ai  été  fort  l'ionné  que  des  écrivains  tels  que  Paine  et  mille  autres  aient  pu 
divaguer  tout  à  leur  aise  sur  le  gouvernement  représentatif  sans  avoir  jamais  à 
démontrer  que  le  gouvernement  représentatif  diffère  du  gouvernement  électif, 
et  combien  la  Paix,  la  Liberté  et  le  Salut  d'un  peuple  d'ime  grande  nation 
peuvent  être  préserves  dans  ime  souveraineté  élective.  Dans  un  grand  Empire  la 
vacance  de  ta  première  Place  est  un  foyer  toujours  allumé  de  discordes,  de 
[mot  illisible]  et  de  ffuerres  civiles.  Et   vous  auriez  pu  ajouter  :  il  en  est  de  même 


MELANGES    ET    DOCUMENTS 


349 


Un  récit  oublié  de  la  prise  du  bois  de  Finges 
par  les  Français 

(a8  mai  l'jgg) 

Même  de  la  part  des  historiens  suisses,  la  guerre  dans  le  Valais, 
lors  des  luttes  contre  la  deuxième  coalition,  n'a  presque  pas  excité 
d'attention.  Gomme  elle  décidait  de  la  possession  de  plusieurs  cols 
des  plus  importants,  elle  mérite  d'être  mieux  connue,  et  l'on  ne 
lira  pas  sans  intérêt  le  récit  de  la  prise  du  bois  de  Finges,  action 
décisive  de  cette  campagne,  récit  enfoui  jusqu'à  ce  jour  dans  un 


dans  un  petit  Empire.  Dans  noire  petit  Empire  Américain  c'est  toujours  une  source 
de  discorde  et  de  divisions.  La  théorie  française  des  cinq  Directeurs,  qu'on  a  em- 
pruntée à  De  Mably,  ne  résoudra  pas  la  difficulté.  La  rivalité  prSduira  bientôt  la 
division  parmi  eux;  la  division  amènera  la  discorde,  la  discorde  la  haine,  celle-ci 
la  rage,  et  la  rage  la  guerre  civile.  La  rivalité  s'élèvera  également  entre  les 
grands  meneurs  du  Conseil  des  Anciens  et'  des  Cinq-Cents  et  les  cinq  Directeurs. 
Ces  rivalités  produiront  immédiatement  l'envie  et  la  jalousie,  celles-ci  l'esprit  d'op- 
position qui  engendrera  à  son  tour  les  sophismes,  la  chicane,  l'intrigue,  la  corruption, 
la  haine,  la  rage  et  la  guerre  civile. 

«  Le  pouvoir  exécutif,  dans  la  nouvelle  constitution,  est  exactement  semblable  à 
Daniel  dans  la  fosse  aux  lions  ou  à  Shadrack  et  C'«  dans  la  fournaise  ardente;  s'ils 
ne  sont  pas  mis  en  pièces  ou  consumés  par  les  flammes,  c'est  qu'ils  seront  préservés 
de  la  destruction  par  la  miraculeuse  intervention  de  la  divine  Providence.  Un 
loup  affamé  ne  se  précipitera  pas  sur  un  agneau  innocent  avec  plus  de  certitude  que 
le  pouvoir  législatif  sur  l'exécutif,  si  ce  dernier  n'a  pas  de  veto  pour  se  défendre. 
Je  vous  écris  ma  pensée  très  librement,  persuadé  que  vous  n'en  userez  pas,  à  mon 
désavantage.  Je  ne  prétends  pas  être  suffisamment  au  courant  pour  me  former  un 
jugement  général  sur  les  affaires  françaises,  mais  il  y  a  pour  un  gouvernement  hbre 
certains  points  essentiels  qu'il  ne  saurait  supporter  longtemps,  j'en  suis  sur. 

c(  Je  regrette  avec  vous  que  l'Amérique  ne  puisse  pas  bénéficier  de  la  science  et 
de  la  Littérature  de  l'Université  de  Genève,  mais  il  est  absolument  certain  qu'il  est 
complètement  impossible  de  la  transférer  ici. 

«  Je  vous  suis  grandement  obligé  des  aimables  communications  que  vous  m'avez 
faites  de  temps  en  temps.  Mais  je  ne  suis  pas  capable  de  vous  en  rendre  autant. 
Le  comte  Sarsefield  me  disait  un  jour  :  «  Monsieur,  il  ne  vaut  pas  un  sous  {nie) 
B  d'être  votre  ami  ».  C'était  la  vérité.  Les  charmes  d'un  pur  républicanisme  sont  uu 
travail  et  une  fatigue  constants.  Aucun  moment  pour  le  plaisir,  fort  peu  pour 
l'étude,  encore  moins  pour  le  profit,  sans  même  les  simples  commodités  de  la  vie, 
voilà  ce  que,  avec  un  sacrifice  de  quarante  ans  de  ma  vie  sur  soixante,  je  peux 
vous  offrir  d'un  cœur  léger.  Et  je  désire,  plutôt  que  je  ne  l'espère,  que  mon  pays 
puisse  trouver  d'autres  hommes  pour  agir  de  même  après  moi. 

Il  Je  suis.  Monsieur,  avec  toute  mon  estime,  votre  très  bon  ami  et  très  humble 
serviteur. 

«  JouN  Adams.  » 


35o       REVUE    HISTOHTQVE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇ.USE    ET   DE    l'eMPIRE 

volume'  à  peu  près  illisible  dans  lequel  Jean-Jacques  Freymond, 
alors  fourrier  et  plus  tard  officier  vaudois,  a  raconté  ses  procès  et 
ses  disputes  avec  sa  famille  et  ses  voisins. 

Les  pages  en  question  sont  relatives  à  la  situation  vers  la  fin  de 
mai  1799.  Au  commencement  de  cette  année,  le  Haut-Valais  avait 
commencé  un  mouvement  contre  le  gouvernement  helvétique,  allié 
des  Français  et  protecteur  des  Bas-Valaisans.  La  guerre  avait 
débuté  au  mois  d'avril.  Au  commencement  de  mai,  les  Hauts- 
Valaisans  s'étaient  retranchés  à  Finges,  entre  Sierre  et  Loèche, 
sur  le  Rhône.  Xaintrailles  commandait  les  Français,  renforcés  de 
troupes  vaudoises  et  de  Bas-Valaisans.  Leurs  adversaires  avaient  à 
leur  tête  plusieurs  officiers  supérieurs  autrichiens  et  russes.  En 
vain  les  Français  essayaient-ils  de  prendre  la  position  de  Finges, 
admirablement  défendue  par  la  nature  et  le  courage  fanatique  des 
Hauts- Valaisans.  Plusieurs  attaques  échouèrent.  Le  20  mai,  ils 
perdirent  même  quatre  canons  et  deux  drapeaux.  La  guerre  se  fit 
d'une  manière  barbare  ;  ainsi  un  officier  français,  fait  prisonnier 
par  les  Hauts-Valaisans,  fut  enterré  jusqu'à  mi-corps,  puis  assommé 
à  coups  de  pierre.  Un  succès  rapide  devenait  indispensable  aux 
Français,  menacés  de  voir  des  troupes  autrichiennes  ou  russes 
renforcer  l'ennemi,  qui  aurait  pu  prendre  l'offensive. 

Voici  maintenait,  d'après  Freymond",  les  événements  de  la  fin 
de  mai  : 

«  Les  insurgés  avaient  formé  un  camp  retranché  d'environ  8.000 

hommes  dans  une  position  jugée  inexpugnable Ce  boulevard 

était  bien  mieux  fortifié  par  la  nature  que  par  les  fortifications  que 
l'art  y  avait  ajoutées;  il  était  appuyé  k  l'est  par  une  montagne 
inaccessible,  à  l'ouest  était  un  marais  fangeux  impraticable,  au 
nord  la  belle  forêt  de  Finges,  et  au  sud  le  défilé,  seul  point  prati- 
cable entre  la  montagne  et  le  marais.  Un  assez  mauvais  chemin  se 
prolongeait  environ  trois  quarts  de  lieue  depuis  le  pont  de  Sierre 
jusqu'au  camp.  Des  avant-postes  masqués  sur  les  côtés  de  la  route  et 

I.  L'aveugle  du  Jorat,  ou  Mémoires  d'un  officier  vaudois  atteint  de  cécité, 
iis-S"  de  vni-4oo  pages.  Lausanne,  chez  l'auteur,  s.  d.  (vers  i83o). 

Nous  devons  à  la  grande  amabilité  de  M.  Jullien,  libraire  à  Genève,  excellent 
connaisseur  de  l'histoire  romande  et  conseiller  précieux  de  tous  les  chercheurs,  la 
communication  de  ce  volume  rarissime,  qui  fait  partie  de  sa  bibliothèque  particu- 
lière. 

a.  PP.  54-58. 


MKLANGES    ET    DOCUMENTS  35 1 

des  batteries,  placées  de  manière  à  la  balayer  au  besoin,  étaient  des 
obstacles  que  l'on  ne  pouvait  vaincre  que  par  la  ruse.  On  l'employa, 
et  elle  devint  un  redoutable  auxiliaire.  Pendant  trois  jours  on  avait 
inquiété  l'ennemi  par  de  fausses  attaques  qui  se  renouvelèrent 
sans  interruption  sur  toute  la  ligne,  excepté  le  point  que  l'on  vou- 
lait attaquer  sérieusement.  Vers  le  soir  de  la  troisième  journée, 
l'ordre  fut  donné  de  cesser  tous  les  feux  et  de  n'en  allumer  aucun 
dans  le  camp  ni  dans  le  bivouac,  afin  de  faire  présumer  à  l'ennemi 
que  le  dégoût  qu'avait  produit  le  peu  de  succès  des  attaques 
avait  déterminé  le  général  à  un  mouvement  rétrograde  en  aban- 
donnant ses  positions.  Le  stratagème  fut  bien  exécuté  et  l'ennemi 
tomba  on  ne  peut  mieux  dans  le  panneau. 

«  Accablé  de  fatigue  et  plongé  dans  cotte  fausse  sécurité,  tout  ce 
qui  n'était  pas  de  garde,  ou  k  l'entretien  de  ses  feux  de  bivouac, 
s'était  retiré  dans  le  camp  pour  s'y  livrer  à  un  repos  indispensable 
à  la  réparation  de  ses  forces.  Quelques  aliments  pris,  les  armes 
mises  en  bon  ordre,  en  peu  d'heures  tous  ces  farouches  guerriers 
et  les  femmes  courageuses  qui  s'étaient  réunies  à  eux  pour  par- 
tager leur  sort,  turent  ensevelis  dans  un  profond  sommeil.  Le 
général  français  et  nos  gens  prenaient  mieux  leur  temps.  A  la  nuit 
tombante,  dans  le  plus  grand  silence  et  dans  un  endroit  où  l'on  ne 
pouvait  être  aperçu,  une  inspection  rigoureuse  fut  faite,  puis  une 
distribution  de  cartouches.  Ensuite  on  donna  le  mot  d'ordre  dont  je 
me  rappelle,  qui  était  :  bayonnette  en  avant,  et  le  mot  de  rallie- 
ment :  victoire.  Les  officiers  furent  prévenus  d'être  prêts  à  marcher 
au  premier  signal  qui  se  donnerait  sans  bruit  et  k  voix  basse.  Ils 
devaient  le  transmettre  de  la  même  manière  k  leurs  subordonnés 
et  leur  faire  distribuer  le  pain  et  l'eau-de-vie.  Le  général  Xain- 
trailles'  ajoutait  que  si  ses  ordres  étaient  exécutés  avec  zèle,  le 
succès  était  assuré,  que  l'attaque  aurait  lieu  dans  la  nuit  même  et 
que  l'on  surprendrait  ainsi  l'ennemi  à  la  bayonnette. 

«  Avec  de  telles  combinaisons,  toute  la  division  avait  passé  le 
pont  (de  Sierre)  dans  le  plus  grand  calme  à  une  heure  après  minuit, 
le  28  mai  1799.  On  avait  poussé  des  reconnaissances  de  jour,  pour 
savoir  au  juste  où  étaient  les  avant-postes  ennemis.  On  en  indiqua 
la  distance  k  des  volontaires  de  chasseurs  légers,  en  promettant  une 
récompense  à  celui  ou  à  ceux  qui  pourraient  prendre  la  premièi'c 

I.  L'auteur  écrit  Xaiiiireuil. 


352       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

sentinelle  morte  ou  vivante  sans  l)ruit  et  sans  qu'elle  pût  crier  au 
secours.  Deux  carabiniers  exécutèrent  cette  commission  difficile 
avec  une  habileté  admirable,  avançant  fort  doucement  dans  l'obs- 
curité, presque  en  se  traînant  sur  le  ventre. 

«  La  sentinelle  avancée  fut  saisie  brusquement  à  la  gorge  avant 
de  les  avoir  aperçus  et  sans  avoir  pu  proférer  une  parole.  Ce 
premier  avantage  fut  décisif,  car  les  autres  postes,  se  refiant  (sic) 
sur  les  plus  avancés,  furent  pris  de  la  même  manière,  victimes  de 
leur  fausse  sécurité.  A  deux  heures  l'armée  arrivait  fort  tranquille- 
ment et  se  rangeait  en  bataille  sur  les  retranchements  du  camp 
ennemi,  où  les  gens  de  celui-ci  goûtaient  un  sommeil  si  voisin  de 
la  mort.  Ils  y  auraient  cependant  échappé  sans  un  accident  qui 
décida  de  leur  ruine,  en  empêchant  de  les  envelopper  entièrement 
et  de  les  prendre  ainsi  endormis.  Le  fusil  d'un  conscrit  partit  sans 
qu'on  en  ait  connu  la  vraie  cause.  Ce  coup  donna  l'alarme.  Un 
bruit  de  voix  vole  alors  comme  le  tonnerre  par  tout  le  camp. 
Chacun  dans  le  trouble  et  l'effroi  crie  aux  armes,  en  saisissant  les 
siennes.  Les  chefs,  les  tambours,  les  vivandières,  les  femmes  qui 
étaient  venues  par  un  zèle  fanatique  grossir  les  rangs  des  combat- 
tants, des  prêtres  le  crucifix  à  la  main,  tous  crient  aux  armes  dans 
la  plus  affreuse  confusion,  et  presque  tous  succombent  au  même 
instant  sous  le  feu  bien  nourri  que  les  bataillons,  qui  ont  eu  le 
temps  de  s'établir  sur  le  retranchement,  dirigent  sur  eux.  Le 
carnage  devient  horrible  et  peu  d'instants  suffisent  pour  anéantir 
cette  armée  composée  de  toute  l'élite  du  Haut-Valais,  si  fière  et  si 
arrogante  quelques  heures  auparavant.  Les  ouvrages  qu'ils  avaient 
construits  pour  leur  conservation  devinrent  leur  tombeau.  Un  très 
petit  nombre,  parmi  lesquels  se  trouvaient  les  amazones  valai- 
sannes,  avait  échappé  à  la  mort  et  s'était  réfugié  à  l'extrémité  du 
camp  près  du  bois,  que  la  destruction  n'avait  pas  encore  atteint.  Ils 
tentèrent  de  se  défendre  à  l'entrée  de  ce  bois  avec  tous  les  moyens 
qu'ils  avaient  pu  réunir  à  la  hâte  ;  ils  soutinrent  les  attaques  avec 
un  courage  et  un  acharnement  peu  communs  ;  les  femmes  s'élîm- 
çaient  au  milieu  des  bayonncttes  avec  une  fureur  qui  tenait  du 
prodige.  Armées  de  tridents,  de  faulx,  de  haches  et  d'autres  objets 
de  ce  genre,  elles  faisaient  éprouver,  en  vendant  chèrement  leur 
vie,  des  pertes  sensibles  aux  téméraires  qui  osaient  mépriser  leur 
valeur.  Enfin,  se  sentant  accablées  par  un  ennemi  victorieux  qui  se 
renforçait  sans   cesse,    elles  songèrent  à  fuir,  en   prenimt  toute- 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  353 

fois  la  précaution  de  mettre  le  feu  à  la  forêt  pour  arrêter  l'ennemi. 
Hélas  !  vaide  et  cruelle  prévoyance,  aussi  funeste  à  leur  conserva- 
tion et  à  leur  sûreté  que  l'avaient  été  les  retranchements  qu'elles 
venaient  de  quitter.  La  fatalité  fut  telle  pour  elles  en  cette  journée 
qu'elles  n'eurent  pas  plutôt  mis  le  feu  qu'il  prit  avec  une  véhémence 
incroyable.  Toute  la  forêt,  longue  d'environ  deux  lieues,  ne  pré- 
senta qu'un  vaste  embrasement  semblable  à  un  volcan.  Un  vent  du 
sud  chassant  des  tourbillons  de  fumée  et  des  torrents  de  flammes 
sur  ce  reste  de  malheureux  fuyards,  accéléra  leur  perte.  Ils  n'évi- 
tèrent le  fer  ennemi  le  matin  que  pour  recevoir  une  mort  plus 
terrible  le  soir'. 

«   Ainsi   finit  cette  journée  qui  couvrit  ce  pays  de  deuil  et  de 
désolation » 

La  route  était  libre  et  les  troupes  françaises  continuèrent   leur 

marche  sur  Brique,  où  elles  entrèrent  le  3i  mai. 

0.  K. 


Une  singulière  idée  d'un  Anglais  partisan  et  défenseur 
de  Napoléon,  en  1815. 

Si  je  ne  l'avais  pas  trouvée  moi-même  dans  les  cartons  de  VOberste 
Polizei  Hofstelle,  dans  les  dossiers  exclusivement  réservés  aux  pièces 
du  Congrès  de  Vienne,  je  crois  bien  que  j'aurais  été  fortement  tenté 
de  douter  de  l'authenticité  de  la  lettre  qu'on  va  lire,  lettre  que  j'af- 
firme avoir  copiée  de  ma  propre  main  et  être  en  tout  point  conforme 
à  l'original  intercepté,  et  malheureusement  en  partie  analysé,  par  le 
personnel  du  cabinet  noir.  Voici  du  reste  cet  étrange  document. 

(lommandant  Weil. 

Londres,  lo  octobre  i8i5'. 
3y,  Uower  Street 

Mac  Kenrot^  à  Marie-Louise. 

(Analyse)  (Interceptée)  (en  français) 

Il  lai  fait  part  de  l'impossibilité  d'envoyer,  comme  il  voulait  le 

1.  D'après  Hilaire  Gay  (^Histoire  (la  Vatlais  ;  Genève,  igo3  ;  p.  248),  «  une 
bonne  partie  des  défenseurs  de  Fingcs  purent  cependant  prendre  la  fuite  ». 

2.  Archiv  des  Minisleriums  des  Innern.  Obersie  Policei  Hofstelle.  A/clen  de$ 
Wiener  Congresses  (F.  2608,  2621,  ad.  2). 

3.  Mac  Kenrot,   né  en  Ecosse,  mais  dont  il  a  été  impossible  à  mon  ami  Watson, 

nEV.    HIST.    DE  LA  HÉVOL.  23 


354       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

Jaire,  des  journaux  et  des  livres  à  Xapoléon,  «  auquel  on  ne  peut 
rien  faire  parvenir  que  par  l'intermédiaire  de  lord  Bulhurst  »,  et 
se  met  à  cet  effet  à  la  disposition  de  Marie-Louise. 

Il  lui  expose  ensuite  les  démarches  qu'il  a  faites  auprès  des 
membres  du  Parlement  «  pour  mettre  fin  à  l'exil  cruel  et  à  la 
déportation  inconstitutionnelle  et  illégale  de  Sa  Majesté  l'Empe- 
reur dans  la  dite  île  de  Sainte-Hélène  ».  //  ajoute  qu'il  est  efficace- 
ment aidé  dans  ces  démarches  par  le  grand  jurisconsulte  anglais 
Capel  Lofft.  Il  a  donc  bon  espoir  dans  le  prompt  retour  de  Napo- 
léon et  conseille  à  cet  effet  «.  aux  membres  de  la  famille  Impériale 
de  jormer  à  Londres  un  établissement  de  Banque  et  de  Commerce 
sous  la  raison  sociale  Bonaparte  et  C'=,  idée  qui  peut  sembler 
baroque  au  premier  abord,  mais  qui  prouverait  la  confiance  de  la 
famille  dans  l'honneur  national  du  peuple  anglais  ».  //  se  charge- 
rait de  la  réalisation  de  ce  projet  qui  nécessiterait  une  mise  de 
fonds  très  limitée. 

A  l'appui  de  son  idée  il  cite  à  Marie-Louise  l'exemple  des  com- 
mandites établies  par  le  grand  Frédéric  à  Hambourg,  Amsterdam 
et  Cadix. 

En  finissant  il  proteste  de  son  «  dévouement  absolu  <i  l'Empe- 
reur pour  lequel  il  est  prêt  il  tout,  il  verser  son  sang  et  à  sacrifier 
sa  vie  ». 

//  donne  comme  référence  le  D'  Franck'. 

auquel  je  dois  ces  indications,  de  m'indiquer  l'âge  et  les  antécédents,  se  faisait  passer 
pour  banquier  et  prit  une  part  assez  active  aux  démarches  infructueuses  faites  par 
Capel  Loin  (i'"'-7  août  i8i5)  pour  amener  l'Empereur  IVapoléon  à  Londres  en 
qualité  de  témoin  dans  un  procès  intenté  contre  un  officier  de  marine.  On  aurait 
voulu,  en  s'appuyant  sur  VHabeas  Corpus  Ad,  tirer  l'Empereur  de  Saiute-Hélène 
et  le  faire  comparaître  comme  témoin  au  King's  Bench.  On  rejeta  ces  conclusions 
et  Mac  Kenrut  paya  les  frais  de  cette  insUince,  ainsi  qu'il  ressort  de  deux  de  ses 
lettres  à  Bunbury  en  date  du  3  mai  1816  et  du  i3  mars  1817  (Renseignements  dus 
à  l'obligeance  de  M.  G.  L.  de  S'  M.  Watson.  Pour  plus  de  détails  sur  ce  person- 
nage quelque  peu  énigmatique,  cf.  Watson,  .4  Polisli  Exile  wit/i  Napoléon, 
p.   145). 

I.  Le  plus  célèbre  médecin  de  Vienne  à  ce  moment. 

Le  même  jour,  Mac  Kenrot  avait  adressé  une  lettre  absolument  identique  à  la 
comtesse  de  Lipona,  l'ex-reine  de  Naples,  Caroline  Murât. 


TRAVAUX  BIBLIOGRAPHIQUES 


Essai  d'une  bitHioyraptiie  de  J.-B.  Carrier 

(Saife  et  fin  ^) 


IV 
BIOGRAPHIES   ET   ÉTUDES 

[On  ne  trouvera  sous  ce  titre  —  a  l'exclusion  des  dictionnaires  et  his- 
toires de  la  Révolution  —  que  les  ouvrages  dans  lesquels  un  chapitre 
distinct  a  été  consacré  à  Carrier.  Tous  les  travaux  de  M.  Lallié  seraient 
à  citer  ;  mais  une  telle  nomenclature  présenterait  de  réelles  difficultés, 
par  suite  du  grand  nombre  d'articles  publiés  dans  les  revues  régionales 
par  réminent  historien  ^.  Nous  n'avons  mentionné  de  cet  auteur  —  à 
titre  d'indication  —  que  l'étude  sur  les  noyades  et  la  biographie  de 
J.  J.  Goullin.  En  complétant  plus  tard  cet  essai  par  l'indication  des  prin- 
cipales études  parues  dans  divers  périodiques,  nous  réserverons  à  l'œuvre 
de  M.  Lallié  la  part  qui  lui  revient]. 

6i.  —  Mémoires  politiques  ot  militaires,  pour  servir  à  l'histoire 
secrète  de  la  Révolution  française;  puisés  dans  les  Mémoires  manus- 
crits de  différents  Généraux,  Commandans  de  Places,  Espions  et 
Agens  secrets,  tant  en  France  que  chez  l'Étranger. 

A  Paris,  chez  F.  Buisson,  Imprimeur-Libraire,  rue  Hautefeuille, 
n°  20.  An  VII  de  la  République. 

Deux  tomes  de  vi-Soy  et  3i  i  pages. 

Epig.  :  //  est  temps  que  les  Hommes  et  les  faits  révolutionnaires  soient 

remis  à  leur  place. 
P.    i34    du    Tome    II    :    «    Anecdotes  authentiques    et    ignorées    sur 
Carrier.  » 


I.  Voir  Revue  historique  de  la  Révolution  française  et  de  l'Empire  d'oclobre- 
décembre  igiS  et  de  janvier-mars  1914. 

a.  Beaucou])  ont  fait  l'objet  de  tirages  à  part. 


356       REVUE   HISTORIQUE    DE    LA   RÉVOLUTION    FRANÇAISE  ET   DE    l'eMPIRE 

62.  —  Essai  historique  et  critique  sur  la  Révolution  française 
dédié  à  M.  le  Comte  de  Lacépède,  Ministre  d'Etat,  Grand  Chance- 
lier de  la  Légion  d'honneur,  par  M.  P.  Paganel,  Membre  de  la 
Société  philotechnique  de  Paris,  et  de  celle  des  sciences  et  arts 
d'Agen,  Chef  de  la  3^  division  de  la  Grande  Chancellerie  de  la 
Légion  d'honneur. 

A  Paris,  chez  Plassan.  —  1810. 

Trois  vol.  in-8. 

Le  chapitre  LX  du  tome  3  est  consacré  à  Carrier. 

63.  —  Les  Missionnaires  de  gS,  pai' l'auteur  du  Génie  delà  Révo- 
lution considéré  dans  l'éducation  '. 

Seconde  édition,  revue,  corrigée,  augmentée,  terminée  par  la 
liste  des  régicides  avec  la  distinction  des  morts  et  vivans,  bannis, 
rentrés,  oubliés  et  par  le  plaidoyer  de  Louvel. 

A  Paris,  chez  Le  Normant,  imprimeur-libraire,  rue  de  Seine  ; 
Rey  et  Gravier,  libraire,  quai  des  Augustins.  —  1820. 

Épigr.  :  «  En  réunissant  la  chaleur  de  l'apostolat  de  la  liberté  à  la 
rigueur  de  la  loi,  nous  obtiendrons  pour  résultat  une  grande  masse  de 
forces.  ))  (Discours  de  Danton  à  la  Convention  nationale,  séance  du 
i4  août  1793.) 

Les  pages  87  à  io5  sont  consacrées  à  la  «  Mission  de  Carrier  dans  le 
département  de  la  Loire-Inférieure  ». 

64.  —  Mélanges  historiques  et  littéraires,  par  M.  le  Baron  de 
Barante,  Pair  de  France,  Membre  de  l'Académie  française. 

A  Paris,  chez  Ladvocat,  libraire  de  S.  A.  R.  le  duc  d'Orléans  ; 
Bohain,  boulevard  des  Italiens,  10.  —  i835. 

Trois  vol.  in-80  de  SgS,  SgS  et  397  pages. 

Une  biographie  de  Carrier  occupe  les  pages  197  à  aotî  du  tome  I. 

65.  —  Correspondance  des  terroristes  de  g3,  précédée  de  quel- 
ques mots  sur  la  situation  actuelle,  par  Lucien  de  la  Hodde. 

Paris,  Julien,  Lanier  et  C",  éditeurs,  rue  de  Bussy,  4  ;  Impri- 
meurs-libraires au  Mans.  —  i85i. 

In-i2  de  1 10  pages  (Le  titre,  le  fau.x-titre  et  la  table  des  matières  ne  sont 
pas  paginés). 

Pages  9")  à  98,  «  Carrier  à  Nantes  ». 

I.  L'ouvrage  est  décrit  ici  d'après  la  socoiide  édition,  plus  complcle  que  la 
rcinière. 


TRAVAUX    BIBLIOGRAPHIQUES  357 

66.  —  Les  Hommes  de  la  Terreur.  Robespierre,  Marat,  Saiat- 
Just,  Danton,  Carrier,  Camille  Desmoulins,  Hébert,  Fouquier- 
Tinville.  Biographies  et  anecdotes  avec  portraits  et  gravures. 

Société  de  Saint-Victor  pour  la  propagation  des  bons  livres. 
Paris,  librairie  centrale  de  la  Société,  rue  de  Tournon,  n°  i6. 
Plancy,  siège,  direction,  imprimerie  et  librairie  de  la  Société.  — • 
i854. 

In-i2  de  4  ff-  6t  324  pages. 

Par  l'abbé  Jorry,  d'après  Quérard.  Précédée  d'une  mauvaise  repro- 
duction du  portrait  de  Carrier  par  Lamarie,  la  notice  sur  Carrier  occupe 
les  pages  75  à  88. 

P.  77,  Portrait  fantaisiste,  en  pied,  de  «  Carrier,  proconsul  ». 

67.  —  Études  sur  la  Terreur.  Les  Noy.ades  de  Nantes,  par  Alfred 
Lallié. 

Nantes,  Vincent  Forest  et  Emile  Grimaud,  imprimeurs-éditeurs. 
Place  du  Commerce,  4-  —  1878. 
In-S"  de  io4  pages. 

68.  —  Les  Noyades  de  Nantes. 

Deuxième  édition,  revue  et  augmentée  de  l'histoire  de  la  persé- 
cution des  prêtres  noyés.  Par  Alfred  Lallié. 

Nantes,  Libaros,  libraire-éditeur.  Carrefour  Casserie,  3.  —  1879. 

In-8°  de  179  pages. 

69.  —  Le  sans-culotte  J.  J.  Goullin,  membre  du  Comité  révolu- 
tionnaire de  Nantes  (1793-1794)-  Par  Alfred  Lallié. 

Nantes,  Vincent  Forest  et  Emile  Grimaud,  place  du  Commerce, 

4.  Paris,  Champion,  quai  Malaquais,  i5.  —  1880. 

In-i2  de  1G8  pages. 

Cet  ouvrage  permet  de  déterminer  certaines  responsabilités  dans  les 
événements  dont  Nantes  lut  le  théâtre. 

70.  —  Carrier  k  Nantes.  Conférence  faile  à  la  Salle  des  Beaux- 
Arts,  sous  les  auspices  de  la  Société  académique,  par  M.  Domi- 
nique Caillé,  le  26  janvier  1896. 

Nantes,  L.  Mellinet  et  C'"^,  imprimeur  de  la  Société  académique, 
place  du  Pilori,  5.  —  1896. 
In-i2  de  iG  pages. 


358       RE^■TJ•E    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

71.  —  Les  Grands  Terroristes.  Carrier  k  Nantes  (1793-1794). 
Par  le  comte  Fleury. 

Paris,  librairie  Pion,  10,  rue  Garancifere.  —  1897. 

In-8°  de  xiv-523  pages. 

Deuxième  édition  :  Paris,  Pion,  1901.  —  In-12  de  .\v-338  pages  :  avec 
un  portrait  de  Carrier  en  frontispice. 

72.  —  J.-B.  Carrier,  Représentant  du  Cantal  à  la  Convention 
(1756-1794)  d'après  de  nouveaux  documents,  par  Alfred  Lallié. 

Paris,  Librairie  académique  Didier,  Perrin  et  C',  libraires-édi- 
teurs, 35,  quai  des  Grands-Augustins.  —  1901. 

In-8°  de  .kiv-4C)3  pages. 

L'onvrage  est  précédé  du  portrait  de  Carrier,  d'après  Lamarie,  et  ren- 
ferme une  gravure  représentant  le  Palais  et  la  Prison  du  Boullay. 

73.  —  Mémoires  et  souvenirs  sur  la  Révolution  et  l'Empire 
publiés  avec  des  documents  inédits  par  G.  Lenôtre. 

Les  Noyades  de  Nantes. 

Pai'is,    Librairie   académique   Perrin   et    C'^,    libraires-éditeurs, 
35,  quai  des  Grands-Augustins.  —  1912. 
In- 12  de  3 16  pages, 

74-  —  Correspondance  de  .I.-B.  Carrier,  représentant  du  peuple, 
pendant  sa  mission  en  Bretagne,  du  21  août  an  12  décembre  1793 
ou  22  frimaire  an  II. 

Revue  Ri}irospective,  2'  série,  tomes  IV  et  V. 

70.  —  La  Justice  révolutionnaire  à  Paris  et  dans  les  départe- 
ments, d'après  des  documents  originau.v,  la  plupart  inédits  (17  août 
1792-12  prairial  an  III),  par  M,  Ch.  Berriat  Saint-Prix. 

Paris,  imprimerie  A.  Guyot  et  Scribe,  s.  d.  Ia-8°. 

Ouvrage  composé  de  20  fascicules  ayant  une  pagination  distincte.  Les 
u"»  i5  à  18  portent  eu  sous-titre  «  Carrier  à  Nantes  ». 

Paul  Portevin, 


NOIES  ET  GLANES 


Baptême  et  serment  civique.  —  «  Marseille. —  Un  avocat  étoit 
le  parrain  d'un  enfant  qu'il  présentoit  au  baptême,  la  cérémonie  se 
faisoit  dans  l'église  paroissiale  de  Saint-Martin.  L'avocat,  aussi 
pressé  de  renoncer  à  l'ancien  régime  qu'à  Satan  et  à  ses  pompes, 
eut  à  peine  rempli  ce  devoir,  que  regardant  l'autre  comme  non 
moins  important,  il  prononça  le  serment  civique  au  nom  de  son 
filleul.  Le  curé  approuvoit  le  motif  du  parrain,  d'autant  plus  qu'il 
est  connu  pour  avoir  adopté  les  mêmes  sentimcns  ;  mais  comme 
ministre  du  spirituel,  il  a  cru  que  ses  fonctions  ne  lui  permettoient 
pas  de  recevoir  un  acte  purement  temporel.  Les  officiers  muni- 
cipaux ont  détruit  son  scrupule  en  lui  permettant  de  recevoir  le 
serment  civique  du  parrain,  à  condition  que  ce  dernier  s'engageroit 
k  le  faire  renouveller  à  l'enfant,  lorsqu'il  seroit  parvenu  à  l'âge  de 
raison.  »  (^Mercure  national...  Tome  II,  n°  g  ;  du  i3  juin  1790; 
pp.  642-643).  -  G.  V. 

Chabot.  —  «  Il  y  a  apparence  que  Chabot  n'eut  aucune  avanture 
remarquable  pendant  son  séjour  à  Pans  ;  ce  fut  à  cette  époque  qu'il 
connût  Danton,  alors  avocat  au  Conseil,  chez  qui  le  besoin  étoit  k 
l'orde  (sic)  du  jour  et  k  qui  le  boucher  et  le  boulanger  venoient 
sans  cesse  présenter  d'inutiles  requêtes.  Le  capucin  se  lia  encore 
avec  Delaunay,  gouverneur  de  la  Bastille,  et  avec  la  femme  de  ce 
traître,  qui  étoit  Martiniste.  On  sait  que  c'étoit  une  secte  obscure 
qui  croioit  sottement  avoir  communication  avec  les  bons  anges. 
Madame  la  conseillère  qui  avoit  l'esprit  porté  à  la  supertition  {sic) 
prit  goût  pour  cette  secte  ;  la  défendit,  et  crut  voir  son  bon  ange 
dans  Chabot,  qui  la  confirmoit  dans  ses  visions.  De  retour  avec  elle 
à  Toulouse,  il  y  propagea  pour  lui  plaire  le  Martinisme.  »  (  Vie  pri- 
vée de  l'ex-capucin  François  Chabot  ;  A  Paris,  l'an  II  ;  p.  21).  — ■ 
P.  P. 


36o       REVUE    HISTOniQUF,    DE    LA    nÉVOLLTlON    FRANÇAISE    F,T    DE    l'eMPIRE 

Le  duc  de  Chartres  protecteur  de  prêtres  réfractaires  en 
1791.  —  «  Deux  prêtres  non-coni'ormistes  ayant  insulté  la  proces- 
sion de  la  Fête-Dieu,  à  Vendôme,  une  multitude  furieuse  menaçoit 
de  les  pendre.  Déjà  on  enfonçoit  les  portes  de  la  maison  oîi  ils 
s'étoieut  réfugiés.  Un  jeune  homme  de  dix-huit  ans,  officier, 
s'élance,  pénètre  dans  la  maison,  en  sort,  embrassant  les  deux 
prêtres  fanatiques.  Ce  jeune  homme,  bon  citoyen,  connu  et  chéri  du 
peuple,  c'étoit  M.  de  Chartres.  Il  demande  grâce.  Le  peuple  l'ac- 
corde; mais  on  e.\ige  que  les  deux  insensés  sortent  de  la  ville  à 
l'instant.  M.  de  Chartres  veut  les  conduire  :  des  dragons  de  son 
régiment  se  rassemblent  autour  de  leur  colonel.  Quittez  vos  armes, 
leur  dit-il,  j'ai  la  parole  du  peuple.  Cependant  k  quelque  distance 
de  la  ville,  la  vue  d'un  pont  renouvelle  la  fureur  populaire  :  il 
rappelle  à  la  multitude  l'engagement  qu'elle  a  pris  :  tout  s'appaise. 
Enfin,  une  horde  de  paysans  armés  qui  n'avoit  rien  promis,  paroît 
et  s'obstine  à  vouloir  massacrer  les  non-conformistes.  Leur  jeune 
défenseur  propose  alors  et  obtient  qu'ils  soient  ramenés  en  prison; 
il  les  y  conduit  lui-même,  y  place  une  forte  garde,  et  rentre  chez 
lui  aux  acclamations  du  peuple,  qui  le  remercioit  de  lui  avoir 
épargné  une  inutile  barbarie.  »  {Journal  des  Amis  de  la  Constitu- 
tion, n°  38;  du  mardi,  3o  août  1791  ;  pp.  517-018,  note).  —  C.  V. 

Claviére  et  Beaumarchais.  —  «  C'est  lui  [Clavière]  qui  a  armé 
une  foule  de  méchants  contre  moi  ;  c'est  lui  qui,  de  concert  avec 
un  sieur  Brisson,  a  porté  dans  un  ouvrage  les  plus  absurdes  juge- 
mens  sur  mes  relations  avec  l'Amérique,  dont  ils  n'avaient  aucune 
notion;  qui  m'a  lâché  le  Mirabeau  et  tous  ceux  qui  me  persécu- 
tent'. »  (Copie  de  la  lettre  de  Beaumarchais  k  Le  Sage,  avocat  au 
Parlement,  en  date  du  26  août  178g;  p.  4?  du  Registre  III  des 
Papiers  Beaumarchais  à  la  Bibliothèque  de  la  Ville  de  Paris).  — 

H.   MONIN. 

1.  Cl'.  TouRNEUX,  Bibliographie  rie  l'hisluire  lie  Paris  pendanl  lu  lîéi'olulion. 
Tome  IV,  n"*  31789  à  21791. 


BIBLIOGRAPHIE 


F.  UzuREAL,  Les  élections  et  le  Cahier  du  Tiers  État  de  la  Ville 
d'Angers  (1789).  Angers,  (îrassin,  1912.  In-8°  de  89  p. 

Sont  décrites  en  détail,  conformément  k  la  méthode  d'Armand 
Brette  ',  les  opérations  électorales  du  Tiers  Etat  de  la  Ville  d'Angers, 
d'après  les  Archives  Nationales,  B  m  7.  Les  corporations  d'arts  et 
métiers,  les  corporations  d'arts  libéraux,  négociants,  etc.,  les 
membres  du  Tiers  Etat  en  dehors  des  corporations  (674  répondirent) 
contribuèrent  k  nommer  l'assemblée  des  électeurs,  101  membres, 
qui  se  réunit  le  2  mars  1789  à  l'Hôtel  do  Ville.  M.  Uzureau  donne 
la  liste  de  ces  101   membres,  noms,  prénoms,  professions  (p.  9  à 

■8)- 

Il  paraît  qu'en  dépit  de  la  convocation  municipale,  les  meuniers, 
brodeurs,  billardiers,  tisserands,  charbonniers,  parfumeurs,  faïen- 
ciers et  la  Faculté  des  Arts  de  l'Université  ne  s'étaient  pas  fait 
représenter. 

Il  fallut  plusieurs  jours  pour  réunir  en  un  seul  tous  les  cahiers 
des  corporations.  Le  cahier  intégral  du  tiers  fut  terminé  et  approuvé 
le  2  mars.  M.  Uzureau  en  publie  pour  la  première  fois  -  le  texte 
(p.  24  k  3g),  d'autant  plus  intéressant  qu'il  est  en  quelque  sorte  le 
prototype  du  cahier  des  cinq  sénéchaussées  de  la  province  d'Anjou, 
que  l'on  trouvera  dans  les  Archives  parlementaires.  Ce  document 
est  conservé  en  manuscrit  aux  archives  de  la  mairie  d'Angers  (série 
AA),  ainsi  que  tous  les  cahiers  des  compagnies  et  corporations 
fort  nombreuses  qui  ont  servi  k  le  composer  :  nul  doute  que  ces 


1.  La  mort  de  M.  Brette  ne  lui  a  pas  permis  de  publier  ce  qui  convertie  les  opé- 
rations électorales  de  l'Anjou.  Sont-elles  comprises  dans  les  33  bonnes  feuilles  de 
son  tome  IV  ?  Nous  l'ignorons. 

2.  A-t-il  réellement  échappé  à  M.  Célestin  Port?  En  tout  cas,  c'est  en  1861  qu'il 
lui  a  échappé,  c'est-à-dire  à  la  date  de  son  0  Inventaire  des  archives  anciennes  de 
la  mairie  d'Angers  ».  Tout  dépend  de  la  détinition  d'  «  anciennes  ».  —  Réponse 
à  la  note  i  de  la  p.  24. 


302        REVUE  HISTORIQUE   DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇALSE    ET    DE    l'eMPIRE 

éléments  ne  soient  encore  plus  curieux  que  leur  résultat  nécessai- 
rement un  peu  arbitraire,  car  le  monde  du  travail  nous  intéresse  ou 
doit  nous  intéresser  au  plus  haut  point. 

H.    MONIN. 


J.  LouTCHisKY.  Quelques  remarques  sur  la  vente  des  biens  na- 
tionaux. Paris,  Edouard  Champion,  igiii.  ln-8  de  i5i  pages. 

Les  amateurs  d'histoire,  d'esprit  plus  littéraire  que  scientifique, 
ne  laissent  pas  de  trouver  sévères,  et  même  rébarbatifs,  les  livres 
précis  que  M.  Loutchisky  a  consacrés  à  la  question  rurale  en 
France'.  Cet  investigateur  de  nos  archives  aime  mieux,  en  effet, 
donner  au  public.  —  en  quelques  tableaux  statistiques  qui  résument 
des  années  de  travail,  —  ce  qu'il  sait  et  ce  qu'il  est  loisible  à  cha- 
cun de  vérifier,  que  se  faire  une  opinion  avec  ou  contre  d'autres 
opinions  et  se  lancer  dans  le  champ  des  généralisations  prématurées. 
Aussi,  que  ce  litre  modeste.  Quelques  remarques. ..,nevons  trompe 
pas  sur  la  portée  de  ces  pages.  C'est,  dans  la  matière,  le  Discours 
de  la  méihode,  le  Vade-rneciim  des  «  maîtres  »  aussi  bien  que  des 
étudiants. 

M.  Loutchisky  reconnaît  d'abord  qu'il  est  impossible  d'évaluer 
la  quantité  totale  des  terres  mises  à  la  disposition  de  la  nation  ; 
cela  ne  nous  importe,  ajoute-t-il.  que  médiocrement,  car,  «  dans 
tous  les  cas,  la  concentration  du  fonds  agraire  entre  les  mains  de 
l'Etat  donnait  k  la  puissance  publique  un  moyen  efficace  d'agir  sur 
les  conditions  économiques  et  sociales  du  pays  »  (p.  22).  Dans  toute 
la  France,  les  paysans  réclamaient  des  terres;  mais,  ainsi  que  le 
démontre  (en  dépit  des  belles  phrases  et  des  discours  à  effet)  la 
législation  révolutionnaire  des  ventes,  la  question  sociale  fut  reléguée 
au  dernier  plan  (p.  27  k  Ifi)  :  les  préoccupations  financières  ont 
primé  toute  autre  considération'.  Bourgeois  et  paysans  ont  pris  une 
part  concurrente  aux  achats  de  fermes,  domaines,  etc.  ;  c'est  pour 
lutter  avec   quelque  chance   de  succès  contre  le   Capital,  que  les 

1 .  La  petile  /jrv/iriété  en  France  avant  la  Révolution.  De  la  vente  îles  biens 
nationaux.  l*:iris  (Champion),  1897  ;  in-ia  avec  carte.  —  L'état  des  classes  agri~ 
cotes  avant  la  Révolution.  P.iris  (Champion),  191 1  ;  in-12  de  108  patjes. 

2.  Absolument  comme  à  l'cpoque  oii  Louis  XVI  restaura  sur  un  nouveau  plan  les 
('orporations  d'arts  et  nuHiers  partiellement  abolies  sous  le  ministère  de  Turgot. 
Mais  la  fiscalité  ne  dédaiyne  ]ias  de  prendre  le  masque  du  «  Socialisme  d'État  », 
de  la  philantliropie,  etc.  .4iitre  exemple  :  le  .Mont-de-piilé  de  Paris.  Muntlus  vult 
decipi. 


BIBLIOGRAPHIE  363 

paysans  ont  formé  parfois  des  associations  temporaires,  —  en  vue 
d'aci|iii,sitioiis  spécifit5es,  —  qu'il  faut  se  (jardcr  de  confondre  avec 
les  bandes  noires,  ou  les  brasseurs  d'argent  comme  Saint-Simon. 
Dès  l'ancien  régime,  la  propriété  paysanne  avait  une  tendance  mar- 
quée à  s'accroître.  En  même  temps  se  manifestait  une  différencia- 
tion progressive  entre  les  divers  groupes  de  la  population  rurale,  et 
même  entre  les  familles,  les  individus  d'un  groupe  donné.  Le  bour- 
geois de  campagne  émerge.  La  nationalisation  des  biens  d'église 
et  des  biens  des  émigrés,  etc.,  a-t-elle  accentué  ces  deux  tendances? 
Oui,  et  cela  malgré  la  législation  relative  aux  enchères,  qui  n'a  pu 
empêcher  la  vente  par  petits  lots.  Dans  les  districts  qui  ne  compre- 
naient pas  de  centre  urbain  important,  les  paysans  ont  réussi  a  s'ap- 
proprier parfois  la  moitié,  les  trois  cinquièmes,  et  très  souvent  les 
deux  cinquièmes  de  la  terre  mise  en  vente  '.  Gela  s'explique,  si 
l'on  considère  que  le  morcellement  même  de  la  propriété  ecclésias- 
tique sous  l'ancien  régime  n'a  pas  permis  de  vendre  les  biens  du 
clergé  par  grands  lots.  Faute  de  capitau.x  mobiliers  suffisants,  les 
habitants  des  chefs-lieux  de  déparlements  n'ont  que  faiblement  par- 
ticipé aux  achats  en  dehors  des  limites  de  leur  district.  Quelques 
grandes  villes,  Paris,  Lyon,  Marseille,  Bordeaux,  ont  fait  exception, 
mais  leur  rayonnement  fut  borné  (p.  8i  à  p.  96). 

La  liberté  illimitée  des  ventes  a  fortifié  et  accéléré  les  différen- 
ciations dans  la  classe  rurale.  Les  petits  bourgeois  de  campagne, 
les  «  laboureurs  »  (gros  cultivateurs),  les  petits  propriétaires  qui 
joignaient  à  la  culture  l'exercice  d'un  commerce  ou  d'une  entre- 
prise quelconque,  ont  arrondi  leurs  propriétés.  Ainsi,  par  une  évo- 
lution qui  s'achève  sous  l'Empire,  la  «  vieille  bourgeoisie  »  se  ren- 
force d'éléments  ruraux  ^.  Les  achats  des  paysans  finissent  par 
ressembler  à  ceux  de  la  classe  bourgeoise.  A  leur  tour,  les  non- 
propriétaires  ont  pu  devenir  acquéreurs  :  ils  travaillent  encore  pour 
autrui,  comme  fermiers,  métayers,  journaliers;  ils  travaillent  aussi 
sur  leur  lopin.  Mais  l'inégalité  dans  la  répartition  de  la  terre  per- 
dure entre  les  divers  groupes  et  les  individus  de  chaque  groupe. 
La  Révolution  n'y  a  rien  fait. 


1.  D'après  les  données  statistiques  connues  jusqu'ici,  et  réunies  pour  la  plupart 
par  M.  Loutchisky.  —  Il  convient,  je  pense,  d'ajouter  que  les  capitaux  des  bourgeois 
des  villes  se  portèrent  d'abord  sur  les  maisons  :  les  locataires  eurent  de  grandes 
facilités  pour  devenir  propriétaires  urbains. 

2.  Le  chapitre  III  (p.  77  à  96)  dément  par  l'interiirélalion  des  données  anciennes, 
et  par  de  nouvelles  données,  l'hypothèse  émise  par  M.  Marion,  que  la  vente  des  biens 
du  clergé  aurait  proUté  surtout  à  la  bounjeoisic.  Rappelons  qu'il  ne  s'agit  que  des 
biens  ruraux,  non  des  maisons,  bâtiments,  etc. 


364       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLITION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRK 

Elle  a  détrait  la  grande  propriété  ecclésiastique  (qu'elle  a  trouvée 
à  l'état  d'exception),  et,  dans  une  mesure  beaucoup  plus  faible,  la 
grande  propriété  noble  :  c'est-à-dire  la  richesse  foncière  qui,  avec 
les  redevances  oppressives,  servait  de  base  à  la  prépondéramce 
économique  et  sociale  des  deux  classes  privilégiées  (p.  96  à  la  fin). 

H.  MO.MN. 


Abbé  Victor  Sanson,  Répertoire  bibliographique  pour  la  période 
dite  révolutionnaire  (1789-1801)  en  Seine-Inférieure.  Tome  V 
(Histoire  individuelle,  Table  des  matières).  Paris,  Ciiampion. 

Ce  cinquième  et  dernier  volume  du  grand  ouvrage  de  M.  l'abbé 
Sanson  contient,  sous  le  titre  d'Histoire  individuelle,  tous  les 
ouvrages  et  répertoires  généraux  biographiques,  ainsi  que  les  listes 
publiées  pendant  la  période  révolutionnaire  :  liste  des  ordres  de  la 
noblesse,  du  clergé,  du  Tiers  Etat,  des  gardes  nationales,  etc. 

La  «  liste  individuelle  »  qui  fait  suite  à  cette  première  partie 
indique  les  noms  des  hommes  ayant  joué  un  rôle,  si  petit  qu'il  soit, 
dans  l'histoire  de  la  Révolution,  accompagnés  d'une  courte 
biographie  et  les  travaux  qui  s'y  rapportent. 

Enfin  la  table  générale,  de  consultation  facile,  claire,  simple  en 
même  temps  que  documentaire,  renvoie  aux  pages  des  cinq  tomes  et 
non  au  numéro  du  tome.  Elle  complète  de  manière  fort  heureuse 
ce  remarquable  ouvrage  indispensable  à  tous  les  travailleurs  qui 
devront  être  reconnaissants  à  M.  l'abbé  Sanson  de  l'eH'ort  considé- 
rable qu'il  a  fourni  sans  relâche  pour  mener  à  bien  cette  tâche 
ardue. 

\.    Le  CORBEILLER. 


Le  Congrès  de  Rastatt  (H  juin  1798-28  avril  1799).  Correspon- 
dance et  documents  publiés  par  P.  .Mo.ntarlot  et  L.  Pingaud. 
Paris,  Picard,  1912-1913.  Trois  vol.  in-8  de  409,  4'>7  et  419  P- ; 
pri.x  de  chaque  vol.,  8  fr. 

Le  nombre  considérable  des  documents  réunis  dans  ces  trois 
volumes,  le  soin  que  les  éditeurs  ont  apporté  ;\  les  annoter,  l'in- 
térêt qu'ils  présentent  pour  l'histoire  d'une  période  particulièrement 


BIBLIOIJRAPIIIE  365 

importante,  tout  concourt  k  faire  de  cet  ouvrage  un  travail  précieux 
et  définitif. 

Le  premier  volume  s'ouvre  par  une  forte  introduction  de  plus  de 
cent  pages,  suivie  elle-même  du  «  discours  préliminaire  et  histo- 
rique »  rédigé  par  Jean  Debry  et  daté  du  20  thermidor  an  VIII.  Ce 
n'est  donc,  en  réalité,  qu'à  la  page  178  de  ce  volume  que  commence 
la  correspondance  des  plénipotentiaires  français.  La  première  pièce 
(lettre  de  Jean  Debrj  à  Treilhard)  est  datée  du  28  prairial  an  VI  ; 
la  dernière  (lettre  de  Roberjot  à  Talleyrand)  du  5  vendémiaire  an  VII. 

Le  Tome  II  comprend  les  documents  numérotés  de  82  à  224,  et 
qui  vont  du  7  vendémiaire  au  2  ventôse  an  VII. 

Enfin,  le  Tome  III  renferme  la  fin  des  documents  d'ordre  diplo- 
matique (n°'  225  k  3oo),  les  documents  qui  ont  trait  k  l'atten- 
tat du  9  floréal  an  VII  (n"  801  a  807)  et  les  documents  qui 
relatent  les  événements  postérieurs  à  l'attentat.  Les  éditeurs  ne  se 
sont  pas  bornés  à  donner,  dans  cette  partie  de  leur  ouvrage,  des 
te.vtes  officiels  ou  des  correspondances  privées.  II  y  ont  ajouté  divers 
documents  d'une  autre  espèce,  par  exemple  des  chansons  (n°  352) 
provoquées  par  l'assassinat  des  ministres  français,  et  aussi  des  pièces 
très  postérieures  k  l'événement  mais  qui  apportent  à  son  égard 
de  nouvelles  lumières.  Tels  sont,  dans  cet  ordre  d'idées,  les  docu- 
ments publiés  sous  les  n°'  871  (lettre  de  Jean  Debry  k  Dulaure, 
datée  du  28  octobre  1825)  et  875  (long  mémoire  de  Jean  Debry 
adressé  k  Thiers  en  182G). 

Cet  ensemble  constitue  donc  un  répertoire  documentaire  très 
complet  et  très  vivant,  et  aussi  très  facile  à  utiliser  grâce  k  l'index 
qui  termine  le  Tome  III. 

G.  V. 


Correspondance  inédite  de  Napoléon  I"  conservée  aux  Archives 
de  la  Guerre,  publii''e  par  Ernest  Picard  et  Louis  Tietf.y.  Tome 
I"'  (1804-1807).  Paris,  Charles-Lavauzelle,  1912.  In-8  de  xxii- 
724  p. 

Il  faut  remercier  M.  le  colonel  Picard  d'avoir,  avec  l'aide  de 
M.  Louis  Tuetey,  apporté  une  importante  contribution  à  la  bibliogra- 
phie napoléonienne  par  la  publication  de  la  correspondance  inédile 
de  Napoléon  I'^''  conservée  aux  Archives  de  la  Guerre.  Quoique  ces 
lettres,  décisions  ou  renseignements  divers  contenus  dans  l'ouvrage 
n'aient  point,  pour  la  plupart  des  cas,  la  valeur  des  pièces  déjà  pu- 


3G6       REVUE    IIISTORIOUE    DE    LA    nÉVOLfTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

bliées  dans  la  grande  Correspondance  par  ordre  de  Napoléon  III.  il 
n'empêche  que  la  pensée  de  l'Empereur,  même  sous  la  forme  pré- 
cise et  étroite  qu'elle  revêt  ici,  nous  apparaît  toujours  formidable 
par  l'envergure  de  l'ensemble,  la  minutie,  j'oserai  presque  dire  la 
méticulosité  du  détail  et  la  vigueur  de  l'argumentation.  A  lire  ces 
ordres  bourrés  de  chiffres,  ces  importantes  notes  techniques,  dont 
certaines  à  Dejean  ou  à  Berthier  ont  plusieurs  pages,  on  comprend 
mieu.x  le  travail  quotidien  de  Napoléon,  on  se  représente  avec  plus 
d'intensité  et  de  relief  le  va-et-vient  des  aides  de  camp  aux  palais  ou 
aux  quartiers  généraux  qu'occupe  le  maître.  Et,  à  pénétrer  dans  son 
détail,  l'organisation  de  l'armée  impériale  devient  plus  compréhen- 
sible et  plus  étonnante  encore. 

On  ne  peut  que  regretter  la  décision  des  éditeurs  de  n'avoir  pas 
donné  la  correspondance  du  général  et  du  consul,  d'avoir  fait  com- 
mencer sa  publication  au  sacre  et  daté  la  première  décision  du  lo 
décembre  i8o4.  Il  y  avait,  paraît-il,  des  motifs  personnels  à  agir 
ainsi.  Quoiqu'il  on  soit,  le  premier  volume,  qui  va  du  lo  décembre 
i8o4  au  28  décembre  1807,  nous  fournit  des  éléments  très  importants 
d'étude  qui  ne  sauraient  plus  être  négligés  désormais.  C'est  un  beau 
début  de  cette  très  intéressante  publication. 

J.  A. 


Colonel  Vachée,  Napoléon  en  campagne.  Paris.  Berger-Lovrault. 
In-8°   de  224  pages,  avec  deux  cartes  et  un  croquis. 

Après  les  Préceptes  et  jugements  (te  Xapoléon,  voici,  également 
édité  par  Bcrger-Levrault,  un  Napoléon  en  campagne  qui  nous 
aide  en  quelque  sorte  à  mieux  comprendre  la  [)ensée  de  l'em- 
pereur, en  nous  le  montrant  tel  qu'il  vit  et  agit  dans  son  quartier 
général,  avec  ses  métliodes  de  travail  et  ses  habitudes  de  comman- 
dement. 

Le  colonel  Vachée  a  réussi  à  donner  au  lecteur  l'illusion  de  se 
trouver  lui-même  à  l'état-major  impérial  et  de  participer  aux  diffé- 
rentes phases  du  travail,  en  assistant  à  l'élaboration  des  ordres, 
depuis  la  conception  du  plan  jusqu'à  leur  transmission  et  aux 
mesures  prises  pour  en  assurer  l'exécution. 

Dans  la  partie  concernant  «  la  pensée  et  la  décision  »,  nou.s 
voyons- la  manière  de  commander  de  l'empereur  ;  il  ne  laisse  à 
Berthier  aucune  initiative,  et,  au  lieu  d'un  chef  d'état-major,  colla- 
borateur du  général  en  chef,  en  fait  un  simple  agent  de  transmis- 


BIBLIOGRAPHIE  867 

sion.  Napoléon  dictait,   Berthier  expédiait.  Cette  étude  technique 
comporte  de  nombreux  enseignements. 

La  partie  narrative  et  descriptive,  qui  vient  ensuite,  n'est  pas 
moins  attrayante  :  les  deux  chapitres  sur  le  quartier  général  impé- 
rial ;  la  maison  de  l'Empereur  et  l' Etal-major,  nous  présentent 
une  série  de  tableaux,  scènes  et  portraits,  grâce  auxquels  nous 
nous  faisons  une  idée  très  nette  de  ce  qu'était  la  vie  militaire  dans 
l'entourage  immédiat  de  Napoléon.  Comment  ne  pas  s'y  intéresser, 
puisque  c'est  de  là  que  partaient  les  ordres  dont  l'exécution  changea 
la  face  de  l'Europe  de  ]8o5  à  i8i5,  et  eut  ensuite  sur  ses  destinées 
une  influence  dont  les  effets  se  feront  sentir  longtemps  encore? 

Deux  chapitres  consacrés  aux  sanctions  :  .Yapoléon  et  ses  géné- 
raux, Napoléon  et  ses  soldats,  montrent,  entre  autres  choses, 
l'extraordinaire  action  personnelle  qu'exerçait  l'empereur,  action 
que  le  général  Bonnal  a  si  bien  caractérisée  par  la  formule  : 
«  Napoléon  foyer  d'héroïsme  ». 

Dans  les  deux  derniers  chapitres,  l'auteur  revient  à  la  technique 
et  expose  les  idées  de  Napoléon  en  ce  qui  concerne  la  préparation 
de  la  bataille,  et  sa  conduite.  Il  étudie  en  particulier  la  bataille 
d'Iéna,  et  conclut  par  des  considérations  sur  le  rôle  du  général  en 
chef  dans  la  bataille  de  l'avenir. 

Signalons  l'heureuse  idée  qu'a  eue  le  colonel  Vachée  de  donner 
une  reproduction  de  deux  cartes  de  l'époque,  dont  celle  des  envi- 
rons d'Iéna  telle  qu'elle  exi.ste  aux  Archives  de  la  Guerre,  avec  des 
annotations  faites  pendant  la  campagne  de  1806.  Comme  ill'observe 
justement,  il  est  impossible  de  comprendre  la  manière  dont  Napo- 
léon donnait  ses  ordres,  si  l'on  n'a  pas  vu  l'instrument  de  travail 
dont  il  disposait. 

A.  T. 


Giuseppe  Ferrari,  Una  lettera  inedita  del  Conte  Giuseppe  de 
Maistre.  Cita  di  Castello,  191 2.  In-8  de  (Jo  p. 

Le  lieutenant-colonel  Giuseppe  Ferrari,  apportant  son  contingent 
aux  documents  relatifs  à  18 12,  a  découvert  aux  Archives  de  Turin 
une  lettre  de  Joseph  de  Maistre  à  Victor-Emmanuel,  I",  datée  de 
Saint-Pétersbourg,  i3  juin  i8i3,  qui  est  des  plus  intéressantes. 

Opposant  la  conduite  du  commandant  en  chef  Kutusow,  «  le 
plus  rusé  des  hommes  »,  à  celle  de  l'amiral  ïchitchagolT,  «  un  des 
personnages  les  plus  remarqualiles  de  la  Russie  »,  il  s'eflbrce  de 


368       REVfE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLLTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

montrer  les  divergences  entre  les  deux  hommes  et  par  là  même  nous 
renseigne  curieusement  sur  les  divisions  du  haut  commandement 
russe  pendant  la  retraite  de  Moscou.  Toute  la  lettre,  écrite  avec  ce 
style  personnel  à  de  Maistre,  si  aisément  incisif,  serait  à  citer.  C'est 
avec  une  vue  précise  de  l'avenir  qu'il  écrivait  —  presque  immédia- 
tement après  Bautzen  et  Lutzen  :  «  Heureusement  les  choses 
iront  par  leur  propre  poids  et  tout  finira,  je  crois,  par  les  Français. 
11  est  écrit  qu'ils  seront  cruellement  châtiés  dans  cette  occasion, 
mais  nullement  humiliés.  » 

Le  colonel  Ferrari  a  accompagné  cette  lettre  d'une  série  d'impor- 
tantes notes  qui  démontrent  une  connaissance  approfondie  de  l'é- 
poque et  des  personnages  dont  il  est  question. 

J.  A. 


Ernest  Daudet.  La  Police  politique  :  chronique  des  temps  de  la 
Restauration,  d'après  les  rapports  des  agents  secrets  et  les 
papiers  du  cabinet  noir  (1815-1820).  Paris,  Pion,  1912.  In-8  de 
xxvii-3ij3  pages. 

Continuant  la  remarquable  série  de  ses  études  sur  la  Restauration, 
M.  Ernest  Daudet  nous  donne  aujourd'hui  un  certain  nombre  de 
rapports  d'agents  secrets,  de  papiers  du  cabinet  noir,  d'un  très  grand 
intérêt.  Les  fonds  de  la  police  de  181 5  à  1821,  de  nombreuses  rela- 
tions retrouvées  dans  les  archives  privées  lui  ont  permis  de  suivre 
avec  les  «  observateurs  »  — ■  ainsi  s'appelaient  poliment  les  mouchards 
—  la  vie  privée  de  beaucoup  de  personnages.  Ses  cinq  chapitres  : 
La  |)olice  et  les  étrangers  ;  La  police  royale  et  les  Bonaparte;  La 
police  française  à  Londres,  en  .\llemagne  et  dans  les  Pays-Bas  ;  La 
police  et  Chateaubriand  et  autres;  La  police  et  les  Humboldt,  forment 
un  véritable  kaléidoscope  où  tout  ce  qui  porte  un  nom  ou  un  titre 
apparaît  devant  nous,  tantôt  dans  la  pénombre,  tantôt  en  pleine 
lumière  :  M""^  de  Staél,  Beugnot,  M™=  Récamier,  la  duche.sse  de  Du- 
ras, la  princesse  Bagration,  Chateaubriand,  la  duche.sse  de  Broglie, 
M^^^  de  Souza  et  son  fils  Flahaut,  Alexandre  et  Guillaume  de 
Humboldt,  tant  d'autres  encore. 

Peut-être  au  point  de  vue  politique,  encore  moins  au  point  de  vue 
de  l'histoire,  ce  livre  n'apporte-t-il  pas  de  lumière  nouvelle  sur  les 
affaires  du  temps,  puisqu'on  n'y  trouve  aucune  révélation  dénature 
à  rien  modifier  de  l'opinion  que  nous  avons  de  ce  moment.  Mais 
ces  dessous  de  vie  mi-mondaine,  mi-politique  demeurent  extrême- 


BIBI.IOGRAPIIIF.  36() 

ment  intéressants  en  tant  (|ue  reconstitutidn  pins  minutieuse  de  cette 
époque  si  palpitante  et  si  troublée,  où  le  conflit  des  passions  déter- 
miné par  la  chute  de  l'Empire  s'est  trouvé  porté  à  une  acuité  qu'il 
a  rarement  dépassée  depuis. 

M.  Ernest  Daudet  s'efTorce  de  démontrer  que  la  police  rovale  de 
Decazes  n'est  plus  la  même  que  celle  de  l'Empire.  Selon  lui,  elle 
aurait  perdu  ce  «  caractère  provocateur  »  que  Fouché  lui  imprima. 
Fouché  et  Savary  «  s'étaient  donné  pour  mission  non  seulement  de 
découvrir  les  artisans  des  complots  et  de  les  surveiller,  mais  aussi 
de  leur  tendre  des  pièges,  de  construire  contre  les  individus 
soupçonnés  un  édifice  de  preuves  accablantes  ».  Rien  de  pareil  sous 
Louis  XVIII.  «  La  police  n'est  plus  qu'une  agence  d'informations, 
qui  s'efforce  d'être  toujours  bien  informée.  » 

La  thèse  est  sans  doute  tendancieuse.  Dans  un  temps  où  l'espion- 
nage et  la  police  s'introduisaient  partout,  il  est  difficile  de  croire 
que  les  procédés  policiers  eussent  changé  si  vite.  Fouché  avait  quitté 
la  place,  mais  ses  mouchards  étaient  restés,  les  mêmes  qui,  jadis, 
dénonçaient  les  royalistes,  qui  aujourd'hui  surveillaient,  arrêtaient 
—  quand  ils  le  pouvaient  —  leurs  anciens  maîtres.  D'ailleurs,  à 
l'époque,  personne  n'avait  d'illusions  sur  la  police  et  le  cabinet  noir. 
Tout  le  monde  savait  ou  sentait  l'espionnage  autour  de  soi  —  Guil- 
laume de  Hiimboldt  l'écrit  nettement  à  son  frère  — ,  et  si  les  procé- 
dés du  Gouvernement  de  Napoléon  peuvent  paraître  différents  de 
ceux  de  Louis  XV^III,  cela  tenait  sans  doute  au.\  circonstances.  Suf- 
firait-il donc  de  changer  le  régime  pour  changer  les  hommes? 

J.  A. 


Correspondence  of  lord  Burghersh,  afterwards  11'''  Earl  of 
Westmorland  (1808-1840),  cdited  by  iiis  Granddaughter  Rachel 
Weigall.  Londres,  iMurray,  191 2.  In-8°  de  vi-3oo  p. 

Nous  arrivons  bien  en  retard  pour  féliciter  la  petite-fille  de  lord 
Burghersh  de  l'heureuse  idée  que  lui  a  inspirée  sa  piété  filiale,  pour 
la  remercier  d'avoir  profité  du  centenaire  des  grands  événements, 
dont  nos  pères  ont  été  les  témoins  et  les  acteurs,  pour  nous  donner 
le  beau  volume  dans  lequel,  à  côté  des  dépêches  de  son  aïeul,  elle 
a  pu,  grâce  a  l'accueil  qu'elle  a  trouvé  auprès  du  duc  de  Portland, 
du  duc  de  Wellington,  de  lord  Londonderry  et  de  lord  Heytesburg, 
livrer  à  la  publicité  nombre  de  lettres  des  plus  intéressantes  extraites 
de  leurs  riches  ajxhives, 


3^0       REVUE    HlSTOllIÇUE   DE    LA    HEVULLTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

Il  suffit  fie  jeter  un  coup  d'œil  sur  la  table  des  matières  de  ce 
volume  pour  se  l'aire  une  idée  de  l'intérêt  qu'il  présente  pour  le 
lecteur,  mais  surtout  pour  le  chercheur  et  pour  l'historien.  Lord 
Burgliersh,  quoique  son  âge  seul  l'ait  empêché  d'occuper  dès  ce 
moment  une  place  proéminente  parmi  les  hommes  d'Etat  et  les  mi- 
litaires de  son  pays,  n'en  a  pas  moins  joué  un  rôle  considérable 
dans  les  événements  qui  ont  marqué  les  premières  années  de  l'Em- 
pire. Entré  au  service  en  i8o3,  il  servit  en  1806-1807  en  Sicile,  puis 
en  Egvpte,  avant  de  passer  en  1808  à  l'armée  de  Portugal.  Aide  de 
camp  de  Wellington  en  i8og,  il  resta  dans  la  Péninsule  Ibérique 
jusqu'en  )8i3,  où,  envoyé  au  grand' quartier  général  des  Alliés  et 
accrédité  auprès  de  Schwarzenberg,  il  accompagna  le  généralissime 
pendant  toute  la  campagne  de  France.  Nommé  ministre  plénipo- 
tentiaire à  Florence  en  1814,  il  suivit  les  opérations  pendant  toute 
la  campagne  de  18 15  contre  Murât  et  fut  de  cette  façon  l'un  des 
signataires  de  la  Convention  de  Casalanza. 

De  retour  à  Florence  après  la  chute  de  Joachim,  il  continua  à 
occuper,  pendant  près  de  quinze  ans,  un  poste  dans  lequel  il  rendit 
des  services  signalés  dus  tant  à  sa  remarquable  intelligence  qu'à  la 
connaissance  qu'il  avait  des  hommes,  des  affaires  et  du  pays,  et  qu'il 
no  quitta  qu'en  i83o  après  l'arrivée  au  pouvoir  des  whigs. 

C'est  pour  cette  raison  que  sa  correspondance  saute  brusquement 
de  1882  à  i838.  Mais  en  revanche,  grâce  à  la  publication  de  ce 
volume,  nous  sommes  désormais  en  mesure  de  connaître,  sans  avoir 
à  entreprendre  des  recherches  aussi  longues  que  difficiles,  le  rôle, 
presque  ignoré  jusqu'à  ce  jour,  que  lord  Burghersh  fut  appelé  à  jouer 
en  i84o^au  moment  de  la  crise  orientale  qui,  comme  aujourd'hui 
encore,  fut  bien  près  d'allumer  une  guerre  générale  en  Europe. 
Rien  ne  saurait  donc  être  plus  intéressant  que  les  vingt  dernières 
pages  de  cette  correspondance  qui  s'arrête  en  décembre  i84o  et 
qui  contient  dans  le  chapitre  final  la  reproduction,  certifiée  conforme 
par  le  roi  Léopold  I^'  de  Belgique,  des  conversations  confidentielles 
que  ce  prince  eut  d'abord  eu  août  i838,  puis  en  octobre  i84o 
avec  lord  Burghersh. 

Un  pareil  livre  ne  peut  manquer  d'avoir  plusieurs  éditions  et 
nous  osons  espérer  que  tant  la  petite-fille  de  lord  Burghersh  que 
M.  John  Murray  lui-même  comprendront  les  motifs  pour  lesquels, 
après  avoir  essayé  de  mettre  en  lumière  la  réelle  valeur  historique 
de  cette  publication,  nous  nous  sommes  permis  d'appeler  leur  atten- 
tion sur  quelques  erreurs,  typographiques  et  autres,  qu'il  serait, 
croyons-nous,  utile  de  faire  disparaître  lors  de  la  réimpression  de  la 
correspondance. 


BIBLIOGRAPHIE  87  I 

C'est  ainsi  qu'à  la  page  71  on  lit  Spannoi/ro  au  lieu  de  Spannoc- 
CHi.  Page  78,  Galloio  au  lieu  de  Gallo.  Page  78,  Aras  au  lieu 
d'ARCis.  Page  88,  Sena  au  lieu  de  Serra  et  Paterno  au  lieu  de 
Partanna.  L'erreur  commise  k  la  note  placée  page  89  est  plus 
grave;  le  comte  Jules  de  Polignac  n'était  pas  ambassadeur  d'Italie 
à  Vienne,  mais  bien  un  diplomate  français  envoyé  en  mission  en 
Italie  et  qui  fut  un  peu  plus  tard  ministre  à  Munich.  Page  io5,  au 
lieu  de  Lapis,  il  faut  lire  Lapi.  Page  loG,  il  s'agit  non  pas  de  la 
femme  du  général  Bertram,  mais  du  général  Bertrand.  Pages  ii3 
et  ii4,  plusieurs  noms  propres  à  rectifier  :  Cumbron  doit  être  Cam- 
BRONNE  ;  Lebelle,  Lebert.  Le  colonel  baron  qui  commande  les  Polo- 
nais et  dont  le  nom  manque  s'appelle  Jermanowski.  Peijrouse 
s'appelle  en  réalité  Peyrusse.  Penz  n'est  autre  que  Pons  (de  l'Hé- 
rault); Taillaide  est  le  capitaine  Taillade,  Lonjono  cl  Lonjono  aonl 
mis  là  pour  Longone,  Roule  pour  Raoul,  Pianoso  pour  Pianosa  et, 
page  1 15,  Bartolozzi  pour  Bertolasi.  A  la  page  i  ig.  ce  n'e.st  pas  de 
Gass  qu'il  s'agit,  mais  de  Grasse  et  à  la  note  de  cette  même  page 
il  faut  mettre  à  la  place  de  Prefect  oj  the  toion  le  mot  Department. 
A  la  page  126  et  aux  pages  suivantes,  il  convient  de  remplacer 
Lehseltern  par  Lebzeltern.  Page  127,  Perça  par  Pacca.  Page  i33, 
note  I,  faire  disparaître  cette  note  ou  remplacer  le  mot  Restoration 
par  ceux  de  French  Révolution.  Page  i^i,  note,  ce  n'est  pas  à 
Modene,  mais  au  pont  sur  le  Panaro  que  Murât  attaqua  et  battit 
les  Autrichiens. 

Page  i45,  les  corrections  à  faire  sont  un  peu  plus  nombreuses. 
Le  paragraphe  commençant  par  ces  mots  :  «  Murât  haviruj  jled  io 
Naples  »  aurait  besoin  d'être  remînié  pour  être  plus  complètement 
exact.  A  la  même  page  il  faudrait  mettre  Casa  Lanza  à  la  place  de 
Gasa  Lenza,  Borgoforte  au  lieu  de  Bei'goporte  et  Ponte  Lago- 
scuRO  au  lieu  de  Lago  Scuro.  Page  147,  la  note  relative  a  l'archiduc 
Charles  est  à  modifier.  L'archiduc,  malheureusement  pour  l'Au- 
triche, n'a  jamais  été  investi  des  fonctions  de  Régent  après  l'avène- 
ment de  son  neveu  Ferdinand.  On  eut  au  contraire  soin  de  le  main- 
tenir à  l'écart  des  afl'aires,  et  il  eut  sous  le  nouvel  empereur  aussi 
peu  d'influence  que  pendant  les  vingt-cinq  dernières  années  du 
règne  de  son  frère  François. 

Page  i48,  il  ne  saurait  être  question  de  Cinitnuecchia  mais  bien 
plutôt  de  C1VITANUOVA.  Un  peu  plus  loin,  sur  la  même  page.  Porte 
d'Era  à  est  remplacer  par  Pontedera,  et  c'est  évidemment  par  erreur 
qu'on  a  imprimé,  une  ligne  plus  haut,  cette  phrase  incompréhen- 
sible :  «  Nugent  conceived  the  possibility  of  the  Neapolitans  from 
Provence  mooing  upon  Leghorn.  »  On  a  dû  mal  déchitïrer  le  ma- 


372       REVUE    HISTORiyUE   DE    I.A    RÉVOLt  TIO.N    FRANÇAISE   ET    DE    l'eMPIRE 

misciit  <1r  lord  Bur(jlicr.sh  el  lire  Provence  là  où  il  a  probablement 
écrit  FloreiNce. 

Page  i5i,  au  lieu  de  Sperlo/i:a,  il  doit  plus  probablemeut  s'agir 
de  Sperlonga,  point  situé  entre  Terracina  et  (jaëte.  Il  me  semble 
aussi  qu'on  a  dû  comniettre  une  erreur  de  copie  ou  de  déchiffrement 
en  parlant  d'une  lettre  y/'0/«  a  Bishop  of  Orthosia  at  Rome.  A  la 
page  suivante,  il  serait  bon  de  remplacer  Amio  délia  Venta  par 
Amico  della  Verita.  Page  167,  il  serait  utile  de  mettre  en  note  qu'Au- 
bin était  un  capitaine  anglais  désigne  par  Burghersh  pour  suivre  les 
les  opérations  de  ÎSugeut.  A  la  page  suivante  il  faudrait  remplacer 
Me.laszo  par  Milazzo  ;  à  la  page  162,  Ekart  par  Eckhardt.  C'est 
évidemment  par  erreur  qu'on  parle,  à  la  même  page,  de  la  marche 
des  Autrichiens  sur  Colvi,  localité  qu'il  m'a  été  impossible  de 
retrouver,  qui,  je  crois,  n'existe  pas,  et  qui  est  peut-être  Colli,  une 
petite  localité  à  l'ouest  d'Amatrice.  En  revanche,  c'est  lord  Bur- 
ghersh lui-même  qui  est  mal  renseigné  lorsque,  page  i6g,  il  annonce 
à  Castlereagli  qu'un  officier  français  commande  à  Gaëte,  place  que 
Murât  avait  confiée  à  l'héroïque  général  Begani.  Page  172,  il  serait 
bon  de  mettre  Lille  au  lieu  dp  Lisle.  Page  igo,  au  lieu  du  chevalier 
Kracane,  il  s'agit  du  chevalier  Karcher,  qui  représentait  à  ce 
moment  la  Toscane  à  Paris.  Page  221,  ce  n'est  pas  Colorado,  mais 
CoLLOREDO  que  l'on  a  dû  trouver  dans  la  dépêche  de  lord  Stewart  à 
Burghersh,  et  c'est  aussi  Consalvi  qu'il  faut  lire  quelques  lignes  plus 
bas  au  lieu  de  Gonsalvi,  tout  comme  on  fera  bien  de  corriger  deux 
autres  erreurs,  l'une,  pages  227,  286  et  287,  Leybach  au  lieu  de 
Laybach,  et  l'autre,  page  233,  où  l'on  a  imprimé  Figuelmont  au  lieu 
de  FiCQUELMONT.  Pages  289  et  240,  il  sera  bon  de  remplacer  Intro- 
doso  par  Antrodoco.  Enfin,  pour  clore  cette  trop  longue  liste  de 
remarques  destinées  à  faciliter  la  lecture  de  cette  si  intéressante 
correspondance,  il  est  hors  de  doute  pour  moi  qu'à  la  page  277  lord 
Burghersh  a  dû  vouloir  parler  dans  son  mémorandum  du  8  avril 
i838  non  pas  de  l'abbé  Menais  (?),  mais  de  l'abbé  de  Lamennais, 
qui  venait  précisément  de  publier  ses  AJ/'aires  de  Borne  et  le  Livre 
du  Peii/tle  auquel  lord  Burghersh  fait  une  allusion  directe  dans  les 
premières  lignes  de  cette  curieuse  pièce. 

M.  H. 


BIBLIOGUAI'HIE  878 


Dictionnaire  d'histoire  et  de  géographie  ecclésiastique,  publié 
sous  Li  direction  ilAHVeil  Iîaudiullakt,  Albert  \  ogt  et  Urbain 
RouziÈs.  Tome  I  (^Aachs-Albiis).  Paris,  Letouzey  cl  Ané,  1912. 
Gr.  In-8  de  vu  p.  et  1748  col. 

Nous  nous  bornons  h  relever,  dans  le  tome  I  de  celte  vaste  et  inté- 
ressante publication,  les  articles  qui  touclient  h  la  période  dont 
nous  nous  occupons.  Les  voici  : 

A.  Z.  N.  Aarnn,  écrivain  russe.  17S1-1841  (par  A.  Palmieri)  ; 
A.  Abad  y  Lasierra,  évèque  de  Barhasiro,  1740-1813  (par  L.  Ser- 
rano);  M.  Abad  y  Lasierra,  inquisiteur  général  d'Espagne,  172g- 
1806  (par  le  même);  M.  J.  Abad  y  Oueipo,  ministre  de  la  justice 
■en  Espagne  en  1817,  destructeur  de  l'Inquisition  espagnole  (par  le 
même);  Mathurin  Abafour,  vicaire  de  Jallais,  interné  à  l'île  de  Ré, 
1756- 1828  (par  F.  Uzureau)  ;  Kenè-homs  Abafour,  doyen  de  Craon, 
déporté,  mort  en  1825  (parle  même);  J.  Abarca  y  Blanr/iie,  évêque 
de  Léon,  patriote  espagnol  et  ami  de  Ferdinand  VII,  mort  en  i844 
(par  L.  Serrano);  Jean  Abasque,  curé  à  Plourin,  1782-1794  (j^ar 
A.  Roussel);  J.  B.  Abeillon,  prieur  d'Arlempdes,  1720-1794  (par 
R.  Pontvianne)  ;  Pierre  Abélard,  vicaire  à  Bourgueil,  déporté, 
1765-1802  (par  F.  Uzureau)  ;  P.  G.  Ahella,  archevêque  de  Valence, 
prisonnier  en  France  pendant  la  guerre  de  l'Indépendance,  1776- 
1860  (par  A.  Andrès)  ;  Vincent  Abraham,  curé  de  Sept-Saulx,  1740- 
1792  (par  R.  de  Teil)  ;  Pereira  Mateo  de  Abren,  évèque  de  Saint- 
Paul  au  Brésil,  promoteur  de  la  séparation  du  Brésil  et  du  Portugal, 
mort  en  1824  (par  M.  Gomes)  ;  Barthélémy  .46na/,  second  vicaire 
général  de  Paris  en  1802,  mort  en  i8o3  (par  F.  Uzureau);  Frère 
Agathon  (Joseph  Gonlieu),  supérieur  général  des  Frères  des  Ecoles 
chrétiennes,  1781-1797  (par  J.  Guibert);  Pierre-Jean  Agier,  magis- 
trat français,  1748-1828  (par  G.  Constantin);  Agonit  de  Bonneval, 
évêque  de  Pamiers,  contre-révolutionnaire,  1749-1824  (par  J.-M. 
Vidal);  Manuel  de  Agtiiar,  évêque  de  Leiria,  i75i-i8i.t  (par  F.  de 
Almeida);  F.  M.  d'Agairiano,  évêque  de  Calahorra,  membre  des 
Cortès  de  Cadix,  1742-1818  (par  L.  Serrano);  Aigneville  de  M!l- 
lancourt,  évèque  d'Amycles,  évèque  auxiliaire  de  Cambrai,  mort 
en  1798  (par  H.  Dubrulle);  Etienne-Aimé  Alary,  aumônier  du 
prince  de  Coudé,  1762-1 81 9  (par  L.  Gauthier);  Georges  Alary, 
supérieur  du  Séminaire  des  missions  étrangères  pendant  l'Empire, 
1781-1^17  (par  A.  L.aunay);  Gary  Alaa.c,  curé  jureur  de  Sainte- 
Radegonde,  1 746-1 794  (par  C.  Touniier);  Gian-Francosco  Albani  le 
jeune,  cardinal,   négociateur  du   concordat,  1720-1808  (par  P.  Ri- 


374       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA   REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

cliard)  ;  Giuseppe  Albani,  cai-dinal,  défenseur  du  cardinal  de 
Rohan  devant  la  Commission,  envoyé  extraordinaire  du  pape  k 
Vienne  pendant  le  Directoire  et  le  Consulat,  1700-1834  (par  le 
même);  J.-M.  Luc  de  Ponte  d'Albaret,  évèque  de  Sarlat,  1736-1800 
(J.  Capeille);  Agostino  Alhergoiti,  évèque  d'Arezzo,  1755-1825  (par 
J.Fraikin);  J.-B.  Alber/randi,  jt-suile,  bibliothécaire  de  Stanislas- 
Auguste  de  Pologne,  1731-1808  (parE.-M.  Rivière);  P.-F.  Albirjnac 
de  Casteinaa,  évèque  d'Angouième,  1742-1814- 

0.  K. 


Hans  Bviiiu,  Bibliographie  der  Schwaizer  Geschichte,  enthal- 
tend  die  selbstàndig  erschienen  en  Druckwerke  zur  Geschichte 
der  Schweiz  bis  Ende  1912  {Bd.  /.,  Quellen  und  Benrbeitan- 
fjen  narh  der  Folge  der  De(j<>benheiten.').  Basel,  Verlag  der  Basler 
Buch  und  Antiquarialshandiung  vornials  Adolf  Geering,  I9i4- 
In-S°  de  xxviii-529  p.  ;  i3^8o. 

Le  2  mai  1904,  le  Comité  directeur  de  VAUgemehte  geschichls- 
forschende  Gesellscluifl  der  Schweiz  avait  décidé  la  publication  d'une 
bibliographie  historique  de  la  Suisse.  Le  premier  volume  vient 
de  paraître;  les  deux  autres,  sous  presse,  sont  promis  pour  l'été 
1914. 

Ce  premier  tome  contient  g.SoS  titres  de  volumes  et  brochures 
publiés  isolément  :  les  articles  de  revues  et  de  journaux,  k  moins 
d'avoir  été  tirés  à  part,  ne  figurent  pas  dans  cette  bibliographie.  On 
en  a  également  exclu  la  plupart  des  publicationsgenevoises  du  dix- 
huitième  siècle,  dont  les  O.218  titres  se  trouvent,  facilement  acces- 
sibles, dans  la  Bibliographie  historique  de  Genève,  d'Emile  Rivoire. 

Les  indications  sont  distribuées  chronologiquement  :  on  indi- 
que pour  chaque  grande  période  de  l'histoire  suisse,  par  ordre  de  leur 
apparition  :  i"^  les  «  sources  »  (mémoires,  recueils  de  textes  légis- 
latifs, correspondances,  etc);  2°  les  «  publications  contemporaines  » 
(écrits  parus  h  l'époque  des  événements)  ;  3°  les  «  exposes  »  (histori- 
ques des  événements  passés).  Ainsi  on  trouve,  pour  l'époque  révolu- 
tionnaire, dans  la  première  catégorie,  les  Papiers  deBarthéleniy  ;  dans 
la  seconde,  VAvis  aux  Suisses  sur  leur  position  envers  le  roi  de 
France,  parll.-A.  StaulVach  (Paris  1791)  ;  dans  la  troisième.  Le  Pays 
de  Vaud  de  lySg  à  lygi,  par  Paul  Maillei'er  (Lausanne,  1892). 

La  période  de  1789  a  1797  est  représentée  par  environ  4^0  nu- 


BIBLIOGRAPHIE  StS 

méros,  celle  de  1798  h  i8i5  par  1.600;  les  «  publications  contem- 
poraines »  de  1798,  à  elles  seules,  ne  comprennent  pas  moins  de 
877  numéros. 

Les  deux  volumes  suivants  contiendronl  les  iiulic^itions  par  ordre 
de  matières  (histoires  cantonales,  histoire  religieuse,  —  à  l'exception 
de  la  Réforme,  traitée  au  tome  1="^,  —  histoire  de  l'art,  biographies, 
etc.)  ainsi  i|ue  les  tables  Ce  n'est  qu'alors  qu'une  critique  définitive 
de  rouvra(|e  pourra  être  faite.  En  attendant,  contrôlant  un  certain 
nombre  de  pages,  nous  n'y  avons  trouvé  que  peu  d'erreurs  ou 
d'omissions,  inévitables  d'ailleurs  dans  un  ouvrage  pareil.  —  Au 
point  de  vue  typographique,  il  est  exemplaire.  —  La  partie  des 
a  publications  contemporaines  »  est  supérieure  aux  deux  autres  : 
là,  les  catalogues  des  bibliothèques  suisses  ont  fourni  des  listes  pra- 
tiquement sans  lacunes  ;  il  n'en  est  pas  tout  à  fait  de  même  des 
«  sources  »  et  surtout  des  «  exposés  »,  dont  certains,  publiés  hors 
de  la  Suisse,  ne  semblent  pas  être  parvenus  k  la  connaissance  du 
bibliographe,  k  moins  qu'il  ne  les  fasse  entrer  dans  le  tome  IL  Ainsi 
nous  avons  cherché  en  vain,  p.  io3,  Servet  et  Calvin,  par  Auguste 
Dide  ;  p.  289,  La  Révolation  Française  dans  l'ancien  évêché  de 
Bâle,  par  Gustave  Gaulherot. 

Déjà  utile  sous  sa  forme  actuelle,  l'ouvrage  de  M.  Barth,  une  fois 
achevé,  sera  le  complément  indispensable  de  la  QuetU'itknnde  tle 
Dahlmaun-Waitz  pour  l'histoire  allemande. 


0.  K 


ARMIN. 


Livres  nouveaux 

T.  Albord,  Notes  sur  les  préparatifs  militaires  à  Lyon,  en  i8i4. 
Lyon,  Rey,  1918.  In-8°  de  108  p.  —  W.  Andréas,  Geschichte  der 
badischen  Verwallungsorganisatiou  und  Verfassung  in  den  Jahren 
1802-1818.  1.  Der  Aufl)au  des  Staales  im  Zusaminenhang  der  allge- 
meinen  Politik.  Leipzig,  Quelle  und  Meyer,  1918.  ln-8°  de  xii- 
484  p.;  it'i  fr.  —  Mémoires  de  Barthélémy,  17G8-1819,  publiés 
par  Jacques  de  Dampiehbe.  Paris,  Pion,  1914.  In-S"  de  xiii-484  p., 
avec  portr.  ;  7  fr.  5o.  —  Baudoin,  Aus  Tagebuchern  freiwilliger 
Jâger,  i8i3-i8i4,  des  Colbergschen  Infanterieregiments.  Berlin, 
Mittler.  In-8°  de  35  p.  —  Peter  Bergell  und  K.  Klitschner,  Larrey, 
der  Chef-Chirurg  Napoléon  L,  1812-1818.  Berlin,  Marschner.  In-8'' 
de  i35  p.  ;  2  mk.  5o.  —  Ericli  Bleich,  Der  Hof  des  Kônigs  Friedrich 


376       REVUE  HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

Wilhelm  II.  und  des  KOnigs  Friedrich  Wilhelm  III.  Berlin,  Voss. 
In-8°  de  xviii-279  p.  ;  7  mk.  5o.  —  A.  Boppe,  L'Albanie  et  Napo- 
léon,  i797-i8i4-  Paris,  Hachette,  1913.  Iii-i(j;  3  fr.  5o.  —  Maurice 
Bottet,  Napoléon  aux  camps  de  Boulof[ne.    Paris,   Ambert,  s.   d. 
[1914]-  In-8°  de  3i2  p.;  3  fr.  5o.  —  A.  Burdet,  Varese  e  la  prima 
repubblica   cisaljiina   (  i79''-i799)-    Varese,   IMacchi,    1913.  In-i6  de 
88  p.  —  Calraon-Maison,  Le  général  Maison  et  le  i"  corps  de  la 
Grande  Armée.  Campagne  de  Belgique,  décembre  i8i3-avril  i8i/i. 
Paris,  Calmann-Lévy,  iQi/i-  In-8°;   7  fr.  5o.  —  Alexander  Cartel- 
lieri,  Weimar  und  Jena  in  der  Zeit  der  deutschen  Not  und  Erhe- 
bung,    i8o6-i8i3.    Rede.  Mit  einem  Bûchervezeichnis   und   einer 
Stammtafel.  Jena.  Fischer.  In-8°  de  33  p.;  1  mk.  —  J.  Charrier, 
Prêtres  et  Religieux  nivernais  traduits  devant  le  tribunal  révolution- 
naire.  Nevers,  Impr.  Vailière,    191 3.    In-8°  de   200   p.   —  Corres- 
pondance  générale   de    Chateaubriand,    publiée  par   L.  Thomas. 
Tome  IV.  Paris,  Champion,  1914-  In-8"  de  viii-4oo  p.,  avec  portr.; 
10  fr.  —  Heinrich  Conrad,  Napoléons  Lcbeu  auf  St.  Helena.  Nach 
den  auf  St.  Helena   181J-1821   gefûhrten   franziisischen  und  engli- 
schen  Tagebuchern  chronologisch  zusanmigestellt.  Stuttgart,  Lutz; 
7  mk.  —  E.  Couard,  L'administration  départementale  de  Seine-et- 
Oise,  1790-1913.  Versailles,  Impr.  Aubert,  iguH.  In-4°  de  xi-47(}  p., 
avec  illustr.  —  G.  Creste,  Les  Papiers-monnaies  émis  à  Mortagne 
pendant  la   Révolution.   Bellème,    Impr.   Levaver,    1913.   In-8°  de 
97  p.,  et  pi.  —  Journal  de  Benjamin  Cuendet  (1769-1815),  publié 
par  Eugène  Moutarde.  Lyon,  Rey,  1914-  In-S"  de  32  p.,  avec  illustr.; 
2  fr.  —  W.    Cuendet,  La  philosophie  religieuse  de  Jean-Jacques 
Rousseau  et  ses  sources.  Lausanne,  Impr.  la  Concorde,  I9i3.  In-8° 
de  248  p.;  4  fr.  —  Mémoires  du  comte  Roger  de  Damas,  publiés 
et  annotés  par  Jacques  Rambaud.  Tome  II  (i8o6-i8i4).  Paris.  Pion, 
i9i4-  ln-8"  de  vi-3io  p.,  avec  portr.  ;  7  fr.  5o.  —  J.  Decap,  Simples 
notes  sur  l'instruction  primaire  dans  les  paroisses  du  canton  du 
Mas  d'.Vzil  avant  1789.  Foix,  Impr.  Fra,   igiJ.  In-8°  de   11  p.  — 
A.  Dubut,  Les  Écoles  primaires  sous  la  Convention  dans  le  Ribé- 
racois.  Ribérac,  Impr.  Langaret,   igiS.  In-iG  de  96  p.  —  Maurice 
Dunan,  La  Garde  d'honneur  du  préfet  de  r.\llicr.  Compagnie  de 
réserve,  compagnie  départementale  (Premier  Empire  et  Restaura- 
tion). .Moulins,  t'répin-Leblond,  igiS.  ln-8°  de  229  p.  —  Hermann 
V.  Egloffstein,  Cari  .\ugust  wShrend  des  Krieges  von  i8i3.  Berlin, 
Paetel.  In-8°  do  viii-180  p.  ;  3  mk.  —  Funck,  Der  .\nteil  des  preus- 
sischen  Heeres  am  Feldzuge   1812.  .Magdeburg.  IutS»  de  12  p.  — 
E.  Galmiche,  L.n  Poste  aux  lettres  dans  le  département  des  COtes- 
du-Nord,  pendant  la  Révolution  française.  Vannes,  Impr.  Lafolye, 


BIBI.ldGRAPHIE  877 

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(1789-1802).  Dijon,  Venot,  1913.  In-ia  do  220  p.;  3  fr.  —  R.  Gas- 
chet.  Paul-Louis  Courier  et  la  Restauration.  Paris,  Hachette,  1913. 
In-8°  do  283  p.,  avec  portr.  —  G.  Gautherot,  L'Epopée  vendéenne 
(1789-1796).  Tours,  Marne,  igiS.  In-4°  de  564  P-i  avec  grav.  —  H. 
P.  Geerke,  Der  Sturz  Napoléons.  Leipzig,  MeulenhofF.  In-8"  de 
281  p.;  I  mk.  3o.  —  L.  Ginetti,  La  morte  di  Don  Ferdinando  di 
Rorbone.  Parma,  Unione  tip.  paim..  igiS.  In-8°  de  16  p.  —  A. 
Giulini,  Una  vittima  délia  campagnadi  Russia  (1786-1812).  Torino, 
Bocca,  1913.  In-8°  de  7  p.  —  Ai)br-  M.  Glorieux,  Deux  prêtres  de 
Montaj'  victimes  de  la  Révolution.  Cambrai,  impr.  d'Halluin.  In-8° 
de  22  p.  —  Hermann  Granier,  Bcrichte  aus  der  Berliner  Franzo- 
senzeit,  1807-1809.  Nach  don  Akten  des  Berliner  Geheimen  Staats- 
archivs  und  des  Pariser  Kriegsarchivs.  Leipzig,  Hirzel.  In-8°  de 
xni-598  p.  ;  20  mk.  —  Capitaine  A.  Grasset,  La  guerre  d'Espagne 
(1807-1813).  Tome  I  (octobre  1807-avril  1808).  Paris,  Berger- 
Levrault,  1914-  In-8°  de  Lxi-487  [).,  avec  illustr.,  cartes  et  tableaux  ; 
i5  fr.  —  E.  J.  Guérin,  La  Préfecture  à  Saintes,  1790-1810.  La 
Rochelle,  Impr.  Texier,  igiS.  In-i8  de  44  p-  -  G-  Gustave-Tou- 
douze,  Une  mystérieuse  affaire,  i8o3.  Paris,  Hachette,  1918.  In-S" 
de  286  p.,  avec  grav.  ;  3  fr.  —  Hennezel  d'Ormois,  Aux  armées 
de  Napoléon.  Lo  capitaine  Poussin,  1772-1810.  Paris,  Chapelot, 
1913.  In-S"  de  xvi-250  p.,  avec  portr.  et  grav.  —  Paul  Herre,  Von 
Preussens  Bef'reiungs-  und  Verfassungskam])f.  Aus  den  Papieren 
des  Oberburggrafen  Magnus  v.  Brûnneck.  Berlin,  Miltler.  In-S"  de 
vHi-5oi  p.;  9  mk.  5o.  —  Robert  Hœniger,  Die  Kriegsakademie  in 
den  Befreiungskriegen.  Berlin,  Eiseiischmidt.  In-S"  de  16  p.  — 
R.  Jeandeau,  Sismondi,  précurseur  de  la  législation  sociale  con- 
temporaine. Bordeaux,  Impr.  Cadoret,  igiS.  In-8°  de  i35  p.  — 
Heinrich  von  Jordan,  Erinnerungen  und  Briefe  cines  jungen 
Freiheitskftmpfers  aus  den  Jaliren  i8i3  und  i8i4-  Berlin,  Siegis- 
mund.  In-8°  de  334  P-;  4  mk.  80.  —  J.  Juryman,  The  empress 
Joséphine.  London,  Lane,  1913.  In-8°  de  x-3i2  p.  —  ,1.  Kuhner, 
Lamarck  ;  seine  Persônlichkeit  und  das  Wescntliche  aus  seinen 
Schriften  kritisch  dargestellt.  Jena,  Diederichs.  In-8°  de  vni-259p.; 
4  mk.  5o.  —  Correspondance  du  comte  de  La  Forest,  ambassadeur 
de  France  en  Espagne,  i8o8-i8i3,  publiée  par  Geoffroy  de  Grand- 
maison.  Tome  VII  (août  1812-avril  i8i4)-  Paris,  Picard,  1913.  In-8° 
de  i.x-338  p.,  avec  grav.  —  Albert  Latreille,  L'œuvre  militaire  de 
la  Révolution.  L'armée  et  la  nation  à  la  fin  de  l'ancien  régime. 
Paris,  Chapelot,  1918.  In-8°  avec  carte;  10  fr.  —  François  Lau- 
rentie,  Louis  XVll.  Sujiplément  et  tables.  Paris,  Émile-Paul,  I9i4- 


378       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET  1)E    LEMPIRE 

In-4,  avoc  illiislr.  ;  4o  fr.  —  A.  Lavoine,  La  famille  de  Robespierre. 
Arras,  Impr.  Bouviv,  s.  d.  [1914]-  In-S"  de  7  p.  —  M.  Lhéritier, 
Histoire  des  rapports  de  la  Chambre  de  commtTce  de  Guienne  avec 
les  intendants,  le  parlement  et  les  jurats,  de  1705  k  1791.  Bordeaux, 
Impr.  Gounouilhou,  igiS.  In-S"  de  xii-i4o  p.  —  Chanoine  C.  Loo- 
ten,  Histoire  d'Anne-Louis-Alexandre  de  Montmorency,  prince  de 
Robecq,  lieutenant-général  des  armées  du  Roi,  commandant  en  chef 
dans  les  Flandres,  le  Hainaut  et  le  Cambrésis,  1724-18 12.  Lille, 
Giard,  igiS.  In-8°  de  xii-55o  p.,  avec  pi.  et  portr.  —  Chanoine 
Marcel,  Le  frère  de  Diderot.  IJidier-Pierre  Diderot,  chanoine  de 
la  cathédrale  et  grand  archidiacre  du  diocèse,  fondateur  des  écoles 
chrétiennes  de  Langres.  Paris,  Champion,  igi3.  In-8°  de  xiii-221  p., 
avec  fig.  ;  3  fr.  Jo  —  X.  Marinier,  Trois  jours  de  la  vie  d'une 
reine,  1770-1793.  Tours,  Maine.  In-12  de  i43  p.,  avec  grav.  — 
J.  Masse,  Retour  de  l'Ile  d'Elhe.  Le  colonel  Durand  du  11=  de 
ligne.  Le  Puy,  Impr.  Peyriller,  191 3.  In-80  de  20  p.  —  Friedrich 
Meusel,  Edmund  Bnrke  und  die  franzôsische  Révolution.  Zur 
Entstehung  hislorisch-politischen  Denkens  zumal  in  England.  Ber- 
lin, Weidmaiin.  In-8°  de  vi-i5o  p.;  5  mk.  —  Ernst  MùUer,  West- 
falens  Opfer  in  den  Bei'reiungskriegen.  i8i3-i8i.">.  Munster,  Cop- 
penrath;  3  mk.  —  Grand-duc  Nicolas  Mikhailovitch,  Les  Rapports 
diplomaliques  de  Lebzeltern,  minisire  d'Aulriche  à  la  Cour  de 
Russie.  181G-1826.  Paris,  Manzi  et  Jovant,  igiS.  In-8°  de  lxxii- 
477  p.,  avec  portr.  ;  20  fr.  —  J.  J.  Olivier,  Préville,  de  la  Comédie- 
Française,  171!  1-17)9.  Paris,  Lccène,  igiS.  In-8°,  avec  illustr.  ; 
20  fr.  —  G.  Paladino,  Uu  episodio  délia  reazione  aritifrancese  a 
Vigiiola  nel  1798.  Bologna,  P.  Cuppini,  igiB.  In-i6  de  18  p.  — 
E.  Pélissier,  Les  Ventes  de  biens  nationaux  dans  le  département 
de  l'Ariège,  en  exécution  de  la  loi  du  18  ventôse  an  IV.  Foix,  Impr. 
Fra,  1913.  In-8°  de  55  p.  —  L.-G.  Pélissier,  Vivant  Denon  suspect 
à  Venise  (1793).  Nogent-le-Rotrou,  Impr.  Daupeley-Gouverneur, 
19 13.  In-8°  de  32  p.  —  S.  Pellini,  Napoleone  in  val  d'.Vosta.  Aosta, 
Marguerettiiz.  1912.  Iii-8°  de  102  p.  —  F.  Perle,  Die  Spenersche 
Zeitung  vom  aS.  MSrz  t8i3.  Halbcrstadt.  In-8°  de  22  p.  — E.  Pla- 
gnard,  L'émigration  dans  la  commune  de  Prades  d'Aubrac.  Rodez, 
Impr.  Carrèie,  1914.  In-i6  de  xii-ioG  p.;  2  fr. —  Carlos  Riba  y 
Garcia,  Lo  que  se  ha  escrito  sobre  los  sitios  de  Zaragoza.  Inven- 
tario  l)ibliogiafico.  Zaragoza,  La  Editorial.  In-8°de  120  p.  —  Major 
général  Robinson,  Waterloo.  Traduit  de  l'anglais  par  le  capitaine 
Le.sèble.  Paris.  Lavau/.elle,  iç,i'i.  \n-S°  de  199  p.,  avec  pi;  5  fr.  — 
M"'  G.  Rocher,  Le  district  de  Saint-Germaiu-en-Laye  pendant  la 
Révolution.  Paris,  Riedei',  1914.  ln-8"  de  lii-238  p.;  6  fr.  —  G.  Ro- 


biblio(;rapiiie  879 

loff,  Von  Jena  bis  zum  Wiener  Kongress.  Leipzig,  Teubner.  In-i6 
de  iv-n6  p.;  i  mk.  25.  —  H.  Roos,  Avec  Napoléon  en  Russie; 
souvenirs  de  la  campagne  de  1812.  Traduit  par  le  colonel  Buat. 
Paris,  Chapelot,  igiS.  In-8°  de  Lxiv-290  p.,  avec  fig.;  3  fr.  00.  — 
H.  Roos,  181 2.  Souvenirs  d'un  médecin  de  la  Grande  Armée.  Tra- 
duit de  rallemaïul,  par  M"'^  Lamotte.  Paris,  Perrin,  igiS.  ln-8°  de 
xxx-259  p.;  3  fr.  00.  —  Henri  Roussin,  William  Godwin,  1756- 
i836.  Paris,  Pion,  1914-  In-8°  ;  7  fr.  5o.  —  Erwin  Ruck,  Die  Sen- 
dung  des  Kardinals  de  Bavane  nach  Paris  1807-1808;  eine  Episode 
aus  der  Politik  Napoléons  I.  und  PiusMI.  Heidelberg,  Winter,  i9i3. 
In-4^  de  98  p.  ;  7  fr.  5o.  —  Aloys  Schulte,  Die  Schlaclit  bei  Leipzig, 
mit  einem  Schlaclitplan.  Bonn,  Marcus  und  Weber.  In-8°  de  82  p.; 
I  mk.  80. —  Friedrich  Schulz,  Das  Bilderbuch  der  Freiheitskriege. 
Dachau,  Gelber  \'erlag.  ln-8"'  de  gO-wix  p.;  i  mk.  90.  —  Comte 
de  Sérignan,  Napoléon  et  les  grands  généraux  de  la  Révolution  et 
de  l'Empire.  Paris,  Fontemoing,  I9i4-  In-8°;  7  fr.  5o.  —  A.  Si- 
mioni,  I  Napoletani  a  Tolone  (1793).  Napoli,  L.  Pierro,  igiS.  In-8° 
de  174  p.  —  Marc-Jules  Sués,  Journal  pendant  la  Restauration 
genevoise,  i8i3-i82i,  publié  par  Alexandre  Guillot.  Genève,  Jul- 
lien.  In-16  de  xii-299  p.  ;  3  fr.  5o.  —  N.  Tilliére,  Notice  sur  la  vie 
de  Dom  Malachie  Bertrand,  né  à  Mortehan  le  5  décembre  1706, 
moine  et  procurateur  d'Orval,  mort  à  Conanama  (Cayenne),  le 
26  septembre  1798.  Namur,  Impr.  de  1'  «  Ami  de  l'Ordre  »,  1918. 
In-i2  de  118  p.;  1  fr.  —  F.  Uzureau,  Andegaviana  (i4^  série). 
Paris,  Picard,  191 3.  In-8°  de  543  p.,  avec  carte.  —  F.  Uzureau, 
En  Vendée  militaire  :  Le  cimetière  des  MartjTs  d'Yzernaj  (canton 
de  Cholet).  Fontenay-Ie-Comte,  Impr.  Lussaud,  1918.  In-8°  de  8  p. 
—  F.  Uzureau,  Les  Mémoires  de  M™=  de  La  Rochejaquelein  et 
M.  de  Baranle.  Fontenay-le-Comte,  Impr.  Lussaud,  1918.  In-8°  de 
28  p.  —  F.  Uzureau,  Lin  martyr  de  la  foi  en  1794  '■  M.  Laigneau 
de  Langellerie,  aumônier  du  Carmel  d'Angers.  Lille,  Impr.  Deselée, 
1918.  In-8°  de  12  p.  —  F.  Uzureau,  Les  brùlements  d'archives  à 
Angers  pendant  la  Révolution.  Etat  sommaire  des  documents  dis- 
parus. Angers,  Grassin,  1914-  In-8°  de  42  p.  —  F.  Uzureau,  Polé- 
miques de  presse  à  Angers  au  lendemain  de  la  Terreur.  Angers, 
Grassin,  1918.  In-8°  de  4?  p.  —  F.  Uzureau,  Origines  de  la  paroisse 
Saint-Joseph  d'Angers.  Angers,  Grassin,  1914.  In-8°  de  36  p.  — 
F.  Uzureau,  Les  prêtres  insermentés  de  la  Mayenne  (1792).  Lille, 
Desclée,  1914-  In-8°  de  11  p.  —  S.  Viala,  Les  Volontaires  des 
Bouches-du-Rhône  (i  791 -1792).  Tome  L  Paris,  Chapelot,  1918. 
In-8°  de  5ii  p.  ;  10  fr.  —  O.  Vitense,  Mecklenburg  und  die  Meck- 
lenburger   in  der   grossen    Zeil   der   Befreiungskriege    iSi8-i8i5. 


38o       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

Neubrandenburg,  Nahmmacher.  Ia-8°  de  2o3  p.  ;  3  mk.  80.  — 
J.  Vivielle,  Le  voyage  du  vaisseau  «  le  Solide  »  autour  du 
monde  (1790-1792).  Paris,  Chapelot,  s.  d.  In-8°  de  36  p.,  avec 
carte.  —  Voltaire,  Œuvres  inédites,  publiées  par  Fcrnand  Caussy. 
Tome  I.  Paris,  Champion,  igiA-  In-8°  ;  10  fr.  —  Henri  Welschinger, 
Tacite  et  Mirabeau.  Paris,  Emile-Paul,  1914-  In-8'',  avec  fac-similé; 
3  fr.  5o.  — •  J.  Wisokopolsky,  Zur  Geschichte  des  Maximums;  der 
Preise  wâhrend  der  Jalire  1793-1794.  Berne,  Spahr,  1912.  In-8° 
de  59  p.  —  Adolf  Wohlwill,  Neuere  Geschichte  der  Freien  und 
,  Hansestadt  Hamburg,  insbesondere  von  1789  bis  i8i5.  Gotha, 
Perthes.  In-S"  de  .x-568  p.  ;  9  mk. 


PÉRIODIQUES 


Akadémiai  Ertesitô.  —  Août-septembre  igi3  :  Eugène  Gyalo- 
KAY,  L'armée  transylvaine  à  l'époque  de  l'irruption  des  Russes 
(1849). 

Âlbia  christiana.  —  IX  (1912)  :  L.  Entraygdes,  Jean-Marie  de 
Royère,  évêque  de  Castres,  pendant  la  Révolution  (1789-1792)  ; 
A.  Fabre,  Rectifications  et  additions  à  la  liste  des  prêtres  déportés 
du  Tarn  pondant  la  Révolution. 

Alhambra  (La)  [Grenade].  —  Avri/  igiS  :  Francisco  de  Paula 
Valladar,  De  la  Alhambra  [les  troupes  françaises  en  garnison  dans 
ce  château  pendant  la  guerre  d'Espagne].  —  Juillet  :  Cantiago 
CoLsoN,  Una  relaciôn  de  la  batalla  de  Bailén  de  18  de  septiembre 
de  i8o8. 

Alt-Arnstadt.  —  1912,  He/t  4  •'  Planer,  Bittschrift  des  Pfarrers 
Kôhler  zu  Plane  um  Schadenersatz  fur  dcn  Verlust  den  er  181 3 
erlitten  hatte. 

Amateur  d'autographes  (L').  —  Juillet  1918  :  L'inhumation  de 
la  princesse  de  Lamliallc  ;  Les  royalistes  et  la  Révolution  [lettre  du 
cardinal  de  Boisgelin  au  maréchal  de  Castries,  datée  de  Londres, 
24  décembre  1799];  Robespierre  jeune  à  Toulon  [lettre  d'Augustin 
Robespierre  k  son  frère  Maximilien,  datée  d'OUioules,  28  frimaire 
an  II,  et  dans  laquelle  il  raconte  les  combats  du  26  frimaire]  ; 
Philippe-Egalité  pendant  sa  détention  à  Marseille  [lettre  écrite  par 
Philippe-Égalité  au  mois  de  septembre  1798,  pendant  sa  détention 
au  fort  Saint-Jean,  k  une  amie  restée  k  Paris].  —  Août-septembre  : 
Claude  Perroud,  Le  vol  du  garde-meuble  en  1792  [série  de  do- 
cuments inédits  lires  des  Papiers  de  Rosière].  —  Octobre  :  Le 
patriotisme  de  la  mère  du  duc  d'Enghien  [mémoire  justificatif  de  la 
duchesse  de  Bourbon,  mère  du  duc  d'Enghien,  écrit  en  1798,  et 
dans  lequel  elle  retrace  sa  conduite  depuis  1789];  Le  Directoire  et 
les  étoffes  anglaises  [lettre  d'invitation  adressée  par  Talleyrand  k 
Sieyes,  le  11  nivôse  an  VI,  et  dans  laquelle  il  lui  recommande  de 
s'    «  interdire    tout   habillement   provenant   de    manufactures   an- 


382       REVUE    HISTORIOIE    DE    LA    RtVOLUTlON    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

glaises  »]  ;  IManuel  de  l'amateur  d'autographes  (général  baron 
Lejeunc,  convontionnel  Lejeune,  Lejosne). 

Anjou  historique  (L').  —  Juillet-ooùt  igi3  :  Sœur  Cellier,  supé- 
lieure  de  l'Hôtel-Dieu  d'Angers  (17(59-1837);  La  manufacture  de 
toiles  à  voiles  d'Angers  et  de  Beaufort-en-Vallée  (1789)  [mémoire 
adressé  aux  députés  de  l'Anjou  à  l'Assemblée  constituante,  le  24  dé- 
cembre 1789,  par  un  des  propriétaires-entrepreneurs  de  cette  manu- 
facture] ;  Treize  ans  de  fêtes  nationales  et  de  cérémonies  publiques 
à  Angers  (i 790-1804);  L'application  de  la  Constitution  civile  du 
clergé  en  Maine-et-Loire  [détails  tirés  du  Jour/ial  du  département 
de  Maine-et-Loire,  organe  de  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution 
d'Angers]  ;  L'Assemblée  législative  et  la  municipalité  d'Angers 
[adresse  de  la  municipalité  d'Angers  à  l'Assemblée  législative,  le 
12  août  1792];  Une  guerre  religieuse  au  dix-huitième  siècle  :  la 
Vendée;  L'école  secondaire  de  Saint-Julien,  à  Angers  (1797-1913); 
Pourquoi  les  Angevins  demandaient  un  lycée  (1802);  L'enquête 
gouvernementale  sur  le  clergé  du  Saumurois  (1802).  —  Septembre- 
octobre  :  M.  Pilastre,  député  de  Maine-et-Loire  (1752-1830)  [né  le 
28  octobre  1752,  membre  de  l'Assemblée  constituante,  de  la  Conven- 
tion, du  Conseil  des  Anciens,  du  Corps  législatif  et  de  la  Chambre  des 
Députés,  mort  le  24  avril  i83o]  ;  Pourquoi  les  Angevins  demandaient 
des  Etats  provinciaux  (1788);  Etat  du  clergé  du  diocèse  d'Angers 
en  1790  [extrait  de  VAlmunarh  de  la  province  d'Anjou  pour  l'année 
jygo];  Les  trois  cantons  d'Angers  (1790-1913);  Démolition  de  la 
chapelle  de  la  Vierge  à  l'abbaye  de  Bellefontaine  (1791);  La 
Convention  et  la  municipalité  d'Angers  [énumération  et  analyse  des 
adresses  envoyées  à  la  Convention  par  la  municipalité  d'Angers 
depuis  le  25  septembre  1792  jusqu'au  i"^"^  juin  1795];  L'école 
secondaire  des  Ursules,  à  Angers  (1798-1817);  Les  paroisses  du 
diocèse  d'Angers  (1802-1905);  Le  duc  d'Angoulême  à  Cholet 
(G  juillet  i8i4);  Le  monument  de  Bonchamps  à  Saint-Florent-lo- 
Vieil  [inauguré  le  11  juillet  1825];  Le  clergé  angevin  et  le  gouver- 
nement f  1834). 

Annales  de  Bretagne.  —  Novembre  igi3  :  P.  Hémon,  La  Révo- 
lution en  Bretagne.  Notes  et  documents.  Jacques  Quéinnec.  député 
du  Finistère  à  la  Convention  et  aux  Cinq-Cents  (suite  et  lin  en 
janvier  igii)  [né  le  28  mar.s  1735,  Quéinnec  fut  élu  député  à  la 
Convention  le  8  septembre  1792;  son  rôle  y  fut  assez  elTacé;  il 
protesta  contre  l'arrestation  des  Girondins,  et  fut  lui-même  arrêté 
le  3  octobre  1798  ;  remis  en  liberté  le  18  frimaire  an  111,  il  revint 
siéger  k-la  Convention;  son  rôle  au  Conseil  des  Cinq-Cents  ne  fut 
pas  plus  éclatant  qu'il  la  Convention;   il  mourut  le  2I')  avril  1817]; 


PÉRIODIQUES  383 

E.  Sevestre,  Le  clergé  breton  en  1801,  d'après  les  enquêtes  préfec- 
torales de  l'an  IX  et  l'an  X  conservées  aux  Archives  nationales 
(suite  Qnjfini'ipr  igi^). 

Annales  de  la  Société  d'émulation  de  Bruges. —  igi3  :  A.  van 
ZuYLEN,  Nos  dociles  peiulïinl  la  Ri''Volution  française. 

Annales  de  la  Société  royale  d'archéologie  de  Bruxelles.  — 
ig'3.  n°  1  :  Cil.  Pkkgamkni,  Les  fiHes  révolulionuaires  et  l'esprit 
pulilic  bruxellois  au  déliut  du  régime  frani;ais. 

Annales  des  fêtes  et  cérémonies  civiles.  —  III  {lyiS),  33  :  Z., 
Origine  et  signification  du  drapeau  tricolore.  —  34  :  Victor  Char- 
BONNEL,  La  fête  nationale  du  10  août. 

Annuaire  de  l'Ariége.  —  igi3  :  E.  Péli.ssier,  Les  ventes  de 
biens  nationaux  efl'ectuées  dans  le  département  de  l'Ariége  en  exé- 
cution de  la  loi  du  18  ventôse  an  IV. 

Apulia.  —  IV  {igi3),Jasc.  i-^  :  Ida  Ghisalberti,  Le  condizioni 
generali  del  Napoletano  e  gli  avvenimenti  del  1848  in  Terra 
d'Otranto  ricostruiti  sui  processi  politici. 

Archivio  storico  délia  Calabria.  —  /  {i<ji3),  i  :  G.  De  Mayo, 
L'insurrezione  caiabrese  dalhi  l)attaglia  di  Maida  aU'assedio  di 
Amantea.  —  2  :  G.  De  Mayo,  L'assedio  di  Amantea  (1806). 

Archivio  storico  italiano.  —  20  novembre  igi3  :  Roberto 
Halmarocchi,  l'rancesi  e  .Napolitani  iiel  1799. 

Archivio  storico  lombarde.  —  10  novemôre  igi3  :  A.  G., 
Napoleone  e  lo  svincolo  dei  béni  feudali  in  Lonibardia. 

Argovia.  —  XXXV(igt3)  :  D"  S.  Heubercer,  Albrecht  Reng- 
ger's  (1764-1835)  Briefwcchsel  mit  der  aargauischen  Regierung 
wîlhrend  des  Wiener  Kongresses. 

Badisches  Militàrvereinsblatt.  —  /fy/2  .•  Zur  Erinnerung  an  die 
Taten  und  Lridcn  der  liadisclieii  Truppeii  iin  russischen  Foldzug, 
1812. 

Baltische  Monatsschrift.  —  Juillet-août  i<ji3  :  P.  Th.  Falck, 
Goethe  und  der  Baron  Apollonius  von  Maltitz. 

Berichte  iiber  die  Verhandlungen  der  kgl.  Sàchsischen 
Gesellschaft  der  Wissenschaflen  zu  Leipzig.  —  LXV(igi3),  2  : 
Wilhelni  Stieda,  Die  Kontincntalsperrc  iii  Sacliseu. 

Biblioteka  Warszawska.  —  Septcnibrc  nji3  :  S.  Askenzy, 
Bonaparte  e(  les  Légions. 

Boletin  de  la  Sociedad  Castellana  de  Excursiones  [Valhi- 
dolid].  —  Novembre  jg/2  :  Pedro  Berooui,  Historia  del  Museo 
nacional   de  piutura  y  escultura  [fondé  par  le  roi  Joseph  en  1809]. 

BoUettino  storico  pavese.  —  XII(igi2),  3-4  :  G.  Natali,  Due 
colleghi  del  Lornonaco  a  Pavia  [G.  B.  de  Veio  et  B.  Galiauo,  qui 


3S4       REVUE    HISTORIOL'E    DE   LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

furent  les  collèyues  de  Francesco  Lomonaco  à  l'Ecole  militaire  de 
Pavie  en  ifiof)];  G.  Romano,  Kclii  Pavesi  délia  eampagna  di  Russia 
del  1812. 

Bulletin  de  l'Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de 
Clermont-Ferrand.  —  i(ji2  :  Régis  Cregut,  Le  soulier  de  Marie- 
Antoinette  à  Rovat. 

Bulletin  de  la  Société  archéologique,  historique  et  artis- 
tique «  Le  Vieux  Papier  ».  —  /"^  septembre  lyiS  :D''  C  Barbaud, 
Note  sur  les  vêtements  de  Napoléon  ;  H.  Vivarez,  Lettres  de  soldats 
du  premier  Empire;  R.  de  Cisternes,  Deux  lettres  du  général 
Desaix  au  général  Oudinot  ;  D'  H.  \'oisin,  Épisodes  de  la  cam- 
pagne d'Italie,  i8i3-i8i4  (suite  le  i"  novembre).  —  i"  novembre  : 
Ct.  (Ireste,  Les  billets  de  confiance  émis  pendant  la  Révolution; 
D'^  H.  Voisin,  Un  placement  de  l'empereur  Napoléon  !"■  ;  H. 
X'iVAHF.z.  A  pi-npos  lie  la  mni'l  de  Lavnisier. 

Bulletin  de  la  Société  des  Amis  du  Vieil  Arles.  —  IX{iqi2)  : 
Pierre  \'éhan.  La  Ri''volulii)n  dans  Arles. 

Bulletin  de  la  Société  des  études  littéraires,  scientifiques 
et  artistiques  du  Lot.  —  A'A'AT//  {t<ji2)  :  A.  Combes,  Analyse 
des  registres  munie  ipaux  de  la  commune  de  Cahors  tenus  pendant 
la  Révolution;  B.  Paumes,  La  grande  Peur  en  Quercv  et  en 
Rouergue.  —  XXXVIfl  (if/i3)  :  Abbé  E.  Sol,  Le  clergé  du  Lot 
sous  la  terreur  fruclidoiienne. 

Bulletin  de  la  Société  des  lettres,  sciences  et  arts  de 
Bayonne.  —  J<Ji^  ■  Ch.  Juneau,  Le  blocus  de  Rayonne,  d'après 
des  documents  inédits  (i8i3-i8i4)- 

Bulletin  de  la  Société  percheronne  d'histoire  et  d'archéo- 
logie. —  A'//  (/9/0).  3  :  G.  (-reste,  Le  papier-monnaie  émis  à 
IMorlagne  pendant  la  Révrilutidii. 

Bulletin  de  la  Société  scientifique,  historique  et  archéolo- 
gique de  la  Corréze.  —  A'A'A'/r  {igi2)  :  J.  de  Saint-Germain, 
L'affaire  Chignac  des  Ailleau  (10  novembre  1790);  Colonel  Vermeil 
de  Coi'Chakd.  Le  général  Martial  Vachot  (176.3-1813). 

Calendrier  héraldique  vaudois.  —  nji4  •"  Les  armoiries 
il'Augusle  Piddu,  1704-1821  [président  de  l'Assemblée  provisoire 
en  1798,  landamann  du  canton  de  Vaud  en  l8i5]. 

Carnet  de  la  Sabretache.  —  Août  igi3  :  H.  Defontaine,  Le 
colonel  d'artillerie  Chauveau  (1778-1813)  (suite  en  septembre); 
Lettre  du  maréchal  Davout,  prince  d'Eckmûhl,  relative  au  général 
de  division  comte  Priant;  Lettres  adressées  au  général  .Michaud 
p;u-  Moreau,  Pichegrn  et  Mural.  —  Septembre  :  J.  Durieux.  Le 
général  Beyrand  (i7t')8-i7()("i)  ;  Deux  lettres  de  Bonaparte  relatives 


PÉRIOIJICJUES  3S5 

au  siègo  do  Toulon  (1795).  —  Octobre  :  Campagnes  et  souvenirs  de 
Jean-Augusie  Oyon  (1783-1832)  (suite  en  novembre);  Lieutenant 
CoRNiLLE,  Le  colonel  Seguier  (1777-1826);  Lettres  do  campagne  du 
sergent-major  Dumey,  de  la  8°  demi-hrigade,  et  lettres  qui  lui 
furent  adressées  (suite  en  novembre)  ;  0.  Hollandeh,  Les  drapeaux 
des  domi-brigades  d'infanterie  légère  de  la  République  italienne, 
de  1802  à  i8o5;  Lettres  adressées  a  la  comtesse  d'Harville,  femme 
du  général,  par  Juvénal  Corbineau,  Constant  Corbinoau,  Durosnel 
et  Goullus,  de  1792  à  l'an  VIII,  et  lettre  adressée  par  elle-même 
à  Merlin  do  Douai;  G.  Cottreau,  Garde  du  corps  (1820-1880); 
Capitaine  de  vaisseau  Barthes,  Rapport  sur  la  prise  du  brick  fran- 
çais le  Lodi,  par  le  brick  anglais  Rancoon.  sur  la  rade  de  Lesgano, 
le  22  messidor  an  XL  —  Novembre  :  G.  Cottreau,  Lancier  d'Oi- 
léans  (i83o);  Lettres  du  général  de  Beurnonville. 

Chronique  médicale  (La).  —  i"  décembre  igi3  :  Le  tempé- 
rament lie  M""^  de  Sla(''l. 

Contemporains  (Les).  —  7  décembre  igi3  :  F.  Normand,  Géné- 
ral Rapp,  aide  de  camp  de  Napoléon,  pair  de  France  (1771- 
1821).  —  1-4  décembre  :  K.  Huon,  Cardinal  Caprara,  légat  du 
Saiul-Sioge  (r  733-1 8 10). 

Correspondant  (Le).  —  20  juillet  lyili  :  Frédéric  Bahbey, 
L'odyssée  d'un  ami  de  M™^  de  Staël  :  Ferdinand  Chrislin,  d'après 
des  documents  inédits  (suite  et  fin  le  10  août)  ;  Noël  do  Clazan, 
Une  ennemie  de  Napoléon  :  la  duchesse  d'Escars.  '  —  /o  août  : 
Maine  DE  BiRAN,  Lettres  politiques  inédites  à  M.  Laine  (1816-1818), 
publiées  avec  un  avant-propos  et  des  notes  par  A.  de  La  Valette- 
Monbrun  ;  De  Lanzac  de  Laborie,  Les  Bonaparte  pendant  la 
première  Restauration  [d'après  le  tome  X  de  Napoléon  et  sa  Jamilte 
par  Frédéric  Masson].  —  25  août  :  Duchesse  iI'Angoulème,  Sou- 
venirs de  181D  [manuscrit  inédit  des  archives  de  Frohsdorf,  publié 
avec  une  introduction  et  des  notes  par  François  Laurcntiel; 
Henri  de  Noussanne,  L'aventure  d'Alexandre  Andryane,  d'après  ses 
mémoires,  sa  correspondance,  les  lettres  de  sa  famille  et  de  ses 
amis  (suite  et  fin  le  10  septembre);  Cla\ide-Noel  Desjoyeaux,  La 
bataille  de  Dresde  (26  aoiît  181 3),  d'après  une  lettre  d'Hector 
Perronc  di  San  Martino.  —  ^5  septembre  :  Ingres,  Lettres  inédites 
à  M.  Marcotte,  publiées  par  Henry  Lapauze  (sui.te  et  fin  le  /o  oc- 
tobre) [lettres  s'échelonnant  de  1819  à  i84i].  —  /o  octobre: 
Edouard  Gachot,  Le  drame  de  Leipzig  [d'après  des  documents 
inédits]  ;  Pouget  de  Saint-André,  Le  mariage  de  Dumouriez  [le 
mariage  de  Dumouriez  avec  M"'  de  Broissy  ont  lieu  le  i3  sep- 
tembre  1774)  les  deux  époux  se  séparèrent  eu  1789,  M™' Dumou- 

REV.   HIST.    DE  LA   RÉVOL.  25 


38C       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION'    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

riez  mourut  en  1807  et  son  mari  u'on  fut  informé  qu'en  i8i4]-  — 
10  décembre  :  Armand  Pranhel,  Les  souvenirs  d'un  émigré,  d'après 
des  Mémoires  inédits  [ces  souvenirs  sont  ceux  du  vicomte  de  Com- 
bettes  de  Gaumon.  doyen  de  la  cour  royale  de  Toulouse,  qui 
quitta  la  France  en  février  1791,  voyagea  en  Europe  et  en  Amé- 
rique, rentra  en  France  en  1802,  et  mourut  à  Toulouse  le  24  fé- 
vrier i855];  François  Rousseau,  Les  faux  billets  de  Napoléon  I" 
[la  police  secrète  impériale  organisa,  en  1810,  une  fabrique  de  faux 
billets  de  banque  anglais  et  russes,  qui  était  installée  rue  Saint- 
Jacques,  et  qui  cessa  de  fonctionner  en  i8i3];  Noël  de  Clazan, 
Le  tzar  Alexandre  I"  et  Metternich.  — ■  20  décembre  :  Gustave 
Gautherot,  Les  destructions  révolutionnaires  dans  les  Palais  du 
Louvre,  de  Versailles  et  de  Fontainebleau  ;  De  Lanzag  de  Laborie, 
Deux  médecins  militaires  au  temps  des  guerres  napoléoniennes 
[Lagneau  et  Rous]. 

Deutsch-Evangelisch.  —  IV  {igi3)  :  Martin  Lang,  Deutsche 
evangelisehe  Fiiimmigkeit  in  den  Freiheitskriegen  ;  Karl  Aner, 
Friedrich  Nicolai,  lySS-iSii  ;  Erich  Knabe,  Die  Schlacht  bei 
Leipzig  im  religiosen  Urteil  ilirer  Zeit. 

Documents  de  l'Académie  des  sciences,  belles-lettres  et  arts 
de  Savoie. —  ]7If( /gjo)  :  (JhanoinePiccARD,  La  Révolution  on  Cha- 
liiais  :  Actes  administratifs  de  la  commune  de  Saint-Paul  (i  792-1 798). 

Elsàssische  Kulturfragen.  —  //  {igi2)  :  Robert  Holtzmann, 
l'ebir  lias  Dentschtiim  im  Elsass  vor  der  Révolution. 

Études.  —  5  juin  igi3  :  P.  Bernard,  A  la  remorque  de  la 
France.  II  :  Tàme  allemande  et  la  réaction  romantique. 

Feuilles  d'histoire.  —  /"  septembre  igi3  :  T.  de  Lameth, 
Notes  sur  les  Souvenirs  de  la  marquise  de  (^réquy  (suite  les  1"  oc- 
tobre, I"  novembre  et  i"  déceinb/'e);  Cl.  Perroud,  André  Cliénier 
et  Du]>ort-Dutertre  ;  E.  Welvert,  Lakanal  au  lycée  Bonaparte 
(suite  le  /"  octobre);  A.  Dubois-Dilange,  La  carrière  diplomatique 
d'Alquier.  —  /='"  octobre  :  A.  Vovard,  Le  généralJacques  de  Carie  ; 
A.  DuBois-DiLANGE,  La  radiation  de  Lafayettc  de  la  liste  des  émi- 
grés; L.  Maurer,  Le  régiment  de  Prusse;  \.  Chuouet,  Il  y  a  cent 
ans  :  i8i3;  F.  Lelorrain,  Thuriot,  président  d'assassins;  M.  Cito- 
LEU.K,  Vigny,  théoricien  de  la  Révolution.  —  /"  novembre  :  F.  Le- 
LORRAiN,  Un  conventionnel  désabusé  :  Pérard  ;  G.  V.^uthier,  Edifices 
et  promenades  de  Paris,  an  Ill-aii  VIll  ;  A.  BiovÈs,  i8i-3  :  Souvenirs 
du  capitaine  Maurice  :  le  siège  de  Danlzig  ;  E.  Welvert,  André  Du- 
mont,  fonctionnaire  impérial  ;  A.  de  Tarlé,  Ouelques  documents. 
—  i"  décembre  :  A.-  Chuouet,  La  galerie  des  aristocrates  militaires  ; 
R.  GuYOT,  Talleyrand  et  Lord  Yarmouth  ;  Comm;mdaiit  Minajvt, 


PÉRIODIQUES  387 

La  brigade  de  cuirassiers  saxons  Von  HoItzendorfF  à  la  hataille 
de  Leipzig;  G.  Vauthier,  Un  Barbiste  en  i8i3-i8i4;  E.  Welvert, 
Lettres  d'exilés,  1816. 

Figaro  (Le),  supplément  littéraire.  —  6  décembre  igi3  :  Augus- 
tin TnncRRY,  Gazetiers  et  journalistes  d'autrefois  :  Prudhomme  et 
Loustalot.  —  i3  décembre  :  Boppe,  L'Albanie  et  Napoléon  l".  — 
ly  Janvier  igi^  :  Marcelle  Delà  vigne,  Le  mariage  de  la  princesse 
de  Lamballe  ;  Edouard  Gachot,  Mil  huit  cent  quatorze.  —  3 r  Jan- 
vier :  Maurice  Levaillant,  Madame  de  Chateaubriand.  —  j février  : 
J.  Galzy,  Bernardin  de  Saint-Pierre,  auteur  dramatique. 
Floréal.  —  Janvier  i(}i4  ■  Gustave  Rouanet,  Robespierre. 
France-Italie.  —  i"  octobre  igi3  :  Guglielmo  Ferrero,  L'Italie 
et  la  Révolution  française  [les  idées  de  la  Révolution  française  ont 
toujours  rencontré  une  grande  résistance  en  Italie,  et  leur  influence 
a  été  très  réduite]  ;  Jacques  Rambaud,  Les  Italiens  dans  la  cam- 
pagne de  Russie  [le  4^  corps  de  la  Grande  Armée  comprenait 
29.000  Italiens,  dont  la  plupart  périrent  dans  la  campagne  de 
Russie;  en  i8i3,  l'Italie  resta  fidèle  à  Napoléon,  et,  au  printemps 
de  cette  année,  les  contingents  italiens  de  la  Grande  Armée 
s'élevaient  k  80.000  hommes]. 

France  médicale  (La).  —  5.5  décembre  igi3  :  F.  Uzureau,  Le 
cours  d'accouidienient  à  Angers  (i  792-1807). 

Geschichtsblàtter  des  deutschen  Hugenottenvereins.  — 
XIV  {igi2),  2  :  L.  Achard,  Die  franzôsisch-  reformierte  Gemeinde 
zu  Homburg  v.  d.  Hôhe  :  Pfarrer  Claude  Louis  Pache,  1779- 
181A. 

Heimatschutz.  —  VI/l(igr3),  12  :  Beresina-Lied. 
Intermédiaire  des  chercheurs  et  curieux.  —  10  novembre 
igi3  :  Un  Poincaré  sous  la  Teneur  (suite  le  /o  décembre^;  A 
propos  de  Blûcher.  Vulgum  pecus  (suite  les  20  et  3o  novembre  et 
10  décembre);  Portrait  moral  de  Joseph  Fouché,  ministre  de  la 
police  générale  en  1802.  —  20  novembre  :  Le  tableau  de  David 
«  La  mort  de  Michel  Lepeletier  »  ;  La  condamnation  de  Louis  XVI 
et  la  franc-maçonnerie  ;  Prière  pour  l'Assemblée  nationale  ;  La 
comtesse  Custine  ;  Le  mariage  de  la  fille  de  Louis  XVI.  —  10  dé- 
cembre :  Les  prisonniers  de  Saint-Florent.  Guerres  de  Vendée 
(suite  le  20  décembre)  ;  Les  pages  de  Napoléon  I",  de  Joséphine 
et  de  Marie-Louise  ;  A  propos  de  Laplace  ;  Metternich  avec  un 
bracelet  de  cheveux.  —  20  décembre  :  Louis  XVII,  sa  mort  au 
Temple  (documents  inédits);  Musée  Waterloo  à  Londres.  —  3o  dé- 
cembre :  Voltaire  et  le  Canada  ;  Livrée  du  roi  Louis-Philippe  ;  Une 
lettre  de  Voltaire. 


388       REVIE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE   l'eMPIKE 

Internationale  Monatsschrift.  —  Février  igi^  :  H.  Glagau, 
Xt'ur  .Maile-Aiilniiiette  Ijiiefo. 

Internationale  Sammler-Zeitung.  —  i"  juin  igi3  :  Napoleo- 
nica  [estampes]. 

Italia  [Turin].  —  /  {igi2),  ir  :  F.  M.  Zandrino,  Malo  Jaros- 
lavetz. 

Jahrbuch  der  Grillparzergesellschaft.  —  A'A'  {igia)  :  Drei 
Briel'e  voii  Zediitz  an  Motteriiich. 

Jahresbericht  des  Hagenauer  Altertumvereins.  —  igis  : 
Heiiirich  Lkmpfrid,  Dit  liageiiauer  Kaiionikus  Franz  Kaspar  Lemp- 
frid,  i7.'iii-i8oo. 

Jahresbericht  des  Vereins  zur  Erhaltung  der  Altertûmer  in 
Weissenburg  fiir  das  Jahr  1912.  —  Altorffer,  Ans  der  Chronik 
des  jiinqeren  Johann  (iliristoph  Selierer.  1789-1791). 

Journal  des  Savants.  —  Décembre  igi3  :  H.  Déherain,  Les 
actes  du  Directoire  exécutif  relatifs  à  l'Institut  national,  du  11  bru- 
maire an  i5  messidor  an  IV. 

Jung-Baden.  —  /  (igis)  :  Otto  Fritz,  Baden  vor  100  Jahren  ; 
Die  Badeiier  an  der  Beresina  am  28.  Novemher  181  2. 

Kôzgazdasàgi  Szemle.  —  Octobre  igiB  :  L.  Camille  Sipos, 
Données  pour  servir  à  l'histoire  de  la  littérature  économique  des 
années  i84o-i85o. 

Légitimité  (La).  — Novembre  igi3  :  Bourbon  contre  Rochefort; 
OsMOND,  Réplique  à  M.  Laurentie  ;  Faux  Dauphin  posthume;  F.  de 
NioN,  Le  petit  homme  rouije  du  Louvre  (octobre  1789).  — Décem- 
bre :  \.  BoNNARD,  Procès  et  mort  de  Marie-.Antoinette  (i5  et  16  oc- 
tobre 1793). 

Lettura  [Milan].  —  A'//  (igi2),  12  :  C.  Civimm,  Sulle  orme 
imperiaii  nell'  isola  d'Ellja. 

Magyar  Figyelô.  —  16  juin  igiB  :  Jules  Gesztesi,  Un  diplo- 
mate honyrois  dans  la  Révolution  de  Juillet  [à  propos  de  la  publi- 
cation des  Mémoires  du  comte  Rodolphe  ,\ppon\i].  —  16  octobre  : 
Henri  Marczali,  Mirabeau.  —  16  novembre  :  Ladislas  Felekt,  La 
h)i  de  1848  sur  la  pre.sse  et  la  liberté  de  la  presse. 

Marches  de  l'Est  (Les).  —  Septembre  igi3  :  Capitaine  Blaison, 
Le  .sièi|e  de  Bell'orl  en  1810  [trois  rapports  du  général  Lecourbe  au 
prince  d'Eckmùhl.  ministre  de  la  Guerre,  en  juillet  181 5].  — 
Octobre  :  Jules  Patouillet,  Les  deux  derniers  jours  de  la  vie  de 
Catherine  II  [extrait  des  Mémoires  de  Madame  Narychkine,  fille  du 
comte  Rostoptchinej.  —  Décembre  :  Madame  de  Sabran  au  Ballon 
d'.\lsàce  [trois  lettres  de  Madame  de  Saliran  au  chevalier  de 
Boufllers,  datées  des  i".  2  et  3  septembre  1787];  Le  barou  Puton 


PÉRIODIQUES  389 

[né  à  Remiremont  le  18  septembre  1779,  le  baron  Puton  prit  part 
aux  guerres  de  la  Révolution  et  de  l'Empire,  fut  mis  à  la  retraite 
en  1816,  et  mourut  le  i3  mars  i856|. 

Mémoires  de  la  Société  académique  du  Nivernais.  — 
7 orne  X\'I/ (igi3)  :  Octave  Simonot,  Etude  morale  sur  Saint-Just 
[étude  consBiCvée  k  VOrgant  de  Saint-Just]  ;  Louis  Gueneau,  Note 
sur  quelques  industries  du  Nivernais  à  la  fin  du  dix-huitième  siè- 
cle ;  Louis  JoLivET,  Le  Jardin  Botanique  de  Nevers  (1793-1799). 

Mercure  de  France.  —  /6  septembre  iqi3  :  Louis  Péru  de 
Lacroix,  Bolivar  jugé  par  un  officier  de  Napoléon  [pages  extraites 
des  notes  laissées  par  Louis  Péru  de  Lacroix,  intitulées  par  lui 
Journal  de  Bucaramanga,  et  pui)liées  récemment].  —  i^'  noogmbre  : 
Jac(|ues  Morland,  Le  dix-huilième  siècle  et  la  critique;  Mario 
ScHiFF,  Mirabeau  au  donjon  de  Vincennes,  à  propos  d'une  lettre 
inédite  [lettre  écrite  à  Vincennes,  le  3o  mai  1780].  —  16  novembre  : 
Grétry,  Sur  Diderot  [fragment  inédit  des  Réjlexions  d'un  solitaire 
et  publié  par  J.-G.  Prodhomme].  —  16  décembre  :  François  Prin- 
GAULT,  Restif  de  la  Bretonne  communiste  [citations  tirées  des 
œuvres  de  cet  écrivain  et  qui  montrent  qu'il  considérait  le  commu- 
nisme comme  «  le  meilleur  des  gouvernements,  l'unique  digne 
d'hommes  raisonnables  »]. 

Montagsblatt  (  Wissenschajtliche  Beilage  sur  Magdeburger 
Zeiluiig).  —  >gi2  :  F.  Andreae.  Zur  Kapitulation  von  Magdeburg 
180G;  H.  JiiTTE,  Der  deutsche  Vôlkerfrùhliug  i8i3. 

Nord  und  Sud.  — Février  igi4  •'  E.  !Merten,  Napoléon  auf  Elba  ; 
Alfred  MiiLLER,  Das  Vôlkersclilachldenkmal  und  seine  Frieden- 
symbole. 

Nyugat.  —  16  juin  igi3  :  Emeric  Halasz,  Ladislas  Szalay  :  un 
chapitre  de  l'histoire  des  relations  hongroises  et  allemandes  de  i848. 

Ortenau  (Die).  —  ig'2>  Heft  4  •'  Hermann  Waizenegger,  Das 
Gefecht  um  die  Schwabenschanze  auf  dem  Rossbûhl  im  Rahmen 
der  allgemeinen  Kriegsereignisse  des  Jahres  1796  in  Deutschland. 

Paix  (La)  [Genève].  —  V/(jgi3),  6  :  W.  Kohl,  Napoléon  à  la 
lumière  du  pacifisme. 

Patria  [Milan].  —  II(igi3)  3  :  A.  Curti,  Dal  Niémen  al  Niémen 
(1807-1812). 

Pro  Cultura  [Trente].  —  IV {igi3),  1-2  :  P.  Pedrotti,  11  ïrentino 
alla  vigilia  dell'  insurrezione  tirolese  del  1809. 

Province  du  Maine  (La).  —  Août  igi3  :  F.  Uzureau,  Rétracta- 
tion d'un  prêtre  constitutionnel,  1796. 

Quarterly  Review.  —  CCXVIII  (igi3)  :  G.  K.  Fortescue,  La 
Révolution  française  dans  la  littérature  de  l'époque. 


'6r)0     UEvuK  iiisiouiori:  \>i:  la  iiKvoLrrioN  fuançaise  et  de  l'empire 

Rassegna  contemporanea.  — V(i;/i2'),  7  ;  G  Tkavali,  Viccnde 
clio  produsscro  le  riloiiiie  coslituzionali  del  1812.  —  8  :  L.  Gappeiv 
LETTi,  L'itnpcnilrice  -Maria  Luiyia  iiell'  intimitk.  —  VJ  (/fy/.?),  4  ■' 
(j.  TiiAVAi.i,  La  hanilicra  délia  repubblica  italiana  del  1802. 

Rassegna  nazionale  TLa).  —  j6  nonembre  ini3  :  A.  Poggiolini, 
l-a  Spezia  iiel  priiudo  iiajirilrMuiico  f  ddia  restaurazioni'. 

Revista  de  Archivos,  Bibliotecas  y  Museos.  —  Sam-nibre-dé- 
cenihri'  kji!'  :  Catriilli-  I'jidi.i.et,  Napoléon  à  \alladolid  en  1809. 

Révolution  dans  la  Sarthe  fLa).  —  Jcuwier-mars  kjiS  :  Mau- 
rice Jij.ssEi.iN,  llelvrtiiis  et  Madame  de  Pompadour  à  propos  du 
livre  et  de  rafluire  De  l' Esprit,  d'aprfes  des  lettres  inédites  d'Helvé- 
tius  et  du  l'ère  Plesse  (1708-171)1);  Louis  Calendim,  La  famille  et 
le  lieu  d'origine  de  Lo\iis  Courtillé,  dit  a  Saint-Paul  »  [le  fameux 
chef  chouan  est  né  a  Montreuil-on-Ghampagne,  le  aG  février  1769]. 
—  Avril-juin  :  Gustave  Uudleu.  Benjamin  Constant,  député  de  la 
Sarthe  (1819-18x2). 

Révolution  dans  les  Vosges  (La).  —  /^rtr/77/7/.V  .Albert  Ohl, 
Éphéniérides  de  la  iîévolutinn  à  Saint-lJié  (suite  le  1 4  Juillet);  E. 
Richard,  Bussaufj  pendant  la  Révolution  (suite  le  t//  juillef)  ;  P. -M. 
Favret,  Inventaire  de  l'abbaye  d'Etival  [inventaire  fait  par  la  mu- 
nicipalité de  Viviers,  le  17  mai  1790  et  les  jours  suivants].  —  i4  juil- 
let :  François  Hessei-at,  François  (de  Neufchàteau)  jugé  par  un  de 
ses  contemporains  [e.vtrait  des  Mémoires  inédits  de  F'rançois  Hes- 
.selat,  qui  fut  [)ro['esseur  au  collège  d'F^pinal  de  1789  à  1791]; 
G.  Lemasso.n,  La  loi  du  ma.vimum  dans  le  district  de  Bruyères  ;  Léon 
Schwah,  Une  lettre  autographe  de  Fouquier-Tinville  [lettre  datée 
du  I"  août  1793  et  adressée  au  procureur  général  syndic  du  dépar- 
tement des  Vosges  pour  lui  signifier  un  ordre  de  séquestre  des  biens 
de  Ji'an-Manrice  Gollinet  de  La  Salh'-Ghonville,  condamné  à  mort 
j)ar  jugement  du  tribunal  révolutionnaire]  ;  Discours  prononcé  au 
Temple  de  l'Eternel,  au  Clerjus  [par  Glaude  Liégerol,  le  20  ther- 
midor an  II];  A.  Ph.,  Les  noms  révolutionnaires  des  ()laces  et  rues 
d'Epinal  [arrêté  du  Gonscil  général  de  la  commune  d'Epinal,  en 
date  du  5  mai  1793]. 

Révolution  de  1848  (La).  —  Septembre-octobre  ij/iS  :  Léon 
Di.RiEs,  L'all'airr  du  n'^gent  de  rhétorique  Gauivet  au  collège  de  Va- 
iognes  en  1849;  Pierre  Brau.n,  L'exil  épiscopal  de  M»'  de  Forbin- 
Janson,  évéque  de  Nancy  ;  Gustave  Laure.nt,  La  campagne  d'Algé- 
rie et  la  Révolution  de  i848  (.souvenirs  de  Louis  Beugé)  (suite  en 
nooembre-décenibre)  ;  Lettres  de  et  à  LéonWALiiAS  (suite  en  novem- 
bre-décembre). —  Novembre-décembre  :  Go.ssez,  Les  professions  de 
foi  républicaines  dans  le  département  de  la  Seine-Inférieure  pour 


PÉRIODIQUES  3()I 

les  élections  du  28  avril  1848;  Abbé  Uzureau,  Les  statues  des  gé- 
néraux vendéens  et  le  gouvernement  de  Juillet  (iSSa). 

Révolution  française  (La).  —  /4  novembre  iqi3  :  L.  Dutil,  Los 
«  Communes  »  en  1792  et  le  Comité  central  des  sections  de  Toulouse  ; 
J.  BouAULT,  L'arrestation  de  Mesdames,  tantes  du  Roi,  à  Arnay-le- 
Duc  ;  D.  Baud,  Le  parti  libéral  à  Lyon  de  1824  à  1827  ;  A.  Tuetey, 
Un  mémoire  de  Yerninac.  —  i^  décembre  :  R.  Axchel,  Les  Jaco- 
bins de  Bretcuil  ;  E.  Lévt,  Les  prénoms  de  l'an  IL 

Revue  (La).  —  /"■  novembre  iqi3  :  E.  Faguet,  Femmes  de  181 5  ; 
Arthur  Chuquet,  Le  commissaire  Sicard.  —  i5  novembre  :  E.  Fa- 
guet, La  jeunesse  dorée  sous  Louis-Philippe. 

Revue  catholique  d'Alsace.  —  Mai-août  iyi3  :  Lévy,  L'aliéna- 
tion et  le  dépouillrment  des  églises,  ainsi  que  la  profanation  des  ci- 
metières, pendant  la  Grande  Révolution  ;  La  confiscation  des  pre.s- 
bytères  dans  la  Haute-Alsace  pendant  la  Grande  Révolution. 

Revue  catholique  et  royaliste.  —  20  novembre  igi3  :  E.  Cla- 
veouin.  Denis  Diderot.  —  vo  décembre  :  A.  Grenel,  Les  origines 
mai;c)nnii|ucs  de  la  Révolution  française. 

Revue  critique  des  idées  et  des  livres  (La).  —  25  novembre 
lyiS  :  Henri  Rouzaud,  Quelques  libertés  locales  avant  178g  [le  ca- 
nal de  Languedoc,  la  mine  de  Rancié,  la  corporation  toulousaine 
des  serruriers].  —  10  décembre  :  André  M.  de  Poncheville,  Delille 
et  les  préludes  de  la  sensibilité  romantique;  André  Rostand,  Les 
origines  de  la  conservation  des  monuments  historiques  [le  premier 
document  officiel  est  le  rapport  présenté  par  Guizot  en  t83o,  à  la 
suite  duquel  Vitet  fut  nommé  inspecteur  général  des  monuments 
historiques].  —  10  janvier  igi4  ■'  Henri  Rouzaud,  Une  capitale  pro- 
vinciale à  la  veille  de  la  Révolution  [Toulouse  dans  la  seconde  moi- 
tié du  dix-huitième  siècle]  ;  Marcel  Drouet,  Les  vœux  et  doléances 
du  Tiers  Etat  serlanais  ;  F.  Renié,  Napoléon  et  la  Vendée. 

Revue  d'artillerie.  — Novembre  igi3:  Chef  d'escadron  Romain, 
Contribution  à  l'histoire  de  l'artillerie  :  La  commission  extraordi- 
naire de  l'an  XI. 

Revue  de  Bretagne.  —  Août  igi3  :  E.  Galmiche,  La  poste  aux 
lettres  dans  le  département  des  Côtes-du-Nord  pendant  la  Révolu- 
tion française. 

Revue  de  Gomminges.  —  XXVH {igis)  :  J.Décap,  Les  députés 
du  Commiiiges  aux  Etats  généraux  de  1789. 

Revue  de  l'histoire  des  colonies  françaises.  —  Juillet-septem- 
bre igiS  :  Baron  Carra  de  \'aux,  Documents  sur  la  perte  et  la  ré- 
trocession de  la  Guyane  française,  1809-1817. 

Revue  de  l'histoire  de  Versailles  et  de  Seine-et-Oise.  — Août 


392       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

iyi3  :  J.-E.  Engrand,  Le  chàleau  de  Maisons,  de  l'an  V  de  la  Répu- 
blique jusqu'à  nos  jours;  A.  Terrade,  Le  Moïse  de  Chateaubriand 
à  Versailles  et  à  l'Odéon  en  i834;  C.  Porquet,  Le  notarial  versail- 
lais  pendant  la  Révolution  ;  R.  du  Lac,  Un  sous-préfet  de  Rambouillet 
.sous  la  Restauration. 

Revue  de  Normandie.  —  i3  septembre  ii)i3  :  E.  Sevestre,  Etudes 
générales  du  dix-liuilième  siècle  et  de  la  Révolution  intéressant 
l'histoire  de  la  Normandie. 

Revue  de  Paris  (La).  —  i"  septembre  iqi3  :  Général  L.afaille, 
Mémoires  :  L'Ecole  de  Mars  (179^)  (suite  le  i5  septembre).  —  i5  no- 
vembre :  C.  Gévei,  et  J.  Rabot,  La  censure  tliéàtrale  sous  la  Res- 
tauration. 

Revue  des  Deux-Mondes.  —  1"  août  igi3  :  Ernest  Daudet,  A  tra- 
vers de  récents  incuiuires.  —  1"  septembre  :  Emile  Faguet,  Le  «  char- 
tisme  »,  socialisme  anglais  de  i83o-i848.  —  1"  novembre  :  P.  de 
Nolhac,  Le  jardin  de  Marie-Antoinette  au  Petit  Triauon.  —  1"  dé- 
cembre :  Comte  d'HAUssoNviLLE,  Madame  de  Staël  et  Necker,  d'a- 
près leur  correspondance  inédite.  —  lô  décembre  :  T.  deWvzEWA, 
L  n  amour  du  jeune  Mozart. 

Revue  des  études  historiques.  —  Septembre-octobre  igi3  : 
Lefebvre  de  Réhaine,  Les  opérations  do  l'armée  austro-bavaroise 
au  mois  d'octobre  i8i3  :  l'attaque  de  Wurzburg;  J.  Harmand,  Une 
prophétie  du  seizième  siècle  sur  la  Révolution  :  le  Liber  mirabilis. 
—  Novembre-décembre  :  M.  E.,  Une  expérience  d'aviation  en  Espa- 
gne à  la  fin  du  dix-huitième  siècle. 

Revue  des  études  napoléoniennes.  —  Sejitcinbrc  lyio  :  E.  Ga- 
zes, Napoléon  à  Versailles  et  Trianon  ;  Edouard  Driault.  Tilsit  ; 
Louis  Delavaud,  Lettre  de  la  princesse  des  Asturies  a  Madame  de 
Mandell  ;  Roger  Peyre,  Les  événements  artistiques  de  l'année 
i8i3. 

Revue  des  Français.  —  20  Juillet  iyi3  :  IL  Mazel,  Le  caractère 
de  Napoléon.  —  20  septembre  :  L.  Thomas,  Napoléon  au  Conseil 
d'Etat,  —  3o  septembre  :  Edmond  Beaurepaire,  Les  logis  de  Dide- 
rot. —  3o  octobre  :  J,  d'IvR.^Y,  L'Egypte  au  temps  de  Bonaparte. 
(suite  les  10  et  20  novembre  ).  —  10  novembre  :  A.  Arnyvelde, 
Vieux  papiers  :  la  (|ueslioii  de  l'Opéra  en  i83o. 

Revue  des  questions  historiques.  —  /"Juillet  iiji3  :  P.  Mon- 
TARLOT,  Un  agent  de  la  police  secrète  (1800-1817)  :  Je;in-Marie 
François  (suite  le  /"'^  oc^oire)  ;  Comte  de  Sérig.nan,  Une  carrière 
militaire  sous  le  premier  Empire  (1809-1813)  :  le  lieutenant  de 
Boulin.' —  i"  octobre  :  C.  Constantin,  L'élection  de  l'évêque  cons- 
titutionnel de  la  Mcurlhe  en  1791. 


PÉRIODIQUES  898 

Revue  des  sciences  politiques. (uillet-août  igi3  :  0.  Festy, 

Le  mouvement  ouvrier  à  F;iris  en  i84o  (suite  en  septembre-octobre 
et  en  novetnbre-déceinbre).  —  Septembre-octobre  :  A.-C.  David, 
La  première  bibliothèque  du  Conseil  d'Etat  (1800-1806). 

Revue  d'histoire.  —  Septembre  igiS :  A.  L.,  L'œuvre  militaire  de 
la  Révolution  (suite  en  octobre^;  L.  J.,  La  campagne  de  1794  dans 
les  Pays-Bas  (suite  en  octobre');  A.  G.,  Guerre  de  la  Péninsule, 
1807-1818.  —  Octobre  :  R.  J.,  Campagne  de  i8r4  :  les  corps  d'ob- 
servation d'Oudinot  et  de  Victor  du  9  au  i5  février. 

Revue  d'histoire  de  l'Église  de  France.  —  Septembre  igi3  : 
F.rnest  .Vudaru.  L'histoire  religieuse  de  la  Révolution  française  aux 
Archives  Vaticanes  (suite  et  fin  en  novembre)  [inventaire  sommaire 
des  dossiers  des  archives  du  Vatican  qui  ont  trait  aux  affaires  de 
France  de  1789  à  i8i5;  ces  documents  sont  répartis  dans  quatre 
fonds  principaux  :  1°  Secrétairerie  d'Etat;  a"  Congrégation  chargée 
des  affaires  de  France;  8°  Œuvre  pir  de  l'Hospitalité  française; 
4°  Collection  de  mémoires  relatifs  à  la  persécution  révolutionnaire; 
les  deux  premiers  de  ces  fonds  présentent  beaucoup  de  lacunes, 
le  troisième  subsiste  en  entier,  le  quatrième  a  été  entièrement 
détruit]. 

Revue  d'histoire  de  Lyon.  —  S/'/ttembre-octobre  igi3  :  A. 
Croze,  Les  grands  visiteurs  des  hôpitaux  Ivonnais  :  Henri  de 
Prusse  (1784).  — Novembre-décembre  :  P.  Ballaguy,  La  mission  du 
général  Scriziat  à  Lvoii  en  juillet  1798. 

Revue  d'histoire  diplomatique.  —  Octobre-décembre  igi3  : 
Baron  de  Méneval,  Un  grand  seigneur  de  l'ancien  régime  aide  de 
camp  de  Napoléon  I"^  [le  général  comte  Louis  de  Narbonne,  mi- 
nistre do  la  Guerre  à  la  fin  du  règne  de  Louis  XVI,  mort  aide  de 
camp  de  l'empereur  Napoléon,  en  181 8,  à  Torgau]. 

Revue  d'histoire  ecclésiastique  suisse.  —  VII(jgi3),  4  .Cata- 
logue des  prieurs  et  recteurs  des  Chartreuses  de  La  Valsainte  et  de 
La  Part-Dieu  [pour  la  Révolution  et  l'Empire  :  Bonaventure  Cantor, 
Bruno  de  Camaret,  Hugues  Tendon,  Ambroise  Pasquier,  Romuald 
Moissonnier]. 

Revue  d'histoire  économique  et  sociale.  —  V(igi2)  :  Charles 
ScHMiDT,  Une  enquête  sur  la  draperie  à  Sedan  en  i8o3  ;  Edgard 
Allix,  L'œuvre  économique  de  Germain  Garnicr.  1 754-1821,  tra- 
ducteur d'Adam  Smith  et  disciple  de  Cantillon.  —  VI(^igi3')  :  Mar- 
quis de  Mirabeau,  Bref  état  des  moyens  pour  la  restauration  de 
l'autorité  du  Roi  et  de  ses  finances,  avec  des  notes  de  François 
Quesnay  (publié  par  G.  Weulersse). 

Revue  d'histoire  moderne  et  contemporaine.  —  Jaillet-aoùt 


394       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

i<ji3  :  H.  Sée.  La  proprictr  rurale  en  France  au  dix-huitième  siè- 
cle, d'après  les  travaux  de  M.  Luutchisky.  —  Septembre-octobre  : 
P.  Muret,  Une  conceplioa  nouvelle  de  la  politique  étrangère  de 
Napoléon  I=^ 

Revue  du  Foyer.  —  i"  novembre  igi3  :  G.  Lacour-Gatet,  Un 
Régime  qui  se  laeuit,  une  Révolution  qui  se  prépare  (1715-1774)- 
Revue  du  génie.  -    Octobre  igi3  :  Général  Gamqn,  La  fortifi- 
cation dans  la  guerre  napoléonienne. 

Revue  du  Midi.  —  i5  Juillet  igiS  :  M.  Fabre,  Le  culte  de  la 
Raison  et.  le  culte  de  l'Etre  Suprême  à  Uzès  en  1794  <^t  1796  (suite 
le  i5  août).  —  i5  octobre  :  E.  Peyron,  Un  document  peu  connu  : 
Remontrances  du  Parlement  de  Paris  au  roi  Louis  XVI,  au  sujet  de 
1'  «  affaire  protestante  ».  —  ;5  novembre  :  M.  Fabre,  Le  secret  de 
Madame  Roland. 

Revue  du  Mois  (La).  —  10  novembre  /gi3  :  J.  Charpentier, 
Diderot  et  la  science  de  son  temps. 

Revue  du  Nord.  —  Août  igi3  :  G.  Lefebvre,  La  Société  popu- 
laire de  Bourbourg  (suite  et  fin  en  novembre)  ;  J.  Barennes,  Un 
ilocunieut  sur  les  troubles  survenus  en  1789  à  Ai re-sur-1  a-Lys. 

Revue  du  socialisme  rationneL  —  Octobre  igi3  :  Octave  Ber- 
ger. A  propos  de  Nicolas  Rergasse  et  de  la  question  de  la  souve- 
raineté. 

Revue  du  traditionnisme  français  et  étranger.  —  Septembre 
i<)i3  :  J.  .Martin,  La  luire  .Saint- Lazare  en  1789  à  Marseille. 

Revue  française  (La).  —  i3  septembre  igi3  :  L.  Madelin,  La 
Révolution.  La  Réaction  :  Bonaparte;  P.  Vergnet.  Un  souffleur  de 
Mirabeau.  — -  ig  octobre  :  Funck-Brentano,  Marat  (suite  le  36  oc- 
tobre). —  2  novembre  :  H.  Pacory,  Les  générau.v  de  Napoléon  en 
181."?.  —  16  novembre  :  A.  Bellessort,  Camille  Desmoulins. 

Revue  générale.  —  Juillet  igi3  :  C.  Woeste,  Lamennais  et  le 
Saint-Siège. 

Revue  germanique.  —  /A'  {igi3),  5  :  E.  Seillière.  Les  éléments 
romantiques  dans  l'ieuvre  de  Goethe  depuis  178O. 

Revue  hebdomadaire  (La).  —  5  juillet  igi3  :  Journal  d'une  re- 
ligieuse anglaise  pendant  la  Révolution,  publié  par  Georges  Daumet 
(fin  le  12  juillet)  [cette  religieuse  appartenait  au  monastère  béné- 
dictin de  Notre-Dame  de  Bonne-Espérance,  l'un  des  trois  couvents 
anglais  de  femmes  qui  existaient  alors  à  Paris  ;  le  récit  qu'elle  a 
laissé  va  du  mois  de  mai  1789  au  mois  de  juillet  1795,  époque  à 
laquelle  la  communauté  put  regagner  l'Angleterre].  —  g  août  : 
Pauline  (jueuble.  Récit  de  ses  aventures  en  Russie  et  en  Sibérie 
(1821-1827),  publié  par  M""  .\.  Flori  (suite  les  16,  23,  3oaoût,  6  et 


PÉRIODIQUES  3g5 

i3  aeplembré).  —  4  octobre  :  Georges  Fonsegrive,  Diderot.  —  // 
octobre  :  Geoffroy  de  Grandmaison,  Le  siège  de  Pampelune  (i8i3). 
—  25  octobre  :  Henri  Welschinger,  Louis  XVIII  k  Gaiid  pendant 
les  Cent-Jours.  —  S  novembre  :  'De  Lanzac  de  Laborie,  L'année 
i8i4  [l'auteur  conclut  que  «  i8i4,  c'est  la  fin  de  l'aristocratie  ad- 
ministrative qui  avait  régi  la  France  durant  des  siècles,  c'est  le 
terme  aussi  du  rêve  glorieux  et  dangereux  d'hégémonie  française 
en  Europe,  c'est  l'échec  des  aspirations  vers  les  frontières  natu- 
relles; dans  l'ordre  politique,  cette  date  vaut,  comme  importance, 
1848  dans  l'ordre  social  »].  —  22  novembre  .•  Gustave  et  Edmond 
Hue,  La  Restauration,  ses  fidèles,  ses  adversaires,  d'après  la  cor- 
respondance et  les  notes  inédites  d'un  royaliste  (suite  et  fin  le 
2g  novembre)  [série  de  lettres  et  documents  qui  s'échelonnent  entre 
le  28  octobre  i8i4  et  le  mois  de  mai  1826].  —  6  décembre  :  Louis 
Madelin,  Le  centenaire  de  i8i4  :  L  L'invasion.  —  i3  décembre  : 
G.  Lacour-Gayet,  Le  centenaire  de  i8i4  :  IL  La  campagne  de 
France;  André  Bellessort,  Le  centenaire  de  i8i4  :  HL  Bernardin 
de  Saint-Pierre.  —  20  décembre  :  Henri  Welschinger,  Le  cente- 
naire de  i8i4  :  IV.  L'abdication.  —  57  décembre  :  Henry  Cochin, 
Le  centenaire  de  i8i4 '•  V.  Lamartine  à  vingt-cinq  ans;  André 
Chaumeix,  Le  centenaire  de  181 4  :  Les  débuts  de  Stendhal. 

Revue  historique.  — Janvier-février  iyi4  ■'  Pierre  Foncin,  Re- 
marques sur  la  généalogie  des  Turgot  ;  Ch.  Sghjhdt,  Sismondi  et 
le  blocus  continental  [Sismondi  rédigea,  au  mois  de  novembre  1810, 
le  mémoire  que  la  Chambre  de  commerce  de  Genève  envoya  à  Mon- 
talivet  pour  protester  énergiquement  contre  l'adoption  d'un  nouvel 
itinéraire  qui  faisait  passer  par  la  Macédoine,  la  Bosnie,  l'Illyrie 
el  l'Italie  les  marchandises  venant  du  Levant]. 

Revue  historique  de  Bordeaux.  — Juillet-août  ryi3  :  J.  Rambaud, 
Le  premier  préfet  de  la  Gironde  ;  Th.  Amtmann,  Les  impressions 
d'un  Hollandais  à  Bordeaux  en  i8i4-  —  Septembre-octobre  :  P. 
Caraman,  Le  journal  d'un  curé  de  campagne,  1763-1792  ;  R. 
Brouillard,  Un  cahier  de  doléances  de  vieilles  filles  aux  Etats  gé- 
néraux de  178g. 

Revue  historique  et  archéologique  du  Béarn  et  du  pays  bas- 
que. —  Septembre  i(ji3  :  L.  Batcave,  Les  gardes  d'honneur  des 
Basses-Pyrénées  en  i8i3.  —  Octobre  :  J.  Annat,  Le  clergé  de  la 
Révolution  dans  le  diocèse  de  Lescar. 

Revue  internationale  des  sociétés  secrètes.  —  5  octobre 
i(ji3  :  L.  Grasilier,  Index  documentaire  maçonnique.  Documents 
anciens.  Un  faux  chevalier  de  Malte.  Templier  franc-maçon,  1807- 


SgC       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    névOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l' EMPIRE 

Revue  militaire  suisse.  —  Xovemhre  igi3  :  Colonel  Cha vannes, 
Les  services  de  l'arrière  k  la  Grande  Année  en  1806-1807. 

Revue  napoléonienne.  —  Octobre-di'cembre  i(ji2  .•  Ernest  Judkt, 
La  Russie,  la  France  et  l'Europe,  1812-1912;  Alfred  Rambaud, 
Français  et  Russes  ;  Freilierr  Otto  Stockhorner  von  Starein,  Wer 
hat  den  Brand  von  Moskau  181 2  veranlasst?  Maurice  Du.molin,  La 
campagne  de  1812;  Albert  Lu.mbroso,  Notes  de  bibliographie  na- 
poléonienne (campagne  de  181  2);  Karl  Bleibtreu,  Allgemeine  Be- 
trachtungen  ûber  1812  ;  S.Podoljanyn.  Napoléon  I  und  die  Ukraine; 
Maurice  Ternaux-Compans,  Schwardino  (5  septembre  181 2);  Géné- 
ral Opper.mann.  Un  documejit  russe  sur  la  campagne  de  18 12  [do- 
cument dalé  du  i4  novembre  1812,  tiré  des  papiers  du  général 
Louis  Gianotti,  et  publié  par  le  lieutenant-colonel  Giiiseppe  Ferra- 
ri]. —  Janvier  igi3  :  Camille  Pitollet,  Notes  d'histoire  napoléo- 
nienne [A  propos  de  «  Bonaparte  à  Auxonne»,  Sur  quelques  super- 
cheries des  historiens  de  Napoléon]  ;  Notules  napoléoniennes  ;  Louis 
Madelin,  Silvain  Larregu}'  de  Civrieux.  —  Jùhirier  :  Napoléons 
Riickkehr  von  Elba  (181 5)  [lettres  du  comte  de  Goltz.  datées  Je 
mars  i8i5,  et  publiées  par  Julius  von  Pflugk-Harttung]  ;  Frédéric 
Masson,  Le  Premier  Consul  et  l'organisation  de  l'Institut  (1802)  ; 
Joachiin  Kl:hn.  Deutsche  Steiidhal-Erinnerungen  ;  Nelsoniana. 

Revue  pédagogique.  —  LX/fl (igiS^,  g  :  M.  Pellisso.x,  Diderot 
et  .sa  iille.  —  12  :  Louis  Bahtmoi',  Diderot  et  son  anivre. 

Revue  politique  et  littéraire  (Revue  bleue).  —  3o  août  igiH  : 
Alph.  Roux,  La  défense  de  La  Châtre  (1789).  — 20  septembre  :  E. 
Gabory,  Bonaparte  et  l'allaire  de  Noirmoutier.  —  /(V  octobre  :  J. 
REiNACH.Ôueiqui's  lettres  de.Miralieau  à  ses  commettants  (1790-1 791). 

Revue  pratique  d'apologétique.  —  i"  septembre  igi3  :  G.  Gaii- 
therot,  Démolitions  révolutionnaires.  —  1"  novembre  :  i .  Guiraud, 
Diderot,  k  propos  de  la  célébration  de  son  centenaire. 

Revue  suisse  de  numismatique.  —  XIX{igi3),  1  :  R.  Vallen- 
tin  du  tait.YLARD,  Notes  sur  quelques  médailles  provençales  et  sur 
de  faux  louis  de  Louis  WIl. 

Rivista  di  storia  e  d'arte  délia  provincia  di  Alessandria.  — 
XXn ( igi3)  ;  A.  F.  Thucco,  Francia  e  Piemonte  ne!  1791). 

Rivista  d'Italia.  —  lï  novembre  igi3  :  G.  Bustico,  l'n  letterato 
del  perioild  na[)oleonico. 

Rivista  storica  del  risorgimento  italiano.  ^  Vt{igi3).  2  :  A. 
GiULiM,  Una  vitlima  délia  cainpagna  di  Russia  [.\ntonio  (îiulini, 
mort  pendant  la  retraite  de  Russie  en  1812]. 

Rivista  storica  salentina.  —  17/  {igis),  10-12  :  P.  Palu.mbo, 
P.  L.  Courier  ai  tempi  delT  occupazione  francese  (i8o4-i8o6). 


PÉKIODIQUES  897 

Schweiz(Die)  [Zurich]. —  XVII(^i<ji3),n''^  20  et  21  :  JosiBrunner, 
Briofe  eines  Schweizers  [Jacob  StreifT]  ùber  die  Schlacht  bei  Leipzig. 

Semaine  littéraire  (La)  [Paris].  —  14  septembre  igi3  :  A.  de 
Tarlé,  Un  (''pisode  des  mas<!acre.s  de  septembre  :  l'assassinat  du 
duc  de  La  Bochefoucauld  k  Gisors.  —  28  septembre  :  H.  Roos,  La 
bataille  de  Borodino  racontée  par  un  Wurtembergeois.  —  /;?  oc- 
tobre :  P.  Gaulot.  Les  débuts  de  la  dette  publique  en  France.  — 
ff  novembre  :  A.  de  Tarlé,  Le  18  brumaire  et  l'armée  (9-10  novem- 
bre 1799).  —  21  décembre  :  G.  Aubray,  Un  musée  de  la  Terreur 
en  Touraine.  —  28  décembre  :  G.  Montorgueil,  Le  Premier  Jan- 
vier il  y  a  cent  ans. 

Société  de  l'histoire  du  protestantisme  français.  Bulletin.  — 
Novembre-décembre  igi3  :  A.  Atger,  Avant  et  après  la  Révolution 
à  Bernis  (Extraits  de  l'état  civil)  ;  Reuss,  Les  protestants  de  la 
Drôme  et  le  préfet  M.  L.  Descorches,  i8oi-i8o3. 

Société  d'émulation  de  la  Vendée.  Bulletin  périodique.  — 
iyi3,  i'^' fascicule  :  La  dernière  prise  d'armes  en  Vendée  (1882) 
[trois  documents  sur  les  affaires  du  Chêne  et  de  la  Pénissière]  ; 
Capitaine  Duvic,  Recrutement  en  Vendée  et  historique  de  toutes  les 
unités  formées  dans  ce  département  avant  et  pendant  la  période  ré- 
volutionnaire (suite  dans  le  2*  fascicule")  [forces  militaires  et  de  police 
e.vistant  dans  le  département  de  la  Vendée  au  i"  janvier  1789,  or- 
ganisation des  gardes  nationales,  organisation  des  bataillons  de  vo- 
lontaires nationaux,  la  première  réquisition  et  ses  conséquences,  for- 
mations diverses,  levée  en  masse].  —  2"  Jascicule  :  Abbé  P.  Boutin, 
Documents  pour  servir  à  l'histoire  de  la  Révolution  en  Vendée  :  Les 
douze  serments  demandés  aux  prêtres  par  la  Révolution  [de  1789 
à  i8(.2,  la  Révolution  n'a  pas  décrété  moins  de  douze  formules 
différentes  de  serments  :  la  première  le  4  lévrier  1790,  la  deuxième 
le  27  novembre  1790,  la  troisième  le  29  novembre  1791,  la  qua- 
trième le  10  août  1792,  la  cinquième  le  11  prairial  an  II,  la  sixième 
le  7  vendémiaire  an  IV,  la  septième  le  3o  ventôse  an  V,  la  huitième 
le  19  fructidor  an  V,  la  neuvième  le  12  thermidor  an  Vil,  la  dixième 
le  25  brumaire  an  VIII,  la  onzième  le  7  nivôse  an  VIII,  la  douzième, 
celle  du  Concordat,  le  8  avril  1802];  Eug.  Remaud,  Pages  d'histoire 
sablaise  :  Un  bourgeois  de  La  Chaume  au  dix-huitième  siècle 
(André  Collinet,  1729-180G). 

Société  des  antiquaires  de  la  Morinie.  Bulletin  historique. 
—  igi3,  3'  fascicule  :  Glianoine  Bled,  Notes  sur  D.  Joscio  Dal- 
lennes,  dernier  abbé  de  Saint-Bertin  [né  à  Aire  en  1780,  mort  k 
Nemours  le  9  août  1808].  —  4'  Jascicule  :  Voyage  de  Saint-Pol  à 
Saint-Omer,  de  H.  Goudemetz,  prêtre  (septembre  1779). 


3f)8       REVUE    HISTORIQUE  DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

Société  lorraine  des  études  locales  dans  l'enseignement  public. 
Section  des  Vosges.  —  Juillet  i<ji3  :  E.  (Iolnel,  Une  famine  au 
^'al  (r.Vjol  au  dix-neuvième  siècls  [en  i8i5-i8i6]. 

Streffleurs  militârische  Zeitung.  —  LIV  {igi3)  :  A.  Veltzé. 
Ueber  die  Tage  von  Jena  1806,  von  Friedrich  von  Gentz. 

Tridentum.  —  AYl"  {igia),  5-6  :  E.  Be.nve.nuti,  Il  conte  Tito 
Bassetti  e  la  .sua  attivita  patriottica. 

Tùrmer  (Der).  — XVI {rgiS),  1  :  Ed.  Heyck,  iJiderot;  Egidi, 
Die  Fieiheitskiie(|e  ini  Spiegei  der  Musik. 

Ueber  Land  und  Meer.  —  CXI{igi3),  3  :  Karl  Bleibtreu,  Die 
A'ùikerschlaclit  bei  Leipzig. 

Ungarische  Rundschau.  —  /f(igr3),  4  ■'  I-  Peisner.  Gral'Stephan 
Széchenvi  in  iler  Vulkeischlacht. 

Urania.  —  Novembre  igi3  :  Alexandre  Katù,  A  propos  de 
l'anniversaire  de  la  bataille  de  Leipzig  (i8i3);  Joseph  Nagt,  La 
genèse  de  l'esprit  du  di.x-huitième  siècle  en  France. 

Vie  (La).  —  26  octobre  igi3  :  Jacques  Reboul,  Un  héros  de 
181 3  :  le  maréchal  Poniatowski. 

Vie  ouvrière  (La).  —  U(/5»/.î)  :  James  Guillaume,  Lettre  à  Fer- 
dinand Buisson  [sur  l'idéal  pédagogique  de  la  Révolution]. 

Wissen  und  Leben.  —  17/  (igi3),  i  :  A.  Guilland,  Rousseau 
et  les  femmes.  —  2  :  Michel  Epur,  Menues  réflexions  à  propos  du 
bicentenaire  de  Diderot. 

Zeiten  und  Vôlker.  —  Septembre  igi3  :  D'  Eduard  Vehse. 
Fûrst  Karl  Pliilipp  von  Wrede,  die  Befreiungskriege  und  der  Kon- 
gre.ss  zu  Wien  ;  Franz  Karl  Becker,  Gadebusch,  26.  August  i8i3. 
— -  Octobre  :  Paul  Holzhausen,  Die  Truppen  der  Rheinbundstaaten 
in  der  Grosseu  Armée  des  Jahres  i8i3  ;  H.  Prehx  v.  Dewitz. 
Ludwigs  XVI.  Flucht;  Sammeln  von  Helmen  aus  den  Befreiung.s- 
kriegen. 


CHRONIQUE 


A  travers  les  journaux.  —  Parmi  les  articles  d'histoire  publiés, 
au  cours  de  ces  derniers  mois  (du  i"  décembre  191 3  au  i^'  mars 
1914)»  par  les  journaux  quotidiens,  nous  relevons  les  titres  sui- 
vants : 

Napoléon  et  l'Ilalie.  par  M.  P.  Gilbert,  dans  l'Action  française 
du  28  décembre  ;  Emigrés  et  républicains,  par  M.  Léon  de  Montes- 
quiou  (ibid.,  5  janvier);  Les  Volontaires  de  <j2,  par  M.  Léon  de 
Montesquiou  (/A/J.,  12  janvier);  Louis  A'V7,  par  M.  Léon  de  Mon- 
tesquiou  (ibid.,  18  janvier);  Les  Bourbons  et  l'étranger  en  i8i4, 
par  M.  L.  Beaujeu  (ibid.,  12  février);  Napoléon  et  ses  lieutenants, 
par  M.  Léon  de  Montesquiou  (jbid.,  28  février);  A  quoi  pensaient 
nos  vainqueurs  de  i8i/f,  par  M.  L.  Beaujeu  (ibid.,  2Ô  février); 

i8i3.  Napoléon  contre  l'Europe,  par  M.  Edouard  Gachot,  dans 
l'Autorité  du  28  décembre  ; 

L'agonie  de  Marie-Antoinette,  par  M.  Gustave  Gautherot,  dans 
la  Croijc  des  11-12,  18-19  et  25-2G  janvier  ;  La  Bretagne  pendant 
la  Révolution,  par  M.  l'abbé  L.  Cristiani  (ibid.,  1 5  janvier); 

Napoléon  I"  et  l'Albanie,  par  M.  Frédéric  Masson,  dans  l'Echo 
de  Paris  du  17  décembre;  Cofjinhal,  par  M.  Charles  Foley  ((T'/of., 
6  janvier);  Marie-Catherine  Pusela  (iyg3),  par  M.  Charles  Foley 
(ibid.,  28  janvier);  Dumas  le  rouge  (président  du  Tribunal  révolu- 
tionnaire), par  M.  Charles  Foley  (ibid.,  10  février);  La  charge  de 
Montereau  [campagne  de  France,  181 4],  par  M.  le  baron  André  de 
Maricourt  (ibid.,  i3  février);  Les  lettres  de  Marie-Antoinette  ù 
Fersen,  par  M.  le  vicomte  de  Reiset  (ibid.,  20  février); 

Die  neuen  Stein-Dokumente  (1806-1808),  dans  la  Frankjurter 
Zeitang  du  19  décembre;  De.r  Freiherr  von  Stein  und  die  Reform 
des  preussischen  Stantes,  par  M.  F.  Rachfahl  (ibid.,  /|  janvier);  Die 
Wiederherstellung  der  Bepublik  Genf  :  3i.  Dezember  i8i3,  par 
M.  Félix  Falk  (ibid.,  5  janvier); 

Marie-Antoinette  archiduchesse,   de   Schœnbrunn   ù    Versadles, 


400       REVUE   HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIHE 

par  M.  C.  Boringe,  dans  le  Gaulois  du  i3  décembre;  Le  comte  de 
Mirabeau,  par  M.  Frédéric  Massoii  (ibid.,  i5  décembre);  La  nuit 
de  Noël  i/g2,  par  M.  Valère  Fanet  (ibid.,  28  décembre)  ;  Une  messe 
de  minuit  en  campagne  {2:1  décembre  /812),  par  M.  C.  Vergniol 
(ibid.,  27  décembre);  Napoléon  et  les  Alliés  sur  le  Rhin,  par 
M.  Frédéric  Masson  (Jbid.,  3i  décembre);  Un  peu  d'inédit  sur  le 

21  janvier  lygS,  par  IM.  Valère  Fanet  (ibid.,  19  janvier);  Nos 
grandes  Ecoles  en  i8i4,  par  M.  le  général  Zurlindeu  (ibid,  28  jan- 
vier) ;  Un  préfet  de  Napoléon  :  Chicoilet  de  Corbigny,  par  M.  Fré- 
déric Masson  (ibid.,  8  février);  Napoléon  en  18 14,  par  M.  le  géné- 
ral Bonnal  (ibid.,  12  février); 

Un  général  de  l'an  II  [Charles  Serizial],  par  M.  Graville,  dans 
kl  Gazette  de  France  du  5  décembre  ;  Florinn  révolutionnaire,  par 
M.  G.  Malet  (ibid.,  29  décembre);  L'échafaud  du  21  janvier,  par 
M.  G.  de  Céli  (ibid.,  22  janvier);  Deux  Martyres,  i"  Jévrier  ijgi, 
par  M"^  la  comtesse  de  Courson  (ibid.,  \"  février)  ; 

La  Police  secrète  sous  l'Empire  et  la  Restauration,  par  M.  le 
comte  de  Sérignan,  dans  la  Gazette  de  Lausanne  du  i"  février; 

L'Angleterre  et  la  Révolution  française,  d'après  un  manuscrit 
inédit  de  François  d'Ivernois  [communication  de  IM.  Otto  Karmin 
à  l'Institut  national  genevois],  dans  le  Genevois  du  19  décembre  ; 

La  nuit  de  Noël  en  i'jg2,  par  M.  Henri  Welschinger,  dans  le 
Jonrncd  des  Débats  du  26  décembre  ;  Robespierre,  par  M.  A.  Albert- 
Petit  (ibid.,  -2.1  décembre);  La  Justice  en  France  pendant  la  Révo- 
lution (lyyi-iygS),  par  M.  J.  D.  (ibid.,  12  jans'ier);  Lettre  inédite 
de  Marie- Antoinette,  par  M.  Cartailhac  (ibid.,  19  février); 

Un  colonel  de  chouans  [Jean  Biget],  par  M.  Edouard  Drumont, 
dans  la  Libre  Parole  du  2  décembre  ;  Napoléon  en  Allemagne, 
par  M.  Edouard  Gacliot  (ibid.,  3  janvier)  ; 

La  campagne  de  France  (Montniirad,  Montereau,  février  i8i4), 
par  M.  le  colonel  X.,  dans  le  Petit  Journal  du  16  février; 

i8/3-j8i4,  par  M.  Ernest  Daudet,  dans  le  Petit  Marseillais  du 

22  décembre;  Philippe-Egalité,  par  M.  Paul  Bosq  (ibid.,  29  dé- 
cembre) ;  La  campagne  de  France,  janvier-avril  i8i4,  par  M.  L. 
Buffin  (ibid.,  5  février);  L'empereur  Alexandre  I"  de  Russie,  par 
M.  Ernest  Daudet  (ibid.,  il\  février); 

Il  y  a  cent  ans  (28  décembre  i8i3-i" janvier  iSi4).  par  M.  Oscar 
Havard,  dans  le  Soleil  du  3o  décembre;  M.  Aulard  et  les  docu- 
ments révolutionnaires,  par  'SI.  Oscar  Havard  (ibid.,  20  janvier); 
Charette,  par  M.  F.  V'euillot  (ibid.,  28  janvier);  Napoléon  /"jour- 
naliste, par  M.  J.  Manlenay  (ibid.,  11  février);  Une  lettre  inédite 
de  Marie-Antoinette,  par  M.  R.  du  V.  (ibid.,  19  février); 


CHRONIQUE  ^OI 

La  blessure  de  Robespierre,  par  .M.  G.  M.,  dans  le  Soleil  du 
Midi  du  2  janvier  ; 

Bonaparte  à  Ancône,  par  M.  le  général  de  Lacroix,  dans  le 
Temps  du  i5  décembre;  La  vie  privée  de  Talleyrand,  par  M.  A. 
Mézières  (Jbid.,  28  décembre)  ;  Un  député  d'autrefois  [Jacques 
Queinnec],  par  M.  G.  Lenôtre  (ibid.,  12  février);  Mirabeau  à 
Londres  devant  le  Juge  d'Old  Daileij,  par  M.  Dauphin  Meunier 
(ibid.,  26  février); 

3i  décembre  i8i3  [évacuation  de  Genève  par  les  Français  et  res- 
tauration de  la  République  genevoise],  par  M.  Ë.  Willv,  dans  la 
Tribune  de  Genève  du  18  décembre  ;  Les  Alliés  en  Suisse,  2i-3i  dé- 
cembre i8i3,  par  M.  R.  C.  {ibid.,  28  décembre);  Le  passage  des 
Autrichiens  à  Lausanne,  décembre  18 13,  par  M.  H.  Thélin  {ibid., 
et  même  date);  Les  Autrichiens  à  Neuchdtel,  décembre  18 13,  par 
M.  de  Tribolet  (ibid.,  24  et  20  décembre);  Comment  Genève  rentra 
en  possession  de  ses  canons  (i8i4),  par  M.  John  (Joindet  (ibid., 
27  décembre)  ; 

Les  régicides  aux  genoux  des  rois,  par  M.  Gustave  Gautherot, 
dans  l'Univers  des  i"'  et  2  décembre;  L'affaire  des  dragées  de 
Verdun  (ijg2),  par  M.  H.  G.  Fromm  (ibid.,  7  décembre);  La  Pa- 
tronne de  la  France  et  les  sans-culottes,  par  M.  Gustave  Gautherot 
(ibid.,  1 4  janvier);  La  mort  de  Louis  XVI racontée  par  ses  bour- 
reaux, par  M.  Gustave  Gautherot  («^/c/.,  19-20  janvier)  ;  Napoléon 
et  Gœthe,  par  M.  H.  G.  Fromm  (ibid.,  i"  février);  i8i4:  le  Pape, 
l'Empereur,  la  Nation,  par  M.  Gustave  Gautherot  (ibid.,  2-8  fé- 
vrier) ;  La  «  Langue  révolutionnaire  »  et  ses  mensonges,  par  M.  Gus- 
tave Gautherot  (ibid.,  g-io  février);  Marie-Antoinette  et  le  Père 
Duchesne,  par  M.  Saint-Roman  (ibid.,  1 1  février)  ;  La  carte  à  payer 
présentée  à  Lunéville  à  la  seconde  coalition,  par  M.  H.  G.  Fromm 
(ibid.,  i5  février);  Marie-Antoinette  et  l'étranger,  par  M.  Saint- 
Roman  (ibid.,  18  févi'ier);  Le  conventionnel  Joseph  Becker,  par 
M.  H.  G.  Fromm  (ibid.,  22  février);  Marie-Antoinette  et  la  Com- 
mune de  Paris,  par  M.  Saint-Roman  (ibid.,  23  février). 

A  la  Société  d'histoire  de  la  Révolution  de  1848.  —  Dans  son 
assemblée  çjénérale  ilu  mois  de  février  dernier,  la  Société  d'histoire 
de  la  Révolution  de  i848  a  élu  pour  président  notre  collaborateur 
et  ami  H.  Monin,  professeur  d'histoire  au  Collège  Rollin.  Nul 
témoignage  d'estime  et  de  sympathie  n'était  mieux  mérité  que 
celui  qui  va  ainsi  à  l'auteur  de  tant  de  travaux  historiques  si  con- 
sciencieux, si  méthodiques  et  si  sûrs,  et  nous  nous  joignons  k  ses 
nombreux  amis  pour  lui  adresser  ici  nos  cordiales  félicitations. 


402        REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

Une  lettre  inédite  de  Marie-Antoinette  à  la  princesse  de 
Lamballe.  —  iM.  Emile  Cartailhar,  directeur  des  Musées  de  Tou- 
louse, a  communiqué  au  Journal  des  Débais  le  texte  d'une  lettre 
inédite  de  Marie-Antoinette  cà  la  princesse  de  Lamballe,  que  ce 
journal  a  publié  dans  son  numéro  du  19  février  igiA-  Dans  les 
commentaires  qui  accompagnent  ce  texte,  M.  Cartailhac  raconte 
qu'une  famille  anglaise  ayant  récemment  visité  le  Musée  de  Tou- 
louse, et  désirant  être  agréable  au  directeur,  lui  envoya,  le  5  jan- 
vier dernier,  un  lot  de  papiers  qui  provenaient  de  parents  d'origine 
toulousaine.  «  On  comprendra  mon  émotion,  ajoute  M.  Cartailhac, 
lorsque  je  vis  que  ce  petit  dossier,  très  gracieusement  offert  par 
M.  Georges-F.  Engelbach,  comprenait  une  lettre  autographe  et 
signée  de  la  reine  ÎNIarie-Antoi nette  adressée  à  la  princesse  de  Lam- 
balle. Avant  d'immobiliser  ce  document  dans  nos  vitrines,  j'ai  prié 
MM.  Gaultier,  Courteault  et  Viard,  de  nos  Archives  nationales, 
M.  Dcslandres,  de  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal,  M.  Girodie,  de  la 
Bibliothèque  Doucet,  de  vouloir  bien  m'aider  à  l'étudier.  Ils  ont  été 
unanimes  k  en  souligner  la  valeur.  »  Cette  lettre  est  ainsi  conçue  : 


Ce  3i  juillet. 

Votre  lettre  m'a  fait  un  bien  vif  plaisir,  ma  chère  Lamballe,  elle  était 
aimable  comme  vous,  mon  cœur,  et  ma  tendre  amitié  y  répond,  croyez-le 
bien,  comme  vous  le  méritez.  Mais  ne  revenez  pas  encore,  il  y  a  eu  du 
train  et  les  routes  ne  sont  pas  encore  assez  sures.  La  détermination  que 
vous  avez  prise  est  la  plus  sage,  toute  autre  serait  inutile  et  dangereuse. 
J'ai  déjà  trop  de  mes  propres  périls  sans  y  joindre  encore  ceu.\  de  mes 
amis.  Je  ne  cesserai  de  vous  répéter  que  j'aime  à  être  tranquille  sur  tout 
ce  qui  m'intéresse.  Je  suis  donc  reconnaissante  envers  M.  de  Penthièvre 
pour  le  conseil  qu'il  vous  a  donné.  Soyez  assurée  que  mon  cœur  est  avec 
vous. 

Mon  mari  se  porte  bien,  il  est  fort  calme,  son  courage  vient  de  Dieu, 
mes  enfants  sont  bien  portants,  adieu  je  vous  embrasse  comme  je  vous 
aime. 

Mai\ie-Antoinette. 


Après  avoir  cité  ce  texte,  M.  Cartailhac  l'éclairé  de  quelques 
explications.  «  Cette  lettre,  dit-il,  est  datée  du  3i  juillet;  il  semble 
certain  qu'elle  est  de  1791,  succédant  à  celle  que  la  reine  avait 
écrite  le  29  juin,  et  qui  appartient  k  la  collection  d'Alfred  Morrison 
(p.  198,  vol.  IV  du  catalogue).  La  princesse  était  partie  pour  l'An- 
gleterre le   20  juin,   mais   elle  ne  s'y  arrêta  point.  Elle  quittait 


CHRONIQUE  4o3 

Douvres  le  24,  traversait  OstenJe  le  2G.  Du  ii  juillet  au  18  août, 
elle  séjourne  à  Aix-la-Chapelle,  reçoit  le  i4  octobre  une  nouvelle 
lettre  de  son  amie  k  laquelle  elle  pardonne  de  lui  avoir  caché  le 
projet  de  fuite  et  se  décide  à  la  rejoindre  ;  mais  elle  pressent  le  sort 
qui  l'attend,  fait  son  testament  le  1 5  et  rentre  en  France.  La  lettre 
de  la  reine,  du  3i  juillet,  ne  put  donc  joindre  la  princesse  en  Angle- 
terre; elle  resta  aux  mains  de  celui  à  qui  la  reine  l'avait  confiée,  et 
il  est  fort  probable  que  c'était  le  chevalier  de  Rabaudj'  (Pierre- 
Nicolas),  marié  en  Angleterre,  qui  l'avait  pieusement  conservée  et 
transmise  à  son  fils  Pierre  de  Rabaudy,  décédé  consul  de  France, 
officier  de  la  Légion  d'honneur,  à  Southampton,  en  1898,  parrain 
de  M.  G. -F.  Engelbach.  La  lettre  est  signée,  ce  qui  est  excep- 
tionnel ;  celles  que  Marie-Antoinette  écrivait  à  son  père  et  que  con- 
servent nos  Archives  nationales  ne  le  sont  pas  ;  mais  les  papiers, 
sans  avoir  le  même  filigrane,  ont  le  même  petit  format,  la  même 
apparence  très  simple.  » 

Deux  lettres  inédites  de  l'impératrice  Joséphine.  —  Au  cours 
d'un  article  consacré  à  la  Malmaison,  dans  le  Temps  du  5  janvier 
1914,  M.  Raoul  Aubry  a  publié  deux  lettres  inédites  de  Joséphine 
Bonaparte  relatives  à  l'achat  de  cette  propriété.  Ces  deux  lettres, 
qui  contiennent  d'intéressants  détails  sur  les  pourparlers  d'achat, 
ont  été  données  récemment  à  M.  Jean  Ajalbert,  conservateur  de  la 
Malmaison,  par  M.  Henri  Parquez,  descendant  du  général  ami  de 
Joséphine.  Voici  le  texte  de  la  première  : 

Paris,  27  ventôse,  an  VII  de  la  République  française. 

Je  vous  prie,  mon  cher  voisin,  de  me  faire  sçavoir  le  plutost  que  vous 
pourrez  les  intentions  définitives  de  M™'  de  MoUey',  parce  que  je  suis 
informée  d'une  manière  très  positive  que,  malgré  que  votre  négociation 
soit  très  avancée,  elle  est  aussi  sur  le  point  de  traiter  avec  un  tiers.  Mon 
dernier  mot  que  je  prononce  d'après  votre  avis  et  les  renseignements  que 
vous  m'avez  procurés  est  de  trois  cent  clLr  mille  francs,  tout  compris  et 
les  clefs  à  la  main.  Je  crois  fermement  ne  pas  devoir  en  donner  davantage 
et  comme  je  suis  pressée  de  terminer  d'une  manière  ou  d'une  autre,  il  me 
tarde  de  savoir  si  cet  ultimatum  est  accepte  par  M^^  de  MoUey,  parce 
que  autrement  je  tournerai  mes  vues  vers  les  objets  qu'on  me  présente. 
Il  me  reste,  mon  cher  voisin,  à  vous  remercier  de  toutes  les  peines  que  je 
vous  ai  données. 


I.  La  propriétaire  de  la  Malniaison. 


4o4       REWE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 

Mais  vous  m'avez  tellement  (|àtée  sur  cet  article  que  j'ose  à  peine  vous 
en  demander  des  excuses  et  que  je  me  borne  à  vous  réitérer  l'expression 
de  mon  bien  sincère  attacliemcnt. 

Lapagerie  Bonaparte 


La  seconde  lettre  annonce,  quelques  jours  après,  la  conclusion 
de  l'affaire.  La  voici  : 

jVIme  Bonaparte  fait  mille  compliments  à  son  cher  voisin;  pendant  son 
voyage,  elle  a  vu  M"«  de  Molley,  et  comme  elle  était  déjà  dépourvue  de 
son  tuteur,  elle  a  tranché  la  difficulté  en  convenant  à  825.000  francs  ;  il  y 
a  rendez-vous  pris  aujourd'hui  à  midy  chez  M^s  de  Molley  où  se  trouvera 
.M.  Ragucdeau,  notaire.  M.  Chauvrier  serait  bien  aimable  de  passer  un 
peu  avant  rue  de  la  Victoire  et  il  se  rendrait  ensemble  chez  M"i<=  de  Molley. 

(Le  7  germinal  an  VII), 

Les  incidents  des  Archives  nationales.  —  Les  incidents  que 
nous  avons  relatés  dans  notre  dernier  numéro  (Cf.  Revue  historique 
de  la  Révolution  française  de  janvier-mars  igiA?  pp-  2o4-2o8)  ont 
eu  leur  conclusion  en  janvier  dernier.  Le  ministre  de  l'Instruction 
[uiblique  avait,  nommé,  pour  examiner  le  cas  de  ^L  Aulard,  une 
commission  ainsi  composée  : 

MM.  Lemonnier,  professeur  honoraire  à  la  Sorbonne,  membre  de 
l'Institut,  président;  MM,  Berger,  membre  de  l'Institut;  Camille 
Bloch,  inspecteur  général  des  Archives  ;  E.  Bourgeois,  professeur  à 
la  Faculté  des  Lettres  de  Paris  ;  Brumau,  conseiller  d'Etat  ;  Xavier 
Chai'mes,  membre  de  l'Institut  ;  Debidonr,  professeur  à  la  Faculté 
des  Lettres  de  Paris  ;  Homolle,  administrateur  de  la  Bibliothèque 
nationale  ;  Lacombe ,  inspecteur  honoraire  des  Archives  ;  Prud- 
homme,  archiviste  départemental  de  l'Isère  ;  Scrvois,  directeur 
honoraire  des  Archives  ;  A,  Thomas,  membre  de  l'Institut,  profes- 
seur à  la  Faculté  des  Lettres  de  Paris;  Vidicr,  inspecteur  général 
des  Archives. 

Celte  commission  formula  ses  conclusions  en  ces  termes  : 

1°  On  trouve  dans  tous  les  registres  et  dossiers  signalés  et  soumis  à 
l'enquête  de  la  commission  des  signes  particuliers  au  crayon  rouge,  bleu 
ou  noir,  points  ou  croix,  crochets,  parenthèses,  surcharges  ou  additions 
dans  les  dates,  signes  de  même  nature  et  faits  d'après  un  procédé  rai- 
sonné. Ces  signes  sont  extrêmement  nombreux  ; 

2°  S'il  n'y  a  pas  concordance  complète,  il  y  a  des  rapports  indéniables 
entre  ces  signes  et  certaines  publications  de  M.  .\ulard  ; 


CIIROXIOUE  4o3 

3»  Ces  signes  ont  été  faits  sans  aucune  intention  de  falsifier  les  docu- 
ments ou  d'en  altérer  la  portée.  La  commission  les  considère  néanmoins 
comme  irréguliers  et  incorrects  au  premier  chef,  et  elle  en  condamne 
absolument  l'emploi  ; 

4°  L'abondance  et  le  caractère  de  ces  signes  ne  permettent  pas  de  sup- 
poser qu'ils  pourraient  avoir  été  faits  dans  la  salle  de  travail  des 
Archives,  sous  le  regard  des  archivistes  et  des  gardiens  chargés  de  la 
surveillance  de  cette  salle  ; 

5°  La  commission  estime  que  ces  signes  n'ont  pas  été  apposés  par 
M.  Aulard  personnellement  ; 

0°  La  commission  estime  que  ces  signes  peuvent  être  attribués  à  un  ou 
plusieurs  des  secrétaires  de  M.  Aulard. 

En  faisant  connaître  au  public  ces  conclusions  de  la  commission, 
le  communiqué  ministériel  ajoutait  : 

Pour  éviter  le  retour  de  pareils  faits,  le  miuislre  de  l'Instruction 
publique  a  donné  l'ordre  à  la  direction  des  Archives  de  supprimer  immé- 
diatement la  faculté  accordée  aux  copistes,  quels  qu'ils  soient  et  quelle 
que  soit  la  personnalité  qui  les  emploie,  de  travailler  hors  de  la  salle  du 
public,  où  le  contrôle  de  l'administration  peut  s'exercer,  tout  en  réser- 
vant aux  savants  eux-mêmes,  spécialement  autorisés  et  s'ils  se  présentent 
en  personne,  la  faveur  de  travailler  dans  un  cabinet  isolé. 

Accablantes  pour  M.  Aulard,  ces  conclusions  le  sont  davantage 
encore  si  l'on  tient  compte  des  nécessités  où  se  trouvait  la  commis- 
sion de  ne  pas  paraître  frapper  trop  directement  le  vrai  coupable. 
Elle  a  voulu,  pour  des  raisons  qu'il  est  facile  do  comprendre,  atté- 
nuer cette  culpabilité  évidente  dont  l'aveu  officiel  eût  entraîné, 
pour  M.  Aulard,  les  plus  redoutables  conséquences.  Il  lui  était 
d'autant  plus  facile  de  rejeter  les  responsabilités  sur  des  copistes, 
que  le  principal  d'entre  eux,  aujourd'hui  décédé,  n'était  plus  là 
pour  se  justifier.  INIais  les  faits  restent  les  faits.  La  commission  s'est 
parfaitement  rendu  compte  de  la  gravité  de  ceux  qui  sont  reprochés 
à  M.  Aulard,  et  le  public  est,  à  cet  égard,  aussi  bien  renseigné  que 
la  commission,  dont  les  conclusions  mêmes  trahissent  l'embarras. 
Les  copistes  de  M.  Aulard  travaillaient  sous  la  direction,  sous  le 
contrôle,  sous  la  surveillance  de  ce  dernier.  C'était  hii  qui  leur 
donnait  ses  instructions,  lui  qui  leur  traçait  le  travail  à  accomplir, 
et  quand,  en  marge  d'un  document,  on  trouvait  ces  mots  :  «  copier, 
ou  toute  autre  indication  analogue,  il  est  bien  certain  que  cette 
mention  n'était  point  due  à  la  main  du  copiste,  mais  à  la  main  de 
celui  qui  donnait  les  ordres. 


4o6       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

Coupable,  M.  Aulard  l'est  donc,  sans  atténuation  possible.  La 
commission  a  pu  le  sauver  du  châtiment,  par  un  dernier  geste  de 
■ommisération.  Il  n'en  est  pas  moins  jugé  devant  le  tribunal  du 
oublie,  ce  qui  est  la  plus  décisive  des  sanctions. 

Au  reste,  il  est  profondément  regrettable  que  la  commission  n'ait 
pas  cru  devoir  permettre  la  publication  des  procès-verbaux  de  son 
enquête.  Nous  aurions  ainsi  connu,  dans  leurs  termes  exacts,  à  la 
fois  les  accusations  portées  contre  M.  Aulard  et  les  plaidoyers  de 
l'accusé.  Nous  aurions  su  ainsi  s'il  est  vrai,  comme  on  le  raconte, 
que  ces  plaidoyers  eux-mêmes,  par  leur  insuffisance,  leurs  contra- 
dictions et  leur  désarroi,  constituent  contre  M.  Aulard  une  charge 
aussi  précise  qu'irréfutable. 

—  A  peine  délivré  de  cette  humiliante  enquête,  M.  Aulard  s'est 
empressé  d'essayer  de  faire  revivre  le  premier  incident,  qui  s'était 
terminé  k  sa  confusion,  et  qui  avait  trait,  comme  on  s'en  souvient, 
à  la  destruction  de  papiers  inutiles  aux  Archives  nationales.  Sous 
son  inspiration  et  sous  celle  de  ses  amis,  la  Société  d'histoire 
moderne  votait,  quelques  semaines  plus  tard,  un  va;u  qui,  sous  des 
apparences  anodines,  était  nettement  ilirigé  contre  le  directeur  des 
Archives  nationales.  En  voici  le  texte  : 


La  Société  d'histoire  moderne,  considérant  que  la  masse  des  documents 
modernes  impose  des  destructions,  mais  que  leur  complexité  rend  le  triage 
difficile  et  qu'il  y  a  lieu  de  multiplier  les  garanties,  émet  le  vœu  :  i°  que 
la  Commission  supérieure  des  archives  publie  désormais  au  Journal  ojji- 
ciel  ou  dans  le  Bulletin  officiel  du  ministère  de  l'Instruction  publique  les 
projets  de  destruction  dont  elle  sera  saisie,  assez  à  temps  pour  permettre 
aux  observations  utiles  de  se  produire  auprès  d'elle,  avant  qu'elle  prenne 
une  décision;  20  que  l'Administration  des  archives  publie,  par  la  voie  des 
mêmes  organes,  la  liste  des  documents  dont  la  destruction  aura  été 
résolue. 


On  annonçait  en  même  temps  que  ce  voeu  serait  soumis  au.x 
liverses  sociétés  d'études  historiques,  et,  comme  son  apparente 
neutralité  lui  assurerait,  pensait-on,  l'adhésion  unanime,  on  espérait 
ainsi  drosser  contre  la  direction  des  Archives  nationales  le  faisceau 
'les  organisations  savantes. 

Mais  les  sociétés  d'histoire  ne  sont  point  faites  pour  contrôler  les 
laits  et  gestes  des  administrations  ot  pour  servir  d'instruments  aux 
ambitions  et  aux  rancunes  les  plus  inavouables.  Interrogé  par  nous 
h  cet  égard,  le  prési<leiit  de  la  Société  d'histoire  de  la  Révolution 
de   18^8  nous  a  adressé   la  lettre  suivante,   qui   précise  avec  une 


CHRONIQUE  407 

parfaite  clarté  le  caractère  inacceptable  du  vœu  de  la  Société  d'his- 
toire moderne  : 

6  mars  1914. 
Mùu  cher  .111. 1, 

Vous  nie  dites  que,  le  i'^  mars,  la  Société  d'histoire  moderne  a  émis 
un  vœu  demandant  «  qu'à  l'avenir  la  Commission  supérieure  des  Archives, 
X  avant  de  délihérer  sur  l'opporlunilé  d'une  destruction  de  papiers,  fasse 
<  publier  au  Journal  officiel  ou  au  Bulletin  administratif  du  ministère 
.<  de  V Instruction  publique  la  liste  des  liasses  considérées  comme  inutiles 
«  par  la  direction,  de  manière  à  ce  que  les  érudits  et  les  sociétés  savantes 
«  puissent  faire  parvenir  en  haut  lieu  leurs  observations.  »  Vous  ajoutez 
que  ce  vœu  sera  soumis  à  d'autres  sociétés  historiques,  et  vous  me 
demandez  ce  que  j'en  pense. 

Rien  de  bon. 

1°  D'abord,  au  point  de  vue  pratique,  je  ne  vois  pas  trop  les  sociétés 
historiques  de  France  et  de  Navarre  compulsant,  même  par  l'organe  de 
délégués  autorisés,  les  liasses  proposées  pour  la  destruction  :  ce  qui  est 
cependant  le  seul  moyen  de  savoir  ce  qu'elles  contiennent. 

Je  ne  les  vois  pas  davantage  organisant  entre  elles  un  référendum,  par 
oui  ou  par  non,  en  telle  matière. 

J'ignore,  en  troisième  lieu,  pourquoi  ce  vœu  n'est  formulé  qu'à  propos 
des  Archives  nationales.  Il  y  a  bien  d'autres  Archives  où  il  est  indispen- 
sable de  faire  de  la  place  par  d'annuelles  mises  au  pilon  !  Quant  aux 
Archives  nationales,  jamais  elles  n'ont  été  mieux  dirigées,  ni  gardées 
avec  plus  de  vigilance  qu'à  présent. 

Donc,  ni  personnellement,  ni  comme  président  de  la  Société  de  l'his- 
toire de  la  Révolution  de  1848,  je  ne  m'associerai  au  vœu  de  la  Société 
d'histoire  moderne,  que  je  considérerais  même  comme  anarchique,  s'il 
n'était  pas  utopique. 

Cordialement  à  vous, 

H.   MONIN. 

Ajoutons  enfin  que,  pour  tout  ce  qui  concerne  cette  question  de 
la  destruction  de  papiers  inutiles  aux  Archives  nationales,  on  trou- 
vera des  renseignements  très  complets  dans  une  brochure  qui  vient 
de  paraître  sous  ce  titre  :  Les  suppressions  de  papiers  inutiles  aux 
Archives  nationales  en  igi3,  et  qui  est  un  tirage  à  part  d'un  article 
publié  dans  le  tome  LXXV  (1914)  de  la  Bibliothèque  de  l'Ecole  des 
Chartes.  On  y  trouvera  notamment,  aux  pages  19-28,  la  liste, 
d'après  les  bordereaux  de  suppression,  de  tous  les  papiers  détruits, 
depuis  le  22  juin  191 2,  dans  la  série  F'7.  Cette  liste,  mieux  que 
tout  commentaire,  montre  que  les  papiers  supprimés  étaient 
dépourvus  de  toute  importance  et  même  de  toute  utilité. 


4o8       REVUE    HISTORIQUE    DE    I,.\    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 

—  Le  bon  côté  de  ces  iiicidenls  a  été  d'attirer  l'attention  sur  les 
travaux  et  sur  les  méthodes  de  travail  de  M.  Aulard.  Nous  aurons 
l'occasion  de  revenir  sur  ce  sujet  à  propos  d'un  article  que  M.  Fran- 
çois Laurentie  vient  de  publier  dans  le  Correspondant  du  lo  mars, 
sous  le  titre  :  Le  cas  de  M.  Aulard.  —  C.  V. 


Chronique  régionaliste.  —  MARXE.  —  Le  Comité  départe- 
mental de  la  Commission  de  l'histoire  économique  de  la  Révolu- 
tion française,  dans  sa  séance  du  i5  janvier  I9i4i  tenue  à  Chàlons, 
a  décidé  : 

1°  De  solliciter  tout  d'abord  du'  la  Commission  du  ministère  l'im- 
pression immédiate  du  tome  IV  des  Cahiers  de  doléances  pour  les 
Etats  Généraux  de  f/Sf)  :  Bailliage  de  Reims,  préparé  depuis  plus 
d'un  an  par  M.  Gustave  Laurent  et  que  seules  dos  considérations 
iinancières  avaient  fait  ajourner; 

2°  Que  les  travaux  de  M.  Bei-land  sur  les  Subsistances  militaires 
et  de  W.  Gustave  Laurent  sur  les  Subsistances  de  la  ville  de  Reims 
pendant  la  Révolution  (qui  a  fait  l'objet  d'une  communication  au 
Congrès  de  191 3)  seront  ensuite  publiés  au  fur  et  à  mesure  des 
crédits  qui  seront  mis  k  la  disposition  du  déparlement  de  la  Marne; 

3°  Qu'un  projet  d'études  de  M.  Beuvesur  la  ville  de  Chàlons  sera 
examiné  ultérieurement  par  le  Comité  de  la  Marne. 

—  Le  Comité  de  la  section  marnaise  de  la  Société  des  études 
locales  dans  l'enseignement  public,  qui  compte  dans  son  sein  nos 
amis  et  collaborateurs  Octave  Beuve  (de  Chàlons-sur-Marne)  et  Gus- 
tave Laurent  (de  Reims),  avait  décidé,  depuis  plusieurs  mois,  de 
faire  paraître  un  bulletin-revue  d'histoire  locale  moderne  et  contem- 
poraine, d'abord  semestriellement,  ensuite  tous  les  trois  mois,  selon 
les  ressources  de  la  Société. 

Un  accident  d'une  certaine  gravité  survenu  l'été  dernier  k  M.  (îus- 
tave  Laurent  en  avait  retardé  l'apparition. 

Mais  le  premier  numéro  de  cette  petite  revue  est  aujourd'hui 
paru.  Elle  a  pour  titre  :  La  Marne  moderne,  organe  de  la  Société 
marnaise  des  études  locales  et  de  la  Commission  de  l'histoire  éco- 
nomique de  la  Révolution  Jrançaise  (Comité  de  la  Marne).  Elle 
comprend,  en  effet,  une  partie  qui,  sous  la  rubrique  :  La  Révolution 
dans  la  Marne,  sera  spécialement  consacrée  à  un  recueil  d'études 
documentaires  sur  l'histoire  de  la  Révolution  française  dans  la 
région.  De  semblables  arrangements  entre  les  deux  Sociétés  sont 
intervenus  dans  d'autres  départements,  notamment  dans  les  Vosges, 
l'Aube,  la  Sarthe,  le  Var,  etc..  A  côté  du  président  et  du  secré- 
taire de  la  Société,  la  nouvelle  revue  de  la  Marne  a  un  comité  de 


CHRONIQUE  ^0() 

rédaction  composé  de  M.M.  Berland,  archiviste  déparlomcntal,  pour 
la  région  de  Chàlons  ;  Bertal,  professeur  au  Collège,  pour  celle 
d'Epernay  ;  Merlin,  avocat,  conseiller  général,  pour  celles  de  Sézanne 
et  Montniirail  ;  Houssinescq,  bibliothécaire,  pour  celle  de  Reims  ; 
jAIartinet-Heuillard,  ancien  professeur,  libraire,  pour  celle  de  Sainte- 
Menehould  ;  et  Jovj,  professeur,  pour  celle  de  Vitry. 

Chacun  de  ces  membres  s'occupera,  dans  sa  propre  région,  de  la 
direction  des  travaux,  des  recherches,  et  communiquera  à  la  revue 
le  résultat  de  ses  investigations  et  les  publications  préparées  par 
les  adhérents. 

Ce  qui  a  été  entrepris  pour  l'histoire  générale,  grâce  aux  sources 
parisiennes,  la  nouvelle  Société  compte  le  réaliser,  à  l'aide  de  ces 
enquêtes  locales,  pour  l'histoire  moderne  et  contemporaine  du 
département  de  la  Marne. 

—  D'autre  part,  on  nous  annonce  que,  sur  l'initiative  de 
notre  collaborateur  et  ami  M.  Octave  Beuve,  conservateur  do  la 
Bibliothèque,  des  Archives  et  des  Musées  de  la  Ville  de  Chàlons-sur- 
Marne,  une  revue  d'histoire  régionale  vient  de  se  fonder  dans  cette 
ville.  Cette  revue,  publiée  sous  la  direction  de  M.  Octave  Beuve, 
a  pour  titre  :  Les  Archives  historiques  de  la  Cham/iac/ne  et  de  la 
Brie.  Voici  le  texte  du  prospectus  qui  annonce  cette  publication  et 
qui  en  trace  le  jirogramme  : 

Doter  la  Champagne  d'une  revue  régionale  d'histoire  et  d'érudition 
analogue  aux  remarquables  publications  que  possèdent  certaines  de  nos 
anciennes  provinces  ou  quelques  régions  françaises,  comme  l'Aunis  et  la 
Saintongc,  le  Maine,  le  Poitou,  le  Limousin,  la  Gironde',  tel  est  le  but 
que  nous  nous  proposons  en  fondant,  avec  le  concours  des  archivistes,  des 
bibliothécaires,  des  conservateurs  de  musées  et  des  érudits  de  la  région  : 
Les  Archives  historiques  de  la  Champagne  et  de  la  Brie.  Paraissant 
tous  les  mois,  par  fascicules  d'au  moins  deux  feuilles  in-8  raisin,  les 
Archives  historiques  contiendront:  i»  des  Etudes;  2°  des  Publications 
documentaires,  d'intérêt  régional;  3°  un  Bulletin  destiné  à  tenir  le  public 
au  courant  des  travaux  historiques,  des  découvertes  ou  travaux  archéolo- 
giques, des  nouvelles  artistiques  de  la  région.  L'histoire  de  la  Champagne 
et  de  la  Brie  des  origines  à  nos  jours,  tel  sera  le  cadre  de  la  publication 
et  l'objet  des  Etudes  insérées.  Une  large  place  sera  faite  à  l'histoire  de  la 
Révolution,  surtout  à  l'histoire  économique,  ainsi  qu'à  toutes  les  bran- 
ches de  l'archéologie  et  au  folk-lore.  Les  Publications  documentaires, 
d'intérêt  régional,  viseront  à  rendre  accessibles   aux    travailleurs   locaux 

I.  Arcfiives  liistoriques  de  la  Saintonge  et  de  t'Aunis;  Archives  liistoriques  du 
Maine;  Archives  liistoriques  du  Poitou;  Archives  historiques  du  Limousin; 
Archives  historiques  de  la  Gironde,  etc. 


l^lO       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE   ET    DE    l'eMPIRE 

les  documents  champenois  conservés  dans  certains  dépôts  parisiens  ou 
autres  et  difficilement  accessiijles.  Tenir  au  courant  des  travaux  des 
sociétés  savantes  si  nombreuses  en  Champagne  et  qui  travaillent  avec 
tant  de  zèle  à  l'histoire  de  leur  département  ;  constituer  un  lien  utile 
entre  elles,  tel  sera  le  but  du  Bulletin. 

Tout  en  facilitant  les  études  d'érudition  champenoise,  les  Archives 
historiques  aideront  en  même  temps  à  l'enseignement  de  l'histoire  locale 
à  l'école,  en  fournissant  aux  maîtres  :  des  études,  des  documents,  des 
matériaux,  un  plan,  des  indications  diverses.  Non  contents  de  travailler  à 
ce  vivifier,  par  l'amour  de  la  province,  l'amour  de  la  Patrie  »,  nous  pren- 
drons la  défense  de  nos  vieilles  églises,  de  nos  anciens  châteaux,  de  nos 
sites,  de  toutes  nos  curiosités  menacées  par  tant  d'ennemis  divers. 

Ajoutons  que  les  publications  des  Archives  historiques  se  feront  dans 
un  esprit  régional,   exclusivement  scientifique  et  strictement  objectif. 


I.  Le  prix   lie   l'abonnement  annuel   est  fixé  à    lo  francs.   On  peut  adresser  les 
demandes  directement  à  M.  Octave  Beuve. 


TABLES 

DU 

TOME     CINQUIEME 
Janvier-Juin  1914 


l 

TABLE    DES    MATIÈRES 


Beuve  (Octave)  :  Un  [letit-fils  de  Montesquieu  soldat  de  l'Indé- 
pendance américaine  (d'après  des  documents  inédits) 233 

Clavière  :  Trois  lettres  inédites  à  Etienne  Dumont  (lyiji-iyg;!).    .  5 

Favret  (P. -M.)  :  Quelques  documents  biographiques  sur  le  conven- 
tionnel Courtois 2O4 

LûTzow  (Baron  de)  :  Trois  lettres  inédiles  à  Sir  Francis  d'Ivernois 

sur  la  guerre  d'Espagne  (i 810-18 12) 209 

Marie-Caroline,  reine  des  Deux-Siciles  :  Lettres  inédites  au  mar- 
quis de  Gallo  (1789-1806) 116,  3o6 

MoNiN  (H.)  :  La  Montansier,  fondatrice  et  directrice  de  théâtres, 

sous  l'ancien  régime  et  pendant  la  Révolution  (1780-1820).    .    .  42 

PÉLissiER  (Léon-G.)  :   A  la  veille  des  Pâques  véronaises  (juillet- 
août  1796) 18 

Vallentin  du  Ciievlard  (R.)  :  Sanary  et  le  siège  de  Toulon  .    .      99,  282 

Vellay  (Charles)  :  Les  vicaires  généraux  de  Paris  et  le  serment 

constilulionnel  en  janvier  1791 278 

Mélanges  et  documents 

Benjamin  Franklin  et  le  procès  du  paratonnerre  de  Saint-Omer, 

1782-1783  (Charles  Vellay) k'5 

Robespierre  et  l'admission  des  l'eniines  dans  les  Sociétés  littéraires 

(Hip|iolyte  Duval) 824 

Vn  rapport  inédit  de  Robespierre  à  l'Académie  d'Arras  (Charles 

Vellay) 826 

Une  lettre  de  Delessart  au  ministre  de  France  à  Mayence  sur  la 

question  des  émigrés,  i4  novembre  1791  (Charles  Vellay).    .    .         333 

Le  Journal  de  Geiirve  comme  source  de  l'histoire  de  la  Révolu- 
tion française,  1789-1793  (Otto  Karmin)  .    .        386 

Deux  lettres  inédites  du  général  de  Montes(]aiou  au  directoire  du 

département  de  la  Gironile,  août  1792  (Roger  Brouillard)  .    .    .  188 

Quelques  lettres  de  volontaires,  an  II  (Emilie  Téchiné) i4i 

Un  journal  bordelais  patronné  parYsabeau,  an  III  (Roger  Brouillard).         343 

I.  Les  articles  de  fon.l  sont  raiiçjés  par  ordre  alphabétique  des  noms  des  auteurs, 
les  mélanges  el  documents  par  ordre  chronologique  des  matières,  les  notes  et  glanes 
par  ordre  alphabcliquc  des  litres,  la  bibliographie  par  ordre  alphabétique  des  noms 
des  auteurs  des  ouvrages,  les  notes  de  chronique  par  ordre  alphabétique  des  titres. 


4l2       REVUE    HISTOaiQLE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET  DE    l'eMPIRE 

Une  lettre  inédite  de  Briois  de  Bcaumez  à  Etienne  Dumont  sur 

ses  impressions  d'Amérique,  3  avril  l'^cjS  (Otto  Karinin)   .    .    .  i44 

Un  récit  de  l'expédition  de  Quiberon  (Otto  Karmin) 147 

Une  lettre  inédite  de  John  Adams  à  Sir  Francis  d'Ivernois.  1 1  dé- 
cembre 1795  (Otto  Karmin) 3/(0 

Un  récit  oublié  de  la  prise  du  bois  de  Finges  par  les  Français, 

28  mai  1799  (Otto  Karmin) 349 

A  propos  de  la  mon  du  tzar  Paul  I^'',  1 1  23  mars  1801  (H.  Monin)         149 
La  question  du  pain  à  Paris  en  l'an  IX  (Charles  Vellay).    ....  i58 
Une  singulière  idée  d'un  .anglais  partisan  et  défenseur  de  Napo- 
léon, en  i8i5  (Commandant  Weil) 353 

Travaux   bibliographiques 

Essai  d'une  bibliographie  de  J.-B.  Carrier  (Paul  Porlevin).    .  160,  355 

Notes  et  glanes 

Baptême  et  serment  civique 35g 

Beaumarchais  sur  les  affaires  de  France  en  1790  et  sur  la  division 

du  royaume  en  départements  (L'opinion  de) i65 

Chabot. 35g 

Chartres  protecteur  de  prêtres  réfraclaires  en  1791  (Le  duc  de)   .  36o 

Clavière  et  Beaumarchais 36o 

Emotion  causée  dans  le  Pays  de  Gex  par  la  fuite  à  Varennes  (L').  166 

Marie-Antoinette  en  1790  (L'impopularité  de) i6(> 

Napoléon  à  l'île  d'Elbe i6(î 

Bibliographie 
(Les  noms  placés  entre  parenthèses  à  la  suite  des  titres  sont  ceux 
des  auteurs  des  comptes  rendus.) 
Atilard  (F. -A.),    Recueil   des   Actes   du   Comité  de  salut  public. 

Tomes  XXI  et  XXII  (H.  .Monin) 170 

Barlli  (HaQ^),   Bildiogrnphie  der  Schweizer  Geschichte,  Tome   I 

(Otto  Karmin) 'i^!^ 

Baudrillart  (Alfred),  .\lberl   Vo<jt,   Urbain  Rou:irs,   Dictionnaire 

d'histoire  et  de  géographie  ecclésiastique.   T.  I(()tlo  Karmin).         373 
Clwinard  (^'.  Deniau). 

Z>oiif/e/ (Ernest),  La  Police  politique,  i8i5-i820  (J.  .V.) 308 

Deniau  (Chanoine),  Dom  Chamard,  abbé  Usureau,  Histoire  de  la 

guerre  de  Vendée,  Tomes  V  et  VI  (H.  Monin) 182 

Ferrari  (Giuseppe),  Una  lettera   inedita  del  conte   Giuseppe   de 

.Maistre  (J.  A.)   . 367 

Grasilier  (Léonce),  Évasions  de  prisonniers  de  guerre  favorisées 

par  les  trancs-maçons  sous  Napoléon  \"  (Otto  Karmin)  ....  18O 

Le  Brelhon  (V.  Mural) 
Loatchisk-y  (Jean),  La  propriété  paysanne  en  France  à  la  veille  de 

la  Révolution  (H.  .Monin) 1O8 

Loutchiskij  (Jean),   Ouelques  remarques  sur  la  vente  des  biens 

nationaux  (IL  Monin) 30:' 

Molsen  (Ulrich),  Philosophie  und   Dichtung  bei  Ouinet,  I.  Teil  : 

Jugend  (C.  Senil) iSS 

Mtmtarlot  (P.)  et  L.  Pi/iffaud,  Le  Congrès  de  Raslalt,    1  1    juin 

1798-2S  avril  1799  (Charles  Vellay) 304 

Murât  (Prince)  et  Paul  Le  Brelhon,  Lettres  et  documents  pour  ser- 


TABLKS  4 I 3 

vir  à  l'histoire  de  Jonchim  Murât.    1767-1815.  Tome  ^'II  (A.  de 

Tarlé) 18/4 

O'Kelli/  de  Galiray  ((lomtc),  Francisco  de  Miranda  (H.  Monin).   .  180 

/'icaril  (Ernest)  et  Louis  Tuetey,  Correspondance  inédite  de  Napo- 
léon I"  conservée  aux  Archives  de  la  Guerre.  Tome  I  (J.  A.)  .         305 
l'inguud  (\ .  iVonlar/ol). 
Roii:i('S  (V.  Baudrill(irt'). 

Sanson  (Victor),  Répertoire  bibliogr.iphique  pour  la  période  dite 
révolutionnaire,   1781)-! 801,  en  Seine-Inférieure.  Tome  V  (A.  Le 

Corbeillcr) ,304 

Tuetey  (V.  Picard). 

l'cureaii  (F.),  Les  élections  et  le  cahier  du  Tiers-Etat  de  la  ville 

d'Angers,  1780  (H.  Moain). 36i 

U:ureau  (V.  Déniait'). 

Vachée  (Colonel),  Napoléon  en  campagne  (A.  de  Tarlé) .'ÎG6 

Vogt  (V.  Baudrillari). 

lKe/<7a// (Rachel),  Correspondence  of  Lord  Burghersh,  i8o8-i84o 

(M.   H.) " 3O9 

Livres  nouveaux 189,  875 

Périodiques igS,  38 1 

Chronique 

Archives  nationales  (Les  incidents  des) 2o4,  4o4 

Chronique  régionaliste. !\o9i 

Diderot  (Le  bi-centenaire  de) 2o3 

Joséphine  (Deux  lettres  inédites  de  l'impératrice) 4o3 

Journaux  (A  travers  les) 201,  399 

Lecteurs  (A  nos) , 201 

Marie-Antoinette  à  la  princesse  de  Lamballe  (Une  lettre  Inédite  de).         402 
Société  d'histoire  de  la  Révolution  de  1848  (A  la) 4o> 


INDEX    ALPHABÉTIQUE 


.\dams  (John)  :  Une  lettre  inédite  de 

—  à  Sir  Francis  d'Ivernois  (i  i  dé- 
cembre 1795),  p.  340. 

Amérique  :  Une  lettre  inédite  de 
Briois  de  Beaumez  à  Etienne  Du- 
mont  sur  ses  impressions  d'  — 
(3  avril  1795),  p.  i44  (V.  aussi 
Indépendance). 

Anglais   :  Une  singulière  idée  d'un 

—  partisan  et  défenseur  de  Napo- 
léon, en  1810,  p.  353. 

Archives  nationales  :  Les  incidents 
des  — ,  pp.  2o4,  4o4. 

Arras  :  Un  rapport  inédit  de  Ro- 
bespierre à  l'Académie  d'  —  p.  32(3. 


et  serment   civique. 


Baptême 
p.  359. 

Beaumarchais  :  L'opinion  de  —  sur 
les  affaires  de  France  en  1790  et 
sur  la  division  du  royaume  en 
départements,  p.  i65  ;  Clavière  et 
— ,  p.  36o. 

Beaumez  (V.  Briois  de  Beaumez). 

Beuve  (Octave)  :  Un  petit-fils  de 
Montesquieu  soldat  de  l'Indépen- 
dance américaine  (d'après  des  do- 
cuments inédits),  p.  233. 

Bibliographie  :  Essai  d'une  —  de 
J.-B.  Carrier,  pp.  160,  355  (Pour 
les     comptes    rendus    bibliogra- 


4l4       REVUE    HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET    DE    l'eMPIRE 


phiques,  voir  le  détail  supra,  à  la 
Table  des  matières). 
Bonaparte  (Napoléon)  :   Lettres  de 

—  aux  officiers  municipaux  de 
Saint-Nazaire  [Sanary]  (21  fri- 
maire au  II  et  17  octobre  1793), 
pp.  io5,  107.  (V.  aussi  Napo- 
léon). 

Briois  de  Beaumez  :  Une  lelte  iné- 
dite de  —  à  Etienne  Dumont  sur 
ses  impressions  d'Amérique  (3 
avril  1795),  p.  i44- 

Broltllard  (Roger)  :  Deux  lettres 
inédites  du  général  de  Montes- 
quiou  au  directoire  du  départe- 
ment de  la  Gironde  (août  1792), 
p.  i38  ;  Un  journal  bordelais 
patronné  par  Ysabeau  (an  III), 
p.  343. 

Carrieh(.I.-B.)  :  Essai  d'une  biblio- 
graphie de — ,  pp.  iGo,  355. 

Chabot  :  — ,  p.  809. 

Chartres  (Duc  de)  :  Le  —  protec- 
teur de  prêtres  réfractaires  en 
1791,  p.  36o. 

Chronique  régionaliste  :  Marne, 
p.  408. 

Clavière  :  Trois  lettres  inédites  de 

—  àEtienne  Dumont  (1791-1792), 
p.  5;  — et  Beaumarchais,  p.  36o. 

Courtois  :  Quelques  documents  bio- 
graphiques sur  le  conventionnel 
— ,  p.  2G4;  Lettre  de  Duval  à  — 
(28  vendémiaire  an  IV),  p.  268; 
Lettres  de  Ch.  Delacroix  à  — 
(12  prairial  et  24  messidor  an  V), 
pp.  268,  2G9;  Lettre  de  Talleyrand 
à  —  (7  fructidor  an  V),  p.  269  ; 
Lettres  de  — (181O),  pp.  270,271. 

Custine  (Général)  :  Leilre  du  —  à 
BoUel,  Beffroy  et  Couituis(i3juin 
1793),  p.  266;  Lettre  de  Bollet, 
Beffroy  et  Courtois  au  — ,  p.  2GG. 

Delacroix  (Ch.)  :  Lettres  de  —  à 
Courtois  (12  prairial  et  24  messi- 
dor an  V),  pp.  268,  269. 

Delessart  :  Une  lettre  de  —  au 
ministre  de  France  à  Mayence 
sur  la  question  des  émigrés 
(i4  novembre  1791),  p.  333. 

Départements  :  L'opinion  de  Beau- 
marchais surles  aUaires  de  France 


en  1790  et  sur  la  division  du 
royaume  en  — .  p.  iG5. 

Des  Essarts  :  Lettre  de  — ■  à  Benja- 
min Franklin  (2  mars  1788), 
p.  i38. 

Diderot  :  Le  bi-centenaire  de  — , 
p.  2o3. 

DuMEZ  (Capitaine)  :  Lettre  du  —  au 
général  Junot  (25  fructidor  an  IX), 
p.  i58. 

Dumont  (Etienne)  :  Trois  lettres  iné- 
dites de  Clavière  à  —  (1791-1792), 
p.  5  ;  Une  lettre  inédite  de  Briois 
de  Beaumez  à  —  sur  ses  impres- 
sions d'Amérique  (3  avril  1796), 
p.  144. 

Duval  :  Lettre  de  —  à  Courtois 
(28  vendémiaire  an  IV),  p.  2G8. 

Duval  (Hippolyte)  :  Robespierre  et 
l'admission  des  femmes  dans  les 
Sociétés  littéraires,  p.  824. 

Elbe  (Ile  d')  :  Napoléon  à  I'  — , 
p.  166. 

Espagne  :  Trois  lettres  inédites  du 
baron  de  Lûtzow  à  Sir  Francis 
d'Ivernois  sur  la  guerre  d'  — 
(1810-1812),  p.  209. 

Essarts  (V.  Des  Essarts). 

Favret  (P.-.M.)  :  Quelques  docu- 
ments biographiques  sur  le  con- 
ventionnel Courtois,  p.  204- 

FiNGEs  :  Un  récit  oublié  de  la  prise 
du  bois  de  Fingcs  par  les  Fran- 
çais (28  mai  1799),  p.  849- 

Franklin  (Benjamin)  :  —  et  le  pro- 
cès du  paratonnerre  de  Saint- 
Omer  (1782-1788),  p.  i85;  Lettre 
de  Vissery  de  Bois-Valé  à  — 
(10  décembre  1782),  p.  i35; 
Lettre  de  Des  Essarts  à  —  (2  mars 
1788),  p.  188. 

Gallo  (.Marquis  de)  :  Lettres  iné- 
dites de  Marie-Caroline,  reine  des 
deux  Siciles,  au  —  (1789-1806), 
pp.  I  iG,  3ot). 

Genilve  :  Le  i<  Journal  de  —  » 
comme  source  de  l'histoire  de  la 
Révolution  française  (1789- 1798), 
p.  330. 

Gex  (Pays  de)  :  L'émotion  causée 
dans  le  Pays  de  tîex  par  la  fuite 
,i  Varennes,  p.  iGG. 


4i5 


Gironde  :  Deux  leltres  inédites  du 
général  de  Montcsquiou  au  direc- 
toire du  départemenl  de  la  — 
(août  1792),  p.  i38. 

Indépenoance  :  Un  petit-fils  de 
Montesquieu  soldat  de  1'  —  amé- 
ricaine (d'après  des  documents 
inédits),  p.  233. 

IvERNOis  (Sir  Francis  d'  — )  :  Trois 
lettres  inédites  du  baron  de  Liit- 
zowà  —  sur  la  guerre  d'Kspagne 
(1810-1812),  p.  20g;  Une  lettre 
inédite  de  John  Adanis  à  — • 
(11  décembre  1795),  p.  346. 

Joséphine  (Impératrice)  :  Deux  let- 
tres inédites  de  1' —  (27  ventôse 
et  7  germinal  an  VII),  pp.  4o3,  4o4. 

a  Journal  de  Genève  »  :  Le  — 
comme  source  de  l'histoire  de  la 
Révolution  française  (1789-1793), 
p.  330. 

Journaux  :  Atravcrsles — ,  pp.  201, 

399- 

JuNOT  (Général)  :  Lettre  du  capi- 
taine Dumez  au  —  (26  fructidor 
an  IX),  p.  i58. 

Karmin  (Otto)  :  Trois  lettres  inédites 
de  Glavière  à  Etienne  Dumont 
(1791-1792),  publiées  et  annotées 
par  — ,  p.  5;  Une  lettre  inédile 
de  Briois  de  Beauraez  à  Etienne 
Dumont  sur  ses  impressions  d'A- 
mérique (3  avril  1796),  p.  i44; 
Un  récit  de  l'expédition  de  Qui- 
beron,  p.  147;  Trois  lettres  iné- 
dites du  baron  de  Lûtzow  à  Sir 
Francis  d'Ivernois  sur  la  guerre 
d'Espagne  (1810-181 2),  publiées  et 
annotées  par — ,  p.  209;  Le  «  Jour- 
nal de  Genève  »  comme  source 
de  l'histoire  de  la  Révolution  fran- 
çaise (i  789-1 793),  p.  330;  Lfne  let- 
tre inédite  de  John  Adams  à  Sir 
Francis  d'Ivernois  (11  décembre 
1795),  p.  346;  Vn  récit  oublié  de 
la  prise  du  bois  de  Finges  par 
les  Français  (28  mai  1799),  p.  349- 

Lamballe  (Princesse  de)  :  Une 
lettre  inédite  de  Marie-Antoinette 
à  la  —  (3i  juillet  1791),  p.  4o2. 

LiiTzow  (Baron  de)  :  Trois  lettres 
inédites  du  —  à  Sir  Francis  d'I- 


vernois sur  la  guerre  d'Espagne 
(1810-181  2),  p.  209. 

Marie-Antoinette  :  L'impopularité 
de  —  en  1790,  p.  16G;  Une  lettre 
inédite  de  —  à  la  princesse  de 
Lamballe  (3i  juillet  1791),  p.  4o2. 

Marie-Caroi.ine,  reine  des  Deux- 
Siciles  :  Lettres  inédites  de  — au 
marquis  de  Gallo  (1789-180O), 
pp.  I  lO,  3o6. 

Mayence  :  Une  lettre  de  Delessart 
au  ministre  de  France  à  —  sur 
la  question  des  émigrés  (i4  no- 
vembre 1791),  p.  333. 

MoNiN  (H.)  :  La  .Montausier,  fonda- 
trice et  directrice  de  théâtres,  sous 
l'ancien  régime  et  pendant  la 
Révolution,  p.  !^2  ;  A  propos  de 
la  mort  du  tzar  Paul  b'(i  i/23  mars 
i8oi),  p.  149. 

Montansier  :  La  — ,  fondatrice  et 
directrice  de  théâtres,  sous  l'an- 
cien régime  et  pendant  la  Révo- 
lution, p.  42. 

Montesquieu  :  Un  petit-fils  de  — 
soldat  de  l'Indépendance  améri- 
caine (  d'après  des  documents 
inédits),  p.  233. 

Montesquieu  (Charles-Louis  de  Se- 
condât de)  :  Lettres  de  —  au 
vicomte  Amand  de  Saint-Chamans 
(i 777-1 782),  pp.  235,  286,  237, 
238,  242,  245,  246,  248,  249,  25'i, 
2r)2,  253,  255,  258,  2O0. 

MoNTESQUiou  ((iénéral  de)  :  Deux 
lettres  du  —  au  directoire  du 
département  de  la  Gironde  (août 
1792),  p.  i38. 

Napoléon  1=''  :  —  à  l'île  d'Elbe, 
p.  lOO;  Une  singulière  idée  d'un 
Anglais  partisan  et  défenseur  de 
— ,  en  i8i5,  p..  353.  (V.  aussi 
Bonaparte). 

O'Kelly  :  Lettre  de  Delessart  à  — 
(i4  novembre  1791),  p-  334. 

Pain  :  La  question  du  —  à  Paris  en 
l'an  IX,  p.  i58. 

Pâques  véronaises  :  A  la  veille  des 
—  (juillet-aoïU  179O),  p.  18. 

Paris  :  La  question  du  pain  à  — 
en  l'an  IX,  p.  i58;  Les  vicaire; 
généraux    de    —   et    le    sermtn. 


4lC       REVUE   HISTOUIQIE    DE    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE    ET   DE    l'eMPIRE 


constitutionnel  en  janvier  1791, 
p.  278  ;  Lettre  des  vicaires  géné- 
raux à  rarchevèque  de — ,  p.  274  ; 
Exposé  de  la  conduite  des  vicaires 
généraux  de  —  relativement  à  la 
cessation  de  leurs  fonctions,  et  à 
la  reprise  des  mêmes  fonctions 
par  quelques-uns  d'entre  eux, 
p.  276. 

Paul  l"  :  A  propos  de  la  mort  du 
tzar  —  (11/23  mars  1801),  p.  i49- 

PÉLissiER  (Léon-G.)  :  A  la  veille  des 
Pâques  véronaises  (juillet-août 
179O),  p.   18. 

PoRTEViN  (Paul)  :  Essai  d'une  biblio- 
graphie de  J.-B.  Carrier,  pp.  lOo, 
355. 

Prêtres  :  Le  duc  de  Chartres  pro- 
tecteur de  —  réfractaires  en  1791, 
p.  36o. 

QuiBERON  :  Un  récit  de  l'expédition 
de  — ,  p.  i47- 

Robespierre  :  —  et  l'admission  des 
femmes  dans  les  Sociétés  litté- 
raires, p.  324;  Un  rapport  inédit 
de  —  à  l'Académie  d'Arras, 
p.  826. 

Saint-Chamans  (Vicomte  Amand 
de)  :  Lettres  de  Charles-Louis  de 
Secondât  de  Montesquieu  au  — 
(i 777-1 782),  pp.  235,  236,  287, 
288,  242,  245,  246,  248,  249,  201, 
252,  253,  255,  258,  260. 

Saint-Omer  :  Benjamin  Franklin  et 
le  procès  du  paratonnerre  de  — 
(1782-1788),  p.  i35. 

Sanarï  :  —  et  le  siège  de  Toulon, 
pp.  99,  282. 

Serment  :  Les  vicaires  généraux  de 
Paris  et  le  —  constitutionnel  en 
janvier  1791,  p-  278;  Baptême  et 
—  civique,  p.  359. 

Sociétés  littéraires  :  Robespierre 
-  et  l'admission  des  femmes  dans 
les  — ,  p.  824. 

Talleyrand  :  Lettre  de  —  à  Cour- 
tois (7  fructidor  an  V),  p.  269. 


Téchiné  (Emilie)  :  Quel<iues  lettres 
de  volontaires  (an  II),  p.  i4i. 

Toulon  :  Sanary  et  le  siège  de  — , 
pp.  99,  282. 

Vallentin  du  Cheylard  (R.)  :  Sa- 
narv  et  le  siège  de  Toulon,  pp.  99, 
282'. 

Varennes  :  L'émotion  causée  dans 
le  Pays  de  Gex  par  la  fuite  à  — , 
p.  1O6. 

Vellay  (Charles)  :  Benjamin  Fran- 
klin et  le  procès  du  paratonnerre 
de  Saint-Omer(i 782-1 788),  p,  i85; 
La  question  du  pain  à  Paris  en 
l'an  IX,  p.  i58;  Les  vicaires  gé- 
néraux de  Paris  et  le  serment 
constitutionnel  en  janvier  1791, 
p.  278;  Un  rapport  inédit  de  Ro- 
bespierre à  l'Académie  d'Arras, 
p.  826  ;  Une  lettre  de  Delessart  au 
ministre  de  France  à  Mayence  sur 
la  question  des  énjigrés  (i4  no- 
vembre 1791)'  P-  ^33. 

Vicaires  généraux  :  Les  —  de  Paris 
et  le  serment  constitutionnel  en 
janvier   1791.  p.  278;   Lettre  des 

—  à.  l'archevêque  deParis.  p.  274; 
Exposé  de  la  conduite  des  —  de 
Paris  relativement  à  la  cessation 
de  leurs  fonctions,  et  à  la  reprise 
des  mêmes  fonctions  par  quehiues- 
uns  d'entre  eux,  p.  270. 

VissERY  DE  Bois-Valé  :  Lettre  de  — 
à  Benjamin  Franklin  (  i  o  décembre 
1782),  p.  i85. 

Volontaires   :    Quelques  lettres  de 

—  (an  II),  p,  i4i- 

Weil  (Commandant)  :  Lettres  iné- 
dites de  Marie-Caroline,  reine 
des  Deux-Siciles,  au  marquis  de 
Gallo  (1789-180!)),  publiées  et 
annotées  par  le  — ,  pp.  iiO,  806; 
Une  singulière  idée  d'un  Anglais 
partisan  et  défenseur  de  Napo- 
léon, en  i8i5,  p.  353. 

YsABEAU  :  L'n  journal  bordelais 
patronné  par  —  (an  III),  p.  843. 


Le  Directeur-Gérant  :  Charles  Vellay. 


.\RIS,    lUPRI» 


Rr:vri*:  iiistorioue 

UE     LA 

liÉV0LlT10^    F1{A^(:A1SE 

.     ET  DE  L" EMPIRE 


Juillet-Décembre    1914 


RFV.   HIST.  lir:  LA  KEVÛL 


REVUE  lIISTdRlOlE 


DE  LA 


RÉVOLITIOX  FIIAMIVISE 


ET  DE  LEMPlliE 


DIRECTEUR   :    CHARLES   VELLAY 


TOME     SIXIEME 


Juillet-Décembre    1914 


I          PARIS  j 

AUX     BUREAUX     DE     LA  1 

REVUE   HISTORIQUE  DE  LA   RÉVOLUTION  FRANÇAISE  1 

9,  Rue  Saulnier  (IX')  \ 

1914  1 


LKTTIllvS  IXh:i)ITKS 

DE  GlILLOTIN  A  BENJAMIN  EllANkUN 

(1787-1788) 


Le  D'  Joseph-Ignace  Guillotiii,  qui  allait  conquérir,  en  1790, 
iV'li;inge  gloire  de  donner  son  nom  à  la  guillotine,  était  déjà,  en 
1784,  un  médecin  d  une  grande  notoriété.  Quand,  le  12  mars  de 
cette  année,  le  gouvernement  décida  de  nommer  une  commission 
scientifique  pour  examinerla  question  du  magnétisme  animal  vers 
laquelle  les  expériences  deMesmer  avaient  tourné  tous  les  esprits, 
Guillotin  fui  choisi  pour  en  faire  partie,  avec  ses  trois  confrères 
Majault,  Sallin  et  Darcet.  L'Académie  des  Sciences,  de  son  côté, 
y  fut  représentée  par  cinq  de  ses  membres  :  Bailly,  deBory, Fran- 
klin, Lavoisier  et  Leroi.  C'est  cette  circonstance  qui  mit  en  rela- 
tions, comme  il  le  rappelle  lui-même  dans  la  première  des  lettres 
qui  suivent,  Guillotin  avec  Franklin. 

Pendant  la  plus  grande  partie  de  l'année  1784,  les  deux  savants 
restèrent  ainsi  en  contact,  apprenant  à  se  connaître  et  sans  doute 
à  s'apprécier.  Mais  il  ne  semble  pas  que  ces  relations  aient  con- 
tinué au-delà  de  l'automne  de  1784,  date  à  laquelle  la  commis- 
sion termina  ses  travaux,  puisque,  dans  les  lettres  qu'on  va  lire, 
et  dont  la  première  est  du  mois  de  juin  1787,  on  voit  Guillotin 
prendre  prétexte  de  cette  ancienne  colJnLoration  pour  expliquer 
et  jastilicr  la  démarche  qu'il  fait  auprès  de  l'illustre  homme  d'E- 
tat américain. 

Les  faits  auxf[ucls  ces  lettres  se  rapportent  sont  peu  connus. 
Elles  ont  trait  à  une  entreprise  d'émigration  et  de  colonisation  sur 
laquelle  nous  ne  savons  rien  de  plus  que  ce  que  ces  lettres  nous 
apprennent.  Au  reste,  l'entreprise  échoua,  et  la  niorttragique  des 
premiers  pionniers  découragea  leurs  amis.  Mais  il  est  curieux  de 
voir  Guillotin  prendre  une  part  si  active  à  ce  projet  et  s  en  faire 
avec  tant  de  zèle  l'un  des  organisateurs. 


h  lii;VLT.  HISTOMIQIK   DELA   REVOLUTION   FHANÇAISE 

Ces  leUres  sont  conservées  dans  les  papiers  de  Franklin  à 
l'American  Philosophica!  Socictj',  à  Philadelphie  (Tomes  XXXV, 
n"  78,  102  et  141,  et  XXXVI,  n"- 15,  34  et  65).  Xous  en  devons  la 
communication  à  l'obligeance  de  cette  Société  elle-même,  et  plus 
particulièrement  à  celle  de  M.  Rosengarten,  qui  a  bien  voulu  se 
charger  de  collationner  avec  le  plus  grand  soin  les  copies  qui  en 
ont  été  faites,  et  de  Mrs  Louise  de  HunersdorlT,  qui  a  bien  voulu 
se  charger  de  l'établissement  même  de  ces  copies. 

Chakles  Vei.lay. 
1 
Monsieur, 

Vous  n'avez  pas  oublié  vos  anciens  collègues  dans  la 
Commission  nommée  par  le  Roy  pour  l'Examen  de  cette  très 
importante  quoique  fort  ridicide  affaire  du  Magnétisme  ani- 
mal, vous  leur  en  avez  fait  donner  les  marques  les  plus  gra- 
cieuses ])ar  M.  Le  Roy  qui  a  dû  vous  faire  leurs  remercie- 
mcns.  Je  l'ai  prié  en  mon  particulier,  ^Monsieur,  de  vous 
témoigner  toute  ma  reconnaissance  et  ma  sensibilité.  Au- 
jourd'hui je  saisis  avec  empressement  roccasion  qui  se  pré- 
sente de  vous  recommander  JNL  Dique  et  M.  Saugrail,  por- 
teur de  ma  lettre,  pour  vous  renouveller  moi-même  l'assu- 
rance de  sentiments 'd'estime,  de  respect  et  de  vénération 
([ue  vous  m'avez  inspirés. 

Ces  Messieurs  partent  pour  l'Amérique,  chargés  de  pré- 
parer l'exécution  d'un  projet  auquel  je  m'intéresse  vivement 
et  ([ui  ne  vous  sera  peut-élrc  pas  désagréable.  Vous  pouvez 
beaucoup  contribuer  par  vos  bons  offices,  et  même  votre 
puissante  protection  seule  suffit  pour  le  faire  réussir.  Il  s'a- 
git de  former  un  établissement  sur  les  bords  de  l'Ohio,  ou 
aux  environs,  .l'ose  réclamer  vos  bontés  tant  en  faveur  du 
projet  qu'en  faveur  de  ceux  ({ui  l'ont  formé,  et  particulière- 
ment en  laveur  île  deux  d'entre  eux  :  M]\L  Dique  et  Sau- 
grait  '   ([ui  veulent  bien  être  les  agens  de  cette  petite  société. 

Vous  vous  rnp[H'llerez  peut-être.  Monsieur,   qu'ayant  eu 

l.C.imnii'  on  !<■  v.-rni  plus  loin,  cis  di'ux  noms  son!  orlhognipliits  d'uni- 
r;n;on  très  v;u-iabli'.  Dnns  ri^norani'f  où  nous  soninifs  de  leur  vêrilalile  ortho- 
f{raphr,  nous  avons  respeclé  toules  les  variations  de  Guillotin.  —  C.   \'. 


LETTRES  INEDITES  DE  CIII.I.OTIN   A  BENJAMIN  FRANKLIN  / 

riionneur  de  dîner  plusieurs  fois  chez  vous  à  Passy  avec  les 
autres  commissaires  du  Hoy,  nos  affaires  de  Magnétisme 
animal  étant  terminées,  j'ai  [jris  souvent  la  liberté,  ainsi  que 
dans  quelques  visites  particulières,  de  vous  faire  bien  des 
(juestions  relatives  aux  Etats  Unis  de  l'Amérique,  et  de  vous 
demander  une  foule  d'éclaircissements  et  de  renseignements, 
i|uc  vous  avez  toujours  eu  la  complaisance  de  me  donner 
avec  celte  bonté  et  cette  clarté  rjui  vous  caractérisent.  Eh  ! 
bien,  ^Monsieur,  ce  n'était  pas  par  curiosité  de  ma  part, 
comme  vous  l'avez  peut-être  pensé.  Erappé  déjà  depuis 
longtemps  de  la  sagesse  et  de  l'énergie  d'un  peuple  secouant 
à  la  fois  le  double  joug  de  la  tirannie  civile  et  religieuse,  ci- 
mentant de  son  sang  l'édifice  auguste  d'un  gouvernement 
juste,  solidement  fondé  sur  l'égalité,  la  tolérance  et  la  liberté, 
le  seul  propre  à  des  êtres  raisonnables,  mon  àine  s'est  émue; 
j'ai  béni  les  sages,  je  dirois  presejne  les  divins  auteurs  d'une 
révolution  qui  venge  enlin  l'humanité,  partout,  jusqu'à  nos 
jours,  cruellement  désolée  et  honteusement  avilie  par  les 
autrages  les  plus  sanglants  du  tlespotisme  et  de  la  supers- 
tition ;  j'ai  désiré  vivement  de  |)ouvoir  aller  rendre  hom- 
mage à  ces  hommes  illustres,  aussi  vertueux  qu'éclairés,  à 
ces  vrais  Philosophes,  Législateurs  et  guerriers,  Génies  tu- 
télaires  du  nouveau  monde,  et  peut-être,  un  jour,  de  l'an- 
cien ;  j'ai  formé  le  vœu  le  plus  ardent  d'aller  partager  le 
bonheur  d'un  peuple  qu'ils  s'efforcent  de  rendre  heureux. 

Ce  que  je  souhaitois  fortement  j'ai  conçu  le  projet  de  l'exé- 
cuter réellement.  Après  avoir  pris  des  connaissances  relatives 
à  l'Améritpie  dans  les  ouvrages  qui  ont  été  publiés  sur  cette 
matière,  dans  la  conversation  des  gens  instruits,  surtout  des 
voyageurs,  j'en  ai  conféré  avec  des  amis  ;  je  leur  ai  fait  part 
de  mes  vues  ;  elles  se  sont  trouvées  conformes  aux  leurs. 
Tous  ennuies  du  tumulte,  du  tracas,  de  l'intrigue  et  du  luxe 
dévorant  de  nos  cités  ;  lé  vol  tés  de  l'inconséquence  et  de  la 
contradiction  perpétuelles  entre  les  Loix,  les  usages  et  les 
mœurs  qui  ne  vous  laissent  souvent  que  la  cruelle  alterna- 
tive du  ridicule  ou  du  crime  ;  affligés  du  triste  et  désespé- 


8  REVL'E  HISTORIQrE    DE  LA    RÉVOLUTION"    FRANÇAISE 

rant  speclacle  du  vice,  surtout  s'il  est  impudent,  fête,  lionoré, 
et  de  la  vertu  timide,  humiliée,  méprisée  ;  effrayés  surtout 
des  horreurs  quenl'antent  iroideuient  le  despotisme  et  la  su- 
perstition, nous  avons  résolu  de  fuir  une  terre  empoisonnée, 
où  l'honnête  homme  ne  rencontre  que  des  Ennuis,  des  dé- 
goûts, des  inquiétudes,  des  chagrins  et  des  dangers,  et  nous 
avons  formé  le  projet  d'un  Etablissement  dans  l'Etendue 
des  Etats  Unis  de  l'Américiue,  et  plus  particulièrement 
aux  environs  de  l'Ohio,  parce(|u'à  l'avantage  général  qui 
se  trouve  dans  les  Treize  Etats  de  Fournir  un  azile  sûr  à 
l'homme  qui  veut  vivre  en  paix  et  en  liberté,  à  l'ombre  des 
Loix,  cette  contrée  de  l'Amérique  réunit  la  douceur  du 
climat,  l'Eloignement  des  grandes  villes  et  des  côtes  mari- 
times, centre  du  Commerce  et  des  richesses,  et  par 
conséquent  la  source  trop  à  crainthe  tin  Euxc  cl  de  la 
corruption. 

D'après  cet  exposé,  qin  vous  ilévoile  nos  civurs,  il  vous 
est  facile.  Monsieur,  d'apprécier  nos  sentiments  et  nos  dé- 
sirs. Nous  aimons  la  paix  et  l'ordre  ;  nous  les  cherchons,  et 
nous  espérons  les  trouver  au  sein  de  l'Egalité,  de  la  liberté, 
de  l'amitié,  dans  la  nouvelle  patrie  (jue  nous  adoptons. 
Noi's  osons  nous  llatter  (jue  cette  patrie  adoptive  pourra 
nous  compter  au  nombre  tle  ses  meilleurs  citoyens  et  de 
ses  enfans  les  plus  tendres  et  les  plus  dévoués.  Du  moins 
ferons-nous  tous  nos  efforts  pour  nous  rendre  dignes  d'elle. 

Nous  sommes  environ  une  douzaine  d'hommes,  tous 
d'état  honnête,  ayant  reçu  une  bonne  éducation,  les  uns 
ayant  femme  et  enfans,  les  autres  garçons,  mais  disposés  à 
se  marier,  les  uns  riches,  les  autres  avec  de  l'aisance  seu- 
lement, quelques-uns  peu  fortunés,  mais  tous  amis,  de  ma- 
nière que  le  plus  pauvre,  l'égal  du  plus  riche,  n'aura  ni  à 
craindre  le  besoin,  ni  à  rougir  ilètre  garanti  par  des  amis, 
auxquels  il  se  rendra  utile.  Nous  avons  le  bonheur  de  réu- 
nir entre  nous  la  connaissance  et  la  pr:ili(|U(>  des  sciences 
et  des  arts  les  plus  utiles  à  riiomme,  tels  ipie  l'agriculture, 
rarchitecture,  la  nu''cani([uo,  la  physicpie.  la  ciiimie,  la  mé- 


I.l';TTnF.S   INEDITES   DE  (iUl  I.I.OTIN   A   liENJAMIN   FUANK1.IX  V) 

dccinc,   la  chirurgie,  etc.,  cl  iiicine  des  ails  agréables,  lels 
que  les  belles  Lettres,  le  dessin,  la  gravure,  etc. 

Ce  que  je  dis  ici,  Monsieur,  des  conuaissanceset  des  ta- 
lents de  nos  associes,  n'est  pas,  soyez  en  bien  persuade,  une 
affaire  de  vanité,  je  connais  trop  bien  le  néant  de  tout  ce 
(jui  est  gloriole  pour  être  siiscei)ti!)le  de  celte  petite,  misé- 
rable passion;  mais  je  veux  prendre  la  liberté  de  vous  deman- 
der des  conseils  sur  notre  établissemi  ni,  il  faut  bien  vous 
mettre  à  même  de  nous  en  donner  duliles  en  nous  faisant 
connaître. 

De  ce  nombre  d'amis,  deux,  MM.  I)i([uc  et  Saugrais, 
partent  à  présent  pour  aller  sonder  le  terrain,  examiner  les 
lieux,  jirendrc  îles  conseils,  et  jeller  les  fondements  du 
nouvel  établissement.  L'endroit  étant  fixé  par  eux,  soit  aux 
environs  de  Louisville  dans  le  Kentuckej',  comme  nous  l'a- 
vons jugé  par  spéculation,  soit  comme  on  nous  Fa  conseillé 
entre  le  Mississipi  et  la  rive  septentrionale  de  l'Ohio,  où  se 
trouvent  déjà  trois  grands  établissements  français.  1^'un  des 
députés,  probablement  ]\L  Dicques,  restera  sur  les  lieux 
pour  veiller  sur  l'établissenu'iit  ;  l'autre  reviendra  en  France, 
s'il  se  peut,  avant  le  mois  île  mars  prochain,  pour  rendre 
compte  de  sa  mission,  et  il  retournera  en  x-Vmérique  en 
mars  ou  en  mai  avec  une  demie  douzaine  au  moins  de  nou- 
veaux colons.  Je  compte  être  du  nombre  avec  ma  femme, 
qui  est  sœur  de  i\L  Saugrais,  avec  son  frère  aine,  leur 
mérc.  M""'  Riche  qui  est  leur  cousine,  etc.  Les  autres  vien- 
dront ensuite  dans  des  tems  ditTérents,  suivant  que  leurs 
affaires  et  leurs  arrangements  publics  ou  domestiques,  le 
leur  permettront  ;  tous  le  plutôt  qu'ils  le  pourront. 

Tels  sont  nos  projets.  Pour  les  réalités,  nous  désirerions 
trouvera  acheterune  habitation  formée,  en  état  de  recevoir 
la  société  entière  à  son  arrivée.  Nous  souhaitons  que  cette 
habitation  fût  placée  dans  un  lieu  salubre,  fertile,  agréable, 
autour  duquel  il  y  eût  des  terres  à  concéder  et  à  défricher 
dont  nous  ferions  l'acquisition  pour  les  partager  ensuite 
entre  nous  et   les  habiter,  voulant    réserver    en  commun  la 


10  REVUE   HISTORIQUE    DE   LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

première  habitation  pour     les  usages  pulilics  d'instruction, 
d'amusement,  de  culte  même,  etc. 

C'est  sur  toutes  ces  choses.  Monsieur,  c'est  pour  moi, 
c'est  pour  mes  amis,  c'est  surtout  pour  nos  deux  envoyés, 
MM.  Dicque  et  Saugrais,  que  j'ose  vous  demander  vos  con- 
seils, votre  protection,  et  votre  puissante  recommandation, 
tant  dans  l'Etat  de  Pcnsylvanie,  qui  a  le  bonheur  d'être  gou- 
verné par  votre  sagesse,  que  dans  les  autres  Etats,  où  votre 
nom  est  en  ■sénération.  Daignez,  ^Monsieur,  je  vous  en  sup- 
plie, éclairer  ces  jeunes  gens,  guider  leurs  pas,  les  diriger, 
les  addresser  à  vos  amis,  aux  personnes  en  place,  et  les  re- 
commander de  manière  qu'ils  puissent  faire  leur  voyage  et 
remplir  leur  mission  avec  sûreté,  agrément  cl  succès.  Qu'on 
ne  les  confonde  pas  avec  cette  foule  d'avanturicrs  de  toutes 
les  nations,  qui  courent  le  monde  cherchant  Ibrtnnc.  Ils 
méritent  d'être  distingués,  non  seulement  à  raison  lies  per- 
sonnes qu'ils  représentent,  mais  encore  par  leur  mérilc  per- 
sonnel. M.  Dicque  est  un  homme  d'un  âge  mûr,  qui,  à  beau- 
coup de  douceur  et  d'honnêteté,  réunit  un  grand  sens,  et 
heaucoui)  de  connaissance  dans  les  affaires  et  dans  le  com- 
merce. M.  Saugrais,  mon  beau-frère,  est  un  jeune  homme 
d'un  caractère  excellent,  inliniinent  plus  instruit,  plus  ex- 
périmenté, plus  raisonnable  et  plus  formé  qu'on  ne  l'est  com- 
munément à  son  âge,  né,  pour  ainsi  dire,  dans  le  sein  de  la 
faculté,  de  jiarents  imprimeurs  et  libraires  de  père  en  fils 
sans  interruption,  presque  depuis  l'invention  de  l'imprime- 
rie ;  il  a  vécu,  dès  sa  plus  tendre  enfance,  aux  écoles  de 
médecine,  sous  mes  yeux,  dans  les  amphithéâtres,  les  labo- 
ratoires, etc.  Tout  jeune  qu'il  est,  il  a  suivi  j)endant  nom- 
bre d'années,  nonseulement  mes  leçons,  mais  encore  les  cours 
d'anatomie,  de  chirurgie,  de  chymie  et  d'histoire  naturelle, 
de  physique,  etc.,  de  MM.  A.  Petit,  Roux,  Darcet,  Buquet, 
Fourcroy,  Brisson,  Charlet,  etc.,  il  a  exercé  la  chirurgie  à 
l'hôtel-Dieu,  et  le  tout  avec  un  grand  succès.  Aussi  ses 
maîtres  l'ont-ils  toujours  distingué,  et  lui  ont-ils  donné  des 
preuves  d'Estime  particulière  et  d'un  véritable  attachement. 


I.tïTRES   l^KDITKS   DE  CIILLOTIX   A   lîKNJAMlN    FIÎANKLIN'  11 

Ses  progrès  avaient  clé  si  rapides  ((iic  j'ai  cru  pouvoir  le 
placer  à  l'âge  de  19  ans  comme  Physicien  el  chirurgien  au- 
près de  M.  de  Maxcnt,  commandant  à  la  Louisiane. 

Chirurgien-major  du  vaisseau  pentlant  la  traversée  et 
[)endant  sept  mois  de  ca})livité  à  la  Jamaïque,  il  a  rempli 
prés  lie  trois  ans,  les  mêmes  l'onctions  à  la  Nouvelle  Orléans, 
il  s'est  tellement  t'ait  aimer  et  estimer  dans  ce  poste  que  le 
comte  de  Galver,  gendre  de  M.  de  Maxent,  aj'ant  été  nom- 
mé viceroy  du  Mexique,  demanda  M.  Saugrais  à  son  beau- 
père  pour  l'avoir  auprès  de  lui  à  Mexico.  M.  de  Maxent  ne 
put  le  lui  refuser.  M.  de  (ialver,  voulant  alors  (jue  le  jeune 
homme  se  mît  au  courant  des  nouvelles  découvertes  laites 
en  Physique  tant  à  Paris  que  dans  le  reste  de  l'Europe,  l'en- 
voya en  France  passer  une  année  avec  commission  de  lui 
former  un  cabinet  de  Physitjue  et  de  le  lui  apporter  au  Mexi- 
que. Cette  année  a  été  employée  à  se  fortifier  dans  ses  an- 
ciennes connaissances  et  à  en  ac([uérir  de  nouvelles  chez  les 
plus  grands  maîtres.  Déjà  il  touchait  au  moment  de  son 
départ,  il  avait  donné-  l'ordn-  de  lui  arrêter  une  place  sur 
un  vaisseau  lorsqu'il  reçut  la  nouvelle  de  la  mort  du  vice- 
roy. Cet  événement  imprévu  qui  détruisit  l'espoir  d'une 
fortune  brillante  ({ue  ne  pouvoit  manquer  de  lui  procurer 
un  vicCiOy  du  Mexi(|ue,  rpii  se  disoit  son  ami  dans  toutes 
ses  lettres  et  ([iii  l'étoil  véritablement,  cet  événement  ne  lui 
causa  qu'un  moment  de  chagrin.  Il  connaissait  mon  projet 
de  former  un  établissement  en  Amérique  et  mon  désir  que 
quelr(u'un  allât  y  préparer  les  voies  ;  il  fut  bientôt  consolé, 
il  offrit  de  partir  pour  l'Amérique  avec  M.  Dicque  au  nom  de 
la  Société.  Les  ofï'res  de  ces  Messieurs  furent  acceptées.  La 
joie  succéda  à  la  tristesse  et  il  fut  réellement  bien  plus 
satisfait  de  l'espoir  d'être  réuni  à  sa  famille  et  à  ses  amis 
dans  un  azile  champêtre,  mais  libre,  sur  les  bords  de  l'Ohio, 
iju'il  ne  l'avoit  été  de  la  perspective  brillante  d'une  grande 
l'orlune  dans  le  palais  de  Mexico-  au  sein  de  l'ignorance  et 
du  fanatisme. 

Ces  dispositions  font  l'éloge  de  son  esprit  et  de  son  cœur. 


12  HEVL'E    IlISTOR[(jLli    DE  L.V    HÉVOLITION    KHANÇAISE 

J'espère,  Monsieur,  que  vos  grandes  occupations  vous  pcr- 
meltent  de  lui  accorder  quelques  moments  tl'entretien  sur  la 
physique  et  sur  les  sciences  naturelles,  parlicuHèrcmenl  sur 
l'électricité.  Votre  indulgence  pourra  en  être  satisfaite. 

Pardon,  Monsieur,  mille  fois  pardon  de  la  longueur  de 
ma  lettre,  et  par  conséquent  de  la  liberté  (jue  je  prends  d'a- 
buser de  vos  moments  qui  vous  sont  si  précieux,  ainsi 
qu'au  public.  Mais  dans  une  entreprise  aussi  imporlantc, 
j'ai  espéré  que  vous  m'excuseriez  si  la  nécessité  de  me  faire 
connaitre  en  même  tems  que  mon  projet,  et  ceux  cjui  sont 
mes  coopératcurs,  m'obligeait  à  entrer  dans  des  détails  in- 
dispensables pour  vous  inspirer  de  la  confiance  et  pour  vous 
engager  à  nous  accorder  des  avis  salutaires  et  vos  bons 
offices.  Je  les  réclame,  Monsieur,  de  votre  humanité,  de  votre 
attachement  pour  les  Français,  qui  s'en  glorifient  ;  de  votre 
amour  pour  votre  Patrie  ([ui  va  devenir  la  notre,  et,  le  di- 
rai-je,  de  l'estime  particulière  dont  vous  m'avez  honoré,  et 
que  vous  avez  bien  voulu  me  témoigner,  à  l'occasion  de  la 
manière  dont  j'ai  dirigé  et  exécuté  les  expériences  propres  à 
dévoiler  la  charlatanerie  et  l'imposture  du  Magnétisme  ani- 
mal. C'est  à  tous  ces  titres  que  je  vous  supplie  de  nous 
accorder  vos  bontés,  et  d'être  persuadé  des  sentiments  de  la 
plus  vive  reconnaissance. 

J  ai  l'honneur  d'être  avec  un  profond  respect.  Monsieur, 
votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

(niLi.oTiN,  D"^  Med. 

Paris.   l.Sjinn  17S7. 

P. -S.  -  Je  n'ai  encore  parlé  de  nos  projets  à  c[ui  cjne  ce 
soit,  excepté  aux  personnes  qui  y  sont  intéressées  ;  j'en  ai 
seulement  touché  un  mol  à  M.  de  JeiTcrson.  en  lui  présen- 
tant M.  Saugrais,  persuadé  que  le  secret  étoit  nécessaire 
pour  la  réussite  d'un  projet  à  l'exécution  duquel  des  pa- 
rens,  des  amis,  et  peut  être  le  (iouvernement  lui  même  pour- 
roient  mettre  des  entraves. 

Voudriez  vous  bien  pernu'ttre,  .Monsieur,  que  ces  Mes- 
sieurs étant  en  voyage    vous  addressassent    leurs    ilépèches 


I.HTTliliS   INKDITKS   DE  GUILI.OIIN   A    BliNJAMIN  FHANKLIN  13 

avec  priùre  de  les  faire  passer  à  M.  de  Jcfferson,  qui  a  eu  la 
bonté  de  me   promcUre  de  nie  les  l'aire  parvenir. 


Monsieur, 

J'ai  eu  l'honneur  de  vous  écrire  le  18  Juin  dernier  pour 
vous  présenter  et  vous  recommander  MM.  Dicque  et  Sau- 
grain,  porteurs  de  ma  lettre.  Ces  messieurs  ont  probable- 
ment l'avantage  d'être  tlans  votre  ville  à  présent,  et  sont  à 
même  d'éprouver  vos  bontés.  Permettez  moi.  Monsieur, 
d'interrompre  encore  vos  grandes  occu]ialions  pour  vous 
réitérer  mes  recommandations  et  vous  prier  de  leur  accor- 
der vos  conseils,  et  votre  puissante  protection.  Sur  toutes 
choses,  daignez.  Monsieur,  guider  leur  inexpérience,  et  leur 
procurer  un  Mentor  partout  où  ils  iront  ;  c'est  le  plus  grand 
service  ijue  vous  puissiez  leur  rendre  et  aux  personnes  qui, 
comme  moi,  s'intéressent  vivement  au  succès  du  projet  qui 
les  mène  en  Amérique. 

Toutes  les  informations  prises  ici  tendent  à  engager  les 
Français  qui  veulent  s'établir  en  Amérique  à  choisir  de  pré- 
férence le  nouvel  Etat  qui  se  forme  entre  le  Mississipi  et 
la  rive  septentrionale  de  l'Ohio,  au  pays  des  Illinois,  et  sur- 
tout les  enviions  de  Kaskassie  ' .  M.  de  Jefferson  m'a  dit 
qu'il  y  avoit  là  des  terres  à  concéder,  et  qu'il  n'y  en  avoit 
plus  dans  le  Kcnstukey  -.  Nos  voyageurs  iront  visiter  ces 
beaux  lieux  et  là  ils  décideront  par  vos  conseils  et  par  ceux 
des  personnes  auxquelles  vous  les  aurez  addressées. 

J'espère  que  vous  voudrez  bien  que  j'use  d'avance  de  la 
permission  que  j'ai  pris  la  liberté  de  vous  demander,  qui  est 
de  vous  addresser  mes  dépêches  et  de  vous  prier  de  les  faire 
passer  à  nos  voyageurs,  dont  j'ignore  absolument  le  sort. 

J'ai   l'honneur  de    vous    souhaiter    une    continuation  de 


1.   Kaskaskin.  —  C.  V. 
'.'.  KeiUiR-kv.  -  C.  V. 


14  REVUE   HISTOUIQIE   DE    LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

bonne  sanlé,  et  d'être,  avec  un  profond   respect,   votre    très 
humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Paris,  5  août  1787. 

Glillotin,  D.  Md. 

III 

Monsieur, 

Agréez,  je  vous  prie,  un  million  de  remerciements  bien 
sincères  et  bien  affectueux  de  l'accueil  gracieux  et  distin- 
gué dont  vous  avez  honoré  M.  Saugrain  et  son  compagnon 
M.  Dicque,  que  j'avais  pris  la  liberté  de  vous  adresser  et 
de  vous  recommander.  Ces  jeunes  gens  manquent,  disent- 
ils,  d'expression  pour  marquer  leur  vive  reconnaissance 
pour  toutes  les  bontés  dont  vous  les  avez  comblés.  Dai- 
gnez, Monsieur,  les  leur  continuer,  je  vous  en  supplie,  ils 
vous  devront  leur  bonheur,  mes  ainLs  et  moi  nous  vous 
devrons  le  nôtre.  Nous  soi^pirons  tous  après  l'heureux  ins- 
tant auquel  nous  pourrons  aller  vous  en  faire  hommage, 
ainsi  que  des  sentiments  de  reconnaissance  et  de  vénéra- 
tion ([uinous  animent. 

J'ai  l'honneur  d'être  avec   respect.  Monsieur,    votre    très 

humble  et  très  obéissant  serviteur. 

GlILLOTIN,  D.  M.  C. 
Paris,  2'J  septembre  17X7. 

J'use  sous  votre  bon  plaisir.  Monsieur,  de  la  permission 
que  vous  voulez  bien  nous  donner  de  vous  addresser  nos  dé- 
pèches. Je  vous  prie  d'avoir  la  bonté  de  faire  remettre  le  pa- 
quet ci-joint  à  MM.  Dicciue  et  Saugrain.  Déjà  j'ai  pris  la 
liberté  de  vous  en  addresser  deux,  l'un  du  ô  août  et  l'autre 
du  17  7'"'  dernier. 


IV 


Paris.  2  février  1788. 


Monsieur, 
L'accueil  gracieux  et  distingué    que    vous    avez    daigné 
faire  à  M.  Saugrain  de  Vigny  et  à  son  compagnon  de  voyage, 
M.     Dicque,    (jue    j'avais    pris    la    liberté    de    vous    recom- 


LETTRES  INÉDITES  DE  GUILLOTIN  A  BENJAMIN  FRANKLIN  15 

iiiaiulcr,  me  font  espérer  que  vous  voudrez  bien  encore  les 
nonorcr  ae  vos  Dontes,  je  vous  en  iais  mes  sincères  remer- 
ciements. Monsieur,  j  ose  vous  en  demander  la  conlinr.alion 
pour  eux  et,  comme  vous  avez  bien  voulu  le  ])nrmeltrc,  je 
vous  prie  d'avoir  la  bonté  de  leur  faire  parvenir  le  paquet 
ci-joint,  j'ignore  en  quel  endroit  de  l'Amérique  ilssontà  pré- 
sent, n'ayant  point  reçu  de  leurs  nouvelles  depuis  leurs  der- 
nières lettres  en  date  du  27  septembre  dernier.  Ils  annon- 
çaient qu'ils  partoient  le  lendemain  pour  le  fort  Pitt,  avec 
le  projet  de  continuer  leur  route  par  l'Ohio.  Un  silence  de 
quatre  mois  commence  à  m"in(iuiéter.  Si  j'osais,  je  vous 
prierais.  Monsieur,  de  m'en  donner  des  nouvelles.  Si  je  ne 
craignais  de  vous  déranger  de  vos  importantes  et  continuel- 
les occupations,  je  vous  supplierais  en  mémetems  de  vouloir 
bien  ajouter  un  mot  de  réponse  aux  lettres  que  j'ai  eu 
l'honneur  de  vous  écrire.  Combien  je  serois  tlalté  de  rece- 
voir de  vous,  Monsieur,  les  renseignements  et  les  conseils  que 
j'attends  de  votre  bonté  ! 

Vous  connaissez.  Monsieur,  par  tout  ce  (juc  j'ai  eu 
l'honneur  de  vous  écrire,  et  par  ce  (jue  vous  ont  dit  nos 
deux  voyageurs,  la  situation  et  les  dispositions  de  la  plu- 
part des  personnes  qui  se  proposent  d'aller  fixer  ensemble 
leur  résidence  en  Amérique.  Cela  posé,  .lecjuel  des  Etats 
unis,  anciens  ou  nouveaux,  pensez  vous  qui  convienne  le 
mieux  à  des  français  sages  et  instruits,  admirateurs  de  vo- 
tre Constitution',  qui  ont  une  fortune  honnête,  dont  la  plupart 
ne  savent  pas  encore  l'anglais  et  qui  désirent  habiter  un  cli- 
mat salubre  et  tempéré,  susceptible  de  toutes  les  produc- 
tions des  Provinces  méridionales  de  la  France,  telle  que  la 
vigne  par  exemple,  etc.  Doivent-ils  se  joindre  à  la  colonie 
que  va  former  le  Général  S'  Clair  au  bas  du  Muskingum', 
ou  doivent-ils  pousser,  comme  on  l'assure  ici,  jusqu'au 
nouvel  Etat-  qui  se  forme  entre  les  rives  du  Mississipi,  de 
rOhio,  et  du  Wabash,  jusqu'au  poste    des    Kaskakias,    par 

1.  Sans  doute  le  Muskegon,  dans  lÉlat  de  Michigan.   -   C.   V. 

2.  LÉtat  dlllinois.  -  C.  V. 


1()  lŒVLi;   HlSTOUIQLi;    DE    LA    ItKVOLUTION    I-l'.ANÇAISE 

exemple,  parce  que  ce  pays  est  habile  très-anciennement 
par  des  Français  et  des  Canadiens  qui  ont  conservé  l'u- 
sage de  leur  langage  ;  parce  que  la  température  y  est  à  peu 
près  celle  de  notre  Languedoc  ;  parce  que  la  terre  y  est 
extrêmement  l'erlile,  le  ciel  superbe,  etc.,  etc.?  Mais  le  gou- 
vernement y  est-il  aussi  avancé,  aussi  bon  ;  riiajjitation 
aussi  sûre,  etc.,  ijue  dans  les  autres   états  ? 

Daignez  nous  éclairer.  Monsieur,  nous  vous  en  sup- 
plions. Daignez  guider  nos  pas  dans  une  route  nouvelle  qui 
nous  est  si  peu  connue.  Mon  bonheur,  celui  de  ma  famille 
et  de  mes  meilleurs  amis,  y  sont  fortement  intéressés. 

La  vue  du  travail  sublime  de  la  dernière  Convention  d'A- 
mérique, l'espoir  de  le  voir  adopté  par  les  Etals  Unis,  nous 
font  désirer  plus  ardemment  encore  d'habiter  un  climat 
heureux,  qui  marche  à  grands  pas  vers  la  perfection  du  gou- 
vernement seul  digne  de  l'homme  libre,  sage  et  éclairé.  L'A- 
méricjuc  unie  sous  des  lois  aussi  belles,  que  l'expérience  et 
l'observation  mûrissent  encore,  deviendra  le  séjour  du  bon- 
heur et  le  modèle  des  nations.  Nous  savons.  Monsieur,  cjue 
c'est  principalement  à  vos  rares  talents,  qui  ont  été  l'âme  de 
la  Convention,  que  l'univers  devra  cette  sublime  production, 
base  solide  d'une  union  fédérative,  dans  laquelle  on  décou- 
vre cet  accord  merveilleux  et  unique  jusqu'à  présent,  de 
l'intlépcndance  respective  des  Etats,  de  la  liberté  indivi- 
duelle, de  la  force  du  gouvernement  fédéral  et  du  pouvoir 
universel  des  loix.  Une  pareille  constitution  sur  un  sol  et 
sous  un  ciel  aussi  beaux,  sagement  secondée  par  le  perfec- 
tionnement des  législations  particulières  de  chaque  Etat, 
rendra  l'Amérique  aussi  heureuse  au  dedans  que  respectable 
au  dehors.  Tel  est  votre  ouvrage.  Monsieur.  La  Postérité 
impartiale,  instruite  par  l'expérience,  lui  paiera,  mieux  en- 
core que  vos  contemporains,  le  juste  tribut  d'admiration  et 
de  reconnaissance  qui  lui  est  si  légitimement  dû.  S'il  m'étoit 
permis  de  mêler  à  tant  de  voix  l'expression  de  mes  senti- 
ments, je  vous  prierois.  Monsieur,  d'en  agréer  l'hommage 
aussi  vif  (jue  sincère. 


LETTRES  INKIHTES   1)1-:    GUIM.OTIN   A   HENJAMIN   FliANKLIN  17 

.I';ii  riioniu'ur  d'Otre,  avec  un  proibiul  respet't,  Monsieur, 
voire  très  humble  el  très  ol)éissant  serviteur. 

(ÎIII.I.OTIN,  1).   M.   C. 


Monsieur. 

.lai  l'honneur  de  vous  envoyer,  puisque  vous  voulez  bien 
me  le  permettre,  le  paquet  ci-joint  pour  MM.  Dicque  etSau- 
grain.  .le  vous  prie  d'avoir  la  bonté  de  leur  l'aire  passer  dans 
le  lieu  où  ils  se  trouvent  à  présent.  .l'ignore  quel  il  peut 
être.  Leur  dernière  lettre,  datlée  de  Pittsbourg  le  24  8'"° 
1787,  nous  apprend  qu'ils  étaient  en  bonne  santé,  qu'ils 
comptaient  s'embarquer  le  lentlemain  pour  descendre  l'Ohio, 
et  c'est  à  peu  près  tout.  Cette  lettre,  toute  laconique  qu'elle 
est,  a  fait  beaucoup  de  plaisir,  elle  a  tiré  de  l'inquiétude 
(|u'avoit  causé  le  défaut  de  leurs  nouvelles  pendant  quatre 
mois,  dont  j'avois  eu  l'honneur  de  vous  faire  part  dans  ma 
lettre  du  2  février  dernier.  Pour  ne  pas  abuser  plus  long- 
temps de  vos  moments,  (jui  sont  si  précieux,  permettez-moi, 
Monsieur,  de  vous  référer  à  cette  lettre  du  2  février,  ainsi 
qu'il  celles  ([ue  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  écrire  par  tous  les 
paquebots  de  France  depuis  le  2ô  juin  dernier.  Si  vos  gran- 
lies  occupations  vous  permettent  d'y  faire  réponse,  j'en  serai 
inliniment  llatté,  surtout  relativement  à  la  connaissance  de 
votre  suj)erbe  Pays  (]ue  je  cherche  à  acejuérir. 

Nos  deux  jeunes  voyageurs  auront  trouvé  la  moisson  abon- 
dante et  n'auront  sûrement  pas  man([ué  de  faire  une  excel- 
lente récolte.  L'un  deux  doit  être  maintenant  en  route  pour 
revenir  en  Europe.  On  l'attend  avec  impatience.  Sans  doute, 
en  bon  Physicien  et  en  bon  citoyen,  il  travaillera  à  nous 
faire  jouir  des  trésors  de  l'Amérique  imie.  Daignez,  Mon- 
sieur, accorder  la  continuation  de  vos  bontés  à  ces  deux 
jeunes  gens,  ils  ont  grand  besoin  de  vos  sages  conseils  et  de 
votre  puissante  protection. 

HKV.    inST.    IIE    I..\   REVOL.  2 


18  REVUE  HISTORIQUE    DE  LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

Agréez,  Monsieur,  l'hommage  bien  sincère  de  tous  les 
sentiments  que  vous  m'avez  inspirés,  et  les  assurances  du 
profond  respect  avec  lequel  j'ai  l'honneur  d'être,  ^lonsieur, 
voire  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

GuiLLOTIN,   1).   M.   C. 
l':iris,  19  mars  1788.  Hiu-  Croix  des  l'.-lits  thamps,  n»  88. 


I 

Paris,  !■'■  juillet  1788. 

Monsieur, 

C'est  avec  une  bien  vive  douleur  que  j'ai  lu  la  lettre  que 
vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  en  datte  du  2  et  3  mai, 
et  le  papier  qu'elle  renfermait.  Quelles  affreuses  journées  que 
celles  du  19,  21  et  surtout  du  26  mars  dernier!  Que  de  pleurs 
elles  vont  faire  couler  !  Que  de  familles  désolées  !  Encore  si 
c'était  en  combattant  courageusement  pour  leur  patrie  que 
ces  infortunés  eussent  versé  leur  sang;  leurs  services,  leur 
gloire,  la  reconnaissance  de  leurs  concitoyens,  pourraient 
servir  à  essuyer  les  larmes  que  leur  généreux  dévouement 
auroit  fait  répandre,  mais  non,  c'est  un  barbare  assassinat, 
(jue  l'on  senibloit  n'avoir  plus  à  redouter  sur  le  paisible 
Ohio,  qui  tranche  le  fil  des  jours  les  plus  précieux  et  qui 
plonge  des  familles  dans  le  deuil.  Au  nombre  des  victimes, 
deux  jeunes  voyageurs,  doués  des  plus  rares  qualités  de  l'es- 
prit et  du  cœur;  car  le  tems,  le  lieu  de  cette  scène  cruelle, 
la  désignation  des  personnes  comme  naturalistes,  et  toutes 
les  circonstances  réunies  de  cette  sanglante  tragédie  ne  lais- 
sent presqu'aucun  lieu  de  douter  (jue  le  botaniste  et  le  miné- 
ralogiste français,  quoiqu'ils  ne  soient  pas  nommés  dans  la 
Gazette  de  Kentuke,  ne  soient  les  deux  jeunes  gens  que  j'ai 
pris  la  liberté  de  vous  addresscr,  qui  avoient  eu  le  bonheur 
de  vous  intéresser,  et  auxquels  vous  avez  eu  la  bonté  de 
faire  le  plus  favorable  accueil.  Leurs  dernières  lettres,  datées 
de  IMttsbourg,  marquaient  qu'ils  éloient  sur  leur  départ  et 
qu'ils  comptoient  descendre  l'Ohio  vers  le  15  mars.  Ils  al- 
loient  préparer  leur  bonheur,  et  celui  de  leurs   parens,    de 


LETÏRF.S   IXÉDITKS   DE  GUILLOTIN   A    lïEXJAMIN    FRANKLIN  19 

leurs  amis,  dans  l'azile  de  la  verlii  et  de  ia  liheilé.  Quel  re- 
vers !  De  ces  deux  infortunés  l'un  est  perdu  pour  toujours. 
L'autre,  et  le(juel  ?  on  l'annonce  presejne  sans  ressource:  pro- 
bablement il  n'est  déjà  plus.  Et  ce  qui  met  le  comble  à  l'hor- 
reur de  cette  terrible  catastrophe,  ce  cjui  est  véritablement 
désolant,  elle  renverse  les  projets  les  plus  chers  à  nos 
cœurs. 

Comment  en  effet  persuader  à  des  femmes  tendres  et  limi- 
desd'aller  habiter  une  terre  fumante  encore  du  sang  déjeunes 
gens  qui  leur  éloient  unis  par  les  liens  les  plus  doux  du  sang 
et  de  l'amitié  ?  Une  lueur  d'espérance  nous  reste  cependant 
encore  ;  nous  n'avons  pas  tout  perdu.  Le  Français  survivant 
au  massacre  a  pu,  suivant  la  relation,  quoique  grièvement 
blessé,  sauter  hors  du  bateau  dans  la  rivière,  gagner  le  ri- 
vage, marcher  ensuite  et  faire  un  long  circuit  [lendant  la 
nuit,  pour  arriver  au  bateau  qui  l'a  recueilli.  Le  lendemain, 
son  compagnon  d'infortune,  "SI.  Dierce,  et  conduit  le  jour 
d'après  aux  rapides.  Il  n'avoit  donc  probablement  aucun 
viscère  important  de  lésé  ?  Il  lui  restoit  donc  la  force  pour 
résister  ainsi  pendant  deux  jours  aux  fatigues  d'une  pareille 
entreprise  ?  Rlessé  le  26  mars,  il  paroît  qu'il  n'avoit  pas  en- 
core succombé  le  4  avril,  date  de  la  Gazette  de  Kentuke. 
Peut  être  le  secours  empressé  des  généreux  amériquains 
l'arracheront-ils  à  la  mort  ?  Mais  ces  fatigues  même,  lon- 
gues et  pénibles,  succédant  à  une  commotion  terrible,  le 
défaut  de  pansement  et  de  tout  autre  secours  pendant  deux 
jours,  n'auront-ils  point  rendu  incurable  une  blessure  qui 
n'étoit  peut  être  pas  mortelle  par  elle-même  ?  Ah  !  Monsieur, 
cette  idée  est  affreuse.  Cette  incertitude  est  cruelle.  Avec 
quelle  impatience  je  vais  attendre  les  premières  nouvelles  ! 
Dans  quelle  transe  je  vais  être  en  les  recevant.  Ayez  la  bonté 
de  m'en  donner  le  plus  tôt  qu'il  vous  sera  possible,  INIon- 
sieur,  je  vous  en  conjure.  Pardonnez  mes  instances,  je  vous 
en  supplie.  Pardonnez  ma  sensibilité.  Ah  !  Monsieur,  vous 
la  justifiez  vous-même  par  les  éloges  cjue  vous  donnez  à 
ces  malheureux  jeunes  gens.  Vous  daignez  même  les  parta- 


H)  liliVlK    IIISTOKIyUE   I)H    LA   UKVOI.LTION    I-HANC.A  ISK 

ger.  Vous  k's  i)aiiat;eiicz,  si  j'ose  in\'X|)riiiier  ainsi,  l)ifn  plus 
encore  avec  moi,  si,  comme  moi,  vous  aviez  élevé  le  jeune  Sau- 
grain  ;  si  vous  l'aviez  toujours  vu  bon.  honnête,  aimable,  et 
véritablement  rempli  de  toutes  sortes  de  connaissances  uti- 
les et  agréables  ;  si  vous  étiez  unis  par  les  liens  les  plus 
tendres  à  une  l'auiille  (jui  le  chérit.  .le  ne  sais  ce  ((ui  nie  tlit 
que  c'est  lui  ijui  est  ilésigné  par  la  dénomination  de  luincrd- 
list,  et  qu\  a  eu  le  bonheur  d'échapper  à  la  barbarie  des 
sauvages.  S'il  a  élé  assez  heureux  pour  guérir  de  ses  bles- 
sures, nous  ])()uvons  nous  llatter  de  l'espoir  de  l'embrasser 
encore,  .le  vous  demande  en  grâce,  Monsieur,  de  \ouloir 
bien  lui  conserver  vos  bontés  et  de  lui  procurer  tous  les  se- 
cours dont  il  pourra  avoir  besoin.  Les  sauvages  lui  ont  tout 
enlevé,  il  a  loul  ])erdu,  il  est  dénué  de  tout  dans  une  terre 
étrangère,  à  plus  de  deux  niille  lieues  de  sa  l'amillc.  Mais 
cette  terre  est  habitée  par  un  peuple  hospitalier,  bienfaisant, 
noire  allie,  qui  sait  (jue  nous  avons  accordé  notre  estime  et 
noire  protection  à  ce  jeune  homme  et  ijui  paraît  prendre  le 
plus  sensible  inlérél  à  ce  désastre.  Celle  idée  me  rassure.  Je 
ne  doute  pas  cju'on  iie  lui  prodigue  les  secours  de  toute  es- 
pèce. Agréez  en  d'avance,  Monsieur,  mes  sincères  remercie- 
ments, et  martiuez  moi,  je  vous  prie,  quelle  est  la  somme 
d'argent  ([u'il  est  nécessaire  que  je  vous  lasse  jiasser,  et 
par  (juelle  voie,  pour  l'ournir  à  tous  les  l'rais,  tant  tle  cette 
malheureuse  aventure  ([ue  du  retour  en  France,  s'il  est  encore 
possible. 

.le  prentls  la  liberté.  Monsieur,  île  \()us  demander  la 
même  laveur  pour  M.  I)ic(|ue.  si  c'est  lui  (jui  est  assez  heu- 
reux pour  se  tirer  d'un  aussi  mauvais  pas.  lùi  |)artant.  il 
m'a  laissé  ici  sa  procuration  et  ses  papiers  pour  gérer  ses 
affaires.  En  conséquence,  il  pourra  s'addresser  à  moi  pour 
lui  l'aire  passer  ce  ([ui  lui  sera  nécessaire  pour  subvenir  à 
ses  l'rais.  Si  malheureusement,  au  contraire,  M.  Dicipie  est 
décédé,  je  jiourrai  retirer  ce  (}u"il  a  laissé  entre  vos  mains, 
pour  le  remettre  à  ses  représentans. 

Dans  tous   les  cas,  Monsieur,    je    vous  prie    de    vouloir 


I.i;TTIii;s    INÙDIIKS   I)K  C.ril.l.OTIN    A   liKN.IAMIN    IIiANKl.l\  21 

l)ic'n  l'aire  (.•onslalcr  par  un  acte  puljlic,  suivant  la  loi  et  les 
usages  du  pays,  le  malheureux  évènenienl  du  2()  mars  der- 
nier, et  d"v  joindre  l'extrait  mortuaire  de  rinlbrtunée  ou  des 
infortunées  victimes  de  la  fureur  des  sauvages  ;  le  tout  visé 
])ar  le  .Ministre  de  France  prés  des  Etats  Unis,  alin  (pie  ces 
[)apiers,  dans  la  meilleure  forme  possible,  aient  en  Europe 
un  caractère  légal  et  autlicnti(iue  pour  le  repos  des  pauvres 
familles  des  décédés. 

L'incertitude  des  suites  de  ce  triste  incident  a  l'ait  que 
renfermant  ma  ilouleur  en  moi-même,  j'ai  voulu  en  épargner 
nue  pareille  aux  familles  de  ces  jeunes  gens.  Elles  l'appren- 
dront toujours  assez  tôt.  Et  si  nous  sommes  assez  heureux 
pour  (jue  lun  des  deux  survive,  j'aurai  sauvé  bien  des  cha- 
grins au  moins  à  la  famille  tle  celui-là.  .le  n'ai  donc  point 
conununi(]ué  votre  lettre.  Monsieur,  ni  le  papier  qu'elle  ren- 
fermait, .le  vous  prie,  pour  les  mêmes  raisons,  de  n'en  point 
parler  (jue  le  l'ail  ne  soit  absolument  constaté,  et  que  vous 
ne  me  l'ayez  mandé.  Je  désirerais  même  fortement  (jue  vos 
papiers  publics  s'abstinssent,  s'il  éloit  possible,  comme  je 
vois  qu'ils  l'ont  déjà  fait,  de  nommer  les  deux  jeunes  gens, 
de  peur  que  ne  tombant  entre  les  mains  des  parens  avant 
que  je  les  aye  prévenus,  celte  fâcheuse  nouvelle  ne  leur 
cause  une  révolution  funeste,  ce  que  je  redoute,  surtout 
pour  la  pauvre  mère  de  M.  Saugrain  qui  adore    cet  enfant. 

Je  vous  prie.  Monsieur,  de  remettre  les  dépèches  addres- 
sées  en  commun  aux  deux  voyageurs,  à  celui  des  deux  qui 
pourroit  survivre,  ainsi  que  celles  qui  seroient  à  son  ad- 
dresse  particulière,  et  de  brûler  le  reste.  Vous  aurez  la  bonté 
de  brûler  le  tout,  si  nous  avons  eu  le  malheur  de  les  perdre 
tous  deux. 

Quant  aux  couverts  d'argent  que  vous  avez  entre  les 
mains,  j'ignore  ce  que  c'est.  Je  retrouve  cependant  (jue  ces 
Messieurs  ont  été  chargés  ici  de  remettre  à  M.  Jean  Barclay, 
négociant  à  Philadelphie,  six  couverts  d'argent,  deux  cuil- 
lers à  ragoût,  et  une  cuiller  à  soupe,  le  tout  façon  angloise, 
de  la  part  de  M.  D'Arcel  qui  avoit  fourni  une  lettre  de  cré- 


2'J  REVUE    UrSTOUIQUE  DE  LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

dit  de  tri)is  mille  livres  sur  ce  M.  J.  Barclay.  Ce  négociant  a 
refuse  verhnlemenl  de  l'aire  honneur  à  la  lettre  de  crédit, 
mais  il  n"a  l'ait  aucune  réponse  à  M.  D'Arcel,  ni  sur  cet  ob- 
jet, ni  sur  les  couvei'ls  d'argent,  ni  sur  rien.  Il  seroit  inté- 
ressant de  savoir,  si,  (juoiqu'il  n'en  dise  rien,  M.  Barclay  a 
mieux  accepté  l'argenterie  (jue  la  lettre  de  crédit,  ou  si  c'est 
cette  argenterie  qui  a  été  déposée  entre  vos  mains,  jusqu'à 
nouvel  ordre  de  M.  D'Arcel.  Je  vous  prie.  Monsieur,  de 
vouloir  bien  vous  en  faire  informer,  si  cela  est  possible,  et 
de  m'en  donner  avis. 

Pardon,  Monsieur,  mille  l'ois  pardon,  de  toutes  les  pei- 
nes que  je  vous  donne.  .Je  crains  d'abuser  de  vos  bontés. 
Mais,  Monsieur,  vous  voyez  ma  triste  position.  Profondé- 
ment affecté  du  malheur  qui  m'accable,  je  ne  puis  avoir  re- 
cours (ju'à  voire  humanité.  .l'espère  qu'elle  m'est  assurée  et 
quelle  versera  le  baume  de  la  consolation  sur  une  plaie 
bien   douloureuse,  qui  saignera  longtemps. 

J'ai  l'honneur  d'être  dans  les  sentiments  de  la  plus  vive 
reconnaissance  et  du  plus  profond  respect.  Monsieur,  votre 
très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Glili.otin,  D.  m.  C. 

Les  pa({uebols  français  sont,  dit-on,  supprimés.  J'ignore 
si  la  personne  qui  s'est  chargée  de  ma  lettre,  et  qui  passe 
elle-même  en  Amérique,  la  remettra  fulèlement.  (".'est  ce  (jui 
m'engage.  Monsieur,  à  faire  le  duplicata  et  à  vous  l'addresser 
par  la  voie  de  Londres,  afin  d'être  sûr  ([ue  vous  l'ecovrez 
cette  réponse  à  la  dernière  lettre  que  vous  m'avez  l'ail  l'hon- 
neur de  m'écrire. 


FÉLIX  i)i':si>0[iTi<:s 

ET  LA. 

UK[1.\!().\  l)K  r.KXKVi:  A  LA   riîAXCK 

EX  1798 


LES    CONSEQUENCES    DU    18    FRUCTIDOR 
(i  EN  EVE  MENACÉE 

Premier  inaire  de  la  eonimune  de  Montmartre,  Félix 
Desporles,  qui  était  né  à  Rouen  le  ô  août  17(53,  et  qui,  grâce 
à  la  protection  de  Dumouriez,  avait  rempli  diverses  mis- 
sions diplomatiques  en  Suisse  en  17i)l,  auprès  du  duc  de 
Deux-Ponts  et  à  Metz,  fut  nommé  résident  de  la  Républi- 
que à  Genève  en  décembre  179  t. 

En  nous  servant  des  arcliives  françaises  et  genevoises 
ainsi  que  de  plusieurs  collections  particulières,  nous  avons 
essayé  d'écrire  l'histoire  du  séjour  de  trois  années  ([u'accom- 
plit  l'ancien  maire  de  INIonlmartre  sur  les  i)ords  du  lac  Lé- 
man, et  des  négociations  extrêmement  comi)lexes  qui  ame- 
nèrent la  France  à  s'annexer  la  petite  Républicjue  le  1.)  avril 
1798. 

Les  intentions  du  Directoire,  nettement  bienveillantes 
pour  Genève  durant  toute  la  première  partie  de  la  mission 
de  Desportes,  changèrent  subitement  après  le  coup  d'Etal 
du  18  fructidor. 

Le  présent  chapitre  '  expose  cette  volte-face.  Despor- 
tes, au({uel  son  intervention  pacificatrice  au  cours  d'une 
émeute  populaire  en  179()  a  donné  une  influence  exlraordi- 

1.  Cc'ch:ipiliiM'sle.\.lrail  d'un  ouvrage  qui  parailra  pTOchailKMiiflit. 


24  HEVLE  HlSTOniQCE    ijE   l..\    UÉVOI.LTION    FRANi;AISF. 

naire  dans  la  politiciue  iiitéiieuie  de  (ieiiève,  va  en  piolilei- 
pour  agir  désormais  énergicjuement  en  vue  de  la  réunion, 
surtout  lorscju'il  aura  découvert  (jue  sa  situation  person- 
nelle était  en  jeu. 

Le  voyageur  (jui  se  rendait  de  (ienève  en  Sa\oie,  après 
être  sorti  de  la  \ille  par  la  Porte-Neuve  et  après  avoir  tra- 
versé l'Arve  sur  un  antique  pont  de  bois,  parcourait,  sur 
une  étendue  de  ijuelques  cent  mètres  encore,  le  terriloiie  de 
la  Répul)Ii([ue,  puis  s'arrêtait  devant  un  imposant  bâtiment 
à  l'entrée  du  bourg  de  C.arouge.  (hélait  la  douane  française, 
poste  de  grande  importance  depuis (juc  (".arouge  était  la  pre- 
mière localité  française  sur  !a  roule  tie  C.hambéry.  Aussi 
les  administrations  des  finances  et  de  la  guerre  avaient-elles 
envoyé  dans  celte  ville  deux  fonctionnaires  revêtus  de  bauLs 
pouvoirs  et  commandant  des  détacbements  de  soldats  et  de 
douaniers,  le  général  César  Oubxel  '  et  le  citoyen  Gay.  En 
raison  de  son  emplacement  sur  la  frontière,  le  jiont  d'Arme 
était  garni  de  portes  et  d'un  corps  de  garde;  les  soldats  ge- 
nevois qui  y  étaient  de  piquet  examinaient  les  passeports  et 
surveillaient  la  contrebande,  mais  le  tracé  bizarre  de  la  frcn- 
tière  et  les  eaux  basses  de  l'Arve  rendaient  cette  tàcbe  très 
malaisée. 

Dans  la  nuit  du  lundi  au  martli  1  avril  17î)7.  une  troupe 
de  deux  à  trois  cents  contrebandiers  attaqua  la  douane  de 
C.arouge  et  y  enleva  vingt-et-un  ballots  de  marcbandises 
(jui  venaient  d'y  être  déposés  après  avoir  été  saisis  en  vertn 
de  la  loi  sur  les  produits  anglais.  Un  des  préposés  reçut  plu- 
sieurs coups  de  bayonnetle,  deux  de  ses  camarades  auraient 
été  entraînés  sur  le  territoire  genevois  et  grièvement  blessés. 
Les  soldats  de  picjuel  au  pont,  alors  fermé,  déclarèrent  avoir 
entendu^des  cou]>s  de  feu  et  vu  «  plusieurs  individus  filant 

l.UnvTut.iKl-CrsMr  Oiil.xc-I.  M.-.  .S<immiiTi-s((;:ii<l)  le  2  iikmv  I74I1.  soldai  au 
n-siminl  .1.-  Uoursiuiiur  !<■  I-'  m.iviiuImv  17.')!),  lioiUcnanl  I.-  \2  janvu-r  \lir2.  la- 
pilaiiU'  le  1"  aol-lt  17!KJ.  .luf  de  balaillcn  1,-  Kl  aolll  17!):i,  clu-f  de  l)iiga<l<-  1<-  14 
.i.Inhre  17»:!,  Krn.ral  d,.  l)rigad.-  1.-  7  .,>  l„l>i,-  17!t4,  lolrailé  lo  '.'7  oclobr.-  1X114, 
<l<c><l<-  le  S  iHviier  l.SI.t. 


KIJI.IX   niîSPORTES  ET  h\    liliUMON    DE  (lENKVl-;  A    I  A   l-HANCE  ^.) 

le  long  (le  la  rivière  ».  Mais,  à  ce  inonieiit-là,  aiu'iiii  rapport, 
aucun  indice  quelconcjue  n'autorisa  d  insinuer  (juc  le  pont 
eùl  été  ouvert  pour  permettre  aux  coupables  de  se  sauver  à 
Genève  ni  que  les  contrebandiers  lussent  des  Genevois  '.  Et 
quand  une  députation  du  Conseil  se  rendit  auprès  de  Des- 
portes, après  cet  événement,  pour  lui  exprimer  son  indii;na- 
tion,  le  résident  l'accueillit,  à  vrai  dire,  avec  un  visage  sé- 
vère, en  ladjurant  d'employer  de  nouveaux  moyens  «  pour 
purger  son  territoire  des  scélérats  qui  l'iid'estaient  -  »,  mais 
Desportes  savait  fort  bien,  pour  l'avoir  appris  de  la  bouche 
même  du  citoyen  Gay  le  lendemain  de  l'affaire,  que  ceux 
des  meurtriers  reconnus  par  les  douaniers  au  milieu  des 
ténèbres  «  étaient  tous  des  habitants  de  Carouge  ».  Gay  et  son 
compagnon,  le  citoyen  Roissard,  visiteur  en  chel',  avaient  éga- 
lement affirmé  à  Desportes  que  le  pont  d'Arve,  jusqu'à  son  ou- 
verture habituelle  au  malin,  avait  été  constamment  fermé  '•. 

('/était  donc  aux  autorités  de  Carouge  qu'incombait  le 
soin  de  rechercher  les  coupables  et  de  les  punir.  Mais  les 
administrateurs  de  la  commune  étaient  animés,  on  le  sait 
déjà,  des  dispositions  les  plus  malveillantes  à  l'égard  de  Ge- 
nève, et  leur  autorité  était  nullç  sur  cette  population  re- 
muante, qui  vivait  de  la  contrebande.  Encouragés  par  le  ci- 
toyen Gay,  qui  avait  épousé  leur  ressentiment,  excités  par 
l'avocat  Jacques  Grenus,  ils  rejetèrent  toute  la  responsabi- 
lité de  cet  attentat  sur  les  Genevois,  en  altérant  outrageuse- 
ment la  vérité.  Le  directeur  Gay  s'enfuit  à  Chambéry,  dé- 
clarant «  que  ses  jours  étaient  en  danger  dans  Carouge  », 
abandonnant  son  poste  «  à  l'instant  de  la  désorganisation 
générale  de  ses  brigades  »  et  malgré  «  les  vives  instances  » 
du   résident  *. 

Or,  Félix  Desportes  était  en  butte,  en  ce  moment,  à  un 
de  ces   accès  de  mauvaise  humeur   contre  Genève  .qui  l'as- 

1.  Oespoi-tes  n  Delacroix,  4  aviil  17<I7.  A.  K..  (inurr,  v.,1.  KIC),  p.  Ki.S.  [dnii. 
17  m.ni  1797,  p.  252. 

2.  Dcsportcs  à  Delacroix,  i)  avril  17il7.  A.  E..  (inniv.  vol.  KHi,  p.  17C. 
'^.   Lettre  de  Desportes  du  17  mai. 

4.  Idem. 


2()  liEVUE    HISTORIQUE  DE  LA  UÉVOLUTION    KHAXÇAISE 

saillaient  de  temps  h  autre.  La  nomination  d'un  modéré,  de 
Jean-I- rr.ncois  Butini,  à  la  place  de  procureur  i^énéral,  l'a- 
vait indisposé  ;  il  ne  croyait  discerner  de  vrais  amis  de  la 
France  (Uie  "  parmi  les  patriotes  courageux  ([ui  avaient  dé- 
truit le  joug  liherticide  de  la  magistrature  tle  178!>  »  '  .  Il 
déplorait  ce  recul  des  patriotes,  il  voyait  dans  cette  élection 
la  main  «  de  la  faction  helvétique  »,  el.  le  Ki  avril,  il  avait 
autorisé  un  de  ses  secrétaires  à  composer  un  long  mémoire, 
déconseillant  catégoriquement  le  déscnclavcment  du  terri- 
toire de  Geuéve  réclamé  par  les  syndics  el  prônant  la  réu- 
nion de  Genève  à  la  France  -. 

Qu'il  eût  donc  apparu  dans  l'attentat  de  Carouge  le 
plus  léger  indice  déi'avorahle  aux  (îenevois.  Desportes  s'en 
serait  immédiatement  emparé  pour  le  l'aire  servir  à  ses  des- 
seins. Mais,  loin  de  là,  plus  le  tenqjs  s'écoulait,  plus  il 
était  convaincu  de  l'innocence  de  Genève  dans  cette  affaire 
et  de  la  coupable  faiblesse  des  autorités  de  Carouge.  L'évé- 
nement s'oubliait  déjà,  plus  d'un  mois  s'était  passé,  (|uand 
le  dimanche  14  mai.  Desportes  reçut  un  courrier  de  Paris 
qui  le  stupéfia.  A  la  suite  d'un  rapport  circonstancié  adressé 
au  Directoire,  le  ministre  Delacroix,  faisant  l'historique 
de  l'attaque  de  la  douane,  prenait  vivement  à  partie  les 
Genevois,  contestait  leurs  dires  et  ceux  du  résident,  exagé- 
rait le  nombre  des  blessés,  parlait  de  tués,  affirmait  cjue  le 
pont  d'Arve  avait  été  ouvert  pour  recevoir  les  meurtriers, 
«  cpie  celte  bande  était  composée  en  grande  partie  de  Gene- 
vois »  et  (jue  la  garde  du  pont  «  était  de  connivence  avec 
eux  X.  «  Cet  acte,  disait  Delacroix,  était  une  véritable  hos- 
tilité du    gouvernement  genevois'  »,  et  il  enjoignait   à    Des- 

1.  D<■^p<.|■U■s  i,  DchuTois,  i:i:nril  ITilT.  A.    K..  (ie,,,;;-.  v.,1.  llKi.  p.   USO. 

•->.    Idem.  pp.  184,  ISy-liK). 

.{.  Hnppcrl  il.-  Dflacroix  au  Diivcloin-,  ;i  mai  17SI7.  C.r  (loonimut  est  suivi  de 
la  note  :  Auprniivr.  Le  iiiiiiislre  ilemiiitdira  de  plus  des  iiideinnilrs  piiiir  les  rennes 
el  enfants  des  enipliiyés  Inès.  Il  reprochera  à  Desporles  de  n  ainir  pas  agi  avee 
assez  de  nûjnetir.  de  ne  l'anoir  pas  instruit  de  l'onrerture  du  pont  d'Arne  et  du 
meurtre  des  (A'ii.i- i/ii/j/oyrs.  Sigtu',  I^i- Touiiii'ur,  C.anidt,  P.  IJarras.  A.  K.,  Genéne, 
vol.  1U(>,  p.  T2».  Dilacmix  à  I)«porles,  !)  mai  17!)7...  «  \'.iiis  diclar.-icz  doiu-,  au 
nom  (lu  Dircl'Ulirc  oxi-cutil*,  que  si  les  (ieiievois  ne  i>renuenl  eux-mêmes  el 
pnuuptemeul  les  luesur.s  les  plus  eftieaees  pour    rétablir  lorilre  sur  eetle  frou- 


1-liUX  DESPOUTr.S  ET   LA    liKL'MOX   DE  (lllNHVE  A  I,A   FRANCE  27 

porlos  «  (le  faire  les  repiésenlalions  les  plus  vigoureuses 
aux  syndics  »,  d'exiger  la  reslilution  des  ballots  enlevés,  la 
punition  immédiale  des  soldais  coupables,  une  indemnité  ; 
il  annonçait  la  prochaine  arrivée  à  C'.arouge  de  400  hom- 
mes (le  troupes,  et  sous  une  l'orme  menaçante,  il  ordon- 
nait à  Desporles  d'oblenir  des  magistrats  de  Genève  la 
permission  d'établir  au  pont  d'Arve  un  piquet  de  soldats 
français  «  pour  y  faire  le  service  avec  la  garde  genevoise  » . 
Enfin,  Delacroix  ne  cachait  pas  au  résident  le  mécontente- 
ment du  Directoire,  qui  lui  reprochait  «  de  n'avoir  pas  agi 
avec  assez  de  vigueur  ». 

Celte  inculpation  et  ce  désaveu  inattendu  laissèrent  Des- 
portes étourdi.  Autant  d'affirmations,  autant  d'inexactitu- 
des !  En  vérité,  les  Carougeois  avaient  habilement  «  tra- 
vaillé »  à  Paris  pour  faire  accepter  si  bénévolement  leurs 
impudents  mensonges.  Et  sur  l'heure,  de  sa  meilleure  plu- 
me. Desportes  s'efforça  de  rétablir  les  faits.  «  Ma  justifica- 
tion sera  simple,  citoyen  ministre,  écrivait-il,  elle  repose  sur 
les  déclarations  formelles  des  principaux  employés  de  nos 
douanes...  »  Ces  déclarations.  Desportes  les  avait  trans- 
mises presque  mot  à  mot  à  Paris.  Pourcjuoi  les  Carougeois 
revenaient-ils  maintenant  sur  leurs  premières  dépositions  ? 
N'était-ce  pas  en  raison  de  «  cette  haine  invétérée  »  qu'ils 
nourrissaient  contre  Genève,  cl  (jui  leur  faisait  «  déverser 
sur  celte  républi<iue  tout  l'odieux  de  l'attentat  ?  » 

Certes,  Desportes  était  «  loin  de  ménager  les  Genevois 
lorsqu'il  les  croyait  coupables  ».  Le  ministre  pouvait  lui 
rendre  cette  justice  ;  toutes  ses  dépêches  le  prouvaient. 
Mais,  dans  celte  affaire,  la  vérité  éclatait  trop  ouvertement 
pour  (pi'il  ne  s'inclinât  pas  devant  elle.  Au  reste,  le  résident 
n'était  pas  un  héros,  son  caractère  n'était  pas  d'airain,  il 
tenait  à  sa  place,  et,  flairant  un  danger  pour  sa  personne,  il 
s'écriait  en  terminant  :  «  Il  serait  trop  douloureux  pour    moi 

Ik'ic,  nssuier  la  neutialiti'  et  JispLMsiT  les  brigands,  le  gouvernement  français, 
qui  a  le  droit  de  haute  protection  sur  la  ville  et  .Seigneurie  de  Genève,  prendra, 
pour  y  parvenir,  tous  les  moyens  qui  sont  eu  son  pouvoir.  J'attends  prompte 
réponse.  »  Idem,  p.  2.39. 


2iS  r.Evvi;  iiisTOiiK>i  i;  m;  i.a  uhvolltion  fkancaisi-; 

!|iu'  If  Directoire  put  ju'Iisit  i.\m'  jo  suis  expose  à  encourir 
(le  sa  part  un  smil  reproche  »  '  . 

De  lait,  coiunie  celle  sévérité  tombait  n.al  I  On  \enail 
(rai>prenclre  à  (ienéve  la  signature  des  iiréliniinaiies  de 
Lcoben,  preniier  trioniplie  diplouiati([ue  de  Honaparle  en 
Italie,  et  celte  nouvelle  provoquait  une  joie  tléliranle.  La 
ville,  la  banlieue  étaient  secouées  par  les  clécliarges  d'artil- 
lerie ;  cent  neuf  cou]is  de  canon  acclamaient  la  paix,  les 
eniants  avaient  fait  même  tirer  leurs  petites  pièces.  A  la 
nuit  tombante,  la  \il!e  silliiminail.  les  cercles,  les  niaisons 
des  patriotes  surtout.  Dans  les  rues,  la  l'oule  criait  :  Sdliit 
à  la  paix.  Vire  la  Rcpiibli(jue.  VA  les  vivats  éclataient  en 
faveur  de  Bonaparte.  On  frappait  en  son  honneur  une  mé- 
daille en  or  et  en  argent,  gravée  i)ar  Pierre  l'errier.  Des 
dîners  s'improvisaient  entre  ciloyen.s  sur  les  places  publi- 
ques, et,  à  l'holel  de  ville,  un  baiiipiel  monstre  a\ait  réuni 
ies  syndics  et  les  conseillers,  le  résident  et  sa  légation,  les 
commissaires  municipaux  de  l'ernev.  de  (".arouge  et  d".\n- 
ncmasse,  le  général  Oubxel,  commandant  à  C.arouge,  le 
commissaire  des  guerres  Herpin,  le  peintre  Saint-Ours.  On 
y  avait  porté  des  toasts  enflammés  aux  victoires  tle  la  Ué- 
publicpie,  à  Bonaparte,  à  la  paix  prochaine  -. 

Et  c'est  au  moment  où  Genève  s'abandonnait  tout  en- 
tière à  ce  délire,  que  la  frappaient  les  foudres  du  Directoire  ! 
Et  sous  (]uelle  forme,  avec  quelle  injustice  !  Quand,  le  lun- 
di IG  mai,  à  sept  heures  du  matin,  le  syndic  président 
(iervais  vit  arriver  chez  lui  le  résident  et  son  secrétaire  Dar- 
neville.  (juanil  il  s'entendit  reprocher  «  la  négligence  du 
gouvernement  »  (jui  ne  «  nuuupierait  ])as  d'attirer  sur  de- 
nève  les  jilus  grands  malheurs  »,  la  prétendue  ouverture 
du  pont  ir.\r\e.  il  demeura   confoiulu  '  .  I-Jait-ce  un   rêve  ? 


1.  Despnit.s  :.  Delacroix.  17  mai  17!17.  .A.  K.,  (;iii.i..-,  v..l.   IlHi,  |>.  -J-VJ. 

2.  /</i-iii.  4  mai  1797,  p.  i'iO.  ,/oiij/i.i/  ilc  lintinlillon-DiiIdy.  Hlhlioth.'ciiio  pu- 
blique di-  (n-uov,-.  u"  (H).  H.  C.  ■>  uiai  17!17.  .4»ii  des  Loin  du  28  uiui  17!»7  : 
«  Les  pati-ijïU's  de  (ieuève  oui  appris  avec  la  joie  la  plus  vivo  la  uouvoUe  de  la 
paix.  Les   aristocrates   se  sout    enfermés    chez  eux  pour  cacher  leur  tristesse.  » 

:t.  H.  C...  n  mai  171)7. 


1-KLix  i)i:si>oKTi;s  r.T  i.a  ni;iNioN  ni,  ciinkvi-;  a  i.a  ritANci-:      IM 

l'^tait-c-o  bien  li>  nuMiie  liunimc  (|ui.  iiiif  semaiiR'auparavanl, 
s'associait  si  enlhoiisiasle  à  la  joie  des  citoyens  de  (Icnève 
et  ([ui  tenait  maintenant  ces  jn-opos  menaçants  ?  I.e  Con- 
seil, aussitôt  prévenu,  en  était  indij^né.  Mais,  en  rapportant 
sa  réponse  à  Desporlcs  —  réponse  négative  et  très  digne  - 
en  discutant  avec  lui.  (iervais  décoiivrait  la  cause  de  cel 
inexplicable  langage.  Desportes  lui  montrait  une  partie  de  la 
dépèche  tki  ministre  ;  «  avec  le  Ion  li'un  homme  oppressé», 
il  lui  parlait  de  sa  situation  compromise,  de  menac-cs  de 
rappel  qui  le  guettaient  «  pouravoir  défendu  notre  cause  ». 
Or,  loin  de  s'arranger,  les  choses  s'aggravaient.  Tandis 
qu'à  Paris,  Soulavie  et  sa  bande  nnilti])liaient  leurs  atta- 
(jues  abominables  contre  Crenéve,  excitaient  le  directeur  l'cu- 
bell,  (jni  en  arrivait  à  traiter  les  Cicnevois  tle  "  bande  d'as- 
sassins el  de  brouillons  »  '  ,  Despoiles  ne  digérait  pas  sa 
demi-disgràce  et  continuait  à  traiter  avec  rigueur  les  magis- 
trats, leur  affirmant  que  leur  ville  "  était  l'égoùt  de  la  con- 
trebande, que  la  France  la  ferait  cerner  par  lO.OOd  hommes  »-. 
Le  2()  mai.  le  général  Kellermanii.  airivé  à  Carouge  pour 
y  installer  le  détachement  de  soldais  ordonné  iiar  le  Direc- 
toire, parlait  lui  aussi  brutalement  aux  députés  du  Conseil 
et  leur  déclarait  qu'il  «  ferait  fusiller  tous  les  fraudeurs  (jui 
seraient  surpris  en  contravention  »  '. 

Néanmoins,  la  conduite  de  Félix  Desportes  à  l'égard  de 
(ienève  fut  beaucoup  plus  généreuse  et  honorable  dans  le 
fond  (pi'elle  ne  le  i)arut  à  ses  contemporains.  Ses  dépèches 
inédites  ne  laissent  aucun  doute  à  cet  égard.  Pendant  deux 
mois  encore,  le  résident  persista  à  répéter,  contre  l'avis  de 
ses  chefs,  du  Directoire  et  des  ministres,  ([ue  dans  cette 
affaire  de  la  douane,  les  Carougcois,  et  à  leur  tète  le  citoj'en 
Guerre-,  agent  municipal,  mentaient  lorscju'ils  assuraient  que 


1.  .N'otc  autographr  de  lUnljcl!  en  ni;irf{i'  il'lliu'  picVr  iiispinc  |>:ir  Sniilnvir 
c-t  demandant  au  Diiccloin-  darr.-li-r-  à  l'arts  l.'s  assassins  d.-  Bandit  d  <le 
l'radicr.  .Janot  en  tète,  7  avril  1797.  .4.  /C,  vol.  1%.   p.  217. 

2.  M.  C  21  mai  17<»7. 

3.  IJrw. 


30  RCVUF.    HISTOlilQUE  DE  LA  nÉVOI.UTIOS  FRANÇAISE 

le  pont  (l'Arve  avait  été  ouvert  '  .  Un  nouvel  incident  de 
contrebande  s'étant  produit  à  Chêne,  Desportes  continua  à 
défendre  le  gouvernement  de  Genève,  «  qui  dans  cette  cir- 
constance avait  fait  tout  ce  qui  était  en  son  pouvoir  pour 
remplir  notre  attente  ».  «  Nous  devons  nous  en  prendre, 
ajoutait-il,  au  silence  vraiment  scandaleux,  vraiinent  déloyal 
de  nos  préposés  qui  craignent  presque  toujours  ou  plutôt 
qui  refusent  de  confirmer  leurs  aveux  devant  le  tribunal  -  .» 
Ces  paroles  étaient  graves.  Le  ministre  Delacroix  les 
trouva  déplacées,  et,  constatant  que  son  agent  poussait  les 
choses  trop  loin,  il  résolut  pour  la  seconde  fois  de  blâmer 
son  altitude.  «Les  nouveaux  détails  cjuc  vous  me  donnez  ne 
m'offrent  aucune  couleur  de  vérité,  lui  écrivit-il  le  2  juillet 
1797...  ils  sont  même  en  contradiction  avec  ceux  que  j'ai  re- 
cueillis. »  Pour  le  ministre,  le  pont  d'ArA'e  avait  été  bel  et 
bienouvertdans  la  nuit  du  3avril.  Les  dépositions  des  Carou- 
geois  étaient  catégoriques,  «  elles  emportaient  sa  convic- 
tion ».  «  Je  ne  saurais  imaginer  quelles  raisons  vous  avez 
eues  tle  ne  pas  exécuter  les  ordres  du  Directoire  exécutif 
cjue  j'avais  reçus  par  écrit  el  dont  vous  devenez  responsa- 
bles... Je  vous  charge  de  présenter  aux  syndics  la  note  la 
plus  énei'gique*  .  » 

Alors,  devant  de  pareilles  injonctions,  sentant  qu'à  poursui- 
vre ce  jeu,  il  risquait  et  sa  place  et  son  avenir  —  il  n'oubliait 
pas  son  rappel  de  1795  —  Félix  Desportes  perdit  sa  fermeté. 
Désormais,  il  abandonnerait  les  Genevois  à  leur  malheureux 
sort.  Le  ministre  des  relations  extérieures  témoignait  une 
malveillance  continuelle  à  leur  égard,  il  oubliait,  de  propos 
délibéré,  leurs  preuves  répétées  d'obéissance  el  de  bon  voi- 
sinage. Soit  !  Desportes  s'inclinerait,  d'autant  plus  qu'en 
agissant  ainsi,  Delacroix  paraissait  avoir  l'approbation  de 
la  majorité  du  Directoire.  Dame  !  le  résident  tenait  à  sa 
place,  il  avait  une  famille  à  faire  vivre,   la    Révolution    l'a- 


1.  Di'sportrs  ;'i  Doliicroix,  L';i   mai  17i)7.  .\.  E.,  Gem-rc. 

2.  Di'sportes  i\  Delacroix,  "J?  juin  1797,  idem,  p.  321). 

;i   r,i,'i„   1.   :(:u 


;i.  Idem,  p.  .ai. 


FÉLIX  DKSl'ORTES  ET  LA  RÉUNION  DE  GENÈVE  A   LA  FliANCE  'Al 

vait  ruiné.  Qiichiues  jours  aujiarav.Tiit,  un  arrêté  du  Direc- 
toire lui  avait  notifié  cfue  son  traitement  était  réduit  de 
4.000  livres,  en  vertu  d'une  décision  générale  concernant  le 
corps  diplonialicjue,  (]ue  son  secrétaire  Darneville  allait 
être  rappelé  '  .  Non,  il  ne  sacrilierait  pas  ses  intérêts  les 
plus  légitimes  à  ce  peuple,  chez  lequel,  il  est  vrai,  il  comp- 
tait de  chauds  et  bons  amis-,  mais  ([ui  était  incapable 
de  se  gouverner,  et  cjui,  à  s'entre-déchirer  depuis  tantôt 
deux  ans,  à  s'user  en  discordes  violentes,  avait  perdu  tout 
droit  à  la  sympathie  et  au  respect. 

Cette  date  est  capitale  dans  l'histoire  de  la  chute  de  Genève. 

C'est  à  partir  du  mois  de  juillet  1797  que  le  résident  en- 
tra délibérément  dans  une  voie  nouvelle  à  l'égard  de  la 
République  et  qu'il  n'eut  plus  désormais  en  vue  qu'un  but, 
consolider  sa  situation  et  mériter  la  reconnaissance  du  Di- 
rectoire en  amenant  avec  prudence  et  avec  art  les  Genevois 
à  se  donner  à  la  France.  S'il  y  réussissait,  quel  triomphe 
pour  lui,  quelle  compensation  des  injustes  attaques  dont  il 
avait  été  la  victime  ! 


1.  Arrûtcdu  Dlvi-ctoire  du  21>  juin  1707.  A.  K.,  Valais,  vol.  T),  p.  (w. 

2.  Cf.  une  lettre  de  Desportes  au  citoyen  Martin,  premier  bibliothécaire  de 
Genêve(13  juin  1797), pour  lui  annoncer  l'envoi  d'un  ouvrage  du  citoyen  Magnien 
sur  le  comuiercc  des  Français  aux  colonies  d'.Amérique.  Papiers  du  D'  Léon 
Reuilliod  àGencve.  Lettres  de  Desportes  à  Mare-.\uguste  Pietet,  1!)  juillet  1797'.. 
«  Il  y  a  trop  longtemps  que  vous  nous  privez  du  plaisir  de  vous  \-oir  à  Saint- 
.Jean.  Je  ne  sui*i  pas  le  seul  à  m'en  apercevoir  et  de  très  belles  dames  me 
chargent  de  vous  gronder  de  votre  négligence...  I..e  départ  de  M.  Danu'ville 
pour  Paris  va  m'enchainer  plus  que  jamais  dans  mon  ermitage...  «  '2.S  juil- 
let 1797  :  «  Je  ne  vous  exprimerai  point,  mon  cher  professeur,  combien  votre 
prochain  voyage  me  contrarie  et  même  me  cause  d'intiuiétude.  Un  petit  oi-gueil 
luilional  m'en  empêche,  mais  au  fond,  le  sentiment  n'y  perd  rien,  et  vous  con- 
naissez assez  mon  cœur  pour  être  bien  sûr  que  quel  que  soit  le  motif  de  vos 
absences,  elles  me  feront  toujours  beaucoup  de  peine.  Vous  partez  avec  un  Anglais, 
homme  d'un  mérite  très  distingué,  et  qui  plus  est,  avec  une  Genevoise,  bien 
plus  redoutable  encore  pour  moi  par  l'amabilité  et  les  grâces  que  tout  le  monde 
lui  accorde  !  En  vérité,  j'ai  bien  peur  que  vous  n'oubliez  nm  Uuujne  et  (pu'  vous 
ne  reveniez  l'esprit  absolument  séduit,  et  h  i-œur  tout  à  fctit  Breton.  I*rencz-j* 
garde  !  Vous  avez  plus  que  de  la  propension  à  l'anglomanie,  et  je  me  suis  aperçu 
souvent  que  je  ne  vous  tenais  attaché  que  par  un  cheveu.  Au  sur|>lus,  ce  cheveu 
là  est  celui  de  Nysus  ;  j'arme  contre  vous  cinquante-huit  millions  de  bras,  si 
vous  ne  me  rapportez  pas  tout  l'attachement  que  vous  devez  à  ma  patrie  pour 
le  bien  qu'elle  pense  de  vous  ;  avec  ce  léger  secours,  je  suis  bien  sur  de  faire  de 
vous  un  homme  mort...  matériellement  s'entend,  car  votre  souveuii-,  je  le  sens, 
vivra  toujours  dans  le  cœur  de  ceux  qui  savent  apprécier  les  i)lus  beaux  talents 
réunis  à  la  modestie  la  plus  rare.  Salut  et  inaltérable  attachement.  » 


;i2  HF.VLl-:    IIISTOUIQLE    DE  I.A  HKVOLLTION    rilANÇAISK 

Un  échec,  au  contraire,  cntrainciail  inlailliblenuMit  son 
rap|)el.  peul-èlre  sa   mise  à  la  retraite. 

Cette  altitutle,  Ijicn  peu  la  devinèrent  à  (lenèvc.  Seul, 
l'historien  Hérenger  en  eut  le  pressentiment  '.  Mais  les  Ge- 
nevois ne  comprirent  jamais  les  causes  de  cette  volte-face 
inattendue,  qui  devait  aboutir,  dans  leur  esprit,  à  la  plus 
déloyale  des  trahisons. 

Son  {)arti  pris.  Desporles  adresse  au  Conseil  une  de  ces 
notes»  éneri;i(iues  »  dont  il  a  déjà  usé  en  des  temps  criti- 
(pies  ;  il  y  reiunivelle  impérativement  les  demandes  du  Di- 
rectoire, la  punition  des  hommes  du  pont  d'Arve,  une  in- 
demnité, l'admission  de  soldats  français  sur  le  It'iiitoire 
genevois.  En  agissant  avec  cette  brutalité,  il  apparaît  si 
clairement  (jne  Desportes  fait  violence  à  ses  convictions 
j)eisonnel!es,  ipie  le  même  jour  il  réjjond  à  son  ministre 
(ju'il  se  taira  désormais,  «  (pi'il  obéira  san.>  réilexion  »  aux 
ordres  reçus,  en  s'abstenant  de  faire  la  moindre»  représenta- 
tion »,  mais,  ajoutera-t-il,  «  je  persiste  à  vous  déclarer  (jué  le 
rapport  aussi  l)ien(]ueles  lettres  (|ue  le  commissaire Ciiastel 
adresse  soit  a  xous.  sent  au  ministre  de  la  police  générale, 
sont  un  tissu  de  faussetés  et  de  calomnies...  Les  ténèbres  dont 
on  enveloppe  celle  odieuse  afl'aire  vont  bientôt  s'éclaircir 
sans  doute,  et  vous  connaîtrez,  mais  Iroj)  tard,  qui  de  moi 
ou  des  agents  de  Caronge  a  eu  la  criminelle  audace  d'en 
imposer  au  Directoire  -.  » 

Les  nuMnbies  du    conseil  de  Cienè\e,  (]ui    ignorent,  eux, 

;.  n  Dcspoili-s.  n:ilun'II.Mm'nl  limi.  ciil  Unijoius  lU-  lioiim-lr.  si  son  •((uiv.tiu- 
monl  l'eiil  élr  ;  iii;iis  il  lui  cluit  di-voiu'.  Ceux  ([iii  IciKiicnt  K's  rriu-s  ilniriil  à 
SCS  yeux  de  gniuds  lioiiinu'S.  Il  voulnil  leur  phiiie  el  no  pensiiit  poiiil  <|uil  (Cil 
possible  de  s'avilii-  en  faisnnt  les  jielinns  \iles  cpi'ils  cniiiiniiiulniont.  »  lièreii- 
^er,  liisloire  tit's  ilfrnifrs  tfinps  de  Ut  Hi'-pulylitjiic  (te  (ienère  et  tle  sa  réunion  à  la 
Franee.  Genève.  ISOl.  p.  37.  «  Celle  hyi)oeiite  ftuisselé  n"él:iil  point  d:nis  le 
earactére  de  Desporles.  surlnul  lors<|iu'  :uieim  ninliriie  lui  inipnsail  In  iièeessilé  de 
s'en  servir»,  p.  49. 

2.  A.  E.,  Genève,  vol.  llHi,  i>.  .'iVi.  u  ...  l'uisque  vous  ;ivez  juge  ipie  les 
détails  que  je  vous  adressais  ne  vous  oiVraient  aucune  couleur  de  vérité,  puisque 
ma  lettre  et  la  pièce  ne  vous  ont  pas  con>'aincu  que  le  citoyen  Guerre,  agent 
municipal  de  Garouge,  avait  menti  à  sa  conscience  et  àla  vérité  dans  son  r.ipport... 
je  m'abstiendrai...  o  Ku  marge  de  cette  dépêche,  on  lit  :  Rerherelter  lonles  les 
pièces  de  celle  affaire  el  l'ièparer  un  rapport  le  plas  pronipleinent  possible. 


IKI.IX   I>USl'OI\Ti:s   ITl.A  liFlMON   I)l;  CEN'KVi:  A    l.A   rRANCE  Xi 

(jue  Desporles  s'est  l'ait  lourdélenseur  à  Paris,  sont  indigiu-s 
à  la  li'Ctuie  de  eetle  iKuivelle  noie  et  dapprendre  (|ue,  pour 
rétablir  l'ordre  sui-  la  ri'onliére,  «  le  (it)u\eriH'ment  IVaiieais 
emploiera  tous  les  moyens  ".  Les  demandes  du  Direetoire 
«  ne  l'eiiosent  sur  aueuii  niolif  réel  »,  répli([uent-ils  à  Des- 
porles. "  et  i>uis(jue  les  exi)llcalions  les  jikis  sallsi'aisanles, 
la  conduite  la  plus  sage  el  la  plus  amicale,  les  mesures  les 
plus  sévères,  ont  été  Miutiles  contre  les  eiïbrls  de  la  mal- 
veillance et  de  la  ealnnmie  »,  ils  décident  sur  l'heure  de 
rédiger  «  une  proleslalion  solennelle  »  el  de  députera  Paris 
l'administrateur  .Iean-.lac(jues  Hicliard,  pour  découvrir  les 
intentions  du  Directoire  cxéculil''.  Résolution  hâtive  et  ir- 
rérléchie,  que  Michel  Micheli,  installé  depuis  peu  à  Paris, 
ne  put  s'empêcher  de  désapjirouver,  ainsi  que  «  le  ton 
un  peu  vil'  »  employé  par  les  syndics  dans  leur  réponse  à 
la  noie  de  Desportes.  Micheliavail  été présentéoniciellement 
au  Directoire  un  mois  auparavant  :  il  avait  reçu  du  pré- 
sident Carnot  et  de  ses  collègues  un  chaleureux  accueil,  el, 
grâce  à  la  botanique,  il  avait  échangé  avec  La  Réveillèrc- 
Lepcaux  les  propos  les  plus  aimables.  L'ancien  ambassadeur 
à  Bàle,  Rarlhélemy, entré  au  Directoire  le  'H\  mai  précédent, 
lui  avait  témoigné  »  les  meilleures  dispositions  -  ».  Pour- 
([Uûi  cette  malheureust'  aiïairedu  pont  d'.\r\e  surgissait-elle 
à  nouveau,  déi'ormée  el  eidlée,  pour  le  plus  granddéplaisir  du 
novice  ministre,  ilont  l'expérience  diplomali((ue  était  encore 
si  précaire"?  Micheli  nes'élail  pas  gêné  iiour  multiplier  les 

1.  l.cs    syiuliiS  :i   Di-sncilrs.  S  jiiill.-t     17117.     C.opir  il,'   l.lln-s   7(1.   Arriurrs  tt,- 

2.  Cf.  CiiAPiisKT.   De  la  Tirn-.ifà  lAnm-xù,!,.   p.   I!l7-lil).">. 

:i.  Tolll  en  i-nln-li-ii:wit  pcist.niicll.-in.-nl  li-s  iiu-llli'lirs  nippoils  m\.-c  .Mii-lu-li. 
.•u  II-  i-ouvrniit  do  lloiirs  (Cf.  sa  Ictlic  du  18  juin  17!)7.  piil)li.-o  pur  Cliapulsnl, 
p.  liW),  Uespoïk-s,  dnns  ses  dépèihes  :ui  ininistie  Delneioix.  .jiigejul  Mieheli 
avec  une  fort  grande  liberté.  «  ...Malgré  l'éleudue  de  ses  eonnaissanees  titléraires, 
il  ne  peut  se  dissimuler  qu'il  est  absolument  ueuT  en  dlplomalie...  Néanmoins, 
sa  eonversalion  n'est  point  sans  facilité  ni  sans  grâce,  mais  elle  est  plus  solide 
(|ue  brillanle...  .le  ne  lui  suppose  pas  dans  l'esprit  ce  ralliiuMuenl,  celle  subtilité 
qui  dénotent  une  propension  à  l'intrigue  ;  ainsi  nous  n'avons  poii\t  à  redouter 
que  sa  finesse  dégénère  en  duplicité,  et  s'il  vous  importe  un  jour  de  eonnaitre 
le  fond  de  sa  pensée,  ce  seront  moins  ses  parcdcs  (pu-  son  silence  que  \ous  serez 
dans  le  cas  d'interpréter.  «  Desportes  à  Delacroiv,  'j:!  avril  17il7.  .A.  K.,  (.'.■/icec. 
vol.  lllfi,  p.  2(19. 

IIKV.   UlîT.   HE   1..V  RÉVUI..  ■! 


;^4  REVUE   HISTORIQL'E   DE  LA    liÉVOLUTION   FRANÇAISE 

conseils  de  prudence  à  Genève,  estimant  (|u'on  y  manquait 
vraiment  de  doigté  et  de  sens  politi(|ue  '  . 

Au  point  où  en  étaient  les  choses,  avec  cet  envoi  malen- 
contreux de  Richard,  et  Desporles  réitérant  les  notes  sur  la 
contrebande  -,  la  situation  menaçait  de  devenir  inquiétante. 
Elle  plongeait  Micheli  ilans  une  grande  anxiété,  c|uand  se 
produisit,  le  19  juillet,  un  changeme'nt  inespéré  dans  les 
bureaux  du  Directoire.  Le  ministre  (".harles  Delacroix  dé- 
missionna. L'ex-évèque  d'Autun,  le  ci-devant  abbé  ("Jiarles- 
Maurice  de  ïallcyrand,  protégé  de  M""' de  Staël,  lui  succéda 
au  ministère  des  Relations  extérieures  '  .  ("/était  pour  les 
députés  genevois  un  opportun  changement.  Ils  s  aperçurent 
bien  vile  qu'avec  ce  ministre,  leur  affaire  allait  prentlre  une 
tout  autre  tournure.  Soupçonneux-,  rancunier,  malveillant 
contre  Genève,  Delacroix  était  remplacé  par  un  homme 
aimable  et  lin,  libéré  des  violentes  préventions  de  son  pré- 
décesseur. Par  malheur,  personne  ne  pressentait  encore  à 
Paris  ce  que  cachait  de  i'ourberie  et  d'astuce  le  cœur  ilu  ci- 
devant  évé([ue  d'Autun. 

En  (juelques  semaines  la  ((ueslion  de  la  contrebande  se 
trouva  liquidée.  Le  serviable  (iirotl  de  l'Ain,  «  notre  bon 
ami  »  écrivait  Richard  '  ,  et  l'ancien  résident  à  Genève, 
Adet,  y  contribuèrent  pour  beaucoup.  A  force  de  ([uestions 
et  de  démarches,  Richard  en  arrivait  à  deviner  le  rôle  con- 
ciliant de  Desporles  dans  celte  aiïaire.  «   .le  me  plais,    man- 

1.  Cinp.  isvr.  Oiirrmie  rilé.  p.  T'i. 

•2.  Alix  (l:iti-s  <l.'s  :n  juillel,  4  cl  21  :i..iH,  n,'N|>,>rl>s  :iv;iil  ndr.ss,-  :iu  ConsvW 
<!.■  Ocu.-ve  <!.-  iKiiiv.lhs  plaintes  sui"  hl  i<irUnl):imli-.   H.  C. 

■i.  Kii  lui  :i(lnss:ml.  !.•  2H  juillel,  sa  piemièie  «lepèehe,  Despmtes  éerivait  à 
Tallcyraïui  :  «  l.a  eéléhiilé  (|iie  vous  v.ius  .-les  si  hmioiablen.eul  acquise  dans 
la  lU'volulion,  les  lalenls  snpéiienrs  en  diplomalie  que  la  voix  générale  vous 
allribue  à  si  juste  litre,  et  bien  plus  encore  les  excellenis  principes  dont  les  amis 
de  la  l{épul>li(|ue  savent  (pie  vous  êtes  si  sincèieineut  animé,  tout  porte  vos 
eollal.orateiirs  à  se  lelieit.r  du  choix  du  Directoire.  »  A.  K.,  f;eiiri.r,  vol.  Klfi, 
p.  4(11. 

4.  Hiehard  au  Cons.il.  :i  août  17117...  ..  Parmi  le  grand  noml.re  de  personnes 
qui  laisaient  la  cour  à  Barthélémy  en  ce  moment,  il  .se  trouva  nu  ollicier  géné- 
ral qui  avait  servi  dans  l'année  que  la  France  envoya  contre  nous  en  17S2  rt 
qui  lit  Téfoge  des  Cienevois  en  déplorant  les  maux  auxquels  ils  avaient  été 
exposés,  ce  qui,  quoiipie  rien  en  soi-même,  ne  laissa  pas  (jue  de  me  faire  plaisir, 
en  répandant  sur  nous  un  certain  inlérél.  On  aime  toujours  à  rencontrer  des 
amis.   »  l'orlif.  Iiisl.  ôôOlt  Lis.  .4ic/iii'p,s  </c  (ienéw. 


FICI.IX  DF.SPOKTES  V.T  LA    IIICUNION   DE  (lUNKVi;  A    LA    l-nANCR  .j.) 

dnit-il,  h  lui  rendre  la  jiislice  ((u'en    celle     occasion,  il    n'a 
iail  ([lie  ce  ([u'il  ne  poiivail  refuser  de  laiie...  '    » 

Ilélas!  CCS  heiireures  dispositions  ne  dexaii'nl  i;uère  durer, 
el  (ienève  se  trouva  fatalement  entraînée  à  subir  tout  à  coup 
les  conséciuences  désastreuses  d'une  nouvelle  révolution 
éclatant  à  Paris. 

Le  18  fructidor  (4seplenibrc),  Richard,  (jui  était  cloue  au 
lit  par  un  accès  de  fièvre,  entend,  en  pleine  nuit  encore,  tirer 
le  canon  d'alarme  ;  sur  les  ([uais,  c'est  un  roulement  con- 
tinu de  pièces  d'artillerie  ;  les  places  publi(jues  sont  gardées 
par  la  troupe-.  Les  barrièies  sont  rigoureusement  fermées 
pour  toute  la  journée.  \  cinij  heures  du  malin,  le  général 
Augereau  s'est  présenté  aux  Tuileries  et  y  a  amèté  les  der- 
niers iléputés  (jui  s'efforçaient  encore  de  résister  à  ce  coup 
d'Etat.  Les  murs  de  Paris  se  couvrent  de  proL'Iamalions 
annonçant  qu'une  conspiration  a  été  découverte  par  le  Di- 
rectoire, que  le  général  Pichegru  s'est  laissé  acheter  [lar  le 
prétendant  Louis  XVIII  et  que  la  Républicpie  a  couru  les 
plus  grands  dangers.  Le  bruit  se  répand  dans  la  journée  (|ue 
le  Directoire  a  été  épuré,  ([ue  Barthélémy  est  en  prison,  ({ue 
C.ariMjt  s'est  échaiipé.  Divers  décrets  annulent  les  élections 
de  41)  départements,  condamnent  à  la  d é po r ta li on ().'> citoyens, 
dont  -12  députés  des  Cin([-('.ents,  11  des  Anciens,  2!) 
rédacteurs  et  imprimeurs  de  journaux  (leur  nombre  sera 
porté  à  42  lesjours  suivants).  La  loi  nouvelle  signifie  cpie 
ceux  ([ui  demanderont  un  roi  ou  la  constitution  de  17'J3 
seront  fusillés  sur  le  champ,  ainsi  ([ue  tout  émigré  rentré 
sans  autorisation.  Pendant  ])lusieuis  heures,  toute  commu- 
nication a  été  suspendue  entre  les  deux  rives  de  la  Seine. 

Une  lutte  terrible  se  poursuivait  depuis  un  an  entre  les 
(Conseils  législatifs  et  le  Directoire,  ceux-ci  refusant  au  pou- 
voir exécutif  des  crédits,  sous  le  prétexte  (pi'il  gaspillait  les 
finances    publiques,   et  qu'il   gouvernail    par   l'arbitraire  et 

1.  9  août  1797.  Idem. 

2.  y  août  1797.  Idem. 


.)()  UKVUi:   IIISTOUIQVF.   DE    L.\   Hi:V()I.rTI()\    IHANÇAISK 

sans  conlrôle.  Le  Diiccloiie  accusait  les  dépulés  des  (',iii([- 
(".eiils  cl  (les  Anciens  de  tiédi'ur  rcpuljlicaine  el  de  ccjupahle 
l'aihlesse  à  l'égard  des  royalistes.  L'éleclion  récente  d'un  tiers 
des  Conseils  avait  encore  augmenté  celle  inlluence  des  mo- 
dérés. S'I  l'on  continuait  dans  cette  voie,  la  France  redevien- 
drait infailliblement  monarchique.  C'est  alors  que  la  majo- 
rité jacobine  du  Directoire  résolut  d'en  appeler  à  la  l'orce  et 
de  recouiir  aux  bayonnettes  du  général  Augereau.  .Mais, 
comme  ils  redoutaient  d'être  assini'lés  aux  terroristes  de  O.'î, 
les  l'ruclidoriens  crièrent  bien  haut  (ju'ils  ne  répandraient 
pas  le  sang.  Les  députés  el  les  journalistes  arrêtés,  après 
avoir  été  enfermés  au  Temple,  l'urenl  conduits,  sans  juge- 
ment, thins  des  chariots  grillés,  à  Pioclielorl,  el  de  là.  em- 
barqués pour  la  Ciuyane,  où  l'on  comptait  sur  le  climat 
pestilentiel  pour  les  faire  disparaître  sans  éclat.  De  l'ait,  bien 
peu   résistèrent  à  ce  bariiare  traitement. 

La  révolution  du  Dix-Huit  fructidor  allait  être  néfaste 
poar  Cieuève.  D'abord,  elle  amenait  au  Directoire  deux  hom- 
mes animés  de  dispositions  peu  bienveillantes,  résolument 
opposés  à  la  politi([ue  conciliatrice  de  Carnot  et  de  iiarthé- 
lemy.  Si  h'rançois  de  Xeufcliàti^au.  par  son  inca|)acité  et 
son  inex[)érience,  ne  devait  pas  jouer  un  rôle  important 
dans  le  Directoire,  Merlin  de  Douai,  l'ancien  rapporteur  tie 
la  loi  des  suspects,  travailleur  acharné,  y  exercer.iit  au  con- 
traire v.u  pouvoir  immense.  N'elait-ce  pas  lui  ([ui  avait  di- 
ligé  les  lelatioUs  extérieures  au  Comité  de  Salut  public,  et  ce 
sectaire,  révolutionnaire  entêté  mais  impassible,  rexenait  au 
pouvoir,  peu  disposé  à  ménager  les  ICtats  (|ui,  comme  la 
Suisse,  tardaient  à  se  «  régénérer»,;!  «  s'énuinci[)er  ».  Au 
reste,  il  connaissait  les  alïaires  de  (ienéve  pour  avoir  été  le 
chef  direct  de  Desportes  en  1795.  Eu  présence  de  cette  ma- 
jorité d'homuies  sans  scrupule,  prêts  à  toutes  les  violences, 
i'interxeulion  de  Talleyrand,  jusqu'ici  favorai)le  à  la  petite 
ré|)ubli.(iue,  dexcnait  bien  prol)lémati(|ue '. 

1.  T:.ll,-vinml   c-ilv:!.!!  pour  1;,  pivriiirir   loi-,  .■..iiiim-  .nliiislro  ;'.   l)>-.poil,-s.  I.- 
10  s.-pU'inb'ro  17!I7,  lui  ilis:iil  :  ..  .I\ii    r.-iiiju-qui'  .pic  si,  iliiiu-  pari,   l'iuiivil.'    île 


l'Kl.lX    DKSl'Or.TlIS   I;T  la    JUilNlON    Ui;    CKNKVi;   A     I.A    FHANi;i;       'M 

Le  Dix-Huit  IViictidor  iiiaiii^iirait  une  iioliliciiie  de  propa- 
gande iacoi)ine  intense,  dont  (îenève,  après  Mulhouse,  après 
Venise,  ajuès  la  Conlédéralion  lie!\  éli(iue,  seiail  lalalenienl 
la  vieliuie. 

Or,  ce  eouj)  diktat  répondait  aux  syni[)al!iies  secrètes 
du  résident  lie  France  à  (ienève.  Desportes  était  l'adversaire 
acharné  des  émigrés  et  des  Bernois  (pii  leur  offraient  l'hos- 
pitalité, l'éliciter  chaleureusement  le  Directoire  de  son  au- 
dace et  de  ses  décrets,  c'était  pour  Desportes  consolider  sa 
situation  à  (ienève,  compromise  par  ra.U'aire  du  pont  d'Arve, 
en  lui  permeltant  tlapprouvcr  bien  haut  ses  chels  et  de  leur 
exprimer  a\ec  ellusion  sa  soumision,  c'était  aussi  l'autoriser 
à  traiter  désormais  rigoureusement  les  aristocrates  bernois 
et  leurs  adhérents  à  (ienève  '. 

A  peine  a-t-il  connaissance  tles  événements  de  Paris, 
([u'il  l'ait  allicher  à  la  [)orle  de  la  résidence  les  décrets  du 
Directoire,  et,  pendant  plusieurs  jours,  une  l'oule  de  curieux 
se  presse  au  Cnand-Mézel  pour   les  lire-,  (lomme   en    17D4, 

vos  iI<-ih:iit1ics  m.-  s'.'lail  pas  un  mom.-iit  raU-iUk-.  la  boiiiu'  \ul<mU-  <Ul  f{.ii.MM- 
lu-liu'llt  (U-  (iciu'vi'  s'<-t:lll  muiiHVsltv  pai-  (|iu'l(iius  (lisi)iisitirms  loiil  à  l'ail  i-<ill- 
vonalilcs...  Avant  que  voire  correspoiulaïu-i-  ail  ai-hi'Vi-  iW  m'en  cmivaiiuTc,  je 
savais  ccnibioll  h-  voisinage,  le  inoieellenvnt  et  reiiellevètremeilt  i!es  deux 
leniloires  devenaient  chaque  jour  outre  la  l-"ianee  et  (ienève  l'oeeasion  (le 
ilisenssions  litigieuses  qui  rendaient  votre  n-sidenee  laholieusem  Mit  et  ([UeUine- 
l'ciis  niénr.'  pénil)l;'nKMil  oceupée.  .le  stipposi'  cependant,  que  ilans  les  nnndneuses 
eireonslanees  où  votri-  intervention  est  l'éclani;'.',  soit  <le  la  [)ar-t  des  autorités  et 
agents  de  noire  répul)lic|ue,  soit  de  la  part  de  (leni'-ve.  vous  avez  soin  de  prendre 
les  inrorniations  préalables  qui  peuvent  vous  être  nécessaires  pour  ne  |)as  pro- 
diguer à  contre  temps  les  démarches  oliicielles,  car  ce  n'est  ipi'en  les  préparant 
avec  maturité  qu'on  acquiert  le  droit  de  les  soutenir...  i.  A.  K.,  (ii-iiOpr,  vol. 
lOG,  p.  44.-). 

1.  «  Le  gonvernenient  <le  (ienève,  toujours  méliant,  toujours  eraintil'.  poui- 
échapper  à  la  dcanination  de  la  iManee.  s'i-st  asseivl  aux  suggestions  des  m-netus 
du  petit  (Conseil  de  Même  et  il  ne  l'orme  aucun  plan,  aucune  entreprise,  sans 
l'attache,  sans  la  permission  tacite  de  ces  mentors  étrangers.  »  Oesportis  à  Tal- 
levraïul,  ;«)  août  17i)7.  A.  E..  Gnirve.  vol.  lIKi,  p.  4:!U. 

"  2.  Desportes  à  'fallevrand,  27  décembre  17!)7.  A.  H.,  (.'e/i.W,  vol.  lIKi.  p. 
47».  Ami  lies  lois  du  7  octobre  17<(7,  n"  7«:i.  .<  De  (ieueve,  le  27  s,q>lendHe  :  l'n 
émigré  IVaneais.    arrixanlà    l'arls,    dinall     av  aul- Lier  a  table    dl.ole    dans    nue 

auberge    de    (ienexe    ;    il  .j.lail     le-    soupçons  I, s    plus    ...lirllN   sur    I.  s    Ills    <le 

l'énergique  résolution  prise  par  1.-  Direetoii-,-  K\,,ulif  poni-  sam.c  la  palr.e  ;  il 
traitait  d'injuste,  de  barban-,  le  sort  des  députés  ;  il  osait  assurer  que  les  projets 
dont  on  les  accusait  nelaiciil  <]n'une  indigne  suppesilion,  et  <pie  iiu  ■.uv  l'idée 
d'une  conspiration  ne  leur  était  jamais  venue.  -  Aile/,  lui  repondit  lier,  inenl 
un  lilennois.  ail.'/    d.nic  lire    sur  les  nuus    de  l.i     resideiue    les    preuv  es  de  cette 


H<S  HLVIF,  lllSÏOIilyCE  DE   LA   liÉVOI.LTION    FRANÇAISE 

hcMiu'oup  dv  siispccls.  cjui  ont  t'(.'liap[)é  aux  sbiii-s  (!e  la  po- 
lice parisienne,  se  sont  réru.<>iés  à  (ienéve  et  en  Suisse'.  Des- 
portes les  guette,  apprend  que  sa  vieille  ennemie,  la  baronne 
de  Staël,  en  reçoit  à  Copjjet,  le  journaliste  Snard  entre 
autres,  rédacteur  des  Xnaiicllrs  poliliqiics,  et  sa  Femme,  Roissy 
d'Anglas,  Dumolard,  et  grâce  à  ses  espions,  il  se  ])rocure 
«l'agenda  de  tontes  les  conversations,  de  toutes  les  visites» 
du  château,  qui  est  «  mctamorpliosé  en  bureau  de  gazette  »  -. 
Après  avoir  donné  ces  preuves  de  civisme,-  quelle  n'est 
pas  son  indignation  d'ajiprendre  (junn  Savoyard,  le  pam- 
phlétaire Michel  (".hastel,  dans  une  brochure  publiée  à  Ca- 
rouge,  se  permet  île  dénoncer  sa  tiédeur,  ses  complaisances 
pour  Genève  et  les  royalistes.  "  .le  prouxerai,  a  dit  tJiastel, 
combien  le  résident  est  peu  loyal,  peu  honnête  et  délicat 
dans  ses  procéilés,  j'arraclierai  ([iielcpies  plumes  à  ce  paon, 
à  cet  liomme  <iui  jyaraît  plus  occupé  de  ses  toilettes  et  de 
ses  plaisirs  que  des  intérêts  delà  Républi(|uc,  à  cet  homme 
dont  l'esprit  est  trop  fin  et  le  corps  Iropdélié  j)ouravoir  du 
caractère  et  de  la  consistance  dans  ses  opinions-'.  »  Et  pour 
linir,  cetteinsinuation  perfide,  toujours  la  même,  ([u'une  de- 
nevoise.  M'''  Kunkler,  exerce  un  pouvoir  néfaste  à  la  rési- 
dence !  Ce  ([uil  y  a  d'odieux,  c'est  (pie  l'Ami   des  l<ns  pour- 

oimspli^illoii  <|ii,-  M, us  lii,/  si  i(.m|)l.iisjlliniriit  ;  i-IKs  sduI  .■irik-s  .mi  lr:ilK  <!.• 
IVii  (|iii  vims  l)nil.-n,Ml  l;i  viir.  Ti.us  les  c..Mvi\Ls  :,|,|,l:uuliivnt  ;i  Im  nf^lwur  iU- 
l'iilviliilion,  el  di'-s  lois,  r<-iilisi>'  m'  concl;mill;l  ;iu  sili-m-e.  Le  ii-<lcv:inl  :iri-lu>vr- 
qiio  dt}  Piiris  cl  In  priiifi'ssi'  I.oiiisi'  ont  passe  le  !■''  du  mois  par  I^aiisamie  ;  ils 
ariivai.iit  à  >'ii-iine  et  se  leiidaient  à  Turin  par  le  mont  .Saint-Bernard,  dans  le 
pins  rit,'inneu\  ineognito.  .Alexandre  el  Théodore  I.ainetll  sont  à  Nyon  depuis 
cpiatre  jours  ;  ils  vont  se  transporter  à  Herne,  pour  y  solliciter  une  permission 
de  séj<iui\  jnstm'à  leur  radiation  tlèlinitisc,  ce  ([ni  lem-  sera  sans  dontc    reriisc.  » 

1.  7  octobre  17i)7.  «  I.e  citoyen  l),-sj)ortes  mande  que  des  di|)ntcs.  Irappés 
par  la  loi  dn  I!)  rnulidor.  sont  rénnis  à  Lausanne  sons  des  noms  .-tranKcrs  et 
prépaient  une  proleslalion  dont  Dnplanlier  sera  le  rédacteur...  11  est  urgent  que 
tontes  Irs  anlorilrs  du  ilepartemeni  de  l'.Ain  exercent  la  surveillance  la  plus 
active  non  senleiuenl  sur  lous  les  voyageurs  en  voiture  ou  à  cheval,  mais  encore 
sur  tous  les  piétons  qui  vont  parcourir  leur  ressort.  Le  passage  le  plus  à  surveil- 
ler est  celui  dn  fort  de  IKcluse  et  spécialement  le  sentier  pratique  le  long  du 
Hhoiie,  au  pied  d;-s  rochers.    »  Arcliircs  \„U„n„U-s.  K:    (iUli. 

•2.  Desporles  a  Tallevrand.  H  sepleinlne.  ."i  oclol.le  17!17.  .A.  K..  (i.-nn>,-.  \.,\. 
ll)(i,  pp.'44'.>,  47(i. 

:!.  I.r  ln,isi,i,i,-  ni  ,1,-  lu  l.iherl,-  .l„ns  1,-s  Mi„-s.  p.ir  Mi.liel  C.haslcl  (du  Mont 
HIancl.  C.irouge,  de  lim|.riliieri,-  <le  .Spineux.  /(,/./,n(/,e,,,ie  ,/r  GcMci.r.  C.f  lil.-), 
w.l.    174. 


KKLIX  OESPOHTES  ET  LA  HÛUNIOX  DE  GENÈVE  A    I.A    FHANCE       Ii9 

suit  à  Paris  la  iiièine  caiiii)ai^ne  '.  Décidément,  si  les  Ca- 
rougeois  cl  leur  cliiiue  ne  sont  pas  muselés,  le  résident  suc- 
combera sous  peu  à  leurs  injustes  accusations. 

Il  vient  de  se  fonder  à  Carouge  un  nouveau  journal, 
l'Echo  des  Alpes,  que  dirige  un  ancien  médecin  deC.liambéry, 
le  général  Amédée  Doppet,  auteur  de  productions  éroticjues 
et  stratège  fort  tliscuté-  .  Cet  officier,  qui  a  concpiis  le  grade 
de  général  sous  la  Révolution,  et  dont  la  nullité  a  été  du- 
rement appréciée  par  Napoléon,  est  le  type  du  soldat  dé- 
braillé, du  jacobin  farouche  et  sectaire.  Sa  feuille,  dont  le 
premier  numéro  parait  le  20  septembre  1797,  a  pour  mis- 
sion de  propager  dans  le  département  du  Mont-Blanc,  dé- 
sespérément réactionnaire,  les  principes  de  la  Révolution, 
et,  avant  tout,  de  proléger  les  acquéreurs  tle  biens  natio- 
naux-'. Doppel  et  Desporles  sont-ils  en  relation?  On  ne  sait, 
mais  ce  sans-culotte,  grossier  et  fanfaron,  ne  doit  guère 
éprouver  de  sympathie  pour  le  diplomate  élégant  f[ui  réside 
à  Genève.  Néanmoins,  c'est  à  l'Echo  des  Alpes  que  recourt 
Desportes  pour  défendre  ses  actes.  «  Je  somme  les  hommes 


\.An,i  ,lcs  Inh,  .1»  IS  cclol)!^.  17!)7.  iV  7!)4.  ..  Le  conitc  de  l'iiysi-giii-,  qui 
iHait  à  Paris  le  rouniissc-iir  giMU-ral  des  journaux  royalisti^s,  a  passé  à  (iem'-vc  le 
'i  octobre  avec  le  marquis  de  Chalirillaut  et  plusieurs  autres  iinigrés  ;  le  gou- 
vernoment  ne  leur  a  pas  permis  de  séjourner  dans  cette  ville.  On  nous  écrit 
que  les  patriotes  genevois  ont  été  plus  prompts  à  leur  l'aire  donner  la  chasse 
que  noire  envoyé    M.  Desportes.   » 

2.  I.Eclm  des  Alpes,  oa  nnicllc  Hllêndn-,  imUluiue  .•/  rnmmcrrial,-  de  trois 
grandes  i-e/jiWi/ir/iies.  I.a  feuille  porte  connue  épigraphe  :  «  Xe  laites  pas  à  autrui 
ce  que  vous  ne  voudriez  pas  qu'on  vous  lit.  Faites  constamment  aux  autres  le 
bien  que  vous  voudriez  en  recevoir.  »  Devoirs  de  l'homme  et  du  citoyen,  article 
2,  constitution  de  l'An  111.  —  La  collection  complète  comprend  101)  mnnéros,  du  22 
septembre  I7!)7  au  IS  avril  17!KS.  l'our  suppléer  à  l'exemplaire  très  incomplet  de 
la  Hibliolhéque  nationale,  nous  avons  consulté  nu  exemplaire  de  la  hiblinthéi|ue 
de  l'en  Jules  \'uy  à  Carouge,  qui  nous  a  été  obligeannueut  coniniunioué  par  la 
lille  de  l'historien. 

Amédée  Doppet,  né  à  Chandjéry  en  17.'>:i,  mort  dans  cette  ville  et  non  à 
Aix-les-Bains,  le  28  avril  17!)!),  (Cf."  Albert  Metzger,  Les  pensées  de  M»-  Warens. 
son  bibliographe  le  général  Doppel.  Lyon,  IHHX)  éerisail.  le  24  janvier  179!).  au 
ministre  de  la  Guerre  :  «  Ile  nu-  suis  tué  et  ruiné  au  travail  de  Vlùlui  des  Alpes. 
journal  qui  a  républieanisé  le  Mont-Hlanc.  » 

3.  «  Le  général  Doppet  arriva  au  siège  de  Toulon  le  ]«  noveud>re.  11  était 
Savoyard,  médecin,  ayant  plus  d'esprit  que  Carteaux,  nuiis  aussi  ignorant  de 
tout  ce  qui  tenait  à  l'art  di-  la  guerre.  C'était  un  coryphée  de  la  Société    des  .la- 

cobins,  ennemi  de  tout  ce  qui  avait  du    talent Correspondance  de   Sapoléun, 

citée  par  (iuillon.  Xapoléim.    Textes  choisis  et  et}nilnentcs.   p.  221. 


40  REVUE  HISTORIQUE  DE   LA   RÉVOLUTION    I  HANUAISE 

honnêtes,  écrit-il  le  22  octobre,  qui  osent  nie  re[)rcsentcr  si 
complaisamment  comme  le  Don  Quichotte  des  èmujrés  et  des 
prêtres  ré/rnctaires,  je  les  somme  de  déclarer  dans  votre  jour- 
nal le  nom  d'un  seul  de  ces  individus  ((ue  j'ai  protégé  ou  à 
(jui  j'ai  simplement  accordé  mon  visa  pour  rester  à  Gê- 
né \c.'  » 

I^t  comme  la  contrei)andc  a  repris  de  i)lus  belle.  Despor- 
tes, exposant  à  Talleyrand  ses  appréhensions  sur  le  sort  de 
(ienève,  entonne  à  nouveau  son  refrain  favori  :  «  La  paix 
est  sur  les  lèvres  des  tiencvois,  mais  d'anlicpies  ressenti- 
ments et  des  rivalités  perpétuelles  les  divisent  en  deux  par- 
fis et  les  rendent  irréconciliables.  Jamais,  non  jamais  cette 
peuplade,  aussi  longtemps  (ju'ellc  sera  abandonnée  à  elle- 
même,  ne  pourra  vouloir  assurer  soi!  rej)os.  «  En  vérité,  il 
devient  prcs([ue  impossible  de  rester  dans  une  ville  «  où  les 
plaies  révolutionnaires  saignent  encore,  où  le  bourreau  est 
toujours  cùic  à  cote  de  la  victime.   »- 

Ainsi  s'aljandoiinait  Desportes  à  ces  réilexions  moroses, 
([uand  l'arrivée  à  (ienève  d'un  voyageur  illustre  lui  apporta 
la  plus  salutaire  des  distractions. 

Le  1.'5  novembre  17117,  le  général  Mural,  aide-de-camp 
de  Bonaparte,  passant  à  (ienève  pour  se  rendre  à  Raçtadt, 
annonça  (pie  son  chef,  le  héros  de  l'armée  d'Italie,  le  suivait 
à  cpiatre  jours  de  dislance  et  qu'il  lra\erserait,  lui  aussi,  le 

1.  I-:,h„  i/rs-  Al/wx.  ilu:i4  (.Ltiil.iv  17it7.  iv  l(i.  Eu  nntr.-.  l).•^|)^ll■lc■s.  l.uijours 
|,mir  SI-  jiislili.r  ili-  V  M-cusiilum  cU-  Cliasl.-l  (l.tic  ..  un  l)nii  :uiii  ..  de  I5;iillun.-iiiv 
.1  dr  C^iiiiiil.  iii:iiul:iit  à  T:.ll.'yrnii<l  \e  24  r.civ.-iiilin-...  .<  IJnilhrl.-iiiy.  par  un 
M'nlimcnl  di-  jalousie,  i-xigi-a  mon  lappd  de  Ciciu'vi-  six  si-inaincs  avant  le  VA 
vcndi-niiairi',  <po<|ui'  do  sa  loulo  pnissnnir.  C.ainot  signa  ma  mort  comme 
nu-mbre  du  Comité  de  Salut  publie,  le  ;!  ibeiinidor  de  lAn  III...  Ne  partagez- 
vous  pas  mon  indignation,  citoyen  ministre,  contre  un  làclii'  <|ui  ose  outrager 
l'innocence  et  la  vertu,  quand  je  vous  aurai  appris  i|ue  la  ciloyemie  (".ouncler 
(KunUlcr),  dont  le  père  et  la  mère,  n'spectés  autant  que  chéris  dans  (ienève  et 
depuis  longtem|)s  liés  avec  mon  frère  par  des  raisons  d'établissement,  de  l'ortune. 
font  ma  principale,  mon  unique  société,  que  colto  citoyenne,  dis-je,  est  l'intime 
amie  de  mou  é|)ouse  et  <|ue  bientôt  elle  sera  ma  su'ur.  »  Gnmv.  vol.  KHI,  p. 
.'ili'-'. 

2.  Desportes  à  TalKyiand.  l'i  uov. mbre  17!I7.  A.  V...  Gen.iv.  vol.  KM!,  p.  .->.'i-J. 
Publiée  par  C.bapuisat.'.iuvrage  cité.  p.  :;;;4-'j:fS.  Sur  un  incid<-ul  de  contreband.- 
■:<  (aéle.   CI'.    H.   ('...    Kl  n..vembre   17117.   Anhir.-s  ./.■  (irnriv. 


Ki:i.IX    IiUSPORTES  ET    LA    liKLNION    1)1-;    (iKNKVlC  A    I,A    rnANC.I-;       41 

territoire  de  la  Répiibli(iue  '.  Cette  nouvelle  [irovoijiie  aussi- 
tôt clans  la  ville  une  joyeuse  rumeur,  [a's  eitoyens  sont 
transportés  dallcgresse,  à  Tidée  de  contempler  le  eon(iué- 
rant  de  l'Italie,  dont  ils  ont  i'èlé  tléjà  les  premiers  suceès, 
lors  des  préliminaires  de  Léoben.  Le  17  octobre,  Bonaparte 
a  conclu  définitivement  la  paix  avec  l'Autriche  à  C^anipo- 
Formio  ;  il  convient  de  célébrer  avec  éclat  celte  date  mé- 
morable, et  l'aubaine  inespérée  île  son  [)assage  exige  une 
réception  enthousiaste.  Ah  !  le  résident  n'a  guère  besoin  de 
réchaulïer  le  zèle  des  Genevois.  Dès  le  11,  une  proclamation 
des  syndics  appelle  sous  les  armes  la  garde  nationale  et 
convoque  les  artilleurs  à  leur  poste.  On  désigne  les  magis- 
trats (|ui  iront  complimenter  le  général,  on  fixe  le  nombre 
des  salves  d'artillerie  cfui  salueront  son  entrée  sur  le  terri- 
toire genevois,  on  préjnue  un  l)an(|uet  solennel.  Sept  jours 
se  passent  clans  cette  lièvic,  on  est  s;ins  nouvelle  de  Hona- 
parle,  le  bruit  court  c[u'il  a  renoncé  à  aller  à  Hastadt,  c(uand 
le  mardi  21  novembre,  le  courrier  Vical,  l'homme  de  con- 
fiance du  gouvernement,  franchit  la  Porte-Neuve  à  7  heures 
du  matin,  et  annonce  ([uc  lîonaparte  sera  à  Genève  dans  la 
matinée. 

De  peur  cjue,  dans  sa  hâte,  le  "  héros  »  ne  brûle  l'étape, 
le  secrétaire  d'Etat  Didier  se  rend  à  Carouge  i)our  l'inviter 
au  nom  du  Conseil  à  accepter  l'hospitalité  de  Genève.  Déjà, 
le  canon  tonne  sur  la  route  de  Ghambéry,  tout  Garouge  est 
dansla  rue;  un  arede  triom|ihe  est  dressé  à  l'entrée  du  bourg. 
A  1  h.  1,2,  ai)rès  une  longue  attente,  Didier  aperc;oit  un  car- 
rosse entouré  d'une  escorte,  commandée  par  le  général  Pon- 
get,  cjui  a  remplacé  ()ui)xel  à  (Carouge  -,  s'engager  dans  1  u- 

1.  Il  :l  par»  loiitr  uiu-  liltéivaur.'  sur  U-  p;.ss:ig<-  .le  li<iiiMi);Ml.-  à  (u-iièvi;  en  1797 
ri  en  1800.  .\  côtc'  des  dociinuMils  il'ai-i-llivcs  iiiédils  de  (".eiiéve  el  de  Paris,  nous 
nous  sommes  surtout  servi  de  l'cxcelleut  t]-:iv,\il  de  Muliuen-(un-o\vsky,  Bonn- 
parles.  i/es  General  en  cllrfs  ,ter  iliilienischen  Arnwe.  Keixe  imn  Mailaml  nach 
Rasladt  dnrcli  <Ue  Sriumiz  nnd  die  bernhche  l.nnd  in,  Smwwbei-  li'-fi .  paru  dans 
\' Arehiv  des  histariseken  Vereins  des  Cunliins  liern,  1857,  el  du  piquant  volume 
du  rej^retté  Kugène  de  Budé,  Les  Boniiparle  en  Suisse,  liHl.). 

2.  ,lean-l>ierre  Pougel.  né  à  Peret  (Hérault)  le  .')  août  1701,  lieutenant  dans 
la  garde  nationale  de  Careassoniie  le  14  août  178il.  elieC  dKlat-major  de  l'arniée 
des  Alpes  le!)  oetohre  17;):i,  général   de    brigade  le     10    uovemhre   179;i,  général 


42  HKVIK    HISTOUIQUi;  1)1-;  I.A    ISliVOLLTION   FRANÇAISE 

ni(juc'  nie  de  la  ville  et  .s'anêlerdevant  l'auberge  du  Grund- 
(atj .  A  grand  peine  peut-il  être  introduit  auprès  du  général, 
tant  la  Ibule  obstrue  l'entrée,  les  corridors,  l'anticliambre. 
Il  le  trouve  assis  à  une  table  et  s'acciuitle  de  son  message, 
l'ne  lieure  et  demie  plus  tartl.  les  ("lenevois  (jni  se  pressaient 
à  la  Porte-Neuve  acclamaient  à  leur  tour  ce  général  de  vingt- 
huit  ans,  conteniplaientau  i'ond  du  carrosse  à  huit  chevaux, 
précédé  de  musiciens,  ce  visage  pâle  et  grave,  se  bouscu- 
laient à  sa  suite,  tandis  que  le  cortège,  passant  sur  le  iront 
de  la  garde  nationale  qui  formait  la  haie,  gravissait  la  Treille 
pour  se  rendre  au  (îrand-Mézel,  chez  le  résident  de 
France. 

Au  syndic  président  (iervais  et  à  ses  deux  collègues, 
venus  pour  lui  présenter  «  les  sentiments  d'admiration  et  de 
reconnaissance  des  Genevois  »,  Bonaparte  déclarait  que  la 
République  française  protégerait  toujours  sa  petite  voisine, 
«  qu'il  serait  à  souhaiter  (jue  la  France  lïit  entourée  de 
cinquante  réj)ubliques  genevoises  ».  Puis,  remerciant  les 
patriotes  genevois  de  la  belle  métiaille  d'or  ([u'ils  lui  avaient 
apportée  quelcpies  mois  auparavant,  et  ayant  accei)té  le  tra- 
ditionnel présent  d'  «  eau  cordiale  »  présenté  par  le  Conseil 
«  comme  une  production  du  pays,  propre  à  le  soulager  des 
fatigues  du  voyage  »,  il  sortait  du  (irand-Mézel,  et,  conduit 
l)ar  I)esj)ortes,  précédé  de  la  musi([ue  de  la  ville,  il  longeait 
la  promenade  de  Saint-Antoine,  s'arrêtait  un  instant  pour 
admirer  au  delà  des  remparts  le  lac  et  le  coteau  de  Colo- 
gny,  et  gagnait  la  villa  du  résident  à  Saint-.lean,  où  il  était 
attendu  pour  diner.  Sur  tout  le  parcours,  la  route  était 
illuminée. 

Pendant    le    repas.    Bonaparte    s'inibruia   dans    les   plus 

(!,■  aivisioM  !.•  14  nov,.nl.ic  17114.  .oiiimMiulanl  à  I.vom  .•!  ilaiis  le  d.'pnilfmoill 
(lu  Khniu-  le  as  MnW  17!)7.  i-mployi-  en  Siivoii-  t.-  il  srpl.nil)!!-  17!I7.  cli-c.-dc  :i 
M<)iil|)i'lliir  le  7  (li'oiinliir  1S2,'>.  «  Le  24  oolobic,  (iiielqiics  membies  du  Conseil, 
J):iiini  lesciiiels  ét:iiciit  trois  syiulies.  dinèient  :i  M:il:igiioii,  <lans  la  maison  du 
eiUiyen  adniinislraleiir  Deonna,  avec  le  général  l'oufiet.  le  citoyou  Ooppet, 
général  énlérile.  le  eitoyen  Doniangel.  eoniuiandant  de  Caronge  et  le  secrét.nire 
du  citoyen  l'onget.  C'est  un  diner  r|ne  le  Conseil  a  donné  au  général  l'ouget.  » 
Le  syndic  Butin  à  Mieheli.  21)  oelolire  17ii7,  Copie  de  lettres  7».  Archives  de  Cenéve. 


FÉLIX    DRSI'Or.TES   F.T   LA    HIUNION   DK  GKNKVE    A   LA    FRANCK         4.'} 

grands  dùlails  de  la  siluation  de  (iem've,  de  sa  coiistilution, 
critiqua  la  composition  du  Conseil,  trop  nombreux  d'après 
lui'. 

La  soii'ée  aurait  paiiailemenl  réussi,  si  un  iucidi'ut  n'é- 
tait  venu  rassonil)rir,  au  nionuni  où  elle  s'achevait. 

Bien  (|u'il  n'eût  [)as  pris  une  pnrl  diieete  au  coup  d'Ktat 
du  Dix-huit  IVuclidor,  Bonaparte,  du  fond  de  l'Italie,  avait 
applaudi  à  cet  acte  de  violence.  Il  ai)prouvait  les  déporta- 
tions ordonnées  par  le  Directoire,  la  crainte  d'une  reslaura- 
ton  monarchique  le  hantait  lui  aussi.  Il  était  à  Cienève  de- 
puis (juelques  heures,  (ju'un  soi-disant  comte  milanais, 
(lasatli,  denuindail  à  le  voir  et  lui  révélait  la  présence  dans 
la  ville  de  l'ex-directeur  Carnot  l'ugitil'.  que  deux  Genevois, 
Bontems  et  Heutsch,  auraient  fait  échapper  de  Paris.  A  ces 
mots,  le  visage  ilu  général  devient  grave  ;  la  capture  de 
C-arnot  lui  paraît  capitale.  -  C.asatti  est  d'abord  appréhendé 

1.  A  S.iint-.IiMii,  lîoïKipnil.'  n-i'ul  <|iu-l(|iu's  fili.yi-iis  i|ul  s'.-laii-iit  ilislliigu.'s 
avec  lui  dans  clivcisrs  i.nasi,,iis.  i-nlrr  aulrrs  Glliilcl,  onicii-i-  iiiajoi- du  icginu-ill 
de  Saint-dervais,  i|ui  .lail  iai)ilaim-  sous  ses  ordl-es.  lorsqu'ils  cliasséi-eut  les 
Auglais  de  Tuulou.  Il  le.ul.iassa  beaucoup.  Joiirmd  de  lionnlllhm-DIdmj,  n"  2'^. 
liihlwllmiiie  de  Cence. 

•>.  Sur  celle  alVaire,  cf.  CnuMisu-.  am'r.  cilc.  |i.  'iâfi  el  L'.u.  à  eoiii|ileter  pâl- 
ies  pièces   inédites  suixanles  : 

..   17   IVirnaiie  an  11  (7  d,-eeïul.re  17il7) 
«  Très  presse, 
•(  Au  eitiiveu  pri'sldeul  iU\  Direeloiri-  l'M'eulil' 

"..  Cilovells  direeleurs 
..  Casalli,  prisonnier  d'Ktal,  arréh-  à  (ienc-ve,  x  ieni  d'èlre  eoiulnil  elle/,  moi 
parle  ciloyeu  \'ivalda,  capilaine  <le  la  légion  polonaise,  à  c|ui  sa  garde  a  .-lé 
confiée.  Les  lettres  de  Desportes  el  l'interrogatoire  l'ait  à  Genève  sont  entre  les 
mains  du  citoyen  Karras,  qui,  je  crois,  en  a  remis  une  copie  au  ministre  de  la 
police.  Oi'i  le  Directoire  ordoniu-l-il  (|ue  ce  (aisalli  soit  conduit  cl  à  qui  doit-il 
être  confié  ?  .le  le  garde  cli,/  moi,  jusqu'à  ce  qu,'  j'aie  reeu  les  orilr.s  du  Di- 
rectoire. Salut  et  lespect. 

..  Ch. -Maurice  TAr.i.EviiAS 

Du  uu'mîic  jour. 
Il  Le  Directoire  exéeulil'.  arréle  (pu-  le  nommé  Casatti,  étranger,  arrêté  mili- 
tairement à  C.arouge  el  anuaié  à  Paris  par  ordre  du  général  en  cllel'  de  l'armée 
d'Italie,  sera  sans  dél.ii  conduit  en  la  maison  d'arrêt  du  Temple  où  il  sera  inter- 
rogé par  le  ministre  de  la  police  générale  pour,  sur  rapport,  être  statué  ce  qu'il 
apparliendr.,. 

"    Le  préseiil  arrêté  ne  sera  pas  imprime.   >■ 
«   Mkki.in,  La  HKviiM.LKHii-LiiPKU  X,  Hiauij.r.. 
(Archives  ^atumides.  A.  F.  III,  48:!.  plaq.  ;H(H).->.) 

Le  dossier  de  police  Casatti  aux  Archives  Nationales,  K7,  (i:!2(l,  contient  aussi 
un  extrait  de  la  main  d<'  Marras  d'une  lettre  de  l5onaparle  ainsi  com;ue  ;  "  Arrivé 
à  (lenéve,    le    nomme  Casatti,    Milanais     de   naissance,  qui  a\ait  des  propriétés  à 


44  lŒVLi:  iiisïoiiiyi  K  m;  i..\  liKvoi.iTioN  ihançaisic 

pour  être  expédié  à  l'aris  sur-lc-cliamp,  et  le  commissaire 
(le  police  Xohlet  court  à  la  recherche  des  deux  (icncvois 
iuculpés.  11  les  [rou\a  dans  la  soirée  et  les  amcira  l'oit  taid 
à  Sainl-.lean  où  lionaparle  tinta  les  inleiroger  en  peisonne. 
Heutsch  réussit  à  ])rouver  sou  innocence.  Boutenis  eut 
beau  nier  toute  connivence  dans  la  liiile  de  (-arnot,  il  n'en 
lut  pas  moins  arrêté  et  conduil  en  [)rison,  où  il  devait  res- 
ter trois  mois  sans  (jue  sa  culpahililé  eût  jamais  été  établie  '. 
Ces  allées  et  venues,  ces  entretiens  mystérieux  n'avaient  ])u 
rester  secrets  ;  leur  issue  jcla  un  certain  froid  parmi  les 
hôtes  de  Saint-Jean.  Mais  le  con(piéranl  (le  l'Italie  avait 
parlé;  sa  demande  était  trop  juste,  ses  raisons  trop  gra- 
ves pour  (|u"il  ne  lût  pas  immédiatement  obéi. 

Or,  l'ex-direcleur  C.arnot  se  cachait  bel  et  bien  à  denéve 
depuis  quehiues  jours.  Il  avait  trouvé  un  asile  dans  la  fa- 
mille Ral'inesnue,  de  braves  blanchisseurs  i!e  Plainpalais, 
<[ui  le  dérobèrent  à  toutes  les  recherches,  car  (pH'hpies-uuS 
de  ses  anciens  coliéi;ucs  île  Paris,  les  députés  Dulicm, 
(diastel.  l'avaient  reconnu  dans  les  Rues-Basses.  Desporles, 
talonné  par  le  passage  de  Bonaparte,  eut  beau  réclamer  des 
syndics  j)lusieurs  visites  doiuiciliaires.  C.arnot  se  tint  si 
bien  terré  cpiil  demeura  introu\al)le  et  tpi'il  finit  par  sem- 
barcjuer  [)()iu'  Coppet,  en  se    rendant   au    [tort,    tîéguisé  en 


I.yon.  .-si  vrmi  m.'  lrmi\rlrl  ni'.l  ùul  \:l  <!,■.■!. ;l"ll»ill  colll.-iuu-  <l;ms  rilll(lTii(>;i- 
toin-  ci-jiiinl.  .r:ii  Hiil  iiiri'lei-  K-  i-iloycii  IJonliins  ;i  Iniis  lu-ures  :iprcs  iiiiiiull  ; 
il  ;i  com|):iini  «livmil  le  iisiilcnl  l'I  mol  cl,  apri's  un  las  de  mriisongi's.  il  isl  con- 
venu (|u'il  avait  anuilc  de  l'aiis  à  (Icncvc  le  icprcscntanl  Moiius  cl  un  autre 
députe  aiipelé  (Mlalles,  cpii,  d"après  les  i-ensclf;neinenls  cpi'il  nie  diuino,  |):uail 
être  Caillot.  .l'ai  lait  nietlie  les  scellés  sur  les  papiers  de  l'un  et  de  laillie.  M. 
Casatti  a  été  conduit  à  Cai-ougc  ;  le  résideiil  de  la  Uépiil)li(|uc  à  (icnévc  s'esl 
chargé  de  laiie  Icvci-  les  scellés  de  dessus  leurs  pai>icrs.  ils  scioni  Ions  les  dcuv 
eondnils  à  Paris.  \'ous  pourc/.  tirer  de  ces  deux  liuniines  des  rciiseigncmciits 
précieux.        C.erlillé  eonlnnne,  1".  IJaiiiî^s.  n 

In  arrêté  du  :«)  ocloluc  17!)8  condainna  Casalti  à  la  déporlalion  p.air  être 
rentré  sui-  le  lerrlloin-  de  la  Hépnbli(pie.  Aniums  Saliomilt-s.  A.  l\  111  .'i.VJ, 
plaquette    liVTJ. 

1.  ..  Montenis  est  tnuj.uirs  dans  Us  prisons  de  Cienéve.  où,  depuis  prés  de  deux 
décades,  il  expie  nui-  l'aute  ipi'il  n'es!  pas  encore  bien  démontré  iinll  ail  eoni- 
niisc.  .l'ai  vaiiuiuenl  attendu  justpi'à  présenl  l'envoi  (pie  le  général  Huonaparte 
m'avait  promis  de  nie  l'aire  de  rintcrrogatoire  siilii  chez  moi  par  l'.asalti  cl  cpii  a 
motivé  l'arreslation  de  Hoiitenis.  »  Desportes  à  Talleyrand.  111  deceml.re  17!17. 
A.  E,  Geimir.  \o\.  lllll,  p,  (illll. 


l'Ki.ix  i)r.si'oiiTi;s  i:t  i.\  liùrNiON  ni:  cicnkve  a  i.a  i-uancic      4;") 

garçon  hlaiichisseiir.  l'oillo  (l'un  Ijdiiik'I  de  colon,  un  [lanier 
(le  linije  au  bras. 

Ia'  lendemain  2iS  novenihi'e,  un  areident  de  voilure  ior- 
ça  15onni)ai-le  à  relarder  son  dépail  de  (ienèvc.  Dcsporlcs 
lui  pi-ojiosa  alors  une  \isile  au  bord  du  lac.  Accompagné 
du  ca}>itaine  Marniont  el  du  pbarniacien  (iosse,  lionaparte 
et  Desporles  partaient  pour  Sériicron,  (|iiand,  à  la  hauteur 
des  Délices,  ils  rencontrèrent  une  députation  du  Cons<îil 
(]ui  s'olTrit  à  leur  l'aire  visiter  la  \ille.  On  se  rendit  h  la  rue 
.Iean-.]ac([ues-Rousseau,  puis  à  la  l)ibliothé([ue,  installée  dans 
le  vieux  collège  de  ('.al\  in,  où  l'élève  Louis  Malan  présenta 
au  général  un  compliment  (]ue  Desporles  lut  à  liante  voix. 

A  â  h.  1  '2  du  soir,  sa  voilure  étant  réparée,  Bonaparte 
(juittait  Saint-.Tean  au  milieu  des  acclamations.  La  joie  des 
("icnevois  était  allée  en  augmentant  pendant  ces  (jnelijues 
heures,  et  sur,  la  roule  de  Suisse,  le  général  croisa  long- 
temps encore  des  citoyens  et  des  l'anl'ares  (jui  le  saluaient 
avec  enthousiasme. 

Seul    l'inlortuné   Bontems,   au    fond    de    son    cachot    de 
l'Evèque,  maudissait  celt^   nél'aste  appaiition.  ' 


Pendant  (pi'ils  s'enlretenaient  en  tète  à  tète,  Bonaparte 
et  Desportes  avaient  à  coup  sûr  abordé  le  sujet  de  1  indé- 
pendance de  Genève.  Mais,  tandis  (pie  le  général  prodiguait 
aux  magistrats  de  la  ville  de  belles  paroles,  des  affirmations 
de  respect,  il  écoutait  complaisamment    Despoites    lui  nar- 


1.  DopiK'l  consncni  un  Iniig  nrliclr  d.inss:,n  Ùh„  ile^  Atin'S.  n"  V.\,  nu  passaHo 
lie-  Him:ii>:irU>,  sens  c  litr<>  :  fAtriiril  si,,,;;:'  ,■!  bi,;,  i,,,;-!/,-;  «  I.cs  l'i.piililicuins 
lie  fotk-  commune  ont  eu  llin-  hi  s,ilisl':ulic)U  lU-  jouii-  piMulimt  (iucU[uis  llcuri's 
lie  la  présence  du  généial  ou  eliel'  lionaparie.  Ceux  (|ul  ont  vécu  sous  l'ancien 
iv!{Mue  cl  qui  ont  eu  l'occasion  de  voir  voyager  d'illustres  minnU'C|uins,  chargés 
de  cordons  et  de  privilèges,  doivent  avoir  llouvé  une  dill'érence  bien  niaripiée 
cnhc  les  clVels  passifs  ((ue  la  présence  d'un  soi-disant  grand  opcnlil  sur  la 
curiosité  d'un  peuple  esclave,  et  les  cU'els  actifs  que  la  vue  d'un  héros  républi- 
cain ])roduit  sur  l'âme  et  le  cicur  des  honinu's  libres...  Ce  qui  frappe  le  cn-m-, 
ce  qui  llatte  l'âme  en  étonnant  les  sens,  c'est  laniénilé  du  héros  ijuc  nous 
avons  accueilli,  c'est  cette  sensation  d'amour  cl  d'admiration  que  ses  regards 
et  ses  pai-oles  ont  produit  sur  tous  ceux  qui  ['mil  approché.  >.  Cf.  les  curieux 
articles  de  lAini  ,les  lois.  2  et  7  deccud.re   17!I7. 


46  REVUE    IIISTOIÎIQIE    DE    LA  lUivOI.LTION   ITiANÇAISE 

rer  les  derniers  incidenls,  la  eoiUreljande  inicnse,  riinjiuis- 
saiire  des  syndics  à  l'^'géiiércr  l'Etat  '.  Loin  île  déi'eiidre 
les  Genevois  et  leurs  libertés,  Honaparle,  à  en  juger  par  les 
actes  (jui  suivirent,  se  rangea  aux  projets  de  I)es[)ortes,  les- 
quels, depuis  l'affaire  de  Garouge  et  l'alerte  qu'il  en  avait 
ressentie,  n'étaient  jilus  doulenx. 

De  même  ([n'en  roulant  sur  les  routes  du  pays  de  Vaud, 
en  recevant  les  compliments  et  en  écoulant  les  harangues 
enllammées  îles  patriotes  de  P>olle  et  de  Lausanne,  Bona- 
parte saisissait  partout  les  signes  ])récurseurs  d'une  révolu- 
tion imminente,  tout  lui  révélait  (lu'à  (lenève  aussi  la  situa- 
tion actuelle  ne  pouvait  durer,  l'I  qu'il  existait  à  Paris  un 
plan  d'intervention  dont  il  ignorai!  les  détails. 

Les  l'ructidoriens  étaient  résolus  à  ne  plus  observer  les 
mêmes  ménagements  ipie  leurs  prédécesseurs  envers  ces 
«  oligarques  »  bernois  qui  exerçaient  en  Suisse  la  plus  dé- 
testable tyrannie  et  qui  tenaient  sous  le  joug  d'une  des[)oli- 
quc  domination  une  ])artie  de  leurs  concitoyens,  les  liai)i- 
tanls  du  ]iays  de  Vaud.  In  Yaudois,  le  colonel  Frédéric- 
César  lie  la  Har|)e,  ancien  précepteur  à  la  cour  de  Iiussie, 
banni  de  sa  |)a!rie  pour  ses  idées  avancées,  dénoniait  alors 
au  Directoire,  avec  une  jjersévérance  inlaligable,  la  tyrannie 
des  Bernois  dans  le  pays  de  Vaud  et  su|)pliail  la  l'rance 
d'intervenir,  même  par  la  force.  Desportes,  que  sa  haine 
pour  Berne  rapprochait  de  la  Harpe,  avait  pressenti  depuis 
plusieurs  mois  la  révolution  vaudoisc,  et  il  l'appelait  main- 
tenant (le  ton-  ses  vieux-.  Son  ancien  coniiilenl.  le  pas- 
teur Monaelion,  devenu  l'agent  très  aclil'  des  ])atiiotes  vaii- 
dois,  couiail  le  jiay:;  en  portant  des  ])roclamatii)ns  cl  en  ré- 
clamant des  signatures.  Par  lui,  Desjiortes  se  trouvait 
exactement  renseigné. 

1.  Dcsporles  à  Tiillovraïul, 'ili  n..Miiil>n-  17il7.  .\.  K.  (u-iunc.  v„l.  KHi,  p.  .'•,74. 

•2.  Drapoiles  à  I).-hii-roix.  17  juin  17il7.  ..  !.>•  jour  ivvnluli.HiiKiin-.  .r^ipri-s  la 
(lispi.silioM  >l>s  rspiils,  lu-  p.-iil  lai-acr  à  luin-  polir  la  .■.•pulili.ni.'  .1.-  H.-nu-  ;  la 
fauK  do  l'rgalitr  passera  aussi  sur  ivs  aiiti(pu-s  abus...  »  Dcsporles  à  Tallevrauil, 
2  (léceiulire  :  ..  l.oraf,'e  Kron.le  <l.Mis  le  pays  «le  Vau.l  el  les  olisar(|u.'s  ùrnnis 
.senleul  1res  tuell  ipiiis  oui  liisi.iil  île  loules  leurs  forces,  s'ils  veuleul  réussir  à 
le  conjun-r.   ..  .\.   IC,  l.eii.ee.  m.1.   lIKi.  pp.  IHIl ,  .VS;). 


I-ÉLIX    DESPORTF.S  ET    LA   RÉUNION   I)F.   (JENKVE  A     I.A    lUANCE       47 

Quoi  d'étonnanl  (jue  le  Directoire  associât  dans  les 
mêmes  vues  hostiles  (îenève  et  la  (".oni'édéralioii  helvcti(|ue  ! 
Les  ilernières  dépêches  de  Desportes  révélaient  tle  nouveaux 
actes  de  contrebande  inadmissibles.  Dans  la  nuit  du  2  au  3 
décend)re  1797,  desdouaniers  IVançais,  voulant  saisirdu  blé 
transporté  sur  territoire  genevois  à  Chêne,  avaient  essuyé  des 
coups  de  feu  île  la  part  des  fraudeurs.  Pour  Desportes,  les 
habitants  de  Chêne,  cesl-à-dire  des  (ienevois,  étaient  de  con- 
nivence avec  les  contrebandiers,  et  il  eut  le  lendemain  de 
cet  incident  une  explication  très  violente  a\ec  l'atlminislra- 
teur  Verne  ;  à  l'entendre,  le  terril(jire  île  (îenève  "  était  le 
réceptacle  de  la  contrebande  la  i)lus  etïiénée  »,  les  douanes 
françaises  en  éprouvaient  une  perte  «  allant  à  plus  de  cent 
millions  »  ;  au  lieu  d'agir,  «  on  le  noyait  de  papier  ».  Si 
toutes  les  mesures  continuaient  à  être  ineflicaces,  «  (ienéve 
aurait  besoin  de  ijuatre  mille  hommes  dans  ses  murs  »;  la 
faute  en  revenait  à  <(  ces  détestables  jurys  et  à  l'organisa- 
tion de  la  justice  criminelle  »  '. 

Ce  même  jour,  le  général  Pouget  se  plaignait  amèrement, 
dans  une  lettre  adressée  à  Bonaparte,  île  l'audace  des  con- 
trebandiers et  le  suppliait  d'intervenir.  Or  Bonaparte  avait 
déjà  quitté  Rastadt  et  il  reçut,  à  Paris,  la  lettre  de  Pou- 
get  -  .  Ainsi  allluait  en  ce  moment  au  Luxend)ourg  une  sé- 
rie de  témoignages  concordants  qui  appelaient  tous  ilcs  me- 
sures énergique3  et  violentes. 

Ces  mesures,  l'ancien  ministre  Delacroix  les  avait  pré|)a- 
rées  depuis  longtemps.  Au  printemps  de  cette  année  171)7, 
il  avait  enjoint  à  Desportes  de  rechercher  tous  les  anciens 
traités  conclus  entre  Cenève  et  les  ducs  de  Savoie,  les  rois 
de  Sardaigne,  les  rois  de  France  relatifs  à  la  souveraineté 
sur  le  lac  entre  Hermance  et  Versoix  '■'■.  Un  peu  plus  tard, 
son  refus  brutal  d'accorder  aux  (îenevois  un  désenclave- 

1.  H.  C,  3  dicc-mbie  1797.  I.e  Consi-il  dr  Geiirvi-  à  .Miclnli,  :!  (l.-ciMiibip. 
Copif  de  lettres,  70.  Archives  de  Genève. 

2.  Cette  impoit:inte  lettre,  qui  n'a  pas  été  citée  jusqu'ici  par  les  historiens,  .i 
été  imprimée  dans  la  Correspondance  inédile  de  Xapoléon  linnnimrle,  édition 
Panckouke,  Paris,  1819,  t.  IV,  pp.  4(i4-4(i7. 

3.  Delacroix  à  Desportes,  25  avril  1797.  A.  E.  Gencvc.  vol.  lUti,  '211. 


4(S  RF.YUE    HISIOIUQI'E    I)F,    I.A  HlhOLUTIOX   FHAXÇAISli 

ment  ([lU'Icoiujiu'  (k-  leur  lerritoirc  trahissait  ses  vues  secrè- 
tes, l'anénnlissemenl  ilu  eoniuiercc  (ic  (Jenèvc.  "  Celte  por- 
tion interrompue  de  leur  sol,  ajoutait-il,  nous  donne  plus 
aisément  prise  sur  eux,  s'ils  sont  remuants,  cl  les  relient 
daii-i  l'ordre  jiar  la  crainte  et  la  lacilité  (juc  nous  aurions  de 
nous  l'aire  justice.  La  i;cne  que  peuvent  éprouver  leurs  lia- 
hitanls  nous  sera  utile  dans  tous  les  événements  possibles 
à  l'épijard  de  cette  i)etile  République  '.  )> 

La  démission  de  Delacroix  et  l'arrivée  de  Talleyrand  au 
ministère  des  lelations  extérieures  suspendirent,  pour  quel- 
(]ues  mois,  l'exécution  de  ces  menaces.  Miclieli  allirmait 
qu'on  en  parlait  déjà  ([uand  il  se  •présenta  au  Directoire-. 
Quoi  (]u'il  en  soit,  un  mois  s'était  à  peine  écoulé  depuis  le 
passaii;e  de  lîonajiarte  à  (ienève,  le  sou\enir  de  ses  paroles 
l)ien\eillantes  et  de  ses  assurances  l'ormelles  était  encore 
])iésent  à  toutes  les  mémoires,  lorscjunne  rumeur  slupé- 
liante  se  répandit  en  Nille^  ajiportée  de  ('arouge.  Par  un  ar- 
rêté rendu  le  7  décembre,  le  Directoire,  pour  dissiper  k  les 
attroupements  <.\\\\  assassinent  ses  préposés  ".  décrétait  (|ue 
(les  chaloupes  canonnières  croiseraient  jour  et  nuit  sur  le 
lac  cuire  Ik'llerive  cl  Versoix.  et  saisiraient  les  marchandi- 
ses anglaises  prohibées,  (jue  les  droits  ordinaires  Irappe- 
laicnl  dorénavant  tout  ce  ([ue  les  Genevois  extrairaient  de 
leurs  <i  mandements  »  ou  y  introduiraient,  el  (ju'enlin  la 
l'iance  lerail  construire  sans  retard  un  cor[)s  de  garde  et 
un  pont  sur  le  lUu'jue  au-dessous  de  (ienèxe,  en  même  temps 
<|i!c  (les  chaînes  seraient  tendues  sur  le  ileuve  pendant  la 
nuit,  pour   délendri'    le  passage  aux  contrebandiers •'.   Cha- 

1.   /,/.,   1.-)  uv.n    !7!)7.    A.   K..  Ccurc.   v„l.    l(l(),   p.  'IM. 

•>.  I-.'lHf  <!■■  Miilull  <Ui  a:  il.-c-omhiv.  H.  C.  Archim'sdi'CvnOm-. 

:i.  .In/iiix-.s  .Y<i/i«;i<i/,vi.  .\.  I-".  III, -iSI!.  i>I:iq.  ;«)(),■).  \\.  C.  IS.'I  li)  (l.c.'nil.n-  1797. 
A  II- lu  lies  lie  Gfnri>c.  «  Mes  soiivcniis  se  poitciil  oiuoic  avec  in  lin' 1  siirli-  [lonl  de 
liaU'iuiv  qui,  à  Irpoquc  <lii  Dinctoiiv,  je  crois,  exista  peiulaiil  qiul<|iie  lenips 
iiitie  .Vire  el  Sainl-Cieoiges.  Il  doimail  lieu  à  d'agréables  coinnuiuiealiiiiis  enire 
les  deiix  rives  el  les  parlies  de  plaisir  s'en  trouvaient  à  merveille.  Mais  eonimc 
il  y  avait  alors  dans  nos  environs  heaueoup  de  troupes  l'raneaises  el  <pie  les  soldais 
prolitaienl  de  ee  pont  pour  aller  à  la  maraude  dans  le  vignoble  d'.Mre.  leseulti- 
vateurs  de  ee  village  le  mirent  hors  de  service  détachant  nuitamment  les 
baleaiix  (|ui  le  formaient.  »  (i.u  nv-I.l-FollT,  l'rtillifllades  bisloliiiiirs  tUins  lecdlllon 
.!,■  (icm;u:  l.   11.  |..  r.'li. 


FKI.IX   DESPOKTES  ET   LA  RÉUN'ION  UE  GENÈVE  A  LA  FRANCE        49 

cunc  de  ces  mesures  portait  directement  atteinte  à  l'indé- 
jiendance  de  la  petite  République;  couper  ses  relations  avec 
la  Suisse,  c'était  bien  là  l'encerclement  prédit  naguère  par 
Delacroix  à  Reybaz. 

Le  Conseil,  dès  que  la  nouvelle  se  confirma,  dès  qu'il  eut 
pris  connaissance  de  l'arrêté  signé  par  Merlin,  François  de 
Neulchàteau,  La  Réveillère-Lépaux  et  Reubell,  jugea  ces 
«  dispositions  désastreuses  ».  Ah  !  Micheli  avait  raison  d'é- 
crire «  (jue  la  malveillance  s'agitait  contre  nous  à  Paris, 
<ju'on  nous  représentait  comme  un  ramas  d'agioteurs,  de 
contrebandiers,  de  brouillons  '  ».  Si  Genève  n'entendait 
pas  succomber  à  de  si  perfides  accusations,  il  fallait  dépê- 
cher au  plus  vite  au  Lu.\embourg  des  députés  qualifiés.  C-e 
même  soir,  à  sept  heures,  le  syndic  Pierre  Gervais,  un  né- 
gociant, Jacques-Odier  Chevrier,  et  l'infatigable  pharmacien 
Gosse  recevaient  la  mission  de  partir  pour  Paris  et  d'éclai- 
rer la  religion  du  gouvernement  français-. 

Félix  Desportes,  comme  on  pouvait  s'y  attendre,  les  vit 
s'éloigner,  narquois  et  sceptique.  Son  parti  était  pris,  il  de- 
vinait les  intentions  du  Directoire,  il  ferait  tout  pour  ame- 
ner les  Genevois  à  se  donner  à  la  France,  sans  effusion  de 
sang.  Cette  fois,  il  n'hésitait  plus.  Assez  longtemps  il  avait 
patienté,  jusqu'à  en  compromettre  sa  situation.  L'heure  n'é- 
tait plus  aux  ménagements.  Il  fallait  que  Genève  cédât  à  la 
force. 

Un  nouveau  message  de  Talleyrand  (ju'il  reçut  dans  les 
derniers  jours  de  l'année  ne  modifia  en  aucune  manière  ses 
intentions.  Le  Directoire  venait  de  supprimer  le  journal  le 
Narrateur  Universel  qui  avait  répandu  le  bruit  de  la  pro- 
chaine cession  du  pays  de  Yaud  et  de  Neuchàtel  à  la 
France,  et  déclarait  «  qu'il  était  loin  d'avoir  les  vues  que  la 
malignité  lui  prête  sur  les  états  voisins ■•  ».  Les  faits  étaient 


1.  H.  C,  19  di-cc-.nbre  1797. 

2.  Cf.,  dans  [.Echo    des    .4/;,rs    du    21   il.-ociiil.r.-,   un    :MlicK-  nuilvi-illaul  de 
Doppct  sur  cette  députation. 

3.  I.'arrélé  est  du  17  décembre,  de   la  uialii    de  Merlin...   «  Consid.-rant  que 

KliV.    HIST.   DEI-A    niïVOI..  4 


50  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA    RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

là,  en  opposition  évidente  avec  de  telles  expressions.  L'inva- 
sion de  la  Suisse  décidée,  organisée,  la  conquête  de  Genève 
devait  infailliblement  suivre. 

Frédéric   Baubkv. 


le  rédacteur  du  jourual  cité  ne  sème  des  bruits  aussi  évidemment  faux  que  dans 
l'intention  de  calomnier  le  gouvernement  IVaneais,  en  lui  prêtant  des  vues 
d'envahissement  contraires  à  sa  loyauté  et  par  Là  d'efl'rayer  le  peuple  helvétique 
sur  les  suites  des  démarches  qu'il  pourrait  faire  pour  se  rétablir  dans  la  pléni- 
tude de  ses  droits,  arrête...  »  A.  K.  111,4X6,  plai|.  IlO'iil.  Talleyrand  à  Desportes, 
22  décembre  1797.  A.  E.,  Genève,  vol.  1U(),  p.  G23. 


MARAT 

ET 

L'ACADÉMIE  DE  KO  LIEN 


Cha(|iR'  l'ois  que,  dans  celle  revue,  des  auleurs  plus  (|ua- 
liliésque  nous  ont  parlé  de  Marat,  celait  surtout  pour  met- 
Ire  en  lumière  certains  traits  de  la  vie  dn  révolutionnaire. 
.  Et  cependant,  il  ne  faudrait  pas  oublier  qu'a\ant  d'être 
«  l'ami  du  peuple  »,  il  avait  mérité  le  titre  île  «  médecin 
des  incurables  »  et  avait  l'ait  œuvre  de  savant  en  étudiant 
les  sciences  physiques,  plus  parliculièrenient  dans  leurs 
rapports  avec  la  médecine. 

X"esl-il  [)as  curieux,  à  ce  |)roj)os,  tle  voir  comme  bon 
nombre  des  plus  farouches  révolutionnaires  avaient  été  peu 
préparés  à  jouer  le  rôle  (jui  leur  valut,  dans  la  suile,  une  si 
grande  célébrité? 

On  ne  i)eut,  en  effet,  lire  sans  élonnement  l'ékKle  (jue 
Marat  fait  lui-même  de  son  pro[)re  caractère  :  "  .l'étais, 
écrit-il.  réiléchi  à  (juinze  ans.  observateur  à  dix-huit, 
penseur  à  \ingl  et  un  ;  dès  l'âge  de  dix  ans  j'ai  con- 
tracté l'habitude  de  la  vie  studieuse  ;  le  Iravail  de  l'espril 
est  devenu  pour  moi  un  véritajjle  besoin,  même  dans  mes 
maladies,  et  mes  plus  doux  [)Iaisirs  je  les  ai  trouvés  dans  la 
méditation  '  ...  » 

Nous  i)ourrions  tl'ailleurs.  si  ce  n'était  sortir  des  limites 
restreintes  de  notre  sujet,  multiplier  les  citations  de  ce 
genre. 

Il  y  a  deux  ans,    nous  avions   eu  l'occasion    de  traduire 

1.  Jcan-l'anl  Mural,  ])ar  F.  Cmkviucmom-  (KS.SO),  p.  (1. 


02  REVUE  HISTOKIQLE   DE    LA    REVOLUTION    FRANÇAISE 

une  brochure  médicale  '  assez  rare,  écrile  en  anglais  par 
le  D'^  Marat,  lors  de  son  séjour  à  Londres.  Aujourd'hui  le 
but  de  noire  travail  est  un  peu  différent  :  il  s'agit,  en  effet, 
plutôt  du  savant  que  du  médecin,  car  ce  sont  ses  relations 
avec  l'Académie  de  Rouen  à  l'occasion  de  certains  de  ses 
travaux  scientifi([ues,  que  nous  voudrions  préciser. 

En  compulsant  les  archives  de  celte  société  savante,  nous 
constatâmes  que  ces  rapports  avaient  été  plus  suivis  que 
nous  ne  le  pensions  au  preinier  abord,  et  qu'en  somme  il 
pouvait  y  avoir  un  certain  intérêt  à  réunir  cet  ensemble  de 
documents  constituant  un  épisode  peu  connu  de  la  vie  de 
Marat. 

Nous  avons,  en  outre,  fait  de  nombreux  emprunts  à  un 
manuscrit  fort  curieux  écrit  par  Dom  Cîourdin  -  qui  fut 
pendant  quelque  temps  l'ami  intime  de  Marat  ;  ce  manus- 
crit, qui  nous  fut  très  aimablement  prêté  ]iar  M.  Picard, 
a\ait  d'ailleurs  été  l'objet  d'une  élude  de  M.  Beaurepaire, 
lue  à  la  séance  de  l'Académie  de  Rouen  du  ô  avril  1867. 
Parmi  toutes  les  Académies  de  i^rovince,  celle  de  Rouen 
jouissait  déjà  d'une  assez  grande  notoriélé,  bien  que  sa  fon- 
dation fût  de  date  relativement  récente. 

Elle  s'efforçait  d'encourager  les  arts,  la  littérature  et  les 
sciences,  en  créant  tous  les  ans  des  prix  nouveaux  que  se 
disputaient  un  grand  nombre  de  concuircnls. 

Aussi  n'est-il  pas  étonnant  ({u'un  homme  comme  Marat, 
dont  «  la  seule  passion  (jui  dévorait  son  âme  était  l'amour 
de  la  gloire  »,  ait  [)rofité  de  ce  moyen  pour  faire  connaître 
une  partie  de  ses  travaux,  scientifujues  ;  d'autant  que,  mal- 
gré tous  ses  efforts,  il  n'avait  pu  réussir  à  avoir  la  consé- 
cration des  grandes  Académies  de  Paris. 


1.  An  miiii  on  r;/,v/s  (l.oiulr 
WV2. 

•2.  \.c  titre-  (1.-  .-.■  inamiMiil  .s 
lopidduisons  ti-xtucUonu-iit  : 

liecitcH  df  Discours  vt  de  diasertalions 
/.us  el  ftiroyés  dans  différentes  Académies 
l'iir   Doni    Friun'ois  l'hiliiipe  Gourdin. 
Il  n'y  a  |):is  ilc  ilali-,  ruais  il  c-,t  prol)al)lc  qu'il  l'ut  iciit  aux 


177.-.).  t 

,acl.  par 

!>•  D'  P 

^vr.NN 

rvii.i.i 

1..    Houen, 

nnuc-o 

nit    slli- 

W  p,vn, 

licT   l'i'l 

aill.t 

:  nous    11- 

MAKAT  ET    l'aCADÉMIE   DE  ROL'EN  53 

Celte  raison,  à  elle  seule,  pourrait  expliquer  comment  il 
se  fait  que  nous  retrouvions  à  plusieurs  reprises  le  nom  de 
Marat  parmi  ceux  des  lauréats. 

Quand  nous  disons  le  nom,  c'est  une  façon  de  parler, 
car  «  très  soigneux  de  sa  réputation,  il  s'y  prenait  d'ordi- 
naire de  manière  à  éviter  l'humiliation  d'un  échec,  sans 
courir  le  risque  de  perdre  le  bénéfice  d'un  succès  »  ;  ce  qui 
veut  dire  que  Marat  ne  croyait  pas  prudent  de  mettre  son 
nom  à  la  fin  de  ses  mémoires. 

Tantôt  il  signait  d'une  lettre  et  faisait  réclamer  le  prix 
par  un  soi-disant  correspondant,  tantôt  il  se  servait  de  noms 
d'emprunt,  s'appelant  tour  à  four,  le  D""  Tomacereau,  M.  de 
Longchamp,  le  ciicvalier  de  Soycourl,  etc. 

Il  nous  en  donne  lui-même  la  raison,  en  écrivant,  dans 
l'introduction  de  l'un  de  ses  ouvrages,  la  phrase  suivante: 
«  Tel  est  l'empire  des  anciennes  opinions,  qu'un  novateur 
sans  intrigues,  sans  parti,  sans  preneur  est  souvent  réduit 
à  se  cacher  pour  échapper  à  la  persécution'  .  » 

Il  semble  d'ailleurs  que  Marat  employait  le  même  pro- 
cédé lorsqu'il  voulait  faire  parler  de  ses  ouvrages  dans  les 
journaux  de  l'époque  ;  nous  en  trouvons  la  preuve  dans 
une  lettre  écrite  à  Buissart  par  un  de  ses  concurrents  mal- 
heureux, l'abbé  Bertholon...  «  II  a  été,  dit  ce  dernier, 
obligé  d'envoyer  à  deux  ou  trois  journalistes,  des  lettres  si- 
gnées M.  le  Chevalier,  M.  le  Marquis,  pour  être  insérées  à 
la  place  des  extraits  qu'on  ne  voulait  pas  faire  -  ». 

Tout  ceci  explique  pourquoi  ces  faits  sont  eiji  somme  peu 
connus  et  pourquoi  les  historiens  ont  semblé  les  ignorer. 

A  côté  de  cette  première  raison  pour  laquelle  Marat  avait 
plus  particulièrement  choisi  l'Académie  de  Rouen  comme 
juge  de  ses  travaux,  il  en  est  deux  autres. 

D'abord,  c'est  que  les  sujets  proposés  par  elle  au  con- 
cours cadraient  mieux  avec  ses  idées  scientifiques. 

1.  Mémoires  acadciin<iues  ou  notwelles  dccoiiuerla  sur  la  linnicre.  Paris,  1780. 
Introduclion,  p.  5. 

2.  Lettre  à  Buissart  (décembre  1782)  ;  cf.  Maral  et  l'Abhé  Herllwlnu.  parC.li. 
\'ki.i.ay.  in  Revue  historique  de  la  Révolution  française,  1912. 


O-t  REVUE   HISTORIQUE    DE   LA    liÉVOI.UTION   FRANÇAISE 

Nous  verrons  dans  la  suite  qu'il  est  fort  probable  du 
reste  que  la  plupart  des  sujets  furent  proposés  à  l'instiga- 
tion d'un  des  membres  de  cette  Société  savante,  qui  était 
devenu  sur  ces  entrefaites  l'ami  et  le  défenseur  de  Marat; 
nous  voulons  parler  de  Dom  Gourdin.  Cette  dernière  re- 
marque cependant  ne  s'adresse  pas  au  premier  mémoire  sur 
l'électricité  médicale,  puisqu'il  semble  que  ce  fut  à  son 
occasion  que  Marat  et  le  savant  bénédictin  entrèrent  en 
relations. 

Enfin,  Rouen  n'était  pas  une  ville  inconnue  pour  Marat. 

Plusieurs  années  auparavant,  lors  de  son  retour  d'An- 
gleterre, il  avait  dû  venir  y  séjourner,  pour  essayer  de  re- 
mettre la  main  sur  tout  un  lot  d'exemplaires  de  son  ouvrage 
De  l'Homme,  qui  avait  été  saisi  en  douane.  L'envoi  en  avait 
été  fait  par  un  libraire  d'Amsterdam. 

Cet  incident  est  relaté  tout  au  long  et  avec  un  grand 
luxe  de  détails  dans  une  lettre  écrite  par  l'auteur  à  Roume 
de  Saint-Laurent  '. 

Nous  n'entreprendrons  pas  maintenant  défaire  une  élude 
ajiprofondie  des  différents  ouvrages  scientifiques  qui  valu- 
rent à  Marat  le  titre  de  lauréat  de  l'Académie  de  Rouen: 
nous  ne  pourrions  que  répéter  ce  qui  a  déjà  été  dit  par 
d'autres  auteurs,  en  particulier  par  Didelot-  et  Cabanes-'. 
Mais  à  propos  de  chacun  d'eux  nous  préciserons  les  cir- 
constances dans  lescjuclles  ils  ont  été  couronnés,  et  les  in- 
cidents aux(jui'ls  ils  donnèrent  souvent  naissance. 

Ce  fut  à  la  séance  solennelle  de  1781  <]ue  r.\cadéinie  de 
Rouen  mit  au  concours,  dans  la  classe  des  sciences,  la  (]ues- 
tion  suivante  : 


1.  Correspitiulaïuv  do  Maral.  piiblii'i'  par  CliarK's  N'ki.i.ay  (l'aris,  1908),  p.  26  et 
suivantes.  Voir  aussi  Mnrat  arrêté  en  dniiane  rf,'  Honen,  par  Noritnv.  in  Patriote 
,/,■  .Vur;7ia;i(fiV.  •.>4  mai  18!);i. 

'1.  Manil  pluislciell.  in  /trr/iii)cs  </a7l/)/iro/)<>/(iyl'c  iTl;iiini'//.- (  I.von),  juill<-l  18!l;!. 

:i.  Miinil  iii.i.ii;mi  (Paris,  ISid).  cl  •>■  i-dilion.' 


MAHAT  ET  LAl'.ADliMIE  DE   ROUEN  ilO 

»  Jiicqn'à  (jiiel  point  et  dans  quelles  condi'ions  oent-on 
conipter.  dans  le  Irailenient  des  maladies,  sur  le  nui;inétisme 
et  sur  iclectricité.  tant  positive  (pie  négative  ?  » 

L'imporlancc  du  ])rix,  qui  était  de  300  livres,  pouvant 
être  reinjilacé  au  choix  du  lauréat  par  une  médaille  d'or, 
montre  assez  l'intérêt  que  cette  Société  savante  portait  à 
cette  branche  spéciale  de  la  physique. 

Au  lendemain  de  sa  fondation,  en  1745,  un  de  ses  mem- 
bres les  plus  illustres,  le  célèbre  Lecat,  n'avait-il  pas  déjà, 
dans  un  mémoire  très  documenté,  attiré  l'attention  de  ses 
collègues  sur  l'électricité  ? 

Un  certain  nombre  d'années  plus  tard,  lors  de  la  grande 
vogue  du  mesmérisme  ',  Dom  Gourdin  lui-même  avait 
voulu  voir  de  près  les  expériences  du  fameux  baquet  ;  nous 
retrouvons  dans  le  manuscrit  auquel  nous  faisions  allusion 
précédemment  les  impressions  du  vénérable  bénédictin,  qui 
avait  été  du  reste  fortement  critiqué  par  ses  collègues  pour 
avoir  assisté  à  de  semblables  expériences  : 

«  Je  n'}'  ai  été  que  deux  fois,  j'y  ai  vu  des  choses  éton- 
«  nantes,  les  opérateurs  étaient  de  bonne  foi,  mais  voyaient- 
«  ils  les  choses  avec  assez  de  sang-froid?  Plusieurs  ne  dési- 
«  raient-ils  point  y  voir  et  y  faire  voir  du  merv'eilleux?  Tous 
«  les  apprêts  sont  très  propres  à  monter  l'imagination,  sur- 
ce  tout  celle  des  femmes...  on  doit  avouer  que  de  i)areils 
«  traitements  sont  peu  propres  à  conserver  les  mœurs.  » 

Cette  dernière  remarque  montre  bien  que  Dom  Gourdin 
avait  lui-même  compris  que  sa  place  n'était  pas  au  milieu 
des  disciples  de  Mesmer. 

Enfin,  en  1778,  dans  son  mémoire  sur  la  nature  du  fluide 
nerveux,  Dom  Gourdin  lui-même  étudiait  encore  l'électricité, 
considérant  «  qu'elle  pourrait  peut-être  devenir  comme  la 
pierre  de  touche  des  tempéramens  ». 

Ces  différents  travaux  avaient  certainement  excité  la  cu- 


1.  Voir  le  curieux  article  de  Nourv  dans  /,•  l'alriule  de  Xii 
1893. 


56  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

riosilé  de  la  plupart  des  membres  de  l'Académie  de  Rouen 
et  il  n'en  fallait  pas  davantage  pour  que  l'idée  leur  vint  d'ap- 
profondir celte  question  si  nouvelle  de  l'influence  mysté- 
rieuse de  l'électricité  sur  l'organisme  humain,  et  cela  en  la 
mettant  au  concours. 

Tout  d'abord  le  prix  devait  être  décerné  au  mois  d'août 
1782,  mais,  à  la  demande  de  plusieurs  concurrents  anony- 
mes, et  eu  égard  à  l'importance  du  sujet,  il  fut  reporté  à 
l'année  suivante. 

Dès  le  25  mai  1783  le  travail  de  Marat  était  prêt  ;  c'est 
en  effet  cette  date  que  porte  sa  lettre  d'envoi  à  M.  Dambour- 
nay,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie,  dont  voici  la  copie  : 

Agréez,  monsieur,  mes  excuses  de  ce  que  le  manuscrit  que 
j'ai  l'honneur  de  vous  adresser  contient  quelques  ratures.  J'aurais 
eu  soin  de  le  faire  remettre  au  net,  si  je  ne  touchais  à  la  fin  du 
lennc  ouvert  pour  le  concours. 

Paris,   c-  2.-)  mai  1783. 

Nous  n'avons  pu  retrouver  le  manuscrit  qu'acccompa- 
gnait  cette  lettre,  nous  nous  contenterons  de  rappeler  ce 
qu'en  disait  en  1867  M.  de  Beaurepaire,  qui  l'eut  certaine- 
ment entre  les  mains: 

«  Il  était  rédigé  avec  une  pureté  et  surtout  avec  une 
clarté  remarquable,  l'écriture  en  était  correcte  et  élégante, 
et  assurément  elle  n'aurait  pas  laissé  deviner  la  main  qui 
depuis  signa  tant  d'odieuses  dénonciations  '.  » 

Comme  c'est  encore  la  coutume  de  nos  jours  dans  les 
concours  académiques,  au  mémoire  était  annexé  un  billet 
cacheté  qui  ne  devait  être  ouvert  que  si  le  travail  était  jugé 
digne  du  prix,  afin  d'en  connaître  l'auteur. 

Dans  la  circonstance,  le  billet  qui  était  altaciié  au  ma- 
nuscrit de  Marat  n'apprit  pas  grand  chose  aux  membres  du 
jury;  il  ne  contenait  que  ces  deux  vers  transcrits  de  la  main 
de  l'auteur  : 

1.  F.xlrails  ,t  un  maniisrril  tir  Dom  Cotinlin.   par  Cli.  de  Hl  M  nrroliK  (Roiipn. 
1KI17). 


MAHAT  ET  l'aCADÉMIE  DE  KOLEN  57 

Est  modus  in  rebus,  sunt  cerli  dcnique  fines, 
Quos  ullra  cilraque  nequil  consisicrc  rectum. 

HoiiAcr;.  Sotire  l- 

et,  en  guise  de  signature,  ces  mots:  «.  M...  à  Paris,  ce  22 
mai  1783.  » 

Nous  verrons  dans  la  suite  conimcni  celte  pseudo-signa- 
ture fut  identifiée. 

Les  commissaires  qui  avaient  été  désignés  pour  l'examen 
des  mémoires  étaient  MM.  Delarochc,  David,  Gosseaume, 
Scanegatty,  Le  Pec  et  Dambournay. 

Sans  doute  ils  avaient  été  unanimes  à  reconnaître  la  su- 
périorité du  travail  de  ALirat,  mais  ils  n'avaient  pu  se  dé- 
fendre de  joindre  aux  éloges  certaines  critiques;  qu'on  en 
juge  plutôt  par  le  passage  suivant  extrait  du  compte  rendu 
de  la  séance:  «  En  donnant  le  prix  à  ce  mémoire  qui  le  mé- 
«  rite  à  tant  de  litres,  l'Académie  a  regretté  que  l'auteur  n'ait 
«  pas  mis  plus  d'aménité  dans  les  termes,  en  réfutant  l'opi- 
«  nion  d'un  homme  estimable,  adoptée  par  neuf  compagnies 
«  savantes,  qui  presque  toutes  ont  couronné  ses  efforts  '.  » 

Marat  avait  en  effet  quelque  peu  malmené  l'abbé  Ber- 
tholon  qui  avait  publié  un  mémoire  couronné  à  l'Académie 
de  Lyon  le  16  décembre  1779,  portant  ce  titre  : 

Quelles  sont  les  maladies  qui  dépendent  de  la  plus  ou  moins 
(jrande  quantité  de  fluide  électrique  dans  le  corps  humain,  et 
quels  sont  les  moyens  de  remédier  aux  unes  et  aux  autres. 

Ces  attaques  de  Marat  devaient  cire  le  point  de  départ 
d'une  polémique,  qui,  de  part  et  d'autre,  ne  manqua  pas 
d'être  acerbe  -  . 

Et,  quand  il  publia,  un  an  plus  tard,  son  mémoire,  il  y 
adjoignit  une  petite  brochure  dans  lac|uclle  il  tournait  car- 
rément en  ridicule  celui  dont  il  n'avait  d'abord  fait  qu'atta- 
(juer  les  théories  scientifiques.  '■ 

1.  Supplcmcnt  à  la  feuille  n"  30.    (Compte  rciulii  de    la   séance  solennelle  de 
l'Académie  de  Rouen,  août  1783. 

2.  Voir  Marat  et  iahhé  Berthnhn.  par  Ch.  Vixlay,  in  Kevue  historique    de  la 
Kénolution  française.     1912,  p.  294. 

3.  Ohseriialions  de  M.  L  amateur  Avec  à  M.  iahhé  Sans,  sur  la  nécessité  indis- 


58  REVUE    IIISTORIQLE  DE    LA   RÉVOLUTION"   FRANÇAISE 

On  pourrait  croire  ([ue,  son  mémoire  une  fois  couronné, 
Maral  n'avait  plus  raison  de  garder  l'anonymat  ;  et  C3pen- 
dant  ce  ne  fut  pas  sans  se  faire  prier  qu'il  consentit  à  cor- 
respondre ouvertement  avec  M.  Dambournay.  le  secrétaire 
perpétuel  de  l'Académie  de  Rouen. 

Dans  une  première  lettre  qu'il  ne  signe  pas  et  qu'il 
adresse  à  ce  dcM-nier,  le  7  septembre  1783,  il  demande  des 
nouvelles  du  résultat  du  concours. 

Puis,  le  22  du  même  mois,  le  baron  de  Feldenfeld  cor- 
respond à  sa  place,  et  réclame  le  prix  remporte  par  le  tra- 
vail de  son  ami,  qui  refuse  encore  de  se  faire  connaître. 

En  parcourant  ce  document,  on  est  frappé  de  la  ressem- 
blance qui  existe  entre  certaines  tournures  de  phrase  habi- 
tuelles à  Marat,  et  un  grand  nombre  de  passages  de  cette  mis- 
sive. L'écriture  elle-même  n'est  pas  sans  présenter,  à  ce  qu'il 
nous  semble,  beaucoup  de  points  communs  avec  celle  de 
<|  l'Ami  du  peuple  »,  si  bien  qu'il  est  permis  de  se  deman- 
der si  le  baron  de  Feldenfeld    n'était    pas  Marat  lui-même. 

Nous  avons  cherché  à  vérifier  le  fait,  nous  n'avons  pu 
en  acquérir  la  certitude  ;  tout  ce  que  nous  savons,  c'est 
qu'il  n'existe  aux  Archives  Nationales  aucun  document 
permettant  d'identifier  ce  personnage. 

A  la  lettre  du  baron  de  Feldenfeld,  M.  Dambournay 
répondit  en  insistant  pour  obtenir  l'abandon  de  l'anonymat 
de  la  part  de  l'auteur  du  mémoire  couronné.  Peu  de  jours 
après,  ce  même  baron  de  Feldenfeld  écrivait  à  nouveau  au 
secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  de  Rouen,  lui  avouant 
(jue  l'auteur  du  travail  en  question  était  «  le  célèbre  M. 
Marat,  si  avantageusement  connu  de  l'Europe  savante  par 
ses  belles  découvertes  en  physique  >•  '  . 

A  partir  de  ce  moment,  l'auteur  correspond  lui-même 
avec  M.  Dambournay  ;  il  lui  envoie  sa  procuration  pour 
toucher  sa  médaille. 

pensable  d'aimir  une  théorie  siilide  el  luniinetise  avant  il  ouvrir  boutique  liéleclricilé 
ntédicale. 

1.   I.a  Correspondance  de    Maral.  piiblii-i-    i):ir  CharliN    Vki.i.w.  p.  7.')  cl  sui- 


MAHAÏ    I:T    l'académie  de  ROUEN  59 

En  même  temps,  comme  il  réclame  de  l'Académie  une 
l'aveur  exceptionnelle,  à  savoir  :  d'obtenir  la  copie  de  son 
mémoire  afin  de  lui  en  permettre  i  im|)rcssion,  il  lui  en 
témoigne  sa  reconnaissance  en  lui  adressant  un  exemplaire 
de  ses  œuvres  scientifiques  relié  en  plein  maroquin,  doré 
sur  tranche  et  portant  en  outre  sur  les  plats  les  armoiries 
de  celte  société  savante. 

Nous  avons  pu  retrouver  à  la  bibliothèque  de  la  ville  de 
Rouen  les  exemplaires  en  question  ;  l'un  d'eux  renferme 
même  une  dédicace  fort  curieuse,  écrite  de  la  main  de  Marat. 
Au  dessous  du  cachet  de  la  l)ibliolhè(jue  de  l'Académie,  on 
peut  lire  la  mention  suivante  :  DccL,  Aiitor. 

C.e  présent  de  Marat  montre  ([u'il  était  très  sensible  à 
la  distinction  honorifique  dont  il  avait  été  l'objet  et  qu'il 
avait  tenu  en  retour  à  faire  liés  bien  les  choses. 

L'.\cadémie  ne  voulut  pas  être  en  reste  avec  lui.  Non 
seulement  elle  lui  accorda  la  l'aveur  (|u'il  lui  demandait, 
c'esl-à-dire  la  copie  de  son  mémoire,  mais  elle  se  refusa  à 
ce  (pi'il  en  supportât  les  frais,  chargeant  son  secrétaire  per- 
pétuel, M.  Dambournay,  de  lui  adresser  une  lettre  de  remer- 
ciements, de  lacjuelle  nous  extrayons  le  passage  suivant  : 

Il  ne  sera  pas  question,  s'il  vous  plaît,  des  frais,  l'Académie 
aj'ant  expressément  arrêté  quelle  saisissait  celte  occasion  de  vous 
exprimer  sa  sensibilité  au  beau  présent  dont  vous  avez  enrichi  sa 
bibliothèque  ;  celte  dérogation  à  ses  statuts  est  consacrée  dans 
ses  registres  conune  un  monument  honorable,  et  elle  me  charge 
de  vous  en  informer  positivement'. 

On  comprendra  l'insislance  avec  laquelle  Marat  persis- 
tait à  vouloir  conserver  l'anonymat,  quand  on  saura  qu'un 
an  plus  tard,  il  publiait,  à  son  corps  défendant,  ce  même 
mémoire,  sans  y  mettre  son  nom  et  sous  ce  seul  titre  :  Mé- 
moire sur  l'électricité  médicale,  couronné  le  (i  août  T7<S3  par 
l'Académie  royale  des  sciences,  belles-lettres  et  arts  de  Rouen  -. 

1.  Cliarles  Vellay,  La  Correspondance  dp  Maral,   p.  79. 

2.  Chez  N.-T.  Méqiimon,  rue  des  Coidcluis,  pris  de  St-Côme.  17K4. 


(50  KEVUF,   IllSTOHlQL'E    DE   LA   RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

Nous  en  aurons  fini  avec  l'histoire  de  ce  mémoire,  quand 
nous  aurons  dit  que  Marat  avait  choisi  la  médaille  de  pré- 
férence aux  300  livres.  Il  nous  a  été  impossible  de  retrouver 
dans  aucune  collection  la  trace  de  cette  médaille.  Nous 
avons  même  cherché  dans  les  archives  de  la  Monnaie  s'il 
était  l'ait  mention  quelque  part  de  cette  commande  faite  par 
l'Académie  de  Rouen  ;  mais  nous  n'avons  rien  trouvé. 

Cependant,  dans  la  lettre  adressée  i)ar  M.  Danihournay 
à  Marat  en  d;Uc  du  20  septemlire  1783,  il  y  a  tout  un  [las- 
sage  qui  ne  permet  pas  de  douter  de  l'exactitude  du  l'ait  que 
nous  rapportons. 

La  médaille,  ordonnée  dès  le  15  octobre,  n  est  point  encore 
arrivée  parce  qu'on  grave  un  nouveau  coin  pour  l'elligie  de  Louis 
XVL  Enfin,  l'avis  que  vous  me  donnez  de  votre  prochain  départ 
pour  Londres,  me  détermine  à  vous  envoyer  le  mandat  ci-joint 
de  M.  Deschamps,  notre  professeur  de  dessin,  sur  ^L  Roussel, 
caissier  à  la  monnaie  des  médailles  au  Louvre,  pour  qu'il  vous 
délivre  celle-ci,  aussitôt  qu'elle  sera  frappée.  Il  vous  plaise  en 
donner  quittance  au  bas  du  mandat  audit  sieur  Roussel,  qui  le 
renverra  ainsi  à  Monsieur  Deschamps.  Ne  différez  pas,  s  il  vous 
plaît,  à  l'en  informer,  de  peur  que  dans  l'intervalle  il  n'adresse 
cette  médaille  au  mandataire  qui  la  lui  avait  demandée  de  la 
part  de  la  compagnie  '. 

A  la  même  séance  où  le  mémoire  de  ^L^rat  sur  l'éledri- 
cité  médicale  remportait  le  prix  extraordinaire  des  sciences, 
M.  Romans  de  Coppier,  un  des  membres  de  l'Académie, 
priait  cette  compagnie  d'accepter  une  somme  de  300  livres 
pour  un  prix  extraordinaire  à  décerner  en  1784  à  celui  (|ui 
indiquerait  les  moyens  de  porter  l'encyclopédie  au  plus  haut 
degré  de  perfection. 

Ce  sujet,  tout  à  fait  difTérent  du  précédent,  tenta  néan- 
moins Marat. 

Sans  doute  le  mémoire  ([u'il  envoya  pour  concourir  ne 
portait  pas  son   nom,  mais  il  fut   cependant  possible  de  le 

1.  Chiirlos  Vki.lay,  I.n  Oirresiumclun.r  ,1,-  M,iral.    j).  7!). 


MARAT  ET  I.'aCA  HKMIE    DE  ROUEN  ()1 

reconnaître  sous  la  signature  du  D'"  Tonmccrcau,  de  Ver- 
sailles. 

Il  s'agissait  évidemment,  comme  le  fait  justement  remar- 
quer M.  de  Beaurepairc,  d'un  pseudonyme,  car,  en  consul- 
tant YAImanach  de  Versailles  de  l'éiioiue,  on  ne  trouve  pas 
de  docteur  de  ce  nom. 

En  outre,  dans  le  rapport  rédigé  par  les  commissaires 
([ui  avaient  été  désignés,  parmi  lescjuels  se  trouvait  Doni 
(iourdin,  ainsi  qu'un  de  ses  amis  M.  Baveux,  nous  lisons 
l'appréciation  suivante  : 

Le  mémoire  n"  4,  folio  de  30  pages,  n'offre  point  de  projets 
aussi  vastes  que  les  deux  précédents  ;  écrit  d'un  style  chaud,  fort 
et  nerveux,  les  idées  s'y  développent,  s'y  succèdent  avec  rapidité. 
Le  plan  eu  est  simple  et  bien  conçu  ;  l'auteur,  après  y  avoir  exa- 
miné en  critique  sévère  les  deux  méthodes  adoptées  jusqu'à 
aujourd'hui,  en  propose  une  troisième.  C'est  à  peu  près  celle  adop- 
tée par  1  auteur  du  mémoire  n"  l,  mais  plus  détaillée  ;  il  la 
réduit  à  ces  trois  chefs  :  1"  borner  l'encyclopédie  à  la  partie  philo- 
sophique des  belles-lettres,  à  des  abrégés  d'histoire,  à  la  descrip- 
tion des  métiers,  à  des  traités  élémentaires  sur  chaque  science, 
et  sur  chaque  art,  précédés  de  l'histoire  de  leurs  origines  et  de 
leurs  progrès. 

2'^  N'emploj'er  ù  sa  rédaction  que  des  hommes  d'un  talent  su- 
périeur, que  des  hommes  de  génie  ; 

3"  En  faire  une  entreprise  nationale  dont  la  gloire  du  succès 
soit  l'unique  récompense  des  auteurs. 

Il  résulte  de  l'examen  rétlcchi  combiné  que  nous  avons  fait  de 
ces  quatre  mémoires,  qu'ils  ont  chacun  un  mérite  particulier.  Ce- 
pendant le  prix  ne  nous  paraît  devoir  être  disputé  que  par  les  mé- 
moires 3  et  4,  et  celui  des  deux  auquel  vous  ne  jugerez  pas  à  pro- 
pos de  le  décerner  est  digne,  Messieurs,  que  vous  en  fassiez  une 
mention  des  plus  honorables.  ' 

Bien  que  l'on  sente  dans  celte  analyse  une  préférence 
très  marquée  pour  le  mémoire  portant  le  n°  4,  l'Académie 
jugea  autrement,  et  le  prix  fut  attribué  au  mémoire  n°  3  ; 
l'auteur  en  était  un  M.  Marcel  de  Cettray,  avocat  au  Parle- 
ment de  Bretagne,  et  demeurant  à  Nantes. 

1.  Manuscrit  do  I)om  Gourdin,  p.  100. 


62  REVUE   HISTOKIQLE  DE   LA   RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

l)om  Gourdin,  dans  unenoteoriginaIe,exlraile  desonma- 
niiscrit,  déplore  ([iie  le  mémoire  portant  le  n°  4,  et  adressé 
à  l'Académie  par  son  ami  Marat,  n"ait  point  remporté  le 
prix;  il  avoue  alors  avoir  subi  à  regret  rinnuencc  de  ses 
collègues  et  en  particulier  de  M.  Bayeux. 

Cette  assertion  de  DomCiourdin  permet  de  préciser  sans 
aucun  doute  la  véritable  signification  du  pscudonj-me  sous 
lequel  se  cachait  notre  lauréat  de  l'année  précédente. 

Nous  n'avons  pas  pu  davantage  retrouver  dans  les 
archives  de  l'Académie  l'original  du  mémoire.  Il  semble 
d'ailleurs  que  tous  ces  manuscrits  de  Marat  aient  disparu 
en  même  temps,  puisqu'on  en  retrouve  la  trace  jusqu'à  une 
certaine  époque  et  qu'il  devient  ensuite  difiicile  de  dire  ce 
(ju'iis  sont  devenus. 

11  faut  croire  ([ue  Dorn  Gourdin  regrettait  sincèrement 
de  n'avoir  pu  réussir  à  taire  couronner  le  mémoire  de  son 
ami,  si  l'on  en  juge  parcelle  lettre  qu'il  adressait,  (juelque 
temps  après,   à  M.  Haillet  de  C^ouronnc  : 

Me  voilà  de  retour,  Monsieur  et  cher  Collègue,  et  en  bonne  santé  ; 
des  personnes  que  j'ai  vues  à  Paris  et  qui  prennent  le  plus  vif  intérêt 
au  mémoire  nfi4qui  a  eu  raccessit,  désireroient  que  l'on  mit  dans 
le  rapport  que  ;  «  ce  mcinoire  a  parliciilièrement  fixé  l'altenlion 
de  l'Acadcmie  tant  parle  fond  des  idées  que  par  la  pureté  du  style. 
Mais  en  même  temps  il  contient  plusieurs  passages  que  la  compagnie 
ne  peut  avouer  et  qui  sont  trop  intimement  liés  au  sujet  pour  en  être 
retranchés  :  en  conséquence  elle  n'a  pas  cru  devoir  décerner  la  cou- 
ronne ù  l'auteur,  mais  en  lui  accordant  l'accessit,  elle  pense  lui  té- 
moigner publiquement  l'estime  qu'elle  fait  d'ailleurs  de  cet  e.rcellent 
mémoire.  »  Vous  savez  que  mon  avis  était  de  couronner  ce  mé- 
moire folio  qui  vraiment  remplit  seul  l'objet  en  question.  Celui  qui 
a  été  couronné  est  sûrement  rempli  de  bonnes  et  excellentes  cho- 
ses, mais  si  l'auteur  le  fait  paraître  il  essuiera  de  rudes  critiques 
et  l'Académie  pourrait  èlre  compromise,  ce  qu'on  évitera  par  la 
petite  addition  ci-dessus. 

Mandez-moi  tout  de  suite  ce  que  vous  en  pensez  '. 


1.  E-vtralls  dan  manusn-it  ,iV  Dom  (uninltn.  p:\r  C.h.  de  lii  AfluPAinK  (  Rou 
1.SK7).    p.   14. 


MARAT  ET  L  ACADÉMIE  UE  nOUEN  (),'{ 

On  comprendra  mieux  ces  scrupules  de  Dom  (ioiirdin 
(|unud  on  saura  que  Marat  avait  dans  son  mémoire  fait 
l'éloge  d'un  «petit  écrit»  de  son  ami  envoyé  à  l'Académie  de 
Lyon  à  l'occasion  d'un  récent  concours.  Il  semble  que  M. 
Haillet  de  Couronne  soit  resté  sourd  aux  avances  de  son 
collègue  et  que  la  lettre  n'ait  pas  eu  de  résultat,  car  nous 
n'avons  trouvé  le  fait  mentionné  nulle  part  dans  les  comp- 
tes rendus  des  séances  de  l'Académie  de  Rouen. 

Mais  Dom  Gourdin  ne  se  tient  pas  pour  battu  et,  très 
certainement  à  l'instigation  de  Marat,  qu'il  venait  de  voir  à 
Paris,  il  propose  à  ses  collègues  d'ofFrir  dans  la  classe  des 
sciences  un  prix  extraordinaire  à  décerner  en  1786. 

Averti  du  sens  dans  lequel  il  devait  s'orienter,  pour  fa- 
voriser son  ami,  il  fit  proposer  par  ses  collègues  de  l'Acadé- 
mie le  sujet  suivant  :  «  Déterminer  les  vraies  causes  des 
«couleurs  que  présentent  les  lames  de  verre,  les  bulles  de 
«  savons  elles  autres  matières  diaphanes  extrêmement  min- 
«  ces.  » 

A  trois  reprises  dificrenlcs  Marat  avait  concouru  sans 
succès  devant  d'autres  Académies,  celle  de  Lyon  en  parti- 
culier, sur  des  sujets  analogues;  aussi  avait-il  plus  à  cœur 
de  réussir  cette  fois.  Il  se  mit  donc  au  travail  et  rédigea 
un  mémoire  fort  intéressant,  qui,  tout  en  étant  en  contra- 
diction avec  les  tiiéoiies  de  Newton,  admises  alors  de  tous, 
lut  cependant  jugé  digne  du  prix  par  l'Académie  de  Rouen. 
Dom  Gourdin  ne  fut  certes  pas  étranger  à  ce  succès,  car  il 
soutint  cette  fois  son  ami  beaucoup  plus  énergiquement. 
Cela  lui  fut  rendu  d'autant  plus  facile  que  Marat  prit  en- 
core un  nom  d'emprunt,  écartant  ainsi  le  moindre  soupçon 
de  partialité  qu'aurait  pu  faire  naître  leurs  relations  amica- 
les. Ces  détails  montrent  bien  que,  de  tout  temps,  il  faisait 
bon  pour  un  concurrent  d'avoir  pour  ami  un  des  membres 
influents  du  jury;  mais  ils  jettent  un  jour  un  peu  défavo- 
rable sur  le  caractère  de  Dom  Gourdin.  Il  ne  faudrait  pas 
néanmoins  lui  faire  un  trop  grand  grief  de  l'appui  qu'il 
donna  à   Marat,   car    il  semble  avoir  été  vraiment    sincère 


()4  HKVIK    HISTORIQUE   OF.  LA    HÉVOLUTION   FRANÇAISE 

dans  son  admiration  pour  ses  idées  scientifiques  ;  et  quand 
il  s'aperçut  plus  lard  (ju'il  avait  été  le  jouet  de  certaines 
illusions  à  l'égard  de  son  ami,  il  s'empressa  de  rompre  toute 
relation  avec  lui.  On  retrouve  tous  ces  faits  consignés  dans 
certaines  parties   de  son  manuscrit. 

Pour  l'épreuve  en  question  six  concurrents  étaient  en 
présence.  C'était  d'abord  celui  qui  devait  être  le  lauréat  et 
qui  se  faisait  appeler  pour  la  circonstance  M.  de  Long- 
champ,  avocat  au  Parlement,  autrement  dit  Marat. 

Parmi  les  cinq  antres  nous  ne  retiendrons  qu'un  seul 
nom,  celui  de  l'abbé  Grégoire,  domicilié  rue  Saint-Lazare, 
vis-à-vis  celle  de  La  Rochefoucauld.  Le  mémoire  de  ce  der- 
nier, qui  portait  le  n"  6,  avait  pour  devise  la  phrase  sui- 
vante qui  ne  manque  pas  d'une  certaine  poésie  :  «  Les  cou- 
leurs embellissent  les  formes,  comme  l'esprit  embellit  la 
raison.  » 

Quelque  temps  après,  dans  une  lettre  adressée  à  ^L 
Dambournay,  que  nous  avons  retrouvée  dans  les  archives, 
l'abbé  (irégoire  semble  réclamer  la  priorité  de  certaines 
observations  que  Marat  présentait  comme  siennes  dans  son 
propre  mémoire  ;  et  c'était  probablement  avec  l'idée  de 
poursuivre  l'affaire  (ju'il  demandait  avec  insistance  une  co- 
pie exacte  de  son  mémoire. 

Il  est  indispensable  d'ajouter,  pour  la  compréhension  de 
ces  faits,  que  l'abbé  Grégoire,  comme  il  le  disait  dans  sa 
lettre,  avait  communiqué  son  manuscrit,  au  mois  de  janvier 
précédant  le  concours,  à  quelques  amis,  et  que,  profitant 
d'une  indiscrétion  de  l'un  d'eux,  Marat  s'était  très  probable- 
ment approprié  certaines  idées  (]ui  lui  paraissaient  intéres- 
santes. 

Faut-il  i)rendre  à  la  lettre  ces  insinuations  d'un  candi- 
dat malheureux  ?  Nous  ne  saurions  l'affirmer,  d'autantqu'il 
semble,  si  l'on  en  croit  Cabanes,  que  ce  fut  à  l'instigation 
de  ce  même  abbé  Grégoire  que  Marat  se  décida  dans  la  suite  à 
publier  son  mémoire,  ce  qui  fait  supposer  que  ses  relations 
avec  son  ex-concurrent  étaient  devenues  plus  cordiales. 


MARAT    r.T    I.ACADÉMIE  DE    UOVIiN  65 

Mais  revenons  à  notre  sujet.  Les  commissaires  nommés 
comme  juges  étaient  M.  Ligot,  M.  Scanegatty,  et,  naturelle- 
ment, Dom  Gourdin.  Dans  le  rapport  qu'ils  firent,  ils  donnè- 
rent nettement  la  préférence  au  mémoire  qui  portait  l'épi- 
graphe suivante  :  Xiigœ  séria  diicent.  Inutile  d'ajouter  que  leur 
jugement  fut  ratifié  par  tous  les  membres  de  l'Académie. 

Ce  fut  donc  M.  de  Longchamp  qui  remporta  le  prix  et 
cela  «  parce  que,  procédant  avec  ordre,  il  avait  bien  exa- 
miné l'une  après  l'autre  toutes  les  parties  du  programme,  et 
parce  qu'il  avait  appuyé  sa  théorie  sur  des  faits  nombreux  et 
variés,  et,  qu'enfin,  les  expériences  qu'il  annonçait,  répétées 
toutes  scrupuleusement,  avaient  toujours  donné  les  mêmes 
résultats  ». 

Marat  ne  dut  pas  être  étonné  quand  il  apprit,  certaine- 
ment par  son  ami  Dom  (îourdin,  ((ue  son  mémoire  avait 
été  couronné,  car,  sur  le  billet  annexé  à  son  manuscrit  et 
qui  portait  le  nom  d'emprunt  déjà  cité  plus  haut,  on  pou- 
vait lire  la  phrase  suivante  qui  est  bien  significative: 

Si  ce  mémoire  est  juge  digne  de  la  couronne,  je  supplie  que  la 
médaille  soit  remise  an  généreux  académicien  qui  a  fait  les  fonds 
du  prix,  m'estimant  très  heureux  que  l'Académie  ail  donné  sa  sanc- 
tion aux  découvertes  qw;  j'ai  soumises  à  son  jugement. 

Marat  devait  bien  ce  témoignage  de  gratitude  à  son  ami, 
sans  compter  que  cet  acte  de  désintéressement,  qui  fut  con- 
signé sur  les  registres  de  l'Académie,  eut  pour  résultat  la 
fondation  d'un  nouveau  prix  extraordinaire  à  décerner  l'an- 
née suivante. 

Ce  prix  devait,  d'ailleurs,   être  encore  attribué  à  Marat. 

Nous  avons  été  plus  heureux  pour  ce  mémoire  que  pour 
les  précédents,  car  nous  avons  pu  l'avoir  entre  les  mains  et 
le  parcourir  tout  au  long. 

Ce  manuscrit  pourrait  bien  à  la  rigueur  avoir  été  écrit 
par  Marat  lui-même,  bien  que  cependant  l'écriture  appliquée 
ne  cadre  guère  avec  son  caractère.  Il  faudrait  être  un 
graphologue  émérite  pour  trancher  la  question.  Ce  que  nous 

REV.    BIST.  DE    LA  BEViJL.  5 


66  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  UÉVOLUTIOX  FRANÇAISE 

pouvons  affirmer,  c'est  que  le  billet  qui  y  était  annexé  ne 
fut  sûrement  pas  écrit  par  la  même  personne. 

Nous  ne  sommes  pas  places  pour  juger  la  valeur  scien- 
tifique de  ce  travail  de  Marat.  I!  n'est  pas  douteux  ([u'il  ne 
méritât  certains  éloges.  Il  nous  semble  pourtant  qu'il  eut 
mieux  fait  de  traiter  avec  plus  de  modération  ses  adversai- 
res et  de  faire  plus  de  cas  des  théories  (jui  ont  résisté  à 
l'œuvre  du  temps. 

Mais  nous  avons  déjà  pu  voir  par  l'étude  des  précédents 
mémoires  que  la  modestie  n'était  pas  son  fort.  On  s'en  con- 
vaincra une  fois  de  plus  en  lisant  la  péroraison  du  manus- 
crit en  question  : 

J'ai  proiwé,  di!-il,  jusqu'à  l'cvidence,  que  le  principe  uxsignc  par 
Newlon  aux  couleurs  des  corps  minces  diaphanes,  esl  destitué  de 
loul  fondement  cl  j'ai  démontré  par  une  suite  de  faits  simples,  clairs, 
décisifs,  les  vraies  causes  de  ces  phénomènes,  j'oserais  donc  me  flatter 
d'avoir  rempli  la  tâche  imposée  par  l'Académie. 

Deux  ans  plus  tard,  on  pouvait  lire,  dans  le  Journal  de 
Normandie,  une  lettre  fort  élogieuse  de  Dom  Gourdin,  pour 
annoncer  la  publication  du  mémoire  couronné  par  l'Acadé- 
mie. 

Il  manquait  un  nouveau  pseudonyme  à  Mai-al.  Après 
s'être  fait  appeler  successivement  le  D"'  Tomacereau,  M.  de 
Longchamp,  quoi  d'étonnant  que  nous  le  retrouvions  sous 
les  traits  du  chevalier  de  Soycourt  ? 

C'est  qu'en  efTet,  dans  son  soi-disant  geste  de  désinté- 
ressement, en  refusant  le  prix  attribué  à  son  mémoire  sur 
l'optique,  Marat  témoignait  à  la  fois  sa  gratitude  à  Dom 
Gourdin  et  procurait  à  ce  dernier  une  nouvelle  occasion  de 
le  patronner  auprès  de  ses  collègues  de  l'Académie  de  Kouen. 
Nous  nous  expliquons  :  Dom  Gourdin,  ne  voulant  pas  ac- 
cepter la  médaille,  ni  reprendre  les  fonds  qu'il  avait  olVcrls, 
un  seul  geste  lui  restait  à  faire,  c'était  naturellement  de  pro- 
poser (juc  ces  fonds  fussent  employés  à  la  création  d'un  au- 
tre prix  l'année  suivante. 

Pour  ce  nouveau  concours,  il  ne  s'agit  plus,   celte  fois. 


HARAT    ET    I.'aCADKMIE    1)F.    HOUEN  ()7 

d'étudier  rélcctricitc,  ni  les  lois  de  l'optique,  mais  d'essayer 
d'approfondir  les  phénomènes,  non  moins  intéressants,  delà 
chaleur  latcnlc. 

Le  sujet  proposé  par  l'Acailémie  pour  le  jirix  extraordi- 
naire de  la  classe  des  sciences  à  tiéccrncr  le  1"'  août  1787 
(ut  donc  le  suivant:  «  Les  expériences  sur  lesquelles  porte 
la  doctrine  moderne  de  la  chaleur  latente  sont-elles  décisi- 
ves? »  Nous  retrouvons  comme  commissaires,  M.  Scanegatty, 
et  surtout  le  fidèle  ami  de  Marat,  Dom  Gourdin;  à  ces  deux 
memhres  étaient  adjoints  Le  Pec  et  Laun.ionicr.  Il  semble 
(ju'il  n'y  ait  eu  que  peu  de  concurrents. 

On  pourrait  même  cioire,  en  lisant  le  rapport  dos  com- 
missaires, qu'un  seul  mémoire  avait  été  présenté.  Toutefois, 
nous  avons  pu  nous  convaincre  du  coiitraire  en  feuilletant 
les  archives  de  l'Académie.  Nous  avons  retrouvé,  en  effet, 
en  même  temps  que  le  mémoire  de  Marat,  celui  du  célè- 
bre chimiste  La  Grange  ([ui  portait  pour  devise:  «  Rien 
n'est  beau  que  le  vrai.   )> 

Celui  du  chevalier  de  Soycouil,  pseudonyme  de  Marat, 
avait  comme  épigraphe  :  Grala  vice  veri. 

Les  commissaires  chargés  d'examiner  le  travail  de  Marat 
en  rédigèrent  une  analyse  élogieuse  que  nous  retrouvons 
dans  le  supplément  de  la  feuille  du  Journal  de  Normandie 
relatant  la  séance  du  1"''  août  1787. 

Emploj'ant  toujours  son  même  procédé,  qui  consiste  à 
démolir  toutes  les  théories  admises  avant  lui,  Marat  termine 
ainsi  son  mémoire  : 

De  ccc[ui  précède,  concluons  que  rélrciiige  doctrine  de  la  cha- 
leur latente  n'est  fondée  que  sur  des  expériences  fausses  ou  illu- 
soires. Ici,  quelles  tristes  réllexions  viennent  se  présenter  à  mon 
esprit. 

A  voir  combien  est  scabreuse  la  carrière  des  sciences,  de 
quelle  foule  d'erreurs  elle  est  parsemée,  et  avec  quelle  sécurité 
presque  tous  ceux  qui  s'efforcent  de  la  parcourir,  prennent  l'om- 
bre pour  le  corps  ;  qui  ne  dirait  que  la  connaissance  de  la  na- 
ture  est  hors  de  notre  portée,  et  que  son  étude  ne  doit  pas  être 
notre   partage  ici-bas. 


()8  HEVIK   IIISTOKIQUE    DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

N'allons  pourtant  pas  le  croire  ;  ses  secrets  ne  nous  échap- 
pent si  souvent  que  parce  que  nous  présumons  les  lui  arracher 
par  des  expériences  grossières  et  que,  courant  après  le  merveil- 
leux, nous  négligeons  les  seuls  moyens  propres  à  les  lui  dérober  : 
le  discernement  et  l'analyse. 

Les  sciences  ne  se  perfectionnent  que  peu  à  peu  ;  mais  puis- 
qu'elles oHrent  la  plupart  mille  opinions  erronées  pour  une  idée 
vraie,  et,  pour  une  découverte  réelle,  mille  inventions  illusoires  ; 
soumettre  toutes  les  innovations  à  l'examen  le  plus  rigoureux,  les 
faire  pour  ainsi  dire  passer  par  le  creuset  dès  leur  origine,  étouf- 
fer l'erreur  au  berceau  et  consacrer  les  vérités  nouvelles,  tel  est  le 
dessein  noble  et  sublime  que  devraient  former  toutes  les  sociétés 
savantes,  et  tel  est  le  dessein  que  l'Académie  parait  avoir  formé. 

Jaloux  d'entrer  dansses  vues,  je  m'applaudirais  de  mes  efforts, 
si  j'avais  réussi  h  faciliter  la  connaissance  du  principe  de  la  cha- 
leur, en  ramenant  au  vrai  l'une  des  plus  belles  branches  de  la 
physique. 

Bien  qu'un  peu  longue,  cette  dernière  citation  nous  a 
paru  intéressante  à  plusieurs  points  de  vue  : 

N'est-elie  pas  en  effet  une  preuve  morale  que  M.  de  Soy- 
courl  et  Marat  n'étaient  qu'un  même  personnage,  et  cela 
dans  le  cas  où  nous  n'aurions  pas  eu  l'information  de  Dom 
Gourdin  pour  nous  renseigner'? 

Puis  nous  retrouvons  dans  ces  quelques  lignes,  à  la  fois 
les  qualités  et  les  défauts  du  caractère  de  Marat. 

C'est  d'abord  un  ambitieux  qui  veut  avant  tout  briller 
et  avoir  pour  lui  tout  seul  le  mérite  des  découvertes  faites 
avant  lui. 

Il  peut  donner  au  premier  abord  l'illusion  d'un  savant 
qui  travaille  patiemment  dans  son  laboratoire  ;  mais  on 
s'aperçoit  bien  vite  que  ses  soi-disant  découvertes  ne  sont 
trop  souvent  que  des  idées,  quelquefois  originales,  le  plus 
souvent  empruntées  aux  autres,  et  dont,  en  tout  cas,  la  por- 
tée scientificiue  est  loin  d'être  aussi  grande  ([u'il  s'efforce  de 
le  faire  croire. 

Dans  son  travail  qu'il  intitule:  Marat  pliysicien, le.  D''  Di- 

1.  ManiiM-rit  di'  Dom  ("lourdlii  :  «  .\yanl  laissé  l'argent  du  pris  décerné  en 
17X4.  M.  Maral  a  en  17S7  ii-iiiportr  un  troisième  prix  sur  la  ehaleur  latente.  » 


MARAT  ET   I,"aCAI)KM  lli  I)li  HOUEX  69 

delot  semble  avoir  vraiment  bien  saisi  la  véritable  physio- 
nomie du  Marat  que  nous  venons  d'observer  :  «  Esprit  cul- 
tivé, dit-il,  ne  manijuant  ni  de  talents,  ni  de  distinction, 
doué  d'une  volonté  énergique  et  d'imagination  vive,  Marat 
laisse  pressentir  dans  son  œuvre  scientifuiue  le  caractère 
(|u'il  apportera  dans  les  luttes  politi([ues,  car  il  unit  à  ses 
(jualités  un  jugement  peu  droit,  une  vanité  prodigieuse  et 
une  ambition  sans  limite  '.  » 

1)'  I'avenxkville 

Médecin  dos  Hôpitaux  de  Rouen. 


d\inlhn<pol<n,ii-  m';»wi<-//c  (Lyon,  juillet  IS'H),   n"  4(;,  p.  Til. 


\mt\\K  ET  LE  31AÎ{(illS  l)ES\l)E 


Les  relations  de  Rovèie  avec  le  marquis  de  Sade  ne  fu- 
ient ni  longues  ni  cordiales,  à  en  juger  du  moins  par  les 
quelques  lettres  (jue  nous  donnons  plus  loin.  Elles  prirent 
naissance  à  l'occasion  de  l'acquisition,  par  Rovère,  du  do- 
maine de  La  Cosle,  propriété  de  la  lamille  de  Sade. 

On  sait  que  Rovère,  marquis  de  Fontvieille,  se  trouvait, 
au  commencement  de  la  Révolution,  réduit  aux  pires  extré- 
mités. La  Remie  historùjne  de  ta  Rcimhilion  française  a  publié, 
dans  le  numéro  de  janvier-mars  19n,  le  procès-verbal,  à  la 
date  du  22  mai  1789,  constatant  son  arrestation  pour  dettes. 

Peu  d'années  après,  le  débiteur  insolvable,  saisi  pour 
ainsi  dire  au  vol  dans  les  rues  d'x\ix,  se  trouvait  à  même  d'a- 
cheter, en  1793,  un  bien  national  d'une  valeur  importante, 
ayant  appartenu  aux  Célestins  de  Gentilly,  à  Sorgues. 

A  partir  de  ce  moment,  Rovère  n'a  plus  qu'une  préoccu- 
pation :  augmenter  ses  propriétés.  La  correspondance  avec 
son  frère,  l'ancien  évêque  constitutionnel  d'Avignon,  publiée 
par  M.  le  D' Laval,  en  fait  foi.  Il  est  peu  de  lettres  où  il  ne 
soit  (juestion,  soit  d'un  achat,  soit  d'un  jMojet  d"ac(|uisition'. 
Tantôt  il  s'agit  d'un  moulin  à  (".ourlhe/on,  tantôt  de  la  terre 
des  Chartreux  à  Bédarrides. 

Dans  la  lettre  du  18  prairial  an  IV,  il  annonce  qu'il  va  se 
mettre  en  cpietle  (sic),  pour  trouver  l'adresse  du  proprié- 
taire de  la  maison  basse  :  je  crois,  dil-ii,  "  (]ue  ce  serait  bien 
notre  a  lia  ire  ». 

Celte   maison    basse    était  un  château   situé    à   la   Coste, 

I.    I)    l.*vAi  .   I.rlln-s  /nciliirs  il,-  Knvcre  n  son  frcrc  ,  /)ii.ssi/ii. 


HOVKHE  ET   LE   MARQUIS     DE     SAUE  71 

petite  comimine  bâtie  sur  un  contrelort  du  Luhéron,  non 
loin  de  Bonnieux,  et  ancienne  seigneurie  île  la  l'aniille  de 
Sade  '. 

Le  propriétaire  fut  facilement  trouvé  et,  le  20  fructidor 
an  IV,  les  accords  étaient  faits  avec  le  marquis  de  Sade,  le 
prix  arrêté  et  l'entrée  en  possession  fixée  an  1'^'^  vendémiaire. 
Rovère  ne  put  se  procurer  assez  à  temps  les  fonds  nécessai- 
res. Il  en  résulta  un  peu  de  retard,  ainsi  cjue  le  fait  connaî- 
tre la  lettre  ci-dessous,  du  notaire  chargé  de  passer  l'acte. 

Paris,  ce  23  iVuctidor  an  4,  9  heures  du  matin. 
Citoyen 
Conformément  à  la  lettre  que  vous  me  fites  l'honneur  de 
m'écrira  le  21  de  ce  mois,  je  vous  ai  attendu  le  lendemain  toute 
la  journée  ;  mais  n'aj'ant  pas  eu  le  plaisir  de  vous  voir  ni  de  rece- 
voir de  vos  nouvelles,  et  étant  d'ailleurs  vivement  pressé  par  le 
C.  Sade  qui  m'accahle  de  lettres,  je  me  trouve  donc  forcé  de 
vous  interrompre  de  nouveau,  et  de  vous  demander  si  dans  la 
matinée  vous  pouvez  disposer  en  faveur  du  C.  Sade  ou  de  la  C''= 
Quenel  d'une  somme  de  8.000  livres.  Si  vous  pouvez  disposer  de 
cette  somme  vous  les  mettrez  dans  la  possihilité  d'acquérir  sur- 
le-champ  une  propriété  située  en  la  comiuune  de  St-Ouen  et  qui 
leur  fait  envie.  Si  au  contraire  vous  ne  pouvez  leur  procurer  cette 
somme  cela  leur  occasionnera  un  désagrément  d'autant  plus 
fâcheux  qu'ils  ne  pourront  le  réparer,  la  personne  avec  lac[uclle 
ils  ont  affaire  ne  voulant  plus  attendre  passé  aujourd'huy. 
Pardon,  Citoyen,  si  je  vous  enlève  d'auprès  d'une  épouse  que 
vous  consolez  sans  doute-  ,  mais  j'espère  que  vous  voudrez  bien 
user  d'indulgence  envers  celui  qui  est  avec  la  plus  parfaite  consi- 
dération votre  concitoyen. 

DuRET. 

Prin.i|.:ii  eleie  tUi  C.  Deluehe,  niilaire,  H.  iMonlMiailie. 

P.   S.  —   J'ai   la  procuration   du    C.  Sade,    nous    pourrons 
terminer  ensemble,  faites  moi  une  réponse  je  vous  prie. 


1.  CouETET,  Dictionnaire  des  conunnnes  du  dépurtenieni  de  Vanchise,  éd.  de 
1877,  p.  180.  «  Pendant  la  Kévolution  le  fameux  marquis  de  Sade  vendit  le 
château  au  représentant  Hovére  de  Bonnieux.  La  famille  l'a  racheté,  maïs  il  est 
à  l'état  de  ruines.  » 

2.  Mme  Rovère  venait  de  perdre  une  de  ses  sœurs  quelques  jours  aupara- 
vant. (D'  L.vvAL,  p.  125,  lettre  du  20  fructidor  an  IV.) 


il  REVIK     HlSTORIQUi:    DE    LA    RÉVOLITION    FliANÇAISF. 

Ce  ne  fut  (|iie  le  22  vendémiaire  an  V  (jiie  cette  dernière 
formalité  lut  accomplie.  Les  citoyens  Sade  et  Hovère  se 
rendirent  chez  Deloche  notaire,  signèrent  l'acte  et  allèrent 
dîner  ensemble.  La  lettre  du  marcjuisde  Sade,  en  date  du  20 
vendémiaire,  est  relative  à  ces  diverses  opérations. 

Je  suis  très  sensible.  Monsieur,  à  l'honneur  que  vous  vouiés 
bien  me  faire,  je  me  rendrai  très  ex;ictemcnt  ;i  votre  agréable 
invitation  le  22  vendérniaire. 

En  conséquence  de  votre  lettre  que  je  n'ai  reçu  le  19  qu'à  'à 
heures  j'ai  envoyé  sur-le-ehamp  un  exprès  au  notaire  qui  ra"a 
répondu  que  tout  serait  prêt  le  22  entre  5  et  6.  Nous  nous  y 
rendrons  ensemble  ;  il  me  charge  vous  présentant  son  respect  de 
vous  dire  qu'il  ne  faut  pas  que  Madame  de  Rovère  se  donne  la 
peine  de  venir  chez  lui.  On  lui  portera  l'acte  à  signer. 

Je  vous  rends  grâces,  Monsieur,  de  votre  exactitude  ù  payer 
mon  premier  elfet,  j'étais  bien  persuadé  de  votre  honnêteté  à  cet 
égard. 

Nous  raisonjierons  sur  le  reste  le  jour  que  j'aurai  l'honneur 
de  vous  voir.  J'ose  vous  prier  de  vouloir  bien  en  attendant 
présenter  mes  respectueux  hommages  ù  Madaïue  et  recevoir  celui 
des  sentiments  que  je  vous  ai  voué  pour  la  vie. 

Sade. 


P.  S.  —  Le  notaire  me  marque  ijuc  tout  sera  prêt  le  22  matin. 
Si  vous  l'aimiés  autant  je  le  préfércrois,  je  n'en  aurois  pas  moins 
l'honneur  d'aller  dîner  chez  vous  après.  Un  mot  de  réponse  sur 
cela,  je  vous  prie. 

La  correspondance,  ainsi  comuiencce,  continue,  d  ai)nr(l  le 
11  frimaire  an  V  à  l'occasion  du  second  versennMil  du  prix 
d'acquisition  ;  puis,  le  L5  frimaire,  le  citoyen  Sade  assure 
Rovère  de  son  éternel  attachement.  Cette  éternité  ne  devait 
pas  durer  longtemps.  Le  ô  nivôse,  Rovère  se  libère  totalement 
du  pot  de  vin  convenu.  La  lettre  du  27  nivôse  se  rapporte 
à  un  dépôt  à  effectuer  i)ar  Rovère.  Avec  la  lettre  du  22 
ventôse  le  ton  change  singulièrement.  En  compulsant  les 
titres,  le-nouvel  ac(|uéreur  s'était  aperçu  que  le  ilomaine  était 
grevé  d'une  redevance  di'  •,)()  livres,  au  profit  des  pau\res  de 


UOVHIU-;    KT   I.K    M.MiyllS     Di;     SADI-;  73 

la  C.osle.  Maigro  les  alléi^alions  (le  son  vendeur,  i\u\  sDulenail 
(|iie  celle  aumône  élait  graluile,  il  a\ail  l'elenu,  lors  chi 
paienieni,  une  somme  île  1  .<S0()  IVaues,  représenlanl  le  eapilal 
(le  la  redevance. 

Je  reçois  à  rinsUnt,  Monsieur,  votre  lettre  en  date  du  10 
frimaire  et  vais  y  répondre  article  par  article. 

1"  Je  vous  avoue  que  je  suis  bien  l'aclio  de  vous  avoir  iiulic[ut> 
X..  pour  notaire  ;  il  vient  de  me  faire  un  tour  de  friponnerie  qui 
me  donne  bien  des  regrets  de  vous  l'avoir  fait  connaître,  et  comme 
il  ne  doit  nullement  être  initié  dans  l'allaire  de  la  maison  Michel, 
je  suis  fâché  que  vous  lui  en  aj'iez  parlé;  le  seul  Violet  se  mêlede 
cette  affaire  et  certes  il  ne  vous  aurait  pas  dit  que  celte  affaire  n'a 
|ias  souffert  du  retard  que  vous  lui  avés  l'ait  éjjrouver  car  il  m'a 
dit  dernièrement  que  Michel  venait  chaque  jour  l'impatienter. 
Quand  j'ai  vu  Violet,  il  me  dit  que  sur  les  8.000  I.  restantes  vous 
n'aviés  encore  pav'é  que  mil  deux  livres.  Vous  m'obligerés  sensi- 
blement de  me  dire  ou  vous  en  êtes  sur  cet  article  et  cela  dans 
une  lettre  ostensible. 

Voici  la  friponnerie  de  X...  :  il  avait  besoin  de  mon  contract 
de  mariage  pour  notre  atraire,  je  le  lui  ai  conlié  ;  il  devait  aussi 
me  délivrer  gratis  une  copie  de  notre  acte.  Le  malhonete  homme 
soutient  m'avoir  remis  l'un  et  l'autre  de  ces  papiers  tandis  qu'il 
est  de  fait  qu'il  me  les  a  au  contraire  refusé  bien  malhonetenient. 
Son  intention  est  que  je  lui  fasse  faire  une  autre  copie  de  notre 
affaire  que  je  serai  par  ce  moyen  obligé  de  lui  payer.  Ne  voulant 
pas  être  la  dupe  de  ce  drôle  la  je  le  fais  aujourd'hui  citer  devant 
le  juge  de  paix.  Si  vous  le  vojés,  en  l'assurant  comme  vous  le 
savés  que  cela  est  vrai  que  je  vous  ai  vivement  sollicité  de  faire 
cette  affaire  chez  lui,  vous  voudrés  bien,  je  vous  ]irie,  lui  reprocher 
son  ingratitude  et  sa  mauvaise  foi. 

Vous  me  faites  grand  plaisir,  Monsieur,  en  m'annonçant  que 
les  29.200  1.  que  vous  me  devés  le  23  du  courant  sont  prêts.  Un 
homme  très  honnête  et  dont  j'ai  fait  choix  pour  mes  affaires  à 
Paris,  aura  l'honneur  de  se  présenter  chez  vous  le  17  ou  le  18  de 
ce  mois,  vous  voudrés  bien  vous  concerter  avec  lui  pour  le 
payement,  il  sera  muni  d  un  pouvoir  de  moi  pour  le  rece- 
voir et  il  prendra  jusqu'au  23  le  jour  qui  vous  conviendra 
le  mieux. 

(jarde  malade  et  à  la  campagne  je  doute  qu'il  me  soit  possible 
d'aller  moi  même  vous  voir  à  cette  époque  comme  je  m'en  étais 
llalté. 


/4  KEVUE    IIISTORIQI.E   RE  LA  HICVOLL'TION    FRANÇAISE 

GaulViidi  m'écrit  positivement,  et  mon  homme  [pourra'  vous 
faire  voir  les  lettres,  qu'il  ne  sest  présente  aucune  opposition.  Une 
M'""'  de  Tourast  (?)  vint  à  la  vérité  le  voir,  mais  GaulTridi  lui  ayant 
représente  qu'il  me  restait  assés  de  bien  en  Provence  pour 
répondre  de  ses  fonds,  elle  s'est  retiré  contente. 

Pour  M=  de  Sade  le  remploi  lui  tient  lieu  de  tout  et  ses  repré- 
sentations ne  seraient  point  admises. 

Quant  aux  pauvre  de  la  Costc  je  n'ai  jamais  ouï  dire  qu'il  y 
eut  d'actes  sur  cet  objet,  je  l'ai  demandé  cent  et  cent  fois,  on  m'a 
toujours  dit  que  cette  aumône  était  gratuite,  que  je  pouvais  la  faire 
ou  ne  la  pas  faire  à  volonté,  elle  est  de  90  ;  donc  le  fond  n'est  pas 
tout  à  fait  de  deux  mille  francs. 

Assurément  en  me  payant  le  total,  si  vraiment  il  existe  un 
acte  de  cette  dette  il  faudra  bien  que  je  continue  de  payer  la 
rente,  mais  d'abord  j'ose  assurer  qu'il  n'existe  point  d'actes  et  de 
plus  il  est  ce  me  semble  bien  facile  de  mettre  cette  charge  sur  mon 
bien  de  Saumane  :  le  très  honnête  homme  qui  aura  l'honneur 
de  vous  voir  le  17  ou  le  18  conférera  avec  vous  snr  cet  objet  de 
manière  à  vous  satisfaire. 

Mes  respects  à  Madame  je  vous  |)ric,  et  crovés  moi  pour  la 
vie  votre  plus  dévoué  serviteur. 

Mon  adresse  est  à  S'-Oucn,  maison  de  la  citoyenne  Quenet, 
place  (le  la  Liberté,  n"  3. 

In  mot  ostensible,  je  vous  ]irie,  cpii  m'a])prenne  comment 
vous  êtes  avec  Violet  et  pour  le  billet  de  830  f.  îles  ir.térêts  que 
je  lui  avais  passé  en  payement  et  pour  le  payement  du  billet  de 
8.000  f.  dont,  d'après  Violet,  vous  n'aviés  encore  payé  cpie  mille 
deux  livres. 

Cc'  11    friiiKiIro. 

(iaulïridi  dans  les  lettres  ([u'il  m'a  écrit  depuis  la  vente  ne  me 
parle  nullement  de  ces  pauvres  et  lui-même  m'a  dit  mil  lois  i[u  il 
n'y  avait  point  d'acte. 

Adresse  :  Au  citoyen  de  Rovère.  membre  du  Conseil  des  An- 
ciens,  I{.  de  Grenelle  n" 


Je  suis  on  ne  saurait  plus  sensible,  Monsieur,  à  la  lettre  osten- 
sible que  vous  venes  de  me  faire  l'honneur  de  m'écrire.  Je  connais- 
sais vôtre  probité,  votre  exactitude  et  j'étais  désolé  de  voir  que 
de  pareils  co(|uins  voulussent  me  l'aire  suspecter  l'un  et  l'autre, 


KOVKliE    ET  LE    MAIIQUIS     DE    SAUE  75 

ils  n'y  l'c'ussissaieiit  pas  mais  ils  minquiétaienl,  ils  m'allligeaient 
ottout  cola  (jiiaïul  je  no  devais  avoir  qu'a  me  louer.  Je  vous  renou- 
velle donc  tous  mes  rcmcrcieniens  et  vous  prie  d'agréer  mon 
éternel  attachement. 

L'homme  c|ui   se  présentera  chez  vous   s'appelle  Bonnet'oi,  sa 
voix  est   l'imago    <le  son  âme,   c'est  un  de  nos  compatriotes. 

Sade. 

Cf  i:!  IVimaiiv  l'nu  ô. 


[Timiiri-  2.")  conlinirs.] 

Je  soussigné  reconnais  avoir  reçu  du  citoyen  Rovere  la  somme 
de  seize  mille  livres,  valeur  reçus  à  litre  de  pot  de  vin  pour  l'ac- 
quitement  d'une  dette  et  ce  pour  la  vente  que  je  lui  ai  l'ait  de  la 
terre  de  la  Coste  située  dans  le  département  de  houches  du  Rhône 
par  acte  chez  Deloche,  notaire,  le  vingt-deux  vendémiaire  de  la 
4'' année  républicaine. 

Sade 

à  S'-Ouci,,  ce  ,->  nivosc  fan  ô. 


M.  (jastaldi,  Monsieur,  et  ensuite  M.  Bonnefoi  m'ont  tous 
deux  dit  que  vous  ne  demandiés  pas  mieux  (fue  de  déposer  les 
25  200  que  vous  avés  à  moi  ou  chez  votre  notaire  ou  chez  celui 
qui  vous  sera  indiqué  de  ma  part  ;  en  conséquence.  Monsieur, 
comme  malheureusement  pour  moi  mon  acquisition  n'est  pas 
encore  prête,  vous  m'ohligerés  infiniment  de  vouloir  bien  vous 
concerter  avec  Monsieur  Bonnefoi,  qui  vous  remet  celle-ci  de  ma 
part,  pour  exécuter  aujourd'hui  ce  dépôt.  C'est  abuser  de  vos 
bontés,  Monsieur,  que  de  laisser  si  longtemps  un  tel  embarras 
chez  vous,  personne  dans  le  siècle  ou  nous  sommes  n'aime  à 
garder  l'argent  des  autres  et  je  vous  aurai  la  plus  grande  obliga- 
tion de  le  consigner. 

Je  suis  avec  attachement.  Monsieur,  voire  concitoyen. 

Sade 

Ce-  27  llivnsc.  r.in  ,')  di-  la  lU-publiquc-,  à  Si-Oucii. 

Siiscriplion:  Au  citoyen  Rovere,  Représentant  du  peuple. 


Je  vous  avoue,  Monsieur,  que  c'est  avec  bien  de  la  surprise 
que  j'ai  appris  par  M.  Bonnefoi  que  votre  intention  est  de  me 
retenir  dix  huit  cents   livres  sur  ce  que  vous  me  devés. 


7()  HEVur;   histokkjle  de  la  hévolition  ihançaise 

Oserai-jc  vous  (Icniniuler,  Monsieur,  ;i  (|uel  tilrc  vous  vous 
oroj-ez  en  droit  tic  me  retenir  cette  somme  ? 

Dans  la  situation  où  nous  sommes  vis-à-vis  l'un  de  1  autre. 
Monsieur,  vous  n'aurics  le  droit  de  retenir  une  somme  (juelcon- 
que  sur  celle  que  vous  me  devés  que  dans  le  cas  ou  vous  auriés 
en  mains  quelques  oppositions  et  certes  vous  n'en  avés  certaine- 
ment aucune  sur  cet  objet,  tout  au  plus  quelques  réclamations  de 
prêtres  auxquelles  vous  me  permettres  de  ne  p;:s  prentlre  un  aussi 
vif  intérêt  que  vous. 

Voilà  l'état  de  notre  discussion,  il  est  in)[)iissii)lc  (|u  il  soit 
autre. 

Vous  prétendes  vous,  Monsieur,  (|u'il  existe  un  titre  de  cette 
créance.  J'aKirmc  moi  ([u'clie  est  volontaire  et  ([ue  rien  au  monde 
ne  peut  m'y  contraindre. 

Que  faut-il  faire  en  cet  état  de  choses  ?  éclaicir  les  faits;  le 
testament  d'une  femme  qui.  dans  la  peur  du  diable,  donne  une 
somme  à  son  curé,  n'engage  pas  les  héritiers  de  celle  femme  à 
continuer  de  payer  ce  curé  surtout  quand  il  n'y  a  plus  de  curé  ; 
mais  je  vais  plus  loin,  je  nie  le  testament.  Cependant  il  est  possible 
que  je  me  trompe,  je  n'abonde  jamais  dans  mon  sens,  l'évidence 
seule  me  persuade  et  je  l'attends  ;  mais  je  dis  et  je  soutiens  (jue 
d'ici  à  ce  qu'elle  me  parvienne  vous  n'êtes  point  en  droit  de  me 
retenir  une  somme  qui,  jusqu'à  ce  que  le  procès  soit  jugé,  doit 
être  déposée  et  n'appartenir  pas  plus  à  vous  qu'à  moi  ;  les  choses 
en  seraient  donc  tout  au  plus  là  si  vous  n'aviés  décidé  la  chance  en 
ma  fayeur  en  acceptant  les  délégations,  vous  les  avés  acceptées, 
donc  vous  devés  les  payer  et  sans  aucune  espèce  de  retenue  ;  car 
alorsce  seront  mes  créanciers  qui  sauront  bien  vous  forcer  à  payer. 

Maintenant  pour  vous  tranquiliser  sur  l'extrême  frayeur  ou 
vous  me  paraisses  être  que  le  curé  de  la  Coste  ne  paye  pas  ses 
90  f.  de  rentes,  je  vous  offre,  Monsieur,  et  c'est,  je  crois,  vous 
prouver  quels  sont  les  sentiments  de  probité  ([ue  je  veux  toujours 
professer  avec  vous,  je  vous  offre  de  payer  très  exactement  cette 
rente  jusqu'à  ce  (pic  notre  discussion  soit  terminée,  je  vais  en 
donner  l'ordre  a  Gauffridi  et  ce  sera  exécuté,  il  me  reste,  je  crois, 
assez  de  bien  en  l'rovencc  pour  répondre  de  91)  f.  de  rente  et  je 
vous  proteste  de  les  payer  juscju'à  l'éclaircissement. 

Je  me  Halte,  Monsieur,  que  vous  répondrés  à  cette  honnêteté 
de  ma  part  par  une  exactitude  entière  a  vos  engagements  et  que 
vous  voudras  bien  renoncer  à  ce  projet  parfaitement  injuste  de 
vous  payer  par  vos  mains  quand  aucune  opposition  ne  vous  en 
donne    le  droit.    .le    ne   puis    vous    dissimuler  <pie    dans   le    cas 


UOVKRK   ET  Lli    AIARQUIS     DE    SADE  // 

conlniiic  je  scrois  obligé  cFiigir  contre  vous  ainsi  que  la  loi  m'en 
(loi)iu'  le  |)ouv()ir,  je  serois  désolé  sans  cloute  que  vos  procédés 
me  loiçassent  à  renoncer  a  ceux  (jue  Ihonnète  nie  dicte  avec  vous, 
mais  si  cela  arrive,  très  décidé  à  ne  point  vous  jiermettrc  ce 
[H'tit  acte  de  despotisme,  vous  voudrés  bien  ne  vous  en  prendre 
(|u';i  vous  et  n'en  pas  rendre  moins  de  justice  aux  sentiments  avec 
lesquels  je  suis  votre  concitoyen 

de  Sade 

Si  Oiuii,  c-o  T2  voiitosc  :m  .">. 

Siisrrij)lioii  :  Au  citoyen  de  Rovére,  représentant  du  jicuple, 
rue  du  Bacq,  n"  89. 

Je  ne  sais  si  le  ton  comminatoire  de  cette  épitre  fil  im- 
pression sur  Piovère,  ou  si  la  signilicalion  ([ui  lui  lut  laite, 
le  7  germinal,  à  la  requête  du  citoyen  Samhue,  agent  muni- 
cipal de  la  commune  de  La  Coste,  par  Laurent,  ol'licier 
ministériel,  lui  sembla  insui'lisanle.  Le  citoyen  Sambuc 
laisail  connaître  que,  depuis  un  temps  immémorial,  il  était 
dû  à  Tteuvre  des  pauvres  une  pension  annuelle  de  90  livres, 
hyp()thé<(uée  sur  les  biens,  rentes  et  revenus  de  la  seigneurie 
de  La  (loste  et  ([u'il  se  proposait  de  l'aire  enregistrer  les 
titres  de  la  dite  (ruvre  reire  le  conservateur  des  hypotbèques 
d'Api. 

Quoiqu'il  en  soit,  le  8  tloréal,  Rovére  avait  fini  de  payer 
le  prix  de  son  acquisition,  y  compris  les  LiSOO  livres  que 
^L  de  Sade  s'était  engagé  à  lui  restituer  s'il  ne  rapportait 
pas  mainlevée  de  l'opposition  faite  au  nom  des  pauvres  de 
La  Coste. 

Peu  après  le  paiement,  (juclques  difficultés  surgirent 
encore  pour  l'attribution  des  fruits  et  revenus  des  biens 
vendus.  Rovére,  dans  une  lettre  du  24  prairial  an  V,  déclare 
(|u"il  n'entend  plus  être  dupe  de  M.  de  Sade,  qu'il  l'a  été 
assez  longtemps:  «  c'est  l'être  le  plus  vil,  le  plus  abject,  le 
plus  infâme  que  je  connaisse  »,  dit-il  '. 

C'est  sur  ce  jugement  dénué  d'aménité  cpie  se  terminèrent 
les  relations  de  ces  deux  personnages. 

1.  Lavai.,  op.  cil.,  p.  265. 


/Cl  UEVUE    lUSTORIQLi;  DE   LA   KENOLLTION     FRANÇAISE 

M'"''  Rovérc  vendit  la  Maison-Basse  en  1805.  L'acquéreur, 
en  présence  des  inscriptions  ([ui  grevaient  ce  domaine, 
rel'usa  de  verser  le  prix  de  son  acquisition.  Deux  amis 
essayèrent  de  sortir  M"'"  Rovère  de  ses  embarras.  L'un,  ^L 
Aymès,  ancien  protégé  de  Rovère,  était  président  du  tribunal 
de  Carpentras.  L'aut^-e,  ^L  Mersan,  était  un  ex-législateur. 
Celui-ci  fit  le  voyage  de  Paris  au  commencement  de  Tannée 
180().  Il  se  mit  en  rapport  avec  les  ayants  droit  de  ^L  de 
Sade,  avec  M.  de  Sade  lui-même,  détenu  à  Charenton.  Il 
n'arriva  à  aucun  résultat.  M.  de  Sade  répondit  avec  beaucoup 
de  précision  aux  questions  qui  lui  furent  posées.  Il  écrivit 
même  à  ses  enfants  pour  les  engager  à  donner  satisfaction 
à  M""*"  Rovère.  Nous  avons  une  copie  de  cette  lettre,  de  la 
main  de  M.  Mersan. 

lue  lettre  de  M.  .\yinès  à  ce  dernier  donne  ipieliiues 
détails  intéressants  sur  les  conditions  dans  lesquelles  s'était 
opérée  la  vente  de  la  Maison-Basse,  et  sur  l'insuccès  des 
démarches  de  M.  Mersan. 

Pour  terminer,  il  nous  reste  à  parler  d'une  lettre  tle  M. 
Paris  Delaniaury,  ancien  mandataire  de  M""'  Rovère,  et  où 
il  est  question  de  propositions  à  faire  à  M.  de  Sade. 

Quelles  étaient  ces  propositions?  Nous  n'avons  aucune 
pièce  dans  le  dossier  qui  puisse  nous  renseignera  ce  sujet. 
Il  est  probable  que  les  démarches  de  M""'  Rovère  n'aboutirent 
pas  plus  en  1811  qu'en  1806.  Nous  savons  seulement,  par 
la  notice  de  C.ourtet.  que  la  famille  de  Sade  avait  racheté 
la  Maison-Basse. 

CiupoiUras.  '21  lïvilor  l.SlMi. 
Monsieur  l'ex-Iégislalcur, 
.l'iii  élé  plus  qu'intrigué  par  votre  lettre  du  18,  qui,  quoique 
(iiins  les  termes  les  plus  mocicrcs,  je  pourrais  presque  dire  trop 
honnêtes,  annonce  cependant  que  vous  avcs  mal  saisi  ou  mal 
appliqué  quelques  expressions  qui  peuvent  m'avoir  échappé,  en 
écrivant  soit  à  vous,  soit  à  Madame  Rovère.  Klle  est  si  pressée 
par  les   exprès    qu'elle  me  (lêpêehe,  qu'obligé   ilc  répondre  à  la 


UOVÈKE  ET  LE  MAHQIIS  DE  SADE  79 

liàle,  et  souvent  même  chins  un  moment  qui  exige  ma  présence 
ailleurs,  (jue  je  n'ai  pas  le  temps  de  la  réllexiou  et  tle  corriger 
les  termes  qui  peuvent  présenter  un  sens  équivoque,  dont  je  me 
suis  servis,  mais  qui,  dans  tous  les  cas,  vous  sont  moins  appli- 
cables qu'à  tout  autre,  .te  rends  trop  de  justice  à  vos  lumières, 
à  vos  connaissances  et  à  vos  qualités  de  cœur,  pour  penser  et 
moins  encore  pour  écrire,  que  vo"us  puissiés  être  dans  le  cas  de 
quelques  reproches.  Je  puis  être  irréfléchi,  mais-  bien  certaine- 
ment je  ne  suis  pas  injuste,  et  ce  serait  l'être  que  de  ne  pas  croire 
Madame  Rovèrc  heureuse  d'avoir  auprès  d'elle  quelqu'un  qui, 
comme  vous,  est  capable  de  la  bien  diriger. 

Si,  autant  que  je  puis  me  le  rappeler,  j'ai  dit  dans  une  de  mes 
letlres  que  votre  voyage  paraissait  avoir  été  inutile,  c'est  parce 
([u'il  avait  été  déterminé  pour  obtenir  de  Madame  de  Sade  la  ra- 
"tliation  de  ses  inscriptions,  et  qu'elle  s'y  est  refusée,  mais  j'ai  si 
peu  prétendu  vous  donner  des  torts,  ni  que  vous  eussiés  négligé 
les  mov'ens  de  réussir,  qu'instruit  de  la  ténacité  de  cette  femme, 
et  des  prétentions  plus  qu'exorbitantes  de  son  mari,  à  raison  de 
leurs  arrangements  de  famille,  j'avais  pense  d'avance,  et  je  l'ai 
même  écri  deux  ou  trois  fois,  que  vous  n'obtiendriés  rien. 

Je  conviens  cependant  (]ue  ce  voyage  n'a  pas  été  entièrement 
inutile,  par  la  découverte  de  l'emploi  du  prix  de  la  Costc,  mais 
comme  vos  recherches  à  cet  égard  n'étaient  qu'un  motif  secon- 
daire de  votre  voyage',  le  mot  inutile  dont  je  me  suis  servi,  ne 
pouvait  et  ne  devait  s'appliquer  qu'au  motif  princi])al  qui  a  déter- 
miné ce  voyage,  et  vous  devéssi  peu  vous  en  formaliser,  que  je  suis 
convaincu  que  tout  autre  que  vous,  je  n'en  excepte  même  pas  les 
fils  de  Madame  de  Sade,  n'aurait  pas  mieuxobtenu  cette  radiation. 

J'espère  cependant  que,  lorsque  vous  aurés  lu  mon  avis  sur 
les  questions  que  vous  m'avés  proposées,  vous  conviendrés  aussi, 
.  à  votre  tour,  que,  si  ^ladamc  Rovêre  n'agissait  pas  souvent  avec 
trop  de  précipitation  et  si  elle  m'eût  laisse  le  temps  de  bien  con- 
naître son  afl'aire  et  d'en  examiner  les  questions,  j'ai  eu  raison  de 
dire  que  vous  aurics  encore  mieux  utilisé  ce  voyage,  soit  en 
taisant  pendant  votre  séjour,  la  recherche  des  inscriptions  sur 
les  biens  acquis  par  M.  de  Sade,  soit  en  prenant  inscription  sur 
les  mêmes  biens,  au  nom  de  Madame  Rovère,  si  elle  n'a  pas  été 
prise,  soit  en  faisant  les  notifications  que  j'indique,  etc.  Du  reste, 
si  je  me  suis  plaint  de  cette  précipitation,  ce  reproche,  qui  s'a- 
dresse personnellement  à  Madame  Rovère,  ne  peut  pas  vous 
regarder,  et  j'ai  lieu  de  croire,  (p.ie,  dicté  par  l'intérêt  que  je 
prends  à  elle,  il    sera   aisément  ])ardonnè. 


80  BEVli;    lUSTOr.KJUE  DE   LA   nÉVOIATIOX    FRANÇAISE 

Je  n'ai  jamais  été  c'.e  l'avis  de  vendre  la  maison  basse,  je  ne 
sais  trop  pourquoi,  et  moins  encore  ai-je  dirigé  la  marche  et  la 
procédure  de  cette  vente.  Fut-il  cependant  vrai  que  j'y  eusse  pris 
part  et  que  j'y  eusse  même  été  présent,  je  ne  me  croirais  pas 
moins  à  l'abri  de  tous  reproches,  parce  que  j'aurais  été  trompé, 
tout  comme  vous,  M.  Boulard  '  et  Madame  liovère  lavés  été  par 
celui  qui  par  état  connaissait  mieux  la  localité  que  vous,  et  qui 
en  sa  qualité  de  principal  conseil  ou  d'homme  d'afl'aires  de  Ma- 
dame Rovère  devait  nécessairement  vous  inspirer  la  confiance 
que  loin  de  vous  tromper  comme  il  a  l'ait,  il  irait  au  contraire 
au-devant  des  inconvénients  qui  pourraient  résulter  de  cette  vente. 
Si  donc,  dans  pareil  cas,  je  devrais  me  regarder  comme  hors  de 
tous  reproches,  j'espère  que  vous  croirés  aisément,  que  j'ai  tou- 
jours pensé  que  vous  et  M.  Boulard  devés  en  être  à  l'abri. 

J'ai  lieu  de  croire,  Monsieur,  que  ces  explications  me  justi- 
fieront auprès  de  vous,  et  que  vous  resterés  bien  convaincu  que 
personne  ne  vous  rend  plus  de  justice  que  moi,  et  n'a  pour  vous 
des  sentiments  ni  aussi  vifs,  ni  aussi  distingués,  agrées  en  je 
vous  prie  l'assurance. 

J'ai  l'honneur.  Monsieur  l'ex  législateur,  de  vous  saluer. 

Aymé. 

Vous  recevrés  la  réponse  à  vos  questions  et  les  autres  pièces 
y  relatives.  Je  suis  fâché  d'avoir  fait  cette  réponse  en  marge, 
parce  qu'obligé  d'en  resserrer  l'écriture,  vous  aurés  plus  de  peine 
à  la  lire,  si  tant  est  que  vous  puissiés  la  lire. 

.S((.sc;;yj//o;i  :  A  Monsieur,  Monsieur  Mersan,  ex  légisMateur,  à 
Gentilv. 


Co'JO  mars  ISll.. 

Madame, 

J'ai  lu  les  propositions  que  vous  croyez  devoir  faire  à  M.  de 
Sades.  Je  les  envoie,  comme  vous  le  désirez,  à  mon  neveu,  mais 
de  confiance  et  sous  la  condition  de  ne  ])as  s'en  dessaisir  pour 
me  les  remettre  à  la  première  demande. 

Il  me  serait  fort^igréable  (]ue  cette  atïairc  pat  s'arranger  au 
sré  de  vos  désirs  et  d'avoir  trouvé  cette  occasion  de  vous  être  utile. 


UOVKHK  F,T  I.IÎ  MARQUIS  DE  SADE  81 

J'ai  riionncur  clètro  avec  le  plus  respectueux  attachement, 
Madame,  votre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur. 

Paris  Delamaurv. 

Siiscriplion  :  A  Madame,   Madame   Rovère,   à  Paris. 

IViles  sont  les  pièces  de  ce  petit  dossier  (jui  éclairent, 
coninie  on  le  voit,  d"un  jour  assez  curieux,  les  relations  de 
deux  hommes  ijui  ne  semblaient  pas  destinés  à  se  rencontrer. 

L.  Pi:isF.. 


LKTTIîKS  l.Xi^lDITKS 

1)1-; 

MARIE-CAKOLIXE 

RlilXE  I)i:S  DKIX-SICILES 
AU  MARQUIS  D!-:  G  ALLO 

(1789- LSI  Kl) 
{Snilc  I) 


CCLXX 


Ciis.Tli-,  U- as  r.vriiT  1803,  tvS. 

Je  profile  d'un  courrier  (jue  M.  Druinmond  expédie  pour 
vous  écrire  et  annoncer  le  reçu  de  votre  lettre  du  2'.)  janvier 
a\ee  une  i'eiiille  en  ehillVe  p<nir  laquelle  je  vous  remercie 
infiniment.  J'attends  vos  consécutives  nouvelles  avec  le 
plus  vif  empressement  et  ne  jiuis  me  persuader  (pie  cette 
année-ci  sera  aussi  stérile  en  événements  cpie  l'on  croit  et 
que  la  paresse  générale  se  le  persuade. 

Ma  santé  se  soutient  clopin-clopant  et  je  crois  bien  (pie 
je  ne  serai  jamais  \)\us  bien.  Il  l'aul  s'étonner  (pie  je  vis  et 
existe  après  tout  ce  (jue  dans  ma  \  ie  j  ai   soiifl'ert  et' soutire. 

Je  vois  (pie  !a  maladie  de  la  iilijipe  lait  de  tristes  ravages. 
Je  vous  conjure  d'être  bien  altenill  ]i()ur  \()tre  épouse  et 
toute  voire    maison    et  de  vous   en    t;arantii\    el  j'en  attends 

I.N'r.i,-  n,;  •„•  lusU:i;iii:,'  ,1,-   ■',(   /.Vi  ../.•//l'cii    froncis,-   il.' jar.vl.M-Muiis  1011  .-1 


LETTRES    INÉDITES   Di:    MARI  E- C.A  IU)1,IM;  8'â 

;ivcc'  le  plus  vil  et  sincère  iiilérèl  que  vous  méritez  à  tant 
(le  litres  des  nouvelles  qui  me  tranquilliseiil  sur  votre  santé 
et  celle  de  votre  clicre  femme. 

.l'ai  reçu  hier  soir  tard  un  coiiriier  de  Vienne.  C'était 
.lean  (|ue  j'avais  exjiédié.  De  retour  il  esl  parti  le  1.")  lévrier 
de  \'ienne.  On  n'y  était  que  bal.  courses  de  traîneaux,  etc. 
11  y  avait  une  neige  épouvantable  cjue  l'on  ne  se  ressouvient 
la  pareille.  Charles  '  avait  ses  atta(|ues  cpiil  aura  toute  sa^ 
vie  et  on  a  jugé  à  propos  d'apjjeler  à  Vienne  le  célèbre 
Mosmlt  cpii  doit  le  guérir.  Tout  le  monde  est  dans  l'enchan- 
tement. Moi  je  crois  que  c'est  une  oi-donnance  de  l'"asbender  - 
(jui  en  saura  la  raison. 

Le  (iénéral  Mack  est  un  des  premiers  employés  à  Vienne 
et  deviendra  Ins})ecteur  Général  de  l'armée  de  l'Empereur. 
Que  (le  rétlexions  à  faire!  INIais  c'est  le  torrent,  le  malheur, 
et  les  Etats  ne  peuvent  éviter  leur  perle. 

.l'attends  a^■ec  empressement  \()s  premièi'es  nouvel- 
les (juand  nous  aurons  de  nouveau  un  courrier  et  je  lie 
dans  vos  lumières  de  bien  voir,  sentir  et  api)récier  les 
choses,  dans  votre  connaissance  comme  longue  expérience. 
.\dieu,  je  vous  joins  encore  une  liste  de  commissions  que  ce 
(Icriiicr  courrier  peiui  de  Vienne  me  [ail  importuner  à  vous 
écrire. 

Portez-vous  bien,  donnez-moi  de  vos  nou\elles  exacte- 
ment. Mille  compliments  à  votre  chère  épouse  \Hniv  laquelle 
je  vous  inclus  une  lettre  et  croyez-moi,  avec  la  plus  sincère 
estime,  confiance,  reconnaissance  et  véritable  amitié,  \'otre 
bien  attachée. 

^'ient  une  feuille  en  nombre; 

Une  leuille  de  commissions  ; 

Lue  lettre  à  votre  épouse  ; 

Lue  lettre  à  Castelcicala  ; 

In  jjaquet  du  Général  Acton. 


1.  I.\.rcluchu-  Chni-I.'s. 

2.  I.-i,n  (les  homnu-s  de 


84  REVIE   IIISTOlUyUK  DU   LA   RKVOI.ITIOX     l-RANÇAISE 

CCLXXI 

C.ns.Tlc,  U-  1-  mars  ISIKi,  n"  i). 

En  noir.  —  .le  réponds  en  deux  mots  et  en  toute  hàtc  à 
votre  lettre  du  14  lévrier  que  j'ai  reçue  hier  par  le  courrier 
de  Drunimond.  Je  vous  avais  déjà  écrit  par  le  courrier  d'au- 
jourd'hui et  j'avais  envoyé  les  paquets  à  Xaples.  On  me  dit 
(jue  j'ai  encore  quelques  heures  avant  son  départ  et  j'en 
profite  j)our  vous  écrire  encore  ce  i)eu  de  mots.  Je  n'ai  |)as 
encore  reçu  et  par  conséquent  pas  lu  vos  dépêches  de  ser- 
vice. Ma  lettre  sera  donc  lorcénient  fort  courte.  Je  suis  hien 
aise  de  savoir  que  la  grijipe  a  été  bénigne  chez  vous  et 
comme  toujours  je  vous  souhaite  toutes  sortes  de  félicité. 

Adieu,  mandez-moi  tout.  Mille  compliments  à  votre 
é[)ouse  et  croyez-moi  toujours  votre  véritable  et  reconnais- 
sante amie. 

An  citron.  —  Je  profite  de  ce  [)etit  délai  pour  vous  écrire 
encore  ([uelques  mots.  Je  n'ai  pas  encore  lu  vos  dépêches  ; 
mais,  d'aj)rès  ce  (pie  l'on  m'a  dit,  du  coté  de  l'Angleterre  on 
|)araiti:iit  jilus  disposé  à  la  guerre  (|uà  la  paix.  Si  cela  arrive, 
nous  en  serons  certainement  les  victimes.  Kt  celte  idée  me 
désole  surtout  parce  que  j'ai  des  cnlanls,  parce  qu'on  n'a 
jamais  voulu  m'écouter  et  qu'on  n'a  pris  aucune  précaution 
au  point  de  vue  pécuniaire.  Comme  vous  êtes  à  l'endroit 
même  (pii  sous  tous  les  rapports  et  à  tous  les  égards  dicte 
des  lois  à  l'univers,  c'est  de  vous  seul  (pie  j'attends  les  nou- 
velles sûres  et  vraies  ipii  me  désespéreront  ou  me  rendront 
la  tiiuupiillité.  Car  si  la  guerre  recommence  avec  tout  ce  (|ue 
je  vois,  prévois  et  connais  du  dehors  comme  de  l'intérieur, 
je  nous  considère  comme  absolument  perdus.  Je  désirerais 
en  cDusécpieucc  ne  ])oint  me  trouver  ici  et  c'est  ce  que  je  ne 
pourrai  iaire  l'aule  de  ressources.  Enfin  il  faut  subir  son  sort, 
et  le  uiien  ne  m'a  pas  l'air  de  devoir  être   bien  heureux. 

De  Vienne,  les  iellres  me  semblent  indi(pier  malgré 
toutes    les    réticences    ([u'elles    conliennenl    ipie   le    mariage 


I.I-nTRES  INÉDITES  DE  MARIE-CAUOLINK  85 

avt'c  l;i  SnxoniK'  est  en  train  de  se  faire  '.  Mais  le  (iraiid-l)ue 
désire  la  \oir  avant  de  se  décider  et  c'est  |){)ur  cela  ([u'il 
l'era  le  voyage.  Malgré  cela  le  Grand-Duc  et  Manl'redini  me 
comblent  d'amabilités  et  le  premier  surtout  nie  plaisante  ai- 
mablement et  l'amilièrement  à  propos  de  mes  filles.  Nous 
verrons  ce  qui  adviendra.  Mais,  accoutumée  à  toute  espèce 
de  contrariétés  et  de  déboi^res,  je  me  résigne  à  celle  nou- 
velle déception  quelque    pénible   ([uelle  me  soit,  je  l'avoue. 

.l'attends  avec  imi)alience  un  courrier  m'apportanl  de 
vos  nouvelles  claires,  certaines,  détaillées  et  auxquelles  je 
pourrai  me  fier  sachant  que  vous  écrivez  de  main  de  maî- 
tre et  toujours  en  connaissance  de  cause. 

Quant  à  iiioi,  je  me  considère  comme  à  moitié  morte. 
Tout  ce  que  j'ai  vu  et  éprouvé  dans  ma  vie  m'a  rendu  l'exis- 
tence peu  agréable.  .le  me  sens  absolument  seule  dans  ce 
monde  après  avoir  pendant  tant  d'années  travaillé  au  bien 
des  autres,  sans  un  véritable  ami  ou  amie.  Cette  pensée  me 
jieine,  me  navre  et  m'inspire  malgré  tout  de  tristes  ré- 
flexions. 

Le  Roi  se  porte  bien,  grâce  à  Dieu  ;  mais  il  est  dégoûté, 
écœuré  de  tout,  très  sombre,  d'une  économie  sordide  dont 
tous  nous  soutirons. 

Le  Prince  va  bien.  II  soufï're  de  ne  trouver  aucune  res- 
source ni  de  cœur,  ni  d'esprit  dans  son  petit  pâté  de  femme 
et  cherche  à  être  le  plus  possible  hors  de  la  maison.  Avec 
des  formes  et  des  dehors  désagréables,  if  a  du  cœur,  du 
bon  sens  et  un  fond  parfaitement  honnête.  l'^t  si  ses  royau- 
mes lui  restent,  il   sera  à  mon  avis   un  fort  bon  souverain. 

Mes  filles  sont  tout  à  fait  maiheureuses  ici.  Elles  n'ont 
qu'un  désir,  en  partir,  et  prient  Dieu  d'exaucer  leurs  prières. 

Léopold  grandit  et  promet.  Faute  de  ressources,  pré- 
tend-on, je  n'ai  encore  pu  obtenir  ])our  lui  ni  un  gouver- 
neur, ni  des  précepteurs.  Ses  maîtres,  c'i-st  moi  qui  les  paie 
sur  les  économies  (jue  je  fais. 

1.  I'roj,l  cl.-  ninrl.-.gi-  <l.i  gi:iiul-(liic  I-\-idiiu.n<l  <1<-  l'oscaii.',  v.ul  ,!,•  hi  iiiiii- 
cossf  Louise  <l.'s  Dii.x-Sliilrs. 


i>  )  n.ivjs   Hisro  lîiQui;   de  i. a  kévolution  française 

.le  ne  communique  mes  pensées  et  réflexions  à  personne. 
On  ne  me  dit  rien,  et  c'est  mon  expérience  et  la  connais- 
sance que  j'ai  des  gens  et  des  choses  qui  me  les  inspire.  .Te 
souflVe  en  silence  remerciant  Dieu  de  l'âge  auquel  je  suis 
arrivée  et  des  infirmités  que  j'ai  et  ([ui  l'ont  (jue  je  ne  vi- 
vrai plus  longtemps.  Mais  voilà  que  je  retombe  dans  le  noir 
et  comme  je  ne  veux  pas  vous  attrister  davantage  je  ter- 
mine en  vous  priant  de  tout  me  mander  et  en  vous  assurant 
de  mon  estime,  confiance  et  reconnaissance. 

Brûlez,  je  vous  prie,  ma  lettre.  Croyez  (jue  ce  n'est  pas 
à  l'ambassadeui',    mais  à  mon  vieil  ami    Gallo   que    j'écris. 

Excusez-moi  auprès  de  votre  épouse  à  laquelle  le  man- 
que de  temps  ne  nie  permet  pas  d'écrire.  Ce  sera  pour  une 
autre  fois.  Donnez-moi  toutes  les  nouvelles  que  vous  avez, 
(comptez  toujours  sur  ma  sincérité  et  mon  amitié  et  croyez- 
moi  jusqu'au  tombeau  votre  véritable  et  reconnaissante 
amie. 

CCLXXII 

CasiTl,-.  le  .■ÎÛ  mars  18C3. 

.l'ai  trouvé  et  examiné  le  c()m[)te  du  banquier  Récamier 
relatif  au  payement  (jne  vous  lui  avez  fait  de  la  lettre  de 
change  de  4.000  lires  qui,  avec  les  intérêts  courus  du  mo- 
ment où  elle  a  été  tirée  jusqu'à  ce  jour,  s'élève  à  la  somme 
de  Ô.0I2  lires  l.'î.  Il  me  semble  vous  avoir  dit  que  cette 
somme  devait  être  imjtiitée  à  la  Cour,  j)iiis(]ue  les  4.000 
lires  furent  payées  par  Récamier  à  Don  Antonio  Caracciolo 
comme  à  com[)te  sur  ce  cpii  lui  était  dû.  Resté  alors  à  Paris 
eoninie  chargé  d'affaires,  par  onlre  du  Roi,  lors  du  départ 
(in  commandeur  Ruffo,  on  décida  de  continuer  son  traite- 
ment ■>.  Caiaeciolo  et  de  rt'ndre  Rulfo  responsable  de  cette 
lettre  de  cliange  qu'on  lui  lit  signer  et  cpiil  tira  sur  vous 
(pii  elle/  nhiis  ministre  des  .\lfaires  étrangères.  Apres  tant 
(le  teni])s  il  m'a  seud)lé  convenable  de  régler  cette  dette  de 
la  Cmn-  et  d'en  décharger  Rulfo.  Mais  il  est,  d'autre  part, 
non  moins  juste  de  me  rembourser  cette    avance   et  je  vous 


LETTRES   lNÉniTi:S    DE   MARIF.-CAROI.INF.  iS? 

invile  CM!  conséquence  à  i;i  ]i;isser  ;u)  compte  de  la  C.our 
(puisijue  c'est  évidcnuiient  une  tlette  qui  lui  incombe)  et  à 
l'aire  ligurer  les  5.042  lires  Ki  en  (juestion  soit  dans  le 
compte  des  dépenses  ordinaires,  soit  dans  tout  autre  compte 
qu'il  vous  sera  facile  de  juslilier  par  les  demandes  de  paye- 
ment laites  par  Récamier  el  par  l'origine  et  les  causes 
mêmes  de  cette  dette.  Vous  créililerez  par  conséquent  mon 
compte  de  la  somme  île  5.042  lires  13  (jui  rétablira  en  entier 
la  somme  de  8.400  francs  cjuc  je  vous  avais  envoyée  pour 
être  portée  à  mon  compte. 

Mon  paquet  étant  déjà  fermé,  je  ne  veux  plus  l'ouvrir.  .le 
me  contente  donc  de  vous  prier  de  faire  pour  mon  compte 
plusieurs  petites  emplettes,  mais  de  celles  qu'il  vous  sera 
possible  de  m'envoyer  par  le  courrier,  s'élevant  à  mille  du- 
cats chacune,  que  je  voudrais  avoir  au  mois  de  mai  sans 
préjudice  des  autres  commissions  que  je  vous  ai  déjà  don- 
nées. J'ai  besoin  de  ces  deux  commissions  pour  le  6  juin  à 
Vienne  et  pour  le  13  en  Espagne.  Je  m'en  remets  à  votre 
bon  goût. 

Excusez-moi,  mais  n'oubliez  pas  les  gants  dont  j'envoie 
le  modèle  à  votre  femme.  Je  vous  prie  aussi  de  me  procu- 
rer quekjues  livres   nouveaux. 

Dieu    veuille   que   vous    puissiez  me   donner   de   bonnes 

nouvelles  ;    et    croyez-moi    votre    reconnaissante  et  véritable 

amie. 

C.aromm:. 

CCLXXIII 

(Jommistiions 

Une  pièce  de  mousseline  Une,  une    très  claire. 
Du  coton  à  broder  noir,  une  douzaine  de  bobines. 
De  la  blonde  pour  faire  une  garniture  d'habits. 
Un  carton  de  soie  à  broder  |)lat. 
Un  autre  de  coton  de  couleurs. 

Un  carton  de  lames  d'or  et  d'argent  avec  des  aiguilles 
pour  broder. 


8S  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA    RKVOI.UTION    l'RAXÇAlSE 

Df  Ijoaiix  oignons,  des  fleurs  ou  des  semences  larespour 
le  jardinage. 

Livres 

La  Jinirnée  du  chrctien  sanctifuc  par  la  prière  et  la  médi- 
lalion,  an  177'2  (deux  éditions). 

Exercice  de  l'âme  pour  se  préparer  au  sacrement  de  péni- 
tence. 

Eucharistie,  par  Clément  IWbhé. 

Prières  et  Instructions,    par  Père  Saradou. 

Romans 

Delphine,  de  Mme  de  Staël. 

Les  ouvrages  et  romans  de  Mme  deCieniis. 

Livres  des  temps  et  nous. 

Romans  nouveaux,  mais  bien  écrits. 

Deux  l'euilles  en  chiffre. 

Deux  en  numéro. 

Une  lettre  à  la  marjjuisc  votre  l'emme. 

Une  feuille  de  commissions. 

Vnc  feuille  avec  la  recette  ex])liquant  la  façon  dont  il  faut 
se  servir  de  cette  eau. 

La  copie  de  la  lettre  par  moi  écrite,  ainsi  ([ue  la  réponse 
à  présent  reçue  du  Premier  Consul. 

Deux  lettres  pour  Auguste    l'alleyrand  de  ses  parents. 

Une  lettre  pour  Le  Havre. 

Une  pour  Versailles. 

,]e  vous  recommande  de  les  faire  ]iarvenir  par  voie  sûre, 
car  elles  viennent  d  un  lioniiéte  et  brave  homme  cpii  m'en 
fait  la  recommandation. 

Vous  me  ferez  savoir  si  elles  seront  parvenues  à  K'ur 
adresse. 

CAimmissinns 

.I"envoie  des  cheveux  du  Hoi  et  veux  l'aire  faire  pour  Thé- 
rèse à  Vienne,  pour  le  15  octobre,  c'est-à-dire  qu'il  faut  que 
cela   soit  à  Naples  à  la  moitié  de  septembre,  quelque  chose 


I.I:TTHES  INÛDITES  UE  M AHIE-r.AHOLINF.  89 

dV'légaiil,  seiiliiiit'iiUil,  soit  bracelet  on  bien  une  autre  ebose 
de  votre  bon  goût  et  cboix  avec  diamants  ou  perles.  Le  prix, 
il   ne  doit  pas  surpasser  les  2.000  ducats  de  notre  monnaie. 

Je  vous  envoie  aussi  une  petite  boucle  de  la  couleur  de 
mes  cbeveux.  Je  désirerais  des  petites  choses  comme  pour 
homme,  mais  sans  diamant  ni  perles,  des  choses  senti- 
mentales, attachements,  ayant  iils,  beau-fds,  neveux  de  tou- 
tes les  qualités  à  iienser,  aussi  quel([ue  cachet  sentimental. 
Enfin,  je  fie  dans  votre  bon  goût  et  celui  de  votre  aimable 
épouse. 

Quel([ues  livres  nouveaux  comme  ceux  cpii  parlent  des 
affaires  du  temps  ou  romans  à  la  mode,  voyage  nouveau. 

Quekiues  jietits  bonnets,  chemisettes,  négligé  de  peu  de 
valeur  par  économie. 

CCLXXIV 

l'nrtici,  U-  -21  m\  lil  ISd.'i,  n"  14. 

Je  m'empresse  de  répondre  en  toute  hâte  et  presque  de 
suite  à  votre  aimable  lettre  en  même  temps  qu'à  votre  in- 
téressante expédition  du  VA  avril.  Fidèle  à  ma  résolution 
de  ne  vouloir  plus  ni  m'occupcr,  ni  parler  d'atfaires  aussi 
délicates,  je  m'en  remets  entièrement  à  ce  que  le  Ministre 
vous  écrira  au  nom  du  Roi  et  me  borne  à  faire  les  vœux  les 
plus  sincères  pour  que  la  paix  ne  soit  pas  troublée  ou  au 
moins  pour  cpielie  dure  le  plus  longtemps  possible.  Son 
maintien  seul  nous  donnera  la  possibilité  de  remettre  un 
peu  d'ordre  dans  nos  affaires  qui  ont  eu  tant  à  soulfrir  des 
événements.  Vous  pouvez  donc  vous  imaginer  avec  ([uelle 
anxiété  j'attends  une  décision  si  importante  pour  nous.  Je 
crois  et  suis  convaincue  que  le  Roi  doit  et  ne  peut  cjue  res- 
ter neutre  et  j'espère  que  ses  ministres  et  lui  sont  de  cet 
avis  et  sont  bien  décidés  à  suivre  cette  ligne  de  conduite.  Je 
ne  me  dissimule  pas,  croyez  le  bien,  les  peines  infinies  et 
les  déboires  qui  l'attendent.  Mais  tel  est  son  devoir,  et  c'est 
là  le  seul  parti  que  d'impérieuses  et  tristes  circonstances 
l'obligent  de  prendre.  S'il   doit  en   être    la  victime,  l'Europe 


9U  KEVUE  IIlSTOrSIQLE  DE    LA    HKVOI.ITION    FRANÇAISE 

entii're  ne  verra  en  cela  (juiin  cou])  d'injustice  et  de  violen- 
ce ;  mais  elle  lui  rendra  justice  et  reconnaîtra  qu'il  n'a  pas 
agi  avec  l'égoïsme  dont  on  a  vu  tant  d'exemples  dans  ces 
derniers  temps,  même  sur  les  trônes  les  plus  élevés. 

Mais,  en  voilà  assez  sur  un  sujet  qui  m'amène  à  parler 
politicjue,  ce  que  je  tiens  à  éviter  parce  que  je  n'en  suis 
point  cai)able,  (juc  je  ne  veux  pas  que  mes  lettres  puissent 
en  rien  contrarier  les  plans  arrêtés  et  enfin  paixe  que  je 
veux  rester  dans  l'ombre.  Je  désire  le  bien,  la  paix,  la  tran- 
quillité et  c'est  ce  que  je  demande  à  Dieu.  Je  ne  dis  que  la 
vérité  ;  du  moins,  je  crois  qu'en  ce  moment,  en  dépit  de 
toutes  les  violences  et  de  tout  le  bruit  qu'on  fait,  la  puis- 
sance qui  ne  fait  en  général  (jue  ce  que  bon  lui  semble,  ne 
m'a  pas  celte  fois  l'air  de  vouloir  pousser  les  choses  à  l'ex- 
trême, soit  parce  que  le  morceau  lui  paraît. bien  gros  ou 
bien  parce  qu'on  veut  d'abord  avoir  consolidé  l'organisation 
intérieure  du  pays,  peut-être  aussi  parce  cjue  l'Angleterre 
n'osera  prendre  sur  elle  à  ses  propres  yeux,  aux  yeux  de  son 
peuple,  en  face  de  toute  l'Europe,  la  responsabilité  d'une 
pareille  guerre.  Et  c'est  pour  cela  que  je  me  flatte  (jue  cela 
n'arrivera  pas.  Mais  ce  ijui  n'aura  pas  lieu  à  présent,  arri- 
vera fatalement  un  jour  entre  les  deux  grandes  rivales  et  lors 
de  celte  rupture,  nous  serons  dans  le  même  état,  peut-être 
même  encore  en  plus  mauvaise  situation,  selon  le  caprice 
de  Celui  qui  doit  gouverner  la  France,  et  en  raison  même 
tles  principes  politiques  qu'il  lui  plaira  d'adopter.  Tout  cela, 
je  le  vois,  le  prévois,  le  sens  bien  mieux  que  je  ne  puis  l'ex- 
primer. Tout  ce  que  je  vois  et  apprends  dans  mon  isolement 
contribue  à  augmenter  mes  craintes  et  ma  tristesse  et  me 
lait  entrevoir  sans  amertume  la  fin  d'une  vie  pendant  la- 
([uelle  je  n'ai  jamais  été  bonne  à  grand  chose  cl  pendant  la- 
(|uelle,  malgré  la  meilleure  volonté  du  monde,  je  n'aurai  été 
d'aucune  utilité.  Ne  voulant  pas  vous  assommer  par  mes 
jérémiades,  je  passe  à   autre  chose. 

Nous  sommes  toujours  à  Portici.  Ma  santé  a  des  haut  et 
des  bas.  Mais  je  ne  nie  [lorle  ])as  bien.  (Irài-e  à    Dieu  le  reste 


i.F.Ti'UHs  iNi;i)iTi;s  nie  mahiic-cakomne 


91 


(le  la  rainille  va  loiil  à  l'ail  bien  et  l'ail  de  Ioniques  el  rré([uenles 
promenades.  Le  temps  est  tout  à  l'ail  beau,  trop  beau  même 
puisijue  dans  les  Fouilles  el  dans  piescjue  tout  le  reste  des 
deux  Royaumes  on  demande  à  grands  cris  la  p'.uie.  Plus 
(jue  jamais  on  supplie  le  C.iel  de  nous  donner  une  bonne 
récolte  ;  car  la  misère  est  extrême  partout.  La  famine  a 
amené  une  épidémie  (jui  a  l'ail  de  nombreuses  victimes  en 
Sicile.  Il  semble  que  le  (^iel  veuille  nous  châtier  de  toutes 
les  façons.  Si,  par-dessus  le  marché,  il  nous  faut  paj'er  les 
frais  et  supporter  les  conséquences  de  la  guerre  entre  les 
tieux  Puissances,  ce  sera  le  comble  de  nos  malheurs. 

Je  vous  dois  mille  remerciements  pour  la  peine  que  vous 
vous  donnez  pour  mes  commissions  ;  mais  comme  il  s'agit 
d'objets  pour  les  femmes,  j'ose  écrire  en  détail  à  votre 
épouse  qui  voudra  bien  en  prendre  soin.  Je  vous  remercie 
infiniment  des  livres  (jue  j'attends  de  Marseille.  Comme  je 
suis  en  train  d'arranger  la  Bibliothèque  et  d'en  faire  le 
catalogue,  je  suspends  pour  un  temps  ce  genre  d'acquisi- 
tions afin  de  voir  d'abord  ce  que  j'ai  déjà.  Je  vous  écrirai 
ensuite  directement  au  sujet  des  livres  qui  paraissent  ac- 
tuellement el  ont  trait  aux  alfaires  actuelles.  Il  y  a  tant  de 
vies  du  feu  Hoi,  d'Orléans,  de  Mme  Elisabeth,  de  Penfhiè- 
vre,  etc.,  etc.  Je  n'en  ai  vu  aucune  de  feu  la  malheureuse 
Reine.  Je  me  figure  que  votre  délicatesse  vous  a  empêché 
de  m'en  envoyer.  Mais,  je  vous  en  prie,  quels  que  soient 
ces  livres,  n'hésitez  pas  à  me  les  envoyer.  Je  veux  et  peux 
tout  lire,  étant  aguerrie  sur  ce  rapi)()rl.  Pour  le  moment, 
je  m'en  tiendrai  aux  livres  (jui  ont  exclusivement  trait  aux 
événements,  aux  personnages  du  temps  présent  et  qui  peu- 
vent m'ètre  utiles  quand  j'aurai  à  en  parler  avec  quelqu'un. 

Quant  à  l'affaire  Rutïo,  je  lui  en  parlerai  et  je  suis  sûre 
qu'il  fera  la  chose  avec  sa  prudence  habituelle  de  peur  de 
tomber  dans  la  vivacité  (|ui  a  son  bon  côté  parfois,  mais 
qui  ne  pourrait  (]ue  nuire  |)our  le  moment. 

Vous  pouvez  croire  avec  (|uelle  anxiété  el  quelle  impa- 
tience j'attends  vos    prochaines  lettres.  Croyez-moi  toujours 


92  i*Evri-;  iiisTomniK  de  i..\  rkvoi.ltion   française 

avec  mon  estiim-  t-t  ma  coiifiance  en  tonl  ce  que  vous  i'ercz 

pour  nous,  volic   éleiiu'llf  icconnaissaiilc  et  vcrilahli-  amie, 

C.Aiioi.iM:. 
Une  lettre  en  eliinVe. 

Une  lettre  à  votre  épouse. 
Une  à  Talleyrand. 

Une  à  Mme  Sal])e\vick  '  dont  j'ai  été  priée. 
Je  vous  les  recommande  toutes  et  désire   hienlôl  de  vos 
bonnes  et  heureuses  nou\elies. 

CCLXXV 

X:ipl.s.   Ir    1;î  juin    lS(Ki.    ii     17. 

A])rès  vous  avoir  aeeusé  réception  de  voire  lellre  du 
.')1  mai  -  ,  il  ne  me  restera  ])lus  qu'à  vous  diro  la  douit-ur  que 
m'a  causée  l'invasion  du  royaume,  douleur  d'autant  plus 
grande  que  cet  acte  constitue  une  violation  llagrante  du 
droit  des  gens,  de  toutes  les  condilions  de  notre  paix,  à 
commencer  par  la  neutralité.  Le  droit  du  jilus  fort,  voilà 
la  seule  explication  de  seniblahles  mesures  de  violence  ? 
Ajoutez  à  tout  cela  notre  total  aj)pauvrissement,  consécjuence 
d'abord  de  la  première  invasion  et  de  la  paix  onéreuse  qu'on 
nous  a  imposée,  puis  de  la  deuxième  visite  que  les  Français 
nous  ont  laite  et  des  mauvaises  récoltes  qui  nous  ont  obli- 
gés à  acheter  au  ilehors,  à  des  prix  extrêmement  élevés,  tout 
ce  qu'il  l'allait  pour  essayer  d'empcclier  nos  sujets  bien- 
aimés  (dont  beaucoup  ont  péri  malgré  cela)  de  mourir  de 
faim,  les  largesses  du  Roi.  les  remises  qu'il  a  faites,  les 
troubles  qui  ont  éclaté,  tout  cela  a  bouleversé  nos  finan- 
ces au  point  que  nous  sommes  absolument  sans  ressour- 
ces, sans  argent,  sans  denrées,  sans  vivres.  Et  c'est  à  un 
|)areil  moment  ipie  se  produit  la  demande  impérali\e, 
despoli([ue,    n'ayant   daulre    raison    d'être   cpie    le    droit   ilu 


1.  Doil.i-tic-  Im   ,•,.ml<■s^,■  ,1,-  Sali).Tvii-li. 

■2.  Xolf  <lo  (;;illii  :ui  miîiisln-  il.'s    liflatlons  .xliTicuiH-s.  Paris,  mardi 
.•iO  mai  lS(i;i. 


I.r.TlliES   INÉDITES   DE   MARIE-CAROLINE  93 

l)lus  Inrl.  lavis  de  It-nvoi  dans  le  royaume  de   15.(101)   lioni- 
mcs   aux  besoins    des()uels  nous  aurons  à  subvenir '. 

Où  est  donc  la  justice,  quand  dépareilles  choses  peuvent 
arriver  ?  Je  lignore,  mais  j'en  ressens  tout  le  mal  et  je  me 
reprends  toujours  à  en  parler,  bien  (jue  je  sois  pourtant 
décidée  à  ne  [)lus  me  mêler  de  politicpie,  à  laisser  les  événe- 
ments suivre  leur  cours  et  à  attendre  mon  sort  dans  le 
silence  de  la  douleur  et  du  désespoir.  Le  Roi  est  l'urieux  de 
cette  situation  qu'il  n'a  réellement  pas  méritée. 

J'ai  hâte  d'avoir  de  vos  nouvelles.  Quant  à  ce  (jui  est  de 
ma  santé,  vous  pou\ez  aisément  vous  figurer  ce  qu'elle  peut 
être. 

Mes  compliments  à  votre  épouse.  Quant  à  la  Riario  -  ,  je 
n'ai  ni  le  temps,  ni  la  possibilité,  ni  l'humeur  qu'il  faut  pour 
lui  écrire. 

Adieu,  donnez-moi  au  plus  vite  des  nou\elles  et  croyez- 
moi  votre  vraie  et  reconnaissante  amie. 

Caroline. 

Vient  une  feuille  en  chiffre. 

Une  lettre  pour  Talleyrand. 

Il  y  a  aujourd'hui  cin([  ans  que  le  brave  cardinal  Rufl'o 
faisait  sa  glorieuse  entrée  à  Xaples,  el  c'est  aujourtl'hui  (pie, 
violant  la  paix,  les  Français  occupent  Pescara.  Quelk's  tristes 
et  désolantes  réflexions  à  faire  ! 

CCLXXVI 

XapUs,  18  juin   ISOU,  m"  17. 

Je  vous  écris  très  peu  de  lignes,  cette  exijédition  ayant  été 
en  très  peu  de  moments  décidée  pour  vous  par  les  lettres  par 
nous  écrites  de  conjurer  l'orage  qui  menace  de  nous  détruire 
et  nous  détruira.  Trop  de  choses  seraient  à  dire  sur  ce  qui 
nous  arrive  et  tout  en  vain.  Car  c'est  le  droit  du  plus  fort 
sur  le  plus  faible  et  c'est  pour  cela  que  je  me  tais. 

1.  Cf.  le  ministre  dr  la  (iuerri-  nu  général  (iouvion-Snint-C.vr.  Instiuctions 
du  3  prairial  un  XI  Cili  mai  1X03). 

2.  Jeanne  di  Somma,  des  princes  de  Colle,  née  li'  •_'!  novembre  174(1,  mariée 
le  17  juillet  17G3  au  due  Kiario-Sforza,  morte   en  l.SllI. 


94  REVUE   HISTORIylE   DE    LA    lîHVOl.UTION     FRANÇAISE 

Ma  santé  souffre  cTiK'Ik'incnt  untre  li's  inc[uiéliuit's  de 
toutes  espèces  et  couleurs  et  une  chaleur  affreuse. 

Mes  chers  enfants  se  portent  bien.  La  récolte  a  réussi. 
Mais  la  satisfaction,  (|ue  cela  nous  aurait  causée  après  tant 
(le  misères,  est  diminuée  puisque  Cela  sera  dévoré,  englouti 
et  que  peut-être,  je  le  crains  toujours,  nous  n'en  jouirons 
nullement. 

Adieu,  je  désire  l)icntot  avoir  de  votre  coté  îles  nouvel- 
les plus  consolantes. 

Faites  mes  comi)iimenls  à  voire  chère  épouse.  Je  n'ai 
ni  temps,  ni  cœur  à  écrire  à  personne.  Adieu,  croyez-moi, 
heureuse  ou  malheureuse,  détruite  o.u  existante,  toujours 
votre  sincère  et  reconnaissante  amie. 

Une  lettre  des  Talerand  pour  leur  (ils. 

CCLXXVII 

.T'ai  reçu  votre  expédition  du  23  juillet  avec  tout  rinférèl 
et  la  reconnaissanci>  (jne  méritent  vos  services  lidèles  et 
dévoués,  mais  aussi  avec  la  [iroionde  douleur  (jue  mont 
causée  l'injuste  obstination  du  Premier  (Consul  et  sa  résolu- 
tion de  vouloir  en  dépit  de  loul  tlroit  et  de  toute  justice 
continuer  à  tenir  des  troupes  (ians  nos  Etats  aussi  longtemps 
que  les  Anglais  garderont  Malte.  Sans  qu'elle  soit  justifiée, 
sous  aucun  rapjiort,  une  telle  violence  nous  cause  de  grands 
dommages  et  nepeutcjue  nous  exaspérer  contre  de  si  indignes 
oppresseurs  ! 

L'Europe  tout  entière  devrait  être  scandalisée  de  voir 
comme  on  agit  contre  tout  droit  et  toute  justice  à  1  égard 
liune  puissance  (jui  ne  veut,  ni  ne  peut  faire  du  mal  à  per- 
sonne. En  agissant  de  la  sorte,  les  Français,  sans  faire  le 
moindre  tort  aux  Anglais,  n'en  font  au  contraire  qu'à  nous 
seuls.  Une  pareille  obstination  devient  incompréhensible  à 
tous  les  ])()ints  de  \  ui\  à  moins  (|uon  ne  soit  en  train  de 
nouriir  d'tuitresprojels.  île  niédiler(|uclques  grosses  trahisons, 
doi'l  nous  serons  les  innoi'entes  victimes  V   l'our  mon  compte 


LETTRES   INÉDITES  DE  M  ARIE-CAHOEIN  E  !)5 

à  moi,  cela  ne  me  cause  aucune  peine  ni  aucun  désagrément; 
tout  cela  ne  m'accable  cju'à  cause  de  ma  i'amille.  Je  ne  veux 
ni  me  mêler  de  rien,  ni  vous  parler  polilicpie,  sachant  déjà 
(jue  le  ministre  vous  écrit  longuement  à  ce  sujet,  par  ordre 
du  lioi,  et  comme  je  ne  puis  que  m'y  conl'ormer.  étant  du 
même  avis  que  lui,  je  m'en  remets  à  tout  ce  (|ue  le  ministre 
aura  à  vous  écrire  par  ordre  du  Roi. 

Ma  santé  se  ressent  des  horribles  chaleurs  de  cette  année 
([ui  m'accablent;  c'est  la  première  fois  ([ue  je  prends  des 
bains  de  mer  qui  mefortilient  et  l'ont  du  bien  à  mon  estomac. 
Mes  chers  enfants  vont  i)ien,  grâce  à  Dieu  !  Le  Roi  aussi  va 
beaucoup  mieux  !  Il  n'est  plus  en  proie  à  cette  sombre  hypo- 
condrie qui  le  tracassait,  il  y  a  un  mois  !  Il  est  presque  tou- 
jours à  Naples,  il  y  fréquente  les  théâtres  et  a  fini  par  retrouver 
son  humeur  accoutumée  ! 

Nous  avons,  cette  année-ci,  une  récolte  extraordinaire  et 
une  énorme  quantité  de  céréales  ainsi  cpie  de  vins  et  de  fruits. 
Ce  malheureux  royaume  aurait  pu  se  remettre,  si  cette  mal- 
heureuse invasion  n'était  venue  tout  dévorer,  tout  entraver, 
tout  bouleverser  !  C'est  une  juste  et  grande  vérité. 

Il  ne  nous  reste  plus  qu'à  attendre  la  réponse  du  Premier 
(Consul  et  dont  je  n'espère  rien  d'agréable.  Il  faudra  voir 
ensuite  ce  qu'il  en  sera  de  ce  vaste  et  immense  projet  de  la 
descente.  .le  serais  portée  à  croire  qu'un  tel  projel  ne  se  réali- 
sera pas  et  n'a  aucune  chance  de  réussir,  si  je  n'avais  eu 
déjà  lieu  de  constater  la  fortune  extraordinaire  et  le  con- 
cours inouï  de  circonstances  qui  favorisent  toujours  le 
Premier  Consul.  C'est  de  cet  événement  (jue  doit  dépendre 
la  liberté  ou  l'asservissement  de  l'E^urope  entière  qui  a 
commencé  par  briser  les  freins  de  la  Pieligion  ainsi  que  les 
liens  de  l'honneur  dans  l'espoir  de  concpiérir  une  liberté 
imaginaire,  et  qui  a  dû  ainsi  finir  par  se  soumettre,  hommes, 
nations  et  souverains,  à  ce  Corse  aussi  habile  et  courageux 
que  fortuné  et  prévoyant.  Voilà  les  réflexions  douloureuses 
que  je  ne  cesse  de  faire,  parmi  tant  d'autres  ! 

Je  verrai  avec  grand  plaisir  les   comj)les    que  vous    me 


96  lîKVLE  IIISTOHIQLE  DE    LA   RÉVOLIIION     FRANÇAISE 

pioincltez  et  je  suis  déjà  contente  dapprendre  t[ue  tout  a  été 
réglé,  ce  dont  je  vous  remercie  infiniment.  Les  temps  peu 
l'avorables  ne  me  permettent  guère  de  vous  accabler  de 
commissions,  ni  vous,  ni  votre  femme,  et  je  vous  demanderai 
seulement  de  menvoyer  quelques  nouveaux  romans  qui 
viennent  de   paraitre. 

Je  nai  pas  lu  le  roman  intitulé  Delphine  de  M™"  de  Staël: 
je  vous  prie  donc  de  me  l'envoyer  avec  ce  que  M™'  de  Genlis 
aura  fait  de  nouveau,  ainsi  que  des  romans  d'actualité,  s'ils 
sont  bien  écrits,  et  des  romans  clievaleresques  pourvu  qu'ils 
soient  curieux.  Quant  aux  livres,  vies  ou  mémoires  des 
lionimes  de  notre  épotjue,  tout  cela  m'intéresse  beaucoup 
dans  l'isolement  et  la  retraite  où  je  vis. 

Mon  plus  vif  désir  est  celui  de  bien  établir  mes 
tilles.  Le  Grand-Duc  ne  m'a  pas  du  tout  l'air  d'aller  de 
l'avant  avec  la  Saxonne.  Mais  on  lui  a  mis  en  tête  des 
scrupules  pour  l'empèclier  d'épouser  une  sœur  de  sa  pre- 
mière femme. 

Le  Palatin,  ainsi  que  le  fds  de  mon  frère,  seraient  des 
partis  sortables,  mais  tout  cela  exige  des  appuis,  de  l'argent, 
des  frais  et  tout  cela  me  mancpie. 

L'honnête,  mais  froid  Rutfo  est  parti  le  3  de  ce  mois  sur 
une  frégate  américaine  pour  Livourne.  Nous  ne  savons 
encore  s'il  y  est  arrivé,  ni  quand  il  sera  à  Vienne  pour 
veiller  sur  mes  intérêts  que  j'ai  tant  à  cœur,  d'autant  plus 
que  je  suis  convaincue  que  ma  vie  ne  sera  ])as  longue  et 
comme  ces  royaumes  n'auront  i^lus  de  tranquillité,  je  n'en  ai 
([u'un  plus  vif  désir  d'établir  mes  filles. 

.le  vous  envoie  de  cette  eau  que  vous  m'avez  demandée 
et  je  désire  que  votre  femme  s'en  trouve  bien.  Je  vous 
envoie  également  la  recette  de  celle  dont  je  me  suis  ser\'ie  à 
ma  grande  satisfaction.  Adieu,  je  m'abstiens  de  vous  recom- 
mander nos  affaires,  je  suis  trop  sûre  de  votre  zèle  et  de 
votre  attention.  Ne  nous  laissez  pas  mancjuer  de  vos 
nouvelles  dans  ces  moments  crititjues.  Vous  pouvez  vous 
imaijiner  combien  nous  les  désirons.  Je  me  fie  entièrement 


LRTTRKS   INÉDITES   DK  MARIK-CAROLIXE  97 

à  votre    zèle    et   croyez-moi  avec    une    vraie  reconnaissance 
votre   fidèle  amie. 

(.AROLINE. 
Naplcs,  14  août. 

J'étais  sur  le  point  de  fermer  ce  pli  lorsque  Padull  est 
arrivé  avec  vos  dépêches,  ce  qui  retarde  d'un  jour  l'expédition 
et  me  donne  la  possibilité  de  vous  écrire  de  nouveau.  Tout 
ce  que  vous  me  demandez  contribue  à  me  rassurer  et  je  suis 
surtout  fort  heureuse  de  voir  que  le  Premier  Consul, 
impressionné  à  juste  titre  par  notre  triste  situation  et  par 
l'intérêt  que  nous  porte  la  Russie,  s'est  décidé,  ce  qui  résulte 
de  vos  lettres,  à  renoncer  à  nous  faire  supporter  tout  le 
poids  de  l'entretien  des  troupes  qu'il  a  jugé  bon  de  mettre, 
malgré  notre  neutralité  absolue,  en  garnison  chez  nous.  Nous 
continuerons  donc  à  les  fournir  de  vivres,  mais  de  son  côté 
il  nous  promet  formellement  de  nous  rembourser  les 
dépenses  lors  du  règlement  final  des  conijjtes. 

Je  vous  envoie  la  lettre  que  j'ai  eu  l'honneur  de  recevoir 
du  Corse  '  et  j'en  fais  autant  pour  celle  que  je  lui  ai  écrite. 
Il  m'estime  digne  de  sa  confiance  sans  réserve  et  me  fait  la 
confidence  à  moi,  la  femme  du  Roi,  que  mon  mari  ne 
gouverne  ni  par  sa  volonté  ni  par  ses  principes,  mais  par 
ceux  de  son  ministre. 

Au  milieu  de  son  faste  et  de  sa  gloire,  il  a  tout  simple- 
ment oublié  que  le  Piémont,  la  Toscane,  les  Etats  de  Mo- 
dène  ainsi  que  ceux  du  Pape,  voire  aussi  l'Allemagne,  la 
Suisse  et  la  Hollande,  tous  pays  n'ayant  pas  de  ministres 
anglais,  ont  été  exposés  à  être  mangés  par  lui.  Il  me  i)er- 
mettra  donc  de  douter  de  l'exactitude  de  son  assertion.  Il  y 
aurait  lieu  de  répondre  point  par  poi'nt  et  avec  chance  de 
succès  à  la  paperasse  que  Napoléon  a  bien  voulu  nous  com- 
muniquer dans  sa  sagesse. 

Comme  il  ne  s'agit  de  sa  part  que  d'une  réponse,  j'aime 
encore  mieux  ne  pas  l'incommoder  à  ce   sujet  et  ne  point 

1.  Cr.  Correspondance  de  Napoléon,  t.    VII,   6951. 

'  r.\.   H.il.  [Pli  LA  REVOL.  T 


98  REVUE    HISTORIQUE    DE    LA   nÉVOLUTION   FRANÇAISE 

le  distraire  des  vastes  projets  (|ui  occii[)ent  son  petit  corps 
doué  d'un  grand  cerveau  pour  le  inalheurdu  genre  humain. 
Mais  suffit.  Ce  serait  folie  de  vouloir  lutter  contre  plus 
fort  que  soi  !  Puisque  le  Bon  Dieu  a  permis  que  ce  Corse, 
sorti  on  ne  sait  d'où,  dicte  la  loi  à  tous  les  souverains 
d'Europe,  nous  allons  voir  si  la  fameuse  descente  lui  réus- 
sira !  L'entreprise  me  semble  bien  difficile;  mais  il  a  une 
telle  chance  dans  tout  ce  qu'il  entreprend  qu'il  est  capable 
d'y  réussir. 

Tout  dépend  de  cela  !  Le  voilà  donc  en  passe  de  deve- 
nir le  Maître  du  monde  entier,  à  moins  qu'il  ne  soit  forcé 
de  rentrer  dans  la  catégorie  des  simples  mortels.  Nul  ne 
saurait  prévoir  ce  qui  adviendra.  Chacun  se  contente  de 
former  des  vœux  selon  ses  sentiments  et  d'adresser  des 
prières  au  Ciel  ! 

Adieu  !  Je  voudrais  ne  jamais  cesser  de  vous  écrire, 
mais  le  courrier  doit  partir.  Je  réserve  le  surplus  pour  une 
autre  occasion. 

La  liste  ci-incluse  est  exacte,  ayant  dû  modifier  la  pré- 
cédente à  la  suite  de  l'arrivée  de  Paduli. 

Croyez  à  toute  ma  reconnaissance  pour  toutes  les  pei- 
nes que  vous  vous  donnez  pour  moi.  Soyez  heureux  et  en 
bonne  santé.  Donnez-moi  toujours  de  vos  nouvelles  et 
croyez-moi  d'un  cœur  sincère  et  reconnaissant. 

(A  siiiure.) 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS 


Une  lettre  de  Charles  de  Lameth 
à  la  Société  des  Amis  de  la  Constitution  de  Montauban 

(.'>'  dcccmbrc  l'/'lO) 

Après  son  duel  avec  le  duc  de  Castries,  en  novembre  1790, 
Charles  de  Lanielli  fut  l'objet  de  nombreuses  manifestations  de 
sympathie.  Il  reçut  aussi,  d'un  grand  nombre  de  Sociétés  patrio- 
tiques du  royaume,  des  adresses  de  félicitation  pour  sa  conduite 
politique  et  pour  le  courage  qu'il  déployait  à  l'Assemblée  na- 
tionale. Ce  fut  très  vraisemblablement  à  cette  occasion  que  la 
Société  des  Amis  de  la  Constitution  de  Montauban  lui  écrivit  une 
lettre  dont  il  est  facile  de  concevoir  l'esprit  et  même  les  termes 
d'après  la  réponse  que  lui  fit  Charles  de  Lameth  et  que  nous 
avons  retrouvée  dans  la  correspondance  de  cette  Société,  con- 
servée aux  Archives  départementales  du  Tarn-et-Garonne. 

E.  T. 

Messieurs, 
Il  me  serait  difficile  et  je  ne  tenterai  pas  d'e.rprimer  les  senti- 
ments qu'on  fait  naître  en  moi  les  témoignages  si  honorables  et  si 
tlatleurs  de  votre  estime  et  de  votre  intérêt  ;  en  les  recevant  avec  une 
inexprimable  reconnaissance  j'éprouverais  la  douleur  de  ne  pas  les 
justifier  si  je  ne  reportais  une  partie  de  ce  précieux  tribut  à  l'As- 
semblée Nationale,  aux  zélés,  aux  courageux  patriotes  qui  la  com- 
posent et  généralement  à  tons  les  citoyens  vertueux  qui  défendent 
avec  elle  la  Liberté  et  la  Constitution  ;  en  échange  d'un  prix  si 
glorieux  de  mes  faibles  efforts  je  ne  peux  offrir  que  l'engagement 
sacré  de  dévouer  toute  mon  existence  à  la  liberté  et  à  la  défense  des 
intérêts  de  notre  chère  patrie.  Veuillez  bien.  Messieurs,  devenir  les 


100  REVUK  IIISTOKIQIE  DE  LA  liÉVOI.LTIOX  TRANÇAISE 

dépositaires  de  ce  saint  cnf/a()ement  et  rendre  justice  aux  sentiments 
de  respect,  d'inviolable  attachement  et  de  tendre  fraternité  qui  doi- 
vent unir  tous  les  bons  français. 

Chari.es  de  Lameth. 

Paris.  3  (Icrembre  ViOO. 
A   Messieurs, 
Messieurs  de  la  Soeiélé  des  Amis  de  ta  Cnnslilulion  de  Muulanhan. 


Fabre  d'Églantine  et  les  "  Révolutions  de  Paris  " 
au  début  de  1791 

Qiumil  Elysée  Loustallol  mourut,  au  mois  de  septembre  1790, 
Prudliomme  lui  donna  pour  successeur,  à  la  rédaction  des  Révo- 
lutions de  Paris,  un  groupe  d'écrivains  politiques  parmi  lesquels 
figurait  Fabre  d'Eglantine.  Il  serait  très  difficile  de  déterminer 
exactement  la  part  que  prit  Fabre  d'Eglantine  à  la  rédaction  du 
journal  de  Prudliomme  ;  mais  on  peut  penser  qu'elle  fut  très 
restreinte,  et  qu'elle  ne  dura  que  quelques  semaines.  En  effet, 
dès  la  fin  de  janvier  1791,  la  rupture  entre  Prudbommc  et 
Fabre  d'Eglantine  était  certainement  chose  faite,  si  l'on  en  juge 
par  l'attitude  agressive  que  prirent  les  Jicvohitions  de  Paris  pour 
rendre  compte  à  leurs  lecteurs  de  la  [ircmière  représentation  du 
Convalescent  de  qualité  au  ThéahL'  Italien. 

Après  avoir  retracé  le  sujet  de  la  comédie,  l'auteur  du  compte- 
rendu  reproche  aigrement  à  Fabre  d'Eglantine  d'avoir  introduit 
dans  sa  pièce  des  tirades  nettement  contre-révolutionnaires.  «  On 
y  trouve,  dit-il,  de  beau.\  sentimens  exprimés  en  beaux  vers  ; 
mais  on  y  trouve  aussi  des  passages  que  ne  désavoueroit  pas  le 
club  monarchique  lui-même  ;  et  à  ce  sujet,  nous  avons  observé 
avec  douleur  combien  l'esprit  public  de  la  révolution  est  lent  à 
se  former.  Ces  passages  ont  été  le  plus  applaudis,  et  l'on  a  fait 
répéter  ces  flagorneries  de  l'ancien  régime,  dont  le  poète  (on  ne 
sait  trop  dans  quelle  intention,  car  il  pouvoit  s'en  passer)  a  eu 
la  foiblesse  de  faire  usage  dans  un  tableau  consacré  au  nouvel 
ordre  de  choses.  L'éloge  du  roi  occupe  à  lui  seul  presque  autant 
de  place  que  tout  l'historique  de  la  révolution.  L'auteur  s'est  per. 
mis  quelque  chose  de  plus  encore  ;  il  a  dénaturé  les  faits  pour 
ne  laisser  aucune  ombre  dans  le   portrait  flatté  du  monarque.   Il 


MÉLANGES    ET    UOC.t'MENTS  101 

l'a  peint  venant  de  lui-inènie  se  jeter  dans  les  bras  de  son  peuple  ; 
et  tout  le  monde  sait  au  contraire  que  c'est  le  peuple  de  Paris 
<|ui  s'est  vu  contraint  d'aller  chercher  son  roi,  et  de  l'arracher 
des  mains  ennemies.  Cette  circonstance,  qui  a  décidé  la  révolu- 
tion, est  tellement  constatée,  que  M.  Baillj'  lui-même,  qui  n'a 
jamais  dit  au  roi  des  vérités  courageuses,  n'a  pu  lui  taire  celle-ci  : 
Le  peuple  a  conquis  son  roi,  a-t-il  dit  à  Louis  XVI,  lors  de  son 
entrée  à  Paris,  le  6  octobre  1789.  Comment  un  écrivain  patriote 
([ui  se  respecte,  peut-il  s'abaisser  jusqu'à  se  rendre  l'écho  d'une 
secte  d'esclaves  titrés?  Comment  a-t-ii  pu  se  complaire  à  réveil- 
ler ce  sentiment  d'idolâtrie  qui  a  llétri  si  long-temps  la  nation 
IVançaise?  N'est-ce  pas  blesser  toutes  les  convenances  ([ue  de 
coniplinienler  Louis  XVI  à  propos  d'une  révolution  qui  s'est  faite 
sans  lui,  malgré  lui,  et  dont  il  n'est  guère  encore  que  le  témoin 
irrésolu  ?  Un  peuple  libre  ne  loue  ses  rois  qu'après  leur  mort. 
Nous  avons  rougi  pour  l'auteur,  du  petit  triomphe  qui  lui  a  été 
décerné  par  une  classe  du  public  encore  peu  digne  de  la  liberté, 
puisqu'elle  applaudit  à  l'accent  de  la  servitude.  Il  n'y  a  point 
de  saillies  heureuses  qui  puissent  dédommager  d'une  adulation 
aussi  gratuite.  Est-ce  ainsi  que  les  hommes  de  lettres,  aux(|uels 
on  est  redevable  de  la  révolution,  parviendront  à  la  consolider  ? 
Nous  attendons  du  patriotisme  connu  de  M.  Fabre  d'Eglantine, 
auteur  du  Commlesccnl  de  qualilé,  qu'il  fera  disparoître  cette 
tache  de  son  ouvrage  ;  elle  pourroit  le  compromettre  aux  yeux 
des  honnêtes  gens  '.  » 

La  vivacité  de  cette  crlti(|ue  et  la  menace  qui  la  terminait 
devaient  émouvoir,  et  émurent  en  ell'et,  Fabre  d'Eglantine.  Il 
adressa  à  Prudhomme  une  longue  réponse  qui  fut  insérée  dans  le 
n"83  des  Révolutions  de  Paris  '(12  février  1791,  pp.  243-248).  Il  lui 
était  difficile  de  nier  les  vers  qu'on  lui  reprochait  et  les  éloges 
du  roi  qu'ils  contenaient.  Il  se  contenta  donc  de  protester  de  son 
patriotisme  et  d'opposer  aux  accusations  si  directes  de  son  criti- 
que des  déclarations  assez  emphatiques  cl  assez  vagues  :  «  Avant 
de  répondre  à  ces  accusations,  dit-il,  je  commence  par  dire  que 
j'ai  la  flatterie  tellement  en  horreur,  que  je  ne  pense  pas  que  sur 
ce  point  il  soit  sur  le  globe  un  caractère  plus  rêche  que  le  mien. 
Mais  le  cinisme  n'exclut  point  le  respect  pour  l'opinion  publitjue 

1.  R,-iml,ilt,ms  de  Pails...  n"  82  (du  .')  f.-vrici-  17!)!),  pp.   181-1S2. 


102  liEVLE    HISTORIQUE  DE  LA   RÉVOI.LTION     FRANÇAISE 

du  peuple  ;  sans  ce  respect  le  cinisme  n'est  plus  qu'un  égoïsme 
subtil  qui  fait  que  l'on  préfère  son  opinion  personnelle  à  la  chose 
publique,  et  la  sagacité  de  ses  propres  conjectures  à  la  sagesse  de 
la  nation,  et  à  la  prudence  du  corps  politique.  «  Après  ce  préam- 
bule, Fabre  d'Eglantine,  faisant  observer  que  tout  le  monde  ne 
voj'ait  pas  sa  comédie  et  qu'elle  n'était  pas  encore  imprimée, 
donnait  de  longues  citations  de  la  scène  incriminée.  En  voici 
quelques  vers  : 

Tout  l'ctat  est   ch.Tugé,  les  liommcs  sont  égaux  ; 
Il  n'est  plus  de  seigneurs,  il  n'est  plus  de  vassaux  ; 
Les  parlements  sont  morts,  le  haut  clergé  de  même  ; 
L'armée  a  pris  parti  pour  cette  loi  suprême  ; 
Le  roi,  d'accord  de  tout,  de  nos  cœurs  s'est  saisi, 
Kt  c'est  un  père  enfin  (juc  nous  avons  choisi. 

«  Si  les  monarchistes  applaudissent  à  ces  deux  derniers  vers, 
ajoutait  Fabre  d'Eglantine,  c'est  peut-être  avec  des  restrictions 
mentales  ;  mais  qui  ne  voit  que  si  je  suis  dans  leur  sens,  ce  n'est 
que  dans  le  prétexte?  Or,  si  le  prétexte  des  médians  dérive  d'un 
principe  sain,  s'ensuit-il  qu'il  faille  anathématiser  ce  principe?  » 
Le  dialogue  cité  par  Fabre  d'Eglantine  se  terminait  enfin  par  une 
longue  tirade  où  le  nouveau  régime  était  mis  en  opposition  avec 
l'ancien  et  où  les  principes  essentiels  de  la  constitution  se  trou- 
vaient énumérés  et  expliqués.  Au  reste,  ces  citations  elles-mêmes 
montraient  que  les  critiques  du  n"  82  des  Révolutions  de  Paris 
n'étaient  pas  tout  à  fait  injustifiées.  Voici,  en  effet,  en  quels  ter- 
mes vraiment  excessifs  le  personnage  de  Fabre  d'Eglantine 
s'exprimait  sur  le  comi)le  de  Louis  X\'I  : 

Mais  pour  k"  jour  présent,  la  l'rovichMU-e  auguste 
Nous  a  Nouin  garder,   malgré  vous,   un  roi  Juste, 
Ln  roi  bon.  Que  ne  peut  un  heureux  naturel  1 
N'allez  pas  m'accuscr  du  talent  criminel 
De  llatlcr  lâchement  le  mouarcpie  qu'on  aime. 
S'il  n'étolt  pas  aimé,  je  le  dirois  de  même. 
Mais  un  l'ait  bien  réel,  c'est  que  dans  tout  l'état, 
11  n'est  pas  un  Français,  jusqucs  au  plus  ingrat. 
Qui  ne  reste  d'accord  que,  sans  ce  prince  sage. 
Le  vaisseau  de  l'état  alloit  faire  naufrage; 
Lui  seul  a  résisté,  lui  seul,  aux  vils  projets 
De  verser  notre  sang  et  de  troubler  la  paix; 


MÉLANGES    ET    DOCUMENTS  103 

Il  il  fort  l)ien  senti  les  pièges  des  perfides; 

Il  a  senti  nos  caurs  de  son  amour  avides  ; 

Il  s'en  est  rappioché,  non  pas  avec  effort. 

Ainsi  que  le  prétend  un  parti  déjà  mort, 

Mais  de  toute  son  âme  ;  et  si  quelque  prudence 

A  dirigé  ses  pas  en  cette  circonstance. 

C'est  que  craignant  les  coups  de  ses  propres  tyrans. 

Il  s'est  venu  jeter  au  sein  de  ses  enfans. 

«  Telle  est  jusqu'au  dernier  mot,  disait  Fabre  d'Eglantine,  la 
manière  dont  je  m'exprime  sur  le  compte  du  roi  ;  et  j'ose  croire 
que  lui  seul,  mieux  que  personne,  comprendra  le  sens  profond 
des  quatre  derniers  vers  de  celle  tirade,  et  combien  j'ai  dit  vrai. 
Le  mol  du  roi  :  à  Versailles,  allons  à  Versailles,  qu'il  prononça 
le  5  octobre  au  retour  de  la  chasse,  forme  toute  rintenlion  de 
cette  tirade  ;  et  quand  je  calcule  ce  qu'étoil  un  Roi  de  France  et 
la  conduite  de  Louis  XVL  je  ne  crois  pas  en  avoir  trop  dit.  » 
EnBn,  Fabre  d'Eglantine,  faisant  concourir  à  sa  défense  les  éloges 
mêmes  qu'il  avait  adressés  au  roi,  terminait  sa  lettre  par  cet  argu- 
ment paradoxal  :  «  Je  ne  sais  pas  comment  mes  critiques  ne  sen- 
tent pas  qu'en  supposant  même  que  la  conduite  du  roi  ne  soit  pas 
franche,  les  éloges  qu'on  fait  de  son  amour  pour  le  peuple  sont 
des  chaînes  terribles  pour  lui,  des  armes  futures  pour  la  nation, 
et  que  l'état  y  gagne  bien  plus  qu'aux  satyres  que  l'on  feroit  con- 
tre ce  prince.  » 

Les   Révolutions  de  Par/.s  jugèrent  inutile  de  répliquer,   et  la 
polémique  s'arrêta  là. 

Charles  Vellay. 


La  Loge  de  Verdun  et  le  serment  civique  en  mars  1791 

Les  pages  suivantes  '  ont  été  écrites  par  le  «  Collège  des  offi- 
ciers »  de  la  Loge  Les  Frères  amis  à  l'Orient   de    Verdun.  E  lies 


1.  Collection  Karmin.  Quatre  pages,  très  lisiblement  écrites  —  mais  non 
calligraphiées  —  de  la  main  du  secrétaire  signataire.  Formai  :  25  X  ''^  centimè- 
tres. 


104  REVUE   HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

étaient  visiblement  destinées  au  comité  directeur  du  Grand  Orient 
de  France. 

Les  considérations  contenues  dans  les  derniers  alinéas  de 
cette  pièce  correspondent-elles  à  des  faits  précis,  ou  n'expri- 
ment-elles que  de  vagues  appréhensions  ?  Nous  ne  saurions  le 
dire.  Nous  croyons  la  pièce  cependant  assez  curieuse  en  elle- 
même  pour  la  faire  connaître,  et  nous  espérons  que  d'autres  cher- 
cheurs, plus  heureux  que  nous,  réussiront  à  l'annoter  d'une  ma- 
nière utile. 

O.  Kakmin. 

A  la  gloire  (la  G  .' .  A  .' .  de 

I  Unii'crs 

Au  nom  et  sous  les  ausuices 

du  S:.  G:.  M:. 

TT .-.  C.  .FF  .-. 

Le  G  .'.  A  .'.  de  l'U  .' .  qui,  des  la  création  du  monde,  avait  dicté 
les  principes  d'égalité,  de  paix  et  d'union,  voyait  avec  effroi  des 
hommes  pervers  et  corrompus  éloigner  de  leurs  cœurs  ces  principes 
sacrés  et  divins.  Ce  germe  d'une  corruption  générale  commençait  à 
se  manifester,  lorsqu'il  inspira  quelques  hommes  éclairés  et  ver- 
tueux. Ces  sages,  gémissant  sur  les  erreurs  de  leurs  frères,  résolu- 
rent de  former  une  société  dont  les  principes  de  la  simple  nature 
seraient  les  fondements  immuables.  Bientôt  cette  société,  désignée 
sous  le  nom  de  maçonnerie,  comme  un  arbre  majestueux,  étendit  ses 
branches  multipliées,  qui  procuraient  en  même  temps  la  fleur  et  le 
fruit  :  mais  les  hommes,  frivoles  et  inconséquents  pour  la  plupart, 
négligèrent  le  fruit  pour  ne  s'attacher  qu'à  la  fleur. 

Déjà  le  IS"  siècle  offrait  un  grand  nombre  de  sociétés  maçonni- 
ques, mais  le  contraste  le  plus  frappant  existait  entre  la  conduite  de 
leurs  membres  dans  l'intérieur  de  ces  sociétés,  et  la  conduite  de  ces 
mêmes  membres  dans  le  tumulte  et  le  chaos  du  monde.  Souvent  ces 
hommes  qui  faisaient  retentir  les  voûtes  de  leurs  Temples  du  dou.v 
nom  de  frère,  hors  du  parvis  ne  se  connaissaient  plus  :  souvent  un 
orateur  éloquent  faisait  le  tableau  le  plus  séduisant  des  charmes  de 
l'égalité  —  et  si  par  sa  naissance  il  se  croyait  supérieur  à  ses  frères, 
il  sentait  au  dedans  de  lui  les  mouvements  d'un  faux  amour-propre, 
enfant  bâtard  de  la  Vertzi   ;  la  ligne  de  démarcation,  rejettée  par 


MÉLANGES    ET    DOCLMENTS  105 

sa  bouche,  clail  accueillie  par  son  cœur  :  les  priiici])cs  1rs  plus  purs 
élaienl  profanés  :  on  ne  croyait  à  rien,  pas  même  à  la  Vérité. 

Le  G  .'.  A  .'.  de  ru  .'.,  qui  n'avait  pas  fait  l'homme  pour  être  la 
dernière  des  créatures,  voulut  rectifier  son  ouvrage,  en  le  rappellanl 
à  sa  dignité  première.  Sous  le  règne  des  abus  les  plus  multipliés,  il 
inspira  les  habitants  d'une  portion  du  globe  à  se  réunir  pour  se  com- 
muniquer leurs  idées  et  leurs  vues.  Des  sages,  choisis  parmi  ces 
habitants  pour  les  éclairer  sur  leurs  véritables  intérêts,  levèrent 
d'une  main  courageuse  le  voile  épais  qui  cachcdt  à  la  Nation  le 
gouffre  énorme  clans  lequel  elle  était  prête  à  s'ensevelir.  La  profon- 
deur de  l'abîme,  creusé  par  les  abus  de  toutes  espèces,  les  crimes  et 
les  vices  les  plus  affreux,  causa  une  étrange  surprise  aux  citoyens 
qui  dormaient  paisiblement  sur  ses  bords.  Ceu.v  qui  avaient  creusé  le 
gouffre,  dans  l'espoir  d'y  ensevelir  la  Nation,  loin  de  se  repentir  de 
leurs  sinistres  projets,  tentèrent  un  dernier  effort  pour  parvenir  à 
leurs  fîits.  Alors  un'cri  général  d'indignation  se  fit  entendre  de  tou- 
tes parts.  «  Vivre  libre  ou  mourir  »  fut  le  vœu  de  tous  bons 
citoyens  ;  on  fo'-nia  des  fédérations  ;  on  fit  le  serment  solemnel  de 
combler  le  gouffre  où  l'on  avait  manque  périr  ;  d'expulser  les  abus  : 
de  ne  plus  connaître  d'autre  autorité  que  celle  accordée  de  droit 
naturel  et  divin  aux  nations  :  de  professer  les  principes  d'égalité,  de 
fraternité,  d'union  ;  de  revenir  enfin  aux  principes  que  les  sages 
fondateurs  de  la  maçonnerie  avaient  cherché  à  propager. 

Le  tableau  succint  que  nous  venons  de  tracer,  CC.\  FF .'.,  vous 
rappelle  l'origine  et  les  effets  de  la  révolution  française.  Sans  doute 
la  maçonnerie  «  beaucoup  contribué  à  la  sagesse  des  lois  qui  nous 
gouvernent  aujourd'hui.  C'est  un  tribut  que  tout  bon  citoyen  doit  à 
ces  établissements  antiques,  qui  ont  soutenu  les  hommes  chancelants, 
prêts  à  périr.  Mais  si  nous  devons,  comme  citoyens,  une  reconnais- 
sance éternelle  à  la  maçonnerie,  nous  devons,  comme  maçons,  un 
respect  religieux  à  la  sublime  Constitution  du  Royaume.  Un  des 
points  essentiels  de  celte  Constitution,  qui  doit  faire  le  bonheur  de 
l'Univers,  est  le  serment  solemnel  d'être  fidèle  à  la  Nation,  à  la  Loi 
et  au  Roi,  et  de  maintenir  de  tout  son  pouvoir  la  Constitution  du 
Royaume,  décrétée  par  l'Assemblée  Nationale  et  acceptée  par  le  Roi. 
D'une  voi.v  unanime  nous  faisons  ce  serment  auguste  et  sacré  qui  est 
véritablement  le  serment  maçonnique.  Vous  verrez,  CC  .'.  FF  .'.. 
sur  le  revers  du  Tableau  de  cette  R  .-.  L  ■ .  nos  signatures  en  signe 
d'adhésion. 


106  nEVl'F.    HISTORIQUE  DE   I.A    RÉVOI.ITION    rRANÇAISE 

jV()(;.s'  (inons  Ions  pense,  C('..\  FF  .-.,  (in' il  ('■liiil  essentiel  au 
bonheur  de  la  Pairie  el  un  niainlien  des  pi-iiuipes  de  l'A  ri  Roijal,  de 
vous  lulresser  les  demandes  sninanles  : 

/"  Que  désormais  le  G  .■ .  ().\  exif/e  de  loules  les  LL  .'.  rétju- 
lières  un  tableau  des  FF .'.  qui  auront,  eomme  maçons,  prèle  leur 
serment  e'nnqne  : 

2'  qu'il  ne  reconnaisse  à  l'avenir  d'autre  maçon  que  ceux  qui 
auront  rempli  celte  formalité  nécessaire  au  salut  de  la  Patrie  ; 

3"  qu'il  ordonne  désormais  aux  LL  .'.de  faire  prêter  ledit  ser- 
ment à  un  candidat  avant  sa  réception,  et  dans  le  cas  d'un  refus 
dudit  candidat,  de  ne  le  point  initier  au.v  mystères  de  la  maçonne- 
rie : 

4°  qu'il  enjoigne  au.r  différents  ateliers  maçonniques  de  ne  rece- 
voir de  visiteurs  que  lorsqu'ils  auront  un  certificat  en  bonne  forme 
de  leur  L.\,  qui  prouve  qu'ils  ont  prêté  le  serment  civique  : 

5"  qu'il  e.vige  que  les  tableaux  des  FF.',  qiù  auront  prèle  leur 
serment  civique  soit  affirmée  sincère  et  véritable  par  les  princi- 
pau.r  dignitaires  des  LL  .'.,  sur  leur  parole  de  maçon. 

Vous  savez,  TT .' .  CC .' .  FF.'.,  que  les  ennemis  de  la  Patrie, 
qui  ne  peuvent  être  que  les  ennemis  de  la  F  .' .  M  .'..  comme  des  ser- 
pents venimeu.r.  se  tortillent  de  mille  manières  pour  arrêter  la 
Constitution  dans  sa  marche.  Ils  ont  déjà  formé  des  associations 
suspectes  sous  des  titres  séduisants,  tels  que  ceux  d'Amis  de  la  paix, 
de  la  constitution  monarchique,  et  autres.  Xe  pourraient-ils  pas,  un 
jour,  sous  le  voile  mystérieu.r  de  la  maçonnerie,  se  réunir  pour  cons- 
pirer secrètement  contre  leurs  frères  citoyens  français  ?  Déjà,  peut- 
être,  cette  idée  funeste  à  la  gloire  de  nos  illustres  travau.v  est-elle 
prête  à  se  réaliser,  el  peut-être  encore  les  foudres  de  la  proscription 
sont-elles  prêles  à  éclater  sur  nos  Temples  augustes.  L'œil  vigilant 
des  amis  de  la  Patrie  peut  dénoncer  une  de  nos  sociétés  suspectes  : 
et  comme  la  statue  de  Dàgon  se  brisa  devant  l'arche  du  Seigneur, 
celte  société  de  faux  FF .'.  se  dissoudrait  au  nom  de  la  Constitution. 
Mais  le  vrai  maçon,  celle  secte  chérie  du  G.'.  A.',  de  l'U .'..  serait 
englobée  dans  la  proscription  générale  ;  el  voilà  ce  qui  doit  e.vciter 
notre  sollicitude.  Hâtons-nous  donc.  CC  .'.  FF..,  d'éloigner  de 
notre  sein  ces  fau.v  FF.',  qui  peuvent  compromettre  nos  paisibles 
travau.Y.  Le  serment  civique  peut  seul  nous  les  faire  connaître.  Xc 
craignons  point  le  schisme  maçonnique,  car  les  amis  sincères  de  la 
Patrie,  de  la  Pai.v  el  de  l'Egalité  sont  seuls  les  vrais  maçons. 


MÛLANOES    F,T     DOCUMKNTS 


107 


Xoiis  snmmrs  ai'fc  le  scnlimenl  i/c  la  /)/;;.s  Icndrc  fraternité,  par 
les  X.-.  M.-.  (/.-.  V.-.  s.-.  C.-. 
TT.-.  ce.-.  FF.-. 

Vos  alJ'eetionnéf!  et  Jétioués  FF .'. 
Periux  R  t-  Vénérable  ;  Be.wje.AN,  R-t  1"  Surv  .-.: 
M.iSSOX,  2-  Surv:.;  CoLLET,  garde  des  arehircs  : 
Vallette.  s.-,  p.-.  R.-.  t-  trésorier  ;  BERy.iRD. 
Christophe,  D lEVDOXKÉ.  M .-.  des  C.-.  ;  Dognon. 
Maugixet.S.-.  p.-.  r.-.  r-MicHAi-n  S  .-.  P.-.R.-.i. 
Par  mandement  de  la  R.-.L.-.  MaVRU-:,  secrétaire. 

Diimrlcmenl  de  la  Meuse.    Verdun,  ce  24  mars  1191. 


Les  Angevins  patriotes 

{Il  UO- 11'.  Kl) 

M.  Gruget,  curé  insermenté  de  la  Trinité  d  Angers,  écrivait,  en 
1794,  dans  ses  Mémoires:  »  On  peut  dater  de  la  promulgation  de  la 
Constitution  civile  du  clergé  la  persécution  que  les  prêtres  et  les 
fidèles  catholiques  ont  eu  à  souffrir  dans  toute  la  France.  C'est 
surtout  dans  la  ville  et  le  diocèse  d'Angers  que  la  persécution  s'est 
fait  sentir  le  plus  crûment.  Il  n'est  point  d'excès  auxquels  on  ne 
s'y  soit  porté  contre  les  prêtres  et  les  fidèles  catholiques.  On  ne 
se  serait  jamais  imaginé  qu'un  peuple,  naguère  si  affable  et  si  re- 
ligieux, eût  pu  en  si  peu  de  temps  devenir  cruel  et  persécuteur. 
Comme  si  c'eût  été  envers  des  étrangers  ou  des  ennemis  !  mais  non, 
c'était  envers  des  personnes  respectables,  qu'ils  honoraient,  qu'ils 
respectaient  et  de  qui  ils  avaient  reçu  toutes  sortes  de  bienfaits.  On 
a  vu  même  des  frères  se  déclarer  les  ennemis  de  leurs  frères,  les 
enfants  se  soulever  contre  leurs  pères  et  les  pères  contre  leurs 
enfants.  '  »  (Anjou  historique.  II,  616.) 

A  la  même  époque,  l'abbé  Jaques  Rangeard,  ancien  membre  de 
l'Assemblée  Constituante,  précédemment  curé  assermenté  d'An- 

1.  M.  Gnigot  dit  cnrore  :  «I.;i  ville  d'Angers,  qui  n'c'tait  jamais  en  retard  quand 
il  ctail  qiu-slion  de  l'aire  le  mal,  s'empressa  de  suivre  l'exemple  de  Paris,  la 
eapilale  du  royaume.  »  (Anjou  liistorique,  111,  .'ilS).—  Et  plus  loin  :  «  11  était  réservé 
à  Paris  de  posséder  dans  son  sein  les  auteurs  du  schisme  et  de  l'irréligion,  et 
c'était  de  cette  ville  infâme  que  sortaient  tous  les  vices  qui  se  répandaient  dans 
les  provinces,  mais  surtout  à  .Angers.   »  (.injou  hisloriiiue.    I\',  lit.) 


108  UKVCE    HISTOniyUE  DE  I.A   Rr^VOLUTlON     FI! -VNÇAISE 

dard,  écrivait  de  son  côté:  «De  toutes  les  capitales  des  départements 
de  la  République,  si  j'en  excepte  à  certains  égards  Paris,  j'ose  avan- 
cer qu'il  n'en  est  aucune  qui  ait  si  promptement,  si  constamment  et 
si  généreusement  manifesté  sa  passion  pour  la  liberté,  pour  le  salut 
et  la  gloire  de  la  patrie,  sa  haine  du  fanatisme  et  son  zèle  ardent 
pour  l'exécution  des  lois.  »  (Anjou  hislorique,  VI,  501.) 

Les  hauts  faits  accomplis  par  le  patriotisme  des  habitants  d'An- 
gers, et  notamment  par  la  garde  nationale  de  cette  ville,  pendant  les 
premières  années  de  la  Résolution,  nous  sont  énumérés  par  les 
citoyens  Philippe  Baudin  et  Hcudier,  commissaires  du  Conseil  exé- 
cutif provisoire  «pour  les  indemnités  des  perles  causées  par  l'incur- 
sion des  brigands»,  dans  un  discours  qu'ils  prononcèrent,  le 
9  février  1794,  à  la  Société  Populaire  de  l'Est,  à  Angers  (/î;i/(0- 
Ihèqiie  d'An(jers.  II,  2032.) 

Les  fastes  de  notre  Révolution  présenteront  à  la  postérité  le  fameux 
pacte  de  Pontivy  (21  février  1790)  comme  le  plus  beau  monument  de  la 
gloire  des  Angevins  et  de  leur  amour  pour  la  Liberté. 

Par  votre  pétition  du  mois  de  juin  1791,  vous  demandiez  que,  puisque 
Capet  avait  abandonné  le  trône  constitutionnel  des  Français,  la  France 
fût  déclarée  République.  Vous  avez  été  les  premiers  qui  ayez  proféré  le 
mot  de  Ri-jiid'liqac. 

Par  votre  adresse  énergicpie  du  mois  de  décembre  1701  au  ci-devant 
Roi,  vous  le  préveniez  que,  s'il  s'obstinait  à  laisser  subsister  son  veto  sur 
les  décrets  contre  les  prêtres  et  les  émigrés,  l'indignation  nationale  le 
précipiterait  de  son  trône. 

Depuis  la  Révolution  jus<|u'à  répo(|ue  de  la  guerre  de  la  \  codée,  vous 
avez  eu  des  clubs  ambulants  qui  se  répandaient  dans  les  différentes  parties 
du  département  de  Maine-et-Loire,  p  )ur  détruire  l'esprit  de  fanatisme 
qui  y  régnait  et  pour  y  propager  les  principes  de  l'égalité  et  de  la 
liberté-. 

Le  17  juin  1792,  la  garde  nationale  d'.\ngers,  par  un  mouvement 
révolutioiuuiiie,  arrêta  et  incarcéra  tous  les  prêtres  réfractaires.  La 
Société  Populaire  en  lit  passer  la  nouvelle  aux  Jacobins,  qui  la  couvrirent 
d'applaudissements  l. 

.\  la  lin  d'août  1792,  la  garde  nationale  d'.Vngers  a  été  la  première  à 
entrer  dans  la  Vendée  poiu- dissiper  les  rebelles  qui  assiégeaient  Hressulre. 
et  ils  furent  dissipés. 

En  septendne  1792,  vous  fûtes  des  premiers  à  féliciter  la  Convention 
Nationale  sur  son  décret  qui  constitua  la  France  République. 

Kn  décend)re  1792,  vous  avez  demandé  la  mort  du  tyran. 

1.  1,0  ■J4  juill.l  17;)L>,  Chcuilliii,  <l,i>ul.-  do  Maine-.-l-I.oir.-,  lui  à  la  Législa- 
tive, mu-  pél'ili.in  i1,iii:uu1:miI  la  (l.cll.-ance  de  Louis  .WI. 


M  H  LA  NT.  F.  s   ET   DCOL'MFXTS  109 

Au  miiis  ik-  Fl'n  ricT  179.'i,  hi  j^arciu  nationale  d'Angers  se  transporta  à 
I.a  Flèclic"  et  an  Mans  pour  apaiser  les  mouvements  séditieux  et  contre- 
révolutionnaires  (pii  s'étaient  élevés,  sous  le  faux  prétexte  qu'on  manquait 
de  .  subsistances  ;  elle  fit  une  mai-clie  forcée  de  18  lieues,  dissipa  les 
attroupements  et   fit  3U0  prisonniers. 

(;'est  la  garde  nationale  d'Angers  qui,  avec  la  ,'ÎJ''  division  de  la  gen- 
<larmerie  de  Paris,  est  entrée  la  pi-emièrc  dans  la  Vendée,  au  mois  de 
mars  1793,  et  a  délivré  des  mains  des  brigands,  après  un  combat  opiniâtre, 
un  grand  nombre  de  prisonniers  détenus  à  Chemillé. 

Dans  l'action  qui  eut  lieu  à  Saint-Pierre  de  Chemillé,  le  11  avril  1793, 
Mius  le  commandement  de  Berruyer  et  de  Duhoux,  un  détachement  de 
SI)  citoyens  d'Angers,  commandés  par  le  capitaine  Chevalier,  Brigueneu 
cl  Proust,  officiers,  Godard,  sergent  des  grenadiers,  Bondu  et  Besnard, 
sergents  suppléants,  accompagnés  de  200  autres  citoyens  de  Saint-Calais, 
montèrent  les  premiers  au-dessus  des  retranchements,  gagnèrent  avec 
vigueur  les  haies  et  les  fossés  des  tirailleurs  des  brigands,  et  les  repoussè- 
lent  au  pas  de  charge.  C'est  là  que  la  35'^  division  des  gendarmes  à  pied 
de  Paris  fonça  avec  une  intrépidité  sans  bornes  et  perdit  beaucoup  de 
monde.  Marchand,  d'Angers,  capitaine  de  la  gendarmerie  à  cheval,  y 
pei'dit  la  vie;  Beaumanoir,  adjudant,  fut  blessé.  Mais  la  victoire  fut 
complète  de  ijotre  côté.  On  s'attendait  alm-s  que  Leigonnj-er,  qui 
commandait  l'armée  de  Vlliiers,  se  serait  porté  sur  Chemillé  avec  5.000 
hommes,  mais,  après  7  heures  de  combat  et  de  succès,  on  fit  replier 
l'armée  à  Saint-Lamberl-du-Lattay,  sous  les  ordres  de  Berrujcr,  au 
nombre  d'environ  .").000  hommes,  après  avoir  incendié  30  maisons  à 
Saint-Pierre  de  Chemillé.  —  Ce  furent  3  ou  4  canonniers  de  la  garde 
nationale  d'Angers  c|ui,  à  cette  même  aifaire,  se  jetèrent  dans  la  redoute 
établie  par  les  brigands  sur  la  grande  route,  en  enlevant  la  pièce  de  canon 
qui  tirait  continuellement  sur  l'armée  de  la  République,  tandis  cpie 
plusieurs  autres  cito3'ens  du  faubourg  Saint-Michel  s'étaient  également 
emparés  d'une  autre  petite  pièce  que  les  rebelles  avaient  placée  au  coin  de 
la  blanchisserie  du    citoj-en  Cesbron,  et   l'emportèrent  sur   leurs  épaules. 

Au  mois  d'avril  1793,  Angers  forma  dans  son  sein  un  bataillon  de 
.")()()  hommes,  qu'elle  envoya  pour  secourir  Nantes,  menacée  par  les  bri- 
gands. Ces  500  hommes  furent  envoyés  à  l'Oie,  aux  Sorinières,  à  Vue  et 
au  château  d'O,  où  ils  soutinrent  de  fortes  attaques  contre  les  brigands, 
et  préservèrent  de  leur  invasion  la  commune  d'Indret,  où  il  }•  a  une  fonderie 
de  canons  considérable. 

Vers  la  fin  de  juillet  1793,  lorsque  les  brigands  s'emparèrent  des  Ponts- 
de-Cé,  après  avoir  mis  en  déroute  les  troupes  qui  y  étaient  en  garnison, 
lorsque  ces  mêmes  brigands  se  portaient  de  suite  sur  Angers  et  que  le 
général  Duhoux  avait  pris  la  fuite  sur  la  route  de  Paris,  la  garde  nationale 
d'Angers  et  les  habitants  fonctionnaires  prirent  sur-le-champ  les  armes, 
allèrent  au-devant  des  brigands  qu'ils  repoussèrent  jusqu'à  Saint-Maurille- 
des-Ponts-de-Cé,  et  cette  première  fois  préservèrent  la  commune  de  l'in- 
vasion des  brigands. 


110  nEVLE  HISTOHIQIE    DE    LA    R.ÉVOLLTION    FHAXÇAISE 

En  août  1793,  vous  avez  adhéré  à  tous  les  décrets  de  la  Moiilagnc. 

Plus  de  cinq  cents  pères  de  famille  d'Angers  ont  été  sacrifiés  à 
l'attaque  de  Beaulicu  et  de  Saint-Ltimbert-du-Lattay,  le  19  septembre  1793, 
pour  avoir  soutenu  seuls  le  feu  des  brigands,  tandis  que  l'armée  com- 
mandée par  Duhoux  était  en  déroute. 

La  garnison  de  Mayence,  arrivée  à  Angers  au  mois  de  novembre  1793, 
après  avoir  beaucoup  souffert  dans  les  différentes  atta<pRS  contre  les 
brigands,  les  habitants  s'empressèrent  de  leur  fournir  tous  les  secours  en 
matelas,  couvertures,  draps,  chemises  et  autres  vêtements,  au  delà  même 
de  leurs  besoins.  Il  se  dépouillèrent  de  leurs  chaussures  pour  les  donner 
à  ces  braves  soldats.  Tout  le  peuple  d'Angers,  très  hospitalier,  logea  dans 
le  même  temps  près  de  30.000  hommes.  Les  citoyens  passaient  volontiers 
la  nuit  sur  des  chaises,  pour  céder  leurs  lits  à  nos  frères  d'armes.  Quel- 
que temps  après,  on  établit  à  Angers  plusieurs  hôpitaux  militaires  pour 
les  défenseurs  de  la  patrie  qui  avaient  été  blessés  :  l.,500  lits  furent  dressés 
en  24  heures. 

Les  3  et  4  décembre  1793,  vous  avez  soutenu  le  choc  d'un  siège  déjà 
mémorable;  par  la  résistance  la  plus  intrépide,  vous  avez  jeté  le  décourage- 
ment d:ins  toute  l'armée  catholique;  vous  avez  étouffe  l'hjdre  de  la 
Vendée  ;  enfin,  par  cette  glorieuse  conquête,  vous  avez  terminé  la  guerre 
la  plus  désastreuse,  et  la  Convention  nationale  a  déclaré,  le  7  décembre, 
que  la  commune  d'Angers  a  bien  mérité  de  la  Patrie. 

Quelques  jours  après  le  discours  prononcé  par  Baudin  à  la 
Société  Populaire  de  l'Est,  le  citoyen  Lacroix  en  fit  un  autre 
(15  février),  à  la  séance  de  la  même  Société,  en  présence  des  repré- 
sentants du  peuple  Hentz,  Francastel  etGarrau:  «Les  Angevins  ont 
été  les  premiers  à  demander  la  punition  du  tyran,  lors  de  sa  fuite  à 
Varennes,  et  le  Gouvernement  républicain.  Ce  sont  eux  qui  au 
pacle  de  Pontivi  jurèrent  avec  nos  frères  de  la  Bretagne  la  destruc- 
tion de  la  gabelle  et  l'anéantissement  de  la  féodalité.  Ce  sont  eux 
qui  demandèrent  la  déchéance  deCapet,  sur  le  veto  qu'il  avait  op- 
posé au  décret  contre  les  prêtres.  Ce  sont  eux  qui,  par  un  mouve- 
ment spontané,  les  ramassèrent  au  séminaire  pour  détruire  tous  les 
moyens  de  contre-révolution  qu'ils  mettaient  en  œuvre.  Ce  sont  eux 
qui  les  premiers  ont  applaudi  à  la  mort  du  tyran.  Ce  sont  eux  enfin 
qui  ont  fait  mordre  la  poussière  aux  brigands  au  siège  d'Angers.» 

Ce  qui  refroidit  le  patriotisme  des  habitants  d'Angers,  ce  fut  le 
procès  des  fédéralistes,  qui  eut  lieu  en  celte  ville  au  mois  de  février 
1794,  et  à  l'occasion  duquel  furent  prononcés  les  discours  précé- 
dents. On  sait  que  ces  Girondins  furent  guillotinés  à  Paris,  le  15  avril 
1794. 

Quelques  années  après,  le  4  novembre  1797,   le  citoyen  Du- 


JIÉLANGES     F.T    DOCUMICNTS  111 

boiieix,  ex-vicaire  général  de  l'évèque  constitutionnel  de  Maine-et- 
Loire,  se  lamentait  de  la  torpeur  des  Angevins,  dans  un  article 
publié  par  l'Ami  des  Principes  :  «Angers,  Angers  !  Toi  qui  !a  pre- 
mière juras  ce  pacte  immortel  qui  fit  trembler  le  tyran  sur  son 
trône  ;  toi  qui  la  première  brisas  les  affreuses  barrières  de  l'infernale 
gabelle;  toi  qui  la  première  demandas  la  mise  en  jugement  d'un  roi 
parjure,  et  qui  proclamas  la  première  la  République  M...  >' 

F.   UzUREAU 
Directeur  de  l'Anjou  historique. 


1.  es.  La  Hriii)lutiiiii    jnrjce  par    un    pniriatc    ani/i-vin,  dan^  l'Anjou   hisloriqu 

(XII,  :i04;. 


NOTES  ET   (PLANES 


Une  lettre  de  la  princesse  Elisabeth  de  Saxe  ' 
(30  juin  1789) 

«  Mon  cher  papa, 

«  ,]'ay  bien  regreté  aujourciliui  de  ne  pas  m'être  trouvée  à 
pont-  pour  vous  accompagner  à  la  chasse  car  c'est  ordinairement 
les  mardis,  que  vous  chassé,  et  sûrement  vous  avez  été  à  la  tra- 
cone-',  jespère  que  vous  avez  eu  plus  beau  temps  qu'il  n'a  fait  ici, 
y  pleuvant  à  toute  les  moments  ;  il  y  a  un  peu  de  rhumeur  dans  le 
moment  à  paris  et  pas  loin  de  chez  moi  c'est  à  l'abbaye,  ou  on 
vient  d'enfoncer  les  prisons  pour  faire  sortir  les  gardes  françai- 
ses, qui  avoient  refusée  d'obéir  à  versaille,  et  en  même  temps  je 
pense  qu'il  y  aura  eu  d'autres  prisoniers  qui  auront  profité,  de  ce 
moment  pour  s'évader,  je  vieiïs  de  voire  passer  un  grand  nom- 
bre de  dragons  qui  y  alloient  il  y  avait  encore  un  autre  régiment 
mais  il  ne  fesait  pas  assez  claire  pour  distinguer  ce  qu'il  étoient, 
ils  alloient  très  vite  le  sabre  nue  à  la  main,  l'on  prétend  que  tout 
le  peuple  a  été  au  palais  royale,  avec  les  prisonniers  ;  L'on  pré- 
tend aussi  que  l'on  menace  de  mettre  cette  nuit  le  feu  à  l'hôtel  du 
Chastelet  et  que  l'on  tachera  d'y  enfermer  M.  du  Chatelet  mais 
comme  ils  en  avertissent  l'on  aura  moin  de  peine  à  les  en 
empêcher  ;  le  palais  Royale  et  tout  les  partisans  du  tiers  font  des 
feux  de  joie  et  illumine  leur  maisons,  l'on  tire  des  boites  toute 
la  journée  ; 

«  ce  matin  à  11  heures  l'on  poursuivoit  un  voleur  qui  se  sauvoit 
par  dessus  les  toits  et  qui  s'est  arrêté  au-dessus  de  la  maison 
d'un  marchant  de  vin  à  coté  de  chez  nous,  n'aj'ant  plus  trouvé  de 
maison  puiscpie  le  jardin    de    S"^  Marie   nous  separoit  il   a   resté 

1.  Communiqiu-e  par  M.  l'.-M.  l'avrcl,  qui  a  retrouvé  ce  document  dans 
une  liasse  de  vieux  papiers.  I.;i  lettre  est  adresseée  par  la  princesse  à  son  père, 
le  prince  Xavier  de  Saxe,  alors  dans  son  eliâteau  de  Pont-sur-Seine. 

2.  Pont-sur-Seine,  Aube. 

3.  La  Traconne,  forêt  à  une  quinzaine  de  kilomètres  de  Pont-sur-Seine, 


NOTES    ET    OLANES  113 

plus  de  deux  heures  à  cette  place,  ne  sachant  à  quoi  se  décider 
ou  de  se  rendre  ou  de  se  geler  en  bas,  il  a  choisi  à  la  fin  ce 
dernier  parti,  et  s'est  geté  dans  la  cour  de  ce  marchant  de  vin, 
et  il  est  mort  en  tombant,  on  a  trouve  sur  lui  un  pistolet  chargée 
et  plusieurs  rosignols,  avec  l'argent  qu'il  venait  de  voler  chez  un 
cordonier,  ou  on  l'avait  surpris,  il  y  avait  un  monde  infinie,  dans 
la  rue  de  grenelle  pour  le  voir. 

«M''"  d'Esclignac  est  à  Versaille  ainsi  qu'Henry  ',  ils  doivent 
revenir  ce  soir  je  les  attend,  ils  sauront  surment  beaucoup  de 
nouvelles  car  comme  vous  savez  il  doit  y  avoir  aujourd'hui  une 
assemblé  général  des  trois  ordres. 

«  Nous  ne  savons  pas  encore  quand  nous  pourrons  partir  j'es- 
père cependant  que  cela  ne  tardera  pas  ;  j'ay  envoyé  chercher  la 
personne  qui  doit  copier  votre  portrait  elle  doit  venir  demain  et 
je  la  preserez  bien  ;  adieu  mon  cher  Papa,  hanry  vous  présente 
ses  hommages  ;  j'ay  l'honneur  dêtre  avec  un  profond  respect 
mon    cher  Papa    votre  très    humble  et    très  obéissante  fille    et 

servante, 

«  Elis.\heth 

.<  l>ai-is,   eu  liOjuin  1789.   .. 


Des  vers  latins  sur  le  Congrès  de  Rastadt 
Convenltis  Radsladieitsis 

Compono,  impono,  concludo,  illudo,  quid  inde  ? 

Conclusum,  illusum,  compositum,  impositum. 
Finis  principio  similis,  sic  ordo  vagatur. 

Nos  dedimus,  dabimus  ;  nos  nolumus,  volumus. 
Convenlus  noster  ventus,  conclusio  lusus  ; 

Ut  fuitaccessus,  sicque  recessus  erit. 
Quod  volo  non  possum  ;  quod  possum  nolo  vicissim 

Sic  hominis  vita  est,  nîl  nisi  nolo,  volo  -  . 


1.  Hemy,  frère  de  la  prineesse  Elisabeth,  due  d'EselifÇnac. 

2.  Communiqué  par  M.  Dtto   Ivarinin.    —  (Loiuloii  1*.    H.    G.    Swilzerland, 
Mise.  pap.  N«  22/17  (!•".  ().)  17'JS). 


BlBLIOdRAPHIE 


F.  l'zrriKAr,  Les  victimes  de  la  Terreur  en  Anjou  :  liste  des  personnes 
décédées  dans  les  prisons  d'Angers.  Angers,  Grassin,  1912.  In-8 
de  55  pages. 

Ces  listes  ont  été  dressées,  non  daprès  les  registres  d'écrou 
disparus  ou  inconsultables,  mais  d'après  les  déclarations  faites 
au  bureau  de  l'état  civil.  Elles  coiuprennent,  pour  des  pério- 
des d'ailleurs  diverses  de  1793  et  1794,  un  total  de  1.020  décès, 
soit  711    femmes  et  309  liommes. 

L'état  lamentable  des  prisons,  lentasscnient  des  détenus,  leur 
triste  régime  alimentaire,  les  maladies  contagieuses,  le  manque 
de  soins  médicaux,  telles  furent  les  principales  causes  de  cette 
extraordinaire  mortalité. 

II.  M. 


Colonel  Frignet  Despré.mx,  Le  Maréchal  Mortier,  duc  te  Tré- 
vise.  Tome  I.  Paris,  Berger-Levrault,  1913.  în-8'  de  viii- 
453  pages,  avec  3  planches  et  5  cartes. 

L'œuvre  que  le  colonel  Frignet  Despréaux  a  consacrée  à  son 
grand-oncle,  le  maréchal  duc  do  Trévise,  promet  d'être  digne  de 
l'homme  d'honneur  et  de  devoir  que  fut  Mortier.  Formé  aux  ex- 
cellentes méthodes  de  travail  de  l'ancien  corps  d'état-maior, 
l'auteur  a  su  tirer  parti  des  nombreux  documents  qu'il  a  con- 
sultés, soit  dans  les  dépôts  publics.  Archives  de  la  Guerre  et 
Archives  nationales,  soit  dans  les  Archives  du  duc  de  Trévise. 
On  aura  une  idée  de  sa  conscience  quand  on  saura  qu'il  s'est 
astreint,  pour  chacun  des  ordres  ou  des  lettres  reçus  par  le 
maréchal,  à  contrôler  la  date  à  hu]LielK'  ils  lui  sont  réellement 
parvenus.  Inutile  d'insister  sur  l'intérêt  ([ue  présente  cette  véri- 
fication,  quand  il  s'agit  de  l'étude   des  opérations  militaires. 

Ce  voluiue  nous  mène  seulement  au  coiumencement  de  l'année 
1798.    Mortier  est  à   l'armée   du   Nord,    tl'abord   capitaine  au  l''"' 


Hllîl.R)(iRArHlE  115 

bataillon  du  Nord,  puis  adjudant-général  ciicl'  do  bataillon  et 
clief  de  brigade.  Avec  lui  nous  assistons  aux  batailles  de  .[em 
niapcs,  Necrwindcn,  Hondsehoot,  Wattignics,  Fleurus  ;  aux  pas- 
sages de  la  Sanibre  ;  au  siège  de  Maestriehl,  au  jiassage  du  Rliin, 
aux  opérations  de  Kléber  sur  la  Lahn.  ("/est  toute  Ihisloire  des 
armées  du  Nord  et  de  Sambre  et  Meuse  ([uc  le  colonel  Frignet 
Despréaux  nous  fait  ainsi  repasser.  Dès  le  24  septembre  1793, 
Mortier  a  été  «  cbargé  de  l'état-major  »  à  la  division  Balland. 
Il  lut  ensuite  elief  d'état-major  de  la  division  Poncet,  puis,  sous 
les  ordres  de  Kléber,  cbargé  de  missions  spéciales.  Sa  carrière 
donne  un  exemple  intéressant  de  la  manière  dont  un  officier  de 
valeur  faisait  son  chemin   dans  les  armées  de  la  Républiciue. 

Il  est  naturel  que  dans  cette  période,  où  l'adjudant  général 
Mortier  n'occupa  ([ue  des  fonctions  secondaires,  son  rôle  per- 
sonnel reste  assez  elTacé.  Les  emprunts  faits  par  l'auteur  aux 
Archives  du  duc  de  Trévise  sont  assez  rares,  et  les  très  nom- 
breux documents  qu'il  cite  proviennent  pour  la  plupart  des  Ar- 
chives de  la  Guerre.  II  les  a  parfaitement  choisis,  parmi  les  plus 
caractéristiques,  pour  donner  au  lecteur  une  idée  juste  de  la  ma- 
nière dont  l'armée  de  Sanibre  et  Meuse  marchait,  combattait  et 
vivait.  Nous  sommes  également  bien  renseignés  sur  l'état  des- 
prit  des  chefs  et  des  camarades  de  Mortier,  et  leurs  relations 
avec  les  représentants  aux  armées.  Chacune  des  indications  som- 
maires portées  par  Mortier  dans  ses  Noies  fournit  à  l'auteur  l'oc- 
casion de  raconter,  toujours  d'après  les  documents  originaux,  les 
faits  mentionnés.  Citons,  entre  beaucoup  d'autres,  la  célébration 
à  Wetzlar  par  Hoche  de  l'anniversaire  du  10  août. 

Les  cartes  jointes  au  volume  donnent  les  itinéraires  du  maré- 
chal pendant   ses  diverses  campagnes  '. 

A.  T. 


Maurice  Bottkt,  Kapoléoii  aux  camps  de  Boulogne.  La  côte  de  fer  et 
les  flottilles.  Paris,  Ambert,  in-8  de  1587  pages,  avec  illuslr. 

Les  nombreuses  études  que  M.  Maurice  Bottet,  membre  de 
la  Sabretache,  a  consacrées  à  l'armée,  sont  bien  connues  des 
amateurs  d'histoire  militaire.  Le  livre  qu'il  nous  donne  aujourd'hui 
a  un  intérêt  plus  général  que  les  précédents,  puisqu'il  raconte 
l'histoire  des  camps  de  Boulogne  et  des  tentatives  de  débarquement 

1.  I.;i  publiorUion  est  soignée,  les  noms  propres  sont  bien  orttiographios. 
Mais  il  n'y  a  pas  de  répertoire,  sauf  pour  les  numéros  des  corps  cités.  Signa- 
lons que,  presque  partout,  les  appels  de  notes  ne  correspoîulent  pas  aux  notes 
elles-mêmes. 


116  HIÎVUE    HISÏOIUQLE  I)E  LA   liKVOI.lTION"     I-RANÇAISE 

en  Angleterre.  Le  sujet  avait  été  traité  de  main  de  maître  par  le 
colonel  Desbrière.  Mais  son  ouvrage  monumental  n'était  pas  à 
la  portée  du  public.  M.  Bottet  s'est  cbargé  d'en  extraire  un  petit 
livre,  œuvre  de  vulgarisation  érudite.  Mais  il  ne  s'est  pas  contenté 
d'utiliser  les  travaux  du  colonel  Desbrière:  des  Archines  nationa- 
les, et  surtout  des  Archives  municipales  de  Boulogne,  qu'il  a 
consciencieusement  dépouillées,  il  a  tiré  de  nombreux  rensei- 
gnements, grâce  auxquels  il  a  pu  faire  revivre  la  physionomie 
anecdotique  de  cette  époque.  Son  tableau  de  la  ville  et  du  camp 
est  pittoresque  et  bien  documenté,  et  il  donne  sur  les  flottilles, 
leur  formation,  leurs  combats,  de  nombreux  détails  inédits. 

La  conclusion,  que  le  colonel  Desbrière  a  d'ailleurs  exposée 
dans  une  remarquable  préface,  estquele  projetde  débarquement, 
tel  que  Napoléon  l'avait  préparé,  n'était  pas  réalisable.  L'histoire 
des  camps  de  Boulogne  n'en  reste  pas  moins  intéressante,  parce 
que  c'est  là  que  la  Grande  Armée  s'est  formée. 

Le  livre  de  M.  Bottet  est  joliment  illustré  d'après  des  do- 
cuments originaux.  Les  plus  curieux  sont  ceux  qui  représentent 
les  machines  de  guerre  destinées  à  transporter  l'expédition,  telles 
que  se  les  figurait  l'imagination  des  Anglais  lors  de  la  grande 
panique. 

^L  Bottet  aurait  dû  citer,  parmi  les  auteurs  s'étant  occupés  de 
la  question,  ^L  F'ernand  Nicolay,  don  le  livre  n'est  pas  négli- 
geable. 

A.  T. 


Capitaine  A.  Grasset,  La  guerre  d'Espagne  (1807-1813).  Tome 
I"  (octobre  lS07-avril  1808).  Paris.  Berger-Levraull,  in  8  de 
LXi-486  pages,  avec  planches,  cartes  et  tableaux. 

Le  capitaine  (irasset  a  entrepris,  sous  la  direction  de  la  Section 
historique  de  l'Etat-Major  de  l'armée,  de  nous  donner  l'histoire 
de  la  guerre  d'Espagne,  qui  n'a  jamais  été  faite  en  P'rance,  en 
dehors  de  l'étude  partielle  du  lieutenant-colonel  Balagny. 

Il  aborde  là  une  tâche  considérable,  puisque  l'ouvrage  ne 
comprendra  pas  moins  de  16  volumes.  A  en  juger  par  celui  que 
nous  venons  de  lire,  l'auteur  doit  la  mener  à  bonne  fin.  En  tout 
cas,  il  sait  ce  qu'il  veut  et  s'est  tracé  un  plan  rationnel.  Distinguant 
entre  la  guerre  nationale  et  la  guerre  régulière,  il  observejustement 
que  celle-là  est  l'essentielle  et  que  celle-ci  n'est  que  la  partie 
épisodique.  Mais  il  rejette  la  solution  qui  consisterait  à  suivre  le 
développement  de  la  guerre  nationale  :  elle  ne  donnerait  qu'un 
tableau  d'ensemble  confus,  ou  une  série  de  tableaux  isolés,  impos- 


lillil.IOC.UAPIlIE  117 

sibles  à  rcuiiir  dans  un  même  cadre.  H  prend  alors  comme  guide 
les  {grandes  lignes  et  les  actes  de  la  guerre  régulière,  autour 
des(|uels  viendront  se  grouper  les  laits  de  la  guerre  nationale.  Ce 
plan  paraît  bien  le  meilleur. 

La  méthode  mérite  également  des  éloges.  Lauteur  signale 
que  les  histoires  déjà  écrites  sont  suspectes,  en  raison  du  parti- 
cularisme de  leur  documentation.  Il  ajoute  qu'il  fut  quelquefois 
obligé  d'avoir  recours  à  elles,  mais  n'adopta  leurs  conclusions 
([ue  lorsqu'il  avait  pu  en  vérifier  la  rigoureuse  exactitude.  Mais 
cette  vérification  est  extrêmement  difficile,  car  le  capitaine  G.  a 
le  mérite  de  juger  à  leur  valeur  ces  fameux  documents  officiels, 
que  l'on  a  si  souvent  acceptés  aveuglément,  en  raison  de  leur 
origine.  Il  n'y  a  pas  de  documents  sur  lesquels  la  critique  histori- 
que doive  s'exercer  avec  plus  de  rigueur  que  sur  les  comptes 
rendus  et  rapports  de  toute  sorte  qui  forment  le  fonds  des  archives 
publi<iucs.  On  a  l'habitude  de  les  opposer  aux  mémoires  :  très 
souvent,  ils  ne  sont  pas  plus  dignes  de  confiance  ;  de  même  que 
l'auteur  de  Mémoires  dénature  les  faits  pour  les  présenter  à  son 
avantage,  de  même  le  rédacteur  d'un  rapport  officiel  mentira 
pour  se  faire  valoir,  esquiver  une  disgrâce,  même  pour  accabler 
un  rival,  ou  simplement  flatter  les  idées  de  ses  chefs. 

Le  capitaine  G.  a  vu  et  signalé  la  difficulté  :  il  faut  lui  en 
savoir  gré.  Les  remarques  sur  les  sources  imprimées  qu'il  fait  au 
cours  de  son  Introduction  et  de  sa  Bibliographie  sont  judicieuses, 
et  dénotent  chez  lui  un  sens  critique  qui  doit  nous  donner 
confiance.  Il  a  su  discerner,  dans  les  ouvrages  cités,  la  partie 
vraiment  originale  et  digne  d'intérêt.  Très  juste  également,  son 
observation  sur  Thiers  :  il  ne  faut  le  croire  qu'après  l'avoir 
contrôlé,  mais  il  n'est  jamais  négligeable,  parce  qu'il  a  connu  les 
auteurs  et  les  témoins  ;  il  a  fait  du  reportage,  si  l'on  peut  dire. 

Après  un  bon  exposé  de  la  situation  morale  et  matérielle  de 
l'Espagne  en  1807,  l'auteur  entre  dans  le  vif  du  sujet,  et  raconte 
la  conquête  du  Portugal.  La  partie  militaire  (organisation,  admi- 
nistration, opérations)  est  traitée  aussi  complètement  que  possible. 
Une  annexe  nous  donne  même,  pour  le  premier  corps  de  la 
Gironde,  l'âge  moyen  des  soldats  des  divers  régiments,  renseigne- 
ments précieux  pour  se  rendre  compte  de  la  résistance  des 
troupes  aux  fatigues  de  cette  dure  campagne.  Les  29  annexes  sont 
très  intéressantes  ;  certaines  seront  étudiées  avec  fruit  par  les 
officiers  (lOs  Projet  d'organisation  du  personnel  administratif  ; 
13^,  Instruction  pour  les  troupes  marchant  en  Espagne;  27",  Com- 
position de  l'artillerie  des  corps  de  la  frontière  des  Pyrénées).  La 


118  HEVIE    HtSTOIiiyUF.   DE  LA   HÉVOI.ITION     I-IÎ ANÇAISE 

partie  diplomatique  est  es([ulssée,  et  imlitiuée  suflisaniment  pour 
éclairer  les  opérations. 

Le  livre  II  a  pour  titre:  L'Invasion.  A  vrai  dire,  la  plus  grande 
partie  en  est  consacrée  aux  préparaUis  de  l'invasion. 

Le  livre  III  nous  raine  à  l'occupation  de  Madrid  par  le  grand- 
duc  de  Berg.  Nous  adressons  à  l'auteur  un  léger  reproche  au 
sujet  de  la  manière  dont  il  présente  l'opinion  de  l'Empereur  sur 
Murât.  11  est  vrai  que  le  capitaine  G.  fait  une  réserve  :  «  Si  le 
Napoléon  de  1808  avait  de  Murât  la  même  opinion  que  celui  de 
1820...  »  Mais  il  ne  cite  que  les  appréciations  très  dures  portées 
par  Napoléon  à  Sainte-Hélène,  et  traitant  Murât  d'imbécile,  de 
poltron  sans  jugement.  Or,  en  1820,  l'Empereur  parlait  du  Murât 
qui  avait  trahi  en  1813  et  1814,  et  avait,  en  1815,  par  son  agression 
intempestive,  gâché  d'une  nmnière  irrémédiable  la  situation  en 
Italie.  Mais  en  1808  il  était  loin  de  le  juger  aussi  sévèrement,  et 
s'il  ne  man([ue  pas  de  lui  donner  à  l'occasion  de  bons  coups  de 
caveçon,  on  relève  aussi  dans  la  correspondance  l'expression  de 
.son  contentement  pour  la  manière  dont  Murât  remplit  les  missions 
qui  lui  sont  confiées.  A  lire  ce  que  Napoléon  dit  à  Sainte-Hélène, 
et  que  nous  rapporte  le  capitaine  G.,  on  s'attend  à  voir  Murât  ne 
faire  que  des  bêtises.  Or,  en  Espagne,  malgré  les  difficultés  de  la 
situation,  et  l'absence  d'instructions,  il  se  tira  d'alïaire  avec  une 
habileté  (jui  arracha  à  l'Empereur  ce  compliment  :  «  Dans  ces 
circonstances  imprévues,  j'approuve  fort  la  conduite  que  vous 
avez  tenue.  »  Il  semble  même  que  ce  soit  Murât  qui  ait  inspiré  à 
l'Empereur  l'idée  de  l'entrevue  de  Bayonne  ;  il  lui  en  montre  les 
conséquences  par  ces  simples  mots  :...  «  L'Espagne  se  trouverait 
inévitablement  sans  roi,  puisque  le  père  aura  abdiqué,  et  que 
vous  serez  le  maître  de  ne  pas  reconnaître  le  fils  que  l'on  peut 
regarder  comme  un  usurpateur.  »  C'était  bien  raisonner.  Cet 
«  impulsif  »  était  doué  de  beaucoup  de  finesse.  Il  y  joignait  un 
goût  de  l'intrigue  qui  fitsa  perte.  Le  capitaine  G.  le  juge  aussi 
comme  «  insouciant  »  ;  ce  fut  bien  là  son  moindre  défaut  :  Murât, 
au  contraire,  se  rongeait  perpétuellement,  et  se  faisait  souci  de 
tout.  Sa  correspondance  reilète  l'état  de  son  esprit,  constamment 
inquiet  et  agité.  La  recommandation  la  plus  pressante  sur  latjueile 
Caroline  revient  toujours  auprès  de  son  mari  est  de  vivre  dans  le 
présent  au  lieu  de  se  préoccuper  de  l'avenir. 

Cette  petite  erreur  de  psychologie,  résultat  d'une  généralisation 
excessive,  n'enlève  rien  à  la  valeur  de  l'œuvre  si  consciencieuse 
du  capitaine  G.  C'est  un  plaisir  de  suivre  son  exposé  toujours  clair 
et  plein   de    vie,   malgré    la    complication   des  événements.    Il  a  le 


lîIlil.IOOliAl'HIE  119 

smici  de  la  roruie,  et  on  ne  saurait  lui  en  savoir  trop  de  gré.  Le 
public  goûtera  ce  livre  qui  se  Ht  lacilement  et  dont  la  présentation 
typographique  est  irréprochable.  Les  crudits  en  apprécieront  la 
niélhode,  le  fonds  solide,  la  documentation  siîre,  et  trouveront 
dans  les  notes  et  dans  les  annexes  de  quoi  satisfaire  toutes  leurs 
curiosités. 

A.  T. 


Capitaine  Vid.vl  de  la  Bi.ache,  L'évacuation  de  l'Espagne  et  l'in- 
vasion dans  le  Midi  (1813-1814).  Paris,  Berger-Levrault.  1914. 
Deux  vol.  in-8  de  596  et  (511  pages,  avec  cartes. 

Le  capitaine  Vidal  de  la  Blachc  peut  à  bon  droit  s'enorgueillir 
du  grand  et  beau  travail  qu'il  vient  de  terminer.  La  tâche  qui  lui 
incombait  était  hérissée  de  difficultés  qu'il  a  surmontées  de  façon 
magistrale  en  nous  donnant  un  récit  complet,  aussi  impartial 
qu'attrayant,  de  la  triste  période  qui  commence  au  lendemain  de 
Vitoria  pour  se  terminer  à  l'armistice  du  18  avril  1814.  Faute  de 
place,  nous  ne  saurions  suivre  pas  à  pas  le  capitaine  Vidal  de  la 
Blache  dans  les  onze  chapitres  dont  se  composent  ses  deux  gros 
volumes.  Qu'il  nous  suffise  de  dire  qu'il  n'a  rien  omis,  rien  laissé 
de  côté  de  ce  qui  peut  faire  la  lumière  sur  les  dernières  tentatives 
de  résistance  en  Navarre  et  dans  les  pays  basques,  sur  les  batail- 
les de  Sorauren  et  de  San-Marcial,  sur  les  opérations  de  Suchet 
en  Aragon  et  en  Catalogne,  sur  la  bataille  de  la  Bidassoa,  la  red- 
dition de  Pampelune,  la  bataille  de  la  Nivelle  et  la  retraite  sur 
Bayonne.  Grâce  à  son  récit  clair  et  précis,  à  l'exposé  qu'il  fait  du 
traité  de  Valencaj'  et  de  ses  conséquences,  on  comprend  l'im- 
puissance, les  causes  de  la  retraite  de  Suchet  alYaibli  parles  trou- 
pes qu'il  lui  faut  envoyer  à  Augereau  en  même  temps  qu'  on  se 
rend  un  compte  exact  de  la  situation  politique,  militaire  et  ma- 
térielle dans  le  Midi  de  la  France.  Après  avoir  décrit  de  main  de 
maître  les  batailles  de  Saint-Pierre-d'Irube  et  d'Orthez,  le  pas- 
sage de  l'Adour  et  le  blocus  de  Bayonne,  le  capitaine  Vidal  de  la 
Blache  consacre  l'un  des  meilleurs  et  des  plus  intéressants  chapi- 
tres de  son  livre  à  l'exposé  de  l'état  des  esprits  dans  le  Midi,  à 
l'examen  des  intrigues,  des  menées  qui  ont  été  les  causes  déter- 
minantes de  l'ordre  donné  par  Wellington  à  Beresford,  de  la 
marche  et  de  l'entrée  des  Anglais  à  Bordeaux  où  ils  furent  reçus 
avec  un  enthousiasme  qui  contraste  avec  l'attitude  plus  digne  et 
plus  patriotique  des  populations  des  Basses  et  des  Hautes-P^-ré- 
nées   et    surtout    de    la    Haute-Garonne,   auxquelles    l'auteur    se 


120  REVLF.    IIISTOIUQVE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

plaît  à  rendre  hommage  en  même  temps   que,   dans    son   dernier 
chapitre,  il  nous  conduit  d'Orlhez  à  Toulouse. 

Comme  dans  les  autres  travaux  de  la  Section  historique,  des 
états  de  situation,  des  cartes  et  l'indication  détaillée  des  sources 
manuscrites  et  imprimées  auxquelles  l'auteur  a  puisé,  sont  an- 
nexées à  ce  travail,  qui  fait  le  plus  grand  honneur  au  capitaine 
Vidal  de  la  Blachc. 

On  peut  seulement  regretter  qu'il  n'y  ait  pas  joint  un  Index 
qui  aurait  singulièrement  facilité  les  recherches  de  tous  ceux  qui 
auront  à  consulter  ces  deux  volumes. 

M.  H. 


E.  U'elveut,  Napoléon  et  la  Police  sous  la  première  Restauration, 
d'après  les  rapports  du  Comte  Beugnot  au  roi  Louis  XVIII.  Paris, 
Roger  et  Chernoviz,  1913.  ln-8de  vii-i}27  pages. 

On  ne  saurait  trop  remercier  ^I.  E.  Welvert  d'avoir  suivi 
l'exemple  si  heureusement  donné  par  M.  Ernest  d'Hauterive  et 
d'avoir  eu  la  bonne  idée  d'extraire  des  papiers  du  comte  Beugnot 
(qu'on  peut  aujourd'hui  consulter  aux  Archives  Nationales)  tout 
ce  qui  a  trait  à  la  surveillance  de  l'île  d'Elbe  et  surtout  de  son 
souverain.  Ce  travail,  fait  avec  un  soin  tout  particulier,  avec  l'exac- 
titude qui  est  l'une  des  qualités  de  son  auteur,  rendra  d'inappré- 
ciables services  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de  l'histoire  de  cette 
grande  et  inépuisable  période,  et  encouragera,  espérons-le,  des 
imitateurs  de  MM.  d'Hauterive  et  Welvert  à  s'engager  à  leur  tour 
dans  la  voie  qu'ils  leur  ont  magistralement  tracée  et  à  faire  sortir 
des  dossiers  des  Archives  Nationales  une  foule  de  documents 
que  tout  le  nîonde  n'a  ni  le  temps  ni  la  possibilité  d'aller  recher- 
cher à  l'ancien  hôtel  de  Soubise. 

Encouragé  par  l'accueil  qu'on  a  fait  à  ce  volume,  M.  Welvert 
se  décidera  peut-être  à  nous  donner,  un  de  ces  jours,  les  bulletins 
de  la  Police  pendant  les  Cent-Jours.  Il  j'  a  tant  à  glaner,  on  ne 
saurait  trop  le  répéter,  dans  les  trésors  enfouis  dans  les  cartons 
des  Archives  Nationales  ! 

M.  H. 


Livres  nouveaux 


La  Restauration  de    la    Ré])ubli(]uo    de    Genève,    1810-1S14. 
Témoignages   de  contemporains  recueillis  par    Lucien   Achard  et 


UIBLI0GRAPH11-;  121 

Edouard   Faure.    Genève,  Julllen,    1914.    Deux  vol.    in-16,   avec 
illustr.  ;  7  fr.  —  Recueil  des  Actes  du  Comité    de    salut    public, 
publié  par  F.   A.  Aulard.   Tome    XXIII    (21   floréal-14   prairial 
an   III).   Paris,  Leroux,    1914.   In-8>    de   877  p.  —  T.  Baldi,    Un 
episodio  délia  politica  ecclesiastica  di  \apoleone.  F"irenze,  Seeber, 
1914.  In-16  de  129  p.  —  José  Belda  Carreras,  Estudio  historico- 
critico  del  sitio  de  Cadiz  (1810-1812;.  Madrid,  Tip.  delà  Revista 
de  Archivos,  1913.  In-S  de  44  p.  ;    1    tr.    —  l)''   Albert  Bernard, 
L'émigré  Maillart  de  Langres  et   la   vente  de  ses  biens.  Reims, 
Matot,   1914.   In-:S  de   16  p.  avec  grav.  —  Blauco-White,  Souve- 
nirs d'un    proscrit  espagnol  réfugié  en    Angleterre   (1810).  Tra- 
duction de  François  Roisseau.   Paris,  Champion,  1914.  In-8  de 
136  p.    —    Abbé    Louis    Blazy.    La    première  tournée   pastorale 
après  la  Révolution  :  1  Archevêque  Primat  dans  l'Ariège  en  1807. 
Foix,  Imp.  Fra,  1914.  In-8  de  24   p.  —  Général  H.  Bonnal,  La 
vie  militaire  du   maréchal  Ney.  Tome  III.  Paris,   Chapelet,  1914. 
In-8,  avec  cartes  et   portraits  ;   15  fr.   —  Capitaine  de  Bontin   et 
lieutenant  Cornille,  Les  volontaires  nationaux   et  le  recrutement 
de  l'armée  pendant  la  Révolution   dans  l'Yonne.  Auxerre,  Impr. 
Gallot,  1913.  In-8  de  464  p.  —  Abbé  Emile  Bouchez,  Le  Clergé 
du  pays  rémois  pendant  la  Révolution  et  la  suppression  de  l'ar- 
chevêche  de   Reims   (1789-1821).    Reims,  Monce,    1913.   In-S  de 
592  p.  —  Jean    de   Bourgogne,  Un    comédien    d'autrefois   (1750- 
1822  .  Paris,  Grasset,   1914.  In-8  ;  3  fr.50.  —  P.    BressoUes,  Ber- 
nard-.\ntoine  Tajan  (1775-1845)  et  le    barreau   toulousain  au  len- 
demain de  la  Révolution.  Toulouse,    Privât,  1913.  In  8  de   47  p. 
—  Abbé  A.  Bresson,    Les  prêtres  de  la  Haute-Marne  mis  à  mort 
pendant   la  Révolution.  Langres,    Impr.  champenoise,  1914.  In-8 
de  x-205  p.,  avec  pi.  — Général   Bro,   Mémoires  (1796-1844),   re- 
cueillis, complétés  et  publiés  par  son  petit-fils  le  baron  H.  Bro 
DE  CoMÈRES.  Paris,    Pion,    1914.  In-8  de   314  p.  ;  5  fr.  —  A.  M. 
Broadley,  The  journal   of  a  British  Chaplain  in  Paris   during  the 
peace  negotiations   of  1801-1802.  London,  Chapman,    1913.  In-S 
de   336  p.  ;  18  fr.  75.  —  R.   Broekhuizen,    Meppel  in  1813.    Mep- 
pel,  H.  ten  Brink,  1913.  In-S  de  80  p.  et  fig.  ;  1  fr.  25.  —  Général 
Camon,    La   fortification   dans    la  guerre    napoléonienne.    Paris, 
Berger-Levrault,   1914.   In-8  de  xvi-93  p.  ;  2  fr.  — Lieutenant  L. 
Caresnie,  Bonaparte  lieutenant  en  second.  Paris,  Berger-Levrault, 
1914.  In-8  de  65  p.,  avec  pi.    et  croquis  ;  2  fr.  —  Rapports    des 
agents  du  ministre  de  l'intérieur  dans  les  départements  (1793-an 
II),  publiés  par  Pierre  Caron,  Tome  I.  Paris,  Leroux,  1913.  In-8 
de  xLiv-535  p.  —  Pierre  Caron,  Paris  pendant  la  Terreur.  Tome 


122  REvrE    HISTORIQUE  DE  I.A  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Il  (()-27  nivôse  an  II).  Paris,  Picard,  1914.  In-8  de  404  p.  ;  8fr.— 
G.  Caso,  La  carbonena  di  Capitanata  (dal  liSHJ  al  1.S20)  ncila  sto- 
fia  del  risorgimento  italiano.  Napoli,  Picrro,  1913.  In-S  de  120 
P-  —  E.  Castre,  Le  Conseil  général  des  Hoiiches-dn-Rhône  ; 
analyses  el  extraits  des  délibérations  (  liS00-](S38).  Marseille,  Inipr. 
Aschero  et  Vial,  1912.  In-8  de  x-343  p.  ;  6  fr.  —  François  Cha- 
bot, A  ses  concitoyens  qui  sont  les  juges  de  sa  vie  politique  (plu- 
viôse an  II).  Publié  par  A.  Mathœz.  Paris,  Leroux,  1914.  In-8 
de  94  p.  ;  2  fr.  50.  —  Léon  Cheinisse,  Les  idées  politiques  des 
lihysiocrates.  Paris,  Rousseau,  1914.  In-8;  5  fr.  —  Christian  Cher- 
fils,  Bonaparte  et  l'Islam.  Paris,  Pedone,  1914.  In-8,  avec  pi.  ;  8 
fr.  —  Arthur  Chuquet,  L"année  1814.  Paris,  Fonlcmoing,  1914. 
In-8;  12  fr.  —  Arthur  Chuquet,  Etudes  d'histoire  (Septième  série). 
Paris,  Fontemoing,  1914.  In-18  ;  3  fr.  50.  —  Capilainn  von  Colomb, 
Carnet  de  campagne  d'un  officier  prussien  (1813-1814).  Traduit  par 
le  commandant  Minart.  Paris,  Berger-Levrault,  1914.  In-16  de 
xxiv-307p.,  avec  croquis;  3  fr.50.  —  A.  Content,  Les  idées  écono- 
miques et  financières  du  comte  du  Buat-Nancay  (l~i)2-1787).  Poi- 
tiers, Impr.  Basile,  1914.  In-8  de  121  p.  —  J.  Cornillon,  Vente 
des  biens  nationaux.  III.  Moulins,  Grégoire,  1913.  In-S  de  xiv- 
2()ô  p.  ;  7  fr.  50.  —  Souvenirs  d'un  officier  de  gendarmerie  sous 
la  Restauration,  publiés  et  annotés  par  le  vicomte  Aurélien  de 
Courson.  Paris,  Pion,  1914.  In-16  ;  3  fr.  50.  —  Dauphin  Meunier, 
Louise  de  Mirabeau,  marquise  de  ("abris.  Paris,  Emile-Paul,  1914. 
In-8,  avec  illustr.  ;  5  fr.  —  .lacques  Delebecque,  La  première  Res- 
tauration et  les  «  fourgons  de  1  étranger  ».  Paris,  Nouvelle  Librai- 
rie nationale,  1914.  In-16  de  128  p.  ;  1  fr.  50.  —  Comité  des  tra- 
vaux historiques  et  scientifiques.  Notices,  inventaires  et  docu- 
ments. I.  Dociimenls  sur  l'histoire  religieuse  de  la  France  pen- 
dant la  Restauration,  1814-1830.  Paris,  Rieder,  1913.  In-8  de  273 
p.  ;  7  fr.  50.  —  Faustin  Foiret,  Les  Dunois  devant  le  tribunal 
révolutionnaire  de  Paris.  Chàteaudun,  Impr.  de  la  Société  typo- 
graphique, 1913.  In-8  de  32  p.  —  A.  Forest,  Pierre-Paul  Prud'hon, 
peintre  français  (1758-1823).  Paris,  Leroux,  1913.  In-Ui  de  viii-234 
p.  et  fig.  ;  3  fr.  50.  —  Fa\.  Fueter,  Histoire  de  l'historiographie  mo- 
derne. Traduit  de  l'allemand  par  Emile  .Ieaxmaire.  Paris,  Alcan, 
1914.  In-8  de  vii-785  p.  ;  18  fr.  —  Léon  Gauthier,  Les  émigrés 
de  la  Haute-Saône  d'après  les  cartons  F'  5579  à  55.87-'  des  Archi- 
ves Nationales.  Gray,  Impr.  Gilbert  Roux,  1913.  In-8  de  24  p.  — 
L.  Ginetti,  La  Rivoluzione  francese.  Milano,  Vallardi,  1913.  — 
(>omte  de  Girardin,  Iconographie  des  œuvres  de  Jean-Jacques 
Rousseau.  Paris,   Eggimann,  1913.    In-8  de  xii-2t)3  p.   et   12  pi.  ; 


i!iiii,iof;iiAi'iiiE  123 

'il)  IV.  —   (lluinoiiie   M.   Gi'aniei",   Ia'   dcrnit'i-  c-vcciuc    de  Bcziers, 
M,ii;r   Aymard-Claïule  de   Xieolay    en    exil  (1791-1815).    Béziers, 
Imp.    Barllie,   1913.   In-S  de  xiv-ri4  p. —  Capilaine  Gravier,  Les 
opération.s  dans  la  Vienne  de  la  levée  de  30.U00  hommes  de  cava- 
lerie. Les  Cavaliers  jacobins.  Poitiers,   Imp.   Roy,   1914.    In-8  de 
V2  p.  —  Max  Grunvirald,  Die  Feldzùge   Napoléons.  Wien,  Brau- 
miiller,   1913.  In-S  de  vn-311  p.;  5  fr.  — R.  Hohenemser,   Luigi 
Clieriibini  :  sein  Leben  iind  seine  ^^'el■ke.  Leipzig,  Breitkopf,1913. 
In-8  de  ix-56'2  p.  —  Paul  Holzhaussn,   Les  Allemands  en  Russie 
avec  la  Grande  Armée  (1812).  Traduit  parle  commandant  Minart. 
Paris,   Fournier,  1914.  In-8  de  xi-382  p.,  avec  carte  ;  7  fr.  50.  — 
P.  Holzhausen,  Les  Allemands  à  Paris  sous  le  Consulat.  Bona- 
parte et  la  société  parisienne.  Traduit  par  le  commandant  Minart. 
Paris,   Berger-Levrault,    1914.    In-12   de  xi-261  p.  ;  3  fr.   .50.  — 
Henry   Houssaye,   Le   dernier  jour  de  Napoléon   à    La  Malmai- 
son (29  juin  1815).  Paris,  Perrin,  1914.  In-1(3  de  iv-56  p.  ;  1  fr. — 
Hermann   Illig,   Das  Geldwesen  Frankreiclis  zur  Zeit  der  ersten 
Révolution   bis  zum  Ende  der    Papiergeldwahrung.  Slrassburg, 
Trubner.    In-8  de  xii-87  p.  ;  3  mk.   —  Le  Gouvernement  anglais 
et  la  Révolution  française.  «  Les  cinq  accusations  »  de  Sir  Fran- 
cis d'Iveniois,  publié  et  annoté   d'après  le   manuscrit  inédit,'  par 
Otto  IvAR.Mix.  Genève,  Impr.  centrale,  1914.  In-8  de  109p.  — Eug. 
Jacquemont,     François  .Jacquemont,    curé    de    Saint-Médard-en- 
Forez  (1757-183,5).  Ljon,   Lardancbet,  1914.  Li-8  de  xv-496  p.  et 
lig.  —  Henry  Jagot,  Les  origines  de  la  guerre  de  Vendée.  Paris, 
Champion,    1914.  In-8  de  viii-282  p.;  3  fr.50.  —  Em.    Keeding, 
Beilrage    zur    preussischen    Finanzpolitik    in   den    Rheinlanden 
wahrend  der  Jahren  1815-1840.  Bonn,  Marcus  und  Weber,  1913. 
In-8  de  xii-15:!  p.  ;  4  fr.  40.  —  L    KneU,    Erinnerungen  an   die 
Schlacht  bei  Kulm  im  Jahre  1813.  Mariaschein.  In-8  de  âl  p.  — 
Ad.  Kohnt,  Wieland  als  Dichler  und  Dcnker.  Leipzig,  Markgraf. 
In-8  de   x-203  p.  ;    2  mk.  50.  —  Ernest  Labadie,   Les  billets    de 
confiance  émis  par  les  caisses  patriotiques  du  département  de  la 
Gironde  (1791-1793).  Paris,  Leroux,  1914.  Li-8  ;  7  fr.  50.  -  Abbé 
E.  Lafuste,  La  paroisse  de  Lavelanet  pendant  la  Révolution  (1789- 
1802).  Foix,  Lnp.  Fra,  1914.    ln-8  de  95  p.    —  L.  Lataste,  Louis 
Claveau,  Constant  Pionnier  et  Gaston  Barbier,  Archives  Parlemen- 
taires de  1787  à  18(50.  Première  série  (1787-1799).  Tome  LXXXII 
(du  30  frimaire  au  15  nivôse  an  II).  Paris,  Paul  Dupont,  1914.  Gr. 
in-8  de  807  p.  à  2  col.  —  A.  de  La  Valette-Monbrun,   Maine   de 
Biran    {17(5(5-1824).   Paris,   Fontemoing,    1914.    In-8    de    544  p.  ; 
10  fr.  —  Adhémard  Leclère,  La  Révolution  à  Alençon,  1790.  Paris, 


124  lu-.vrE  nisTORiQiE  nii  i.a  nÉvoi.UTHiN  française 

Leroux,  1914.  In-K)  de  xvii-2fi8  p.  —  (].  Lefebvre,  Documents 
relatifs  à  l'histoire  des  subsistances  dans  lo  district  de  Bergues 
(1788-an  V).  Tome  I".  Paris,  Leroux,  1914.  In-S  ;  7  fr.  50.— 
C  Leimbach,  Victor  von  Prendel,  Oberst  und  Kommandant 
von  Leipzig  nach  der  Volkcrschlacht.  Leipzig,  Dieterich.  In-8 
de  96  p.,  avec  illustr.  ;  2  mk.  50.  —  Fr.  Liesenféld,  Klemenz 
Wenzeslaus,  der  Ictzle  Kurfiirst  von  Trier,  seine  Landslande 
und  die  frnnzosische  Révolution  (1789-1794).  Trier,  Lintz,  1912. 
In-8  de  xiii-288  p.:  11  (V.  40. —  Georges  Lizerand,  Les  doléan- 
ces du  tiers  état  du  bailliage  de  Sens  en  1789.  Auxerre,  Inipr.  de 
«  l'Indépendant  auxerrois  ",  1913.  In-8  de  111  p.  —  Comlc  de 
Lort  de  Sérignan,  Soldats  de  la  Révolution  et  de  l'Empire.  Paris, 
Perrin,  1914.  In-8dex-l532  p.  —  Louis  Madelin,  Danton.  Paris, 
Hachette.  1914.  In-8  de  324  p.,  avec  8  pi.  ;  7  fr.  50.  —  Georges 
Mallet,  La  polili([ue  financière  des  Jacobins.  Paris,  Rousseau, 
1913.  In-8  de  449  p.  -  Les  luaniiscrilii  relatifs  à  l'histoire  delà 
Révolution  et  de  ri'^inpire  tlans  les  bibliothè([iies  publiques  des 
départements.  Paris,  Rieder,  1913.  In-8  de  458  p.  —  Gomte  G. 
Mareschal  de  Bièvre,  Les  «ci-devant  nobles  »  et  la  Révolution. 
Paris,  Emile-Paul,  1914.  In-8  de  v-349  p.  ;  7  fr.  .')().  —  Baron 
A.  de  MariCDurt,  La  duchesse  d'Orléans,  nure  du  roi  Louis- 
Philippe.  Paris,  Emile-Paul,  1914.  In-8,  avec  illustr.  ;  ô  fr.  —  L. 
Marrone,  Délia  vita  e  délie  opère  di  Pasquale  Marino  Guarano, 
vittima  del  1799.  Napoli,  Tip.  già  Diritto,  1913.  In-8  de  106  p. 
—  Frédéric  Masson,  Napoléon  et  sa  famille.  Tome  XI  (1815). 
Paris,  Ollendorlï,  1914.  In-8  ;  7  fr.  50.  —  Avédik  Mesrobian,  Les 
conceptions  pédagogiques  de  Diderot.  Paris,  Molouan,  1913.  In-18 
de  168  p.  —  Adolphe  Michel,  1813  :  Marie-Louise  dans  le  Cal- 
vados. Baveux,  Impr.  (>olas,  1913.  In-8  de  39  p.  —  Violette  M. 
MontagU,  Eugène  de  Bcauharnais,  ihe  adoplcd  son  of  Napoléon. 
London,  Long.,  1913.  In-8de  384  p.  ;  18  fr.  75.  -  Abbé  Jacques 
Moulard,  Le  comte  Camille  de  Tournon,  préfet  de  la  Gironde 
(1815-1822).  Paris,  Champion,  1914.  In-8  de  xxxix-580  p.,  avec 
portr.,  plan  et  carte;  15  fr. —  Ern.  Miisebeck,  Ernst  Moritz  Arndt; 
ein  Lebensbild.  I  (1769-1815).  Gotha,  Perthes,  1914.  In-8  de  xii- 
591  p.  et  fig.  ;  13fr.80.  —  Pierre  de  Noihac.  Le  Trianon  de 
Marie-Antoinette.  Paris,  Manzi,  1914.  In-4  de  1S7  p.  ;  200  fr.  — 
L.  d'Oberny.  Au  seuil  de  l'épopée  :  Episodes  des  campagnes 
d'Egypte  et  de  Syrie  (1798-1801).  Paris,  Klotz,  1913.  In-8  de  287 
p.  —  Angel  Ossoi'io  y  Gallardo,  Historia  del  pensamiento  poli- 
tico  catalan  durante  la  gnerra  de  Espana  ccn  la  Republica  fran- 
ccsa.  Villanucva  y  Geltru,  Oliva.  In-4  de  xx-271  p.  —  Mark  Gam- 


BIlîI.IOdHAI'HIE 


12!i 


hier  Parry,  Madaine  Necker  ;  lier  family  and  lier  friemls.  Lon- 
ilon,  lîlackwood,  1913.  In-8  de  37.S  p.  ;  l(i  l"r.  —  A.  Patoux,  Le 
taux  de  Gracchus  Babeuf.  Saint-Quentin,  Impr.  du  «  (luetteur  », 
lOl'i.  In-8  de  70  p. —  Ch.  Pergamsni,  Les  fêtes  révolutionnaires 
et  l'esprit  public  bruxellois  au  début  du  régime  français.  Bruxelles, 
Vromant,  1913.  In-8  de  59  p.  et  pi.  ;  2  fr.  —  Raymond  Peyronnet, 
Davout.  Paris,  Chapelol,  1914.  In-18  ;  1  fr.  50.  —  .lui.  von 
Pflugk-Harttung,  Leipzig  1813,  ans  ilen  Akten  des  Kriegs-  und 
Staatsarcliivs.  Gotha,  Perthes,  1913.  Li-8  de  xviii-452  p.  et  fig.  ; 
1 1  fr.  40.  —  André  Pillet,  Recherches  faites  en  Allemagne  sur 
1  horloger  Charles-Guillaume  NauendorlT,  prétendu  fils  de  Louis 
\y\  et  de  Marie-Antoinette.  III  :  Ses  antécédents  devant  le  Tri- 
bunal Paris,  Picard,  1914.  In-8  ;  2  fr.  .50.  —  S.  Pivano,  Albori 
costituzionali  d'Italia  (1796).  Torino,  Hocca,  1913.  In-8  de  vi-471 
p.  —  Charles  Porée,  Documents  relatifs  à  la  vente  des  biens 
nationaux  dans  le  district  de  Sens,  département  de  l'Yonne.  Tome 
II.  Auxerre,  Impr.  «  l'Universelle»,  1913.  In-8de  741  p.  ;  7fr.  50. 

—  Charles  Porée,  Procès-verbaux  de  l'administration  départe- 
mentale de  l'Yonne  de  1790  à  1800.  Tome  VU  (11  tloréal  an  II- 
15  fructidor  an  III).  Auxerre,  Impr.  de  «  l'Indépendant  auxer- 
rois  »,  1913.  In-8  de  43H  p.  —  Arthur  Pougin,  Un  directeur 
d'Opéra  au  xvia''  siècle  ;  L'Opéra  sous  l'ancien  régime  ;  L'Opéra 
sous  la  Révolution.  Paris,  FisL-hbacher,  1914.  In-8  de  143  p.  ;  4  fr. 

—  M.  Quatrelles  l'Epine,  Chcrubini  (1700-1842).  Lille,  Impr. 
Lefebvre-Ducrocq,  1913.  In-8  de  175  p.,  avec  illustr.  —  Armand 
Rebillon,  La  situation  économique  du  clergé  à  la  veille  de  la 
Révolution  dans  les  districts  de  Rennes,  de  Fougères  et  de  Vitré. 
Paris,  Leroux,  191.'$.In-8  de  cxxix-780  p.  et  unecarte.  — André  Ros- 
signeux,  Une  étape  de  Napoléon  I''^  :  Avallon  (16-17  mars  1815 
Auxerre,  Impr.  Gallot,  1913.  In-8  de  19  p.  —  André  Rossigneux, 
Officiers  de  la  Grande  Armée  originaires  du  département  de 
l'Yonne.  Auxerre,  Impr.  Gallot,  1913.  In-8  de  39  p.  —  R.  'V.  C, 
Notes  sur  l'histoire  militaire  delà  Drôme  (1791-1793).  Paris,  Ber- 
ger-Levrault.  s.  d.  In-8  de  51  p.,  avec  une  carte. —  A.  Sacchetti 
Sassetti,  Il  brigadicre  Giuseppe  Capelletti  (1755-1813).  Rieti, 
Trinchi,  1913.  In-16  de  106  p.  —  Jean  Saint-Martin,  Les  der- 
niers représentants  de  Rome  à  Avignon  et  dans  le  Comtat  Venais- 
sin  :  Giovo,  archevêque  d'Avignon  (1775-1790).  Avignon,  Rouma- 
nille,  1913.  In-8de38p.  — Anselmo  Salva,  Burgos  en  la  guerra 
de  la  Independencia.  Burgos,  Miguel.  In-8  de  157  p.  —  B.  San- 
cholle-Henraux.  Le  chevalier  Luigi  Angiolini  (1750-1821).  Cor- 
respondance. Angiolini  et  le  prince  Camille  Borghèse  ;  Le  mariage 


126  RENTE    mSTORIQlE  DR   I,.\   HKVOl.lTION     FRANÇAISE 

de  Pauline  Bonaparte.  Paris,  Prieur  et  Dubois,  1913.  In-<S  deSll 
p.  et  fig.  —  Wilhelm   Sattig,  Die   Schlacht  an  der  Katzhach  am 
26.  August  und  die  Verfolgung  ijis  zuni  1.  Septemher  1813.    Ber 
lin.  Millier.  In-8  de  vni-142  p.;  4  mic.  —  M.   StajaiiD,    Relazioni 
diplomatiche  délia    corle  di  Napoli  dalla    battaglia  di   Marengo 
alla  pace  di  Liincvillc.  Napoli,  Giannini,  1913.  In-8  de  162  p.  — 
Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques.   Notices,  inven- 
taires et  documents.   II.  La   stalislique  agricole  de   1814.  Paris, 
Rieder,  1914.  In-8  de  xx-579  p.  ;  7  fr.  50.  —  Henri  Stein,   La  So- 
ciété des  beaux-arts  de  Monlpellier(1779-17S7).  Nogent-le-Rotrou, 
Impr.  Daupeley-Gouverneur,  1913.  In-8  de  43  p.  —  Henri  Stein, 
Une  manufacture  à  l'hôtel  Soubise  sous  Napoléon  I'''.  Nogent-le- 
Rotrou,  Impr.    Daupeley-Gouverneur,   1913.  In-8  de  18  p.,  avec 
pi.  —A.  de  Tarlé,  Murât.  Paris,  Chapelot,  1914.  In-16  de  166  p., 
avec  illustr.  ;  1  fr.  50.  —  F.  Thomas,   La  Révolution  et  les  FF. 
MM.  capucins.  Montpellier,  Impr.   de  la  manufacture  de  la  Cha- 
rité, 1913.    In-8  de  vi-199  p.  —  De  Tilly,  Souvenirs  d'un  page  de 
Marie-Antoinette.  Paris,  Emile-Pnul,  1914.  In-lS  de  xxxiii-288p. 
et  fig.  ;  3  fr.  50.  —  R.  Triger,  L'ancien  évèché  du  Mans  avant  la 
Révolution  et  la   maison   d'arrêt    de  l'évcché  de  1793  à  1805.    Le 
Mans,  De  Saint-Denis,  1914.  In-8  de  146  p.   et  pi.  —  R.  Triger, 
Une  prison  du  Mans  pendant   la  Révolution  :  La   maison  d'arrêt 
de  l'évèché.  Le  Mans,  De   Saint-Denis,  1914.  In-8  de  69  p.  et  pi. 
—  Œuvres  de  Turgot,  publiées  par  G.  Schelle.  Tome  II  :  Turgot 
intendant  de  Limoges  (1761-1767).  Paris,  x\lcan,  1914.  In-8de  719 
p.,  avec  portr.  ;  12  fr.  —  C.  Vacher  de  Lapouge,  Necker  écono- 
miste. Paris,  Rivière,  1914.  In-8  de  316  p.,  avec  portrait  ;  8  fr. — 
Général  vicomte   Vionnet,    Souvenirs,  publiés  par  A.  Lévi  (1812- 
1817).  Paris,  Dubois,  1913.  In-8  de  vn-407  p.  ;  7  fr.50.  —  Paul 
Wentzke,  .lustus  Gruner  (1777-1820),  der  Bcgriinder  der  preus- 
sischen   Herrschaft   im    bergischen    Lande.   Heidelbcrg,  Winter. 
In-8  de  viii-68  p.,   avec  illustr.   —  Harold   F.  B.  Wheeler,   The 
French  Révolution,  from  the  âge  of  Louis  XVI  to  tbe  coming  of 
Napoléon.  London.  Jack,  1913.  In-8  de  498  p.  et  fig.  ;  9  fr.  40.  — 
Basil   Williams,  The  life  of  William  Pitt,  Karl  of  Chatham.  Lon- 
don, Longmans,    1913.   In-8  de  420  et  430  p.  ;  31  fr.  75.  —  M. 
Zielinska-Brzosko,    Der  dritte   Stand   und   die   polnische   Konsti- 
lution  vom  3.  Mai  1791.  Berne.   I11-8  de  117  p. 


PÉRIODIOl  ES 


Akadémiai  Ertesitoe.  —  15  février  1911  :  Jean  Vaczy,  Ln 
réaction  politique  en  Hongrie  après  1790  et  son  influence  sur  la 
littérature.  —  lô  mars  :  Louis  Rac.z,  Le  voyage  de  Montesquieu 
en  Hongrie. 

Amateur  d'autographes  (L').  —  Xoi'cmbre  J913  :  Un  poète 
sous  le  premier  Empire  :  Extraits  inédits  du  journal  et  de  la 
correspondance  de  Pierre  Lebrun  (fin  en  décembre)  [ces  lettres 
et  fragments  vont  du  6  janvier  1807  au  15  octobre  1812]  ;  Les 
manuscrits  de  Rousseau  de  la  Chambre  des  députés. —  Décem- 
bre :  Une  lettre  inédite  de  Chateaubriand  [adressée  à  Elisa  Bo- 
naparte, 12  messidor  an  XL  ;  Le  prince  Eugène  et  Madame  Tal- 
lien  [en  fruciidoran  VHI].  —  Janvier  l!)li  :  R.  B.,  Le  budget  de 
l'artillerie  en  1813.  —  Février  :  Cl.  Periîoud,  Lettre  de  Buzot  à 
Brissot  [datée  du  10  avril  1791)  ;  Quelques  documents  sur  le 
père  de  Sainte-Beuve  [le  premier  de  ces  documents  est  de  1786, 
les  quatre  autres  de  1791]  ;  Le  général  Haxo  et  l'Institut  [9  no- 
vembre 1829]  ;  La  reine  Hortense,  le  colonel  de  Brack  et  le  poète 
Lebrun  [1829-1830]. 

Amys  du  'Vieux  Dieppe  (Les).  —  11(191,3):  H.  Hliion,  Un 
général  dieppois  de  la  Révolution  et  de  lEmpire  [général  baron 
(irégoirc  Delaroche,  1767-1845]. 

Anjou  historique  (L').  —  Novembre-décembre  1913  :  Bannis- 
sement en  Espagne  des  prêtres  manccaux  et  angevins  (1792)  [ré- 
cit anonyme  écrit  le  5  mai  1793  et  déjà  publié  par  la  Bévue  de  l'An- 
jou en  1853]  ;  Le  représentant  du  peuple  Philippeaux  en  Maine- 
et-Loire  (1793)  ;  M.  Bretonnier,  vicaire  au  Vieil-Baugé,  guillotiné 
à  Angers  [arrêté  à  Chalonnes-sur-Loire  le  26  octobre  1793,  il  fut 
condamné  à  mort  et  exécuté  le  4  novembre  suivant|  ;  Les  traités 
de  La  Jaunaye,  de  La  Mabilais  et  de  Saint-Florent-le-Vieil  [1795]  ; 
Enquête  administrative  sur  le  clergé  insermenté  de  Maine-et- 
Loire(mars  1796)  ;  Bonaparte,  Hédouvilleet  Bernier  (1799-1800); 
L'I'2cole  secondaire  de  Saint-Nicolas  à  Angers  (1800-1806)  ;  L'en- 


128  UKVIH    IIISTOIUQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    KHANÇAISE 

lèvenient  du  sénateur  Clément  de  Ris  et  le  tribunal  d'Angers  : 
histoire  et  légende  (1801  );  Inauguration  du  portrait  de  l'Empe- 
reur à  Angers  (ISOS)).  —  Janvier- fci^rier  191i  :  Les  carriers  d'An- 
gers en  1790  [documents  extraits  du  registre  des  délibérations  de 
la  municipalité  d  Angers]  ;  Larévellière-Lépeaux  dans  la  Vendée 
angevine  (1792)  ;  Deux  commissaires  parisiens  à  Saumur  (mai 
1793)  [Minier,  officier  municipal  de  Paris,  et  La  Chevardière, 
vice-président  du  département  de  Paris]  ;  Le  général  Decaen  et 
la  guerre  de  Vendée  ;  Le  siège  d'Angers  (3-4  décembre  1793)  [ex- 
trait du  rapport  adressé  le  6  décembre  1793  par  le  Conseil  géné- 
ral du  département  de  Maine-et-Loire  à  la  Convention]  ;  Six 
Vendéens  guillotinés  à  Angers  le  24  janvier  1794  ;  Jullien  (de 
Pnris)  ù  Angers  (3  février  1794)  ;  Assemblées  révolutionnaires 
à  Brissac  (1"  et  6  mars  1794)  ;  Avant  et  après  le  traité  de  La  Jau- 
naye  (1794-1795)  ;  Le  département  de  Maine-et-Loire  (mars 
1797)  [compte  rendu  de  l'administration  centrale  du  département 
de  Maine-et-Loire  publié  par  elle  le  20  mars  1797';  Les  vicaires 
généraux  d'Angers  (1832). 

Annales  de  Bretagne.  —  Avril  il)H  :  Nouveaux  documents 
sur  La  Mennais  ;  Albert  Mousset,  Nicolas  Delvincourt  et  le  No- 
biliaire de  Bretagne  ;  René  Durand,  Le  prix  des  grains  à  Guin- 
ganip  sous  la  Révolution  ;  E.  Sevestre,  Le  clergé  breton  en 
1801  d'après  les  enquêtes  préfectorales  de  l'an  IX  et  l'an  X  con- 
servées aux  Archives  nationales. 

Annales  de  la  Société  académique  de  Nantes  et  de  la  Loire- 
Inférieure.  —  IV  {U)i:l)  :  Velasque,  l'ne  administration  révolu- 
tionnaire inconnue  :  la  commission  civile  et  administrative  et  les 
colonnes  infernales. 

Annales  du  Comité  flamand  de  France.  — A'A'A'7  {191:1):  Cha- 
noine Camille  Looten,  Histoire  de  Annc-Louis-Alexandre  de 
Montmorency,  prince  de  Robecq,  lieutenant  général  des  armées 
du  roi,  commandant  en  chef  dans  les  F'iandres,  le  Hainaut  et  le 
Cambrésis  (1724-1812). 

Annales  fléchoises  et  la  Vallée  du  Loir  (Les).  —  Novembre- 
drcembre  lUt'.l  :  F.  L^zureau,  Variétés  fléchoises  (1773-1776). 

Annales  rethéloises.  —  U)i:i  :  H.  Baudon,  Passage  à  Rethel 
de  l'impératrice  Joséphine. 

Annuaire  du  diocèse  d'An-as. —  Ulli:  E.  Foulon,  l'n  prêtre 
réfractaire  [l'abbé  François  Brasseur]. 

Apulia.  —  IV  (l!>i:S),  fuse.  .'»'-'/  :  Ida  Ghisalberti,  Le  condi- 
zioni  général!  del  Napoletano  c  gli  avvenimenti  del  1848  in 
Terra  d'Otranto  ricostruiti  sui  processi  politici. 


pÉRioDiyrES  121) 

Archeografo  triestino. — A'A'A'\'  (VJV.l):  B.  Zh.iotto,  Tre- 
cenlosessantasel  lettere  di  Gian  Rinaldn  C.arli  capodistriano,  ca- 
vale dagli  original!  ed  annotate  1 17U'2-179r)|  ;  A.  Beiîlam,  Il  veterano 
napoleoiiico  cav.  Bartolomeo  Bertolini,  scrillore  di  memorie  e 
maestro  di  scherma. 

Archives  historiques  de  la  Champagne  et  de  la  Brie.  —  "■20  jamner 
]!)}'f  :  Maurice  M.villard,  La  bataille  de  Cliampaubert  (10  février 
1814)  ;  Le  soir  de  Champaubert  (lettre  d'un  témoin,  Hémart, 
publiée  par  le  Journal  de  la  Marne  le  30  juillet  ISBô].  —  20 
jéinier  :  Virguin,  Le  bombardement  de  Chàlons  (4  lévrier  1814); 
Octave  Beuve,  Le  commerce  et  l'industrie  dans  l'Election 
d'Épernav'  à  la  veille  de  la  Révolution  :  Rapport  des  députés 
composant  le  Bureau  intermédiaire  de  l'élection  d'Epernay,  sur 
les  différents  établissements  qui  peuvent  intéresser  le  commerce 
de  cette  élection  (30  juillet  1788).  —  "20  mars  :  E.  Loppin,  Lettres 
de  Jacobins  :  Correspondance  des  Sociétés  populaires  de  la  ré- 
gion avec  la  Société  populaire  de  Chàlons  [lettres  émanant  des 
Sociétés  populaires  d'Aigny,  d'Anglure,  d'Avize,  d'Ay,  de 
Bisseuil  et  de  Bourbonne-les-Bains]. 

Archives  historiques  du  diocèse  de  Chartres.  —  19V>  .■  Abbé  G. 
Sainsot,  Une  correspondance  chartraine  pendant  la  Terreur  ; 
Abbé  G.  Sainsot,  Voyage  d'émigration  d'un  prêtre  chartrain 
(1792-1810)  ;  Abbé  G.  Sainsot,  Evasion  de  prisonniers  à  Chartres 
en  1793. 

Archivio  délia  R.  Societa  Roniana  di  Storia  Patria.— A'A'A'  Vl(U)Vi), 
3-i:  Celani,  I  preliminari  del  Conclave  di  Vene/.ia  (1798-1800). 

Archivio  per  l'Alto  Adige.  —  VIII  (l!)i:>),  1  :  Eugenio  de  Rossi, 
Avvenimenti  militari  nel  dipartimenlo  délia  Piave  durante  il  1809. 

Archivio  storico  délia  Calabria.  —  I  (l!)!.")),  (>  :  D.  Corso,  L'asse- 
dio  di  Amantea  nella  insurrezione  calabrese  del  1806. 

Archivio  storico  per  le  provincie  parmensi.  —  A7//  (/.v/.i)  .•  G.  P. 
Clerici,  Bodoni  grande  elettore. 

Ars  et  Labor  [MilanJ.  —A'//  {Wt:',).  12  :  Mokazzoni,  Il  cen- 
tenario  di  Grétry. 

Art  décoratif  (L"). —  Nooembre  IDl.'i  :  H.  Blffknoir,  Les  por- 
traits authentiques  de  J.- J.  Rousseau. 

Art  et  les  Artistes  (L').  —  Juillet  191:1  :  Léandre  Vaillat,  Le 
château  de  Coppet  ;  Paul  Bayle,    Les  salons  sous  le  Directoire. 

Au  Pays  virois.  —  1913 :  Jean  Porqiet,  Notes  sur  Bertrand 
Porquct,  curé  constitutionnel  de  Notre-Dame  de  Vire  (1800- 
1802)  ;  P.  NicoLLE,  Les  mésaventures  d'un  prêtre  marié  :  De- 
mary,  curé  de  Champ-du-Boult.. 

BEV.   IIIST.   DE  H  BLVOL.  9 


liJO  REVUE     HISTORigiE  DE  LA   RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Biblioteka  Warszawska.  —  Octobre  li)i:i  :  S.  Askenazv, 
Napoléon  et  les  légions  ;  W.  Przeclawski,  Joseph  Poniatowski 
dans  la  poésie  ;  E.  Kipa,  Les  tentations  de  Poniatowski  en 
1809.  —  Janvier  1911  :  Z.  Bujakowski,  L'histoire  d'un  article  en 
1830  ;  T.  BiECHONSKi,  Les  bourses  d'études  au  début  du  xix=  siè- 
cle. 

Bibliothèque  universelle  et  Revue  suisse.  —  Décembre  1!)13  : 
E.  Chapuisat,  La  restauration  de  la  république  de  Genève. 
—  Janvier  191 'i  :  G.  Gilliard,  Un  vojaye  en  Italie  à  la  fin  du 
xviii'  siècle  (suite  en  février).  —  Mars  :  ^L  Revmond,  Le  canton 
de  Vaud  et  l'entrée  des  Alliés  en    Suisse. 

Bollettino  storico  dalla  provincia  di  Novara.  —  VII  (l'Jl.'i), 
:i-'f  :  G.  Poma,  Un'  autica  satira  contro  Biella  [écrite  probable- 
ment en  1799]. 

British  médical  Journal.  —  //  (19}:i)  :  One  hundred  years 
ago  :  accidents  in  august  1813  ;  A  surgeon  of  ihe  Grande  Armée  ; 
The  Ptoyal  Gollege  of  Physicians  and  its  Présidents  in  1813. 

Budapesti  Szemle.  —  Février  191 'i:  Jean  Vaczv,  La  réaction 
politique  et  littéraire  après  1790  et  Kazinczy. 

Bulletin  de  la  Commission  historique  et  archéologique  de  la 
Mayenne.  —  A'A7A'  (1913)  :  Era.  Sinoir,  Gharles-François 
d'Orlodot  (17r)t)-1816)  :  E.  Sévestre,  Enquêtes  sur  le  clergé,  de 
l'an  IX  à  l'an  XIII  ;  M.  Quéruau-Lamerie,  Les  Ghouans  de  la 
Basse-Mayenne  ;  X.,  Cahier  des  doléances  des  paroisses  faisant 
actuellement  partie  de  l'arrondissement  de  Chàteau-Gontier. 

Bulletin  de  la  Société  académique  de  Laon. —  XXXV {1913)  : 
Souvenirs  sur  le  maréchal  Sérurier  et  sa  famille. 

Bulletin  de  la  Société  académique  du  Centre.  —  1913  :  D' 
Gabriel  Patrigeon,  Les  biens  nationaux  du  déparlement  de 
l'Indre. 

Bulletin  de  la  Société  archéologique  de  Nantes  et  du  départe- 
ment de  la  Loire-Inférieure.  —  LIV  (1913)  :  Léon  Delattre,  Notes 
curieuses  extraites  des  registres  de  la  paroisse  de  Saint-Lumine- 
de-Coutais,  précédées  d'une  notice  sur  l'abbé  Ghevallier,  recteur 
de  cette  paroisse,  député  du  clergé  en  1789. 

Bulletin  de  la  Société  archéologique,  historique  et  artistique  «  Le 
Vieux  Papier  ».  —  1"  janvier  191 'i  :  G.  Gi.aro,  Une  lettre  du  camp 
de  Boulogne  ;  D''  Viallet,  Une  concurrente  à  la  rose  en  1785  ; 
J.  Pellisson,  Deux  affiches  parisiennes  sous  la  Révolution. 

Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  de  l'art  français.  —  1913  : 
G.  Vauthier,  L'église  Saint-Gerniain-des-Près  (1791-1821). 

Bulletin  de  la  Société  de  l'histoire  de  Paris  et  de  l'Ile-de-France. 


PÉRIODIQUES  131 

—  1913,  3'  cl  '/'  l'wr.  :  H.  Stein,  Une  manufacture  à  l'hôtel  Sou- 
mise sous  Napoléon  h'''.  —  ô"  livr.  :  F.  Hebbeï,  Le  cabinet  de 
l'abdication  à  Fontainebleau. 

Bulletin  de  la  Société  des  lettres,  sciences  et  arts  de  la  Corrèze. 

—  Octobre-décembre  1913  :  V.  Forot,  Les  émigrés  corréziens 
pendant  la  période  révolutionnaire  et  la  nomenclature  de  leurs 
biens  séquestrés  ;  J.  Plantadis,  Les  conventionnels  Brival  et 
Lanot,  députés  de  la  Corrèze. 

Bulletin  de  la  Société  d'études  des  Hautes- Alpes.  —  ¥  trimes- 
tre 1913  :  Abbé  P.  Glillaime,  Situation  économique  du  dépar- 
tement des  Hautes-Alpes  en  1801  (suite  dans  le  /'''  trimestre 
191 '0. 

Bulletin  de  la  Société  d'histoire  de  la  pharmacie.  —  /  (1913), 
1  :  Maurice  Soenen,  Le  sel  de  Seignette  à  la  cour  de  Versailles 
sous  Louis  X^'I  ;  K.  Grave,  Une  lettre  inédite  de  Lavoisier(1783). 

Bulletin  de  la  Société  d'histoire  et  d'archéologie  de  l'arrondis- 
sement de  Provins.  —  A7  (1913)  :  A.  Bonno,  Le  dernier  aumô- 
nier des  religieuses  i'ontevristes  de  Collinances  [François  Bon- 
temps,  17Ô3-1811]. 

Bulletin  de  la  Société  Gorini  .  —  Janvier  1914 -.D'CReboil, 
Un  curé  en  Bresse  pendant  la  Révolution  :  Notice  sur  P.  Reboul. 

Bulletin  de  la  Société  historique  et  archéologique  de  Corbeil, 
d'Etampes  et  du  Hurepoix.  —  1913  -.  Le  rétablissement  du  culte 
à  Corbeil  en  1795. 

Bulletin  de  l'Institut  catholique  de  Paris.  —  "23  décembre  1913  : 
Histoire  de  la  Révolution  (Cours  de  M.  Gustave  Gautherot) 
(suite  les  23  jcmvier,  23  février  cl  23  avril  191  i). 

Bulletin  de  l'Union  Faulconnier.  —  A'V7  (1913)  :  E.  Lecluse,- 
Le  théâtre  à  Dunkerque  sous  la  Révolution  [1790-1798]  ;  Plaintes, 
doléances  et  remontrances  de  la  confrérie  de  Saint-Georges  de 
Dunkerque,  remises  à  leurs  députés  à  1  hôtel  de  ville,  le  24  mars 
1789. 

Bulletin  d'histoire  économique  de  la  Révolution.  —  1912,  n"  2  : 
P.  Carox,  Le  mouvement  antiseigneurial  de  1790  dans  le  Sarla- 
dais  et  le  Quercy  ;  V.  Forot,  Les  travaux  d'établissement  de 
la  manufacture  d'armes  de  la  Montagne,  à  Tulle  ;  G.  Bourgin, 
Coalitions  agricoles  en  l'an  H  et  en  l'an  HI  ;  P.  Caron,  Les 
subsistances  dans  le  canton  de  Rugles  (Eure),  au  début  de  1794. 
Bulletin  diocésain  d'histoire  et  d'archéologie  du  diocèse  de  Quim- 
per-Léon.  —  1913  :  J.-M.  Pilven,  Mgr  Dombidau  de  Cronseilhes 
et  la  restauration  du  culte  dans  le  diocèse  de  Quimper  (1805- 
1823). 


132  RF.VL'E    HISTORIQVF,  DE  LA   RÉVOLUTION"    FRAXÇ AISIC 

Bulletin  du  Comité  flamand  de  France.  —  lilL'i  :  l\.  Giard, 
L'église  de  Verlinghem  pendant  la  Révolution. 

Bulletin  du  Musée  historique  de  Mulhouse.  —  A'A'A'  VI  i  li)i:]i  -. 
Jean  Baumgartner,  Mémoires,  1811-1813  ;  P.  Stœbeu,  Lettres 
d'un  officier,  d'origine  alsacienne,  ayant  servi  dans  la  Grande 
Armée  (1809  et  1S12). 

Bulletin  et  Mémoires  de  la  Société  d'émulation  des  Côtes-du- 
Nord.  —  LI  (li)t:])  :  R.  Dlranu,  LHôtel-Dieu  de  Tréguier  à  la 
veille  de  la  Révolution. 

Bulletin  polonais  [Paris].  —  /.)  avril  191i  :  Ch.  Bhzezicki, 
Les  Polonais  pendant  la  campagne  de  France  de  1814. 

Bulletin  trimestriel  de  l'Académie  des  sciences,  belles-lettres  et 
arts  de  Besançon.  —  !'•  Iriiueslrc  Ull'i  .- Général  Giillin,  Le  maré- 
chal Moncey,  son  caractère  franc-comtois. 

Cahiers  du  Centre  (Les).  —  Janvier  191 't  :  Paul  Destray,  Cor- 
porations et  métiers  de  Clamecy  à  la  fin  du  xviii''  siècle. 

Carnet  de  la  Sabretache.  —  Décembre  1913  :  Campagnes  et 
souvenirs  militaires  de  Jean-Auguste  Oyon  (1783-1852)  (suite  en 
janvier  et  février  1914)  ;  O.  Hollandfr,  L'étendard  de  l'escadron 
de  Napoléon  à  l'ile  d'Elbe  (1814-1815);  Marquis  de  Gain,  Le  général 
baron  Goullus  (1756-1814).  —  Janvier  191i  :  G.  Cottreau,  Grena- 
dier à  cheval  de  la  maison  militaire  du  Roi  (1814-1815)  ;  Comman- 
dant E.  Cazalas,  Une  cuisine  roulante  à  la  Grande  Armée  en 
1812  ;  Colonel  Eleurv,  Monuments  comménioratifs  de  la  campa- 
gne de  1814  à  Reims.  —  Février  :  Général  Daudignac,  Un  officier 
d'état-raajor  sous  Louis  XVI  ;  G.  Cottreau,  Le  colonel  baron 
Feisthamel,  commandant  de  la  Garde  municipale  de  Paris  (1831- 
1839).  —  Mars  :  A.  Depréaux,  Souvenirs  militaires  de  Pierre 
AuvraN-,  sous-lieutenant  au  23'  régiment  de  dragons  (1807-1815) 
(suite  en  avril)  ;  A.  Depréau.k,  Un  souvenir  de  chevau-légers 
polonais  de  la  Garde  (1814).  —  Avril  :  Commandant  V.  Fanet,  Le 
l"  Régiment  des  Gardes  d'honneur  (11  juin  1813-14  juillet  1814)  ; 
Commandant  E.  Martin,  Le  colonel  d'artillerie  Belly  de  Bussy, 
aide-dc-camp  de  Napoléon  h'  (17(58-1848)  ;  G.  Cottreau,  Nomi- 
nation de  deuxième  porte-aigle  (1808-1814)  ;  G.  Cottreau,  La 
coiffure  du  colonel  de  la  Garde  de  Paris  sous  Louis-Philippe. 

Chronique  médicale  (La).  —  1"  janvier  1911  :  D'  Lebeauimn, 
Voltaire  et  les  médecins,  à  propos  de  «  L  Ingénu  »  ;  Le  tempéra- 
ment de  Robespierre.  —  1"'  mars:  D''  Max  Billard,  L  embaume- 
ment du  maréchal  Bessicres  ;  Le  médecin  de  Robespierre  ;  Com- 
ment on  devenait  médecin  il  y  a  cent  ans.  —  /''  avril  :  Le  dernier  (?) 


PÉRIODIQUES  133 

mol  sur  hi   mort  de  J.-J.   Rousseau;  Le  centenaire  de    Guillo- 
lin  ;  La  simuhition  des  maladies  sous  la  Terreur. 

Ciel  et  Terre  [Bruxelles].  —  A'A'A'/V  (1913)  :  Corn.  Rochette, 
Observations  physiques  faites  à  Spa  en  1792. 

Conférences.  —  (>  novembre  1913  :  E.  Labei.le,  Les  écoles 
sous  la  Révolution  française.  —  //  décembre:  G.  Benoist,  Une 
«  gloire  laïque  »  :  Denis  Diderot.  —  .)  février  191  i  :  Boyer 
d'Agen,  a  propos  d'un  centenaire  (janvier  1814-janvier  1914)  : 
Pie  VII  et  Napoléon  L'.  DeSavoneà  Fontainebleau.  —  12  Mars: 
E.  Hcox,  Une  lamentable  expérience  :  la  morale  «  républicaine  » 
sous  la  Révolution. 

Conférencier  populaire  (Le).  —  l'>  décembre  1913:3.  Donten- 
viLLE,  L'Eglise  et  l'instruction  primaire  avant  la  Révolution. 

Contemporains  (Les).  —  i  jamner  191^  :  Comtesse  de  Cour- 
son,  Duchesse  d'Abrantès  (1784-1838). —  11  jamner  :  E.  Aimont, 
Bernard  de  Marigny,  général  vendéen  (1754-1794).  —  15  février  : 
P.  Jai.lais,  Frochot,  premier  préfet  de  la  Seine  (1761-1828).  — 
-2'2  février  :  E.  Huox,  Chabrol  de  Volvic  (1773-1843),  gardien  de 
Pie 'VU  à  Savone,  préfet  de  la  Seine.  —  <S  mars  :  E.  Huon,  Baron 
d'Hausse/.  (1778-1854),  homme  politique,  ministre  de  la  marine. 
—  22  mars  :  Fiercœur,  Madame,  comtesse  de  Provence  (1753- 
1810).  —  29  mars  :  Commandant  L.  Auoer,  Comte  de  Las-Cases 
(17()(5-1842),  compagnon  d'exil  de  Napoléon  à  Sainte-Hélène.  — 
,')  avril:  F.  Normand,  Général  baron  Gourgaud  (1783-1852),  com- 
pagnon d'exil  de  Napoléon  à  Sainte-Hélène.  —  2<i  avril:  Com- 
dant  L.  AuGER,  Général  Bertrand  (1773-1844),  compagnon  d'exil 
de  Napoléon  à  Sainte-Hélène. 

Correspondant  (Le). —  25  jamner  191 'i  :  Fortunat  Strowski, 
Les  aventures  de  Bernardin  de  Saint-Pierre.  —  25  février  :  Marc 
de  Germiny,  Les  derniers  combats  de  la  marine  du  premier  Em- 
jjire.  —  lu  mars  :  F'rançois  LaurentiE,  Le  cas  de  M.  Aulard  ; 
.1.  Lacaze  Bastard,  La  première  journée  de  la  Restauration  à 
Bordeaux  (12  mars  1814).  —  25  mars  :  Fernand  Caussv,  Les  ma- 
nuscrits de  Voltaire  à  Saint-Pétersbourg  ;  Edouard  Gachot,  Mar- 
mont  a-t-il  trahi  devant  Paris? 

Deutsche  Militsermusikerzeitung.  —  A'A'AT  (1913).  30  :  Die 
Militiernuisik  vor  hundert  Jahren. 

Deutsche  Rundschau.  —  XL  (19i:i).  2  :  G.  Dickirth,  Das  Ende 
(ier  Fremdherrschaft  in  Deutschland  ;  W.  v.  Einsikuel,  Aus  den 
Aufzoichnungen  cines  sœchsischen  Ofliziers,  1812-1813;  J.  Ben- 
lu m,  Schiller  und  Rousseau. 

Enquêtes   sur   la   Révolution    en   Côte-d'Or. —  /  (1910-1913)  : 


134  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

L.  EiSENMANN,  Sur  la  géographie  administrative  de  la  Bourgogne 
à  la  fin  de  l'aneicn  régime  ;  H.  Chabecf,  Le  district  d'Is-sur-Tille 
pendant  la  Révolution  ;  Recherches  faites  par  MM.  les  instituteurs 
dans  les  Archives  communales  de  la  Côte-d'Or  sur  l'état  de 
l'agriculture  à  la  fin  du  xvin"  siècle;  L.  Hugueney,  Une  nouvelle 
contribution  à  l'histoire  des  clubs  dijonnais  :  P.  Destra-ï,  L'état 
économique  de  la  Bourgogne  à  la  veille  de  la  Révolution,  d'après 
trois  mémoires  officiels  ;  F.  Boissard,  La  disette  de  1788-1789  à 
Saint-Jean  de  Losne  et  dans  son  ancien  bailliage  ;  L.  Simon, 
L'arrêt  du  Parlement  de  Dijon  du  29  juillet  1775;  Henri  Drouot, 
Les  impositions  à  Dijon  aux  approches  de  la  Révolution  ;  Assem- 
blée générale  des  habitants  de  la  ville  d'Auxonne  (11  janvier  1789); 
Léon  Simon,  Les  subsistances  à  Dijon  de  1789  à  1794;  F.  Claudon, 
Journal  de  la  réunion  des  trois  ordres  du  bailliage  de  Dijon,  tenue 
à  Dijon  (mars-avril  1789). 

Enskal-Erria.  —  30  août  191:^  :  Manifiesto  publicado  en  1813 
sobre  la  conducta  de  las  tropas  asallantes  (suite  les  /.)  et  .'>()  sep- 
tembre). 

Etudes. — .l  mars  191  i  :  Pierre  Bliard,  Deux  municipalités 
vendéennes  aux  jours  de  la  Terreur. 

Feuilles  d'histoire.  —  1"  janvier  191  ^  :  A.  Chuquet,  La  Pu- 
celle  normande  ;  P.  B.\rt,  Les  frères  Frey  (suite  les  P'  février  et 
7'^'' mars);  A.  VovARD,  L'affaire  Couronnât;  V..  Welvert,  Une 
lettre  de  Bourmont  ;  G.  Vauthier,  Les  correspondants  de  Daunou  ; 
F.  Grenier,  Les  derniers  jours  de  Napoléon.  —  7^''  février  :  E. 
Welvert,  Le  dossier  d'émigration  de  Théodore  de  Lamcth;  A. 
Grun,  Poultier  d'Elmolte  ;  P.  Holzhausen,  Le  Maréchal  Davout 
à  Hambourg  (suite  les  1"''  mars  et  1"  avril).  —  /'"''  mars:  E.  Wel- 
vert, La  fin  d'Adrien  Duporl  ;  J.  Durieux,  Le  voltigeur  Arnaud 
Durand;  A.  Biovès,  1813-1814  (Souvenirs  du  capitaine  Maurice); 
A.  Chuquet,  Le  général  Gressot  ;  A.  Grun,  Pons  de  Verdun.  — 
1''' avril:  M.  Marion,  Philippeaux  et  l'assiette  de  l'impôt;  R.  Reuss, 
Août  1793  :  Le  Bas-Rhin  à  la  veille  de  l'invasion  ;  F.  Larcheh, 
T..e  grand-père  de  Sardou;  G.  A'authier,  Le  personnel  des  èeol(■^ 
centrales;  E.  Welvert,  Les  malheurs  de  Pierre-Jean    Audouin. 

Figaro  (Le),  supplément  littéraire. —  ISavril  191  i  :  Paul  et  Mar- 
tial <le  Phadkl  de  Lamase,  Nouvelles  notes  intimes  d'un  émigré. 

France-Italie.  —  1"'  mars  191 'i:  Benjamin  Crémieux,  L'opinion 
frani,"aise  et  l'Italie  vers  1840.  —  /'''  avril:  B.  Mainkri,  Musiciens 
italiens  à  Paris:  Les  Piceinni  avei-  un-  leltre  de  Nicolas  Piccinni, 
adressée  au  minisire  de  l'Intérieur  le  21  messidor  an  VU'.  —  /''■■ 
mai  :  Georges  Bourgin,  Mazzini  en  l-'rnnce  en  1833. 


PÉRIODIQUES  135 

Freie  Wort  (Das).  —  A77/(7,0/.'J),  /;}  :  M.  Esch,  Denis  Diderot. 

Fribourg  artistique.  —  .Juillet  l!)i:>  :  Fr.' Ducrest,  Prisonniers 
autricliiens  à  Fribourg  en  1799. 

Fureteur  breton  (Le).  —  Octobre-novembre  1913  :  P.  Hémon, 
Le  eellisnic  de  la  Révolution.  —  Février-mars  191  i:  L.  Dubreuil, 
La  servante  de  Chateaubriand  ;  Le  Mercier  d'Erm,  Sans-culottes 
de  Landivisiau. 

Hessische  Chronik.  — Janvier  191 't  :  Ainalie  Sch.edel,  Kriegs- 
drangsale  in  einem  oberhessischen  Pfarrhaus  vor  100  Jahren. 

Intermédiaire  des  chercheurs  et  curieux.  —  10  janvier  191i  : 
Le  serment  demandé  aux  victimes  de  Septembre  ;  Mort  de 
Voltaire.  —  10  janvier:  Louis  XVH,  sa  mort  au  Temple,  docu- 
ments inédits  ;  Opinion  des  Américains  sur  la  Révolution  ;  La 
veuve  du  maréchal  de  Richelieu  et  Napoléon  (suite  le  30  mars)  ; 
Danton  et  ses  descendants.  —  10  février  :  Les  prêtres  constitu- 
tionnels et  les  sacrements  (suite  le  2tS'  février)  ;  Le  tableau  de 
David  «  La  mort  de  Michel  Le  Peletier  ».  —  "28  février  :  La  dé- 
fense de  Montmartre  en  1814.  —  10  mars  :  La  Révolution  de  1830 
au  Collège  d'Orléans.  —  20  mars  :  Murât,  marguillier  (suite  le  10 
avril)  ;  La  fille  de  la  Du  Rarrv'.  —  30  mars  :  La  statue  de  Louis 
XII  à  Blois  en  1792  ;  Napoléon  à  Leipzig  ;  Les  trois  fils  de  Bris- 
sot  ;  Le  maréchal  Davout,  duc  d'Auerstœdt.  —  W  aor// .■  Mariage 
de  Louis  XVI  ;  Noyades  de  Nantes.  —  30  avril  :  Le  convention- 
nel Duhem  ;  Larcvellière-Lépeaux  ;  Les  papiers  de  Fouché. 

Journal  des  sciences  militaires.  —  //  avril  191't  :  Lieutenant 
Pevronnict,  Ceux  qui  ont  étudié  Napoléon  (suite  les  18  avril,  2,  9 
et  16  mai). 

Jurnal  ministerstva  narodnago  prosvesceniia.  —  Décembre  1913  : 
K.  R.  Simon,  Les  cahiers  des  paroisses  des  bailliages  d'Orléans 
et  de  Blois  en  1789. 

Kartell-Zeitung.  —  A'A'A'  (1913)  :  Rath,  'War  Gœlhe  musika- 
lisch  ? 

Lancet(The).  —11(1913)  :  L.  Guthrie,  Did  Napoléon  Bona- 
parte sull'er  from  hypopituitarism  (dystrophia  adiposo-genitalis) 
at  close  of  his  life  ? 

Lectura  (La).  —  Janvier  191i  :  J.  Dei.eito  y  Piôuela,  Sitio  y 
destruccion  de  San  Sébastian,  1813. 

Lectures  pour  tous.  — /«■décembre  1913:  Marquis  de  Ségur, 
Jean-Jacques  Rousseau  à  Ermenonville.  —  1"  janvier  1914  :  F. 
Massox,  Napoléon  et  son  fils.  —  13  février  :  G.  Lenotre,  Trois 
étapes  de  Napoléon  à  Bricnne. 

Légitimité   (La).  —    Janvier  191 'i  :  H.  Provins,    La    question 


136  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA   RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Louis  XVII  au  tribunal  :  les  «  Naiindorff  »  sont  des  Bourbons  ; 
Y.  CiiANTELYS,  Naundorff  et  les  anciens  serviteurs  de  Louis  XVI 
(suite  en  février  et  en  avril).  —  Mars  :  Osmond,  La  question  Louis 
XVII  en  Allemagne. 

Loire  navigable  (La).  —  Janvier  191 'i  :  F.  Uzureau,  Deux 
projets  relatifs  à  l'Authion  (1791). 

Magyar  Figyelœ.  —  Kl  janvier  lUl't  :  La  sédition  de  1798  à 
Vienne.  —  16  février  :  Arthur  \Vi;Br;R,  Quelques  portraits  des 
personnalités  du  Congrès  de  Vienne  (1815). 

Marches  de  l'Est  (Les).  —  Janvier  191  i  :  Henri  Dacremont, 
La  Terreur  dans  les  Ardennes  |^les  deux  agents  les  plus  actifs  du 
régime  terroriste  dans  cette  région  furent  Vassant  et  Mogue,  l'un 
ancien  moine,  l'autre  ancien  prêtre  ;  Vassant  fut  successivement 
procureur  général  de  la  commune  de  Sedan,  président  du  comité 
de  surveillance,  maire,  et  disparut  après  le  9  thermidor  ;  Mogue 
fut  arrêté  le  18  thermidor  an  II,  resta  de  longs  mois  en  prison,  et 
fut  guillotiné  à  Mézières,  le  26  messidor  an  III]. 

Maryland  historical  Magazine.  —  Septembre  19 Ul  :  J.  Hall 
Pleasants,  Jncob  Hall,  surgeon  and  educator,  1747-1812. 

Mémoires  de  la  Société  archéologique  de  Rambouillet.  —  XXXII 
(  l'Jl.'i)  :  V.  LoRiN",  Deux  évêques  constitutionnels  île  Seine-etOise: 
Avoine  et  Clément. 

Mémoires  de  la  Société  d'émulation  d'Abbeville.  —  XXIII  (19i:i)  : 
Marcel  Godet,  Les  brùlements  d'archives  à  Abbeville  pendant 
la   Révolution  :  Etat  sommaire  des  documents  disparus. 

Mémoires  de  la  Société  des  lettres,  des  sciences,  des  arts,  de 
l'agriculture  et  de  l'industrie  de  Saint-Dizier. —  XIV (191^2-1913): 
Ch.  LoHAiN,  Histoire  de  Jean-Xicohis  Laloy,  docteur  en  méde- 
cine, maire  de  Chauniont,  1745-18114. 

Mémoires  de  la  Société  des  sciences,  arts  et  belles-lettres  de 
Bayeux.  — XII  (191.'>)  :  François  Belheil,  curé  constitutionnel  de 
ColIcville-sur-Mer  ;  Abh'j  Queidkvili.e,  Le  P.  (jermain  Queu- 
devillc,  prêtre  de  l'Oratoire  et  curé  de  Coulans  (diocèse  du  Mans), 
guillotiné  à  Paris  le  22  messidor  an  IL 

Mercure  de  France.  —  /■'  janvier  191 'i  :  Fernand  Caussv,  M. 
de  Voltaire  gentilhomme  ordinaire.  —  1"^  mars  :  Louis  Thomas, 
(Chateaubriand  et  la  police  ^série  de  documents  qui  s'échelonnent 
entre  le  5  juillet  1812  et  le  20  août  1829  .  —  l(i  mars  :  Pierre 
Lavedan,  La  Mcnnais  et  .lean-Jacques  Rousseau.  —  K!  avril  : 
André  Lévv,    L'origine  lorraine  de  Méliul. 

Mois  littéraire  et  pittoresque  (Le).  —  Janvier  191  i  :  .1.  de 
Bar  SAC,  Les  «  Volontaires  a  de  la  Révolution  :  la  levée  en  masse 


PÉRIODIQUEP  137 

dans  une  commune  de  l'Isère  en  1793.  —  Mar:;  :  G.  Gautherot, 
Les  ennemis  des  cathédrales  à  l'époque  révolutionnaire  :  A  l'as- 
saut de  Notre-Dame  de  Chartres. 

Monde  économique  (Le).  —  .3  juillet  1913  :  A  Vovard,  Une 
affaire  de  fraude  alimentaire  sous  la  Terreur. 

Musikpœdagogische  Blœtter. —  XXIII  (1913):  Arnheim,  Grétry. 

Musikpsedagogische  Zeitschrift.  —  ///  (1913),  <S'  :  Mozart  im 
Spicgel  der  Zeitgenosscn. 

Napoleone.  — 1(1914),  ip  1  :  G.  G.  Barbavara,  Napoleone  le 

10  svihippo  délia  coscienza  nazionale  italiana  [la  conquête  de 
l'Italie  par  Napoléon  et  l'organisation  politique  qui  en  fut  la 
conséquence  préparèrent  le  réveil  de  la  conscience  nationale  et, 
par  répercussion,  l'unité  de  l'Etat  italien]  ;  Francesco  Guardione, 
Napoleone  c  le  leggi  ;  Antonio  Emiliani,  L'ultimo  asilo  del  re 
Gioaccliino  Murât  nelle  Marche  [souvenirs  historiques  et  patrio- 
tiques recueillis  à  San  Benedetto  del  Tronto);  Girolamo  Cappello, 

11  ceremoniale  del  «TeDeum  »  cantato  perla  vittoria  di  Lutzen 
[traduction  italienne  du  programme  de  la  cérémonie  qui  eut  lieu 
à  Notre-Dame  de  Paris  le  23  mai  1813]  ;  Patrizio  Antolim, 
Sonetti  [deux  sonnets  composés  pour  l'inauguration  de  la  statue 
de  Napoléon  à  Ferrare  le  31  mai  1810]  ;  Palermo  Gianciacomi,  Il 
générale  Bonaparte  in  Ancona  [récit  de  l'arrivée  de  Bonaparte  à 
Ancone,  le  l(j  février  1797,  extrait  d'une  chronique  manuscrite  de 
Camillo  Alhertini  conservée  dans  les  Arcliives  d'Ancone]  ; 
Camillo  Pakiset,  Un  soldato  napoleonico  [.loseph  Pariset]  ;  A. 
CiKïi,  Relazione  sulla  battaglia  del  Mincio  [extraits  du  Giornale 
italiaiio  des  l(t  et  14  février  1814]. 

Neue  Musikzeitung.  —  A'A'A'/V  (1913),  "j'i  ;  Hans  Kieemann, 
Grétry. 

Neue  Zeitschrift  fur  Musik.  —  LXXX  (1913),  AS'  :  Edgar  Istel, 
(îœthe  und  Reichardt. 

Nineteenth  Century  and  after  (The).  —  Avril  191 'i  :  T.  Bridges, 
The  battletield  of  Waterloo. 

Notes  d'art  et  d'archéologie.  —  Mai  1913  :  Auge  pe  Lassus, 
Louis  David,  son  école,  son  œuvre,  sa  lignée. 

Nouvelle  Revue  (La).  —  7J  septembre  1913  :  Louis  Thomas, 
Chateaubriand  en  1820. 

Nouvelle  Revue  historique  de  droit  français  et  étranger.  —  Mai- 
juin  1913  :  André  Lesort,  Lettres  inédites  de  Pardessus  à  Lesbau- 
pin,  avocate  Rennes,  1830-1831. 

Nuova  Antologia.  —  1(1  septembre  1913  :  Alberto  Manzi,  Il 
empot  délia  prima  Cisalpina  (suite  le  1^'  octobre).  —  /''''  octobre  : 


138 


REVUE     niSTOniQUE  DE  LA  KÉVOLITION  FHANÇAISE 


I^.  R.,  Napoleone  I  e  l'aeronautica  inilitare.  —  16  octobre  :  Nemi, 
Il  seconde  cenlenario  di  Diderot.  —  /''  novembre  :  G.  P.  Cle- 
Rici,  La  madré  del  Re  di  Roma.  —  Ui  nouembre  :  Enrico  Cas- 
TELNuovo,  A  Venezia  un  secolo  fù. —  1"'  février  191 'i  :  Mario  Ro- 
SELLi.  Ncl  Fezzan  cento  anni  fà  :  da  un  viaggio  del  capilano  Lyon, 
délia  marina  brilannica  ;  Nemi,  Napoleone  e  Tacito  [d'après 
Welschinger].  —  16  février  :  Ermanno  Loevinson,  Gli  ufficialina- 
poleonici  dello  Slalo  Pontificio.  —  1'"'  avril  :  Nemi,  Un  episodio 
délia  vecchiaia  di  Casanova. 

Nuova  Musica(La).  —  XVII(l!)i:>)  :  BERTiNi.Gœthee  la  musica 

Nuovo  Archivio  veiieto.  —  Jnillel-seplcmbre  19i:i  :  Giov. 
Sforza,  La  caduta  délia  Repubhlica  di  Venezia  studiata  nei  dis- 
pacci  inediti  délia  diplomazia  picmontese.  —  Janvier-mars  19H  : 
G.  RizzARDO,  Il  palriarcato  di  Venezia  durante  il  regno  napoleo- 
nico,  180G-1S14;  A.  Pilot,  Venezia  nel  blocco  del  1813-1814  da 
noterelle  inédite  del  Cicogna. 

Panache  (Le).  —  t^  novembre  lHL'i  :  T.  Muret,  Henri  de  La 
Rocliejaquelein  (suite  les  16  novembre  et  7  décembre).  —  '/Janvier 
191 'i  :  T.  Muret,  Charetle.  —  1''  mars  :  R.  du  V. ,  Une  lettre  iné- 
dite de  Mario-Antoinette. 

Pays  lorrain  et  le  pays  messin  (Le).  —  '20  novembre  1913  : 
H.  Poulet,  Les  lettrcsinciviques  du  procureur  Drian  ;  R.  Perrin, 
Le  clergé  du  déparlement  de  la  Meurthe  sous  la  Restauration  ; 
L.  GoDOT,  Rosière  et  Roi  de  Rome  ;  une  page  d'histoire  romari- 
montaine,  1811  ;  Jean  Jullien,  Un  voj'age  impérial  à  Metz  en 
1777.  —  20  décembre  :  V^iard,  Une  bagarre  à  Verdun  au  mois 
d'avril  1792.  —  W janvier  191 'i  :  G.  Pfister,  Autour  du  Con- 
grès de  Lunéville  (1801)  (suite  le  20  février).  —  20  avril  :  D'  P. 
Briquel,  Deux  cahiers  inédits  de  doléances  de  1789  :  Van- 
dceuvre. 

Petermanns  Mitteilungen.  —  Septembre  191i  :  Fr.  Becker, 
Zum  Alpcniibergang  Suworows  im  Jahrc  1799.  —  Octobre  : 
FoERSTER,  Der  Eintluss  der  militargeographischen  Verhaltnisse 
des  Kriegsschauplatzes  auf  den  Verlaufdes  Herbstfeldzugs  1813. 
Province  du  Maine  (La).  —  Février  19H  :  F.  Uzureau,  L'n 
ennemi  des  (Chouans,  1795.  —  Mars  :  A.  Lacroix,  Les  agissements 
des  Chouans  ;\  Saint-Mars-la-Bruyère,  en  1795. 

Questions  ecclésiatiques .  —  Janvier  191 'i  :  F.  Uzureau,  Les 
prêtres  insornionlés  de  la  Mayenne  (  1792). 

Rassegna  bibliographica  dell'arte  italiana.  —  Mai  I9i:>:  E.  Cal- 
ziNi,  Prospetto  degli  oggetli  di  Belle  Arli  levati  dalla  città  di 
Urbino  nelle  cassate  invasioni,  cioè  dal  1796  al  181-1. 


PÉRIODIQUES  13Î) 

Rassegna  nazionale  (La).  —  l'='fëoricr  191^  :  E.  Piola-Caselli, 
Un  Ministro  toscano  al  Congresso  di  Vienna  (suite  le  /''^  mars^.  — 
l(i  avril:  G.  Sardi,  Ricordi  délia  luga  délia  duchessa  di  Beirv  da 
Massa  (24-25  aprile  1832). 

Réforme  sociale  (La). —  Ki  février  7.9/4:  Pierre  Braix,  Les 
provinces  au  xviii"  siècle  et  leur  division  en  départements. 

Renaissance  contemporaine  (La).  —  i?4  novembre  1913  :  X., 
Documents  (Derni()graphi(iues  et  stigmatisés.  Lettres  de  Marie- 
Antoinette). 

Révolution  dans  la  Sarthe  (La).  —  Jnillet-seplcmhrc  191,'!  : 
.lulien  L'Hehmitïe,  Etat  général  des  Archives  départementales 
de  la  Sarthe  en  1912.  —  Octobre-décembre  :  M.  Ghîaiu,  Le 
(Cahier  des  plaintes,  doléances  et  remontrances  du  Tiers  Etat 
de  la  ville  et  communauté  de  Sillé-le-Guillaume  en  1789  ;  F. 
UzuREAU,  L'amnistie  du  2  décembre  1794  et  les  réfugiés  ven- 
déens à  Angers,  (liste  des  Vendéens  qui  vinrent  te  faire  inscrire 
à  la  municipalité  d'Angers,  entre  le  31  décembre  1794  et  le  11 
décembre  1796,  pour  bénéficier  de  l'amnistie]. 

Révolution  dans  l'Aube  (La). —  ^-^  cl  3''  IrimeslrcK  191'2:  A. 
BouTiLLiEK  Dr  Retail  et  C^h.-P.  Léger,  La  Motte-Tilly  en  1793; 
Trois  procès  devant  le  Tribunal  révolutionnaire;  Chaudron,  La 
Grande  Peur  dans  la  Champagne  méridionale  ;  E.  Jamerev,  Le 
partage  des  biens  communaux  à  Maizières-la-Grande-Paroisse, 
1795  ;  Le  vignoble  barsuraubois  en  1789. 

Révolution  dans  les  Vosges  (La).  —  /'/  octobre  1913  :  Ch. 
Chapelier,  Jean-Antoine  Maudru,  évêque  constitutionnel  des 
'Vosges  (1791-1801).  Ses  écrits  (suite  le  /'/  janvier  191 'f)  ;  E.  Ri- 
chard, Bussang  pendant  la  Révolution  (fin  le  l'i  janvier  191'i)  ; 
Albert  Ohl,  Éphémérides  delà  Révolutionà  Saint-Dié;  E.  Martin, 
Militaires  déserteurs  [18  frimaire  an  V;  ;  La  répercussion  à  Epinal 
du  Coup  d'Etat  du  18  brumaire  | document  daté  du  25  brumaire 
an  yill|  ;  LIne  circulaire  prêchant  l'économie  [circulaire  de 
l'administration  départementale  des  Vosges,  datée  du  15  ventôse 
anIII|:  Henri  Najean,  François  (de  Neufchàleau)  à  la  recherche 
d'une  opinion  en  juin  1793].  —  l'i  janvier  191i  :  A.  Phillippk, 
Ce  qui  tenait  lieu  de  gazettes  [deux  lettres  adressées  de  Paris  à 
Poullain-Grandprey,  le  13  août  1792]  ;  Bastien,  Une  mauvaise 
farce  ]substilution  des  mots  l'an  'f-  de  la  misère  à  ceux  de  l'an  i'  de 
la  liberté  sur  une  circulaire  du  procureur-syndic  du  district  de 
Rambervillers]  ;  François  (de  Neufchàleau)  et  les  gazettes  locales 
[lettre  de  François  aux  administrateurs  du  département  des  Vos- 
ges, 27  juin  1793|. 


140  REVUE  HISTORIQUE    DE    LA  RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

Révolution  de  1848  (La).  —  Janvier-février  VJi'i  :  G.  Vauthier, 
Le  Collège  de  France,  école  d'administration  (1848-1849;  J.-G. 
Prud'homme,  La  musique  et  les  musiciens  en  1848  ;  Gustave 
Laurent,  La  campagne  d'Algérie  et  la  Révoiulion  de  1848  (Sou- 
venirs de  Louis  Beugé).  —  Mars-avril  :  H.  Monin,  Blanqui  et  la 
police  (1847-1848)  ;  Roger  Lévy,  Une  entreprise  de  séduction  :  le 
voyage  du  Président  Bonaparte  au  Havre  en  1849  ;  Jeanjf.an, 
L'insurrection  de  Lj-on  en  novembre  1831. 

Révolution  française  (La).  —  li  janvier  IDl'i  :  E.  Champion, 
Les  deux  sens  du  mot  «aristocrate  »  ;  E.  LÉvv.rLes  prénoms  de  l'an 
II  ;  Lévy-Schneider,  L'affaire  Serva  ;  M.  Fosseyeux,  L'Hotel- 
Dieu  de  Paris  sous  la  Révolution.  —  l'i  février  :  C.  Léon,  Le 
comte  de  Narbonne  ministre  de  la  guerre  ;  F.  Evrard,  L'esprit 
public  dans  l'Eure  (juillet-septembre  1792).  —  /'/  mars  :  C.  Per- 
ROUD,  A  propos  de  la  première  édition  des  «  Mémoires  de  M™" 
Roland  »  ;  E.  Saulnier,  Une  prison  révolutionnaire  :  les  otages 
et  prisonniers  de  guerre  à  l'hôtel  de  Dreneuc  en  1795  (suite  le  /4 
avril).  —  l'i  avril  :  D'  R.  Laffon,  La  commune  de  Pazayac  (Dor- 
dogne)  pendant  la  Révolution  ;  A.  Méry,  La  fuite  à  Varennes  et 
la  réunion  des  assemblées  primaires  et  électorales. 

Revue  (La).  —  L'y  février  191  i  :  A.  Chuquet,  Goethe  et  le  lieu- 
tenant Mengin  ;  Paule  Bayle,  Le  musée  du  Louvre  sous  la  pre- 
mière République.  —  1"  mars  :  J.  d'IvRAY,  Bona[)arte  et  les 
femmes  d'Egypte  (suite  le  /.)  mars). 

Revue  autiniaçonnique.  —  Octobre-novembre  19 Ul  :  H.  de 
Rauville,  Les  Sociétés  populaires  et  l'armée  pendant  la  Révolu- 
lion. 

Revue  canadienne.  —  Mars  1914  :  J.  Viger,  Lettres  à  M"""  Viger 
(18i;i)  (suite  en  avril). 

Revue  catholique  de  Normandie.  —  /•'>  mars  191i  :  Abbé  Seves 
tre,  L'enquête  sur  le  clergé  de  Normandie  et  du  Maine. 

Revue  catholique  des  institutions  et  du  droit.  —  Janvier  lHl-l  : 
G.  Gautiiehot,  La  Révolution  et  l'Eglise. 

Revue  catholique  et  royaliste.  —  "20  février  IHH  :  E.  Clavequin, 
Le  martyre  de  la  Vendée  (suite  le  '20  mars)  ;  C.  de  Ricault  D'Hé- 
BiCAULT,  La  Révoluticm  de  Thermidor  (suite  les  '20  mars  et  W 
avril).  —  '20  mars  :  J.  de  GouÉ,  Causes  et  débuts  de  !a  guerre  de 
Vendée  (suite  le'^ 20  non/).  g-'*^  •■ 

Revue  critique  des  idées  et  des  livres  (La).  —  '2.)  mars  l{)li  : 
P.  V.,  La  Révolution,  l'enseignement  primaire  et  M.  Aulard  ; 
F.  Renié,  Suisses  d'autrefois  [à  propos  de  l'ouvrage  récent  de 
M.   Frédéric  BarbcyT Suisses" hors^ de  Suisse].   —  10  mai  lHl'i  : 


rKRiouiguES  141 

Jean  Coli.ot,  Un  type  de  bourgeois  rural  à  la  veille  de  la  Uévolu- 
tioii  |à  Grévilie,  en  Normandie]  ;  F.  R.,  l'ne  carrière  politi([ue 
sous  Louis  XVIII  Icellc  de  Maine  de  Biran  . 

Revue  d'Auvergne,  -r  Septembre-octobre  l!)i:i  :  M.  Langk, 
Poètes  et  journalistes  en  Auvergne  sous  la  nionarehie  de  Juillet 
(suite  en  novembre-décembre).  —  Jativicr-féorier  19 li  :  Sous-in- 
tendant Marcheix,  Les  prisonniers  de  guerre  autrichiens,  hollan- 
dais et  piémontais  dans  le  département  du  l'uy-de  Dôme,  de  1794 
■\  1790. 

Revue  de  Bourgogne  (La).  —  7.9/5'  :  Noèl  G.\rnieh,  Le  général 
baron  Jacqucmard  (1771-1881)  ;  Paul  Viahd,  Les  levées  militai- 
res en  Côte-d'Or  pendant  les  Cent-Jours  ;  F.  Boissard,  l'ne 
communauté  de  «  républicains  »  en  177ô. 

Revue  de  Bretagne.  —  Octobre  WV3  :  Commandant  Chape- 
ron, Les  Mayençnis  en  Vendée  (suite  en  novembre-décembre)  ;  P. 
NicOL,  Les  prisonniers  du  château  de  Penvern  (suite  en  novembre- 
décembre).  —  Novembre-décembre  :  P.  Martin,  Assemblées  dans 
les  églises  de  Bretagne  au  moyen  âge  et  à  la  Révolution  ;  F.  Uzu- 
reau.  Un  Breton  vicaire  général  d'Angers  ;  Ad.  Orain,  La  Chouan- 
nerie dans  l'arrondissement  de  Vitré  pendant  la  tourmente  révo- 
lutionnaire. 

Revue  de  droit  international  et  de  législation  comparée.  — 
I91ï,n°  i  :  E.  N.,  Le  droit  des  gens  dans  la  Correspondance  litté- 
raire, philosophique  et  critique  de  Grimm. 

Revue  de  Gascogne.  —  Mars  1914  :  L.  Mèdan,  Une  aventu- 
rière de  Gascogne  :  la  Montansier.  —  Avril  :  B.  Darmaillacq, 
Mandement  de  l'évêipie  d'Agen  surle  retour  des  Bourbons  (avril 
1814). 

Revue  de  Hongrie.  —  15  mai  1914  :  Comtesse  Aimée  Palffy- 
Daun,  La  campagne  de  Russie,  1812. 

Revue  de  l'Agenais.  —  Septembre-octobre  191,'}  :  R.  Bonn.\.t, 
Cryptographie  agenaise,  ou  Journal  secret  d'Agen  depuis  le  1'' 
mars  1814  jusques  à  pareil  jour  1817  de  Jean-Florimond  Boudon 
de  Saint-Amans  (suite  en  novembre-décembre  1913  et  en  janvier- 
février  1914).  —  Novembre-décembre  :  B.  de  Cadillac,  Un  épisode 
héroï-comique  de  l'an  IL 

Revue  de  l'Anjou.  —  Septembre-octobre  1913  :  R.  L.,  Journal 
d'un  sous-préfet  de  Baugé  en  1815(suiteen  novembre-décembre). 

Revue  de  l'histoire  de  Versailles  et  de  Seine-et-Oise.  —  Novembre 
1913  :  F. -S.  AuscHER,  Le  comte  de  Bombelles,  troisième  mari 
de  l'impératrice  Marie-Louise  ;  R.  du  Lac,  Un  sous-préfet  de 
Rambouillet  sous  la  Restauration. 


142  m;vrK  msioiuyrE  de  la  révolution   i-kançaise 

Revue  de  Lille.  —  lll  (]!)l'J-l!li:S)  :  Abbé  Ducrocq,  Les  tue- 
ries de  Lebon  à  Arras  :  (>harles  Blanquart  mort  pour  la  foi  [16 
germinal  an  II]. 

Revue  de  Paris  (La).  —  1"  février  lill'i  :  A.  Artonxe,  Chateau- 
briand à  l'ambassade  de  Londres.  —  /='  mars  :  C.  Bou(;lk, 
La  philosophie  politique  de  Benjamin  Constant.  —  15  mars  : 
Capitaine  Vidal  de  la  Blache,  Eylau  dans  la  peinture  et  dans 
l'histoire. 

Revue  de  Saintonge  etd'Aunis.  —  I"  décembre  1!>L">  :  Chanoine 
Lemonnier,  La  déportation  ecclésiastique  à  Rochefort,  1794- 
1795  (suite  en  janiner  et  février  lilVi).  —  /'■■  février  l!)ll  :  Ch. 
Dangibaid,  Contribution  à  l'histoire  de  l'économie  domestique 
et  rurale  en  Saintonge,  1795-1820. 

Revue  des  cours  et  conférences.  —  .1  décembre  1913  :  H.  Lich- 
ïENBERGER,  Gœthe. —  "20  février  lt)l'i  :  M.  Marion,  Les  causes 
financières  de  la  Révolution  :  l'abbé  Terray.  —  .)  avril  :  A.  Vul- 
i.iOD,  La  vie  de  Strasbourg  au  moment  du  séjour  de  Gœthe. 

Revue  des  Deux-Mondes. —  1'^  janvier  191  ï:  E.  Daudet, 
Autour  de  Marie-Antoinelte  ;  Marquis  Calmon-Maison,  Le 
général  Maison  elle  L'' Corps  de  la  Grande-Armée. —  15  janvier: 
T.  de  Wyzewa,  Les  Souvenirs  d'un  volontaire  prussien  d'il  y  a 
cent  ans.  —  1"  février  :  H.  Welschinger,  Joseph  de  Maistre  et 
Napoléon  ;  Charles  Benoist,  L'Homme  de  1848:  le  communisme, 
l'organisation  du  travail,  la  réforme.  —  /""■  mars  :  E.  Seillière, 
Gœthe  et  Charlotte  de  Stein  (suite  le  7.5  mars)  ;  L.  Madelin,  La 
dernière  année  de  Danton  (suite  les  l'>  mars  et  /'■■  avril)  ;  T.  de 
Wyzewa,  Va  épisode  de  la  vieillesse  de  Casanova. 

Revue  des  eaux  et  forêts.  —  1"  janvier  191  ^  -.  P.  Mougix, 
Les  premiers  chasseurs  forestiers  (1814). 

Revue  des  études  historiques. —  Janvier-février  1911  :  BAron 
A.  de  Maricourï,  Le  duc  de  Penthièvre  et  la  duchesse  d'Orléans 
à  Eu  pendant  la  Révolution  ;  P.  Fromageot,  Les  fantaisies  litté- 
raires, politiques  et  autres  d'un  grand  seigneur,  le  comte  de 
Lauraguais  (1733-1824).  —  Mars-avril  :  L.  Madelin,  La  jeunesse 
de  Danton  :  ses  débuts  politiques  ;  F.  Rousseau,  Les  Sociétés 
secrètes  en  Espagne  au  xviir  siècle  et  sous  Joseph  Bonaparte. 

Revue  des  études  napoléoniennes.  —  Novembre  191'.]  :  Joseph 
Durieux,  Bonaparte  au  Luc  (1799)  ;  E.  Cazes,  Napoléon  à  Ver- 
sailles et  Trianon  ;  Georges  Gromaire,  Arndt  et  Napoléon  ;  E. 
Driault,  Correspondance  de  Sébastian!  (1806-1807);  G.  Vau- 
thier.  Les  ouvriers  de  Paris  sous  le  premier  Empire.  —  Janvier- 
février  191 'i  :  C.  Woi'.NNKY,  Le  dernier  des  Vétérans  de  la  Grande 


l'iiuioDigi  ES  1415 

Armée  ;  M  Chapuisat,  Les  régiments  suisses  de  l'Empire;!*. 
(lONNARD,  La  légende  napoléonienne  et  la  presse  libérale  :  la 
Minerve  ;  F.  Barbey,  La  bataille  de  Zurich  racontée  par  un  habi- 
tant  de  cette  ville. 

Revue  des  Facultés  catholiques  de  l'Ouest.  —  XXII  (l!)]'2-l!)i:]): 
F.  UzuRiiAU,  PoLirquoi  les  Angevins  demandaient  un  sémi- 
naire métropolitain  (1804-1806). 

Revue  des  Français.  —  10  janvier  191 'i  :  11.  Barjean,  Robes- 
pierre était-il  incorruptible  ?  (suite  le  20  janvier).  — oO  mars  :  P. 
Rain,  Le  31  mars  1814  à  Paris.  —  W  avril  :  L.  Séché,  Plages  et 
villes  d'eaux  romantiques  :  Napoléon,  28  avril  18i4-l'''  mars 
1815.  —  .'!()  avril  :  J.  Bertaut,  Les  écrivains  romantiques  et  les 
élections  de  1848. 

Revue  des  Nations.  —  25  mai  191 'i  :  Arthur  Diderrich, 
L'émigration  française  et  le  passage  de  la  première  coalition  dans 
le  Duché  de  Luxembourg  (1792)  (suite  le  10  juin). 

Revue  des  questions  historiques.  —  h''  janvier  191 'i  :  François 
Rousseau,  Charlotte-Joaquine  de  Bourbon,  reine  de  Portugal 
(1775-1830).  —  /'■'■  avril:  R.  Buet,  Un  apôtre  français  en  Suède  à 
la  fin  du  xviii''  siècle  ;  G.  Gautherot,  Les  destructions  d'archives 
à  l'époque  révolutionnaire. 

Revue  d'histoire.  —  Novembre  19i;>  :  L.  J.,  La  campagne  de 
1794  dans  les  Pays-Bas  (suite  en  décembre)  ;  M.  S.,  L'organisa- 
tion delà  Grande  Armée  de  1813  (suite  en  décembre);  R.  J.,  Cam- 
pagne de  1814  :  Les  corps  d'observation  d'Oudinot  et  de  Victor 
du  9  au  15  février  (suite  en  décembre)  ;  A.  L.,  L'armée  et  la 
nation  à  la  lin  de  l'ancien  régime  (suite  en  décembre). 

Revue  d'histoire  de  l'Eglise  de  France.  —  Mai-jnin  Util  : 
F.  Uzureau,  La  publication  des  lois  au  prône  en  1803  [le  20  jan- 
vier 1803,  le  préfet  de  Maine-et-Loire  écrivit  à  Chaptal  et  ù 
Portalis  pour  demander  que  les  curés  fussent  autorisés  à  publier 
aux  prônes  des  messes  paroissiales  les  actes  de  l'autorité  qui 
exigeaient  une  grande  publicité  ;  Chaptal  répondit  négativement 
le  31  janvier  ;  Portalis  répondit  le  7  février  par  une  longue  et 
importante  lettre  qui  fut  aussi  envoyée  à  tous  les  autres  préfets]. 
Revue  d'histoire  de  Lyon  —  Mars-avril  1911  :  E.  Moutarde, 
Journal  de  Benjamin  Cuendet,  de  Sainte-Croix  (Suisse),  ofBcier 
de  la  garde  nationale  à  Lyon. 

Revue  d'histoire  littéraire  de  la  France.  —  Octobre-dé- 
cembre 191:1  :  Albert  Cassagne,  Toujours  les  origines  du  Génie  du 
Christianisme  ;  Doris  Guknell,  Madame  de  Staël  en  Angleterre 
(1813-1814)  ;  F.  Baldensperger,  Le  dossier  du  baron  d'Eckstein 


144  HEVL'E    HISTOHIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FKANÇAISE 

aux  Archives  Nationales  (I8I61.  — Janvier-mars  19] 't  :  P. -M. 
Masson,  Le  séjour  de  J.-.I.  Rousseau  à  l'hospice  du  Spirito  Santo 
(1728)  ;  Victor  Giraud,  La  conversion  de  Chateaubriand  et  la 
conception  du  Génie  du  Chrislianisme  ;  J.-A.  Worp,  Lettres  de 
Voltaire,  de  Buffon  et  de  Malesherbes  à  G.-N.  Heerkens,  médecin 
et  homme  de  lettres  hollandais  ;  A.  Schinz,  Encore  la  question 
du  Contrat  social. 

Revue  d'histoire  moderne  et  contemporaine.  —  Novembre-dé- 
cembre lUL'l  :  P.  Sac.nac,  L'enseignement  secondaire  avant  et 
pendant  la  Révolution,  d'après  des  travaux  récents.  -  Janvier- 
février  191 '1  :  P.  Cakon,  Les  commissaires  du  Conseil  exécutif  et 
leurs  rapports. 

Revue  du  Bas-Poitou.  —  Octobre-décembre  19i:i  :  Abbé 
UzuREAU,  Les  Mémoires  de  Madame  de  La  Rochejaquelein  et  M. 
de  Harante  ;  S.  Gigon,  Les  généraux  de  la  première  République 
en  Vendée  :  Lettre  d'un  officier  en  garnison  aux  Sables  en  1795. 

—  Janvier-mars  191  i  :  E.  Renaud,  La  guillotine  et  le  peloton 
d'exécution  aux  Sables  d'Olonne  pendant  la  Révolution. 

Revue  du  clergé  français.  —  7^'  décembre  19U1  :  P.  Pisani. 
Les  anciens  collèges  de  la  Montagne  Sainte-Geneviève  pendant 
la  Révolution.  —  1'''  janvier  191 '1  :  E.  Lamy,  Le  clergé  français 
pentiant  la  Révolution. 

Revue  du  Midi.  —  l'>  mars  191  i  :  L.  Arréat,  Documents  sur  la 
Révolution  en  Vaucluse. 

Revue  du  mois.  —  10  février  1911  :  A  Tibal,  Gœthe  et  les 
sciences  de  la  nature. 

Revue  française  (La).  —  '1  janvier  191 'f  :  L.  Madelin,  L'Etape 
du  Consulat.  —  l'>  février  :  H.  Cros,  La  maison  de  Napoléon 
à  Sainte-Hélène  ;  Baron  A.  de  Maricourt,  La  jeunesse  de  Louis- 
Philippe.  —  '29  mars  :  J.  Galzv,  La  fuite  de  Marie-Louise,  le 
29  mars    1814.  —  .'>  avril  :  H.  Welschingeh,  Le  duc  d'Eughien. 

—  12  avril  :  G.  Aubray,  Un  Jeudi-Saint  sous  la  Terreur. 
Revue  française  de  l'étranger  et  des  colonies.  —  Avril  19l't  :  G. 

Démanche,  La  défense  de  la  Savoie  en  1814. 

Revue  générale.  —  Janvier  191 '1  :  C.  Wœste,  L'histoire 
religieuse  de  la  Révolution  française;  F.  de  Lannoy,  L'Europe  et 
la  question  belge  en  1832  (suite  en  février  et  mars). 

Revue  générale  de  droit  international  public.  —  Janvier-février 
191'i  :  J.  Basdevant,  Deux  conventions  peu  connues  sur  le 
droit  de  la  guerre  (Etats-Unis  d'Amérique  et  Grande-Bretagne, 
12  mai  I8I;}  ;  Colombie  et  Espagne,  2(5  novem!)re  1820). 

Revue  hebdomadaire  (La).  —  .'i  janvier   191 'f  :  Frantz  Funck- 


PÉRIODIQUES  145 

BRr.NTANo,  Le  centenaire  de  1814  :  La  rentrée  des  Bourbons  ù 
Paris.  —  1j  janvier  :  Maurice  Sabatiek,  Le  centenaire  de  1814  : 
La  Charte.  —  i^'f  janvier:  Charles  Chenu,  Le  centenaire  de  1814  : 
Le  barreau  de  1814.  —  .'U  janvier  :  Edmond  Peuhier,  Le  cente- 
naire de  1814  :  Cuvier.  —  7  février  :  Fernand  Laudet,  Le  cente- 
naire de  1814  :  Joubert.  —  14  février  :  Louis  Barthou,  Le  cente- 
naire de  1814  :  Victor  Hugo  à  douze  ans.  —  '2S  février  :  A. 
Antoine,  Le  centenaire  de  1814  :  Le  Théâtre  en  1814  ;  L. 
Chaptal,  Le  centenaire  de  1814  :  Le  mouvement  social  en  1814  ; 
Comte  Jean  d'F^LBÉE,  Un  page  de  Marie-Antoinette  :  Pierre- 
Alexandre  de  Tilly.  —  7  mars  :  Ernest  Dupuy,  Le  centenaire  de 
1814  :  L'Université  en  1814.  —  14  mars  :  Vincent  d'iNDV,  Le 
centenaire  de  1814  :  La  musique  en  1814.  —  '21  mars  ;  Georges 
Cain,  Le  centenaire  de  1814  :  Paris  en  1814  ;  Charles  Samaran, 
Jacques  Casanova  :  la  vieillesse  et  la  mort.  —  %'  mars  :  Albéric 
Cahiet,  L'aumônier  de  «  la  Belle-Poule  »  [l'abbé  Félix  Coque- 
reauj. 

Revue  historique.  —  Maijuin  lUli  :  Paul  Gaffarel.  Les 
lettres  de  cachet  en  Provence  dans  les  dernières  années  de  l'an- 
cien régime  [série  de  documents  extraits  surtout  des  Archives 
départementales  des  Bouches-du-Rhône  et  qui  vont  de  1770  à 
1789]. 

Revue  historique  de  Bordeaux. —  Janvier-février  liH't  :  A.  Vo- 
VAHD,   La  Révolution  de  1830  à  Bordeaux. 

Revue  historique  du  diocèse  de  Montpellier.  —  l'y  février 
l'Jl'i  :  M.  Granier,  Contribution  à  l'histoire  de  l'abbaye  bénédic- 
tine de  Saint-Guilhem  du  Désert  :  la  relique  de  la  vraie  Croix 
pendant  la  Révolution.  —  /.)  avril  :  J.  Reynes,  Sermon  du  prêtre 
constitutionnel  de  Restinclières. 

Revue  historique  et  archéologique  du  Béarn  et  du  pays  basque. 
—  Décembre  l!)l!i  :  J.  Annat,  Le  clergé  de  la  Révolution  dans 
larchiprêlré  de  Serres-Castct.  — •  Janvier  191'i  :  J.  Annat, 
Le  clergé  de  la  Révolution  dans  les  archiprêtrés  d'Anoye  et 
de  Simacourbe.  — Février:  L.  Batcave,  Episodes  militaires  de 
février  1814  à  Sauveterre  et  dans  ses  environs  ;  P.  Laborde- 
Barbanègre,  Cahiers  des  griefs  de  la  communauté  de  Bou- 
garber  en  1789  ;  J.  Annat,  Le  clergé  de  la  Révolution  dans 
l'archiprètré  de  Mont  et  Diusse.  —  Mars  :  J.  Annat,  Le  clergé 
de  la  Révolution  dans  les  archiprêtrés  de  Lenibeye  et  de 
Thèze.  —  Avril  :  J.  Annat,  Le  clergé  de  la  Révolution  dans  les 
archiprêtrés  de  Maslacq  et  Pardies. 

Revue  historique  et  archéologique  du  Maine.  —  Septembre-oc- 

HIA  .   lllST.   Dl:  L.\  Rl;vin..  lu 


1  46  HEVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

lobre  1913  :  R.  Triger,  Une  prison  du  Mans  pendant  la  Ré- 
volution :  La  maison  d'arrêt  de  levêché  (1793-1805)  (suite  en  no- 
vembre-décembre).  —  Novembre-décembre  :  Abbé  L.  Calendini, 
Soldats  morts  à  la  Mission,  de  l'an  IV  à  l'an  VII. 

Revue  historique  vaudoise.  —  Novembre  UIVl  :  L.  Mogeon, 
Le  Bulletin  officiel  et  la  publicité  des  séances  de  l'Assemblée 
représentative  provisoire  vaudoise  (1798). 

Revue  internationale  de  l'enseignement.  —  !.'>  mars  lHl't  :  J. 
Poirier,  Lycéens  d'il  y  a  cent  ans  (1813-1815). 

Revue  internationale  des  sociétés  secrètes.  —  W  novembre 
1913  :  M.  de  Pkadel,  L'idylle  d'un  conventionnel  :  Gaspard 
Duchàlel,  ancien  garde  du  corps.  —  "20  jamner  191i  :  D'  Briquet, 
Documents  anciens:  quelques  documents  sur  la  franc-maçonnerie 
dans  les  Basses-Alpes  et  le  Var  sous  le  premier  Empire.  —  W 
février  :  G.  Bord,  L'histoire  de  la  Révolution  et  la  métiiode  de 
M.  Aulard. 

Revue  lorraine  illustrée.  —  Jaiwier-mars  IDli  :  R.  Perrout, 
Le  général  Drouol. 

Revue  morbihannaise.  —  1913  :  Hervé  du  Haloouet,  Assem- 
blée générale  du  diocèse  de  Vannes,  les  2  et  3  avril  1789. 

Revue  politique  et  littéraire  (Revue  bleue).  —  27  décembre 
1913:  Chateaubriand,  Lettres  diplomatiques.  — 3  j(im'icr  191i  : 
E.  Champion,  La  religion  et  la  morale  de  M"""  Roland. —  /}  fé- 
vrier :  J.  Gautier,  L'Université  en  1814. 

Revue  politique  et  parlementaire.  —  10  mars  191  i  :  Philippe 
Gon.nard,    La  légende    napoléonienne    sous    la    Restauration. 

Revue  pratique  d'apologétique.  —  /  ''  février  191k  F.  Pinar- 
del.  Une  exposition   de  souvenirs  religieux  de  la  Révolution. 

Rheinische  Musik-  und  Theaterzeitung.  —  A7V'  (1913),  3,'}-3<): 
R.  Bœhmer,  G(ethe  und  Schubert. 

Rivista  di  Roma.  —  2,')  avril  191  i:  Dott.  Mattia  Loret,  Na- 
poleone  e  i  Polacchi. 

Rivista  storica  del  risorgimenta  italiano.  —  VI  (1913),  .»  : 
S.  PivANO,  La  Costituzione  Bolognese  votata  in  San  Petronio  il 
4  dicembre  1796. 

Rome.  —  iV  mars  191i  -.  G.  Riccio,  Le  retour  de  Pie  VII  en 
ses  États  (1814)  (suite  le  8  avril). 

San  Marco.  —  1913,  1-3:  Hugo  Neugebauer,  Contributo  aile 
invasioni  francesi  nel  Trentino. —  i  :  Quintilio  Perini,  Contributo 
aile  invasioni  francesi  nel  Trentino. 

Savoie  littéraire  et  scientifique  (La).  —  VII!  (I'J13),  3  :  Philibert 
Falcoz,   Les  ruines  du  château  de  Montagny,  près   Cbambéry   . 


pÉRiODigiKs  147 

III,  Episode  de  1814  [combat  entre  Fiançais  et  Autrichiens,  le 
22  février  1>S14|. 

Séances  et  travaux  'de  rAcadéniie  des  sciences  morales  et  politi- 
ques. Compte  rendu.  —  XoDcmbre  lUL'l  :  C.  He.noist,  L'jiomme  de 
1848:  comment  il  s'est  formé';  l'initiation  révolutionnaire  (1830- 
1840).  —  Jaiwier  i9H  :  H.  Welschixoek,  Napoléon  et  Tacite.  — 
Frnricr  :  M.  M.\iiiON,  L'imposition  des  ci-devant  privilégiés  en 
1789.  —  Mars  :  Comte  d'HAUSsoNviLLE.  M'""  de  Staël  et  Necker, 
d'après  leur  correspondance  inédite  (suite  en  (ii'Hl). 

Secolo  XX  (II).  —  XII(19i:i),  11:  P.  Bessi,  Le  metamorfosi 
fisionomiche  di  Napoleone. 

Semaine  catholique  de  Luçon.  —  1913  :  Abhé  L.  Teillet,  Le 
livre  d'or  de  la  Vendée  ;  Abbé  A.  Poirier,  La  Constitution  civile 
à  Luçon  :  le  clergé  et  les  religieuses  en  face  du  serment  schisma- 
ti([ue  ;  Abbé  L.  Riou,  Une  lettre  inédite  de  Mgr  de  Mercy  [28  oc- 
tobre 1801]. 

Semaine  littéraire  (La)  [Paris].  —  2.)  Jaiwier  191^  :  G.  Mon- 
TORGUEiL,  Le  prisonnier  de  Fontainebleau  [Pie  VII].  —  '2"2 
février  :  P.  de  la  Gobce,  Histoire  religieuse  de  la  Révolution.  — 
iS'  mars  :  G.  Dou.\re,  La  messe  de  Brienue  (29  janvier  1814).  — 
'29  mars  :  A.  deTARLÉ,  Marie-Antoinette  et  Barnave.  —  19  avril  : 
A.  de  Tarlé,  L'entrée  de  Louis  XVIII  à  Londres  et  à  Paris  (20 
avril-3  mai  1814).  —  26'  avril  :  V.  Fanet,  Comment  on  volait  pen. 
dant  la  Révolution. 

Semaine  religieuse  de  Langres.  —  XL  VIII  {1913)  :  Louis  Marcel, 
Une  entrée  ministérielle  à  Langres  [celle  de  Necker,  le  26  juillet 
1789]. 

Semaine  religieuse  du  diocèse  d'Arras.  —  191S  :  G.  C.  de  B. , 
L'orage  miraculeux  du  Calvaire  d'Arras  (11  février  1799)  d'après 
les  mémoires  de  M.  Saint-Jean. 

Semaine  religieuse  du  diocèse  de  Verdun.  —  1913  :  Cha- 
noine Jean-Baptiste  Cillant,  Les  ecclésiastiques  de  la  Meuse 
morts  en  déportation  [1794-1795]. 

Société  historique  d'Auteuil  et  de  Passy.  —  1913,  w  1  :  Paul 
Marmottan,  Le  château  de  Passj'  entre  1794  et  1826. 

Société  lorraine  des  études  locales  dans  l'enseignement  public. 
Section  des  Vosges.  —  Octobre  1913  :  Lutrixger,  Voyage  de  Louis- 
Philippe  dans  les  Vosges  (1831).  —  Janvier  19Vf  :  A.  Ranselant, 
Le  prix  des  denrées  et  marchandises  en  1814.  —  Avril  :  Roger, 
La  fête  de   la  Fédération  à  Circourt-sur-Mouzon. 

Société  nouvelle  (La).  —  Janvier  19 li  :  S.  Chandler,  Denis 
Diderot  (suite  en  février). 


148  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

Soziale  Praxis.  — XXIII  (l!.ii:>),  49:  Fontaine,  Eine  staatliche 
Allers-,  Wltwen-  und  Krankenversorgang  in  Frankreich  aus  dem 
Jaiire  1793. 

Urania.—  Jany/cr  7.9/ i  :  Joseph  Nagy,  D'Alembert.  —  Mars: 
Louis  Racz,  L'autobiographie  de  Rousseau  et  de  Goethe. 

Vieux  Lons  (Le).  —  n)V2-1913:  E.  Monot,  Pons  de  l'Hérault; 
M.  Perrod,  La  Petite  Eglise  à  Lons-le-Saunier. 

Vita  musicale  (La).  —  //  (I9LH),  S  :  Ferraguti,  Grétry  l'ar- 
tista  ;  Morazzoni,  Grétry  giudicato  da  letterati  critici  e  musi- 
cisli  del  suo  tempo. 

Woche  (Die).  —  l'i  février  191 'i  :  Ein  Denkmal  fur  Otto  von 
Arnim,  den  ersten  Gefallenen  der  Freiheitskriege  1813. 

Zeiten  und  Vœlker.  —  Novembre  191:]  :  H.  Prehn  v.  Dewitz, 
Ludwigs  XVL  Fiucht.  —  Décembre  :  Friedrich  Wescker, 
Napoléon  und  Moreau  ;  J.  F.  Castelli,  Marztage  in  Wien  1848. 


CHRONlurE 


Bibliothèque  de  la  «  Revue  historique  de  la  Révolution  française 
et  de  l'Empire  ».  —  La  maison  HergcrLcvrauh  vient  de  mettre  en 
vente  le  tome  II  île  la  Bibliolhcquc  de  la  Revue  hisloriqiie  de  la  Révo- 
liilion  française  el  de  l'Empire.  Ce  volume  est  un  recueil  de  sou- 
venirs iuédits,  publié  sous  ce  titre  :  L'invasion  de  1StA-1S15  en 
Champafjne,  par  les  soins  de  notre  collaborateur  M.  Octave 
Beuve.  Nos  lecteurs  ont  pu  déjà  lire  un  fragment  de  cet  ouvrage 
dans  notre  numéro  de  juillet-septembre  19K5. 

Ce  volume  (de  xxii-187  pages)  est  en  vente  au  prix  de  6  francs. 
Les  commandes  peuvent  être  adressées,  soit  à  la  maison  Berger- 
Levrault,  soit  à  l'administration  de  la  Revue  historique  de  la  Révolu- 
lion  française  et  de  l'Empire. 

A  travers  les  journaux. —  Parmi  les  articles  d'histoire  publiés, 
au  cours  de  ces  derniers  mois  (du  1"''  mars  au  1''''  mai  1914),  par 
les  journaux  quotidiens,  nous  révélons  les  titres  suivants  : 

Napoléon,  par  M.  L.  de  Montesquiou,  dans  l'Aetion  française 
du  2  mars;  Les  Royalistes  en  ISPi-,  par  M.  L.  Beaujeu  (ibid., 
5  mars)  ;  La  France  en  JSlâ,  par  ISL  L.  Beaujeu  (ibid.,  13  mars); 
En  1814:  L'intermédiaire  de  la  Restauration  [Talleyrand],  par 
^L  L.  Beaujeu  (l'èù/.,  21)  mars);  Le  retour  de  Louis  XVIII  en  France 
(ISli),  par  M.  J.  Brichet  (ibid.,  26  avril)  ; 

D'  Guillotin  und  die  Guillotine,  dans  la  Berlincr  Morrjrnpost  du 
26  mars; 

En  mars  ISli,  par  M.  Octave  Uzanne,  dans  la  Dépêche  du 
29  mars;  Lycéens  de  ISH,  par  M.  Georges  Weulersse  (ibid., 
16avril);  Napoléonet  Casanova,  parM.  Pierre  Mille  (/tiV/.,  18avril); 

L'affaire  du  carrosse  armorié  (1794),  par  M.  Charles  Folej', 
dans  l'Echo  de  Paris  du  23  mars; 

Le  brûlement  des  drapeaux  des  Invalides  en  1814,  par  M.  F. 
Boucher,  dans  le  Fiyaro  du  4  avril;  Souvenir  des  grandes  yucrres 
(1793-1796).  par  M.'Ceorges  Cain  (ibid.,  2(3  avril); 

Napoléon  I  iiber  seine  Handelspolilik  :  cin  unbekannles  Gesprxch 
des  Kaisers,  par  ^L  Georg  Fink,  dans  la  Frankfurter  Zeituny  du 


150  REVUE    mSTOHlQlE   DE  LA  RÉVOLUTION     FRANÇAISE 

4  mars;  Der  Sttirz  des  Tilanen:  der  Feldzug  ISli  und  die  Abselzung 
Napoléons  I,  par  M.  K.  A.  Junge  (ibid.,  16  avril); 

La  Gendarmerie  nationale  et  son  premier  inspecteur  national 
[Moiicej'],  par  M.  Frédéric  Masson,  dans  le  Gaulois  du  I''  mars  ; 
La  bataille  de  Paris,  1S14,  par  M.  le  lieutenant-colonel  Roussel 
(ibid.,  1"''  avril)  ;  Les  Princes  d'Espagne  et  le  préfet  de  Blois  [1810J, 
par  M.  Frédéric  Masson  {ibid.,  7  avril);  Les  jours  saints  à  la  cour 
de  Louis  XVL  par  M.  F.  de  Nion  (ibid.,  10  avril);  Les  Allemands 
en  Russie  avec  la  Grande  Armée  de  1tS12,  par  M.  le  général  Bonnal 
(ibid..  30  avril); 

La  Terreur  à  Morlai.r,  par  M.  Graville,  dans  la  Gazelle  de  France 
du  27  mars;  Le  centenaire  de  Guillotin,  par  M.  G.  de  Céli  (ibid., 
28  mars);  La  mort  de  M.  de  Cliantrenne  C22  août  il92),  par  M.  P. 
de  Vaissière  (ibid.,  et  même  date); 

Napoléon,   par  M.  Ed.  S.,  dans    la    Gazette    de  Lausanne  du 

15  mars  ;  Une  amie  de  Chateaubriand  :  Delphine  de  Sabran,  marquise 
de  Custine,  par  M.  le  comte  de  Sérignan  (ibid.,  29  mars); 

Comment  Napoléon  improi'isait  une  armée,  par  M.  le  général 
Palat,  dans  le  Journal  des  Débats  du  6  mars;  André  Chénier  journa- 
liste, par  M.  André  Varagnac  (ibid.,  10  mars);  Les  fêtes  à  l'occasion 
du  mariage  de  Napoléon  L':  les  6.000  rosièret  du  22  avril  ISIO, 
par  M.  P.  Nancej'  (ibid.,  19  mars);  Mirabeau  traducteur  de  Tacite, 
par  M.  A.  Albert-Petit  (ibid.,  22  mars);  Un  peintre  de  Marie-Anloi- 
nette:  J.-S.  Duplessis,  par  M.  P  de  Nolhac  (ibid.,  11  avril);  Les 
lettres  de  Marie-Antoinette  à  Barnave,  par  M.  le  vicomte  de  Reiset 
(ibid.,  14  avril);  Les  Alliés  ù  Paris  (avril  1S14),  par  M.  P.  de 
Quirielle  (ibid.,  15  avril); 

La  bataille  de  Toulouse,  10  avril  ISli,  par  M.  Paul  Gaulot, 
dans  la  Liberté  du  8  avril  ; 

L'enlèvement  de  Marie-Louise,  par  M.  Paul  Giiiisty,  dans  le 
Petit  Marseillais  du  2  avril , 

Quelques  poésies  de  Robespierre,  par  M.  Charles  Borard,  dans 
le  Radical  du  4  mars  ; 

Joseph  Lebon,  par  M"'^'  E.  Técliiné,  dans  le  Réveil  du  Nord  des 

16  et  17  avril  ; 

La  Campagne  de  France  (ISIi).  par  M.  O.  Havard,  dans  le 
.So/e(7  du  11  mars;  Le  31  mars  ISli,  par  M.  O.  Havard  (ièà/.,  31 
mars);  L'entrée  des  Alliés  jugée  en  Basse-Normandie,  par  M.  O. 
Havard  (ibid.,  5  avril):  Les  Bourbons  et  les  fourgons  de  l'étranger, 
p;>r  M.  lo  général  Rebillot  (ibid.,  23  avril); 

La  maison  de  Marat  Ji  Boudrj'],  par  M.  Philippe  Janiin,  dans 
la  Suisse  du  4  mars  ; 


CHRONIQUE  151 

L'affaire  PonccUn  (1797),  par  1\I.  G.  Lenotre,  dans  le  Temps 
(iu  26  mars;  Le  bal  du  1"' juillet  ISIO,  par  M.  G.  Lenotre  (ihid., 
9  avril);  L'École  de  Mars,  par  M.  G.  Lenotre  (ibid.,  30  avril)  ; 

La  conspiration  de  l'œillet,  par  M.  Saint-Roman,  dans  l'Univers  du 
5  mars;  Pie  VII  et  le  çiendarme  Radet,  par  M.  H. -G.  Fronim  (ibid.. 
<S  mars);  Marie-Antoinette  et  la  Convention,  par  iNL  Saint-Roman 
(ifc(t/.,llmars);  Marie-Antoinette  devant  ses  «juges  »,  par  M.  Saint- 
Roman  (ifcirf.,  18  mars);  Le  30  mars  1S14,  par  M.  Saint-Roman 
(ibid.,  l'"  axr'û);  Marie-Antoinette  et  l'amiral  d'Eslaing,  par  M.  Saint- 
Roman  (ibid.,  2  avril);  La  Bourse  de  Paris,  depuis  la  Révolution 
jusqu'à  la  chute  deVEmoire,  par  M.  H. -G.  Fromni  (ibid.,  5  avril)  ; 
Hébert  et  Robespierre,  par  ^L  Saint-Roman  (ibid.,  8  avril)  ;  Maine 
de  Biran  en  JS14  et  en  1815,  par  M.  G.  Lecigne  (ibid.,  15  avril)  ; 
Un  démocrate  [Danton],  par  M.  G.  Gautherot  (ifcîfZ.,  23  avril);  Les 
sources  philosophiques  de  la  Révolution,  par  M.  G.  Gautlierot  (îT)»/., 
25  avril). 

Autour  d'une  lettre  de  Marie-Antoinette  à  la  princesse  de  Lani- 
balle.  —  La  lettre  de  Marie-Antoinette  à  la  princesse  de  Lam- 
balle,  que  le  Journal  des  Débals  a  publiée  dans  son  numéro  du 
19  février  1914  et  que  nous  avons  reproduite  dans  noire  dernier 
numéro,  a  soulevé  certaines  observations  qui  tendent  à  rendre 
fort  douteuse  son  authenticité.  Voici  l'article  que  notre  collabora- 
teur ^L  H.  ÎMonin  a  publié  à  ce  sujet  dans  la  Dépêche  de  Tou- 
louse du  20  juin  1914  : 

Au  Musée  municipal  du  vieux  collège  Saint-Uayinontl  est  exposée  «une 
lettre  autographe  et  signée  de  la  reine  Marie-Antoinette  à  la  princesse  de 
Laniballe  ».  Le  directeur  des  musées,  M.  Cartailhac,  l'a  découverte  dans 
un  lot  de  vieux  papiers  donné  par  un  visiteur,  M.  G.  Engelbach,  qui 
sans  doute  avait  voulu  lui  réserver  le  plaisir  de  la  surprise. 

M.  Lngelhach  croit  que  cette  pièce  lui  est  venue  de  son  parrain  Pierre 
de  Rabaudj-,  mort  consul  de  France  à  Sonthampton  en  1SS)3.  Celui-ci 
l'aurait  reçue  de  son  père,  Pierre-Nicolas,  marié  en  Angleterre,  auquel  la 
reine  l'aurait  confiée  quarante  jours  après  le  retour  de  Varennes,  pour  la 
remettre  à  la  princesse  de  Lamballe. 

L'amie  de  la  reine,  la  surintendante  de  sa  maison,  n'avait  été  avisée 
par  elle  du  départ  de  la  famille  royale  que  le  21  juin,  à  deux  heures  du 
matin.  Soit  de  sa  propre  initiative,  soit  par  ordre,  elle  avait  aussitôt 
rejoint,  à  Aumale,  son  beau-père  le  duc  de  Bourbon-Penthièvre,  puis 
avait  gagné  Boulogne,  où  elle  s'était  cmbar([uée  pour  Douvres.  Mais 
aussitôt  qu'elle  eut  appris  l'arrestation  de  Varennes,  elle  revint  sur  le 
continent.  Elle  était  à  Ostende  le  26  juin.  1-^lle  rencontra  le  comte  de 
Ferseu  à   Bruxelles  le  6  juillet.   Fnlin,   il  est  certain  qu'à  partir   du    11 


152  REVCE  HISTORIQIL  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

juillet,  et  jusqu'à  son  retour  en  France  (5  novembre),  elle  résida  tantôt  à 
Aix-la-Chapelle,  tantôt  à  Spa,  dans  la  société  des  émigrés. 

Or,  le  document  toulousain  est  date  du  31  juillet.  Il  est  surprenant 
qu'à  cette  date  M™°  de  Lamballe  n'eût  trouvé  aucun  moyen  de  faire 
connaître  à  la  Reine  ses  pérégrinations  et  résidences.  Il  ne  l'est  pas  moins 
que  le  dépositaire  de  la  lettre  n'ait  pu  ni  la  faire  tenir  à  la  destinataire, 
ni  la  restituer  à  la  Reine.  Il  a,  dit  M.  Cartailhac,  conservé  «  précieuse- 
ment »  cette  relique.  Elle  ne  lui  appartenait  à  aucun  titre.  Comment 
expliquer  qu'au  bout  d'un  siècle  et  quart,  elle  émerge  d'un  lot  de  vieux 
papiers  ? 

Il  est  vrai  que,  naguère,  les  lettres  de  la  Reine  à  M""=  de  Lamballe 
n'étaient  pas  rares  sur  le  marché  des  autographes.  MM.  de  la  Rocheterie 
et  de  Beaucourt  en  ont  classé  quarante-et-une...  toutes  fabriquées  !  Ils 
le  démontrent. 

Ont-elles  eu  un  modèle,  un  prototype  authentique  ?  Je  n'en  jurerais 
pas.  Cependant  j'incline  à  croire  qu'il  existe.  C'est  la  pièce  dont  M.  F. 
Laurcntie  a  donné  le  fac-similé,  dans  son  «  Louis  XVII  »  (u"  39).  En 
voici  le  texte  : 

Je  vous  envoie  un  e.vi>rcss.  madame  ma  chère  cousine  (écrit  le  roi), 
pour  vous  rassurer  à  notre  éyarJ.  ce  que  vous  marquez  à  la  reine  sur 
l'état  de  M.  de  Penthièvrc  ne  peut  que  nous  faire  de  la  peine,  ce  sera  me 
faire  un  vif  plaisir  que  de  nous  en  donner  souvent  des  nouvelles,  mais 
restez  avec  M.  de  P. 

Le  29.  Louis 

L'ordre  était  positif.  La  Reine  en  adoucit  l'amertume.  Sur  la  même 
page,  elle  écrit  : 

J'espère,  ma  chère  Lamballe,  tjuc  vous  vous  rendrez  à  ce  mol  du  roi- 
Je  vous  ai  dit  et  je  vous  repettc  que  je  vous  aime  autant  de  loin  que  de 
près,  pour  vous  il  est  mieux  que  vous  soigniez  cette  santé,  pour  moi  il 
sera  mieu.r  de  jouir  de  vous  en  bonne  santé  que  de  souffrir  à  vous  voir 
souffrir,  vous  voyez  que  c'est  par  cgoïsmc  que  j  agis.  Xous  sommes  revenus 
assez  bien  portants,  le  roi  est  fort  calme,  mes  enfants  n'ont  pas  du  tout 
souffert  :  je  ne  puis  rien  vous  dire  sur  tout  ce  qui  s'est  passé  que  vous  ne 
sachiez  entièrement  par  la  voix  publique.  Adieu,  mon  cher  cœur,  j'ai 
besoin  de  votre  tendre  amitié  et  la  mienne  est  à  vous  depuis  que  je  vous  ai 
vue  ;  dittcs  bien  à  M.  de  Penthièvre  de  se  rassurer  et  soignez  vous  tous  les 
dcu.r.  je  vous  embrasse. 

i[arie-A  n  loi  net  te. 

La  reine,  en  général,  ne  signe  pas  ses  lettres  intimes.  Mais  ici  le  roi 
a  signé,  et  elle  ne  peut  se  dispenser  d'en  faire  autant.  De  l'exception,  les 
faussaires,  qui  connaissent  bien  leur  public,  on  fait  la  règle.  Toutes 
les  .lettres  apocryphes  de  Marie-.\nloinette  sont  signées.  Le  document 
toulousain  est  du  nombre.  Mais  il  a  bien  d'autres  tares. 

Dans  ce  que  nous  considérons  comme  le  modèle  (lettre  du  29  juin), 
on    trouve   deux   fautes    contre    l'orthographe    d'usage  :    «  repettc    »  et 


CHRONIQUE  lil'A 

«  dittcs».  Dans  le  faux,  on  retrouve  «  repettcr  »  pour  répéter,  et,  de  plus, 
«  mcriltcz  »  —  «  routtes  ».  Le  faussaire  a  systématisé  Tabus  des  con- 
sonnes doubles.  Ensuite,  partant  du  principe  inexact  que  la  reine  ignorait 
les  règles  grammaticales,  il  lui  a  prêté  des  fautes  inadmissibles  :  «  il  y  a 
eut;  —  il  vous  a  donner:  —  soyiez:  —  enfants  bien  portantes».  Il  a  calqué 
ou  copié  sur  la  vraie  lettre  :  «  ma  chère  lamballc  ;  —  mon  cœur  :  — 
tendre  amitié  ;  —  bien  portant(e)s  ;  —  est  fort  calme  ;  —  adieu,  je  vous 
embrasse  ».  Le  mot  «  soigniez  »,  de  la  vraie  lettre,  a  servi  pour  le  solé- 
cisme «  soyiez  ». 

Le  ton  général  du  document  toulousain,  conforme  à  la  légende,  est 
contraire  à  l'oljjet  que  poursuit  la  reine.  Il  semble  qu'à  de  tels  témoignages 
d'amitié.  M"""  de  Lamballe  ne  pouvait  répondre  que  par  un  prompt  retour 
aux  Tuileries.  La  signature  de  la  Reine,  la  mention  de  M.  de  Penthièvre 
en  toutes  lettres,  étaient  de  graves  imprudences  dans  une  missive  toute 
d'effusion,  qui  pouvait  être  interceptée,  égarée.  On  sait  que  d  ignobles 
pamphlets  incriminaient  les  relations  des  deux  amies. 

Je  crois  que  la  Reine  n'aurait  pas  écrit  :  «  //  ;;  a  eut  dn  train  »  pour  : 
«  Il  y  a  eu  des  troubles  ».  —  «  Mon  nutri  se  porte  bien  »  est  du  dernier 
bourgeois.  Jamais  la  reine  n'appelle  son  mari  autrement  que  :  «  Le  Roi  ». 
Telles  sont  nos  objections. 

Nous  n'accusons  pas  M.  Cartailliac  de  légèreté.  Il  a  eu  .des  doutes  sur 
la  valeur  de  sa  trouvaille.  Cinq  érudits  parisiens,  dont  il  cite  les  noms, 
l'ont  rassuré  (Débats  du  19  février).  M.  Raoul  Bonnet,  dans  i Amateur 
d'autographes,  est  plus  sceptique  :  ses  motifs  (d'un  tout  autre  ordre  que 
les  nôtres)  sont  tirés  de  l'expertise  graphologique  des  signatures  de 
Marie-Antoinette.  La  discussion  demeure  ouverte. 

H.  MoM>-. 

—  Coiiinic  complément  à  l'article  (lu'oii  vient  uc  lire,  M.  H. 
Monin  nous  adresse  la  note  suivante  : 

M.  Raoul  Bonnet,  dans  l'Amateur  d'autotjraphes  du  mois  d'avril  der- 
nier (p.  101  à  106).  conteste  également  l'authenticité  du  document  tou- 
lousain. Il  donne  en  fa<^  simile  quinze  signatures  de  Marie-Antoinette, 
calquées  par  lui-même  sur  des  contrats  de  mariage  où  les  souverains  et 
les  princes  écrivaient  leurs  noms  pour  faire  honneur  au,\  familles  des 
époux.  L'évolution  de  l'écriture  de  la  Reine  y  est  remarquable  presque 
d'année  en  année  :  3  février  1771,  22  janvier  1774,30  mai  1775...  et,  pour 
la  période  qui  nous  occupe,  14  septembre  1788,  2  août  1789,  10  novem- 
bre 1790,  22  janvier  1791.  «  Les  majuscules  se  transforment  »,  puis  font 
place  à  des  minuscules.  «  Les  lettres  d'abord  liées  se  détachent,...  ce  ne 
sont  plus  que  des  bâtons,  parfois  péniblement  tracés,  et,  à  la  fin,  l'écri- 
ture s'alourdit.  »  Or,  si  l'on  rapproche  de  ces  documents,  d'une  authen- 
ticité inconstestable,  l'écriture  de  la  pièce  toulousaine,  de  grandes  diffé- 
rences apparaissent,  et  dans  le  caractère  général  du  graphisme,  et  dans 
la  forme  des  lettres.  De  plus,  aucune  des  quinze  signatures  n'offre 
de  paraphe.  «  Au   contraire,  les  signatures  de  lettres   tenues  pour  fausses 


154  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

adressées  à  M"»^  de  Lamballe  ou  à  M™«  de  Polignac,  sont  accompagnées 
de  cet  ornement.   »   Or  un  paraphe  suspect  termine  la  pièce  toulousaine. 

Disons  que  ce  dernier  argument,  à  lui  seul,  ne  nous  semblerait  pas  dé- 
cisif ;  les  circontances  des  signatures  comparées  ne  sont  pas  les  mêmes, 
et  le  paraphe  incriminé  est  plutôt  un  trait  final,  automatique,  tel  qu'en 
peuvent    lancer  des    personnes    qui    à    l'ordinaire  ne  paraphent   pas. 

Mais  les  autres  arguments  de  M.  Raoul  Bonnet  sont  de  valeur.  Au 
reste,  à  la  lecture  de  son  article,  le  correspondant  de  la  maison  Noël 
Charavay  à  Londres  signale  que  la  pièce  discutée  lui  a  été  présentée  il 
y  a  quelques  années,  et  qu'il  l'a  déclarée  fausse.  Elle  a  été  exclue  comme 
telle  des  enchères  où  l'on  avait  essajé  de  la  mettre  en  vente.  En  voilà 
sans  doute  assez  pour  apiirccier  à  sa  valeur  le  cadeau  qui  a  été  fait  au 
Musée  Saint-Raymond  à  Toulouse. 

H.  MoM.v. 

Autographes  et  documents.  —  Le  18  février  1914  a  eu  lieu 
à  l'Hôtel  Drouot,  par  les  soins  de  M.  Noël  Charavaj',  une  vente 
d'autographes  et  de  documents  historiques  dont  voici  les  princi- 
pales pièces  pour  la  période  de  la  Révolution  et  de  l'Empire  :  une 
pétition  signée  par  plusieurs  membres  de  la  Commune  de  Paris 
et  adressée  à  la  Convention  en  brumaire  an  II  pour  lui  demander 
de  décréter  qu'à  la  suite  de  chaque  détachement  de  l'armée  révo- 
lutionnaire «  marche  un  tribunal  révolutionnaire  avec  l'instru- 
ment terreur  des  pervers  et  destructeur  de  leurs  complots  liberti- 
cides  »  ;  une  lettre  d'Eugène  de  Beauharnais  à  Madame  Tallien 
{\"  fructidor  an  VIII)  ;  une  lettre  de  Lucien  Bonaparte  au 
citoyen  Duquesnoy  (Rayonne,  2  frimaire)  ;  une  lettre  du  ma- 
réchal Brune  au  général  Loison  (Stettin,  3  juillet  1807);  une 
pièce  autographe  signée  de  Charette  (22  mars  1796)  ;  une  lettre 
de  David  à  Boilly  (s.  d.)  ;  une  lettre  de  Davout  au  maréchal 
Mortier  (14  frimaire  an  XI\')  ;  une  lettre  de  Fontanes  à  Lu- 
cien Bonaparte  (4  nivôse  an  IX);  une  lettre  de  Fouché  au 
préfet  de  police  (3  vendémiaire  an  X)  où  il  lui  prescrit  de  renou- 
veler aux  journaux  l'interdiction  qui  leur  a  été  faite  de  s'occuper 
de  questions  religieuses  ;  une  lettre  du  général  Joubert  à  son 
père  (Narbonne,  10  juin  1792)  ;  une  lettre  de  Laplace  à  Lavoi- 
sier  (s.  d.)  ;  deux  lettres  de  Marat,  l'une  à  Roume  de  Saint-Laurent 
(Paris,  19  juin  1783),  et  l'autre  à  Labiée  (17  janvier  1790);  une 
lettre  de  Hugues  Maret  à  Fouché  (Saint-Cloud,  3  juin  1810)  ; 
une  autre  lettre  du  même  datée  de  Wilna,  4  septembre  1812  ;  une 
lettre  de  Masséna  au  général  Loison  (Torres  Novas,  26  novembre 
1810)  ;  •  une  lettre  de  Napoléon  Bonaparte  au  général  Songis 
(Paris,  1'^'^  ventôse  an  XII);  une  autre  lettre  du  même,  adressée 
à  Duroc  (Saint-Cloud,    10    thermidor  an    XUI)  pour  lui    donner 


CHRONIQUE  155 

l'ordre  de  se  rendre  à  Ranibouillet  afin  de  se  concerter  avec  l'in- 
tendant et  l'arcliitecte  ponr  mettre  celte  maison  en  état  de  le  re- 
cevoir qnclqnes  semaines  plus  tard  ;  une  lettre  du  maréchal  Ney 
au  général  Belair  (Thorn,  11  décembre  1806);  quatre  lettres  de 
Madame  de  Staél,  dont  une  datée  de  Lausanne,  27  juin  1815  ; 
une  lettre  deTalleyrand  (Valençay,  17  octobre  1816). 

—  Une  autre  vente,  qui  a  eu  lieu  le  23  mai,  également  à 
l'Hôtel  Drouot  et  par  les  soins  de  M.  Noél  Charavay,  comprenait, 
sur  l'histoire  de  la  Révolution  et  de  1  Empire,  les  documents 
suivants  :  une  lettre  de  Pauline  Bonaparte  à  M.  Montbrelon  (Nice, 
31  décembre  1813);  une  lettre  de  Boyer-Fonfréde  (Paris,  14  fé- 
vrier 1793);  une  lettre  du  général  Cafl'arelli  (Evreux,  7  brumaire 
an  XI)  ;  une  lettre  de  Lazare  Carnot  (Paris,  24  janvier  1792),  où  il 
demande  que  l'on  modifie  la  composition  métallique  de  la 
monnaie  faite  avec  les  cloches,  parce  que  les  étrangers  font  du 
bénéfice  en  en  achetant,  ce  qui  prouve  que  les  sols  ne  sont  pas  à 
leur  valeur;  une  pièce  signée  par  Danton  comme  président  du 
gouvernement  provisoire  exécutif  (Paris,  11  septembre  1792)  ;  une 
lettre  du  même  aux  juges  du  tribunal  de  Pamiers  (Paris,  24  août 
1793)  ;  une  lettre  de  Duroc  (5  avril  1810),  par  laquelle  il  demande 
un  professeur  pour  enseigner  à  l'Impératrice  le  dessin  au  pastel  ; 
trois  lettres  de  l'abbé  Edgeworlh  de  Firmont  à  la  comtesse  du 
Roure  (1793)  ;  une  lettre  de  Fabre  d'Eglantine  à  sa  femme  (Lyon, 
l''"  octobre  1783)  ;  une  pièce  signée  par  Fouquier-Tinville  (Paris, 
10  prairial  an  II);  une  lettre  de  Kléber  (Le  Caire,  2  vendémiaire 
an  YIII);  une  lettre  de  Lacépéde  à  Napoléon  F'"' (1<"^  juillet  1811) 
pour  le  remercier  de  l'avoir  nommé  président  du  Sénat;  une 
lettre  du  général  Lasallc  à  Napoléon  I"'  (24  thermidor  an  VIII)  ; 
un  lot  de  lettres  de  la  marquise  de  Lasteyrie  du  Saillant,  sœur 
de  Mirabeau  (1776-1781);  une  lettre  de  Louis  XVI  (Versailles, 
21  août  1775)  ;  une  lettre  de  l'impératrice  Marie-Louise  ù  la 
comtesse  de  Mortemart  (21"avril  1814)pourla  remercier  de  tous 
les  services  qu'elle  lui  a  rendus  depuis  son  arrivée  en  France  ; 
une  lettre  de  Masséna  ;\  Soult  (Marseille,  9  mars  1815)  où  il 
parle  du  débarquement  de  Napoléon  au  golfe  Juan  et  déclare 
que  «  Sa  Majesté  [Louis  XVII1|  peut  compter  sur  le  dévouement 
absolu  de  tous  ses  sujets  dans  toute  l'étendue  du  commandement 
qu'elle  a  bien  voulu  lui  confier  »;  une  lettre  du  général  Menou  à 
la  citoyenne  Novel  (Alexandrie,  25  prairial  an  IX)  ;  une  lettre  du 
vicomte  de  Mirabeau  à  sa  belle-sœur  la  comtesse  de  Mirabeau 
(7  août  1776);  neuf  lettresdu  marquis  de  Mirabeau,  l'une  ù  son 
fils  le  comte  de  Mirabeau  (29  mai  1772),  une  autre  à  M.   de  Ma- 


156  HEVUE    HISTOHIQUE  DE  LA   HÉVOLUTION    FRANÇAISE 

rignane,  beau-père  de  son  fils  Gabriel  (12  avril  1783),  les  sept 
autres  à  Madame  de  Mirabeau  (1772-1783)  ;  une  letlre  de  Caroline 
Murât  à  l'un  de  ses  frères  (Naples,  31  janvier  1815);  deux  lettres 
de  Napoléon  Bonaparte,  l'une  à  la  commission  administrative  du 
Mantouau  (Milan,  l''  nivôse  an  V),  l'autre  au  commissaire-ordon- 
nateur en  chef  de  l'armée  d'Italie  (Passeriano,  30  vendémiaire 
an  VI)  ;  une  letlre  du  maréchal  Ney  au  général  Loison 
(Thomar,  2  février  1811)  ;  une  lettre  de  la  duchesse  de  Polignac  à 
Galonné  (Versailles.  17  décembre  1783)  ;  une  lettre  du  général 
Rampon  à  son  beau-frère  (Le  Gaire,  9  thermidor  an  VI);  une 
lettre  duGomitédc  salut  public  aux  représentants  Ghoudieu  et 
Richard  (28  prairial  an  II),  portant  les  signatures  de  Robespierre, 
Garnot,  Billaud-Varenne,  Gollot  d'Herbois  et  Goulhon  ;  une  lettre 
de  Rouget  de  Lisle  à  M.  Monnier  (Montaigu,  30  juillet  181(5)  ;  une 
lettre  du  maréchal  Sérurier  à  Davout  (Paris,  12  mai    1815). 

Cusiques  documents  sur  Mirabeau.  —  La  vente  d'autographes 
du  23  mai  1914,  dont  nous  énumcrons  d'autre  part  les  princi- 
pales pièces,  contenait,  sur  Mirabeau  el  sa  famille,  plusieurs 
dossiers  d'une  importance  particulière.  Voici  la  description  el 
l'analyse  qu'en  donne  le  catalogue  de  la    venle  ; 

1"  Lasleijric  du  Siiillant  (C:ii-olinc-Elisabcth  de  Riqueli-Mirabeau, 
marquise  de),  une  des  sœurs  de  Mirabeau.  —  Douze  letlrcs  autographes 
signées  et  trois  lettres  autographes  à  la  comtesse  de  MiraJjcau,  sa  belle- 
sœur  ;  1776-1781  ;  32  pages  in-4.  Intéressante  correspondance  où  elle 
s'entretient  avec  sa  belle-sœur  de  menus  propos  et  de  petites  commissions, 
comme-celle-cidu  26  avril  1777  .'«J'ai  fait  partir  mercredi  dernier,  ma  bonne 
sœur,  une  boette  contenant  toutes  tes  affaires,  c'est-à-dire  ton  corps, 
douze  paires  de  souliers,  quatre  pots  de  rouge,  une  petite  bouteille  de 
poudre  de  chipre,  trois  plumes  de  barbet  blanches,  deux  noire  et  un 
petit  plumet  noir.  J'y  ai  ajouté  un  esprit,  cela  m'a  coûté  quarante  sols 
de  plus,  et  il  est  fort  à  la  mode  d'en  porter  lorsqu'on  met  des  plumes. 
Il  y  a  aussi  un  bonet,  que  j'ai  choisi  de  préférence  comme  étant  à  présent 
tout  ce  qu'il  a  de  plus  à  la  mode...  J'ai  aimé  mieux  te  prendre  celui  là 
pour  douze  francs  de  plus,  qu'un  tontimi  (?)  en  gase,  qui  ne  sçauroit 
faire  un  bonet  bien  habillée,  si  j'avais  eu  de  ^es  cheveux  pour  modèle  je 
t'aurois  fait  faire  un  hérisson,  car  toutes  les  belles  dames  se  cocffcnt  de 
même.  Ce  n'est  pas  infiniment  joli,  mais  enfin  c'est  la  mode.  »  Un  peu 
plus  tard,  les  lettres  témoignent  de  préoccupations  plus  graves.  M""'  de 
I..asteyrie  conseille  sa  belle-sreur  sur  l'attitude  qu'elle  doit  avoir  vis-à-vis 
de  son  mari  (|ui,  étant  détenu,  cherchait  à  se  ménager  un  rapporochc- 
ment  flvec  sa  femme  pour  obtenir  sa  liberté.  «  Ce  que  je  demande  à  deux 
genoux,  c'est  de  profiter  de  tout  l'ascendant  que  la  tendresse  de  ton  père 
[son  beau-père  l'ami  des  hommes]  pour  toi  te  donne  pour  l'empêcher   de 


tHBOMQlE  157 

procéder  à  une  séparation  dans  le  cas  où  mon  frère  [Mirabeau]  puisse 
obtenir  par  ton  moyen  une  liberté  qui  le  mette  à  même  de  prouver  que 
son  changement  ne  tient  pas  à  ses  paroles  seulement.  Tu  sens,  ma  bonne 
sœur,  combien  il  serait  cruel  pour  lui  de  te  perdre  pour  jamais,  dans  le 
tems  oij  il  se  sent  le  plus  digne  de  toi,  et  où  il  ne  veut  de  liberté  que 
pour  te  le  rendre  tous  les  jours  de  plus  en  plus.  Il  est  dans  ces  dispo- 
sitions :  j'en  suis  caution.  Les  lettres  qu'il  m'écrit  journellement  me  le 
prouvent.  Il  me  mandait  dernièrement  :  Je  voudrais  que  M"il'  de  Mira- 
beau lit  une  démarclie  si  publique,  qu'elle  me  lia  à  tout  jamais,  et  me 
lit  passer  aux  yeux  de  toute  la  terre  pour  le  plus  ingrat  de  tous  les 
liommcs  si  j'étais  jamais  capable  de  l'oublier.  »  —  Une  lettre  autographe 
signée  au  marquis  de  Marignane,  père  de  la  femme  de  Mirabeau.  Au 
Bignon,  20  octobre  1778.  Lettre  de  condoléances  à  propos  de  la  mort  de 
l'enfant  de  sa  belle-sœur  (Le  5  octobre  1778,  pendant  que  Mirabeau  était 
détenu  à  Vincennes,  son  fils  était  mort). 

2"  Marignane  (Marquis  de),  père  de  la  femme  de  Mirabeau. —  Une  lettre 
autographe  signée  à  Mirabeau  ;  10  novembre  1782.  Il  l'informe  qu'il  n'y  a 
pas  de  menace  dans  la  résolution  qu'a  prise  sa  fdlc  ;  elle  ne  peut  qu'opé- 
rer le  malheur  commun  des  deux  époux.  «  Le  sien  en  redevenant  votre 
victime,  le  vôtre  en  vous  donnant  occasion  d'avoir  de  nouveaux  torts  dont 
la  récidive  dans  un  âge  plus  mûr  achèverait  de  vous  perdre.  L'impétuosité 
de  vos  démarches,  la  fougue  et  le  ton  assure  de  votre  style  épistolaire  me 
tiendrait  en  grande  méfiance  sur  la  réalité  de  votre  changement  si  tout, 
d'ailleurs,  ne  me  prescrivait  pas  sur  cela  la  plus  grande  circonspection.  » 

3"  Mirabeau  (André-Boniface-Louis  Uiqueti,  vicomte  de),  dit  Mira- 
beau-Tonneau, frère  de  Mirabeau.  —  Une  lettre  autographe  à  sa  belle- 
sœur,  la  comtesse  de  Mirabeau;  Mirabeau,  7  août  1776.  Très  curieuse 
lettre  dans  laquelle  il  la  prévient  qu'elle  court  danger  qu'elle  ne  peut  con- 
cevoir si  elle  quitte  Tourves  pour  aller  au  bal.  «  Que  cette  lettre,  toute 
peu  disante  qu'elle  est,  ne  sorte  de  vos  mains  que  pour  être  brûlée.  »  — • 
Une  note  contemporaine  est  jointe.  En  voici  le  texte  :  «  N"  7.  Lettre  de 
M.  le  chev.  de  Mirabeau  à  M"''  sa  belle-sœur,  qui  prouve  le  projet 
qu'avoit  M.  de  Mirabeau  d'enlever  sa  femme.  Il  crut  sa  conscience  inté- 
ressée à  avertir  sa  belle-sœur  du  risque  qu'elle  couroit.   » 

4"  Mirabeau  (Victor  Riqueti,  marquis  de),  dit  l'Ami  des  hommes, 
père  de  Mirabeau.  —  Une  lettre  autographe  signée  à  son  fils  ;  Paris,  29 
mai  1772.  Lettre  relative  aux  formalités  du  mariage  de  Mirabeau.  La  lettre 
du  marquis  est  suivie  de  notes  concernant  deux  créanciers  de  Mirabeau, 
qui  se  jouaient  d'eux. 

5"  Mirabeau  (Victor  Riqueti,  marquis  de).  —  Une  lettre  autographe 
signée  à  M.  de  Marignane,  beau-père  de  son  fils  Gabriel  ;  Paris,  12  avril 
1783.  Il  proteste  contre  la  prétention  de  M.  de  Marignane  de  le  compro- 
mettre dans  les  moj-ens  à  employer  pour  soutenir  la  cause  de  M""'  de 
Mirabeau  et  son  refus  de  se  réunir  avec  son  mari.  «  Quoi  !  c'est  vous. 
Monsieur,  qui  croyés  pouvoir  révéler  au  public  les  confessions  d'un  père 
allarmé  et  irrité   pour  vous  en    faire  un  titre   contre  son  fils,  coupable  ou 


158  REVUE    HISTOHIQIE  DE  LA  HÉVOI.ITION     FRANÇAISE 

non,  des  délits  dont  il  pouvait  alors  être  accusé  ?...  Vous  le  sçavés. 
Monsieur,  depuis  le  jour  fatal  où  vous  préférâtes  mon  fils  pour  votre  gen- 
dre, en  rompant  un  engagement  pris  avec  un  autre  (et  ce  ne  fut  pas  à  ma 
sollicitation),  que  n'ai-je  pas  fait  pour  écarter  de  vous  tout  sujet  de  trou- 
bles; quels  avantages  personnels  ai-jc  cherché  dans  votre  alliance?  Qu'ai-je 
exigé  de  vous?  Aucun  des  droits  que  nie  donnaient  nos  lois  et  les  usages 
de  Provence  ;  je  vous  a3'  laissé  disposer  des  fonds  et  des  revenus  de  M"'<' 
votre  fille  à  votre  gré.  Quand  elle  est  venue  à  moi,  ma  maison  lui  a  été 
ouverte,  sans  réserve,  sans  payer  de  pension.  Quelle  dise  si  elle  y  a  été 
traitée  en  fille  chérie  !  »  Le  marquis  de  Mirabeau  menace  le  marquis  de 
Marignane,  s'il  publie  ses  confidences  de  père  alarmé,  de  le  marquer  en 
public  pour  «  aprendre  à  tous  les  hommes  à  se  tenir  en  garde  contre  leurs 
propres  vertus  et  contre  la  confiance  aveugle  en  celles  qui  ne  furent  point 
éprouvées  ». 

6"  Mirabeau  (Victor  Hiqueti,  marquis  de).  —  Sept  lettres  autographes, 
dont  six  signées,  à  Madame  de  Mirabeau,  1772-1783;  22  pages  in-4.  — 
Dans  la  première  lettre,  il  lui  fait  mille  compliments  et  se  déclare  heureux 
de  la  pouvoir  donner  comme  femme  à  son  fils  Gabriel.  «  Mon  fils  a  des 
défauts,  personne  ne  les  connaît,  ne  les  sent  et  ne  les  sentira  peut-être 
plus  que  son  père,  mais  il  a  le  c(eur  bon,  chaud,  noble  même,  quoique 
impérieux  et  gâté  par  Torgueil.  Enfin  c'est  mon  fils  et  vous  scaurés  un  jour 
ce  que  c'est  que  ce  titre.  »  Le  marquis  de  Mirabeau  remercie  M""  de 
Marignane  d'avoir  agréé  sou  fils  pour  époux.  «  Mon  fils  me  rend  aujour- 
d'huy  avec  usure  tous  les  biens  que  je  lui  ay  faits  en  me  donnant  une  fille 
telle  que  vous.  Mais  je  n'oublieray  pas  que  c'est  à  vous  seule  que  je  dois 
l'avantage  qu'il  reçoit  aujourd'hui.  »  En  1774,  l'Ami  des  hommes  félicite 
sa  belle-fille  sur  le  style  de  ses  lettres  dans  lesquelles  la  justesse  des 
expressions  s'ajoute  à  la  sagesse  des  pensées.  Il  l'invite  à  vivre  avec  une 
dépense  qui  ne  dépasse  pas  3.000  livres,  mais  il  met  sa  bourse  à  sa  dis- 
position pour  qu'elle  en  use  en  toute  liberté.  Il  lui  conseille  de  prendre  son 
frère,  le  bailly  de  Mirabeau,  dans  son  ménage  ;  il  en  fait  un  très  curieux 
portrait.  Plus  loin,  il  console  sa  belle-fille  sur  la  mort  de  son  enfant.  La 
dernièie  lettre,  datée  du  25  février  1783,  est  relative  à  la  réconciliation 
des  deux  époux  (Gabriel  était  en  liberté  depuis  plus  de  deux  ans).  «  Il  a 
trente-quatre  ans.  Je  suis  content  de  son  obéissance  en  cecj-  jusqu'à  pré- 
sent [de  ne  pas  chercher  à  se  rapprocher  de  sa  femme]  et  je  ne  puis  luy 
refuser  la  liberté  d'employer  les  moyens  qu'on  jugera  les  plus  efficaces 
pour  sortir  de  la  pénible  situation  où  il  est.  Ma  très  chère  fille,  je  ne  suis 
pas  heureux.  11  ne  tiendrait  qu'à  vous  de  me  donner  un  bon  en  ma  vie. 
Vous  me  l'aviez  fait  espérer,  car  pourquoi  me  demandicz-vous,  en  juin 
1780,  de  mettre  votre  mary  à  portée  d'être  éprouvé  si  vous  ne  vous  étiés 
pas  conservé  des  droits  sur  luy,  des  devoirs  envers  luy  !  » 

7"  Miniheim  (Jcan-.\ntoine- Joseph),  oncle  du  grand  orateur,  dit  le 
Railly  de  Mirabeau.  —  Trois  lettres  autographes  signées  à  sa  nièce,  la 
femme  de  Gabriel  ;  1778-1780  :  6  pages  in-4.  Lettre  de  consolation  ;  il 
l'exhorte  à  prendre  des  distractions  (8  décembre  1778).  Le  14  août  1779, 


CHRONIQUE  159 

le  hailly  dcclarc  nettement  que  le  sort  tle  son  neveu,  en  prison  à  Vinccnncs, 
lui  est  parfaitement  indifférent,  mais  il  reporte  sur  sa  nièce  l'amitié  qu'il 
avait  pour  son  neveu.  Le  13  septembre  17S0,  à  propos  de  la  tentative  de 
réconciliation  de  Mirabeau,  il  écrit  ceci  à  M""'  de  Mirabeau  :  «  Comme 
je  l'aj'  mandé  à  votre  mary  lui-même.  Madame  ma  chère  nièce,  s'il  avait 
moins  de  talent  de  persuader,  il  me  persuaderait  plus  facilement,  mais 
quel  que  soit  son  sort  à  l'avenir,  personne  ne  pourra  s'en  prendre  à  mon 
avis,  soit  si  une  clôture  éternelle  et  sa  séparation  d'avec  vous  entraîne 
la  perte  entière  de  ma  famille  et  toutes  les  autres  choses  qui  s'en  suivent 
nécessairement,  soit  que,  jouissant  simplement  de  sa  liberté  il  en  me- 
susât  ce  ne  sera  pas  d'après  mon  avis  qu'on  aura  agi  et  je  me  conten- 
teray  d'être  toujours  au  secours  de  quiconque  en  aura  besoin  et  de  tâcher 
de  remettre  le  bon  ordre  quand  je  le  pourrai  et  aider  de  mon  mieux  à 
rétablir  les  affaires  si  le  cas  y  échet.  »  Le  bailly  de  Mirabeau  expose  qu'il 
est  impossible  de  savoir  si  son  neveu  est  sincère,  responsable  ou  incons- 
cient'dans  ses  bonnes  résolutions,  et  que  son  père  ne  peut,  non  plus,  se 
rendre  responsable  de  ce  qui  peut  arriver  s'il  donne  la  liberté  à  son  fils.  Si 
son  neveu  est  réellement  amendé,  il  serait  fâché  de  prononcer  un  ana- 
thème  contre  lui,  mais  s'il  feint  une  conversion  —  comme  le  baillj'  le 
craint  —  celui-ci  serait  au  désespoir  d'avoir  contribué  à  déchaîner  une 
bête  féroce. 

Les  impressions  de  l'abbé  Edgeworth  de  Fiimont  au  lendemain  de 
la  mort  de  Louis  XVI.  —  Les  troi.s  lettres  autographes  de  l'abbé 
Edgeworth  de  Firmont  à  la  comtesse  du  Roure  qui  ont  été  ven- 
dues, à  l'Hôtel  Drouot,  le  23  mai  dernier,  ofl'raient  un  intérêt  tout 
particulier,  car  elles  nous  font  connaître  les  impressions  du  prin- 
cipal témoin  de  l'e.xéculion  de  Louis  XVI,  quelques  semaines  à 
peine  après  cet  événement.  Ces  lettres  sont  en  efi'et  datées  de  mars 
et  d'avril  1793.  Nous  ne  saurions  mieux  faire  que  de  reproduire 
l'analyse  qu'en  donne  le  catalogue  de  la  vente  : 

Précieuses  lettres  écrites  quelques  semaines  après  l'exécution  de  Louis 
XVI,  pendant  que  l'abbé  de  Firmont  était  réfugié  à  Choisy-le-Roi.  Elles 
ne  sont  pas  signées  et  il  faut  les  lire  attentivement  pour  en  saisirl'impor- 
tance.  Dans  la  première  lettre,  il  s'excuse  de  n'avoir  pas  répondu  aux  deux 
lettres  de  Madame  du  Roure,  mais  il  lui  explique  qu'il  a  été  obligé  de 
partir  précipitamment  dans  une  circonstance  qui  aurait  pu  être  bien  dé- 
cisive pour  lui.  Après  cette  allusion  voilée  à  l'événement  du  21  janvier, 
l'abbé  de  Firmont,  à  mots  couverts,  en  retrace  les  péripéties  et  rappelle  la 
courageuse  attitude  de  Louis  XVI  :  «  Il  est  des  sensations  que  le  langage 
ordinaire  ne  saurait  rendre  :  et  assurément  toutes  les  peines  de  ma  vie 
mises  en  somme  n'étaient  rien  auprès  des  déchiremens  de  ce  jour-là.  Mais 
en  revanche,  que  de  consolations  venaient  au  soutien  de  ma  faiblesse,  et 
me  donnaient  une  force  que  je  ne  trouvais  pas  en  moi!  Quelle  résignation, 
quelle  patience!  quelle  grandeur  d'âme!  quel   héroïsme!    Non,   Madame, 


160  RKVUIÎ    HISTOHIQfE  DE    LA  RÉVOLUTION    I-HANÇAISE 

tdut  ce  qu'on  a  pu  vous  dire  n'est  qu'une  ombre  auprès  de  ce  cjue  j'ai  vu. 
Que  ne  puis-je  entrer  dans  un  plus  grand  détail  ?  Mais  tout  conspire  à 
m'iniposer  silence  aujourd'hui.  —  Le  même  jour  [21  janvier]  je  quittai 
Paris,  M.  de  M[alesherbcs]  exigeait  autre  chose  de  moi  et  voulait  que  je 
disse  adieu  à  la  France,  où,  à  son  avis,  je  ne  pouvais  plus  trouver  de  sûreté, 
mais  Dieu  a  eu  soin  de  moi  et,  en  fuyant  les  regards  que  j'avais  fixés  un 
instant,  je  crois  avoir  réussi  à  me  faire  oublier.  »  Dans  les  autres  lettres, 
l'abbé  Edgeworth  de  Firmont  fait  part  a  Madame  du  Roure,  restée  à  Paris, 
qu'elle  peut  entendre  la  messe  et  communier  dans  la  chappelle  de  son  hô- 
tel de  la  rue  de  Bourbon  et  la  prie  de  venir  le  voir  dans  sa  retraite,  aux 
environs  de  Paris,  puis  il  dît:  «Depuis  le  matin  vous  attendes  une  ligne 
de  moi,  et  cette  ligne  ne  vous  parviendra  que  demain,  car  nos  portes  sont 
fermées  et  il  n'y  a  plus  moyen  d'envoyer  chez  vous.  » 

Robespierre  et  la  loi  de  prairial.  —  Dans  une  vente  d'auto- 
gruphos  qui  a  eu  lieu  à  l'Hôtel  Drouot  le  13  juin  1914,  et  sur 
laquelle  nous  donnerons  quelques  détails  dans  notre  prochain  nu- 
méro, figurait  un  document  assez  curieux  et  dont  il  serait  intéres- 
sant de  connaître  le  texte  complet.  C'est  un  projet  de  décret  écrit 
tout  entier  de  la  main  de  Robespierre,  sur  trois  pages  in-4",  et  qui 
paraît  se  rapporter  à  la  loi  du  22  prairial.  «  Le  présent  manuscrit, 
dit  le  catalogue  de  la  vente,  est  extrêmement  précieux  à  cause  des 
nombreux  passages  bilTés  par  Robespierre  lui-même,  qui  permet- 
tent de  suivre  les  variations  subies  par  sa  pensée  lorsqu'il  composa 
cette  pièce  mémorable.  »  En  fait,  il  est  difBcile  de  tirer  des  dé- 
ductions précises  de  ce  document  tant  qu'il  n'aura  pas  été  publié. 
Voici  le  court  fragment  qu'en  donne  le  catalogue  :  «  Considérant 
que  les  jugements  des  grands  coupables  ont  toujours  éprouvé  des 
lenteurs  qui  compromettent  les  intérêts  de  la  liberté  et  qui  con- 
trastent scandaleusement  avec  la  promptitude  de  la  punition  des 
criminels  obscurs,...  décrète  ce  qui  suit...  si  le  jugement  d'une 
alTaire  a  été  prolongé  de  trois  jours...  il  sera  procédé  sur  le-champ 
au  jugement,  etc.  »  Ce  passage,  d'ailleurs  morcelé,  montre  que 
Robespierre,  comme  les  autres  membres  du  Comité  de  salut  pu- 
blic, se  préoccupait  des  lenteurs  qui  paralysaient  l'action  du  tri- 
bunal révolutionnaire  ;  mais  il  ne  semble  pas,  ù  en  juger  par  ce 
fragment,  que  le  projet  rédigé  par  lui  ait  servi  de  base  à  la  rédac- 
tion du  décret  de  la  Convention. 


Le  Directeur-Gérant  :  Charles  Vellay. 


vn.;i:MiKr.i:.   —   iMiMUMtim:  Mazkl  ».V  Piancher 


Li:  PROCÈS 
DES  PAPIERS  DE  COURTOIS 

(183 1-18:33) 


Rentré  en  France,  en  1818,  pour  recueillir  le  faible  héri- 
tage que  lui  laissait  son  père,  Henri-Bonaventure  Courtois 
dut  demander  son  pain  quotidien  à  divers  expédients. 

Usant  et  abusant  du  titre  de  fils  du  conventionnel  Cour- 
tois, il  se  montra  cependant  très  prudent,  très  réservé,  sous 
le  gouvernement  des  Bourbons.  Mais  à  partir  de  1831,  sous 
Louis-Philippe,  comme  sous  Napoléon  III,  il  eut  recours  à 
l'intimidation,  au  chantage,  dans  l'espoir  de  faire  tomber 
sur  lui  les  faveurs  des  nouveaux  régimes.  Il  échoua  et  dès 
lors  se  lança  dans  l'opposition  violente,  ce  qui  ne  lui  réus- 
sit pas  toujours. 

Le  premier  terrain  de  lutte  qu'il  choisit  fut  celui  de 
l'affaire  des  papiers  saisis  à  Rambluzin,  au  domicile  de  son 
père,  le  9  janvier  1816,  par  ordre  du  duc  Decazes,  alors 
ministre  de  la  Police  générale. 

Il  assigna  le  duc  en  restitution  de  documents,  sinon  en 
paj-ement  de  dommages-intérêts  ;  il  épuisa  toutes  les  ruses, 
se  donna  bien  du  mal  et  finalement  succomba. 

Il  fit  alors  appel  à  l'opinion  et  publia  ce  qu'il  nomme 
l'histoire  de  son  procès  dans  un  pamphlet  intitulé  :  Affaire 
des  papiers  de  V ex-conventionnel  Courtois  '. 

Outre  que  Courtois  prolongea  indéfiniment  les  vingt- 
quatre  heures  accordées    à    tout    condamné  pour    maudire 

1.  Paris,  Uelaunay.  libraire  au  Palais-Koyal,  1834.   In-8"  de  36  pages. 

El:V.  HIST.  nt  I.A  litVdL.  11 


162  RKVIE    HISTORIQrE  »K  LA  HlivOLVTION    FRANÇAISE 

ses  juges,  son  caractère  violent  et  aigri  par  de  nombreux 
déboires  ne  nous  est  pas  une  garantie  bien  sûre  de  son 
impartialité,  surtout  si  l'on  tient  compte  que  parmi  les  no- 
tes laissées  par  lui  plusieurs  font  planer  sur  sa  loyauté  un 
doute  sérieux.  Nous  donnerons  plus  loin  une  de  ces    notes. 

Aussi  serait-il  intéressant  de  présenter  de  ce  procès  ce 
qu'on  pourrait  appeler  la  version  Decazes.  Le  factum  que 
l'ancien  ministre  de  la  police  générale  adressa  le  8  novem- 
bre 1832  à  MM.  les  président  et  juges  composant  le  tribunal 
civil  de  première  instance  du  département  de  la  Seine,  fac- 
tum retrouvé  dans  les  papiers  laisses  par  H.  Courtois,  nous 
en  offre  le  moyen. 

Il  suffira  de  le  donner  in-extenso  et  de  le  compléter  avec 
les  notes  et  la  brochure  du  demandeur. 

Toute  question  de  bonne  foi  chez  l'ancien  ministre  laissée 
de  côté,  faut-il  accorder  au  duc  Decazes,  accusé  qui  se  dé- 
fend, plus  de  créance  qu'à  H.  Courtois,  accusateur  et  sur- 
tout plaideur  malheureux?  Il  parait  bien  difficile  de  se  pro- 
noncer. L'accusation  allègue  certainement  des  faits  précis, 
démontrés,  indéniables,  auxquels  le  factum  ne  répond  pas 
toujours  suffisamment. 

Peut-être  un  jour  quelque  nouveau  document  d'archives 
éclairera-t-il  ce  petit  problème.  Tout  ce  que  nous  pouvons 
faire  de  mieux  aujourd'hui  c'est  de  donner  les  éléments  du 
procès  en  laissant  au  lecteur  le  soin  de  conclure. 


C'est  le  1"  mars  1831  que  H.  Courtois  engagea  la  lutte 
par  cette  lettre  au  duc  Decazes  '  : 

1"  mars  ISU. 

M.  le  Duc,  à  l'époque  de  la  seconde  restauration  en  1816,  le 
domicile  du  conventionnel  Courtois,  mon  père,  fut  envahi  par  la 
gendarmerie,  des  perquisitions  furent  faites  et  par  suite  plusieurs 

1.  N.-\turellenu'nt,  nous  n'avons  entre  les  mains  que  les  minutes  de  H. 
Courtois.  Ces  minutes  sont  parfois  ,iu  nombre  de  deux  ou  de  trois  pour  la 
même  lettre.  C'est  toujours  l.i  plus  complète,  la  plus  achevée ,    que  nous  donnons. 


LE    PHOCKS  niiS    PAPIERS  Di;    COURTOIS  1G3 

caisses  de  papiers  furent  enlevées.  Mon  père,  accablé  d'infirmités 
et  de  la  perte  toute  récente  de  son  épouse  ',  éprouva  toutes  les  an- 
goisses de  la  persécution  -  et  bientôt  l'exil  consomma  sa  fin. 

Je  devais  croire  que  mon  séjour  dans  l'île  delà  Guadeloupe 
depuis  1799  me  garantirait  de  toute  atteinte,  mais  la  persécution 
passa  les  mers  et  vint  m'alteindre  à  2.000  lieues  de  la  F"rance  ^. 
Il  paraissait  juste  alors  que  le  fils  répondit  de  la  conduite  politi- 
que de  son  père. 

D'après  les  renseignements  que  j'ai  recueillis  de  ma  famille, 
ces  papiers  furent  enlevés  par  vos  ordres  et  déposés  dans  vos 
bureaux. 

Malgré  mon  éloignement  de  la  France,  je  n'ignore  pas  qu'il 
n'a  pas  tenu  à  vous,  Monsieur  le  duc,  que  le  sort  des  proscrits 
ne  fut  adouci»  ;  c'est  cette  assurance  qui  me  fait  espérer  aujour- 
d'hui que  vous  voudrez  bien  avoir  la  bonté  de  m'indiquer  quel  a 


1.  H.  Courtois  oubliera  que  M""*"  Courtois  était  morte  à  cette  date,  et.  poul- 
ies besoins  de  la  cause,  il  la  fera  survivre  jusqu'à  fin  mars. 

2.  H.  Courtois  écrit  dans  l'Affaire  des  papiers  de  l'ex-conuentionnel  Courtois  : 
«  D'atroces  persécutions  ont  été  exercées  contre  l'ex-convenlionnel  Courtois,  mon 
père.  Son  domicile,  envahi  par  la  gendarmerie,  a  été  dévasté,  sa  famille  tout 
entière  chassée  de  ses  foyers  et  ses  papiers  spoliés.  Lui-même,  quoique  frappé 
par  la  loi  d'amnistie,  ne  put  quitter  la  France  qu'après  trois  tentatives  infruc- 
tueuses et  sous  un  déguisement  qui  le  sauva  des  poignards  d'une  bande  d'as- 
sassins. j> 

A  part  la  présence  des  gendarmes  à  Rambluzin,  nous  n'avons  nulle  part 
trouvé,  dans  les  papiers  de  H.  (Courtois,  trace  de  ces  persécutions. 

3.  Bien  dans  les  papiers  laissés  par  H.  Courtois  ne  laisse  soupçonner  cette 
persécution  d'outre-mer.  Le  9  septembre  1814,  il  reçoit  une  commission  d'avoué 
à  la  Pointc-,i-Pitre,  commission  qui  est  renouvelée  le  14  février  181.").  Dépos- 
sède de  sa  charge  lors  de  la  prise  de  la  Guadeloupe  par  les  Anglais,  il  adresse, 
au  retour  des  Français,  au  lieutenant  général,  comte  de  Lardenoy,  gouverneur 
de  la  colonie,  une  supplique  toute  de  miel  pour  Louis  XVIIl,  demandant  à 
être  réintégré  dans  sa  charge.  Le  gouverneur  la  transmet  et  la  recommande  le 
6  novembre  1816  à  qui  de  droit,  et,  le  18  du  même  mois,  H.  Courtois  obtenait 
satisfaction.  Enfin,  au  mois  de  mars  1818,  il  obtenait  sur  sa  demande  un  congé 
d'une  année  «  pour  se  rendre  en  France  pour  y  régler  des  affaires  de  famille  ». 
Impossible  de  voir  dans  tout  cela  trace  des  persécutions  dont  se  plaignit  si 
souvent  H.  Courtois. 

4.  H.  Courtois  ne  tardera  pas  à  l'ignorer  complètera&nt.  Dans  son  pamphlet  il 
écrira  : 

«  Signaler  ces  excès,  c'est  désigner  l'époque  :  le  duc  Decazes  était  alors 
ministre  de  la  Police. 

«  C'est  vainement  que,  se  parant  d'une  hypocrite  modération,  il  prétend  s'être 
opposé  aux  vengeances  de  la  restauration  ;  nous  ne  sommes  que  trop  accoutumés 
à  cette  lâcheté,  complice  du  présent  et  courtisan  de  l'avenir  ;  sa  retraite  seule 
aurait  pu  le  justifier  ;  resté  au  pouvoir,  il  est  l'ordonnateur  et  le  fauteur  de  tous 
les  crimes  de  cette  époque.  » 


KU  RKVUK    IIISTORIQUK  DK    LA   REVOLUTION    FRANÇAISE 

été  le  sort   de  ces   papiers  et  ce  que  je  dois  faire  pour  les  recou- 
vrer. 

J'ai   l'honneur,  etc. 

A  la  suite  de  cette  minute,  H.  Courtois  a  ajouté  le  nota 
suivant  : 

M.  Decazes  ne  répondit  point.  Il  remit  ma  lettre  à  M.  de  Pou- 
dras qui  m'invita  à  me  rendre  dans  ses  bureaux  pour  recevoir  les 
papiers  saisis.  On  m'offrit  alors  une  liasse  contenant  quelques 
pièces  insignifiantes  qu'on  me  dit  être  le  tout.  Je  réclamai  l'inven- 
taire ;  il  n'en  avait  point  été  fait. 

Sur  ma  demande  M.  C.  Perrier  ordonna  que  la  remise  me  se- 
rait faite.  J'écrivis  alors  une  seconde  lettre  à  M.  Decazes,  le  19 
mars  1831. 

Voici  cette  réponse  du  ministrede  l'intérieur,  dont  il  vient 
d'être  question: 

l'aiis,  le  27  mars  ISSU 

Vous  vous  êtes  adressé  à  mon  département  pour  obtenir  la 
restitution  des  papiers  dont  l'administration  a  fait  opérer  la  saisie 
chez  M.  Courtois,  votre  père,  à  l'époque  où  l'application  de  l'ar- 
ticle 7  de  la  loi  du  12  janvier  1816  a  contraint  les  ex-convention- 
nels à  quitter  la  France. 

Quoiqu'il  résulte  du  procès-verbal  dressé  à  cette  occasion,  et 
signé  par  un  des  fils  de  M.  Courtois,  comme  fondé  de  pouvoirs, 
que  les  papiers  saisis  n'en  renfermaient  aucun  qui  fut  personnel 
à  M.  votre  père,  je  suis  tout  disposé,  monsieur,  à  vous  faire  re- 
mettre ceux  qui  pourraient  avoir  pour  vous  quelque  intérêt. 

Vous  êtes,  en  conséquence,  autorisé  à  vous  présenter  quand 
vous  le  jugerez  convenable  à  la  Division  de  la  Police  générale  où 
les  pièces  dont  il  s'agit  vous  seront  remises  sur  votre  reçu. 

La  lettre  du  19  mars  de  H.  Courtois  au  duc  Decazes  est 
reproduite  dans  le  factiim  de  ce  dernier. 

Elle  se  terminait  par  ces  lignes  :  «  Monsieurle  duc,  avant 
de  rien  préjuger,  avant  d'aller  plus  loin   dans  une  affaire 

1.  Il  doit  V  avoir  erreur  de  date,  soit  iei,  soit  dans  les  quantièmes  indiqués 
par  H.  Courtois. 


LE    PUOCKS   DliS   PAI'IKHS    Di;    COLHTOIS 


U)5 


aussi  délicate,  aussi  grave,  je  crois  devoir  attendre  les  ex- 
plications  qu'il  vous    plaira  de  vouloir  bien  me   donner.  » 

La  minute  porte  en  outre  ce  nota  :  «  Cette  lettre  est  res- 
tée sans  réponse  et  m'obligea  d'en  écrire  une  troisième  à  la 
date  du  31  mars,  à  laquelle  il  fut  répondu.  » 

Remarquons  que,  malgré  son  affirmation,  H.  Courtois 
accepta  la  remise  qui  lui  était  faite,  et  il  en  donna  —  sous 
toutes  réserves  —  une  décharge  régulière  '. 

Vers  cette  date  également,  H.  Courtois  eut  communica- 
tion du  dossier  de  police  concernant  son  père.  C'est  ce  qu'in- 
dique une  seconde  note  de  cette  même  minute  de  la  lettre 
du  19  mars  :  «  22  mars,  vu  le  dossier.  » 

Il  en  fit  une  analyse  sommaire  commentée.  Nous  la  don- 
nons à  la  suite  du  jugement,  car  elle  complète  la  version 
Courtois  et  répond  sur  plusieurs  points  à  la  version  Deca- 
zes. 

La  lettre  du  19  mars  étant  donc  demeurée  sans  réponse, 
H.  Courtois  en  écrivit  une  très  longue,  le  31,  qui  forme  tout 
un  réquisitoire.  Le  faclum  du  duc  Decazes  la  reproduit  en- 
tièrement. 

Le  duc  Decazes,  cette  fois,  répondit.  Sa  lettre  est  datée 
du  7  avril  1831. 

La  voici  -  : 

.le  n'ai  pu  vous  répondre,  Monsieur,  avant  d'avoir  pris  les 
renseignements  sur  l'affaire  dont  vous  m'entretenez.  Je  regrette 
de  ne  les  avoir  pas  eus  assez  tôt  pour  vous  éviter  la  peine  d  écrire 
la  dernière  lettre  que  vous  m'avez  adressée. 

J'étais  sur  de  n'avoir  pas  ordonné  la  saisie  des  papiers  de  M. 
votre  père  et  je  ne  me  souvenais  que  de  ceux  qu'un  officier  de  gen- 
darmerie m'apporta  renfermés  sous  une  enveloppe  qui  ne  conte- 
nait que  le  testament  de  la  Reine  Marie-.\ntoineltc  et  quelques 
autres  objets  lui  ayant  appartenu.  La  communication  du  dossier 
n'a  fait  que  me  confirmer  dans  mes  souvenirs. 

1.  \'oir  le  dc-tail  des  pièces  remises  dms  K.  Wixvkht  :  Le  ConrenlionncI 
Coiirlt}is  ;  la  saisie  des  papiers. 

2.  Xoiis  n'avons  de  eette  lettre  qu'une  copie  0-  hi    uuiin  de  H.    Courtois. 


166  REVtK     HlSTORlQL'i:  DE  LA   RÉVOLUTION    IRAXÇAISE 

Je  n'ai  jamais  vu  la  caisse  dont  vous  me  parlez  ;  il  est  encore 
douteux  pour  moi  qu'elle  soit  parvenue  dans  les  bureaux  du  mi- 
nistère, mais  dans  tous  les  cas  ces  papiers  n'ont  pas  été  et  ne 
sont  pas  en  ma  possession.  Je  vous  ferai  d'ailleurs  remarquer 
qu  il  résulte  du  procès-verbal  signé  de  M.  votre  frère  et  du  juge 
de  paix,  que  la  caisse  ne  contenait  rien  de  personnel  à  M.  votre 
père  et  ne  renfermait  que  des  pièces  relatives  à  la  Révolution. 
J'espère  que  vous  reconnaîtrez.  Monsieur,  que  je  ne  puis  vous 
restituer  des  objets  que  je  n'ai  pas,  et  vous  indemniser  de  dom- 
mages que  je  ne  vous  ai  pas  causés. 

J'ai,  etc..  Signé  :  Le  duc  Decazes. 

A  la  suite  de  cette  lettre  H.  Courtois  a  écrit  : 

M.  le  duc  dit  n'avoir  pas  donné  l'ordre  de  saisir  les  papiers 
de  Courtois,  cependant  le  procès-verbal  d'apposition  des  scellés 
en  date  du  6  février  1816  porte':  En  vertu  d'une  lettre  de  S.  E.  an 
préfet  Maussion  en  date  du  3  février. 

Il  ajoute  qu'il  n'a  jamais  vu  les  papiers  et  le  préfet  Maussion 
lui  annonce  par  sa  lettre  du  12  février  qu'il  a  remis  ces  papiers 
à  la  diligence  à  son  adresse. 

Il  dit  encore  :  il  est  douteux  pour  moi  que  ces  papiers  soient 
jamais  parvenus  dans  les  bureaux  du  Ministère.  Il  y  sont  si  bien 
parvenus  qu'une  partie  vient  de  mètre  remise. 

Et  pour  complcttersa  réponse  M.  Decazes  ne  craint  pas  d'ajou- 
ter que  la  communication  du  dossier  n'a  fait  que  confirmer  ses  sou- 
venirs, c'est-à-dire  qu'il  est  tout  à  fait  étranger  à  cette  affaire. 

Le  chef  du  bureau  préposé  à  la  garde  des  archives,  rue  Hille- 
rin-Bertin,  m'a  déclaré,  en  me  remettant  les  pièces  échappées  à 
la  spoliation,  qu'aussitôt  l'arrivée  des  papiers,  M.  Decazes  les 
avait  fait  transporter  aux  Tuileries,  ce  qui  confirme  les  avis  don- 
nés à  mon  père  à  cet  égard  '. 

A  la  lettre  du  duc  Decazes  H.  ("ourtois  répondit,  le  11 
avril,  ainsi  qu'il  suit  : 

M.  le  duc,  j'é|)rouve  tout  le  regret  possible  de  ne  pouvoir  ad- 
mettre que  cette  affaire  vous  est  étrangère.  Vos  nombreuses  occu- 
pations vous  en  ont  sans  doute  fait  perdre  le  souvenir.  Au  reste, 

1.  Voir,  ;'i  In  Un  (1.-  ci-l  ailiili-,  la  iiolc  s,-  rappnrlaMl  nu   f.ui\  dr  H.  Courtois. 


I.F.    PKOCÈS    DKS  PAPIERS  DE    COl'RTOIS  167 

qu'il  y  ait  oubli  ou  désaveu,  celte    fin    de    non-recevoir    ne    sera 
d'aucun  poids  devant  les  preuves  irrécusables  que  je  produirai. 

Quant  à  l'objection  que  ces  pièces  n'étaient  relatives  qu'à  la 
Révolution,  cela  ne  ferait  que  confirmer  l'intérêt  dont  elles  étaient 
pour  certaines  personnes  et  rendre  plus  odieuses  encore  les  per- 
sécutions subies  par  mon  père  puisqu'il  ne  se  trouvait  rien  à  sa 
charge  dans  cette  saisie.  Une  administration  plus  pénétrée  de  ses 
devoirs  se  serait  empressée  alors  défaire  la  restitution,  mais,  il 
faut  en  convenir,  à  cette  époque  on  ne  se  piquait  pas  d'une  pro- 
bité administrative  bien  rigoureuse. 

Si  dans  ces  cartons  il  s'était  trouvé  quelques  pièces  suspectes 
on  pouvait  en  faire  un  choix  et  restituer  le  reste,  sauf  ensuite  à 
débattre  avec  les  intéressés  le   droit  que  l'on   s'arrogeait. 

S'il  s'était  par  hasard  rencontré  quelque  document  dont  on 
put  demander  la  réintégration  dans  les  archives  ou  dépôts  pu- 
blics, c'était  encore  un  droit  qu'on  ne  pouvait  exercer  que  contra- 
dictoirement  avec  l'accusé. 

Dans  aucun  cas  un  ministre  dépositaire  ne  pouvait  violer  le 
dépôt  confié  par  la  loi  ;  cette  insigne  spoliation  est  prévue  par 
l'art.  255  du  Code  pénal. 

Au  défaut  de  l'inventaire  éludé  avec  tant  d'astuce,  on  croit  au- 
jourd'hui atténuer  l'intérêt  de  ces  papiers  et  leur  spoliation  en 
disant  qu'ils  n'étaient  que  politiques.  J'en  produirai  la  note  dé- 
taillée ;  on  verra  alors  que  l'importance  générale  et  privée  de  ces 
documents  explique  tout  naturellenicnt  l'empressement  à  les  pos- 
séder et  leur  disparition  '. 

Jusqu'ici  cette  alfaite  n'a  encore  amené  ni  choix  d'un  défen- 
seur, ni  publicité  ;  je  me  suis  contenté  seulement  de  prendre  les 
mesures  que  la  prudence  suggérait.  J'ai  tiré  du  dossier  copie  et 
extrait  des  pièces  dont  je  pouvais  craindre  l'altération  ou'la  sous- 
traction et  je  me  suis  assuré  que  la  préfecture  de  la  Meuse  ne  se 
prêterait  jamais  à  de  pareilles  tentatives. 

M.  le  duc,  j'éprouve  une  véritable  peine,  beaucoup  plus  grande 
que  vous  ne  le  pensez  peut-être,  de  mettre  au  jour  une  affaire 
d'où  naîtra  tant  de  révélations  et  tant  de  scandale.  Y  serai-je 
forcé  ?  Encore  quelques  jours  d'attente  et  je  n'aurai    plus    qu'un 

1.  Cette  conclusion  de  H.  Courtois  ne  me  semble  pas  découler  très  clairement 
de  l'examen  de  la  liste  des  pièces  réclamées,  telle  que  nous  la  retrouvons  plus 
loin,  dans  le  factum,  sauf  le  n'*  26. 


168  UKVUE  HISTORIQUE  DE   LA    KÉVOI.ITION    FHANÇAISE 

devoir  à  remplir  :  celui  darracher  les  dépouilles  enlevées  à  mon 
père  et  de  flétrir  ses  spoliateurs. 

Le  duc  Decazes  ne  répondit  pas. 

H.  Courtois  semble  avoir  attendu  quelque  temps  encore 
avant  de  recourir  aux  tribunaux. 

Il  préparait  cependant  l'attaque,  comme  le  prouve  cette 
note  retrouvée  dans  ses  papiers  : 

Avant  (le  former  une  demande  contre  Decazes,  ne  serait-il  pas 
à  propos  de  constater  l'état  des  papiers  saisis  ? 

En  vertu  de  la  lettre  du  président  du  conseil,  en  date  du  '  .., 
qui  ordonne  la  remise  des  papiers  saisis  chez  le  conventionnel 
Courtois  au  mois  de  février  1816,  faire  sommation  à  M.  Poudras 
(qui  m'a  été  indiqué  comme  devant  faire  celte  remise)  d'avoir  à 
représenter  la  caisse  contenant  les  cinq  cartons  de  papiers  et  l'in- 
ventaire ou  procès-verbal  de  saisie  de  ces  papiers  afin  de  procé- 
der sur-le-champ  au  recollement  d'inventaire  nécessaire  à  leur  re- 
mise. 

Constater  (si  faire  se  peut)  que  le  procès-verbal  d'apposition 
des  scellés  fait  en  vertu  d'une  lettre  de  S.  E.  le  ministre  de  la  Po- 
lice en  date  du  3  février  1816,  ne  spécifiantpoint  les  papiers  saisis, 
mais  les  désignant  vaguement  sous  le  titre  des  pièces  relatives  à 
la  Révolution  ne  permit  pas  de  procéder  à  ce  recollement. 

Constater  qu'au  lieu  des  cinq  cartons  contenus  dans  une  caisse 
au  dire  du  procès-verbal  sus  mentionné,  il  n'est  représenté  par 
M.  de  Poudras  qu'une  chemise  contenant  quelques  pièces  qui 
font  à  peine  la  dixième  partie  de  ce  que  peut  contenir  un  carton 
ordinaire. 

Déclarer  ne  pas  accepter  cette  remise  comme  insuffisante,  pro- 
tester et  faire  toutes  réserves  de  se  pourvoir,  etc. 

Il  me  parait  instant  de  constater  l'existence  dans  les  bureaux 
de  ces  restes  de  papiers,  puisque  M.  Decazes  prétend  qu'ils  n'y 
sont  point  parvenus. 

Ce  ne  fut  que  le  21  décembre  1.S,'51  qu'eut  lieu  l'appel  en 

1.  27  iiK'rs  IS81.  \'nir  plus  liaut.  p.  lf.4. 


LK    PKOGÈS    DES    PAI'IKHS    DE    COURTOIS  1()9 

conciliation  entre  les  parties  devant  le  juge  de  paix  du  di- 
xième arrondissement. 

La  conciliation  ne  put  avoir  lieu  et,  en  conséquence,  le  31 
décembre  1831,  H.  Courtois  assignait  le  duc  Decazes  devant 
le  tribunal  de  première  instance. 

L'acte  d'assignation,  reproduit  tout  au  long  dans  le  fac- 
tum  de  l'ancien  ministre,  est  particulièrement  intéressant 
en  ce  qu'il  nous  fournit  la  liste  —  aussi  complète  que  pos- 
sible —  des  pièces  réclamées  par  le  demandeur. 

Il  est  bien  regrettable  que  nous  ne  puissions  connaître 
les  documents  qui  avaient  servi  de  fondement  aux  réclama- 
tions de  H.  Courtois. 

La  cause  fut  distribuée  à  la  première  (>hambre,  le  13  jan- 
vier 1832,  mais  elle  traîna  pendant  presque  tout  le  cours  de 
cette  même  année. 

Peut-être  H.  Courtois  n'était-il  qu'à  moitié  rassuré  sur 
l'issue  du  procès  et  espérait-il  obtenir  plus  par  le  chantage 
que  par  les  voies  légales.  Quoiqu'il  en  soit,  le  8  octobre  1832, 
sous  prétexte  de  répondre  à  la  lettre  du  duc  Decazes  du  7 
avril  1831,  il  revient  à  son  système  tl'intiniidation.  Il  reprend, 
en  les  accentuant  et  en  les  complétant,  ses  commentaires  sur 
la  lettre  de  son  adversaire. 


M.  le  duc,  écrit-il,  encore  un  mot  sur  une  atTairedonl  les  re- 
tards bien  qu'inexplicables  me  permettent  cependant  de  vous  faire 
quelques  nouvelles  observations. 

Par  votre  lettre  du  7  avril  de  l'année  dernière  vous  dites  : 
j'étais  bien  sûr  de  n'avoir  pas  ordonné  la  saisie  des  papiers  de  M. 
votre  père. 

Cependant  le  procès-verbal  d'apposition  des  scellés  en  date  du 
6  février  1816,  porte  :  en  verlu  d'une  lettre  de  S.  E.  au  préfet 
Maussion  en  date  du  3  février  courant. 

Vous  ajoutez  :  je  n'ai  jamais  vu  la  caisse  dont  vous  parlez. 

Vous  avez  oublié  sans  doute  que  le  préfet  Maussion  par  sa  let- 
tre du  12  février  vous  annonce  qu'il  la  remet  à  la  diligence  à  votre 
adresse  ;  et  cette  même  lettre  ayant  devance  l'arrivée  de  la  messa- 


170  REVl'E     HISTOmgiE  DE    LA  HÉVOI.ITION   KRANÇAISE 

gerie,  vous  y  avez  mis  de  votre  propre  main  :  La  caisse  esl-elle 
arrivée  ?  Je  n'ai  rien  reçu  '. 

Plus  bas  vous  dites  :  il  est  douteux  pour  moi  que  ces  papiers 
soient  parvenus  dans  les  bureaux  du  ministère,  mais  dans  tous  les 
cas  ils  n'ont  pas  été  et  ne  sont  pas  en  ma  possession. 

Ils  y  sont  si  bien  arrivés  que  le  registre  du  bureau  des  messa- 
geries en  porte  la  décharge. 

Et  qu'enfin  la  faible  partie  échappée  à  la  spoliation  m'a  été  re- 
mise par  les  ordres  de  M.  Perrier  qui  m'avait  promis  avec  cha- 
leur toute  son  assistance  dans  cette  affaire. 

Qu'en  a-ton  fait?  Aussitôt  ils  ont  été  portés  aux  Tuileries  ; 
mon  père  en  reçut  l'avis  par  une  personne  aussi  bien  informée 
que  vous-même  de  ce  qui  se  passait  au  conseil  :  vous  pourrez  en 
juger  lors  des  débats. 

Ils  ont  si  bien  pris  cette  direction  que  trois  lettres  du  général 
Dampierre,  Salle  -  et  Robespierre  qui  faisaient  partie  de  cette 
série  m'ont  été  remises  après  les  journées  de  Juillet,  elles  avaient 
été  prises  dans  les  appartements  du  Roi.  Beaucoup  d'autres 
pièces  provenant  de  la  même  source  ont  encore  circulé  dans  le 
public.  Ces  trois  lettres  sont  jointes  à  mon  dossier. 

Ils  sont  si  bien  arrivés  dans  vos  bureaux  que  le  conservateur 
des  archives  de  la  rue  Hillerin-Bertin,  en  me  remettant  les  débris 
de  cette  capture,  m'a  déclaré  à  deux  reprises  différentes  que  cette 
caisse  avait  été  par  vous  envoyée  aux  Tuileries  immédiatement 
après  son  arrivée  ;  et  la  dernière  fois  que  je  le  vis  il  m'a  même 
engagé  à  faire  faire  des  recherches  dans  les  archives  du  Louvre. 

Vous  avez  donc  oublié  votre  lettre  au  préfet  Maussion,  écrite 
le  15  février,  immédiatement  après  la  réception  de  cette  caisse, 
par  laquelle  vous  vous  plaignez  que  le  proscrit  avait  été  prévenu 
de  ce  qui  se  tramait  contre  lui  et  vous  lui  enjoignez  de  faire  de 
nouvelles  recherches  dans  l'espoir  de  saisir  enfin  des  pièces  ob- 
jet de  tous  vos  vœux  que  vous  n'aviez  pas  trouvées  dans  cette 
caisse,  mais  dont  l'existence  vous  avait  été  révélée  par  les  bruits 
publics  et  pyar  un  manuscrit  autographe  du  saisi  intitulé  :  Louis 
XVIII  pendant  la  Révolution.  Vous  avez  aussi  oublié  la  réponse 
de  Maussion  à  cette  lettre  du  23  février  par  laquelle  il  assure  que 

1.  Cela  seniblor.iit  confirmer  la  \-ersion  Decazes. 

2.  ^'oi^  relativLMiiont  à  cette  lettre  de  Salle  :  Vatel.  Charloltc  Cordag  el  les 
Giromlins.  t.  I.  p.  xi.v  et  s.    -  Vatel  y  accepte  iietteinent  la  thèse  du  duc  Decazes. 


LE  PKOCKS    DES    PAPIERS     DE    COLKTOIS  171 

Courtois  n'avait  point  été  prévenu  des  ordres  que  vous  aviez 
donnés. 

Vous  avez  oublié  la  lettre  du  10  janvier  de  Maussion  par  la- 
quelle il  vous  mande  que  Courtois  est  possesseur  de  papiers  im- 
portants et  annonce  qu'il  va  en  faire  la  saisie  avec  Benoît. 

Et  pour  comble  vous  ajoutez  :  la  communication  du  dossier 
n'a  fait  que  me  confirmer  dans  mes  souvenirs. 

Et  à  moi  aussi,  M.  le  duc,  cette  communication  a  été  faite  et 
j'ai  pu  dans  deux  séances  et  pendant  plusieurs  heures  y  puiser 
les  moyens  de  confondre  ces  fins  de  non  recevoir. 

Il  est  inutile  d'ajouter  que  dépositaire  public  vous  n'aviez  pas 
plus  le  droit  d'en  disposer  en  faveur  de  Louis  XVIII  qu'en  faveur 
de  tout  autre. 

Je  conçois  que  l'importance  de  ces  papiers  n'a  peut-être  pas 
permis  que  tous  restassent  entre  vos  mains.  Je  crois  à  cet  égard 
ra'ètre  expliqué  de  manière  à  faciliter  une  remise  qui  ne  serait 
pas  intégrale  ;  aujourd'hui  je  la  sollicite  de  nouveau  dans  le  but 
d'éviter  un  scandale  peu  d'accord  avec  mes  habitudes  de  modé- 
ration. 

Cette  lettre  de  H.  Courtois  n'eut  pas  plus  de  succès  que 
les  précédentes  et  demeura  probablement  sans  réponse. 

Cependant  le  duc  Decazes  faisait  remettre  au  tribunal  son 
factum  dans  lequel,  après  avoir  rappelé  les  faits,  il  les  dis- 
cutait et  présentait  sa  défense. 

Ce  factum  est  du  8  novembre  1832.  Nous  le  donnons  in- 
tégralement.' 

A  MM.  LES  PRÉsmENT  ET  JuGES  Composant  le  tribunal  civil 
de  première  instance  du  département  de  la  Seine,  séant  au  Pa- 
lais de  Justice  à  Paris  ;  M.  Elle  duc  de  Gazes,  Pair  de  France, 
demeurant  à  Paris,  rue  Saint-Dominique  Saint-Germain,  n"  11  ; 
défenseur  aux  fins  de  l'exploit  introductif  d'instance  du  ministère 
de  Guinard,  huissier  à  Paris,  en  date  du  31  décembre  1831  ;  de- 
mandeur aux  fins  des  présentes,  ayant  M=  Poisson  Seguin  pour 
avocat  ;  contre  le  S'  Henri  Bonaventure  Courtois  fils,  demeurant 

1.  Ce  factum,  comme  le  jugement  que  nous  donnons  plus  loin,  na  aucune 
ponctuation  ;  nous  y  remédions  aussi  discrètement  que  possible. 


172  RliVLE  HISTOHiyUE  DK    LA    RKVOIATION    I-HAXÇAISF. 

à  Paris,  rue  Godot-dc  Mauroj',  n°  29  ;  demandeur  aux  fins  de 
l'exploit  introductif  d'instance  du  ministère  de  Guinard,  huissier 
à  Paris,  en  date  du  31  décembre  1831  ;  défendeur  aux  fins  des 
présentes,  avant  M"^  Fagniez  pour  avocat  ;  a  l'honneur  d'exposer 
qu'il  vient  défendre  à  une  demande  dirigée  contre  lui  à  raison 
des  faits  qui  se  sont  passés  lorsqu'il  était  ministre  ;  il  s'agit  d'une 
demande  en  restitution  de  papiers  qui  auraient  été  saisis  chez  le 
S''  Courtois  père  à  la  suite  d'une  visite  domiciliaire  faite  chez  ce 
dernier. 

Faits.  —  En  1816,  M.  le  duc  de  Decazes  était  ministre  de  la 
police  générale  ;  sous  son  ministère,  le  préfet  de  la  Meuse  soup- 
çonnant que  quelqu'un  de  ceux  qui  avaient  contribué  au  retour 
de  Bonaparte  en  France  pouvait  être  caché  à  Ranibluzin  dans  la 
demeure  du  S'"  Courtois  père,  fit  faire  une  perc[uisition  chez  ce 
dernier  sous  la  date  du  9  janvier  1816;  cette  visite  fit  découvrir 
au  préfet  des  papiers  importants  sur  lesquels  les  scellés  furent 
apposés;  ce  fonctionnaire  en  référa  sur-le-champ  au  ministre  qui 
approuva  la  mesure  qu'il  proposait  de  faire  l'inspection  de  ces 
papiers  et  d'exiger  l'exhibition  des  titres  de  propriétés  des  effets 
qu'on  pouvait  supposer  appartenir  à  l'Etat  ;  M.  Decazes  l'autorisa 
en  conséquence  à  prendre  les  dispositions  nécessaires  pour  rem- 
plir ce  double  objet  ;  le  9  février  1816  furent  levés  les  scellés  ap- 
posés le  9  janvier  sur  les  papiers  et  effets  mobiliers  du  S'  Cour- 
tois ;  le  S'^  Courtois  fut  trouvé  dans  son  lit  où  il  était  retenu  pour 
cause  de  maladie.  Son  indisposition  le  mettant  hors  d'état  d'as- 
sistei  à  la  levée  des  scellés  dont  s'agit,  il  déclara  qu'il  donnait  au 
S''  Achille-Auguste  Courtois,  son  fils,  pouvoir  de  le  représenter  ; 
examen  fait  contradictoirement  avec  ledit  S''  Courtois  fils  des  pa- 
piers mis  sous  les  scellés,  ils  ont  été  généralement  reconnus  par 
lui  pour  être  exclusivement  relatifs  à  la  révolution.  En  consé- 
quence et  comme  parmi  les  papiers  il  ne  s'en  trouva  aucun  qui 
fut  personnel  au  S''  Courtois  ni  à  sa  famille,  ils  furent  placés  ainsi 
qu'il  appert  du  procès-verbal  de  la  levée  de  scellés  dans  cinq  car- 
tons. Interpellation  faite  à  M.  Courtois  père  s'il  n'était  pas  pos- 
sesseur d'elïets,  livres,  meubles,  etc.,  provenant  de  la  Cour  et  du 
mobilier  des  princes  de  la  famille  royale  ;  celui-ci  répondit  né- 
gativement, à  l'exception  pourtant  de  certains  objets  pour  les- 
quels il  fut  dressé  un  procès-verbal  particulier  ;  ces  objets  se 
composaient    du    testament    de    la  Reine  ainsi    que  de   quelques 


LE   PUOCÈS     DKS     PAPIICUS   DK  COLHTOIS  173 

objets  personnels  à  Sa  Majesté,  c'est-à-dire  un  gant,  des  cheveux 
de  Monseigneur  le  Dauphin,  qui  ont  été  placés  sous  une  enveloppe 
à  peine  de  la  grandeur  de  cette  page  et  adressée  au  ministre  de 
la  police  par  un  officier  de  la  gendarmerie  envoyé  en  courrier  '. 
Ce  testament  fut  communiqué  aux  Chambres  et  imprimé  ;  les  au- 
tres efTels  demeurèrent  entre  les  mains  de  Louis  XVIII  à  qui  M. 
Decazes  s'était  empressé  de  les  remettre  ;  mais  comment  ces  eEfets 
se  trouvaient-ils  entre  les  mains  du  S"^  Courtois,  c'est  ce  qu'il  est 
facile  d'expliquer.  On  se  rappelle  qu'après  le  9  thermidor  une 
commission  fut  créée  pour  examiner  les  papiers  trouvés  chez 
Robespierre  et  ses  complices  et  que  le  S'' Courtois  père  fut  chargé 
de  rédiger  un  rapport  officiel  sur  cette  fameuse  journée  et  le  tra- 
vail de  la  commission  dont  il  a  été  parlé.  Ce  fut  dans  les  archi- 
ves du  Tribunal  Révolutionnaire  que  la  dite  commission  trouva 
les  reliques  royales  sus-détaillées  et  qui  à  cette  époque  étaient 
destinées  à  être  brûlées.  Mais  le  S'  Courtois  père  avait  trouvé 
un  moyen  de  s'en  emparer  sûrement  et  les  conserva  avec  le  plus 
grand  soin.  Il  avait  donné,  écrivait-il  au  préfet  de  la  Meuse  en 
1816,  une  petite  portion  des  cheveux  à  feue  Mad'  la  duchesse 
de  Choiseul  -.  Elle  seule  et  l'abbé  Barthélémy  étaient  instruits 
de  l'existence  de  ces  cheveux  qu'ils  s'étaient  engagés  à  conserver 
avec  soin  comme  un  trésor  inestimable  :  «  Nous  nous  gardâmes 
«  bien,  ajoute-t-il,  de  leur  parler  de  cette  lettre  si  touchante,  vrai 
«  chef-d'œuvre  d'amour,  de  sensibilité,  écrite  à  4  h.  1/2  du  ma- 
ie tin,  le  jour  même  où  cette  femme  courageuse  et  si  aimable 
«  porta  sa  tète  sur  un  échafaud  si  peu  fait  pour  elle  !  »  Telle  est 
la  source  de  cette  possession  par  le  S"^  Courtois  des  papiers  re- 
latifs à  la  Révolution  ;  lors  de  la  visite  domiciliaire  faite  chez  lui 
parle  préfet  de  la  Meuse,  c'est  ce  qu'il  a  reconnu  lui-même  dans 
une  lettre  adressée  à  ce  fonctionnaire  et  dans  laquelle  il  lui  fait 
savoir   que  les  papiers  enlevés  chez  lui  qui  concernaient  Robes- 

1.  Courtois  ne  dut  remettre  qu'une  partie  de  ces  souvenirs  de  la  famille  royale. 
Il  conserva  par  devers  lui  plusieurs  de  ces  objets  qui,  dans  la  suite,  passèrent 
dans  les  ventes  publiques  et  dont  quelques-uns  mêmes  sont  venus  entre  les  mains 
de  sa  UUc  Charmette.  M.  L.  Maussenet,  détenteur  actuel  des  papiers  laissés  par 
Henri  Courtois  et  sa  sœur  Charmette,  prépare  une  notice  sur  ce  sujet.  Le  con- 
ventionnel exilé  ne  voulait  pas  se  dépouiller  de  ses  gages.  Le  livre  de  Marie- 
Antoinette  qui  est  actuellement  à  la  Bibliothèque  de  Chàlons-sur-Marne  en  était 
probablement  l'un  des  plus  précieux. 

2.  H.  Courtois  écrira  :  «  Ces  cheveux  ont  passé  au  duc  de  Marmier,  gendre 
du  duc  de  Choiseul.   » 


174  HEVUE    HISTORIQUE    DE  LA   RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

pierre  et  autres  étaient  destinés  par  lui   à  lui  servir  pour   termi- 
ner la  2^'""^  partie  de  son  rapport  sur  Robespierre. 

Ainsi  non  seulement  le  fils  du  S'  Courtois,  délégué  par  lui  à 
l'effet  d'assister  à  la  levée  des  scellés  et  à  l'examen  des  papiers 
sur  lesquels  ils  avaient  été  apposés,  avait  reconnu  à  l'instant  même 
qu'aucun  de  ces  papiers  n'était  relalil' à  son  père,  mais  encore 
le  père  loin  d'élever  aucune  réclamation  relative  à  la  saisie  d'au- 
cun de  ces  mêmes  papiers  reconnut  qu'il  n'en  était  devenu  dépo- 
sitaire qu'à  raison  d'un  travail  dont  il  avait  été  chargé  officielle- 
ment, que  la  suite  des  événements  révolutionnaires  les  avait  fait 
oublier  entre  ses  mains  et  qu'enfin  l'emploi  et  l'usage  auxquels  il 
les  destinait  avait  pour  objet  la  confection  de  la  2'"'"'  partie  de  ce 
travail  inachevé.  Le  Tribunal  n'a  pas  oublié  que  les  papiers  sai- 
sis chez  le  S'  Courtois  avaient  été  mis  dans  cinq  cartons  qui  fu- 
rent cachetés  et  déposés  à  la  préfecture  de  la  Meuse  ;  par  une 
lettre  du  12  février  1816,  le  préfet  adressa  au  ministre  le  procès- 
verbal  de  levée  de  scellés  et  lui  demanda  en  même  temps  ses  or- 
dres au  sujet  de  ces  cartons.  Par  une  autre  lettre  en  date  du  27 
avril  1816,  le  préfet  delà  Meuse  informe  le  ministre  que  par  suite 
de  la  visite  que  le  9  janvier  il  avait  fait  faire  à  Rambluzin  au  do- 
micile du  S'^  Courtois  ex-conventionnel  il  avait  été  déposé  chez 
lui  des  papiers  relatifs  à  l'affaire  de  Robespierre  et  autres  qu'il 
avait  cru  de  nature  à  être  adressés  au  ministre,  mais  qu'il  avait 
attendu  que  la  saison  fut  moins  variable  pour  les  faire  partir  ;  il 
annonçait  que  le  lendemain  il  devait  faire  déposer  au  bureau  des 
Messageries  royales  une  caisse  ficelée  et  cachetée  contenant  ces 
papiers  dont  le  ministre  voudrait  bien  lui  faire  accuser  réception. 
Cette  caisse  est-elle  arrivée  en  effet  au  ministère  ?  M.  le  duc  De- 
cazes  en  a-t-il  eu  connaissance  ?  C'est  ce  que  l'exposant  nie  for- 
mellement. La  discussion  des  moyens  dont  le  S''  Courtois  fils  fera 
usage  à  l'appui  de  sa  demande  permettra  à  M.  le  duc  Decazes  de 
développer  les  preuves  invincibles  de  son  ignorance  et  de  sa  non- 
possession  relativement  aux  pièces  renfermées  dans  les  5  carions 
dont  il  s'agit.  Quoiqu'il  en  soit  les  choses  demeurèrent  en  cet  état 
jusqu'après  les  premiers  mois  de  la  révolution  de  1830.  Mais  le 
l""  mars  1831  le  demandeur  crut  pouvoir  exploiter  les  faits  qui 
s'étaient  passés  en  1816  et  par  une  lettre  conçue  en  style  roide  et 
âpre  il  commença  l'exécution  de  son  système  d'épouvante  dont  il 
se  promettait  un  heureux  résultat.  Sa  tentative  demeura  pourtant 


l.K    l'IiOCKS   DKS    PAPIEKS   DK    COl-liTOIS  17Ô 

sans  effet.  M.  le  duc  Decazes  n'avait  point  oublié  comment  les 
choses  s'étaient  passées  vis-à-vis  de  M  Courtois  père  et  sa  con- 
duite personnelle  dans  ces  circonstances  critiques  n'avait  rien 
qui  put  provoquer  un  reproche  ;  M.  le  duc  Decazes  crut  devoir 
garder  le  silence.  Cependant  M.  Courtois  fils  voulut  interroger 
les  cartons  du  ministère  de  l'intérieur  afin  d'en  tirer,  s'il  était 
possible,  des  armes  contre  M.  le  duc  Decazes.  Le  10'  du  cou- 
rant écrivit-il  à  l'exposant  «  j'ai  fait  une  demande  le  19  -  mars 
«  1831  à  M.  le  ministre  de  l'intérieur  pour  obtenir  la  remise  des 
«  papiers  saisis  par  votre  ordre  en  1816  chez  le  conventionnel 
«  Courtois  mon  père  ;  il  m'a  répondu  que  ces  pièces  étaient  à  ma 
«  disposition  ;  en  compulsant  le  dossier  il  est  facile  de  voir  qu'on 
«  ne  peut  pousser  plus  loin  l'oubli  de  toutes  les  formes  voulues 
«  par  la  loi.  Arrivé  aux  pièces  saisies  quel  n'a  pas  été  mon  éton- 
«  nement  lorsqu'au  lieu  des  titres  et  documents  les  plus  inipor- 
«  tants  il  m'a  été  représenté  que  5  ou  6  chiffons  de  papier  tout  à 
«  fait  insignifiants  :  «  c'est,  m'a-t-on  dit,  tout  ce  que  M.  Decazes 
«  nous  a  remis.  »  J'ai  demandé  le  rapport  des  6  cartons  et  de  la 
«  caisse  mentionnés  au  procès-verbal  de  scellés  du  9  janvier  1816  : 
«  on  ne  les  a  jamais  vus  ;  il  est  inutile  de  vous  dire  que  je  n'ai  point 
«  accepté  cette  remise.  »  Toujours  même  silence  de  la  part  de  M. 
le  duc  Decazes  qui  en  effet  n'avait  jamais  eu  de  papiers  person- 
nels exclusivement  à  la  famille  Courtois,  qui  n'avait  jamais  reçu 
les  6  cartons  dont  il  s'agit,  ainsi  qu'il  a  été  répondu  au  S'^  Cour- 
tois fils  dans  les  bureaux  du  ministère.  Enfin  le  31  mars  1831  le 
S'  Courtois  fils  prenant  acte  de  ce  silence  s'enhardit  :  il  écrivit  à 
M.  le  duc  Decazes  une  lettre  que  nous  devons  rapporter  textuel- 
lement afin  que  le  tribunal  puisse  apprécier  textuellement  la  mo- 
ralité qui  se  cache  derrière  sa  demande. 

«  Je  regrette  beaucoup,  écrivait-il  à  M.  Decazes  le  31  mars 
1831,  que  votre  silence  à  ma  lettre  du  19  courant  m'oblige  de  vous 
importuner  de  nouveau.  Qui  pourrait  croire  que  la  restitution 
d'un  dépôt  aussi  sacré  que  celui  que  je  réclame  put  éprouver  au- 
tant de  difficultés  ?  Vous  pensez  sans  doute  que  le  ministre  de 
l'intérieur,  en  faisant  droit  à  ma  demande,  a  entendu  excepter  les 
pièces  qu'il  vous  a  plu  de  garder.  Mais,  moi,  sans  respect  pour 
des  droits   acquis  à  si  peu  de  frais,  je  n'accepterai  qu'une  restitu- 

1.  Lire  le  19. 

2.  Lire  le  10. 


17(5  HKVIK    HISTOKIQl'E    DK    LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

tien  intégrale  et  sans  la  moindre  exception.  C'est  donc  à  vous  et 
à  vous  seulement,  M.  le  duc,  que  je  m'adresse  pour  obtenir  cette 
remise,  puisque  en  me  représentant  ces  chiffons  insignifiants,  que 
vous  avez  laissés  aux  archives,  on  m'assure  que  cette  saisie  est 
restée  entre  vos  mains.  En  se  rappelant  les  persécutions  de  toute 
espèce  éprouvées  par  mon  père,  il  est  pénible  de  penser  que  vous 
vouliez  encore  y  ajouter  pour  sa  famille  la  perte  de  ces  papiers. 
Lors  de  l'apposition  des  scellés  l'inventaire  n'en  a  pas  été  fait  ; 
il  n'avait  été  ordonné  que  pour  la  forme  et  pour  satisfaire  en  ap- 
parence au  vœu  de  la  loi,  car  le  pouvoir  d'alors  était  trop  inté- 
ressé à  ce  que  des  documents  de  cette  importance  ne  paraissent 
pas  sous  les  yeux  de  ses  agents.  Mon  père  pensait  que  par  un 
reste  de  pudeur  cet  inventaire  se  ferait  à  Paris  contradictoirement 
avec  un  de  ses  amis  qui  avait  accepté  cette  mission  '.  Mais  ces 
[pouvoirs]  devinrent  inutiles  par  l'empressement  qu'on  mita  ou- 
vrir cette  caisse  et  à  se  l'approprier  sans  s'embarrasser  d'une  re- 
mise future  ;  ainsi  point  d'inventaire,  quelle  heureuse  circons- 
tance !  Cette  prise  de  possession  si  brusque  s'explique  par  l'im- 
patience avec  laquelle  on  attendait  cette  capture  aux  Tuileries  et 
la  vôtre,  m'assure-t-on,  n'était  pas  moins  grande.  J'en  ai  la  preuve 
par  ces  mots  écrits  de  votre  propre  main  sur  2  feuilles  du  dos- 
sier. «  Je  n'ai  rien  reçu  !  la  caisse  est-elle  arrivée  ?  »  Quoique  la 
curée  n'ait  qu'en  partie  satisfait  l'impatience  des  intéressés,  à  en 
juger  par  le  reste  elle  leur  a  fait  cependant  le  plus  grand  plaisir. 
Votre  lettre  du  15  février  au  préfet  Maussion  le  tance  vertement 
sur  le  peu  d'activité  de  ses  poursuites  et  vous  l'assurez  que  mon 
père  a  été  instruit  d'avance  de  ce  qui  se  tramait  contre  lui.  Quoi- 
qu'en  dise  ce  lourdaud  dans  sa  défense,  jecrois  que  sa  maladresse 
vous  a  assuré  -  dune  pièce  autrement  importante  que  celle  qu'il 
a  happée.  Quant  à  l'avertissement  il  n'en  a  pas  [été]  donné  d'au- 
tre :  «  fuis,  ta  vie  est  menacée  »  ;  il  venait  de  vos  bureaux.  Parmi 
ces  papiers,  vous  le  savez,  M.  le  duc,  il  en  est  une  foule  de  haute 
importance  ■'  ;  comment  qualifier  l'opiniâtreté  à  les  conserver 
après  15  ans  d'une  prise  de  possession  aussi  arbitraire.  Quoi,  un 
ministre  prép'  ^  dans  l'exercice  de  ses  fonctions  pourrait  s'appro- 

1.  Voir,  à  ce  sujet,  à  la  fin  de   cet  .irticle,  le  faux  de  H.  Courtois. 

2.  La  minute  de  H.  Courtois  porte  :  privé,  ce  qui  est  plus  compréhensible. 

3.  Dans  une  minute,  ces  derniers  mots  sont  soulignés. 

4.  Mot  abrégé   ;  la  minute   porte   :  dépositaire. 


IJC    l'HOClîS  DIÎS    PAPIERS    DE    COURTOIS  177 

prier  le  dépôt  confié  par  la  loi  ?  Quelles  garanties  resterait-il 
donc  contre  les  violences  du  pouvoir  ?  Malgré  de  graves  appa- 
rences, je  ne  puis  encore  adopter  cette  idée.  J'aime  mieux  croire 
à  quelque  méprise  que  vous  vous  empresserez  d'expliquer  que 
d'accuser  un  ministre  de  s'être  mis  dans  le  cas  de  l'article  255  du 
Code  pénal  et  de  s'être  exposé  à  toutes  les  réparations  civiles 
qu'entraîne  un  pareil  délit.  Quoique  les  perquisitions  les  plus  ri- 
goureuses et  les  plus  multipliées  n'aient  produit  aucunes  charges 
et  par  conséquent  aucunes  poursuites  légales,  la  police  n'en  ju- 
gea pas  moins  cette  capture  de  bonne  prise.  C'était  sans  doute 
pour  réparer  autant  que  possible  l'erreur  de  la  charte  octroyée 
qui  abolit  la  confiscation  des  biens.  Accablé  d'une  maladie  mor- 
telle, au  moment  où  son  domicile  fut  envahi  par  les  gendarmes, 
mon  père,  caché  dans  un  réduit,  ne  pouvait  qu'à  la  dérobée  don- 
ner quelques  soins  à  son  épouse  expirante  sous  le  poids  des  cha- 
grins ;  à  chaque  instant  ces  tristes  soins  étaient  interrompus  par 
le  danger  d'une  surprise,  et  c'est  au  milieu  de  ces  angoisses  qu'elle 
mourut  '  laissant  son  époux  livré  au  désespoir.  J'ai  puisé  au  dos- 
sier l'extrait  des  lettres  adressées  à  vos  agents  et  les  réponses  de 
ces  messieurs.  Au  besoin  ces  titres  ne  seront  pas  inutiles  à  ma 
cause.  Il  faut  l'avouer,  ce  dossier  paraît  plutôt  appartenir  aux 
temps  de  l'Inquisition  qu'à  l'époque  actuelle.  Cette  correspon- 
dance révèle  que  toute  l'activité  des  sicaires  ne  pouvait  satisfaire 
la  police.  J'ai  sous  les  yeux  (5  lettres  écrites  par  vous  dans  un  très 
court  espace  de  temps  aux  préfets  de  la  Meuse,  de  l'Aube,  etc, 
qui  toutes  n'ont  d'autre  objet  que  de  presser  les  recherches  et  les 
visites  domiciliaires  dans  une  foule  de  lieux.  A  l'àpreté  de  ces 
poursuites,  aux  reproches  adressés  aux  sbires,  on  voit  toute 
l'im'portance  attachée  à  ces  soins  -.  Il  fallait  être  fort  difficile 
cependant  pour  n'être  pas  content  du  zèle  de  Maussion.car  il  pro- 
duit 5  ou  6  procès-verbaux  de  battue  dont  l'un  entre  autre  est 
daté  des  citernes  de  l'abbaye  de  Beaulieu,  et  pourtant  ce  fugitif  si 
dangereux,  atteint  d'une  maladie  mortelle,  n'avait  pas  quitté  ses 
foyers.  Quoique  mes  sœurs  produisissent  les  titres  les  plus  au- 
thentiques de  l'arrivée  de  mon  père  en  Belgique,  elles  suppliaient 
vainement  qu'on  retirât  de  leur  domicile  les    nombreux  gendar- 


1.  Le  25  janvier. 

2.  La  minute  por 

F.F.V.    HIST.    Dr;    J.,1    f,l;\ 


178  REVL'E   HISTORIE  j;^.E    jj^    lA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

mes  qui  y  étaient  campés.  Sew,les  et  sans  appui  dans  ce  temps  de 
terreur  elles    restèrent  exposées  \.^ux   insultes  de  ces  misérables 
qui  ajoutaient  encore  aux  instructions  ^qu'ils  avaient  reçues  ;  il  fal- 
lait venger  sur  elles  une  évasion  qu'on  n-'ayj,lt  p^s  su  prévenir   il 
fallait  que  le  père  de  famille  apprit  dans  Ivs^^il  que  la  persécution 
se  continuait  jusque  dans  ses  enfants  et  jusqc„jg  Ja^s  ]gs  colonies 
Il  est  bien  digne  de  cette  époque  que  ce  que  -J'immanité  et  la  dé- 
cence  réclamaient  n'ait   été  accordé    qu'aux  sl-,[];(.j(,,j;qj^j  d'une 
femme,  et  sans  Madame  Mac  Mahon  qui  fit  roug  jj.  [g  pouvoir  de 
ces  honteux  excès,  il  eut  fallu,  je  crois,  attendre  la    révolution  de 
juillet  pour  chasser  ces  gendarmes.   L'espionnage   ^^^  continuait 
jusque  chez  l'étranger  ;  une  lettre  d'Amsterdam  du  l^;j  avril  vous 
dénonce  les  plaintes  de  l'exilé  ;  je  vous  le  répète,  M.   1.-^  j^,    jjg„ 
avis  certains  lui  avaient  été  donnés  ;  on  ne  voulait  pas  iqu'jj  por- 
tât au  dehors  les  secrets  politiques  dont  on  le  savait  possi^g^gyp  . 
on  voulait  les  anéantir  avec   lui.   Et   comment    ne  pas  y^,  croire 
quand  votre   lettre  à  Maussion   du  13  mars  lui  enjoint  de  "apcg^ 
sur  ses  traces  un  nommé  Genêt  ancien  officier  de  la  maiso^j^  j^ 
Roi  '  ,  qui  s'offre,  dites-vous,  pour  poursuivre  le  proscrit.  Ce  ,n'^. 
tait    pas  assez   d'une  bande  de  préfets  et  de  gendarmes,  il  fali|ajt 
encore  armer  le  fanatisme  d'un  nouveau  Paris.  A  cette  occas-j^u 
rendons  justice  au  préf-et  de  la  Meuse  ;  il  reculait  devant   un  ,_g. 
reil  ordre  -.  Dans  cette  affaire  le  dévouement   ne  pouvait    res  .gj, 
sans  récompense  ;  une  lettre  du  5  mars  adressée  au  ministre  d^g_ 
finances  demandait  pour  M.  Benoît  la  recette  de  Verdun.   Vol^^ 
avez  pensé,  M.  le  duc,  que  celui  qui  le  1=''  avait  provoqué  les  me  . 
sures  de  rigueur  et  les  avait  suivies  avec  un  zèle,  une  ardeur,  au- 
dessus  de  tout   éloge  (propres  expressions  de  votre  lettre)  con- 
viendrait mieux  à  la  gendarmerie  qu'à  la  finance,  et  votre  lettre 
du  27  février  demande  au  ministre  de  la  guerre  un   grade   dans 
cette  arme  pour  ces  honorables  services.  Rien  n'était  mieux  mé- 
rité  en  effet,   fidèle  à  son  commandement  cet  homme  prodiguait     ', 
l'insulte  au    malheur  et  s'étonnait  beaucoup  de  ce  que  l'amnistie      \ 
ne  s'étendit  qu'à  raser  les  propriétés  du  banni.  Pourquoi  s'éton- 
ner ?  à  la  même  époque  une  famille   recevait   des  lettres  de  no- 
blesse comme  [récompense  d'une]   tentative   d'assassinat    sur  la 
personne  du  l'-''  Consul.  C'est  cette  préoccupation  de  vengeance       / 

1.  Ces  derniers  mots  sont  soulignés  dans  la  minute. 

2.  Cet  alinéa  n'existe  pas  dans   la  minute. 


i.E  pnoc.Ès  i)i;s  PAPiiiRS  m;  coiktois  179 

qui  n'a  pns  permis  de  donner  à  la  lettre  écrite  à  Maussion,  latten- 
tion  qu'elle  méritait;  mon  père}'  parle  de  secrets  importants  con- 
cernant la  famille  royale.  En  rapprochant  ces  expressions  des  re- 
grets qu'il  n'avait  pas  craint  de  témoigner,  en  se  rappelant  ce  tom- 
beau élevé  par  ses  soins  sous  le  Directoire  à  la  mémoire  du  dé- 
fenseur de  Louis  XVI,  on  aurait  su  comprendre  qu'elle  laissait 
pressentir  une  remise  autrement  importante  que  celle  du  testa- 
ment de  la  Reine  '.  Mais  non,  la  soif  du  sang  dominait  ;  il  fallait 
l'immoler.  Et  cependant,  M.  le  duc,  si  la  mort  n'avait  pas  frappé 
si  promptement  mon  malheureux  père  dans  l'exil,  il  serait  rentré 
dans  ses  foyers  quand  il  l'aurait  voulu  ;  il  était  possesseur  d'un 
talisman  qui  aurait  applani  toutes  les  difficultés  ;  il  prouvait  que 
tous  les  ennemis  du  roi  n'étaient  pas  dans  la  Convention.  M.  le 
duc,  jusqu'ici  fidèle  à  des  traditions  sacrées,  j'ai  gardé  le  plus  pro- 
fond silence  sur  tout  ceci,  persuadé  qu'au  passé  vous  n'ajouteriez 
pas  le  fort  si  grave  de  retenir  un  dépôt  confié  par  la  loi  et  qui  est 
le  patrimoine  d'une  famille;  faudra-t-il,  pour  obtenir  la  justice  que 
je  ne  devrais  tenir  que  de  vous  seul,  publier  ce  dossier  si  digne  de 
l'Inquisition  ?  faudra-t-il  recourir  aux  Chambres  et  aux  tribunaux 
pour  vous  obliger  à  une  restitution  et  aux  réparations  civiles  qui 
en  sont  la  juste  conséquence  '?  Je  ne  puis  croire  que  vous  me  for- 
ciez à  recourir  à  cette  fâcheuse  extrémité.  Vous  sentirez  que  si 
les  circonstances  ont  permis  l'enlèvement  et  la  conservation  de 
ces  papiers,  elles  sont  aujourd'hui  on  ne  peut  plus  favorables  à 
leur  réclamation  ;  rien  ne  pourrait  atténuer  l'intérêt  de  ma  cause  ; 
vous  auriez  à  vous  imputer  d'avoir  provoqué  quelques  révélations 
qui  seraient  vivement  accueillies  et  d'avoir  rappelé  l'attention  sur 
des  faits  qu'il  faut  enfin  oublier.  J'ai  l'honneur  d'être,  etc..  Si- 
gné :  Courtois,  rue  Godot  Mauroj',  29.  » 

M.  Decazes  lui-même,  pour  renouveler  ses  souvenirs,  parcou- 
rut le  dossier  relatif  à  cette  affaire  et  reconnut  qu'en  effet  sa  mé- 
moire était  fidèle  ;  cet  examen  lui  fit  reconnaître  qu'il  n'avait  pas 
ordonné  la  saisie  des  papiers  de  M.  Courtois  père  ;  qu  il  n'avait 
vu  que  ceux  qu'un  officier  de  gendarmerie  lui  avait  apportés  et 
qui  étaient  contenus  sous  une  enveloppe  qui  ne  renfermait  que 
le  testament  de  la  reine  [Marie-]Antoinette  et  quelques  autres 
objets  lui  appartenant  ;  qu'il  n'avait  jamais  vu  la  caisse  dont  lui 

1.  Nombreuses  sont  dans  les  papiers  de  H.  Courtois  les  allusions  aux  préten- 
dues lettres  de  Louis  XVllI  à  Favras.  Nous  y  reviendrons. 


liSO  HKviii  HisToiugut:  de  la  révolution  française 

parlait  le  S'  Courtois  fils  et  les  papiers  qu'elle  contenait.  Quand 
le  demandeur  reconnut  l'impossibilité  d'atteindre  le  but  qu'il 
s'était  proposé  par  ces  lettres  pleines  de  colère,  il  eut  recours  aux 
voies  judiciaires,  et  après  avoir  vainement  tenté  les  préliminaires 
de  conciliation,  il  fit  donner  assignation  à  M.  le  duc  Decazes  par 
exploit  de  Guinard,  huissier  à  Paris,  daté  du  31  décembre  1831,  à 
comparoir  devant  le  tribunal  pour  :  attendu  que  le  9  janvier  1816, 
dans  le  cours  des  persécutions  personnelles  de  toute  nature  aux- 
quelles alors  avait  été  en  but  feu  M.  Courtois  père  ancien  conven- 
tionnel, il  avait  été  procédé  dans  son  domicile  sans  les  mesures  et 
garanties  en  pareil  cas  prescrites,  par  les  ordres  de  M.  Decazes,  à 
la  saisie  d'une  caisse  contenant  6  cartons  remplis  de  diverses  piè- 
ces importantes  et  précieuses,  telles  que  :  1°  un  manuscrit  auto- 
graphe pour  une  2''""'  édition  du  rapport  sur  l'examen  des  papiers 
saisis  chez  Robespierre,  revue  et  augmentée  ;  2  plusieurs  liasses 
de  lettres  des  principaux  personnages  qui  ont  figuré  dans  la  Ré- 
volution française  ;  3'  2  lettres  du  duc  d'Orléans  à  Mirabeau  ;  4° 
4  lettres  de  Mirabeau  ;  5'  3  lettres  de  Danton  ;  6"  une  lettre  de 
Cazalés  ;  7"  22  lettres  de  Robespierre  l'aîné  et  de  son  frère  avec 
une  pièce  de  vers  de  l'aîné  ;  8°  7  lettres  de  Saint-Just  à  Robes- 
pierre ;  9'  2  lettres  de  Lebas  ;  10°  9  lettres  de  Cambacérès  à  Bar- 
nave  ;  11»  une  note  de  la  main  de  Marie-Antoinette  concernant 
Mirabeau  ;  12°  7  lettres  de  Carrier  ;  13"  5  de  Fréron  ;  14°  2  de 
Collot  d'Herbois  ;  15°  2  de  Louis  XVI  ;  16°  3  de  Couthon  ;  17°  5 
de  Tallien  ;  18>  2  de  Brune  ;  19"  2  de  Hérault  de  Séchelles  ;  20°  4 
de  Pethion  ;  21°  5  lettres  de  Marat  dont  2  scientifiques  ;  220  une 
chemise  portant  pour  inscription  :  lettres  de  Gensonné,  Ver- 
gniaud,  Guadet,  Vadé', Voulant.  Dumouriez,  Bourdon  (de  l'Oise), 
Fabre  d'Eglantine,  Camille  Desmoulins  ;  23°  une  liasse  de  lettres 
de  félicitations  au  feu  S'  Courtois  père  après  la  publication  de  son 
rapport  sur  le  9  thermidor  ;  24°  plusieurs  liasses  portant  pour 
inscription  :  lettres  et  notes  d'agents  secondaires  ;  25^^  plusieurs 
pièces  servant  comme  documents  historiques  ;  26"  un  manuscrit 
de  feu  M.  Courtois  père  contenant  des  notes  historiques  et  des 
matériaux  de  mémoire  avec  des  renvois  de  numéro  d'ordre  à  ses 
pièces  justificatives  de  la  plus  haute  importance  pour  la  famille 
royale.  Et  enfin,   tl'autros   pièces  dont  le  S''  Courtois  fils  n'aurait 


LE    PROCÈS    DES    PAPIERS    DE    COIBÏOIS  181 

plus  trouvé  de  traces  dans  la  succession  paternelle.  Le  tout  ainsi 
qu'il  en  serait  justifié  en  cas  de  dénégation.  Attendu  que  jusqu'a- 
lors tous  les  efforts  du  S''  Courtois  fils  pour  en  obtenir  la  remise 
et  aussi  pour  ia  représentation  du  1"  inventaire  qui  avait  dû  en 
être  dressé  avaient  été  infructueuses.  Que  M.  Decazes,  tout  en  re- 
connaisant  [avoir  reçu]  sous  enveloppe  d'un  officier  de  gendar- 
merie le  testament  de  la  reine  Marie- Antoinette  et  quelques  autres 
objets  lui  ayant  appartenu,  avait  déclaré  n'avoir  jamais  eu  les- 
dits  papiers  en  sa  possession.  Attendu  que  l'administration  ac- 
tuelle venait  de  consentir  à  remettre  et  avait  en  effet  remis  le  22 
novembre  1831  à  M.  Courtois  fils  seulement  43  pièces  insigni- 
fiantes énumérées  en  sa  décharge  terminée  par  des  réserves  rela- 
tives au  surplus.  Attendu  qu'il  était  du  plus  haut  intérêt  pour  le 
demandeur,  soit  comme  fils,  soit  comme  citoyen,  d'obtenir  la 
restitution  des  choses  arbitrairement  arrachées  à  sa  famille,  mais 
qui  n'avaient  pas  cessé  d'être  sa  propriété  particulière.  Se  voir  M. 
le  duc  Decazes  condamné  par  toutet-  les  voies  le  droit  à  restituer 
au  demandeur  la  totalité  des  pièces  dont  s'agit  dans  les  trois 
jours  du  jugement  à  intervenir.  Se  voir  condamner  dans  tous  les 
cas  aux  dommages-intérêts  et  enfin  aux  dépens.  Sous  toutes  ré- 
serves notamment  de  provoquer  une  enquête,  un  interrogatoire 
sur  les  faits  et  articles,  et  une  comparution  en  personne,  de  re- 
quérir par  les  voies  extraordinaires  l'application  des  peines  por- 
tées en  l'article  255  du  Code  pénal,  comme  aussi  de  rendre  les 
faits  publics  par  une  pétition  à  la  Chambre  des  députés. 

Par  cette  assignation  M=  Fagniez  était  constitué  pour  occu- 
per sur  icelle  ;  par  acte  d'avoué  à  avoué  en  date  du  11  janvier 
1832,  M'  Soûel  se  constitua  pour  M.  le  duc  Decazes  ;  depuis  le 
même  M=  Soûel,  s'étant  démis  de  ses  fonctions,  M=  Poisson-Sé- 
guin, son  successeur,  s'est  constitué  pour  l'exposant  par  acte  d'a- 
voué à  avoué  en  date  du  16  mars  1832.  A  l'audience  du  13  jan- 
vier 1832,  des  conclusions  ont  été  prises  par  M.  le  duc  Decazes 
et  tendant  à  ce  qu'il  plut  au  tribunal,  attendu  que  le  S^  Courtois 
n'avait  signifié  à  l'appui  de  sa  demande  aucune  pièce  pouvant  lui 
servir  de  motif  ou  prétexte  ;  que  cependant  il  importait  à  M.  le 
duc  Decazes  de  connaître  quels  auraient  pu  être  les  éléments 
d'une  pareille  demande  ;  ordonner  que  dans  les  trois  jours  le  S^ 
Courtois  soit  tenu  de  communiquer  au  défenseur,  soit  par  la  voie 
du  greffe,  soit  à  l'amiable,  sous  le  récépissé  de  M''  Soûel  alors  son 


182  i\i;\Ti-;  HisTouiyri-;  de  la  luivoLUTioN  française 

avoué,  les  pièces,  documents  et  renseignements  généralement 
quelconques  dont  il  entend  faire  usage  à  l'appui  de  sa  demande, 
et  jusqu'à  ladite  communication,  lui  refuser  toute  audience  sous 
toutes  réserves.  En  réponse  à  ces  conclusions,  le  S'^  Courtois  par 
acte  d'avoué  à  avoué  en  date  du  28  mars  1832  déclara  à  M'  Pois- 
son-Séguin que  la  demande  du  31  décembre  1831  reposant  sur  un 
seul  fait  positif  et  matériel  et  qui  n'avait  jamais  été  dénié  par  M.  le 
duc  Decazes  ni  par  les  ministres  qui  lui  avaient  succédé,  c'est-à- 
dire  la  saisie  du  9  janvier  1816  dans  le  domicile  et  sur  les  papiers 
du  S'  Courtois  père,  ancien  conventionnel,  que  la  conséquence  de 
cette  saisie  avait  été  la  perte  dont  se  plaignait  M.  Courtois  fils  et 
dont  il  demandait  la  réparation,  mais  qu'il  n'avait  aucune  pièce  à 
communiquer  à  l'appui  de  sa  demande.  M.  le  duc  Decazes  par 
acte  d'avoué  à  avoué  en  date  du  2^  mars  1832  s'empresse  de  dé- 
clarer qu'il  proteste  formellement  contre  la  déclaration  à  lui  faite 
par  ledit  S'' Courtois  fils  par  acte  d'avoué  à  avoué  en  date  du  28 
mars  lors  courant  qu'il  n'avait  aucunes  pièces  à  communiquer  à 
l'appui  de  la  demande  formée  par  lui  contre  le  défenseur  suivant 
exploit  de  Guinard  huissier  à  Paris  en  date  du31  décembre  1831  ; 
et  attendu  que  tout  demandeur  doit  communiquer  au  défenseur 
tous  les  actes  et  pièces  justificatives  de  ses  prétentions  ;  attendu 
d'un  autre  ctMé  que  ledit  S''  Courtois  fils  dans  l'exploit  introductif 
d'instance  susdaté  se  déclarait  prêt  à  justifier  sa  demande  en  cas 
de  dénégation  de  la  part  du  duc  Decazes  ;  il  fit  parle  même  acte 
itérative  sommation  au  S''  Courtois  d'avoir  dans  les  trois  jours 
pour  tout  délai  à  lui  communiquer  soit  par  la  voie  du  greffe,  soit 
à  l'amiable  sous  le  récépissé  de  M*  Poisson-Séguin,  son  avoué. 
toutes  les  pièces  généralement  quelconques  qu'il  prétendait  faire 
valoir  a  l'appui  de  sa  demande.  Tels  sont  les  faits  qui  se  groupent 
autour  de  la  demande  dirigée  contre  M.  le  duc  Decazes  par 
M.  Courtois  et  la  position  actuelle  de  cette  afl'aire.  Il  reste  à  M.  le 
duc  Decazes  à  développer  tous  ses  moyens  de  défense  ;  la  tâche 
sera  facile,  il  a  pour  lui  le  droit  et  le  fait  ;  c'est  ce  que  l'exposant 
va  établir  par  la  discussion  qui  va  suivre. 

Discussion.  —  Le  S'  Courtois  fils  poursuit  devant  le  tribunal 
M.  le  duc  Decazes  à  fin  de  restitution  de  pièces  qu'il  prétend 
avoir  été  saisies  sur  son  père  par  suite  d'une  visite  domiciliaire 
chez  ce  dernier  qui  aurait  été  ordonnée  par  l'exposant  alors  qu'il 
était  ministre  de  la  police  gcncralo  du  Royaume;  il  ])oursuit  donc 


I.F.  PROClis   Di;S  l"Al>Ii:i!S  DK  COLRTOIS  183 

un  ministre'  ;i  raison  de  faits  relatifs  à  ses  fonctions.  Dans  une 
|)areille  position  le  S''  Courtois  fils  ne  doit  pas  ignorer  qu'il  existe 
des  lois  qui  imposent  raccomplisseinenl  de  certaines  formalités 
spéciales  par  le  demandeur  et  prononcent  même  en  pareille  ma- 
tière l'incompétence  des  tribunaux  ordinaires.  Ainsi  par  exemple 
la  loi  du  24  août  1790  doit,  dans  l'esprit,  trouver  son  applica- 
tion ;  que  l'on  consulte  son  article  13  titre  II  sur  la  séparation 
des  pouvoirs  judiciaires  et  administratifs  ;  par  cet  art.  les  fonc- 
tions judiciaires  et  les  fonctions  administratives  ont  été  séparées 
à  jamais  et  il  est  défendu  aux  juges  sons  peine  de  forfaiture  de 
citer  devant  eux  à  raison  de  leurs  fonctions.  Plusieurs  lois  sont 
intervenues  depuis  et  ont  établi  selon  les  formes  diverses  des 
gouvernements  alors  existants,  certaines  règles  pour  poursuivre 
les  ministres  ;  mais  toujours  ces  lois  ont  conservé  le  principe  de 
séparation  des  pouvoirs  judiciaires  et  administratifs,  principes 
sur  lequel  est  basée  toute  notre  législation.  La  loi  du  25  mai  1791 
ne  permettait  de  poursuivre  les  ministres  qu'en  vertu  du  décret 
du  corps  législatif.  La  loi  du  11  ventôse  an  IV  exigeait  une  dé- 
nonciation du  Directoire  exécutif  et  n'admettait  les  particuliers  à 
agir  pour  action  en  dommages-intérêts  que  dans  le  cas  où  il  in- 
tervenait un  acte  d'accusation  sur  la D'après  la  constitution 

de  l'an  VIII  et  le  sénatus  consulte  de  l'an  XII  il  fallait  encore 
attendre  le  jugement  de  la  haute  cour  impériale  pour  réclamer 
des  dommages-intérêts.  La  charte  de  1814  qui  doit  faire  notre  loi 
dans  l'espèce  dispose  que  les  ministres  ne  peuvent  être  mis  en 
accusation  que  pour  faits  de  trahison  et  de  concussion,  et  elle 
attribuait  à  la  Chambre  des  députés  le  droit  d'accuser  et  à  la 
(jhanibre  des  pairs  le  droit  de  juger.  Evidemment  ces  disposi- 
tions sont  exclusives  de  la  juridiction  ordinaire  ;  elles  sont  un 
hommage  à  ce  principe  de  séparation  des  pouvoirs  écrit  dans  la 
loi  de  1790.  A  la  vérité  s'il  s'agissait  d'un  délit  personnel  commis 
par  un  ministre  en  dehors  de  ses  fonctions  on  ne  se  trouverait 
plus  dans  le  cas  prévu  par  la  Charte  de  1814.  La  juridiction  ordi- 
naire pourrait  statuer  dans  les  termes  de  l'article  71  delà  consti- 
tution de  l'an  VIII  avec  l'autorisation  du  gouvernement  ;  mais 
s'il  s'agit  comme  dans  l'espèce  actuelle  de  faits  qui  ont  eu  lieu 
dans  l'exercice  même  de  ses  fonctions  le  ministre  n'est  justicia- 
ble que  des  deux  chambres,  et  on  ne  peut  par  une  voie  détournée, 
par  une  action  civile  en   dommages-intérêts,   saisir  la  juridiction 


184  REVUE    HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

ordinaire  ;  c'est  ce  qui  a  été  formellement  reconnu  par  la  Cour 
d'appel  de  Paris,  première  chambre,  dans  une  espèce  que  nous 
allons  rappeler  au  tribunal. 

Fabien  et  Bissette,  hommes  de  couleur  libres,  avaient  été  con- 
damnés à  des  peines  infamantes  et  afflictives  par  la  cour  royale 
de  la  Martinique  pour  avoir  distribué  dans  la  colonie  une  bro- 
chure publiée  à  Paris  ;  ils  voulurent  se  pourvoir  en  cassation 
par  une  fausse  interprétation  de  la  loi  ;  ayant  refusé  de  recevoir 
leur  déclaration  l'arrêt  fut  exécuté  ;  les  condamnés  transportés 
en  France  et  déposés  au  bagne  de  Brest.  Aussitôt  arrivés  ils  adres- 
sèrent par  l'intermédiaire  de  leur  avocat  à  M.  le  comte  Pej-ronnet 
alors  garde  des  sceaux,  une  requête  en  pourvoi,  en  le  priant  d'en- 
voj-er  les  pièces  à  la  Cour  de  cassation  dans  les  24  heures  ainsi 
que  le  prescrit  la  loi  (art.  424  du  Code  d'instruction  criminelle). 
Cependant  deux  ans  s'écoulèrent  sans  que  la  Cour  de  cassation 
fut  saisie  du  pourvoi  ;  enfin  le  dossier  lui  ayant  été  adressé  elle 
cassa  l'arrêt  de  la  cour  royale  de  la  Martinique,  renvoj'a  devant 
la  cour  roj-ale  de  la  Guadeloupe,  l'innocence  des  accusés  fut  so- 
lennellement reconnue.  En  cet  état  Fabien  et  Bissette,  anciens 
négociants  dont  le  commerce  et  la  fortune  se  trouvaient  entière- 
ment détruits  par  suite  de  la  longue  détention  qu'ils  avaient  subie, 
ont  assigné  le  garde  des  sceaux  devant  le  Tribunal  de  la  Seine  à 
l'effet  de  se  voir  condamner  en  10.000  francs  de  dommages-inté- 
rêts, attendu  selon  les  demandeurs  que  par  son  retard  à  faire 
passer  les  pièces  et  leur  pourvoi  à  la  cour  de  cassation,  M.  Pey- 
ronnet  était  cause  de  leur  détention  dans  les  bagnes  pendant  deux 
ans.  Sur  cette  demande  est  intervenu  le  27  juin  1823  un  jugement 
ainsi  conçu  :  Vu  l'article  13  de  la  loi  du  24  août  1790  ;  les  articles 
30  et  31  de  la  loi  du  27  avril  1791  ;  les  articles  10,  11,  12  de  la 
loi  du  10  vendémiaire  an  IV  ;  les  articles  70,  72  et  73  de  la  cons- 
titution du  22  brumaire  an  VIII  ;  et  les  articles  101,  110,  112  et 
129  du  senatus-consulte  du  23  floréal  an  XII  ;  attendu  que  de 
l'ensemble  de  ces  dispositions  il  résulte  :  1°  que  les  administra- 
teurs ne  peuvent  sans  autorisation  préalable  être  cités  devant  les 
tribunaux  pour  raison  de  leurs  fonctions  ;  2"  que  l'action  en  dom- 
mages-intérêts pour  réparation  de  torts  causés  par  les  ministres 
aux  particuliers  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions  ne  peut  être 
considérée  que  comme  accessoire  à  la  poursuite  des  délits  dont 
ils  se  sont  rendus  coupables  ;  3°   que  les  poursuites  des    délits 


LE    PKOCÈS    DES    PAPIERS    DE    COIHTOIS  185 

imputés  à  des  ministres  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions  et  l'ac- 
tion accessoire  en  réparation  des  torts  occasionnes  par  ces  délits 
ne  peuvent  être  portés  devant  les  tribunaux  que  par  suite  dune 
accusation  adressée  contre  eux  ou  par  suite  d'une  autorisation  du 
gouvernement  ;  vu  aussi  les  articles  13,  55,   56  et  6(5  de  la  Charte 
constitutionnelle  ;  attendu  que  si  d'après  les  articles  55  et  56  les 
ministres  ne  peuvent  désormais  être  accusés  par  la  Chambre    des 
Députés    et  jugés  par  la  Chambre  des   Pairs   que   pour  faits  de 
trahison  et  de   concussion,    il   résulte   des    articles  13  et  63  que 
pour   autre  fait  relatif  à  leurs  fonctions  et  pouvant  donner  lieu 
à  une   action   en  responsabilité  contre    eux   ils   ne  peuvent    être 
traduits  devant  les  tribunaux  si  que  préalablement  les  poursuites 
ou  les  actions  dirigées  contre   eux  n'aient  été  autorisées,  en  con- 
formité des  lois  qui  étaient  en  vigueur  à  l'époque    de  la  promul- 
gation   de   la  Charte  et  qui  n'ont  pas   été  légalement   abrogées  ; 
attendu  enfin  que  la  demande   des   S'*   Bissette  et  Fabien   a  eu 
pour   objet  la  réparation  de  torts  qu'ils    imputent  au  C'°    Pey- 
ronnet  dans  l'exercice  de  ses  fonctions  de  ministre  de  la  justice 
et   qu'ils    ne  justifient    d'aucune   autorisation    par    eux    obtenue 
pour  intenter  cette  action  :  Le   tribunal  déclare  les  S"'*  Fabien  et 
Bissette,  quant  à  présent  non  recevables  et  les  condamne   aux 
dépens.  —  Appel  de  ce  jugement  est  interjette  par  Fabien  et  Bis- 
sette ;  en  même  temps  ils  se  pourvoient  devant  le  conseil  d'Etat 
afin  d'obtenir  l'autorisation  que  les  premiers  juges  croyaient  né- 
cessaires, mais  une  ordonnance  du  roy  à  la  date  du  23  août  1823 
résista  à  la  requête  de  Fabien  et  Bissette  sous   le  motif  que  l'au- 
torisation du  conseil  d'Etat  exigée  par  l'article  75  de  la  constitu- 
tion de  l'an  VIII   préalablement  à    toutes  poursuites  contre  les 
agents    du   gouvernement    n'est    pas    applicable  aux    ministres 
d'après  le  texte  même  de    ses  dispositions.    En   conséquence  de 
cette  décision  les  appelants  ont  poursuivi  devant   la  Cour  royale 
la    réformation  du  jugement  attaqué  ;  les  premiers  juges  a-t-on 
dit   ont  mal   invoqué  la    législation  de    1791,    la  constitution    de 
l'an  III,  celle  de  l'an  VIII  et  le  sénatus  consulte  de  l'an   XII.   La 
Charte  constitutionnelle  doit    seule  être  consultée  aujourd'hui  ; 
elle  seule  doit  faire  règle  en  l'hypothèse,  toutes  les  dispositions 
énoncées  ont  été  abolies  par  elle  ;  ces  dispositions  se    trouvent 
d'ailleurs  anéanties  par  le  fait  en  ce  qu'elles  créaient  un  mode  de 
poursuite   incompatible  avec  l'ordre    de  choses  actuel  et  qu'il  ne 


18(5  REVUE    HISTOKIQIE    DE     LA     RÉVOLLTION      FRANÇAISE 

serait  pas  dès  lors  possible  de  suivre  ;  tel  est  par  exemple  le  sé- 
natus-consiilte  de  l'an  XII  qui  établit  un  archichancellier,  une 
haute  cour  impériale  formée  en  partie  de  sénateurs  et  de  mem- 
bres de  la  Cour  de  cassation.  Il  est  bien  vrai  qu'aux  termes  de 
l'article  75  de  la  constitution  de  l'an  VIII,  article  que  la  juris- 
prudence a  déclaré  être  toujours  en  vigueur,  les  agents  du  gou- 
vernement ne  peuvent  être  poursuivis  pour  voies  de  fait  relatives 
à  leurs  fonctions  qu'en  vertu  d'une  autorisation  du  conseil  d'Etat. 
Mais  cette  disposition  n'est  pas  applicable  aux  ministres  ;  cela 
résulte  du  texte  même  de  l'article  :  «  les  agents  autres  que  les 
ministres,  est-il  dit,  ne  peuvent  être  poursuivis,  etc,  etc.  »  C'est 
donc  à  tort  que  les  premiers  juges  ont  déclaré  les  appelants  non 
recevables  dans  leur  demande  sous  prétexte  qu'ils  n'avaient  point 
obtenu  l'autorisation  de  poursuivre  M.  de  Peyronnet.  Au  reste 
le  principe  qui  vient  d'être  établi  en  ce  qui  concerne  l'autorisa- 
tion de  poursuivre  a  été  consacré  par  le  conseil  d'Etat  lui-même, 
puisque  sur  la  demande  en  autorisation  de  poursuivre  qui  lui  a 
été  adressée  depuis  la  décision  des  premiers  juges  il  a  déclaré 
que  l'autorisation  n'était  pas  nécessaire.  En  cet  état  restent  les 
dispositions  de  la  Charte  qui  déclarent  les  ministres  responsables 
pour  faits  de  trahison  et  de  concussion.  Dans  l'espèce  il  est  in- 
contestable que  les  faits  reprochés  restent  dans  la  catégorie  des 
faits  de  trahison  et  c'est  ainsi  d'ailleurs  que  les  considérait  la 
commission  nommée  par  la  chambre  des  députés  lors  de  la  prise 
en  considération  de  la  proposition  de  mise  en  accusation  des  an- 
ciens ministres.  Or  dès  le  moment  qu'il  est  reconnu  que  les  griefs 
dont  il  s'agit  établissent  une  responsabilité  contre  l'ancien  garde 
des  sceaux  il  faut  bien  que  celui  qui  a  eu  à  souffrir  de  ces  griefs 
puisse  en  poursuivre  les  réparations,  non  pas  au  criminel,  parce 
que  à  la  chambre  des  Députés  seule  appartient  le  droit  de  pour- 
suivre l'accusation  et  à  la  chambre  des  Pairs  celui  de  la  juger, 
mais  au  civil  selon  la  règle  du  droit  commun,  c'est-à-dire  devant 
les  tribunaux  ordinaires  saisis  de  sa  plénitude  de  juridiction  pour 
tous  les  cas  non  exceptés  par  une  disposition  formelle.  Mais  la 
Cour  considérant  que  la  loi  du  24  août  1790  en  établissant 
comme  un  principe  fondamental  de  notre  droit  public  la  division 
et  l'indépendance  des  pouvoirs  judiciaires  et  administratifs  a  fait 
défense  aux  tribunaux  de  connaître  des  actes  d'administration  de 
quelque  espèce  qu'ils  soient  ;  considérant  que  la  charte  constitu- 


LK     l'ROCKS      Di:S     l'AI'llCKS      UK    COLliTOIS  187 

tionnelle  ne  contient  aucune  dérogation  à  ce  principe  et  qu'en 
l'absence  des  lois  particulières  sur  la  responsabilité  des  minis- 
tres l'autorité  judiciaire  ne  peut  être  saisie  d'aucune  action  diri- 
gée contre  eux  par  raison  de  leurs  fonctions  ;  considérant  que  la 
demande  formée  contre  le  comte  de  Peyronnet  repose  sur  un  fait 
relatif  à  ses  fonctions  de  ministre  ;  déchire  les  appelants  non  re- 
cevables  dans  leur  demande. 

Les  principes  proclamés  par  la  cour  royale  de  Paris  ont  servi 
à  la  charte  de  1814  et  doivent  encore  trouver  leur  application 
dans  l'espèce  actuelle,  mais  indépendamment  de  cette  exception 
réelle  il  existe  une  exception  personnelle  que  M.  le  duc  Decazes 
pourrait  encore  opposer  au  S''  Courtois  fils.  En  effet  aux  termes 
de  l'article  1^2  de  la  loi  du  27  avril  1791,  l'action  en  dommages- 
intérêts  pour  faits  d'administration  du  ministre  hors  de  place  est 
prescrite  au  bout  de  trois  ans  à  l'égard  du  ministre  de  la  Marine 
et  de  deux  ans  à  l'égard  des  autres,  à  compter  du  jour  où  l'on 
suppose  que  le  délit  a  été  commis.  Ainsi  il  y  aurait  lieu  encore 
sous  ce  rapport  à  faire  déclarer  le  S'  Courtois  purement  et  sim- 
plement non  recevable  en  sa  demande.  Mais  M.  le  duc  Decazes 
déclare  ici  formellement  qu'il  n'entend  point  faire  usage  et  profit 
de  ces  exceptions  '  ;  loin  de  lui  ces  moyens  derrière  lesquels 
doivent  seuls  s'accroupir  le  crime  et  la  honte  !  M.  le  duc  Decazes 
veut  que  le  tribunal,  que  le  public,  que  le  monde  entier  s'il  le 
peut,  connaisse  sa  conduite;  c'est  au  S''  Courtois  fils  à  prendre 
acte  de  cette  déclaration. 

Passons  à  la  discussion  des  faits.  Les  pièces  trouvées  chez 
M.  Courtois  père  auraient  été  suivant  le  demandeur  adressées  à 
M.  Decazes  par  le  préfet  de  la  Meuse.  Mais  le  demandeur  a  ce- 
pendant eu  connaissance  avant  M.  Decazes  et  hors  de  sa' présence 
du  dossier  administratif  relatif  à  cette  atïaire  ;  n'a-t-il  donc  pas 
eu  toute  la  correspondance  d'entre  le  préfet  et  le  ministre.  Il  a 
donc  passé  bien  légèrement  sur  cette  lettre  du  préfet  en  date  du 
27  avril  1816  dans  laquelle  celui-ci  annonçait  au  ministre  que  le 
lendemain  il  devait  déposer  au  bureau  des  messageries  royales 
une  caisse  ficelée  et  cachetée  contenant  les  papiers  dont  il  s'agit 
et  sur  cette  dépèche  la  note  du  ministre  demandant  si  cette  caisse 
est  arrivée  et  la  note  en  réponse  à  la  demande  du  ministre   cons- 

1.  Remarquons  toutefois  que  le  duc  Deca/cs  a  louguenii'iil  fait  valoir  ces  cas 
d'exception. 


188  REVUE    HISTOaiQUE  DE    LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

tatant  que  la  caisse  n'est  point  arrivée  au  ministère?  Il  n'a  donc 
pas  lu  cette  lettre  du  ministre  en  date  du  6  mai  1816  écrite  au 
préfet  :  «  J'ai  reçu,  lui  dit-il,  votre  lettre  du  27  avril  dernier  par 
laquelle  vous  annoncez  que  vous  avez  dû  déposer  le  23  du  même 
mois  au  bureau  des  messageries  royales  une  caisse  ficelée  et  ca- 
chetée contenant  les  papiers  saisis  chez  le  S'^  Courtois  ex-conven- 
tionnel à  l'époque  de  la  visite  qui  a  eu  lieu  dans  son  domicile  à 
Rambluzin  le  9  janvier  dernier.  J'aurai  soin  de  vous  en  accuser 
aussitôt  réception.  L'importance  que  j'attache  à  recueillir  tous  les 
renseignements  qui  se  rapportent  à  la  découverte  du  testament  de 
S.  M.  la  Reine  Marie-Antoinette  me  fait  désirer,  M.  le  préfet, 
que  vous  me  transmettiez  copie  de  la  lettre  que  le  S''  Courtois 
vous  a  adressée  à  cette  occasion  et  dont  vous  m'avez  cité  quelques 
passages  dans  l'avis  du  24  février  dernier.  Je  désire  aussi  une 
expédition  du  procès-verbal  joint  aux  pièces  que  vous  aviez  con- 
fiées à  M.  le  chef  d'escadron  Robert  et  dont  l'original  est  resté 
avec  le  paquet  précieux  dans  d'augustes  mains.  »  Après  cette 
lettre  le  dossier  reste  muet,  rien  ne  constate  que  la  caisse  dont  il 
s'agit  soit  arrivée  depuis.  Point  de  lettre  du  ministre  qui  en 
accuse  réception.  Evidemment  c'est  là  une  preuve  favorable  à 
M.  le  duc  Decazes  ;  M.  Courtois  lui-même  l'a  bien  compris. 
Cependant,  dira  le  S''  Courtois,  ces  cartons,  cette  caisse  sont 
arrivés  au  ministère,  car  j'y  ai  trouvé  telles  et  telles  pièces  qui 
m'ont  été  remises  et  qui  proviennent  de  la  saisie  faite  chez  mon 
père.  C'est  ici  que  le  S'^  Courtois  va  sans  doute  justiBer  sa  de- 
mande, car  enfin  il  faut  bien  prouver  que  ces  pièces  ont  bien  été 
saisies  chez  le  S"^  Courtois,  que  le  préfet  de  la  Meuse  en  a  fait 
l'envoi  au  ministre.  Ces  lettres  si  importantes  pour  le  S''  Courtois, 
tous  ces  grands  noms  dont  il  vient  exploiter  l'illustration  devant 
la  justice,  qu'il  prend  sous  sa  tutelle  pour  les  jeter  ensuite  au  pu- 
blic auquel  il  semble  que  l'autorité  les  ait  dérobés  pendant  trop 
longtemps,  comme  si  déjà  depuis  longues  années  ils  ne  s'étaient 
pas  fait  leur  gloire,  où  sont-ils  mentionnés  dans  la  correspon- 
dance du  préfet  au  ministre?  Celte  note  de  Maric-|  Antoinette]  qui, 
soit  dit  en  passant,  est  réclamée  sans  droit  par  le  S'  Courtois,  si 
elle  eût  existé,  croit-il  que  M.  Decazes  aurait  craint  de  la  rendre 
à  qui  de  droit,  qu'il  n'avouerait  pas  aujourd'hui  l'usage  qu'il  en 
aurait  pu  faire  ?  Que  M.  Courtois  prouve  donc  que  les  pièces 
qu'il  réclame  étaient  au  nombre  des  papiers  saisis  chez  son  pèr^ 


I.E   PROCÈS    OES     PA1>I1;HS    DK  COfUTOlS  189 

et  apportées  au  ministère  de  la  police.  Qu'il  apporte  la  plus  légère 
preuve  à  lappui  de  sa  demande  ;  il  s'est  engagé  dans  l'exploit  in- 
troductil"  d'instance  à  justifier  ses  prétentions  ;  il  le  doit  aujour- 
d'hui, mais  il  ne  le  peut  :  il  l'a  déclaré  lui-même.  Au  reste  le 
S'  Courtois  sait  bien  que  ce  n'est  pas  par  des  fins  de  non  recevoir 
que  M.  Courtois  '  veut  repousser  ses  prétentions  ;  c'est  au  fond 
qu'il  veut  défendre.  Eh  bien  !  au  fond  M.  Decazes  n'a  vu  ni 
eu  en  sa  possession  aucune  des  pièces  réclamées  par  le  S''  Cour- 
tois, donc  celui-ci  n'a  rien  à  lui  demander.  M.  Decazes  répond, 
nie,  par  le  silence  du  dossier  administratif  sur  le  sort  de  la  caisse 
déposée  chez  le  préfet  de  la  Meuse  ;  il  l'a  réclamée  de  ce  dernier, 
mais  sans  avoir  pu  l'obtenir.  Mais  admettons  que  cette  caisse 
soit  réellement  parvenue  au  ministre,  que  M.  Decazes  ait  vu  cha- 
cune des  pièces  longuement  détaillées  par  le  S'  Courtois  dans 
son  exploit  introductif  d'instance,  il  ne  s'agit  alors  plus  prononcer 
sur  cette  affaire  que  d'examiner  les  qualités  respectives  des  par- 
ties. Et  d'abord  le  tribunal  n'a  pas  oublié  que  lors  de  la  levée  des 
scellés  apposés  chez  M.  Courtois  sur  les  papiers  que  M.  le  préfet 
croyait,  non  sans  fondement,  intéresser  l'état,  le  S''  Courtois  qui 
se  trouvait  alité  ne  pouvant  assister  par  lui-même  à  l'examen  de 
chacune  des  pièces  mises  sous  lesdits  scellés,  commit  à  son  fils 
le  soin  de  le  représenter.  Le  S''  Courtois,  ainsi  que  le  constate  le 
procès-verbal  lui-même  reconnut  qu'aucune  des  pièces  contenues 
dans  les  cartons  dont  il  s'agit  aujourd'hui  ne  lui  étaient  person- 
nelles. C'est-à-dire  qu'il  reconnut  que  toutes  appartenaient  à 
l'état.  Et  en  effet  d'où  provenaient  ces  pièces  ?  De  la  saisie  pra- 
tiquée chez  Robespierre  après  le  9  thermidor.  Le  gouvernement 
d'alors  avait  formé  au  sein  de  la  Convention  une  commission 
chargée  d'examiner  ces  pièces  et  cette  commission  elle-même 
avait  mis  toutes  ces  [mêmes  pièces]  aux  mains  de  M.  Courtois 
père  qu'elle  avait  chargé  de  faire  à  ce  sujet  un  rapport.  Or,  quand 
M.  le  Duc  Decazes  ministre  de  la  police  générale  |a  reçu  ces  pa- 
piers (en  admettant  toujours  qu'il  les  ait  reçus,  pour  rester  dans 
l'hypothèse  la  plus  favorable  au  S'  Courtois  fils)  il  était  à  son  tour 
membre  du  gouvernement  et  en  cette  qualité  qui  pouvait  l'empê- 
cher de  revendiquer  le  bien  de  l'état  ?  Le  S'  Courtois  père  alors 
n'en  était  plus  que  le  détenteur  infidèle  ;  pourquoi  n'aurait-il  pas 

1.  Lire  :   Decazes, 


190  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA    RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

rendu  aux  archives  de  la  nation  ce  qu'il  [en]  avait  extrait  ?  Et  son 
fils  aujourd'hui  viendrait  redemander  à  M.  Decazes  ce  qui  na 
jamais  appartenu  à  son  père.  Si  M.  Decazes  a  reçu  les  cartons 
assurément  ce  n'est  pas  au  S''  Courtois  fils  qu'il  en  doit  compte, 
c'est  à  l'état.  Le  demandeur  ne  représente  que  son  père  et  son 
père  a  reconnu  que  rien  de  ce  qui  fut  saisi  ne  lui  appartenait. 
Mais  est-il  possible  d'ailleurs  que  le  demandeur  ne  comprenne 
pas  toute  l'absurdité  qu'il  y  a  à  prétendre  rendre  le  ministre 
responsable  des  papiers  qui  manquent  en  1831,  lorsque  cinq 
ou  six  ministres  se  sont  succédés  depuis  et  que  rien  ne  constate 
(en  supposant  que  des  pièces  aient  disparu)  à  quelle  époque 
elles  ont  été  enlevées.  M.  Courtois  fils  dans  son  amoncellement 
gigantesque  de  procédures  de  toutes  espèces  dont  il  menace  M. 
le  duc  Decazes  par  son  exploit  introductif  d'itistance  parle  de  l'ar- 
ticle 255.  Mais  a-t-il  donc  oublié  que  cet  article  est  applicable 
non  pas  au  détenteur  de  papiers  privés  tels  que  ceux  qu'il  ré- 
clame mais  au  détenteur  de  papiers  appartenant  à  celui  qui 
est  soupçonné  détenant  indûment  le  testament  de  la  Reine,  des 
lettres  de  Louis  XVL  du  duc  d'Orléans  et  d'autres  pièces  qui 
si  elles  étaient  entre  ses  mains  n'y  étaient  parvenues  que  parce 
qu'il  les  avait  eues  comme  rapporteur  du  procès  de  Robespierre, 
comme  membre  du  comité  de  salut  public.  Car  alors  même  que 
les  pièces  énoncées  par  le  demandeur  dans  son  exploit  auraient 
été  réellement  saisies  sur  son  père  par  le  préfet  de  la  Meuse,  il  est 
évident,  par  le  simple  énoncé  même  de  ces  pièces,  qu'elles  ne 
pouvaient  appartenir  au  S''  Courtois  père,  mais  à  l'état,  ainsi 
qu'il  l'a  d'ailleurs  reconnu  lui-même,  et  que  le  ministre  ne  pou- 
vait pas  ^lesj  remettre  à  son  héritier,  en  supposant  qu'elles  soient 
parvenues  au  ministre.  S'il  a  obtenu  du  ministre  de  l'intérieur  la 
restitution  de  quelques  chift'ons  de  papier  insignifiants,  c'est  que 
l'administration  n'a  pas  vu  dans  ces  pièces  une  propriété  de  l'é- 
tat, s'il  ne  lui  en  a  pas  été  présenté  d'autres  pièces  c'est  qu'il 
n'en  est  pas  parvenu  d'autres  au  ministère.  Quelqu'ait  été  leur 
fortune,  M.  le  duc  Decazes  qui  ne  les  a  jamais  vues  ni  qui  ne  le 
avait  [pas]  en  sa  possession  ne  peut  en  être  responsable.  Son  fils 
peut-il  prétendre  aujourd'hui  détruire  la  déclaration  de  son  père  ? 
C'est  ce  que  le  tribunal  doit  juger.  Pourquoi  et  dans  ces  circons- 
tances l'exposant  conclut  à  ce  qu'il  plut  au  tribunal  :  dire  et 
ordonner  qu'en  venant  par   les  parties  plaider  sur  et  aux  fins  de 


LE    PROCÈS    DF.S  P.VPIliliS    UE    COllilOlS  191 

la  demande  faite  contre  le  duc  Decazes  par  le  S'  Courtois  fils 
suivant  exploit  de  Guinard,  huissier  à  Paris,  en  date  du  3i  dé- 
cembre 1831,  elles  viendraient  également  plaider  sur  et  aux  fins 
de  la  présente  requête. 

Attendu  que  le  S''  Courtois  réclame  des  pièces  qui  auraient  été 
saisies  sur  le  feu  S''  Courtois,  son  père,  ex-conventionnel,  lors 
d'une  visite  domiciliaire  qui  eut  lieu  chez  ce  dernier  à  Ramblu- 
zin  en  1816  et  d'après  un  arrêté  du  préfet  de  la  Meuse  et  lorsque 
M.  le  duc  Decazes  était  ministre  de  la  police  générale. 

Attendu  ([ue  le  S'  Courtois  fils  ne  justifie  nullement  sa  de- 
mande quoi  qu'il  en  ait  formellement  fait  l'ollre  et  quoiqu'il  ait 
[été]  pendant  le  cours  de  la  procédure  négativement  mis  en 
demeure  à  cet  égard. 

Attendu  en  fait  que  quelques  effets  seulement  dont  le  S^ 
Courtois  père  était  détenteur  ont  été  transmis  à  M.  le  duc  Deca- 
zes comme  ministre  de  la  police  générale,  savoir  le  testament  de 
la  reine  Marie-Antoinette,  un  gant  ayant  appartenu  à  cette  prin- 
cesse, et  des  cheveux  du  Dauphin,  lesquels  objets  ont  été  par 
lui-même  remis  au  roi  Louis  XVIIl,  d'après  le  vœu  du  feu  S"" 
Courtois  lui-même. 

Attendu  que  si  d'autres  pièces  et  effets  ont  été  saisis,  ils  ne 
sont  jamais  parvenus  au  Ministre  et  qu'il  ne  les  a  jamais  vus  ni 
détenus  en  sa  possession. 

Qu'alors  même  qu'il  les  aurait  eus  en  sa  possession  comme 
ministre  il  n'en  devait  aucun  compte  au  demandeur,  qu'en  effet 
lors  de  la  levée  des  scellés  apposés  sur  les  papiers,  le  S'^  Courtois 
père  représenté  à  cet  effet  par  son  fils  à  qui  il  avait  donné  ses 
pouvoirs  a  reconnu  qu'aucun  des  papiers  ne  lui  était  personnel. 

Attendu  que  ces  pièces  toutes  exclusivement  relatives  à  la 
Révolution  française  ne  se  trouvent  en  effet  dans  les  mains  du 
S''  Courtois  père  qu'à  raison  de  la  qualité  de  rapporteur  de  la 
commission  chargée  d'examiner  les  pièces  trouvées  chez  Robes- 
pierre et  ses  complices  après  le  9  thermidor  et  encore  comme 
membre  du  comité  de  salut  publique  et  qu'ainsi  ces  pièces  était 
la  propriété  de  l'état. 

Par  tous  ces  motifs  qu'il  plaira  au  tribunal  suppléer  de  droit 
et  d'équité  ;  déclarer  le  S"^  Courtois  purement  et  simplement  non 
recevable  en  sa  demande,  en  tout  cas  mal  fondé  et  l'en  débouter. 
Le  condamner  aux  dépens  dont   distraction  sera  faite  à  M*^  Pois- 


192  REVl'E  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

son-Seguin,   avoué,  qui   l'a  requise  avec  affirmation,  sous  toutes 
réserves  et  le  tribunal  fera  justice. 

P.-C.  Thomas. 

Signifié  à  M"  Fagniez,  avoué,  à  domicile,  le  huit  novembre 
mil  huit  cent  trente  deux  par  moi,  huissier  soussigné. 

Canet. 

H.  Courtois,  par  ailleurs,  préparait  sa  défense.  Dès  les 
premiers  jours  du  procès  il  était  allé  consulter  les  dos- 
siers de  la  police  et  avait  analysé  les  différents  documents 
qui  concernaient  la  saisie  des  papiers  de  son  père  ainsi  que 
les  perquisitions  qui  en  avaient  été  la  suite  logique  ' . 

Nous  donnons  ici  le  dossier  qu'il  se  constitua  alors.  Il 
nous  fournit  un  excellent  historique  de  cette  affaire,  et  ré- 
pond à  certaines  allégations  du  duc  Decazes. 

Janvier  1S16.  —  Rapport  de  la  police  du  département  du 
Nord  concernant  une  visite  domiciliaire  faite  chez  Courtois  et  qui 
n'a  rien  produit.  Ce  rapport  dit  qu'on  a  trouvé  sur  les  lieux  diffé- 
rents effets  emballés  et  une  caisse  de  papiers  saisis  qui,  se  trou- 
vant en  état  d'être  expédiée,  a  été  scellée. 

9  janvier  1816.  —  Rapport  de  Robert,  capitaine  de  Gendar- 
merie, concernant  une  visite  domiciliaire  faite  chez  Courtois  avec 
25  gendarmes  assistés  de  Benoît.  Cette  recherche  eut  lieu  de  la 
manière  la  plus  inquisitoriale.  Des  livres  et  différents  objets  fu- 
rent volés.  Cet  acte  porte  qu'ils  trouvèrent  un  lit  encore  chaud 
dont  on  ne  put  indiquer  le  coucheur  et  qu'il  se  trouvait  encore 
du  feu  dans  la  cheminée  de  la  chambre  à  coucher  habituelle  de 
Courtois.  Dit  aussi  qu'il  s'y  trouvait  une  caisse  de  papiers  sai- 
sis par  la  police. 

1.  H.  Coui-lnis  (iril  ilans  iAIJ'nire  ilcs  papiers  de  l'e.r-conventionnel  Courtois 
<p.  17)  :  <«  S:ins  cUmti',  <m  sera  siu-pris  que  cette  correspondance,  qui  dévoile  si 
bien  M.  Decazes,  se  trouve  entre  mes  mains.  Je  dois  cette  obligeante  commu- 
nication à  l'administration  de  M.  C.  Perrier,  et  j'ai  pu  librement  copier  au  dos- 
sier toutes  les  pièces  qui  m'intéressaient.  Le  duc  Decazes  avait  pris  de  telles 
mesures,  que  les  réclamations  étaient  impossibles.  Aussi,  confiant  dans  ses  dis- 
positions, il  ne  répondit  à  mes  instances  en  restitution,  que  par  des  dénéga- 
tions absolues,  tellement  confondues  par  cette  malencontreuse  communication 
i|u'il  se  trouve  enferré  de  toutes  parts  dans  ses  fins  de  non  recevoir.  Repoussé 
par  cette  insigne  mauvaise  foi,  j'ai  dû  m'adresser  au  ministre  de  l'intérieur, 
I>oiîr  obtenir  la  remise  des  jîapiers  saisis.  » 


Li;   PKOCKS   Di;S   l'APIKHS   DE   COLKTOIS  193 

Nola.  —  C'est  cette  même  caisse  dont  le  lendemain,  10  jan- 
vier, Maussion    annonce    la  saisie  à  Decazes. 

10  janvier  ÎS16.  —  Maussion  à  Decazes.  Dénonce  violem- 
ment Courtois  comme  possédant  des  papiers  très  importants, 
annonce  la  saisie  d'une  caisse  de  papiers  assisté  de  Benoît.  (Cet 
homme  figure  dans  toutes  ces  poursuites.) 

Nota.  —  Il  paraît  que  cette  poursuite  a  été  faite  par  Maussion 
sans  avoir  encore  reçu  l'ordre  de  Decazes,  au  moins  je  ne  l'ai  pas 
trouvé  au  dossier.  C'est  ce  qui  expliquerait  ce  que  dit  Decazes 
dans  la  réponse  qu'il  m'a  faite  :  J'étais  bien  sûr  de  n'avoir  pas 
donné  l'ordre  de  saisir  les  papiers  de  M.  votre  père. 

Février  1816.  —  Note  de  la  préfecture  de  la  Meuse.  Maussion 
annonce  à  Decazes  l'envoi  de  40  gendarmes  chez  Courtois  et  à  sa 
poursuite. 

6  février  1816.  —  Arrêté  de  Maussion  qui  ordonne  une  visite 
domiciliaire.  La  levée  des  scellés  sur  la  caisse  saisie  afin  de  pro- 
céder à  l'inventaire  des  papiers  à  l'effet  de  remettre  au  S''  Cour- 
tois ceux  de  ces  papiers  qui  lui  seraient  personnels  et  n'offriraient 
aucun    intérêt  général.  Ordonne  de  faire  des  liasses   des  autres. 

11  savait  fort  bien  que  l'inventaire  ne  serait  pas  fait. 

Cet  arrêté  est  pris  en  vertu  d'une  lettre  de  S.  E.  à  Maussion 
en  date  du  3  février  1816.  J'ai  de  plus  une  déclaration  du  juge 
de  paix  Mazilier  qui  a  fait  la  levée  des  scellés  •  .  Comment  Decazes 
peut-il  dire  alors  qu'il  est  étranger  à  cette  saisie  ? 

9  février  1816 .  —  Procès-verbal  de  vérification  des  scellés. 
(>ourtois,  y  est-il  dit  nomme  son  fils  -  pour  le  représenter.  (J'a 
quelques  raisons  de  croire  que  c'est  un  faux.  Le  pouvoir  ne  se 
trouve  point,  ce  n'est  qu'une  simple  allégation).  Ce  procès-ver- 
bal dit  :  Examen  fait,  ces  pièces  n'ont  présenté  que  des  papiers 
généralement  reconnus  pour  être  relatifs  à  la  révolution  et 
comme  parmi  ces  papiers  il  ne  s'en  est  trouvé  aucun  qui  ait  paru 


1.  H.  Courtois  fait  fri-qucmmcnt  allusion  à  cclti- déclaration  de  Mazilit-r,  qui 
l'-tait,  non  juge  de  paix,  mais  greffier  de  la  justice  de  paix  du  canton  de  Souilly. 

Celte  pièce,  telle  que  la  présente  l'Affaire  des  papiers  de  iex-conventionnel 
Courtois,  constate  simplement  que  le  détail  des  papiers  mis  sous  scellés  ne  fut 
pas  porté  à  l'inventaire. 

Nous  n'avons  trouvé  aucune  trace  de  cette   déclaration. 

2.  Achille-Auguste  Courtois,  frère  .aîné  de  Henri,  qui  chercha  plus  tard  à 
ti-afiquer  des  souvenirs  de  son  père,  particulièrement  avec  le  gouvernement  par 
l'intermédiaire  du  comte  d'Agout,  ministre  de  France  à  Bruxelles  (Voir  Wel- 
VKRT,  Lendemains  révolutionnaires,  p.  lii)8  et  suiv.). 

REV.  HIST.   DB  LA  RÊVOI,.  IS 


194  REVUE    HlSTORlylE   UE    I.A   UÉVOLUTION   FRANÇAISE 

être  personnels  au  S''  Courtois  ni  à  sa  famille  ont  été  replacés 
dans  cinq  cartons  au  lieu  de  six. 

Nota.  —  L'inventaire  n'a  pas  été  fait  ;  l'ordre  de  Maussion  du 
6  février  n'était  que  pour  la  forme. 

9  février  1816.  —  Procès-verbal  de  visite  domiciliaire  par  Ro- 
bert, chef  d'escadron  de  gendarmerie,  Brimont,  capitaine,  baron 
Benoît,  commissaire.  Cette  pièce  dit  positivement  qu'à  la  suite  de 
cette  visite  Courtois  remit  volontairement  le  testament  de  Marie- 
Antoinette. 

Nota.  —  Ce  n'était  pas  cette  pièce  qu'on  cherchait,  puisque 
personne  n'en  connaissait  l'existence.  Ce  n'est  donc  pas  à  Benoît, 
comme  le  dit  Decazes,  qu'on  doit  cette  pièce.  J'ai  d'ailleurs  une 
déclaration  du  juge  de  paix  Mazilier  qui  figura  dans  toutes  ces 
poursuites,  qui  déclare  que  c'est  volontairement  que  Courtois  en 
fit  la  remise.  Depuis  longtemps  on  le  pressait  de  questions  pour 
obtenir  la  remise  de  papiers  dont  on  le  savait  possesseur,  mais 
sans  pouvoir  rien  préciser.  Ces  agents  de  la  police  savaient  va- 
guement cependant  qu'il  s'agissait  de  papiers  concernant  la  fa- 
mille royale. 

La  duchesse  de  Choiseul,  épouse  de  l'ancien  ministre  de 
Louis  XVL  connaissait  seule  l'existence  de  ce  testament.  Cour- 
tois le  lui  avait  confié  et  lui  avait  donné  une  boucle  des  cheveux 
de  la  Reine  ainsi  qu'il  le  dit  dans  une  lettre  adressée  à  Becquey 
en  date  du  12  février  1816. 

Pendant  la  révolution  il  sauva  plusieurs  fois  la  duchesse  de 
Choiseul  et  contribua  beaucoup  aussi  à  la  conservation  de  sa 
fortune. 

72  février  1S16.  —  Maussion  à  Decazes.  II  lui  annonce  qu'il 
a  fait  déposer  à  la  préfecture  cinq  cartons  de  papiers  provenant 
de  la  saisie  faite  chez  Courtois. 

15  février  1S16.  —  Decazes  à  Maussion.  Il  le  tance  sur  le  peu 
d'activité  de  ses  poursuites  et  se  plaint  beaucoup  de  ce  que  Cour- 
tois aurait  été  prévenu  de  tout  ce  qui  devait  se  faire. 

IS  février  1816.  —  Maussion  à  Decazes.  Il  lui  annonce  qu'il  a 
donné  un  passeport  à  Courtois  le  16  de  ce  mois  pour  Virton  à  3 
lieues  seulement  de  Montmédy.  Il  ajoute  que  c'est  une  faveur 
qu'il  lui  a  faite. 

Nota.  —  Courtois  était  banni  par  la  loi  d'anuiistie  du  24  jan- 
vier 1816.  Mais  on  ne  voulait  pas  qu'il  ijuittàt  la  France.  La  fron- 


I.K    PKOCKS   Di:S   PAPIKHS   DK  COLUTOIS  195 

tière  était  soigneusement  surveillée  et  ce  n'est  qu'en  prenant  les 
plus  grandes  précautions  qu'il  put  échapper  aux  sbires  '.  Il  était 
informé  de  ce  qui  se  passait  au  conseil.  Il  le  savait  aussi  bien  que 
Decazes  lui-même.  Plusieurs  avis  lui  lurent  remis  dont  on  pro- 
duira les  notes  dans  la  discussion  -. 

23  février  1816.  —  Maussion  à  Decazes.  Il  se  plaint  de  ce  que 
celui-ci  lui  dit  dans  sa  lettre  du  15  février  que  Courtois  avait  été 
prévenu  de  ce  qui  se  tramait  contre  lui.  Il  ajoute  que  rien  n'est 
plus  faux  et  qu'il  n'avait  reçu  aucun  avis,  attendu  qu'il  a  agi  avec 
la  plus  grande  prudence  et  la  plus  grande  célérité. 

23  février  ISW.  —  Maussion  à  Decazes,  parle  des  services 
nombreux  de  Benoît,  dit  lui  devoir  tout  et  demande  pour  lui  une 
lieutenance  de  gendarmerie. 

27  février  1S16.  —  Decazes  à  Maussion.  Il  le  remercie  de  lui 
avoir  fait  connaître  les  mérites  de  Benoît,  et  dit  qu'il  écrit  au  mi- 
nistre de  la  guerre  pour  lui  obtenir  une  lieutenance  de  gendarme- 
rie à  Verdun  comme  récompense  de  son  zèle  et  de  son  dévoue- 
ment. Il  ajoute  que  son  nom  a  été  prononcé  devant  Sa  Majesté 
qui  connaît  sa  belle  conduite  et  en  est  très  satisfaite. 

Nota.  —  Cet  homme,  véritable  agent  de  police,  s'est  comporté 
de  la  manière  la  plus  révoltante  ;  c'est  lui  qui  se  plaignait  de  ce 
qu'on  ne  faisait  pas  raser  la  maison  de  Courtois. 

27  février  1<S16.  —  Decazes  au  ministre  de  la  guerre,  duc  de 
Fcltre.  Demande  pour  Benoît  une  lieutenance  de  gendarmerie  en 
renouvelant  l'éloge  de  sa  conduite  comme  ayant  provoqué  et  di- 
rigé toutes  les  poursuites  faites  au  domicile  de  Courtois. 

.)  mars  18IG.  —  Decazes  au  ministre  des  finances.  Recom- 
mande le  nommé  Benoît  et  demande  pour  lui  la  recette  de  Ver- 
dun comme  ayant  provoqué  les  premières  perquisitions  chez 
Courtois,  dit  qu'on  lui  doit  la  découverte  du  testament  de  la  Reine. 
II  a,  dit-il,  apposé  son  cachet  sur  les  paquets  saisis. 

Rien  n'est  plus  faux.  Cette  remise  du  testament  de  la  Reine  a 
été  faite  volontairement  par  Courtois.  J'en  ai  la  déclaration  faite 
par  le  juge  de  paix  qui  a  reçu  cette  pièce.  D'ailleurs,  le  procès- 
verbal  de  saisie  de  ce  titre  du  9  février  1816  le  dit  textuellement. 

5  mars  1S16.  —  Lettre  de  Decazes  à  Maussion.  Lui  parle  de 

1.  On  ne  rclroirve  nulle  part  la  preuve  de  cette  allégation. 

2.  V.  plus   loin    une  prétendue  lettre  adressée  à  Courtois  père  par  un  de  sts 


196  REVLi;    IIISTORKjlI-;  DK  LA    RKVOI.UTION  FRANÇAISK 

la  visite  à  faire  chez  M.  Dumas  '  afin  de  s'emparer  des  papiers  et 
effets  qui  seraient  supposés  appartenir  à  Courtois.  Il  lui  parle  des 
cinq  cartons  de  papiers  déjà  déposés  chez  Maussion  et  dont  ce 
dernier,  dit-il,  lui  a  annoncé  la  saisie  parsa  lettre  du  12  févrierl816. 

<V  mars  1816.  —  Lettre  de  Maussion  à  Decazes.  Il  lui  dénonce 
qu'il  a  été  envoyé  chez  Antoine,  pharmacien  à  Verdun,  plusieurs 
voitures  chargées  de  meubles  et  elTets  —  et  chez  Dumas.  Il  parle 
aussi  des  recherches  qu'il  ne  cesse  de  faire  pour  s'assurer  de 
Courtois. 

Nota.  —  Rien  n'était  plus  faux  que  cette  dénonciation. 

J2  mars  ISUt.  —  Lettre  de  Decazes  au  préfet  du  département 
de  la  Marne  par  laquelle  il  lui  ordonne  de  faire  faire,  chez  M. 
Dumas,  ami  de  Courtois,  une  visite  domiciliaire  très  exacte  pour 
s'assurer  si  Courtois  ne  s'est  point  réfugié  chez  lui,  et  s'il  n'a 
point  mis  dans  sa  maison  des  effets  dont  il  craignait  la  saisie. 

Nota.  —  Cette  visite  n'a  rien  produit. 

13  mars  ISUi.  —  Decazes  à  Maussion.  Il  le  presse  de  nouveau 
sur  les  recherches  à  faire  de  la  personne  de  Courtois  et  lui  donne 
l'ordre  de  les  faire  chez  un  nommé  Antoine,  pharmacien  à  Verdun. 

13  mars  liSKi.  —  Maussion  à  Decazes.  Parle  des  nouvelles  et 
nombreuses  recherches  qu'il  a  faites  pour  s'assurer  de  Courtois. 
11  pense  qu'il  s'est  réfugié  chez  la  Maréchale  Brune  à  Arcy,  ou 
bien  à  sa  terre  de  Misement  près  de  Chavanges. 

Nota.  —  Tout  cela  est  faux.  Il  ne  savait  comment  s'excuser  de 
ne  pouvoir  saisir  sa  proie. 

Il  mars  1816.  —  Maussion  à  Decazes.  Lui  parle  de  nouvelles 
recherches  faites  pour  arrêter  Courtois  et  de  leur  inutilité.  Il  le 
dit  détenteur  de  papiers  et  d'elfets  précieux  dont  il  serait  instant 
de  s'emparer. 

Nota.  —  Les  bruits  les  plus  absurdes  avaient  couru  que  Cour- 
tois était  possesseur  d'objets  précieux  provenant  du  garde  meuble 
de  la  Couronne  ;  c'est  à  ces  bruits  que  s'était  attaché  Maussion. 
Ces  bruits  étaient  l'œuvre  de  Decazes  lui-même  qui  voulait  justi- 
fier ses  poursuites. 

/■ï  mars  1816.  —  Procès  verbal  de  visite  domiciliaire  chez  M. 
Dumas,  ami  de  Courtois  et  que  la  police'croyait  son  parent. 

1.  Allie  •■  C.nuilois.  (KMiunirant  à  C.hàlnns-sui-Maiiu-.  Il  parait  difficile  do 
iniitoiulii-  c-  Dumas  avec  le  D'  Doim,  aulie  allie  de  (".(uu■toi^.  chez  qui  plus 
tard  devait  se  letiier  Chaiinetic  Courtois. 


i.K  pnocKS  Di;s  i>aimi;rs  ui-:  coruxois  197 

Nota.  —  Celte  nouvelle  recherche  de  sa  personne  et  de  ses  pa- 
piers n'a  rien  produit  de  satisfaisant  pour  la  police. 

16  mars  1816.  —  Procès-verbal  de  recherches  de  (Courtois  avec 
sept  gendarmes  dans  dillérenls  lieux. 

Ils  n'ont  pu  le  découvrir;  on  le  chercha  jusque  dans  les  ci- 
ternes de  l'abbaye  de  Beaulieu,  au  milieu  des  bois  et  des  lieux 
inabordables.  Il  n'avait  pas  quitté  son  domicile  où  l'agonie  de  son 
épouse  '  le  retenait.  Il  était  prévenu  d'ailleurs  du  sort  qui  lui  était 
réservé. 

J()  mars  1SI(>.  —  Nouvelle  lettre  de  Decazcs  à  Maussion  pour 
le  pousser  à  renouveler  et  à  activer  les  poursuites  pour  s'assurer 
de  la  personne  de  Courtois. 

16  mars  1S16.  —  Lellre  de  Deca/.es,  ministre  de  la  police,  au 
préfet  du  déj)'  de  l'Aube. 

L'objet  de  celte  lettre  est  pour  lui  donner  l'ordre  de  faire  par- 
tout les  recherches  les  plus  actives  pour  s'assurer  de  la  personne 
de  Courtois  qu'il  supposait  dans  ce  département  d'après  la  lettre 
de  Maussion  du  13  mars. 

n  mars  1816.  —  Lettre  de  Maussion  à  Decazcs.  II  lui  dit  qu'il 
croit  Courtois  caché  chez  Brichard,  chirurgien,  maire  de  Lavoye, 
et  que  de  là  il  pourrait  se  rendre  à  Beaulieu  chez  Drouet  conven- 
tionnel et  se  cacher  dans  les  vastes  citernes  de  l'abbaj-e.  Il 
ajoute  qu'il  ne  négligera  rien  pour  s'assurer  de  lui  et  qu'il  le  fera 
surveiller  soigneusement. 

Nota.  —  Courtois  n'a  jamais  quitté  son  domicile  pendant  toutes 
ces  recherches.  Son  épouse  était  expirante  et  il  ne  voulut  pas  l'a- 
bandonner. Ce  ne  fut  qu'après  son  décès  -  qu'il  gagna  la  frontière 
en  prenant  les  plus  grandes  précautions  car  l'exil  était  une  faveur 
dont  il  était  excepté.  On  ne  voulait  pas  qu'il  sortît  de  France. 
Des  avis  certains  lui  en  avaient  été  donnés  et  quelques  indiscré- 
tions des  sbires  qui  l'entouraient  les  avaient  confirmés. 

19  mars  1916.  — Lettre  de  Decazesà  Maussion.  Il  lui  enjoint 
d'employer  dans  ses  poursuites  contre  Courtois  le  nommé  Genêt  ', 
ancien  officier  de  la  maison  du  Roi,  qui  s'est  offert  pour  livrer  le 
proscrit. 

"22  mars  1S16.  —  Decazcs  à  Maussion.   Lellre   très    pressante 

1.  Déccdi-e  le  25  jaiivi.T  piviédonl. 

•>.  H.  Couilois  ouIjIk'    (le  diif  <iiu'   Miiu-  Courlois  ri:,!!   ni,>rU-  U'  i')  jaiix  ior. 

■.i.  Dans  Ihistoiiv  de  M.n  nrocès,  H.   Couricis  ccrll  :  (iiaiiinv. 


198  KKVL'E  niSTORiyii;  de  la  hévolitiox  française 

par  laquelle  il  lui  enjoint  de  faire  les  recherches  les  plus  actives 
pour  s'emparer  de  Courtois. 

Note.  —  Le  ton  de  cette  lettre  fait  pressentir  le  sort  réservé 
au  proscrit. 

27  mars  1,S1(>.  —  Réponse  de  Maussion  à  la  lettre  du  19  mars. 
Il  dit  qu'il  est  inutile  d'employer  ce  Genêt  à  cette  recherche  ;  que 
d  ailleurs  c'est  un  homme  accoutumée  se  vanter  et  qu'il  ne  pour- 
rait tenir  la  promesse  qu'il  fait.  Il  ajoute  que  Courtois  est  à 
Namur. 

Nota.  —  Soit  que  Maussion  connût  les  projets  sinistres  de  De- 
cazes,  soit  que  l'indiscrétion  de  cet  agent  les  lui  eut  révélés  car  il 
en  parlait  fort  librement,  toujours  est-il  certain  qu'il  ne  voulut 
pasprendre  sur  lui  cette  responsabilité. 

Certes,  s'il  ne  s'était  agi  que  d'arrêter  Courtois,  Maussion  qui 
depuis  si  longtemps  avait  fatigué  ses  gendarmes  en  vaines  recher- 
ches et  qui  recevait  continuellement  des  reproches  de  Deca/.es, 
n'aurait  pas  refusé  d'employer  cet  homme.  Pour  se  mettre  à  cou- 
vert de  nouveaux  reproches,  il  ajoute  :  Courtois  est  à  Namur  (ce 
qui  était  faux  ').  Ce  Genêt  se  vantait  de  sa  mission  et  disait  que 
si  on  le  voulait  il  se  chargerait  de  l'affaire  de  tous  les  conven- 
tionnels. 

Paris  et  Saint-Fargeau  —  il  était  aussi  lui  Genêt  ollicier  de  la 
maison  du  Roi,  comme  Paris. 

Ai'ril  ISIC).  —  Rapport  de  la  préfecture  de  la  Meuse  concer- 
nant de  nouvelles  recherches  faites  par  la  gendarmerie  de  la  per- 
sonne de  Courtois. 

7.')  avril  IStii.  —  Lettre  d'un  nommé  Montandan,  d'Amster- 
dam, qui  dénonce  à  M.  Decazes  les  plaintes  à  l'étranger  du  con- 
ventionnel Courtois.  Ce  dernier  disait  que  caché  dans  un  réduit 
secret  de  sa  maison  il  avait  compté  30  gendarmes  envoyés  parle 
préfet  Maussion. 

Nota.  —  Jusques  dans  l'étranger,  Courtois  était  obligé  de 
prendre  les  plus  grandes  précautions  pour  sa  sûreté.  La  mission 
de  Genêt  s'étendait  au-delà  de  la  frontière. 


1.  H.  Omirliiis  icril  dans  V .A/fdire  (les  piipiiTi,  p.  i)  :  «  .\  cetli'  opoquc  mon 
piTi'  n'ilait  poiiil  à  Namur  où  il  n'a  jamais  iHé.  »  Or,  il  avait  l'ii  mains  les  mi- 
nutes cIo  (Ii'ux  lettres  de  son  père  écrites  de  Namur.  11  ne  pouvait  ignorer  que  sa 
su-ur  (;iiarnielte  et  sa  tante  l'errin  étaient  allées  retrouver  le  proscrit  à  .N'amur. 
(;elui-ci  devait  y  être  arrivé  vers  le  17  ou  le  18  mars. 


LE  PROCES  DES  l'Al'IEHS  DE  COURTOIS  ]  yy 

77  arril  1816.  — Maussion  à  Decazes.  Il  lui  annonce  que  de- 
puis le  mois  de  février  précédent  Courtois  a  quitté  la  France. 

Nota.  —  Malgré  le  départ  de  Courtois,  Maussion  annonce  qu'il 
a  placé  deux  gendarmes  à  demeure  chez  lui. 

27  avril  1816.  — •  Le  secrétaire  général  de  la  préfecture  de  po- 
lice Lingard  annonce  à  Decazes  que  par  suite  de  la  saisie  faite 
le  9  janvier  dernier  chez  Courtois  il  a  élé  déposé  chez  lui  des  pa- 
piers relatifs  à  l'affaire  de  Robespierre  et  autres. 

Au  bas,  de  la  main  de  Decazes  :  la  caisse  est-elle  arrivée  ?  Elle 
ne  l'est  point  le  (3  mai  1816. 

Xola.  —  Ces  papiers  sont  les  mêmes  que  ceux  mentionnés 
précédemment,  Lingard  indique  seulement  et  désigne  une  partie 
de  ces  papiers. 

27  ai'ril  1816.  —  Lettre  de  Maussion  à  Decazes  qui  lui  donne 
avis  qu'il  va  déposer  au  bureau  des  messageries  de  la  rue  Notre- 
Dame  des  Victoires  une  caisse  de  papiers  à  l'adresse  de  S.  E. 

Au  bas  de  la  lettre  et  de  la  main  même  de  Decazes  :  Je  n'ai 
rien  reçu. 

La  lettre  d'avis  sera  probablement  arrivée  un  jour  ou  deux 
avant  la  caisse,  mais  cette  dernière  est  bien  parvenue  à  son  adresse 
puisque  une  faible  partie  de  ces  papiers  m'a  été  olTerte.  Au  reste 
je  pourrai  peut-être  avoir  le  reçu  donné  aux  messageries  '. 

Et  cependant  Decazes  prétend  qu'il  n  a  jamais  entendu  parler 
de  cette  caisse  -. 

2<S'  avril  1816.  —  Lettre  de  Madame  ^L^ckmahon"  parente  de 
M.  Gontaud  de  Biron  et  aujourd'hui  je  crois  épouse  de  M.  Dudon. 
Elle  sollicite  vivement  Decazes  en  faveur  des  deux  filles  ^  du  pros- 
crit dont  elle  fait  le  portrait  le  plus  flatteur  et  fait  les  instances  les 
plus  vives  pour  que  le  séjour  des  gendarmes  sur  leur  propriété 
n'ait  plus  lieu. 

Nota.  —  C'est  à  la  sollicitation  de  cette  dame  que  les  persé- 
cutions cessèrent.  Avant  elle  qui  que  ce  soit  n'avait  pu  faire  ad- 
mettre l'inutilité  des  gendarmes  dans  leur  domicile. 

1.  Dans  sa  lettre  du  8  octobre  1832  au  duc  Decazes,  H.  Courtois  dit  à  ce  su- 
jet :  «  Le  registre  du  bureau  des  messageries  en  porte  la  décharge.  » 

2.  Decazes  dit  simplement  qu'il  ne  l'a  jamais  eue  en  sa  possession. 

3.  Charmette  et  N.ais.  11  y  avait  encore,  à  Rambluzin,  Mlle  Thérèse  Perrin, 
belle- sœur  de  Courtois,  et  Auguste  Courtois.  —  H.  Courtois  écrira  dans  l'Affaire 
des  papiers  :  «  Son  domicile,  envahi  par  la  gendarmerie,  a  été  dévasté,  sa  fa- 
mille tout  entière  chassée  de  ses  fovers.  » 


200  REVUE  HISTORIQIE    DE  LA   RÉVOLITION    FRANÇAISE 

//  mai  1S16.  —  Maussion  à  Decazes.  Il  donne  à  ce  dernier  Tex- 
tr;iit  d'une  lettre  que  lui  avait  écrite  Courtois  dans  laquelle  ce 
dernier  parle  de  secrets  importants  c[u'il  pourrait  révéler  con- 
cernant les  Bourbons. 

Nota.  —  Il  s'agissait  de  toute  autre  chose  que  du  testament  de 
la  Reine'Marie-Antoinette. 

74  mai  1S16.  —  Lettre  du  préfet  Maussion  à  Decazes  qui  lui 
annonce  que  le  8  avril  précédent  il  a  pris  un  arrêté  qui  retire  les 
gendarmes  en  campement  chez  Courtois. 

Nota.  —  Bien  qu'on  eut  la  certitude  à  cette  époque  que  Cour- 
tois était  en  Belgique,  les  gendarmes  n'en  furent  pas  moins  lais- 
sés dans  sa  maison  qui  n'était  habitée  alors  que  par  ses  deux 
filles  et  sa  belle-sœur  '.  Ces  misérables,  poussés  par  la  police,  se 
permirent  tous  les  outrages  imaginables.  Quoique  l'arrêté  de 
Maussion  pour  la  faire  évacuer  soit  du  8  avril,  ce  ne  fut  cepen- 
dant qu'après  la  lettre  de  Madame  Mackmahon  en  date  du  28 
avril  qu'ils  furent  rappelés. 


(".es  notes  servirent  à  H.  Courtois  à  documenter  "SI'  Par- 
(juin,  son  avocat   ;   il  lui  fit   passer  aussi  le   billet  suivant   : 

Il  importe  de  relever  cette  assertion  du  défendeur  que  les 
pièces  saisies  étaient  entre  les  mains  de  Courtois,  comme  mem- 
bre du  Comité  de  Salut  Public,  et  qu'ainsi  elles  étaient  la  pro- 
priété de  l'état. 

Courtois  n'a  jamais  fait  partie  de  ce  comité. 

L'administration  de  la  police  en  me  remettant  les  pièces  insi- 
gnifiantes échappées  à  la  spoliation  de  M.  Decazes  a  par  ce  fait 
confondu  deux  fins  de  non  recevoir  :  1"  celle  par  laquelle  il  pré- 
tend que  ces  papiers  ne  sont  jamais  parvenus  dans  ses  bureaux  ; 
2"  et  celle  par  laquelle  il  nie  n'avoir  jamais  fait  saisir  ces  papiers. 
En  effet,  le  bordereau  des  pièces  qui  m'ont  été  remises  porte  : 
Bordereau  des  pièces  déposées  aux  archives  de  la  police  générale 
du  Roj-aume, comme  provenant  de  la  saisie  faite  en  181G  chez  M. 

1.    H.    Courtois  oulilic  île  moiitiontui'  son  fnro  .Augiislr  qui  alors  .administra 


LR    PHOCKS     DES    PAPIKHS     DE    COUKTOIS  201 

Comtois,  ancien  membre  de  la  Convention  N''.  L'ad°"  n'a  pu  s'ex- 
primer ainsi  que  sur  des  documents  authentiques. 

M.  Decazes  invoque  les  expressions  du  procès-verbal  de  véri- 
fication de  scellés  en  date  du  9  février  1816,  pour  prouver  que 
les  papiers  saisis  n'avaient  rien  de  personnel  au  saisi  et  étaient 
exclusivement  relatifs  à  la  Révolution,  l'ar  ces  mots  rien  de  per- 
sonnel, on  a  si  bien  voulu  désigner  des  titres  relatifs  à  des  inté- 
térêls  privés  que  la  correspondance  de  Courtois  a  été  saisie  en 
entier,  et  cela  est  si  vrai  que  dans  les  pièces  remises  il  se  trouve 
encore  plusieurs  lettres  de  divers  adressées  à  mon  père.  Ce  même 
bordereau  de  remise  déjà  cité  porte  :  une  liasse  de  30  pièces  ou 
lettres  adressées  pour  la  plupart  au  C'^^"  Courtois. 

Armé  de  ces  docuinciils,  M.  Paquin  prépara   sa  plaidoi- 
ine.  Nous  en  avons  le  canevas. 
Le  début  seul  est  à  retenir. 

Courtois  père,   conventionnel. 

On  ne  doit  po'nt  rattacher  à  son  nom  les  cruautés  de  cette 
sanglanle  époque. 

Il  ne  fut  pas  complice  de  la  terreur  et  de  Robespierre.  L'un 
des  principaux  auteurs  de  sa  chute  et  du  S  Thermidor. 

Courtois  chargé  de  faire  le  rapport  sur  le  9  Thermidor  qui 
obtint  un  succès  prodigieux. 

Avait  recueilli  à  cette  occasicm  et  aussi  antérieurement  des 
pièces  historiques  fort  nombreuses  et  fort  importantes. 

Beaucoup  étaient  relatives  à  la  famille  royale. 

Courtois  retiré  s'occupait  de  mettre  ces  pièces  en  ordre  et 
d'éclaircir  par  des  mémoires  bâtis  sur  des  pièces  justificatives 
connues  de  lui  seul  divers  points  historiques  encore  impénétra- 
bles, tels  que  : 

Affaire  Fa v ras  ; 

Intrigue  pour  forcer  Louis  X^T  à  remettre  la  couronne  à  Mon- 
sieur, Comte  de  Provence. 

1815.    Rentrée  des  Bourbons. 

Loi  dite  d'amnistie  —  comprenait  Courtois  au  nombre  des 
exilés. 

Mais  on  ne  voulait  pas  qu'il  sortit  de  France  ;  frontière  gar- 
dée ; .. 


202  REVUE   HISTOHIQUE    DE    LA   RÉVOI.UTIOX    FRANÇAISE 

Après  avoir  résumé  les  notes  de  police  recueillies  et 
commentées  par  (Courtois,  et  les  péripéties  de  l'action  judi- 
ciaire. M.  Parquin  terminait  ainsi  son  canevas  : 

Discussion  : 

1"  De  nombreux  papiers  saisis  chez  Courtois  sont  parvenus 
entre  les  mains  de  M.  Decazes  et  ne  sont  pas  représentés. 

2"  M.  Decazes  est  responsable  de  ces  papiers  ou  de  leur  perte. 

L'affaire  l'ut  enfin  jugée  le  18  janvier  1833.  Le  juge- 
ment reproduit  tout  au  long  l'assignation  faite  au  duc  De- 
cazes et  nous  fournil  la  chronologie  du  procès  depuis  le  2 
décembre  1831  jusqu'au   18  janvier  1833. 

Louis-Philippe,  roi  des  Français,  à  tous  présents  et  à  venir 
salut.  Le  Tribunal  civil  de  première  instance  du  département  de 
la  Seine,  séant  au  Palais  de  justice  à  Paris,  a  rendu  en  l'audience 
publique  de  la  première  Chambre  du  tribunal  le  jugement  dont 
la  teneur  suit.  Entre  M.  Elie  duc  Decazes  et  de  Glucksbierg,  pair 
de  France,  demeurant  à  Paris  rue  Saint-Dominique  Saint-Ger- 
main n°  11,  défendeur  aux  fins  de  l'exploit  introductif  d'instance 
de  M.  Guinard  huissier  à  Paris,  en  date  du  31  décembre  1831, 
demandeur  aux  fins  de  la  requête  par  lui  signifiée  le  8  novembre 
1832,  défenseur  aux  fins  de  celle  à  lui  signifiée  le  24  du  même 
mois,  comparant  par  M'"  Dupin  avocat,  assisté  de  \L  Poisson-Se- 
guin son  avoué,  d'une  part  ;  et  le  sieur  Henry  Bonaventure  Cour- 
tois, fils,  demeurant  à  Paris,  rue  Godot-de-Mauroy  n"  23,  deman- 
deur aux  fins  de  son  exploit  introductif  d'instance  sus-désignée, 
défendeur  aux  fins  de  la  requête  à  lui  signifiée  le  8  novembre 
1832,  demandeur  aux  fins  de  celle  par  lui  signifiée  le  24  du  même 
mois,  comparant  par  M'=  Parquin,  avocat,  assisté  de  M'  Fa- 
gniez,  son  avoué,   d'autre  part,  s.  q.  1.  p.  q.  p-  n.  n.  p.  etc. 

Point  de  faits.  M.  Courtois  fils  prétendait  que  le  9  janvier  1816 
il  avait  été  procédé .  . .  (suit  réinimération  de  '26  articles  réclamés 
dans  l'exploit  signifié  le  31  décembre  1S31}. 

Et  enfin  d'autres  pièces  dont  le  S'^  Courtois  fils  prétendait 
n'avoir  plus  trouvé  trace  dans  les  papiers  de  la  succession  pater- 
nelle. En  conséquence  le  S"^  Courtois  a  par  exploit  de  Perrol,  huis- 


I.K     PHOCÈS     DES    PAPIERS      DE    COUKTOIS  203 

sier  audicncier  de  la  Justice  de  paix  du  X=  arrondissement  en  date 
du  2  décembre  1831,  cité  M.  le  duc  Decazes  à  comparaître  devant 
M.  le  juge  de  paix  dudit  arrondissement  à  leffet  de  se  concilier  si 
faire  se  pouvait  sur  la  demande  que  le  S''  Courtois  fils  était  dans 
l'intention  de  former  contre  M.  le  duc  Decazes. 

Les  parties  n'ayant  pu  se  concilier  ainsi  qu'il  résulte  d'un  procès- 
verbal  en  date  du  21  décembre  1831,  le  S'  Courtois  tils  fit  donner 
assignation  à  M.  le  duc  Decazes  suivant  exploit  de  Guinard,  huis- 
sier à  Paris,  en  date  du  31  décembre  1831,  à  comparoire  dans  les 
délais  de  la  loi  en  l'audience  et  par  devant  MM.  les  président  et 
juges  de  la  première  chambre  du  tribunal  civil  de  première  instance 
du  département  de  la  Seine  séant  au  Palais  de  Justice  pour  :  se  voir 
M.  le  duc  Decazes  condamné  par  toutes  les  voies  de  droit  à  rendre 
et  restituer  au  S'  Courtois  iils  la  totalité  des  pièces  dont  s'agit 
dans  les  trois  jours  du  jugement  à  intervenir  ;  se  voir  dans  tous  les 
cas  condamné  aux  dommages-intérêts  et  enfin  aux  dépens;  sous 
toutes  réserves,  notamment  de  provoquer  une  enquête,  un  interro- 
gatoire sur  faits  et  articles  et  une  comparution  en  personne,  même 
de  requérir  par  la  voie  extraordinaire  l'application  des  peines 
portées  en  l'article  255  du  Code  pénal,  comme  aussi  rendre  les  faits 
publics  par  une  pétition  à  la  Chambre  des  députés.  Par  cette  assi- 
gnation :  M''  Fagniez  étant  constitué  pour  le  S'  Courtois  :  par  acte 
d'avoué  à  avoué  du  11  janvier  suivant.  M''  Soùel  se  constitue  pour 
M.  le  duc  Decazes;  à  la  diligence  de  M'  P'agniez  la  cause  fut  à  la 
date  du  même  11  janvier  distribuée  à  la  première  chambre  de  ce 
tribunal.  Par  acte  d'avoué  à  avoué  en  date  du  17  du  même  mois. 
M''  Fagniez,  avoué  du  S''  Courtois,  donna  assignation,  à  M'' Soiiel, 
avoué  de  M.  le  duc  Decazes,  à  venir  en  l'audience  du  19.  A  cette 
date  M''  Soûel  prit  des  conclusions  par  lesquelles  il  demandecom- 
munications  des  pièces  à  l'appui  de  la  demande  du  S'  Courtois  fils. 
A  la  date  du  16  mars  1831,  par  acte  d'avoué  à  avoué,  M^'  Poisson- 
Seguin  se  constitue  pour  M.  Decazes  aux  lieu  et  place  de  M"^  Soùel 
alors  démissionnaire:  Par  acte  d'avoué  à  avoué,  en  date  du  28  du 
même  mois,  M''  Fagniez  déclara  que  la  demande  du  31  décembre  re- 
posait sur  un  fait  positif  et  matériel  et  qui  n'avait  jamais  été  dénié 
par  M.  le  duc  Decazes  ni  par  les  ministres  qui  lui  avaient  succédé, 
c'est-à-dire  la  saisie  du  9  janvier  1810  dans  le  domicile  et  sur  les 
papiers  de  M.  Courtois  père,  ancien  conventionnel  ;  que  la  consé- 
quence de  cette  saisie  avait  été  la  perte  dont  se  plaignait  M.  Cour- 


204  REVUE    HISTOUIQIE    DE    LA   RKVOI.ITION    ERAXÇAISE 

tois  fils  et  dont  il  demandait  réparation;  mais  qu'il  n'avait  aucune 
pièce  à  communiquer  à  l'appui  de  sa  demande.  Pourquoi  il  som- 
mait M"  Poisson-Seguin  de  se  trouver  à  l'audience  du  vendredi  30 
mars  1832  pour  y  plaider  au  fond  la  cause  d'entre  les  parties.  Par 
acte  d'avoué  à  avoué  du  29  mars  1832,  M"  Poisson-Seguin  protesta 
formellement  contre  la  déclaration  à  lui  faite  par  le  S'  Cour- 
tois fils  qu'il  n'avait  aucune  pièce  à  communiquer  à  l'appui  de  sa 
demande  du  31  décembre  1831  et  en  conséquence  lui  fit  itérative- 
ment  sommation  de  lui  communiquer  les  pièces  sous  peine  de  se 
voir  refuser  toute  audience.  A  l'audience  du  30  mars,  le  tribunal 
donna  au  S'  Courtois  acte  do  ce  qu'il  avait  déclaré  n'avoir  pas  de 
pièce  à  communiquer  et  renvoya  la  cause  à  laudience  du  6  avril. 
M''  Poisson-Seguin  prit  des  conclusions  tendantes  à  ce  qu'il  plut  au 
tribunal  déclarer  le  S'  Courtois  purement  et  simplement  [non  recc- 
vable]  en  sa  demande  en  tous  cas  mal  fondée  et  l'en  débouter.  Et  le 
condamner  aux  dépens  dont  distraction  serait  faite  au  profit  de  M'' 
Poisson-Seguin  avoué  qui  le  requérait  avec  affirmation,  La  cause 
fut  renvoj'ée  au  Rôle  d'où  elle  sortit  le  8  juin  suivant.  Par  acte 
d'avoué  à  avoué  en  date  du  12  juin  1832,  M''  Fagniez  somma  M' 
Poisson-Seguin  d'avoir  à  lui  signifier  sa  défense  au  fond  confor- 
mément à  l'art.  70  du  décret  du  30  mars  1808.  M'^  Poisson-Seguin  à 
la  date  du  8  novembre  a  signifié  une  requête  dont  la  conclusion  ten- 
dait à  ce  qu'il  plut  au  tribunal  :  déclarer  le  S'' Courtois  purement  et 
simplement  non  recevableen  sa  demande  en  tous  cas  mal  fondée,  et 
l'en  débouter.  Et  le  condamner  aux  dépens  dont  distraction  serait 
faite  au  profit  de  M'^  Poisson-Seguin  qui  le  requérait  avec  affirma- 
tion. Ces  conclusions  furentjointes  au  placet  à  l'audience  du  10  no- 
vembre suivant.  En  réponse  à  la  requête  de  M.  le  duc  Decazes,  M. 
Courtois  à  la  date  du  24  du  même  mois  signifia  une  requête  par  la 
conclusion  de  laquelle  il  demandait  qu  il  plut  au  tribunal  :  sans 
s'arrêter  ni  avoir  égard  aux  fins  et  moyens  exceptionnels  invoqués 
par'M.  le  duc  Decazes  en  sa  requête  du  8  novembre  1S32,  adjuger 
à  M.  Courtois  les  conclusions  par  lui  précédemment  prises  par 
son  exploit  introductif  d'instance  du  ministère  de  Guinard  en 
date  du  31  décembre  1831.  E)n  conséquence  condamner  M.  le 
duc  Decazes  par  toutes  les  voies  de  droit  à  rendre  et  restituer  au 
S"^  Courtois  fils,  la  totalité  des  pièces  dont  s'agit  et  ce  dans  les 
trois  jours  du  jugement  à  intervenir,  le  condamner  dans  tous  les 
cas  aux  dommages-intérêts  qu'il  plaira  au  tribunal  arbitrer  :  et  le 


LE    PROCÈS   DES    PAPIERS    DE    COURTOIS  205 

condamner  en  outre  aux  dépens  dont  distraction  sera  faite  au 
profitde  M''  Fagniez  avoué  qui  le  requérait  avec  affirmation  :  sous 
toute  reserve  et  notamnieut  sous  la  réserve  la  plus  expresse  à 
provoquer  une  enquête,  un  interrogatoire  sur  faits  et  articles, 
ou  une  comparution  en  personne,  même  de  requérir  par  les 
voies  extraordinaires  l'application  des  peines  portées  par  l'arti- 
cle 2Ô5  du  Code  pénal,  comme  aussi  de  rendre  les  faits  publics 
[)ar  une  pétition  à  la  Chambre  des  députés.  Après  plusieurs  re- 
mises successives,  l'an'aire  étant  venue  en  ordre  utile  à  l'audience 
du  11  de  ce  mois,  elle  a  été  plaidée  contradictoirement,  savoir  : 
pour  M.  le  duc  Decazes  par  M^'  Philippe  Dupin,  avocat,  assisté 
de  M*'  Poisson-Seguin,  son  avoué,  et  pour  M.  Courtois  par  M" 
Parquin,  avocat,  assisté  de  M'^  Fagniez  son  avoué.  La  cause  a  été 
remise  à  ce  jourd'hui  pour  les  conclusions  de  M.  l'avocat  du  Roi 
(|ui  d'office  a  conclu  qu'il  plut  au  tribunal  se  déclarer  incompé- 
tent valione  mateviw  et  par  mesure  d'ordre  public  et  renvoyer  la 
cause  et  ses  parties  devant  les  juges  (|ui  doivent  en  connaître. 
C'est  en  cet  état  qu'il  s'agissait  de  statuer. 

Point  de  droit.  Devait-on  ordonner  que  M.  le  duc  Decazes 
serait  tenu  de  remettre  au  S''  Courtois  fils  les  pièces  réclamées 
par  celui-ci  et  détaillées  en  son  exploit  introductif  d'instance  et 
condamner  en  des  dommages-intérêts  envers  le  S'  Courtois  fils. 
Devait-on  déclarer  le  S''  Courtois  fils  purement  et  simplement 
non  recevable  en  sa  demande  ou  bien  le  tribunal  devait-il  ad- 
mettre les  conclusions  du  ministère  public,  se  déclarer  incompé- 
tent rattone  maleriœ  et  par  mesure  d'ordre  public  et  renvoyer  la 
cause  et  ses  parties  devant  les  juges  qui  doivent  en  connaître. 
Quant  à  l'égard  des  dépens,  le  tribunal,  après  avoir  entendu  en 
leurs  conclusion  et  plaidoirie  respectives  M'"-  Parquin,  avocat, 
assisté  de  Fagniez  avoué  du  S''  Courtois  fils,  et  Dupin,  avocat, 
assisté  de  Poisson-Seguin,  avoué  de  M.  le  duc  Decazes,  ensem- 
ble en  ses  conclusions  M''  Desclozeaux,  substitut  de  M.  le  procu- 
reur du  roi,  et  après  en  avoir  délibéré  conformément  à  la  loi 
jugeant  en  dernier  ressort. 

Attendu  que  les  faits  sur  lesquels  est  fondée  la  demande  du 
S''  Courtois  auraient  eu  lieu  de  la  part  du  duc  Decazes  pendant 
qu'il  était  ministre  et  dans  l'exercice  de  ses  fonctions  de  ministre; 

Attendu  que  les  ministres  ne  sont  pas  justiciables  des  tribu- 
naux ordinaires   pour  les  faits  relatifs    à  l'exercice    de  leurs  fonc- 


206  REVUE    HISTORIQUE    DE     LA    RÉVOLUTION      FRANÇAISE 

tiens,  que  rincompélence  de  rautorité  judiciaire  de  cette  matière 
n'est  pas  fondée  seulement  sur  la  garantie  due  aux  agents  du 
pouvoir,  mais  encore  sur  le  principe  qui  ne  permet  pas  aux  tri- 
bunaux de  connaître  des  actes  administratifs,  qu'en  conséquence 
elle  est  d'ordre  public  et  absolue  et  que  le  tribunal  doit  se  dé- 
clarer incompétent  encore  bien  que  sa  compétence  n'ait  été  décli- 
née par  aucune  des  parties. 

Pour  ces  motifs,  le  tribunal  se  déclare  incompétent  et  ren- 
voyé la  cause  et  les  parties  devant  les  juges  qui  en  doivent  con- 
naître et  condamne  le  S''  Courtois  fils  aux  dépens  dont  distraction 
est  faite  au  profit  de  Poisson-Seguin  avoué  qui  le  requiert.  — 
Fait  et  jugé  en  l'audience  publique  de  la  première  Chambre  du 
tribunal  civil  de  première  instance  du  département  de  la  Seine, 
séant  au  Palais  de  Justice  à  Paris.  Par  MM.  Debellej'me,  prési- 
dent ;  Dclahav'e,  vice-président  ;  Geofi'roy,  Pinoudcl,  Buchot, 
Halle,  juges  ;  en  présence  de  M'  Prudhommc,  juge  suppléant. 
Le  vendredi  18  janvier  1833. 

Mandons   et  ordonnons,   etc.. 

Ce  jugement,  à  la  requête  du  duc  Decazcs,  fut  signifié 
le  15  février  par  Jean-François-Victor  Fabicr.  huissier,  à  H. 
Courtois. 

Dès  le  28  janvier  celui-ci  avait  dû  écrire  au  duc  Decazes 
une  lettre  dont  voici  la  minute  : 

On  ne  veut  pas  que  je  donne  suite  à  cette  afïaire.  C'était  aussi 
mon   intention. 

Laissons  de  côté    les  exceptions  et    ne  voyons  que  l'équité. 

Si  des  papiers  appartenant  au  gouvernement  ont  seuls  été 
saisis,  l'administration  a  donc  manqué  à  son  devoir  en  en  faisant 
la  remise. 

En  prenant  pour  base  de  ma  réclamation  la  lettre  de  mon 
père  au  préfet  Maussion  '  que  vous  avez  produite,  vous  voyez 
que  de  nombreuses  lettres  particulières  ont  été  enlevées  indé- 
pendamment de  documents  politiques  tout  à  fait  privés. 

Il  m'a  de  plus  été  rendu  par  l'ad""  30  lettres  adressées  à  mon 
père  ainsi  que  le  constate  le  bordereau  de  remise. 

1.  I.ollic  (lu  l'J  IVvriiT  ISKî.  Voir  Laboiiiassic,  l.e  Coimcnlionnel  E.-Ii.  Cour- 
/o(s.   p.  .'>(i. 


LE     PROCÈS     DES    PAPIERS    DE     COURTOIS  207 

Ces  papiers  n'ont  pas  obtenu  ni  eu  un  moment  dexanien,  et 
ils  sont  devenus  dans  les  archives  la  proie  des  Vaudevillistes, 
ete  '.  J'en  appelle  à  vous-même  de  cette  assertion. 

Je  n'ai  point  réclamé  de  dommages-intérêts  ainsi  qu'on  l'a 
dit  dans  la  défense,  ils  n'étaient  que  comminatoires  et  mon  con- 
seil pensait  que  l'alternative  de  restituer  ces  papiers  ou  de  les 
subir  ne  permettait  pas  (illisible)...  dont  il   n'a  été  dit  qu'un  mot. 

Quant  à  la  mission  du  S''  Genêt,  quelqu'aient  été  vos  instruc- 
tions, cet  homme  qu'on  a  représenté  comme  honorable  ne  ca- 
chait pas  le  but  de  sa  mission  et  le  préfet  Maussion  le  connais- 
sait si  bien  qu'il  n'a  pas  voulu  accepter  ses  services  -. 

Cette  affaire  terminée  devant  les  tribunaux,  M.  le  duc,  je  n'en 
persiste  pas  moins  à  vous  demander  la  remise  de  tout  ce  qui 
peut    intéresser  ma  famille  dans  cette  saisie. 

Quel  est  cet  on  mystérieux  qui  ne  voulait  pas  que  Cour- 
lois  donnât  suite  au  procès  ?  Peut-être  sa  sœur  Charmctte, 
qui  plusieurs  fois  intervint  pour  le  calmer. 

Abandonnant  le  terrain  judiciaire,  il  lit  appel  à  la  publi- 
cité et  lança  l'Affaire  des  papiers  de  l'e.v-conuenlionnel  Courtois. 

Il  communiqua  son  travail,  ainsi  qu'en  témoigne  le  bil- 
let suivant,  à  un  nommé  Barthélémy  ',  neveu  de  l'abbé  Bar- 
thélémy, le  25  octobre. 

,Ie  n'ai  pas  voulu  publier  ce  mémoire  sans  vous  le  soumettre, 
.le  réclamerai  de  votre  bienveillance  de  vouloir  bien  y  donner 
un  moment  d'attention.  Pardonnez  la  justice  que  je  fais  du  duc 
Decazes;cet  odieux  courtisan  a  été  le  bourreau  de  ma  famille.  Ses 
excès  vont  amener  sur  la  tète  de  son  bienfaiteur  de  bien  pénibles 
révélations  ;  vous  en  verrez  l'apperçu  dans  cet  écrit.  Je  ne  les 
fais  je  vous  assure  qu'avec  bien  du  regret.  Jus(|u'ici  les  plus  vives 

1.  Allusion  à  la  plaidoirie  de  M"  Dupiii  pour  le  duc  Decazes.  H.  Courtois 
déforme  d'ailleurs  complètement  la  pensée  de  l'avocat.  Voir  Welvert,  Lende- 
mains réuolutionnaires  :  Les  papiers  de  (À>urtnis,  p.  308. 

2.  Cet  alinéa  a  été  rayé  dans  la  minute. 

3.  C'est  probablement  le  même  que  le  marquis  de  Barthélémy  à  qui  il  adressa 
le  10  mai  1833  une  demande  de  recommandation.  Une  phrase  est  à  relever  dans 
cette  lettre,  celle  où  il  dit  que  son  père  avait  consacré  dans  les  Vosges  un  monu- 
ment à  r.ibbé  Barthélémy.  11  avait  déjà  oublié  que  Hambluzin  se  trouve  dans  la 
Meuse 


208  REVIK  mSTOHlylK  D1-;   la   RHYOIATION   l'RANT.AlSI-: 

instances  n'avaient  pu  les  tirer  d'un  secret  absolu  ;  c'est  ce  qui 
m'avait  fait  désavouer  une  lettre  du  comte  de  Provence  au  duL- 
de  F.  James,  publiée  il  y  a  quelques  mois.  J'ai  joint  à  cet  écrit 
une  lettre  de  l'infortunée  Marie- Antoinette  qui  n'était  encore  con- 
nue de  personne.  Aussitôt  mon  retour  en  France  je  l'ai  fait  remet- 
tre à  la  duchesse  d'Angouléme,  c'était  l'ordre  donné  par  mon  père 
en  mourant.  Cette  sollicitude  n'étonne  j)oint  de  la  part  d'un 
luininie  ([ui  ne  cachait  [)oint  d'honorables  regrets,  ([ui  s'éten- 
daient même  jusqu  à  ne  point  vouloir  dégrader  le  successeur  de 
Louis  X\'I,  bien  qu'il   no  put  lui    porter  bcaucouj)  d'estime. 


H.  Courtois  publia  doue  l'iiistoire  de  sou  procès  qui  ne 
paraît  pas  avoir  eu  le  releulissenienl  qu'il  espérait. 

Sans  doute  le  duc  Decazes  y  est  pris  violemment  à  par- 
tie ;  l'afTaire  des  lettres  du  comte  de  Provence  y  est  claire- 
ment indiquée,  mais  jamais  abordée  de  face.  L'auteur  hési- 
tait-il encore  devant  le  scandale,  comme  il  aimait  à  le  répé- 
ter, ou  bien  craignait-il  que  les  documeuts  qu'il  disait  avoir 
entre  les  mains  fussent  trop  faibles  ?  A  notre  avis,  c'est  cette 
crainte  qui  l'arrêta,  et  s'il  eut  des  preuves,  ce  furent  des 
preuves  de  la  fausseté  de  l'accusation. 

Finalement  le  procès  se  termina  pour  lui  \rAv  des  notes 
d'avoués. 

M'  Poisson-Seguin  réclama  254  fr.  10.  et  ^F'  Fagniez 
3Ô1  fr.  9,'i.  C-elui-ci  lui  adressait  de  plus,  le  2(5  janvier  1833, 
ce  iietit  billet  :  «  M.  Parcjuin  m'a  dit  un  mot  de  ses  hono- 
raires et  je  vous  témoigne  qu'il  lui  serait  agréable  de  vous 
voir  complettcr  la  somme  originairement  demandée.  » 


Mais  une  question  reste  entière.  Que  sont  devenus  les 
paj)icrs  Courtois  ? 

Que  sont  devenus  d'abord  les  ([uaraute-trois  articles  ren- 
dus à  H.  Courtois  en  1831  ?  Aucun  d'eux  ne  se  rencontre 
dans  les  [)ai)iers  possédés  par  M.  L.  Maussenet.  H.  Courtois, 
souvent  à  court  d'argent,  en  a-l-il  traTuiué  ?  C'est  probable. 


LE  PROCÈS  DES    PAPIERS    DE    COURTOIS  209 

Que  sont  devenues  les  deux  caisses  de  livres  que  le 
conventionnel  faisait  expédier  en  Belgique  en  mars  1816  '? 

Que  sont  devenus  surtout  les  papiers  non  représentés  en 
1831  ?  H.  Courtois  prétend  que  ce  qui  lui  a  été  remis  ne 
comprenait  guère  que  la  valeur  du  dixième  d'un  carton  or- 
dinaire. Or,  il  y  eut  cinq  cartons.  Il  sont  bien  parvenus  à 
Paris  puisque  sur  les  pièces  remises  on  lit  plusieurs  fois  des 
cotes  semblables  cinquième  carton,  sixième  carton  (des  six 
cartons  saisis  primitivement  on  n'en  fit  que  cinq  pour  l'ex- 
pédition). Or,  cette  remise  provenait  des  Archives  de  la  po- 
lice ;  Robinet  et  Claretie  ont  eu,  à  ces  mêmes  archives, 
communication  de  documents  Courtois  qui  paraissent  bien 
avoir  fait  partie  du  même  tout.  Les  cinq  cartons  ont-ils  tous 
suivi  la  même  route  ?  Si  oui,  ont-ils  tous  disparu  lors  de 
l'incendie  de  la  Commune  ?  Ou  bien  doit-on  en  retrouver 
quelques-uns  aux  Archives  Nationales  ? 

Si  plusieurs  pièces,  et  cela  paraît  vraisemblable,  ont  été 
transportées  aux  Tuileries  -,  que  sont-elles  devenues  après  la 
Révolution  de  .Juillet  ? 

Elles  ont  été  pillées,  dit  H.  Courtois.  Mais  alors  elles  ont 
été  pillées  par  des  ennemis  des  Bourbons  qui  auraient  été 
heureux  de  faire  éclater  le  scandale  qu'elles  renfermaient. 
Or,  il  n'en  fut  rien. 

Le  problème  reste  entier  et  le  restera  probablement  long- 
temps encore. 

Il  convient  peut-être  de  mentionner,  pour  terminer,  une 
pièce  bien  curieuse  qui  entame  fortement  le  crédit  que  l'on 
peut  accorder  à  Henri  Courtois, 

Nous  y  avons  fait  déjà  allusion. 

Il    s'agit  d'une    lettre  adressée    ou    plutôt  qui    aurait  été 

1.  Voir  le  numéro  d'avril-juin  1914  do  la  Revue  historique  Je  la  Réimliitlon 
française,  p.  271. 

2.  Vatel  écrit  :  «  Le  duc  Decazt'S  s'empressa  de  porter  aux  Tuileries  les  car- 
tons saisis  chez  Courtois  ;  ils  y  restèrent  jusquan  jour  où  les  Tuileries  furent  em- 
portées d'assaul  une  seconde  fois.  »  (Charlotte  Corday  et  les  Girondins,  I,  p. 
XCVII.)  Que  s^l  alors  devenus  ces  cartons  ? 

RKV.    HIST.  UB   LA  RÉVOL.  14 


210  BEVUE  HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

adressée  au  conventionnel  par  un  de  ses  fidèles  amis,  en 
181G  ;  la  saisie  des  papiers  en  fait  le  sujet  principal  et  la 
date  à  peu  près  exactement.  Elle  aurait  été  écrite  après  l'ar- 
rivée à  Paris  des  papiers  saisis  et  aiirès  leur  examen,  c'est- 
à-dire  au  commencement  de  mai  '. 

Or  cette  lettre  est  tout  entière  un  faux  de  H.  Courtois. 
Elle  devait  servir,  comme  d'autres  jirobablement,  à  étayer 
son  accusation  au  cours  du  procès  ;  c'est  à  elle  que  H. 
Courtois  fait  allusion  ici  dans  sa  lettre  du  31  mars  1831  au 
duc  Decazes  ;  c'est  une  lettre  semblable  qu'il  entend  exploiter 
quand  il  écrit  plus  loin  :  «  Quant  à  l'avertissement  (que  le 
préfet  Maussion  aurait  donné  à  H.  Courtois  de  la  visite  do- 
miciliaire qui  devait  avoir  lieu  chez  lui)  il  n'en  a  pas  été 
donné  d'autre  :  «  Fuis,  ta  vie  est  menacée  »,  il  venait  de  vos 
bureaux.   » 

Le  faux  est  manifeste. 

Il  ne  s'agit  pas  d'une  lettre  originale,  ni  d'une  copie  nor- 
male d'une  lettre,  mais  d'un  brouillon,  d'une  minute  de 
lettre  en  tout  semblable  aux  nombreuses  minutes  que  H. 
Courtois  nous  a  laissées  en  1831  :  même  écriture,  même 
encre,  même  j)aj)ier  avec  le  même  filigrane  (F.  .lohannot). 
La  manière  de  raturer,  de  surcharger,  est  bien  la  manière  de 
H.  Courtois.  C'est  bien  là  un  travail  de  composition,  un 
j)remier  jet,  comme  on  en  trouve  tant  dans  ses  papiers. 

Si  même,  chose  absolument  invraisemblable,  le  corres- 
pondant du  conventionnel  lui  avait  adressé  son  brouillon  de 
lettre,  on  ne  voit  pas  quelle  utilité  il  v  eut  eu  pour  Courtois 
de  recopier  ce  brouillon  avec  ses  ratures,  ses  renvois,  ses 
surcharges. 

Certains  passages  de  cet  écrit  en  dénotent  d'ailleurs  clai- 
rement la  date  :  les  débuts  de  Louis-Philippe.  Qui  donc, 
en  1816,    eût   songé  à  écrire    cette  phrase  :  «  Pourquoi  ne 


.1.  A  noter  que  dans  l'Affaire  (lf>i  jtiipicrs  du  ntnt'eiïtionnel  Cutirtoîs,  H.  (lour- 
lois  fait  fréquomnicnt  allusion  à  dos  litlios  srniblablfs  (p.  10  et  12).  C^omnienl 
les  a-t-il  eouuues  ?  Nous  n'en  avons  trouvé  nulle  trace  dans  ses  papiers  relatifs 
au  procès,  papiers  ei-pentlant  bien  enniplets. 


1,K     l'HOC.KS  DKS     PAPIERS   DE  COl'RTOIS  211 

m"a-t-on  pas  cru  dans  le  tcm])s?  Au  lieu  de  ees  jtréfets  de 
l'étranger  nous  aurions  aujourdhui  la  laniille  1)...  ;  ils  sont 
Français  ceux-là.   » 

Au  début  de  cha(|ue  gouvernement  et  tant  ([u"il  espé- 
rait obtenir  quel([iie  avantage,  H.  Courtois  prodiguait  les 
flatteries  de  cette  sorte. 

Nous  transcrivons  intégralement  cette  pièce,  en  mettant 
en  italique  les  mots  raturés  dans  le  texte. 

Ta  as  bien  fait  mon  Je  te  remercie  mon  cher  ami  de  n'avoir 
pas  douté  de  moi  dans  le  danger.  Je  n'oublierai  jamais  tout  ce 
que  je  te  dois  et  entre  nous  c'est  à  la  vie  et  à  la  mort.  —  Je  n'ai 
pu  répondre  à  tes  deux  lettres,  car  rien  à  ton  adresse  ne  te  serait 
parvenu,  on  crainl  tes  révélations  et  tes  mémoires.  Notre  ami  M. 
te  remettra  cette  note  et  tu  peux  compter  sur  lui  comme  sur  moi- 
même.  Je  me  chargerai  en  dépit  de  tout  je  peux  me  serais  chargé 
de  ta  procuration  avec  le  plus  grand  zèle,  mais  il  faut  te  l'avouer 
mon  cher  ami  elle  serait  aujourd'hui  tout  à  fait  inutile.  Aussitôt 
l'ar  voilà  les  renseigneniens.  Comme  toi  je  n'ai  pas  fait  la  faute 
de  me  retirer  du  monde  et  d'oublier  mes  amis.  J'ai  conservé  tous 
les  miens  ils  te  sont  acquis  comme  à  moi  et  voici  les  renseigne- 
ments certains  (|ue  je  puis  te  donner.  L'arrivée  de  tes  papiers 
excitent  une  impatience  ex/rènie  telle  (juc'elle  dix  fois  par  jour  oc- 
cupait constamment  notre  ministre  de  la  police,  aussi  n'a-t-on 
pas  attendu  ta  procuration  pour  briser  les  scellés  et  s'emparer 
des  papiers  ([ui  sur  le  champ  ont  été  portés  à  Decaze  aux  Thuile- 
ries.  —  Quant  à  tes  mémoires  et  aux  pièces  justificatives  si  pré- 
cieuses qui  les  accompagnaient  tu  avais,  tu  ne  les  verras  plus,  eh 
oui  leur  capture  a  excité  une  joie  universelle  au  palais.  Tu  en  se- 
ras quitte  pour  les  recommencer  et  à  défaut  des  pièces  qu'on 
t'enlève,  la  postérité  te  croira  sur  parole  et  crois-moi,  ne  ménage 
pas  ce  démasque-moi  ce  Gain  et  qu'on  ne  soit  pas  plus  long-tems 
dupe  de  son  hypocrisie.  —  Quant  à  tes  lettres  et  à  ta  collection 
d'autographes  je  G.  arrivera  à  te  les  faire  rendre.  Quoique  la 
charte  soit  traitée  par  L.  en  paillard  qui  veut  plus  la  violer  et  non 
l'épouser  que  l'épouser,  elle  abroge  la  confiscation  et  je  pense  que 
tu  n'as  rien  à  craindre.  — Je  te  le  répète,  je  compte  sur  moi  com- 
me j'ai  compté  sur  toi  dans   le  tems.   Où    en    sommes-nous,  mon 


212  HEVIE  HISTOUIQUF.    DE    LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

cher  ami  ?  au  pourquoi  ne  m"a-t-on  pas  cru  dans  le  tcius  ?  Au 
lieu  de  ces  préfets  des  Anglais  l'étranger  nous  aurions  aujourd'hui 
la  famille  D.  et  c'est  là  vraiment  où  l'esprit  national  ils  sont  fran- 
çais ceux-là.  —  J'ai  appris  tous  tes  malheurs  domestiques,  tu  as 
du  en  être  accablé  —  lu  nous  reviendras  mon  cher  ami  console-toi 
pense  bien  qu'avant  peu  il  nous  restera  faudra  en  pensant  qu'il 
nous  reste  à  sauver  la  France  de  l'ignominie  où  elle  est  plongée. 

Le  lecteur  peut  en  juger,  le  seul  texte  suffit  à  prouver 
la  fausseté  de  cette  pièce  de  H.  Courtois.  Dans  ces  condi- 
tions, quelle  créance  doit-on  accorder  à  ce  même  plaideur 
pour  d'autres  documents  par  lui  fournis  ? 

P. -M.  Favret. 


FOURCROY,  CONSEILLER  D'ÉTAT 


En  l'an  IX,  et  en  l'an  X,  les  (>oiisiils  envoyèrent  des 
conseillers  d'Etat  en  mission  dans  un  certain  nombre  de 
divisions  militaires  '.  Ces  dcléi>ués,  nouveaux  missi  domi- 
nici,  étaient  chargés  d'une  inspection  générale  tjui  se  trans- 
formait en  une  vaste  enquête  sur  la  situation  de  la  France 
après  le  1(S  brumaire.  Vérification  des  registres  du  paj'eur 
et  de  sa  caisse  comparée  aux  résultats  des  Conseils  mili- 
taires ;  état  des  contributions  directes  et  indirectes,  de 
l'administration  des  biens  nationaux,  des  registres  et  de  la 
caisse  des  receveurs  généraux  ;  état  des  routes  et  emploi 
des  sommes  destinées  à  leur  entrelien  et  à  leur  réparation  ; 
situation  générale,  politique,  militaire  et  administrative  des 
départements  ;  hospices  et  enfants  trouvés  ;  instruction  publi- 
que, manufactures,  commerce  ;  leur  amélioration  depuis  le 
18  brumaire  et  moyens  de  les  iétablir  dans  l'état  où  ils  étaient 
dans  des  temps  plus  prospères  ;  fonctionnaires  publics,  four- 
nisseurs, hommes  dangereux,  citoyens  distingués  par  leurs 
talents  et  leurs  services,  tel  est  le  programme  auquel  doivent 
répondre  les  commissaires  du  gouvernement,  et  qui  repré- 
sente  les  instructions   données  par  le  premier  Consul. 

Lacuéc  inspecte  la  première  division  ;  Sainte-Suzanne, 
la  cinquième;  Thibaudeau,  la  si.>àème  ;  Duchàtel,  la  sep- 
tième et  la  vingt-deuxième;  François  de  Nantes,  la  huitième; 
Fourcroy,  la  douzième  et  la  quatorzième  ;  Barbé-Marbois, 
la  treizième  ;  Champagny,  la  dix-huitième  ;  Xajac,  la  dix- 
neuvième  ;  Pelet  de  la   Lozère,  la  vingt-quatrième  ;  Redon, 

1.  Archives  nationales  :  AF  iv  IOIU-IU'25  ;    10.->U  ;  421  CtUl),  VM    (i.220),    718 
(57(iO). 


214  REVUE     HISTOKIQL'E  DE   LA   HÉVOLUTION    KKANÇAISE 

la  vingt-cinquième  ;  Daucliy,  la  vingt-sixième  ;  Laumond, 
la  vingt-septième.  ' 

Les  tournées  lurent  rapides  ;  la  grosse  affaire  c'était  la 
surveillance  des  deniers  publics.  Comme  l'attestent  de  nom- 
breux comptes,  ce  contrôle  fut  minutieux.  Sur  les  autres 
points,  les  conseillers  d'Etat  observèrent  par  eux-mêmes 
ou  recueillirent  des  renseignements  auprès  des  différents 
administrateurs  pour  rédiger  leur  rapport  d'ensemble.  Ces 
rapports  n'ont  pas  été  tous  conservés,  ou  n'ont  pas  tous  été 
i-emis.  Dans  tous  les  cas,  les  plus  remarquables  et  les  plus 
consciencieux  sont  ceux  qui  eurent  pour  auteur  un  grand 
savant,  Antoine-François  Fourcroy. 

Membre  du  Conseil  des  Anciens  dès  l'ojigine,  il  en  était 
deux  ans  après  sorti  par  la  voie  du  sort.  Il  fut  appelé  au 
Conseil  d'Etat  le  4  nivôse  an  VIII.  c'est-à-dire  quelques 
jours  après  le  rétablissement  de  cette  institution.  C'était  en 
juillet  1793  qu'il  était  entré  dans  la  carrière  politique;  nommé 
à  la  Convention  comme  député  suppléant,  il  y  avait  rem- 
placé Marat.  Il  fut  successivement  secrétaire  de  cette  assem- 
blée, membre  du  Comité  de  salut  public  et  du  Comité 
d'Instruction  publique.  Nous  reproduisons  quelques  notes 
qu'il  a  laissées  sur  lui-même  pour  cette  période  et  qui  ont 
été  conservées  par  son  camarade  de  collège,  le  botaniste 
Palisot  de  Beauvois,   plus   tard  membre    de  l'Institut  : 

Je  reconnus  dès  le  premier  jour  qu'il  n'y  avait  rien  à  faire 
contre  l'affreux  despotisme   qui  dominait  dans  cette   assemblée. 

1.  Le  général  de  Sainle-Suz.nnne  était  inspeeleur  général  des  4',  ,5-  et  18»  di- 
visions ;  Duchâtel  était  directeur  général  de  TKnregistreiïïent  et  des  Domaines  ; 
l'ex-conslituanl  Daucliy  était  préfet  de  IWisne  ;  Lanmond,  dn  Bas-Rhin  ;  Najac, 
du  Rhône  ;  Redon  était  ordonnateur  de  la  Marine  ;  les  autres  sont  assez  connus. 

Nous  n'avons  pas  à  parler  des  tournées  dans  les  territoires  annexés  ;  nous 
voulons  simplement  rappeler  ce  (jue  dit  Dauchv  du  caractère  des  populations 
dans  les  quatre  départements  de  la  rive  gauche  du  Rhin  :  «  L'hahitant  des  ci- 
devant  provinces  germaniques  est  naturellement  docile  et  respectueux  envers 
l'autorité,  mais  il  a  besoin  de  marques  extérieures  pour  la  reconnaître.  Ses  an- 
ciennes habitudes  le  portent  souvent  à  juger  qu'elle  réside  plus  éminemment  ïà 
où  elle  s'annonce  par  la  morgue  et  par  im  ton  de  domination.  Lorsqu'il  voit, 
comme  il  est  arrivé  plus  tl'une  fois,  un  receveur  de  bureau  ou  im  contrôleur 
des  contributions  gom-mander  le  maire  de  sa  comminie.  il  lui  est  difficile  de 
conrevoir  que  la  loi  ait  conféré  au  dernier  un  caractère  plus  relevé  qu'à  celui 
cpii  se  permet  ce  manque  de  respect  .  >» 


FOURCIIOY,    CONSEILLER   D  ÉTAT  215 

Je  me  cachai  en  quelque  sorte  dans  le  Comité  d'Instruction  pu- 
blique, et  je  fis  tout  le  bien  que  je  pouvais  faire,  en  empêchant  le 
plus  de  maux  qu'il  me  fut  possible,  en  défendant  les  hommes  de 
lettres  et  les  établissements  d'instruction,  en  soutenant  les  savants 
et  les  artistes,  en  leur  faisant  donner  des  récompenses  nationales, 
en  faisant  nommer  une  commission  des  Arts,  pour  sauver  de  la 
destruction  une  foule  d'ouvrages  de  l'art  et  de  chefs-d'œuvre,  en 
augmentant  l'étendue  du  Jardin  des  Plantes  et  de  ses  bâtiments, 
en  faisant  dans  trois  ou  quatre  établissements  des  cours  gratuits, 
et  sans  jamais  me  permettre  de  cumuler  le  traitement  de  profes- 
seur avec  l'indemnité  de  député,  en  continuant  de  donner  une 
partie  des  nuits  au  travail  de  la  section  des  armes  du  comité  de 
Salut  public,  en  préparant  des  projets  pour  l'amélioration  de 
l'instruction,  et  les  réservant  pour  des  temps  plus  heureux,  que 
j'espérais. 

Ces  paroles  sont  trop  modestes.  Fourcroyouljlie  déparier 
du  concours  efficace  qu'il  apporta  pour  la  création  de  l'Ins- 
titut, pour  celle  de  l'Ecole  Normale,  pour  celle  de  l'Ecole 
Centrale  des  travaux  publics,  laquelle  il  contribua  ensuite 
à  faire  transformer  en  école  polytechnique,  ainsi  que  pour 
l'établissement  des  écoles  centrales. 

Le  23  frimaire,  an  IX,  il  est  désigné  pour  inspecter  la 
douzième  division,  c'est-à-dire  les  départements  de  la 
Loire-Inférieure,  de  la  Vendée,  des  Deux-Sèvres  et  de  la 
Charente-Inférieure. 

Il  se  met  aussitôt  en  route.  Il  arrive  dans  une  région 
cruellement  éprouvée  par  la  guerre  civile.  Ce  qu'il  voit  lui 
arrache  un  cri  de  pitié  :  «  C'est  un  spectacle  déchirant  que 
de  parcourir  une  grande  partie  des  villes  et  villages  de  la 
Vendée  :  des  bourgades  presque  détruites  et  abandonnées, 
des  châteaux  incendiés,  des  maisons  découvertes  et  démo- 
lies, des  villages  presque  sans  habitants,  des  toits  à  porcs 
servant  de  retraite  à  des  hommes,  des  familles  nombreuses 
resserrées  dans  une  pièce  très  étroite,  les  traces  de  la  guerre 
civile  encore  empreintes  sur  les  restes  des  églises  ».  Et 
pourtant,  malgré  ces  ruines  et  cette  misère,  malgré  la  sai- 
son, la  terre  garde  un  aspect  riant  et  riche,  «  ce  qui  promet 


216  REVUE  mSTORIQlE  DE  LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

une  prompte  réparation  des  malheurs  de  ce  beau  paj's  ». 
Néanmoins,  il  y  aura  beaucoup  à  faire.  Les  habitants  ont 
une  figure,  un  accoutrement  et  un  caractère  presque  sau- 
vages. On  devine  en  eux  des  âmes  faciles  à  séduire  et  à 
fanatiser;  ils  ne  connaissent  pas  et  ne  veulent  pas  connaître 
les  institutions  républicaines.  Ils  paient  exactement  leurs 
contributions,  mais  l'arriéré  est  immense,  et  il  y  aurait  des 
troubles  graves,  si  l'on  s'avisait  de  le  réclamer.  Pourtant,  la 
situation  politique  ne  donne,  dans  les  quatre  départements, 
lieu  à  aucune  inquiétude  ;  depuis  l'attentat  du  3  nivôse,  on 
sent  partout  un  attachement  marqué  au  gouvernement.  La 
meilleure  politique  à  l'égard  de  ces  populations,  c'est  la 
douceur  :  «  J'ai  reconnu  que  des  paroles  de  paix  et  de  con- 
solation produisent  un  effet  sensible  sur  ces  hommes, 
malgré  leur  grossière  ignorance  et  leur  insouciante  apathie». 
Préfets  et  généraux  s'inspirent  de  ces  maximes,  et  de  ces 
derniers,  il  en  est  un  qui  reçoit  un  juste  hommage  :  «  Le 
général  Travot  '  ,  aux  Sables,  renomme  par  sa  prise  de  Cha- 
rette,  qui  a  mis  fin  à  la  première  guerre  civile  de  la  Vendée, 
est  un  des  mieux  et  des  plus  utilement  placés  des  généraux 
emploj'és  dans  l'intérieur  ;  on  l'aime  et  on  le  craint  tout  à 
la  fois  ;  sa  conduite  irréprochable,  sa  probité  sévère,  la 
simplicité  de  ses  mœurs,  sa  bonté,  sa  bravoure,  le  rendent 
très  recommandable  ;  je  n'ai  trouvé  personne  qui  ne  m'en  ait 
dit  du  bien,  et  quelques  heures  de  conversation  avec  lui 
m'ont  suffi  pour  en  penser  beaucoup.  » 

Ce  rapport  dut  attirer  sur  celui  qui  l'avait  rédigé  l'atten- 
tion du  premier  Consul,  car,  le  11  germinal,  il  le  chargea 
d'une  nouvelle  mission.  Il  l'envoya  dans  la  (juatorzième 
division  (Calvados,  Manche,  Mayenne,  Orne)  ;  Fourcroy  y 
resta  vingt  jours.  Nous  lui  laissons  la  parole  ;  on  verra  ce 
que  fut  son  activité  dans  ce  court  espace  de  temps  : 


■  1.  De  même  Barbé-Miubois  loue  «  la  sagesse  du  général  Hédouvillc  »,  en 
résidence  à  Bennes  ;  il  rend  la  paix  à  ces  contrées  si  longtemps  m.-tlheureuses. 
»  ,Ic  crois,  dit-il,  que  la  plus  haute  confiance  lui  est  due,  et,  quand  je  la  de- 
mande, c'est  au  nom  de  tous  les  gens  de  bien  des  quatre  déparlements  .» 


FOURCROY,    CONSEILLER  d'ÉTAT  217 

La  tenue  des  conseils  généraux  a  retardé  mon  départ  d'une 
quinzaine  de  jours,  et,  après  avoir  pris  les  ordres  des  Consuls, 
je  me  suis  mis  en  route  le  30  germinal.  Arrivé  à  Caen,  chef-lieu 
de  la  quatorzième  division  militaire,  le  1'''  floréal  soir  très  tard, 
à  cause  de  quelques  accidents  de  route,  j'ai  employé  le  2  et  le  3  à 
préparer  les  travaux  de  ma  mission.  J'ai  reçu  et  rendu  les  visites 
des  corps  militaires,  et  des  autorités  civiles  ;  tous  les  honneurs 
dus  à  un  délégué  du  gouvernement  m'ont  été  rendus  '.  J'ai  reçu 
et  visité  tous  les  chefs  militaires,  le  préfet,  le  secrétaire  général, 
les  membres  du  conseil  de  préfecture,  ceux  du  conseil  général  du 
département  et  du  conseil  d'arrondissement,  le  maire  et  ses  ad- 
joints. Le  tribunal  d'appel  m'a  envoyé  une  simple  députation 
sans  costume.  Les  membres  du  tribunal  criminel  et  le  tribunal 
de  commerce  sont  venus  tous  et  dans  leur  costume.  Ceux  du 
tribunal  civil  se  sont  présentés  sans  costume.  J'ai  reçu  les  pro- 
fesseurs de  l'école  centrale,  le  jury  d'instruction,  les  membres 
d'une  école  de  médecine  qui  a  été  maintenue  à  Caen,  et  les  dé- 
putations  de  plusieurs  sociétés  savantes  et  littéraires.  Je  n'ai 
point  vu  la  garde  nationale  de  Caen  ;  le  Commandant  n'est  venu 
me  voir  seul  que  huit  ou  dix  jours  après  mon  arrivée;  je  n'ai 
vu  qu'à  la  même  époque  les  juges  de  paix  et  les  commissaires  de 
police. 

Le  4,  j'ai  fait  la  vérification  de  la  caisse  du  payeur  de  la  di- 
vision. Le  5,  j'ai  tenu  le  premier  conseil  militaire  sur  la  solde  ; 
il  a  été  continué  le  7,  jour  de  la  clôture  du  procès-verbal.  Le  8, 
j'ai  tenu  le  second  conseil  militaire  relatif  aux  fournitures  et  aux 
ordonnances.  Le  9  a  été  employé  au  conseil  des  finances  et  aux 
ordonnances  avec  les  principaux  agents  des  contributions  appelés 
des  deux  départements  de  la  Manche  et  de  l'Orne,  et  réunis  à 
ceux  du  Calvados.  Le  11  a  été  destiné  au  conseil  des  Ponts  et 
Chaussées  tenu  avec  les  trois  préfets  et  les  trois  ingénieurs  en 
chef  de  la  quatorzième  division.  Les  12,  13  et  14,  j'ai  tenu  avec 
les  trois  préfets  le  conseil  d'administration,  qui  a  duré  au  moins 
quinze  heures.  J'ai  consacré  le  15,  le  16  et  le  17  à  la  visite  des 
hospices,   des  établissements   civils,   militaires,  de  la  préfecture, 


1.  Najac  fait  précéder  sou  arrivée  d'une  circulaire  aux  préfets  et  sous- 
préfets.  Quand  Français  de  Nantes  approche  de  Toulon,  le  maire  engage  ses 
concitoyens  à  le  bien  recevoir,  à  nettoyer  le  devant  des  maisons,  à  fermer  ma- 
gasins et  boutiques,  à  pa\'oiscr  et  à  illuminer. 


21.S  REVUE  HISTORIQUE    DE    LA    RÉVOLUTION    IR.iNÇAISE 

du  palais  de  justice,  de  l'école  centrale,  des  principales  manu- 
factures et  de  plusieurs  domaines  nationaux.  J'ai  assisté  une 
partie  de  mes  soirées  à  des  séances  de  sociétés  savantes  et  éco- 
nomiques. Le  18  matin,  je  suis  parti  de  Caen  ;  je  me  suis  rendu 
à  Pont-l'Evèque  dans  la  double  intention  d'observer  une  partie 
de  la  riche  vallée  d'Auge,  et  de  visiter  l'abbaye  de  Beaumont, 
ancienne  école  militaire  '  .  Le  20,  je  me  suis  transporté  à  Hon- 
llcur  ;  j'y  ai  visité  le  port,  les  principaux  établissements  civils, 
et  j'en  suis  parti  le  21  pour  me  rendre  à  Paris  par  Rouen.  J'ai 
passé  un  jour  et  demi  dans  cette  ville  intéressante  pour  y  pren- 
dre une  connaissance  générale  de  ses  établissements  publics  et 
de  ses  manufactures. 

Avant  de  citer  d'autres  iiarties  de  rapport  de  F'oiircroy, 
nous  voulons  rappeler,  d'après  son  témoignage  et  celui  de 
ses  collègues,  quelle  était  la  situation  de  la  France  au  len- 
demain du  18  brumaire.  Ce  que  l'on  sent  sur  tous  les  points 
du  territoire,  c'est  le  désir  de  la  tranquillité  et  de  la  paix, 
c'est  l'attachement  à  un  gouvernement  ferme  et  réparateur, 
c'est  la  renaissance  prochaine  d'une  activité  féconde.  Vrai- 
mcnl,  il  y  a  dans  notre  pays  des  ressources  et  une  force 
latente  qui  le  l'ont,  à  tant  d'époques  de  notre  histoire, 
revivre  plus  énergique  au  moment  même  où  il  semble 
abattu  et  épuisé.  «  Si  mon  rapport,  dit  Fourcroy,  montre 
encore  au  gouvernement  des  traces  de  destruction,  de  ruine 
et  de  malheur,  i!  peut  au  moins  le  rassurer  en  lui  offrant 
de  grandes  ressources,  de  grands  moyens  de  réparation  et 
dans  les  riches  productions  du  sol,  et  dans  l'active  industrie 
des  citoyens  presque  tous  dévoués  à  servir  la  chose  publi- 
que ».  «  Partout,  dit-il  encore,  j'ai  trouvé  la  plus  grande 
tranquillité  et  les  espérances  les  plus  flatteuses  pour  l'a-  • 
mélioration  de  tous  les  genres  d'entreprises  utiles  ;  partout  9 
les  citoyens  m'ont  donné  les  témoignages  les  plus  prononcés 
de  leur  attachement  au  gouvernement  et  de  leur  zèle  à  se- 
contler  ses  vues  bienfaisantes  pour  la  prospérité  publique. 

I.   l-;ll.-  avait  ri.-  diriKee  par  l.-s  li.-n,-(li.-lins. 


1 


1-OLHCHOY,    CONSIÎl^.LKH   d'ÉTAT  21i) 

J'ai  facilement  obtenu  les  divers  renseignements  qui  m'é- 
taient nécessaires.  On  s'est  empressé  de  me  fournir  toutes 
les  lumières  que  je  pouvais  désirer.  Fonctionnaires  publics, 
ou  citoyens  en  particulier,  tous  ont  répondu  à  mes  deman- 
des avec  une  égale  activité  ;  tous,  sur  le  plus  simple  énoncé 
de  mon  vœu,  m'ont  entouré  de  leur  confiance  et  de  leur 
désir  de  remplir  les  vues  du  gouvernement.» 

Cependant,  cette  confiance  ne  se  traduit  pas  encore 
comme  il  le  faudrait.  L'argent  des  particuliers  ne  va  pas 
assez  à  l'Etat  ' ,  ici,  comme  dans  la  Beauce,  on  aime  mieux 
le  placer  en  terres  ;  là,  comme  à  Orléans,  on  le  met  dans 
le  commerce.  Les  impôts  se  recouvrent  difficilement  ;  le 
produit  des  douanes  est  à  peu  près  nul  ;  il  y  a  stagnation 
et  recul  dans  le  commerce  et  dans  l'industrie.  Fourcroy 
signale  «  le  dépérissement  »  des  ports  de  La  Rochelle  et  de 
Hochefort  ;  les  quais  sont  dégradés,  les  jetées  en  ruine,  et 
les  bassins  encombrés  de  sable.  Les  pêcheries  de  la  Bre- 
tagne, gênées  par  le  voisinage  de  la  Hotte  anglaise,  sont 
dans  un  état  navrant.  Port-Brieux,  Port-Malo,  et  les  Côtes- 
du-Nord  étaient  la  pépinière  de  nos  meilleurs  matelots  ; 
aujourd'hui,  la  détresse  y  est  générale.  Lorient  est  ruiné  ; 
cette  ville  envoyait  jadis  des  navires  dans  les  deux  Indes  ; 
elle  n'a  plus  qu'un  petit  commerce  de  détail.  Les  manufac- 
tures de  toile  sont  tombées,  et  Barbé-Marbois,  auquel  nous 
empruntons  ces  détails,  se  plaint  «  de  la  grandeur  du  mal 
qu'ont  fait  à  la  France  ceux  qui  ont  perdu  nos  colonies  ».  A 
Lyon,  des  14.777  métiers  que  possédait  cette  ville  en  1788 
pour  la  fabrication  de  la  soie,  il  n'en  reste  que  5.000  envi- 
ron, et  encore,  pour  les  matières  premières,  est-on  tributaire 
de  l'Italie.  Le  tirage  d'or  alimentait,  en  1780,  vingt  mai- 
sons ;  il  n'en  existe  plus  que  cinq  ou  six.  Même  situation 
à  Tarare,  à  Amplepuis.  Les  manufactures  de  chapeaux  ont 
également  baissé  à  cause  des  prohibitions  de  l'Espagne,  et 
puis,  d'après  Champagny,  "    dans  l'Amérique  du  Nord,  les 

1.   A  Chartres,  il  n'y  a  que  cent  ou  teiit-vlngt   personnes  qui  aient  des  rentes 
sur  l'Etat  ;  le  tout  représente  '2'i  ou  24.1)00  francs. 


220  REVl'E  HISTORIQUE   DE   LA   liKVOl  LTION    FRANÇAISE 

Anglais  ont  repris  les  avantages  que  nous  leur  avions  enle- 
vés en  1774  '  ».  Pourtant,  il  y  a  des  capitaux  ;  dans  la  ré- 
gion de  Lyon,  l'industrie  de  la  soie  étant  précaire,  on  les 
consacre  à  d'autres  entreprises.  En  Bretagne,  le  besoin  de 
Iiarcourir  de  nouveau  les  mers  et  le  globe  se  manifeste 
dans  nos  ports:  «  on  croit  (ju'il  y  a  des  capitaux  cacbés  qui 
n'attendent  que  la  paix  pour  paraître  «.  L'état  des  campa- 
gnes est  satisfaisant  ;  sans  doute  il  y  a  des  contrées  où  l'a- 
griculture est  arriérée,  «  mais  la  guerre  n'a  pas  diminué  les 
travaux.  »  - 

La  vérification  des  états  financiers  et  l'examen  de  la 
situation  politique  furent  la  principale  occupation  de  la 
plupart  des  conseillers.  Pour  ce  qui  concerne  le  commerce 
et  l'industrie,  Fourcroy  a  fait  une  enquête  sérieuse,  et  sur- 
tout, il  a  voulu  voir  ]iar  lui-même.  Nous  demandons  la 
permission  de  rcproiluire   des  documents  qui  ont  leur  prix. 

Les  marais  salants  de  la  Manche  sont  activement  exploi- 
tés. A  Tourlaville,  près  de  Cherbourg,  on  fabrique  des 
glaces  et  de  la  verrerie.  A  Yalognes,  outre  des  chaudronne- 
ries, on  fabrique  une  porcelaine  de  prix  moyen  et  une  belle 
fa'ience;  à  St-Lô,  on  trouve  une  fonderie  de  métal  de  cloches. 
Dans  ce  département,  comme  dans  l'Orne,  on  a  vu  repren- 
dre la  tannerie,  la  bonneterie,  la  fabrication  des  toiles, 
coutils,  rubans  et  serges; les  toiles  de  Vimoutiers,  «connues 
sous  le  nom  de  cretonnes,  sont  les  plus  belles  et  du  grain 
le  plus  fin  » ,  mais  l'exportation  a  baissé,  et,  avant  la  Révo- 
volution,  on  en  envoyait  beaucoup  en  Angleterre  et  aux 
colonies. 

Les  dentelles  d'Alençon  et  d'Argentan  sont  des  dentelles 
de  prix,  et  elles  méritent  «  quelque  attention  de  la  part  du 
gouvernement.  Le  point  d'Alençon  de  qualité  très  variée, 
est  en  général  de   deux  espèces,  l'un  ipii    est    nommé  bride, 

1,  V.  notre  ailiclc  sui-  lis  iclalioiis  commerciales  entre  la  France  et  les  Ktats- 
L'nis  de  1789  à  1815.  dans  les  Mémoires  el  dociinienis  pour  sernir  à  l'histoire  du 
commerte  el  de  l'industrie  en  France  (Collection Julien  Haycni),  3'série.  Hachette. 
1913. 

2.  On  signale  cependanl  un  peu  partout  des  craintes  de  disette. 


I 


FOrRCIlOY,  CONSEILLE!*   d'ÉTAT  221 

esl  plus  solide  et  plus  Tort  ;  on  le  porlc  j)endant  trois  saisons 
(le  Tannée,  et  plus  particulièrement  riilvcr  ;  l'autre,  (ju "on 
appelle  réseou,  est  beaucoup  plus  léger,  moins  chargé  d'or- 
nements, et  sert  particulièrement  pendant  l'été.  On  fabrique 
dans  los  deux  espèces  des  ouvrages  dont  la  hauteur  déter- 
mine le  prix  ;  il  y  a  des  manchettes  depuis  60  francs 
jusqu'à  50t)  francs  la  paire,  des  coiffures,  des  voiles,  des 
schalls,  des  fichus,  des  manches  de  robe,  des  toilettes,  des 
draps  même  pour  couvrir  des  lits  de  six  pieds.  On  emploie 
des  fils  qui  vont  de  400  francs  jusqu'à  2.400  la  livre  ;  on  y 
en  a  même  employé  qui  coûtaient  3.000  francs  la  livre.  Le 
point  d'Argentan  est  plus  beau  et  d'une  perfection  plus 
grande  que  celui  d'Alençon.  C'est  cette  ville  qui  a  fourni 
la  toilette  de  la  dernière  reine  de  F'rance  et  la  layette 
du  dernier  dauphin  '.»  Il  y  a  stagnation  depuis  plusieurs 
années  ;  un  mieux  se  fait  sentir  depuis  le  18  brumaire  ; 
pour  redonner  à  cette  industrie  toute  son  activité,  «  il  fau- 
drait que  le  gouvernement  pût  y  faire  des  commandes 
extraordinaires,  que  les  épouses  des  membres  du  gouverne- 
ment témoignassent  une  préférence  marquée  pour  ces 
dentelles  qui  les  méritent  par  leur  beauté  et  leur  fini.  Les 
Consuls  pourront  juger  par  eux-mêmes  de  cette  beauté  par 
les  six  échantillons  de  point  d'Alençon  et  par  les  deux  de 
j)oint  d'Argentan  que  le  préfet  m'a  remis  pour  leur  être 
présentés.  Je  dois  cependant  rappeler  ici  à  leur  souvenir  la 
malheureuse  ville  de  Valenciennes,  où  se  fabrique  par  des 
soins  extraordinaires  et  dans  des  caveaux  humides  le  fil  qui 
sert  à  faire  la  dentelle.  » 

A  Bayeux,  l'industrie  de  la  dentelle  existe  depuis  soixante 
ans.  On  a-  d'abord  fait  deux  établissements  sous  le  nom  de 
St-Exupère  et  de  la  Potherie.  Cette  industrie  y  avait  telle- 
ment prospéré  que  les  pères  de  famille  ne  donnaient  que  ce 
métier  à  leurs  filles.  Les  campagnes  où  ce  travail  existe,  ont 

1.  C'est  à  Argentan  qu'avaient  été  faits  pour  Marie- Antoinette  un  dessus 
de  lit,  et  un  volant  de  dentelle  pour  une  table  de  toilette,  estimés  sous  la  Ré- 
volution, en  numéraire,  50.000  et  80.000  francs. 


222  REVL'E  HISTORIQIE  DE   LA   RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

une  population  double  de  celles  des  autres.  6.000  ouvrières 
y  étaient  autrefois  employées... 

La  fameuse  fabrique  d'épingles  de  Laigle,  qui  emploie, 
lorsqu'elle  est  en  activité,  plus  de  3.000  ouvriers,  éprouve 
en  ce  moment  une  fàcbeuse  stagnation  par  la  rareté  et  la 
cherté  excessives  des  fils  de  laiton,  due  à  la  guerre  de  la 
Martinique  et  aux  différends  de  l'Angleterre  avec  la  Suède  — 
c'est  ce  dernier  pays  qui  fournit  le  iil  de  laiton.  Depuis  !c 
mois  de  floréal  dernier,  plus  de  cinquante  ateliers  ont  été 
fermés  .  ' 

Pour  faire  renaître  la  prospérité,  que  ftiut-il  faire  ?  Il 
convient  d'abord  de  seconder  le  mouvement  qui  se  dessine  : 
<(  En  général,  les  chefs  de  manufactures  et  les  négociants 
montrent  depuis  le  18  brumaire,  suivant  tous  les  rapports 
adressés  aux  préfets,  cette  inquiétude  (besoin  d'agir),  ce 
mouvement  qui  annoncent  une  amélioration  prochaine,  un 
besoin  de  produire,  dont  la  moindre  occasion  favorable 
développera  l'explosion  ».  Que  l'on  prodigue  les  encourage- 
ments ;  que  l'on  crée,  que  l'on  réparc  canaux  et  routes  ;  que 
Ton  expose  les  produits  des  arts  dans  les  fêtes  nationales  -  ; 
que  l'on  accorde  des  primes  à  celles  de  ces  productions 
qui  se  seront  distinguées  par  leurs  qualités. 

Les  commissaires  du  gouvernement  trouvaient  dans  leurs 

1.  A  relever  encore  à  Caen,  une  fabrique  de  bonneUerie  commune,  une  autre 
de  tissus  (schalls  gris  et  blancs)  en  poil  de  lapin  ;  un  peu  partout,  on  fait  de  la 
dentelle  blanche  et  noire.  A  Lisieux,  on  fabrique  de  la  toile  ;  à  Caen,  se 
trouve  une  manufacture  de  porcelaine  d'où  sortent  des  vases  communs,  mais 
aussi  des  vases  très  beaux  et  très  précieux  ;  dans  la  même  ville,  un  atelier 
d'armes  produit  six  cents  fusils.  Près  de  Honfleur,  il  y  a  des  fabriques  dacide 
sulfurique,  d'alim  et    de  sulfate  de  fer. 

En  Normandie,  comme  partout  ailleurs,  hôpitaux,  hospices  et  prisons  laissent 
beaucoup  à  désirer  :  «  de  fausses  mesures  législatives  ont  privé  presque  partout 
de  leurs  revenus  les  établissements  hospitaliers  »  .  11  n'y  a  pas  de  linge,  pas  de 
couvertures,  les  draps  ne  sont  que  des  lambeaux,  et  que  dire  de  la  nourriture  ? 
L'hospice  de  Beaulieu,  prés  de  Caen,  reçoit  condamnés  à  la  détention,  men- 
diants, prostituées,  vénériens,  fous  :  il  y  a  là  une  promiscuité  et  une  immoralité 
horribles.  Quant  aux  eïifants  abandonnés,  nul  contrôle  ;  on  n'en  connaît  pas  le 
norlibre,  il  y  en  a  dont  on  paye  les  nourrices  depuis  douze  ans. 

'2.  Fourcroy  veut-il  parler  des  expositions  régionales  ?  On  sait  que  la  pre- 
mière exposition  des  produits  de  l'industrie  eut  lieu  à  Paris,  sur  l'initiative  de 
François  de  Neufchàteau,  dans  les  jours  coruplounutains  de   l'an  \'l. 


FOURCROY,    CONSEILLER    D  ÉTAT  223 

tounu'cs  les  préfets  nommés  à  la  suite  de  la  loi  du  28  plu- 
viôse an  VIII.  Ils  sont  unanimes  à  l'aire  l'éloge  de  ce 
personnel.  "  Les  préfets  de  la  première  division,  écrit 
Lacuée,  m'ont  paru  tous  dignes  de  la  confiance  des  Consuls, 
par  leur  attachement  aux  principes  qui  nous  régissent  et 
aux  magistrats  qui  nous  gouvernent.  Leurs  talents,  leurs 
connaissances,  leurs  systèmes  et  leurs  principes  présentent 
une  grande  variété,  mais  ils  sont  animés  du  même  esprit, 
le  bonheur  de  leurs  administrés  et  la  gloire.  Pour  les  appré- 
cier, il  faudrait  recourir  ou  à  une  échelle  semblable  à  celle 
des  peintres,  ou  entrer  dans  des  détails  trop  longs.  »  Ceux 
qu'a  vus  Fourcroy  le  satisfont  également  :  «  Les  préfets  des 
Deux-Sèvres,  de  la  Charente-Inférieure,  de  la  Loire-Infé- 
rieure, et  le  secrétaire  général  de  la  Vendée  que  j'ai  appelé  à 
la  place  du  préfet,  sont  manifestement  les  hommes  les  plus 
forts  et  les  plus  éclairés  que  j'aie  vus.  Dupin,  des  Deux- 
Sèvres,  joint  à  beaucoup  de  lumières  une  douceur  et  un 
esprit  conciliant  qui  le  font  généralement  aimer.  A  Saintes, 
le  citoyen  (iuillemardet,  quoique  depuis  vingt-cinq  à  trente 
jours  dans  son  département,  m'a  répondu  avec  une  grande 
lucidité.»  Le  Tourneur,  dans  la  Loire-Inférieure, très  estimé, 
est  affable,  bon,  juste  et  ferme.  Son  secrétaire  général  est 
un  homme  d'un  très  grand  mérite  et  d'une  profonde  instruc- 
tion dans  toutes  les  branches  de  l'administration.  Cavoleau 
est  secrétaire  général  en  Vendée  :  «  on  reconnaît  dans  ses 
entretiens  statistiques  l'homme  instruit  dans  les  sciences 
exactes  qu'il  a  professées  ».  Dans  la  quatorzième  division, 
«  le  préfet  du  Calvados,  le  général  Dugua,  est  un  militaire 
franc,  loyal,  généralement  estimé  et  même  aimé  »,  il  fait 
tout  le  bien  qu'il  peut,  tout  en  se  montrant  énergique. 
Dans  l'Orne,  La  Magdeleine  est  doux,  avec  des  formes 
agréables,  ce  qui  ne  l'empêche  pas  d'avoir  «  la  fermeté  con- 
venable pour  résister  aux  prêtres  fanatiques  ».  Dans  la 
Manche,  Magnitot,  homme  d'esprit,  n'est  pas  assez  ferme  ; 
on  lui  reproche  de  s'être  laissé  tromper  par  des  prêtres. 
D'ailleurs,  étant  appelé  au    conseil  des  prises,  il  va  quitter 


224  UEVLE    HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

le  département  '  .  Diichàtel,  Barbé-Marbois,  C.hampagny, 
louent  à  l'envi  d'habiles  administrateurs,  riches  de  connais- 
sances et  pleins  de  tact,  et  tous  estimés-  .  Le  personnel  des 
sous-prél'ets  est  digne,  disent-ils,  de  tels  chefs. 

Louer  ces  qualités,  parler  avec  complaisance  de  l'amabi- 
lité et  de  l'esprit  des  préfets,  c'était  bien,  mais  les  rapports 
des  conseillers  d'Etat  ne  laissent  que  soupçonner  ce  qu'il 
fallait  d'énergie  à  ces  magistrats  '.  Verninac  est  à  la  tête 
du  département  du  Rhône  ;  or  Lyon  offre  un  asile  à  tous 
les  gens  sans  aveu  (jui  y  abondent  des  départements  mé- 
ridionaux ;  il  y  a  donc  des  êtres  dangereux  à  surveiller  ;  on 
conspire,  on  se  ruine  dans  les  maisons  de  jeu,  et  il  faut  y 
mettre  le  holà  ;  il  y  a  des  haines  particulières  à  apaiser,  et 
elles  sont  encore  singulièrement  vives  ;  enfin,  toute  une 
région  victime  de  désastres  attend  secours  et  réparations. 
Dans  la  Haute-Loire,  (t  pendant  toute  la  Révolution,  les 
contributions  s'acquittaient  difficilement  ;  le  vol  des  de- 
niers publics  et  les  assassinats  étaient  organisés  »  et  ce 
dut  être  une  rude  besogne  que  de  faire  respecter  la  loi  dans 
ce  pays  montagneux.  En  Bretagne,  c'est  une  sorte  d'anar- 
chie. A  cause  de  la  décadence  de  la  marine,  ceux  qui 
chôment  se  font  brigands  et  voleurs  :  «  J'ai  été  frappé,  dit 
Barbé-Marbois,  de  l'indifférence  avec  laquelle  on  parle  dans 
ces  départements  de  meurtres,  d'assassinats.  Tous  les  jours 
on  me  rapportait  (jue  quelques  habitants  avaient  été  tués, 
une  diligence  pillée,  des  caisses  volées,  des  percepteurs  en- 
levés. A  l'indifférence  avec  laquelle  on  raconte  ces  événe- 
ments, on  croirait  que  ces  pays  ainsi  troublés  sont  dans  leur 
état    naturel.  ^  »   Dans  la  quatorzième    division,    d'après  le 

1.  Il  fut  rciîipl.iei''  par  le  futur  ministre  Montalivet. 

2.  Hedon  fait  un  véritable  panégyritiue  de  Desniousseau.v  de  Givré,  préfet 
à  (jand  ;  il  demande  que  le  premier  Consul  lui  donne  de  sa  main  un  lémoi- 
gn.nge  de  satisfaelion. 

3.  Ici,  ce  sont  les  Chouans  qu'il  faut  surveiller  ;  sur  tout  le  territoire,  les 
prêtres,  les  hommes  dangereux,  c'est-à-dire,  le  plus  souvent,  les  partisans  de  la 
Constitution  de  l'an  III  et  les  jacobins,  «  les  anarchistes  »,  les  émigrés,  et  de 
ceux-ci,  dit  Lacuée.  on  ne  peut  jamais  rien  attendre  de  bon. 

4.  Dans  l'Orne,  d'après  Foureroy,  les  populations,  pusillanimes  et  apathi- 
ques, se  laissent  pillir  et  même  attaquer  sans  oser  dénoncer. 


FouncHOY,  coNsi;iLLi:u  d'état  225 

rapport  de  Fourcroy,  le  brigandage  ne  peut  s'exercer  dans 
le  Calvados,  »  pays  découvert,  où  le  crime  n'a  aucun  lieu 
pour  se  cacher,  ni  dans  la  Manche,  malgré  l'esprit  de  fana- 
tisme dont  on  accuse  les  habitants  »  ;  il  existe  dans  certai- 
nes parties  de  l'Orne  et  de  la  Mayenne,  mais  il  n'j'  a  pas  de 
centres.  Il  s'agit  pourtant  de  contrées  couvertes  de  forêts,  où 
ce  mal  restera  endémique  jusqu'à   la  fin   de  l'empire. 

«  L'administration  générale,  comme  l'écrit  Lacuée,  s'est 
l)eaucoup  améliorée  depuis  le  18  brumaire  ;  pour  la  conduire 
au  point  de  perfection  qu'elle  est  susceptible  d'atteindre,  il 
faut  plutôt  modifier  que  changer  ».  Les  cadres,  en  effet, 
restent  tels  qu'ils  ont  été  établis  ;  à  part  quelques  réformes, 
ce  n'est  pas  l'organisation  qui  est  en  cause,  ce  sont  les  per- 
sonnes qu'il  faut  remplacer. 

Les  conseils  généraux  satisfont  les  préfets  ;  ceux-ci  sont 
moins  contents  des  conseils  d'arrondissement;  il  y  a  quelque 
chose  qui  cloche  dans  cette  institution  :  «  elle  est  plus 
gênante  qu'utile  »,  dit  Fourcroy  '  .  Dans  l'ensemble,  surtout 
dans  les  villes  et  les  grandes  communes,  les  maires  sont 
bien  choisis  ;  dans  les  villages,  «  ils  sont  trop  souvent 
sans  lumières  et  sans  moyens  »,  et  les  registres  de  l'état 
civil  sont  fort  mal  tenus. 

Si  l'on  ne  dit  que  du  bien  des  tribunaux  de  commerce, 
il  n'en  est  pas  toujours  de  même  des  tribunaux  civils  et 
criminels.  En  Seine-et-Marne,  on  s'en  plaint,  c'est  tout  ce 
que  veut  en  dire  Lacuée  ;  dans  l'Oise,  dans  l'Aisne,  ajoute- 
t-il,  on  y  ti'ouve  en  général  peu  de  lumières  ;  à  Chartres, 
«  le  président  est  nul,  un  juge  est  mauvais,  et  quatre  sont 
dangereux  ».  Dans  la  région  de  Lyon,  ils  sont  généralement 
bons,  excepté  le  tribunal  de  première  instance  de  cette 
ville  :  «  Le  commissaire  du  gouvernement  près  ce  tribunal 
m'a  paru  ne  point  jouir  de  toute  la  considération  que  sa 
place  devrait  lui  donner  »  (Champagny).  Le  tribunal  crimi- 


1.     On  se  plaint  surloiil  dt-  leurs  disputes   «  sur  le    réparlemenl  des  contr 
butions  ». 

RtV.   HIST,  DL   LA  RtMJL.  *^ 


22(5  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

nel  est  bon  dans  les  Deux-Sèvres  et  dans  la  Charente- 
Inférieure,  mais  versatile  dans  la  Vendée  et  dans  la  Loire- 
Inférieure.  On  se  plaint  partout  des  jurys  d'accusation  et 
de  jugement  :  ils  sont  détestables  par  leur  ignorance. 
Fourcroy,  auquel  nous  empruntons  ces  lignes,  est  encore 
plus  sévère  à  l'égard  des  juges  de  paix  :  «  ils  sont  peu 
éclairés  et  même  mauvais  ;  ils  ont  une  morgue  et  souvent 
une  exagération  fâcheuse  ;  en  général,  ils  abusent  de  leur 
titre  et  de  leur  nomination  par  le  peuple  ».  C'est  exactement 
le  langage  de  Lacuée  :  «  les  juges  de  paix  sont  mauvais 
presque  partout  ;  à  peine  trouverait-on,  si  l'on  était  un  peu 
scrupuleux,  à  en  choisir  une  moitié  qui  fussent  instruits, 
probes  et  amis  du  gouvernement  ».  De  plus,  leurs  greffiers 
commettent  souvent  des  exactions  criminelles  ' . 

Les  juges  de  paix,  est-il  encore  dit,  «  contrecarrent 
l'autorité  administrative,  surtout  par  rapport  aux  prêtres, 
dont  ils  ne  devraient  pas  se  mêler».  Ici,  nous  touchons  à  la 
question  religieuse  ;  nous  n'avons  pas  à  y  insister,  car  cette 
partie  de  l'histoire  est  bien  connue.  Barbé-Marbois,  en 
louant  l'attitude  des  prêtres  insoumis,  qui  sont  tranquilles 
et  utiles,  car  on  leur  doit  la  paix  en  Bretagne  et  le  payement 
des  impôts,  parle  «  des  arrangements  qui  sont  pris,  qui 
pourront  être  pris  »-  .  Il  s'agit  du  Concordat,  alors  en  pré- 
paration, et  qui,  à  lire  ces  rapports,  fut  une  cruvre  de  haute 
politique  et  le  sceau  mis  à  la  pacification  de  la  France. 

Ce  qui  est  frappant,  c'est  de  voir  un  philosophe  s'incliner 
devant  la  nécessité  d'un  pacte  qu'il  regarde  comme  inévi- 
table, comme  salutaire;  il  s'y  associe  d'esprit,  en  homme  de 

1.  Quant  aux  hommes  de  loi,  dit  Lacuée,  "  rien  ou  peu  de  talent  »>  .  Les 
avocats  exerçaient  sans  contrôle,  ce  qui  cessa  après  la  pronuilgatiou  de  la  loi  du 
22  ventôse  an  XIII  ;  les  avoués  avaient  été  institués  le  27  ventôse  an  VIII, 
mais  les  écoles  de  droit  n'existant  plus,  ou  pas  encore,  il  n'était  pas  question  de 
grades.  —  Les  commissaires  de  police,  pas  toujours  payés,  donnent  toute  satis- 
faction. 

2.  Il  est  inutile  de  rappeler  (jue  le  clergé  constitutionnel  officiait  dans  le 
désert.  «  A  Vannes,  écrit  Barbé-.Marljois,  j'entrai  le  jour  des  Hois  dans  la  cathé- 
drale ;  on  célébrait  la  messe  constitutionnelle  ;  il  n'y  avait  que  le  prêtre  et  deux 
ou  trois  pauvres  ;  à  quelque  distance,  je  trouvai  dans  la  rue  une  si  grande  foule 
(ju'on  ne  pouvait  passer.  (ïes  gens  n'avaient  pu  nénétrer  dans  une  chapelle 
déjà  remplie  i!i'  monde,  où  l'on  disait  la  uiosse  .ippelée  des  catholiques.  » 


I-OUHCHOY,  CONSF.ILI.Klt  d'ktAT  227 

gouvernement,  mais  non    de  cœur,  car  il  y   a  un  rêve  qu'il 
n'a  pu  voir  réaliser  : 

Quand  la  connaissance  du  cd-ur  humain  n'apprendrait  pas  que 
la  grande  masse  des  hommes  a  besoin  de  religion,  de  culte  et  de 
prêtres,  la  fréquentation  des  habitants  des  campagnes,  et  surtout 
de  celles  qui  sont  très  éloignées  de  Paris,  la  visite  des  départe- 
ments que  j'ai  parcourus,  me  l'auraient  seules  bien  prouvé.  C'est 
une  erreur  de  quelques  philosophes  modernes  dans  laquelle 
j'ai  été  moi-même  entraîné,  que  de  croire  à  la  possibilité  d'une 
instruction  assez  répandue  pour  détruire  les  préjugés  religieux  ; 
ils  sont  pour  le  plus  grand  nombre  des  malheureux,  une  source 
de  consolation  ;  ils  l'ont  même  été  pour  quelques  esprits  très 
éclairés  de  tous  les  siècles.  Il  faut  pardonner  et  souffrir  dans  le 
plus  grand  nombre  des  hommes  une  opinion  ([ue  les  lumières  les 
plus  grandes  et  le  génie  le  plus  profond  ont  laissé  germer  dans 
la  tête  de  Pascal,  de  Newton,  de  Rousseau,  etc.  La  guerre  de  la 
Vendée  a  donné  aux  gouvernements  modernes  une  grande  leçon 
que  les  prétentions  de  la  philosophie  voudraient  en  vain  rendre 
nulle.  Il  faut  donc  laisser  à  la  masse  du  peuple  ses  prêtres,  .ses 
autels  et  son  culte.  Il  faut  même  que  le  gouvernement  s'en  serve 
comme  d'un  levier  puissant  pour  diriger  les  hommes,  pour  for- 
mer leurs  mœurs,  pour  adoucir  leurs  misères,  pour  les  rendre 
meilleurs  et  moins  malheureux.  S'il  est  vrai  qu'on  doit  garder  un 
silence  absolu  sur  la  religion  dans  les  assemblées  publiques  et 
politiques,  il  ne  l'est  pas  moins  qu'il  faut  en  surveiller  et  conduire 
même  l'administration  dans  le  secret  du  gouvernement... 

Sans  doute,  c'est  une  condition  fâcheuse  que  d'être  obligé 
d'associer  en  quelque  sorte  au  gouvernement  les  prêtres  et  leur 
dogme.  S'il  pouvait  exister  un  peuple  de  philosophes,  il  serait 
ridicule  autant  qu'inutile  d'embrasser  un  pareil  parti,  mais  la 
politique  dont  le  premier  besoin  est  de  voir  les  hommes  tels 
qu'ils  sont,  apprend  aux  gouvernements  que  s'ils  n'ont  pas  les 
prêtres  pour  eux,  ils  les  ont  contre  eux. 

L'Assemblée  constituante  a  manqué  une  grande  occasion  de 
servir  l'humanité.  Elle  pouvait  faire  dominer  en  France  le  pro- 
testantisme, beaucoup  plus  tolérant  et  plus  facile  à  détacher  du 
gouvernement  que  le  catholicisme.  II  ne  faut  plus  espérer  de 
retrouver   de     longtemps    une   pareille    occasion.    Ce  qu'on  voit 


'22cS  REVUE  IIISTOniQl'E  DE   LA   RÉVOLITION   FRANÇAISE 

partout  sur  la  célébration  du  dimanche  et  sur  la  fréquentation 
des  églises,  prouve  que  la  masse  des  Français  veut  revenir  à  ses 
anciens  usages,  et  il  n'est  plus  temps  de  résister  à  cette  pente 
nationale. 

Langage  sincère,  sans  doute,  mais  imprudent  !  Un  jour, 
l'empereur  ne  loubliera  pas. 

Fourcroy  était  de  retour  à  Paris  vers  le  24  tloréal.  II 
reprit  sa  place  au  Conseil  d'Etat.  La  section  de  l'Intérieur,  à 
laquelle  il  appartenait,  était  occupée,  depuis  le  commen- 
cement de  l'an  IX,  d'un  système  d'enseignement  public.  Il 
avait  été  chargé  de  faire  ce  travail,  et  il  en  avait  été  nommé 
rapporteur  —  il  y  fait  allusion  dans  son  rapport  sur  la  qua- 
torzième division. 

Nous  n'avons  pas  à  revenir  sur  les  écoles  centrales  '  : 
on  sait  combien  peu  elles  répondirent  aux  espérances  qu'on 
avait  fondées  sur  elles.  Ce  qui  est  intéressant,  c'est  de  re- 
produire ce  (jue  dit  Fourcroy  sur  l'état  de  l'enseignement  : 

L'instruction  publique,  dont  on  parle  tant,  et  sur  laquelle  on 
n'a  rien  fait  depuis  la  fin  de  la  Convention  nationale,  souffre  dans 
tous  les  départements  à  cause  de  l'espèce  d'inquiétude  où  sont  les 
esprits  sur  la  stabilité  de  ce  qui  existe.  Trop  de  projets,  et  des 
projets  trop  différents  entre  eux,  ont  été  présentés  depuis  six  ans 
pour  n'avoir  pas  semé  des  alarmes  qui  opposent  plus  ou  moins 
d'obstacles  à  l'exécution  complète  de  la  loi  du  3  brumaire  an  IV^. 
Si  l'on  ajoute  à  cette  cause  d'incertitude  et  d'oscillation  dans  les 
esprits,  l'éloignement  que  plusieurs  ont  encore  pour  les  inslitu- 
tutions  républicaines  et  surtout  pour  celles  qui  sont  dues  à  la 
Convention,  on  aura  la  vraie  théorie  des  difficultés  que  l'admi- 
nistration rencontre  de  toute  part  pour  terminer  l'organisation 
des  diverses  écoles  -  . 

Ce   qu'il   va  dire  s'appliiiue  à  toute   la  France,  et    il  ne 

1.  V.  iiohi-  .nrliclo.  le  Pcrfiiniicl  des  lùnles  Centrales,  publit-  d:ms  les  Feuilles 
dHisl„ire  du  1  '  :ivnl  1!)U. 

'2.  Les  jurys  d'instruction  sont  .au-dessous  de  leur  lâche.  Uans  l'Ouest,  comme 
ailleurs,  'l'iristruclion   laisse   beaucoup    à  désirer.  «  Les    écoles    centrales,    écrit 


FOUliCKOY,   CONSKILLKR   d'iOTAT  229 

cache  pas  (jucii  matière  d'enseignemcnl,  il  a  une  compé- 
tence spéciale  : 

<(  Sur  42.Î  écoles  primaires  (jui  devaient  être  organisées 
d'après  la  loi  du  ',]  brumaire  an  IV,  177  sont  organisées  .» 
Il  n'y  a  en  tout  qu'une  cinquantaine  d'institutrices  dans  la 
quatorzième  division  ;  elles  sont  très  peu  instruites  ».  Elles 
n'ont  point  la  confiance  des  habitants,  non  plus  que  la 
grande  majorité  des  instituteurs.  Outre  la  mauvaise  con- 
duite, l'immoralité  et  l'irréligion  de  beaucoup  de  ces  derniers, 
«il  est  certain  <jue  le  défaut  d'instruction  sur  la  religion  est 
le  motif  principal  ipii  empêche  les  parents  d'envoyer  leurs 
enfants  à  ces  écoles  ».  Et  les  écoles  ouvertes  sont  peu  nom- 
breuses :  «  deux  générations  de  l'enfance  sont  à  peu  près 
menacées  de  ne  savoir  ni  lire  ni  écrire  ni  les  premiers 
éléments  des  calculs  ». 

On  trouve  trop  relevée  l'instruction  donnée  par  les  écoles 
centrales  :  «  on  désire  et  on  espère  généralement  une  ins- 
truction intermédiaire  ;  on  attend  la  restitution  des  anciens 
collèges  ou  d'établissements  (jui  en  tiennent  lieu  ;  on  sent 
partout  la  lacune  qui  existe  à  cet  égard  ».  Le  projet  que 
Fourcroy  a  présenté  donnera  satisfaction  à  ces  vœux  :  il 
fait  disparaître  les  abus  des  anciens  collèges  en  conservant 
ce  qu'ils  avaient  de  bon  ;  il  a  substitué  spécialement  à  plu- 
sieurs des  classes  trop  nombreuses  de  latin  des  leçons  de 
mathématicpies,  «  science  si  généralement  reconnue  pour 
être  utile  au  plus  grand  nombre  des  professions  ».  Et  pour- 
tant, les  écoles  centrales  «  sont  aux  yeux  des  hommes 
éclairés  et  impartiaux,  une  des  meilleures  institutions,  un 
des  monuments  les  plus  remarciuables  du  régime  républi- 
cain ». 


Bnrbi'-Marhois,  doivent  (■tic  pi-omptemeilt  rd'ormik-s  ;  les  |)io1Vssoihs  <1c'  langues 
mortes,  de  phj-siqne,  de  niatlléinutiques  et  de  dessin  ont  pi-estine  seuls  des  élèves, 
les  professeurs  d'histoire  et  de  législation  n'ont  point  de  disciples,  et  plusieurs 
ont  la  bonne  foi  de  convenir  qu'il  leur  est  impossible  d\'n  faire  venir  à  leurs 
leçons.  Malheureusement,  il  n'y  a  dans  quelques  villes  ni  école  primaire,  n' 
école  secondaire,  et  il  faut  que  le  professeur  de  latin  enseigne  à  ses  écoliers 
jusqu'à  l'écriture.  A  St-Malo,  ville  de  troisième  ordre,  l'enseignement  est  aussi 
peu   avancé  qu'à  Poiitivy,  bourg  d'une  médiocre   iniporlance  ». 


230  REVUE    HISTORIQUE   DE  LA.    RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

Remarquons  celle  apologie.  Fourcroy  s'apercevra  à  ses 
dépens  qu'il  ne  s'agissait  plus  de  conserver  ces  souvenirs 
de  la  Révolution. 

Son  plan  lui  modifié  douze  fois.  Ce  qu'il  élail,  ce  qu'il 
valait,  il  faut  le  voir  dans  l'ouvrage  classique  de  M.  Liard 
sur  l'Enseignement  supérieur  en  France  '. 

Ici,  nous  nous  contentons  de  retracer  la  carrière  de 
Fourcroy.  Au  milieu  de  ses  rédactions  successives,  il  avait 
éprouvé  une  première  déception.  «  Il  y  prit  beaucoup  de 
peine,  dit  Rœderer,  et  se  crut  fort  en  droit  de  regretter  son 
travail,  lorsque  l'arrêté  du  12  mars  (1802)  me  nommait  di- 
recteur de  l'Instruction  publique.  -  » 

La  loi  qui  créait  un  nouveau  genre  d'enseignement  l'ut 
votée  le  11  tloréal  an  X.  Le  27  fructidor,  Rœderer,  que  le 
premier  Consul  n'avait  pas  toujours  trouvé  assez  souple, 
fut  nommé  sénateur.  F^ourcroy,  le  même  jour,  était  désigné 
pour  le  remplacer  dans  ses  fonctions.  Il  redouble  d'activité. 
Cuvier,  qui  fut  quelque  temps  associé  à  son  œuvre,  rend  en 
ces  termes  bommage  à  un  zèle  qui  ne  se  démentit  jamais  : 

«  Sous  sa  direction,  en  cinq  ans,  douze  écoles  de  droit 
sont  créées,  plus  de  trente  lycées  érigés,  et  plus  de  trois  cents 
collèges  relevés  ou  établis.  Infatigable  dans  son  cabinet 
comme  dans  son  laboratoire,  J\I.  de  Fourcroy  passait  les 
jours  et  une  grande  partie  des  nuits  au  travail  ;  il  ne  se  re- 
posait en  entier  sur  aucun  de  ses  subordonnés,  et  les 
moindres  règlements  qui  sortaient  de  ses  bureaux  avaient 
été  conçus  et  mûris  par  lui-même.  Il  voulait  connaître 
pej'sonnellement  les  meilleurs  instituteurs.''  » 

En  l'an  XIII  ^    et   une    ]Kirtie  de   l'année    LSOT,  il  visite. 


1.  Tome  II,  livre  III.  Nous  renvoyons  également  :'i  l'ouvrage  <le  M.  .bil- 
lard :  Napoléiin  1"  cl  le  monopole  tmiucrsitaire. 

2.  Kœderer,  dans  la  Xolice  de  nui  me.  Œiiures.  lonie  III  (l.S,-)3).  insiste  sur 
le  rôle  qu'il  joua  à  propos  de  la  eréntion  des  lycées  et  linstitution  des  inspec- 
teiu-s  généraux. 

;i.  Dans  la  langue  du  temps  :  professeurs. 

4.  Le  22  germinal  an  XI,  Fourcroy,  en  écrivant  au  premier  Consul,  lui 
parlait  de  l'o'uvre  commencée  :  "  Six  lycées  sont  organisés  ;  le  Prytanée  sera 
desciieomhré    (il  veut  diri'  que  li-s  lioursiers    militaires  seront    répartis  dans    les 


KOURCKOY,   CONSKILLKR  d'ktAT  231 

par  ordre  de  Champagny,  les  lycées  du  Midi.  Le  ministre, 
en  l'invitant  à  faire  celte  inspection,  ne  faisait  qu'appliquer 
les  dispositions  prises  par  Napoléon  le  3  floréal  an  XIII  : 
«  Le  conseiller  d'Etat,  directeur  général  de  l'Instruction 
publi(]ue,  visitera  dans  le  cours  de  deux  ans  les  lycées  et 
les  écoles  spéciales,  et  il  rendra  compte  de  leur  état  au 
ministre  de  l'Intérieur  ;  il  se  fera  accompagner  dans  sa 
prochaine  tournée  par  un  sous-inspecteur  aux  revues  et  un 
capitaine  ou  adjudant-major.  Le  capitaine  donnera  des 
instructions  sur  l'exercice  et  la  tenue  des  élèves  ;  le  sous- 
inspecteur  donnera  des  renseignements  sur  l'ordre  à 
prescrire  pour  la  tenue  des  registres  et  de  la  comptabilité.  » 
Fourcroy  ne  perd  pas  de  vue  l'enseignement  primaire  —  il 
ne  sera  organisé  qu'en  1833  !  —  «  Le  temps  qu'exige  de  moi 
l'établissement  des  lycées  ne  m'a  pas  encore  permis  de 
in'occuper  comme  je  le  désire  des  écoles  primaires.  J'ai 
préparé  néanmoins  des  améliorations  pour  l'art  de  montrer 
aux  enfants  la  lecture,  l'écriture  et  les  premiers  calculs.  Si 
le  succès  couronne  ces  nouvelles  méthodes,  trois  ou  quatre 
mois  suffiront  pour  acquérir  ces  premières  connaissances  ». 
Il  est  professeur  au  Muséum  (il  y  a  son  appartement);  il 
continue  à  s'associer  aux  travaux  de  ses  collègues  '  ;  il 
enseigne  encore,  et  gratuitement,  à  l'Athénée  des  Arts.  Il 
s'occupe  activement  de  l'Ecole  polytechnique,  du  Collège  de 
France,  du  Conservatoire.  Conseiller  d'Etat,  il  assiste  à 
toutes  les  séances  du  conseil  d'administration  de  l'Intérieur  ; 
dans  ses  attributions,  figurent  les  concessions  de  mines, 
et,  en  18UI,  Montalivet  rappelle  à  l'empereur  quel  fut  son 
rôle  dans  ces  questions  :  «  Tout  ce  qui    est  relatif   à    cette 


nouveaux  établissements);  plus  de  six  cents  écoles  secondaires  ont  reçu  une  .activité 
nouvelle  ;  les  communes  en  établissent  ;  partout,  on  demande  pour  la  jeunesse 
l'étude  des  langues  anciennes  et  des  éléments  des  sciences  mathématiques 
et  physiques.  La  suppression  des  écoles  centrales  s'opère  sans  secousse  et  sans 
plaintes.  » 

1.  V.  dans  Quérard  la  liste  de  ses  publications,  le  plus  souvent  en  collabo- 
ration avec  Thénard  et  Vauquelin.  —  A  noter  qu'il  donna  l'idée  de  la  publication 
des  travaux  concernant  l'Egypte.  C'est  l'origine  du  beau  monument  qui  s'ap- 
pelle la  Description  de  l'Egypte. 


232  UEVUE  HISTORIQLI-;   Oli  LA  RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

partie  était  le  plus  ordinairement  mis  au  rapport  de  notre 
collègue  Fourcro}'.  Le  travail  est  considérable,  diflicile,  sou- 
vent contentieux.  Nous  avons  été  assez  heureux  pour  ne 
présenter  à  Votre  Majesté  aucunes  décisions  qui  aient 
excité  des  réclamations,  bien  qu'elles  aient  porté  sur  de 
grands. et  notables  intérêts.  » 

En  1806,  il  est  désigné  comme  orateur  du  gouvernement 
sur  le  projet  de  loi  relatif  à  la  formation  d'un  corps  ensei- 
gnant. Ce  qui  devait  être  l'objet  d'une  loi  devint  le  décret 
du  17  mars  1808,  qui  organisait  l'Université  impériale.  Il 
modifia  son  plan  trente-trois  fois,  d'après  le  témoignage  de 
Palisot  de  Beauvois,  et,  comme  récompense  légitime,  il  était 
en  droit  d'attendre  le  titre  de  Grand  Maître  '  .  Ce  fut  Fon- 
tanes  qui  fut  appelé  à  cette  haute  dignité. 

Certes,  la  déception  était  cruelle  ;  l'ingratitude  était  fla- 
grante. L'ancien  jacobin,  reniant  ses  principes  de  jadis, 
avait  accepté  le  monopole  ;  «  recherchant  toujours  vive- 
ment une  approbation  immédiate  »,  comme  le  dit  Cuvier,  il 
s'était  montré  docile  aux  volontés  de  l'empereur.  Pourquoi 
donc  fut-il  éliminé  ?  M.  Aulard  en  donne  la  raison  :  <<  Si 
modérantisé  ou  repenti  que  fût  Fourcroy,  c'était  un  homme 
de  la  Révolution,  c'était  un  des  organisateurs  de  l'œuvre 
scolaire  de  la  Révolution,  c'était  un  philosophe  sympathique 
au  protestantisme,  ce  n'était  pas  un  catholique.  Or  Napo- 
léon voulait  avoir  un  catholique  à  la  tète  de  son  Université 
pour  les  mêmes  raisons  qui  l'avaient  décidé  à  fonder  l'ensei- 
gnement de  cette  Université  sur  les  préceptes  de  la  religion 
catholique,  c'est-à-dire,  comme  dans  l'affaire  du  Concordat, 
pour  mettre  la  religion  au  service  de  son  pouvoir  ».  Ce 
jugement  s'accorde  avec  les  propres  paroles  de  Fourcroy  : 
homme  de  la  Révolution,  esprit  sympathique  au  protestan- 
tisme, il  avait  semé  en  1801,  pour  ne  pas  récolter  en  1808. 

Malgré  cet  affront,  il    a  le   triste  courage  de    rester    au 


1.  f^e  titre  était  emjiriiiiti'   »    r;uu-icii  n'-glmo.   Il  y  nv;iil  im  gr;in<l 
collège  de  Navarre. 


FOUIU.HOY,   CONSEILLE»   d'ÉTAT  233 

minislùie.    Que  lera-l-on  de  lui  ?  C'est  ce   (jue  (^retet,  le  (i 
décembre  1808,  demande  à  remi)ereur  : 

Sire,  j'ai  l'honneur  de  mettre  sous  les  yeux  de  Votre  Majesté 
quelques  observations  relatives  à  M.  Fourcroy,  conseiller  d'Etat. 
Les  fonctions  qu'il  a  remplies  avec  un  zèle  bien  connu  de  Votre 
Majesté  vont  cesser  au  premier  janvier.  Elles  seront  réduites  au 
travail  sur  les  bourses  auxquelles  Votre  Majesté  doit  .nommer, 
travail  quelle  a  voulu  lui  conserver.  On  peut  y  joindre  le  Col- 
lège de  France  et  le  Conservatoire  de  musique,  et,  du  tout,  lui 
faire  une  attribution  qui  lui  conserverait  un  traitement  '  que 
Votre  Majesté  serait  priée  de  porter  jusqu'à  15.000  francs  en 
considération  des  traitements  beaucoup  plus  forts  accordés  à 
d'autres  directeurs  généraux  ;  un  bureau  de  cinq  ou  six  individus 
suffirait.  M.  Fourcroj*  a  éprouvé  un  grand  revers  de  fortune  ; 
c'est  une  considération  qui  n'échappera  pas  aux  bontés  de  Votre 
Majesté.  Je  la  supplie  de  vouloir  bien  me  faire  connaître  sa  déci- 
sion sur  cette  proposition. 

Fourcroy  accepte  ces  fonctions  réduites  ;  il  est  nommé 
comte,  et,  le  8  décembre  1809,  il  reçoit  une  dotation  de 
10.000  francs  de  rente  annuelle  à  prélever  sur  les  biens  de 
Hanovre.  Peut-être  allait-il  être  nommé  directeur  général  des 
mines  quand  la  mort  vint  le  surprendre.  Il  ne  s'était  pas 
remis  du  coup  qui  lui  avait  été  porté  ;  il  est  enlevé  subite- 
ment le  16  décembre  de  la  même  année.  Monlalivet,  le 
même  jour,  l'ait  part  de  cette  perte  à  l'empereur  : 

Sire,  j'ai  l'honneur  de  rendre  compte  à  Voire  Majesté  d'un 
événement  malheureux,  et  auquel  elle  sera  sans  doute  sensible. 
Un  de  ses  serviteurs  les  plus  dévoués,  M.  le  comte  Fourcroy,  vient 
de  mourir  frappé  d'apoplexie  au  milieu  même  de  son  travail  et  en 
signant  sa  correspondance.  Il  laisse  une  veuve  et  un  fils  officier 
dans  les  armées  de  Votre  Majesté. 

Il  ne  s'agit  ici  (}ue  d'une  communication  officielle. 
Néanmoins,  on   regrette  que   M.  de  Montalivel,    d'ordinaire 

1.  10.000  francs.  Chanipagny  avait  d.-jà  demandé  que  ce  traitement  h\i 
augmenté. 


2;i4  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

plus  juste,  n'ait  pas  exprimé  quelques  regrets  pour  la  perte 
de  celui  qui  avait  honoré  la  France  i)ar  ses  talents,  et  s'était 
donné,  sans  compter,  à  l'œuvre  demandée  à  ses  lumières  et 
à  son  labeur. 

Gabriel  Valthikr. 


Le  père  de  Fourcroy,  jadis  pharmacien  du  duc  d'Orléans, 
était  mort  en  1783.  Son  fils  se  maria  deux  fois,  d'abord  avec  Mlle 
Bettinger,  dont  il  eut  un  fils  et  une  fille,  puis  avec  Mme  Belle- 
ville,  veuve  de  Vailly,  dont  il  n'eut  pas  d'enfants.  Il  avait  deux 
sreurs  ;  l'aînée,  Mme  Baiily,  "  lui  a  toujours  servi  de  mère  » 
(Palisot  de  Beauvois). 

Mme  Fourcroy  demande  une  pension.  Nous  reproduisons 
deux  notes  de  sa  main  (nous  ne  savons  à  qui  est  adressée  la  pre- 
mière) : 

M.  Fourcroy,  mort  sans  aucune  espèce  de  fortune,  laisse  un  fils  et 
une  fille,  indépentlammcnt  «le  deux  sœurs  veuves,  et  d'une  parente  âgée 
dont  il  prenait  soin.  Sa  Hlle,  mariée  à  M.  Floucaud  ' ,  receveur  général 
du  dépaitcment  de  la  Corrèze,  a  trois  fils,  et  est  enceinte.  Son  fils  âgé  de 
23  ans  et  demi,  ancien  élève  du  Prytanée  de  Paris,  de  l'Ecole  polj'tcchnique 
et  de  celle  de  Metz,  est  aujourd'hui  lieutenant  en  premier  au  7"  régiment 
d'artillerie  à  pied.  Il  a  fait  la  dernière  campagne  de  France,  et  a  eu  un 
cheval  tué  sous  lui  à  la  bataille  de  Talavera.  Son  père  a  voulu  qu'il 
payât  sa  dette  à  son  prince  et  à  sa  patrie  comme  militaire.  Il  est  prêt  à 
suivre  la  direction  que  voudra  bien  lui  donner  Sa  Majesté.  Le  jeune 
Fourcroy  devient  le  chef  et  la  dernière  espérance  de  sa  famille. 

Mme  Fourcroy  n'était  point  en  communauté  de  biens  avec  son  mari. 
Il  lui  reste  pour  toute  ressource  :  1",  une  maison  à  Paris,  louée  2.500 
francs;  2",  1066  francs  en  rentes  viagères  sur  la  caissed'Epargneet  surl'Etat, 
d'une  maison  de  campagne  à  Epinay,  achetée  30.000  francs.  Elle  a  pour 
20.000  francs  de  dettes.  Mme  F'ourcroy  demande  pour  le  jeune  Fourcroy 
le  titre  qu'avait  son  père  et  la  dotation  que  lui  destinait  Sa  Majesté  ; 
pour  elle,  les  moyens  d'acquitter  ses  dettes,  et  de  subvenir  d'une  manière 
convenable  à  son  existence  et  à  celle  de  deux  enfants  en  bas  âge  dont  elle 
est  la  tante,  et  qu'elle  a  fait  venir  de  l'Ile-de-France,  et  a  adoptés  dans  des 
circonstances  plus  heureuses. 

La  seconde  note  est  adressée  à  Regnaull  de  St-Jean 
d'Angély  : 

.1.    Flouc.nud  et    non  Foucaud,     comme  l'écrit  Cuvier,    exerça    ces  fonctions 
dans  la  Corrèze  pendant  toute  la  durée  de  l'empire.  Nous  ignorons  ce  qu'il   de- 


FOL'HcuoY,  coNsi:iLi.i:i!  d'htat  235 

Klle  n'a  pas  cru  devoir  y  relater  la  prnieipale  cause  de  défaut  de  for- 
tune de  son  mari,  mais  M.  le  comte  Hegiiault  peut  se  rappeler  ce  que 
lui  en  a  dit  son  collègue.  M.  Fourcroy  et  M.  Vauquelin,  son  élève  et  son 
ami,  ont  élevé  eu  commun  une  manufacture  de  produits  chimiques.  Ils 
n'ont  point  eu  pour  objet  de  faire  une  spéculation,  mais  de  créer  un  éta- 
hlissement  qui  manquait  à  la  France,  et  de  l'affranchir  du  tribut  qu'elle 
payait  à  l'étranger.  On  a  étrangement  abusé  de  leur  bonne  foi  et  du  peu 
(le  connaissance  qu'ils  avaient  des  opérations  commerciales.  Le  résultat  a 
été  la  perte  de  leur  fortune.  M.  Fourcroy,  pour  faire  honneur  à  des  dettes 
([u'on  avait  contractées  sous  sa  signature,  a  vendu  une  terre  de  150.000 
francs,  seul  fruit  de  ses  économies  et  de  ses  travaux.  Les  dettes  sont 
éteintes,  mais  le  prix  de  la  terre  a  été  absorbé.  Sa  Majesté  a  eu  con- 
naissance de  cette  affaire.  ^L  le  comte  Regnault  fera  de  ces  renseigne- 
ments l'usage  qu'il  croira  convenable.  Mme  Fourcroy  remet  entièrement 
ses  intérêts  entre  ses  mains,  et  s'en  i-epose  sur  l'amitié  qu'il  avait  pour 
son  collègue  et  sur  la  bienveillance  qu'il  a  témoignée  à  la  famille  dans 
cette  malheureuse  affaire. 

De  son  côté,  le  comlc  A.  do  La  Hochefoucauld  intervient  au- 
près du  ducde  Bassano  en  faveur  de  la  veuve  et  du  fils  de  Four- 
croy :  (1  rien,  dit-il,  de  plus  touchant  et  de  plus  affligeant  que 
l'aspect  de  celte  maison  et  de  cette  famille  désolée  ». 

Le  15  janvier  1810,  «  il  est  accordé  à  la  dame  Belleville,  veuve 
du  comte  Fourcroy,  membre  de  notre  conseil  d'Etat,  mort  dans 
l'exercice  de  ses  fonctions,  une  pension  annuelle  et  viagère  de 
6.000  francs  ». 

Le  21  juin  1813,  d'après  «  la  feuille  de  travail  avec  S.  M. 
l'Impératrice  reine  et  régente  ",  Defermon,  ministre  d'Etat  et 
intendant  général  de  la  maison  de  l'empereur,  propose,  ce  qui  est 
approuvé,  «  d'accorder  à  Mme  la  comtesse  F'ourcroy,  veuve, 
sans  entants,  du  conseiller  d'Etat  de  ce  nom,  une  pension  de 
2.500  francs  sur  la  dotation  de  10.000  francs  dont  son  mari  a 
été  titulaire.  Cette  dotation  avait  été  recueillie  par  le  jeune  Four- 
croy, fils  d'un  premier  mariage  du  conseiller  d'Etat,  et  elle  fait 
retour  au  domaine  extraordinaire  par  le  décès  de  ce  fils  mort 
célibataire  à  la  bataille  de  Lulzen,  le  2  mai  dernier  ». 


EMILE  GAUDIN 

ET   I.A 

POLITKJLE  FRANÇAISE  A   CONSTANTLMIPLE 

KN  1792 
(D'après  des  dociiiuents  iwnilicns) 


L'œuvre  diplomatique  du  comte  Choiseul-Cioufficr,  am- 
bassadeur du  roi  de  France  à  Constantinople  depuis  1787, 
n'avait  amené  aucun  changement  dans  la  politique  orien- 
tale'. Les  dernières  années  de  la  monarchie  avaient  marqué 
une  rapide  et  fatale  décadence  de  l'intluence  française  en 
Orient,  où  la  Russie  et  l'Autriche  avaient  élargi  leur  sphère 
d'action  - .  Le  gouvernement  turc,  sans  force,  pratiquait  une 
politique  de  ruse,  essayant  de  profiter  des  difficultés  des 
puissances  pour  se  débarrasser  indirectement  de  l'iniluence 
étrangère. 

Le  représentant  de  la  monarchie  française  assistait  im- 
puissant à  la  ruine  de  l'influence  et  des  intérêts  français  à  _ 
C.onstantinoi)lc.  Après  le  coup  d'l"!tat  im]irévu,  qui  enlevait  M 
au  roi  sa  couronne,  il  se  trouva  complètement  discrédité,  ses 
origines  et  ses  tendances  se  trouvant  en  opposition  complète 
avec  les  idées  politiques  et  sociales  nouvelles,  tant  inté- 
rieures qu'extérieures,  qui  dirigeaient  la  France  républicaine. 
Celle-ci,  à  la  suite  de  l'impuissance  de  son  représentant, 
avait  raison,  à  son  point  de  vue,  de  traiter  comme  une 
trahison  l'intrigue  ourdie  par  C.hoiseul  à  la  nouvelle  de  l'ar- 

I.  Cf.  si>,ci:il,iiui.l:  !..  l'.Nc.un.  Clu.iseitl-Cnwffirr  .  La  /■V.iHcf  en  Orient  sons 
l.tmis  XVI  (l'aiis,  ISST),  pp    17.")  sq. 
•_'.  l'.Nr.*ri>.  <>/,.  ,./..  pp.  217  sq. 


i';mii,i;  c.aidin  et  i.a  l'OLrnyui-;  kuançaisk  237 

restation  du  roi  '  ,  mais  elle  ne  pouvait  logicjuement  atten- 
dre du  vieux  représentant  du  roi  une  altitude  diti'érente,  car 
pour  sauver  l'honneur  de  sa  fonction  il  niancjuait  à  Choi- 
seul  en  Orient  de  solides  bases.  Ce  fidèle  serviteur  de  la  mo- 
narchie, dans  l'écroulenieut  de  la  puissance  française  en 
Orient,  n'avait  aucune  autre  issue  que  de  soutenir  dans  les 
relations  internationales  la  monarchie,  non  pour  sauver  les 
Bourbons,  mais  pour  écraser  la  France  nouvelle.  Et  à  Cons- 
tantinople  il  pouvait  compter  non  pas  sur  la  nation  fran- 
çaise sans  influence  en  raison  de  ses  idées  révolution- 
naires, mais  sur  le  secours  des  diplomates  amis  de  la  monar- 
chie et  ennemis  de  la  France,  et  principalement  sur  la  Rus- 
sie, dont  les  relations  commerciales,  aussi  importantes  que 
celles  de  la  France,  étaient  alors  molestées. 

Le  chef  des  douanes  de  (lonstantinople  avait  récemment 
«  innové»,  comme  l'écrivait  le  bailli  vénitien  le  22  novembre 
1791,  prétendant  établir  <(une  nouvelle  estimation  en  com- 
paraison des  anciens  prix  sur  les  nombreux  genres  de  com- 
merce non  compris  dans  les  anciens  tarifs  des  nations  com- 
merçantes» et  ce  au  plus  grand  préjudice  de  la  nation  fran- 
çaise -  .  Choiseul  avait  fait  tous  ses  eflorts  pour  vaincre  la 
résistance  de  l'avide  chef  des  douanes  et  il  avait  réussi  à 
«  terminer  cette  affaire  avec  le  moins  de  dommages  pour  la 
nation  ».  Mais  comment  y  était-il  parvenu  ?  Le  bailli  véni- 
tien, intéressé  à  la  question  pour  le  compte  de  son  gouver- 
nement, nous  montre  par  sa  correspondance  toutes  les  diffi- 
cultés de  la  situation    . 

L'ambasciatore  di  Francia  adunque,  mercè  un  dono  non  leg- 
gero  fatto  al  Gran  Doganiere,  lermino  il  suoaiïare  ottenendo  che  le 
nuove  stinie  di  essi  generi  avessero  un  discrète  aumento  dalle 
antiche   valutazioni,  cosichè  in    oggi  in   una  sola   tarifi'a  tutto  è 

1.  A.  SoREi..  LEuiuiH'  cl  ta  Rémhition  fruiiralse  (Paris,  1891),  III,  pp. 
137  sq  ;  PiNGAUi),  op.  cit.  pp.  251  sq  ;  Grosjkan,  La  mission  de  Sénionville  à 
Constantinople.  1792-/793  (Paris,  1887), pp.  15  sq. 

2.  Archivio  di  Stato,  Venise.  Dispacci  del  Bailo  di  Coslanlinopoli  al  Senalo  (Dé- 
pèches du  ISailli  de  Constantinople  au  Sénat),  f.  236,  n.  215. 

3.  Dispairi..,  f.  23(i,  n.  215. 


238  REVUE    HISTORIQUE  DE   LA   RÉVOLUTION    KRANÇAISE 

conipreso  c  tanto  il  Graji  Doganiere  che  lanibasciatore  la  tirma- 
rono  col  loro  sigillo.  Chiamato  il  Francliini  dal  Gran  Doganire  per 
verificare  un'éguale  aggiunta  anche  sopra  la  venela  laritïa,  egli 
dimostro  pretesa  d'esser  da  me  pure  regalato,  pretendendo  di  aver 
molto  facilitato  nelle  valutazioni  de  prezzi,  per  dir  vero  niolto 
distant!  ancora  dal  loro  inlrinseco  valore.  Ripportatomi  dal  Fran- 
cliini taie  pretesa  del  Gran  Doganiere,  io  gli  dissi  che  non  ve- 
devo  la  ragione  di  fargli  un  dono,  trattandosi  di  cosa  che  alla  fin 
fine  non  era  utile  alla  nazione,  eche  se  il  Gran  Doganiere  si  dava 
il  mérite  di  non  aver  fatto  stimare  le  merci  stesse  a  rigore,  io  non 
intendevo  di  avergli  una  particolare  obligazione  e  ch'io  Io  chia- 
mavo  ad  eseguire  anche  per  i  Veneti  la  niiova  regolazione,  conie 
fece  per  li  Francesi,  indicandogli  ch'io  farci  de  passl  alla  Porta, 
s'egli  vi  resislesse.  ' 

Il  est  vrai  qu'avec  un  tel  personnage  la  tliplomatie  ne 
pouvait  guère  agir,  surtout  avec  les  dissentiments  qui  divi- 
saient alors  les  résitlenls  à  Constanlinople.  Francliini  lit 
observer  qu'il  serait  [)lus  opportun  de  céder  et  de  se  rendre 
favorable  avec  de  l'argent  le  chel'  des  douanes  «  de  caractère 
extrêmement  avide  ».  Il  remarque  (jue  «  la  Porte  l'ayant 
récemment  conlinné  dans  sa  fonction,  il  ne  serait  pas 
habile  d'avoir  dans  ce  département  un  ennemi,  qui  ne  man- 
querait aucune  occasion  "d'user  d'atermoiements  défavora- 
bles à  notre  commerce.  » 

On  approuva  alors  le  nouvel  accord  commercial  sans 
obtenir  cejiendant  la  garantie  et  le  respect  des  pactes  con- 
venus et  scellés,  comme  le  chef  des  douanes,  ([uelqucs  mois 

1.  Traduction  :  «  I.  ambassadeur  de  F'rance,  moyennanl  un  don  sérieux 
au  rhef  des  douanes,  a  terminé  son  affaire.  II  a  obtenu  que  la  nouvelle  esti- 
mation ne  serait  qu'une  discrète  augmentation  des  anciennes  évaluations  et  au- 
jourd'hui il  n'y  a  plus  qu'un  seul  tarif.  Le  chef  des  douanes  et  l'ambassadeur 
ont  opposé  leur  sceau  sur  l'accord.  Franchini,  appelé  parle  chef  des  douanes 
pour  vérifier  une  semblable  augmentation  sur  le  tarif  vénitien,  se  vit  réclamer 
par  lui  un  pourboire  semblable  à  celui  donné  par  Choiseul  pour  avoir  facilité  la 
nouvelle  évaluation  fort  distante  de  la  valeur  intrinséqiu*  des  marchandises.  J'ai 
répondu  à  cette  proposition  que  je  ne  voyais  pas  l'utilité  de  ce  pourboire  parce 
quç  cela  n'était  pas  utile  à  la  nation.  Si  le  chef  des  douanes  se  fait  un  mérite  de 
n'avoir  pas  fait  estimer  rigoureusement  les  marchandises,  j'entends  ne  lui  avoir 
aucune  reconnaissance  particulière  et  je  réclame  pour  les  X'énitiens  la  nouvelh* 
réglementation  accordée  aux  Frani,ais.  S'il  résiste,  je  l'avertis  que  je  ferai  des 
démarches  à  la  Porte  I  » 


KMILr.    OAL'DIN    KT    LA    POLITIQUK  FHANÇAISE  239 

])liis  lard,  le  fit  voir,  pour  le  même  molif,  aux  Russes  et  aux 
Impériaux.  Là  encore,  le  bailli  de  Venise  nous  fournit  un 
témoignage  remarquable.  Désintéressé  des  intrigues  politi- 
([ues  de  la  diplomatie  orientale,  il  en  reproduit  lidélement 
les  écbos.  Il  écrit,  en  etlet,  le  8  août  1702  : 

Oltre  l'atTare  (loi  metropolita  Russo  vi  è  pure  altro  argomento 
elle  non  lascia  di  occupare  cjuesto  incaricato  di  Russia,  sopra  del 
quale  attende  le  conimissiorii  délia  sua  Cote.  Qiiesto  riguarda  la 
pretcsa  posta  a  campo  dal  G.  Doganiere  di  voler  che  sieno  fatte 
délie  nuove  valutazioni  di  generi  che  vengono  qui  con  Russo  Pa- 
viglione,  prelesa  questa  che,  conie  VV.  EE.  ben  sanno,  fu  pro- 
niessa  a  tutti  noi  nunistri  di  potenze  commerciali  e  alla  quale  fu 
duopo  addatlarsi  nel  modo  indicato  ne  niiei  passati  dispacci.  Ma 
questo  Sig  Incaricato  non  intende  di  adattarvisi  adducendo  che, 
essendosl  con  i'ultimo  tratatto  di  pace  confermato  pure  anche 
il  trattatodi  commercio,  le  cose  dovevano  restareanche  sopra  dicio 
sul  vecchio  piede.  Il  G.  Doganiere  pero  protetlo  dal  governo  non 
ha  volulosinoad  aora  amettere  alcun  pagamentodi  dogana,  avendo 
pero  rillasciate  le  nierciantando  ne  dibitori  li  niercanti  e  cosi 
è  facile  chesarà  sino  a  che  non  succedi  un  cambianiento. 

Anche  il  Sig'  Interiuinzio  ha  un'eguale  queslione  con  lo 
slesso  G.  Doganiere,  il  quale  oltre  a  cio  prettendeva  che  li  basti- 
menti  austriaci  dovessero  essere  d'ora  inanzi  visitati  prima  di 
loro  partenza  da  qui,  corne  si  accostuma  con  altre  uanioni  ;  ma 
siccome  gli  Austriaci  eli  Russi  ancora  godevaono  pure  del  privi- 
leggio  di  non  essere  visitati  prima  dellultima  guerra,  cosi  il 
Sign.'^  Internuzio  sostenne  taie  questione,  dicendo  che  mercè  le 
slatiix  in  qiio  convenuto  con  il  trattato  di  Szistow  non  doveva 
succedere  alcuna  innovazione,  e  in  fatti  il  G.  Doganiere  ebbe  or- 
dine  dal  Governo  di  non  più  insistere  sopra  la  visita,  vigendo  per 
altro  anche  l'altra  questione  sopra  la  ricercata  nuova  valuta- 
zione  '. 


1.  Dispacci  cit.,  f.  2;ifi,  n.  264  (8  août  1792).  -  Traduction  :  «  Outre  l'affaire 
du  métropolite  russe,  il  y  a  encore  une  autre  question,  qui  ne  laisse  pas  d'oc- 
cuper le  ministre  de  Kussie,  qui  attend  à  ce  sujet  les  instructions  de  sa  cour.  Cela 
regarde  la  prétention  du  chef  des  douanes  de  vouloir  qu'une  nouvelle  estimation 
soit  faite  des  marchandises  qui  arrivent  sous  pavillon  russe,  prétention 
qui,  comme  vos  e.vcellenccs  le  savent,  fut  présentée  ;i  tous  nos  ministres 
des   puissances    commerciales,    ainsi    que    je    l'ai    indiqué    dans    mes  dépêches 


240  REVUE    HISTORIQUE  UE   LA   RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Foscarini  suivait  altentivcnu'iil  toutes  ces  nouveautés, 
cherchant  à  sauver  ce  ([ui  pouvait  encore  rester  à  Venise  de 
son  ancienne  splendeur,  car  elle  était  désormais  à  la  remorque 
du  commerce  autrichien  et  français.  Son  témoignage  est  des 
plus  intéressants,  car  il  montre  le  contraste  entre  le  com- 
merce russe  et  Irançais  (lettre  du  22  mars  1792)  et  la  mau- 
vaise direction  des  réformes  intérieures  accomplies  par  le 
gouvernement  turc  (lettresdu  22  avril,  8  mai  1792),  qui,  en 
frappant  les  grandes  puissances,  France  et  Russie,  retom- 
baient par  contre  coup  sur  les  petites  et  sur  Venise.  Et 
encore  il  restait  aux  Russes  la  force  de  lésister  grâce  à  leur 
récentes  victoires,  tandis  que  les  autres,  moins  protégés  par 
la  puissance  politique  de  leur  propre  nation,  étaient  dans  la 
nécessité    de   céder  pour    ne  pas  perdre  tous  leurs  bénéfices. 

Quant  aux  Français,  comme  on  l'a  vu,  leur  situation  était 
pire  par  suite  de  la  crise  intérieure  traversée  par  la  mère 
patrie,  qui  rendait  plus  difficiles  les  rapports  avec  les  nations 
orientales,  car  les  fils  de  la  révolution  élaboraient  de  leur 
cabinet  de  travail  des  plans  pour  unir  plus  étroitement  la 
Turquie  et  la  France.  Choiseul-Gouffier,  qui  n'avait  pas 
réussi  à  assurer  à  la  monarchie  française  une  forte  position 
en  Orient,  ne  pouvait  pas  partager  les  sympathies  du  gou- 
vernement démocratique  qui  déguisait  ses  sentiments  en 
paraissant  constitutionnel.  Dumouriez,  ministre  des  affaires 
étrangères,  décida  son  rappel  et  désigna  pour  le  remplacer 

passt'os.  Mais  l'envoyé  russe  déclare  que  le  dernier  traité  de  jïaix  ayant  en 
même  temps  confirmé  le  traité  de  commerce,  les  choses  doivent  demeurer  sur 
l'ancien  pied,  l^e  chel"  des  douanes,  soutenu  par  le  gou\-ernenient,  n'a  pas  voulu 
jusqu'à  maintenant  accepter  aucun  paiement  de  douanes,  il  a  cependant  relâché 
les  marchandises  laissant  les  marchands  débiteurs.  Il  est  facile  de  comprendre 
qu'il  en  sera  ainsi  jusqu'à  ce  qu'un  changement  survienne.  L'internonce  a  eu 
avec  le  chef  des  doiuuies  une  querelle  identique.  Celui-ci  prétendait  que  les  bâ- 
timents autrichiens  devaient  dorénavant  être  soumis  à  la  visite  au  moment  de 
leur  départ,  coiume  cela  se  pratique  pour  les  autres  nations.  Mais  les  .Autrichiens, 
comme  les  Husses,  jouissaient  du  privilège  d'être  exemptés  de  la  visite  depuis  la 
dernière  guerre  et  l'internonce  a  soutenu  cette  thèse  disant  que  grâce  au  slalus 
in  quo  convenu  par  le  traité  de  Sistova  il  ne  devait  y  avoir  aucune  innovation. 
En  fait  le  chef  des  douanes  a  re(,-u  l'ordre  de  son  gouvernement  de  ne  plus  in- 
sister sur  la  question  de  la  visite  ;  la  question  de  la  nouvelle  évaluation 
étant  maintenue  en  vigueur.  » 


KMILi:   GAIDIX    I.T   LA    POLITIQUI:    FKANCAISI-:  241 

un  habile  (Uplomale,  démocrale  é|)i-ouvé  '  .  Son  choix  lut 
ft'piMuhinl  intempestil",  car  les  antécédents  du  nouvel  ambas- 
sadeur indi(|uaient  à  l'avance  l'objet  de  sa  mission:  l'aire 
accepter  à  loul  prix  à  Constantinople  le  fait  accompli  de  la 
Révohilion,  trouver  dans  la  Turquie  une  alliée  sûre  et  accroî- 
tre le  désaccord  russo-turc.  Le  plan  politique  de  Dumouriez 
était  audacieux  et  utile  à  la  France  entourée  de  nombreux 
ennemis.  Aussi  fut-il  repris  par  Lebrun.  Malheureusement 
le  choix  de  Sémonvillc  l'ut  malencontreux  (Gaudin  le  recon- 
naîtra plus  tard),  car  il  ne  pouvait  pas  ne  pas  être  suspect 
aux   ambassadeurs  de   la  (juadruple  alliance  -  . 

Lorsque  Gouffier  reçut  l'ordre  de  rappel,  il  ne  manifesta 
aucune  velléité  de  désobéir  aux  ordres  du  gouvernement. 
Quoi({u'il  prévit  la  bourrascjue  et  crût  nécessaire  de  prendre 
ses  précautions,  l'ordre  venant  du  gouvernement  du  roi,  il  se 
montra  disj)osé   à  se  soumettre  et  se  prépara  au  départ. 

La  moglie  di  questo  ambasciatore  di  Francia,  écrit  Foscarini 
à  son  gouvernement  le  1"'  août  1792,  con  le  di  lei  figiie  prese  l'im- 
barco  sopra  una  fregata  francese  ch'era  a  Dardanelli  ad  attenderla 
per  condurla  a  Barcelona,  da  dove  passera  in  un  vilaggio  in  Fran- 
cia vicino  aile  frontière,  onde  essere  a  portata  di  useirc  dalli  do- 
mini  francesi  al  caso  di  qualche  sinistro  avvenimento.  Si  vuole  che 
taie  improvvisa  delibera/ione  sia  derivata  dalla  quasi  certezza  in 
oui  è  il  conte  Choiseul,  che  il  S'  de  Sémonville  venghi  a  rimpiaz- 
zarlo  col  carattere  di  Ministre  Plenipotenziario,  notizia  questa 
elle  sensibilmente  dispiace  a  questo  signor  Internunzio,  ed  è  da 
prevedere  che  la  venuta  di  taie  soggetto,  di  oui  è  noto  il  carattere 
per  essere  de  capi  del  partito  democratico,  potrà  produrre  délie 
maie  intelligenzetra  alcuni  di  questo  corpo  diplomatico  '  . 

1.  PiNGAiD.  <!/>.  cil.,  p.  251  ;  GnosjEAN,  op.  ci(.,  p.  i  sq.  ;  Sohel,  op.  cil.,  III, 13G. 

2.  Cr.  les  iJiirlifuhiiilts  diplomatiques  dans  Gros.ie.\n,  op  cit.,  p.  5  sq. 

3.  Dispacci  cit.,  f.  236,  n.  2G2  (l'i  août  1792).  —  Traduction  :  «  La  femme  de 
r  ambassadeur  de  France  et  ses  lilles  se  sont  embarquées  sur  mie  frégate  qui  les 
attendait  à  Dardanelles  pour  les  conduire  à  Barcelone.  De  là  elles  passeront  dans 
un  vill.-ige  de  France  proche  de  la  frontière  d'où  elles  pourront  quitter  le  royaume 
en  cas  de  danger.  On  dit  que  ces  décisions  viennent  de  ce  que  le  comte  Choiseul 
a  la  certilulc  que  le  sieur  de  Sémonville  vient  le  remplacer  avec  le  titre  de  mi- 
nistre plénipotentiaire,  ce  qui  déplaît  à  l'internonce  et  il  est  à  prévoir  que  l'ar- 
rivée dudit  chef  du  parti  démocratique  produira  une  mésintelligence  dans  le 
corps  diplomatique,  » 

ItLV.    IIISI  .    I>K  l.A    BLVOI..  tli 


242  REVUE  HISTORIQUE   DE  LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Ces  complications,  le  diplomate  vénitien  ne  devait  pas 
tarder  à  les  enregistrer.  A  la  lin  de  juillet,  Acton,  ministre 
du  roi  de  Xaples,  avait  fait  connaître  par  la  voie  du  rési- 
dent napolitain  à  Naples.par  des  informations  tendancieuses, 
le  nouvel  ambassadeur  français,  exagérant  et  décrivant  son 
activité  diplomatique  à  sa  fantaisie  afin  de  lui  créer  des  em- 
barras '.  En  effet,  linternonce  iiniiérial,  lenvoyé  de  Prusse 
et  de  Xaples,  l'ambassadeur  de  Russie  ne  tardèrent  pas  à 
présenter  à  la  Porte,  séparément,  un  mémoire  énergique 
demandant  que  le  gouvernement  turc  refusât  de  recevoir 
Sémonville,  ayant  été  confirmés  dans  lliypothèse  de  sa  pro- 
chaine arrivée  par  la  venue  de  Chalgrin. 

Toutes  ces  intrigues,  le  bailli  vénitien  ne  les  ignorait 
pas.  Il  en  informait  son  gouvernement  le  22  août  -,  ajoutant 
certaines  particularités  et  par  dessus  tout  rctlétant  objective- 
ment j)ar  sa  correspondance  la  véritable  situation  du  mo- 
ment : 

Qiiesto  conte  di  Clioiseul,  écrivait-il,  ricevelte  dalla  sua  cortc 
la  lettera  di  richiamo  e  la  parlicipazione  che  il  S''  di  Sémonville 
verrebbe  a  rimpazzarlo  non  già  corne  ministre  plenipofenziario, 
ma  corne  ambasciatore,  e  due  giorni  sono  arrivé  il  Sr  Chalgrin, 
segretario  d'anibasciata.  Taie  notizia  pose  in  gran  raovimento  il 
S'  Internunzio,  gli  inviati  di  Prussia  e  di  Xapoli  e  rincaricato  di 
Russia,  li  quali  combinatisi  assicme  hanno  presentate  separala- 
mente  alla  Porta  una  loro  memoria,  volendosi  che  il  contenuto  di 
essa  tenda  a  far  conoscere  che  il  Signor  di  Sémonville,  oltre  il  di 
lui  torbido  caratlere,  era  un  ambasciatore  noiuinato  da  ribelli 
Francesi  e  a  forza  acreditato  dal  Re,  che  in  oggi,  ancor  più  del 
passato  attrevavasi  necessitato  di  aderire  a  qualunquc  estreniilà 
voluta  dall'Assembla  Xazionale  e  da  Giacobini,  onde  non  vedcr 
esposto  se  stesso  al  più  orribile  degli  altcntati,  come  pur  troppo 
dovete  sperimentare  anche  in  quest"ultimi  mcsi  :  che  nella  cer- 
tezz  che  il  Sultane  fosse  vere  amico  del  Re  e  délia  Monarchia 
francese,  si  lusingavane  che  sarebbe  ritrovato  un  qualche  prudente 


1.  ("iRos,ii:*N,  (1/).  ,i(  ,  p.   13  sq.  ;  Soiilil.,  np.  vil.,  III,  p.  137  sq. 
•J.  Dispncci  lil.,  f.  l'aG,  ii.  '.'(ifi. 


ÉM1L1-:    C.MDIN   KT  LA    POLlTIQUi:    FIIANÇAISK  24,'i 

espediente  onde  impcdire  che  il  S'  diSeiiionville  non  vcicficlii  lu 
sua  missione  a  questa  Corte. 

E  certo  che  il  S"^  inviato  di  Prussia  cbbe  poco  dopo  una  con- 
fercnza  sul  canale  e  che  al  di  lui  ritorno  ando  dal  S''  Internunzio, 
dove  eranvi  gli  altri  e  lo  stesso  conte  di  Choiscul,  coi  quali  stelte 
in  lungo  colloquio,  ma  sino  ad  ora  non  mi  è  riuscito  di  saperne 
il  risultato.  ' 

Ce  résultat,  il  le  connut  (}uel([ucs  jours  après.  Il  est  certain 
en  effet,  le  témoignage  de  Foscarini  est  l'ormel,  que  Ciioiseul 
prenait  une  part  active  aux  intrigues  des  quatre  iliplomates. 
D'un  côté,  il  faisait  montre  de  soumission  envers  son  gou- 
vernement, de  l'autre,  j)ompeusement  et  impudemment,  il  se 
mettait,  publiquement  ou  prestjue,  en  relations  avec  les  émi- 
grés (lettre  du  12  août)-  . 

L'attitude  ambiguë  et  irrésolue  de  (.hoiseul  entre  la  réac- 
tion et  la  révolution  concourait  à  diminuer  assez  le  respect 
pour  le  beau  nom  de  France  et  exposait  les  intérêts  com- 
merciaux d'une  nombreuse  nation  aux  vexations  faciles  du 
gouvernement  ottoman.  Entre  la  France  et  Choiseul  se  dé- 
veloppait un  dissentiment  de  plus  en  plus  grand  par  suite  de 
la  prédominance  des  idées  démocratiques  d'un  côté,  l'at- 
tacbement  de  plus  en  plus  décidé  de  l'autre  à  la  légitimité,  et 
il  se  trouvait  entraîné  par  ses  collègues  résidant  à  Constan- 


1. 'ri-;Kliic-lion  :  "  Lo  conjto  de  (^hoisi'iil  n  reçu  de  sa  cour  ses  lettres  de  rappel  et 
l'aïuioïK-e  ([ue  le  Seigneur  de  Siuiouville  vient  le  remplacer  non  comme  minis- 
ti'c  plénipotentiaire  mais  comme  ambassadeur.  Depuis  deux  jours,  le  secrétaire 
d'ambassade  Chalgrin  est  arrivé  ici.  Celte  nomination  a  mis  en  grand  mouve- 
ment l'internonce,  les  envoyés  de  l'russe  et  de  Naples  et  l'ambassadeur  de  lius- 
sie,  qui,  après  s'être  concertés,  ont  présenté  séparément  un  mémoire  tendant  à  dé- 
montrer que  Sémonville,  outre  son  caractère  trouble,  était  un  ambassadeur  nommé 
par  les  rebelles  français  et  accrédité  par  le  roi  par  force,  que  le  roi  aujourd'hui 
plus  encore  que  par  le  passé  a  été  forcé  par  l'Assemblée  nationale  et  les  .Jacobins 
d'adhérer  à  la  mesure  afin  de  ne  pas  être  exposé  au  plus  horrible  des  attentats 
comme  il  l'avait  appris  à  ses  dépens  ces  derniers  mois.  Dans  la  certitude,  où  ils 
se  disent  que  le  Sultan  est  un  véritable  ami  du  roi  et  de  la  monarchie,  ils  se  ilat- 
tent  qu'il  saura  trouver  un  prétexte  quelconque  pour  que  le  sieur  de  Sémonville 
Jie  puisse  pas  accomplir  sa  mission  en  cette  cour.  11  est  certain  que  l'envoyé  de 
Prusse  a  eu  depuis  peu,  une  conférence  sur  le  canal  et  qu'à  son  retour  il  est  allé 
chez  l'inleruonce  où  se  trouvaient  les  autres  ambassadeurs  et  le  dit  comte  de 
Choiseul.  Ils  ont  eu  lui  long  entretien,  mais  je  n'ai  pas  pu  encore  en  connaître  le 
résultat.  » 

2.  GuosjKAN,  op.  cil.,  p.  16  sq. 


244  REVIE  HISTORIQUE   DE   LA   RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

tinople  à  l'aire  cause  commune  avec  eux  contre  son  propre 
gouvernement. 

Dopo  l'indicata  iiier.iDria  dit  qiiattro  ministri  forestier!,  écrivait 
Foscarini  le  29  août,  e  dopo  la  confcrcnza  dol  S''  inviato  di  Prus- 
sia,  è  certo  clie  il  sultane  si  é  dolterminato  di  secondare  le  insi- 
nuazioni  di  esse  corti,  non  accogiiendo  il  nuovo  ambasciatore  d' 
Francia,  il  che  iiii  lu  conimunicato  dal  S'  Internunzio  e  dall' 
incaricato  di  Russia,  ma  non  mi  dissero  il  modo  che  usera  la 
Porta  par  gungere  a  tal  finp.  Li  negozianti  Francesi  di  Galata 
tutti  democratici  e  alcuni  giocobini  hanno  inteso  con  palese  dis- 
piacere  tanto  il  primo  passo  fatto  da  essi  rainistri  quanto  ladesione 
del  governo  a  taie  richiesta,  né  nascondono  la  loro  sorpresa  che 
il  co.  di  Choiseul  non  abbia  impedito  che  cio  succedi,  dopo  che 
egli  presto  il  giuramento  délia  nuova  costituzione,  sembrando 
loro  cosi  singolare  che  egli  vogli  continuare  nel  di  hui  posto  a 
fronleclie  il  Re  e  l'Assembloa  Nationale  1  abbiano  dimcsso  '  . 

Mais  cet  homme,  aussi  expert  dans  lintrigue  qu'inhabile 
dans  la  politique,  profitant  de  la  faiblesse  du  chargé  d'aflaires 
qui  devait  temporairement  le  remplacer  dans  ses  fonctions, 
continua  à  se  maintenir  à  son  poste  et  infligea  une  nouvelle 
humiliation  an  malheureux  C-halgrin,  incapable  par  tempé- 
rament, par  mentalité,  par  éducation,  d'agir  vigoureusement 
pour  la  défense  des  intérêts  de  son  pays  et  du  régime  démo- 
craticjue.  Ce  malheureux  employé,  (jue  Gaudin  plaindra  si 
vivemenl,  se  laissa  diriger  par  le  mauvais  génie  de  Choiseul 
vers  un  but  assez  périlleux  et  j)réjudiciable  au  renom  et  aux 
intérêts  de   la  nation    française.  Il    permit    au   vieil    ainbas- 

1.  nisimcri..,  f.  236,  n"  267  (2!)  .-loiil  17!)2).  —  Tiaduclioii  :  ..  Depuis  le  mé- 
moire des  qimtrc  ministies  ctrnngcrs,  et  depuis  la  conférence  de  l'envoyé  de 
Prusse,  il  est  certain  que  le  sultan  est  décidé  à  seconder  les  intrigues  de  ces 
cours  en  ne  recevant  pas  le  nouvel  anil)assndeur  français.  Ola  m'a  été  dit  par 
l'internonce  et  l'ambassadeur  de  Rnssie  qui  ne  m'ont  pas  fait  connaître  le  moven 
qu'emploiera  la  Porto  pour  arriver  à  ce  résultat.  Les  négociants  français  de  (îalata. 
tous  démocrates,  et  quel(iues-uns  jacobins,  ont  appris  avec  déplaisir  la  démarche 
de  ce.<;  ministres  et  l'adhésion  du  gouvernement  turc  à  leurs  plans.  Ils  n'ont  pas 
caché  leur  étonuenient  de  voir  le  comte  de  Choiseul  ne  pas  s'opposer  à  lont  cela. 
Ayant  prêté  serment  à  la  nouvelle  constitution,  il  leur  parait  singulier  qu'il 
veuille  continuer  de  garder  le  poste  que  le  roi  et  l'assemblée  nationale  lui  ont 
retiré.  » 


I 


KMIl.l-:  CAUDIN    liï  LA    POLIÏIQUK  FRANÇAIS!-;  245 

siuU'ur  d'ourdir  une  comédie,  (]iii  ne  pouvait  plaire  à  j)ersonne 
et  que  tous  ne  pouvaient  approuver.  Observateur  vif  et  pas- 
sionné (en  deliors  de  tout  autre  défaut).  Emile  tiaudin  mit 
sans  sous-cnlendus  à  nu  la  i^rave  plaie.  Ses  franches  révé- 
lations sur  l'attitude  de  C'Jioiseul,  laites  sur  le  théâtre  des  évé- 
nements, ne  sont  pas  insi>irées  par  la  haine.  A  cette  impla- 
cable condamnation  on  peut  faire  des  réserves,  mais  à  ce 
sujet  la  discrétion  de  l'ambassadeur  vénitien  est  significative. 
Celui-ci  ne  cache  pas  l'impression  défavorable  que  lui  a 
causée  l'altitude  de  C.hoiseul  violant  toutes  les  régies  consti- 
tutionnelles et  surprenant  la  boiîne  foi  du  gouvernement 
turc. 

Senza  enlrare,  écrivait  Foscarini  le  8  novembre,  nelle  varie 
ritlessioni  che  far  si  potrebbero  sopra  la  direzione  sin  da  principio 
tenuta  in  taie  affare  dal  signor  ambasciatore',  che  presto  motivo 
di  vari  ragionanienti  a  qiiesto  corpo  diploiiiatico,  diro  solo  che  il 
signor  di  Chalgrin,  che,  come  dissi,  ritorno  qui,  oltre  ad  essere 
segrctario  d'ambasciata,  com'era  in  prima,  ebbe  pure  dal  Re,  prima 
di  sua  prigionia,  le  credenziali  d'incaricato  d'aiïari  per  usarne  ne! 
tempo  intermedio  dopo  la  partenza  del  conte  di  Cboiseul  e  sino 
all'arrivo  del  signor  Sémonville.  Cosi  riusci  strano  che  il  conte 
Cboiseul  non  abbia  esibilo  alla  Porta  la  persona  dello  stesso  Chal- 
grin, quando  participe  la  di  lui  dimissione,  dal  che  ne  derivo  il 
firmano,  il  quale  nellultimo  suo  concreto  dimostra  la  nccessito 
che  l'ambasciatore  non  abbia  a  partire  sinu  alla  saputa  rissolu- 
zione  délia  sua  cortc  alla  Icttera  del  (Iran  ^'isir  al  primo  ministro  '. 

Et  en  l'ait  depuis  septembre,  à  la  nouvelle  de  la  suspen- 
sion et  de  l'arrestation  du  roi,  il  avait  abandonné  le  i)ouvoir 

1.  Dispacci..,  f.  237,  n"  275.  —  Traduction  :  «  Sans  entrer  dans  le  détail  des 
réilcxions  qu'a  suggérées  la  conduite  tenue  par  l'ainhassadeur  dans  cette  affaire 
dés  le  début,  et  qui  a  provoqué  de  nombreux  discours  dans  le  corps  diplomatique, 
.je  dirai  seulement  que  le  sieur  Chalgrin,  qui,  comme  je  l'ai  dit,  est  revenu  ici, 
en  outre  de  son  titre  de  secrétaire  d'ambassade  qu'il  avait  antérieurement,  a  reçu 
du  roi,  avant  son  emprisonnement,  les  pouvoirs  de  chargé  d'affaires  pour  en 
user  pendant  le  temps  intermédiaire  entre  le  départ  du  comte  de  (^hoiseul  et 
l'arrivée  de  Sémonville.  Or,  comme  le  comte  de  Cboiseul  n'a  pas  présenté  à  la 
Porte  le  dit  Chalgrin  quand  a  été  présentée  sa  démission  d'où  dérive  le  firmaii: 
ceci  démontre  la  nécessité  pour  l'ambassadeiw  de  ne  pas  partir  sans  avoir  con- 
naissance des  lésolutions  de  sa  cour  au  sujet  de  la  lettre  du  grand  vizir  au  pre- 
mier ministre.  ). 


24r)  REVUK    mSTOIUQLK   DE    I..\   REVOLUTION    I-UANÇAISE 

qu'il  s't4ait  attribué  pour  conspirer  et  intriguer  avec  les  enne- 
mis de  son  pays,  se  gardant  bien  de  présenter  le  légitime 
envoyé  qu'il  aurait  dû  installer  à  sa  place,  faisant  à  sa 
patrie  l'ultime  injure,  comme  écrivait  celui  qui  était  venu 
])orler  aux  frères  d'Orient  les  nouvelles  paroles  de  liberté. 
Le  comte  de  Clioiseul-Ciouflier  écrivait  ce  ([ui  suit  le 
14  septembre  au  gouvernemeni  de  ('.oiistantinople  '  : 

Le  comte  de  Clioiseul  Gouftier  vient  de  recevoir  la  confirma- 
tion des  affreuses  nouvelles  qui  avaient  déjà  transpiré.  Les  plus 
grands  forfaits  ont  été  commis  dans  sa  malheureuse  Patrie  par 
cette  horde  de  scélérats,  qui  la  déchire  et  la  déshonore  depuis 
trois  années.  Le  plus  ancien  allié  de  la  Sublime  Porte,  l'héritier 
de  soixante  Rois,  après  avoir  vu  massacrer  ses  gardes  et  tous  les 
bons  citoiens  qui  lui  ont  fait  un  rempart  de  leurs  corps,  est 
aujourd'hui  captif  entre  les  mains  des  rebelles  :  ils,  menacent 
publiquement  les  jours  de  sa  personne  sacrée  et  semblent  vouloir 
se  hâter  de  jouir  du  peu  de  monicns  que  leur  laissent  encore  la 
justice  divine  et  les  généreux  souverains,  glorieux  instrumens  de 
ses  vengeances. 

Invariablement  attaché  aux  mêmes  principes,  qui  ont  cons- 
tament  dirigé  sa  conduite,  fidèle  jusqu'à  la  mort  au  sang  de  ses 
maîtres  et  à  l'ancienne  constitution  de  l'Empire  Français,  ne  pou- 
vant paraître  un  seul  instant  reconnaître,  en  quelque  qualité  que 
ce  soit,  les  usurpations  sur  le  pouvoir  souverain,  bien  décidé  à 
ne  jamais  plier  sous  le  joug  honteux  du  crime,  le  soussigné  ne 
croit  pas  devoir  prolonger  l'exercice  d'un  pouvoir  qu'il  tenait  de 
son  souverain,  alors  libre,  alors  tout  puissant;  il  ne  saurait  plus 
agir  pour  le  moment  ni  comme  ambassadeur,  ni  comme  chef  des 
étabiissemens  français  en  Levant  et  il  se  trouve  sans  moiens 
pour  répondre  de  la  conduite  des  individus  de  la  police  des 
échelles  et  du  maintien  des  capitulations. 

1.  ("i:iu(lin  invny:i  plus  l;inl,  (■irilr  do  su  main,  copie  tUs  d.iix  inliri-ss.iills 
(Idiunuiils  qui-  je  nip|)i)itr,  les  aimolanl  avec  d'inli-iossaiils  coranuMitaires. 
Ois  doiiMiuMits.  nivoyrs  par  la  voie  dr  \'ellisi-,  rillriil  iiili  rceplés  i-l  ri-lcmis  par 
les  liupiisiliurs  d'Klal.  il  en  paivinl  cependant  un  duplicata  au  gouvernement 
de  Paris,  transmis  par  (iandiu  par  une  autre  voie.  Ils  sont  conservés  dans  le 
carton  iKIO  des  Inquisiteurs  d'iïtat  aux  .Arcliivcs  d'Ktat  de  X'euise  avec  les  autres 
autof,'raplies  de  (iau<!in,  égalenunl  interceptés,  que  je  publie  dans  le  présent 
article. 


liMiLi;  (iAii)iN  i;t  la  poi.itiqii;  française  247 

Dans  cet  état  momentané  d'anarchie,  la  Sublime  Porte  est 
seule  en  droit  de  prononcer  sur  les  mesures  qu'il  convient 
d'adopter  pour  assurer  l'existence  des  Français,  pour  les  faire 
jouir  des  avantages,  dont  ils  sont  en  possession,  et  maintenir 
parmi  eux  le  bon  ordre,  qu'on  est  en  droit  d'en  exiger.  Le  comte 
de  Choiseul  a  donc  l'honneur  de  recommander  à  la  protection 
impériale  les  ministres  du  culte  catholique  protégés  de  temps 
immémorial  par  la  couronne  de  France  et  les  Français  restés 
fidèles  à  leur  Roi,  qui  sont  établis  dans  les  états  ottomans.  Plein 
de  confiance  dans  la  haute  sagesse  et  dans  la  générosité  de  la 
Sublime  Porte,  il  la  supplie  de  vouloir  bien  faire  connaître 
quelles  sont  ses  intentions  et  ce  qu'elle  compte  ordonner  dans  les 
circonstances  déplorables  '  . 

Et  (iaiulin,  peu  de  Icmiijîs  après,  en  commun icjuant  au 
gouvernement  de  Paris  ce  violent  mémoire,  le  commentait 
en  ces   termes  : 

Je  n'observerai  rien  sur  ce  mémoire  ;  il  parle  assez  par  lui 
même  :  je  recommanderai  seulement  très  fortement  de  le  faire 
imprimer  avec  toutes  las  pièces  et  notes  que  M.  Choiseul  a  envoie 
au  ministère  depuis  la  Révolution.  Il  faut  qu'il  soit  entièrement 
démasqué.  On  trouvera  aux  archives  diplomatiques  tous  ses 
factums  patriotiques  et  on  les  comparera  avec  celui-ci  :  il  faudra 
en  remettre  quelques  exemplaires  au  ministre  qui  viendra  ici, 
pour  les  distribuer,  quoique  l'homme  soit  déjà  très  bien  connu 
ici  et  très  justement  apprécié.  .le  n'ai  pu  encore  parvenir  à  me 
procurer  le  second  mémoire,  je  lai  vu  :  il  est,  comme  je  vous  l'ai 
déjà  marqué,  sur  le  même  ton  que  celui-ci.  Il  y  ajoute  qu'il  veut 
partir  sous  trois  jours,  pour  aller  réjoindre  les  généreux  souve- 
rains. Il  demande  en  conséquence  sous  trois  jours  des  firmans  de 
vo3'age  à  la  Porte  et  menace,  si  sous  ce  délai  il  ne  les  a  pas 
obtenu,  de  partir  sans  eux.  Cette  pièce  est  du  24  septembre.  Je 
ferai  tout  mon  possible  d'en  avoir  copie  exacte  et  je  vous  l'en- 
verrai. 

Pendant  ce  temps,  la  Porte  s'était  empressée  d'inviter 
Choiseul  à  demeurer  seul,  parce  qu'ayant  refusé  de  recevoir 

1.  Ce   mémoire  a   déjà  été  publié  par  Grosjean.  op.   cil.,  p.  22.  .le   le   repro- 
duis parce  que  le  commentaire  de  Gaudin  s'y  rapporte. 


248  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

Sémonville  et  la  présentation  de  Chalgrin  n'ayant  pas  été 
faite,  l'ambassade  restait  sans  titulaire.  Gandin  reconnaissait 
la  sagesse  de  la  riposte  turque,  qui  était  exempte  de  loille 
récrimination  pompeuse  et  qui  laissait  la  porte  ouverte  à 
tonte  conciliation.  En  l'ace  du  factum  exagéré  de  Choiseul, 
les  paroles  sensées  de  la  Porte  faisaient  contraste  et,  quoique 
se  laissant  remorquer  par  le  ministre  de  Prusse,  le  gouver- 
nement turc  ne  se  montrait  pas  complètement  opposé  au 
nouveau  gouvernement  français.  On  comprend  dés  lors  que 
(laudin  commentât  assez  i)énévoleinent  cette  réponse  et  en 
soulignât  avec  un  |)articulier  inlérèt  la  signilication  réelle 
ou  fausse.  Et  l'une  et  l'autre  hyi)ot]iése  méritent  pour  cela 
d'être  bien  notées  '  . 

La  Sublime  Porte-  avait  appris  il  y  a  quelque  temps  que 
monsieur  l'Ambassadeur  de  France,  son  très  honoré  ami,  avait  été 
rappelle  de  son  ambassade,  et  qu'un  sieur  de  Sémonville  avait  été 
destiné  pour  le  remplacer  dans  la  même  qualité.  Il  a  été  prouvé 
que  le  dit  Sémonville,  par  une  suite  de  son  naturel  ■'  et  de  son 
caractère  très  connu  sous  certains  rapports,  avait  des  manières 
de  procéder  très  peu  conciliantes.  La  destination  d'une  telle  per- 
sonne pour  remplir  les  fonctions  importantes  d'une  ambassade 
n'aj'ant  pu  paraître  convenable,  il  avait  été  écrit  une  lettre 
viziriale  de  la  part  de  la  Sublime  Porte  au  premier  Ministre  de 
France  en  date  du  1  '^  du  Maliarem  de  cette  année  (IS  août  1797), 
par   la  quelle  on  demandait   qu'en  vertu  de  la   parfaite   et  sincère 

1.  I.o  ti'xtc  lie  la  ri-poiisi-  lui-tnu"  n'a  pas  clr  ooiimi  de  (ïrosjcaii  (np.  ci/., 
p.  2.'!),  alois  que  le  Uxle  de  (jaudiii  ne  lui  a  pas  été  coinplètemcnt  inconnu. 

'2.  CeUe  pièee  de  la  l'orle  esl  très  adroite  et  très  sage,  surtout  quand  on  sait 
combien  fortement  elle  a  été  stimidèe  par  le  ministre  tle  Prusse  pour  recomiaitre 
M.  Choiseid  comme  représentant  de  France  au  nom  dn  Hoi,  accrédité  par  les 
princes  frères,  pendant  et  à  cause  de  la  captivité  du  Koi  :  du  nmins  c'est  le 
bruit  très  ])ublié  à  l*era,  rct;u  même  par  ties  ministres  ([ue  l'envoie  de  i*russo  a 
présenté  plusieurs  mémoires  et  a  eu  plusieurs  conférences  avec  les  ministres  de 
la  I*orte  pour  la  porter  à  cette  démarche.  (Xittc  de  Gatidiii) 

■i.  V  a-t-il  rien  de  plus  vague  et  de  plus  significative  ipie  ces  allégations 
contre  M.  Sémonville,  c'est  ce  qui  me  porte  à  croire  que  la  I*orle  reviendra 
facilement  <lcs  fausses  impressions  qu'on  lui  avait  donné  contre  lui  et  révoquera 
l'exclusion  <|u'elle  s'est  laissée  arracher,  à  son  égard,  quand  elle  saura  la  vérité. 
Un  de  mi's  anus  Suédois,  très  versé  dans  la  langue  Turque,  m'assure  que  ces 
distinctions,  cnlrt'  M.  raiiihassadciir  notre  très  honore  ami  et  le  sieitr  Sémonville, 
n'existent  pas  en  Turc  et  que  c'est  ime  invention  dn  drogman  traducteur  pour 
llaller  M.  Choiseul.  ( Sole  de  Gandin) 


FMILl.  C.Al'DIX   ET    LA    POI.ITIOt'l-:    FlîANlJAISK  249 

atiiiliu,  qui  règne  entre  l'empire  ollomaii  et  la  cour  de  France,  il 
fût  nommé  à  la  place  de  sieur  Semonville,  un  autre  ambassadeur, 
dont  la  sagesse,  l'esprit  et  la  prudence  lui  conciliassent  toute 
notre  coniianee. 

Les  choses  étant  dans  cet  état  m.  l'ambassadeur  noire  anïi 
a  présenté  deux  mémoires  dans  les  quelles  il  demande  à  la  Su- 
blime Porte  la  liberté  de  se  '  retirer  et  de  partir.  Le  sens  et  l'objet 
de  ces  mémoires  sont  suffisament  connus  :  mais  m.  l'ambassadeur 
sait  parfaitement  bien  qu'il  est  d'un  usa^e  constant  que,  lorsqu'un 
des  ministres  des  Cours  Etrangères  accrédités  auprès  de  la 
Sublime  Porte  est  rappelle,  il  ne  se  retire  pas  avant  l'arrivée 
d'un  autre  ministre  ou  d'un  chargé  d'affaires,  ou  sans  laisser  à  sa 
place  une  personne  qu'il  aurait  accrédité  officiellement  en  qualité 
de  chargé  d'affaires  et  qu'il  continue  à  remplir  les  fonctions  de 
son  ministère  jusqu'à  l'arrivée  de  son  successeur.  Il  serait  donc 
absolument  contraire  à  cet  ancien  usage  et  nuisible  aux  intérêts 
des  négotiants  français  établis  dans  cette  capitale  et  dans  les 
autres  villes  de  cet  empire  que  m.  l'ambassadeur  notre  ami  exé- 
cutât l'intention,  dans  laquelle  il  est  de  se  retirer,  sans  que  confor- 
mément à  la  ditte  lettre  viziriale  il  fût  venu  un  nouvel  ambassa- 
deur ou  un  chargé  d'affaires  de  la  -part  de  ht  Cour  de  France 
suiiHint  les  règles  (inciennes  et  insaçie  eosUmient  pralitmc,  ou  sans 
qu'il  laissât  à  sa  place  -  une  personne  (|u'il  aurait  accrédité 
officiellement  en  qualité  de  chargé  d'affaire. 

Ces  conditions  exigent  que  l'on  attende  de  savoir  si,  en  consé- 
quence de  la  sus  ditte  lettre  viziriale,  il  viendra  de  la  part  de  la 
Cour  de  France  '  un  nouvel  ambassadeur  sniininl  '  l'ancienne  rètjlc 


1.  Que  sig.lilii-  CL-lk-  rrasu?,La  \>orW  vciit-^-Ilc  clin-  qncll.-  coiiiuiit  ce  qui  s'est 
passé  en  Franct-  c-l  qu'elle  ne  veut  pas  traiter  de  ee  sujet,  ou  bien  qu'elle  a  très 
bien  compris  que  .M.  Choiseul  ne  voulait  que  faire  du  bruit  pour  épouvanter'/  Le 
même  ami  Suédois  me  dit  qu'il  croit  que  celte  frase  est  encore  mal  traduite, 
que  c'est  une  tournure  très  usitée  en  Turc,  qui  revient  à  dire  :  nous  avons  jiris 
connaissance  de  ces  méntoires,  ce  qui  est  très  diii'érent.  (\nlc  de  Gandin) 

2.  Examinez  je  vous  prie  que  la  .Sublime  I^orte  fournit  a  son  très  honorable 
et  lionoré  ami  un  moien  bien  simple  el  bien  prompt  s'il  avait  eu  cfl'ectivemenl 
tant  d'envie  de  partir  dans  li  jours.  (Sote  de  Gandin) 

3.  Je  remarquerai  qu'il  n'est  pas  une  seule  fois  question  du  Padischach  ou 
Empereur  de  France  comme  les  Turcs  le  nomment  toujours,  mais  de  la  Cour  ; 
le  Turcs  connaissaient  la  suspension  :  il  est  vrai  qu'on  peut  dire  qu'ils  ne  nom- 
ment pas  non  plus  leur  Padischach  ou  Empereur.  (Xolc  de  Gandin) 

4.  Fiiites  bien  attention  a  cette  frase  on  l'a  fait  mettre  à  dessein  pour  vous 
susciter  auprès  des  ottomans  superstitieux  observateurs  des  anciennes  usages 
des  Chicanes  au  sujet  de  la  Hépublique.  (?\'otc  de  Gandin) 


250  REVUE    HISTOItlQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

(■/  (i.s()(/f  ronslamnwnl  pratique  ou  si  un  l'ambassadeur  notre  ami 
recevra  uc  nouveau  les  commissions  d'ambassadeur,  en  témoi- 
gnage de  satisfaction  de  la  conduite  louable  '  à  tous  ses  égards 
qu'il  a  tenu  pendant  le  tems  de  son  ambassade.  En  un  mot  il  est 
nécessaire  que  m.  l'ambassadeur  notre  ami,  pour  empêcher  le 
derrangement  des  affaires  des  negotiants  français,  pour  se  con- 
former aux  anciennes  règles  et  pour  maintenir  les  traités  et  l'ami- 
tié qui  lient  les  deux  Empires,  ne  parte  pas  de  cette  Cour,  jusqu'à 
ce  que  l'on  sache  quelle  résolution  aura  prise  la  Cour  de  France 
et  qu'en  attendant  cette  nouvelle  il  continue  a  faire  et  à  traiter 
les  affaires  de  France  -  . 

Le  1"  de  Rehiul  ewel  1207 
(le  16  8''"'  1792; 

Choiseul  ne  se  Ht  pas  répéter  deux  l'ois  l'ordre  de 
rouvrir  la  chancellerie,  à  la  grande  joie  des  ennemis  de  la 
France  républicaine,  pendant (juarrivaient  les  sinistres  nou- 
velles des  défaites  des  alliés  à  la  frontière  française.  El 
pendant  que  ces  diplomates  perdaient  leur  temps  à  essayer 
auprès  de  la  Porte  des  jeux  périlleux  d'équilibre,  les  direc- 
teurs suprêmes  tlu  gouvernement  turc,  rebelles  à  toutes  ilat- 
teries,  figés  dans  une  attitude  impénétrable,  portaient  un 
nouveau  coup  au  poids  en-combrant  des  capilulatioiis  au 
grand  détriment  bien  entendu  dn  commerce  étranger  en 
butte  à  l'indolence  indigène  et  à  la  bureaucratie  forma- 
liste. 

Quando  ognuno,  écrivait  Foscarini  le  T'"^  Novembre  ■'  , 
credeva  che  non  avessero  più  a  succedere  innovazioni  sopra  le 
vaiuta/.ioni  dei  generi   di  coinmercio  compresi  nclle  tariffe   dellc 

1.  Quoique  se  petit  coii[)  tram'cnsoir  pour  M.  Clioiseul  soit  tort  mesquin,  eu 
égard  à  l'excessive  prodigalité  des  asiatiques  en  lait  de  louange,  je  puis  vous 
.issurer  que  c'est  encore  nn  orientalisme  t(ïut  jjur.  (Xote  de  Gaudin) 

2.  Pour  vous  donner  à  connaître  la  eliarlatanerie  des  ministres  diplomati- 
ques d'ici  je  vous  dirai  que  ce  l'ut  .M.  l'inlerprète  qui  présenta  le  premier  cette 
pièce  a  M.  Choiseul,  eu  l'euibrassaut  avec  de  grandes  démostrations  de  joie  et 
en  lui  disant  :  Tenez  mon  cher  amhassadeur  vous  voilà  de  nouveau  and)assa- 
deur  du  Hoi  de  France  nous  nous  attendions  à  i|uelqne  chose  d'extraordinaire  à 
une  mesure  fâcheuse  ])"ur  la  France,  juger  de  notre  surprise  lorsque  nous 
lûmes  .ce  Takrir. 

Parturieut  montes,  uascelur  ildiculus  nuis.  ^Yl>(.•  </,■  Ciiiidin) 
:i.  Disimi-ri...  p.  TM ,  n.  2711. 


ÉMII.K    CAIDIN    I;T   I..\  POLITlyfi;    KliANC.AISK  251 

iKizioiii  cominercianli  o  tlopn  clio  noi  tutli  ministri  forestier' 
ahliiaiiio  più  o  meiio  usato  délie  corlesie  al  G.-aii  Doganiere,  in 
modo  possihilmente  soddisfacentc  l'intéresse  délie  rispettive 
na/.ioni,  oggi  viene  di  succedere  iina  novità  che  riuscirà  incomo- 
dissima  a  tutti  li  negozianli,  che  prevedo  difficile  di  peter  impe- 
dire.  Il  Reis-EITendi  disse  al  Ralli  di  parteciparmi  che  la  Porta 
aveva  stabilité  di  voler  che  tutte  le  tariH'e  avessero  ad  essere 
regolate  valutando  le  merci  tutte  al  vero  loro  valore  e  gli  aggiunse 
che  taie  disciplina  era  giustissima,  peichè  non  alterava  il  paga- 
niento  del  tre  percento  volute  dai  trattati,  ai  quali  la  Porta  voleva 
strettamente  attenersi,  ma  che  se  le  antiche  stime  dei  generi  erano 
troppo  tenui  in  confronte  dei  prezzi  attuali,  non  era  giusto  che  le 
dogane  del  Gran  Signore  avessero  ad  avère  un  taie  discapito.  Il 
Ralli  gli  rispose,  che  non  vedeva  come  avesse  cio  a  succedere 
dopo  che  mesi  sone  il  Gran  Doganiere  aveva  cie  effettuato,  rimar- 
candogli  che  una  tal  nevità  dispiacerebbe  moltissimo  a  V.  V. 
E.  E.,  Ma  a  cio  il  Reis-EtTendi  gli  disse  che  questa  regelaziene 
dovcva  essere  eseguita  per  tutti  e  che  egli  ne  aveva  avvertito  li 
Dragomani  délie  altre  niissioni  e  che  cesi  essendo  niuno  avrebbe 
motive  di  dolersi,  ben  lontana  qual'é  la  Porta  di  far  cosa  dis- 
piacevole  alla  Repuhblica,  e  termine  dicendegli  che  il  combina- 
mente  eseguito  con  il  Gran  Doganiere  non  era  C[uelle  che  fosse 
conveniente  di  fare. 

Dacché  seppi  un  tal  faite  non  petei  vedere  l'ambasciatore  di 
Francia,  ne  tampoce  ([uello  d'Inghilterra,  essendo  essi  in  cempa- 
gnia,  ma  se  che  il  conte  Choiseul  ne  é  scontentissimo  come  le 
sone  tutti  li  negozianli  francesi. 

le  frattanlo  feci  dire  al  Reis-Etïendi  che,  quando  infalti  la 
legge  fesse  comune  e  non  venissi  in  mode  alcune  alterato  al 
convcnuto  nei  trattati,  supponevo  che  V.  V.  E.  E.  si  adattereb- 
i)ere  al  destine  degli  altri,  ma  che  mi  conveniva  attendere  quello 
sarà  convenuto  con  le  altre  principali  Nazieni  che  commercianti, 
suir  esempio  délie  ([uali  sarà  in  allorapiù  facile  di  convenire  '. 


1.  Traduction  :  «  Alors  qiu-  iliaciin  croyait  qu'il  n'y  auiait  plus  d'innova- 
tions au  sujet  de  l'évaluation  des  divers  genres  de  commerce  compris  dans  le 
tai-if  des  nations  commerçantes  et  alors  que  nous  tous,  membres  étrangers,  avions 
plus  ou  moins  usé  de  courtoisie  avec  le  chef  des  douanes,  de  façon  à  satisfaire 
l'intérêt  des  nations  respectives,  il  vient  de  paraître  aujourd'hui  une  nouveauté  qui 
sera  complètement  incommode  pour  tous  les  négociants  et  cpi'il  parait  difficile 
d'empéeher.   Le  Reiss-effendi   a  annoncé  à  Halli  que  la  Porte   avait   décidé  que 


252  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  l'KAXÇAISE 

La  vieille  (jnestion  était  donc  remise  en  discussion  : 
grâce  à  une  occasion  propice  el  à  Ilieiire  de  la  grave  crise, 
(pii  menaçail  les  PLtats  européens,  le  gouvernement  turc  en 
prolilail  pour  leur  infliger  dommages  et  humiliations.  Le 
bailli  vénitien  '  déclara  (pie  la  Porte  avait  envoyé  spécialement 
ÏNIustafa  Bey  «  Sui)crintendant  de  la  cuisine  impériale  », 
Bechir-Bey,  son  seciélaire,  et  le  chef  des  douanes,  discuter 
avec  les  représentants  de  chaque  nation  sur  l'applicalion 
d'un  nouveau  tarif  auc|uel  le  corps  di])loinati(pie  résidant  à 
Constantinople,  divisé  et  défiant,  ne  pouvait  s'opposer.  Les 
missions  russe  et  viennoise  étaient  disposées  à  la  résistance 
et  refusaient  de  participer  aux  travaux  de  cette  nouvelle 
autant  (ju'inutile  conférence.  Les  drogmans  d'Angleterre,  de 
France  el  de  Hollande  acceptaient  pour  éviter  un  mal  pire 
et  la  nation  vénitienne,  entre  les  unes  et  les  autres,  suivit  le 
chemin  le  moins  mauvais,  lâchant  d'éviter  par  des  retarils 
rusés  toute  mesure  précise,  ^hns  la  conclusion  de  ces  confé- 
rences répétées,  cjui  se  succédèrent,  de  novembre  à  mars, 
sur  cette  question  capitale,  fut  l'augmentation  générale 
et  plutôt  sensible  du  tarif  il'importation,  au  sujet  ducjuel 
le  corps  diploiuatiipie  ojjposa  les  protestations  les  plus 
vaines  et   les  plus    inutiles.    La   Porte  demeura  maîtresse  de 


tous  les  tarifs  SL-iaiful  r.-giilaiiscs  et  (iiu-  loutos  li-s  maiiliaiulisi-s  scraifiil  osli- 
mées  à  Iciii-  valpur.  Il  a  ajinilr  qu'une  telle  mesure  était  très  juste  parée  quelle 
ne  supprimait  pas  le  paiement  du  H  01)  admis  par  les  traites  auxquels  la  Turquie 
voulait  se  eoulormer  eu  tout.  11  a  déelaré  que  si  les  estimations  aneieuues  élaieut 
trop  faibles  en  rapport  des  prix  actuels  il  n'était  pas  juste  «pu-  la  douane  du 
Grand  l'ure  en  pàtit.  Ralli  lui  répliqua  qu'il  ne  eompreuail  pas  pourquoi  ou 
modiliait  ce  qu'avait  fait  depuis  peu  le  chef  des  douanesel  lui  lit  remarquer 
qu'une  telle  nouveauté  déplairait  beaucoup  à  Vos  Uxcellciues.  .-^  ceci  le  Keiss- 
etî'endi  répondit  que  la  nouvelle  réglemeulalion  était  applicable  à  toutes  les  na- 
tions, que  les  drogmans  des  autres  missions  avaient  été  avertis  et  que  personne 
n'aurait  ainsi  motif  de  se  plaindre.  Il  déclara  n'avoir  en  rien  voulu  froisser  notre 
république  cl  termina  en  disant  que  l'arrangemenl  conclu  avec  le  chef  des 
douanes  n'aurait  pas  dû  l'être.  Dés  que  je  connus  le  fait,  j'essayais  de  voir  l'am- 
bassadeur de  France  el  ceini  d'.Vngleterre.  .le  ne  le  pus,  ils  élaient  eu  compagnie. 
Mais  j'ai  appris  que  le  comte  de  Choiseid  eu  était  fort  mécoulenl,  de  même  que 
tous  les  négociants  français,  .l'ai  l'ail  dire  au  Keiss-elVeudi  que  ipioicpu-  la  loi  fut 
commune  et  eu  aucune  façon  contraire  aux  traités,  je  supposais  que  Vos  hxcel- 
lences  se  conformeraient  au  sort  des  autres  mais  qu'il  me  paraissait  convenable 
d'atlondre  ce  qui  sera  décidé  par  les  autres  nations  conimerçanles  sur  l'exemple 
desquelles  il  sera  alors  plus  facile  de  se  guider.  « 
1.  nispani...  f.  2:57,  n"  'i.SO  (S  novembre  17!»'.>). 


ÉMII.IC    OAUUIN    ET   I-A   rOLlTIQUi;    l'IÎ ANÇAISP;  253 

violer  liailos  cl  capiliihilidiis,  de  léser  les  inlércls  vitaux 
(les  (li\erses  nations,  vexant  leur  eommeice  le  plus  important, 
adoptant  une  attitude  menaçante  vis-à-vis  des  faibles, 
insinuante  et  cauteleuse  vis-à-vis  des  forts,  mais  au  fond 
également  funeste  aux  uns  comme  aux  autres.  Cela  est 
suliisanl  pour  comprendre  tout  le  dommage  cpii  en  résultait 
pour  la  nation  française  désorganisée,  mal  défendue  par  ses 
propres  rt'pi'ésentanls,  sacrifiée  aux  anihilions  dynastiques 
de  ses  chefs.  Par  là  on  comprend  les  paroles  amères  du 
fidèle  représentant  de  la  Révolution,  qui  sentait  douloureu- 
sement se  répercuter  les  échos  des  sinistres  événements  teints 
de  sang  de  la  patrie  lointaine  et  ([ui  voyait  la  hardiesse 
turque  prête  à  chasser  sur  terre  et  sur  mer  la  puissance 
commerciale  de  la  grande  nation  française. 

MOBERTO    CeSSI. 

Triiiluil  de  l'italien  par  M.  Joseph  C()^^îET. 

(A  siiiurc). 


LETTRIvS  L\  ÉDITES 

DE 

MARIE-CAROLINE 

REINE  DES  DEUX-SICILES 
AU  MARQUIS  DE  GALLO 

(1789-1806) 
(Suile  ') 


Partie  en  noir. 


CCLXXVIII 

Porlici,  le  •!'.)  scplombro  lcS03,  iV  3. 

Commissions 


Des  fichus. 

Des  chemisettes, 

Des  mnnches  courtes  et  maniehicks,  mais  larges, 

Le  tout  de  mousseline  hrodée. 

Des  livres  nouveaux  : 

L'opéra  ou  au  moins  le  livre  et  les  duos,  airs,  finales 
sans-rccitatures  (sic)  de  l'opéra  de  Sargines  -. 

Quelque  chose  de  nouveau  pour  la  nouvelle  année  ([ui 
ne  puisse  outrepasser  tout  au  |)lus  ."î. (100  ducats. 

Lettre  écrite  au  citron  et  entre  les  li<jnes  du  noir 
snr  la  première  page 

Je  joins  encore  un  pmi  de  mois.  \'ous  saurez  déjà  (jue 
les  Talerand  retournent   en  France.  Ils   ont  eu   leurs  biens. 

1.  V»ir />Vi..i,' /i/.s/,„/,,m'  </<•  hi  ]i,-tH,l„li,m  /■nuirais,-  <!■■  j;.i.vioi-ni:irs  1911  .-l 
miliu'rds  SMivniilN. 

•2.  n  snsil  ilo  lop,]-:!  de  P.ièr,  reprisenlé  à  nresae(reiiseignenienl  ilù  :i  l'o- 
bligeance (Il   mou  ;imi  .Alfred  Soubies). 


LETTRES    INÉDni:S   1)1:   MAHli;-CAROElNE  255 

Ceci  (iil,  il  exige  acte  de  présenee  ;  mais  ils  ont  l)eaiR'oii|) 
d'iuimeiir  bien  que  j'ai  élé  obligée  de  les  averlir  cjue  leur 
fils  '  se  permettait  en  public,  tbéàtre,  calé,  les  propos  les 
plus  injurieux  contre  le  roi,  moi  el  eux-mêmes  et  faisait 
peur  ])ar  les  propos  tenus  sur  eux.  .le  les  ai  avertis  en 
amie.  Cela  les  a  pic[ués.  Ils  ont  renoncé  pension  et  tout  et 
partent  pour  la  France  laissant  leur  fils  à  Vienne,  crainte 
de  la  réquisition.  Je  suis  restée  et  serai  toujours  leur  amie 
prompte  à  tout  l'aire  pour  eux,  pour  leur  bien  ;  mais  le  voile 
de  l'illusion  de  leur  amitié  et  de  ma  confiance  est  déchiré. 
Cela  rend  bien  misanthrope  et  fout  triste.  Mais  A'oilà  le 
monde.  Ils  voulaient  uniquement  me  diriger  et  seuls  me 
régler  en  tout,  et  ce  manège,  avec  mon  caractère,  cela  ne  se 
peut.  Vous  médirez  sincèrement  ce  (|u'ils  disent  à  Paris.  Je 
vous  envoie  inclus  une  lettre  cpiiis  m'ont  ])riée  de  vous  re- 
mettre et,  voulant  être  honnête  jus(prau  bout,  je  vous  la 
remets. 

Ma  santé  a  des  hauts  et  des  bas.  Mais  il  faut  prendre 
patience.  Mes  chers  enfants  vont  bien  ;  le  roi  aussi.  Les  affai- 
res vont  mal.  Une  lenteur  contradictoire  extrême.  Ce  pays-ci 
aurait  besoin  d'une  année  de  gouvernement  de  Bonaparte, 
mais  sans  que.  Dieu  préserve,  lui  en  soit  le  maître.  Mais 
fernielé,  autorité,  force,  voilà  ce  (ju'il  faudrait.  Mais  tout  le 
monde  se  plaint  l'un  contre  l'autre.  Rien  ne  se  fait  et  tout 
tombe  en  lambeaux.  Les  finances,  le  maudit  argent,  qui 
mantjue  partout  et  est  le  mobile  qaii  fait  tout  aller,  man- 
que partout  et  en  tout.  Medici  trouve  la  besogne  moins 
agréable  cju'il  s'imaginait.  Enfin  une  confusion  générale.  Je 
ne  souhaite  que  de  marier  mes  filles,  assurer  notre  sort  à 
Léopold  et  à  moi  et  finir  mes  jours  eu  paix. 


1.  Talleyraud  (Auguste-Louis,  comte  de),  né  en  1770,  mort  en  1832,  fils  du 
baron  de  Talleyrand,  accompagna  en  1788  son  père  nommé  ambassadeur  à  Na- 
ples,  et  il  ne  rentra  en  France  qu'en  1799.  Il  dut  à  sa  parenté  avec  Tallej-rand, 
d'abord  la  charge  de  chambellan  de  Napoléon,  puis  celle  de  Ministre  plénipo- 
tentiaire près  du  grand-duc  de  Bade  et  ensuite  en  Suisse.  Maintenu  dans  ce 
poste  par  Louis  XVIII,  il  y  resta  jusqu'en  1823.  Pair  de  France  en  1825,  il  refusa 
jp  prêter  serment  à  Louis-Philippe. 


2Ô()  REVLE    HISTORIQIK   DF.  1,A   RÉVOLUTION     FRANÇAISE 

Je  ne  puis  vous  dire  eoinjjieu  je  vis  retirée  par  goût  et 
conviction.  C'est  au  point  que  je  dis  souvent  que  je  pren- 
drai la  faculté  d'exprimer  nos  idées. 

Ecrivez-moi  donc  jdus  souvent,  mais  avec  la  sincé- 
rité due  à  luie  ancienne  amie.  Votre  retenue  me  Ibrce  à  la 
mienne,  qu()i([u'avec  peine,  ("et  hiver  procurera  de  grands 
événements.  Dieu  sait  quels  en  seront  les  résultats. 

Adieu,  montrez-moi  sincérité,  confiance.  Cela  encoura- 
gera la  mienne  et  croyez-moi  toujours  votre  sincère  amie. 

l'ortici,  le  29  septembre  180;!.  n"  'i. 

Coinmissions 

Un  diadème  dans  le  goût  de  celui  envoyé  au  Roi  pour 
ma  fille  Antoinette  avec  des  bracelets  aussi,  le  tout  à  ]ieu 
près  pour  2.01)0  ducats. 

Cela  ilevrait  être  à  Naples  pour  le  15  ou  le  20  novembre 
afin  de  l'envoyer  à  temjjs  pour  le  14  décembre  à  Madrid. 

.l'eïjvoie  les  couleurs  de  mes  cheveux  pour  règle. 

Je  me  lecommande  à  l'excellent  goût.  C'est  moi,  mère, 
qui  l'envoie. 

Livres  nouveaux.  —  Ceci  lait  mon  bonheur  et  mon  uni- 
(jue  société  sans  ingratitudes. 

Musique  d'instruments  à  vent  pour  des  concerts. 

Deux  pièces  de  mousseline  claire  unie  pour  les  broder. 

Du  coton  blanc  fin  pour  broder. 

Quchpies  aunes  de  tulle. 

Du  Marly  pour   broder. 

J'envoie  un  soulier  et  une  pantoulle  à  moi.  Je  voudrais 
une  paire  de  souliers  pour  promener,  trois  paires  de  pantou- 
fles pour  parures  de  la  dernière  mode,  élégance  et  l'orme 
pour  voir  comme  elle  sont,  les  modes. 

Pour  1.000  ducats  à  choix  et  bon  goût  des  objets  de 
modes,  mousseline,  bonnets,  fichus,  chemises  ou  autres 
choses  pour  à  peu  près  ce  prix,   selon  le    bon  goût  connu. 

On  ouvrira  d'abord  le  comj)te  et  j'en  enverrai  le  jiaye- 
nienl  lois  p;:r  l'ois. 


LEïTRHS    INÉDITES    DE    MARIE-CAKOLINE  257 

CCLXXIX 

Poitici,  le  21   novembre    1803,  ii"  4,  ehiffie 

De  celte  façon,  je  vous  parle  plus  clairement. 

J'ai  lu  avec  attention  les  offices  deTalleyrand'  .  Ils  me  pa- 
raissent plein  d'humeur,  cherchant  querelle,  les  demi-pi- 
quanteries  contre  le  ministre  anglais  dans  lequel  il  se 
trompe  très  fort  accusant  Acton,  car  c'est  nous  qui  pen- 
sons ainsi.  D'ailleurs,  le  désarmement  de  la  Calabre  est  un 
ridicule  prétexte.  Ils  ne  sont  pas  en  armes,  dont  je  suis  bien 
fâchée,  et  il  faut  que  les  héros  de  Tarente  aient  inspiré  une 
pareille  peur  au  premier  Consul.  Le  ton  péremptoire  est 
celui  avec  lequel  il  obtient  tout  ce  qu'il  veut  et  épouvante 
tout  le  monde.  J'espère  que  l'eff'et  ne  suivra  pas  la  menace. 
Car  s'il  augmente  le  nombre  des  troupes,  le  roi  est  décidé. 
Il  part  immédiatement  pour  la  Sicile  ;  moi  je  reste  avec  mon 
lils  et  famille,  mais  aurai  bien  soin  de  me  faire  donner  les 
points  par  écrit  que.  Dieu  me  voit,  j'exécuterai,  dussé-je  en 
être  la  victime.  Je  ne  prise  pas  la  vie  et  voudrais  remettre 
l'honneur.  L'exemple  du  roi  de  Sardaigne,  du  grand-duc, 
du  pape,  qui  ont  léché  ces  coquins  chez  eux  et  ont  fini  par 
en  être  chassés,  n'est  pas  encourageant.  Je  préférerais  mou- 
rir à  vivre  à  charge  à  tout  le  monde  de  pensions  dehors. 
Ainsi,  évitez  cette  nouvelle  agression,  encore  plus  injuste 
que  la  première,  puisque  toute  l'Europe  sait  que  nous  nour- 
rissons ces  laquais  et  les  souffrons  depuis  presque  une  an- 
née sans  les  inquiéter.  On  verra  donc  que  c'est  méchanceté 
pure  et  prétexte  pour  nous  faire  mal. 

Je  vous  envoie  le  Mémoire  du  pauvre  Rey  et  une  lettre  à 
moi  qui  l'accompagne.  Je  l'ai  faite  exprès  pour  que  vous  puis- 
siez la  montrer.  Il  y  a  bien  quelques  petits  coups  de  patte, 
mais  en  vérité,  c'est  bien  peu  à  ce  que  je  sens.  Tâchez  de  bien 
faire  finir  celte  odieuse  histoire  . . . 

Je  vous  envoie  une  lettre  que  vous  me  ferez  le  plaisir  d'en- 

1.  Cf.  AuRiOL,  La  France.  l'Angleterre  et  Saples.  i,  440-441.  Ministre  des 
Relations  Extérieures  à  Alquier,  Paris,  15  octobre  1803,  et  Tallcvrand  au  Mar- 
.[uis  de  Ciallo,  30  octobre  1803. 

REV.   HIST.    DE  LA  htVOL.  17 


258  REVUE    HISTORIQUE   DE    LA    KÉVOLUTIOX    FRANÇAISE 

voj'cr  en  exprès  à  Versailles  et  dire  qu'on  vous  en  porte  la 
réponse  à  un  marquis  de  Saint-Clair  '.  C'est  un  brave,  loyal 
officier  à  notre  service.  II  a  perdu  sa  sœur  et  désire  des  nou- 
velles de  sa  famille.  Comme  il  ne  veut  employer  aucun  moyen 
illégitime,  je  lui  ai  promis  de  faire  passer  sa  lettre  et  de  tâcher 
de  lui  faire  avoir  la  réponse.  Je  vous  prie  donc  de  vous  en 
occuper  et  de  m'envoyer  la  réponse. 

Pour  lapaix,  si  jamais  elle  n'aura  lieu,  je  vous  recommande 
qu'on  détruise  la  Cisalpine  et  toute  république  en  Italie  et 
qu'on  remette  les  princes.  J'ai  mon  projet  tout  fait,  mais 
aujourd'hui  pas  le  temps  à  vous  l'écrire,  ce  courrier  partant 
en  toute   hâte  et  me  retrouvant  avec  un  grand  mal  de  tète. 

Tâchez  de  nous  aviser  à  temps  de  tout,  parlez-moi  libre- 
ment comme  je  le  fais.  J'espère  que  ces  prétextes  finiront, 
que  l'on   ne  nous  inquiète  plus. 

Je  vous  recommande  l'affaire  de  Rey.  Je  ferai  mon  possible 
pour  vos  affaires  pécuniaires  et  vous  causer  quelque  commo- 
dité, agréments. 

Adieu,  comptez  sur  ma  sincère,  vraie  amitié  et  confiance 
qui  durera  autant  que  ma  vie. 

CCLXXX 

Porlici,  le  30  novembre  1803.  n"  5. 

Lettre  en  noir.  —  Je  ne  vous  écris  que  peu  de  lignes  par 
le  courrier  d'Espagne  qui  laissera  cette  lettre  à  Aix,  d'où  elle 
vous  parviendra  par  la  poste.  J'ai  parlé  au  Roi  pour  le  paye- 
ment des  9.400  francs  pour  son  diadème.  Il  veut  le  compte 
pour  en  ordonner  le  payement,  .\insi  veuillez  bien  me  l'en- 
voyer. 

Vous  pouvez  juger  avec  quel  empressement  j'attends  vos 
nouvelles  qui  doivent  être  intéressantes.  D'ici  rien  de  nou- 
veau, mais  tout  à  attendre. 

Adieu,   crovcz-moi,  avec  de  la  reconnaissance. 


1.    Le  même  qui  fut  le  premier  iiïinistre  de  la  (nierre  de  Ferdinand    II,  Icrs 
de  In  Restauration  en  ISl.'i. 


LETTRES     INÉDITES   DE   M.VRIE-CAKOI.INE  259 

Lettre  au  citron  écrite  entre  les  Ii</ nés  jusqu'à  la  fin  du  noir. 
—  Je  profile  du  courrier  d'Espagne  (jui  laissera  celte  lettre  à 
Aix  et  j'espère  qu'elle  vous  parviendra  intacte.  Vous  me  ferez 
plaisir  de  m'en  aviser  pour  me  tranquilliser  et  pouvoir  plus 
fréquemment  en  profiter...  Nous  sommes  d'un  moment  à 
l'autre  à  attendre  un  de  nos  courriers.  Chaque  jour  des  nou- 
velles se  débitent.  Ce  que  je  crois  de  plus  vrai,  et  selon  ma 
conviction,  de  sûr,  c'est  que  ces  Messieurs  nous  chercheront 
noise  pour  trouver  à  nous  attaquer.  .Je  crois  même  qu'ils  se 
trouvent  fâchés,  embarrassés  par  notre  extrême  bonté  et  con- 
descendance de  ne  point  trouver  un  motif  plausible  pour  nous 
chercher  querelle.  Ils  en  chercheront  partout.  La  persécution 
très  injuste  contre  Acton  en  sera  un  et  ne  réussira  point. 
Le  Roi  n'y  cédera  jamais  et  il  se  le  doit  et  aux  mânes  de  son 
père.  —  Enfin  nous  continuons  à  être  inquiets,  mais  résolus 
à  braver  l'orage . . . 

Je  crois  les  Talerand  conseillés  par  leur  fils,  neveu  du 
Ministre,  de  ne  point  rentrer  en  France,  mais  de  s'arrêter 
où  ils  se  trouveront  jusqu'au  printemps. 

Tout  le  monde  cette  année  en  France  passe  l'hiver  à  la 
campagne.  Cela  démontre  quelque  crainte. 

Je  le  désire  bien  vivement.  Car  ce  n'est  qu'en  étant  bien 
inquiets  et  tourmentés  chez  eux,  qu'ils  laisseront  les  autres 
tranquilles  et  je  désire    bien  l'être. 

Adieu,  mon  cher  Gallo.  Si  cette  lettre,  (|ui  n'est  qu'une 
demi-feuille  pour  la  faire  moins  grosse,  arrive  à  bon  port,  je 
profiterai  plus  souvent  des  courriers  d'Espagne  qui  partent 
sûrement  tous  les  quinze  jours. 

Lechi  et  Verdier  sont  à  Naples  '.  Personne  ne  les  a  vus, 
ni  verra.  On  devrait  calculer  ce  procédé;  maison  ne  calcule 
rien.  On  ne  sait  que  commander  et  pas  tout  le  monde  a  le 
goût  d'obéir. 

Adieu,  mandez-moi  de  vos  nouvelles  et  comptez  sur  toute 
ma  reconnaissance. 

1.  Il  y  a  là  une  erreur  de  la  Kcine.  Aucun  des  deux  généraux  ne  vint  à  Naples 
à  ce  niomeut. 


260  REVIK    HISTORIQLK    DE   LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

CCLXXXI 

N'aples,  le  20  décembre  1803,  n»  5. 

J'ai  reçu  avec  une  vraie  reconnaissance  en  même  temps 
que  votre  lettre  du  30  novembre  le  diadème  pour  Antoi- 
nette, à  qui  je  l'enverrai  par  le  premier  courrier,  la  musique 
instrumentale  religieuse  et  les  modes.  Je  vous  remercie  de 
cet  envoi,  plus  encore  de  tout  ce  que  vous  me  dites  et  comme 
toujours  de  votre  bon  goût  et  de  toute  la  peine  que  vous 
vous  donnez.  Prière  de  m'envoyer  le  compte  de  ce  qui  vous 
est  dû  pour  tous  ces  objets,  compte  qui  sera  immédiatement 
réglé.  Je  ne  puis  avancer  les  fonds  :  car  je  vis  strictement 
de  ma  pension  mensuelle  et  sans  le  moindre  espoir  d'amé- 
lioration. Le  roi  lui-même  est  gêné,  et  c'est  ce  qui  nous 
oblige  à  la  plus  grande  économie. 

Je  parlerai  de  vos  affaires,  car  je  désire  vous  être  utile, 
vous  n'en  doutez  pas. 

Ma  santé  se  soutient  en  dépit  de  certaines  petites  incom- 
modités. Toute  ma  chère  famille  va  bien.  I,e  Roi  est  depuis 
hier  à  la  chasse  à  Persano.  Il  s'y  livre  de  nouveau  avec 
ardeur  depuis  que  les  autres  exercices,  tels  que  voyages,  vi- 
sites de  fabriques  et  d'établissements,  manœuvres,  marches 
militaires  ont  presque  entièrement  pris  fin. 

Vous  pouvez  vous  figurer  avec  quelle  impatience  nous 
attendons  les  événements  qui  sont  en  train  de  se  dérouler  et 
les  conséquences  qui  en  résulteront.  Je  ne  désire  qu'une 
paix  tranquille,  honnête,  durable,  et  rien,  plus  rien  que 
cela.  J'espère  qu'on  finira  par  nous  ôter  cette  occupation 
entretenue  à  nos  frais  en  dépit  de  tout  droit  et  de  toute  jus- 
tice. J'espère  que  grâce  à  votre  zèle  on  se  rendra  à  l'évi- 
dence et  que  vous  réussirez  à  faire  table  rase  de  tous  ces 
absurdes  prétextes,  tels  que  nos  armements  dans  les  Cala- 
bres,  notre  travail  en  Italie  et  d'autres  inventions  non  moins 
grolescpies  et  ridicules,  enfin  que  vous  ferez  obtenir  cette 
paix  momentanée,  ou.  à  défaut  de  cette  paix,  qu'on  n'aug- 
mente i)as   nos  charges  et  nos  inquiétudes. 


LETTRES  INÉDITES   I)E  MARIE-CAROLINE  2(51 

Je  compte  sur  votre  dévouement  et  votre  vigilance  i)our 
nous  tenir  au  courant  de  tout  en  des  moments  d'une 
pareille  importance  pour  nous. 

Je  m'arrête  bien  que  j'aie  encore  une  foule  de  choses  à 
vous  dire;  mais  le  temps  me  manque  à  cause  d'une  excur- 
sion à  Pompéi  que  je  dois  faire  ce  matin  avec  mes  chers 
enfants  pour  assister  aux  fouilles  dans  une  maison  (ju'on 
vient  de  découvrir. 

Adieu.  Donnez-moi  souvent  de  vos  nouvelles.  Les  cir- 
constances sont  trop  graves  et  trop  intéressantes  pour  que 
vous  nous  laissiez  rien  ignorer,  d'autant  plus  que  chacun 
fabrique  ici  des  nouvelles  d'après  ses  sentiments,  ses  désirs 
et  sa  fantaisie. 

Adieu,  prenez  soin  de  votre  santé.  Je  vous  souhaite  une 
bonne  année  plus  heureuse  que  celle  qui  va  finir. 

Adieu,  croyez  moi  avec  une  vraie  et  éternelle  reconnais- 
sance votre  sincère  et  reconnaissante  amie. 

Caroline. 

Viennent  deux  feuilles  en  chiffre. 

Une  pour  votre  épouse. 

Une  lettre  pour  la  Vintimilla. 

Une  pour  M.  Fouache,  au  Havre  de  Grâce. 

Je  vous  recommande  la  commission  des  livres.  Qu'ils 
soient  nouveaux  et  intéressants.  C'est  là  mon  unique  société 
dans  ma  solitude.  Envoyez-moi  le  compte  de  ce  que  je  vous 
dois  afin  que  je  m'acquitte  immédiatement  envers  vous. 

CCLXXXII 

N.Qplcs,  le  28  jnnvior  1S(M,   n"  1,  chiffre. 

Lettre  en  noir. 

Je  vous  écris  cette  courte  lettre  par  la  poste  pour  vous 
annoncer  d'avoir  reçu  celle  du  23  décembre  que  vous  m'avez 
écrite  par  la  poste.  Je  vous  remercie  l)ien  sincèrement  des 
vœux  que  vous  faites  pour  mon  bonheur.  Dans  cette  année- 
ci  les  choses  en  sont  à  un  point  que  je  n'espère  ni  même  ne 


2()2  HEVUK    mSTORlyUE    DE   LA   RKVOLITION    FRANÇAISE 

puis  plus  être  heureuse  dans  ma  vie.  Tout  ce  que  je 
souhaite,  c'est  trautjuillité,  repos  et  ne  plus  souffrir  de  grands 
sacrifices  auxquels  ma  santé  ne  pourrait  plus  résister,  tant 
elle  est  détruite. 

Ma  chère  i'amille,  grâce  à  Dieu,  se  porte  bien.  Nous 
avons  un  temps  de  printemps.  Tous  les  arbres  fruitiers  sont 
en  fleur,  ce  qui  me  fait  craindre  qu'une  gelée  tardive  vienne 
tout  détruire.  Actuellement  nous  sommes  en  Carnaval.  Les 
jeunes  gens  s'amusent  et  je  contribue  le  plus  que  je  puis  à 
leur  plaisir.  Ma  vie  au  reste  est  très  monotone. 

Comptez  sur  toute  mon  estime  et  reconnaissance.  Donnez- 
moi  souvent  de  vos  nouvelles  et  croyez-moi  pour  la  vie  votre 
sincère  amie. 

Lettre  au  citron  dont  la  première  partie  est  écrite  entre  les 
lignes  en  noir. 

Je  prends  la  plume  pour  vous  dire  qu'il  y  a  deux  heures 
est  arrivé  Schultz.  Je  vous  remercie  de  toutes  vos  commis- 
sions déjà  dépaquetées  et  de  votre  lettre.  Je  n'ai  encore  vu 
aucune  dépêche  et  suis  en  suspens  ne  pouvant  vous  parler 
d'affaires.  De  ce  que  vous  m'annoncez,  il  paraît  que  les 
choses  prennent  pour  nous  un  moins  méchant  pli.  Je  vous 
répète,  je  n'ai  encore  lu  aucune  dépêche,  ainsi  j'ignore  abso- 
lument tout.  Mais  si  jamais  les  circonstances  portaient  la 
paix,  je  vous  recommaiule,  ayez  soin  de  parler  aux  ministres 
prépondérants,  soit  anglais,  russes  ou  allemands,  pour  la 
délivrance  de  l'Italie  entière  et  la  destruction  de  cette  Ci- 
salpine qui  est  un  serpent  qui  à  la  longue  dévorera  tout. 
L'Italie  à  peu  près  dans  son  ancien  système  ne  sera  jamais 
(|ue  des  petits  farbfes  princes  reconnaissants  à  qui  les  aura 
remis  et  je  crois  cjue  ce  serait  la  convenance  du  Premier 
Consul  et  ferait  son  bonheur.  Piémont  à  son  roi  avec  Gênes 
en  récompense  de  la  Savoie  qui  resterait  à  la  France.  Le 
Milanais  donné  au  roi  des  Lombards.  Le  petit  d'Etrurie, 
avec  la  réversion  à  l'Kspagne;  Mantoue  et  le  Mantouan  à 
l'empereur  comme  clef  de  défense;  Modenaiset  portion  de  la 


LETTRES  INÉDITES  DE  MAHIE-CAnoUXE  263 

lerrc  ferme  maritime  ou  tel  arrondissement  à  la  fille  du  duc 
de  Modène  et  ses  enfants.  Toscane,  Lucques,  Bologne  au 
pauvre  grand-duc;  à  nous  Ancône  et  la  juste  frontière.  A 
l'Empereur,  Salzburg  et  le  Brisgau  et  les  terres  de  sa  famille 
en  Italie.  L'Angleterre  y  gagnerait  d'ôter  l'Italie  province  fran- 
çaise et  pour  son  commerce;  la  Russie,  d'ôter  les  Français 
maîtres  des  deux  mers  et  débouchés  du  Levant  ;  l'empereur, 
de  remettre  pied  et  influence  en  Italie  et  les  indemnisations 
allemandes  ;  l'Espagne,  le  roi  lombard  et  réversibilité  ;  la 
France,  de  détruire  la  Cisalpine  qui  tôt  ou  tard  peut  faire 
réveiller  l'esprit  républicain  en  France  et  de  contenter  tout 
le  monde,  tant  de  petits  princes  tenant  à  la  France,  obligés 
de  leur  rentrée  dans  leurs  Etats  et  elle  aura  un  voisin  faible 
j)rès  d'elle  et  dont  la  variété  de  pensées  et  d'intérêts  ne  fera 
jamais  un  ennemi  puissant.  Enfin,  je  crois  que  tout  le  monde 
y  gagnerait  et  je  le  désirerais  bien  vivement.  Mais  je  n'ai  rien 
vu,  aucune  dépêche  et  parle  comme  un  aveugle  des  couleurs. 

Je  vous  envoie  ce  soir  une  lettre  sur  l'affaire  de  Rey.  Cet 
honnête  homme  est  une  victime  de  plus  et  sûrement  une 
victime  de  l'apostat  Talleyrand.  Tâchez  de  persuader  le  Pre- 
mier Consul  de  le  laisser  mourir  en  repos,  d'autant  plus 
qu'il  n'a  commis  aucun  des  crimes  qu'on  lui  attribue.  Le 
héros  Bonaparte  est  bien  petit  d'être  si  vindicatif  pour  Rey. 
.Je  suis  convaincue  que  c'est  une  injustice  positive.  Ma  lettre 
est  modérée  et  ostensible. 

Je  vous  remercie  des  lettres  de  Vintimille  et  de  M.  de 
Saint-Clair,  très  brave  officier  à  notre  service  et  auquel  je  les 
ferai  parvenir. 

Je  chercherai  la  première  occasion  de  vous  faire  parvenir 
mes  payements  et  la  réponse  à  ce  courrier.  Continuez-moi 
vos  nouvelles.  Elles  sont  bien  intéressantes  et  comptez  sur 
mon  éternelle  reconnaissance. 

CCLXXXIII 

Naples.  le  20  février  1804.  N»  2. 

Le  courrier  part  si  à  la  hâte  que  j'ai  à  peine  eu  le  temps 


264  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

de  vous  écrire.  Le  Ministre  vous  expliquera  quel  est  le  motif 
de  cette  expédition  ;  je  ne  puis  que  m'y  soumettre. 

Notre  position  est  bien  désagréable  et  pénible  et  menace 
de  plus  en  plus  à  encore  empirer,  les  armements  de  Toulon, 
mille  autres  indices  faisant  tout  craindre.  Il  me  paraît  aussi 
que  l'on  cherche  à  chicaner  et  trouver  quelque  mauvais 
prétexte.  Mais  de  tout  cela  le  Ministre  vous  parlera. 

Le  roi  se  retrouve  à  Caserte.  Il  a  des  chasses.  .le  crois 
qu'il  faudra  un  de  ces  jours  m'y  rendre.  —  Mon  fils  a  été 
légèrement  incommodé  du  mal  de  gorge  qui,  comme  il  est 
très  sanguin,  a  forcé  à  le  saigner.  Ma  belle-fille  a  été  légère- 
ment incommodée  de  maux  de  dents,  mais  je  le  crois  un 
heureux  indice,  la  supposant,  avec  quelque  espoir,  enceinte. 
Ce  sera  une  bien  jeune  mère. 

Nous  vivons  beaucoup  en  famille.  Le  carnaval  a  été  très 
bruyant,  mais  moi  je  préfère  le  repos  à  tout. 

Je  désirerais  avoir  de  ma  fille  en  Espagne  les  mêmes 
nouvelles  d'espoir  de  grossesse  comme  je  les  ai  de  ma  belle- 
fille.  Ce  serait  bien  nécessaire  pour  son  bonheur  et  état  futur  ; 
mais  jusqu'à   présent,   il  n'y  a  rien.  L'Imiiératrice    est 

derechef  enceinte.  —  Pour  mes  filles,  aucun  mariage.  Je 
leur  désire  bien  vivement  un  heureux  établissement.  Voilà 
toutes  mes  nouvelles  et  ce  qui  m'intéresse,  ne  voulant  pas 
parler  politique. 

Adieu.  Mandez-moi  toutes  vos  nouvelles  et  les  comptes 
de  mes  dettes.  J'ose  en  faire  encore  des  nouvelles  par  la  liste 
des  commissions  que  je  vous  envoie. 

Adieu.  Mandez-moi  tout  bien  sincèrement  et  comptez 
sur  l'éternelle,  vraie  et  sincère  amitié  de  votre  reconnaissante 

Charlotte 

Viennent  deux  feuilles  en  chiffres  : 
Une  lettre  pour  la  Marquise  votre  épouse  ; 
Une  feuille  de  commissions. 

Une  lettre  qui  m'a  été  recommandée  et  de  laquelle  vous 
m'enverrez  la  réi)onse. 


LETTHKS   1NÉDIT1:S  DE    MAlilK-CAHOLIMC  265 

CCLXXXIV 

Naplcs,  !<•  27  mars  1804,  n"  :> 

En  toute  hâte  je  vous  informe  qu'hier  soir  j'ai  reçu  par 
le  courrier  Giannini  votre  lettre,  celle  de  votre  épouse,  ainsi 
que  les  paquets  dont  je  vous  remercie. 

Je  me  garderai  bien  d'intervenir  en  ce  moment  dans  ce 
que  vous  me  mandez.  J'aurais  bien  des  choses  à  dire,  mais 
je  préfère  garder  le  silence  le  plus  complet. 

J'ai  beaucoup  souffert  d'un  rhume  terriblement  obstiné 
et  c'est  seulement  grâce  à  l'emploi  de  l'opium  que  j'ai  pu 
avoir  un  peu  de  repos. 

Ma  bru,  qui  continue  heureusement  sa  grossesse  étant  au 
troisième  mois,  s'est  fait  saigner  ce  matin  ayant  souffert 
cette  nuit  d'une  congestion  violente  et  imprévue,  dont  elle 
est  remise  ce  soir. 

J'ai  reçu  aussi  la  lettre  de  San  Teodoro  que  vous  m'avez 
envoyée  et  dont  je  vous  remercie. 

Je  vous  prie  de  m'envoyer  chaque  semaine  le  Moniteur  et 
le  Journal  des  Débats  et  le  meilleur  des  autres  journaux  qui 
parle  des  affaires  de  Paris. 

Mes  compliments  à  votre  femme,  et  croyez-moi  toujours 
avec  une  estime  véritable. 

Une  lettre  pour  Yentimiglia. 

Pour  ne  point  récrire  la  lettre,  comme  dans  l'autre  feuille 
il  y  avait  de   l'écrit,  j'ai  dû  la  déchirer  et  la  laisser  moitié. 

CCLXXXV 

Naplcs,  8  avril  1804,  ii"  fi. 

...Je  me  résume  de  toute  cette  longue  et  pénible  lettre, 
le  Roi,  mon  époux,  m'ayant  chargé  de  vous  dire  ses  senti- 
ments. Nous  voulons  être  et  serons  toujours  neutres.  Nous 
désirons,  pour  pouvoir  l'être,  nos  roj'auines  libres  de  troupes 
étrangères.  Nous  ne  serons  jamais  ni  tributaires,  ni  préfet. 
Nous  renoncerons  plutôt  à  tout  qu'à  une  pareille  existence 
honteuse. 


266  REVUE  HISTORIQUE  DE    LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Les  attaques  contre  le  ministre  Acton,  bon  serviteur  du 
Roi,  sont  des  prétextes  du  despotisme  qu'on  use  dans  toute 
l'Europe  et  qu'on  a  la  faiblesse  de  souffrir.  Mais  on  ne  peut 
rien  articuler  contre  lui.  Cet  honnête  homme  désire,  de- 
mande sa  démission.  Où  est  l'homme  d'honneur  qui  dans 
ces  temps  désire  responsabilité  ? 

Les  attaques  infâmes  de  tout  genre  contre  moi,  je  les 
méprise.  Elles  tiennent  à  ma  famille,  et  mon  caractère  est 
de  ne  point  être  au  niveau  des  actuels  souverains  élevés 
pour  être  subjugués.  Je  méprise  ces  attaques  et  m'estime 
trop  moi-même  pour  dépendre  de  l'opinion,  tle  tels  jugements 
comme  de  ceux  qui  me  favorisent. 

Voyez  donc,  mon  cher  Gallo,  de  calmer,  remettre  nos 
alî'aires  et  sachez  que  nous  avons  assez  d'âme  pour  périr 
avec  honneur.  Mais  comme  cela  entraînerait  des  malheurs 
à  nos  innocents  peuples,  je  préfère  la  mesure  de  céder  au 
torrent  dévastateur,  nous  retirer,  non  par  faiblesse  ou  crainte, 
mais  par  honnêteté,  et  finir  nos  jours  tranquillement  en 
paix  et  jouissant  encore  dans  notre  vie,  le  premier  tourbillon 
passé,  de  la  satisfaction  de  nous  voir  rendre  justice,  ce  qui 
arrivera  indubitablement. 

Mon  cœur,  mon  âme  est  ulcérée  ;  mais  elle  acquiert  force 
à  mesure  qu'on  l'opprime. 

Donnez  à  lire,  lisez-leur  ou  dites-leur  au  Premier  Consul, 
à  Talleyrand  '  ces  sentiments  de  ma  part.  Ils  sont  gravés 
dans  mon  âme.  —  J'ai  une  chose  bien  sûre  en  ma  faveur 
et  que  jamais  ils  ne  pourront  m'ôter  :  Je  n'ai  point  de 
remords  et  cela  console  dans  tous  les  malheurs. 

Adieu,  votre  amie  jusqu'au  tombeau.  Continuez  à  me  tout 
dire.  Adieu,  votre  reconnaissante 

Charlotte. 


1.  'GalIo  communiqua  à  Tallevrand  les  passngcs  de  celte  lettre  relatifs  aux  nô- 
goeiatious  qu'on  accusait  la  nine  d'avoir  onlamées  avec  plusieurs  cours.  Cf.  Mar- 
quis de  Gallo  à  Sa  Majesté  la  Heine.  Paris,  10  mai  1804.  (Archiivs  piirlicnllèrrs 
Gallo). 


LE'l'TKLS    INÉDITES  IJi;   M  AIII  IC-CAHOl.INE  267 

CCLXXXVI 

l'ortici,  27  avril  1804,  n"  7. 

(]e  courrier  n'a  eu  que  peu  d'heures  et  surtout  pour  nous 
(\u'\  sommes  à  Portici.  Aussi  vous  n'aurez  que  bien  impar- 
faitement mes  nouvelles,  quoicjue  ma  confiance  en  vous  me 
donnerait  l'envie  d'écrire  bien  au  long. 

Vous  saurez  par  le  Ministre  le  motif  de  l'envoi,  et  je  ne 
veux  point  vous  répliquer  ces  odieux  motifs.  Je  vous  en 
parle  un  peu  dans  le  chiffre  que,  je  crains,  vous  ne  pourrez 
point  lire,  l'ayant  griffonné  à  la  hâte.  Je  vous  prie  de  me 
rassurer  sur  ce  point  et  de  me  dire  s'ils  ont  été  intelligibles. 

Nous  sommes  tous  à  Portici.  Quand  le  temps,  qui  est 
très  changeant,  le  permet,  je  me  promène  avec  mes  enfants 
et  passe  la  soirée  avec  eux,  étant  l'unique  objet  qui  m'attache 
à  ce  monde. 

Nous  attendons  toujours  vos  nouvelles  et  celles  du  monde 
avec  une  vive  impatience,  quoique  je  ne  m'attende  qu'à  mal. 

Je  vais  encore  être  indiscrète  par  une  feuille  de  commis- 
sion, mais  je  me  fie  à  votre  complaisance  et  amitié  et  à  celle 
de  votre  épouse,  à  laquelle  je  vous  prie  de  faire  tous  mes 
compliments  et  excuses  que  le  temps  me  manque  pour  lui 
écrire,  mais  que  je  fie  à  son  bon  goût  et  complaisance. 

Je  ne  vous  parle  point  des  affaires.  Il  n'y  aura  plus 
qu'obéir  et  non  commander. 

Adieu,  donnez-moi  bien  souvent  et  détaillé  de  vos  nouvel- 
les et  croyez-moi  avec  une  vraie  confiance  et  amitié  votre 
très  sincère  et  reconnaissante  amie. 

(Charlotte 

Deux  feuilles  en  chiffre. 

Une  feuille  de  commission. 

Une  petite  lettre  pour  les  Talérand  (sic). 

Une  boite  avec  encre  Chine  pour  elle. 

Son  boiteux  de  neveu,  le  Grand  Empereur  et  le  Grand 
Juge  peuvent,  s'ils  ont  envie,  visiter  l'un  et  l'autre.  Je  con- 
nais trop  pour  que  cela  ne    soit  ainsi. 


268  REVUE  h:stoiîiqle  de  la  révolution  française 

CCLXXXVII 

Portici,  le  30  avril  1804,  n"  8. 

Je  profite  de  l'occasion  du  courrier  d'Elspagne  pour  vous 
écrire  ce  peu  de  lignes.  J'attends  avec  bien  de  l'impatience 
vos  nouvelles,  dans  le  moment  actuel  tout  étant  si  intéres- 
sant. 

Nous  sommes  tous  à  Portici.  Je  sais  que  le  Roi  vous 
écrit  et  vous  donne  plus  particulièrement  nos  nouvelles. 
Vous  dire  comme  je  suis  est  impossible.  Je  vis  du  jour  au 
jour  péniblement  et  désagréablement  en  attendant  toujours 
quelques  nouveautés. 

Adieu,  ne  manquez  point  de  m'écrire  bien  en  détail  et 
croyez-moi  pour  la  vie  votre  sincère  amie. 

Mes  compliments  à  votre  épouse.  Je  vous  inclus  une 
lettre  pour  Madame... 

Lettre  au  citron  et  écrite  entre  les  lignes  jusqu'à  la  fin  du  noir. 

Vous  voyez,  mon  cher  Gallo,  par  la  lettre  du  Roi  qui 
vous  envoie  les  pièces  originales  et  copiées  tout  ce  qui  est 
arrivé  et  qui  est  bien  désagréable.  Je  suis  convaincu  qu'Al- 
quier  n'aurait  pas  fait  tout  ce  train  s'il  n'avait  pas  en  poche 
de  son  gouvernement  l'ordre  de  rompre  en  visière.  Cela  me 
fait  peine,  procure  et  procurera  mille  désagréments  ;  mais  il 
n'y  a  pas  de  remède.  Je  désire  que  cet  arrangement  de  Mi- 
cheroux,  intérim  directeur,  marche  et  que  l'on  en  soit  con- 
tent. Moi,  je  ne  désire  que  paix  et  repos.  Je  crois  que  de 
cette  affaire  nous  perdrons  Alquier  et  ce  sera  un  mal.  Car 
tout  autre  sera  pire  et  plus  violent. 

Voilà  mon  opinion.  Du  reste  mon  parti  est  pris. 

J'attends  sans  m'en  tourmenter  les  événements  que  l'on 
ne  peut  ni  réparer,  ni  empêcher.  Je  vous  assure  que  la  pro- 
fondité  de.  mon  désespoir  m'a  rondue  indifférente  à  tout.  Le 
Roi  parle  d'abdication  et  cela  il  le  cond)ine  avec  les  idées 
les  plus  baro(|ues,  les  moins  exécutables  et  les  plus  pénibles. 
J'espère  que  cela  n'aura  jamais  lieu  ;  et  si  cela  doit  être,  qu'il 


LETTUES    INÉDITKS    DE  MARIE-CAKOLINE  269 

prenne  les  arrangements  les  plus  probes  et  sûrs  pour  son 
contentement,  celui  de  sa  famille  et  le  bonheur  de  ses  peuples. 

Je  vous  recommande  si  jamais  Alquier  obtient  la  démis- 
sion que,  je  crois,  il  sollicite,  (jue  nous  ayons  un  homme 
sage,  tranquille  et  non  un  bout-de-feu  (aie),  car  bien  des 
maux  en  pourraient  dériver... 

Ecrivez-moi,  mon  cher  Gallo,  tout  exactement  :  car  je 
compte  toujours  sur  vous  comme  vous  pouvez  compter  sur 
mon  attention  à  tout  détruire  ce  que  je  reçois. 

Je  vous  recommande  mes  commissions  pour  Thérèse  au 
plutôt  afin  que  le  (5  de  juin  elle  les  puisse  avoir.  Que  d'obli- 
gation je  vous  dois. 

Adieu,  mandez-moi  tout.  Croyez  bien  que  vous  me  trouve- 
rez au  calme  et  tranquillité,  bien  changée,  mais  toujours  au- 
tant que  je  vivrai  votre  sincère,  vraie  et  reconnaissante  amie. 

Commission 

Pour  l'Impératrice  qui  doit  accoucher  à  la  fin  du  mois 
et  dont  le  jour  de  naissance  est  au  6  juin,  j'aurais  besoin, 
par  le  premier  courrier,  soit  un  élégant  négligé  ou  porcelai- 
nes ou  modes  ou  bijouterie  pour  la  valeur  de  1.500  ou  2.000 
ducats. 

Des  petites  bijouteries  de  goûts  dififérents  tant  pour  hom- 
mes que  femmes,  comme  déjà  vous  m'avez  une  fois  envoyé 
et  qui  sont  toutes  déjà  données  pour  à  peu  près  la  même 
valeur  de  2.000,  tout  au  plus  3.000  ducats. 

Livres  nouveaux  pour  moi. 

Comédies  ou  livres  à  élever  l'àme,  le  cœur,  de  Bayard  ou 
autre  homme  de  cœur,  ouvrage  pour  Léopold. 

Les  gazettes.  Débats,  Moniteur,  chaque  poste  à  moi. 

De  bonnes  cartes  géographiques. 

D'autres  livres,  estampes  pour  élever  le  cœur,  l'àme  de 
Léopold,  très  susceptiljle. 

Ce   qui   doit  servir   pour  Thérèse   devrait  venir  par  le 

premier  courrier. 

(A  suivre) 


MÉLANGES    P:ï    DOCUMENTS 


Comment  on  jugeait  les  affaires  de  France,  en  septembre  1792, 
dans  l'entourage  des  Constituants  émigrés  à  Londres 

Nous  publions  ici  trois  lettres,  conservées  à  la  Bibliothèque 
publi(]ue  et  universitaire  de  Genève  ' ,  adressées  à  Etienne 
Dumont,  lancien  collaborateur  de  Mirabeau,  par  un  correspon- 
dant qui  signe  «  G.  ». 

Cette  initiale  signifie  certainement  Gallois  ;  en  effet,  de  trois 
autres  lettres  écrites  de  la  même  main  à  Etienne  Dumont,  deux 
portent  ce  nom  en  toutes  lettres  (celles  de  1815  et  de  1817  ;  celle 
de  1802  est  également  signée  «  G  »). 

Le  seul  personnage  connu  ([ui  pourrait  avoir  écrit  les  lettres 
en  question  est  Jean-Antoine  Gallois,  dit  Gauvin,  17551822. 
Mais  a-t-il  été  en  Angleterre  à  la  date  indiquée  ?  Rien  ne  le  dé- 
montre. Il  nous  a  néanmoins  semblé  que  ces  pièces  étaient  assez 
intéressantes,    même  à  défaut  d'un  correspondant  identifié,   pour 

être  reproduites. 

O.  Karmin 

V- 

Kensinglon.  2}  seplenthre  179'2. 

L'arrivée  de  M.  de  Talleijrand  m'a  fail  retarder,  mon  cher  ami,  le 
plaisir  d'aller  passer  avec  vous  et  votre  aimable  société  quelques 
jours  agréables.  Présentez,  je  vous  prie,  à  Lord  Lansdown,  avec 
mes  remerciements  de  son  obligeante  invitation,  toute  l'espression  de 
mes  regrets.  J'espère  que  nous  irons  bientôt,  M.  de  Tallegrand  et 
moi,  chercher  à  Bowood  *  la  consolation  et  la  force  que  les  vrais 


1.  Ms   I).  33.  Coriospondaïui-  II. 

li.  Ortî'.o^rr.plie  inodi^rnc. 

3.  Propriété  de  Lord  Lansdown. 


MÉLANGES    ET     DOCIMENTS  271 

amis  de  la  liberté  peuvent  seuls  se  donner  réciproquement  dans  les 
circonstances  actuelles. 

Les  nouvelles  de  Paris  sont  toujours  très  mauvaises.  La  faction 
Robespierre  subjugue  tout.  Dans  le  corps  électoral  de  Paris,  que 
domine  ce  farouche  Puritain,  on  a  parlé  ouvertement  de  la  loi 
agraire  ;  on  a  dit  qu'il  était  plus  que  temps  de  changer  le  système  de 
la  propriété,  bn  a  disertement  établi  la  grande  différence  qu'il  y  a 
entre  la  propriété  territoriale  qui  n'est  qu'une  usurpation  aristo- 
cratique et  la  propriété  industrielle  qui  est  la  seule  vraie  pro- 
priété parce  qu'elle  est  celle  tfes  sans-culottes.  La  plus  sombre  ter- 
reur règne  dans  Paris.  500  personnes  ont  été  de  nouveau  précipitées 
dans  la  Bastille  populaire  appelée  l'abbaye  Saint-Germain,  et  on 
n'attend,  sans  doute,  pour  les  égorger,  qu'un  coup  d'œil  ou  un  mot  de 
Robespierre.  La  plus  grande  partie  de  ces  malheureux  ont  été  jetés 
dansée  gouffre  sans  aucun  ordre  émané  d'un  simulacre  même  d'auto- 
rité publique.  Des  individus,  de  leur  autorité  privée,  y  ont  conduit 
d'autres  individus,  et  plus  d'un  scélérat  a  sans  doute  trouvé  que  ces 
en,prisonnemcnls  étaient  un  assez  bon  moyend' éteindre  des  rentes  via- 
gères. On  frémit  d'indignation  et  d' horreur  en  songeant  à  l'état  actuel 
de  la  France  et  au.v  misérables  et  abjects  scélérats  qui  la  gouvernent. 
•Jamais  l'union  de  la  bassesse  et  du  crime  ne  s'est  montrée  d'une  ma- 
nière plus  frappante.  Januds  on  n'a  mieux  vu  combien  un  petit  nom- 
bre de  hriçjcnds  peut  comprimer  par  la  terreur  des  millions  d'hom- 
mes. 300  hommes  de  cette  espèce,  parmi  lesquels  sont  40  assassins, 
ont  fait  tout  ce  que  vous  ave:  vu,  et  vont,  dit-on,  le  surpasser  par 
d'autres  crimes  plus  épouvantables  encore.  On  parle  d'un  système  de 
meurtre,  d'incendie  et  de  pillage,  qui  doit  s'exécuter  incessamment. 
Les  murs  sont  couverts  d'affiches  incendiaires,  de  listes  de  proscri- 
ption. On  s'occupe  avec  beaucoup  de  soin  des  moyens  d'exterminer 
WO  députés  de  l'assemblée  actuelle,  lorsque  la  première  séance  de 
la  Convention  aura  fait  cesser  leur  inviolabilité.  Ce  bruit  et  ces 
menaces  ont  acquis  une  si  grande  consistance  que  l'assemblée  a  cru 
devoir  publier  une  adresse  au  peuple  que  je  viens  de  voir  aujourd'hui 
dans  le  Moniteur  du  20,  par  lequel  (sic)  elle  cherche  à  conjurer  cet 
orage.  Nous  nous  trouvons  si  bien,  depuis  3  ou  4  ans,de  cette  nouvelle 
espèce  rfe  gouvernement  par  adresses,  qu'il  ne  serait  pas  extraordi- 
naire que  le  peuple  en  fût  aussi  touché  qu'il  l'a  été  jusqu'aujourd'hui. 

Brissot,  Condorcet  et  leur  parti,  qui  voit  (sic)  le  gouvernail  prêt 
à  se  briserdans  leurs  mains,  et  qui  sont  encore  restés  assez  en  arrière 


272  BEVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

pour  croire  bonnement  qu'il  faut  une  autorité,  après  avoir  établi 
tous  les  principes  et  commis  tous  les  actes  qui  doivent  les  détruire 
dans  un  pays  tel  que  la  France,  et  avec  des  hommes  tels  que  les 
Français,  Brissot,  Condorcet,  eta.,  sont  en  ce  moment  les  véritables 
aristocrates  du  parti  contraire  qui  les  dénonce  chaque  jour,  et  dans 
les  places  publiques,  et  dans  le  corps  électoral,  à  la  proscription  du 
peuple.  Je  les  tiens  pour  les  plus  heureux  des  hommes  si  dans  15 
jours  ou  3  semaines  leurs  têtes  ne  sont  pas  portées  dans  les  rues  de 
Paris,  au  bout  d'une  pique,  par  les  satellites  de  Robespierre  et  de 
Ma  rat. 

Pour  vous  donner  une  idée  de  l'état  de  Paris,  je  vous  envoie  ci- 
joint  un  morceau  qui  vient  de  paraître  dans  la  Chronique  '  .  La 
source  n'est  pas  suspecte. 

Adieu,  mon  cher  et  respectable  ami.  C'est  dans  un  moment 
comme  celui-ci  qu'on  a  besoin  de  voir  et  d'entendre  les  gens  de  bien, 
les  amis  de  la  justice  et  de  la  liberté.  C'est  vous  dire  combien  je  dé- 
sire vous  voir,  et  de  trouver  dans  votre  bon  esprit  et  dans  votre  bon 
cœur  les  idées  et  les  sentiments  qui  peuvent  rattacher  à  la  vie,  au 
milieu  de  cette  horde  de  tigres  et  de  fripons  qui  la  remplissent 
d'amertume  pour  les  honnêtes  gens. 

Mes  compliments  à  votre  excellent  ami  M.  Romilly  -  ,  et  mes  res- 
pectueuses civilités   à  Lord    Lansdown.  Je    vous  embrasse  de    tout 

mon  cœur. 

G. 

La  maison  Chauvel  '   me  charge  de  vous  dire  bien  des  choses. 

II 

Conformément  à  votre  dernière  lettre,  mon  cher  ami,  nous  par- 
tirons d'ici  pour  Bou<ood  le  21  de  ce  mois.  Tous  les  naufragés  cons- 
titutionnels qui  étaient  successivement  arrivés  à  Kensington  et  dans 
cette  maison  ont  fait  leur  établissement  en  règle,  ou  dans  la  campa- 
gne ou  en  ville,  et  nous  ne  sommes  plus  dans  l'hospice  général  que 
trois,  M.  de  Talleyrand,  M.  de  Beaiimet:  *   et  moi. 

Je  vous  demanderai  à  propos  de  cela,  mon  cher  ami,  si  vous  ne 

1 .  Non  consor\é. 

2.  L'ami  de  li.ntham. 

3.  David  Chauvet.  de  Gi'iicve,  pasteur,  l'un  des  proscrits  de  1782.  C'est  chez 
lui  que  se  rcncontraieul  ios  autres  Genevois  exilés  en  1782  (Keybaz,  Etienne 
Dumont,  François  U'Ivcrnois,   etc.),  ainsi  que  leurs  amis  français. 

4.  Bon-Albert  Briois  de  Beaumez,  l'ancien  Constituant. 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  273 

croi/e:  pas  que,  dans  les  usages  du  pays,  il  y  ait  de  l'indiscrétion  à 
M.  de  Talleyrand  de  mener  à  Bowood  M.  de  Beaumelz,  pour  le  pré- 
senter à  Lord  Lansdown.  Ce  dernier,  dans  sa  lettre  à  M.  de  Tal- 
leyrand. annonce  le  désir  de  voir  ses  amis,  on  ici  ou  à  Bowood, 
comme  il  conviendra  à  M.  de  Talleyrand.  Croyez-vous  que  d'après 
cette  phrase  et  les  procédés  d'usage  nous  puissions,  sans  autre  céré- 
monie, mener  avec  nous  M.  de  Beaumetz  ?  Je  vous  prie  de  savoir 
cela  et  de  me  l'écrire  le  plus  tôt  possible. 

Point  d'autres  nouvelles  que  celles  que  vous  savez  par  les  jour- 
nau.Y. 

L'affaire  de  Genève  '  finira  très  probablement  par  la  tournure 
de  la  négociation.  Elle  a  envoyé  à  Paris  2  commissaires  pour  trai- 
ter avec  le  Con.'seil  exécutif.  On  croit  qu'elle  renverra  sa  garnison 
suisse  et  que  tout  sera  dit.  Je  crois,  comme  vous,  que  vos  magistrats 
ont  mis  dans  leur  réquisition  aux  Suisses  une  précipitation  presque 
française,  et  cette  précipitation  est  une  étourderie  très  blâmable, 
lorsqu'on  a  affaire  avec  des  voisins  liargnen.v  qui  ont  la  force  de 
leur  côté. 

Vous  savez  peut-être  que  notre  ami  Garât  -  vient  d'être  nommé 
ministre  de  la  justice.  \ous  connaissez  son  antipathie  pour  tout  ce 
qui  s'appelle  détails  d'afl'aircs.  Jugez  de  l'humeur,  de  l'ennui  et  de 
toutes  les  migraines  qui  l'attendent  dans  une  place  qui  n'est  compo- 
sée que  de  détails,  et  où  il  n'y  a  presque  pas  lieu  à  rétablissement  d'un 
principe.  Ce  que  je  vois  de  meilleur  en  tout  cela,  c'est  qu'il  purifiera 
par  sa  probité  la  place  qu'avait  infectée  Danton. 

Vous  attendiez-vous  à  tous  ces  succès  et  à  toutes  ces  bonnes  for- 
tunes de  la  France  ?  Auriez-vous  cru  surtout  que  ce  fameux  Duc  de 

1.  Lors  de  l'envahissement  de  la  Savoie  par  le  général  Montcsquiou,  en  au- 
tomne 1792,  l'aristocratie  genevoise,  redoutant  une  attaque  des  Français  et  un 
soulèvement  des  «  égaliseurs  i>  à  Genève,  avait  fait  appel  à  l'intervention  mili- 
taire de  Zurich  et  de  Berne  (24  septembre  1792).  M.  de  Chateauneuf,  résident 
de  France  à  Genève,  protesta  contre  cette  mesure  comme  contraire  au  traité  de 
1782  (27  septembre).  Néanmoins  des  troupes  suisses  prirent  garnison  à  Genève 
(à  partir  du  29  septembre).  La  Convention  s'en  émut  et  ordonna  à  Montesquieu 
de  marcher  contre  Genève.  Pour  détourner  l'orage,  les  autorités  genevoises  en- 
voyèrent à  Paris  lé  pasteur  Esaïe  Gasc  et  Sautter-Martin.  Us  y  arrivèrent  le 
12  octobre,  et  virent,  entre  autres,  Clavière,  Brissot  et  Le  Brun.  En  même  temps 
.).  F.  Prévost,  Ami  LuUin  et  François  U'ivernois  traitèrent  avec  le  général  Mon- 
tcsquiou. Les  tractactions  passèrent  par  différentes  vicissitudes  et  Bnalement  une 
convention  fut  conclue  le  22  octobre  à  Carouge,  entre  Montesquiou  et  les  délégués 
genevois,  d'après  laquelle  la  garnison  suisse  devait  se  retirer  de  Genève  et  les 
troupes  françaises  respecteraient  le  territoire  genevois. 

2.  Joseph-Dominique  Garât,  1749-1833,  remplaça  Danton  au  ministère  de  la 
.lustice  à  partir  du  10  octobre  1792. 

REV.    HIST.    DR   LA    RKVO  L.  1** 


274  KEVUE    HISTORIQUE  DE  LA   KÉVOLUTION     FHANÇAISE 

Bruiiswick,  dont  on  a  dit  je  ne  sais  où  que  la  nature  avait  employé 
pour  le  faire  toute  la  matière  qui  aurait  suffi  pour  former  un  très 
grand  monarque,  fût  la  dupe  de  Dumouriez  ? Dumouriez  m'écrivait  de 
Niort  en  Poitou  dans  le  mois  de  janvier  dernier,  quoiqu'on  fasse, 
tout  ceci  ne  finira  pas  sans  moi.  Je  riais  alors  beaucoup  de  cette 
phrase  ;  à  présent  je  ris  d'avoir  ri  ;  et  mon  opinion  sur  Dumouriez 
est  restée  la  même,  parce  que  j'ai  été  pendant  deux  mois  en  présence 
de  l'objet,  et  que  rien  de  ce  qui  est  en  lui  ne  m'a  échappé. 

Adieu,  mon  cher  ami,  présentez,  je  vous  prie,  mes  respectueuses 
civilités  à  Lord  Lansdown,  et  répondez  moi  tout  de  suite  sur  ce  dont 
je  vous  ai  parlé. 

La  maison  Chauvet  me  charge  de  vous  dire  bien  des  choses.  M. 
de  La  Roche  et  sa  famille  sont  arrivés  hier.  Nous  dinons  demain 
pour  la  seconde  fois  chez  notre  ami  Bentham,  avec  MM.  de  Talley- 
rand,  Montmorency  et  Beaumetz. 

[pas  de  signature]  1 
III 

J'ai  causé,  mon  cher  ami,  avec  Chauvet  -  sur  le  voyage  qu'on 
vous  avait  conseillé  de  faire.  Nous  sommes  tombés  d'accord.  Chauvet, 
M.  Reibat  ■'  et  moi,  qu'il  n'était  nullement  nécessaire  que  vous  fissiez 
cette  démarche.  Clavicre  '  a  déjà  reçu  tous  les  moyens  possibles 
d'instruction  sur  cette  affaire,  soit  par  le  mémoire  de  Du  Rove- 
ray  '  que  vous  avez  vu,  soit  par  une  lettre  de  M.  Reibat  ''  .  On  a  fait 
valoir  auprès  de  lui  toutes  les  raisons  de  justice  et  de  convenance. 
et  s'il  ne  sait  ou  ne  veut  pas  les  entendre,  il  est  incontestablement 
animé  de  sentiments  haineu.v  que  votre  présence  ne  détruira  pas.  Je 
crois  fort,  néanmoins,  que  tout  ceci  finira  par  un  arrangement,  et 
qu'au  défaut  de  principes  de  justice,  le  Conseil  e.récutif  pourra 
écouter  la  voix  de  son  propre  intérêt,  en  écartant  une  mesure  hos- 
tile qui  pourrait  susciter  contre  la  France  de  nouveau.v  et  formida- 

1.  Cette  lettre  est  postérieure  au  12  oelobre  (arrivé  des  délégués  genevois  à 
Paris),  probablement  même  au  14.  en  tenant  compte  de  la  lenteur  des  commu- 
nications. Elle  est  antérieure  au  21  octobre  (début  de  la  lettre). 

2.  David  Chauvet. 

3.  Le  Genevois  Salomon  Reybaz.  l'ancien  collaborateur  de  Mirabeau. 

4.  Etienne  Clavière,  1 735- 1 7!(.*î,  (ienevois  également,  alors  ministre  des  Fi- 
nances. 

5.  Jacques-Antoine  Dnro\er;iy,  de  Genève,    an»  de  Mirabeau. 

6.  Il  s'agit  évidemment  du  conllil  franco-genevois,  à  propos  de  l'arrivée  des 
troupes  suisses  à  Genève. 


MÉLANGKS     F.T    nOCUMKNTS  275 

/»/('.<  ennciuis,  au  moment  où  ion  a  les  plus  grandes  probahililés  que 
la  guerre  va  finir  sur  les  bords  du  Rhin. 

D'après  une  sommation  faite  par  M.  de  Cusline  au  général  de 
l'armée  du  Roi  de  Prusse,  Verdun  a  été  évacué  '.  En  peu  de  jours  le 
territoire  français  sera  entièrement  délivré  des  cohortes  ennemies. 
Dumouriez  va  faire  une  campagne  d'hiver  dans  les  Pays  Bas  autri- 
chiens, où  l'on  assure  que  tout  est  prêt  pour  une  insurrection  générale 
et  subite.  Avant  une  année  peut-être  la  maison  d'Autriche  verra 
s'écrouler  tout  l'édifice  de  sa  puissance  et  de  cette  grande  fortune 
politique,  dont  Frédéric  II  avait  pendant  si  longtemps,  mais  si  inu- 
tilement, voulu  opérer  la  destruction  de  concert  avec  la  France. 

Adieu,  mon  cher  ami,  j'ai  bien  de  !  impatience  de  vous  voir  et  de 
causer  cwec  vous  de  tout  ceci. 

G. 

Vendredi  2 


Billaud-VareRHe  esclavagiste 

Nous  avons  retracé,  dans  une  étude  antérieure  ',  le  voyage  que 
fit  Billaud-Varenne  aux  Etats-Unis  d'Amérique  en  181(5,  avant  de 
s'installer  à  Port-au-Prince.  Les  éléments  de  cette  étude  étaient 
tirés,  comme  nous  l'avons  dit,  de  la  correspondance  inédite  de 
Billaud-Varenne  avec  son  ami  Siégert  ^.  C'est  à  la  même  source 
que  nous  empruntons  aujourd'hui  les  détails  qui  suivent,  et  qui 
nous  montrent  l'ancien  conventionnel  sous  un  jour  assez  inattendu. 
On  ne  verra  pas,  en  effet,  sans  une  certaine  surprise,  Billaud- 
Varenne  devenu,  au  mépris  de  ses  anciennes  théories  égalitaires, 
le  partisan  le  plus  résolu  de  l'esclavage  des  nègres,  et  propriétaire 
lui-même,  en  Guyane,  d'une  équipe  de  travailleurs  noirs,  dont  il 
fait  l'objet  d'incessantes  transactions. 

On  sait  que  l'esclavage  avait  été  rétabli  dans  les  colonies  par  la 
loi  du  30  floréal  an  X.  Billaud-Varenne  en  avait  même  profité  pour 

1.  Le  13  octobre. 

2.  La  convention  de  Garouge  étant  du  22  octobre,  et  le  Comité  cxéculif  ayant, 
dès  le  17  octobre,  prévu  un  arrangement  amiable  avec  Genève,  ce  vendredi  ne 
peut  être  que  le  19  octobre,  lanouvelle  delà  reprise  de  Verdun  ayant  dû  arriver 
à  Londres  à  cette  date. 

3.  Billaud-  Varenne  aux  États-Unis  (5  mai-18  juillet  1816)  dans  la  Revue  histo- 
rique de  la  Révolution  française  d'avril-juin  1911. 

4.  Ces  lettres  s'échelonnent  sur  cinq  années,  de  1812  à  1816. 


276  REVIE  HISTORIQUE  DE    LA   RÉVOLITION    FRANÇAISE 

acheter  une  jeune  négresse,  Virginie,  qui  habitait  sous  son  toit 
depuis  plusieurs  années,  et  pour  lui  donner  la  liberté,  tout  en  la 
conservant  pour  compagne.  En  l'an  XIII,  il  s'était  installé,  non 
loin  de  Cayenne,  dans  un  domaine  en  friche,  qu'il  avait  dénommé 
l'Hennilagc,  en  souvenir  de  Jean-Jacques  Rousseau,  et  qu'il  avait 
entrepris  de  mettre  en  valeur. 

Dans  une  lettre  du  16  juin  1813,  il  explique  à  son  ami  l'attitude 
qu'il  a  adoptée  vis-à-vis  de  ses  nègres,  et  qui  est  faite  à  la  fois  de 
sévérité  et  de  justice  : 

«  Exerçant,  dit-il,  depuis  plus  de  quatorze  ans  la  profession 
d'agriculteur,  qui,  pour  ma  tranquillité,  m'a  placé  trop  près  des 
nègres,  et  ayant  eu  le  temps  de  les  observer  et  de  les  étudier,  je 
crois  donc  bien  les  connaître.  Malheureusement,  je  n'ai  que  trop 
appris  que  ces  gens-là,  nés  avec  beaucoup  de  vices,  et  mal  élevés, 
devenaient  d'autant  plus  difficiles  à  conduire  que,  manquant  à  la 
fois  de  raison  et  de  sentiments,  il  n'est  que  le  ressort  conlractif  de 
la  crainte  qui  soit  capable  de  les  contenir  et  de  les  activer.  Partant 
de  là,  et  sans  être  avec  eux  d'une  sévérité  outrée,  je  les  tiens  dans 
le  devoir,  autant  qu'il  dépend  de  moi,  parce  que  le  désordre  devient 
une  source  de  perte  infaillible.  Mais  je  suis  juste,  ne  voulant  point 
qu'ils  soient  fondés  à  se  plaindre,  leur  accordant,  à  cet  effet, 
même  au-delà  de  ce  qu'ils  peuvent  prétendre.  » 

Billaud-Varenne  entre  alors  dans  de  longs  détails  sur  la  façon 
dont  ses  nègres  sont  traités  et  nourris,  et  il  conclut:  «Je  ne  pense 
donc  pas  qu'il  y  ait  beaucoup  d'habitants  qui  en  fassent  autant 
pour  leurs  nègres.  » 

Cette  bienveillance  ne  l'empêche  pas  d'être  perpétuellement 
harcelé  d'ennuis.  Le  chef  de  son  «atelier»,  Jean-Baptiste,  n'a 
aucune  des  qualités  indispensables  pour  cet  emploi.  Il  manque  de 
fidélité  à  l'égard  de  son  maître,  il  fait  preuve  de  faiblesse  à  l'égard 
des  nègres  qui  lui  sont  subordonnés,  il  encourage  le  brigandage  et 
les  larcins,  il  est  d'une  paresse  inguérissable.  Car  il  s'agit,  sur  ce 
dernier  point,  non  d'une  paresse  accidentelle,  mais  d'une  véritable 
maladie.  Et,  à  lire  les  détails  que  donne  Billaud-Varenne,  il 
semble  bien  que  nous  nous  trouvions  ici  en  présence  d'un  curieux 
cas  de  maladie  du  sommeil,  car  les  symptômes  et  les  manifestations 
de  la  maladie  de  Jean-Baptiste,  notamment  l'enflure,  sont  singu- 
lièrement identiques  à  ceux  qui  ont  été  constatés,  au  cours  de  ces 
dernières  années,  chez  les  indigènes    du   Congo  frappés  de  ce 


MELANGES  ET  DOCUMENTS  277 

terrible  mal.  «  Non  content,  dit  Biilaud-Varenne,  de  passer  les 
samedis  et  les  dimanches  à  dormir,  les  jours  sur  semaines,  il  se 
couche  dans  l'abattis,  soit  sur  un  bois,  soit  à  terre,  et  dort  encore. 
Vue  goutte  d'eau  ne  peut  seulement  jjas  le  toucher;  c'est  pire  qu'un 
chat.  Aussi  est-il  attaqué  d'une  maladie,  suite  ordinaire  d'une  si 
excessive  indolence,  qu'on  appelle  ici  :  mal  d'estomac.  De  sorte 
que  ce  que  nous  avions  pris  à  Cayenne  pour  de  l'embonpoint  était 
uniquement  de  l'enflure,  sj'mptôme  de  cette  maladie,  ce  qui  a 
obligé  ma  ménagère  de  lui  faire  une  tisane  très  spécifique  qui  l'a 
déjà  entièrement  désenflé  '.  » 

Les  nègres  en  esclavage  ont  un  désir  bien  naturel  de  s'évader 
pour  aller  rejoindre  les  nègres  marons,  qui  vivent  dans  la  brousse. 
Les  tentalivesd'évasion  sont  donc  nombreuses,  et  troublent  inces- 
samment la  tranquillité  de  Biilaud-Varenne.  En  avril  1813,  Siégert 
lui  procure  deux  nègres  et  une  négresse,  qui  paraissent  actifs  et 
dociles.  La  négresse  n'est  cependant  venue  à  l'Hermitage  qu'avec 
le  plus  grand  chagrin.  Elle  a  laissé  à  Cayenne  un  amant  et  un  fils. 
Mais,  ajoute  Biilaud-Varenne,  «  comme  l'un  est  aisé  à  remplacer 
et  que  l'autre  n'est  qu'à  une  faible  distance,  cette  affliction  assez 
naturelle  dans  les  premiers  instants  ne  peut  pas  être  intermina- 
ble -'.»  Moins  de  deux  mois  plus  tard,  le  16  juin,  toutes  les  espé- 
rances de  Biilaud-Varenne  se  sont  évanouies.  La  négresse  s'est 
enfuie  pour  aller  rejoindre  un  jeune  noir  d'une  des  fermes  voisines, 
et  les  deux  autres  nègres  n'ont  aucune  des  qualités  dont  on  les 
supposait  doués. 

Fatigué  par  de  continuelles  déconvenues,  Biilaud-Varenne  se 
décide,  en  novembre  1813,  à  mettre  en  vente  tous  ses  nègres,  pour 
renouveler  complètement  son  personnel  «  à  l'arrivée  du  premier 
négrier  »  '.  A  ce  moment,  ce  personnel  se  compose  de  huit  sujets  : 
5  hommes,  2  femmes  et  une  petite  fille.  Il  en  communique  la  liste 
nominale  à  son  ami  Siégert,  et  le  charge  des  négociations  de  ce 
marché.  On  essaiera  d'abord  une  vente  à  l'amiable,  qui  éviterait 
de  recourir  à  un  encan.  Sur  les  observations  de  Siégert,  qui  lui 
montre  les  inconvénients  qu'il  y  aurait  à  rester  sans  nègres  pen- 
dant un  certain  temps,  Biilaud-Varenne  accepte  de  reprendre  les 


1.  Lctlie  du  ir>  juin  ISIU. 

2.  Lettre  du  2i)  avril  IHIH. 

.^.  Lettre  du  15  novembre  18i:^ 


278  HKVL'R     HISTOUIQUi;    DU    I-A    KÉVOLUTION    FRANÇAISE 

nègres  qu'il  avait  avant  ceux-là  et  qui  se  trouvent  aux  fers  à 
Cayenne,  à  l'exception  cependant  de  l'un  d'entre  eux,  nommé 
Lindor,  qu'il  veut  maintenir  en  prison  jusqu'à  ce  qu'il  ait  trouvé 
l'occasion  de  s'en  défaire.  Mais  voici  qu'au  moment  même  où  il 
se  dispose  à  renvoyer  à  Cayenne  les  nègres  dont  il  ne  veut  plus, 
ceux-ci  s'évadent  tous  ensemble,  le  27  novembre. 

Dans  les  mois  qui  suivent,  Billaud-Varenne  s'entretient  avec 
Siégert  de  la  vente  du  nègre  Lindor,  resté  en  prison.  Pour  le 
reste,  il  jouit  d'une  tranquillité  relative.  En  juin  1814,  il  achète, 
au  prix  de  3.800  livres,  un  nègre  nommé  Etienne,  dont  il  se 
déclare  fort  satisfait.  Quelques  semaines  après,  à  l'arrivée 
d'un  convoi  de  nègres,  il  demande  à  son  ami  de  lui  procurer  une 
jeune  négresse. 

«  Je  vous  félicite  d'autant  plus,  dit-il,  de  l'arrivée  de  votre 
négrier,  que  c'est  une  spéculation  qui  ne  réussit  pas  toujours.  Je 
vous  remercie  bien  sincèrement  de  l'offre  obligeante  que  vous  me 
faites  à  ce  sujet.  Mais  j'ai  trop  de  raison  pour  ne  pas  écouter 
plutôt  l'exiguilé  de  mes  facultés  que  l'étendue  de  mes  besoins. 
Sachant  donc  les  restreindre  à  l'étroit  nécessaire,  c'est  unique- 
ment sous  ce  rapport  que  je  songe  [à]  profiter  de  votre  bonne 
volonté,  en  me  fondant  sur  la  proposition  que  M.  Sénat  m'avait 
faite  à  mon  dernier  voyage  à  Ca3-enne,  de  me  donner  un  esclave 
de  la  cargaison  que  vous  attendiez  alors,  à  la  place  de  Lindor.  Si 
cet  arrangement  vous  paroît  praticable,  dans  ce  cas  j'ai  recours 
à  votre  bienveillance  pour  le  choix  d'une  négre[sse]  qui  me  serait 
d'autant  plus  utile  que  les  deux  derniers  individus  que  j'ai  reçus 
de  votre  précédent  négrier  ne  sent  vraiment  propres  à  rien,  et 
l'ineptie  de  la  jeune  négresse  surtout,  que  je  destinais  au  service 
de  la  maison,  est  cause  que  je  n'ai  encore  personne  pour  cet 
emploi.  Je  ne  sais  que  trop  que  l'acquisition  d'un  nègre  est  un 
billet  de  loterie.  Ainsi,  quand  je  me  plains  de  celle-ci,  ce  n'est 
certainement  point  à  titre  de  reproche,  puisque  celui  qui  vend 
ne  peut  pas  plus  deviner  la  qualité  du  sujet  que  celui  qui  achète. 
Seulement  les  nations  sont  à  considérer,  parce  qu'il  en  est  dont 
on  ne  peut  tirer  aucun  parti,  tandis  que  d'autres  sont  assez  géné- 
ralement bonnes,  telles  que  celle  qu'on  nomme  cabari  ;  et  le  coup 
d'œil  chez  celles-ci  devient  aussi  parfois  une  propice  indication.  En 
supposant  donc  qu'il  soit  possible  d'avoir  pour  Lindor  une  né- 
gresse, je  la  désireniis  d'environ  quinze  à  seize  ans,  étant  plus  facile 


MÉLANGES  ET  DOCITMENTS  279 

à  former  dans  le  jeune  âge,  m'en  reposant  pour  le  surplus  du  choix, 
sur  votre  attachement  qui  m'oblige  constamment  avec  trop  de  zèle, 
pour  ne  pas  être  certain  que  vous  ferez  comme  pour  vous-même.'  » 

Un  peu  plus  tard,  le  26  août,  il  a  re(,'u  la  négresse 
qu'il  désirait.  «  Ne  me  demandez  pas,  écrit-il  à  son  ami,  si  je  suis 
content  de  la  petite  négresse  que  vous  avez  eu  la  bonté  de 
m'envoj'er.  Il  suffit  qu'elle  soit  du  choix  de  votre  amitié,  et  qu'elle 
me  vienne  de  votre  main,  pour  ne  pas  manquer  d'en  être  infini- 
ment satisfait.  D'ailleurs,  son  extérieur  très  agréable  prévient 
assez  en  sa  faveur,  et  même,  quant  au  moral,  elle  parait  très 
douce  et  très  docile,  ce  qui  est  toujours  une  indication  de  bon 
augure.  Cependant  peu  s'en  est  fallu  que  je  n'aye  pas  seulement 
goûté  le  plaisir  de  contempler  ce  nouveau  témoignage  de  vos 
affectueux  soins.  Car  le  désespoir  s'étant  emparé  de  cette  petite 
négresse  quand,  séparée  de  sa  compagnie,  elle  s'est  vue  isolée 
dans  un  canot,  elle  a  voulu  se  jeter  dans  la  rivière,  ce  qui  a 
d'autant  plus  embarrassé  Etienne  qu'il  était  seul.  Arrivée  ici, 
quoique  son  chagrin  se  soit  montré  plus  calme,  elle  n'en  a  pas 
moins  été  désolée  pendant  tout  le  jour  du  lendemain.  Enfin,  à 
force  de  bons  traitements,  sa  douleur  s'est  apaisée,  et  maintenant, 
loin  de  paraître  y  songer,  tout  annonce  chez  elle  un  parfait  con- 
tentement. -  »  Bien  qu'il  ait  l'habitude  de  se  montrer  assez  vite 
mécontent  de  ses  nouveaux  serviteurs,  Billaud-Varenne  ne  repro- 
che encore  à  sa  jeune  négresse,  le  10  décembre  suivant,  qu'un 
peu  de  paresse.  Il  n'en  est  pas  de  même  du  nègre  Etienne,  dont 
il  était  enchanté  au  début,  et  dont  il  dit,  le  6  octobre  1814  :  «  Loin 
de  répondre  à  mon  attente,  il  me  prouve  de  plus  en  plus  que  je 
ne  pouvais  faire  un  plus  mauvais  choix.  »  C'est  encore  d'Etienne 
qu'il  se  plaint,  dans  les  termes  les  plus  amers,  le  21  mai  1815, 
au  cours  d'une  longue  lettre  où  il  expose  à  son  ami  son  intention 
de  quitter  la  Guyane  : 

((  La  nécessité  de  me  procurer  un  homme  capable  de  conduire 
ce  travail  [l'exploitation  des  terres  basses]  m'a  fait  tomber  sur  un 
de  ces  scélérats  trop  communs  dans  cette  colonie,  qui,  loin  de 
maintenir  l'ordre  dans  mon  atelier,  comme  c'était  son  devoir,  a 
achevé  de  pervertir  mes  nègres,  en  les  incitant  à  toutes  sortes  de 


1.  Lclli-e  du  5  août   1814. 

2.  Lettre  du  2G  août  1814. 


280  REVUE    HISTORIQUE  UE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

brigandages,  qui  même  ne  s'est  pas  contenté  de  me  faire  perdre 
mon  temps  et  mes  déboursés,  et  qui,  dans  l'espérance  de  s'emparer 
de  moi  et  de  mon  habitation,  a  empoisonné  une  femme  de  confiance 
qui  est  avec  moi  depuis  dix-huit  ans,  et  que  j'ai  eu  bien  de  la 
peine  à  tirer  des  bras  de  la  mort.  Mon  ami,  n'y  aurait-il  que 
l'effroyable  perspective  d'être  exposé  sur  mes  derniers  jours  à 
me  trouver  à  la  merci  de  la  noirceur  des  nègres,  pire  pour  moi 
que  pour  qui  que  ce  soit  dans  l'isolement  où  je  vis,  que  la  crainte 
de  ce  malheur  qui,  en  mettant  le  comble  à  tous  ceux  qui  n'ont 
cessé  de  m'accabler,  me  réduirait  au  désespoir,  que  c'en  serait 
assez  pour  me  faire,  je  crois,  traverser  des  charbons  ardents, 
afin  de  l'éviter.  « 

A  cette  époque,  en  effet,  il  est  à  la  fois  si  excédé  par  ses 
ennuis  et  si  inquiet  à  la  suite  des  nouvelles  politiques  qui  viennent 
de  France,  qu'il  est  déterminé  à  abandonner  l'Hermitage  pour 
gagner  la  Louisiane,  où  l'attendent,  espère-t-il,  des  jours  plus 
heureux.  Il  cherche  un  acquéreur  pour  son  domaine,  puis,  devant 
l'insuccès  de  ses  premières  démarches,  il  prend  la  résolution, 
pour  faciliter  les  choses,  de  vendre  les  nègres  à  part.  Le  5  février 
1816,  il  a  trouvé  deux  acquéreurs.  L'un  paraît  décidé  à  acheter 
les  sept  nègres  à  raison  de  2.500  livres  chacun,  offre,  pour  le 
paiement,  avec  l'acquit  des  engagements  de  Billaud-Varenne  à 
son  égard,  un  versement  immédiat  de  5.000  livres,  et  demande 
pour  le  surplus  un  terme  d'une  année.  L'autre  offre  un  paiement 
au  comptant,  sans  spécification  tle  prix. 

Les  pourparlers  se  poursuivent  avec  le  premier  acquéreur, 
non  sans  difficultés,  durant  tout  le  mois  de  février  et  tout  le  mois 
de  mars.  Ce  n'est  que  le  27  de  ce  mois  que  l'affaire  se  trouve 
définitivement  conclue. 

Cet  acte  de  vente  met  fin  à  ces  étranges  transactions  de  Bil- 
laud-Varenne. Au  cours  de  toute  cette  correspondance,  qui  s'é- 
chelonne sur  plus  de  quatre  années,  on  chercherait  en  vain  un 
mot  de  réprobation  contre  l'esclavage  des  nègres,  un  mot  même 
d'explication  sur  les  nécessités  auxquelles  avait  pu  obéir  l'ancien 
conventionnel.  Il  ne  semble  pas  qu'à  aucun  moment  il  ait  souf- 
fert de  cet  attentat  quotidien  aux  principes  qu'avait  proclamés 
la  Révolution  et  auxquels  il  avait  lui-même  applaudi. 

Charles  Vellay. 


.MÉLANfiES  ET  DOCIMENTS  'J>S1 

Deux  rapports  de  police  sur  le  Congrès  de  Vienne 

(2(S'  oclobre  cl  /''   novembre  181  'i ) 

Qu'augurait-on  du  Congrès  ?  Quel  était,  à  la  veille  de  son 
ouverture,  non  seulement  le  courant  de  l'opinion  publique  ix 
Vienne,  mais  aussi  l'impression  la  plus  généralement  répandue 
dans  le  monde  diplomatique  ?  C'est  là  ce  qu'on  ne  sera  peut-être 
pas  fâché,  je  n'ose  dire,  d'apprendre,  mais  d'entrevoir,  grâce 
aux  deux  rapports  qu'adressait  au  baron  Hager  un  de  ses  meil- 
leurs agents.  Il  me  semble  inutile  d'insister  sur  le  fait  qu'il  s'agit 
là  d'une  note  émanant,  non  pas  d'un  policier  ordinaire,  mais  d'un 
homme  que  la  reconnaissance  attachait  depuis  de  longues  an- 
nées à  la  famille  impériale  qui  l'avait  protégé  en  faisant  repré- 
senter ses  pièces  sur  le  Théâtre  Impérial  de  Monza,  de  l'auteur 
des  Hagdines,  de  l'homme  qui,  presqu'au  même  moment  et  tout 
en  s'occupant  des  affaires  du  Congrès,  revendique  hautement 
et  énergiquement  la  propriété  d'une  œuvre  littéraire  que  Sten- 
dhal n'avait  pas  craint  de  s'approprier.  C'est,  en  effet,  du  pseu- 
donyme de  Nola,  qu'on  trouve  en  bas  de  tous  ses  rapports  rédi- 
gés en  français,  que  se  sert  un  homme  foncièrement  dévoué, 
d'abord  à  l'archiduc  Ferdinand,  son  bienfaiteur,  puis  à  sa  veuve, 
l'archiduchesse  Béatrice,  la  mère  de  l'Impératrice  d'Autriche, 
un  homme  reçu  dans  la  plus  haute  société  de  Vienne,  connu  et 
apprécié  par  les  hommes  d'Etat  étrangers,  le  poète,  le  musi- 
cien Joseph  Carpani. 

Commandant   Weil. 

I 

Vienne, '2S  octobre  1SH.  1. 

Nola  à  Hager  (en  français). 
On  perd  de  plus  en  pins  l'espoir  de  voir  le  Congrès  finir  comme 
on  le  voiidrail  et  comme  on  le  crogait  d'abord.  On  dit  que  le  Congrès 
n'a  pas  de  principes  et  que,  s'il  en  a.  c'en  sont  de  bien  mauvais.  Loi.i 
de  donner  et  chacun  ce  qui  lui  est  du,  on  va  prendre  à  d'autres  ce 
qui  leur  appartient  légitimement.  La  Russie  va  se  pousser  sur  l'Alle- 
magne :  la  Prusse  veut  en  dominer  le  Word,   cl  l'Autriche  le  Midi. 

1.  Vienne.  Archiv.  des  Minhteriums  dex  Innern.  Ohersie  Polhei  Hofstelle. 
Akten   des    Wiener  Congresses.    F  3,  4170  ad  3565. 


282  REVUE  HISTORIQUE  UE  LA   RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

Les  pclils  lùdis  iiHriudnds  en  fn'missciil.  s'unilcnl  et  se  désespèrent. 
Lue  Coiifcdèralion  de  l'AUennmne  paruil  un  rèin'.  une  iinpossibililé 
qu  on  cherehe  et  (pi  on  ne  Ironvera  pas.  Kn  (jénéral.  tout  le  monde 
frémit  du  partage  de  la  Sa.ve  ! 

On  ob.fcrve  partout  un  mouvement  fatal  de  rues  et  d'intérêts  cl 
une  mésintellifiencc  prononcée,  même  parmi  ceux  qui  denwndcnl  et 
désirent  la  même  chose.  J'en  citerai  un  seul  c.vemple  : 

La  Fnmce  demande  la  conservation  de  la  Saxe  [à  son  roi  et  que 
la  Pologne  ne  soit  pas  toute  o  la  Russie. 

Nous  demandons  la  même  chose,  et  nous  nous  plaifinons  de  la 
France  qui  veut  se  mêler  de  ce  qui  ne  la  regarde  pas. 

■  Tout  ceci  fait  que  quand  on  parle  du  Congrès  et  de  son  issue,  on 
sourit  d'un  air  de  compassion  et  tout  le  monde  dit  :  u  Cela  finira 
par  une  paix  d'Amiens.  On  so  séparera  amis  en  ayant  la  guerre 
en  projet.  » 

Lord  Casilereagh  a  répondu  sèchement  à  la  dépulation  de  Gênes 
qui  invoquait  son  iq)pui :  «  Qu  ils  n'avaient  qu'à  s'adresser  au  roi 
de  Sardaigne  et  à  tâcher  d'obtenir  de  bonnes  conditions  et  pri- 
vilèges. » 

En  dépit  de  cela,  Hrignolc  espère  toujours. 

Pozzo  di  Borgo  est  le  héros  du  moment.  Pour  les  honnêtes  gens, 
il  parle  comme  Démostlièiw  et  raisonne  comme  Caton.  Il  tonne  en 
faveur  de  la  justice,  du  droit  cl  des  véritables  intérêts  des  têtes  cou- 
ronnées et  coalisées.  On  est  surpris  de  son  audace,  vu  que  les  princi- 
pes qu'il  proclame  ne  s'accordent  pas  cu>cc  ce  que  fait  et  prétend  le 
Cabinet  auquel  il  est  attaché.  Aussi  l'on  croit,  ou  que  la  Cour  de 
Russie  deviendra  plus  modérée  et  plus  sage,  ou  qu'elle  se  défera  de 
lui,  —  ('/  alors,  étant  né  en  Corse  et  sujet  français,  il  rentrera  au 
service  de  son  ancien  roi  qui  lui  doit  déjèi  tant,  puisqu'il  est  remonté 
sur  son  trône  en  dépit  de  toutes  les  (qjparences  et  de  toutes  les  com- 
binaisons. 

II 

Vienne.  I"  novembre  tSti  1 
Xota  à  Hagcr  (en  français) 
L'opinion  publi(pu'  est  toujours  mauvaise  par  rapport  tut  Congrès. 
Partout  on  dit  qu'on  n'est  pas  d'accord  :  qu'il  ne  s'agit  plus  de  rétablir 
l'ordre  et  la  justice,  mais  de  forcer  la  main,  de  prendre  chaoun  le 

1.  Vienne,  AnhitK  des  Ministerimns  des  Inn.rn.  Obersie  l'olizei  Hafslelle.  .4A(.-n 
des  ll'ieiipr  f.'ongresscs,  F.  li,  ail  H5().). 


MÉLANGES     ET     DOCUMENTS  !28i{ 

plus  qu'il  peut  et  qu'on  se  prrparc  à  une  (jucrrc  (jvnvrnlc  qui  ne 
lardera  pas  à  éclaler. 

L'affaire  de  la  Saxe  blesse  tout  le  monde.  Celle  de  Murât,  qu'on 
croit  que  notre  Cour  (l'Autriche)  (;(■((/  conserver,  ne  dcplail  pas 
moins.  On  dit  ouvertement  qu'Alexandre  ne  peut  pas  souffrir  Metler- 
nicli  ;  que  Talleijrand  est  le  seul  qui  parle  raison  à  présent  et  que 
l'Evamjile,  s'il  était  prêché  par  le  diable,  ne  cesserait  j)as  d'être 
l'Evang'de.  cl  c'est  le  cas.  car  «  Talleijrand  ne  demande  rien  pour 
la  France.  Il  ne  veut  que  justice,  équilibre,  modération,  tranquillité 
sur  les  saintes  bases  du  droit  et  de  la  raison  ». 

En  général,  le  publ'ic,  et  celui  de  Vienne,  par  c.vcellence,  a  un 
certain  bon  sens  qui  le  porte  à  bien  juger  les  choses  cl  à  éviter  toute 
passion  dans  ses  jugements.  Cela  fait  que  les  Français  gagnent  à 
présent  dans  les  sociétés  et  dans  la  classe  du  milieu  ce  que  les  Russes 
cl  les  Prussiens  et  notre  Ministère  lui-même  perdent  dans  l'opinion 
publique. 

On  est  fatigué  de  tant  d'amusemcnls.  peiné  de  tant  de  dépenses, 
après  lesquelles  nous  aurons  attiré  les  Russes  dans  l'oreille  de  la 
Hongrie  et  perdu  dans  peu  d'années  notre  Galicie,  détrôné  le  plus 
ancien  roi  de  l'Allemagne  cl  établi  à  perpétuité  une  haine  irréconci- 
liable entre  les  Saxons  et  les  Prussiens,  mis  ceux-ci  irrévocablement 
A  la  merci  de  la  Russie  qui,  maitresse  de  la  Pologne,  peut,  en  quatre 
jours,  arriver  ci  Berlin  et  attaquer,  quand  elle  le  voudra,  le  cœur  de 
l'A  llemagne. 

Au-dessus  de  cela  nous  cmrons,  si  nous  le  pouvons,  sanctionné 
l'Usurpateur  de  Naples,  récompensé  en  Mural  les  crimes  que  nous 
avons  punis  en  Bonaparte,  scandalisé  le  monde  par  la  plus  infâme 
politique  qu'on  ait  jamais  faite  et  que  les  Russes,  Anglais,  Prussiens, 
Français,  Espagnols,  Italiens,  enfin  toute  l'Europe  mettra  exclusi- 
vement sur  notre  compte  et  spécialement  sur  celui  du  seul  prince  de 
Mctternich,  qui,  je  suis  féiché  de  le  dire,  perd  tous  les  jours  de  plus 
en  plus  la  faveur  de  l'opinion  publique,  et  cela,  au  point  que  j'ai  dû 
moi-même  prendre  son  parti  contre  des  gens  qui  le  disaient  acheté 
par  Mural,  ce  qui  prouve  à  quel  point  on  est  irrité  contre  lui. 

Pour  Alexandre,  on  peut  dire  qu'on  le  connaît  bien  à  présent  à 
Vienne.  On  le  croit  un  fourbe  qui  fait  le  philanthrope  avec  les  hon- 
nêtes gens,  mais  qui  veut  bien  s'attacher  la  canaille  pour  avoir  tout 
le  monde  pour  lui.  On  le  croit  faux,  .lans  morale  pratique,  tout  en 
parlant  religion  comme   un  saint  et  en  conservant  avec  affectation 


284  REVL'E  HISTORIQUE  DE  LA   RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

toutes  les  apparences.  Ce  monarque .  non  seulement  n'est  pas  aimé 
ici,  mais  méprisé  et  délesté. 

Les  Prussiens  n'ont  pas  de  lui  une  inilre  idée  que  les  Viennois, 
mais  ils  cachent  leurs  sentinn^nls  cm  ])ublic  et  parlent  très  clair  (/a/i.s 
les  petites  coteries. 

Vendredi  dernier  (le  2S  octobre),  l'ambassadeur  d'Anc/leterre  ' 
était  cliez  la  duchesse  de  Saçjan  le  soir.  Tout  à  coup,  cet  original 
s  adressa  à  elle  et  lui  dit  :  «  Que  pensez-vous  d'Ale.randre  ?  Pour 
moi.  je  le  crois  un  fou.  lunbilieu.v.  imposteur.  Voilà  mon  opinion. 
Et  vous,  comment  le  trouvez-vous  ?  Qu'en  dites-vous  '.'  » 

La  duchesse,  frappée  de  ce  propos  tenu  devant  di.r  personnes  et 
très  embarrassée,  commença  par  sourire,  puis  elle  lui  dit  :  «  Je  trouve. 
Mijlord,  que  vous  prenez  le  mors  aux  dents,  comme  le  cheval  que 
vous  avez  donné  ce  malin  à  ma  S(vur  Dorothée  -'.  (/((/  (/  UKmqué  de 
se  casser  le  cou  (Ui  Prater.  >> 

Puis  elle  se  leva  et  alla  c(uiser  avec  une  autre.  Je  tiens  cette  anec- 
dote de  quelqu'un  qui  était  présent. 

On  n'espère  plus  trop  non  plus  de  cette  Confédération  d  Alle- 
magne sans  chef.  On  dit  d'avance  quelle  n'ira  pas.  enfin  que  le 
Congrès  finira  parce  qu'il  faut  fmir.  mais  qu'il  laissera  les  choses 
plus  embrouillées  qu'elles  ne  l'étaient  ci  son  ouverture. 

Ce  qui  me  blesse  au  cœur,  c'est  que  les  peuples  qui.  par  les  succès, 
la  sincérité  et  la  noblesse  de  cette  belle  Coalition,  avaient  conçu  tant 
d'estime  et  d'altachement  pour  leurs  chefs,  voijant  comme  ils  oublient 
ce  qu'ils  avaient  promis  solennellement,  la  justice,  l'ordre,  la  pai.v 
fondée  sur  l'équilibre  et  la  légitimité  des  possessions,  finiront  par  ne 
plus  aimer  leurs  chefs  et  ne  plus  avoir  confiance  en  leurs  principes 
et  leurs  promesses,  et  alors,  où  irons-nous'.' 

Le  tableau  est  bien  triste.  La  logaulé.  la  fermeté,  la  justice  pou- 
vaient seules  encore  nous  sauver. 

Les  Prussiens,  de  leur  cé>lé.  léichent  de  sauver  leur  roi  et  disent 
partout  èi  l'oreille  que  le  roi  est  très  féiché  de  devoir  prendre  la 
Sa.i'c  :  (pic  cela  lui  coûte  infiniment  ilc  ficine  et  (pi  il  aimerail  mieii.i- 
rei>rendre  sa  Pologne  quoi(iu  il  n dit  pas  de  raison  d'armer  les  Polo- 
nais. 

Tel  est  le  résultat  de  ce  que  j'entends  dire  du  matin  (Ui  .'ioir.  <t 


1.  Lot  a  Chnrles  Sto«:iiL 

2.  La  comtesse  de  TaIleyraiui-I*i'rigor(L 


MÉLANGES  ET  UOCrMENTS  28') 

l)rcscnl  (jiic  je  suis  assc:  pousse  dans  le  nioiulc  et  an  point  que  je  ne 
nois  pas  moins  d'une  eeut<nne  de  personrws  de  di/jërentes  élusses  et 
nations  dans  une  jouriu'e. 

La  princesse  de  (ialles  a  été  très  (féiirreuse  et  ti'ès  prodiçjue  de 
sa  figure  à  Milan,  mais  très  éeonnnie  de  sa  honrse.  Elle  n  a  rien 
donne  à  i)ersonne.  malgré  (ju'elle  ait  gêné  bien  du  monde  et  visité 
tous  les  endroits  où  tout  étranger  donne  quelque  ehose  aux  gens. 


L'esprit  public  dans  les  départements  de  l'Est  en  mai  1815 

Les  deux  lettres  que  nous  donnons  ici  lurent  adressées,  en 
mai  1815,  au  comte  d'Aure,  intendant  général  de  l'armée  du  Nord, 
par  le  général  Saint-Michel,  commandant  d'armes  de  Strasbourg, 
et  l'ordonnateur  Boismont,  du  corps  d'observation  du  Jura.  On 
remarquera  l'éloge  que  fait  celui-ci  des  Gardes  Nationales  de  la 
Franche-Comté  «bataillons  superbes,  composés  d'hommes  dans 
la  force  de  l'âge  ».  Il  compare  l'élan  populaire  à  celui  des  plus 
belles  époques  de  la  Révolution.  L'esprit  est  le  même  à  Stras- 
bourg, où  les  Alsaciens  «font  des  sacrifices  immenses  ». 

Il  ressort  également  de  ces  deux  lettres  que  l'esprit  public 
était  alors  nettement  hostile  à  l'idée  royaliste. 

A.  T. 
I 

lielfort,  /.)  mai  1S15 
Mon  général. 

Votre  correspondance  avec  l'Ordonnateur  Combes  m'apprend 
que  vous  êtes  nommé  Intendant  général  de  l'armée  ;  il  faut  avouer 
que  j'ai  joué  de  malheur  d'avoir  quitté  Paris  au  moment  même  où 
j'aurais  pu  voir  s'accomplir  le  vœu  que  je  formais  depuis  si  long- 
temps de  travailler  avec  vous.  Depuis  douze  jours  nous  sommes  en 
voyage,  privés  de  journaux,  sans  recevoir  de  nouvelles  de  Paris,  et 
c'est  ce  qui  fait  que  j'ai  ignoré  jusqu'à  ce  moment  votre  nomination. 
M.  Combes  avait  d'abord  été  envoyé  à  Cliambéry  au  1^  corps  d'ar- 
mée, mais  à  peine  arrivé  il  reçut  l'ordre  de  se  rendre  sans  délai  à 
Belforl  où  nous  sommes  arrivés  avant-hier  :  il  me  comble  de  bontés, 
je  cherche  à  les  justifier  par  mon  travail  et  par  toute  l'activité  dont 
je  suis  capable,  mais  quel  que  soit  l'agrément  dont  je  jouisse  auprès 


286  JiKVUE  lUSTOHiyCE  DE    l-A  RÉVOI  ITION     l'HANÇ.MSE 

de  lui,  vous  comprendre:  sans  peine,  mon  (jénéral,  que  je  désire  ar- 
demment d'aller  iwus  joindre.  Dès  longtemps  je  vous  suis  dévoué, 
et  depuis  la  mort  du  brave  général  Reynier,  votre  digne  ami,  vous 
êtes  devenu  mon  unique  protecteur,  et  c'est  en  vous  seul  que  je  mets 
tout  mon  espoir.  J'attendrai  toutefois  vos  ordres  pour  partir  ;  l'Or- 
donnateur n'a  d'ailleurs  personne  auprès  de  lui  dans  ce  moment,  et 
je  lui  ai  trop  d'obligations  pour  le  quitter  aussi  brusquement.  Je  vous 
supplie  même,  mon  général,  dans  le  cas  ou  vous  m'appelleriez  près 
de  vous,  d'avoir  la  bonté  de  lui  écrire  un  mot  pour  l'en  prévenir.  Si. 
contre  mon  attente,  il  ne  vous  était  plus  possible  de  me  faire  venir, 
je  compte  assez  sur  votre  bienveillante  protection  pour  me  faire 
nommer  adjoint  im.r  commi.'isaires  des  guerres,  en  m'altachant  au 
corps  d'armée  où  je  me  trouve.  Vous  savez,  mon  général,  que  de 
tous  les  Napolitains  rentrés  je  suis  sans  contredit  le  plus  maltraité,  et 
cependant  Je  crois  avoir  rempli  mes  devoirs  avec  le  dernier  scrupule. 
J'attends  votre  réponse  avec  la  plus  vive  impatience  ;  je  connais  votre 
bonté  et  je  suis  bien  certain  que  vous  n'aurez  pas  oublié  le  plus  dévoué 
de  vos  serviteurs.  Je  crois  n'avoir  pas  besoin  de  vous  parler  de  mon  ac- 
tivité en  campagne  :  vous  savez  que  les  deu.r  Reynier  m'ont  passa- 
blement e.vercé  en  Calabre  ;  la  dernière  campagne  d'Italie  m'a  remis 
en  baleine,  et  le  bonheur  de  iwus  servir  doublera  encore  mon  zèle. 
Vous  ne  pouvez  vous  faire  une  idée,  mon  général,  de  l'enthou- 
siasme qui  règne  dans  les  pays  que  je  viens  de  parcourir  ;  la  poli- 
tique occupe  toutes  les  têtes,  agite  tous  les  esprits  ;  dans  une 
mauvaise  écurie  de  poste  comme  dans  les  salons  de  Paris,  les  événe- 
ments du  jour  sont  l'objet  de  la  conversation  générale,  avec  cette 
différence  que  les  politiques  de  la  capitale  se  bornent  à  causer  et 
que  ceu.r  des  campagnes  agissent  avec  un  élan  dont  peut-être  aucune 
époque  de  la  Révolution  ne  fournit  d'e.remplc.  Les  routes  de  la 
Bourgogne  et  de  la  Franche-Comté  sont  couvertes  de  gardes  natio- 
nales qui  se  rendent  à  leur  destination  respective  aux  cris  de  Vive 
l'Empereur  !  ;  ces  bataillons  sont  superbes,  composés  d'hommes  dans 
toute  la  force  de  l'âge,  et  généralement  d'une  très  belle  taille.  Ceu.v 
qui  restent  dans  les  villages  sont  décidés  à  périr  tous  plutôt  que  de 
laisser  boire  leur  vin  par  des  Cosaques.  Le  petit  nombre  de  Roya- 
listes disséminés  dans  les  départements  cherchent  à  répandre  de 
fau.r  bruits,  tantôt  sur  ce  qui  se  passe  à  Paris,  tantôt  sur  des  événe- 
ments militaires  qu'ils  supposent  avoir  eu  lieu  sur  les  frontières. 
Cette  lactique,  qu'ils  parai.^sent  avoir  adojjtée  partout,  inquiète  les po- 


MÉLANGtS  ET  DOCl'MENTS  287 

piilations,  les  irrite  et  pourrait  cienenir  funeste  (tux  imprudents  qui 
en  font  usu(]e.  J'ai  la  conviction  qu'an  premier  coup  de  clnelie  /es 
nobles  seraient  sacrifiés  si  l'on  Doutait  exciter  un  nuiuuenwnt  contre 
eux,  et  telle  est  la  situation  générale  des  esprits,  qu'un  revers  de 
notre  (wmèe  déterminerait  peut-être  ce  mouvement. 

Xous  sonunes  assc:  bien  à  Belfort  ;  le  corps  d'armée  n'est  encore 
composé  que  de  quatre  régiments  d'infanterie  et  de  trois  régiments 
de  cavalerie.  Le  général  Lecourbe  inspire  beaucoup  de  confiance,  c'est 
le  héros  de  la  Franche-Comté,  et  l'on  assure  que  les  Suisses,  qu'il  a 
déjà  instrumentés  assez  sévèrement,  le  redoutent  extrêmement. 

Veuillez,  mon  général,  mettre  le  comble  au.v  bontés  dont  vous 
n}  avez  toujours  honoré  en  daignant  m'écrire  quelques  mots  pour  me 
faire  connaître  votre  décision  à  mon  égard,  cl  agréez,  je  vous  prie, 
Ihommage  de  mon  respectueux  dévouement.  Permettez-moi  d'y 
joindre  celui  d'un  attachement  sans  bornes. 

BOISMOXT 
Prés  t'Ordonnateur  en  Chef  du  corpx 
d'observation  du  Jura,  à  BelforI 

II 

CiyQVIÊMK  DIVISJOy  MILITAIRE 

CIdadelte  de  Slrasl'riurg,  te  22  mai'  1S15. 

Le  Commandant  d'armes,  à  Monsieur...,  etc.... 

Rien  de  tel  que  d'être  commandant  déplace,  autrement  dit  cul  de 
plomb  ;  on  a  des  lettres  imprimées  et  presque  faites  d'avcmce,  où  il 
n'g  a  plus  qu'à  signer.  Vraiment,  c'est  charmant  :  vous  devriez  venir 
voir  le  commandant,  il  vous  offre  logement,  place  au  feu  et  à  la  chan- 
delle, et  à  sa  table...  Certes,  la  table  dans  la  Citadelle  de  Stras- 
bourg, où  il  n'y  a  qu'un  mauvais  cuisinier  qui  fasse  un  tantinet  de 
cuisine,  n'est  pas  à  dédaigner. . .  Surtout  quand,  à  la  suite  de  cela, 
on  vous  ferait  voir  des  bastions,  des  demi-lunes  et,  tenant  à  ces  demi- 
lunes,  de  jolis  petits  réduits,  des  ouvrages  à  cornes,  et  j'ai  remarqué 
que  vous  avez  une  prédiction  pour  ces  derniers. 

Je  suis  passablement  établi  ici  ;  grâce  à  30  bouteilles  de  bon  Bor- 
deaux que  j'ai  apportées  de  Paris,  et  du  vin  du  Rhin  que  je  me  suis 
procuré,  et  quelques  amis,  les  journées  se  passent  avec  assez  de  rapi- 
dité. 

Depuis  deux  heures  de  Paris  jusqu'ici,  j'ai  trouvé  l'esprit  e.rcel- 
lent  ;  les  payssans  crient  partout  :  Vive  l'Empereur  !  tout  est  sous  les 


28S  UEVIE   HISTORIQUE   DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

arincfs  el  purfaitcincnl  dispose  ù  repousser  rnfjressioti  de  ees  hordes 
d'esehwes  et  de  hriçiunds,  el  même  si  l'ennemi  s'avanee  sur  nos  lerres 
il  esl  des  eonlrées  oùîes  femmes  doivent  emjilnijer  Inus  leurs  moip-ns 
pour  cdder  les  (trmées  ù  les  éreinter. 

Il  arrine  sons  eessc  des  gurdes  nalioncdes  ;  elles  font  une  guerre 
cruelle  aux  éteignoirs  et  girouettes  ;  vous  devriez  bien  nous  envoyer 
les  matins  du  faubourg  Saint-Germain,  on  les  mettrait  bien  vile  à  la 
raison.  C'est  au  point  que,  dans  un  village  peu  distant  d'ici,  un  vol- 
tii^eur  ayant  voulu  discourir  sur  les  événements  du  mois  de  mars  a 
été  assailli  par  les  gardes  nationaux  et  eût  été  lue  sans  des  personnes 
qui  l'ont  arraché  de  leurs  mains. 

A  Beljort.  les  officiers  des  gardes  nationales  ont  à  leurs  frais 
fait  faire  plusieurs  enseignes  ayant  pour  titre  l'Empereur.  Marie- 
Louise  ou  le  Roi  de  Rome  :  ensuite,  ont  arraché  celles  de  certains 
négoeianls  qui  ne  leur  convenineiil  pas  et.  de  force  ou  de  gré,  ont  mis 
les  leurs  en  pUu'e  :  vous  seriez  enchanté  si  vous  étiez  dans  ce  pays, 
les  Alsaciens  font  des  sacri/iees  immenses.  .lai  sous  mes  ordres  le 
bataillon  de  Mulhouse,  qui  a  un  drapeau  très  beau  ;  c'est  un  cadeau 
fait  parles  demoiselles  de  leur  ville,  qui  toutes  ont  voulu  y  travailler, 
en  promettant  d'être  fidèles  à  l'engagement  qu'elles  avaient  pris  pré- 
cédemment de  n'épouser  ou  même  de  n'aimer  que  des  hommes  ayant 
servi  la  patrie  dansées  dernières  circonstances.  Aussi  le  bataillon  est- 
il  très  nomhreu.v  el  parfaitement  composé. 

Vous  devriez  bien  me  donner  quelques  nouvelles  de    la  guerre 

ou  de  la  pai.v  :  je  suis  en  face  des  Autrichiens  et  je  n'en  suis  pas 

plus  avancé. 

S.\  l\r-MirHEI.. 


Les  papiers  de  Boissy  d'Anglas 

Le  samedi  13  juin  1914,  à  l'iiotcl  Drouot,  ont  cté  veiulus  aux 
enchères  publiques  178  lots  de  documents  historiques  et  de  lettres 
autOLiraplios  ',  provenant  des  archives  de  la  famille  Boissy   d'An- 


I-.  V   iiiinpi'is   un    \'olt;iin',    l'ililioii    <li-   Ki'hl,  avec  annotations  manuscrites, 
notices,  compliinenls,   etc..   île    la  main   de   François-Antoine   lîoissy    d'Anglas 

(n"17.'.). 


MliLANGES    ET    DOCUMENTS  289 

^las.  Le  catalogue  en  avait  été  distribué  par  l'expert,  M''  S.  Kra, 
(i,  rue  Blanche  '  . 


François-Antoine  Boissy  d'Anglas  naquit  en  1726  près  An- 
nonay.  Bourgeois  lettré,  académicien  de  terroir,  puis  avocat  au 
Parlement  de  Paris,  il  plaida  peu.  Il  acquit  une  charge  de  cour 
qui  l'attachait  à  la  maison  du  comte  de  Provence,  frère  de  Louis 
XVL  Aussi,  en  1789,  fut-il  élu  aux  Etats-généraux  par  le  tiers 
d'Annonay,  qui  ne  lui  tint  pas  rigueur  de  ses  velléités  nobiliai- 
res. «  L'éloquence  des  Mirabeau  et  des  Barnave,  dit  un  de  ses 
biographes,  le  tint  éloigné  de  la  tribune.  »  Le  fait  est  que,  en 
1791,  ce  prudent  révolutionnaire  était  encore  «  maître  d'hôtel 
ordinaire  de  Monsieur  ». 

C'est  à  cette  première  phase  de  sa  carrière  que  se  rapportent 
les  n''-  22,  23,  25,  56,  57,  84,  90, 164  du  Catalogue  :  comptes,  rôles, 
états,  etc.,  de  divers  hôtels  royaux  ou  princiers, pièces  d'archives, 
par  conséquent,  et  qui  n'ont  pu  venir  aux  mains  de  leur  détenteur 
qu'à  titre  de  documents  surannés,  bons  tout  au  plus  à  brûler  sur 
l'autel  de  la  Patrie. 

Le  19  avril  1791,  au  lendemain  de  sa  tentative  manquée  de 
départ  pour  Sainl-Cloud,  Louis  XVI  se  rendit  à  l'Assemblée  na- 
tionale et  y  lut  quelques  phrases  :  «  Messieurs,  je  viens  au  milieu 
de  vous  avec  la  confiance  queje  vous  ai  toujours  témoignée.  Yous 
êtes  instruits  de  la  résistance  qu'on  a  apportée  hier  à  mon  départ 
pour  Saint-Cloud  »  etc.  Boissy  d'Anglas  était  ce  jour-là  secrétaire 
de  l'Assemblée.  Le  roi  lui  remit  son  manuscrit  autographe  pour 
le  faire  imprimer  et  distribuer  dans  Paris,  ce  qui  fut  fait.  «  Et  le 
manuscrit  nie  resta  -  »,  note  en  marge  le  dépositaire.  La  Consti- 
tuante avait  cependant  ses  Archives. 

On  sait  qu'avant  de  se  séparer,  elle  interdit  à  ses  membres  de 
faire  partie  de  la  Législative.  Mais  ceux  qui  avaient  siégé  jusqu'à  la 
fin  ne  rentrèrent  pas  dans  la  vie  privée.  La  plupart  briguèrent  et 
obtinrent  des  fonctions  départementales  :  Boissy  d'Anglas  fut, 
pendant  un  an,  procureur-syndic  de  l'Ardèche,  primus  interpares 
(1791-1792)  ;  le  même  département  le  nomma  représentant  du 
peuple  à  la  Convention.   Dans  le  procès   de   Louis   XVI,  il  vota 

1.  Vente  publique  n"  2.  Catalogue  des  lettres  autographes  et  documents  historiques 
dont  la  vente  aura  lieu  à  Paris,  hôtel  Drouot,  Salle  n»  9,  le  samedi  13  juin  191i... 
In-16  de  56  p.  Imprimerie  de  l'Ouest,  La  Floche-sur- Yon. 

2.  N»  85  du  Catalogue. 

RLV.  HIST.   DE  LA  BEVDL.  1'' 


290  REVIE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

pour  l'appel  au  peuple,  pour  la  détention  jusqu'à  la  paix,  et,  quand 
la  sentence  de  murt  l'eut  emporté,  pour  le  sursis  à  l'exécution.  Il 
eut  donc  le  courage  de  ses  opinions  royalistes  ;  mais  au  lendemain 
du  21  janvier  1793  il  imprimait  :  «J'ai  eu  tort,  puisque  la  majorité 
de  l'Assemblée  a  pensé  autrement.  »  Il  se  déclara  solidaire  de 
ses  collègues  :  «  Nous  avons  brûlé  nos  vaisseaux.  Il  faut  vouer  à 
l'infamie  celui  qui  aurait  conçu  l'espoir  de  retrouver  un  esquif 
pour  lui-même.  »  Sur  quoi,  il  se  mit  à  genoux  devant  la  Mon- 
tagne. A  propos  de  la  Fête  de  l'Etre  suprême,  il  écrivit  que  Ro- 
bespierre lui  rappelait  «  Orphée  enseignant  aux  hommes  les 
premiers  éléments  de  la  Civilisation  et  de  la  Morale.  »  Apôtre 
convaincu  de  la  Religion  civique  et  des  fêles  décadaires,  c'est  à 
lui  que  Florian  adresse,  pour  le  recommander  auprès  des  puissants 
du  jour,  son  Hj'mne  à  l'Amitié  '.Roissy  répond  par  l'envoi  d'un 
de  ses  ouvrages,  «  très  beau  et  très  utile  »  dit  Florian  (16  messidor 
an  II).  -  Il  s'agit  évidemment  de  VEssai  sur  les  fêtes  nationales 
(Paris,  in  8',  an  II)  d'où  est  extraite  la  phrase  célèbre  sur  Robes- 
pierre-Orphée ^  . 

Après  le  9  thermidor,  Boissj'  d'Anglas  fit  son  ineù  ctilpâ, 
déclama  contre  le  Tyran,  l'hypocrite,  le  faux  pontife,  les  triumvirs, 
les  décemvirs.  Il  eut  tôt  fait,  dans  le  parti  thermidorien,  de 
gagner  ses  éperons.  Président  de  l'Assemblée  au  l''"  prairial  an 
III,  on  sait  qu'un  des  envahisseurs  vint  lui  présenter,  au  bout 
d'une  pique,  la  tête  du  député  Féraud.  Il  crut  voir  celle  de  Fox, 
adjudant-général,  auquel  il  venait,  un  peu  tard,  de  donner  l'ordre 
écrit  d'user  de  la  force  armée.  Se  jugeant  perdu,  il  se  découvrit 
pour  saluer  la  sanglante  vision.  Geste  d'héroïsme  ?  de  désespoir 
résigné  ?  de  stupeur  ?  On  n'en  sait  rien  au  juste  *.  Mais  la  lâcheté 
de  la  Réaction  avait  besoin  d'un  héros,  et  Roissy-  passa  pour  tel. 
Son  royalisme  immanent,  si  timide  et  si  honteux  qu'il  fût,   lui 


1.  N"M. 

2.  X»  52. 

3.  \'oir,  dans  In  Grande  Encyclopédie,  l'article  «  Fêles  nationales  »,  où  nous 
traitons  la  question  avec  plus  de  détails. 

4.  Les  priiicîpaux  témoignages  sont  dans  les  Mémoires  de  La  Réveillière-Lc- 
pcaux  (t.  l,  p.  220),  et  dans  ceux  de  Thiliaudeau  (t.  l,  p.  163-164).  Ni  l'un  ni 
l'autre  ne  parlent  de  Fox,  de  l'ordre  écrit.  M.ais,  à  tout  considérer,  il  n'y  a  pas  de 
motif  sérieux  pour  rejeter  la  légende  du  geste.  Louis  Blanc  lui  a  donné  une 
certaine  autorité  (Hisl.  de  la  Rcvntiiliun,  t.  XII,  p.  1.Ï9),  d'après  une  communi- 
cation manuscrite  du  baron  13oissy  d'.Auglas.  lils  du  conventionnel.  Le  héros 
lui-même  n'a  nulle  part  tixé  ce  souvenir,  du  moins  à  notre  connaissance. 


MÉLANCnS  ET  DOCUMENTS  291 

valut,  comme  membre  influent  des  Cinq-Cenls,  d'être  proscrit  au 
18  fructidor  an  V.  Il  réussit  à  s'échapper. 

Dans  le  Catalogue,  nous  ne  trouvons  pas  de  numéro  qui  se 
rapporte  à  l'époque  du  Directoire  ni  aux  jours  de  la  proscription. 
Les  Souvenirs  (n°  13)  ne  sont  que  des  notes  rapides  (48  p.),  et 
plutôt  malveillantes,  sur  un  certain  nombre  de  révolutionnaires, 
entre  autres  Sieyès. 

Le  n"  131  est-il  le  triste  épilogue  de  la  journée  héroïque  de 
Boissj'  ?  Il  y  a  lieu  d'en  douter.  Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  une  lettre 
de  supplication  d'une  prisonnière  de  Saint-Lazare,  Charlotte 
Migeli,  identifiée  par  le  Catalogue  avec  «  Aspasie  »  Carie  Migelli, 
qui,  d'après  Jules  Claretie  (Les  Derniers  Monlatinards,  p.  153), 
aurait  tiré  le  coup  de  pistolet  auquel  succomba  Féraud,  qu'elle 
avait  pris  pour  Fréron.  Le  Cafaloçjuc  dit,  mais  ne  prouve  pas, 
qu'elle  avait  aussi  tenté  d'assassiner  Boiss}'.  Il  la  qualifie  «  exaltée, 
imitatrice  de  Charlotte  Corday.  »La  lettre  étant  datée  1"^''  thermidor, 
sans  l'année,  ne  peut  avoir  de  rapport  avec  l'événement  du 
1'''  prairial.  Il  n'en  est  pas  de  même  du  n"  135,  ordre  de  Roullois, 
accusateur  public,  en  vue  de  l'exécution  de  Jean  Tinel,  qui  avait 
porté  sur  une  pique  la  tète  de  Féraud. 

Comme  président  de  la  Convention,  Boissy  d'Anglas  reçut  le 
baron  Eric-Magnus  de  Staël-Holstein,  gendre  de  Necker,  ministre 
plénipotentiaire  de  Suéde,  qui  fit  un  discours  à  la  Convention  : 
«  II  est  enfin  arrivé,  le  moment  où  les  Suédois,  ces  Français  du 
Nord,  ne  formeront  pour  ainsi  dire  qu'un  peuple  de  frères  avec 
les  Français  du  Midi...  »  Boissy  garda  le  manuscrit  autographe 
de  ce  discours,  pour  sa  collection  (n"  159). 

En  revanche,  c'est  dans  les  papiers  de  Daunou  que  sont  les 
travaux  préparatoires  et  l'avant-projet  de  la  Constitution  de  l'an 
III,  sur  lequel  Boissy  lut  le  Rapport  surnomn:é  par  les  plaisants 
«  Ba,  be,  bi,  bo,  bu,  »  parce  qu'il  bégaj'ait  un  peu. 

Boissy  ne  rentra  en  France  que  lorsque  cette  Constitution, 
ébranlée  par  trois  coups  d'Etat,  fut  balayée  par  le  quatrième,  aux 
18  et  19  brumaire  an  VIII.  Bonaparte  lui  procura  cet  «  esquif» 
sauveur  contre  l'idée  duquel  il  avait  si  noblement  protesté  en  1793. 
En  quoi  il  agit  d'ailleurs  comme  un  fort  grand  nombre  d'ex-con- 
ventionnels. Le  voilà  tribun,  président  du  tribunat,  et,  sous 
l'empire,  sénateur,  comte,  commissaire  extraordinaire  en  1814 
lors  de  la  première  invasion.  A  la  période  impériale  se  rapportent 


292  REVUE  HISTOIilQlE  DE  LA  KÉVOLUTION  FRANÇAISE 

(n"  112)  soixante-six  rapports  d'observateurs  au  préfet  de  police, 
la  plupart  sans  signature  ni  adresse.  Les  titres  en  sont  curieux,  et 
les  renseignements  sans  doute  aussi  indignes  de  foi  qu'il  est  pos- 
sible :  les  agents  subalternes  de  la  police  politique  n'ayant  pres- 
que jamais  songé  qu'à  faire  peur  à  leurs  maîtres,  et  à  se  faire 
valoir.  On  ne  nous  dit  pas  comment  le  comte  Boissj'  d'Anglas  est 
entré  en  possession  de  ces  redoutables  secrets  :  projet  de  rétablir 
la  République  avec  un  triumvirat  !  accaparement  de  sucre  par  le 
sénateur  Chaptal  !  rétablissement  du  royaume  de  Pologne  pour 
les  Bourbons  !  etc. 

En  1S14,  c'est  le  royaume  de  France  que  recouvra  Louis  XVIII, 
et  l'ancien  maître  d'hôtel  du  comte  de  Provence  fut  élevé  à  la  di- 
gnité de  Pair  de  France.  Il  conserva  néanmoins  dans  ses  papiers 
une  lettre  de  Carnot,  et  l'épreuve  typographique,  avec  deux  cor- 
rections et  signature  autographes,  du  manifeste  de  l'Impératrice 
des  Français,  daté  de  Blois,  3  avril  1814.  Cette  relique  porte  le 
n'93. 

AuxCent-Jours,  le  comte  d'Empire  redevient  commissaire  im- 
périal pour  la  Gironde,  les  Landes  et  les  Basses-Pyrénées.  C'est 
de  Bordeaux  qu'il  adressa  —  ou  n'adressa  pas  —  un  rapport  con- 
fidentiel daté  du  25  mai  :  «  L'esprit  public  est  fort  mauvais,  on 
appelle  à  grands  cris  l'étranger  »  (n'  14). 

L'étranger  ne  se  fit  pas  attendre.  Un  mois  après,  Louis  XVIII, 
de  nouveau  restauré,  se  montra  plein  d'indulgence  —  de  confiance 
même  —  pour  des  royalistes  qui  n'avaient  pas  été  des  parangons 
de  fidélité.  Il  est  vrai  que  Boissv'  fut  éliminé  de  la  Chambre  des 
Pairs  (24  juillet  1815).  Mais  la  pénitence  fut  de  courte  durée  :  trois 
semaines  après  il  était  réintégré.  Orateur  «  libéral  »,  membre  de 
l'Institut  (1816),  il  était  en  coquetterie  réglée  avec  le  duc  d'Orléans 
quand  la  mort  interrompit  (20  déc.  1826)  cette  suprême  évolution. 

Haag,  dans  sa  France  proleslanle,  a  fait  un  bel  éloge  de  cet  an- 
cêtre :  «  On  s'étonne,  dit-il,  de  la  facilité  avec  laquelle  il  passait 
d'un  gouvernement  à  un  autre.  Etait-ce  manque  de  principes  ?... 
Ce  devait  être  plutôt  par  une  sorte  d'abnégation  »,  dès  que  «  ses 
opinions  politiques  étaient  en  opposition  avec  l'intérêt  général  ». 

L'abnégation,  ù  laquelle  s'accole  généralement  l'épithète  de 
«  chrétienne  »,  passe  pour  une  vertu  des  plus  rares.  Au  compte  de 
Haag,  que  de  saints  et  de  martyrs  dans  le  fameux  Dictionnaire  des 
girouellcs  !  Les  girouettes  ont  ceci  de  bon,  qu'elles  ne  démolissent 


MÉLANGES  ET  DOCUMENTS  293 

pas  les  maisons,  elles  les  ornent.  Elles  ornent  aussi  les  régimes 
politiques,  quels  qu'ils  soient  ;  et  Ihuile  de  la  faveur  les  empêche 
de  grincer. 

Sous  la  Restauration,  Boissy  d'Anglaseut  du  moins  l'occasion 
de  tendre  une  main  secourable  à  nombre  d'anciens  révolution- 
naires, la  plupart  ses  collègues  de  la  Convention  ou  du  Conseil  des 
Cinq-Cents.  Il  était  comme  leur  intermédiaire  juré  auprès  du  trône. 
Citons,  par  ordre  alphabétique  :  Alquier  (n°  116  du  Calalogiie), 
Barère,  lîonnesœur-Bourginières,  Bordas,  Corbel  de  Squirio,  Es- 
chassériaux,  Finot,  Jacques  Foucher,  Gamon,  Gleizal,  Guezno  de 
Botsey,  Isoré,  Lapparent,  Lemalliaud  de  Kerhamos  (n°*  118  à  130), 
Pellisier,  Plet-Beauprey,  Rabaut-Pomier  (n°*  132  à  134),  Saint-Prix 
(n°  136).  Boissy  paraît  avoir  réussi  auprès  du  roi  dans  la  plupart 
de  SCS  démarches,  quand  il  ne  s'agissait  que  d'hommes  obscurs, 
qui  n'avaient  pas  voté  la  mort  sans  phrase.  Les  lettres  de  remer- 
ciementsqu'il  en  avait  conservées  lui  appartenaient  bien  en  propre; 
c'étaient  de  vrais  titres  de  famille. 

H.  MONIN. 


NOTES  ET   GLANES 


Le  vol  des  diamants  de  Madame  du  Barry  en  janvier  1791.  — 
«  Depuis  la  révolution,  la  dame  du  Barry  n'a  cessé  d'employer 
tout  l'ascendant  que  lui  donnent  de  grandes  richesses  acquises, 
on  sait  comme,  à  faire  régner  la  mésintelligence  entre  les  habitans 
des  environs  de  Lucienne  et  les  Suisses  de  Courbevoj-e.  Ses 
menées  sourdes  concertées  avec  les  principaux  olSciers,  n'ont 
pas  eu  tout  le  succès  désiré.  Tout  au  contraire,  on  est  prévenu  si 
peu  favorablement  sur  le  compte  de  la  maîtresse  du  château  de 
Lucienne,  qu'on  ne  craint  pas  d'élever  des  doutes  sur  la  réalité 
du  vol  de  ses  diamans  ;  la  réduction  considérable  dont  les  re- 
venus de  ladite  dame  sont  menacés  lui  a  fait  naître  l'idée,  dit-on, 
de  se  rendre  intéressante  en  se  donnant  pour  victime  d'un  événe- 
ment fâcheux,  et  en  se  procurant  un  titre  à  l'indulgence  de  l'in- 
exorable assemblée  nationale. 

«  Quoi  qu'il  en  soif,  sa  conduite  dans  la  position  où  elle  s'an- 
nonce n'est  guère  propre  à  la  faire  plaindre.  Ladite  dame  don- 
noit  des  appointemens  fort  honnêtes  à  un  soldat  suisse  pour  lui 
servir  comme  de  concierge  à  Lucienne.  Le  gardien  actuel  est  un 
jeune  homme  de  dix-huit  ans,  d'une  figure  aimable,  et  très-hon- 
nête. A  la  nouvelle  de  l'enlèvement  de  ses  pierreries,  la  première 
démarche  de  la  maîtresse  du  château  est  de  se  transporter  dans 
une  voiture  à  quatre  chevaux  chez  le  commandant  des  Suisses  à 
Courbevoye  ;  elle  en  obtient  sans  peine  cinquante  grenadiers  qui 
viennent  aussi-tôt,  mais  â  regret,  s'emparer  de  la  personne  du 
jeune  suisse,  estimé  généralement  et  chéri  de  tous  ses  camarades.  ■ 

Il  est  conduit  dans   les  prisons  de  Ruelle,  où  les  ordres  sont    en  m 

mÔHio  temps  donnés  de  le  mettre  aux  fers  dans  le  plus    noir  des 
cachots. 

<'  Nous  tenons  ces  détails  de  la  bouche  d'un  Suisse  de  Cour- 


NOTES  ET  GLANES  295 

bevoye,  jeune  homme  candide,  qui  nous  apprend  en  même  temps 
que  toute  la  compagnie  du  détenu,  quitte  des  devoirs  de  la  disci- 
pline militaire,  se  propose  de  prendre  à  partie  la  dame  du  Barry 
et  de  lui  demander  raison,  en  justice,  de  la  violence  exercée  à  sa 
sollicitation,  sur  la  personne  d'un  soldat  tout  au  plus  soupçonné. 
«  Le  vol  de  tous  les  diamans  de  Golconde  ne  justifieroit  pas 
cette  atteinte  portée  aux  droits  de  l'homme  et  du  citoj'en.  Et  d'ail- 
leurs est-il  délit  assez  grave  pour  mériter  le  supplice  d'être  mis 
aux  fers  sur  le  simple  soupçon  d'une  femme,  fière  encore  d'avoir 
été  un  moment  la  première  des  courtisanes  de  l'empire  ?  ^^(Ré- 
volutions de  Paris..,  n°  81  ;  du  29  janvier  1791  ;  pp.  143-144).  — 
G.  V.  

Deux  épigrammes  sur  le  couronnement  de  Napoléon.  —  Sur  un 
recueil  manuscrit  d'anecdotes  '  de  la  fin  du  xviii'^  et  du  commen- 
cement du  xix«  siècle,  nous  avons  relevé  les  passages  suivants  : 

«  On  a  lu  dans  Paris,  la  veille  du  couronnement,  l'affiche 
suivante  : 

Le  Sénat  conservateur,  et  autres  comédiens  ordinaires  de  S.  M. 
donneront  dimanche  prochain,   2  décembre,    au   bénéfice   d'une  fa- 
mille indigente  de  Corse,  la  première  représentation  de  : 
L'Empereur  malgré  tout  le  monde 

Comédie,  parade  à  grand  spectacle,  ornée  de  chants,  évolutions 
et  costumes. 

N.-B.  —  Un  artiste  célèbre  de  Rome  remplira  l'un  des  premiers 
rôles  forcés. 

Et  cet  autre  : 

Billet  d'enterrement 

de  très  haute  et  très  puissante  citoyenne 

République  Française,   une,  indivisible  et  impérissable. 

Floréal    an  XIL 
Citoyens  héros  et  amis 
.  Partisans  de  la  république. 
Grands  raisonneurs  en  politique 
Dont  je  partage  la  douleur. 
Venez  assister  en  famille 
Au  grand  convoi  de  votre  fille 

1.  Collection  Olto  Karniin. 


296  REVUE   HISTORIQUE    DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Morte  en  couche  d'un  empereur. 
L'indivisible  citoyenne. 
Qui  ne  devait  jamais  périr. 
N'a  pu  supporter  sans  mourir 
L'opération  césarienne. 
Mais  vous  ne  perdrez  presque  rien 
O  vous,  que  cet  accident  touche  ! 
Car  si  la  mère  est  morte  en  couche. 
L'enfant  du  moins  ce  porte  bien  i. 

De  profnndis. 

«  De  la  part  de  Bertrantl  Barrère,  ouvrier-directeur  de  la  fa- 
brication des  monnaies  républicaines,  place  de  la  Révolufion, 
tuteur  de  la  défunte,  et  des  CC.  Fouché,  Rœderer,  Real,  etc., 
etc.,  ses  proches  parents.  Le  convoi  funèbre  aura  lieu  le  14  juil- 
let an  XII  au  palais  du  Sénat...  conservateur  de  la  défunte  -.  » 

1.  Il  y  n  aussi,  dans  ce  recueil,  une  variante  plus  courte  de  cette  pièce.  La 
voici  : 

L'indiiiîsihle  citoyenne 
Qui  ne  devait  Jamais  finir 
S'a  pu  supporter  sans  mourir 
L'opération  césarienne. 
Combien  je  plains  votre  douleur 
Grands  partisans  de  Hépuhliques, 
Grands  discuteurs.  grands  politiques, 
'\'enez  assister  en  famille 
Au  grand  convoi  de  votre  fille, 
Morte  en  couche  d'un  Empereur. 
N.-B.   -  L'enfant  se  porte  tris  bien. 
2.   Communiqué  par  M.  Otto  Karmin. 


BIBLIOGRAPHIE 


F.  UzuREAu,   Andegaviana  (12''  série).   Paris,  A.    Picard,  1912. 
In-8  de  572  pages. 

Parmi  les  documents  ou  réimpressions  qui,  dans  ce  volume, 
concernent  la  période  révolutionnaire,  signalons  :  l'Université 
d'Angers  et  les  Etats  généraux  de  1789,  p.  1  ;  les  cahiers  des 
paroisses  de  la  sénéchaussée  d'Angers,  p.  42  ;  plusieurs  études 
sur  le  clergé  angevin,  p.  260,  134,  283,  364,  479,  507  ;  les  Socié- 
tés à  Angers,  p.  377  (Sociétés  politiques,  dans  le  nombre,  en  déc. 
1791,  mars  1793,  mars  1799)  ;  la  famille  d'Armaillé,  p.  392.  Les 
réflexions  (1797)  d'un  «  patriote  angevin  »,  professeur  d'histoire 
à  l'école  centrale,  que  M.  Uzureau  a  extraites  des  Affiches  d'An- 
gers, sont  vraiment  curieuses  (p.  315-319J. 

H.  M. 


Lettres  et  documents  pour  servira  riiistoire  deJoachim  Murât  (1767- 
1815),  publiés  par  S.  A.  le  prince  Murât,  avec  une  intro- 
duction et  des  notes  par  Paul  Le  Brethon.  Tome  VIII, 
Royaume  de  Naples  (9  septembre  1809-6  août  1810).  Paris, 
Pion,  1914.  In-8°  de  598  p..  avec  gravures. 

Le  tome  VIII  des  Lellres  et  documents  pour  servir  à  l'histoire 
de  Joachim  Mnrat  nous  mène  du  9  septembre  1809  au  6  août  1810. 
Dans  cette  période,  nous  voyons  Murât  continuer  l'organisation 
de  son  royamme,  et  préparer  ce  fameux  débarquement  de  Sicile 
qui  lui  tient  tant  au  cœur.  Ses  lettres  aux  généraux,  et  surtout  à 
d'Aure,  ministre  à  la  fois  de  la  Guerre,  de  la  Marine  et  de  la 
Police  générale,  et  qui  porte,  comme  tel,  toute  la  responsabilité 
de  l'expédition,  nous  montrent  le  Roi  un  peu  agité,  mais  appliqué 
au  détail,  prévoyant,  l'esprit  toujours  en  éveil,  et,  somme  toute, 
bon  administrateur.  Dans  une  seule  lettre,  il  donne  vingt   près- 


298  KEVLE  HISTORIQUE    UE  I.A   RÉVOLUTION     FRANÇAISE 

criptions  touchant  des  objets  différents.  Pas  de  phrases  inutiles  : 
des  ordres  nets,  et  des  questions  bien  posées.  On  sent  qu'il  a  été 
formé  à  l'école  de  Napoléon.  Il  entend  commander,  et  ne  veut  être 
mené  par  aucun  de  ses  subordonnés.  Il  refuse  de  signer  un  travail 
sur  l'artillerie,  que  lui  envoie  le  ministre  de  la  Guerre,  parce  que 
les  états  de  service  n'y  sont  pas  joints  et  qu'il  ne  veut  pas  être 
obligé  de  signer  en  aveugle  (n°  4.684). 

De  nombreuses  lettres  à  Clarke  font  comprendre  quelques- 
unes  des  difficultés  delà  situation  de  Murât,  qui  reçoit  des  ordres 
du  ministre  de  la  Guerre  en  France,  et  subit  l'inspection  de  ses 
contrôleurs  et  de  ses  officiers.  L'Empereur  le  traite,  non  en  roi, 
mais  comme  un  général   de  son  armée. 

L'antagonisme  s'accentue  entre  Murât  et  Napoléon.  Le  roi  ne 
peut  pas  remplir  ses  obligations  :  «  Sire,  le  commerce  de  mon 
royaume  est  absolument  nul  ;  les  greniers,  magasins  et  dépôts 
sont  encombrés  de  nos  denrées  ;  les  terres  restent  incultes,  la 
récolte  mûre  ne  se  fait  pas  entièrement  et  les  contributions  par 
conséquent  ne  se  perçoivent  pas  ;  en  un  mot,  je  suis  dans  un 
embarras  qui  ne  se  conçoit  pas  ;  je  ne  sais  plus  comment  payer  les 
troupes  et  faire  marcher  le  gouvernement.  »  (n°  4.507) 

Et  pourtant,  Murât  fait  ce  qu'il  peut  pour  développer  le 
commerce  et  l'industrie.  Il  écrit  à  Belliard  de  hâter  l'envoi  de 
mille  mérinos  d'Espagne,  indispensables  pour  en  propager  l'es- 
pèce dans  son  roj-aume  où  le  commerce  des  laines  est  une  des 
principales  branches  de  l'industrie  nationale  (n"  4.564). 

Il  proteste  contre  la  volonté  de  l'Empereur  de  voir  exempter 
de  droits,  à  leur  entrée  dans  le  royaume,  le  drap  de  France  :  ce 
sera,  non  seulement  la  ruine  de  ses  finances,  mais  celle  de  ses 
manufactures. 

On  trouvera,  dans  une  lettre  de  Caroline  à  son  mari  (n"  5.168), 
une  expression  parfaitement  nette  de  la  pensée  de  l'Empereur  au 
sujet  des  royaumes  qu'il  avait  donnés  à  ses  frères.  On  peut  la 
rapprocher  de  ce  que  Saliceti  avait  écrit  de  son  côté  à  Murât 
(T. VII,  n"  3.835).  Si  celui-ci  ne  se  conforme  pas  à  la  volonté  du 
maître,  ce  n'est  pas  faute  d'avoir  été  averti.  Pourtant,  Caroline  lui 
fait  valoir  un  argument  qui  devrait  le  toucher  :  «  Quel  est  ton  but? 
C'est  de  te  maintenir  où  nous  sommes  et  de  conserver  le 
Royaume  ».  Et  elle  ajoute  aussitôt  :  «  Il  faut  donc  faire  ce  qu'il 
désire,  et  ne  pas  le  fâcher  lorsqu'il  demande  quelque  chose,  car 
il  est  le  plus  fort  et  tu  ne  peux  rien  contre  lui.  » 

Cette  lettre  de  Caroline  à  Murât,  du  5  août  1810.  dénote  une 
merveilleuse  clairvoyance,  alliée  à  la  plus  ferme  raison.   Elle  dit 


BiBi.ioiiiiAi'Hii;  299 

les  choses  crûment  :  «  Toute  l'Europe  est  écrasée  sous  le  joug  de 
la  France...  »  Murât  est  encore  le  moins  mal  traité  :  «  Je  t'engage 
donc  à  t'accommoder  à  la  situation  où  tu  te  trouves.  » 

L'intérêt  principal  du  volume  réside  dans  ces  lettres  de  la 
reine  de  Naples.  Au  nombre  de  Gô,  elles  nous  donnent,  sur  l'état 
d'esprit  du  ménage,  sur  la  psychologie  de  Murât,  sur  les  dispo- 
sitions de  l'Empereur  à  son  égard,  les  renseignements  les  plus 
précieux.  On  ne  saurait  trop  insister  sur  leur  importance.  Quelle 
femme  habile  !  Elle  recommande  à  son  mari  de  mettre  tous  ses 
soins  à  éviter  ce  qui  pourrait  choquer  Napoléon  :  l'Empereur  veut 
qu'on  pense  comme  lui  ;  à  quoi  bon  lui  faire  une  opposition  qui 
ne  peut  servir  à  rien  et  qui  deviendrait  suspecte  à  ses  yeux  ?  Que 
Murât  lui  écrive  donc  une  lettre  charmante  pour  s'excuser,  s'il  ne 
peut  absolument  pas  venir  au  mariage  impérial,  et  surtout,  qu'il 
ne  montre  pas  un  entêtement  déplacé  !  (n°  4.780) 

Elle  fait  tous  ses  efforts  pour  calmer  l'agitation  de  son  mari. 
Elle  lui  répète  les  paroles  aimables  de  Napoléon  :  <(  J'espère  que 
le  Roi  et  moi  ne  sommes  plus  brouillés,  dites-lui  bien  des  choses 
de  ma  part.  »  (n"  5031)  L'Empereur  gai,  charmant,  lui  demande 
tous  les  jours  si  elle  a  reçu  des  nouvelles  du  roi  des  lazzaroni 
(n"  5097). 

Il  n'est  pas  plus  exigeant  pour  Murât  que  pour  ses  autres 
frères,  mais  jamais  les  finances  de  l'Empire  n'ont  été  aussi  mal 
qu'elles  sont  maintenant,  et  il  ne  sait  plus  où  trouver  de  l'argent. 
«  Je  désire  que  lu  fasses  attention  à  tout  ce  que  je  te  dis,  que  tu 
voies  un  peu  dans  le  présent,  et  que  tu  ne  te  tourmentes  pas, 
comme  tu  fais  toujours,  pour  l'avenir...  Nous  pouvons  être  heu- 
reux, mais  pour  cela,  il  faut  nous  contenter  de  ce  que  nous  avons  ; 
il  faut  que  lu  calmes  un  peu  ta  tête,  qui  s'échauffe  si  facile- 
ment... »  (n"  5168)  Comme  elle  le  juge  bien  1  Une  autre  fois, 
écrivant  à  Agar,  elle  lui  dit  :  «  L'Empereur  est  choqué  de  le  voir 
(Mural)  éluder  l'article  avec  sa  finesse  ordinaire.  »  (n°  4729) 

Que  de  bon  sens  dans  cet  avis  :  «  Je  viens  de  lire  avec  peine 
que  tu  avais  changé  le  nom  de  la  Tour  de  l'Annonciade  pour  celui 
de  Joachim.  Il  me  semble,  mon  ami,  qu'on  doit  avoir  un  certain 
respect  pour  toutes  les  anciennes  inscriptions,  et  que  c'est  un 
avertissement  aux  générations  suivantes  à  laisser  subsister  celles 
que  le  roi  régnant  fait  faire,  et  qu'il  ne  faut  pas  imiter  les  peuples 
destructeurs,  qui  ne  respectent  rien  du  pays  qu'il  ont  conquis  et 
qui  donnent  un  nouvel  exemple  de  destruction.  Je  vois  que  dans 
ce  moment  on  improuve  beaucoup  l'Empereur  qui  a  fait  effacer 
toutes  les  lettres  qui   se  trouvent  sur  le  Louvre,  et  partout,  pour 


300  REVUE  HISTORIQUE  I)E  I..\    RÉVOLUTION     FRANÇAISE 

y  faire  mellre  deux  NN.  Il  aurait  été  plus  grand  d'y  laisser  les 
traces  des  autres  dynasties,  afin  de  donner  un  grand  exemple  du 
respect  qu'on  doit  aux  anciens  monuments.  C'est  l'avis  de  tout  le 
monde  ;  je  te  donne  aussi  le  mien  par  le  grand  intérêt  que  je  te 
porte.  Tout  ce  que  tu  fais  de  bien,  je  me  l'approprie,  et  c'est  pour 
cela  que  je  ne  veux  pas  que  tu  fasses  quelque  chose  qui  ne  puisse 
avoir  l'approbation  générale.  Du  reste,  voilà  un  article  plus  long  M 

que  je  ne  voulais   le  faire,  mais  tu  sais  combien  je  t'aime,  et  par  V 

cette  raison  aussi  combien  j'aime  à  être  franche  avec  toi.  » 
(n°  4709) 

La  reine  pense  à  tout.  Elle  intervient  en  faveur  de  deux  nou- 
veaux mariés,  pour  qu'ils  ne  soient  pas  séparés  par  l'envoi  du 
mari  comme  ambassadeur  à  Saint-Pétersbourg  (n°  451C).  Elle 
rappelle  à  Mural  qu'il  faut  doter  M"=  Baudus  :  «  Nous  devons 
bien  cela  à  M.  Baudus,  pour  tous  les  soins  qu'il  prend  d'Achille.» 
(n"  4852) 

Son  esprit  méthodique  se  montre  jusque  dans  la  manière  dont 
elle  recommande  à  son  mari  de  dater  ses  lettres,  ce  que  ce  brouil- 
lon de  Murât  oubliait  souvent  (n-'  5166  et  5167). 

Elle  entremêle  ces  conseils  de  tendres  effusions  conjugales  : 
«  Je  ne  puis  t'exprimer,  mon  cher  ami,  combien  je  suis  affligée  de 
te  savoir  du  chagrin.  Je  donnerais  tout  au  monde  pour  te  calmer... 
Je  ne  puis  te  dire  combien  je  suis  malheureuse  par  l'idée  que  tu 
es  contrarié.  Tu  m'as  fait  passer  une  mauvaise  journée  hier  et 
une  plus  mauvaise  nuit.  Je  voudrais  savoir  ce  que  tu  vas  faire. 
Je  suis  bien  inquiète  et  triste,  surtout  te  sachant  malheureux  et 
moi  éloignée  de  loi.  Mais  permets-moi  de  te  dire  que  tu  t'aftliges 
trop  et  que  ton  attachement  pour  l'Empereur  fait  que  la  chose  la 
plus  simple,  tu  l'exagères...  »  (n°5059) 

«  Le  bonheur  de  notre  intérieur  nous  dédommagera  de  bien 
des  peines  et  tu  trouveras  auprès  de  moi,  auprès  de  nos  enlants 
et  de  tous  ceux  que  nous  aimons  sincèrement,  des  jouissances  qui 
valent  toutes  les  autres.  »  (n°  5.067) 

Elle  ne  cesse  de  penser  à  ses  enfants,  et  d'en  parler  :  «  J  ai 
soupiré  à  la  description  que  tu  me  fais  de  ton  dîner  avec  nos 
chers  enfants  et  je  suis  bien  sûre  que  vous  avez  pensé  à  moi  ; 
mon  cœur  et  mon  âme  toute  entière  vont  continuellement  au 
milieu  et  avec  vous...  »  (n' 4.814) 

Un  autre  jour:  «  Il  est  bien  triste  d'être  dans  une  aussi  grande 
distance  des  personnes  qu'on  aime.  Je  t'assure  que  tous  les  sou- 
venirs sont  mélangés  de  peine.  Que  fail-on  ?  Comment  se  porte- 
t-on  ?  Voilà  la  jiensée  habituelle.   Je  te   vois  le  promenant  sur  ta 


UIBLIOUIiAl'llIE  301 

longue  terrasse  ',  écrivant  avec  tes  ministres  ou  faisant  venir  nos 
chers  enfants  près  de  toi  et  parlant  à  chaque  instant  de  leur  ma- 
man. Ecris-moi  si  je  devine  juste,  et  si  vous  me  rendez  tous  mes 
souvenirs.» 

Une  soirée  que  Caroline  passe  à  Neuilly,  chez  Paulette,  lui 
rappelle  «  ses  pauvres  enfants  ».  Elle  croit  les  voir  accourir 
dans  la  grande  allée  qui  conduisait  à  Villiers.  «  Comme  la  pen- 
sée est  rapide  et  combien  elle  vous  rapproche  de  l'objet  de  vos 
atTections,  malgré  la  distance,  malgré  tout  !  » 

Quand  Murât  revient  seul  à  Naples  :  «  Je  te  regrette  bien.  Je 
pense  aussi  à  nos  pauvres  enfants  ;  je  n'ose  un  instant  arrêter  ma 
pensée  sur  eux,  et  cependant,  elle  revient  toujours.  Je  vois  encore 
leur  joie  en  te  voyant,  et  leurs  pleurs  couler  en  ne  voyant  pas 
encore  arriver  leur  maman.  Embrasse-les  bien  pour  moi,  presse- 
les  bien  l'un  après  l'autre,  et  dis-leur  combien  je  me  trouve  affli- 
gée de  ne  pas  me  trouver  auprès  de  vous.    »  (n°  4849) 

M  J'ai  reçu  enfin  ta  lettre  du  27  qui  m'annonce  ton  arrivée  à 
Naples.  Je  ne  puis  te  dire  combien  elle  m'a  fait  du  bien  et  du 
mal.  Mes  pauvres  enfants  !  Les  voir  entre  tes  bras  te  redeman- 
der leur  mère  est  une  image  qui  m'a  fait  verser  des  larmes. 
Mon  Dieu,  lorsque  nous  serons  une  fois  réunis,  il  ne  faudra  plus 
nous  séparer.  Tu  les  as  donc  trouvés  grandis,  charmants,  juge 
ce  qu'ils  me  paraîtront  après  une  bien  plus  longue  absence  ! 
Embrasse-les  bien  pour  moi,  répète-leur  bien  que  leur  mère  ne 
sera  jamais  parfaitement  heureuse  loin  d'eux,  loin  de  toi...  )> 
(00  4.883) 

Une  des  lettres  les  plus  curieuses  du  volume  est  celle  où  Ma- 
dame Mère  reproche  à  Murât  d'avoir  ôté,  sans  aucun  motif,  la 
place  de  consul  général  en  Corse  au  sieur  Braccini,  c'est-à-dire 
au  fils  d'un  ami  et  bon  serviteur  de  la  famille  depuis  plus  de  cin- 
quante ans  :  «  C'est  un  trait  d'ingratitude  bien  marqué  de  la  part 
de  Caroline,  qui  n'ignore  pas  toutes  ces  circonstances,  et  un 
affront  personnel  que  vous  et  elle  avez  fait  à  Joseph  et  à  moi. 
Adieu,  je  continue  à  être  contente  de  ma  santé...  »  (n°  4.580) 

On  y  trouvera  des  détails  intéressants  sur  l'opposition  que  fit 
Murât  au  mariage  de  l'Empereur  avec  une  Autrichienne,  et  quel- 
ques indications  sur  les  rapports  entretenus  avec  la  Cour  de 
Palerme,  par  l'intermédiaire  des  espions  Cassetti  et  Brunetti. 

1.  A  propos  de  cette  terrasse,  M.  Le  Brethon  cite  les  Mémoires  de  Lamartine, 
à  qui  l'on  montre  n  le  roi  Murât  lisant  dans  un  cabinet  aérien  une  lettre  de  Bo- 
naparte ».  Dans  une  lettre  du  24  juillet  1809.  d'Aubusson  la  Feuillade  écrit  à 
Champagny  qu'  «  on  a  vu  le  roi,  qui  paraissait  fort  en  colère,  se  promenant 
seul  avec  vivacité  sur  ses  terrasses  >». 


302  REVIE    HISTORIQUE  DE  LA   RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Signalons  enfin  une  lettre  de  Murât  à  Maghella  (n"  5.010), 
d'où  il  résulte  que  celui-ci  cherchait  à  détourner  le  roi  du  débar- 
quement en  Sicile.  Murât  voit  dans  la  conduite  de  son  préfet  de 
police  de  «  l'inconséquence  ».  Tout  ce  qu'on  sait  de  Maghella 
permet  de  penser  qu'il  calculait  trop  bien  ses  actes  pour  agir  à 
la  légère. 

Les  quelques  extraits  que  nous  en  avons  cités  montrent  la 
valeur  de  cette  publication.  Ceux  qui  s'intéressent  à  l'histoire  du 
règne  de  Murât  à  Naples,  et  la  connaissent  déjà,  ont  le  plaisir 
d'y  retrouver,  éclairée  et  complétée  par  beaucoup  d'autres  docu- 
ments 1,  la  correspondance  du  roi  avec  son  ministre  de  la  Guerre 
et  avec  l'Empereur,  qu'il  fallait  chercher  aux  Archives  Nationales, 
aux  Archives  de  la  Guerre  et  des  Affaires  étrangères.  Mais  le 
public  doit  prendre  également  un  vif  intérêt  à  la  lecture  de  ces 
lettres,  dont  l'ensemble  forme  le  «  Journal  »  le  plus  complet,  le 
plus  vivant  qu'on  puisse  souhaiter  :  il  y  a  même  la  note  intime 
et  sentimentale. 

A.  T. 


L'Invasion  de  1814-1815  en  Champagne,  Souvenirs  inédits,  publiés 
avec  une  introduction  et  des  notes  par  Octave  Beuve,  ancien 
élève  de  l'Ecole  des  Chartes,  conservateur  de  la  Bibliothèque, 
des  Archives  et  du  Musée  de  la  ville  de  Chàlons.  Un  volume 
in-8,  de  xxii-187  pages.  Paris,  Berger-Levrault,  1914. 

Mieux  placé  que  personne  au  monde  pour  retrouver  des  do- 
cuments ignorés  et  qu'il  serait  déplorable  de  laisser  dans  l'oubli, 
M.  Beuve  à  eu  l'heureuse  idée  de  livrer  à  la  publicité  trois  mé- 
moires qui,  écrits  par  deux  témoins  oculaires  des  événements  de 
1814-1815,  sont  d'autant  plus  intéressants  à  consulter  que  leurs 
auteurs  ne  cachent  ni  leurs  sentiments,  ni  leurs  préférences  et  ne 
peuvent  être,  pas  plus  l'un  que  l'autre,  soupçonnés  de  partialité 
envers  l'Empereur. 

Pierre-Charles  Finot,  l'auteur  du  premier  des  Mémoires  dont 
l'original  a  été  si  heureusement  découvert  par  M.  O.  Beuve,  ré- 
gisseur au  moment  de  l'invasion  du  château  d'Arcis,  propriété 
du  comte  de  Labrilïe,  chambellan  de  l'Empereur  et  de  plus  adjoint 
au  maire,  loin  d'être,  comme  l'abbé  Virguin,  le  rédacteur  des  piè- 
ces historiques  qui  figurent  dans  les  Archives  de  la   Marne,  un 


cl    dont     un  .i-crtain 


1.  Entre  tous  ces  docunu-nt' 

s  eiton 

s.  parni 

i    les    pU,. 

proviennent  dos   papiers  perso 

nnels    . 

;l-.-\f,';.r  ( 

le    .Moslx.i 

nombre  sont  donnés  eu  note. 

BIBLIOOliAPHlE  ^03 

royaliste  ardent  et  un  adversaire  déclaré  de  celui  qu'il  appelle 
l'Usurpateur,  est,  en  dépit  des  mauvais  traitements  qu'il  eut  à 
endurer  de  la  part  des  Alliés,  un  narrateur  modéré,  un  témoin 
oculaire  qui  retrace  avec  une  rare  bonne  foi  et  une  grande  simpli- 
cité les  événements  qu'il  a  vus  se  dérouler  devant  lui.  C'est  à 
bon  droit  qu'il  peut  dire  (page  24)  :  «  Je  n'exagère  rien,  les  faits 
ni  les  dangers.  Les  faits,  j'en  ai  été  témoin  ;  les  dangers,  je  les  ai 
partagés  et  j'ai  été  à  portée  d'apprécier  les  uns  et  les  autres  puisque 
je  me  suis  trouvé  pendant  trois  mois  forcé  de  prendre  une  part  très 
active  à  tous  les  événements  que  je  rappelle.  »  On  lira  donc  avec 
plaisir  et  intérêt  cette  courte  notice  qu'il  y  aurait  eu  de  toute 
façon  intérêt  à  faire  connaître,  ne  serait-ce  qu'à  cause  du  récit 
que  Finoty  fait  de  l'entretien  qu'il  eut  le  20  mars  1814  avec  Napo- 
léon lors  de  son  arrivée  au  château  d'Arcis. 

Les  deux  précis  historiques  que  l'abbé  Yirguin  a  consacrés, 
l'un,  de  beaucoup  le  plus  long,  aux  événements  de  la  guerre  en  1813 
et  1814  par  rapport  à  Chàlons,  l'autre  à  ce  qui  s'est  passé  à  Chà- 
lons  depuis  le  retour  de  Napoléon  en  France  (20  mars  1815),  pré- 
sentent un  intérêt  d'un  tout  autre  genre.  Les  pages  écrites  par 
l'abbé  Virguin  sont  assurément  une  utile,  une  curieuse  contribu- 
tion à  l'étude  de  l'état  des  esprits  pendant  cette  terrible  crise.  Il 
importe  toutefois  de  n'accepter  que  sous  toutes  réserves  les  affir- 
mations de  l'abbé,  de  condamner,  de  réprouver  énergiquement 
les  tirades  auxquelles  il  se  laisse  aller,  soit,  comme  le  fait  re- 
marquer si  justement  ^L  Beuve,  qu'il  s'apitoie  sur  les  malheu- 
reuses victimes  de  l'esprit  de  conquête,  soit  qu'il  proclame  k  qu'il 
ne  fallait  pas  s'armer»,  soit  qu'il  affirme  «que  l'imagination  souriait 
à  l'idée  de  l'humiliation  prochaine  de  Napoléon  »,  soit  lorsqu'il 
prétend  que  «  seuls  coururent  aux  armes  parmi  les  Châlonnais 
ceux  qui  n'avaient  rien  à  perdre...  »  L'abbé  Virguin  a  beau  déclarer 
que  tout  le  monde  était  las  de  la  guerre,  il  est  injuste  envers  les 
populations  de  la  Champagne.  Les  Champenois  ont  heureusement 
eu  une  altitude  autrement  patriotique,  autrement  digne  que  celle 
que  la  municipalité  de  Chàlons  eut  la  faiblesse  d'adopter  à  l'égard 
des  troupes  alliées  et  de  leurs  chefs. 

M.  Octave  Beuve  a  enrichi  la  publication  de  ces  documents  d'un 
Index  très  complet  et  d'une  quantité  de  notes  faites  avec  un  soin 
tout  particulier.  II  nous  permettra  cependant  d'appeler  son  atten- 
tion sur  deux  ou  trois  points  qui  mériteraient  d'être  dans  une  pro- 
chaine édition  l'objet  d'une  mention  spéciale.  C'est  ainsi  que,  page 
110,  il  serait  peut-être  bon  de  faire  remarquer  que  lorsque  l'abbé 
Virguin  parle  des  1.300  Français  prisonniers  à  l'affaire  deSézanne, 


304  KEVLE  HISTOKIQUE  DE   LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

il  fait  en  réalité  allusion  au  combat  de  Fère Champenoise.  Page  156, 
c'est  évidemment  de  l'empereur  François  I'''  qu'il  s'agit,  bien  que 
l'abbé  Virguin  ait  écrit  Joseph  II. 

Enfin  il  me  semble  difficile  que  (page  175)  Bliicherait  dans 
sa  proclamation  de  Chàlons,  en  date  du  17  février  1814,  menacé 
les  communes  d'envoyer  en  Sibérie  les  otages  pris  parmi  les  habi- 
tants dans  le  cas  où  dans  les  24  heures  on  ne  dénoncerait  pas  les 
auteurs  des  coups  de  feu  tirés  dans  leur  quartier. 

M.  H. 


Mémoires  de  Barthélémy,  1768-1819,  publiés  par  Jacques  de  Dam- 
pierre.  Avec  un  portrait  é\  un  fac-similé  d'autographe.  Paris, 
Plon-Nourrit,  1914.  In-S"  de  xvi-434  p. 

Il  y  a  vingt  ans,  M.  Jean  Kaulek  achevait  la  publication  des 
Papiers  de  Barlhélemy.  ambassadeur  de  France  en  Suisse,  179'2- 
1797,  sous  les  auspices  de  la  Commission  des  archives  diplo- 
matiques (Paris,  Alcan,  1886-1895,  5  vol.  in-8").  Ces  volu- 
mes correspondent,  soit  in-cxlenso,  soit  sous  forme  analytique,  à 
une  série  de  seize  volumes  en  feuilles  conserves  au  ministère  des 
affaires  étrangères. 

Les  documents  remis  au  comte  d'Hauterive  en  1820  compre- 
naient encore  quinze  autres  volumes,  et  divers  dossiers  de  cor- 
respondances. Le  tout,  inédit,  a  été  réparti  dans  la  série  «  corres- 
pondance générale»,  aux  Affaires  étrangères. 

Quant  aux  Mémoires  de  Barthélémy,  le  manuscrit  appartient 
aujourd'hui  à  son  arrière-neveu,  M.  le  marquis  Pierre  de  Barthé- 
lémy, explorateur  distingué. 

L'éditeur  descend  lui-même  d'une  nièce  de  Barthélenij-,  épouse 
du  marquis  Elle  de  Dampierre.  Son  titre  d'archiviste  paléogra- 
phe nous  est  une  précieuse  garantie,  quant  à  la  valeur  scientifi- 
que de  son  travail.  L.'Imh\v  des  noms  de  lieux  et  de  personnes 
en  rend  facile  la  consullation.  Mais  aucune  note  ne  vient  éclairer 
un  texte  qui  aurait  parfois  besoin  d'indications  complémentaires. 

La  «  Préface  »   de  Barthélémy,  datée  de  Hambourg,  octobre  j 

1799  (à  son  retour  de  Cayenne),  indique  fort  clairement  que  le  ■ 

déporté  de  fructidor  s'attendait  à  une  restauration  monarchique 
et  qu'il  l'appelait  de  tous  ses  vœux.  Aussi  fait-il  valoir  assez  lon- 
guement (pp.  1  à  90)  les  services  plutôt  obscurs  qu'il  avait  rendus  j 
sous  l'ancien   régime,  «   presque  toujours  employé  auprès  de  su-           m 
périeurs   peu  habiles.  »  Il  ne   ménage   pas,    comme   on   peut   le           ^ 
croire,   Reubell,    La    Réveillière.    Barras,    ni    même   le   général 


i 


niui.ioGKAPniE  305 

Hoche,  sur  lequel  le  royalisme  avait  compté  en  même  temps  que 
sur  Pichegru.  Il  exalte  son  propre  mérite  comme  négociateur 
des  traités  de  Bàle,  et  ne  donne  la  part  qui  convient,  ni  aux  vic- 
toires républicaines,  ni  aux  lumineuses  directions  du  Comité  de 
salut  public,  en  particulier  de  Siej'és. 

Au  cours  des  pp.  168  à  2tJ8,  les  traces  sont  fréquentes  du  res- 
sentiment de  Barthélémy  envers  les  collègues  qui  l'avaient  déporté 
dans  'a  pestilentielle  Guyane,  où  il  n'a  pas  tenu  à  eux  qu'il  ne 
pérît.  Le  ton  est  violent  et  maladroit.  L'auteur  oublie  d'expliquer 
pourquoi  il  est  entré  au  Directoire  ;  pourquoi  il  y  est  resté,  en  si 
mauvaise  compagnie.  Il  est  possible  que  Reubell  ait  eu  la  voix  et 
l'aspect  d'un  boucher  ;  que  Barras  ait  été  ignorant,  léger,  fourbe. 
Il  est  invraisemblable  que  La  Réveillière  ait  été  à  la  fois  hypo- 
crite et  fanatique.  Carnot  lui-même,  proscrit  de  fructidor  comme 
Barthélémy,  ne  trouve  pas  grâce  :  «on  lisait  dans  ses  yeux  le  re- 
mords de  ses  crimes.  » 

Ces  chapitres  nous  apportent  cependant  quelques  précisions  : 
sur  la  méthode  de  travail  du  Directoire,  analogue  à  celle  du 
Comité  de  salut  public  ;  sur  les  négociations  de  Lille,  où  le  dédain 
républicain  des  formes  diplomaticjues  fit  suspecter  les  intentions 
pacifistes  de  la  France;  enfin,  sur  le  coup  d'PZtat  du  18  fructidor. 
Barthélémy  ne  croit  pas  à  la  conspiration  royaliste.  De  fait,  l'on 
n'en  fit  pas  la  preuve  juridique.  Le  plus  vraisemblable  est  que 
la  Contre-Révolution  escomptait  le  prochain  renouvellement  du 
tiers;  elle  ne  s'en  cachait  nullement  dans  ses  très  nombreux  orga- 
nes. Les  Français  n'ont  jamais  su  véritablement  conspirer,  à 
l'italienne. 

Si  les  Mémoires  n'ont  pas  été  publiés  dans  la  dernière  année 
du  dix-huitième  siècle,  c'est  que  Barthélémy  obtint  du  Consulat 
d'être  rayé  de  la  liste  des  déportés  et  des  émigrés.  Le  dix-huit 
brumaire,  qui  lui  rouvrit  les  portes  de  la  France,  le  fit  bientôt 
sénateur  et  commandant  —  nous  disons  aujourd'hui  comman- 
deur —  de  la  Légion  d'honneur.  Il  contribua  dans  sa  sphère  à 
l'établissement  du  Consulat  à  vie,  puis  de  l'Empire  :  Napoléon  le 
fit  comte,  et  vice-président  du  Sénat. 

C'est  au  nom  de  ce  même  Sénat  qu'en  1814  il  alla  porter  les 
compliments  de  la  France  vaincue  au  «magnanime  vainqueur» 
le  tzar  Alexandre.  Louis  XVIII  le  fit  pair  de  France  et  grand- 
officier  de  la  Légion  d'honneur.  Il  s'éclipsa  pendant  les  Cent-Jours. 
Trois  mois  et  demi  après  Waterloo,  il  devint  marquis  de  la 
seconde  Restauration  (5  oct.  1815).  Il  le  méritait.  Il  avait  «  sauté 
pour  tout  le  monde  ».  Comme  beaucoup  d'autres,  comme  Talley- 


306  REVUE  HISTORIQUE   DE    LA  RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

rand  lui-même,  il  avait  «servi  la  France  sous  tous  les  régimes». 
Entre  temps,  il  avait  pu  polir  et  repolir  la  rédaction  primitive 
de  ses  Mémoires,  dater,  corriger,  etc.,  en  se  reportant  aux  pa- 
piers, lettres,  documents  authentiques  qu'il  avait  retrouvés  en 
France.  «  Les  cahiers  de  Hambourg,  dit  l'éditeur,  furent,  de  sa 
propre  main,  copieusement  surchargés  et  munis  d'intercalaires, 
qui  en  modifient  sensiblement  le  texte.  »  Est-ce  uniquement  dans 
l'intention  d'une  plus  rigoureuse  exactitude?  M.  de  Dampierre  ne 
nous  l'affirme  pas,  et  nous  aurions  quelque  peine,  d'ailleurs,  à  le 
croire.  11  eut  été  intéressant  —  mais  délicat  peut-être  —  de  donner 
une  idée  des  versions  primitives,  si  du  moins  il  en  est  encore  de 
lisibles.  Toutefois,  pour  un  parent,  il  y  a  là  une  question  de  cons- 
cience. Ces  Mémoires,  demeurés  si  longtemps  posthumes,  sont 
comme  un  testament  :  le  dernier  texte  est  le  seul  qui  compte.  Bar- 
thélémy avait  d'ailleurs  cru  devoir  ajouter  un  bref  épilogue  (pp. 
406  à  417)  à  ses  Mémoires  de  1799.  C'est  en  douze  pages  qu'il  pré- 
sente le  tableau  des  vingt  dernières  années  de  sa  carrière!  Les 
Mémoires  auraient  certes  gagné  à  la  suppression  de  ce  chapitre 
écrit  in  extremis.  L'avoir  donné  malgré  son  insignifiance,  malgré 
ses  réticences,  c'est,  de  la  part  de  M.  de  Dampierre,  un  acte 
méritoire  de  probité  historique. 

H.  MoNIN. 


Elisabeth  Pioi.a-Caselli,  Un  Ministro  Toscano  al  Congresso  di  Vienna 
(1814-1815).  Un  volume  in-S°  de  xiii-138  pages.  Florence, 
Ufficio  délia  Rassegna  Nazionale,  1914. 

Appelé  à  Vienne  par  son  souverain,  le  Grand-Duc  Ferdinand 
III,  pour  y  défendre  les  intérêts  de  la  Toscane,  don  Neri  Corsini 
ne  pouvait,  par  la  force  même  des  choses,  }•  jouer  qu'un  rôle 
secondaire. 

On  ne  doit  donc  pas  s'attendre  à  trouver,  dans  l'intéressante 
et  consciencieuse  étude  que  Mme  Piola-Caselli  a  consacrée  à 
cette  période  de  la  vie  politique  de  l'homme  d'P>tat  toscan,  des 
révélations  sensationnelles.  En  entreprenant  son  œuvre  l'auteur 
s'était  dès  le  principe  tracé  un  programme  qui  n'avait  rien  de 
bruyant  et  de  prétentieux,  mais  qu'en  revanche  Mme  Piola- 
Caselli  s'est  appliquée  ;\  suivre  et  à  développer  avec  une  attention, 
avee  une  exactitude  que  plus  d'un  historien  pourrait  à  bon  droit 
lui  envier.  C'est  ainsi  qu'à  force  de  patience,  de  recherches  aussi 
intelligentes    que  minutieuses,  elle  a    en  fin    de  compte  réussi  à 


lilBLIOGRAl'HlE  307 

mettre  en  pleine  lumière  la  tâche,  plus  délicate  cl  bien  autrement 
compliquée  qu'on  ne  le  pense  en  général,  à  laquelle  Corsini  n'a 
cessé  de  se  vouer  pendant  les  longs  mois  de  cet  étrange  et  drama- 
tic[ue  Congrès.  Sinspirant  de  la  ténacité  du  personnage  dont  elle 
avait  décidé  de  nous  retracer  les  faits  et  gestes,  Mme  Piola-Caselli 
ne  s'est  pas  laissé  arrêter  en  route  par  la  déception  qu'elle  a  dû 
éprouver  et  que  nous  partageons  avec  elle,  le  jour  où  elle  a  su 
que  les  Archives  particulières  de  la  famille  des  princes  Corsini, 
dans  lesquelles  elle  pouvait,  à  bon  droit,  espérer  faire  une  abon- 
dante récolte  de  documents  inédits,  et  de  pièces  d'autant  plus 
curieuses  qu'elles  n'auraient  eu  aucun  caractère  officiel,  ne  con- 
tenaient, hélas,  que  des  communications  dénuées  de  toute  es- 
pèce de  valeur  ou  d'intérêt  historique.  Avec  une  énergie  dont  on 
ne  saurait  trop  la  louer,  elle  a  plus  attentivement,  plus  scrupu- 
leusement que  jamais,  procédé  au  dépouillement  des  riches  dos- 
siers politiques  et  secrets  du  /?.  Àirchivio  di  Stalo  de  Florence  et 
c'est  grâce  au  travail  intelligent  et  éclairé  auquel  elle  s'est  livrée, 
qu'elle  a  pu  réussir  à  retracer  avec  la  plus  parfaite  exactitude  et 
la  plus  remarquable  impartialité  le  rôle  joué  à  Vienne  par  le 
représentant  du  Grand-Duc  Ferdinand  III. 

Dans  l'impossibilité  de  pouvoir,  faute  de  place,  insister  sur  les 
passages  les  plus  marquants  du  livre  de  Mme  Piola-Caselli,  je  me 
contenterai  de  recommander  à  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'his- 
toire des  différents  personnages  qui  ont  pris  part  au  Congrès  de 
Vienne,  le  chapitre  dans  lequel  l'auteur  étudie  et  soumet  à  une  ana- 
lyse approfondie  le  caractère  de  la  correspondance  que Neri  Corsini 
échangea  à  ce  moment  d'une  part  avec  son  souverain,  de  l'autre 
avec  Fossombroni,  correspondance  qu'elle  a  eu  l'heureuse  idée 
de  comparer  avec  celle,  bien  autrement  connue,  de  deux  des  plus 
célèbres  hommes  d'Etat  italiens  de  celte  époque,  le  Marquis  de 
Saint-Marsan  et  le  Cardinal  Consalvi. 

M.  H. 


Livres  Nouveaux 

Ellen  H.  Adams,  Billaud-Varenne  in  the  French  Révolution 
(Thèse  de  l'Université  Cornell,  à  Ithaca  ;  1913).  —  H.  Packwood 
Adams,  The  French  Révolution.  London,  Methuen,  1914.  In-8 
de  258  p.  ;  5  fr.  —  A.  Albalat,  Joseph  de  Maistre.  Lyon,  Vitte, 
1914.  In-16  de  210  p.  et  pi.;  3fr.  50.  —René  Andriot,  Ney. 
Paris,  Chapelot,  1914.  In-16  de  159  p.  ;  1  fr.  50.  —J.  Berriat- 
Saint-Prix,  La  commune  de  Thuret  pendant  la  Révolution,  1789- 


308  REVUE    HISTORIQUE  DE    LA   RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

1814.  Riom,  Impr.  Jouvet,  1913.  In-8  de  236  p.  —  L'Invasion  de 
1814-1815  en  Champagne.  Souvenirs  inédits,  publiés,  avec  une 
introduction  et  des  notes,  par  Octave  Beuve.  Paris,  Berger- 
Levrault,  1914.  In-8  de  xxii-187  p.  ;  6  fr.  —  Alice  Birkhead,  Ges- 
chiedenis  der  Fransche  Revolutie.  Zutphen,  Thieme,  1914.  In-8 
de  viii-268  p.  et  pi.  ;  5  fr.  —  Adrien  Blanchet,  Les  billets  de  la 
caisse  patriotique  de  La  Châtre  en  1792.  La  Châtre,  Irapr.  Montu, 

1912.  In-8  de  22  p.  —  Charles  Borgeaud,  Genève  canton  suisse, 
1814-1816.  Genève.  Atar.  ln-16  de  175  p.  ;  2  fr.  —  Cahiers  de 
doléances  du  bailliage  de  Cotentin  (Coutances  ,et  secondaires) 
pour  les  Etats  généraux  de  1789,  publiés  par  Emile  Bridrey. 
TomellL  Paris,  Leroux,  1914.  In-8  de  656  p.  —  Noël  Cadéot,  La 
Société  montagnarde  de  Fleurance  pendant  la  période  révolu- 
tionnaire. Auch,  Imp.  J.  Capin,  1914.  In-8  de  35  p.  —  Albéric 
Gahuet,  Napoléon  délivré.  Paris,  Emile-Paul,  1914.  In-18  ; 
3  fr.  50.  —  P.  Cardoaa,  La  Sicilia  durante  la  1^  et  2^  coalizione 
contro  la  Francia  (1793-1801).  Catania,  Tip.  Giannotta,  1914.  In- 
8  de  90  p.  —  G.  Caviglioli,  La  preccdenza  del  matrimonio  civile 
durante  il  regno  italico  nella  diocesi  di  Novara  (1806-1814).  No- 
vara,  Grafica  novaresc,  1914.  In-8  de  17  p.  —  Abbé  Cavillon,  His- 
toire de  Mont-l'Evèque  de  1788  à    1802.   Senlis,  Impr.    Vignon, 

1913.  In-8de  74  p.  —  Clary  Ceccarelli,  La  morte  di  Luigi  XVI 
narrata  in  un  manoscritto  inedito  del  secolo  xviii.  Faenza,  tip. 
Novelli,  1913.  In-4  de  14  p.  —  Arthur  Chuquet,  Historiens  et 
marchands  d'histoire.  Paris,  Fontemoing,  1914.  In-16  ;3  fr.  50.  — 
Arthur  Chuquet,  Dumouriez.  Paris,  Hachette,  1914.  In-8  de  287 
p.,  avec  illustr.  ;  7  fr.  50.  —  Prince  Charles  de  Clary  et  Aldrin- 
gen.  Trois  mois  à  Paris  lors  du  mariage  de  l'empereur  Napoléon 
l"  et  de  l'archiduchesse  Marie-Louise.  Souvenirs,  publiés  par  le 
baron  de  Mitis  et  le  comte  de  Pimodan.  Paris,  Pion,  1914.  In-8dc 
xvi-428  p.  ;  7  fr.  50.  —  Lieutenant-colonel  Colin,  Napoléon. 
Paris,  Imhaus  et  Chapelot,  1914.  In-16  de  178  p.  et  grav.  ;  1  fr.50. 
—  Procès-verbaux  des  séances  de  la  Société  populaire  de  Rode, 
publiés  par  E.  Combes  de  Patris.  Rodez,  Impr.  Carrère,  1912.  In- 
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Paris,  Vitry,  1913.  In-8  de  36  p. —O.  Criste,  Bcfreiungskrieg 
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Seidel,  1913.  In-8  de  134  p.  ;  6  fr.  55.  —  Recueil  des  actes  du 
Directoire  exécutif,  publié  par  A.  Debidour.  Tome  III  (16  messi- 
dor an  iv-15  vendémiaire  an  v).  Paris,  Leroux,  1913.  In-8  de  819 
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Charles-Lavauzelle,  1914.  In-8  de  ix-466  p.  ;  20  fr.  —  Joseph 
Durieux,  Un  «  brave  homme  »  :  le  général  Martial  Beyrand  (1768- 
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Eppensteiner,  Rousseaus  Einfluss  auf  die  vorrevolutioniiren  Flug- 
schriften  und  den  Ausbruch  der  Révolution.  Tûbingen,  Mohr.  In- 
8  de  xii-71  p.  ;  2  mk.  50.  —  G.  FaLry,  Campagne  de  l'armée 
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terreich-Este,  Herzog  von  Modena,  und  die  polnische  adelige 
Gesellschaft  in  Krakau  im  Jahre  1809.  Wien,  Gerold,  1913.  In-8 
de  43  p.  ;  3  fr.  15.  —  H.  Fleischniann, Bâtard  d'empereur,  d'après 
les  papiers  du  baron  de  Meneval  et  de  nombreux  documents  iné- 
dits. Paris,  Bibliothèque  des  curieux,  1913.  In-8  de  318  p.  et  fig.; 

7  fr.  50.  —  N.  Gabiani,  Personaggi  componcnti  il  corteggio  di 
Napoleone  I  nel  suo  viaggio  in  Italie  (1805).  Alessandria,Gazzotti, 

1914.  In-8  de  7  p.  —  D'  H.  Geschwiud  et  F.  de  Célis,  La  bataille 
de  Toulouse.  Toulouse,  Privât,  1914.  In-8  de  177  p.,  avec  2 
cartes  ;  3  fr.  50.  —  Emile  Gilles,  La  (chouannerie  dans  le  Mor- 
bihan. Quimper,  édition  de  «  la  Pensée  bretonne  »,  1914.  In-16 
de  81  p.  —  L.  Ginetti,  Sull'insurrezione  dell'alto  Piacentino  nel 
1805-180().  Parma,  Unionetip.  parmense,  1913.  In-8  de  8  p.  —  E. 
Glaize  von  Horstenau,  Befreiungskrieg  1813  und  1814.  III  (Feld- 
zug  von  Dresden).  Wien,  Seidel,  1913.  In-8  de  ix-377  p.  et  fig.  ; 
12  fr.  50.  —  E.  M.  Goriainov,  Lettres  interceptées  par  les  Russes 
durant  la  campagne  de  1812,  publiées  et  annotées  par  L.  Hennet 
et  le  Com' E.  Martin.  Paris,  La  Sabretache,  1913.  In-8dexvi- 
440  p.  ;  10  fr.  —  Vice-amiral  baron  Grivel,  Mémoires  :  Révolu- 
tion, Empire.  Paris.  Pion,  1914.  In-8  de  vn-423  p.  ;  7  fr.  50.  — 
D.  Guerrini,  Gl'  Italiani  nella  guerra  di  Russia  (1812).  Milano, 
Cogliati,  1913.  In-4  de  79  p.  et  fig.  ;  5  fr.  —  Johannes  Heiiman. 
Robespierre.  Stockholm,  Bonnier,  1913.  In-8dc  100  p.;  2fr.25.— 
F.  Hirii,  Geschichte  Tirols  von  1809-1814.  Innsbruck,  Schwick, 
1914.  In  8  de  ix-635  p.  ;  15  fr.  —M.  R.  vonHoen,  Befreiungskrieg 
1813  und  1814.  V  (Feldzug  von  Leipzig).  Wien,  Seidel,  1913.  In- 

8  de  x-746  p.  et  fig.  ;  25  fr.  —  J.  Fr.  Ho3',  Die  Medialisierten- 
frage  in  den  Jahren  1813-1815.  Berlin,  Rothschild,  1913.  In-8  de 
xii-127  p.  ;  5  fr.  —  The  7.s7n;i(/  of  Elba  up   to  the  time   of  Napo- 


310  REVUE  HISTOIilQL'E  DE  LA   RÉVOI.LTION"   FU\NÇAISE 

leon.  Portoferraio,  Tip.  Ilva,  1914.  In-8  de  24  p.  —Jehan  d'Ivray, 
Bonaparte  et  l'Egypte.  Paris,  Lemerre,  1914.  In-18  ;  3  fr.  50.  — 
Raoul  de  La  Giraudière,  Une  petite  commune  rurale  de  Sologne 
pendant  la  Révolution  (1792-1805).  Orléans,  Impr.  Goût,  1914.  In- 
8  de  24  p,  —  Notes  et  Souvenirs  de  Théodore  de  Lameth,  publiés 
par  Eugène  Welvert.  Paris,  Fontemoing,  1914.  In-8;  7fr. 50.  — 
Commandant  Jean  de  La  Tour,  Les  prémices  de  l'alliance  franco- 
russe  :  Deux  missions  de  Barthélémy  de  Lesseps  à  Saint-Péters- 
bourg (1806-1807),  d'après  sa  correspondance  inédile.  Paris, 
Perrin,  1914.  Inl6  de  319  p..  avec  portr  ;  3  fr.  50.  —  C.  Lecigne, 
Joseph  de  Maistre.  Paris,  Lelhielleux,  1914.  In-12  ;  3  fr.  50.  — 
André  Lesort,  Le  pavillon  de  Madame  à  Montreuil.  Versailles, 
Dubois,  1913.  Ih-8  de  22  p.  —  E.  Lomier,  Histoire  des  régiments 
de  gardes  d  honneur,  1813-1814.  Paris,  Champion,  1914.  Deux 
vol.  in-8;  25  fr.  —  G.  Marchesini.  L'educazione  naturale  nella  dot- 
trina  di  G.  G.  Rousseau  enelTetà  nostra.  Milano,  Albrighi,  Segati 
e  C,  1913.  In-16  de  150  p.  ;  1  fr.  50.  —  Marcel  Marion,  Histoire 
financière  de  la  France  depuis  1715.  Tome  I  (1715-1789).  Paris, 
Rousseau,  1914.  In-8  de  xii-480  p.  ;  12  fr.  50.  —  Alfred  Marqui- 
set,  En  Franche-Comté  sous  Louis  Philippe.  Besançon,  Marion, 
1914.  In-16  de  113  p.  —  Lucien  Misermont,  Les  vénérables  Filles 
de  la  Charité  d'Arras,  dernières  victimes  de  Joseph  Lebon  à 
Cambrai.  Paris,  Gabalda,  1914.  In-18  de  vin-226  p.  —  H.  Monin, 
La  Montansier,  femme  galante  et  femme  d'atTaires,  directrice  et 
fondatrice  de  théâtres  (1730-1820).  Paris,  aux  bureaux  de  la  Reimc 
historique  de  la  Révolution  française,  1914.  In-8  de  61  p.  —  Vio- 
lette M.  Montagu,  The  abbé  Edgeworth  and  his  friends.  Londonj 
Jenkins,  1913.  In-8  de  328  p.  ;  16  fr.  —  Abbé  Jacques  Moulard, 
Lettres  inédites  du  comte  Camille  de  Tournon,  préfet  de  Rome, 
1809-1814.  Paris,  Champion,  1914.  In-8  de  xvi-287  p.  —  R.  Pal- 
mai'OCû'rii,  Le  riforme  di  Gioacchino  Murât  nel  primo  anno  di 
regno.  Roma,  Loescher,  1914.  In-8  de  47  p.  — J.  Pambrun,  Inven- 
taire sommaire  des  fonds  de  documents  relatifs  ;\  l'histoire  éco- 
nomique et  sociale  de  la  Révolution  conservés  dans  les  archives 
communales  de  Vic-Bigorre,  1789-anvui  Tarbes,  Impr.  Les- 
bordes,  1914.  In-8  de  8  p.  —  D'^  G.  Patrigeon,  Comment  on  ache- 
tait et  comment  on  paj-ait  un  bien  national  sous  la  grande  Révo- 
lution. Les  biens  nationaux  du  département  de  l'Indre,  ventes, 
résultats  (hianciers.  Statistiques  des  opérations  comprises  entre 
1791  et  1812.  Paris,  Picard,  1914.  In-8  de  vn  88  p.  :  1  fr.  50.  — 
L.  F.  A.  Pd:-ao:a,  L'alta  valle  di  Susa  dal  1789  al  1804.  la  rivolu- 
zione  Iran^ese,  la  repubblica  Cisalpina,  il  consolato  di  Napoleone. 


HIBLIOGHAPHIE  311 

Torino,  Massaro,  1914.  In-8  de  19S  p.  —  Marc  Peter,  Le  syndic 
Butin  et  la  réunion  de  Genève  à  la  France  en  1798.  Genève,  Kun- 
dig.  In-8  de  226  p.  ;  7  fr.  50. —  F.Loraine  Petre,  Napoléon  at  bay 
(1814).  London,  Lane,  1914.  In-8  de  234  p.  et  pi.  ;  13  fr.  25.  — 
Paul  Chrisler  Phillips,  The  West  in  the  Diplomacy  of  ihe  Ameri- 
can Révolution.  Urbana,  University  of  Illinois,  1913.  In-8  de  247 
p.  —  W.  A.  Phillips,  The  Confédération  of  Europe  ;  a  studv  of  the 
Europcan  .\lliance,  1813-1823.  London,  Longmaas,  1914.  In-8de 
330  p.  ;  9  fr.  25.  —  Au  service  de  la  Nation.  Lettres  de  volon- 
taires (1792-1798),  recueillies  et  publiées  par  le  colonel  Ernest 
Picard,  Paris,  Alcan,  1914.  In-16  ;  3  fr.  50.  —  Albert  Pingaud,  La 
domination  française  dans  l'Italie  du  Nord  (1796-1805)  :  Bona- 
parte, président  de  la  République  italienne.  Paris,  Perrin,  1914. 
Deux  vol.  in-8  de  xxix-491  et  535  p.  —  E.  Piola-Caselli,  Un  mi- 
nislro  toscano  al  Congresso  di  Vienna  (1814-1815).  Pistoia,  Tip' 
coopcr.,  1914.  In-8  de  138  p.  —  M.  Pontoppidan,  Anno 
1813  :  Tysklands  Rejsning  mod  Napoléon  for  100  aar  siden.  Co- 
penhague, Gyldendal,  1913.  In-8  de  332  p.  et  fig.  ;  7  fr.—  Arthur 
Prévost,  Répertoire  biographique  du  clergé  du  diocèse  de  Troyes 
à  l'époque  de  la  Révolution.  Domois-Dijon,  Impr.  de  l'Union 
typographique,  1914.  In-8  de  234  p.  —  [Jean  Régné,  Situation 
économique  et  hospitalière  du  Vivarais  à  la  veille  de  la  Révolu- 
tion (1786-1788).  Aubenas,  Impr.  Habauzit,  1914.  In-8  de  57  p. — 
G.  Rizzardo,  Il  patriarcato  di  Venezia  durante  il  regno  napoleo- 
nico  (1806-1814).  Venezia,  Ferrari,  1914.  In-8  de  119  p.  —  J.  M. 
Roland  de  la  Platière,  Voyage  en  France,  1769.  Publié  par  Cl. 
Perroud.  Villefranche,  Impr.  Auray,  1913.  In-8  de  99  p. — 
François  Rousseau,  Les  Sociétés  secrètes  en  Espagne  au  xviiu 
siècle  et  sous  Joseph  Bonaparte.  Paris,  Picard,  1914.  In-8  de 
21  p.  —  Abbé  A.  C.  Sabatié,  Le  Tribunal  révolutionnaire.  Paris, 
Lethielleux,  1914.  In-8  de  xx-640  p.  ;  6  fr.  —  Sarreméjean,  Réper- 
cussions de  la  Révolution  française  à  Villelongue  et  dans  la  haute 
vallée  d'Argelès.Tarbes,  Impr.  Lesbordes,  1914.1n-16de  156p. — 
Osw.  Schmid,  Der  Baron  von  Besenval  (1721-1791).  Zurich, 
Leemann,  1913.  In-8  de  373  p.  et  fig.  ;  6  fr.  —  Friedrich  Schulze, 
Fiihrer  durch  die  Jahrhundertausstellung  zur  Vôlkerschlacht. 
Leipzig,  1913.  In-8  de  58  p.  —  G.  Sforza,  La  caduta  délia  repub- 
blica  di  Venezia.  Venezia,  Ferrari,  1913.  In-8  de  191  p.  —  A. 
Simioni,  La  congiura  giacobina  del  1794  a  Napoli.  Napoli,  Tip. 
L.  Pierro,  1914.  In-8  de  129  p.  —  Eugène  Tattet,  Journal  d'un 
chirurgien  de  la  Grande  Armée  (L.  V.  Lagneau),  1803-1815. 
Paris,  Emile-Paul,  1913.   In-8  de  xiv-327  p.  ;  7  fr.  50.  —  James 


312  REVUE  HISTORIQUE    DE    LA  RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

Thiriar,  Waterloo.  Bruxelles,  De  Bocck,  1914.  ln-8  de  58  p.  et 
pi.  ;  4  fr.  —  André  Trouillard,  La  municipalité  de  Laval  de  179t) 
à  l'an  IV.  Laval,  Goupil,  1913.  In-8  de  314  p.  —  F.  Uzureau,  Les 
agents  des  septembriseurs  à  Angers.  Angers,  Grassin,  1914.  In-S 
de  21  p.  —  F.  Uzureau,  La  Société  d'agriculture  d'Angers  (1798- 
1806).  Angers,  Grassin,  1914.  In-8  de  15  p.  —  R.  Vallentin  du 
Cheylard,  Sanary  et  le  siège  de  Toulon.  Nancy,  Iiupr.  Berger- 
Levrault,  1914.  In-8  de  109  p.  —  Paul  Viard,  L'administration 
préfectorale  dans  le  département  de  la  Côte-d'Or  sous  le  Consu- 
lat et  le  premier  Empire.  Paris,  Champion,  1914.  In-8  de  394  p. 
—  W.  R.  de  Villa-Urrutia,  Relaciones  entre  Espana  e  Inglaterra 
durante  la  Guerra  de  la  Independencia.  Apuntes  para  la  Historia 
diplomatica  de  Espana  de  1808  à  1814.  II.  Madrid,  Beltran,  1913. 
In-8  de  554  p.  ;  7  fr.  50.  —  Aless.  Visconti,  La  codificazione  del 
processo  civile  a  Milano  durante  la  prima  dominazione  austriaca 
(1784-1795),  con  documenti  inediti.  Milano,  Societa  éditrice 
libraria,  1913.  In-8  de  48  p.  —  K.  Wagner,  Die  Wiener  Zeitun- 
gen  und  Zeitschriften  der  Jahre  1808  und  1809.  Wien,  Holder, 
1914.  In-8  de  204  p.  ;  7  fr.  —  W.  Wlaschutz,  Befreiungskrieg 
1813  und  1814.  II  (Oesterreichs  entscheidendes  Machtaufgebot 
1813).  Wien,  Seidel,  1913.  In-8  de  ix-334  p.  ;  12  fr.  50.  —  N. 
Young,  Napoléon  in  exile.  London,  S.  Paul,  1914.  In-8de  349  p 


PÉRIODKJUES 


Action  française  (L'),  reinie  mensuelle.  —  /.)  mai  J91'i  : 
Comment  s'est  faite  la  Restauration  de  1814. 

Anjou  historique  (L").  —  Mars-auril  Wlï  :  L'organisation  judi- 
ciaire à  Angers  au  début  de  la  Révolution  ;  Les  débuts  de  la  guerre 
de  Vendée  (mars  1793)  ;  La  bataille  de  Saumur  (9  juin  1793) 
[lettre  écrite,  le  14  juin  1793,  par  le  citoyen  Cailleau,  maire  de 
Saumur,  aux  administrateurs  du  département  de  Maine-et-Loire]  ; 
Le  district  de  Saint-Florent-le-Vieil  (mai  1795)  ;  Enquête  admi- 
nistrative sur  le  clergé  de  Maine-et-Loire  avant  le  18  fructidor  ; 
Le  canton  de  Chemillé  (1798)  ;  L'Ecole  secondaire  de  Saint-Mau- 
rice, à  Angers  (1801-1807)  ;  La  paroisse  de  Saint-Léonard,  à 
Angers  (1804)  ;  L'avènement  de  Louis  XVIIl  et  les  Angevins.  — 
Mai-juin  :  Le  district  de  Segré  (1790-179Ô)  ;  Bannissement  des 
prêtres  angevins  en  Espagne  (1792)  ;  Le  général  Moulin  aîné  en 
Vendée  ;  La  ville  d'Angers  en  1798  ;  Etat  du  canton  de  Pouancé 
après  le  18  brumaiie  [rapport  adressé,  le  19  janvier  1800,  par  le 
citoj'cn  Gault,  commissaire  du  gouvernement  près  l'administration 
municipale  du  canton  de  Pouancé,  au  commissaire  du  gouverne- 
ment près  l'administration  centrale  de  Maine-et-Loire]  ;  Le  général 
Thiébault  et  Mgr  Bernier  (1804)  ;  L'école  ecclésiastique  de  M. 
Forest  à  Saumur  (1806-1831)  ;  Le  mariage  de  l'Empereur  et  les 
Angevins  (1810)  ;  Manifestations  d'amour  pour  les  gouvernements 
à  Angers  (1813-1815). 

Annalen  des  historischen  Vereines  fiir  den  Niederrhein.  —  XCV 
(191S):  Cl.  SoMMERFEi.DT,  Zu  dcu  Fcldzugsberichtcn  ùber  die 
Kriegsfûbrung  am  Niederrhein,  1787-1795. 

Annalen  fiir  soziale  Politik  und  Gesetzgebung.  —  ///  {1913}  :  Alfons 
Fischer,  Ein  sozialhygienischer  Gesetzentwurf  aus  dem  Jahre 
1800. 

Annales  fléchoises  et  la  Vallée  du  Loir  (Les).  —  Mars-avril  191't  : 
H. -M.  Lkgkos,  Une  rétractation  sous  laTerreur  (suite  en  mai-juin). 
—  Mai-juin:  L.Calendini,  Deux  martyrs  fléchois  (1"  janvier  1794)  : 


314  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

les  frères  Légo  ;  F.  Uzureau,   Le   Collège  royal   de    La    Flèche 
(1780.) 

Annual  Report  of  the  American  Historical  Association  for  the  year 
1911  [publié  en  1913].  —  James  Alton  James,  Frcnch  diplomac}- 
and  American  politics,  1794-1795  ;  D.  R.  Anderson,  The  insur- 
gents  of  1811  ;  Isaac  Coslin  Cox,  Monroe  and  the  early  Mexican 
revolulionary  agents,  1811. 

Anzeiger  des  Germanischeu  ïïationalmusenms  zu  ïïiirnberg-.  —  li)13, 
n"  i  :  Ein  Arniband  in  durchbrochenem  Eisenguss,  1813. 

Archiv  des  offentlichen  Rechts.  —  A'A'A7  {1913),  h  :  Conrad 
Bohnhak,  Die  einzelnen  niediatisierbaren  Hâuser  (180G). 

Archives  de  la  Société  française  des  collectionneurs  d'ex-Iibris.  — 
1913,  n^  11  :  Reliures  exécutées  pour  Napoléon  F'"  en  l'an  XIII  et 
en  1806. 

Archives  de  parasitologie. —  XV! (1913):  Charles  Joyeux,  Pierre- 
Simon  Pallas.  1741-1811. 

Archives  historiques  de  la  Champagne  et  de  la  Brie  (Les).  —  20 
avril  191Ï  :  E.  Loppin,  Lettres  de  Jacobins  :  Correspondance  des 
Sociétés  populaires  de  la  région  avec  celle  de  Chàlons  [lettres 
émanant  des  Sociétés  populaires  de  Braj'-sur-Seine,  Chauny, 
Cheppes,  Coudé-sur-Marne,  Cormicy,  Courtisols,  Epernay,  et 
toutes  datées  de  l'an  II]  ;  Une  lettre  inédite  de  Bailly,  maire  de 
Paris,  adressée  à  la  municipalité  de  Troj-es  (23  août  1789)  réponse 
à  une  lettre  de  félicitations  adressée  par  la  municipalité  deTroyes 
à  Bailly  le  G  août  1789]. 

Archiv  fiirdas  Studium  der  nsueren  Sprachen  und  Literaturen.  — 
A'A'AV  (1913),  1  :  Ludwig  Geiger.  Bettine  Brentano  und  ihre 
Besuche  bel  Goethe  ;  H.  Brauning-Oktavio,  Johann  Heinrich 
Merck  als  Mitarbeiter  an  Wielands  «  Teutschem  Merkur  »  in  den 
Jahren  1773-1791. 

Archiv  fiir  Geschichte  der  Medizin.  —  VU  (1913)  :  K.  Sudhoff, 
Johann  Christian  Reil  im  Befreiungsjahre  1813. 

Archiv  fiir  Geschichte  der  Philosophie.  —  XX (1913).  1  :  Aurélia 
HoKoviTz,  Die  Weltanschauung  eines  Romaatikers  :  Friedrich 
Schlegel. 

Archiv  fiir  Geschichte  und  Landeskunde  Vorarlbergs.  —  IX  (1913), 
2-3  :  Ferdinand  Hirn,  Suworows  Alpenùbergang. 

Archiv  fiir  Kriminal-Anthropologie  und  Kriminalistik.— /,/r(/.'^7.'J) 

i-2:  Arnold,  Zur  Geschichte  des  deutschcn  Gaunertums  voiiiEnde 

des  30-jahrigen  Kricges  bis  zu  dem  der  napoleonischen  F"eldzûge. 

Archiv  fiir  Kulturgeschichte.  —  A7  (1913),  3  :  L.   Kuhlmann, 

Freundschaft  und  Liebe  vor  hundcrt  Jahren. 


PÉHIODiyUES  315 

Archivio  storico  italiano.  —  LXXIIdOl'i-),  l  :  R.  Pai.mauocciii, 
Le  rilorme  di  Gioachino  Murât  iiel  primo  anno  di  regno. 

Archivio  storico  per  la  Sicilia  orientale.  —  X  (1913),  3  :  S.  Ciuni, 
L'opéra  del  Gioeni  giudicata  atlraverso  le  letteri  inédite  degl' 
scienziati  del  tempo  [lettres  s'échelonnant  de  1780  à  1819].  —  XI 
(1914),  2  :  P.  CAiiDONA,  La  Sicilia  durante  la  1  '  e  2'  coalizione 
contro  la  Francia. 

Archivio  storico  per  le  provincie  napoletane.  —  XXXVIH  (1913), 
4  :  A.  SiMiONi,  Orazio  Nelson  e  le  sue  incantatrici.  —  XXXIX 
(1914),  2  :  A.  SiMioNi,  La  congiura  giacobina  del  1794  a  Napoli. 

Archivio  storico  siciliano.  —  XXXVIII  (1914),  3-4  :  Niceforo  del 
Cerko,  La  Sicilia  et  la  costituzione  del  1812  ;  N.  Ratti,  Il  processo 
di  Giovanna  Bonanno  «  la  vecchia  di  lacitu  »  (Palermo,  1788- 
1790). 

Arte  e  storia.  —  XXXII  (1913).  6  :  L.  Pk.\tesi,  Alcuni  rari 
docunienti  napoleonici  délia  canipagna  di  Germania  (1813). 

Art  et  les  artistes  (L').  —  Mars  1914  :  .1.  Lortkl,  David  carica- 
turiste. 

Atti  délia  L  R.  AccademiaRoveretana  degli  Agiati.  —  S.  IV,  T.  II 
(1913)  :  Giovanni  Ciccoi.iNi,  Contributo  alla  storia  dellc  industrie 
di  Val  Lagarina  fra  il  1806. 

Atti  délia  Reale  Accadeniia  di  scienze  morali  e  politiche  di  NapolL 
—  XLII (1913)  :  Guilio  Natali,  La  vita  e  il  pensiero  di  Francesco 
Lomonaco,  1772-1810. 

Aurea  Parma.  —  //  (1913),  5-6  -.  L.  Ginetti,  Gli  inizl  délia  mas- 
soneria  in  Parma  [en  1804-1805]  ;  R.  Ginetti,  SulTinsurrezione 
deir  alto  Piacentino  nel  1805-1806. 

Beitrage  zur  Statistik  von  Bayern.  —  LXXXVI(1913)  :  Die  bay- 
rischen  Sliidte  mit  Verwaltung  durch  Polizeikommissariate  im 
Jahre  1811-1812. 

Berliner  Miinzblatter.  —  A'A'A7\'  (/.9;,')'),  142  :  E.  Bahrfklut, 
Schlesiens  Miinz-  und  Goldwesen  seit  1807. 

Bibliothèque  universelle  et  Revue  suisse.  —  Mai  1914  :  F.  Bal- 
DEXSPERGER,  Le  touriste  de  l'émigration  française  :  le  chevalier  de 
la  Tocnâye  et  ses  promenades  dans  l'Europe  du  nord. 

Blatter  fiir  Geschichte  und  Heimatkunde  der  Alpenlander.  —  20 
avril  1913  :  M.  Wltte,  Die  Kricgsgefangenschaft  des  Grafen  Peter 
Goess.  —  19  octobre:  A.  Gubo,  Steiermarks  Leistungen  ira  Jahre 
1813.  —  14  décembre  :  O.  Schellham.meh,  Marschall  Marmont  als 
Hochofenbesitzer  in  Obersteier. 

Bloc  catholique  (Le).  —  Mai  1914  :  J.  de  Barsac,  Les  «  Volon- 
taires »  de  la  Révolution. 


31(i  REVUE    HISTOniQlE  DE  LA   RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

Boletin  de  la  Sociedad  espanola  de  excursiones.  —  1913,  n"  3  .- 
Elias  ToRMO,  Don  Vicente  Lopez  v  la  Universidad  de  Valencia 
(1802). 

BoUettino  délia  Società  Pavese  di  storia  patria.  —  A7//  (1913), 
3-i  :  C.  Invernizzi,  Riforme  amininistrative  cd  economiche  nello 
Stato  di  Milano  al  tempo  di  Maria  Teresa  ;  G.  Romand,  Echi  pavesi 
délia  campagna  di  Russia  del  1812. 

BoUettino  italiano  di  numismatica.  —  1913.  fdsc.  i  :  Isaia  Vo- 
LUNïK,  La  carta  nioneta  in  Italia  :   le  cedole  niantovane,  1796. 

BoUettino  storico  piacentino.  —  VIII  f  1913).  3  :  S.  Fkrmi,  G.  D. 
Romagnosi  a  Trento,  1799-1800. 

Bote  vom  Geising.  —  1913,  n'  S5  :  Zu  Goethes  Aufenthalt  in 
Altenburg  und  Zinnwald  vom  10.  bis  12.  Jiili  1813. 

Breisgauer  Chronik.  —  1913.  /r  "20  :  Hermann  Mayer,  In  Frei- 
burg  vor  100  Jahren.  — A^'  t>3  :  Hermann  Mavi;r,  Die  Fûrsten- 
zusammenkunit  in  Fieiburg  im  Dezember  1813. 

Bulletin  archéologique,  historique  et  artistique  de  la  Société  ar- 
chéologique de  Tarn-et-Garonne.  —  2-  Irimcstre  1913  :  Abbé  C.  Daux, 
Le  Répertoire  manuel  de  Mgr  Le  Tonnelier  de  Breteuil  :  Etat  du 
diocèse  de  Montauban  sur  la  fin  du  xviir'  siècle. 

Bulletin  de  la  Société  d'archéologie  et  de  statistique  de  la  Drônie. 
—  Janvier  1914  :  Jules  Chevalier,  L'Eglise  constitutionnelle  du 
déparlement  de  la  Drôme. 

Bulletin  de  la  Société  des  bibliophiles  liégeois.  —  1913  :  A. 
TiHùN,  Un  mémoire  de  J.-R.  de  Cliestret  sur  la  réunion  de  Liège 
aux  Pays-Bas  (1792). 

Bulletin  de  la  Société  des  lettres,  sciences  et  arts  de  la  Corrèze.  — 
Janvier-mars  1914  :  ,1.  Plantadis,  Les  conventionnels  Brival  et 
Lanot,  députés  de  la  Corrèze  ;  F.  Richard,  Les  premières  pro- 
motions dans  l'ordre  de  la  Légion  d'Honneur  en  Corrèze  :  Céré- 
monial et  discours  ;  V.  Forot,  Les  émigrés  corréziens  pendant  la 
période  révolutionnaire,  et  la  nomenclature  de  leurs  biens  séques- 
trés. 

Bulletin  historique  du  diocèse  de  Lyon.  —  Xavembre-décembrr 
1913  :  Prajoux  et  Vanel,  Episodes  révolutionnaires.  —  Janvier- 
février  191 'i  :  .I.-B.  Vanel,  L'abbé  Joseph  Courbon,  1748-1824. 

Bulletin  italien.  —  XIV  {1914).  1  :  G.  Bourgin,  Chateaubriand 
et  l'Italie  en  1S14. 

Bullettino  storico  pistoiese.  —  XVI  (1914),  -3  :  A.  Chiti,  Ostaggi 
pistoiesi  in  Francia  (1799-1800)  cint]  otages  de  Pistoia  conduits 
en  France  le  0  mai  1799|. 

Biindnerisches   Haushaltungs-  und  Familienbuch.  —   1913  :    B. 


PÉRIODIQUES  ;517 

Hartmann,  Vor  120  Jahren  :  ans  den  Papieren  eines  bùndner 
Hauslehrers,  1794-1790. 

Carnet  de  la  Sabretache. —  Mai  191A  :  Commandant  V.  Fanet,  Le 
l"^''  régiment  des  Gardes  d'honneur  (11  juin  1813  •  14  juillet  1814) 
(suite  en  juin  et  juillet)  ;  A.  Depréaux,  Souvenirs  militaires  de 
Pierre  Auvray,  sous-lieutenant  au  23"  régiment  de  dragons 
(1807-1815)  (suite  en  juin  et  juillet);  Général  de  Maindreville, 
Incendie  de  Méry-sur-Seine  (22  février  1814).  —  Juin  :  Général 
Plantey,  Le  chef  d'escadron  d'artillerie  de  Lassus-Marcilly  (1788- 
1859)  ;  Lieutenant-colonel  Brosselard,  Portrait  de  Murât  par 
Gérard.  —  Juillet  :  E.  Tattet,  A  propos  d'un  cachet  du  22"  ré- 
giment de  chasseurs  à  cheval,  1793  ou  1794. 

Chronique  médicale  (La).  —  1'^'  mai  191i  :  La  vaccination  du  Roi 
de  Rome. — 15  juin:  Une  station  thermale  pendant  la  Révolu- 
tion. —  15  juillet:  P.  Sérieux  et  L.  Lihert,  L'assistance  et  le  trai- 
tement des  maladies  mentales  au  temps  de  Louis  XVI  ;  Larrey  à 
Waterloo. 

Contemporains  (Les).  —  ,'i  mai  19H  :  F.  Normand,  Général 
Montholon  (1783-1853),  compagnon  d'exil  de  Napoléon  à  Sainte- 
Hélène.  —  2'i  mai  :  Brichambeau,  Lariboisière,  premier  inspecteur 
général  d'artillerie  (1759-1812).  —  7  juin  :  E.  Leterrier,  Charles 
de  ChènedoUé,  poète  français  (1769-1833). 

Correspondant  (Le).  —  '25  avril  191i  :  R.  Palluat  de  Besset, 
Les  ancêtres  du  nouveau  roi  d'Albanie  :  les  princes  de  Wied- 
Neuvvied  au  dix-huitième  siècle.  —  25  mai  :  Y)'  d'ANKREViLLE  de 
LA  Salle,  Le  centenaire  du  traité  du  30  mai  1814  :  la  naissance 
d'un  Empire  [notre  colonie  sénégalaise].  —  10  juin  :  René  Bran- 
couR,  Le  bi-centenaire  de  Gluck.  —  25  juin  :  Amédée  Britsch, 
Les  courses  de  chevaux  sous  Louis  XVI  :  les  prix  du  roi.  —  10 
juillet  :  Albert  Vogt,  La  restauration  du  catholicisme  à  Genève 
sous  la  domination  française.  —  25  juillet  :  Amédée  Britsch, 
Charles-Joseph,  prince  de  Ligne  (1735-1814)  ;  Alfred  Marquiset, 
L^n  héros  de  juillet  :  le  général  Dubourg. 

Daheim.  —  L  (1913),  3  :  U.  Krieger,  Graber  in  der  Volker- 
schlacht  1813  Gefallener. 

Deutsche  Revue.  —  Novembre  1913  :  V.  d.  Goltz,  1813  :  Nach- 
kliinge.  —  Janvier  191i  :  V.  Auerswald,  Freiherr  v.  Stein  und 
Landhofmeister  v.  Auerswald. 

Deutschrechtliche  Beitrage.  —  IX  (1913),  3  :  Paul  Lenel, 
Wilhelm  von  Huraboldt  und  die  Anfange  der  preussischen  Ver- 
fassung. 

Elsassische  Monatsschrift  fur  Geschichte  und  Volkskunde.  —  IV 


318  REVUE   HISTORIQUE   DE  LA    RÉVOLUTION   FRANÇAISE 

{i913-i9ii),  9.- Adolf  Jacoby,  Das  Hnndbucheiner  Hebamme  vor 
hunclert  Jahren.  —  10:  M.  Barth,  Ein  kleiner  Beitrag  /,ur  Wcin- 
kultur  in  Borsch,  1782-1813.  —  U  :  Albert  Fuchs,  Die  ersle  Tele- 
graphenlinie  in  Elsass-Lolhringen  :  Chappes  Luftlelegraph  Paris- 
Metz-Strassburg  zur  Zeit  der  franzosischen  Révolution  und  Napo- 
léons I  (suite  dans  le  n°  72)  ;  D''  Caesar,  Belohnung  und  Tnler- 
stûtzung  Ersteiner  Bùrger  in  der  Revolutionszeit. 

English  historical  Rsview  (The).  —  Avril  19U  :  Miss  M.  A.  Pic- 
KORD,  The  panic  of  1789  in  Lower  Dauphiné  and  in  Provence  ;  J. 
Blok,  England  and  Holland  at  the  beginning  of  the  nineteenth 
century. 

Fanfulla  délia  Donienica.  —  XXXV  (1913),  'w  :  U.  Valentk,  Una 
Jettera  de!  Bettinelli  ad  Angelo  Dalmistro  [26  février  1794j. 

Festschriftzuni  Bergmannstag. — 1913  :  K.Wutke,  Der  Anteil  der 
schlesisclien  Berg-iind  Hiittenleute  am  Bcfreiungskriegc  1813-14. 

Feuilles  d'histoire.  —  1"  mai  191'i  :  M.  Marion,  La  Révolution 
et  l'alcoolisme  ;  R.  Reuss,  Août  1793  :  Le  Bas-Rhin  à  la  veille  de 
l'invasion  ;  M.  Furcv-Raynaud,  Un  marin  de  l'an  II  ;  G.  Vau- 
thier,  Le  personnel  des  écoles  centrales  ;  P.  Hoi.zhausen,  Davout 
à  Hambourg  (traduit  par  le  commandant  Minart)  (suite  les  1'' 
juin  et  1"  juillet)  ;  E.  Welvert,  Alexandre  Lameth,  préfet  de 
l'Empire.  —  P' juin  :  J.  d'AuBRivES,  Rome  et  la  France  sous 
Louis  XV  et  Louis  XVI  ;  G.  Vauthier,  Les  cérémonies  des  écoles 
centrales  ;  J.  Durieux,  Un  marin  de  l'an  II  ;  F.  Baldensperger, 
Deux  lettres  de  La  Tour  du  Pin  au  colonel  Hamilton  ;  R.  Reuss, 
Une  dépêche  de  Raslatt  ;  L.  Maureu,  Avant  léna  :  le  capitaine 
Beaulieu  ;  F.  Larcher,  Deux  petits-neveux  de  Corneille  ;  J.  Du- 
rieux, Le  général  d'Anglars  ;  A.  Chuquet,  Un  discours  de  Napo- 
léon aux  troupes  saxonnes  ;  E.  Welvert,  Celui  qui  découvrit 
Hoche  ;  P.  Bart,  Le  poète  Pierre  Lebrun,  sénateur.  —  1"  juillet  : 
C.  Perroud,  Une  famille  en  1793-1794  :  Lettres  d'un  volontaire  ; 
L.  Humbert,  Lettres  de  la  comtesse  de  Balbi,  de  son  fils  et  de 
Louis  XVIII  ;  E.  Welvert,  Barras  après  Brumaire;  F.  Larcher, 
Les  colonies  de  vétérans  sous  le  premier  Empire. 

Figaro  (Le),  supplément  littéraire.  —  13  juin  191  i  :  V.  Fanet, 
Comment  s'installèrent  à  Paris  les  conventionnels  (1792-1795)  ;  E. 
Cleray,  La  slavomanie  en  1814  ;  Dauphin-Meunier,  Louise  de 
Mirabeau,  marquise  de  Cabris.  —  Wjuin  :  E.  Haray,  Un  à-côté 
de  Waterloo  ;  Colonel  E.  Picard,  Lettres  de  volontaires.  —  27 
juin  :  Marie-Louise  à  Schoenbrunn  après  l'abdication.  —  'i juillet: 
J.  Vif.NAUD,  La  garde  nationale  de  1814.  —  IS  juillet  :  Le  Salon  de 
M""  de  Staël  à  Saint-Pétersbourg  en  1812. 


PÉRIODIQUES  .nu 

Forschungen  uncl  Milteilungen  zur  Geschichte  Tirols  uncl  Vorarl- 
bergs. — 19 L').  n"  'i  :  Das  von  Stadiersche  Haus  in  Innsbruck(1809). 

Fortnightly  Review  (The).  —  Janvier  1914  :  R.  W.  Macan, 
GiL'the  in  Rome. 

France-Italie.  —  1"  juin  191i  :  A.  Pingaud,  La  République 
italienne  [malgré  sa  courte  existence,  de  1802  à  1805,  elle  a  eu  une 
influence  profonde  sur  l'évolution  de  l'Italie  pendant  la  première 
moitié  du  xix'  siècle]. 

France  médicale  (La).  —  2.)  mai  191 'i  :  E.  Dupont,  Les  prisons 
du  Mont  Saint-Michel  (Hj'giène  et  maladies),  d'après  un  médecin, 
détenu  politiciue  en  1820  ;  P.  Sérieux  et  L.  Libert,  Le  régime  des 
aliénés  en  France  au  wiu''  siècle. 

Fureteur  breton  (Le).  — Avril-mai  191ï:  Uen-M.  Kerambrun, 
L'émigration  d'Arm.  de  Chateaubriand  ;  C.  Le  Mercier  d'Erm, 
Le  serment  révolutionnaire  et  la  langue  bretonne. 

Gazette  des  praticiens  [Lille]. —  XX (1913)  :  Bonnette,  Les  ma- 
ladies de  Napoléon  P' . 

Geisteswissenschaften  (Die).  —  Octobre-décembre  1913  :  Cari 
SiEGEi,,  Fichte  der  Philosoph  der  Freiheit  ;  A.  Counson,  M""^  de 
Staël  und  die  Weltliteratur  ;  A.  v.  Janso.s,  Die  neue  Literaturzur 
railitarischen  Geschichte  der  Befreiungskriege. 

Gerichtssaal  (Der).  —  LXXXI  (1913).  1-3  :  Baumgarten,  Das 
bayerische  Strafgesetzbuch  von  1813  und  Anselm  v.  Feuerbach. 

Grenzboten  (Die).  —  LXXII(1913),  W:  Heinz  Amei.ung,  Ein  ro- 
mantischesBrautpaar  [Achim  de  Arnim  et  Bettine  Brentano,  1811]. 

Historische  Monatsblatter  fiir  die  Provinz  Posen.  —  XIV'  i  1913)  : 
R.  Prumers,  Ein  Spionagefall  zu  Posen  im  Jahre  1815  ;  F.  An- 
dreae,  Patriotische  Opfer  und  Gaben  ans  dem  Herzogtum  \^'ar- 
schau  im  Jahre  1813. 

Hochland.  —  Septembre  1913:  F.  E.  Washburn  Freund,  Wil- 
liam Blake,  der  Dichter,  Mjstikcr  und  Kûnstler,  1757-1827. 

Illustrazione  Camuna.  —  X(1913),  12  :  Eugenio  de  Rossi,  Il 
colonelio  Francesco  Neri  in  Valcamonica  e  Valtellina  nella  cam- 
pagna  del  1813-14. 

Illustrazione  Ossolana.  —  IV  (1913).  7-S  :  G.  Bustico,  La  mas- 
chcra  di  Napoleone  [au  musée  Galletti]. 

Illustrierte  Zeitung  [Leipzig].—  CA'A'AYA",  3668  :Y.  d.  Osten- 
Sacken,  Die  Schlacht  bei  Leipzig  ;  F.  Schulze,  Die  Vôlkerschlacht 
in  der  Karikatur  ;  W.  Bruchmuller,  Wie  es  Leipzigs  Einwoh- 
nern  wahrend  der  Vôlkerschlacht  erging. 

Internationale  Sammlerzeitung.  —  1913.  n°  23  :  Im  historischem 
Muséum  der  Vôlkerschlacht. 


820  REVUE  HISTORIQUE   I>K   LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Jahrbuch  des  Stiftes  Klosterneuburg.  —  V  (U)13)  :  F.  Schox- 
SïEiNER,  Religion  und  Kirche  im  josephinischen  Staatswesen. 

Jahresbericht  des  Vereins  zur  Erhaltung  der  Albertumer  in  Weis- 
senburg  und  Umgebung.  —  IX  (lUVS-Wti):  Stiefelhagen,  Die 
Assignaten  in  Weissenburg. 

Janus.  —  XVIII  (1913)  :  D''  D.  Romeyn,  Der  Militâr-Sanitâts 
dienst  in  den  Niederlanden  vor  hundert  Jahren. 

Kalender  fur  Stadt  und  Kreis  Merseburg.  —  191.3  :  Arthur 
Schwickert,  Kaiser  Napoléon  in  Merseburg  ;  Otto  Schrôter, 
Der  Ueberfall  der  Lût/,o\ver  bei  Kitzen,  ara  17.  Juni  1813. 

Katholische  Schulzeitung  fur  Elsass-Lothringen.  —  1913,  /f  137  : 
M.  G.,  Eine  Teuerungszulage  fur  den  Lehrer  [von  Sierenzj  aus 
dem  .labre  1794. 

Law  Magazine  and  Review  (The).  —  A'A'AVA'  (1913),  n"  370  : 
Lovat-Fhaser,  Pitt,  tlie  Younger,  as  a  barrister. 

Lectures  pour  tous.  -  15  mai  1914  :  L.  Madelin,  De  l'audace, 
encore  de  l'audace  :  Danton  en  1792. 

Légitimité  (La).  —  Mcti  1914  :  Chantelys,  Naundorlï  et  les 
anciens  serviteurs  de  Louis  XVI  (suite  en  juin)  ;  P.  Caumy,  Le 
centenaire  de  1814  (suite  enjtiin).  —  Juin  :  R.  de  Cléry,  La  sur- 
vivance de  Louis  XVII  et  l'empoisonnement  de  limpératrlce  .lo- 
scphine. 

Marzocco  (II).  -  XVIII  (1913).  50:  G.  S.  Gargano,  Le  letture 
Francesi  nel  pensiero  del  Leopardi. 

Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire  de  l'Ecole  française  de  Rome. 
—  XXXIII (1913).  4-5  :  G.  Bourgin,  L'assassinat  de  Bassville  et 
l'opinion  romaine  en  1793. 

Mémoires  de  la  Société  académique  du  département  de  l'Oise.  — 
XXII.  2"  p  artie  (1913)  :  L.  Thiot,  Le  citoyen  Cambry,  premier 
préfet  du  département  de  l'Oise  |né  à  Lorient,  le  2  octobre  1749, 
Cambry  fut  successivement  président  du  district  de  Quimperlé  en 
1794  et  1795,  président  de  l'administration  centrale  du  Finistère 
du  17  fructidor  an  IV  au  14  prairial  an  V,  administrateur  suppléant 
du  département  de  la  Seine  du  9  brumaire  au  19  germinal  an  VII, 
et  enfin  préfet  de  l'Oise  le  11  ventôse  an  VIII  ;  il  occupa  ce  poste 
jusqu'au  23  germinal  an  X]  ;  Abbé  L.  Meister,  Un  champion  de 
la  royauté  au  début  de  la  Révolution  :  François-Louis  Suleau 
(1758-1792). 

Ménestrel  (Le).  —  Z.A'A7A'(7.9;,'J).  iS  :  Arthur  Pougin,  Guisep- 
pina  Grassini,  une  cantatrice  «amie  »  de  Napoléon  (suite  dans  les 
numéros  M.  50.  51  et  52). 

Merker  (Der).  —  IV  (1913),  21  :  Zeltel  Beethovens  an   seinen 


PÉRIODIQUES  321 

Fi-eund  Amenda  [23 juin  1799].  —  V(19li),  108  :  Eugen  Kiuan, 
Das  Drama  Kleisls  in  der  dcutschcn  Literatur. 

Militser-Wochenblatt.  —  XC  Mil  {1913).  IM:  G.  v.  Dickutii- 
Harhach,  Leipzig. 

Mississippi  Valley  historical  Review(The).  —  Juin  Wli  :  Eugène 
C.  BAi;KHU,The  United  States  and  Mexico,  1835-1837  ;  James  A. 
•James,  Louisiana  us  a  Factor  in  American  Diplomacy,  1795- 
1800. 

Mitteilungen  aus  dem  Gernianischen  Nationalmuseum  zu  Niirnberg. 
—  7.9/.')':  August  Neiiials,  Ausziige  aus  den  Briefen  des  Lùtzower 
Jiigers  Friedrich  Wilhclm  August  Frobel  an  Christian  Samuel 
Weiss,  1813-1814. 

Mitteilungen  der  œsterreichischen  Gesellschaft  fiir  Miinz-  und  Me- 
daillenkunde.  —  Juillet  1913  :  Wilhelm  Enhlmann,  Das  Kaiser- 
Josel-Denkmal  in  Wien  und  die  Médaille  ;  Heinrich  Grudner, 
Di    crsten  Gœthe-  (1774)  und  Schiller-  (1793)  Medaillen. 

Mitteilungen  des  Altertumsvereins  fiir  Zwickau  und  Umgebung.  — 
XI (1913)  :  K.  Haln,  Zwickau  und  der  Kricg  1809. 

Mitteilungen  des  Beuthener  Geschichtsvereins.  —  111(1913)  :  W. 
Immerwahr,  Die  im  Beuthener  Kreise  nach  den  Befreiungskriegen 
abgehaltenen  Friedensfeste  ;  G.  Glatzel,  Brandschatzung  der 
Stadt  Tarnowitz  durch  franzôsische  und  polnischc  Streifkorps, 
1806  und  1807  ;  G.  Glatzel,  Die  Opferfreudigkeit  derTarnowitzer, 
1813. 

Musées  de  France  (Les). —  1913,  n"  i  :  Pierre  Caros,  Le  con- 
ventionnel Milhaud  et  son  portrait,  donné  par  la  marquise  Arco- 
nati-Visconti  au  Musée  du  Louvre. 

Musica.  —  Avril  191U  :  Julien  Tiersot,  La  romance,  de  la  Ré- 
volution au  second  Empire. 

Musik  (Die).  —  VllI  (1913).  5  ;  Henri  de  Cukzon,  Grétry  ; 
Friedrich  Wellmann,  Beethoven  und  Bremen. 

Musikpsedagogische  Zeitschrift.  —  IV  (1913).  1  :  Th.  Bolte, 
Grétry,  1741-1813. 

Neue  Jahrbiicher  fiir  das  klassische  Altertum,  Geschichte...  und 
Pœdagogik.  —  XXXII  (1913).  9  :  Friedrich  Cauer,  1806-1813, 
Gesiclitspunkte  fur  die  Behandlung  im  Unterricht. 

Neue  Jahrhndert  (Das ).—  V (1913),  39:  H.  A.  Fischex,  Gœthe 
als  Bibeikritiker. 

Neue  Tiroler  Stimmen.  —  1913  :  Franz  Schumacher,  Die  engli- 
schen  Subsidien  fur  Tirol  im  Jahre  1809  ;  Oktober  1813  in  Tirol. 

Niederlausitzer  Mitteilungen.  —  XIl  (1913).  l-i.Th.  Schultze, 
Rheinbundtruppen  in  der  Niederlausitz,   1807. 

BEV.    HIST.   DE  LA  BtVOL.  -1 


322  BEVUE    HISTOIÎIQUE    DE  LA  UÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Nos  anciens  et  leurs  œuvres  [Genève]. —  1913,  2-.');  Alexis 
François,  L'exposilion  icon(igraii]ii(]uc  J.-.l.  Rousse;ui. 

Nouvelle  Revue  historique  de  droit  français  et  étranger.  —  Mars- 
iivril  Wlï  :  E.  Lévv,  Application  de  l'édit  de  1787. 

Nuovo  Archivio  veneto.  —  Avril-juin  191A:  G.  Rizzardo,  Il 
patriarcato  di  Venezin  durante  il  regno  napoleonico,  1806-14. 

Ortskalender  fiir  Weissenfels.  —  1913  :  Straibe,  Ans  der 
Franzosenzeit  :  der  Brand  von  Priegnilz  ;  Algustinv,  Der  fran- 
zôsische  GeneralJoubert  ;P.  Mahlek,  Der  Ucberfall  bci  Kitzen  ; 
E.  ScHROETEiî,  Der  Rùckzug  der  Franzosen  diirch  ^^'l•isscnfels 
[18-21  octobre  1813]. 

Ospedale  maggiore  [Milan].  —  II  (1913):  P.  Pkcc.miai,  Délia 
vita   del  dollore  Pietro  Moscati,  1739-1824. 

Panache  (Le).  —  17  mai  191  i:  .1.  Mantexay,  Le  centenaire  de 
1814:  L'entrée  de  Louis  XVIII  à  Paris. —  21  juin:  Un  olïicierde 
gendarmerie  sous  la  Restauration  (suite  le  5  juillet). 

Plastik  (Bie).  —  Nonembre  1913  :  Tim  Klein,  Die  Kunst  der 
Refreiungskriege. 

Politisches  Jahrbuch  der  Schweizerischen  Eidgenossenschaft.  — 
XXVII  (1913)  :  G.  KiRz,  Ueber  die  Hauptformeln  des  eidgenùs- 
sischen  Briefstiis  |de  1798  à  1803,  les  formules  religieuses  furent 
supprimées,  et  remplacées  par  les  mots  »c  salut  et  fraternité  » 
ou  d'autres  formules  analogues]. 

Preussische  Jahrbiicher.  —  Xavcmbre  1913  :  R.  West,  «  Der 
Konig  rief  »  |Hreslau,  1813].  —  Décembre  :  E.  Kuske,  Die  Betei- 
ligung  der  hoheren  Scbulen  Preussens  an  der  Erhcbung  im  .labre 
1813;  H.  Walsejiann,  Schleiermacber  und  die  Frauen. 

Pro  Cultura.  —  IV (1913),  6:  G.  Bertagnolli,  G.  B.  Maistrelli 
e  le  idée  di  un  conservatore  Irentino  sull'  edueazione  al  tempo 
délia  rivoluzione. 

Propylaen  (Die). —  ^'i  août  1913:  U.  M.  ELSTEH.TheoddiKorner. 

Protestantische  Monatshefte.  —  XVII  {1913).  12:  Tb.  Zieoi.er, 
Leipzig  1813. 

Guarterly  Review.  —  Juiilcl-oclobrc  1913:  C.  T.  .\tkinsox, 
La  guerre  d'Espagne  ;  Grant  Rohertson,  Sbelburne  et  Wiiidham  ; 
Prof.  Oman.  1813. 

Ralliement  (Le)  iBruxelles].  —  29  murs  lOl'i:  Franz  Foii.oN, 
A  propos  de  Waterloo. 

Rassegna  storica  del  risorgimento.  —  I  (191  'i).l  :  P.  Vir.o,  In- 
lorno  ad  una  statua  di  Xapoleone  I  a  Livorno.  —  ,')' ;  G.  D.  Bel- 
LETTI,  Il  générale  Bonaparte  lulle  mcinoric  di  Giovanni  Lan- 
dricux  c  nella  storia. 


l'KlilODIQLES  323 

Rassegna  tecnica  pugliese.  —  XIII.  (UUi),  :>  :  L.  Svlos,  La  via- 
bilità  ncl  peiùodo  fraiiccse,  ISUli-liSl.'). 

Recheiischaftsbericht  des  schwabischen  Schillervereins.  —  A'\7/ 
(U)I.'>): ,].  Hartmann,  Johann  David  Sloll,  der  Freund  Schilleis. 

Recht  luid  Wirtschaft.  —  Il  {1913).  10:  Hermann  Oncken,  Dit- 
Ideen  von  1S13  und  die  deiitsclie  (îcgenwart  ;  Ottocar  Weber, 
Oesterreichs  Entwicklung  in  den  letzten  hundert  Jahren  ;  Fritz 
Kestner,  Freilioit  und  Zwang  in  der  Gewerbeverfassung  der 
lel/.len  hundert  Jahre. 

Recueil  des  travaux  de  la  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts 
d'Agen. —  XVI  ll913)  :  Ph.  Lauzln,  Deux  lettres  du  commandeur 
de  Montazet,  6  octobre  1788  et  31  août  1791. 

Revista  universitaria  |Lima|.  —  Octobre  1913  :  Louis  lÎAiiTHoc, 
Mirabeau  orador. 

Révolution  dans  la  Sarthe  (La). —  Janvier-mars  191  i  :  P.  Mautou- 
chet,  Les  comptes  décadaires  de  l'agent  national  près  le  district 
du  Mans  en  l'an  II  et  en  l'an  IH  (suite  en  az^WZ-jH;';!)  ,•  P.  Blin, 
Ephcmérides  sarthoises  pendant  la  Révolution  :  Année  1790 
(suite  en  avril-juin). 

Révolution  de  1848 (La). —  Mai-juin  /.'y/'/.- A.  Goriîvnr.H,  Le  mou- 
vement pour  la  réforme  électorale  (1S3S-1841)  ;  Léon  DÉRiÈs,Une 
élection  dans  l'arrondissement  deValognes  sous  la  monarchie  de 
Juillet  ;  J.-G.  Prod'homme,  La  musicpie  et  les  musiciens  en  1848. 

Revue  (La). —  P^  mai  191i:  Baron  A.  de  ^Lxricourt,  Le  che- 
valier d'Elbreuil.  —  /;î  mai  :  A.  Chuquet,  Un  prisonnier  prussien 
en  1814. —  1"  juin  :  A.  Cahuet,  Napoléon  délivré. 

Revue  catholique  des  institutions  et  du  droit.  —  Mai  1914  :  L. 
Prieur,  Les  aliénés  criminels  sous  l'ancien  régime  :  La  Bastille, 
asile  de  sûreté. 

Revue  catholique  et  royaliste.  —  '20  mai  191 'i  :  G.  de  Rk.ault 
d'Héricailt,  La  Révolution  de  Thermidor  (suite  le  20  Juin). 

Revue  critique  des  idées  et  des  livres  (La).  —  10  juin  191i:  M. 
de  Roux,  Notes  pour  le  centenaire  de  1814  ;  François  Renié,  Le 
cas  de  conscience  de  Barthélémy  [à  propos  de  la  publication  de 
ses  Mémoires  par  M.  Jacques  de  Dampierre]. 

Revue  d'Auvergne.  —  Mars-avril  191  i  :  M.  Lange,  Poètes  et 
journalistes  en  Auvergne  sous  la  monarchie  de  Juillet  (suite  en 
mai-juin)  ;  Sous-intcndant  Marcheix,  Les  prisonniers  de  guerre 
autrichiens,  hollandais  et  piémontais  dans  le  département  du 
Puy-de-Dôme,  de  1794  à  1796. 

Revue  de  Belgique.  —  15  février  191i  :  E.  Buisset,  Un  anniver- 
saire :  Waterloo. 


324  REVLE    HISTOIilyrE    DE  LA   RÉVOLITION   FRANÇAISE 

Revue  de  Bretagne.  —  Janvier  191'i  :  Ad.  Oraix,  La  Chouan- 
nerie en  1830  d:ins  l'iirrondissement  de  Vitré.  —  Février  :  Maurice 
Le  Daii.t,  L'entreprise  coloniale  du  comte  de  Puisaye  (1798- 
1799). 

Revue  de  Gascogne.  —  Mai  WH  :  .].  Lestrade,  L'évêque  de 
Coniminges  et  l'argenterie  des  églises  de  son  diocèse  en  1789; 
A.  Laifont,  L'école  à  Mauvezin  pendant  la  Révolution. 

Revue  de  Hongrie.  —  /J  juin  191i  :  Henri  Welschinger, 
André  Cbénier  d'après  les  manuscrits  originaux  et  ses  œuvres 
inédites  (suite  le  15  juillet). 

Revue  de  l'Agenais.  —  Mars-cwril  191i  :  J.  Amblahd,  Un  cente- 
naire (12  avril  1814)  ;  R.  Bonnat,  Crj'ptographie  agenaise,  ou 
Journal  secret  d'Agen,  depuis  le  l'''"n]ars  1814  jusques  à  pareil  jour 
1817,  de  ,lean-Florimond  Boudon  de  Saint-Amans  (suite  en  mai- 
jain). 

Revue  de  l'Anjou.  ■ —  Mars-avril  191'f  :  O.  Ragienkt  de  Saint- 
Aluin,  Livres  des  pensionnaires  et  des  externes  à  l'Académie 
d'équitation  d'Angers  au  XYIIL"  siècle  (1755-1790),  d'après  un  do- 
cument inédit  (suite  en  mai-juin). 

Revue  de  l'histoire  des  colonies  françaises.  —  Avril-juin  19H: 
H.  Déhéhain,  Une  enquête  de  Silvestre  de  Sacy  sur  la  langue  du 
Maroc  en  l'an  \\\. 

Revue  de  l'histoire  de  Versailles  et  de  Seine-et-Oise.  —  Février 
19i^:  A.  DiBOis,  Les  ambulances  versaillaises  de  1814;  R.  du 
Lac,  l'U  sous-préfet  de  Rambouillet  sous  la  Restauration. 

Revue  de  linguistique  et  de  philologie  comparée. —  /.)  avril  191 'f: 
J.  V.,  Madame  do  Talioyrand,  princesse  de  Bénévent. 

Revue  des  cours  et  conférences.  —  ',''>  mai  191 't  :  M.  Mahios, 
L'abbé  Tcrray. 

Revue  des  études  historiques.  —  Mai-juin  19H  :  G.  Gaitherot, 
Un  démolisseur  jacobin  :  François  Daujon  (1792-1799)  ;  A.  Au- 
zoLX,  Un  incident  diplomatique  entre  l'Espagne  et  le  Directoire, 
(1798-1799);  Vicomte  de  Riciset,  M'"*^   deGenlis  et  ses  historiens. 

Revue  des  études  napoléoniennes.  — Mars-avril  191 'n  L.  Haute- 
cœur,  Les  origines  de  l'art  Empire;  M.  Handelsmanx,  Napoléon 
et  la  Pologne  ;  Lieutenant  Bucqvoy,  Les  dragons  à  pied  sous  le 
premier  Empire  ;  P.  Marmottan,  Les  Anglais  en  Toscane  (1813); 
F.   Massox,  Le  rôle  de  l'Autriche  en  1812. 

Revue  des  Facultés  catholiques  de  l'Ouest.  —  Octobre  1913  : 
Abbé  F.  UzuREAU,  Les  derniers  jours  de  l'ancienne  Université 
d'Angers  (1790-1793). 

Revue  d'histoire.  —  Janvier  191'f  :  M.  S.,  L'organisation  de  la 


PÉRIODIQUES  323 

Grande  Armée  de  1813  (suite  en  février,  mars  et  avril);  R.  J., 
Cam'pat^ne  de  1814  :  les  corj)s  d'observation  d'Oudinot  et  de 
Victor  du  9  au  lô  lévrier  (suite  en  février)  ;  A.  L.,  L'armée  et  la 
nation  à  la  fin  de  l'ancien  régime  (suile  en  février).  —  Avril:  ¥. 
B.,  Campagne  de  1807  :  la  manœuvre  d'I^'lau  (suite  en  mai,  juin 
eljiiillcl). 

Revue  d'histoire  économique  et  sociale.  —Juillrl-scplcmbre  l!)13: 
Charles  Schmidt,  Les  débuts  de  l'industrie  cotonnière  en  France, 
de  1786  à  1806  (suite  en  jam>icr-mars  l!)li);  Ed.  Allix,  La  riva- 
lité entre  la  pro])nété  foncière  et  la  fortune  mobilière  sous  la 
Révolution.  —  Octobre-décembre  :  G.  Bouh(;in,  Mutualisme  et 
coopération  sous  le  Directoire  et  le  Consulat.  —  Jamncr-mars 
191'i  :  Henri  Siii;,  La  question  de  la  vaine  pâture  en  France  à  la 
tin  lie  l'ancien  régime. 

■  Revue  d'histoire  moderne  et  contemporaine.  —  Mars-jnin  l!)li  : 
M.  Mauiox,  Les  rôles  des  vingtièmes  et  les  statistiques  de  la 
propriété  territoriale  sous  l'ancien  régime;  (>li.  Ballot,  La  poli- 
tique extérieure  du  Directoire,  d'après  des  ouvrages  récents. 

Revue  du  Bas-Poitou. —  Avril-juin  lf)H:  Marquis  d'ELBÉE, 
Missions  d'émigrés  en  Vendée  :  Le  colonel  d'Angely  ;  E.  Remaud, 
La  guillotine  et  le  peloton  d'exécution  aux  Sables  d'Olonne  pen- 
dant la  Révolution  ;  L.  Troussieh,  La  commune  de  Noirmoutier 
pendant  la  Révolution  :  Prisons  et  prisonniers  (5  pluviôse  an  II 
et  19  pluviôse  an  III). 

Revue  du  Foyer.  —  /.)  avril  1!)H  :  G.  Lacoik-Gayet,  L'aurore 
de  la  Révolution  (suite  les  /"''  et  /.)  mai,  ï'''  et  15  juin). 

Ravue  générale.  —  Juin  191  i  :  E.  Choumigorsky,  La  mort  de 
l'enqiereur  Paul   I''. 

Revue  germanique.  —  X{lDl'i).  ';  :  Maurice  Lanoike,  Paris  en 
1801-1802,  d'après  le  journal  du  Révérend  Dawson  Warren. 

Revue  historique.  —  .luillel-aoùl  l'Jli  :  P.  Caron,  Un  témoi- 
gnage sur  les  événements  de  juillet  1789  [sept  lettres  de  la  mar- 
quise de  Lostanges,  datées  des  1'',  3,  7,  8,  10,  14  juillet  et  28 
août  1789,  et  une  lettre  du  banquier  de  la  marquise,  M.  de  Seve- 
linge,  datée  du  20  juillet  1789]. 


CHRONIQUE 


Paul  Feuillàtre.  —  Un  de  nos  plus  chers  amis  et  collabora- 
ieurs,  Paul  Feuillàtre,  vient  de  trouver  une  mort  glorieuse,  le  22 
septembre  dernier,  au  combat  de  Lironville  (Weurthe-et-Moselle). 
Lieutenant  au  356'^  régiment  d'infanterie,  il  participa  aux  opéra- 
tions militaires  dès  le  début  de  la  guerre,  et  il  est  tombé  au  champ 
d'honneur,  à  peine  âgé  de  33  ans. 

Attaché  à  la  Grande  Chancellerie  de  la  Légion  d'Honneur,  où 
il  s'occupait  plus  spécialement  du  classement  et  du  service  des 
Archives,  il  avait  conquis  la  sympathie  et  l'amitié  de  tous  ceux  qui 
l'approchaient,  par  l'inépuisable  obligeance  dont  il  donnait  des 
preuves  quotidiennes.  En  outre  de  divers  travaux  littéraires,  il 
avait  publié,  en  mettant  à  contribution  les  précieux  dossiers  de 
la  Légion  d  Honneur,  plusieurs  études  historiques,  parmi  les- 
quelles l'une  des  plus  curieuses  et  des  plus  nouvelles  est  certai- 
nement celle  qu'il  j)ublia,  dans  le  numéro  de  juillet-septembre 
1910  de  notre  Revue,  sous  ce  titre  :  Mcda  h'fjionnairc. 

Nous  perdons  en  lui  un  ami  dévoué  dont  la  fidélité  ne  se 
démentit  pas  un  seul  instant  ;  mais  la  consolation  qui  nous  reste 
est  de  penser  qu'il  est  mort  pour  la  plus  noble  et  hi  plus  sainte 
des  causes,  et  qu'il  aura  coiilrijjué  par  son  sacrifice  à  hâter  l'iieure 
du  triomphe  de  la  justice. 

Société  Robespierre.  —  Le  Comité  directeur  de  la  Société  Ro- 
bespierre nous  comnuinique  le  manifeste  suivant,  qu'il  vient  de 
publier  : 

I.;i  Si)cii'té  Robespierre,  outrée  des  procédés  sauvages  de  l'Allemagne 
(|ui,  ;iii  nom  de  la  culture,  réédite  les  agissements  des  hordes  i)arbaresdcs 
premiers  siècles,  tient  à  exprimer  sa  profonde  sympathie  aux  nations  alliées 
et  amies  qui,  avec  la  France,  combattent  pour  la  civilisation  éternelle. 

La  Société  lîohcsplcrre  proteste  avec  indignation  contre  l'odieux 
l)oml)arilcmcnt  d'Arras,  \  ille  natale  du  grand  patriote  Ahiximilien  Robes- 
pierre, 

Cette  guerre  immense,  qui  mol  aux  prises  la  tyrannie  et  la  liberté, 
rappelle  les  immortelles  campagnes  do  la  lîôvolution    où,  comme  aujour- 


CHROXiyLF.  327 

d'hui,   la  France   Hépul)licaiiu-,    syinbi>U'    <iu   Droit,   luttait  contre  l'Alle- 
magiic  féodale. 

Les  grands  souvenirs  de  cette  niéniorable  époque  de  l'histoire  sont 
plus  que  jamais  vibrants  en  notre  cifur. 

La  Société  Robespierre,  qui  a  déjà  eu  la  douleur  et  l'honneur  de  perdre 
deux  de  ses  membres  les  plus  dévoués,  engagés  volontaires  tués  à  l'ennemi 
adresse  à  tous  ses  adhérents  et  amis  mobilisés  son  salut  le  plus  fraternel, 
sa   pensée  la  plus  fidèle. 

Pour  le  Comité  Directeur: 
S.  Relda-Galland, 

Secrétaire  GéniMale. 

A  travers  les  journaux.  —  Parmi  les  articles  d'histoire  publiés 
au  cours  de  ces  derniers  mois  (du  1"'  mai  au  31  juillet  1914), 
dans  les  journaux  quotidiens,  nous  relevons  les  titres  suivants  : 

Le  20  juin  779?,  par  M.  A.  Lestra,  dans  l'Aclion  française  du 
21  juin:  La  Rcvohilion  vienl-elle  de  la  Réforme  ?  par  M.  L.  de  Mon- 
tesquiou  (ibicl.,  22  juin)  ; 

Souvenirs  elbois  :  Napoléon  arrive  à  iilc  d'Elbe,  par  M.  E. 
Martin,  dans  la  Croix  du  3-4  mai  ;  La  Révolution  et  les  églises  de 
Paris,  par  M.  le  Chanoine  Pisani  (ibid.,  6,  19,  26,  31  mai,  et  1"' 
juin)  ;  Les  éç/lises  de  France  sous  la  Révolution,  par  M.  le  Cha- 
noine Pisani  (ibid.,  7-8.  16,  18  et  24  juin)  ;  Souvenirs  elbois  : 
Napoléon  organise  son  royaume,  par  M.  E.  Martin  {ibid.,  7  juillet); 

Hoche  cl  la  réaction,  par  M.  H.  Monin,  dans  la  Dépêche  du  30 
juin  ; 

Un  coup  d'œil  sur  la  Convention,  par  M.  Charles  Foley,  dans 
l'Echo  de  Paris  du  31  mai  ;  Marie-Louise  à  Saint-Quentin,  par  M. 
Frédéric  Masson  {ibid.,  21  juin)  ;  Le  Prince  de  Ligne  (1735-ISIi), 
par  M.  le  comte  Ernest  de  Ganay  (ibid.,  16  juillet)  ; 

La  mort  de  Joséphine  fut-elle  mystérieuse  ?  par  M.  Georges 
Montorgueil,  dans  l'Eclair  du  20  mai  ;  Un  buste  du  Dauphin,  par 
M.  Georges  Montorgueil  (ibid.,  4  juin)  ; 

Autour  de  Danton,  par  M.  E.Daudet,  dans  le  Figaro  du  7  ']mn;Un 
document  /rag((/((efDanton],parM.  Georges  Gain  (ibid. ,  14  juin)  ; 

Um  Napoléon  :  Briefe  aus  dem  Kriegsjahre  1S13,  dans  la  Frank- 
furter Zeitung  du  20  mai  ;  Hegel  ah  Jouriialist,  1807-1808,  par  M. 
B.  Mùnz  (ibid..  21  mai)  ;  Der  Franzosc  (1812-1813)  im  deutschen 
Kinderspiel  (ibid.,  8  juin)  :  Aus  den  Kriegsjahren  181 A  und  1815, 
par  M.  Philippson  ((6/(/.,  14  juin)  •,Belgiens  Tribut  an  die  Her:oge 
von  Wellington  {ibid.,  26  juin)  ;  Napoléon  in  Berlin  1806  (ibid.,  13 
juillet)  ;  Eine  Kabinctlsordcr  Friedrich  Wilhelm  III  :ur  Militar- 
slrafgerichlsbarkeit  (1808)  (ibid..  25  juillet);  Gœlhe  i'iber  die  Wehr- 
stener  [lettre  inédite  du  13  avril  1808;  (ibid.,  et  même  date)  ; 


328  REVUE    HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION    FRANÇAISE 

Napoléon  et  le  préfet  de  la  Vendée,  par  M.  Frédéric  Masson, 
dans  le  Gaulois  du  2  mai  ;  Vers  Vile  d'Elbe,  par  M.  l'rançois  de 
Nion  (ihid..  8  mai)  ;  L'impératrice  Joséphine,  par  M.  L.  Vaudoyer 
(ibid.,  28  mai)  ;  Le  mariage  du  prince  Eugène,  par  M.  Frédéric 
Masson  (ibid.,  29  mai)  ;  Axel  de  Ferscn.  par  M.  François  de  Nion 
(ibid.,  3  juin)  ;  Dcsaix,  par  M.  le  lieutenant-colonel  Roussel  (ibid.. 
15  juin);  L'armée  de  1813,  par  M.  le  général  Bonnal  (ibid.,  24 
juin);  Les  journées  de  juillet  17<S9  à  Versailles,  par 'SI.  François  de 
Nion((t;(/.,  20  juillet); 

L'entrée  du  Roi  (ISli),  par  M,  G.  de  Céli,  dans  la  Gazette  de 
France  du  5  mai  ;  «  L'aristocratie  »  du  Directoii'e,  par  M.  A. 
d'Halbret  (ibid.,  18  juin)  ;  Trois  rapports  de  police  inédits  relatifs 
au.v  éuènemcnts  de  juin  1792,  par  M.  P.  de  Vaissière  (ibid.,  23  juin)  ; 
Le  lu.re  et  l'impiété  sous  le  Directoire,  par  M.  A.  d'Halbret  (ibid., 
30  juin)  ;  (]ondorcet  et  les  femmes,  par  M.  G.  de  Céli  (ibid.,  7  juil- 
let) ;  Paris  en  1810,  par  M.  G.  Malet  (ibid.,  13  juillet)  ;  Un  prési- 
dent des  vainqueurs  de  la  Bastille  :  son  récit  inédit  de  la  prise  de  la 
Bastille,  par  M.  P.  de  Vaissière  (/Z)/(/.,  lô  juillet)  ; 

La  dot  de  Genève,  ISli,  par  M.  Jules  Carrara,  dans  le  Genevois 
du  14  juin  ; 

Une  rébellion  niililairc  en  1193.  par  M.  Henri  Gucrlin,  dans  le 
Journal  des  Débats  du  P'  mai  ;  Le  lieutenant  Bonaparte.  parM.  H. 
Welscliinger  (ibid.,  20  mai)  ;  Les  fêles  du  centenaire  de  Xapoléon 
souverain  de  Vile  d'Elbe,  par  M.  H.  Welschinger  (ibid.,  23  mai)  ; 
Le  centenaire  de  la  mort  de  Joséphine  (28  mai  18Ut),  par  M.  H. 
Welschinger  ((è(<i.,  30  mai);  Florian  révolutionnaire,  par  M.  De- 
maison  (ibid.,  31  mai)  ;  Fragonard  révolutionnaire,  par  M.  P.  de 
N'olhac  (ibid.,  10  juin)  ;  Le  Prince  de  Ligne  et  Napoléon,  par  M. 
H.  Welschinger  (ibid..  22  juin)  ;  Le  second  mariage  de  Napoléon, 
par  M.  H.  Welschinger  (ibid.,  21  juillet)  ;  Le  Prince  de  Ligne  cor- 
rigé par  M""'  de  Staël,  par  M.  H.  Morand  (ibid.,  27  juillet);  Danton: 
Vaccusation  de  vénalité,  par  M.  A.  Albert-Petit  (ibid..  29  juillet)  ; 

En  mai  181 't,  par  S\.  Etienne  Charles,  dans  la  Liberté  du  8 
mai  ;  Bliichcr,  par  M.  le  lieutenant-colonel  Roussel  (ibid..  16  juin)  ; 
Paris  en  1810,  par  M.  Etienne  Charles  (ibid..  26  juin)  ; 

Danton,  par  M.  Guy  de  Téramond,  dans  la  Patrie  du  20  juin  ; 

L'impératrice  Joséphine,  par  M.  Henri  lîloch,  dans  le  I^ester 
Llogd  du  29  mai  ; 

Un  emprunt  en  1789.  par  M.  Paul  Bosq.  dans  le  Petit  Journal 
du  24  juin  ; 

.1  propos  de  Lazare  Hoche,  par  M.  T.  Steeg,  dans  le  Rappel 
du  Ojuillct  ; 


CHRONIQUE  -  ;{2Î) 

La  défensive  catholique  et  la  Vendée  {1793),  par  M.  Oscar  Ha- 
vard,  dans  le  Soleil  du  8  mai  ;  La  nwrt  d'une  im/xi-atrice  [José- 
phine], par  M.  .1.  Manlenay  (ibid.,  19  mai)  ;  Danton,  par  M.  O. 
Havard  (ibid.,  23  juin)  ;  La  liberté  de  la  presse  sous  le  premier 
Empire,  par  M.  le  général  Reljillot  (ibid.,  24  juin)  ;  Danton  et  le 
«  salut  de  la  France  »,  par  M.  C).  Havard  (ibid.,  27  juin)  ; 

Une  Mirabeau  émigrée  :  De  Nice  à  Fossano,  par  M.  Dauphin 
Meunier,  dans  le  Temps  du  1'^''  mai  ;  La  Jacquerie  du  Quercii  en 
1790.  par  M.  Beaumont-Bernoss  (ibid.,  18  mai)  ;  La  charrette  de 
Danton,  par  M.  G.  D.  {ibid.,  10  juin)  ; 

Nelson  lo  his  wife  :  Icttcrs  of  loue  and  csiccm.  17S.1-1S0(J,  dans 
le  Times  du  8  juin  ; 

Les  Favoris  de  Marie-Antoinette,  par  M.  Gustave  Gautherol, 
dans  l'Univers  du  4-5  mai  ;  Napoléon  dramaturge,  par  M.  Saint- 
Roman  (ibid.,  6  mai)  ;  Le  collectivisnw  sous  Robespierre,  par  M. 
G.  Gautherot  (ibid..  11-12*  mai)  ;  La  politique  de  Danton,  par  M. 
(j.  Gautherot  (ibid.,  l"^  et.  2  juin)  ;  Bandits  et  héros,  par  M.  G. 
Gautherot  (ibid..  10  juin)  ;  De  Miùstrc  eu  face  de  la  Révolution,  par 
M.  C.  Lecignc  (ibid.,  28  juin)  ;  Réflcvions  sur  le  W  juin  /7,')2,  par 
M.  A.  Leslra  (ibid.,  2  juillet)  ;  La  ]>ri.ie  de  la  Bastille  et  les  jour- 
nau.v  du  temps,  par  M.  Saint-Roman  (ibid.,  15-16  juillet)  ; 

L  ancienne  littcralure  honjiroise  sur  Napoléon,  par  M.  Léopold 
Huttkaj',  dans  VUjsa<]  du  17  mai  ;  Les  dernières  années  de  l  im- 
pératrice Joséphint:,  par  M.  Henri  Bloch  (ibid.,  29  mai). 

Autographes  et  documents.  —  Le  8  juin  1914  a  eu  lieu,  à  l'Hôtel 
Drouol,  par  les  soins  de  M.  Noël  Charava}',  une  vente  d'auto- 
graphes, où  la  période  de  la  Révolution  et  de  l'Empire  était 
représentée  par  un  certain  nombre  de  documents,  dont  voici  les 
principaux  :  une  lettre  du  Directoire  au  général  Scherer,  com- 
mandant en  chef  de  l'armée  d'Italie,  datée'  de  Paris,  2  pluviôse 
an  IV  ;  —  une  lettre  d'Augereau,  datée  de  Lyon,  1"^'  septembre 
1814,  et  fort  intéressante  pour  la  connaissance  des  vues  et  des 
sentiments  d'Augereau  à  cette  époque  ;  —  une  lettre  d'Alexandre 
Berthier  (quartier  général  d'Alexandrie,  16  messidor  an  VI);  — 
une  lettre  de  Pauline  Bonaparte  (25  février  1810)  ;  —  un  manus- 
crit autographe  de  Condorcet,  intitulé  :  Sur  la  détermination  des 
fondions  arbitraires  qui  entrent  dans  les  intégrales  des  équations 
au.v  (li/férences  partielles  (56  pages  in-4")  ;  —  une  lettre  de  Daru 
(Paris,  30  pluviôse  an  XI),  par  laquelle  il  sollicite  une  place  à 
l'Académie  ;  —  une  lettre  du  duc  Decrés,  ministre  de  la  Marine, 
à  l'amiral  Villeneuve  (Paris,  18  ventôse  an  XI);  une  pièce  auto- 
graphe de  Duniouriez,  donnant   la   nomenclature  de  ses  états  de 


3iJU  UEVLE  HISTORIQUE  DE  L.\   RÉVOLUTION    FRANÇAIS!; 

service  ;  —  une  lettre  de  Fontanes  à  Lucien  Bonaparte  (29  floréal 
an  IX)  ;  une  lettre  de  Laplace  à  Lavoisier  (7  mars  1782)  ;  —  une 
lettre  du  maréchal  Lefebvre  à  Barras  (Strasbourg,  1''  brumaire 
an  VI)  ;  — une  lettre  de  Napoléon  I'"''  au  général  Ranipon  (Le  Caire, 
hS  l'rimaire  an  \'II);^  une  lettre  de  Ney  à  Moreau  (Burghausen, 
28  pluviôse  an  IX)  ;  —  une  lettre  de  Tallej'rand  (Valençaj',  11 
août  1820),  où  il  expose  ses  vues  sur  la  situation  de  l'Europe  ;  — 
une  lettre  de  Chaumette  (Paris,  11  décembre  1792)  ;  —  une  lettre 
de  Lavoisier  à  Parisis  (Paris,  7  février  1791  )  ;  —  une  lettre  de  Mar- 
ceau au  général  Taponier  (Waldorf,  30  vendémiaire  an  III). 

—  Dans  une  autre  vente  d'autographes  qui  a  eu  lieu  le  15 
juin,  également  à  l'Hôtel  Drouot  et  par  les  soins  de  M.  Noël 
Charavay,  figuraient,  entre  autres,  les  pièces  suivantes  :  une  lettre 
du  général  Caudaux  aux  administrateurs  du  département  du  Fi- 
nistère (Saint-Brieuc,  8  décembre  1792);  — une  lettre  de  Marie- 
Joseph  Chénier  à  Barras  (3  nivôse  an  IV)  ;  —  une  lettre  de  Fou- 
quier-Tinville  (Paris,  4  prairial  an  II)  ;  —  une  lettre  du  maréchal 
.Tourdan  au  général  Lefebvre  (Paris,  16  fructidor  an  \'II);  —  une 
lettre  de  l'amiral  Nelson  (7  septembre  1798);  —  une  lettre  de 
Ney  au  général  Dutaillis  (Recques,  14  thermidor  an  XIII)  ;  —  un 
arrêté  du  Comité  de  salut  public,  signé  par  Robespierre,  Carnot, 
R.  Lindet  et  Barère  (Paris,  2  messidor  an  II)  ;  —  une  lettre  du 
général  Savary  à  son  père  (Oberammenbergen,  près  Strasbourg, 
22  octobre  1793),  où  il  lui  fait  le  récit  des  combats  livrés  entre 
Strasbourg  et  Haguenau  ;  —  une  lettre  de  Wellington  à  Ney 
(21  avril  1810). 


TABLES 


TOME    î*;i:s^ii:me 

Juillet-Décembre  1914 


I 

TAI'.LK   DivS   MATIERES' 


l'nges 
liAUIiEY    (Frédéric)  :    I-\'lix    DtsiinrUs   et  l;i   rc'uniim  ilc   (icnOvc  à  l;i 

France  en  17!)S 23 

Ci:ssi  (Uohci-to)  :  lùiillc  (imuliii  et  la  i)oliti(|iie  française  ù  C.onstan- 

tlnoplc    en    1792 2;i() 

Favukt  (P.-M.)  :    Le  procès  îles  papiers  <lc  (a.urlols  (  1 S3 1  - 1  «:« )      .  Hil 
GuiLLOTiN  :  Lettres  inédites  à  Benjamin  Franklin  (1787-17SS>      .      •  ■> 
Marie-Caroline,  reine  des  Deux-Siciles  :  Lettres  Inédites  au    mar- 
quis de  Gallo  (1789-1S(>()) S2,  2:)4 

Payenxevillk  (U')  :  Marat  et   l'Académie  de   Koucn '>! 

Pkise  (Lucien)  :    Rovèi-e   et  le  marcpils  de  Sade 70 

Vauthiku  ((tabrlel)  ;  Fourcroy,  conseiller  d'Ftat 213 

Mélanges  et  documents 

L'ne  lettre   de  C.luirles  de  Lameth  à  la  Société  des  Amis  de  la  C.cms- 

titution  de  Montauhan,  3  décembre  1790 (Emilie  Téchiné)      .       .        99 

Fahre  d"Eglantinect  les  Rcroliitions  de  Paris  au  début  de  1791  (C.liar- 

lesVellay) 101) 

La  Loge  de  Verdun  et  le  serment   civique  en   mars  1791  (Otto  Kar- 

mln) 103 

1.  Les  arlicl.-s  de  IVmd  sont  rangés  par  ordre  alphaliélitiuo  des  noms  des 
auteurs,  les  mélanges  et  dociunenls  par  ordre  eliroiiologique  des  nuitières,  les 
notes  et  glanes  par  ordre  alphabétique  des  titres,  lu  bibliographie  par  ordre 
alphabétique  des  noms  des  auteurs  d<>s  onvraf;i-s,  les  n.ites  de  chronique  par 
ordre  alphabétique  des   titres. 


332  REVUE  HISTORIQUE  DE  LA  RÉVOLUTION  FRANÇAISE 

Comment  on  jugeait  les  affaires  tle  France,  en  seplenibie  1~'.Y2.  clans 

l'entourage  des  Constituants  émigrés  à  Londres  (Otto  Kurmin)    .  27l) 

Les  Angevins  patriotes,  1790-1793  (F.  Uzureau) I(l7 

Billaud-Varennc    esclavagiste    ((Charles    Vellay)                    ....  27.") 
Deux  rapports  de  police  sur  le  Congrès  de  Vienne,  2S  octobre  et  1'  '' 

novembre   1814   (Commandant    Weil) 281 

L"esprlt  public   dans  les  départements    de  l'Mst  en    mai  181,")  (A.  de 

Tarlé) 2S,") 

Les  papiers   de  Bolssy  d'Angias  (11.   Monin) 288 

Notes  et  glanes 

Diamants  de   Madamedu  Bariy  eii  janxler  171)1  (Le  vol  des)      .       .  294 

Elisabeth  de  .Saxe,  31)  juin   1789  (Une  lettre  de  la  princesse)      .      .  112 

Epigrammes  sur  le  couronuemeut   de  Napoléon  (Deux)    ...  29.') 

Rastadt  (Des  vers  latins  sur  le  CongrC-s  de) 11!! 

Bibliographie 

(Les  noms  placés  ciiln-  pnrcllllloscs  à  la   suih-  îles  lilrcs  solll  ceux 
des  auteurs  des   comptes  icmliis.l 

Bnrlhclcmi!     (Mémoires    de),    17()8-18!9,     pul)llés    par  .lacques     ilc 

Dampierre  (H.  .Moulu) 'MW 

Bcuvc  (Octave),   L'Invasion  de  1S14-181.')  en  Champagne  (M.  H.)      .      3()2 

Bullcl   (Maurice),    Xap()léi)U   aux   cami)s  de    Boulogne  ;    la    côte     de 

i'eret  lestlottilles  (A.  de  Tarlé) 11.") 

Diimpicire  (Y.  Barthélcmij). 

Friç/nel-Desprcdii.r  (C.o](me]),  Le   Maréchal  Mortier,  duc  de  Trévise. 

Tome  I  (A.  de  Tarlé) 111 

Gr«ssc(  (Capitaine   A.),    La    guerre     d'Espagne.    1807-1813    (A',    de 

Tarlé) IKi 

Le  Brcthon  (V.  Munit). 

Mural  (Priuce)  et  Paul  Le  Bn-lluiit.  Lettres  et  documents  pour  ser- 
vir à  l'histoire  de  .loachim  Murât,  17()7-181,').  Tome  V111(A.  de 
Tarlé) 297 

Piohi-Casclli    (Elisabeth),    l'u    Ministro    4'oseano  al    Cougresso   dl 

Vlenua,  1814-181.')  (M.  H.) 3()(i 

Vzuifdu  (F.),  Les  victimes  de  la  Terreur  eu  .\iijoii  :  liste  des  per- 
sonnes déeédées  dans  les  prisons  d'Angers  (  H.  Moulu)  111 

V:ure<iu  (F.),  .\ndegaviana,  12"^  série  {H.  Monin) 297 

Yichil  de  lu  Bl<iehc  (Capitaine),  L'évacuation  de  l'Espagne  et  l'In- 
vasion dans  le  Midi,  1811^-1814  (M.  IL)    .      .......      119 

TVe/cer/  (!'..),  Na])oléou  et  la  Police  sous  la  première  Hestauratloii, 
d'après    les     rapports    du    comte     Beuguot    au     roi     Louis  XVIll 

iM.  H.) l'io 

Livres   nouveaux 121).  ;î1)7 

Périodiques 127.  313 


J 


TABLES  333 

Chronique 

Aiitographcs  et   (IdciiiiRiits 154,  329 

Bibliothèque  de  l;i  lieviie  liist<iric|iie  de   l;i  Héviihitldii    tVunçaise 

et  de  l'Hinpire 149 

Feuillâtre  (Paul) 32() 

Firmont  au  Icndeuialn  de  la    uiort   de  Louis  X\'l  (Les   iiupres- 

sious  de  l'abbé  Hdgewoith  de) 159 

Journaux  (A  travers  les) 149,  327 

Marie-Antoinette   à   la    princesse    de    Land)allc    (Autour    d'une 

lettre  de) 151 

Mirabeau  (Quelques  docnuients   sur) 156 

Hobespicrrc  et  la  loi  de  prairial 160 

Société  Robespierre 326 


INDEX  ALPHAB1<:TI01  TE 


Angevins  :  Les  —  patriotes  (1790- 
1793),  p.  107. 

AuRE  (Comte  d")  :  Lettre  de  l'or- 
donnateur Boismont  au  —  (lô 
mai  1815),  p.  285  ;  Lettre  du 
général  Saint-Michel  au  —  (22 
mai  1815),  p.  287. 

Ai;tographes  :  —  et  documents, 
pp.  154,  329. 

Barbey  (Frédéric)  :  Féli.\  Despor- 
tes et  la  réunion  de  (îcnève  à  la 
France  en  1798,   p.  23. 

B.\RRy  (Madame  du)  :  Le  vol  des 
diamants  de  —  en  janvier  1791, 
p.  294. 

Bibliographie  (Pour  les  comptes 
rendus  bibliographiques,  xoir  le 
détail  supra,  à  la  Table  des  ma- 
tières). 

Billauu-Varenne  :  —  esclavagiste, 
p.  275. 


BoisMONi  :  Lettre  de  —  au  comte 
d'Aure  (15  mai  1815),  p.  285. 

Boissv  i)  Angi.as  :  Les  papiers  de 
—  ,  p.  288. 

(]ari>ani  (Joseph)  :  Rapports  de  — 
à  Hager  (28  octobre  et  1''  no- 
vembre 1814),  pp.  281,  282. 

(^lîssi  (Roberto)  :  Emile  Gaudin  et 
la  politi((ue  française  à  (^onstan- 
tinople  en  1792,  p.  230. 

(^.OMni:r  (Joseph)  :  Emile  Gaudin 
et  la  politi(|ue  française  à  Cons- 
tantinople  en  1792,  par  Roberto 
Cessi,  traduit  par  — ,  p.  236. 

C'oNGHÈs  :  Des  vers  latins  surle  —  de 
Kastadt,  p.  113;  Deux  rapports  de 
police  sur  le  —  de  Vienne(28octo- 
brect  1"  novembre  1814),  p.  281. 

(^ONSTANTiNOPi-E  :  Emilc  Gaudin  et 
la  politique  française  à  —  en 
1792,  p.  230. 


334 


HEYL'E  HISTORIQUE   DE    LA    REVOLUTION  FRANÇAISE 


(loNSTiTiANTS  :  (^omiiiciit  on  jugeait 
les  afl'aircs  de  France,  en  septem- 
bre 1792,  clans  l'entourage  (les  — 
émigrés  à  Londres,  p.  270. 

Coinrois  (Edme-Bonaveuture)  :  Le 
procès  des  papiers  de  —  (1S31- 
1833),  p.  Kil. 

Coi  iiTois  (Henri)  ;  Lettres  de  — 
au  Duc  Deeazes  (1''  mars  18,31, 
11  avril  1831,  8  octobre  1832.  28 
janvier  1833),  pp.  162.  166,  169, 
206  ;  Lettre  du  duc  Deeazes  à  — 
(7  avril  1831).  p.  16,'). 

("nETKT  :  Lettre  de  —  à  Napoléon 
I''-  (6  décembre  1808).  p.  2.33. 

Damboiunav  :  Lettre  de  Marat  à  — 
(25  mai  1783),  p.  56. 

DivCAZES  (Duc)  :  Lettres  de  Henri 
Courtois  au  —  (1''  mars  1831.11 
avril  1831.  8  octobre  1832.  28 
janvier  18.33),  pp.  162.  KiO.  1(59. 
206  ;  Lettre  du  —  à  Henri  Cour- 
tois (7  avril  1831).  j).  I(Î5;  Fac- 
tum  du  —  dans  le  procès  des  pa- 
piers de  Courtois  (8  novembre 
1832»,  p.  171. 

Dki'artfmexts:  Lesprit  public  dans 
les  —  de  l'Est  eu  mai  181,"). p  .28,). 

Desi'Ohtes  (Féli.x): —  et  la  réunion 
de  Genève  à  la  France  en  l/dS. 
p.  23. 

DntECTOlKE  EXÉCITIF  :  Leitle  (le 
Talleyrand  au  —  (17  IVimaire  an 
VI),  p.  43  :  .\rrèté  du  -  (17  fri- 
maire an  VI).  p.  43. 

Di:  Bauhv  (Madame)  (V.  Hauhv). 

DuMOXT  (Etienne)  :  Lettres  adres- 
sées à  —  (septembre  et  octobre 
1792),  pp.  270.  272,  274. 

Elisabeth  i>e  Sa.\e  :  L'ne  lettre  de 
la  princesse  —  (30  juin  1789),  p. 
112. 

Fahhe  d'Ec.i.antixe  :  —  et  les  Révo- 
hilions  (le  Piiris  au  début  de  1791. 
p.  10(1. 

Fa\hi:t  (P.-M.)  :  Le  procès  des  pa- 


piers de  Courtois  (1831-1833). 
p.  161. 

I'ei  iLLATMi;  (Paul)  :  — .  p.  ,32(). 

Fm.MOXT  (I-ldgewortb  de)  :  Les  im- 
pressions de  l'abbé  —  au  lende- 
main de  la  mort  de  Louis  XVI, 
p.  1.59. 

FoiRCROY  :  — ,  conseiller  d'Etat, 
p.   213. 

France  :  Félix  Desportes  et  la 
réunion  de  (îcnève  à  la  —  en 
1798,  p.  23  ;  Comment  on  jugeait 
les  affaires  de  — ,  en  septembre 
1792,dans  l'entourage  des  Consti- 
tuants émigrés  à  Londres,  p. 270. 

Franklin  (Benjamin)  :  Lettres  iné- 
dites de  C.uillolinà —(1787-1788), 
p.  5. 

Gallo  (Manpiis  de)  :  Lettres  iné- 
dites de  Marie-{^aroline,  reine 
des  Deux-.Sicilcs,  au  —  (1789- 
1806),  pp.  82,  254. 

Gaidin  (Emile)  :  —  et  la  politiipie 
française  à  Constantinople  en 
1792.  p.  2.'«;. 

Genève  :  F'élix  Desporles  et  la 
réunion  de  —  à  la  F'rance  en  1798, 
p.  23. 

Gi  ILLOTIN  :  Lettres  inédites  de  — 
à  Benjamin  FranUlln  (  1787-1788), 
p.  5. 

Hagkr  (Baron):  Rapports  de.Iosepb 
Carpaui  au  —  (28  octol)re  et  1'' 
novembre  1814),  pp.  281,  282. 

Joi  KNAix  :  .\  travers  les  — .  pp. 
149,  327. 

KAH>nN  (Otto)  :  La  Loge  de  Verdun 
et  le  serment  civique  en  mars 
1791,  p.  103  ;  Comment  on  ju- 
geait les  affaires  de  France,  en 
septembre  1792,  dans  l'entourage 
des  Constituants  émigrés  à  Lon- 
dres, p.  270. 

Lamballe  (Princesse  de)  :  Autour 
d'une  lettre  de  Marie-Antoinette 
■lia-,  p.  151. 


Lamkth  (Charles  de)  :  Une  lettre 
tle  —  à  la  Société  des  Amis  de  la 
('oiistitution  de  Moiitaiibaii  (3  dé- 
cembre I7i)()),   p.  9i). 

Loc.i-;  :  La  —  de  Vei'duii  et  le  ser- 
ment ci\i(|iie  en  mars  17i)l,  p. 
103. 

LoNDKKS  :  Comment  on  jugeait  les 
affaires  de  France,  en  septembre 
1792,  dans  l'entourage  des  Consti- 
tuants émigrés  à  — ,  p.  270. 

Loiis  XVI  :  Les  impressions  de 
Tabbé  l-'dge\\()rtb  de  Firmont  au 
lendemain  de  la  mort  de  — ,  p. 
159. 

Mahat  :  —et  l'Acadénile  de  Houen, 
p.  ôl  ;  Lettre  de  —  à  Dambour- 
nay  (2.")  mai  1783),  p.  7M. 

Mahii:-Ant()Im;tïi;  :  .Xiilour  d'une 
lettre  de  —  à  la  |)rincesse  de 
Lamballe,  p.  loi. 

Mauik-Cauoi.ink,  reine  des  Dcux- 
Siciles  :  Lettres  inédites  de  — 
au  marquis  de  Ciallo  (17cS9-l.S0()), 
pp.  82,  2,')4. 

MiKAiiKAU  :  (J!uel(|ues  documents  sur 
—,  p.  l.")!). 

MoNiN  (H.)  :  Les  papiers  de  Hoissy 
d'Anglas,  p.  2.S8. 

MoNTAi.iviîT  :  Lettre  de  —  à  \a- 
poléon  F"-  (10  décembre  1809), 
p.  233. 

MoNTAiTBAN  :  Vile  lettre  de  Charles 
de  Lamcth  à  la  Société  des  Amis 
de  la  Constitution  de  —  (3  dé- 
cembre 1790),  p.  99. 

Napoléon  I'i  :  Lettre  de  Cretct  ;i 
—  (6  décendjrc  1808),  p.  233  ; 
Lettre  de  Montalivet  :i  —  (10  dé- 
cembre 1809),  p.  233  ;  l)eu.\  épi- 
grammes  sur  le  couronnement  de 
—,  p.  29,5. 

Paye.\nevii.lk  (1)1)  :  Marat  et  r,\ca- 
démie  de  Houen,  p.  51. 

Peise  (Lucien)  :  Rovère  et  le  mar- 
quis de  Sade,  p.  70. 


•ES  335 

l'oi.ici:  :  Deux  ra])ports  de  —  sur 
le  Congrès  de  Vienne  (28  octobre 
et  F'  novembre  1814),  p.  281. 

HAPi'oitTS  :  Deux  —  de  police  sni- 
le  Congrès  de  Vienne  (28  octobre 
et    1"  novembre  1814),  p.  281. 

HAsrADT  :  Des  vers  latins  sur  le 
Congrès  de  —,  p.  113. 

«  lirvoi.UTioNS  i)i;  I'amis  »  :  h'abi'e 
d'l{glantine  et  les  —  au  début  de 
1791,  p.  100. 

HonEsniîiuu;  :  —  et  la  loi  de  prairial, 
p.  lOO:  Société  —,  p.  32(). 

RocEN  :  Marat  et  l'Académie  de  —, 
p.  51. 

RovKHi-;  :  —  et  le  mar(|uis  de  Sade, 
p.  70  :  Lettres  du  marquis  de 
Sade  ;i  —  (22  vendémiaire,  II 
Iriniaii-e.  I.'î  IVimaire,  27  nivôse, 
22  ventôse  an  V),  pp.  72.  73.  74, 
75. 

Sadi-;   (Mar([nis   de)    :    lîovère    et    le 

—  ,  p.  70;  Lettres  du  —  à  P.ovère 
(22  vendémiaire,  11  frimaire,  13 
frimaire,  27  nivôse,  22  ventôse 
an  V),  pp.  72,  l'.i.  74.  75. 

Saint-Michhi.  (Cénéi-al)  :  Lettre  du 

—  au  comte  d'Aure  (22  mai  1815), 
p.  287. 

Sa.m;  (F!;iisabeth  de)  (V.  Fi.isahkth 
DE  Saxe). 

Seument  c.nnji  e  :  La  Loge  de  Ver- 
dun et  le  —  en  mars  1791,  p.  103. 

TAi.i.KViiANn  :  Lettre  de  —  au  Di- 
rectoire exécutif  (17  frimaire  an 
VI),  p.  43. 

Taiilé  (A.  de)  :  L'esprit  public  dans 
les  départements  de  l'F'st  en  mai 
1815,  p.  285. 

Téchiné  (Emilie)  :  Une  lettre  de 
Charles  de  Laiiicth  à  la  Société 
des  .Vuiis  de  la  constitution  de 
Montauban  (3  décembre  1790), 
]).  99. 

l'znu;AU  (F.)  :  Le»  Angevins  pa- 
triotes (1790-1793),  1).  107. 


33() 


REVUE  HISTORIQUE  DE  LA    RÉVOLUTION    FRANÇAISE 


Vai  THiKii  (Gabriel):  Fourcroy,  con- 
seiller d'Etat,  p.  213. 

ViiLi-AY  (C.harles)  :  Lettres  inédites 
de  Guillotin  ;i  Benjamin  Franklin 
(1787-1788),  publiées  et  annotées 
par  — ,  p.  5  :  Fabre  d'Kglantinc 
et  les  liéi'olittions  de  l'aris  au 
début  de  1791,  p.  100  ;  Billaud- 
Varenne  esclavagiste,  p.  275. 

Vkhdin  :  La  Loge  de  —  et  le  ser- 
ment el\  i(|ue  en  mars  1791,  p.  103. 


ViKNXE  :  I)cu.\  rapports  de  police 
sur  le  Congrès  de  —  (28  octobre 
et  l'i   novembre  1814),  p.  281. 

Wi:ii.  (Commandant)  :  Lettres  iné- 
dites de  Marie-Caroline,  reine 
des  Deux-Siciles,  au  marquis  de 
(lallo  (1789-18(10),  publiées  et 
annotées  par  le  — ,  pp.  82,  254  ; 
Deux  rapports  de  police  sur  le 
Congrès  de  Vienne  (28  octobre 
et  ï"  novembre  1814).  p.  281. 


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