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REVUE HISTORIQUE
DE LA
RÉVOLUTION FRANÇAISE
ET DE L'EMPIRE
Janvier-Juin 1914
REVUE HISTORIQUE
DE LA
RÉVOLUTION FRANÇAISE
ET DE L'EMPIRE
DIRECTEUR : CHARLES VELIiAY
tom:é cinquième
Janvier-Juin 1914
PARIS
4\
Aux Bureaux de la REVUE HISTORIQUE DE U RÉVOLUTION FRANÇAISE
9, Rue Saulnier (IX')
1914
TROIS LETTRES INÉDITES
DE
CLÂVIÈRE A ETIENNE DUMONT
(1791-1792)
Le 21 novembre 1782, Glavière, D'Ivernois, Etienne Dumont,
Duroveraye et trois autres Genevois, chefs du parti bourgeois des
représentants (libéraux), furent condamnés au bannissement perpé-
tuel de Genève par le parti patricien des négatifs (conservateurs),
victorieux de son adversaire grâce à l'appui armé des gouverne-
ments français, sarde et bernois.
Glavière, D'Ivernois, Duroveraye et quelques autres exilés
essayaient alors, mais sans succès, de fonder ime colonie genevoise
en Irlande et acquéraient même la nationalité irlandaise.
Eux trois et Etienne Dumont devaient, dans la suite, jouer des
rôles assez importants dans l'histoire européenne. D'Ivernois
deviendra l'actif agent officieux de l'Angleterre, contre la France
révolutionnaire et impériale ; les trois autres seront (avec le Genevois
Reybaz) les collaborateurs et parfois les inspirateurs de Mirabeau ;
Etienne Dumont deviendra l'apôtre de Bentham sur le continent, et
Glavière sera, en 1792 et 1793, mini-stre des Finances de la France
et un des chefs de la Gironde.
Les trois lettres suivantes datent d'une époque où, seul, D'Ivernois
avait plus ou moins renié ses conceptions libérales d'autrefois. Les
trois anciens collaborateurs de Mirabeau étaient encore assez unis
d'idées, sauf en ce qui concernait Genève, que Glavière aurait pro-
6 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
bablement préféré voir française que soumise à l'influence de ses
anciens adversaires « négatifs ».
Ces pièces sont conservées à la Bibliothèque publique et univer-
sitaire de Genève (Ms. D. 33. Corresp. I).
0. Karmin.
Dimanche, 26 novembre 1791.
Compte fait, mon cher Diimont, j'ai bien trois lettres de
vous sans vous avoir donné aucun signe de vie. Mais quand
aurai-je pu ? Je n'ai de libre que les momens de fatigue ; et si
je ne sentois pas que Du Roverai va partir, Dieu sait si je vous
ecrirois.
Vous devez avoir été persuadé que je n'éprouverois aucun
chagrin à ne pas être de l'assemblée nationale^. Je crois que
j'y aurois mis plus d'activité relativement aux finances, parce
quej'étois désigné pour cet objet ; c'est le seul point de vue qui
relativement à l'utilité publique m'ait donné du regret. Je n'en
ai pas boudé : fidèle à ma vocation de Casse cou, j'ai demandé
à être entendu comme pétitionnaire à la barre de l'Assemblée
où j'ai requis" que les remboursemens qui se font, sans règle
ni mesure, à la caisse de l'extraordinaire, de la dette non
consfifiiée, à mesure (ju'on liquide, fussent suspendus, jusqu'à
cequ'on enconnoisse la totalité et que l'on puisse assiijetir ces
remboursemens à un ordre qui ne soit pas contrarié par les
circonstances et ne puisse pas non plus les contrarier''.
Je pris celte résolution tout à coup, et au milieu d'un autre
travail, ensorle que ma jietition n'a pas pu recevoir la méthotie
et la clarté qui auroient été nécessaires : personne ne |)ouvoit
1. Lors des élections pour l'Assemblce léyislative, Clavière n'avait réussi qu'à
être ilu troisième suppléant. Lors de la démission de Monneron, i" avril 179s,
appelé à le remplacer, il opla pour le ministère des contributions publiques, auquel
il avait été nommé le a4 mars 179a.
a. Le texte portait d'abord : demandé.
3. Assemblée législalive, séance du 5 novembre.
TROIS LETTRES INÉDITES DE CLAVIÈRE A ETIENNE DUMONT 7
m'aider ; je n'avois pas à coté de moi ce certain Dûment qu'on
ne perd rien à connoître et à consulter. Quoiqu'il en soit, je fus
écouté avec attention; je parlai une heure, je fus aplaudi et
l'assemblée décréta que ma pétition seroit imprimée et distri-
buée à tous les membres ^ C'est une véritable démarche d'en-
fant perdu ; je ne suis plus bon à pendre ; il faudroit me brû-
ler à petit feu, si l'on en croyoit ceux qui s'accommodoient très
bien de ces remboursemens, qui sont un vrai desordre. Il n'y
a rien encore de résolu. Biissot a apuyé Jeudy D"^ la nécessité
de la suspension^' par un discours plus fort que le mien,
comme cela devoit être ; un autre Député l'avoit précédé ; et
sans doute qu'après demain M. Gondorcet s'en chargera et que
la mesure sera adoptée. Je vous envoyé ma pétition.
Du Roveray a eu quelque véleïté de m'en détourner à cause
de la nuée, toujours croissante, d'ennemis qui me déchirent.
Je l'ai prié de me laisser aller selon ma bonne ou ma mauvaise
tête, et je crois que, témoin de l'audience qui m'a été accor-
dée, il a fini par croire que j'ai bien fait.
Je vous envoyé, avec cette pétition, l'ouvrage que je faisois
sur l'état des finances ^. Lassé de faire la guerre avec ma bourse
et ma santé, j'ai accepté de donner ce travail à un imprimeur
patriote associé de Bonneville, qui ont entrepris une chroni-
que du Mois', à laquelle doivent travailler les personnes que
vous verrez nommées au frontispice. J'ai rempli'', comme
vous l'observerez, les deux cahiers qu'on donne gratis ; je
continuerai à y traitter toutes les matières de finance, et les au-
tres feront ce qu'ils doivent. Vous serez étonné d'y voir Bider-
mann^, qui s'il le veut, pourroity faire quelques bons articles
1. Pétition fuite à l'Assemblée nationale... sur le remboursement des créances
publiques non vérifiées, et sur le paiement des domaines nationaux en assignats
et espèces ej/ectiues... 3i p.
2. Séance du 24 novembre 1791.
3. Peut-être ; Réflexions sur les formes et les principes auxquels une nation
libre doit assujétir l'administration des finances. Paris, 1791.
4. La Chronique du Mois, ou les cahiers patriotiques, novembre 1791-juin
1793. 20 numéros.
5. Le texte portait d'abord : j'ai fait les.
6. Probablement Jacques Bidermann, négociant, membre de la municipalité de Paris.
8 REVUE mSTORIQOE DE LA RÉVOLUTION FRANÇALSE ET DE L'EjrPIRE
sur le commerce. Ily a dans tout cela un peu de charlatannerie
typographique, pour attirer les chalans ; et comme je n'y entens
rien, on s'est bien gardé de me consulter. Voila, mon cher
ami, l'histoire de mes trasaux depuis qu'on m'a fait supléant.
Un de mes collègues, M. Kersaint \ président du corps électo-
ral, lorsque je fus élu, piqué de ce que la cabale ignorante
et aristocratique se jouoit de nous, malgré les efforts des Pa-
triotes, fit à mon discours d'acceptation une réponse dont je
n'ai pas voulu tout à fait avoir le démenti. Et je crois en effet
que si l'élection éloit à recommencer, nous serions élus l'un et
l'autre, car le public n'a pas été content du soin des électeurs
d'écarter des hommes que les circonstances reclamoient. Je vous
envoyé ces deux discours. Votre philosophie paresseuse sou-
rira de pitié à tout cela ; mais après tout vous ne serez pas fâ-
ché que justice se fasse et que les vrais amis du bien public
acquièrent quelque réputation.
Lord Lansdown, à qui je présente mes honneurs, trouvera
ma véritable opinion sur les finances de ce pays dans les deux
N°* de la Chronique, (jue je vous prie de lui remettre de ma
part. C'est tout ce que peut en penser un homme qu'on écju-te
avec soin des lieux où la vérité peut se trouver. On verra du
moins que je ne dissimule pas les observations sévères que l'état
des choses exige ; et que l'ami de la liberté et des bons princi-
pes ne perd pas l'occasion de dire son mot au milieu des
calculs de Barème. Si la Révolution se maintient, nous pou-
Aons beaucoup dépenser d'argent et ne pas faire banqueroute ;
mais si les conlrerévolutionnaires avoient le dessus, ou assez
de force pour opérer des balancemens, tout seroit perdu : on
n'éviteroit pas la guerre civile. Je doute que ces Messieurs
d'outre Rhin puissent faire d'autre compte que celui de tout
solder par le néant, et je ne serois pas étonné qu'ils s'en fissent
un mérite auprès du Peuple, connue de l'unique moyen de le
décharger des impots.
Vous pouvez juger aussi bien que ilous de leurs espérances.
I. Armaiid-Guy-Simoo de Coetnenipren, cmnle de KcrsainI, 1742-171)3.
TROIS LETTRES INEDITES DE CXAVIERE A ETIENNE DUMONT i)
On regarde une invasion de leur pari comme certaine et même
prochaine ; mais à la manière dont on en parle, il me semble
qu'on s'en inquiète peu, et qu'on ne doute pas qu'ils n'échouent.
On paroit même désirer la tentative, comme pouvant mettre fin
à toutes les menaces et à tons ces projets qui entretiennent
entre l'Assemblée, le Roi et les Ministres un état de défiance
avec lec[uel rien ne s'assenit.
Il ne s'agit plus de république ; mais l'inqierfcction de la
Constitution relativement au point de contact qu'il doit y avoir
entre les deux puissances nourrit les espérances des royalistes
renforcés, et leur politique tend à tirer parti de cette imperfec-
tion pour arriver aux deux Chambres, tant désirées comme
dédommagement de la destruction des titres de noblesse.
Que font, que veulent faire les Puissances étrangères? voila
sur quoi l'horison ne s'éclaircit pas. Elles s'accoutumeront
dilficilement à cesvingt-cin<j millions d'hommes libres. Mais que
feront-elles ? Les réduire à retourner au despotisme est une
entreprise à laquelle la ligue générale de tous les rois suffiroit
à peine. On veut nous faire croire à cette ligue, mais que
d'intérests à combiner ! que de défiances à vaincre ! que de
futurs contingens à méditer, soit ])ùur le succès, soit pour le
contraire ! On ne remarque de ténacité que dans l'Impératrice
de Russie et dans le Roi de Suède. Pourquoi ? Oue leur im-
porte que la France soit libre ou esclave ? Les Russes sont
encore loin de rien comprendre à la déclaration des droits. Les
Suédois ne s'en inquiètent gueres. La Czarine voudroit-elle
essayer de prendre un ton impératif sur tous les potentats
Européens? En ce cas, et qu'elle réussît à se faire craindre, ce
seroit leur faute. Ou bien veut-elle ([ue le Roi de Suéde s'en-
gage dans des aventures de chevalier errant, comme sa tête
semble y être disposée? Ce serait un moyen pour elle de re-
prendre son enjambée, à laquelle on ne peut pas croire qu'elle
ait renoncé. Elle étoit en si beau chemin 1... Le Roi de Suéde
peut trouver beau de venir faire triompher en France la cause
des Rois, et sans doute qu'il n'y perdroit rien s'il avoit la
fortune d'Alexandre. Les Rois révent comme les autres hom-
10 REVLE HISTORIQUE DE LA REVOLLTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
mes. M. Gustave peut bien penser qu'après avoir mis Louis XVI
hors des mains de la Nation, il seroit nécessaire qu'il restât
long tems son tuteur, son maire, pour consolider la besogne.
Vous autres Anglois dont les têtes sont si pensantes — quels
sont vos prognostics ? Vous, Dumont, faites moi sur tout cela
un petit roman politique bien peigné et bien gentil, pour le
mettre dans la Chronique du Mois, et au défaut de ce roman
envoyez moi du moins quelque chose de votre bon esprit, de
votre cœur aimant et de votre plume agréable. Je vous mets
à contribution, vous et tous ceux de vos amis que vous pourres
engager à cette bonne œuvre. Ce journal ne paroissant que
chaque mois, il faut qu'il ne renferme que des choses utiles
au progrès de la Nacion et de la liberté : il faut y apeller tous
les penseurs honnêtes amis de la liberté et de l'égalité.
Du Roveray vous rendra compte des affaires genevoises.
Le code politique a passé, mais comme on dit à la raclette ',
et si j'en crois ce que m'a dit un de nos compatriotes, la paix
des Genevois n'est rien moins que solide. Je n'ai causé de ces
affaires qu'à mon corps déffcndant. Je pense toujours qu'il
valoit mieux de rien faire et attendre rpie la révolution francoise
fut parfaitement consolidée. Ils répondent par les localités-, et
en vérité c'est une pitoyable réponse. Ils veulent toujours
avoir fait les meilleures Loix que les Genevois ayent pu ad-
mettre et cejtendant un très grand nombre de Genevois vou-
droienl des Loix qui les rendissent meilleurs. Entre la ligne
qu'il faloit dépasser et celle où ils sont arrivés, la différence
est si petite pour l'aristocratie qu'il falloit avoir le courage
d'aller au vrai point. Quand pour lo louis un natifs peut être
citoyen actif, vaut-il la peine de parler de l'excès de plébenia-
nisme cju'il y auroit eu à ne faire de mécontens ni dehors, ni
dedans? Enfin notre ami Du Roveray me paroit avoir beau-
1. Expression genevoise : tliffic'Uement . — Le nouveau Code genevois, que le
1' Petit et le Grand Conseil n avaient a|)prouv<' les a, g et ii novembre 1791, fut
accepté par le n Conseil souverain » (l'ensemble des électeurs) par 969 voix
conire 761.
a. Cette lecture, parfaitement certaine, ne donne aucun sens.
3. Etranger né sur le territoire genevois.
TROIS LETTRES INEDITES DE CLAVIERE A ETIENNE DUMONT I I
coup plus causé avec sa bile qu'avec son cerveau : sa haine
pour Grenus^ l'a furieusement inllueiicé; du moins je crois le
voir ainsi. A peu ne tienne qu'ici il ne soit aristocrate de mau-
vaise humeur. L'enfance de la liberté le choque parce que
l'Assemblée nationale n'est pas comme le Deux cent de Ge-
nève-, pédantes([uement politique; il ne veut voir que des
polissons dans cette assemblée. Elle est très patriotique, et si
c'est du plebs tout pur, elle prouvera que le plebs est ce qu'il y
a de meilleur.
Si de votre coté, on vouloil parler d'une belle alliance desti-
née à protéger la liberté et à unir les deux nations qui main-
tenant renferment le plus de têtes saqes et pensantes, je crois
que de ce coté-ci on y donneroit bientôt les mains. Je ne
sai quel club d'amis de la Constitution on suspendu dans leur
sale les 3 drapeau anqlois, américain et francois entrelassés.
Il seroit tems de voir les pactes nationaux remplacer les pactes
de famille.
Allons, mon ami Dumont, échauffés vous un peu. Envoyes-
nous de votre prose ou de vos vers. Cà ira, ou plutôt venez
nous voir. Vous trouverez une troisième fdle qu'on batise
pendant que je vous écris des balivernes.
Nous nous portons tous assez bien. Je suis le plus malade.
Je sors d'accès de colique qui a manqué me trousser. Le
moment au reste ne seroit pas mal choisi. J'ai la faveur popu-
laire autant qu'un reclus comme moi peut l'obtenir.
Adieu, mille chose pour moi à Chauvet, Romilly, etc. etc.
Je viens d'apprendre que Duroveray ne part pas encore. Il
est dans la diplomatie et va trailter pour Genève l'affaire des
dixmes que les Genevois perçoivent au pays de Gex, et sur
lesquelles les chanoines ou autres ecclésiastiques d'Annecy ont
des prétentions. Je ne sai s'il ne reste pas pour la politique
I. L'avocat Jacques Grenus, il'une vieille famille genevoise, un des chefs du
parti révolutionnaire et francophile.
a. Le Conseil des Deux-Cents, ou Grand Conseil, le corps législatif de la Répu-
blique de Genève.
12 REVUE HISTORIQl'E DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
genevoise. Il ne peut pas parler (ranf[uilpment des Articles
du Patriote francois sur Tieneve.
[Pas de signature.]
The Ricjht lion''/'-
Marquis of Lansdown
jor M. Duniont
Londres.
II
19 May 1792-
Mon cher Dunionl. Je prie Milord Lansdown de vous
dépêcher vers moi. Venez, je vous en prie, vous nous trouverez
établi à la Mairie tant bien que mal. Reybaz ^ y sera, et vous
remonterez votre ami qui en a besoin ; les détails le surmontent,
des inquiétudes personnelles le tracassent, sa santé dépérit de
plus en plus et une solitude désolante règne autour de lui,
elle changera lorsque je serai réuni avec Reybaz, ce qui ne
tardera pas.
Vous in'aporlerez des nouvelles de nos amis, de leurs tra-
vaux, de l'état des choses. S'il faut en croire les nouvelles, les
esprits fermentent et cette disposition a résister aux change-
mens n'est pas aussi puissante que vous le disiez ici. Vous
aurez su que M. de Graves - s'étoit retiré. Son successeur
est un parfait honnête homme, patriote zélé, loyal et actif.
J'augure bien de sa présence dans le Ministère, si les cabales
ne le détruisent pas.
Aportez-moi, je vous prie, tout ce que vous pourrez recueil-
lir d'instructif sur la police relative à l'entretien des grands
chemins, et principalement ce qui concerne les furnpike ', à
1. Eticnne-Salomon Reybaz, 1737-1804, collaburaleur de Mirabeau df mai 1790
juscju'à la mort de ce dernier. Après un séjour en Angleterre, il rentra à Paris
lors des difQcultcs franco-genevoises en automne 1791. Le 2? novembre 179a la
République de Genève le nomma son ministre à Paris par intérim ; ce titre fut
régularisé le 6 mai 179A.
a. Pierre-Marie, marquis de Grave, I75ô-i8a;i, avait remplacé Narbonne au
ministère de la guerre, le 9 mars 179s. Il démissionna le 8 mai suivant. Son suc-
cesseur fui Josepb Servan de Gerbev, dont Dnmouriez prendra la place le i3 juin
1793.
3. Barrière (de péager).
.TROIS LETTRES INEDITES DE CLAYIÈRE A ETIENNE DLMONT l3
quelle distance on les place en cjencral, et le tarif de l'imposi-
tion qu'on paye en passant. Ces barrières, je crois qu'on seroit
assez disposé à écouter (?) des arrangemens pour les grands
chemins qui puissent pourvoir à la dépense qu'ils exigent et
remplacer l'impôt trop général des patentes. — Votre ami
Bentham n'auroit-il point le courage de vous accompagner
pour solliciter l'essai de son panoptique ^
Je vous embrasse de tout mon cœur et souhaite bien que
mes bras puissent vous atteindre.
Glaviere.
A Monsieur
Monsieur Dunwnt
à Londres.
III
Saverne, le 19 juillet 1792.
Votre dernière lettre, mon cher Dumont, m'a trouvé dans
un moment de peine, de travail et d'inquiétude. L'infernale
cohorte des agioteurs ne m'a pas vu plutôt hors du Ministère-,
qu'elle s'est occupée de vengeances, et je ne fais même aucun
doute que, de quelqu'autre coté, on ne la pousse fortement
contre moi. On veut ni'oter ma place d'administrateur de la
compagnie^ et pour me l'ôter on cherche à diffamer mon
administration. On m'a mis aux trousses des commissaires
fourbes, ignorans et avides sans doute de pêcher dans le bas-
sin dont ils se sont chargés de troubler l'eau. J'ai crû qu'il
falloit d'abord déllendre la compagnie avant de me défTendre
moi même, j'ai cru, pour la conservation des principes, devoir
me refuser à des comptes qu'on me demande, à datter dès
l'origine de la compagnie, parce que chaque année les comptes
ont été rendus et approuvés. Mais je prévois que pour ma
!. Prisou-modéle proposée par Jeremy Bentham dans son ouvrage Panoplicon,
or The Inspection-House. (Dublin, 1791.)
2. Clavière avait été renvoyé du ministore, avec Roland et Servan, le i3 juin
1792. Il fut remplacé par Beaulicu, et revint au pouvoir le 10 août.
3. Nous ne savons de quelle compagnie il s'agit.
I^ REVUE HISTOniQUE DE LA RÉVOLUTION FIIANÇALSE ET DE l'eMMRE
propre satisfaction, et vu le genre d'inculpation qu'on a osé
répandre contre moi, je serai obligé de céder aux demandes
de la méchanceté la plus caractérisée. Vendredy dernier' il y
a eu une assemblée générale où j'avois la majorité; mais la
minorité fit un tel tapage et de si fausses démarches pour tout
embrouiller que je fus forcé à dix heures et demi du soir de
lever la séance sans qu'il fut possible de rien mettre aux voix.
Ah, s'il en eut été de la compagnie comme d'un habit, je le leur
eusse abandonné, trop heureux d'aller me mettre au pain et à
l'eau ; mais c'est la maudite chemise de Nessus s'il faut la
poser tout à coup. Je suis forcé malgré moi de rester à la tète
des affaires jusques à ce que j'aye pu repousser toutes les
infamies dont on me charge.
Voila, mon cher ami, dans quelle situation j"ai reçu votre
lettre ; c'est à dire au milieu d'un suplice dont un nouvel
accès doit commencer Vendredi prochain. Je comptais cepen-
dant passer la journée de hier à vous répondre, mais une
cruelle migraine, dont je suis encore tout ébranlé, m'a forcé
de garder le lit. Je l'ai gagnée et par le travail, l'agitation, et
une promenade de douze heures sans interruption que j'ai
faite le Samedi par une extrême chaleur et le soleil sur la tête.
Invité par la Commune de Paris, dont je suis resté membre, à
me rendre avec elle et les officiers municipaux, mes anciens
collègues, à la Fédération, j'ai depuis sept heures du matin
jus[qu']à sept heures du soir [assisté àl un spectacle qu'il
seroit difficile de vous peindre. Petion avoit été réintégré, et
réintégré avec justice". Ce n'est pas trop dire que d'affirmer
que les 4/5"° des habitans de Paris sont venus le voir passer.
Prenez le plan de Paris, suivez la ligne depuis la grève à la
bastille, de la bastille à la porte St-Denis par le boulevard, et
de là au champ de Mars ]>ar les rues St-Denis et St-Honoré,
place Louis XV, jus([ues au champ de Mars par l'inti-rieur du
1. i5 jiiillol 179a.
:!. Pi'tion de Villeneuve, élu maire de Paris le i4 novembre 1791, avait Hé sus-
pendu de ses fondions, le 6 juillet 171)3, par l'administration du département de
Paris. Le roi approuva celle décision le 12 juillet. Le lendemain la Législative leva
cette suspension.
TROIS LETTRES INEDITES DE CLAVIEHE A ETIENNE DUMONT l5
Faux bourg St-Germain, et représentez-vous tout cela plein
de spectateurs sans interruption depuis les deux bords de la
rue jusques sur les toits; represenlez-vous toutes les fenêtres,
balcons, avant toits, en un mot : tout ce qui pouvoit suporter
la charge d'un homme, garni d'hommes, de femmes, d'enfans
les uns sur les autres, représentez-vous le champ de Mars
plein comme doit l'être la vallée de Josaphat, et vous jugerez
si en elfet les quatre cinquièmes de Paris n'étoient pas specta-
teurs du cortège. Un cri continuel de Vive Petion ! n'a pas
abandonné un instant les oreilles de la municipalité suivant
son maire, et ce cri, j'ai remarqué bien peu de monde qui ne
le poussât en battant des mains, en donnant les marques de la
plus vive allégresse. Je ne crois pas qu'il y ait d'exemple d'un
témoignage d'attention aussi éclatant et aussi gênerai ; j'eusse
voulu qu'on y eut pas joint des injures contre le département
et contre La Fayette ; mais cela supose une habitude de
reflexion et de calcul dont bien peu de gens sont capables.
Le fait est que tout étoit en faveur de Péthion, qu'il a sauvé
Paris ou d'un horrible carnage, ou de la guerre civile. Le fait
est que les dangers extérieurs qui menacent la France et
l'agravent chaque jour ne paroissent rien à la l'action atroce et
méprisable dont Lafayette est le coriphée. Voila ce que vous
autres Anglais vous ne voyez point, et voila comment perdant
le fd des conséquences, à mesure que la cause première semble
s'éloigner, vous abandonnez les opinions saines, les jugemens
réfléchis et que ceux qui sont fait pour conserver à l'opinion
publique son poids en faveur de l'humanité et de la liberté la
laissent s'altérer par de misérables incidens, que la nature des
choses rend inévitables.
Ceci, mon cher Dumont, me ramené à votre lettre, à laquelle
je voudrois bien avoir le tems de répondre. Je ne le puis. Le
peu de mots devoit partir Lundy dernier, et ne partira que
demain, et vous ne l'auriez pas du tout, si j'entreprenois de
répondre à votre lettre.
Je ne suis pas moins en peine que vous de notre sort, mais
j'espère beaucoup dans les difficultés sans cesse renaissantes
l6 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇ^ALSE ET DE l'eMPIRE
qu'éprouveront nos ennemis de tout genre. Cette nation cy a
un fond inépuisable de sensibilité : elle se reveille aussi
fréquemment qu'elle s'endort; je ne crois point à la létargie.
Ainsi mesurez des veux notre sol, pensez à notre population
et ne désespérez pas. Votre lettre renferme des choses vraies,
mais quoique vous ne fassiez que narrer ce qu'on pense, je
vois de votre part un certain aquiescement aux jugemens
dont vous m'instruisez, qui me fait peine et craindre que mon
ami Dumont, fait pour élever ses méditations et ses jugemens
au dessus du mouvement des opinions vulgaires, ne soit des-
cendu dans la foule et ne se lasse de soutenir une révolution
dont on n'a pas — heureusement sans doute — calculé les
difficultés. Songez donc, mon ami, que nous jouons comme
des hommes pris à l'improviste et que sur cent individus de
ceux qui élèvent la voix, il n'y en a pas deux peut-être qui ne
soient corrompus ou par le cœur, ou par l'esprit, ou par les
habitudes...
Je tacherai de vous écrire sur votre lettre avec plus de suite.
Mais je gémis sur de l'inaction de votre cabinet. 11 est fou s'il
veut laisser perdre la France; il est bête si, argumeutant de
l'instabilité des évenemens, il suspend une alliance qui tout
d'un coup deviendroit le balancier, le régulateur des mouve-
mens qui vous affligent. Rien de plus peuple — puis qu'enfin
il faut que cette expression serve encore à peindre la mesqui-
nerie des combinaisons politiques — rien de plus peuple que
vos politiques favorables à l'alliance, s'il attendent pour la
faire le succès de toutes les chances qui peuvent la rendre
impossible. Certes, ils seront bien avancés quand en restant
derrière le rideau, le champ de bataille restera aux tyrans, à
la politique imbecille et corrompue qui jusqu'ici dispose de
l'Europe et la trouble sans cesse ! Fi — et j'en ai honte pour
ceux de mes amis qui sur cela m'ont écrit tant de balivernes.
Je vous dis que l'.Vngleterre, c'est-à-dire l'alliance entre la
France et l'Angleterre est le moyen qui fera prendre à toutes
choses la disposition à l'ordre, qui — ramenant le courage el
l'espoir des honnêtes gens, et intimidant nos ennemis — en
TROIS LETTRES INÉDITES DE CLAVIÈUE A ETIENNE DUJIONT I7
fera dès ce moment disparaître un grand nombre. C'est l'évé-
nement dont nous avons besoin, c'est — je ne puis pas mieux
peindre mon idée — le balancier de la montre ; elle ne prend
des mouvemens rérjuliers que lorsqu'il est aposé^ D'ailleurs
on donne trop d'importance aux bruyants incidens qui agitent
la Capitale. La Nation veut être libre : voilà un fait, et jusqu'à
ce moment, si nous jugeons par les résultats, rien ne porte
l'empreinte du desastre. Sûreté par tout, activité par tout,
prospérité par tout, voilà pourtant ce que présente la France
à celui qui sauroit taire abstraction de l'Assemblée nationale,
du Roi, des factions et des armées. Je vois bien ce qu'on peut
répondre. Mais aussi je dis aux Anglois : alliez-vous inces-
samment avec nous, et la cause du genre humain ne court
plus de risques,
On dit que je dois être rapellé au Ministère. La proposition
officielle ne m'en a pas encore été faite. J'ignore le parti que
je prendrai, et c'est pour qu'il soit sage en tout point, et que
les motifs en soyent bien exprimés que je vous voudrois ici.
Je ne rentrerai certainement qu'avec mes collègues, et ce n'est
pas ce qu'il y a de plus rejouissant. Roland, le plus triste per-
sonnage pour les circonstances, est devenu un homme impor-
tant, et je ne puis comptei- que sur sa vanité et sur les pédan-
teries politiques de sa femme. Je ne veux pas non plus être de
service avec La Fayette. Je ne puis vous dire à quel point cet
homme est digne de mépris et combien son imperturbable
vanité, et son manque absolu de talens, si ce n'est pour l'in-
trigue, le rendent dangereux. Enfin je ne suis pas aimé dans
l'Assemblée. C'est mon tort de n'avoir que peu d'amis. Jugez
de là des chances de ma rentrée au ministère.
[La fiu de cette lettre — si fin il y avait — est perdue.]
I. Clavière est bien Genevois.
A L4 VEILLE DES PAUUES VÉRONilSES
(Juillet-Août 1796)
La fondation Querini Stampalia, à Venise, doit au rôle diploma-
tique que le patricien Querini joua en France pendant les premières
années de la Révolution et à l'intérêt qu'il ne cessa pas de porter
aux affaires de France, de posséder divers documents utiles pour
l'histoire de cetle période et assez peu connus. A titre d'exemple
je signalerai ici le manuscrit 534 de la classe IV, intitulé Politica
veneta rispetto alla rivolazione francese. Mixcellanea. Ce volume
de mélanges contient des sommaires de dépêches des mmistres
vénitiens résidant près les cours étrangères après la Révolution de
France (1791-1794). des pièces relatives au congé officiel donné au
marquis do Bonibelles et à la reconnaissance du chargé d'affaires
de la République (1791), des réflexions {consiilii) sur les affaires de
la Révolution française et leurs conséquences pour l'Italie, des notes
secrètes sur la résidence du comte de Provence a Vérone sous le
nom de comte de Lille, des notes {species facti) et mémoires du
chargé d'affaires de France au sujet de l'expulsion des Français
républicains hors du territoire de Venise, des notes (sp>'aes factf)
sur les armées françaises dans l'État vénitien, enfin des mélanges
sur l'état des affaires après la Révolution. Ces diverses rubriques
sont riches en renseignements de provenance quasi officielle, déri-
vant tous des bureaux du ministère vénitien toujours bien informé
par ses agents publics ou secrets et par le service de l'intercept qu.
fonctionnait alors avec une activité plus grande que jamais.
Ces notes sur les actes des Français en Vénétie sont intéressantes ;
elles apportent des précisions sur une période confuse de la guerre
entre la Sérénissime et Bonaparte, ce second semestre de 1796 ou
le Sénat vénitien hésite pitoyablement entre l'alliance loyale et la
rupture ouverte, se montre tout k fiiit incapable de se décider, faute
A LA VEILLE DES PAQUES YÉRONAISES ig
de courage civique et d'intelligence chez les gouvernants; période
qui commence avec l'occupation consentie de Vérone et qui aboutit
aux pâques véronaises (2 juin 1796-17 avril 1797). L'armée fran-
çaise occupe non seulement Vérone, mais la plus grande partie du
territoire \énitien. Les nouvelles recueillies par le Gouvernement
vénitien pour ses ambassadeurs montrent dans le plus grand détail,
presque quotidien, les mouvements et les actes des troupes fran-
çaises ; on a noté sans aucune bienveillance assurément tous les
menus abus de pouvoir, les exactions, les violences, suites plus ou
moins obligées et naturelles de l'état de guerre, que la politique
indécise et les arrière-pensées perfides du Sénat rendaient peut-être
nécessaires, mais qui devaient exaspérer la population surtout
rurale et qui expliquent, autant que la lâcheté des patriciens véni-
tiens, ce furieux et barbare réveil du sentiment patriotique que
furent les pàques véronaises. Quelques exemples suffiront ci-dessous
à montrer ce que sont ces sommaires et quel en est l'intérêt. Il faut
remarquer qu'ils n'étaient pas envoyés identiques à toutes les cours;
leur contenu diffère suivant leur destination. Il y a là un souci de
ne dire qu'une partie de la vérité qui est évidemment d'origine
diplomatique.
Léon-G. Pélissier.
Speciesfacti. Aile corti. 16 luglio.
Li Francesi occuparono in gran numéro la fortezza di Le-
çjnago e la fortificarono aspostandone artiglieria e munizioni
con minaccia di usare la forza se quel N. H. Prov. avesse insis-
tilo nella opposizione.
Munirono in seguito con truppe tutti i passi dell' Adige da
Legnago fine alla badia facendo passare alF opposta riva tutle
le barche e molini e contrapponendo le più vive minaccia aile
rappresentazioni che loro venivano faite in contrario. Final-
mente il générale Bonaparte s'impossessô di tulta l'artiglieria
esistente in V^erona per armarne li rampari délia città e fatti
occupare dalle sue truppe primo il castello di San Felice poi
anche il Castelvecchio esiggette cor medesimi modi risoluti le
chiavi di tutte le munizioni e depositi pubblici, niente curando
20 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANI,;AJ.SE ET DE L EMPIRE
le più série e forti rimoslrarize dal prov. générale rcplicata-
menle avanzale in voce e in iscritto in questo e in tutti cjli altri
simili incùiitri.
Continuazione Species facti . Roma, 26 ajosfo.
Persistendo i Francesi ne! loro sistema di violenza e nel
negligere ogni riguardo di neutralità ed ospitalità non ebbe
riguardo il générale Augereau di soslenere in ojiposizione aile
rimostranze fatlegli dal comandante veneto in Yerona sull'
asporto délie lettere dirette adAustriaci dall' uffizio postale di
Verona, che le ragionf délia guerra lo ponevano in nécessita
di penetrar per ogni modo i progetti del nemico e toglievano
ogni ragione ai Veneti di lagnarsi, non chè ogni motivo di sor-
presa, se eguali niisure prendesse anche in seguito, rilevando
che vene esistessero délie allre dirette ad iifficiali austriaci.
Al quai proposito riesce poi ancora più riflessibile il sistema
adottato dai Francesi in Milano dove si sa che' aprono tutte le
publiche e private lettere andanti e venienti dallo Stato veneto,
e per ovunque dirette e si giunse persino a trar copia di alcuni
pieghi e spedirla al générale Bonaparte.
Tollo inseguito pretesto dall' uccisioned'unsoldato francese
e ferila di un altro succedute in tempo di notte per opéra di
persona incognita e che per qualche indizio potrebbe forse
esser anche Francese, giunse il générale Augereau a minacciar
di rinnovar in Verona i terribili esempi dati in qualche altro
luogo d'Italia, se dentro 24 ore non fossero scoperti e castigali
li rei.
C.ontiuuano gia le Inippe francesi ad esiggere somminis-
trazioni di viveri e foraggi in ogni luogo dove accampano per
moite délie quali non è stato neppure possibile di ritrarne le
corrispoiidenti ricevute c giunsero fm anche avolere con modi
risoluti e violent! che t'ossero loro concessi sotto titolo di pres-
lanza ottocenlo (juintali di biscotto chi esisleva nei pubblici
dcposili di Verona pcl pro^•vedim(>nto délia veiieta guarni-
gionc.
Sorpassando il générale Buonaparte ogni riguardo al do-
A LA VEILLE DES PAQUES VEUONAISES 21
minio di priacipe amico e neulrale diede ordine che fosse demo-
lita la Rocca d'Anfo di vcneta apparteiieiiza, adducendo in
risposta al prov. cstraor'" che gliene fece vive rimostranze che
([uesto cra di assoluta nécessita aile sue viste e restringen-
dossi a promcttere di far trasportar in Brescia li cannoni
veneti che vi si ritrovassero.
Le violenze e l'indisciplina poi de soldati francesi giunse
(iao (anche dopo averconimesso mollissimi saccheggi neiterri-
tori di Esle e Montagnana) ad infierire contro un povero vil-
lico che cercava di soUrare la propria nioglie dalla loro licenza
anipulando al medesimo un braccio con un colpo di sciabla,
alla quai vista l'infelice feminina avanzata nella gravidanza fini'
di vivcre.
Continuazione Species facti a tntte le corti, eccetlo Vienna,
Parigi e Romii. 2^ agosto ijg6'.
Si aggiunge a tullo ciô che li soldati francesi disperdono le
carrette che servono alli trasporli délie loro provvigioni e ne
maltrattano continuamente li condutlori e che vennero dalli
medesimi per le maggior parte alTondate e disperse le barche
di per cantina inservienti ai trasporti lluviali.
A Desenzano poi li soldati francesi colla sciabla alla mano
e coi cannoni puntati contro la case, saccheggiarono ([uell' abi-
tato ed aprirouo anche la pubblica dogana asportandone vari
generi. Simili cd anche più gravi eccessi si ripeterono lungo lï
monti Lesini da ambedue i lati nei contorni di Caprino sulle
rive deir Adige, a Lubiana, Ceredelo, Albare di Bardesana, e
fin presso le porte délia città di Verona, spogliando i poveri
villici de' loro averi e non rispettando neppure le chiese ed in
alcuni luoghi la licenza ed indisciplina délie truppe giunse a
tal segno che 3oo famiglie spogliate de' loro averi saccheggiate
in ogni lor proprietà e perduti perfino alcuni de' loro individui,
sono costrette ad andar esuli raniinghe c nude per le più scos-
I. Ce sommaire répète d'abord le j 3 du pn-cédenl: Contlnuano gia le truppe
/rancesi, etc.
22 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
cese montagne per salvar una vila che non sanno più comme
alinientare K
Aile rimostranze che vengono fatte dai veneti comandanti ai
generali francesi si risponde con délie generali promesse di
voler mantenere la disciplina délie Iruppe e con proteste d'ami-
cizia per la Republica ma non corrispondono quasi mai gli
effetti a tali assicurazioni, come awenne nella villa di Nasar dis-
tante solo 4 miglia da Verona ove sulli vivi reclami avanzati
per la violenza d'un corpo di truppe francesi che saccheggia-
vano quella terra con taie furore che un vecchio capo di fami-
glia si vide costretto a geltarsi dalla fiiiestra, si spedi dal gé-
nérale francese un dislaccaniento di cavalleria per arrestare li
rei, ma non si vide poi ne castigo ne risarcimento di alcuno.
Nel loro ritorno poscia a Verona ricomparsi in tempo di
notte e trovala la porta di San Zeno occupata ancora dagli Aus-
Iriaci essi nulla curando l'aiigustiosa situazione di Veneti ne
volendo ascoltare il governator délia piazza che anche durante
la mischia si era porfato per parlamentare col loro coman-
dante, senza frapporre il niinimo ritardo fracassarono a colpi
di canone la porta stessa e successivamente disposle nume-
rose guardie aile altre porte délia città e forte presidio nelli
due castri San P"elice e San Pietro, accanipai'ono un grosso dis-
taccamento di truppe con bandiera innalzata nella piazza stessa
délia città, inutili riuscendo le più ferme proteste opposte dai
veneti comandanti.
Non contenti in seguito del Lazzaretto che prima avea loni
servito per raccogliere gli ammalali fù forza sulla ricerca del
générale Augereau concedere a taie uso il convento di Santa
Eufemia, facendone sloggiare quei religiosi con grandissima
inquietudinc degli abitanti e solo con lungo e difficile maneg-
gio si riusci a preservare la chiesa parrochiale ai consueti eser-
cizi di religione.
Nel loro soggiorno nelli castelli spezzarono vari letti dell
artiglieria ivi csistenti. Intorno a Peschiera tagliano gli alberi
.:. Ici est répète sauf variantes sans importance le § 5 du sommaire précédent.
A LA VEILLE DES PAQUES VKRONAISES 23
e devastiiiio le campagne, dltre il tiru dei cannoni del piii
grosso calibro.
Ricercarono fiiialmente di nuovo al governator délia piazza
di Verona che ordinasse ai custodi dei bastioni ed a quelli dei
différent i inagazzini situali nei torioni dei aprirli perché esso
potesse coniaiidare l'artiglieria délia piazza e farla armare com'
era prima della loro partenza da quella città, ma finora si potè
col rifiiito di dar alcuno ordiiie e colle più rigorose proteste
allontanare l'esecuzione di un tal progetto '.
Violano essi perfine ogni più sacro riguardo di neutralità e
di ospitalità poiche un capitano francese levô a forza dali'
uffizio postale di Verona due leltere dirette l'una al maresciallo
Wurmser, l'altra ad altro générale anstriaco né ebbe riguardo
il générale Augeieau di sostenere in opposizione aile rimos-
tranze che gliene vennero faite, che la nécessita in cui lo po-
nevano le ragioni della guerra di penetrar in ogni modo i pro-
getti de! nemico, toglieva ogni motivo di sorprcsa se eguali
niisure prendesse anche in seguito rilevando la esistenza di
nuove lettere ad ufficiali austriaci -.
Non diverso è il procedere del générale Buonaparte in Bres-
cia ove oltre il richiedere secundo il solito sussistenze per le
sue truppe occupô et fortiiicô il castello disponendo a suc
piacere dell' artiglieria in esso esistente e dove non contente
degli ospitali apparecchiati per quattro milia ammalati, mandô
senza alcun preventivo avviso ad occupare con guardie sei
conventi coll' intenzione di collocarvi altri 2.000 ammalati circa
ed intimando nello stesso tempo alli rappresentanti di quella
città di dover fornire denlro la giornata l'esorbitante numéro
di 6.000 camicie, 3. 000 aunes di tela, moltissima acquavita,
aceto, limoni, vino e fino anche zucchero con la minaccia se
non si eseguisse il suc ordine, di tassare la città stessa in tre
milioni e prendersi colla forza cio che non gli venisse sommi-v
nistrato. Si potè sul momento conciliare in qualche modo
I. Ici est répété le § 2 du sommaire précédent.
a. Ici est répété le § 2 de la lettre du a5 août.
24 REVUE HISTORIQUE DE LX RÉVOLUTIOX FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
l'afTare coll' approntare Ire di questiconventi e persuader esso
(jenerale a niandar due mila di questi aminalati a Cremona.
Anche daqli Austriaci selibene con modi più moderati
furono violati in molli incoiitri i riguardi dovuti alla neutraiilà
della republica e comniessi non piccoli eccessi.
Comparse di fatto le Iruppe imperiali a Bassano osservarono
la più lodevole disciplina e pagarono a denaro contante le sus-
sistenze ma avanzatesi poscia nel tcrritorio vicentino e discese
nella provincia veronese in maggior numéro i loro comandanti
ricercarono copiosi approvvigiamenti per l'armata impegnan-
dosi di corrispondere iii denaro soltanto le mercedi per le con-
dotte de' carriagi, limitandosi al rilascio di semplici ricevute
per gli altri generi ed acconipagnando una taie ricerca con
qualche signiQcazione di minaccia se per parte dei Veneti non
si avesse aderito prontamente.
Penelrato in Brescia improvvisamente grosso corpo délie loro
trappe attaccarono con le armi alla inano li poclii Francesi
ivi allora esistenti uccidendone alcuni e lacendo prigioni gb'
altri con che posero a sommo rischio la Iranquillità e sicu-
rezza di quegli abitanti. Enella loro retirata poî dopo la batta-
glia di ^ aleggio introdoltisi a iorza nella città di Verona
dietro la minaccia di atterrarne le porte se si avesse dilazio-
nato di pochissiino (einpo ad aprirle le occuparono con nume-
rose guardie.
Sopraggiunti in segnito li Francesi la notte degli 8 a quella
di San Zeno la inopporluna loro resistenza mostrando di voler
sostenere in quel posto, attirô le vie di fatto per parte dei
Francesi che l'atterrarono a colpi di cannone eccitando la
maggior inquietudine ed esponendo a non lieve pericolo quella
innocente e numerosa popolazione.
iVon si asiennero neppure li soldati austriaci dalle violenze
ed eccessi poichc fù da essi porto a sacco tutto il paese di Vil-
lanuova e moite abitazioni di Sali, uccisi cinque di quoi miseri
abitanti spoglialo di denaro e di altri effetti il co. Bettoni
derubbata la casa dcl vicario e spczzali li restelli dei palazzo
della pubbliia Rappuza. Anche nella villa di Fonlauiva terri-
A LA VEILLE DES PAQUES VÉRONAISES 25
torio vicentino iina Iruppa d'iilani comise alcuiii eccessi nella
casa d'un povero villico.
Al Castello Veneto délia Scala vicino al confine veneto, ove
s'attrova accampato (jrosso numéro di Iruppe austriaclie guas-
larono (jeueralmente li fieni, tagliarono albori vili e sorghi
non ancora maturi e divagando per quelle case, terre e sulle
strade, rubbarono e sacclieggiarouô per ogni dove persino la
casa stessa del capitanio di quel castello. Spinte in seguito
dclle divisioni délie loro truppe a Bassano, Treviso cd in qual-
che altro luogo dello Stato veneto continuarono a ricercar prov-
vigioni di pane aveno e fieno mediante il solo rilascio délie
corrispondenti rice\ute.
Oltre a ciô una divisione délie loro truppe di 900 teste circa
tra cavaleri e fanlarie che da Bassano s'incamminô verso la
Ponteba non contenta di esigger le sudette somministrazioni
in Conegliano per cinque giorni quantunc[ue non vi si fermas-
sero che tre, tentô di avère una somininistrazione in denaro,
prima di mille fiorini, poi di 5oo, adducendo il comandante il
pretesto di dover con ([uesti somministrar le paghe ai suoi sol-
dati ricerca che lu poi ripeluta anclie alla persona destinata
dal governo ad invigilare perché potessero dette truppe nei
luoghi del loro viaggio ritrovare le necessarie sussistenze, dalla
quai demanda se si potè dalla suaccennata persona sottrarsi,
non si potè perô ricusare di accordar una vettura al coman-
dante che precedeva questa truppa, col solo rilascio di una
ricevuta da soddisfarsi a tempo e luogo e finalmente tanto
insisté il générale di divisione che conduceva la truppa aus-
triaca presso il capitano giurisdicente di Yenzone che lo per-
suase ad accordargli una prestanza in via perô tulta privata di
600 fiorini.
Contùmazione species farti a Vienna. — 1796. 2j agosto.
Continuando nello Stato veneto la stazione de qualche parte
délie truppe austriaclie non cessano per parte loro gl' incom-
modi e danni aile suddite popolazioni.
Indocile questa truppa va minacciando di tagliar gli alberi
26 REVUE HISTORIQUE DE L\ RÉVOLUTION FRANÇAISE ET UE l'eMPIRE
délie campagne e di commettere altri eccessi se cjli si ritarda la
somministrazione deila legna o di qualche altro dei generi
ricercati.
Species facti. Cirmlnre eccetto Parigi, Roma e Vienne,
ij se//. 1 jgO.
La inarcia délie tnippe fraiiresi dal Tirolo per Bassano,
Padova e Vicenza a Legnago fù una continuata série di vio-
lenze ed eccessi a carico de' sudditi Veneti.
Incamminalcsi verso il veneto Stato pel canal di Brenta,
ollre ad aver spogliato di tutto il veneto uffiziale stanzionante
alla Scala, minacciando anche di ucciderlo se si opponeva al
saccheggio délie proprie sostanze desolarono esse talinenle
colle rubbene e saccheggi li comuni di Primolano, Cismono,
S. Nazaro, Solagna, Pore, Valstagna, Oliero, Campolongo,
Campese e lutte le altre ville di quei distrelti clie ridotti quei
miseri villici alla disperazlone dopo aver veduto aggredirsi le
abitazioni, derubarsi gli elTetti e le sete clie si lavoravanonegli
edifizi, spogliare le chiese de' vasi sacri ed arredi ecclesiastici
e le loro famiglie de' generi di prima nécessita furono costretli
a nascondersi colle mogli e co' figii nei dirupi de' prossimi
moiiti per salvare almeno la vita.
Giunte a Bassano quantunque si cola tratfato il générale
Buonaparte con tali dimostrazioni di amicizia e biiona corris-
pondenza clie lo obbligarono a dictuarare in iscritto de non
aver in nessun' altra città dello Stato veneto ritrovato tanta
ospilalità e gentilezza furono gli stessi osti ed ogni altro
génère di vcnditori e bottegai, costretli a tener chiuse le loro
botleghe per sottrarsi dallo svaleggio giaccliè niun publico
o privalo inczzo valse a contenerle in moderazionc e convenne
flno anche sospendere le sacre funzioni nclle chicsc per collo-
carvi i loro periti, poichè non vollero adattarsi ad alcun altro
ripiego ne perinettere che fossero trasportati in altro sito.
Divisa ivi l'armata una parte marciô sopra Padova, devas-
tando e saccheggiando quasi lutte le case che esistono lungo
qucUa strada.
A LA VEILLE DES PAQUES VERONAISES 27
Pervenute in qiiella città, il générale Augereau che coman-
dava questo corpo irritato perche alla prima comparsa de' suoi
picchetti non ancora ben conosciuti si fossero chiuse le porte
ne fece délie vivissime rimostranze al rappresentante, aggiun-
gendo ciie riconosceva questo come un ullimo segno dalla
cattiva disposizione del veneto Governo versa la Republica
francese e che se avesse avuto seco li cannoni avrebbe rinnovalo
r esempio dato in Verona.
Mentre poi fino nei sobborghi vicini alla città si continua-
vano da" suoi soldati le rapine e violenze e che nella città stessa
fu necessario di chiudere frettolosamente la porta délia chiesa
di San Clémente per impedirne la profanazione gia minacciata
da un corpo di Francesi voile esso générale che venisse inti-
mato ai sudditi di consegnare tutti i eavali armi viveri ed
equipaggi che fossero stati rubbali, acquistati o in qualunque
altro modo ricevuti dagli Austriaci appoggiando la domanda
coU'alternativa di far la visita militare nelle case degli abi-
tanti e mostrando di fare somma grazia nel desistere dallo
preteso che il rappresentante dovesse indicargli gli effetti
e magazzini austriaci che cssistessero in Padova e lungi dal
far restituire gli effetti derubati ai sudditi come avea promesso
tolerô anzi che fossero questi publicamente venduti da' suoi
soldati.
Ne différente per quanto finora si è potuto rilevare fù il
contegno di délia truppa pel rimanente délia strada fino a
Montagnana dove anzi dojio aver la sera venduti gli effetti
tolti a piccolo corpo di Austriaci fatti prigionieri la mattina
susseguente si esiggé che fossero obbligati 11 compratori a
restituire ail' armata li cavalli che aveaiio comprati. Egualmente
r altra parte di detta armata che marcio per Vicenza segui-
tando il medesimo sistema, desolô li villaggi di Angarano
Nove, Longa, ed altri conterminanti, con taie furore che fino a
Morostica intendevansi le grido de' sventurati abitanti spogliati
d' ogni lor sostanza e délie donne a cui si strappavano dalle
orecchie e dal collo gli ornamenti de qualche valore non meno
che le continue archibugiate contro queglino che ne facevano
28 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTIOX FRANÇAISE ET DE lV.MPIRE
qimlche riseiiliinento o teiUavaiio di salvar le loro moijlL e
fi(jlie dalla iiiilitare licenza.
In Altavilla giunsero ijli eccessi a lai segiio che i"u necessario
molta destrezza per Iranquillizare que" villici che già si erano
tumultuarianiente raccolti per provs'edersi di arnil benche
vedessero certo il loro totale esterminio.
Anche in Vicenza Irattanto il générale Biionaparte minac-
ciava di far eseguire délie visite militari per riconoscere ed
impadronirsi de' magazzini austriaci che siipponevaesistervi e
fu gran fortuna di riuscire a persuaderlo che non avendovi
fatto l'arniata impériale che un semplice passaggio non poteva
avervi magazzini. E in ([uei conturni pure la licenza mililare
giunse a tal punto che sorpresi alcuni soldati Francesi da
veneta militar pattuglia mentre depredavano un misero tugurio
de villici ardirono di fargli fuoco contro. Eccesso questo che fù
riconosciulo dallo stesso aiutante del générale Massena, il quale
pregô che si ritenessero in carcere tre dei medesimi soldati
che riusci alla pattuglia di arrestare proniettendo di portare
egli stesso il rapporto al suo générale.
Dispersesi poscia alcune partite di Francesi dopo superati
gli Austriaci in Tirolo per li prossimi veneti territori di Asolo
e Feltre vi derubarono gli abitanti di cavalli orologi ed altri
elTetti preziosi ed in «[uello di Feltre spezialmente chiunque
si abbattè suUa strada da loro percorsa fù derubato e sp<igliato
sotto il pretesto che tutto fosse di appartenenza austriaca dalla
quai disgrazia non poterono neppure sotlrarsi alcuni viaggiatori
passati per la villa di Arsié, dove tratlenutisi îi Francesi entra-
rono fino nelle case spogliando le donne di loro ornamenli di
qualche prezzo ed altri o di denaro o di elfetti o di coinestibili
e penelrali ne ao circa nelia citlù stessa de Feltre, dopo aver '
bevuto e mangiato senza pagare alcuno, vi comiuisero varie
violenze e rapine lasciandovi anche morlalnienle ferito un
povero villico.
Nel ritorno poi cadendo nella prossima giornata una fiera
nella villa di Fonsaro, spogliarono tulte quelliche inooutrarono
degli elTetli deiiaii e merci che Irasportavano.
A LA VEILLE DES PAyiJE.S YKRONAISES 2(»
Eguale dappcrtiitto l'aibitraria condolta dci Francesi, offen-
dcnle le piii sacri doveri di sovraiiita e dominio territoriale in
Orzinuovi un ufficiale francese ricercô al prov. veneto de far
arniare quella fortezza coll' artiglieria ivi esistente e poi di
lasciar()li Irasportare la sudelta artiglieria a fortificazione del
vicino canipo francese in Snneino e sul giusto de lui rifiuto a
lali ricerche se ne parti niinacciando di ritornar in brève con
forza bastante a superare la di lui raredenza.
Il castello di Ponterrio fi'i occupato da loo fanli e 4o canno-
nieri che vi cominciarono eziandio alc^ini lavori nelle fortifica-
zioni ed occupala la fortezza di Legnago a fronte délie più vive
riniostranze di quel prov° s'impossessarono dell artiglieria lutta
e munizioni ivi esislenti. Finalmenle nella città stessa di Brescia
avendo li Francesi rilevato esistere in quella dogana molti colli
continenti la spezieria austriaca il gen. Soret spedi un uffiziale
con scorla militare a farne l'aporto allegando aile rappresenta-
zioni fattegli di voler usar represaglia per gli effetti tolti dagli
Austriaci ai F'rancesi nella sorpresa fatta in quella med™^ città.
Non meno pesante riusci la marcia de queste truppe ai
Veneti sudditi perle somniinislrazioni copiossissime che dovet-
tero fare aile med""-" poiche a Bassaïui si esigge che fosse
approntalo nello spazio d'un giorno il bisogno di vino pane bovi
fieno acquavite ed avena per tulta l'arniata, ed istantaneamente
poi 20 carri e i4o bovi da attiraglio per trasportar il bottino
preso sui loro nemici.
Quasi più grave perô ancora riusci a quella città e lerri-
torio la nécessita di dover far trasportar verso Legnago i baga-
gli e le prede che l'armala francese avea lasciate addietro
nella sua marcia poiche occorrendo a laie oggetlo 5oo paie di
bovi dopo aver impiegalo tutti li propri fù costretta a ricorrere
aili contermini terrilori di Marostica, Asolo, ciltadella e Castel-
franco e menlre almeno si sperava che dielro li concerti presi
il peso non dovesse giungere che a Vicenza furono quel miuseri
villici costretli a progredire fino sul N'eronese dove giunti in
vicinanza al fatto d'armi cola seguito, 35 carri dovettero abban-
donarsi da' loro conduttori per salvare la vita.
3o REVl'E HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
A Padova nella brève loro dimora di circa 24 ore dopo aver
oUenuta la matlina l'occorrente provigione par quel corpo di
12 m. uomini che vi era accampato repcterono più tardi la
somministrazione d' un' immensa quanlità di pane nello spazio
di due ore per cui oltre il lavoro estraordinario di tutti H
pistori convenue raccogliere anche lutto il pane de' monasteri
e conventi e finalmente la sera sul punto di partire ricercarono
pane viiio acquavita sacchi e carri per trasporto de' bagagli e
nel mentre che esiggevano dalla citlà 12 m. razioni di carne li
soldati cercavano di esitare(?) 20 bovi predati agli Austriaci.
Cola pure mancano moite délie boarie dovutesi raccogliere
anche da Este, Monselice e Montagnana per trasportare gli
efTetti dell' armata francese diretta verso Legnago o abban-
donate queste da' proprii conduttori pei sottrarsi aile violenze
de soldati francesi, o costretti con sommo loro danno e peri-
colo a progredire ancora il lor viaggio e continuano inces-
santemente poi dei passaggi dei piccoli corpi i quali pesano
colle loro violenze e col mantenimento che esiggon'o de vitto,
dalloggio e d' ogni altra cosa.
A Vicenza oltre la quasi instantanea ricerca de viveri fatta
per F armata per raccogliere li quali convenue al pub" rappre-
sentantc roininciando dai proprii prevalersi dei carrettoni e
cavalli di quasi tutte le nobili laniiglie délia città furono
anche ricercate 4 m- paie di scarpe alla quai domanda perô
non fu possibile d'intieramente supplirc.
Giunti cola poi i prigioneri e feriti austriaci che discende-
vano dal Tirolo e pel mantenimento dei quali dagli avvisi dei
generali francesi pareva che dovesse supplirsi in denaro, ricusô
l'ufliziale direttore di tare alcuii contamento col pretesto che
non era precisamente impiegata nellc carte de i suoi generali
la parola di denaro contante, fù di nécessita provedere per
loro trasporto 120 carri, disporre un alloggio a Montebello
per i l(Miti med' e cola poi raccogliere dalla città e coniuni
contermini un corrispondente numéro di cavalli, onde dare il
cambio alli bovi che non avrebbero potulo reggere al lungo
viaggio da Vicenza a ^'erona.
A LA V£ILLE DES PAQUES VÉRONAISES 3l
Aile Umtc di Este e Moiitarjuana finalmente oltre 1' aversi
dovuto provedere il corpo diretto dal gen. Augereau nel tempo
délia sua stazione in quelle terre fu commessa la giornaliera
susseg^ provista fino di lo/m razioiii di pane 6/m di carne e
sci botti di vino sino a nuove disposizioni dei generali fran-
cesi. Ne l'aggravio recato dall' arinata francese aile diverse
venete provintie sollevi quella di Verona dai pesi clie la deso-
laiio poiche la città di Verona è aggravata con sempre cres-
centi ricerche pei il mantenimento di 3/m persone che com-
pongono le varie amministrazioni di lutte le loro armate di
nioltissimi feriti che riempiono gli ospitali di S. Euffemia et
del Lazzaretto et di grandiose numéro di prigionieri austriaci
alFutellati nei conventi e guella parte di truppe che è restata
in el territorio continua dopo avère spogliato di tutto gli abi-
(anti dei villaggi ad esiggere le sussistenze.
TRADUCTION
Speciesjacti. Aux cours. i6 Juillet.
Les Français en grand nombre ont occupé la forteresse de
Legnago et l'ont fortifiée, v enlevant l'artillerie et les munitions,
menaçant d'employer la force si le provéditeur persistait dans son
opposition.
Ensuite ils ont muni de troupes tous les gués de l'Adige de
Legnago jusqu'à la Badia, faisant passer sur la rive opposée toutes
les barques et les bacs, et ripostant par les plus vives menaces aux
représentations contraires qui leur étaient faites. Finalement le
général Bonaparte s'est emparé de toute l'artillerie e.vistanl à Vérone,
pour armer les remparts de la ville et, après avoir fait occuper par
ses troupes d'abord le château de San Felice, puis le château vieux,
il a exigé, avec les mêmes manières résolues, les clefs de tous les
dépôts de munitions et dépôts publics, sans se soucier des remon-
trances les plus sérieuses et les plus fortes du provéditeur général,
présentées à deux reprises de vive voi.v et par écrit à cette occasion
et dans toutes les occasions analogues.
3 2 REVUE HISTORIQIE DE LA RÉVOLUTION FRA>-ÇAI.SE ET DE l'eJIPIRE
Continuation île la Spccies facti. Pour Home. 25 août.
Les Français persistent dans leur système de violence, dans un
manque absolu d'égards pour les Étals neutres et hospitaliers ; le
général Augereau n'a pas craint de soutenir, en opposition aux
remontrances que lui faisait le commandant vénitien de Vérone sur
la saisie des lettres adressées aux Autrichiens par l'office postal de
Vérone, que des raisons militaires lui faisaient une nécessité de
pénétrer par tous les moyens les projets de l'ennemi et étaient aux
Vénitiens toute raison de plaintes et tout motif d'étonnement si par
la suite il prenait des mesures analogues ; il fit remarquer qu'il y
avait eu d'autres lettres aussi adressées aux officiers autrichiens.
Encore plus digne d'attention est le système adopté par les Français
à Milan où, comme l'on sait, on ouvre toutes les lettres publiques
et particulières qui vont et viennent de l'Etal vénitien, quelle qu'en
soit la destination, et l'on en arrive à prendre copie de certains plis
et à envoyer ces copies au général Bonaparte.
Ensuite, sous prétexte du meurtre d'un soldat français et de la
blessure d'un autre, arrivés de nuit, par le fait d'une personne
inconnue (qui d'après certains indices pourrait être un Français),
le général .\ugereau en est venu à menacer de renouveler à Vérone
les terribles exemples donnés en certains autres lieux d'Italie, si
dans les vingt-quatre heures les coupables n'étaient pas découverts
et châtiés.
Les soldats français continuent à exiger des fournitures de vivres
et fourrages partout où ils campent; pour beaucoup d'entre elles
il n'a pas même été possible de se faire donner les reçus corres-
pondants ; ils en sont arrivés à vouloir, avec des manières impé-
rieuses et violentes, qu'on leur livrât à titre de prestation 8oo quin-
taux de biscuit existaut dans les dépôts [lublics de Vérone pour les
besoins de la garnison vénitienne.
Le général Bonaparte, sans aucun respect pour le domaine d'un
souverain am'i et neutre, a donné l'ordre de démolir la Rocca
d'Anfo, propriété de Vepise, répondant aux vives objections du pro-
véditeur extraordinaire que cela était d'absolue nécessité pour ses
vues et se bornant à promettre de faire ti'ansporter à Brescia les
canons vénitiens qu'on pourrait y trouver.
Les violences et l'indiscipline des soldats français sont arrivées à
tel point que, après avoir commis de très nombreux pillages dans
A LA VEILLE DES PAQUES VÉHONALSES 33
les territoires d'Esté ot tle Montagnana, ils se sont déchaînés contre
un pauvre paysan qui cherchait à soustraire sa propre femme à
leur licence et, d'un coup de sabre, lui ont coupé un bras; spectacle
qui tua la malheureuse femme, laquelle était dans un état de gros-
sesse avancée.
Continuation de la Speciesfacti à toutes les cours
(excepté Vienne, Paris et Rome). 2j août.
A tout cela on ajoute que les soldats français abîment les char-
rettes qui servent aux transports de leurs provisions et maltraitent
continuellement les conducteurs ; que pour la plupart sont coulées
et dispersées les barques de cantines servant aux transports flu-
viaux.
A Desenzano les soldats français, l'épée à la main et les canons
pointés contre les maisons, ont saccagé le pays et ont pénétré dans
la douane, faisant diverses déprédations. De semblables et plus
graves excès se répétèrent sur les deux versants des Monti Cesini, aux
environs de Caprino, sur les bords de l'Adige, à Lubiana. Ceredelo,
Albare di Bandesana, jusqu'aux portes de la ville de Vérone; on a
dépouillé de leur avoir de pauvres paysans; on n'a pas respecté les
églises : dans certains endroits la licence et l'indiscipline des
troupes sont allées si loin que 3oo familles, dépouillées de tous
leurs biens, voyant leurs propriétés saccagées, quelques-uns de
leurs membres perdus, ont été forcées de s'exiler, errantes et nues,
dans les plus rudes montagnes pour sauver une vie qu'elles ne
savent plus comment alimenter.
Aux observations que les commandants vénitiens font aux géné-
raux français on répond par des promesses vagues qu'on veillera
au maintien de la discipline des troupes, par des protestations
d'amitié pour la République ; mais presque jamais les effets ne
répondent h de telles assurances, comme il est arrivé dans la ville
de Nasar, a 4 milles seulement de Vérone, oh sur des vives
réclamations (motivées par la violence d'un corps de troupes fran-
çaises — qui saccageaient le pays avec tant de fureur qu'un vieux
chef de famille se vit réduit à se jeter de la fenêtre), le général
français envoya un détachement de cavalerie pour arrêter les cou-
pables, mais on n'a jamais vu leur punition, ni aucune réparation
de ces dommages.
REV. HIST, DE LA. KBVOL. 8
34 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
A leur retour à Vérone ils y carrivèrent de nuit et trouvèrent la
porte San Zeno encore occupée par les Autrichiens. Eux, sans se
soucier de la délicate situation des Vénitiens, ne voulurent pas
écouter le gouverneur de la place qui durant la mêlée était allé
avec leur propre commandant parlementer avec eux ; sans consentir
au moindre retard, ils fracassèrent, à coups de canon, la porte elle-
même, et ayant successivement placé de nombreuses gardes aux
autres portes de la ville et une forte garnison dans les deux forts
San Felice et San Pietro, un gros détachement campa, drapeaux
déployés, sur la place même de la cité ; et les plus fermes protestations
des commandants vénitiens furent inutiles.
Puis, ne se contentant plus du lazaret qui leur avait servi d'abord
pour recueillir les malades, on fut forcé, sur la requête du général
Augereau, de leur céder, pour cet usage, le couvent de Sainte-
Euphémie, en le faisant évacuer par les religieux, avec une très
grande inquiétude des habitants, et ce n'est que par une longue et
difficile négociation qu'on réussit à préserver l'église paroissiale
pour les exercices ordinaires de la religion. Dans leur séjour dans
les forts, ils détruisirent divers affûts d'artillerie. Près de Pes-
chiera, ils coupent les arbres et dévastent les campagnes, et font des
exercices de tir avec les canons de plus gros calibre.
Enfin, ils ont de nouveau demandé au gouverneur de la place
de Vérone d'ordonner aux gardiens des bastions et à ceux des divers
magasins situés dans les grosses tours de les ouvrir pour qu'il pût
commander l'artillerie de la place et la faire armer comme elle
était avant leur départ de cette ville. Mais jusqu'à présent on a pu,
par le refus de donner aucun ordre et par les plus rigoureuses
protestations, éloigner l'exécution de ce projet.
Ils violent les plus saints égards de neutralité et d'hospitalité. Un
capitaine français a pris de force k la poste de Vérone deux lettres
adressées l'une au maréchal Wurmser, l'autre à un autre général
autrichien, el Augereau, en réponse aux observations qu'on lui en
fit, n'eut pas honte de soutenir que la nécessité où le mettaient les
raisons militaires de pénétrer de toute façon les projets de l'ennemi,
devait faire cesser tout étonnement s'il prenait, par la suite, de
semblables mesures, au cas où il découvrirait l'existence de nou-
velles lettres aux officiers autrichiens.
A Brescia, pareil fut le procédé du général Bonaparte. Outre la
réquisition ordinaire des subsistances pour ses troupes, il a occupé
A LA VEILLE DES PAO I ES VÉRONAISES 35
et fortifié le château; il a disposé à son plaisir de l'artillerie et, non
content des hôpitaux préparés pour 4.000 malades, il a envoyé, sans
aucun avis préalable, occuper par des gardes six couvents, avec
l'intention d'y placer 2.000 autres malades environ; en même temps
il a ordonné aux repré.sentants de cette ville de fournir, dans les
vingt-quatre heures, le nombre exorbitant de 6.000 chemises,
3.000 aunes de toile, une quantité d'eau-de-vie, de vinaigre, de
citrons, de vin, voire de sucre, sous menace, si cet ordre n'était pas
exécuté, d'infliger à la ville une amende de trois millions et de
prendre de force ce qu'on ne lui fournirait pas. On put arranger
l'affaire, en préparant sur-le-champ trois de ces couvents et en
persuadant au général d'envoyer deux mille de ces malades à
Crémone.
Les Autrichiens aussi, quoique avec des manières plus modérées,
violèrent plusieurs fois les égards dus à la neutralité de la Répu-
blique et commirent de graves excès. Les troupes impériales, en
effet, apparues à Bassano, observèrent la plus louable discipline et
payèrent comptant leurs approvisionnements, mais ensuite, à mesure
qu'elles avancèrent dans le territoire vicentin et s'étendirent dans
les provinces véronaises en plus grand nombre, leurs commandants
requirent de copieux approvisionnements pour l'armée, s'engageant
à payer en argent seulement le prix des transports, se borucint à
laisser de simples reçus pour les autres denrées, et ils accompa-
gnèrent cette requête de menaces, pour le cas où les Vénitiens n'y
r.''pondraient pas promptemeut.
Etant entré dans Brescia k l'impruviste, un gros corps de leurs
troupes attaqua, les armes k la main, le peu de Français qui s'y
trouvaient, en tua quelques-uns, fit les autres prisonniers et, par
Ik, e.xposa à de grands risques la tranquillité et la sûreté de ces
habitants. Puis, dans leur retraite, après la bataille de Valeggio,
ils pénétrèrent de force dans la place de Vérone, sous menace d'en
aliattre les portes, si l'on tendait le moins du monde k les ouvrir,
et ils les occupèrent avec de nombreux postes.
Les Français survinrent ensuite, la nuit du 8, h la porte de San
Zeno. L'inopportune résistance des Autrichiens qui montrèrent leur
dessein de résister dans ce poste provoqua la voie de fait chez les
Français qui abattirent la porte k coups de canon, excitant les plus
vives inquiétudes et exposant au.x plus graves périls cette innocente
et nombreuse population.
36 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Les soldats autrichiens ne s'abstinrent pas des violences et des
excès; ils mirent à sac tout le pays de Villanuova, beaucoup de
logements de Salo, tuèrent cinq de ces malheureux habitants,
dépouillèrent le comte Bettoni de son argent et de ses autres effets,
volèrent la maison du vicaire et brisèrent les vitres du palais de la
magistrature. Dans la ville de Fontaniva (territoire vicentin), une
troupe de hulans commit des excès dans la maison d'un pauvre
paysan.
A Castello Veneto délia Scala, voisin de la frontière vénitienne,
où se trouve campé un grand corps autrichien, les soldats ont, géné-
ralement, gâté les foins, coupé les arbres, les vignes, le maïs avant
maturité et, vagabondant dans les maisons, les terres et les rues,
ont volé et saccagé partout, et jusqu'à la maison du capitaine de ce
fort. Ayant ensuite envoyé des divisions de leurs troupes a Bassano,
Trévise et dans quoique autre lieu de l'Etat vénitien, ils continuèrent
à requérir des provisions de pain, avoine et foin, moyennant la
simple remise des reçus correspondants.
De plus, une division de leurs troupes d'environ 900 hommes
entre cavaliers et fantassins qui, de Bassano, s'est acheminée vers
la Pontebba, non contente d'exiger les mêmes fournitures à Cone-
gliano pendant cinq jours, — tout en ne s'y arrêtant que trois, —
essaya d'obtenir une prestation en argent, d'abord i.ooo florins,
puis 5oo, le commandant prétextant devoir employer cet argent à
payer la solde de ses hommes ; requête qui fut ensuite renouvelée
en s'adressant à la personne destinée par le gouvernement vénitien
à veiller à ce que ces troupes, aux étapes de leur voyage, pussent
retrouver les subsistances nécessaires, requête à laquelle ladite per-
sonne put se soustraire. Mais elle ne put refuser d'accorder une
voiture au commandant qui précédait cette troupe, contre la simple
remise d'un reçu à faire acquitter en temps et lieu. Finalement, le
général autrichien qui conduisait ces troupes insista de telle sorte
près le capitaine de juridiction de Venzone qu'il le persuada de lui
accorder un prêt de Goo florins, mais en forme absolument privée.
2-] août fjgli. Continuation de la Species facti. A Vienne.
La résidence d'une partie des troupes autrichiennes continuant
dans l'EUit vénitien, les dommages et inconvénients ne cessent pas
de leur part pour ces populations.
A LA VEILLE DES PAQUES VIÎRONAISES 87
Cette troupe indocile menace de couper les arbres des campagnes
et de commettre d'autres excès si on tarde à lui fournir le bois ou
toute autre denrée qu'elle réclame.
// septembre fj'jô- Species Jacli. Circulaire.
Excepté Paris, Rome et Vienne.
La marche des troupes françaises du Tyrol par Bassano, Padoiie,
Vienne et Legnago fut une continuelle série de violences et d'excès
aux dépens des sujets vénitiens.
En s'acheminant vers l'Etat vénitien par le canal de Brento, non
seulement ils dépouillèrent de tout l'officier vénitien résidant à la
Scala, menaçant de le tuer s'il s'opposait au pillage de ses propres
biens; ils désolèrent tellement, par leurs vols et leurs ravages, les
communes de Primolano, Asmons, San Nazaro, Sologna, Pore,
Valstagne, etc., et tous les autres lieux de ces districts que ces mi-
sérables paysans, réduits au désespoir après avoir vu attaquer leurs
habitations, prendre leurs effets et la soie qu'ils travaillaient à do-
micile, dépouiller les églises des vases sacrés et des ornements
ecclésiastiques, leurs familles des objets de première nécessité,
furent contraints de so cacher avec femmes et enfants dans les
rochers dos montagnes voisines pour sauver au moins leur vie.
Arrivés à Bassano, quoique Bonaparte y ait été reçu avec de
telles démonstrations d'amitié et un si bon accueil qu'ils l'obligè-
rent à déclarer par écrit de n'avoir, dans aucune autre ville de
l'État vénitien, trouvé autant d'hospitalité et de courtoisie, ces
mêmes hôtes et toutes les autres espèces de revendeurs et de bouti-
quiers furent forcés de tenir leurs boutiques fermées pour se sous-
traire au pillage, car aucun procédé public ou privé ne réussit à les
modérer. Il fallut même suspendre les cérémonies du culte dans les
églises pour y placer leurs blessés, car ils ne voulurent pas se
contenter d'aucun autre arrangement ni permettre que leurs blessés
fussent transportés ailleurs.
L'armée se divisa : une partie marcha sur Padoue, dévastant et
saccageant presque toutes les maisons qui existent le long de cette
route. Arrivé à cette ville, Augereau, qui commandait ce corps,
irrité qu'à la première apparition de ses éclaireurs non encore bien
connus on eût formé les portos, en fit de très vives remontrances
au représentant, ajoutant qu'il voyait là un dernier signe de la
38 REVUE HISTORIQUE DE LA. RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
mauvaise disposition du gouvernement vénitien envers la Répu-
blique française, et que s'il avait eu ses canons il aurait renouvelé
l'exemple donné à Vérone.
Pendant que, dans les faubourgs voisins de la ville, ses soldats
continuaient les rapines et les violences et que dans la ville même
il était nécessaire de fermer en hâte la porte de l'église de S. Clé-
ment pour en empêcher la profanation dont un corps de Français
la menaçait déjà, le même général voulut qu'on ordonnât à tous
les sujets de consigner tous les chevaux, vivres, armes, équipages
qui avaient été dérobés, acquis ou de quelque autre manière reçus
des Autrichiens ; il appuya cette demande de l'ultimatum de faire
visiter militairement les maisons des habitants ; il montra qu'il fai-
sait une grande concession en abandonnant la prétention de se
faire indiquer par le représentant les magasins et effets autrichiens
qui avaient existé à Padoue et, loin de faire restituer aux habitants
les biens volés, comme il l'avait promis, il toléra que ses soldats
les vendissent publiquement.
Et, autant qu'on a pu le constater, la tenue de ces troupes a été
semblable sur le reste de la route jusqu'à Montagnana oîi, après
avoir, le soir, vendu les effets enlevés à un petit corps d'Autrichiens
faits prisonniers, le lendemain matin on exigea que les acheteurs
fussent obligés de restituer à l'îirmée les chevaux achetés par eux.
De même, l'autre partie de l'armée qui s'avança par Vicence
suivit le même système, désola les villages de Angarano, Nove,
Longa et autres voisins avec une telle fureur que jusqu'à Marostica
on entendait les cris des malheureux habitants dépouillés de tous
leurs biens, et des femmes à qui l'on arrachait des oreilles et du
cou les ornements de quelque valeur, et les coups de fusil conti-
nuels tirés à ceux qui manifestaient quelque indignation ou
essayaient de sauver leurs femmes et leurs filles de la licence de la
soldatesque.
A Allavilla, les excès allèrent à un tel point qu'il fallut beaucoup
d'habileté pour tranquilliser ces paysans qui s'étaient réunis en
tumulte pour prendre les armes, bien qu'ils fussent sûrs d'être com-
plètement exterminés.
Entre temps, à Vicence, le général Bonaparte menaçait de faire
faire des visites militaires pour reconnaître les magasins autrichiens
et s'en emparer, et ce fut une grande chance de réussir à le persua-
der que l'armée impériale, n'ayant fait qu'y passer, ne pouvait y
A LA VEILLE DES PAQUES VÉRONAISES 3()
avoir do magasins. Dans cos environs, la licence militaire alla si
loin que quelques soldats français ayant été surpris par une
patrouille militaire vénitienne tandis qu'ils pillaient une misérable
chaumière de paysans, osèrent faire feu contre elle. Excès qui fut
reconnu par le propre aide de camp du général Masséna, lequel
demanda qu'on mît en prison trois de ces soldats heureusement
arrêtés par la patrouille et promit de faire lui-même un rapport au
général.
Quelques partis de Français, après avoir vaincu les Autrichiens
en Tyrol, s'étant dispersés sur les territoires vénitiens voisins
d'Asolo et de Feltre, y volèrent aux habitants leurs chevaux, leurs
montres, tous leurs objets précieux. Sur le pays de Feltre surtout,
quiconque vint à pa.sser sur la route qu'ils parcouraient fut dérobé
£t dépouillé sous prétexte que tout appartenait à l'Autriche, malheur
auquel ne purent même pas se soustraire quelques voyageurs passés
par la ville d'Arsié, où les Français entrèrent dans les maisons,
prirent aux femmes leurs ornements de quelque valeur, leur argent,
leurs effets et leurs comestibles. Une vingtaine pénétrèrent dans la
ville de Feltre où, après avoir bu et mangé sans payer personne, ils
commirent diverses violences et rapines, et laissèrent même un
pauvre paysan mortellement blessé.
Au retour, comme le lendemain était jour de foire dans la ville
de Fonsaro, ils dépouillèrent tous ceux qu'ils rencontrèrent de leurs
effets, de leur argeni, des marchandises qu'ils transportaient.
Partout fut pareille la conduite arbitraire des Français, offensant
les plus saints devoirs de souveraineté et de domaine territorial. A
Orzinuovi, un officier français demanda au provéditeur vénitien de
faire armer cette forteresse avec l'artillerie qui s'y trouvait, puis de
lui laisser emporter cette artillerie pour fortifier le camp français
voisin à Soncino. Et sur son juste refus d'obéir à pareille requête, il
partit, menaçant de revenir sous peu avec une force suffisante pour
vaincre cette résistance.
Le château de Poutevico a été occupé par loo hommes de la ligne
et 4o canonniers qui y ont commencé certains travaux sur les forti-
fications et, ayant occupé la forteresse de Legnago malgré les plus
vives remontrances de ce provéditeur, ils se sont emparés de toute
l'artillerie et des munitions qui s'y trouvaient. Finalement, dans la
ville même de Brescia, les Français ayant reconnu à la douane
l'existence de nombreux colis qui constituaient la pharmacie autri-
IfO REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIHE
chienne, le général Soret a envoyé un officier et une escorte mili-
taire pour les emporter et a répondu aux protestations que c'était
en représailles pour les effets enlevés par les Autiichiens aux Fran-
çais dans la surprise de cette ville.
La marche de ces troupes n'a pas été moins lourde aux sujets
vénitiens à cause des très nombreuses prestations qu'ils ont dû
fournir. A Bassano, on a exigé qu'on apportât dans l'espace d'un
jour la quantité de vin, de pain, de bœufs, de foin, d'eau-de-vie et
d'avoine nécessaire pour toute l'armée, et instantanément vingt
charrettes et i4o bœufs d'attelage pour transporter le butin pris sur
l'ennemi.
Presque [dus grave encore fut pour cette ville et son territoire la
nécessité d'avoir a faire transporter vers Legnago les bagages et
Ils prises que l'armée française avait laissés en arrière dans sa
marche, car comme il fallait pour cela 5oo paires de bœufs, la ville
ayant employé tous les siens fut contrainte de recourir aux pays
voisins de Marostica, Asolo, Gettadella et Gastelfranco et tandis
qu'on espérait qu'en raison des engagements pris cette charge dût
s'arrêter à Vicenza. Ces malheureux paysans furent contraints à
avancer jusque sur le pays de Vérone où, arrivés dans le voisinage
du fait d'armes qui a eu lieu là, 35 charrettes durent être abandon-
nées par leurs conducteurs pour sauver leurs vies.
A Padoue, pendant leur court séjour de vingt-quatre heures,
après avoir, le matin, obtenu les approvisionnements nécessaires
pour le corps de 12.000 hommes qui y campait, ils redemandèrent
ensuite la fourniture d'une énorme quantité de pain dans les deux
heures, pour laquelle, outre le travail extraordinaire de tous les bou-
langers, il fallut recueillir aussi le pain des monastères et des cou-
vents ; finalement le soir, au moment de partir, ils réclamèrent du
pain, du vin, de l'eau-de-vie, des sacs et des chars pour le trans-
port des bagages, et tandis qu'ils exigeaient de la ville 1 2.000 rations
de viande, les soldats cherchaient k vendre 20 bœufs volés aux .\utri-
chiens.
Là aussi man(iuent beaucoup des bœufs qu'on a dû réunir d'Esté,
Monselice, Montagnana, pour transporter les bagages de l'armée
française en marche vers Legnago ; les conducteurs ont abandonné
leurs bètes pour se soustraire aux violences des soldats français;
or, ils ont été contraints, k leur grand dommage et péril, de conti-
nuer leur voyage. Incessamment continuent des passages de petits
A LA VEILLE DES PAQUES VÉRONALSES 4'
corps lesquels pèsent par leurs violences et l'entretien qu'ils exigent
de vivres, logement et toutes autres choses.
A Vicence, outre la presque instantanée requête des vivres faite
par l'armée que le magistrat ne put réunir qu'en se servant des
charrettes et chevaux de toutes les familles nobles de la ville, en
commençant par les siens, on demande aussi 4.ooo paires de bottes,
demande à laquelle il fut impossible de satisfaire entièrement.
Ensuite, étant arrivés là, les prisonniers et blessés autrichiens
qui descendaient du Tyrol et à l'entretien desquels il semblait,
d'après les avis des généraux français, qu'on devait subvenir en
argeat, l'officier directeur refusa de faire aucun compte, sous pré-
texte que le mot (Vargent comptant n'était pas textuellement
employé dans les papiers de ses généraux ; il fallut fournir pour
leur transport 120 charrettes, préparer un logement à Montebello
pour les blessés eux-mêmes, et ensuite tirer de la ville et des envi-
rons un nombre analogue de chevaux pour changer les bœufs qui
n'auraient pu résister au long voyage de Vicence à Vérone.
Dans les pays d'Esté et Montagnana enfin, il a fallu pourvoir
le corps commandé par Augereau pendaiit son séjour; il a fallu
fournir chaque jour 10.000 rations de pain, 6.000 de viande,
6 barriques de vin, jusqu'à disposition nouvelle des généraux fran-
çais. Et les charges supplémentaires imposées par l'armée fran-
çaise aux diverses provinces vénitiennes n'ont pas soulagé celle de
Vérone de celles qui la désolaient. La ville de Vérone est surchar-
gée de requêtes toujours croissantes pour l'entretien de 3. 000 per-
sonnes qui composent les diverses administrations de toutes leurs
armées, de très nombreux blessés qui remplissent les hôpitaux de
Sainte-Euphémie et du Lazaret et d'un nombre immense de prison-
niers autrichiens incarcérés dans les couvenis, et la partie des
troupes qui est restée sur le territoire continue, après avoir
dépouillé de tout les habitants des villages, à exiger sa subsistance.
LA MONTANSIER
FONDATRICE ET DIRECTRICE DE THÉÂTRES
SOUS L'ANCIEN RÉGIME ET PENDANT LA RÉVOLUTION
« Une histoire vraie de M"^ Montaiisier, dit M. Maurice
Tourneux, est encore à écrire ^ » En effet, la petite histoire,
qui coule à ph?ins bords, fourmille d'erreurs à son propos.
Parmi ces erreurs, il y a des infamies qui ne comptent pas,
vu leur source anonyme et impure. Il y a aussi des absurdités.
Quelques notes critiques, quelques indications nouvelles ne
seront pas inutiles au futur historien de la Montansier, s'il
se révèle un jour.
Març)uerile Brunet naquit à Bayonnc el y fut baptisée le
19 décembre 1780. Elle était fille d'un fabricant d'éj)ingles,
Joseph Brunet, qu'elle perdit à l'âge de cinq ans (d'après
\ Inventaire après décès de la Montansier, étude Lardy). On
peut supposeï' qu'elle fut privée aussi de bonne heure des
soins maternels, s'il est vrai, comme le mentionne V Annuaire
dramatique'- de 182 1, ([u'ellc ait été élevée aux Ursulines de
1. Bibliogiaphie de l'Histoire de Paris, t. IV (1906), p. 486, article Montansier
(Manjuerile lîrunet, dite), ad finem.
2. Par Armand Raguexeau el Audiffret, in-Sa, 171 el 18' années, p. 383. Bib.
nal. Inv. Yf. 1857. — M. L.-Henry Lecomte, auleiir de Lu Montansier, ses
aventures, ses entreprises (Paris, igoS, in-16 de a86 p.), indique à lorl le
seizième volume de VAnnuaire. Il ne semble pas, bien qu'il la crilique, avoir lu
atlciUivcmenl cette nécroloyie de i5 pages. — Jadin, dans la Biographie Didot,
en extrait l'essentiel ; mais Jadin cite de confiance VAnnuaire nécrologique de
Muhul, qui, vérification faite, ne contient pas un mot sur la Montansier. — Rabbe,
il (juelqucs détails près, résume l'Annuaire, et relève les erreurs de la Biographie
Michaud.
LA MONTANSIKK 4^
Bordeaux. Il ne faudrait pas jiujer de son instruction par les
l'aulaisies — plus sinçiulières d'ailleurs qu'ininlelliyentes —
de son orthographe : en général, dans ses lettres, elle s'ex-
prime avec force et clarté. Elle sortit des Ursulines, dit
V Annuaire, pour aller en Amérique : « ici, on la perd de vue
pendant longtemps : il paraît (|u'elle y resta quelques
aimées. » Le chroniqueur, (|ui est un liouime discret, officieux,
et presque officiel ', jette un voile sur la jeunesse galante de
son héroïne. Le plus probable est que, de Bordeaux, elle vint
à Paris habiter chez une tante par alliance, marchande de
modes rue Saint-Roch, n" 12, M'"'= Montansier. On lui donna
le nom de cette seconde mère ; et, si elle le garda, c'est peut-
être parce qu'il sonnait mieux, mais c'est peut-être aussi par
reconnaissance. Elle l'écrivait tantôt Montansier, tantôt Mon-
tencier, etc. Elle reprend d'ailleurs, dans les affaires, le nom
de Brunet, et finit par s'appeler « Brunet-Montansier ». Dans
quelques lettres, sous l'ancien régime, elle signe carrément :
« De Montansier >>. On voit qu'elle n'était pas fixée.
Un rapport de l'observateur de police Meunier (24 sept.
lyoO) exhumé des papiers de l'Arsenal par M. G. Lenôtre^,
dit qu'elle était connue à Paris dès 1748, donc à l'âge de
dix-huit ans. Quant au voj'age d'Améri(pie, c'est un conseiller
à la troisième chambre des enquêtes, Burson, qui, nommé
intendant de la Martinique (1749), l'aurait emmenée avec lui,
et établie marchande de modes à Saint-Domingue^. On la
1. L'Annuaire dramatique était, sjiis Louis XVIII, « seul autorisé par l'iiilen-
dant des Menus-plaisirs '.
2. Paris révolutionnaire. Vieil/es maisons, inea.c papiers, a"= série, Paris (Per-
riii), 1903, p. 233.
3. On verra plus loin ses rapports suivis av^c Paul-Ulric Duhuisson, un « colo-
nial » du temps, qui avait fait une petite fortune » aux Iles ». Il est incidemment
question d'un autre colonial, le « chevalier » Duplessis, dans son interrogatoire
devant la commune de Paris. — D'après M. le vicomte de Reiset (ie Carnet,
190A, p- 20), elle se serait enfuie, à quatorze ans, de la maison des Ursulines
pour s'engager dans une troupe de comédiens, à Bordeaux, et suivre, en Amé-
rique, un beau comédien qui l'avait séduite. Point de preuve. Le même article
affirme d'ailleurs que son père avait '• un petit- emploi dans la marine o (or il
était mort); qu'elle obtint de débuter à la Comédie Française; que son protecteur,
Sainl-Conlv, était « puissamment apparenté » ; que Duhem l'aurait dénoncée
44 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
revoit à Paris cinq ans après, en assez bel équipage, dont
deux nègres. Mais elle loge au troisième, rue Saint-Honoré,
«chez le charcutier (|ui fait le coin de la rueNeuve-du-Luxem-
bourg ». On la disait Provençale (à cause de son accent
gascon et de son type méridional) — et fille d'un avocat
(origine plus reluisante qu'un épinglier). Elle donne à souper,
lient un salon de jeu à l'usage des désœuvrés de la noblesse :
« sa partie », au dire de la charcutière, comprend MM. d'Es-
parbès, de Souvré, de Jonzac, de Bezons, de Seignelay, de
Ximenès, de Villegagnon, de Puységur, de Viarme, le duc de
la Trémoille, Thiroux de Montregard, etc. Elle vit de ces
belles relations — plus ou moins authentiques, — et de la
cagnolle, mais elle ne thésaurise pas.
On ne sait pas au juste quand lui vint le goût du théâtre :
probablement avant son retour à Paris. L'Annuaire cité dit
qu'elle joua Nanine ' en province, et que, sans son accent,
elle aurait débuté aux Français. En tout cas, elle ne paraît
s'être distinguée dans aucun rôle, pas même dans celui de
la fausse Gasconne de M. de Pitiireeauynac -. Il est possible
que, dans l'administration théâtrale, elle ait débuté par
Nantes. Elle approchait de la quarantaine lorsqu'elle fit
connaissance d'un M. de Saint-Conty — d'autres écrivent
Saint-Contest ^ — i|ui « l'aida de tous ses moyens » à prendre
la direction du petit théâtre de la rue Satory. à Versailles
(17C8). Ue là sortirent M"^ Saint-Aubin, alors très jeune,
(irammont, Amiel, Fleury : celui-ci, dans les Mémoires
(ju'on lui attribue, n'a que des éloges pour la Montansier,
non sans quelques anecdotes devenues légendaires. Le succès
de cette première entreprise stimula son ambition. Dès le
comme n amie .des arislocratcs » (or Duhem fit juste le contraire); enfin qu'elle
se serai! remariée « serrfetemeut 1, octogénaire, au petit dansem" Forioso, etc.
I. llicn d'in^Taisemblable, Nanine avant été jouée, à Paris, on 1749-
a. Annuaire, p. 384, "■ >■ — M- de Reisel la donne donc à tort comme une
o célèbre comédienne t (^loc. cit., p. a3).
.■?. Il y a une famille normande, les Ballerie de Saint-Contest, sur laquelle on
trouvera des détails dans le Dictionnaire de La Ghesnaye de Desbois. Il n'y a pas
de Sainr-Gonty : mais ce nom peut bien être un nom de guerre ou de théâtre.
LA MONTANSIER ^5
temps de la Du Barry, elle se poussa en cour par le moyen
classique des gentilshommes de la Chambre. Peut-être aussi
amusa-t-elle Marie-Antoinette en rupture d'étiquette. Quoi
([u'il en soit, elle acquit à bon compte' un terrain donnant
sur le parc pour y construire le grand théâtre de la rue des
Réservoirs, de concert avec Saint-Gonty. Celui-ci mourut à
trente-deux ans, et elle demeura seule propriétaire.
Le privilège royal du 19 mai 1777, enregistré en Parlement,
lui accordait pour vingt ans la régie et la direction des
théâtres de Versailles, Fontainebleau, Saint-Cloud, Marlv,
Compiègne, Haute et Basse-Normandie, « et autres villes ».
Elle était officiellement chargée d'organiser les spectacles à
la suite de la Cour. Ne pouvant suffire à la tâche, le 26 juillet
1779, elle fut amenée à contracter une société avec un mau-
vais acteur dont elle s'était engouée et qu'elle devait épouser
vingt ans après. Honoré Bourdon, dit De Neuville^. Il était
bien bâti, et portait beau, bien qu'il fût un peu voûté ^. Elle
s'en montra jalouse, ce qui semble impliquer, vers la cinquan-
taine, quelque fidélité. Elle crut le tenir par l'intérêt. Dans
les saisons ou représentations de province qu'il avait à gérer,
elle fermait les yeux sur le produit des recettes; mais si elle
apprenait quelque chose, elle faisait valoir énergiquement ses
droits. Cependant, ils paraissent avoir été douteux quant au
théâtre de Rouen, dont M. C. Hippeau a raconté les vicis-
situdes^. Neuville l'emporta une première fois, et définitive-
ment (nous le verrons) douze ans après.
Dans l'intervalle, la Montansier eut assez de bonté et d'in-
I. Le terrain coula 3.333 livres 6 sous 6 deniers, d'après \' Inventaire de l'étude
Lardy. — Il appartenait à Thiery, valet de chambre du roi.
a. Elle écrit souvent : « Nœuville » ; peu importe puisque c'est un nom de fan-
taisie. Il était né à Onde-Fontaine, près Caen, le 3i mai 1736. Elle était donc
son aînée de six ans.
3. Correspondance littéraire, éd. Tourneux, t. VIII, p. 24.
4. D'après M. C. Hippeau, le privilège des théâtres des généralités de Rouen
Caen, Alençon, obtenu par l'entremise du duc d'Harcourt, gouverneur de la Nor-
mandie et de M. Campan, secrétaire du cabinet de la Reine, ne nommait que Neu-
ville. La Montansier explique la chose autrement dans une lettre du la juin 1779
au duc d'Harcourt, citée par M. C. Hippeau lui-même, Le Comédien De Neuville,
Rouen, 1862, in-S". Bil). nal. Ln-' i5i53, pièce.
40 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
fluence pour le sauver à deuLX reprises des mains de la jus-
tice : la première fois, à l'occasion d'un coup d'épée qu'elle
en avait reçu au bras, à Versailles, un soir qu'elle était venue
le surprendre en conversation amoureuse et avait essayé de
forcer sa porte (r6 décembre 1781); la seconde fois, à Rouen,
à propos d'un coup de couteau dont il avait blessé griève-
ment, chez lui, un garçon coiffeur (i5 mars 1782). Cette fois,
les perruquiers de la ville s'étant ameutés, il fallut que
iVeuville se cachât et s'enfuît : il obtint, en 1784, des lettres
d'abolition*. Dans cette Cour dissolue, où elle tenait sans
doute le fil de maintes intrigues galantes, la Montansier était
donc une puissance-. Sa troupe, où figurèrent Crétu, iM"'JoIy,
M"' Lillié « le rossignol », et M"^ Mars, enfant, rayonnait sur
la Normandie, et aussi, d'après VAnnuaire, sur les villes de
la Loire, Orléans, Tours, Angers, où elle envoyait, de temps
à autre, un ou deux de ses meilleurs sujets. Elle résolut de
faire la conquête de Paris, et même du royaume : et cette
ambition n'était pas déraisonnable, si l'on tient compte des
précédents.
* *
Le premier privilège théâtral accordé en France, dont on
connaisse le texte, avait été signé par Louis XIV, contresigné
par Colbert, le 28 juin 1669, en faveur du poète Pierre Perrin :
« Nous avons audit sieur Perrin, disaient les lettres patentes,
accordé et octroyé, accordons et octroyons... la permission
d'establir en nostre bonne ville de Paris et autres de notre
royaume, des académies composées de tel nombre et qualité
de personnes qu'il avisera, pour représenter et chanter en
public des opéra et représentations en musique en vers fran-
çois, pareilles et semblables à celles d'Italie. » Dès 1672,
1. En 1786, il haliile au Palais-Royal, n» 112, puis n" 10.'), comme en témoignent
trois procès-verbaux de police où figurent son nom et ses adresses (Arch. nat.
Y i568o et i568i). Le premier (i5 fév. 1786) fui rédigé sur les plaintes d'un tail-
leur, son créancier, qu'il avait, au lieu de le payer, saisi aux cheveux, terrassé, et
blessé à la main et au poignet (Communication de M. René Farges).
2. Voir l'excellente monographie de M. P. Fhomageot, Le Théâtre de Versailles
et ta Muntansier. Versailles, igoô, iu-S» de 67 p. Bib. nat. 8° Vf i5i3.
LA MONTANSIEU [^n
Lully déposs(Mail Perrin; et l'année suivante, à la mort de
Molière, il obtenait la jouissance de la salle du Palais-Royal.
Cette salle fui incendiée une première fois en 1763. Recons-
truite par Moi'eau, elle se rouvrait en 1770. Second incendie
le 8 juin 1781. C'est alors que Lenoir, en quatre-vingt-six
jours, éleva la bâtisse de la Porte-Saint-Martin, qui put être
inaugurée le 27 octobre de la même année. En somme, la
glorieuse carrière de « l'Académie royale de musique » avait
été semée de catastrophes. Indépendamment des incendies, les
vingt-huit atlministrations successives de cet établissement
n'avaient jamais connu que le déficit, depuis le sieur Perrin
jusqu'au sieur De Vismes en 1779. Dans les seules années
1778- 1779, la Ville de Paris y avait perdu pour sa part
595.908 livres. Necker et Maurepas obtinrent alors du Roi
une contribution annuelle de i5o.ooo livres.
Or, dans un mémoire au baron de Rreteuil \ ministre de
Paris et de la maison du Roi, M"'' Montaiisier s'engageait à
verser elle-même cette somme, à condition que la Compagnie
formée par ses soins obtiendrait le privilège de tous les théâ-
tres du royaume, — tout comme Perrin en i66g. Rien ne
serait changé quant au mode général d'administration. Les
ministres se partageant alors l'administration du territoire,
l'on correspondrait avec chacun d'eux suivant les localités.
Comme par le passé, on acquitterait les honoraires ou rede-
vances d'usage aux bureaux des gouverneurs et commandants
pour le Roi dans les provinces, le droit des pauvres, etc. L'on
s'entendrait à l'amiable avec les entrepreneurs et directeurs
en possession, pour se charger du loyer de leurs salles, ac-
quérir les décors et accessoires de théâtre, etc.
On sait que les fermiers généraux avaient leur homme de
paille, leurs traitants, leurs partisans. Il est clair que la ferme
générale des théâtres proposée au baron de Rreteuil était une
I. D'après G. Hippeau, toc, cit., p. 21. Il analyse ce mémoire et en donne la
date : 1784. S'il le trouve outrecuidant, insensé, c'est évidemment qu'il ignore les
précédents, et en parliculier la charte de fondation de l'Opéra. Au reste, les
ËJiauces étant obérées, la mode était aux monopoles, aux privilèges : dans le
nombre, on peut citer un projet d'assurance d'État sur la vie.
48 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
opération du même type et que, dès ce moment, la Montansier
servait de prête-nom à des commanditaires, capitalistes en
mal de gros revenus, gens en place, courtisans habiles à trafi-
quer de leur influence. La combinaison échoua. La femme
d'affaires, sans rien délaisser de ses autres entreprises, se
rejeta sur le Palais-Royal, ou plutôt sur le palais-marchand ',
que le duc d'Orléans, obéré, louait ou vendait en détail.
Les jardins royau.x, Tuileries, etc., n'étaient alors ouverts
qu'aux gens de la bonne société, convenables, bien vêtus; on
redoutait les assemblemenls illicites, les voleurs à la tire, les
semeurs de faux bruits, les débitants de « nouveautés », c'est-
à-dire de libelles satiriques ou obscènes, les intrigants, les
agioteurs, les prostituées. C'est le duc d'Orléans qui, le pre-
mier, donna chez lui toutes facilités à ce monde interlope, et
lui assura une impunité relative. La police n'y eut ses entrées
que difficilement, occasionnellement, comme par exemple en
vertu d'une lettre royale du 19 avril 1787, vu « la multiplicité
des faiseurs de fausses lettres de change » -. Le Palais-Roval
n'en demeura pas moins la « capitale de Paris » comme disait
Sébastien Mercier'. Or il y avait, au bout de la galerie de
Beaujolais (actuellement, péristyle de Joinville), une petite
salle de spectacle aménagée en 1788 pour des marionnettes,
puis pour une troupe d'enfants qui jouaient des pantomimes.
t7est sur ce théâtre, dit des Beaujolais, que la Montansier jeta
d'abord son dévolu.
A quelle époque? M. Lenôtre * croit que c'est après les
journées d'octobre, lorsqu'elle comprit qu'à Versailles « les
1. Edifié [lar l-uiiis Je 1780 à 1784. — Ed 1790, les operatious ilu duc d'Orléans
lui avaient rapporte déjà 10 millions. V^oir mon article de la Granité Encyclopédie,
t. X.XV, p. 8a6, le livre de J. Vatoul sur Le Palais Royal (1S47), et surtout l'in-
troduction de M. Tuetey au t. 11 de son Répertoire général des sources manus-
crites (le riiistoire de Paris pendant la Révolution (1894).
3. H. Mo.M.N, État de Paris en i;8g, Paris, 1889, in-8» ; pp. 384, 639.
3. L'attraction devint plus forte encore, après que la démolition des anciens
Quinze-Vingts (rue de Rolian) eut permis de dégager au sud la rue de Richelieu
(Lettres patentes de décembre 1779).
4. Ouvr. cité, p. a4o. .M. Lenôtre renvoie à l'Intermédiaire des chercheurs et
des curieux du 25 juillet 1866.
LA MONTANSIER 49
beaux jours de son théâtre étaient passés. — La scène (des
Beaujolais), dit-il, était petite, le plafond bas, la salle étroite.
La Montansier acheta pour 670.000 livres cette baraque, que
l'architecte Louis transforma en un théâtre confortable, et,
par miracle, presque vaste », inauguré le 12 avril 1790.
On ne voit pas trop cette femme d'affaires achetant pour
670.000 livres une baraque. Voici ce qu'on lit au Sommier des
biens nationaux de la Seine ^, section de la Biiffe-des-Moiilins,
Palais-Egalilé, article 5 :
« Rez-de-chaussée avec entresol de l'arcade n° 76'-'. Origine :
d'Orléans, condamné. Valeur : 9.000 francs. Valeur locaiive :
5oo francs. Emploi : vacant. Observation : Cet objet fait partie
des arcades vendues à la citoyenne Montansier par d'Orléans,
le i4 avril 1788, et avait été réservé par lui pour le logement
d'un Suisse. » D'autre part, VInventaire après décès contient
la mention suivante : « Titres de propriété de 1 1 arcades du
Palais-Royal, n°' 68 à 78, qui ont appartenu aux sieur et dame
de Neuville et qui depuis ont été vendues. « Et, dans leur acte
de mariage, on lit : « Par contrat passé devant M' Rouen et
son confrère le i5 juin 1789, ils avaient acquis du duc d'Or-
léans i3 arcades faisant partie du pourtour du Palais-Égalité,
moyennant 670.000 livres payables aux époques déterminées
par ce contrat et qui étaient encore dues. » Il est vraisemblable
que le premier contrat ne concernait que les deux arcades
terminales avec la soi-disant « baraque » ; que le second, com-
plétant et embrassant le premier, concernait onze arcades en
tout, pour le prix de 670.000 francs; et que, dans l'acte de
mariage sous le régime de la communauté, les deux arcades
de 1788 sont venues faire double emploi, d'où le nombre de
treize. Quoi qu'il en soit, par ses dates, l'acquisition n'a aucun
rapport avec les journées d'octobre et le retour forcé de la
famille royale aux Tuileries^.
1. Archives de la Seine.
2. Les numéros des arcades n'ont pas changé.
3. On croit généralement que le duc d'Orléans s'était contenté de louer ses
arcades. Or il avait commencé à en vendre dès 1787 au moins : les n'^ i3, i4> i5
au libraire Galtey ; le n» io4 à la dame Gomand. Les contrats de vente, par-devant
50 REVUE HISTOUIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
D'autre part, peut-on imaginer qu'à celte époque, le Roi ait
quitté Versailles « malgré les supplications de la Montansier
qui dépêcha ses comédiens pour arrêter les voitures de la
Cour^ »? C'est là une des nombreuses inventions de ceux qui
voulurent la faire guillotiner, sous la Terreur. \ous verrons
plus tard comment elle y a répondu.
La Montansier gagnait au contraire beaucoup, — du moins
en espérance, — à la rentrée du Roi dans sa capitale. Il ne faut
pas oublier, en effet, que Paris et la maison du Roi ressortis-
saient alors au même ministère ; que le privilège de l'entrepre-
nante directrice avait encore huit ans à courir, et qu'il com-
portait l'organisation de tous spectacles à la suite de la Cour :
or, de par la Révolution, la Cour était fixée aux Tuileries. La
Montansier avait donc le droit incontestable de faire concur-
rence aux théâtres parisiens, petits ou grands : et c'est ce
qu'elle fît, sans s'inquiéter des genres. Toutefois, au théâtre
du Palais-Royal qui prit son nom, — ou plutôt qui n'en avait
aucun, c'est le public qui le baptisa, — elle donna principale-
ment des opéras italiens ou du genre italien, avec paroles en
français. La bâtisse de la Porte Saint-Martin, si mal située dans
le Paris de cette époque, n'avait qu'à se tenir ! Quant au
théâtre récemment ouvert sous la protection de Monsieur
(théâtre Feydeau), on y jouerait devant les banquettes- !
Les intérêts menacés, les vanités exaspérées se coalisèrent.
C'est tout ce qu'il faut retenir des libelles abominables, et,
bien entendu, anonymes, qui parurent contre elle en 1789 et
Kouen (— M'' l.ardy, 6, bùulevard île la Madeleine) sont des 6 juillet et i3 août
1787. — Ou verra plus bas que la Montansier acciuit encore trois autres arcades,
mais seulement en l'an VII, aux numéros 178 à i8o. Les onze arcades, 68 à 78,
furent cédées pour un tiers à un nommé Gardeur ; mais ce tiers fut racheté par la
Montansier et Neuville, le i4 floréal an III (.4rch. de la Seine, Lettres de rectifi-
cation du 16 brumaire an IV, n" 6260 bis, série C).
I. G. Lenôtre, ouvr. cité, p. a^o.
1. Les actes relatifs à ce théâtre sont conservés dans les minutes de XI' Jorel,
notaire à Paris. Nous le remercions de son bienveillant accueil.
LA MONTANSIER
1790, et dont M. Lecomte a donné de trop abondants extraits.
Cette femme sexagénaire devient la « Ribaude du Palais -
Royal », l'universelle procureuse de tous les vices de la Cour
et de la Ville, la matrone des « non-conforniisles » et des tri-
bades. La malheureuse reine de France est traînée vive dans
ce flot d'ordures. Suivant la mode du temps (ô Jean-Jacques 1)
elle-même confesse sa lubricité contre nature'. On pense bien
que Neuville, « le Roué » (au sens propre du mot), n'est pas
épargné ; acteurs et actrices du nouveau théâtre figurent dans
ce cortège de Cythère, de Lesbos et de Gomorrhe^.
La Montansier « n'opposa que le silence à la rage factice
de tous ces scélérats »^ de plume. — Notons de suite que
lorsqu'elle eut, sous la Terreur, à subir l'interrogatoire de
la Commune, il ne fut pas du tout question des infamies de
1789 et 1790. Il aurait fallu être bien crédule, pour n'en pas
reconnaître la véritable origine : l'envie, l'éternelle envie des
impuissants et des malchanceux. D'ailleurs elle s'était fait
des amis tant par son obligeance, « qu'en ayant toujours
soin d'avoir dans sa troupe un choix des plus jolies actrices »
(Rabbe).
Le théâtre Montansier, pour l'ouverture duquel le district de
Saint-Roch insistait dès février 1 790 *, trouva des champions
parmi les révolutionnaires. C'était le premier, affirmait l'un
d'entre eux, qui eût dû son existence au « Code de la liberté ».
Assertion maintes fois répétée, et absolument fausse ! La li-
berté des théâtres ne date que du i3 janvier 1791, et le
théâtre de la Montansier ouvrit le 12 avril 1790. Rien plus, en
vertu de son privilège, elle exigea une redevance des admi-
nistrateurs du théâtre de Monsieur, et le Châtelet lui donna
raison sans appel possible, les tribunaux de district n'ayant
1. Essais historiques sur la vie de Marie-Antoinette. Londres et Versailles, chez
la Montansier, hôtel des Courtisanes, 1789. (Lecomte, La Montansier, Paris, Juven,
1905, in-i6 de 286 p. ; pp. 33 à 8g.)
2. La Ribaude du Palais-Royal... par le sieur Neuville, dit le Roué... Paris,
1790, in-i8, 60 p. et 8 gr. — Réimprimé en 1872.
3. Annuaire dramatique de 1821 (cité plus haut), p. 397.
4. S. Lacroix, Actes de ta Commune, i" série, t. I, p. 323, 38i, 386.
52 REVUE HISTORIOUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
pas encore été installés. Saisie par Rabaud de cette contesta-
tion, la Constituante passa à l'ordre du jour^ Les deux
théâtres donnaient de la musique italienne. Mais celui du
Palais-Royal avait un adroit parolier, qui savait traduire en
français musical les livrets italiens, et en produire aussi d'ori-
ginaux. C'était Paul-Ulric Dubuisson, qui dès 1786 transcrivait
ainsi Le roi Théodore- , musique de Paisiello (livret italien de
Casti). Outre cet opéra qui fut repris le 28 octobre 1790, Du-
buisson donnait la même année, au théâtre Montansier : Les
époux mécontents ; — Hélène et Francisque ; — L'arbre de
Diane; — Le maître généreux ; — Le curieux indiscret. Il fai-
sait l'éloge de la maison, et le sien propre, dans le Moniteur^.
L'heureuse directrice s'était installée à quelques pas de sa
recette, au-dessus du café de Chartres, arcade 82 du Palais
Royal; les fenêtres, exposées au midi, donnaient sur le jardin
dans toute sa longueur, jusqu'aux galeries de bois, appelées
aussi des Tartares. Foyer et salon tout ensemble, son apparte-
ment s'ouvrait à tout le monde : auteurs dramatiques, musi-
ciens, artistes, politiciens, journalistes, joueurs, femmes à la
mode. En janvier 1791, elle consentit à contracter une
« société universelle » avec son Neuville, garde du corps
devenu indispensable au milieu de la cohue révolutionnaire *.
1. Moniteur, Réimpression, t. VII, p. iSS.
2. Le 28 octobre, à Fontainebleau, cette pièce fut jouée pour la première fois
devant la Cour par la troupe de la Monlansier. Ensuite elle reparut souvent à Ver-
sailles, avec le plus grand succès. Elle fut reprise au Palais-Royal le 28 octobre
1790. D'après Quérard, l'édition est do 1786. — Dubuisson fit partie du syndicat
d'auteurs dramatiques qui, sous la direction de Bcaumareliais, revendiqua les droits
de propriété littéraire méconnus par les directeurs de spectacles. Leur fondé de
pouvoirs était Framery, el leur notaire, M' Rouen, celui même de la Montansier.
Le 17 sepicmbre 1791, Dubuisson est un des 43 signataires de la Pétition contre
la représcnlation, en France, de pièces françaises traduites en langues étrangères
sans l'autorisation de leurs auteurs (.4rch. nat., .\D VIII, pièces i3 et i4).
3. Supplément du 12 juin 1790; Moniteur, Réimp., t. IV^, p. 608. — L'arliclç est
signé a Mélophile ». Comme Mélophile porte aux nues deux pièces de Dubuisson
(sans écrire ce nom qui figurait sur les affiches) notre attribution saute aux yeux.
Il daube sur les paroliers du théâtre Fcydeau, et dit de lui-même, à la troisième per-
sonne : « Il a la triture de ce genre, qui doit être d'une prodigieuse dilBculté. d
4. C'est pendant la clôture pascale de 1791 que Louis réussit à doubler la lon-
gueur et 1.1 largeur de la salle (Annuaire dramatique de 1821, cité plus haut). —
LA MONTANSIER 53
Il est bien possible aussi que cette brute ait réussi à la ter-
roriser.
Après le manifeste de Brunswick et le lo août, au moment
où la marche des Prussiens mettait la patrie en danger, celle
([ui passait, — ni plus ni moins que la princesse de Lamballe,
— pour avoir favorisé et partagé les « déportements » de
Marie-Antoinette, ne pouvait manquer de courir les plus
graves dangers. Le bruit fut répandu que le théâtre Montan-
sier recelait, à la disposition des traîtres, nombre de fusils et
autres armes. « M"'' Montansier, dit le Moniteur, a repoussé
cette calomnie dans un placarda » Elle fit mieux; le 3 sep-
tembre 1792, elle se présentait à la barre de la Législative,
donnant le bras à Neuville, à la tète de quatre-vingt-cinq artistes
et ouvriers de son théâtre. Ils demandèrent et obtinrent de
former une compagnie franche, dans le bataillon sectionnaire
de la Butte-des-MouIins. Hérault de Séchelles, président,
accorda aux artistes citoyens les honneurs de la séance. Ils par-
tirent pour le camp de la Lune - et n'en revinrent que six
semaines après, lorsque l'ennemi eut évacué le territoire. Plu-
sieurs même restèrent sous les drapeaux, comme Dufresse, qui
devint aide de camp du général Moreton. Mais ce ne fut point
le cas de Neuville. D'abord, il convient de rappeler qu'il
avait alors cinquante-six ans ! Ensuite, il eut à Reims un
accident de cheval, et la vieille Montansier s'empressa de re-
joindre son vieux beau pour le ramener au logis. Elle était la
seule qui, spontanément, eût suspendu ses représentations
théâtrales. De plus, elle avait garanti à ses pensionnaires —
ou à leurs familles — la totalité de leurs appointements pen-
dant cette relâche pour la Patrie '.
Vlni'entaire de l'élude Lardy mentionne effeclivemcnt, à la date du 3i janvier
1791, des arrangements pris avec Durand, maître maçon, en vue de cet agrandisse-
ment.
1. Moniteur, Bèimp., t. XIII, p. 65o, col. a (lo septembre 179a). — Le placard
nous est inconnu.
2. Le i4 septembre.
3. Cf. Reuae d'art dramatique, janvier 1792. — Parmi les compagnons d'armes
de Neuville, on cite : Gallet, auteur du Ballet de Bacchus à l'Opéra ; Sevestre,
54 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Or il advint qu'après Jemmapes, Lavs et d'autres artistes
de l'Opéra furent envoyés par le Conseil exécutif, au général
Dumouriez, afin de lui faire fête. Ils arrivèrent avec une affiche
dont le texte, ironique pour les Autrichiens vaincus, a été
souvent reproduit. Il me paraît authentif|ue. Sans doute,
le lieu et la date de la représentation, « le 12, novembre
1792, en vue d'Auderlecht », sont avec raison contestés par
M. Chuquet. Mais ce ne fut que partie remise, puisque, deux
jours après, Dumouriez et son étal-major entraient à Bruxel-
les; et il dit dans ses mémoires qu'il eut un jour à dîner chez
lui « ces virtuoses de l'opéra... beaucoup plus sages que les
ministres qui les avaient envoyés « ^.
Saisie d'une belle émulation, et forte des sentiments patrio-
tiques dont elle avait donné le témoignage, la Montansier
obtint d'aller les propager en Belgique. Cette « campagne »
a été racontée avec humour par M. Cli. Gailly de Taurines,
non sans des détails que M. Maurice Tourneux trouve « sin-
gulièrement suspects ». Ce n'est pas mon impression. M. de
Taurines est très précis ([uant aux dates. Il s'appuie princi-
palement sur trois lettres de la directrice, des 26 novembre
1792, 4 et 8 janvier 1798, au ministre Lebrun-Tondu, qui sont
conservées aux Archives nationales. Sans doute, au point
de vue strictement historique, il abuse du style direct et du
dialogue. Mais le fond est exact, c'est-à-dire conforme aux
documents.
La troupe parisienne s'empara un peu militairement du
théâtre de la Monnaie, où l'on déclamait, dans Pierre le
Cruel :
Un roi, même coupable, est un objet sacré.
Pierre le Cruel [\x\. remplacé, non seulement par le répertoire
mort dirccleur des théâtres de la Seine hors Paris ; Gilbert, mort le 3 arril i8ai,
cher d'orchestre chez M"« Montansier et aux Variétés, pendant quaranle ans (.4/1-
nuaire dramatique de i8ai, p. 887).
1. Une phrase de Danton, 26 venlose an II (17 mars 1794), rappelle le texte de
cette affiche. Or Danton fut, en décembre 1792, commissaire en Belgique. Voir
MonileiH-, Réimp., t. XIX, p. 715. La mission de l'Opéra se place entre le 4 et le
20 ddcenibre. V. Clironiijue de Paris, ^ et 20 décembre 1793.
L.V MO>n'\NSIER 55
ordinaire du Palais-Royal, mais aussi par des pièces de circons-
tance, anti-catlioliques et ullra-palriotiques, qui n'eurent guère
le don d'enthousiasmer les bons Belges. La mission de pro-
pagande ne dura pas trois mois^ Elle n'avait pas coûté loo.ooo
livres à la République, comme le dit M. de Taurines, mais la
moitié à peine, si l'on opère la réduction de la somme en assi-
gnats ". Le prince de Cobourg y mit fin par sa victoire à Neer-
winden (i8 mars). La Montansier ne put tenir, comme elle
l'avait promis au public, jusques et y compris Pâques ^. Elle
s'enfuit avec ses pensionnaires, juste à temps pour échapper
aux Autrichiens, abandonnant son « magasin », c'est-à-dire les
malles de costumes et accessoires, et oubliant sa montre, à
moins qu'au dernier moment elle ne l'eût mise en gage. Sans
doute, sur les routes encombrées, « fléchissait-elle sous le
poids de la fatigue » ; mais, « sous celui du remords », comme
le suppose M. de Taurines, il y a lieu d'en douter*.
Les envieux n'avaient pas chômé pendant son absence. Le
conventionnel Duhem reçut un beau matin une médaille
contre-révolutionnaire, de la grandeur d'un écu de six livres,
à l'effigie de Louis XVI, avec ces mots : a Roi de France et de
Navarre. Louis XVI, né à Versailles le 28 août 1764; roi le
10 mai 1774; martyrisé le 21 janvier 1793. » A cette médaille
était joint le billet anonyme suivant : « La Montansier, payée
par la France à Bruxelles, y a apporté de ces médailles °, et la
jeune Crumpipen, maîtresse de Dumouriez, en a distribué
1. Du a jnnvier au 28 mars. C'est le 24 que les Autricliiens réoccupèrent
Bruxelles. Voir Cli. Gaillt de Taurines, Une campagne en Belgiijae : La Mon-
tansier à Bruxelles (Revae des Deux-Mondes du i" avril 1904).
2. Son mémoire au ministre porte 53.330 llv. i4 s. 6 d. de dépenses. Elle avait
reçu 33.000 liv. assignats. Elle réclamait la différence, pour les frais matériels de
l'entreprise, el \a faveur d'une indemnité pour ses artisles.
3. Depuis 1790, c'était sa marotte de jouer les jours de fêtes consacrées par
l'Église. C'était aussi son inlérèt. La mimicipalilé de Paris, comme celle de Ver-
sailles, s'y opposa alors.'
4. Article cité, Revae des Deux-Mondes, 1" avril 1904, p. 683.
5. Elle était arrivée à Bruxelles dix-neuf jours avant l'exécution de Louis XVI 1
56 REVUE HISTORIQUE DE LA. REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
j)artout. » Duhem fit part de cet envoi et de cet avis, qu'il taxa
« d'espièglerie », d'abord à ses collègues du Comité de Sûreté
générale, puis à la Convention (12 mars 1793). Il conclut :
« J'ai pris des renseignements sur la conduite de la Montan-
sicr. Elle est à Bruxelles, où Delacroix m'a assuré qu'elle
avait rendu de grands services à la liberté, en donnant gratis,
pour l'instruction du peuple, des pièces très révolutionnaires.
Nos acteurs ont converti plus d'aristocrates que les aristo-
crates ne pervertiront de patriotes. »
Mais, cpiinze jours après, le vaincu de Neervvinden passait
au camp autrichien ! Ses amis tombaient au rang des sus-
pects... Danton lui-même. Le brevet de patriotisme que
Duhem avait délivré à la Montansier allait se retourner contre
elle ! Les dénonciations devinrent d'autant plus nombreuses,
d'autant plus pressantes, qu'elle s'était préparé une rentrée
triomphale, en faisant construire à son usage, par l'architecte
Louis, un théâtre nouveau de fond en comble, isolé de toutes
parts et admirablement aménagé, — sans abandonner d'ail-
leurs ni celui de Versailles, ni celui du Palais-Royal. Elle en-
tendait faire concurrence à l'Opéra de la Porte-Saint-Martin,
dont elle avait en vain sollicité l'entreprise en 1790^
Le terrain, situé dans l'enclos de l'ancien hôtel Louvois, en
face de la Bibliothèque nationale, était délimité par la rue
Richelieu (-= de la Loi) et trois autres rues; contenance :
575 toises carrées. Elle l'acquit du citoyen Cottin, administra-
teur de la Caisse d'escompte, par contrat devant Rouen- et
Robin, le 7 décembre 1791, moyennant 4^o-4oo livres'', à
payer en douze annuités. Léonard Mouchonnet, entrepreneur
de bâtiments à Paris, s'engageait, au mois de janvier suivant, à
construire la salle de spectacle, des bâtiments au pourtour, et
à se charger des douze premières décorations. A la livraison
1. Arcli. nat. AD VUI, 44, 5'' liasse, 37 6i> (Rapport de MM. les commissaires
de la Commune relativement aux spectacles, in-4" de 34 pages, p. 27).
a. Rouen est représente actuellement par M' Lardy (6, boulevard de la Madeleine)
auprès duipicl j'ai renconiré toutes taeilitcs pouf ce trarail. C'est un devoir pour
moi de l'en remercier ici.
3. Soit environ aoo livres le mètre carré.
LA MONTANSIER 67
de la salle, il lui serait payé un acompte de 35o.ooo livres, et,
quant au surplus de ses mémoires acceptés, 60.000 livres par
an, tant capital qu'intérêts réunis, à commencer le premier
payement en janvier i794' La Montansier avait soldé, de ses
deniers, 55.25o livres sur le prix du terrain, s'engageant à
payer le reste par annuités de 60.000 livres, à partir de 1792;
des prêteurs et commanditaires lui avaient fait confiance, soit
à elle, soit à Mouclionnet, pour tout le surplus.
C'était un jeu pour l'architecte Louis de taire les plans et
devis d'un nouveau théâtre, depuis qu'il avait édifié celui de
Bordeaux, son chef-d'œuvre, où s'élève aujourd'hui sa statue.
Mais il y avait aussi des bâtiments annexes, dont la Montan-
sier entendait tirer bon parti; et puis, les maçons demandent
du temps : en sorte que si le « Théâtre-National » fut peut-être
« livré », suivant les conventions, au jour de la Pentecôte de
l'année 1792, la salle n'ouvrit que l'année suivante. La hau-
teur et l'amplitude de la scène ^ les di'cors qui montaient et
descendaient au lieu de rouler sur galets, le chauffage, les
réservoirs d'eau en cas d'incendie, la commodité exception-
nelle des dégagements, tout était fait pour contenter et ras-
surer le public". La liberté absolue des théâtres permettait
d'ailleurs d'aborder tous les genres, de donner ce que nous
appelons la « pièce à spectacle », la grande pantomime,
« oubliée depuis Servandoni », le célèbre directeur de la
Monnaie.
« On est en pleine Terreur, dit M. G. Lenôtre^, et voilà la
Montansier prête à inaugurer son grand théâtre de la rue
Richelieu; jamais son activité n'a été plus folle; déjà on
équipe les décors » (etc., etc.), « quand la Commune de Paris
!. Protbndeur, 75 pieds; largeur, 70 pieds; hauteur, 100 pieds.
3. Pour une plus ample description, renvoyons à l'ouvrage déjà cité de M. Le-
comle, et à Marionneau, L'architecte Louis, Bordeaux, 1871, gr. in-S", enfin à
Albert de Lasalle, Les treize salles de l'Opéra, Paris, 1870, in-8".
3. Ouvr. cité, p. 245.
58 RE^TJE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRAN(;A1SE ET DE LEMPIRE
confisque lo nouveau théâtre et. pour s'éviter les récriminations
de la propriétaire, décerne contre elle un mandat d'arrêt. »
Décidément, la « petite histoire » ne pratique pas volontiers
l'art de vérifier les dates! Ici, la chose est facile. Le Théâtre
National ouvrit, — par bravade anticatholique, — le i5 août
1793, jour de l'Assomption'; le 9 novembre, les affiches
annonçaient l'engagement de Mole, qui devait jouer Alcesle,
du Philliite ; et ce fut le 28 brumaire = i3 novembre, donc trois
mois après l'ouverture, que Chaumette, faisant chorus avec le
n° 3 10 du Pèi^e Duchesne, dénonça devant le Conseil de la
Commune la citoyenne Montansier. De quoi l'accusail-on ?
D'avoir des intelligences avec les Anglais ; d'avoir puisé chez
eux une grande partie des fonds qui avaient servi à la cons-
truction de son théâtre-; de mettre en danger, en cas d'in-
cendie, la Bibliothèque nationale qui y faisait face, etc.
Chaumette ne faisait, à son dire, que rendre compte des dé-
nonciations qui lui avaient été adressées. L'une d'elles portait
vraisemblablement : « Elle veut donc mettre le feu à la Biblio-
thèque nationale ! » façon de parler que ses ennemis affec-
tèrent de prendre au pied de la lettre. Mais Chaumette ne
paraît pas lui avoir attribué une intention aussi absurde que
criminelle^. — Hébert appuva « personnellement » le réqui-
sitoire de Chaumette. II avait reçu des renseignements contre
elle; et, de plus, il lui avait été offert une loge pour s'engager
à se taire. Bref, le Conseil de la Commune décida l'arrestation
de la Montansier comme suspecte ; Chaumette obtint de plus
que dorénavant le personnel des théâtres de Paris passerait
sous la censure municipale*.
I. Il donna un ]irolof]iie, La naguelte mngique, en l'honneur de l'architecte; —
AdHe el Paulin, dr.ime en trois actes par Delrieu ; — La Constitution à Conslan-
tinople, comédie, par LavoUée ; — et un ballet avec trois danseuses premiers sujets
de l'Opéra, plus... les chevaux de Franconi.
a. On disait aussi que la Reine lui avait fourni Bo.ooo écus.
3. D'après le Moniteur {Réimp., t. XVIII, p. /(s6, col. a) il fit observer que « le
thcâlre ('l;inl près de la Bibliothèque nationale, il met en danqer cet établissement
précieux, dans le cas où le feu se manifesterait dans ce spectacle ».
4. Rappelons ipie dès le i'"' septembre, les ex-comédiens du Roi qui formaient,
par scission avec le thédlre de la Hépubliciue (Palais-Royal), le théâtre de la Xation,
LA MONTANSIER 5^
Le jour même, il fut procédé à la fcrinctiirc du Théâtre
National. L'affiche portail une pièce de Dubuisson, Lucinde
et Raymond^. Cet auteur, qui sans doute présidait à la répé-
tition, fut donc des premiers averti du danger que courait la
directrice. Il prit sur lui de menacer Hébert, Cliauniette, toute
la Conunune, du mécontentement de Robespierre. De fait, —
quoi que l'on pût penser de la portée des dénonciations, — il
est clair que leur teneur n'intéressait pas seulement la police
municipale, la sécurité, mais bien la Nation elle-même, aux
prises avec l'étranger et les « conspirations de l'étranger ».
Le dernier mol appartenait aux Comités de Salut public et de
Sûreté générale. L'usurpation du Conseil de la Commune était
soutenable en droit : depuis un mois et plus (19 vendémiaire
an 11= 10 octobre lygS), sur le rapport de Saint-Jusl, la Con-
vention, en proclamant le gouvernement révolutionnaire jus-
qu'à la paix, avait placé en principe tous les agents d'autorité,
Conseil exécutif, ministres, généraux, corps constitués, sous la
surveillance du Comité de Salut public. En appeler à Robes-
pierre, c'était donc, en réalité, rappeler la Commune au res-
pect de la Convention, du Comité, de la Loi. Mais le gouver-
nement révolutionnaire n'était pas encore organisé : il ne le
fut que le i4 frimaire (4 décembre), et, d'autre part, le i4 août
1798, la Convention avait rendu un décret autorisant « les
Conseils des Communes à diriger les spectacles, et y faire re-
présenter les pièces les plus propres... à développer l'énergie
républicaine ». Dans cette période de transition, d'anarchie,
de dyarchie, — comme ou voudra l'appeler, — la Commune
demeurait un pouvoir de fait, fort de son alliance du 2 juin
avec les Montagnards, responsable comme eux et plus qu'eux
peut-être de l'exécution des Girondins (3o octobre). Aussi ni
Robespierre, ni personne n'intervint en faveur de la directrice.
Le mandat d'arrêt fut décerné le il\ et exécuté le 26 bru-
avaiciit élé incarcérés à la suite des représenlatioiis de Painéla (par François de
Neufchâteau). Seul, Mole avait été excepté. — Le g thermidor les délivra.
I. Le 29 août, du même, le Théâtre National avait donné Les époux mécontents;
le a5 septembre, Hélène et Francisque. Les trois pièces étaient des reprises du
théâtre Montansier (Palais-Royal j.
Go REVUE HISTORIQUE DE L.V RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
maire ^, au moment, dit V Annuaire dramatique, où, accom-
pagnée de Fabre d'Eglantine, elle montait en voiture pour
« terminer » avec M"^ Contât, qui devait jouer dans Philinle-.
Elle-même a prétendu, dans une de ses suppliques', cpi'elle
revenait de la cérémonie faite « en l'honneur de l'immortel
Marat », et où elle avait figuré avec cinq cents « camarades »,
partis de son théâtre. Un des décrets de la Convention portant
que le corps de Mirabeau serait retiré du Panthéon, et que
celui de Marat y serait porté, est bien du 24 brumaire'; mais
la translation solennelle n'eut lieu que l'année suivante, l'^jour
sans culotlide an II = 20 septembre 1794- Cependant il est pos-
sible que, dès la publication du décret, il y ait eu quelque
cérémonie : la section du Théâtre Français (Odéon) prit alors,
en effet, le nom de Marat. — Dans son Mémoire justificatif, la
Montansier ne fait pas allusion aux circonstances personnelles
de son arrestation : « Je gémis, dit-elle, sur le sort tlu citoyen
Neuville, contre lequel il n'y avait pas de mandat d'arrêt
décerné..., et dont l'unique crime est d'avoir eu un apparte-
ment (pii communiquait avec le mien. » Il semble bien,
d'après ce passage, qu'elle fut tout simplement appréhen-
dée chez elle, avec son associé, c'est-à-dire au n° 82 du Palais-
Royal =.
Quant à l'auteur favori de la troupe Montansier, Paul-Ulric
Dubuisson, son intervention ne tarda pas à lui être funeste. Il
n'était pas seulement poète, il était aussi publiciste, politicien,
diplomate à ses heures, en un mot, intrigant. Sous l'ancien
1. 10 novembre 179/1.
a. Philinle avait cté donné au Théâtre Français le aa février 1790. On sait que
Fabre avait été comédien à Beauvais, qu'il avait épousé une actrice, M"« Lesagc.
En 1799, fut publiée sa correspondance amoureuse avec une autre actrice du théâtre
de la Montansier, M"" Caroline Remy.
3. Le 28 prairial an U, texte publié par M. Martial Tekko : Le procès de ta
Monlansier, dans Le Monde artisle, i3, ao et 27 sept. igoS. Bibl. nat. Inv. Z.
1096, a8.
4. TouRNEUX, ouvr. cité, t. I, article /(SiS.
5. Dans la lettre du 18 fructidor au Comité de Sûreté générale, oii elle rappelle
son arrestation, elle précise que Neuville fut arrêté 0 dans son lit, la minute
d'après, sans aucun mandat d'arrêt, sur le seul molif d'ime porte de communication
de son lugcment au sien i (Martial Texeo, Hcvue citée, 27 sept. ujo^).
LA MONTANSIER 6l
régime, après avoir débuté par des vers erotiques ^ — ce qui,
alors, ne passait pas pour un grand crime, — il avait disserté
sur Saint-Domingue, sur le commerce maritime, et dialogué
avec l'abbé Raynal. Rien n'indique qu'il ait été ensuite un
« révolutionnaire exalté », ni un « partisan des hébertistes^ ».
Il conviendrait plutôt de le classer au nombre des dantonistes.
En effet, c'est le Conseil exécutif qui lui avait donné auprès
de Dumouriez, à l'époque où ce général songeait à la trahi-
son, une mission de confiance, en compagnie de Proly et de
Pereira. Tous trois, après Neervs^inden, passèrent pour des
« agents de l'étranger ». Cependant, en mai lygS, il avait
encore été employé comme « observateur » à Bâle et en Suisse.
De retour à Paris, il continuait à jouer avec le feu.
Il n'était pas le seul : « Un fait certain, dit M. James Guil-
laume', c'est que les intrigants s'efforçaient de diviser les
patriotes. L'un d'eux* était allé dire à Hébert que Robes-
pierre accusait le rédacteur du Père Diichesne d'être payé par
Pitt et Cobourg ; un autre, Dubuisson, faisait avertir Hébert
que Robespierre devait dénoncer la Commune et le départe-
ment, Pache, Chaumette, Hébert, Dufourny, Momoro, à propos
de l'arrestation de l'actrice Montansier; on prévenait Pache
que Chaumette et Hébert étaient dénoncés au Comité de
Sûreté générale comme ayant trempé dans la conjuration de
l'Angleterre ; à Chaumette, on disait que c'était Pache et
Hébert seulement qui étaient dénoncés, à Hébert, que c'étaient
Pache et Chaumette. »
C'est alors que Robespierre, dans la séance des Jacobins du
i" frimaire, désigna nominativement les intrigants : Proly,
Dubuisson, Desfieux et Pereira, et demanda que ces trois der-
niers, qui étaient membres de la Société des Jacobins, en fussent
chassés. C'est ce qui fut voté séance tenante. Au début de fri-
1. Le Tableau de la Volupté (juillet 1771), réédité de nos jours. Voir la Cor-
respondauce littéraire, éd. Tourneux, t. IX, p. 349, et le Catalogue général de la
Bibliothèque nationale, au mot Dubuisson (Paul-Uli'ic).
2. Article de la Grande Encyclopédie, signé F, -A. A.
3. Eludes révolutionnaires, Paris (Stock), 190g, a" série, pp. 180 et suivantes.
h- Cellier.
62 REVUE HISTORIOUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
maire, ils furent arrêtés et emprisonnés. Ils périrent en 1794,
4 germinal an II, sur le même échafaud que le Père Duchesne :
mais cela ne prouve aucunement qu'ils fussent hébertisles.
Dans le « procès instruit et jugé au tribunal révolutionnaire
contre Hébert et consorts » ', il y eut vingt accusés, dont un seul
fut acquitté. Le n" 19 est « Paul-Ulric Dubuisson, âgé de
quarante-huit ans, né à Laval, demeurant à Paris, rue Saint-
Honoré, section de la Montagne^, homme de lettres' ». Le
seul témoin entendu contre lui fut Jacques Moine, agent d'un
atelier d'armes : il rapporta que Proly, Dubuisson et Pereira
fréquentaient assidûment le ministre Lebrun ; qu'un jour le
déposant ayant parlé contre un article d'un journal rédigé
sous les ordres du ministre Lebrun, ces trois accusés l'invec-
tivèrent; qu'en décembre 1792, Proly et Dubuisson avaient
arrangé un dîner chez Girardin, restaurateur, cour des Jaco-
bins. Le déposant, qui y fut invité, ne vit pas sans indignation
paraître Bonne-Carrère'' qui fut amené par Proly. — Proly dit
qu'il serait nécessaire que la Société des Jacobins s'occupât
de savoir s'il ne conviendrait pas de faire la paix avec les
puissances étrangères. Il ajouta qu'il connaissait des agents
des puissances qui entameraient cette négociation.
Dubuisson, en ce qui le concernait, déclara n'avoir connu
Pereira qu'en mars 1793, quand celui-ci lui avait proposé la
députation en Belgique ; n'avoir eu avec Proly eî Desficux que
des relations accidentelles, au café Corazza ; n'avoir également
connu le ministre Lebrun-Tondu qu'à propos de cette mission-'.
1. Bib. nat., Lb", loSa.
2. Nouveau nom de la seclion de la Butte-des-Moiilins.
3. Procès cite, p. i6. • — D'après Rabbe, Dubuisson serait né à la Martinique
et non à Laval. Il s'appuie sur la préface du premier ouvrage de Dubuisson,
Nadir. (11 aurait donc pu, à onze ans, y connaître la Montansier.) Ce qui est
certain, c'est qu'il fit un séjour » aux îles », en 1783, après l'échec du Vieax
garçon, pour tenter la fortune ou peut-être pour recueillir une succession.
4. Siu- Bonne-Garrère, voir F. Masson, Le département des Affaires étrangères
soiis ta Révolution, Paris, 1877.
5. Dumas, aux Jacobins (ai germinal an II), le désigna clairement, sans le
nommer, comme a l'émissaire, l'homme de conliance de Dumouriez, à l'époque de
sa traliispn : sans mission, sans ordre, sans prétexte, il fut dans la lente du roi
de Prusse. « Sa tète venait de rouler. Ce nouveau cjrief n'a pas de sens.
LA MONTANSIER 63
En tout cela, il ne fut pas question de la Montansier : elle
n'avait été que le prétexte, mais elle a pu fort bien se croire
la cause, — innocente d'ailleurs, — de l'arrestation et de la
mort de son auteur favori (21 germinal an II = 4 avril 179^).
Elle avait été enfermée à la Petite-Force. Elle avait assez de
ressources, d'entregent pour y être bien traitée, et n'y souffrit
pas matériellement. Au fond, les puissants du jour en vou-
laient à ses entreprises et non à sa personne. Si elle avait, sur-
tout dans le monde de l'Opéra, des envieux, des concurrents,
elle avait aussi pour elle, et en grand nombre, des auteurs, des
musiciens, des pensionnaires, des emplovés, des fournisseurs,
des entrepreneurs, des décorateurs, enfin des créanciers dont
la fortune et l'existence étaient attachées à sa barque. II n'est
donc pas juste de dire, avec M. Lenôtre : « Elle ameute si
bien les badauds qu'on n'ose l'envoyer à la guillotine'. » On
avait de bien autres audaces !
Elle eut tout le temps, tous les moyens de se défendre. Elle
a signé un long et probant Mémoire justificatif qu'elle n'a
probablement pas rédigé seule, mais dont seule elle pouvait
fournir les éléments de fait et de droit : « Dès les premiers
jours de sa captivité, dit son dernier biographe, M. Lecomte'^,
elle avait entrepris un mémoire dans lequel les insinuations
calomnieuses de Hébert et de Chaumette étaient point par
point réfutées. Ce mémoire, aujourd'hui [)erdu, nous en trou-
vons trace dans un catalogue d'autographes publié en 1849...
C'est, si l'on en croit le rédacteur du catalogue, un modèle de
fourberie et d'ingratitude envers d'illustres bienjaiteurs deve-
nus malheureux^. Il fut envoyé le 24 décembre 1793 à Cou-
I. Ouvr. cité, p. 246.
a. Ouvr. cité, p. 196.
3. Cette allusion ne peut s'appliquer qu'à Marie-Antoinette ou plutôt à la mé-
moire de la « veuve Capet ». De quels « bienfaits » s'agil-il? Du privilège de
1 777 ? De la grâce accordée à Neuville ? La Reine est-elle personnellement inter-
venue en cela? Il est impossible de sortir des « on-dil ».
04 REVUE H1ST0RIOI.E DE LA RÉVOLUTION FRANÇ.VISE ET DE l'eMPIRE
ihon... avec ce billet qui, plus heureux que la pièce même, a
été consente : Au Président de la Convention. Prison de la
Petite-Force, 4 nivôse, an IL Citoten, tu es un vrai républiquin
par conséquent juste... Je t' envois un exemplaire de mon Mé-
moire. Tu y liras la Vérité rien que la vérité. Cependant je
suis en prison depuis cinq semaines. »
Ce Mémoire justificatif , — facile en réalité à consulter à la
Bibliothèque nationale, bien que personne ne l'ait encore
utilisé, — est un factum imprimé dans la forme usuelle, et
daté : « A la Petite-Force le lo frimaire an II, Montansier^ w
On voit qu'elle n'avait pas perdu de temps, et que Ton n'en
avait pas perdu à son service : en quinze jours sa défense fut
prête.
Comment, dit-elle en substance, pourrait-elle être so///)fon/ïee.'
Sa profession de directrice de spectacle met au grand jour sa
conduite publique et privée. Il faut qu'elle reçoive chez elle
amis, ennemis, indiCférents. Si elle était une femme dangereuse,
aurait-on attendu quatre ans de Révolution pour s'assurer de
sa personne? Elle est donc positivement accusée. Les envieux,
qui « ne cherchent pas à vous perdre parce que vous avez mal
fait, mais parce que vous faites trop bien », ont imaginé sur
son compte un « roman d'impostures », un « corps de calom-
nie ». Elle se félicite qu'un « moment de contrainte » lui four-
nisse l'occasion de percer à jour d'absurdes dénonciations, et
« d'imposer à jamais silence à ses détracteurs ». Elle ne fera
« pas de phrases », elle ne dira que « des choses ».
On l'accuse d'avoir connu Marie-Antoinelte. Elle ne le nie
pas. Mais a-t-elle été son agente, sa confidente, l'a-t-elle servie
dans « ses crimes '? » Non. « Sous l'ancien régime, la Cour
avait des loges à l'Opéra, aux Français, aux Italiens. Elle en
avait aussi aux spectacles de Versailles dont j'étais directrice.
L'Opéra, les Français, les Italiens, portaient leur répertoire à
la Cour. Ils attendaient dans Tanlichambre. Je le portais égale-
ment, et j'attendais dans l'antichambre. »
i. Paris, imp. Potier, rue Favarl, n" 5. — In-A" de i6 p. Bibl. nat., Ln-' i4.55
LA MONTANSIER 65
Après le l'i juillt-t, la Montansier déclare avoir ouvertement
pris parti pour la Révolution, en faisant jouer à Orléans, où
elle avait une troupe, La prise de la Bastille^. La Reine lui fit
alors savoir rju'elle ne payerait plus sa loge.
« Depuis, elle n'est plus venue à mon spectacle. D'ailleurs
elle n'était qu'abonnée et ne m'a jamais fait donner un écu au
delà de ce qu'elle me devait-. »
Quand, en octobre, les Parisiens marchèrent sur Versailles,
« Capet et sa femme' voulurent se sauver... Qu'est-ce qui fit
échouer leur projet? Une partie de mes pensionnaires qui,
conjointement avec d'autres citoyens, arrêtèrent : i" les voi-
tures de Capet, à la chute du jour, le 5 ; 2° celles de la veuve
Capet, dans la nuit du 5 au 6 ». La Montansier sent bien ce
qu'une telle assertion a d'imprévu. Mais ou entendra des
témoins : elle n'en « impose » pas*.
(Ultérieurement, dans une lettre-supplique du 28 prairial
an II aux Citoijens composant la Commission populaire, elle
n'insiste plus sur cette inten-ention de son personnel, qui,
somme toute, ne prouvait rien quant à ses propres sentiments.
En revanche, elle prétend avoir refusé son théâtre pour ce
banquet des gardes du corps qui eut lieu à Versailles, au château
même, et provoqua la colère de Paris ; et l'avoir ouvert aux
I. Peut-«tre était-ce ce hiérodrame tiré des livres saints, musique de Désaugiers
(Marc-Antuine), dont la partition est perdue, et qui fut aussi représente à Rouen.
Voir la Revue hislorique de la flévolulion, n° ii, p. 497.
a. Le comte d'Artois avait aussi sa loge réservée au grand théâtre de VersaiJles,
en face de celle de la Reine. Il la payait 2.400 li\Tes. Les Pages du Roi, suivant
la tradition antérieure, donnaient aoo livres par mois (P. Fromageot, ouvr. cité,
pp. 35 et 36).
3. Il n'v a pas i\ tenir rigueur à la prisonnière d'une expression qui, sous la Ter-
reur, était de style.
4. On a ru plus haut une autre interprétation, dans le sens royaliste. Il est pro-
bable qu'elle date de la Restauration. — D'après les Mémoires de Barras (t. I,
p. 349) ou plus exactement d'après l'Appendice VIII composé par Rousselin de
Saint-Albin, la Montansier aurait été reçue dans les petits appartements de la
Reine, comme Léonard, le coiffeur. M"» Berlin, la marchande de modes. C'est,
dit-il, que 0 le théâtre donnait le ton aux modes ; et la Cour était la première à
les recevoir du théâtre ». Or ce qui peut être vrai de la Contât, la Suzanne du
Mariage de Figaro, celte prima dona de la mode, ne l'est évidemment pas d'une
directrice de théâtre plus que miire I
BEV. HIST. DE LA RÉVOL. 5
66 REVCE HISTOIUQLE DE LA RKVOLUTION FRANÇAISE ET DE L'EJfPIRE
Parisiens pour leur servir d'asile pendant la nuit du 5 au 6,
leur procurer et des subsistarices et des distractions : « car
ils eurent aussi des violons » '. En quoi il est bien clair que, si
ces faits sont avérés, la directrice senait le château en apaisant
et détournant l'orage à sa façon, ou en vertu d'ordres supé-
rieurs.)
Revenons au Mémoire de frimaire, fondamental. — Il est
exact que, lors de la Fédération, la Montansier envoya son
monde à Versailles, jouer des pièces patriotiques, « analogues
aux circonstances ». Sa lettre du 3 juillet 1790- aux officiers
municipaux de Versailles prouve que, sur ce point, elle n'en
impose pas. Par voie de conséquence, on peut croire aussi que,
lors du passage des soldats du régiment de Château vienne ^,
elle fit jouer Guillaume Tell, à Versailles, au bénéfice de ces
victimes de Bouille cl de l'aristocratie.
Aucun doute, non plus, sur la véracité de la déclaration
suivante :
« La première, j'ai fait jouer la comédie les jours de Vierge,
la semaine qu'on disait sainte, le vendredi qu'on disait saint,
le jour de Pâques qu'on disait saint*^. Je reçus plusieurs lettres
anonvmcs où l'on me menaçait de brûler ma salle. Cela ne
m'arrêta point et je jouai. »
La Montansier passe à ses relations avec le général Dumou-
riez. Etant donnée l'arrestation ou récente ou imminente de
Dubuisson, c'était évidemment, contre elle, le grief le plus
dangereux, et qui l'avait visée avant même que la trahison du
vaincjueur de Jemmapes ne fût connue^. Ici, documents en
main, le plaidoyer de la Montansier ne dit que la vérité, si elle
ne la dit pas tout entière :
Le Conseil exécutif m'envoya dans la Belgique pour jouer des
1. Martial ^E^■Eo, remie citée, 37 septembre igoS.
2. Collection de M. P. Fromageot.
. 3. C'est le dimanche i5 avril 179a qu'ils furent reçus et fêtés à Paris.
/(. On peut ajouter : la Penlrcôte : en 1791, ce jour-là, les affiches qui annoD-
çaient le spectacle furent arrachées par ordre de la municipalité de Versailles
(P. Kromaoeot, oiwi: cité, p. 64).
5. Viiir plus liaul l'hisloire de la médaille contre-révolutionnaire.
LA MONTANSIEK 67
pièces révolutionnaires. C'est un fait dont les ordres et une corres-
pondance qu'on a dû trouver sous les scellés font foi.
Je n'ai point vu Dumourier à Bruxelles'. J'invoque à cet égard
le témoignage des représentans du peuple, des commissaires du
pouvoir exécutif, de mes camarades, de tous les Français qui étoient
k Bruxelles. J'étois adressée par le ministre au général Moreton, et
non point à Dumourier.
Je pa.ssai huit jours k l'auberge, k Bruxelles, avec mes camarades,
sans pouvoir parvenir à jouer sur le théâtre. Des directeurs et une
troupe en étoient en possession, et ce ne fut qu'après bien des soins
que j'y parvins, et par l'appui du général Moreton qui présida au
marché que je conclus avec eux.
Dumourier con.spirait contre la liberté, et je ne jouai que des
pièces pour propager et maintenir la liberté, telles que Les Victimes
cloîtrées " et autres de ce genre. Je n'étois donc pas de concert avec
lui.
Dumourier s'opposoit k la réunion de la Belgique, étoit d'accord
avec les Autrichiens pour marcher sur Paris et livrer la France ; et
moi, je fus obligée de me sauver précipitamment de Bruxelles, avec
mes camarades, pour n'être pas tuée, et d'y aLandonner tout mon
magasin que j'y avois fait transporter'.
Voici l'instant oîi je crus pouvoir m'adresser k Dumourier. Les
enaemis approchoient de Bruxelles, nous étions sans argent et sans
ressources. J'en avois demandé aux représentans du peuple. Les
affaires majeures dont ils étoient occupés leur laissèrent négliger
celle-lk. J'écrivis un billet de quatre lignes à Dumourier pour l'in-
viter k m'en faire prêter : mon billet resta sans réponse. Je n'étois
donc pas d'accord avec lui.
On l'accusait aussi d'avoir, à Bruxelles, discrédité les
1. D'après sa lettre du a6 novembre 179a à Lebrun-Tondu, elle avait vu Dumou-
riez à son passage à Paris et lui avait demandé l'agrément de conduire à
Bruxelles, aussitôt qu'il y serait entré, une troupe de la Propagande. « Il sourit...
et me donna rendez-vous pour les fêtes de Noël. » — En fait, avec l'appui et une
subvention de Lebrun, la troupe française joua à Bruxelles du 10 janvier au
23 mars 1793 ; les Autrichiens y rentrèrent le lendemain. Aucune assertion du Mé-
moire de l'an II n'est démentie par les textes, quant au voyage et à l'entreprise
de Belgique.
2. Par Monvel.
3. Voir son bilan dans Lecomte, oavr. cité, p. 162.
f)8 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FR,\NÇA1SE ET DE l'eMPIRE
assignats de la République par le prix des places. La rt^futa-
tion est lumineuse :
Les directeurs-propriétaires du spectacle de Bruxelles avoient,
d'accord avec le général Moreton, fixé les prix. Ils étoient indiqués
par leurs affiches à 7 livres 10 sols en assignats et 6 livres en numé-
raire '. La fixation des prix resta telle qu'elle étoit avant mon arri-
vée k Bruxelles, le général Moreton m'ayant dit de les laisser
subsister de même ; la différence ne vient donc pas de moi, et il ne
dépendoit pas de moi de la changer.
Plusieurs artistes de l'Opéra, qui ont été envoyés aussi par le
pouvoir exécutif a Bruxelles avant moi, savent qu'on prenoit aux
représentations qu'ils y ont joué 7 livres 10 sols en assignats et
tj livres en numéraire.
Le prix des bals seul dépendoit de moi. Il n'y en avoit pas encore
eu de donnés, et des affiches peuvent prouver que je n'y avois point
mis de différence entre l'argent et le papier. Les commissaires du
pouvoir exécutif m'y engagèrent. Je m'empressai de répondre à leur
désir; ils en prévinrent le ministre et lui firent passer une de mes
affiches.
Lorsque le public prenoit des billets à la porte, les malveillants
et les créatures de Dumourier s'y trouvoient, et disoient aux per-
sonnes qui payoient en argent : « Cela vous est égal de payer avec
du papier, donnez-moi votre argent, voilà un assignat. » Plusieurs
furent arrêtés ; j'étois seule victime de cette fraude ; il étoit donc de
mon intérêt que les prix fussent égaux en numéraire et en papier,
puisque ce monopole n'auroit pas existé.
Sur le prétendu dessein de mettre le feu à la Bibliothèque
nationale, ou sur la vraisemblance plus on moins grande d'un
danger d'incendie accidentel, la fondatrice du Théâtre Natio-
nal avait beau jeu - :
Ai-je l'ait bâtir le théâtre de la rue de la Loi pour mettre le feu à
1. Les assignats perdaient en réalité beaucoup plus. Dans le compte .idressé à
Lebrun, on lit : b Dépenses en numéraires 15.5.17 liv. a s. 5 d., qui ont coûté
en assign.its 31.07/1 liv. 4 s. 6 d. », soit le double, valeur nominale.
•!. .-iu reste, le Tlitàlre Xalional ne chôma que quelques jours, et logea l'Opira,
institution d'Elat, jusqu'en iSaS. Il est vrai qu'on démolit des annexes. Il n'y
aurait eu qu'à en interdire l;i construction. — Deux arrêtes du Directoire, i"' et
LA. MONTANSIER 6q
la Bibliothèque nationale ? Si j'avois eu cette idée, j'aurois été bien
bête de placer le théâtre de ma salle à rextrémité opposée à la
Bibliothèque nationale. Si j'avois eu cette idée, j'aurois été bien
absurde de faire construire trois gros murs entre la rue et le par-
terre de la salle. Si j'avois eu cette idée, j'aurois été bien adroite
de persuader à vingt particuliers d'y sacrifier leur fortune. Si j'avois
eu cette idée, j'aurois été bien audacieuse de faire communiquer le
plan de ma salle aux inspecteurs des travaux publics et à la com-
mune.
Si j'avois eu cette idée, j'aurois été bien ignorante de ne pas
savoir que les livres en masse ne brûlent point et que le feu est
celui, de tous les fléaux, que les livres craignent le moins.
Si j'avois eu cette idée, j'aurois été bien gauche de faire cons-
truire à ma salle des réservoirs immenses et qui sont pleins d'eau.
Si j'avois eu cette idée, j'eusse été bien lente à l'e.itécuter, puisque
ma salle a été dix-huit mois à bâtir, qu'il y a trois mois qu'elle est
ouverte, qu'on n'y a pas vu une seule pièce à incendie, et que d'ail-
leurs les feux dont on se sert dans les théâtres, qui ne sont ordinai-
rement composés que d'esprit de vin, ne sont jamais dangereux.
Maintenant, je demande à ceux qui me supposent cette idée,
quel intérêt j'aurois eu et ce qu'il m'en seroit revenu? Certes, le
moindre accident k cet égard eût fait fermer mon spectacle, etvoilk
ce que j'y aurois gagné... »
Ai-je fait bâtir mon théâtre, rue de la Loi, avec l'argent
de Pitt et i5o.ooo livres de la veuve Capet?
Je demanderai d'abord pourquoi Pitt auroit fait bâtir un superbe
théâtre à Paris ? Il n'est pas présumable qu'il s'intéresse beaucoup
aux artistes et aux arts français. Pour faire tomber l'Opéra, dira-t-on ?
Mais, faire tomber l'opéra pour le ressusciter plus brillant encore,
cela n'est pas conséquent.
Mais vous avez engagé des sujets de l'Opéra, preuve que vous
i3 germinal an VII, concernent les spectacles « sous le rapport des incendies ».
Le deuxième, art. 4> prescrit des mesures « provisoires » pour la sûreté de la
Bibliollièque nationale, menacée, moins par le Théâtre, que par la proximité de la
Trésorerie. Un mur en ])ierre et en briques fut ordonné, au lieu de cloisons qui
fermaient des escaliers donnant sur la rue de la Loi (Arch. Nat. AD VIII 44,
pièce 3o).
70 REM.iE mSTORIQUF. DE LA. REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
VOUS entendiez avec Pitt pour faire tomber l'Opéra? Point du tout,
parce qu'il auroit paru indifférent à Pilt que les sujets de J'Opéra.
eussent dansé sur le boulevard ou rue de la Loi, et que cela n'eût
pas réalisé son projet.
Mais vous avez eu des sujets de l'Opéra, parce que vous les
payiez plus cher qu'à l'Opéra, preuve que vous vous entendiez avec
Pitt, pour faire tomber l'Opéra? Point du tout, car si je payois les
sujets plus cher qu'à l'Opéra, je les fixois à Paris, et Pitt auroit été
déjoué par ce calcul, puisqu'il auroit conservé l'Opéra bien plus
qu'il ne l'auroit détruit : car l'Opéia consiste, non dans la cage où
on le joue, mais dans les talents qu'il renferme, et ces talents reste-
ront où ils se trouveront le plus payés '.
Un dernier mot sur cette prétendue intelligence avec Pitt. Le
terrein qu'occupe ma salle a été acheté le 7 décembre 1791. La
salle devoit m'être livrée par l'entrepreneur kïa. Pentecôte de i/ga,
et la déclaration de guerre k l'Angleterre est du premier fé\Tier
1798. Que l'on compare maintenant ma prétendue connivence avec
Pitt, et que l'on prononce.
La Montansier expose ensuite le plan général de son entre-
prise théâtrale rue de la Loi -.
Suivent deux tableaux intitulés :
1° Sommes payées par .a citoyenne de Montansier,
tant de ses deniers personnels que d'emprunts.
DATES NOMS SOMME PATEE
des des acquisition du terbain sans
actes notaires empninl
7 déc. 1791. Rouen. 4'J0.4oo '■ 55. 260 1.
1. L'acteur François Lays, premier sujet de l'Opéra, après sa mise en liberté
(i5 messidor an 111) se vante lui-même dans un factum « de s'être opposé de
toutes ses forces à l'ambition insatiable de la Montansier «, accaparcuse d'une
« grande partie des théâtres de la République « (Arcb. nat. .40 VIII, 44, pièce i3).
— De son côte, le régisseur de la Montansier, Verteuil, incrimine « les odieuses
mesures combinées dans les saturnales et dans les orgies » entre Hébert, Chau-
melle, et les sujets de l'Opéra. Ce conseil • jmlilico-ljrique » n'avait .pour but
que de pourvoir, par une confiscation < aux plaisirs cl aux convenances de quel-
ques mécènes do coulisses » (Tour.neu.x, ouv. cité, art. i834i)-
2. Voir plus haut.
LA MOiNT.VNSIEll
r^DEMEURE?
■t'teurs
sou H ES
empruntées
et payées
l'entrepreneur
NOMS
des
notaires
i3 mars 1792. Rouen. Constitution viagère de 5. 000 I.
au principal de 53. 000 1.,
au profil de François-Louis-
Claude Marin et sa femme,
rue du Mail .jS.ooo 1.
24 mai. Rouen. Obligation à Pierre Jour, rue
Sl-Honoré, de. So.ooo 1.
24 mai. Le même. Trois obligations, ensemble
gg.oool. à Jean-Charles Heh-
TRAND, assesseur Balivol'.à
Tverdun, canton de Berne,
logé alors hôtel Francfort,
rue des Vieux-Augustins. . gg.ooo I.
3o juin. Le même. Quittance de 200.000 1., avec
subrogation, en faveur d'An-
toine Lepescheux, négociant,
rue de l'Fchiquier 200.000 1.
i" juillet. Le même. Jean Mac-Mahon Leadmore,
rue Saint-Joseph 11.000 1.
I»' octobre. Le même. Marguerite Boudier, veuve Al-
lègre, rue de Grammonl . . 20.000 1.
1 1 octobre. Le même. Gaétan V'ellony et Victoire-
Marguerite Allègre, sa
femme, rue Saint-Thomas-
du- Louvre i4.ooo 1.
Total des sommes payées avec emprunt 447.ooo'-
2° Sommes empruntées par l' Entrepreneur et par lui versées
à ses entrepreneurs.
i5 fév. 1792. Dufouleur. Marie -Joseph -Apollinaire Mo-
RA.ND et son épouse, aux Ja-
cobins 81.000 1.
i5 octobre. Rouen. Antoine Lepescheux, rue de
l'Échiquier 3oo.ooo 1.
i'' mai [1793]. Le même Le même. 3oo 000 1.
Sur les 600.000 livres prêtées par Lepescheux, il en a transporté :
1° Par acte passé devant Garnier, notaire à Paris, le 26 mai
1793, à Jean-Baptiste d'Huicque, rue Montmartre jo.ooo 1.
I. Balivol n'a pas de sens. On peut conjecturer : « baillival », ou « bénévole ».
72 RE\'UE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
2° Par un autre acte du même jour, devant le même no-
aire, à Marie-Françoise Benard, veuve Pruneau, rue Mont-
martre ôo.ooo I.
3° Par acte passé devant Rouen, le 28 mai lygS, au citoyen
Desages, rue du Boulloy i4o.ooo 1.
4° Par acte passé devant le même notaire, à Charles-An-
toine Lefebvre, garde d'artillerie à Douay, et Marie-Louise
Laurent, sa femme, le premier juin 1798 9.000 I.
5° Par acte passé devant Rouen, le 7 septembre 1798, à
la veuve Alibert, marchande-bijoutière, cul de sac du Paon. 10.000 I.
6" Par acte passé devant... à... la somme de 17.000 1., ci. 17.000 1.
70 Et par acte passé devant Rouen, le 20 septembre 1798,
au citoyen Desages, rue du Boulloy lOo.ooo 1.
En tout 430.000 1.
(// ne ri'sie pins au cit. Lepescheux, sur les 600.000 livres prêtées,
que : 164.000 1.)'
8 sept. 1798. Rouen. 12.000 1. à constitution de rente
viagère, de Pierre Gandras
et Marie- Madelaine- Gene-
viève Dlbois, demeurants à
Saint-Vallery 12 000 1.
28 octobre. Le même. Barthélémy Despeisse, rue des
Vieilles-Thuilleries .... 80.000 1.
4 nov. Fourcault- La citoyenne Senicourt, cul de
Pavant. sac Sainte-C'roi.x 20.000 1.
Total (les sommes empruntées par l'entrepreneur: 748.000 1.
Indépendamment des 447-000 1. empruntées à la citoyenne Montansier,
il lui a encore été prêté, tant pour subvenir aux dépenses extraordinaires
de ce bâtiment, que pour nouvelles décorations, et payement des sujets
attachés à ce spectacle, les sommes ci-après :
DATES NOMS ET DEMEURÏS SOMMES
des NOTAIRES des nrptiiM
actes prêteurs prêtées
19 fév. 1798. Rouen. Pignere-Labollnoye, rue des
Tournelles i2.5ool.
Id. 1<1. MoNiET, rue Montmartre, en
1. D'après le faclum intitulé « Hélulation des ineiisonjes, etc. » (Tolr.velx, ouv.
cit. art. i835o), Lepescheux était iirimitivemcnl associé pour un quart clans le
bénéfice, et non duns la perte de l'enlisprise. Il s'était engage, par acte notarié,
à faire face à la plupart des billets en circulation.
DATES
des
actes
NOTAIRES
Id.
Id.
Id.
Id.
21 fév. 1793
Id.
Id.
Id.
5 mars.
Id.
Id.
Id.
6 mars.
Rouen.
i5 mars.
Id.
I" avril.
Id.
Id.
Id.
1 7 doc. 17^3.
Id.
LA MONTAN'SIER •jS
NOMS ET DEMEURES
des SOMMES
préteurs P''*"'=«
face celle du Jour iS.ooo I.
Briois, rue Vivienne, n» 27. . i5.ooo I.
Godard-Daucour, rue Vivien-
ne, n" I i5.ooo I.
Daubonne.\u-Milsan, rue de
Rohan, no42 10.000 1.
Frin, place du Carrousel . . . 7.5oo I.
V>'« CouTANCEAU, place des Vic-
toires, n» 3 7 . 5oo I.
TiiiBOUT, rue Caumartin, n° 3i. 7.5oo I.
Baulny, rue Vivienne, n" 27 . i5.ooo 1.
Granger, rue du Renard. . . 7.500 I.
Bacot, rue St-André-des-.-\rts. 7.500 1.
iMuRGEON, rue des Deu.\-Kcu.s. i5.ooo 1.
V^f Boileau, rue de Provence,
aux Écuries 10.000 1.
V^' Badets, rue .Mouffetard. . 10.000 1.
Total i52.5oo I.
Il était facile et il l'est encore, de vérifier l'exactitude de ces
tableaux par les actes eux-mêmes, pour la plupart déposés en
minutes dans l'étude Rouen (r= Lardy, 6 boulevard de la
Madeleine) ^ Ainsi s'évanouissaient la lérjcnde des sommes
puisées à Londres, ou dans la bourse de Marie-Antoinette.
Enfin, au cours de ses campagnes, ni à Versailles, ni au
Palais-Royal, ni à Bruxelles, ni rue de la Loi, aucune des
pièces ou représentations données au public n'avait pu être
taxée de contre-révolution. On n'y avait dansé cpie « des bal-
lets patriotiques ». — « Celui de la Fête civique fut le plus
majestueux en ce genre. » Quant aux tragédies, comédies,
opéras, il suffisait de parcourir les répertoires pour y consta-
ter la place considérable, exceptionnelle, que tenaient les
œuvres de propagande. La Montansier pouvait encore se
I. Pour se rendre compte de l'état au vrai de l'alTaire, il faudrait voir si les
sommes sont stipulées en numéraire ou en assignais, ou partie l'un, partie l'autre :
mais la dépréciation progressive du papier-monnaie et les sou-s-seings privés aux-
quels les particuliers eurent sans doute recours pour éluder les conséquences du
cours forcé rendraient bien aléatoires les conclusions.
'/If REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
vanter, avec preuves à l'appui, du nombre de ses représenta-
tions gratuites, « pour et par le peuple », avant que l'Etat
eût assuré à leur égard des indemnités et depuis que ces
dédommagements avaient cessée Elle n'omettait pas de rap-
peler, bien entendu^ et le corps franc organisé par elle en sep-
tembre 1792, et sa campagne de Belgique, qui lui avaient
coûté des pertes", sans indemnité, et ne lui avaient rapporté
que d'atroces calomnies.
Ayant ainsi démontré son innocence, son civisme, et lié
étroitement sa cause avec celle de son associé, la prisonnière
ne croit pas avoir à rechercher quels sont ou peuvent être ses
ennemis. Elle met simplement sa personne, sa propriété, son
industrie, sous la protection de la loi constitutionnelle,
« qu'elle a jurée », et des magistrats chargés de l'appliquer.
Au lendemain du jour où elle avait signé son Mémoire qui
sans doute était hors de ses mains, à l'impression, la prison-
nière subit une première comparution devant les administra-
teurs de la commune au département de la police, Caillieux et
Godard (11 frimaire an II); ils l'interrogèrent une seconde
fois le i4 nivôse. Le dépouillement des cinq cartons saisis à
son domicile avait fourni nombre de lettres d'auteurs, d'ac-
teurs, sans aucune preuve d'incivisme, ni rien de contraire aux
intérêts de la République. Elle cita de mémoire les noms de
ses créanciers personnels (pour l'achat du terrain)'. On la
1. En particulier le lo août 1798, fêle de l'acceptatinn de la Constitution par le
souverain (le peuple) et anniversaire de la prise des Tuileries. — Parmi les pièces
patriotiques qui furent montées, Verteuil (mémoire cité) énumfere : Le Siège de
Dankerque, sans-culottide en trois actes; Le Siège de Toulon, grand opéra du
cit. Dantilly, musiiiue de Kreutzer ; Le Siège de Granmlte, grand ballet en trois
actes du cit. Gallct ; Pisurre ou les Horreurs du fanatisme, du cit. Piron, ballet
du même ; Le Nmijrage ltérot</ue du Vengeur, grajid opéra de Moline.
2. Elle nie a\oir à ce sujet réclamé 80.000 livres d'indemnité à la GonventioQ,
quoiqu'elle fut « assurément dans le cas de le faire ».
3. Quelques noms sont défigurés dans le procès-verbal publié par M. M. Teneo :
Mannehou pour Mac Mahon, Guelteau pour Gaétan, etc.
LA MONTANSIEll ^5
questionna spécialement : i" sur le principal créancier, Le
Pescheux, négociant; i° sur Claude Marin ^, autre prêteur ;
3° sur Duplessis-, dit le « chevalier ». Ces personnes étaient
sans doute au nombre des suspects. Elle ne donna aucun
renseignement sur leur compte. Il ne fut pas plus parlé de
Dubuisson dans le procès de la Montansier, qu'il ne devait
l'êlre de celle-ci dans le procès de celui-là. Elle échappait au
fatal amalgame.
M. Martial Teneo a publié et le procès-verbal (évidemment
très abrégé) de ces deux interrogatoires, et diverses suppliques
de la prisonnière en date des il\ nivôse, 28 prairial et 18 fruc-
tidor. La seconde est adressée aux membres de la commission
de cinq membres chargée par la Convention d'activer les pro-
cès et de désencombrer les prisons ; la première et la troisième
ne portent pas de suscriplion. Elles n'ont pu, à mon sens, être
adressées, comme le croit M. Teneo, à quelque membre de la
Commune, mais bien au Comité de vSûreté générale, à qui le
procès-verbal des interrogatoires avait été remis, ainsi que les
])apiers saisis. C'est à la Petite-Force que la Montansier apprit
la mort de son ami Fabre d'Églantine ; puis celle de ses dénon-
ciateurs, Hébert, Chaumette, et, le même jour, de son auteur
favori Dubuisson; puis l'immolation de Danton, le soi-disant
complice de Dumouriez; enfin celle de Robespierre et des
« décemvirs ». Après le 9 thermidor, elle fut transférée à la
maison d'arrêt Égalité, ci-devant collège du Plessis- C'est de
là que partit sa troisième supplique. Le Comité de Sûreté géné-
rale, sur 16 membres, n'en comptait plus que 3 nommés anté-
rieurement au 9 thermidor; 5 étaient du i4; 7, du i5 fructi-
dor; I, du lô''. Ce Comité homologua sans plus ample informé
les conclusions favorables des administrateurs de la police. La
I. Homme de leUres, ex-censeur royal, né le 6 juin 1721, mort à Paris le 7 juillet
1809, d'après Quérard.
3. Pierre Duplessis, homme de lettres, auteur d'une tragédie lyrique, Pizarre,
1785, el des Mémoires de sir George WoUap, 1787-1788. Il était né à la Marti-
nique. La réserve de la Bibliothèque nationale a des exemplaires de ses œuvres
reliés aux armes de la Reine et de M^^ Adélaïde.
3. Voir James Guillaume, ouvr. cité, t. II, p. 323.
^C REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Montansier fut mise en liberté le 3o fructidor. Neuville fut
élargi le même Jour qu'elle.
Pendant ces dix mois de détention arbitraire, le théâtre de
la petite salle du Palais-Royal n'avait pas suspendu ses repré-
sentations : mais au lieu de s'appeler Théâtre Montansier, il
fut désigne sous le nom de Théâtre du Péristyle ou Jardin Ega-
lité, puis sous celui de Théâtre de la Montagne (28 avril
1794)-
Quant au grand théâtre de la rue de la Loi, on craignait si
peu l'incendie qu'il rouvrit quelques jours après l'arrestation
de la directrice, par autorisation du Conseil de la Commune :
son nom de Théâtre-National ne lui fut pas contesté. Il fui
dirigé par une société provisoire formée entre les artistes', qui
prirent comme commissaire Vertcuil-, ex-régisseur de la Mon-
tansier, assisté de Bonneville. L'acteur Mole y débuta le 7 dé-
cembre, dans le Misanthrope. La dernière nouveauté donnée
pendant cette période fut un opéra en trois actes, Wenzel ou
le Magistrat du peuple, 10 avril 1794- Neuf jours après, la
société provisoire était dissoute par le Comité de Sûreté géné-
rale, et ses débris s'installèrent à l'Odéon. Les artistes péti-
tionnèrent pour eux-mêmes et pour les citoyens « que leurs
talents faisaient vivre » : « l'année comédienne » allait expirer
dans peu de jours, et, si leur situation n'était pas réglée, il n'y
avait pas d'espoir d'engagement pour eux. Ils crurent tirer un
solide argument de la liste des pièces patriotiques qu'ils avaient
jouées depuis le i5 août 1792, ou qui étaient à l'étude-^. Le
gouvernement révolutionnaire demeura insensible à ces récla-
mations.
1. Une pensionnaire non payée. M"'" Sainval, avait fait mettre en bail judiciaire
le Thcàtrc-National.
2. Verteuil a signr un faclurn pour la Montansier. Arcli. nat. AD VIII, 4S-
3. Martial Te.neo, revue citée, ao sept. iyo7, p. ôgâ. (La pétition n'est pas datée;
mais comme les eni|agcmcnts partaient du i" lloréal, il est clair qu'elle est de la
fin de (jerniioal.)
LA MONTANSIER "T
Pièces patriotiques, sans-culotlides, anti-capucinades, etc.,
il y en avait sans doute beaucoup. Cette production débor-
dante faisait la risée des gens de goût et des étrangers, qui ne
reconnaissaient plus notre génie. N'était-ce pas encore là « une
conspiration payée p;ir Pitt et Cobourg pour faire tomber dans
l'avilissement le théâtre français? »'. C'était uniquement le
résultat de la loi du 1 3 janvier 1791, qui avait délivré de toute
entrave l'industrie dramatique, artistique, théâtrale. Depuis
cette époque, les scènes s'étaient multipliées-. Toutes préten-
daient aborder tous les genres. Aucune n'avait de droit sur un
répertoire. La foire aux artistes battait son plein toute l'année ;
les directions ne cessaient de se les disputer, de se les enlever
les uns aux autres; le souci des contrats, des dédits était
médiocre. En cette matière, comme dans les plus importantes,
le Comité de Salut public entendait légiférer, centraliser,
ordonner le chaos.
C'est pourquoi le Théâtre-NaiionaP devint Opéra, d'abord
sous le nom de Théâtre des Arts (7 août lygd)- Au fond, c'est
l'ancienne Académie royale de musique qui, de par la Révo-
lution, — au nom de la Nation si l'on veut, — expulsait du
bâtiment construit par Louis la troupe bigarrée qui l'avait
inauguré. Elle y joua, elle y dansa pendant vingt-six ans, et
sans doute y fût demeurée longtemps encore sans l'assassinat
du duc de Berry (12 février 1820), qui fit décider la démoli-
lion de l'édifice, dont la place Louvois représente aujourd'hui
le périmètre.
Si la Montansier avait été guillotinée comme royaliste,
complice de Dumouriez, etc., la confiscation eût été de droit;
mais l'Etat aurait été aux prises, tôt ou tard, avec les légi-
1. Moniteur du i8 nivôse an II, cité par A. Rambaud, Histoire de la ciuilisalion
contemporaine en France, Paris, 1888, in-S"; p. i85.
2. Moins encore cependant que leurs dénominations : les plus érudits risquent
toujours de s'y perdre.
3. Arrêté du Comité de Salut public, 27 germinal an II. Signé : Prieur, Barére et
Carnot.
78 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FR.VNÇA1SE ET DE l'eMPIRE
limes revendications des prêteurs et fournisseurs de toute
sorte. Aussitôt délivrée, elle eut à plaider sa cause et la leur,
et, faute d'un procès proprement dit, l'État se trouvant à la
fois juge et partie, elle protesta jusqu'à la dernière année de
son existence, qui dura encore un quart de siècle :
« La voilà dehors, dit M. G. Lenôtre*. On va rire. Elle
actionne la Convention nationale et réclame 7 millions d'in-
demnité. « Sept millinns, s'écrie Bourdon de l'Oise, pour ce
<.< prix-là on aurait une escadre! » On prétend qu'elle en
toucha huit, mais en assignats : et cette dérision fouetta sa
colère; jusqu'à la fin elle ne se lassera plus de crier : Au vol !
et de ce jour elle se crut riche de tous les millions qu'elle
réclamait^. » Les choses se passèrent tout autrement.
L'on a vu plus haut la somme considérable des emprunts
directs de la Montansier : 447-ooo + i52.5oo = 699.500
livres, et de ses emprunts indirects, au compte provisoire de
Mouchonnel : 743.000 livres. Total : i.342.5oo livres.
Il restait encore à payer 4o5.i5o livres pour le terrain.
D'après l'aperçu des mémoires de maçonnerie, charpente,
menuiserie, serrurerie, peinture et décoration, machinerie,
couverture, tapisserie, carrelage, vitrerie, chauffage, sculp-
ture, le théâtre de la rue de la Loi devait revenir (terrain non
compris) à la somme globale de 2.409.000 livres, sur laquelle
1. 190.000 Viwns avaient été soldées, soit 447-ooo par la Mon-
tansier et 743.000 par l'entrepreneur. La somme due (au
10 frimaire an II, date du Mémoire /usfi/icatif) ressoviissah
donc à 1.724.150 livres.
1. Ouvr. cité, p. 246.
2. M. Lenôlre continue : 0 Elle avait failli l'être bien davantage, car il s'en fallut
de très peu qu'elle ne devint impératrice. « M. Lenôtre a trouve piquant de prendre
au sérieux la mauvaise plaisanterie de Barras, Mémoires, 1, p. 243 et 349 *1- ^*
qui est fort possible, c'est que la Montansier se soit entremise pour marier Bona-
parte, dans le sens français du mot (négocier un mariage) et non dans le sens
méridional (le contracter). Elle avait trente-huit ans de plus que lui ! Et puis, que
serait devenu Neuville, à qui elle était attachée de cœur, d'habitude, et — ne
l'oublions pas — d'intérêts, vu la société universelle de janvier 1791 qui les liait.
N'insistons pas sur i-ille « ijaléjade ». — M. Tenco a, sans le savoir peut-être,
vengé Bonaparte, en faisant de la Montansier j l'amaute adorée de Barras i, sans
compter Barnave, Vergniauil, Danton (Herue citée, 20 sept. 1907, p. Sgô).
LA MONTANSIER ■JQ
La Convention n'avait aucun compte à tenir des dettes ini-
tiales contractées par la Moatansier, mais : i° de la valeur
réelle de la propriété, terrain, bâtiments et mobilier; 2° du
manque à gagner, qui pouvait s'établir d'après les recettes
du théâtre et le prix de location des annexes; 3° des frais de
poursuite, protêts, etc., qui s'étaient accumulés contre elle
pendant sa détention; 4° des intérêts arriérés.
Rentrée en possession de ses papiers (i 3 vendémiaire an III),
elle réclama ou sa propriété ou sept millions ^ Le 28 frimaire,
Ramel fit le rapport de cette affaire. Il reconnaissait implicite-
ment rilléqalité de l'arrêté de confiscation du Comité de Salut
public (27 germinal an II); il proposait d'indemniser la Mon-
tansier et Neuville, et de faire l'acquisition de leur immeuble
pour 7 millions. C'est là que se place l'interruption de Bour-
don (de l'Oise) : <f Sept millions pour un théâtre ! On aurait à
ce prix une escadre de sept vaisseaux! » [Vifs applaudisse-
ments.') Cependant, il ne pouvait s'agir que d'assignats : grâce
au cours forcé, les bénéficiaires paieraient leurs créanciers et
fournisseurs de la même monnaie, et l'affaire serait liquidée,
Dieu sait comme ! L'intervention de Pelet, Tallien, Cambon,
Thibault (28 frimaire) et, le lendemain, de Raffron^, fit ajour-
ner cette solution. — Le 10 nivôse, nouvelles pétitions des
<( propriétaires du Théâtre National », et des artistes eux-
mêmes, vivement appuyées par Lecointre, de Versailles^. Un
second rapport, déposé par Lefebvre le 16 ventôse (6 mars
1796), conclut qu'il n'y avait qu'à rendre sa propriété de la
1. Les propriétaires du Théâtre National à la Convention nationale, ao fri-
maire an III [10 déc. 1794]* L)e l'école thipographiqiie (sic) des femmes, rue des
Deux-Portes-Bon~Conseil n^' 8. S. d. in-4^ de l\ p. Signé : Bourdon-Neuvil (5/r),
Brunet-Montansieh, Arch. nat., AD. VIII, 44 (Toubneux, Bibliographie citée,
article i8343).
2. Ralîron éluda la question de droit strict, fil une sortie contre « les folies de
Thalie et les yrelots de Momus », et pour conclure, demanda qu'à l'avenir on portât
les théâtres aux extrémités de la ville. {Moniteur, Riimp., t. XXII, p. 747 et 75i).
3. Les Artistes du ci-devant Théâtre National, rue de la Loi, à la Convention
nationale. Imp. des Enfants-Aveugles. S. d. in-4°, 7 p. Déposée le 26 brumaire
an III [i5 nov. 1794]. — Deuxième pétition... Imp. Forget. S. d. in-4°, 5 p. Pré-
sentée le 10 nivôse an III [3o déc. 1794]- Arcli. nat. R. AD VIII, 44.
8o REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION rRANÇ.USE ET DE l'eMPIRE
rue de la Loi à la Montansier, et à réexpédier, dans trois mois,
les artistes de l'Opéra à leur salle de la Porte Saint-Martin ^.
— Alors, objecta Bentabole, la citoyenne Montansier fera
encore de son second théâtre, comme du premier, un lieu de
ralliement pour les contre - révolutionnaires 1 II ajouta, non
sans un effroi qui parut comique, que l'on venait encore de
chanter dans la salle du Palais-Egalité, « des vers en l'hon-
neur de Charlotte Corday « : ce qui, évidemment, ne pouvait
regarder que la police, et non la direction.
Mais, demanda Lemoine, la confiscation n'est-elle pas le
fait du Comité de Salut public ? Est-ce à la Convention de
réparer les torts des décemvirs ?
L'honnête et énergique Reubell ne put contenir son indi-
gnation : « Je ne me serais jamais imaginé^, s'écria-t-il, qu'il
ne fallût pas rendre justice à un propriétaire de spectacle
parce qu'on aurait chanté de mauvais couplets sur son théâtre.
Le Comité de Salut public a ruiné la citoyenne Montansier en
lui prenant sa salle et tous ses accessoires; et elle sera toujours
ruinée si, en lui rendant sa salle, nous ne lui rendons pas ce
qui peut la faire valoir. Vous devez lui remettre sa chose dans
l'état où vous l'avez prise, et lui en payer les loyers... »
Par malheur, cette conclusion, inattaquable au point de
vue juridique, était matériellement inapplicable, en tout cas
très litigieuse encore et très onéreuse, tant la propriété avait
été amoindrie et dénaturée.
Legendre appuya Reubell et fit vibrer la passion politique. Il
ne s'était agi, prétend-il, que de perdre Danton et Delacroix.
Hébert et Chaumette, alors agents de Robespierre, avaient
donc répandu le bruit que Danton et Delacroix- avaient
contribué à la construction de ce théâtre ; et « il a été prouvé
1. liibl. liai., Le" 1270 et Moniteur, Réimp., l. XXIII, p. O28. C'est probable-
ment à cette. date que se rapporte l'opuscule : Encore 7 millions pour le Grand-
Opéra ? Ça ne /irendra pas : rendes: la salle à la Montansier. De l'imprimerie de
la Vérité, rue du l'uits-qui-parlc. S. d. in-S», 11 p. (Collection de M. P. Lacombe).
TounNEDx, otwr. cité, article 18268.
2. Rien de lel dans les documents du procès tels qu'ils subsistent. Mais cette
calomnie n'est pas plus invraisemblable que toutes celles qui avaient pour leit-
motiu : • D'où vient l'argent? «
LA MONÏA.NSIIiil 8l
depuis qu'ils u'y avaieut pas mis un sou )). — « La Moulansior
a été onze mois en prison. Elle a échappé à l'éclialaud, et
tout son crime était d'avoir bâti un spectacle pour enrichir
la Nation : car c'est l'enrichir que de faire prospérer les arts. »
Après quoi, il se prit à bafouer Bentabole, puis à l'excuser,
vu son tempérament pusillanime et peureux. Bentabole se
fâcha, balbutia. Forestier mit un terme à ce dialogue en assu-
rant qu'au Comité des fuiances, la Montansier avait renoncé
à la propriété de son théâtre, à condition que la République
lui en payât le prix.
C'est, en effet, dans cette voie que l'affaire allait se pour-
suivre. Dès le 3 (jerminal an III (aS mars i7<)5) lui est allouée,
à titre d'acompte sur les indemnités qui lui sont ducs, la
somme de 3oo.ooo livres ^.
Le 22, on s'occupa des artistes. Daunou, rapporteur, insista
sur ce l'ait, qu'après l'arrestation de leur directrice, sans
crédit, sans autre ressource que leur recette journalière, ils
avaient fait face aux dépenses courantes -. Transférés brutale-
ment au Théâtre Français (qui était fermé depuis le 3 sep-
tembre 1793)' par l'arrêté du 27 germinal an II, assujettis à
un régime odieux, despotique, sous la surveillance d'un
agent national, ils avaient fini par se retirer tous, faute de
paiement des dix représentations que, d'ordre exprès, ils
avaient données par et pour le peuple. La dette de l'Etat, vu
la pénurie des artistes, fut immédiatement liquidée à la
somme de 109.306 li\res 6 sous 10 deniers, pris sur les fonds
de l'Instruction publique (3 avril i79r>)^.
Environ deux mois après, le 2 messidor' an lII(2ojuin 1795),
dans l'après-midi, la citoyenne Montansier parut à la barre,
accompagnée du citoyen Neuville. Ils demandent :
1° La reslitutiou de leur propriété et de ses dépendances mobi-
lières et iminoliilii'res ;
I. Moniteur, Réimp., t. XXIV, p. 49-
9. Ibid., t. XXIV, p. 199.
3. Date de l'arrestation en masse de la Comédie Française.
4. Le rapport de Daunou est du i4 germinal an III. Bibl. nat. Le>« iSag.
5. Moniteur, Réimp., t. XXV, p. 37.
REV. HIST. DE LA RÉVOL. 6
82 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
2° Que, par experts nommés respectivement entre le Gouverne-
ment et eux, il soit procédé sur-le-champ k l'estimation des sommes
à eux dues par le Gouvernement, tant pour raison de la jouissance
qu'il a eue et a encore de leur propriété, que pour raison des
dégradations faites au bâtiment... ; lesquels experts seront tenus de
terminer leurs opérations dans le délai d'un mois ;
3° Que, sur le vu du procès-verbaJ d'estimation desdits experts,
Ja trésorerie nationale on paiera le montant, soit à eux, soit à leurs
créanciers, qui, jusque-là, ne pourront faire d'autres poursuites
contre eux, que de simples actes conservatoires, comme il a déjà
été ordonné par un précédent décret' qui continuera d'avoir son
effet jusqu'alors.
Quelques jours après, le 7 messidor an III (20 juin lygô),
sur le rapport de Vernier au nom du Comité des finances, la
Convention adopta le décret suivant :
La salle du Théâtre de la Loi, avec toutes ses dépendances mobi-
lières et immobilières, est réunie au domaine national, par voie
d'acquisition, du consentement des citovens Bourdon-Neuville et
Brunet-Montansier, propriétaires, moyennant la somme de huit
millions, et autres conditions portées dans les soumissions par eux
remises à raison de cette acquisition, lesquelles demeureront
annexées au présent décret et seront imprimées à la suite, pour être
exécutées tant envers eux qu'envers leurs créanciers, suivant leur
forme et teneur ".
Le théâtre des Arts est inscrit au Sommier des hieiis natio-
naux de la Seine ', mais sans aucune mention d'origine ni de
I. Celui du 3 (|erminal au III (aS mars 1795), qui leur accordait un acompte. —
C'est peadani que l'affaire traînait que ])arurent, sans date, des Obsenmtiont...,
par les créanciers, que les propriétaires traitèrent de mensongères; les Dernières
observations des propriétaires du Théâtre National à la Convention nationale.
Imp. Forgel, in-^", 4 p- ; enfin une Note essentielle relative à Caffaire des pro-
priétaires du Théâtre National volés, incarcérés, vexés par l'ancien Comité de
Salut public, qui, pour la forme au moins, avait ordonné de payer leurs créan-
ciers et de les indemniser. Imp. Forgel, in-S", 4 p. — .\rch. nat., R. -\D VIII, 45.
Ce sont de simples brûlots.
a. Moniteur, Réimp., t. .\XV, p. 78.
ii. Kédiiji' en l'an VII, apiistilk' en l'an X, tenu h jour depuis lors, plus ou moins
réguliérenienl (Arcli. de la Seine). Voir l'article 10 de la rue de la Loi, dans la
section (ou plutôt division) Le l'eletier.
LA MONTANSIER
prix OU date d'acquisition. La colonne Observation ne concerne
que la démolition en 1828, d'après la loi du 10 juillet 1822.
Le Goniitc des finances et celui des domaines réunis, puis
la Convention, avaient donc jugé avantageux de le réunir au
domaine national: l'Etat avait trai/é avec la Montansier et lui
avait accordé 6 millions et demi pour le terrain et les bâti-
ments, et I million et demi pour la valeur du mobilier et autres
réclamations. Le prix était payable en assignats ou en monnaie
ayant cours à l'époque des paiements. L'échelle de proportion
sur la valeur des assignats ne devait rien changer aux clauses
de cet acte au préjudice des deux associés; « eux, leurs créan-
ciers, conserveront leurs droits, et leur hypothèque spéciale
sur cette propriété ».
Or, la fabrication des assignats fut arrêtée par la loi du
2 nivôse an IV (25 déc. lygS) : leur cours était alors, à Paris,
de 5JJ de leur valeur nominale, ce qui, pour les faibles som-
mes, couvrait à peine leur prix de revient ! La planche aux
assignats fut solennellement brisée le ig février 1796. Le
papier-monnaie en circulation fut reçu en échange de mandats
territoriaux' dont il fut émis, d'abord pour 800, 'puis pour
1.400 millions, ce qui les fit tomber de 100 livres (le pair) à
18 livres. Enfin, la liberté des transactions fut rétablie; et, le
21 mai 1797, un décret annula les assignats demeurés encore
en circulation.
D'après la loi du 7 messidor an III, le Trésor s'était chargé
de payer tous ceux des créanciers de la Montansier qui se
seraient rendus opposants dans les deux mois, et le paiement
devait être effectué dans le même délai. Mais il faut croire
qu'ils ne se hâtèrent pas, car, d'après un compte détaillé du
i" prairial an VI, l'Etat devait encore à celte date 1.450.977
livres, capital et intérêts". Il n'avait pu continuer à s'acquitter
en assignats, puisqu'il les avait supprimés, ni leur substituer
1. Sur la base de 3o pour i.
a. Rapport de Cholet aux Cinq-Cents. Bibl. nat. L/' igaô (28 germinal an VI
= ;7 avril 1798) en réponse au message du Direcloire du y ventôse, sur lequel les
intéressés dirent aussi leur mot. (Tourmeux, art. i8353.)
84 REVUE IIISTORIQCE DE LA HÉVOLUTIO.N FRANÇAISE ET L>E l'eMPIRE
des mandats, puisque les mandats n'étaient pas une monnaie,
et que d'ailleurs la loi du 7 messidor an III — véritable contrat
de vente — n'avait pu les prévoira La conséquence évidente
est que le reliquat devenait exigible en numéraire. Avec les
intérêts, au i" germinal an VII, il s'élevait à près de i million
et demi (i./i99-ôi4 fr.)-.
En ce qui la concernait personnellement, et d'après ses
propres dires, la Montansier n'avait pas eu trop à se plaindre.
Si les 6.o5o.o65 francs qu'elle avait touchés, elle et les créan-
ciers opposants, ne faisaient que 1 74-000 livres d'après l'échelle
de dépréciation du département de la Seine, il lui avait été fait
remise du prix en numéraire des 1 1 arcades du Palais-Royal,
soit 570.000 francs^, et, par une loi spéciale du i3 floréal an VI,
accordé un acompte de 66.000 livres, également en numé-
raire. Mais les créanciers s'étaient gardés, en général, de re-
connaître la Nation comme leur débitrice; ils savaient trop bien
en quelle monnaie ils auraient été réglés. Ils firent constam-
ment juger, même en cassation, qu'ils n'avaient affaire qu'à la
Montansier et que seule elle était obligée envers eux. C'est en
recourant à de nouveaux emprunts de plus en plus onéreux
qu'elle échappait aux conséquences de leurs poursuites. Le
Directoire avait d'abord pensé à résilier la vente, rendre le
Théâtre de la Loi, et rejjrendre les arcades, plus i4n.ooo livres,
plus 66.000 livres. Mais la Montansier estimait à 4o.ooo livres
de revenu les maisons et boutiques disposées autour du théâtre,
et démolies d'office avant même la vente du mobilier. Il eût
fallu que l'Etat payât à dire d'experts la moins-value, les inté-
rêts. La propriété du Théâtre des Arts, tous accessoires cnm[)ris,
avait été évaluée par Ramel lui-même à 1.800.000 francs en
numéraire; la Montansier, au nom de la loi de messidor an III,
I. Rapport de Briut. (Bibl. nat., I,„" 3o0i.)
a. Ibid., p. 31.
3. Une telle proprii-tc n'était rien moins que sure, vu l'existence des contrats de
vente de 1788 et 1789 : la Révolution les considéra comme nuls et non avenus.
LA MONTANSIEIl ' 85
n'en demandait que i.5oo.ooo! elle déclarait encore v perdre
plus de I million^.
Cependant, par une soumission en date du 29 nivôse an VII,
elle réduisait ses prétentions à 800.000 livres pour solde de
tout compte : soit 600.000 livres en bons valeur écus à em-
ployer comme tels en acquisition de biens nationaux, i4o.ooo
en numéraire, et 60.000 ayant comme gaqe une créance de
l'Etat sur dame Latapy, ex -directrice du théâtre de Bor-
deaux. Le ministère des Finances faisait état de ceci, que les
oppositions des créanciers se trouvaient réduites à ij4.584
francs, « les citoyens Neuville et Montansier ayant trouvé
moyen de s'arranger ». — En contractant de nouvelles dettes
plus onéreuses, répliquaient-ils ! Néanmoins, les Conseils trou-
vèrent encore exagérée la somme de 800.000 francs. — La
Montansier et Neuville signèrent une nouvelle soumission, de
625.072 francs, le 5 germinal an VII. A la suite d'un message
de Barras, du 21, Briot en expose les bases :
1. Il sera fait cession aux C"" Neuville et Montansier de la créance
d'environ Cj.ooo francs que la République a sur la citoyenne
Latapy'', sans garantie, mais seulement avec subrocjation aux privi-
lèges et hypothèques du Gouvernement.
2. Il leur sera payé une somme de 100.000 francs numéraire, à
raison de 26.000 francs par décade.
3. Il leur sera payé ime somme de 4oo.ooo francs en bons admis-
sibles en paiement de domaines nationaux, aux conditions détermi-
nées par la loi du i3 floréal an VP.
4- Il leur sera donné quittance de la somme de 4-ooo.ooo de
francs payable en bons de deux tiers qu'ils doivent pour le prix de
l'adjudication à eux faite, le 24 frimaire an VII de trois (n"* 178, 17g,
180) nouvelles arcades au Palais Égalité; laquelle somme repré-
sente aujourd'hui environ 42.800 francs en numéraire.
5. Il leur sera donné quittance de leurs contributions de l'an VI,
montant à 2.007 francs 3 deniers.
1. Exactement 1.073.634 livres.
2. Lalapy et consorts, propriétaires du tlicàtre de Bordeaux.
3. Cette loi obligeait l'État à un accord amiable avec les dépossédés.
86 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Ces conventions, disait le rapporteur Briot, ramenaient à
environ 6i4.ooo francs* la somme à leur payer, et ils demeure-
raient chargés de payer leurs créanciers non encore rembour-
sés et de rapporter la mainlevée de toutes oppositions qui
pourraient subsister contre eux sur le Théâtre des Arts. Les
propositions soumises aux deux Conseils, des Cinq-Cents et
des Anciens, étaient le « dernier mot » des requérants. Ne pas
les homologuer, ce serait remettre l'affaire aux tribunaux de
droit commun, la discussion en serait de plus en plus difficile,
l'issue douteuse, etc.
La solution apparaissait comme imminente, lorsque les deux
associés s'aperçurent que, sur leurs dernières soumissions,
acceptées par le Gouvernement (620.072 fr.), la loi à intervenir
impliquait encore un rabais arbitraire de 10.488 francs; que,
de plus, elle ne les exemptait pas de la « servitude vraiment
féodale » à eux imposée par d'Orléans (vente de 1788), de
conserver un logement pour un Suisse dans son Palais-, ce
qui était un des articles convenus. De là, protestations immé-
diates contre les conclusions annexées par le rapporteur Briot
au message de Barras. La Montansier el Neuville estiment
que leur seconde soumission est déchirée du fait du Gouverne-
ment, et représentent la première (800.000 fr.).
Ce coup droit porta. Le i4 prairial an VII (3 juin 1799),
Briot, encore rapporteur, reprit le chilTre de 626.000 francs.
Les Cinq-Cents étaient alors dans un état d'irritation chroni-
que contre le Directoire : déjà se tramait, contre Meilin, La
Réveillère et Treilhard le coup d'État qui devait terminer le
mois (3o prairial). Après l'intervention deCrochon. de Jacque-
minot et de Richard, la question préalable fut votée ^.
I. Exactement : 6i4.584 francs.
3. Ce rez-Je-chaussce, avec entresol de l'arcade 76, était inoccupé à ré|ioiiue où
fut rédigé le sommier, c'est-à-dire en l'an VII ; fttteur : 9.000 francs ; valeur loca-
tive : .5oo francs. La Montansier n'en ayant pas fait l'acquisition au duc d'Orléans,
la servitude, de féodale, était devenue domaniale par le fait de la confiscation des
biens du condamné.
3. Moniteur, Réimp., t. X.\X, p. Gyg- Opinion de Groclion, i4 prairial an VII
(18 pages). Bibl. nat. L»" 3173. Il voulait qu'on appliquât tout simplement à la
créance Montansier les lois générales des a3 frimaire, 6 et 9 vendémiaire an VI ;
LA MONTANSIEH 87
Les versions abomlent sur le dénpuemenl. L'Annuaire dit :
1° que Barras, toujours directeur, ollrit à la Montansier
1.600.000 livres qu'elle eut le tort de refuser; 2° que Bona-
parte, premier Consul, fit estimer la salle (c'est-à-dire le
Théâtre des Arts) dont la valeur ne fut portée qu'à i.3oo.ooo
francs, et que les choses en restèrent là pendant douze ans ;
3° qu'en 18 12 elle reçut 1.200.000 livres pour l'arriéré, et une
nscription de cent mille francs sur le Grand-Livre. « C'est de
Moscou qu'arriva ce décret... Du même gouffre était sorti
l'autre décret fameux du i5 octobre, sur l'organisation de la
Comédie Française. Beaucoup admirèrent. Quelques-uns ne
virent qu'un voile de gaze qui cachait l'incendie. »
Jadin, dans la biographie Didot, dit que ce décret de
Moscou lui accordait Soo.ooo francs.
Elle-même, dans un placet à Louis XVIII ', que le comte de
Pradel transmet au duc de Duras le 29 avril i8ig, affirme
(ju'elle fut contrainte « par un arrêté des consuls du i3 floréal
an IX, de se contenter d'un tiers de ce qui lui était dû, et
encore en inscriptions sur le Grand-Livre ». Elle ne précise
pas la somme, mais comme elle avait accepté l'évaluation de
Ramel, 1.800.000 livres, ce tiers correspond, somme toute, à
sa dernière soumission au Directoire. La loi du i3 ventôse
an IX avait créé 2.700.000 francs de renies perpétuelles 3 °ja
affectées exclusivement au paiement des dépenses non encore
acquittées des exercices de l'an V, de l'an VI, de l'an VIF.
L'arrêté concernant l'an VII est du 29 germinal an IX. La
créance de la Montansier a été liquidée en principe deux se-
maines après. Ce qui est certain, c'est qu'elle n'a pas été exclu-
donc, que fût rapportée comme entachée de privilège, el obtenue par surprise, la
loi du i3 floréal an VI. Il accuse la négligence et la prévarication des fonction-
naires qui n'ont pas tout réglé en assignats, à l'époque du discrédit. La banque-
route du tiers consolidé doit, prétend-il, atteindre les requérants comme les autres
créanciers de la République ; et, à ce compte, loin d'avoir à réclamer, ils rede-
vaient 15.900 francs! Ces sophismes furent accueillis comme ils le méritaient.
Crochon n'oubliait qu'une chose : c'est que les requérants avaient été expropriés
violemment.
I. Intégralement donné par M. Lecomte, ouur. cité.
a. Bulletin ries Lois, n" 76 (3" série, t. II, p. 445, n" 596).
88 HEVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
sivement iiuleinnisée en inscriptions sur le Grand-Livre. L'in-
demnité comprit pour le moins, outre des remises d'impôts,
le prix en numéraire des onze arcades 68 à 78', le rez-de-
chaussée et l'entresol du n° 76-, et les trois arcades 178, 179,
180 qui lui avaient été adjugées pour 4'OOi.ooo en bons des
deux tiers, soit 42.000 en numéraire, le 28 frimaire an VIP.
Tout en acceptant les immeubles, la Montansier se refusa sans
doute à retirer le titre de rente, solde de l'indemnité. C'est ici
qu'intervient en effet un décret daté du quartier impérial de
Moscou, II octobre 1812, « portant que toute liquidation
payable en rentes, faite avant le i" janvier 1807, et non encore
réclamée, sera considérée comme nulle », à partir du i" jan-
vier 18 13 (Bulletin des Lois). Elle se décida.
Dans l'intervalle, en avril 1798, elle avait loué son théâtre
du Palais-Royal à « l'administration des Cinq », Poignet,
Ribié, Simon, veuve Nicolet, et X... Cet inconnu, c'est elle-
même : elle s'assurait le cinquième des recettes. En 1801,
elle avait, pour faire sa cour au nouveau Gouvernement,
installé les « Bouffons » au Théâtre Olympique de la rue de
la Victoire. Mais, le premier Consul et sa femme ne lui ayant
pas fait, comme elle l'espérait, l'honneur de leur présence, elle
les transporta salle Favart,y fit de mauvaises affaires, résilia en
février i8o3. Les créanciers se jetèrent sur elle; elle fut mise
en prison pour dettes, mais « traitée avec tous les égards pos-
sibles ». Au bout de vingt jours, pour être libre, elle dut
I. La preuve est, qu'elle les vendit et cjuc ce]iendaat les titres ligurèreut à l'in-
ventaire de sa succession. Voir plus haut.
a. La preuve est qu'elle les vendii avec le no 76, d'oii procès du duc d'Orléans
à M"** veuve Neuville, ot jugement en faveur du duc, du tribunal de première ins-
tance de la Seine, le 8 mars 1816 (Inventaire, cahier 10, folio 1). Les droits du duc
d'Orléans s'étendaieut du reste à tout ce qui concernait la vente du i4 avril 1788,
et c'est par effet rétroactif que les onze arcades avaient été assimilées à des biens
nationaux.
3. La preuve est, qu'elle les a vendues, et que l'inventaire après décès conserve
encore la trace de contestations à cet égard. — Voir, Appendice I, l'arrêté consu-
laire du 12 floréal an IX, base d'une liquidation dont les conclusions en chiffres
nous échappent. Par l'article i" de cet arrêté, on voit que la -Montansier avait
traduit l'aycnt du Trésor public devant les tribunaux civils de première instance
et d'appel du département de la Seine, et que leurs décisions, qu'elle y consentit
ou non, furent « regardées comme non avenues ». Elles seraient à retrouver.
LA MONTANSIEU
aliéner les trois arcades qui lui restaient encore sur les qua-
torze qu'elle avait eues. En juin 1806, afin de ramener le
public aux Français, un décret ordonna l'évacuation du
Théâtre Monfansicr, qui s'appelait alors les Variétés. Le
lliéàtre qui porte aujourd'hui ce nom fut bâti, et, le 24 juin
1807 seulement, après un exil de cinq mois au théâtre de la
Cité, la troupe inaugura son nouveau local : la Montansier
demeura naturellement intéressée pour un cinquième.
Les Pupi napolitains de Francisco Alberico, qui ne pou-
vaient faire concurrence au Théâtre Français, s'installèrent
alors aux anciennes Variétés. Ce fut la revanche des marion-
nettes. La Montansier qui habitait à qauche du péristyle au
n° i3, aujourd'hui 17, de la rue de Beaujolais, s'intéressa
évidemment à Francisco Alberico, puisqu'elle le mit sur son
testament : de là une légende, recueillie par Paul de Kock,
qui lui attribue une passion séniie pour un jeune acrobate des
Piipi, le danseur F"orioso'.
Elle avait conseiTé beaucoup d'amis dans ce monde des
théâtres dont elle avait partagé les folles espérances, les tra-
vaux, les dangers pendant la Révolution. Le 19 fructidor
an VIII (5 septembre 1799), âgée de soixante-neuf ans, elle
avait « régularisé sa situation » par un mariage civil avec
Bourdon de Neuville, qui en avait soixante-trois-, et qu'elle
perdit quatre ans après, le 29 fructidor an XIP, l'année même
où elle avait fait vingt jours de prison pour dettes. Son homme
d'affaires Bonrniset, son avocat Lheureux, lui demeurèrent
1. Les Pupi Napoliluni, avec Pierre Forioso, ne jouèrent au théâtre de la Mon-
tansier (Palais-Royal) que du 16 mai 1810 au i3 juin, d'après M. H. Lecomte.
Le i4 août, ils faisaient place aux jeux forains, fermés en 1882 seulement. L'acro-
bate Gabriel Ravel l'avait emporté sur Forioso. C'est Ravel qui figure à titre de
(■ filleul 11 sur le testament de la Montansier, pour une rente viagère de 5oo francs.
V. DE Manne et C. Ménétrier, Galerie historique des comédiens de la troupe de
Nicolet, Lyon, 1869, in-8, pages 218 à 2a6.
2. « Son premier soin à sa sortie de prison » n'avait donc pas été « d'épouser
Bourdon de iMeuville » comme l'avance M. Reiset {ouvr. cit., p. 3a). Elle avait bel
et bien attendu cinq ans.
3. Rue de Chaillot, n" 180 (Inventaire). Ni le contrat, sous le régime de la
communauté, ni les papiers de la succession Bourdon ne révèlent quoi que ce soit
de l'état de leurs affaires.
90 REVUE HISTORiniE DE LA RÉVOLUTION FRANÇALSE ET DE L EMPIRE
très attachés', et sans doute elle n'eut qu'à s'en louer. Mais
c'est une vieille actrice, le « rossignol » qui en 1786 avait joué
devant la Cour le rôle de Corinne, dans le Roi Théodore de
Paisiello et de Dubuisson, c'est M"' Lillié qui est sa compagne
ordinaire, son amie de toujours « depuis quarante ans », nous
dit V Annuaire. — L'inventaire de sa succession nous révèle
que M"' Lillié était en l'éalité M"" Villonne, et que son mari, en
182 j, était contrôleur des matières d'or à Laval ^. On ne sait
quand ni comment elle avait délaissé ce monsieur, qui paraît
ne s'être soucié d'elle que lorsque le moment fut venu de l'au-
toriser à accepter moitié de la succession de la Montansier :
l'autre légataire fut Francisco Alberico ; Boumisel n'avait pas
été oublié, mais il mourut six mois avant sa cliente. Cette
mort termina aussi le bail de neuf ans, pour 5. 000 francs par
an, qu'elle lui avait consenti le 26 août i8i4, de la salle de
spectacle de Versailles, rue des Réservoirs.
La Montansier, née sept, ans après la Régence, vil la pre-
mière Restauration, les Cent-Jours, les premières années de
la seconde Restauration. Elle était, pour bien des gens, une
curiosité du Palais-Royal. Depuis le règne de la Pompadour
elle avait passé sa vie à s'adapter aux circonstances et ne
doutait de rien. Le comte d'Artois, lieutenant général pour le
Roi, ayant dès son entrée aux Tuileries reçu les femmes (181 4),
<i tout ce qui voulut s'y présenta, raconte la comtesse de
Boigne', jusqu'à M"' Montansier, vieille directrice de théâtre
qui, dans la jeunesse du prince, avait été complaisante pour
ses amours. Mais la joie sincère de la plupart d'entre nous
couvrait de reste ce manque d'étiquette ». — L'année d'après,
1. Son icstameiit et le billet lie décès publié par M. Fromageol en sont la
preuve.
a. Dubuisson était aussi de Laval, rappelons-le. Ces rapprochements topograplii-
qucs ne prouvent rien en eux-mêmes, mais peuvent indiquer de nouvelles pistes.
3. Mémoires..., i5« édition (1908), t. I, p. 379.
LA MONTANSIER
nouvelle audace : le curé de Saint-Roch ayant refusé l'entrée
de son église au cercueil de M"' Raucourt, la Montansier, de
son prie-Dieu, l'apostropha vivement*; la foule s'en mêla, et
Louis XVlll, aveiti, prit le parti spirituel d'envoyer un de ses
chapelains dire l'absoute. 11 faut que la Montansier ait été très
sûre de sa popularité dans le monde artistique, et aussi de la
sympathie générale, pour avoir demandé qu'une fois par an,
cet Opéra qu'elle avait fait construire donnât une représenta-
tion à son bénéfice. L'Année dramatique prétend que l'in-
succès de cette demande la tua (i3 juillet 1820); et la biogra-
phie Michaud, qu'elle mourut dans le besoin.
Il n'en est rien. Elle approchait de quatre-vingt-dix ans. Elle
fut assez longtemps malade, surtout pour son âge, car les frais
de maladie inscrits à V Inventaire s'élèvent à 2.000 francs^.
Sa fortune apparente consistait dans sa part d'un cinquième
aux bénéfices des Variétés ; dans la propriété du théâtre de
Versailles, mis en vente après sa mort. Mais celle de la maison
qu'elle habitait, i3, rue de Beaujolais, est fictive, en dépit de
l'affirmation du billet de décès : car elle devait, d'après l'in-
ventaire, 1.875 francs pour trois termes échus, ce qui met la
valeur locative de son appartement à 2.5oo francs. Aujourd'hui
ce serait largement le double. Le personnel de la défunte se
composait d'une cuisinière, la dame Baron, d'une femme de
chambre, la dame Roussel, et d'un domestique mâle, portier
de la maison, Joseph Dominique. Les frais d'obsèques at-
teignirent environ un millier de francs^.
Ce fut l'affaire de Marc-Antoine Jobart de Saint-Gand, admi-
nistrateur des Variétés, exécuteur testamentaire avec saisine
pendant un an et un jour, de régler les dettes urgentes. Quant
1. Elle dit au curé qu'il n'avait pas, du vivant de l'actrice, considéré comme
impur l'argent qu'elle lui donnait pour ses pauvres.
2. Son médecin ordinaire était Sue, médecin du Roi, — le père d'Eugène Sue.
Elle en consulta deux autres.
3. Pompes funèbres : 487'3o. Fabrique de Saint-Roch : 3^3 francs. Mairie du a!' :
100 francs. Total : gag'ao. — .ajoutons encore que le percepteur réclamait
i,8a6'4o pour le solde de l'année i8ao. — Voir d'autres détails, quant aux legs
[>articuliers, dans Le Carnet, article de M. G. Bord (igo4).
^2 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
aux légataires, chacun pour moitié, Francisco Alberico, de
Naples, et Agnès-Sophie Lillié, femme de Nicolas Villonne
autorisée par son mari, ils n'acceptèrent la succession que
sous bénéfice d'inventaire^. La testatrice « se croyait riche »
affirme l'Annuaire dramatique. Mais ajoute-t-il, ses affaires
« ne seront à jour que dans un nombre considérable d'années ».
Le fait est que l'on dépensa 20^30, rien que pour le papier,
les plumes el l'encre au cours de l'interminable inventaire des
papiers : naturellement les inscriptions sur le Grand-Livre n'y
figurent point, pas plus que dans la Déclaration de Jobart de
Saint-Gand. Gelui-ci était en même temps créancier ; M"' Lillié,
était en même temps créancière. Il est vraisemblable qu'une
femme aussi experte que la Montansier • — et aussi bien con-
seillée — avait trouvé le moyen, et depuis longtemps, de pour-
voir avant sa mort et en dehors de son testament'- à ses der-
nières volontés.
La reconnaissance de M"° Lillié n'est ceilainement pas
étrangère à la notice nécrologique parue dans V Annuaire dra-
matique, — la plus détaillée que l'on puisse rencontrer dans la
collection de ces in-32 de poche. En effet, l'auteur y fait en
passant un éloge ému de cette amie incomparable, et rappelle
ses succès de cantatrice à Versailles, à Paris, en citant les
titres des pièces, Isabelle, Seliko ou les Nègres, etc.
Quant à la défunte, VAnnaaire avoue qu'elle n'eut pas
« toutes les vertus ». Mais qui les a ? Il loue avec raison et son
énergie, et sa dignité sous le coup des calomnies les plus gros-
sières. Il stigmatise les libellistes anonymes, « rampants et
sangxiinaircs suivant l'occasion et les lieux n. Il dépasse la
mesure quand il rappelle que la propriétaire du Théâtre des
Arts fut « spoliée lâchement, à la face de l'Europe, par un gou-
vernement, et outragée par la Convention ». Hébert et Ghau-
mette, les vrais responsables, n'étaient pas un gouvernement ;
l'Europe avait d'autres soucis que la Montansier; et la Con-
1. Je n'ai pas cru pouvoir m'infomior de la litiuidalion : cVi'it <■«' abuser de la
complaisance de M« Lardj, el peut-èire lui demander l'impossible.
2. Du i6 juin 1819. (Élude Lardy.)
LA MONTANSIER gS
vention, loin de l'outrager, lui rendit justice, du moins en prin-
cipe, autant qu'il était possible.
Ce qui est incontestable, c'est qu'elle sut employer, former
d'excellents artistes ; qu'elle n'eut d'ennemis ou plutôt d'adver-
saires masqués, que dans le personnel de l'Opéra'; que ses
vieux camarades de la scène et de l'orchestre la pleurèrent
sincèrement". Bonne fille dans sa jeunesse, intrigante à toute
heure, elle se relève par un travail assidu, une remarquable
entente de son dur métier, une volonté et une endurance
exceptionnelles, jusqu'à l'âge le plus avancé.
Elle a marqué assez longtemps et assez profondément dans
l'histoire du théâtre pour qu'une inscription municipale ou
autre rappelle aux Parisiens sa maison mortuaire, l'ancien
n° 1 3 de la rue des Beaujolais. Ce n'est pas le n° 1 1 bîs actuel.
C'est le n° 17, comme il résulte de la minutieuse élude des
plans cadastraux, qu'ont bien voulu faire pour moi MM. René
Farge et Lucien Lazard. Ce n° 17 correspond d'ailleurs aux
arcades 79 à 82, c'est-à-dire à l'appartement occupé par la
Monlansier dès son avènement théâtral au Palais-Royal, noa-
vcau style, Egalité. En avait-elle jamais été j)ropriétaire? Ce
qui est certain, c'est que cet immeuble fut acquis le 5 juillet
1787, par la famille Fontaine, de Philippe d'Orléans. La mu-
tation de propriété qui eut lieu le 16 brumaire an lY, date
des Lettres de ratification (Arcli. de la Seine, n° 623i) ne
mentionne pas la Montansier. En 1820, et depuis 1809, au
moins, le propriétaire de l'immeuble était Louis Colas de
Bronville (Enregistrement, Reg. 94)-
On ne connaît de la Monlansier aucun portrait, aucun buste.-
Le policier de 1 766 dit qu'elle n'était ni très bien faite, ni belle :
peut-être était-elle pire, — • grande, brune, provocante, le nez
en l'air, les yeux très vifs, avec des cils noirs très fournis, sui-
vant des souvenirs recueillis par M. C. Hippeau^. Paul de Kock
I. Il semble bien, sans qu'il y ait des preuves formelles, que l'ultra-révolution-
naire Lays fut à la tète de la cabale de 1793.
a. (I Elle vint à leur secours et les protégea tant qu'elle put », dit l'Annuaire.
3. Ouvrage cité, p. 28, note. — D'après une tradition que j'ai recueillie il y a
9^ REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
esquisse, vers i8i5, une vieille fée ratatinée, en turban jaune,
qui trottinait par les galeries du Palais-Royal. — Manyer, qui
la rencontra en 1816 chez Brunet, célèbre artiste des Variétés,
ne dit rien d'elle au physique, mais affirme que par sa
mémoire, sa conversation toujours enjouée, elle dominait
encore dans un salon, et se faisait, en dépit de son âge, fort
bien écouter.
il. MONIN.
APPKNDICES
I
la liquidation du théâtre de la rue de la LOI '
Projet d'arrêté^.
Les Consuls de la République, sur le rapport du ministre des
finances, le Conseil d'Etat entendu.
Arrêtent :
Arl. I. Les jugements des tribunaux civils de première instance
et d'appel du département de la Seine intervenus les i4 pluviôse
an VIII et i'"^ frimaire an IX, entre l'agent du Trésor public et les
citoyens Neuville et D"" Montensier^, sont regardés comme non
avenus.
Art. 2. Pour parvenir k la liquidation des sommes dues pour
l'acquisition du Théâtre des Arts, il sera, conformément à la loi du
16 nivôse an VI, procédé, dans le délai de deux décades à compter
de ce jour, à l'estimation de la valeur en numéraire, au 7 messidor
an III, des terrains et bâtiments compris au contrat de vente de
bien quarante ans, la Montansier aurait fondi", rue des Dcux-Portes-Sainl-Sauveur,
n" 3i, la maison de fards pour le théâtre et pour la Tille qui se nomme aujourd'hui
maison Monin-Dorin, 27, rue Grenier-Saint-Lazare. — Voir Appendices, III.
1. Successivement Théâtre national. Théâtre des jVrts, Opéra.
2. Extrait du registre des délibérations du Conseil d'État, séance du la tloréa
an IX. On lit en marge : 0 Approuvé, B. « Cette approbation de Bonaparte donna
donc force exécutoire au « projet», par là devenu 0 Arrêté des Consuls «. —
Arch. nat. AF"' 34.
3. Sic, et non n Montansier «.
LA MONTANSIKR q5
ladite salle, à l'efiet de laquelle le Préfet du Département de la
Seine et lesdits citoyens Neuville et demoiselle Montensier nomme-
ront chatuii un architecte expert, et, dans le cas où lesdits experts
no seraient point d'accord entre eux, le ministre des finances nom-
mera le tiers expert.
Art. 3. La somme de i.ôoo.ooo francs payée par le Trésor public
aux citoyens Neuville et demoiselle Montensier sera imputée pour
valeur du mobilier, des loyers, des intérêts et des indemnités com-
pris dans la vente par eux faite pour pareille somme.
Art. 4- La somme de 4.550.065*^02 restante de celle de6.o5o.o65
francs de payements faits tant aux vendeurs qu'à leurs créanciers, en
assignats, et celle de 788. i5o francs pour principal et intérêt des
arcades du Palais-Egalité suivant la liquidation du Département de
la Seine du 8 brumaire an VI, dont la compensation est stipulée
par le contrat de vente, lesdites sommes formant celle de 5.288.2 15
Irancs, seront imputées en acquit de la République française pour
une quotité proportionnelle avec les 6.5oo.ooo francs, prix principal
des terrains et bâtiments compris dans la vente.
Art. 5. La quotité proportionnelle dont le Trésor public se trou-
vera débiteur, d'après l'estimation prescrite par l'article 2, sera
payée aux citoyens Neuville et demoiselle Montensier comme les
créances numéraires de la même nature'.
Art. 6. Le ministre des finances est chargé de l'exécution du
présent.
Le Conseil d'Etat, après avoir, sur le renvoi des consuls, et sur
le rapport de la section des finances, discuté le projet ci-dessus,
l'approuve et arrête qu'il sera présenté aux Consuls dans la forme
prescrite par le règlement.
Pour extrait conforme :
Le secrétaire général du Conseil d'État,
Signé : J. G. Locré.
II
LA MALSON MORTUAIRE DE LA MONTANSIER
Au n° 82 est le café de Chartres, aujourd'hui restaurant Véfour.
Le second étage, situé au-dessus des arcades de ce café, fut long-
1. C'est-à-dire en inscription sur le GranJ-Livre de la Deltc publique.
gG REVUE HISTORIQUE UE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
temps habité par M"= Montansicr, propriétaire et directrice du
théiUre auquel elle a donné son nom en 1790 : une vaste salle à
manger, un grand salon, une chambre à coucher et quelques pièces
de service et de dégagement en formaient le principal et les acces-
soires. Un défilé obscur conduisait au théâtre'.
Le salon était le véritable paudémonium de l'époque. On v a vu
rassemblés dans une même soirée Dugazon et Barras, le père Du-
chesne et le duc de Lauzun, Robespierre et M"'^ Maillard, Saint-
Georges et Danton, Martainville et le marquis de Chauvelin, Lays et
Marat, Volange et le duc d'Orléans. Toutes les combinaisons de
l'intrigue ont trouvé place dans ce salon, depuis les intrigues amou-
reuses jusqu'aux intrigues politiques; on y donnait la même impor-
tance à une nuit de plaisirs qu'à une journée de parti : on s'y oc-
cupait aussi sérieusement des succès de la petite Mars que des
événements du 3i mai. La belle M''^ Lillier y faisait autant d'im-
pression que les discours de Vergniaud, Au bout du même canapé
de damas bleu de ciel, usé, fané et délabré, sur lequel la Montan-
sier arrangeait son spectacle de semaine avec Verteuil, sou régis-
seur, le régisseur Grammont organisait à l'autre bout, avec Hébert,
l'émeute du lendemain aux Cordeliers. Dans un coin du salon,
Desforges perdait contre Saint -Georges, à l'impériale, l'argent
qu'il empruntait à la Montansicr sur ses droits d'auteur de la pièce
eu répétition. Une bruyante table de quinze rassemblait après le
spectacle les actrices du théâtre qui délassaient par leurs saillies
tous les coryphées de la Convention. Trois jours avant le 9 ther-
midor, Tailien, Collot d'Herbois, Saint-Just et Robespierre avaient
fait dans ce salon une partie de whist qui avait duré jusqu'à trois
heures du matin.
... Barras occupait, avant d'habiter le palais du Luxembourg,
deux petites chambres situées tout au haut de la maison occupée
par le café de Chartres, et que lui louait M"' Montansier. Ce modeste
logement suffisait au général de la Convention depuis qu'il avait
quitté son logement de la rue Traversière-Saint-Honoré, qu'il était
devenu commensal de son hôtesse, et qu'il fai.sait les honneurs de
sa maison...
M"= Montansier termina le 1 3 juillet 1820, à quatre-vingt-dix ans,
son aventureuse et roinaiiosque carrière, dans le même appartement
1. Au-dessus du péristyle do JoinviUe.
LA MOJNTANSIER 07
OÙ, pendant trente ans, elle avait éprouvé tant de hasards divers,
vécu au milieu de tant de célébrités et dépensé si follement une
prodigieuse fortune.
A côté de l'entrée du théâtre Baujolais était l'entrée du club,
dont les salons donnaient sur le jardin... '
m
LA MONTANSIER ET LA MAISON DE FARDS MONIN-DORIN
Il y a bien une quarantaine d'années, provincial récemment
arrivé à Paris, je me promenais au Palais-Royal avec mon cousin
Hector Monin, propriétaire de la maison de fards à la tête de la-
quelle est actuellement son fils, ^laurice Monin (27, rue duGreuier-
Saint-Lazare).
Je levais les ^eux pour apprendre le nom des galeries. Ayant lu
tout haut : « Galerie Moutpensier », mon cousin me dit : « C'est
un nom qui date de Louis-Philippe, les vieux Parisiens disaient :
galerie Montansier »-. Il m'apprit que M"' Montansier — dont
j'ignorais le nom, — avait fondé le théâtre du Palais-Royal, et, de
plus, ajouta-t-il, la maison de fards Dorin, que gérait une vieille
actrice de son théâtre, et que lui-même avait acquise de Titard.
Je ne songeai pas, alors, à m'enquérir des preuves de cette ori-
gine; j'eus grand tort, car je ne puis apporter — en dehors de la
tradition — que des probabilités.
*
* *
M. Maurice Monin m'a retrouvé un en-tête de facture du 18 mars
1816, ainsi rédigé :
RUE DES DEUX-PORTES-SAINT-SAUVEUR
n° 3i
V M'" dite Dlbuison
fabricante de rouge végéinl, blanc de perle, crépons,
couleur fine d'Espagne sur papier rose, en tasses et sur assiettes.
La première facture connue du cessionnaire Dorin, du 5 février
1819, porte : a Dorin, rue Michel-le-Comte, n° 34, successeur de
1. GiRAULT DE Saint-Farjeau, Les qaarante-huil quartiers de Paris; Paris,
chez l'auteur, 1846; in-i6, p. i63.
3. La Révolution de i848 a ressuscité le nom de a Théâtre Montansier ».
REV. HIST. DE L.V BEVOL. '
gS HEVUE mSTORIOLE DE LA RÉVOLUTION FR-^NÇAISE ET DE l'eMPIRE
M"^ ye Dubuisson ». Les doux S sont rétablis, contbrmémont à la
prononciation.
L'acte de cession de V' Dubuisson à Dorin n'a pas été conservé.
Il est d'ailleurs possible que la vente ait eu lieu de la main à la
main, sous seing privé. — Les titres de l'immeuble de la rue des
Deux-Portcs-Saiut-Sauvcur (des Deux-Portes-Bon-Conseil, pendant
la Révolution, aujourd'hui rue Dussoubs)' n'ont donné aucun
renseignement. Reste le domaine des hypothèses.
Pour qui a pénétré quelque peu dans le dédale des affaires de la
Montansier et de sa succession, il n'est pas douteux qu'elle ait
poussé jusqu'au génie, — elle et ses hommes d'affaires Lhcureux et
Bourniset, — l'art de brouiller ses traces, de dépister ses créan-
ciers, de dissimuler son actif et son passif. Dès lors on peut, de
l'en-tête de facture, dégager : i° son prénom a Marguerite », écrit
avec deux /, suivant son orthographe; 2° son état civil de veuve;'
3" enfin, le nom du fécond parolier, Paul-L'lric Dubuisson, à qui
elle avait dû son premier grand succès devant la cour, le Roi Théo-
dore (1786); qui avait été arrêté pour être intervenu en sa faveur,
en 1793, contre la toute-puissante Commune de Paris; qui enfin, à
la suite de cette intervention et pour d'autres causes ou prétextes,
avait été guillotiné avec les Hébertistes.
Si non e vero,... cherchez mieux.
H. .MOMN.
I. Entre les rues Tiquetonne cl du Caire. — Notons que le banquier de la Mon-
tansier, le célèbre Perregaux, avait débuté rue Saint-Sauveur ; elle-même, à sa sortie
de prison, fit publier son premier /ac/tto! par « l'École typoi]raphique des femmes »,
rue des Deux-Porles-Bon-Conseil, n" S. Le quartier lui était donc familier.
SANARY
ET LE
SIÈGE DE TOULON
{Suite ')
IX
Selon une singulière légende, de véritables théories de Sana-
rvens auraient abandonné ce lieu à l'approche de l'armée répu-
blicaine jiour chercher leur salut à Toulon. Cette tradition est
manifestement fausse pour quiconque est tant soit peu au cou-
rant de l'histoire locale. Bandol fut sous la domination des
fédéralistes du 19 juillet au 26 août et sa section fut sous l'in-
fluence des sections de Toulon, tout en conservant l'ancienne
municipalité". Or, si la municipalité de Sanary correspondit
avec ces dernières sections, aucun pouvoir fédéraliste ne fut
constitué dans cette ville, où les représailles politiques, en cas
de succès des troupes républicaines, n'étaient dès lors guère à
craindre.
A Grasse, le 19 septembre, les représentants du peuple. Bar-
ras et Fréron, décrétèrent la mise sous séquestre des biens
d' « une infinité de mauvais citoyens du département réfugiés
à Toulon et partageant la trahison des conspirateurs renfer-
1. Voir Revue historique de la Révolution fram^-aise et de l'Empire de janvier-
mars 1913 et numéros suivants.
2. PoupÉ, Le mouvement fédéraliste à Bandol {Revue de Provence, n" 85J.
100 REVUE HISTORIQLE DE LA RÉVOLLTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
mes dans celte ville » et l'arrestation de toutes les personnes
de cette dernière catégorie « si elles passoient sur le territoire
du dit département ». (anfjjoui's auparavant, (iasparin, Escu-
dieretSaliceti avaient ordonné l'incarcération des gens suspects
se trouvant dans le territoire de la République (i 4 septembre).
L'administration du département du Var décida leur interne-
ment dans le Séminaire de Fréjus ^
Analvsons quelques délibérations du Comité de Salut Pu-
blic de Saint-Nazaire. Les 1 1 et 12 octobre fut dressée la liste
générale des personnes se trouvant « dans la traite ville de
Toulon, soit avant ou après l'arrivée du général Cartaud ».
Elle comprenait :
1° Jérôme Fournier, Laurens Deprat, Charles Hermitte, An-
toine Aicard, Barthélémy Reboul, Jean André, Calixte Rous-
tan, Laurent Saliatier, Jean-Louis Reboul, Joseph Reboul,
Antoine Andrac, Toussaint Andrac, Joseph Lien, Antoine De-
prat, Nazaire Daniel et Deloulle, tous embarqués sur les vais-
seaux de la République ; 2° Jean-Louis Arnoux, Barthélémy
Vidal et son fils, Jean Allègre, Louis Comte, Pierre Armelin
et son fils, Cyprien Vernet, François Vernet, Nicolas Dugué,
Jean Mistre, employés à l'Arsenal ; 3° Jacques Fournier, pa-
tron d'un bâtiment de la côte, Duvignos, commissaire de la
marine, habitant Toulon, Hédouin, officier d'artillerie, marié à
Sanary, Jean Gautier fixé à Toulon depuis i5 ans, Grâce An-
drac, mariée à Toulon depuis 12 ans, Jean-Jacques Verdillon
au service de la République, soit en tout 33 personnes. La femme
et les enfants, le cas échéant, de 3 personnes seulement s'é-
taient réfugiés, disait-on, à Toulon ; la sœur de 2 autres
avait pris la même détermination. Le i!\ octobre furent ajoutés
à ce tableau, deux citoyens habitant Toulon : Joseph Aicard,
officier bombardier dans cette ville, possédant des immeubles
à Saint-Xazaire, et Jean-Joseph Tournaire, embarqué sur les
vaisseaux de la République. Trois noms de Toulonnais, pro-
priétaires de biens à Sanary, furent encore relevés (22 octobre)^.
I. ArcTiires de Sanary, l\.
a. Ibid., D4.
SANARY ET LE SIEGE DE TOULON 101
Comme il était aisé do. le prévoir, une letlre de l'adminis-
tration provisoire du district du Beausset, adressée aux officiers
municipaux de Sanary, réclama la liste de toutes les personnes
absentes et de celles qui s'étaient réfugiées dans la ville rebelle
de Toulon (27 brumaire) (17 novembre 1793). Elle fut suivie
d'une lettre écrite par la municipalité de Bandol au sujet d'An-
drac, qui s'était échappé, lors de la création de la compagnie
franche (2 frimaire) '■.
Bienlôt un arr.^té des représentants prescrivit la tenue d'un
registre destiné à recevoir le nom des citoyens désireux de
concourir à la défense des droits de l'homme, afin qu'un poste
leur soit désigné dans le département. A la veille de la prise
de Toulon (24 frimaire) (i4 décembre), un nouveau registre
fut ouvert pour inscrire les noms des patriotes fugitifs de Tou-
lon, Marseille et Commune-Affranchie, auxquels le décret du
i'"' frimaire accordait des secours. Vers le milieu de ce même
mois, les représentants près l'armée d'Italie prescrivirent la
vente immédiate des biens des émigrés. Au mois de brumaire,
Barras et Fréron avaient ordonné la démolition : 1° des châ-
teaux « environnés de murailles, de fossés et de tours « ; 2° des
couvents et des abbayes, seulement si ces derniers pouvaient
offrir un poste avantageux aux ennemis".
Les décisions concernant les émigrés étaient principalement
destinées à frapper les Toulonnais fugitifs et les habitants des
environs ayant abandonné leurs foyers à la nouvelle de l'arri-
vée prochaine des troupes de Carteaux.
X
L'administration du département du Var avait décidé à
Grasse, le 10 octobre précédent, d'enjoindre à celle du district
du Beaussel d'ordonner sur-le-champ à toutes les communes
de son ressort de lui faire parvenir dans les vingt-quatre heures
toutes les armes de calibre se trouvant chez les habitants. Pour
I. Archives de Sanary, Ij.
3. Ibid., D<.
102 REVIE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
parvenir à ce but, les visites domiciliaires étaient autorisées
sans réserve et la moindre négligence des municipalités de-
vait être punie avec rigueur. Enfin les déserteurs devaient
<*tre mis en demeure de regagner leur corps et à peine de desti-
« tution contre les officiers municipaux convaincus de conni-
« vence et d'être transportés à vingt lieues des frontières en vertu
(' de l'arrêté du 26 septembre approuvé par les représenlans
« du peuple et àpeine d'arrestation comme suspects et séques-
« tration des biens de leurs parens qui recèleront lesditsdéser-
« teurs'. » Qu'il y eût des déserteurs plus que jamais, rien, ma
foi, n'était plus naturel, étant donné le manque décourage des
masses populaires; mais que l'on pût recueillir encore des armes
de calibre, cela était matériellement impossible.
Les documents suivants démontrent qu'après les demandes
de toute nature adressées aux habitants du niallieureux district
du Beausset, leurs demeures furent bientôt vides :
Jean-François Carleaux, rjénh'al en chej des armées de la Répu-
blique française, commandant l'année du Midi- et de l'Italie.
Il est ordonné à la municipalité de Saint-Nazaire, de faire amener
au quartier général a Oiilioulos, sur des voitures qu'elle i-equerera à
cet efTet, savoir :
1° Vingt cordes de quarante pieds de longueur ;
2° Dix échelles en bois de vingt pieds;
3° Dix échelles de douze pieds ;
4° Vingt chaînes en fer de quatre pieds de longueur;
5° Vingt crochets très larges ;
La municipalité de Saint-Nazaire fera tout son possible pour que
tous ces différents objets sojent rendus à Oulioules, ce soir avant
dix heures.
Carteaux.
Au quartier général d'Oulioules, i" octobre l'an a'
de la République Frani^aise '.
I. Archives de Sanary, H..
3. Imprimé jusque-là.
3. Ou 10 vendémiaire an II (Archires de Sanary, HJ. A ce moment-là (a octo-
bre) était afGchcc l'adresse de la Convention aux départements méridionaux, dirigée
contre « la manœuvre horrible et l'insigne perfidie des rebelles de Toulon et celles
j de ses adliérans » (Archiues de Sanary, H').
SANARY ET LE SIÈGE DE TOULON Io3
La suite doiinre à cet ordre n'est pas connue. Il n'a proba-
l)Iemenl pas pu être exécuté tel quel. Carteaux n'eut phis, du
reste, recours à cette municipalité, dont Fobliijeance était déjà
appréciée.
dépendant, les réquisitions succédèrent aux réquisitions. Le
12 octobre, à (îrasse, l'administration du déparlement du Var
prescrivit aux administrateurs du directoire du district du
Beausset de faire rechercher, en vertu de l'arrêté du Comité de
Salut Public du i3 septembre précédent, dans les maisons, les
matières «de première nécessité » pour la fonte des canons, la
fabrication des armes et des munitions de guerre, telles que
plomb, enivre, étain, fer, acier, fonte, métaux de cloche, etc.,
en dressant un état exact de leur origine, même s'ils prove-
naient des biens des émigrés. La ré(|uisition s'applirpiait égale-
ment aux chevaux, mulets, voitures, matelas, paillasses, etc.
Trois jours plus tard (i5 octobre), à Nice, les représen-
tants du peuple, députés par la Convention Nationale à l'armée
d'Italie, Ricord et Robespierre jeune, mirent en réquisition tout
le plomb existant dans le département du Var pour être trans-
porté à l'arsenal de Nice, après vérification du poids et de la
qualité dans le but d'en payer le prix à leur propriétaire. Toutes
perquisitions utiles étaient autorisées. La circulaire, conforme,
des administrateurs du district du Beausset était datée du
2 1 octobre suivant et rappelait que les poids des métiers et des
pendules ' rentraient dans la catégorie des objets réclamés.
Le 8' jour de la i" décade du 2^ mois de l'an II de la Répu-
blique (8 brumaire an 11) (29 octobre 1793) les administra-
teurs du district du Beausset firent mettre en réquisition tous
les boutons d' « uniformes nationaux », se trouvant dans les
magasins des marchands des communes du ressort.
Le lendemain (9 brumaire) fut prescrite, en vertu d'ordres
supérieurs, la réquisition, sauf paiement, des draps bleu, blanc
et écarlate de toute nature et de toute qualité, des draps de
toute couleur « depuis les Elbeuf et en dessous », des étoffes
I. Horloges à poids.
Ï0\ REVUE HISTORIQUE DE l.\ REVOLITIOX FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
en laine, propres à l'équipement des volontaires, des bas pour
hommes, en laine ou en colon, aptes au même usage, enfin
des toiles et des (ils. Le tout devait l'Ire rendu dans les trois
jours au Beausset.
Le lendemain encore (lo brumaire), lurent mis en réquisition
les souliers se trouvant chez les cordonniers et les « marchan-
« dises propres à les faire pour la quantité de vingt-cinq paires
« souliers » à confectionner tout de suite. L'envoi du tout devait
parvenir au chef-lieu du district avant l'expiration du délai de
quinze jours '.
A son tour « Jacques Coquille Dugommier, général en chef
« de l'Armée d'Italie et chargé de la conduite du siège de Tou-
lon » -' fit parA'enir à la municipalité de Saint-Nazaire l'ordre
suivant :
Au nom de la République française une et indivisible,
La municipalité de Saiut-Nazaire est requise de fournir cinq cha-
loupes des navires Holandois et tous les ustencilles nécessaires pour
leur transport.
Au quartier général d'Ollioules,
26° jour du 2« mois l'an 2« de la République^.
Le Général en chef,
DuGO.VMIER*.
Les exigences de l'autorité militaire ne se firent ensuite plus
sentir pendant près de trois semaines.
."Vu quartier (jénéral d'Ollioules, le 16® frimaire' l'an second
de la République française une et indivisible.
Biionnparte , commissaire des guerres, chargé de la police des
hôpitaux, à la municipalité de Saint-Nazaire.
Le .service de raniiée e.\ige, citoyens, que vous requerrissiés, sur
1. Conformément à un décret de la Convention du 19 brumaire, les mêmes admi-
nistrateurs prescrivirent le 25 de dresser un registre pour y inscrire le nom des
républicains olfrant .'i la patrie des chemises, des bas et des souliers destinés à
être distribués au.x « braves défenseurs de la cause sacrée du peuple ». (.Verne*
archives, D,).
2. Titre imprimé.
3. 16 novembre 1793.
I\. Signature autographe (Mêmes archives, D,).
."1. 6 décembre 1798.
SAXARY ET LE SIÈGE DE TOULON I05
lo champ, toutes les cliarretes qui peuvent se trouver dans votre
canton et qu'elles soient rendues ici, demain matin sans faute.
Votre patriotisme me fait espérer, de votre part, la plus grande
activité à cet égard. Mettant sous votre responsabilité tout inconvé-
nient en cas de négligence.
Salut et fraternité.
Pour le commissaire des guerres,
ROUSTAN '.
Cette « pièce » émane de Josepii Bonaparte ; la suivante, du
futur Napoléon.
Ollioules, le 21 frimaire, 2» année".
Le Commandant de l'artillerie de l'armée devant Toulon, aux
officiers municipaux de Saint-Xazaire,
Je vous requiers, citoyens, de mettre en réqui.sition tout le plomb
qui se trouve à Saint-Nazaire et de le remettre au citoyen Mathieu
capitaine d'artillerie.
BUONAPARTE '.
Cette injonction, demeurée probablement sans résultat, té-
moigne incontestablement de la pénurie de balles dont souf-
frait l'armée. Cette situation était même pire pendant tout le
temps qu'elle eut Carteaux pour clief. Elle explique, à elle
seule, la prédilection de ce général pour l'arme blanche, pré-
dilection qui a soulevé des railleries à tort.
I. Signature autographe. Le papier montre dans le filigrane un cornet comme
pièce essentielle {Mêmes archives, D ,).
a. 11 décembre 1793.
3. Copie de l'époque. La signatiu'e de Bonaparte n'est pas autographe. Onze
jours auparavant, Bonaparte avait fait preuve d'un grand coiirage. Un com*rier
extraordinaire « dépêché par les reprcsentans du [leuple et le général Dugommier »
avait laissé à Agricol Moureau une relation, datée d'Ollioules et relative à la journée
du 10 frimaire, due à « Gilln, secrétaire de la commission » :
Il L'énergie républicaine devoit triompher lorsqu'ime colonne de huit cent hommes
(I conduite par le commandant d'artillerie Buonaparte est arrivée battant la charge,
« a attaqué les ennemis par le centre et a précipité le moment de la déroute totale
« des ennemis; ils ont le temps d'enclouer les cimons, mais dans une demie-heure
" ils ont été désencloués et ont foudroyés («l'c) les encloueurs... Les généraux Mouret
« et Garnier et Buonaparte se sont, dans cette occasion, conduits d'une manière dis-
« tinguée ». (Courrier d'Avignon, n" 367 du i3 frimaire an II, p. 1067-8.) Dugom-
mier envoya un rapport analogue en haut lieu.
I06 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION' FRANÇAISE ET DE l'eMI'IRE
Le même capituine Matliieu fut chargé par Joseph Bonaparte
d'une autre mission. A raison « de la bonne volonté » témoi-
fpiée par les officiers municipaux de Saint-Nazaire, le com-
missaire des guerres les invita, le 20 frimaire, à tenir prêts à
mettre à la voile douze bateaux « pécheurs » pour transporter
des blessés à Marseille, et ces bateaux devaient être « couverts
« des voiles rengées en cerceau pour garantir les malades de
« la pluie et du soleil » '. dette sollicitude est à noter -.
Afin de ne pas donner trop d'ampleur à ce mémoire et dans
le but aussi de ne pas abuser de la cordiale hospitalité de cette
Revue, nous allons résumer, à deiix exceptions près, quelques
textes rigoureusement inédits comme tous ceux étudiés dans
ce travail et tous relatifs à Sauarv.
I" Réquisition des officiers municipaux du Beausset de faire
transporter immédiatement à Ollioules six matelas destinés au
dépôt de malades établi en ce lieu (22 septembre); 2° Lettre
de Guinet, capitaine, commandant les batteries du Brusc,
concernant une fourniture de 67 barils de vin à raison de
12 francs le baril de 3 milleroUes (26 septembre); 3° Une ré-
quisition naturellement dans le stvle de l'époque.
Au nom de la lov,
La municipalité faira requérir, pour domains à cinq heures les
munitions de guerre; pour l'armée; qu'ils esterminera et bombar-
dera les abominables Toulonnais.
A Saint-Nazaire, co 5 octobre I7g3, l'an 3^ de la République française.
Mathieu,
Capitaine commandant l'artillerie de la côte '.
4° Lettre comminatoire du sans-culotte Gury, commissaire
du congrès républicain formé à Marseille, près les armées vers
I. Mêmes archives, Dj.
3. D'après divers documenis, le » io= bataillon de la Drome » séjourna à Saint-
Nazaire, aux mois de ijerininal et de floréal de l'an II (mars-mai 1794) {Mêmes
arc/tiues, piissim).
.1. Simple signature. Document rédigé par une autre main.
SANARY ET LE SIÈGE DE TOULO s IO7
Toulon, menaçant les citoyens municipaux de Saint-Nazaire
de leur faire répondre sur « leurs têtes à la République » du
commerce frauduleux de vin se faisant dans leur port en faveur
des escadres ennemies payant ces fournitures avec des écus,
tandis qu'ils devraient veiller à l'envoi de ce vin à Nice à l'ar-
mée républicaine (Aubagne, 7 octobre); 5° Réquisition d'une
bouteille d'huile pour éclairer le corps de garde du Rrusc
par Guinet, capitaine Allobroge commandant les batteries sur
les Côtes Maritimes (8 octobre); 6" Réquisition immédiate par
Machurot, maréchal des logis, commandant de la redoute des
Quatre-Moulins', d'un drapeau tricolore (16 octobre); 7° Docu-
ment important :
Ollioules, le 17 octobre I7Ç)3.
Le citoyen Buonaparte commandant de l'artillerie du Midi et
des Côtes, aux officiers municipaux de Saint-Nnzaire.
Je vous requiers, citoyens, de fournir pour le service de l'artillerie
de l'armée, huit cents fascines composées de brains de bois de 5 à
6 lignes d'épaisseur sur sept a huit pieds de longueur. Ces fascines
étant très nécessaires, je vous prie de faire en sorte de les procurer
pour le dix-huit du courant. Je vous les envoyerez prendre par
dos voitures du parc, du moment que vous m'aurez averti qu'elles
I. La batterie des Hommes sans peur fut établie le 24 octobre au-devant des Deu.x-
Moulins.
On remarquera que Bonaparte n'eut pas bas 'in de demander le moindre concours
à la municipalité de Sanary, ni pour la batterie des Hommes sans peur, ni pour celle
de la Convention, démasquée trop tôt par les représentants (37-8 novembre), ni pour
les autres batteries. Selon la tradition, les boulets rouqes étaient chauffés à Portissol
(GoTTrN, Toulon el les Anglais, p. 271). La distance de la batterie de Portissol aux
batteries installées pendant le sièqe était telle que cette tradition est certainement
fausse. Dans ses Mémoires, le maréchal Victor emplace la batterie des Sans-Culottes
tout simplement près de la Seyne et la batterie de la Convention sur la hauteur des
Arènes (p. i.58, 17a et 179). La première se trouvait à côté de la chapelle de Bré-
gaillon.
Victor a critiqué à son tour le projet d'enlever forts et retranchements à la baïon-
nette, sans se douter du manque de balles et de la situation où les circonstances
plaçaient Garteaux. Le général Zurlinden vient de consacrer à Saiiceti, dans Le Gaulois
du 29 octobre iyi3, un article qu'a bien voulu me communiquer jnou frère, M. Vallentin
du Ghey lard, capitaine adjudant-major d'infanterie, chevalier de la Légion d'honneur.
Les archives de Sanary ne renferment aucune trace du débarquement en ce lieu du
mortier demandé à La Ciotat par Bonaparte (Cf. Laval, Op. l., p. 371).
lo8 RJEVL'E HISTORIQUE DE LA RÉVOLLTION FRANÇAISE ET DE l' EMPIRE
seront prêtes. Je vous rembourserai tous les frais que cette fourni-
ture vous occasionnera.
Le commandant de l'artillerie du Midij et des Cotes.
BUONAPARTE '.
8° Circulaire du procureur (jénéral-syndic du département
du Var et lettre du procureur-syndic du Beausset, relatives à
la dresse du tableau des grains existants chez les citoyens
« pour ne pas entraver la marche des subsistances dont le sort
« de la République dépend » (i6 et i8 octobre).
9° Lettre des commissaires municipau.x d'Ollioules pro-
mettant de faire rendre 4 matelas, 8 draps de litet \ couvertures,
dès qu'ils ne seront plus nécessaires (28 brumaire) (i3 novem-
bre 1793); 10° Lettre du directeur des subsistances militaires
de la 8° division demandant un concours effectif à la munici-
palité pour tirer un parti convenable du port de Saint-Nazaire
à proximité du quartier yénéral par le moyen de la création
en ce lieu d'un entrepôt des denrées destinées à l'armée, d'ac-
cord avec le général et les représentants du peuple (24 bru-
maire) - ; 1 1° Convocation au Beausset d'un commissaire de la
municipalité de Saint-Nazaire pour étudier la question des
subsistances avec les administrateurs du district, devant se
rendre à Marseille auprès de l'Assemblée générale et des Re-
présentanls (29 brumaire) ; 1 2° Réquisition du capitaine (îeorges
et de deux officiers du i"^ régiment de hussards détachés à
Saint-Nazaire au sujet de la nourriture d'un cheval malade
(20 novembre ou 3o brumaire); i3" Circulaire des administra-
teurs du district prescrivant l'approvisionnement en avoine et
fourrages des marchés et des auberges où se trouve le relai des
postes et messageries (2 frimaire) ; 14°^ Lettre de Blanchel,
inspecteur principal des subsistances militaires, au sujet de la
■confection immédiate de pain pour la subsistince de deux
1 . Signature autographe.
3. Le a8 vendémiaire an II, à Marseille, les représentants du peuple envoyés dans
les départements méridionaux, dressèrent une réquisition du blé se trouvant dans
le département des Bouclies-du-lthone (Bibl. d'.\viijnon, ms 3767).
3. Tout est extrait îles Arcliiues de Sanary H;.
SANARY ET LE SIÈOE DE TOULON lOf)
bataillons arrivés à Ollioliles sans <?lre annoncés (3 frimaire);
i5° Letlre du comité des subsistances du déparlement du Var
aux administrateurs du district du Beausset, reconnaissant le
manque de denrées dans leur ressort, annonçant l'envoi d'une
partie du chargement d'un vaisseau génois pourvu de 600
charges de blé et ajant abordé au golfe Jouan et prévoyant
rarri%ée avant un mois de grains à Saint-Maximin, où des ma-
gasins étaient préparés (Grasse, 6 frimaire); i(5° Circulaire des
mêmes administrateurs faisant coiuiaître l'arrêté des représen-
tants Barras et Fréron taxant la ration de fourrage à i5 livres
et celle d'avoine à 2/3 de boisseau (2 frimaire); 17° Circulaire
des mêmes, relative aux irrégularités remarquées dans les états
concernant les fournitures des étapes et des convois militaires
et les levées faites en vertu de la réquisition du 23 août (8 fri-
maire); 18° Circulaire des mêmes relative à la réquisition per-
manente pendant trois mois, en vertu du décret du 4 frimaire,
de tous les cordonniers, tenus de remettre par décade cinq
paires de souliers en leur nom et autant par ouvrier employé
(9 frimaire); 19° Circulaire des mêmes demandant des bandes
de 18 pans de longueur et de 3 doigts de largeur pour le pan-
sement des blessés « l'armée se trouvant surchargée de malades
« et de blessés et étant sur le point d'en avoir un plus grand
« nombre par les attaques qui doivent se faire contre la ville
« rebelle de Toulon » (9 frimaire); 20° Circulaire des mêmes
annonçant que le comité des subsistances du département
va venir en aide aux communes (11 frimaire) (!"■ décembre
1793) et cette promesse fut tenue malgré divers obstacles;
21° Lettre des commissaires provisoires d'Ollioules demandant
l'envoi de matelas, de couvertures et de draps de lit, leurs
« moyens » ayant été épuisés par les réquisitions des représen-
tants du peuple près l'armée du Midi, des généraux et du com-
missaire ordonnateur de cette armée (i i novembre) ; 22° Lettre
de rappel des mêmes, car « le général Doppet manque de tous
« ces objets » et annonçant l'envoi d'un gendarme pour activer
leur livraison (12 novembre); 23" Lettre du 24 frimaire (i 4 dé-
cembre 1793) d'Isoard, chirurgien en chef de l'aile droite et
I I O REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
datée du quartier de Lombard, réclamant au nom de Ihuma-
nité du « mauvais linge », des pots de terre et des écuelles,
car l'hôpital était dépourvu de tout.
En vertu de l'arrêté des représentants du peuple accordant
aux vaisseaux hollandais tout ce dont ils avaient besoin, le
commissaire des guerres adjoint Léorat ordonna de leur faire
délivrer de l'huile et du bois « d'une manière utile et écono-
mique » (OUioules, 23 frimaire) (i3 décembre lygS). La lutte
touchait à sa fin et l'administration s'arrêtait, comme toujours,
à des minuties. Toutefois, le fait suivant atteste son activité
employée en général d'une façon utile. Les membres de la
commission municipale délégués par les représentants du
peuple et chefs du comité de la guerre avisèrent en effet les offi-
ciers municipaux de Saint-Nazaire de l'envoi, conformément
aux ordres du commissaire ordonnateur en chef Ghauvet ', des
bateaux, le .9am/-/*«erre (capitaine Barthélémy Au tard), lei'ans-
Culotte (patron Antoine Arnaud), la Sainle-Anne (patron Jean-
Honoré Pignatel) et le Noël (capitaine Jacques Pignatel), tous
chargés de barriques, planches et autres objets destinés au
siège de Toulon. Ces objets une fois débarqués, un courrier
extraordinaire devait prévenir le général en chef Dugommier
et le commandant du corps du génie Marescot ou Marescaut
(Marseille, 25 frimaire) (i5 décembre). Le lendemain, 26 fri-
maire, Mathieu, toujours capitaine commandant l'artillerie de
la côte, confirmait cet ordre et invitait la municipalité de Saint-
Nazaire à faire partir pour le parc d'artillerie de l'année les
canonniers de la Ciolat dès leur arrivée. Les archives du mi-
nistère de la guerre doivent renfermer un dossier relatif à cet
officier, qui, s'il n'atteignit pas les grades élevés, remplit du
moins son devoir avec un dévouement illimité et avec une in-
domptable énergie. Un hommage à sa mémoire s'imposait.
Les fournitures faites par la commune de Saint-Nazaire pen-
dant les mois de vendémiaire, brumaire et frimaire aux batte-
ries de la Cride, de Portissol et du Môle Vieux, aux corps de
1. M\ sujet des généraux Mouret et Garnier cl de l'ordonnateur Chauvct, cf.
CnuçuET, La jeunesse de Napoléon, Toulon, p. ,304-306 et 3i3.
SANART ET LE SIEGE DE TOULON
f]arde du Village et « Avant dans le chemin » s'élevèrent res-
j)ectivenienl à 358 I. 9 s., 420 1. i3 s. et encore 420 1. i3 s. ^.
Ces détails n'ont qu'un intérêt rétrospectif; ils attestent néan-
moins les services rendus par ce lieu, grâce à sa position to-
pographique et grâce au concours de sa municipalité, et qui
ne furent pas récompensés.
L'inspecteur en chef des subsistances militaires Lotli délivra
au Porl-la-Montagne, le i" ventôse an II (19 février 1794)5 un
reçu de 420 livres, à Joseph Giboin, délégué de Saint-Nazaire,
pour prix de douze charges de blé, livrées à cette ville, à rai-
son de 35 livres la charge. L'autorité supérieure n'eût pas dû
en accepter le montant. L'ingratitude se retrouve aussi bien
au sein des gouvernements que dans l'âme des particuliers.
XI
Nous avons déjà relevé l'attitude pleine de menaces du
commissaire Gury. Le groupe de ces « commissaires des So-
« ciétés populaires réunies à Marseille, autorisés par les
« représentants du peuple près les armées vers Toulon » -
veilla au transfert à Marseille de Jean Granet, arrêté précé-
demment (28 brumaire ou 18 novembre) ^. Le portefeuille de
ce dernier avait été déposé au corps de garde de Sanary et il
fut adressé « bien cacheté » à Saliceti. Ces mêmes commis-
saires firent procéder à Ollioules à une enquête, le 2 frimaire,
au sujet de la prise d'un bateau de pêche *. Le curé de Saint-
Nazaire se trouva malade au moment même où ils avaient
besoin de ses services. D'après eux, l'octogénaire Terras, prê-
tre ayant fixé son domicile en ce lieu, aurait pu suffire à la
1. En buis et en huile.
2. Les titres de ces commissaires étaient précédés ou suivis de la mention « Salut,
u union, force, traternité n. Parmi ces agents, se trouvaient : Jouve cadet, Gury
Néguier, Bayssière, etc. Leur séjour au quartier général d'Ollioules laissa peu de
traces à Sanary (Cf. au besoin Gottin, Op. l., p. 284-286 et 217).
3. Un administrateur du département intervint en sa faveur à la demande de Gautier,
f|ui l'avait cache cliez lui pendant qu'il était poursuivi par les aristocrates de Toulon.
4- Celle formalité avait été demandée par le capitaine Mathieu.
112 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
célébration d'une messe « qu'il doit savoir par cœur depuis
qu'il est prêtre » et, en ce cas, le vicaire Charignon aurait pu
officier à Bandol (3 frimaire). Le i"' frimaire, ils avaient requis
la municipalité de Saint-Nazaire d'inviter l'un des prêtres
(Julien curé, Charignon vicaire, ou Terras) à aller desservir
provisoirement la paroisse de Bandol, dont le curé, Louis
Jonquier, avait été arrêté la veille. Le 3 (28 novembre), ils
demandèrent l'envoi de 6 exemplaires de l'arrêté des représen-
tants du peuple, Barras et Fréron, prescrivant la célébration
de fêles civiques « tous les jours de repos ». Cette décision
devait être publiée par les « ci-devant prêtres au bon peuple
de Saint-Nazaire » et ils prouveraient ainsi qu'ils « sont
comme nous les enfants de la République ». Quelques jours
plus tard (i5 frimaire), l'administration du district du Beaus-
set rendit obligatoire la célébration, chaque décadi, d'une
fête civique « en vrais répulilicains » et la suppression du
dimanciie '.
Au début du mois de brumaire, les représentants du peuple
avaient déclaré, à Marseille, que l'embargo serait mis sur
les bâtiments de Gênes se trouvant dans les ports français, à
raison de l'outrage fait, dans ce port, au pavillon national et
aux droits de la nation et de l'humanité. L'année précédente
(juin 1792), la République de Gènes avait déclaré qu'elle
observerait la plus stricte neutralité « dans les mouveiuens de
guerre »^. C'était faire là un acte de haute sagesse. Une partie
notable des denrées nécessaires à la Provence était tirée de
Gênes et de ses environs et le transport en était effectué par la
batellerie de ce port. D'après les renseignements qu'a bien
voulu me donner Î\L Boggiano, le si sympathique premier ad-
joint à la municipalité de Sanarv, le blé néc»>ssaire fut livré aux
Alliés, pendant le siège de Toulon, par les patrons des petits
bateaux de la Rivière de Gênes. Petit à petit, la plupart de ces
bateaux furent capturés par les bâtiments français, et leurs pro-
priétaires, généralement aisés jusqu'alors, furent ruinés.
I. Archives de Sanary, D^.
3. Mêmes archives, T>,.
SANARY ET LE SIÈGE DE TOULON Il3
XII
Pour abréger, nous rappellerons uniquement la position
au 21 frimaire, huit jours avant la chute de Toulon, de quelques
groupes, ceux qui nous intéressent le plus, à notre point de
vue spécial. Aux mois de janvier et de février 179'^, avant l'ar-
rivée de Carteaux à Tournon, le i" bataillon de la Drôme avait
été formé à Romans avec des compagnies franches, tandis qu'une
compagnie de chasseurs était réunie à Crest. Le premier
bataillon quitta Valence le 22 juin et le 2^ partit de Montélimar
le même jour', etc. Le 21 frimaire, nous trouvons : 1° dans
la division de l'est, devant Toulon, la compagnie franche de
Sanary (Sg hommes), le 14" bataillon de la Drôme (778 hom-
mes) et le 10'' bataillon de laDrônie(5o9 hommes); 1° à l'aile
droite, dans la plaine de la Seyne, le 11" bataillon (622 hom-
mes); 3° à la colonne du centre, le 9° bataillon (64o hommes);
4° à l'aile gauche, le 12^(703 hommes) et la compagnie fran-
che (56 hommes). Ces derniers corps portaient le nom de la
Drôme. Enfin, Sanary était occupée par 54 hommes (Sg", 33 ;
Aubagne, 21) -.
Divers auteurs ont décrit les scènes qui se sont produites
lors de la prise de Toulon. Nous n'y reviendrons pas. Voici,
cependant, deux documents officiels qui établissent, d'une
part que, contrairement à la tradition, la lutte continua pendant
et après l'évacuation de la ville, même durant les premières
heures de la journée du 29 brumaire, et d'autre part, que les
forçats ne furent pas les seuls à éteindre le feu mis à l'arsenal,
si toutefois ils ont pris une part importante à cet acte de
dévouement.
Le 28 frimaire, les alliés auraient reçu, à 9 heures du soir,
l'ordre du départ et à 10 heures l'abandon delà ville aurait été
terminé. L'embarquement de ceux-ci et des Touionnais fugi-
I. Kbebs et Moris, Op. l»t p. 235 et 262.
3. Ibid., p. CXLI.
Il4 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
lifs aurait commencé à ii heures. Enfin, le 29 frimaire, à
3 lieures du matin, les troupes républicaines seraient entrées,
après avoir attendu les événements depuis plusieurs heures
autour de Toulon. En réalité, l'artillerie des Alliés, en se reti-
rant, dut répondre au feu de l'armée républicaine qui, faute
de renseignements précis ou par surcroît de précautions, con-
tinua à bombarder la ville et la flotte eimemie, jusqu'à l'occu-
pation défiinitive de la première et jusqu'à l'éloignement
complet de la seconde. Si l'attaque fut héroïque, la résistance
fut désespérée. D'après les termes de la déclaration de Marie
Pourcicr, la version fixant la prise de possession de l'ensemble
de Toulon par l'armée de la Convention, au cours de la matinée,
oflVe les plus grandes chances de probabilité.
Le 4 pluviôse an II (28 janvier 1794)» Marie Pourcier, née
au Buis (Drôme) '■, déclara à l'officier de l'état civil de Toulon
que, dans la nuit du 28 frimaire (18 décembre 1793), « ayant
« été effrayée par le bombardement que la ville essuya et parle
« feu que les Anglais, les Espagnols et autres ennemis mirent
« à l'arsenal et aux poudrières », elle sortit de la ville avec sa
fille et son mari Barallier, peintre. Son mari, épouvanté par
les bombes et par les boulets qui tombaient en grand nombre
autour de leur lieu de refuge, chercha avec elle un nouvel
asile et mourut le lendemain, à 7 heures du matin. Cette cons-
tatation officielle ne donne pas les causes de ce décès. Barallier
ou Barrallierdut être victime de la peur. Le spectacle devait être,
en effet, terrifiant.
Le certificat suivant se passe de commentaires :
Liberté ftt'publi'que Françoise Egalité
Le citoyen Joseph Louis, coutellier, fils de Joseph, a été présent
ail feu qui avoit été mis par les infâmes ennemis de la République.
Il a donné dans cette occasion une marque de civisme, en enfonçant
une porte de l'attelier de la tonnellerie pour ôter des étoupes qui
éloient pendues sur des fenêtres.
1. Atlribuc au dcpartcmenl des Basses-Alpes (i'c) dans la déclaration.
SANARY ET LE SIÈGE DE TOULON Il5
En foi de quoi je lui ai livré le présent certificat pour lui servir et
valoir en tant que de besoin.
Au Port-de-la--Montagne, ce 12 ventôse * la a^ année républiquaine.
J. Roux. Rainouard.
Vu : Levallier fils a.
Vu par le commandant d'armes Castellan" .
L'attitude observée par les galériens n'a pas été précisée
d'après des documents certains ^. Leur nombre se serait élevé
à 600, lors de la prise de Toulon. Les uns auraient été brûlés
vifs, les autres auraient eu une attitude menaçante à l'égard des
Alliés se retirant. D'autres enfin se seraient joints à ceux qui
arborèrent la cocarde tricolore, lors du départ de ces der-
niers *. Incontestablement, d'après un texte publié plus haut,
les Alliés eurent recours à eux, au cours du siège, pour les
corvées. La chiourme était d'ailleurs sensiblement réduite à ce
moment-là. Quoi qu'il en soit, l'examen du dossier des récom-
penses officielles décernées aux sauveteurs d'une partie de
l'arsenal serait d'un puissant intérêt et causerait peut-être bien
des surprises, si toutefois ce dossier existe encore.
{A suivre)
R. Vallentin du Cheylard.
!. a mars 1794.
2. Archives de Sanary, I^.
3. Cf. Lauvergne, Histoire de la Révolution Jrançaise dans le département du
Vnr depuis lySg jusqu'en 171/8, p. 5i3, elc, etc.
4. GorriN, Op. l., p. 333. Cet auleur donne de précieuses indications sur la situa-
tion économique de Toulon (p. 54, i56, 3oi et s.)
LETTRES INÉDITES
DE
M A R I E - C A R 0 L I N E
REINE DES DEUX-SICILES
au. marquis de Grallo
(1789-1806)
(Suite ')
CGXLVII
Vienne, le 29 mai 1802. (Chiffre).
Je VOUS écris encore ainsi, mais je vous avoue, j'ai si peu de
confiance en ce que tout moyen est bon au citoyen Buona-
parte, que je crains arrestations, fouillages, séductions, s'il en
croyait valoir la peine ; mais je compte qu'il ne nous juge pas
dignes de son attention. Je ne puis vous dire combien j'ai
l'âme opprimée : aucun espcjir d'établir mes filles qui sont
désespérées, désolées de devoir retourner à Naples. Moi-même
j'en suis inconsolable, et n'ose le dire à cause des Napolitains
ici à la Cour où, je crois, on me voit partir avec grand plaisir.
Pour moi autant que je regrette Vienne, autant peu je regrette
la Cour et toute la famille, sans en excepter en premier lieu
mes deux filles, mais surtout l'aînée. Il est incroyable la
conduite (pi'elle a tenue durant ma maladie et tout ce qu'elle
fait encore. Mais cela ne peut durer. Tant va la cruche à l'eau
I. \'o\r Revue historique de la Révolution française de janvier-mars uiii et
numéros suivants.
LETTRES INEDITES DE MARIE-CAROLINE AU MARQUIS DE GALLO II7
qu'elle se casse, et cela doit, si elle ne change, indubitable-
ment arriver. — Pour moi, elle a entièrement aliéné mon
cœur, et c'est pour la vie. Elle me paraît une princesse à moi
étrangère. Malgré cela, je désire retourner à Vienne, y finir
mes jours avec mes deux filles, hors de la Cour et vivant pour
moi. — Je vous écrirai, comme je le fais de partout, sincère-
ment et vraiment. Mais biùlez mes lettres, comme je vous
donne parole de faire des vôtres.
Vous saurez que votre belle Polonaise est restée veuve,
riche. Ayant fait la paix avec son mari, elle a presque tout
hérité de lui, mais aussi pendant sa maladie s'est 1res bien
conduite. Elle est retournée gaie, contente à Wilna. Lors de
la nouvelle de votre mariage elle se voulait tuer. A propos de
tuer, Zouboir le prince, et le chevalier de Saxe, ils veulent en
faire autant. Zoubofl, voulant l'éviter, fait excuses, explications,
mais Saxe n'en veut pas démordre. C'est à la frontière que
cela doit avoir lieu. Je crains le pire de tout cela. On blâme
Saxe de ne s'être pas contenté des excuses données par
Zouboff. Enfin nous verrons l'issue.
Pour les affaires il paraît qu'A(cton) est toujours tout-puis-
sant. Il est mécontent, je crois, du Prince et je prévois des
incalculables déboires.
Mon voyage à Barcelone n'est pas un petit sacrifice de ma
part au sentiment maternel, car réellement, hors pour le
bien-être de mes enfants, rien ne m'y inspire curiosité. Ici on
se flatte de ravoir la Toscane, le roi d'Etrurie ' ayant donné
I. Don Louis, infant d'Espagne, cousin el gendre du roi d'Espagne Charles IV
dont il avait épousé la fille Marie-Louise, roi d'Etrurie, par la grâce du Premier
Consul en 1801. Sa santé déclina rapidement au bout de quelques mois de royauté.
Les rapports de Clarke et de Tassoni signalaient de violentes attaques d'épilepsie
dont la fréquence était attribuée aux preuves trop multiples d'amour qu'il donnait
à sa i'emme. Invité à dîner par Murât, il se leva de table pour revêtir une robe
de chambre et s'armer d'un sabre et se mettre, en frappant de taille et d'estoc, à
la poursuite d'ennemis imaginaires. On -.dut le lier sur un lit pour arracher à sa
fureur ses ministres tpi'il voulait tuer. Une dernière crise l'enleva le 27 mai i8o3 à
l'âge de trente ans à peine, laissant un fils encore au berceau, l'infant Charles-
Louis qui lui succéda et fut proclamé sous le nom de Louis II. Sa mère exerça la
régence jusqu'en décembre 1807 (Traité secret de Fontainebleau) (Voir Z,e floyaume
d'Etrurie, conférence par E. Melchior de Vogué).
Il8 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
signe de manifeste folie. On se flatte aussi d'un morceau de la
Suisse qu'on va démenbrer. On parle aussi de la Valachie,
Moldavie, Bosnie, mais sauf de céder le Vénitien au Grand-
Duc pour empêcher et faciliter l'indemnisation en Allemagne,
je serai assez tentée de le croire. Car Buonaparte désire
l'Empereur hors d'Italie. — Enfin ici le secret devant
moi est sévère, car je suis notée comme dangereuse. Cela
blesse le coeur d'une si bonne mère et parente comme moi ;
mais patience ! Je désire au Grand-Duc la Toscane, unique
objet de ses vœux. La Grande- Duchesse est enceinte de
cinq mois, l'Impératrice de trois ; c'est un secret pour moi.
La Rospigliosi a pris le prétexte de reconduire les enfants
et a planté la Grande -Duchesse seule chez moi. Je suis
inquiète, mes ciifaiits désolés de partir, Antoinette d'aller en
Espagne ; tous nos gens allemands demandent de rester et
aucun ne veut retourner à Xaples. Cela est très pénible; mais
je les excuse. Car j'en ferais volontiers autant, mais j'ai peines
et déboires de toute espèce, et si je n'y succombe point, c'est
un miracle, faible de santé comme je suis.
Allez des commissions de modes qui sont factices à l'autre
billet qui est vrai.
CCXLVIIl
Vieiine, le 12 juÏD 180a. No 7.
Je vous écris à tout hasard. On m'a dit qu'un courrier allait
partir pour Paris, et comme je vais aujourd'hui en Hongrie
pour trois ou quatre jours afin de voir l'Empereur et ma fille
que je n'ai pas vus depuis plus de quai-ante jours, je laisserai
cette lettre toute prête afin que le courrier puisse s'en charger.
Ma santé est en apparence raffermie. Mais en réalité je ne
me sens pas mieux et je ne crois pas qu'on ait réussi à triom-
pher du mal et à le déraciner.
J'attends maintenant la nouvelle de l'arrivée des bâtiments
royaux à Trieste. Dès qu'ils y seront, je me mettrai en route
pour rentrer. Je le fais avec une tristesse à lacjuelle je me
LETTRES INÉDITES DE MAaiE-CAllOLl.NE AU MARQUIS DE GALLO II9
résigne par raison. C'est comme une drogue ou un poison
qu'il s'agirait d'avaler. Mieux vaut le faire tout d'un coup.
Mes chers enfants vont bien.
J'attends avec impatience vos nouvelles et les commissions.
Mille et mille compliments à votre chère épouse et croyez-moi
toujours voti'e reconnaissante maîtresse et amie.
Garolina.
Une feuille en chiffre.
Une lettre pour San Teodoro.
GCXLIX
Schônbninn, le 29 juin i8oa (Chiffre).
Ici on parle beaucoup des indemnisations, et la liste qui
court n'est avantageuse que pour le roi de Prusse et l'électeur
de Bas'ière. Le pauvre Grand-Duc est bien mal traité et tout
morceau divisé. Le duc de Modène, il n'en est pas question.
Voilà le roi de Sardaigne abdiqué '. Son successeur le duc
d'Aoste ' sera-t-il plus heureux ou loyal, cela se montrera.
Pour moi, je crois que l'Italie ne restera point tranquille. Les
projets sur la Turquie feront sa ruine de force ou de gré et
Malle le sera d'un autre côté. Enfin je prévois bien noir. On
nous leurrera, Morée, Grèce, etc., etc. Ce seront les appâts
pour nous dévorer et mettre sous le plein joug. Je suis par-
faitement convaincue que nous n'aurons pas deux années de
repos et tran([uillité à Naples.
Vous ne m'écrivez, ne me mandez rien dans ces moments si
critiques de l'élection du Premier Gonsul à vie, de ce que l'on
parle et traite pour l'héréditaire. Enfin vous oubliez, soit poli-
tique, prudence ou oubli, que j'existe à Vienne. Cela me
peine, mais ne m'étonne point. Les souverains d'ici sont
toujours à Presbourg, c'est-à-dire que ma fille, il y a deux
mois, peut-être les derniers de ma vie où j'aurais pu la voir,
je ne l'ai pas vue. Gela fait peine, mais je m'en fais une raison.
I. Charles-Emmanuel IV abdiqua le 4 juin 1802 en faveur de son fils, le dyc
d'AosIe, qui régna sous le nom de Victor-Emmanuel I".
120 REVUE HISTORIQUE DE I,\ REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
La malheureuse mort du chevalier' me cause une peine
affreuse. Je le vois partout et m'imagine ce que son âme a dû
éprouver se sentant et par trahison tué par celui qui lui avait
donné le coup de canne. Enfin, ce brave jeune homme avec
mille bonnes qualités est mort et on |)eut dire, est né, a vécu
sous une étoile malheureuse. Pour moi je le regretterai toute
ma vie.
Je compte partir tout de suite, que je saurai les bâtiments
partis de Naples, pour faire mon vovage durant le temps qu'ils
feront leur traversée. Ecrivez-moi donc un peu plus régulière-
ment, donnez-moi part des nouvelles, ressouvenez-vous qu'à
part les autres titres, je suis \o\ve ancienne vraie amie et le
serai juscju'au tomi)eaii.
Toutes vos lettres sont brùli'cs. Je ne porte pas une ligne
écrite de personne avec inoi à Naples. Adieu.
CCL
Tricsle, le 8 août 1802. N" i.
J'ai répondu, par le courrier Bellolti expédié le i8 juillet, à
vos lettres des 24 et 3o juin. Depuis je n'ai plus rien reçu et
compte peut-être en retrouver à Naples. Je vous écris celle-ci
de Trieste d'où je compte demain soir m'embarquer et aller à
Manfredonia et de là à Naples courir ma destinée. 11 m'en a
coûté l'impossible pour partir de Vienne où j'étais plus tran-
quille et qui est un endroit (]ue je regretterai toute ma vie. On
m'y a témoigné, toutes les classes et toute ma famille, un vif
intérêt. J'ai été à Maria Zell, de là à Bruck où j'ai pris congé
de mon malheureux frère et du peu heureux Grand-Duc, de là
à Marburg où j'ai dormi une nuit et de là à Trieste, ce qui est
assez long. J'y suis arrivée le 3 d'août. Cela est assez vile.
Je compte les moments pour arriver chez moi, Trieste me dé-
plaisant à l'excès, et le sacrifice le plus sensible étant fait, je
désire arriver chez moi. — J'espère à Naples trouver de vos
nouvelles et de là je vous écrirai avec plus de détails. Ici les
t. I^e clievalier ilc Saxe tué ilans un duel avec Slscheibatolî.
LETTRES INEDITES DE MARIE-CAROLINE AU MARgUlS DE GALLO 12 1
moments sont trop courts. Je vois tout ce qui m'arrive comme
un triste songe et suis tout étourdie. Mais tous mes souhaits,
projets, espoir, travail se réduisent à mon repos, tranquillité
et vivre à moi; mais avant tout, il faut avoir établi, ou assuré
et rendu libre la fortune de mes enfants.
Je désire vivement vous voir à Barcelone, y parler à qui me
comprend et en prendre les conseils. Je vais à Naples avec
une répu(|nance extrême. Je vois toutes les batteries formées
contre moi et n'ai aucune envie de les combattre, le but ne
m'intéressant pas assez pour cela.
Mes chers enfants se portent bien. Antoinette est craintive
pour son sort. Je partage, quoiqu'en le lui cachant, ses inquié-
tudes. J'ai dû nécessairement laisser à Vienne une des dames
qui s'est conduite dans cette occasion comme une vilaine. J'ai
mis comme compagnie auprès de mes filles une baronne Man-
de H recommandée par la Glianclos, veuve d'un général. Elle me
paraît femme du monde. Toute chose, dont dépend la tran-
quillité de mes enfants, est pour moi du plus grand intérêt.
Je ne vous parle pas de moi. Je suis isolée. Luzzi que vous
connaissez est toujours le même. Rull'o, qui s'imagine depuis
des mois être malade et que je vois à peine, ne peut m'être
utile. Enfin ma position présente, et encore plus future, ne
promet que peines. Aussi je sens que j'y succomberai.
Mandez-moi toutes mes commissions si elles peuvent arriver
à temps à Naples. Sans cela mandez-les-moi, ou je désirerai
bien plus, portez-les-moi à Barcelone. Je vais à Naples où
j'entends chaque jour avec grande merveille des emplois don-
nés, des choses faites, et je bénis Dieu de n'avoir rien à y faire.
Mandez-moi ce que je vous dois et mes comptes.
Adieu, j'aurais encore bien des choses à vous dire, mais le
temps presse. Adieu, écrivez-moi avec sincérité. Vos lettres
seront lues et aussitôt brûlées. Je connais trop le monde et les
choses pour faire autrement. Ecrivez-moi, venez à Barcelone
et croyez-moi toujours votre vraie amie.
Vient une feuille en chiffre.
Un paquet pour l'envoyer en Espagne.
122 REVUE HISTORIOUE DE LA REVOLUTION FRANÇAKSE ET DE L EMPIRE
Mille excuses de ce que le mamjue de temps ne me fait
point écrire à votre épouse. Je le ferai une autre fois.
Adieu. Plaignez-moi. Je le mérite, et croyez-moi jusqu'au
tombeau Votre constante et recoimaissanle.
CCLI
Manfredunia, le i5-iC août 1802.
Je vous envoie une supplique faite en faveur de son frère
par un pilote qui est sur notre navire. Il me semble que Buo-
naparte et la grande nation doivent faire respecter les prin-
cipes et les règles consacrées s'ils veulent encourager le com-
merce. Je ne vous envoie cette requête et ne vous prie de faire
le nécessaire que parce que je voudrais pouvoir consoler une
famille malheureuse. Ne craignez pas d'autres importunités
de ma part. Je me suis fait une règle de ne plus m'occuper
que de remplir mon devoir et ceci me suffit.
Mille compliments à votre femme. C.i-joiut deux lettres que
vous enverrez, l'une en Espagne, l'autre en Angleterre.
Nous avons fait un très heureux voyage, vent frais, mais mer
calme et à 9 1/2 heures nous avons jeté l'ancre. — .Ascoli est
chargé de tout pour le Roi.
Je comjite partir à 4 heures du matin et aller d'une traite
jusqu'à Naples d'où je vous écrirai.
Envoyez, je vous prie, cette lettre à San Teodoro en Espagne
et l'autre à Gastelcicala en Angleterre. Quels sentiments et
quelles peines j'éprouve en ce moment! Dieu le sait et le voit.
Croyez-moi toujours avec une véritable reconnaissance votre
vraie amie.
Carolixa.
A minuit, du i5 au 16 août.
CCLII
-Naplt's, le a3 août 180a.
Je suis arrivée depuis le 17 ; mais, comme vous pouvez vous
le figurer, je suis accablée d'occupations. Arrivée, dévalise-
LETTRES INÉDITES DE M.VRIE-CAKOLINE ,VIj MARQUIS DE GALLO 123
nient, réinstallation, préparatifs du nouveau mariage et du
voyage, tout cela ne me laisse guère le temps de respirer et
je vole ces minutes rien que pour vous assurer de ma constante
estime et amitié.
Je suis toujours très peinée du manque de vos nouvelles;
mais ici j'ai lu toutes vos lettres du i5 juillet au 3 et au 5 août,
toutes les nouvelles qu'elles contiennent, toutes vos impres-
sions et observations et j'en ai conclu que vous ne pouviez
avoir ni le temps, ni le cœur pour m'écrire. Il pourrait bien
m'arriver la même chose maintenant que je respire l'air du
Vésuve. Ce qui est certain, c'est que je sens et pense bien
autrement qu'à Vienne où, si on y lisait vos lettres, on y serait
fort étonné, mais probablement moins satisfait.
Du reste, ma carrière politi([ue est finie et cela bien décidé-
ment. Je n'ai ni le talent, ni la souplesse qu'il faut pour cela.
Je suis mère et n'ai à cœur que le sort de mes enfants et de
ma famille. Je ne désire que le re])os et la tranquillité et notre
existence assurée, puis disparaître de ce monde des affaires
et des intrigues dans lequel mon âme honnête a trop à souffrir.
Voilà ce qu'a fait naître, ce qu'a développé en moi la lecture
de vos lettres dont la teneur diffère sensiblement du langage
qtie vous teniez avec moi. Ceci dit en passant et en vous inter-
disant les récriminations, excuses ou reproches qui me donne-
raient des déboires et ne changeraient en rien l'opinion que je
me suis faite après avoir lu ce que j'ai lu de mes yeux et vu
écrit de votre main...
20 août après diner. — Ce matin ma fille .Antoinette a été
solennellement mariée au prince des Asturies...
CCLIII
Naples, le 27 août 1802. N» a (Chiffre).
Je suis enchantée quand j'ai occasion d'écrire et j'en pro-
fite malgré que je trouve vos lettres différentes de vos dis-
cours avec moi. Je vous plains, car c'est naviguer avec le
I 24 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
vent. Je puis vous assurer que je ne le ferai jamais; mais je
plains, qui en a la faiblesse...
J'ignore encore si j'irai à Barcelone dans un bâtiment de
pavillon napolitain, sans gens à moi, sans argent ni présents,
défrayée de la Cour d'Espagne. J'avoue que je doute pouvoir
me résoudre à faire cette humiliante figure. Ma tendresse
pour ma clière Antoinette pourrait m'y conduire; mais elle a
de l'espi'il et depuis qu'elle est à Naples soupire après le
moment de son départ et se trouve heureuse de partir. Je
doute que j'en ai le courage.
Le Prince* est veuf, volontaire, entouré de gens dévoués à
l'Espagne et n'a nullement besoin de moi. Enfin on ne veut
me donner aucun moyen et j'avoue j'ai une répugnance mor-
telle à m'y retrouver. Ainsi j'en doute. Ici tous désirent mon
départ, les enfants que je les accompagne, le Roi, le ministre,
j'ignore pourquoi, mais tous poussent à mon départ.
Je ne vous parle [)oint de Naples. .Fe l'ai trouvée au plus
mal et suis convaincue que toutes les classes sont ulcérées.
J'aimerais mieux bêcher la terre dans un pays tranquille que
vivre ici. — .\lquier et tout le monde s'empressent à me faire
sentir ce que l'on s'est plu à tort de répandre et faire sentir.
Cela nir- peine, mais comme cela me vient de gens que je
mésestime profondément, cela ne me fait rien que la peine du
moment. Brûlez, je vous prie, mes lettres.
J'ai retrouvé le Roi bien en santé et raison, plus ambitieux,
plus despote, plus glorieux, vaniteux de lui-même, mais rai-
sonnable, honnête malgré l'agitation du pour et du contre
qu'on lui dit et fait approuver sans cesse et qui dérouterait
la tête la mieux organisée. — J'ai trouvé le Prince grossi à
faire peur et la conception embourbée, mécontent, frondeur
de tout comme les personnes de sa très basse société, domes-
tiques lui impriment. Je rougis pour la figure et tournure de
le présenter en Espagne.
Acton est riuiiiiuc qui a la confiance du Uoi. Des autres, il
I . Le jirinco royal François.
LETTRES INEDITES DE MARIE-CAROLINE AU MARQUIS DE GALLO 125
se sert sans confiance. Vaslo s'en donne les airs en chicanant
sur une table ou une chaise et jouant l'important; mais cette
âme sale et de boue ne peut exister qu'autant qu'on ne veuille
lui donner un coup de pied qui le jette dans la boue dont il
est pétri. — Toutes les classes sont mécontentes. La cherté
des vivres prophétise un triste hiver.
Ecrivez-nous ce que l'on pense pour le Turcque {s/c), car
ceci est très sérieux pour nous qui en aurons sûrement les
éclaboussures. — Ce que l'on a écrit de Russie, de mon cher
et à plaindre Vienne fait peine aux âmes honnêtes qui voient
sans passion. Car la destruction de l'Autriche ne porte à
aucun des avantages, et je n'y vois que notre général escla-
vage. De plus on m'avertit des deux côtés que la mine est
sous nos pieds, qu'une seule mèche peut la faire éclater; ainsi
tout cela est bien précaire.
Moi j'estime et ai la plus haute opinion du Premier Consul
comme l'homme le plus digne de toute l'Europe de gouverner
des hommes, et s'il voulait pour une année seulement, pas un
jour de plus, réordonner Naples et toutes les classes, qui
toutes auraient besoin de son actif, sage et ferme gouverne-
ment, ce désir vous prouve mon opinion que j'ai réellement
pour lui. Adieu...
CCLIV
Naples, le g septembre 1802. N" 3.
...Je crois ce pays absolument corrompu. Je désire me
tromper; mais je crois fermement qu'on marche sur un volcan,
sur un sol miné que la moindre étincelle ferait sauter. Les
vivres sont horriblement chers, la récolte très mauvaise dans
les deux royaumes. Bref tous les malheurs à la fois. Toutes
les classes sont également corrompues. En somme je vois très
noir et désire me tromper. J'espère surtout tpie la guerre ne
va pas recommencer ni avec l'Angleterre, ni avec l'Espagne.
Dans le premier cas, il nous faudrait rester absolument et com-
plètement neutres. Dans le second, rien qu'à cause de ce qui
I aC REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
reste encore à l'Empereur en Italie, force nous serait de le
suivre. Autant de motifs pour lesquels je désire la paix et la
tranquillité en politique et aussi du côté de Malte. Le général
Acton vous écrira et vous renseignera sur tout ceci. Moi je ne
comprends et ne sais rien, et comme je désire ne mécontenter
personne, je suis bien décidée à ne me mêler de rien...
/^ septembre. — Le général Acton vient de me dire que
l'ambassadeur Alquier l'a invité à me demander ce que je
pourrais désirer. Le Premier Consul, ayant envoyé des présents
à la reine d'Espagne, aux deux impératrices de Russie, fai-
sant fabriquer des armes pour le Roi, voudrait aussi m'offrir
une attention. Voici ma réponse claire et nette afin que vous
la connaissiez : « Sensible à l'attention du Premier Consul
« qui montre son harmonie et bonne volonté d'être en paix et
«bien avec nous, je n'accepterai jamais rien; mais si cela
« peut déplaire au Premier Consul, comme on fabrique très bien
« au naturel les fleurs, une seule petite branche d'olive (sic)
« pour faire bonne union dont elle est l'augure, sera acceptée
« et rien, mais absolument rien d'autre. »
Je vous prie dans le cas où en passant par plusieurs bou-
ches, Alquier ne rendrait pas bien ma réponse, de la trans-
mettre clairement et textuellement. Toutes les souveraines du
monde pourraient faire autrement que je ne changerais pas
pourcela. Adieu, croyez à mon éternelle reconnaissance, estime
et amitié.
CCLV
Naplcs, le 14 septembre 1803. N° 2 (ChiUrc et noir).
(^Lettre écrite en noir.)
Je vous annonce que Zurlo, Acton, ou je ne sais qui vous
enverront la valeur de 200.000 fire qui vous sont dues. Ce
<pii surpasse ma dette et celle de ma fille, vous le retiendrez,
me direz le quantitatif atin que je vous destineà quoi l'employer.
Je vous renvoie la note de l'Impératrice. Vous la lui en\errez
LETTRES INÉDITES DE MARIE-CAROLINE AU MAROUIS DE GALLO I27
et non à moi, ne pouvant et ne voulant faire aucune dépense,
le Roi ne me donnant plus rien. Adieu.
(Lettre écrite, au citron.)
Je vous écris encore deux mots de cette façon pour vous
parler avec liberté, me flattant (jue vous n'en ferez aucun abus.
Sans cela, ce serait trahir complètement la confiance d'une
amie sincère et malheureuse.
J'ai vu ce matin le vaisseau espagnol qui est superbe, de
112 canons, mais sans ordre ni discipline. Les appartements
très bien meublés, tous les officiers enchantés de leur petite
Princesse qui, j'en suis sûre, les mettra tous en poche ayant
esprit, amabilité et qrâce. Je le désire à ma petite, mais je
crains qu'on ne me la pervertisse.
Vous me ferez le plaisir de dire ce que je vous ai écrit sur
l'offre du présent ; car je crains que le général ne l'oublie de
dire, comme je désire qu'on sache ma réponse, à Alquier. Je
n'accepterai jamais, jamais rien. Une branche d'olive en signe
de bonne harmonie et de paix m'est le plus agréable. Hors de
cela rien. Je vois que le Roi a eu la vilenie de dire qu'il préfé-
rait aux armes des meubles. Il est le maître de dire et penser
ce qu'il veut. Mais je ne changerai jamais mon opinion. J'en
rougis pour les autres et suis étonnée qu'Acton, qui a toute sa
vie été délicat à l'excès, actuellement, soit faiblesse ou pour
m'induire en erreur, soit si changé. Enfin ce qui est certain,
c'est que je ne prendrai rien au monde de qui que ce soit,
beaucoup moins d'un usurpateur, homme de génie et grand
caractère, mais usurpateur.
Le général Acton m'a raconté tout content les instances,
prières, conjurations que vous lui faites de rester en place,
appelant trahison s'il quittait.
Je me suis tue, mais n'en ai pas moins repassé dans mon
souvenir ce que je vous ai entendu mille fois dire des causes,
motifs et suites de tous nos malheurs. J'ai appris que vous
m'avez été envoyé pour empêcher mon inconduite, soit politique
soit en économie. Je crois ne vous avoir donné rien à faire.
I 28 REVL'E HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
Je vois et entends de toutes parts des choses incroyables et
qui me rendent la vie odieuse. Les vrais tout-puissants sont
Acton, Zurlo qui est poussé par Acton et qui finira par le
supplanter, étant plus maître de lui, ayant plus de talents et
travail et régissant le point intéressant et de la passion prédo-
minante de l'argent. Vasto joue pour la même raison un grand
rôle ; mais comme il est bêle au possible, il joue l'insolent avec
moi et quoique favori en forme, je suis sûre qu'avant six mois
je le ferai chasser de grand maître. Je me fierai d'en faire
autant de chacun. Car je connais à fond le terrain, mais je ne
veux pas, croyant les ministres utiles, et je me contente de
rester sur ma défensive. Car on m'a joué des traits iniques. On
a fait sanctionner un nouveau traitement où moi et mes enfants
avons la moitié de ce que le Roi leur avait solennellement
accordé et cela avec une tournure infâme : mais je tiens le
brouillon tout fait de la main du Roi, comme aussi l'original
formé de lui le i" janvier 1798. Cela sera une éternelle honte
à lui.
Enfin je soulfre, depuis le mois que je suis à Naples, l'impos-
sible. Mais, au-dessus de tous les en dira-t-on, je me moque
de tout et vais mon chemin. Le Roi, du fond de sa fille bien à
elle, a ôté 120.000 ducats pour la dot d'Isabelle et se l'appro-
prier. Nous sommes en manquant de tout. Lui bâtit en Sicile
pour 12.000 et plus de ducats le mois et meuble avec un luxe
recherché la Favorite durant que femme et enfants man(]ueiit
de tout. — Mes enfants ne font que pleurer. Le Prince est
outré et ces Messieurs à son temps s'en ressentiront. Le ver-
tueux Gra\ ina est outré. Enfin je ne prêche ([u'obéissance et
patience.
C'est avec ces sentiments que François va en Espagne. J"ai
parlé à son confesseur, à ce qui l'entoure, pour sermonner
résignation, patience, obéissance. J'espère y arriver. Je veux
être honnête jiis(prau bout quoif|ue méconnue; mais je souffre
l'impossible d'être si mal traitée. Et par (pii ! (-ela me révolte,
mais ne m'avilit pas, mais me ferme le c(eur et me fait désirer
de sortir à jamais de cet enfer et de faire tout pour v réussir.
LETTRES INÉDITES DE MARIE-CAROLINE AU MARQUIS DE GALLO 121)
Je VOUS conjure, détruisez ces deux feuilles en jaune ; assurez
m'en. — Adieu, vous voyez ma sincérité, ma confiance. Ayez-en
de même pour moi. Je ne désire que mon pain et celui de mes
enfants assuré et me retirer pour la vie de tout. J'ai trop vu et
éprouvé l'ingratitude des hommes pour ne point penser ainsi.
Adieu, détruisez mes lettres, écrivez-moi sincèrement. Croyez
(ju'elles seront aussitôt lues, aussitôt brûlées. Parlez-moi
sincèrement, plaignez-moi, je le mérite et croyez-moi votre
sincère éternelle amie pour la vie.
CCLVI
Naples, le i5 septembre 1802.
Le courrier n'étant pas parti, affaire de secrétaires, comme
en rangeant mes papiers j'ai retrouvé le petit billet de Thérèse
avec ses deux commissions, je vous l'envoie afin que vous vous
entendiez avec elle parce que malheureusement, à cause des
revers qui m'accablent, je ne suis plus en position de faire la
moindre gracieuseté, le moindre présent à qui (jue ce soit,
manquant moi-même de tout, tout comme mes chers enfants
qui partagent mon sort dans le présent et dans l'avenir. Malgré
tout et bien que mes ennemis cachés s'étudient à me faire un
mal et un tort irréparables, je leur pardonne. Mais tout cela
m'a rendu la vie encore plus odieuse.
En dehors de cela, rien de nouveau à vous dire. Je vous suis
sincèrement reconnaissante de tout le mal que vous vous
donnez à cause de mes commissions. Croyez-moi toujours
votre éternelle et véritable amie.
GCLVII
Naples, le 26 scplcinbre 1802.
Je vous recommande avec tout l'intérêt les affaires de Bres-
sac^ qu'il vous expliquera lui-même et dont je ne suis pas assez
I. Un des anciens agents de Breteuil à Naples en 1793. Envoyé en 179.5 par
Marie-Caroîine à Venise avec la mission de négocier avec la France.
BEV. niST. DE LA RÉVOL. 9
llHo REVCE HISTORIQUE DE LA nÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
bien informée pour vous les détailler, mais seulement pour
vous assurer de tout l'intérêt que je mets à la réussite de tout
ce qui peut être de son bien-être d'affaires, lui, ayant été cons-
tamment et avec zèle attaché à ses devoirs et à ses souverains.
C'est en vous le recommandant de nouveau que je vous
assure de toute ma sincère reconnaissance.
Charlotte.
CCLVIII
Porlici, le a octobre i8oa. N" 3 (Chiffre).
Je risque de vous écrire celle-ci, en laissant la lettre en
chemin, par le courrier qui va en Espagne porter à nos
enfants les tristes lettres de la perte faite de la bonne Grande-
Duchesse^. Je n'avais pas besoin de ce nouveau coup pour
abattre ma faible santé après le départ de ma chère Antoi-
nette, qui m'avait coûté l'impossible. J'ai souffert comme si
j)hysiquement on m'arrachait le cœur, sentant bien que je ne
la reverrai de ma vie. Cette bonne et malheureuse fille est la
victime de l'inexpérience, des caprices et des bêtises. On l'a
laissée mourir sans le vouloir avouer. Elle a été immolée à
l'indolence, froideur et ignorance.
Enlin je crois toujours que si j'y avais été, j'aurais pu lui
être de quelque secours, car elle a été honteusement négligée,
étant en travail depuis 3 heures du matin, morte entre 5 et
C heures de l'après-midi, c'est-à-dire déjà en grand danger à
midi et on a tenu le banquet régulier de dimanche chez le duc
Albert à Baden. On a été à la Redoute masquée, au Casino
alors qu'elle était déjà morte. Son mari voulait aller se pro-
mener, lorsque le vieu.x SchalTgotsch a crié : « Mais elle est
morte ! » Voilà comme elle a été négligée. Cela fait saigner le
cœur, cela est peu encourageant, mais vrai.
J'ai I ends des nouvelles de Vienne, que vous saurez mieux
et avant moi. Si au pauvre Grand-Duc, ce démon de liuona-
parte rendait sa Toscane et créait roi des Lombards ce roi
I. L.1 grandc-duchessi- de Toscane, Louise, morte le iij septembre 1803.
LETTRES INÉDITES DE MAniE-CAROLINE AU MARQUIS DE GALLO l3l
d'Etrurie «'pileptique, ce serait réellemenl un acte de justice et
de iiientaisance. Il la (|ouvernerait moyennant sa naturelle
faiblesse et la dépendance de Manlredini tout aussi et peut-
être plus despotiquement ([ue le roi d'Etrurie. Alors on pour-
rait penser à ce veuf qui sans cela ne vivra pas non plus dans
ce climat d'Allemagne.
L'affaire des injustes indemnités d'Allemagne est une dure
cruauté, Buonaparte en maître fait ce qu'il veut. La Prusse
continue à jouer l'infâme rôle qu'elle a toujours joué; mais
c'est à la Russie que je ne le pardonne point après tant de
solennelles promesses. Etant une si grande puissance hors de
tout danger, c'est vraiment être infâme pour le plaisir de
l'être.
J'attends avec une impatience sans égale des nouvelles de
mon épouse en voyage. Dieu veuille la tenir éloignée de tout
danger. Je suis tellement accoutumée au malheur que je crains
tout et suis très en peine. Mon fils doit retourner de Barcelone
par ordre exprès de son père sous un prétexte quelconque.
Ainsi à la fin de novembre il sera ici. J'ai soin actuellement
de sa fille qui est gentille, mais très délicate, très négligée. Je
tremble qu'elle ne tienne de la mauvaise santé de sa mère et
qu'elle ne vive point, au moins pourvu qu'elle résiste et reste
bien portante jusqu'au retour de son père.
Le 8 octobre. J'espère que voyant mon exactitude à vous
écrire, vous le serez aussi un peu plus ; mais, si vous le
croyez nuisible à vos intérêts, je vous en dispense.
J'ai fait ce matin le triste office pour l'âme de la pauvre
Louise. Tout ce qui me confirme ce malheur me fend le cœur,
Je suis inconsolable et ce sera une plaie difficile à guérir.
Enfin Dieu l'a voulu. Il faut adorer ses décrets.
Je vis retirée avec mes chers enfants. C'est mon unique
sort, ne trouvant avec qui vivre. Toutes les classes sont mau- .
vaises, changées et gâtées. Je trouve Naples dans un état exé-
ciaJjle. Papan Iglou avec i.ooo hommes en devient s'il lèvent
le maître et souverain. Ils ne feront pas de révolution crai-
|32 KEVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
(jnant les partis, les Sanjedisti, mais ils se donneront à qui les
voudrait, tant peu ils ont d'attachement pour leur maître. —
Je ne parle pas de moi qui suis injustement la bête noire.
Enfin la vie y est excessivement désagréable et il faut compter
et s'attendre à tout le mal. Pour moi, j'y suis résignée.
Adieu, mandez-moi de vos nouvelles et crovez-moi avec
bien de la reconnaissance.
Mandez-moi sincèrement sans courtisanerie ce que l'on dit
de ma petite épouse et de mon fils à Paris. Ce dernier est bien
maussade et lourd. Adieu. Et de plus une autre fois. Comptez
sur ma reconnaissance.
CCLIX
Sans date ' i8oa.
{En noir et entre les lignes au citron).
Commissions -.
6 cartons de fleurs, de fruits pour tête et bouquet.
6 bonnets de dilFérentes sortes, blancs, brodés avec chemi-
settes, mouchoirs de même.
3 habits de goût, modes décentes pour jeunes personnes.
Des meubles ou nippes, petites galanteries selon votre bon
goût.
Livres, estampes nouvelles.
Toute la commission entre 3 et 4-ooo ducats.
(Chiffre. Citron.)
Pour continuer eu toute sincérité à vous parler de celte
fatale et maudite politique, certes si cette mort du duc de
Parme pouvait remettre le Grand-Duc en Italie, ce serait un
bonheur. Le Premier Consul pourrait être sûr qu'il aurait un
tout obéissant dévoué à la France dans le malheureux Grand-
Duc en lui rendant sa Toscane volée. Il y contenterait le
I. Postérieure au g octobre, date de la mort du duc Ferdinand de Parme. Pro-
bablement du 11 ou du 13.
a. Partie de la dépêche écrite à l'encre.
LETTRES INÉDITES DE MARIE-CAROLINE AU MARQUIS DE GALLO l33
peuple, obligerait tous, et le moribond roi d'Étrurie serait
bien plus heureux comme roi des Lombards qu'actuellement.
Je désirerais que le Modenais fût rendu à son légitime sou-
verain, mais si cela ne se peut, l'indemnité décidée en Alle-
magne pour le Grand-Duc pourrait se donner au duc de
Modène avec d'autant plus de facilité que cette branche, avec
la prodigieuse quantité d'archiducs qu'il y a, n'a aucune idée
de pouvoir jamais succéder à la Monarchie et agrandir par là
sa force en Allemagne. Le cas n'étant pas le même pour le
Grand-Duc, je crois en vérité, si amicalement et sagement on
représentait cela à Buonaparte, il y viendrait, et s'il le voulait
ou ordonnait, la chose serait facile. Car sa volonté est toute-
puissanle. Enfin si vous pouvez, comme de vous, en parler, cela
serait un grand bien et me rendrait heureuse de faire le bon-
heur de ces pauvres g.ens, même si aucun avantage ou mariage
à moi n'en dût résulter. Je sens par moi le bonheur de se voir
rétabli chez soi et c'est ce qui fait (jue je n'ai aucune rancune
contre les Jacobins, leurs efforts ayant été en vain.
Mandez-moi, je vous prie, ce que vous entendez dire en
bien ou en mal de mes enfants en Espagne. Mon Dieu, que ma
chère Antoinette me tient à cœur! Je voudrais son bonheur au
prix de mon sang. Pour celle qui doit venir, je ne l'aime ni ne
la hais. François et le public l'ont voulue, ils l'auront. Le Roi,
à mon grand étonnemenl, n'a nul sentiment ni pour celle qui
vient, ni pour la maison d'Espagne. Je croyais le trouver
enthousiasmé. Point du tout. J'ai dû insister pour faire donner
un dîner aux Espagnols et il n'a été nullement prévenant pour
eux. Le Roi est profondément et irréparablement blessé de ce
qu'il a éprouvé. Son âme en est affectée et il ne l'oubliera
jamais et tout ce qui de loin ou de près tient à cela lui est
odieux. Son fils, il ne l'aime point et n'est charmé de l'avoir
que lorsqu'il pense à tout quitter. Il a un fils honnête homme,
bon, sage, vertueux principes; mais tout le monde travaille à
mettre père et fils mal l'un contre l'autre. — Tous les Napoli-
tains, noblesse, clergé, avocats, militaires, peuple, désirent,
préfèrent le fils. Il est neuf, ils ne sont pas coupables devant
l34 REVUE mSTORlQUE DE LA RlivOI.UTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
lui et il a pu jouer le beau rôle de dire : « Je n'en sais rien, je
désirerais mieux, etc., etc. ». Mais le fils est plus honnête
homme, j'en réponds et on ne le séduira point. Je craiçjnais les
caresses en Espagne; mais il ne peut s'y voir, déteste, méprise,
abhorre le prince de la Paix, sa fortune, ses moyens. Ainsi
j'espère qu'il reviendra bientôt et échappera à cette séduction.
François se sent prince et successeur, mais il est vertueux et
honnête et cela le sauve.
Si cette frégate nous reporte nos trois fréyates', ce sera un
■\Tai bonheur et obligation que nous vous aurons comme aussi
tous les papiers et découvertes pour couper court aux trames
de ces petits inquiets mauvais sujets.
Adieu, mon cher ancien ami Gallo; dites-moi sincèrement
ce que l'on dit, pense de moi dans le pays où vous êtes. Brûlez
mes lettres. Je fais de même des vôtres. Adieu. Oui sait si
jamais nous nous reverrons, mais croyez que je conserverai
toujours dans mon cœur une sincère reconnaissance pour votre
personne et que je suis pour la vie votre sincère amie. — Adieu.
(^A suivre)
I. Cf. pour le renvoi et la restituiion des trois frégates napolitaines le passage
suivant de la dépêche d'.\li[uier au ministre des Relations Extérieures du ag fruc-
tidor an X (i6 août i8oa) : « Citoyen Ministre, le bâtiment qui va conduire à
« Toulon les étals-majors destinés à ramener les frégates napolitaines qui nous ont
H été prêtées jusqu'à la paix portera enfin les antiques que le Roi oEfrc au Premier
' Consul. »
MÉLANGES ET DOCUMENTS
Benjamin Franklin et le procès du paratonnerre de Saint-Omer
{1782-1J83)
Nous avons publié, dans notre étude sur Robespierre et le procès
du paratonnerre ', le texte d'une lettre que Robespierre adressa k
Benjamin Franklin, le i"^ octobre 1788, en lui envoyant ses Plai-
doyers pour M' Vissery de Bois-Valé. Cette affaire ne pouvait
manquer, en effet, d'intéresser Franklin, puisqu'il s'agissait de la
mise en discussion d'une de ses inventions les plus célèbres et de
la résistance k laquelle se heurtait, dans l'opinion publique de cer-
taines contrées, son application.
En réalité, la lettre de Robespierre ne fut pas la seule que reçut
Franklin à l'occasion de ce procès. Deux autres lui étaient déjà
parvenues, l'une en décembre 1782, l'autre en mars 1788^. La pre-
mière émanait de Vissery de Bois-Valé lui-même, la seconde de
Des Essarts, l'éditeur des Causes célèbres^.
Le procès était engagé depuis le mois de juin 1780. Le jugement
de l'échevinage de Saint-Omer, rendu à cette époque, n'était pas
encore venu en appel devant le Conseil d'Artois. Antoine Buissart
avait publié, en 1782, son Mémoire pour M' Charles Dominir/ue de
Vissery de Bois-Valé. Peu après la publication de ce Mémoire,
Vissery de Bois-Valé écrivit à Franklin, le 10 décembre 1782, la
lettre suivante :
Monsieur
Poarroit-on s'imaginer qu'en imitant ce que vous Jaite de si
1. Le Puv, 1909; in-8 de 3i paijes. — La lettre de Robespierre à Franklin est
citée aux pp. 27-28.
2. Il est probable qu'il y en eut aussi une de Buissart, puisqu'il lui envoya son
Mémoire, mais nous n'en avons pas retrouvé la mention dans les Papiers de
Franklin.
3. Ces deux lettres sont aujourd'hui conservées dans les Papiers de Franklin, à
l'American Philosophical Society de Philadelphie, qui a bien voulu nous en faire
parvenir une copie.
l'iQ KEVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION' FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
admirable pour le bien de l'humanité, je me serais fait une affaire
sérieuse avec mes voisins, avec mes concitoyens, avec mes juges de
police enfin, qui m'ont condamné rigoureusement à détruire mon
paratonnerre dans les 24 heures pour tout délai, comme une inven-
tion des plus dangereuse.
Sentence Jrapante qui a causée une fermentation e.rtraordi-
naire parmi le bas peuple ; qui a exposé ma personne et ma mai-
son à des insultes inattendues, et outrageantes; comme vous pauv-
re z le voir dans le n)é moire que mon avocat d'Arras^ se charge
de vous faire parvenir. C'est un hommage que je crois devoir à
l'Auteur d'une invention si célèbre par toute la terre et cependant
jadis si redoutée à S' Orner, mais maintenant adoptée par les
/)erso/i/ies ins/r'uiles. — Vous ne serez peut-être pas fâché que je
vous retrasse ici un abrégé de ce qui a donné lieu à tant de peine
et de tracasseries que l'on m'a fait essuier à ce sujet. Ce fut d'a-
bord une voisine (pii m'a chicanée ci devant plusieurs Jois, pour
une muraille de séparation de nos jai'dins réciproques, laquelle
dans un Conseil Jéminin, a exagéré le péril de cette invention,
insinuant que la lame d'épée étoit aimantée et électrisée et que
par ce moyen j'allais attirer le tonnerre des 4 coins de la ville,
et par ainsi les exposer à être brûlés, et écrasés dans leurs mai-
sons.
D'oïl on conclut (pï il fallait présenter une Requesie au Magi.t-
trat à effet de Jaire détruire une machine si dangereuse.
Le petit et tendre mary d'une voisine en fut le colporteur secret,
pour obtenir des signatures : j ou 8 /jersonnes l'ont fait par
complaisance ou par importunités, tandis que des dames, et même
deux de ses oncles l'ont refusé constnment . — La plus proche
voisine aiant un frère L'chevin aussi peureux qu'elle, secondé par
un bruyant faiseur d'ordonnances de vie et de mort, \disant que
les femmes auraient avortées, ils firent pancher la balance de
Thémis, avec d'autres peureux, pour la destruction de tout l'ap-
pareil : sentence mémorable ! qui fut prononcée contre l'avis des
meilleurs têtes qui font toujours le plus petit nombre dans les
assemblées.
Mêlant rendu iqiposant ci celle sentence par déjaut, elle fut
ce/tendant conjirmée malgré les autorités respectables, comme la
I. Antoine Buissarl. — C. V.
MÉLANGES ET DOCUMENTS 187
vôtre, Monsieur, citées dans la plnidoierie, attendu, est-il dit,
qu'il s'agit de police, de tranquilité et de sûreté publique.
Une sentence aussi foudroyante renversa la cervelle à la multi-
tude if/nare, on s'est attroupé, on a menacé, et, comme le dit le
Mémoire : — dans cette crise, abandonné ici de tout le monde,
J'écrivis à plusieurs Académies et à de bons physiciens, pour
savoir à (/uoi m'en tenir, — Je reçus des consolations de tout
côté, et surtout de Dijon ((juoiqu'i/iconnu), comme le prouve
l'avis honorable de cette savante Académie.
Plusieurs bons écrioins se sont oJJ'erts ijénéreusement pour faire
le Mémoire et surtout M'' Buissart, qui regarde cette affaire
comme la sienne propre, s'en est acquité avec honneur. — Pour
d'autant mieux appaiser la chose, on a voulu une consultation de
célèbres .Avocats de Paris.
Cette consultation, mieux raisonnes nu commencement qu'à la
fin puis ce que les craintes du peuple n'existaient plus, s'est fait
attendre pendant un an. — MM. les .Avocats d'Arras, par leur
consultation /mstérieure, ont rectifiés cette Jin qui n'était pas de
mon goût.
Ce Mémoire enfin étant imprimé, fat signifié à la partie publi-
que au commencement de novembre iy82. — Un des plus éloquent
plaideur d'.Arras ' s'est chargé de la plaider. J'en attend le résul-
tat avec une sorte d'impatience, et voilà à quoi les choses en sont.
Compatissant comme vous este. Monsieur, pour les opprimés,
votre indulgence excusera, J'espère, la longueur de cette Epître
qui détaille en bref les peines et les tracasseries d'un pauvre mar-
tir de la chicane qui a l'honneur de se dire avec non moins de
confiance, d'admiration de vos talents supérieurs que de respect,
Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur
De VYS-'iERY de Bojs-Valé
dmt : Marc/lé aux /lerbes.
A S' Orner, le jo Dec. i-ji.
Quelques semaines plus tard, en 1788, Des Essarts consacra au
procès du paratonnerre de Saint-Omer une grande partie du
tome XCIX (pp. 3-iio) de ses Causes célèbres, curieuses et inté-
I. Robespierre. — C. V.
l38 REVUE HISTORIQUE DE LV RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
ressanles, de toutes les cours souveraines du Royaume, avec les
Ju/jements qui les ont décidres. Quand ce tome XCIX parut, Des
Essarts l'envoya a Franklin >'t l'accompagna de la lettre que voici :
Monsieur,
Je vous supplie d'aggréer le volume que j'ai l'honneur de vous
envoyer, il renferme une cause qui doit vous interresser, celle du
paratonnerre de S" Orner. Tous ceux qui sont capables de sentir le
prix des bienfaits du Génie, vous doivent de la reconnaissance.
J'ai saisi arec plaisir l'occasion de vous offrir l'hommage de la
mienne. Ce sera une jouissance délicieuse pour moi si vous l'ag-
gréez ; et si vous éprouvés quelqu intérêt en parcourant mon ou-
vrage, ce sera In récompense la plus flatteuse que je puisse obtenir
de mon travail.
Je suis avec respect.
Monsieur
Votre très humble et très obéissant serviteur
Des EasA/iTS, avocat,
membre de plusieurs Académies.
Rue Dauphine, /tôtel de Mouy.
Paris, ce 2 Mars i;83.
La lettre que Franklin reçut de Robespierre, eu octobre 1788,
semble être la dernière pièce de ce dossier. Il est impossible de
dire si Franklin répondit à ces divers envois. Nous ne connaissons,
en tous cas, aucune lettre de lui adressée à Buissart, à Vissery de
Bois-Valé, à Des Essarts ou à»Robespierro.
Charles Vellay
Deux lettres inédites du général de Moutesquiou au directoire
du département de la Gironde
{.\oùt ijg2)
Par ordonnance royale en date du 7 avril 1792 « le sieur de Mon-
tesquiou, intendant général des ;irniées », fut nommé commandant
en l'hef di's troupes des Vll«, VI11^ IX'-, X=. XI= et XLV divisions
MÉLANGES ET DOCUMENTS iS^
militaires, avec mission de réunir les forces nécessaires pour proté-
ger les t'rontières des Alpes et des Pyrénées '.
C'est k cette occasion que l'Administration départementale de la
Gironde entra en correspondance avec lui.
Nous avons trouvé dans les Archives départementales de la
Gironde, série L, liasse libo, les deux lettres suivantes, écrites par
le général de Montesquiou aux Bordelais, et qui ne manquent pas
d'intérêt.
Roger Brouillard.
Au camp de Cassieux le // août iy(j2 l'an 4" de la liberté.
A Messieurs les Administrateurs du Directoire
du Département de la Gironde.
Messieurs,
J'ai reçu la lettre (jue vous m'avez Jait l'honneur de ni écrire le
10 avec un exemplaire de l'arrêté que vous avez pris pour l'orga-
nisation de vos nouveaux bataillons 'K Je ne connois rien de plus
beau que la rapidité des mouvemens que votre patriotisme fait
exciter parmi vos concitoyens. Je n'ai aucun besoin d'ordres du
ministre pour la destination de ces nouvelles troupes. Elles appar-
tiennent absolument à l'armée du niidy, mais je crains bien de
déplaire à vos braves citoyens en vous rendant compte des mesures
qu'il me semble que la prudence exige. Il est impossible, surtout
depuis les derniers événemens, que nous soyons sans inquiétudes
■sur les révolutions de l'Espagne. En conséquence il me senibleroit
du plus grand danger de ne pas nous réserver les moyens d'y
porter tout à coup une force très imposante : mon plan seroit de
ne rien tirer pour l'armée des Alpes des quinze départemens qui
avoisi/ient les Pyrénées, afin de pouvoir tout à coup, si le cas le
requeroit, y porter une Jorce imposante. D'après cela, Messieurs,
je dois vous prier de jormer vous-même cette réserve et de laisser
entrevoir ces vues utiles à ceux que leur zèle voudrait éloigner de
1. Une copie de celle ordonnance se Irouve dans la liasse 668, série L, des
Archives de la Gironde.
2. Par arrêté du 6 août 1792, le directoire du déparlcmenl de la Gironde con-
voqua « tous les citoyens qui se sont inscrits pour former le balaillon de Bordeaux,
à se réunir au Champ de Mars (le Jardin Public actuel) pour la formation des
compagnies de volontaires et l'élection des officiers » (Arch. de la Gironde, L 5i4).
l4o REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
leurs foyers, f espère que vous approuverés ces dispositions. L'effet
en est particulièrement destiné à votre sûreté, et véritablement il
seroit injuste de perdre de vue les intérêts de ceux qui les oublient
quand il s'agit de voler au secours de l'Etat.
Le Général île V. Armée (lu Midy,
A. P. MoyTEsQViou.
Du camp de Cassieux le 20 aodl 7792 l'<in /f de la liberté.
Messieurs,
J'ai vu avec une vive satisfaction les preuves multipliées de zèle
et d'activité que vous offrez sans cesse à notre estime et notre
reconnaissance, rien n'égale l'empressement des citoyens de Bor-
deaux à voler à la défense de la patrie. Bataillons de volontaires,
régiments de ligne, ils fournissent à tout ; dans un grand nombre
de départemens, les jeunes citoyens par des motijs sans doute infi-
niment louables se précipitent en foule dans les bataillons de
volontaires et les régiments de ligne restent déserts. Je suis bien
loin d'avoir un pareil reproche à vous faire. Car f ai été moi-même
étonné du nombre des recrues que vous m'annoncez. Je voudrais
bien recevoir de partout d'aussi bonnes nouvelles, et alors il .'serait
vrai de dire que le peuple s'est levé tout entier. Je vous remercie
également de la célérité que vous avés mise à exécuter la loy du
25 juillet, ("est sur cette opération si bien adaptée aux mœurs
d'un peuple libre et belliqueux que se fonde principalement le salut
de la patrie. Mais comme par les der/iiers événements les vues de
l'Espagne peuvent être fort incertaines à notre égard, je me suis
déterminé à n'user qu'avec beaucoup de réserve des compagnies
de Grenadiers et (Jhasseurs qui se rassemblent dans votre partie.
C'est sur elles que je compte s'il fallait repousser les entreprises de
l'Espagne si elle en formait, elle éprouverait bientôt les effets du
courage et du patriotisme qui distinguent les citoyens de Bordeaux.
Le Général de l'Armée du Midi,
A. P. Mo.XTESOUlOU.
Messieurs les Administrateurs du Directoire du Département de
la Gironde à Bordeaux.
MÉLANGES ET DOCUMENTS I^I
Quelques lettres de volontaires
(.4,, If)
Les lettres adressées par les volontaires à leur famille offrent
toujours quelque intérêt, soit par les détails qu'elles renferment sur
les opérations militaires, soit par les renseignements qu'elles nous
donnent sur l'état d'esprit qui régnait dans les armées. Nous avons
retrouvé celles que nous publions ici dans les archives municipales
de la commune d'Albias (Tarn-et-Garonne). Elles ne font pas encore
partie du fonds inventorié des Archives départementales.
E. T.
Prés Thionville, janvier an II de la Répuùliifue.
...Depuis ma dernière lettre, nous avons bien souvent cliangé de
garnison : nous avons été à Verdun, à Metz, à Sarrelouis, et de
là dans le pays de l'Electeur de Trêves r/ui est pays ennemi.
Nous sommes maintenant cantonnés à Rierf, à trois lieues de
Luxembourg.
Le trezième courant nous avons reçu l'ordre d'aller à trois-quart
de lieue de notre cantonnement, une armée de 4.ooo hommes devait
s'y assembler pour désembusquer une armée des ennemis qui sont
retranchés dans une grande forêt.
Il ne s'est rendu que trois bataillons, celui de Pépincourt, celui
de la Seine-Inférieure et le nôtre avec un escadron de cavalerie,
mais ni le général Hunibert qui devait nous commander ni le reste
de l'armée ne se sont présentés.
Toute l'armée devait être assemblée à g heures du matin et
cependant personne plus n'est arrivé.
A une heure après-midi nous avons été attaqués par les enne-
mis, ils avaient des pièces de canon qui tiraient sur nous chargées
à boulets et à mitrailles.
Notre armée étant bien petite et sans artillerie ni général pour
diriger notre marche nous avons été obligés de nous retirer en
retraite jusqu'à notre cantonnement.
Le projet des ennemis était si nous avions couchés à Riefde noui
égorger durant la nuit suivante.
l42 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANf.USE ET DE l'eMPIRE
Nous sommes allés à Sierk ; il ne se passe aucun Jour qu'on ne
reçoive quelque alerte, cependant l'on nous a promis de nous can-
tonner du côté de Thionville nu du côté de Mets pour passer le
Cartier d'hiver.
De Metz me trouvant trop de butin — parce que nous étions
obligés de le porter — f ai fait un paquet qui contenait une veste,
un gilet, une paire de culottes, deux chemises, un mouchoir que
J'ai adressé au citoyen Escales, maître d'école.
Pierre Miquel ,
Soldat volontaire dans ta sixième compagnie du premier bataillon
du Lot en garnison au Dépôt à Sarrelouis (Moselle).
Saint-Jean-de-Luz
Au camp des Sans-Culottes
g thermidor an II de la République
Une et Indivisible.
...Nous avons donné une bataille te y de ce mois avec les Espa-
gnols. Le feu a commencé à 5'' 314 du matin; dans cinq heures de
temps nous leur avons pris le camp qu'ils occupaient et auquel ils
étaient attachés ; nous avons fait 4oo prisonniers, pris toute l'artil-
lerie et avec leurs canons nous leur avons fait quelques décharges.
Nous les avons repoussés de vive force et Vive la Montagne (sic) !
ils ont brûlé eux-mêmes une de leurs villes.
On avait miné pour faire périr notre armée mais rependant nous
n'avons pas perdu beaucoup dans cette affaire. Nous avons mis le
Jeu à une ville que l'on nomme Fontarabie, il ij a 4 Jours qu'il
brûle et nous attendons qu'il ait fini avant d'aller tambour battant
en Espagne. Je crois qu'avant longtemps nos ennemis se rendront
à la proposition qui va leur êtrejaite.
AxTorxE Martï,
g^ bataillon du Lot-et-Garonne, 5* compagnie.
Irun, 3o tliermidor an II de la Républigue.
...Nous avons essuyé une forte bataille, le premier Jeu a duré
huit jours durant lesquels nous avons bombardé Fontarabie; noas
MÉLANGES ET DOCUMENTS l43
avons /iris aux Espagnols un village et nous les avons poursuivis
de telle façon que nous sommes à sept lieues dans le pays : dans
cette région il y a dix-neuf villages et une jolie ville que l'on
nomme Saint-Sébastien.
Maintenant nous sommes à Pampehine dont nous allons faire le
siège demain ou après-demain.
Dans tout cela nous avons pris au moins cinq-mille prisonniers,
trois-cents pièces de canon, des « mortiers » et beaucoup de ma-
gasins à poudre, un certain nombre de ces derniers ont été brûlés
car ces b...-lù avaient miné à deux endroits. Nous avons pris
aussi 6.000 Jusils et des vivres dont nous avons pour six mois.
Nous avons eu en tout 2.000 hommes blessés ou morts.
Pierre Laca\,
Bataillim du 3i mai, régiment du Lot,
compagnie de canonniers en cantonnement à Iran.
Département des Basses-Pyrénées occidentales
Saint-Jean-Pied-de-Port
10 fructidor an II de ta République
Salut et Fraternité
Vive la Montagne !
...Nous avons eu une belle prise avec les Espagnols, nous leur
avons pris trois villes dont l'une est Bastaint où nous avons trouvé
uti magasin de farine de 3oo quartiers, fait 4oo liommes prison-
niers et pris /f pièces de canon.
Nous avons pris aussi Santaravery qu'il a fallu bombarder et le
port de Saint-Sébastien avec 600 prisonniers et 200 pièces de
canon.
Nous avons pris en tout 4o4 pièces de canon et 1.200 hommes.
Jeax Souz argues,
6' compagnie, 6' bataillon du Lot.
l44 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Une lettre inédite de Briois de Beaumez à Etienne Dumont
sur ses impressions d'Amérique.
(3 avril lygâ)
Premier pn'.sident du Conseil d'Artois avant la Rt^volution, élu
en 1789 député de la Noblesse de la Gouvernance d'Arras aux États
généraux, membre de la gauche de l'Assemblée constituante, pré-
sident de cette assemblée du 26 mai au 8 juin 1790, Bon-Albert
Briois de Beaumez entra en relations avec Mirabeau et très ^Tai-
semblablement aussi avec son secrétaire, Etienne Dumont. A l'expi-
ration de son mandat, il fut élu membre du Directoire du dépairte-
ment du Pas-de-Calais. Devenu suspect, il émigra, alla d'abord en
Allemagne, ensuite en Angleterre, où il se rencontra certainement
avec Etienne Dumont, enfin en Amérique, d'où il lui écrivit la lettre
suivante, dont l'original autographe est conservé à la Bibliothèque
publique et universitaire de Genève, dans le recueil de lettres adres-
sées à Etienne Dumont (Ms. D, 33, I).
0. K.
Philadelphie, 3 avril lygS.
Onze mois en Amérique .' Mon cher Dumont .' et je ne i<oiis ai pas
encore écrit? C'est que Je voulais vous écrire quelque chose — mais
je m' appercois que c'est an projet insensé et qui ne sert qu'à m'em-
pêcher de vous écrire. En arrivant on remarque tout, même ce qui
ne vaut pas la peine cTêire regardé et si l'on décrivait ce serait
avec minuties. On croit ensuite avoir Jait des observations et si
l'on vient à les repasser on y trouve tant de fautes qu'on se dégoûte
défaire et d'envoier des mémoires. — N'en attendes donc point.
Ce paU-cij est comme un autre ; il y a quelques grands faits que
tout le monde connoit et avec lesquels on peut de son cabinet de
Londres deviner toute l'Amérique. Vous savez quelle est la Jorme
de son Gouvernement ; qu'il y a de grands et immenses espaces de
terreins incultes et inhabités oà chacun peut acquérir une propriété
à un prix qui n'a aucun rapport avec celui de la terre en Europe.
— Vous savez qu'il y a ici beaucoup d'ardeur pour faire Jortune.
— Vous savez qu'en tout pais ceux qui ont fait fortune cherchent
MÉLANGES ET UOCLMENT.S 1^5
ordiimircmenl à raiig/iien/er. — \'uiis connoisses lu nouveauté de
l' Améri<jue et vous savez (/a'elle a peu de Capitaux à elle. — Com-
binez tims cela et vous savez l'Amérique beaucoup mieux que la
majorité des ooiageurs et des liabitans.
On pourra vous citer des faits ; mais précisément parce qu'ils
sont remarquables, ces faits sont des exceptions. Par vos médita-
tions vous arriverez aux résultats constants et généraux. — Dans
tout ce que j'ai regardé, fai été extrêmement aidé par la connois-
sance et les développements de votre principe sur la morale dont
l'application se retrouve constamment. Votre livre ^ seroit certaine-
ment d'une grande utilité au pats s'il pouvoit y être lu et compris.
Mais il est en français, il est bien volumineux, et il y a bien peu
de chiffres pour qu'on le lise. Je suis lié avec les personnes qui l'a-
cheteroient et ces personnes sont une Douzaine qui ne répondraient
pas du débit de la seconde douzaine. — Il y a en Pensilvanie un
quaker nommé Cabel Lownes qui est tout près de vous entendre et
qui vous a même un peu deviné ; il a fait dans les prisons de Phi-
ladelphie des changements qui appartiennent à un Moraliste-pen-
seur et à un Philantrope actif. Les détails de cette bonne œuvre
sont dans une longue lettre que M' de Liancourt ^ adresse à Jérr-
mie Benttiam et que celui-cy vous remettra si vous la lai deman-
dez. Les faits sont curieux et exacts. Je les avais recœuillis pour
vous. Mais Liancourt, plus inquisitif que mai, m'a précédé en rédac-
tion et je suis bien aise que vous recœaillez le fruit de sa peine. —
Il y a aussi des faits qui sont intéressants pour vos études qu'a re-
cœuillis da/is une petite brochure M' Bradfort, attarney General
des E. Unis '. Mais comme cette brochure ne s'est pas vendue, elle
est épuisée et l'auteur qui n'en a plus qu'un Exemplaire, me l'a
prêté, mais n'a pas voulu me le donner pour vous. Il s'y serait dé-
cidé cependant sur mes instances, s'il n'était au moment de réim-
primer cet ouvrage avec des additions importantes. Vous aurez
cette seconde Edition dès qu'elle paraîtra.
1. Nous ne savons pas à quel o.ivrage Brîois de Beaumez fait allusion.
2. Françuis-Alexandre-Frédéric La Rochelbucauld, duc de Liancourt (1747-1827),
auteur du livre Des prisons de Philadelphie, par un Européen (Philadelphie et
Paris, 1796).
3. Il s'agit probablement de : William Bradford. An inquinj hoiu Jur the pii-
nishment ofdeath is necessary in Pennsyluania containing an uccount of the
Goal and Pemlentiary of Philadelphia and the management Ihere o/(Philadelphia,
1793; in-8°).
1^6 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISK ET DE l'eMPIRE
Vous rappelez-l'ous que nous doutions si le duel etoit commun
en Amérique. — // l'est presque comme en Angleterre — premiè-
rement tout le pats est milicien ; et cet esprit militaire donne l'idée
de l'appel à la force individuelle. Le duel n'est pas souvent précédé
par des scènes de vivacité, ni de violence ; mais une injure quand
elle est assez grave ou assez notoire n'admet point d'autre répara-
tion. Ce vice se trouve au même degré à tous les étages parce que
la prétention du pais est qu'il n'y a pas <'e distinction d'étages. —
On m'a parlé d'un homme qui en a appelle en duel un autt e pour
la raison que celuy-ci avoif mal parlé du General Washington.
« // ne peut pas vous en demander raison lui même, dit-il, il faut
bien que ses amis le vengent. » Cet homme étoit militaire.
Sur le parfait accord dans lequel vivent toutes les religions quand
aucune n'est dominante, ce pats-cy offre une continuité de Jaits
très relevants. Le temps seul nous apprendra si celte libre variété
de cultes tend à les détruire ou à les conserver tous.
Observes quand vous songes à l'Amérique qu'en général les pas-
sions m'y paroissent moins énergiques qu'en aucun lieu de ma
connoissance. Tout me conduit à celte remarque.
Vous ne seriez pas content si nous ne disions rien de nous, ^ous
nous sommes constament bien portés. Le païs nous a rapporté
autant d'agréments qu'il en peut fournir. .\ous avons passé notre
premier été en volages curieux et utiles pour nous, et nous avons
assez bien vu toute ta partie de l'Amérique depuis Philadephie
jusqu'à la Nouvelle-écosse. .\ous n'avons encore rien vu à l'ouest,
ni au sud de Philadelphie. Notre hiver a été passé dans cette der-
nière ville. Centre du Gouvernement fœderal, et la plus vivante
durant cette Partie de l'année. Au premier de May nous entrons à
.Xeiv York dans une petite muson louée pour un an. Durant l'été
je ferai plusieurs courses, mais nous ne projetions poini de volages.
Ceux que nous avons fait nous sufjtsent pour comprendre le pats.
Desmeuniers ' et venu il y a i5 jours renjorcer notre petite Société
et nous parler de nos amis. Il nous a aussi apporté de leurs lettres.
Vous sentes que ce sont de bons moments dans notre vie.
Rappeliez moi bien à M' Chauvet^ et à toute sa famille; remer-
cies pour moi M' D'Ivernois^ qui a bien voulu m'envoier son excel-
i. Jean-Nicolas Desmeuiiier (1701-1814), l'ancien Constituant.
3. David Ghauvet, Genevois liabitant Londres à IVpociue de la Hcvolution.
3. Francis D'ivernois (1757-1842).
MÉLANGES ET DOCUMENTS l47
lent ouvrage, et faîtes ma cour de toutes les manières à Mylord
LMnsdown' et à toutes les dames de sa famille.
Tachez aussi que l'Angleterre ne devienne pas une Province de
France ; fatme que chacun soit màitre chez soi.
A vous pour la oie et bien sincèrement
Bbaumez.
Talley. '' ne vous écrit pas aujourd'hui, afin que sa lettre soit un
duplicata.
Un récit de l'expédition de Quiberon
Les papiers D'Ivernois renferment une note, non signée, pliée
comme une lettre, et portant en suscription : Ma'' Leveque de Léon,
n° 10, queen Street, Blombsburi Square, à Londres ^. Sur cette
note, Francis D'Ivernois a inscrit la mention suivante : Réclamo!-
tion de l'E'véque d'Usés ■* et note sur l'affaire de Quiberon, juillet
i8oy. Dans son ouvrage inédit Les cinq accusations, D'Ivernois
cite la fin de cette note, et ajoute qu'elle lui a été remise par « le
digne évêque de Saint-Pol de Léon ». Voici le texte complet de ce
document^.
0. K.
L'expédition pour Quibei'on sortit des ports d' Angleterre le
12 juin ijg^J.
La descente se fit à Carnac, dans la baie de Quiberon, le 2j du
même mois.
Du 2 au 3 juillet, les troupes se rendirent partie jiar terre et
l'autre fjar eau devant le Jort Penthièvre ; il se soumit à la pre-
mière sommation, de même que le petit fort de Portaleguen.
Dans la nuit du y juillet, les royalistes attaquèrent les avant-
postes du Camp de Sainte-Barbe, occupé par les républicains ;
lis furent surpjris, partie prisonniers, le surplus repoussé jusque
dans le Camp.
1. William Petty, first marquis of Lansclown, Lord Shelburnc (1737-1805).
a. Evidemment Talleyrand, alors émigré en Amérique,
3. Bibliothèciue de Genève. Papiers D'Ivernois, carton I, liasse 7.
4. Cette « réclamation » se trouve dans la même liasse; elle est d'une écriture
différente de celle de la note.
5. Orthographe moderne.
1 48 REVUE IlISTOniQUE DE LA KÉVÛLUTIO.N FltANÇ.VlSE ET DE l'eMPIKE
Le iC) juillet, lu lolalitt- des troupes co/n/josées des trois régi-
ments il cocarde l>laitcUe, et du corps d'artillerie de Rothalier se
mirent en marche pour Jorcer le Camp de Sainte-Barbe. Trois
mille Chouans devaient V attaquer par un autre point. Aucune de
ces attaques ne réussit, on perdit beaucoup de monde, et si l'on
parvint ii faire une retraite, ce Jat parce que les républicains
n'avaient que peu ou point de troupes à cheval. Au surplus, celle
affaire du 16 fut très funeste : elle découragea les troupes et
décida beaucoup de gens à. se ranger au parti que flattait la
fortune.
Dans la nuit du 20 au 21, le fort Penthièvrefut surpris et enlevé
par les républicains pendant la marée basse, et toute la presqu'île
ne tarda pas à subir le même sort. Cependant, les divers chefs de
corps, instruits de la surprise du fort Penthièvre seulement par les
colonnes républicaines qui marchaient sur eux, rallièrent ce qu'ils
purent de monde, et dirigeaient leur retraite sur le petit fort de
Portaleguen, où, réunis sans munition et sans aucun moyen de
défense, l'on fut réduit à capituler.
L'amiral anglais, voyant au pavillon qui flottait sur le fort
Penthièvre, et au désordre qui régnait sur la presqu'île, combien
la position des royalistes était critique, envoya le plus qu'il put de
bâtiments pour sauver du monde ; des chaloupes canonnières et
des corvettes pour en protéger la retraite. Leur feu fut très meur-
trier sur la colonne républicaine qui longeait le bord de la mer.
Sitôt la ra/tilulation Jaile, M. De Geri, officier de la marine, se
rendit à bord à la nage pour le ^ aire cesser, et revint à terre. Cet
acte de courage et de loyauté ne lui a /jus moins valu que d'être
Jusillé.
Le corps de la Marine Royale de France a perdu dans l'e.rpé-
dition de (Juiberon 83 ojficiers, dont i chej d'escadre, 6 chefs de
division, S capitaines de vaisseaii.v, 11 majors de vaisseau.r,
45 lieutenants, 3 sous-lieutenants de vais.ieaux et g élèves de la
Marine. '
L'on ne se permettra point, dans un précis aussi serré, d'enia-
I. La noie suivante, de la main de D'ivcrnois, se trouve en manjc de ce pstssage :
a 11 a péri plus de l'io offiiicrs de la Marine dans l'armée de Coudé, dans les corps
Cl de Bcon, en Hollamle, et dans l'armée royaliste de la N'endée. Depuis la Révo-
0 lution il en est mort naturellement plus de aoo, et plusieurs sont devenus inc«pa>
Il bles de servir par leurs inUrmités et leur âge. '
MÉLANGES ET DOCUMENTS I^Ql
mer une discussion approfondie sur l'expédition de Quiberon. Le
projet en lui-mfinie, et tenté en (jrand, était sûrement bon, mais
l'an ne rrnint pas de dire r/ue les moyens d'exécution étaient si
faibles, si mal dirigés, et leur réunion si dépendante de circons-
tances presque impossible à connaître, (/n'il n'en pouvait rien
résulter d'avantageux pour le parti du Roi de France, ni de glo-
rieux pour les armes de S. M. B. ' Les frais considérables que le
gouvernement anglais a faits pour cette expédition, les pertes de
tout genre qu'il a souffertes, réduisent pour tous les gens sensés à
une pure et gratuite calomnie les reproches de trahison que les
papiers français prodiguent au Cabinet de Saint-James sur cette
expédition. Il n'en sera pas de même du reproche, fondé et mérité
par le gouvernement français, d'avoir traîtreusement violé une
capitulation, pour se donner l'atroce et barbare Jouissance de
massacrer des milliers d'individus, dont un grand nombre déjà
blessés et sans défense, et d'autres qui, comme le Respectable
Evêqae de Dol, n'avaient jamais porté les armes.
A propos de la mort du tzar Paul P'' ^
ÇiiJ23 mars i8oi^
Dans la Revue rétrospective de 1848, J. Taschereau a publié une
lettre privée, adressée à Guizot par une « femme d'État », dont il
n'imprime pas le nom, concernant le meurtre du tzar Paul I".
On sait que, d'une part, cette Revue ne renferme guère que des
documents sur lo règne de Louis-Philippe, recuoillis après la prise
des Tuileries ; que, d'autre part, elle n'est pas pourvue d'une table
analytique dos noms et matières. Comme, enfin, la lettre en ques-
tion se trouve incluse dans un article intitulé : M. Guizot et le suc-
cès de r « Histoire du Consulat et de l'Empire » ^, il n'est pas éton-
nant qu'elle ait échappé aux historiens de Paul I" et d'Alexandre I".
I. Sa Majesté BritaDDique.
a. \o\t la Revue Historique de la Révolution française el de l'Empire de juil-
let-septembre 1913, article de M. Goriaïnow, pages 4o6-4o7-
3. Revue rétrospective ou archives secrètes du dernier gouvernement, recueil
non périodique; Paris (Paulin), gr. in-8» ; p. AgS (n° 3i el dernier). La Préface
du n" I (mars 1848) est signée : « J. Taschereau ». — (Notes aux .\rchives de la
Seine, sur le dépouillement des papiers.)
l5o REVUE HISTORIQUE DR LA RÉVOLUTION FRANÇAJSE ET DE l'eMPIRE
Il peut doQc être utile de lui donner, avec un indispensable com-
mentaire, une nouvelle publicité.
DOCUMENT TASCHEREAU
M. Giiisot et le succès de l'Histoire du Consulat et de l'Empire.
« Les trois premiers volumes de l'Histoire du Consulat et de
l'Empire parurent en mars i845, et obtinrent, dès leur apparition,
un succès d'enthousiasme, que quatre autres volumes sont depuis
venus justifier. Il paraîtrait, d'après les archives de M. Génie', que
les courtisans de M. Guizot rendaient à cet homme d'Etat assez peu
de justice pour croire que le moyen de le flatter était de se montrer
grossièrement injuste envers M. Thiers et son travail. Nous ne pou-
vons, à cause des sujets intimes qui y sont traités, publier une
lettre du 25 mars i845, signée par une des parties prenantes des
bons du ministre des Affaires étrangères*, mais en voici le post-
scriptum :
« Je viens d'achever la lecture des trois volumes de l'Histoire du
K Consulat et de l'Empire, un crayon et une loupe à la main. J'ai
« de fières démangeaisons d'écrire mes impressions àc femme d'Etat,
«c sur cette collection bureaucratique... Mais, pour me rincer la
a bouche, je me suis mise ii relire l'Histoire d'Angleterre et
« Washington ».
« Nous trouvons, on outre, dans les mêmes papiers, une relation
de l'assassinat de Paul I'"', qui n'est pas sur le ton du post-scriptum,
mais qui a la prétention d'être plus exacte que le récit de M. Thiers.
Nous avons pensé qu'il pouvait n'élre pas sans intérêt de conserver
cette autre version. La voici " :
« Les détails du meurtre de Paul \", que j'ai r<'cueillis, dilTèrent
I. Chef du cabinet et secrétaire de Guizot.
a. Très iirobablement la princesse de Lieven (née BenJjendorfT), veuvp en iSSg du
prince Cbristopbe de Lieven (ambassadeur de Russie à Londres de 1812 à i834).
Elle s'éUùl fixée à l'aris en 1837; elle tenait à l'hôtel Talleyrand un salon diploma-
tique célèbre, et passait pour inspirer Guizot.
3. Cq préambule, de Tascbereau, tst en petits caractères et entre crochets. L'é-
diteur n'a pas aulhentiiiué ni guillemeto la lettre de la 0 femme d'Etat », qui
s'était empressée de quitter Paris après les journées de février, luais qui revint y
habiter, et y mourut en 1857.
MBLANGES ET DOCUMENTS l5l
« du récit de M. Thiers ' en certiins points ; ce sont peut-être les
« plus essentiels. Je vais d'abord indiquer la source dans laquelle
« M. Thiers se nble avoir puisé. En parlant d'un émigré français
« qui aurait lu les Mémoires du comte de /iennigsen ^ M. Thiers
« veut sans doute parler de M. d'Aragon, qui, vers l'année 1812",
« s'était lié, par un concours de circonstances fortuites, avec le
« général de Bennigsen. M. d'Aragon a lu les Mémoires du général,
« il les a même eus pendant quelques jours à sa disposition. Il
« devient dès lors probable qu'il a copié l'article ayant trait à la
'i mort de Paul I"'. Ce qui le ferait admettre, c'est que le récit de
(! M. Thiers se trouve, d'après les souvenirs des personnes de ce pays
« qui ont lu ces Mémoires, entièrement conforme au récit consigné
« dans les papiers de M. de Bennigsen ; mais le général de Bennig-
« sen n'a pas écrit la vérité.
« On comprend qu'il n'ait pas voulu avouer qu'il avait participé
« matériellement à la mort de l'Empereur et qu'il ait cherché k
« défigurer un fait, que les résultats, quelque heureux qu'ils aient
« pu être', ne peuvent néanmoins justifier. M. de Bennigsen,
1. Histoire du Cnnsulat et de /'Empire (i"" éd.), i84û, t. II, |i|). 424 à /|35.
2. Thiers donne comme sources de son récit : i" Bignon, secrétaire d'ambassade
prés la cour de Prusse; 3" les « précieux mémoires manuscrits, aujourd'hui pro-
priété de la France, d'un émigré français qui avait passé sa vie au service de la
Ru.-rsie, s'y était acquis une certaine renommée militaire, était devenu l'ami du
comte Pahlen et du général Bennigsen, et qui, « se trouvant un jour dans les terres
du comte Pahlen » avec Benningsen, avait obtenu de l'un et de l'autre des détails
circonstanciés. — Thiers ne dit nulle part que l'émigré ait eu entre les mains des
Mémoires de Bennigsen. Tliicrs écrit constamment : n Benningsen ». Les péri-
phrases dont il se sert désignent assez clairement Langeron, et pas du tout
d'Aragon.
3. Bcmiigsen était le premier général russe qui eùl osé tenir tête à Napoléon
(Eylau, f(''vr. 1807). En :8i2, le succès qu'il avait remporté à Tarontino lui valut
l'ordre de Saint-Wladimir de i'" classe et un cadeau de cent raille roubles. En i8i3,
il commanda en chef l'armée de Pologne. D'.\ragon était parmi les émigrés ([ui
rentrèrent en France avec les Cosaques.
4. La femme d'État se place au point de vue de la Russie. Elle oublie un peu
qu'elle écrit à un Français, témoin de deux invasions... Mais Guizot avait été à
Gand, ainsi que le lui avaient rappelé, en janvier i844i les légitimistes « flétris ».
Il était, lui aussi, rentré dans les fourgons de l'étranger. — La suite du récit ex-
plique l'expression ; « matériellement ». Ces distinctions subtiles sont... grossières.
Pour le prince de Ligne, c'est Kedor-Petrowicli Ouwaroff qui fut l'étrangleur : il
ne le nommait pas autrement à l'époque oii, général, aide de camp, homme de
conflancc d'Alexandre, Ouwaroff figurait au congrès de Vienne (Voir l'article de
M. le commandant Weil, Revue de Paris, i" juin i(ji3, p. 611 et note 6.)
l52 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
« d'origine hanoviienne ', s'était retiré dans le Hanovre ', et plus
« d'une fois, il s'est laissé aller à des communications de nature à
« démentir ce qui se trouvait consigné dans les Mémoires lus par
« M. d'Aragon.
« Après une lutte assez violente dans laquelle Paul I^'', déjà
a blessé, fut renversé par terre, Plato-Suboff, courbé sur l'Empe-
« reur, se retourna vers Bennigsen et dit : « Dennigsen !
« l'écharpe ! » M. de Bennigsen remit alors son écharpe à Suboff,
« et ajouta ces paroles : « Achevez-le ! » Ce fut au moyen de cette
« écliarpe, aux couleurs de la Russie, que l'infortuné Paul fut
« étranglé '. D'après les récits qui m'ont été faits, M. de Bennigsen
« aurait assisté jusqu'à la fin à ce drame horrible, et ce serait lui
a qui, à diverses reprises, aurait pendant l'accomplissement du
« crime, soutenu la résolution dos conjurés, dont la plupart venaient
« de puiser le courage dans les fumées de l'orgie. Le comte âe
« Bennigsen et le comte Pahlen * étaient les seuls qui eussent con-
« serve leur raison entière. Je tiens le récit qui précède de quelques
« hommes actuellement haut placés, qui ont été fort liés avec le
« général de Bennigsen, pendant les dernières années de sa vie°.
« L'un de ces messieurs, auprès duquel j'insistais pour obtenir des
« éclaircissements, et auquel j'objectais le récit de M. Thiers, me
« répondit : « // me semble voir le froid et impassible Dennigsen
« prononcer ces paroles : Aclieves-le ! — Ces mots peignent son
« caractère ».
1. Il rtai! ne à Brunswick, lo lo février 1745. La famille est originaire de la
Basse-Saxe où se trouve le château de Bennigsen, près Calenberg. Mais le général
russe avait débuté c mme page et officier au service du Hanovre.
a. Il mourut à Bantein, près Hanover (1826).
3. D'après Thiers, la lampe fut renversée au moment où Paul I^' se défendait
de signer son acte d'abdication. « Benningsen court en chercher une autre et, en
rentrant, il trouve Paul expirant sous les coups de deux des assassins. L'un lui
avait enfoncé le crAne avec le pommeau de son épée, l'autre lui avait serré le cou
avec son écharpe » (/ii'rf., p. 433).
4. Pierre .^lexiévilch, comte de Pahlen, fui éloigné de la Cour par Alexandre I",
et finit ses jours sur ses terres, près de Millau (i8a6). .Mais son lils Pierre-Petro-
vitch, un des plus célèbres généraux russes (i776-i804), représenta Nicolas I"
aujircs de Louis-Philippe, de 1830 à i84i. Il IVéquenla, ainsi que tous les diplomates,
le salon de la princesse de Lieven. Livonien d'origine, comme le prince de Licven,
il a pu opposer la version Pahien à la version Bennigsen. Mais si la princesse avait
cite sa vraie source, celle-ci n'aurait pas mérité plus de crédit que la première !
5. C'est en 1818 qu'il prit sa retraite et revint eu .\llemagnc. Il perdit la vue.
II vécu,t si.\ ans encore, jusqu'au 3 octobre i83t3. Ces dates rendent vraiseinbla»
bles les explications de la « feiuine d'Ltat >.
MÉLANGES ET DOCUMENTS l53
« La version que je viens de donner est déjà connue ; elle est
« reproduite, partiellement il est vrai, dans plusieurs historiens
« allemands. Il est probable que les sources dans lesquelles ces
« écrivains ont puisé ne sont autres que les indiscrétions échappées
« dans le temps aux amis et confidents de M. de Bennigsen et de
« ses complices.
« Il ne sera peut-être pas sans intérêt de savoir ce que sont deve-
« nus les Mémoires de M. de Bennigsen. A la mort de ce général,
« M. de SchrOder, ministre de I\ussie près les cours de Dresde et
« Hanovre, s'est rendu à Hanovre, et il a obtenu de la veuve la
« remise des manuscrits eu échange d'une pension de 6.000 roubles,
« réversible sur les enfants.
« Suivant M. Hormayer, une copie aurait toutefois été conservée
« par la famille de Bennigsen. Le peu de considération accordée à
« cet écrivain ' permet d'envisager ce fait au moins comme dou-
« teux. »
Le document Taschereau ne résout évidemment pas la question
« matérielle » de l'assassinat. Rien d'ailleurs n'aurait pu la résoudre,
sinon une instruction judiciaire : enquête sur place, procès-verbal
de l'état des lieux, procès-verbal d autopsie, déclarations des témoins
et acteurs, confrontations, aveux. Or — en France du moins — l'on
commença par accuser l'Angleterre et son ambassadeur Withworth :
« C'est à l'histoire, imprima le Moniteur (alors officiel), à éclaircir
le mystère di- cette mort tragique, et à dire quelle e^t dans le
monde la politique intéressée à provoquer une telle catastrophe". »
1. Le baron Joseph de Hormayer, né à Innsbruck en 1781, mort à Munich en
1848, major de la landwehr tyrolienne à dix-neuf ans, puis attaché au ministère des
AlTaires étrangères, accompagna en 1809 l'archiduc Jean pour provoquer Tinsur-
rection du ïyrol, dont il fut plus tard l'historien. Entre temps il avait été direc-
teur des archives aux Affaires étrangères. — Passe en i8a8 dans la diplomatie ba-
varoise, il représenta le roi Louis près la cour de Hanovre. Il mourut directeur
des archives du royaume de Bavière. — On voit qu'il se trouva parfaitement
placé pour être bien informé sur le point particulier dont il s'agit, et avec lequel
n'a rien à voir le plus ou moins de « considération » que lui accorde la femme
d'Etat. Rappelons qu'à l'occasion de ces rapports avec cette Egérie cosmopolite,
« partie prenante des bons du ministère des .'affaires étrangères », l'austère Guizot
ne fut pas épargné par les mauvaises langues du parti de Thiers.
2. Thiers n'indique pas le locus. Le Moniteur de l'an IX, autant que j'ai pu
m'en assurer, ne contient pas cette phrase. Peut-être ce soupçon n'a-t-il été publié
que lors de la rupture de la paix d'Amiens.
l54 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Thiers s'étonne d'une telle insinuation, si peu conforme à « l'impar-
tialité » du premier Consul. Il s'agissait bien d'impartialité ! L'occa-
sion était trop belle pour ne pas appliquer à la perfide Albion le
proverbe si commode : h fecit cui prodest. Au reste, la vérité fut
vite connue sur la « révolution de palais », dont les causes et les
excuses présentaient plus d'un rapport avec un des derniers actes
politiques de Pierre le Grand, et avec le premier acte politique de
^iatherine II, la Sémiramis du Nord.
La lettre de la femme d'Etat suggère d'autres problèmes que
ceux du détail de l'assassinat.
1° La lettre est-elle bien de la princesse de Lieven ? On ne pour-
rait en être absolument certain que par la production de l'original.
Mais, il y a bien des raisons de la lui attribuer. D'abord, ses rela-
tions intimes avec Guizot, à qui elle a légué ses papiers et notes
diplomatiques. Ensuite, on ne voit pas d'autre personne, dans la
haute société de l'époque, qui ait pu s'intéresser au bout de qua-
rante ans à la mort de Paul l", et se donner comme confidente des
conspirateurs. Mais il y a un argument plus décisif. Un récit de la
mort de Paul I"='', par la princesse « Darja Christophorowna Liewen,
née baronne Benkendorff », a été publié en 1902, a Berlin, par le
professeur Théodore Schiemann '.
Maliieureusement, ce récit n'a d'autre date que celle de l'événe-
ment raconté. On ne peut guère se risquer à le déclarer soit anté-
rieur, soit postérieur à la lettre.
Il se présente, non sous forme d'une conclusion historique, mais
comme un témoignage, comme un fragment de Mémoires personnels.
En 1801, la baronne de Benkendorff venait d'épouser, à l'âge de
quinze ans, le prince de Lieven, aide de camp et ministre de la
Guerre de Paul I", d'autre part ami intime de Pahlen. Malgré cette
liaison, le prince de Lieven ne fut pas initié au complot. 11 était
depuis quelque temps malade^, se faisait poser des vésicatoires,
gardait la chambre.
Dans le récit du crime, soi-disant composé d'après les premières
versions qui circulèrent, la narratrice ne met pas en scène Bennig-
I. P. 35 à 52 du rerm-il intitulé : Die Ermordang Pauls und die Thronbe-
ateigang Nicoluus I, neue Materialien, etc., Berlin (Reimer), 1903. — Bib. Nat. 8»
M ia.278.
a. On est en droit de soupçonner qu'il faisait le malade et que l'Empereur s'eD
doutait l)ien, ear, ne le voyant plus au palais Michel, il le révoqua durement.
MÉLANGES ET DOCUMENTS l55
sen, ni son écharpo '. Elle le décrit au physique : « grand, sec, raide
et grave, la statue du Commandeur dans Don Juan. » C'est lui
donner implicitement un rôle de justicier.
De Pahlen, qu'elle dit avoir mieux connu, elle fait un portrait
séduisant : « haute stature, front élevé, physionomie ouverte, hon-
nête, joviale. » Il avait toutes les qualités, esprit, originalité, bon-
homie, finesse. C'était l'image vivante de la « droiture, de la joie
et de l'insouciance ».
Cependant elle dit ailleurs '^ : « La troupe de Pahlen », qui se
tint constamment en dehors du palais, « devait sans doute, suivant
l'occurrence, porter secours à l'Empereur ou proclamer son succes-
seur. » Etrange contradiction ! M'"' de Lieven met Alexandre abso-
lument hors de cause, tout en insistant sur les raisons qu'il pouvait
avoir de croire l'empire russe, sous le sceptre d'un demi-fou, en
perdition, et de se considérer lui-même comme en état de légitime
défense. Elle se porte caution de son « angélique pureté ». Elle
a vu son désespoir, surtout en présence de l'Impératrice douai-
rière'. Colle-ci aurait réclamé hautement le châtiment des conspira-
teurs. C'était impossible, vu leur nombre et leur qualité. .\ Saint-
Pétersbourg, « non seulement aucun des conjurés ne se cachait de
son crime, mais chacun avait son histoire à raconter et se vantait
peut-être de pire qu'il n'avait fait ». Elle cite le récit de Pahlen, qui,
incriminé a brûle-pourpoint par Paul I*"^, la veille même du crime,
se tira d'affaire par son aplomb. Après l'événement, il aurait eu
l'imprudence de dire de l'Impératrice : « Je saurai bien me débar-
rasser de la femme, comme je l'ai fait du mari. » Il fut seul puni,
c'est-à-dire relégué dans ses terres de Courlande. A tous les anni-
versaires du II mars, il s'enivrait régulièrement à lo heures du
soir, pour ne sortir de cet état que le lendemain. Il mourut quel-
ques semaines après .\lexandre.
On voit que ce récit, que nous résumons a grands traits, ne dit k
peu près rien des circonstances matérielles du crime, et qu'il ne
tend pas à charger Bennigsen, pas plus qu'à innocenter Pahlen.
1. Tout se sérail passé en ilix minutes, d'après elle, dans la chambre à coucher
de Paul.
2. I'. 45.
3. La mère du prince de Lieven, gouvernante des jeunes frères d'.Alexandre,
et confidente de l'impéralrice, peut être ici regardée comme la véritable informa-
trice.
l56 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Il n'y a pas, en somme, contradiction avoc la lettre. La lettre sem-
blerait plutôt compléter le récit d'après les informations obtenues
ultérieurement.
2° Les mémoires dont parle Thiers sont-ils ceux de d'Aragon ?
Il ne saurait s'agir que de Jean-Louis-Henri Bancalis de Maurel,
marquis d'Aragon, pair de France sous la Restauration. Or, on ne
connaît pas do Mémoires, soit imprimés, .soit manuscrits, portant
son nom. D'autre part, ce personnage ne s'e.st acquis aucune
« renommée militaire », et n'a eu de relations suivies ni avec Fab-
ien, ni avec Bennigsen. La périphrase dont Thiers s'est servi
s'applique au contraire parfaitement au comte de Langeron, doDt
les mémoires manuscrits sont effectivement propriété de la France '.
Ces Mémoires ont été publiés, mais partiellement, par la Société
d'histoire contemporaine : un volume allant de 1792 à i794i Pt
un volume sur les campagnes de 1812, i8i^3 et i8i4. Quant à la
partie intermédiaire, elle comprend effectivement un récit de la
mort de Paul 1^'.
Ce récit a été utilisé par Thiers, mais concurremment avec
d'autres sources. Il a été reproduit ou du moins largement analysé
dans un article de la Bévue britannique'.
Quant aux Mémoires de Bennigsen, écrits sous forme de lettres, on
sait qu'ils commençaient en 1768 et qu'en 1818. ils comptaient sept
volumes. A la mort de l'auteur, des éditeurs français en offrirent
k la veuve 60.000 thalers. Elle ne voulut pas les vendre sans l'autori-
sation du gouvernement russe, elle la demanda par l'intermédiaire
de von Struwe, ministre de Russie à Hanovre. On lui répondit de
communiquer les Mémoires, en lui faisant la promesse de les lui
renvoyer : l'on n'en fit rien. Mais une des filles du général, Sophie
von Lente, avait eu la précaution de faire prendre la copie des pai^
lies les plus intéressantes. C'est des archives privées de la famille
Bennigsen que M. Théodore Schiemann put tirer et publier, un siècle
après l'événement du 11 mars, la « lettre », c'est-a-dire le chapitre
où il le racontait h sa façon ^. M. E. Cazalas, capitaine du génie
I. Ministère des Affaires clrangères. Mémoires France, t. XX à XXV.
a. La mort de Paul I" d'après tes Mémoires inédits de Langeron, conservés
aux Arc/iiues des Affaires étrangères, .\rticle cite par M. E. Cazalas. (Voir ci-
ajiros.)
3. Graf von Benniijsens Bricf an dcn General von Fock ubcr die Ermordimg
Kaisers l'aul 1 {Hislur. Vierteljaliresctirift, igoi, t. I. p. 5S).
MÉLANGES ET DOCUMENTS l57
breveté, qui a publié en 1907 ' la seule partie des Mémoires de Ben-
iiigsen (de 1806 à 181 3), que l'on ait retrouvée en Russie, a traduit
dans sa remarquable Introduction (p. xxiv à xxvii), le récit de Ben-
uigsen qui concorde, ainsi qu'on pouvait s'y attendre, avec celui
((ue lui prête Langeron, comme aussi avec l'exposé du prince Eugène
de Wurtemberg *.
Bennigsen déclare qu'au moment du meurtre il était hors de la
chambre à coucher. — II en fut témoin, dit Langeron. — Il fît
passer son écharpe aux exécuteurs pour l'achever, dit la « femme
d'Etat ». — D'après Las Cases, « il donna le dernier coup et marcha
sur le cadavre'. » Pour M. Cazalas, comme pour la plupart des
historiens, Pahlen fut vraiment la tête du complot. Quant au rôle
de Bennigsen, il consista sans doute à veiller à l'exécution et à ne
pas laisser traîner la chose.
Tout bien pesé, le récit le plus vraisemblable an fait paraît encore
être celui de Veliaminov-Sernov''. Les conjurés, qui étaient une
quinzaine au moins — sans compter les officiers du 2' régiment de
la Garde, — commencèrent par des discours et des reproches à
Paul !"■, qui s'était jeté à bas de son lit et caché dans la cheminée
derrière un paravent. Alors Bennigsen demanda si l'on était venu
là pour s'amuser. .\ ces mots Nicolas Zubov, un colosse, saisit
une tabatière en or massif^ et en frappa à la tempe gauche l'Empe-
reur qui était tombé à genoux. Tous les autres conjurés se précipi-
tèrent pour l'achever.
Etait-il bien mort ? L'écharpe a pu servir à s'en assurer. Il fallait
aussi penser au décorum do l'exposition officielle du cadavre. Les
1. 3 vol. gr. in-8°, librairie Lavauzelle.
2. \ori Helldorff. Ans dem Leben des... Prinzen Eugen von Vûrlemberçf,
etc. Berlin, 1861, p. i35.
3. Mémorial, t. II, p. 02.
4. Dans Tliéod. Schiemann, ouvrage cité, p. 3o.
5. Détail caractérislique, et mieux en situation nue le pommeau d'épée donl
parle ïhiers. — Langeron approuve Pahlen de s'être ouvert à Valérien Zubov.
Quant à ses deux frères, Platon Zubov « était le plus lâche et le plus vil des
liiimmes » ; Nicolas Zubov était un « taureau qui pouvait avoir de l'audace quand
il ctiùt ivre, et non autrement )'. Ce jugement s'expli(jue par le récit de Velia-
minov-Sernov. — Le Moniteur (officiel) français parle peu des derniers actes de
Paul 1°'', et pas du tout du crime (An IX, pp. 129, 941, 945i gtii, 1067). Pour les
obsèques (p. 945) il donne ce détail, que la famille étant tenue de faire à pied
une lieue et (juart, on aménagea un parquet en planche couvert de drap noir
pour le trajet. Etait-ce le symbole de parents marchant sur leur deuil ?
]58 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRT
hommes de l'art réparèrent autant que possible les affreux résultats
de la sinistre besogne, la victime avant été déflgurée par le casse-
tête de Nicolas Zubov. «
H. MONIN.
La question du pain à Paris en l'an IX
La lettre suivante, adressée au général Junot, le 25 fructidor
an IX, offre un bref mais intéressant tableau des mouvements
populaires provoqués à cette époque à Paris par la rareté du pain.
Elle a aussi cet autre intérêt de montrer comment le méconten-
tement populaire faisait remonter au Premier Consul la responsa-
bilité de cette situation.
C. V.
PLACE DE PARIS
6' arrondissement /y' brigade
Le 20 fructidor an g de la République française
une et indivisible.
Général,
J'ai l'honneur de vous rendre compte que les Jacobins se ré-
jouissent de voir la queue à la porte des boulangers et disent que
Bonaparte est très bon pour commander une armée, mais non pour
gouverner. Les autres citoyens craignent de se trouver encore ex-
posés à manquer de pain, vu qu'il est enlevé dès le matin.
Aujourd'hui il g a la quefie chés les boulangers, mais tout est
assés tranquile.
Il y a apparance que les boulangers ont eu ordre de faire des
pains de deux livres pour satisfaire ceuœ qui n'ont point l'habitude
de prendre du pain chés eux pour les empêcher de crier, mais les
foni de quatre livres pour leurs pratiques.
Vers les six heures du matin, il y avait une grande queue chés
un boulanger rue Frépillon qui a été discipée jjar les huées des
Jardinières qui revenaient de la Halle, qui traitaient de Jacobins
ceu.v qui la faisaient et leurs disaient qu'eux seuls étaient capables
MÉLANGES ET DOCUMENTS iSg
de faire ces sortes de rassemblemens et troubler ainsi la tranquilité
publique. Aujc Jardinières se sont joins les voisins qui par leurs
croisées ont arrosé la queiie.
Salut et respect.
Le capit^ adjnâ^ près In 77® brigade
DUMEZ.
[Suscription :] Au Général Junot (à lui seul), commandant d'ar-
mes de la Place de Paris '.
I. Bibliothèque nationale, Mss., Nouv. acq. fr., 2730.
TRAVAUX BIBLIOGRAPHIQUES
Essai d'une IiiDliograptiie de J.-B. Carrier
II
CARRIER DEVANT LA CONVENTION
42. — Appel nominal des 3 et 4 frimaire, l'an III' de la Répu-
blique française, une et indivisible, sur cette question : Y a-t-il lieu
à accusation, oui ou non, contre le citoyen Carrier, représentant
du peuple ?
Imprimé par ordre de la Convention Nationale, distribué à ses
membres, et envoyé aux Départements et aux Armées.
A Paris, de l'Imprimerie Nationale des lois. Frimaire, an III=.
In-80 de 87 p.
Autre édition : A Paris. De rimprimerie nationale. — In-8° de 34 p-
Autre édition : In-8° de 78 p.
43. — Carrier à la Tribune de la Convention Nationale (dans les
séances des i et 2 frimaire an 111).
S. 1. n. d. — In-8° de 72 p.
44- — Discours prononcé par le Représentant du Peuple Carrier,
à la Convention Nationale, dans sa séance du soir du 3 frimaire de
l'an III de la République française une et indivisible.
Imprimé en vertu du décret du 8 brumaire, l'an III.
In-8° de i() p-
I. Voir lieime liistorique de la Révolution française et de l'Empire d'octobre-
décembre 1913.
TUAVAUX BIBLIOGRAPHIQUES l6l
45- — Pièces remises, à cinq époques difrérentes, parles Comités
réunis, à la Commission des vingt-un.
Imprimées par ordre de la Convention Nationale.
A Paris, de l'Imprimerie Nationale, Brumaire, au III.
In-8» de 126 p., signé par Monestier (du Puy-de-Dôme), président, elles
membres de la Commission des vingt-et-un.
46. — Rapport de Carrier, représentant du Peuple français, sur
les différentes missions qui lui onl été déléguées.
Imprimé par ordre de la Convention Nationale.
A Paris, de l'Imprimerie Nationale. Vendémiaire, l'an III.
In-8° de 4o P-
47- — Suite du Rapport de Carrier, représentant du Peuple fran-
çais, sur sa mission dans la Vendée.
Imprimée par ordre de la Convention Nationale. Brumaire,
l'an III.
In-8° de 82 p.
48. — Convention Nationale. Rapport fait à la Convention Natio-
nale, par la Commission des vingt-un, créée par décret du 8 bru-
maire, l'an III, pour examiner la conduite du représentant du peuple
Carrier;
Imprimé par ordre de la Convention nationale.
De l'Imprimerie Nationale, brumaire, l'an III.
[Par Gilbert Romme].
In-80 de 48 p-, signé par Monestier (du Puj-de-Dôme), président, et les
autres membres de la Commission des vingl-et-un.
III
MISE EN ACCUSATION, PROCÈS, JUGEMENT DE CARRIER
49- — Acte d'accusation contre Carrier présenté aux Comités
réunis, à la Convention Nationale, et au Peuple François.
S. 1. n. d. — In-8» de i5 p.
REV. HIST. DE LA RÉVOL. 11
iGa REVIE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
5o. — Acte d'accusation contre Carrier par Y. Baralère [Jolli-
vet].
« Cet écrit forme, en partie, les VIII*"' et IX*"' numéros de l'Ami
de la Convention. Les abonnés l'ont reçu. »
S. I. n. d. — Iii-S" de lâ p.
01, — Bulletin du Tribunal Révolutionnaire établi par la loi du
10 Mars 1793 pour juger sans appel les conspirateurs.
A Paris, chez R. J. Clément.
Le procès du Tribunal Révolutionnaire de Nantes, puis de Carrier,
occupe les 0°^ .55 à 100 de la Vie partie, puis i à 20 de la Vn= partie.
02. — Jugement rendu par le Tribunal Révolutionnaire.
[Signé : Dobsex, président ; N. J. Paris, greffier.]
De l'imprimerio du Tribunal Révolutionnaire, enclos du Temple,
n° 87.
In-4° de 70 p.
53. — Jugement rendu par le Tribunal Révolutionnaire, établi à
Paris par la loi du 10 Mars 1793, pour juger en dernier ressort les
Conspirateurs, qui condamne à la peine de mort Jean-Baptiste
Carrier, Député pai- le Département du Cantal à la Convention Na-
tionale, et ses complice (sic),
A Paris, de l'imp. d'Aug. Donnieret Ramelot, rue Honoré, enclos
des ci-devant Jacobins.
In-i2 de 7 p.
Frontispice gravé sur bois, représentant une exécution.
54. — Jugement rendu par le Tribunal Révolutionnaire, établi k
Paris, pour juger sans appel les conspirateurs, qui condamne à la
peine de mort Jean-Baptiste Carrier, ex-député à la Convention
Nationale et ses complices, tous atteints et convaincus d'avoir noyé
hommes, femmes, enfants, assassiné un grand nombre de per-
sonnes, incendié des communes, où des hommes et des femmes
ont été égorgés et des filles violées.
Paris, De l'imprimerie de la rue de (Chartres, N° 08.
In-'i" de 4 p.
TRAVAUX BIBLIOGUAPHIQUES l63
55. — Jugement du Tribunal Révolutionnaire qui condamne à la
peine de mort J. B. Carrier, âgé de 36 ans, natif d'Yolay, près
Aurillac (Cantal), 27 frimaire an III.
In-4'' de 4 P-
[D'après le catalogue Chossonery (1887), n°2267.]
50. — La Loire vengée ou recueil historique des crimes de
Carrier et du Comité Révolutionnaire de Nantes,
avec les Détails de la Procédure et des moyens employés par ces
scélérats et leurs complices pour se soustraire au glaive de la loi.
A Paris, chez Mcurant, libraire, Cloître Honoré ; Lenfant,
libraire, Maison Egalité, Galerie de Bois, côté de la cour, N° 2o5 ;
Houel, Imprimeur-Libraire, rue Serpente, N° 17.
An troisième de la République.
Epigraphe : Quel bras a retenu le glaive de la loi?
L'ouvrage comprend deux parties, de format in-80 : la première, de
vii-32 1 pages, a pour frontispice le portrait en médaillon de Carrier ; la
deuxième, de 111-317 pages, est précédée d'une gravure représentant l'inté-
rieur d'une prison.
57. — Motifs de l'acte d'accusation contre Carrier ; par [Charles,
François] Du puis, représentant du peuple, député par le départe-
ment de Seine-et-Oise. Première [et seconde] partie.
S. 1. [Paris], imp. Anjubault. — S. d.
[n-80 de 36 p. (pour les deux parties).
58. — Procédure du Comité Révolutionnaire de Nantes et de
Joseph (sic) Carrier, membre de la Convention Nationale.
A Lyon, chez Carret, place Confort, au coin de la rue Raisin, au
premier étage, N° 30. — Fayollc, rue Dominique, N° C2.
1795.
In-80 de 3o8 p.
59. — Procès de Jean-Baptiste Carrier, député par le Départe-
ment du Cantal à la Convention Nationale, et des membres du
Comité révolutionnaire de Nantes.
Se trouve à Paris, chez Augustin Donnier et Hamelel, Impri-
meurs, aux ci-devant Jacobins, rue Honoré, cour des Casernes.
l64 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
L'an troisième de la rdpiibliijuc.
In-i2 de 23 p.
Epigraphe : Grands Dieux ! Extermine: de la terre oà nous sommes
Quiconque avec plaisir répand le sang des hommes
Compte rendu sommaire, jour pjir jour, du 7 au 2?i frimaire, du procès
de Carrier.
60. — Procès criminel des Membres du Comité Révolutionnaire
de Nantes (el du ci-devant représentant du peuple Carrier),
Instruit par le Tribunal révolutionnaire établi a Paris, par la loi
du 10 Mars 1793 (vieux style).
A Paris, Chez la citoyenne Toubon, sous les galeries du théâtre
de la république, à côté du passage vitré.
L'An III de la République.
Cinq parties de format in-12 précédées chacune d'un frontispice.
Epigraphe : Celui qui met un frein à la fureur des flots
Sait aussi des méchants arrêter les complots.
[Nous indiquons ici pour mémoire cet ouvrage dont nous n'avons pas
encore pu rencontrer un exemplaire bien complet. La description en sera
donnée ultérieurement.]
(A suivre)
Paul Portevin.
NOTES ET GLANES
L'opinion de Beaumarchais sur les affaires de France en
1790 et sur la division du royaume en départements. — « Les
iilFaires Je P'iance ont pris la meilleure (ournure possible et, ce
qu'on n'eût jamais osé espérer, c'est-k-dire que la nouvelle division
du Royaume en départemons, qui renverse tout l'ordre passé,
s'accomplirait tranquillement, eh bien ! elle est à peu près achevée
et sans aucun débat, avec un dévouement, une raison, un accord
presque universels, qui détruisent h. jamais la possibilité de ren-
verser la nouvelle constitution de ce beau Royaume. Mais ce qui
met le sceau à la joie des patriotes, c'est la démarche à jamais mé-
morable que vient de faire le Roy des Français Louis XVI, en
venant de son chef à l'Assemblée nationale, le 4 de ce mois, en y
prononçant un discours que je joins icy et qui a inspiré pour lui
un enthousiasme universel. » (Copie de la lettre de Reaumarchais
à Ghevallié fils, à Nevi^-York, en date du 4 février 1790; pp. gS-gG
du Registre III des Papiers Reaumarchais à la Bibliothèque de la
Ville de Paris.)
Ce passage est d'autant plus à noter, que tout le reste de la
longue lettre dont il est extrait ne concerne que les affaires liti-
gieuses de Beaumarchais avec le gouvernement des Etats-Unis. Sa
confiance dans la monarchie constitutionnelle était partagée par la
plupart des gens éclairés et des bons citoyens. Il est faux de le
représenter comme hostile a la Révolution, homme de l'ancien ré-
gime, etc., sous le prétexte de ses déboires personnels et de sa
démission forcée de représentant de la Commune de Paris'. Si la
monarchie a sombré sous le poids de ses fautes et de ses trahisons,
Beaumarchais n'en a pas moins vu juste sur un point aujourd'hui
trop remis en discussion : la nécessité d'une division rationnelle du
territoire français, et le caractère organique, régénérateur, de celte
réforme universellement désirée et acceptée. — - H. Monin.
I . Cf. ToORNÉux, Bibliographie fie l'hisloire de Paris pendant In Révolulion,
Tome IV^, n^^ 21792 et 21793.
l('l6 REVLE HISTORIQUE DE LA RÉVOLLTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
L'émotion causée dans le Pays de Gex par la fuite à Varennes.
— « Le 2^ juin, à g heures du soir, le Conseil [de Genève] fut averti
que le Pays de Gex s'armait et que l'on sonnait le tocsin dans tous
les villages, vu l'avis reçu que le roi, la reine, le dauphin, etc.,
avaient quitté Paris et allaient sortir du royaume, et qu'il fallait bor-
der de troupes toutes les frontières, empêcher de sortir tout le monde,
fouiller les papiers, etc., afin d'arrêter le complot et ses auteurs.
« Le 25 juin, à 1 1 heures [du matin] la municipalité de Gex
envoya un message au Conseil [de Genève] pour lui dire qu'elle
venait d'apprendre que le roi était arrêté à Saint-Lizier en Cham-
pagne. » (Extrait du Journal inédit d'.Vmi Dunant, conservé à la
Bibliothèque publique et universitaire de Genève, Mss. f., ii4'>
III, f° 63). — 0. K.
L'impopularité de Marie-Antoinette en 1790. — « Les députés
des d(''pai'teinens et de l'arinro allèronl le soir [du i4 juillet 1790]
se rafraîchir à la Muette, oii .M. la Favette nnirut risque d'être
étoufl'é par les embrassans ; ils se rendirent ensuite par diverses
bandes, et tous allèrent sous les fenêtres des Tuileries, crier vwe
le roi... On cria peu vive la reine. Cependant des placards placés
depuis deux jours sur les piédestaux des statues des Tuileries sol-
licitoient, mendioient pour elle les faveurs des fédératifs; on y
lisoit : K Français, que sommes-nous devenus ? SoufTrirons-nous
« qu'une reine, qui est le plus bel ornement de la F'ranco, n'assiste
«c pas k la fête qui "se prépare? Nous laisserons-nous abuser plus
« long-temps par les calomnies répandues contre une femme aussi
« vertueuse, etc.. ? » (Rnioliiiions de Paris..., n" 53, du 17 juillet
1790, ]ip. 10-11.) — C. V.
Napoléon à l'ile d'Elbe. — « i" août 181^. Il a passé à (Jenève un
cominissaire de la marine anglaise qui a été trois jours avec Bona-
parte à l'île d'Elbe. Il dit qu'il lui a paru très malheureux, sansces.se
en activité et agité comme un homme qui fuit sa pensée. Il n'écrit
rien; il bâtit un palais, des forts, et avec les 1900 hommes de troupes
françaises qui sont autour de lui et qui lui sont dévouées, il projette la
conquête de quelques fies dé.sertes qui sont autour de l'île d'Elbe-
Il vit dans la crainte perpétuelle d'être assassiné; il a gagné uu ser-
gent lie la marine anglaise qui couche, comme son mameluk, dans
NOTES ET GLANES 167
son antichambre. Il fait le bonhomme avec le grand nombre d'An-
cjlais qui lui rendent visite et qui se laissent prendre à ce qu'il dit
et au rôle qu'il joue. Le grand nombre de badauds, touristes comme
on les appelle en Angleterre, ceux qui se croient obligi^s d'imprimer
leurs voyages, ne manquera pas de nous en parler. C'était a la Ber-
mude qu'il fallait l'envoyer. » (Extrait d'une lettre de Charles de
Constant-Rebecque à sa sœur Rosalie, publié dans La Restauration
de la République de Genève, témoignages de contemporains re-
cueillis par Lucie Ac/iard et Edouard Favre ; T. II, pp. 63-64.
Genève, Jullien, igiS.) — 0. K.
BIBLIOGRAPHIE
Jean Loutchisky, professeur honoraire à l'Université de Kiev, dé-
jiuté à la Douma d'État à Saint-Pétorsbounf, La propriété pay-
sanne en France à la veille de la Révolution (principalement
en Limousin), Paris, Honoré Champion. 1912; in-8" de 296
payes.
Dans un court Averlissemenl, l'auteur énumère les documents
inédits qu'il a dépouillés, (ie sont les rôles des vingtièmes et des
tailles aux Archives de la Corrèze ; des vingtièmes à celle.s de la
Haute- Vienne, de la Haute-Garonne, de l'Aisne; des centièmes à
celles du Pas-de-Calais. Il indique les cotes, le nombre des paroisses.
Aucune source imprimée de quelque valeur n'a été négligée.
Comme on a souvent contesté le parti que l'histoire pouvait tirer
des rôles des vingtièmes, M. Loutchiskv a consacré tout le chapitre I
à une étude critique de leur caractère et de leur valeur'. II a dé-
montré, en examinant chacun de ces rôles séparément, et en com-
parant cette source aux cadastres, aux palpes'^ et surtout aux ar-
pentements, que l'on pouvait s'en servir en toute sécurité pour dres-
ser un tableau de la propriété foncière au dix-huitième siècle. Il est
bien vrai que les rôles ne donnent que d'une façon inexacte l'évalua-
tion des revenus ; mais leurs données relatives au dénombrement des
terres ne sauraient être mises en doute. D'ailleurs, s'obstinàt-on à
soutenir, — ce qui nous paraît impossible, — que les rôles ne four-
nissent que des données approchées, encore serait-on obligé de re-
connaître l'immense supériorité de celte source sur toutes les autres.
L'histoire de la propriété ne peut se faire par échantillonnage'',
1. Les articles de M. -Marion et de -M. lirctlc dans La Révolulion française
(nov. 1894 el janv. 1890), les conclusions arbitraires que tire M. Edmc Champion
de quelques extraits des cahiers de 1789, en un mot les divinations de nos savants
historiens y sont soumises à une discussion aussi acérée que cmirtoise.
2. Dénomination limousine.
îî. Voir p. 301 à p. 206 ce ijoe M. Loutchisky pense tle ce procédé, et des con-
clusions audacieuses de M. Marion sur la concentration prétendue de la propriété
entre les mains os paysans.
BIBLIOGKAI'IIIE 1 6()
mais spulement au moyen de statistiques. Les monographies isolées
no sont jamais concluantes. 11 faut comparer des régions, saisir leurs
traits seinblajjles ou divers. C'est donc une méthode, disons mieux,
c'est la méthode à suivre pour l'histoire de la propriété, qui se place
au premier plan de l'ouvrage.
Toutefois, des recherches sur le Limousin, et auxquelles l'auteur
s'est livré, il tire des résultats d'une portée plus générale. Ce n'est
pas au hasard qu'il a choisi le Limousin : cette province est, en fait,
une de celles qui représentent le mieux l'état agricole de l'ancienne
France, une de celles qui se sont le moins transformées ; enfin et
surtout, c'est là que sont conservés les documents les plus com-
plets et les plus suggestifs.
La France du dix-huitième siècle est rurale par excellence. Dans
les campagnes s'introduit cependant l'industrie domestique. Mais
celle-ci n'est qu'un appoint ; elle ne détache pas les paysans de la
terre. Ni les artisans des campagnes, ni les industriels proprement
dits, meuniers, blatiers, etc., ne sauraient figurer dans les rangs de
la bourgeoisie ' : les achats et ventes de terres qu'ils ont effectués
témoignent de la médiocrité de leurs ressources.
Les paysans du dix-huitièmesiècle sont propriétaires d'une portion
notable du sol, variable cependant de pays à pays et même de paroisse
à paroi.sse. Ils n'ont fait qu'accroître leur propriété, sous Louis XV
et sous Louis XVI, et c'est à cette même épocjue que le sol s'est de
plus en plus morcelé, tandis que dans la plupart des autres pays
de l'Europe les latifandia s'annexaient les lopins. La petite pro-
priété n'est donc et ne saurait être en aucune façon un effet de la
vente des biens nationaux. Mais cette propriété, si répandue, n'im-
plique aucunement l'aisance et la « douceur de vivre ». L'inégalité
est très grande dans la répartition des fonds, de région à région, de
paroisse à paroisse, et même dans le cercle des divers groupes de la
classe agricole. C'est dans les pays où les non-propriétaires sont le
plus nombreux que l'industrie s'est développée dans les campagnes.
Le Limousin, qui ne présentait qu'un pourcentage de 17 °|o de non-
propriétaires, est resté exclusivement agricole.
La portion du sol appartenant aux classes privilégiées apparaît
comme moins considérable qu'on ne l'a souvent affirmé. Ce fait est
évident pour les biens d'églises (sauf au nord de la Franco). La pro-
priété noble est au premier rang dans le Nord et une partie du Centre;
I. La bourgeoisie, pour M. Loutchisky, ne se définit réellement que par la capa-
cité d'achat. L'auteur n'a pas attendu moins de quinze ans pour répondre aux ob-
servations improvisées à ce sujet (/,a Révolution française, avril 1898, p. 374);
mais sa réponse défie toute nouvelle polémique.
170 UEVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
la pro])riété bourgeoise a pris de l'extension dans quelques régions
du Centre et dans le Midi.
Plus une contrée est pauvre, d'exploitation difficile, plus elle a
de grands domaines. Plus elle est fertile, plus les parcelles sont
nombreuses. Mais le régime parcellaire est, dans l'ensemble, le ca-
ractère de la propriété en France. L'exploitation y perd. Les classes
privilégiées, qui ne disposent guère de grands domaines d'un seul
tenant, ne s'intéressent guère à la culture, et ne font preuve d'au-
cune initiative. Elles sont obligées de louer à des paysans. Bref,
tout le sol cultivable est exploité par des paysans, ou propriétaires,
ou locataires. Il est absolument faux que les meilleures terres aient
appartenu aux privilégiés. Le métayage, la petite location, ne font
place au fermage que sur les terres du clergé et, çà et là, sur celles
de la noblesse, dans les plaines septentrionales de la France. Donc,
peu ou point de grands domaines à la manière anglaise. Aussi l'agri-
culture, en dépit des savants, des théoriciens et des Sociétés, ne
parvient pas à se dégager de ses routines séculaires. Elle attire peu
l'argent; elle ne le fait circuler qu'avec peine. Le livre de M. Lout-
chisky corrobore et, ce qui vaut mieux encore, explique ' le nombre
et la nature dos observations critiques qu'Arthur Young notait de
visu, au cours de ses voyages agronomiques h la veille et au début
de la Révolution.
H. Mo.NIN.
F.-A. .\uLARD, Recueil des Actes du Comité de salut public...
Tome XXI, 12 inars-i i avril 1790(22 venlôso-22 germinal an 111);
Paris, Imp. nat., 191 1; i vol. gr. in-8° de 879 pp. Tome XXII,
12 avril-9 mai 1795 (22 germinal-2o floréal an III); Paris, Imp.
nat., 1912; I vol. gr. in-8° de 868 pp.
Faute d'introductions, de tables analytiques, ces tomes XXI et
XXII sont aussi difficiles à utiliser que les précédents. Il arrive
quelquefois à l'éditeur de se plaindre que des historiens, soit à Pa-
ris, soit en province, ignorent tel ou tel des documents qu'il a mis
au jour. C'est qu'ils n'ont pas le sens de la divination. L'on ne peut
vraiment exiger d'un travailleur que, pour une élude particulière,
il dépouille l'énorme collection de textes parmi lesquels il imagine,
a priori, eu trouver qui l'intéressent. Voici, par exemple, un ingé-
I . P. i4G, p. 17'.
BIBLIOGRAPHIE 171
iiieur qui s'occupe de l'histoire du Creuset pendant la Révolution.
Dans les Actes du Comité de salut public, il lui faudra, à partir du
tome VI, lire attentivement dix-sept tables des matières, de chacune
trente pages, pour y dénicher la correspondance des« représentants
en mission au Creusot ». Il se résignera sans doute a ignorer, pro-
visoirement, s'il est question ailleurs de la fonderie de canons, qui
a rendu de si éminents services à la défense nationale.
Dans les tomes XXI et XXII, comme dans les précédents, on ne
trouvera pas seulement les Actes du Comité de salul public (séances,
correspondance offlcielle des représentants en mission), mais aussi
des Actes du Comité de sûreté générale, et du Comité de législation,
que, d'après le titre du Recueil, on ne serait pas tenté d'y chercher
Au tome XXII, p. 43i, figure de [dus une lettre au Comité d'instruc-
tion publique :
« Nous ne reproduisons en général, dit l'éditeur, que les lettres
des représentants adressées au.K Comités de gouvernement, surtout
aux Comités de salut public, de sûreté générale, et de législation
(ces deux derniers depuis le décret du 7 fructidor an II, qui ôtait
au Comité de salut public une partie de ses attributions pour les
leur donner). Toutefois, les lettres au Comité d'instruction publique
sont si intéressantes pour l'histoire générale, et d'autre part elles
sont si peu nombreuses, que nous n'hésitons pas k les' reproduire. »
Or, à supposer que l'on puisse définir un terme aussi vague que
celui d' « iiistoire générale », il nous semi)le : 1° qu'un éditeur
n'a pas à préjuger de l'usage possible des textes qu'il édite; 2° que
toute incursion hors du domaine fixé, si agréable que puisse être la
surprise, est faite pour étonner les esprits méthodiques.
Si un érudit entreprend d'étudier l'histoire des écoles centrales — •
sujoît parlirulier, — ou simplement celle de l'école centrale de
Troyes — sujet encore plus particulier, — comment pourrait-il être
averti qu'il e.viste à ce propos quatre pages du représentant Dupuis
adressées au Comité d'instruction [lublique, et que ces quatre pages
figurent dans les Actes du Comité de salut public? Xu reste, la mis-
sion de Dupuis s'est continuée par Cliaumont, Dijon, Dôlo, Besançon,
Porrentruy, Bourg et Lyon. N'en subsiste t-il d'autres traces que
sa lettre de Troyes, 6 floréal an III, 25 avril 1795? Cherchez...
Voilà un sujet amorcé au hasard par l'éditeur, et sans aucun lien
avec l'objet propre de la publication.
Espérons qu'elle ne se grossira pas d'autres apports, qui, tout
au moins, devraient être placés en appendice, ou signalés dans une
I. Il n'y en a qu'une seule aux lomes XX, .\.\I, X.XIl. iiue nous avons dé-
pouillés.
172 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
note préliminaire, ou détachés en caractères spéciaux ;ï la table des
matières.
En désespoir de cause, nous poursuivons ici, pour les tomes XXI
et XXII, un classement sommaire qui a rendu service pour le
tome XX ' ; nos lecteurs verront que nous avons tenu compte de quel-
ques critiques de détail, qui nous ont été adressées personnellement.
Tome vingt-et-unièine.
1. Séances journalières du (lomité de salut public : Pp. i, 17, 46,
63, 96, 121, 102, 173, 210, 286, 246, 261, 274, 29g, 323, 341, 356,
870, 898, 424, 433, 454. 478, 5o3, 547, 587, 609, 664, 699, 744.
801.
II. I . Décrets de la Convention relatif au Comité de salut public :
Pp. 28, 107, 128, 484. 5i3, 762.
2. Missions de représentants décrétées ou prorogées par la Conven-
tion : Pp. 69, 129, i3o, 167, i58, 218, 266, 283, 333, 847, 436,
437 (Barras et Merlin de Thionville près Pichegru), 46o, 485, 5i3,
5i4, 5i5, 635 (relative à l'instruction publique), 686, 683-, 684,
722, 728, 760, 761 (relative à l'instruction publique). 817.
3. Autres décrets relatifs aux missions ou au.x représentants :
Pp. 57, 58, i58 (rappels), 289, 46i.
III. Correspondance du Comité de salut public, etc., et des repré-
sentants dans les départements, ports de mer, localités.
I. Départements. Ain : Pp. 69, 87, 243, 6o5, 688, 697. Aisne :
Pp. 58, 489, 473, 521 , 562, 565, 691, 800. Ardèche : Pp. 5oi, 5o2, 824.
Aube : Pp. 42, 60, 61, 74, 86, 87, 200, 201, 281, 257, 3ii, 812,
385, 386, 438, 6o4. 64o, 696, 726. 789, 741, 769, 828. Aveyron :
Pp. 43o, 5o2.
Bec d'Ambez' : Pp. 109, 866, 64o, 794, 796. Boucbe.s-du-Rhône :
Pp. i46, 160, 170, 172, 200, 867, 368,891, 898, 046, 607,608,698,
742, 84o.
Calvados : Pp. 241, 203, 2Ô4, 365, 688. 656. 692. 822, 883. Cha-
rente : Pp.109, 366. Corrèze : Pp. 16, 887. 412. Côtt-d'Or : Pp. 488.
661, 697. Creuse : P. 60.
Dordogne : Pp. 16, 109,887,412, 64o, 794, 796. Doulis : Pp. 545,
6o4. Drôme : P. 5o2.
1 . Voir le u" 6 de la lieuae histnri(/ue de la Révolulion française (.ivTil-jiiin igt i).
pp. 279 à 383.
2. La table des maliéres, p. 871, i.3« arlicle, porte Haute-Loire; il faut corriger :
Haute-Saône.
X. Gironde.
BIBLlOlillAI'HIE IjS
Eure : Pp. 2Ôu, 288, 537, ^'-"i- Kure-et-Loir : Pp. 200, 288, 587,
829.
Gard : Pp. 355, 45i, 002, 64i.
HcVault : Pp. 355, 45i, 5o2, 64i.
Indre-et-Loire : Pp. 80, i5f), 179, 288, 289, 471, 493, 536, 56o.
Isère : Pp. 87, 243, 473, 6o5, 088, 697, 800.
Jura : Pp. 545, 6o4.
Loir-et-Cher: Pp. 80, lôg, 179, 248, 288, 289, 43o, 493, 536, 50o,
638, 818. Loire : Pp. 59, 87, 243, 338, 889, 5oi, 6o5, 688, 824.
Loire (Haute-) : Pp. 5oi, 824. Loiret : Pp. 80, 159, 179, 288, 289,
493, 536, 56o. Lot-et-Garonne : P. 64o. Lozère .• Pp. 59, 87, 243,
338, 389, 5o2.
Manche : P. 180. Marne : Pp. 42, 60, 61, 74, 86, 200, 201, 281,
257,311, 3 12, 385, 386, 438, 6o4, 64o, 696, 726, 789, 741, 769,
828. Marne (Haute-) : Pp. 298, 4i5, 417, 58i, 686. Mayenne : Pp. 87,
85, 119, 194. 241, 298, 347, 468, 588, 579, 58o, 659, 768, 787, 790,
791, 838. Meurthe : Pp. 62, 110, i4o, i4i) 258, 354, 43i, 542, 544,
545, 601, 602, 6o3, 64i, 662, 668, 696, 74i, 770. Meuse : P. 821.
Mont-Blanc : Pp. 545, 604. Moselle : Pp. 62, 110, i4o, i4i, 258,
354, 481, 542, 544, 545, 601, 602, 608, 64i, 662, 663, 696, 741,
770.
Nord : Pp. 29, 59, 69, 159, 524, 566, 646, 684.
Oise : Pp. 684, 826. Orne : Pp. 492, 596.
Paris (Raffinerie de salpêtre à) : Pp. 642,817. Paris (Départements
voisins de) : Pp. 24,58, 12g, 178, 181, 229, 248, 284, 809, 3io,
38i, 535, 562, 648, 644, 655, 685, 788, 762, 772, 784. Pas-de-
Calais : Pp. 29, 59, 69, 159, 524, 566, 646, 684. Pyrénées (Basses-) :
Pp. 499- 542, 797. Pyrénées (Hautes-) : Pp. 499, 542, 797. Pyrénées-
Orientales : P. 45-
Rhin (Bas-) : Pp. 545, 6o4. Rhône : 87, 248, 478, 6o5, 688, 697,
800.
Saône (Haute-) : Pp. 545, 604. Saône-et-Loire : Pp. 59, 87, 248,
338, 889, 6.)7,8oo. Sarthe : Pp. 492, 596. Seine-Inférieure: Pp. ii5,
118, 198, 884, 4o8, 439, 467, 486, 537, 571, 575, 648, 684, 691,
782, 788, 888. Seine-et-Marne : P. 112. Seine-et-Oise : Pp. 4o8,
643, 684, 691, 826. Somme: Pp. 29, 59, 69, 159, 25o, 291, 3i2,
3i3, 348, 35i, 860, 877, 878, 38o, 38i, 464, 487, 52i, 524, 568,
566, 648, 644i 724, 729, 772, 778, 824.
Var : Pp. i46, 160, 170, 172, 2o5, 867, 368, 891, 898, 546,
607, 608, 698, 742, 84o. Vaucluse : P. 5o2. Vienne : P. 60. Vienne
(Haute-) : P. 60.
Yonne : Pp. 112, 661, 697.
■ 74 nEVUK HlSTORlytE DE LA REVOLUTION FRANI,:aISE ET UE L EMPIRE
2. Ports de la Manche et de l'Océau : Pp. i4. 157, 891. 468, litji,
C85. — 3. Rivières : Pp. 650, 799. — t\. Localités groupées. —
Bavonne, Bordeaux, La Rochelle et Rochefort : Pp. [\i, i38, 189,
337, 4i i) 446, 47 ij 496, 601. 639, 661, 694, 834. — Brest et Lorient
ou Côtes de Brest et Lorient : Pp.i4, 81, 166, 168, 194, 254. 353,
439, 44ï- 494i 5781 638, 64i, 667, 65g, 692, 694. — Calais, Dieppe,
Dunkerque et Le Havre : Pp. 298, 597, 818. — Cette, Marseille,
Toulon et Nice : P. 867. — Le Creusol et Pont-de-Vaux, fonderies:
Pp. 42, 44> 4i8, 082, 6o5. — Tulle et Berrjerac, manufactures d'ar-
mes : P. 167.
5. Localités isolées. — Landau : Pp. i4i, 44/» 448, 5oo. — Lan-
drecies : Pp. i3o, 691. — Meudon : Pp. iio, m, 112, i3i, 182,
5i5. — Rennes : Pp. 807. 7(17. — Toulon : Pp. i58, 5oi, 688, 771.
IV. Correspondance du Comité de saliit public, etc. et des repré-
sentants au.x armées.
1. Alpes : Pp. 245, 689.
2. Alpes et Italie : Pp. 92, log, i46, i5i. 173, 278, 38o, 896.
3. Côtes de Brest et de Cherbourg : Pp. 27, 87, 85. 119, 194,
221, 228, 280, 241, 255, 2g5, 847, 4o8, 488, 468, 495, 538, 54o,
576, 579, 58o, 595, 599, 600, 609, 784. 768, 785, 787, 790, 791,
822, 828, 888.
4. Italie : Pp. 45> 63, 88, 94. 121, 207, 228, 810, 886, 867, 368,
897, 419. 42a, 428, 402, 474, 475, 477! 546, 586, 642, 698, 726,
743.
5. Méditerranée (Armée navale de la) : Pp. 88. 207, 208, 228,
259, 868, 4.Ï2, 474, 47Ô, 584. 585. 698.
6. Nord et Sambre-ct-Meuse : Pp. 8, 9, 28, 24, 3o, 70, 72, 75,
76, 77, 78, 79, ii4, i33, lOo, 161, 1O6, 182, (188), (i84), (i85),
(187), 191, 192, 225, 228. (289), 240, (266), 268, 285, 286, 289,
290, 291, 3o2, 3o3, (807), 816, (817), 334. 846, 847, 861. (363),
(864). 879, 38i, 4o4. (4o6), [43i], 462, 465, 466, 489. 490, 016,
(5i8), 527, 566, (069), 598, 686, 687, 64O, 647, 648, 65i. 687, 725,
729, 780, 782, 768, 764. 770, (819). 821, 827. 828. — .V. B. Les
références entre parenthèses se rapportent à l'armée du Nord seu-
lement ; celle qui est entre crochets, à l'armée do Sambre-et-Meuse,
seulement; les autres, au libellé : « armées du Nord et de Sambre-
ct-Meuse ».
7. Ouest : Pp. i5, 4o, 120, i33, i35, 188. 169, 198, 222, 228,
268, 270, 296, 297, 3o8, 384, 409, 4ii, 445.496, 076. 686. 784, 735,
785, 787, 792.
8. Pyrénées-Occidentales : Pp. 366, 4i2, 146, 472. 497. 5o8,
■")'(i,'66o, 695, 725, 786, 787, 788, 797, 836.
BIBLIOGRAPHIE l'JO
9. Pyrc^n(''es-Orientales : Pp. i/(2, 167, 180, 220, 281, 233, 242,
255, 3i8, 335, 33C, 389, 390, 420, 45i, [689]'.
10. Rhin et Moselle : Pp. 8, 9, 10, 11, 108, 2o4, 218, 819, 820,
38i. 387. 388. 432, 41)3, 472, 520, 652, 653, 687, 887, 888, 889.
11. Sambre-el-Meuse. V. Nord et Sambro-et-Mcuso.
12. Pays occupé : Hollande: Pp. 81, 34, i83, 161, 1G2, i63, i64,
iG5, i83, 184. i85, 187, 188. 3o4, 428, 528, 584, 64G, 764, 778,
781, 819.
V. Missives qui, dans la (Correspondance, concernent :
1. La Convention ou son président : Pp. i35. i4o, i4i, i46, 170.
200, 291, 35i, 354î 867, 389, 891, 898, 4'i> 4i5, 417, 480, 448,
496, 535, 544- 545, 546, 56o, 560, 58i, 598, 099, Goi, 65i, 787.
2. Le Comité de législation : Pp. 58, 59, 60, 86, log, iio, 189,
159, 160, 168, 181, 201, 218, 200 (deux), 258, 288, 887, 380, 438.
5i5, 575, 688.
8. Le Comité de sûreté générale : Pp. 3ii. 386. 466. 505. 644,
729, 78a, 762, 769. 794.
4. Les Comités de salut public et de sûreté générale réunis :
Pp. 542, 571.
5. Les Comités de salut public, législation, et sûreté générale :
Pp. 298, 6o5.
6. Les Comités de salut public, législation, sûreté générale, ins-
truction publique, et finances : P. 789.
VL Lettres airectant, par quelque détail, un caractère privé : Ch.
Cochon à Merlin de Douai. P. 188. — Lacombe Saint-Michel à Ri-
chard, représentant à l'armée du Nord en Hollande. P. 807. —
Reubell à Pérès et Portiez de l'Oise. P. 838. — Du Bois Du liais à
Lacombe Saint-Michel. P. 492. — Lacombe Saint-Michel à Du Bois
Du Bais. P. 596. — Merlin (de Douai) à Le Febvre. P. 096. — Bous-
quet (du Gers), au Comité de salut puijiic. P. G89. — Cil. (Cochon
à Merlin (de Douai). P. 781.
Tome vingt-deuxième.
L Séances journalières du Comité de salut public : Pp. i, 33,
67, 98, 147, 174, 210, 288, 265, 291, 38û, 857, 386, 4o8, 489, 489,
522, 542, 558, 5gi, 610, 64o, 686, 714, 780, 772, 801.
IL I. Décrets de la Convention relatifs au Comité de salut public :
Pp. 618, 666 (renouvellement).
2. Missions de représentants décrétées ou prorogées par la Gon-
1. Lettre de Bousquet (député du Gers), datée de Paris, mentionnée à cette
place vu son objel, l'état sanitaire de l'armée des Pyrénées-Orientales. Cf. p. 722.
176 REVUE HISTORIQIE DE LA HÉVOLITION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
vention : Pp. i3, !\i, 48, 74, 70, 1 10 (inspection des relais), m,
i56 (pays conquis en deçà de la Meuse, et de la Meuse au Rhin),
i85, 273', 274, 370, 391, 417, 449 (rappel), 467, 478 (réparation
des routes), 565, 618, 619, 667, 722, 748.
3. Autres décrets relatifs aux missions ou aux représentants :
Pp. 75, i85, 721, 747, 783, 784, 811.
III. Correspondance du Comité de salut public, etc., et des re-
présentants dans les départements, ports de mer, localités.
I. Départements. — Ain : Pp. 63, 139, 4oi, 4o2, 487, 555, 711,
728, 822. Aisne : Pp. 807, 748. Allier : P. 7G8. Alpes (Basses-) :
P. 191. Alpes (Hautes-) : P. 191. Alpes-Maritimes : P. 801. Ardè-
clie : Pp. 3o, 94, 290, 353, 391, 609. Aube: Pp. 63, 117, 118, 189,
202, 2o3, 224, 282, 25i, 288, 322, 350,^371, 898, 461, 485, 517,
53o, 540, 548, 568, 584, 585, 586, 622, 682, 684, 685, 669, 709,
710, 724, 755, 789, 8i3, 822. Aveyron : Pp. i4o, 891.
Bec d'Aiiibez ou Gironde : Pp. 168, 169, 281, 824, 417, 46o, 484,
558. 680, 670, 704, 797, 812. Bouchos-du-Rhône : Pp. 66, 96, 97,
209, 288, 828, 355, 878, 556, 584, 685.
Calvados : Pp. 49, i64, 206, 3i4. 849, 538, 553, 57g, 6o4, 675,
748, 795. 812, 8i5. Charente : P. 27. Cher : Pp. 188, 290, 344,
35o, 383. 3gg. 426, 52g, 549, 597, 683, 766. Corrèze : Pp. 19, 63,
897, 426, 598. 621. Côte-d'Or : Pp. 118. 698.
Dordognc : Pp. ig, 27, 63, 168, 16g, 281, 824. 3g7, 417, 426,
460, 484, 485, 553. 584. 598, 621, 63o, 670, 754. 7g7. Doubs :
Pp. 118. 586. 798. Drôme : Pp. i4o, 891.
Eure : Pp. 58. 208, 343. 588. 790. Eure-et-Loir : Pp. 58, 208.
348.
Gard : Pp. ig, 119, 172, 207. 262. 353. Garonne (Haute-):
Pp. gi. 169. Gers : Pp. 91. 169.
Hérault : Pp. 19, 119, 172, 207. 262, 853.
Indre : Pp. 899, 426. 597. Indre-et-Loire : Pp. 62, 76O. Isère :
Pp. 63, 189, 191, 344- 4oi, 4o2, 487. 555. 711. 822.
Jura: Pp. 118, 586, 798.
Loir-et-Cher : Pp. 80, i38, 290. 85o, 383, 899, 52g, 688. Loire :
Pp. 80, 68, g4, 189, 290, 853, 4oi. 4o2, 487. 555, 609, 711, 728,
822. Loire (Haute-) : Pp. 3o, 94, 290, 353, 60g. Loiret : Pp. 425.
Lot-et-Garonne : Pp. 584, 63o. 812. Lozère : Pp. i4o, 8gi, 728.
Manche : Pp. i63, 255, 424, 457. 538, 077, 608, 762, 768, 795.
Marne : Pp. 63, 117, 118, 189, 202, 208, 224. 282, 25i. 288, 822,
350.871. 898,461, 484,485,517, 580,540,548, 568, 584, 585, 586,622,
I . ji -Mission de Gasenave à .\mieiis ■ : c'est-à-dire dans la Somme, où il rem-
plaça Blaux.
BIBLIOGRAPHIE I77
('>32, 634, 635, 669, 70g, 710, 724, 755, 789, 8i3, 822. Mayenne :
Pp. 18, 2G, 61, 9o,i3i, 166, 168, 229, 258, 286. Meurthe : Pp. 80,
91, 118, 322, 324, 391,517, o8(i. Meuse : Pp. 171, 3o8, 768. Mont-
Blanc : Pp. 118, igi, 586. Mont-Terrible : Pp. 728, 797. Moselle :
Pp. 80. 91, 322,324, 391, 517.
Nièvre : Pp. i38, 290, 35o, 383, 399, 529, 683. Nonl : Pp. 76,
342,455,481,482,534,601,674.
Oise : Pp. i4, 20, iSg. 34i, 393. 507, 5o8, 009. Orne : Pp. bij.
538, 795.
Paris (approvisionnement de) : Pp. i3, ni, 122, 124, 160, 25o,
619, 69g, 724, 782, 790, 8i3, 814. Paris (départements voisins de) :
Pp. 20, 88, 186, 222, 224, 253, 3io, 375, 3g3, 4i8, 565, 695, 622,
671, 791, 794. Pas-de-Calais : Pp. 76, 342, 455, 481,482, 534, 601,
674. Pyrénées (Ba.sses-) : Pp. 25i, 398, 427. 797. Pyrénées (Hautes-) :
Pp. 25i, 398, 427, 797-
Rhin (Bas-) : Pp. 118, 586, 728. 797. Rhin (Haut-) : Pp. 728,
797. Rhône : Pp. 63. 139. 4oi, 4o2, 555, 568, 569, 711, 728, 822.
" Saône (Haute-) : Pp. 118, 586, 798. Saône-et-Loire : Pp. 63,
139, 4oi, 4o2, 487, 555, 711, 728, 822. Sarthe : Pp. 59, 538, 790.
Seine-Inférieure : Pp. 164, 187, 257, 3g6, l^ô■]. 538, 553, 57g, 6o4,
6o5, 626, 676, 705, 724, 764, 7g5, 7g6, 81 5. Seine-et-Marne : P. 374.
Seine-el-Oise : Pp. i4, 20, i5g, 252, 34i, 393, 507. Somme :
Pp. 5o, 52, 76, 126, 157', 162, 194, 195, 253, 254, 255, 274 ^
3o8% 3io, 344, 345, 375, 376, 3g4, 4i8, 419, 420, 452, 453, 480,
507, 5og, 5io, 5ii, 532, 533, 547, 55i, 566, 567, 5g5. 59g, 600,
622, 623, 624, 668, 700, 723, 749, 784.
Tarn : Pp. 91, i6g.
Var : Pp. 66, g6, 97, 20g, 233, 828, 355, 373, 556. 685. Vau-
cluse : P. i4o. ^'ienne : P. 426. Vienne (Haute-) : Pp. 27. 399, 097,
766.
Yonne : Pp. 874, 479- 698.
1 bis. Districts de Bourg-Egalité (Bourg-la-Reine) et de Frau-
ciade (Saint-Denis) : Pp. 159, 202, 34i, 893, 507.
I ter. Indes orientales [lettre datée de Brest] : P. 582.
i qiiater. Inspection des relais : P. 757.
2. Ports de la Manche et de l'Océan : Pp. 22, 28, 258, 3i4, 872,
378, 423, 483, 6o5, 706.
3. Rivières : Pp. 289, 302, 383, 487.
1. La table des matières et le libellé portent : a Blaux, représentant à Amiens».
Mais c'est de tout le déparlcnient de la Somme qu'il s'agit.
2. Même observation.
S. Id.
BFV. HIST. I)K LA nÉVOL. iS
170 RF.VLE HISTOUiniE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
4- Localitt's groupées : Bayonne, Bordeaux, La Rochelle et Ro-
chefort : Pp. 18, 168. 287. 288. 882, 459< 681. Brest et Lorientou
côtes (le Brest et Lorient : Pp. 60, 61. i3o, 2a3, 258, 3i5, 3i8, 819,
f^Sl^. 539, 567, O77. 764, 796. Calais, Dieppe, Dunkerque et Le
Havre. Cette, iMarseille, Toulon et Nice. Ronfleur, Port-Malo,
Nantes et Paimbeuf : Pp. i65, 629. Le Creusot et Pont-de-Vaux :
Pp. 3o, 81, 4oo. 463, 587. Tulle et Bergerac : P. 583, 680.
5. Localités isolées : Landrecies : Pp. 112. 127, 346. 548, 670,
791. Landau : Pp. 170, 259. 260, 822. Liège : Pp. 609, 786. Meu-
don : P. 756. Toulon : Pp. 97, t43. i45. i46. 208. 264. 291, 3a8,
357. 385, 4o4. 4o5> 407, 438, 465, 466, 55o, Sgo. 598, 638. 684,
698. 756, 824. Vernon : Pp. 762. 799.
IV. Correspondance du Comité de salut public, etc., et des re-
présentants aux armées.
1. Alpes. V. Alpes et Italie.
2. Alpes et Italie : Pp. 66, 94. i4o. 45o. 5i8. 558. 598, 610, 729,
771, §01, 826.
3. Côtes de Brest et de Cherbourg : Pp. 17, 18. 24. 26. 89, 90,
i3i, i34. i65. 166. 168. 227. 229. 258. 284. 286. 3i5. 879. 425.
458, 58o, 58i. 58ï. 606. 627. 670. 676. 706, 707. 720. 726. 811,
816, 818, 819.
4. Italie : Pp. 3i, 82. 81. 96. 97. 119. i4i. i42, il^'i, ili5, i46,
172, 178, 282, 252. 264. 291. 828. 33o, 357, 874. 385. 386, 4o4.
4n5. 407. 4o8. 438, 439. 45o. 465. 466. 522. 54i. 555. 588. Sgo,
099, 635. 687. 688. 689. 671. 685, -jôG. 790, 828.
5. Méditerranée (Armée navale de la) : Pp. 3i, 82, 81. 97, iig,
i43, i45, i46. 264, 291, 828, 857, 385. 4o4- 4o5, 407, 438, 465,
466, 590, 635. 687. 638, 68^, 824.
6. Nord et Sambre-ot-Meusc : Pp. i5. 20. 56, 82.(85). 85, (ii3),
(116), (129), 129, i58, 196, 201. (221), (226), 275, 278, (2-79).
(280). (281), 282, 309. (3ii). 3ii, 8:3, [342], 347, 348. (876), .895,
(895), (420), (422), (423), 455. 462. 5i2. 5i3. 5i4, (5i5), (534),
(537), (538). (55 1), 552, 570, 578, (574), (576). (SgS), (Sgli), 597,
601, 621 ', 625, 626, 668, 701. (704), 7o5. (728), (750), (751), 752,
I753], 785, 791, 814.
7. Ouest : Pp. 184, 187. 166. 188. 280, 284. 280, 3i5. 820. 38o.
897, 4495 458, 568, 082, 669, 680. 726, 727.
8. Pyrénées-Occidentales ; Pp. 48, 325, 344. 372. 429. 4Ô9, 5i6.
589, 54i. 554. 607. 63i. 681, 682, 708. 754, 755. 767, 819, 820.
I. Le libellé de 1,t suscriplion porle : « Cambacérès, membre du Comité de salut
public; à Pérfcs, représenlaiil à Bni.\clle.'; ». Il faut suppléer : < aux armées du
JVord et de Sambrc-ct-Mcusc ».
BIBLIOGRAPHIE l'yg
I). Pyrén(?p.s-Orientalos : Pp. ig, 64, igi, 262, 268, 277, 325,
828. 383. 4o4, 484, 435, 438, 464, 479, 487, 53o, 53i, 769, 770, 799.
10. Rhin-et-Moselle : Pp. 118, 171, 189, 260, 27G, 549, 787.
11. Sainbre-el-Meuse : V. Nord et Sambre-et-Meuse.
12. Pays occupé : Hollande ou Proviaces-Unies : Pp. 16, 53, 77,
85, 112, 116, 226, 249, 279, 280, 281, 3i I, 3 12, 876, 895, 420, 422.
428, 5i5, 534, 537, 538, 55i, 574, 576, 695, 5g6, 675, 704, 728,
700, 75i, 757, 760, 761.
V. Missives qui, dans la correspondance, concernent :
1. La Convention ou son président : Pp. 28, 122, i84, i4i, i59,
160, 170, 8i3. 346, 42g. 5i6, 57g, 6o5, 035, 705.
2. Le Comité de légi.slation : Pp. 288, 2go, 449- 46i, 485, 767,
812.
8. Le Comité de sûreté générale : Pp. 62, 118, 194, 288, 845,
871, 899, 4o2, 420, 453. 5ii, 533, 547, 566, 567, 568, 624, 698.
711, 712, 748, 74g.
4. Les Comités de salut public et de sûreté générale réunis :
P-;3g.
5. Les Comités de salut public, législation, et sûreté générale :
P. 188.
6. Les Comités de législation et de sûreté générale : P. 427.
7. Le Comité d'instruction publique ' : P. 43i.
VL Lettres afTectant, par quelque détail, un caractère privé. De
Simon Camboulas, député de l'Ardèche, au Comité : P.i3g. — J. Le
Febvre à Merlin (de Douai). P. ig6. — Albert à Lesage. P. 202.
— Pérès à Cambacérès. P. 347- — Bouret k Aubry. P. 424- —
Delaunav à Lesage. P. 582. — Cambacérès à Pérès. P. 621. -^ De-
lamarre à Merlin (de Douai). P. 674. — Merlin (de Douai) à Merlin
(de Thionville). P. 787. — Isoré à Cambacérès. P. 8i4- — Guezno,
Guermeur et Grenot à Defermon. P. 818.
H. MONIN.
I. La suscriplion « au Comité de l'Instruction publique » est omise à la table
des matières, p. 8^8. article i3. — C'est au Comité de salut public que s'adresse
un autre représentant (Bailleul) chargé de l'exécution des lois relatives à l'instruc-
lion publique, mais pour se plaindre des postes et messageries (P. 764).
lOO REVITE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
Comte O'Kellv de Galway. Francisco de Miranda, général de
division des armées de la République, héros de l'indépendance
américaine. Biographie et Iconographie. Paris, Champion,
igi3. In-8° île 190 p.. fig.
Francisco Miranda', né à Caracas le 9 juin 1706, se dévoua dès
sa jeunesse à l'aflranchissement de la capitainerie du Venezuela et
du royaume de la Nouvelle-Grenade, colonies opprimées par la
métropole européenne, encouragées dans leurs justes revendications
par l'exemple des Etats-Unis de l'Amérique du Nord. Officier au
service de l'Espagne, a-t-il fait partie du corps espagnol qui alla
seconder Rochanibeau et Washington ? Plusieurs historiens l'affir-
ment : M. O'Kellv de Galway est muet sur cette question. Ses dé-
marches auprès de Washington, de Catherine II, de Pitt, en faveur
de l'indépendance latine, ne nous paraissent appuyées que sur de
bien vagues témoignages. Somme toute, ayant quitté le service de
l'Espagne et parcouru une partie de l'Europe, Miranda vient en
France en avril 1792. Lié avec Brissot(qui dès l'ancien régime avait
fondé la Société des Amis des Noirs)-, et avec Petion, il obtint un
commandement dans l'armée de Dumouriez, à l'arrière-garde, et
rallia le 16 septembre 1792 dix mille recrues prises de panique, et
qui participèrent, quatre jours après, à la victoire de Valmy. Miranda
prit Anvers le 29 novembre. Le 5 janvier 1793, successeurdu géné-
ral Valence, il dirigea le bombardement de Maëstricht (février) et,
après la panique d'Aix-la-Chapelle, battit en retraite et sut échapper
à l'ennemi (2 mars). 11 prit part à la bataille de Neerwinden (18 mars)
et fut accusé de la défaite. Dénoncé par Dumouriez, il alla dès le
21 mars rendre compte de sa conduite à la Convention et réclamer
des juges. Il fut traduit devant le tribunal révolutionnaire, qui écou-
tait encore les prévenus et les avocats (onze séances; plaidoiries de
Chauveau-Lagarde ; discussion, par Miranda, de chacune des dépo-
sitions). Le iG mai, il fut acquitté k l'unanimité et triomphalement
reconduit k son domicile, couronné de fleurs. Il n'en fut pas moins
emprisonné sous la Terreur, comme ami des Girondins; le 9 ther-
midor an II lui donna la liberté; au 18 fru<-tidor an V, il fut pros-
crit et se réfugia en Angleterre. Il était, en France, suspect de
I. Son acte de baptême, cilé p. 71, ne porte pas la particule. — L'auteur décrit
le blason de la noble et ancienne famille Miranda, dont les titres remonteraient au
neuvième siècle ; mais il ne prouve nullement que Francisco ^liranda s'y rattache, et
donne même (p. 7/1) un extrait de lettre du général Dumas, d'après lequel ils seraient
tous deux du même sany, c'est-à-dire hommes de couleur.
3. Cette indication nous est personnelle (H. M.}.
BIBLIOGRAPHIE
royalisme, et non, à ce qu'il semble, sans de sérieux indices. Il no
paraît plus avoir demandé, en tout cas il n'a pas obtenu de nou-
velles lettres de service dans les armées de la République, ni du
Consulat, ni de l'Empire. Il fut même encore arrêté k Paris, mais
relâché de suite, lors du complot de la machine infernale (1801).
De retour à Londres, il y reçut les moyens de se rendre en Amérique
pour diriger, en 180O, deux expéditions contre le gouvernement
espagnol du Venezuela : il échoua (Notons qu'à ce moment de sa
carrière, Miranda doit être compté parmi les adversaires de la poli-
tique française, intimement liée à celle du roi d'Espagne). C'est en
iSioque Miranda revint, toujours d'Angleterre, avec le jeune Simon
Bolivar, aux côtés duquel l'histoire le place. Celte fois il l'oinporla.
Le gouvernement républicain de Caracas se maintint jusqu'en 1812.
Mais le général Miranda éprouva des revers, fut fait captif et traité
en rebelle. Il mourut, martyr de la liberté, dans un cachot de Cadix
(11 juillet 1816).
Le nom de Miranda est gravé, dit M. O'Kelly de Galway, k la
quatrième colonne du pilastre nord-ouest de l'arc de triom[)he de
l'Etoile, parmi seize généraux qui ont servi dans les armées du Nord :
Grouchy, Villaret, Dillon, Charbonier, Miranda, Valence, Tilly,
Ferrand, Chazot, Landremont, Lanoue, Pully, d'Aboville, Carnot,
Duval, Leveneur. (Dumouriez, Kellormann, Stengel, Chamorin,
Thouvenot, Dampierre, Custine, Bcurnonville sont inscrits sur
d'autres colonnes).
L'iconographie de Miranda est assez maigre, du moins comme
documents contemporains. En revanche, l'auteur nous donne à
profusion les portraits des Vénézuéliens, etc., qui ont contribué k
le glorifier.
La bibliographie est traitée avec soin ; les ouvrages sont donnés
avec leurs cotes dans les dépôts publics. Nous n'y trouvons pas les
Lettres sur l'abus des conquêtes dans une République, citées par
un ami et compagnon de captivité (aux Madelonnettes) du généra)
Miranda : je veux dire Quatremère de Quincy. M. Schneider, le
plus récent biographe de Quatremère (1910), les indique avec la
mention : « Paris, 1796 »'. A la même date, M. O'Kelly de Galway
enregistre'' : « Opinion du général Miranda sur la situation ac-
tuelle de la France et sur les remèdes convenables à ses maux.
Paris, imprimerie de la rue de Vaugirard, n° 790, an III de la Répu-
blique, in-8°. Bib. Nat, cote LB " 1912. » Le danger d'une trop
grande extension du territoire de la République y est effectivement
1. Schneider, Quatremère de Quincy. Paris, 1910 ; p. i65, note 2.
2. P. i83.
l82 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRB
prévu, — on peut dire aujourd'hui prédit, — avec une singulière
sagacité. Les deux opuscules, vraisemblablement, n'en font qu'un.
Quatremère en a peut-être masqué le titre pour la même raison de
prudence qui l'a empêché de nommer Miranda dans les deux édi-
tions de 1795 de ses propres Lettres sur le préjudice qu'occasionne-
raient... le déplacement des monuments de l'art en Italie, le dé-
membrement de ses écoles, etc. et dans celle de 181 5 (Rome).
.Miranda ne figure sur le titre que dans la quatrième édition (i83G).
Peut-être manque-t-il à l'ouvrage de M. O'Kelly de Galvvay un
chapitre sur les relations amicales et politiques de Quatremère et
de Miranda : relations qui ne purent qu'être l'ort mal vues du vain-
queur d'Arcole, et surtout du premier Consul.
H. MONIN.
Le chanoine Deniau, Dom Chamard et l'abbé Uzureau, directeur
de V An/ou historique. Histoire de la guerre de Vendée ; .\ngers
(J. Siraudeau, éditeur), s. d. ; gr. in-8°. Tomes V et VI, 821 et
825 pp. — F'ascicule de cartes.
Ainsi que nous l'avons mentionné à l'occasion des tomes I à IV,
M. l'ahbé Uzureau s'est donné la tâche difficile et délicate de rema-
nier, ça et là, et surtout de compléter l'œuvre de ses prédécesseurs.
La cinquième partie (t, V et pp. i à i5i du t. VI) conduit le lecteur
du 24 décembre 1794 au 16 février 1800; la si.xième et dernière
partie comprend les événements de i8i4-i8id, et l'aventureuse
tentative de la duchesse de Berrj, mère de k l'héritier légitime du
trône de France », contre « l'usurpateur » Louis-Philippe I", roi des
Français, en 1882.
Ces derniers volumes, d'une lecture attachante, conservent leur
caractère de vulgarisation érudite. L'illustration se borne à quel-
ques portraits (Cormatin, D'.\utichamp, Frotté, De Bourmont, etc.).
En revanche, les références sont devenues plus abondantes et plus
précises. L'historien a peut-être fait une place trop large à des épi-
sodes, k des anecdotes bien difficiles à contrôler. .-Vtroces ou édi-
fiants (l'un n'empêche même pas l'autre), ces récits intéresseront
d'ailleurs plus que celui des pacifications révolutionnaires, des
intrigues, tergiversations, et lâchetés de la haute politique. Les
« héros » vendéens sont encore l'objet d'un culte de village ou de
famille ; et c'est un des caractères historiques de cette guerre
civile d'avoir fourni ample matière à la légende.
.\u reste, l'esprit vendi'eii s'elTace avec le temps : « Où trouver
BlBLIOliKAPIlIE l83
[parmi les Vendéens d'aujourd'hui], s'écrie l'auteur, de vrais légi-
timistes? On peut les compter. Ont-ils mieux conservé leur foi
religieuse que leur foi politique?... Qu'est devenu leur respect et
leur soumission envers leurs anciens seigneurs, leur vénération
envers leurs prêtres ?... Qu'avons-nous vu en 1870? Que répétait-on
alors journellement de bouche en bouche ? Que les nobles et les
prêtres étaient cause de la guerre... qu'ils faisaient passer aux Prus-
siens des sommes fabuleuses, qu'ils voulaient l'extermination de
leurs enfants et qu'ils cherchaient à rétablir la dîme et tous les
anciens droits féodaux ! Pourra-t-on se figurer qu'aucun raisonne-
ment ne pouvait les dissuader de pareilles inepties ? Voila pourtant
ce que nous avons vu de nos yeux, entendu de nos oreilles pendant
plusieurs années consécutives. »
L'auteur constate néanmoins que les « devoirs stricts envers
Dieu » sont remplis, que les associations pieuses, que l'habitude
des pèlerinages fleurissent toujours dans la région de l'Ouest. Ce
qui manque, ce seraient « le respect et le dévouement », honneur
et gloire des aïeux. « Qu'un souffle d'en haut vous accorde cette
divine faveur! Et, un jour, il faut l'espérer, votre cri de guerre sera
encore : Dieu et le Roi ! » (T. VI, p. 772-773.)
Le malheur est que ce « Roi » serait justement le descendant de
Philippe-Egalité, le « régicide » ; celui de Louis-Philippe, l'usurpa-
teur, lequel se complut à déshonorer la mère du roi légitime, la
duchesse de Berry, sa prisonnière !
De tels souvenirs, l'enseignement qu'ils comportent, l'ingratitude
bien connue de la Restauration envers les chefs et les soldats des
insurrections vendéennes, expliquent h merveille que le catholicisme
se soit dégagé de la superstition monarchique; peut-être perdrait-il
à la vouloir lessusciter...
L'ouvrage a reçu son indispensable complément géographique et
topographique. Il consiste en cartes h grande échelle qui concer-
nent :
1. Les combats de Cholet, i4 mars et 17 octobre 1798; le combat
de La Tremblaye, i5 octobre ; le combat de Mortagne,
28 mars 1794;
2. Les combats de Chantonnay, 19 mars et 5 septembre 1798 ;
3. Les combats de Chemillé, i3 mars et 11 avril 1793; celui de
Saint-Lambert, 3o mars ; celui de Pont-Barré, 19 septembre
'793;
4- Les combats de Beaupréau, 22 avril 1798;
5. Les batailles de Fonfenay, 16 et 20 mai 1798 ;
6. La prise de Saumur, 9 juin 1798;
10% REVUE HISTORIl^LE DE LA REVOLUTION FRAN^:aISE ET UE L EMPIRE
7. Le siège de Nantes, 29 juin 1798;
8. Les batailles de Chàtillon, 3-5 juillet et 4 octobre 1793 ;
9. La bataille de Vihiers, 18 juillet 1798 ;
10. Les batailles de Luçon, 28 juin, 3o juillet, 4 août 1798 ;
11. L'île de Noirmoutiers et la baie de Bourgnmif;
12. La bataille de Torfou, 19 septembre 1798;
i3. Les batailles d'Eutrammes, 26-27 novembre 1798;
i4- Le siège de Granville, i4-iô novembre 1798 ;
i5. Les l)alailles de Dol et d'Antrain, 21-22 novembre 1798 ;
16. La bataille de Savenay, 28 décembre 1798 ;
17. L'afTaire de Quiberon, 16 et 21 juillet 1795.
Une carte générale des guerres de Vendée et de la chouannerie
au 4Ô0 000^ permet d'embrasser l'ensemble des opérations.
Ces cartes ont été dressées avec le plus grand soin par !NL Ernest
Colon, d'après Cassini, la carte d'Etat-major, et divers documents
locau.x '.
H. MONIN.
Lettres et documents pour servir à l'histoire de Joachim Murât
(1767-1815). [ndiliés par S. A. le Prince .Mirât, avec une intro-
duction et des notes par Paul Le Bretiion, archiviste-paléographe,
Ijibliothécaire honoraire ii la Bibliothèque nationale. T. VII,
(Rovaume de Naples, i" février-9 septembre 1809). i vol. in-8°,
5o6 p., avec gravures hors texte. Paris, Pion, 1918.
Les six premiers volumes des Lettres pour servir à l'histoire de
Joachim Marat, que publie S. A. le prince Murât et que M. Paul Le
Brethon annote avec tant de soin et d'érudition, avaient déjà donné
une foule de lettres présentant un vif intérêt, non seulement pour
la vie de IMurat, mais pour l'histoire militaire de la Révolution et
de l'Empire. Avec le tome VII (du 1'='^ février au 9 septembre 1809),
nous continuons à suivre les débuts de Mural comme roi de Naples.
A ce titre, cet ouvrage apporte une contribution d'une grande valeur
à l'étude du .système napoléonien eu général et du conflit qui se
posa tout de suite pour Murât, entre ses devoirs envers l'Empereur
et la France d'une part, envers ses sujets d'autre part.
Saliceti (lettre n" 8835) lui expose en termes d'une netteté sai-
sissante l'idée impériale :
L'Empereur, comme centre de toutes les dynasties (pi'il a fondées, veut
en diriger les opérations, pour en faire concourir l'ensemble à l'affermis-
senient .du grand système qui va fi.xer les destinées du monde.
1 . Le fascicule qui les contient se vend à part a fr. 5o.
BIBLIOGRAPHIE l85
Uerthier (lettre n° 3888) lui dit de son côté : « Soyez roi pour
vos sujets, pour l'Empereur soyez un vice-roi. » Et il ajoute : « Soyez
Français, et non Napolitain. »
Mais Murât a beaucoup de peine à accepter cette idée. Il ne se
console pas d'être k Naples, loin de l'Empereur et de ses conseils.
Pendant la campagne de 1809, il frémit d'impatience à la pensée
qu'on se bal sans lui : il ne demande aucun commandement, mais
seulement l'honneur d'accompagner l'Empereur, ou de servir comme
simple soldat (lettre SgôS). Plus tard il écrit : « Sire, si vous sa-
viez ce que je souffre loin de vous! » (lettre n" 4i(Jo). Il est sincère.
Toutes ses lettres de cette période le montrent animé du vif désir
de donner satisfaction à Napoléon, tout en remplissant de son mieux
ses devoirs envers ses sujets. Elles sont à la fois document d'histoire
et document de psychologie.
Gomme les précédents volumes, celui-ci contient do nombreuses
lettres des correspondants de Murât. Nous en avons cité de Saliceti
et de Berthier, et avons vu celui-ci donner au roi de bons conseils.
Il lui parle aussi de la guerre contre l'Autriche. Retenons cette ap-
préciation, assez piquante dans sa sobriété, qu'il porto sur ses ca-
marades : « Masséna, Lannes, Oudinol, Davout vont bien : ce sont
dos hommes dévoués...» (lettre n° l\o-]ti.)Qa&al k Murât, tout le monde
le regrette comme chef de cavalerie : pei'sonne ne remplace son ac-
tivité et son talent à l'avant-garde ; privée de lui, la cavalerie ne
donne plus les grands résultats qu'elle avait obtenus sous son com-
mandement dans les cumpagpes précédentes (Du général Beaumont,
note de la page 240).
Signalons, entre beaucoup d'autres, quelques lettres d'Aymé,
toutes pleines de mystère, d'allusions, de réticences: « Le papierne
permet pas de raisonner sur des matières aussi délicates. » Il rap-
porte k Murât les bruits qui courent à Paris, et l'on dirait qu'il
prend plaisir k n'omettre aucun de ceux qui peuvent énerver le roi,
l'indisposer contre l'Empereur et mettre la brouille dans le ménage
royal. Combien plus raisonnable est Janvier, le secrétaire de la reine,
qui la rappelle à la discrétion et lui signale combien sont dangereux
ces petits rapports.
M. Le Brethon a très heureusement éclairé ces documents en don-
nant des extraits des rapports adressés à Champagny par d'Aubusson
la Feuillade. Dans ses dépêches, dont l'allure diplomatique et le
style correct jurent avec les vivacités de plume de Murât, « l'ambas-
sadeur de famille » montre les événements sous un jour différent et
aide le lecteur à s'en faire une idée plus juste.
Toute la partie administrative de la correspondance de Murât,
l86 KEVCE HlSrOHlyLi; DL LA RÉVOLITION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
lettres et ordres à ses ministres et à ses généraux, présente un réel
intérêt. Il s'y révèle appliqué aux détails, plein d'activité, faisant de
sou mieux pour se tirer d'une situation vraiment difficile; bienveil-
lant, mais ferme ; il sait bien ce qu'il veut et ne laisse personne se
dérober à son autorité. Dans cet ordre d'idées, sa lettre au général
Partouneaux, du 22 juillet (u° 432i), est caractéristique.
On trouvera à glaner, dans les sept cent quinze lettres que con-
tient ce volume, beaucoup de traits pittoresques. Citons seulement
ces quelques lignes, où M"- Récamier tourne assez habilement son
compliment au Roi :
Sire, la rcpousc ubUgeanlc de V. M. ne m'a point étonnée; quand, au
titre de femme, on joint la recommandation des malheurs, on doit réussir
auprès de ces âmes élevées qui savent emliellir la bonté de tout l'éclat de
la gloire. (N° SgSy.)
Ce recueil se lit avec facilité et agrément, tant il v a de vie dans
ces documents, qui se rapportent à de grands faits, et où l'on voit
défiler la plupart des personnages de l'époque.
Une publication aussi complète est. par l'abondance et la variété
des renseignements quelle fournil, un précieux instrument de tra-
vail. Quant aux témoignages ainsi mis à notre disposition, nous les
croyons presque toujours sincères, plus dignes de foi en tout cas
que la plupart des Mémoires rédigés après coup. Si la véracité de
Murât dans ses lettres est quelquefois suspecte, il y expose les faits
tels qu'il les voyait sous l'influence de ses intérêts du moment. Et
c'est ce qu'il nous importe de savoir.
A. DE Tarlé.
Léonce (Ihasii.ier. Évasioas de prisonniers de guerre favorisées
parles francs-maçons sous Napoléon V ■ Paris. Daragim. In-8
de i5 p. ; i l'r. 5o.
S'autorisant de trois ou quatre cas, l'auteur affirme que « /es sol-
dats de Napoléon qui faisaient des prisonniers sur les champs de
bataille, rentrés dans leur garnison s'ingéniaient, en tant que francs-
maçons, à faire évader ces mêmes prisonniers » (p. i5).
Nous n'avons pas l'intention de discuter ni les généralisations de
M. G., ni la manière dont il présente ses pièces à conviction. Voici
seulement quelques indications qui permettront de mesurer la con-
fiance que méritent ses témoins.
BIBLIOGRAPHIE 187
Le (jéucral Wirioa, dans sa lettre à Fouché du 9 juillet 1808, af-
firme ijue « pas au-dessous de 100 Anglais » prisonniers font partie
(le la loge de Verdun. Le 28 juillet 1808, le même général Wirion
écrit à Real qu'il a la certitude que « pas moins de 70 Anglais »
ont été reçus à la loge des francs-maçons de Verdun. — Voici ce
qu'était cette loge, d'après des documents conservés aux Archives
du G.-. 0.-. de France :
Reconnue en 1790 [)ar le G.'. 0.'. sous le titre distinctif des Frères
a/nis ', endormie pendant la Terreur et réveillée le 3o messidor
an XII, cette loge changea son nom en celui de La Franche Amitié,
en 180^. Elle comptait alors cinq membres étrangers : Mears,
.Mayers, Tapley, Forest et Vholtby. La même année, le général
Roussel figure parmi ses membres. — En 1806, quatre ](risonniers
anglais demandent des certificats maçonniques : Thomas Cramer,
gentilhomme ; John Mackenzie, lieutenant de vaisseau ; Richard
Galliers, négociant; Edward Barker, lieutenant de vaisseau.
En 1807, ces quatre Anglais renouvellent leur demande, en même
temps que onze autres prisonniers anglais : Ahel Wantner-Thomas,
lieutenant de vaisseau; YvesHurry^, négociant; Lovell Edgeworth,
gentilhomme irlandais ; William Spence, lieutenant de vaisseau ;
Edmond Temple, offlcier de la marine royale anglaise; Charles
Earle Freeman, officier au 9^ régiment d'infanterie de S. M. britan-
nique ; Richard Gusack Kearney, gentilhomme irlandais; William
Cochran, lieutenant de vaisseau ; Thomas Hutchinson, professeur
de langues; William Gunningham Dalyele, lieutenant de vaisseau;
Charles Shaw, lieutenant de vaisseau.
C'est tout. En revanche, le nom de Le Maire, c'est-à-dire celui du
franc-maçon qui aurait fait évader Yves Hurry, ne figure pas parmi
les maçons verdunois.
En 1810, cette loge demande des lettres capitulaires sous le titre
de Sainte-Joséphine de la Reconnaissance . Ces lettres sont accor-
dées sous le même titre que celui de la loge. Au tableau des fonda-
teurs on remarque entre autres : Lambry, procureur impérial;
Lefébure, sous-préfet; Gand, maire; Elios, lieutenant-colonel;
Pommery, inspecteur des postes.
La loge a .suspendu ses travau.Y en 181 6.
0. K.
I. Le prêtre-vicaire Béguinet en avait été vén.-. en 1787; quatre ex-bénédictins
en faisaient partie en 1791.
a. Et non Harr\-, comme l'écrit M. G. d'aiirês Wirion.
IbO REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
D"^ Ulrich Molsen, Philosophie und Dichtung bei Quinet ; I. Teil :
Jugend. Allona, Clir. Adoltl', i()i3. lii-8° dr <j5 pages.
Edgar Quinet se définissait lui-même « un esprit de liberté ».
Patriote, mais non point chauvin, aucune nationalité ne lui fut
indilTérentc. Il en est même arrivé, bien à tort, à passer pour un
cosmopolite. Le l'ait est qu'il ne s'est généralement pas préoccupé
de s'adapter au public français pour lequel il écrivait, et, lorsqu'il
l'a séduit, ce fut par rencontre. A l'heure qu'il est, à en juger par
nos plus notables histoires de la littérature, sa pensée et son œuvre
ne paraissent occuper chez nous qu'une place modeste.
Un Allemand se trouvait par conséquent plus apte qu'un Français
à pénétrer les origines philosophiques de Quinet. Le mérite de
I\I. Ulrich Molsen est de s'être acquitté de ce travail avec une mé-
thode sûre, et une documentation incomparable'. Il retrace la jeu-
nesse inquiète de Quinet, e.xhume ses [iremiers essais, demeurés
manuscrits, indique l'inlluence que le philosophe Herder a exercée
sur son traducteur, et, des Tablettes du Juif errant , passe à l'analyse
critique à' Ahasvérus, dont voici, en substance, les coiclusions :
1° On retrouve dans Ahasvérus les idées directrices exposées par
Herder dans la préface de sa Philosophie de l'humanité : Tout indi-
vidu doit affranchir sa pensée des dogmatismes qui cherchent à
l'enchaîner, et l'humanité elle-même doit poursuivre sa lutte contre
les forces hostiles de la nature. 2" l'Ultramontanismc, le Jésuitisme
ont fait leur temps. S'il faut k l'homme un Dieu nouveau, les
« attributs » de ce Dieu sont la Liberté, la Raison, la Justice.
3° Ahasvérus s'inspire du Faust de Goethe, mais sans plagiat.
Comme Goethe, Edgar Quinet s'est dégagé du pessimisme, de la
mélancolie, du fau.x romantisme, pour s'élever à la conception
d'une vie ennoblie et sanctifiée par l'effort. 4° Ahasvérus est le
symbole de l'humanité, en marche vers une vérité toujours fuyante,
vers un absolu insaisissable.
Le travail de M. Molsen no nous conduit que jusqu'en i833, et
Quinet est mort en 1870. Mais on voit et on sent qu'il le connaît à
fond, et qu'il admire plus encore son caractère que son talent. Eu
terminant, il lui applique ce mot : Dieser ist ein Mann geivesen, und
das heisst ein Kàmpjer sein. C'est ce qu'oublient beaucoup trop
ceux qui, chez, nous, traitent Quinet eu simple homme de lettres.
C Senil.
I. La liiblioijrapliic (p. lo à lO) nous a révclé do nombreux opusculi's ou articles
soit inconnus, soit néijliyés en France. .M. iMolsen a e.vploré avec le plus gi-auJ
soin les inédils de Quinel, don de sa veuve à la Bibliothèque nationale.
BlBI.IilORAl'HIE l8()
Livres nouveaux
Charli's-F rancis Adams, Stiidies militarj and diplomatie, 1775-
i805. New-York. Macmillaii. In-8° ; 2 s. 5o. — A. Aulard, Les
grands orateurs do la Révolution : Mirabeau, Vergniaud, Danton,
Robespierre. Paris, Rieder. 1914- In-8° de 3o3 p., avec pi.; 7 fr. 5o.
— Fernand Autorde, Archives départementales de la Creuse. Ré-
pertoire numérique. Série L. (Période révolutionnaire). Guéret,
Impr. Centrale, igiS. In-4° de 90 col. — Paul Ballaguy, Un gé-
néral de l'an deux, Charles Seriziat (1756-1802). Lyon, Rey, 1918.
In-8° de .\n-348 p., avec illustr. ; 7 fr. 5o. — Otto Bitense, Meck-
lenburg imd die Mecklenburger in der grossen Zeit der dentschen
Befreiungskriege (i8i3-i8i5). Neubrandenburg, Nachmacher, 1918.
ln-8° de viii-208 p. et cartes; 4 fr.6o. — Albert Blossier, Cahiers
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1789. Caen, Impr. G. Poisson, 1918. ln-8" de Lin-2i4 p. — • Pierre
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Paris, Alcan, 1914 [igiS]. In-i6 de xni-254 p., avec 2 cartes; 3 fr.
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du Jura en i8i5. Paris, Imhaus et Chapelot, 1918. In-8" de 35 p. ;
75 cent. — Comte Boulay de la Meurthe, Correspondance du
duc d'P]nghien (i8oi-i8o4), et documents sur son enlèvement et sa
mort. Tome IV. Paris, A. Picard, 1918. In-8° de xxvi-2g9 p. — • Le
Régime de l'industrie en France de i8i4 à i83o. Recueil de textes
publiés par Georges Bourgin et Hubert Bourgin. Tome !"■ (mai
i8i4-mai 1821). Paris, A. Picard, 1912. ln-8° de xxi-888 p.. —
A. Bresson, Les prêtres de la Haute-Marne déportés sous la Conven-
tion et le Directoire. Langres, Impr. champenoise, 1918. In-8° de
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bis zum Ende des XVIII. Jalirhunderts. II. Gotiia. Perthes, 1918. In-8°
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Contribution à l'histoire dos réformes de Joseph II on Belgique.
Bruxelles. Woissenbruch, 1912. In-8° do 190 p. — André Chénier,
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1918. In-8° ; 7 fr. 5o. — Arthur Chuquet, Inédits napoléoniens. Pa-
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igO REVIE HISTORTyl-E DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
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igiS. In-S" de xxix-iCS p. et fig. ; 5 fr. — E. Dubois, Les préli-
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ment de la Drôme de 1800 à 1802. Valence, Impr. Céas, igiS.
In-8° de vii-254 p. ; 5 fr. — Abbé P.-M. Favret, Abbaye de Saint-
Remi de Reims : Inventaire des 28, 29 et 3o avril 1790. Reims,
Impr. Monce, iiji3. In-8° de 12 ji. — P.-M. Favret, Inventaire de
l'abbaye d'Etival (1790). Épinal, Impr. nouvelle. igiS. In-8° de
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Paris, Bloud, igi4- In-8° de 70g p., avec grav. et portraits. —
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en Suède, d'après des documents inédits. Paris. Pion, igi3. In-i6
de vi-3i5 p.; 3 fr. 5o. — Journal du Capitaine François, dit le
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192 REVLE HISTORIQUE DE LA REVOLITIO.N FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
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L'évacuation de l'Espagne et l'invasion dans le Midi (Juin 18 13-
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intérieur établi par le Comité de surveillance pour la police des
maisons nationales où étaient détenus les suspects, règlement daté
du G octobre 1798, et liste des personnes mises en état d'arrestation
par le Comité de surveillance du dépaitement des Côtes-du-Nord].
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de tachvyiaplies à l'époque de la Révolution (les Coulon de Théve-
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Bulletins de la Société des lettres, sciences et arts de la Cor-
rèze. — Juillet-septembre ir/i3 : \ ■ Forot. l^es émigrés corréziens
pendant la période révolutionnaire et la nomenclature de leurs biens
séquestrés; J. Plantadis, Les conventionnels Brival etLanot, députés
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Bulletin de la Société Gorini. — Juillet igi3 : Q' G. Rebocl,
Un cuié en Bresse pendant la Ri'volution : Notice sur Pierre Reboul
(suite en octobre').
Bulletin de la Société Robespierre. — Janvier-juin igi3 :
Compic rendu moral de la Société Robespierre pour l'année 1912 ;
Compte rendu financier [la Société Robespierre accuse 44 adhérents
au !"■ janvier 1918, soit 8 de plus qu'au i"' janvier 1912]; Robes-
pierre jugé par ]NL Adalbert \Vahl [extraits tirés d'une étude parue
dans la Revue historique de la Révolution française et de l'Empire] ;
Charles Vellay, Robesjiierre dans l'œuvre de Pierre Kropotkine
[malgré l'influence qu'ont exercée sur M. Pierre Kropotkine les histo-
riens hostiles à Robespierre, cet écrivain a su. dans son livre sur la
Grande Révolution, rendre justice au grand révolutionnaire]; Ro-
bespierre dans l'enseignement public [suite de l'enquête, commencée
dans les numéros précédents, sur les appréciations malveillantes
dont Robespierre est l'objet dans les manuels d'histoire en usage
dans les écoles publiques]; Chronique robcspierriste (Société Robes-
pierre, Le mouvement robespierriste dans les départements, Jour-
naux et Revues).
Bulletin du Comité d'art chrétien [Nîmes]. — XÇigis) : Albert
Durand, Histoire religieuse du département du Gard |)endant la
PÉRIODIQUES 195
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militaires de Jean-Auguste Oyon (1783-1852) (suite en juillet); Vi-
comte de Saint-Geniès, Le gc^néral de division vicomte de Saint-
Geniès (1777-1889) (suite en juillet); Lettre du chirurgien-major
Lagneau, du 4° régiment de tirailleurs de la Garde (i8i3); J. Du-
BiEUx, Cornet acoustique donné en récompense à un officier de
l'armée d'Orient (1800). — Juillet : H. Defontaine, Le colonel d'ar-
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Lu mort de Moreau ; Lotlres inédites de Bonaparte et de M™' Bona-
parte. — 1" octobre : D' F.-F. Vallon, Diderot intempérant, ma-
lade et garde-malade ; La nourrice du Roi de Rome. — i5 octobre :
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Contemporains (Les). — 28 septembre igi3 : R. Le Cholleux,
Louis-Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthièvre (1725-1798). —
5 octobre : F. Normand, Maréchal Maison (i 771-1840). — 12 oc-
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Thierry, Gazetiers et journalistes d'autrefois : le chevalier de
Champcenetz ; Edouard Gachot, Quelques notes sur le i4 juillet
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couronné : Paul \", empereur de Russie.
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Louis Castel, ancien médecin de l'hôpital de la Garde impériale,
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Kaiser Wilhelin I und des Prinzen Friedrich von Oranien aus den
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dein Lclien ineiiics Grossvalers Friedrich Kiimincll, 1810-1814.
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Illustrierte Blatt (Das) [Francfort]. — a3 août igi3 : General-
stal)saizl D^ K., « La recherche est interdite », ein Geschichtchen
ans lilu'inhesseiis Kranzosenzeit.
Illustrierte Zeitung [Leipzig]. — CA'A'AYA' ({()i3) : Theod.
LiNDNER, « i8i3 » ; A. FouRNiER, Napoléon ; Ferdinand Goetz, Frie-
drich Liidwig Jahn und seine Tiirner in den Freiheitskriegen ;
Walter Bloem, Das Lied als Freiheitsschwert ; A. Wulffius, Rnss-
land im Jahre i8i3 ; Georg KAUFMArw, Breslau im Jahre i8i3 ;
G. S. Urff. Die Srhlacht lie! Haiiau am 3o. nnd 3i. Oktober i8i3.
Intermédiaire des chercheurs et curieux. — 10 septembre
igi3 : Santerre et la mort de Louis XVI (suite le 20 octobre);
A propos de Blùcher (suite le 3o octobre); La voilure de Napoléon
à Waterloo. — 20 septembre : L'hôtel de M. de Lal'ayette. — 3o sep-
tembre : La condamnation de Louis XVI et la franc-maçonnerie
(suite le 20 octobre); Louis XVIII à Blankenfeld en i8o4 (suite les
10 et 20 octobre); Volney demande un réverbère. — 10 octobre :
Axel de Fersen : documents k Montréal (suite le 3o octobre);
Guerres de Vendée : les prisonniers de Saint-Florent (suite le 20 oc-
tobre). — 20 octobre : Marat assassiné dans sa baignoire, tableau
de David ; La femme du général Hugo et les Vendéens ; Un Enragé
végétarien en l'an V. — 3o octobre : Arrestation de Thérésa Cabarrus.
Internationale Monatsschrift. — Octobre igi3 : G. Kaufmann,
Goethe unil die Fipihcitskricge.
Journal des sciences militaires. — j5 août igi3 : Lieutenant-
colonel BuAT, Les Allemands en Russie (1812); Capitaine Borrey,
Le général Lecourbe et son sv.stème de défense du Jura en i8i5.
Jurnal ministerstva narodnago prosvesceniia. — Août
igi3 : P. I. TiKHOV. La niéderine en Russie au temps des guerres
napoléoniennes.
Korrespondenzblatt des Gesammtvereins der deutschen Ge-
schichts- und Altertumsvereine. — LXf (i<ji3), g-io : Klinken-
BORG. IJie FhiihtLUHj der Arcliivalien von Berlin nach Breslau und
Kônigsberg im Jahre i8i3.
Lectures pour tous. — /" octobre igi3 : G. Lenôtre, Marie-
Antoinette a la Conciergerie.
Légitimité (La). — Août-septembre igi3 : Osmond, Réplique k
M. Vaissière [sur Naundorff] ; A. Lanne. Un démenti à M. François
Laurentie [sur Naundorfl"] ; Osmond, Réplique à M. Laurentie
[sur Naundorfl]. — Octobre : Osmond, M. de Manteyer tantôt notre
allié, tantôt notre adversaire [sur l'affaire Naundorff].
Lehrproben und Lehrgànge. — ig'3, Heft 4 : Herman.m, Der
Geist des Ldtzowschen Freikorps.
igo HEVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
Literarische Rundschau. — i" septembre igi3 : A. Herrmann,
Xoiivrlli's |ialili(ati(iiis pour l'histoire de la Révolution frani;aisc et
de Napolron.
Lyon médical. — CXXl (jgiS) : J. Drivon. Le corps de santé
lyonnais pendant la Tem-ur.
Mémoires et documents de l'Académie salésienne. — .V.Y.VV
(^igi2) : AIiIk' Mouthon, La Révolution dans la vallée de Boëge.
Militàr-Wochenblatt. — igrS, n" ii8: Die Schlacht bei Dennc-
witz am 6. Septomher i8i3. — i2/ : Das Troiren an der Gfihrde
am iC). September i8i3. — i34 : W'ailenburg : ^. Oktober i8i3.
Mitteilungen der kôniglich-preussischen Archivverwaltung.
— igio, Hejt 23 : Enist Musebeck, Frciwiliiçp» Gai)iMÈ uml < Jpl'cr
des preussisrhi'ii Vnlkos in den Jabrt'n i8i3-i8ir).
Mitteilungen der ôsterreichischen Gesellschaft fur Miinz- und
Medaillenkunde. — Décembre nji2 : Renner. Noue .Modaillen
und Plakilten l'ur Sakularfeier des Jahres i8i3.
Mitteilungen des Vereins fur Geschichte der Deutschen in
Bôhmen. — LU (igi3), i .- J. Friedrich. Dio Franzosen im Doutsch-
Galjler Hczirko iin Jahre i8i3; K. Ludwh;. Karlshad wahrend der
BeiVeinngskrirqe.
Mitteilungen des Vereins fur nassauische Altertumskunde. —
XVI <^i(ji3), 2 .• E. Si:haus, ^^■ilhelnl Lndwif| Medicus, i73i)-i8il);
F. Seibert-Panroo, FreiheiT von Stein und Herr von Marschall,
i8i3.
Mois littéraire et pittoresque (Le). — Septembre iyi3 : G. Hue
et R. do GoNTAUT-BiRON, Le roman d'un obscur ('>irondin : Jacques
Boilleau.
Monatshefte der Comeniusgesellschaft. — Septembre igi3 :
Die Freiniaurer im Diinste der Ideen von i8i3, nach Berichten eines
russisclicn Gênerais.
Monistische Jahrhundert(Das). — If(ig/3), 2g : Marie Gampert,
Denis Diderot.
Muséum Journal (The) [Philadelphie]. — IV (igi3), 2 : E. P.
WiLKiNs, .Napoléons Egvpt.
Neue Zeit (Die). — XXXII (igi3), 3 : Hermann Wendel, Der
Tag von Leipzig. — 4-3 '■ Georg Schuhmacher, Die Kontinenlalsperre
und ihre Wirkungen auf die links- und rechisrluMuischen Indiis-
triez\vçii|e.
Nineteenth Century and afteriThe). — Août igi3 .- Mrs. Law-
rence, Pctersburg in i8o('>. — Octobre : F. Gkibble, Denis Diderot.
Nord und Sud. hiillel igi3 : \. Fournier, Hanlenberg, Hum-
boldl uiiil Mctternich aul' dom Wiener KiuKiress.
PERIODIQUES 199
Panache (Le). — • aojuillef iqi3 : Vicomte de Reiset, Joséphine
(le Siivciie, comtesse de Provence (suite \eS août). — 20 septembre :
P. de Pradel de Lamase, Notes intimes d'un émiçjré (suite le 5 oc-
tobre). •
Pays lorrain et le pays messin (Le). — 20 octobre igi3 : Jean
JiLLiEN, Metz en i8i3 et i8i4 : Récit de M. Michel, directeur des
postes de la Moselle ; C. Clouoald, Récit de l'émigration d'une fa-
mille lorraine aux Etats-Unis d'Amérique en i83o.
Protestantenblatt. — XLVI {igi3), 43 : Zscharnack, Die Frôm-
migkeil ilcr Freilioitskriege (suite dans les numéros 44 et 45)-
Quarterly Review (Thei. ^ Octobre iyi3 : C. W. Oman,
« 181 3 ».
Questions ecclésiastiques. — Septembre igi3 : F. Uzureau,
Un martyr de la loi en 1794-
Rassegnanazionale (La). — 16 Juillet igi3 : L. Cappelletti, Il
principe di Metternicli c la contessa di Lieven.
Révolution dans les Vosges (La). — i4 octobre igi2 : E. Mar-
tin, Les cahiers de doh'-ances du bailliage de Mirecourt (fin le i4 jan-
vier iyi3) [cahiers des communautés; l'esprit du peuple en 1789;
liste des membres de la noblesse et du clergé ayant pris part à l'as-
semblée générale du 16 mars 1789]; C. Cornu, L'assassinat de Ma-
rie-Fiançoise Pommier, femme de François (de Ncufchàteau) [as-
sassinat commis à Vicherey, le 18 thermidor an XII] ; Léon Schwab,
Les femmes aux armées. — 1 4 janvier igi3 : E. Richard, Ru.ssang
pendant la Révolution [chapitre I : administration municipale];
Georges Boizot, Les forges vosgiennes en l'an IV [documents con-
servés aux Archives départementales des Vosges et relatifs à la situa-
tion de la métallurgie du fer dans ce département en 1796] ; Paul
Boudet, Les sources de l'histoire du département des Vosges, de
1789 a 1800, aux Archives nationales [administration départementale,
comptabilité générale] ; André Philippe, Un appel de François (de
Neufchàteau) à la commune de Paris (20 se[itembre 1798) [lettre
par laquelle François (de Neufchàteau) annonce a la commune de
Paris l'envoi de son mémoire justificatif à propos de l'affaire de
Paméla].
Révolution française (La). — i4 septembre igi3 : J. Savina,
Les Fédérés du Finistère pour la garde de la Convention (décembre
1792-mai 1798); M. Blanchard, Une campagne de brochures dans
l'agitation dauphinoise de l'été de 1788 ; P. Chevrelx, A propos des
premiers lycées de 1802 - i8o4; A. Blossier, La famille de Musset
à Vendôme pendant la Révolution ; L'organisation du district de
Mur-de-Barrez. — i4 octobre : A. Aulard, La Féodalité sous la
200 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
Révolution : survivance, vicissitudes, suppression; C. Perroud,
André Chénier à Versailles en 1798; A. Artonne, Les papiers de
Maignel ; E. Lebègue, Thouret et le bicamérisme.
Revue (La). — i" septembre t(ji3 : F. Caussy, Voltaire à Ferney.
— i^' octobre : A. Chuouet, Alexandre, l'éphémère ministre. —
j5 octobre : C. Flammarion, Diderot.
Revue alsacienne illustrée. — 'y'-^t 'i" 4 ■' G. Delahache, L'in-
surrection (le Stiasliourf[, 3o octobre i836.
Revue catholique d'Alsace. — XXXII {kjiS), i-4 : A. M. P. In-
GOLD, Les premières années de Louis de Béer, gouverneur de Béné-
vent, i8o3-i8o4.
Revue catholique de Normandie. — 15 juillet iyi3 : E. Seves-
tre, Etudes (jénéi'ales du wiii*^ siècle et de la Révolution intéres-
sant l'histoire de la Normandie.
Revue catholique des institutions et du droit. — Juillet igi3 :
Geoffroy de Grandmaison, Pie Vil à Fontainebleau. — Août : G.
Gautherot, L'agonie des cathédrales à l'époque révolutionnaire.
Revue catholique et royaliste. — 20 juillet igi3 : F. Clavequin,
Réformes administratives de Louis XVI. — 20 août : A. Granel,
Les conséquences réparatrices de la Révolution française. — 20 sep-
tembre : E. Clavequin, Réformes administratives de Louis XVI
avant la Révnliilion. — 20 octobre : E. Clavequin, Denis Diderot.
Revue critique des idées et des livres (La). — 10 juillet igi3:
F. R., Les plagiaires de la Révolution française [à propos de La Ré-
volution française et l'Amérique du Sud de M. Luis-Alberto de
Herrera] ; Henri Cellerier, Le Périgord en i8i3. — 10 septembre :^
Henri Rouzaud, Un ministre de la Restauration : le comte de Mont-
bel. — 10 ni'tàhre : Le général de Partourneau.K à la Bérésina.
Revue de Bretagne. — Mars igi3 : P. Nicol, Les prisonniers
du château de Penvern : épisode de la chouannerie morbihannaise
sous le Consulat.
Revue de Gascogne. — Juillet-août igi3 : C. Laff.4^rgue, Etudes
d'histoire révolutionnaire (suite en septembre-octobre).
Revue de l'Agenais. — Juillet-août igi3 : R. Bonnat, Crvpto-
graphie agenaise. ou .lournal secret d'.\gen, depuis le i"inars i8i4
jusques à pareil jour 181 7, de Jean-Florimond Boudon de Saint-
Amans ; Duffau, La Révolution française dans la commune de Sos;
P. Lauzun, Les correspondants de Borv de Saint- N'incenl : .lean-
Florimond Boudon de Saint-.\mans.
Revue de l'histoire de 'Versailles et de Seine-et-Oise. - Mid
iyi3 : l\. du Lac, lu sous-[>rérel à Rambouillet sous la Restauration.
CHRONIQUE
A nos lecteurs. — Après avoir paru sur i6o pages en igio et en
Kjii, sur 176 pages en 1912, et sur 192 pages en 1918, les fasci-
cules de la Revue historique de la Révolution française et de
l'Empire paraîtront désormais sur 208 pages, formant ainsi, avec
les fascicules des Œuvres complètes de Maximilien Robespierre,
un total annuel de 1088 pages.
A travers les journaux. — Parmi les articles d'histoire publiés,
au cours de ces derniers mois (du i"^ septembre au 1" décembre
1918), par les journaux quotidiens, nous relevons les titres suivants :
Les diplomates de la Révolution, par M. L. Beaujeu, dans
r Action française du 3o octobre;
Le vandalisme jacobin, par M. G. Gautherot, dans la Croix du
7 novembre ;
Qui a brûlé Moscou? par I\I. Frédéric Masson, dans l'Echo de
Paris du 7 septembre ; Madame de Favras, par M. Paul Gaulot
(jbid., 9 septembre); Le maréchal Neij, du i3 au 20 mars i8i5,
par M. Frédéric Masson (ibid., 21 et 28 septembre); La duchesse
d'Orléans et Madame de Genlis, par M. Frédéric Masson (ibid.,
20 octobre) ;
La bataille de Leipzig, par M. Joseph Bon, dans l'Eclair du
i5 octobre; La mort de Sainte-Hélène, par M. Georges Montor-
gueil {ibid., 21 novembre);
L'exécution du duc d'Enghien et l'Europe, par M. le comte
d'Haussonville, dans le Figaro du 17 septembre; Au bas des lettres
de Madame Roland, par M. Henry Roujon (jbid., 27 septembre);
Le carlin de M^^ Joséphine Bonaparte, par M. Georges Gain (jbid.,
ig octobre); Le prince Auguste de Prusse, Madame de Staël et
Madame Récamier, par M. le comte d'Haussonville (j6;V/., 22 no-
vembre) ;
Eine judische Kàmpferin in den Freiheitskriegen : Esther Manuel-
Grafemus, dans la Frankfurter Zeitung du i3 septembre; Eine
wiedergefundene Napoleonstatue [œuvre de Chaudet, retrouvée à
202 REVUE HISTORIQUE DE L\ REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
Cassel] {ibid., i4 septembre); Ein Bliicher-Brief, 23. Juif 1810
(Jbid., 17 octobre); Von Liitsen bis Leipziij, par M. K. A. Junge
(ibid., 18 octobre); Die liheinbundtrnppen bei Leipzig, par
M. K. A. J. (ibid., 19 octobre); Wie starb Joseph Poniatowski?
par M. Paul Holzhausen {ibid., 28 octobre); Die SchlaclU bei
Haiiau, par M. K. A. Junge (Jbid., 2g octobre); Napoléons Plan der
Eroberang Marokkos. 1808 {ibid., i!^ novembre); Die Plebiszite
der franzôsischen Reunlution und Napoléon /. (ibid., lO novembre) ;
La défection du général .loniini, par M. P. Contamine de Latour,
diins le Gaulois du 20 septembre ; Napoléon et la bibliographie,
par M. B'ri^deric Masson {ibid., 12 octobre); Il y a cent ans : no-
vembre 181.3, par M. G. Servières {ibid., 1" novembre) ; Le 18 Bru-
maire et la réalité, par M. Frédéric Masson {ibid., 9 novembre);
L'armée de Condé, iyg3-i8oo, par M. Frédéric .Masson {ibid-,
12 novembre); Une lettre apocryphe : Le maréchal Ney au
prince d'Essling en mai 1810, par M. le général Bonnal {ibid.,
17 novembre);
Souvenirs de médecins de la Grande-Armée, par M. G. Malet, dans
la Gazette de France du G octobre ; La Bataille des Nations
{Leipzig) {ibid., 27 octobre); Le général Damoariez, par M. G. Malet
{ibid., 2-3 novembre); Paris en 1802, par M. G. Malet {ibid.,
17 novembre) ;
La perte de la Valteline [i8i5], par M. Ed. Secretan, dans la
Gazette de Lausanne du 21 septembre; La bataille de Leipzig,
16-18 octobre i8i3, par M. le comte de Sérignan (j'^/W., iC et 17 oc-
tobre) ;
La bataille de Leipzig, lO-iy octobre i8i3, par M. Pierre .\ncel,
dans l'Homme libre du 17 octobre;
Josepli II et Marie-.\ntoinette , [lar .M. Pierre de Nolliac, dans le
Journcd des Débats à\i 10 septembre; Marie-Antoinette, Fersen et
Barnave, par AI. Fernand de Brinon {ibid., 10 octobre); La bataille
des Nations {Leipzig'), par M. Henri Welscliiuger {ibid., i5 octo-
bre); L'abbé Edgeworth, par M. A. Filon {ibid., 3t octobre);
l'n Mi lord ii Paris en 1802, par M. J. A. {ibid., 1" novembre);
Le Hameau de Marie-Antoinette, par M. Pierre de Nolhac {ibid.,
5 novembre) ;
La Révolution et les séditia/is niilituires, par .M. Léon Gosset,
dans la Liberté du 16 septembre; Un Anglais à Paris en i8o2>
par M. Etienne Gharles {ibid., i5 novembre);
Le pédantisme musical et Napoléon, par M. Phvlax, dans la
Libre Parole du 17 novembre ; .Vos ports de guerre pendant la Ré-
volution, par M. Edouard nrumoat {ibid., 22 novembre);
CHRONIQUE 203
Robespierre et la presse rroolationnaire, par M. Michel Bor-
rossi, dans la Petite République du 14 novembre;
Une victoire nationale : Zurich {25-26 septembre ijgQ), par
M. le colonel X., dans le Petit Journal du 28 septembre;
L'impôt sur le revenu sous Louis-P/iilippe, par M. Jules Roche,
dans le Petit Marseillais du i3 septembre;
Les dépenses d'un empereur [Napoléon I^''], par M. Jean Frollo,
dans le Petit Parisien du 16 septembre ;
Les Volontaires des Bouclies-du-Rhdne (^i-^gi-ijg2'), par M. le
lieutenant Vialla, dans le Petit Provençal du 4 novembre ;
Robespierre et la Terreur, par M. H. Ghesquière, dans le Réveil
du Nord du 6 septembre ; Robespierre et les bourgeois, par
M. H. Ghesquière (ibid., i3 septembre);
Au camp de Grenelle (^i/g6), par M. J. .Mantenay, dans le Soleil
du 28 septembre; La Reine Marie-Antoinette et Lamartine, par
M. le général Rebillot (jbid., 9 octobre) ; L'anniversaire de la ba-
taille de Leipzig {18 octobre i8i3), par M. 0. Havard (ibid.,
18 octobre; Une mission secrète [auprès de Ferdinand VII d'Es-
paçjne, à Valençay, en i8i3], par M. J. Mantenay [ibid., i5 no-
vembre) ;
Le maréchal Ondinot, par M. A. Mézières, dans le Temps du
2 septembre ; L'odyssée de iauniànier de Louis XVI, par M. Mon-
joux-Gapillery {ibid., 28 septembre); André Chénier Journaliste,
par M. G. D. {ibid., 12 octobre); La bataille de Leipzig {i6-ig oc-
tobre i8i3), par M. Réginald Kann {ibid., 17 octobre); La fonda-
tion de Napoléon-Vendée, par M. G. Lenotre {ibid., 29 octobre);
En marge [sur André Chénier], par M. Henry Roujon {ibid., i no-
vembre) ;
Les « mystiques atrocités » de la Révolution, par M. G. Gau-
therot, dans l'Univers des i'^'' et 2 septembre; Les assassins de la
Reine [Marie-Antoinette], par M. G. Gaulherot {ibid., i3-i4 octo-
bre); Un épisode de la bataille de Leipzig, par M. Saint-Roman
{ibid., 22 octobre); La Révolution ^^ française » et l'étranger, par
M. G. Gautherot {ibid., 4 novembre); L'oeuvre politique d'André
Cliénier, par M. Ssânt-Romaa {ibid., i4 novembre); Napoléon et
le comte de Fersen, par M. H. G. Fromm {ibid., 3o novembre).
Le bi-centenaire de Diderot. — Le 5 octobre 1913, à l'occasion
du bi-cculeuaire de la naissance de Diderot, notre collaborateur
Otto Karmin a fait une conférence sur le grand écrivain, à Lis-
bonne, dans l'ancienne église du Saint-Sauveur, devenue aujour-
d'hui le siège du Cercle Magalhaës Lima.
204 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'e.MPIRE
Les incidents des Archives nationales. — Des incidents assez
vifs se sont produits, dans le courant du mois de décembre, aux
Archives nationales.
Le 8 décembre, M. Ernest d'Hauterivo, dont on connaît les tra-
vaux sur la période impériale, déposait entre les mains de M. Lan-
glois, directeur des Archives, une plainte contre M. Aulard. Ce der-
nier }• était accusé d'avoir altéré une quantité considérable de
documents conservés aux Archives nationales, de les avoir raturés,
de les avoir surchargés de marques diverses au crayon rouge ou
noir, d'avoir corrigé des dates, rectifié des noms, de s'être livré
enfin, contre ces documents, a un travail de destruction ou d'altéra-
tion d'une extrême gravité.
Le directeur des Archives communiqua à .M. Aulard la plainte
dirigée contre lui. Celui-ci la retourna, le 1 1 décembre, en se con-
tentant de nier sa culpabilité.
Le directeur des Archives décida alors d'ouvrir une enquête, et
M. Aulard fut avisé, dès le 12 ou le 1 3 décembre, de cette décision.
M. Aulard résolut, pour écarter l'orage qui le menaçait, de lancer
contre le directeur des Archives une accu.sation d'une autre nature.
Il donna au Matin les éléments d'un article qui parut le i5 dé-
cembre sous ce titre : D'importants documents historiques ont dis-
paru des Archives nationales. En même temps il inondait toute la
presse d'articles, d'interviews, de lettres, de communications diver-
ses, afin de submerger sous les invectives le directeur des Archives,
accusé par lui d'avoir envoyé au pilon des documents de la plus
haute importance.
Or, la destruction de ces documents avait été faite en vertu des
règlements eu.x-mèmes ; elle remontait à six mois en arrière, au
mois de juillet 1918, et M. Aulard ne .s'en était souvenu que pour
s'en faire une arme tardive contre le directeur des Archives ; enfin,
les documents détruits n'avaient aucune valeur et ne présentaient
aucun intérêt d'aucune sorte. Au reste, l'incident fut clos, dès le
20 décembre, par ta note ministérielle suivante :
A la suite d'accusations lancées dans le public contre la direction des
Archives, le ministre de l'instruction publique a ouvert une enquête qu'il
a personnellement menée et que ses occupations parlementaires l'ont em-
pêché de terminer plus tôt.
La direction des .\rchives a été accusée d'avoir procédé à des destruc-
tions de pièces importantes pour l'histoire du di.x-neuvièmc siècle et d'y
avoir procédé « illégalement », en ce sens ([u'clle aurait négligé de
recueillir l'avis de la commission consultative des Archives.
Sur le premier point, le ministre de l'instruction publique déclare que
CHRONIQUE 2o5
les documents détruits, pour la plupart conservés en double dans d'autres
dépôts, n'avaient aucune valeur et ne concernaient en rien, quoi qu'on en
ait (lit, l'histoire de la loi Falloux.
Sur le second, il déclare que la direction des Archives a agi en igiî
conformément aux précédents et n'a détruit de documents que dans les
sous-séries qui avaient été antérieurement l'objet de suppressions auto-
risées.
Néanmoins, pour éviter à l'avenir toute interprétation divergente, il se
propose de remanier le texte de l'arrêté ministériel pris en 1887 sur la
matière par M. Berthelot, en vertu duquel la commission des Archives
doit être consultée au sujet des suppressions de papiers inutiles.
Le premier iuciilent se trouvant ainsi terminé à la confusion de
M. Auiard, restait le second, c"est-;i-dire celui qu'avait soulevé la
plainte de M. Ernest d'Hauterive. Dans une lettre adressée à V Eclair,
et publiée dans le numéro du 22 décembre de ce journal, M. d'Hau-
terive précisait en ces termes ses accusations :
Quand j'ai constaté sur de très nombreux manuscrits des marques au
crayon, des corrections de noms, des traces, en un mot, d'un véritable
sabotage, j'ai comparé ces marques ou annotations aux publications de
M. Auiard et j'en suis arrivé à cette conclusion que seule la personne qui
avait choisi les documents en vue de la publication avait pu, pour abréger
son propre travail, faire ces marques en indiquant ainsi au copiste les
passages à reproduire. Il y a, en effet, une concordance rigoureuse entre
toutes ces annotations et les passages cités par M. Auiard.
En second lieu, aucun travailleur consultant des documents dans la
salle du public n'aurait pu employer un pareil procédé ; sous la surveil-
lance de l'archiviste président de la salle, des gardiens de bureau, du
public, il aurait été rapidement signalé. M. Auiard, au contraire, s'est
fait donner un bureau spécial, où il travaille seul, avec ses copistes, en
dehors de toute surveillance.
Enfin, les documents incriminés sont tous relatifs aux publications
de M. Auiard. Nulle part ailleurs, à ma connaissance du moins, on ne
•trouve des marques ainsi méthodiquement tracées.
Une enciuèle se poursuit à ce sujet aux Archives. Que M. Auiard en
ileniancle la publication. C'est la seule fa<;on dont il pourrait se justifier.
Aux yeux de tout historien, ces faits sont d'une gravité exceptionnelle
ilont le public ne comprend peut-être pas toute l'importance. Et ce qui
ajoute à leur gravité — et ceci le public le comprendra — c'est que celui
qui s'en est rendu coupable est le président même de la Commission des
Archives, c'est-à-dire l'homme qui devrait le plus avoir à cœur de veiller
sur la conservation des documents.
Vers la même date, .M. Augustin (lochin, signataire, lui aussi.
ao6
REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
d'une plainte contre M. Aulard, écrivait à ce dernier une lettre,
que le Matin du aS décembre publia, et dont voici les passages
essentiels :
J'ai dit, dans une Ictlre du 19 décembre, à M. le rédacteur en chef du
Malin, que vous aviez raturé des milliers de documents des Archives,
altéré des noms et des dates. Vous n'avez pas répondu un mot à ma
lettre — car injurier n'est pas répondre. .le prends acte de ce silence, qui
est un aveu, et je |)récise encore.
Publiant, aux irais du ministère, les arrêtés du Comité de Salut public,
vous aviez deux sources principales à consulter sans sortir de l'unique
fonds AF" des Archives nationales : les minutes de ces arrêtés et les copies
enregistrées par les divers bureaux du comité. Vous avez livré à vos
copistes la série des minutes et un des registres ; vous avez négligé tous
les autres, que vous connaissiez pourtant, puisque vous les citez comme
sources essentielles dans votre introduction. Vous ne les avez ouverts qu'a-
près dix-sept volumes parus, au bout de vingt ans, — trop tard : près de
800 arrêtés vous manquaient pour l'année de la Terreur. Tel registre
(AF"*22i) vous révélait 247 lacunes sur ses 275 premiers arrêtés; telle
collection numérotée de la commission d'agriculture, répétée sous onze
formes différentes, vous révélait 54 lacunes sur ses loo premiers numéros,
etc.. De là un erratum énorme, affolé, très incomplet d'ailleurs, qui pou-
vait se résumer en une seule ligne, ainsi conçue : J'ai négligé la moitié
des sources que j'avais indiquées moi-même. Vous avez préféré citer un
à un les arrêtés omis, en alléguant le chaos des archives — or il s'agit
de registres ; le mauvais vouloir des archivistes — or vous travaillez par
faveur spéciale dans un cabinet réservé, sans surveillance ni contrôle, et
vous êtes président de la commission supérieure des archives.
Chose plus grave, cet erratum a laissé des traces sur les documents
négligés. Quand l'arrêté se trouve aux deux fonds utilisés, donc à votre
recueil, vous pointez la pièce; quand il manque, vous marquez d'une
croix la pièce ; quand sa date diffère (ces variantes sont nombreuses),
vous corrigez la date de la pièce. Comme vous êtes pressé, vous vous
trompez, et vous raturez vos ratures sur la pièce : on croirait voir une
copie d'élève sabrée au crayon rouge par un professeur trop sévère.
Publiant dans le même recueil la correspondance des représentants en
mission, vous deviez compléter l'une par l'aulre deux séries : les lettres
originales — et les analyses enregistrées de ces lettres. Vous avez com-
mencé ce travail de collation, marquant à grands coups de crayon rouge
au registre des analyses (AF"* i4t) les articles manquant au.x originaux.
Mais vers l'article 4oo vous vous êtes découragé. Les marques s'espacent,
puis cessent — et, en effet, dans le surplus du registre, tout ce qui man-
que aux originaux manque à votre recueil — soit, pour les trois jours où
j'ai vérifié, de une à quatre lettres par jour.
Voilà, monsieur, quelques-uns des faits que j'ai signalés à M. le direc-
teur des Archives. J'en ai beaucoup d'autres à vos ordres, qui sufliraient.
CHUONIOIE 207
comme ceux-là, à disqualifier le moindre des élèves de l'École des Char-
les. L'enquête officielle en cours dira si j'ai tort ou raison.
Nous ne ferons pas état de tous les articles auxquels cet incident a
donné lieu, ni des lettres des divers intéressés. Ceux qui voudront
les connaître pourront consulter le Matin des i5, 18, 20, 21, 2a, 26,
24 et 28 décembre, le Temps du 21 décembre, l'Action des 21, 28
et 24 décembre, l'Homme libre du 21 décembre, le Gaulois du
28 décembre, le Radical du 21 décembre, l'Humanité du 24 dé-
cembre, la Libre Parole du 26 décembre. Nous nous contenterons
de dégager de ces incidents — dont le second n'est pas terminé —
la moralité qu'ils comportent.
On sait ce que nous pensons de l'œuvre historique de M. Aulard
Peu d'auteurs ont accumulé autant que celui-là les erreurs, les mé-
prises, les bévues de toute espèce. Son inintelligence des textes et
son ignorance des faits les plus connus et les plus clairs sont stupé-
fiantes. Malheureusement, la plupart de ses travaux sont publiés aux
frais de l'État et aux frais de la Ville de Paris, c'est-à-dire, en défi-
nitive, aux frais du public ; de telle sorte que des ouvrages .sans au-
cune valeur, et qui sont une source permanente d'erreurs pour tous
ceux qui les consultent, jouissent néanmoins d'une protection offi-
cielle et d'une garantie de continuité qui font défaut à des ouvrages
plus méritoires. C'est là un scandale qui a déjà été dénoncé et qu'il
ne faut pas se lasser de rappeler. En consacrant des sommes
énormes à la publication des travaux de M. Aulard, l'État et la
Mlle de Paris se livrent à une véritable dilapidation des deniers pu-
blics, car ces dépenses, si fructueuses pour .M. .\ulard, aboutissent
à une œuvre morte, beaucoup plus nuisible qu'utile, et qui, en tout
cas, ne répond en rien au but poursuivi, et n'apporte aucune aide
aux historiens.
Mais les faits que les incidents de ces jours derniers viennent de
mettre en lumière ajoutent une accu.sation grave à toutes celles
qu'on est en droit de porter contre M. Aulard, contre ses procédés
personnels, contre ses méthodes de travail. Ils nous le montrent
raturant, ou faisant raturer, on laissant raturer, des textes originaux,
dénaturant des pièces d'archives, se livrant enfin à une besogne
qui eiît immédiatement exposé tout autre que lui à des poursuites
judiciaires. M. Aulard travaille seul, avec ses secrétaires, dans un
cabinet particulier des Archives nationales, à l'abri de toute sur-
veillance. On voit à quels désastres aboutit une telle tolérance
quand elle s'exerce imprudemment au profit de personnages vis-
à-vis desquels aucune méfiance n'est supertlue. Il y aurait beau-
208 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
coup à dire à cet égard. Peut-être aurons-nous l'occasion de
revenir sur la gravité de ces faits et sur les conséquences et les
enseignements qu'ils entraînent. Président de la Commission
supérieure des Archives, président de la Société d'histoire de la
Révolution française, vice-président de la Commission de la vie
économique de la Révolution, professeur d'histoire de la Révolu-
tion française à la Sorbonne, M. Aulard, quoique discrédité depuis
longtemps aux yeux de tous les vrais historiens, jouit de toutes les
faveurs que dispense le pouvoir officiel. 11 a profité de cette situa-
tion privilégiée pour se faire accorder des subventions considérables
qui grèvent le budget de l'Etat, et pour plier sous sa férule le
peuple timide des archivistes et des fonctionnaires. Il serait
vraiment excessif que ce régime malfaisant, ce régime de tvrannie
et de caprice s'exerçât encore au détriment de nos Archives natio-
nales et des documents précieux qui y sont conservés. — C. V.
Le Directeur-Gérant : Charles Vellay.
NANCV-PAIUS, IMPRIMEIUE DERUEH'LEVRAL'LT
to^
TROIS LETTRES UNE DITES
DU
BARON DE LÛTZOW
A SIU FllANCIS DTVEMOIS
SUR LA GUERRE D'ESPAGNE
(1810-1812)
Né à Berlin le 24 mars 1786, Léopold Heinrich Wichard, baron
de Lûtzow, dit Léon de Lûtzow, frère cadet du célèbre comman-
dant des « chasseurs de Lûtzow », après avoir terminé ses éludes à
l'Académie militaire de cette ville, fut nommé, en mars i8o3,
officier au régiment prussien de la Garde n" i5 et prit part à la
bataille d'Auerstaedt.
Après la paix de Tilsit, Liitzow fut un des intermédiaires entre
Stein, Gneisenau, Scharnhorst et les « patriotes » westphaliens.
Lors de la prise d'armes de Schill il quitta l'armée et se joignit à
ce capitaine. Il s'empara de Kôthen par un mouvement hardi, mais
se sépara de son commandant après avoir vainement tenté de le
convaincre de la nécessité d'une marche sur la Westphalie, et au
moment où il le vit s'enfermer dans Stralsund. Il échappa ainsi à
la débâcle de Schill, entra au service de l'Autriche où, d'abord
sous-lieutenant, il fit bientôt partie de l'état-major du général
von Kienmayer. Après la paix de Vienne, il quitta l'Autriche, se
rendit, en passant par l'Angleterre, en Espagne, avec Karl Wilhelm
Georg von Grolmann (1777-1848) et Fabian, comte de Dohna, et
y prit du service à Cadix. Il assista ainsi successivement aux affaires
BEV. HIST. DE LA RÉVOL. 14
2 10 REVUE HISTORIQUE UE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
d'Albuera, Murviedro, Niebla et Quarte, et fut fait prisonnier à
Valence, le i3 janvier 1812. Transporté a Autun, il s'enfuit le 18
mars de la même année, et arriva au camp de Drissa le 2 juin. Passé
au service de la Russie, il prit part à toutes'les affaires jusqu'à la
première paix de Paris. Il reprit alors du service en Prusse, com-
battit sous les ordres de Blûcher à Ligny et à Waterloo, et fut
chargé par le maréchal d'apporter à Berlin la nouvelle de cette
bataille.
Devenu général (181 5), directeur de l'Ecole de guerre (i832-i 834),
commandant de la 9° brigade d'infanterie, puis de la 9' division
(i836), gouverneur de la ville de Berlin (i843), il mourut à Gotha
le 27 août i844-
Des trois lettres que nous publions ici et qui furent adressées par
lui à Sir François D'Ivcrnois, deux se rapportent à la guerre d'Es-
pagne, et sont datées de 1810. La troisième, un peu postérieure
(181 2), com|)orte surtout des réflexions sur la campagne de Russie;
mais, comme elle fait aussi, dans sa première partie, allusion aux
événements d'Espagne, nous l'avons jointe aux deux autres. Toutes
les trois sont conservées à la Bibliothèque publique et universitaire
de Genève (Papiers D'ivernois, Carton XII).
Otto Kar.min.
Monsieur ' 1
Après avoir attendu pour notre départ trois semaines à
Portsnioufh, nous sommes arrivés d'après une très bonne
voyaçe de quinze jours, dans les derniers jours d'Avril, à
Cadix. Je Vous aurois déjà écrit plutôt, Monsieur, pour Vous
repeter nos renierciments pour l'intérêt que ^'ous avez bien
voulu mettre à nos intentions ainsi que pour Vous donner de
nos nouvelles : si je n'avois jias attendu pour Vous parler de
notre placement, de Vous donner de détail sur la coniinission
t. Nous avons respecté l'orlhograplie de Lutzow. Ces lettres sont remplies
ilr germanismes extraordinaires; nous no prenons la peine de les signaler et de
li-s rei-lifier que là ou ils peuvent rendre le texte équivoque on inintelligible.
TROIS LETTRES INEDITES DU BARON DE LUTZOW 211
dont Vous m'avez chargé, et de pouvoir Vous dire mes idées
sur la situation des choses, tels qu'ils me sont présenté.
En arrivant ici nous trouvions que la régence avoit pris
l'idée de former un Corps des déserteurs de l'enneinis qui se
présentèrent. On nous disoit qu'on nous voudroit y employer,
pour se servir de nos personnes et de nos noms surtout dans
le commencement, vu qu'ensuite on nous employeroit dans
l'Etatmayor qui devoit être formé, et qui n'existe point
encore dans les armées d'Espagne. Nous acceptions cette
offre ; ce corps vient de se former dans la semaine passée
sous le nom de Légion e.\trangera, et on a donné a Mr. de
Grolman le grade de Major, ainsi qu'au Comte Dohna et à
moi des Compagnies. Le fond, le noyiau de ce corps doit se
former de soldats, natif hors d'Espagne, qui ont déjà servi
en Espagne ; on laisse le choix dans les diferents régiments
qui en ont, pour que les gens peuvent passer dans cette
Légion, ainsi que le commencement de cette formation
consiste de quelques centaines.
Je ne peux nier que je le trouve raissonable d'avoir fait un
essay de cette foimation : cependant moi, ainsi que je Vous ai
déjà dit à Londre, je n'attends pas beaucoup d'une telle
entreprise, ainsi que j'aurois préféré à me trouver de me voir
dans d'autres relations : mais voulant une fois entrer dans le
service d'Espagne, cette offre n'eloit pas à refuser. La forma-
tion se fait à l'Isle de Léon, lieu qui par sa situation naturelle
ne protège pas beaucoup les déserteurs qui veulent passer. Le
gouvernement espaa^nol nous a traité bien conforme au
recommandation du gouvernement anglois avec toute poli-
tesse et exprimant satisfaction de nous voir désirer son ser-
vice ; et des manières des autorités angloises, ainsi de Mr. Wel-
lesley* que de ceux de General Greham-, nous avons a nous
en louer beaucoup.
1. Henry WcUesley, baron Cowley, 1773-1847, envoyé extraordinaire, puis am-
bassadeur du Gouvernement britannique en Kspagne.
2. Peut-être Sir Thomas Graham, qui commanda l'aile gauche de Wellington en i8i3
2 I 2 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
Mr. Gaspard Jovellanos'^ n'etoit plus en Cadix quand nous
arrivions. La plus part des membres de la Junte suprême
se sont retiré d'après la dissolution d'elle dans les provin-
ces desquelles ils avoient été députés ; ainsi s'etoit retiré
Mr. Jovellanos en Asturie. J'ai tâché de m'informér des moyens
pour lui faire parvenir d'abord votre lettre, mais on ne me
pourroit pas indiquer le lieu ou il s'etoit retiré. Mr. Wau-
gham ^ m'a dit depuis que .Mr. Jovellanos arrivant en .\sturie
n'avoit pas été reçu très favorablement, ainsi qu'il avoit
choisi le moyen de se retirer pour le premier moment chez un
de ses amis, ce qu'il avoit exécuté avec tant de secret que
réellement on ne saurait pas même à Cadi.x ce lieu de son
choix. Mr. Waugham tenoit déjà trois lettres pour les lui faire
parvenir, et il s'est également chargé de lui faire parvenir le
votre sitôt qu'il se pourroit.
Je me suis donné toute peine pour faire passer Vos derniers
ouvrages dans les liJMairies de Cadi.x, sans que j'ai puis
réussir entièrement. Vous [sjavez en générale que le commerce
des livres se trouve encore en Espagne dans l'enfance. Les
libraii'es sont en même tems imprimeur et relieur, ne font
presque aucun autre commerce de livre que avec ceux de leur
impression et avec des livres anciens. Cadix y diferoit autrefois,
puisqu'il avoit plusieurs libraires francois qui firent le com-
merce de livres espagnols et francois dans une plus grande
extension. Mais ces libraires se trouvèrent avant la guerre sur
la protection du Consulat francois, ce qui leur a fait partager
le sort avec tous les habitans qui vivoienl lors du commence-
ment de la revolucion d'Espagne sous la protection du gou-
vernement francois : ils ont été arrêté et leur fortune a été
confisquée. .\près este' se trouve seulement un seul libraire a
Cadix qui fait un commerce avec des livres francois, tous les
autres, quoiqu'il y en a, en assez grand nombre, ne font que le
1. Don Gaspar-Melchior de Jovellanos, 1749-1811, ancien ministre de Charles III
cl de Charles IV^ ; ennemi de Godoy ; membre de la Junle suprême.
2. Charles Richard Vaughan, 1774-18/19, nomme secrétaire de la Lcijation britan-
nique en Espagne le 5 janvier 1810.
3. Mot espagnol qui signifie cela.
TROIS LETTKES INEDITES DU HARON DE I.UTZOW 2l3
commerce avec les (jazeUe et pamplets du jour, et avec des
vieux livres qu'ils envoyenl en Amérique. Ce libraire qui tra-
ri([ue avec des livres François me disoil au commencement de
vouloir pi-endre des exemplaires, à la fin il me declaroit qu'il
les reqardoit de trop cher, qu'il n'etoit pas l)ien sur d'y trou-
ver son compte et qu'il v renoncoit. Mais au lieu de cela il fait
la préposition d'en prendre une partie en commission. Il se
trouve chez lui également en conunission l'Ambiqu de Pel-
letier^, et il Vous fait la proposition. Monsieur, de lui faire
passer par cette même voie tant d'exemplaires que Vous
trouverez convenable, et sous les mêmes conditions qu'il a
l'Ambigu en commission. L'adresse de ce libraire est : Al
Librero Senor D" Carlos del Castillo, Calle de San P'rancisco,
en Cadix. Il vendra naturellement les livres pour le prix que
vous lui fixerez. Si Vous entrez, Monsieur, dans cette propo-
sition, je Vous prie de disposer de moi, si je Vous y pourrois
arranger quelque chose.
Mr. Waugham me dit d'avoir communiqué Vos livres à
Mrs. Gapmani-et Quintana^, dans l'intention, qu'ils en parlent,
et donnent des extraits dans des feuilles publique, et y fixent
de cela l'attention publique. La publicité a naturellement fait
de progresses en Espagne dans ce dernier tems : ils ont paru
au moins quelques bonnes ouvrages, pamplets et périodiques
tendant a chancer l'esprit et éclairer les idées. Mr. Capmani
et Ouintana s'y sont distinguée, l'un et l'autre a travaillé au
Semanario Patriotico, un de ces meilleurs périodiques, qui
fut défendu de continuer dans le dernier tems de la Junte
suprême. Tous deux sont des gens de lettre renomés en
Espagne et le premier etoit un des premiers coniis du
département de la guerre et l'est aujourd'hui de celui des
affaires étrangers.
Il m'a été naturellement du plus grand intérêt de voir de près
1. Le journaliste royaliste bien connu.
2. Don Antonio de Capmani y de Montpalaii, 1742-1813, secrétaire de l'Académie
royale d'histoire, un des plus remarquables philologues espagnols.
3. Manuel José de Quintana, 1772-1857, poète espagnol, auteur, entre autres, de
la célèbre Oda a la mar et de Vidas de Espanoles célèbres.
2l4 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
l'etal de chose dans ce pais qui par ces actions s'est si forte-
ment disliiifjué parmi le reste de l'Europe dans ces années
dernier. Erjalcment se sont naturellement changés plusieurs
de mes vues, et m'ont donné plus de clarté sur les raisons et
les effets : quoique en générale sur l'entier de la situacion mes
idées sont restés les mêmes.
La nation espagnole est susceptible avec force el persévé-
rance de suivre les idées qui se lui présentent comme vrai el
juste. Ils y donnent sans penser au suites personelles qui
peuvent en naitre pour eux, ils n'y reflechient pas, ils suivent
la vivacité de leur sentiment. Cette manque de reflection,
leur faisant suivre l'instinct naturel el les opinions orgueil-
leuses qu'ils ont d'eux mêmes, a fait naitre la révolution
d'Espagne; la persévérance dans leur caractère l'a fait
continuer et a fait paroitre' les exploits qu'ils ont réelle-
ment fait : mais cet même manque de reflection, les peux
de lumières qui sont vulgaires-, les peux d'hommes qui
connoissent le vrai intérêt de la nation et savent la guider
dans ses grands relations, le rende si dificile et presque
imposible que la nation, comme nation, atteint leur but, si le
sort ne lui accorde un grand homme qui se jette à leur tête.
L'état du monde actuel où l'intelligence est généralement
séparé de la volonté et de force dans le caractère^ nous
présente dans notre tems si rarement de grands hommes, et
on en cherche en vain dans la guerre de l'Espagne.
Avant la révolution en Espagne, Napoléon jouissoit de la
plus grande vénération en Espagne; on dit qu'il v avoil peut-
être plus d'admirateur que dans aucun pais. On etoit très
mécontent du règne de Charles IV ou plutôt de la régence
dcspoti<|iie du Prince de la Paix. Toutes les espérances
s'eloient dirigées sur le Prince de l'Asturie. Dans l'intervalle
qui se trouvoit entre l'arrestation du Prince et la révolution
d'.Vranjuez ({ui le mettoit sur le trône, et dans le tems qui
I. .Apparaître.
3. Répandus.
3. Force de caraclcre.
TKOIS LETTRES INÉDITES DU BARON DE LUTZOW 2l5
suivoit celleci immédiatement on alleiuioit le bonheur d'une
union plus étroite de Ferdinand Vil avec Napoléon. On preten-
doil m<^me (jue raveuçilement etoit si f|rand et si général que
si les actions de Bayonne n'aïuoient ]ias eu lieu, si Ferdinand
les prévoyant s'etoit refusé d'aller en Bayonne et avoit appelle
aux armes, que la nation n'auroit pas même cru que tels
pourroient avoir été les intentions de Bonaparte, et que la
résistance n'auroit été que Ibible. Mais la nation se voyant
trompé et même privé de Ferdinand à la personne du quel ils.
attachèrent les idées de leur bonheur, nous les avons vu se
déclarer unanimement, dans tous les provinces et dans un et le
même tenis et avec des actions héroïques, contre ce même
Bonaparte, sans penser aux suites qui pourroient en naitre, et,
vu la grande oppinion qu'ils ont d'eux mêmes, sans aussi croire
qu'ils pourroient en naitre pour eux des suites funeste et
sérieuse. Toute la nation partage les mêmes sentiments; on
a tort de dire que les riches du clergé et de la noblesse se sont
documenté' traître. Ces riches étant généralement a la tète
des affaires ont fait beaucoup de mal à la cause par leurs vus
restrinctes^, par le goût de commander, sans le pouvoir
exécuter, par des intrigues qui regnoient parmi eux, par les
demi mesures qu'ils ont suivi, mais le nombre des vrais
Iraitres, des personnes qui ont joués double jeu est très petite
et ne peut pas être compté comme une cause des malheurs. La
révolution une fois faite il s'est montré dans tous les démar-
ches que la nation n'etoit point encore mûr pour se gou-
verner et se diriger elle même. Les démarches que les dife-
rents. gouvernement provincial et le gouvernement central ont
entrepris soient politique ou militaire ont perdu le pais, pen-
dant que les exploits, les actions que le peuple a exécuté, et
exécute encore '^ sans qu'il y a de connection entre eux, ont
jusqu'à présent sauvé la cause et la tiennent encore.
L'armée espagnole a perdu le pais, et dans l'armée se
I. Montré,
a. Étroites.
3. Le texte portait d'abord : loujours.
2l6 REVUE HISTORIQUE DE hX RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
trouvent les mêmes braves espagnols, qui se battent si bien
séparé et chaque jours chez eux, et qui ont fait ces brillantes
défenses dans les villes. La mauvaise organisation de l'.Ai-mée
et la conduite des Généraux a empêché à cet esprit bon de se
déclarer dans les armées. C'est un malheur que l'arinement
contre la usurpasion n'a pas été joint avec des démarches
révolutionnaire dans l'intérieur : cela auroit donné des élants
et efforts aux gouvernements, au lieu que se présente apre-
sent un tableau d'intrigue dans les gouvernements provinciaux
et dans celui du centre. Ce dernier n'a presque jamais eu et
ne lient même aujourd'hui pas plus qu'un ombre de pouvoir.
L'argent que les Colonies lui envoyent et les négociations avec
les Allés lui donnent de l'influence dans les gouvernements
provincaux, sans qu'il les commandent réellement dans
l'étendu nécessaire pour donner un ensemble nécessaire.
La régence d'aujourd'hui a de grands préférence pour celle
de la Junta suprême, mais aucun de ses membres est un
homme de talents distingués. Aussi peu (ju'on peut raisona-
blement fonder de grandes espérances sur un résultat heureux,
aussi peu peut on juger du tems jusqu'auquel la guerre dans
ce pais durera. La force du peuple se documente' continuel-
lement. Les provinces de Guandalaxara et de Cuenca sont
depuis six mois sans qu'un seul homme des ennemis s'y est
montré. Des trouppes réguliers s'y sont formés, et il y a eu
des affaires avec eux dans les environs de Davoca, Calatayud,
Guadalaxara, pas loin les cins(?)de Zaragossa, et le derrier de
Madrid.
Les parties légères (las gucrillas) sont partout, il est très vrai
(ju'il n'apartienl au fraiicois que le terrein ou ils se trouvent
justement; les habitans leurs l'ont continuellement la guerre;
à chaque marche ils perdent les hommes qui fatigués restent
en arrière ; dans les montagnes ils tirent sur les colonnes qui
les passent, etc.
Force de volonté existe el se documenle toujours encore, il
I. Se manifeste.
mois LETTRES INEDITES Dr BARON DE LUTZOW 217
deiiiendoit seulement de la doiiiir-r unité dans l'action, ce qui
est posible, mais pas trop vraisemblable.
La durée de la (juerre en Espagne est donc pour elle même,
comme pour l'Etat politique en général, de la plus grande im-
portance.
La situation de Cadix et de l'Isle de Léon en elle est extrê-
mement tort. Elle est séparée de la terre firme par un bras
de la mer, nulleparl guéable, et surtout vers la coté de l'en-
nemi très maricageux. Les Caracas, magazins de la marine,
et l'isle St. Pétri sont les deux points fortifié sur les flantjues
de ce bras de mer, le long du quel se trouvent des ouvrages
fortifiés pour ilefendre son passage, ainsi qu'il y a sur les hau-
teurs au (juels est situé la ville de l'isle, des ouvrages assez
forts en eux. A l'isthme qui unit la ville de Cadix avec l'isle
de Léon a ete nouvellement érigé une fortification perma-
nente : la cordadura de San Fernando, justement là où l'isthme
est le plus étroit, ses flanques s'appuyent au mer, les faux
bourgs sont rasés. La perte de Malagorda a été sans suite
réelle : il ne pourroit bombarder de ce point la ville de
Cadix, et empêche non plus que les vaisseaux, seulement un
peu plus retiré, soyent avec toute sûreté dans le harbour'.
Le manque d'eaux n'existe pas si fortement à Cadix : dans
les derniers vingt ans ont été établi sufisament de puix et de
cisternes pour fournir la ville sans l'eau de Puerta Maria et
seulement dans une très courte espace de l'été pourroit se
présenter la nécessité a en attirer. Cet année a eu plus
de pluie quejamais, ainsi qu'on croit avoir j>our lui sufisament.
Le prix des vivres a ete toujours assez haut à Cadix : ils ont
augmenté, mais ne sont pas si extraordinaire comme on le
croit en Angleterre. Le pain de froments est aujourd'hui en
tiers de plus cher qu'il estoit en tems de repos ; mais on en
fait apresent une sorte mêlé avec du ris, qui se vende du
même prix que autrefois le pain pur de froment. La viande
n'est pas beaucoup plus cher aujourd'hui qu'à l'ordinaire, mais
2l8 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
la qualité n'est pas la meilleure. Cependant l'Espagnol ne
mange pas beaucoup de viande. En général ne manque aucun
article, quoique les prix ont augmentés.
La perte de Lerida est sans doute très considérable. Elle
s'est rendu le i3 de .Mav, après que General 0. Donel'avoit été
battu le 26 d'Avril dans la plaine de Urgel, pas loin de Lerida.
Selon les derniers nouvelles etoit le quartier gênerai de
Odonel à Vallo, près de Taragona. Taragona, Tortosa, Mequi-
niza, Urgel, Berga, Cardona el le Caslel de las Medas
sont les points forls qui, en Catalogne, se trouvent encore
dans les mains des espagnols. Ilostalrich qui a fait une
défense merveilleuse depuis le moi de Febrier doit avoir été
évacué par la garrison, qui s'est jette dans la Montagne de
Monlveny, dont les habitans ont joué et jouent encore un
rôle très remarquable dans la guerre de Catalogne.
Dans l'Andalousie continuent les habitans de la Xavada de
Grenada, des Alpucharras, et des Montagnes de Ronda a
soutenir leur indépendance. Il y a des trouppes réguliers qui
les soutiennent dans diferentes parties.
Général Sebastiani après avoir entré dans le royaume de
Murcie et dans la ville de Murcie elle même se trouve apresent
à Grenade, mouvement de retraite qui n'a point été exécuté
d'après des affaires-, comme on le croyait premièrement,
mais qu'il paroit avoir fait pour ne pas trop s'éloigner du gros
de l'Armée, vue l'état dans le quel se trouvent les montagnes
audessus dites. Les trouppes qui se trouvent de l'cnneinis
sont vraisemblablement pas de très grande force, et paroisseni
s'égaler presque des deux côtes.
Les anglois continuent dans leur malheureuse inactivité en
Portugal; ils ont donné du tems à l'enneiuis à ces entreprises
contre l'Andalousie sans tendre à lui faire diversion, ils lui
ont laissé lems à se reunir, a tirer des reinforcements de la
France, pendant qu'ils ont habillé des Porlugues, croyant
d'eu forin(>r de soldats en leur donnant des uniformes.
I. Don .losé Enrique O'Donnell, i77iviS3.'t, général csp.iijnol.
3. Combats.
TROIS LETTRES INEDITES DU HARON DE LUTZOW 2 1 1)
La conduite des Généraux fraiicois dans la guerre d'Espagne
se montre très souvent sans force et presque toujours sans
unité. Très probable que Bonaparte les a remplacé par
d'autres qui selon des ordres distinctes commenceront des
opérations. Sans doute celle contre Portugal devoit être une
des premières : dieu veuille que les anglois ne le quitte sans
se battre, ou après avoir gagné une bataille : ce que je crains
beaucoup plus que qu'ils perderont vine action.
Depuis la prise du fort de Matagorda n'a aucune action
militaire eu lieu dans les environs de Cadix. Quelques enga-
gements des avantpostes ne méritent pas d'en parler : les
espagnols sont encore dans la possession du même terrein
qu'il avoit au commencement. Nous avons chaque jours
quelques coups de canon, ou même une sorte de cannonade de
part et d'autre, qui sont presque sans faire le moindre
domage et ne paroissent que servir pour ne pas oublier qu'il
y a deux armées opposées. Cet inactivité qui règne apresent
ici et dans plusieurs partis du royaume, surtout en Valencia
y Murcia, du côté des espagnols est très malheureuse et une
preuve de ce manque d'ensemble dans les grandes de-
marches.
Mr. de Grolmann Vous remercie. Monsieur, pour la lettre
que Vous avez bien voulu lui envoyer, et qui ainsi que la
lettre de l'Abbé Picard ' pour moi, nous a ete justement
remis. Je tacherai sûrement de m'informer le plus tôt possible
de recevoir des renseignements sur le sort du frère de l'Abbée
Picard et le lui écrirai alors.
Si Vous voulez me faire l'honneur. Monsieur, de m'ecrire et
me donner de Vos nouvelles, ou si peutetre quelqu'un devoit
s'informer chez Vous de mon adresse : je prie d'envoyer les
lettres à Cadix, en ajoutant chez Mrs. (îordon Show&Comp.,
par les quels je les recevrai toujours, soit en me trouvant à
l'isle de Léon, ou même en partant pour quelque part
d'Espagne.
I. L'abbé Piccard, gouverneur du fils cadet du baron d'Arnifeld.
220 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
Mr. de Grolmann et le Comte Dohna Vous renouvellent avec
moi, Monsieur, nos remercimenis pour la bonté avec la quelle
Vous Vous êtes intéressé à nous et Vous prient de leur garder
un bon souvenir.
Moi je profite de la permission iiuc Ndus m'avez donné de
Vous ajouter une lettre, et j'ose Vous prier de faire passer la
ci-jointe à Mr. Erns, N. 4 Cliurcli Row, Fenchurch, London.
Je profite de cette occasion, Monsieur, de vous renouveler
l'assurance du plus parfait estime avec leipiel j"ai l'honneur
d'être
Monsieur
Votre très humble et très obéissant
Serviteur L. Bar. Lutzow.
Cadix, le 8 de juin iSio.
II
Monsieur !
Je vous rends bien grâce. Monsieur, de la lettre que Vous
avez bien voulu m'envoyez, accompagnée de quelques mots
sur Votre santé et Vos occupations littéraires du moment,
sous le 7 du mois passé. Dans les derniers jours du Juin j'ai
reçu une lettre de ma famille, qui, vu que j'y ai trouvé Votre
nom, probablement m'est venu également de Votre bonté.
Eutre ces deux lettres sont arrivé pour moi d'Angleterre à
Cadix, deux autres lettres à l'adresse de Mrs. Show, l'une au
commencement et l'autre à la fin du Juillet qui malheureuse-
ment ont été perdu par la poste entre Cadix et l'isle de Léon.
L'un d'eux avoit probablement passé par \'os mains, parceque
Mr. Show ma dit qu'il etoit délivré par Mr. Perceval'. J'ai
l'honneur de Vous en avertir, pour le cas que peutètre Vous
m'y aviez parlé d'une ou de l'autre chose intéressante.
L'édition qui se fait des ses- ouvrages qui caractérise l'état
de la France et l'efet que produit la politique suivi par son
tirau doit uatnrellemeul intéressé les espagnols, et le fera
I. Le ministre anglais.
a. Lapsus calami: il faut certainement lire vos.
THOIS LETTRES INEDITES DU BARON DE LUTZOW 22 1
sûrement quoique vraisemblablement pas autant qu'il devoit.
J'ai fait passé le prospectus à des libraires de Cadix, qui
m'ont dit qu'ils ecriroient à Londres pour en recevoir des
exemplaires, et apresent une personne de ma connaissance
l'a traduit en espagnol, et il sera mis dans les feuilles pu-
blirjue; dans cette traduction ont été nommés encore les titres
de \'os derniers ouvrages en gênerai.
Je reprends le fde de ma dernière lettre; et je Vous parlerai
des événements plus intéressants qui se sont présenté depuis
elle. Quoiqu'ils Vous ont déjà connu de leur .existence, je
crois qu'il ne Vous sera pas désagréable de les entendre avec
les points de vue qu'ils me paraissent de devoir être regardé.
Pour ce qui touche l'état des armées : ce ne sont que dans
les environs de Ciudad Rodrigo et en Catalogne que nous
avons eu des actions. Après la Batalle de Talavera le Maré-
chal Soult fut nommé, a la place du Maréchal Jourdan, Mayor
General de José, et se trouvoit par cela à la tête des opéra-
tions en Espagne. Il a gardé cette direction jusqu'au prin-
temps de cette année. Apresent il v a trois et même quatre
Généraux en Chef francois qui commandent dans les diferentes
parties d'Espagne et qui reçoivent ses^ ordres directe de
Paris. Dans les parties du nord-ouest le Maréchal Massena
commande le 2', le 6" et le S'' Corps. Dans le Sud le Maréchal
Soult comande le i" le 4" et le 5" Corps. General Suchet
commande en Aragogne le 3' et le Maréchal Macdonald en
Calalogn<' le 'j" Corps.
Dans toute la guerre en Espagne le manque d'unité dans
les opérations, l'absence du grand General s'est documenté
très ouvertement, a fait voir ce qui est surtout à craindre dans
les armées francoises. Des intrigues, manque de force de
volonté, et d'esprit d'entreprise se démontre dans la conduite
des Généraux francois et a favorisé les espagnols. L'absence
de Napoléon, retenu par l'hymen ou parcequ'il voit que des
jours brillants ne lui conquièrent pas l'Espagne, fait continuer
222 HEVIE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
cet avantage, et la division du Commandement l'augmenteront
encore.
Pendant l'année passée l'Armée francoise n'a reçue que très
peu de renforcements. Depuis la paix de Vienne seulement
l'Armée dans le nord ouest a ete considérablement renforzée,
les armées en Catalogne et Aragone en ont reçu quelquesuns,
et les .Armées du Sud aucun. Cela nous indique déjà qu'il
destine r.\rmée du Sud à la défensive et que l'objet de sa
campagne est surtout dirigé sur le ouest, sur l'armée de Mas-
sena.
Des trouppes qui ont combatit en Alemagne à l'exception
de quelques régiments isolés, ce n'est que le 8' Corps de
Junot qui a repasé le Rhin et est entré en Espagne; les autres
renforcements consistent plutôt dans des conscrits nouvelle-
ment formés comme 3'^™' ou quatrième Bataillons des Régi-
ments. Tous ces renforcements paraissent ne pas passer'
4o.ooo hommes, ainsi que très probablement inclusivement
eux toute la force des francois en Espagne ne surpasse pas
le i5o.ooo hommes.
Il paroit que ce ne sont pas seulement les vues politique
qui fixent les trouppes de l'Empereur en Allemagne et vers le
nord, mais que les dépenses qu'ils lui causent dans ce pays,
aulieu que l'-Vllemagne les paye, est une cause également
essentiel que Napoléon n'y envoyé et n'y peut envoyer d'avan-
tage.
Sur ce point des lettres, interceptés à deux lieu.x de Madrid,
qui etoient dirigé par le Duc de Santa Fé, .Ambassadeur de José
à Paris, à ce Roi et à ses Ministres, qui ont été publiée il y a
quelques jours par le gouvernement, nous fournissent des
faits intéressants. Le Duc fut envoyé par José pour faire des
représentations à l'empereur sur l'incorperation des provinces
au delà de l'Ebro. 11 y a des mois qb'il est a Paris sans f[u'on
a voulu lui parlé d'affaires. Enfin on lui a parlé d'affaires,
mais pas de ceux pour les quels il est envoyé, mais pour
1. Dépasser.
TROIS LETTilF.S INEDITES DU BARON DE LUTZOW 2 20
marquer de mécontement avec la conduite de José, surtout
dans ce qui regarde le point de l'argent. La France prétend
selon les mots du Duc de Gadore même, que l'Espagne lui a
coûté 200 inillons livres et 4oo.ooo hommes. On voit que
d'après des arrangements prises la France y envoyé aujour-
d'hui 2 millons livres chaque mois, et que Napoléon proteste
de pouvoir y envoyer d'avantage, ou, que selon les propres
expressions de l'empereur : « a l'imposible personne n'est
tenu ».
Ces faits quoique, surtout pour ce qui regarde les 4oo.ooo
hommes, en parti exagéré, sont aussi intéressant relativement
aux finances de Bonaparte que sur la sorte de guerre qu'il
se voit sûrement, malgré lui, forcé a conduire en Espagne.
Si Bonaparte s'etoit trouvé a la tète de l'armée francoise,
elle seroit très propablement à Cadix. Maréchal Victor se
trouvoit, après avoir passés la Sierra Morena, à quelques
journées de Marche plus proche à cette ville que le Duc
d'Albuquerque ; s'il avoit voulu oser la joindre avant le Duc il
l'auroit pu; il ne le hasardoit pas : ce n'est que rentre[)renant
([ui peut espérer d'être favorisé dans la guerre.
Si ensuite Victor avoit fait des entreprises contre l'isle de
Léon, très probablement qu'elles auroient réussi. Aujourd'hui
la prise de Cadix coûtera une Armée aux fran(;ais : il se
demande quand ils l'auroient a y sacrifier. Aujourd'hui
chaque tentative leur est impossible : le Corps de Victor qui
nous est opposé, et qui nous bloque, parce(jue nous nous
laissons bloquer de lui, n'a pas plus de force que de 12 a
1 5.000 hommes, presque la moitié de ce que nous possédons
reunis à l'isle.
Le Corps du Duc de Trevise se trouve en général à Seville,
couvrant la communication de Victor avec l'intérieur du pais ;
ces divisions sont en partis à droite et a la gauche du Guadal-
quivir, contre les trouppes de Balasteros, ([ui fait parti de
Romana, et séparé dans la province pour la tenir à la bride.
Le Corps de Sébastian! est à Grenade, observant Murcie, les
côtes et les montagnards. Pour soutenir ces derniers nous
224 REVUE HISTORigiE DE LA RÉVOLUTION FRANÇALSE ET DE l'eMPIRE
avons eu au milieu de Juin une expédition sous le Commande-
ment du Générai Lacy dans les Mdntaijnes de Ronda. Sans
avoir eu de pertes considérables l'expédition n'a point efecté^
de résultats : peutêtre n'auroit-on pas dû envoyer des trouppes
réguliers, [mais] une Division formée dans ces contrées. Il
paroil que General Lacy, un General de beaucoup de bonnes
qualités, a laisser échapper le moment decisiv, et qu'ensuite
il fut hors d'état de tenir tète a l'ennemi qui fut détaché de
toute côte contre lui, parcequ'il ne fut pas occupé ailleurs.
La perte de Lerida et Mequinenza est très desavantageuse
pour l'état des choses dans l'est de la péninsule.
General Suchet est devant Tortosa. Les evcnenienls heu-
reux en Catalogne aux commencement d'Avril, les affaires
de Villafranca et Esperguerra ont presque jusqu' apresent
interdit aux François de s'étendre en Catalogne : Barcelone
a été de nouveau bloqué : mais selon les derniers notices,
Macdonald amenant des renforts c'est poussé jusqu'à cette
forteresse, et bien probablement qu'il est aujourd'hui devant
Taragona et joint avec Suchet.
L'armée de Massena opère avec grande précaution. Il a
assiégé Aslorga et Ciudad Rodrigo, avant de s'aprocher sur
son objet principal. Je crois (jue peutètrc il n'auroit pas eu
besoin d'autant.
Les armées angloises, toujours très braves les jours de
Bataille, sont très pénible- : mais les maximes politique-
militaires du gouvernement et des généraux font que ses
opérations ne sont pas beaucoup à craindre. Je ne crains pas
que les anglois soyent battu, mais je crains qu'ils ne s'embar-
quent sans avoir battu, ou qu'ils s'enibar(|ucnt après une
Bataille gagnée.
La conduite des anglois dans cette année est militairement
et même politiquement pas à défendre. La constitution d'An-
gleterre, la situation de ce pais qui proprement ne combat
pour sa défense, mais pour sa plus grande jirosperité, et le
I. Obtenu.
a, DirBcilei à traiter.
IHOIS LETTRES INEDITES DU BARON DE LUTZOW 220
manque d'homme de génie qui quide et réuni les esprits,
expliquent cette conduite.
Manque de force et manque de génie et d'esprit d'entreprise
à la tète des francois leui' a fait exécuter jusqu' apresent une
campagne sans grande activité et événements.
Mais les espagnols que leurs ayent ils opposé? — Le peuple
une résistance continuelle, constance et attachement a sa
cause. Mais le gouvernement qui devoit tirer le profit conve-
nable de ces dispositions, qui devoit les diriger et les guider :
il n'a rien fait. Il y a sans doute des dispositions superbes
dans le caracter de cette nation espagnols : mais elle est extrê-
mement dégénéré. Ce n'est pas un moment d'action qui peut
changer subitement cette degénération^; ce n'est qu'un bou-
leversement entier, ce n'est qu'une guerre de durée qui lui
peut procurer une murété^ dans le plus court espace de tems.
C'est la continuation, la durée de la guerre que aujourd'hui je
souhaite le plus à ce pais. Pour la durée je ne crains rien
moins que ce que les ressources pour continuer la guerre
manqueront un jour. Le gouvernement actuel est sans doute
mieux que celui d'auparavant : il est composé de honètes,
mais de gens sans talents.
Le manque d'unité dans les démarches de diferentes pro-
vinces de l'Espagne a été pendant toute la guerre un trait
caractéristique et très influant dans le cours des événements.
Chaque province avoit formé sa révolution pour soi, c'était
déclaré contre les ennemis et les avoit réponse, ou causé par
ses démarches que l'ennemis se retira. Dans chacune c'était
formé une Junta central, qui ne voudroit obéir à aucune des
autres provinces. Des ambitieux et des gens qui avoient le
sentiment d'avoir fait ou au moins d'avoir voulu faire resis-
tence se trouvèrent dans cettes Jimtas. Le goût, le désir de
gouverner se démontra partout. Si la Capitale eut donné le
signal, peutètre que ses chefs auroient été reconnus pour'ceux
dé la monarchie : mais les chefs des provinces voudroient
1. Dégénérescence.
2. Maturité.
2 26 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
plutôt une conlôderation des provinces qu'une obéissance à
quelque autorité. Ce sont ces querelles, ces intrigues de per-
sonalite contre lesquels la Junta suprême central a eu à lutter
dans l'intérieur, qui ont causé leur mauvaise composition et le
peu de force executive qu'elle a pu exercé- La composition en
elle est mieux aujourd'hui mais le manque d'obéissance et
d'unité dans les provinces continue encore.
L'argimt tiré d'Amérique qui entroit dans le pouvoir de la
Junte Suprême fut le unique lieu qui conduisoit encore les
provinces à l'obéissance. Pour l'administration de ces fonds
la régence, en s'instituant, a comis ime faute de la quelle elle
a lieu à se repentir aujourd'hui très fortement. Toute Es-
pagne s'etoit plaint de la mauvaise administration des finances
au tems de la Junta suprême, et on leur avoit fait la dessus
des imputations les plus graves. La Régence prit alors la
résolution de ne pas administrer le trésor elle même, mais de
le mettre sur la surveillence d'une authorité qui n'etoit pas
dépendante d'elle, mais qui le fut de l'opinion publique, et
manque' d'autre authorité de ce genre l'administration fut
confié à la Junta de la ville de Cadix.
Par cette démarche, très bonne eir elle môme, mais pas
convenable pour les circonstances actuel, la Régence a laissé
échappé de sa main le seul pouvoir réel qu'elle avoit. La Junte
de Cadix sent bien le pouvoir qu'elle en a reçue et a pris une
influence très grande dans le gouvernement des provinces en
général, qu'elle exerce d'autant plus fort qu'elle se prévaut de
la masse du peuple à Cadix et fait craindre des scènes égaux
a ceux qui y etoient quelques fois pendant le cours de la
révolution. Cette influence elle a surtout manifesté dans une
circunistance assez singulier, que je Vous veux raconter,
Monsieur, parceque le sujet Vous interesse peutetre particu-
lièrement.
Au milieu de Juin parut imprimé dans l'imprimerie royal un
décret de la régence, qui declaroit le commerce des colonies
TROIS LETTRES INEDITES DU BARON DE LÙTZOW 227
ameriques libre pour chaque espagnol, ainsi que pour les
étrangers, (ladix, ville priviligée de ce commerce en fut
frappée, la Junta se rassemble, envoyé une deputation sur ce
sujet à la régence; elle se présente à la régence, et celleci
déclare que ce soit un décret qu'elle n'avoit pas donnée,
qu'elle n'avoit pas voulu donner, et de l'impression du quel
elle n'avoit pas la moindre connaissance. Ils paraissent des
publications qui déclarent nulle ce décret ; on nomme une
commission pour rechercher cette affaire : il se trouve qu'on
avoit fait mettre à son insue à Saavedra. membre de la
Régence, le imprimatur, et le Ministre des Finances, ainsi
que les premiers Comis des Bureaux du département des
Indes furent arrêtés dans le cours de la recherche.
Les mouvements dans la Province de Carracas n'ont pas
peu ailarmés les esprits : on tache d'en dissiper les notices,
ceux qui les gazettes angloises nous en donnent sont les plus
circonstantiées que le public en possède.
L'arrivée du Duc d'Orléans a également intéressé au moins
quelquetems aux esprits. En général le peuple a fait peu de
cas de lui, on voit en lui le francois et le petit égalité, et
moins le Bourbon et le parent du Roi. On prétende qu'il est
arrivé à l'insue des Anglois et même contre leur volonté. De
prendre un Commandement en Espagne c'est le but qu'il a
exprimé ouvertement pour son arrivée. Quoique déjà deux
mois ici, on n'entende rien de son placement, et il parait
rester ici attendre les Cortes, se flattant peutetre déjouer une
rôle par eux.
Ces Cortes longtems promis, enfin dans un mois la reunion
doit s'efectuer. Il paroit que la Régence a tardé de les joindre
et que le bruit qui couroit un jour sur le mariage de Ferdi-
nand VII avec une Princesse Napoleonne, la Jonction des
Cortes par José à Seville et la conduite de la Junta de Cadix a
causé enfin leur ouverture.
L'opinion publique est contraire a la Régence actuelle et il
est très vraisemblable qu'elle ne se conservera pas et qu'un
autre gouvernement le remplacera. Les scènes des Cortes
2 28 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'e.MPIRE
seront sans doute très intéressant, ils nous donneront un
portrait du vrai état de la nation. Chose que je crains, c'est
que les Cortes, guidés par ce malheureux désir de commander
eux', ne chercheront a joindre en eux le pouvoir exécutif, au
lieu de le concentrer et se conserver le pouvoir législatif et
controlleur.
Jusqu'alors tous les authorites établis en Espagne ont
été aveuglé par cette manie de commandé. La nation hautaine
ne regarde personne audessus de lui, elle' critique chaque
supérieur et est persuadé de pouvoir mieux agir que lui : cette
disposition est la cause que tous les gouvernements qui s'éta-
blissent ne se conservent pas même aussi longtems et aussi
bien dans l'opinion que proprement ils le méritent. Ce ne sera
que Militaire ^ qui agisse avec éclat et ferme ainsi les bouches,
qui dans un moment tel que celui pourra reunir les bouches^.
Mais pour agir militairement avec succès ils fallait détruire
les abus sans nombre dans le militaire et dans le département
de la guerre. Plusieurs ont essayé ce chemin, mais ces efforts,
qui ne plaisent pas à la multitude contre laquelle ils sont
dirigés, et leurs ont coûtés ces employs.
Ainsi s'accumulent les dificultés pour quiconque y tache
d'agir; et bien probablement demandera-t-il beaucoup de
tems jusqu'à ce chaos se remete en elle même. La force de
volonté dans le peuple, l'aversion contre les francois qui
s'augmente de jour en jour avec la pauvreté et les combats
journalier est ce qui y donne l'unité et la direction. Manque
des ressources aux* francois fera bien probablement conti-
nuer longtems encore cette guerre, en y laissant une sorte
d'équilibre.
L'Amiral Iveats"' commande depuis quelques semaines la
1. Eux-mêmes.
2. L'armée.
3. Les suffrages.
4. Du côtr des Français.
,"). Sir Hicliaril Goodwin Kcals, 1757-1834; envoyé à ("adix en 1810 pour y com-
mander la Bolle anglaise; nomme vice-jimiral le i^' aoiil 181 1, il quitta Cadix quel-
ques jours après.
TROIS LETTRES INEDITES DU BARON DE LUTZOW 229
flotte dans le harbour, au lieu de I^'Ainiral Pickonow (?), du
(juel relativement à son indolence et inactivité on etoit très
mécontent. Keats a démontré des désirs d'activité. Ils se trou-
vèrent pris de 12 vaisseaux de ligne espagnols et une quantité
de t'regattes dans le harbour; tous furent en assez mauvais état,
pas pourvu du nécessaire, ni en tacelage' ni en matelot. Keats
a déclaré, ayant envoyé de son gouvernement" pour agir et en-
treprendre, il ne le pourroit pas, car ces vaisseaux s'y trouvè-
rent, en tems d'hiver, forcé par des tempêtes de chercher la
mère, ils v risqueroient, et a causé ainsi et enfin que tous ces
vaisseaux espagnols, à l'exception des nécessaires pour les
transports, ont quitté le harbour et sont allés à la Havane et à
Mahon, points où des Départements de marine se doivent
former. On a amené des bâtiments plats d'Angleterre pour
opérer avec eux aux cotes et les employer dans le harbour
pendant le teins des tempêtes.
Le gouvernement se trouve en ce moment en embarras
d'argent : la Junta suprême avoit fait un arrangement au
Mexique sur je crois 12 Mille : lequels vi'i le changement du
gouvernement ne sont pas arrivé au tems fixé. L'opinion géné-
rale est aussi ici que le gouvernement d'Espagne a tiré soit en
argent comptant, soit en effet pendant les années de la guerre
60 Millions de piastres forts ; excepté ce qu'elle a tire indirec-
tement par les droits sur le commerce des individus. — ■ Le
prospectus de l'ofiénd (?) à Bonaparte n'a point encore paru
imprimé, sans cela je Vous l'aujouterois ici. — General
Blake est parti depuis le milieu de Juillet, reprendre le
commandement de l'armée en Murcie. General Lapefia com-
mande aprésent les trouppes ici.
Je profite de Votre permission. Monsieur, et j'y joins deux
lettres, l'un pour Mr. de Scharnhorst, l'autre pour Mr. Erns,
les quelles je Vous prieerai de bien vouloir expédier selon
leur adresse. — Mr. de Grolmann et le Comte Doiina me
1. « Takelage », gréement.
2. Ayant été envoyé par son gouvernement.
23o REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
prient de Vous faire, Monsieur, de ses compliments, et moi je
Vous prie d'être persuadé de la considération la plus distin-
guée, après la quelle j'ai l'honneur d'être
Monsieur
Votre très humble et très obéissant Serviteur
Baron de Lutzow.
Ax. Isla de Léon le 20 d'Août 1810.
III
Monsieur !
C'est a i|ran(l(' distance du lieu duquel Vous avez reçu,
Monsieur, ma dernière lettre, que Vous recevez ma présente.
Que l'homme est le jouet du sort ! — Je suppose, Monsieur, que
Vous avez soupçonné déjà ce qui m'est arrivé. Vous avez
sçu, si ma dernière lettre Vous est parvenue, que j'ai fait
parti de la garnison de Valence. Il etoit donc facile a deviner
que j'eus eu le même malheur que le reste. Et en vérité j'ai
été fait prisonnier par la malheureuse capitulation qui a mis
cette forteresse entre les mains des francois. Je devois être
échangé ; l'echage ne s'est point vérifié' et j'ai été conduit eu
France, à Autun dans l'ancienne Bourgogne. J'etois résolu
dès le premier moment de ma captivité de m'en délivrer,
je n'ai pu l'exécuter en roule, mais j"ai eu le bonheur de
l'exécuter du dépôt d'Autun.
A quarante lieux de la Suisse je me suis dirigé à ce pays ;
j'ai pu me pourvoir là avec des passeports avec les quels j'ai
pu tranquillement continuer mon voyage pour l'Allemagne. La
guerre dans le nord etoit alors a éclater- : cette grande et
intéressante crisis^' pour l'Europe entier.
J'avois résolu avant ma captivité de quitter le service
d'Espagne, lors de la rupture dans le nord, pour être plus
près à ma patrie et pour pouvoir servir à tout ce qui y peut
I. Effectue.
a. Sûr le point d'rclater.
. 3. Crise.
TROIS LETTUES INEDITES DU BARON DE LUTZOW 23 1
influer. La singularité de mon sort m'a jette par un autre
chemin que je m'etois attendu dans ces contrées. Je n'ai pu
me résoudre de m'eloigner du tlieatre dans le nord; je m'y suis
au contraire dirigé.
On doit trouver en Espagne cette resolution très naturel, et
on doit être d'accord que je ne fais pas le chemin inutile d'y
retourner pour demander mon congé et pour perdre d'ailleurs
du lems. Dans ces vues j'ai demandé d'ici ma congé du ser-
vice d'Espagne, et je m'ai fait placer dans l'Armée Russe où
on m'a fait Capitaine de l'Etat major dans la première Armée
de l'Ouest, commandé par le Général Barclay de Tolli. J'ai
demandé ce congé et j'ose m'adresser à Votre bonté. Mon-
sieur, et Vous prier de faire parvenir la lettre, dans la quelle
je le demande, entre les mains du Ministre d'Espagne à
Londres.
Vous ne Vous étonnerez pas de cette liberté, Vous savez
Vous-même que Vous m'avez gâté par Votre complaisence.
Vous jugez, Monsieur, qu'il m'est très important de recevoir
avec sûreté la réponse. Il me seioit très agréable si Vous vou-
liez avoir la bonté de Vous faire remettre cette réponse par le
Ministre, et j'ai même osé déjà indiquer au Ministre ce moyen
pour me la faire avoir. De Vous je pourrois la recouvrir, si
Vous voudriez avoir la complaisance de la faire remettre sur
l'adresse du Major Général Baron Dornberg, dans la maison
du Comte Munster à Londre, où peutêtre de me la faire avoir
par Mr. le General Armfeldt, le quel je crois Vous l'avoir oui
dire, lié avec Vous.
J'aimerois me pouvoir entretenir avec Vous sur l'état des
choses, tel qu'il se me présente ici, mais la délicatesse me
force à n'y entrer dans aucun détail. Mais je peux Vous repe-
ter ce que d'autres voix Vous auront déjà dit que c'est une
Superbe Armée qui se trouve en campagne, et qu'on a fait
des grandes préparations pour le recompletlement. On est
persuadé que la guerre ne se déterminera pas politiquement.
On tache d'éviter de grandes accions. On entraine l'ennemi à
des grandes distances de ses resources, où la disette des
232 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
vivres, le clima, lui doivent incommoder infiniment, et où il
aura à faire avec les forces d'un empire, tandis qu'il s'atten-
doit sur le choque d'un jour.
C'est au milieu des troubles dun quartier général que je
Vous écris ces lignes, Vous pardonnerez donc que je les
abrège. — Mais je ne peux les finir sans vous parler encore
du frère de Mr. l'Abbé Piccard, le (îouverneur du jeune
Armfeld. Mr. l'Abbé m'avoit donné une lettre pour son frère,
que je n'ai pu trouver que au moment de me voir en Valence.
Colonel du Régiment d'Alcantara, il a servi avec beaucoup de
distinction, mais il a eu le même malheur que moi, et se
trouve prisonnier de guerre à Baume, Département de la Côte
d'or. Je lui ai promis de tacher d'en informer Mr. son frère, du
quel il souhait dans sa présente situation de tirer de l'argent.
Si Vous êtes informé de son séjour Vous m'obligerez infini-
ment de l'en avertir. — Je renouvelle l'assurance de la plus
parfaite considération avec la quelle j'ai l'honneur d'être
Monsieur
Votre très humble et très obéissant Serviteur
le Baron de Lutzovv.
Witepsk le 34/12 de juillet 1812.
J'ai été informé que le Comte de Fernan Nufiez est
apresent Ministre d'Espagne à Londres. Si ce n'est pas, je
Vous prie de donner la lettre à son adresse, a qui occupe cette
place en Angleterre.
m PETIT-FILS DE MONTESQUIEU
SOLDAT DE L'INDÉPENDANCE AMÉRIGALNE
(D'APRÈS DES DOCUMENTS INÉDITS ')
Le 28 novembre 1749) e» l'écjlise paroissiale, métropo-
litaine et primatiale de la Majestat Saint-André de Bordeaux,
l'auteur de L'Esprit des Lois tenait sur les fonts baptismaux
un petit-fils né la veille et auquel il déclara donner les pré-
noms de Charles-Louis.
Confié aux soins d'un précepteur émérite, François de
Paule Latapie, l'enfant fut élevé dans sa famille, au château
de La Brède et à Bordeaux.
La sollicitude de l'illustre aïeul veilla sur ses jeunes
années. C'est pour son petit-fils, en elfet, et « devant son ber-
ceau » que l'auteur des Lettres Persanes écrivit ces lignes :
« J'avais pensé à vous donner des préceptes de morale ; mais,
si vous ne l'avez pas dans le cœur, vous ne la trouverez pas
dans les livres. Ce n'est point notre esprit, c'est notre âme
qui nous conduit. Ayez des richesses, des emplois, de l'esprit,
du savoir, de la piété, des agréments, des lumières; si vous
n'avez pas de sentiments élevés, vous- ne serez jamais qu'un
homme commun. Sachez aussi que rien n'approche plus des
1. AI. Raymond Céleste, dans un travail paru en 1902 (Bordeaux, G. Gounouil-
hou, in-H»), sous le titre : L'n petit-fils de Montesquieu en Amérique, a donné une
bonne biographie du personnage qui nous occupe ; cependant, les documents dont
nous nous servons lui sont restés étrangers. Ils sont conservés aux Archives de
l'Aube, sous les cotes E. 987-988 (Papiers de la famille de Saini-Cliainans, proprié-
taire de la terre de Villenauxe, Aube).
234 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
sentiments bas que l'orgueil et que rien n'est plus près des
sentiments élevés que la modestie... n
Que ne pouvons-nous citer ici en entier cette magnifique
page ' qui fait partie des Pensées inédites de Montesquieu et que
son petit-fîls, devenu homme, semble n'avoir jamais oubliée.
Le jour vint de songer à l'établissement de Charles-Louis.
Aussi loin qu'ils pussent remonter dans le passé de leur race,
les Secondât de Montesquieu voyaient leurs ancêtres ceints
de l'épée. En consultant son arbre généalogique, en fouillant
le chartrier de La Brède, Charles-Louis constata qu'il était
d'une lignée de soldats. Son aïeul n'avait rompu avec la tra-
dition militaire des Secondât que pour écrire dans la solitude
du manoir L'Esprit des Lois, les Lettres Persanes, les Consi-
dérations. En définitive, lui aussi avait été soldat, soldat du
droit, et ses œuvres, en somme, étaient encore de fort beaux
coups d'épée férus dans les abus de r.\ncieii Régime.
Son fils, par exemple, avait entendu n'être qu'un gentil-
homme campagnard, aimant ses terres, attaché au terroir
gascon, exploitant avec intelligence le vignoble de La Brode,
le clos de Moussan, les coteaux de Médoc et consacrant les
loisirs que lui laissait l'agriculture à des études scientiliques
et littéraires.
Charles-Louis de Secondât de Montesquieu ne devait être
ni philosophe ni vigneron. Il voulut être soldai, comme tous
ceux de son sang ; aussi, ne ramassa-t-il point la plume tom-
bée des mains de son illustre aïeul, aussi dédaigna-t-il les chais
dont se glorifiait son père et reprit-il l'épée des ancêtres.
D'abord sous-lieutenant, le l'^juin 1772, au régiment de
cavalerie Royal-Champagne, successivement en garnison à
Metz, à Lille, à Neufchàteau, il prit rang de capitaine, le
21 avTil 1777, au régiment Dauphin-Cavalerie qu'il rejoignit
à Brest. Le 29 avril 1779, il passait, avec le même grade, au
régiment de Royal-Picmont-Cavalerie-.
1. Citi'e par .M. H. Gilestc, ouvr. cit., p. 6-7.
2. CÉLESTE, ouït. cH., |). h>-12; et Arcli. de l'Aubo (E, 1)87, liasse).
UN PETIT-FILS DE MONTESQUIEU 235
Retiré ensuite dans sa famille, à Bordeaux, il y vécut
quelque temps, aidant son père dans rex[)loilation de ses
vastes domaines, rongeant son frein, las, comme tant d'autres,
de l'inaction à laquelle les gens d'épée furent réduits à l'é-
poque cl qui devait pousser tant de Français à voler au
secours de rAiiiéri(pie, pour la joie de férir, au service d'une
sainte cause, de grands coups et de vivre la vie d'aventures
dans un pa^s inconnu.
Une lettre que, de Bordeaux, Charles-Louis de Secondai
écrivit le 20 novembre 1777 à l'un de ses meilleurs amis, le
vicomte Amand de Saint-Chamans, baron de Rébénac\ sei-
gneur de Villenauxe^ et autres lieux, peint bien son état
d'esprit :
Il semble que rengourdissement s'empare de moi, lorsque je res-
pire l'air épais de Bordeaux. Toujours atTairé, sans rien faire, j'y
passe six mois, partie à m'ennuyer, partie à m'impatientor et partie
à me divertir; voilà la vie humaine.
Comme vous vous intéressez à moi, vous apprendrez avec plaisir
que le Roi ayant jugé à propos de faire ériger des statues aux hom-
mes qui ont fait le plus d'honneur à la France, celle de mon grand-
père, celle du chancelier Daguesseau, celle du Grand Corneille et
celle de Bossuet vont être confiées au ciseau des plus habiles sculp-
teurs. Elles serviront de pendant à celles d'Henri Quatre, de Sully,
de Descartes et du chancelier de L'Hôpital. Je vous avoue, mon cher
Saint-Chamans, que cet hommage rendu à la mémoire de mon grand-
père m'a flatté infiniment. M. D'Angiviller" a écrit à mon père la
lettre la plus flatteuse et j'ai joui d'un plaisir que je ne connaissais
pas encore, car, enfin, ce monument n'ajoute rien à la gloire d'un
philosophe dont les accents respirent l'humanité et la bienfaisance ;
il n'est donc flatteur que pour ses descendants. Adieu, mon bon
ami, vous partagerez sûrement la joie qui me transporte et vous
viendrez l'augmenter par votre présence, le plus tôt que vous pour-
rez. Adieu, je vous aime de tout mon cœur.
1. Rcbénac : arrondissement d'Oloron, Basses-Pyrénées.
2. Villenauxe : chef-lieu de canton, arrondissement de Nogent-sur-Seine, Aube.
3. Directeur yénéral des bâtiments, jardins et manufactures du I^oi, vice-protec-
teur de rAcadôniie royale de peinture et de sculpture.
236 REVL'E HISTORIQUE DE L.V RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eIIPIRE
Au dos : A monsieur, monsieur le vicomte de Saint-Chamans-
Rébénac, capitaine au régiment de Royal-Champagne-Cavalerie, à
Agen '.
La question de l'Indépendance de l'Amérique, cependant,
passionnait tous les esprits. En France, pays des sympathies
généreuses et désintéressées, cette cause sacrée avait trouvé
de chauds partisans. Le marquis de La Fayette, le duc de
Lauzun, les marquis de Coiqny, de Talleyrantl-Périi|ord, de
Vaudreuil, les comtes de Xoailles, de Ségur, de Vioménil, etc.,
olîrirent leurs épées aux insurffcnts. Cédant enfin à la pression
de l'opinion publique, Louis XVI, après de longues hésita-
tions, conclut avec l'Amérique un traité d'alliance, le 6 février
1778. En conséquence, le comte d'Estaing quittait peu après
Toulon avec une escadre de douze vaisseaux et de quatre fré-
gates, faisant voile pour le nouveau continent (i3 avril). Deux
ans après, Louis XVI rassemblait à Brest, à destination de
l'Amérique, sept vaisseaux, des transports, environ 5. 000 hom-
mes d'élite et une brillante noblesse sous les ordres du comte
de Rochambeau (1780).
Charles-Louis de Secondât de Montesquieu devait faire par-
tie de l'expédition, en qualité d'aide de camp du marquis de
Chastellux. Dès le 29 mars 1780, il était à Brest, attendant
l'embarquement. De cette ville, il écrivait à Saint-Chamans :
Brest, le 29 mars 1780.
Je voulois, mon cher Saint-Chamans, vous mander des nouvelles;
mais, j'ai eu beau faire, je n'ai pu en apprendre aucune. Je crois
que nous ne partirons pas avant le i5, malgré le désir qu'ont nos
généraux de partir le plus tôt possible. On attend de Bordeaux des
vaisseaux de transport qui n'arrivent pas et qui ne peuvent même
arriver qu'au milieu du mois prochain. Je connais mes chers com-
t. Inédite, celli' Icllrc est conservée comme les suivantes aux Archives de
r.\ube, dans les papiers concernani la seigneurie de ViUenauxe (Série E. n»' 987-
988, liasses.)
UN PETIT-FILS DE MONTESQUIEU 287
|)atriotes; ils auront sûrement fait leur possible pour ne point fréter
de vaisseau au roi. Ils sont, à cet égard, d'une méfiance extrême.
Ainsi, je crains bien qu'ils ne nous retardent. J'habite un pays à
trois siècles au moins du. reste du royaume ; je n'aurais jamais cru
qu'il existât en France une ville aussi sauvage. Je commence à m'y
accoutumer, mais, lès premières vingt-quatre heures m'ont paru
dures.. Adieu, mon bon ami, le courrier part. J'avois attendu au
dernier moment pour écrire ma seconde lettre. Il faut que je la fi-
nisse, bon gré malgré. Charles de Lameth ' se porte fort bien. C'est
un charmant jeune homme. Nous avons dit bien des folies pendant
la route. Adieu, mille amitiés à Théodore - et à Alexandre ^.
Mes adorations ;ï M™'' de Jumilliac.
Au dos : A Monsieur, Monsieur le marquis de Saint-Chamans, en
son hôtel, rue des Vieilles Thuilleries, à Paris.
Brest, le 2 avril 1780.
Nous partons dans huit jours, si les vents nous le permettent,
mon cher Saint-Chamans. Tout sera prêt alors. J'ai reçu des nou-
velles de mes parents : ils ont bien pris la chose. Latapie me mande
qu'ils ont parfaitement pris leur parti. Cela me fait grand plaisir.
Ainsi, mon bon ami, voilà une épine hors de mon cœur. J'ai vu
Brest le mieux que j'ai pu, depuis huit jours. Se peut-il que le centre
de notre puissance maritime manque des bâtiments nécessaires pour
loger les matelots qui arrivent d'un long voyage et ceux qui se dis
posent à s'embarquer? Se peut-il que ces malheureux soient entas-
sés dans des cabarets et chez des femmes de mauvaise vie et que
l'on les dispose de cette manière à faire de longs et pénibles voyages ?
Le port m'a paru très beau. Il me semble, cependant, qu'il n'est
fait que de pièces de rapport et que l'on n'a pas formé un grand
plan avant que de le commencer. Brest, à ce qu'on m'a dit, renfer-
me ordinairement 35.ooo habitants. Ce nombre, en temps d'arme-
ment, est porté à 55.ooo. L'année dernière, il a été, dit-on, porté à
90.000. Les rues sont d'une malpropreté dégoûtante. Je suis con-
1. Charles-Malo-François, comte de Lameth (1757-1832).
2. Théodore, comte de Lameth (i756-i854),' l'rère du précédent.
3. Alexandre-Théodore-Victor, comte de Lamclh (1700-1820), frère des précé-
dents.
238 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE LEMPIRE
vaincu que c'est faute de soins et non par un vice local que Brest
est mal sain. Il est mort ij.ooo matelots à la fin de la campagne der-
nière : quelle prodigieuse consommation d'une espèce si rare et si
précieuse 1 On remédieroit, je crois, à cet abus, si l'on bâtissoit de
belles et vastes casernes, tant pour les matelots partants que pour
ceux qui arrivent et si l'on avait soin d'entretenir une discipline exacte
parmi eux. C'est la misère, la malpropreté et la débauche, suites
ordinaires de l'indiscipline, qui font perdre au Roi et à l'Etat une
aussi grande quantité d'hommes. Donnez-moi, je vous prie, de vos
nouvelles, mon bon ami. Parlez quelquefois de moi k M""' de Ju-
milhac. J'ai pour elle le respect et l'attachement le plus vrai et le plus
sincère. Elle est si aimable! Donnez-moi aussi des nouvelles de
]\jme (J'Harville ; elle est donc à la campagne? Puisse-t-elle y être
aussi contente et aussi heureuse que je le désire. Adieu, mon bon
ami, je vous aime de tout mon cœur.
Charles se porte à merveille. Mille amitiés à Théodore et à
Alexandre.
Le départ rie l';irinée de Rochambeau, retardé par divers
contretemps, ne put s'effectuer que le 2 mai 1780. De Montes-
quieu était à bord du Duc-de-Bourgogne, avec l'état-major.
« La traversée fut des plus pénibles; elle dura soixante et onze
jours, et, lorsque, le 11 juillet, la flotte arriva dans la rade de
NewporI, on était sur le point de manquer d'eau et de vivres.
Le nombre des hommes malades fut considérable; l'épreuve
dut paraître dure aux jeunes officiers qui s'étaient volontaire-
ment engagés dans cette expédition dangereuse. Le camp de
l'armée française fut installé hors de la ville de Newport; ou y
éleva des baraquements et, pour se prémunir contre une attaque
possible, on le mil eu état de défense ^ » De Montesquieu,
entre temps, écrivit à Saint-t^-liamans les lettres suivantes :
J'igncire, mon cher Saint-Chamans, si vous avez i'e(,-u une de mes
lettres. Je suis certain, par e.\eiuple, que dix pages dune relation
assez exacte de mon voyage ont été englouties dans les flots en sor-
tant de Newport. Je vous écrivis à la hâte quelques jours après, par
une occasion qui n'était pas trop sûre et c'est du sort de cette lettre
I. CÉLESTE, oavr. cit., p. i4>
UN PETIT-FILS DE MONTESQUIEU 23g
que je suis inquiet. Comme les répétitions pourraient vous ennuyer,
je glisserai légèrement sur les événements maritimes ; il suffira de
vous dire que j'ai vu un abrégé de tout ce qui peut arriver en mer,
au naufrage près : Tempête dans le golfe de Gascogne, vaisseaux
démâtés, calme, beau tems, baleines, marsouins, etc., évolutions,
jirises, chasses, combat, le tout en abrégé. Nous avons essuyé pen-
dant quatre jours, aux approches de la terre, des lirouillai'ds si épais
qu'on ne voyait pas même dans les vaisseaux, à quatre pas devant
soi. Le convoi mouilla cependant très heureusement k l'entrée de
Uhode Island, le ii juillet, après 71 jours de traversée. Nous com-
mencions à former nos différents établissements, lorsque la visite
des Anglois hâta nos préparatifs ; ils parurent à la vue de l'île, le
dixième jour de notre arrivée, avec 1 1 vaisseaux de guerre et plus
de 10.000 hommes de débarquement. Nous nous disposâmes à les
bien recevoir ; dans trois jours, l'île fut hérissée de batteries et l'on
pouvoit, dans demie-heure, porter des troupes et du canon sur tous
les points de débarquement. L'île ne fut, cependant, malgré toute
notre activité, en parfait état de défense que le premier août. Les
Anglais, instruits par les Torris (?), qui sont ici en très grand
nombre, des préparatifs que nous faisions pour les bien recevoir,
disparurent après quelques jours de croisière et allèrent faire des
vivres à l'île de Marthas Vineyard, à l'est de Rhode Island. Nous
eûmes, pendant tout le tems que les Anglois parurent devant l'île,
un camp de 4ooo hommes de milices américaines qui se sont reti-
rées dès que la flotte a disparu. J'ai vu plusieurs fois ces milices
américaines. Elles sont composées d'hommes grands, bien faits,
élancés et plus agiles en général qu'ils ne sont forts. Je les ai vus
exercer et ils m'ont paru beaucoup mieux dressés que nos milices
de France. Ils ne brilloient ni par la bonté ni par l'élégance de leurs
vêtements ; ils étoient assez bien armés et paroissaient disposés à
faire un bon usage de leurs armes. Nous avons eu pour eux tous les
soins et tous les égards possibles, ce qui a paru leur faire grand
plaisir. On assure que le général Clinton ' est brouillé avec
Arbuthnol ■ qui vouloit absolument nous attaquer. On dit même
qu'Arbuthnot a dépêché un petit bâtiment en Angleterre, pour ren-
dre compte de la conduite du général qu'il désapprouve. Nous ne
I. Sir Henry Clinton, général anglais.
a. Amiral anglais.
24o REVUE HISTORIOUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
pouvons pas encore savoir bien positivement quels étoient les cinq
vaisseaux que nous rencontrâmes le 20 juin à la hauteur de la
Bermude et auxquels nous tirâmes près de 2.000 coups de canon,
avec aussi peu de succès que ceux qu'ils nous rendirent. On croit
que- ces vaisseaux allaient secourir la Jamaïque. Les nouvelles que
nous avons reçues, depuis peu, des Antilles nous feroient croire que
l'expédition de M. de Guichen n'a pas eu lieu. Vous savez sans
doute, depuis longtems, qu'il s'est battu trois fois contre l'amiral
anglais et qu'il a eu un succès marqué dans les trois combats. Voilà
bien de vieilles nouvelles, mon bon ami. Mais, je vous mande ce
que l'on sait à Nevs'port où il y a très grande apparence que nous
hivernerons. Nous ne ferons rien jusques au printems prochain.
Nous n'avons jamais eu plus d'un dixième de nos troupes malade.
Malgré la longueur de la traversée et malgré la vivacité des travaux
pendant les chaleurs qui ont été violentes ici, j'étais k cheval dans
le tems et aux heures les plus chaudes et je persiste dans mon sen-
timent que bien des gens trouvent ridicule, le voici : j'ai toujours
soutenu que j'avois éprouvé en Guyenne des chaleurs aussi vives et
je crois avoir raison. Je crois que le climat de Rhode Island est fort
sain; les plantes que l'on voit communément en France croissent ici
en abondance ; les prairies sont absolument tapissées des mêmes
herbes; les bœufs sont grands et beaux, les chevaux sont excellents.
J'en ai cependant déjà crevé un, tant j'ai couru pendant les premiers
jours de notre arrivée. J'en ai deux qui me plaisent beaucoup. Je
suis devenu sauteur de barrières; le pays en est rempli; on ne fait
pas cent pas sans rencontrer quelque clôture. Rhode Island est
percé de tous sens par plusieurs grandes et belles routes. L'ile n'a
guère que 7 lieues de long, sur une largeur variée de 4i ^ et 2 lieues.
Elle se rétrécit vers le nord ; elle est bordée au sud d'une chaîne de
rochers qui la défendent contre la fureur des flots. Ce pays seroit
un des plus riches de la nature, sans la sobriété et l'indolence de
ses habitans, la plupart mauvais cultivateurs. Toutes les plantes
utiles, tous les fruits, tous les légumes y viendroient avec de légers
secours. Au lieu de cela,' on ne voit que des champs de maïs et
quelques champs de pommes de terre. Le bled, abondant dans le
continent, est fort rare ici. On a cependant toutes les ressources
possibles pour en faire venir de façon ou d'autre. Sans l'arrivée
di's Français, c'en étoit fait de la liberté de l'Amérique. Le peuple,
fatigué d'uiir longue g\ierr(', alloit courber la tète sous le joug de
UN PETIT-FILS DE -MONTESQUIEU 2^1
l'Angleterre qui est maîtresse de toutes les côtes, depuis la Floride
jusi|ucs à l'ernliouchure de la rivière de Hudson, et, depuis Boston
jusques à Québec. Ils eussent été maîtres de Rhode Island, si la
Hotte française fût arrivée dix jours plus tard. New-York est, dans
ce moment-ci, le centre des forces anglaises. Clinton l'occupe avec
son armée. Washington est campé à six lieues de lui, sur la rive
droite de la rivière de Hudson. 11 paroît qu'il n'y aura rien d'inté-
ressant à la fin de la campagne. Nous attendons la seconde division
pour agir en grand. Si elle rejoignoit de bonne heure, nous pour-
rions faire des choses décisives l'été prochain. Lameth, Fersen ' et
Damas ^ se portent tous fort bien et paroissent s'amuser. Les fem-
mes sont fort jolies ici; on dit même qu'elles ne sont point cruelles.
Lameth est assez sage et s'en trouve fort bien. Quand j'aurois choisi
le genre de vie qui me convenoit le plus, je n'aurois pas mieux
rencontré. Je monte à cheval une grande partie de la journée. Je
vois des troupes, des travaux, en un mot, des choses qui m'intéres-
sent. J'apprends l'anglais fort à mon aise. Il est vrai que je n'y fais
pas de grands progrès. Je vois des gens qui me plaisent et je ne me
suis pas encore repenti un instant d'avoir .saisi l'occasion de voir
l'Amérique. Daignez, mon cher Sainl-Chamans, me rappeler au
souvenir de notre ami Nadaillac. Je lui écris aujourd'hui ; mais, en
cas que ma lettre fût perdue, vous lui donneriez de mes nouvelles.
J'écris aussi à mes parents ; mais, si vous recevez ma lettre, vous
me feriez grand plaisir de mander à mon père que vous avez reeu
de mes nouvelles et que je me porte bien. Dieu veuille que je le
retrouve en bonne santé, ainsi que ma mère ! C'est tout ce que je
désire, à mon retour, auquel je n'ai garde de songer, tant je le crois
éloigné. Mon cœur a quelquefois soupiré quand j'ai songé k mes
parents et à mes amis. J'ai souvent désiré qu'ils fussent aussi heu-
reux que moi et j'aurois voulu pouvoir leur communiquer ma
manière de sentir. J'ignore quel sera mon sort, d'ici à mon retour
en France. Je désire seulement de jouir du calme heureux que je
goûte dans ce moment-cy. Spectateur paisible des événements, j'ai
mille moyens de satisfaire ma curiosité et d'étudier les hommes
dans les grandes situations de la vie. Je suis enchanté de nos géné-
raux, de leur conduite, de leur affabilité, de leur justice, de leur hu-
I. Hans-Axel, comte de Fersen (1755-1810).
a. Joseph-François-Louis-Charles-Gcsar, duc de Damas d'Aiititjny (1708-1829).
REV, DIST. DE LA RÉVOL. 16
242 RENTE HISTOIligiE DE L.V Ri;\ ULUTIO.N FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
manité et des soins qu'ils prennent d'une petite armée la mieux
disciplinée de l'Europe. Aussi, ai-je toujours cru que nous ferions
de grandes choses, avec de très petits moyens. Aussi, lorsque j'ai
vu douze mille hommes prêts à en attaquer cinq mille (car je ne
eomptois pas nos alliés qui n'étoient pas encore arrivés), ai-je été
dans la plus grande sécurité, persuadé ou qu'ils n'oseroient pas
nous attaquer ou qu'ils seroient hors d'état de rien entreprendre du
reste de la campagne. Voilà, mon bon ami, comment je vois les
choses. Ne serais-je pas comme ces gens qui, quand ils ont bien
dîné, croient que personne ne peut avoir faim ; l'expérience m'a
appris qu'il falloit être fort indulgent et que le mieux possible, tel
que bien des gens le définissent, iHoit une chose imjiossible dans
toute l'étendue du terme.
J'oubliois de vous parler, mon cher Saint-Chamans, de nos amis
les sauvages Oneydas"; ils nous ont envoyé quinze ambassadeurs,
grands et bien faits qui n'avoient pas l'air trop sauvages ; ils dînè-
rent chez le général, le lendemain de leur arrivée. Ils ne parurent
point embarrassés de manger de la viande cuite avec des fourchettes
et du potage avec des cuillers. Je vous assure que les Bas-Bretons
que j'ai vus sont réellement plus sauvages que ces sauvages-là. Il y
en avoit un qui parloittrès bien français et qui nous dit que plusieurs
nations ayant appris que leurs anciens alliés, les Français, étoient
arrivés en Amérique, ils venoient pour renouveler amitié et alliance
avec nous; que les Anglais Jes avoient assurés que les Français ne
roviendroient jamais et qu'ils voyoient avec plaisir qu'ils s'étoient
trompés. Voilà, mon cher ami, quelle fut la harangue de leurs am-
bassadeurs qui avoient tous une figure assez douce et dont la plu-
part étoient grands, bien faits et d'une taille svelte.
NewporI, le 12 octobre 1780.
Je commence à croire, mon cher Saint-Chamans, que nous ne re-
cevrons lies nouvelles d'Europe qu'à la paix. J'avoue que c'est une
privation pour moi qui me paroilra encore plus désagréable si elle
dure longtemps. Ce n'est pas, assurément, que je m'ennuie ici. J'y
mène une vie parfaitement analogue à mon caractère et à mes pro-
jets. Si j'étais en droit de me plaindre, je me plaindrais de l'inaction ;
i. Tribu indienne ilc la Confidcialion tics Iroiinois.
UN PETIT FILS DE MONTESQUIEU 2^3
mais, je sais que dans le meilleur îles inondes possibles, tout est
|ii)ur le mieux. J'étudie les hommes fort à mon aise; cette étude
mon bon ami, n'est pas fort satisfaisante ; mais, je doute qu'il y en
ait de plus piquante et de plus utile. Les différents travaux que l'on
a faits pour mettre Rhode Island en état de défense m'ont fort amu-
sé. Nos soldats en ont fait une partie avec la plus grande activité ;
dans les moments où ils ne pensaient pas en avoir besoin prompte-
ment pour se défendre, ils travaillaient avec plus de lenteur. Mais,
celte lenteur et cette mollesse n'approchaient pas de celle des Améri-
cains qui n'ont jamais su travailler avec activité. Il est étonnant
qu'avec une pareille nonchalance, ils aient pu supporter une guerre
si pénible. Plus je passe de temps ici, plus je suis content d'y être
venu. 11 faut voir les choses de près, mon cher Saint-Chamans, il
faut les voir avec sang-froid pour s'en faire un juste idée. Cette
probité, ces mœurs, cette simplicité tant vantée des habitants de
l'Amérique septentrionale, n'existe que dans les romans philoso-
phiques que nous avons lus. Ces honnêtes Quakers sont aussi inté-
ressés, aussi hypocrites et aussi vicieux que le reste des humains.
Il est vrai, cependant, que ceux de cette secte qui, livrés à l'agricul-
ture, l'exercent loin des villes commerçantes et corrompues, sont
plus honnêtes gens que les autres hommes, mais, le nombre en est
assez petit, ici comme ailleurs ; la tolérance, par exemple, n'existe
pas dans toute son étendue ; quoique différentes sectes y exercent
publiquement leur religion, ces sectes sont elles-mêmes intolérantes
et jalouses l'une de l'autre.
Je vous avais parlé, mon cher Saint-Chamans, des affaires politiques
d<' l'Amérique. Je vais vous parler d'un événement qui fait le sujet
de toutes les conversations. M. le comte de Rochambeau, M. de Ter-
nay' et le général Washington devaient conférer ensemble sur les
opérations de la fin de la campagne. Ils s'étaient rendus à Hartford',
petite ville également distante de l'un et l'autre camp et ils avaient
terminé les affaires qui les avaient engagés à cette entrevue tenue
fort secrète de part et d'autre, quand le général Washington passant
par West Point, poste très important dont il avait confié la garde
au général Arnold, apprit que ce traître voulait livrer ce poste aux
Anglais. Des milices américaines arrêtèrent le major André, officier
1. Charles-Henry d'Arsac, dit le clicvalier de Ternay, chrl' d'escadre. Mort en
Amérique, le i5 décembre 1780.
2. Capitale et port du Connecticut.
244 REVUE HISTORIQCE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMI'IRE
anglais déijuisc, rniiui il'iin |iasse|iorl du rjénéral ArnoM. et qui
tiaitail cette all'aire avec lui. Arnold, se voyant découvert, prit la
fuite et se réfugia sur une frégate anglaise qui était mouillée dans
la rivière de Hudson à quelques milles de West Point. On dit qu'il
s'est rendu sur le champ à New-York où il a paru, peu de jours
après, avec l'uniforme de lieutenant-général des troupes anglaises '.
On avait répandu le bruit ici que le major André avait été pendu et
qu'il était mort avec beaucoup de courage, disant qu'il est permis
de mettre tout en usage pour réduire des rebelles, etc.; mais, on ne
lui a pas encore fait son procès. Les Anglais, je crois, finiront la
campagne par quelque opération dans les provinces du Sud. La
défaite du général Gates n'a pas été aussi complète que les Anglais
avaient voulu le faire croire. Il eut le dessous, au commencement de
.septembre, dans une all'aire où les milices l'abandonnèrent et où il
fut entraîné dans leur fuite. Mais, les troupes continentales, quoique
très peu nombreuses, se rallièrent à 4 milles du champ de bataille
et Gates ne perdit que deux cents hommes et quelques prisonniers
que l'on a repris depuis ce temps-là. Les Américains ont même eu
quelques succès contre un parti de royalistes qui cherchait k les
attaquer. Les papiers publics sont si menteurs ici que l'on ne peut
y ajouter foi. Partout, on cherche à tromper les hommes par des
mensonges; je voudrais bien savoir k quoi cela est bon.
Il y a lieu de croire, mon bon ami, que nous passerons long temps
eu Amérique, si l'on ne nous envoyé pas des secours assez considé-
rables pour nous mettre en état de chasser les Anglais de New-York.
L'entreprise serait d'autant plus glorieuse qu'elle est difficile. Nous
nous ennuyons ici de l'oisiveté dans laquelle on nous laisse, quoique
nous avons été déjà deux fois k même d'avoir sur les bras une grande
partie des forces anglaises. L'arrivée de Roduey ', sa jonction avec
Arbuthnot nous firent croire qu'il tenterait de venir brûler avec
22 vaisse.nux notre petite e.scadre ; mais, dans quatre jours, nous
mîmes le port en état de faire une si vigoureuse résistance qu'il y a
lieu de croire qu'il a renoncé à ce projet. Nous avons établi sur une
petite île une batterie de 4» pièces de canon dont dix pièces de
Irente-six, le reste de vingt-quatre et de di.\-huit. Cette batterie en-
file et bal lout(> l'entréo du goulet; elle appuie la droite de la ligne
I. (le ijcmral américain, Irailre à sa patrie, mounil in .inylilerre on iSoi.
a. Amiral anglais (17 17-1792).
UN PETIT-FILS DF MONTKSOUIEU 245
formée par nos sept vaisseaux enibossés dont la fjauche esl soutenue
par une batterie de douze pièces de vingt- quatre et de quatre mor-
liers de douze pouces. On peut considérer notre position comme
une courtine garnie de 230 pièces de canon, flanquée par deux forts
qui servent de bastions à cette courtine et dont les feux se croisent
devant une partie de l'étendue de la ligne. Voilà la position que
nous avons prise ; elle me parait d'autant plus formidable que, lais-
sant en apparence la passe par laquelle on pourrait nous attaquer
libre, elle invite à s'engager sous le feu de toute notre artillerie de
terre et de mer.
Il y a déjà plusieurs jours que nous n'avons reçu de nouvelles de
Washington. Nous craignons que la perfidie d'Arnold n'ait rendu
la correspondance établie entre les deux armées plus difficile et que
les Anglais n'aient surpris quelques-unes de nos dépêches. Daignez,
mon cher Saint-Chamans, me rappeler au souvenir de M"'° de Ju-
milhac et de M"= d'Harville. Je crains bien de ne pouvoir leur
écrire par cette occasion-ci. C'est un peu ma faute : j'ai été fort
paresseux et je vais chercher à réparer mes torts. Adieu, mon bon
ami, je vous aime et vous embrasse de tout mon cœur. Je suis fort
content de mon général'; il est très aimable et me traite on ne
peut pas mieux. Lameth se porte fort bien, il s'ennuie un peu de
la tournure que prennent les choses : il n'est pas le seul. Quant à
moi, j'ai été assez heureux pour ne pas éprouver tin seul instant
d'ennui quoique j'aie certainement perdu beaucoup de temps. Adieu,
mon bon ami, je vous aime et vous embrasse bien tendrement. Mille
choses, je vous prie, de ma part à Théodore et à Alexandre de La-
meth. Si ma lettre vous est rendue, faites-moi le plaisir de faire
écrire à mes parents que je me porte fort bien. Je leur écris par une
occasion différente en tout. Nos lettres ont été jusqu'à présent fort
bazardées. Mille amitiés, je vous prie, à Nadaillac ; je lui ai écrit
trois fois depuis mon arrivée ici, c'est-à-dire par les trois seules oc-
casions que nous aions eues; j'ignore s'il aura reçu mes lettres.
Newport, le ii novembre 1780.
Je pars incessamment pour Philadelphie, mon cher Saint-Cha-
mans. J'y vais avec mon général qui est le plus aimable des hom-
I. Le marquis de Gliastellux.
24G REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
mes, ainsi que mon camarade Lvnch'. Le hazard m';i parfaitement
servi et loin de m'ennuyer ici, je me trouve fort bien. Je mande k
M""= de Jumilhac les nouvelles américaines ; ainsi, mon bon
ami, je ne vous en parlerai pas. Je vous prierai seulement de me
rappeler à son souvenir et à celui de M. de Jumilhac. Voyez-vous
quelquefois M"" d'Harville? Est-elle constamment à la campagne?
S'y amuse-t-elle ? Voilà bien des questions, mais, il est permis d'en
faire quand on est à dix-huit cent lieues et qu'il y a six mois qu'on
n'a reçu de nouvelles d'Europe. Voilà cependant, mon bon ami, où
nous en sommes; ce silence étonne tout le monde et l'ennuy com-
mence à s'emparer de l'armée. Vous avez sûrement déjà vu le Vi-
comte de Rochamboau". J'ignore s'il obtiendra un renfort qui nous
mît en état d'agir plus ofTensiveinent et de faire le siège de New-
York. Il nous faudrait pour cela des forces navales supérieures à
celles des Anglais et 12.000 Français de plus. Nous croyons que la
pai.x se fera cet hiver et nous pensons que si la guerre continue, on
sera obligé de nous envoyer un puissant renfort, si l'on veut nous
mettre en état de faire quelque chose. Voilà, mon cher Saint-Cha-
mans, quelle est ma politique. Au reste, je vis au jour la journée,
sans songer à mon retour en France; j'avoue que j'éloigne, autant
qu« je puis, toutes les idées qui pourraient troubler la paix dont je
jouis et que je n'ai encore nulle impatience de retourner en France.
Vous voyez, mon bon ami, que ma tête commence à devenir vrai-
ment philosophique et que Nadaillac pourra être content de moi. Je
crois qu'il m'était fort nécessaire de faire un voyage de long cours.
J'avoue que tout ce que je vois ici m'intéresse et que la vie mono-
tone que je mène ne me déplaît pas. Adieu, mon bon ami, je n'ai
que le temps de vous embrasser et de vous dire que je vous aime
de tout mon cœur. Notre ami Charles a donné deux coups d'épée
au C. Charles de D. Cela a fait du bruit ici, mais on n'en parle plus
et tout va le mieux du monde. Adieu, mon cher Saint-Chamans, je
vous aime de tout mon cœur.
Ncwporl, 3 fovrior 1781.
J'ai fait un voyage charmant, mon ciier Saint-Chamans, un voyage
1. Isidore LyiK-li, aussi aille Je camp il.i marquis de Cliasttllux.
2. Uonatien-Maric-Josepli de Viuuur, vicouitc de Rooliambeau (i75o-i8i3), fils
du comte de Hochambeau.
UN PETIT-FILS -DE MONTESOUIEU 2^7
([ui m'a l'ait le [tins grand plaisir. Dès que notre petite armée est
entrée dans ses quartiers d'hiver, je suis parti avec M. de Chastcl-
lux pour le quartier général de l'armée américaine'. Je crois vous
avoir mandé de Philadelphie le plaisir que j'éprouvais en vojant
le général Washington. J'ai parcouru tout le théâtre de la guerre et
j'ai vu les principales positions et les principaux champs de bataille ;
enfin, mon cher ami, vous saurez que j'ai eu le plaisir de faire plus
de 4oo lieues dans un pays entièrement nouveau pour moi, où tout
m'offrait quelque chose de piquant, quelque chose qui m'intéressait.
Je n'ai pas le temps, mon bon ami, de vous donner un aperçu de
mon voyage; vous recevrez un volume de moi [wir la prochaine oc-
casion. Je n'ai pas écrit à M""^ de Jumilhac : je vous prie de lui
dire qu'on parle d'elle quelquefois en Amérique et qu'on met au
rang du bonheur à venir le plaisir de passer quelques heures avec
file. Je ne me suis pas ennujé un seul instant depuis mon départ
de France. J'ai beau écrire des volumes, je ne reçois point de nou-
velles. Ainsi, mon bon ami, je finirai à la seconde page, puisque
ma lettre pourrait bien être noyée, ainsi que plusieurs autres que
j'ai écrites. Si vous jugez en Europe que la guerre dure plus d'un
an, je vous prierai, mon bon ami, d'avoir la bonté de me faire
envoyer quatre aunes de drap bleu, des boutons d'aide de camp,
deux épaulettos de mon grade, deux aunes do drap écarlate avec
la quantité de galon suffisante pour faire deux vestes d'aide de
camp. Je vous prierai d'ajouter à cela si.x aunes de drap de Berry
vert, pour habiller mes gens, avec la doublure idem et les boutons
blancs. Pardon, mon bon ami, do vous charger de ce minutieux
détail quo jo vous prierai do confier à votre tailleur. Mais, quoique,
grâce à vos soins, je sois parti parfaitement muni de toutes choses,
je serai obligé de renouveler mes provisions, si la guerre est longue.
Adieu, je vous aime et vous embrasse de tout mon co^ur; mille
amitiés à Nadaillac.
Un coup de vent très fort a fait périr un vaisseau anglais de 7^ h
la fin de janvier et a fort endommagé l'escadre anglaise mouillée
I. M. de Ghastelltix partil le 11 novembre 1780 avec ses deux aides de camp et
l'ut de retour à Newport le g janvier 1781. Il a publié en 1786, à Paris, chez
Prault, une relation de son voyage sous le titre : Voyage de M. le marquis de
Cliaslellax dans L' Amérique septentrionale, dans les années 1780, ijSi, lySa
(2 vol. in-S"). Quant au baron de Montesquieu, il écrivit à Latapie une longue
relation de ce voyage que M. Riymond Céleste a retrouvée aux archives du châ-
teau de La Bréds et qu'il a publiée (oaur. cit., p. 18-2^).
246 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
daiis la baie de Gardner. à l'cxtrcmité septentrionale de Long
Island. Vous verrez peut-être à ^'ersailles un homme de mérite qui
part en qualité d'envoj'é des Ktats-Unis. C'est le colonel Laurens,
homme d'esprit et l'un des plus braves défenseurs de l'Amérique.
J'ai fait connaissance avec lui à Philadelphie et j'ai eu le plaisir de
le voir ici peu de jours avant son départ. Parlez-lui de moi, si vous
le voyez ; il parle fort bien français.
Ncwport, le 4 avril 1781.
Je n'ai pas eu le plaisir, mon bon ami, de recevoir de vos nou-
velles ; mais, je ne vous en veux pas de mal, puisque M™= de
Jumilhac m'a mandé que vous vous portiez bien. Je vous ai écrit
des volumes; mais, puisque vous n'y répondez pas, je ne vous écri-
rai que quatre pages et je vous parlerai plus de moi que des
nouvelles politiques et militaires que vous saurez par Charles de
Lameth, que j'aime de tout mon caur. Je ne m'ennuie pas à
Ncwport. J'y passe ma vie avec des gens aimables. J'ai fait environ
5oo lieues pendant l'hiver; j'ai vu Philadelphie, Albany, Saratoga,
etc., etc. ; en un mot, j'ai passé deu.x mois d'hiver de la manière la
plus agréable. J'ai un général très aimable qui me traite on ne
peut pas mieux. M. de Rochambeau me traite aussi bien qu'il peut
me traiter et je n'ai depuis un an qu'à me louer de tout le monde,
excepté toutefois des ministres qui devraient, en conscience, me
faire colonel d'une façon quelconque. Mon général a envoyé déjà
deu-v mémoires en ma faveur, écrits avec toute la chaleur possible '
et, de ce côté-là, je n'ai qu'à me louer de mon bonheur. Au reste,
mon cher ami, je suis, en Amérique, bien moins ambitieux qu'en
France, si toutefois on peut nommer ambition le désir d'être ce
que beaucoup de gens sont. Vous ne sauriez croire à quel point la
vie que je mène me convient. Le temps a passé aussi rapidement
ici que partout ailleurs et, quoique mille liens m'attachent à la
France, je n'ai pas regretté un seul instant la démarche que je fis
l'année dernière. C'est un grand [jiaisir. mim bun ami. que de
satisfaire sa curiosité et d'être témoin d'une révolution aussi inté-
I. M. Raymond Céleste a publii' {ouvr. cit., \>. i5) une lellre Ibrt éloiiieuse
écrite par le marquis de Chaslellux au prince de Monlbarrey, ministre de la Guerre,
en octobre 1780, demandant pour le baron de Montesquieu le grade de colonel.
UN PETIT-FILS DE MONTESQUIEU 2^9
rossante ot qui ticmlra nt'cessairement tant do place dans l'histoire
de ce siècle. Si jamais je, revois l'Europe, j'aurai bien du plaisir à
causer avec vous de ce que bien des gens ont appelé une folie. A
propos de cela, je reçus par la frégate VAstrée une lettre de mon
|ière dont je fus très content. Il paroît avoir pris son parti et même
ne désapprouve pas ma curiosité. La santé de ma mère, à ce qu'il
me mande, n'a pas été plus mauvaise l'année dernière que les pré-
cédentes. Elle a même été un peu meilleure. Dieu veuille que cela
dure et que j'aie le plaisir à mon retour de retrouver mes parents et
quelques amis en bonne santé. Voila, mon cher Saint-Chamans,
mon unique désir, car je suis assez sage pour attacher peu de prix à.
tout le reste. Mais, il faut que je vous prie d'une chose : mon père
n'a pas songé k m'cnvoyer d'argent par cotte occasion-cy. Vous me
feriez plaisir de déposer cent louis chez M. do Sérillj et de m'en-
voyerun ordre sur le trésorier de l'armée pour pareille somme par
le premier vaisseau ou par la première occasion. Je vous prierai
alors d'en donner avis à mes parents pour vous faire rembourser
cette somme. Vous voyez, mon bon ami, que je ne me gêne pas
avec vous. Mais, je compte trop sur votre amitié pour vous en remer-
cier d'avance. Je n'ai ici aucun traitement et je suis obligé d'avoir des
chevaux et deux domestiques qui me coûtent assès cher. Au reste,
quand on n'a pas fait dans la vie plus de folies que moi, on ne
craint pas de dépenser un peu plus qu'à son ordinaire. Je savais
bien, mon bon ami, que je trouverois un moyen de recevoir de vos
nouvelles en vous donnant occasion de m'obliger. Je parie que vous
répondrez plus exactement à cette lettre qu'à toutes les autres.
Adieu, mon bon ami, je vous aime et vous embrasse de tout mon
cœur. J'écris à Ma dame de Jumilhacetje lui mande quelques nouvelles
que vous saurez l'un et l'autre d'une manière plus détaillée par
notre ami Charles de Lameth qui vous embrasse bien tendrement,
ainsi que moi. Je l'aime de tout mon cœur, ce bon Charles; il n'est
pas de créature plus honnête dans tout l'univers. Un million de ten-
dresses à Nadaillac, qui n'a pas reçu mes lettres, à coup sûr.
Newport, le i6 may 1781.
Il est bien incroyable, mon bon ami, que je n'aie pas reçu une
seule lettre de vous, depuis que je suis en Amérique. M'avez-vous
25o RE\TJE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eUIPIRE
ocril? je n'ose le croire. Car, il n'est pas possible qu'une de vos
lettres ne me fût parvenue. Au reste, je suis fort tranquille sur
votre sort. ^1""= d'Harville me mande que vous, Théodore et M°" de
Jumilhac .sont en bonne santé. Lameth vient d'être nommé aide-
maréchal-des-logis avec lo.ooo livres d'appointements. Son ancien-
neté de commission de capitaine le met avant M. de Béville le fils
et M. Collot; ainsi, il réunira tous les agréments de la place. Cela
me fait le plus grand plaisir. D'ailleurs, notre bon ami n'étant pas
a.ssez riche pour faire ici la guerre à ses dépens, il va se trouver
tout d'un coup dans l'aisance. Son métier d'aide de camp pouvoit
bien l'ennuyer, car son général n'est pas tout à fait aussi aimable
que le mien. Il est déjà remplacé dans .ses nobles fonctions auprès
du général par M. Gromot du Bourg, nouvellement arrivé de la
cour avec de fortes lettres de recommandation et qui n'espéroit pas
moins que la place que l'on a donnée à Lameth. Je le trouve très
heureux d'avoir celle d'aide de camp, après toutes les difficultés
qu'il y avoit l'année dernière pour venir dans ce pays-cy. J'ima-
gine que c'est un piu passé de mode et qu'il n'y a plus tant de
dupes. Ouant à moi, je suis très content ; je monte lieaucoup à
cheval ; je vois un nouveau pays, des hommes qui m'intéressent ;
en un mot, je me trouve fort bien et s'il plaisoit au ministre de
me faire colonel en second, à mon retour ou même un peu avant,
je serois fort aise d'être venu ici. D'ailleurs, je deviens, je crois,
philosophe, et, par conséquent, moins ambitieux depuis que je
suis à portée de connoître de plus près les hommes et les affaires.
Qu'êtes-vous devenu, mon' bon ami, depuis quatorze mois que
nous nous sommes quittés? Nous n'avons pas été si longtemps sans
nous voir depuis que nous nous connaissons. Que sont devenus nos
anciens camarades? Comment se porte Nadaillac? Il ne m'a pas
donné signe de vie, quoique je lui aie écrit plusieurs fois depuis
que je suis ici.
Nous avons l'air d'être voués à l'inaction, i|Uoique nous nous
disposions à quitter Rhode Island pour nous rapprocher de New-
York. Malgré cela, mon bon ami, il est toujours agréable de voir
une nation nouvelle qui cherche à sortir de l'esclavage. Le
V[icomte] de R[ochambeau] n'eut pas de grands succès a la cour,
lors(]u'il V arriva porteur des dépêches de son père; il n'en a
|ias cil un plus grand ici, à son arrivée, d'autant qu'il n'a pas
niêine rapporté les croix de Saint-Louis dues de droit à l'ancien-
Vff PETIT-FILS DE MONTESQUIEU 25 1
ncté. Vous jugez, par là, combien il est aimé clans l'armée. Son
père est un brave et honnête général, moins aimé, je crois, qu'il
ne le mérite, parce qu'il n'a pas l'extérieur pour lui et qu'il a l'air
de peu s'occuper des autres. Notre petite armée a vécu cet hiver
avec tant de sagesse, a observé une discipline si exacte que nous
sommes presque parvenus à faire aimer le nom français dans ce
pays-ci. Les habitants de Newport sont dans l'étonnement ; ils nous
croyaient plus indisciplinés encore que les troupes anglaises et ils
sont forcés de reconnaître notre supériorité à cet égard, comme
nous les forcerions à nous admirer si quelque occasion brillante se
présentait... Adieu ! mon bon ami, je vous aime de tout mon cœur.
Faites-moi le plaisir d'écrire à mon père pour lui demander les
moyens qu'il a pris pour me faire passer de l'argent. Le meilleur
moyen est de s'adresser à M. de Sérilly qui pourroit me donner un
ordre sur le trésorier de l'armée, car les lettres de change sur
M. Olker, consul de France à Philadelphie, et sur tous les négo-
cians de ce pays-cy perdent un tiers, ce qui, comme vous pensez,
n'est pas agréable. Le vicomte de Noailles est dans ce cas-là; on
ne veut lui donner que 16.000 francs pour des lettres de change de
2^.000 francs sur Philadelphie.
Pardon d'entrer avec vous dans ce petit détail. Adieu, je vous
aime de tout mon cœur.
Après la prise de Yorklown et la reddition de t^oniwallis
(17 octobre 1781), M. de Rochainbeau chargea le duc de
Lauzun de porter en France la nouvelle de ce glorieux
succès. Parmi les officiers désignés pour l'accompagner qui
s'embarquèrent, le 24, sur la Surveillante se trouvait le
baron de Montesquieu que sa brillante conduite, lors des
derniers événements, avait achevé de mettre en relief.
Il arriva à Brest vers la nii-noveinbre. En janvier 1782, il
était dans sa famille, à Bordeau.x, d'où il écrivait à son ami :
J'ai trouvé mon père très affaibli par la suite d'un gros rhume.
Il est convalescent depuis quinze jours et très maigre encore. Ma
mère avait eu aussi quelques accès de fièvre dont elle était guérie
depuis quelques jours. Ils vont mieux l'un et l'autre. Mon père m'a
202 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
dit qu'il avait fait les fonds nécessaires pour ma campagne très
prochaine. Ainsi, je suis débarrassé du soin de cherchei- de l'argent,
ce qui me fait grand plaisir... Je suis excédé de toutes les plates
questions que l'on me fait ici et si la santé de mes parents leur per-
mettait de partir sur-le-champ pour la campagne, je les engagerais
à y aller. Ils prennent tous les jours des forces et, s'il ne faisait pas
un temps affreux, je suis convaincu que l'air de la campagne leur
ferait le plus grand bien... J'aurai de la peine à ne pas rlonner
à mon père tous les moments que je passerai en France. Il a si
bien pris son parti ; il s'est conduit avec tant de bonté à mon égard
que je serais plus qu'ingrat, si je ne chei-chais à lui en témoigner
ma reconnaissance. Je ne puis le faire qu'en passant huit jours de
plus avec lui. Ma mère qui m'avait un peu boudé en arrivant a pris
aussi son parti. Ainsi, je suis très heureux et je repartirai avec
autant de gaieté que la première fois, peut-être même davantage.
Le 2 février, nouvelle lettre à .Saint-Chainaiis :
Si mes parents étaient à la campagne, je serais beaucoup plus
content qu'à Bordeaux qui m'ennuie déjà, malgré tout l'accueil
que l'on m'v a fait. J'ai enfin eu le plaisir de voir jouer la
comédie dans la belle salle dont nous vîmes ensemble le projet.
Rien de plus beau et même de plus magnifique à mes veux. L'en-
trée, vaste, spacieuse, réunit tous les avantages de la beauté et de
la commodité. L'escalier me plaît infiniment et l'intérieur de la .salle,
quoique d'une extrême magniflcence, ne dépare point les femmes
qui sont toujours le plus bel ornement d'un spectacle.
La promotion a été si peu nombreuse, écrit-il encore à son ami,
le 19 février, que je ne suis pas étonné de n'y être point compris.
(Montesquieu attendait, en effet, avec une certaine impatience, sa
nomination à un grade supérieur). On parle d'une promotion, on
parle de la création de régiments provinciaux. J'ignore si je parti-
rai sur-le-champ pour Paris. Je ferais bien, dussé-je n'y passer
que trois jours. Mais, mes parents me bouderont, si je le fais. Si
je pars, je serai chez vous le vendredi au soir, 8 du mois, au plus
tard... En tous cas, si je ne passe pas par Paris, je pars pour Brest
où il faut que je sois le 20 de mars. Ce n'est qu'après l'arrivée du
courrier que je me déciderai à partir pour Paris. Ainsi, je suivrai
de près ma lettre, ou je passerai encore une semaine avec mes
parents et me rendrai à Brest.
UN PETIT-FILS RF. MONTESOUIEU 200
AJieu, je inpiirs il'eiivie de vous embrasser avant de passer les
mers. Qui sait si je ferai bien ou si je ferai mal d'aller à Paris? Je
me console d'avance du peu de succès des démarches que je ferais
pour mon avancement. Adieu, mon bon ami, je vous aime et vous
embrasse de tout mon cœur (2 mars).
Montesquieu n'alla pas à Paris. Le 10 mars 1782, il quittait
Bordeaux pour Brest ; la veille, il avait écrit à son ami :
Je suis fâché que mon père se soit opposé à mon petit voyage de
Paris...; mais, cela lui eût fait une peine réelle; il tient fortement à
ses idées et je n'ai pas voulu le contrarier, quelque nuisible que
cela puisse être à mon avancement... Je pars demain. Je suis
désolé de n'avoir pu vous embrasser avant mon départ.
Les lettres qui suivent vont nous apprendre ce que furent
la seconde traversée de Montesquieu et son second séjour en
Amérique.
Rnchdbrt, le 6 juillet 1783.
Nous partirons' peut-être dans quatre ou cinq jours, mon cher
Saint-Chamans, pour annoncer la paix k l'Amérique. M. de
Lafayette ne vient plus avec nous. Le Baron de Vioménil arrive et
il y a déjà ici sept colonels, deux majors et treize aides de camp
destinés à guerroyer en Amérique. Les aides de camp qui n'ont
pas encore été en Amérique sont MM. de Fleury, de Lameth ',
Frédéric de Chabannes, de Bozon, de Vaudreuil, de Langeron, de
Ricci, de Melfort, de Champcenetz et le fils et le gendre du baron
de Vioménil. Jugez de la grimace que feront nos généraux en
voyant arriver ces recrues. On a déjà débarqué toutes les troupes
destinées à aller en Amérique ot, comme les dispositions de la
campagne sont très pacifiques, on nous envoie guerroyer, je ne
sais où.
Il parait que nous partirons, malgré les bruits de paix et le peu
d'espérance d'une campagne active. Cependant, je ne serais pas
étonné d'aller passer l'automne en Guyenne. En ce cas-là, je me
I. Montesquieu s'embarqua sur la Gloire qui mil à la voile le 17 mai, fit escale
à Paimbœuf et à Lorient et se rendit à Rochefort pour y joindre Y Aigle.
a. Alexandre de Lametli.
204 HEVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE LE.MPIRE
trouverais ici tout porté, car il n'y a pas bien loin de Rochefort k
Bordeaux. J'ai fait un cours complet de ports de mer et je ne me
suis pas ennuyé du tout. Le hasard m'a fait vivre beaucoup avec le
comte de Ségur' et le prince de Broglie qui sont tous les deux fort
aimables. Ségur m'assure que je serai un des premiers placés si
son père y peut quelque chose et surtout s'il y a quelque chose de
vacant. Je prends patience, en attendant, et je ne trouve pas le
temps long. Si l'on avait envoyé M. de Guichen aux Antilles
avec la grande flotte espagnole, nous pourrions faire encore une
campagne bien brillante et l'armée de Rochambeau pourrait y
jouer un des principaux rôles. Nous arriverions à temps si nous
partons dans quatre ou cinq jours, comme nous l'espérons. Mais,
je n'ose me flatter que cette espérance soit fondée. En attendant,
on a rassemblé à Rochefort tous les différents convois destinés
pour le nord et pour le sud ; il y a plus de cent cinquante voiles à
l'île d'Aix''. J'ai vu, il y a deux ou trois jours, le fameux fort cons-
truit par M. de Montalembert''. Je n'en ai pas été émerveillé et je
«ois qu'il a dépensé beaucoup d'argent eu pure perte. II a d'abord
construit une tour triangulaire en bois avec deux plateformes sur
chacune desquelles il a élevé des batteries, ce qui formoit avec la
batterie du rez-de-chaussée trois batteries l'une sur l'autre. Il a
senti combien c'étoit défectueux et il a formé en avant de celte
tour une enceinte de batteries beaucoup meilleures et bien plus
avantageusement emplacées que la batterie basse de la tour qui est
devenue inutile parce qu'elle détruiroit la nouvelle enceinte; il ne
piul donc se servir que de ses deu.v batteries supérieures; mais, il y
a entassé le canon si près qu'on ne pourroit bien servir que les
deux tiers des pièces. Cette batterie présente les mêmes inconvé-
nienls que colles des vaisseaux; elle est presque aussi combustible,
beaucoup plus étouffée et plus sujette aux éclats de bois. Il a formé
une espèce de plateforme eu terre battue sur le sommet des para-
pets de la tour et l'humidité qui filtre au travers rend les casernes
qui sont pratiquées dans la batterie même d'une humidité affreuse.
11 faut cependant convcnirque les batteries rasantes de la droite qui
sont il quelques toises de la lour sont parfaitcinint bonnes ; il a
1. Fils ilu ininislro de la Guerre.
T. A rernbouchurc de la Cliarentc.
3. IM.iiT-Hené, marquis do Montaleniberl (1714-1800), général, écrivaia français,
auteur de La Forlijication perpendiculaire (Paris, 1770-9/), 11 vol. in-4°.)
UN PETIT-FILS DE MONTESQUIEF 255
couplé les pièces; les parapets ne peuvent être détruits par la plus
lorte artillerie ; les pièces y sont cachées et défilées par de bonnes
traverses. Le feu des différentes batteries se croise très bien. L'ou-
vrage qu'il a fait construire du côté de la terre me paroît très
défectueux ; il a diminué les faces d'une demi-lune et a construit
une espèce de tenaille angulaire et deux petits réduits qui sont
autant de nids k rats. Le revêtement d'une partie de ces ouvrages
est en pierre sèche ; ainsi, gare les éclats. Je ne crois pas qu'il fût
possible d'y tenir longtemps\ Adieu, mon bon ami...
A bord de la frcgale la Gloire, dans la rade
de risie d'Aix, le lo juillet 1782.
Il est vrai, mon cher Saint-Chamans, que depuis que je voyage
en frégate, je vous ai fort peu écrit. C'est ma faute, car j'ai écrit
quelques lettres k nos amies et si j'ai négligé mon ami que j'aime
cependant par-dessus toutes choses, ce n'est pas faute d'avoir
songé à lui. Voici, mot k mot, mon histoire. Vous savez, mon cher
Saint-Chamans, que, toujours pressé, je partis de Bordeaux, le
20 de mars, dans l'espoir de m'embarquer dans les premiers jours
d'avril. Je m'établis bien k Brest et j'attendis les amateurs qui
devaient venir de Paris. Ils arrivèrent effectivement le lo avril. On
devait faire partir un convoi ; on devait embarquer sept cents recrues
pour l'armée de Rochambeau. Les recrues étaient arrivées k Brest
sans officiers. M. le comte de Langeron jugea à propos de me don-
ner le commandement d'un de ces détachements composé de 200
hommes. On attacha des officiers à chacun des trois autres et je fis les
fonctions de major de ce corps-là dont MM. de Ségur et de Broglie
étaient colonels. M""^ de Ségur et M^^^ de Fresne, sa belle-sreur, pas-
sèrent quelques jours k Brest et je passai avec elles la plus grande
partie du temps que les détails dont on m'avait chargé ne consu-
inoient pas. La prise du convoi de l'Inde fit changer la destination
du convoi, différa son départ et, au lieu du bâtiment de transport
sur lequel j'étais maître absolu, je demandai à passer sur la frégate
la Gloire avec MM. de Lauzun,de Ségur, de Broglie, de Lillyhorne^
1. Le marquis de Montalembert avait été chargé en 1779 des travaux de défense
de l'île d'Aix qui, de la sorte, put soutenir victorieusement les attaques des Anglais.
2. Ou de Ligliorn, aide de camp du roi de Suède.
256 REVUE HISTORIQUE DK LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
qui y passaient. Je l'obtins aisément, mais à condition que je n'em-
baïquerais avec moi qu'une seule malle et un seul domestique. Les
si.x autres passagers qui obtinrent la permission de s'y embarquer
ne furent pas plus heureux que moi, et nous partîmes sans équipa-
ges, le 19 mai. Un coup de vent assez ordinaire, mais très exagéré
à Paiis ainsi que nos dangers, nous obligea de relâcher k l'entrée de
la rivière de Nantes. Notre frégate avait besoin d'être réparée ; nous
avions été obligés de courir au plus près par un assez gros temps
pour nous élever de la côte et les mouvements vifs de tîingage
avaient légèrement endommagé sa guivTe. Nous expédiâmes sur le
champ un courrier au ministre pour lui demander ses ordres et le
port qu'il choisirait pour nous réparer. La frégate reçut ordre d'aller
à Lorient et nous attendîmes à Nantes qu'elle fût prête. Je ne vous
parlerai ici de nos folies ni de mes bonnes fortunes. Nous passâmes
trois semaines le plus gaiement du monde, malgré les dîners et les
soupers dont on nous accablait. Mes compagnons de voyage étaient
tous fort aimables. Le comte de Ségur surtout, avec lequel je me
suis lié plus qu'avec les autres, était d'une gaieté charmante. EaRn,
la bonne chère, la bonne compagnie, la mauvaise même, tout con-
tribua à nous faire trouver le temps que nous passâmes à Nantes
assez court. Je fis plusieurs courses à cheval dans les environs; je
vis les forges d'Indret et ce qu'il y avait de plus intéressant, et je
partis pour Lorient le 12 ou le i3 juin. Nous trouvâmes notre fré-
gate prête ; mais, ce qui nous contraria infiniment, c'est que le
ministre nous avait ordonné d'attendre à Lorient de nouvelles ins-
tructions. Nous fûmes huit jours sans les recevoir; enfin, on nous
donna ordre d'aller à Rochefort. Jugez combien nous fûmes contra-
riés : nous y arrivâmes le 22 juin ; on parlait alors de pai.x. Nous
devions partir avec M. de Lafayette ; il ne vient point et nous avons
reçu ordre de partir sans lui avec la frégate V Aigle qui porte M. de
Vioménil et quinze aides de camp pour l'armée de Rochambeau ;
il y a vingt-deux passagers à bord de V Aigle. Nous ne sommes que
huit à bord de la Gloire parce que le duc de Lauzun et Sheldon ont
])référé de passer sur r.4/<7/c avec M. de Latouche qu'ils connai.ssent
depuis longtemps. Notre capitaine, très bon officior d'ailleurs, craint
beaucoup de se trop encombrer. Le prince de Broglie et Ségur por-
tent une partie de leurs équipages avec eux. Ma grosse caisse de
selles- viendra par le convoi. Je suis désolé d'y avoir mis mes bottes
et quelques autres choses i|iii tieiineiil peu de place que j'aurais pu
UN PETIT-FILS DE MONTESQUIEU 267
porter avec moi, mais, j'ai obtenu d'emmener mon palefrenier et
d'avoir un cadre dans la grande chambre ; ainsi, me voilà très bien.
Voilà, mon cher Saint-Ghamans, mon histoire de trois mois. Mais,
comme il faut que je fasse un cours complet de ports de mer, nous
allons à la Rochelle pour nous dépêtrer du très nombreux convoi
qui est mouillé à l'île d'Aix. Nous partirons par le premier vent
favorable ; je crois que nous serons sous voile dans deux ou trois
jours. Nous sommes sur deux bonnes frégates et nous nous tirerons
bien d'affaire. Si, par hasard, je suis pris, je profiterai de cette occa-
sion pour voir l'Angleterre et pour ensuite vous aller embrasser à
Calais'. Il faut savoir prendre son parti sur tout. Mes compagnons
de voyage sont gais et aimables, surtout Ségur et le prince de
Broglie; Alexandre commence à s'égayer. En tout, nous avons été
excessivement contrariés depuis trois mois. Il faut espérer que notre
voyage sera heureux et que nous arriverons sains et saufs à notre
destination. Voilà, mon bon ami, une longue histoire; voici ma jus-
tification de ne vous avoir point écrit : premièrement, je n'ai pas
une seule bonne raison qui puisse excuser mon silence à votre
égard; ainsi, il faudra que vous vous contentiez des mauvaises que
voici : les contrariétés m'ont rendu paresseux. J'ai passé la plus
grande partie de mon temps àcauser et à polissonuer et je n'ai pres-
que écrit qu'à des femmes. Les discussions philosophiques, les nou-
velles et les plaisanteries, en un mot, tout ce que l'on fait pour tuer
le temps, m'ont accoutumé à la paresse. J'espère que je recouvrerai
mon activité en Amérique. Je vous plains sincèrement d'avoir perdu
vos procès et je vous plains bien plus encore de ne les avoir pas
finis. Ne croyez pas être le seul contrarié par l'inconséquence du
pays que vous habitez. Tout est plein de contradictions : il faut s'v
endurcir et rire de tout; j'ai pris ce parti-là et je m'en trouve bien.
Je dis toujours que dans le meilleur des mondes possibles tout est
pour le mieux, et, à force de le dire, je parviens quelquefois à me le
persuader
Adieu, mon Ijon ami, je vous aime de tout mon cœur. Alexandre
se porte à merveille, malgré son air langoureu.x ; nous l'aimons tous
à la folie. Adieu, mon bon ami, pardonnez-moi mon long silence :
mon cœur n'y avait point de part, mais vous savez bien qu'on peut
I. M. de Saint-Chamans était alors maître de camp en second au régiment de
La Fère, à Calais.
REV. HIST. DE LA RÉVOL. IT
258 REVUE IIISTOniQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
aimer ses amis, sans leur écrire beaucoup. J'ai cependant été si sen-
sible a vos reproches que je n'ai été content que lorsqu'il m'a été
possible de trouver un petit coin de table pour vous répondre et
pour vous dire que je vous aime de tout mon cœur. Voilà ce que
c'est que d'être pare.sseu.x : on se reproche sa paresse, comme si ce
n'était pas une chose naturelle à l'homme.
La Rochelle, le i3 juillet 1782.
Adieu, le meilleur des amis ; je pars dêms l'instant et je n'ai que
le temps de vous dire que je vous aime de tout mon coeur.
^Adresse : Monsieur le marquis de Saint-Chamans, martre-de-
camp en second du régiment de La Fère, à Calais.)
Philadelphie, le 18 septembre 1782.
Il y a déjà trois jours ', mon cher Saint-Chamans, que je suis à
Philadelphie et il y en a six que je suis descendu dans une petite
barque sur la terre d'Amérique, portant mon bagage en sautoir et
marchant à pied avec Ségur, le prince de Broglie, Lameth et tous
les autres passagers. Voici notre histoire après deux mois de navi-
gation pendant lesquels nous avions été forcés de relâcher aux
Açores pour faire de l'eau, après avoir soutenu le 5 septembre un
combat de trois heures à portée de la voix contre un vaisseau de
74. Quand je dis à portée de la voix, c'est au pied de la lettre, car
nous nous parlions pour chercher à nous connaître. Après une
heure et demie du combat le plus vif entre la Gloire sur laquelle
j'étais et le vaisseau ennemi, la Gloire fut enfin secourue par l'Aigle
qui, connaissant mieux que nous la force de ce vaisseau, avait tenu
le vent et nous avait fait le signal de le suivre, chose qui nous eût
fait prendre à coup sûr. parce que, pour nous retirer, il eût fallu
prêter la hanche h tout le feu d'un vaisseau qui, de la première
volée, devait nous couler bas. RI. de Valongne, notre capi-
taine, prit son parti sur-le-champ et attaqua le vaisseau, en profi-
tant de la légèreté de sa frégate pour le battre toujours de l'avant
I. Monles(|uieu arriva à Philadelphie le i5 sei>tembre.
UN PETIT-FILS DE MONTESQUIEU 25^
OU de l'arrière, eu ne prêtant le côté que le moins qu'il pouvait.
Cette manœuvre réussit et nous l'avions déjà fort maltraité quand
YAigle vint à notre secours. Le combat devint plus chaud que
jamais, jusques à 0 heures du matin que nous décomTÎmes des
forces supérieures qui nous engagèrent à abandonner le vaisseau
([ui n'aurait pas soutenu encore plus d'une heure de combat, car
il ne pouvait plus manœuvrer, ayant ses voiles hachées et parais-
sant dans le plus grand désordre. En voilà assez pour un épisode.
Voici la suite de notre histoire : cinq jours s'écoulèrent et nous
étions à vue de terre quand nous découvrîmes l'escadre anglaise
sous le vent à nous. Un petit bâtiment de seize canons vint nous
reconnaître de si près que nous lui envoyâmes quelques boulets et
que nous le prîmes à la barbe de son escadre. C'est ce qui causa
nos malheurs. Nous perdîmes du temps. Les vents nous obligeaient
à courir des bords {sic) et nous ne pûmes mouiller que le soir à
portée de la terre. Malheureusement, la mer était très grosse ; le
canot que M. de Latouche, commandant de l'Aigle, avait envoyé à
terre périt avec les pilotes qu'il avait été chercher, et, le lendemain,
à la pointe du jour, nous fûmes obligés de couper nos câbles, d'ap-
pareiller sur le champ et de donner sans pilote dans la Delaware,
poursuivis par une escadre anglaise de 12 voiles dont plu.sieurs
vaisseaux de 74. Nous enfilâmes la mauvaise passe; nous étions
au moment d'être joints, quand M. de Latouche nous cria dans le
porte-voix : « Quand vous serez échoués, vous couperez vos mâts,
vous ferez un large sabord pour faire couler la frégate et vous sau-
verez, s'il est possible, votre équipage. » Cet ordre de notre com-
mandant ne fit pas l'impression qu'il aurait dû faire. Notre équi-
page, accoutumé à se battre contre des vaisseaux de 74, fier encore
de ses succès, dit : Eh bien ! s'il n'y a que des frégates qui puissent
venir à nous, nous les battrons, et si ce sont des vaisseaux, nous nous
battrons ! Tel est l'hommage que je dois rendre à l'équipage de la
Gloire. Je l'ai vu, dans les deux circonstances les plus périlleuses,
conserver cette gaieté, cette bravoure et cette activité qui caracté-
risent la nation française. Les ennemis craignant de s'échouer,
mouillèrent à trois portées de canon. On tint conseil de guerre à
bord de l'Aigle et il fut décidé que l'on débarquerait sur-le-champ
les passagers, ce qui fut fait tout de suite. Nous descendîmes de nos
personnes à dix milles de Dover; on fit débarquer l'argent pendant
la nuit ; mais, comme on avait aperçu des chaloupes ennemies très
aOo REVUE HISTORIQUE UE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIUE
bien armées, on jeta l'argent à la mer pour empêcher qu'il ne fût
pris. Les ennemis, heureusement, ne débarquèrent pas. Nous
repêchâmes tout l'argent ' ; nous le fîmes charger sur des chariots ;
nous l'escortâmes nous-mêmes et il arriva sain et sauf à Philadelphie,
hier à midi. Nous n'avons perdu que 5o.ooo écus sur les deux
millions quatre cent mille livres que nous portions.
La frégate la Gloire et notre prise ont heureusement passé et
sont mouillées à Philadelphie. La malheureuse frégate \' Aigle a
touché, a coupé ses mâts, s'est l'ait couler et a été obligée d'amener
son pavillon, après un combat désavantageux, dans lequel, couchée
sur le côté, elle était labourée de l'avant à l'arrière par le canon
d'une frégate ennemie. Latouche et tout son équipage ont été faits
prisonniers. Les Anglais s'occupent à relever la frégate, mais je
doute qu'ils puissent le faire. J'ai été si occupé tons ces jours-ci
pour les affaires de l'armée, j'ai été sur pied nuit et jour, crevant
des chevaux, qu'il m'a été impossible de mander le moindre détail
à M""^ de Jumilhac. Ainsi, faites-lui lire ma lettre, mon bon ami, si
vous la voyez. Adieu, mon cher Saint-Chamans. M. de Vioménil
m'envoie à l'armée avec des dépêches très importantes. Adieu, mon
bon ami, je vous aime et vous embrasse de tout mon cœur. Tout
le monde se porte bien. Une chose très surprenante, c'est que notre
combat du 5 contre le vaisseau de 74 ne nous a fait perdre que
vingt ou vingt-cinq hommes et qu'il n'j en a eu que deux de tués
à côté de moi sur la Gloire. Adieu, mon bon ami, je vous aime de
tout mon cœur.
Au camp de Crampond, le 5 octobre 1782.
.\h ! quelle foule de situations différentes, mon bon ami, depuis
que je ne vous ai écrit. J'ai passé par toutes les aventures, tem-
pêtes, calmes, relâches, combats, atterrages ; tout a été intéressant
et il y a eu des moments propres à développer l'énergie de l'âme.
J'ai couru bien des hazards depuis trois mois; j'ai vu les Açores ;
I. Suivant un entrefilet paru dans le journal Z.'.l«6e, imprimé autrefois à Troyes,
n» du 6 novembre 1874. l'argent aurait été coulé, puis repéché par les soins du
marquis Cbarles de Mac-Mahon, oncle du maréchal, président de la Hépublique. Le
prince de Galles (plus tard Edouard VII) aurait, d'après le même journal, rappelé
ce fait au maréchal, lors d'une chasse à Marly, en 1874.
UN PETIT-FILS DE MONTESQUIEU 26 1
j'ai eu ma pari d'un combat do trois heures, à portée de la voix
entre deux frégates et un vaisseau de soixante-quatorze canons;
la frégate la Gloiri', sur laquelle j'étois, a <>ngagé le combat à dix
toises du vaisseau ennemi et lui a tenu tête toute seule pendant
une heure un quart. J'ai fait, une seconde fois, à un combat de mer
les fonctions d'aide de camp. Il est vrai que le premier n'étoit
qu'une plaisanterie et que le second n'a pas été aussi chaud qu'il
devoit l'être, car il y avoit à peu près cent à parier contre un que
nous serions coulés bas avant la fin de la première heure. La fré-
gate V Aigle est venue à notre secours une heure un quart après les
premiers coups de canon et nous nous sommes encore battus pen-
dant une heure trois quarts. J'ai été enchanté de la bravoure et de
la gaieté de notre équipage qui s'est conduit à merveille. Mais, ce
qui vous paroîtra incroyable, après un combat aussi long, c'est que
nous n'avons eu que deux hommes tués et blessés et que VAigle
qui a commencé plus tard n'a eu que vingt hommes tués ou blessés.
Deux cents hommes de morts sur les deux frégates auroient donné
de la célébrité k cette action, qui, quelque extraordinaire qu'elle
puisse être, sera condamnée à l'oubli. Ce n'étoit pas là la fin de nos
aventures ; le 1 1 septembre, à 6 heures du matin, nous avons aperçu
une escadre angloise sous le vent à nous et sous le vent du cap May.
La mouche de cette escadre qui étoit au vent s'est trop avancée et
nous l'avons prise. Nous avons perdu de vue les ennemis qui cour-
roient la bordée du large et nous avons mouillé le soir k 3 lieues
de la côte. M. de Latouche, commandant des deux frégates, a
envoyé son canot à terre pendant la nuit pour chercher des pilotes.
Le canot a péri et le lendemain matin, à la pointe du jour, nous
nous sommes trouvés au milieu de l'escadre angloise.
Nons avons coupé nos câbles et appareillé sur-le-champ et nous
avons donné dans la Delaware, sans pilotes. Nous nous sommes
engagés dans la mauvaise passe, toujours poursuivis par les
ennemis ; k trois heures de l'après-midi, lorsqu'ils furent bien sûrs
que nous ne pouvions pas leur échapper, ils mouillèrent k trois
portées de canon de nous ; nous tînmes conseil de guerre k bord
de V Aigle et il fut décidé que l'on mettroit k terre l'argent et les
passagers des deux frégates.
Nous nous embarquâmes dans le canot, sans domestiques,
n'ayant avec nous que notre portefeuille. On débarqua l'argent
pendant la nuit; mais, le lendemain matin, tandis que j'étois
262 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
occupé à rassembler les chevaux et les wagons nécessaires, il
parut des chaloupes sur le rivage. M. de Vioménil leur fil tirer deux
coups de pierrier, les seules ai-mes à feu que nous eussions, fit
rouler les barils d'argent dans la rivière, fit charger 400.000 livres
en or sur une voiture et gagna le grand chemin qui conduit de
Bilotstown à Philadelphie. Quatre heures après, on lui dit que les
chaloupes avoient disparu ; il revint sur le rivage, fit repêcher
l'argent qu'on retrouva en entier. Il arriva quatre jours après à
Philadelphie. Pendant ce tems-là, l'Aigle avoit ordonné à la Gloire
et à notre prise de tenter le passage des ba.s-fonds ; elles le firent
avec succès et mouillèrent devant Philadelphie, quatre ou cinq jours
après. Mais, V Aigle, qui tiroit plus d'eau, a échoué sur un banc de
sable, a coupé ses mâts et a été obligé d'amener son pavillon. Les
Anglois l'ont relevée et conduite à New-York.
Voilà nos aventures, mon cher Saint-Chamans. Le duc de
Lauzuii, le baron de Vioménil, le marquis de Laval et tous les
passagers de V Aigle, ont perdu tous leurs équipages et une partie
de leurs domestiques. Ségur, le prince de Broglie, Lameth et tous
les passagers de la Gloire et moi n'ont rien perdu. Il est vrai que
je ne portais qu'une seule malle et que le gros ballcit où étaient
mes bottes, mes selles, mes chapeaux, le drap et les manteaux que
je porte, ainsi que ma tente arriveront, quand Dieu voudra, par le
convoi. On n'avait pas voulu me les embarquer et je m'en passe k
merveille. J'ai trouvé deux tentes qu'on n'avait pas vendues ; mes
autres effets avaient produit fort au delà de ce qu'ils me coûtaient
en France et j'ai trouvé de l'argent en arrivant, ce qui ne m'a pas
fait de peine.
J'ai été dépêché de Philadelphie avec les paquets pour l'armée
qui est campée k 6 milles de West Plains, k 3o milles environ
de New- York. C'est dessous la toile que je vous écris. J'ai un bon
brasier devant ma tente ; il y avait déjà de la glace ce matin. Nous
serons campés jusques au mois de novembre. Quand nous serons
en quartier d'hiver, j'irai voyager dans le Sud et voir les Carolines
et la Géorgie que je ne connais pas.
Les Anglais évacuent Gharlestown. Ils ont fait dos propositions
de paix au Congrès, qui a répondu qu'il ne pouvait entendre
aucune proposition sans la médiation de la France. Notre petite
armée a soutenu la bonne opinion qu'elle avait donnée de la nation
française. J'ai été étonné de l'amitié que nos alliés ont prise pour
UN PETIT-FILS DK MONTESQUIEU 263
nous. C'est la première cliose qui m'a frappé dans la course rapide
que j'ai faite pour rejoindre l'armée.
Mais, pourquoi diable nous envoyer tant d'aimaldes de Paris,
justement quand il n'y a rien à faire. Dieu veuille qu'ils aient la
sagesse de ne pas nous faire haïr. On dit que M. de Rochambeau et
M. de Chastellux reviennent en France cet hiver. J'en suis fàch6
pour mille raisons, plus encore pour le bien de la chose que pour
moi personnellement qui leur suis fort attaché.
J'ai été le premier Français arrivé par les frégates qui ait vu le
général Washington. J'ai cru pouvoir passer un quart d'heure chez
lui avant do voir M. de Rochambeau à qui Ségur portait les dé-
pêches pressées. Je ne portais que les secondes. Vous n'avez pas
d'idée, mon bon ami, de la manière dont le grand homme m'a reçu.
Il m'a embrassé avec joie et m'a comblé de politesses. Je l'ai vu
deux ou trois fois depuis, quoique son camp soit à i5 milles du
nôtre ; je l'aime de tout mon cœur, car je suis persuadé qu'il a plus
de perfections morales qu'aucun homme au monde.
Adieu, mon bdU, mon ancien, mon tendre ami. Je passerai tout
le temps que durera la guerre en Amérique, car je ne veux pas
faire tous les ans S.ooo lieues sur mer. Passe encore de les faire
par terre. Si vous voyez M™^ de Jumilhac et que vous croyez ma
lettre lisable et lisible, lisez-la-lui ; je l'aime de tout mon cœur.
Vous pouvez le lui dire
Le II novembre 1782, le baron de Secondât de Montes-
quieu était nommé niestre de camp en second dans le régi-
ment de Bourbonnais.
Peu après, le 4 février 1783, la paix était signée entre les
belligérants et Montesquieu rentrait en France sur VÈme-
raude, le 10 février 1783.
Il devait mourir lieutenant-général des armées du Roi, le
19 juillet 1824, à l'âge de soixante-quinze ans^.
Octave Beuve.
I. CÉLESTE, ouur. cit.
QUELQUES DOCUMENTS BIOGRAPHIQUES
CONVENTIONNEL COURTOIS
Les papiers proveiiaiit de H. Cmirtois nous permettent de
préciser quelques points de la bior|rapiiie du conventionnel
son père.
Malgré l'étude remarquable de M. H. Labourasse et diffé-
rentes notices éparses çà et là, la vie d'Edme-Bonaventure Cour-
tois est encore à écrire. Les énigmes y abondent.
Ces ([uelques noies que nous livrons aujourd'hui ne sont pas
capitales sans doute; elles complètent cependant, ou confir-
ment, certains renseignements. C'est à ce titre que nous les
donnons.
Parlant des fonctions publiques exercées par son père,
H. Courtois considère comme calomnieuse l'anirmalion que
eelui-ci avait été receveur du district d'Arcis.
Voici en eft'et ce qu'il écrivait vers i845-i85o :
« J'ai éprouvé un sentiment pénible en voyant encore exhu-
mer de la tombe la mémoire de mon père. Je crois remplir un
devoir sacré en vous demandant la rectification des erreurs
calomnieuses insérées dans la notice historique et biographique
du dép' de l'.Vube où mon père est né. Il n'est pas à ma con-
naissance qu'il ait été receveur du district. Il habitait .Vrcis-
DOCUMENTS BIOGR.il'HIQUES StR LE CONVENTIONNEL COURTOIS 203
sur-Aube où il faisait un commerce considérable avec les hô-
pitaux de Paris dont il était fournisseur. Mon père était fils
unit[ue, avait de la fortune de son patrimoine ; il ne s'est pas
enrichi dans les alï'aires de la Révolution qui lui a été fort pré-
judiciable. D'infâmes calomnies ont été répandues à ce sujet,
et quand il s'est retiré dans sa campagne de Piembluzin la mo-
dicité de sa fortune en a fait justice. »
Or, H. Courtois était-ii de bonne foi en écrivant cela? La
question peut se poser, car dans ses papiers nous avons re-
trouvé un « Bordereau pour comptes entre les citoyens Courtois
et Menuël relativement aux recettes et dépenses faites par le
premier sur toutes les parties en sa qualité de receveur du dis-
trict d'Arcis ». Ce Bordereau, signé « Courtois », a été fait et
arrêté le 7 novembre 1792.
Nous y avons également retrouvé une pièce qui prouve
qu'avant 1789 Courtois ne s'occupait pas uniquement de son
commerce de boissellerie.
L'an mil sept cent quatre-vingt-quatre, le dix août sur les cinq
heures de relevée en l'hôtel et pardevantnous Nicolas-Jean-Baptisle
Vernier et Pierre-François-RollanJ Gueslon, Conseillers du Roy,
Juge garde do la Monnoye de Troyes, assisté de notre Greffier ordi-
naire.
Est comparu Edme-Bonaventure Courtois négociant demeurant à
Arcis-sur-Aube.
Lequel nous a dit que par arrêt de la Cour des Monnoyes en datte
du premier mai mil sept cent quatre vingt quatre, collationné, con-
trollé et signé par la cour des Monnoyes Gueudré avec grille et pa-
raphe ; il a été commis pour remplir par commission le change k la
Résidence d'Arcis à la charge par lui de tenir registre des espèces
et matières d'or et d'argent qui seront apportées à son change et de
faire vérifier les poids et balances pardevant nous. Et comme il dé-
sirerait faire les fonctions de laditte commission, il requiert qu'il
nous plaise ordonner que le dit arrêt sera enregistré en notre greffe
pour être exécuté selon la forme et teneur aux ofTres qu'il fait de
prêter serment aux cas requis et accoutumés et ordonne que les ba-
lances et poids consistans en quatre marcs seront par nous vérifiés
et que son registre sera par nous cotte et paraphé pour par lui faire
266 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'e5IPIRE
les fonctions de ladittc commission conformément audit ordre. Sur
laquelle réquisition faisant droit
Courtois fut donc dès 1784 changeur à Arcis-sur-Aube, et,
vers 1790-1791, receveur du district.
Nous possédons également une pièce se rapportant à la mis-
sion de Courtois représentant à l'armée du Nord et des Ar-
dennes. C'est une lettre de Custine du i3 juin 1798 relative à
l'approvisionnement des places.
Cambrai le i3 juin i7()3, l'an 3" de la Rqiublique française.
Le général Castine aux citoyens représen/ans du Peuple.
J'ai ordonné citoyens k l'ordonnateur en chef de l'armée d'appro-
visionner toutes les places frontières sans aucun retard et d'y faire
verser les fonds nécessaires pour assurer la subsistance des troupes
et les ouvrages de fortification.
L'ordonnateur m'a répondu qu'il avait donné les ordres les plus
précis AUX administrations pour l'approvisionnement des places que
je lui ai indiquées, que journellement il les pressait pour les faire
effectuer et que les administrateurs auprès de lui en étaient empêchés
à deffaut de fonds.
11 est instant, citoyens représentans que vous vous fassiez reudre
compte par l'ordonnateur du besoin des places et que vous lui pres-
criviez de faire completter les approvisionnemens en toute espèce de
subsistances, ce sans aucun retard.
Le général en chef des armées du Nord et des Ardenncs.
Custine.
Voici la minute de la réponse que firent à Custine les repré-
sentants Hollet, Belfroy, ... et Courtois. Cette minute paraît
être de la main de ce dernier.
Aussitôt la réception, citoïen général, de la lettre que vous nous
avez adressée ce matin, nous avons donné l'ordre au commissaire
général de nous rendre compte dans le jour de l'approvisionnement
DOCUMENTS BIOGRAPHIQUES SUR LE CONVENTIlINNEL COURTOIS 2O7
(les places dans tous les genres d'objets de consommation. Vous
trouverez ci-jointe la copie de notre lettre.
Déjk nous avons senti combien l'abondance dans les places me-
nacées pourrait servir la chose publique eu nous mettant à même de
profiter des vains efforts par lesquels l'ennemi se consumerait, pour
nous instruire, nous organiser, nous (lisci])liner, nousaguériret nous
mettre en état de le battre. Nous avions déjà demaadé des états, mais
ils n'étaient que partiels et nous n'avons pu sur ces apparences
nous déterminer à aucun parti. L'excessive cherté de tous les objets
nous effraye d'ailleurs assez pour que nous y regardions à deux fois;
mais les circonstances devenant plus pressantes chaque jour, nous ne
différerons plus, nous ne mettons pas en balance l'intérêt pécuniaire
avec celui de la liberté et de la victoire. Nous croyons que ce
serait risquer un trop long tems que d'attendre des décisions de Paris
et nous autoriserons dès aujourd'hui quelques marchés qui procure-
ront au moins des ressources promptes et sûres en différons genres.
Ce qui a attiré notre attention sur celte correspondance, c'est
ce fait que l'ordonnateur en ciief de l'armée, dont il s'agit ici,
était aloi's Petiljean. Relâché après une première arrestation
pour malversations, celui-ci comparut à nouveau sous le mê-
me chef d'accusation devant le tribunal révolutionnaire et fut
condamné à mort le i8 floréal II. Or ce Petitjean intéressait sû-
rement Courtois, car parmi les papiers de ce dernier se trouve
une copie d'un mémoire justificatif présenté par l'ordonnateur
en chef, mémoire dont une autre copie se retrouve au dossier
Petiljean aux A. N., W. 36o.
Il faut également rappeler ici que parmi ces mêmes papiers
se trouve toute une liasse de la comptabilité de Perrin, four-
nisseur aux armées. Ce Perrin était allié à Courtois, comme
lui étaient aussi alliés deux autres fournisseurs aux armées,
condamnés à mort le 26 prairial an II, Ruinet et Lorcet.
Il semble que de tout cela on peut conclure que Courtois,
par lui-même ou par les siens, eut des intérêts dans l'appro-
visionnement des armées et que le procès de Petitjean, en par-
ticulier, ne le laissa pas indifférent.
200 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
En vendomiaire an IV, Courtois reçut la lettre suivante :
Aire le 23 vendémiaire, 4*^ aimée républicaine.
LIBERTÉ, ÉGALITÉ. FRATERNITÉ
Daval président de l'assemblée électorale, département de pas de
Calais, Au citoyen Courtois membre de la convention nationale.
Citoven.
Je m'empresse de vous informer que l'assembli'e électorale du
département du pas de Calais vous a élu au nombre des vingt sept
qui composent sa liste supplémentaire pour les doux tiers desrepré-
sentans qui doivent être du Corps Législatif.
C_v joint est l'e-xtrait du procès verbal qui le constate, certiCé,
comme il est réglé par l'art. 6 de la loi du lo Vendémiaire et l'art. 4
de celle insérée au Bullcliii du i5 du même mois.
Salut et fraternité.
DuVAL.
II est une fonction publique, à laquelle fut appelé Courtois,
dont il n'a jamais été parlé, du moins à notre connaissance :
celle de consul de la République française à la Corogne.
Le fait cependant est indéniable.
Par arrêté du Directoire exécutif du 0 prairial an V : « Le
citoyen Courtois est nommé au consulat de la Corogne. Son
traitement annuel est fixé à quatre mille cinq cent livres. «
En lui transmettant cette nomination, le niinistredes Relations
extérieures, Cli. Delacroix, lui adressait le 12 prairial une lettre
très élogieuse, tellement élogieuse qu'on se demande quel in-
térêt le Directoire avait à éloigner Courtois des Anciens.
Au citoyen ('ourtois, consul de la Répiibli(/iie française
à la Coroyne.
L'hoiniiu' qui, pendant sa mission législative, a su si bien justifier
la confiance de la nation, méritait, Citoven, toute celle du Gouver-
DOCUMENTS BIOGRAPHIQUES SUR LE CONVTNTIONNEL COURTOIS 269
iiement. Le Directoire exécutif vous remet aujourd'hui l'honorable
soin (le protéger à la Corogne le commerce des Français; il a pensé
que, pendant l'exercice de vos fonctions, ce commerce pourrait ac-
quérir plus d'importance et d'étendue, par les renseignemens pré-
cieux que vous pourriez transmettre du lieu de votre résidence; et
il a senti que la République serait dignement représentée par un
de ses fondateurs et de ses sincères amis.
Salut et fraternité.
Ch. Delacroix.
Courtois fut-il flatté de sa nomination? Il est difficile de le
savoir. En tous cas, Delacroix crut bon de le stimuler à nouveau
le 24 messidor.
Je vous adresse, citoyen, la commission de la place de consul à
Inquelle vous avez été appelé par arrêté du 6 Prairial.
La protection constante dont les navigateurs et les négocians de
la République ont besoin dans les ports étrangers exige que vous
vous rendiez incessamment à la Corogne, d'où le C'" Févelat partii'a
bientôt pour se rendre à Carthagëne.
Vous voudrez bien, citoyen, m'accuser réception de la commission
ci-jointe, et me faire connaître l'époque de votre départ.
Salut et fraternité ^
Ch. Delacroix.
Courtois ne se pressa sans doute pas. Aussi, le 7 fructidor,
nouveau rappel du ministre qui était alors Talleyrand.
Le bien du service exige, citoyen, que vous vous rendiez le plutôt
possible au nouveau poste où vous a appelé la confiance du Direc-
toire exécutif et le citoyen Févelat, votre prédécesseur au consulat
de la Corogne, n'attend que le moment de votre arrivée pour passer
sans délai à Carthagène, où sa présence est des plus nécessaires.
Je vous prie, citoj-en, de m'indiquer le jour où vous pourrez vous
rendre à vos importantes fonctions, afin que j'avise aux moyens de
hâter le remplacement de l'e.x-consul de Carthagène.
Courtois se décida-t-il à devenir consul à la Corogne? Nous
l'ignorons, mais cela paraît vraisemblable ; plusieurs pièces
270 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
relatives à l'administralion consulaire de la Corogne se trou-
vent en effet dans ses papiers. Notons cependant que toutes
sont antérieures au i3 messidor an V.
Voici, pour terminer, deux brouillons de lettres du conven-
tionnel exilé en Belgique, en 18 16, fin mai probablement :
M. le Gouverneur.
Je m'applaudissais depuis quelques jours d'avoir choisi Namur
pour y fixer ma résidence, lorsque j'ai reçu l'ordre de M. le com-
missaire de police, non seulement de quitter cette ville mais même
la Flandre et le Hainaut, pour me retirer, si bon me semblait, dans
le Brabant ; que tels étaient les ordres émanés de sa Majesté le Roi
de Hollande et des Pays Bas. Personne, M. le Gouverneur, n'est plus
disposé que moi à obtempérer, sans délai, à des ordres aussi pres-
sants ; mais telle est la gravité de la maladie dont je suis atteint en
ce moment qu'il me .serait impossible, avec la voiture la plus douce,
de me pouvoir transporter audelà de 3 à 4 lieues sans que ma santé
on fut altérée au point de me replonger dans un état encore plus
fâcheux que celui dont je viens tout récemment d'éprouver les tristes
effets. Si le certificat que je joins à ma pétition vous trace fidèlement
au dehors l'état de mon physique délabré, il est loin de vous peindre
les douleurs et les souffrances dont je suis presque sans relâche la
malheureuse victime. Il y a M. le Gouverneur, deux mois que je
suis à Namur; j'ose vous protester que je n'y ai pas joui pendant
deux jouis de suite dun bien être qui me laissât l'ospoir d'un avenir
plus heureux.
J'ose donc, M. le Gouverneur, au nom de l'humanité, au nom de
la longue série de malheurs qui n'ont que trop pesé sur moi, vous
supplier de m'obtenir de la bienveillance de SaMajesté, une excep-
tion pour rester à Namur. Cette faveur ne peut tirer k conséquence
quand il est question du salut d'un père de famille infirme et âgé
do 62 ans dont les goûts paisibles (uit prouvé jusqu'ici que l'obscu-
rité la i>lus prnfondo était son xérilalilo élément. La looturo de quoi-
DOCUMENTS BIOGRAPHIQUES SUR LE CONVENTIONNEL COURTOIS 27 1
ques livres choisis, la société peu fréquente de deux ou trois amis
dont les principes et le dévouement au régime actuel sont connus,
telles sont les jouissances avec lesquelles il cherche à faire diversion
aux chagrins qui le dévorent quelquefois quand il songe aux pertes
irréparables qu'il a éprouvées et dont il trouve en quelque sorte le
dédommagement sur cette terre hospitalière dont Sa Majesté et les
i^" fonctionnaires publics qu'il a choisis pour le représenter ont fait,
à l'aide d'un gouvernement vraiment paternel, un séjour de paix
et de bonheur.
M^
M. votre frère m'a remis hier chez M. Bloq où nous dînions en
petite société, votre lettre qui m'a fait un plaisir que je ne puis
vraiment exprimer. Ma chère fille, accompagnée de ma belle sœur,
vient d'arriver et aussitôt que j'aurai la permission d'aller à Bru-
xelles, que le brave g'*' Even sollicite en ma faveur, rien ne retardera
mon départ. Dans le cas où le permis ne viendrait pas assez vite,
je tâcherai d'obtenir de cet excellent homme, une apostille k mon
passeport qui me mette à même d'y aller pour cause de santé. Je
ne pense pas qu'il refuse une demande aussi juste.
Depuis qu'on sait ici, M , l'accueil distingué quemefaitM. le
g^' Even et que je partage quelquefois les honneurs de sa table,
vous ne sauriez croire combien mes actions ont augmenté. Cette
bienveillance de sa part a produit un assez bon effet en ce qu'elle
a fait taire tous ces clabaudeurs dont les petites villes fourmillent
et qu'on voit toujours prêts, dans le malheur, à vous donner le coup
de pied de l'âne.
Ma chère fille, qui se montre ainsi que moi sensible à tout ce
que votre amitié vous inspire en notre faveur, me charge de vous
prévenir qu'elle a mis à votre adresse une petite caisse qui renferme
deux tableaux que je lui avais dit de me faire passer. Veuillez bien,
M..., en rembourser le port qui vous sera remis avec exactitude.
Quant aux deux malles de livres, je ne pense pas qu'elles vous
parviennent sitôt ; la crainte de quelque inquisition à la frontière
m'a fait retarder l'envoi.
Que contenaient ces caisses? Probablement des livres pré-
cieux et des papiers que la police aurait eu intérêt à saisir.
272 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
Plus lard, H. Courtois f'erarevenir plusieurs ouvrages en dépôt
en Belgique. Plus tard aussi, son frère Auguste cherchera à
faire argent, toujours en Belgique, de documents très impor-
tants, disait-il. Il est probable que ces documents provenaient
de ces deux caisses et que, parmi eux, se trouvaient les lettres
que le comte de Provence aurait adressées à FavTas.
Nous reviendrons sur cette correspondance Favras pour
examiner les affirmations produites à leur sujet par H. Cour-
tois.
P.-M. Favret.
LES VICAIRES GÉNÉRAUX DE PARIS
ET
LE SERMENT CONSTITUTIONNEL
EN JANVIER 1791
Le 26 novembre 1790, Voidel, au nom des Comités d'aliéna-
tion, ecclésiastique, des rapports et des recherches réunis,
présentait à l'Assemblée constituante un long rapport, suivi
d'un projet de décret, sur l'application de la constitution
civile du clergé. Le décret fut voté le lendemain, 27 novembre,
après quelques remaniements du texte. Aux termes de ce
décret, « les évèques, ci-devant archevêques, les curés con-
servés en fonctions, étaient tenus de prêter le serment auquel
ils étaient assujettis par l'article 3o du décret du 24 juillet
dernier... En conséquence, ils devaient jurer de veiller avec
soin sur les fidèles du diocèse, de la paroisse qui leur était
confié, d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et de main-
tenir de tout leur pouvoir la constitution décrétée par l'As-
semblée nationale et acceptée par le roi, savoir : ceux qui
étaient actuellement dans leur diocèse ou dans leurs cures,
dans la huitaine; ceux qui en étaient absents, mais qui étaient
en France, dans un mois; et ceux qui étaient en pays étran-
ger, dans deux mois ». Les vicaires des évê(]ues étaient
tenus de faire, dans le même délai, « le serment de remplir
leurs fonctions avec exactitude, d'être fidèles à la nation, à la
loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la consti-
LA REVOL.
274 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
tuiion décrétée par l'Assenibiée nationale et acceptée par le
roi ». Le serment devait avoir lieu « un jour de dimanche, à
l'issue de la messe ». Les intéressés devaient enfin « faire par
écrit, au moins deux jours d'avance, leur déclaration au grefle
de la municipalité, de leur intention de prêter le serment, et
se concerter avec le maire pour en arrêter le jour ». Tout ré-
fractaire serait « réputé avoir renoncé à son office » et il devait
être « pourvu à son remplacement comme en cas de vacance
par démission ».
L'Eijlise de Paris était alors sans direction épiscopale.
Voidel, dans son rapport, avait fait remarquer que c'était
« du fond de la Savoie que depuis un an M. l'évèque métropo-
litain de Paris veillait sur son diocèse ». En effet, émigré
depuis le mois d'octobre 1789, l'archevêque de Paris, Leclerc
de Juigné, s'était installé à Chambéry. Le i4 avril 1790, il
avait écrit au président de l'Assemblée constituante pour lui
annoncer son intention de rentrer en France et de prêter le
serment civique. Mais il s'en était tenu là, et sa promesse
n'avait été suivie d'aucun acte.
Quand, le 27 novembre, fut voté le décret présenté pai'
Voidel, les vicaires généraux qui administraient le diocèse en
l'absence de l'archevêque ' adressèrent à leur pasteur la lettre
suivante :
Lettre de MM. les vicaires généraux à ,1/s' l'Arclievèque.
iM.
Vous êtes instruit sans doute des décrets que l'Assemblée
Nationale a rendus contre le Clergé le 27 de ce mois. D'après
leur teneur, les vicaires des Evèques, et tous les Ecclésiastiques
fonctionnaires publics, sont obligés de prêter le serment prescrit,
dans la huitaine, à compter du jour de la publication. (Quoique
nous lie soyons pas vicaires selon la nouvelle organisation, il
I. Voici, d'apixs VAlnianacIt lioyal poui' l'annie iji/', les mims îles huit vicaires
g.iiéraux alors eu fonctions : MM. Olievreuil, Asseline, D'Argent, Do Dampierre,
Du tioisbasset, De Floirac, Malvaux et De La Bintiuaye.
LES VICAIRES GÉNÉRAUX DE l'ARIS ET LE SERMENT CONSTITUTIONNEL 2-jb
paroîtroit assez que, comme fonctionnaires publics au moins provi-
soires, nous sommes dans le cas de prêter le dit serment.
Nous espérons que la grâce de Dieu nous soutiendra et ne
permettra pas que nous manquions aux lumières de notre cons-
cience. Nous connoissons assez vos vertus et votre façon de penser,
pour ne pas douter de votre attachement aux vrais principes. Nous
osons prendre la liberté de vous dire que peut-être nous aurions
désiré que déjà vous l'eussiez fait connoître à votre Diocèse, au
moins par votre adhésion à la Déclaration de la Minorité de l'As-
semblée et aux conclusions de votre Chapitre. Il ne nous appartient
pas d'approfondir les raisons qui vous ont empêché de le faire
d'une manière publique et notoire.
Mais dans ce moment-ci nous sommes forcés de prendre un
parti. Si nous nous conformons aux Décrets, nous sommes prévari-
cateurs. Si non, nous sommes exposés à faire des actes extérieurs,
qui seront inutiles et nuls aux yeux de la Loi dominante, puisque
le refus de prêter le serment, selon le texte du Décret, emporte
ipso facto la renonciation à nos fonctions.
Nous sommes, Monseigneur, vos représentans. Des mandataires
ne doivent agir que d'après les intentions, non pas seulement inter-
prétées, mais claires et connues, de leur commettant.
C'est à vous, Monseigneur, à nous diriger. Nous vous conjurons
seulement d'observer qu'il nous seroit impossible de continuer nos
fonctions, si vous ne vous déterminiez à déclarer publiquement et
solennellement, à l'exemple de nombre d'Evêques de france, que
vous exercerez à l'ordinaire, dans votre Diocèse, toute la jurisdic-
lion dont vous êtes revêtu, et que vous n'adopterez aucun change-
ment sans l'intervention de la puissance ecclésiastique.
Vous comprenez combien nous serions sensiblement affligés
d'abandonner l'Eglise de Paris dans des conjonctures aussi critiques.
Mais, outre que nous serions traduits comme perturbateurs de
l'ordre public, nous exposerions les fidèles à recevoir de nous,
dans le for extérieur, des actes que les Décrets frappent de nul-
lité.
M. L'offîcial' se trouve, par sa [dace de Député, dans une cir-
constance particulière et des plus pressantes, qui exige de vous
une prompte réponse.
I. L'abbé Chevreuil. — C. V.
276 REVLE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Nous partageons l)ien siiicèromont toutes les peines que vous
avez éprouvées et celles que votre cœur ressent à présent. Nous fai-
sons les vœux les plus ardens pour que Dieu conserve votre santé,
qui devient de plus en plus précieuse pour le bien de l'Eglise de
Paris et de la Religion. Nous vous prions d'agréer l'homniage de
notre tendre attachement et du profond respect avec lequel nous
sommes... etc. '
Nous ignorons quelle fut la réponse de l'Archevêque à ses
vicaires généraux. Nous savons seulement, par le Journal
ecclésiastique de janvier 1791, qu'il joignit sa protestation à
celle de la plupart des autres évêques de France contre le
serment civique.
Quoi qu'il en soit, l'incertitude des vicaires générau.x ne
s'apaisa point, ils ont laissé eux-mêmes, dans un exposé qui
semble avoir été rédigé vers la lin du mois de janvier 1791,
un récit très détaillé et ti'ès curieux de leurs hésitations, de
leurs délibérations, de leurs divergences de vues, des conver-
sations engagées entre eux et la municipalité de Paris à celte
occasion, et enfin un tableau des raisons qui dictèrent la
conduite de chacun d'eux. Ce texte, qui éclaire si nettement
les débats de ces heures difficiles, paraît avoir échappé jusqu'à
ce jour à l'attention des historiens de la Révolution. Le voici,
reproduit intégralement :
Exposé de lu conduite des vicaires (jénérnax de Paris relativement
à la cessatioit de leurs Jonctions, et à lu reprise des mêmes Jonc-
tions par t/uelques-iins d'entre eux.
La prestation tlu serment prescrit par le di'cret du 26 X''" 1790
ayant été fi.xée par la municipalité de Paris au neuf janvier
1791, les vicaires généraux convinrent de cesser leurs fonctions le 11
dud. mois de janvier, terme fatal marqué par le ilécret', et d'infor-
mer par voye de prudence et de sage.sse, sans entrer dans aucune
i. Bibl. nat., Mss., .Noiiv. acq. l'r., 2730.
2. Le décret n'ayant iHé publié que le a janvier, le délai de huit jours lixé pour
la prestation du serment e.\|)irail le 10 au soir. — C. \'.
LES VICAIRES GENKRAUX DE PARIS ET LE SERMENT CONSTITUTIONNEL 277
explication, la (lommune do leur résolution, nfin <le prt'vcnir le
trouble que l'on voudroit imputer a l'interruption de leur service.
Deux d'entre eux demeurants a l'archevêché reçurent le 5 dud.
mois de janvier la visite de M. de Joly, secrétaire de la commune,
qui venoit signifier à M. l'archevêque de se trouver le 9 à Notre-
Dame pour y prêter son serment devant M. le Maire. Ils crurent
devoir profiter de l'occasion pour demander s'ils pouvoient, quoi-
que non assermentés, continuer, après le 10, leurs fonctions, sans
être regardes comme perturbateurs de l'ordre public. M. de Joly
observa que les vicaires généraux ne formant qu'une personne avec
M. l'archevêque, lequel par son absence hors du royaume avoit
deux mois pour prêter le serment, ses représentans dévoient béné-
ficier du même délais ; qu'en conséquence il estimoit qu'ils
pouvoient exercer en pleine liberté, que néanmoins il consulteroit
sur ce point délicat, le lendemain 6, le conseil de la commune,
et que le 7 il rendroit une réponse précise ; il la rendit verbalement,
et elle se réduisit à dire que les vicaires généraux qui ne prête-
roient pas le serment, seroient considérés comme ayant renoncé à
leurs fonctions.
Le mardi 11, M. de Joly revint à l'archevêché pour requérir
M. l'archevêque de procéder dans les 24 heures à l'organisation de
l'Eglise métropolitaine et à la réunion des paroisses à cette Eglise,
quoiqu'il y eut une affiche de la municipalité qui prorogcoit la
prostation du serment jusqu'au dimanche 16'.
Le lendemain 12, I\L de Joly se transporta encore k l'archevêché
et requit légalement l'un des vicaires généraux qu'il trouva, de
déclarer si le secrétariat étoit fermé et si les vicaires généraux
avoient ces'sé leurs fonctions. Le vicaire général répondit et signa
que le secrétariat étoit fermé, et que les vicaires généraux avoient
cessé leurs fonctions, mais qu'ils étoient disposés à les reprendre,
dès qu'ils y seroient nu/horisé.t par un décret de l'Assemblée Natio-
nale.
La Commune arrêta le i3 une adresse k l'A.ssemblée Nationale
pour organiser l'Eglise Métropolitaine. Cette adresse fut décrétée
le i4, et le 16 les curés de la Madeleine en la Cité et de la Basse
I. Cette afficlie expliquail que le délai pour la prestation ilu serment expirant le
10 janvier, c'est-à-dire un lundi, il devait en réalitc- être prolongé jusqu'au
dimanche 16 janvier, puisque la loi Qxail expressémenl à un dimanche la céré-
monie du serment. — C. V.
278 REVUE HISTORIQIE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
S'= Chapelle furent solennellement installés par M. le Maire,
comme vicaires aux termes des décrets; et le 17 les deux vicaires
établirent un secrétariat pour la concession et l'expédition des
dispenses. Le 21 est intervenue l'instruction de l'Assemblée Natio-
nale qui porte que les fonctionnaires publics qui n'ont pas prêté le
serment, peuvent et doivent continuer leurs fonctions jusqu'à leur
remplacement'; et le 28 a été affichée la proclamation de la
municipalité pour faire connoitre cette interprétation '.
Le 24 s'est élevée entre les vicaires généraux la question de
scavoir s'ils dévoient prudement reprendre leurs fonctions : les
raisons pour et contre ont été débattues. D'un côté on a exposé que
les vicaires généraux pouvoient se reprocher d'avoir contribué par
la cessation de leurs fonctions à l'organisation de la cathédrale ;
parce que s'ils ne les avoient pas discontinuées, la municipalité
n'auroit pas songé à l'effectuer, et que, pour réparer ce tort dans
l'esprit de bien d'honnêtes gens, il étoit instant de les reprendre,
afin d'opposer une digue aux fausses dispenses, vu surtout que
d'après l'instruction de l'assemblée, et la proclamation de la muni-
cipalité, rien ne s'opposoit a ce que les fonctions fussent reprises.
D'un autre côté on a répliqué que le reproche allégué n'étoit
nullement fondé : qu'il étoit évident que la cessation des fonctions
des vicaires généraux n'étoit entrée pour rien dans la précipitation
de la Commune pour l'organisation de la cathédrale ; qu'en effet la
sommation de procéder dans les 24 heures a son organisa-
tion faite à M. l'archevêque, est antérieure à la réquisition faite
au vicaire général de déclarer si les vicaires généraux avoient
cessé leurs fonctions, puisque d'ailleurs la réponse du vicaire
général a cette réquisition n'étoit pas de nature à accélérer cette
organisation, attendu qu'elle portoil que les vicaires généraux
étoient disposés à reprendre leurs fonctions, dès qu'ils y seroient
1. Cette instruction expliquait que les mesures répressives prévues par l'Assemblée
n'étaient pas dirigées contre le refus du serment, puis pie le serment n'était pas
obligatoire, mais contre la résistance éventuelle des prêtres insermentés qui, « éle-
vant autel contre autel, ne céderaient pas leurs fonctions à leurs successeurs »,
L'instruction ajoutait que, " jusqu'au remplacement, l'exercice dos fonctions était
censé avoir du être continué i>. — C. V.
2. L'afOche de la municipalité de Paris disait, plus nettement encore que rin»>
Iruclion, que « les ercli'siastiques fonctionnaires publics, tels que les euros, vicaires
et autres, qui n'avaient pas prèle le serment ordonné par la loi, pouvaient continuer
l'exercice de leurs fonctions jusqu'à ce qu'ils fussent remplacés dans les formes
preicriles par les décrets i. — G. V.
LES VICAIRES GENERAUX DE PARIS ET LE SERMENT CONSTITUTIONNEL 27g
aulhorisés car un décret de l'Assemblée nationale ; que les vicaires
(]6n6raiix qui avoient été nommément désignés dans l'affiche pour
la prestation du serment sous la qualification de cideuant vicaires
(jméraux, comme s'ils n'étoient déjà plus, ou qu'ils fussent réduits
à la qualité de simples vicaires de l'évêquc curé de la cathédrale
de Paris, n'étoient point rappelles dans la proclamation qui porte
que les curés et vicaires et autres etc. peuvent et doivent continuer
leurs fonctions jusqu'à leur remplacement ; qu'ainsi il paroissoit
douteux qu'ils y fussent compris ; que ce doute étoit fondé sur ce
qu'on pouvoit les considérer comme remplacés par les deux
vicaires de la cathédrale ; que dans le fait ces deux vicaires
exeri;oient publiquement au vu et au scû de la municipalité des
fonctions de vicaires généraux; que la déclaration faite à M. de
Joly que les vicaires généraux étoient disposés à reprendre leurs
fonctions, dès qu'ils y seroieni authorisés par un décret de l'Assem-
blée Nationale, loin d'être un motif de les reprendre, étoit plutôt
une raison péremptoire de s'y refuser; parce qu'en agissant d'après
cette déclaration, ce seroit reconnoitre que la puissance temporelle
peut non seulement lever un obstacle qu'il lui a plu de mettre à
l'exercice des fonctions spirituelles ; mais encore aulhoriser à les
exercer; qu'enfin de la reprise des fonctions, il résulteroit et danger
et inconvénients sans nombre ; qu'il y avoit danger en ce que l'on
seroit tôt ou tard traduit comme perturbateur du repos public, sous
prétexte d'élever autel contre autel, comme s'exprime l'instruction
du 21. janvier; qu'en effet le premier acte indispensable à faire en
reprenant, seroit de notifier juridiquement au nom de M. l'arche-
vêque aux deux vicaires de la cathédrale qu'ils aient à s'abstenir
(le toute fonction appartenante aux vicaires généraux du diocèse;
mais que cet acte et cette notification seroicnt bientôt dénoncés ;
qu'il interviendroit infailliblement un jugement fâcheux soit contre
i'authorité légitime, soit contre les personnes des vicaires géné-
raux; qu'il y auroit de grands inconvénients; parcequ'il seroit
nécessaire pour maintenir les véritables règles, de rejetter toutes
les demandes formées par des prêtres intrus exerçant, en vertu de
la mission de la Municipalité, notamment par les deux vicaires de
la cathédrale; que ces refus indispensables seroient suivis de
trouble peut-être d'émeute de la part des parties intéressées ; que la
différence de conduitte envers tel prêtre ou telle paroisse seroit un
sujet continuel de clameur, et que la cause commune de la Reli-
280 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
gion n'en souffriroit que d'avantage, en voulant mettre quelques
consciences en sûreté.
Là s'est terminée la conl'érence : les opinions ont été exactement
partagées et on s'est retiré le lundi 24. à 8 heures du soir. Le
lendemain matin 20. on a sçu que l'un des vicaires généraux avoit
fait expédier et signé la veille avant la conférence, et qu'il avoit
promis le même jour dans l'après midi k divers particuliers d'ac-
corder le lendemain dans la matinée, toutes les dispenses d'usage
dont on auroit besoin. M. Chassé a rapporté depuis à la tribune de
l'assemblée que la parole avoit été donnée en présence des deux
vicaires de la cathédrale ; faits dont il u'u pas été dit un mot pen-
dant toute la conférence de la veille, quoiqu'il fut juste naturel et
loyal de ne rien taire, de ne rien celer dans une discussion aussi
importante.
Cependant le vicaire général qui avoit promis de délivrer le 25.
dans la matinée toute dispense ordinaire qui lui seroit demandée,
ne se trouva point chés lui ; les parties outrées du manquement de
sa parole, après avoir fait beaucoup de tapage, et de tumulte, ont
couru au comité eclésiastique porter leurs plaintes ; le comité après
les avoir entendues a pris une délibération dont le préambule sup-
posé des plaignants est une approbation des décrets concernant
l'organisation du clergé, et le prononcé est une infraction des lois
de la discipline eclésiastique, en ce qu'il y est décidé qu'une simple
sommation faite du moins sur la foi des promesses, poura autho-
riser les curés à passer outre à la célébration des mariages. Cette
délibération ayant été rapportée et remise sur le soir du 20. aux
vicaires généraux dont l'opinion étoit dv reprendre leurs fonctions,
ont sur l'exhibition de cette pièce en due forme, fait e.xpédier et
délivrer les dispenses demandées et promises, dit-on, sans diffi-
culté suivant l'exposé fait au comité eclésiastique.
On ne se permettra aucune réflexion sur la réticence mistérieuse
de celui des vicaires généraux qui avant la conférence du 24. avoit
.signé une dispense et avoit promis d'en accorder le lendemain à
qui en demanderoit. On se contentera d'observer que la conscience
des deux vertueux vicaires généraux que le zele pour le salut des
âmes a déterminés a reprendre leurs fonctions, doit être peiné (sic)
de les avoir continuées sinon en vertu, au moins sur l'exhibition
d'une délibération contraire aux vrais principes, sans aucune sorte
de réclamation, ni d'improbation de leur part dans cet instant
LES VICAinES GENERAUX DE PAUIS ET LE SERMENT CONSTITUTIONNEL 201
critique. Ils croyont sans doute servir la religion en s'exposant
généreusement et courageusement à toutes les suites qu'entraînera
la reprise de leurs fonctions. Mais leurs deux autres collègues
pensent au contraire que loin de venir par là au secours de l'église
et de ses ministres, c'est plutôt faciliter les moyens de régénérer
doucement le clergé, c'est à dire de parvenir progressivement à
tout détruire dans l'ordre spirituel; ils sont persuadés qu'une
résistance passive au nouvel ordre décrété, seroit plus efficace et
plus sensible qu'une accommodante condescendance qu'il est aisé de
tourner en faveur do l'exécution des décrets'.
Rien, dans le texte de ce mémoire, n'indique dans quel but il
fut rédigé ni à qui il était destiné. Peut-être est-ce un dupli-
catuin d'un document adressé à l'archevêque de Paris pour
le mettre au courant de ce qui se passa à l'archevêché dans
le cours du mois de janvier 1791. Le fait que ce texte est
accompagné, dans le même dossier, de la copie d'une lettre
des vicaires généraux à leur archevêque sur le même sujet,
rend celle hypothèse 1res vraisemblable. En tout cas, comme la
copie de la iellre, ce mémoire ne porte aucune signature, et il
esl difûcile de préciser s'il est le fruit d'une collaboration de
tous les vicaires généraux ou le travail personnel de l'un
d'entre eux.
Charles Vei.lay.
i.Bibl. nat., Mss., Nouv. acq. fi'., 2720.
SANARY
ET LE
SIÈGE DE TOULON
(Suite et fin ')
XIII
Le 4 nivôse an II, la Convention ordonna la célébration
d'une fête, le premier décadi qui suivrait la publication de ce
décret n° 1985, dans toute l'étendue de la République, en com-
mémoration de la prise de l'infâme Toulon, dénommée désor-
mais Port-la-Montaqne -. Cette cérémonie eut lieu sans grand
éclat dans les localités environnant cette ville, surtout chez
celles qui avaient eu le plus à souffrir des horreurs de la guerre,
.le n'ai pas pu découvrir la moindre relation locale à ce sujet ^.
Les péripéties de la lutte avaient été suivies avec angoisse
dans la plus grande partie du territoire de la France. Si les
efforts suprêmes des chefs des assiégeants n'avaient pas été
couronnés d'im succès presque inespéré, de nouvelles forces
allaient être levées pour vaincre définitivement une résistance
pleine d'incertitude. Déjà" à la suite de la réquisition faite par
le représentant Paganel, le conseil départemental de Lot-et-
1. Voir Reime historii/ue de la Révolution française et de l'Empire ilo janvier-
mars 1913 et numéros suivants.
a. Décret de ta Convention nationale, Paris, impr. nal., in-8°, s p.
3. La fête célébrée à Nice fut brillante (Tisserahd, Histoire de la Révolution
française dans les Alpes-Maritimes, p. 2i5 et s.), comme la fête solennelle donnée
à Connaux (Gard) ((Courrier d'Avignon, u" 320 du 6 pluviôse).
SANARY ET LE SlÈCiE DE TOULON 283
(ïaronne avait pris un arrêté, le 29 frimaire, au sujet des
citoyens de bonne volonté, désireux de se réunir pour marcher
sur Toulon et reprendre ce port, enlevé à la République par
la trahison et par les cjuinées de Pilt '. Faute d'éléments, ce
sujet ne peut qu'être effleuré, pour le moment du moins.
Quoi qu'il en soit, l'occupation de Toulon donna naissance
à une littérature déjà signalée, mais qui pourrait faire l'objet
d'une notice spéciale, à elle seule ^. Nous rappellerons uni-
(juement les publications les moins connues.
Le citoyen Picque, comédien sans-culotte, prononça un
discours à la Comédie, lors des réjouissances publiques pres-
crites par la Convention et une pièce de vers, comprenant
3 strophes de 8 vers, sortit de la plume du citoyen Pépin,
autre comédien sans-culotte. Les deux derniers vers de la
première strophe font certainement allusion au dénûment des
assiégeants :
Pour vaincre, les sans-culottes
N'ont besoin que de leurs bras^.
Ricard, de son côté, a composé un drame héroïque et révo-
lutionnaire, en trois actes*. Cinq couplets, dus à un patriote
et chantés sur l'air. Allons, enfants de la Patrie, virent le jour
à Villeneuve-de-Rerg (Ardèche). Le premier est ainsi conçu :
A des cohortes étrangères
Toulon avait vendu sa foi :
Dans son sein, ces vils mercenaires
Nous présentaient des fers, un roi.
Ecoute et tremble, ville ingrate,
Pour répondre à tes vœux impurs,
Sur tes maîtres et sur tes murs,
La foudre des guerriers éclate.
Tombez, murs odieux, fuyez vains conquérans.
Ainsi {bis) que vous, périssent les tyrans'.
I. Affiche in-f", imprimée à Agen, qu'il ne m'a pas été possible d'acquérir.
a. Cf. CoTTiN, Toulon et les Anglais, p. x.
3. Discours prononcé à la Corné iie par le citoyen l'icqae, comédien sans-
culotte, lors de la réjouissance de In prise de la ville de Toulon, imprimé sar
la demande des citoyens de Grenoble. Grenoble, Allier, s. d., in-S", 4 p.
4. Le siège de Toulon, etc., Marseille, Jouve, an II, in-S", 48 p.
5. Couplets sur la prise de Toulon présentés à la Société populaire de Villeneuve-
284 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Ces trois imprimés peu communs appartieiinimt à la Biblio-
thèque de Toulon. Leur seul mérite résulte de leur rareté. Le
même reproche peut être adressé aux couplets chantés à
Sainte-Pélagie '.
Vivent nos généreux guerriers (bis)
Ils ont moissonné des lauriers (6i'*)
Paris les cliantera
Londre (sic).y réflécliira, etc.
De patientes recherches permettraient d'élever à une dizaine,
peut-être, le nombre des productions littéraires, d'ailleurs
bien faibles, sorties de l'imagination des Provençaux et des
Languedociens, imagination enflammée par la chute de la ville
infâme. Je signale cette lacune aux bibliophiles de ces régions,
car j'ai dirigé mes investigations, de préférence, vers les publi-
cations poétiques et dramatiques de cette catégorie. Toutefois,
je consacrerai une mention à l'œuvre de Masse -, auteur
également de Jeunne de iWap/es, car son roman impute aux
Sanarj'ens un acte de complicité avec les Anglais, dont j'ai pu
démontrer la fausseté ^. Le siège de Toulon fît les délices des
lecteurs des cabinets littéraires de la régitm. Le cabinet litté-
raire toidonnais de Fleury le possédait. J. Renoux le maintint
dans le cabinet qu'il forma avec le fonds de Fleury, son prédé-
cesseur, et qu'il annexa à la librairie qu'il tenait, comme celui-ci
d'ailleurs, qui avait créé son établissement au cours de la Res-
tauration '.
de-Berg, district de Coiron, département de l'Ardèche, par an patriote. Montpellier,
imprimerie révolutionnaire, ches Marat Bonnariq et Cuton Avignon, « an second
a de la fondation de la République, près la maison commune, n' fia », inS', 3 p.
1. Couplets chantés à Sainte-Pélagie sur la prise de Toulon, par un détenu.
Paris, Gouriet, in-16, s. d.
2. Le sirge de Toulon uu les six derniers mois île i^iyl. Paris, Delongchamps,
1834, 2 fol. inS".
3. T. Il, p. 45-46. (^e romancier cite la monnaie de 3 liards, frappée à Dardennes
{ibid., p. i44) el le poisson pèche à Sanarj- {ibid., p. 294) {Ma bibliothèque).
II. Le siège de Toulon ne pnrait pas avoir excite la verve Jéconde ou mieux la
faconde des littérateurs luulonnais connus. Cependant, Etienne Pélabou a laissé
Lou Sans-Culotto à yiço, comédie en un acte el en vers. Louis Pélabon, son petit-
fils, a composé Lo pesto de Touloun en lyii, poème en quatre chants, et diverses
œuvres dont la scène se passe à Toulon.
SANAUY ET LE SIÈOE DE TOULON 285
Notons enfin le jeu des groupes d'enfants, scaudant les deux
vers informes :
Combien faut-il de coups de canon
Pour bombarder la ville de Toulon?
et appliquant successivement à chacun d'entre eux une syllabe
de ces mots pour déterminer celui qui doit faire telle ou telle
chose convenue à l'avance. Ce jeu est encore usité à notre
époque dans le Sud-Est et même à Montélimar.
XIV
La Tour quelque peu légendaire de Sanary et dépourvue de
pont-lcvis en 1789, fut transformée pendant le siège en un
vulgaire magasin. Elle ne pouvait, en effet, rendre aucun service
au point de vue stratégique.
A une époque assez ancienne, il avait été bâti des maisons à
l'ouest et au nord de ce monument. Il subsistait, à l'entour,
une cour assez vaste, close par une haute muraille à l'est et au
midi. A l'angle des deux côtés, est et midi, se trouvait une
petite fnaison où se rendait autrefois la justice en première
instance et qui fut vendue pendant la Révolution. A dater de
1801, diverses constructions continuèrent à enclaver la Tour
et leurs propriétaires n'hésitèrent pas, graduellement, à faire
édifier des latrines appuyées contre elle. Ces données sont
certaines. Elles sont extraites d'une dénonciation adressée avec
raison, il y a quatre-vingts ans environ, à la sous-préfecture de
Toulon, par un Sanaryen indigné du sans-géne peu ordinaire
de plusieurs de ses ccunpatriotes. La plus belle de ces construc-
tions est devenue l'hôtel de la Tour.
En 1664, dans leur rapport, le capitaine Jacques Isnard,
de Toulon, et Louis Marrot, de la Ciotat, pilote royal, consta-
tèrent l'existence à Sainl-Nazaire « d'une forteresse au bord de
286 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE LEMPIRE
« la mer et du costé du ponent', munie de deux pièces de canon,
« entourée d'un fossé rempli d'eau de la mer, d'asses bonne
« delTance, servant de rampart et de crainte aux ennemis ». Le
môle, sis près des Baux, mesurait alors 90 pas et il aurait été
utile de le prolonger de 5o pas. Du côté de « Grec »", un autre
petit môle comptait i4o pas et son prolongement à concurrence
de 5o pas, aurait été indispensable'.
Les fossés de l'enceinle de la Tour furent comblés en 1704,
moyennant le prix de 24a livres, payé à Brun par la commu-
nauté, le seigneur qui la possédait ayant donné son consente-
ment. Trois ans plus tard (1707), une grande fenêtre fut « bou-
chée pour mettre en sûreté * les soldats de milice », empri-
sonnés dans la salle correspondante '". La destination de cette
pièce se maintint fort longtemps, avec des alternatives diverses.
La Tour demeura néanmoins seigneuriale jusqu'à la Révolution,
et la clef de la porte d'entrée se trouva déposée entre les mains
d'un tiers. Lors de l'autorisation accordée par François de
Vintimille à la séparation de Saint-Nazaire et d'Ollioules, il
avait revendiqué les casemates de l'enceinte de la Tour, les
braies et les fossés lui appartenant. En outre, il s'engagea à
employer les 100 pistoles ou i.ioo livres promises par les
habitants, à mettre en état les casemates, sises dans la super-
ficie des fossés (i 663)''. Des arbres ne tardèrent pas à être plantés
dans l'enceinte, à la suite du comblement de ces derniers (17 10).
Une « cha.Tibre » continua à servir de poudrière (17 12). Au
cours du dix-huitième siècle, les canons de la Tour furent
encore tirés pendant les processions, comme aux époques
antérieures. Deux canons de fer, de 8 livres de balles, pesant
en tout 4-4oo livres avaient été délivrés, en 1709, au baron de
Vintimille, pour être placés à la Tour. A raison de i3 livres
I. Occident.
3. Est.
3. L'importante prolonyation du grand mole (plus de vingt mètres), faite au dix-
neuvième siècle, est due à l'adininisl ration des ponts et chaussées
4. L'expression est restée dans les termes i chambre de sùrclé «.
5. Archives de Sanary, Dj, cl CC
6. Brun, Op. t., p. 36.
SANARY ET LE SIÈGE DE TOULON 287
16 sols le quintal de loo livres, ils furent estimés 607 livres.
4 sols ^
Des militaires et des réquisitionnaires s'étant évadés par la
fenêtre de l'étage « de la Tour, qui sert de salle de discipline
et de prison », le commandant de Sanary, Lyon, demanda
(ju'elle fût « barrée ». Le 16 frimaire an VII (i7()8), le
conseil municipal prit une délibération conforme et décida,
en évaluant la dépense à 45 livres, de faire « bâtir, de l'épais-
« seur du mur, en pierres solides, la fenêtre de la Tour don-
« nant sur la mer et qu'il sera laissé au haut de la dite fenêtre
« une ouverture d'un pan et demi au quarré, pour donner de
« la clarté aux prisonniers et aérer la prison » -. Les deux
échelles de l'intérieur avaient été réparées sous Louis XV
(1744) ^
En 1788, le seigneur avait vendu la maison servant autrefois
de juridiction et les enclos du nord et du couchant à Guigou.
Un acte administratif consacra, en l'an IV, la cession de l'écurie
du ci-devant seigneur au même Guigou. Dès lors, la Tour
n'eut plus d'annexés. A notre époque, un canon provenant de
sa plate-forme a appartenu au général Rose, l'un des bienfai-
teurs de Sanary, et se trouve actuellement dans la propriété de
M""" Victor Brun, née Jarret de la Mairie. Deux autres canons,
d'origine incertaine, sont fichés en terre, sens dessus dessous,
jirès du vieux môle, et servent à amarrer les bateaux. La des-
tinée des choses est parfois singulière!
Le chantier de construction, dont j'ai narré succinctement
ailleurs l'iiistoire*, ne paraît pas avoir été mis à contribution, au
temps du siège de Toulon. De création ancienne, cet établisse-
ment qualifié « chantier de construction maritime », à l'instar
d'une entreprise importante, ne bénéficiait pas d'un emplace-
ment définitif. D'après une pétition signée en 1792, il se
trouvait tantôt d'un côté, tantôt de l'autre. Les changements
1. Archives de Sanary, Dj el E.
2. Registre des délibérations, f'^^ 429-430,
3. Cf. pour l'histoire de Sanary en général, Achard, Dictionnaire, etc.
4. H. V. G., Notes historiques sur Sanary (Var), p. 11.
288 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
étaient effectués toutes les l'ois que l'agrandisseuient de Saint-
Xazaire ' l'exiijeait -'.
Gont'ormément à ce qui a été oiiservé dans la région, cette
ville eut de bonne heure des biens personnels étendus, des
terres gastes que j'ai étudiées naguère^, mais pas de moulins.
Peu d'années après sa constitution en communauté, la munici-
palité songea à faire mettre en état les moulins, dont Sanarv
avait affermé la jouissance au seigneur et qui se trouvaient sur
le territoire d'Ollioules. Au contraire, le fdur banal était
exploité par un tiers.
Au cours des années 1 699-1 700, des travaux furent effectués
au canal destiné à conduire les eaux au moulin de Parreissol,
ouPareissoljOuParissol, et une indemnité fut payée àGuillot,
marchand, pour dégâts faits à une terre qu'il possédait sur le
territoire d'Ollioules, au quartier du Plan, le long du canal
amenant les eaux à ce moulin. Une v-oùte et une muraille
durent être faites au Pas du Puget allant à Oliioules, pour les
besoins de ce canal.
En 1701, des réparations furent faites à l'écluse du moulin,
emportée à trois reprises par les eaux de la rivière. Deux ans
après, eut lieu le dégagement du canal des moulins à blé,
obstrué par le débordement des eaux de la Rcppe. Des amé-
1. En l'an II, on trouve la formule n Bauport, ci-devant Sanary ». Au dire de
divers auteurs, après le combat du 3i août, les Alliés auraient placé un détacliement
sur un plateau pour surveiller le chemin de Saiot-Nazaire à Toulon. Quoi qu'il en
soit, ils n'entretinrent aucune relation avec la municipalité du premier de ces lieux.
2. Un point de la presqu'île de Saint-Mandrier porte la dénomination de la Croix
des Signaux. La date de l'établissement de la Croix des Signaux sur le territoire de
Saint-Nazaire. au-dessus de la pointe de la Crilc, n'est pas connue. Longtemps
après I7y3, deiLx préposés « à la vigie des signaux » étaient encore installés à la
tour de Portissol.
3. Presque dès le début des temps nouveaux, l'allention de l'autorité fol portée
sur les anciens liefs connus sous le nom de terre à besace, cl l'on désignait ainsi « les
« fiefs ou seigneuries existant dans des endroits inhabités où il n'y a pas de paroisses
• établies ». Telle est la définition donnée par les administrateurs du directoire de
Toulon, à la date du 27 octobre 1790. Quelques jours après, le même corps appelait
liefs à besace » ceux qui ne font pas une habitation et qui sont ou disséminés dans
" l'enclave des municipalités ou voisins des municipalités » (^Archires de Sanary, Fj).
Le pâturage d'hiver s'appelait coussou dans la Basse-Provence et montagne dans
la Haute-Provence.
SANAHY ET LE SlÈlîE DE TOULON 2St)
lioratioiis avalent été faites dès i68() à l'écluse du nicnie,
niûuliu dont le nom a été transformé en Portissol ', par suite
du défaut d'attenliou des transcripteurs de deux documents
analysés dans ce mémoire et dans une autre notice'-. A son tour,
la dénomination Parissol ou Pareissol était devenue dans le lan-
gage vulgaire Palissole.
Tous ces documents concernent le même moulin. Mais le
moulin à eau de la Figuière, situé à proximité de celui-ci, et
sur la Reppe, était également affermé à la communauté de
Sanarv (17 12). A la fin de l'ancien régime, cette dernière le
tenait en location aussi bien que le moulin de Pareissol. Dès
l'abolition des privilèges, la population Sanaryenne continua
à manifester ses préférences pour le moulin de Pareissol,
devenu une vulgaire propriété particulière. Le n)oulin à vent,
élevé en 1798 par Allemand sur la colline de Portissol ^, obtint
un plein succès et c'est là qu'au cours du siège les Sanaryens
firent principalement moudre les céréales. Il subsista fort
longtemps au dix-neuvième siècle et son rôle est de nos jours
tout différent, comme celui de l'autie moulin à vent élevé
dans son voisinage.
Mes recherches pour déterminer les conditions du fonction-
nement des anciens moulins seigneuriaux et des divers mou-
lins, épars sur les territoires d'Ollioules et de Sanarv et créés
à dater de 1790, au cours du siège de Toulon, n'ont pas pu
aboutir, les documents les concernant n'ayant pas été conser-
vés. L'histoire de ces établissements au point de vue écono-
mique pendant cette terrible période eût été bien curieuse et
nous eût quelque peu dédommagés de la monotonie de l'his-
toire-bataille, déjà si ressassée.
1. Le grès des Baux Rouyes est recherché pour alTùter les oiilils par certains
ouvriers de la récjion. La pointe de Portissol était appelée aussi Pointe Baurouge
ou de rUtrier. Un jour, Sanary aura sa corniche, appuyée sur cette pointe. Elle
n'aura plus à envier la corniche de Bandol, ni celle de Marseille. L'adjectif provençal
ulrié, uiriero, est synonyme de tout d'une pièce, d'une grosseur uniforme.
2. Notes historiques sur Sanary {Yar), p. ii.
3. Déjà, la municipalité avait autorisé la construction d'un four à chaux en face
du vieux môle et sur la même « montagne », dite, à l'occasion, montagne de Notre-
Dame de Pitié (1791).
REV. IIIST. DE LA RÉVOL. I9
29U REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUIIO.N FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
Quant aux fours employés par l'armée républicaine, en
dehors des tours seigneuriaux d'OUioules et de Sanary, ils
furent improvisés avec des moyens de fortune. D'ailleurs,
les dimensions du four de ce dernier lieu n'étaient plus en
h;u"monie avec l'impoitance de la population, bien avant
1789. La nuinicli)alité dut remédier à cet état de choses dès
l'an III.
Le I'"' mai 1790, eut lieu l'encadaslrement des droits fonciers
du marquis du Luc, seigneur de Saint-Nazaire ^ et le montant
s'en éleva à un capital de 9.000 livres tournois, correspondant
à 3oo petites livres cadastrales'-. Les lods donnaient par an
1.700 livres, les immeubles ruraux personnels au seigneur
900 livres, les deux moulins de la Figuière et de Pareissol
800 livres^, les taxes diverses 900 livres, la pension féodale
servie par la communauté et le droit de censelage ou les cens
207 livres*. Le produit du four banal était compris dans les
taxes diverses. Ce four avait été bâti en 1627''. Du moins cette
date était inscrite sur une pierre en dépendant, qui a été
conservée soigneusement et disposée dans la façade lors de la
réfection de cet immeuble, sis rue Général-Rose (maison
Mistre) et dont le nom antérieurement avait été rue Vinti-
mille,pour devenir ensuite rue d'Orléans (i83i) et rue Grande.
Par divers arrêts, le parlement de Provence avait déclaré que
Gaspard de Yhitiniille, des comtes de Marseille, baron de
Tourves et seigneur d'OUioules, était « seigneur direct, uni-
« versel et féodal et fondé en directe en tout le dit '' lieu
I. Emmanuel de Vintimillc, seigneur du Luc, Vins, Les Arcs, Ollioules et Saint-
Nazaire, dont le domicile était à Paris.
3, En 17G8, la petite livre cadastrale était co nptée pour 2^ sols tournois.
3. L'une des rues de SanaPi- porte la dénomination de rue du Moulin, en souvenir
d'un moulin à huile.
4. Les bois, d'ailleurs sans revenu appréciable, lui app;irten;mt, comprenaient
687.936 toises.
5. Le chiffre 2 est pour ainsi dire écrasé.
6. Les littérateurs ont décrit les sites grandioses du Bec de l'.-Ugle et du cap Sicié
sans consacrer quelques lignes à la majesté singulière de la colline ou montagne de
Portissol (Méry, A'ouuelles Nouvelles, p. i83 et s. — L'Athènes ouvrière, p. a8i
et s., etc.).
SANARY ET LE SIEGE DE TOULON
d'Ollioules et son terroir » (i6i3-i625) '. Cette solution
frappa Sanary, partie intégrante alors d'Ollioules^.
XV
En dehors de l'archevêque de Paris et de l'évêque de
Toulon, la maison de Vintimille a fourni plusieurs person-
nages marquants^.
Au cours d'un long procès furent publiés de nombreux
mémoires contre ou en faveur de « messire Guillaume de
« Raousset, chevalier, marquis de Seillon et de Maillanne,
« conseiller au parlement de Provence, curateur légitime à
« l'imbécillité de Messire Gaspard de Vintimille, des comtes
« de Marseille, baron d'Oulioules son beau-frère » (1727).
François de Vintimille, des comtes de Marseille, avait épousé
Anne d'Agoult, d'où quatre enfants: Pierre-François-Hyacinthe,
l'aîné, comte d'Ollioules; Anne de Vintimille, mariée au
conseiller de Raousset; Magdelon, chevalier de Malte, mort
en 1700 et Gaspard de Vintimille, chevalier non profès. Ce
dernier, né en 1682, était malade depuis 1699. M™' de Vin-
timille, née d'Agoult, mourut à Paris au mois d'avril 1722.
Bientôt le comte de Vintimille ramena son frère Gaspard à
Saint-Nazaire, où il l'installa non dans la maison que lui-
même habitait accidentellement, mais dans une maison de
louage sous la direction d'une femme « à l'esprit contrariant ».
Le comte retourna proinptement à Paris, où il mourut sans
enfants le 19 mai 1727. Il légua les terres d'Ollioules et de
I. Bibliothèque de Grenoble, V 6, 271.
a. Un arrêt du parlement de Provence, du i5 février 1567, maintint Honoré de
Porcellet « en la faculté d'accenser et de disposer à son plaisir de la terre gaste,
« vacante, inculte, patis et paluds « d'un lieu comme étant un effet de son fief et
« de sa directe universelle sur ce terrain » (Bibl. de Grenoble).
Le roi René avait donné à Aix les terres gastes ou inculles du territoire de cette
ville (De Haitze, Hist. de la ville d'Aix, etc., t. I, p. 481).
3. Gaspard de Vintimille, seigneur de Figanièrcs, qui fut condamné à mort par
le parlement de Provence (1660), n'eut aucun rapport avec Sanary {Le Petit Provençal ,
numéro du a septembre igiS).
292 RENTE HISTORIQUE DE LA REVOI.ITION FRANÇAISE ET DE L EMPIRE
Saint-Nazaire au marquis des Arcs', petit-fils de Charles-
François de Vintimille, des comtes de Marseille, comte du Luc,
marquis des Arcs et autres lieux, conseiller d'Etat d'épéc,
chevalier des ordres du roi, ancien ambassadeur près la Cour
de Vienne (i653-i74o). Ce petit-fils fut Jean-Baptiste-Félix-
Hubert de Vintimille (i 720-1 776), père à son tour de Charles-
Emmanuel-Marie-Maqdelon, dit le demi-Louis à raison de sa
ressemblance bien naturelle et même adultérine avec le roi, et
dernier seigneur de Sanarv.
Ces données historiques sont inédites et leur place est tout
indiquée ici, car c'est le dernier seigneur de Sanary, qui, en
cpialité de maréchal du camp, fit prêter, le 28 août 1789, à
Toulon, au Champ de bataille, le serment de fidélité à la
Nation, à la Loi et au Roi, aux officiers des troupes de la
garnison et des milices bourgeoises -.
XVI
Divers documents •' permettront de se rendre un compte très
exact de la situation. Bientôt furent lancées en effet les cir-
culaires de l'admiiiistration du district du Beausset, concernant
l'exécution de l'arrêté pris le i4 septembre par les représen-
tants du peuple Gasparin, Escudier et Saliceti, au sujet de
l'arrestation de toutes les personnes suspectes ou enfermées
dans Toulon et à raison de « l'infâme trahison qui a livré la
« ville de Toulon aux ennemis de la République » (4 octo-
bre), selon la formule usitée*. Cette mesure fut complétée par
la proclamation de la municipalité de Saint-Nazaire pour obliger
les habitants absents à regagner leur domicile dans la huitaine
sous peine d'être déclarés émigrés (9 octobre). Cette menace
I. Bibliothèque de Grenoble, R. 4, 271.
3. Hi.vnY, l/isl. de Toulon depuis ijSy, etc., p. 70-71.
3. Gf^aii besoin la lettre écrite le 27 frimaire par Bourdeaux, sans-culotte d'OIlioulos
{(Courrier d'Avignon, n° 2S6, du a nivôse) et le numéro du même journal du 8 nivôse.
4. Archives de Sanary, Ij et D,,
SANARY ET LE SIEGE DE TOULON 2(j3
fut Sïtius ellet comme d'ailleurs les instruclions de la lettre du
procureur-syndic du district du Beausset au procureur de la
commune de Saint-Nazaire ^ prescrivant l'ouverture d'un regist re
dans toutes les communes du département destiné à l'inscrip-
tion des citoyens désireux de concourir à la yarde des gens
suspects (lo octobre). Pour atténuer le mauvais effet des
décisions relatives aux absents, parut une lettre des adminis-
trateurs du district du Beausset, déclarant que les ouvriers et
les marins employés à Toulon étaient à l'abri de l'arrêté des
représentants du i4 septembre, à moins d'avoir donné des
preuves d'incivisme depuis le commencement de la Révolu-
tion. D'ailleurs ils ne pouvaient pas sortir de cette ville et l'on
faisait feu sur ceux qui cherchaient à s'échapper (i4 octobre)'-.
Tout naturellement, ce mémoire est terminé par des données
nouvelles, empruntées au registre des délibérations de la ville
de Sanary.
Le II octobre, la Société populaire décida l'ouverture
d'une souscription, confiée au zèle du curé l^ierre Julien^ et
de trois autres commissaires Roustan, Geoll'roy et Granet. Ils
recueillirent 10.878 livres 10 sols. Les commissaires du comité
des subsistances Guigou, Cay, Gautier et Trotabas devaient
avec cette somme, recueillie avant le 27 octobre, soit en
quinze jours environ, et d'accord avec la municipalité, faire
des achats de blé'. Cette somme comprenait 5. 600 livres en
assignats d'une valeur supérieure à 100 livres n'ayant pasi
cours, de telle sorte que la souscription était réduite à 6.278
I. Les procureurs de la commune les plus connus furent Boyer (1792) et Arma-
gnin( 1790), appartenant sans doute à la lamille du délicat lettré toulonnais M.Arma-
gnin, auteur d'œuvres estimées telles que Litanies d'amour, éditées par Lemerre,
chef de bureau à la mairie de Toulon et à l'obligeance duquel les érudits n'ont
jamais eu recours en vain.
a. Mêmes archives, I ..
3. Le 22 fructidor au lit, le curé Julien déclara qu'il allait exercer dans la com-
mune le culte catholique, apostolique et romain avec soumission aux lois de la
République, conformément à la loi du 11 prairial an III. Il précisa les termes de sa
déclaration, quelque temps après (an IV}. Cf. aussi la délibération du 28 floréal an IV
el le serment prèle par lui le 3^ jour complémentaire an V (19 septembre 1797).
4. Registre des délibérations, f°* i et s.
294 UEVL'E HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
livres 10 sols. Deux Sanarvens : Jean Granet et Pierre Fabre,
versèrent 1.200 livres chacun.
La pénurie de blé se faisait toujours sentira Le 5 novembre,
Saint-Nazaire comprenait en totalité 2.020 personnes, outre
38o citoyens de la Seyne, obligés d'abandonner ce lieu. Le
directoire du district fit droit à la demande de secours
adressée par la municipalité. Caiteaux avait en effet prescrit
aux habitants de la Seyne et de Six-Fours d'évacuer ces deux
lieux et de se réfugier à Sanary ou dans ses environs, non
occupés par les troupes républicaines-.
Victor, « adjudant-général chef des brigades près l'armée
du général Carteaux », avait requis le 2 novembre la munici-
palité de faire réparer les chemins et établir un pont sur la
Reppe, destiné à faciliter le passage des charrettes pour le
service de la République. Ce torrent, servant de limite à la
commune de Six-Fours et à celle de Saint- ÎVazaire, un extrait
de cette demande fut transmis à la municipalité de Six-Fours.
Après un examen fait ensemble, il fut décidé que le pont serait
fait à frais communs, la commune de Six-Fours devant fournir
les bois nécessaires, qu'elle possédait du reste.
Le « besoin » de blé devenant plus « funeste », une déléga-
tion fut envoyée à Ollioules auprès des représentants du peuple
à Marseille et des commissaires du bureau des subsistances
(i3 frimaire) (3 décembre 1793).
Le 16 frimaiie, il fut constaté que la compagnie des volon-
taires levés à Saint-Nazaire avait pour capitaine Jérôme Pardi-
gon, greffier de la commune.
Quatre jours plus tard, le conseil considéra « le village »
comme se trouvant en état de guerre, à raison de l'afiluence
journalière des troupes, de sa garnison, des bâtiments natio-
I. Le 28 décembre 17921 le directoire du département dut arrêter un singulier
genre de spéculation sur les blés. Les habitants du district étaient autorises à acheter
le blé I de la nation » se vendant au marché de Toulon. De tristes accaparements
avaient eu lieu. Pour obtenir du blé, même à prix d'argent, les citoyens durent
exliibcr iin certificat de leur municipalité respective indiquant la quantité qui leur
était utile (Archiiies, D ,).
a. II partit le 7 novembre ])our son nouveau comniandemeut (Laval, Op. t., p. 45a).
SANARY ET LE SIÈGE DE TOULON ZgS
naux e( des 9 vaisseaux hollandais, pris et amenés dans le
port par deux corsaires avec l'aide de tous les bateaux de
pêche de la commune, trois mois auparavant. Il constata l'in-
suffisance de l'approvisionnement en blé (20 frimaire).
Le lendemain (21 frimaire), il décida de faire exécuter à
Marseille, par un sculpteur, une statue de la Liberté, afin de
« célébrer les décades avec emphase et avec tout le civisme
« d'une commune républicaine ».
Le 25 frimaire (i5 décend)re 1793), les « approchesde l'atta-
« que de Toulon et de l'ouverture du sièrje » avaient déterminé
le commissaire des guerres, Bonaparte, chargé de la police
des hôpitaux de l'armée sur Toulon, à se transporter à Saint-
Nazaire, accompagné du directeur de l'hôpital ambulant d'Ol-
lioules, pour requérir des fournitures de lits provenant tant
des biens des émigrés qne des habitants et la commune avait
été déclarée en état de guerre.
Le conseil se montra favorable à l'installation de cent lits
dans l'église paroissiale et fit transcrire la réquisition sur le re-
gistre des délibérations. Bientôt (i^"^ nivôse) (21 décembre 1793),
il vota, comme suite à la prise de Toulon et en vertu de la loi
du 21 mars 1798, la constitution d'un comité de surveillance'.
A titre d'incident local, mentionnons l'arrestation du greffier
de la justice de paix. La présence d'une petite garnison et le
passage continuel de troupes avaient hâté l'épuisement des
réserves de blé.
Plus lard, nous voyons réquisitionner la madrague se trou-
vant au Brusc, à la demande de deux personnes qui consen-
taient à en livrer le produit à Toulon, moyennant rétribution
pour augmenter les subsistances. Elle appartenait à des émi-
grés comme la madrague de Brégançon, sise dans le golfe
d'Hyères et dont la pêche recevait la même destination (3 plu-
viôse an II). L'arrêté fut signé par Ricord, représentant du
peuple. Les subsistances étaient centralisées à Toulon au grand
détriment des communes voisines. Celle de Sanary dut envoyer
I. Hegistre des délibérations, f"' 65 cl i à 8.
296 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
des mandataires pour acheter du blé à Nice (3o pluviùse)
(18 février 1794)-
Les administrateurs du district du Beausset déléguèrent
Antoine Casteliii d'Ollioules, pour rechercher les brides, selles,
licols, etc., se trouvant chez des particuliers. L'opération fut
faite à Sanary le 6 ventôse. Saliceti appela les patrons pêcheurs
habitant les départements du Midi, pour le service de mer sur
les bâtiments de guerre de la République ^
Aux ternies de la délibération du 17 ventôse, la seule res-
source des habitants consistait dans la vente des vins et le
conseil émit le vœu que la prohibition en tut levée. De cette
manière, les bateaux génois livreraient en échange des vins,
de la morue, du riz et du fromage, comme ils le faisaient à
Bandol, à la Ciotat et à Cassis-. A ce moment-là, le port de
Sanary était un précieux port de relâche.
La question du blé l'ut de nouveau à l'ordre du jour. Les
2.027 habitants de Sanarv consommaient annuellement /i.o54
charges, soit par mois 387 charges, i panale 1/2 ''. Au 19 plu-
viôse, les provisions comprenaient 00 charges, i panale de
blé ; 2 charges, 4 panales d'orge et 7 charges, 9 panales de
farine. Le 7 ventôse, il avait été accordé 80 charges de blé et
20 charges d'orge par la Nation et le tout avait été retiré à
Nice. Le déficit récent de 221 charges et 9 panales* avait été
comblé par un emprunt. Un nouveau secours fut demandé
(28 ventôse) (i3 mai's 1794)- Pour faciliter l'ensi'mencement,
il fut envoyé du côté de Brignoles un Sanarven chargé d'ache-
ter pour le compte de la commune 20 quintaux de pommes de
terre, destinées à être distribuées aux habitants à prix coûtant
et avec adjonction des frais (27 ventôse)''. Vers le même mo-
1. Registre des délibérations, f»» al^ et s.
2. Au commeiicemenl du dix-liuitième siècle, des bateaux catalans paraissaient sou-
rcnt dans ces parages. En 1723 (avril), deux vaisseaux algériens avaient capture un
petit vaisseau catalan en vue de Baiidol {Arc/iiues de Sanary, série E).
3. Sous l'ancien régime, le blé était frappé à Sanary, à Toulon, etc., d'un droit
d'octroi appelé piquet cl très impopulaire.
4. La panale ou panai valait un dixième de charge.
5. C'est là la seule l'ois que j'ai rencontré la mention de ces tubercules dans les
nombreux documents de celte époque, que j'ai consultés.
SANARY ET LE SIEGE DE TOULON 297
ment, la commission des subsistances et approvisionnements
(le la République mit en ré(juisitioii toutes les huiles se trou-
vant dans le département (24 ventôse). La municipalité dut
décider c|ue la livraison du blé et de l'orge ne se ferait plus
séparément, car les personnes riches faisaient consommer
l'orge par leurs bestiaux ! Désormais, la remise du blé et de
l'orge aurait lieu « grains mêlés » (i5 germinal) (4 avril 1794)'
La tartane, le 5'«//î/-/^r«rtfo/s, commandée par le capitaine F'ran-
rois Pons et chargée de blé, se trouvait ancrée et en quaran-
taine dans le port de Sanary M Le représentant du peuple,
Maltedo, annula l'arrêté de son collègue Maignet pris à Port-
la-Moiitagne le 3 ventôse an II (21 fé\rier 1794)) prescrivant
l'envoi de ce blé à Marseille et douna l'ordre de le transporter
à Port-la-Montagne par les soins de Loth, inspecteur des sub-
sistances militaires (17 germinal), en prenant de grandes pré-
cautions pour éviter la contagion -.
Malgré la demande instante du conseil, l'autorité compé-
tente avait accordé un secours insuffisant, 70 charges de blé
et 3o d'orge. Une nouvelle tentative fut entreprise (19 ger-
minal). L'absence de toute marchandise était aussi absolue
(jue le manque des denrées et les cordonniers s'engagèrent à
fabric[uer des souliers conformément à la loi du i4 ventôse,
pourvu qu'on leur remît le nécessaire (24 germinal). Le len-
demain, l'installation d'un atelier de fabrication de salpêtre
fut décidée sur la Place à côté du temple de la Raison. Quatre
jours plus tard, la dresse d'un autel à la patrie dans ce dernier
monument fut décrétée (29 germinal an II). Aucun événement
local, digne d'intérêt, n'eut lieu jusqu'au 11 floréal, jour où un
nouveau secours de blé fut voté (3o avril 1794)- Le lendemain,
des mesures furent prises pour le recensement des porcs,
conformément à l'arrêté du Comité de Salut public du 22 ger-
minal. Senès le jeune, agent national du district du Rcausset,
1. Registre des délibérations, f"s 54 à 76.
2. S'il faut en croire L'Historique du pays conservé aux archives, le marquis de
Centurion, lieutenant-général des armées navales, aurait aftirmé la supériorité du
port de Sanary sur ceux de Bandol et de la Ciolat (4 mai 1667).
298 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇALSE ET DE l'eMPIRE
en coins d'opérations au I^ort-Ia-Montagne, ne tarda pas à
écrire à l'afjeat national de Sanarv-Beauport une lettre rela-
tive aux fonctions d'agent national des communes (26 germi-
nal). Le 12 floréal, des certificats de résidence constante
depuis plus de six mois, c'est-à-dire antérieurement au mois
de novembre lygS, furent remis par le conseil général de la
commune à l'ancien curé (le Sanarv, Julien', à un religieux
Minime, à un frère lav Cordelier et à une Ursuline (i" mai
1794), puis un peu plus lard à une Clarisse.
La municipalité d'Ollioules fut autorisée à délivrer à celle
de Sanarv, pour le service de l'atelier de salpêtre en construc-
tion, une chaudière et un chaudron provenant des biens de
l'émigré Liotaud (mai 1794)- '-e local coiniu sous le nom de
Salpètrièie rendit peu de services. Construit en grande partie
par les habitants « ayant passé chacun à son tour plusieurs jour-
nées de corvée », en forme de halle et élevé sur la place, il fut
démoli à la fin de l'an IV.
La réquisition des chevaux était rendue difficile, parce que
les habitants « éparpillés » dans les campagnes ou propriétés
rurales n'avaient pas encore regagné leur domicile (i4 floréal)
(3 mai 1794)- Enfin la vétusté de l'horloge installée dans le
clocher de l'église paroissiale transformée en temple de la
Raison - était telle que des réparations ne pouvant y être faites
qu'en pure perte, tous les fers en furent offerts sans succès à
la nation^. Moyennant le salaire de 00 livres par an. Biaise
fut chargé de « faire aller » la cloche laissée dans cette tour à
8 heures du matin, à midi, à i heure et à 5 heures du soir,
conformément aux heures de travail et de repos des ouvriers
(i4 floréal). La marche des événements amena le maintien
d'une « modique » escouade d'artilleurs dans les batteries
locales. Mais le 8 fructidor an III (26 août 1790), Paclhod,
I. Ce ]irètre reçut le i8 messidor un nouveau ccrlifical de résidence.
3. D'après une délibération de l'an IX, relative à la réouverture au culle du
Temple décadaire, celui-ci renfermait les statues de la Liberté, de Voltaire, de
IVousseau, de Brutus et d'Helvétius (Begistre des délibérations, C çjô).
i. Registre des délibérations, P>' 99 à 106.
SANARÏ ET LE SIÈGE DE TOULON SQQ
(|énéral de brigade commandaiil la place de Marseille en état
de siège, donna l'ordre au capitaine Lions, dont la compagnie
était cantonnée dans celte ville, d'aller tenir garnison avec ses
hommes à Bandol, sous la réserve de fournir un détachement à
Sanaiy. Ultérieurement, le général de division Mourel com-
mandant à Toulon la 8" division militaire, prescrivit le 6 ven-
tôse an l\, au chef d'escadron \'illers du 25^ régiment de
chasseurs à cheval, d'aller à Bandol, Six-Fours et Sanary pour
obliger ces communes au versement des fourrages, dont elles
étaient débitrices.
Un capitaine de canonniers. Ferrante, fut chargé des batteries
de Sanary, de Bandol et du Brusc. Le général de brigade Moy-
nat-Dauxon^, commandant à Toulon le i" arrondissement du
Var, lui donna l'ordre de prendre le « commandement » des
deux premières communes et de celle de Six-Fours (28 frimaire
an V) (18 décembre 1796)". Il prescrivit en même temps le
désarmement de la batterie du môle et le dépôt de son matériel
dans la tour de Sanary'. Ferrante demanda quelque temps
ajjrès l'autorisation de construire une maison au midi de la
« batterie supprimée du vieux môle » et à 12 toises de la mer*.
Constatons avec plaisir que l'histoire militaire de cette ville est
désormais dépourvue d'intérêt après avoir été par trop agitée.
Relevons cependant une mention inscrite à l'état di'essé par la
municipalité le i5 frimaire an IV (6 décembre 1795)=" : « Les
« chapelles'', église et maison à l'hôpital ne produisent aucuns
I. Ces fonctions furent eusuile dévolues, par ordre de ce fjénéral, au capitaine
Balp, du 3' bataillon d'infanterie du Jura (1797).
a. Registre des délibérations ^ fo^ 206 à 262.
3. Des réparations furent effectuées en 1797 au môle du ponant.
4. Au contraire, l'état des batteries de la Cride et de Porlissol, du Cap-Nègre et
des Embiez (Six-Fours) était suffisant. Lors de leur suppression, il y a environ
vingt-cinq ans, chaque gardien avait un logement de cinq ou six pièces à sa dispo-
sition pour sa famille. Chaque poste comprenait en outre deux soldats.
5. Lors de la formidable explosion d'un train charge de 20.000 kilos de poudre
qui eut lieu le 5 février 1871, près du pont de Labcau, la chapelle des pénitents fut
transformée en ambulance et vingt soldats blessés y furent soignés. Edmond Adam,
mari de Juliette Lamber, fut au nombre des victimes et put recouvrer la santé
(Juliette Lambfk, Le Siège de Paris, p. 438 et s.).
6. Ces chapelles étaient celles : 1" des Pénitents blancs (Notre-Dame de Consola-
ion ou Vierge de Consolation); 2" de Notre-Dame de Bonrcpos, rappelée par un ora-
300 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
« revenus, attendu qu'elles ont été dévastées par les troupes
« qui ont passé et mises hors de tout service ^ » Tout en avant
moins soulFert qu'OUioules, sa voisine, Sanary eut à réparer
d'importants dommages matériels. Par leur esprit d'économie
et par leur amour du travail, les habitants eurent bientôt raison
des difficultés rencontrées par eux.
XVII
Une lettre expédiée le 25 germinal an II (i4 avril 1794)1 par
Senès le jeune en cours d'opérations à Port-la-Montagne à
l'agent national de Sanarv, témoigne de l'indignation qui venait
de le saisir à la vue de charretiers eld'emplovés au service des
charrois militaires, en train de fourrager dans une propriété
nationale d'émigrés ensemencée d'avoine et sise sur la roule
d'Ollitiules. Bien longtemps avant 1793, les vols se multi-
pliaient, et, le !'■ septembre 1792, les officiers municipaux de
Toulon durent décider que les personnes porteuses de fruits
n'entreraient pas dans la ville sans être munies d'un billet de la
municipalité compétente -. Effectivement, .'5oo ou 4oo galériens
s'étaient évadés ensemble d'après la lettre du i" août précé-
loire; 3" de Notre-Dame de la(Millière (chapelle parliculière); 4° du Sacré-Cœur (me
des Bernards) ; 5° de Sainte-Catherine ou de Saint-Dominique; 6" de Notre-Dame de
Htié; 7° de Saiut-Roch; 8° de Saiule-Ternide ou de la Sainte-Trinité; g" de Noire-
Dame de Pâmoison ou mieux d'Espaime (chapelle parliculière).
Le chapelain de la première était Soleillel, en 1788.
L'état dressé en 1819 attribua 75 toises à Notre-Dame de Pitié, et celui du lô fri-
maire an IV mentionna 70 cannes seulement. .Après la Révolution, la chapelle des
pénitents fît retour au.\ pénitents, et la chapelle des Saints-Enfants ou de l'Enfant-
Jésus ou du Saint-Enfant Jésus ou du Sacré-Cœur, devint la propriété de la
Congrégation des Filles. Cette dernière chapelle est aujourd'hui dans un médiocre
état.
La chapelle des Pénitents aurait été fondée par Barthélémy de Don, tué à l'enocmi
(1710), et capitaine d'un vaisseau de guerre. Par suite de je ne sais quelles circons-
tances, ce nom ne ligure pas sur une liste des ofDciers de la marine du port de
Toulon, dressée en 1707.
Toules ces chapelles ont été occupées par des soldats pend.inl le siège do Toulon
et elles avaient été rendues impropres à tout usage.
I. Archives de Snnary, Ij et Registre des délibérations, f* Sgo.
a. Archives de Sanary, I ,.
SANARY ET LE SIÈGE DE TOULON 3o I
dent (^manant de la même administration'. Que de dégâts ne
durent-ils pas commettre? Je n'ai pas pu retrouver la moindre
trace de leur réintégration dans leurs fers. La frontière, si
voisine à cette époque, permit probablement à la plupart d'entre
eux d'aller traîm-r leur existence sous un autre ciel. Je suis
d'ailleurs convaincu qu'ils surent profiter des circonstances
pour vivre à leur guise et pour servir tel ou tel parti au gré de
leurs intérêts ou de leurs besoins. Leur c£)nduite n'a pu man-
(|uer d'être équivoque.
Comme il est aisé de le supposer, le plus grand désarroi
régnait jiartont. Le service de santé se montra à la hauteur de
sa tâche", mais l'insuffisance du personnel ne lui permit pas
de faire face à toutes les besognes, même les plus urgentes.
Le 29 germinal an II, Senès^ dut rappeler les municipalités
à l'exécution des instructions du comité de santé concernant
« l'inhumation des cadavres dans les lieux où il y a eu des
« batailles; dans plusieurs endroits les cadavres paroissent sur
« terre exhalant des miasmes qui ne peuvent que produire des
« maladies* ».
1. Mêmes archives, H 3.
2. Les soins les ])lus dévoues furent donnés continuellement aux blesses et aux
malades. Cette sollicitude, digne d'éloges, se perpétua durant de longs mois. Joseph
Fournier, commissaire des guerres, employé dans la huitième division militaire et
chargé du service de la place du Port-de-la-Monlagne, requit, le 11 ventôse an II
(!'''■ mars 1794)1 'a municipalité de Saint-Nazaire de choisir deux patrons pêcheurs
devant pêcher journellement le poisson nécessaire aux malades et convalescents des
iiopitaux (Archives de Sanary, HJ.
Les pontons anglais ont laissé dans l'histoire de sinistres souvenirs. Au contraire,
l(?s prisonniers français n'eurent qu'à se louer des Anglais au cours du siège de
Tculon. L'inlérèl de cette constatation est assez vif. Le 21 frimaire, Dugommier
correspondit d'OUioules avec le Journal d'Avignon et lui envoya la copie de la lettre
écrite par lui, le 20 frimaire, au général O'Hara, prisonnier à Aix, et de celle
adressée à Bonaparte, le 11 octobre, par un officier d'artillerie se louant des bons
traitements des Anglais vis-à-vis des prisonniers (Courrier d'Avignon, n" 27g, du
20 frimaire).
3. Scnès (Jean-Baptiste-Pierre), dit Sencs le jeune, dont le dévouement à la chose
imblique l'ut sans bornes, annonça son installation en qualité de sous-préfet de Toulon
par la circulaire du i5 prairial an VIIL Né à Toulon le 21 octobre 1707, il mounit
le 4 janvier 1829 (Salvarelli, Les administrateurs du département du Var (1790-
1897), p. 207). Bonhomme fut nommé procureur syndic le 27 mai 1794 en rempla-
cement de Sencs (Ibid., p. 21 3), qui fut assez longtemps agfnt national près le
district du Beausset.
4. Ibid., 1 ,.
3o2 REVIE IIISTORIQUK DE LA RÉVOLUTION FRANÇALSE ET DE l'eMPIRE
Marquis, chirurgien en chel' de l'Armée du Midi et chargé
du service de santé sous les ordres de Joseph Bonaparte, a
étudié la flè^re adynamique qui se développa à Toulon après
le siège. Son mémoire est intitulé : ('considérations médico-
chiriiryicales sur les maladies qui ont réijné pendant et après
le sièye de Toulon durant le cours des années II et III de la
République française^. Malgré la présence de cet écrivain aux
opérations militaires, les renseignements historiques donnés
par lui sont inexacts.
XVIII
Un mot, au sujet d'une affaire sensationnelle, paraît s'im-
poser sans conteste.
Six arrêtés pris au Beausset le 9 brumaire an III (3o octobre
1794) par les représentants du peuple envoyés dans les dépar-
tements des Bouches-du-Rhône, du Var et de l'Ardèche, ont
tous été imprimés à Marseille à 1' « im])rimerie révolutionnaire
de Jean Mossy, l'an 3""-' de la République ». Devaient cesser
leurs fonctions : 1° le juge de paix et le secrétaire-greffier du
canton du Beausset ; 1° les membres composant le tribunal du
district du Beausset ; 3° les membres du directoire de ce dis-
trict ; 4° les membres composant le bureau de conciliation de
ce même district ; 5" les membres composant le comité révolu-
tionnaire du même district; 6° les membres de la numicipalité
du Beausset. Sans insister sur les causes de ces mesures,
rappelons qu'un Sanaryen Granet, propriétaire au quartier
de Sainte-Ternide, lut désigné pour faire partie du comité révo-
lutionnaire. Les successeurs de toutes les personnes destituées
sont d'ailleurs nommés dans chaque arrêté. Les représentants
du peuj)le étaient Auguis et J. J. Serres. Le nom de ce dernier
figure seul sur chacune des six ariiches-.
1. Paris, QoiLLAu, an XII, in-4°, 19 p. {ISihl. de Toulon).
a. Arcbwes de Sanuri/. Par suite d'une erreur, Au<juis a clé imprime Ânguis
sur ces afGches.
SANAIIY ET LE SIÈGE DE TOULON 3o3
XIX
L'histoire défiiiilive des préliminaires du siè(|e de Toulon
lie j)Ourra j)as être écrite sans les archives du district de cette
ville, dont le chef-lieu fut transféré au Beausset par Gasparin
et Saliceti le i5 septembre '^. Or ces archives doivent exister
quelque part, car, d'après une délibération du 17 messidor
an II, l'administration dn district du Beausset venait de décla-
rer par une circulaire qu'elle avait perdu un temps précieux
pour se procurer les archives du ci-devant district de Toulon
renfermant notamment les matrices des rôles dont le besoin
était urgent". Elles doivent se trouver dans un dépôt public
et sont encore vierges.
L'état de désorganisation auquel en était arrivée l'adminis-
tration pourra être établi par un fait particulier. Les percep-
teurs des communes de Sanary et de Bandol, formant un seul
canton, n'avaient pas rendu leurs comptes des années 1792 à
l'an IV inclus. Une vérification minutieuse en fut prescrite le
20 messidor an VI par l'administration municipale de Sanary^.
Son résultat n'est pas connu, mais l'intérêt en serait relatif.
D'importants documents ont été certainement détruits dans
le fol espoir d'effacer à jamais tout souvenir de l'ancien régime.
Le bon sens finit par reprendre son empire. Senès le jeune,
agent national près l'administration du district de Port-la-
Montagne, prescrivit, le 21 germinal an II, conformément à la
loi du 12 frimaire, de réunir et de mettre sous scellés dans les
dépôts les « parchemins, livres et papiers manuscrits qui
pourroient blesser les principes de liberté et de raison ».
Bientôt, le 24 germinal suivant (10 avril 1794^)) les adminis-
trateurs du district du Beausset rappelèrent (|ue l'on devait
1. PouPF, Les districts ilu Vur (1790-1790), p. idli.
2. Registre des délibérations, f" i43.
3. Ibid., f 375.
4. Toutes les conversions de style ont été faites grâce à la Concordance générale
des calendriers républicain et grégorien, etc , Avignon, Joly, 1S18, in-12, i56 p.
Un exemplaire de cet opuscule fait partie des archives de Sanary.
3o4 REVL'E HISTORIQUE DE LA RtVOLUTlON FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
placer sous scellés les « parchemins, livres et papiers manus-
crits ou imprimés qui seroient donnés librement pour être
brûlés », jusqu'à la décision de la Convention'. Celle-ci fit
l'objet d'instructions précises^. Le sort des souvenirs du temps
passé était désormais assuré.
Malheureusement les manuscrits, comme les livres, accom-
plissent leur destinée. M. Barthélémy Caribbo, le fin bouqui-
niste toulonnais, acheta, il y a quelques années, un lot de
pa])icrs^. Parmi ceux-ci, un cahier, écrit en anglais et couvert
de notes, attira son attention. Ayant demandé le sens du
contenu à une personne prétendant connaître la langue anglaise,
il lui fut répondu que ce cahier était un recueil de chansons
anglaises! Las de ne pas trouver d'acquéreur pour ce manus-
crit, M. Garibbo le céda à un Français de passage, en ayant
compris tout de suite l'importance. Celui-ci le rétrocéda au
poids de l'or à un Anglais en villégiature à Hyères. Quelques
jours plus tard, notre Français vint s'enquérir auprès du ven-
deur de l'existence possible d'autres papiers analogues au
cahier acheté par lui. Sur la réponse négative de M. Garibbo^,
il finit par déclarer que ce cahier était extrêmement précieux.
C'était tout simplement un carnet de notes prises au cours du
siège de Toulon par l'amiral Flood ! Soidiaitons vivement que
son propriétaire actuel le confie quel([ue jour à un historien
capable de tirer parti de son contenu et plus spécialement au
bienveillant directeur de la Renne /lisforii/iie de la Révolution
française.
1. Mcmes archives, D4.
2. Jnstruclion sur la manière d'inventorier et de conserver, dans toute rétendue
de ta Répulilique, tous les objets qui peuvent servir aux arts, aux sciences et à
l'enseignement, proposée pur la commission temporaire des arts et adoptée par
le comité d'instruction publique de la Convention .\ationale. Paris, imp. nation.,
an II, in-Zf", 70 p. (^Arcliives de Sananj, C).
3. Insialli* cil 1880, il s'est tout d'abord livn- unù]uement au ooiniiicrce des
livres anciens.
4. Sun lils, M. Anliiiuc Garibbo. est l'auleiir applaudi de maintes chansons impri-
nii'cs pour la plupart el d'une pièce comique en 3 actes, mallieurensemenl non
imprimée et représentée avec un plein succès à la place Sainl-Kocb de Toulon (1896),
Lei buf/adièro de San R6. Diverses scènes ont été reproduites parla pholo»jrsphic.
Une pièce du cancvassier marseillais, Dray père, porte ce même titre.
SANARY ET LE SIEGE DE TOULON
3o5
Ce mémoire n'aurait pas pu être rédigé sans l'obligeance
sans bornes, que m'ont témoignée : i° MM. drondona, maire
de Sanarv', Flotte et Btiggiano (premiers adjoints successifs),
Gautier, second adjoint ; 2° MM. Susini, secrétaire général de
la Mairie, officier de réserve et titulaire de plusieurs déco-
rations vaillamment gagnées, et H. Flotte, ayant classé les
archives-; 3° MM. Mary-Lasserre, conservateur de la Biblio-
thèque municipale de Toulon et Marins Raibaud, bibliothé-
caire adjoint, dont la librairie, sise 6, rue de l'Intendance, était
bien connue (i886-igo3) et (jui a édité un livre provençal re-
cherché de nos jours ^. Qu'ils agréent l'expression de ma pro-
fonde gratitude* !
R. Vallentin du Cheylard.
1. Dans la région, la commune de Signes est citée volontiers pour l'étendue de son
territoire (i3.3io hectares). Hyères, avec ses 1 1.684 hectares, était encore plus
importante autrefois, car il faut ajouter à sa superficie actuelle les 3, 660 hectares de
la Crau, les 8.400 hectares de La Londe-les-Maures, érigée en 1901, et les 1.600
licctares de r,arqupiranne. Les prétentions de Sanarv sont moins élevées. Elle compte
1.924 hectares, tandis qu'Ollioules, dont elle fut séparée en 1688, a seulement 2.017
hectares. L'administration supérieure fut donc très généreuse à l'égarJ de la nourelle
communauté, tandis que Bandol, distraite de La Cadière (i7i5_), ne possède que
856 hectares, faible partie de cette dernière commune qui donna naissance plus tard
à Saint-Gyr.
2. La délibération du 32 germinal an VIII (12 avril 1800) fut très importante pour
le sort de ces archives. Transportées dans la Tour pendant l'un des sièges de Toulon
(1707), leur classement n'était pas encore fini en 171 1 et elles se trouvaient à moitié
'I pourries n à ce moment-là. Leur conservation est aujourd'hui assurée,
.\u contraire, d'après la tradition, les archives anciennes d'Ollioules auraient jadis
scn'i aux amusements des enfants.
3. Mangih, L'année d'aulrejois en Provence. Paris, Duc; Toulon, Raihaud,
1895, in-is, 2 p. n. ch., IV et yS p., et 2 p. n. ch.
4. Ce mémoire sera complété par d'autres études : i^ ISotes sur quelques médailles
provençales et sur de faux louis de Louis XVII; 2° Après le siège de Toulon;
3» Notes sur la numismatique des districts de Toulon et du Beausse/ (1790-1795) .
4*' Notes sur la sigillograplne des districts de Toulon et du Beausset (1790-1795);
5" Notes historiques sur Sanary (Var); 6" Notes archéologiques sur Sanary (Var);
7" Essai sur les impressiois varoises de Marc et d'Auguste Aurel (1793-1802),
RKV. HIST. DE LA BEVOL.
LETTRES INÉDITES
DE
MARIE-CAROLINE
REINE DES DEUX-SICILES
au. marquis de Gallo
(1789-1806)
{Saite ')
CCLX
Naples, le i3 novembre i8oa. N" 6.
(£>i noir.)
Commissions.
Une belle garniture, point d'Alençon, s'entend, un bonnet
avec les barbes ou palatines de dentelles larges (24 aunes
j)our garnir un habit;, et des moins larges, 12 aunes tout pour
garnir un habit, dessein égal).
De plus bonnet, fichu, chemisettes pour négligé à la mode,
fleurs.
(En chiffre.)
J'espère bien que vous rôtirez celte feuille. J'écris demi à
l'obscur. La commission est vraie. Je désire ces dentelles et
compte sur votre bon goût.
Je suis dans les plus grandes inquiétudes sur les nouvelles
de guerre, qui depuis quelques jours généralement se débi-
I. Voir Revue historique de la Révolution française de janvier-mars 191 1 et
numéros suivants.
LETTRES INÉDITES DE MARIE-CAROLINE AU MARQUIS DE GALLO 807
teiil'. Si ce malheureux événement est vrai, c'est tout ce qui
nous pourrait arriver de plus fatal. Ce n'est point que nous ne
soyons bien décidés à la paix et stricte neutralité ; mais ces
Messieurs où vous habitez le croiront-ils ? Ne leur conviendra-
t-il pas mieux d'en douter, de nous mettre garnison, de s'em-
parer de nos ports, de nos vivres, de nos subsistances, et
après nous avoir ruinés, nous traiter comme ils ont fait au roi
de Sardaigne et au malheureux grand-duc de Toscane, tous
deux leurs humbles sujets, tous deux par eux dépouillés et
chassés sans motif de leurs Etats. Je vous avoue, je regarde
cette guerre comme un malheur incalculable. Pour nous, je
m'attends, si elle se vérifie, à tout. Mais quoique le bruit en
soit général, je ne puis encore le croire, vous connaissant si
attentif et ne voyant aucun courrier de votre part, qui nous
annonce une nouvelle de telle importance pour nous. C'est ce
qui encore me l'ait conserver l'espoir que la nouvelle ne soit
pas vraie. Si elle se vérifie, je me compte pour perdue et nos
malheurs seront incalculables surtout avec l'entière désorga-
nisation de l'intérieur et les mauvaises dispositions de toutes
les classes des gens qui sont tous mécontents.
Je vous prie de m'aviser de tout. Ma peine cuisante, ce sont
mes enfants, car pour moi tout bonheur et illusions sont
détruits. Mais finir mes dernières années dans la misère, à
charge à tout le monde, cela me perce le cœur. Je ne veux
penser à rien avant de savoir par vous ce qui en est.
J'écris cette lettre de nuit sans y voir. Mandez-moi si elle
est arrivée en bon étatj si vous m'avez pu lire. Dites-moi si
elles sont toutes brûlées et croyez-moi pour la vie votre triste
et reconnaissante amie.
CCLXI
Naplcs, le 29 novembre i8oa. N» 7.
Je profite d'une occasion sûre pour vous écrire ces quelques
lignes, malgré votre silence qui ne m'a pas encore découragée,
I. Diflicultés qui conduisirent à la rupture tle la paix d'Amiens.
3o8 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l' EMPIRE
et la distance qui nous sépare. Mais le pays où vous êtes est
trop intéressant pour nous pour que je ne désire pas avoir de
vos nouvelles et pour que, de mon côté, je ne vous en donne
pas quand j'en ai l'occasion.
Ma santé laisse beaucoup à désirer. J'ai dû me faire saigner
le i6 de ce mois parce que j'avais trop de peine à respirer. Je
vais un peu mieux, mais ne suis pas encore entièrement
rétablie. Mes chers enfants sont bien, grâce à Dieu. J'attends
maintenant avec impatience et anxiété la nouvelle de l'heureux
accouchement de ma fille, l'Impératrice. J'ai toujours présent
à la mémoire le malheur qui a été la suite de celui de Louise.
Les dernières nouvelles disaient qu'elle allait bien et qu'elle
accoucherait dans le courant du mois.
Les nouvelles que j'ai de l'intéressante malheureuse et si
chère Antoinette vont jusqu'au 3o octobre. Elle avait fait une
course jusqu'à Figueras à la suite de leurs Majestés, et elle nous
en fait la description. Elle a habité une fois dans un colombier.
« Pardon, me dit-elle, si j'écris mal, mais excusez une pauvre
voyageuse traînée à la suite de sa maîtresse qui doit régler sa
conduite avec la plus grande prudence. » Elle continue à être
horriblement affligée et j'en suis inconsolable car les gran-
deurs achetées au prix du bonheur d'une fille ne sont pas un
soulagement pour mon cœur de mère.
François commence à s'habituer à sa poupée qui n'est pour
lui ni une compagne ni une ressource. Elle a la tête d'une belle
jeune fille fraîche et bien portante, mais la tournure d'une
naine, des cuisses el des jambes très courtes, les doigts et les
bras beaucoup plus gros que les miens et est un peu jtius petite
que Léopold. Voici pour l'extérieur; quant au moral, elle est
bonne, mais n'a aucune idée du monde qui lui est complète-
ment indiiTérent. Elle aime son mari sans avoir pour lui le
moindre sentiment. En somme elle n'est ni une compagne ni
une ressource pour François qui doit veiller à ce qu'elle ne
fasse pas des galfes du matin au soir. 11 en soutfre, cherche à
se résigner; mais cette chaîne lui pèse. Le vovage en F.spagne
l'y a pour toujours détaché de cette Cour, de ces principes de
LETTRES INÉDITES DE MARIE-CAROLINE AU MARQUIS DE GALLO SoQ
gouvernement et aussi de toute cette famille. Le traitement que
lui et tous ceux qui l'ont accompagné ont enduré n'est pas
près de s'elTacer de leur mémoire.
Grâce à Dieu, les bruits alarmants qu'on avait répandus et
qui faisaient craindre une nouvelle guerre se sont dissipés. Je
remercie le Ciel parce que j'avoue que cela m'inquiéterait
beaucoup à cause du contre-coup qui nous menacerait. La
vilaine mode d'empoisonner a commencé par le duc de Parme.
Maintenant c'est le comte de Maurienne' qui vient de mourir à
Sassari en quatre heures. Il est hors de doute qu'il s'agit de
jioison. J'avoue que le procédé qui n'a rien d'agréable ne me
cause aucune crainte.
Adieu, rien de nouveau à vous dire. Italinsky a eu son
audience de congé et va comme ministre à Constantinople.
C'est un poste de confiance, mais bien dangereux de ce temps-
ci. Le Roi est déjà rétabli, il fait des courses en ville. Nous irons
à Caserte dans le courant de ce mois aussitôt que le palais
sera à peu près habitable.
Adieu, je finis ma lettre en vous priant de faire mes compli-
ments à votre épouse et pour vous prouver que je n'ai pas
fini de vous importuner, je vous prie de choisir ce qu'il faut
pour un meuble en tapisserie, canapé, chaise, tabouret d'un
joli dessin pour en finir le fond et de me l'envoyer avec les
soies, aiguilles et tout ce qu'il faut pour pouvoir achever ces
travaux et envoyer le tout à ma fille à Madrid et lui donner une
occupation qui l'intéresse. Je vous prie donc d'exécuter cette
commission avec votre zèle connu de moi.
Adieu, soyez heureux et croyez-moi toujours votre vraie et
reconnaissante amie.
Vient une feuille en chiffres.
Une de commission.
•Mille compliments à votre digne épouse.
i. Frère puîné du duc d'Aoste, Victor-Emnaanuel I", qui succéda à Charles-Em-
manuel IV.
SlO REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
CGLXII
Casertc, le ;io iiovembre 1803. N» y.
Je prolite du départ d'un courrier d'Espagne pour vous
écrire deux mots et vous assurer de toute mon estime. Vous me
connaissez assez pour vous en apercevoir rien qu'à la lecture
de ces mots tracés à la liAte. Le long silence que vous persistez
à garder avec moi me peine d'un côté, mais, me prouve de
l'autre qu'il ne s'est passé rien de bien essentiel, ce qui est
toujours un bonheur dans les temps actuels.
Je suis depuis le 27 à Caserte. Le temps est bien mauvais.
Comme les appartements sont vastes et beaux, ma belle-lille
dit s'y plaire.
Adieu, portez-vous bien, donnez-moi donc de vos nouvelles
et croyez-moi avec bien de la reconnaissance.
(Partie de la lettre écrite au citron.)
Je \ous écris deux lignes par une occasion qui me donne
toujours de l'inquiétude, mais que le général .\cton croit sûre.
Malgré cela je m'en remets à mon impression que je crois la
meilleure, je ne vous écris donc que le plus pressé, et garderai
le reste pour une occasion plus sûre. J'ai hâte de recevoir de
vos nouvelles sages et loyales d'autant plus que nous sommes
ici dans l'ignorance la plus absolue, même des actes du célèbre
Moliterno. Ce n'est pas que j'y attache grande importance
mais je désire en finir avec les réceptions et les beaux discours
des têtes chaudes et des oisifs d'ici. J'espère qu'il en sera
ainsi, mais désire que tout cela finisse vite et ([u'on n'en parle
plus.
On fait circuler ici un livre révolutionnaire en trois volumes
sur Naples, très violent et très dangereux. Je l'ai lu parce que
j'aime tout savoir; mais je ne l'ai dit, ni au roi ni à Acton. Le
premier en profiterait pour redoubler de sévérité et de rigueur
et le second en tomberait malade. Mais on le vend à Naples et
ils l'ignorent. Je l'ai fait acheter en me servant d'un faux nom.
On y cite le livre de Uonamy et de Pignatelli que je crois être
LETTRES INÉDITES DE MARIE-CAROLINE AU MARQUIS DE GALLO 3n
Moliterno. Faites-moi avoir ces deux livres. Je suis d'autant
plus curieuse de les lire qu'il y est surtout question de notre
fatale campagne. Bref, je vous prie de me les envoyer avec
tout ce qu'on publie de nouveau en France. — Je n'ai plus que
de l'indifférence pour tout et en tout et me considère comme
morte civilement. Je regrette de voir tout ce que j'aurai pu
faire, mais je considère cela comme une faute qui n'est pas due
à mon mauvais vouloir, mais uniquement aux événements, à des
négligences ou à des causes semblables. Je m'en afflige, mais
n'ai aucun remords.
Je ne sais absolument rien de ce qui arrive dans le monde.
Il paraît que, grâce à Dieu, les bruits de guerre n'avaient aucun
fondement sérieux. Je souhaite du plus profond de mon cœur
que la paix dure. La guerre serait notre perte certaine et
inévitable. Je vois les choses bien noires si elle venait à éclater.
D'après les lettres d'Espagne du 3o (je me trompe, ce sont
celles du 7) ma fille est femme et plus contente. San Teodoro le
prétend du moins. Ses lettres à elle n'en disent rien; mais je
veux l'espérer, cette chère enfant est un chiodo (clou) pour mon
cœur.
Notre pâté^ est bon; mais François ne peut s'y attacher
puisqu'il lui est impossible de parler, de se lier avec lui. Je
vois qu'il lui pèse beaucoup et je cherche à établir plus d'inti-
mité entre eux. Mais c'est dur pour moi.
Quant à moi je mène toujours une triste existence, désirant
en sortir au plus vite, n'aspirant qu'au calme et à la tranquil-
lité et entièrement désabusée de tout.
Adieu, envoyez-moi des nouvelles bien détaillées. Que fait le
grand homme du siècle qu'est sans aucun doute Buonaparte ?
Ah 1 s'il voulait venir pendant une année réorganiser le royaume
de Naples pour me le rendre ensuite, il pourrait y faire de
grandes choses. Mais comme j'ai peur qu'il ne consentirait pas
à faire la seconde, je prie Dieu que la première éventualité ne
se réalise pas.
I. L'infante Isabelle, la deuxième femme du Prince royal.
3l2 REVUE HISTORIOIE DE LA RÉVOLITION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Ecrivez-moi tout sincèrement, écrivez-moi, dites-moi si vous
avez pu lire mes lettres et croyez-moi avec une éternelle recon-
naissance.
CCLXIII
Caserle, le i4 décembre 1802. N» 11.
Je profile avec plaisir et à la hâte de ce courrier que l'on
envoie à Paris pour vous annoncer que j'ai reçu votre lettre du
21 de novembre et lu toutes les dépèches que vous nous man-
dez et dans lesquelles je reconnais toujours plus votre zèle et
la sagesse de vos expressions et conduite en tout et je ne puis
assez vous en remercier. La raison de cette expédition, selon
ce que m'a dit le général Acion, est d'anticiper des plaintes
très vives que fait l'ambassadeur Alquier puisqu'on n'accorde
point une coupe très copieuse de bois dont on veut nous favo-
riser. Les raisons pour lesquelles cela est impossible, le mi-
nistre vous les mandera ; mais je suis bien convaincue que
malgré tout cela arrivera.
Je ne puis vous parler d'alTaires. Je n'en sais aucune. Je vis
à Caserte comme une ermite, lisant tout ce qu'on me donne et
ne me mêlant de rien. — Le Roi et le Prince vont beaucoup à
la chasse, les femmes vont promener. Pour moi, je suis pres-
([uc toujours seule. Je lis, dessine, joue du clavecin, travaille,
m'occupe et ai ample matière à penser et à rélléciiir sur le
passé, présent et avenir qui pour les affaires et la politique est
fini, mais non p(uu' la vie privée et l'existence de moi et de
ma famille. Tout ce que je désire est d'établir mes deux
filles et d'assurer un sort pécuniaire à Léopold et en dernier
lieu à moi pour finir mes jours tran(|uillement et sans besoin et
pouvant encore faire le bien.
Les affaires politiques, j'en ai ])onr ma vie assez et j'explique
toute la politique actuelle entre commander et obéir, étant ceci
le cas de toute l'Europe. Toute illusion sur cet article est
détruite, et de notre vie et existence empirer pourra le sort,
mais sûrement point ineilleurer, tellement les choses sont dis-
LETTRES INÉDITES DE MARIE-CAROLINE AU MARQUIS DE GALLO 3l3
posées. Ainsi toute idée et illusion de ç|loire, réputation de se
faire un nom, honneur est détruit. Heureux celui qui empê-
chera une dose majeure de maux et maliieurs à nos sujets.
Nous en avons déjà eu une bonne portion. Je prie Dieu que
les vues et les idées de paix durent et cela pour longtemps. Je
crois toujours au renouvellement de guerre. Ne fût-ce qu'entre
les deux puissances rivales et maritimes sans que le continent
en fût mêlé, je regarderai toujours cette guerre comme un
malheur pour nous réel, indiscutable. Même en gardant la
j)lus stricte neutralité je suis persuadée qu'elle entraînerait
notre perte. Si ensuite elle devenait continentale, le reste de
l'Italie, l'Alleinagnc, les États de l'Empereur, l'Espagne, le
Portugal, tout serait dévasté, ruiné et complètement asservi
par les armées et l'opinion françaises et par les traîtres qui se
trouvent dans toutes les cours, cabinets et armées. Ceci est un
malheur irréparable et me fait désirer un demi-siècle de paix
afin que la race des actuels vivants s'éteigne et peut-être l'excès
de la prospérité leur donnera dans le futur moins de prosélv-
tes. Une guerre réunirait tous les j)artis et ruinerait tout sans
faute.
J'attends avec un empressement sans égal et à tout moment
le courrier qui doit me porter la nouvelle de l'heureux accou-
chement de ma chère Imj)ératrice qui cette fois-ci est épou-
vantée et pleine d'appréhensions de ce ([u'elle a vu arriver à
sa sœur et, j'avoue, moi-mêmeje suis plus craintive etd'aulant
plus empressée de savoir la chose heureusement finie. A force
de persuasion de l'Empereur, ma fille s'est décidée à ne point
se servir de cet apoplectique de Vespa, mais de Steideler.
Dieu veuille que tout passe bien. Ce sera Smitmain (Schmid-
mayer), le valet de chambre de ma fille, qui doit nous en
apporter la nouvelle.
Le pauvre Grand-Duc est toujours afiligé et ne peut se
consoler de la perte de sa bonne et attachée femme. Cela fait
honneur à son cœur. Je crois pourtant qu'à la longue il se
remariera et, j'avoue, je désirerais beaucoup qu'il pensât à ma
fille et surtout à l'honnête et bonne Mimi. Mon sentiment le
3l4 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
plus vif et ardent est d'établir heureusement mes deux filles,
assurer un sort pécuniaire à Léopold et alors seulement pen-
ser au mien.
Je suis en campagne où je vis à moi, entre des innombrables
peines, privations et ressouvenirs. J'ai retrouvé ma bibliothè-
que, que je croyais avoir sauvée, ruinée, gâtée et la plus
grande partie des ouvrages manquant des volumes, enfin plus
de la moitié des plus belles éditions et ouvrages gâtés.
Patience ! mais c'est une privation.
J'ai vu chez le Roi un bulletin journal typngiaphù/iie et
bibliographique. Vous me ferez plaisir de me le mander
comme aussi quelques catalogues des meilleurs libraires.
Mais ce journal, envoyez-le moi fois par fois comme il sort.
Quand vous m'écrirez, vous m'enverrez autant de feuilles
sorties, ceci facilitant les idées et le choix des nouveautés. C'est
encore l'unique goût qui m'est resté, les livres, l'espoir d'y
puiser une ressource pour m'étourdir à penser, une occupa-
tion et instruction. Au reste, tous les plaisirs et illusions sont
chez moi détruits.
Je vous remercie de l'intérêt que vous prenez à ma chère
Antoinette. Ses dernières lettres sont du i5 de novembre de
Tarragone. Elle m'écrivait peu, étant en voyage et me promet-
tait d'écrire plus au long le 27 de novembre de Valence. Ainsi
je l'attends d'un moment à l'autre. Elle se conduit, grâce à
Dieu, très bien dans sa pénible et difficile situation.
Le petit pd/e que nous avons ici est inexplicable. Xi enfant,
ni grande, aucune instruction ni envie d'en avoir, aucun
amour-propre, curiosité ni développement. Elle n'est que sens
et cela d'une manière ni vive, ni aimable, ni séduisante, mais
pâté. — Je ne puis m'en plaindre. Elle ne m'incommode ni
gêne. Elle est bonne, d'une parfaite nullité. A son mari elle
pèse infiniment, n'v trouvant aucune ressource d'esprit, société,
compagnie, amitié, rougissant de ses sottises, trouvant en tout
un ton chez nous inconnu de polissonnerie, sans idée ni esprit
mais très très indécente, intime, polissonne avec ses femmes,
qu'il a déjà fallu mettre un frein, enfin des choses inconce-
LETTRES INÉDITES DE MARIE-CAROLINE AU MARQUIS DE GALLO 3l5
vables. Je ne crois point que jamais elle meilleurera. Car elle
n'a ni envie d'apprendre, ni embarras de sa nullité, ni aucun
point d'honneur, un être réellement particulier et qu'il faut
voir pour le croire. Enfin il n'y a qu'à prendre patience.
J'en étais là de ma lettre et voulais la teriuiner avec com-
modité quand un monde de visites, compliments pour le jour
d'Antoinette et d'affaires ne me permet plus d'écrire au long.
— Le général, étant pressé de terminer le courrier pour les
affaires qu'il vous dira, je termine donc et me réserve de vous
écrire encore successivement par les courriers d'Espagne ce
qui peut m'intéresser.
Je vous envoie deux petites feuilles de commission et deux
feuilles en chiffre, une lettre pour votre femme. Adieu, à
demain je vous écrirai de nouveau. Je vous recommande
toutes nos affaires, sûre de votre zèle, et croyez-moi pour la
vie votre reconnaissante amie.
Charlotte.
2 feuilles en chill'res ;
2 feuilles de vraie commission ;
I lettre à votre épouse ;
I lettre à Auguste Télerand (Talleyrand).
Je vous inclus une lettre pour Castelcicala. Je vous prie de
la donner à Mary ou à VVithworlh ou à quelqu'un de sûr qui
allât en Angleterre pour lui être remise avec sûreté. Excusez
l'incommodité, comptez sur toute ma reconnaissance, on me
presse, je finis et reprendrai demain.
CCLXIV
Gaserte (jeudi 21 décembre 1802). N» 5a (Chiffre).
Je profite du courrier d'Espagne pour vous écrire, enchantée
de cette occasion qui nie permet d'avoir plus souvent de vos
nouvelles. Vous nous promettez vite un courrier. On l'attend
avec impatience. Placé comme vous l'êtes à la source même de
tout ce qui arrive, vous sachant aussi clairvoyant que dévoué
et fidèle, je ne pourrais jamais assez vous recommander nos
affaires. Ce qui est surtout essentiel pour nous, c'est qu'on ne
3l6 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l' EMPIRE
nous tracasse pas, qu'on ne nous oblige pas à gaspiller nos
ressources el notre argent, qu'on nous laisse un semblant de
tranquillité qui ne peut nous venir (]ue de l'endroit où vous
êtes. La conclusion d'une paix durable avec les Barbaresques
et les régences africaines serait d'un prix inestimable pour
notre Patrie dont le commerce, seul moyen de panser ses
blessures et de réparer ses perles, ne tarderait pas à refleurir.
Quant à moi, je suis morte civilement et bien revenue de
tout. Mon seul désir est de finir mes jours en paix dans une
retraite calme et tranquille, de pouvoir bien établir mes
enfants (]ue je ne voudrais pas voir malheureux, comme l'est
leur sœur Antoinette et comme j'ai tout lieu de craindre qu'elle
continuera à l'être. Personnellement j'aimerais à finir mes
tristes jours en paix el repos aux environs de Vienne, de
préférence, ou ailleurs s'il le faut, si on l'exige, pourvu
toutefois que ce ne soit ni à Naples, ni en Sicile ne pouvant
vraiment vivre en simple particulière dans des endroits où j'ai
été Reine.
Je vous parle, vous le voyez, a\ec sincérité, .l'accepterai
sans faire l'ombre d'une difficulté, avec plaisir même, tout
arrangement qui nous donnera à tous deux, à Fran<;ois et à
moi. notre entière liberté. Il y a maintenant une femme à la
Cour, une Spagnoleita. Personne n'a plus besoin de moi et
moi j'ai besoin de repos pour vivre. Tel est runi([ue objet de
mes désirs et de mes pensées.
Ici, j(! vis très retirée ; mais c'est le chaos complet. Un
homme (jui est en lutte à la haine générale, mais dont je ne
puis contester l'énorme talent, l'esprit, la netteté de juge-
ment, l'énergie, el qui, en d'autres temps, aurait fait mon
admiration, c'est Zurlo. Maintenant je l'observe, je l'étudié et
je le plains. Le Roi, Aclon, le prince l'estiment et ont bonne
opinion de lui. Lui suit tranquillement son chemin; mais,
malgré beaucoup de lumières et de connaissances, il est
détesté, abhorré par tout le monde. Acton parle toujours de
partir. Il est de bonne foi et je crois (ju'il en a sérieusement
l'intention.
LETTRES INÉDITES DE MARIE-CAROLINE AU MARQUIS DE GALLO 817
Miqlioriiii à la Justice est un Paglietfa (avocassier) doux,
jésuitique. Forteguerri à la Guerre est tellement stupide et
maladroit que depuis cinq mois que je suis à Naptesje n'ai pas
encore eu le courage de lui parler. Tout va ainsi son petit
train et vogue à l'aventure.
Le cardinal Ruffo mécontent est retourné à Rome et Cassero
a obtenu la permission d'aller en Sicile. Vous le voyez, chacun
tire de son côté.
Ma belle-fiUe est une bonne enfant, mais d'une telle nullité
qu'il faut le voir pour le croire. Elle taquine à tout instant
son mari. Elle est extraordinaire et je suis sûre que, malgré
tout ce qu'on fera, elle ne sera jamais autrement parce qu'elle
manque absolument d'esprit et à'intellectualité (sic). Elle n'a
aucune curiosité, ne fait attention à rien, et n'a aucune envie
de s'instruire. Ce n'est réellement pas naturel.
Antoinette est toujours malheureuse et presque désespérée.
J'en ai un profond chagrin et j'en tremble pour elle. Le prince
des Asturies est bête au possible et d'un physique désa-
gréable. Je ne crois pas qu'il soit encore son mari et me
demande même s'il le sera jamais. Vous sentez que sans espoir
de maternité, attachée au sort d'un animal de cette espèce et
obligée de mener une telle vie, c'est acheter par trop cher
l'honneur d'être Princesse des Asturies, et elle le sent vive-
ment. Toutes ses lettres sont navrantes. Elle voit dans la mort
la seule délivrance possible. Je ne fais que l'exhorter à la
patience, à la résignation; mais c'est plus facile à dire qu'à
faire e( j'en sais quelque chose.
Adieu, j'attendrai jusqu'à demain pour terminer cette lettre
après avoir reçu les nouvelles de vous que j'attends et désire.
Adieu, comptez sur ma constante estime, confiance et
amitié.
Le 23. — Je n'ai rien reçu de vous. J'en suis très peinée et
n'y puis rien comprendre, puisqu'il y a deux postes d'arrivées,
devienne et de Londres. Paciens a f et encore Pacienra/ C'est
tout ce que je puis dire. J'espère recevoir dans peu de jours
un courrier et me réserve alors de vous écrire en détail. Pour
3l8 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
le moinenl je ne saurai rien vous dire de ce que je vois et de
ce que je prévois. Car tout est profondément affligeant.
On prétend ici, on répand le bruit que le Roi est décidé
à retourner à Païenne. Toutes ses actions et ses paroles
semblent en ell'et l'indiquer. Mais ce que je ne comprends pas,
c'est comment il s'y prendra pour gouverner le continent de
cette île. Quand on lui parle de cette difficulté, il répond en
disant qu'il abdiquera. Somme toute, ma position est bien
peineuse. Je ne serai tranquille que lorsque j'aurai pu établir
mes filles, nous assurer à Léopold et à moi une existence,
convenable parce que je crains à tout instant quelque irrépa-
rable extravagance. Je n'ai plus la force de supporter de
nouveaux tourments, persécutions et malheurs. J'attends mon
sort avec une triste résignation. Mais je ne veux pas vous
attrister et vous décourager et mieux vaut que je m'arrête.
Peut-être pourrai-je encore ^ous importuner, vous et votre
épouse que je vous prie de bien saluer de ma part, pour
quelques choses de goût en genre de trousseaux.
Adieu, soyez heureux et croyez-moi toujours avec un cœur
véritablement reconnaissant.
Il y a aujourd'hui quatre ans que nous sommes partis hon-
teusement de Naples. Je regrette de n'être pas morte aupara-
vant. Que d'amères douleurs et d'horribles désenchantements
cela m'aurait épargnés ! Mais mes sombres pensées me repren-
nent et je m'arrête.
CGLXV
Caserle, le ^ janvier i8o3.
Cher Marquis, je voulais et je comptais vous parler tout au
long par ce courrier ; mais comme on a su que le ministre
d'Angleterre allait, lui aussi, en expédier un ces jours-ci, on a
décidé de faire partir le nôtre en toute hâte de sorte que je
n'ai même pas le temps de vous dire la millième partie de ce
que j'avais l'intention de vous communiquer.
Je ne puis répondre ni à vos lettres du i4 décembre, ni
LETTRES INÉDITES DE MARIE-OAROLINE AU MAROUIS DE GALLO SlQ
même à celles de votre femme. Vous lui Iransmettrez mes
excuses en attendant que je le fasse moi-même dès que je le
pourrai et la remercierez de ma part, comme je vous en
remercie aussi, de la façon merveilleuse dont elle s'est
acquittée de mes commissions.
Je vous envoie les mesures de mes deux lilles et de ma bru.
Vous pensez bien que ce que je fais pour cette dernière, c'est
uniquement parce que la politesse et l'étiquette m'y obligent,
tandis que pour mes filles cela part du cœur.
Grâce à Dieu, nous sommes tous en bonne santé. Nous
vivons très retirés à Caserte.
Impossible de vous écrire plus louquement; car le courrier
doit partir. Comptez sur ma véritable reconnaissance qui ne
finira qu'avec ma vie.
Viennent trois feuilles en chiffre.
Une lettre de Talleyrand que je vous recommande de faire
remettre.
Je vous en dirai davantage une autre fois.
GGLXVI
Cascrlc, le 8 janvier i8o3.
Je reçois des lettres d'Espagne nullement consolantes.
Enfin toutes les choses et la vie n'est qu'un tissu de peines.
J'ai oublié par le courrier parti dernièrement de dire à Pae-
siello qu'il m'envoye le triste Requiem fait par lui à l'occasion
du triste décès de la chère Glémentine, comme aussi s'il a des
autres musiques nouvelles faites, il m'obligera beaucoup en
me les envoyant- Car outre que cela sert à moi et à mes
enfants à Naples, je puis me faire encore un mérite à Vienne
où vous savez combien on aime la musique —
CCLXVII
Caserte, le i5 janvier i8o3. N^ 3.
Je vous prie de me faire savoir en quelles mains se retrouvent
les obligations de la banque de Vienne au capital de 55 mille
320 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
florins de propriété de ma fille Marie-Dirisline, comme aussi
les intérêts de ces valeurs, depuis le mois de septembre 1798
jusqu'au mois courant janvier i8o3'.
Don Gregorio Bisogni. qui a la gestion du Multiplico des
filles et auquel j'en ai demandé le compte, m'a fait savoir que
vous seul administrez ces capitaux et que seul vous en avez
connaissance.
En même temps, aux mains de qui se trouvent les obliga-
tions de la dot de ma feu-bru Clémentine en 200 mille florins
de capital et les intérêts de tant d'années écoulées, parce qu'on
veut faire un troc avec la petite lille de mon fils en lui donnant
des biens fonds de même valeur situés dans le royaume et assi-
gner en échange à mes filles les fonds qui sont en Alle-
magne.
Je vous prie de me donner des explications sur le tout.
CCLXVllI
Caserte, le 3o janvier i8o3. X» 5.
Je vous écris ce peu de lignes de mon lit où je me retrouve
depuis hier ayant eu un de ces accidents, comme j'en eus
quatre ou cinq pendant mou voyage. Or, comme je n'en avais
pas eu pendant un an et demi, je m'en croyais définitivement
débarrassé. J'ai craché le sang. Ce matin on m'en a tiré et
deux heures après j'ai eu un évanouissement en même temps
qu'une congestion cérébrale qui m'a valu une forte fièvre. Elle
a beaucoup diminué aujourd'hui et je vous écris de mon lit
pour que vous ne soyez pas inquiet sur mon compte. Je ne
puis le faire en chilTre n'avant pas encore la tête suffisamment
solide et libre.
Mon mari, mes enfants, et ma petite-fille se portent, grâce
à Dieu, tous bien.
J'attends avec impatience de vos nouvelles. C'est de l'en-
droit où vous êtes que tout émane, que tout jaillit et c'est
I. Cf. G«llo « la reine. Paris, 18 février i8o3.
LETTRES INÉDITES DE MARIE-CAROLINE AU MARQUIS DE GALLO 32 1
pour cela que vos lettres sont toujours si intéressantes pour
moi.
Mille compliments à votre épouse ainsi qu'à ladv Mounck.
Ne m'oubliez pas et crojez-moi avec un cœur reconnaissant
votre vraie sincère
Caroline
CCLXIX
Gascrie, le 9 février i8o3. N" 6.
(En noir).
Je profite de ce courrier pour vous écrire en toute hâte
puisqu'il s'agit de répondre en vingt-quatre heures à deux
courriers d'Espagne, à deux de vous et à une quantité d'ar-
riérés d'Allemagne et d'Italie. Répondre même en partie à
tout cela n'est pas chose facile, surtout quand on a une tête
encore aussi faible f[ue la mienne. Vous m'excuserez, j'en suis
presque certaine, parce que vous connaissez mes sentiments
et savez que, si je parle peu, je ne pensn pas moins et que je
vous suis infiniment et sincèrement reconnaissante de toute la
peine que vous vous donnez pour nos affaires et que je sais
reconnaître tout ce (|ue vous faites pour notre service et notre
bien.
Je n'ai malheureusement pas le temps de m'étendre aujour-
d'hui sur une foule de choses dont je désire vous entretenir.
Mais je 1er réserve pour une autre fois. Je ne suis pas encore
bien forte et je peine à écrire. Mais je sais apprécier ce que
vous écrivez, dites et faites pour nous et ma reconnaissance
durera autant que ma vie.
J'inclus une lettre pour Castelcicala que vous ne tarderez
pas trop à lui envoyer. L'occasion pour cela ne peut vous
manquer. Je vous envoie aussi un pli pour San Teodoro en
Espagne. Vous me ferez le plaisir de le lui envoyer, ou par un
étranger allant dans ce pays, ou par un courrier, anglais, alle-
mand, de n'importe quelle nation, pourvu qu'il ne soit pas
espagnol. Je trouve absolument inouï qu'on ait supprimé les
courriers napolitains et privé ainsi une mère de la possibilité
REV. HIST. DE LA REVOL.
322 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
de correspondre avec sa fille, de prodiguer ses conseils et
quelques encouiageinents et des consolations à la malheu-
reuse enfant qu'on a forcée à ce sacrifice. C'est là une liorrible
et atroce cruauté, et c'est pour cela que je vous recommande
surtout ce paquet. Courrier anglais, allemand, français même
s'il le faut, mais de préférence quelque honnête étranger. Je
m'en remets du reste à vous, sûre que vous ferez mieux que je
ne saurai vous le dire.
Ma santé laisse beaucoup à désirer. Je soufï're encore de
mes nerfs et me ressens de ma dernière attaque. J'ai tous les
jours des accès de fièvre et ma tête est encore si faible que je
me sens incapable de vous écrire aussi longuement que je le
voudrais. Je dois me borner à vous remercier de tout ce que
vous faites si bien afin de débrouiller nos difficiles affaires et
à vous prier de continuer à déployer le même zèle et la même
activité.
Nous avons cette année un alTreux hiver. Il pleut depuis
quarante jours et maintenant il neige, il grêle, il tonne et il
pleut. Un temps à faire peur. Dieu veuille que cela ne nuise
pas trop à la campagne et à la santé publique. Il y a ici cette
année quantité d'étrangers, mais surtout des Anglais. Je
compte les voir demain en allant à Naples pour le carnaval.
Je vous envoie dans ce paquet des lettres et recommanda-
lions dont on m'a chargée pour vous et dont je n'ai pu arriver
à vous dispenser. Pour moi, j'espère être un peu plus libre et
maîtresse de mon temps une autre fois afin de pouvoir vous
écrire plus longuement. Aujourd'hui entre la lecture et l'expé-
dition des lettres, postes et courriers, entre le carnaval et les
masques, parce qu'il me faut bien contenter mes enfants qui
veulent en avoir leur part, et le Président du royaume de
Sicile' qui est in extremis, nouvel embarras qui redonne au
Roi l'idée d'y retourner, d'abdiquer, etc., etc., c'est toute une
affaire. Je vous assure même tpi'il faut m'excuser si je dérai-
sonne et si j'écris à la diable. L'essentiel, c'est que comme
1. L'arclicvèiiuc Picjiialelli.
LETTRES INÉDITES DE MARIE-CAROLINE AU MARQUIS DE GALLO 323
toujours je vous recommande nos affaires et me fie entière-
ment à vous.
J'écris deux mots à votre chère épouse. Je la charge d'une
commission et la prie de s'arranger de façon à ce qu'elle me
parvienne ici fin avril ou commencement de mai. J'abuse
encore de votre complaisance et de votre amitié et vous prie
de m'envoyer des livres.
Je compte pouvoir vous écrire mieux et plus longuement
sous peu et je tâcherai alors de mettre un peu plus d'ordre
dans mes idées. Mais ce n'est pas parce que ma lettre est brève
et confuse qu'il faut croire que je suis ingrate. Ce serait me
faire tort injustement. Adieu, croyez-moi pour la vie votre
véritable, reconnaissante et sincère amie.
Caroline.
Une feuille en chiffre pour vous.
Un paquet pour San Teodoro, à Madrid.
Une lettre pour Castelcicala, à Londres.
Une lettre pour vous de la belle Ventiiniglia et une note
qui explique son affaire que je vous recommande parce que
je désirerais lui rendre service, elle et son mari se conduisent
très bien.
Une lettre à Auguste Talerand (sic) (Talleyrand) de ses
parents.
Une recommandation en faveur de l'honnête et fidèle baron
Tschoudy, un des rares militaires, honnêtes, intelligents et
restés fidèles et dévoués.
Une lettre pour votre épouse.
Une lettre pour Milady Mounck.
Une lettre pour Motel qui m'est recommandée par Mandel.
(A suivre)
MÉLANGES ET DOCUMENTS
Robespierre et l'admission des femmes dans les Sociétés
littéraires
On sait que le texte du discours prononcé par Robespierre à
l'Académie d'Arras, le i8 avril 1787, en réponse à celui de
M"* de Kéralio, n'a pas été conservé. Ernest Hamel en donne, dans
son Histoire de Robespierre (I, p. 61), une analyse dont il n'indique
pas l'origine. J.-A. Paris (^La Jeunesse de Robespierre, pp. i^Q-
i5o) ne donne pas des éclaircissements plus complets. Nous avons
retrouvé, dans une publication périodique où on ne s'attendrait
peut-être pas à le rencontrer, un autre compte rendu de ce discours.
Voici, en effet, ce qu'on lit aux pages 417-420 du tome III (1787,
n° XXI\') de La nature considérée sous ses dijférens aspects, oa
Journal d'histoire naturelle... de l'abbé Bertholon :
« Monsieur de Robespierre s'étant proposé d'examiner s'il étoit
utile en gédéral d'admettre les femmes dans les Sociétés littéraires,
a développé les avantages qu'il croyoit attachés à cette institution,
dans un discours lu à l'Académie d'Arras', dont nous allons donner
une notice. D'abord il la regarde comme le moyen de rassembler
les talens divers que la nature semble avoir partagés entre les
deux sexes ; la force et la profondeur qui caractérisent le génie de
l'homme, l'agrément et la délicatesse qui distinguent celui de la
femme, et par conséquent de contribuer à la perfection des produc-
tions de l'esprit qui consiste dans la réunion de ces qualités
différentes.
« L'admission des femmes dans les Académies leur reudroit,
suivant INI. de Robespierre, un service encore plus essentiel, en
I. Srànce publique du 18 avril 1787. M'i» ili- Keralio arait cto i-luc a académi-
cienne honoraire u. Hobespicrrc, direcleur de l' Académie, repond au discours de
.Mil» de Keralio que venait de lire le secrétaire perpétuel Dubois de Fosseux. —
H. D.
MÉLANGES ET DOCUMENTS 320
attachant h la fréquentation assidue des assemblées un intérêt
puissant qui rendroit à leurs travaux leur première activité, en
inême temps qu'elle leur prèteroit des charmes jusqu'alors inconnus.
« Ici l'orateur trace un tableau propre à faire envier le bonheur
dont les sociétés littéraires jouiroient dans son système. Il décrit
ensuite les heureux effets que produiroit l'émulation excitée par le
désir d'obtenir le suffrage de ces juges intéressans.
« Il prouve que le soin d'encourager les talens est un des
premiers devoirs des femmes, et la plus belle de leurs prérogatives,
fondée sur les premières lois de la nature et sur l'intérêt de la
société. Après avoir analysé ce sentiment qu'on appelle l'amour de
la gloire, et qui n'est autre chose que le désir d'obtenir l'estime et
l'admiration de nos semblables, il observe que c'est surtout aux
personnes qui nous intéressent le plus que nous désirons d'inspirer
ces dispositions ; et comme la nature a voulu que des deux portions
qui composent le genre humain, les femmes fussent la plus intéres-
sante aux veux des hommes, il conclut que l'amour de la gloire a
pour objet principal d'obtenir le suffrage des femmes et que telle
est en effet la première base et le ressort le plus actif de ce noble
sentiment.
« Parcourant ensuite les différentes périodes de notre histoire, il
nous montre dans tous les temps les femmes faisant naître et
développant tous les genres de mérite analogues aux mœurs qui
dominoient à chaque période. Dès ces siècles reculés où l'humanité
dégradée sembloit anéantie sous l'infâme joug de la tj'rannie féo-
dale, de braves guerriers courent pour l'amour d'elles venger
l'innocence et exterminer les brigands. Dans les temps postérieurs,
on voit se perfectionner et s'étendre cette institution bizarre et
sublime de la Chevalerie qui enfanta ces héros brillans, consacrés
au culte de la beauté, dont le généreux enthousiasme élevoit les
femmes au-dessus de l'humanité, et que les femmes à leur tour
élevoient au-dessus d'eux-mêmes.
«c Enfin, la lumière des lettres commence à luire sur l'Europe, et
ce sont les femmes qui accélèrent l'heureuse révolution qu'elle doit
opérer. L'esprit de la Chevalerie, dirigé vers des objets plus pai-
sibles et plus utiles, leur consacre les premiers essais des muses
naissantes; on ne vient plus apporter à leurs pieds les dépouilles
sanglantes d'un guerrier redouté, mais on vient y déposer les
productions du géuie, on soutient des thèses publiques en leur
320 REVLE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
honneur, comme on avoit jadis rompu des lances pour l'amour
d'elles; elles sont l'àme de ces sociétés célèbres où tous les
hommes de génie de la France venoient faire hommage de leurs
chefs-d'œuvre aux grâces et à la heauté ; c'est à leur empire qu'on
doit principalement l'ardeur avec laquelle ils cultivent les lettres,
et par conséquent, les progrès des lumières et de la raison.
« D'après ces faits, l'orateur invite son siècle et son pays à
rendre aux femmes des privilèges aussi utiles à l'humanité que
glorieux pour elles-mêmes, en accueillant toutes les institutions qui
peuvent tendre à diriger leurs efforts et les nôtres vers des objets
salutaires au bien public : il exhorte les Académies k les adopter,
et les femmes et surtout nos concitoyennes à ne point dédaigner
les Lettres, mais k se souvenir qu'elles sont les protectrices natu-
relles des talens, et que le Ciel ne leur a point prodigué les dons
qui les embellissent pour être, dans l'univers, une vaine décora-
tion, mais pour concourir au bonheur et à la gloire de la société. »
Ce compte rendu, comme on le voit, est beaucoup plus détaillé
que celui que donnent les deux biographes de Robespierre. Certai-
nes expressions sont d'ailleurs semblables, ce qui permet de sup-
poser que les uns et les autres ont bien pu puiser k une même
source.
H. DUVAL.
Un rapport inédit de Robespierre à l'Académie d'Arras
Quand J.-A. Paris écrivit sou livre La Jeunesse de Roùespierre,
les Archives de l'Académie d'.\rras étaient fort incomplètes, cl il dut
se servir surtout de documents conservés dans des collections par-
ticulières. Depuis cette époque, ces Archives se sont enrichies d'un
lot considérable, et Vlnoentaire publié par M. le comte de Haute-
clocque en i8()7 mentionne plusieurs pièces qui étaient restées
ignorées du biographe de Robespiîrre.
La plus importante de ces pièces est sans cdiUreilit un rapport de
1787, à la rédaction duquel Robespierre participa.
L'Académie d'.Vrras avait mis au concours, pour le prix de cette
année-là, l'étude du commerce de l'Artois depuis les temps les
plus reculés, des causes de sa décadence et des moyens de le revi-
MÉLANGES ET DOCUMENTS 827
vifier. Les commissaires chargés de l'examen des mémoires étaient
au nombre de quatre : Robespierre, Biiiot, Lesage et Dubois de
Fosseux. Leurs quatre signatures figurent au bas du texte ; mais il
n'est pas possible de déterminer quelle l'ut la part de chacun dans
le travail de rédaction.
Nous devons la copie de ce texte à l'obligeance de M. E. Morel,
bibliotliécaire de l'Académie d'Arras, qui a bien voulu la faire éta-
blir pour nous et la coUationner sur l'original avec le plus grand
soin.
Charles Vellay.
Rapport des Commissaires nommés par l'Académie Royale des
Belles-Lettres d'Arras, pour l'Examen des Mémoires qui doivent
concourir pour le prix de ijSj,
sur cette question :
« Quelles furent autrefois les différentes brandies de Commerce
« dans les contrées qui forment présentement la province d'Artois,
« en remontant même aa tems des Gaulois ? Quelles ont été les
« causes de leur décadence, et quels seraient les moyens de les
« rétablir, notamment les manufactures de la ville d'Arras.»
Il a été adressé à l'Académie trois mémoires sur cette question.
Le premier cotté N° I", porte pour Ëpigraplie.
0 Tempora.
// est accompagné d'un billet cacheté.
L'Auteur avance d'abord que tous les peuples ont plus où moins
pratiqué Le Commerce, il en conclut que les Gaulois l'ont prati-
qué aussi, mais il ne s'attaclie qu'à la partie de ce peuple qui
habitait l'Artois.
De ce que les At rebutes et les Marins aimaient à combattre où à
se divertir, l'auteur conclut qu'ils ont été rommerçans.
Il dit cependant que ce ne sont In que des preuves négatives
et pour contenter ceux qui en veulent des positives, il cite ce pas-
sage de M. Hennebert.
« Les historiens nous laissent igntrer l'Esprit du Gouvernement
« des Atrébales et des Marins et celui de leurs loix usitées avant
« l'invasion de César.
Il n'a trouvé que ce passage qui est plus étendu, sur le Com-
merce de l'Artois avant que ce pays ait suivi la loix des Romains-
328 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
// /((// ensuite, par ordre alpfiabi'l'Kpie, l'Eimmératlon des diffé-
rentes branches du Commerce de l'Artois.
Ces branches sont
1° L'avoine sur laquelle il ne dit rien qui ait rapport au com-
merce.
2° La bière sur laquelle il rapporte deux ordonnances qui ne
signifient rien.
3° Le blé à l'occasion duquel l'auteur rapporte un passage de
Guicciardin assez curieux, et une déclaration de Louis XIV. qui
fiait défienses de transporter des grains hors du Royaume et à la
vérifiicdtion de laquelle le Conseil d'Artois fiât seul chargé de
procéder.
4° Le bois sur lequel l'auteur rapporte différens [jassages qui
prouvent qu'il y avoit des bois en Artois et rien de plus.
5° Les chevaux sur lesquels rien.
6° Les Draps sur lesquels on rapporte un passage de Locrius et
une ordonnance de Louis XL qui prouvent l'un et l'autre qu'il y
avoit en Artois, sous le règne de ce dernier Prince et en 283, des
manufiactures de Draperies.
7° Les Eaux de vie, 8° le filet,
g° Les fiourr âges, io° Le firomage.
11° Lesfiruits : très pieu de chose sur tous ces articles.
12" La garance, un passage de Dom de Vienne.
Dans le même article on parle des urines qui servoient pour la
teinture et sur lesquelles l' Empereur Vespasien mit un impôt.
i3° L'hydromele et i4° la laine, fiort peu de chose. On prouve
que le Commerce de Laine existait ; parcequ'il g avoit des artisans
qui prenoient le titre 'de Lainier.
lô" un passage de pline sur le Un .
i6° La Moquette, manufiacture établie en iGSO à S' Orner et
tombée.
iy° Le fiorc, rien de curieux sur cet article.
i8° Le salpêtre, rien.
iQ° La Sayette ou serge, un trait de l'Empereur Gallien. la
chartre de Louis Xf et un passage de Guicciardin sur ce Commerce.
30° Le sel, rien de particulier.
a/° Les tapisseries, l'auteur cite à ce Sufit plusieurs /lassaijes qui
prouvent qu'on a fabriqué autrefois en Artois de superbes tapisse-
ries dont il existe encore quelques unes.
MÉLANGES ET DOCUMENTS 32g
22° Les toiles peu de chose.
23° Le vin sur lesquels on cite quelques passages qui prouvent
qu'autrefois on en fait en Artois.
24° La viande et le poisson sur lesquels l'auteur cite fort peu de
chose qui ait rapport au Commerce qu'on en faisoit.
L'Auteur traite ensuite des fabriques de l'Artois de ce qui
concerne le beurre, le cuivre, les métaux^ l'or et l'argent mon-
nayés, le Jer, toute espèce d'orféverie et de jouaillerie, la verrerie,
les crystaux, la librairie et l' Imprimerie .
Il donne sur tous ces objets des notions fort vagues et rapporte
quelques ordonnances et cite des auteurs et surtout des auteurs
modernes, il parle ensuite de la chambre de Commerce de la ville
d'Arras de laquelle il dit très peu de chose.
L'Auteur traite des causes de la décadence du Commerce en
Artois il en trouve trois i° l'abondance du pays 2° l'espèce de dés-
honneur que les Nobles du pays ont depuis longtêms attaché à
l'exercice du commerce 3° les guerres dont la province a été pour
ainsi dire le théâtre continuel.
Sur le premier article l'auteur ne prouve rien, il se contente de
combattre foiblement le sentiment erroné de ceux qui pensent que
le commerce doit être banni de l'Artois à cause delà fertilitédu pays.
L'Auteur combat ensuite avec la même faiblesse le préjugé qui
éloigne les nobles du Commerce sans prouver encore qu'il soit une
des causes de la décadence.
Il montre un peu mieux le tort que les guerres ont fait au Com-
merce, il passe enfin aux moyens de le rétablir, il en donne quatre
1° le regard favorable du Souverain 2° le concours des Etats de
la province à seconder vos vues bienfaisantes. 3° la rénovation
des privilèges contenus dans la chartre de Louis XI. 4° Là contri-
bution des riches particulières.
1° Ce que l'auteur parait entendre principalement du regard
favorable du Souverain, c'est le rappel des protestans.
2° Ce qu'il demande aux Etats, c'est d'exposer au Roi la situa-
tion de notre Commerce et d'en obtenir le rétablissement des pri-
vilèges contenus dans la chartre de Louis XI. enfin le dernier
moyen de l'auteur, est le projet chimérique que chaque particulier
vienne verser gratuitement dans le trésor des Etats, des sommes
proportionnées à ses Jàcultés, pour servir d'encouragement et de
soutien au Commerce.
33o REVUE HISTORIOtTE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
La I'" partie de ce mémoire sur les anciennes manujac-
tares, n'apprend rien.
La 2^ sur les causes de la décadence du commerce, ne prouve
rien.
La 3'^ sur le moyen de rétablir ne mené à rien.
Il est d'ailleurs écrit fort lâchement et incorrectement, il ne
mérite donc aucune sorte de considération.
.V" 2
Le Mémoire cotté M" 2 porte pour épigraphe felix qui poterit
rerum cognoscere causas.
n est divisé en trois partie.
La première traite des dijf'érentes branches de Commerce dans
les contrées qui /arment présentement la /irovince d'Artois, en
remontant jusqu'aux Gaulois .
La 2'^" indique la cause de leur décadence .
La J''"" Les moyens de rétablir ces branches de Commerce,
notamment les manufactures de la ville d'Arras.
C'est la division du programme .
L' Auteur montre d'abord combien le commerce devait être Jaible
chez les Belges où les Artésiens, avant .fuies César.
Il établit sur des probabilités faute de monument, l'accroisse-
ment qu'il prit sous la Domination des Romains, il annonce que
son état devint florissant sous les Empereurs Alexandre Seoere
et Julien.
Un mot de Callienet le témoignage de S' Jérôme sont les notions
qu'on a Commerce dans les 3' et 4' Siècles, on en a peu sous le
Gouvernement des Comtes de flandre.
L'Auteur s'étend ensuite sur les tapisseries de haute lice qu'on
fabriquait à .irras. sur les serges de laine où Sayetterie, sur des
draps rnaiiufaclurés à S- Orner dès iZ/io. et dans d'autres Endroits
de la province.
Il parle aussi des bonracans. des bnrats ou camelots, des vires,
des peluches, des pannes, des tiretaines, des flanelles, d'une manu-
facture de Moquette établie à S' Orner en 1686 et du Commerce
de chapeaux.
Tel est le contenu de la première partie.
L'Auteur commence la .'seconde par annoncer que les causes de
la décadence du Commerce de l'Artois sont où physiques où ma-
MÉLANGES ET DOCUMENTS 33 1
raies, que les unes ont été préparées par des Evénemens inévi-
tables, que les autres sont nées des circonstances occasionnées par
la conduite des hommes.
Le commerce fut d'abord contrarié sous les Empereurs, par des
hostilités fréquentes et éprouva les mêmes vicissitudes sous les
deux premières races de nos Rois.
Une autre cause de ta chute du Commerce d'Artois, fut le res-
sentiment de Louis XI contre les habitons d'Arras. Charles VIII
tacha vainement de réparer ce qa'avoit fait son prédécesseur.
L'Auteur déduit ici tes causes de la décadence des tapisseries à
l'une des quelles il attribue aussi celle des draps et serges; il
attribue encore cette décadence aux guerres fréquentes de
Louis XIII et de Louis XIV et à différentes autres causes telles que
les fléaux qui diminuèrent la population. Les reglemens trop
rigoureux où mal exécutés, le rachat d'un grand nombre de
charges nouvelles, eta.
L'Auteur débute dans la J'™" partie par le tableau des
facilités que l'Artois a pour le commerce, les moyens d'en profiter
sont 1° de tirer du cru de l'Artois autant de matières premières
qu'il est possible, ces matières premières sont la laine, la soie, le
lin, le chanvre, le poil de chèvre et le coton.
Il donne sur toutes ces matières des notions et des conseils qui
ne sont pas sans mérite et dont l'exécution produirait un grand
bien à la province. 2° S'attacher des artistes distingués et un
nombre suffisant d'ouvriers en leur assurant un sort honnête et
proportionné à leurs talens.
3° Vendre les Etoffes à un prix modéré, l'auteur en montre la
nécessité et l'utilité.
4° Donner au Commerce une grande liberté, l'Auteur fait voir
les entraves qu'il éprouve et démontre les moyens de les diminuer.
5° l'rotéger et surveiller le commerce l'A uteur prouve les avan-
tages de cette protection tant de la part du lioi que de celle des Etats
d'Artois, il parle aussi du bon effet des prix d' encouragement,
enfin il termine son mémoire par le tableau des manufactures et
fabriques de l'Artois, il parle de celles des villes d'Arras, de
S' Omer, de S^ pol, de frages, et de hesdin.
Ce mémoire ne nous paroit pas sans mérite.
La première partie rassemble des choses très satisfaisantes sur
le commerce de l'Artois.
332 REVUE HISTORIQn: DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
La 5'"°'> nous semble contenir les véritables causes de la
décadence des manu factures.
La 3'^" nous parait plus faible nous croyons Les moyens
que l'Auteur propose insuffisans.
Ce mémoire est digne de quelque attention, il est d'ailleurs assez
bien écrit et dans le style convenable It la chose.
I^ 3
Le Mémoire cotté n° 3, porte cette Epigraphe.
Labor improbas omnia vincit.
L' Auteur de ce Mémoire fait aussi la division du problème, il
avance d'après un passage des Commentaires de César que du
tems de cet Empereur il n'y a voit aucun Commerce chez les
Atrebates ils en conçurent le goût d'après leurs liaisons avec les
phéniciens et les Marseillais et en 283. dit l'Auteur la ville d'Arras
étoit extrêmement marchande. Sous V Empereur Severe, le Com-
merce des Atrebates était très renommé l'.Auteur cite à ce su/et
l'Empereur Gallien, S' Jérôme et M. Maillard.
L'Auteur ensuite revient à Auguste et après avoir parlé des vexa-
tions qu'essuyèrent les Belges de la part de licinius et d'autres
faits assez étrangers à la question il revint à dire que selon
Locrius la ville d'arras était extrêmement renommée pour ses
manufactures en 283 et qu'on y fabriquait des Etoffes précieuses
que les Romains appellerent vestes atrebaticœ.
Dans la ^'■'•>= partie L'auteur parle d'abord des ravages
des huns, des Vandales, des normands etc. et il place la renais-
sance du Commerce en Artois sous le règne de S' Louis il dit qu'il
devint florissant saas le Gouvernement de Ducs de Bourgogne et
qu'en i^ji. il entrait chaque semaine dans Arras au mains six
cens pièces de vin .
L'Auteur ne parle gueres dans cette partie que des guerres,
mortalités et peste que l'Artois a essuies il n'y fait mention des
tapisseries d'.irras que vers la fin.
Le premier moyen que l'Auteur propose pour donner au Com-
merce de l'Artois son ancienne s/>lendeur c'est la culture de la
garance.
Le a*^"»» moyen c'est la facilité du transport des marchan-
dises pour la navigation des Rivières et l'entretien des grands
MELANGES ET DOCUMENTS 333
chemins article sur lequel V auteur dit qu'on ne peut reprocher
aucune négligence auj: Etats d'Artois.
Le S''"' moyen c'est de procurer aux jabriques des Edifi-
ces assez vastes pour y établir leurs magasins et y placer leurs
ouvriers.
Ce mémoire n'a ni plan ni suite, il ne contient rien de neuj, rien
d'utile, il est mal rédigé, mal écrit, il n'a qu'un seul mérite, celui
d'être court.
Dans ces circonstances nous Estimons que l'Académie n'a /tas
■ reçu de mémoire assez satisfaisant pour lui décerner le prix qu'elle
pourrait accorder une mention honorable au mémoire cotté
Numéro 2 et si elle juge à propos de remettre pour une troisième
fois la même question au concours engager l'Auteur à le travail-
ler de nouveau et surtout la troisième partie que nous avons
trouvé la plus foible.
Quant aux Mémoires cottes jX°^ 1 et 3. A^ous Estimons qu'ils ne
méritent aucune espèce de considération.
De Robespierre, Binot,
Le Sage, Dubois de Fosse ux.
Une lettre de Delessart au ministre de France à Mayence
sur la question des émigrés
(i4 novembre lygi)
Le 16 novembre 1791, Delessart, ministre de l'Intérieur, annon-
çait à l'Assemblée législative qu'il venait d'être chargé, par intérim,
du département des Affaires étrangères. Mais déjà, deux jours avant
cette date, il avait fait acte de ministre des Affaires étrangères,
comme on le verra par la lettre que nous publions. Il s'agissait de
la grave question des émigrés. Un mois auparavant, le 17 octobre,
Delessart avait adressé aux départements la proclamation du roi
sur les émigrations en l'accompagnant d'une circulaire chaleureuse,
dans laquelle il leur recommandait « de la faire réimprimer pour
l'envoyer aux districts et à toutes les municipalités, de la faire lire
aux prônes des paroisses et afficher partout, de manière qu'elle eût
toute la publicité possible ».
334 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Comme ministre des Affaires étrangères, Delessart avait, en no-
vembre, k s'adresser, pour le même objet, a d'autres fonctionnaires,
aux ministres de France près des cours étrangères. Les souverains
qu'il convenait surtout d'atteindre et de persuader étaient ceux de
la région rhénane, puisque c'était surtout dans cette région que les
émigrés français se rassemblaient.
Le i4 novembre 1791, Delessart écrivit donc k O'Kelly, ministre
plénipotentiaire de France près l'Electeur de Mayence, la lettre sui-
vante, où l'on remarquera surtout la curieuse et paradoxale argu-
mentation du ministre, qui démontre l'adhésion du Roi k la Cons-
titution par l'e.xercice du droit de veto.
Paris, le i4 iiorembre lygi-
Vous êtes sans doute lU'jà informé. Monsieur, que l'Assemblée
Nationale a rendu un décret concernant les émigrés^. Le Roi, à
qui ce décret a été présenté, a jugé apropos d'y refuser sa sanc-
tion. Cet acte libre et absolu de la /jrérogative royale ne peut plus
laisser aucun doute sur l'adhésion du Roi à la Constitution, ni sur
la ferme résolution où il est de la maintenir, de la défendre et de
la faire exécuter.
Il importe, Monsieur, que celte vérité soit bien sentie par les
émigrés ; et vous êtes plus à portée que personne de la leur faire
connoitre. Ils jugeront d'un côté que leurs projets manquent désor-
mais de base, puisqu'ils portoient, en grande partie, sur la pré-
tendue contrainte où ils ont affectés de supposer Sa Majesté, de
l'autre que le Roi, en se ret usant à des mesures de rigueur, met
assez de confiance dans leur sagesse et dans leur attachement à
sa personne pour se flatter que touchés de sa sollicitude pour eux
et réflécldssant davantage sur les suites qu'auroit leur persévé-
rance, ils se rendront enfin aux exhortations paternelles de Sa
Majesté, et qu'ils se détermineront à rentrer dans leur Patrie, ou
aumoins à Jaire cesser l'agitation que causent leurs démonstra-
tions. C'est dans cet espoir que le Roi a fait publier la nouvelle
I. Il s'aijil du décret, vote le g novembre précédent, qui déclarait " supects de
conjuration coutrc la l-'rance » les émigrés rassemblés sur les frontières du royaume,
et dont Tarlicle 11 spécifiait que a si, au i«r janWer l'jya, ils étaient encore dans
le même -état de rasseniblemeut, ils seraient déclarés coupables de conjuration,
poursuivis connue ti-Is, et punis de mort ». Le roi refusa de sanctionner ce décret.
— C. V.
MÉLANGES ET DOCUMENTS 335
proclamation que je vous envoïe\ et que Sa M''' a écrit aux
deux Princes ses Jrères les lettres dont vous trouvères ci-joint un
exemplaire.
Vous voudrez bien, Monsieur, faire part à l'Electeur de Maijence
du contenu de celte dépêche. Le Roi se plait à croire que ce Prince,
éclairé sur les véritables intentions de Sa M'', sentira de plus
en plus la nécessité de faire cesser les dispositions hostiles des émi-
grés qui sont rassemblés dans ses Etats.
Le Roi ne pourroit pas voir sans la plus grande peine que
S. A. E. continuât à favoriser ou à tolérer des projets qui ne sont
pas moins contraires au repos personnel de Sa Majesté qu'à la
tranquillité du Royaume, et vous ne sauriez trop assurer S. A. E.
que le Roi sera infiniment sensible à tout ce qu Elle Jera pour
mettre un terme prochain à des mesures qui ne peuvent être Justi-
fiées sous aucun raport.
Le Ministre des ajjaires étrangères par intérim,
Delessart.
M. OKelly'-.
Dans son discours du surlendemain, 1 6 novembre, Delessart rendait
compte à l'Assemblée législative des démarches faites auprès des
puissances étrangères au sujet des émigrés. Après avoir énuméré
les mesures prises par l'Empereur, sur la demande de Louis XVI,
dans les Pays-Bas autrichiens, il ajoutait que des démarches analo-
gues avaient été faites auprès de l'Electeur de Trêves, et aussi
auprès de l'Electeur de Mayence, en sa qualité d'évèque de Worms.
C'est k la lettre qu'on vient de lire que Delessart faisait allusion ^.
Au reste, la démarche que dut faire O'Kelly à la suite de cette
lettre resta stérile, malgré les arguments ingénieux suggérés à ce
1. Il s'agit de la proclamation du 12 novembre 1791, oii Louis XVI rappelait
son refus de sanctionner le décret trop rigoureux du 9 novembre et par laquelle il
invitait les émigrés à rentrer en France, ajoutant que, dans le cas où ses instances
resteraient vaines, « il n'était aucune loi juste, mais vigoureuse, qu'il ne fût résolu
d'adopter >. — C. V.
2. Bibliothèque nationale, Mss., Nouv. acq. fr., 2720.
3. Delessart parle aussi, dans ce discours, d'une réponse reçue de l'Électeur de
Mayence. Mais il est bien évident qu'il ne s'agit pas d'une réponse à la lettre
adressée le i4 novembre à O'Kelly. Delessart fait allusion à la réponse de l'Élec-
teur de Mayence à la communication qui lui avail été adressée, comme aux autres
souverains, pour lui annoncer que le roi avait accepté la Constitution.
336 REVUE HISTOniQlE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
diplomate par Delessart, car, peu de jours après, le 27 novembre,
Rews exposait à la tribune de l'Assemblée législative l'activité
des émigrés et ajoutait qu'ils trouvaient l'appui le plus dévoué
auprès des princes germaniques et notamment auprès de l'Electeur
de Mayence.
Charles Vellay.
Le « Journal de Genève » comme source de l'histoire
de la Révolution française
Au dix-huitième siècle, Genève possédait peu de publications
périodiques. La vie politique genevoise — très intense cependant
■ — ne se manifestait que par d'innombrables brochures, dont
M. E. Rivoire a dressé un excellent catalogue critique '.
C'était surtout par les gazettes françaises et par des correspon-
dances particulières que les nouvelles politiques du dehors arri-
vaient k Genève. Cette république, qui comptait environ 34.000
âmes en 1788, ne semble pas avoir éprouvé le besoin d'une infor-
mation régulière publiée sur place.
Au moment de la Révolution, cette situation ne se modifie pas.
Les périodiques qui surgissent alors ne sont, en fait, que des
brochures de polémique locale, paraissant sous un même titre et
portant un numéro d'ordre. On j trouvera peu d'indications
utiles, sauf pour l'histoire de Genève même. Tout au plus les
Considérations bougrement signijîantes du Jils Dachêne, foatre,
suivies des Foutus contes du même, pourraient avoir quelque
intérêt comme exemple de contagion psychologique et philo-
logique.
Une exception ne doit être faite que pour le Journal de Genève,
où l'historien trouvera quelques renseignements dépassant le cadre
de l'histoire locale. Nous les avons relevés, et nous espérons que
es notes qui suivent pourront épargner h d'autres travailleurs des
I. Emile RivomE, Bibliographie historique de Genève au dia>huitième siècle.
T. I, 1701-1792; T. II, 1793.1798 [6a 18 numéros]. Genève, JuUien, 1897.
MÉLANGES ET DOCUMENTS 337
recherches d'autant plus malaisées qu'on ne connaît que très peu
d'exemplaires du Journal de Genève de l'époque révolutionnaire '.
1789
Le prospectus de ce journal est daté du ii avril 1787. Le
premier numéro parut le 4 août suivant. Il était destiné à donner
des nouvelles météorologiques, l'état civil de la ville, des mercu-
riales et autres nouvelles tout à fait objectives et complètement
étrangères k la politique. Ce n'est que le 8 août 1789 que cette
feuille hebdomadaire donna le premier renseignement d'ordre
politique.
Avant cette date, et pour l'année 178g, il faut cependant
signaler :
4 avril : Lettre du D"^ Francklin sur les Sauvages du nord de
l'Amérique , adressée au.\ rédacteurs du Journal de Genève.
25 avril : L'inscription de M. François d'Ivernois ' comme
associé bienfaiteur de la Société des Arts de Genève.
20 juin : Sur la manière de jouer à la Loterie Royale de France.
8 août : « Avis DES RÉDACTEURS. — Uu Gcuevois digne de toute
confiance nous fait parvenir les détails de la malheureuse affaire de
Vesoul, dont il a pris sur les lieux mêmes tous les renseignements
possibles. Nous nous empressons de les communiquer au public.
« Vous connoissez l'accusation, voici le fait. Un Conseiller au
Parlement de Besançon, homme bien famé, grand agriculteur,
s'occupoit depuis longtems à faire sauter des rocailles dans sa
terre de Quince, à demi-lieue de Vesoul, pour y planter des vignes
et pour cela on lui fournissoit de la poudre des magasins de
Besançon, et il en avoit quelques barils chez lui. Lors de la der-
nière effervescence, ses amis lui conseillèrent de quitter la pro-
vince, dans laquelle il étoit mal vu par son opposition au Tiers. En
partant, il remit le soin de sa terre à un Officier local très-populaire
et très-attaché au Tiers, et lui recommanda si le peuple venoit chez
lui de ne point résister, et de donner du vin et tout ce qu'il deman-
deroit. Cet homme enferma par précaution les barils de poudre
1. Il ne faut pas confondre oc Journal de Genève avec la feuille du même nom
que Mallet du Pan publia, avec Panckoucke, à Paris, ni avec le journal paraissant
à Genève depuis 1826.
2. Le l'ulur Sir Francis D'Ivernois, l'agent anti-français de Pitt et de ses succes-
seurs.
LA REVOL.
338 REVIE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
dans un four situé dans une cour isolée du château, et qui fermoit
à clef, comme le lieu le plus à l'abri d'accidens, et le moins dan-
gereux s'il en arrivoit. Cette cour joignoit à une espèce de verger,
dans laquelle les gens du Conseiller qui y faisoient vendre du vin
plaçoient les buveurs. Un jour de fête, où il v avoit quelques paysans
et une dixaine de Dragons de la garnison de Vesoul, ceux-ci, qui
s'y étoienl grisés, y restèrent tard, et l'un d'eux avec une chan-
delle k la main força la porte de la cour et la porte du four pour
voir ce qui y étoit, alluma la poudre et le fit sauter. Deux de ses
Camarades qui le suivoient et lui y périrent, mais ni le château, ni
le village, ni aucun de ceux qui y étoient n'en furent endommagés.
Le lendemain la populace et plusieurs Dragons en fureur, accusans
le Conseiller d'avoir projeté de faire périr le peuple, vinrent ravager
ce qui lui appartenoit, démolir le château, etc., malgré les efforts
des paysans du village, qui assuroient que leur Soigneur étoit un
homme doux, pacifique, charitable, sans les secours duquel ils
seroient péris do faim et de froid l'hiver dernier. Mr. D. parla hier
à plusieurs paysans qui versoient des larmes amères, sur-tout de la
crainte qu'il ne fût pis arrivé à leur Seigneur. On doit avoir fait
une enquête juridique qui portera à l'évidence ce que je viens de
vous dire. »
/.) août : « Lettre de M. le professeur Pictot... » (sur l'établisse-
ment d'éducation du chevalier Paulet ').
i4 novembre : Lettre d'un abonné «...M. le Professeur Necker,
père du célèbre Ministre, dont nous nous glorifions à juste titre d'être
les Compatriotes, et qui honore encore plus notre République par
son génie et ses rares qualités que par son élévation et sa gloire... »
ig décembre : « Idées physiognomiques de M. Necker d'après une
entrevue do deux heures et demie,... le 24 juillet 1789, à Bàle...
par Lavater. »
1790
2 octobre : « Extrait d'une Lettre d'un Officier Anglois au Service
de Suède » (la mort de Treveren, officier anglais au service de la
Russie, « l'âme de la flotte russe », tué au combat naval de Swensk-
Sund).
I Pièce non citée par M. James Guillaume dans son étnde sur Le chevalier Pawlet
et l'école des orphelins niililaires (^Éludes réiiolutionnaires, a" série).
MÉLANGES ET DOCUMENTS SSq
1791
3o avril : « Lettre » (éloge de Washington. « L'étonnante pros-
périté des États-Unis d'Amérique chez lesquels le bonheur national
semble se réfugier k mesure qu'on le chasse de l'Europe... »).
ai mai : B. € Dialogue entre A... et X... sur un livre nouveau »
(éloge d'une Morale du citoyen).
i8 juin : B. « Sur la manière de finir ses lettres » (demande
que Genève donne l'exemple à l'Europe de formules finales simples
et dignes pour les lettres).
Le Journal de Genève ne parut pas pendant le second semestre
de 1791. Il ne reprit que le 21 janvier 1792.
Les tableaux météorologiques disparaissent alors, ainsi que les
mercuriales.
1792
// et 18 Jévrier : « Etablissement national pour faciliter les
mariage.s, proposé à l'instar de celui de Paris » (recommando
d'imiter V Indicateur des mariages de la rue Saint-Martin de
Paris).
24 'no-i ■ « Lettre de Dentand, ancien syndic » (donne le début
d'un discours proposé par l'Académie de Châlons-sur-Marne en
1786 : Quels seraient les moyens de faire naître et d'encourager le
patriotisme ?).
/4 avril : La fondation de la Société économique k Paris.
2g septembre : « Adresse d'un Genevois k ses compatriotes »
(prend la défense des autorités genevoises auxquelles on reprochait
d'avoir fait appel aux Suisses pour envoyer k Genève une garnison
de 1 .600 soldats).
6 octobre : « Lettre adressée aux rédacteurs du journal » (pro-
teste contre l'accusation que Genève soit entrée dans une coalition
contre la France, que son Conseil souverain ait pris une mesure
hostile en faisant appel aux troupes suisses. « Il ne songeait qu'à se
mettre à l'abri des commotions militaires, si dangereuses pour les
petits Etats Dirai-je ici que nos murs renferment des têtes qui
ont des droits sur les finances de France. Elles seront sacrées pour
les Français, leur loyauté est noire rempart... a)
3^0 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIIIE
i3, 20, 2j octobre, 3, lo, ij, 2^ nooembre , i", 8 et i5 décembre :
Recueil de pièces relatives au conflit franco-genevois ;
Arrêté du Magnifique Petit Conseil du 22 septembre 1792.
Extrait des registres du Conseil du 28 septembre.
Note remise le 27 de septembre 1792 k M. le Premier Syndic,
par M. d'Arneville, de la part de M. de Chateauneuf, Rési-
dent de France.
Réponse du Conseil à la Note du 27 de septembre.
Copie d'une note remise le 3o de septembre à M. le Premier
Syndic, par M. d'Arneville, de la part de M. de Chateauneuf.
Adresse aux Genevois (par les magistrats de Genève).
Note remise le 3 d'octobre, par M. d'Arneville, a M. le Pre-
mier Syndic, de la part de M. de Chateauneuf.
Lettre de M. Clavière à M. Flournois (Paris, le 28 septembre
1792)-
Note adressée aux (Citoyens et Habitants de la ville de Genève
(par le résident de France), le 9 octobre.
Seconde lettre de M. Clavière à M. Flournois (s. d.)(accom-
jiagnée de notes anti-françaises d'un rédacteur).
Allocution de M. Micheli, syndic de la garde, k la Légion
Genevoise, le 10 octobre.
Adresse de la Légion Genevoise, à Messieurs les Syndics,
remise le 10 octobre.
Extrait des registres du Conseil du 1 1 octobre.
Lettre de M. Le Brun, ministre des Affaires étrangères, à la
Convention Nationale, telle qu'elle est imprimée dans le
n° i4 du Journal des Débats.
Copie de la lettre adressée par les Syndics et Conseil de
Genève à sou Excellence M. Le Brun, ministre et secrétaire
d'État au département des .\ffaires étrangères k Paris, le
10 octobre 1792.
Lettre et Déclaration du citoyen Henri Deonna h ses compa-
triotes (sur ses deux entrevues avec le général Mon-
tesquiou).
Lettre de Bérenger ' k Condorcet (8 octobre).
Réponse k M. Condorcet" (-.'.o octobre).
I. Jean-Pierre Berenger, 1737-1807, professeur el historien genevois.
2. a Nous donnerions ici la lettre de M. Condorcet, s'il nous l'avait permis. »
MÉLANGES ET DOCUMENTS 34 1
Première lettre à M. Clavière, ministre des Contributious
publiques, par Bérenger (8 octobre).
Réponse de M. d'Yvernois à M. Joliannot'.
Extrait des registres du Conseil du 20 novembre.
/"■ décembre : Compte rendu des Réflexions présentées à la
Nation Française par M. Necker.
1793
5 janvier : « Lettre d'Etienne Dumont au citoyen Reibaz (sic),
envoyé-subrogé de la République de Genève, du i'^'' janvier, l'an
premier de l'Égalité. » (Récit des événements genevois à la fin de
1792, qui marquèrent le triomphe de la démocratie. Voici la fia de
cette lettre : « Telle est, citoyen, la révolution qui vient de s'opérer
parmi nous et dont je suis chargé par le Comité administratif de
vous prier de donner connaissance au Pouvoir exécutif de la Répu-
blique Française, auprès duquel la commission que vous aviez reçue
du Petit Conseil vous est provisoirement conservée ; le Comité
ayant été unanime à reconnaître que personne ne pouvait annoncer
avec plus d'éclat le triomphe de l'Egalité et de la Liberté parmi
nous qu'un Citoyen tel que vous qui n'avez cessé de servir cette
noble cause. Veuillez représenter au Pouvoir exécutif de la Répu-
blique Française, que plus nous faisons de pas fermes et soutenus
dans la carrière qu'elle a ouverte au genre humain, plus nous
osons compter sur la bienveillance qu'EUe nous a témoignée. Nous
n'aurons que de la reconnaissance à lui offrir; mais une Nation
généreuse regardera comme une récompense le bonheur même
auquel elle aura contribué. Puisse la République Française pros-
pérer ! Puisse-t-elle ne voir autour d'elle que des peuples heureux
qui respirent en paix, et n'aient plus qu'à la bénir ! »)
12 Janvier : Le numéro de ce jour annonce une nouvelle trans-
formation du Journal de Genève. Il sera bi-hebdomadaire et don-
nera des informations suivies sur les événements politiques gene-
vois. Cette nouvelle série commence le 18 février 1793.
i4 mars : « Lettre du Citoyen Clavière au Citoyen Gasc », du
3 mars 1793, et « Réponse du Président Anspach ^ au Citoyen
1. Jean-Daniel Johannot, citoyen genevois hal)itanl Paris.
2. Président de l'Assemblée Nationale Genevoise.
342 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Clavière » du i3 mars 1798 (Clavière envoyait à la « Convention
nationale » de Genève un exemplaire du projet de la Constitution
française de l'an II).
// anril : « RL^flexions importantes, par le Citoyen Humbert, sur
les circonstances actuelles » (à propos de la législation annonaire
française).
1 3 juin : « Adresse k la Convention Nationale de France, par un
Citoyen actif du Pays de Gex » (J. J. Galloix) (s'élève contre « le
despotisme des Tribunes » et recommande à la France de s'inspirer
de la Constitution d'Appenzell).
8 juillet : « Discours du Citoyen Jean-Louis Soulavie, résident de
la République française... », le 3 de juillet 1793. — ■ « Discours
[réponse] du Citoyen Dentand, Président du Comité d'administra-
tion » (8 juillet).
i5 juillet : Lettre de Soulavie au président de l'Assemblée
nationale genevoise, du 5 juillet 179^ (annonçant son départ pour
le Valais, et sa prochaine visite k la Convention genevoise).
18 juillet : Lettre de Jacques Odier, président de l'Assemblée
nationale genevoise, k Soulavie (accuse réception de la lettre du
5 juillet et s'excuse de ne pouvoir admettre Soulavie k prendre la
parole devant l'Assemblée, celle-ci n'ayant a pas le droit d'admettre
aucun e.xterne, pas même les membres des autorités constituées, k
lui rien adresser autrement que par écrit »).
16 décembre : « Lettre d'un Citoyen a son Ami sur la fête de
l'Escalade. » Genève, i3 décembre, l'an second de l'égalité. (Com-
mémoration de l'attaque du duc de Savoie contre Genève, 1602,
repoussée par les Genevois. Cette fête avait été supprimée en 1782 et
rétablie en 1793'. «Le citoyen Résident" arrivé, le citoj'en Bourdillon-
Diedez adressa un discours de circonstance et en s'adre-ssant au
citoyen Résident, il dit que c'était k la France que Genève devait
et sa Révolution et ses succès, etc., etc Ensuite le citoyen Rési-
dent adressa un discours républicain où il entra dans plusieurs
détails qui annoncent une profonde connaissance de notre histoire,
et en nous retraçant les vertus civiques de nos aïeux avec beaucoup
d'onction et de sensibilité, il développa pour le Peuple Genevois
I. C'est en cette circonstance que, sur l'air de la Carmagnole, fut cliantée pour
la première fois la cliansoD : « Ah, la belle Escalade, Savoyard ! gare ! gare I »
a. Soulavie. Cf. sur cette fête : .\. Mazox. Histoire de Soulavie (Paris, i8g3),
t. I, p. ao8.
MÉLANGES ET DOCUMENTS 343
des sentiments d'estime et d'affection qui ne nous laissent aucun
doute de ceux qu'a pour nous la puissante et généreuse Nation
dont il est l'envoyé La séance fut levée au sgn de l'hymne
Allons, enfants de la Patrie. La dernière strophe, Amour sacré de
la Patrie, fut chantée et répétée avec ce sublime et religieux
enthousiasme qui caractérise un Peuple libre et qui mérite de
l'être. »)
1794
Le Journal de Genève cessa de paraître le 17 février 1794-
Otto Karmin.
Un journal bordelais patronné par Ysabeau
{An ni)
Lorsque Mittié fils vint dans le département du Bec d'Ambès
(Gironde) chargé par le Comité de Salut public d'y organiser
l'instruction, il estima qu'un des meilleurs moyens de propager les
bons principes était de créer un journal. Son projet trouva un
excellent accueil auprès du représentant du peuple Ysabeau, à ce
moment-là « en séance » à Tonneins-la-Montagne ; et, en vendé-
miaire an in, Mittié fit placarder sur les murs de Bordeaux l'affiche
suivante dont un exemplaire se trouve aux Archives de la Gironde
(Série L, n° 44?) 1 nous la croyons presque complètement inconnue,
car aucun des érudits qui ont écrit sur la presse bordelaise pendant
la Révolution n'en a fait état.
« Liberté. Egalité.
« Le Représentant du Peuple délégué par la Convention Natio-
nale dans les Départemens du Bec d'Ambès et de Lot-et-Garonne,
maintenant en séance à Tonneins.
« Considérant qu'un des moyens le plus propre à affermir le
succès de la Révolution est de propager l'instruction publique ;
« Considérant que les écrits périodiques répandent les lumières
et déjouent les manœuvres des intrigans;
344 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
« Considérant que le Département du Bec d'Ambès est privé
d'un journal capable d'instruire ses habitans ;
« Considérant que le citoyen Mittié fils, auteur de plusieurs
journaux, est déjà chargé par nous (comme agent des Représentans
du Peuple) de l'organisation de l'instruction publique, et que ses
fonctions se lient parfaitement avec la rédaction d'un journal
propre à échauffer le patriotisme dans ces contrées ;
« Considérant que les principes d'un gouvernement sage sont
d'encourager et de protéger les lettres :
« Arrête que le citoyen Mittié fils est invité à fonder une entre-
prise littéraire et à rédiger un journal d'après les principes qui ont
toujours dirigé ses écrits et ses actions.
« Le Représentant du Peuple.
« C. Alex. YsABEAU.
« Valete, secrétaire de la Commission Nationale.
« Tonneins le i5 vendémiaire l'an 3 de l'ère républicaine. »
« PROSPECTUS
« Chronique de Bordeaux.
« Journal rédigé par Mittié fils, agent des Représentans du
Peuple.
« La pensée était enchaînée sous le règne du dernier tyran de la
France ; retenue et captive, elle mordoit son frein : elle vient de le
briser, et ne demande qu'à se développer pour éclairer les Peuples.
Les écrivains ont provoqué la Révolution ; le Peuple l'a faite ; les
écrivains l'achèveront.
« Il semble que ce soit une dette sacrée pour l'homme droit et
sincère de reprendre la plume, lorsqu'il voit encore des incrédules
à convaincre, des intrigans à démasquer, des fripons à combattre.
La lutte établie entre la vertu et le crime, existe encore; la philo-
sophie n'a pas détruit tous les préjugés; la morale n'a pas renversé
tous les vices.
a Sans être effrayé de cette tâche immense, j'entreprends de
nouveau un journal, puisque le Représentant du Peuple m'en fait
un devoir; car une invitation est un ordre, quand il s'agit de
consacrer ses veilles à la chose publique ; ce travail se lie étroite-
MÉLANGES ET DOCUMENTS 3^5
ment avec les fonctions que m'a confiées le Représentant du
Peuple Yzabeau pour l'organisation Je l'instruction publique et des
Ecoles-Primaires. La vérité voilà mon guide ; la Convention Natio-
nale voilà mon point de ralliement.
« La politique, l'instruction publique, les nouvelles des Armées,
les Arrêtés importans des Représentans du Peuple, les débats des
séances les plus intéressantes du Club National, la littérature, les
arts et les théâtres, le commerce maritime et toutes les annonces
utiles au public, tels sont les objets du ressort de ce journal qui
s'intitulera : Chronique de Bordeaux.
« J'userai de la liberté de la presse ; je serai seul responsable de
mes opinions; je recevrai avec plaisir toutes les notes et avis utiles
et je m'environnerai des lumières des hommes instruits, en obser-
vant pour règle constante de n'insérer que des articles signés.
« Ce journal sera composé d'une feuille, c'est à dire de seize
pages d'impression ; il paroîtra tous les quintidi et décadi. Le
premier numéro sera mis au jour le premier Brumaire.
« On s'abonne tous les jours chez Moreau imprimeur rue
Guillaume T^ll maison des ci-devant Minimettes, près le Départe-
ment et chez l'auteur maison Saige au Chapeau-rouge, où il
faudra adresser toutes les lettres relatives au journal.
« Le prix de l'abonnement est de 36 livres pour une année
et i8 livres pour si.x mois.
« On voudra bien affranchir les lettres. »
(I A Bordeaux chez Moreau imprimeur rue Guillaume Tell près le
département n» i8. »
Ce journal parut effectivement du i'^'^ brumaire an III (22 octobre
1794) au 16 nivôse de la même année (4 janvier 1795). La collec-
tion des seize numéros se trouve à la Bibliothèque nationale
(Le" 166). Les Archives de la Gironde (L 43 1) n'en possèdent que
neuf numéros.
Roger Brouillard.
346 REVUE mSTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAJSE ET UE l' EMPIRE
Une lettre inédite de John Adams à Sir Francis D'Ivernois
(// décembre i /<)■'>)
Parmi les lettres adressées à Sir Francis D'Ivernois et con-
servées à la Bibliothèque publique et universitaire de Genève, celle
qu'on va lire est certainement l'une des plus curieuses. On y voit
John Adams protester avec force contre l'épithète de « républicain »
que lui avait donnée Francis D'Ivernois. Il déclare qu'il n'est pas
républicain; que, sur ce point, il se sépare nettement de Franklin;
et que, si l'on veut absolument lui donner cette épithète, on doit
reconnaître que sa conception de la République est toute particu-
lière, puisqu'elle suppose un pouvoir exécutif très fort, armé du
veto et capable de lutter par ce moyen contre le pouvoir législatif.
L'illustre homme d'Etat qui allait devenir, en 1797, président de
la République américaine, formule ici, en termes énergiques et
précis, son credo politique. Cette lettre constitue donc, pour l'his-
toire de John Adams, un document fort précieux et qui mérite
d'être connu.
Elle fut écrite par John Adams, le 11 décembre 1790, en réponse
à l'envoi que lui avait fait Francis D'Ivernois de ses Réfle. rions sur la
guerre. L'original autographe est, comme nous le disons plus haut,
conservé dans les papiers de Francis D'Ivernois, à la Bibliothèque
de Genève (Correspondance, tome I, v).
0. K.
l'hiladfilpkia Decr 11. ijijâ
Sir
I hane red ijonr knil L'tter t)f the -jijth nf Jaly. and hâve
pcesented the tion Pamphlets lit the Président ' as ijou desired.
Accept oj mij best thanks or those i/oii were so good as to
inclose for me. l hâve read nothing for a long time loith so rnuch
pleasare as the Réflexions sur la Guerre. // seemed to me like
the returning down of Renson aniong Mankind. While I amflat-
tered with the Compliments ijou are pleased ta bestow npon me,
I am noi at ail obliged to you for applying to me the Epithet
« Apostate ftepublican ». / am no .Apostate. I neoer was a Repu-
1. Washington. — 0. K.
MÉLANGES ET DOCUMENTS 34?
blican in nny other sensé oj the loord, than is explained in my
« Dej'ence ». On the confrary l alioays diffeved in Congress froni
Franklin, and his superftcial Disciples, as early as lyy-'' and ij/6,
concerning the hest Jorm of n Repablic, and ahvays openly ad-
vocated, bolh in writing and in Congress, and in our State Con-
gressesand Conventions, a Sovereignty in three intégral Branches,
particularly in the Convention of the Massachusetts, whicli in
tyygframed the Constitution qfthat State.
I hâve long be astonished, thai such writers as Paine and thou-
sand others, hâve been suffered to rave about Représentative
Government, withoat being called upon to sheio that Représenta-
tive Government differs from Elective Government, and also to
shew how the Peace, Liberty and Safety of the People in a great
Nation can be preseroed in an Elective Sovereignty. Dans un grand
Empire la vacance de la première Place est un foyer toujours allumé
de discordes, de [mot illisible] et de guerres civiles. And you
might liave added in a small Empire too. — In oar little Ameri-
can Empire it is alivays a source ofdiscords and divisions. The
French derice of five Directors, which they borroived from De
Mably will not answer their end. Among thèse Emulation unll
soon produce divisions. Division Contention, Contention Hatred,
Hatred Rage, and Rage Civil War. Emulations too will start up,
between tlie great Leaders in the Council of Ancients and of 5oo,
and the five Directors. Those Emulations will instantly produce
Envy and Jealousy, thèse opposition. Opposition Party Spiril,
and a Party Spirit Sophisty, Chicanery, Intrigue, (Jorrup/ion,
Hatred, Rage, Civil War.
The Executive Power, in the new Constitution, is exactly like Da-
niel in the Den of Lions, or Shadrack andC° in tlie Fiery Farnace :
it they are not torn in Pièces or consumed in the Fiâmes, they
must be preserved from such destruction by a miraculous Interpo-
sition of divine Power. Anliangry Wolf will not fly at an innocent
Lamb, with more certainty than a Législative Power at an Exe-
cutive, provided the latter lias not a Veto with which to défend
itself. I Write thus freely to you, in Confidence tliat no use will be
made ofit, to my Disadvantage. I prétend not to tlie degree of
Information necessary to Jorm a gênerai Judgment of French
affairs : but t hère are certain Essentials in afree Government with
which I am sure it cannot long endure.
348 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇALSE ET DE l'eMPIRE
/ regret with ijou t/tal America cannot avait lierself of the
Science and Literaiure ofthe Genevan L'niocrsi/i/' : but the com-
plète Impossibililij of it is aùsolutely certain.
I am greatly obligea, to ijoufor the kind Communications you
hâve made to me from time to lime : Bat I am not able to make
you suitable Returns. Comte Sarsejield once said to me : « Mon-
sieur, il no vaut pas un sous (s/r) d'être votre ami. » It was agréât
Truth. The Comforts of genuine Repiiblicanism are everlasting
Labour and fatigue. No time for Pleasure, Utile Jor Study, less for
Profit, and without even the convenient Accomodations of Life.
AH this, and a sacrifice offorfy years ouf ofsixiy of my Life,
I chearfully submit to, and I ivish rallier than hope thaï my
Country may find others to do the same ajler me.
I am Sir toilh great Esteein yonr very gond friend and most
humble sert.
JuH.y ADA.\fS.
M. Francis D'/vernois '.
1. Il avait été question, en 1793-1704. de transférer en Amérique l'Académie de
Genève. — 0. K.
2. Traduction :
« Philadelphie, 11 décembre 1795.
» Monsieur,
« J'ai lu votre aimable lettre du 29 juillet, et j'ai adressé les deux brochures au
Président, selon votre désir. Agréez mes remerciements pour celles que vous m'aviez
envoyées à moi-même. Depuis longtemiis je n'ai rien lu avec autant de plaisir que
les Réflexions sur la Guerre. Ola m'a paru être le retour de la Raison chez
l'Humanité. Mais si je suis flatté des compliments que vous me faites, je ne vous
suis pas du tout obligé de l'épilhëte d'Apostat Républicain que vous m'oclroyez.
Je ne suis pas apostat. Je n'ai jamais été républicain dans aucun autre sens du
mot que celui qui est expliqué dans ma « Défense •. Bien au contraire, dans le
Congrès j'ai toujours différé de Franklin, et de ses disciples superQciels, sur la
question de la forme la meilleure à donner à une République, et cela dès 1775 et
1776. Soit dans mes écrits, soit dans les congrès, et dans nos congrès nationaux et
nos convenlions, j'ai toujours professé librement la théorie d'une souveraineté en
trois branches intégrales, et particulièrement à la convention de Massachusetts qui,
en 1779. a servi de base à la constitution de cet État.
« J'ai été fort l'ionné que des écrivains tels que Paine et mille autres aient pu
divaguer tout à leur aise sur le gouvernement représentatif sans avoir jamais à
démontrer que le gouvernement représentatif diffère du gouvernement électif,
et combien la Paix, la Liberté et le Salut d'un peuple d'ime grande nation
peuvent être préserves dans ime souveraineté élective. Dans un grand Empire la
vacance de ta première Place est un foyer toujours allumé de discordes, de
[mot illisible] et de ffuerres civiles. Et vous auriez pu ajouter : il en est de même
MELANGES ET DOCUMENTS
349
Un récit oublié de la prise du bois de Finges
par les Français
(a8 mai l'jgg)
Même de la part des historiens suisses, la guerre dans le Valais,
lors des luttes contre la deuxième coalition, n'a presque pas excité
d'attention. Gomme elle décidait de la possession de plusieurs cols
des plus importants, elle mérite d'être mieux connue, et l'on ne
lira pas sans intérêt le récit de la prise du bois de Finges, action
décisive de cette campagne, récit enfoui jusqu'à ce jour dans un
dans un petit Empire. Dans noire petit Empire Américain c'est toujours une source
de discorde et de divisions. La théorie française des cinq Directeurs, qu'on a em-
pruntée à De Mably, ne résoudra pas la difficulté. La rivalité prSduira bientôt la
division parmi eux; la division amènera la discorde, la discorde la haine, celle-ci
la rage, et la rage la guerre civile. La rivalité s'élèvera également entre les
grands meneurs du Conseil des Anciens et' des Cinq-Cents et les cinq Directeurs.
Ces rivalités produiront immédiatement l'envie et la jalousie, celles-ci l'esprit d'op-
position qui engendrera à son tour les sophismes, la chicane, l'intrigue, la corruption,
la haine, la rage et la guerre civile.
« Le pouvoir exécutif, dans la nouvelle constitution, est exactement semblable à
Daniel dans la fosse aux lions ou à Shadrack et C'« dans la fournaise ardente; s'ils
ne sont pas mis en pièces ou consumés par les flammes, c'est qu'ils seront préservés
de la destruction par la miraculeuse intervention de la divine Providence. Un
loup affamé ne se précipitera pas sur un agneau innocent avec plus de certitude que
le pouvoir législatif sur l'exécutif, si ce dernier n'a pas de veto pour se défendre.
Je vous écris ma pensée très librement, persuadé que vous n'en userez pas, à mon
désavantage. Je ne prétends pas être suffisamment au courant pour me former un
jugement général sur les affaires françaises, mais il y a pour un gouvernement hbre
certains points essentiels qu'il ne saurait supporter longtemps, j'en suis sur.
c( Je regrette avec vous que l'Amérique ne puisse pas bénéficier de la science et
de la Littérature de l'Université de Genève, mais il est absolument certain qu'il est
complètement impossible de la transférer ici.
« Je vous suis grandement obligé des aimables communications que vous m'avez
faites de temps en temps. Mais je ne suis pas capable de vous en rendre autant.
Le comte Sarsefield me disait un jour : « Monsieur, il ne vaut pas un sous {nie)
B d'être votre ami ». C'était la vérité. Les charmes d'un pur républicanisme sont uu
travail et une fatigue constants. Aucun moment pour le plaisir, fort peu pour
l'étude, encore moins pour le profit, sans même les simples commodités de la vie,
voilà ce que, avec un sacrifice de quarante ans de ma vie sur soixante, je peux
vous offrir d'un cœur léger. Et je désire, plutôt que je ne l'espère, que mon pays
puisse trouver d'autres hommes pour agir de même après moi.
Il Je suis. Monsieur, avec toute mon estime, votre très bon ami et très humble
serviteur.
« JouN Adams. »
35o REVUE HISTOHTQVE DE LA RÉVOLUTION FRANÇ.USE ET DE l'eMPIRE
volume' à peu près illisible dans lequel Jean-Jacques Freymond,
alors fourrier et plus tard officier vaudois, a raconté ses procès et
ses disputes avec sa famille et ses voisins.
Les pages en question sont relatives à la situation vers la fin de
mai 1799. Au commencement de cette année, le Haut-Valais avait
commencé un mouvement contre le gouvernement helvétique, allié
des Français et protecteur des Bas-Valaisans. La guerre avait
débuté au mois d'avril. Au commencement de mai, les Hauts-
Valaisans s'étaient retranchés à Finges, entre Sierre et Loèche,
sur le Rhône. Xaintrailles commandait les Français, renforcés de
troupes vaudoises et de Bas-Valaisans. Leurs adversaires avaient à
leur tête plusieurs officiers supérieurs autrichiens et russes. En
vain les Français essayaient-ils de prendre la position de Finges,
admirablement défendue par la nature et le courage fanatique des
Hauts- Valaisans. Plusieurs attaques échouèrent. Le 20 mai, ils
perdirent même quatre canons et deux drapeaux. La guerre se fit
d'une manière barbare ; ainsi un officier français, fait prisonnier
par les Hauts-Valaisans, fut enterré jusqu'à mi-corps, puis assommé
à coups de pierre. Un succès rapide devenait indispensable aux
Français, menacés de voir des troupes autrichiennes ou russes
renforcer l'ennemi, qui aurait pu prendre l'offensive.
Voici maintenait, d'après Freymond", les événements de la fin
de mai :
« Les insurgés avaient formé un camp retranché d'environ 8.000
hommes dans une position jugée inexpugnable Ce boulevard
était bien mieux fortifié par la nature que par les fortifications que
l'art y avait ajoutées; il était appuyé k l'est par une montagne
inaccessible, à l'ouest était un marais fangeux impraticable, au
nord la belle forêt de Finges, et au sud le défilé, seul point prati-
cable entre la montagne et le marais. Un assez mauvais chemin se
prolongeait environ trois quarts de lieue depuis le pont de Sierre
jusqu'au camp. Des avant-postes masqués sur les côtés de la route et
I. L'aveugle du Jorat, ou Mémoires d'un officier vaudois atteint de cécité,
iis-S" de vni-4oo pages. Lausanne, chez l'auteur, s. d. (vers i83o).
Nous devons à la grande amabilité de M. Jullien, libraire à Genève, excellent
connaisseur de l'histoire romande et conseiller précieux de tous les chercheurs, la
communication de ce volume rarissime, qui fait partie de sa bibliothèque particu-
lière.
a. PP. 54-58.
MKLANGES ET DOCUMENTS 35 1
des batteries, placées de manière à la balayer au besoin, étaient des
obstacles que l'on ne pouvait vaincre que par la ruse. On l'employa,
et elle devint un redoutable auxiliaire. Pendant trois jours on avait
inquiété l'ennemi par de fausses attaques qui se renouvelèrent
sans interruption sur toute la ligne, excepté le point que l'on vou-
lait attaquer sérieusement. Vers le soir de la troisième journée,
l'ordre fut donné de cesser tous les feux et de n'en allumer aucun
dans le camp ni dans le bivouac, afin de faire présumer à l'ennemi
que le dégoût qu'avait produit le peu de succès des attaques
avait déterminé le général à un mouvement rétrograde en aban-
donnant ses positions. Le stratagème fut bien exécuté et l'ennemi
tomba on ne peut mieux dans le panneau.
« Accablé de fatigue et plongé dans cotte fausse sécurité, tout ce
qui n'était pas de garde, ou k l'entretien de ses feux de bivouac,
s'était retiré dans le camp pour s'y livrer à un repos indispensable
à la réparation de ses forces. Quelques aliments pris, les armes
mises en bon ordre, en peu d'heures tous ces farouches guerriers
et les femmes courageuses qui s'étaient réunies à eux pour par-
tager leur sort, turent ensevelis dans un profond sommeil. Le
général français et nos gens prenaient mieux leur temps. A la nuit
tombante, dans le plus grand silence et dans un endroit où l'on ne
pouvait être aperçu, une inspection rigoureuse fut faite, puis une
distribution de cartouches. Ensuite on donna le mot d'ordre dont je
me rappelle, qui était : bayonnette en avant, et le mot de rallie-
ment : victoire. Les officiers furent prévenus d'être prêts à marcher
au premier signal qui se donnerait sans bruit et k voix basse. Ils
devaient le transmettre de la même manière k leurs subordonnés
et leur faire distribuer le pain et l'eau-de-vie. Le général Xain-
trailles' ajoutait que si ses ordres étaient exécutés avec zèle, le
succès était assuré, que l'attaque aurait lieu dans la nuit même et
que l'on surprendrait ainsi l'ennemi à la bayonnette.
« Avec de telles combinaisons, toute la division avait passé le
pont (de Sierre) dans le plus grand calme à une heure après minuit,
le 28 mai 1799. On avait poussé des reconnaissances de jour, pour
savoir au juste où étaient les avant-postes ennemis. On en indiqua
la distance k des volontaires de chasseurs légers, en promettant une
récompense à celui ou à ceux qui pourraient prendre la premièi'c
I. L'auteur écrit Xaiiiireuil.
352 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
sentinelle morte ou vivante sans l)ruit et sans qu'elle pût crier au
secours. Deux carabiniers exécutèrent cette commission difficile
avec une habileté admirable, avançant fort doucement dans l'obs-
curité, presque en se traînant sur le ventre.
« La sentinelle avancée fut saisie brusquement à la gorge avant
de les avoir aperçus et sans avoir pu proférer une parole. Ce
premier avantage fut décisif, car les autres postes, se refiant (sic)
sur les plus avancés, furent pris de la même manière, victimes de
leur fausse sécurité. A deux heures l'armée arrivait fort tranquille-
ment et se rangeait en bataille sur les retranchements du camp
ennemi, où les gens de celui-ci goûtaient un sommeil si voisin de
la mort. Ils y auraient cependant échappé sans un accident qui
décida de leur ruine, en empêchant de les envelopper entièrement
et de les prendre ainsi endormis. Le fusil d'un conscrit partit sans
qu'on en ait connu la vraie cause. Ce coup donna l'alarme. Un
bruit de voix vole alors comme le tonnerre par tout le camp.
Chacun dans le trouble et l'effroi crie aux armes, en saisissant les
siennes. Les chefs, les tambours, les vivandières, les femmes qui
étaient venues par un zèle fanatique grossir les rangs des combat-
tants, des prêtres le crucifix à la main, tous crient aux armes dans
la plus affreuse confusion, et presque tous succombent au même
instant sous le feu bien nourri que les bataillons, qui ont eu le
temps de s'établir sur le retranchement, dirigent sur eux. Le
carnage devient horrible et peu d'instants suffisent pour anéantir
cette armée composée de toute l'élite du Haut-Valais, si fière et si
arrogante quelques heures auparavant. Les ouvrages qu'ils avaient
construits pour leur conservation devinrent leur tombeau. Un très
petit nombre, parmi lesquels se trouvaient les amazones valai-
sannes, avait échappé à la mort et s'était réfugié à l'extrémité du
camp près du bois, que la destruction n'avait pas encore atteint. Ils
tentèrent de se défendre à l'entrée de ce bois avec tous les moyens
qu'ils avaient pu réunir à la hâte ; ils soutinrent les attaques avec
un courage et un acharnement peu communs ; les femmes s'élîm-
çaient au milieu des bayonncttes avec une fureur qui tenait du
prodige. Armées de tridents, de faulx, de haches et d'autres objets
de ce genre, elles faisaient éprouver, en vendant chèrement leur
vie, des pertes sensibles aux téméraires qui osaient mépriser leur
valeur. Enfin, se sentant accablées par un ennemi victorieux qui se
renforçait sans cesse, elles songèrent à fuir, en prenimt toute-
MÉLANGES ET DOCUMENTS 353
fois la précaution de mettre le feu à la forêt pour arrêter l'ennemi.
Hélas ! vaide et cruelle prévoyance, aussi funeste à leur conserva-
tion et à leur sûreté que l'avaient été les retranchements qu'elles
venaient de quitter. La fatalité fut telle pour elles en cette journée
qu'elles n'eurent pas plutôt mis le feu qu'il prit avec une véhémence
incroyable. Toute la forêt, longue d'environ deux lieues, ne pré-
senta qu'un vaste embrasement semblable à un volcan. Un vent du
sud chassant des tourbillons de fumée et des torrents de flammes
sur ce reste de malheureux fuyards, accéléra leur perte. Ils n'évi-
tèrent le fer ennemi le matin que pour recevoir une mort plus
terrible le soir'.
« Ainsi finit cette journée qui couvrit ce pays de deuil et de
désolation »
La route était libre et les troupes françaises continuèrent leur
marche sur Brique, où elles entrèrent le 3i mai.
0. K.
Une singulière idée d'un Anglais partisan et défenseur
de Napoléon, en 1815.
Si je ne l'avais pas trouvée moi-même dans les cartons de VOberste
Polizei Hofstelle, dans les dossiers exclusivement réservés aux pièces
du Congrès de Vienne, je crois bien que j'aurais été fortement tenté
de douter de l'authenticité de la lettre qu'on va lire, lettre que j'af-
firme avoir copiée de ma propre main et être en tout point conforme
à l'original intercepté, et malheureusement en partie analysé, par le
personnel du cabinet noir. Voici du reste cet étrange document.
(lommandant Weil.
Londres, lo octobre i8i5'.
3y, Uower Street
Mac Kenrot^ à Marie-Louise.
(Analyse) (Interceptée) (en français)
Il lai fait part de l'impossibilité d'envoyer, comme il voulait le
1. D'après Hilaire Gay (^Histoire (la Vatlais ; Genève, igo3 ; p. 248), « une
bonne partie des défenseurs de Fingcs purent cependant prendre la fuite ».
2. Archiv des Minisleriums des Innern. Obersie Policei Hofstelle. A/clen de$
Wiener Congresses (F. 2608, 2621, ad. 2).
3. Mac Kenrot, né en Ecosse, mais dont il a été impossible à mon ami Watson,
nEV. HIST. DE LA HÉVOL. 23
354 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Jaire, des journaux et des livres à Xapoléon, « auquel on ne peut
rien faire parvenir que par l'intermédiaire de lord Bulhurst », et
se met à cet effet à la disposition de Marie-Louise.
Il lui expose ensuite les démarches qu'il a faites auprès des
membres du Parlement « pour mettre fin à l'exil cruel et à la
déportation inconstitutionnelle et illégale de Sa Majesté l'Empe-
reur dans la dite île de Sainte-Hélène ». // ajoute qu'il est efficace-
ment aidé dans ces démarches par le grand jurisconsulte anglais
Capel Lofft. Il a donc bon espoir dans le prompt retour de Napo-
léon et conseille à cet effet «. aux membres de la famille Impériale
de jormer à Londres un établissement de Banque et de Commerce
sous la raison sociale Bonaparte et C'=, idée qui peut sembler
baroque au premier abord, mais qui prouverait la confiance de la
famille dans l'honneur national du peuple anglais ». // se charge-
rait de la réalisation de ce projet qui nécessiterait une mise de
fonds très limitée.
A l'appui de son idée il cite à Marie-Louise l'exemple des com-
mandites établies par le grand Frédéric à Hambourg, Amsterdam
et Cadix.
En finissant il proteste de son « dévouement absolu <i l'Empe-
reur pour lequel il est prêt il tout, il verser son sang et à sacrifier
sa vie ».
// donne comme référence le D' Franck'.
auquel je dois ces indications, de m'indiquer l'âge et les antécédents, se faisait passer
pour banquier et prit une part assez active aux démarches infructueuses faites par
Capel Loin (i'"'-7 août i8i5) pour amener l'Empereur IVapoléon à Londres en
qualité de témoin dans un procès intenté contre un officier de marine. On aurait
voulu, en s'appuyant sur VHabeas Corpus Ad, tirer l'Empereur de Saiute-Hélène
et le faire comparaître comme témoin au King's Bench. On rejeta ces conclusions
et Mac Kenrut paya les frais de cette insUince, ainsi qu'il ressort de deux de ses
lettres à Bunbury en date du 3 mai 1816 et du i3 mars 1817 (Renseignements dus
à l'obligeance de M. G. L. de S' M. Watson. Pour plus de détails sur ce person-
nage quelque peu énigmatique, cf. Watson, .4 Polisli Exile wit/i Napoléon,
p. 145).
I. Le plus célèbre médecin de Vienne à ce moment.
Le même jour, Mac Kenrot avait adressé une lettre absolument identique à la
comtesse de Lipona, l'ex-reine de Naples, Caroline Murât.
TRAVAUX BIBLIOGRAPHIQUES
Essai d'une bitHioyraptiie de J.-B. Carrier
(Saife et fin ^)
IV
BIOGRAPHIES ET ÉTUDES
[On ne trouvera sous ce titre — a l'exclusion des dictionnaires et his-
toires de la Révolution — que les ouvrages dans lesquels un chapitre
distinct a été consacré à Carrier. Tous les travaux de M. Lallié seraient
à citer ; mais une telle nomenclature présenterait de réelles difficultés,
par suite du grand nombre d'articles publiés dans les revues régionales
par réminent historien ^. Nous n'avons mentionné de cet auteur — à
titre d'indication — que l'étude sur les noyades et la biographie de
J. J. Goullin. En complétant plus tard cet essai par l'indication des prin-
cipales études parues dans divers périodiques, nous réserverons à l'œuvre
de M. Lallié la part qui lui revient].
6i. — Mémoires politiques ot militaires, pour servir à l'histoire
secrète de la Révolution française; puisés dans les Mémoires manus-
crits de différents Généraux, Commandans de Places, Espions et
Agens secrets, tant en France que chez l'Étranger.
A Paris, chez F. Buisson, Imprimeur-Libraire, rue Hautefeuille,
n° 20. An VII de la République.
Deux tomes de vi-Soy et 3i i pages.
Epig. : // est temps que les Hommes et les faits révolutionnaires soient
remis à leur place.
P. i34 du Tome II : « Anecdotes authentiques et ignorées sur
Carrier. »
I. Voir Revue historique de la Révolution française et de l'Empire d'oclobre-
décembre igiS et de janvier-mars 1914.
a. Beaucou]) ont fait l'objet de tirages à part.
356 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
62. — Essai historique et critique sur la Révolution française
dédié à M. le Comte de Lacépède, Ministre d'Etat, Grand Chance-
lier de la Légion d'honneur, par M. P. Paganel, Membre de la
Société philotechnique de Paris, et de celle des sciences et arts
d'Agen, Chef de la 3^ division de la Grande Chancellerie de la
Légion d'honneur.
A Paris, chez Plassan. — 1810.
Trois vol. in-8.
Le chapitre LX du tome 3 est consacré à Carrier.
63. — Les Missionnaires de gS, pai' l'auteur du Génie delà Révo-
lution considéré dans l'éducation '.
Seconde édition, revue, corrigée, augmentée, terminée par la
liste des régicides avec la distinction des morts et vivans, bannis,
rentrés, oubliés et par le plaidoyer de Louvel.
A Paris, chez Le Normant, imprimeur-libraire, rue de Seine ;
Rey et Gravier, libraire, quai des Augustins. — 1820.
Épigr. : « En réunissant la chaleur de l'apostolat de la liberté à la
rigueur de la loi, nous obtiendrons pour résultat une grande masse de
forces. )) (Discours de Danton à la Convention nationale, séance du
i4 août 1793.)
Les pages 87 à io5 sont consacrées à la « Mission de Carrier dans le
département de la Loire-Inférieure ».
64. — Mélanges historiques et littéraires, par M. le Baron de
Barante, Pair de France, Membre de l'Académie française.
A Paris, chez Ladvocat, libraire de S. A. R. le duc d'Orléans ;
Bohain, boulevard des Italiens, 10. — i835.
Trois vol. in-80 de SgS, SgS et 397 pages.
Une biographie de Carrier occupe les pages 197 à aotî du tome I.
65. — Correspondance des terroristes de g3, précédée de quel-
ques mots sur la situation actuelle, par Lucien de la Hodde.
Paris, Julien, Lanier et C", éditeurs, rue de Bussy, 4 ; Impri-
meurs-libraires au Mans. — i85i.
In-i2 de 1 10 pages (Le titre, le fau.x-titre et la table des matières ne sont
pas paginés).
Pages 9") à 98, « Carrier à Nantes ».
I. L'ouvrage est décrit ici d'après la socoiide édition, plus complcle que la
rcinière.
TRAVAUX BIBLIOGRAPHIQUES 357
66. — Les Hommes de la Terreur. Robespierre, Marat, Saiat-
Just, Danton, Carrier, Camille Desmoulins, Hébert, Fouquier-
Tinville. Biographies et anecdotes avec portraits et gravures.
Société de Saint-Victor pour la propagation des bons livres.
Paris, librairie centrale de la Société, rue de Tournon, n° i6.
Plancy, siège, direction, imprimerie et librairie de la Société. — •
i854.
In-i2 de 4 ff- 6t 324 pages.
Par l'abbé Jorry, d'après Quérard. Précédée d'une mauvaise repro-
duction du portrait de Carrier par Lamarie, la notice sur Carrier occupe
les pages 75 à 88.
P. 77, Portrait fantaisiste, en pied, de « Carrier, proconsul ».
67. — Études sur la Terreur. Les Noy.ades de Nantes, par Alfred
Lallié.
Nantes, Vincent Forest et Emile Grimaud, imprimeurs-éditeurs.
Place du Commerce, 4- — 1878.
In-S" de io4 pages.
68. — Les Noyades de Nantes.
Deuxième édition, revue et augmentée de l'histoire de la persé-
cution des prêtres noyés. Par Alfred Lallié.
Nantes, Libaros, libraire-éditeur. Carrefour Casserie, 3. — 1879.
In-8° de 179 pages.
69. — Le sans-culotte J. J. Goullin, membre du Comité révolu-
tionnaire de Nantes (1793-1794)- Par Alfred Lallié.
Nantes, Vincent Forest et Emile Grimaud, place du Commerce,
4. Paris, Champion, quai Malaquais, i5. — 1880.
In-i2 de 1G8 pages.
Cet ouvrage permet de déterminer certaines responsabilités dans les
événements dont Nantes lut le théâtre.
70. — Carrier k Nantes. Conférence faile à la Salle des Beaux-
Arts, sous les auspices de la Société académique, par M. Domi-
nique Caillé, le 26 janvier 1896.
Nantes, L. Mellinet et C'"^, imprimeur de la Société académique,
place du Pilori, 5. — 1896.
In-i2 de iG pages.
358 RE^■TJ•E HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
71. — Les Grands Terroristes. Carrier k Nantes (1793-1794).
Par le comte Fleury.
Paris, librairie Pion, 10, rue Garancifere. — 1897.
In-8° de xiv-523 pages.
Deuxième édition : Paris, Pion, 1901. — In-12 de .\v-338 pages : avec
un portrait de Carrier en frontispice.
72. — J.-B. Carrier, Représentant du Cantal à la Convention
(1756-1794) d'après de nouveaux documents, par Alfred Lallié.
Paris, Librairie académique Didier, Perrin et C', libraires-édi-
teurs, 35, quai des Grands-Augustins. — 1901.
In-8° de .kiv-4C)3 pages.
L'onvrage est précédé du portrait de Carrier, d'après Lamarie, et ren-
ferme une gravure représentant le Palais et la Prison du Boullay.
73. — Mémoires et souvenirs sur la Révolution et l'Empire
publiés avec des documents inédits par G. Lenôtre.
Les Noyades de Nantes.
Pai'is, Librairie académique Perrin et C'^, libraires-éditeurs,
35, quai des Grands-Augustins. — 1912.
In- 12 de 3 16 pages,
74- — Correspondance de .I.-B. Carrier, représentant du peuple,
pendant sa mission en Bretagne, du 21 août an 12 décembre 1793
ou 22 frimaire an II.
Revue Ri}irospective, 2' série, tomes IV et V.
70. — La Justice révolutionnaire à Paris et dans les départe-
ments, d'après des documents originau.v, la plupart inédits (17 août
1792-12 prairial an III), par M, Ch. Berriat Saint-Prix.
Paris, imprimerie A. Guyot et Scribe, s. d. Ia-8°.
Ouvrage composé de 20 fascicules ayant une pagination distincte. Les
u"» i5 à 18 portent eu sous-titre « Carrier à Nantes ».
Paul Portevin,
NOIES ET GLANES
Baptême et serment civique. — « Marseille. — Un avocat étoit
le parrain d'un enfant qu'il présentoit au baptême, la cérémonie se
faisoit dans l'église paroissiale de Saint-Martin. L'avocat, aussi
pressé de renoncer à l'ancien régime qu'à Satan et à ses pompes,
eut à peine rempli ce devoir, que regardant l'autre comme non
moins important, il prononça le serment civique au nom de son
filleul. Le curé approuvoit le motif du parrain, d'autant plus qu'il
est connu pour avoir adopté les mêmes sentimcns ; mais comme
ministre du spirituel, il a cru que ses fonctions ne lui permettoient
pas de recevoir un acte purement temporel. Les officiers muni-
cipaux ont détruit son scrupule en lui permettant de recevoir le
serment civique du parrain, à condition que ce dernier s'engageroit
k le faire renouveller à l'enfant, lorsqu'il seroit parvenu à l'âge de
raison. » (^Mercure national... Tome II, n° g ; du i3 juin 1790;
pp. 642-643). - G. V.
Chabot. — « Il y a apparence que Chabot n'eut aucune avanture
remarquable pendant son séjour à Pans ; ce fut à cette époque qu'il
connût Danton, alors avocat au Conseil, chez qui le besoin étoit k
l'orde (sic) du jour et k qui le boucher et le boulanger venoient
sans cesse présenter d'inutiles requêtes. Le capucin se lia encore
avec Delaunay, gouverneur de la Bastille, et avec la femme de ce
traître, qui étoit Martiniste. On sait que c'étoit une secte obscure
qui croioit sottement avoir communication avec les bons anges.
Madame la conseillère qui avoit l'esprit porté à la supertition {sic)
prit goût pour cette secte ; la défendit, et crut voir son bon ange
dans Chabot, qui la confirmoit dans ses visions. De retour avec elle
à Toulouse, il y propagea pour lui plaire le Martinisme. » ( Vie pri-
vée de l'ex-capucin François Chabot ; A Paris, l'an II ; p. 21). — ■
P. P.
36o REVUE HISTOniQUF, DE LA nÉVOLLTlON FRANÇAISE F,T DE l'eMPIRE
Le duc de Chartres protecteur de prêtres réfractaires en
1791. — « Deux prêtres non-coni'ormistes ayant insulté la proces-
sion de la Fête-Dieu, à Vendôme, une multitude furieuse menaçoit
de les pendre. Déjà on enfonçoit les portes de la maison oîi ils
s'étoieut réfugiés. Un jeune homme de dix-huit ans, officier,
s'élance, pénètre dans la maison, en sort, embrassant les deux
prêtres fanatiques. Ce jeune homme, bon citoyen, connu et chéri du
peuple, c'étoit M. de Chartres. Il demande grâce. Le peuple l'ac-
corde; mais on e.\ige que les deux insensés sortent de la ville à
l'instant. M. de Chartres veut les conduire : des dragons de son
régiment se rassemblent autour de leur colonel. Quittez vos armes,
leur dit-il, j'ai la parole du peuple. Cependant k quelque distance
de la ville, la vue d'un pont renouvelle la fureur populaire : il
rappelle à la multitude l'engagement qu'elle a pris : tout s'appaise.
Enfin, une horde de paysans armés qui n'avoit rien promis, paroît
et s'obstine à vouloir massacrer les non-conformistes. Leur jeune
défenseur propose alors et obtient qu'ils soient ramenés en prison;
il les y conduit lui-même, y place une forte garde, et rentre chez
lui aux acclamations du peuple, qui le remercioit de lui avoir
épargné une inutile barbarie. » {Journal des Amis de la Constitu-
tion, n° 38; du mardi, 3o août 1791 ; pp. 517-018, note). — C. V.
Claviére et Beaumarchais. — « C'est lui [Clavière] qui a armé
une foule de méchants contre moi ; c'est lui qui, de concert avec
un sieur Brisson, a porté dans un ouvrage les plus absurdes juge-
mens sur mes relations avec l'Amérique, dont ils n'avaient aucune
notion; qui m'a lâché le Mirabeau et tous ceux qui me persécu-
tent'. » (Copie de la lettre de Beaumarchais k Le Sage, avocat au
Parlement, en date du 26 août 178g; p. 4? du Registre III des
Papiers Beaumarchais à la Bibliothèque de la Ville de Paris). —
H. MONIN.
1. Cl'. TouRNEUX, Bibliographie rie l'hisluire lie Paris pendanl lu lîéi'olulion.
Tome IV, n"* 31789 à 21791.
BIBLIOGRAPHIE
F. UzuREAL, Les élections et le Cahier du Tiers État de la Ville
d'Angers (1789). Angers, (îrassin, 1912. In-8° de 89 p.
Sont décrites en détail, conformément k la méthode d'Armand
Brette ', les opérations électorales du Tiers Etat de la Ville d'Angers,
d'après les Archives Nationales, B m 7. Les corporations d'arts et
métiers, les corporations d'arts libéraux, négociants, etc., les
membres du Tiers Etat en dehors des corporations (674 répondirent)
contribuèrent k nommer l'assemblée des électeurs, 101 membres,
qui se réunit le 2 mars 1789 à l'Hôtel do Ville. M. Uzureau donne
la liste de ces 101 membres, noms, prénoms, professions (p. 9 à
■8)-
Il paraît qu'en dépit de la convocation municipale, les meuniers,
brodeurs, billardiers, tisserands, charbonniers, parfumeurs, faïen-
ciers et la Faculté des Arts de l'Université ne s'étaient pas fait
représenter.
Il fallut plusieurs jours pour réunir en un seul tous les cahiers
des corporations. Le cahier intégral du tiers fut terminé et approuvé
le 2 mars. M. Uzureau en publie pour la première fois - le texte
(p. 24 k 3g), d'autant plus intéressant qu'il est en quelque sorte le
prototype du cahier des cinq sénéchaussées de la province d'Anjou,
que l'on trouvera dans les Archives parlementaires. Ce document
est conservé en manuscrit aux archives de la mairie d'Angers (série
AA), ainsi que tous les cahiers des compagnies et corporations
fort nombreuses qui ont servi k le composer : nul doute que ces
1. La mort de M. Brette ne lui a pas permis de publier ce qui convertie les opé-
rations électorales de l'Anjou. Sont-elles comprises dans les 33 bonnes feuilles de
son tome IV ? Nous l'ignorons.
2. A-t-il réellement échappé à M. Célestin Port? En tout cas, c'est en 1861 qu'il
lui a échappé, c'est-à-dire à la date de son 0 Inventaire des archives anciennes de
la mairie d'Angers ». Tout dépend de la détinition d' « anciennes ». — Réponse
à la note i de la p. 24.
302 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇALSE ET DE l'eMPIRE
éléments ne soient encore plus curieux que leur résultat nécessai-
rement un peu arbitraire, car le monde du travail nous intéresse ou
doit nous intéresser au plus haut point.
H. MONIN.
J. LouTCHisKY. Quelques remarques sur la vente des biens na-
tionaux. Paris, Edouard Champion, igiii. ln-8 de i5i pages.
Les amateurs d'histoire, d'esprit plus littéraire que scientifique,
ne laissent pas de trouver sévères, et même rébarbatifs, les livres
précis que M. Loutchisky a consacrés à la question rurale en
France'. Cet investigateur de nos archives aime mieux, en effet,
donner au public. — en quelques tableaux statistiques qui résument
des années de travail, — ce qu'il sait et ce qu'il est loisible à cha-
cun de vérifier, que se faire une opinion avec ou contre d'autres
opinions et se lancer dans le champ des généralisations prématurées.
Aussi, que ce litre modeste. Quelques remarques. ..,nevons trompe
pas sur la portée de ces pages. C'est, dans la matière, le Discours
de la méihode, le Vade-rneciim des « maîtres » aussi bien que des
étudiants.
M. Loutchisky reconnaît d'abord qu'il est impossible d'évaluer
la quantité totale des terres mises à la disposition de la nation ;
cela ne nous importe, ajoute-t-il. que médiocrement, car, « dans
tous les cas, la concentration du fonds agraire entre les mains de
l'Etat donnait k la puissance publique un moyen efficace d'agir sur
les conditions économiques et sociales du pays » (p. 22). Dans toute
la France, les paysans réclamaient des terres; mais, ainsi que le
démontre (en dépit des belles phrases et des discours à effet) la
législation révolutionnaire des ventes, la question sociale fut reléguée
au dernier plan (p. 27 k Ifi) : les préoccupations financières ont
primé toute autre considération'. Bourgeois et paysans ont pris une
part concurrente aux achats de fermes, domaines, etc. ; c'est pour
lutter avec quelque chance de succès contre le Capital, que les
1 . La petile /jrv/iriété en France avant la Révolution. De la vente îles biens
nationaux. l*:iris (Champion), 1897 ; in-ia avec carte. — L'état des classes agri~
cotes avant la Révolution. P.iris (Champion), 191 1 ; in-12 de 108 patjes.
2. Absolument comme à l'cpoque oii Louis XVI restaura sur un nouveau plan les
('orporations d'arts et nuHiers partiellement abolies sous le ministère de Turgot.
Mais la fiscalité ne dédaiyne ]ias de prendre le masque du « Socialisme d'État »,
de la philantliropie, etc. .4iitre exemple : le .Mont-de-piilé de Paris. Muntlus vult
decipi.
BIBLIOGRAPHIE 363
paysans ont formé parfois des associations temporaires, — en vue
d'aci|iii,sitioiis spécifit5es, — qu'il faut se (jardcr de confondre avec
les bandes noires, ou les brasseurs d'argent comme Saint-Simon.
Dès l'ancien régime, la propriété paysanne avait une tendance mar-
quée à s'accroître. En même temps se manifestait une différencia-
tion progressive entre les divers groupes de la population rurale, et
même entre les familles, les individus d'un groupe donné. Le bour-
geois de campagne émerge. La nationalisation des biens d'église
et des biens des émigrés, etc., a-t-elle accentué ces deux tendances?
Oui, et cela malgré la législation relative aux enchères, qui n'a pu
empêcher la vente par petits lots. Dans les districts qui ne compre-
naient pas de centre urbain important, les paysans ont réussi a s'ap-
proprier parfois la moitié, les trois cinquièmes, et très souvent les
deux cinquièmes de la terre mise en vente '. Gela s'explique, si
l'on considère que le morcellement même de la propriété ecclésias-
tique sous l'ancien régime n'a pas permis de vendre les biens du
clergé par grands lots. Faute de capitau.x mobiliers suffisants, les
habitants des chefs-lieux de déparlements n'ont que faiblement par-
ticipé aux achats en dehors des limites de leur district. Quelques
grandes villes, Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, ont fait exception,
mais leur rayonnement fut borné (p. 8i à p. 96).
La liberté illimitée des ventes a fortifié et accéléré les différen-
ciations dans la classe rurale. Les petits bourgeois de campagne,
les « laboureurs » (gros cultivateurs), les petits propriétaires qui
joignaient à la culture l'exercice d'un commerce ou d'une entre-
prise quelconque, ont arrondi leurs propriétés. Ainsi, par une évo-
lution qui s'achève sous l'Empire, la « vieille bourgeoisie » se ren-
force d'éléments ruraux ^. Les achats des paysans finissent par
ressembler à ceux de la classe bourgeoise. A leur tour, les non-
propriétaires ont pu devenir acquéreurs : ils travaillent encore pour
autrui, comme fermiers, métayers, journaliers; ils travaillent aussi
sur leur lopin. Mais l'inégalité dans la répartition de la terre per-
dure entre les divers groupes et les individus de chaque groupe.
La Révolution n'y a rien fait.
1. D'après les données statistiques connues jusqu'ici, et réunies pour la plupart
par M. Loutchisky. — Il convient, je pense, d'ajouter que les capitaux des bourgeois
des villes se portèrent d'abord sur les maisons : les locataires eurent de grandes
facilités pour devenir propriétaires urbains.
2. Le chapitre III (p. 77 à 96) dément par l'interiirélalion des données anciennes,
et par de nouvelles données, l'hypothèse émise par M. Marion, que la vente des biens
du clergé aurait proUté surtout à la bounjeoisic. Rappelons qu'il ne s'agit que des
biens ruraux, non des maisons, bâtiments, etc.
364 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLITION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRK
Elle a détrait la grande propriété ecclésiastique (qu'elle a trouvée
à l'état d'exception), et, dans une mesure beaucoup plus faible, la
grande propriété noble : c'est-à-dire la richesse foncière qui, avec
les redevances oppressives, servait de base à la prépondéramce
économique et sociale des deux classes privilégiées (p. 96 à la fin).
H. MO.MN.
Abbé Victor Sanson, Répertoire bibliographique pour la période
dite révolutionnaire (1789-1801) en Seine-Inférieure. Tome V
(Histoire individuelle, Table des matières). Paris, Ciiampion.
Ce cinquième et dernier volume du grand ouvrage de M. l'abbé
Sanson contient, sous le titre d'Histoire individuelle, tous les
ouvrages et répertoires généraux biographiques, ainsi que les listes
publiées pendant la période révolutionnaire : liste des ordres de la
noblesse, du clergé, du Tiers Etat, des gardes nationales, etc.
La « liste individuelle » qui fait suite à cette première partie
indique les noms des hommes ayant joué un rôle, si petit qu'il soit,
dans l'histoire de la Révolution, accompagnés d'une courte
biographie et les travaux qui s'y rapportent.
Enfin la table générale, de consultation facile, claire, simple en
même temps que documentaire, renvoie aux pages des cinq tomes et
non au numéro du tome. Elle complète de manière fort heureuse
ce remarquable ouvrage indispensable à tous les travailleurs qui
devront être reconnaissants à M. l'abbé Sanson de l'eH'ort considé-
rable qu'il a fourni sans relâche pour mener à bien cette tâche
ardue.
\. Le CORBEILLER.
Le Congrès de Rastatt (H juin 1798-28 avril 1799). Correspon-
dance et documents publiés par P. .Mo.ntarlot et L. Pingaud.
Paris, Picard, 1912-1913. Trois vol. in-8 de 409, 4'>7 et 419 P- ;
pri.x de chaque vol., 8 fr.
Le nombre considérable des documents réunis dans ces trois
volumes, le soin que les éditeurs ont apporté ;\ les annoter, l'in-
térêt qu'ils présentent pour l'histoire d'une période particulièrement
BIBLIOIJRAPIIIE 365
importante, tout concourt k faire de cet ouvrage un travail précieux
et définitif.
Le premier volume s'ouvre par une forte introduction de plus de
cent pages, suivie elle-même du « discours préliminaire et histo-
rique » rédigé par Jean Debry et daté du 20 thermidor an VIII. Ce
n'est donc, en réalité, qu'à la page 178 de ce volume que commence
la correspondance des plénipotentiaires français. La première pièce
(lettre de Jean Debrj à Treilhard) est datée du 28 prairial an VI ;
la dernière (lettre de Roberjot à Talleyrand) du 5 vendémiaire an VII.
Le Tome II comprend les documents numérotés de 82 à 224, et
qui vont du 7 vendémiaire au 2 ventôse an VII.
Enfin, le Tome III renferme la fin des documents d'ordre diplo-
matique (n°' 225 k 3oo), les documents qui ont trait k l'atten-
tat du 9 floréal an VII (n" 801 a 807) et les documents qui
relatent les événements postérieurs à l'attentat. Les éditeurs ne se
sont pas bornés à donner, dans cette partie de leur ouvrage, des
te.vtes officiels ou des correspondances privées. II y ont ajouté divers
documents d'une autre espèce, par exemple des chansons (n° 352)
provoquées par l'assassinat des ministres français, et aussi des pièces
très postérieures k l'événement mais qui apportent à son égard
de nouvelles lumières. Tels sont, dans cet ordre d'idées, les docu-
ments publiés sous les n°' 871 (lettre de Jean Debry k Dulaure,
datée du 28 octobre 1825) et 875 (long mémoire de Jean Debry
adressé k Thiers en 182G).
Cet ensemble constitue donc un répertoire documentaire très
complet et très vivant, et aussi très facile à utiliser grâce k l'index
qui termine le Tome III.
G. V.
Correspondance inédite de Napoléon I" conservée aux Archives
de la Guerre, publii''e par Ernest Picard et Louis Tietf.y. Tome
I"' (1804-1807). Paris, Charles-Lavauzelle, 1912. In-8 de xxii-
724 p.
Il faut remercier M. le colonel Picard d'avoir, avec l'aide de
M. Louis Tuetey, apporté une importante contribution à la bibliogra-
phie napoléonienne par la publication de la correspondance inédile
de Napoléon I'^'' conservée aux Archives de la Guerre. Quoique ces
lettres, décisions ou renseignements divers contenus dans l'ouvrage
n'aient point, pour la plupart des cas, la valeur des pièces déjà pu-
3G6 REVUE IIISTORIOUE DE LA nÉVOLfTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
bliées dans la grande Correspondance par ordre de Napoléon III. il
n'empêche que la pensée de l'Empereur, même sous la forme pré-
cise et étroite qu'elle revêt ici, nous apparaît toujours formidable
par l'envergure de l'ensemble, la minutie, j'oserai presque dire la
méticulosité du détail et la vigueur de l'argumentation. A lire ces
ordres bourrés de chiffres, ces importantes notes techniques, dont
certaines à Dejean ou à Berthier ont plusieurs pages, on comprend
mieu.x le travail quotidien de Napoléon, on se représente avec plus
d'intensité et de relief le va-et-vient des aides de camp aux palais ou
aux quartiers généraux qu'occupe le maître. Et, à pénétrer dans son
détail, l'organisation de l'armée impériale devient plus compréhen-
sible et plus étonnante encore.
On ne peut que regretter la décision des éditeurs de n'avoir pas
donné la correspondance du général et du consul, d'avoir fait com-
mencer sa publication au sacre et daté la première décision du lo
décembre i8o4. Il y avait, paraît-il, des motifs personnels à agir
ainsi. Quoiqu'il on soit, le premier volume, qui va du lo décembre
i8o4 au 28 décembre 1807, nous fournit des éléments très importants
d'étude qui ne sauraient plus être négligés désormais. C'est un beau
début de cette très intéressante publication.
J. A.
Colonel Vachée, Napoléon en campagne. Paris. Berger-Lovrault.
In-8° de 224 pages, avec deux cartes et un croquis.
Après les Préceptes et jugements (te Xapoléon, voici, également
édité par Bcrger-Levrault, un Napoléon en campagne qui nous
aide en quelque sorte à mieux comprendre la [)ensée de l'em-
pereur, en nous le montrant tel qu'il vit et agit dans son quartier
général, avec ses métliodes de travail et ses habitudes de comman-
dement.
Le colonel Vachée a réussi à donner au lecteur l'illusion de se
trouver lui-même à l'état-major impérial et de participer aux diffé-
rentes phases du travail, en assistant à l'élaboration des ordres,
depuis la conception du plan jusqu'à leur transmission et aux
mesures prises pour en assurer l'exécution.
Dans la partie concernant « la pensée et la décision », nou.s
voyons- la manière de commander de l'empereur ; il ne laisse à
Berthier aucune initiative, et, au lieu d'un chef d'état-major, colla-
borateur du général en chef, en fait un simple agent de transmis-
BIBLIOGRAPHIE 867
sion. Napoléon dictait, Berthier expédiait. Cette étude technique
comporte de nombreux enseignements.
La partie narrative et descriptive, qui vient ensuite, n'est pas
moins attrayante : les deux chapitres sur le quartier général impé-
rial ; la maison de l'Empereur et l' Etal-major, nous présentent
une série de tableaux, scènes et portraits, grâce auxquels nous
nous faisons une idée très nette de ce qu'était la vie militaire dans
l'entourage immédiat de Napoléon. Comment ne pas s'y intéresser,
puisque c'est de là que partaient les ordres dont l'exécution changea
la face de l'Europe de ]8o5 à i8i5, et eut ensuite sur ses destinées
une influence dont les effets se feront sentir longtemps encore?
Deux chapitres consacrés aux sanctions : .Yapoléon et ses géné-
raux, Napoléon et ses soldats, montrent, entre autres choses,
l'extraordinaire action personnelle qu'exerçait l'empereur, action
que le général Bonnal a si bien caractérisée par la formule :
« Napoléon foyer d'héroïsme ».
Dans les deux derniers chapitres, l'auteur revient à la technique
et expose les idées de Napoléon en ce qui concerne la préparation
de la bataille, et sa conduite. Il étudie en particulier la bataille
d'Iéna, et conclut par des considérations sur le rôle du général en
chef dans la bataille de l'avenir.
Signalons l'heureuse idée qu'a eue le colonel Vachée de donner
une reproduction de deux cartes de l'époque, dont celle des envi-
rons d'Iéna telle qu'elle exi.ste aux Archives de la Guerre, avec des
annotations faites pendant la campagne de 1806. Comme ill'observe
justement, il est impossible de comprendre la manière dont Napo-
léon donnait ses ordres, si l'on n'a pas vu l'instrument de travail
dont il disposait.
A. T.
Giuseppe Ferrari, Una lettera inedita del Conte Giuseppe de
Maistre. Cita di Castello, 191 2. In-8 de (Jo p.
Le lieutenant-colonel Giuseppe Ferrari, apportant son contingent
aux documents relatifs à 18 12, a découvert aux Archives de Turin
une lettre de Joseph de Maistre à Victor-Emmanuel, I", datée de
Saint-Pétersbourg, i3 juin i8i3, qui est des plus intéressantes.
Opposant la conduite du commandant en chef Kutusow, « le
plus rusé des hommes », à celle de l'amiral ïchitchagolT, « un des
personnages les plus remarqualiles de la Russie », il s'eflbrce de
368 REVfE HISTORIQUE DE LA RÉVOLLTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
montrer les divergences entre les deux hommes et par là même nous
renseigne curieusement sur les divisions du haut commandement
russe pendant la retraite de Moscou. Toute la lettre, écrite avec ce
style personnel à de Maistre, si aisément incisif, serait à citer. C'est
avec une vue précise de l'avenir qu'il écrivait — presque immédia-
tement après Bautzen et Lutzen : « Heureusement les choses
iront par leur propre poids et tout finira, je crois, par les Français.
11 est écrit qu'ils seront cruellement châtiés dans cette occasion,
mais nullement humiliés. »
Le colonel Ferrari a accompagné cette lettre d'une série d'impor-
tantes notes qui démontrent une connaissance approfondie de l'é-
poque et des personnages dont il est question.
J. A.
Ernest Daudet. La Police politique : chronique des temps de la
Restauration, d'après les rapports des agents secrets et les
papiers du cabinet noir (1815-1820). Paris, Pion, 1912. In-8 de
xxvii-3ij3 pages.
Continuant la remarquable série de ses études sur la Restauration,
M. Ernest Daudet nous donne aujourd'hui un certain nombre de
rapports d'agents secrets, de papiers du cabinet noir, d'un très grand
intérêt. Les fonds de la police de 181 5 à 1821, de nombreuses rela-
tions retrouvées dans les archives privées lui ont permis de suivre
avec les « observateurs » — ■ ainsi s'appelaient poliment les mouchards
— la vie privée de beaucoup de personnages. Ses cinq chapitres :
La |)olice et les étrangers ; La police royale et les Bonaparte; La
police française à Londres, en .\llemagne et dans les Pays-Bas ; La
police et Chateaubriand et autres; La police et les Humboldt, forment
un véritable kaléidoscope où tout ce qui porte un nom ou un titre
apparaît devant nous, tantôt dans la pénombre, tantôt en pleine
lumière : M""^ de Staél, Beugnot, M™= Récamier, la duche.sse de Du-
ras, la princesse Bagration, Chateaubriand, la duche.sse de Broglie,
M^^^ de Souza et son fils Flahaut, Alexandre et Guillaume de
Humboldt, tant d'autres encore.
Peut-être au point de vue politique, encore moins au point de vue
de l'histoire, ce livre n'apporte-t-il pas de lumière nouvelle sur les
affaires du temps, puisqu'on n'y trouve aucune révélation dénature
à rien modifier de l'opinion que nous avons de ce moment. Mais
ces dessous de vie mi-mondaine, mi-politique demeurent extrême-
BIBI.IOGRAPIIIF. 36()
ment intéressants en tant (|ue reconstitutidn pins minutieuse de cette
époque si palpitante et si troublée, où le conflit des passions déter-
miné par la chute de l'Empire s'est trouvé porté à une acuité qu'il
a rarement dépassée depuis.
M. Ernest Daudet s'efTorce de démontrer que la police rovale de
Decazes n'est plus la même que celle de l'Empire. Selon lui, elle
aurait perdu ce « caractère provocateur » que Fouché lui imprima.
Fouché et Savary « s'étaient donné pour mission non seulement de
découvrir les artisans des complots et de les surveiller, mais aussi
de leur tendre des pièges, de construire contre les individus
soupçonnés un édifice de preuves accablantes ». Rien de pareil sous
Louis XVIII. « La police n'est plus qu'une agence d'informations,
qui s'efforce d'être toujours bien informée. »
La thèse est sans doute tendancieuse. Dans un temps où l'espion-
nage et la police s'introduisaient partout, il est difficile de croire
que les procédés policiers eussent changé si vite. Fouché avait quitté
la place, mais ses mouchards étaient restés, les mêmes qui, jadis,
dénonçaient les royalistes, qui aujourd'hui surveillaient, arrêtaient
— quand ils le pouvaient — leurs anciens maîtres. D'ailleurs, à
l'époque, personne n'avait d'illusions sur la police et le cabinet noir.
Tout le monde savait ou sentait l'espionnage autour de soi — Guil-
laume de Hiimboldt l'écrit nettement à son frère — , et si les procé-
dés du Gouvernement de Napoléon peuvent paraître différents de
ceux de Louis XV^III, cela tenait sans doute au.\ circonstances. Suf-
firait-il donc de changer le régime pour changer les hommes?
J. A.
Correspondence of lord Burghersh, afterwards 11''' Earl of
Westmorland (1808-1840), cdited by iiis Granddaughter Rachel
Weigall. Londres, iMurray, 191 2. In-8° de vi-3oo p.
Nous arrivons bien en retard pour féliciter la petite-fille de lord
Burghersh de l'heureuse idée que lui a inspirée sa piété filiale, pour
la remercier d'avoir profité du centenaire des grands événements,
dont nos pères ont été les témoins et les acteurs, pour nous donner
le beau volume dans lequel, à côté des dépêches de son aïeul, elle
a pu, grâce a l'accueil qu'elle a trouvé auprès du duc de Portland,
du duc de Wellington, de lord Londonderry et de lord Heytesburg,
livrer à la publicité nombre de lettres des plus intéressantes extraites
de leurs riches ajxhives,
3^0 REVUE HlSTOllIÇUE DE LA HEVULLTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Il suffit fie jeter un coup d'œil sur la table des matières de ce
volume pour se l'aire une idée de l'intérêt qu'il présente pour le
lecteur, mais surtout pour le chercheur et pour l'historien. Lord
Burgliersh, quoique son âge seul l'ait empêché d'occuper dès ce
moment une place proéminente parmi les hommes d'Etat et les mi-
litaires de son pays, n'en a pas moins joué un rôle considérable
dans les événements qui ont marqué les premières années de l'Em-
pire. Entré au service en i8o3, il servit en 1806-1807 en Sicile, puis
en Egvpte, avant de passer en 1808 à l'armée de Portugal. Aide de
camp de Wellington en i8og, il resta dans la Péninsule Ibérique
jusqu'en )8i3, où, envoyé au grand' quartier général des Alliés et
accrédité auprès de Schwarzenberg, il accompagna le généralissime
pendant toute la campagne de France. Nommé ministre plénipo-
tentiaire à Florence en 1814, il suivit les opérations pendant toute
la campagne de 18 15 contre Murât et fut de cette façon l'un des
signataires de la Convention de Casalanza.
De retour à Florence après la chute de Joachim, il continua à
occuper, pendant près de quinze ans, un poste dans lequel il rendit
des services signalés dus tant à sa remarquable intelligence qu'à la
connaissance qu'il avait des hommes, des affaires et du pays, et qu'il
no quitta qu'en i83o après l'arrivée au pouvoir des whigs.
C'est pour cette raison que sa correspondance saute brusquement
de 1882 à i838. Mais en revanche, grâce à la publication de ce
volume, nous sommes désormais en mesure de connaître, sans avoir
à entreprendre des recherches aussi longues que difficiles, le rôle,
presque ignoré jusqu'à ce jour, que lord Burghersh fut appelé à jouer
en i84o^au moment de la crise orientale qui, comme aujourd'hui
encore, fut bien près d'allumer une guerre générale en Europe.
Rien ne saurait donc être plus intéressant que les vingt dernières
pages de cette correspondance qui s'arrête en décembre i84o et
qui contient dans le chapitre final la reproduction, certifiée conforme
par le roi Léopold I^' de Belgique, des conversations confidentielles
que ce prince eut d'abord eu août i838, puis en octobre i84o
avec lord Burghersh.
Un pareil livre ne peut manquer d'avoir plusieurs éditions et
nous osons espérer que tant la petite-fille de lord Burghersh que
M. John Murray lui-même comprendront les motifs pour lesquels,
après avoir essayé de mettre en lumière la réelle valeur historique
de cette publication, nous nous sommes permis d'appeler leur atten-
tion sur quelques erreurs, typographiques et autres, qu'il serait,
croyons-nous, utile de faire disparaître lors de la réimpression de la
correspondance.
BIBLIOGRAPHIE 87 I
C'est ainsi qu'à la page 71 on lit Spannoi/ro au lieu de Spannoc-
CHi. Page 78, Galloio au lieu de Gallo. Page 78, Aras au lieu
d'ARCis. Page 88, Sena au lieu de Serra et Paterno au lieu de
Partanna. L'erreur commise k la note placée page 89 est plus
grave; le comte Jules de Polignac n'était pas ambassadeur d'Italie
à Vienne, mais bien un diplomate français envoyé en mission en
Italie et qui fut un peu plus tard ministre à Munich. Page io5, au
lieu de Lapis, il faut lire Lapi. Page loG, il s'agit non pas de la
femme du général Bertram, mais du général Bertrand. Pages ii3
et ii4, plusieurs noms propres à rectifier : Cumbron doit être Cam-
BRONNE ; Lebelle, Lebert. Le colonel baron qui commande les Polo-
nais et dont le nom manque s'appelle Jermanowski. Peijrouse
s'appelle en réalité Peyrusse. Penz n'est autre que Pons (de l'Hé-
rault); Taillaide est le capitaine Taillade, Lonjono cl Lonjono aonl
mis là pour Longone, Roule pour Raoul, Pianoso pour Pianosa et,
page 1 15, Bartolozzi pour Bertolasi. A la page i ig. ce n'e.st pas de
Gass qu'il s'agit, mais de Grasse et à la note de cette même page
il faut mettre à la place de Prefect oj the toion le mot Department.
A la page 126 et aux pages suivantes, il convient de remplacer
Lehseltern par Lebzeltern. Page 127, Perça par Pacca. Page i33,
note I, faire disparaître cette note ou remplacer le mot Restoration
par ceux de French Révolution. Page i^i, note, ce n'est pas à
Modene, mais au pont sur le Panaro que Murât attaqua et battit
les Autrichiens.
Page i45, les corrections à faire sont un peu plus nombreuses.
Le paragraphe commençant par ces mots : « Murât haviruj jled io
Naples » aurait besoin d'être remînié pour être plus complètement
exact. A la même page il faudrait mettre Casa Lanza à la place de
Gasa Lenza, Borgoforte au lieu de Bei'goporte et Ponte Lago-
scuRO au lieu de Lago Scuro. Page 147, la note relative a l'archiduc
Charles est à modifier. L'archiduc, malheureusement pour l'Au-
triche, n'a jamais été investi des fonctions de Régent après l'avène-
ment de son neveu Ferdinand. On eut au contraire soin de le main-
tenir à l'écart des afl'aires, et il eut sous le nouvel empereur aussi
peu d'influence que pendant les vingt-cinq dernières années du
règne de son frère François.
Page i48, il ne saurait être question de Cinitnuecchia mais bien
plutôt de C1VITANUOVA. Un peu plus loin, sur la même page. Porte
d'Era à est remplacer par Pontedera, et c'est évidemment par erreur
qu'on a imprimé, une ligne plus haut, cette phrase incompréhen-
sible : « Nugent conceived the possibility of the Neapolitans from
Provence mooing upon Leghorn. » On a dû mal déchitïrer le ma-
372 REVUE HISTORiyUE DE I.A RÉVOLt TIO.N FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
misciit <1r lord Bur(jlicr.sh el lire Provence là où il a probablement
écrit FloreiNce.
Page i5i, au lieu de Sperlo/i:a, il doit plus probablemeut s'agir
de Sperlonga, point situé entre Terracina et (jaëte. Il me semble
aussi qu'on a dû comniettre une erreur de copie ou de déchiffrement
en parlant d'une lettre y/'0/« a Bishop of Orthosia at Rome. A la
page suivante, il serait bon de remplacer Amio délia Venta par
Amico della Verita. Page 167, il serait utile de mettre en note qu'Au-
bin était un capitaine anglais désigne par Burghersh pour suivre les
les opérations de ÎSugeut. A la page suivante il faudrait remplacer
Me.laszo par Milazzo ; à la page 162, Ekart par Eckhardt. C'est
évidemment par erreur qu'on parle, à la même page, de la marche
des Autrichiens sur Colvi, localité qu'il m'a été impossible de
retrouver, qui, je crois, n'existe pas, et qui est peut-être Colli, une
petite localité à l'ouest d'Amatrice. En revanche, c'est lord Bur-
ghersh lui-même qui est mal renseigné lorsque, page i6g, il annonce
à Castlereagli qu'un officier français commande à Gaëte, place que
Murât avait confiée à l'héroïque général Begani. Page 172, il serait
bon de mettre Lille au lieu dp Lisle. Page igo, au lieu du chevalier
Kracane, il s'agit du chevalier Karcher, qui représentait à ce
moment la Toscane à Paris. Page 221, ce n'est pas Colorado, mais
CoLLOREDO que l'on a dû trouver dans la dépêche de lord Stewart à
Burghersh, et c'est aussi Consalvi qu'il faut lire quelques lignes plus
bas au lieu de Gonsalvi, tout comme on fera bien de corriger deux
autres erreurs, l'une, pages 227, 286 et 287, Leybach au lieu de
Laybach, et l'autre, page 233, où l'on a imprimé Figuelmont au lieu
de FiCQUELMONT. Pages 289 et 240, il sera bon de remplacer Intro-
doso par Antrodoco. Enfin, pour clore cette trop longue liste de
remarques destinées à faciliter la lecture de cette si intéressante
correspondance, il est hors de doute pour moi qu'à la page 277 lord
Burghersh a dû vouloir parler dans son mémorandum du 8 avril
i838 non pas de l'abbé Menais (?), mais de l'abbé de Lamennais,
qui venait précisément de publier ses AJ/'aires de Borne et le Livre
du Peii/tle auquel lord Burghersh fait une allusion directe dans les
premières lignes de cette curieuse pièce.
M. H.
BIBLIOGUAI'HIE 878
Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastique, publié
sous Li direction ilAHVeil Iîaudiullakt, Albert \ ogt et Urbain
RouziÈs. Tome I (^Aachs-Albiis). Paris, Letouzey cl Ané, 1912.
Gr. In-8 de vu p. et 1748 col.
Nous nous bornons h relever, dans le tome I de celte vaste et inté-
ressante publication, les articles qui touclient h la période dont
nous nous occupons. Les voici :
A. Z. N. Aarnn, écrivain russe. 17S1-1841 (par A. Palmieri) ;
A. Abad y Lasierra, évèque de Barhasiro, 1740-1813 (par L. Ser-
rano); M. Abad y Lasierra, inquisiteur général d'Espagne, 172g-
1806 (par le même); M. J. Abad y Oueipo, ministre de la justice
■en Espagne en 1817, destructeur de l'Inquisition espagnole (par le
même); Mathurin Abafour, vicaire de Jallais, interné à l'île de Ré,
1756- 1828 (par F. Uzureau) ; Kenè-homs Abafour, doyen de Craon,
déporté, mort en 1825 (parle même); J. Abarca y Blanr/iie, évêque
de Léon, patriote espagnol et ami de Ferdinand VII, mort en i844
(par L. Serrano); Jean Abasque, curé à Plourin, 1782-1794 (j^ar
A. Roussel); J. B. Abeillon, prieur d'Arlempdes, 1720-1794 (par
R. Pontvianne) ; Pierre Abélard, vicaire à Bourgueil, déporté,
1765-1802 (par F. Uzureau) ; P. G. Ahella, archevêque de Valence,
prisonnier en France pendant la guerre de l'Indépendance, 1776-
1860 (par A. Andrès) ; Vincent Abraham, curé de Sept-Saulx, 1740-
1792 (par R. de Teil) ; Pereira Mateo de Abren, évèque de Saint-
Paul au Brésil, promoteur de la séparation du Brésil et du Portugal,
mort en 1824 (par M. Gomes) ; Barthélémy .46na/, second vicaire
général de Paris en 1802, mort en i8o3 (par F. Uzureau); Frère
Agathon (Joseph Gonlieu), supérieur général des Frères des Ecoles
chrétiennes, 1781-1797 (par J. Guibert); Pierre-Jean Agier, magis-
trat français, 1748-1828 (par G. Constantin); Agonit de Bonneval,
évêque de Pamiers, contre-révolutionnaire, 1749-1824 (par J.-M.
Vidal); Manuel de Agtiiar, évêque de Leiria, i75i-i8i.t (par F. de
Almeida); F. M. d'Agairiano, évêque de Calahorra, membre des
Cortès de Cadix, 1742-1818 (par L. Serrano); Aigneville de M!l-
lancourt, évèque d'Amycles, évèque auxiliaire de Cambrai, mort
en 1798 (par H. Dubrulle); Etienne-Aimé Alary, aumônier du
prince de Coudé, 1762-1 81 9 (par L. Gauthier); Georges Alary,
supérieur du Séminaire des missions étrangères pendant l'Empire,
1781-1^17 (par A. L.aunay); Gary Alaa.c, curé jureur de Sainte-
Radegonde, 1 746-1 794 (par C. Touniier); Gian-Francosco Albani le
jeune, cardinal, négociateur du concordat, 1720-1808 (par P. Ri-
374 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
cliard) ; Giuseppe Albani, cai-dinal, défenseur du cardinal de
Rohan devant la Commission, envoyé extraordinaire du pape k
Vienne pendant le Directoire et le Consulat, 1700-1834 (par le
même); J.-M. Luc de Ponte d'Albaret, évèque de Sarlat, 1736-1800
(J. Capeille); Agostino Alhergoiti, évèque d'Arezzo, 1755-1825 (par
J.Fraikin); J.-B. Alber/randi, jt-suile, bibliothécaire de Stanislas-
Auguste de Pologne, 1731-1808 (parE.-M. Rivière); P.-F. Albirjnac
de Casteinaa, évèque d'Angouième, 1742-1814-
0. K.
Hans Bviiiu, Bibliographie der Schwaizer Geschichte, enthal-
tend die selbstàndig erschienen en Druckwerke zur Geschichte
der Schweiz bis Ende 1912 {Bd. /., Quellen und Benrbeitan-
fjen narh der Folge der De(j<>benheiten.'). Basel, Verlag der Basler
Buch und Antiquarialshandiung vornials Adolf Geering, I9i4-
In-S° de xxviii-529 p. ; i3^8o.
Le 2 mai 1904, le Comité directeur de VAUgemehte geschichls-
forschende Gesellscluifl der Schweiz avait décidé la publication d'une
bibliographie historique de la Suisse. Le premier volume vient
de paraître; les deux autres, sous presse, sont promis pour l'été
1914.
Ce premier tome contient g.SoS titres de volumes et brochures
publiés isolément : les articles de revues et de journaux, k moins
d'avoir été tirés à part, ne figurent pas dans cette bibliographie. On
en a également exclu la plupart des publicationsgenevoises du dix-
huitième siècle, dont les O.218 titres se trouvent, facilement acces-
sibles, dans la Bibliographie historique de Genève, d'Emile Rivoire.
Les indications sont distribuées chronologiquement : on indi-
que pour chaque grande période de l'histoire suisse, par ordre de leur
apparition : i"^ les « sources » (mémoires, recueils de textes légis-
latifs, correspondances, etc); 2° les « publications contemporaines »
(écrits parus h l'époque des événements) ; 3° les « exposes » (histori-
ques des événements passés). Ainsi on trouve, pour l'époque révolu-
tionnaire, dans la première catégorie, les Papiers deBarthéleniy ; dans
la seconde, VAvis aux Suisses sur leur position envers le roi de
France, parll.-A. StaulVach (Paris 1791) ; dans la troisième. Le Pays
de Vaud de lySg à lygi, par Paul Maillei'er (Lausanne, 1892).
La période de 1789 a 1797 est représentée par environ 4^0 nu-
BIBLIOGRAPHIE StS
méros, celle de 1798 h i8i5 par 1.600; les « publications contem-
poraines » de 1798, à elles seules, ne comprennent pas moins de
877 numéros.
Les deux volumes suivants contiendronl les iiulic^itions par ordre
de matières (histoires cantonales, histoire religieuse, — à l'exception
de la Réforme, traitée au tome 1="^, — histoire de l'art, biographies,
etc.) ainsi i|ue les tables Ce n'est qu'alors qu'une critique définitive
de rouvra(|e pourra être faite. En attendant, contrôlant un certain
nombre de pages, nous n'y avons trouvé que peu d'erreurs ou
d'omissions, inévitables d'ailleurs dans un ouvrage pareil. — Au
point de vue typographique, il est exemplaire. — La partie des
a publications contemporaines » est supérieure aux deux autres :
là, les catalogues des bibliothèques suisses ont fourni des listes pra-
tiquement sans lacunes ; il n'en est pas tout à fait de même des
« sources » et surtout des « exposés », dont certains, publiés hors
de la Suisse, ne semblent pas être parvenus k la connaissance du
bibliographe, k moins qu'il ne les fasse entrer dans le tome IL Ainsi
nous avons cherché en vain, p. io3, Servet et Calvin, par Auguste
Dide ; p. 289, La Révolation Française dans l'ancien évêché de
Bâle, par Gustave Gaulherot.
Déjà utile sous sa forme actuelle, l'ouvrage de M. Barth, une fois
achevé, sera le complément indispensable de la QuetU'itknnde tle
Dahlmaun-Waitz pour l'histoire allemande.
0. K
ARMIN.
Livres nouveaux
T. Albord, Notes sur les préparatifs militaires à Lyon, en i8i4.
Lyon, Rey, 1918. In-8° de 108 p. — W. Andréas, Geschichte der
badischen Verwallungsorganisatiou und Verfassung in den Jahren
1802-1818. 1. Der Aufl)au des Staales im Zusaminenhang der allge-
meinen Politik. Leipzig, Quelle und Meyer, 1918. ln-8° de xii-
484 p.; it'i fr. — Mémoires de Barthélémy, 17G8-1819, publiés
par Jacques de Dampiehbe. Paris, Pion, 1914. In-S" de xiii-484 p.,
avec portr. ; 7 fr. 5o. — Baudoin, Aus Tagebuchern freiwilliger
Jâger, i8i3-i8i4, des Colbergschen Infanterieregiments. Berlin,
Mittler. In-8° de 35 p. — Peter Bergell und K. Klitschner, Larrey,
der Chef-Chirurg Napoléon L, 1812-1818. Berlin, Marschner. In-8''
de i35 p. ; 2 mk. 5o. — Ericli Bleich, Der Hof des Kônigs Friedrich
376 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Wilhelm II. und des KOnigs Friedrich Wilhelm III. Berlin, Voss.
In-8° de xviii-279 p. ; 7 mk. 5o. — A. Boppe, L'Albanie et Napo-
léon, i797-i8i4- Paris, Hachette, 1913. Iii-i(j; 3 fr. 5o. — Maurice
Bottet, Napoléon aux camps de Boulof[ne. Paris, Ambert, s. d.
[1914]- In-8° de 3i2 p.; 3 fr. 5o. — A. Burdet, Varese e la prima
repubblica cisaljiina ( i79''-i799)- Varese, IMacchi, 1913. In-i6 de
88 p. — Calraon-Maison, Le général Maison et le i" corps de la
Grande Armée. Campagne de Belgique, décembre i8i3-avril i8i/i.
Paris, Calmann-Lévy, iQi/i- In-8°; 7 fr. 5o. — Alexander Cartel-
lieri, Weimar und Jena in der Zeit der deutschen Not und Erhe-
bung, i8o6-i8i3. Rede. Mit einem Bûchervezeichnis und einer
Stammtafel. Jena. Fischer. In-8° de 33 p.; 1 mk. — J. Charrier,
Prêtres et Religieux nivernais traduits devant le tribunal révolution-
naire. Nevers, Impr. Vailière, 191 3. In-8° de 200 p. — Corres-
pondance générale de Chateaubriand, publiée par L. Thomas.
Tome IV. Paris, Champion, 1914- In-8" de viii-4oo p., avec portr.;
10 fr. — Heinrich Conrad, Napoléons Lcbeu auf St. Helena. Nach
den auf St. Helena 181J-1821 gefûhrten franziisischen und engli-
schen Tagebuchern chronologisch zusanmigestellt. Stuttgart, Lutz;
7 mk. — E. Couard, L'administration départementale de Seine-et-
Oise, 1790-1913. Versailles, Impr. Aubert, iguH. In-4° de xi-47(} p.,
avec illustr. — G. Creste, Les Papiers-monnaies émis à Mortagne
pendant la Révolution. Bellème, Impr. Levaver, 1913. In-8° de
97 p., et pi. — Journal de Benjamin Cuendet (1769-1815), publié
par Eugène Moutarde. Lyon, Rey, 1914- In-S" de 32 p., avec illustr.;
2 fr. — W. Cuendet, La philosophie religieuse de Jean-Jacques
Rousseau et ses sources. Lausanne, Impr. la Concorde, I9i3. In-8°
de 248 p.; 4 fr. — Mémoires du comte Roger de Damas, publiés
et annotés par Jacques Rambaud. Tome II (i8o6-i8i4). Paris. Pion,
i9i4- ln-8" de vi-3io p., avec portr. ; 7 fr. 5o. — J. Decap, Simples
notes sur l'instruction primaire dans les paroisses du canton du
Mas d'.Vzil avant 1789. Foix, Impr. Fra, igiJ. In-8° de 11 p. —
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réserve, compagnie départementale (Premier Empire et Restaura-
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Paetel. In-8° do viii-180 p. ; 3 mk. — Funck, Der .\nteil des preus-
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BIBI.ldGRAPHIE 877
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archivs und des Pariser Kriegsarchivs. Leipzig, Hirzel. In-8° de
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douze, Une mystérieuse affaire, i8o3. Paris, Hachette, 1918. In-S"
de 286 p., avec grav. ; 3 fr. — Hennezel d'Ormois, Aux armées
de Napoléon. Lo capitaine Poussin, 1772-1810. Paris, Chapelot,
1913. In-S" de xvi-250 p., avec portr. et grav. — Paul Herre, Von
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des Oberburggrafen Magnus v. Brûnneck. Berlin, Miltler. In-S" de
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378 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET 1)E LEMPIRE
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Impr. Gounouilhou, igiS. In-S" de xii-i4o p. — Chanoine C. Loo-
ten, Histoire d'Anne-Louis-Alexandre de Montmorency, prince de
Robecq, lieutenant-général des armées du Roi, commandant en chef
dans les Flandres, le Hainaut et le Cambrésis, 1724-18 12. Lille,
Giard, igiS. In-8° de xii-55o p., avec pi. et portr. — Chanoine
Marcel, Le frère de Diderot. IJidier-Pierre Diderot, chanoine de
la cathédrale et grand archidiacre du diocèse, fondateur des écoles
chrétiennes de Langres. Paris, Champion, igi3. In-8° de xiii-221 p.,
avec fig. ; 3 fr. Jo — X. Marinier, Trois jours de la vie d'une
reine, 1770-1793. Tours, Maine. In-12 de i43 p., avec grav. —
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Meusel, Edmund Bnrke und die franzôsische Révolution. Zur
Entstehung hislorisch-politischen Denkens zumal in England. Ber-
lin, Weidmaiin. In-8° de vi-i5o p.; 5 mk. — Ernst MùUer, West-
falens Opfer in den Bei'reiungskriegen. i8i3-i8i.">. Munster, Cop-
penrath; 3 mk. — Grand-duc Nicolas Mikhailovitch, Les Rapports
diplomaliques de Lebzeltern, minisire d'Aulriche à la Cour de
Russie. 181G-1826. Paris, Manzi et Jovant, igiS. In-8° de lxxii-
477 p., avec portr. ; 20 fr. — J. J. Olivier, Préville, de la Comédie-
Française, 171! 1-17)9. Paris, Lccène, igiS. In-8°, avec illustr. ;
20 fr. — G. Paladino, Uu episodio délia reazione aritifrancese a
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Révolution. Paris, Riedei', 1914. ln-8" de lii-238 p.; 6 fr. — G. Ro-
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souvenirs de la campagne de 1812. Traduit par le colonel Buat.
Paris, Chapelot, igiS. In-8° de Lxiv-290 p., avec fig.; 3 fr. 00. —
H. Roos, 181 2. Souvenirs d'un médecin de la Grande Armée. Tra-
duit de rallemaïul, par M"'^ Lamotte. Paris, Perrin, igiS. ln-8° de
xxx-259 p.; 3 fr. 00. — Henri Roussin, William Godwin, 1756-
i836. Paris, Pion, 1914- In-8° ; 7 fr. 5o. — Erwin Ruck, Die Sen-
dung des Kardinals de Bavane nach Paris 1807-1808; eine Episode
aus der Politik Napoléons I. und PiusMI. Heidelberg, Winter, i9i3.
In-4^ de 98 p. ; 7 fr. 5o. — Aloys Schulte, Die Schlaclit bei Leipzig,
mit einem Schlaclitplan. Bonn, Marcus und Weber. In-8° de 82 p.;
I mk. 80. — Friedrich Schulz, Das Bilderbuch der Freiheitskriege.
Dachau, Gelber \'erlag. ln-8"' de gO-wix p.; i mk. 90. — Comte
de Sérignan, Napoléon et les grands généraux de la Révolution et
de l'Empire. Paris, Fontemoing, I9i4- In-8°; 7 fr. 5o. — A. Si-
mioni, I Napoletani a Tolone (1793). Napoli, L. Pierro, igiS. In-8°
de 174 p. — Marc-Jules Sués, Journal pendant la Restauration
genevoise, i8i3-i82i, publié par Alexandre Guillot. Genève, Jul-
lien. In-16 de xii-299 p. ; 3 fr. 5o. — N. Tilliére, Notice sur la vie
de Dom Malachie Bertrand, né à Mortehan le 5 décembre 1706,
moine et procurateur d'Orval, mort à Conanama (Cayenne), le
26 septembre 1798. Namur, Impr. de 1' « Ami de l'Ordre », 1918.
In-i2 de 118 p.; 1 fr. — F. Uzureau, Andegaviana (i4^ série).
Paris, Picard, 191 3. In-8° de 543 p., avec carte. — F. Uzureau,
En Vendée militaire : Le cimetière des MartjTs d'Yzernaj (canton
de Cholet). Fontenay-Ie-Comte, Impr. Lussaud, 1918. In-8° de 8 p.
— F. Uzureau, Les Mémoires de M™= de La Rochejaquelein et
M. de Baranle. Fontenay-le-Comte, Impr. Lussaud, 1918. In-8° de
28 p. — F. Uzureau, Lin martyr de la foi en 1794 '■ M. Laigneau
de Langellerie, aumônier du Carmel d'Angers. Lille, Impr. Deselée,
1918. In-8° de 12 p. — F. Uzureau, Les brùlements d'archives à
Angers pendant la Révolution. Etat sommaire des documents dis-
parus. Angers, Grassin, 1914- In-8° de 42 p. — F. Uzureau, Polé-
miques de presse à Angers au lendemain de la Terreur. Angers,
Grassin, 1918. In-8° de 4? p. — F. Uzureau, Origines de la paroisse
Saint-Joseph d'Angers. Angers, Grassin, 1914. In-8° de 36 p. —
F. Uzureau, Les prêtres insermentés de la Mayenne (1792). Lille,
Desclée, 1914- In-8° de 11 p. — S. Viala, Les Volontaires des
Bouches-du-Rhône (i 791 -1792). Tome L Paris, Chapelot, 1918.
In-8° de 5ii p. ; 10 fr. — O. Vitense, Mecklenburg und die Meck-
lenburger in der grossen Zeil der Befreiungskriege iSi8-i8i5.
38o REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Neubrandenburg, Nahmmacher. Ia-8° de 2o3 p. ; 3 mk. 80. —
J. Vivielle, Le voyage du vaisseau « le Solide » autour du
monde (1790-1792). Paris, Chapelot, s. d. In-8° de 36 p., avec
carte. — Voltaire, Œuvres inédites, publiées par Fcrnand Caussy.
Tome I. Paris, Champion, igiA- In-8° ; 10 fr. — Henri Welschinger,
Tacite et Mirabeau. Paris, Emile-Paul, 1914- In-8'', avec fac-similé;
3 fr. 5o. — • J. Wisokopolsky, Zur Geschichte des Maximums; der
Preise wâhrend der Jalire 1793-1794. Berne, Spahr, 1912. In-8°
de 59 p. — Adolf Wohlwill, Neuere Geschichte der Freien und
, Hansestadt Hamburg, insbesondere von 1789 bis i8i5. Gotha,
Perthes. In-S" de .x-568 p. ; 9 mk.
PÉRIODIQUES
Akadémiai Ertesitô. — Août-septembre igi3 : Eugène Gyalo-
KAY, L'armée transylvaine à l'époque de l'irruption des Russes
(1849).
Âlbia christiana. — IX (1912) : L. Entraygdes, Jean-Marie de
Royère, évêque de Castres, pendant la Révolution (1789-1792) ;
A. Fabre, Rectifications et additions à la liste des prêtres déportés
du Tarn pondant la Révolution.
Alhambra (La) [Grenade]. — Avri/ igiS : Francisco de Paula
Valladar, De la Alhambra [les troupes françaises en garnison dans
ce château pendant la guerre d'Espagne]. — Juillet : Cantiago
CoLsoN, Una relaciôn de la batalla de Bailén de 18 de septiembre
de i8o8.
Alt-Arnstadt. — 1912, He/t 4 •' Planer, Bittschrift des Pfarrers
Kôhler zu Plane um Schadenersatz fur dcn Verlust den er 181 3
erlitten hatte.
Amateur d'autographes (L'). — Juillet 1918 : L'inhumation de
la princesse de Lamliallc ; Les royalistes et la Révolution [lettre du
cardinal de Boisgelin au maréchal de Castries, datée de Londres,
24 décembre 1799]; Robespierre jeune à Toulon [lettre d'Augustin
Robespierre k son frère Maximilien, datée d'OUioules, 28 frimaire
an II, et dans laquelle il raconte les combats du 26 frimaire] ;
Philippe-Egalité pendant sa détention à Marseille [lettre écrite par
Philippe-Égalité au mois de septembre 1798, pendant sa détention
au fort Saint-Jean, k une amie restée k Paris]. — Août-septembre :
Claude Perroud, Le vol du garde-meuble en 1792 [série de do-
cuments inédits lires des Papiers de Rosière]. — Octobre : Le
patriotisme de la mère du duc d'Enghien [mémoire justificatif de la
duchesse de Bourbon, mère du duc d'Enghien, écrit en 1798, et
dans lequel elle retrace sa conduite depuis 1789]; Le Directoire et
les étoffes anglaises [lettre d'invitation adressée par Talleyrand k
Sieyes, le 11 nivôse an VI, et dans laquelle il lui recommande de
s' « interdire tout habillement provenant de manufactures an-
382 REVUE HISTORIOIE DE LA RtVOLUTlON FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
glaises »] ; IManuel de l'amateur d'autographes (général baron
Lejeunc, convontionnel Lejeune, Lejosne).
Anjou historique (L'). — Juillet-ooùt igi3 : Sœur Cellier, supé-
lieure de l'Hôtel-Dieu d'Angers (17(59-1837); La manufacture de
toiles à voiles d'Angers et de Beaufort-en-Vallée (1789) [mémoire
adressé aux députés de l'Anjou à l'Assemblée constituante, le 24 dé-
cembre 1789, par un des propriétaires-entrepreneurs de cette manu-
facture] ; Treize ans de fêtes nationales et de cérémonies publiques
à Angers (i 790-1804); L'application de la Constitution civile du
clergé en Maine-et-Loire [détails tirés du Jour/ial du département
de Maine-et-Loire, organe de la Société des Amis de la Constitution
d'Angers] ; L'Assemblée législative et la municipalité d'Angers
[adresse de la municipalité d'Angers à l'Assemblée législative, le
12 août 1792]; Une guerre religieuse au dix-huitième siècle : la
Vendée; L'école secondaire de Saint-Julien, à Angers (1797-1913);
Pourquoi les Angevins demandaient un lycée (1802); L'enquête
gouvernementale sur le clergé du Saumurois (1802). — Septembre-
octobre : M. Pilastre, député de Maine-et-Loire (1752-1830) [né le
28 octobre 1752, membre de l'Assemblée constituante, de la Conven-
tion, du Conseil des Anciens, du Corps législatif et de la Chambre des
Députés, mort le 24 avril i83o] ; Pourquoi les Angevins demandaient
des Etats provinciaux (1788); Etat du clergé du diocèse d'Angers
en 1790 [extrait de VAlmunarh de la province d'Anjou pour l'année
jygo]; Les trois cantons d'Angers (1790-1913); Démolition de la
chapelle de la Vierge à l'abbaye de Bellefontaine (1791); La
Convention et la municipalité d'Angers [énumération et analyse des
adresses envoyées à la Convention par la municipalité d'Angers
depuis le 25 septembre 1792 jusqu'au i"^"^ juin 1795]; L'école
secondaire des Ursules, à Angers (1798-1817); Les paroisses du
diocèse d'Angers (1802-1905); Le duc d'Angoulême à Cholet
(G juillet i8i4); Le monument de Bonchamps à Saint-Florent-lo-
Vieil [inauguré le 11 juillet 1825]; Le clergé angevin et le gouver-
nement f 1834).
Annales de Bretagne. — Novembre igi3 : P. Hémon, La Révo-
lution en Bretagne. Notes et documents. Jacques Quéinnec. député
du Finistère à la Convention et aux Cinq-Cents (suite et lin en
janvier igii) [né le 28 mar.s 1735, Quéinnec fut élu député à la
Convention le 8 septembre 1792; son rôle y fut assez elTacé; il
protesta contre l'arrestation des Girondins, et fut lui-même arrêté
le 3 octobre 1798 ; remis en liberté le 18 frimaire an 111, il revint
siéger k-la Convention; son rôle au Conseil des Cinq-Cents ne fut
pas plus éclatant qu'il la Convention; il mourut le 2I') avril 1817];
PÉRIODIQUES 383
E. Sevestre, Le clergé breton en 1801, d'après les enquêtes préfec-
torales de l'an IX et l'an X conservées aux Archives nationales
(suite Qnjfini'ipr igi^).
Annales de la Société d'émulation de Bruges. — igi3 : A. van
ZuYLEN, Nos dociles peiulïinl la Ri''Volution française.
Annales de la Société royale d'archéologie de Bruxelles. —
ig'3. n° 1 : Cil. Pkkgamkni, Les fiHes révolulionuaires et l'esprit
pulilic bruxellois au déliut du régime frani;ais.
Annales des fêtes et cérémonies civiles. — III {lyiS), 33 : Z.,
Origine et signification du drapeau tricolore. — 34 : Victor Char-
BONNEL, La fête nationale du 10 août.
Annuaire de l'Ariége. — igi3 : E. Péli.ssier, Les ventes de
biens nationaux efl'ectuées dans le département de l'Ariége en exé-
cution de la loi du 18 ventôse an IV.
Apulia. — IV {igi3),Jasc. i-^ : Ida Ghisalberti, Le condizioni
generali del Napoletano e gli avvenimenti del 1848 in Terra
d'Otranto ricostruiti sui processi politici.
Archivio storico délia Calabria. — / {i<ji3), i : G. De Mayo,
L'insurrezione caiabrese dalhi l)attaglia di Maida aU'assedio di
Amantea. — 2 : G. De Mayo, L'assedio di Amantea (1806).
Archivio storico italiano. — 20 novembre igi3 : Roberto
Halmarocchi, l'rancesi e .Napolitani iiel 1799.
Archivio storico lombarde. — 10 novemôre igi3 : A. G.,
Napoleone e lo svincolo dei béni feudali in Lonibardia.
Argovia. — XXXV(igt3) : D" S. Heubercer, Albrecht Reng-
ger's (1764-1835) Briefwcchsel mit der aargauischen Regierung
wîlhrend des Wiener Kongresses.
Badisches Militàrvereinsblatt. — /fy/2 .• Zur Erinnerung an die
Taten und Lridcn der liadisclieii Truppeii iin russischen Foldzug,
1812.
Baltische Monatsschrift. — Juillet-août i<ji3 : P. Th. Falck,
Goethe und der Baron Apollonius von Maltitz.
Berichte iiber die Verhandlungen der kgl. Sàchsischen
Gesellschaft der Wissenschaflen zu Leipzig. — LXV(igi3), 2 :
Wilhelni Stieda, Die Kontincntalsperrc iii Sacliseu.
Biblioteka Warszawska. — Septcnibrc nji3 : S. Askenzy,
Bonaparte e( les Légions.
Boletin de la Sociedad Castellana de Excursiones [Valhi-
dolid]. — Novembre jg/2 : Pedro Berooui, Historia del Museo
nacional de piutura y escultura [fondé par le roi Joseph en 1809].
BoUettino storico pavese. — XII(igi2), 3-4 : G. Natali, Due
colleghi del Lornonaco a Pavia [G. B. de Veio et B. Galiauo, qui
3S4 REVUE HISTORIOL'E DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
furent les collèyues de Francesco Lomonaco à l'Ecole militaire de
Pavie en ifiof)]; G. Romano, Kclii Pavesi délia eampagna di Russia
del 1812.
Bulletin de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de
Clermont-Ferrand. — i(ji2 : Régis Cregut, Le soulier de Marie-
Antoinette à Rovat.
Bulletin de la Société archéologique, historique et artis-
tique « Le Vieux Papier ». — /"^ septembre lyiS :D'' C Barbaud,
Note sur les vêtements de Napoléon ; H. Vivarez, Lettres de soldats
du premier Empire; R. de Cisternes, Deux lettres du général
Desaix au général Oudinot ; D' H. \'oisin, Épisodes de la cam-
pagne d'Italie, i8i3-i8i4 (suite le i" novembre). — i" novembre :
Ct. (Ireste, Les billets de confiance émis pendant la Révolution;
D'^ H. Voisin, Un placement de l'empereur Napoléon !"■ ; H.
X'iVAHF.z. A pi-npos lie la mni'l de Lavnisier.
Bulletin de la Société des Amis du Vieil Arles. — IX{iqi2) :
Pierre \'éhan. La Ri''volulii)n dans Arles.
Bulletin de la Société des études littéraires, scientifiques
et artistiques du Lot. — A'A'AT// {t<ji2) : A. Combes, Analyse
des registres munie ipaux de la commune de Cahors tenus pendant
la Révolution; B. Paumes, La grande Peur en Quercv et en
Rouergue. — XXXVIfl (if/i3) : Abbé E. Sol, Le clergé du Lot
sous la terreur fruclidoiienne.
Bulletin de la Société des lettres, sciences et arts de
Bayonne. — J<Ji^ ■ Ch. Juneau, Le blocus de Rayonne, d'après
des documents inédits (i8i3-i8i4)-
Bulletin de la Société percheronne d'histoire et d'archéo-
logie. — A'// (/9/0). 3 : G. (-reste, Le papier-monnaie émis à
IMorlagne pendant la Révrilutidii.
Bulletin de la Société scientifique, historique et archéolo-
gique de la Corréze. — A'A'A'/r {igi2) : J. de Saint-Germain,
L'affaire Chignac des Ailleau (10 novembre 1790); Colonel Vermeil
de Coi'Chakd. Le général Martial Vachot (176.3-1813).
Calendrier héraldique vaudois. — nji4 •" Les armoiries
il'Augusle Piddu, 1704-1821 [président de l'Assemblée provisoire
en 1798, landamann du canton de Vaud en l8i5].
Carnet de la Sabretache. — Août igi3 : H. Defontaine, Le
colonel d'artillerie Chauveau (1778-1813) (suite en septembre);
Lettre du maréchal Davout, prince d'Eckmûhl, relative au général
de division comte Priant; Lettres adressées au général .Michaud
p;u- Moreau, Pichegrn et Mural. — Septembre : J. Durieux. Le
général Beyrand (i7t')8-i7()("i) ; Deux lettres de Bonaparte relatives
PÉRIOIJICJUES 3S5
au siègo do Toulon (1795). — Octobre : Campagnes et souvenirs de
Jean-Augusie Oyon (1783-1832) (suite en novembre); Lieutenant
CoRNiLLE, Le colonel Seguier (1777-1826); Lettres do campagne du
sergent-major Dumey, de la 8° demi-hrigade, et lettres qui lui
furent adressées (suite en novembre) ; 0. Hollandeh, Les drapeaux
des domi-brigades d'infanterie légère de la République italienne,
de 1802 à i8o5; Lettres adressées a la comtesse d'Harville, femme
du général, par Juvénal Corbineau, Constant Corbinoau, Durosnel
et Goullus, de 1792 à l'an VIII, et lettre adressée par elle-même
à Merlin do Douai; G. Cottreau, Garde du corps (1820-1880);
Capitaine de vaisseau Barthes, Rapport sur la prise du brick fran-
çais le Lodi, par le brick anglais Rancoon. sur la rade de Lesgano,
le 22 messidor an XL — Novembre : G. Cottreau, Lancier d'Oi-
léans (i83o); Lettres du général de Beurnonville.
Chronique médicale (La). — i" décembre igi3 : Le tempé-
rament lie M""^ de Sla(''l.
Contemporains (Les). — 7 décembre igi3 : F. Normand, Géné-
ral Rapp, aide de camp de Napoléon, pair de France (1771-
1821). — 1-4 décembre : K. Huon, Cardinal Caprara, légat du
Saiul-Sioge (r 733-1 8 10).
Correspondant (Le). — 20 juillet lyili : Frédéric Bahbey,
L'odyssée d'un ami de M™^ de Staël : Ferdinand Chrislin, d'après
des documents inédits (suite et fin le 10 août) ; Noël do Clazan,
Une ennemie de Napoléon : la duchesse d'Escars. ' — /o août :
Maine DE BiRAN, Lettres politiques inédites à M. Laine (1816-1818),
publiées avec un avant-propos et des notes par A. de La Valette-
Monbrun ; De Lanzac de Laborie, Les Bonaparte pendant la
première Restauration [d'après le tome X de Napoléon et sa Jamilte
par Frédéric Masson]. — 25 août : Duchesse iI'Angoulème, Sou-
venirs de 181D [manuscrit inédit des archives de Frohsdorf, publié
avec une introduction et des notes par François Laurcntiel;
Henri de Noussanne, L'aventure d'Alexandre Andryane, d'après ses
mémoires, sa correspondance, les lettres de sa famille et de ses
amis (suite et fin le 10 septembre); Cla\ide-Noel Desjoyeaux, La
bataille de Dresde (26 aoiît 181 3), d'après une lettre d'Hector
Perronc di San Martino. — ^5 septembre : Ingres, Lettres inédites
à M. Marcotte, publiées par Henry Lapauze (sui.te et fin le /o oc-
tobre) [lettres s'échelonnant de 1819 à i84i]. — /o octobre:
Edouard Gachot, Le drame de Leipzig [d'après des documents
inédits] ; Pouget de Saint-André, Le mariage de Dumouriez [le
mariage de Dumouriez avec M"' de Broissy ont lieu le i3 sep-
tembre 1774) les deux époux se séparèrent eu 1789, M™' Dumou-
REV. HIST. DE LA RÉVOL. 25
38C REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION' FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
riez mourut en 1807 et son mari u'on fut informé qu'en i8i4]- —
10 décembre : Armand Pranhel, Les souvenirs d'un émigré, d'après
des Mémoires inédits [ces souvenirs sont ceux du vicomte de Com-
bettes de Gaumon. doyen de la cour royale de Toulouse, qui
quitta la France en février 1791, voyagea en Europe et en Amé-
rique, rentra en France en 1802, et mourut à Toulouse le 24 fé-
vrier i855]; François Rousseau, Les faux billets de Napoléon I"
[la police secrète impériale organisa, en 1810, une fabrique de faux
billets de banque anglais et russes, qui était installée rue Saint-
Jacques, et qui cessa de fonctionner en i8i3]; Noël de Clazan,
Le tzar Alexandre I" et Metternich. — ■ 20 décembre : Gustave
Gautherot, Les destructions révolutionnaires dans les Palais du
Louvre, de Versailles et de Fontainebleau ; De Lanzag de Laborie,
Deux médecins militaires au temps des guerres napoléoniennes
[Lagneau et Rous].
Deutsch-Evangelisch. — IV {igi3) : Martin Lang, Deutsche
evangelisehe Fiiimmigkeit in den Freiheitskriegen ; Karl Aner,
Friedrich Nicolai, lySS-iSii ; Erich Knabe, Die Schlacht bei
Leipzig im religiosen Urteil ilirer Zeit.
Documents de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts
de Savoie. — ]7If( /gjo) : (JhanoinePiccARD, La Révolution on Cha-
liiais : Actes administratifs de la commune de Saint-Paul (i 792-1 798).
Elsàssische Kulturfragen. — // {igi2) : Robert Holtzmann,
l'ebir lias Dentschtiim im Elsass vor der Révolution.
Études. — 5 juin igi3 : P. Bernard, A la remorque de la
France. II : Tàme allemande et la réaction romantique.
Feuilles d'histoire. — /" septembre igi3 : T. de Lameth,
Notes sur les Souvenirs de la marquise de (^réquy (suite les 1" oc-
tobre, I" novembre et i" déceinb/'e); Cl. Perroud, André Cliénier
et Du]>ort-Dutertre ; E. Welvert, Lakanal au lycée Bonaparte
(suite le /" octobre); A. Dubois-Dilange, La carrière diplomatique
d'Alquier. — /='" octobre : A. Vovard, Le généralJacques de Carie ;
A. DuBois-DiLANGE, La radiation de Lafayettc de la liste des émi-
grés; L. Maurer, Le régiment de Prusse; \. Chuouet, Il y a cent
ans : i8i3; F. Lelorrain, Thuriot, président d'assassins; M. Cito-
LEU.K, Vigny, théoricien de la Révolution. — /" novembre : F. Le-
LORRAiN, Un conventionnel désabusé : Pérard ; G. V.^uthier, Edifices
et promenades de Paris, an Ill-aii VIll ; A. BiovÈs, i8i-3 : Souvenirs
du capitaine Maurice : le siège de Danlzig ; E. Welvert, André Du-
mont, fonctionnaire impérial ; A. de Tarlé, Ouelques documents.
— i" décembre : A.- Chuouet, La galerie des aristocrates militaires ;
R. GuYOT, Talleyrand et Lord Yarmouth ; Comm;mdaiit Minajvt,
PÉRIODIQUES 387
La brigade de cuirassiers saxons Von HoItzendorfF à la hataille
de Leipzig; G. Vauthier, Un Barbiste en i8i3-i8i4; E. Welvert,
Lettres d'exilés, 1816.
Figaro (Le), supplément littéraire. — 6 décembre igi3 : Augus-
tin TnncRRY, Gazetiers et journalistes d'autrefois : Prudhomme et
Loustalot. — i3 décembre : Boppe, L'Albanie et Napoléon l". —
ly Janvier igi^ : Marcelle Delà vigne, Le mariage de la princesse
de Lamballe ; Edouard Gachot, Mil huit cent quatorze. — 3 r Jan-
vier : Maurice Levaillant, Madame de Chateaubriand. — j février :
J. Galzy, Bernardin de Saint-Pierre, auteur dramatique.
Floréal. — Janvier i(}i4 ■ Gustave Rouanet, Robespierre.
France-Italie. — i" octobre igi3 : Guglielmo Ferrero, L'Italie
et la Révolution française [les idées de la Révolution française ont
toujours rencontré une grande résistance en Italie, et leur influence
a été très réduite] ; Jacques Rambaud, Les Italiens dans la cam-
pagne de Russie [le 4^ corps de la Grande Armée comprenait
29.000 Italiens, dont la plupart périrent dans la campagne de
Russie; en i8i3, l'Italie resta fidèle à Napoléon, et, au printemps
de cette année, les contingents italiens de la Grande Armée
s'élevaient k 80.000 hommes].
France médicale (La). — 5.5 décembre igi3 : F. Uzureau, Le
cours d'accouidienient à Angers (i 792-1807).
Geschichtsblàtter des deutschen Hugenottenvereins. —
XIV {igi2), 2 : L. Achard, Die franzôsisch- reformierte Gemeinde
zu Homburg v. d. Hôhe : Pfarrer Claude Louis Pache, 1779-
181A.
Heimatschutz. — VI/l(igr3), 12 : Beresina-Lied.
Intermédiaire des chercheurs et curieux. — 10 novembre
igi3 : Un Poincaré sous la Teneur (suite le /o décembre^; A
propos de Blûcher. Vulgum pecus (suite les 20 et 3o novembre et
10 décembre); Portrait moral de Joseph Fouché, ministre de la
police générale en 1802. — 20 novembre : Le tableau de David
« La mort de Michel Lepeletier » ; La condamnation de Louis XVI
et la franc-maçonnerie ; Prière pour l'Assemblée nationale ; La
comtesse Custine ; Le mariage de la fille de Louis XVI. — 10 dé-
cembre : Les prisonniers de Saint-Florent. Guerres de Vendée
(suite le 20 décembre) ; Les pages de Napoléon I", de Joséphine
et de Marie-Louise ; A propos de Laplace ; Metternich avec un
bracelet de cheveux. — 20 décembre : Louis XVII, sa mort au
Temple (documents inédits); Musée Waterloo à Londres. — 3o dé-
cembre : Voltaire et le Canada ; Livrée du roi Louis-Philippe ; Une
lettre de Voltaire.
388 REVIE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIKE
Internationale Monatsschrift. — Février igi^ : H. Glagau,
Xt'ur .Maile-Aiilniiiette Ijiiefo.
Internationale Sammler-Zeitung. — i" juin igi3 : Napoleo-
nica [estampes].
Italia [Turin]. — / {igi2), ir : F. M. Zandrino, Malo Jaros-
lavetz.
Jahrbuch der Grillparzergesellschaft. — A'A' {igia) : Drei
Briel'e voii Zediitz an Motteriiich.
Jahresbericht des Hagenauer Altertumvereins. — igis :
Heiiirich Lkmpfrid, Dit liageiiauer Kaiionikus Franz Kaspar Lemp-
frid, i7.'iii-i8oo.
Jahresbericht des Vereins zur Erhaltung der Altertûmer in
Weissenburg fiir das Jahr 1912. — Altorffer, Ans der Chronik
des jiinqeren Johann (iliristoph Selierer. 1789-1791).
Journal des Savants. — Décembre igi3 : H. Déherain, Les
actes du Directoire exécutif relatifs à l'Institut national, du 11 bru-
maire an i5 messidor an IV.
Jung-Baden. — / (igis) : Otto Fritz, Baden vor 100 Jahren ;
Die Badeiier an der Beresina am 28. Novemher 181 2.
Kôzgazdasàgi Szemle. — Octobre igiB : L. Camille Sipos,
Données pour servir à l'histoire de la littérature économique des
années i84o-i85o.
Légitimité (La). — Novembre igi3 : Bourbon contre Rochefort;
OsMOND, Réplique à M. Laurentie ; Faux Dauphin posthume; F. de
NioN, Le petit homme rouije du Louvre (octobre 1789). — Décem-
bre : \. BoNNARD, Procès et mort de Marie-.Antoinette (i5 et 16 oc-
tobre 1793).
Lettura [Milan]. — A'// (igi2), 12 : C. Civimm, Sulle orme
imperiaii nell' isola d'Ellja.
Magyar Figyelô. — 16 juin igiB : Jules Gesztesi, Un diplo-
mate honyrois dans la Révolution de Juillet [à propos de la publi-
cation des Mémoires du comte Rodolphe ,\ppon\i]. — 16 octobre :
Henri Marczali, Mirabeau. — 16 novembre : Ladislas Felekt, La
h)i de 1848 sur la pre.sse et la liberté de la presse.
Marches de l'Est (Les). — Septembre igi3 : Capitaine Blaison,
Le .sièi|e de Bell'orl en 1810 [trois rapports du général Lecourbe au
prince d'Eckmùhl. ministre de la Guerre, en juillet 181 5]. —
Octobre : Jules Patouillet, Les deux derniers jours de la vie de
Catherine II [extrait des Mémoires de Madame Narychkine, fille du
comte Rostoptchinej. — Décembre : Madame de Sabran au Ballon
d'.\lsàce [trois lettres de Madame de Saliran au chevalier de
Boufllers, datées des i". 2 et 3 septembre 1787]; Le barou Puton
PÉRIODIQUES 389
[né à Remiremont le 18 septembre 1779, le baron Puton prit part
aux guerres de la Révolution et de l'Empire, fut mis à la retraite
en 1816, et mourut le i3 mars i856|.
Mémoires de la Société académique du Nivernais. —
7 orne X\'I/ (igi3) : Octave Simonot, Etude morale sur Saint-Just
[étude consBiCvée k VOrgant de Saint-Just] ; Louis Gueneau, Note
sur quelques industries du Nivernais à la fin du dix-huitième siè-
cle ; Louis JoLivET, Le Jardin Botanique de Nevers (1793-1799).
Mercure de France. — /6 septembre iqi3 : Louis Péru de
Lacroix, Bolivar jugé par un officier de Napoléon [pages extraites
des notes laissées par Louis Péru de Lacroix, intitulées par lui
Journal de Bucaramanga, et pui)liées récemment]. — i^' noogmbre :
Jac(|ues Morland, Le dix-huilième siècle et la critique; Mario
ScHiFF, Mirabeau au donjon de Vincennes, à propos d'une lettre
inédite [lettre écrite à Vincennes, le 3o mai 1780]. — 16 novembre :
Grétry, Sur Diderot [fragment inédit des Réjlexions d'un solitaire
et publié par J.-G. Prodhomme]. — 16 décembre : François Prin-
GAULT, Restif de la Bretonne communiste [citations tirées des
œuvres de cet écrivain et qui montrent qu'il considérait le commu-
nisme comme « le meilleur des gouvernements, l'unique digne
d'hommes raisonnables »].
Montagsblatt ( Wissenschajtliche Beilage sur Magdeburger
Zeiluiig). — >gi2 : F. Andreae. Zur Kapitulation von Magdeburg
180G; H. JiiTTE, Der deutsche Vôlkerfrùhliug i8i3.
Nord und Sud. — Février igi4 •' E. !Merten, Napoléon auf Elba ;
Alfred MiiLLER, Das Vôlkersclilachldenkmal und seine Frieden-
symbole.
Nyugat. — 16 juin igi3 : Emeric Halasz, Ladislas Szalay : un
chapitre de l'histoire des relations hongroises et allemandes de i848.
Ortenau (Die). — ig'2> Heft 4 •' Hermann Waizenegger, Das
Gefecht um die Schwabenschanze auf dem Rossbûhl im Rahmen
der allgemeinen Kriegsereignisse des Jahres 1796 in Deutschland.
Paix (La) [Genève]. — V/(jgi3), 6 : W. Kohl, Napoléon à la
lumière du pacifisme.
Patria [Milan]. — II(igi3) 3 : A. Curti, Dal Niémen al Niémen
(1807-1812).
Pro Cultura [Trente]. — IV {igi3), 1-2 : P. Pedrotti, 11 ïrentino
alla vigilia dell' insurrezione tirolese del 1809.
Province du Maine (La). — Août igi3 : F. Uzureau, Rétracta-
tion d'un prêtre constitutionnel, 1796.
Quarterly Review. — CCXVIII (igi3) : G. K. Fortescue, La
Révolution française dans la littérature de l'époque.
'6r)0 UEvuK iiisiouiori: \>i: la iiKvoLrrioN fuançaise et de l'empire
Rassegna contemporanea. — V(i;/i2'), 7 ; G Tkavali, Viccnde
clio produsscro le riloiiiie coslituzionali del 1812. — 8 : L. Gappeiv
LETTi, L'itnpcnilrice -Maria Luiyia iiell' intimitk. — VJ (/fy/.?), 4 ■'
(j. TiiAVAi.i, La hanilicra délia repubblica italiana del 1802.
Rassegna nazionale TLa). — j6 nonembre ini3 : A. Poggiolini,
l-a Spezia iiel priiudo iiajirilrMuiico f ddia restaurazioni'.
Revista de Archivos, Bibliotecas y Museos. — Sam-nibre-dé-
cenihri' kji!' : Catriilli- I'jidi.i.et, Napoléon à \alladolid en 1809.
Révolution dans la Sarthe fLa). — Jcuwier-mars kjiS : Mau-
rice Jij.ssEi.iN, llelvrtiiis et Madame de Pompadour à propos du
livre et de rafluire De l' Esprit, d'aprfes des lettres inédites d'Helvé-
tius et du l'ère Plesse (1708-171)1); Louis Calendim, La famille et
le lieu d'origine de Lo\iis Courtillé, dit a Saint-Paul » [le fameux
chef chouan est né a Montreuil-on-Ghampagne, le aG février 1769].
— Avril-juin : Gustave Uudleu. Benjamin Constant, député de la
Sarthe (1819-18x2).
Révolution dans les Vosges (La). — /^rtr/77/7/.V .Albert Ohl,
Éphéniérides de la iîévolutinn à Saint-lJié (suite le 1 4 Juillet); E.
Richard, Bussaufj pendant la Révolution (suite le t// juillef) ; P. -M.
Favret, Inventaire de l'abbaye d'Etival [inventaire fait par la mu-
nicipalité de Viviers, le 17 mai 1790 et les jours suivants]. — i4 juil-
let : François Hessei-at, François (de Neufchàteau) jugé par un de
ses contemporains [e.vtrait des Mémoires inédits de F'rançois Hes-
.selat, qui fut [)ro['esseur au collège d'F^pinal de 1789 à 1791];
G. Lemasso.n, La loi du ma.vimum dans le district de Bruyères ; Léon
Schwah, Une lettre autographe de Fouquier-Tinville [lettre datée
du I" août 1793 et adressée au procureur général syndic du dépar-
tement des Vosges pour lui signifier un ordre de séquestre des biens
de Ji'an-Manrice Gollinet de La Salh'-Ghonville, condamné à mort
j)ar jugement du tribunal révolutionnaire] ; Discours prononcé au
Temple de l'Eternel, au Clerjus [par Glaude Liégerol, le 20 ther-
midor an II]; A. Ph., Les noms révolutionnaires des ()laces et rues
d'Epinal [arrêté du Gonscil général de la commune d'Epinal, en
date du 5 mai 1793].
Révolution de 1848 (La). — Septembre-octobre ij/iS : Léon
Di.RiEs, L'all'airr du n'^gent de rhétorique Gauivet au collège de Va-
iognes en 1849; Pierre Brau.n, L'exil épiscopal de M»' de Forbin-
Janson, évéque de Nancy ; Gustave Laure.nt, La campagne d'Algé-
rie et la Révolution de i848 (.souvenirs de Louis Beugé) (suite en
nooembre-décenibre) ; Lettres de et à LéonWALiiAS (suite en novem-
bre-décembre). — Novembre-décembre : Go.ssez, Les professions de
foi républicaines dans le département de la Seine-Inférieure pour
PÉRIODIQUES 3()I
les élections du 28 avril 1848; Abbé Uzureau, Les statues des gé-
néraux vendéens et le gouvernement de Juillet (iSSa).
Révolution française (La). — /4 novembre iqi3 : L. Dutil, Los
« Communes » en 1792 et le Comité central des sections de Toulouse ;
J. BouAULT, L'arrestation de Mesdames, tantes du Roi, à Arnay-le-
Duc ; D. Baud, Le parti libéral à Lyon de 1824 à 1827 ; A. Tuetey,
Un mémoire de Yerninac. — i^ décembre : R. Axchel, Les Jaco-
bins de Bretcuil ; E. Lévt, Les prénoms de l'an IL
Revue (La). — /"■ novembre iqi3 : E. Faguet, Femmes de 181 5 ;
Arthur Chuquet, Le commissaire Sicard. — i5 novembre : E. Fa-
guet, La jeunesse dorée sous Louis-Philippe.
Revue catholique d'Alsace. — Mai-août iyi3 : Lévy, L'aliéna-
tion et le dépouillrment des églises, ainsi que la profanation des ci-
metières, pendant la Grande Révolution ; La confiscation des pre.s-
bytères dans la Haute-Alsace pendant la Grande Révolution.
Revue catholique et royaliste. — 20 novembre igi3 : E. Cla-
veouin. Denis Diderot. — vo décembre : A. Grenel, Les origines
mai;c)nnii|ucs de la Révolution française.
Revue critique des idées et des livres (La). — 25 novembre
lyiS : Henri Rouzaud, Quelques libertés locales avant 178g [le ca-
nal de Languedoc, la mine de Rancié, la corporation toulousaine
des serruriers]. — 10 décembre : André M. de Poncheville, Delille
et les préludes de la sensibilité romantique; André Rostand, Les
origines de la conservation des monuments historiques [le premier
document officiel est le rapport présenté par Guizot en t83o, à la
suite duquel Vitet fut nommé inspecteur général des monuments
historiques]. — 10 janvier igi4 ■' Henri Rouzaud, Une capitale pro-
vinciale à la veille de la Révolution [Toulouse dans la seconde moi-
tié du dix-huitième siècle] ; Marcel Drouet, Les vœux et doléances
du Tiers Etat serlanais ; F. Renié, Napoléon et la Vendée.
Revue d'artillerie. — Novembre igi3: Chef d'escadron Romain,
Contribution à l'histoire de l'artillerie : La commission extraordi-
naire de l'an XI.
Revue de Bretagne. — Août igi3 : E. Galmiche, La poste aux
lettres dans le département des Côtes-du-Nord pendant la Révolu-
tion française.
Revue de Gomminges. — XXVH {igis) : J.Décap, Les députés
du Commiiiges aux Etats généraux de 1789.
Revue de l'histoire des colonies françaises. — Juillet-septem-
bre igiS : Baron Carra de \'aux, Documents sur la perte et la ré-
trocession de la Guyane française, 1809-1817.
Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise. — Août
392 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
iyi3 : J.-E. Engrand, Le chàleau de Maisons, de l'an V de la Répu-
blique jusqu'à nos jours; A. Terrade, Le Moïse de Chateaubriand
à Versailles et à l'Odéon en i834; C. Porquet, Le notarial versail-
lais pendant la Révolution ; R. du Lac, Un sous-préfet de Rambouillet
.sous la Restauration.
Revue de Normandie. — i3 septembre ii)i3 : E. Sevestre, Etudes
générales du dix-liuilième siècle et de la Révolution intéressant
l'histoire de la Normandie.
Revue de Paris (La). — i" septembre iqi3 : Général L.afaille,
Mémoires : L'Ecole de Mars (179^) (suite le i5 septembre). — i5 no-
vembre : C. Gévei, et J. Rabot, La censure tliéàtrale sous la Res-
tauration.
Revue des Deux-Mondes. — 1" août igi3 : Ernest Daudet, A tra-
vers de récents incuiuires. — 1" septembre : Emile Faguet, Le « char-
tisme », socialisme anglais de i83o-i848. — 1" novembre : P. de
Nolhac, Le jardin de Marie-Antoinette au Petit Triauon. — 1" dé-
cembre : Comte d'HAUssoNviLLE, Madame de Staël et Necker, d'a-
près leur correspondance inédite. — lô décembre : T. deWvzEWA,
L n amour du jeune Mozart.
Revue des études historiques. — Septembre-octobre igi3 :
Lefebvre de Réhaine, Les opérations do l'armée austro-bavaroise
au mois d'octobre i8i3 : l'attaque de Wurzburg; J. Harmand, Une
prophétie du seizième siècle sur la Révolution : le Liber mirabilis.
— Novembre-décembre : M. E., Une expérience d'aviation en Espa-
gne à la fin du dix-huitième siècle.
Revue des études napoléoniennes. — Sejitcinbrc lyio : E. Ga-
zes, Napoléon à Versailles et Trianon ; Edouard Driault. Tilsit ;
Louis Delavaud, Lettre de la princesse des Asturies a Madame de
Mandell ; Roger Peyre, Les événements artistiques de l'année
i8i3.
Revue des Français. — 20 Juillet iyi3 : IL Mazel, Le caractère
de Napoléon. — 20 septembre : L. Thomas, Napoléon au Conseil
d'Etat, — 3o septembre : Edmond Beaurepaire, Les logis de Dide-
rot. — 3o octobre : J, d'IvR.^Y, L'Egypte au temps de Bonaparte.
(suite les 10 et 20 novembre ). — 10 novembre : A. Arnyvelde,
Vieux papiers : la (|ueslioii de l'Opéra en i83o.
Revue des questions historiques. — /"Juillet iiji3 : P. Mon-
TARLOT, Un agent de la police secrète (1800-1817) : Je;in-Marie
François (suite le /"'^ oc^oire) ; Comte de Sérig.nan, Une carrière
militaire sous le premier Empire (1809-1813) : le lieutenant de
Boulin.' — i" octobre : C. Constantin, L'élection de l'évêque cons-
titutionnel de la Mcurlhe en 1791.
PÉRIODIQUES 898
Revue des sciences politiques. (uillet-août igi3 : 0. Festy,
Le mouvement ouvrier à F;iris en i84o (suite en septembre-octobre
et en novetnbre-déceinbre). — Septembre-octobre : A.-C. David,
La première bibliothèque du Conseil d'Etat (1800-1806).
Revue d'histoire. — Septembre igiS : A. L., L'œuvre militaire de
la Révolution (suite en octobre^; L. J., La campagne de 1794 dans
les Pays-Bas (suite en octobre'); A. G., Guerre de la Péninsule,
1807-1818. — Octobre : R. J., Campagne de i8r4 : les corps d'ob-
servation d'Oudinot et de Victor du 9 au i5 février.
Revue d'histoire de l'Église de France. — Septembre igi3 :
F.rnest .Vudaru. L'histoire religieuse de la Révolution française aux
Archives Vaticanes (suite et fin en novembre) [inventaire sommaire
des dossiers des archives du Vatican qui ont trait aux affaires de
France de 1789 à i8i5; ces documents sont répartis dans quatre
fonds principaux : 1° Secrétairerie d'Etat; a" Congrégation chargée
des affaires de France; 8° Œuvre pir de l'Hospitalité française;
4° Collection de mémoires relatifs à la persécution révolutionnaire;
les deux premiers de ces fonds présentent beaucoup de lacunes,
le troisième subsiste en entier, le quatrième a été entièrement
détruit].
Revue d'histoire de Lyon. — S/'/ttembre-octobre igi3 : A.
Croze, Les grands visiteurs des hôpitaux Ivonnais : Henri de
Prusse (1784). — Novembre-décembre : P. Ballaguy, La mission du
général Scriziat à Lvoii en juillet 1798.
Revue d'histoire diplomatique. — Octobre-décembre igi3 :
Baron de Méneval, Un grand seigneur de l'ancien régime aide de
camp de Napoléon I"^ [le général comte Louis de Narbonne, mi-
nistre do la Guerre à la fin du règne de Louis XVI, mort aide de
camp de l'empereur Napoléon, en 181 8, à Torgau].
Revue d'histoire ecclésiastique suisse. — VII(jgi3), 4 .Cata-
logue des prieurs et recteurs des Chartreuses de La Valsainte et de
La Part-Dieu [pour la Révolution et l'Empire : Bonaventure Cantor,
Bruno de Camaret, Hugues Tendon, Ambroise Pasquier, Romuald
Moissonnier].
Revue d'histoire économique et sociale. — V(igi2) : Charles
ScHMiDT, Une enquête sur la draperie à Sedan en i8o3 ; Edgard
Allix, L'œuvre économique de Germain Garnicr. 1 754-1821, tra-
ducteur d'Adam Smith et disciple de Cantillon. — VI(^igi3') : Mar-
quis de Mirabeau, Bref état des moyens pour la restauration de
l'autorité du Roi et de ses finances, avec des notes de François
Quesnay (publié par G. Weulersse).
Revue d'histoire moderne et contemporaine. — Jaillet-aoùt
394 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
i<ji3 : H. Sée. La proprictr rurale en France au dix-huitième siè-
cle, d'après les travaux de M. Luutchisky. — Septembre-octobre :
P. Muret, Une conceplioa nouvelle de la politique étrangère de
Napoléon I=^
Revue du Foyer. — i" novembre igi3 : G. Lacour-Gatet, Un
Régime qui se laeuit, une Révolution qui se prépare (1715-1774)-
Revue du génie. - Octobre igi3 : Général Gamqn, La fortifi-
cation dans la guerre napoléonienne.
Revue du Midi. — i5 Juillet igiS : M. Fabre, Le culte de la
Raison et. le culte de l'Etre Suprême à Uzès en 1794 <^t 1796 (suite
le i5 août). — i5 octobre : E. Peyron, Un document peu connu :
Remontrances du Parlement de Paris au roi Louis XVI, au sujet de
1' « affaire protestante ». — ;5 novembre : M. Fabre, Le secret de
Madame Roland.
Revue du Mois (La). — 10 novembre /gi3 : J. Charpentier,
Diderot et la science de son temps.
Revue du Nord. — Août igi3 : G. Lefebvre, La Société popu-
laire de Bourbourg (suite et fin en novembre) ; J. Barennes, Un
ilocunieut sur les troubles survenus en 1789 à Ai re-sur-1 a-Lys.
Revue du socialisme rationneL — Octobre igi3 : Octave Ber-
ger. A propos de Nicolas Rergasse et de la question de la souve-
raineté.
Revue du traditionnisme français et étranger. — Septembre
i<)i3 : J. .Martin, La luire .Saint- Lazare en 1789 à Marseille.
Revue française (La). — i3 septembre igi3 : L. Madelin, La
Révolution. La Réaction : Bonaparte; P. Vergnet. Un souffleur de
Mirabeau. — - ig octobre : Funck-Brentano, Marat (suite le 36 oc-
tobre). — 2 novembre : H. Pacory, Les générau.v de Napoléon en
181."?. — 16 novembre : A. Bellessort, Camille Desmoulins.
Revue générale. — Juillet igi3 : C. Woeste, Lamennais et le
Saint-Siège.
Revue germanique. — /A' {igi3), 5 : E. Seillière. Les éléments
romantiques dans l'ieuvre de Goethe depuis 178O.
Revue hebdomadaire (La). — 5 juillet igi3 : Journal d'une re-
ligieuse anglaise pendant la Révolution, publié par Georges Daumet
(fin le 12 juillet) [cette religieuse appartenait au monastère béné-
dictin de Notre-Dame de Bonne-Espérance, l'un des trois couvents
anglais de femmes qui existaient alors à Paris ; le récit qu'elle a
laissé va du mois de mai 1789 au mois de juillet 1795, époque à
laquelle la communauté put regagner l'Angleterre]. — g août :
Pauline (jueuble. Récit de ses aventures en Russie et en Sibérie
(1821-1827), publié par M"" .\. Flori (suite les 16, 23, 3oaoût, 6 et
PÉRIODIQUES 3g5
i3 aeplembré). — 4 octobre : Georges Fonsegrive, Diderot. — //
octobre : Geoffroy de Grandmaison, Le siège de Pampelune (i8i3).
— 25 octobre : Henri Welschinger, Louis XVIII k Gaiid pendant
les Cent-Jours. — S novembre : 'De Lanzac de Laborie, L'année
i8i4 [l'auteur conclut que « i8i4, c'est la fin de l'aristocratie ad-
ministrative qui avait régi la France durant des siècles, c'est le
terme aussi du rêve glorieux et dangereux d'hégémonie française
en Europe, c'est l'échec des aspirations vers les frontières natu-
relles; dans l'ordre politique, cette date vaut, comme importance,
1848 dans l'ordre social »]. — 22 novembre .• Gustave et Edmond
Hue, La Restauration, ses fidèles, ses adversaires, d'après la cor-
respondance et les notes inédites d'un royaliste (suite et fin le
2g novembre) [série de lettres et documents qui s'échelonnent entre
le 28 octobre i8i4 et le mois de mai 1826]. — 6 décembre : Louis
Madelin, Le centenaire de i8i4 : L L'invasion. — i3 décembre :
G. Lacour-Gayet, Le centenaire de i8i4 : IL La campagne de
France; André Bellessort, Le centenaire de i8i4 : HL Bernardin
de Saint-Pierre. — 20 décembre : Henri Welschinger, Le cente-
naire de i8i4 : IV. L'abdication. — 57 décembre : Henry Cochin,
Le centenaire de i8i4 '• V. Lamartine à vingt-cinq ans; André
Chaumeix, Le centenaire de 181 4 : Les débuts de Stendhal.
Revue historique. — Janvier-février iyi4 ■' Pierre Foncin, Re-
marques sur la généalogie des Turgot ; Ch. Sghjhdt, Sismondi et
le blocus continental [Sismondi rédigea, au mois de novembre 1810,
le mémoire que la Chambre de commerce de Genève envoya à Mon-
talivet pour protester énergiquement contre l'adoption d'un nouvel
itinéraire qui faisait passer par la Macédoine, la Bosnie, l'Illyrie
el l'Italie les marchandises venant du Levant].
Revue historique de Bordeaux. — Juillet-août ryi3 : J. Rambaud,
Le premier préfet de la Gironde ; Th. Amtmann, Les impressions
d'un Hollandais à Bordeaux en i8i4- — Septembre-octobre : P.
Caraman, Le journal d'un curé de campagne, 1763-1792 ; R.
Brouillard, Un cahier de doléances de vieilles filles aux Etats gé-
néraux de 178g.
Revue historique et archéologique du Béarn et du pays bas-
que. — Septembre i(ji3 : L. Batcave, Les gardes d'honneur des
Basses-Pyrénées en i8i3. — Octobre : J. Annat, Le clergé de la
Révolution dans le diocèse de Lescar.
Revue internationale des sociétés secrètes. — 5 octobre
i(ji3 : L. Grasilier, Index documentaire maçonnique. Documents
anciens. Un faux chevalier de Malte. Templier franc-maçon, 1807-
SgC REVUE HISTORIQUE DE LA névOLUTION FRANÇAISE ET DE l' EMPIRE
Revue militaire suisse. — Xovemhre igi3 : Colonel Cha vannes,
Les services de l'arrière k la Grande Année en 1806-1807.
Revue napoléonienne. — Octobre-di'cembre i(ji2 .• Ernest Judkt,
La Russie, la France et l'Europe, 1812-1912; Alfred Rambaud,
Français et Russes ; Freilierr Otto Stockhorner von Starein, Wer
hat den Brand von Moskau 181 2 veranlasst? Maurice Du.molin, La
campagne de 1812; Albert Lu.mbroso, Notes de bibliographie na-
poléonienne (campagne de 181 2); Karl Bleibtreu, Allgemeine Be-
trachtungen ûber 1812 ; S.Podoljanyn. Napoléon I und die Ukraine;
Maurice Ternaux-Compans, Schwardino (5 septembre 181 2); Géné-
ral Opper.mann. Un documejit russe sur la campagne de 18 12 [do-
cument dalé du i4 novembre 1812, tiré des papiers du général
Louis Gianotti, et publié par le lieutenant-colonel Giiiseppe Ferra-
ri]. — Janvier igi3 : Camille Pitollet, Notes d'histoire napoléo-
nienne [A propos de « Bonaparte à Auxonne», Sur quelques super-
cheries des historiens de Napoléon] ; Notules napoléoniennes ; Louis
Madelin, Silvain Larregu}' de Civrieux. — Jùhirier : Napoléons
Riickkehr von Elba (181 5) [lettres du comte de Goltz. datées Je
mars i8i5, et publiées par Julius von Pflugk-Harttung] ; Frédéric
Masson, Le Premier Consul et l'organisation de l'Institut (1802) ;
Joachiin Kl:hn. Deutsche Steiidhal-Erinnerungen ; Nelsoniana.
Revue pédagogique. — LX/fl (igiS^, g : M. Pellisso.x, Diderot
et .sa iille. — 12 : Louis Bahtmoi', Diderot et son anivre.
Revue politique et littéraire (Revue bleue). — 3o août igiH :
Alph. Roux, La défense de La Châtre (1789). — 20 septembre : E.
Gabory, Bonaparte et l'allaire de Noirmoutier. — /(V octobre : J.
REiNACH.Ôueiqui's lettres de.Miralieau à ses commettants (1790-1 791).
Revue pratique d'apologétique. — i" septembre igi3 : G. Gaii-
therot, Démolitions révolutionnaires. — 1" novembre : i . Guiraud,
Diderot, k propos de la célébration de son centenaire.
Revue suisse de numismatique. — XIX{igi3), 1 : R. Vallen-
tin du tait.YLARD, Notes sur quelques médailles provençales et sur
de faux louis de Louis WIl.
Rivista di storia e d'arte délia provincia di Alessandria. —
XXn ( igi3) ; A. F. Thucco, Francia e Piemonte ne! 1791).
Rivista d'Italia. — lï novembre igi3 : G. Bustico, l'n letterato
del perioild na[)oleonico.
Rivista storica del risorgimento italiano. ^ Vt{igi3). 2 : A.
GiULiM, Una vitlima délia cainpagna di Russia [.\ntonio (îiulini,
mort pendant la retraite de Russie en 1812].
Rivista storica salentina. — 17/ {igis), 10-12 : P. Palu.mbo,
P. L. Courier ai tempi delT occupazione francese (i8o4-i8o6).
PÉKIODIQUES 897
Schweiz(Die) [Zurich]. — XVII(^i<ji3),n''^ 20 et 21 : JosiBrunner,
Briofe eines Schweizers [Jacob StreifT] ùber die Schlacht bei Leipzig.
Semaine littéraire (La) [Paris]. — 14 septembre igi3 : A. de
Tarlé, Un (''pisode des mas<!acre.s de septembre : l'assassinat du
duc de La Bochefoucauld k Gisors. — 28 septembre : H. Roos, La
bataille de Borodino racontée par un Wurtembergeois. — /;? oc-
tobre : P. Gaulot. Les débuts de la dette publique en France. —
ff novembre : A. de Tarlé, Le 18 brumaire et l'armée (9-10 novem-
bre 1799). — 21 décembre : G. Aubray, Un musée de la Terreur
en Touraine. — 28 décembre : G. Montorgueil, Le Premier Jan-
vier il y a cent ans.
Société de l'histoire du protestantisme français. Bulletin. —
Novembre-décembre igi3 : A. Atger, Avant et après la Révolution
à Bernis (Extraits de l'état civil) ; Reuss, Les protestants de la
Drôme et le préfet M. L. Descorches, i8oi-i8o3.
Société d'émulation de la Vendée. Bulletin périodique. —
iyi3, i'^' fascicule : La dernière prise d'armes en Vendée (1882)
[trois documents sur les affaires du Chêne et de la Pénissière] ;
Capitaine Duvic, Recrutement en Vendée et historique de toutes les
unités formées dans ce département avant et pendant la période ré-
volutionnaire (suite dans le 2* fascicule") [forces militaires et de police
e.vistant dans le département de la Vendée au i" janvier 1789, or-
ganisation des gardes nationales, organisation des bataillons de vo-
lontaires nationaux, la première réquisition et ses conséquences, for-
mations diverses, levée en masse]. — 2" Jascicule : Abbé P. Boutin,
Documents pour servir à l'histoire de la Révolution en Vendée : Les
douze serments demandés aux prêtres par la Révolution [de 1789
à i8(.2, la Révolution n'a pas décrété moins de douze formules
différentes de serments : la première le 4 lévrier 1790, la deuxième
le 27 novembre 1790, la troisième le 29 novembre 1791, la qua-
trième le 10 août 1792, la cinquième le 11 prairial an II, la sixième
le 7 vendémiaire an IV, la septième le 3o ventôse an V, la huitième
le 19 fructidor an V, la neuvième le 12 thermidor an Vil, la dixième
le 25 brumaire an VIII, la onzième le 7 nivôse an VIII, la douzième,
celle du Concordat, le 8 avril 1802]; Eug. Remaud, Pages d'histoire
sablaise : Un bourgeois de La Chaume au dix-huitième siècle
(André Collinet, 1729-180G).
Société des antiquaires de la Morinie. Bulletin historique.
— igi3, 3' fascicule : Glianoine Bled, Notes sur D. Joscio Dal-
lennes, dernier abbé de Saint-Bertin [né à Aire en 1780, mort k
Nemours le 9 août 1808]. — 4' Jascicule : Voyage de Saint-Pol à
Saint-Omer, de H. Goudemetz, prêtre (septembre 1779).
3f)8 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Société lorraine des études locales dans l'enseignement public.
Section des Vosges. — Juillet i<ji3 : E. (Iolnel, Une famine au
^'al (r.Vjol au dix-neuvième siècls [en i8i5-i8i6].
Streffleurs militârische Zeitung. — LIV {igi3) : A. Veltzé.
Ueber die Tage von Jena 1806, von Friedrich von Gentz.
Tridentum. — AYl" {igia), 5-6 : E. Be.nve.nuti, Il conte Tito
Bassetti e la .sua attivita patriottica.
Tùrmer (Der). — XVI {rgiS), 1 : Ed. Heyck, iJiderot; Egidi,
Die Fieiheitskiie(|e ini Spiegei der Musik.
Ueber Land und Meer. — CXI{igi3), 3 : Karl Bleibtreu, Die
A'ùikerschlaclit bei Leipzig.
Ungarische Rundschau. — /f(igr3), 4 ■' I- Peisner. Gral'Stephan
Széchenvi in iler Vulkeischlacht.
Urania. — Novembre igi3 : Alexandre Katù, A propos de
l'anniversaire de la bataille de Leipzig (i8i3); Joseph Nagt, La
genèse de l'esprit du di.x-huitième siècle en France.
Vie (La). — 26 octobre igi3 : Jacques Reboul, Un héros de
181 3 : le maréchal Poniatowski.
Vie ouvrière (La). — U(/5»/.î) : James Guillaume, Lettre à Fer-
dinand Buisson [sur l'idéal pédagogique de la Révolution].
Wissen und Leben. — 17/ (igi3), i : A. Guilland, Rousseau
et les femmes. — 2 : Michel Epur, Menues réflexions à propos du
bicentenaire de Diderot.
Zeiten und Vôlker. — Septembre igi3 : D' Eduard Vehse.
Fûrst Karl Pliilipp von Wrede, die Befreiungskriege und der Kon-
gre.ss zu Wien ; Franz Karl Becker, Gadebusch, 26. August i8i3.
— - Octobre : Paul Holzhausen, Die Truppen der Rheinbundstaaten
in der Grosseu Armée des Jahres i8i3 ; H. Prehx v. Dewitz.
Ludwigs XVI. Flucht; Sammeln von Helmen aus den Befreiung.s-
kriegen.
CHRONIQUE
A travers les journaux. — Parmi les articles d'histoire publiés,
au cours de ces derniers mois (du i" décembre 191 3 au i^' mars
1914)» par les journaux quotidiens, nous relevons les titres sui-
vants :
Napoléon et l'Ilalie. par M. P. Gilbert, dans l'Action française
du 28 décembre ; Emigrés et républicains, par M. Léon de Montes-
quiou (ibid., 5 janvier); Les Volontaires de <j2, par M. Léon de
Montesquiou (/A/J., 12 janvier); Louis A'V7, par M. Léon de Mon-
tesquiou (ibid., 18 janvier); Les Bourbons et l'étranger en i8i4,
par M. L. Beaujeu (ibid., 12 février); Napoléon et ses lieutenants,
par M. Léon de Montesquiou (jbid., 28 février); A quoi pensaient
nos vainqueurs de i8i/f, par M. L. Beaujeu (ibid., 2Ô février);
i8i3. Napoléon contre l'Europe, par M. Edouard Gachot, dans
l'Autorité du 28 décembre ;
L'agonie de Marie-Antoinette, par M. Gustave Gautherot, dans
la Croijc des 11-12, 18-19 et 25-2G janvier ; La Bretagne pendant
la Révolution, par M. l'abbé L. Cristiani (ibid., 1 5 janvier);
Napoléon I" et l'Albanie, par M. Frédéric Masson, dans l'Echo
de Paris du 17 décembre; Cofjinhal, par M. Charles Foley ((T'/of.,
6 janvier); Marie-Catherine Pusela (iyg3), par M. Charles Foley
(ibid., 28 janvier); Dumas le rouge (président du Tribunal révolu-
tionnaire), par M. Charles Foley (ibid., 10 février); La charge de
Montereau [campagne de France, 181 4], par M. le baron André de
Maricourt (ibid., i3 février); Les lettres de Marie-Antoinette ù
Fersen, par M. le vicomte de Reiset (ibid., 20 février);
Die neuen Stein-Dokumente (1806-1808), dans la Frankjurter
Zeitang du 19 décembre; De.r Freiherr von Stein und die Reform
des preussischen Stantes, par M. F. Rachfahl (ibid., /| janvier); Die
Wiederherstellung der Bepublik Genf : 3i. Dezember i8i3, par
M. Félix Falk (ibid., 5 janvier);
Marie-Antoinette archiduchesse, de Schœnbrunn ù Versadles,
400 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIHE
par M. C. Boringe, dans le Gaulois du i3 décembre; Le comte de
Mirabeau, par M. Frédéric Massoii (ibid., i5 décembre); La nuit
de Noël i/g2, par M. Valère Fanet (ibid., 28 décembre) ; Une messe
de minuit en campagne {2:1 décembre /812), par M. C. Vergniol
(ibid., 27 décembre); Napoléon et les Alliés sur le Rhin, par
M. Frédéric Masson (Jbid., 3i décembre); Un peu d'inédit sur le
21 janvier lygS, par IM. Valère Fanet (ibid., 19 janvier); Nos
grandes Ecoles en i8i4, par M. le général Zurlindeu (ibid, 28 jan-
vier) ; Un préfet de Napoléon : Chicoilet de Corbigny, par M. Fré-
déric Masson (ibid., 8 février); Napoléon en 18 14, par M. le géné-
ral Bonnal (ibid., 12 février);
Un général de l'an II [Charles Serizial], par M. Graville, dans
kl Gazette de France du 5 décembre ; Florinn révolutionnaire, par
M. G. Malet (ibid., 29 décembre); L'échafaud du 21 janvier, par
M. G. de Céli (ibid., 22 janvier); Deux Martyres, i" Jévrier ijgi,
par M"^ la comtesse de Courson (ibid., \" février) ;
La Police secrète sous l'Empire et la Restauration, par M. le
comte de Sérignan, dans la Gazette de Lausanne du i" février;
L'Angleterre et la Révolution française, d'après un manuscrit
inédit de François d'Ivernois [communication de IM. Otto Karmin
à l'Institut national genevois], dans le Genevois du 19 décembre ;
La nuit de Noël en i'jg2, par M. Henri Welschinger, dans le
Jonrncd des Débats du 26 décembre ; Robespierre, par M. A. Albert-
Petit (ibid., -2.1 décembre); La Justice en France pendant la Révo-
lution (lyyi-iygS), par M. J. D. (ibid., 12 jans'ier); Lettre inédite
de Marie- Antoinette, par M. Cartailhac (ibid., 19 février);
Un colonel de chouans [Jean Biget], par M. Edouard Drumont,
dans la Libre Parole du 2 décembre ; Napoléon en Allemagne,
par M. Edouard Gacliot (ibid., 3 janvier) ;
La campagne de France (Montniirad, Montereau, février i8i4),
par M. le colonel X., dans le Petit Journal du 16 février;
i8/3-j8i4, par M. Ernest Daudet, dans le Petit Marseillais du
22 décembre; Philippe-Egalité, par M. Paul Bosq (ibid., 29 dé-
cembre) ; La campagne de France, janvier-avril i8i4, par M. L.
Buffin (ibid., 5 février); L'empereur Alexandre I" de Russie, par
M. Ernest Daudet (ibid., il\ février);
Il y a cent ans (28 décembre i8i3-i" janvier iSi4). par M. Oscar
Havard, dans le Soleil du 3o décembre; M. Aulard et les docu-
ments révolutionnaires, par 'SI. Oscar Havard (ibid., 20 janvier);
Charette, par M. F. V'euillot (ibid., 28 janvier); Napoléon /"jour-
naliste, par M. J. Manlenay (ibid., 11 février); Une lettre inédite
de Marie-Antoinette, par M. R. du V. (ibid., 19 février);
CHRONIQUE ^OI
La blessure de Robespierre, par .M. G. M., dans le Soleil du
Midi du 2 janvier ;
Bonaparte à Ancône, par M. le général de Lacroix, dans le
Temps du i5 décembre; La vie privée de Talleyrand, par M. A.
Mézières (Jbid., 28 décembre) ; Un député d'autrefois [Jacques
Queinnec], par M. G. Lenôtre (ibid., 12 février); Mirabeau à
Londres devant le Juge d'Old Daileij, par M. Dauphin Meunier
(ibid., 26 février);
3i décembre i8i3 [évacuation de Genève par les Français et res-
tauration de la République genevoise], par M. Ë. Willv, dans la
Tribune de Genève du 18 décembre ; Les Alliés en Suisse, 2i-3i dé-
cembre i8i3, par M. R. C. {ibid., 28 décembre); Le passage des
Autrichiens à Lausanne, décembre 18 13, par M. H. Thélin {ibid.,
et même date); Les Autrichiens à Neuchdtel, décembre 18 13, par
M. de Tribolet (ibid., 24 et 20 décembre); Comment Genève rentra
en possession de ses canons (i8i4), par M. John (Joindet (ibid.,
27 décembre) ;
Les régicides aux genoux des rois, par M. Gustave Gautherot,
dans l'Univers des i"' et 2 décembre; L'affaire des dragées de
Verdun (ijg2), par M. H. G. Fromm (ibid., 7 décembre); La Pa-
tronne de la France et les sans-culottes, par M. Gustave Gautherot
(ibid., 1 4 janvier); La mort de Louis XVI racontée par ses bour-
reaux, par M. Gustave Gautherot («^/c/., 19-20 janvier) ; Napoléon
et Gœthe, par M. H. G. Fromm (ibid., i" février); i8i4: le Pape,
l'Empereur, la Nation, par M. Gustave Gautherot (ibid., 2-8 fé-
vrier) ; La « Langue révolutionnaire » et ses mensonges, par M. Gus-
tave Gautherot (ibid., g-io février); Marie-Antoinette et le Père
Duchesne, par M. Saint-Roman (ibid., 1 1 février) ; La carte à payer
présentée à Lunéville à la seconde coalition, par M. H. G. Fromm
(ibid., i5 février); Marie-Antoinette et l'étranger, par M. Saint-
Roman (ibid., 18 févi'ier); Le conventionnel Joseph Becker, par
M. H. G. Fromm (ibid., 22 février); Marie-Antoinette et la Com-
mune de Paris, par M. Saint-Roman (ibid., 23 février).
A la Société d'histoire de la Révolution de 1848. — Dans son
assemblée çjénérale ilu mois de février dernier, la Société d'histoire
de la Révolution de i848 a élu pour président notre collaborateur
et ami H. Monin, professeur d'histoire au Collège Rollin. Nul
témoignage d'estime et de sympathie n'était mieux mérité que
celui qui va ainsi à l'auteur de tant de travaux historiques si con-
sciencieux, si méthodiques et si sûrs, et nous nous joignons k ses
nombreux amis pour lui adresser ici nos cordiales félicitations.
402 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Une lettre inédite de Marie-Antoinette à la princesse de
Lamballe. — iM. Emile Cartailhar, directeur des Musées de Tou-
louse, a communiqué au Journal des Débais le texte d'une lettre
inédite de Marie-Antoinette cà la princesse de Lamballe, que ce
journal a publié dans son numéro du 19 février igiA- Dans les
commentaires qui accompagnent ce texte, M. Cartailhac raconte
qu'une famille anglaise ayant récemment visité le Musée de Tou-
louse, et désirant être agréable au directeur, lui envoya, le 5 jan-
vier dernier, un lot de papiers qui provenaient de parents d'origine
toulousaine. « On comprendra mon émotion, ajoute M. Cartailhac,
lorsque je vis que ce petit dossier, très gracieusement offert par
M. Georges-F. Engelbach, comprenait une lettre autographe et
signée de la reine ÎNIarie-Antoi nette adressée à la princesse de Lam-
balle. Avant d'immobiliser ce document dans nos vitrines, j'ai prié
MM. Gaultier, Courteault et Viard, de nos Archives nationales,
M. Dcslandres, de la Bibliothèque de l'Arsenal, M. Girodie, de la
Bibliothèque Doucet, de vouloir bien m'aider à l'étudier. Ils ont été
unanimes k en souligner la valeur. » Cette lettre est ainsi conçue :
Ce 3i juillet.
Votre lettre m'a fait un bien vif plaisir, ma chère Lamballe, elle était
aimable comme vous, mon cœur, et ma tendre amitié y répond, croyez-le
bien, comme vous le méritez. Mais ne revenez pas encore, il y a eu du
train et les routes ne sont pas encore assez sures. La détermination que
vous avez prise est la plus sage, toute autre serait inutile et dangereuse.
J'ai déjà trop de mes propres périls sans y joindre encore ceu.\ de mes
amis. Je ne cesserai de vous répéter que j'aime à être tranquille sur tout
ce qui m'intéresse. Je suis donc reconnaissante envers M. de Penthièvre
pour le conseil qu'il vous a donné. Soyez assurée que mon cœur est avec
vous.
Mon mari se porte bien, il est fort calme, son courage vient de Dieu,
mes enfants sont bien portants, adieu je vous embrasse comme je vous
aime.
Mai\ie-Antoinette.
Après avoir cité ce texte, M. Cartailhac l'éclairé de quelques
explications. « Cette lettre, dit-il, est datée du 3i juillet; il semble
certain qu'elle est de 1791, succédant à celle que la reine avait
écrite le 29 juin, et qui appartient k la collection d'Alfred Morrison
(p. 198, vol. IV du catalogue). La princesse était partie pour l'An-
gleterre le 20 juin, mais elle ne s'y arrêta point. Elle quittait
CHRONIQUE 4o3
Douvres le 24, traversait OstenJe le 2G. Du ii juillet au 18 août,
elle séjourne à Aix-la-Chapelle, reçoit le i4 octobre une nouvelle
lettre de son amie k laquelle elle pardonne de lui avoir caché le
projet de fuite et se décide à la rejoindre ; mais elle pressent le sort
qui l'attend, fait son testament le 1 5 et rentre en France. La lettre
de la reine, du 3i juillet, ne put donc joindre la princesse en Angle-
terre; elle resta aux mains de celui à qui la reine l'avait confiée, et
il est fort probable que c'était le chevalier de Rabaudj' (Pierre-
Nicolas), marié en Angleterre, qui l'avait pieusement conservée et
transmise à son fils Pierre de Rabaudy, décédé consul de France,
officier de la Légion d'honneur, à Southampton, en 1898, parrain
de M. G. -F. Engelbach. La lettre est signée, ce qui est excep-
tionnel ; celles que Marie-Antoinette écrivait à son père et que con-
servent nos Archives nationales ne le sont pas ; mais les papiers,
sans avoir le même filigrane, ont le même petit format, la même
apparence très simple. »
Deux lettres inédites de l'impératrice Joséphine. — Au cours
d'un article consacré à la Malmaison, dans le Temps du 5 janvier
1914, M. Raoul Aubry a publié deux lettres inédites de Joséphine
Bonaparte relatives à l'achat de cette propriété. Ces deux lettres,
qui contiennent d'intéressants détails sur les pourparlers d'achat,
ont été données récemment à M. Jean Ajalbert, conservateur de la
Malmaison, par M. Henri Parquez, descendant du général ami de
Joséphine. Voici le texte de la première :
Paris, 27 ventôse, an VII de la République française.
Je vous prie, mon cher voisin, de me faire sçavoir le plutost que vous
pourrez les intentions définitives de M™' de MoUey', parce que je suis
informée d'une manière très positive que, malgré que votre négociation
soit très avancée, elle est aussi sur le point de traiter avec un tiers. Mon
dernier mot que je prononce d'après votre avis et les renseignements que
vous m'avez procurés est de trois cent clLr mille francs, tout compris et
les clefs à la main. Je crois fermement ne pas devoir en donner davantage
et comme je suis pressée de terminer d'une manière ou d'une autre, il me
tarde de savoir si cet ultimatum est accepte par M^^ de MoUey, parce
que autrement je tournerai mes vues vers les objets qu'on me présente.
Il me reste, mon cher voisin, à vous remercier de toutes les peines que je
vous ai données.
I. La propriétaire de la Malniaison.
4o4 REWE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Mais vous m'avez tellement (|àtée sur cet article que j'ose à peine vous
en demander des excuses et que je me borne à vous réitérer l'expression
de mon bien sincère attacliemcnt.
Lapagerie Bonaparte
La seconde lettre annonce, quelques jours après, la conclusion
de l'affaire. La voici :
jVIme Bonaparte fait mille compliments à son cher voisin; pendant son
voyage, elle a vu M"« de Molley, et comme elle était déjà dépourvue de
son tuteur, elle a tranché la difficulté en convenant à 825.000 francs ; il y
a rendez-vous pris aujourd'hui à midy chez M^s de Molley où se trouvera
.M. Ragucdeau, notaire. M. Chauvrier serait bien aimable de passer un
peu avant rue de la Victoire et il se rendrait ensemble chez M"i<= de Molley.
(Le 7 germinal an VII),
Les incidents des Archives nationales. — Les incidents que
nous avons relatés dans notre dernier numéro (Cf. Revue historique
de la Révolution française de janvier-mars igiA? pp- 2o4-2o8) ont
eu leur conclusion en janvier dernier. Le ministre de l'Instruction
[uiblique avait, nommé, pour examiner le cas de ^L Aulard, une
commission ainsi composée :
MM. Lemonnier, professeur honoraire à la Sorbonne, membre de
l'Institut, président; MM, Berger, membre de l'Institut; Camille
Bloch, inspecteur général des Archives ; E. Bourgeois, professeur à
la Faculté des Lettres de Paris ; Brumau, conseiller d'Etat ; Xavier
Chai'mes, membre de l'Institut ; Debidonr, professeur à la Faculté
des Lettres de Paris ; Homolle, administrateur de la Bibliothèque
nationale ; Lacombe , inspecteur honoraire des Archives ; Prud-
homme, archiviste départemental de l'Isère ; Scrvois, directeur
honoraire des Archives ; A, Thomas, membre de l'Institut, profes-
seur à la Faculté des Lettres de Paris; Vidicr, inspecteur général
des Archives.
Celte commission formula ses conclusions en ces termes :
1° On trouve dans tous les registres et dossiers signalés et soumis à
l'enquête de la commission des signes particuliers au crayon rouge, bleu
ou noir, points ou croix, crochets, parenthèses, surcharges ou additions
dans les dates, signes de même nature et faits d'après un procédé rai-
sonné. Ces signes sont extrêmement nombreux ;
2° S'il n'y a pas concordance complète, il y a des rapports indéniables
entre ces signes et certaines publications de M. .\ulard ;
CIIROXIOUE 4o3
3» Ces signes ont été faits sans aucune intention de falsifier les docu-
ments ou d'en altérer la portée. La commission les considère néanmoins
comme irréguliers et incorrects au premier chef, et elle en condamne
absolument l'emploi ;
4° L'abondance et le caractère de ces signes ne permettent pas de sup-
poser qu'ils pourraient avoir été faits dans la salle de travail des
Archives, sous le regard des archivistes et des gardiens chargés de la
surveillance de cette salle ;
5° La commission estime que ces signes n'ont pas été apposés par
M. Aulard personnellement ;
0° La commission estime que ces signes peuvent être attribués à un ou
plusieurs des secrétaires de M. Aulard.
En faisant connaître au public ces conclusions de la commission,
le communiqué ministériel ajoutait :
Pour éviter le retour de pareils faits, le miuislre de l'Instruction
publique a donné l'ordre à la direction des Archives de supprimer immé-
diatement la faculté accordée aux copistes, quels qu'ils soient et quelle
que soit la personnalité qui les emploie, de travailler hors de la salle du
public, où le contrôle de l'administration peut s'exercer, tout en réser-
vant aux savants eux-mêmes, spécialement autorisés et s'ils se présentent
en personne, la faveur de travailler dans un cabinet isolé.
Accablantes pour M. Aulard, ces conclusions le sont davantage
encore si l'on tient compte des nécessités où se trouvait la commis-
sion de ne pas paraître frapper trop directement le vrai coupable.
Elle a voulu, pour des raisons qu'il est facile do comprendre, atté-
nuer cette culpabilité évidente dont l'aveu officiel eût entraîné,
pour M. Aulard, les plus redoutables conséquences. Il lui était
d'autant plus facile de rejeter les responsabilités sur des copistes,
que le principal d'entre eux, aujourd'hui décédé, n'était plus là
pour se justifier. INIais les faits restent les faits. La commission s'est
parfaitement rendu compte de la gravité de ceux qui sont reprochés
à M. Aulard, et le public est, à cet égard, aussi bien renseigné que
la commission, dont les conclusions mêmes trahissent l'embarras.
Les copistes de M. Aulard travaillaient sous la direction, sous le
contrôle, sous la surveillance de ce dernier. C'était hii qui leur
donnait ses instructions, lui qui leur traçait le travail à accomplir,
et quand, en marge d'un document, on trouvait ces mots : « copier,
ou toute autre indication analogue, il est bien certain que cette
mention n'était point due à la main du copiste, mais à la main de
celui qui donnait les ordres.
4o6 REVUE HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Coupable, M. Aulard l'est donc, sans atténuation possible. La
commission a pu le sauver du châtiment, par un dernier geste de
■ommisération. Il n'en est pas moins jugé devant le tribunal du
oublie, ce qui est la plus décisive des sanctions.
Au reste, il est profondément regrettable que la commission n'ait
pas cru devoir permettre la publication des procès-verbaux de son
enquête. Nous aurions ainsi connu, dans leurs termes exacts, à la
fois les accusations portées contre M. Aulard et les plaidoyers de
l'accusé. Nous aurions su ainsi s'il est vrai, comme on le raconte,
que ces plaidoyers eux-mêmes, par leur insuffisance, leurs contra-
dictions et leur désarroi, constituent contre M. Aulard une charge
aussi précise qu'irréfutable.
— A peine délivré de cette humiliante enquête, M. Aulard s'est
empressé d'essayer de faire revivre le premier incident, qui s'était
terminé k sa confusion, et qui avait trait, comme on s'en souvient,
à la destruction de papiers inutiles aux Archives nationales. Sous
son inspiration et sous celle de ses amis, la Société d'histoire
moderne votait, quelques semaines plus tard, un va;u qui, sous des
apparences anodines, était nettement ilirigé contre le directeur des
Archives nationales. En voici le texte :
La Société d'histoire moderne, considérant que la masse des documents
modernes impose des destructions, mais que leur complexité rend le triage
difficile et qu'il y a lieu de multiplier les garanties, émet le vœu : i° que
la Commission supérieure des archives publie désormais au Journal ojji-
ciel ou dans le Bulletin officiel du ministère de l'Instruction publique les
projets de destruction dont elle sera saisie, assez à temps pour permettre
aux observations utiles de se produire auprès d'elle, avant qu'elle prenne
une décision; 20 que l'Administration des archives publie, par la voie des
mêmes organes, la liste des documents dont la destruction aura été
résolue.
On annonçait en même temps que ce voeu serait soumis au.x
liverses sociétés d'études historiques, et, comme son apparente
neutralité lui assurerait, pensait-on, l'adhésion unanime, on espérait
ainsi drosser contre la direction des Archives nationales le faisceau
'les organisations savantes.
Mais les sociétés d'histoire ne sont point faites pour contrôler les
laits et gestes des administrations ot pour servir d'instruments aux
ambitions et aux rancunes les plus inavouables. Interrogé par nous
h cet égard, le prési<leiit de la Société d'histoire de la Révolution
de 18^8 nous a adressé la lettre suivante, qui précise avec une
CHRONIQUE 407
parfaite clarté le caractère inacceptable du vœu de la Société d'his-
toire moderne :
6 mars 1914.
Mùu cher .111. 1,
Vous nie dites que, le i'^ mars, la Société d'histoire moderne a émis
un vœu demandant « qu'à l'avenir la Commission supérieure des Archives,
X avant de délihérer sur l'opporlunilé d'une destruction de papiers, fasse
< publier au Journal officiel ou au Bulletin administratif du ministère
.< de V Instruction publique la liste des liasses considérées comme inutiles
« par la direction, de manière à ce que les érudits et les sociétés savantes
« puissent faire parvenir en haut lieu leurs observations. » Vous ajoutez
que ce vœu sera soumis à d'autres sociétés historiques, et vous me
demandez ce que j'en pense.
Rien de bon.
1° D'abord, au point de vue pratique, je ne vois pas trop les sociétés
historiques de France et de Navarre compulsant, même par l'organe de
délégués autorisés, les liasses proposées pour la destruction : ce qui est
cependant le seul moyen de savoir ce qu'elles contiennent.
Je ne les vois pas davantage organisant entre elles un référendum, par
oui ou par non, en telle matière.
J'ignore, en troisième lieu, pourquoi ce vœu n'est formulé qu'à propos
des Archives nationales. Il y a bien d'autres Archives où il est indispen-
sable de faire de la place par d'annuelles mises au pilon ! Quant aux
Archives nationales, jamais elles n'ont été mieux dirigées, ni gardées
avec plus de vigilance qu'à présent.
Donc, ni personnellement, ni comme président de la Société de l'his-
toire de la Révolution de 1848, je ne m'associerai au vœu de la Société
d'histoire moderne, que je considérerais même comme anarchique, s'il
n'était pas utopique.
Cordialement à vous,
H. MONIN.
Ajoutons enfin que, pour tout ce qui concerne cette question de
la destruction de papiers inutiles aux Archives nationales, on trou-
vera des renseignements très complets dans une brochure qui vient
de paraître sous ce titre : Les suppressions de papiers inutiles aux
Archives nationales en igi3, et qui est un tirage à part d'un article
publié dans le tome LXXV (1914) de la Bibliothèque de l'Ecole des
Chartes. On y trouvera notamment, aux pages 19-28, la liste,
d'après les bordereaux de suppression, de tous les papiers détruits,
depuis le 22 juin 191 2, dans la série F'7. Cette liste, mieux que
tout commentaire, montre que les papiers supprimés étaient
dépourvus de toute importance et même de toute utilité.
4o8 REVUE HISTORIQUE DE I,.\ RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
— Le bon côté de ces iiicidenls a été d'attirer l'attention sur les
travaux et sur les méthodes de travail de M. Aulard. Nous aurons
l'occasion de revenir sur ce sujet à propos d'un article que M. Fran-
çois Laurentie vient de publier dans le Correspondant du lo mars,
sous le titre : Le cas de M. Aulard. — C. V.
Chronique régionaliste. — MARXE. — Le Comité départe-
mental de la Commission de l'histoire économique de la Révolu-
tion française, dans sa séance du i5 janvier I9i4i tenue à Chàlons,
a décidé :
1° De solliciter tout d'abord du' la Commission du ministère l'im-
pression immédiate du tome IV des Cahiers de doléances pour les
Etats Généraux de f/Sf) : Bailliage de Reims, préparé depuis plus
d'un an par M. Gustave Laurent et que seules dos considérations
iinancières avaient fait ajourner;
2° Que les travaux de M. Bei-land sur les Subsistances militaires
et de W. Gustave Laurent sur les Subsistances de la ville de Reims
pendant la Révolution (qui a fait l'objet d'une communication au
Congrès de 191 3) seront ensuite publiés au fur et à mesure des
crédits qui seront mis k la disposition du déparlement de la Marne;
3° Qu'un projet d'études de M. Beuvesur la ville de Chàlons sera
examiné ultérieurement par le Comité de la Marne.
— Le Comité de la section marnaise de la Société des études
locales dans l'enseignement public, qui compte dans son sein nos
amis et collaborateurs Octave Beuve (de Chàlons-sur-Marne) et Gus-
tave Laurent (de Reims), avait décidé, depuis plusieurs mois, de
faire paraître un bulletin-revue d'histoire locale moderne et contem-
poraine, d'abord semestriellement, ensuite tous les trois mois, selon
les ressources de la Société.
Un accident d'une certaine gravité survenu l'été dernier k M. (îus-
tave Laurent en avait retardé l'apparition.
Mais le premier numéro de cette petite revue est aujourd'hui
paru. Elle a pour titre : La Marne moderne, organe de la Société
marnaise des études locales et de la Commission de l'histoire éco-
nomique de la Révolution Jrançaise (Comité de la Marne). Elle
comprend, en effet, une partie qui, sous la rubrique : La Révolution
dans la Marne, sera spécialement consacrée à un recueil d'études
documentaires sur l'histoire de la Révolution française dans la
région. De semblables arrangements entre les deux Sociétés sont
intervenus dans d'autres départements, notamment dans les Vosges,
l'Aube, la Sarthe, le Var, etc.. A côté du président et du secré-
taire de la Société, la nouvelle revue de la Marne a un comité de
CHRONIQUE ^0()
rédaction composé de M.M. Berland, archiviste déparlomcntal, pour
la région de Chàlons ; Bertal, professeur au Collège, pour celle
d'Epernay ; Merlin, avocat, conseiller général, pour celles de Sézanne
et Montniirail ; Houssinescq, bibliothécaire, pour celle de Reims ;
jAIartinet-Heuillard, ancien professeur, libraire, pour celle de Sainte-
Menehould ; et Jovj, professeur, pour celle de Vitry.
Chacun de ces membres s'occupera, dans sa propre région, de la
direction des travaux, des recherches, et communiquera à la revue
le résultat de ses investigations et les publications préparées par
les adhérents.
Ce qui a été entrepris pour l'histoire générale, grâce aux sources
parisiennes, la nouvelle Société compte le réaliser, à l'aide de ces
enquêtes locales, pour l'histoire moderne et contemporaine du
département de la Marne.
— D'autre part, on nous annonce que, sur l'initiative de
notre collaborateur et ami M. Octave Beuve, conservateur do la
Bibliothèque, des Archives et des Musées de la Ville de Chàlons-sur-
Marne, une revue d'histoire régionale vient de se fonder dans cette
ville. Cette revue, publiée sous la direction de M. Octave Beuve,
a pour titre : Les Archives historiques de la Cham/iac/ne et de la
Brie. Voici le texte du prospectus qui annonce cette publication et
qui en trace le jirogramme :
Doter la Champagne d'une revue régionale d'histoire et d'érudition
analogue aux remarquables publications que possèdent certaines de nos
anciennes provinces ou quelques régions françaises, comme l'Aunis et la
Saintongc, le Maine, le Poitou, le Limousin, la Gironde', tel est le but
que nous nous proposons en fondant, avec le concours des archivistes, des
bibliothécaires, des conservateurs de musées et des érudits de la région :
Les Archives historiques de la Champagne et de la Brie. Paraissant
tous les mois, par fascicules d'au moins deux feuilles in-8 raisin, les
Archives historiques contiendront: i» des Etudes; 2° des Publications
documentaires, d'intérêt régional; 3° un Bulletin destiné à tenir le public
au courant des travaux historiques, des découvertes ou travaux archéolo-
giques, des nouvelles artistiques de la région. L'histoire de la Champagne
et de la Brie des origines à nos jours, tel sera le cadre de la publication
et l'objet des Etudes insérées. Une large place sera faite à l'histoire de la
Révolution, surtout à l'histoire économique, ainsi qu'à toutes les bran-
ches de l'archéologie et au folk-lore. Les Publications documentaires,
d'intérêt régional, viseront à rendre accessibles aux travailleurs locaux
I. Arcfiives liistoriques de la Saintonge et de t'Aunis; Archives liistoriques du
Maine; Archives liistoriques du Poitou; Archives historiques du Limousin;
Archives historiques de la Gironde, etc.
l^lO REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
les documents champenois conservés dans certains dépôts parisiens ou
autres et difficilement accessiijles. Tenir au courant des travaux des
sociétés savantes si nombreuses en Champagne et qui travaillent avec
tant de zèle à l'histoire de leur département ; constituer un lien utile
entre elles, tel sera le but du Bulletin.
Tout en facilitant les études d'érudition champenoise, les Archives
historiques aideront en même temps à l'enseignement de l'histoire locale
à l'école, en fournissant aux maîtres : des études, des documents, des
matériaux, un plan, des indications diverses. Non contents de travailler à
ce vivifier, par l'amour de la province, l'amour de la Patrie », nous pren-
drons la défense de nos vieilles églises, de nos anciens châteaux, de nos
sites, de toutes nos curiosités menacées par tant d'ennemis divers.
Ajoutons que les publications des Archives historiques se feront dans
un esprit régional, exclusivement scientifique et strictement objectif.
I. Le prix lie l'abonnement annuel est fixé à lo francs. On peut adresser les
demandes directement à M. Octave Beuve.
TABLES
DU
TOME CINQUIEME
Janvier-Juin 1914
l
TABLE DES MATIÈRES
Beuve (Octave) : Un [letit-fils de Montesquieu soldat de l'Indé-
pendance américaine (d'après des documents inédits) 233
Clavière : Trois lettres inédites à Etienne Dumont (lyiji-iyg;!). . 5
Favret (P. -M.) : Quelques documents biographiques sur le conven-
tionnel Courtois 2O4
LûTzow (Baron de) : Trois lettres inédiles à Sir Francis d'Ivernois
sur la guerre d'Espagne (i 810-18 12) 209
Marie-Caroline, reine des Deux-Siciles : Lettres inédites au mar-
quis de Gallo (1789-1806) 116, 3o6
MoNiN (H.) : La Montansier, fondatrice et directrice de théâtres,
sous l'ancien régime et pendant la Révolution (1780-1820). . . 42
PÉLissiER (Léon-G.) : A la veille des Pâques véronaises (juillet-
août 1796) 18
Vallentin du Ciievlard (R.) : Sanary et le siège de Toulon . . 99, 282
Vellay (Charles) : Les vicaires généraux de Paris et le serment
constilulionnel en janvier 1791 278
Mélanges et documents
Benjamin Franklin et le procès du paratonnerre de Saint-Omer,
1782-1783 (Charles Vellay) k'5
Robespierre et l'admission des l'eniines dans les Sociétés littéraires
(Hip|iolyte Duval) 824
Vn rapport inédit de Robespierre à l'Académie d'Arras (Charles
Vellay) 826
Une lettre de Delessart au ministre de France à Mayence sur la
question des émigrés, i4 novembre 1791 (Charles Vellay). . . 333
Le Journal de Geiirve comme source de l'histoire de la Révolu-
tion française, 1789-1793 (Otto Karmin) . . 386
Deux lettres inédites du général de Montes(]aiou au directoire du
département de la Gironile, août 1792 (Roger Brouillard) . . . 188
Quelques lettres de volontaires, an II (Emilie Téchiné) i4i
Un journal bordelais patronné parYsabeau, an III (Roger Brouillard). 343
I. Les articles de fon.l sont raiiçjés par ordre alphabétique des noms des auteurs,
les mélanges el documents par ordre chronologique des matières, les notes et glanes
par ordre alphabcliquc des litres, la bibliographie par ordre alphabétique des noms
des auteurs des ouvrages, les notes de chronique par ordre alphabétique des titres.
4l2 REVUE HISTOaiQLE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
Une lettre inédite de Briois de Bcaumez à Etienne Dumont sur
ses impressions d'Amérique, 3 avril l'^cjS (Otto Karinin) . . . i44
Un récit de l'expédition de Quiberon (Otto Karmin) 147
Une lettre inédite de John Adams à Sir Francis d'Ivernois. 1 1 dé-
cembre 1795 (Otto Karmin) 3/(0
Un récit oublié de la prise du bois de Finges par les Français,
28 mai 1799 (Otto Karmin) 349
A propos de la mon du tzar Paul I^'', 1 1 23 mars 1801 (H. Monin) 149
La question du pain à Paris en l'an IX (Charles Vellay). .... i58
Une singulière idée d'un .anglais partisan et défenseur de Napo-
léon, en i8i5 (Commandant Weil) 353
Travaux bibliographiques
Essai d'une bibliographie de J.-B. Carrier (Paul Porlevin). . 160, 355
Notes et glanes
Baptême et serment civique 35g
Beaumarchais sur les affaires de France en 1790 et sur la division
du royaume en départements (L'opinion de) i65
Chabot. 35g
Chartres protecteur de prêtres réfraclaires en 1791 (Le duc de) . 36o
Clavière et Beaumarchais 36o
Emotion causée dans le Pays de Gex par la fuite à Varennes (L'). 166
Marie-Antoinette en 1790 (L'impopularité de) i6(>
Napoléon à l'île d'Elbe i6(î
Bibliographie
(Les noms placés entre parenthèses à la suite des titres sont ceux
des auteurs des comptes rendus.)
Atilard (F. -A.), Recueil des Actes du Comité de salut public.
Tomes XXI et XXII (H. .Monin) 170
Barlli (HaQ^), Bildiogrnphie der Schweizer Geschichte, Tome I
(Otto Karmin) 'i^!^
Baudrillart (Alfred), .\lberl Vo<jt, Urbain Rou:irs, Dictionnaire
d'histoire et de géographie ecclésiastique. T. I(()tlo Karmin). 373
Clwinard (^'. Deniau).
Z>oiif/e/ (Ernest), La Police politique, i8i5-i820 (J. .V.) 308
Deniau (Chanoine), Dom Chamard, abbé Usureau, Histoire de la
guerre de Vendée, Tomes V et VI (H. Monin) 182
Ferrari (Giuseppe), Una lettera inedita del conte Giuseppe de
.Maistre (J. A.) . 367
Grasilier (Léonce), Évasions de prisonniers de guerre favorisées
par les trancs-maçons sous Napoléon \" (Otto Karmin) .... 18O
Le Brelhon (V. Mural)
Loatchisk-y (Jean), La propriété paysanne en France à la veille de
la Révolution (H. .Monin) 1O8
Loutchiskij (Jean), Ouelques remarques sur la vente des biens
nationaux (IL Monin) 30:'
Molsen (Ulrich), Philosophie und Dichtung bei Ouinet, I. Teil :
Jugend (C. Senil) iSS
Mtmtarlot (P.) et L. Pi/iffaud, Le Congrès de Raslalt, 1 1 juin
1798-2S avril 1799 (Charles Vellay) 304
Murât (Prince) et Paul Le Brelhon, Lettres et documents pour ser-
TABLKS 4 I 3
vir à l'histoire de Jonchim Murât. 1767-1815. Tome ^'II (A. de
Tarlé) 18/4
O'Kelli/ de Galiray ((lomtc), Francisco de Miranda (H. Monin). . 180
/'icaril (Ernest) et Louis Tuetey, Correspondance inédite de Napo-
léon I" conservée aux Archives de la Guerre. Tome I (J. A.) . 305
l'inguud (\ . iVonlar/ol).
Roii:i('S (V. Baudrill(irt').
Sanson (Victor), Répertoire bibliogr.iphique pour la période dite
révolutionnaire, 1781)-! 801, en Seine-Inférieure. Tome V (A. Le
Corbeillcr) ,304
Tuetey (V. Picard).
l'cureaii (F.), Les élections et le cahier du Tiers-Etat de la ville
d'Angers, 1780 (H. Moain). 36i
U:ureau (V. Déniait').
Vachée (Colonel), Napoléon en campagne (A. de Tarlé) .'ÎG6
Vogt (V. Baudrillari).
lKe/<7a// (Rachel), Correspondence of Lord Burghersh, i8o8-i84o
(M. H.) " 3O9
Livres nouveaux 189, 875
Périodiques igS, 38 1
Chronique
Archives nationales (Les incidents des) 2o4, 4o4
Chronique régionaliste. !\o9i
Diderot (Le bi-centenaire de) 2o3
Joséphine (Deux lettres inédites de l'impératrice) 4o3
Journaux (A travers les) 201, 399
Lecteurs (A nos) , 201
Marie-Antoinette à la princesse de Lamballe (Une lettre Inédite de). 402
Société d'histoire de la Révolution de 1848 (A la) 4o>
INDEX ALPHABÉTIQUE
.\dams (John) : Une lettre inédite de
— à Sir Francis d'Ivernois (i i dé-
cembre 1795), p. 340.
Amérique : Une lettre inédite de
Briois de Beaumez à Etienne Du-
mont sur ses impressions d' —
(3 avril 1795), p. i44 (V. aussi
Indépendance).
Anglais : Une singulière idée d'un
— partisan et défenseur de Napo-
léon, en 1810, p. 353.
Archives nationales : Les incidents
des — , pp. 2o4, 4o4.
Arras : Un rapport inédit de Ro-
bespierre à l'Académie d' — p. 32(3.
et serment civique.
Baptême
p. 359.
Beaumarchais : L'opinion de — sur
les affaires de France en 1790 et
sur la division du royaume en
départements, p. i65 ; Clavière et
— , p. 36o.
Beaumez (V. Briois de Beaumez).
Beuve (Octave) : Un petit-fils de
Montesquieu soldat de l'Indépen-
dance américaine (d'après des do-
cuments inédits), p. 233.
Bibliographie : Essai d'une — de
J.-B. Carrier, pp. 160, 355 (Pour
les comptes rendus bibliogra-
4l4 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
phiques, voir le détail supra, à la
Table des matières).
Bonaparte (Napoléon) : Lettres de
— aux officiers municipaux de
Saint-Nazaire [Sanary] (21 fri-
maire au II et 17 octobre 1793),
pp. io5, 107. (V. aussi Napo-
léon).
Briois de Beaumez : Une lelte iné-
dite de — à Etienne Dumont sur
ses impressions d'Amérique (3
avril 1795), p. i44-
Broltllard (Roger) : Deux lettres
inédites du général de Montes-
quiou au directoire du départe-
ment de la Gironde (août 1792),
p. i38 ; Un journal bordelais
patronné par Ysabeau (an III),
p. 343.
Carrieh(.I.-B.) : Essai d'une biblio-
graphie de — , pp. iGo, 355.
Chabot : — , p. 809.
Chartres (Duc de) : Le — protec-
teur de prêtres réfractaires en
1791, p. 36o.
Chronique régionaliste : Marne,
p. 408.
Clavière : Trois lettres inédites de
— àEtienne Dumont (1791-1792),
p. 5; — et Beaumarchais, p. 36o.
Courtois : Quelques documents bio-
graphiques sur le conventionnel
— , p. 2G4; Lettre de Duval à —
(28 vendémiaire an IV), p. 268;
Lettres de Ch. Delacroix à —
(12 prairial et 24 messidor an V),
pp. 268, 2G9; Lettre de Talleyrand
à — (7 fructidor an V), p. 269 ;
Lettres de — (181O), pp. 270,271.
Custine (Général) : Leilre du — à
BoUel, Beffroy et Couituis(i3juin
1793), p. 266; Lettre de Bollet,
Beffroy et Courtois au — , p. 2GG.
Delacroix (Ch.) : Lettres de — à
Courtois (12 prairial et 24 messi-
dor an V), pp. 268, 269.
Delessart : Une lettre de — au
ministre de France à Mayence
sur la question des émigrés
(i4 novembre 1791), p. 333.
Départements : L'opinion de Beau-
marchais surles aUaires de France
en 1790 et sur la division du
royaume en — . p. iG5.
Des Essarts : Lettre de — ■ à Benja-
min Franklin (2 mars 1788),
p. i38.
Diderot : Le bi-centenaire de — ,
p. 2o3.
DuMEZ (Capitaine) : Lettre du — au
général Junot (25 fructidor an IX),
p. i58.
Dumont (Etienne) : Trois lettres iné-
dites de Clavière à — (1791-1792),
p. 5 ; Une lettre inédite de Briois
de Beaumez à — sur ses impres-
sions d'Amérique (3 avril 1796),
p. 144.
Duval : Lettre de — à Courtois
(28 vendémiaire an IV), p. 2G8.
Duval (Hippolyte) : Robespierre et
l'admission des femmes dans les
Sociétés littéraires, p. 824.
Elbe (Ile d') : Napoléon à I' — ,
p. 166.
Espagne : Trois lettres inédites du
baron de Lûtzow à Sir Francis
d'Ivernois sur la guerre d' —
(1810-1812), p. 209.
Essarts (V. Des Essarts).
Favret (P.-.M.) : Quelques docu-
ments biographiques sur le con-
ventionnel Courtois, p. 204-
FiNGEs : Un récit oublié de la prise
du bois de Fingcs par les Fran-
çais (28 mai 1799), p. 849-
Franklin (Benjamin) : — et le pro-
cès du paratonnerre de Saint-
Omer (1782-1788), p. i85; Lettre
de Vissery de Bois-Valé à —
(10 décembre 1782), p. i35;
Lettre de Des Essarts à — (2 mars
1788), p. 188.
Gallo (.Marquis de) : Lettres iné-
dites de Marie-Caroline, reine des
deux Siciles, au — (1789-1806),
pp. I iG, 3ot).
Genilve : Le i< Journal de — »
comme source de l'histoire de la
Révolution française (1789- 1798),
p. 330.
Gex (Pays de) : L'émotion causée
dans le Pays de tîex par la fuite
,i Varennes, p. iGG.
4i5
Gironde : Deux leltres inédites du
général de Montcsquiou au direc-
toire du départemenl de la —
(août 1792), p. i38.
Indépenoance : Un petit-fils de
Montesquieu soldat de 1' — amé-
ricaine (d'après des documents
inédits), p. 233.
IvERNOis (Sir Francis d' — ) : Trois
lettres inédites du baron de Liit-
zowà — sur la guerre d'Kspagne
(1810-1812), p. 20g; Une lettre
inédite de John Adanis à — •
(11 décembre 1795), p. 346.
Joséphine (Impératrice) : Deux let-
tres inédites de 1' — (27 ventôse
et 7 germinal an VII), pp. 4o3, 4o4.
a Journal de Genève » : Le —
comme source de l'histoire de la
Révolution française (1789-1793),
p. 330.
Journaux : Atravcrsles — , pp. 201,
399-
JuNOT (Général) : Lettre du capi-
taine Dumez au — (26 fructidor
an IX), p. i58.
Karmin (Otto) : Trois lettres inédites
de Glavière à Etienne Dumont
(1791-1792), publiées et annotées
par — , p. 5; Une lettre inédile
de Briois de Beauraez à Etienne
Dumont sur ses impressions d'A-
mérique (3 avril 1796), p. i44;
Un récit de l'expédition de Qui-
beron, p. 147; Trois lettres iné-
dites du baron de Lûtzow à Sir
Francis d'Ivernois sur la guerre
d'Espagne (1810-181 2), publiées et
annotées par — , p. 209; Le « Jour-
nal de Genève » comme source
de l'histoire de la Révolution fran-
çaise (i 789-1 793), p. 330; Lfne let-
tre inédite de John Adams à Sir
Francis d'Ivernois (11 décembre
1795), p. 346; Vn récit oublié de
la prise du bois de Finges par
les Français (28 mai 1799), p. 349-
Lamballe (Princesse de) : Une
lettre inédite de Marie-Antoinette
à la — (3i juillet 1791), p. 4o2.
LiiTzow (Baron de) : Trois lettres
inédites du — à Sir Francis d'I-
vernois sur la guerre d'Espagne
(1810-181 2), p. 209.
Marie-Antoinette : L'impopularité
de — en 1790, p. 16G; Une lettre
inédite de — à la princesse de
Lamballe (3i juillet 1791), p. 4o2.
Marie-Caroi.ine, reine des Deux-
Siciles : Lettres inédites de — au
marquis de Gallo (1789-180O),
pp. I lO, 3o6.
Mayence : Une lettre de Delessart
au ministre de France à — sur
la question des émigrés (i4 no-
vembre 1791), p. 333.
MoNiN (H.) : La .Montausier, fonda-
trice et directrice de théâtres, sous
l'ancien régime et pendant la
Révolution, p. !^2 ; A propos de
la mort du tzar Paul b'(i i/23 mars
i8oi), p. 149.
Montansier : La — , fondatrice et
directrice de théâtres, sous l'an-
cien régime et pendant la Révo-
lution, p. 42.
Montesquieu : Un petit-fils de —
soldat de l'Indépendance améri-
caine ( d'après des documents
inédits), p. 233.
Montesquieu (Charles-Louis de Se-
condât de) : Lettres de — au
vicomte Amand de Saint-Chamans
(i 777-1 782), pp. 235, 286, 237,
238, 242, 245, 246, 248, 249, 25'i,
2r)2, 253, 255, 258, 2O0.
MoNTESQUiou ((iénéral de) : Deux
lettres du — au directoire du
département de la Gironde (août
1792), p. i38.
Napoléon 1='' : — à l'île d'Elbe,
p. lOO; Une singulière idée d'un
Anglais partisan et défenseur de
— , en i8i5, p.. 353. (V. aussi
Bonaparte).
O'Kelly : Lettre de Delessart à —
(i4 novembre 1791), p- 334.
Pain : La question du — à Paris en
l'an IX, p. i58.
Pâques véronaises : A la veille des
— (juillet-aoïU 179O), p. 18.
Paris : La question du pain à —
en l'an IX, p. i58; Les vicaire;
généraux de — et le sermtn.
4lC REVUE HISTOUIQIE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE ET DE l'eMPIRE
constitutionnel en janvier 1791,
p. 278 ; Lettre des vicaires géné-
raux à rarchevèque de — , p. 274 ;
Exposé de la conduite des vicaires
généraux de — relativement à la
cessation de leurs fonctions, et à
la reprise des mêmes fonctions
par quelques-uns d'entre eux,
p. 276.
Paul l" : A propos de la mort du
tzar — (11/23 mars 1801), p. i49-
PÉLissiER (Léon-G.) : A la veille des
Pâques véronaises (juillet-août
179O), p. 18.
PoRTEViN (Paul) : Essai d'une biblio-
graphie de J.-B. Carrier, pp. lOo,
355.
Prêtres : Le duc de Chartres pro-
tecteur de — réfractaires en 1791,
p. 36o.
QuiBERON : Un récit de l'expédition
de — , p. i47-
Robespierre : — et l'admission des
femmes dans les Sociétés litté-
raires, p. 324; Un rapport inédit
de — à l'Académie d'Arras,
p. 826.
Saint-Chamans (Vicomte Amand
de) : Lettres de Charles-Louis de
Secondât de Montesquieu au —
(i 777-1 782), pp. 235, 236, 287,
288, 242, 245, 246, 248, 249, 201,
252, 253, 255, 258, 260.
Saint-Omer : Benjamin Franklin et
le procès du paratonnerre de —
(1782-1788), p. i35.
Sanarï : — et le siège de Toulon,
pp. 99, 282.
Serment : Les vicaires généraux de
Paris et le — constitutionnel en
janvier 1791, p- 278; Baptême et
— civique, p. 359.
Sociétés littéraires : Robespierre
- et l'admission des femmes dans
les — , p. 824.
Talleyrand : Lettre de — à Cour-
tois (7 fructidor an V), p. 269.
Téchiné (Emilie) : Quel<iues lettres
de volontaires (an II), p. i4i.
Toulon : Sanary et le siège de — ,
pp. 99, 282.
Vallentin du Cheylard (R.) : Sa-
narv et le siège de Toulon, pp. 99,
282'.
Varennes : L'émotion causée dans
le Pays de Gex par la fuite à — ,
p. 1O6.
Vellay (Charles) : Benjamin Fran-
klin et le procès du paratonnerre
de Saint-Omer(i 782-1 788), p, i85;
La question du pain à Paris en
l'an IX, p. i58; Les vicaires gé-
néraux de Paris et le serment
constitutionnel en janvier 1791,
p. 278; Un rapport inédit de Ro-
bespierre à l'Académie d'Arras,
p. 826 ; Une lettre de Delessart au
ministre de France à Mayence sur
la question des énjigrés (i4 no-
vembre 1791)' P- ^33.
Vicaires généraux : Les — de Paris
et le serment constitutionnel en
janvier 1791. p. 278; Lettre des
— à. l'archevêque deParis. p. 274;
Exposé de la conduite des — de
Paris relativement à la cessation
de leurs fonctions, et à la reprise
des mêmes fonctions par quehiues-
uns d'entre eux, p. 270.
VissERY DE Bois-Valé : Lettre de —
à Benjamin Franklin ( i o décembre
1782), p. i85.
Volontaires : Quelques lettres de
— (an II), p, i4i-
Weil (Commandant) : Lettres iné-
dites de Marie-Caroline, reine
des Deux-Siciles, au marquis de
Gallo (1789-180!)), publiées et
annotées par le — , pp. iiO, 806;
Une singulière idée d'un Anglais
partisan et défenseur de Napo-
léon, en i8i5, p. 353.
YsABEAU : L'n journal bordelais
patronné par — (an III), p. 843.
Le Directeur-Gérant : Charles Vellay.
.\RIS, lUPRI»
Rr:vri*: iiistorioue
UE LA
liÉV0LlT10^ F1{A^(:A1SE
. ET DE L" EMPIRE
Juillet-Décembre 1914
RFV. HIST. lir: LA KEVÛL
REVUE lIISTdRlOlE
DE LA
RÉVOLITIOX FIIAMIVISE
ET DE LEMPlliE
DIRECTEUR : CHARLES VELLAY
TOME SIXIEME
Juillet-Décembre 1914
I PARIS j
AUX BUREAUX DE LA 1
REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE 1
9, Rue Saulnier (IX') \
1914 1
LKTTIllvS IXh:i)ITKS
DE GlILLOTIN A BENJAMIN EllANkUN
(1787-1788)
Le D' Joseph-Ignace Guillotiii, qui allait conquérir, en 1790,
iV'li;inge gloire de donner son nom à la guillotine, était déjà, en
1784, un médecin d une grande notoriété. Quand, le 12 mars de
cette année, le gouvernement décida de nommer une commission
scientifique pour examinerla question du magnétisme animal vers
laquelle les expériences deMesmer avaient tourné tous les esprits,
Guillotin fui choisi pour en faire partie, avec ses trois confrères
Majault, Sallin et Darcet. L'Académie des Sciences, de son côté,
y fut représentée par cinq de ses membres : Bailly, deBory, Fran-
klin, Lavoisier et Leroi. C'est cette circonstance qui mit en rela-
tions, comme il le rappelle lui-même dans la première des lettres
qui suivent, Guillotin avec Franklin.
Pendant la plus grande partie de l'année 1784, les deux savants
restèrent ainsi en contact, apprenant à se connaître et sans doute
à s'apprécier. Mais il ne semble pas que ces relations aient con-
tinué au-delà de l'automne de 1784, date à laquelle la commis-
sion termina ses travaux, puisque, dans les lettres qu'on va lire,
et dont la première est du mois de juin 1787, on voit Guillotin
prendre prétexte de cette ancienne colJnLoration pour expliquer
et jastilicr la démarche qu'il fait auprès de l'illustre homme d'E-
tat américain.
Les faits auxf[ucls ces lettres se rapportent sont peu connus.
Elles ont trait à une entreprise d'émigration et de colonisation sur
laquelle nous ne savons rien de plus que ce que ces lettres nous
apprennent. Au reste, l'entreprise échoua, et la niorttragique des
premiers pionniers découragea leurs amis. Mais il est curieux de
voir Guillotin prendre une part si active à ce projet et s en faire
avec tant de zèle l'un des organisateurs.
h lii;VLT. HISTOMIQIK DELA REVOLUTION FHANÇAISE
Ces leUres sont conservées dans les papiers de Franklin à
l'American Philosophica! Socictj', à Philadelphie (Tomes XXXV,
n" 78, 102 et 141, et XXXVI, n"- 15, 34 et 65). Xous en devons la
communication à l'obligeance de cette Société elle-même, et plus
particulièrement à celle de M. Rosengarten, qui a bien voulu se
charger de collationner avec le plus grand soin les copies qui en
ont été faites, et de Mrs Louise de HunersdorlT, qui a bien voulu
se charger de l'établissement même de ces copies.
Chakles Vei.lay.
1
Monsieur,
Vous n'avez pas oublié vos anciens collègues dans la
Commission nommée par le Roy pour l'Examen de cette très
importante quoique fort ridicide affaire du Magnétisme ani-
mal, vous leur en avez fait donner les marques les plus gra-
cieuses ])ar M. Le Roy qui a dû vous faire leurs remercie-
mcns. Je l'ai prié en mon particulier, ^Monsieur, de vous
témoigner toute ma reconnaissance et ma sensibilité. Au-
jourd'hui je saisis avec empressement roccasion qui se pré-
sente de vous recommander JNL Dique et M. Saugrail, por-
teur de ma lettre, pour vous renouveller moi-même l'assu-
rance de sentiments 'd'estime, de respect et de vénération
([ue vous m'avez inspirés.
Ces Messieurs partent pour l'Amérique, chargés de pré-
parer l'exécution d'un projet auquel je m'intéresse vivement
et ([ui ne vous sera peut-élrc pas désagréable. Vous pouvez
beaucoup contribuer par vos bons offices, et même votre
puissante protection seule suffit pour le faire réussir. Il s'a-
git de former un établissement sur les bords de l'Ohio, ou
aux environs, .l'ose réclamer vos bontés tant en faveur du
projet qu'en faveur de ceux ({ui l'ont formé, et particulière-
ment en laveur île deux d'entre eux : M]\L Dique et Sau-
grait ' ([ui veulent bien être les agens de cette petite société.
Vous vous rnp[H'llerez peut-être. Monsieur, qu'ayant eu
l.C.imnii' on !<■ v.-rni plus loin, cis di'ux noms son! orlhognipliits d'uni-
r;n;on très v;u-iabli'. Dnns ri^norani'f où nous soninifs de leur vêrilalile ortho-
f{raphr, nous avons respeclé toules les variations de Guillotin. — C. \'.
LETTRES INEDITES DE CIII.I.OTIN A BENJAMIN FRANKLIN /
riionneur de dîner plusieurs fois chez vous à Passy avec les
autres commissaires du Hoy, nos affaires de Magnétisme
animal étant terminées, j'ai [jris souvent la liberté, ainsi que
dans quelques visites particulières, de vous faire bien des
(juestions relatives aux Etats Unis de l'Amérique, et de vous
demander une foule d'éclaircissements et de renseignements,
i|uc vous avez toujours eu la complaisance de me donner
avec celte bonté et cette clarté rjui vous caractérisent. Eh !
bien, ^Monsieur, ce n'était pas par curiosité de ma part,
comme vous l'avez peut-être pensé. Erappé déjà depuis
longtemps de la sagesse et de l'énergie d'un peuple secouant
à la fois le double joug de la tirannie civile et religieuse, ci-
mentant de son sang l'édifice auguste d'un gouvernement
juste, solidement fondé sur l'égalité, la tolérance et la liberté,
le seul propre à des êtres raisonnables, mon àine s'est émue;
j'ai béni les sages, je dirois presejne les divins auteurs d'une
révolution qui venge enlin l'humanité, partout, jusqu'à nos
jours, cruellement désolée et honteusement avilie par les
autrages les plus sanglants du tlespotisme et de la supers-
tition ; j'ai désiré vivement de |)ouvoir aller rendre hom-
mage à ces hommes illustres, aussi vertueux qu'éclairés, à
ces vrais Philosophes, Législateurs et guerriers, Génies tu-
télaires du nouveau monde, et peut-être, un jour, de l'an-
cien ; j'ai formé le vœu le plus ardent d'aller partager le
bonheur d'un peuple qu'ils s'efforcent de rendre heureux.
Ce que je souhaitois fortement j'ai conçu le projet de l'exé-
cuter réellement. Après avoir pris des connaissances relatives
à l'Améritpie dans les ouvrages qui ont été publiés sur cette
matière, dans la conversation des gens instruits, surtout des
voyageurs, j'en ai conféré avec des amis ; je leur ai fait part
de mes vues ; elles se sont trouvées conformes aux leurs.
Tous ennuies du tumulte, du tracas, de l'intrigue et du luxe
dévorant de nos cités ; lé vol tés de l'inconséquence et de la
contradiction perpétuelles entre les Loix, les usages et les
mœurs qui ne vous laissent souvent que la cruelle alterna-
tive du ridicule ou du crime ; affligés du triste et désespé-
8 REVL'E HISTORIQrE DE LA RÉVOLUTION" FRANÇAISE
rant speclacle du vice, surtout s'il est impudent, fête, lionoré,
et de la vertu timide, humiliée, méprisée ; effrayés surtout
des horreurs quenl'antent iroideuient le despotisme et la su-
perstition, nous avons résolu de fuir une terre empoisonnée,
où l'honnête homme ne rencontre que des Ennuis, des dé-
goûts, des inquiétudes, des chagrins et des dangers, et nous
avons formé le projet d'un Etablissement dans l'Etendue
des Etats Unis de l'Américiue, et plus particulièrement
aux environs de l'Ohio, parce(|u'à l'avantage général qui
se trouve dans les Treize Etats de Fournir un azile sûr à
l'homme qui veut vivre en paix et en liberté, à l'ombre des
Loix, cette contrée de l'Amérique réunit la douceur du
climat, l'Eloignement des grandes villes et des côtes mari-
times, centre du Commerce et des richesses, et par
conséquent la source trop à crainthe tin Euxc cl de la
corruption.
D'après cet exposé, qin vous ilévoile nos civurs, il vous
est facile. Monsieur, d'apprécier nos sentiments et nos dé-
sirs. Nous aimons la paix et l'ordre ; nous les cherchons, et
nous espérons les trouver au sein de l'Egalité, de la liberté,
de l'amitié, dans la nouvelle patrie (jue nous adoptons.
Noi's osons nous llatter (jue cette patrie adoptive pourra
nous compter au nombre tle ses meilleurs citoyens et de
ses enfans les plus tendres et les plus dévoués. Du moins
ferons-nous tous nos efforts pour nous rendre dignes d'elle.
Nous sommes environ une douzaine d'hommes, tous
d'état honnête, ayant reçu une bonne éducation, les uns
ayant femme et enfans, les autres garçons, mais disposés à
se marier, les uns riches, les autres avec de l'aisance seu-
lement, quelques-uns peu fortunés, mais tous amis, de ma-
nière que le plus pauvre, l'égal du plus riche, n'aura ni à
craindre le besoin, ni à rougir ilètre garanti par des amis,
auxquels il se rendra utile. Nous avons le bonheur de réu-
nir entre nous la connaissance et la pr:ili(|U(> des sciences
et des arts les plus utiles à riiomme, tels ipie l'agriculture,
rarchitecture, la nu''cani([uo, la physicpie. la ciiimie, la mé-
I.l';TTnF.S INEDITES DE (iUl I.I.OTIN A liENJAMIN FUANK1.IX V)
dccinc, la chirurgie, etc., cl iiicine des ails agréables, lels
que les belles Lettres, le dessin, la gravure, etc.
Ce que je dis ici, Monsieur, des conuaissanceset des ta-
lents de nos associes, n'est pas, soyez en bien persuade, une
affaire de vanité, je connais trop bien le néant de tout ce
(jui est gloriole pour être siiscei)ti!)le de celte petite, misé-
rable passion; mais je veux prendre la liberté de vous deman-
der des conseils sur notre établissemi ni, il faut bien vous
mettre à même de nous en donner duliles en nous faisant
connaître.
De ce nombre d'amis, deux, MM. I)i([uc et Saugrais,
partent à présent pour aller sonder le terrain, examiner les
lieux, jirendrc îles conseils, et jeller les fondements du
nouvel établissement. L'endroit étant fixé par eux, soit aux
environs de Louisville dans le Kentuckej', comme nous l'a-
vons jugé par spéculation, soit comme on nous Fa conseillé
entre le Mississipi et la rive septentrionale de l'Ohio, où se
trouvent déjà trois grands établissements français. 1^'un des
députés, probablement ]\L Dicques, restera sur les lieux
pour veiller sur l'établissenu'iit ; l'autre reviendra en France,
s'il se peut, avant le mois île mars prochain, pour rendre
compte de sa mission, et il retournera en x-Vmérique en
mars ou en mai avec une demie douzaine au moins de nou-
veaux colons. Je compte être du nombre avec ma femme,
qui est sœur de i\L Saugrais, avec son frère aine, leur
mérc. M""' Riche qui est leur cousine, etc. Les autres vien-
dront ensuite dans des tems ditTérents, suivant que leurs
affaires et leurs arrangements publics ou domestiques, le
leur permettront ; tous le plutôt qu'ils le pourront.
Tels sont nos projets. Pour les réalités, nous désirerions
trouvera acheterune habitation formée, en état de recevoir
la société entière à son arrivée. Nous souhaitons que cette
habitation fût placée dans un lieu salubre, fertile, agréable,
autour duquel il y eût des terres à concéder et à défricher
dont nous ferions l'acquisition pour les partager ensuite
entre nous et les habiter, voulant réserver en commun la
10 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
première habitation pour les usages pulilics d'instruction,
d'amusement, de culte même, etc.
C'est sur toutes ces choses. Monsieur, c'est pour moi,
c'est pour mes amis, c'est surtout pour nos deux envoyés,
MM. Dicque et Saugrais, que j'ose vous demander vos con-
seils, votre protection, et votre puissante recommandation,
tant dans l'Etat de Pcnsylvanie, qui a le bonheur d'être gou-
verné par votre sagesse, que dans les autres Etats, où votre
nom est en ■sénération. Daignez, ^Monsieur, je vous en sup-
plie, éclairer ces jeunes gens, guider leurs pas, les diriger,
les addresser à vos amis, aux personnes en place, et les re-
commander de manière qu'ils puissent faire leur voyage et
remplir leur mission avec sûreté, agrément cl succès. Qu'on
ne les confonde pas avec cette foule d'avanturicrs de toutes
les nations, qui courent le monde cherchant Ibrtnnc. Ils
méritent d'être distingués, non seulement à raison lies per-
sonnes qu'ils représentent, mais encore par leur mérilc per-
sonnel. M. Dicque est un homme d'un âge mûr, qui, à beau-
coup de douceur et d'honnêteté, réunit un grand sens, et
heaucoui) de connaissance dans les affaires et dans le com-
merce. M. Saugrais, mon beau-frère, est un jeune homme
d'un caractère excellent, inliniinent plus instruit, plus ex-
périmenté, plus raisonnable et plus formé qu'on ne l'est com-
munément à son âge, né, pour ainsi dire, dans le sein de la
faculté, de jiarents imprimeurs et libraires de père en fils
sans interruption, presque depuis l'invention de l'imprime-
rie ; il a vécu, dès sa plus tendre enfance, aux écoles de
médecine, sous mes yeux, dans les amphithéâtres, les labo-
ratoires, etc. Tout jeune qu'il est, il a suivi j)endant nom-
bre d'années, nonseulement mes leçons, mais encore les cours
d'anatomie, de chirurgie, de chymie et d'histoire naturelle,
de physique, etc., de MM. A. Petit, Roux, Darcet, Buquet,
Fourcroy, Brisson, Charlet, etc., il a exercé la chirurgie à
l'hôtel-Dieu, et le tout avec un grand succès. Aussi ses
maîtres l'ont-ils toujours distingué, et lui ont-ils donné des
preuves d'Estime particulière et d'un véritable attachement.
I.tïTRES l^KDITKS DE CIILLOTIX A lîKNJAMlN FIÎANKLIN' 11
Ses progrès avaient clé si rapides ((iic j'ai cru pouvoir le
placer à l'âge de 19 ans comme Physicien el chirurgien au-
près de M. de Maxcnt, commandant à la Louisiane.
Chirurgien-major du vaisseau pentlant la traversée et
[)endant sept mois de ca})livité à la Jamaïque, il a rempli
prés lie trois ans, les mêmes l'onctions à la Nouvelle Orléans,
il s'est tellement t'ait aimer et estimer dans ce poste que le
comte de Galver, gendre de M. de Maxent, aj'ant été nom-
mé viceroy du Mexique, demanda M. Saugrais à son beau-
père pour l'avoir auprès de lui à Mexico. M. de Maxent ne
put le lui refuser. M. de (ialver, voulant alors (jue le jeune
homme se mît au courant des nouvelles découvertes laites
en Physique tant à Paris que dans le reste de l'Europe, l'en-
voya en France passer une année avec commission de lui
former un cabinet de Physitjue et de le lui apporter au Mexi-
que. Cette année a été employée à se fortifier dans ses an-
ciennes connaissances et à en ac([uérir de nouvelles chez les
plus grands maîtres. Déjà il touchait au moment de son
départ, il avait donné- l'ordn- de lui arrêter une place sur
un vaisseau lorsqu'il reçut la nouvelle de la mort du vice-
roy. Cet événement imprévu qui détruisit l'espoir d'une
fortune brillante ({ue ne pouvoit manquer de lui procurer
un vicCiOy du Mexi(|ue, rpii se disoit son ami dans toutes
ses lettres et ([iii l'étoil véritablement, cet événement ne lui
causa qu'un moment de chagrin. Il connaissait mon projet
de former un établissement en Amérique et mon désir que
quelr(u'un allât y préparer les voies ; il fut bientôt consolé,
il offrit de partir pour l'Amérique avec M. Dicque au nom de
la Société. Les ofï'res de ces Messieurs furent acceptées. La
joie succéda à la tristesse et il fut réellement bien plus
satisfait de l'espoir d'être réuni à sa famille et à ses amis
dans un azile champêtre, mais libre, sur les bords de l'Ohio,
iju'il ne l'avoit été de la perspective brillante d'une grande
l'orlune dans le palais de Mexico- au sein de l'ignorance et
du fanatisme.
Ces dispositions font l'éloge de son esprit et de son cœur.
12 HEVL'E IlISTOR[(jLli DE L.V HÉVOLITION KHANÇAISE
J'espère, Monsieur, que vos grandes occupations vous pcr-
meltent de lui accorder quelques moments tl'entretien sur la
physique et sur les sciences naturelles, parlicuHèrcmenl sur
l'électricité. Votre indulgence pourra en être satisfaite.
Pardon, Monsieur, mille fois pardon de la longueur de
ma lettre, et par conséquent de la liberté (jue je prends d'a-
buser de vos moments qui vous sont si précieux, ainsi
qu'au public. Mais dans une entreprise aussi imporlantc,
j'ai espéré que vous m'excuseriez si la nécessité de me faire
connaitre en même tems que mon projet, et ceux cjui sont
mes coopératcurs, m'obligeait à entrer dans des détails in-
dispensables pour vous inspirer de la confiance et pour vous
engager à nous accorder des avis salutaires et vos bons
offices. Je les réclame, Monsieur, de votre humanité, de votre
attachement pour les Français, qui s'en glorifient ; de votre
amour pour votre Patrie ([ui va devenir la notre, et, le di-
rai-je, de l'estime particulière dont vous m'avez honoré, et
que vous avez bien voulu me témoigner, à l'occasion de la
manière dont j'ai dirigé et exécuté les expériences propres à
dévoiler la charlatanerie et l'imposture du Magnétisme ani-
mal. C'est à tous ces titres que je vous supplie de nous
accorder vos bontés, et d'être persuadé des sentiments de la
plus vive reconnaissance.
J ai l'honneur d'être avec un profond respect. Monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur.
(niLi.oTiN, D"^ Med.
Paris. l.Sjinn 17S7.
P. -S. - Je n'ai encore parlé de nos projets à c[ui cjne ce
soit, excepté aux personnes qui y sont intéressées ; j'en ai
seulement touché un mol à M. de JeiTcrson. en lui présen-
tant M. Saugrais, persuadé que le secret étoit nécessaire
pour la réussite d'un projet à l'exécution duquel des pa-
rens, des amis, et peut être le (iouvernement lui même pour-
roient mettre des entraves.
Voudriez vous bien pernu'ttre, .Monsieur, que ces Mes-
sieurs étant en voyage vous addressassent leurs ilépèches
I.HTTliliS INKDITKS DE GUILI.OIIN A BliNJAMIN FHANKLIN 13
avec priùre de les faire passer à M. de Jcfferson, qui a eu la
bonté de me promcUre de nie les l'aire parvenir.
Monsieur,
J'ai eu l'honneur de vous écrire le 18 Juin dernier pour
vous présenter et vous recommander MM. Dicque et Sau-
grain, porteurs de ma lettre. Ces messieurs ont probable-
ment l'avantage d'être tlans votre ville à présent, et sont à
même d'éprouver vos bontés. Permettez moi. Monsieur,
d'interrompre encore vos grandes occu]ialions pour vous
réitérer mes recommandations et vous prier de leur accor-
der vos conseils, et votre puissante protection. Sur toutes
choses, daignez. Monsieur, guider leur inexpérience, et leur
procurer un Mentor partout où ils iront ; c'est le plus grand
service ijue vous puissiez leur rendre et aux personnes qui,
comme moi, s'intéressent vivement au succès du projet qui
les mène en Amérique.
Toutes les informations prises ici tendent à engager les
Français qui veulent s'établir en Amérique à choisir de pré-
férence le nouvel Etat qui se forme entre le Mississipi et
la rive septentrionale de l'Ohio, au pays des Illinois, et sur-
tout les enviions de Kaskassie ' . M. de Jefferson m'a dit
qu'il y avoit là des terres à concéder, et qu'il n'y en avoit
plus dans le Kcnstukey -. Nos voyageurs iront visiter ces
beaux lieux et là ils décideront par vos conseils et par ceux
des personnes auxquelles vous les aurez addressées.
J'espère que vous voudrez bien que j'use d'avance de la
permission que j'ai pris la liberté de vous demander, qui est
de vous addresser mes dépêches et de vous prier de les faire
passer à nos voyageurs, dont j'ignore absolument le sort.
J'ai l'honneur de vous souhaiter une continuation de
1. Kaskaskin. — C. V.
'.'. KeiUiR-kv. - C. V.
14 REVUE HISTOUIQIE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
bonne sanlé, et d'être, avec un profond respect, votre très
humble et très obéissant serviteur.
Paris, 5 août 1787.
Glillotin, D. Md.
III
Monsieur,
Agréez, je vous prie, un million de remerciements bien
sincères et bien affectueux de l'accueil gracieux et distin-
gué dont vous avez honoré M. Saugrain et son compagnon
M. Dicque, que j'avais pris la liberté de vous adresser et
de vous recommander. Ces jeunes gens manquent, disent-
ils, d'expression pour marquer leur vive reconnaissance
pour toutes les bontés dont vous les avez comblés. Dai-
gnez, Monsieur, les leur continuer, je vous en supplie, ils
vous devront leur bonheur, mes ainLs et moi nous vous
devrons le nôtre. Nous soi^pirons tous après l'heureux ins-
tant auquel nous pourrons aller vous en faire hommage,
ainsi que des sentiments de reconnaissance et de vénéra-
tion ([uinous animent.
J'ai l'honneur d'être avec respect. Monsieur, votre très
humble et très obéissant serviteur.
GlILLOTIN, D. M. C.
Paris, 2'J septembre 17X7.
J'use sous votre bon plaisir. Monsieur, de la permission
que vous voulez bien nous donner de vous addresser nos dé-
pèches. Je vous prie d'avoir la bonté de faire remettre le pa-
quet ci-joint à MM. Dicciue et Saugrain. Déjà j'ai pris la
liberté de vous en addresser deux, l'un du ô août et l'autre
du 17 7'"' dernier.
IV
Paris. 2 février 1788.
Monsieur,
L'accueil gracieux et distingué que vous avez daigné
faire à M. Saugrain de Vigny et à son compagnon de voyage,
M. Dicque, (jue j'avais pris la liberté de vous recom-
LETTRES INÉDITES DE GUILLOTIN A BENJAMIN FRANKLIN 15
iiiaiulcr, me font espérer que vous voudrez bien encore les
nonorcr ae vos Dontes, je vous en iais mes sincères remer-
ciements. Monsieur, j ose vous en demander la conlinr.alion
pour eux et, comme vous avez bien voulu le ])nrmeltrc, je
vous prie d'avoir la bonté de leur faire parvenir le paquet
ci-joint, j'ignore en quel endroit de l'Amérique ilssontà pré-
sent, n'ayant point reçu de leurs nouvelles depuis leurs der-
nières lettres en date du 27 septembre dernier. Ils annon-
çaient qu'ils partoient le lendemain pour le fort Pitt, avec
le projet de continuer leur route par l'Ohio. Un silence de
quatre mois commence à m"in(iuiéter. Si j'osais, je vous
prierais. Monsieur, de m'en donner des nouvelles. Si je ne
craignais de vous déranger de vos importantes et continuel-
les occupations, je vous supplierais en mémetems de vouloir
bien ajouter un mot de réponse aux lettres que j'ai eu
l'honneur de vous écrire. Combien je serois tlalté de rece-
voir de vous, Monsieur, les renseignements et les conseils que
j'attends de votre bonté !
Vous connaissez. Monsieur, par tout ce (juc j'ai eu
l'honneur de vous écrire, et par ce (jue vous ont dit nos
deux voyageurs, la situation et les dispositions de la plu-
part des personnes qui se proposent d'aller fixer ensemble
leur résidence en Amérique. Cela posé, .lecjuel des Etats
unis, anciens ou nouveaux, pensez vous qui convienne le
mieux à des français sages et instruits, admirateurs de vo-
tre Constitution', qui ont une fortune honnête, dont la plupart
ne savent pas encore l'anglais et qui désirent habiter un cli-
mat salubre et tempéré, susceptible de toutes les produc-
tions des Provinces méridionales de la France, telle que la
vigne par exemple, etc. Doivent-ils se joindre à la colonie
que va former le Général S' Clair au bas du Muskingum',
ou doivent-ils pousser, comme on l'assure ici, jusqu'au
nouvel Etat- qui se forme entre les rives du Mississipi, de
rOhio, et du Wabash, jusqu'au poste des Kaskakias, par
1. Sans doute le Muskegon, dans lÉlat de Michigan. - C. V.
2. LÉtat dlllinois. - C. V.
1() lŒVLi; HlSTOUIQLi; DE LA ItKVOLUTION I-l'.ANÇAISE
exemple, parce que ce pays est habile très-anciennement
par des Français et des Canadiens qui ont conservé l'u-
sage de leur langage ; parce que la température y est à peu
près celle de notre Languedoc ; parce que la terre y est
extrêmement l'erlile, le ciel superbe, etc., etc.? Mais le gou-
vernement y est-il aussi avancé, aussi bon ; riiajjitation
aussi sûre, etc., ijue dans les autres états ?
Daignez nous éclairer. Monsieur, nous vous en sup-
plions. Daignez guider nos pas dans une route nouvelle qui
nous est si peu connue. Mon bonheur, celui de ma famille
et de mes meilleurs amis, y sont fortement intéressés.
La vue du travail sublime de la dernière Convention d'A-
mérique, l'espoir de le voir adopté par les Etals Unis, nous
font désirer plus ardemment encore d'habiter un climat
heureux, qui marche à grands pas vers la perfection du gou-
vernement seul digne de l'homme libre, sage et éclairé. L'A-
méricjuc unie sous des lois aussi belles, que l'expérience et
l'observation mûrissent encore, deviendra le séjour du bon-
heur et le modèle des nations. Nous savons. Monsieur, cjue
c'est principalement à vos rares talents, qui ont été l'âme de
la Convention, que l'univers devra cette sublime production,
base solide d'une union fédérative, dans laquelle on décou-
vre cet accord merveilleux et unique jusqu'à présent, de
l'intlépcndance respective des Etats, de la liberté indivi-
duelle, de la force du gouvernement fédéral et du pouvoir
universel des loix. Une pareille constitution sur un sol et
sous un ciel aussi beaux, sagement secondée par le perfec-
tionnement des législations particulières de chaque Etat,
rendra l'Amérique aussi heureuse au dedans que respectable
au dehors. Tel est votre ouvrage. Monsieur. La Postérité
impartiale, instruite par l'expérience, lui paiera, mieux en-
core que vos contemporains, le juste tribut d'admiration et
de reconnaissance qui lui est si légitimement dû. S'il m'étoit
permis de mêler à tant de voix l'expression de mes senti-
ments, je vous prierois. Monsieur, d'en agréer l'hommage
aussi vif (jue sincère.
LETTRES INKIHTES 1)1-: GUIM.OTIN A HENJAMIN FliANKLIN 17
.I';ii riioniu'ur d'Otre, avec un proibiul respet't, Monsieur,
voire très humble el très ol)éissant serviteur.
(ÎIII.I.OTIN, 1). M. C.
Monsieur.
.lai l'honneur de vous envoyer, puisque vous voulez bien
me le permettre, le paquet ci-joint pour MM. Dicque etSau-
grain. .le vous prie d'avoir la bonté de leur l'aire passer dans
le lieu où ils se trouvent à présent. .l'ignore quel il peut
être. Leur dernière lettre, datlée de Pittsbourg le 24 8'"°
1787, nous apprend qu'ils étaient en bonne santé, qu'ils
comptaient s'embarquer le lentlemain pour descendre l'Ohio,
et c'est à peu près tout. Cette lettre, toute laconique qu'elle
est, a fait beaucoup de plaisir, elle a tiré de l'inquiétude
(|u'avoit causé le défaut de leurs nouvelles pendant quatre
mois, dont j'avois eu l'honneur de vous faire part dans ma
lettre du 2 février dernier. Pour ne pas abuser plus long-
temps de vos moments, (jui sont si précieux, permettez-moi,
Monsieur, de vous référer à cette lettre du 2 février, ainsi
qu'il celles ([ue j'ai eu l'honneur de vous écrire par tous les
paquebots de France depuis le 2ô juin dernier. Si vos gran-
lies occupations vous permettent d'y faire réponse, j'en serai
inliniment llatté, surtout relativement à la connaissance de
votre suj)erbe Pays (]ue je cherche à acejuérir.
Nos deux jeunes voyageurs auront trouvé la moisson abon-
dante et n'auront sûrement pas man([ué de faire une excel-
lente récolte. L'un deux doit être maintenant en route pour
revenir en Europe. On l'attend avec impatience. Sans doute,
en bon Physicien et en bon citoyen, il travaillera à nous
faire jouir des trésors de l'Amérique imie. Daignez, Mon-
sieur, accorder la continuation de vos bontés à ces deux
jeunes gens, ils ont grand besoin de vos sages conseils et de
votre puissante protection.
HKV. inST. IIE I..\ REVOL. 2
18 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Agréez, Monsieur, l'hommage bien sincère de tous les
sentiments que vous m'avez inspirés, et les assurances du
profond respect avec lequel j'ai l'honneur d'être, ^lonsieur,
voire très humble et très obéissant serviteur.
GuiLLOTIN, 1). M. C.
l':iris, 19 mars 1788. Hiu- Croix des l'.-lits thamps, n» 88.
I
Paris, !■'■ juillet 1788.
Monsieur,
C'est avec une bien vive douleur que j'ai lu la lettre que
vous m'avez fait l'honneur de m'écrire en datte du 2 et 3 mai,
et le papier qu'elle renfermait. Quelles affreuses journées que
celles du 19, 21 et surtout du 26 mars dernier! Que de pleurs
elles vont faire couler ! Que de familles désolées ! Encore si
c'était en combattant courageusement pour leur patrie que
ces infortunés eussent versé leur sang; leurs services, leur
gloire, la reconnaissance de leurs concitoyens, pourraient
servir à essuyer les larmes que leur généreux dévouement
auroit fait répandre, mais non, c'est un barbare assassinat,
(jue l'on senibloit n'avoir plus à redouter sur le paisible
Ohio, qui tranche le fil des jours les plus précieux et qui
plonge des familles dans le deuil. Au nombre des victimes,
deux jeunes voyageurs, doués des plus rares qualités de l'es-
prit et du cœur; car le tems, le lieu de cette scène cruelle,
la désignation des personnes comme naturalistes, et toutes
les circonstances réunies de cette sanglante tragédie ne lais-
sent presqu'aucun lieu de douter (jue le botaniste et le miné-
ralogiste français, quoiqu'ils ne soient pas nommés dans la
Gazette de Kentuke, ne soient les deux jeunes gens que j'ai
pris la liberté de vous addresscr, qui avoient eu le bonheur
de vous intéresser, et auxquels vous avez eu la bonté de
faire le plus favorable accueil. Leurs dernières lettres, datées
de IMttsbourg, marquaient qu'ils éloient sur leur départ et
qu'ils comptoient descendre l'Ohio vers le 15 mars. Ils al-
loient préparer leur bonheur, et celui de leurs parens, de
LETÏRF.S IXÉDITKS DE GUILLOTIN A lïEXJAMIN FRANKLIN 19
leurs amis, dans l'azile de la verlii et de ia liheilé. Quel re-
vers ! De ces deux infortunés l'un est perdu pour toujours.
L'autre, et le(juel ? on l'annonce presejne sans ressource: pro-
bablement il n'est déjà plus. Et ce qui met le comble à l'hor-
reur de cette terrible catastrophe, ce cjui est véritablement
désolant, elle renverse les projets les plus chers à nos
cœurs.
Comment en effet persuader à des femmes tendres et limi-
desd'aller habiter une terre fumante encore du sang déjeunes
gens qui leur éloient unis par les liens les plus doux du sang
et de l'amitié ? Une lueur d'espérance nous reste cependant
encore ; nous n'avons pas tout perdu. Le Français survivant
au massacre a pu, suivant la relation, quoique grièvement
blessé, sauter hors du bateau dans la rivière, gagner le ri-
vage, marcher ensuite et faire un long circuit [lendant la
nuit, pour arriver au bateau qui l'a recueilli. Le lendemain,
son compagnon d'infortune, "SI. Dierce, et conduit le jour
d'après aux rapides. Il n'avoit donc probablement aucun
viscère important de lésé ? Il lui restoit donc la force pour
résister ainsi pendant deux jours aux fatigues d'une pareille
entreprise ? Rlessé le 26 mars, il paroît qu'il n'avoit pas en-
core succombé le 4 avril, date de la Gazette de Kentuke.
Peut être le secours empressé des généreux amériquains
l'arracheront-ils à la mort ? Mais ces fatigues même, lon-
gues et pénibles, succédant à une commotion terrible, le
défaut de pansement et de tout autre secours pendant deux
jours, n'auront-ils point rendu incurable une blessure qui
n'étoit peut être pas mortelle par elle-même ? Ah ! Monsieur,
cette idée est affreuse. Cette incertitude est cruelle. Avec
quelle impatience je vais attendre les premières nouvelles !
Dans quelle transe je vais être en les recevant. Ayez la bonté
de m'en donner le plus tôt qu'il vous sera possible, INIon-
sieur, je vous en conjure. Pardonnez mes instances, je vous
en supplie. Pardonnez ma sensibilité. Ah ! Monsieur, vous
la justifiez vous-même par les éloges cjue vous donnez à
ces malheureux jeunes gens. Vous daignez même les parta-
H) liliVlK IIISTOKIyUE I)H LA UKVOI.LTION I-HANC.A ISK
ger. Vous k's i)aiiat;eiicz, si j'ose in\'X|)riiiier ainsi, l)ifn plus
encore avec moi, si, comme moi, vous aviez élevé le jeune Sau-
grain ; si vous l'aviez toujours vu bon. honnête, aimable, et
véritablement rempli de toutes sortes de connaissances uti-
les et agréables ; si vous étiez unis par les liens les plus
tendres à une l'auiille (jui le chérit. .le ne sais ce ((ui nie tlit
que c'est lui ijui est ilésigné par la dénomination de luincrd-
list, et qu\ a eu le bonheur d'échapper à la barbarie des
sauvages. S'il a élé assez heureux pour guérir de ses bles-
sures, nous ])()uvons nous llatter de l'espoir de l'embrasser
encore, .le vous demande en grâce, Monsieur, de \ouloir
bien lui conserver vos bontés et de lui procurer tous les se-
cours dont il pourra avoir besoin. Les sauvages lui ont tout
enlevé, il a loul ])erdu, il est dénué de tout dans une terre
étrangère, à plus de deux niille lieues de sa l'amillc. Mais
cette terre est habitée par un peuple hospitalier, bienfaisant,
noire allie, qui sait (jue nous avons accordé notre estime et
noire protection à ce jeune homme et ijui paraît prendre le
plus sensible inlérél à ce désastre. Celle idée me rassure. Je
ne doute pas cju'on iie lui prodigue les secours de toute es-
pèce. Agréez en d'avance, Monsieur, mes sincères remercie-
ments, et martiuez moi, je vous prie, quelle est la somme
d'argent ([u'il est nécessaire que je vous lasse jiasser, et
par (juelle voie, pour l'ournir à tous les l'rais, tant tle cette
malheureuse aventure ([ue du retour en France, s'il est encore
possible.
.le prentls la liberté. Monsieur, île \()us demander la
même laveur pour M. I)ic(|ue. si c'est lui (jui est assez heu-
reux pour se tirer d'un aussi mauvais pas. lùi |)artant. il
m'a laissé ici sa procuration et ses papiers pour gérer ses
affaires. En conséquence, il pourra s'addresser à moi pour
lui l'aire passer ce ([ui lui sera nécessaire pour subvenir à
ses l'rais. Si malheureusement, au contraire, M. Dicipie est
décédé, je jiourrai retirer ce (}u"il a laissé entre vos mains,
pour le remettre à ses représentans.
Dans tous les cas, Monsieur, je vous prie de vouloir
I.i;TTIii;s INÙDIIKS I)K C.ril.l.OTIN A liKN.IAMIN IIiANKl.l\ 21
l)ic'n l'aire (.•onslalcr par un acte puljlic, suivant la loi et les
usages du pays, le malheureux évènenienl du 2() mars der-
nier, et d"v joindre l'extrait mortuaire de rinlbrtunée ou des
infortunées victimes de la fureur des sauvages ; le tout visé
])ar le .Ministre de France prés des Etats Unis, alin (pie ces
[)apiers, dans la meilleure forme possible, aient en Europe
un caractère légal et autlicnti(iue pour le repos des pauvres
familles des décédés.
L'incertitude des suites de ce triste incident a l'ait que
renfermant ma ilouleur en moi-même, j'ai voulu en épargner
nue pareille aux familles de ces jeunes gens. Elles l'appren-
dront toujours assez tôt. Et si nous sommes assez heureux
pour (jue lun des deux survive, j'aurai sauvé bien des cha-
grins au moins à la famille tle celui-là. .le n'ai donc point
conununi(]ué votre lettre. Monsieur, ni le papier qu'elle ren-
fermait, .le vous prie, pour les mêmes raisons, de n'en point
parler (jue le l'ail ne soit absolument constaté, et que vous
ne me l'ayez mandé. Je désirerais même fortement (jue vos
papiers publics s'abstinssent, s'il éloit possible, comme je
vois qu'ils l'ont déjà fait, de nommer les deux jeunes gens,
de peur que ne tombant entre les mains des parens avant
que je les aye prévenus, celte fâcheuse nouvelle ne leur
cause une révolution funeste, ce que je redoute, surtout
pour la pauvre mère de M. Saugrain qui adore cet enfant.
Je vous prie. Monsieur, de remettre les dépèches addres-
sées en commun aux deux voyageurs, à celui des deux qui
pourroit survivre, ainsi que celles qui seroient à son ad-
dresse particulière, et de brûler le reste. Vous aurez la bonté
de brûler le tout, si nous avons eu le malheur de les perdre
tous deux.
Quant aux couverts d'argent que vous avez entre les
mains, j'ignore ce que c'est. Je retrouve cependant (jue ces
Messieurs ont été chargés ici de remettre à M. Jean Barclay,
négociant à Philadelphie, six couverts d'argent, deux cuil-
lers à ragoût, et une cuiller à soupe, le tout façon angloise,
de la part de M. D'Arcel qui avoit fourni une lettre de cré-
2'J REVUE UrSTOUIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
dit de tri)is mille livres sur ce M. J. Barclay. Ce négociant a
refuse verhnlemenl de l'aire honneur à la lettre de crédit,
mais il n"a l'ait aucune réponse à M. D'Arcel, ni sur cet ob-
jet, ni sur les couvei'ls d'argent, ni sur rien. Il seroit inté-
ressant de savoir, si, (juoiqu'il n'en dise rien, M. Barclay a
mieux accepté l'argenterie (jue la lettre de crédit, ou si c'est
cette argenterie qui a été déposée entre vos mains, jusqu'à
nouvel ordre de M. D'Arcel. Je vous prie. Monsieur, de
vouloir bien vous en faire informer, si cela est possible, et
de m'en donner avis.
Pardon, Monsieur, mille l'ois pardon, de toutes les pei-
nes que je vous donne. .Je crains d'abuser de vos bontés.
Mais, Monsieur, vous voyez ma triste position. Profondé-
ment affecté du malheur qui m'accable, je ne puis avoir re-
cours (ju'à voire humanité. .l'espère qu'elle m'est assurée et
quelle versera le baume de la consolation sur une plaie
bien douloureuse, qui saignera longtemps.
J'ai l'honneur d'être dans les sentiments de la plus vive
reconnaissance et du plus profond respect. Monsieur, votre
très humble et très obéissant serviteur.
Glili.otin, D. m. C.
Les pa({uebols français sont, dit-on, supprimés. J'ignore
si la personne qui s'est chargée de ma lettre, et qui passe
elle-même en Amérique, la remettra fulèlement. (".'est ce (jui
m'engage. Monsieur, à faire le duplicata et à vous l'addresser
par la voie de Londres, afin d'être sûr ([ue vous l'ecovrez
cette réponse à la dernière lettre que vous m'avez l'ail l'hon-
neur de m'écrire.
FÉLIX i)i':si>0[iTi<:s
ET LA.
UK[1.\!().\ l)K r.KXKVi: A LA riîAXCK
EX 1798
LES CONSEQUENCES DU 18 FRUCTIDOR
(i EN EVE MENACÉE
Premier inaire de la eonimune de Montmartre, Félix
Desporles, qui était né à Rouen le ô août 17(53, et qui, grâce
à la protection de Dumouriez, avait rempli diverses mis-
sions diplomatiques en Suisse en 17i)l, auprès du duc de
Deux-Ponts et à Metz, fut nommé résident de la Républi-
que à Genève en décembre 179 t.
En nous servant des arcliives françaises et genevoises
ainsi que de plusieurs collections particulières, nous avons
essayé d'écrire l'histoire du séjour de trois années ([u'accom-
plit l'ancien maire de INIonlmartre sur les i)ords du lac Lé-
man, et des négociations extrêmement comi)lexes qui ame-
nèrent la France à s'annexer la petite Républicjue le 1.) avril
1798.
Les intentions du Directoire, nettement bienveillantes
pour Genève durant toute la première partie de la mission
de Desportes, changèrent subitement après le coup d'Etal
du 18 fructidor.
Le présent chapitre ' expose cette volte-face. Despor-
tes, au({uel son intervention pacificatrice au cours d'une
émeute populaire en 179() a donné une influence exlraordi-
1. Cc'ch:ipiliiM'sle.\.lrail d'un ouvrage qui parailra pTOchailKMiiflit.
24 HEVLE HlSTOniQCE ijE l..\ UÉVOI.LTION FRANi;AISF.
naire dans la politiciue iiitéiieuie de (ieiiève, va en piolilei-
pour agir désormais énergicjuement en vue de la réunion,
surtout lorscju'il aura découvert (jue sa situation person-
nelle était en jeu.
Le voyageur (jui se rendait de (ienève en Sa\oie, après
être sorti de la \ille par la Porte-Neuve et après avoir tra-
versé l'Arve sur un antique pont de bois, parcourait, sur
une étendue de ijuelques cent mètres encore, le terriloiie de
la Répul)Ii([ue, puis s'arrêtait devant un imposant bâtiment
à l'entrée du bourg de C.arouge. (hélait la douane française,
poste de grande importance depuis (juc (".arouge était la pre-
mière localité française sur !a roule tie C.hambéry. Aussi
les administrations des finances et de la guerre avaient-elles
envoyé dans celte ville deux fonctionnaires revêtus de bauLs
pouvoirs et commandant des détacbements de soldats et de
douaniers, le général César Oubxel ' et le citoyen Gay. En
raison de son emplacement sur la frontière, le jiont d'Arme
était garni de portes et d'un corps de garde; les soldats ge-
nevois qui y étaient de piquet examinaient les passeports et
surveillaient la contrebande, mais le tracé bizarre de la frcn-
tière et les eaux basses de l'Arve rendaient cette tàcbe très
malaisée.
Dans la nuit du lundi au martli 1 avril 17î)7. une troupe
de deux à trois cents contrebandiers attaqua la douane de
C.arouge et y enleva vingt-et-un ballots de marcbandises
(jui venaient d'y être déposés après avoir été saisis en vertn
de la loi sur les produits anglais. Un des préposés reçut plu-
sieurs coups de bayonnetle, deux de ses camarades auraient
été entraînés sur le territoire genevois et grièvement blessés.
Les soldats de picjuel au pont, alors fermé, déclarèrent avoir
entendu^des cou]>s de feu et vu « plusieurs individus filant
l.UnvTut.iKl-CrsMr Oiil.xc-I. M.-. .S<immiiTi-s((;:ii<l) le 2 iikmv I74I1. soldai au
n-siminl .1.- Uoursiuiiur !<■ I-' m.iviiuImv 17.')!), lioiUcnanl I.- \2 janvu-r \lir2. la-
pilaiiU' le 1" aol-lt 17!KJ. .luf de balaillcn 1,- Kl aolll 17!):i, clu-f de l)iiga<l<- 1<- 14
.i.Inhre 17»:!, Krn.ral d,. l)rigad.- 1.- 7 .,> l„l>i,- 17!t4, lolrailé lo '.'7 oclobr.- 1X114,
<l<c><l<- le S iHviier l.SI.t.
KIJI.IX niîSPORTES ET h\ liliUMON DE (lENKVl-; A I A l-HANCE ^.)
le long (le la rivière ». Mais, à ce inonieiit-là, aiu'iiii rapport,
aucun indice quelconcjue n'autorisa d insinuer (juc le pont
eùl été ouvert pour permettre aux coupables de se sauver à
Genève ni que les contrebandiers lussent des Genevois '. Et
quand une députation du Conseil se rendit auprès de Des-
portes, après cet événement, pour lui exprimer son indii;na-
tion, le résident l'accueillit, à vrai dire, avec un visage sé-
vère, en ladjurant d'employer de nouveaux moyens « pour
purger son territoire des scélérats qui l'iid'estaient - », mais
Desportes savait fort bien, pour l'avoir appris de la bouche
même du citoyen Gay le lendemain de l'affaire, que ceux
des meurtriers reconnus par les douaniers au milieu des
ténèbres « étaient tous des habitants de Carouge ». Gay et son
compagnon, le citoyen Roissard, visiteur en chel', avaient éga-
lement affirmé à Desportes que le pont d'Arve, jusqu'à son ou-
verture habituelle au malin, avait été constamment fermé '•.
('/était donc aux autorités de Carouge qu'incombait le
soin de rechercher les coupables et de les punir. Mais les
administrateurs de la commune étaient animés, on le sait
déjà, des dispositions les plus malveillantes à l'égard de Ge-
nève, et leur autorité était nullç sur cette population re-
muante, qui vivait de la contrebande. Encouragés par le ci-
toyen Gay, qui avait épousé leur ressentiment, excités par
l'avocat Jacques Grenus, ils rejetèrent toute la responsabi-
lité de cet attentat sur les Genevois, en altérant outrageuse-
ment la vérité. Le directeur Gay s'enfuit à Chambéry, dé-
clarant « que ses jours étaient en danger dans Carouge »,
abandonnant son poste « à l'instant de la désorganisation
générale de ses brigades » et malgré « les vives instances »
du résident *.
Or, Félix Desportes était en butte, en ce moment, à un
de ces accès de mauvaise humeur contre Genève .qui l'as-
1. Oespoi-tes n Delacroix, 4 aviil 17<I7. A. K.. (inurr, v.,1. KIC), p. Ki.S. [dnii.
17 m.ni 1797, p. 252.
2. Dcsportcs à Delacroix, i) avril 17il7. A. E.. (inniv. vol. KHi, p. 17C.
'^. Lettre de Desportes du 17 mai.
4. Idem.
2() liEVUE HISTORIQUE DE LA UÉVOLUTION KHAXÇAISE
saillaient de temps h autre. La nomination d'un modéré, de
Jean-I- rr.ncois Butini, à la place de procureur i^énéral, l'a-
vait indisposé ; il ne croyait discerner de vrais amis de la
France (Uie " parmi les patriotes courageux ([ui avaient dé-
truit le joug liherticide de la magistrature tle 178!> » ' . Il
déplorait ce recul des patriotes, il voyait dans cette élection
la main « de la faction helvétique », el. le Ki avril, il avait
autorisé un de ses secrétaires à composer un long mémoire,
déconseillant catégoriquement le déscnclavcment du terri-
toire de Geuéve réclamé par les syndics el prônant la réu-
nion de Genève à la France -.
Qu'il eût donc apparu dans l'attentat de Carouge le
plus léger indice déi'avorahle aux (îenevois. Desportes s'en
serait immédiatement emparé pour le l'aire servir à ses des-
seins. Mais, loin de là, plus le tenqjs s'écoulait, plus il
était convaincu de l'innocence de Genève dans cette affaire
et de la coupable faiblesse des autorités de Carouge. L'évé-
nement s'oubliait déjà, plus d'un mois s'était passé, (|uand
le dimanche 14 mai. Desportes reçut un courrier de Paris
qui le stupéfia. A la suite d'un rapport circonstancié adressé
au Directoire, le ministre Delacroix, faisant l'historique
de l'attaque de la douane, prenait vivement à partie les
Genevois, contestait leurs dires et ceux du résident, exagé-
rait le nombre des blessés, parlait de tués, affirmait cjue le
pont d'Arve avait été ouvert pour recevoir les meurtriers,
« cpie celte bande était composée en grande partie de Gene-
vois » et (jue la garde du pont « était de connivence avec
eux X. « Cet acte, disait Delacroix, était une véritable hos-
tilité du gouvernement genevois' », et il enjoignait à Des-
1. D<■^p<.|■U■s i, DchuTois, i:i:nril ITilT. A. K.. (ie,,,;;-. v.,1. llKi. p. USO.
•->. Idem. pp. 184, ISy-liK).
.{. Hnppcrl il.- Dflacroix au Diivcloin-, ;i mai 17SI7. C.r (loonimut est suivi de
la note : Auprniivr. Le iiiiiiislre ilemiiitdira de plus des iiideinnilrs piiiir les rennes
el enfants des enipliiyés Inès. Il reprochera à Desporles de n ainir pas agi avee
assez de nûjnetir. de ne l'anoir pas instruit de l'onrerture du pont d'Arne et du
meurtre des (A'ii.i- i/ii/j/oyrs. Sigtu', I^i- Touiiii'ur, C.anidt, P. IJarras. A. K., Genéne,
vol. 1U(>, p. T2». Dilacmix à I)«porles, !) mai 17!)7... « \'.iiis diclar.-icz doiu-, au
nom (lu Dircl'Ulirc oxi-cutil*, que si les (ieiievois ne i>renuenl eux-mêmes el
pnuuptemeul les luesur.s les plus eftieaees pour rétablir lorilre sur eetle frou-
1-liUX DESPOUTr.S ET LA liKL'MOX DE (lllNHVE A I,A FRANCE 27
porlos « (le faire les repiésenlalions les plus vigoureuses
aux syndics », d'exiger la reslilution des ballots enlevés, la
punition immédiale des soldais coupables, une indemnité ;
il annonçait la prochaine arrivée à C'.arouge de 400 hom-
mes (le troupes, et sous une l'orme menaçante, il ordon-
nait à Desporles d'oblenir des magistrats de Genève la
permission d'établir au pont d'Arve un piquet de soldats
français « pour y faire le service avec la garde genevoise » .
Enfin, Delacroix ne cachait pas au résident le mécontente-
ment du Directoire, qui lui reprochait « de n'avoir pas agi
avec assez de vigueur ».
Celte inculpation et ce désaveu inattendu laissèrent Des-
portes étourdi. Autant d'affirmations, autant d'inexactitu-
des ! En vérité, les Carougeois avaient habilement « tra-
vaillé » à Paris pour faire accepter si bénévolement leurs
impudents mensonges. Et sur l'heure, de sa meilleure plu-
me. Desportes s'efforça de rétablir les faits. « Ma justifica-
tion sera simple, citoyen ministre, écrivait-il, elle repose sur
les déclarations formelles des principaux employés de nos
douanes... » Ces déclarations. Desportes les avait trans-
mises presque mot à mot à Paris. Pourcjuoi les Carougeois
revenaient-ils maintenant sur leurs premières dépositions ?
N'était-ce pas en raison de « cette haine invétérée » qu'ils
nourrissaient contre Genève, cl (jui leur faisait « déverser
sur celte républi<iue tout l'odieux de l'attentat ? »
Certes, Desportes était « loin de ménager les Genevois
lorsqu'il les croyait coupables ». Le ministre pouvait lui
rendre cette justice ; toutes ses dépêches le prouvaient.
Mais, dans celte affaire, la vérité éclatait trop ouvertement
pour (pi'il ne s'inclinât pas devant elle. Au reste, le résident
n'était pas un héros, son caractère n'était pas d'airain, il
tenait à sa place, et, flairant un danger pour sa personne, il
s'écriait en terminant : « Il serait trop douloureux pour moi
Ik'ic, nssuier la neutialiti' et JispLMsiT les brigands, le gouvernement français,
qui a le droit de haute protection sur la ville et .Seigneurie de Genève, prendra,
pour y parvenir, tous les moyens qui sont eu son pouvoir. J'attends prompte
réponse. » Idem, p. 2.39.
2iS r.Evvi; iiisTOiiK>i i; m; i.a uhvolltion fkancaisi-;
!|iu' If Directoire put ju'Iisit i.\m' jo suis expose à encourir
(le sa part un smil reproche » ' .
De lait, coiunie celle sévérité tombait n.al I On \enail
(rai>prenclre à (ienéve la signature des iiréliniinaiies de
Lcoben, preniier trioniplie diplouiati([ue de Honaparle en
Italie, et celte nouvelle provoquait une joie tléliranle. La
ville, la banlieue étaient secouées par les clécliarges d'artil-
lerie ; cent neuf cou]is de canon acclamaient la paix, les
eniants avaient fait même tirer leurs petites pièces. A la
nuit tombante, la \il!e silliiminail. les cercles, les niaisons
des patriotes surtout. Dans les rues, la l'oule criait : Sdliit
à la paix. Vire la Rcpiibli(jue. VA les vivats éclataient en
faveur de Bonaparte. On frappait en son honneur une mé-
daille en or et en argent, gravée i)ar Pierre l'errier. Des
dîners s'improvisaient entre ciloyen.s sur les places publi-
ques, et, à l'holel de ville, un baiiipiel monstre a\ait réuni
ies syndics et les conseillers, le résident et sa légation, les
commissaires municipaux de l'ernev. de (".arouge et d".\n-
ncmasse, le général Oubxel, commandant à C.arouge, le
commissaire des guerres Herpin, le peintre Saint-Ours. On
y avait porté des toasts enflammés aux victoires tle la Ué-
publicpie, à Bonaparte, à la paix prochaine -.
Et c'est au moment où Genève s'abandonnait tout en-
tière à ce délire, que la frappaient les foudres du Directoire !
Et sous (]uelle forme, avec quelle injustice ! Quand, le lun-
di IG mai, à sept heures du matin, le syndic président
(iervais vit arriver chez lui le résident et son secrétaire Dar-
neville. (juanil il s'entendit reprocher « la négligence du
gouvernement » (jui ne « nuuupierait ])as d'attirer sur de-
nève les jilus grands malheurs », la prétendue ouverture
du pont ir.\r\e. il demeura confoiulu ' . I-Jait-ce un rêve ?
1. Despnit.s :. Delacroix. 17 mai 17!17. .A. K., (;iii.i..-, v..l. IlHi, |>. -J-VJ.
2. /</i-iii. 4 mai 1797, p. i'iO. ,/oiij/i.i/ ilc lintinlillon-DiiIdy. Hlhlioth.'ciiio pu-
blique di- (n-uov,-. u" (H). H. C. ■> uiai 17!17. .4»ii des Loin du 28 uiui 17!»7 :
« Les pati-ijïU's de (ieuève oui appris avec la joie la plus vivo la uouvoUe de la
paix. Les aristocrates se sout enfermés chez eux pour cacher leur tristesse. »
:t. H. C... n mai 171)7.
1-KLix i)i:si>oKTi;s r.T i.a ni;iNioN ni, ciinkvi-; a i.a ritANci-: IM
l'^tait-c-o bien li> nuMiie liunimc (|ui. iiiif semaiiR'auparavanl,
s'associait si enlhoiisiasle à la joie des citoyens de (Icnève
et ([ui tenait maintenant ces jn-opos menaçants ? I.e Con-
seil, aussitôt prévenu, en était indij^né. Mais, en rapportant
sa réponse à Desporlcs — réponse négative et très digne -
en discutant avec lui. (iervais décoiivrait la cause de cel
inexplicable langage. Desportes lui montrait une partie de la
dépèche tki ministre ; « avec le Ion li'un homme oppressé»,
il lui parlait de sa situation compromise, de menac-cs de
rappel qui le guettaient « pouravoir défendu notre cause ».
Or, loin de s'arranger, les choses s'aggravaient. Tandis
qu'à Paris, Soulavie et sa bande nnilti])liaient leurs atta-
(jues abominables contre Crenéve, excitaient le directeur l'cu-
bell, (jni en arrivait à traiter les Cicnevois tle " bande d'as-
sassins el de brouillons » ' , Despoiles ne digérait pas sa
demi-disgràce et continuait à traiter avec rigueur les magis-
trats, leur affirmant que leur ville " était l'égoùt de la con-
trebande, que la France la ferait cerner par lO.OOd hommes »-.
Le 2() mai. le général Kellermanii. airivé à Carouge pour
y installer le détachement de soldais ordonné iiar le Direc-
toire, parlait lui aussi brutalement aux députés du Conseil
et leur déclarait qu'il « ferait fusiller tous les fraudeurs (jui
seraient surpris en contravention » '.
Néanmoins, la conduite de Félix Desportes à l'égard de
(ienève fut beaucoup plus généreuse et honorable dans le
fond (pi'elle ne le i)arut à ses contemporains. Ses dépèches
inédites ne laissent aucun doute à cet égard. Pendant deux
mois encore, le résident persista à répéter, contre l'avis de
ses chefs, du Directoire et des ministres, ([ue dans cette
affaire de la douane, les Carougcois, et à leur tète le citoj'en
Guerre-, agent municipal, mentaient lorscju'ils assuraient que
1. .N'otc autographr de lUnljcl! en ni;irf{i' il'lliu' picVr iiispinc |>:ir Sniilnvir
c-t demandant au Diiccloin- darr.-li-r- à l'arts l.'s assassins d.- Bandit d <le
l'radicr. .Janot en tète, 7 avril 1797. .4. /C, vol. 1%. p. 217.
2. M. C 21 mai 17<»7.
3. IJrw.
30 RCVUF. HISTOlilQUE DE LA nÉVOI.UTIOS FRANÇAISE
le pont (l'Arve avait été ouvert ' . Un nouvel incident de
contrebande s'étant produit à Chêne, Desportes continua à
défendre le gouvernement de Genève, « qui dans cette cir-
constance avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour
remplir notre attente ». « Nous devons nous en prendre,
ajoutait-il, au silence vraiment scandaleux, vraiinent déloyal
de nos préposés qui craignent presque toujours ou plutôt
qui refusent de confirmer leurs aveux devant le tribunal - .»
Ces paroles étaient graves. Le ministre Delacroix les
trouva déplacées, et, constatant que son agent poussait les
choses trop loin, il résolut pour la seconde fois de blâmer
son altitude. «Les nouveaux détails cjuc vous me donnez ne
m'offrent aucune couleur de vérité, lui écrivit-il le 2 juillet
1797... ils sont même en contradiction avec ceux que j'ai re-
cueillis. » Pour le ministre, le pont d'ArA'e avait été bel et
bienouvertdans la nuit du 3avril. Les dépositions des Carou-
geois étaient catégoriques, « elles emportaient sa convic-
tion ». « Je ne saurais imaginer quelles raisons vous avez
eues tle ne pas exécuter les ordres du Directoire exécutif
cjue j'avais reçus par écrit el dont vous devenez responsa-
bles... Je vous charge de présenter aux syndics la note la
plus énei'gique* . »
Alors, devant de pareilles injonctions, sentant qu'à poursui-
vre ce jeu, il risquait et sa place et son avenir — il n'oubliait
pas son rappel de 1795 — Félix Desportes perdit sa fermeté.
Désormais, il abandonnerait les Genevois à leur malheureux
sort. Le ministre des relations extérieures témoignait une
malveillance continuelle à leur égard, il oubliait, de propos
délibéré, leurs preuves répétées d'obéissance el de bon voi-
sinage. Soit ! Desportes s'inclinerait, d'autant plus qu'en
agissant ainsi, Delacroix paraissait avoir l'approbation de
la majorité du Directoire. Dame ! le résident tenait à sa
place, il avait une famille à faire vivre, la Révolution l'a-
1. Di'sportrs ;'i Doliicroix, L';i mai 17i)7. .\. E., Gem-rc.
2. Di'sportes i\ Delacroix, "J? juin 1797, idem, p. 321).
;i r,i,'i„ 1. :(:u
;i. Idem, p. .ai.
FÉLIX DKSl'ORTES ET LA RÉUNION DE GENÈVE A LA FliANCE 'Al
vait ruiné. Qiichiues jours aujiarav.Tiit, un arrêté du Direc-
toire lui avait notifié cfue son traitement était réduit de
4.000 livres, en vertu d'une décision générale concernant le
corps diplonialicjue, (]ue son secrétaire Darneville allait
être rappelé ' . Non, il ne sacrilierait pas ses intérêts les
plus légitimes à ce peuple, chez lequel, il est vrai, il comp-
tait de chauds et bons amis-, mais ([ui était incapable
de se gouverner, et cjui, à s'entre-déchirer depuis tantôt
deux ans, à s'user en discordes violentes, avait perdu tout
droit à la sympathie et au respect.
Cette date est capitale dans l'histoire de la chute de Genève.
C'est à partir du mois de juillet 1797 que le résident en-
tra délibérément dans une voie nouvelle à l'égard de la
République et qu'il n'eut plus désormais en vue qu'un but,
consolider sa situation et mériter la reconnaissance du Di-
rectoire en amenant avec prudence et avec art les Genevois
à se donner à la France. S'il y réussissait, quel triomphe
pour lui, quelle compensation des injustes attaques dont il
avait été la victime !
1. Arrûtcdu Dlvi-ctoire du 21> juin 1707. A. K., Valais, vol. T), p. (w.
2. Cf. une lettre de Desportes au citoyen Martin, premier bibliothécaire de
Genêve(13 juin 1797), pour lui annoncer l'envoi d'un ouvrage du citoyen Magnien
sur le comuiercc des Français aux colonies d'.Amérique. Papiers du D' Léon
Reuilliod àGencve. Lettres de Desportes à Mare-.\uguste Pietet, 1!) juillet 1797'..
« Il y a trop longtemps que vous nous privez du plaisir de vous \-oir à Saint-
.Jean. Je ne sui*i pas le seul à m'en apercevoir et de très belles dames me
chargent de vous gronder de votre négligence... I..e départ de M. Danu'ville
pour Paris va m'enchainer plus que jamais dans mon ermitage... « '2.S juil-
let 1797 : « Je ne vous exprimerai point, mon cher professeur, combien votre
prochain voyage me contrarie et même me cause d'intiuiétude. Un petit oi-gueil
luilional m'en empêche, mais au fond, le sentiment n'y perd rien, et vous con-
naissez assez mon cœur pour être bien sûr que quel que soit le motif de vos
absences, elles me feront toujours beaucoup de peine. Vous partez avec un Anglais,
homme d'un mérite très distingué, et qui plus est, avec une Genevoise, bien
plus redoutable encore pour moi par l'amabilité et les grâces que tout le monde
lui accorde ! En vérité, j'ai bien peur que vous n'oubliez nm Uuujne et (pu' vous
ne reveniez l'esprit absolument séduit, et h i-œur tout à fctit Breton. I*rencz-j*
garde ! Vous avez plus que de la propension à l'anglomanie, et je me suis aperçu
souvent que je ne vous tenais attaché que par un cheveu. Au sur|>lus, ce cheveu
là est celui de Nysus ; j'arme contre vous cinquante-huit millions de bras, si
vous ne me rapportez pas tout l'attachement que vous devez à ma patrie pour
le bien qu'elle pense de vous ; avec ce léger secours, je suis bien sur de faire de
vous un homme mort... matériellement s'entend, car votre souveuii-, je le sens,
vivra toujours dans le cœur de ceux qui savent apprécier les i)lus beaux talents
réunis à la modestie la plus rare. Salut et inaltérable attachement. »
;i2 HF.VLl-: IIISTOUIQLE DE I.A HKVOLLTION rilANÇAISK
Un échec, au contraire, cntrainciail inlailliblenuMit son
rap|)el. peul-èlre sa mise à la retraite.
Cette altitutle, Ijicn peu la devinèrent à (lenèvc. Seul,
l'historien Hérenger en eut le pressentiment '. Mais les Ge-
nevois ne comprirent jamais les causes de cette volte-face
inattendue, qui devait aboutir, dans leur esprit, à la plus
déloyale des trahisons.
Son {)arti pris. Desporles adresse au Conseil une de ces
notes» éneri;i(iues » dont il a déjà usé en des temps criti-
(pies ; il y reiunivelle impérativement les demandes du Di-
rectoire, la punition des hommes du pont d'Arve, une in-
demnité, l'admission de soldats français sur le It'iiitoire
genevois. En agissant avec cette brutalité, il apparaît si
clairement (jne Desportes fait violence à ses convictions
j)eisonnel!es, ipie le même jour il réjjond à son ministre
(ju'il se taira désormais, « (pi'il obéira san.> réilexion » aux
ordres reçus, en s'abstenant de faire la moindre» représenta-
tion », mais, ajoutera-t-il, « je persiste à vous déclarer (jué le
rapport aussi l)ien(]ueles lettres (|ue le commissaire Ciiastel
adresse soit a xous. sent au ministre de la police générale,
sont un tissu de faussetés et de calomnies... Les ténèbres dont
on enveloppe celle odieuse afl'aire vont bientôt s'éclaircir
sans doute, et vous connaîtrez, mais Iroj) tard, qui de moi
ou des agents de Caronge a eu la criminelle audace d'en
imposer au Directoire -. »
Les nuMnbies du conseil de Cienè\e, (]ui ignorent, eux,
;. n Dcspoili-s. n:ilun'II.Mm'nl limi. ciil Unijoius lU- lioiim-lr. si son •((uiv.tiu-
monl l'eiil élr ; iii;iis il lui cluit di-voiu'. Ceux ([iii IciKiicnt K's rriu-s ilniriil à
SCS yeux de gniuds lioiiinu'S. Il voulnil leur phiiie el no pensiiit poiiil <|uil (Cil
possible de s'avilii- en faisnnt les jielinns \iles cpi'ils cniiiiniiiulniont. » lièreii-
^er, liisloire tit's ilfrnifrs tfinps de Ut Hi'-pulylitjiic (te (ienère et tle sa réunion à la
Franee. Genève. ISOl. p. 37. « Celle hyi)oeiite ftuisselé n"él:iil point d:nis le
earactére de Desporles. surlnul lors<|iu' :uieim ninliriie lui inipnsail In iièeessilé de
s'en servir», p. 49.
2. A. E., Genève, vol. llHi, i>. .'iVi. u ... l'uisque vous ;ivez juge ipie les
détails que je vous adressais ne vous oiVraient aucune couleur de vérité, puisque
ma lettre et la pièce ne vous ont pas con>'aincu que le citoyen Guerre, agent
municipal de Garouge, avait menti à sa conscience et àla vérité dans son r.ipport...
je m'abstiendrai... o Ku marge de cette dépêche, on lit : Rerherelter lonles les
pièces de celle affaire el l'ièparer un rapport le plas pronipleinent possible.
IKI.IX I>USl'OI\Ti:s ITl.A liFlMON I)l; CEN'KVi: A l.A rRANCE Xi
(jue Desporles s'est l'ait lourdélenseur à Paris, sont indigiu-s
à la li'Ctuie de eetle iKuivelle noie et dapprendre (|ue, pour
rétablir l'ordre sui- la ri'onliére, « le (it)u\eriH'ment IVaiieais
emploiera tous les moyens ". Les demandes du Direetoire
« ne l'eiiosent sur aueuii niolif réel », répli([uent-ils à Des-
porles. " et i>uis(jue les exi)llcalions les jikis sallsi'aisanles,
la conduite la plus sage el la plus amicale, les mesures les
plus sévères, ont été Miutiles contre les eiïbrls de la mal-
veillance et de la ealnnmie », ils décident sur l'heure de
rédiger « une proleslalion solennelle » el de députera Paris
l'administrateur .Iean-.lac(jues Hicliard, pour découvrir les
intentions du Directoire cxéculil''. Résolution hâtive et ir-
rérléchie, que Michel Micheli, installé depuis peu à Paris,
ne put s'empêcher de désapjirouver, ainsi que « le ton
un peu vil' » employé par les syndics dans leur réponse à
la noie de Desportes. Micheliavail été présentéoniciellement
au Directoire un mois auparavant : il avait reçu du pré-
sident Carnot et de ses collègues un chaleureux accueil, el,
grâce à la botanique, il avait échangé avec La Réveillèrc-
Lepcaux les propos les plus aimables. L'ancien ambassadeur
à Bàle, Rarlhélemy, entré au Directoire le 'H\ mai précédent,
lui avait témoigné » les meilleures dispositions - ». Pour-
([Uûi cette malheureust' aiïairedu pont d'.\r\e surgissait-elle
à nouveau, déi'ormée el eidlée, pour le plus granddéplaisir du
novice ministre, ilont l'expérience diplomali((ue était encore
si précaire"? Micheli nes'élail pas gêné iiour multiplier les
1. l.cs syiuliiS :i Di-sncilrs. S jiiill.-t 17117. C.opir il,' l.lln-s 7(1. Arriurrs tt,-
2. Cf. CiiAPiisKT. De la Tirn-.ifà lAnm-xù,!,. p. I!l7-lil).">.
:i. Tolll en i-nln-li-ii:wit pcist.niicll.-in.-nl li-s iiu-llli'lirs nippoils m\.-c .Mii-lu-li.
.•u II- i-ouvrniit do lloiirs (Cf. sa Ictlic du 18 juin 17!)7. piil)li.-o pur Cliapulsnl,
p. liW), Uespoïk-s, dnns ses dépèihes :ui ininistie Delneioix. .jiigejul Mieheli
avec une fort grande liberté. « ...Malgré l'éleudue de ses eonnaissanees titléraires,
il ne peut se dissimuler qu'il est absolument ueuT en dlplomalie... Néanmoins,
sa eonversalion n'est point sans facilité ni sans grâce, mais elle est plus solide
(|ue brillanle... .le ne lui suppose pas dans l'esprit ce ralliiuMuenl, celle subtilité
qui dénotent une propension à l'intrigue ; ainsi nous n'avons poii\t à redouter
que sa finesse dégénère en duplicité, et s'il vous importe un jour de eonnaitre
le fond de sa pensée, ce seront moins ses parcdcs (pu- son silence que \ous serez
dans le cas d'interpréter. « Desportes à Delacroiv, 'j:! avril 17il7. .A. K., (.'.■/icec.
vol. lllfi, p. 2(19.
IIKV. UlîT. HE 1..V RÉVUI.. ■!
;^4 REVUE HISTORIQL'E DE LA liÉVOLUTION FRANÇAISE
conseils de prudence à Genève, estimant (|u'on y manquait
vraiment de doigté et de sens politi(|ue ' .
Au point où en étaient les choses, avec cet envoi malen-
contreux de Richard, et Desporles réitérant les notes sur la
contrebande -, la situation menaçait de devenir inquiétante.
Elle plongeait Micheli ilans une grande anxiété, c|uand se
produisit, le 19 juillet, un changeme'nt inespéré dans les
bureaux du Directoire. Le ministre (".harles Delacroix dé-
missionna. L'ex-évèque d'Autun, le ci-devant abbé ("Jiarles-
Maurice de ïallcyrand, protégé de M""' de Staël, lui succéda
au ministère des Relations extérieures ' . ("/était pour les
députés genevois un opportun changement. Ils s aperçurent
bien vile qu'avec ce ministre, leur affaire allait prentlre une
tout autre tournure. Soupçonneux-, rancunier, malveillant
contre Genève, Delacroix était remplacé par un homme
aimable et lin, libéré des violentes préventions de son pré-
décesseur. Par malheur, personne ne pressentait encore à
Paris ce que cachait de i'ourberie et d'astuce le cœur ilu ci-
devant évé([ue d'Autun.
En (juelques semaines la ((ueslion de la contrebande se
trouva liquidée. Le serviable (iirotl de l'Ain, « notre bon
ami » écrivait Richard ' , et l'ancien résident à Genève,
Adet, y contribuèrent pour beaucoup. A force de ([uestions
et de démarches, Richard en arrivait à deviner le rôle con-
ciliant de Desporles dans celte aiïaire. « .le me plais, man-
1. Cinp. isvr. Oiirrmie rilé. p. T'i.
•2. Alix (l:iti-s <l.'s :n juillel, 4 cl 21 :i..iH, n,'N|>,>rl>s :iv;iil ndr.ss,- :iu ConsvW
<!.■ Ocu.-ve <!.- iKiiiv.lhs plaintes sui" hl i<irUnl):imli-. H. C.
■i. Kii lui :i(lnss:ml. !.• 2H juillel, sa piemièie «lepèehe, Despmtes éerivait à
Tallcyraïui : « l.a eéléhiilé (|iie vous v.ius .-les si hmioiablen.eul acquise dans
la lU'volulion, les lalenls snpéiienrs en diplomalie que la voix générale vous
allribue à si juste litre, et bien plus encore les excellenis principes dont les amis
de la l{épul>li(|ue savent (pie vous êtes si sincèieineut animé, tout porte vos
eollal.orateiirs à se lelieit.r du choix du Directoire. » A. K., f;eiiri.r, vol. Klfi,
p. 4(11.
4. Hiehard au Cons.il. :i août 17117... .. Parmi le grand noml.re de personnes
qui laisaient la cour à Barthélémy en ce moment, il .se trouva nu ollicier géné-
ral qui avait servi dans l'année que la France envoya contre nous en 17S2 rt
qui lit Téfoge des Cienevois en déplorant les maux auxquels ils avaient été
exposés, ce qui, quoiipie rien en soi-même, ne laissa pas (jue de me faire plaisir,
en répandant sur nous un certain inlérél. On aime toujours à rencontrer des
amis. » l'orlif. Iiisl. ôôOlt Lis. .4ic/iii'p,s </c (ienéw.
FICI.IX DF.SPOKTES V.T LA IIICUNION DE (lUNKVi; A LA l-nANCR .j.)
dnit-il, h lui rendre la jiislice ((u'en celle occasion, il n'a
iail ([lie ce ([u'il ne poiivail refuser de laiie... ' »
Ilélas! CCS heiireures dispositions ne dexaii'nl i;uère durer,
el (ienève se trouva fatalement entraînée à subir tout à coup
les conséciuences désastreuses d'une nouvelle révolution
éclatant à Paris.
Le 18 fructidor (4seplenibrc), Richard, (jui était cloue au
lit par un accès de fièvre, entend, en pleine nuit encore, tirer
le canon d'alarme ; sur les ([uais, c'est un roulement con-
tinu de pièces d'artillerie ; les places publi(jues sont gardées
par la troupe-. Les barrièies sont rigoureusement fermées
pour toute la journée. \ cinij heures du malin, le général
Augereau s'est présenté aux Tuileries et y a amèté les der-
niers iléputés (jui s'efforçaient encore de résister à ce coup
d'Etat. Les murs de Paris se couvrent de proL'Iamalions
annonçant qu'une conspiration a été découverte par le Di-
rectoire, que le général Pichegru s'est laissé acheter [lar le
prétendant Louis XVIII et que la Républicpie a couru les
plus grands dangers. Le bruit se répand dans la journée (|ue
le Directoire a été épuré, ([ue Barthélémy est en prison, ({ue
C.ariMjt s'est échaiipé. Divers décrets annulent les élections
de 41) départements, condamnent à la d é po r ta li on ().'> citoyens,
dont -12 députés des Cin([-('.ents, 11 des Anciens, 2!)
rédacteurs et imprimeurs de journaux (leur nombre sera
porté à 42 lesjours suivants). La loi nouvelle signifie cpie
ceux ([ui demanderont un roi ou la constitution de 17'J3
seront fusillés sur le champ, ainsi ([ue tout émigré rentré
sans autorisation. Pendant ])lusieuis heures, toute commu-
nication a été suspendue entre les deux rives de la Seine.
Une lutte terrible se poursuivait depuis un an entre les
(Conseils législatifs et le Directoire, ceux-ci refusant au pou-
voir exécutif des crédits, sous le prétexte (pi'il gaspillait les
finances publiques, et qu'il gouvernail par l'arbitraire et
1. 9 août 1797. Idem.
2. y août 1797. Idem.
.)() UKVUi: IIISTOUIQVF. DE L.\ Hi:V()I.rTI()\ IHANÇAISK
sans conlrôle. Le Diiccloiie accusait les dépulés des (',iii([-
(".eiils cl (les Anciens de tiédi'ur rcpuljlicaine el de ccjupahle
l'aihlesse à l'égard des royalistes. L'éleclion récente d'un tiers
des Conseils avait encore augmenté celle inlluence des mo-
dérés. S'I l'on continuait dans cette voie, la France redevien-
drait infailliblement monarchique. C'est alors que la majo-
rité jacobine du Directoire résolut d'en appeler à la l'orce et
de recouiir aux bayonnettes du général Augereau. .Mais,
comme ils redoutaient d'être assini'lés aux terroristes de O.'î,
les l'ruclidoriens crièrent bien haut (ju'ils ne répandraient
pas le sang. Les députés el les journalistes arrêtés, après
avoir été enfermés au Temple, l'urenl conduits, sans juge-
ment, thins des chariots grillés, à Pioclielorl, el de là. em-
barqués pour la Ciuyane, où l'on comptait sur le climat
pestilentiel pour les faire disparaître sans éclat. De l'ait, bien
peu résistèrent à ce bariiare traitement.
La révolution du Dix-Huit fructidor allait être néfaste
poar Cieuève. D'abord, elle amenait au Directoire deux hom-
mes animés de dispositions peu bienveillantes, résolument
opposés à la politi([ue conciliatrice de Carnot et de iiarthé-
lemy. Si h'rançois de Xeufcliàti^au. par son inca|)acité et
son inex[)érience, ne devait pas jouer un rôle important
dans le Directoire, Merlin de Douai, l'ancien rapporteur tie
la loi des suspects, travailleur acharné, y exercer.iit au con-
traire v.u pouvoir immense. N'elait-ce pas lui ([ui avait di-
ligé les lelatioUs extérieures au Comité de Salut public, et ce
sectaire, révolutionnaire entêté mais impassible, rexenait au
pouvoir, peu disposé à ménager les ICtats (|ui, comme la
Suisse, tardaient à se « régénérer»,;! « s'énuinci[)er ». Au
reste, il connaissait les alïaires de (ienéve pour avoir été le
chef direct de Desportes en 1795. Eu présence de cette ma-
jorité d'homuies sans scrupule, prêts à toutes les violences,
i'interxeulion de Talleyrand, jusqu'ici favorai)le à la petite
ré|)ubli.(iue, dexcnait bien prol)lémati(|ue '.
1. T:.ll,-vinml c-ilv:!.!! pour 1;, pivriiirir loi-, .■..iiiim- .nliiislro ;'. l)>-.poil,-s. I.-
10 s.-pU'inb'ro 17!I7, lui ilis:iil : .. .I\ii r.-iiiju-qui' .pic si, iliiiu- pari, l'iuiivil.' île
l'Kl.lX DKSl'Or.TlIS I;T la JUilNlON Ui; CKNKVi; A I.A FHANi;i; 'M
Le Dix-Huit IViictidor iiiaiii^iirait une iioliliciiie de propa-
gande iacoi)ine intense, dont (îenève, après Mulhouse, après
Venise, ajuès la Conlédéralion lie!\ éli(iue, seiail lalalenienl
la vieliuie.
Or, ce eouj) diktat répondait aux syni[)al!iies secrètes
du résident lie France à (ienève. Desportes était l'adversaire
acharné des émigrés et des Bernois (pii leur offraient l'hos-
pitalité, l'éliciter chaleureusement le Directoire de son au-
dace et de ses décrets, c'était pour Desportes consolider sa
situation à (ienève, compromise par ra.U'aire du pont d'Arve,
en lui permeltant tlapprouvcr bien haut ses chels et de leur
exprimer a\ec ellusion sa soumision, c'était aussi l'autoriser
à traiter désormais rigoureusement les aristocrates bernois
et leurs adhérents à (ienève '.
A peine a-t-il connaissance tles événements de Paris,
([u'il l'ait allicher à la [)orle de la résidence les décrets du
Directoire, et, pendant plusieurs jours, une l'oule de curieux
se presse au Cnand-Mézel pour les lire-, (lomme en 17D4,
vos iI<-ih:iit1ics m.- s'.'lail pas un mom.-iit raU-iUk-. la boiiiu' \ul<mU- <Ul f{.ii.MM-
lu-liu'llt (U- (iciu'vi' s'<-t:lll muiiHVsltv pai- (|iu'l(iius (lisi)iisitirms loiil à l'ail i-<ill-
vonalilcs... Avant que voire correspoiulaïu-i- ail ai-hi'Vi- iW m'en cmivaiiuTc, je
savais ccnibioll h- voisinage, le inoieellenvnt et reiiellevètremeilt i!es deux
leniloires devenaient chaque jour outre la l-"ianee et (ienève l'oeeasion (le
ilisenssions litigieuses qui rendaient votre n-sidenee laholieusem Mit et ([UeUine-
l'ciis niénr.' pénil)l;'nKMil oceupée. .le stipposi' cependant, que ilans les nnndneuses
eireonslanees où votri- intervention est l'éclani;'.', soit <le la [)ar-t des autorités et
agents de noire répul)lic|ue, soit de la part de (leni'-ve. vous avez soin de prendre
les inrorniations préalables qui peuvent vous être nécessaires pour ne |)as pro-
diguer à contre temps les démarches oliicielles, car ce n'est ipi'en les préparant
avec maturité qu'on acquiert le droit de les soutenir... i. A. K., (ii-iiOpr, vol.
lOG, p. 44.-).
1. « Le gonvernenient <le (ienève, toujours méliant, toujours eraintil'. poui-
échapper à la dcanination de la iManee. s'i-st asseivl aux suggestions des m-netus
du petit (Conseil de Même et il ne l'orme aucun plan, aucune entreprise, sans
l'attache, sans la permission tacite de ces mentors étrangers. » Oesportis à Tal-
levraïul, ;«) août 17i)7. A. E.. Gnirve. vol. lIKi, p. 4:!U.
" 2. Desportes à 'fallevrand, 27 décembre 17!)7. A. H., (.'e/i.W, vol. lIKi. p.
47». Ami lies lois du 7 octobre 17<(7, n" 7«:i. .< De (ieueve, le 27 s,q>lendHe : l'n
émigré IVaneais. arrixanlà l'arls, dinall av aul- Lier a table dl.ole dans nue
auberge de (ienexe ; il .j.lail le- soupçons I, s plus ...lirllN sur I. s Ills <le
l'énergique résolution prise par 1.- Direetoii-,- K\,,ulif poni- sam.c la palr.e ; il
traitait d'injuste, de barban-, le sort des députés ; il osait assurer que les projets
dont on les accusait nelaiciil <]n'une indigne suppesilion, et <pie iiu ■.uv l'idée
d'une conspiration ne leur était jamais venue. - Aile/, lui repondit lier, inenl
un lilennois. ail.'/ d.nic lire sur les nuus de l.i resideiue les preuv es de cette
H<S HLVIF, lllSÏOIilyCE DE LA liÉVOI.LTION FRANÇAISE
hcMiu'oup dv siispccls. cjui ont t'(.'liap[)é aux sbiii-s (!e la po-
lice parisienne, se sont réru.<>iés à (ienéve et en Suisse'. Des-
portes les guette, apprend que sa vieille ennemie, la baronne
de Staël, en reçoit à Copjjet, le journaliste Snard entre
autres, rédacteur des Xnaiicllrs poliliqiics, et sa Femme, Roissy
d'Anglas, Dumolard, et grâce à ses espions, il se ])rocure
«l'agenda de tontes les conversations, de toutes les visites»
du château, qui est « mctamorpliosé en bureau de gazette » -.
Après avoir donné ces preuves de civisme,- quelle n'est
pas son indignation d'ajiprendre (junn Savoyard, le pam-
phlétaire Michel (".hastel, dans une brochure publiée à Ca-
rouge, se permet île dénoncer sa tiédeur, ses complaisances
pour Genève et les royalistes. " .le prouxerai, a dit tJiastel,
combien le résident est peu loyal, peu honnête et délicat
dans ses procéilés, j'arraclierai ([iielcpies plumes à ce paon,
à cet liomme <iui jyaraît plus occupé de ses toilettes et de
ses plaisirs que des intérêts delà Républi(|uc, à cet homme
dont l'esprit est trop fin et le corps Iropdélié j)ouravoir du
caractère et de la consistance dans ses opinions-'. » Et pour
linir, cetteinsinuation perfide, toujours la même, ([u'une de-
nevoise. M''' Kunkler, exerce un pouvoir néfaste à la rési-
dence ! Ce ([uil y a d'odieux, c'est (pie l'Ami des l<ns pour-
oimspli^illoii <|ii,- M, us lii,/ si i(.m|)l.iisjlliniriit ; i-IKs sduI .■irik-s .mi lr:ilK <!.•
IVii (|iii vims l)nil.-n,Ml l;i viir. Ti.us les c..Mvi\Ls :,|,|,l:uuliivnt ;i Im nf^lwur iU-
l'iilviliilion, el di'-s lois, r<-iilisi>' m' concl;mill;l ;iu sili-m-e. Le ii-<lcv:inl :iri-lu>vr-
qiio dt} Piiris cl In priiifi'ssi' I.oiiisi' ont passe le !■'' du mois par I^aiisamie ; ils
ariivai.iit à >'ii-iine et se leiidaient à Turin par le mont .Saint-Bernard, dans le
pins rit,'inneu\ ineognito. .Alexandre el Théodore I.ainetll sont à Nyon depuis
cpiatre jours ; ils vont se transporter à Herne, pour y solliciter une permission
de séj<iui\ jnstm'à leur radiation tlèlinitisc, ce ([ni lem- sera sans dontc reriisc. »
1. 7 octobre 17i)7. « I.e citoyen l),-sj)ortes mande que des di|)ntcs. Irappés
par la loi dn I!) rnulidor. sont rénnis à Lausanne sons des noms .-tranKcrs et
prépaient une proleslalion dont Dnplanlier sera le rédacteur... 11 est urgent que
tontes Irs anlorilrs du ilepartemeni de l'.Ain exercent la surveillance la plus
active non senleiuenl sur lous les voyageurs en voiture ou à cheval, mais encore
sur tous les piétons qui vont parcourir leur ressort. Le passage le plus à surveil-
ler est celui dn fort de IKcluse et spécialement le sentier pratique le long du
Hhoiie, au pied d;-s rochers. » Arcliircs \„U„n„U-s. K: (iUli.
•2. Desporles a Tallevrand. H sepleinlne. ."i oclol.le 17!17. .A. K.. (i.-nn>,-. \.,\.
ll)(i, pp.'44'.>, 47(i.
:!. I.r ln,isi,i,i,- ni ,1,- lu l.iherl,- .l„ns 1,-s Mi„-s. p.ir Mi.liel C.haslcl (du Mont
HIancl. C.irouge, de lim|.riliieri,- <le .Spineux. /(,/./,n(/,e,,,ie ,/r GcMci.r. C.f lil.-),
w.l. 174.
KKLIX OESPOHTES ET LA HÛUNIOX DE GENÈVE A I.A FHANCE Ii9
suit à Paris la iiièine caiiii)ai^ne '. Décidément, si les Ca-
rougeois cl leur cliiiue ne sont pas muselés, le résident suc-
combera sous peu à leurs injustes accusations.
Il vient de se fonder à Carouge un nouveau journal,
l'Echo des Alpes, que dirige un ancien médecin deC.liambéry,
le général Amédée Doppet, auteur de productions éroticjues
et stratège fort tliscuté- . Cet officier, qui a concpiis le grade
de général sous la Révolution, et dont la nullité a été du-
rement appréciée par Napoléon, est le type du soldat dé-
braillé, du jacobin farouche et sectaire. Sa feuille, dont le
premier numéro parait le 20 septembre 1797, a pour mis-
sion de propager dans le département du Mont-Blanc, dé-
sespérément réactionnaire, les principes de la Révolution,
et, avant tout, de proléger les acquéreurs tle biens natio-
naux-'. Doppel et Desporles sont-ils en relation? On ne sait,
mais ce sans-culotte, grossier et fanfaron, ne doit guère
éprouver de sympathie pour le diplomate élégant f[ui réside
à Genève. Néanmoins, c'est à l'Echo des Alpes que recourt
Desportes pour défendre ses actes. « Je somme les hommes
\.An,i ,lcs Inh, .1» IS cclol)!^. 17!)7. iV 7!)4. .. Le conitc de l'iiysi-giii-, qui
iHait à Paris le rouniissc-iir giMU-ral des journaux royalisti^s, a passé à (iem'-vc le
'i octobre avec le marquis de Chalirillaut et plusieurs autres iinigrés ; le gou-
vernoment ne leur a pas permis de séjourner dans cette ville. On nous écrit
que les patriotes genevois ont été plus prompts à leur l'aire donner la chasse
que noire envoyé M. Desportes. »
2. I.Eclm des Alpes, oa nnicllc Hllêndn-, imUluiue .•/ rnmmcrrial,- de trois
grandes i-e/jiWi/ir/iies. I.a feuille porte connue épigraphe : « Xe laites pas à autrui
ce que vous ne voudriez pas qu'on vous lit. Faites constamment aux autres le
bien que vous voudriez en recevoir. » Devoirs de l'homme et du citoyen, article
2, constitution de l'An 111. — La collection complète comprend 101) mnnéros, du 22
septembre I7!)7 au IS avril 17!KS. l'our suppléer à l'exemplaire très incomplet de
la Hibliolhéque nationale, nous avons consulté nu exemplaire de la hiblinthéi|ue
de l'en Jules \'uy à Carouge, qui nous a été obligeannueut coniniunioué par la
lille de l'historien.
Amédée Doppet, né à Chandjéry en 17.'>:i, mort dans cette ville et non à
Aix-les-Bains, le 28 avril 17!)!), (Cf." Albert Metzger, Les pensées de M»- Warens.
son bibliographe le général Doppel. Lyon, IHHX) éerisail. le 24 janvier 179!). au
ministre de la Guerre : « Ile nu- suis tué et ruiné au travail de Vlùlui des Alpes.
journal qui a républieanisé le Mont-Hlanc. »
3. « Le général Doppet arriva au siège de Toulon le ]« noveud>re. 11 était
Savoyard, médecin, ayant plus d'esprit que Carteaux, nuiis aussi ignorant de
tout ce qui tenait à l'art di- la guerre. C'était un coryphée de la Société des .la-
cobins, ennemi de tout ce qui avait du talent Correspondance de Sapoléun,
citée par (iuillon. Xapoléim. Textes choisis et et}nilnentcs. p. 221.
40 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION I HANUAISE
honnêtes, écrit-il le 22 octobre, qui osent nie re[)rcsentcr si
complaisamment comme le Don Quichotte des èmujrés et des
prêtres ré/rnctaires, je les somme de déclarer dans votre jour-
nal le nom d'un seul de ces individus ((ue j'ai protégé ou à
(jui j'ai simplement accordé mon visa pour rester à Gê-
né \c.' »
I^t comme la contrei)andc a repris de i)lus belle. Despor-
tes, exposant à Talleyrand ses appréhensions sur le sort de
(ienève, entonne à nouveau son refrain favori : « La paix
est sur les lèvres des tiencvois, mais d'anlicpies ressenti-
ments et des rivalités perpétuelles les divisent en deux par-
fis et les rendent irréconciliables. Jamais, non jamais cette
peuplade, aussi longtemps (ju'ellc sera abandonnée à elle-
même, ne pourra vouloir assurer soi! rej)os. « En vérité, il
devient prcs([ue impossible de rester dans une ville « où les
plaies révolutionnaires saignent encore, où le bourreau est
toujours cùic à cote de la victime. »-
Ainsi s'aljandoiinait Desportes à ces réilexions moroses,
([uand l'arrivée à (ienève d'un voyageur illustre lui apporta
la plus salutaire des distractions.
Le 1.'5 novembre 17117, le général Mural, aide-de-camp
de Bonaparte, passant à (ienève pour se rendre à Raçtadt,
annonça (pie son chef, le héros de l'armée d'Italie, le suivait
à cpiatre jours de dislance et qu'il lra\erserait, lui aussi, le
1. I-:,h„ i/rs- Al/wx. ilu:i4 (.Ltiil.iv 17it7. iv l(i. Eu nntr.-. l).•^|)^ll■lc■s. l.uijours
|,mir SI- jiislili.r ili- V M-cusiilum cU- Cliasl.-l (l.tic .. un l)nii :uiii .. de I5;iillun.-iiiv
.1 dr C^iiiiiil. iii:iiul:iit à T:.ll.'yrnii<l \e 24 r.civ.-iiilin-... .< IJnilhrl.-iiiy. par un
M'nlimcnl di- jalousie, i-xigi-a mon lappd de Ciciu'vi- six si-inaincs avant le VA
vcndi-niiairi', <po<|ui' do sa loulo pnissnnir. C.ainot signa ma mort comme
nu-mbre du Comité de Salut publie, le ;! ibeiinidor de lAn III... Ne partagez-
vous pas mon indignation, citoyen ministre, contre un làclii' <|ui ose outrager
l'innocence et la vertu, quand je vous aurai appris i|ue la ciloyemie (".ouncler
(KunUlcr), dont le père et la mère, n'spectés autant que chéris dans (ienève et
depuis longtem|)s liés avec mon frère par des raisons d'établissement, de l'ortune.
font ma principale, mon unique société, que colto citoyenne, dis-je, est l'intime
amie de mou é|)ouse et <|ue bientôt elle sera ma su'ur. » Gnmv. vol. KHI, p.
.'ili'-'.
2. Desportes à TalKyiand. l'i uov. mbre 17!I7. A. V... Gen.iv. vol. KM!, p. .->.'i-J.
Publiée par C.bapuisat.'.iuvrage cité. p. :;;;4-'j:fS. Sur un incid<-ul de contreband.-
■:< (aéle. CI'. H. ('... Kl n..vembre 17117. Anhir.-s ./.■ (irnriv.
Ki:i.IX IiUSPORTES ET LA liKLNION 1)1-; (iKNKVlC A I,A rnANC.I-; 41
territoire de la Répiibli(iue '. Cette nouvelle [irovoijiie aussi-
tôt clans la ville une joyeuse rumeur, [a's eitoyens sont
transportés dallcgresse, à Tidée de contempler le eon(iué-
rant de l'Italie, dont ils ont i'èlé tléjà les premiers suceès,
lors des préliminaires de Léoben. Le 17 octobre, Bonaparte
a conclu définitivement la paix avec l'Autriche à C^anipo-
Formio ; il convient de célébrer avec éclat celte date mé-
morable, et l'aubaine inespérée île son [)assage exige une
réception enthousiaste. Ah ! le résident n'a guère besoin de
réchaulïer le zèle des Genevois. Dès le 11, une proclamation
des syndics appelle sous les armes la garde nationale et
convoque les artilleurs à leur poste. On désigne les magis-
trats (|ui iront complimenter le général, on fixe le nombre
des salves d'artillerie cfui salueront son entrée sur le terri-
toire genevois, on préjnue un l)an(|uet solennel. Sept jours
se passent clans cette lièvic, on est s;ins nouvelle de Hona-
parle, le bruit court c[u'il a renoncé à aller à Hastadt, c(uand
le mardi 21 novembre, le courrier Vical, l'homme de con-
fiance du gouvernement, franchit la Porte-Neuve à 7 heures
du matin, et annonce ([uc lîonaparte sera à Genève dans la
matinée.
De peur cjue, dans sa hâte, le " héros » ne brûle l'étape,
le secrétaire d'Etat Didier se rend à Carouge i)our l'inviter
au nom du Conseil à accepter l'hospitalité de Genève. Déjà,
le canon tonne sur la route de Ghambéry, tout Garouge est
dansla rue; un arede triom|ihe est dressé à l'entrée du bourg.
A 1 h. 1,2, ai)rès une longue attente, Didier aperc;oit un car-
rosse entouré d'une escorte, commandée par le général Pon-
get, cjui a remplacé ()ui)xel à (Carouge -, s'engager dans 1 u-
1. Il :l par» loiitr uiu- liltéivaur.' sur U- p;.ss:ig<- .le li<iiiMi);Ml.- à (u-iièvi; en 1797
ri en 1800. .\ côtc' des dociinuMils il'ai-i-llivcs iiiédils de (".eiiéve el de Paris, nous
nous sommes surtout servi de l'cxcelleut t]-:iv,\il de Muliuen-(un-o\vsky, Bonn-
parles. i/es General en cllrfs ,ter iliilienischen Arnwe. Keixe imn Mailaml nach
Rasladt dnrcli <Ue Sriumiz nnd die bernhche l.nnd in, Smwwbei- li'-fi . paru dans
\' Arehiv des histariseken Vereins des Cunliins liern, 1857, el du piquant volume
du rej^retté Kugène de Budé, Les Boniiparle en Suisse, liHl.).
2. ,lean-l>ierre Pougel. né à Peret (Hérault) le .') août 1701, lieutenant dans
la garde nationale de Careassoniie le 14 août 178il. elieC dKlat-major de l'arniée
des Alpes le!) oetohre 17;):i, général de brigade le 10 uovemhre 179;i, général
42 HKVIK HISTOUIQUi; 1)1-; I.A ISliVOLLTION FRANÇAISE
ni(juc' nie de la ville et .s'anêlerdevant l'auberge du Grund-
(atj . A grand peine peut-il être introduit auprès du général,
tant la Ibule obstrue l'entrée, les corridors, l'anticliambre.
Il le trouve assis à une table et s'acciuitle de son message,
l'ne lieure et demie plus tartl. les ("lenevois (jni se pressaient
à la Porte-Neuve acclamaient à leur tour ce général de vingt-
huit ans, conteniplaientau i'ond du carrosse à huit chevaux,
précédé de musiciens, ce visage pâle et grave, se bouscu-
laient à sa suite, tandis que le cortège, passant sur le iront
de la garde nationale qui formait la haie, gravissait la Treille
pour se rendre au (îrand-Mézel, chez le résident de
France.
Au syndic président (iervais et à ses deux collègues,
venus pour lui présenter « les sentiments d'admiration et de
reconnaissance des Genevois », Bonaparte déclarait que la
République française protégerait toujours sa petite voisine,
« qu'il serait à souhaiter (jue la France lïit entourée de
cinquante réj)ubliques genevoises ». Puis, remerciant les
patriotes genevois de la belle métiaille d'or ([u'ils lui avaient
apportée quelcpies mois auparavant, et ayant accei)té le tra-
ditionnel présent d' « eau cordiale » présenté par le Conseil
« comme une production du pays, propre à le soulager des
fatigues du voyage », il sortait du (irand-Mézel, et, conduit
l)ar I)esj)ortes, précédé de la musi([ue de la ville, il longeait
la promenade de Saint-Antoine, s'arrêtait un instant pour
admirer au delà des remparts le lac et le coteau de Colo-
gny, et gagnait la villa du résident à Saint-.lean, où il était
attendu pour diner. Sur tout le parcours, la route était
illuminée.
Pendant le repas. Bonaparte s'inibruia dans les plus
(!,■ aivisioM !.• 14 nov,.nl.ic 17114. .oiiimMiulanl à I.vom .•! ilaiis le d.'pnilfmoill
(lu Khniu- le as MnW 17!)7. i-mployi- en Siivoii- t.- il srpl.nil)!!- 17!I7. cli-c.-dc :i
M<)iil|)i'lliir le 7 (li'oiinliir 1S2,'>. « Le 24 oolobic, (iiielqiics membies du Conseil,
J):iiini lesciiiels ét:iiciit trois syiulies. dinèient :i M:il:igiioii, <lans la maison du
eiUiyen adniinislraleiir Deonna, avec le général l'oufiet. le citoyou Ooppet,
général énlérile. le eitoyen Doniangel. eoniuiandant de Caronge et le secrét.nire
du citoyen l'onget. C'est un diner r|ne le Conseil a donné au général l'ouget. »
Le syndic Butin à Mieheli. 21) oelolire 17ii7, Copie de lettres 7». Archives de Cenéve.
FÉLIX DRSI'Or.TES F.T LA HIUNION DK GKNKVE A LA FRANCK 4.'}
grands dùlails de la siluation de (iem've, de sa coiistilution,
critiqua la composition du Conseil, trop nombreux d'après
lui'.
La soii'ée aurait paiiailemenl réussi, si un iucidi'ut n'é-
tait venu rassonil)rir, au nionuni où elle s'achevait.
Bien (|u'il n'eût [)as pris une pnrl diieete au coup d'Ktat
du Dix-huit IVuclidor, Bonaparte, du fond de l'Italie, avait
applaudi à cet acte de violence. Il ai)prouvait les déporta-
tions ordonnées par le Directoire, la crainte d'une reslaura-
ton monarchique le hantait lui aussi. Il était à Cienève de-
puis (juelques heures, (ju'un soi-disant comte milanais,
(lasatli, denuindail à le voir et lui révélait la présence dans
la ville de l'ex-directeur Carnot l'ugitil'. que deux Genevois,
Bontems et Heutsch, auraient fait échapper de Paris. A ces
mots, le visage ilu général devient grave ; la capture de
C-arnot lui paraît capitale. - C.asatti est d'abord appréhendé
1. A S.iint-.IiMii, lîoïKipnil.' n-i'ul <|iu-l(|iu's fili.yi-iis i|ul s'.-laii-iit ilislliigu.'s
avec lui dans clivcisrs i.nasi,,iis. i-nlrr aulrrs Glliilcl, onicii-i- iiiajoi- du icginu-ill
de Saint-dervais, i|ui .lail iai)ilaim- sous ses ordl-es. lorsqu'ils cliasséi-eut les
Auglais de Tuulou. Il le.ul.iassa beaucoup. Joiirmd de lionnlllhm-DIdmj, n" 2'^.
liihlwllmiiie de Cence.
•>. Sur celle alVaire, cf. CnuMisu-. am'r. cilc. |i. 'iâfi el L'.u. à eoiii|ileter pâl-
ies pièces inédites suixanles :
.. 17 IVirnaiie an 11 (7 d,-eeïul.re 17il7)
« Très presse,
•( Au eitiiveu pri'sldeul iU\ Direeloiri- l'M'eulil'
".. Cilovells direeleurs
.. Casalli, prisonnier d'Ktal, arréh- à (ienc-ve, x ieni d'èlre eoiulnil elle/, moi
parle ciloyeu \'ivalda, capilaine <le la légion polonaise, à c|ui sa garde a .-lé
confiée. Les lettres de Desportes el l'interrogatoire l'ait à Genève sont entre les
mains du citoyen Karras, qui, je crois, en a remis une copie au ministre de la
police. Oi'i le Directoire ordoniu-l-il (|ue ce (aisalli soit conduit cl à qui doit-il
être confié ? .le le garde cli,/ moi, jusqu'à ce qu,' j'aie reeu les orilr.s du Di-
rectoire. Salut et lespect.
.. Ch. -Maurice TAr.i.EviiAS
Du uu'mîic jour.
Il Le Directoire exéeulil'. arréle (pu- le nommé Casatti, étranger, arrêté mili-
tairement à C.arouge el anuaié à Paris par ordre du général en cllel' de l'armée
d'Italie, sera sans dél.ii conduit en la maison d'arrêt du Temple où il sera inter-
rogé par le ministre de la police générale pour, sur rapport, être statué ce qu'il
apparliendr.,.
" Le préseiil arrêté ne sera pas imprime. >■
« Mkki.in, La HKviiM.LKHii-LiiPKU X, Hiauij.r..
(Archives ^atumides. A. F. III, 48:!. plaq. ;H(H).->.)
Le dossier de police Casatti aux Archives Nationales, K7, (i:!2(l, contient aussi
un extrait de la main d<' Marras d'une lettre de l5onaparle ainsi com;ue ; " Arrivé
à (lenéve, le nomme Casatti, Milanais de naissance, qui a\ait des propriétés à
44 lŒVLi: iiisïoiiiyi K m; i..\ liKvoi.iTioN ihançaisic
pour être expédié à l'aris sur-lc-cliamp, et le commissaire
(le police Xohlet court à la recherche des deux (icncvois
iuculpés. 11 les [rou\a dans la soirée et les amcira l'oit taid
à Sainl-.lean où lionaparle tinta les inleiroger en peisonne.
Heutsch réussit à ])rouver sou innocence. Boutenis eut
beau nier toute connivence dans la liiile de (-arnot, il n'en
lut pas moins arrêté et conduil en [)rison, où il devait res-
ter trois mois sans (jue sa culpahililé eût jamais été établie '.
Ces allées et venues, ces entretiens mystérieux n'avaient ])u
rester secrets ; leur issue jcla un certain froid parmi les
hôtes de Saint-Jean. Mais le con(piéranl (le l'Italie avait
parlé; sa demande était trop juste, ses raisons trop gra-
ves pour (|u"il ne lût pas immédiatement obéi.
Or, l'ex-direcleur C.arnot se cachait bel et bien à denéve
depuis quehiues jours. Il avait trouvé un asile dans la fa-
mille Ral'inesnue, de braves blanchisseurs i!e Plainpalais,
<[ui le dérobèrent à toutes les recherches, car (pH'hpies-uuS
de ses anciens coliéi;ucs île Paris, les députés Dulicm,
(diastel. l'avaient reconnu dans les Rues-Basses. Desporles,
talonné par le passage de Bonaparte, eut beau réclamer des
syndics j)lusieurs visites doiuiciliaires. C.arnot se tint si
bien terré cpiil demeura introu\al)le et tpi'il finit par sem-
barcjuer [)()iu' Coppet, en se rendant au [tort, tîéguisé en
I.yon. .-si vrmi m.' lrmi\rlrl ni'.l ùul \:l <!,■.■!. ;l"ll»ill colll.-iuu- <l;ms rilll(lTii(>;i-
toin- ci-jiiinl. .r:ii Hiil iiiri'lei- K- i-iloycii IJonliins ;i Iniis lu-ures :iprcs iiiiiiull ;
il ;i com|):iini «livmil le iisiilcnl l'I mol cl, apri's un las de mriisongi's. il isl con-
venu (|u'il avait anuilc de l'aiis à (Icncvc le icprcscntanl Moiius cl un autre
députe aiipelé (Mlalles, cpii, d"après les i-ensclf;neinenls cpi'il nie diuino, |):uail
être Caillot. .l'ai lait nietlie les scellés sur les papiers de l'un et de laillie. M.
Casatti a été conduit à Cai-ougc ; le résideiil de la Uépiil)li(|uc à (icnévc s'esl
chargé de laiie Icvci- les scellés de dessus leurs pai>icrs. ils scioni Ions les dcuv
eondnils à Paris. \'ous pourc/. tirer de ces deux liuniines des rciiseigncmciits
précieux. C.erlillé eonlnnne, 1". IJaiiiî^s. n
In arrêté du :«) ocloluc 17!)8 condainna Casalti à la déporlalion p.air être
rentré sui- le lerrlloin- de la Hépnbli(pie. Aniums Saliomilt-s. A. l\ 111 .'i.VJ,
plaquette liVTJ.
1. .. Montenis est tnuj.uirs dans Us prisons de Cienéve. où, depuis prés de deux
décades, il expie nui- l'aute ipi'il n'es! pas encore bien démontré iinll ail eoni-
niisc. .l'ai vaiiuiuenl attendu justpi'à présenl l'envoi (pie le général Huonaparte
m'avait promis de nie l'aire de rintcrrogatoire siilii chez moi par l'.asalti cl cpii a
motivé l'arreslation de Hoiitenis. » Desportes à Talleyrand. 111 deceml.re 17!17.
A. E, Geimir. \o\. lllll, p, (illll.
l'Ki.ix i)r.si'oiiTi;s i:t i.\ liùrNiON ni: cicnkve a i.a i-uancic 4;")
garçon hlaiichisseiir. l'oillo (l'un Ijdiiik'I de colon, un [lanier
(le linije au bras.
Ia' lendemain 2iS novenihi'e, un areident de voilure ior-
ça 15onni)ai-le à relarder son dépail de (ienèvc. Dcsporlcs
lui pi-ojiosa alors une \isile au bord du lac. Accompagné
du ca}>itaine Marniont el du pbarniacien (iosse, lionaparte
et Desporles partaient pour Sériicron, (|iiand, à la hauteur
des Délices, ils rencontrèrent une députation du Cons<îil
(]ui s'olTrit à leur l'aire visiter la \ille. On se rendit h la rue
.Iean-.]ac([ues-Rousseau, puis à la l)ibliothé([ue, installée dans
le vieux collège de ('.al\ in, où l'élève Louis Malan présenta
au général un compliment (]ue Desporles lut à liante voix.
A â h. 1 '2 du soir, sa voilure étant réparée, Bonaparte
(juittait Saint-.Tean au milieu des acclamations. La joie des
("icnevois était allée en augmentant pendant ces (jnelijues
heures, et sur, la roule de Suisse, le général croisa long-
temps encore des citoyens et des l'anl'ares (jui le saluaient
avec enthousiasme.
Seul l'inlortuné Bontems, au fond de son cachot de
l'Evèque, maudissait celt^ nél'aste appaiition. '
Pendant (pi'ils s'enlretenaient en tète à tète, Bonaparte
et Desportes avaient à coup sûr abordé le sujet de 1 indé-
pendance de Genève. Mais, tandis (pie le général prodiguait
aux magistrats de la ville de belles paroles, des affirmations
de respect, il écoutait complaisamment Despoites lui nar-
1. DopiK'l consncni un Iniig nrliclr d.inss:,n Ùh„ ile^ Atin'S. n" V.\, nu passaHo
lie- Him:ii>:irU>, sens c litr<> : fAtriiril si,,,;;:' ,■! bi,;, i,,,;-!/,-; « I.cs l'i.piililicuins
lie fotk- commune ont eu llin- hi s,ilisl':ulic)U lU- jouii- piMulimt (iucU[uis llcuri's
lie la présence du généial ou eliel' lionaparie. Ceux (|ul ont vécu sous l'ancien
iv!{Mue cl qui ont eu l'occasion de voir voyager d'illustres minnU'C|uins, chargés
de cordons et de privilèges, doivent avoir llouvé une dill'érence bien niaripiée
cnhc les clVels passifs ((ue la présence d'un soi-disant grand opcnlil sur la
curiosité d'un peuple esclave, et les cU'els actifs que la vue d'un héros républi-
cain ])roduit sur l'âme et le cicur des honinu's libres... Ce qui frappe le cn-m-,
ce qui llatte l'âme en étonnant les sens, c'est laniénilé du héros ijuc nous
avons accueilli, c'est cette sensation d'amour cl d'admiration que ses regards
et ses pai-oles ont produit sur tous ceux qui ['mil approché. >. Cf. les curieux
articles de lAini ,les lois. 2 et 7 deccud.re 17!I7.
46 REVUE IIISTOIÎIQIE DE LA lUivOI.LTION ITiANÇAISE
rer les derniers incidenls, la eoiUreljande inicnse, riinjiuis-
saiire des syndics à l'^'géiiércr l'Etat '. Loin île déi'eiidre
les Genevois et leurs libertés, Honaparle, à en juger par les
actes (jui suivirent, se rangea aux projets de I)es[)ortes, les-
quels, depuis l'affaire de Garouge et l'alerte qu'il en avait
ressentie, n'étaient jilus doulenx.
De même ([n'en roulant sur les routes du pays de Vaud,
en recevant les compliments et en écoulant les harangues
enllammées îles patriotes de P>olle et de Lausanne, Bona-
parte saisissait partout les signes ])récurseurs d'une révolu-
tion imminente, tout lui révélait (lu'à (lenève aussi la situa-
tion actuelle ne pouvait durer, l'I qu'il existait à Paris un
plan d'intervention dont il ignorai! les détails.
Les l'ructidoriens étaient résolus à ne plus observer les
mêmes ménagements ipie leurs prédécesseurs envers ces
« oligarques » bernois qui exerçaient en Suisse la plus dé-
testable tyrannie et qui tenaient sous le joug d'une des[)oli-
quc domination une ])artie de leurs concitoyens, les liai)i-
tanls du ]iays de Vaud. In Yaudois, le colonel Frédéric-
César lie la Har|)e, ancien précepteur à la cour de Iiussie,
banni de sa |)a!rie pour ses idées avancées, dénoniait alors
au Directoire, avec une jjersévérance inlaligable, la tyrannie
des Bernois dans le pays de Vaud et su|)pliail la l'rance
d'intervenir, même par la force. Desportes, que sa haine
pour Berne rapprochait de la Harpe, avait pressenti depuis
plusieurs mois la révolution vaudoisc, et il l'appelait main-
tenant (le ton- ses vieux-. Son ancien coniiilenl. le pas-
teur Monaelion, devenu l'agent très aclil' des ])atiiotes vaii-
dois, couiail le jiay:; en portant des ])roclamatii)ns cl en ré-
clamant des signatures. Par lui, Desjiortes se trouvait
exactement renseigné.
1. Dcsporles à Tiillovraïul, 'ili n..Miiil>n- 17il7. .\. K. (u-iunc. v„l. KHi, p. .'•,74.
•2. Drapoiles à I).-hii-roix. 17 juin 17il7. .. !.>• jour ivvnluli.HiiKiin-. .r^ipri-s la
(lispi.silioM >l>s rspiils, lu- p.-iil lai-acr à luin- polir la .■.•pulili.ni.' .1.- H.-nu- ; la
fauK do l'rgalitr passera aussi sur ivs aiiti(pu-s abus... » Dcsporles à Tallevrauil,
2 (léceiulire : .. l.oraf,'e Kron.le <l.Mis le pays «le Vau.l el les olisar(|u.'s ùrnnis
.senleul 1res tuell ipiiis oui liisi.iil île loules leurs forces, s'ils veuleul réussir à
le conjun-r. .. .\. IC, l.eii.ee. m.1. lIKi. pp. IHIl , .VS;).
I-ÉLIX DESPORTF.S ET LA RÉUNION I)F. (JENKVE A I.A lUANCE 47
Quoi d'étonnanl (jue le Directoire associât dans les
mêmes vues hostiles (îenève et la (".oni'édéralioii helvcti(|ue !
Les ilernières dépêches de Desportes révélaient tle nouveaux
actes de contrebande inadmissibles. Dans la nuit du 2 au 3
décend)re 1797, desdouaniers IVançais, voulant saisirdu blé
transporté sur territoire genevois à Chêne, avaient essuyé des
coups de feu île la part des fraudeurs. Pour Desportes, les
habitants de Chêne, cesl-à-dire des (ienevois, étaient de con-
nivence avec les contrebandiers, et il eut le lendemain de
cet incident une explication très violente a\ec l'atlminislra-
teur Verne ; à l'entendre, le terril(jire île (îenève " était le
réceptacle de la contrebande la i)lus etïiénée », les douanes
françaises en éprouvaient une perte « allant à plus de cent
millions » ; au lieu d'agir, « on le noyait de papier ». Si
toutes les mesures continuaient à être ineflicaces, « (ienéve
aurait besoin de ijuatre mille hommes dans ses murs »; la
faute en revenait à <( ces détestables jurys et à l'organisa-
tion de la justice criminelle » '.
Ce même jour, le général Pouget se plaignait amèrement,
dans une lettre adressée à Bonaparte, île l'audace des con-
trebandiers et le suppliait d'intervenir. Or Bonaparte avait
déjà quitté Rastadt et il reçut, à Paris, la lettre de Pou-
get - . Ainsi allluait en ce moment au Luxend)ourg une sé-
rie de témoignages concordants qui appelaient tous ilcs me-
sures énergique3 et violentes.
Ces mesures, l'ancien ministre Delacroix les avait pré|)a-
rées depuis longtemps. Au printemps de cette année 171)7,
il avait enjoint à Desportes de rechercher tous les anciens
traités conclus entre Cenève et les ducs de Savoie, les rois
de Sardaigne, les rois de France relatifs à la souveraineté
sur le lac entre Hermance et Versoix '■'■. Un peu plus tard,
son refus brutal d'accorder aux (îenevois un désenclave-
1. H. C, 3 dicc-mbie 1797. I.e Consi-il dr Geiirvi- à .Miclnli, :! (l.-ciMiibip.
Copif de lettres, 70. Archives de Genève.
2. Cette impoit:inte lettre, qui n'a pas été citée jusqu'ici par les historiens, .i
été imprimée dans la Correspondance inédile de Xapoléon linnnimrle, édition
Panckouke, Paris, 1819, t. IV, pp. 4(i4-4(i7.
3. Delacroix à Desportes, 25 avril 1797. A. E. Gencvc. vol. lUti, '211.
4(S RF.YUE HISIOIUQI'E I)F, I.A HlhOLUTIOX FHAXÇAISli
ment ([lU'Icoiujiu' (k- leur lerritoirc trahissait ses vues secrè-
tes, l'anénnlissemenl ilu eoniuiercc (ic (Jenèvc. " Celte por-
tion interrompue de leur sol, ajoutait-il, nous donne plus
aisément prise sur eux, s'ils sont remuants, cl les relient
daii-i l'ordre jiar la crainte et la lacilité (juc nous aurions de
nous l'aire justice. La i;cne que peuvent éprouver leurs lia-
hitanls nous sera utile dans tous les événements possibles
à l'épijard de cette i)etile République '. )>
La démission de Delacroix et l'arrivée de Talleyrand au
ministère des lelations extérieures suspendirent, pour quel-
(]ues mois, l'exécution de ces menaces. Miclieli allirmait
qu'on en parlait déjà ([uand il se •présenta au Directoire-.
Quoi (]u'il en soit, un mois s'était à peine écoulé depuis le
passaii;e de lîonajiarte à (ienève, le sou\enir de ses paroles
l)ien\eillantes et de ses assurances l'ormelles était encore
])iésent à toutes les mémoires, lorscjunne rumeur slupé-
liante se répandit en Nille^ ajiportée de ('arouge. Par un ar-
rêté rendu le 7 décembre, le Directoire, pour dissiper k les
attroupements <.\\\\ assassinent ses préposés ". décrétait (|ue
(les chaloupes canonnières croiseraient jour et nuit sur le
lac cuire Ik'llerive cl Versoix. et saisiraient les marchandi-
ses anglaises prohibées, (jue les droits ordinaires Irappe-
laicnl dorénavant tout ce ([ue les Genevois extrairaient de
leurs <i mandements » ou y introduiraient, el (ju'enlin la
l'iance lerail construire sans retard un cor[)s de garde et
un pont sur le lUu'jue au-dessous de (ienèxe, en même temps
<|i!c (les chaînes seraient tendues sur le ileuve pendant la
nuit, pour délendri' le passage aux contrebandiers •'. Cha-
1. /,/., 1.-) uv.n !7!)7. A. K.. Ccurc. v„l. l(l(), p. 'IM.
•>. I-.'lHf <!■■ Miilull <Ui a: il.-c-omhiv. H. C. Archim'sdi'CvnOm-.
:i. .In/iiix-.s .Y<i/i«;i<i/,vi. .\. I-". III, -iSI!. i>I:iq. ;«)(),■). \\. C. IS.'I li) (l.c.'nil.n- 1797.
A II- lu lies lie Gfnri>c. « Mes soiivcniis se poitciil oiuoic avec in lin' 1 siirli- [lonl de
liaU'iuiv qui, à Irpoquc <lii Dinctoiiv, je crois, exista peiulaiil qiul<|iie lenips
iiitie .Vire el Sainl-Cieoiges. Il doimail lieu à d'agréables coinnuiuiealiiiiis enire
les deiix rives el les parlies de plaisir s'en trouvaient à merveille. Mais eonimc
il y avait alors dans nos environs heaueoup de troupes l'raneaises el <pie les soldais
prolitaienl de ee pont pour aller à la maraude dans le vignoble d'.Mre. leseulti-
vateurs de ee village le mirent hors de service détachant nuitamment les
baleaiix (|ui le formaient. » (i.u nv-I.l-FollT, l'rtillifllades bisloliiiiirs tUins lecdlllon
.!,■ (icm;u: l. 11. |.. r.'li.
FKI.IX DESPOKTES ET LA RÉUN'ION UE GENÈVE A LA FRANCE 49
cunc de ces mesures portait directement atteinte à l'indé-
jiendance de la petite République; couper ses relations avec
la Suisse, c'était bien là l'encerclement prédit naguère par
Delacroix à Reybaz.
Le Conseil, dès que la nouvelle se confirma, dès qu'il eut
pris connaissance de l'arrêté signé par Merlin, François de
Neulchàteau, La Réveillère-Lépaux et Reubell, jugea ces
« dispositions désastreuses ». Ah ! Micheli avait raison d'é-
crire « (jue la malveillance s'agitait contre nous à Paris,
<ju'on nous représentait comme un ramas d'agioteurs, de
contrebandiers, de brouillons ' ». Si Genève n'entendait
pas succomber à de si perfides accusations, il fallait dépê-
cher au plus vite au Lu.\embourg des députés qualifiés. C-e
même soir, à sept heures, le syndic Pierre Gervais, un né-
gociant, Jacques-Odier Chevrier, et l'infatigable pharmacien
Gosse recevaient la mission de partir pour Paris et d'éclai-
rer la religion du gouvernement français-.
Félix Desportes, comme on pouvait s'y attendre, les vit
s'éloigner, narquois et sceptique. Son parti était pris, il de-
vinait les intentions du Directoire, il ferait tout pour ame-
ner les Genevois à se donner à la France, sans effusion de
sang. Cette fois, il n'hésitait plus. Assez longtemps il avait
patienté, jusqu'à en compromettre sa situation. L'heure n'é-
tait plus aux ménagements. Il fallait que Genève cédât à la
force.
Un nouveau message de Talleyrand (ju'il reçut dans les
derniers jours de l'année ne modifia en aucune manière ses
intentions. Le Directoire venait de supprimer le journal le
Narrateur Universel qui avait répandu le bruit de la pro-
chaine cession du pays de Yaud et de Neuchàtel à la
France, et déclarait « qu'il était loin d'avoir les vues que la
malignité lui prête sur les états voisins ■• ». Les faits étaient
1. H. C, 19 di-cc-.nbre 1797.
2. Cf., dans [.Echo des .4/;,rs du 21 il.-ociiil.r.-, un :MlicK- nuilvi-illaul de
Doppct sur cette députation.
3. I.'arrélé est du 17 décembre, de la uialii de Merlin... « Consid.-rant que
KliV. HIST. DEI-A niïVOI.. 4
50 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
là, en opposition évidente avec de telles expressions. L'inva-
sion de la Suisse décidée, organisée, la conquête de Genève
devait infailliblement suivre.
Frédéric Baubkv.
le rédacteur du jourual cité ne sème des bruits aussi évidemment faux que dans
l'intention de calomnier le gouvernement IVaneais, en lui prêtant des vues
d'envahissement contraires à sa loyauté et par Là d'efl'rayer le peuple helvétique
sur les suites des démarches qu'il pourrait faire pour se rétablir dans la pléni-
tude de ses droits, arrête... » A. K. 111,4X6, plai|. IlO'iil. Talleyrand à Desportes,
22 décembre 1797. A. E., Genève, vol. 1U(), p. G23.
MARAT
ET
L'ACADÉMIE DE KO LIEN
Cha(|iR' l'ois que, dans celle revue, des auleurs plus (|ua-
liliésque nous ont parlé de Marat, celait surtout pour met-
Ire en lumière certains traits de la vie dn révolutionnaire.
. Et cependant, il ne faudrait pas oublier qu'a\ant d'être
« l'ami du peuple », il avait mérité le titre île « médecin
des incurables » et avait l'ait œuvre de savant en étudiant
les sciences physiques, plus parliculièrenient dans leurs
rapports avec la médecine.
X"esl-il [)as curieux, à ce |)roj)os, tle voir comme bon
nombre des plus farouches révolutionnaires avaient été peu
préparés à jouer le rôle (jui leur valut, dans la suile, une si
grande célébrité?
On ne i)eut, en effet, lire sans élonnement l'ékKle (jue
Marat fait lui-même de son pro[)re caractère : " .l'étais,
écrit-il. réiléchi à (juinze ans. observateur à dix-huit,
penseur à \ingl et un ; dès l'âge de dix ans j'ai con-
tracté l'habitude de la vie studieuse ; le Iravail de l'espril
est devenu pour moi un véritajjle besoin, même dans mes
maladies, et mes plus doux [)Iaisirs je les ai trouvés dans la
méditation ' ... »
Nous i)ourrions tl'ailleurs. si ce n'était sortir des limites
restreintes de notre sujet, multiplier les citations de ce
genre.
Il y a deux ans, nous avions eu l'occasion de traduire
1. Jcan-l'anl Mural, ])ar F. Cmkviucmom- (KS.SO), p. (1.
02 REVUE HISTOKIQLE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE
une brochure médicale ' assez rare, écrile en anglais par
le D'^ Marat, lors de son séjour à Londres. Aujourd'hui le
but de noire travail est un peu différent : il s'agit, en effet,
plutôt du savant que du médecin, car ce sont ses relations
avec l'Académie de Rouen à l'occasion de certains de ses
travaux scientifi([ues, que nous voudrions préciser.
En compulsant les archives de celte société savante, nous
constatâmes que ces rapports avaient été plus suivis que
nous ne le pensions au preinier abord, et qu'en somme il
pouvait y avoir un certain intérêt à réunir cet ensemble de
documents constituant un épisode peu connu de la vie de
Marat.
Nous avons, en outre, fait de nombreux emprunts à un
manuscrit fort curieux écrit par Dom Cîourdin - qui fut
pendant quelque temps l'ami intime de Marat ; ce manus-
crit, qui nous fut très aimablement prêté ]iar M. Picard,
a\ait d'ailleurs été l'objet d'une élude de M. Beaurepaire,
lue à la séance de l'Académie de Rouen du ô avril 1867.
Parmi toutes les Académies de i^rovince, celle de Rouen
jouissait déjà d'une assez grande notoriélé, bien que sa fon-
dation fût de date relativement récente.
Elle s'efforçait d'encourager les arts, la littérature et les
sciences, en créant tous les ans des prix nouveaux que se
disputaient un grand nombre de concuircnls.
Aussi n'est-il pas étonnant ({u'un homme comme Marat,
dont « la seule passion (jui dévorait son âme était l'amour
de la gloire », ait [)rofité de ce moyen pour faire connaître
une partie de ses travaux, scientifujues ; d'autant que, mal-
gré tous ses efforts, il n'avait pu réussir à avoir la consé-
cration des grandes Académies de Paris.
1. An miiii on r;/,v/s (l.oiulr
WV2.
•2. \.c titre- (1.- .-.■ inamiMiil .s
lopidduisons ti-xtucUonu-iit :
liecitcH df Discours vt de diasertalions
/.us el ftiroyés dans différentes Académies
l'iir Doni Friun'ois l'hiliiipe Gourdin.
Il n'y a |):is ilc ilali-, ruais il c-,t prol)al)lc qu'il l'ut iciit aux
177.-.). t
,acl. par
!>• D' P
^vr.NN
rvii.i.i
1.. Houen,
nnuc-o
nit slli-
W p,vn,
licT l'i'l
aill.t
: nous 11-
MAKAT ET l'aCADÉMIE DE ROL'EN 53
Celte raison, à elle seule, pourrait expliquer comment il
se fait que nous retrouvions à plusieurs reprises le nom de
Marat parmi ceux des lauréats.
Quand nous disons le nom, c'est une façon de parler,
car « très soigneux de sa réputation, il s'y prenait d'ordi-
naire de manière à éviter l'humiliation d'un échec, sans
courir le risque de perdre le bénéfice d'un succès » ; ce qui
veut dire que Marat ne croyait pas prudent de mettre son
nom à la fin de ses mémoires.
Tantôt il signait d'une lettre et faisait réclamer le prix
par un soi-disant correspondant, tantôt il se servait de noms
d'emprunt, s'appelant tour à four, le D"" Tomacereau, M. de
Longchamp, le ciicvalier de Soycourl, etc.
Il nous en donne lui-même la raison, en écrivant, dans
l'introduction de l'un de ses ouvrages, la phrase suivante:
« Tel est l'empire des anciennes opinions, qu'un novateur
sans intrigues, sans parti, sans preneur est souvent réduit
à se cacher pour échapper à la persécution' . »
Il semble d'ailleurs que Marat employait le même pro-
cédé lorsqu'il voulait faire parler de ses ouvrages dans les
journaux de l'époque ; nous en trouvons la preuve dans
une lettre écrite à Buissart par un de ses concurrents mal-
heureux, l'abbé Bertholon... « II a été, dit ce dernier,
obligé d'envoyer à deux ou trois journalistes, des lettres si-
gnées M. le Chevalier, M. le Marquis, pour être insérées à
la place des extraits qu'on ne voulait pas faire - ».
Tout ceci explique pourquoi ces faits sont eiji somme peu
connus et pourquoi les historiens ont semblé les ignorer.
A côté de cette première raison pour laquelle Marat avait
plus particulièrement choisi l'Académie de Rouen comme
juge de ses travaux, il en est deux autres.
D'abord, c'est que les sujets proposés par elle au con-
cours cadraient mieux avec ses idées scientifiques.
1. Mémoires acadciin<iues ou notwelles dccoiiuerla sur la linnicre. Paris, 1780.
Introduclion, p. 5.
2. Lettre à Buissart (décembre 1782) ; cf. Maral et l'Abhé Herllwlnu. parC.li.
\'ki.i.ay. in Revue historique de la Révolution française, 1912.
O-t REVUE HISTORIQUE DE LA liÉVOI.UTION FRANÇAISE
Nous verrons dans la suite qu'il est fort probable du
reste que la plupart des sujets furent proposés à l'instiga-
tion d'un des membres de cette Société savante, qui était
devenu sur ces entrefaites l'ami et le défenseur de Marat;
nous voulons parler de Dom Gourdin. Cette dernière re-
marque cependant ne s'adresse pas au premier mémoire sur
l'électricité médicale, puisqu'il semble que ce fut à son
occasion que Marat et le savant bénédictin entrèrent en
relations.
Enfin, Rouen n'était pas une ville inconnue pour Marat.
Plusieurs années auparavant, lors de son retour d'An-
gleterre, il avait dû venir y séjourner, pour essayer de re-
mettre la main sur tout un lot d'exemplaires de son ouvrage
De l'Homme, qui avait été saisi en douane. L'envoi en avait
été fait par un libraire d'Amsterdam.
Cet incident est relaté tout au long et avec un grand
luxe de détails dans une lettre écrite par l'auteur à Roume
de Saint-Laurent '.
Nous n'entreprendrons pas maintenant défaire une élude
ajiprofondie des différents ouvrages scientifiques qui valu-
rent à Marat le titre de lauréat de l'Académie de Rouen:
nous ne pourrions que répéter ce qui a déjà été dit par
d'autres auteurs, en particulier par Didelot- et Cabanes-'.
Mais à propos de chacun d'eux nous préciserons les cir-
constances dans lescjuclles ils ont été couronnés, et les in-
cidents aux(jui'ls ils donnèrent souvent naissance.
Ce fut à la séance solennelle de 1781 <]ue r.\cadéinie de
Rouen mit au concours, dans la classe des sciences, la (]ues-
tion suivante :
1. Correspitiulaïuv do Maral. piiblii'i' par CliarK's N'ki.i.ay (l'aris, 1908), p. 26 et
suivantes. Voir aussi Mnrat arrêté en dniiane rf,' Honen, par Noritnv. in Patriote
,/,■ .Vur;7ia;i(fiV. •.>4 mai 18!);i.
'1. Manil pluislciell. in /trr/iii)cs </a7l/)/iro/)<>/(iyl'c iTl;iiini'//.- ( I.von), juill<-l 18!l;!.
:i. Miinil iii.i.ii;mi (Paris, ISid). cl •>■ i-dilion.'
MAHAT ET LAl'.ADliMIE DE ROUEN ilO
» Jiicqn'à (jiiel point et dans quelles condi'ions oent-on
conipter. dans le Irailenient des maladies, sur le nui;inétisme
et sur iclectricité. tant positive (pie négative ? »
L'imporlancc du ])rix, qui était de 300 livres, pouvant
être reinjilacé au choix du lauréat par une médaille d'or,
montre assez l'intérêt que cette Société savante portait à
cette branche spéciale de la physique.
Au lendemain de sa fondation, en 1745, un de ses mem-
bres les plus illustres, le célèbre Lecat, n'avait-il pas déjà,
dans un mémoire très documenté, attiré l'attention de ses
collègues sur l'électricité ?
Un certain nombre d'années plus tard, lors de la grande
vogue du mesmérisme ', Dom Gourdin lui-même avait
voulu voir de près les expériences du fameux baquet ; nous
retrouvons dans le manuscrit auquel nous faisions allusion
précédemment les impressions du vénérable bénédictin, qui
avait été du reste fortement critiqué par ses collègues pour
avoir assisté à de semblables expériences :
« Je n'}' ai été que deux fois, j'y ai vu des choses éton-
« nantes, les opérateurs étaient de bonne foi, mais voyaient-
« ils les choses avec assez de sang-froid? Plusieurs ne dési-
« raient-ils point y voir et y faire voir du merv'eilleux? Tous
« les apprêts sont très propres à monter l'imagination, sur-
ce tout celle des femmes... on doit avouer que de i)areils
« traitements sont peu propres à conserver les mœurs. »
Cette dernière remarque montre bien que Dom Gourdin
avait lui-même compris que sa place n'était pas au milieu
des disciples de Mesmer.
Enfin, en 1778, dans son mémoire sur la nature du fluide
nerveux, Dom Gourdin lui-même étudiait encore l'électricité,
considérant « qu'elle pourrait peut-être devenir comme la
pierre de touche des tempéramens ».
Ces différents travaux avaient certainement excité la cu-
1. Voir le curieux article de Nourv dans /,• l'alriule de Xii
1893.
56 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
riosilé de la plupart des membres de l'Académie de Rouen
et il n'en fallait pas davantage pour que l'idée leur vint d'ap-
profondir celte question si nouvelle de l'influence mysté-
rieuse de l'électricité sur l'organisme humain, et cela en la
mettant au concours.
Tout d'abord le prix devait être décerné au mois d'août
1782, mais, à la demande de plusieurs concurrents anony-
mes, et eu égard à l'importance du sujet, il fut reporté à
l'année suivante.
Dès le 25 mai 1783 le travail de Marat était prêt ; c'est
en effet cette date que porte sa lettre d'envoi à M. Dambour-
nay, secrétaire perpétuel de l'Académie, dont voici la copie :
Agréez, monsieur, mes excuses de ce que le manuscrit que
j'ai l'honneur de vous adresser contient quelques ratures. J'aurais
eu soin de le faire remettre au net, si je ne touchais à la fin du
lennc ouvert pour le concours.
Paris, c- 2.-) mai 1783.
Nous n'avons pu retrouver le manuscrit qu'acccompa-
gnait cette lettre, nous nous contenterons de rappeler ce
qu'en disait en 1867 M. de Beaurepaire, qui l'eut certaine-
ment entre les mains:
« Il était rédigé avec une pureté et surtout avec une
clarté remarquable, l'écriture en était correcte et élégante,
et assurément elle n'aurait pas laissé deviner la main qui
depuis signa tant d'odieuses dénonciations '. »
Comme c'est encore la coutume de nos jours dans les
concours académiques, au mémoire était annexé un billet
cacheté qui ne devait être ouvert que si le travail était jugé
digne du prix, afin d'en connaître l'auteur.
Dans la circonstance, le billet qui était altaciié au ma-
nuscrit de Marat n'apprit pas grand chose aux membres du
jury; il ne contenait que ces deux vers transcrits de la main
de l'auteur :
1. F.xlrails ,t un maniisrril tir Dom Cotinlin. par Cli. de Hl M nrroliK (Roiipn.
1KI17).
MAHAT ET l'aCADÉMIE DE KOLEN 57
Est modus in rebus, sunt cerli dcnique fines,
Quos ullra cilraque nequil consisicrc rectum.
HoiiAcr;. Sotire l-
et, en guise de signature, ces mots: «. M... à Paris, ce 22
mai 1783. »
Nous verrons dans la suite conimcni celte pseudo-signa-
ture fut identifiée.
Les commissaires qui avaient été désignés pour l'examen
des mémoires étaient MM. Delarochc, David, Gosseaume,
Scanegatty, Le Pec et Dambournay.
Sans doute ils avaient été unanimes à reconnaître la su-
périorité du travail de ALirat, mais ils n'avaient pu se dé-
fendre de joindre aux éloges certaines critiques; qu'on en
juge plutôt par le passage suivant extrait du compte rendu
de la séance: « En donnant le prix à ce mémoire qui le mé-
« rite à tant de litres, l'Académie a regretté que l'auteur n'ait
« pas mis plus d'aménité dans les termes, en réfutant l'opi-
« nion d'un homme estimable, adoptée par neuf compagnies
« savantes, qui presque toutes ont couronné ses efforts '. »
Marat avait en effet quelque peu malmené l'abbé Ber-
tholon qui avait publié un mémoire couronné à l'Académie
de Lyon le 16 décembre 1779, portant ce titre :
Quelles sont les maladies qui dépendent de la plus ou moins
(jrande quantité de fluide électrique dans le corps humain, et
quels sont les moyens de remédier aux unes et aux autres.
Ces attaques de Marat devaient cire le point de départ
d'une polémique, qui, de part et d'autre, ne manqua pas
d'être acerbe - .
Et, quand il publia, un an plus tard, son mémoire, il y
adjoignit une petite brochure dans lac|uclle il tournait car-
rément en ridicule celui dont il n'avait d'abord fait qu'atta-
(juer les théories scientifiques. '■
1. Supplcmcnt à la feuille n" 30. (Compte rciulii de la séance solennelle de
l'Académie de Rouen, août 1783.
2. Voir Marat et iahhé Berthnhn. par Ch. Vixlay, in Kevue historique de la
Kénolution française. 1912, p. 294.
3. Ohseriialions de M. L amateur Avec à M. iahhé Sans, sur la nécessité indis-
58 REVUE IIISTORIQLE DE LA RÉVOLUTION" FRANÇAISE
On pourrait croire ([ue, son mémoire une fois couronné,
Maral n'avait plus raison de garder l'anonymat ; et C3pen-
dant ce ne fut pas sans se faire prier qu'il consentit à cor-
respondre ouvertement avec M. Dambournay. le secrétaire
perpétuel de l'Académie de Rouen.
Dans une première lettre qu'il ne signe pas et qu'il
adresse à ce dcM-nier, le 7 septembre 1783, il demande des
nouvelles du résultat du concours.
Puis, le 22 du même mois, le baron de Feldenfeld cor-
respond à sa place, et réclame le prix remporte par le tra-
vail de son ami, qui refuse encore de se faire connaître.
En parcourant ce document, on est frappé de la ressem-
blance qui existe entre certaines tournures de phrase habi-
tuelles à Marat, et un grand nombre de passages de cette mis-
sive. L'écriture elle-même n'est pas sans présenter, à ce qu'il
nous semble, beaucoup de points communs avec celle de
<| l'Ami du peuple », si bien qu'il est permis de se deman-
der si le baron de Feldenfeld n'était pas Marat lui-même.
Nous avons cherché à vérifier le fait, nous n'avons pu
en acquérir la certitude ; tout ce que nous savons, c'est
qu'il n'existe aux Archives Nationales aucun document
permettant d'identifier ce personnage.
A la lettre du baron de Feldenfeld, M. Dambournay
répondit en insistant pour obtenir l'abandon de l'anonymat
de la part de l'auteur du mémoire couronné. Peu de jours
après, ce même baron de Feldenfeld écrivait à nouveau au
secrétaire perpétuel de l'Académie de Rouen, lui avouant
(jue l'auteur du travail en question était « le célèbre M.
Marat, si avantageusement connu de l'Europe savante par
ses belles découvertes en physique >• ' .
A partir de ce moment, l'auteur correspond lui-même
avec M. Dambournay ; il lui envoie sa procuration pour
toucher sa médaille.
pensable d'aimir une théorie siilide el luniinetise avant il ouvrir boutique liéleclricilé
ntédicale.
1. I.a Correspondance de Maral. piiblii-i- i):ir CharliN Vki.i.w. p. 7.') cl sui-
MAHAÏ I:T l'académie de ROUEN 59
En même temps, comme il réclame de l'Académie une
l'aveur exceptionnelle, à savoir : d'obtenir la copie de son
mémoire afin de lui en permettre i im|)rcssion, il lui en
témoigne sa reconnaissance en lui adressant un exemplaire
de ses œuvres scientifiques relié en plein maroquin, doré
sur tranche et portant en outre sur les plats les armoiries
de celte société savante.
Nous avons pu retrouver à la bibliothèque de la ville de
Rouen les exemplaires en question ; l'un d'eux renferme
même une dédicace fort curieuse, écrite de la main de Marat.
Au dessous du cachet de la l)ibliolhè(jue de l'Académie, on
peut lire la mention suivante : DccL, Aiitor.
C.e présent de Marat montre ([u'il était très sensible à
la distinction honorifique dont il avait été l'objet et qu'il
avait tenu en retour à faire liés bien les choses.
L'.\cadémie ne voulut pas être en reste avec lui. Non
seulement elle lui accorda la l'aveur (|u'il lui demandait,
c'esl-à-dire la copie de son mémoire, mais elle se refusa à
ce (pi'il en supportât les frais, chargeant son secrétaire per-
pétuel, M. Dambournay, de lui adresser une lettre de remer-
ciements, de lacjuelle nous extrayons le passage suivant :
Il ne sera pas question, s'il vous plaît, des frais, l'Académie
aj'ant expressément arrêté quelle saisissait celte occasion de vous
exprimer sa sensibilité au beau présent dont vous avez enrichi sa
bibliothèque ; celte dérogation à ses statuts est consacrée dans
ses registres conune un monument honorable, et elle me charge
de vous en informer positivement'.
On comprendra l'insislance avec laquelle Marat persis-
tait à vouloir conserver l'anonymat, quand on saura qu'un
an plus tard, il publiait, à son corps défendant, ce même
mémoire, sans y mettre son nom et sous ce seul titre : Mé-
moire sur l'électricité médicale, couronné le (i août T7<S3 par
l'Académie royale des sciences, belles-lettres et arts de Rouen -.
1. Cliarles Vellay, La Correspondance dp Maral, p. 79.
2. Chez N.-T. Méqiimon, rue des Coidcluis, pris de St-Côme. 17K4.
(50 KEVUF, IllSTOHlQL'E DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Nous en aurons fini avec l'histoire de ce mémoire, quand
nous aurons dit que Marat avait choisi la médaille de pré-
férence aux 300 livres. Il nous a été impossible de retrouver
dans aucune collection la trace de cette médaille. Nous
avons même cherché dans les archives de la Monnaie s'il
était l'ait mention quelque part de cette commande faite par
l'Académie de Rouen ; mais nous n'avons rien trouvé.
Cependant, dans la lettre adressée i)ar M. Danihournay
à Marat en d;Uc du 20 septemlire 1783, il y a tout un [las-
sage qui ne permet pas de douter de l'exactitude du l'ait que
nous rapportons.
La médaille, ordonnée dès le 15 octobre, n est point encore
arrivée parce qu'on grave un nouveau coin pour l'elligie de Louis
XVL Enfin, l'avis que vous me donnez de votre prochain départ
pour Londres, me détermine à vous envoyer le mandat ci-joint
de M. Deschamps, notre professeur de dessin, sur ^L Roussel,
caissier à la monnaie des médailles au Louvre, pour qu'il vous
délivre celle-ci, aussitôt qu'elle sera frappée. Il vous plaise en
donner quittance au bas du mandat audit sieur Roussel, qui le
renverra ainsi à Monsieur Deschamps. Ne différez pas, s il vous
plaît, à l'en informer, de peur que dans l'intervalle il n'adresse
cette médaille au mandataire qui la lui avait demandée de la
part de la compagnie '.
A la même séance où le mémoire de ^L^rat sur l'éledri-
cité médicale remportait le prix extraordinaire des sciences,
M. Romans de Coppier, un des membres de l'Académie,
priait cette compagnie d'accepter une somme de 300 livres
pour un prix extraordinaire à décerner en 1784 à celui (|ui
indiquerait les moyens de porter l'encyclopédie au plus haut
degré de perfection.
Ce sujet, tout à fait difTérent du précédent, tenta néan-
moins Marat.
Sans doute le mémoire ([u'il envoya pour concourir ne
portait pas son nom, mais il fut cependant possible de le
1. Chiirlos Vki.lay, I.n Oirresiumclun.r ,1,- M,iral. j). 7!).
MARAT ET I.'aCA HKMIE DE ROUEN ()1
reconnaître sous la signature du D'" Tonmccrcau, de Ver-
sailles.
Il s'agissait évidemment, comme le fait justement remar-
quer M. de Beaurepairc, d'un pseudonyme, car, en consul-
tant YAImanach de Versailles de l'éiioiue, on ne trouve pas
de docteur de ce nom.
En outre, dans le rapport rédigé par les commissaires
([ui avaient été désignés, parmi lescjuels se trouvait Doni
(iourdin, ainsi qu'un de ses amis M. Baveux, nous lisons
l'appréciation suivante :
Le mémoire n" 4, folio de 30 pages, n'offre point de projets
aussi vastes que les deux précédents ; écrit d'un style chaud, fort
et nerveux, les idées s'y développent, s'y succèdent avec rapidité.
Le plan eu est simple et bien conçu ; l'auteur, après y avoir exa-
miné en critique sévère les deux méthodes adoptées jusqu'à
aujourd'hui, en propose une troisième. C'est à peu près celle adop-
tée par 1 auteur du mémoire n" l, mais plus détaillée ; il la
réduit à ces trois chefs : 1" borner l'encyclopédie à la partie philo-
sophique des belles-lettres, à des abrégés d'histoire, à la descrip-
tion des métiers, à des traités élémentaires sur chaque science,
et sur chaque art, précédés de l'histoire de leurs origines et de
leurs progrès.
2'^ N'emploj'er ù sa rédaction que des hommes d'un talent su-
périeur, que des hommes de génie ;
3" En faire une entreprise nationale dont la gloire du succès
soit l'unique récompense des auteurs.
Il résulte de l'examen rétlcchi combiné que nous avons fait de
ces quatre mémoires, qu'ils ont chacun un mérite particulier. Ce-
pendant le prix ne nous paraît devoir être disputé que par les mé-
moires 3 et 4, et celui des deux auquel vous ne jugerez pas à pro-
pos de le décerner est digne, Messieurs, que vous en fassiez une
mention des plus honorables. '
Bien que l'on sente dans celte analyse une préférence
très marquée pour le mémoire portant le n° 4, l'Académie
jugea autrement, et le prix fut attribué au mémoire n° 3 ;
l'auteur en était un M. Marcel de Cettray, avocat au Parle-
ment de Bretagne, et demeurant à Nantes.
1. Manuscrit do I)om Gourdin, p. 100.
62 REVUE HISTOKIQLE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
l)om Gourdin, dans unenoteoriginaIe,exlraile desonma-
niiscrit, déplore ([iie le mémoire portant le n° 4, et adressé
à l'Académie par son ami Marat, n"ait point remporté le
prix; il avoue alors avoir subi à regret rinnuencc de ses
collègues et en particulier de M. Bayeux.
Cette assertion de DomCiourdin permet de préciser sans
aucun doute la véritable signification du pscudonj-me sous
lequel se cachait notre lauréat de l'année précédente.
Nous n'avons pas pu davantage retrouver dans les
archives de l'Académie l'original du mémoire. Il semble
d'ailleurs que tous ces manuscrits de Marat aient disparu
en même temps, puisqu'on en retrouve la trace jusqu'à une
certaine époque et qu'il devient ensuite difiicile de dire ce
(ju'iis sont devenus.
11 faut croire ([ue Dorn Gourdin regrettait sincèrement
de n'avoir pu réussir à taire couronner le mémoire de son
ami, si l'on en juge parcelle lettre qu'il adressait, (juelque
temps après, à M. Haillet de C^ouronnc :
Me voilà de retour, Monsieur et cher Collègue, et en bonne santé ;
des personnes que j'ai vues à Paris et qui prennent le plus vif intérêt
au mémoire nfi4qui a eu raccessit, désireroient que l'on mit dans
le rapport que ; « ce mcinoire a parliciilièrement fixé l'altenlion
de l'Acadcmie tant parle fond des idées que par la pureté du style.
Mais en même temps il contient plusieurs passages que la compagnie
ne peut avouer et qui sont trop intimement liés au sujet pour en être
retranchés : en conséquence elle n'a pas cru devoir décerner la cou-
ronne ù l'auteur, mais en lui accordant l'accessit, elle pense lui té-
moigner publiquement l'estime qu'elle fait d'ailleurs de cet e.rcellent
mémoire. » Vous savez que mon avis était de couronner ce mé-
moire folio qui vraiment remplit seul l'objet en question. Celui qui
a été couronné est sûrement rempli de bonnes et excellentes cho-
ses, mais si l'auteur le fait paraître il essuiera de rudes critiques
et l'Académie pourrait èlre compromise, ce qu'on évitera par la
petite addition ci-dessus.
Mandez-moi tout de suite ce que vous en pensez '.
1. E-vtralls dan manusn-it ,iV Dom (uninltn. p:\r C.h. de lii AfluPAinK ( Rou
1.SK7). p. 14.
MARAT ET L ACADÉMIE UE nOUEN (),'{
On comprendra mieux ces scrupules de Dom (ioiirdin
(|unud on saura que Marat avait dans son mémoire fait
l'éloge d'un «petit écrit» de son ami envoyé à l'Académie de
Lyon à l'occasion d'un récent concours. Il semble que M.
Haillet de Couronne soit resté sourd aux avances de son
collègue et que la lettre n'ait pas eu de résultat, car nous
n'avons trouvé le fait mentionné nulle part dans les comp-
tes rendus des séances de l'Académie de Rouen.
Mais Dom Gourdin ne se tient pas pour battu et, très
certainement à l'instigation de Marat, qu'il venait de voir à
Paris, il propose à ses collègues d'ofFrir dans la classe des
sciences un prix extraordinaire à décerner en 1786.
Averti du sens dans lequel il devait s'orienter, pour fa-
voriser son ami, il fit proposer par ses collègues de l'Acadé-
mie le sujet suivant : « Déterminer les vraies causes des
«couleurs que présentent les lames de verre, les bulles de
« savons elles autres matières diaphanes extrêmement min-
« ces. »
A trois reprises dificrenlcs Marat avait concouru sans
succès devant d'autres Académies, celle de Lyon en parti-
culier, sur des sujets analogues; aussi avait-il plus à cœur
de réussir cette fois. Il se mit donc au travail et rédigea
un mémoire fort intéressant, qui, tout en étant en contra-
diction avec les tiiéoiies de Newton, admises alors de tous,
lut cependant jugé digne du prix par l'Académie de Rouen.
Dom Gourdin ne fut certes pas étranger à ce succès, car il
soutint cette fois son ami beaucoup plus énergiquement.
Cela lui fut rendu d'autant plus facile que Marat prit en-
core un nom d'emprunt, écartant ainsi le moindre soupçon
de partialité qu'aurait pu faire naître leurs relations amica-
les. Ces détails montrent bien que, de tout temps, il faisait
bon pour un concurrent d'avoir pour ami un des membres
influents du jury; mais ils jettent un jour un peu défavo-
rable sur le caractère de Dom Gourdin. Il ne faudrait pas
néanmoins lui faire un trop grand grief de l'appui qu'il
donna à Marat, car il semble avoir été vraiment sincère
()4 HKVIK HISTORIQUE OF. LA HÉVOLUTION FRANÇAISE
dans son admiration pour ses idées scientifiques ; et quand
il s'aperçut plus lard (ju'il avait été le jouet de certaines
illusions à l'égard de son ami, il s'empressa de rompre toute
relation avec lui. On retrouve tous ces faits consignés dans
certaines parties de son manuscrit.
Pour l'épreuve en question six concurrents étaient en
présence. C'était d'abord celui qui devait être le lauréat et
qui se faisait appeler pour la circonstance M. de Long-
champ, avocat au Parlement, autrement dit Marat.
Parmi les cinq antres nous ne retiendrons qu'un seul
nom, celui de l'abbé Grégoire, domicilié rue Saint-Lazare,
vis-à-vis celle de La Rochefoucauld. Le mémoire de ce der-
nier, qui portait le n" 6, avait pour devise la phrase sui-
vante qui ne manque pas d'une certaine poésie : « Les cou-
leurs embellissent les formes, comme l'esprit embellit la
raison. »
Quelque temps après, dans une lettre adressée à ^L
Dambournay, que nous avons retrouvée dans les archives,
l'abbé (irégoire semble réclamer la priorité de certaines
observations que Marat présentait comme siennes dans son
propre mémoire ; et c'était probablement avec l'idée de
poursuivre l'affaire (ju'il demandait avec insistance une co-
pie exacte de son mémoire.
Il est indispensable d'ajouter, pour la compréhension de
ces faits, que l'abbé Grégoire, comme il le disait dans sa
lettre, avait communiqué son manuscrit, au mois de janvier
précédant le concours, à quelques amis, et que, profitant
d'une indiscrétion de l'un d'eux, Marat s'était très probable-
ment approprié certaines idées (]ui lui paraissaient intéres-
santes.
Faut-il i)rendre à la lettre ces insinuations d'un candi-
dat malheureux ? Nous ne saurions l'affirmer, d'autantqu'il
semble, si l'on en croit Cabanes, que ce fut à l'instigation
de ce même abbé Grégoire que Marat se décida dans la suite à
publier son mémoire, ce qui fait supposer que ses relations
avec son ex-concurrent étaient devenues plus cordiales.
MARAT r.T I.ACADÉMIE DE UOVIiN 65
Mais revenons à notre sujet. Les commissaires nommés
comme juges étaient M. Ligot, M. Scanegatty, et, naturelle-
ment, Dom Gourdin. Dans le rapport qu'ils firent, ils donnè-
rent nettement la préférence au mémoire qui portait l'épi-
graphe suivante : Xiigœ séria diicent. Inutile d'ajouter que leur
jugement fut ratifié par tous les membres de l'Académie.
Ce fut donc M. de Longchamp qui remporta le prix et
cela « parce que, procédant avec ordre, il avait bien exa-
miné l'une après l'autre toutes les parties du programme, et
parce qu'il avait appuyé sa théorie sur des faits nombreux et
variés, et, qu'enfin, les expériences qu'il annonçait, répétées
toutes scrupuleusement, avaient toujours donné les mêmes
résultats ».
Marat ne dut pas être étonné quand il apprit, certaine-
ment par son ami Dom (îourdin, ((ue son mémoire avait
été couronné, car, sur le billet annexé à son manuscrit et
qui portait le nom d'emprunt déjà cité plus haut, on pou-
vait lire la phrase suivante qui est bien significative:
Si ce mémoire est juge digne de la couronne, je supplie que la
médaille soit remise an généreux académicien qui a fait les fonds
du prix, m'estimant très heureux que l'Académie ail donné sa sanc-
tion aux découvertes qw; j'ai soumises à son jugement.
Marat devait bien ce témoignage de gratitude à son ami,
sans compter que cet acte de désintéressement, qui fut con-
signé sur les registres de l'Académie, eut pour résultat la
fondation d'un nouveau prix extraordinaire à décerner l'an-
née suivante.
Ce prix devait, d'ailleurs, être encore attribué à Marat.
Nous avons été plus heureux pour ce mémoire que pour
les précédents, car nous avons pu l'avoir entre les mains et
le parcourir tout au long.
Ce manuscrit pourrait bien à la rigueur avoir été écrit
par Marat lui-même, bien que cependant l'écriture appliquée
ne cadre guère avec son caractère. Il faudrait être un
graphologue émérite pour trancher la question. Ce que nous
REV. BIST. DE LA BEViJL. 5
66 REVUE HISTORIQUE DE LA UÉVOLUTIOX FRANÇAISE
pouvons affirmer, c'est que le billet qui y était annexé ne
fut sûrement pas écrit par la même personne.
Nous ne sommes pas places pour juger la valeur scien-
tifique de ce travail de Marat. I! n'est pas douteux ([u'il ne
méritât certains éloges. Il nous semble pourtant qu'il eut
mieux fait de traiter avec plus de modération ses adversai-
res et de faire plus de cas des théories (jui ont résisté à
l'œuvre du temps.
Mais nous avons déjà pu voir par l'étude des précédents
mémoires que la modestie n'était pas son fort. On s'en con-
vaincra une fois de plus en lisant la péroraison du manus-
crit en question :
J'ai proiwé, di!-il, jusqu'à l'cvidence, que le principe uxsignc par
Newlon aux couleurs des corps minces diaphanes, esl destitué de
loul fondement cl j'ai démontré par une suite de faits simples, clairs,
décisifs, les vraies causes de ces phénomènes, j'oserais donc me flatter
d'avoir rempli la tâche imposée par l'Académie.
Deux ans plus tard, on pouvait lire, dans le Journal de
Normandie, une lettre fort élogieuse de Dom Gourdin, pour
annoncer la publication du mémoire couronné par l'Acadé-
mie.
Il manquait un nouveau pseudonyme à Mai-al. Après
s'être fait appeler successivement le D"' Tomacereau, M. de
Longchamp, quoi d'étonnant que nous le retrouvions sous
les traits du chevalier de Soycourt ?
C'est qu'en efTet, dans son soi-disant geste de désinté-
ressement, en refusant le prix attribué à son mémoire sur
l'optique, Marat témoignait à la fois sa gratitude à Dom
Gourdin et procurait à ce dernier une nouvelle occasion de
le patronner auprès de ses collègues de l'Académie de Kouen.
Nous nous expliquons : Dom Gourdin, ne voulant pas ac-
cepter la médaille, ni reprendre les fonds qu'il avait olVcrls,
un seul geste lui restait à faire, c'était naturellement de pro-
poser (juc ces fonds fussent employés à la création d'un au-
tre prix l'année suivante.
Pour ce nouveau concours, il ne s'agit plus, celte fois.
HARAT ET I.'aCADKMIE 1)F. HOUEN ()7
d'étudier rélcctricitc, ni les lois de l'optique, mais d'essayer
d'approfondir les phénomènes, non moins intéressants, delà
chaleur latcnlc.
Le sujet proposé par l'Acailémie pour le jirix extraordi-
naire de la classe des sciences à tiéccrncr le 1"' août 1787
(ut donc le suivant: « Les expériences sur lesquelles porte
la doctrine moderne de la chaleur latente sont-elles décisi-
ves? » Nous retrouvons comme commissaires, M. Scanegatty,
et surtout le fidèle ami de Marat, Dom Gourdin; à ces deux
memhres étaient adjoints Le Pec et Laun.ionicr. Il semble
(ju'il n'y ait eu que peu de concurrents.
On pourrait même cioire, en lisant le rapport dos com-
missaires, qu'un seul mémoire avait été présenté. Toutefois,
nous avons pu nous convaincre du coiitraire en feuilletant
les archives de l'Académie. Nous avons retrouvé, en effet,
en même temps que le mémoire de Marat, celui du célè-
bre chimiste La Grange ([ui portait pour devise: « Rien
n'est beau que le vrai. )>
Celui du chevalier de Soycouil, pseudonyme de Marat,
avait comme épigraphe : Grala vice veri.
Les commissaires chargés d'examiner le travail de Marat
en rédigèrent une analyse élogieuse que nous retrouvons
dans le supplément de la feuille du Journal de Normandie
relatant la séance du 1"'' août 1787.
Emploj'ant toujours son même procédé, qui consiste à
démolir toutes les théories admises avant lui, Marat termine
ainsi son mémoire :
De ccc[ui précède, concluons que rélrciiige doctrine de la cha-
leur latente n'est fondée que sur des expériences fausses ou illu-
soires. Ici, quelles tristes réllexions viennent se présenter à mon
esprit.
A voir combien est scabreuse la carrière des sciences, de
quelle foule d'erreurs elle est parsemée, et avec quelle sécurité
presque tous ceux qui s'efforcent de la parcourir, prennent l'om-
bre pour le corps ; qui ne dirait que la connaissance de la na-
ture est hors de notre portée, et que son étude ne doit pas être
notre partage ici-bas.
()8 HEVIK IIISTOKIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
N'allons pourtant pas le croire ; ses secrets ne nous échap-
pent si souvent que parce que nous présumons les lui arracher
par des expériences grossières et que, courant après le merveil-
leux, nous négligeons les seuls moyens propres à les lui dérober :
le discernement et l'analyse.
Les sciences ne se perfectionnent que peu à peu ; mais puis-
qu'elles oHrent la plupart mille opinions erronées pour une idée
vraie, et, pour une découverte réelle, mille inventions illusoires ;
soumettre toutes les innovations à l'examen le plus rigoureux, les
faire pour ainsi dire passer par le creuset dès leur origine, étouf-
fer l'erreur au berceau et consacrer les vérités nouvelles, tel est le
dessein noble et sublime que devraient former toutes les sociétés
savantes, et tel est le dessein que l'Académie parait avoir formé.
Jaloux d'entrer dansses vues, je m'applaudirais de mes efforts,
si j'avais réussi h faciliter la connaissance du principe de la cha-
leur, en ramenant au vrai l'une des plus belles branches de la
physique.
Bien qu'un peu longue, cette dernière citation nous a
paru intéressante à plusieurs points de vue :
N'est-elie pas en effet une preuve morale que M. de Soy-
courl et Marat n'étaient qu'un même personnage, et cela
dans le cas où nous n'aurions pas eu l'information de Dom
Gourdin pour nous renseigner'?
Puis nous retrouvons dans ces quelques lignes, à la fois
les qualités et les défauts du caractère de Marat.
C'est d'abord un ambitieux qui veut avant tout briller
et avoir pour lui tout seul le mérite des découvertes faites
avant lui.
Il peut donner au premier abord l'illusion d'un savant
qui travaille patiemment dans son laboratoire ; mais on
s'aperçoit bien vite que ses soi-disant découvertes ne sont
trop souvent que des idées, quelquefois originales, le plus
souvent empruntées aux autres, et dont, en tout cas, la por-
tée scientificiue est loin d'être aussi grande ([u'il s'efforce de
le faire croire.
Dans son travail qu'il intitule: Marat pliysicien, le. D'' Di-
1. ManiiM-rit di' Dom ("lourdlii : « .\yanl laissé l'argent du pris décerné en
17X4. M. Maral a en 17S7 ii-iiiportr un troisième prix sur la ehaleur latente. »
MARAT ET I,"aCAI)KM lli I)li HOUEX 69
delot semble avoir vraiment bien saisi la véritable physio-
nomie du Marat que nous venons d'observer : « Esprit cul-
tivé, dit-il, ne manijuant ni de talents, ni de distinction,
doué d'une volonté énergique et d'imagination vive, Marat
laisse pressentir dans son œuvre scientifuiue le caractère
(|u'il apportera dans les luttes politi([ues, car il unit à ses
(jualités un jugement peu droit, une vanité prodigieuse et
une ambition sans limite '. »
1)' I'avenxkville
Médecin dos Hôpitaux de Rouen.
d\inlhn<pol<n,ii- m';»wi<-//c (Lyon, juillet IS'H), n" 4(;, p. Til.
\mt\\K ET LE 31AÎ{(illS l)ES\l)E
Les relations de Rovèie avec le marquis de Sade ne fu-
ient ni longues ni cordiales, à en juger du moins par les
quelques lettres (jue nous donnons plus loin. Elles prirent
naissance à l'occasion de l'acquisition, par Rovère, du do-
maine de La Cosle, propriété de la lamille de Sade.
On sait que Rovère, marquis de Fontvieille, se trouvait,
au commencement de la Révolution, réduit aux pires extré-
mités. La Remie historùjne de ta Rcimhilion française a publié,
dans le numéro de janvier-mars 19n, le procès-verbal, à la
date du 22 mai 1789, constatant son arrestation pour dettes.
Peu d'années après, le débiteur insolvable, saisi pour
ainsi dire au vol dans les rues d'x\ix, se trouvait à même d'a-
cheter, en 1793, un bien national d'une valeur importante,
ayant appartenu aux Célestins de Gentilly, à Sorgues.
A partir de ce moment, Rovère n'a plus qu'une préoccu-
pation : augmenter ses propriétés. La correspondance avec
son frère, l'ancien évêque constitutionnel d'Avignon, publiée
par M. le D' Laval, en fait foi. Il est peu de lettres où il ne
soit (juestion, soit d'un achat, soit d'un jMojet d"ac(|uisition'.
Tantôt il s'agit d'un moulin à (".ourlhe/on, tantôt de la terre
des Chartreux à Bédarrides.
Dans la lettre du 18 prairial an IV, il annonce qu'il va se
mettre en cpietle (sic), pour trouver l'adresse du proprié-
taire de la maison basse : je crois, dil-ii, " (]ue ce serait bien
notre a lia ire ».
Celte maison basse était un château situé à la Coste,
I. I) l.*vAi . I.rlln-s /nciliirs il,- Knvcre n son frcrc , /)ii.ssi/ii.
HOVKHE ET LE MARQUIS DE SAUE 71
petite comimine bâtie sur un contrelort du Luhéron, non
loin de Bonnieux, et ancienne seigneurie île la l'aniille de
Sade '.
Le propriétaire fut facilement trouvé et, le 20 fructidor
an IV, les accords étaient faits avec le marquis de Sade, le
prix arrêté et l'entrée en possession fixée an 1'^'^ vendémiaire.
Rovère ne put se procurer assez à temps les fonds nécessai-
res. Il en résulta un peu de retard, ainsi cjue le fait connaî-
tre la lettre ci-dessous, du notaire chargé de passer l'acte.
Paris, ce 23 iVuctidor an 4, 9 heures du matin.
Citoyen
Conformément à la lettre que vous me fites l'honneur de
m'écrira le 21 de ce mois, je vous ai attendu le lendemain toute
la journée ; mais n'aj'ant pas eu le plaisir de vous voir ni de rece-
voir de vos nouvelles, et étant d'ailleurs vivement pressé par le
C. Sade qui m'accahle de lettres, je me trouve donc forcé de
vous interrompre de nouveau, et de vous demander si dans la
matinée vous pouvez disposer en faveur du C. Sade ou de la C''=
Quenel d'une somme de 8.000 livres. Si vous pouvez disposer de
cette somme vous les mettrez dans la possihilité d'acquérir sur-
le-champ une propriété située en la comiuune de St-Ouen et qui
leur fait envie. Si au contraire vous ne pouvez leur procurer cette
somme cela leur occasionnera un désagrément d'autant plus
fâcheux qu'ils ne pourront le réparer, la personne avec lac[uclle
ils ont affaire ne voulant plus attendre passé aujourd'huy.
Pardon, Citoyen, si je vous enlève d'auprès d'une épouse que
vous consolez sans doute- , mais j'espère que vous voudrez bien
user d'indulgence envers celui qui est avec la plus parfaite consi-
dération votre concitoyen.
DuRET.
Prin.i|.:ii eleie tUi C. Deluehe, niilaire, H. iMonlMiailie.
P. S. — J'ai la procuration du C. Sade, nous pourrons
terminer ensemble, faites moi une réponse je vous prie.
1. CouETET, Dictionnaire des conunnnes du dépurtenieni de Vanchise, éd. de
1877, p. 180. « Pendant la Kévolution le fameux marquis de Sade vendit le
château au représentant Hovére de Bonnieux. La famille l'a racheté, maïs il est
à l'état de ruines. »
2. Mme Rovère venait de perdre une de ses sœurs quelques jours aupara-
vant. (D' L.vvAL, p. 125, lettre du 20 fructidor an IV.)
il REVIK HlSTORIQUi: DE LA RÉVOLITION FliANÇAISF.
Ce ne fut (|iie le 22 vendémiaire an V (jiie cette dernière
formalité lut accomplie. Les citoyens Sade et Hovère se
rendirent chez Deloche notaire, signèrent l'acte et allèrent
dîner ensemble. La lettre du marcjuisde Sade, en date du 20
vendémiaire, est relative à ces diverses opérations.
Je suis très sensible. Monsieur, à l'honneur que vous vouiés
bien me faire, je me rendrai très ex;ictemcnt ;i votre agréable
invitation le 22 vendérniaire.
En conséquence de votre lettre que je n'ai reçu le 19 qu'à 'à
heures j'ai envoyé sur-le-ehamp un exprès au notaire qui ra"a
répondu que tout serait prêt le 22 entre 5 et 6. Nous nous y
rendrons ensemble ; il me charge vous présentant son respect de
vous dire qu'il ne faut pas que Madame de Rovère se donne la
peine de venir chez lui. On lui portera l'acte à signer.
Je vous rends grâces, Monsieur, de votre exactitude ù payer
mon premier elfet, j'étais bien persuadé de votre honnêteté à cet
égard.
Nous raisonjierons sur le reste le jour que j'aurai l'honneur
de vous voir. J'ose vous prier de vouloir bien en attendant
présenter mes respectueux hommages ù Madaïue et recevoir celui
des sentiments que je vous ai voué pour la vie.
Sade.
P. S. — Le notaire me marque ijuc tout sera prêt le 22 matin.
Si vous l'aimiés autant je le préfércrois, je n'en aurois pas moins
l'honneur d'aller dîner chez vous après. Un mot de réponse sur
cela, je vous prie.
La correspondance, ainsi comuiencce, continue, d ai)nr(l le
11 frimaire an V à l'occasion du second versennMil du prix
d'acquisition ; puis, le L5 frimaire, le citoyen Sade assure
Rovère de son éternel attachement. Cette éternité ne devait
pas durer longtemps. Le ô nivôse, Rovère se libère totalement
du pot de vin convenu. La lettre du 27 nivôse se rapporte
à un dépôt à effectuer i)ar Rovère. Avec la lettre du 22
ventôse le ton change singulièrement. En compulsant les
titres, le-nouvel ac(|uéreur s'était aperçu que le ilomaine était
grevé d'une redevance di' •,)() livres, au profit des pau\res de
UOVHIU-; KT I.K M.MiyllS Di; SADI-; 73
la C.osle. Maigro les alléi^alions (le son vendeur, i\u\ sDulenail
(|iie celle aumône élait graluile, il a\ail l'elenu, lors chi
paienieni, une somme île 1 .<S0() IVaues, représenlanl le eapilal
(le la redevance.
Je reçois à rinsUnt, Monsieur, votre lettre en date du 10
frimaire et vais y répondre article par article.
1" Je vous avoue que je suis bien l'aclio de vous avoir iiulic[ut>
X.. pour notaire ; il vient de me faire un tour de friponnerie qui
me donne bien des regrets de vous l'avoir fait connaître, et comme
il ne doit nullement être initié dans l'allaire de la maison Michel,
je suis fâché que vous lui en aj'iez parlé; le seul Violet se mêlede
cette affaire et certes il ne vous aurait pas dit que celte affaire n'a
|ias souffert du retard que vous lui avés l'ait éjjrouver car il m'a
dit dernièrement que Michel venait chaque jour l'impatienter.
Quand j'ai vu Violet, il me dit que sur les 8.000 I. restantes vous
n'aviés encore pav'é que mil deux livres. Vous m'obligerés sensi-
blement de me dire ou vous en êtes sur cet article et cela dans
une lettre ostensible.
Voici la friponnerie de X... : il avait besoin de mon contract
de mariage pour notre atraire, je le lui ai conlié ; il devait aussi
me délivrer gratis une copie de notre acte. Le malhonete homme
soutient m'avoir remis l'un et l'autre de ces papiers tandis qu'il
est de fait qu'il me les a au contraire refusé bien malhonetenient.
Son intention est que je lui fasse faire une autre copie de notre
affaire que je serai par ce moyen obligé de lui payer. Ne voulant
pas être la dupe de ce drôle la je le fais aujourd'hui citer devant
le juge de paix. Si vous le vojés, en l'assurant comme vous le
savés que cela est vrai que je vous ai vivement sollicité de faire
cette affaire chez lui, vous voudrés bien, je vous ]irie, lui reprocher
son ingratitude et sa mauvaise foi.
Vous me faites grand plaisir, Monsieur, en m'annonçant que
les 29.200 1. que vous me devés le 23 du courant sont prêts. Un
homme très honnête et dont j'ai fait choix pour mes affaires à
Paris, aura l'honneur de se présenter chez vous le 17 ou le 18 de
ce mois, vous voudrés bien vous concerter avec lui pour le
payement, il sera muni d un pouvoir de moi pour le rece-
voir et il prendra jusqu'au 23 le jour qui vous conviendra
le mieux.
(jarde malade et à la campagne je doute qu'il me soit possible
d'aller moi même vous voir à cette époque comme je m'en étais
llalté.
/4 KEVUE IIISTORIQI.E RE LA HICVOLL'TION FRANÇAISE
GaulViidi m'écrit positivement, et mon homme [pourra' vous
faire voir les lettres, qu'il ne sest présente aucune opposition. Une
M'""' de Tourast (?) vint à la vérité le voir, mais GaulTridi lui ayant
représente qu'il me restait assés de bien en Provence pour
répondre de ses fonds, elle s'est retiré contente.
Pour M= de Sade le remploi lui tient lieu de tout et ses repré-
sentations ne seraient point admises.
Quant aux pauvre de la Costc je n'ai jamais ouï dire qu'il y
eut d'actes sur cet objet, je l'ai demandé cent et cent fois, on m'a
toujours dit que cette aumône était gratuite, que je pouvais la faire
ou ne la pas faire à volonté, elle est de 90 ; donc le fond n'est pas
tout à fait de deux mille francs.
Assurément en me payant le total, si vraiment il existe un
acte de cette dette il faudra bien que je continue de payer la
rente, mais d'abord j'ose assurer qu'il n'existe point d'actes et de
plus il est ce me semble bien facile de mettre cette charge sur mon
bien de Saumane : le très honnête homme qui aura l'honneur
de vous voir le 17 ou le 18 conférera avec vous snr cet objet de
manière à vous satisfaire.
Mes respects à Madame je vous |)ric, et crovés moi pour la
vie votre plus dévoué serviteur.
Mon adresse est à S'-Oucn, maison de la citoyenne Quenet,
place (le la Liberté, n" 3.
In mot ostensible, je vous ]irie, cpii m'a])prenne comment
vous êtes avec Violet et pour le billet de 830 f. îles ir.térêts que
je lui avais passé en payement et pour le payement du billet de
8.000 f. dont, d'après Violet, vous n'aviés encore payé cpie mille
deux livres.
Cc' 11 friiiKiIro.
(iaulïridi dans les lettres ([u'il m'a écrit depuis la vente ne me
parle nullement de ces pauvres et lui-même m'a dit mil lois i[u il
n'y avait point d'acte.
Adresse : Au citoyen de Rovère. membre du Conseil des An-
ciens, I{. de Grenelle n"
Je suis on ne saurait plus sensible, Monsieur, à la lettre osten-
sible que vous venes de me faire l'honneur de m'écrire. Je connais-
sais vôtre probité, votre exactitude et j'étais désolé de voir que
de pareils co(|uins voulussent me l'aire suspecter l'un et l'autre,
KOVKliE ET LE MAIIQUIS DE SAUE 75
ils n'y l'c'ussissaieiit pas mais ils minquiétaienl, ils m'allligeaient
ottout cola (jiiaïul je no devais avoir qu'a me louer. Je vous renou-
velle donc tous mes rcmcrcieniens et vous prie d'agréer mon
éternel attachement.
L'homme c|ui se présentera chez vous s'appelle Bonnet'oi, sa
voix est l'imago <le son âme, c'est un de nos compatriotes.
Sade.
Cf i:! IVimaiiv l'nu ô.
[Timiiri- 2.") conlinirs.]
Je soussigné reconnais avoir reçu du citoyen Rovere la somme
de seize mille livres, valeur reçus à litre de pot de vin pour l'ac-
quitement d'une dette et ce pour la vente que je lui ai l'ait de la
terre de la Coste située dans le département de houches du Rhône
par acte chez Deloche, notaire, le vingt-deux vendémiaire de la
4'' année républicaine.
Sade
à S'-Ouci,, ce ,-> nivosc fan ô.
M. (jastaldi, Monsieur, et ensuite M. Bonnefoi m'ont tous
deux dit que vous ne demandiés pas mieux (fue de déposer les
25 200 que vous avés à moi ou chez votre notaire ou chez celui
qui vous sera indiqué de ma part ; en conséquence. Monsieur,
comme malheureusement pour moi mon acquisition n'est pas
encore prête, vous m'ohligerés infiniment de vouloir bien vous
concerter avec Monsieur Bonnefoi, qui vous remet celle-ci de ma
part, pour exécuter aujourd'hui ce dépôt. C'est abuser de vos
bontés, Monsieur, que de laisser si longtemps un tel embarras
chez vous, personne dans le siècle ou nous sommes n'aime à
garder l'argent des autres et je vous aurai la plus grande obliga-
tion de le consigner.
Je suis avec attachement. Monsieur, voire concitoyen.
Sade
Ce- 27 llivnsc. r.in ,') di- la lU-publiquc-, à Si-Oucii.
Siiscriplion: Au citoyen Rovere, Représentant du peuple.
Je vous avoue, Monsieur, que c'est avec bien de la surprise
que j'ai appris par M. Bonnefoi que votre intention est de me
retenir dix huit cents livres sur ce que vous me devés.
7() HEVur; histokkjle de la hévolition ihançaise
Oserai-jc vous (Icniniuler, Monsieur, ;i (|uel tilrc vous vous
oroj-ez en droit tic me retenir cette somme ?
Dans la situation où nous sommes vis-à-vis l'un de 1 autre.
Monsieur, vous n'aurics le droit de retenir une somme (juelcon-
que sur celle que vous me devés que dans le cas ou vous auriés
en mains quelques oppositions et certes vous n'en avés certaine-
ment aucune sur cet objet, tout au plus quelques réclamations de
prêtres auxquelles vous me permettres de ne p;:s prentlre un aussi
vif intérêt que vous.
Voilà l'état de notre discussion, il est in)[)iissii)lc (|u il soit
autre.
Vous prétendes vous, Monsieur, (|u'il existe un titre de cette
créance. J'aKirmc moi ([u'clie est volontaire et ([ue rien au monde
ne peut m'y contraindre.
Que faut-il faire en cet état de choses ? éclaicir les faits; le
testament d'une femme qui. dans la peur du diable, donne une
somme à son curé, n'engage pas les héritiers de celle femme à
continuer de payer ce curé surtout quand il n'y a plus de curé ;
mais je vais plus loin, je nie le testament. Cependant il est possible
que je me trompe, je n'abonde jamais dans mon sens, l'évidence
seule me persuade et je l'attends ; mais je dis et je soutiens (jue
d'ici à ce qu'elle me parvienne vous n'êtes point en droit de me
retenir une somme qui, jusqu'à ce que le procès soit jugé, doit
être déposée et n'appartenir pas plus à vous qu'à moi ; les choses
en seraient donc tout au plus là si vous n'aviés décidé la chance en
ma fayeur en acceptant les délégations, vous les avés acceptées,
donc vous devés les payer et sans aucune espèce de retenue ; car
alorsce seront mes créanciers qui sauront bien vous forcer à payer.
Maintenant pour vous tranquiliser sur l'extrême frayeur ou
vous me paraisses être que le curé de la Coste ne paye pas ses
90 f. de rentes, je vous offre, Monsieur, et c'est, je crois, vous
prouver quels sont les sentiments de probité ([ue je veux toujours
professer avec vous, je vous offre de payer très exactement cette
rente jusqu'à ce (pic notre discussion soit terminée, je vais en
donner l'ordre a Gauffridi et ce sera exécuté, il me reste, je crois,
assez de bien en l'rovencc pour répondre de 91) f. de rente et je
vous proteste de les payer juscju'à l'éclaircissement.
Je me Halte, Monsieur, que vous répondrés à cette honnêteté
de ma part par une exactitude entière a vos engagements et que
vous voudras bien renoncer à ce projet parfaitement injuste de
vous payer par vos mains quand aucune opposition ne vous en
donne le droit. .le ne puis vous dissimuler <pie dans le cas
UOVKRK ET Lli AIARQUIS DE SADE //
conlniiic je scrois obligé cFiigir contre vous ainsi que la loi m'en
(loi)iu' le |)ouv()ir, je serois désolé sans cloute que vos procédés
me loiçassent à renoncer a ceux (jue Ihonnète nie dicte avec vous,
mais si cela arrive, très décidé à ne point vous jiermettrc ce
[H'tit acte de despotisme, vous voudrés bien ne vous en prendre
(|u';i vous et n'en pas rendre moins de justice aux sentiments avec
lesquels je suis votre concitoyen
de Sade
Si Oiuii, c-o T2 voiitosc :m .">.
Siisrrij)lioii : Au citoyen de Rovére, représentant du jicuple,
rue du Bacq, n" 89.
Je ne sais si le ton comminatoire de cette épitre fil im-
pression sur Piovère, ou si la signilicalion ([ui lui lut laite,
le 7 germinal, à la requête du citoyen Samhue, agent muni-
cipal de la commune de La Coste, par Laurent, ol'licier
ministériel, lui sembla insui'lisanle. Le citoyen Sambuc
laisail connaître que, depuis un temps immémorial, il était
dû à Tteuvre des pauvres une pension annuelle de 90 livres,
hyp()thé<(uée sur les biens, rentes et revenus de la seigneurie
de La (loste et ([u'il se proposait de l'aire enregistrer les
titres de la dite (ruvre reire le conservateur des hypotbèques
d'Api.
Quoiqu'il en soit, le 8 tloréal, Rovére avait fini de payer
le prix de son acquisition, y compris les LiSOO livres que
^L de Sade s'était engagé à lui restituer s'il ne rapportait
pas mainlevée de l'opposition faite au nom des pauvres de
La Coste.
Peu après le paiement, (juclques difficultés surgirent
encore pour l'attribution des fruits et revenus des biens
vendus. Rovére, dans une lettre du 24 prairial an V, déclare
(|u"il n'entend plus être dupe de M. de Sade, qu'il l'a été
assez longtemps: « c'est l'être le plus vil, le plus abject, le
plus infâme que je connaisse », dit-il '.
C'est sur ce jugement dénué d'aménité cpie se terminèrent
les relations de ces deux personnages.
1. Lavai., op. cil., p. 265.
/Cl UEVUE lUSTORIQLi; DE LA KENOLLTION FRANÇAISE
M'"'' Rovérc vendit la Maison-Basse en 1805. L'acquéreur,
en présence des inscriptions ([ui grevaient ce domaine,
rel'usa de verser le prix de son acquisition. Deux amis
essayèrent de sortir M"'" Rovère de ses embarras. L'un, ^L
Aymès, ancien protégé de Rovère, était président du tribunal
de Carpentras. L'aut^-e, ^L Mersan, était un ex-législateur.
Celui-ci fit le voyage de Paris au commencement de Tannée
180(). Il se mit en rapport avec les ayants droit de ^L de
Sade, avec M. de Sade lui-même, détenu à Charenton. Il
n'arriva à aucun résultat. M. de Sade répondit avec beaucoup
de précision aux questions qui lui furent posées. Il écrivit
même à ses enfants pour les engager à donner satisfaction
à M""*" Rovère. Nous avons une copie de cette lettre, de la
main de M. Mersan.
lue lettre de M. .\yinès à ce dernier donne ipieliiues
détails intéressants sur les conditions dans lesquelles s'était
opérée la vente de la Maison-Basse, et sur l'insuccès des
démarches de M. Mersan.
Pour terminer, il nous reste à parler d'une lettre tle M.
Paris Delaniaury, ancien mandataire de M""' Rovère, et où
il est question de propositions à faire à M. de Sade.
Quelles étaient ces propositions? Nous n'avons aucune
pièce dans le dossier qui puisse nous renseignera ce sujet.
Il est probable que les démarches de M""' Rovère n'aboutirent
pas plus en 1811 qu'en 1806. Nous savons seulement, par
la notice de C.ourtet. que la famille de Sade avait racheté
la Maison-Basse.
CiupoiUras. '21 lïvilor l.SlMi.
Monsieur l'ex-Iégislalcur,
.l'iii élé plus qu'intrigué par votre lettre du 18, qui, quoique
(iiins les termes les plus mocicrcs, je pourrais presque dire trop
honnêtes, annonce cependant que vous avcs mal saisi ou mal
appliqué quelques expressions qui peuvent m'avoir échappé, en
écrivant soit à vous, soit à Madame Rovère. Klle est si pressée
par les exprès qu'elle me (lêpêehe, qu'obligé ilc répondre à la
UOVÈKE ET LE MAHQIIS DE SADE 79
liàle, et souvent même chins un moment qui exige ma présence
ailleurs, (jue je n'ai pas le temps de la réllexiou et tle corriger
les termes qui peuvent présenter un sens équivoque, dont je me
suis servis, mais qui, dans tous les cas, vous sont moins appli-
cables qu'à tout autre, .te rends trop de justice à vos lumières,
à vos connaissances et à vos qualités de cœur, pour penser et
moins encore pour écrire, que vo"us puissiés être dans le cas de
quelques reproches. Je puis être irréfléchi, mais- bien certaine-
ment je ne suis pas injuste, et ce serait l'être que de ne pas croire
Madame Rovèrc heureuse d'avoir auprès d'elle quelqu'un qui,
comme vous, est capable de la bien diriger.
Si, autant que je puis me le rappeler, j'ai dit dans une de mes
letlres que votre voyage paraissait avoir été inutile, c'est parce
([u'il avait été déterminé pour obtenir de Madame de Sade la ra-
"tliation de ses inscriptions, et qu'elle s'y est refusée, mais j'ai si
peu prétendu vous donner des torts, ni que vous eussiés négligé
les mov'ens de réussir, qu'instruit de la ténacité de cette femme,
et des prétentions plus qu'exorbitantes de son mari, à raison de
leurs arrangements de famille, j'avais pense d'avance, et je l'ai
même écri deux ou trois fois, que vous n'obtiendriés rien.
Je conviens cependant (]ue ce voyage n'a pas été entièrement
inutile, par la découverte de l'emploi du prix de la Costc, mais
comme vos recherches à cet égard n'étaient qu'un motif secon-
daire de votre voyage', le mot inutile dont je me suis servi, ne
pouvait et ne devait s'appliquer qu'au motif princi])al qui a déter-
miné ce voyage, et vous devéssi peu vous en formaliser, que je suis
convaincu que tout autre que vous, je n'en excepte même pas les
fils de Madame de Sade, n'aurait pas mieuxobtenu cette radiation.
J'espère cependant que, lorsque vous aurés lu mon avis sur
les questions que vous m'avés proposées, vous conviendrés aussi,
. à votre tour, que, si ^ladamc Rovêre n'agissait pas souvent avec
trop de précipitation et si elle m'eût laisse le temps de bien con-
naître son afl'aire et d'en examiner les questions, j'ai eu raison de
dire que vous aurics encore mieux utilisé ce voyage, soit en
taisant pendant votre séjour, la recherche des inscriptions sur
les biens acquis par M. de Sade, soit en prenant inscription sur
les mêmes biens, au nom de Madame Rovère, si elle n'a pas été
prise, soit en faisant les notifications que j'indique, etc. Du reste,
si je me suis plaint de cette précipitation, ce reproche, qui s'a-
dresse personnellement à Madame Rovère, ne peut pas vous
regarder, et j'ai lieu de croire, (p.ie, dicté par l'intérêt que je
prends à elle, il sera aisément ])ardonnè.
80 BEVli; lUSTOr.KJUE DE LA nÉVOIATIOX FRANÇAISE
Je n'ai jamais été c'.e l'avis de vendre la maison basse, je ne
sais trop pourquoi, et moins encore ai-je dirigé la marche et la
procédure de cette vente. Fut-il cependant vrai que j'y eusse pris
part et que j'y eusse même été présent, je ne me croirais pas
moins à l'abri de tous reproches, parce que j'aurais été trompé,
tout comme vous, M. Boulard ' et Madame liovère lavés été par
celui qui par état connaissait mieux la localité que vous, et qui
en sa qualité de principal conseil ou d'homme d'afl'aires de Ma-
dame Rovère devait nécessairement vous inspirer la confiance
que loin de vous tromper comme il a l'ait, il irait au contraire
au-devant des inconvénients qui pourraient résulter de cette vente.
Si donc, dans pareil cas, je devrais me regarder comme hors de
tous reproches, j'espère que vous croirés aisément, que j'ai tou-
jours pensé que vous et M. Boulard devés en être à l'abri.
J'ai lieu de croire, Monsieur, que ces explications me justi-
fieront auprès de vous, et que vous resterés bien convaincu que
personne ne vous rend plus de justice que moi, et n'a pour vous
des sentiments ni aussi vifs, ni aussi distingués, agrées en je
vous prie l'assurance.
J'ai l'honneur. Monsieur l'ex législateur, de vous saluer.
Aymé.
Vous recevrés la réponse à vos questions et les autres pièces
y relatives. Je suis fâché d'avoir fait cette réponse en marge,
parce qu'obligé d'en resserrer l'écriture, vous aurés plus de peine
à la lire, si tant est que vous puissiés la lire.
.S((.sc;;yj//o;i : A Monsieur, Monsieur Mersan, ex légisMateur, à
Gentilv.
Co'JO mars ISll..
Madame,
J'ai lu les propositions que vous croyez devoir faire à M. de
Sades. Je les envoie, comme vous le désirez, à mon neveu, mais
de confiance et sous la condition de ne ])as s'en dessaisir pour
me les remettre à la première demande.
Il me serait fort^igréable (]ue cette atïairc pat s'arranger au
sré de vos désirs et d'avoir trouvé cette occasion de vous être utile.
UOVKHK F,T I.IÎ MARQUIS DE SADE 81
J'ai riionncur clètro avec le plus respectueux attachement,
Madame, votre très humble et très obéissant serviteur.
Paris Delamaurv.
Siiscriplion : A Madame, Madame Rovère, à Paris.
IViles sont les pièces de ce petit dossier (jui éclairent,
coninie on le voit, d"un jour assez curieux, les relations de
deux hommes ijui ne semblaient pas destinés à se rencontrer.
L. Pi:isF..
LKTTIîKS l.Xi^lDITKS
1)1-;
MARIE-CAKOLIXE
RlilXE I)i:S DKIX-SICILES
AU MARQUIS D!-: G ALLO
(1789- LSI Kl)
{Snilc I)
CCLXX
Ciis.Tli-, U- as r.vriiT 1803, tvS.
Je profile d'un courrier (jue M. Druinmond expédie pour
vous écrire et annoncer le reçu de votre lettre du 2'.) janvier
a\ee une i'eiiille en ehillVe p<nir laquelle je vous remercie
infiniment. J'attends vos consécutives nouvelles avec le
plus vif empressement et ne jiuis me persuader (pie cette
année-ci sera aussi stérile en événements cpie l'on croit et
que la paresse générale se le persuade.
Ma santé se soutient clopin-clopant et je crois bien (pie
je ne serai jamais \)\us bien. Il l'aul s'étonner (pie je vis et
existe après tout ce (jue dans ma \ ie j ai soiifl'ert et' soutire.
Je vois (pie !a maladie de la iilijipe lait de tristes ravages.
Je vous conjure d'être bien altenill ]i()ur \()tre épouse et
toute voire maison et de vous en t;arantii\ el j'en attends
I.N'r.i,- n,; •„• lusU:i;iii:,' ,1,- ■',( /.Vi ../.•//l'cii froncis,- il.' jar.vl.M-Muiis 1011 .-1
LETTRES INÉDITES Di: MARI E- C.A IU)1,IM; 8'â
;ivcc' le plus vil et sincère iiilérèl que vous méritez à tant
(le litres des nouvelles qui me tranquilliseiil sur votre santé
et celle de votre clicre femme.
.l'ai reçu hier soir tard un coiiriier de Vienne. C'était
.lean (|ue j'avais exjiédié. De retour il esl parti le 1.") lévrier
de \'ienne. On n'y était que bal. courses de traîneaux, etc.
11 y avait une neige épouvantable cjue l'on ne se ressouvient
la pareille. Charles ' avait ses atta(|ues cpiil aura toute sa^
vie et on a jugé à propos d'apjjeler à Vienne le célèbre
Mosmlt cpii doit le guérir. Tout le monde est dans l'enchan-
tement. Moi je crois que c'est une oi-donnance de l'"asbender -
(jui en saura la raison.
Le (iénéral Mack est un des premiers employés à Vienne
et deviendra Ins})ecteur Général de l'armée de l'Empereur.
Que (le rétlexions à faire! INIais c'est le torrent, le malheur,
et les Etats ne peuvent éviter leur perle.
.l'attends a^■ec empressement \()s premièi'es nouvel-
les (juand nous aurons de nouveau un courrier et je lie
dans vos lumières de bien voir, sentir et api)récier les
choses, dans votre connaissance comme longue expérience.
.\dieu, je vous joins encore une liste de commissions que ce
(Icriiicr courrier peiui de Vienne me [ail importuner à vous
écrire.
Portez-vous bien, donnez-moi de vos nou\elles exacte-
ment. Mille compliments à votre chère épouse \Hniv laquelle
je vous inclus une lettre et croyez-moi, avec la plus sincère
estime, confiance, reconnaissance et véritable amitié, \'otre
bien attachée.
^'ient une feuille en nombre;
Une leuille de commissions ;
Lue lettre à votre épouse ;
Lue lettre à Castelcicala ;
In jjaquet du Général Acton.
1. I.\.rcluchu- Chni-I.'s.
2. I.-i,n (les homnu-s de
84 REVIE IIISTOlUyUK DU LA RKVOI.ITIOX l-RANÇAISE
CCLXXI
C.ns.Tlc, U- 1- mars ISIKi, n" i).
En noir. — .le réponds en deux mots et en toute hàtc à
votre lettre du 14 lévrier que j'ai reçue hier par le courrier
de Drunimond. Je vous avais déjà écrit par le courrier d'au-
jourd'hui et j'avais envoyé les paquets à Xaples. On me dit
(jue j'ai encore quelques heures avant son départ et j'en
profite j)our vous écrire encore ce i)eu de mots. Je n'ai |)as
encore reçu et par conséquent pas lu vos dépêches de ser-
vice. Ma lettre sera donc lorcénient fort courte. Je suis hien
aise de savoir que la grijipe a été bénigne chez vous et
comme toujours je vous souhaite toutes sortes de félicité.
Adieu, mandez-moi tout. Mille compliments à votre
é[)ouse et croyez-moi toujours votre véritable et reconnais-
sante amie.
An citron. — Je profite de ce [)etit délai pour vous écrire
encore ([uelques mots. Je n'ai pas encore lu vos dépêches ;
mais, d'aj)rès ce (pie l'on m'a dit, du coté de l'Angleterre on
|)araiti:iit jilus disposé à la guerre (|uà la paix. Si cela arrive,
nous en serons certainement les victimes. Kt celte idée me
désole surtout parce que j'ai des cnlanls, parce qu'on n'a
jamais voulu m'écouter et qu'on n'a pris aucune précaution
au point de vue pécuniaire. Comme vous êtes à l'endroit
même (pii sous tous les rapports et à tous les égards dicte
des lois à l'univers, c'est de vous seul (pie j'attends les nou-
velles sûres et vraies ipii me désespéreront ou me rendront
la tiiuupiillité. Car si la guerre recommence avec tout ce (|ue
je vois, prévois et connais du dehors comme de l'intérieur,
je nous considère comme absolument perdus. Je désirerais
en cDusécpieucc ne ])oint me trouver ici et c'est ce que je ne
pourrai iaire l'aule de ressources. Enfin il faut subir son sort,
et le uiien ne m'a pas l'air de devoir être bien heureux.
De Vienne, les iellres me semblent indi(pier malgré
toutes les réticences ([u'elles conliennenl ipie le mariage
I.I-nTRES INÉDITES DE MARIE-CAUOLINK 85
avt'c l;i SnxoniK' est en train de se faire '. Mais le (iraiid-l)ue
désire la \oir avant de se décider et c'est |){)ur cela ([u'il
l'era le voyage. Malgré cela le Grand-Duc et Manl'redini me
comblent d'amabilités et le premier surtout nie plaisante ai-
mablement et l'amilièrement à propos de mes filles. Nous
verrons ce qui adviendra. Mais, accoutumée à toute espèce
de contrariétés et de déboi^res, je me résigne à celle nou-
velle déception quelque pénible ([uelle me soit, je l'avoue.
.l'attends avec imi)alience un courrier m'apportanl de
vos nouvelles claires, certaines, détaillées et auxquelles je
pourrai me fier sachant que vous écrivez de main de maî-
tre et toujours en connaissance de cause.
Quant à iiioi, je me considère comme à moitié morte.
Tout ce que j'ai vu et éprouvé dans ma vie m'a rendu l'exis-
tence peu agréable. .le me sens absolument seule dans ce
monde après avoir pendant tant d'années travaillé au bien
des autres, sans un véritable ami ou amie. Cette pensée me
jieine, me navre et m'inspire malgré tout de tristes ré-
flexions.
Le Roi se porte bien, grâce à Dieu ; mais il est dégoûté,
écœuré de tout, très sombre, d'une économie sordide dont
tous nous soutirons.
Le Prince va bien. II soufï're de ne trouver aucune res-
source ni de cœur, ni d'esprit dans son petit pâté de femme
et cherche à être le plus possible hors de la maison. Avec
des formes et des dehors désagréables, if a du cœur, du
bon sens et un fond parfaitement honnête. l'^t si ses royau-
mes lui restent, il sera à mon avis un fort bon souverain.
Mes filles sont tout à fait maiheureuses ici. Elles n'ont
qu'un désir, en partir, et prient Dieu d'exaucer leurs prières.
Léopold grandit et promet. Faute de ressources, pré-
tend-on, je n'ai encore pu obtenir ])our lui ni un gouver-
neur, ni des précepteurs. Ses maîtres, c'i-st moi qui les paie
sur les économies (jue je fais.
1. I'roj,l cl.- ninrl.-.gi- <l.i gi:iiul-(liic I-\-idiiu.n<l <1<- l'oscaii.', v.ul ,!,• hi iiiiii-
cossf Louise <l.'s Dii.x-Sliilrs.
i> ) n.ivjs Hisro lîiQui; de i. a kévolution française
.le ne communique mes pensées et réflexions à personne.
On ne me dit rien, et c'est mon expérience et la connais-
sance que j'ai des gens et des choses qui me les inspire. .Te
souflVe en silence remerciant Dieu de l'âge auquel je suis
arrivée et des infirmités que j'ai et ([ui l'ont (jue je ne vi-
vrai plus longtemps. Mais voilà que je retombe dans le noir
et comme je ne veux pas vous attrister davantage je ter-
mine en vous priant de tout me mander et en vous assurant
de mon estime, confiance et reconnaissance.
Brûlez, je vous prie, ma lettre. Croyez (jue ce n'est pas
à l'ambassadeui', mais à mon vieil ami Gallo que j'écris.
Excusez-moi auprès de votre épouse à laquelle le man-
que de temps ne nie permet pas d'écrire. Ce sera pour une
autre fois. Donnez-moi toutes les nouvelles que vous avez,
(comptez toujours sur ma sincérité et mon amitié et croyez-
moi jusqu'au tombeau votre véritable et reconnaissante
amie.
CCLXXII
CasiTl,-. le .■ÎÛ mars 18C3.
.l'ai trouvé et examiné le c()m[)te du banquier Récamier
relatif au payement (jne vous lui avez fait de la lettre de
change de 4.000 lires qui, avec les intérêts courus du mo-
ment où elle a été tirée jusqu'à ce jour, s'élève à la somme
de Ô.0I2 lires l.'î. Il me semble vous avoir dit que cette
somme devait être imjtiitée à la Cour, j)iiis(]ue les 4.000
lires furent payées par Récamier à Don Antonio Caracciolo
comme à com[)te sur ce cpii lui était dû. Resté alors à Paris
eoninie chargé d'affaires, par onlre du Roi, lors du départ
(in commandeur Ruffo, on décida de continuer son traite-
ment ■>. Caiaeciolo et de rt'ndre Rulfo responsable de cette
lettre de cliange qu'on lui lit signer et cpiil tira sur vous
(pii elle/ nhiis ministre des .\lfaires étrangères. Apres tant
(le teni])s il m'a seud)lé convenable de régler cette dette de
la Cmn- et d'en décharger Rulfo. Mais il est, d'autre part,
non moins juste de me rembourser cette avance et je vous
LETTRES lNÉniTi:S DE MARIF.-CAROI.INF. iS?
invile CM! conséquence à i;i ]i;isser ;u) compte de la C.our
(puisijue c'est évidcnuiient une tlette qui lui incombe) et à
l'aire ligurer les 5.042 lires Ki en (juestion soit dans le
compte des dépenses ordinaires, soit dans tout autre compte
qu'il vous sera facile de juslilier par les demandes de paye-
ment laites par Récamier el par l'origine et les causes
mêmes de cette dette. Vous créililerez par conséquent mon
compte de la somme île 5.042 lires 13 (jui rétablira en entier
la somme de 8.400 francs cjuc je vous avais envoyée pour
être portée à mon compte.
Mon paquet étant déjà fermé, je ne veux plus l'ouvrir. .le
me contente donc de vous prier de faire pour mon compte
plusieurs petites emplettes, mais de celles qu'il vous sera
possible de m'envoyer par le courrier, s'élevant à mille du-
cats chacune, que je voudrais avoir au mois de mai sans
préjudice des autres commissions que je vous ai déjà don-
nées. J'ai besoin de ces deux commissions pour le 6 juin à
Vienne et pour le 13 en Espagne. Je m'en remets à votre
bon goût.
Excusez-moi, mais n'oubliez pas les gants dont j'envoie
le modèle à votre femme. Je vous prie aussi de me procu-
rer quekjues livres nouveaux.
Dieu veuille que vous puissiez me donner de bonnes
nouvelles ; et croyez-moi votre reconnaissante et véritable
amie.
C.aromm:.
CCLXXIII
(Jommistiions
Une pièce de mousseline Une, une très claire.
Du coton à broder noir, une douzaine de bobines.
De la blonde pour faire une garniture d'habits.
Un carton de soie à broder |)lat.
Un autre de coton de couleurs.
Un carton de lames d'or et d'argent avec des aiguilles
pour broder.
8S REVUE HISTORIQUE DE LA RKVOI.UTION l'RAXÇAlSE
Df Ijoaiix oignons, des fleurs ou des semences larespour
le jardinage.
Livres
La Jinirnée du chrctien sanctifuc par la prière et la médi-
lalion, an 177'2 (deux éditions).
Exercice de l'âme pour se préparer au sacrement de péni-
tence.
Eucharistie, par Clément IWbhé.
Prières et Instructions, par Père Saradou.
Romans
Delphine, de Mme de Staël.
Les ouvrages et romans de Mme deCieniis.
Livres des temps et nous.
Romans nouveaux, mais bien écrits.
Deux l'euilles en chiffre.
Deux en numéro.
Une lettre à la marjjuisc votre l'emme.
Une feuille de commissions.
Vnc feuille avec la recette ex])liquant la façon dont il faut
se servir de cette eau.
La copie de la lettre par moi écrite, ainsi ([ue la réponse
à présent reçue du Premier Consul.
Deux lettres pour Auguste l'alleyrand de ses parents.
Une lettre pour Le Havre.
Une pour Versailles.
,]e vous recommande de les faire ]iarvenir par voie sûre,
car elles viennent d un lioniiéte et brave homme cpii m'en
fait la recommandation.
Vous me ferez savoir si elles seront parvenues à K'ur
adresse.
CAimmissinns
.I"envoie des cheveux du Hoi et veux l'aire faire pour Thé-
rèse à Vienne, pour le 15 octobre, c'est-à-dire qu'il faut que
cela soit à Naples à la moitié de septembre, quelque chose
I.I:TTHES INÛDITES UE M AHIE-r.AHOLINF. 89
dV'légaiil, seiiliiiit'iiUil, soit bracelet on bien une autre ebose
de votre bon goût et cboix avec diamants ou perles. Le prix,
il ne doit pas surpasser les 2.000 ducats de notre monnaie.
Je vous envoie aussi une petite boucle de la couleur de
mes cbeveux. Je désirerais des petites choses comme pour
homme, mais sans diamant ni perles, des choses senti-
mentales, attachements, ayant iils, beau-fds, neveux de tou-
tes les qualités à iienser, aussi quel([ue cachet sentimental.
Enfin, je fie dans votre bon goût et celui de votre aimable
épouse.
Quel([ues livres nouveaux comme ceux cpii parlent des
affaires du temps ou romans à la mode, voyage nouveau.
Quekiues jietits bonnets, chemisettes, négligé de peu de
valeur par économie.
CCLXXIV
l'nrtici, U- -21 m\ lil ISd.'i, n" 14.
Je m'empresse de répondre en toute hâte et presque de
suite à votre aimable lettre en même temps qu'à votre in-
téressante expédition du VA avril. Fidèle à ma résolution
de ne vouloir plus ni m'occupcr, ni parler d'atfaires aussi
délicates, je m'en remets entièrement à ce que le Ministre
vous écrira au nom du Roi et me borne à faire les vœux les
plus sincères pour que la paix ne soit pas troublée ou au
moins pour cpielie dure le plus longtemps possible. Son
maintien seul nous donnera la possibilité de remettre un
peu d'ordre dans nos affaires qui ont eu tant à soulfrir des
événements. Vous pouvez donc vous imaginer avec ([uelle
anxiété j'attends une décision si importante pour nous. Je
crois et suis convaincue que le Roi doit et ne peut cjue res-
ter neutre et j'espère que ses ministres et lui sont de cet
avis et sont bien décidés à suivre cette ligne de conduite. Je
ne me dissimule pas, croyez le bien, les peines infinies et
les déboires qui l'attendent. Mais tel est son devoir, et c'est
là le seul parti que d'impérieuses et tristes circonstances
l'obligent de prendre. S'il doit en être la victime, l'Europe
9U KEVUE IIlSTOrSIQLE DE LA HKVOI.ITION FRANÇAISE
entii're ne verra en cela (juiin cou]) d'injustice et de violen-
ce ; mais elle lui rendra justice et reconnaîtra qu'il n'a pas
agi avec l'égoïsme dont on a vu tant d'exemples dans ces
derniers temps, même sur les trônes les plus élevés.
Mais, en voilà assez sur un sujet qui m'amène à parler
politicjue, ce que je tiens à éviter parce que je n'en suis
point cai)able, (juc je ne veux pas que mes lettres puissent
en rien contrarier les plans arrêtés et enfin paixe que je
veux rester dans l'ombre. Je désire le bien, la paix, la tran-
quillité et c'est ce que je demande à Dieu. Je ne dis que la
vérité ; du moins, je crois qu'en ce moment, en dépit de
toutes les violences et de tout le bruit qu'on fait, la puis-
sance qui ne fait en général (jue ce que bon lui semble, ne
m'a pas celte fois l'air de vouloir pousser les choses à l'ex-
trême, soit parce que le morceau lui paraît. bien gros ou
bien parce qu'on veut d'abord avoir consolidé l'organisation
intérieure du pays, peut-être aussi parce cjue l'Angleterre
n'osera prendre sur elle à ses propres yeux, aux yeux de son
peuple, en face de toute l'Europe, la responsabilité d'une
pareille guerre. Et c'est pour cela que je me flatte (jue cela
n'arrivera pas. Mais ce ijui n'aura pas lieu à présent, arri-
vera fatalement un jour entre les deux grandes rivales et lors
de celte rupture, nous serons dans le même état, peut-être
même encore en plus mauvaise situation, selon le caprice
de Celui qui doit gouverner la France, et en raison même
tles principes politiques qu'il lui plaira d'adopter. Tout cela,
je le vois, le prévois, le sens bien mieux que je ne puis l'ex-
primer. Tout ce que je vois et apprends dans mon isolement
contribue à augmenter mes craintes et ma tristesse et me
lait entrevoir sans amertume la fin d'une vie pendant la-
([uelle je n'ai jamais été bonne à grand chose cl pendant la-
(|uelle, malgré la meilleure volonté du monde, je n'aurai été
d'aucune utilité. Ne voulant pas vous assommer par mes
jérémiades, je passe à autre chose.
Nous sommes toujours à Portici. Ma santé a des haut et
des bas. Mais je ne nie [lorle ])as bien. (Irài-e à Dieu le reste
i.F.Ti'UHs iNi;i)iTi;s nie mahiic-cakomne
91
(le la rainille va loiil à l'ail bien et l'ail de Ioniques el rré([uenles
promenades. Le temps est tout à l'ail beau, trop beau même
puisijue dans les Fouilles el dans piescjue tout le reste des
deux Royaumes on demande à grands cris la p'.uie. Plus
(jue jamais on supplie le C.iel de nous donner une bonne
récolte ; car la misère est extrême partout. La famine a
amené une épidémie (jui a l'ail de nombreuses victimes en
Sicile. Il semble que le (^iel veuille nous châtier de toutes
les façons. Si, par-dessus le marché, il nous faut paj'er les
frais et supporter les conséquences de la guerre entre les
tieux Puissances, ce sera le comble de nos malheurs.
Je vous dois mille remerciements pour la peine que vous
vous donnez pour mes commissions ; mais comme il s'agit
d'objets pour les femmes, j'ose écrire en détail à votre
épouse qui voudra bien en prendre soin. Je vous remercie
infiniment des livres (jue j'attends de Marseille. Comme je
suis en train d'arranger la Bibliothèque et d'en faire le
catalogue, je suspends pour un temps ce genre d'acquisi-
tions afin de voir d'abord ce que j'ai déjà. Je vous écrirai
ensuite directement au sujet des livres qui paraissent ac-
tuellement el ont trait aux alfaires actuelles. Il y a tant de
vies du feu Hoi, d'Orléans, de Mme Elisabeth, de Penfhiè-
vre, etc., etc. Je n'en ai vu aucune de feu la malheureuse
Reine. Je me figure que votre délicatesse vous a empêché
de m'en envoyer. Mais, je vous en prie, quels que soient
ces livres, n'hésitez pas à me les envoyer. Je veux et peux
tout lire, étant aguerrie sur ce rapi)()rl. Pour le moment,
je m'en tiendrai aux livres (jui ont exclusivement trait aux
événements, aux personnages du temps présent et qui peu-
vent m'ètre utiles quand j'aurai à en parler avec quelqu'un.
Quant à l'affaire Rutïo, je lui en parlerai et je suis sûre
qu'il fera la chose avec sa prudence habituelle de peur de
tomber dans la vivacité (|ui a son bon côté parfois, mais
qui ne pourrait (]ue nuire |)our le moment.
Vous pouvez croire avec (|uelle anxiété el quelle impa-
tience j'attends vos prochaines lettres. Croyez-moi toujours
92 i*Evri-; iiisTomniK de i..\ rkvoi.ltion française
avec mon estiim- t-t ma coiifiance en tonl ce que vous i'ercz
pour nous, volic éleiiu'llf icconnaissaiilc et vcrilahli- amie,
C.Aiioi.iM:.
Une lettre en eliinVe.
Une lettre à votre épouse.
Une à Talleyrand.
Une à Mme Sal])e\vick ' dont j'ai été priée.
Je vous les recommande toutes et désire hienlôl de vos
bonnes et heureuses nou\elies.
CCLXXV
X:ipl.s. Ir 1;î juin lS(Ki. ii 17.
A])rès vous avoir aeeusé réception de voire lellre du
.')1 mai - , il ne me restera ])lus qu'à vous diro la douit-ur que
m'a causée l'invasion du royaume, douleur d'autant plus
grande que cet acte constitue une violation llagrante du
droit des gens, de toutes les condilions de notre paix, à
commencer par la neutralité. Le droit du jilus fort, voilà
la seule explication de seniblahles mesures de violence ?
Ajoutez à tout cela notre total aj)pauvrissement, consécjuence
d'abord de la première invasion et de la paix onéreuse qu'on
nous a imposée, puis de la deuxième visite que les Français
nous ont laite et des mauvaises récoltes qui nous ont obli-
gés à acheter au ilehors, à des prix extrêmement élevés, tout
ce qu'il l'allait pour essayer d'empcclier nos sujets bien-
aimés (dont beaucoup ont péri malgré cela) de mourir de
faim, les largesses du Roi. les remises qu'il a faites, les
troubles qui ont éclaté, tout cela a bouleversé nos finan-
ces au point que nous sommes absolument sans ressour-
ces, sans argent, sans denrées, sans vivres. Et c'est à un
|)areil moment ipie se produit la demande impérali\e,
despoli([ue, n'ayant daulre raison d'être cpie le droit ilu
1. Doil.i-tic- Im ,•,.ml<■s^,■ ,1,- Sali).Tvii-li.
■2. Xolf <lo (;;illii :ui miîiisln- il.'s liflatlons .xliTicuiH-s. Paris, mardi
.•iO mai lS(i;i.
I.r.TlliES INÉDITES DE MARIE-CAROLINE 93
l)lus Inrl. lavis de It-nvoi dans le royaume de 15.(101) lioni-
mcs aux besoins des()uels nous aurons à subvenir '.
Où est donc la justice, quand dépareilles choses peuvent
arriver ? Je lignore, mais j'en ressens tout le mal et je me
reprends toujours à en parler, bien (jue je sois pourtant
décidée à ne [)lus me mêler de politicpie, à laisser les événe-
ments suivre leur cours et à attendre mon sort dans le
silence de la douleur et du désespoir. Le Roi est l'urieux de
cette situation qu'il n'a réellement pas méritée.
J'ai hâte d'avoir de vos nouvelles. Quant à ce (jui est de
ma santé, vous pou\ez aisément vous figurer ce qu'elle peut
être.
Mes compliments à votre épouse. Quant à la Riario - , je
n'ai ni le temps, ni la possibilité, ni l'humeur qu'il faut pour
lui écrire.
Adieu, donnez-moi au plus vite des nou\elles et croyez-
moi votre vraie et reconnaissante amie.
Caroline.
Vient une feuille en chiffre.
Une lettre pour Talleyrand.
Il y a aujourd'hui cin([ ans que le brave cardinal Rufl'o
faisait sa glorieuse entrée à Xaples, el c'est aujourtl'hui (pie,
violant la paix, les Français occupent Pescara. Quelk's tristes
et désolantes réflexions à faire !
CCLXXVI
XapUs, 18 juin ISOU, m" 17.
Je vous écris très peu de lignes, cette exijédition ayant été
en très peu de moments décidée pour vous par les lettres par
nous écrites de conjurer l'orage qui menace de nous détruire
et nous détruira. Trop de choses seraient à dire sur ce qui
nous arrive et tout en vain. Car c'est le droit du plus fort
sur le plus faible et c'est pour cela que je me tais.
1. Cf. le ministre dr la (iuerri- nu général (iouvion-Snint-C.vr. Instiuctions
du 3 prairial un XI Cili mai 1X03).
2. Jeanne di Somma, des princes de Colle, née li' •_'! novembre 174(1, mariée
le 17 juillet 17G3 au due Kiario-Sforza, morte en l.SllI.
94 REVUE HISTORIylE DE LA lîHVOl.UTION FRANÇAISE
Ma santé souffre cTiK'Ik'incnt untre li's inc[uiéliuit's de
toutes espèces et couleurs et une chaleur affreuse.
Mes chers enfants se portent bien. La récolte a réussi.
Mais la satisfaction, (|ue cela nous aurait causée après tant
(le misères, est diminuée puisque Cela sera dévoré, englouti
et que peut-être, je le crains toujours, nous n'en jouirons
nullement.
Adieu, je désire l)icntot avoir de votre coté îles nouvel-
les plus consolantes.
Faites mes comi)iimenls à voire chère épouse. Je n'ai
ni temps, ni cœur à écrire à personne. Adieu, croyez-moi,
heureuse ou malheureuse, détruite o.u existante, toujours
votre sincère et reconnaissante amie.
Une lettre des Talerand pour leur (ils.
CCLXXVII
.T'ai reçu votre expédition du 23 juillet avec tout rinférèl
et la reconnaissanci> (jne méritent vos services lidèles et
dévoués, mais aussi avec la [iroionde douleur (jue mont
causée l'injuste obstination du Premier (Consul et sa résolu-
tion de vouloir en dépit de loul tlroit et de toute justice
continuer à tenir des troupes (ians nos Etats aussi longtemps
que les Anglais garderont Malte. Sans qu'elle soit justifiée,
sous aucun rapjiort, une telle violence nous cause de grands
dommages et nepeutcjue nous exaspérer contre de si indignes
oppresseurs !
L'Europe tout entière devrait être scandalisée de voir
comme on agit contre tout droit et toute justice à 1 égard
liune puissance (jui ne veut, ni ne peut faire du mal à per-
sonne. En agissant de la sorte, les Français, sans faire le
moindre tort aux Anglais, n'en font au contraire qu'à nous
seuls. Une pareille obstination devient incompréhensible à
tous les ])()ints de \ ui\ à moins (|uon ne soit en train de
nouriir d'tuitresprojels. île niédiler(|uclques grosses trahisons,
doi'l nous serons les innoi'entes victimes V l'our mon compte
LETTRES INÉDITES DE M ARIE-CAHOEIN E !)5
à moi, cela ne me cause aucune peine ni aucun désagrément;
tout cela ne m'accable cju'à cause de ma i'amille. Je ne veux
ni me mêler de rien, ni vous parler polilicpie, sachant déjà
(jue le ministre vous écrit longuement à ce sujet, par ordre
du lioi, et comme je ne puis que m'y conl'ormer. étant du
même avis que lui, je m'en remets à tout ce (|ue le ministre
aura à vous écrire par ordre du Roi.
Ma santé se ressent des horribles chaleurs de cette année
([ui m'accablent; c'est la première fois ([ue je prends des
bains de mer qui mefortilient et l'ont du bien à mon estomac.
Mes chers enfants vont i)ien, grâce à Dieu ! Le Roi aussi va
beaucoup mieux ! Il n'est plus en proie à cette sombre hypo-
condrie qui le tracassait, il y a un mois ! Il est presque tou-
jours à Naples, il y fréquente les théâtres et a fini par retrouver
son humeur accoutumée !
Nous avons, cette année-ci, une récolte extraordinaire et
une énorme quantité de céréales ainsi cpie de vins et de fruits.
Ce malheureux royaume aurait pu se remettre, si cette mal-
heureuse invasion n'était venue tout dévorer, tout entraver,
tout bouleverser ! C'est une juste et grande vérité.
Il ne nous reste plus qu'à attendre la réponse du Premier
(Consul et dont je n'espère rien d'agréable. Il faudra voir
ensuite ce qu'il en sera de ce vaste et immense projet de la
descente. .le serais portée à croire qu'un tel projel ne se réali-
sera pas et n'a aucune chance de réussir, si je n'avais eu
déjà lieu de constater la fortune extraordinaire et le con-
cours inouï de circonstances qui favorisent toujours le
Premier Consul. C'est de cet événement (jue doit dépendre
la liberté ou l'asservissement de l'E^urope entière qui a
commencé par briser les freins de la Pieligion ainsi que les
liens de l'honneur dans l'espoir de concpiérir une liberté
imaginaire, et qui a dû ainsi finir par se soumettre, hommes,
nations et souverains, à ce Corse aussi habile et courageux
que fortuné et prévoyant. Voilà les réflexions douloureuses
que je ne cesse de faire, parmi tant d'autres !
Je verrai avec grand plaisir les comj)les que vous me
96 lîKVLE IIISTOHIQLE DE LA RÉVOLIIION FRANÇAISE
pioincltez et je suis déjà contente dapprendre t[ue tout a été
réglé, ce dont je vous remercie infiniment. Les temps peu
l'avorables ne me permettent guère de vous accabler de
commissions, ni vous, ni votre femme, et je vous demanderai
seulement de menvoyer quelques nouveaux romans qui
viennent de paraitre.
Je nai pas lu le roman intitulé Delphine de M™" de Staël:
je vous prie donc de me l'envoyer avec ce que M™' de Genlis
aura fait de nouveau, ainsi que des romans d'actualité, s'ils
sont bien écrits, et des romans clievaleresques pourvu qu'ils
soient curieux. Quant aux livres, vies ou mémoires des
lionimes de notre épotjue, tout cela m'intéresse beaucoup
dans l'isolement et la retraite où je vis.
Mon plus vif désir est celui de bien établir mes
tilles. Le Grand-Duc ne m'a pas du tout l'air d'aller de
l'avant avec la Saxonne. Mais on lui a mis en tête des
scrupules pour l'empèclier d'épouser une sœur de sa pre-
mière femme.
Le Palatin, ainsi que le fds de mon frère, seraient des
partis sortables, mais tout cela exige des appuis, de l'argent,
des frais et tout cela me mancpie.
L'honnête, mais froid Rutfo est parti le 3 de ce mois sur
une frégate américaine pour Livourne. Nous ne savons
encore s'il y est arrivé, ni quand il sera à Vienne pour
veiller sur mes intérêts que j'ai tant à cœur, d'autant plus
que je suis convaincue que ma vie ne sera ])as longue et
comme ces royaumes n'auront i^lus de tranquillité, je n'en ai
([u'un plus vif désir d'établir mes filles.
.le vous envoie de cette eau que vous m'avez demandée
et je désire que votre femme s'en trouve bien. Je vous
envoie également la recette de celle dont je me suis ser\'ie à
ma grande satisfaction. Adieu, je m'abstiens de vous recom-
mander nos affaires, je suis trop sûre de votre zèle et de
votre attention. Ne nous laissez pas mancjuer de vos
nouvelles dans ces moments crititjues. Vous pouvez vous
imaijiner combien nous les désirons. Je me fie entièrement
LRTTRKS INÉDITES DK MARIK-CAROLIXE 97
à votre zèle et croyez-moi avec une vraie reconnaissance
votre fidèle amie.
(.AROLINE.
Naplcs, 14 août.
J'étais sur le point de fermer ce pli lorsque Padull est
arrivé avec vos dépêches, ce qui retarde d'un jour l'expédition
et me donne la possibilité de vous écrire de nouveau. Tout
ce que vous me demandez contribue à me rassurer et je suis
surtout fort heureuse de voir que le Premier Consul,
impressionné à juste titre par notre triste situation et par
l'intérêt que nous porte la Russie, s'est décidé, ce qui résulte
de vos lettres, à renoncer à nous faire supporter tout le
poids de l'entretien des troupes qu'il a jugé bon de mettre,
malgré notre neutralité absolue, en garnison chez nous. Nous
continuerons donc à les fournir de vivres, mais de son côté
il nous promet formellement de nous rembourser les
dépenses lors du règlement final des conijjtes.
Je vous envoie la lettre que j'ai eu l'honneur de recevoir
du Corse ' et j'en fais autant pour celle que je lui ai écrite.
Il m'estime digne de sa confiance sans réserve et me fait la
confidence à moi, la femme du Roi, que mon mari ne
gouverne ni par sa volonté ni par ses principes, mais par
ceux de son ministre.
Au milieu de son faste et de sa gloire, il a tout simple-
ment oublié que le Piémont, la Toscane, les Etats de Mo-
dène ainsi que ceux du Pape, voire aussi l'Allemagne, la
Suisse et la Hollande, tous pays n'ayant pas de ministres
anglais, ont été exposés à être mangés par lui. Il me i)er-
mettra donc de douter de l'exactitude de son assertion. Il y
aurait lieu de répondre point par poi'nt et avec chance de
succès à la paperasse que Napoléon a bien voulu nous com-
muniquer dans sa sagesse.
Comme il ne s'agit de sa part que d'une réponse, j'aime
encore mieux ne pas l'incommoder à ce sujet et ne point
1. Cr. Correspondance de Napoléon, t. VII, 6951.
' r.\. H.il. [Pli LA REVOL. T
98 REVUE HISTORIQUE DE LA nÉVOLUTION FRANÇAISE
le distraire des vastes projets (|ui occii[)ent son petit corps
doué d'un grand cerveau pour le inalheurdu genre humain.
Mais suffit. Ce serait folie de vouloir lutter contre plus
fort que soi ! Puisque le Bon Dieu a permis que ce Corse,
sorti on ne sait d'où, dicte la loi à tous les souverains
d'Europe, nous allons voir si la fameuse descente lui réus-
sira ! L'entreprise me semble bien difficile; mais il a une
telle chance dans tout ce qu'il entreprend qu'il est capable
d'y réussir.
Tout dépend de cela ! Le voilà donc en passe de deve-
nir le Maître du monde entier, à moins qu'il ne soit forcé
de rentrer dans la catégorie des simples mortels. Nul ne
saurait prévoir ce qui adviendra. Chacun se contente de
former des vœux selon ses sentiments et d'adresser des
prières au Ciel !
Adieu ! Je voudrais ne jamais cesser de vous écrire,
mais le courrier doit partir. Je réserve le surplus pour une
autre occasion.
La liste ci-incluse est exacte, ayant dû modifier la pré-
cédente à la suite de l'arrivée de Paduli.
Croyez à toute ma reconnaissance pour toutes les pei-
nes que vous vous donnez pour moi. Soyez heureux et en
bonne santé. Donnez-moi toujours de vos nouvelles et
croyez-moi d'un cœur sincère et reconnaissant.
(A siiiure.)
MÉLANGES ET DOCUMENTS
Une lettre de Charles de Lameth
à la Société des Amis de la Constitution de Montauban
(.'>' dcccmbrc l'/'lO)
Après son duel avec le duc de Castries, en novembre 1790,
Charles de Lanielli fut l'objet de nombreuses manifestations de
sympathie. Il reçut aussi, d'un grand nombre de Sociétés patrio-
tiques du royaume, des adresses de félicitation pour sa conduite
politique et pour le courage qu'il déployait à l'Assemblée na-
tionale. Ce fut très vraisemblablement à cette occasion que la
Société des Amis de la Constitution de Montauban lui écrivit une
lettre dont il est facile de concevoir l'esprit et même les termes
d'après la réponse que lui fit Charles de Lameth et que nous
avons retrouvée dans la correspondance de cette Société, con-
servée aux Archives départementales du Tarn-et-Garonne.
E. T.
Messieurs,
Il me serait difficile et je ne tenterai pas d'e.rprimer les senti-
ments qu'on fait naître en moi les témoignages si honorables et si
tlatleurs de votre estime et de votre intérêt ; en les recevant avec une
inexprimable reconnaissance j'éprouverais la douleur de ne pas les
justifier si je ne reportais une partie de ce précieux tribut à l'As-
semblée Nationale, aux zélés, aux courageux patriotes qui la com-
posent et généralement à tons les citoyens vertueux qui défendent
avec elle la Liberté et la Constitution ; en échange d'un prix si
glorieux de mes faibles efforts je ne peux offrir que l'engagement
sacré de dévouer toute mon existence à la liberté et à la défense des
intérêts de notre chère patrie. Veuillez bien. Messieurs, devenir les
100 REVUK IIISTOKIQIE DE LA liÉVOI.LTIOX TRANÇAISE
dépositaires de ce saint cnf/a()ement et rendre justice aux sentiments
de respect, d'inviolable attachement et de tendre fraternité qui doi-
vent unir tous les bons français.
Chari.es de Lameth.
Paris. 3 (Icrembre ViOO.
A Messieurs,
Messieurs de la Soeiélé des Amis de ta Cnnslilulion de Muulanhan.
Fabre d'Églantine et les " Révolutions de Paris "
au début de 1791
Qiumil Elysée Loustallol mourut, au mois de septembre 1790,
Prudliomme lui donna pour successeur, à la rédaction des Révo-
lutions de Paris, un groupe d'écrivains politiques parmi lesquels
figurait Fabre d'Eglantine. Il serait très difficile de déterminer
exactement la part que prit Fabre d'Eglantine à la rédaction du
journal de Prudliomme ; mais on peut penser qu'elle fut très
restreinte, et qu'elle ne dura que quelques semaines. En effet,
dès la fin de janvier 1791, la rupture entre Prudbommc et
Fabre d'Eglantine était certainement chose faite, si l'on en juge
par l'attitude agressive que prirent les Jicvohitions de Paris pour
rendre compte à leurs lecteurs de la [ircmière représentation du
Convalescent de qualité au ThéahL' Italien.
Après avoir retracé le sujet de la comédie, l'auteur du compte-
rendu reproche aigrement à Fabre d'Eglantine d'avoir introduit
dans sa pièce des tirades nettement contre-révolutionnaires. « On
y trouve, dit-il, de beau.\ sentimens exprimés en beaux vers ;
mais on y trouve aussi des passages que ne désavoueroit pas le
club monarchique lui-même ; et à ce sujet, nous avons observé
avec douleur combien l'esprit public de la révolution est lent à
se former. Ces passages ont été le plus applaudis, et l'on a fait
répéter ces flagorneries de l'ancien régime, dont le poète (on ne
sait trop dans quelle intention, car il pouvoit s'en passer) a eu
la foiblesse de faire usage dans un tableau consacré au nouvel
ordre de choses. L'éloge du roi occupe à lui seul presque autant
de place que tout l'historique de la révolution. L'auteur s'est per.
mis quelque chose de plus encore ; il a dénaturé les faits pour
ne laisser aucune ombre dans le portrait flatté du monarque. Il
MÉLANGES ET UOC.t'MENTS 101
l'a peint venant de lui-inènie se jeter dans les bras de son peuple ;
et tout le monde sait au contraire que c'est le peuple de Paris
<|ui s'est vu contraint d'aller chercher son roi, et de l'arracher
des mains ennemies. Cette circonstance, qui a décidé la révolu-
tion, est tellement constatée, que M. Baillj' lui-même, qui n'a
jamais dit au roi des vérités courageuses, n'a pu lui taire celle-ci :
Le peuple a conquis son roi, a-t-il dit à Louis XVI, lors de son
entrée à Paris, le 6 octobre 1789. Comment un écrivain patriote
([ui se respecte, peut-il s'abaisser jusqu'à se rendre l'écho d'une
secte d'esclaves titrés? Comment a-t-ii pu se complaire à réveil-
ler ce sentiment d'idolâtrie qui a llétri si long-temps la nation
IVançaise? N'est-ce pas blesser toutes les convenances ([ue de
coniplinienler Louis XVI à propos d'une révolution qui s'est faite
sans lui, malgré lui, et dont il n'est guère encore que le témoin
irrésolu ? Un peuple libre ne loue ses rois qu'après leur mort.
Nous avons rougi pour l'auteur, du petit triomphe qui lui a été
décerné par une classe du public encore peu digne de la liberté,
puisqu'elle applaudit à l'accent de la servitude. Il n'y a point
de saillies heureuses qui puissent dédommager d'une adulation
aussi gratuite. Est-ce ainsi que les hommes de lettres, aux(|uels
on est redevable de la révolution, parviendront à la consolider ?
Nous attendons du patriotisme connu de M. Fabre d'Eglantine,
auteur du Commlesccnl de qualilé, qu'il fera disparoître cette
tache de son ouvrage ; elle pourroit le compromettre aux yeux
des honnêtes gens '. »
La vivacité de cette crlti(|ue et la menace qui la terminait
devaient émouvoir, et émurent en ell'et, Fabre d'Eglantine. Il
adressa à Prudhomme une longue réponse qui fut insérée dans le
n"83 des Révolutions de Paris '(12 février 1791, pp. 243-248). Il lui
était difficile de nier les vers qu'on lui reprochait et les éloges
du roi qu'ils contenaient. Il se contenta donc de protester de son
patriotisme et d'opposer aux accusations si directes de son criti-
que des déclarations assez emphatiques cl assez vagues : « Avant
de répondre à ces accusations, dit-il, je commence par dire que
j'ai la flatterie tellement en horreur, que je ne pense pas que sur
ce point il soit sur le globe un caractère plus rêche que le mien.
Mais le cinisme n'exclut point le respect pour l'opinion publitjue
1. R,-iml,ilt,ms de Pails... n" 82 (du .') f.-vrici- 17!)!), pp. 181-1S2.
102 liEVLE HISTORIQUE DE LA RÉVOI.LTION FRANÇAISE
du peuple ; sans ce respect le cinisme n'est plus qu'un égoïsme
subtil qui fait que l'on préfère son opinion personnelle à la chose
publique, et la sagacité de ses propres conjectures à la sagesse de
la nation, et à la prudence du corps politique. « Après ce préam-
bule, Fabre d'Eglantine, faisant observer que tout le monde ne
voj'ait pas sa comédie et qu'elle n'était pas encore imprimée,
donnait de longues citations de la scène incriminée. En voici
quelques vers :
Tout l'ctat est ch.Tugé, les liommcs sont égaux ;
Il n'est plus de seigneurs, il n'est plus de vassaux ;
Les parlements sont morts, le haut clergé de même ;
L'armée a pris parti pour cette loi suprême ;
Le roi, d'accord de tout, de nos cœurs s'est saisi,
Kt c'est un père enfin (juc nous avons choisi.
« Si les monarchistes applaudissent à ces deux derniers vers,
ajoutait Fabre d'Eglantine, c'est peut-être avec des restrictions
mentales ; mais qui ne voit que si je suis dans leur sens, ce n'est
que dans le prétexte? Or, si le prétexte des médians dérive d'un
principe sain, s'ensuit-il qu'il faille anathématiser ce principe? »
Le dialogue cité par Fabre d'Eglantine se terminait enfin par une
longue tirade où le nouveau régime était mis en opposition avec
l'ancien et où les principes essentiels de la constitution se trou-
vaient énumérés et expliqués. Au reste, ces citations elles-mêmes
montraient que les critiques du n" 82 des Révolutions de Paris
n'étaient pas tout à fait injustifiées. Voici, en effet, en quels ter-
mes vraiment excessifs le personnage de Fabre d'Eglantine
s'exprimait sur le comi)le de Louis X\'I :
Mais pour k" jour présent, la l'rovichMU-e auguste
Nous a Nouin garder, malgré vous, un roi Juste,
Ln roi bon. Que ne peut un heureux naturel 1
N'allez pas m'accuscr du talent criminel
De llatlcr lâchement le mouarcpie qu'on aime.
S'il n'étolt pas aimé, je le dirois de même.
Mais un l'ait bien réel, c'est que dans tout l'état,
11 n'est pas un Français, jusqucs au plus ingrat.
Qui ne reste d'accord que, sans ce prince sage.
Le vaisseau de l'état alloit faire naufrage;
Lui seul a résisté, lui seul, aux vils projets
De verser notre sang et de troubler la paix;
MÉLANGES ET DOCUMENTS 103
Il il fort l)ien senti les pièges des perfides;
Il a senti nos caurs de son amour avides ;
Il s'en est rappioché, non pas avec effort.
Ainsi que le prétend un parti déjà mort,
Mais de toute son âme ; et si quelque prudence
A dirigé ses pas en cette circonstance.
C'est que craignant les coups de ses propres tyrans.
Il s'est venu jeter au sein de ses enfans.
« Telle est jusqu'au dernier mot, disait Fabre d'Eglantine, la
manière dont je m'exprime sur le compte du roi ; et j'ose croire
que lui seul, mieux que personne, comprendra le sens profond
des quatre derniers vers de celle tirade, et combien j'ai dit vrai.
Le mol du roi : à Versailles, allons à Versailles, qu'il prononça
le 5 octobre au retour de la chasse, forme toute rintenlion de
cette tirade ; et quand je calcule ce qu'étoil un Roi de France et
la conduite de Louis XVL je ne crois pas en avoir trop dit. »
EnBn, Fabre d'Eglantine, faisant concourir à sa défense les éloges
mêmes qu'il avait adressés au roi, terminait sa lettre par cet argu-
ment paradoxal : « Je ne sais pas comment mes critiques ne sen-
tent pas qu'en supposant même que la conduite du roi ne soit pas
franche, les éloges qu'on fait de son amour pour le peuple sont
des chaînes terribles pour lui, des armes futures pour la nation,
et que l'état y gagne bien plus qu'aux satyres que l'on feroit con-
tre ce prince. »
Les Révolutions de Par/.s jugèrent inutile de répliquer, et la
polémique s'arrêta là.
Charles Vellay.
La Loge de Verdun et le serment civique en mars 1791
Les pages suivantes ' ont été écrites par le « Collège des offi-
ciers » de la Loge Les Frères amis à l'Orient de Verdun. E lies
1. Collection Karmin. Quatre pages, très lisiblement écrites — mais non
calligraphiées — de la main du secrétaire signataire. Formai : 25 X ''^ centimè-
tres.
104 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
étaient visiblement destinées au comité directeur du Grand Orient
de France.
Les considérations contenues dans les derniers alinéas de
cette pièce correspondent-elles à des faits précis, ou n'expri-
ment-elles que de vagues appréhensions ? Nous ne saurions le
dire. Nous croyons la pièce cependant assez curieuse en elle-
même pour la faire connaître, et nous espérons que d'autres cher-
cheurs, plus heureux que nous, réussiront à l'annoter d'une ma-
nière utile.
O. Kakmin.
A la gloire (la G .' . A .' . de
I Unii'crs
Au nom et sous les ausuices
du S:. G:. M:.
TT .-. C. .FF .-.
Le G .'. A .'. de l'U .' . qui, des la création du monde, avait dicté
les principes d'égalité, de paix et d'union, voyait avec effroi des
hommes pervers et corrompus éloigner de leurs cœurs ces principes
sacrés et divins. Ce germe d'une corruption générale commençait à
se manifester, lorsqu'il inspira quelques hommes éclairés et ver-
tueux. Ces sages, gémissant sur les erreurs de leurs frères, résolu-
rent de former une société dont les principes de la simple nature
seraient les fondements immuables. Bientôt cette société, désignée
sous le nom de maçonnerie, comme un arbre majestueux, étendit ses
branches multipliées, qui procuraient en même temps la fleur et le
fruit : mais les hommes, frivoles et inconséquents pour la plupart,
négligèrent le fruit pour ne s'attacher qu'à la fleur.
Déjà le IS" siècle offrait un grand nombre de sociétés maçonni-
ques, mais le contraste le plus frappant existait entre la conduite de
leurs membres dans l'intérieur de ces sociétés, et la conduite de ces
mêmes membres dans le tumulte et le chaos du monde. Souvent ces
hommes qui faisaient retentir les voûtes de leurs Temples du dou.v
nom de frère, hors du parvis ne se connaissaient plus : souvent un
orateur éloquent faisait le tableau le plus séduisant des charmes de
l'égalité — et si par sa naissance il se croyait supérieur à ses frères,
il sentait au dedans de lui les mouvements d'un faux amour-propre,
enfant bâtard de la Vertzi ; la ligne de démarcation, rejettée par
MÉLANGES ET DOCLMENTS 105
sa bouche, clail accueillie par son cœur : les priiici])cs 1rs plus purs
élaienl profanés : on ne croyait à rien, pas même à la Vérité.
Le G .'. A .'. de ru .'., qui n'avait pas fait l'homme pour être la
dernière des créatures, voulut rectifier son ouvrage, en le rappellanl
à sa dignité première. Sous le règne des abus les plus multipliés, il
inspira les habitants d'une portion du globe à se réunir pour se com-
muniquer leurs idées et leurs vues. Des sages, choisis parmi ces
habitants pour les éclairer sur leurs véritables intérêts, levèrent
d'une main courageuse le voile épais qui cachcdt à la Nation le
gouffre énorme clans lequel elle était prête à s'ensevelir. La profon-
deur de l'abîme, creusé par les abus de toutes espèces, les crimes et
les vices les plus affreux, causa une étrange surprise aux citoyens
qui dormaient paisiblement sur ses bords. Ceu.v qui avaient creusé le
gouffre, dans l'espoir d'y ensevelir la Nation, loin de se repentir de
leurs sinistres projets, tentèrent un dernier effort pour parvenir à
leurs fîits. Alors un'cri général d'indignation se fit entendre de tou-
tes parts. « Vivre libre ou mourir » fut le vœu de tous bons
citoyens ; on fo'-nia des fédérations ; on fit le serment solemnel de
combler le gouffre où l'on avait manque périr ; d'expulser les abus :
de ne plus connaître d'autre autorité que celle accordée de droit
naturel et divin aux nations : de professer les principes d'égalité, de
fraternité, d'union ; de revenir enfin aux principes que les sages
fondateurs de la maçonnerie avaient cherché à propager.
Le tableau succint que nous venons de tracer, CC.\ FF .'., vous
rappelle l'origine et les effets de la révolution française. Sans doute
la maçonnerie « beaucoup contribué à la sagesse des lois qui nous
gouvernent aujourd'hui. C'est un tribut que tout bon citoyen doit à
ces établissements antiques, qui ont soutenu les hommes chancelants,
prêts à périr. Mais si nous devons, comme citoyens, une reconnais-
sance éternelle à la maçonnerie, nous devons, comme maçons, un
respect religieux à la sublime Constitution du Royaume. Un des
points essentiels de celte Constitution, qui doit faire le bonheur de
l'Univers, est le serment solemnel d'être fidèle à la Nation, à la Loi
et au Roi, et de maintenir de tout son pouvoir la Constitution du
Royaume, décrétée par l'Assemblée Nationale et acceptée par le Roi.
D'une voi.v unanime nous faisons ce serment auguste et sacré qui est
véritablement le serment maçonnique. Vous verrez, CC .'. FF .'..
sur le revers du Tableau de cette R .-. L ■ . nos signatures en signe
d'adhésion.
106 nEVl'F. HISTORIQUE DE I.A RÉVOI.ITION rRANÇAISE
jV()(;.s' (inons Ions pense, C('..\ FF .-., (in' il ('■liiil essentiel au
bonheur de la Pairie el un niainlien des pi-iiuipes de l'A ri Roijal, de
vous lulresser les demandes sninanles :
/" Que désormais le G .■ . ().\ exif/e de loules les LL .'. rétju-
lières un tableau des FF .'. qui auront, eomme maçons, prèle leur
serment e'nnqne :
2' qu'il ne reconnaisse à l'avenir d'autre maçon que ceux qui
auront rempli celte formalité nécessaire au salut de la Patrie ;
3" qu'il ordonne désormais aux LL .'.de faire prêter ledit ser-
ment à un candidat avant sa réception, et dans le cas d'un refus
dudit candidat, de ne le point initier au.v mystères de la maçonne-
rie :
4° qu'il enjoigne au.r différents ateliers maçonniques de ne rece-
voir de visiteurs que lorsqu'ils auront un certificat en bonne forme
de leur L.\, qui prouve qu'ils ont prêté le serment civique :
5" qu'il e.vige que les tableaux des FF.', qiù auront prèle leur
serment civique soit affirmée sincère et véritable par les princi-
pau.r dignitaires des LL .'., sur leur parole de maçon.
Vous savez, TT .' . CC .' . FF.'., que les ennemis de la Patrie,
qui ne peuvent être que les ennemis de la F .' . M .'.. comme des ser-
pents venimeu.r. se tortillent de mille manières pour arrêter la
Constitution dans sa marche. Ils ont déjà formé des associations
suspectes sous des titres séduisants, tels que ceux d'Amis de la paix,
de la constitution monarchique, et autres. Xe pourraient-ils pas, un
jour, sous le voile mystérieu.r de la maçonnerie, se réunir pour cons-
pirer secrètement contre leurs frères citoyens français ? Déjà, peut-
être, cette idée funeste à la gloire de nos illustres travau.v est-elle
prête à se réaliser, el peut-être encore les foudres de la proscription
sont-elles prêles à éclater sur nos Temples augustes. L'œil vigilant
des amis de la Patrie peut dénoncer une de nos sociétés suspectes :
et comme la statue de Dàgon se brisa devant l'arche du Seigneur,
celte société de faux FF .'. se dissoudrait au nom de la Constitution.
Mais le vrai maçon, celle secte chérie du G.'. A.', de l'U .'.. serait
englobée dans la proscription générale ; el voilà ce qui doit e.vciter
notre sollicitude. Hâtons-nous donc. CC .'. FF.., d'éloigner de
notre sein ces fau.v FF.', qui peuvent compromettre nos paisibles
travau.Y. Le serment civique peut seul nous les faire connaître. Xc
craignons point le schisme maçonnique, car les amis sincères de la
Patrie, de la Pai.v el de l'Egalité sont seuls les vrais maçons.
MÛLANOES F,T DOCUMKNTS
107
Xoiis snmmrs ai'fc le scnlimenl i/c la /)/;;.s Icndrc fraternité, par
les X.-. M.-. (/.-. V.-. s.-. C.-.
TT.-. ce.-. FF.-.
Vos alJ'eetionnéf! et Jétioués FF .'.
Periux R t- Vénérable ; Be.wje.AN, R-t 1" Surv .-.:
M.iSSOX, 2- Surv:.; CoLLET, garde des arehircs :
Vallette. s.-, p.-. R.-. t- trésorier ; BERy.iRD.
Christophe, D lEVDOXKÉ. M .-. des C.-. ; Dognon.
Maugixet.S.-. p.-. r.-. r-MicHAi-n S .-. P.-.R.-.i.
Par mandement de la R.-.L.-. MaVRU-:, secrétaire.
Diimrlcmenl de la Meuse. Verdun, ce 24 mars 1191.
Les Angevins patriotes
{Il UO- 11'. Kl)
M. Gruget, curé insermenté de la Trinité d Angers, écrivait, en
1794, dans ses Mémoires: » On peut dater de la promulgation de la
Constitution civile du clergé la persécution que les prêtres et les
fidèles catholiques ont eu à souffrir dans toute la France. C'est
surtout dans la ville et le diocèse d'Angers que la persécution s'est
fait sentir le plus crûment. Il n'est point d'excès auxquels on ne
s'y soit porté contre les prêtres et les fidèles catholiques. On ne
se serait jamais imaginé qu'un peuple, naguère si affable et si re-
ligieux, eût pu en si peu de temps devenir cruel et persécuteur.
Comme si c'eût été envers des étrangers ou des ennemis ! mais non,
c'était envers des personnes respectables, qu'ils honoraient, qu'ils
respectaient et de qui ils avaient reçu toutes sortes de bienfaits. On
a vu même des frères se déclarer les ennemis de leurs frères, les
enfants se soulever contre leurs pères et les pères contre leurs
enfants. ' » (Anjou historique. II, 616.)
A la même époque, l'abbé Jaques Rangeard, ancien membre de
l'Assemblée Constituante, précédemment curé assermenté d'An-
1. M. Gnigot dit cnrore : «I.;i ville d'Angers, qui n'c'tait jamais en retard quand
il ctail qiu-slion de l'aire le mal, s'empressa de suivre l'exemple de Paris, la
eapilale du royaume. » (Anjou liistorique, 111, .'ilS).— Et plus loin : « 11 était réservé
à Paris de posséder dans son sein les auteurs du schisme et de l'irréligion, et
c'était de cette ville infâme que sortaient tous les vices qui se répandaient dans
les provinces, mais surtout à .Angers. » (.injou hisloriiiue. I\', lit.)
108 UKVCE HISTOniyUE DE I.A Rr^VOLUTlON FI! -VNÇAISE
dard, écrivait de son côté: «De toutes les capitales des départements
de la République, si j'en excepte à certains égards Paris, j'ose avan-
cer qu'il n'en est aucune qui ait si promptement, si constamment et
si généreusement manifesté sa passion pour la liberté, pour le salut
et la gloire de la patrie, sa haine du fanatisme et son zèle ardent
pour l'exécution des lois. » (Anjou hislorique, VI, 501.)
Les hauts faits accomplis par le patriotisme des habitants d'An-
gers, et notamment par la garde nationale de cette ville, pendant les
premières années de la Résolution, nous sont énumérés par les
citoyens Philippe Baudin et Hcudier, commissaires du Conseil exé-
cutif provisoire «pour les indemnités des perles causées par l'incur-
sion des brigands», dans un discours qu'ils prononcèrent, le
9 février 1794, à la Société Populaire de l'Est, à Angers (/î;i/(0-
Ihèqiie d'An(jers. II, 2032.)
Les fastes de notre Révolution présenteront à la postérité le fameux
pacte de Pontivy (21 février 1790) comme le plus beau monument de la
gloire des Angevins et de leur amour pour la Liberté.
Par votre pétition du mois de juin 1791, vous demandiez que, puisque
Capet avait abandonné le trône constitutionnel des Français, la France
fût déclarée République. Vous avez été les premiers qui ayez proféré le
mot de Ri-jiid'liqac.
Par votre adresse énergicpie du mois de décembre 1701 au ci-devant
Roi, vous le préveniez que, s'il s'obstinait à laisser subsister son veto sur
les décrets contre les prêtres et les émigrés, l'indignation nationale le
précipiterait de son trône.
Depuis la Révolution jus<|u'à répo(|ue de la guerre de la \ codée, vous
avez eu des clubs ambulants qui se répandaient dans les différentes parties
du département de Maine-et-Loire, p )ur détruire l'esprit de fanatisme
qui y régnait et pour y propager les principes de l'égalité et de la
liberté-.
Le 17 juin 1792, la garde nationale d'.\ngers, par un mouvement
révolutioiuuiiie, arrêta et incarcéra tous les prêtres réfractaires. La
Société Populaire en lit passer la nouvelle aux Jacobins, qui la couvrirent
d'applaudissements l.
.\ la lin d'août 1792, la garde nationale d'.Vngers a été la première à
entrer dans la Vendée poiu- dissiper les rebelles qui assiégeaient Hressulre.
et ils furent dissipés.
En septendne 1792, vous fûtes des premiers à féliciter la Convention
Nationale sur son décret qui constitua la France République.
Kn décend)re 1792, vous avez demandé la mort du tyran.
1. 1,0 ■J4 juill.l 17;)L>, Chcuilliii, <l,i>ul.- do Maine-.-l-I.oir.-, lui à la Législa-
tive, mu- pél'ili.in i1,iii:uu1:miI la (l.cll.-ance de Louis .WI.
M H LA NT. F. s ET DCOL'MFXTS 109
Au miiis ik- Fl'n ricT 179.'i, hi j^arciu nationale d'Angers se transporta à
I.a Flèclic" et an Mans pour apaiser les mouvements séditieux et contre-
révolutionnaires (pii s'étaient élevés, sous le faux prétexte qu'on manquait
de . subsistances ; elle fit une mai-clie forcée de 18 lieues, dissipa les
attroupements et fit 3U0 prisonniers.
(;'est la garde nationale d'Angers qui, avec la ,'ÎJ'' division de la gen-
<larmerie de Paris, est entrée la pi-emièrc dans la Vendée, au mois de
mars 1793, et a délivré des mains des brigands, après un combat opiniâtre,
un grand nombre de prisonniers détenus à Chemillé.
Dans l'action qui eut lieu à Saint-Pierre de Chemillé, le 11 avril 1793,
Mius le commandement de Berruyer et de Duhoux, un détachement de
SI) citoyens d'Angers, commandés par le capitaine Chevalier, Brigueneu
cl Proust, officiers, Godard, sergent des grenadiers, Bondu et Besnard,
sergents suppléants, accompagnés de 200 autres citoyens de Saint-Calais,
montèrent les premiers au-dessus des retranchements, gagnèrent avec
vigueur les haies et les fossés des tirailleurs des brigands, et les repoussè-
lent au pas de charge. C'est là que la 35'^ division des gendarmes à pied
de Paris fonça avec une intrépidité sans bornes et perdit beaucoup de
monde. Marchand, d'Angers, capitaine de la gendarmerie à cheval, y
pei'dit la vie; Beaumanoir, adjudant, fut blessé. Mais la victoire fut
complète de ijotre côté. On s'attendait alm-s que Leigonnj-er, qui
commandait l'armée de Vlliiers, se serait porté sur Chemillé avec 5.000
hommes, mais, après 7 heures de combat et de succès, on fit replier
l'armée à Saint-Lamberl-du-Lattay, sous les ordres de Berrujcr, au
nombre d'environ .").000 hommes, après avoir incendié 30 maisons à
Saint-Pierre de Chemillé. — Ce furent 3 ou 4 canonniers de la garde
nationale d'Angers c|ui, à cette même aifaire, se jetèrent dans la redoute
établie par les brigands sur la grande route, en enlevant la pièce de canon
qui tirait continuellement sur l'armée de la République, tandis cpie
plusieurs autres cito3'ens du faubourg Saint-Michel s'étaient également
emparés d'une autre petite pièce que les rebelles avaient placée au coin de
la blanchisserie du citoj-en Cesbron, et l'emportèrent sur leurs épaules.
Au mois d'avril 1793, Angers forma dans son sein un bataillon de
.")()() hommes, qu'elle envoya pour secourir Nantes, menacée par les bri-
gands. Ces 500 hommes furent envoyés à l'Oie, aux Sorinières, à Vue et
au château d'O, où ils soutinrent de fortes attaques contre les brigands,
et préservèrent de leur invasion la commune d'Indret, où il }• a une fonderie
de canons considérable.
Vers la fin de juillet 1793, lorsque les brigands s'emparèrent des Ponts-
de-Cé, après avoir mis en déroute les troupes qui y étaient en garnison,
lorsque ces mêmes brigands se portaient de suite sur Angers et que le
général Duhoux avait pris la fuite sur la route de Paris, la garde nationale
d'Angers et les habitants fonctionnaires prirent sur-le-champ les armes,
allèrent au-devant des brigands qu'ils repoussèrent jusqu'à Saint-Maurille-
des-Ponts-de-Cé, et cette première fois préservèrent la commune de l'in-
vasion des brigands.
110 nEVLE HISTOHIQIE DE LA R.ÉVOLLTION FHAXÇAISE
En août 1793, vous avez adhéré à tous les décrets de la Moiilagnc.
Plus de cinq cents pères de famille d'Angers ont été sacrifiés à
l'attaque de Beaulicu et de Saint-Ltimbert-du-Lattay, le 19 septembre 1793,
pour avoir soutenu seuls le feu des brigands, tandis que l'armée com-
mandée par Duhoux était en déroute.
La garnison de Mayence, arrivée à Angers au mois de novembre 1793,
après avoir beaucoup souffert dans les différentes atta<pRS contre les
brigands, les habitants s'empressèrent de leur fournir tous les secours en
matelas, couvertures, draps, chemises et autres vêtements, au delà même
de leurs besoins. Il se dépouillèrent de leurs chaussures pour les donner
à ces braves soldats. Tout le peuple d'Angers, très hospitalier, logea dans
le même temps près de 30.000 hommes. Les citoyens passaient volontiers
la nuit sur des chaises, pour céder leurs lits à nos frères d'armes. Quel-
que temps après, on établit à Angers plusieurs hôpitaux militaires pour
les défenseurs de la patrie qui avaient été blessés : l.,500 lits furent dressés
en 24 heures.
Les 3 et 4 décembre 1793, vous avez soutenu le choc d'un siège déjà
mémorable; par la résistance la plus intrépide, vous avez jeté le décourage-
ment d:ins toute l'armée catholique; vous avez étouffe l'hjdre de la
Vendée ; enfin, par cette glorieuse conquête, vous avez terminé la guerre
la plus désastreuse, et la Convention nationale a déclaré, le 7 décembre,
que la commune d'Angers a bien mérité de la Patrie.
Quelques jours après le discours prononcé par Baudin à la
Société Populaire de l'Est, le citoyen Lacroix en fit un autre
(15 février), à la séance de la même Société, en présence des repré-
sentants du peuple Hentz, Francastel etGarrau: «Les Angevins ont
été les premiers à demander la punition du tyran, lors de sa fuite à
Varennes, et le Gouvernement républicain. Ce sont eux qui au
pacle de Pontivi jurèrent avec nos frères de la Bretagne la destruc-
tion de la gabelle et l'anéantissement de la féodalité. Ce sont eux
qui demandèrent la déchéance deCapet, sur le veto qu'il avait op-
posé au décret contre les prêtres. Ce sont eux qui, par un mouve-
ment spontané, les ramassèrent au séminaire pour détruire tous les
moyens de contre-révolution qu'ils mettaient en œuvre. Ce sont eux
qui les premiers ont applaudi à la mort du tyran. Ce sont eux enfin
qui ont fait mordre la poussière aux brigands au siège d'Angers.»
Ce qui refroidit le patriotisme des habitants d'Angers, ce fut le
procès des fédéralistes, qui eut lieu en celte ville au mois de février
1794, et à l'occasion duquel furent prononcés les discours précé-
dents. On sait que ces Girondins furent guillotinés à Paris, le 15 avril
1794.
Quelques années après, le 4 novembre 1797, le citoyen Du-
JIÉLANGES F.T DOCUMICNTS 111
boiieix, ex-vicaire général de l'évèque constitutionnel de Maine-et-
Loire, se lamentait de la torpeur des Angevins, dans un article
publié par l'Ami des Principes : «Angers, Angers ! Toi qui !a pre-
mière juras ce pacte immortel qui fit trembler le tyran sur son
trône ; toi qui la première brisas les affreuses barrières de l'infernale
gabelle; toi qui la première demandas la mise en jugement d'un roi
parjure, et qui proclamas la première la République M... >'
F. UzUREAU
Directeur de l'Anjou historique.
1. es. La Hriii)lutiiiii jnrjce par un pniriatc ani/i-vin, dan^ l'Anjou hisloriqu
(XII, :i04;.
NOTES ET (PLANES
Une lettre de la princesse Elisabeth de Saxe '
(30 juin 1789)
« Mon cher papa,
« ,]'ay bien regreté aujourciliui de ne pas m'être trouvée à
pont- pour vous accompagner à la chasse car c'est ordinairement
les mardis, que vous chassé, et sûrement vous avez été à la tra-
cone-', jespère que vous avez eu plus beau temps qu'il n'a fait ici,
y pleuvant à toute les moments ; il y a un peu de rhumeur dans le
moment à paris et pas loin de chez moi c'est à l'abbaye, ou on
vient d'enfoncer les prisons pour faire sortir les gardes françai-
ses, qui avoient refusée d'obéir à versaille, et en même temps je
pense qu'il y aura eu d'autres prisoniers qui auront profité, de ce
moment pour s'évader, je vieiïs de voire passer un grand nom-
bre de dragons qui y alloient il y avait encore un autre régiment
mais il ne fesait pas assez claire pour distinguer ce qu'il étoient,
ils alloient très vite le sabre nue à la main, l'on prétend que tout
le peuple a été au palais royale, avec les prisonniers ; L'on pré-
tend aussi que l'on menace de mettre cette nuit le feu à l'hôtel du
Chastelet et que l'on tachera d'y enfermer M. du Chatelet mais
comme ils en avertissent l'on aura moin de peine à les en
empêcher ; le palais Royale et tout les partisans du tiers font des
feux de joie et illumine leur maisons, l'on tire des boites toute
la journée ;
« ce matin à 11 heures l'on poursuivoit un voleur qui se sauvoit
par dessus les toits et qui s'est arrêté au-dessus de la maison
d'un marchant de vin à coté de chez nous, n'aj'ant plus trouvé de
maison puiscpie le jardin de S"^ Marie nous separoit il a resté
1. Communiqiu-e par M. l'.-M. l'avrcl, qui a retrouvé ce document dans
une liasse de vieux papiers. I.;i lettre est adresseée par la princesse à son père,
le prince Xavier de Saxe, alors dans son eliâteau de Pont-sur-Seine.
2. Pont-sur-Seine, Aube.
3. La Traconne, forêt à une quinzaine de kilomètres de Pont-sur-Seine,
NOTES ET OLANES 113
plus de deux heures à cette place, ne sachant à quoi se décider
ou de se rendre ou de se geler en bas, il a choisi à la fin ce
dernier parti, et s'est geté dans la cour de ce marchant de vin,
et il est mort en tombant, on a trouve sur lui un pistolet chargée
et plusieurs rosignols, avec l'argent qu'il venait de voler chez un
cordonier, ou on l'avait surpris, il y avait un monde infinie, dans
la rue de grenelle pour le voir.
«M''" d'Esclignac est à Versaille ainsi qu'Henry ', ils doivent
revenir ce soir je les attend, ils sauront surment beaucoup de
nouvelles car comme vous savez il doit y avoir aujourd'hui une
assemblé général des trois ordres.
« Nous ne savons pas encore quand nous pourrons partir j'es-
père cependant que cela ne tardera pas ; j'ay envoyé chercher la
personne qui doit copier votre portrait elle doit venir demain et
je la preserez bien ; adieu mon cher Papa, hanry vous présente
ses hommages ; j'ay l'honneur dêtre avec un profond respect
mon cher Papa votre très humble et très obéissante fille et
servante,
« Elis.\heth
.< l>ai-is, eu liOjuin 1789. ..
Des vers latins sur le Congrès de Rastadt
Convenltis Radsladieitsis
Compono, impono, concludo, illudo, quid inde ?
Conclusum, illusum, compositum, impositum.
Finis principio similis, sic ordo vagatur.
Nos dedimus, dabimus ; nos nolumus, volumus.
Convenlus noster ventus, conclusio lusus ;
Ut fuitaccessus, sicque recessus erit.
Quod volo non possum ; quod possum nolo vicissim
Sic hominis vita est, nîl nisi nolo, volo - .
1. Hemy, frère de la prineesse Elisabeth, due d'EselifÇnac.
2. Communiqué par M. Dtto Ivarinin. — (Loiuloii 1*. H. G. Swilzerland,
Mise. pap. N« 22/17 (!•". ().) 17'JS).
BlBLIOdRAPHIE
F. l'zrriKAr, Les victimes de la Terreur en Anjou : liste des personnes
décédées dans les prisons d'Angers. Angers, Grassin, 1912. In-8
de 55 pages.
Ces listes ont été dressées, non daprès les registres d'écrou
disparus ou inconsultables, mais d'après les déclarations faites
au bureau de l'état civil. Elles coiuprennent, pour des pério-
des d'ailleurs diverses de 1793 et 1794, un total de 1.020 décès,
soit 711 femmes et 309 liommes.
L'état lamentable des prisons, lentasscnient des détenus, leur
triste régime alimentaire, les maladies contagieuses, le manque
de soins médicaux, telles furent les principales causes de cette
extraordinaire mortalité.
II. M.
Colonel Frignet Despré.mx, Le Maréchal Mortier, duc te Tré-
vise. Tome I. Paris, Berger-Levrault, 1913. în-8' de viii-
453 pages, avec 3 planches et 5 cartes.
L'œuvre que le colonel Frignet Despréaux a consacrée à son
grand-oncle, le maréchal duc do Trévise, promet d'être digne de
l'homme d'honneur et de devoir que fut Mortier. Formé aux ex-
cellentes méthodes de travail de l'ancien corps d'état-maior,
l'auteur a su tirer parti des nombreux documents qu'il a con-
sultés, soit dans les dépôts publics. Archives de la Guerre et
Archives nationales, soit dans les Archives du duc de Trévise.
On aura une idée de sa conscience quand on saura qu'il s'est
astreint, pour chacun des ordres ou des lettres reçus par le
maréchal, à contrôler la date à hu]LielK' ils lui sont réellement
parvenus. Inutile d'insister sur l'intérêt ([ue présente cette véri-
fication, quand il s'agit de l'étude des opérations militaires.
Ce voluiue nous mène seulement au coiumencement de l'année
1798. Mortier est à l'armée du Nord, tl'abord capitaine au l''"'
Hllîl.R)(iRArHlE 115
bataillon du Nord, puis adjudant-général ciicl' do bataillon et
clief de brigade. Avec lui nous assistons aux batailles de .[em
niapcs, Necrwindcn, Hondsehoot, Wattignics, Fleurus ; aux pas-
sages de la Sanibre ; au siège de Maestriehl, au jiassage du Rliin,
aux opérations de Kléber sur la Lahn. ("/est toute Ihisloire des
armées du Nord et de Sambre et Meuse ([uc le colonel Frignet
Despréaux nous fait ainsi repasser. Dès le 24 septembre 1793,
Mortier a été « cbargé de l'état-major » à la division Balland.
Il lut ensuite elief d'état-major de la division Poncet, puis, sous
les ordres de Kléber, cbargé de missions spéciales. Sa carrière
donne un exemple intéressant de la manière dont un officier de
valeur faisait son chemin dans les armées de la Républiciue.
Il est naturel que dans cette période, où l'adjudant général
Mortier n'occupa ([ue des fonctions secondaires, son rôle per-
sonnel reste assez elTacé. Les emprunts faits par l'auteur aux
Archives du duc de Trévise sont assez rares, et les très nom-
breux documents qu'il cite proviennent pour la plupart des Ar-
chives de la Guerre. II les a parfaitement choisis, parmi les plus
caractéristiques, pour donner au lecteur une idée juste de la ma-
nière dont l'armée de Sanibre et Meuse marchait, combattait et
vivait. Nous sommes également bien renseignés sur l'état des-
prit des chefs et des camarades de Mortier, et leurs relations
avec les représentants aux armées. Chacune des indications som-
maires portées par Mortier dans ses Noies fournit à l'auteur l'oc-
casion de raconter, toujours d'après les documents originaux, les
faits mentionnés. Citons, entre beaucoup d'autres, la célébration
à Wetzlar par Hoche de l'anniversaire du 10 août.
Les cartes jointes au volume donnent les itinéraires du maré-
chal pendant ses diverses campagnes '.
A. T.
Maurice Bottkt, Kapoléoii aux camps de Boulogne. La côte de fer et
les flottilles. Paris, Ambert, in-8 de 1587 pages, avec illuslr.
Les nombreuses études que M. Maurice Bottet, membre de
la Sabretache, a consacrées à l'armée, sont bien connues des
amateurs d'histoire militaire. Le livre qu'il nous donne aujourd'hui
a un intérêt plus général que les précédents, puisqu'il raconte
l'histoire des camps de Boulogne et des tentatives de débarquement
1. I.;i publiorUion est soignée, les noms propres sont bien orttiographios.
Mais il n'y a pas de répertoire, sauf pour les numéros des corps cités. Signa-
lons que, presque partout, les appels de notes ne correspoîulent pas aux notes
elles-mêmes.
116 HIÎVUE HISÏOIUQLE I)E LA liKVOI.lTION" I-RANÇAISE
en Angleterre. Le sujet avait été traité de main de maître par le
colonel Desbrière. Mais son ouvrage monumental n'était pas à
la portée du public. M. Bottet s'est cbargé d'en extraire un petit
livre, œuvre de vulgarisation érudite. Mais il ne s'est pas contenté
d'utiliser les travaux du colonel Desbrière: des Archines nationa-
les, et surtout des Archives municipales de Boulogne, qu'il a
consciencieusement dépouillées, il a tiré de nombreux rensei-
gnements, grâce auxquels il a pu faire revivre la physionomie
anecdotique de cette époque. Son tableau de la ville et du camp
est pittoresque et bien documenté, et il donne sur les flottilles,
leur formation, leurs combats, de nombreux détails inédits.
La conclusion, que le colonel Desbrière a d'ailleurs exposée
dans une remarquable préface, estquele projetde débarquement,
tel que Napoléon l'avait préparé, n'était pas réalisable. L'histoire
des camps de Boulogne n'en reste pas moins intéressante, parce
que c'est là que la Grande Armée s'est formée.
Le livre de M. Bottet est joliment illustré d'après des do-
cuments originaux. Les plus curieux sont ceux qui représentent
les machines de guerre destinées à transporter l'expédition, telles
que se les figurait l'imagination des Anglais lors de la grande
panique.
^L Bottet aurait dû citer, parmi les auteurs s'étant occupés de
la question, ^L F'ernand Nicolay, don le livre n'est pas négli-
geable.
A. T.
Capitaine A. Grasset, La guerre d'Espagne (1807-1813). Tome
I" (octobre lS07-avril 1808). Paris. Berger-Levraull, in 8 de
LXi-486 pages, avec planches, cartes et tableaux.
Le capitaine (irasset a entrepris, sous la direction de la Section
historique de l'Etat-Major de l'armée, de nous donner l'histoire
de la guerre d'Espagne, qui n'a jamais été faite en P'rance, en
dehors de l'étude partielle du lieutenant-colonel Balagny.
Il aborde là une tâche considérable, puisque l'ouvrage ne
comprendra pas moins de 16 volumes. A en juger par celui que
nous venons de lire, l'auteur doit la mener à bonne fin. En tout
cas, il sait ce qu'il veut et s'est tracé un plan rationnel. Distinguant
entre la guerre nationale et la guerre régulière, il observejustement
que celle-là est l'essentielle et que celle-ci n'est que la partie
épisodique. Mais il rejette la solution qui consisterait à suivre le
développement de la guerre nationale : elle ne donnerait qu'un
tableau d'ensemble confus, ou une série de tableaux isolés, impos-
lillil.IOC.UAPIlIE 117
sibles à rcuiiir dans un même cadre. H prend alors comme guide
les {grandes lignes et les actes de la guerre régulière, autour
des(|uels viendront se grouper les laits de la guerre nationale. Ce
plan paraît bien le meilleur.
La méthode mérite également des éloges. Lauteur signale
que les histoires déjà écrites sont suspectes, en raison du parti-
cularisme de leur documentation. Il ajoute qu'il fut quelquefois
obligé d'avoir recours à elles, mais n'adopta leurs conclusions
([ue lorsqu'il avait pu en vérifier la rigoureuse exactitude. Mais
cette vérification est extrêmement difficile, car le capitaine G. a
le mérite de juger à leur valeur ces fameux documents officiels,
que l'on a si souvent acceptés aveuglément, en raison de leur
origine. Il n'y a pas de documents sur lesquels la critique histori-
que doive s'exercer avec plus de rigueur que sur les comptes
rendus et rapports de toute sorte qui forment le fonds des archives
publi<iucs. On a l'habitude de les opposer aux mémoires : très
souvent, ils ne sont pas plus dignes de confiance ; de même que
l'auteur de Mémoires dénature les faits pour les présenter à son
avantage, de même le rédacteur d'un rapport officiel mentira
pour se faire valoir, esquiver une disgrâce, même pour accabler
un rival, ou simplement flatter les idées de ses chefs.
Le capitaine G. a vu et signalé la difficulté : il faut lui en
savoir gré. Les remarques sur les sources imprimées qu'il fait au
cours de son Introduction et de sa Bibliographie sont judicieuses,
et dénotent chez lui un sens critique qui doit nous donner
confiance. Il a su discerner, dans les ouvrages cités, la partie
vraiment originale et digne d'intérêt. Très juste également, son
observation sur Thiers : il ne faut le croire qu'après l'avoir
contrôlé, mais il n'est jamais négligeable, parce qu'il a connu les
auteurs et les témoins ; il a fait du reportage, si l'on peut dire.
Après un bon exposé de la situation morale et matérielle de
l'Espagne en 1807, l'auteur entre dans le vif du sujet, et raconte
la conquête du Portugal. La partie militaire (organisation, admi-
nistration, opérations) est traitée aussi complètement que possible.
Une annexe nous donne même, pour le premier corps de la
Gironde, l'âge moyen des soldats des divers régiments, renseigne-
ments précieux pour se rendre compte de la résistance des
troupes aux fatigues de cette dure campagne. Les 29 annexes sont
très intéressantes ; certaines seront étudiées avec fruit par les
officiers (lOs Projet d'organisation du personnel administratif ;
13^, Instruction pour les troupes marchant en Espagne; 27", Com-
position de l'artillerie des corps de la frontière des Pyrénées). La
118 HEVIE HtSTOIiiyUF. DE LA HÉVOI.ITION I-IÎ ANÇAISE
partie diplomatique est es([ulssée, et imlitiuée suflisaniment pour
éclairer les opérations.
Le livre II a pour titre: L'Invasion. A vrai dire, la plus grande
partie en est consacrée aux préparaUis de l'invasion.
Le livre III nous raine à l'occupation de Madrid par le grand-
duc de Berg. Nous adressons à l'auteur un léger reproche au
sujet de la manière dont il présente l'opinion de l'Empereur sur
Murât. 11 est vrai que le capitaine G. fait une réserve : « Si le
Napoléon de 1808 avait de Murât la même opinion que celui de
1820... » Mais il ne cite que les appréciations très dures portées
par Napoléon à Sainte-Hélène, et traitant Murât d'imbécile, de
poltron sans jugement. Or, en 1820, l'Empereur parlait du Murât
qui avait trahi en 1813 et 1814, et avait, en 1815, par son agression
intempestive, gâché d'une nmnière irrémédiable la situation en
Italie. Mais en 1808 il était loin de le juger aussi sévèrement, et
s'il ne man([ue pas de lui donner à l'occasion de bons coups de
caveçon, on relève aussi dans la correspondance l'expression de
.son contentement pour la manière dont Murât remplit les missions
qui lui sont confiées. A lire ce que Napoléon dit à Sainte-Hélène,
et que nous rapporte le capitaine G., on s'attend à voir Murât ne
faire que des bêtises. Or, en Espagne, malgré les difficultés de la
situation, et l'absence d'instructions, il se tira d'alïaire avec une
habileté (jui arracha à l'Empereur ce compliment : « Dans ces
circonstances imprévues, j'approuve fort la conduite que vous
avez tenue. » Il semble même que ce soit Murât qui ait inspiré à
l'Empereur l'idée de l'entrevue de Bayonne ; il lui en montre les
conséquences par ces simples mots :... « L'Espagne se trouverait
inévitablement sans roi, puisque le père aura abdiqué, et que
vous serez le maître de ne pas reconnaître le fils que l'on peut
regarder comme un usurpateur. » C'était bien raisonner. Cet
« impulsif » était doué de beaucoup de finesse. Il y joignait un
goût de l'intrigue qui fitsa perte. Le capitaine G. le juge aussi
comme « insouciant » ; ce fut bien là son moindre défaut : Murât,
au contraire, se rongeait perpétuellement, et se faisait souci de
tout. Sa correspondance reilète l'état de son esprit, constamment
inquiet et agité. La recommandation la plus pressante sur latjueile
Caroline revient toujours auprès de son mari est de vivre dans le
présent au lieu de se préoccuper de l'avenir.
Cette petite erreur de psychologie, résultat d'une généralisation
excessive, n'enlève rien à la valeur de l'œuvre si consciencieuse
du capitaine G. C'est un plaisir de suivre son exposé toujours clair
et plein de vie, malgré la complication des événements. Il a le
lîIlil.IOOliAl'HIE 119
smici de la roruie, et on ne saurait lui en savoir trop de gré. Le
public goûtera ce livre qui se Ht lacilement et dont la présentation
typographique est irréprochable. Les crudits en apprécieront la
niélhode, le fonds solide, la documentation siîre, et trouveront
dans les notes et dans les annexes de quoi satisfaire toutes leurs
curiosités.
A. T.
Capitaine Vid.vl de la Bi.ache, L'évacuation de l'Espagne et l'in-
vasion dans le Midi (1813-1814). Paris, Berger-Levrault. 1914.
Deux vol. in-8 de 596 et (511 pages, avec cartes.
Le capitaine Vidal de la Blachc peut à bon droit s'enorgueillir
du grand et beau travail qu'il vient de terminer. La tâche qui lui
incombait était hérissée de difficultés qu'il a surmontées de façon
magistrale en nous donnant un récit complet, aussi impartial
qu'attrayant, de la triste période qui commence au lendemain de
Vitoria pour se terminer à l'armistice du 18 avril 1814. Faute de
place, nous ne saurions suivre pas à pas le capitaine Vidal de la
Blache dans les onze chapitres dont se composent ses deux gros
volumes. Qu'il nous suffise de dire qu'il n'a rien omis, rien laissé
de côté de ce qui peut faire la lumière sur les dernières tentatives
de résistance en Navarre et dans les pays basques, sur les batail-
les de Sorauren et de San-Marcial, sur les opérations de Suchet
en Aragon et en Catalogne, sur la bataille de la Bidassoa, la red-
dition de Pampelune, la bataille de la Nivelle et la retraite sur
Bayonne. Grâce à son récit clair et précis, à l'exposé qu'il fait du
traité de Valencaj' et de ses conséquences, on comprend l'im-
puissance, les causes de la retraite de Suchet alYaibli parles trou-
pes qu'il lui faut envoyer à Augereau en même temps qu' on se
rend un compte exact de la situation politique, militaire et ma-
térielle dans le Midi de la France. Après avoir décrit de main de
maître les batailles de Saint-Pierre-d'Irube et d'Orthez, le pas-
sage de l'Adour et le blocus de Bayonne, le capitaine Vidal de la
Blache consacre l'un des meilleurs et des plus intéressants chapi-
tres de son livre à l'exposé de l'état des esprits dans le Midi, à
l'examen des intrigues, des menées qui ont été les causes déter-
minantes de l'ordre donné par Wellington à Beresford, de la
marche et de l'entrée des Anglais à Bordeaux où ils furent reçus
avec un enthousiasme qui contraste avec l'attitude plus digne et
plus patriotique des populations des Basses et des Hautes-P^-ré-
nées et surtout de la Haute-Garonne, auxquelles l'auteur se
120 REVLF. IIISTOIUQVE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
plaît à rendre hommage en même temps que, dans son dernier
chapitre, il nous conduit d'Orlhez à Toulouse.
Comme dans les autres travaux de la Section historique, des
états de situation, des cartes et l'indication détaillée des sources
manuscrites et imprimées auxquelles l'auteur a puisé, sont an-
nexées à ce travail, qui fait le plus grand honneur au capitaine
Vidal de la Blachc.
On peut seulement regretter qu'il n'y ait pas joint un Index
qui aurait singulièrement facilité les recherches de tous ceux qui
auront à consulter ces deux volumes.
M. H.
E. U'elveut, Napoléon et la Police sous la première Restauration,
d'après les rapports du Comte Beugnot au roi Louis XVIII. Paris,
Roger et Chernoviz, 1913. ln-8de vii-i}27 pages.
On ne saurait trop remercier ^I. E. Welvert d'avoir suivi
l'exemple si heureusement donné par M. Ernest d'Hauterive et
d'avoir eu la bonne idée d'extraire des papiers du comte Beugnot
(qu'on peut aujourd'hui consulter aux Archives Nationales) tout
ce qui a trait à la surveillance de l'île d'Elbe et surtout de son
souverain. Ce travail, fait avec un soin tout particulier, avec l'exac-
titude qui est l'une des qualités de son auteur, rendra d'inappré-
ciables services à tous ceux qui s'occupent de l'histoire de cette
grande et inépuisable période, et encouragera, espérons-le, des
imitateurs de MM. d'Hauterive et Welvert à s'engager à leur tour
dans la voie qu'ils leur ont magistralement tracée et à faire sortir
des dossiers des Archives Nationales une foule de documents
que tout le nîonde n'a ni le temps ni la possibilité d'aller recher-
cher à l'ancien hôtel de Soubise.
Encouragé par l'accueil qu'on a fait à ce volume, M. Welvert
se décidera peut-être à nous donner, un de ces jours, les bulletins
de la Police pendant les Cent-Jours. Il j' a tant à glaner, on ne
saurait trop le répéter, dans les trésors enfouis dans les cartons
des Archives Nationales !
M. H.
Livres nouveaux
La Restauration de la Ré])ubli(]uo de Genève, 1810-1S14.
Témoignages de contemporains recueillis par Lucien Achard et
UIBLI0GRAPH11-; 121
Edouard Faure. Genève, Julllen, 1914. Deux vol. in-16, avec
illustr. ; 7 fr. — Recueil des Actes du Comité de salut public,
publié par F. A. Aulard. Tome XXIII (21 floréal-14 prairial
an III). Paris, Leroux, 1914. In-8> de 877 p. — T. Baldi, Un
episodio délia politica ecclesiastica di \apoleone. F"irenze, Seeber,
1914. In-16 de 129 p. — José Belda Carreras, Estudio historico-
critico del sitio de Cadiz (1810-1812;. Madrid, Tip. delà Revista
de Archivos, 1913. In-S de 44 p. ; 1 tr. — l)'' Albert Bernard,
L'émigré Maillart de Langres et la vente de ses biens. Reims,
Matot, 1914. In-:S de 16 p. avec grav. — Blauco-White, Souve-
nirs d'un proscrit espagnol réfugié en Angleterre (1810). Tra-
duction de François Roisseau. Paris, Champion, 1914. In-8 de
136 p. — Abbé Louis Blazy. La première tournée pastorale
après la Révolution : 1 Archevêque Primat dans l'Ariège en 1807.
Foix, Imp. Fra, 1914. In-8 de 24 p. — Général H. Bonnal, La
vie militaire du maréchal Ney. Tome III. Paris, Chapelet, 1914.
In-8, avec cartes et portraits ; 15 fr. — Capitaine de Bontin et
lieutenant Cornille, Les volontaires nationaux et le recrutement
de l'armée pendant la Révolution dans l'Yonne. Auxerre, Impr.
Gallot, 1913. In-8 de 464 p. — Abbé Emile Bouchez, Le Clergé
du pays rémois pendant la Révolution et la suppression de l'ar-
chevêche de Reims (1789-1821). Reims, Monce, 1913. In-S de
592 p. — Jean de Bourgogne, Un comédien d'autrefois (1750-
1822 . Paris, Grasset, 1914. In-8 ; 3 fr.50. — P. BressoUes, Ber-
nard-.\ntoine Tajan (1775-1845) et le barreau toulousain au len-
demain de la Révolution. Toulouse, Privât, 1913. In 8 de 47 p.
— Abbé A. Bresson, Les prêtres de la Haute-Marne mis à mort
pendant la Révolution. Langres, Impr. champenoise, 1914. In-8
de x-205 p., avec pi. — Général Bro, Mémoires (1796-1844), re-
cueillis, complétés et publiés par son petit-fils le baron H. Bro
DE CoMÈRES. Paris, Pion, 1914. In-8 de 314 p. ; 5 fr. — A. M.
Broadley, The journal of a British Chaplain in Paris during the
peace negotiations of 1801-1802. London, Chapman, 1913. In-S
de 336 p. ; 18 fr. 75. — R. Broekhuizen, Meppel in 1813. Mep-
pel, H. ten Brink, 1913. In-S de 80 p. et fig. ; 1 fr. 25. — Général
Camon, La fortification dans la guerre napoléonienne. Paris,
Berger-Levrault, 1914. In-8 de xvi-93 p. ; 2 fr. — Lieutenant L.
Caresnie, Bonaparte lieutenant en second. Paris, Berger-Levrault,
1914. In-8 de 65 p., avec pi. et croquis ; 2 fr. — Rapports des
agents du ministre de l'intérieur dans les départements (1793-an
II), publiés par Pierre Caron, Tome I. Paris, Leroux, 1913. In-8
de xLiv-535 p. — Pierre Caron, Paris pendant la Terreur. Tome
122 REvrE HISTORIQUE DE I.A RÉVOLUTION FRANÇAISE
Il (()-27 nivôse an II). Paris, Picard, 1914. In-8 de 404 p. ; 8fr.—
G. Caso, La carbonena di Capitanata (dal liSHJ al 1.S20) ncila sto-
fia del risorgimento italiano. Napoli, Picrro, 1913. In-S de 120
P- — E. Castre, Le Conseil général des Hoiiches-dn-Rhône ;
analyses el extraits des délibérations ( liS00-](S38). Marseille, Inipr.
Aschero et Vial, 1912. In-8 de x-343 p. ; 6 fr. — François Cha-
bot, A ses concitoyens qui sont les juges de sa vie politique (plu-
viôse an II). Publié par A. Mathœz. Paris, Leroux, 1914. In-8
de 94 p. ; 2 fr. 50. — Léon Cheinisse, Les idées politiques des
lihysiocrates. Paris, Rousseau, 1914. In-8; 5 fr. — Christian Cher-
fils, Bonaparte et l'Islam. Paris, Pedone, 1914. In-8, avec pi. ; 8
fr. — Arthur Chuquet, L"année 1814. Paris, Fonlcmoing, 1914.
In-8; 12 fr. — Arthur Chuquet, Etudes d'histoire (Septième série).
Paris, Fontemoing, 1914. In-18 ; 3 fr. 50. — Capilainn von Colomb,
Carnet de campagne d'un officier prussien (1813-1814). Traduit par
le commandant Minart. Paris, Berger-Levrault, 1914. In-16 de
xxiv-307p., avec croquis; 3 fr.50. — A. Content, Les idées écono-
miques et financières du comte du Buat-Nancay (l~i)2-1787). Poi-
tiers, Impr. Basile, 1914. In-8 de 121 p. — J. Cornillon, Vente
des biens nationaux. III. Moulins, Grégoire, 1913. In-S de xiv-
2()ô p. ; 7 fr. 50. — Souvenirs d'un officier de gendarmerie sous
la Restauration, publiés et annotés par le vicomte Aurélien de
Courson. Paris, Pion, 1914. In-16 ; 3 fr. 50. — Dauphin Meunier,
Louise de Mirabeau, marquise de ("abris. Paris, Emile-Paul, 1914.
In-8, avec illustr. ; 5 fr. — .lacques Delebecque, La première Res-
tauration et les « fourgons de 1 étranger ». Paris, Nouvelle Librai-
rie nationale, 1914. In-16 de 128 p. ; 1 fr. 50. — Comité des tra-
vaux historiques et scientifiques. Notices, inventaires et docu-
ments. I. Dociimenls sur l'histoire religieuse de la France pen-
dant la Restauration, 1814-1830. Paris, Rieder, 1913. In-8 de 273
p. ; 7 fr. 50. — Faustin Foiret, Les Dunois devant le tribunal
révolutionnaire de Paris. Chàteaudun, Impr. de la Société typo-
graphique, 1913. In-8 de 32 p. — A. Forest, Pierre-Paul Prud'hon,
peintre français (1758-1823). Paris, Leroux, 1913. In-Ui de viii-234
p. et fig. ; 3 fr. 50. — Fa\. Fueter, Histoire de l'historiographie mo-
derne. Traduit de l'allemand par Emile .Ieaxmaire. Paris, Alcan,
1914. In-8 de vii-785 p. ; 18 fr. — Léon Gauthier, Les émigrés
de la Haute-Saône d'après les cartons F' 5579 à 55.87-' des Archi-
ves Nationales. Gray, Impr. Gilbert Roux, 1913. In-8 de 24 p. —
L. Ginetti, La Rivoluzione francese. Milano, Vallardi, 1913. —
(>omte de Girardin, Iconographie des œuvres de Jean-Jacques
Rousseau. Paris, Eggimann, 1913. In-8 de xii-2t)3 p. et 12 pi. ;
i!iiii,iof;iiAi'iiiE 123
'il) IV. — (lluinoiiie M. Gi'aniei", Ia' dcrnit'i- c-vcciuc de Bcziers,
M,ii;r Aymard-Claïule de Xieolay en exil (1791-1815). Béziers,
Imp. Barllie, 1913. In-S de xiv-ri4 p. — Capilaine Gravier, Les
opération.s dans la Vienne de la levée de 30.U00 hommes de cava-
lerie. Les Cavaliers jacobins. Poitiers, Imp. Roy, 1914. In-8 de
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miiller, 1913. In-S de vn-311 p.; 5 fr. — R. Hohenemser, Luigi
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BIlîI.IOdHAI'HIE
12!i
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1 horloger Charles-Guillaume NauendorlT, prétendu fils de Louis
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mentale de l'Yonne de 1790 à 1800. Tome VU (11 tloréal an II-
15 fructidor an III). Auxerre, Impr. de « l'Indépendant auxer-
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Officiers de la Grande Armée originaires du département de
l'Yonne. Auxerre, Impr. Gallot, 1913. In-8 de 39 p. — R. 'V. C,
Notes sur l'histoire militaire delà Drôme (1791-1793). Paris, Ber-
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26. August und die Verfolgung ijis zuni 1. Septemher 1813. Ber
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Comité des travaux historiques et scientifiques. Notices, inven-
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Rieder, 1914. In-8 de xx-579 p. ; 7 fr. 50. — Henri Stein, La So-
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Impr. Daupeley-Gouverneur, 1913. In-8 de 43 p. — Henri Stein,
Une manufacture à l'hôtel Soubise sous Napoléon I'''. Nogent-le-
Rotrou, Impr. Daupeley-Gouverneur, 1913. In-8 de 18 p., avec
pi. —A. de Tarlé, Murât. Paris, Chapelot, 1914. In-16 de 166 p.,
avec illustr. ; 1 fr. 50. — F. Thomas, La Révolution et les FF.
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rité, 1913. In-8 de vi-199 p. — De Tilly, Souvenirs d'un page de
Marie-Antoinette. Paris, Emile-Pnul, 1914. In-lS de xxxiii-288p.
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Mans, De Saint-Denis, 1914. In-8 de 146 p. et pi. — R. Triger,
Une prison du Mans pendant la Révolution : La maison d'arrêt
de l'évèché. Le Mans, De Saint-Denis, 1914. In-8 de 69 p. et pi.
— Œuvres de Turgot, publiées par G. Schelle. Tome II : Turgot
intendant de Limoges (1761-1767). Paris, x\lcan, 1914. In-8de 719
p., avec portr. ; 12 fr. — C. Vacher de Lapouge, Necker écono-
miste. Paris, Rivière, 1914. In-8 de 316 p., avec portrait ; 8 fr. —
Général vicomte Vionnet, Souvenirs, publiés par A. Lévi (1812-
1817). Paris, Dubois, 1913. In-8 de vn-407 p. ; 7 fr.50. — Paul
Wentzke, .lustus Gruner (1777-1820), der Bcgriinder der preus-
sischen Herrschaft im bergischen Lande. Heidelbcrg, Winter.
In-8 de viii-68 p., avec illustr. — Harold F. B. Wheeler, The
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Napoléon. London. Jack, 1913. In-8 de 498 p. et fig. ; 9 fr. 40. —
Basil Williams, The life of William Pitt, Karl of Chatham. Lon-
don, Longmans, 1913. In-8 de 420 et 430 p. ; 31 fr. 75. — M.
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lution vom 3. Mai 1791. Berne. I11-8 de 117 p.
PÉRIODIOl ES
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littérature. — lô mars : Louis Rac.z, Le voyage de Montesquieu
en Hongrie.
Amateur d'autographes (L'). — Xoi'cmbre J913 : Un poète
sous le premier Empire : Extraits inédits du journal et de la
correspondance de Pierre Lebrun (fin en décembre) [ces lettres
et fragments vont du 6 janvier 1807 au 15 octobre 1812] ; Les
manuscrits de Rousseau de la Chambre des députés. — Décem-
bre : Une lettre inédite de Chateaubriand [adressée à Elisa Bo-
naparte, 12 messidor an XL ; Le prince Eugène et Madame Tal-
lien [en fruciidoran VHI]. — Janvier l!)li : R. B., Le budget de
l'artillerie en 1813. — Février : Cl. Periîoud, Lettre de Buzot à
Brissot [datée du 10 avril 1791) ; Quelques documents sur le
père de Sainte-Beuve [le premier de ces documents est de 1786,
les quatre autres de 1791] ; Le général Haxo et l'Institut [9 no-
vembre 1829] ; La reine Hortense, le colonel de Brack et le poète
Lebrun [1829-1830].
Amys du 'Vieux Dieppe (Les). — 11(191,3): H. Hliion, Un
général dieppois de la Révolution et de lEmpire [général baron
(irégoirc Delaroche, 1767-1845].
Anjou historique (L'). — Novembre-décembre 1913 : Bannis-
sement en Espagne des prêtres manccaux et angevins (1792) [ré-
cit anonyme écrit le 5 mai 1793 et déjà publié par la Bévue de l'An-
jou en 1853] ; Le représentant du peuple Philippeaux en Maine-
et-Loire (1793) ; M. Bretonnier, vicaire au Vieil-Baugé, guillotiné
à Angers [arrêté à Chalonnes-sur-Loire le 26 octobre 1793, il fut
condamné à mort et exécuté le 4 novembre suivant| ; Les traités
de La Jaunaye, de La Mabilais et de Saint-Florent-le-Vieil [1795] ;
Enquête administrative sur le clergé insermenté de Maine-et-
Loire(mars 1796) ; Bonaparte, Hédouvilleet Bernier (1799-1800);
L'I'2cole secondaire de Saint-Nicolas à Angers (1800-1806) ; L'en-
128 UKVIH IIISTOIUQUE DE LA RÉVOLUTION KHANÇAISE
lèvenient du sénateur Clément de Ris et le tribunal d'Angers :
histoire et légende (1801 ); Inauguration du portrait de l'Empe-
reur à Angers (ISOS)). — Janvier- fci^rier 191i : Les carriers d'An-
gers en 1790 [documents extraits du registre des délibérations de
la municipalité d Angers] ; Larévellière-Lépeaux dans la Vendée
angevine (1792) ; Deux commissaires parisiens à Saumur (mai
1793) [Minier, officier municipal de Paris, et La Chevardière,
vice-président du département de Paris] ; Le général Decaen et
la guerre de Vendée ; Le siège d'Angers (3-4 décembre 1793) [ex-
trait du rapport adressé le 6 décembre 1793 par le Conseil géné-
ral du département de Maine-et-Loire à la Convention] ; Six
Vendéens guillotinés à Angers le 24 janvier 1794 ; Jullien (de
Pnris) ù Angers (3 février 1794) ; Assemblées révolutionnaires
à Brissac (1" et 6 mars 1794) ; Avant et après le traité de La Jau-
naye (1794-1795) ; Le département de Maine-et-Loire (mars
1797) [compte rendu de l'administration centrale du département
de Maine-et-Loire publié par elle le 20 mars 1797'; Les vicaires
généraux d'Angers (1832).
Annales de Bretagne. — Avril il)H : Nouveaux documents
sur La Mennais ; Albert Mousset, Nicolas Delvincourt et le No-
biliaire de Bretagne ; René Durand, Le prix des grains à Guin-
ganip sous la Révolution ; E. Sevestre, Le clergé breton en
1801 d'après les enquêtes préfectorales de l'an IX et l'an X con-
servées aux Archives nationales.
Annales de la Société académique de Nantes et de la Loire-
Inférieure. — IV {U)i:l) : Velasque, l'ne administration révolu-
tionnaire inconnue : la commission civile et administrative et les
colonnes infernales.
Annales du Comité flamand de France. — A'A'A'7 {191:1): Cha-
noine Camille Looten, Histoire de Annc-Louis-Alexandre de
Montmorency, prince de Robecq, lieutenant général des armées
du roi, commandant en chef dans les F'iandres, le Hainaut et le
Cambrésis (1724-1812).
Annales fléchoises et la Vallée du Loir (Les). — Novembre-
drcembre lUt'.l : F. L^zureau, Variétés fléchoises (1773-1776).
Annales rethéloises. — U)i:i : H. Baudon, Passage à Rethel
de l'impératrice Joséphine.
Annuaire du diocèse d'An-as. — Ulli: E. Foulon, l'n prêtre
réfractaire [l'abbé François Brasseur].
Apulia. — IV (l!>i:S), fuse. .'»'-'/ : Ida Ghisalberti, Le condi-
zioni général! del Napoletano c gli avvenimenti del 1848 in
Terra d'Otranto ricostruiti sui processi politici.
pÉRioDiyrES 121)
Archeografo triestino. — A'A'A'\' (VJV.l): B. Zh.iotto, Tre-
cenlosessantasel lettere di Gian Rinaldn C.arli capodistriano, ca-
vale dagli original! ed annotate 1 17U'2-179r)| ; A. Beiîlam, Il veterano
napoleoiiico cav. Bartolomeo Bertolini, scrillore di memorie e
maestro di scherma.
Archives historiques de la Champagne et de la Brie. — "■20 jamner
]!)}'f : Maurice M.villard, La bataille de Cliampaubert (10 février
1814) ; Le soir de Champaubert (lettre d'un témoin, Hémart,
publiée par le Journal de la Marne le 30 juillet ISBô]. — 20
jéinier : Virguin, Le bombardement de Chàlons (4 lévrier 1814);
Octave Beuve, Le commerce et l'industrie dans l'Election
d'Épernav' à la veille de la Révolution : Rapport des députés
composant le Bureau intermédiaire de l'élection d'Epernay, sur
les différents établissements qui peuvent intéresser le commerce
de cette élection (30 juillet 1788). — "20 mars : E. Loppin, Lettres
de Jacobins : Correspondance des Sociétés populaires de la ré-
gion avec la Société populaire de Chàlons [lettres émanant des
Sociétés populaires d'Aigny, d'Anglure, d'Avize, d'Ay, de
Bisseuil et de Bourbonne-les-Bains].
Archives historiques du diocèse de Chartres. — 19V> .■ Abbé G.
Sainsot, Une correspondance chartraine pendant la Terreur ;
Abbé G. Sainsot, Voyage d'émigration d'un prêtre chartrain
(1792-1810) ; Abbé G. Sainsot, Evasion de prisonniers à Chartres
en 1793.
Archivio délia R. Societa Roniana di Storia Patria.— A'A'A' Vl(U)Vi),
3-i: Celani, I preliminari del Conclave di Vene/.ia (1798-1800).
Archivio per l'Alto Adige. — VIII (l!)i:>), 1 : Eugenio de Rossi,
Avvenimenti militari nel dipartimenlo délia Piave durante il 1809.
Archivio storico délia Calabria. — I (l!)!.")), (> : D. Corso, L'asse-
dio di Amantea nella insurrezione calabrese del 1806.
Archivio storico per le provincie parmensi. — A7// (/.v/.i) .• G. P.
Clerici, Bodoni grande elettore.
Ars et Labor [MilanJ. —A'// {Wt:',). 12 : Mokazzoni, Il cen-
tenario di Grétry.
Art décoratif (L"). — Nooembre IDl.'i : H. Blffknoir, Les por-
traits authentiques de J.- J. Rousseau.
Art et les Artistes (L'). — Juillet 191:1 : Léandre Vaillat, Le
château de Coppet ; Paul Bayle, Les salons sous le Directoire.
Au Pays virois. — 1913 : Jean Porqiet, Notes sur Bertrand
Porquct, curé constitutionnel de Notre-Dame de Vire (1800-
1802) ; P. NicoLLE, Les mésaventures d'un prêtre marié : De-
mary, curé de Champ-du-Boult..
BEV. IIIST. DE H BLVOL. 9
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dans la poésie ; E. Kipa, Les tentations de Poniatowski en
1809. — Janvier 1911 : Z. Bujakowski, L'histoire d'un article en
1830 ; T. BiECHONSKi, Les bourses d'études au début du xix= siè-
cle.
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de Vaud et l'entrée des Alliés en Suisse.
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d'Orlodot (17r)t)-1816) : E. Sévestre, Enquêtes sur le clergé, de
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de cette paroisse, député du clergé en 1789.
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sous Louis X^'I ; K. Grave, Une lettre inédite de Lavoisier(1783).
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temps, 17Ô3-1811].
Bulletin de la Société Gorini . — Janvier 1914 -.D'CReboil,
Un curé en Bresse pendant la Révolution : Notice sur P. Reboul.
Bulletin de la Société historique et archéologique de Corbeil,
d'Etampes et du Hurepoix. — 1913 -. Le rétablissement du culte
à Corbeil en 1795.
Bulletin de l'Institut catholique de Paris. — "23 décembre 1913 :
Histoire de la Révolution (Cours de M. Gustave Gautherot)
(suite les 23 jcmvier, 23 février cl 23 avril 191 i).
Bulletin de l'Union Faulconnier. — A'V7 (1913) : E. Lecluse,-
Le théâtre à Dunkerque sous la Révolution [1790-1798] ; Plaintes,
doléances et remontrances de la confrérie de Saint-Georges de
Dunkerque, remises à leurs députés à 1 hôtel de ville, le 24 mars
1789.
Bulletin d'histoire économique de la Révolution. — 1912, n" 2 :
P. Carox, Le mouvement antiseigneurial de 1790 dans le Sarla-
dais et le Quercy ; V. Forot, Les travaux d'établissement de
la manufacture d'armes de la Montagne, à Tulle ; G. Bourgin,
Coalitions agricoles en l'an H et en l'an HI ; P. Caron, Les
subsistances dans le canton de Rugles (Eure), au début de 1794.
Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie du diocèse de Quim-
per-Léon. — 1913 : J.-M. Pilven, Mgr Dombidau de Cronseilhes
et la restauration du culte dans le diocèse de Quimper (1805-
1823).
132 RF.VL'E HISTORIQVF, DE LA RÉVOLUTION" FRAXÇ AISIC
Bulletin du Comité flamand de France. — lilL'i : l\. Giard,
L'église de Verlinghem pendant la Révolution.
Bulletin du Musée historique de Mulhouse. — A'A'A' VI i li)i:]i -.
Jean Baumgartner, Mémoires, 1811-1813 ; P. Stœbeu, Lettres
d'un officier, d'origine alsacienne, ayant servi dans la Grande
Armée (1809 et 1S12).
Bulletin et Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-
Nord. — LI (li)t:]) : R. Dlranu, LHôtel-Dieu de Tréguier à la
veille de la Révolution.
Bulletin polonais [Paris]. — /.) avril 191i : Ch. Bhzezicki,
Les Polonais pendant la campagne de France de 1814.
Bulletin trimestriel de l'Académie des sciences, belles-lettres et
arts de Besançon. — !'• Iriiueslrc Ull'i .- Général Giillin, Le maré-
chal Moncey, son caractère franc-comtois.
Cahiers du Centre (Les). — Janvier 191 't : Paul Destray, Cor-
porations et métiers de Clamecy à la fin du xviii'' siècle.
Carnet de la Sabretache. — Décembre 1913 : Campagnes et
souvenirs militaires de Jean-Auguste Oyon (1783-1852) (suite en
janvier et février 1914) ; O. Hollandfr, L'étendard de l'escadron
de Napoléon à l'ile d'Elbe (1814-1815); Marquis de Gain, Le général
baron Goullus (1756-1814). — Janvier 191i : G. Cottreau, Grena-
dier à cheval de la maison militaire du Roi (1814-1815) ; Comman-
dant E. Cazalas, Une cuisine roulante à la Grande Armée en
1812 ; Colonel Eleurv, Monuments comménioratifs de la campa-
gne de 1814 à Reims. — Février : Général Daudignac, Un officier
d'état-raajor sous Louis XVI ; G. Cottreau, Le colonel baron
Feisthamel, commandant de la Garde municipale de Paris (1831-
1839). — Mars : A. Depréaux, Souvenirs militaires de Pierre
AuvraN-, sous-lieutenant au 23' régiment de dragons (1807-1815)
(suite en avril) ; A. Depréau.k, Un souvenir de chevau-légers
polonais de la Garde (1814). — Avril : Commandant V. Fanet, Le
l" Régiment des Gardes d'honneur (11 juin 1813-14 juillet 1814) ;
Commandant E. Martin, Le colonel d'artillerie Belly de Bussy,
aide-dc-camp de Napoléon h' (17(58-1848) ; G. Cottreau, Nomi-
nation de deuxième porte-aigle (1808-1814) ; G. Cottreau, La
coiffure du colonel de la Garde de Paris sous Louis-Philippe.
Chronique médicale (La). — 1" janvier 1911 : D' Lebeauimn,
Voltaire et les médecins, à propos de « L Ingénu » ; Le tempéra-
ment de Robespierre. — 1"' mars: D'' Max Billard, L embaume-
ment du maréchal Bessicres ; Le médecin de Robespierre ; Com-
ment on devenait médecin il y a cent ans. — /'' avril : Le dernier (?)
PÉRIODIQUES 133
mol sur hi mort de J.-J. Rousseau; Le centenaire de Guillo-
lin ; La simuhition des maladies sous la Terreur.
Ciel et Terre [Bruxelles]. — A'A'A'/V (1913) : Corn. Rochette,
Observations physiques faites à Spa en 1792.
Conférences. — (> novembre 1913 : E. Labei.le, Les écoles
sous la Révolution française. — // décembre: G. Benoist, Une
« gloire laïque » : Denis Diderot. — .) février 191 i : Boyer
d'Agen, a propos d'un centenaire (janvier 1814-janvier 1914) :
Pie VII et Napoléon L'. DeSavoneà Fontainebleau. — 12 Mars:
E. Hcox, Une lamentable expérience : la morale « républicaine »
sous la Révolution.
Conférencier populaire (Le). — l'> décembre 1913:3. Donten-
viLLE, L'Eglise et l'instruction primaire avant la Révolution.
Contemporains (Les). — i jamner 191^ : Comtesse de Cour-
son, Duchesse d'Abrantès (1784-1838). — 11 jamner : E. Aimont,
Bernard de Marigny, général vendéen (1754-1794). — 15 février :
P. Jai.lais, Frochot, premier préfet de la Seine (1761-1828). —
-2'2 février : E. Huox, Chabrol de Volvic (1773-1843), gardien de
Pie 'VU à Savone, préfet de la Seine. — <S mars : E. Huon, Baron
d'Hausse/. (1778-1854), homme politique, ministre de la marine.
— 22 mars : Fiercœur, Madame, comtesse de Provence (1753-
1810). — 29 mars : Commandant L. Auoer, Comte de Las-Cases
(17()(5-1842), compagnon d'exil de Napoléon à Sainte-Hélène. —
,') avril: F. Normand, Général baron Gourgaud (1783-1852), com-
pagnon d'exil de Napoléon à Sainte-Hélène. — 2<i avril: Com-
dant L. AuGER, Général Bertrand (1773-1844), compagnon d'exil
de Napoléon à Sainte-Hélène.
Correspondant (Le). — 25 jamner 191 'i : Fortunat Strowski,
Les aventures de Bernardin de Saint-Pierre. — 25 février : Marc
de Germiny, Les derniers combats de la marine du premier Em-
jjire. — lu mars : F'rançois LaurentiE, Le cas de M. Aulard ;
.1. Lacaze Bastard, La première journée de la Restauration à
Bordeaux (12 mars 1814). — 25 mars : Fernand Caussv, Les ma-
nuscrits de Voltaire à Saint-Pétersbourg ; Edouard Gachot, Mar-
mont a-t-il trahi devant Paris?
Deutsche Militsermusikerzeitung. — A'A'AT (1913). 30 : Die
Militiernuisik vor hundert Jahren.
Deutsche Rundschau. — XL (19i:i). 2 : G. Dickirth, Das Ende
(ier Fremdherrschaft in Deutschland ; W. v. Einsikuel, Aus den
Aufzoichnungen cines sœchsischen Ofliziers, 1812-1813; J. Ben-
lu m, Schiller und Rousseau.
Enquêtes sur la Révolution en Côte-d'Or. — / (1910-1913) :
134 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
L. EiSENMANN, Sur la géographie administrative de la Bourgogne
à la fin de l'aneicn régime ; H. Chabecf, Le district d'Is-sur-Tille
pendant la Révolution ; Recherches faites par MM. les instituteurs
dans les Archives communales de la Côte-d'Or sur l'état de
l'agriculture à la fin du xvin" siècle; L. Hugueney, Une nouvelle
contribution à l'histoire des clubs dijonnais : P. Destra-ï, L'état
économique de la Bourgogne à la veille de la Révolution, d'après
trois mémoires officiels ; F. Boissard, La disette de 1788-1789 à
Saint-Jean de Losne et dans son ancien bailliage ; L. Simon,
L'arrêt du Parlement de Dijon du 29 juillet 1775; Henri Drouot,
Les impositions à Dijon aux approches de la Révolution ; Assem-
blée générale des habitants de la ville d'Auxonne (11 janvier 1789);
Léon Simon, Les subsistances à Dijon de 1789 à 1794; F. Claudon,
Journal de la réunion des trois ordres du bailliage de Dijon, tenue
à Dijon (mars-avril 1789).
Enskal-Erria. — 30 août 191:^ : Manifiesto publicado en 1813
sobre la conducta de las tropas asallantes (suite les /.) et .'>() sep-
tembre).
Etudes. — .l mars 191 i : Pierre Bliard, Deux municipalités
vendéennes aux jours de la Terreur.
Feuilles d'histoire. — 1" janvier 191 ^ : A. Chuquet, La Pu-
celle normande ; P. B.\rt, Les frères Frey (suite les P' février et
7'^'' mars); A. VovARD, L'affaire Couronnât; V.. Welvert, Une
lettre de Bourmont ; G. Vauthier, Les correspondants de Daunou ;
F. Grenier, Les derniers jours de Napoléon. — 7^'' février : E.
Welvert, Le dossier d'émigration de Théodore de Lamcth; A.
Grun, Poultier d'Elmolte ; P. Holzhausen, Le Maréchal Davout
à Hambourg (suite les 1"'' mars et 1" avril). — /'"'' mars: E. Wel-
vert, La fin d'Adrien Duporl ; J. Durieux, Le voltigeur Arnaud
Durand; A. Biovès, 1813-1814 (Souvenirs du capitaine Maurice);
A. Chuquet, Le général Gressot ; A. Grun, Pons de Verdun. —
1''' avril: M. Marion, Philippeaux et l'assiette de l'impôt; R. Reuss,
Août 1793 : Le Bas-Rhin à la veille de l'invasion ; F. Larcheh,
T..e grand-père de Sardou; G. A'authier, Le personnel des èeol(■^
centrales; E. Welvert, Les malheurs de Pierre-Jean Audouin.
Figaro (Le), supplément littéraire. — ISavril 191 i : Paul et Mar-
tial <le Phadkl de Lamase, Nouvelles notes intimes d'un émigré.
France-Italie. — 1"' mars 191 'i: Benjamin Crémieux, L'opinion
frani,"aise et l'Italie vers 1840. — /''' avril: B. Mainkri, Musiciens
italiens à Paris: Les Piceinni avei- un- leltre de Nicolas Piccinni,
adressée au minisire de l'Intérieur le 21 messidor an VU'. — /''■■
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PÉRIODIQUES 135
Freie Wort (Das). — A77/(7,0/.'J), /;} : M. Esch, Denis Diderot.
Fribourg artistique. — .Juillet l!)i:> : Fr.' Ducrest, Prisonniers
autricliiens à Fribourg en 1799.
Fureteur breton (Le). — Octobre-novembre 1913 : P. Hémon,
Le eellisnic de la Révolution. — Février-mars 191 i: L. Dubreuil,
La servante de Chateaubriand ; Le Mercier d'Erm, Sans-culottes
de Landivisiau.
Hessische Chronik. — Janvier 191 't : Ainalie Sch.edel, Kriegs-
drangsale in einem oberhessischen Pfarrhaus vor 100 Jahren.
Intermédiaire des chercheurs et curieux. — 10 janvier 191i :
Le serment demandé aux victimes de Septembre ; Mort de
Voltaire. — 10 janvier: Louis XVH, sa mort au Temple, docu-
ments inédits ; Opinion des Américains sur la Révolution ; La
veuve du maréchal de Richelieu et Napoléon (suite le 30 mars) ;
Danton et ses descendants. — 10 février : Les prêtres constitu-
tionnels et les sacrements (suite le 2tS' février) ; Le tableau de
David « La mort de Michel Le Peletier ». — "28 février : La dé-
fense de Montmartre en 1814. — 10 mars : La Révolution de 1830
au Collège d'Orléans. — 20 mars : Murât, marguillier (suite le 10
avril) ; La fille de la Du Rarrv'. — 30 mars : La statue de Louis
XII à Blois en 1792 ; Napoléon à Leipzig ; Les trois fils de Bris-
sot ; Le maréchal Davout, duc d'Auerstœdt. — W aor// .■ Mariage
de Louis XVI ; Noyades de Nantes. — 30 avril : Le convention-
nel Duhem ; Larcvellière-Lépeaux ; Les papiers de Fouché.
Journal des sciences militaires. — // avril 191't : Lieutenant
Pevronnict, Ceux qui ont étudié Napoléon (suite les 18 avril, 2, 9
et 16 mai).
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K. R. Simon, Les cahiers des paroisses des bailliages d'Orléans
et de Blois en 1789.
Kartell-Zeitung. — A'A'A' (1913) : Rath, 'War Gœlhe musika-
lisch ?
Lancet(The). —11(1913) : L. Guthrie, Did Napoléon Bona-
parte sull'er from hypopituitarism (dystrophia adiposo-genitalis)
at close of his life ?
Lectura (La). — Janvier 191i : J. Dei.eito y Piôuela, Sitio y
destruccion de San Sébastian, 1813.
Lectures pour tous. — /«■décembre 1913: Marquis de Ségur,
Jean-Jacques Rousseau à Ermenonville. — 1" janvier 1914 : F.
Massox, Napoléon et son fils. — 13 février : G. Lenotre, Trois
étapes de Napoléon à Bricnne.
Légitimité (La). — Janvier 191 'i : H. Provins, La question
136 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Louis XVII au tribunal : les « Naiindorff » sont des Bourbons ;
Y. CiiANTELYS, Naundorff et les anciens serviteurs de Louis XVI
(suite en février et en avril). — Mars : Osmond, La question Louis
XVII en Allemagne.
Loire navigable (La). — Janvier 191 'i : F. Uzureau, Deux
projets relatifs à l'Authion (1791).
Magyar Figyelœ. — Kl janvier lUl't : La sédition de 1798 à
Vienne. — 16 février : Arthur \Vi;Br;R, Quelques portraits des
personnalités du Congrès de Vienne (1815).
Marches de l'Est (Les). — Janvier 191 i : Henri Dacremont,
La Terreur dans les Ardennes |^les deux agents les plus actifs du
régime terroriste dans cette région furent Vassant et Mogue, l'un
ancien moine, l'autre ancien prêtre ; Vassant fut successivement
procureur général de la commune de Sedan, président du comité
de surveillance, maire, et disparut après le 9 thermidor ; Mogue
fut arrêté le 18 thermidor an II, resta de longs mois en prison, et
fut guillotiné à Mézières, le 26 messidor an III].
Maryland historical Magazine. — Septembre 19 Ul : J. Hall
Pleasants, Jncob Hall, surgeon and educator, 1747-1812.
Mémoires de la Société archéologique de Rambouillet. — XXXII
( l'Jl.'i) : V. LoRiN", Deux évêques constitutionnels île Seine-etOise:
Avoine et Clément.
Mémoires de la Société d'émulation d'Abbeville. — XXIII (19i:i) :
Marcel Godet, Les brùlements d'archives à Abbeville pendant
la Révolution : Etat sommaire des documents disparus.
Mémoires de la Société des lettres, des sciences, des arts, de
l'agriculture et de l'industrie de Saint-Dizier. — XIV (191^2-1913):
Ch. LoHAiN, Histoire de Jean-Xicohis Laloy, docteur en méde-
cine, maire de Chauniont, 1745-18114.
Mémoires de la Société des sciences, arts et belles-lettres de
Bayeux. — XII (191.'>) : François Belheil, curé constitutionnel de
ColIcville-sur-Mer ; Abh'j Queidkvili.e, Le P. (jermain Queu-
devillc, prêtre de l'Oratoire et curé de Coulans (diocèse du Mans),
guillotiné à Paris le 22 messidor an IL
Mercure de France. — /■' janvier 191 'i : Fernand Caussv, M.
de Voltaire gentilhomme ordinaire. — 1"^ mars : Louis Thomas,
(Chateaubriand et la police ^série de documents qui s'échelonnent
entre le 5 juillet 1812 et le 20 août 1829 . — l(i mars : Pierre
Lavedan, La Mcnnais et .lean-Jacques Rousseau. — K! avril :
André Lévv, L'origine lorraine de Méliul.
Mois littéraire et pittoresque (Le). — Janvier 191 i : .1. de
Bar SAC, Les « Volontaires a de la Révolution : la levée en masse
PÉRIODIQUEP 137
dans une commune de l'Isère en 1793. — Mar:; : G. Gautherot,
Les ennemis des cathédrales à l'époque révolutionnaire : A l'as-
saut de Notre-Dame de Chartres.
Monde économique (Le). — .3 juillet 1913 : A Vovard, Une
affaire de fraude alimentaire sous la Terreur.
Musikpœdagogische Blœtter. — XXIII (1913): Arnheim, Grétry.
Musikpsedagogische Zeitschrift. — /// (1913), <S' : Mozart im
Spicgel der Zeitgenosscn.
Napoleone. — 1(1914), ip 1 : G. G. Barbavara, Napoleone le
10 svihippo délia coscienza nazionale italiana [la conquête de
l'Italie par Napoléon et l'organisation politique qui en fut la
conséquence préparèrent le réveil de la conscience nationale et,
par répercussion, l'unité de l'Etat italien] ; Francesco Guardione,
Napoleone c le leggi ; Antonio Emiliani, L'ultimo asilo del re
Gioaccliino Murât nelle Marche [souvenirs historiques et patrio-
tiques recueillis à San Benedetto del Tronto); Girolamo Cappello,
11 ceremoniale del «TeDeum » cantato perla vittoria di Lutzen
[traduction italienne du programme de la cérémonie qui eut lieu
à Notre-Dame de Paris le 23 mai 1813] ; Patrizio Antolim,
Sonetti [deux sonnets composés pour l'inauguration de la statue
de Napoléon à Ferrare le 31 mai 1810] ; Palermo Gianciacomi, Il
générale Bonaparte in Ancona [récit de l'arrivée de Bonaparte à
Ancone, le l(j février 1797, extrait d'une chronique manuscrite de
Camillo Alhertini conservée dans les Arcliives d'Ancone] ;
Camillo Pakiset, Un soldato napoleonico [.loseph Pariset] ; A.
CiKïi, Relazione sulla battaglia del Mincio [extraits du Giornale
italiaiio des l(t et 14 février 1814].
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Grétry.
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empot délia prima Cisalpina (suite le 1^' octobre). — /'''' octobre :
138
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I^. R., Napoleone I e l'aeronautica inilitare. — 16 octobre : Nemi,
Il seconde cenlenario di Diderot. — /'' novembre : G. P. Cle-
Rici, La madré del Re di Roma. — Ui nouembre : Enrico Cas-
TELNuovo, A Venezia un secolo fù. — 1"' février 191 'i : Mario Ro-
SELLi. Ncl Fezzan cento anni fà : da un viaggio del capilano Lyon,
délia marina brilannica ; Nemi, Napoleone e Tacito [d'après
Welschinger]. — 16 février : Ermanno Loevinson, Gli ufficialina-
poleonici dello Slalo Pontificio. — 1'"' avril : Nemi, Un episodio
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Nuova Musica(La). — XVII(l!)i:>) : BERTiNi.Gœthee la musica
Nuovo Archivio veiieto. — Jnillel-seplcmbre 19i:i : Giov.
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pacci inediti délia diplomazia picmontese. — Janvier-mars 19H :
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dite de Mario-Antoinette.
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Briquel, Deux cahiers inédits de doléances de 1789 : Van-
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Un Ministro toscano al Congresso di Vienna (suite le /''^ mars^. —
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Massa (24-25 aprile 1832).
Réforme sociale (La). — Ki février 7.9/4: Pierre Braix, Les
provinces au xviii" siècle et leur division en départements.
Renaissance contemporaine (La). — i?4 novembre 1913 : X.,
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de la Sarthe en 1912. — Octobre-décembre : M. Ghîaiu, Le
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de la ville et communauté de Sillé-le-Guillaume en 1789 ; F.
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déens à Angers, (liste des Vendéens qui vinrent te faire inscrire
à la municipalité d'Angers, entre le 31 décembre 1794 et le 11
décembre 1796, pour bénéficier de l'amnistie].
Révolution dans l'Aube (La). — ^-^ cl 3'' IrimeslrcK 191'2: A.
BouTiLLiEK Dr Retail et C^h.-P. Léger, La Motte-Tilly en 1793;
Trois procès devant le Tribunal révolutionnaire; Chaudron, La
Grande Peur dans la Champagne méridionale ; E. Jamerev, Le
partage des biens communaux à Maizières-la-Grande-Paroisse,
1795 ; Le vignoble barsuraubois en 1789.
Révolution dans les Vosges (La). — /'/ octobre 1913 : Ch.
Chapelier, Jean-Antoine Maudru, évêque constitutionnel des
'Vosges (1791-1801). Ses écrits (suite le /'/ janvier 191 'f) ; E. Ri-
chard, Bussang pendant la Révolution (fin le l'i janvier 191'i) ;
Albert Ohl, Éphémérides delà Révolutionà Saint-Dié; E. Martin,
Militaires déserteurs [18 frimaire an V; ; La répercussion à Epinal
du Coup d'Etat du 18 brumaire | document daté du 25 brumaire
an yill| ; LIne circulaire prêchant l'économie [circulaire de
l'administration départementale des Vosges, datée du 15 ventôse
anIII|: Henri Najean, François (de Neufchàleau) à la recherche
d'une opinion en juin 1793]. — l'i janvier 191i : A. Phillippk,
Ce qui tenait lieu de gazettes [deux lettres adressées de Paris à
Poullain-Grandprey, le 13 août 1792] ; Bastien, Une mauvaise
farce ]substilution des mots l'an 'f- de la misère à ceux de l'an i' de
la liberté sur une circulaire du procureur-syndic du district de
Rambervillers] ; François (de Neufchàleau) et les gazettes locales
[lettre de François aux administrateurs du département des Vos-
ges, 27 juin 1793|.
140 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Révolution de 1848 (La). — Janvier-février VJi'i : G. Vauthier,
Le Collège de France, école d'administration (1848-1849; J.-G.
Prud'homme, La musique et les musiciens en 1848 ; Gustave
Laurent, La campagne d'Algérie et la Révoiulion de 1848 (Sou-
venirs de Louis Beugé). — Mars-avril : H. Monin, Blanqui et la
police (1847-1848) ; Roger Lévy, Une entreprise de séduction : le
voyage du Président Bonaparte au Havre en 1849 ; Jeanjf.an,
L'insurrection de Lj-on en novembre 1831.
Révolution française (La). — li janvier IDl'i : E. Champion,
Les deux sens du mot «aristocrate » ; E. LÉvv.rLes prénoms de l'an
II ; Lévy-Schneider, L'affaire Serva ; M. Fosseyeux, L'Hotel-
Dieu de Paris sous la Révolution. — l'i février : C. Léon, Le
comte de Narbonne ministre de la guerre ; F. Evrard, L'esprit
public dans l'Eure (juillet-septembre 1792). — /'/ mars : C. Per-
ROUD, A propos de la première édition des « Mémoires de M™"
Roland » ; E. Saulnier, Une prison révolutionnaire : les otages
et prisonniers de guerre à l'hôtel de Dreneuc en 1795 (suite le /4
avril). — l'i avril : D' R. Laffon, La commune de Pazayac (Dor-
dogne) pendant la Révolution ; A. Méry, La fuite à Varennes et
la réunion des assemblées primaires et électorales.
Revue (La). — L'y février 191 i : A. Chuquet, Goethe et le lieu-
tenant Mengin ; Paule Bayle, Le musée du Louvre sous la pre-
mière République. — 1" mars : J. d'IvRAY, Bona[)arte et les
femmes d'Egypte (suite le /.) mars).
Revue autiniaçonnique. — Octobre-novembre 19 Ul : H. de
Rauville, Les Sociétés populaires et l'armée pendant la Révolu-
lion.
Revue canadienne. — Mars 1914 : J. Viger, Lettres à M""" Viger
(18i;i) (suite en avril).
Revue catholique de Normandie. — /•'> mars 191i : Abbé Seves
tre, L'enquête sur le clergé de Normandie et du Maine.
Revue catholique des institutions et du droit. — Janvier lHl-l :
G. Gautiiehot, La Révolution et l'Eglise.
Revue catholique et royaliste. — "20 février IHH : E. Clavequin,
Le martyre de la Vendée (suite le '20 mars) ; C. de Ricault D'Hé-
BiCAULT, La Révoluticm de Thermidor (suite les '20 mars et W
avril). — '20 mars : J. de GouÉ, Causes et débuts de !a guerre de
Vendée (suite le'^ 20 non/). g-'*^ •■
Revue critique des idées et des livres (La). — '2.) mars l{)li :
P. V., La Révolution, l'enseignement primaire et M. Aulard ;
F. Renié, Suisses d'autrefois [à propos de l'ouvrage récent de
M. Frédéric BarbcyT Suisses" hors^ de Suisse]. — 10 mai lHl'i :
rKRiouiguES 141
Jean Coli.ot, Un type de bourgeois rural à la veille de la Uévolu-
tioii |à Grévilie, en Normandie] ; F. R., l'ne carrière politi([ue
sous Louis XVIII Icellc de Maine de Biran .
Revue d'Auvergne, -r Septembre-octobre l!)i:i : M. Langk,
Poètes et journalistes en Auvergne sous la nionarehie de Juillet
(suite en novembre-décembre). — Jativicr-féorier 19 li : Sous-in-
tendant Marcheix, Les prisonniers de guerre autrichiens, hollan-
dais et piémontais dans le département du l'uy-de Dôme, de 1794
■\ 1790.
Revue de Bourgogne (La). — 7.9/5' : Noèl G.\rnieh, Le général
baron Jacqucmard (1771-1881) ; Paul Viahd, Les levées militai-
res en Côte-d'Or pendant les Cent-Jours ; F. Boissard, l'ne
communauté de « républicains » en 177ô.
Revue de Bretagne. — Octobre WV3 : Commandant Chape-
ron, Les Mayençnis en Vendée (suite en novembre-décembre) ; P.
NicOL, Les prisonniers du château de Penvern (suite en novembre-
décembre). — Novembre-décembre : P. Martin, Assemblées dans
les églises de Bretagne au moyen âge et à la Révolution ; F. Uzu-
reau. Un Breton vicaire général d'Angers ; Ad. Orain, La Chouan-
nerie dans l'arrondissement de Vitré pendant la tourmente révo-
lutionnaire.
Revue de droit international et de législation comparée. —
I91ï,n° i : E. N., Le droit des gens dans la Correspondance litté-
raire, philosophique et critique de Grimm.
Revue de Gascogne. — Mars 1914 : L. Mèdan, Une aventu-
rière de Gascogne : la Montansier. — Avril : B. Darmaillacq,
Mandement de l'évêipie d'Agen surle retour des Bourbons (avril
1814).
Revue de Hongrie. — 15 mai 1914 : Comtesse Aimée Palffy-
Daun, La campagne de Russie, 1812.
Revue de l'Agenais. — Septembre-octobre 191,'} : R. Bonn.\.t,
Cryptographie agenaise, ou Journal secret d'Agen depuis le 1''
mars 1814 jusques à pareil jour 1817 de Jean-Florimond Boudon
de Saint-Amans (suite en novembre-décembre 1913 et en janvier-
février 1914). — Novembre-décembre : B. de Cadillac, Un épisode
héroï-comique de l'an IL
Revue de l'Anjou. — Septembre-octobre 1913 : R. L., Journal
d'un sous-préfet de Baugé en 1815(suiteen novembre-décembre).
Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise. — Novembre
1913 : F. -S. AuscHER, Le comte de Bombelles, troisième mari
de l'impératrice Marie-Louise ; R. du Lac, Un sous-préfet de
Rambouillet sous la Restauration.
142 m;vrK msioiuyrE de la révolution i-kançaise
Revue de Lille. — lll (]!)l'J-l!li:S) : Abbé Ducrocq, Les tue-
ries de Lebon à Arras : (>harles Blanquart mort pour la foi [16
germinal an II].
Revue de Paris (La). — 1" février lill'i : A. Artonxe, Chateau-
briand à l'ambassade de Londres. — /=' mars : C. Bou(;lk,
La philosophie politique de Benjamin Constant. — 15 mars :
Capitaine Vidal de la Blache, Eylau dans la peinture et dans
l'histoire.
Revue de Saintonge etd'Aunis. — I" décembre 1!>L"> : Chanoine
Lemonnier, La déportation ecclésiastique à Rochefort, 1794-
1795 (suite en janiner et février lilVi). — /'■■ février l!)ll : Ch.
Dangibaid, Contribution à l'histoire de l'économie domestique
et rurale en Saintonge, 1795-1820.
Revue des cours et conférences. — .1 décembre 1913 : H. Lich-
ïENBERGER, Gœthe. — "20 février lt)l'i : M. Marion, Les causes
financières de la Révolution : l'abbé Terray. — .) avril : A. Vul-
i.iOD, La vie de Strasbourg au moment du séjour de Gœthe.
Revue des Deux-Mondes. — 1'^ janvier 191 ï: E. Daudet,
Autour de Marie-Antoinelte ; Marquis Calmon-Maison, Le
général Maison elle L'' Corps de la Grande-Armée. — 15 janvier:
T. de Wyzewa, Les Souvenirs d'un volontaire prussien d'il y a
cent ans. — 1" février : H. Welschinger, Joseph de Maistre et
Napoléon ; Charles Benoist, L'Homme de 1848: le communisme,
l'organisation du travail, la réforme. — /""■ mars : E. Seillière,
Gœthe et Charlotte de Stein (suite le 7.5 mars) ; L. Madelin, La
dernière année de Danton (suite les l'> mars et /'■■ avril) ; T. de
Wyzewa, Va épisode de la vieillesse de Casanova.
Revue des eaux et forêts. — 1" janvier 191 ^ -. P. Mougix,
Les premiers chasseurs forestiers (1814).
Revue des études historiques. — Janvier-février 1911 : BAron
A. de Maricourï, Le duc de Penthièvre et la duchesse d'Orléans
à Eu pendant la Révolution ; P. Fromageot, Les fantaisies litté-
raires, politiques et autres d'un grand seigneur, le comte de
Lauraguais (1733-1824). — Mars-avril : L. Madelin, La jeunesse
de Danton : ses débuts politiques ; F. Rousseau, Les Sociétés
secrètes en Espagne au xviir siècle et sous Joseph Bonaparte.
Revue des études napoléoniennes. — Novembre 191'.] : Joseph
Durieux, Bonaparte au Luc (1799) ; E. Cazes, Napoléon à Ver-
sailles et Trianon ; Georges Gromaire, Arndt et Napoléon ; E.
Driault, Correspondance de Sébastian! (1806-1807); G. Vau-
thier. Les ouvriers de Paris sous le premier Empire. — Janvier-
février 191 'i : C. Woi'.NNKY, Le dernier des Vétérans de la Grande
l'iiuioDigi ES 1415
Armée ; M Chapuisat, Les régiments suisses de l'Empire;!*.
(lONNARD, La légende napoléonienne et la presse libérale : la
Minerve ; F. Barbey, La bataille de Zurich racontée par un habi-
tant de cette ville.
Revue des Facultés catholiques de l'Ouest. — XXII (l!)]'2-l!)i:]):
F. UzuRiiAU, PoLirquoi les Angevins demandaient un sémi-
naire métropolitain (1804-1806).
Revue des Français. — 10 janvier 191 'i : 11. Barjean, Robes-
pierre était-il incorruptible ? (suite le 20 janvier). — oO mars : P.
Rain, Le 31 mars 1814 à Paris. — W avril : L. Séché, Plages et
villes d'eaux romantiques : Napoléon, 28 avril 18i4-l''' mars
1815. — .'!() avril : J. Bertaut, Les écrivains romantiques et les
élections de 1848.
Revue des Nations. — 25 mai 191 'i : Arthur Diderrich,
L'émigration française et le passage de la première coalition dans
le Duché de Luxembourg (1792) (suite le 10 juin).
Revue des questions historiques. — h'' janvier 191 'i : François
Rousseau, Charlotte-Joaquine de Bourbon, reine de Portugal
(1775-1830). — /'■'■ avril: R. Buet, Un apôtre français en Suède à
la fin du xviii'' siècle ; G. Gautherot, Les destructions d'archives
à l'époque révolutionnaire.
Revue d'histoire. — Novembre 19i;> : L. J., La campagne de
1794 dans les Pays-Bas (suite en décembre) ; M. S., L'organisa-
tion delà Grande Armée de 1813 (suite en décembre); R. J., Cam-
pagne de 1814 : Les corps d'observation d'Oudinot et de Victor
du 9 au 15 février (suite en décembre) ; A. L., L'armée et la
nation à la lin de l'ancien régime (suite en décembre).
Revue d'histoire de l'Eglise de France. — Mai-jnin Util :
F. Uzureau, La publication des lois au prône en 1803 [le 20 jan-
vier 1803, le préfet de Maine-et-Loire écrivit à Chaptal et ù
Portalis pour demander que les curés fussent autorisés à publier
aux prônes des messes paroissiales les actes de l'autorité qui
exigeaient une grande publicité ; Chaptal répondit négativement
le 31 janvier ; Portalis répondit le 7 février par une longue et
importante lettre qui fut aussi envoyée à tous les autres préfets].
Revue d'histoire de Lyon — Mars-avril 1911 : E. Moutarde,
Journal de Benjamin Cuendet, de Sainte-Croix (Suisse), ofBcier
de la garde nationale à Lyon.
Revue d'histoire littéraire de la France. — Octobre-dé-
cembre 191:1 : Albert Cassagne, Toujours les origines du Génie du
Christianisme ; Doris Guknell, Madame de Staël en Angleterre
(1813-1814) ; F. Baldensperger, Le dossier du baron d'Eckstein
144 HEVL'E HISTOHIQUE DE LA RÉVOLUTION FKANÇAISE
aux Archives Nationales (I8I61. — Janvier-mars 19] 't : P. -M.
Masson, Le séjour de J.-.I. Rousseau à l'hospice du Spirito Santo
(1728) ; Victor Giraud, La conversion de Chateaubriand et la
conception du Génie du Chrislianisme ; J.-A. Worp, Lettres de
Voltaire, de Buffon et de Malesherbes à G.-N. Heerkens, médecin
et homme de lettres hollandais ; A. Schinz, Encore la question
du Contrat social.
Revue d'histoire moderne et contemporaine. — Novembre-dé-
cembre lUL'l : P. Sac.nac, L'enseignement secondaire avant et
pendant la Révolution, d'après des travaux récents. - Janvier-
février 191 '1 : P. Cakon, Les commissaires du Conseil exécutif et
leurs rapports.
Revue du Bas-Poitou. — Octobre-décembre 19i:i : Abbé
UzuREAU, Les Mémoires de Madame de La Rochejaquelein et M.
de Harante ; S. Gigon, Les généraux de la première République
en Vendée : Lettre d'un officier en garnison aux Sables en 1795.
— Janvier-mars 191 i : E. Renaud, La guillotine et le peloton
d'exécution aux Sables d'Olonne pendant la Révolution.
Revue du clergé français. — 7^' décembre 19U1 : P. Pisani.
Les anciens collèges de la Montagne Sainte-Geneviève pendant
la Révolution. — 1''' janvier 191 '1 : E. Lamy, Le clergé français
pentiant la Révolution.
Revue du Midi. — l'> mars 191 i : L. Arréat, Documents sur la
Révolution en Vaucluse.
Revue du mois. — 10 février 1911 : A Tibal, Gœthe et les
sciences de la nature.
Revue française (La). — '1 janvier 191 'f : L. Madelin, L'Etape
du Consulat. — l'> février : H. Cros, La maison de Napoléon
à Sainte-Hélène ; Baron A. de Maricourt, La jeunesse de Louis-
Philippe. — '29 mars : J. Galzv, La fuite de Marie-Louise, le
29 mars 1814. — .'> avril : H. Welschingeh, Le duc d'Eughien.
— 12 avril : G. Aubray, Un Jeudi-Saint sous la Terreur.
Revue française de l'étranger et des colonies. — Avril 19l't : G.
Démanche, La défense de la Savoie en 1814.
Revue générale. — Janvier 191 '1 : C. Wœste, L'histoire
religieuse de la Révolution française; F. de Lannoy, L'Europe et
la question belge en 1832 (suite en février et mars).
Revue générale de droit international public. — Janvier-février
191'i : J. Basdevant, Deux conventions peu connues sur le
droit de la guerre (Etats-Unis d'Amérique et Grande-Bretagne,
12 mai I8I;} ; Colombie et Espagne, 2(5 novem!)re 1820).
Revue hebdomadaire (La). — .'i janvier 191 'f : Frantz Funck-
PÉRIODIQUES 145
BRr.NTANo, Le centenaire de 1814 : La rentrée des Bourbons ù
Paris. — 1j janvier : Maurice Sabatiek, Le centenaire de 1814 :
La Charte. — i^'f janvier: Charles Chenu, Le centenaire de 1814 :
Le barreau de 1814. — .'U janvier : Edmond Peuhier, Le cente-
naire de 1814 : Cuvier. — 7 février : Fernand Laudet, Le cente-
naire de 1814 : Joubert. — 14 février : Louis Barthou, Le cente-
naire de 1814 : Victor Hugo à douze ans. — '2S février : A.
Antoine, Le centenaire de 1814 : Le Théâtre en 1814 ; L.
Chaptal, Le centenaire de 1814 : Le mouvement social en 1814 ;
Comte Jean d'F^LBÉE, Un page de Marie-Antoinette : Pierre-
Alexandre de Tilly. — 7 mars : Ernest Dupuy, Le centenaire de
1814 : L'Université en 1814. — 14 mars : Vincent d'iNDV, Le
centenaire de 1814 : La musique en 1814. — '21 mars ; Georges
Cain, Le centenaire de 1814 : Paris en 1814 ; Charles Samaran,
Jacques Casanova : la vieillesse et la mort. — %' mars : Albéric
Cahiet, L'aumônier de « la Belle-Poule » [l'abbé Félix Coque-
reauj.
Revue historique. — Maijuin lUli : Paul Gaffarel. Les
lettres de cachet en Provence dans les dernières années de l'an-
cien régime [série de documents extraits surtout des Archives
départementales des Bouches-du-Rhône et qui vont de 1770 à
1789].
Revue historique de Bordeaux. — Janvier-février liH't : A. Vo-
VAHD, La Révolution de 1830 à Bordeaux.
Revue historique du diocèse de Montpellier. — l'y février
l'Jl'i : M. Granier, Contribution à l'histoire de l'abbaye bénédic-
tine de Saint-Guilhem du Désert : la relique de la vraie Croix
pendant la Révolution. — /.) avril : J. Reynes, Sermon du prêtre
constitutionnel de Restinclières.
Revue historique et archéologique du Béarn et du pays basque.
— Décembre l!)l!i : J. Annat, Le clergé de la Révolution dans
larchiprêlré de Serres-Castct. — • Janvier 191'i : J. Annat,
Le clergé de la Révolution dans les archiprêtrés d'Anoye et
de Simacourbe. — Février: L. Batcave, Episodes militaires de
février 1814 à Sauveterre et dans ses environs ; P. Laborde-
Barbanègre, Cahiers des griefs de la communauté de Bou-
garber en 1789 ; J. Annat, Le clergé de la Révolution dans
l'archiprètré de Mont et Diusse. — Mars : J. Annat, Le clergé
de la Révolution dans les archiprêtrés de Lenibeye et de
Thèze. — Avril : J. Annat, Le clergé de la Révolution dans les
archiprêtrés de Maslacq et Pardies.
Revue historique et archéologique du Maine. — Septembre-oc-
HIA . lllST. Dl: L.\ Rl;vin.. lu
1 46 HEVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
lobre 1913 : R. Triger, Une prison du Mans pendant la Ré-
volution : La maison d'arrêt de levêché (1793-1805) (suite en no-
vembre-décembre). — Novembre-décembre : Abbé L. Calendini,
Soldats morts à la Mission, de l'an IV à l'an VII.
Revue historique vaudoise. — Novembre UIVl : L. Mogeon,
Le Bulletin officiel et la publicité des séances de l'Assemblée
représentative provisoire vaudoise (1798).
Revue internationale de l'enseignement. — !.'> mars lHl't : J.
Poirier, Lycéens d'il y a cent ans (1813-1815).
Revue internationale des sociétés secrètes. — W novembre
1913 : M. de Pkadel, L'idylle d'un conventionnel : Gaspard
Duchàlel, ancien garde du corps. — "20 jamner 191i : D' Briquet,
Documents anciens: quelques documents sur la franc-maçonnerie
dans les Basses-Alpes et le Var sous le premier Empire. — W
février : G. Bord, L'histoire de la Révolution et la métiiode de
M. Aulard.
Revue lorraine illustrée. — Jaiwier-mars IDli : R. Perrout,
Le général Drouol.
Revue morbihannaise. — 1913 : Hervé du Haloouet, Assem-
blée générale du diocèse de Vannes, les 2 et 3 avril 1789.
Revue politique et littéraire (Revue bleue). — 27 décembre
1913: Chateaubriand, Lettres diplomatiques. — 3 j(im'icr 191i :
E. Champion, La religion et la morale de M""" Roland. — /} fé-
vrier : J. Gautier, L'Université en 1814.
Revue politique et parlementaire. — 10 mars 191 i : Philippe
Gon.nard, La légende napoléonienne sous la Restauration.
Revue pratique d'apologétique. — / '' février 191k F. Pinar-
del. Une exposition de souvenirs religieux de la Révolution.
Rheinische Musik- und Theaterzeitung. — A7V' (1913), 3,'}-3<):
R. Bœhmer, G(ethe und Schubert.
Rivista di Roma. — 2,') avril 191 i: Dott. Mattia Loret, Na-
poleone e i Polacchi.
Rivista storica del risorgimenta italiano. — VI (1913), .» :
S. PivANO, La Costituzione Bolognese votata in San Petronio il
4 dicembre 1796.
Rome. — iV mars 191i -. G. Riccio, Le retour de Pie VII en
ses États (1814) (suite le 8 avril).
San Marco. — 1913, 1-3: Hugo Neugebauer, Contributo aile
invasioni francesi nel Trentino. — i : Quintilio Perini, Contributo
aile invasioni francesi nel Trentino.
Savoie littéraire et scientifique (La). — VII! (I'J13), 3 : Philibert
Falcoz, Les ruines du château de Montagny, près Cbambéry .
pÉRiODigiKs 147
III, Episode de 1814 [combat entre Fiançais et Autrichiens, le
22 février 1>S14|.
Séances et travaux 'de rAcadéniie des sciences morales et politi-
ques. Compte rendu. — XoDcmbre lUL'l : C. He.noist, L'jiomme de
1848: comment il s'est formé'; l'initiation révolutionnaire (1830-
1840). — Jaiwier i9H : H. Welschixoek, Napoléon et Tacite. —
Frnricr : M. M.\iiiON, L'imposition des ci-devant privilégiés en
1789. — Mars : Comte d'HAUSsoNviLLE. M'"" de Staël et Necker,
d'après leur correspondance inédite (suite en (ii'Hl).
Secolo XX (II). — XII(19i:i), 11: P. Bessi, Le metamorfosi
fisionomiche di Napoleone.
Semaine catholique de Luçon. — 1913 : Abhé L. Teillet, Le
livre d'or de la Vendée ; Abbé A. Poirier, La Constitution civile
à Luçon : le clergé et les religieuses en face du serment schisma-
ti([ue ; Abbé L. Riou, Une lettre inédite de Mgr de Mercy [28 oc-
tobre 1801].
Semaine littéraire (La) [Paris]. — 2.) Jaiwier 191^ : G. Mon-
TORGUEiL, Le prisonnier de Fontainebleau [Pie VII]. — '2"2
février : P. de la Gobce, Histoire religieuse de la Révolution. —
iS' mars : G. Dou.\re, La messe de Brienue (29 janvier 1814). —
'29 mars : A. deTARLÉ, Marie-Antoinette et Barnave. — 19 avril :
A. de Tarlé, L'entrée de Louis XVIII à Londres et à Paris (20
avril-3 mai 1814). — 26' avril : V. Fanet, Comment on volait pen.
dant la Révolution.
Semaine religieuse de Langres. — XL VIII {1913) : Louis Marcel,
Une entrée ministérielle à Langres [celle de Necker, le 26 juillet
1789].
Semaine religieuse du diocèse d'Arras. — 191S : G. C. de B. ,
L'orage miraculeux du Calvaire d'Arras (11 février 1799) d'après
les mémoires de M. Saint-Jean.
Semaine religieuse du diocèse de Verdun. — 1913 : Cha-
noine Jean-Baptiste Cillant, Les ecclésiastiques de la Meuse
morts en déportation [1794-1795].
Société historique d'Auteuil et de Passy. — 1913, w 1 : Paul
Marmottan, Le château de Passj' entre 1794 et 1826.
Société lorraine des études locales dans l'enseignement public.
Section des Vosges. — Octobre 1913 : Lutrixger, Voyage de Louis-
Philippe dans les Vosges (1831). — Janvier 19Vf : A. Ranselant,
Le prix des denrées et marchandises en 1814. — Avril : Roger,
La fête de la Fédération à Circourt-sur-Mouzon.
Société nouvelle (La). — Janvier 19 li : S. Chandler, Denis
Diderot (suite en février).
148 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Soziale Praxis. — XXIII (l!.ii:>), 49: Fontaine, Eine staatliche
Allers-, Wltwen- und Krankenversorgang in Frankreich aus dem
Jaiire 1793.
Urania.— Jany/cr 7.9/ i : Joseph Nagy, D'Alembert. — Mars:
Louis Racz, L'autobiographie de Rousseau et de Goethe.
Vieux Lons (Le). — n)V2-1913: E. Monot, Pons de l'Hérault;
M. Perrod, La Petite Eglise à Lons-le-Saunier.
Vita musicale (La). — // (I9LH), S : Ferraguti, Grétry l'ar-
tista ; Morazzoni, Grétry giudicato da letterati critici e musi-
cisli del suo tempo.
Woche (Die). — l'i février 191 'i : Ein Denkmal fur Otto von
Arnim, den ersten Gefallenen der Freiheitskriege 1813.
Zeiten und Vœlker. — Novembre 191:] : H. Prehn v. Dewitz,
Ludwigs XVL Fiucht. — Décembre : Friedrich Wescker,
Napoléon und Moreau ; J. F. Castelli, Marztage in Wien 1848.
CHRONlurE
Bibliothèque de la « Revue historique de la Révolution française
et de l'Empire ». — La maison HergcrLcvrauh vient de mettre en
vente le tome II île la Bibliolhcquc de la Revue hisloriqiie de la Révo-
liilion française el de l'Empire. Ce volume est un recueil de sou-
venirs iuédits, publié sous ce titre : L'invasion de 1StA-1S15 en
Champafjne, par les soins de notre collaborateur M. Octave
Beuve. Nos lecteurs ont pu déjà lire un fragment de cet ouvrage
dans notre numéro de juillet-septembre 19K5.
Ce volume (de xxii-187 pages) est en vente au prix de 6 francs.
Les commandes peuvent être adressées, soit à la maison Berger-
Levrault, soit à l'administration de la Revue historique de la Révolu-
lion française et de l'Empire.
A travers les journaux. — Parmi les articles d'histoire publiés,
au cours de ces derniers mois (du 1"'' mars au 1'''' mai 1914), par
les journaux quotidiens, nous révélons les titres suivants :
Napoléon, par M. L. de Montesquiou, dans l'Aetion française
du 2 mars; Les Royalistes en ISPi-, par M. L. Beaujeu (ibid.,
5 mars) ; La France en JSlâ, par ISL L. Beaujeu (ibid., 13 mars);
En 1814: L'intermédiaire de la Restauration [Talleyrand], par
^L L. Beaujeu (l'èù/., 21) mars); Le retour de Louis XVIII en France
(ISli), par M. J. Brichet (ibid., 26 avril) ;
D' Guillotin und die Guillotine, dans la Berlincr Morrjrnpost du
26 mars;
En mars ISli, par M. Octave Uzanne, dans la Dépêche du
29 mars; Lycéens de ISH, par M. Georges Weulersse (ibid.,
16avril); Napoléonet Casanova, parM. Pierre Mille (/tiV/., 18avril);
L'affaire du carrosse armorié (1794), par M. Charles Folej',
dans l'Echo de Paris du 23 mars;
Le brûlement des drapeaux des Invalides en 1814, par M. F.
Boucher, dans le Fiyaro du 4 avril; Souvenir des grandes yucrres
(1793-1796). par M.'Ceorges Cain (ibid., 2(3 avril);
Napoléon I iiber seine Handelspolilik : cin unbekannles Gesprxch
des Kaisers, par ^L Georg Fink, dans la Frankfurter Zeituny du
150 REVUE mSTOHlQlE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
4 mars; Der Sttirz des Tilanen: der Feldzug ISli und die Abselzung
Napoléons I, par M. K. A. Junge (ibid., 16 avril);
La Gendarmerie nationale et son premier inspecteur national
[Moiicej'], par M. Frédéric Masson, dans le Gaulois du I'' mars ;
La bataille de Paris, 1S14, par M. le lieutenant-colonel Roussel
(ibid., 1"'' avril) ; Les Princes d'Espagne et le préfet de Blois [1810J,
par M. Frédéric Masson {ibid., 7 avril); Les jours saints à la cour
de Louis XVL par M. F. de Nion (ibid., 10 avril); Les Allemands
en Russie avec la Grande Armée de 1tS12, par M. le général Bonnal
(ibid.. 30 avril);
La Terreur à Morlai.r, par M. Graville, dans la Gazelle de France
du 27 mars; Le centenaire de Guillotin, par M. G. de Céli (ibid.,
28 mars); La mort de M. de Cliantrenne C22 août il92), par M. P.
de Vaissière (ibid., et même date);
Napoléon, par M. Ed. S., dans la Gazette de Lausanne du
15 mars ; Une amie de Chateaubriand : Delphine de Sabran, marquise
de Custine, par M. le comte de Sérignan (ibid., 29 mars);
Comment Napoléon improi'isait une armée, par M. le général
Palat, dans le Journal des Débats du 6 mars; André Chénier journa-
liste, par M. André Varagnac (ibid., 10 mars); Les fêtes à l'occasion
du mariage de Napoléon L': les 6.000 rosièret du 22 avril ISIO,
par M. P. Nancej' (ibid., 19 mars); Mirabeau traducteur de Tacite,
par M. A. Albert-Petit (ibid., 22 mars); Un peintre de Marie-Anloi-
nette: J.-S. Duplessis, par M. P de Nolhac (ibid., 11 avril); Les
lettres de Marie-Antoinette à Barnave, par M. le vicomte de Reiset
(ibid., 14 avril); Les Alliés ù Paris (avril 1S14), par M. P. de
Quirielle (ibid., 15 avril);
La bataille de Toulouse, 10 avril ISli, par M. Paul Gaulot,
dans la Liberté du 8 avril ;
L'enlèvement de Marie-Louise, par M. Paul Giiiisty, dans le
Petit Marseillais du 2 avril ,
Quelques poésies de Robespierre, par M. Charles Borard, dans
le Radical du 4 mars ;
Joseph Lebon, par M"'^' E. Técliiné, dans le Réveil du Nord des
16 et 17 avril ;
La Campagne de France (ISIi). par M. O. Havard, dans le
.So/e(7 du 11 mars; Le 31 mars ISli, par M. O. Havard (ièà/., 31
mars); L'entrée des Alliés jugée en Basse-Normandie, par M. O.
Havard (ibid., 5 avril): Les Bourbons et les fourgons de l'étranger,
p;>r M. lo général Rebillot (ibid., 23 avril);
La maison de Marat Ji Boudrj'], par M. Philippe Janiin, dans
la Suisse du 4 mars ;
CHRONIQUE 151
L'affaire PonccUn (1797), par 1\I. G. Lenotre, dans le Temps
(iu 26 mars; Le bal du 1"' juillet ISIO, par M. G. Lenotre (ihid.,
9 avril); L'École de Mars, par M. G. Lenotre (ibid., 30 avril) ;
La conspiration de l'œillet, par M. Saint-Roman, dans l'Univers du
5 mars; Pie VII et le çiendarme Radet, par M. H. -G. Fronim (ibid..
<S mars); Marie-Antoinette et la Convention, par iNL Saint-Roman
(ifc(t/.,llmars); Marie-Antoinette devant ses «juges », par M. Saint-
Roman (ifcirf., 18 mars); Le 30 mars 1S14, par M. Saint-Roman
(ibid., l'" axr'û); Marie-Antoinette et l'amiral d'Eslaing, par M. Saint-
Roman (ibid., 2 avril); La Bourse de Paris, depuis la Révolution
jusqu'à la chute deVEmoire, par M. H. -G. Fromni (ibid., 5 avril) ;
Hébert et Robespierre, par ^L Saint-Roman (ibid., 8 avril) ; Maine
de Biran en JS14 et en 1815, par M. G. Lecigne (ibid., 15 avril) ;
Un démocrate [Danton], par M. G. Gautherot (ifcîfZ., 23 avril); Les
sources philosophiques de la Révolution, par M. G. Gautlierot (îT)»/.,
25 avril).
Autour d'une lettre de Marie-Antoinette à la princesse de Lani-
balle. — La lettre de Marie-Antoinette à la princesse de Lam-
balle, que le Journal des Débals a publiée dans son numéro du
19 février 1914 et que nous avons reproduite dans noire dernier
numéro, a soulevé certaines observations qui tendent à rendre
fort douteuse son authenticité. Voici l'article que notre collabora-
teur ^L H. ÎMonin a publié à ce sujet dans la Dépêche de Tou-
louse du 20 juin 1914 :
Au Musée municipal du vieux collège Saint-Uayinontl est exposée «une
lettre autographe et signée de la reine Marie-Antoinette à la princesse de
Laniballe ». Le directeur des musées, M. Cartailhac, l'a découverte dans
un lot de vieux papiers donné par un visiteur, M. G. Engelbach, qui
sans doute avait voulu lui réserver le plaisir de la surprise.
M. Lngelhach croit que cette pièce lui est venue de son parrain Pierre
de Rabaudj-, mort consul de France à Sonthampton en 1SS)3. Celui-ci
l'aurait reçue de son père, Pierre-Nicolas, marié en Angleterre, auquel la
reine l'aurait confiée quarante jours après le retour de Varennes, pour la
remettre à la princesse de Lamballe.
L'amie de la reine, la surintendante de sa maison, n'avait été avisée
par elle du départ de la famille royale que le 21 juin, à deux heures du
matin. Soit de sa propre initiative, soit par ordre, elle avait aussitôt
rejoint, à Aumale, son beau-père le duc de Bourbon-Penthièvre, puis
avait gagné Boulogne, où elle s'était cmbar([uée pour Douvres. Mais
aussitôt qu'elle eut appris l'arrestation de Varennes, elle revint sur le
continent. Elle était à Ostende le 26 juin. 1-^lle rencontra le comte de
Ferseu à Bruxelles le 6 juillet. Fnlin, il est certain qu'à partir du 11
152 REVCE HISTORIQIL DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
juillet, et jusqu'à son retour en France (5 novembre), elle résida tantôt à
Aix-la-Chapelle, tantôt à Spa, dans la société des émigrés.
Or, le document toulousain est date du 31 juillet. Il est surprenant
qu'à cette date M™° de Lamballe n'eût trouvé aucun moyen de faire
connaître à la Reine ses pérégrinations et résidences. Il ne l'est pas moins
que le dépositaire de la lettre n'ait pu ni la faire tenir à la destinataire,
ni la restituer à la Reine. Il a, dit M. Cartailhac, conservé « précieuse-
ment » cette relique. Elle ne lui appartenait à aucun titre. Comment
expliquer qu'au bout d'un siècle et quart, elle émerge d'un lot de vieux
papiers ?
Il est vrai que, naguère, les lettres de la Reine à M""= de Lamballe
n'étaient pas rares sur le marché des autographes. MM. de la Rocheterie
et de Beaucourt en ont classé quarante-et-une... toutes fabriquées ! Ils
le démontrent.
Ont-elles eu un modèle, un prototype authentique ? Je n'en jurerais
pas. Cependant j'incline à croire qu'il existe. C'est la pièce dont M. F.
Laurcntie a donné le fac-similé, dans son « Louis XVII » (u" 39). En
voici le texte :
Je vous envoie un e.vi>rcss. madame ma chère cousine (écrit le roi),
pour vous rassurer à notre éyarJ. ce que vous marquez à la reine sur
l'état de M. de Penthièvrc ne peut que nous faire de la peine, ce sera me
faire un vif plaisir que de nous en donner souvent des nouvelles, mais
restez avec M. de P.
Le 29. Louis
L'ordre était positif. La Reine en adoucit l'amertume. Sur la même
page, elle écrit :
J'espère, ma chère Lamballe, tjuc vous vous rendrez à ce mol du roi-
Je vous ai dit et je vous repettc que je vous aime autant de loin que de
près, pour vous il est mieux que vous soigniez cette santé, pour moi il
sera mieu.r de jouir de vous en bonne santé que de souffrir à vous voir
souffrir, vous voyez que c'est par cgoïsmc que j agis. Xous sommes revenus
assez bien portants, le roi est fort calme, mes enfants n'ont pas du tout
souffert : je ne puis rien vous dire sur tout ce qui s'est passé que vous ne
sachiez entièrement par la voix publique. Adieu, mon cher cœur, j'ai
besoin de votre tendre amitié et la mienne est à vous depuis que je vous ai
vue ; dittcs bien à M. de Penthièvre de se rassurer et soignez vous tous les
dcu.r. je vous embrasse.
i[arie-A n loi net te.
La reine, en général, ne signe pas ses lettres intimes. Mais ici le roi
a signé, et elle ne peut se dispenser d'en faire autant. De l'exception, les
faussaires, qui connaissent bien leur public, on fait la règle. Toutes
les .lettres apocryphes de Marie-.\nloinette sont signées. Le document
toulousain est du nombre. Mais il a bien d'autres tares.
Dans ce que nous considérons comme le modèle (lettre du 29 juin),
on trouve deux fautes contre l'orthographe d'usage : « repettc » et
CHRONIQUE lil'A
« dittcs». Dans le faux, on retrouve « repettcr » pour répéter, et, de plus,
« mcriltcz » — « routtes ». Le faussaire a systématisé Tabus des con-
sonnes doubles. Ensuite, partant du principe inexact que la reine ignorait
les règles grammaticales, il lui a prêté des fautes inadmissibles : « il y a
eut; — il vous a donner: — soyiez: — enfants bien portantes». Il a calqué
ou copié sur la vraie lettre : « ma chère lamballc ; — mon cœur : —
tendre amitié ; — bien portant(e)s ; — est fort calme ; — adieu, je vous
embrasse ». Le mot « soigniez », de la vraie lettre, a servi pour le solé-
cisme « soyiez ».
Le ton général du document toulousain, conforme à la légende, est
contraire à l'oljjet que poursuit la reine. Il semble qu'à de tels témoignages
d'amitié. M""" de Lamballe ne pouvait répondre que par un prompt retour
aux Tuileries. La signature de la Reine, la mention de M. de Penthièvre
en toutes lettres, étaient de graves imprudences dans une missive toute
d'effusion, qui pouvait être interceptée, égarée. On sait que d ignobles
pamphlets incriminaient les relations des deux amies.
Je crois que la Reine n'aurait pas écrit : « // ;; a eut dn train » pour :
« Il y a eu des troubles ». — « Mon nutri se porte bien » est du dernier
bourgeois. Jamais la reine n'appelle son mari autrement que : « Le Roi ».
Telles sont nos objections.
Nous n'accusons pas M. Cartailliac de légèreté. Il a eu .des doutes sur
la valeur de sa trouvaille. Cinq érudits parisiens, dont il cite les noms,
l'ont rassuré (Débats du 19 février). M. Raoul Bonnet, dans i Amateur
d'autographes, est plus sceptique : ses motifs (d'un tout autre ordre que
les nôtres) sont tirés de l'expertise graphologique des signatures de
Marie-Antoinette. La discussion demeure ouverte.
H. MoM>-.
— Coiiinic complément à l'article (lu'oii vient uc lire, M. H.
Monin nous adresse la note suivante :
M. Raoul Bonnet, dans l'Amateur d'autotjraphes du mois d'avril der-
nier (p. 101 à 106). conteste également l'authenticité du document tou-
lousain. Il donne en fa<^ simile quinze signatures de Marie-Antoinette,
calquées par lui-même sur des contrats de mariage où les souverains et
les princes écrivaient leurs noms pour faire honneur au,\ familles des
époux. L'évolution de l'écriture de la Reine y est remarquable presque
d'année en année : 3 février 1771, 22 janvier 1774,30 mai 1775... et, pour
la période qui nous occupe, 14 septembre 1788, 2 août 1789, 10 novem-
bre 1790, 22 janvier 1791. « Les majuscules se transforment », puis font
place à des minuscules. « Les lettres d'abord liées se détachent,... ce ne
sont plus que des bâtons, parfois péniblement tracés, et, à la fin, l'écri-
ture s'alourdit. » Or, si l'on rapproche de ces documents, d'une authen-
ticité inconstestable, l'écriture de la pièce toulousaine, de grandes diffé-
rences apparaissent, et dans le caractère général du graphisme, et dans
la forme des lettres. De plus, aucune des quinze signatures n'offre
de paraphe. « Au contraire, les signatures de lettres tenues pour fausses
154 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
adressées à M"»^ de Lamballe ou à M™« de Polignac, sont accompagnées
de cet ornement. » Or un paraphe suspect termine la pièce toulousaine.
Disons que ce dernier argument, à lui seul, ne nous semblerait pas dé-
cisif ; les circontances des signatures comparées ne sont pas les mêmes,
et le paraphe incriminé est plutôt un trait final, automatique, tel qu'en
peuvent lancer des personnes qui à l'ordinaire ne paraphent pas.
Mais les autres arguments de M. Raoul Bonnet sont de valeur. Au
reste, à la lecture de son article, le correspondant de la maison Noël
Charavay à Londres signale que la pièce discutée lui a été présentée il
y a quelques années, et qu'il l'a déclarée fausse. Elle a été exclue comme
telle des enchères où l'on avait essajé de la mettre en vente. En voilà
sans doute assez pour apiirccier à sa valeur le cadeau qui a été fait au
Musée Saint-Raymond à Toulouse.
H. MoM.v.
Autographes et documents. — Le 18 février 1914 a eu lieu
à l'Hôtel Drouot, par les soins de M. Noël Charavaj', une vente
d'autographes et de documents historiques dont voici les princi-
pales pièces pour la période de la Révolution et de l'Empire : une
pétition signée par plusieurs membres de la Commune de Paris
et adressée à la Convention en brumaire an II pour lui demander
de décréter qu'à la suite de chaque détachement de l'armée révo-
lutionnaire « marche un tribunal révolutionnaire avec l'instru-
ment terreur des pervers et destructeur de leurs complots liberti-
cides » ; une lettre d'Eugène de Beauharnais à Madame Tallien
{\" fructidor an VIII) ; une lettre de Lucien Bonaparte au
citoyen Duquesnoy (Rayonne, 2 frimaire) ; une lettre du ma-
réchal Brune au général Loison (Stettin, 3 juillet 1807); une
pièce autographe signée de Charette (22 mars 1796) ; une lettre
de David à Boilly (s. d.) ; une lettre de Davout au maréchal
Mortier (14 frimaire an XI\') ; une lettre de Fontanes à Lu-
cien Bonaparte (4 nivôse an IX); une lettre de Fouché au
préfet de police (3 vendémiaire an X) où il lui prescrit de renou-
veler aux journaux l'interdiction qui leur a été faite de s'occuper
de questions religieuses ; une lettre du général Joubert à son
père (Narbonne, 10 juin 1792) ; une lettre de Laplace à Lavoi-
sier (s. d.) ; deux lettres de Marat, l'une à Roume de Saint-Laurent
(Paris, 19 juin 1783), et l'autre à Labiée (17 janvier 1790); une
lettre de Hugues Maret à Fouché (Saint-Cloud, 3 juin 1810) ;
une autre lettre du même datée de Wilna, 4 septembre 1812 ; une
lettre de Masséna au général Loison (Torres Novas, 26 novembre
1810) ; • une lettre de Napoléon Bonaparte au général Songis
(Paris, 1'^'^ ventôse an XII); une autre lettre du même, adressée
à Duroc (Saint-Cloud, 10 thermidor an XUI) pour lui donner
CHRONIQUE 155
l'ordre de se rendre à Ranibouillet afin de se concerter avec l'in-
tendant et l'arcliitecte ponr mettre celte maison en état de le re-
cevoir qnclqnes semaines plus tard ; une lettre du maréchal Ney
au général Belair (Thorn, 11 décembre 1806); quatre lettres de
Madame de Staél, dont une datée de Lausanne, 27 juin 1815 ;
une lettre deTalleyrand (Valençay, 17 octobre 1816).
— Une autre vente, qui a eu lieu le 23 mai, également à
l'Hôtel Drouot et par les soins de M. Noél Charavay, comprenait,
sur l'histoire de la Révolution et de 1 Empire, les documents
suivants : une lettre de Pauline Bonaparte à M. Montbrelon (Nice,
31 décembre 1813); une lettre de Boyer-Fonfréde (Paris, 14 fé-
vrier 1793); une lettre du général Cafl'arelli (Evreux, 7 brumaire
an XI) ; une lettre de Lazare Carnot (Paris, 24 janvier 1792), où il
demande que l'on modifie la composition métallique de la
monnaie faite avec les cloches, parce que les étrangers font du
bénéfice en en achetant, ce qui prouve que les sols ne sont pas à
leur valeur; une pièce signée par Danton comme président du
gouvernement provisoire exécutif (Paris, 11 septembre 1792) ; une
lettre du même aux juges du tribunal de Pamiers (Paris, 24 août
1793) ; une lettre de Duroc (5 avril 1810), par laquelle il demande
un professeur pour enseigner à l'Impératrice le dessin au pastel ;
trois lettres de l'abbé Edgeworlh de Firmont à la comtesse du
Roure (1793) ; une lettre de Fabre d'Eglantine à sa femme (Lyon,
l''" octobre 1783) ; une pièce signée par Fouquier-Tinville (Paris,
10 prairial an II); une lettre de Kléber (Le Caire, 2 vendémiaire
an YIII); une lettre de Lacépéde à Napoléon F'"' (1<"^ juillet 1811)
pour le remercier de l'avoir nommé président du Sénat; une
lettre du général Lasallc à Napoléon I"' (24 thermidor an VIII) ;
un lot de lettres de la marquise de Lasteyrie du Saillant, sœur
de Mirabeau (1776-1781); une lettre de Louis XVI (Versailles,
21 août 1775) ; une lettre de l'impératrice Marie-Louise ù la
comtesse de Mortemart (21"avril 1814)pourla remercier de tous
les services qu'elle lui a rendus depuis son arrivée en France ;
une lettre de Masséna ;\ Soult (Marseille, 9 mars 1815) où il
parle du débarquement de Napoléon au golfe Juan et déclare
que « Sa Majesté [Louis XVII1| peut compter sur le dévouement
absolu de tous ses sujets dans toute l'étendue du commandement
qu'elle a bien voulu lui confier »; une lettre du général Menou à
la citoyenne Novel (Alexandrie, 25 prairial an IX) ; une lettre du
vicomte de Mirabeau à sa belle-sœur la comtesse de Mirabeau
(7 août 1776); neuf lettresdu marquis de Mirabeau, l'une ù son
fils le comte de Mirabeau (29 mai 1772), une autre à M. de Ma-
156 HEVUE HISTOHIQUE DE LA HÉVOLUTION FRANÇAISE
rignane, beau-père de son fils Gabriel (12 avril 1783), les sept
autres à Madame de Mirabeau (1772-1783) ; une letlre de Caroline
Murât à l'un de ses frères (Naples, 31 janvier 1815); deux lettres
de Napoléon Bonaparte, l'une à la commission administrative du
Mantouau (Milan, l'' nivôse an V), l'autre au commissaire-ordon-
nateur en chef de l'armée d'Italie (Passeriano, 30 vendémiaire
an VI) ; une letlre du maréchal Ney au général Loison
(Thomar, 2 février 1811) ; une lettre de la duchesse de Polignac à
Galonné (Versailles. 17 décembre 1783) ; une lettre du général
Rampon à son beau-frère (Le Gaire, 9 thermidor an VI); une
lettre duGomitédc salut public aux représentants Ghoudieu et
Richard (28 prairial an II), portant les signatures de Robespierre,
Garnot, Billaud-Varenne, Gollot d'Herbois et Goulhon ; une lettre
de Rouget de Lisle à M. Monnier (Montaigu, 30 juillet 181(5) ; une
lettre du maréchal Sérurier à Davout (Paris, 12 mai 1815).
Cusiques documents sur Mirabeau. — La vente d'autographes
du 23 mai 1914, dont nous énumcrons d'autre part les princi-
pales pièces, contenait, sur Mirabeau el sa famille, plusieurs
dossiers d'une importance particulière. Voici la description el
l'analyse qu'en donne le catalogue de la venle ;
1" Lasleijric du Siiillant (C:ii-olinc-Elisabcth de Riqueli-Mirabeau,
marquise de), une des sœurs de Mirabeau. — Douze letlrcs autographes
signées et trois lettres autographes à la comtesse de MiraJjcau, sa belle-
sœur ; 1776-1781 ; 32 pages in-4. Intéressante correspondance où elle
s'entretient avec sa belle-sœur de menus propos et de petites commissions,
comme-celle-cidu 26 avril 1777 .'«J'ai fait partir mercredi dernier, ma bonne
sœur, une boette contenant toutes tes affaires, c'est-à-dire ton corps,
douze paires de souliers, quatre pots de rouge, une petite bouteille de
poudre de chipre, trois plumes de barbet blanches, deux noire et un
petit plumet noir. J'y ai ajouté un esprit, cela m'a coûté quarante sols
de plus, et il est fort à la mode d'en porter lorsqu'on met des plumes.
Il y a aussi un bonet, que j'ai choisi de préférence comme étant à présent
tout ce qu'il a de plus à la mode... J'ai aimé mieux te prendre celui là
pour douze francs de plus, qu'un tontimi (?) en gase, qui ne sçauroit
faire un bonet bien habillée, si j'avais eu de ^es cheveux pour modèle je
t'aurois fait faire un hérisson, car toutes les belles dames se cocffcnt de
même. Ce n'est pas infiniment joli, mais enfin c'est la mode. » Un peu
plus tard, les lettres témoignent de préoccupations plus graves. M""' de
I..asteyrie conseille sa belle-sreur sur l'attitude qu'elle doit avoir vis-à-vis
de son mari (|ui, étant détenu, cherchait à se ménager un rapporochc-
ment flvec sa femme pour obtenir sa liberté. « Ce que je demande à deux
genoux, c'est de profiter de tout l'ascendant que la tendresse de ton père
[son beau-père l'ami des hommes] pour toi te donne pour l'empêcher de
tHBOMQlE 157
procéder à une séparation dans le cas où mon frère [Mirabeau] puisse
obtenir par ton moyen une liberté qui le mette à même de prouver que
son changement ne tient pas à ses paroles seulement. Tu sens, ma bonne
sœur, combien il serait cruel pour lui de te perdre pour jamais, dans le
tems oij il se sent le plus digne de toi, et où il ne veut de liberté que
pour te le rendre tous les jours de plus en plus. Il est dans ces dispo-
sitions : j'en suis caution. Les lettres qu'il m'écrit journellement me le
prouvent. Il me mandait dernièrement : Je voudrais que M"il' de Mira-
beau lit une démarclie si publique, qu'elle me lia à tout jamais, et me
lit passer aux yeux de toute la terre pour le plus ingrat de tous les
liommcs si j'étais jamais capable de l'oublier. » — Une lettre autographe
signée au marquis de Marignane, père de la femme de Mirabeau. Au
Bignon, 20 octobre 1778. Lettre de condoléances à propos de la mort de
l'enfant de sa belle-sœur (Le 5 octobre 1778, pendant que Mirabeau était
détenu à Vincennes, son fils était mort).
2" Marignane (Marquis de), père de la femme de Mirabeau. — Une lettre
autographe signée à Mirabeau ; 10 novembre 1782. Il l'informe qu'il n'y a
pas de menace dans la résolution qu'a prise sa fdlc ; elle ne peut qu'opé-
rer le malheur commun des deux époux. « Le sien en redevenant votre
victime, le vôtre en vous donnant occasion d'avoir de nouveaux torts dont
la récidive dans un âge plus mûr achèverait de vous perdre. L'impétuosité
de vos démarches, la fougue et le ton assure de votre style épistolaire me
tiendrait en grande méfiance sur la réalité de votre changement si tout,
d'ailleurs, ne me prescrivait pas sur cela la plus grande circonspection. »
3" Mirabeau (André-Boniface-Louis Uiqueti, vicomte de), dit Mira-
beau-Tonneau, frère de Mirabeau. — Une lettre autographe à sa belle-
sœur, la comtesse de Mirabeau; Mirabeau, 7 août 1776. Très curieuse
lettre dans laquelle il la prévient qu'elle court danger qu'elle ne peut con-
cevoir si elle quitte Tourves pour aller au bal. « Que cette lettre, toute
peu disante qu'elle est, ne sorte de vos mains que pour être brûlée. » — •
Une note contemporaine est jointe. En voici le texte : « N" 7. Lettre de
M. le chev. de Mirabeau à M"'' sa belle-sœur, qui prouve le projet
qu'avoit M. de Mirabeau d'enlever sa femme. Il crut sa conscience inté-
ressée à avertir sa belle-sœur du risque qu'elle couroit. »
4" Mirabeau (Victor Riqueti, marquis de), dit l'Ami des hommes,
père de Mirabeau. — Une lettre autographe signée à son fils ; Paris, 29
mai 1772. Lettre relative aux formalités du mariage de Mirabeau. La lettre
du marquis est suivie de notes concernant deux créanciers de Mirabeau,
qui se jouaient d'eux.
5" Mirabeau (Victor Riqueti, marquis de). — Une lettre autographe
signée à M. de Marignane, beau-père de son fils Gabriel ; Paris, 12 avril
1783. Il proteste contre la prétention de M. de Marignane de le compro-
mettre dans les moj-ens à employer pour soutenir la cause de M""' de
Mirabeau et son refus de se réunir avec son mari. « Quoi ! c'est vous.
Monsieur, qui croyés pouvoir révéler au public les confessions d'un père
allarmé et irrité pour vous en faire un titre contre son fils, coupable ou
158 REVUE HISTOHIQIE DE LA HÉVOI.ITION FRANÇAISE
non, des délits dont il pouvait alors être accusé ?... Vous le sçavés.
Monsieur, depuis le jour fatal où vous préférâtes mon fils pour votre gen-
dre, en rompant un engagement pris avec un autre (et ce ne fut pas à ma
sollicitation), que n'ai-je pas fait pour écarter de vous tout sujet de trou-
bles; quels avantages personnels ai-jc cherché dans votre alliance? Qu'ai-je
exigé de vous? Aucun des droits que nie donnaient nos lois et les usages
de Provence ; je vous a3' laissé disposer des fonds et des revenus de M"'<'
votre fille à votre gré. Quand elle est venue à moi, ma maison lui a été
ouverte, sans réserve, sans payer de pension. Quelle dise si elle y a été
traitée en fille chérie ! » Le marquis de Mirabeau menace le marquis de
Marignane, s'il publie ses confidences de père alarmé, de le marquer en
public pour « aprendre à tous les hommes à se tenir en garde contre leurs
propres vertus et contre la confiance aveugle en celles qui ne furent point
éprouvées ».
6" Mirabeau (Victor Hiqueti, marquis de). — Sept lettres autographes,
dont six signées, à Madame de Mirabeau, 1772-1783; 22 pages in-4. —
Dans la première lettre, il lui fait mille compliments et se déclare heureux
de la pouvoir donner comme femme à son fils Gabriel. « Mon fils a des
défauts, personne ne les connaît, ne les sent et ne les sentira peut-être
plus que son père, mais il a le c(eur bon, chaud, noble même, quoique
impérieux et gâté par Torgueil. Enfin c'est mon fils et vous scaurés un jour
ce que c'est que ce titre. » Le marquis de Mirabeau remercie M"" de
Marignane d'avoir agréé sou fils pour époux. « Mon fils me rend aujour-
d'huy avec usure tous les biens que je lui ay faits en me donnant une fille
telle que vous. Mais je n'oublieray pas que c'est à vous seule que je dois
l'avantage qu'il reçoit aujourd'hui. » En 1774, l'Ami des hommes félicite
sa belle-fille sur le style de ses lettres dans lesquelles la justesse des
expressions s'ajoute à la sagesse des pensées. Il l'invite à vivre avec une
dépense qui ne dépasse pas 3.000 livres, mais il met sa bourse à sa dis-
position pour qu'elle en use en toute liberté. Il lui conseille de prendre son
frère, le bailly de Mirabeau, dans son ménage ; il en fait un très curieux
portrait. Plus loin, il console sa belle-fille sur la mort de son enfant. La
dernièie lettre, datée du 25 février 1783, est relative à la réconciliation
des deux époux (Gabriel était en liberté depuis plus de deux ans). « Il a
trente-quatre ans. Je suis content de son obéissance en cecj- jusqu'à pré-
sent [de ne pas chercher à se rapprocher de sa femme] et je ne puis luy
refuser la liberté d'employer les moyens qu'on jugera les plus efficaces
pour sortir de la pénible situation où il est. Ma très chère fille, je ne suis
pas heureux. 11 ne tiendrait qu'à vous de me donner un bon en ma vie.
Vous me l'aviez fait espérer, car pourquoi me demandicz-vous, en juin
1780, de mettre votre mary à portée d'être éprouvé si vous ne vous étiés
pas conservé des droits sur luy, des devoirs envers luy ! »
7" Miniheim (Jcan-.\ntoine- Joseph), oncle du grand orateur, dit le
Railly de Mirabeau. — Trois lettres autographes signées à sa nièce, la
femme de Gabriel ; 1778-1780 : 6 pages in-4. Lettre de consolation ; il
l'exhorte à prendre des distractions (8 décembre 1778). Le 14 août 1779,
CHRONIQUE 159
le hailly dcclarc nettement que le sort tle son neveu, en prison à Vinccnncs,
lui est parfaitement indifférent, mais il reporte sur sa nièce l'amitié qu'il
avait pour son neveu. Le 13 septembre 17S0, à propos de la tentative de
réconciliation de Mirabeau, il écrit ceci à M""' de Mirabeau : « Comme
je l'aj' mandé à votre mary lui-même. Madame ma chère nièce, s'il avait
moins de talent de persuader, il me persuaderait plus facilement, mais
quel que soit son sort à l'avenir, personne ne pourra s'en prendre à mon
avis, soit si une clôture éternelle et sa séparation d'avec vous entraîne
la perte entière de ma famille et toutes les autres choses qui s'en suivent
nécessairement, soit que, jouissant simplement de sa liberté il en me-
susât ce ne sera pas d'après mon avis qu'on aura agi et je me conten-
teray d'être toujours au secours de quiconque en aura besoin et de tâcher
de remettre le bon ordre quand je le pourrai et aider de mon mieux à
rétablir les affaires si le cas y échet. » Le bailly de Mirabeau expose qu'il
est impossible de savoir si son neveu est sincère, responsable ou incons-
cient'dans ses bonnes résolutions, et que son père ne peut, non plus, se
rendre responsable de ce qui peut arriver s'il donne la liberté à son fils. Si
son neveu est réellement amendé, il serait fâché de prononcer un ana-
thème contre lui, mais s'il feint une conversion — comme le baillj' le
craint — celui-ci serait au désespoir d'avoir contribué à déchaîner une
bête féroce.
Les impressions de l'abbé Edgeworth de Fiimont au lendemain de
la mort de Louis XVI. — Les troi.s lettres autographes de l'abbé
Edgeworth de Firmont à la comtesse du Roure qui ont été ven-
dues, à l'Hôtel Drouot, le 23 mai dernier, ofl'raient un intérêt tout
particulier, car elles nous font connaître les impressions du prin-
cipal témoin de l'e.xéculion de Louis XVI, quelques semaines à
peine après cet événement. Ces lettres sont en efi'et datées de mars
et d'avril 1793. Nous ne saurions mieux faire que de reproduire
l'analyse qu'en donne le catalogue de la vente :
Précieuses lettres écrites quelques semaines après l'exécution de Louis
XVI, pendant que l'abbé de Firmont était réfugié à Choisy-le-Roi. Elles
ne sont pas signées et il faut les lire attentivement pour en saisirl'impor-
tance. Dans la première lettre, il s'excuse de n'avoir pas répondu aux deux
lettres de Madame du Roure, mais il lui explique qu'il a été obligé de
partir précipitamment dans une circonstance qui aurait pu être bien dé-
cisive pour lui. Après cette allusion voilée à l'événement du 21 janvier,
l'abbé de Firmont, à mots couverts, en retrace les péripéties et rappelle la
courageuse attitude de Louis XVI : « Il est des sensations que le langage
ordinaire ne saurait rendre : et assurément toutes les peines de ma vie
mises en somme n'étaient rien auprès des déchiremens de ce jour-là. Mais
en revanche, que de consolations venaient au soutien de ma faiblesse, et
me donnaient une force que je ne trouvais pas en moi! Quelle résignation,
quelle patience! quelle grandeur d'âme! quel héroïsme! Non, Madame,
160 RKVUIÎ HISTOHIQfE DE LA RÉVOLUTION I-HANÇAISE
tdut ce qu'on a pu vous dire n'est qu'une ombre auprès de ce cjue j'ai vu.
Que ne puis-je entrer dans un plus grand détail ? Mais tout conspire à
m'iniposer silence aujourd'hui. — Le même jour [21 janvier] je quittai
Paris, M. de M[alesherbcs] exigeait autre chose de moi et voulait que je
disse adieu à la France, où, à son avis, je ne pouvais plus trouver de sûreté,
mais Dieu a eu soin de moi et, en fuyant les regards que j'avais fixés un
instant, je crois avoir réussi à me faire oublier. » Dans les autres lettres,
l'abbé Edgeworth de Firmont fait part a Madame du Roure, restée à Paris,
qu'elle peut entendre la messe et communier dans la chappelle de son hô-
tel de la rue de Bourbon et la prie de venir le voir dans sa retraite, aux
environs de Paris, puis il dît: «Depuis le matin vous attendes une ligne
de moi, et cette ligne ne vous parviendra que demain, car nos portes sont
fermées et il n'y a plus moyen d'envoyer chez vous. »
Robespierre et la loi de prairial. — Dans une vente d'auto-
gruphos qui a eu lieu à l'Hôtel Drouot le 13 juin 1914, et sur
laquelle nous donnerons quelques détails dans notre prochain nu-
méro, figurait un document assez curieux et dont il serait intéres-
sant de connaître le texte complet. C'est un projet de décret écrit
tout entier de la main de Robespierre, sur trois pages in-4", et qui
paraît se rapporter à la loi du 22 prairial. « Le présent manuscrit,
dit le catalogue de la vente, est extrêmement précieux à cause des
nombreux passages bilTés par Robespierre lui-même, qui permet-
tent de suivre les variations subies par sa pensée lorsqu'il composa
cette pièce mémorable. » En fait, il est difBcile de tirer des dé-
ductions précises de ce document tant qu'il n'aura pas été publié.
Voici le court fragment qu'en donne le catalogue : « Considérant
que les jugements des grands coupables ont toujours éprouvé des
lenteurs qui compromettent les intérêts de la liberté et qui con-
trastent scandaleusement avec la promptitude de la punition des
criminels obscurs,... décrète ce qui suit... si le jugement d'une
alTaire a été prolongé de trois jours... il sera procédé sur le-champ
au jugement, etc. » Ce passage, d'ailleurs morcelé, montre que
Robespierre, comme les autres membres du Comité de salut pu-
blic, se préoccupait des lenteurs qui paralysaient l'action du tri-
bunal révolutionnaire ; mais il ne semble pas, ù en juger par ce
fragment, que le projet rédigé par lui ait servi de base à la rédac-
tion du décret de la Convention.
Le Directeur-Gérant : Charles Vellay.
vn.;i:MiKr.i:. — iMiMUMtim: Mazkl ».V Piancher
Li: PROCÈS
DES PAPIERS DE COURTOIS
(183 1-18:33)
Rentré en France, en 1818, pour recueillir le faible héri-
tage que lui laissait son père, Henri-Bonaventure Courtois
dut demander son pain quotidien à divers expédients.
Usant et abusant du titre de fils du conventionnel Cour-
tois, il se montra cependant très prudent, très réservé, sous
le gouvernement des Bourbons. Mais à partir de 1831, sous
Louis-Philippe, comme sous Napoléon III, il eut recours à
l'intimidation, au chantage, dans l'espoir de faire tomber
sur lui les faveurs des nouveaux régimes. Il échoua et dès
lors se lança dans l'opposition violente, ce qui ne lui réus-
sit pas toujours.
Le premier terrain de lutte qu'il choisit fut celui de
l'affaire des papiers saisis à Rambluzin, au domicile de son
père, le 9 janvier 1816, par ordre du duc Decazes, alors
ministre de la Police générale.
Il assigna le duc en restitution de documents, sinon en
paj-ement de dommages-intérêts ; il épuisa toutes les ruses,
se donna bien du mal et finalement succomba.
Il fit alors appel à l'opinion et publia ce qu'il nomme
l'histoire de son procès dans un pamphlet intitulé : Affaire
des papiers de V ex-conventionnel Courtois '.
Outre que Courtois prolongea indéfiniment les vingt-
quatre heures accordées à tout condamné pour maudire
1. Paris, Uelaunay. libraire au Palais-Koyal, 1834. In-8" de 36 pages.
El:V. HIST. nt I.A litVdL. 11
162 RKVIE HISTORIQrE »K LA HlivOLVTION FRANÇAISE
ses juges, son caractère violent et aigri par de nombreux
déboires ne nous est pas une garantie bien sûre de son
impartialité, surtout si l'on tient compte que parmi les no-
tes laissées par lui plusieurs font planer sur sa loyauté un
doute sérieux. Nous donnerons plus loin une de ces notes.
Aussi serait-il intéressant de présenter de ce procès ce
qu'on pourrait appeler la version Decazes. Le factum que
l'ancien ministre de la police générale adressa le 8 novem-
bre 1832 à MM. les président et juges composant le tribunal
civil de première instance du département de la Seine, fac-
tum retrouvé dans les papiers laisses par H. Courtois, nous
en offre le moyen.
Il suffira de le donner in-extenso et de le compléter avec
les notes et la brochure du demandeur.
Toute question de bonne foi chez l'ancien ministre laissée
de côté, faut-il accorder au duc Decazes, accusé qui se dé-
fend, plus de créance qu'à H. Courtois, accusateur et sur-
tout plaideur malheureux? Il parait bien difficile de se pro-
noncer. L'accusation allègue certainement des faits précis,
démontrés, indéniables, auxquels le factum ne répond pas
toujours suffisamment.
Peut-être un jour quelque nouveau document d'archives
éclairera-t-il ce petit problème. Tout ce que nous pouvons
faire de mieux aujourd'hui c'est de donner les éléments du
procès en laissant au lecteur le soin de conclure.
C'est le 1" mars 1831 que H. Courtois engagea la lutte
par cette lettre au duc Decazes ' :
1" mars ISU.
M. le Duc, à l'époque de la seconde restauration en 1816, le
domicile du conventionnel Courtois, mon père, fut envahi par la
gendarmerie, des perquisitions furent faites et par suite plusieurs
1. N.-\turellenu'nt, nous n'avons entre les mains que les minutes de H.
Courtois. Ces minutes sont parfois ,iu nombre de deux ou de trois pour la
même lettre. C'est toujours l.i plus complète, la plus achevée , que nous donnons.
LE PHOCKS niiS PAPIERS Di; COURTOIS 1G3
caisses de papiers furent enlevées. Mon père, accablé d'infirmités
et de la perte toute récente de son épouse ', éprouva toutes les an-
goisses de la persécution - et bientôt l'exil consomma sa fin.
Je devais croire que mon séjour dans l'île delà Guadeloupe
depuis 1799 me garantirait de toute atteinte, mais la persécution
passa les mers et vint m'alteindre à 2.000 lieues de la F"rance ^.
Il paraissait juste alors que le fils répondit de la conduite politi-
que de son père.
D'après les renseignements que j'ai recueillis de ma famille,
ces papiers furent enlevés par vos ordres et déposés dans vos
bureaux.
Malgré mon éloignement de la France, je n'ignore pas qu'il
n'a pas tenu à vous, Monsieur le duc, que le sort des proscrits
ne fut adouci» ; c'est cette assurance qui me fait espérer aujour-
d'hui que vous voudrez bien avoir la bonté de m'indiquer quel a
1. H. Courtois oubliera que M""*" Courtois était morte à cette date, et. poul-
ies besoins de la cause, il la fera survivre jusqu'à fin mars.
2. H. Courtois écrit dans l'Affaire des papiers de l'ex-conuentionnel Courtois :
« D'atroces persécutions ont été exercées contre l'ex-convenlionnel Courtois, mon
père. Son domicile, envahi par la gendarmerie, a été dévasté, sa famille tout
entière chassée de ses foyers et ses papiers spoliés. Lui-même, quoique frappé
par la loi d'amnistie, ne put quitter la France qu'après trois tentatives infruc-
tueuses et sous un déguisement qui le sauva des poignards d'une bande d'as-
sassins. j>
A part la présence des gendarmes à Rambluzin, nous n'avons nulle part
trouvé, dans les papiers de H. (Courtois, trace de ces persécutions.
3. Bien dans les papiers laissés par H. Courtois ne laisse soupçonner cette
persécution d'outre-mer. Le 9 septembre 1814, il reçoit une commission d'avoué
à la Pointc-,i-Pitre, commission qui est renouvelée le 14 février 181."). Dépos-
sède de sa charge lors de la prise de la Guadeloupe par les Anglais, il adresse,
au retour des Français, au lieutenant général, comte de Lardenoy, gouverneur
de la colonie, une supplique toute de miel pour Louis XVIIl, demandant à
être réintégré dans sa charge. Le gouverneur la transmet et la recommande le
6 novembre 1816 à qui de droit, et, le 18 du même mois, H. Courtois obtenait
satisfaction. Enfin, au mois de mars 1818, il obtenait sur sa demande un congé
d'une année « pour se rendre en France pour y régler des affaires de famille ».
Impossible de voir dans tout cela trace des persécutions dont se plaignit si
souvent H. Courtois.
4. H. Courtois ne tardera pas à l'ignorer complètera&nt. Dans son pamphlet il
écrira :
« Signaler ces excès, c'est désigner l'époque : le duc Decazes était alors
ministre de la Police.
« C'est vainement que, se parant d'une hypocrite modération, il prétend s'être
opposé aux vengeances de la restauration ; nous ne sommes que trop accoutumés
à cette lâcheté, complice du présent et courtisan de l'avenir ; sa retraite seule
aurait pu le justifier ; resté au pouvoir, il est l'ordonnateur et le fauteur de tous
les crimes de cette époque. »
KU RKVUK IIISTORIQUK DK LA REVOLUTION FRANÇAISE
été le sort de ces papiers et ce que je dois faire pour les recou-
vrer.
J'ai l'honneur, etc.
A la suite de cette minute, H. Courtois a ajouté le nota
suivant :
M. Decazes ne répondit point. Il remit ma lettre à M. de Pou-
dras qui m'invita à me rendre dans ses bureaux pour recevoir les
papiers saisis. On m'offrit alors une liasse contenant quelques
pièces insignifiantes qu'on me dit être le tout. Je réclamai l'inven-
taire ; il n'en avait point été fait.
Sur ma demande M. C. Perrier ordonna que la remise me se-
rait faite. J'écrivis alors une seconde lettre à M. Decazes, le 19
mars 1831.
Voici cette réponse du ministrede l'intérieur, dont il vient
d'être question:
l'aiis, le 27 mars ISSU
Vous vous êtes adressé à mon département pour obtenir la
restitution des papiers dont l'administration a fait opérer la saisie
chez M. Courtois, votre père, à l'époque où l'application de l'ar-
ticle 7 de la loi du 12 janvier 1816 a contraint les ex-convention-
nels à quitter la France.
Quoiqu'il résulte du procès-verbal dressé à cette occasion, et
signé par un des fils de M. Courtois, comme fondé de pouvoirs,
que les papiers saisis n'en renfermaient aucun qui fut personnel
à M. votre père, je suis tout disposé, monsieur, à vous faire re-
mettre ceux qui pourraient avoir pour vous quelque intérêt.
Vous êtes, en conséquence, autorisé à vous présenter quand
vous le jugerez convenable à la Division de la Police générale où
les pièces dont il s'agit vous seront remises sur votre reçu.
La lettre du 19 mars de H. Courtois au duc Decazes est
reproduite dans le factiim de ce dernier.
Elle se terminait par ces lignes : « Monsieurle duc, avant
de rien préjuger, avant d'aller plus loin dans une affaire
1. Il doit V avoir erreur de date, soit iei, soit dans les quantièmes indiqués
par H. Courtois.
LE PUOCKS DliS PAI'IKHS Di; COLHTOIS
U)5
aussi délicate, aussi grave, je crois devoir attendre les ex-
plications qu'il vous plaira de vouloir bien me donner. »
La minute porte en outre ce nota : « Cette lettre est res-
tée sans réponse et m'obligea d'en écrire une troisième à la
date du 31 mars, à laquelle il fut répondu. »
Remarquons que, malgré son affirmation, H. Courtois
accepta la remise qui lui était faite, et il en donna — sous
toutes réserves — une décharge régulière '.
Vers cette date également, H. Courtois eut communica-
tion du dossier de police concernant son père. C'est ce qu'in-
dique une seconde note de cette même minute de la lettre
du 19 mars : « 22 mars, vu le dossier. »
Il en fit une analyse sommaire commentée. Nous la don-
nons à la suite du jugement, car elle complète la version
Courtois et répond sur plusieurs points à la version Deca-
zes.
La lettre du 19 mars étant donc demeurée sans réponse,
H. Courtois en écrivit une très longue, le 31, qui forme tout
un réquisitoire. Le faclum du duc Decazes la reproduit en-
tièrement.
Le duc Decazes, cette fois, répondit. Sa lettre est datée
du 7 avril 1831.
La voici - :
.le n'ai pu vous répondre, Monsieur, avant d'avoir pris les
renseignements sur l'affaire dont vous m'entretenez. Je regrette
de ne les avoir pas eus assez tôt pour vous éviter la peine d écrire
la dernière lettre que vous m'avez adressée.
J'étais sur de n'avoir pas ordonné la saisie des papiers de M.
votre père et je ne me souvenais que de ceux qu'un officier de gen-
darmerie m'apporta renfermés sous une enveloppe qui ne conte-
nait que le testament de la Reine Marie-.\ntoineltc et quelques
autres objets lui ayant appartenu. La communication du dossier
n'a fait que me confirmer dans mes souvenirs.
1. \'oir le dc-tail des pièces remises dms K. Wixvkht : Le ConrenlionncI
Coiirlt}is ; la saisie des papiers.
2. Xoiis n'avons de eette lettre qu'une copie 0- hi uuiin de H. Courtois.
166 REVtK HlSTORlQL'i: DE LA RÉVOLUTION IRAXÇAISE
Je n'ai jamais vu la caisse dont vous me parlez ; il est encore
douteux pour moi qu'elle soit parvenue dans les bureaux du mi-
nistère, mais dans tous les cas ces papiers n'ont pas été et ne
sont pas en ma possession. Je vous ferai d'ailleurs remarquer
qu il résulte du procès-verbal signé de M. votre frère et du juge
de paix, que la caisse ne contenait rien de personnel à M. votre
père et ne renfermait que des pièces relatives à la Révolution.
J'espère que vous reconnaîtrez. Monsieur, que je ne puis vous
restituer des objets que je n'ai pas, et vous indemniser de dom-
mages que je ne vous ai pas causés.
J'ai, etc.. Signé : Le duc Decazes.
A la suite de cette lettre H. Courtois a écrit :
M. le duc dit n'avoir pas donné l'ordre de saisir les papiers
de Courtois, cependant le procès-verbal d'apposition des scellés
en date du 6 février 1816 porte': En vertu d'une lettre de S. E. an
préfet Maussion en date du 3 février.
Il ajoute qu'il n'a jamais vu les papiers et le préfet Maussion
lui annonce par sa lettre du 12 février qu'il a remis ces papiers
à la diligence à son adresse.
Il dit encore : il est douteux pour moi que ces papiers soient
jamais parvenus dans les bureaux du Ministère. Il y sont si bien
parvenus qu'une partie vient de mètre remise.
Et pour complcttersa réponse M. Decazes ne craint pas d'ajou-
ter que la communication du dossier n'a fait que confirmer ses sou-
venirs, c'est-à-dire qu'il est tout à fait étranger à cette affaire.
Le chef du bureau préposé à la garde des archives, rue Hille-
rin-Bertin, m'a déclaré, en me remettant les pièces échappées à
la spoliation, qu'aussitôt l'arrivée des papiers, M. Decazes les
avait fait transporter aux Tuileries, ce qui confirme les avis don-
nés à mon père à cet égard '.
A la lettre du duc Decazes H. ("ourtois répondit, le 11
avril, ainsi qu'il suit :
M. le duc, j'é|)rouve tout le regret possible de ne pouvoir ad-
mettre que cette affaire vous est étrangère. Vos nombreuses occu-
pations vous en ont sans doute fait perdre le souvenir. Au reste,
1. Voir, ;'i In Un (1.- ci-l ailiili-, la iiolc s,- rappnrlaMl nu f.ui\ dr H. Courtois.
I.F. PKOCÈS DKS PAPIERS DE COl'RTOIS 167
qu'il y ait oubli ou désaveu, celte fin de non-recevoir ne sera
d'aucun poids devant les preuves irrécusables que je produirai.
Quant à l'objection que ces pièces n'étaient relatives qu'à la
Révolution, cela ne ferait que confirmer l'intérêt dont elles étaient
pour certaines personnes et rendre plus odieuses encore les per-
sécutions subies par mon père puisqu'il ne se trouvait rien à sa
charge dans cette saisie. Une administration plus pénétrée de ses
devoirs se serait empressée alors défaire la restitution, mais, il
faut en convenir, à cette époque on ne se piquait pas d'une pro-
bité administrative bien rigoureuse.
Si dans ces cartons il s'était trouvé quelques pièces suspectes
on pouvait en faire un choix et restituer le reste, sauf ensuite à
débattre avec les intéressés le droit que l'on s'arrogeait.
S'il s'était par hasard rencontré quelque document dont on
put demander la réintégration dans les archives ou dépôts pu-
blics, c'était encore un droit qu'on ne pouvait exercer que contra-
dictoirement avec l'accusé.
Dans aucun cas un ministre dépositaire ne pouvait violer le
dépôt confié par la loi ; cette insigne spoliation est prévue par
l'art. 255 du Code pénal.
Au défaut de l'inventaire éludé avec tant d'astuce, on croit au-
jourd'hui atténuer l'intérêt de ces papiers et leur spoliation en
disant qu'ils n'étaient que politiques. J'en produirai la note dé-
taillée ; on verra alors que l'importance générale et privée de ces
documents explique tout naturellenicnt l'empressement à les pos-
séder et leur disparition '.
Jusqu'ici cette alfaite n'a encore amené ni choix d'un défen-
seur, ni publicité ; je me suis contenté seulement de prendre les
mesures que la prudence suggérait. J'ai tiré du dossier copie et
extrait des pièces dont je pouvais craindre l'altération ou'la sous-
traction et je me suis assuré que la préfecture de la Meuse ne se
prêterait jamais à de pareilles tentatives.
M. le duc, j'éprouve une véritable peine, beaucoup plus grande
que vous ne le pensez peut-être, de mettre au jour une affaire
d'où naîtra tant de révélations et tant de scandale. Y serai-je
forcé ? Encore quelques jours d'attente et je n'aurai plus qu'un
1. Cette conclusion de H. Courtois ne me semble pas découler très clairement
de l'examen de la liste des pièces réclamées, telle que nous la retrouvons plus
loin, dans le factum, sauf le n'* 26.
168 UKVUE HISTORIQUE DE LA KÉVOI.ITION FHANÇAISE
devoir à remplir : celui darracher les dépouilles enlevées à mon
père et de flétrir ses spoliateurs.
Le duc Decazes ne répondit pas.
H. Courtois semble avoir attendu quelque temps encore
avant de recourir aux tribunaux.
Il préparait cependant l'attaque, comme le prouve cette
note retrouvée dans ses papiers :
Avant (le former une demande contre Decazes, ne serait-il pas
à propos de constater l'état des papiers saisis ?
En vertu de la lettre du président du conseil, en date du ' ..,
qui ordonne la remise des papiers saisis chez le conventionnel
Courtois au mois de février 1816, faire sommation à M. Poudras
(qui m'a été indiqué comme devant faire celte remise) d'avoir à
représenter la caisse contenant les cinq cartons de papiers et l'in-
ventaire ou procès-verbal de saisie de ces papiers afin de procé-
der sur-le-champ au recollement d'inventaire nécessaire à leur re-
mise.
Constater (si faire se peut) que le procès-verbal d'apposition
des scellés fait en vertu d'une lettre de S. E. le ministre de la Po-
lice en date du 3 février 1816, ne spécifiantpoint les papiers saisis,
mais les désignant vaguement sous le titre des pièces relatives à
la Révolution ne permit pas de procéder à ce recollement.
Constater qu'au lieu des cinq cartons contenus dans une caisse
au dire du procès-verbal sus mentionné, il n'est représenté par
M. de Poudras qu'une chemise contenant quelques pièces qui
font à peine la dixième partie de ce que peut contenir un carton
ordinaire.
Déclarer ne pas accepter cette remise comme insuffisante, pro-
tester et faire toutes réserves de se pourvoir, etc.
Il me parait instant de constater l'existence dans les bureaux
de ces restes de papiers, puisque M. Decazes prétend qu'ils n'y
sont point parvenus.
Ce ne fut que le 21 décembre 1.S,'51 qu'eut lieu l'appel en
1. 27 iiK'rs IS81. \'nir plus liaut. p. lf.4.
LK PKOGÈS DES PAI'IKHS DE COURTOIS 1()9
conciliation entre les parties devant le juge de paix du di-
xième arrondissement.
La conciliation ne put avoir lieu et, en conséquence, le 31
décembre 1831, H. Courtois assignait le duc Decazes devant
le tribunal de première instance.
L'acte d'assignation, reproduit tout au long dans le fac-
tum de l'ancien ministre, est particulièrement intéressant
en ce qu'il nous fournit la liste — aussi complète que pos-
sible — des pièces réclamées par le demandeur.
Il est bien regrettable que nous ne puissions connaître
les documents qui avaient servi de fondement aux réclama-
tions de H. Courtois.
La cause fut distribuée à la première (>hambre, le 13 jan-
vier 1832, mais elle traîna pendant presque tout le cours de
cette même année.
Peut-être H. Courtois n'était-il qu'à moitié rassuré sur
l'issue du procès et espérait-il obtenir plus par le chantage
que par les voies légales. Quoiqu'il en soit, le 8 octobre 1832,
sous prétexte de répondre à la lettre du duc Decazes du 7
avril 1831, il revient à son système tl'intiniidation. Il reprend,
en les accentuant et en les complétant, ses commentaires sur
la lettre de son adversaire.
M. le duc, écrit-il, encore un mot sur une atTairedonl les re-
tards bien qu'inexplicables me permettent cependant de vous faire
quelques nouvelles observations.
Par votre lettre du 7 avril de l'année dernière vous dites :
j'étais bien sûr de n'avoir pas ordonné la saisie des papiers de M.
votre père.
Cependant le procès-verbal d'apposition des scellés en date du
6 février 1816, porte : en verlu d'une lettre de S. E. au préfet
Maussion en date du 3 février courant.
Vous ajoutez : je n'ai jamais vu la caisse dont vous parlez.
Vous avez oublié sans doute que le préfet Maussion par sa let-
tre du 12 février vous annonce qu'il la remet à la diligence à votre
adresse ; et cette même lettre ayant devance l'arrivée de la messa-
170 REVl'E HISTOmgiE DE LA HÉVOI.ITION KRANÇAISE
gerie, vous y avez mis de votre propre main : La caisse esl-elle
arrivée ? Je n'ai rien reçu '.
Plus bas vous dites : il est douteux pour moi que ces papiers
soient parvenus dans les bureaux du ministère, mais dans tous les
cas ils n'ont pas été et ne sont pas en ma possession.
Ils y sont si bien arrivés que le registre du bureau des messa-
geries en porte la décharge.
Et qu'enfin la faible partie échappée à la spoliation m'a été re-
mise par les ordres de M. Perrier qui m'avait promis avec cha-
leur toute son assistance dans cette affaire.
Qu'en a-ton fait? Aussitôt ils ont été portés aux Tuileries ;
mon père en reçut l'avis par une personne aussi bien informée
que vous-même de ce qui se passait au conseil : vous pourrez en
juger lors des débats.
Ils ont si bien pris cette direction que trois lettres du général
Dampierre, Salle - et Robespierre qui faisaient partie de cette
série m'ont été remises après les journées de Juillet, elles avaient
été prises dans les appartements du Roi. Beaucoup d'autres
pièces provenant de la même source ont encore circulé dans le
public. Ces trois lettres sont jointes à mon dossier.
Ils sont si bien arrivés dans vos bureaux que le conservateur
des archives de la rue Hillerin-Bertin, en me remettant les débris
de cette capture, m'a déclaré à deux reprises différentes que cette
caisse avait été par vous envoyée aux Tuileries immédiatement
après son arrivée ; et la dernière fois que je le vis il m'a même
engagé à faire faire des recherches dans les archives du Louvre.
Vous avez donc oublié votre lettre au préfet Maussion, écrite
le 15 février, immédiatement après la réception de cette caisse,
par laquelle vous vous plaignez que le proscrit avait été prévenu
de ce qui se tramait contre lui et vous lui enjoignez de faire de
nouvelles recherches dans l'espoir de saisir enfin des pièces ob-
jet de tous vos vœux que vous n'aviez pas trouvées dans cette
caisse, mais dont l'existence vous avait été révélée par les bruits
publics et pyar un manuscrit autographe du saisi intitulé : Louis
XVIII pendant la Révolution. Vous avez aussi oublié la réponse
de Maussion à cette lettre du 23 février par laquelle il assure que
1. Cela seniblor.iit confirmer la \-ersion Decazes.
2. ^'oi^ relativLMiiont à cette lettre de Salle : Vatel. Charloltc Cordag el les
Giromlins. t. I. p. xi.v et s. - Vatel y accepte iietteinent la thèse du duc Decazes.
LE PKOCKS DES PAPIERS DE COLKTOIS 171
Courtois n'avait point été prévenu des ordres que vous aviez
donnés.
Vous avez oublié la lettre du 10 janvier de Maussion par la-
quelle il vous mande que Courtois est possesseur de papiers im-
portants et annonce qu'il va en faire la saisie avec Benoît.
Et pour comble vous ajoutez : la communication du dossier
n'a fait que me confirmer dans mes souvenirs.
Et à moi aussi, M. le duc, cette communication a été faite et
j'ai pu dans deux séances et pendant plusieurs heures y puiser
les moyens de confondre ces fins de non recevoir.
Il est inutile d'ajouter que dépositaire public vous n'aviez pas
plus le droit d'en disposer en faveur de Louis XVIII qu'en faveur
de tout autre.
Je conçois que l'importance de ces papiers n'a peut-être pas
permis que tous restassent entre vos mains. Je crois à cet égard
ra'ètre expliqué de manière à faciliter une remise qui ne serait
pas intégrale ; aujourd'hui je la sollicite de nouveau dans le but
d'éviter un scandale peu d'accord avec mes habitudes de modé-
ration.
Cette lettre de H. Courtois n'eut pas plus de succès que
les précédentes et demeura probablement sans réponse.
Cependant le duc Decazes faisait remettre au tribunal son
factum dans lequel, après avoir rappelé les faits, il les dis-
cutait et présentait sa défense.
Ce factum est du 8 novembre 1832. Nous le donnons in-
tégralement.'
A MM. LES PRÉsmENT ET JuGES Composant le tribunal civil
de première instance du département de la Seine, séant au Pa-
lais de Justice à Paris ; M. Elle duc de Gazes, Pair de France,
demeurant à Paris, rue Saint-Dominique Saint-Germain, n" 11 ;
défenseur aux fins de l'exploit introductif d'instance du ministère
de Guinard, huissier à Paris, en date du 31 décembre 1831 ; de-
mandeur aux fins des présentes, ayant M= Poisson Seguin pour
avocat ; contre le S' Henri Bonaventure Courtois fils, demeurant
1. Ce factum, comme le jugement que nous donnons plus loin, na aucune
ponctuation ; nous y remédions aussi discrètement que possible.
172 RliVLE HISTOHiyUE DK LA RKVOIATION I-HAXÇAISF.
à Paris, rue Godot-dc Mauroj', n° 29 ; demandeur aux fins de
l'exploit introductif d'instance du ministère de Guinard, huissier
à Paris, en date du 31 décembre 1831 ; défendeur aux fins des
présentes, avant M"^ Fagniez pour avocat ; a l'honneur d'exposer
qu'il vient défendre à une demande dirigée contre lui à raison
des faits qui se sont passés lorsqu'il était ministre ; il s'agit d'une
demande en restitution de papiers qui auraient été saisis chez le
S'' Courtois père à la suite d'une visite domiciliaire faite chez ce
dernier.
Faits. — En 1816, M. le duc de Decazes était ministre de la
police générale ; sous son ministère, le préfet de la Meuse soup-
çonnant que quelqu'un de ceux qui avaient contribué au retour
de Bonaparte en France pouvait être caché à Ranibluzin dans la
demeure du S'" Courtois père, fit faire une perc[uisition chez ce
dernier sous la date du 9 janvier 1816; cette visite fit découvrir
au préfet des papiers importants sur lesquels les scellés furent
apposés; ce fonctionnaire en référa sur-le-champ au ministre qui
approuva la mesure qu'il proposait de faire l'inspection de ces
papiers et d'exiger l'exhibition des titres de propriétés des effets
qu'on pouvait supposer appartenir à l'Etat ; M. Decazes l'autorisa
en conséquence à prendre les dispositions nécessaires pour rem-
plir ce double objet ; le 9 février 1816 furent levés les scellés ap-
posés le 9 janvier sur les papiers et effets mobiliers du S' Cour-
tois ; le S'^ Courtois fut trouvé dans son lit où il était retenu pour
cause de maladie. Son indisposition le mettant hors d'état d'as-
sistei à la levée des scellés dont s'agit, il déclara qu'il donnait au
S'' Achille-Auguste Courtois, son fils, pouvoir de le représenter ;
examen fait contradictoirement avec ledit S'' Courtois fils des pa-
piers mis sous les scellés, ils ont été généralement reconnus par
lui pour être exclusivement relatifs à la révolution. En consé-
quence et comme parmi les papiers il ne s'en trouva aucun qui
fut personnel au S'' Courtois ni à sa famille, ils furent placés ainsi
qu'il appert du procès-verbal de la levée de scellés dans cinq car-
tons. Interpellation faite à M. Courtois père s'il n'était pas pos-
sesseur d'elïets, livres, meubles, etc., provenant de la Cour et du
mobilier des princes de la famille royale ; celui-ci répondit né-
gativement, à l'exception pourtant de certains objets pour les-
quels il fut dressé un procès-verbal particulier ; ces objets se
composaient du testament de la Reine ainsi que de quelques
LE PUOCÈS DKS PAPIICUS DK COLHTOIS 173
objets personnels à Sa Majesté, c'est-à-dire un gant, des cheveux
de Monseigneur le Dauphin, qui ont été placés sous une enveloppe
à peine de la grandeur de cette page et adressée au ministre de
la police par un officier de la gendarmerie envoyé en courrier '.
Ce testament fut communiqué aux Chambres et imprimé ; les au-
tres efTels demeurèrent entre les mains de Louis XVIII à qui M.
Decazes s'était empressé de les remettre ; mais comment ces eEfets
se trouvaient-ils entre les mains du S"^ Courtois, c'est ce qu'il est
facile d'expliquer. On se rappelle qu'après le 9 thermidor une
commission fut créée pour examiner les papiers trouvés chez
Robespierre et ses complices et que le S'' Courtois père fut chargé
de rédiger un rapport officiel sur cette fameuse journée et le tra-
vail de la commission dont il a été parlé. Ce fut dans les archi-
ves du Tribunal Révolutionnaire que la dite commission trouva
les reliques royales sus-détaillées et qui à cette époque étaient
destinées à être brûlées. Mais le S' Courtois père avait trouvé
un moyen de s'en emparer sûrement et les conserva avec le plus
grand soin. Il avait donné, écrivait-il au préfet de la Meuse en
1816, une petite portion des cheveux à feue Mad' la duchesse
de Choiseul -. Elle seule et l'abbé Barthélémy étaient instruits
de l'existence de ces cheveux qu'ils s'étaient engagés à conserver
avec soin comme un trésor inestimable : « Nous nous gardâmes
« bien, ajoute-t-il, de leur parler de cette lettre si touchante, vrai
« chef-d'œuvre d'amour, de sensibilité, écrite à 4 h. 1/2 du ma-
ie tin, le jour même où cette femme courageuse et si aimable
« porta sa tète sur un échafaud si peu fait pour elle ! » Telle est
la source de cette possession par le S"^ Courtois des papiers re-
latifs à la Révolution ; lors de la visite domiciliaire faite chez lui
parle préfet de la Meuse, c'est ce qu'il a reconnu lui-même dans
une lettre adressée à ce fonctionnaire et dans laquelle il lui fait
savoir que les papiers enlevés chez lui qui concernaient Robes-
1. Courtois ne dut remettre qu'une partie de ces souvenirs de la famille royale.
Il conserva par devers lui plusieurs de ces objets qui, dans la suite, passèrent
dans les ventes publiques et dont quelques-uns mêmes sont venus entre les mains
de sa UUc Charmette. M. L. Maussenet, détenteur actuel des papiers laissés par
Henri Courtois et sa sœur Charmette, prépare une notice sur ce sujet. Le con-
ventionnel exilé ne voulait pas se dépouiller de ses gages. Le livre de Marie-
Antoinette qui est actuellement à la Bibliothèque de Chàlons-sur-Marne en était
probablement l'un des plus précieux.
2. H. Courtois écrira : « Ces cheveux ont passé au duc de Marmier, gendre
du duc de Choiseul. »
174 HEVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
pierre et autres étaient destinés par lui à lui servir pour termi-
ner la 2^'""^ partie de son rapport sur Robespierre.
Ainsi non seulement le fils du S' Courtois, délégué par lui à
l'effet d'assister à la levée des scellés et à l'examen des papiers
sur lesquels ils avaient été apposés, avait reconnu à l'instant même
qu'aucun de ces papiers n'était relalil' à son père, mais encore
le père loin d'élever aucune réclamation relative à la saisie d'au-
cun de ces mêmes papiers reconnut qu'il n'en était devenu dépo-
sitaire qu'à raison d'un travail dont il avait été chargé officielle-
ment, que la suite des événements révolutionnaires les avait fait
oublier entre ses mains et qu'enfin l'emploi et l'usage auxquels il
les destinait avait pour objet la confection de la 2'"'"' partie de ce
travail inachevé. Le Tribunal n'a pas oublié que les papiers sai-
sis chez le S' Courtois avaient été mis dans cinq cartons qui fu-
rent cachetés et déposés à la préfecture de la Meuse ; par une
lettre du 12 février 1816, le préfet adressa au ministre le procès-
verbal de levée de scellés et lui demanda en même temps ses or-
dres au sujet de ces cartons. Par une autre lettre en date du 27
avril 1816, le préfet delà Meuse informe le ministre que par suite
de la visite que le 9 janvier il avait fait faire à Rambluzin au do-
micile du S'^ Courtois ex-conventionnel il avait été déposé chez
lui des papiers relatifs à l'affaire de Robespierre et autres qu'il
avait cru de nature à être adressés au ministre, mais qu'il avait
attendu que la saison fut moins variable pour les faire partir ; il
annonçait que le lendemain il devait faire déposer au bureau des
Messageries royales une caisse ficelée et cachetée contenant ces
papiers dont le ministre voudrait bien lui faire accuser réception.
Cette caisse est-elle arrivée en effet au ministère ? M. le duc De-
cazes en a-t-il eu connaissance ? C'est ce que l'exposant nie for-
mellement. La discussion des moyens dont le S'' Courtois fils fera
usage à l'appui de sa demande permettra à M. le duc Decazes de
développer les preuves invincibles de son ignorance et de sa non-
possession relativement aux pièces renfermées dans les 5 carions
dont il s'agit. Quoiqu'il en soit les choses demeurèrent en cet état
jusqu'après les premiers mois de la révolution de 1830. Mais le
l"" mars 1831 le demandeur crut pouvoir exploiter les faits qui
s'étaient passés en 1816 et par une lettre conçue en style roide et
âpre il commença l'exécution de son système d'épouvante dont il
se promettait un heureux résultat. Sa tentative demeura pourtant
l.K l'IiOCKS DKS PAPIEKS DK COl-liTOIS 17Ô
sans effet. M. le duc Decazes n'avait point oublié comment les
choses s'étaient passées vis-à-vis de M Courtois père et sa con-
duite personnelle dans ces circonstances critiques n'avait rien
qui put provoquer un reproche ; M. le duc Decazes crut devoir
garder le silence. Cependant M. Courtois fils voulut interroger
les cartons du ministère de l'intérieur afin d'en tirer, s'il était
possible, des armes contre M. le duc Decazes. Le 10' du cou-
rant écrivit-il à l'exposant « j'ai fait une demande le 19 - mars
« 1831 à M. le ministre de l'intérieur pour obtenir la remise des
« papiers saisis par votre ordre en 1816 chez le conventionnel
« Courtois mon père ; il m'a répondu que ces pièces étaient à ma
« disposition ; en compulsant le dossier il est facile de voir qu'on
« ne peut pousser plus loin l'oubli de toutes les formes voulues
« par la loi. Arrivé aux pièces saisies quel n'a pas été mon éton-
« nement lorsqu'au lieu des titres et documents les plus inipor-
« tants il m'a été représenté que 5 ou 6 chiffons de papier tout à
« fait insignifiants : « c'est, m'a-t-on dit, tout ce que M. Decazes
« nous a remis. » J'ai demandé le rapport des 6 cartons et de la
« caisse mentionnés au procès-verbal de scellés du 9 janvier 1816 :
« on ne les a jamais vus ; il est inutile de vous dire que je n'ai point
« accepté cette remise. » Toujours même silence de la part de M.
le duc Decazes qui en effet n'avait jamais eu de papiers person-
nels exclusivement à la famille Courtois, qui n'avait jamais reçu
les 6 cartons dont il s'agit, ainsi qu'il a été répondu au S'^ Cour-
tois fils dans les bureaux du ministère. Enfin le 31 mars 1831 le
S' Courtois fils prenant acte de ce silence s'enhardit : il écrivit à
M. le duc Decazes une lettre que nous devons rapporter textuel-
lement afin que le tribunal puisse apprécier textuellement la mo-
ralité qui se cache derrière sa demande.
« Je regrette beaucoup, écrivait-il à M. Decazes le 31 mars
1831, que votre silence à ma lettre du 19 courant m'oblige de vous
importuner de nouveau. Qui pourrait croire que la restitution
d'un dépôt aussi sacré que celui que je réclame put éprouver au-
tant de difficultés ? Vous pensez sans doute que le ministre de
l'intérieur, en faisant droit à ma demande, a entendu excepter les
pièces qu'il vous a plu de garder. Mais, moi, sans respect pour
des droits acquis à si peu de frais, je n'accepterai qu'une restitu-
1. Lire le 19.
2. Lire le 10.
17(5 HKVIK HISTOKIQl'E DK LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
tien intégrale et sans la moindre exception. C'est donc à vous et
à vous seulement, M. le duc, que je m'adresse pour obtenir cette
remise, puisque en me représentant ces chiffons insignifiants, que
vous avez laissés aux archives, on m'assure que cette saisie est
restée entre vos mains. En se rappelant les persécutions de toute
espèce éprouvées par mon père, il est pénible de penser que vous
vouliez encore y ajouter pour sa famille la perte de ces papiers.
Lors de l'apposition des scellés l'inventaire n'en a pas été fait ;
il n'avait été ordonné que pour la forme et pour satisfaire en ap-
parence au vœu de la loi, car le pouvoir d'alors était trop inté-
ressé à ce que des documents de cette importance ne paraissent
pas sous les yeux de ses agents. Mon père pensait que par un
reste de pudeur cet inventaire se ferait à Paris contradictoirement
avec un de ses amis qui avait accepté cette mission '. Mais ces
[pouvoirs] devinrent inutiles par l'empressement qu'on mita ou-
vrir cette caisse et à se l'approprier sans s'embarrasser d'une re-
mise future ; ainsi point d'inventaire, quelle heureuse circons-
tance ! Cette prise de possession si brusque s'explique par l'im-
patience avec laquelle on attendait cette capture aux Tuileries et
la vôtre, m'assure-t-on, n'était pas moins grande. J'en ai la preuve
par ces mots écrits de votre propre main sur 2 feuilles du dos-
sier. « Je n'ai rien reçu ! la caisse est-elle arrivée ? » Quoique la
curée n'ait qu'en partie satisfait l'impatience des intéressés, à en
juger par le reste elle leur a fait cependant le plus grand plaisir.
Votre lettre du 15 février au préfet Maussion le tance vertement
sur le peu d'activité de ses poursuites et vous l'assurez que mon
père a été instruit d'avance de ce qui se tramait contre lui. Quoi-
qu'en dise ce lourdaud dans sa défense, jecrois que sa maladresse
vous a assuré - dune pièce autrement importante que celle qu'il
a happée. Quant à l'avertissement il n'en a pas [été] donné d'au-
tre : « fuis, ta vie est menacée » ; il venait de vos bureaux. Parmi
ces papiers, vous le savez, M. le duc, il en est une foule de haute
importance ■' ; comment qualifier l'opiniâtreté à les conserver
après 15 ans d'une prise de possession aussi arbitraire. Quoi, un
ministre prép' ^ dans l'exercice de ses fonctions pourrait s'appro-
1. Voir, à ce sujet, à la fin de cet .irticle, le faux de H. Courtois.
2. La minute de H. Courtois porte : privé, ce qui est plus compréhensible.
3. Dans une minute, ces derniers mots sont soulignés.
4. Mot abrégé ; la minute porte : dépositaire.
IJC l'HOClîS DIÎS PAPIERS DE COURTOIS 177
prier le dépôt confié par la loi ? Quelles garanties resterait-il
donc contre les violences du pouvoir ? Malgré de graves appa-
rences, je ne puis encore adopter cette idée. J'aime mieux croire
à quelque méprise que vous vous empresserez d'expliquer que
d'accuser un ministre de s'être mis dans le cas de l'article 255 du
Code pénal et de s'être exposé à toutes les réparations civiles
qu'entraîne un pareil délit. Quoique les perquisitions les plus ri-
goureuses et les plus multipliées n'aient produit aucunes charges
et par conséquent aucunes poursuites légales, la police n'en ju-
gea pas moins cette capture de bonne prise. C'était sans doute
pour réparer autant que possible l'erreur de la charte octroyée
qui abolit la confiscation des biens. Accablé d'une maladie mor-
telle, au moment où son domicile fut envahi par les gendarmes,
mon père, caché dans un réduit, ne pouvait qu'à la dérobée don-
ner quelques soins à son épouse expirante sous le poids des cha-
grins ; à chaque instant ces tristes soins étaient interrompus par
le danger d'une surprise, et c'est au milieu de ces angoisses qu'elle
mourut ' laissant son époux livré au désespoir. J'ai puisé au dos-
sier l'extrait des lettres adressées à vos agents et les réponses de
ces messieurs. Au besoin ces titres ne seront pas inutiles à ma
cause. Il faut l'avouer, ce dossier paraît plutôt appartenir aux
temps de l'Inquisition qu'à l'époque actuelle. Cette correspon-
dance révèle que toute l'activité des sicaires ne pouvait satisfaire
la police. J'ai sous les yeux (5 lettres écrites par vous dans un très
court espace de temps aux préfets de la Meuse, de l'Aube, etc,
qui toutes n'ont d'autre objet que de presser les recherches et les
visites domiciliaires dans une foule de lieux. A l'àpreté de ces
poursuites, aux reproches adressés aux sbires, on voit toute
l'im'portance attachée à ces soins -. Il fallait être fort difficile
cependant pour n'être pas content du zèle de Maussion.car il pro-
duit 5 ou 6 procès-verbaux de battue dont l'un entre autre est
daté des citernes de l'abbaye de Beaulieu, et pourtant ce fugitif si
dangereux, atteint d'une maladie mortelle, n'avait pas quitté ses
foyers. Quoique mes sœurs produisissent les titres les plus au-
thentiques de l'arrivée de mon père en Belgique, elles suppliaient
vainement qu'on retirât de leur domicile les nombreux gendar-
1. Le 25 janvier.
2. La minute por
F.F.V. HIST. Dr; J.,1 f,l;\
178 REVL'E HISTORIE j;^.E jj^ lA RÉVOLUTION FRANÇAISE
mes qui y étaient campés. Sew,les et sans appui dans ce temps de
terreur elles restèrent exposées \.^ux insultes de ces misérables
qui ajoutaient encore aux instructions ^qu'ils avaient reçues ; il fal-
lait venger sur elles une évasion qu'on n-'ayj,lt p^s su prévenir il
fallait que le père de famille apprit dans Ivs^^il que la persécution
se continuait jusque dans ses enfants et jusqc„jg Ja^s ]gs colonies
Il est bien digne de cette époque que ce que -J'immanité et la dé-
cence réclamaient n'ait été accordé qu'aux sl-,[];(.j(,,j;qj^j d'une
femme, et sans Madame Mac Mahon qui fit roug jj. [g pouvoir de
ces honteux excès, il eut fallu, je crois, attendre la révolution de
juillet pour chasser ces gendarmes. L'espionnage ^^^ continuait
jusque chez l'étranger ; une lettre d'Amsterdam du l^;j avril vous
dénonce les plaintes de l'exilé ; je vous le répète, M. 1.-^ j^, jjg„
avis certains lui avaient été donnés ; on ne voulait pas iqu'jj por-
tât au dehors les secrets politiques dont on le savait possi^g^gyp .
on voulait les anéantir avec lui. Et comment ne pas y^, croire
quand votre lettre à Maussion du 13 mars lui enjoint de "apcg^
sur ses traces un nommé Genêt ancien officier de la maiso^j^ j^
Roi ' , qui s'offre, dites-vous, pour poursuivre le proscrit. Ce ,n'^.
tait pas assez d'une bande de préfets et de gendarmes, il fali|ajt
encore armer le fanatisme d'un nouveau Paris. A cette occas-j^u
rendons justice au préf-et de la Meuse ; il reculait devant un ,_g.
reil ordre -. Dans cette affaire le dévouement ne pouvait res .gj,
sans récompense ; une lettre du 5 mars adressée au ministre d^g_
finances demandait pour M. Benoît la recette de Verdun. Vol^^
avez pensé, M. le duc, que celui qui le 1='' avait provoqué les me .
sures de rigueur et les avait suivies avec un zèle, une ardeur, au-
dessus de tout éloge (propres expressions de votre lettre) con-
viendrait mieux à la gendarmerie qu'à la finance, et votre lettre
du 27 février demande au ministre de la guerre un grade dans
cette arme pour ces honorables services. Rien n'était mieux mé-
rité en effet, fidèle à son commandement cet homme prodiguait ',
l'insulte au malheur et s'étonnait beaucoup de ce que l'amnistie \
ne s'étendit qu'à raser les propriétés du banni. Pourquoi s'éton-
ner ? à la même époque une famille recevait des lettres de no-
blesse comme [récompense d'une] tentative d'assassinat sur la
personne du l'-'' Consul. C'est cette préoccupation de vengeance /
1. Ces derniers mots sont soulignés dans la minute.
2. Cet alinéa n'existe pas dans la minute.
i.E pnoc.Ès i)i;s PAPiiiRS m; coiktois 179
qui n'a pns permis de donner à la lettre écrite à Maussion, latten-
tion qu'elle méritait; mon père}' parle de secrets importants con-
cernant la famille royale. En rapprochant ces expressions des re-
grets qu'il n'avait pas craint de témoigner, en se rappelant ce tom-
beau élevé par ses soins sous le Directoire à la mémoire du dé-
fenseur de Louis XVI, on aurait su comprendre qu'elle laissait
pressentir une remise autrement importante que celle du testa-
ment de la Reine '. Mais non, la soif du sang dominait ; il fallait
l'immoler. Et cependant, M. le duc, si la mort n'avait pas frappé
si promptement mon malheureux père dans l'exil, il serait rentré
dans ses foyers quand il l'aurait voulu ; il était possesseur d'un
talisman qui aurait applani toutes les difficultés ; il prouvait que
tous les ennemis du roi n'étaient pas dans la Convention. M. le
duc, jusqu'ici fidèle à des traditions sacrées, j'ai gardé le plus pro-
fond silence sur tout ceci, persuadé qu'au passé vous n'ajouteriez
pas le fort si grave de retenir un dépôt confié par la loi et qui est
le patrimoine d'une famille; faudra-t-il, pour obtenir la justice que
je ne devrais tenir que de vous seul, publier ce dossier si digne de
l'Inquisition ? faudra-t-il recourir aux Chambres et aux tribunaux
pour vous obliger à une restitution et aux réparations civiles qui
en sont la juste conséquence '? Je ne puis croire que vous me for-
ciez à recourir à cette fâcheuse extrémité. Vous sentirez que si
les circonstances ont permis l'enlèvement et la conservation de
ces papiers, elles sont aujourd'hui on ne peut plus favorables à
leur réclamation ; rien ne pourrait atténuer l'intérêt de ma cause ;
vous auriez à vous imputer d'avoir provoqué quelques révélations
qui seraient vivement accueillies et d'avoir rappelé l'attention sur
des faits qu'il faut enfin oublier. J'ai l'honneur d'être, etc.. Si-
gné : Courtois, rue Godot Mauroj', 29. »
M. Decazes lui-même, pour renouveler ses souvenirs, parcou-
rut le dossier relatif à cette affaire et reconnut qu'en effet sa mé-
moire était fidèle ; cet examen lui fit reconnaître qu'il n'avait pas
ordonné la saisie des papiers de M. Courtois père ; qu il n'avait
vu que ceux qu'un officier de gendarmerie lui avait apportés et
qui étaient contenus sous une enveloppe qui ne renfermait que
le testament de la reine [Marie-]Antoinette et quelques autres
objets lui appartenant ; qu'il n'avait jamais vu la caisse dont lui
1. Nombreuses sont dans les papiers de H. Courtois les allusions aux préten-
dues lettres de Louis XVllI à Favras. Nous y reviendrons.
liSO HKviii HisToiugut: de la révolution française
parlait le S' Courtois fils et les papiers qu'elle contenait. Quand
le demandeur reconnut l'impossibilité d'atteindre le but qu'il
s'était proposé par ces lettres pleines de colère, il eut recours aux
voies judiciaires, et après avoir vainement tenté les préliminaires
de conciliation, il fit donner assignation à M. le duc Decazes par
exploit de Guinard, huissier à Paris, daté du 31 décembre 1831, à
comparoir devant le tribunal pour : attendu que le 9 janvier 1816,
dans le cours des persécutions personnelles de toute nature aux-
quelles alors avait été en but feu M. Courtois père ancien conven-
tionnel, il avait été procédé dans son domicile sans les mesures et
garanties en pareil cas prescrites, par les ordres de M. Decazes, à
la saisie d'une caisse contenant 6 cartons remplis de diverses piè-
ces importantes et précieuses, telles que : 1° un manuscrit auto-
graphe pour une 2''""' édition du rapport sur l'examen des papiers
saisis chez Robespierre, revue et augmentée ; 2 plusieurs liasses
de lettres des principaux personnages qui ont figuré dans la Ré-
volution française ; 3' 2 lettres du duc d'Orléans à Mirabeau ; 4°
4 lettres de Mirabeau ; 5' 3 lettres de Danton ; 6" une lettre de
Cazalés ; 7" 22 lettres de Robespierre l'aîné et de son frère avec
une pièce de vers de l'aîné ; 8° 7 lettres de Saint-Just à Robes-
pierre ; 9' 2 lettres de Lebas ; 10° 9 lettres de Cambacérès à Bar-
nave ; 11» une note de la main de Marie-Antoinette concernant
Mirabeau ; 12° 7 lettres de Carrier ; 13" 5 de Fréron ; 14° 2 de
Collot d'Herbois ; 15° 2 de Louis XVI ; 16° 3 de Couthon ; 17° 5
de Tallien ; 18> 2 de Brune ; 19" 2 de Hérault de Séchelles ; 20° 4
de Pethion ; 21° 5 lettres de Marat dont 2 scientifiques ; 220 une
chemise portant pour inscription : lettres de Gensonné, Ver-
gniaud, Guadet, Vadé', Voulant. Dumouriez, Bourdon (de l'Oise),
Fabre d'Eglantine, Camille Desmoulins ; 23° une liasse de lettres
de félicitations au feu S' Courtois père après la publication de son
rapport sur le 9 thermidor ; 24° plusieurs liasses portant pour
inscription : lettres et notes d'agents secondaires ; 25^^ plusieurs
pièces servant comme documents historiques ; 26" un manuscrit
de feu M. Courtois père contenant des notes historiques et des
matériaux de mémoire avec des renvois de numéro d'ordre à ses
pièces justificatives de la plus haute importance pour la famille
royale. Et enfin, tl'autros pièces dont le S'' Courtois fils n'aurait
LE PROCÈS DES PAPIERS DE COIBÏOIS 181
plus trouvé de traces dans la succession paternelle. Le tout ainsi
qu'il en serait justifié en cas de dénégation. Attendu que jusqu'a-
lors tous les efforts du S'' Courtois fils pour en obtenir la remise
et aussi pour ia représentation du 1" inventaire qui avait dû en
être dressé avaient été infructueuses. Que M. Decazes, tout en re-
connaisant [avoir reçu] sous enveloppe d'un officier de gendar-
merie le testament de la reine Marie- Antoinette et quelques autres
objets lui ayant appartenu, avait déclaré n'avoir jamais eu les-
dits papiers en sa possession. Attendu que l'administration ac-
tuelle venait de consentir à remettre et avait en effet remis le 22
novembre 1831 à M. Courtois fils seulement 43 pièces insigni-
fiantes énumérées en sa décharge terminée par des réserves rela-
tives au surplus. Attendu qu'il était du plus haut intérêt pour le
demandeur, soit comme fils, soit comme citoyen, d'obtenir la
restitution des choses arbitrairement arrachées à sa famille, mais
qui n'avaient pas cessé d'être sa propriété particulière. Se voir M.
le duc Decazes condamné par toutet- les voies le droit à restituer
au demandeur la totalité des pièces dont s'agit dans les trois
jours du jugement à intervenir. Se voir condamner dans tous les
cas aux dommages-intérêts et enfin aux dépens. Sous toutes ré-
serves notamment de provoquer une enquête, un interrogatoire
sur les faits et articles, et une comparution en personne, de re-
quérir par les voies extraordinaires l'application des peines por-
tées en l'article 255 du Code pénal, comme aussi de rendre les
faits publics par une pétition à la Chambre des députés.
Par cette assignation M= Fagniez était constitué pour occu-
per sur icelle ; par acte d'avoué à avoué en date du 11 janvier
1832, M' Soûel se constitua pour M. le duc Decazes ; depuis le
même M= Soûel, s'étant démis de ses fonctions, M= Poisson-Sé-
guin, son successeur, s'est constitué pour l'exposant par acte d'a-
voué à avoué en date du 16 mars 1832. A l'audience du 13 jan-
vier 1832, des conclusions ont été prises par M. le duc Decazes
et tendant à ce qu'il plut au tribunal, attendu que le S^ Courtois
n'avait signifié à l'appui de sa demande aucune pièce pouvant lui
servir de motif ou prétexte ; que cependant il importait à M. le
duc Decazes de connaître quels auraient pu être les éléments
d'une pareille demande ; ordonner que dans les trois jours le S^
Courtois soit tenu de communiquer au défenseur, soit par la voie
du greffe, soit à l'amiable, sous le récépissé de M'' Soûel alors son
182 i\i;\Ti-; HisTouiyri-; de la luivoLUTioN française
avoué, les pièces, documents et renseignements généralement
quelconques dont il entend faire usage à l'appui de sa demande,
et jusqu'à ladite communication, lui refuser toute audience sous
toutes réserves. En réponse à ces conclusions, le S'^ Courtois par
acte d'avoué à avoué en date du 28 mars 1832 déclara à M' Pois-
son-Séguin que la demande du 31 décembre 1831 reposant sur un
seul fait positif et matériel et qui n'avait jamais été dénié par M. le
duc Decazes ni par les ministres qui lui avaient succédé, c'est-à-
dire la saisie du 9 janvier 1816 dans le domicile et sur les papiers
du S' Courtois père, ancien conventionnel, que la conséquence de
cette saisie avait été la perte dont se plaignait M. Courtois fils et
dont il demandait la réparation, mais qu'il n'avait aucune pièce à
communiquer à l'appui de sa demande. M. le duc Decazes par
acte d'avoué à avoué en date du 2^ mars 1832 s'empresse de dé-
clarer qu'il proteste formellement contre la déclaration à lui faite
par ledit S'' Courtois fils par acte d'avoué à avoué en date du 28
mars lors courant qu'il n'avait aucunes pièces à communiquer à
l'appui de la demande formée par lui contre le défenseur suivant
exploit de Guinard huissier à Paris en date du31 décembre 1831 ;
et attendu que tout demandeur doit communiquer au défenseur
tous les actes et pièces justificatives de ses prétentions ; attendu
d'un autre ctMé que ledit S'' Courtois fils dans l'exploit introductif
d'instance susdaté se déclarait prêt à justifier sa demande en cas
de dénégation de la part du duc Decazes ; il fit parle même acte
itérative sommation au S'' Courtois d'avoir dans les trois jours
pour tout délai à lui communiquer soit par la voie du greffe, soit
à l'amiable sous le récépissé de M* Poisson-Séguin, son avoué.
toutes les pièces généralement quelconques qu'il prétendait faire
valoir a l'appui de sa demande. Tels sont les faits qui se groupent
autour de la demande dirigée contre M. le duc Decazes par
M. Courtois et la position actuelle de cette afl'aire. Il reste à M. le
duc Decazes à développer tous ses moyens de défense ; la tâche
sera facile, il a pour lui le droit et le fait ; c'est ce que l'exposant
va établir par la discussion qui va suivre.
Discussion. — Le S' Courtois fils poursuit devant le tribunal
M. le duc Decazes à fin de restitution de pièces qu'il prétend
avoir été saisies sur son père par suite d'une visite domiciliaire
chez ce dernier qui aurait été ordonnée par l'exposant alors qu'il
était ministre de la police gcncralo du Royaume; il ])oursuit donc
I.F. PROClis Di;S l"Al>Ii:i!S DK COLRTOIS 183
un ministre' ;i raison de faits relatifs à ses fonctions. Dans une
|)areille position le S'' Courtois fils ne doit pas ignorer qu'il existe
des lois qui imposent raccomplisseinenl de certaines formalités
spéciales par le demandeur et prononcent même en pareille ma-
tière l'incompétence des tribunaux ordinaires. Ainsi par exemple
la loi du 24 août 1790 doit, dans l'esprit, trouver son applica-
tion ; que l'on consulte son article 13 titre II sur la séparation
des pouvoirs judiciaires et administratifs ; par cet art. les fonc-
tions judiciaires et les fonctions administratives ont été séparées
à jamais et il est défendu aux juges sons peine de forfaiture de
citer devant eux à raison de leurs fonctions. Plusieurs lois sont
intervenues depuis et ont établi selon les formes diverses des
gouvernements alors existants, certaines règles pour poursuivre
les ministres ; mais toujours ces lois ont conservé le principe de
séparation des pouvoirs judiciaires et administratifs, principes
sur lequel est basée toute notre législation. La loi du 25 mai 1791
ne permettait de poursuivre les ministres qu'en vertu du décret
du corps législatif. La loi du 11 ventôse an IV exigeait une dé-
nonciation du Directoire exécutif et n'admettait les particuliers à
agir pour action en dommages-intérêts que dans le cas où il in-
tervenait un acte d'accusation sur la D'après la constitution
de l'an VIII et le sénatus consulte de l'an XII il fallait encore
attendre le jugement de la haute cour impériale pour réclamer
des dommages-intérêts. La charte de 1814 qui doit faire notre loi
dans l'espèce dispose que les ministres ne peuvent être mis en
accusation que pour faits de trahison et de concussion, et elle
attribuait à la Chambre des députés le droit d'accuser et à la
(jhanibre des pairs le droit de juger. Evidemment ces disposi-
tions sont exclusives de la juridiction ordinaire ; elles sont un
hommage à ce principe de séparation des pouvoirs écrit dans la
loi de 1790. A la vérité s'il s'agissait d'un délit personnel commis
par un ministre en dehors de ses fonctions on ne se trouverait
plus dans le cas prévu par la Charte de 1814. La juridiction ordi-
naire pourrait statuer dans les termes de l'article 71 delà consti-
tution de l'an VIII avec l'autorisation du gouvernement ; mais
s'il s'agit comme dans l'espèce actuelle de faits qui ont eu lieu
dans l'exercice même de ses fonctions le ministre n'est justicia-
ble que des deux chambres, et on ne peut par une voie détournée,
par une action civile en dommages-intérêts, saisir la juridiction
184 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
ordinaire ; c'est ce qui a été formellement reconnu par la Cour
d'appel de Paris, première chambre, dans une espèce que nous
allons rappeler au tribunal.
Fabien et Bissette, hommes de couleur libres, avaient été con-
damnés à des peines infamantes et afflictives par la cour royale
de la Martinique pour avoir distribué dans la colonie une bro-
chure publiée à Paris ; ils voulurent se pourvoir en cassation
par une fausse interprétation de la loi ; ayant refusé de recevoir
leur déclaration l'arrêt fut exécuté ; les condamnés transportés
en France et déposés au bagne de Brest. Aussitôt arrivés ils adres-
sèrent par l'intermédiaire de leur avocat à M. le comte Pej-ronnet
alors garde des sceaux, une requête en pourvoi, en le priant d'en-
voj-er les pièces à la Cour de cassation dans les 24 heures ainsi
que le prescrit la loi (art. 424 du Code d'instruction criminelle).
Cependant deux ans s'écoulèrent sans que la Cour de cassation
fut saisie du pourvoi ; enfin le dossier lui ayant été adressé elle
cassa l'arrêt de la cour royale de la Martinique, renvoj'a devant
la cour roj-ale de la Guadeloupe, l'innocence des accusés fut so-
lennellement reconnue. En cet état Fabien et Bissette, anciens
négociants dont le commerce et la fortune se trouvaient entière-
ment détruits par suite de la longue détention qu'ils avaient subie,
ont assigné le garde des sceaux devant le Tribunal de la Seine à
l'effet de se voir condamner en 10.000 francs de dommages-inté-
rêts, attendu selon les demandeurs que par son retard à faire
passer les pièces et leur pourvoi à la cour de cassation, M. Pey-
ronnet était cause de leur détention dans les bagnes pendant deux
ans. Sur cette demande est intervenu le 27 juin 1823 un jugement
ainsi conçu : Vu l'article 13 de la loi du 24 août 1790 ; les articles
30 et 31 de la loi du 27 avril 1791 ; les articles 10, 11, 12 de la
loi du 10 vendémiaire an IV ; les articles 70, 72 et 73 de la cons-
titution du 22 brumaire an VIII ; et les articles 101, 110, 112 et
129 du senatus-consulte du 23 floréal an XII ; attendu que de
l'ensemble de ces dispositions il résulte : 1° que les administra-
teurs ne peuvent sans autorisation préalable être cités devant les
tribunaux pour raison de leurs fonctions ; 2" que l'action en dom-
mages-intérêts pour réparation de torts causés par les ministres
aux particuliers dans l'exercice de leurs fonctions ne peut être
considérée que comme accessoire à la poursuite des délits dont
ils se sont rendus coupables ; 3° que les poursuites des délits
LE PKOCÈS DES PAPIERS DE COIHTOIS 185
imputés à des ministres dans l'exercice de leurs fonctions et l'ac-
tion accessoire en réparation des torts occasionnes par ces délits
ne peuvent être portés devant les tribunaux que par suite dune
accusation adressée contre eux ou par suite d'une autorisation du
gouvernement ; vu aussi les articles 13, 55, 56 et 6(5 de la Charte
constitutionnelle ; attendu que si d'après les articles 55 et 56 les
ministres ne peuvent désormais être accusés par la Chambre des
Députés et jugés par la Chambre des Pairs que pour faits de
trahison et de concussion, il résulte des articles 13 et 63 que
pour autre fait relatif à leurs fonctions et pouvant donner lieu
à une action en responsabilité contre eux ils ne peuvent être
traduits devant les tribunaux si que préalablement les poursuites
ou les actions dirigées contre eux n'aient été autorisées, en con-
formité des lois qui étaient en vigueur à l'époque de la promul-
gation de la Charte et qui n'ont pas été légalement abrogées ;
attendu enfin que la demande des S'* Bissette et Fabien a eu
pour objet la réparation de torts qu'ils imputent au C'° Pey-
ronnet dans l'exercice de ses fonctions de ministre de la justice
et qu'ils ne justifient d'aucune autorisation par eux obtenue
pour intenter cette action : Le tribunal déclare les S"'* Fabien et
Bissette, quant à présent non recevables et les condamne aux
dépens. — Appel de ce jugement est interjette par Fabien et Bis-
sette ; en même temps ils se pourvoient devant le conseil d'Etat
afin d'obtenir l'autorisation que les premiers juges croyaient né-
cessaires, mais une ordonnance du roy à la date du 23 août 1823
résista à la requête de Fabien et Bissette sous le motif que l'au-
torisation du conseil d'Etat exigée par l'article 75 de la constitu-
tion de l'an VIII préalablement à toutes poursuites contre les
agents du gouvernement n'est pas applicable aux ministres
d'après le texte même de ses dispositions. En conséquence de
cette décision les appelants ont poursuivi devant la Cour royale
la réformation du jugement attaqué ; les premiers juges a-t-on
dit ont mal invoqué la législation de 1791, la constitution de
l'an III, celle de l'an VIII et le sénatus consulte de l'an XII. La
Charte constitutionnelle doit seule être consultée aujourd'hui ;
elle seule doit faire règle en l'hypothèse, toutes les dispositions
énoncées ont été abolies par elle ; ces dispositions se trouvent
d'ailleurs anéanties par le fait en ce qu'elles créaient un mode de
poursuite incompatible avec l'ordre de choses actuel et qu'il ne
18(5 REVUE HISTOKIQIE DE LA RÉVOLLTION FRANÇAISE
serait pas dès lors possible de suivre ; tel est par exemple le sé-
natus-consiilte de l'an XII qui établit un archichancellier, une
haute cour impériale formée en partie de sénateurs et de mem-
bres de la Cour de cassation. Il est bien vrai qu'aux termes de
l'article 75 de la constitution de l'an VIII, article que la juris-
prudence a déclaré être toujours en vigueur, les agents du gou-
vernement ne peuvent être poursuivis pour voies de fait relatives
à leurs fonctions qu'en vertu d'une autorisation du conseil d'Etat.
Mais cette disposition n'est pas applicable aux ministres ; cela
résulte du texte même de l'article : « les agents autres que les
ministres, est-il dit, ne peuvent être poursuivis, etc, etc. » C'est
donc à tort que les premiers juges ont déclaré les appelants non
recevables dans leur demande sous prétexte qu'ils n'avaient point
obtenu l'autorisation de poursuivre M. de Peyronnet. Au reste
le principe qui vient d'être établi en ce qui concerne l'autorisa-
tion de poursuivre a été consacré par le conseil d'Etat lui-même,
puisque sur la demande en autorisation de poursuivre qui lui a
été adressée depuis la décision des premiers juges il a déclaré
que l'autorisation n'était pas nécessaire. En cet état restent les
dispositions de la Charte qui déclarent les ministres responsables
pour faits de trahison et de concussion. Dans l'espèce il est in-
contestable que les faits reprochés restent dans la catégorie des
faits de trahison et c'est ainsi d'ailleurs que les considérait la
commission nommée par la chambre des députés lors de la prise
en considération de la proposition de mise en accusation des an-
ciens ministres. Or dès le moment qu'il est reconnu que les griefs
dont il s'agit établissent une responsabilité contre l'ancien garde
des sceaux il faut bien que celui qui a eu à souffrir de ces griefs
puisse en poursuivre les réparations, non pas au criminel, parce
que à la chambre des Députés seule appartient le droit de pour-
suivre l'accusation et à la chambre des Pairs celui de la juger,
mais au civil selon la règle du droit commun, c'est-à-dire devant
les tribunaux ordinaires saisis de sa plénitude de juridiction pour
tous les cas non exceptés par une disposition formelle. Mais la
Cour considérant que la loi du 24 août 1790 en établissant
comme un principe fondamental de notre droit public la division
et l'indépendance des pouvoirs judiciaires et administratifs a fait
défense aux tribunaux de connaître des actes d'administration de
quelque espèce qu'ils soient ; considérant que la charte constitu-
LK l'ROCKS Di:S l'AI'llCKS UK COLliTOIS 187
tionnelle ne contient aucune dérogation à ce principe et qu'en
l'absence des lois particulières sur la responsabilité des minis-
tres l'autorité judiciaire ne peut être saisie d'aucune action diri-
gée contre eux par raison de leurs fonctions ; considérant que la
demande formée contre le comte de Peyronnet repose sur un fait
relatif à ses fonctions de ministre ; déchire les appelants non re-
cevables dans leur demande.
Les principes proclamés par la cour royale de Paris ont servi
à la charte de 1814 et doivent encore trouver leur application
dans l'espèce actuelle, mais indépendamment de cette exception
réelle il existe une exception personnelle que M. le duc Decazes
pourrait encore opposer au S'' Courtois fils. En effet aux termes
de l'article 1^2 de la loi du 27 avril 1791, l'action en dommages-
intérêts pour faits d'administration du ministre hors de place est
prescrite au bout de trois ans à l'égard du ministre de la Marine
et de deux ans à l'égard des autres, à compter du jour où l'on
suppose que le délit a été commis. Ainsi il y aurait lieu encore
sous ce rapport à faire déclarer le S' Courtois purement et sim-
plement non recevable en sa demande. Mais M. le duc Decazes
déclare ici formellement qu'il n'entend point faire usage et profit
de ces exceptions ' ; loin de lui ces moyens derrière lesquels
doivent seuls s'accroupir le crime et la honte ! M. le duc Decazes
veut que le tribunal, que le public, que le monde entier s'il le
peut, connaisse sa conduite; c'est au S'' Courtois fils à prendre
acte de cette déclaration.
Passons à la discussion des faits. Les pièces trouvées chez
M. Courtois père auraient été suivant le demandeur adressées à
M. Decazes par le préfet de la Meuse. Mais le demandeur a ce-
pendant eu connaissance avant M. Decazes et hors de sa' présence
du dossier administratif relatif à cette atïaire ; n'a-t-il donc pas
eu toute la correspondance d'entre le préfet et le ministre. Il a
donc passé bien légèrement sur cette lettre du préfet en date du
27 avril 1816 dans laquelle celui-ci annonçait au ministre que le
lendemain il devait déposer au bureau des messageries royales
une caisse ficelée et cachetée contenant les papiers dont il s'agit
et sur cette dépèche la note du ministre demandant si cette caisse
est arrivée et la note en réponse à la demande du ministre cons-
1. Remarquons toutefois que le duc Deca/cs a louguenii'iil fait valoir ces cas
d'exception.
188 REVUE HISTOaiQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
tatant que la caisse n'est point arrivée au ministère? Il n'a donc
pas lu cette lettre du ministre en date du 6 mai 1816 écrite au
préfet : « J'ai reçu, lui dit-il, votre lettre du 27 avril dernier par
laquelle vous annoncez que vous avez dû déposer le 23 du même
mois au bureau des messageries royales une caisse ficelée et ca-
chetée contenant les papiers saisis chez le S'^ Courtois ex-conven-
tionnel à l'époque de la visite qui a eu lieu dans son domicile à
Rambluzin le 9 janvier dernier. J'aurai soin de vous en accuser
aussitôt réception. L'importance que j'attache à recueillir tous les
renseignements qui se rapportent à la découverte du testament de
S. M. la Reine Marie-Antoinette me fait désirer, M. le préfet,
que vous me transmettiez copie de la lettre que le S'' Courtois
vous a adressée à cette occasion et dont vous m'avez cité quelques
passages dans l'avis du 24 février dernier. Je désire aussi une
expédition du procès-verbal joint aux pièces que vous aviez con-
fiées à M. le chef d'escadron Robert et dont l'original est resté
avec le paquet précieux dans d'augustes mains. » Après cette
lettre le dossier reste muet, rien ne constate que la caisse dont il
s'agit soit arrivée depuis. Point de lettre du ministre qui en
accuse réception. Evidemment c'est là une preuve favorable à
M. le duc Decazes ; M. Courtois lui-même l'a bien compris.
Cependant, dira le S'' Courtois, ces cartons, cette caisse sont
arrivés au ministère, car j'y ai trouvé telles et telles pièces qui
m'ont été remises et qui proviennent de la saisie faite chez mon
père. C'est ici que le S'^ Courtois va sans doute justiBer sa de-
mande, car enfin il faut bien prouver que ces pièces ont bien été
saisies chez le S"^ Courtois, que le préfet de la Meuse en a fait
l'envoi au ministre. Ces lettres si importantes pour le S'' Courtois,
tous ces grands noms dont il vient exploiter l'illustration devant
la justice, qu'il prend sous sa tutelle pour les jeter ensuite au pu-
blic auquel il semble que l'autorité les ait dérobés pendant trop
longtemps, comme si déjà depuis longues années ils ne s'étaient
pas fait leur gloire, où sont-ils mentionnés dans la correspon-
dance du préfet au ministre? Celte note de Maric-| Antoinette] qui,
soit dit en passant, est réclamée sans droit par le S' Courtois, si
elle eût existé, croit-il que M. Decazes aurait craint de la rendre
à qui de droit, qu'il n'avouerait pas aujourd'hui l'usage qu'il en
aurait pu faire ? Que M. Courtois prouve donc que les pièces
qu'il réclame étaient au nombre des papiers saisis chez son pèr^
I.E PROCÈS OES PA1>I1;HS DK COfUTOlS 189
et apportées au ministère de la police. Qu'il apporte la plus légère
preuve à lappui de sa demande ; il s'est engagé dans l'exploit in-
troductil" d'instance à justifier ses prétentions ; il le doit aujour-
d'hui, mais il ne le peut : il l'a déclaré lui-même. Au reste le
S' Courtois sait bien que ce n'est pas par des fins de non recevoir
que M. Courtois ' veut repousser ses prétentions ; c'est au fond
qu'il veut défendre. Eh bien ! au fond M. Decazes n'a vu ni
eu en sa possession aucune des pièces réclamées par le S'' Cour-
tois, donc celui-ci n'a rien à lui demander. M. Decazes répond,
nie, par le silence du dossier administratif sur le sort de la caisse
déposée chez le préfet de la Meuse ; il l'a réclamée de ce dernier,
mais sans avoir pu l'obtenir. Mais admettons que cette caisse
soit réellement parvenue au ministre, que M. Decazes ait vu cha-
cune des pièces longuement détaillées par le S' Courtois dans
son exploit introductif d'instance, il ne s'agit alors plus prononcer
sur cette affaire que d'examiner les qualités respectives des par-
ties. Et d'abord le tribunal n'a pas oublié que lors de la levée des
scellés apposés chez M. Courtois sur les papiers que M. le préfet
croyait, non sans fondement, intéresser l'état, le S'' Courtois qui
se trouvait alité ne pouvant assister par lui-même à l'examen de
chacune des pièces mises sous lesdits scellés, commit à son fils
le soin de le représenter. Le S'' Courtois, ainsi que le constate le
procès-verbal lui-même reconnut qu'aucune des pièces contenues
dans les cartons dont il s'agit aujourd'hui ne lui étaient person-
nelles. C'est-à-dire qu'il reconnut que toutes appartenaient à
l'état. Et en effet d'où provenaient ces pièces ? De la saisie pra-
tiquée chez Robespierre après le 9 thermidor. Le gouvernement
d'alors avait formé au sein de la Convention une commission
chargée d'examiner ces pièces et cette commission elle-même
avait mis toutes ces [mêmes pièces] aux mains de M. Courtois
père qu'elle avait chargé de faire à ce sujet un rapport. Or, quand
M. le Duc Decazes ministre de la police générale |a reçu ces pa-
piers (en admettant toujours qu'il les ait reçus, pour rester dans
l'hypothèse la plus favorable au S' Courtois fils) il était à son tour
membre du gouvernement et en cette qualité qui pouvait l'empê-
cher de revendiquer le bien de l'état ? Le S' Courtois père alors
n'en était plus que le détenteur infidèle ; pourquoi n'aurait-il pas
1. Lire : Decazes,
190 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
rendu aux archives de la nation ce qu'il [en] avait extrait ? Et son
fils aujourd'hui viendrait redemander à M. Decazes ce qui na
jamais appartenu à son père. Si M. Decazes a reçu les cartons
assurément ce n'est pas au S'' Courtois fils qu'il en doit compte,
c'est à l'état. Le demandeur ne représente que son père et son
père a reconnu que rien de ce qui fut saisi ne lui appartenait.
Mais est-il possible d'ailleurs que le demandeur ne comprenne
pas toute l'absurdité qu'il y a à prétendre rendre le ministre
responsable des papiers qui manquent en 1831, lorsque cinq
ou six ministres se sont succédés depuis et que rien ne constate
(en supposant que des pièces aient disparu) à quelle époque
elles ont été enlevées. M. Courtois fils dans son amoncellement
gigantesque de procédures de toutes espèces dont il menace M.
le duc Decazes par son exploit introductif d'itistance parle de l'ar-
ticle 255. Mais a-t-il donc oublié que cet article est applicable
non pas au détenteur de papiers privés tels que ceux qu'il ré-
clame mais au détenteur de papiers appartenant à celui qui
est soupçonné détenant indûment le testament de la Reine, des
lettres de Louis XVL du duc d'Orléans et d'autres pièces qui
si elles étaient entre ses mains n'y étaient parvenues que parce
qu'il les avait eues comme rapporteur du procès de Robespierre,
comme membre du comité de salut public. Car alors même que
les pièces énoncées par le demandeur dans son exploit auraient
été réellement saisies sur son père par le préfet de la Meuse, il est
évident, par le simple énoncé même de ces pièces, qu'elles ne
pouvaient appartenir au S'' Courtois père, mais à l'état, ainsi
qu'il l'a d'ailleurs reconnu lui-même, et que le ministre ne pou-
vait pas ^lesj remettre à son héritier, en supposant qu'elles soient
parvenues au ministre. S'il a obtenu du ministre de l'intérieur la
restitution de quelques chift'ons de papier insignifiants, c'est que
l'administration n'a pas vu dans ces pièces une propriété de l'é-
tat, s'il ne lui en a pas été présenté d'autres pièces c'est qu'il
n'en est pas parvenu d'autres au ministère. Quelqu'ait été leur
fortune, M. le duc Decazes qui ne les a jamais vues ni qui ne le
avait [pas] en sa possession ne peut en être responsable. Son fils
peut-il prétendre aujourd'hui détruire la déclaration de son père ?
C'est ce que le tribunal doit juger. Pourquoi et dans ces circons-
tances l'exposant conclut à ce qu'il plut au tribunal : dire et
ordonner qu'en venant par les parties plaider sur et aux fins de
LE PROCÈS DF.S P.VPIliliS UE COllilOlS 191
la demande faite contre le duc Decazes par le S' Courtois fils
suivant exploit de Guinard, huissier à Paris, en date du 3i dé-
cembre 1831, elles viendraient également plaider sur et aux fins
de la présente requête.
Attendu que le S'' Courtois réclame des pièces qui auraient été
saisies sur le feu S'' Courtois, son père, ex-conventionnel, lors
d'une visite domiciliaire qui eut lieu chez ce dernier à Ramblu-
zin en 1816 et d'après un arrêté du préfet de la Meuse et lorsque
M. le duc Decazes était ministre de la police générale.
Attendu ([ue le S' Courtois fils ne justifie nullement sa de-
mande quoi qu'il en ait formellement fait l'ollre et quoiqu'il ait
[été] pendant le cours de la procédure négativement mis en
demeure à cet égard.
Attendu en fait que quelques effets seulement dont le S^
Courtois père était détenteur ont été transmis à M. le duc Deca-
zes comme ministre de la police générale, savoir le testament de
la reine Marie-Antoinette, un gant ayant appartenu à cette prin-
cesse, et des cheveux du Dauphin, lesquels objets ont été par
lui-même remis au roi Louis XVIIl, d'après le vœu du feu S""
Courtois lui-même.
Attendu que si d'autres pièces et effets ont été saisis, ils ne
sont jamais parvenus au Ministre et qu'il ne les a jamais vus ni
détenus en sa possession.
Qu'alors même qu'il les aurait eus en sa possession comme
ministre il n'en devait aucun compte au demandeur, qu'en effet
lors de la levée des scellés apposés sur les papiers, le S'^ Courtois
père représenté à cet effet par son fils à qui il avait donné ses
pouvoirs a reconnu qu'aucun des papiers ne lui était personnel.
Attendu que ces pièces toutes exclusivement relatives à la
Révolution française ne se trouvent en effet dans les mains du
S'' Courtois père qu'à raison de la qualité de rapporteur de la
commission chargée d'examiner les pièces trouvées chez Robes-
pierre et ses complices après le 9 thermidor et encore comme
membre du comité de salut publique et qu'ainsi ces pièces était
la propriété de l'état.
Par tous ces motifs qu'il plaira au tribunal suppléer de droit
et d'équité ; déclarer le S"^ Courtois purement et simplement non
recevable en sa demande, en tout cas mal fondé et l'en débouter.
Le condamner aux dépens dont distraction sera faite à M*^ Pois-
192 REVl'E HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
son-Seguin, avoué, qui l'a requise avec affirmation, sous toutes
réserves et le tribunal fera justice.
P.-C. Thomas.
Signifié à M" Fagniez, avoué, à domicile, le huit novembre
mil huit cent trente deux par moi, huissier soussigné.
Canet.
H. Courtois, par ailleurs, préparait sa défense. Dès les
premiers jours du procès il était allé consulter les dos-
siers de la police et avait analysé les différents documents
qui concernaient la saisie des papiers de son père ainsi que
les perquisitions qui en avaient été la suite logique ' .
Nous donnons ici le dossier qu'il se constitua alors. Il
nous fournit un excellent historique de cette affaire, et ré-
pond à certaines allégations du duc Decazes.
Janvier 1S16. — Rapport de la police du département du
Nord concernant une visite domiciliaire faite chez Courtois et qui
n'a rien produit. Ce rapport dit qu'on a trouvé sur les lieux diffé-
rents effets emballés et une caisse de papiers saisis qui, se trou-
vant en état d'être expédiée, a été scellée.
9 janvier 1816. — Rapport de Robert, capitaine de Gendar-
merie, concernant une visite domiciliaire faite chez Courtois avec
25 gendarmes assistés de Benoît. Cette recherche eut lieu de la
manière la plus inquisitoriale. Des livres et différents objets fu-
rent volés. Cet acte porte qu'ils trouvèrent un lit encore chaud
dont on ne put indiquer le coucheur et qu'il se trouvait encore
du feu dans la cheminée de la chambre à coucher habituelle de
Courtois. Dit aussi qu'il s'y trouvait une caisse de papiers sai-
sis par la police.
1. H. Coui-lnis (iril ilans iAIJ'nire ilcs papiers de l'e.r-conventionnel Courtois
<p. 17) : <« S:ins cUmti', <m sera siu-pris que cette correspondance, qui dévoile si
bien M. Decazes, se trouve entre mes mains. Je dois cette obligeante commu-
nication à l'administration de M. C. Perrier, et j'ai pu librement copier au dos-
sier toutes les pièces qui m'intéressaient. Le duc Decazes avait pris de telles
mesures, que les réclamations étaient impossibles. Aussi, confiant dans ses dis-
positions, il ne répondit à mes instances en restitution, que par des dénéga-
tions absolues, tellement confondues par cette malencontreuse communication
i|u'il se trouve enferré de toutes parts dans ses fins de non recevoir. Repoussé
par cette insigne mauvaise foi, j'ai dû m'adresser au ministre de l'intérieur,
I>oiîr obtenir la remise des jîapiers saisis. »
Li; PKOCKS Di;S l'APIKHS DE COLKTOIS 193
Nola. — C'est cette même caisse dont le lendemain, 10 jan-
vier, Maussion annonce la saisie à Decazes.
10 janvier ÎS16. — Maussion à Decazes. Dénonce violem-
ment Courtois comme possédant des papiers très importants,
annonce la saisie d'une caisse de papiers assisté de Benoît. (Cet
homme figure dans toutes ces poursuites.)
Nota. — Il paraît que cette poursuite a été faite par Maussion
sans avoir encore reçu l'ordre de Decazes, au moins je ne l'ai pas
trouvé au dossier. C'est ce qui expliquerait ce que dit Decazes
dans la réponse qu'il m'a faite : J'étais bien sûr de n'avoir pas
donné l'ordre de saisir les papiers de M. votre père.
Février 1816. — Note de la préfecture de la Meuse. Maussion
annonce à Decazes l'envoi de 40 gendarmes chez Courtois et à sa
poursuite.
6 février 1816. — Arrêté de Maussion qui ordonne une visite
domiciliaire. La levée des scellés sur la caisse saisie afin de pro-
céder à l'inventaire des papiers à l'effet de remettre au S'' Cour-
tois ceux de ces papiers qui lui seraient personnels et n'offriraient
aucun intérêt général. Ordonne de faire des liasses des autres.
11 savait fort bien que l'inventaire ne serait pas fait.
Cet arrêté est pris en vertu d'une lettre de S. E. à Maussion
en date du 3 février 1816. J'ai de plus une déclaration du juge
de paix Mazilier qui a fait la levée des scellés • . Comment Decazes
peut-il dire alors qu'il est étranger à cette saisie ?
9 février 1816 . — Procès-verbal de vérification des scellés.
(>ourtois, y est-il dit nomme son fils - pour le représenter. (J'a
quelques raisons de croire que c'est un faux. Le pouvoir ne se
trouve point, ce n'est qu'une simple allégation). Ce procès-ver-
bal dit : Examen fait, ces pièces n'ont présenté que des papiers
généralement reconnus pour être relatifs à la révolution et
comme parmi ces papiers il ne s'en est trouvé aucun qui ait paru
1. H. Courtois fait fri-qucmmcnt allusion à cclti- déclaration de Mazilit-r, qui
l'-tait, non juge de paix, mais greffier de la justice de paix du canton de Souilly.
Celte pièce, telle que la présente l'Affaire des papiers de iex-conventionnel
Courtois, constate simplement que le détail des papiers mis sous scellés ne fut
pas porté à l'inventaire.
Nous n'avons trouvé aucune trace de cette déclaration.
2. Achille-Auguste Courtois, frère .aîné de Henri, qui chercha plus tard à
ti-afiquer des souvenirs de son père, particulièrement avec le gouvernement par
l'intermédiaire du comte d'Agout, ministre de France à Bruxelles (Voir Wel-
VKRT, Lendemains révolutionnaires, p. lii)8 et suiv.).
REV. HIST. DB LA RÊVOI,. IS
194 REVUE HlSTORlylE UE I.A UÉVOLUTION FRANÇAISE
être personnels au S'' Courtois ni à sa famille ont été replacés
dans cinq cartons au lieu de six.
Nota. — L'inventaire n'a pas été fait ; l'ordre de Maussion du
6 février n'était que pour la forme.
9 février 1816. — Procès-verbal de visite domiciliaire par Ro-
bert, chef d'escadron de gendarmerie, Brimont, capitaine, baron
Benoît, commissaire. Cette pièce dit positivement qu'à la suite de
cette visite Courtois remit volontairement le testament de Marie-
Antoinette.
Nota. — Ce n'était pas cette pièce qu'on cherchait, puisque
personne n'en connaissait l'existence. Ce n'est donc pas à Benoît,
comme le dit Decazes, qu'on doit cette pièce. J'ai d'ailleurs une
déclaration du juge de paix Mazilier qui figura dans toutes ces
poursuites, qui déclare que c'est volontairement que Courtois en
fit la remise. Depuis longtemps on le pressait de questions pour
obtenir la remise de papiers dont on le savait possesseur, mais
sans pouvoir rien préciser. Ces agents de la police savaient va-
guement cependant qu'il s'agissait de papiers concernant la fa-
mille royale.
La duchesse de Choiseul, épouse de l'ancien ministre de
Louis XVL connaissait seule l'existence de ce testament. Cour-
tois le lui avait confié et lui avait donné une boucle des cheveux
de la Reine ainsi qu'il le dit dans une lettre adressée à Becquey
en date du 12 février 1816.
Pendant la révolution il sauva plusieurs fois la duchesse de
Choiseul et contribua beaucoup aussi à la conservation de sa
fortune.
72 février 1S16. — Maussion à Decazes. II lui annonce qu'il
a fait déposer à la préfecture cinq cartons de papiers provenant
de la saisie faite chez Courtois.
15 février 1S16. — Decazes à Maussion. Il le tance sur le peu
d'activité de ses poursuites et se plaint beaucoup de ce que Cour-
tois aurait été prévenu de tout ce qui devait se faire.
IS février 1816. — Maussion à Decazes. Il lui annonce qu'il a
donné un passeport à Courtois le 16 de ce mois pour Virton à 3
lieues seulement de Montmédy. Il ajoute que c'est une faveur
qu'il lui a faite.
Nota. — Courtois était banni par la loi d'anuiistie du 24 jan-
vier 1816. Mais on ne voulait pas qu'il ijuittàt la France. La fron-
I.K PKOCKS Di:S PAPIKHS DK COLUTOIS 195
tière était soigneusement surveillée et ce n'est qu'en prenant les
plus grandes précautions qu'il put échapper aux sbires '. Il était
informé de ce qui se passait au conseil. Il le savait aussi bien que
Decazes lui-même. Plusieurs avis lui lurent remis dont on pro-
duira les notes dans la discussion -.
23 février 1816. — Maussion à Decazes. Il se plaint de ce que
celui-ci lui dit dans sa lettre du 15 février que Courtois avait été
prévenu de ce qui se tramait contre lui. Il ajoute que rien n'est
plus faux et qu'il n'avait reçu aucun avis, attendu qu'il a agi avec
la plus grande prudence et la plus grande célérité.
23 février ISW. — Maussion à Decazes, parle des services
nombreux de Benoît, dit lui devoir tout et demande pour lui une
lieutenance de gendarmerie.
27 février 1S16. — Decazes à Maussion. Il le remercie de lui
avoir fait connaître les mérites de Benoît, et dit qu'il écrit au mi-
nistre de la guerre pour lui obtenir une lieutenance de gendarme-
rie à Verdun comme récompense de son zèle et de son dévoue-
ment. Il ajoute que son nom a été prononcé devant Sa Majesté
qui connaît sa belle conduite et en est très satisfaite.
Nota. — Cet homme, véritable agent de police, s'est comporté
de la manière la plus révoltante ; c'est lui qui se plaignait de ce
qu'on ne faisait pas raser la maison de Courtois.
27 février 1<S16. — Decazes au ministre de la guerre, duc de
Fcltre. Demande pour Benoît une lieutenance de gendarmerie en
renouvelant l'éloge de sa conduite comme ayant provoqué et di-
rigé toutes les poursuites faites au domicile de Courtois.
.) mars 18IG. — Decazes au ministre des finances. Recom-
mande le nommé Benoît et demande pour lui la recette de Ver-
dun comme ayant provoqué les premières perquisitions chez
Courtois, dit qu'on lui doit la découverte du testament de la Reine.
II a, dit-il, apposé son cachet sur les paquets saisis.
Rien n'est plus faux. Cette remise du testament de la Reine a
été faite volontairement par Courtois. J'en ai la déclaration faite
par le juge de paix qui a reçu cette pièce. D'ailleurs, le procès-
verbal de saisie de ce titre du 9 février 1816 le dit textuellement.
5 mars 1S16. — Lettre de Decazes à Maussion. Lui parle de
1. On ne rclroirve nulle part la preuve de cette allégation.
2. V. plus loin une prétendue lettre adressée à Courtois père par un de sts
196 REVLi; IIISTORKjlI-; DK LA RKVOI.UTION FRANÇAISK
la visite à faire chez M. Dumas ' afin de s'emparer des papiers et
effets qui seraient supposés appartenir à Courtois. Il lui parle des
cinq cartons de papiers déjà déposés chez Maussion et dont ce
dernier, dit-il, lui a annoncé la saisie parsa lettre du 12 févrierl816.
<V mars 1816. — Lettre de Maussion à Decazes. Il lui dénonce
qu'il a été envoyé chez Antoine, pharmacien à Verdun, plusieurs
voitures chargées de meubles et elTets — et chez Dumas. Il parle
aussi des recherches qu'il ne cesse de faire pour s'assurer de
Courtois.
Nota. — Rien n'était plus faux que cette dénonciation.
J2 mars ISUt. — Lettre de Decazes au préfet du département
de la Marne par laquelle il lui ordonne de faire faire, chez M.
Dumas, ami de Courtois, une visite domiciliaire très exacte pour
s'assurer si Courtois ne s'est point réfugié chez lui, et s'il n'a
point mis dans sa maison des effets dont il craignait la saisie.
Nota. — Cette visite n'a rien produit.
13 mars ISUi. — Decazes à Maussion. Il le presse de nouveau
sur les recherches à faire de la personne de Courtois et lui donne
l'ordre de les faire chez un nommé Antoine, pharmacien à Verdun.
13 mars liSKi. — Maussion à Decazes. Parle des nouvelles et
nombreuses recherches qu'il a faites pour s'assurer de Courtois.
11 pense qu'il s'est réfugié chez la Maréchale Brune à Arcy, ou
bien à sa terre de Misement près de Chavanges.
Nota. — Tout cela est faux. Il ne savait comment s'excuser de
ne pouvoir saisir sa proie.
Il mars 1816. — Maussion à Decazes. Lui parle de nouvelles
recherches faites pour arrêter Courtois et de leur inutilité. Il le
dit détenteur de papiers et d'elfets précieux dont il serait instant
de s'emparer.
Nota. — Les bruits les plus absurdes avaient couru que Cour-
tois était possesseur d'objets précieux provenant du garde meuble
de la Couronne ; c'est à ces bruits que s'était attaché Maussion.
Ces bruits étaient l'œuvre de Decazes lui-même qui voulait justi-
fier ses poursuites.
/■ï mars 1816. — Procès verbal de visite domiciliaire chez M.
Dumas, ami de Courtois et que la police'croyait son parent.
1. Allie •■ C.nuilois. (KMiunirant à C.hàlnns-sui-Maiiu-. Il parait difficile do
iniitoiulii- c- Dumas avec le D' Doim, aulie allie de (".(uu■toi^. chez qui plus
tard devait se letiier Chaiinetic Courtois.
i.K pnocKS Di;s i>aimi;rs ui-: coruxois 197
Nota. — Celte nouvelle recherche de sa personne et de ses pa-
piers n'a rien produit de satisfaisant pour la police.
16 mars 1816. — Procès-verbal de recherches de (Courtois avec
sept gendarmes dans dillérenls lieux.
Ils n'ont pu le découvrir; on le chercha jusque dans les ci-
ternes de l'abbaye de Beaulieu, au milieu des bois et des lieux
inabordables. Il n'avait pas quitté son domicile où l'agonie de son
épouse ' le retenait. Il était prévenu d'ailleurs du sort qui lui était
réservé.
J() mars 1SI(>. — Nouvelle lettre de Decazcs à Maussion pour
le pousser à renouveler et à activer les poursuites pour s'assurer
de la personne de Courtois.
16 mars 1S16. — Lellre de Deca/.es, ministre de la police, au
préfet du déj)' de l'Aube.
L'objet de celte lettre est pour lui donner l'ordre de faire par-
tout les recherches les plus actives pour s'assurer de la personne
de Courtois qu'il supposait dans ce département d'après la lettre
de Maussion du 13 mars.
n mars 1816. — Lettre de Maussion à Decazcs. II lui dit qu'il
croit Courtois caché chez Brichard, chirurgien, maire de Lavoye,
et que de là il pourrait se rendre à Beaulieu chez Drouet conven-
tionnel et se cacher dans les vastes citernes de l'abbaj-e. Il
ajoute qu'il ne négligera rien pour s'assurer de lui et qu'il le fera
surveiller soigneusement.
Nota. — Courtois n'a jamais quitté son domicile pendant toutes
ces recherches. Son épouse était expirante et il ne voulut pas l'a-
bandonner. Ce ne fut qu'après son décès - qu'il gagna la frontière
en prenant les plus grandes précautions car l'exil était une faveur
dont il était excepté. On ne voulait pas qu'il sortît de France.
Des avis certains lui en avaient été donnés et quelques indiscré-
tions des sbires qui l'entouraient les avaient confirmés.
19 mars 1916. — Lettre de Decazesà Maussion. Il lui enjoint
d'employer dans ses poursuites contre Courtois le nommé Genêt ',
ancien officier de la maison du Roi, qui s'est offert pour livrer le
proscrit.
"22 mars 1S16. — Decazcs à Maussion. Lellre très pressante
1. Déccdi-e le 25 jaiivi.T piviédonl.
•>. H. Couilois ouIjIk' (le diif <iiu' Miiu- Courlois ri:,!! ni,>rU- U' i') jaiix ior.
■.i. Dans Ihistoiiv de M.n nrocès, H. Couricis ccrll : (iiaiiinv.
198 KKVL'E niSTORiyii; de la hévolitiox française
par laquelle il lui enjoint de faire les recherches les plus actives
pour s'emparer de Courtois.
Note. — Le ton de cette lettre fait pressentir le sort réservé
au proscrit.
27 mars 1,S1(>. — Réponse de Maussion à la lettre du 19 mars.
Il dit qu'il est inutile d'employer ce Genêt à cette recherche ; que
d ailleurs c'est un homme accoutumée se vanter et qu'il ne pour-
rait tenir la promesse qu'il fait. Il ajoute que Courtois est à
Namur.
Nota. — Soit que Maussion connût les projets sinistres de De-
cazes, soit que l'indiscrétion de cet agent les lui eut révélés car il
en parlait fort librement, toujours est-il certain qu'il ne voulut
pasprendre sur lui cette responsabilité.
Certes, s'il ne s'était agi que d'arrêter Courtois, Maussion qui
depuis si longtemps avait fatigué ses gendarmes en vaines recher-
ches et qui recevait continuellement des reproches de Deca/.es,
n'aurait pas refusé d'employer cet homme. Pour se mettre à cou-
vert de nouveaux reproches, il ajoute : Courtois est à Namur (ce
qui était faux '). Ce Genêt se vantait de sa mission et disait que
si on le voulait il se chargerait de l'affaire de tous les conven-
tionnels.
Paris et Saint-Fargeau — il était aussi lui Genêt ollicier de la
maison du Roi, comme Paris.
Ai'ril ISIC). — Rapport de la préfecture de la Meuse concer-
nant de nouvelles recherches faites par la gendarmerie de la per-
sonne de Courtois.
7.') avril IStii. — Lettre d'un nommé Montandan, d'Amster-
dam, qui dénonce à M. Decazes les plaintes à l'étranger du con-
ventionnel Courtois. Ce dernier disait que caché dans un réduit
secret de sa maison il avait compté 30 gendarmes envoyés parle
préfet Maussion.
Nota. — Jusques dans l'étranger, Courtois était obligé de
prendre les plus grandes précautions pour sa sûreté. La mission
de Genêt s'étendait au-delà de la frontière.
1. H. Omirliiis icril dans V .A/fdire (les piipiiTi, p. i) : « .\ cetli' opoquc mon
piTi' n'ilait poiiil à Namur où il n'a jamais iHé. » Or, il avait l'ii mains les mi-
nutes cIo (Ii'ux lettres de son père écrites de Namur. 11 ne pouvait ignorer que sa
su-ur (;iiarnielte et sa tante l'errin étaient allées retrouver le proscrit à .N'amur.
(;elui-ci devait y être arrivé vers le 17 ou le 18 mars.
LE PROCES DES l'Al'IEHS DE COURTOIS ] yy
77 arril 1816. — Maussion à Decazes. Il lui annonce que de-
puis le mois de février précédent Courtois a quitté la France.
Nota. — Malgré le départ de Courtois, Maussion annonce qu'il
a placé deux gendarmes à demeure chez lui.
27 avril 1816. — • Le secrétaire général de la préfecture de po-
lice Lingard annonce à Decazes que par suite de la saisie faite
le 9 janvier dernier chez Courtois il a élé déposé chez lui des pa-
piers relatifs à l'affaire de Robespierre et autres.
Au bas, de la main de Decazes : la caisse est-elle arrivée ? Elle
ne l'est point le (3 mai 1816.
Xola. — Ces papiers sont les mêmes que ceux mentionnés
précédemment, Lingard indique seulement et désigne une partie
de ces papiers.
27 ai'ril 1816. — Lettre de Maussion à Decazes qui lui donne
avis qu'il va déposer au bureau des messageries de la rue Notre-
Dame des Victoires une caisse de papiers à l'adresse de S. E.
Au bas de la lettre et de la main même de Decazes : Je n'ai
rien reçu.
La lettre d'avis sera probablement arrivée un jour ou deux
avant la caisse, mais cette dernière est bien parvenue à son adresse
puisque une faible partie de ces papiers m'a été olTerte. Au reste
je pourrai peut-être avoir le reçu donné aux messageries '.
Et cependant Decazes prétend qu'il n a jamais entendu parler
de cette caisse -.
2<S' avril 1816. — Lettre de Madame ^L^ckmahon" parente de
M. Gontaud de Biron et aujourd'hui je crois épouse de M. Dudon.
Elle sollicite vivement Decazes en faveur des deux filles ^ du pros-
crit dont elle fait le portrait le plus flatteur et fait les instances les
plus vives pour que le séjour des gendarmes sur leur propriété
n'ait plus lieu.
Nota. — C'est à la sollicitation de cette dame que les persé-
cutions cessèrent. Avant elle qui que ce soit n'avait pu faire ad-
mettre l'inutilité des gendarmes dans leur domicile.
1. Dans sa lettre du 8 octobre 1832 au duc Decazes, H. Courtois dit à ce su-
jet : « Le registre du bureau des messageries en porte la décharge. »
2. Decazes dit simplement qu'il ne l'a jamais eue en sa possession.
3. Charmette et N.ais. 11 y avait encore, à Rambluzin, Mlle Thérèse Perrin,
belle- sœur de Courtois, et Auguste Courtois. — H. Courtois écrira dans l'Affaire
des papiers : « Son domicile, envahi par la gendarmerie, a été dévasté, sa fa-
mille tout entière chassée de ses fovers. »
200 REVUE HISTORIQIE DE LA RÉVOLITION FRANÇAISE
// mai 1S16. — Maussion à Decazes. Il donne à ce dernier Tex-
tr;iit d'une lettre que lui avait écrite Courtois dans laquelle ce
dernier parle de secrets importants c[u'il pourrait révéler con-
cernant les Bourbons.
Nota. — Il s'agissait de toute autre chose que du testament de
la Reine'Marie-Antoinette.
74 mai 1S16. — Lettre du préfet Maussion à Decazes qui lui
annonce que le 8 avril précédent il a pris un arrêté qui retire les
gendarmes en campement chez Courtois.
Nota. — Bien qu'on eut la certitude à cette époque que Cour-
tois était en Belgique, les gendarmes n'en furent pas moins lais-
sés dans sa maison qui n'était habitée alors que par ses deux
filles et sa belle-sœur '. Ces misérables, poussés par la police, se
permirent tous les outrages imaginables. Quoique l'arrêté de
Maussion pour la faire évacuer soit du 8 avril, ce ne fut cepen-
dant qu'après la lettre de Madame Mackmahon en date du 28
avril qu'ils furent rappelés.
(".es notes servirent à H. Courtois à documenter "SI' Par-
(juin, son avocat ; il lui fit passer aussi le billet suivant :
Il importe de relever cette assertion du défendeur que les
pièces saisies étaient entre les mains de Courtois, comme mem-
bre du Comité de Salut Public, et qu'ainsi elles étaient la pro-
priété de l'état.
Courtois n'a jamais fait partie de ce comité.
L'administration de la police en me remettant les pièces insi-
gnifiantes échappées à la spoliation de M. Decazes a par ce fait
confondu deux fins de non recevoir : 1" celle par laquelle il pré-
tend que ces papiers ne sont jamais parvenus dans ses bureaux ;
2" et celle par laquelle il nie n'avoir jamais fait saisir ces papiers.
En effet, le bordereau des pièces qui m'ont été remises porte :
Bordereau des pièces déposées aux archives de la police générale
du Roj-aume, comme provenant de la saisie faite en 181G chez M.
1. H. Courtois oulilic île moiitiontui' son fnro .Augiislr qui alors .administra
LR PHOCKS DES PAPIKHS DE COUKTOIS 201
Comtois, ancien membre de la Convention N''. L'ad°" n'a pu s'ex-
primer ainsi que sur des documents authentiques.
M. Decazes invoque les expressions du procès-verbal de véri-
fication de scellés en date du 9 février 1816, pour prouver que
les papiers saisis n'avaient rien de personnel au saisi et étaient
exclusivement relatifs à la Révolution, l'ar ces mots rien de per-
sonnel, on a si bien voulu désigner des titres relatifs à des inté-
térêls privés que la correspondance de Courtois a été saisie en
entier, et cela est si vrai que dans les pièces remises il se trouve
encore plusieurs lettres de divers adressées à mon père. Ce même
bordereau de remise déjà cité porte : une liasse de 30 pièces ou
lettres adressées pour la plupart au C'^^" Courtois.
Armé de ces docuinciils, M. Paquin prépara sa plaidoi-
ine. Nous en avons le canevas.
Le début seul est à retenir.
Courtois père, conventionnel.
On ne doit po'nt rattacher à son nom les cruautés de cette
sanglanle époque.
Il ne fut pas complice de la terreur et de Robespierre. L'un
des principaux auteurs de sa chute et du S Thermidor.
Courtois chargé de faire le rapport sur le 9 Thermidor qui
obtint un succès prodigieux.
Avait recueilli à cette occasicm et aussi antérieurement des
pièces historiques fort nombreuses et fort importantes.
Beaucoup étaient relatives à la famille royale.
Courtois retiré s'occupait de mettre ces pièces en ordre et
d'éclaircir par des mémoires bâtis sur des pièces justificatives
connues de lui seul divers points historiques encore impénétra-
bles, tels que :
Affaire Fa v ras ;
Intrigue pour forcer Louis X^T à remettre la couronne à Mon-
sieur, Comte de Provence.
1815. Rentrée des Bourbons.
Loi dite d'amnistie — comprenait Courtois au nombre des
exilés.
Mais on ne voulait pas qu'il sortit de France ; frontière gar-
dée ; ..
202 REVUE HISTOHIQUE DE LA RÉVOI.UTIOX FRANÇAISE
Après avoir résumé les notes de police recueillies et
commentées par (Courtois, et les péripéties de l'action judi-
ciaire. M. Parquin terminait ainsi son canevas :
Discussion :
1" De nombreux papiers saisis chez Courtois sont parvenus
entre les mains de M. Decazes et ne sont pas représentés.
2" M. Decazes est responsable de ces papiers ou de leur perte.
L'affaire l'ut enfin jugée le 18 janvier 1833. Le juge-
ment reproduit tout au long l'assignation faite au duc De-
cazes et nous fournil la chronologie du procès depuis le 2
décembre 1831 jusqu'au 18 janvier 1833.
Louis-Philippe, roi des Français, à tous présents et à venir
salut. Le Tribunal civil de première instance du département de
la Seine, séant au Palais de justice à Paris, a rendu en l'audience
publique de la première Chambre du tribunal le jugement dont
la teneur suit. Entre M. Elie duc Decazes et de Glucksbierg, pair
de France, demeurant à Paris rue Saint-Dominique Saint-Ger-
main n° 11, défendeur aux fins de l'exploit introductif d'instance
de M. Guinard huissier à Paris, en date du 31 décembre 1831,
demandeur aux fins de la requête par lui signifiée le 8 novembre
1832, défenseur aux fins de celle à lui signifiée le 24 du même
mois, comparant par M'" Dupin avocat, assisté de \L Poisson-Se-
guin son avoué, d'une part ; et le sieur Henry Bonaventure Cour-
tois, fils, demeurant à Paris, rue Godot-de-Mauroy n" 23, deman-
deur aux fins de son exploit introductif d'instance sus-désignée,
défendeur aux fins de la requête à lui signifiée le 8 novembre
1832, demandeur aux fins de celle par lui signifiée le 24 du même
mois, comparant par M'= Parquin, avocat, assisté de M' Fa-
gniez, son avoué, d'autre part, s. q. 1. p. q. p- n. n. p. etc.
Point de faits. M. Courtois fils prétendait que le 9 janvier 1816
il avait été procédé . . . (suit réinimération de '26 articles réclamés
dans l'exploit signifié le 31 décembre 1S31}.
Et enfin d'autres pièces dont le S'^ Courtois fils prétendait
n'avoir plus trouvé trace dans les papiers de la succession pater-
nelle. En conséquence le S"^ Courtois a par exploit de Perrol, huis-
I.K PHOCÈS DES PAPIERS DE COUKTOIS 203
sier audicncier de la Justice de paix du X= arrondissement en date
du 2 décembre 1831, cité M. le duc Decazes à comparaître devant
M. le juge de paix dudit arrondissement à leffet de se concilier si
faire se pouvait sur la demande que le S'' Courtois fils était dans
l'intention de former contre M. le duc Decazes.
Les parties n'ayant pu se concilier ainsi qu'il résulte d'un procès-
verbal en date du 21 décembre 1831, le S' Courtois tils fit donner
assignation à M. le duc Decazes suivant exploit de Guinard, huis-
sier à Paris, en date du 31 décembre 1831, à comparoire dans les
délais de la loi en l'audience et par devant MM. les président et
juges de la première chambre du tribunal civil de première instance
du département de la Seine séant au Palais de Justice pour : se voir
M. le duc Decazes condamné par toutes les voies de droit à rendre
et restituer au S' Courtois iils la totalité des pièces dont s'agit
dans les trois jours du jugement à intervenir ; se voir dans tous les
cas condamné aux dommages-intérêts et enfin aux dépens; sous
toutes réserves, notamment de provoquer une enquête, un interro-
gatoire sur faits et articles et une comparution en personne, même
de requérir par la voie extraordinaire l'application des peines
portées en l'article 255 du Code pénal, comme aussi rendre les faits
publics par une pétition à la Chambre des députés. Par cette assi-
gnation : M'' Fagniez étant constitué pour le S' Courtois : par acte
d'avoué à avoué du 11 janvier suivant. M'' Soùel se constitue pour
M. le duc Decazes; à la diligence de M' P'agniez la cause fut à la
date du même 11 janvier distribuée à la première chambre de ce
tribunal. Par acte d'avoué à avoué en date du 17 du même mois.
M'' Fagniez, avoué du S'' Courtois, donna assignation, à M'' Soiiel,
avoué de M. le duc Decazes, à venir en l'audience du 19. A cette
date M'' Soûel prit des conclusions par lesquelles il demandecom-
munications des pièces à l'appui de la demande du S' Courtois fils.
A la date du 16 mars 1831, par acte d'avoué à avoué, M^' Poisson-
Seguin se constitue pour M. Decazes aux lieu et place de M"^ Soùel
alors démissionnaire: Par acte d'avoué à avoué, en date du 28 du
même mois, M'' Fagniez déclara que la demande du 31 décembre re-
posait sur un fait positif et matériel et qui n'avait jamais été dénié
par M. le duc Decazes ni par les ministres qui lui avaient succédé,
c'est-à-dire la saisie du 9 janvier 1810 dans le domicile et sur les
papiers de M. Courtois père, ancien conventionnel ; que la consé-
quence de cette saisie avait été la perte dont se plaignait M. Cour-
204 REVUE HISTOUIQIE DE LA RKVOI.ITION ERAXÇAISE
tois fils et dont il demandait réparation; mais qu'il n'avait aucune
pièce à communiquer à l'appui de sa demande. Pourquoi il som-
mait M" Poisson-Seguin de se trouver à l'audience du vendredi 30
mars 1832 pour y plaider au fond la cause d'entre les parties. Par
acte d'avoué à avoué du 29 mars 1832, M" Poisson-Seguin protesta
formellement contre la déclaration à lui faite par le S' Cour-
tois fils qu'il n'avait aucune pièce à communiquer à l'appui de sa
demande du 31 décembre 1831 et en conséquence lui fit itérative-
ment sommation de lui communiquer les pièces sous peine de se
voir refuser toute audience. A l'audience du 30 mars, le tribunal
donna au S' Courtois acte do ce qu'il avait déclaré n'avoir pas de
pièce à communiquer et renvoya la cause à laudience du 6 avril.
M'' Poisson-Seguin prit des conclusions tendantes à ce qu'il plut au
tribunal déclarer le S' Courtois purement et simplement [non recc-
vable] en sa demande en tous cas mal fondée et l'en débouter. Et le
condamner aux dépens dont distraction serait faite au profit de M''
Poisson-Seguin avoué qui le requérait avec affirmation, La cause
fut renvoj'ée au Rôle d'où elle sortit le 8 juin suivant. Par acte
d'avoué à avoué en date du 12 juin 1832, M'' Fagniez somma M'
Poisson-Seguin d'avoir à lui signifier sa défense au fond confor-
mément à l'art. 70 du décret du 30 mars 1808. M'^ Poisson-Seguin à
la date du 8 novembre a signifié une requête dont la conclusion ten-
dait à ce qu'il plut au tribunal : déclarer le S'' Courtois purement et
simplement non recevableen sa demande en tous cas mal fondée, et
l'en débouter. Et le condamner aux dépens dont distraction serait
faite au profit de M'^ Poisson-Seguin qui le requérait avec affirma-
tion. Ces conclusions furentjointes au placet à l'audience du 10 no-
vembre suivant. En réponse à la requête de M. le duc Decazes, M.
Courtois à la date du 24 du même mois signifia une requête par la
conclusion de laquelle il demandait qu il plut au tribunal : sans
s'arrêter ni avoir égard aux fins et moyens exceptionnels invoqués
par'M. le duc Decazes en sa requête du 8 novembre 1S32, adjuger
à M. Courtois les conclusions par lui précédemment prises par
son exploit introductif d'instance du ministère de Guinard en
date du 31 décembre 1831. E)n conséquence condamner M. le
duc Decazes par toutes les voies de droit à rendre et restituer au
S"^ Courtois fils, la totalité des pièces dont s'agit et ce dans les
trois jours du jugement à intervenir, le condamner dans tous les
cas aux dommages-intérêts qu'il plaira au tribunal arbitrer : et le
LE PROCÈS DES PAPIERS DE COURTOIS 205
condamner en outre aux dépens dont distraction sera faite au
profitde M'' Fagniez avoué qui le requérait avec affirmation : sous
toute reserve et notamnieut sous la réserve la plus expresse à
provoquer une enquête, un interrogatoire sur faits et articles,
ou une comparution en personne, même de requérir par les
voies extraordinaires l'application des peines portées par l'arti-
cle 2Ô5 du Code pénal, comme aussi de rendre les faits publics
[)ar une pétition à la Chambre des députés. Après plusieurs re-
mises successives, l'an'aire étant venue en ordre utile à l'audience
du 11 de ce mois, elle a été plaidée contradictoirement, savoir :
pour M. le duc Decazes par M^' Philippe Dupin, avocat, assisté
de M*' Poisson-Seguin, son avoué, et pour M. Courtois par M"
Parquin, avocat, assisté de M'^ Fagniez son avoué. La cause a été
remise à ce jourd'hui pour les conclusions de M. l'avocat du Roi
(|ui d'office a conclu qu'il plut au tribunal se déclarer incompé-
tent valione mateviw et par mesure d'ordre public et renvoyer la
cause et ses parties devant les juges (|ui doivent en connaître.
C'est en cet état qu'il s'agissait de statuer.
Point de droit. Devait-on ordonner que M. le duc Decazes
serait tenu de remettre au S'' Courtois fils les pièces réclamées
par celui-ci et détaillées en son exploit introductif d'instance et
condamner en des dommages-intérêts envers le S' Courtois fils.
Devait-on déclarer le S'' Courtois fils purement et simplement
non recevable en sa demande ou bien le tribunal devait-il ad-
mettre les conclusions du ministère public, se déclarer incompé-
tent rattone maleriœ et par mesure d'ordre public et renvoyer la
cause et ses parties devant les juges qui doivent en connaître.
Quant à l'égard des dépens, le tribunal, après avoir entendu en
leurs conclusion et plaidoirie respectives M'"- Parquin, avocat,
assisté de Fagniez avoué du S'' Courtois fils, et Dupin, avocat,
assisté de Poisson-Seguin, avoué de M. le duc Decazes, ensem-
ble en ses conclusions M'' Desclozeaux, substitut de M. le procu-
reur du roi, et après en avoir délibéré conformément à la loi
jugeant en dernier ressort.
Attendu que les faits sur lesquels est fondée la demande du
S'' Courtois auraient eu lieu de la part du duc Decazes pendant
qu'il était ministre et dans l'exercice de ses fonctions de ministre;
Attendu que les ministres ne sont pas justiciables des tribu-
naux ordinaires pour les faits relatifs à l'exercice de leurs fonc-
206 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
tiens, que rincompélence de rautorité judiciaire de cette matière
n'est pas fondée seulement sur la garantie due aux agents du
pouvoir, mais encore sur le principe qui ne permet pas aux tri-
bunaux de connaître des actes administratifs, qu'en conséquence
elle est d'ordre public et absolue et que le tribunal doit se dé-
clarer incompétent encore bien que sa compétence n'ait été décli-
née par aucune des parties.
Pour ces motifs, le tribunal se déclare incompétent et ren-
voyé la cause et les parties devant les juges qui en doivent con-
naître et condamne le S'' Courtois fils aux dépens dont distraction
est faite au profit de Poisson-Seguin avoué qui le requiert. —
Fait et jugé en l'audience publique de la première Chambre du
tribunal civil de première instance du département de la Seine,
séant au Palais de Justice à Paris. Par MM. Debellej'me, prési-
dent ; Dclahav'e, vice-président ; Geofi'roy, Pinoudcl, Buchot,
Halle, juges ; en présence de M' Prudhommc, juge suppléant.
Le vendredi 18 janvier 1833.
Mandons et ordonnons, etc..
Ce jugement, à la requête du duc Decazcs, fut signifié
le 15 février par Jean-François-Victor Fabicr. huissier, à H.
Courtois.
Dès le 28 janvier celui-ci avait dû écrire au duc Decazes
une lettre dont voici la minute :
On ne veut pas que je donne suite à cette afïaire. C'était aussi
mon intention.
Laissons de côté les exceptions et ne voyons que l'équité.
Si des papiers appartenant au gouvernement ont seuls été
saisis, l'administration a donc manqué à son devoir en en faisant
la remise.
En prenant pour base de ma réclamation la lettre de mon
père au préfet Maussion ' que vous avez produite, vous voyez
que de nombreuses lettres particulières ont été enlevées indé-
pendamment de documents politiques tout à fait privés.
Il m'a de plus été rendu par l'ad"" 30 lettres adressées à mon
père ainsi que le constate le bordereau de remise.
1. I.ollic (lu l'J IVvriiT ISKî. Voir Laboiiiassic, l.e Coimcnlionnel E.-Ii. Cour-
/o(s. p. .'>(i.
LE PROCÈS DES PAPIERS DE COURTOIS 207
Ces papiers n'ont pas obtenu ni eu un moment dexanien, et
ils sont devenus dans les archives la proie des Vaudevillistes,
ete '. J'en appelle à vous-même de cette assertion.
Je n'ai point réclamé de dommages-intérêts ainsi qu'on l'a
dit dans la défense, ils n'étaient que comminatoires et mon con-
seil pensait que l'alternative de restituer ces papiers ou de les
subir ne permettait pas (illisible)... dont il n'a été dit qu'un mot.
Quant à la mission du S'' Genêt, quelqu'aient été vos instruc-
tions, cet homme qu'on a représenté comme honorable ne ca-
chait pas le but de sa mission et le préfet Maussion le connais-
sait si bien qu'il n'a pas voulu accepter ses services -.
Cette affaire terminée devant les tribunaux, M. le duc, je n'en
persiste pas moins à vous demander la remise de tout ce qui
peut intéresser ma famille dans cette saisie.
Quel est cet on mystérieux qui ne voulait pas que Cour-
lois donnât suite au procès ? Peut-être sa sœur Charmctte,
qui plusieurs fois intervint pour le calmer.
Abandonnant le terrain judiciaire, il lit appel à la publi-
cité et lança l'Affaire des papiers de l'e.v-conuenlionnel Courtois.
Il communiqua son travail, ainsi qu'en témoigne le bil-
let suivant, à un nommé Barthélémy ', neveu de l'abbé Bar-
thélémy, le 25 octobre.
,Ie n'ai pas voulu publier ce mémoire sans vous le soumettre,
.le réclamerai de votre bienveillance de vouloir bien y donner
un moment d'attention. Pardonnez la justice que je fais du duc
Decazes;cet odieux courtisan a été le bourreau de ma famille. Ses
excès vont amener sur la tète de son bienfaiteur de bien pénibles
révélations ; vous en verrez l'apperçu dans cet écrit. Je ne les
fais je vous assure qu'avec bien du regret. Jus(|u'ici les plus vives
1. Allusion à la plaidoirie de M" Dupiii pour le duc Decazes. H. Courtois
déforme d'ailleurs complètement la pensée de l'avocat. Voir Welvert, Lende-
mains réuolutionnaires : Les papiers de (À>urtnis, p. 308.
2. Cet alinéa a été rayé dans la minute.
3. C'est probablement le même que le marquis de Barthélémy à qui il adressa
le 10 mai 1833 une demande de recommandation. Une phrase est à relever dans
cette lettre, celle où il dit que son père avait consacré dans les Vosges un monu-
ment à r.ibbé Barthélémy. 11 avait déjà oublié que Hambluzin se trouve dans la
Meuse
208 REVIK mSTOHlylK D1-; la RHYOIATION l'RANT.AlSI-:
instances n'avaient pu les tirer d'un secret absolu ; c'est ce qui
m'avait fait désavouer une lettre du comte de Provence au duL-
de F. James, publiée il y a quelques mois. J'ai joint à cet écrit
une lettre de l'infortunée Marie- Antoinette qui n'était encore con-
nue de personne. Aussitôt mon retour en France je l'ai fait remet-
tre à la duchesse d'Angouléme, c'était l'ordre donné par mon père
en mourant. Cette sollicitude n'étonne j)oint de la part d'un
luininie ([ui ne cachait [)oint d'honorables regrets, ([ui s'éten-
daient même jusqu à ne point vouloir dégrader le successeur de
Louis X\'I, bien qu'il no put lui porter bcaucouj) d'estime.
H. Courtois publia doue l'iiistoire de sou procès qui ne
paraît pas avoir eu le releulissenienl qu'il espérait.
Sans doute le duc Decazes y est pris violemment à par-
tie ; l'afTaire des lettres du comte de Provence y est claire-
ment indiquée, mais jamais abordée de face. L'auteur hési-
tait-il encore devant le scandale, comme il aimait à le répé-
ter, ou bien craignait-il que les documeuts qu'il disait avoir
entre les mains fussent trop faibles ? A notre avis, c'est cette
crainte qui l'arrêta, et s'il eut des preuves, ce furent des
preuves de la fausseté de l'accusation.
Finalement le procès se termina pour lui \rAv des notes
d'avoués.
M' Poisson-Seguin réclama 254 fr. 10. et ^F' Fagniez
3Ô1 fr. 9,'i. C-elui-ci lui adressait de plus, le 2(5 janvier 1833,
ce iietit billet : « M. Parcjuin m'a dit un mot de ses hono-
raires et je vous témoigne qu'il lui serait agréable de vous
voir complettcr la somme originairement demandée. »
Mais une question reste entière. Que sont devenus les
paj)icrs Courtois ?
Que sont devenus d'abord les ([uaraute-trois articles ren-
dus à H. Courtois en 1831 ? Aucun d'eux ne se rencontre
dans les [)ai)iers possédés par M. L. Maussenet. H. Courtois,
souvent à court d'argent, en a-l-il traTuiué ? C'est probable.
LE PROCÈS DES PAPIERS DE COURTOIS 209
Que sont devenues les deux caisses de livres que le
conventionnel faisait expédier en Belgique en mars 1816 '?
Que sont devenus surtout les papiers non représentés en
1831 ? H. Courtois prétend que ce qui lui a été remis ne
comprenait guère que la valeur du dixième d'un carton or-
dinaire. Or, il y eut cinq cartons. Il sont bien parvenus à
Paris puisque sur les pièces remises on lit plusieurs fois des
cotes semblables cinquième carton, sixième carton (des six
cartons saisis primitivement on n'en fit que cinq pour l'ex-
pédition). Or, cette remise provenait des Archives de la po-
lice ; Robinet et Claretie ont eu, à ces mêmes archives,
communication de documents Courtois qui paraissent bien
avoir fait partie du même tout. Les cinq cartons ont-ils tous
suivi la même route ? Si oui, ont-ils tous disparu lors de
l'incendie de la Commune ? Ou bien doit-on en retrouver
quelques-uns aux Archives Nationales ?
Si plusieurs pièces, et cela paraît vraisemblable, ont été
transportées aux Tuileries -, que sont-elles devenues après la
Révolution de .Juillet ?
Elles ont été pillées, dit H. Courtois. Mais alors elles ont
été pillées par des ennemis des Bourbons qui auraient été
heureux de faire éclater le scandale qu'elles renfermaient.
Or, il n'en fut rien.
Le problème reste entier et le restera probablement long-
temps encore.
Il convient peut-être de mentionner, pour terminer, une
pièce bien curieuse qui entame fortement le crédit que l'on
peut accorder à Henri Courtois,
Nous y avons fait déjà allusion.
Il s'agit d'une lettre adressée ou plutôt qui aurait été
1. Voir le numéro d'avril-juin 1914 do la Revue historique Je la Réimliitlon
française, p. 271.
2. Vatel écrit : « Le duc Decazt'S s'empressa de porter aux Tuileries les car-
tons saisis chez Courtois ; ils y restèrent jusquan jour où les Tuileries furent em-
portées d'assaul une seconde fois. » (Charlotte Corday et les Girondins, I, p.
XCVII.) Que s^l alors devenus ces cartons ?
RKV. HIST. UB LA RÉVOL. 14
210 BEVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
adressée au conventionnel par un de ses fidèles amis, en
181G ; la saisie des papiers en fait le sujet principal et la
date à peu près exactement. Elle aurait été écrite après l'ar-
rivée à Paris des papiers saisis et aiirès leur examen, c'est-
à-dire au commencement de mai '.
Or cette lettre est tout entière un faux de H. Courtois.
Elle devait servir, comme d'autres jirobablement, à étayer
son accusation au cours du procès ; c'est à elle que H.
Courtois fait allusion ici dans sa lettre du 31 mars 1831 au
duc Decazes ; c'est une lettre semblable qu'il entend exploiter
quand il écrit plus loin : « Quant à l'avertissement (que le
préfet Maussion aurait donné à H. Courtois de la visite do-
miciliaire qui devait avoir lieu chez lui) il n'en a pas été
donné d'autre : « Fuis, ta vie est menacée », il venait de vos
bureaux. »
Le faux est manifeste.
Il ne s'agit pas d'une lettre originale, ni d'une copie nor-
male d'une lettre, mais d'un brouillon, d'une minute de
lettre en tout semblable aux nombreuses minutes que H.
Courtois nous a laissées en 1831 : même écriture, même
encre, même j)aj)ier avec le même filigrane (F. .lohannot).
La manière de raturer, de surcharger, est bien la manière de
H. Courtois. C'est bien là un travail de composition, un
j)remier jet, comme on en trouve tant dans ses papiers.
Si même, chose absolument invraisemblable, le corres-
pondant du conventionnel lui avait adressé son brouillon de
lettre, on ne voit pas quelle utilité il v eut eu pour Courtois
de recopier ce brouillon avec ses ratures, ses renvois, ses
surcharges.
Certains passages de cet écrit en dénotent d'ailleurs clai-
rement la date : les débuts de Louis-Philippe. Qui donc,
en 1816, eût songé à écrire cette phrase : « Pourquoi ne
.1. A noter que dans l'Affaire (lf>i jtiipicrs du ntnt'eiïtionnel Cutirtoîs, H. (lour-
lois fait fréquomnicnt allusion à dos litlios srniblablfs (p. 10 et 12). C^omnienl
les a-t-il eouuues ? Nous n'en avons trouvé nulle trace dans ses papiers relatifs
au procès, papiers ei-pentlant bien enniplets.
1,K l'HOC.KS DKS PAPIERS DE COl'RTOIS 211
m"a-t-on pas cru dans le tcm])s? Au lieu de ees jtréfets de
l'étranger nous aurions aujourdhui la laniille 1)... ; ils sont
Français ceux-là. »
Au début de cha(|ue gouvernement et tant ([u"il espé-
rait obtenir quel([iie avantage, H. Courtois prodiguait les
flatteries de cette sorte.
Nous transcrivons intégralement cette pièce, en mettant
en italique les mots raturés dans le texte.
Ta as bien fait mon Je te remercie mon cher ami de n'avoir
pas douté de moi dans le danger. Je n'oublierai jamais tout ce
que je te dois et entre nous c'est à la vie et à la mort. — Je n'ai
pu répondre à tes deux lettres, car rien à ton adresse ne te serait
parvenu, on crainl tes révélations et tes mémoires. Notre ami M.
te remettra cette note et tu peux compter sur lui comme sur moi-
même. Je me chargerai en dépit de tout je peux me serais chargé
de ta procuration avec le plus grand zèle, mais il faut te l'avouer
mon cher ami elle serait aujourd'hui tout à fait inutile. Aussitôt
l'ar voilà les renseigneniens. Comme toi je n'ai pas fait la faute
de me retirer du monde et d'oublier mes amis. J'ai conservé tous
les miens ils te sont acquis comme à moi et voici les renseigne-
ments certains (|ue je puis te donner. L'arrivée de tes papiers
excitent une impatience ex/rènie telle (juc'elle dix fois par jour oc-
cupait constamment notre ministre de la police, aussi n'a-t-on
pas attendu ta procuration pour briser les scellés et s'emparer
des papiers ([ui sur le champ ont été portés à Decaze aux Thuile-
ries. — Quant à tes mémoires et aux pièces justificatives si pré-
cieuses qui les accompagnaient tu avais, tu ne les verras plus, eh
oui leur capture a excité une joie universelle au palais. Tu en se-
ras quitte pour les recommencer et à défaut des pièces qu'on
t'enlève, la postérité te croira sur parole et crois-moi, ne ménage
pas ce démasque-moi ce Gain et qu'on ne soit pas plus long-tems
dupe de son hypocrisie. — Quant à tes lettres et à ta collection
d'autographes je G. arrivera à te les faire rendre. Quoique la
charte soit traitée par L. en paillard qui veut plus la violer et non
l'épouser que l'épouser, elle abroge la confiscation et je pense que
tu n'as rien à craindre. — Je te le répète, je compte sur moi com-
me j'ai compté sur toi dans le tems. Où en sommes-nous, mon
212 HEVIE HISTOUIQUF. DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
cher ami ? au pourquoi ne m"a-t-on pas cru dans le tcius ? Au
lieu de ces préfets des Anglais l'étranger nous aurions aujourd'hui
la famille D. et c'est là vraiment où l'esprit national ils sont fran-
çais ceux-là. — J'ai appris tous tes malheurs domestiques, tu as
du en être accablé — lu nous reviendras mon cher ami console-toi
pense bien qu'avant peu il nous restera faudra en pensant qu'il
nous reste à sauver la France de l'ignominie où elle est plongée.
Le lecteur peut en juger, le seul texte suffit à prouver
la fausseté de cette pièce de H. Courtois. Dans ces condi-
tions, quelle créance doit-on accorder à ce même plaideur
pour d'autres documents par lui fournis ?
P. -M. Favret.
FOURCROY, CONSEILLER D'ÉTAT
En l'an IX, et en l'an X, les (>oiisiils envoyèrent des
conseillers d'Etat en mission dans un certain nombre de
divisions militaires '. Ces dcléi>ués, nouveaux missi domi-
nici, étaient chargés d'une inspection générale tjui se trans-
formait en une vaste enquête sur la situation de la France
après le 1(S brumaire. Vérification des registres du paj'eur
et de sa caisse comparée aux résultats des Conseils mili-
taires ; état des contributions directes et indirectes, de
l'administration des biens nationaux, des registres et de la
caisse des receveurs généraux ; état des routes et emploi
des sommes destinées à leur entrelien et à leur réparation ;
situation générale, politique, militaire et administrative des
départements ; hospices et enfants trouvés ; instruction publi-
que, manufactures, commerce ; leur amélioration depuis le
18 brumaire et moyens de les iétablir dans l'état où ils étaient
dans des temps plus prospères ; fonctionnaires publics, four-
nisseurs, hommes dangereux, citoyens distingués par leurs
talents et leurs services, tel est le programme auquel doivent
répondre les commissaires du gouvernement, et qui repré-
sente les instructions données par le premier Consul.
Lacuéc inspecte la première division ; Sainte-Suzanne,
la cinquième; Thibaudeau, la si.>àème ; Duchàtel, la sep-
tième et la vingt-deuxième; François de Nantes, la huitième;
Fourcroy, la douzième et la quatorzième ; Barbé-Marbois,
la treizième ; Champagny, la dix-huitième ; Xajac, la dix-
neuvième ; Pelet de la Lozère, la vingt-quatrième ; Redon,
1. Archives nationales : AF iv IOIU-IU'25 ; 10.->U ; 421 CtUl), VM (i.220), 718
(57(iO).
214 REVUE HISTOKIQL'E DE LA HÉVOLUTION KKANÇAISE
la vingt-cinquième ; Daucliy, la vingt-sixième ; Laumond,
la vingt-septième. '
Les tournées lurent rapides ; la grosse affaire c'était la
surveillance des deniers publics. Comme l'attestent de nom-
breux comptes, ce contrôle fut minutieux. Sur les autres
points, les conseillers d'Etat observèrent par eux-mêmes
ou recueillirent des renseignements auprès des différents
administrateurs pour rédiger leur rapport d'ensemble. Ces
rapports n'ont pas été tous conservés, ou n'ont pas tous été
i-emis. Dans tous les cas, les plus remarquables et les plus
consciencieux sont ceux qui eurent pour auteur un grand
savant, Antoine-François Fourcroy.
Membre du Conseil des Anciens dès l'ojigine, il en était
deux ans après sorti par la voie du sort. Il fut appelé au
Conseil d'Etat le 4 nivôse an VIII. c'est-à-dire quelques
jours après le rétablissement de cette institution. C'était en
juillet 1793 qu'il était entré dans la carrière politique; nommé
à la Convention comme député suppléant, il y avait rem-
placé Marat. Il fut successivement secrétaire de cette assem-
blée, membre du Comité de salut public et du Comité
d'Instruction publique. Nous reproduisons quelques notes
qu'il a laissées sur lui-même pour cette période et qui ont
été conservées par son camarade de collège, le botaniste
Palisot de Beauvois, plus tard membre de l'Institut :
Je reconnus dès le premier jour qu'il n'y avait rien à faire
contre l'affreux despotisme qui dominait dans cette assemblée.
1. Le général de Sainle-Suz.nnne était inspeeleur général des 4', ,5- et 18» di-
visions ; Duchâtel était directeur général de TKnregistreiïïent et des Domaines ;
l'ex-conslituanl Daucliy était préfet de IWisne ; Lanmond, dn Bas-Rhin ; Najac,
du Rhône ; Redon était ordonnateur de la Marine ; les autres sont assez connus.
Nous n'avons pas à parler des tournées dans les territoires annexés ; nous
voulons simplement rappeler ce (jue dit Dauchv du caractère des populations
dans les quatre départements de la rive gauche du Rhin : « L'hahitant des ci-
devant provinces germaniques est naturellement docile et respectueux envers
l'autorité, mais il a besoin de marques extérieures pour la reconnaître. Ses an-
ciennes habitudes le portent souvent à juger qu'elle réside plus éminemment ïà
où elle s'annonce par la morgue et par im ton de domination. Lorsqu'il voit,
comme il est arrivé plus tl'une fois, un receveur de bureau ou im contrôleur
des contributions gom-mander le maire de sa comminie. il lui est difficile de
conrevoir que la loi ait conféré au dernier un caractère plus relevé qu'à celui
cpii se permet ce manque de respect . >»
FOURCIIOY, CONSEILLER D ÉTAT 215
Je me cachai en quelque sorte dans le Comité d'Instruction pu-
blique, et je fis tout le bien que je pouvais faire, en empêchant le
plus de maux qu'il me fut possible, en défendant les hommes de
lettres et les établissements d'instruction, en soutenant les savants
et les artistes, en leur faisant donner des récompenses nationales,
en faisant nommer une commission des Arts, pour sauver de la
destruction une foule d'ouvrages de l'art et de chefs-d'œuvre, en
augmentant l'étendue du Jardin des Plantes et de ses bâtiments,
en faisant dans trois ou quatre établissements des cours gratuits,
et sans jamais me permettre de cumuler le traitement de profes-
seur avec l'indemnité de député, en continuant de donner une
partie des nuits au travail de la section des armes du comité de
Salut public, en préparant des projets pour l'amélioration de
l'instruction, et les réservant pour des temps plus heureux, que
j'espérais.
Ces paroles sont trop modestes. Fourcroyouljlie déparier
du concours efficace qu'il apporta pour la création de l'Ins-
titut, pour celle de l'Ecole Normale, pour celle de l'Ecole
Centrale des travaux publics, laquelle il contribua ensuite
à faire transformer en école polytechnique, ainsi que pour
l'établissement des écoles centrales.
Le 23 frimaire, an IX, il est désigné pour inspecter la
douzième division, c'est-à-dire les départements de la
Loire-Inférieure, de la Vendée, des Deux-Sèvres et de la
Charente-Inférieure.
Il se met aussitôt en route. Il arrive dans une région
cruellement éprouvée par la guerre civile. Ce qu'il voit lui
arrache un cri de pitié : « C'est un spectacle déchirant que
de parcourir une grande partie des villes et villages de la
Vendée : des bourgades presque détruites et abandonnées,
des châteaux incendiés, des maisons découvertes et démo-
lies, des villages presque sans habitants, des toits à porcs
servant de retraite à des hommes, des familles nombreuses
resserrées dans une pièce très étroite, les traces de la guerre
civile encore empreintes sur les restes des églises ». Et
pourtant, malgré ces ruines et cette misère, malgré la sai-
son, la terre garde un aspect riant et riche, « ce qui promet
216 REVUE mSTORIQlE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
une prompte réparation des malheurs de ce beau paj's ».
Néanmoins, il y aura beaucoup à faire. Les habitants ont
une figure, un accoutrement et un caractère presque sau-
vages. On devine en eux des âmes faciles à séduire et à
fanatiser; ils ne connaissent pas et ne veulent pas connaître
les institutions républicaines. Ils paient exactement leurs
contributions, mais l'arriéré est immense, et il y aurait des
troubles graves, si l'on s'avisait de le réclamer. Pourtant, la
situation politique ne donne, dans les quatre départements,
lieu à aucune inquiétude ; depuis l'attentat du 3 nivôse, on
sent partout un attachement marqué au gouvernement. La
meilleure politique à l'égard de ces populations, c'est la
douceur : « J'ai reconnu que des paroles de paix et de con-
solation produisent un effet sensible sur ces hommes,
malgré leur grossière ignorance et leur insouciante apathie».
Préfets et généraux s'inspirent de ces maximes, et de ces
derniers, il en est un qui reçoit un juste hommage : « Le
général Travot ' , aux Sables, renomme par sa prise de Cha-
rette, qui a mis fin à la première guerre civile de la Vendée,
est un des mieux et des plus utilement placés des généraux
emploj'és dans l'intérieur ; on l'aime et on le craint tout à
la fois ; sa conduite irréprochable, sa probité sévère, la
simplicité de ses mœurs, sa bonté, sa bravoure, le rendent
très recommandable ; je n'ai trouvé personne qui ne m'en ait
dit du bien, et quelques heures de conversation avec lui
m'ont suffi pour en penser beaucoup. »
Ce rapport dut attirer sur celui qui l'avait rédigé l'atten-
tion du premier Consul, car, le 11 germinal, il le chargea
d'une nouvelle mission. Il l'envoya dans la (juatorzième
division (Calvados, Manche, Mayenne, Orne) ; Fourcroy y
resta vingt jours. Nous lui laissons la parole ; on verra ce
que fut son activité dans ce court espace de temps :
■ 1. De même Barbé-Miubois loue « la sagesse du général Hédouvillc », en
résidence à Bennes ; il rend la paix à ces contrées si longtemps m.-tlheureuses.
» ,Ic crois, dit-il, que la plus haute confiance lui est due, et, quand je la de-
mande, c'est au nom de tous les gens de bien des quatre déparlements .»
FOURCROY, CONSEILLER d'ÉTAT 217
La tenue des conseils généraux a retardé mon départ d'une
quinzaine de jours, et, après avoir pris les ordres des Consuls,
je me suis mis en route le 30 germinal. Arrivé à Caen, chef-lieu
de la quatorzième division militaire, le 1''' floréal soir très tard,
à cause de quelques accidents de route, j'ai employé le 2 et le 3 à
préparer les travaux de ma mission. J'ai reçu et rendu les visites
des corps militaires, et des autorités civiles ; tous les honneurs
dus à un délégué du gouvernement m'ont été rendus '. J'ai reçu
et visité tous les chefs militaires, le préfet, le secrétaire général,
les membres du conseil de préfecture, ceux du conseil général du
département et du conseil d'arrondissement, le maire et ses ad-
joints. Le tribunal d'appel m'a envoyé une simple députation
sans costume. Les membres du tribunal criminel et le tribunal
de commerce sont venus tous et dans leur costume. Ceux du
tribunal civil se sont présentés sans costume. J'ai reçu les pro-
fesseurs de l'école centrale, le jury d'instruction, les membres
d'une école de médecine qui a été maintenue à Caen, et les dé-
putations de plusieurs sociétés savantes et littéraires. Je n'ai
point vu la garde nationale de Caen ; le Commandant n'est venu
me voir seul que huit ou dix jours après mon arrivée; je n'ai
vu qu'à la même époque les juges de paix et les commissaires de
police.
Le 4, j'ai fait la vérification de la caisse du payeur de la di-
vision. Le 5, j'ai tenu le premier conseil militaire sur la solde ;
il a été continué le 7, jour de la clôture du procès-verbal. Le 8,
j'ai tenu le second conseil militaire relatif aux fournitures et aux
ordonnances. Le 9 a été employé au conseil des finances et aux
ordonnances avec les principaux agents des contributions appelés
des deux départements de la Manche et de l'Orne, et réunis à
ceux du Calvados. Le 11 a été destiné au conseil des Ponts et
Chaussées tenu avec les trois préfets et les trois ingénieurs en
chef de la quatorzième division. Les 12, 13 et 14, j'ai tenu avec
les trois préfets le conseil d'administration, qui a duré au moins
quinze heures. J'ai consacré le 15, le 16 et le 17 à la visite des
hospices, des établissements civils, militaires, de la préfecture,
1. Najac fait précéder sou arrivée d'une circulaire aux préfets et sous-
préfets. Quand Français de Nantes approche de Toulon, le maire engage ses
concitoyens à le bien recevoir, à nettoyer le devant des maisons, à fermer ma-
gasins et boutiques, à pa\'oiscr et à illuminer.
21.S REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION IR.iNÇAISE
du palais de justice, de l'école centrale, des principales manu-
factures et de plusieurs domaines nationaux. J'ai assisté une
partie de mes soirées à des séances de sociétés savantes et éco-
nomiques. Le 18 matin, je suis parti de Caen ; je me suis rendu
à Pont-l'Evèque dans la double intention d'observer une partie
de la riche vallée d'Auge, et de visiter l'abbaye de Beaumont,
ancienne école militaire ' . Le 20, je me suis transporté à Hon-
llcur ; j'y ai visité le port, les principaux établissements civils,
et j'en suis parti le 21 pour me rendre à Paris par Rouen. J'ai
passé un jour et demi dans cette ville intéressante pour y pren-
dre une connaissance générale de ses établissements publics et
de ses manufactures.
Avant de citer d'autres iiarties de rapport de F'oiircroy,
nous voulons rappeler, d'après son témoignage et celui de
ses collègues, quelle était la situation de la France au len-
demain du 18 brumaire. Ce que l'on sent sur tous les points
du territoire, c'est le désir de la tranquillité et de la paix,
c'est l'attachement à un gouvernement ferme et réparateur,
c'est la renaissance prochaine d'une activité féconde. Vrai-
mcnl, il y a dans notre pays des ressources et une force
latente qui le l'ont, à tant d'époques de notre histoire,
revivre plus énergique au moment même où il semble
abattu et épuisé. « Si mon rapport, dit Fourcroy, montre
encore au gouvernement des traces de destruction, de ruine
et de malheur, i! peut au moins le rassurer en lui offrant
de grandes ressources, de grands moyens de réparation et
dans les riches productions du sol, et dans l'active industrie
des citoyens presque tous dévoués à servir la chose publi-
que ». « Partout, dit-il encore, j'ai trouvé la plus grande
tranquillité et les espérances les plus flatteuses pour l'a- •
mélioration de tous les genres d'entreprises utiles ; partout 9
les citoyens m'ont donné les témoignages les plus prononcés
de leur attachement au gouvernement et de leur zèle à se-
contler ses vues bienfaisantes pour la prospérité publique.
I. l-;ll.- avait ri.- diriKee par l.-s li.-n,-(li.-lins.
1
1-OLHCHOY, CONSIÎl^.LKH d'ÉTAT 21i)
J'ai facilement obtenu les divers renseignements qui m'é-
taient nécessaires. On s'est empressé de me fournir toutes
les lumières que je pouvais désirer. Fonctionnaires publics,
ou citoyens en particulier, tous ont répondu à mes deman-
des avec une égale activité ; tous, sur le plus simple énoncé
de mon vœu, m'ont entouré de leur confiance et de leur
désir de remplir les vues du gouvernement.»
Cependant, cette confiance ne se traduit pas encore
comme il le faudrait. L'argent des particuliers ne va pas
assez à l'Etat ' , ici, comme dans la Beauce, on aime mieux
le placer en terres ; là, comme à Orléans, on le met dans
le commerce. Les impôts se recouvrent difficilement ; le
produit des douanes est à peu près nul ; il y a stagnation
et recul dans le commerce et dans l'industrie. Fourcroy
signale « le dépérissement » des ports de La Rochelle et de
Hochefort ; les quais sont dégradés, les jetées en ruine, et
les bassins encombrés de sable. Les pêcheries de la Bre-
tagne, gênées par le voisinage de la Hotte anglaise, sont
dans un état navrant. Port-Brieux, Port-Malo, et les Côtes-
du-Nord étaient la pépinière de nos meilleurs matelots ;
aujourd'hui, la détresse y est générale. Lorient est ruiné ;
cette ville envoyait jadis des navires dans les deux Indes ;
elle n'a plus qu'un petit commerce de détail. Les manufac-
tures de toile sont tombées, et Barbé-Marbois, auquel nous
empruntons ces détails, se plaint « de la grandeur du mal
qu'ont fait à la France ceux qui ont perdu nos colonies ». A
Lyon, des 14.777 métiers que possédait cette ville en 1788
pour la fabrication de la soie, il n'en reste que 5.000 envi-
ron, et encore, pour les matières premières, est-on tributaire
de l'Italie. Le tirage d'or alimentait, en 1780, vingt mai-
sons ; il n'en existe plus que cinq ou six. Même situation
à Tarare, à Amplepuis. Les manufactures de chapeaux ont
également baissé à cause des prohibitions de l'Espagne, et
puis, d'après Champagny, " dans l'Amérique du Nord, les
1. A Chartres, il n'y a que cent ou teiit-vlngt personnes qui aient des rentes
sur l'Etat ; le tout représente '2'i ou 24.1)00 francs.
220 REVl'E HISTORIQUE DE LA liKVOl LTION FRANÇAISE
Anglais ont repris les avantages que nous leur avions enle-
vés en 1774 ' ». Pourtant, il y a des capitaux ; dans la ré-
gion de Lyon, l'industrie de la soie étant précaire, on les
consacre à d'autres entreprises. En Bretagne, le besoin de
Iiarcourir de nouveau les mers et le globe se manifeste
dans nos ports: « on croit (ju'il y a des capitaux cacbés qui
n'attendent que la paix pour paraître «. L'état des campa-
gnes est satisfaisant ; sans doute il y a des contrées où l'a-
griculture est arriérée, « mais la guerre n'a pas diminué les
travaux. » -
La vérification des états financiers et l'examen de la
situation politique furent la principale occupation de la
plupart des conseillers. Pour ce qui concerne le commerce
et l'industrie, Fourcroy a fait une enquête sérieuse, et sur-
tout, il a voulu voir ]iar lui-même. Nous demandons la
permission de rcproiluire des documents qui ont leur prix.
Les marais salants de la Manche sont activement exploi-
tés. A Tourlaville, près de Cherbourg, on fabrique des
glaces et de la verrerie. A Yalognes, outre des chaudronne-
ries, on fabrique une porcelaine de prix moyen et une belle
fa'ience; à St-Lô, on trouve une fonderie de métal de cloches.
Dans ce département, comme dans l'Orne, on a vu repren-
dre la tannerie, la bonneterie, la fabrication des toiles,
coutils, rubans et serges; les toiles de Vimoutiers, «connues
sous le nom de cretonnes, sont les plus belles et du grain
le plus fin » , mais l'exportation a baissé, et, avant la Révo-
volution, on en envoyait beaucoup en Angleterre et aux
colonies.
Les dentelles d'Alençon et d'Argentan sont des dentelles
de prix, et elles méritent « quelque attention de la part du
gouvernement. Le point d'Alençon de qualité très variée,
est en général de deux espèces, l'un ipii est nommé bride,
1, V. notre ailiclc sui- lis iclalioiis commerciales entre la France et les Ktats-
L'nis de 1789 à 1815. dans les Mémoires el dociinienis pour sernir à l'histoire du
commerte el de l'industrie en France (Collection Julien Haycni), 3'série. Hachette.
1913.
2. On signale cependanl un peu partout des craintes de disette.
I
FOrRCIlOY, CONSEILLE!* d'ÉTAT 221
esl plus solide et plus Tort ; on le porlc j)endant trois saisons
(le Tannée, et plus particulièrement riilvcr ; l'autre, (ju "on
appelle réseou, est beaucoup plus léger, moins chargé d'or-
nements, et sert particulièrement pendant l'été. On fabrique
dans los deux espèces des ouvrages dont la hauteur déter-
mine le prix ; il y a des manchettes depuis 60 francs
jusqu'à 50t) francs la paire, des coiffures, des voiles, des
schalls, des fichus, des manches de robe, des toilettes, des
draps même pour couvrir des lits de six pieds. On emploie
des fils qui vont de 400 francs jusqu'à 2.400 la livre ; on y
en a même employé qui coûtaient 3.000 francs la livre. Le
point d'Argentan est plus beau et d'une perfection plus
grande que celui d'Alençon. C'est cette ville qui a fourni
la toilette de la dernière reine de F'rance et la layette
du dernier dauphin '.» Il y a stagnation depuis plusieurs
années ; un mieux se fait sentir depuis le 18 brumaire ;
pour redonner à cette industrie toute son activité, « il fau-
drait que le gouvernement pût y faire des commandes
extraordinaires, que les épouses des membres du gouverne-
ment témoignassent une préférence marquée pour ces
dentelles qui les méritent par leur beauté et leur fini. Les
Consuls pourront juger par eux-mêmes de cette beauté par
les six échantillons de point d'Alençon et par les deux de
j)oint d'Argentan que le préfet m'a remis pour leur être
présentés. Je dois cependant rappeler ici à leur souvenir la
malheureuse ville de Valenciennes, où se fabrique par des
soins extraordinaires et dans des caveaux humides le fil qui
sert à faire la dentelle. »
A Bayeux, l'industrie de la dentelle existe depuis soixante
ans. On a- d'abord fait deux établissements sous le nom de
St-Exupère et de la Potherie. Cette industrie y avait telle-
ment prospéré que les pères de famille ne donnaient que ce
métier à leurs filles. Les campagnes où ce travail existe, ont
1. C'est à Argentan qu'avaient été faits pour Marie- Antoinette un dessus
de lit, et un volant de dentelle pour une table de toilette, estimés sous la Ré-
volution, en numéraire, 50.000 et 80.000 francs.
222 REVL'E HISTORIQIE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
une population double de celles des autres. 6.000 ouvrières
y étaient autrefois employées...
La fameuse fabrique d'épingles de Laigle, qui emploie,
lorsqu'elle est en activité, plus de 3.000 ouvriers, éprouve
en ce moment une fàcbeuse stagnation par la rareté et la
cherté excessives des fils de laiton, due à la guerre de la
Martinique et aux différends de l'Angleterre avec la Suède —
c'est ce dernier pays qui fournit le iil de laiton. Depuis !c
mois de floréal dernier, plus de cinquante ateliers ont été
fermés . '
Pour faire renaître la prospérité, que ftiut-il faire ? Il
convient d'abord de seconder le mouvement qui se dessine :
<( En général, les chefs de manufactures et les négociants
montrent depuis le 18 brumaire, suivant tous les rapports
adressés aux préfets, cette inquiétude (besoin d'agir), ce
mouvement qui annoncent une amélioration prochaine, un
besoin de produire, dont la moindre occasion favorable
développera l'explosion ». Que l'on prodigue les encourage-
ments ; que l'on crée, que l'on réparc canaux et routes ; que
Ton expose les produits des arts dans les fêtes nationales - ;
que l'on accorde des primes à celles de ces productions
qui se seront distinguées par leurs qualités.
Les commissaires du gouvernement trouvaient dans leurs
1. A relever encore à Caen, une fabrique de bonneUerie commune, une autre
de tissus (schalls gris et blancs) en poil de lapin ; un peu partout, on fait de la
dentelle blanche et noire. A Lisieux, on fabrique de la toile ; à Caen, se
trouve une manufacture de porcelaine d'où sortent des vases communs, mais
aussi des vases très beaux et très précieux ; dans la même ville, un atelier
d'armes produit six cents fusils. Près de Honfleur, il y a des fabriques dacide
sulfurique, d'alim et de sulfate de fer.
En Normandie, comme partout ailleurs, hôpitaux, hospices et prisons laissent
beaucoup à désirer : « de fausses mesures législatives ont privé presque partout
de leurs revenus les établissements hospitaliers » . 11 n'y a pas de linge, pas de
couvertures, les draps ne sont que des lambeaux, et que dire de la nourriture ?
L'hospice de Beaulieu, prés de Caen, reçoit condamnés à la détention, men-
diants, prostituées, vénériens, fous : il y a là une promiscuité et une immoralité
horribles. Quant aux eïifants abandonnés, nul contrôle ; on n'en connaît pas le
norlibre, il y en a dont on paye les nourrices depuis douze ans.
'2. Fourcroy veut-il parler des expositions régionales ? On sait que la pre-
mière exposition des produits de l'industrie eut lieu à Paris, sur l'initiative de
François de Neufchàteau, dans les jours coruplounutains de l'an \'l.
FOURCROY, CONSEILLER D ÉTAT 223
tounu'cs les préfets nommés à la suite de la loi du 28 plu-
viôse an VIII. Ils sont unanimes à l'aire l'éloge de ce
personnel. " Les préfets de la première division, écrit
Lacuée, m'ont paru tous dignes de la confiance des Consuls,
par leur attachement aux principes qui nous régissent et
aux magistrats qui nous gouvernent. Leurs talents, leurs
connaissances, leurs systèmes et leurs principes présentent
une grande variété, mais ils sont animés du même esprit,
le bonheur de leurs administrés et la gloire. Pour les appré-
cier, il faudrait recourir ou à une échelle semblable à celle
des peintres, ou entrer dans des détails trop longs. » Ceux
qu'a vus Fourcroy le satisfont également : « Les préfets des
Deux-Sèvres, de la Charente-Inférieure, de la Loire-Infé-
rieure, et le secrétaire général de la Vendée que j'ai appelé à
la place du préfet, sont manifestement les hommes les plus
forts et les plus éclairés que j'aie vus. Dupin, des Deux-
Sèvres, joint à beaucoup de lumières une douceur et un
esprit conciliant qui le font généralement aimer. A Saintes,
le citoyen (iuillemardet, quoique depuis vingt-cinq à trente
jours dans son département, m'a répondu avec une grande
lucidité.» Le Tourneur, dans la Loire-Inférieure, très estimé,
est affable, bon, juste et ferme. Son secrétaire général est
un homme d'un très grand mérite et d'une profonde instruc-
tion dans toutes les branches de l'administration. Cavoleau
est secrétaire général en Vendée : « on reconnaît dans ses
entretiens statistiques l'homme instruit dans les sciences
exactes qu'il a professées ». Dans la quatorzième division,
« le préfet du Calvados, le général Dugua, est un militaire
franc, loyal, généralement estimé et même aimé », il fait
tout le bien qu'il peut, tout en se montrant énergique.
Dans l'Orne, La Magdeleine est doux, avec des formes
agréables, ce qui ne l'empêche pas d'avoir « la fermeté con-
venable pour résister aux prêtres fanatiques ». Dans la
Manche, Magnitot, homme d'esprit, n'est pas assez ferme ;
on lui reproche de s'être laissé tromper par des prêtres.
D'ailleurs, étant appelé au conseil des prises, il va quitter
224 UEVLE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
le département ' . Diichàtel, Barbé-Marbois, C.hampagny,
louent à l'envi d'habiles administrateurs, riches de connais-
sances et pleins de tact, et tous estimés- . Le personnel des
sous-prél'ets est digne, disent-ils, de tels chefs.
Louer ces qualités, parler avec complaisance de l'amabi-
lité et de l'esprit des préfets, c'était bien, mais les rapports
des conseillers d'Etat ne laissent que soupçonner ce qu'il
fallait d'énergie à ces magistrats '. Verninac est à la tête
du département du Rhône ; or Lyon offre un asile à tous
les gens sans aveu (jui y abondent des départements mé-
ridionaux ; il y a donc des êtres dangereux à surveiller ; on
conspire, on se ruine dans les maisons de jeu, et il faut y
mettre le holà ; il y a des haines particulières à apaiser, et
elles sont encore singulièrement vives ; enfin, toute une
région victime de désastres attend secours et réparations.
Dans la Haute-Loire, (t pendant toute la Révolution, les
contributions s'acquittaient difficilement ; le vol des de-
niers publics et les assassinats étaient organisés » et ce
dut être une rude besogne que de faire respecter la loi dans
ce pays montagneux. En Bretagne, c'est une sorte d'anar-
chie. A cause de la décadence de la marine, ceux qui
chôment se font brigands et voleurs : « J'ai été frappé, dit
Barbé-Marbois, de l'indifférence avec laquelle on parle dans
ces départements de meurtres, d'assassinats. Tous les jours
on me rapportait (jue quelques habitants avaient été tués,
une diligence pillée, des caisses volées, des percepteurs en-
levés. A l'indifférence avec laquelle on raconte ces événe-
ments, on croirait que ces pays ainsi troublés sont dans leur
état naturel. ^ » Dans la quatorzième division, d'après le
1. Il fut rciîipl.iei'' par le futur ministre Montalivet.
2. Hedon fait un véritable panégyritiue de Desniousseau.v de Givré, préfet
à (jand ; il demande que le premier Consul lui donne de sa main un lémoi-
gn.nge de satisfaelion.
3. Ici, ce sont les Chouans qu'il faut surveiller ; sur tout le territoire, les
prêtres, les hommes dangereux, c'est-à-dire, le plus souvent, les partisans de la
Constitution de l'an III et les jacobins, « les anarchistes », les émigrés, et de
ceux-ci, dit Lacuée. on ne peut jamais rien attendre de bon.
4. Dans l'Orne, d'après Foureroy, les populations, pusillanimes et apathi-
ques, se laissent pillir et même attaquer sans oser dénoncer.
FouncHOY, coNsi;iLLi:u d'état 225
rapport de Fourcroy, le brigandage ne peut s'exercer dans
le Calvados, » pays découvert, où le crime n'a aucun lieu
pour se cacher, ni dans la Manche, malgré l'esprit de fana-
tisme dont on accuse les habitants » ; il existe dans certai-
nes parties de l'Orne et de la Mayenne, mais il n'j' a pas de
centres. Il s'agit pourtant de contrées couvertes de forêts, où
ce mal restera endémique jusqu'à la fin de l'empire.
« L'administration générale, comme l'écrit Lacuée, s'est
l)eaucoup améliorée depuis le 18 brumaire ; pour la conduire
au point de perfection qu'elle est susceptible d'atteindre, il
faut plutôt modifier que changer ». Les cadres, en effet,
restent tels qu'ils ont été établis ; à part quelques réformes,
ce n'est pas l'organisation qui est en cause, ce sont les per-
sonnes qu'il faut remplacer.
Les conseils généraux satisfont les préfets ; ceux-ci sont
moins contents des conseils d'arrondissement; il y a quelque
chose qui cloche dans cette institution : « elle est plus
gênante qu'utile », dit Fourcroy ' . Dans l'ensemble, surtout
dans les villes et les grandes communes, les maires sont
bien choisis ; dans les villages, « ils sont trop souvent
sans lumières et sans moyens », et les registres de l'état
civil sont fort mal tenus.
Si l'on ne dit que du bien des tribunaux de commerce,
il n'en est pas toujours de même des tribunaux civils et
criminels. En Seine-et-Marne, on s'en plaint, c'est tout ce
que veut en dire Lacuée ; dans l'Oise, dans l'Aisne, ajoute-
t-il, on y ti'ouve en général peu de lumières ; à Chartres,
« le président est nul, un juge est mauvais, et quatre sont
dangereux ». Dans la région de Lyon, ils sont généralement
bons, excepté le tribunal de première instance de cette
ville : « Le commissaire du gouvernement près ce tribunal
m'a paru ne point jouir de toute la considération que sa
place devrait lui donner » (Champagny). Le tribunal crimi-
1. On se plaint surloiil dt- leurs disputes « sur le réparlemenl des contr
butions ».
RtV. HIST, DL LA RtMJL. *^
22(5 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
nel est bon dans les Deux-Sèvres et dans la Charente-
Inférieure, mais versatile dans la Vendée et dans la Loire-
Inférieure. On se plaint partout des jurys d'accusation et
de jugement : ils sont détestables par leur ignorance.
Fourcroy, auquel nous empruntons ces lignes, est encore
plus sévère à l'égard des juges de paix : « ils sont peu
éclairés et même mauvais ; ils ont une morgue et souvent
une exagération fâcheuse ; en général, ils abusent de leur
titre et de leur nomination par le peuple ». C'est exactement
le langage de Lacuée : « les juges de paix sont mauvais
presque partout ; à peine trouverait-on, si l'on était un peu
scrupuleux, à en choisir une moitié qui fussent instruits,
probes et amis du gouvernement ». De plus, leurs greffiers
commettent souvent des exactions criminelles ' .
Les juges de paix, est-il encore dit, « contrecarrent
l'autorité administrative, surtout par rapport aux prêtres,
dont ils ne devraient pas se mêler». Ici, nous touchons à la
question religieuse ; nous n'avons pas à y insister, car cette
partie de l'histoire est bien connue. Barbé-Marbois, en
louant l'attitude des prêtres insoumis, qui sont tranquilles
et utiles, car on leur doit la paix en Bretagne et le payement
des impôts, parle « des arrangements qui sont pris, qui
pourront être pris »- . Il s'agit du Concordat, alors en pré-
paration, et qui, à lire ces rapports, fut une cruvre de haute
politique et le sceau mis à la pacification de la France.
Ce qui est frappant, c'est de voir un philosophe s'incliner
devant la nécessité d'un pacte qu'il regarde comme inévi-
table, comme salutaire; il s'y associe d'esprit, en homme de
1. Quant aux hommes de loi, dit Lacuée, " rien ou peu de talent »> . Les
avocats exerçaient sans contrôle, ce qui cessa après la pronuilgatiou de la loi du
22 ventôse an XIII ; les avoués avaient été institués le 27 ventôse an VIII,
mais les écoles de droit n'existant plus, ou pas encore, il n'était pas question de
grades. — Les commissaires de police, pas toujours payés, donnent toute satis-
faction.
2. Il est inutile de rappeler (jue le clergé constitutionnel officiait dans le
désert. « A Vannes, écrit Barbé-.Marljois, j'entrai le jour des Hois dans la cathé-
drale ; on célébrait la messe constitutionnelle ; il n'y avait que le prêtre et deux
ou trois pauvres ; à quelque distance, je trouvai dans la rue une si grande foule
(ju'on ne pouvait passer. (ïes gens n'avaient pu nénétrer dans une chapelle
déjà remplie i!i' monde, où l'on disait la uiosse .ippelée des catholiques. »
I-OUHCHOY, CONSF.ILI.Klt d'ktAT 227
gouvernement, mais non de cœur, car il y a un rêve qu'il
n'a pu voir réaliser :
Quand la connaissance du cd-ur humain n'apprendrait pas que
la grande masse des hommes a besoin de religion, de culte et de
prêtres, la fréquentation des habitants des campagnes, et surtout
de celles qui sont très éloignées de Paris, la visite des départe-
ments que j'ai parcourus, me l'auraient seules bien prouvé. C'est
une erreur de quelques philosophes modernes dans laquelle
j'ai été moi-même entraîné, que de croire à la possibilité d'une
instruction assez répandue pour détruire les préjugés religieux ;
ils sont pour le plus grand nombre des malheureux, une source
de consolation ; ils l'ont même été pour quelques esprits très
éclairés de tous les siècles. Il faut pardonner et souffrir dans le
plus grand nombre des hommes une opinion ([ue les lumières les
plus grandes et le génie le plus profond ont laissé germer dans
la tête de Pascal, de Newton, de Rousseau, etc. La guerre de la
Vendée a donné aux gouvernements modernes une grande leçon
que les prétentions de la philosophie voudraient en vain rendre
nulle. Il faut donc laisser à la masse du peuple ses prêtres, .ses
autels et son culte. Il faut même que le gouvernement s'en serve
comme d'un levier puissant pour diriger les hommes, pour for-
mer leurs mœurs, pour adoucir leurs misères, pour les rendre
meilleurs et moins malheureux. S'il est vrai qu'on doit garder un
silence absolu sur la religion dans les assemblées publiques et
politiques, il ne l'est pas moins qu'il faut en surveiller et conduire
même l'administration dans le secret du gouvernement...
Sans doute, c'est une condition fâcheuse que d'être obligé
d'associer en quelque sorte au gouvernement les prêtres et leur
dogme. S'il pouvait exister un peuple de philosophes, il serait
ridicule autant qu'inutile d'embrasser un pareil parti, mais la
politique dont le premier besoin est de voir les hommes tels
qu'ils sont, apprend aux gouvernements que s'ils n'ont pas les
prêtres pour eux, ils les ont contre eux.
L'Assemblée constituante a manqué une grande occasion de
servir l'humanité. Elle pouvait faire dominer en France le pro-
testantisme, beaucoup plus tolérant et plus facile à détacher du
gouvernement que le catholicisme. II ne faut plus espérer de
retrouver de longtemps une pareille occasion. Ce qu'on voit
'22cS REVUE IIISTOniQl'E DE LA RÉVOLITION FRANÇAISE
partout sur la célébration du dimanche et sur la fréquentation
des églises, prouve que la masse des Français veut revenir à ses
anciens usages, et il n'est plus temps de résister à cette pente
nationale.
Langage sincère, sans doute, mais imprudent ! Un jour,
l'empereur ne loubliera pas.
Fourcroy était de retour à Paris vers le 24 tloréal. II
reprit sa place au Conseil d'Etat. La section de l'Intérieur, à
laquelle il appartenait, était occupée, depuis le commen-
cement de l'an IX, d'un système d'enseignement public. Il
avait été chargé de faire ce travail, et il en avait été nommé
rapporteur — il y fait allusion dans son rapport sur la qua-
torzième division.
Nous n'avons pas à revenir sur les écoles centrales ' :
on sait combien peu elles répondirent aux espérances qu'on
avait fondées sur elles. Ce qui est intéressant, c'est de re-
produire ce (jue dit Fourcroy sur l'état de l'enseignement :
L'instruction publique, dont on parle tant, et sur laquelle on
n'a rien fait depuis la fin de la Convention nationale, souffre dans
tous les départements à cause de l'espèce d'inquiétude où sont les
esprits sur la stabilité de ce qui existe. Trop de projets, et des
projets trop différents entre eux, ont été présentés depuis six ans
pour n'avoir pas semé des alarmes qui opposent plus ou moins
d'obstacles à l'exécution complète de la loi du 3 brumaire an IV^.
Si l'on ajoute à cette cause d'incertitude et d'oscillation dans les
esprits, l'éloignement que plusieurs ont encore pour les inslitu-
tutions républicaines et surtout pour celles qui sont dues à la
Convention, on aura la vraie théorie des difficultés que l'admi-
nistration rencontre de toute part pour terminer l'organisation
des diverses écoles - .
Ce qu'il va dire s'appliiiue à toute la France, et il ne
1. V. iiohi- .nrliclo. le Pcrfiiniicl des lùnles Centrales, publit- d:ms les Feuilles
dHisl„ire du 1 ' :ivnl 1!)U.
'2. Les jurys d'instruction sont .au-dessous de leur lâche. Uans l'Ouest, comme
ailleurs, 'l'iristruclion laisse beaucoup à désirer. « Les écoles centrales, écrit
FOUliCKOY, CONSKILLKR d'iOTAT 229
cache pas (jucii matière d'enseignemcnl, il a une compé-
tence spéciale :
<( Sur 42.Î écoles primaires (jui devaient être organisées
d'après la loi du ',] brumaire an IV, 177 sont organisées .»
Il n'y a en tout qu'une cinquantaine d'institutrices dans la
quatorzième division ; elles sont très peu instruites ». Elles
n'ont point la confiance des habitants, non plus que la
grande majorité des instituteurs. Outre la mauvaise con-
duite, l'immoralité et l'irréligion de beaucoup de ces derniers,
«il est certain <jue le défaut d'instruction sur la religion est
le motif principal ipii empêche les parents d'envoyer leurs
enfants à ces écoles ». Et les écoles ouvertes sont peu nom-
breuses : « deux générations de l'enfance sont à peu près
menacées de ne savoir ni lire ni écrire ni les premiers
éléments des calculs ».
On trouve trop relevée l'instruction donnée par les écoles
centrales : « on désire et on espère généralement une ins-
truction intermédiaire ; on attend la restitution des anciens
collèges ou d'établissements (jui en tiennent lieu ; on sent
partout la lacune qui existe à cet égard ». Le projet que
Fourcroy a présenté donnera satisfaction à ces vœux : il
fait disparaître les abus des anciens collèges en conservant
ce qu'ils avaient de bon ; il a substitué spécialement à plu-
sieurs des classes trop nombreuses de latin des leçons de
mathématicpies, « science si généralement reconnue pour
être utile au plus grand nombre des professions ». Et pour-
tant, les écoles centrales « sont aux yeux des hommes
éclairés et impartiaux, une des meilleures institutions, un
des monuments les plus remarciuables du régime républi-
cain ».
Bnrbi'-Marhois, doivent (■tic pi-omptemeilt rd'ormik-s ; les |)io1Vssoihs <1c' langues
mortes, de phj-siqne, de niatlléinutiques et de dessin ont pi-estine seuls des élèves,
les professeurs d'histoire et de législation n'ont point de disciples, et plusieurs
ont la bonne foi de convenir qu'il leur est impossible d\'n faire venir à leurs
leçons. Malheureusement, il n'y a dans quelques villes ni école primaire, n'
école secondaire, et il faut que le professeur de latin enseigne à ses écoliers
jusqu'à l'écriture. A St-Malo, ville de troisième ordre, l'enseignement est aussi
peu avancé qu'à Poiitivy, bourg d'une médiocre iniporlance ».
230 REVUE HISTORIQUE DE LA. RÉVOLUTION FRANÇAISE
Remarquons celle apologie. Fourcroy s'apercevra à ses
dépens qu'il ne s'agissait plus de conserver ces souvenirs
de la Révolution.
Son plan lui modifié douze fois. Ce qu'il élail, ce qu'il
valait, il faut le voir dans l'ouvrage classique de M. Liard
sur l'Enseignement supérieur en France '.
Ici, nous nous contentons de retracer la carrière de
Fourcroy. Au milieu de ses rédactions successives, il avait
éprouvé une première déception. « Il y prit beaucoup de
peine, dit Rœderer, et se crut fort en droit de regretter son
travail, lorsque l'arrêté du 12 mars (1802) me nommait di-
recteur de l'Instruction publique. - »
La loi qui créait un nouveau genre d'enseignement l'ut
votée le 11 tloréal an X. Le 27 fructidor, Rœderer, que le
premier Consul n'avait pas toujours trouvé assez souple,
fut nommé sénateur. F^ourcroy, le même jour, était désigné
pour le remplacer dans ses fonctions. Il redouble d'activité.
Cuvier, qui fut quelque temps associé à son œuvre, rend en
ces termes bommage à un zèle qui ne se démentit jamais :
« Sous sa direction, en cinq ans, douze écoles de droit
sont créées, plus de trente lycées érigés, et plus de trois cents
collèges relevés ou établis. Infatigable dans son cabinet
comme dans son laboratoire, J\I. de Fourcroy passait les
jours et une grande partie des nuits au travail ; il ne se re-
posait en entier sur aucun de ses subordonnés, et les
moindres règlements qui sortaient de ses bureaux avaient
été conçus et mûris par lui-même. Il voulait connaître
pej'sonnellement les meilleurs instituteurs.'' »
En l'an XIII ^ et une ]Kirtie de l'année LSOT, il visite.
1. Tome II, livre III. Nous renvoyons également :'i l'ouvrage <le M. .bil-
lard : Napoléiin 1" cl le monopole tmiucrsitaire.
2. Kœderer, dans la Xolice de nui me. Œiiures. lonie III (l.S,-)3). insiste sur
le rôle qu'il joua à propos de la eréntion des lycées et linstitution des inspec-
teiu-s généraux.
;i. Dans la langue du temps : professeurs.
4. Le 22 germinal an XI, Fourcroy, en écrivant au premier Consul, lui
parlait de l'o'uvre commencée : " Six lycées sont organisés ; le Prytanée sera
desciieomhré (il veut diri' que li-s lioursiers militaires seront répartis dans les
KOURCKOY, CONSKILLKR d'ktAT 231
par ordre de Champagny, les lycées du Midi. Le ministre,
en l'invitant à faire celte inspection, ne faisait qu'appliquer
les dispositions prises par Napoléon le 3 floréal an XIII :
« Le conseiller d'Etat, directeur général de l'Instruction
publi(]ue, visitera dans le cours de deux ans les lycées et
les écoles spéciales, et il rendra compte de leur état au
ministre de l'Intérieur ; il se fera accompagner dans sa
prochaine tournée par un sous-inspecteur aux revues et un
capitaine ou adjudant-major. Le capitaine donnera des
instructions sur l'exercice et la tenue des élèves ; le sous-
inspecteur donnera des renseignements sur l'ordre à
prescrire pour la tenue des registres et de la comptabilité. »
Fourcroy ne perd pas de vue l'enseignement primaire — il
ne sera organisé qu'en 1833 ! — « Le temps qu'exige de moi
l'établissement des lycées ne m'a pas encore permis de
in'occuper comme je le désire des écoles primaires. J'ai
préparé néanmoins des améliorations pour l'art de montrer
aux enfants la lecture, l'écriture et les premiers calculs. Si
le succès couronne ces nouvelles méthodes, trois ou quatre
mois suffiront pour acquérir ces premières connaissances ».
Il est professeur au Muséum (il y a son appartement); il
continue à s'associer aux travaux de ses collègues ' ; il
enseigne encore, et gratuitement, à l'Athénée des Arts. Il
s'occupe activement de l'Ecole polytechnique, du Collège de
France, du Conservatoire. Conseiller d'Etat, il assiste à
toutes les séances du conseil d'administration de l'Intérieur ;
dans ses attributions, figurent les concessions de mines,
et, en 18UI, Montalivet rappelle à l'empereur quel fut son
rôle dans ces questions : « Tout ce qui est relatif à cette
nouveaux établissements); plus de six cents écoles secondaires ont reçu une .activité
nouvelle ; les communes en établissent ; partout, on demande pour la jeunesse
l'étude des langues anciennes et des éléments des sciences mathématiques
et physiques. La suppression des écoles centrales s'opère sans secousse et sans
plaintes. »
1. V. dans Quérard la liste de ses publications, le plus souvent en collabo-
ration avec Thénard et Vauquelin. — A noter qu'il donna l'idée de la publication
des travaux concernant l'Egypte. C'est l'origine du beau monument qui s'ap-
pelle la Description de l'Egypte.
232 UEVUE HISTORIQLI-; Oli LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
partie était le plus ordinairement mis au rapport de notre
collègue Fourcro}'. Le travail est considérable, diflicile, sou-
vent contentieux. Nous avons été assez heureux pour ne
présenter à Votre Majesté aucunes décisions qui aient
excité des réclamations, bien qu'elles aient porté sur de
grands. et notables intérêts. »
En 1806, il est désigné comme orateur du gouvernement
sur le projet de loi relatif à la formation d'un corps ensei-
gnant. Ce qui devait être l'objet d'une loi devint le décret
du 17 mars 1808, qui organisait l'Université impériale. Il
modifia son plan trente-trois fois, d'après le témoignage de
Palisot de Beauvois, et, comme récompense légitime, il était
en droit d'attendre le titre de Grand Maître ' . Ce fut Fon-
tanes qui fut appelé à cette haute dignité.
Certes, la déception était cruelle ; l'ingratitude était fla-
grante. L'ancien jacobin, reniant ses principes de jadis,
avait accepté le monopole ; « recherchant toujours vive-
ment une approbation immédiate », comme le dit Cuvier, il
s'était montré docile aux volontés de l'empereur. Pourquoi
donc fut-il éliminé ? M. Aulard en donne la raison : << Si
modérantisé ou repenti que fût Fourcroy, c'était un homme
de la Révolution, c'était un des organisateurs de l'œuvre
scolaire de la Révolution, c'était un philosophe sympathique
au protestantisme, ce n'était pas un catholique. Or Napo-
léon voulait avoir un catholique à la tète de son Université
pour les mêmes raisons qui l'avaient décidé à fonder l'ensei-
gnement de cette Université sur les préceptes de la religion
catholique, c'est-à-dire, comme dans l'affaire du Concordat,
pour mettre la religion au service de son pouvoir ». Ce
jugement s'accorde avec les propres paroles de Fourcroy :
homme de la Révolution, esprit sympathique au protestan-
tisme, il avait semé en 1801, pour ne pas récolter en 1808.
Malgré cet affront, il a le triste courage de rester au
1. f^e titre était emjiriiiiti' » r;uu-icii n'-glmo. Il y nv;iil im gr;in<l
collège de Navarre.
FOUIU.HOY, CONSEILLE» d'ÉTAT 233
minislùie. Que lera-l-on de lui ? C'est ce (jue (^retet, le (i
décembre 1808, demande à remi)ereur :
Sire, j'ai l'honneur de mettre sous les yeux de Votre Majesté
quelques observations relatives à M. Fourcroy, conseiller d'Etat.
Les fonctions qu'il a remplies avec un zèle bien connu de Votre
Majesté vont cesser au premier janvier. Elles seront réduites au
travail sur les bourses auxquelles Votre Majesté doit .nommer,
travail quelle a voulu lui conserver. On peut y joindre le Col-
lège de France et le Conservatoire de musique, et, du tout, lui
faire une attribution qui lui conserverait un traitement ' que
Votre Majesté serait priée de porter jusqu'à 15.000 francs en
considération des traitements beaucoup plus forts accordés à
d'autres directeurs généraux ; un bureau de cinq ou six individus
suffirait. M. Fourcroj* a éprouvé un grand revers de fortune ;
c'est une considération qui n'échappera pas aux bontés de Votre
Majesté. Je la supplie de vouloir bien me faire connaître sa déci-
sion sur cette proposition.
Fourcroy accepte ces fonctions réduites ; il est nommé
comte, et, le 8 décembre 1809, il reçoit une dotation de
10.000 francs de rente annuelle à prélever sur les biens de
Hanovre. Peut-être allait-il être nommé directeur général des
mines quand la mort vint le surprendre. Il ne s'était pas
remis du coup qui lui avait été porté ; il est enlevé subite-
ment le 16 décembre de la même année. Monlalivet, le
même jour, l'ait part de cette perte à l'empereur :
Sire, j'ai l'honneur de rendre compte à Voire Majesté d'un
événement malheureux, et auquel elle sera sans doute sensible.
Un de ses serviteurs les plus dévoués, M. le comte Fourcroy, vient
de mourir frappé d'apoplexie au milieu même de son travail et en
signant sa correspondance. Il laisse une veuve et un fils officier
dans les armées de Votre Majesté.
Il ne s'agit ici (}ue d'une communication officielle.
Néanmoins, on regrette que M. de Montalivel, d'ordinaire
1. 10.000 francs. Chanipagny avait d.-jà demandé que ce traitement h\i
augmenté.
2;i4 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
plus juste, n'ait pas exprimé quelques regrets pour la perte
de celui qui avait honoré la France i)ar ses talents, et s'était
donné, sans compter, à l'œuvre demandée à ses lumières et
à son labeur.
Gabriel Valthikr.
Le père de Fourcroy, jadis pharmacien du duc d'Orléans,
était mort en 1783. Son fils se maria deux fois, d'abord avec Mlle
Bettinger, dont il eut un fils et une fille, puis avec Mme Belle-
ville, veuve de Vailly, dont il n'eut pas d'enfants. Il avait deux
sreurs ; l'aînée, Mme Baiily, " lui a toujours servi de mère »
(Palisot de Beauvois).
Mme Fourcroy demande une pension. Nous reproduisons
deux notes de sa main (nous ne savons à qui est adressée la pre-
mière) :
M. Fourcroy, mort sans aucune espèce de fortune, laisse un fils et
une fille, indépentlammcnt «le deux sœurs veuves, et d'une parente âgée
dont il prenait soin. Sa Hlle, mariée à M. Floucaud ' , receveur général
du dépaitcment de la Corrèze, a trois fils, et est enceinte. Son fils âgé de
23 ans et demi, ancien élève du Prytanée de Paris, de l'Ecole polj'tcchnique
et de celle de Metz, est aujourd'hui lieutenant en premier au 7" régiment
d'artillerie à pied. Il a fait la dernière campagne de France, et a eu un
cheval tué sous lui à la bataille de Talavera. Son père a voulu qu'il
payât sa dette à son prince et à sa patrie comme militaire. Il est prêt à
suivre la direction que voudra bien lui donner Sa Majesté. Le jeune
Fourcroy devient le chef et la dernière espérance de sa famille.
Mme Fourcroy n'était point en communauté de biens avec son mari.
Il lui reste pour toute ressource : 1", une maison à Paris, louée 2.500
francs; 2", 1066 francs en rentes viagères sur la caissed'Epargneet surl'Etat,
d'une maison de campagne à Epinay, achetée 30.000 francs. Elle a pour
20.000 francs de dettes. Mme F'ourcroy demande pour le jeune Fourcroy
le titre qu'avait son père et la dotation que lui destinait Sa Majesté ;
pour elle, les moyens d'acquitter ses dettes, et de subvenir d'une manière
convenable à son existence et à celle de deux enfants en bas âge dont elle
est la tante, et qu'elle a fait venir de l'Ile-de-France, et a adoptés dans des
circonstances plus heureuses.
La seconde note est adressée à Regnaull de St-Jean
d'Angély :
.1. Flouc.nud et non Foucaud, comme l'écrit Cuvier, exerça ces fonctions
dans la Corrèze pendant toute la durée de l'empire. Nous ignorons ce qu'il de-
FOL'HcuoY, coNsi:iLi.i:i! d'htat 235
Klle n'a pas cru devoir y relater la prnieipale cause de défaut de for-
tune de son mari, mais M. le comte Hegiiault peut se rappeler ce que
lui en a dit son collègue. M. Fourcroy et M. Vauquelin, son élève et son
ami, ont élevé eu commun une manufacture de produits chimiques. Ils
n'ont point eu pour objet de faire une spéculation, mais de créer un éta-
hlissement qui manquait à la France, et de l'affranchir du tribut qu'elle
payait à l'étranger. On a étrangement abusé de leur bonne foi et du peu
(le connaissance qu'ils avaient des opérations commerciales. Le résultat a
été la perte de leur fortune. M. Fourcroy, pour faire honneur à des dettes
([u'on avait contractées sous sa signature, a vendu une terre de 150.000
francs, seul fruit de ses économies et de ses travaux. Les dettes sont
éteintes, mais le prix de la terre a été absorbé. Sa Majesté a eu con-
naissance de cette affaire. ^L le comte Regnault fera de ces renseigne-
ments l'usage qu'il croira convenable. Mme Fourcroy remet entièrement
ses intérêts entre ses mains, et s'en i-epose sur l'amitié qu'il avait pour
son collègue et sur la bienveillance qu'il a témoignée à la famille dans
cette malheureuse affaire.
De son côté, le comlc A. do La Hochefoucauld intervient au-
près du ducde Bassano en faveur de la veuve et du fils de Four-
croy : (1 rien, dit-il, de plus touchant et de plus affligeant que
l'aspect de celte maison et de cette famille désolée ».
Le 15 janvier 1810, « il est accordé à la dame Belleville, veuve
du comte Fourcroy, membre de notre conseil d'Etat, mort dans
l'exercice de ses fonctions, une pension annuelle et viagère de
6.000 francs ».
Le 21 juin 1813, d'après « la feuille de travail avec S. M.
l'Impératrice reine et régente ", Defermon, ministre d'Etat et
intendant général de la maison de l'empereur, propose, ce qui est
approuvé, « d'accorder à Mme la comtesse F'ourcroy, veuve,
sans entants, du conseiller d'Etat de ce nom, une pension de
2.500 francs sur la dotation de 10.000 francs dont son mari a
été titulaire. Cette dotation avait été recueillie par le jeune Four-
croy, fils d'un premier mariage du conseiller d'Etat, et elle fait
retour au domaine extraordinaire par le décès de ce fils mort
célibataire à la bataille de Lulzen, le 2 mai dernier ».
EMILE GAUDIN
ET I.A
POLITKJLE FRANÇAISE A CONSTANTLMIPLE
KN 1792
(D'après des dociiiuents iwnilicns)
L'œuvre diplomatique du comte Choiseul-Cioufficr, am-
bassadeur du roi de France à Constantinople depuis 1787,
n'avait amené aucun changement dans la politique orien-
tale'. Les dernières années de la monarchie avaient marqué
une rapide et fatale décadence de l'intluence française en
Orient, où la Russie et l'Autriche avaient élargi leur sphère
d'action - . Le gouvernement turc, sans force, pratiquait une
politique de ruse, essayant de profiter des difficultés des
puissances pour se débarrasser indirectement de l'iniluence
étrangère.
Le représentant de la monarchie française assistait im-
puissant à la ruine de l'influence et des intérêts français à _
C.onstantinoi)lc. Après le coup d'l"!tat im]irévu, qui enlevait M
au roi sa couronne, il se trouva complètement discrédité, ses
origines et ses tendances se trouvant en opposition complète
avec les idées politiques et sociales nouvelles, tant inté-
rieures qu'extérieures, qui dirigeaient la France républicaine.
Celle-ci, à la suite de l'impuissance de son représentant,
avait raison, à son point de vue, de traiter comme une
trahison l'intrigue ourdie par C.hoiseul à la nouvelle de l'ar-
I. Cf. si>,ci:il,iiui.l: !.. l'.Nc.un. Clu.iseitl-Cnwffirr . La /■V.iHcf en Orient sons
l.tmis XVI (l'aiis, ISST), pp 17.") sq.
•_'. l'.Nr.*ri>. <>/,. ,./.. pp. 217 sq.
i';mii,i; c.aidin et i.a l'OLrnyui-; kuançaisk 237
restation du roi ' , mais elle ne pouvait logicjuement atten-
dre du vieux représentant du roi une altitude diti'érente, car
pour sauver l'honneur de sa fonction il niancjuait à Choi-
seul en Orient de solides bases. Ce fidèle serviteur de la mo-
narchie, dans l'écroulenieut de la puissance française en
Orient, n'avait aucune autre issue que de soutenir dans les
relations internationales la monarchie, non pour sauver les
Bourbons, mais pour écraser la France nouvelle. Et à Cons-
tantinople il pouvait compter non pas sur la nation fran-
çaise sans influence en raison de ses idées révolution-
naires, mais sur le secours des diplomates amis de la monar-
chie et ennemis de la France, et principalement sur la Rus-
sie, dont les relations commerciales, aussi importantes que
celles de la France, étaient alors molestées.
Le chef des douanes de (lonstantinople avait récemment
« innové», comme l'écrivait le bailli vénitien le 22 novembre
1791, prétendant établir <(une nouvelle estimation en com-
paraison des anciens prix sur les nombreux genres de com-
merce non compris dans les anciens tarifs des nations com-
merçantes» et ce au plus grand préjudice de la nation fran-
çaise - . Choiseul avait fait tous ses eflorts pour vaincre la
résistance de l'avide chef des douanes et il avait réussi à
« terminer cette affaire avec le moins de dommages pour la
nation ». Mais comment y était-il parvenu ? Le bailli véni-
tien, intéressé à la question pour le compte de son gouver-
nement, nous montre par sa correspondance toutes les diffi-
cultés de la situation .
L'ambasciatore di Francia adunque, mercè un dono non leg-
gero fatto al Gran Doganiere, lermino il suoaiïare ottenendo che le
nuove stinie di essi generi avessero un discrète aumento dalle
antiche valutazioni, cosichè in oggi in una sola tarifi'a tutto è
1. A. SoREi.. LEuiuiH' cl ta Rémhition fruiiralse (Paris, 1891), III, pp.
137 sq ; PiNGAUi), op. cit. pp. 251 sq ; Grosjkan, La mission de Sénionville à
Constantinople. 1792-/793 (Paris, 1887), pp. 15 sq.
2. Archivio di Stato, Venise. Dispacci del Bailo di Coslanlinopoli al Senalo (Dé-
pèches du ISailli de Constantinople au Sénat), f. 236, n. 215.
3. Dispairi.., f. 23(i, n. 215.
238 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION KRANÇAISE
conipreso c tanto il Graji Doganiere che lanibasciatore la tirma-
rono col loro sigillo. Chiamato il Francliini dal Gran Doganire per
verificare un'éguale aggiunta anche sopra la venela laritïa, egli
dimostro pretesa d'esser da me pure regalato, pretendendo di aver
molto facilitato nelle valutazioni de prezzi, per dir vero niolto
distant! ancora dal loro inlrinseco valore. Ripportatomi dal Fran-
cliini taie pretesa del Gran Doganiere, io gli dissi che non ve-
devo la ragione di fargli un dono, trattandosi di cosa che alla fin
fine non era utile alla nazione, eche se il Gran Doganiere si dava
il mérite di non aver fatto stimare le merci stesse a rigore, io non
intendevo di avergli una particolare obligazione e ch'io Io chia-
mavo ad eseguire anche per i Veneti la niiova regolazione, conie
fece per li Francesi, indicandogli ch'io farci de passl alla Porta,
s'egli vi resislesse. '
Il est vrai qu'avec un tel personnage la tliplomatie ne
pouvait guère agir, surtout avec les dissentiments qui divi-
saient alors les résitlenls à Constanlinople. Francliini lit
observer qu'il serait [)lus opportun de céder et de se rendre
favorable avec de l'argent le chel' des douanes « de caractère
extrêmement avide ». Il remarque (jue « la Porte l'ayant
récemment conlinné dans sa fonction, il ne serait pas
habile d'avoir dans ce département un ennemi, qui ne man-
querait aucune occasion "d'user d'atermoiements défavora-
bles à notre commerce. »
On approuva alors le nouvel accord commercial sans
obtenir cejiendant la garantie et le respect des pactes con-
venus et scellés, comme le chef des douanes, ([uelqucs mois
1. Traduction : « I. ambassadeur de F'rance, moyennanl un don sérieux
au rhef des douanes, a terminé son affaire. II a obtenu que la nouvelle esti-
mation ne serait qu'une discrète augmentation des anciennes évaluations et au-
jourd'hui il n'y a plus qu'un seul tarif. Le chef des douanes et l'ambassadeur
ont opposé leur sceau sur l'accord. Franchini, appelé parle chef des douanes
pour vérifier une semblable augmentation sur le tarif vénitien, se vit réclamer
par lui un pourboire semblable à celui donné par Choiseul pour avoir facilité la
nouvelle évaluation fort distante de la valeur intrinséqiu* des marchandises. J'ai
répondu à cette proposition que je ne voyais pas l'utilité de ce pourboire parce
quç cela n'était pas utile à la nation. Si le chef des douanes se fait un mérite de
n'avoir pas fait estimer rigoureusement les marchandises, j'entends ne lui avoir
aucune reconnaissance particulière et je réclame pour les X'énitiens la nouvelh*
réglementation accordée aux Frani,ais. S'il résiste, je l'avertis que je ferai des
démarches à la Porte I »
KMILr. OAL'DIN KT LA POLITIQUK FHANÇAISE 239
])liis lard, le fit voir, pour le même molif, aux Russes et aux
Impériaux. Là encore, le bailli de Venise nous fournit un
témoignage remarquable. Désintéressé des intrigues politi-
([ues de la diplomatie orientale, il en reproduit lidélement
les écbos. Il écrit, en etlet, le 8 août 1702 :
Oltre l'atTare (loi metropolita Russo vi è pure altro argomento
elle non lascia di occupare cjuesto incaricato di Russia, sopra del
quale attende le conimissiorii délia sua Cote. Qiiesto riguarda la
pretcsa posta a campo dal G. Doganiere di voler che sieno fatte
délie nuove valutazioni di generi che vengono qui con Russo Pa-
viglione, prelesa questa che, conie VV. EE. ben sanno, fu pro-
niessa a tutti noi nunistri di potenze commerciali e alla quale fu
duopo addatlarsi nel modo indicato ne niiei passati dispacci. Ma
questo Sig Incaricato non intende di adattarvisi adducendo che,
essendosl con i'ultimo tratatto di pace confermato pure anche
il trattatodi commercio, le cose dovevano restareanche sopra dicio
sul vecchio piede. Il G. Doganiere pero protetlo dal governo non
ha volulosinoad aora amettere alcun pagamentodi dogana, avendo
pero rillasciate le nierciantando ne dibitori li niercanti e cosi
è facile chesarà sino a che non succedi un cambianiento.
Anche il Sig' Interiuinzio ha un'eguale queslione con lo
slesso G. Doganiere, il quale oltre a cio prettendeva che li basti-
menti austriaci dovessero essere d'ora inanzi visitati prima di
loro partenza da qui, corne si accostuma con altre uanioni ; ma
siccome gli Austriaci eli Russi ancora godevaono pure del privi-
leggio di non essere visitati prima dellultima guerra, cosi il
Sign.'^ Internuzio sostenne taie questione, dicendo che mercè le
slatiix in qiio convenuto con il trattato di Szistow non doveva
succedere alcuna innovazione, e in fatti il G. Doganiere ebbe or-
dine dal Governo di non più insistere sopra la visita, vigendo per
altro anche l'altra questione sopra la ricercata nuova valuta-
zione '.
1. Dispacci cit., f. 2;ifi, n. 264 (8 août 1792). - Traduction : « Outre l'affaire
du métropolite russe, il y a encore une autre question, qui ne laisse pas d'oc-
cuper le ministre de Kussie, qui attend à ce sujet les instructions de sa cour. Cela
regarde la prétention du chef des douanes de vouloir qu'une nouvelle estimation
soit faite des marchandises qui arrivent sous pavillon russe, prétention
qui, comme vos e.vcellenccs le savent, fut présentée ;i tous nos ministres
des puissances commerciales, ainsi que je l'ai indiqué dans mes dépêches
240 REVUE HISTORIQUE UE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Foscarini suivait altentivcnu'iil toutes ces nouveautés,
cherchant à sauver ce ([ui pouvait encore rester à Venise de
son ancienne splendeur, car elle était désormais à la remorque
du commerce autrichien et français. Son témoignage est des
plus intéressants, car il montre le contraste entre le com-
merce russe et Irançais (lettre du 22 mars 1792) et la mau-
vaise direction des réformes intérieures accomplies par le
gouvernement turc (lettresdu 22 avril, 8 mai 1792), qui, en
frappant les grandes puissances, France et Russie, retom-
baient par contre coup sur les petites et sur Venise. Et
encore il restait aux Russes la force de lésister grâce à leur
récentes victoires, tandis que les autres, moins protégés par
la puissance politique de leur propre nation, étaient dans la
nécessité de céder pour ne pas perdre tous leurs bénéfices.
Quant aux Français, comme on l'a vu, leur situation était
pire par suite de la crise intérieure traversée par la mère
patrie, qui rendait plus difficiles les rapports avec les nations
orientales, car les fils de la révolution élaboraient de leur
cabinet de travail des plans pour unir plus étroitement la
Turquie et la France. Choiseul-Gouffier, qui n'avait pas
réussi à assurer à la monarchie française une forte position
en Orient, ne pouvait pas partager les sympathies du gou-
vernement démocratique qui déguisait ses sentiments en
paraissant constitutionnel. Dumouriez, ministre des affaires
étrangères, décida son rappel et désigna pour le remplacer
passt'os. Mais l'envoyé russe déclare que le dernier traité de jïaix ayant en
même temps confirmé le traité de commerce, les choses doivent demeurer sur
l'ancien pied, l^e chel" des douanes, soutenu par le gou\-ernenient, n'a pas voulu
jusqu'à maintenant accepter aucun paiement de douanes, il a cependant relâché
les marchandises laissant les marchands débiteurs. Il est facile de comprendre
qu'il en sera ainsi jusqu'à ce qu'un changement survienne. L'internonce a eu
avec le chef des doiuuies une querelle identique. Celui-ci prétendait que les bâ-
timents autrichiens devaient dorénavant être soumis à la visite au moment de
leur départ, coiume cela se pratique pour les autres nations. Mais les .Autrichiens,
comme les Husses, jouissaient du privilège d'être exemptés de la visite depuis la
dernière guerre et l'internonce a soutenu cette thèse disant que grâce au slalus
in quo convenu par le traité de Sistova il ne devait y avoir aucune innovation.
En fait le chef des douanes a re(,-u l'ordre de son gouvernement de ne plus in-
sister sur la question de la visite ; la question de la nouvelle évaluation
étant maintenue en vigueur. »
KMILi: GAIDIX I.T LA POLITIQUI: FKANCAISI-: 241
un habile (Uplomale, démocrale é|)i-ouvé ' . Son choix lut
ft'piMuhinl intempestil", car les antécédents du nouvel ambas-
sadeur indi(|uaient à l'avance l'objet de sa mission: l'aire
accepter à loul prix à Constantinople le fait accompli de la
Révohilion, trouver dans la Turquie une alliée sûre et accroî-
tre le désaccord russo-turc. Le plan politique de Dumouriez
était audacieux et utile à la France entourée de nombreux
ennemis. Aussi fut-il repris par Lebrun. Malheureusement
le choix de Sémonvillc l'ut malencontreux (Gaudin le recon-
naîtra plus tard), car il ne pouvait pas ne pas être suspect
aux ambassadeurs de la (juadruple alliance - .
Lorsque Gouffier reçut l'ordre de rappel, il ne manifesta
aucune velléité de désobéir aux ordres du gouvernement.
Quoi({u'il prévit la bourrascjue et crût nécessaire de prendre
ses précautions, l'ordre venant du gouvernement du roi, il se
montra disj)osé à se soumettre et se prépara au départ.
La moglie di questo ambasciatore di Francia, écrit Foscarini
à son gouvernement le 1"' août 1792, con le di lei figiie prese l'im-
barco sopra una fregata francese ch'era a Dardanelli ad attenderla
per condurla a Barcelona, da dove passera in un vilaggio in Fran-
cia vicino aile frontière, onde essere a portata di useirc dalli do-
mini francesi al caso di qualche sinistro avvenimento. Si vuole che
taie improvvisa delibera/ione sia derivata dalla quasi certezza in
oui è il conte Choiseul, che il S' de Sémonville venghi a rimpiaz-
zarlo col carattere di Ministre Plenipotenziario, notizia questa
elle sensibilmente dispiace a questo signor Internunzio, ed è da
prevedere che la venuta di taie soggetto, di oui è noto il carattere
per essere de capi del partito democratico, potrà produrre délie
maie intelligenzetra alcuni di questo corpo diplomatico ' .
1. PiNGAiD. <!/>. cil., p. 251 ; GnosjEAN, op. ci(., p. i sq. ; Sohel, op. cil., III, 13G.
2. Cr. les iJiirlifuhiiilts diplomatiques dans Gros.ie.\n, op cit., p. 5 sq.
3. Dispacci cit., f. 236, n. 2G2 (l'i août 1792). — Traduction : « La femme de
r ambassadeur de France et ses lilles se sont embarquées sur mie frégate qui les
attendait à Dardanelles pour les conduire à Barcelone. De là elles passeront dans
un vill.-ige de France proche de la frontière d'où elles pourront quitter le royaume
en cas de danger. On dit que ces décisions viennent de ce que le comte Choiseul
a la certilulc que le sieur de Sémonville vient le remplacer avec le titre de mi-
nistre plénipotentiaire, ce qui déplaît à l'internonce et il est à prévoir que l'ar-
rivée dudit chef du parti démocratique produira une mésintelligence dans le
corps diplomatique, »
ItLV. IIISI . I>K l.A BLVOI.. tli
242 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Ces complications, le diplomate vénitien ne devait pas
tarder à les enregistrer. A la lin de juillet, Acton, ministre
du roi de Xaples, avait fait connaître par la voie du rési-
dent napolitain à Naples.par des informations tendancieuses,
le nouvel ambassadeur français, exagérant et décrivant son
activité diplomatique à sa fantaisie afin de lui créer des em-
barras '. En effet, linternonce iiniiérial, lenvoyé de Prusse
et de Xaples, l'ambassadeur de Russie ne tardèrent pas à
présenter à la Porte, séparément, un mémoire énergique
demandant que le gouvernement turc refusât de recevoir
Sémonville, ayant été confirmés dans lliypothèse de sa pro-
chaine arrivée par la venue de Chalgrin.
Toutes ces intrigues, le bailli vénitien ne les ignorait
pas. Il en informait son gouvernement le 22 août -, ajoutant
certaines particularités et par dessus tout rctlétant objective-
ment j)ar sa correspondance la véritable situation du mo-
ment :
Qiiesto conte di Clioiseul, écrivait-il, ricevelte dalla sua cortc
la lettera di richiamo e la parlicipazione che il S'' di Sémonville
verrebbe a rimpazzarlo non già corne ministre plenipofenziario,
ma corne ambasciatore, e due giorni sono arrivé il Sr Chalgrin,
segretario d'anibasciata. Taie notizia pose in gran raovimento il
S' Internunzio, gli inviati di Prussia e di Xapoli e rincaricato di
Russia, li quali combinatisi assicme hanno presentate separala-
mente alla Porta una loro memoria, volendosi che il contenuto di
essa tenda a far conoscere che il Signor di Sémonville, oltre il di
lui torbido caratlere, era un ambasciatore noiuinato da ribelli
Francesi e a forza acreditato dal Re, che in oggi, ancor più del
passato attrevavasi necessitato di aderire a qualunquc estreniilà
voluta dall'Assembla Xazionale e da Giacobini, onde non vedcr
esposto se stesso al più orribile degli altcntati, come pur troppo
dovete sperimentare anche in quest"ultimi mcsi : che nella cer-
tezz che il Sultane fosse vere amico del Re e délia Monarchia
francese, si lusingavane che sarebbe ritrovato un qualche prudente
1. ("iRos,ii:*N, (1/). ,i( , p. 13 sq. ; Soiilil., np. vil., III, p. 137 sq.
•J. Dispncci lil., f. l'aG, ii. '.'(ifi.
ÉM1L1-: C.MDIN KT LA POLlTIQUi: FIIANÇAISK 24,'i
espediente onde impcdire che il S' diSeiiionville non vcicficlii lu
sua missione a questa Corte.
E certo che il S"^ inviato di Prussia cbbe poco dopo una con-
fercnza sul canale e che al di lui ritorno ando dal S'' Internunzio,
dove eranvi gli altri e lo stesso conte di Choiscul, coi quali stelte
in lungo colloquio, ma sino ad ora non mi è riuscito di saperne
il risultato. '
Ce résultat, il le connut (}uel([ucs jours après. Il est certain
en effet, le témoignage de Foscarini est l'ormel, que Ciioiseul
prenait une part active aux intrigues des quatre iliplomates.
D'un côté, il faisait montre de soumission envers son gou-
vernement, de l'autre, j)ompeusement et impudemment, il se
mettait, publiquement ou prestjue, en relations avec les émi-
grés (lettre du 12 août)- .
L'attitude ambiguë et irrésolue de (.hoiseul entre la réac-
tion et la révolution concourait à diminuer assez le respect
pour le beau nom de France et exposait les intérêts com-
merciaux d'une nombreuse nation aux vexations faciles du
gouvernement ottoman. Entre la France et Choiseul se dé-
veloppait un dissentiment de plus en plus grand par suite de
la prédominance des idées démocratiques d'un côté, l'at-
tacbement de plus en plus décidé de l'autre à la légitimité, et
il se trouvait entraîné par ses collègues résidant à Constan-
1. 'ri-;Kliic-lion : " Lo conjto de (^hoisi'iil n reçu de sa cour ses lettres de rappel et
l'aïuioïK-e ([ue le Seigneur de Siuiouville vient le remplacer non comme minis-
ti'c plénipotentiaire mais comme ambassadeur. Depuis deux jours, le secrétaire
d'ambassade Chalgrin est arrivé ici. Celte nomination a mis en grand mouve-
ment l'internonce, les envoyés de l'russe et de Naples et l'ambassadeur de lius-
sie, qui, après s'être concertés, ont présenté séparément un mémoire tendant à dé-
montrer que Sémonville, outre son caractère trouble, était un ambassadeur nommé
par les rebelles français et accrédité par le roi par force, que le roi aujourd'hui
plus encore que par le passé a été forcé par l'Assemblée nationale et les .Jacobins
d'adhérer à la mesure afin de ne pas être exposé au plus horrible des attentats
comme il l'avait appris à ses dépens ces derniers mois. Dans la certitude, où ils
se disent que le Sultan est un véritable ami du roi et de la monarchie, ils se ilat-
tent qu'il saura trouver un prétexte quelconque pour que le sieur de Sémonville
Jie puisse pas accomplir sa mission en cette cour. 11 est certain que l'envoyé de
Prusse a eu depuis peu, une conférence sur le canal et qu'à son retour il est allé
chez l'inleruonce où se trouvaient les autres ambassadeurs et le dit comte de
Choiseul. Ils ont eu lui long entretien, mais je n'ai pas pu encore en connaître le
résultat. »
2. GuosjKAN, op. cil., p. 16 sq.
244 REVIE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
tinople à l'aire cause commune avec eux contre son propre
gouvernement.
Dopo l'indicata iiier.iDria dit qiiattro ministri forestier!, écrivait
Foscarini le 29 août, e dopo la confcrcnza dol S'' inviato di Prus-
sia, è certo clie il sultane si é dolterminato di secondare le insi-
nuazioni di esse corti, non accogiiendo il nuovo ambasciatore d'
Francia, il che iiii lu conimunicato dal S' Internunzio e dall'
incaricato di Russia, ma non mi dissero il modo che usera la
Porta par gungere a tal finp. Li negozianti Francesi di Galata
tutti democratici e alcuni giocobini hanno inteso con palese dis-
piacere tanto il primo passo fatto da essi rainistri quanto ladesione
del governo a taie richiesta, né nascondono la loro sorpresa che
il co. di Choiseul non abbia impedito che cio succedi, dopo che
egli presto il giuramento délia nuova costituzione, sembrando
loro cosi singolare che egli vogli continuare nel di hui posto a
fronleclie il Re e l'Assembloa Nationale 1 abbiano dimcsso ' .
Mais cet homme, aussi expert dans lintrigue qu'inhabile
dans la politique, profitant de la faiblesse du chargé d'aflaires
qui devait temporairement le remplacer dans ses fonctions,
continua à se maintenir à son poste et infligea une nouvelle
humiliation an malheureux C-halgrin, incapable par tempé-
rament, par mentalité, par éducation, d'agir vigoureusement
pour la défense des intérêts de son pays et du régime démo-
craticjue. Ce malheureux employé, (jue Gaudin plaindra si
vivemenl, se laissa diriger par le mauvais génie de Choiseul
vers un but assez périlleux et j)réjudiciable au renom et aux
intérêts de la nation française. Il permit au vieil ainbas-
1. nisimcri.., f. 236, n" 267 (2!) .-loiil 17!)2). — Tiaduclioii : .. Depuis le mé-
moire des qimtrc ministies ctrnngcrs, et depuis la conférence de l'envoyé de
Prusse, il est certain que le sultan est décidé à seconder les intrigues de ces
cours en ne recevant pas le nouvel anil)assndeur français. Ola m'a été dit par
l'internonce et l'ambassadeur de Rnssie qui ne m'ont pas fait connaître le moven
qu'emploiera la Porto pour arriver à ce résultat. Les négociants français de (îalata.
tous démocrates, et quel(iues-uns jacobins, ont appris avec déplaisir la démarche
de ce.<; ministres et l'adhésion du gouvernement turc à leurs plans. Ils n'ont pas
caché leur étonuenient de voir le comte de Choiseul ne pas s'opposer à lont cela.
Ayant prêté serment à la nouvelle constitution, il leur parait singulier qu'il
veuille continuer de garder le poste que le roi et l'assemblée nationale lui ont
retiré. »
I
KMIl.l-: CAUDIN liï LA POLIÏIQUK FRANÇAIS!-; 245
siuU'ur d'ourdir une comédie, (]iii ne pouvait plaire à j)ersonne
et que tous ne pouvaient approuver. Observateur vif et pas-
sionné (en deliors de tout autre défaut). Emile tiaudin mit
sans sous-cnlendus à nu la i^rave plaie. Ses franches révé-
lations sur l'attitude de C'Jioiseul, laites sur le théâtre des évé-
nements, ne sont pas insi>irées par la haine. A cette impla-
cable condamnation on peut faire des réserves, mais à ce
sujet la discrétion de l'ambassadeur vénitien est significative.
Celui-ci ne cache pas l'impression défavorable que lui a
causée l'altitude de C.hoiseul violant toutes les régies consti-
tutionnelles et surprenant la boiîne foi du gouvernement
turc.
Senza enlrare, écrivait Foscarini le 8 novembre, nelle varie
ritlessioni che far si potrebbero sopra la direzione sin da principio
tenuta in taie affare dal signor ambasciatore', che presto motivo
di vari ragionanienti a qiiesto corpo diploiiiatico, diro solo che il
signor di Chalgrin, che, come dissi, ritorno qui, oltre ad essere
segrctario d'ambasciata, com'era in prima, ebbe pure dal Re, prima
di sua prigionia, le credenziali d'incaricato d'aiïari per usarne ne!
tempo intermedio dopo la partenza del conte di Cboiseul e sino
all'arrivo del signor Sémonville. Cosi riusci strano che il conte
Cboiseul non abbia esibilo alla Porta la persona dello stesso Chal-
grin, quando participe la di lui dimissione, dal che ne derivo il
firmano, il quale nellultimo suo concreto dimostra la nccessito
che l'ambasciatore non abbia a partire sinu alla saputa rissolu-
zione délia sua cortc alla Icttera del (Iran ^'isir al primo ministro '.
Et en l'ait depuis septembre, à la nouvelle de la suspen-
sion et de l'arrestation du roi, il avait abandonné le i)ouvoir
1. Dispacci.., f. 237, n" 275. — Traduction : « Sans entrer dans le détail des
réilcxions qu'a suggérées la conduite tenue par l'ainhassadeur dans cette affaire
dés le début, et qui a provoqué de nombreux discours dans le corps diplomatique,
.je dirai seulement que le sieur Chalgrin, qui, comme je l'ai dit, est revenu ici,
en outre de son titre de secrétaire d'ambassade qu'il avait antérieurement, a reçu
du roi, avant son emprisonnement, les pouvoirs de chargé d'affaires pour en
user pendant le temps intermédiaire entre le départ du comte de (^hoiseul et
l'arrivée de Sémonville. Or, comme le comte de Cboiseul n'a pas présenté à la
Porte le dit Chalgrin quand a été présentée sa démission d'où dérive le firmaii:
ceci démontre la nécessité pour l'ambassadeiw de ne pas partir sans avoir con-
naissance des lésolutions de sa cour au sujet de la lettre du grand vizir au pre-
mier ministre. ).
24r) REVUK mSTOIUQLK DE I..\ REVOLUTION I-UANÇAISE
qu'il s't4ait attribué pour conspirer et intriguer avec les enne-
mis de son pays, se gardant bien de présenter le légitime
envoyé qu'il aurait dû installer à sa place, faisant à sa
patrie l'ultime injure, comme écrivait celui qui était venu
])orler aux frères d'Orient les nouvelles paroles de liberté.
Le comte de Clioiseul-Ciouflier écrivait ce ([ui suit le
14 septembre au gouvernemeni de ('.oiistantinople ' :
Le comte de Clioiseul Gouftier vient de recevoir la confirma-
tion des affreuses nouvelles qui avaient déjà transpiré. Les plus
grands forfaits ont été commis dans sa malheureuse Patrie par
cette horde de scélérats, qui la déchire et la déshonore depuis
trois années. Le plus ancien allié de la Sublime Porte, l'héritier
de soixante Rois, après avoir vu massacrer ses gardes et tous les
bons citoiens qui lui ont fait un rempart de leurs corps, est
aujourd'hui captif entre les mains des rebelles : ils, menacent
publiquement les jours de sa personne sacrée et semblent vouloir
se hâter de jouir du peu de monicns que leur laissent encore la
justice divine et les généreux souverains, glorieux instrumens de
ses vengeances.
Invariablement attaché aux mêmes principes, qui ont cons-
tament dirigé sa conduite, fidèle jusqu'à la mort au sang de ses
maîtres et à l'ancienne constitution de l'Empire Français, ne pou-
vant paraître un seul instant reconnaître, en quelque qualité que
ce soit, les usurpations sur le pouvoir souverain, bien décidé à
ne jamais plier sous le joug honteux du crime, le soussigné ne
croit pas devoir prolonger l'exercice d'un pouvoir qu'il tenait de
son souverain, alors libre, alors tout puissant; il ne saurait plus
agir pour le moment ni comme ambassadeur, ni comme chef des
étabiissemens français en Levant et il se trouve sans moiens
pour répondre de la conduite des individus de la police des
échelles et du maintien des capitulations.
1. ("i:iu(lin invny:i plus l;inl, (■irilr do su main, copie tUs d.iix inliri-ss.iills
(Idiunuiils qui- je nip|)i)itr, les aimolanl avec d'inli-iossaiils coranuMitaires.
Ois doiiMiuMits. nivoyrs par la voie dr \'ellisi-, rillriil iiili rceplés i-l ri-lcmis par
les liupiisiliurs d'Klal. il en paivinl cependant un duplicata au gouvernement
de Paris, transmis par (iandiu par une autre voie. Ils sont conservés dans le
carton iKIO des Inquisiteurs d'iïtat aux .Arcliivcs d'Ktat de X'euise avec les autres
autof,'raplies de (iau<!in, égalenunl interceptés, que je publie dans le présent
article.
liMiLi; (iAii)iN i;t la poi.itiqii; française 247
Dans cet état momentané d'anarchie, la Sublime Porte est
seule en droit de prononcer sur les mesures qu'il convient
d'adopter pour assurer l'existence des Français, pour les faire
jouir des avantages, dont ils sont en possession, et maintenir
parmi eux le bon ordre, qu'on est en droit d'en exiger. Le comte
de Choiseul a donc l'honneur de recommander à la protection
impériale les ministres du culte catholique protégés de temps
immémorial par la couronne de France et les Français restés
fidèles à leur Roi, qui sont établis dans les états ottomans. Plein
de confiance dans la haute sagesse et dans la générosité de la
Sublime Porte, il la supplie de vouloir bien faire connaître
quelles sont ses intentions et ce qu'elle compte ordonner dans les
circonstances déplorables ' .
Et (iaiulin, peu de Icmiijîs après, en commun icjuant au
gouvernement de Paris ce violent mémoire, le commentait
en ces termes :
Je n'observerai rien sur ce mémoire ; il parle assez par lui
même : je recommanderai seulement très fortement de le faire
imprimer avec toutes las pièces et notes que M. Choiseul a envoie
au ministère depuis la Révolution. Il faut qu'il soit entièrement
démasqué. On trouvera aux archives diplomatiques tous ses
factums patriotiques et on les comparera avec celui-ci : il faudra
en remettre quelques exemplaires au ministre qui viendra ici,
pour les distribuer, quoique l'homme soit déjà très bien connu
ici et très justement apprécié. .le n'ai pu encore parvenir à me
procurer le second mémoire, je lai vu : il est, comme je vous l'ai
déjà marqué, sur le même ton que celui-ci. Il y ajoute qu'il veut
partir sous trois jours, pour aller réjoindre les généreux souve-
rains. Il demande en conséquence sous trois jours des firmans de
vo3'age à la Porte et menace, si sous ce délai il ne les a pas
obtenu, de partir sans eux. Cette pièce est du 24 septembre. Je
ferai tout mon possible d'en avoir copie exacte et je vous l'en-
verrai.
Pendant ce temps, la Porte s'était empressée d'inviter
Choiseul à demeurer seul, parce qu'ayant refusé de recevoir
1. Ce mémoire a déjà été publié par Grosjean. op. cil., p. 22. .le le repro-
duis parce que le commentaire de Gaudin s'y rapporte.
248 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Sémonville et la présentation de Chalgrin n'ayant pas été
faite, l'ambassade restait sans titulaire. Gandin reconnaissait
la sagesse de la riposte turque, qui était exempte de loille
récrimination pompeuse et qui laissait la porte ouverte à
tonte conciliation. En l'ace du factum exagéré de Choiseul,
les paroles sensées de la Porte faisaient contraste et, quoique
se laissant remorquer par le ministre de Prusse, le gouver-
nement turc ne se montrait pas complètement opposé au
nouveau gouvernement français. On comprend dés lors que
(laudin commentât assez i)énévoleinent cette réponse et en
soulignât avec un |)articulier inlérèt la signilication réelle
ou fausse. Et l'une et l'autre hyi)ot]iése méritent pour cela
d'être bien notées ' .
La Sublime Porte- avait appris il y a quelque temps que
monsieur l'Ambassadeur de France, son très honoré ami, avait été
rappelle de son ambassade, et qu'un sieur de Sémonville avait été
destiné pour le remplacer dans la même qualité. Il a été prouvé
que le dit Sémonville, par une suite de son naturel ■' et de son
caractère très connu sous certains rapports, avait des manières
de procéder très peu conciliantes. La destination d'une telle per-
sonne pour remplir les fonctions importantes d'une ambassade
n'aj'ant pu paraître convenable, il avait été écrit une lettre
viziriale de la part de la Sublime Porte au premier Ministre de
France en date du 1 '^ du Maliarem de cette année (IS août 1797),
par la quelle on demandait qu'en vertu de la parfaite et sincère
1. I.o ti'xtc lie la ri-poiisi- lui-tnu" n'a pas clr ooiimi de (ïrosjcaii (np. ci/.,
p. 2.'!), alois que le Uxle de (jaudiii ne lui a pas été coinplètemcnt inconnu.
'2. CeUe pièee de la l'orle esl très adroite et très sage, surtout quand on sait
combien fortement elle a été stimidèe par le ministre tle Prusse pour recomiaitre
M. Choiseid comme représentant de France au nom dn Hoi, accrédité par les
princes frères, pendant et à cause de la captivité du Koi : du nmins c'est le
bruit très ])ublié à l*era, rct;u même par ties ministres ([ue l'envoie de i*russo a
présenté plusieurs mémoires et a eu plusieurs conférences avec les ministres de
la I*orte pour la porter à cette démarche. (Xittc de Gatidiii)
■i. V a-t-il rien de plus vague et de plus significative ipie ces allégations
contre M. Sémonville, c'est ce qui me porte à croire que la I*orle reviendra
facilement <lcs fausses impressions qu'on lui avait donné contre lui et révoquera
l'exclusion <|u'elle s'est laissée arracher, à son égard, quand elle saura la vérité.
Un de mi's anus Suédois, très versé dans la langue Turque, m'assure que ces
distinctions, cnlrt' M. raiiihassadciir notre très honore ami et le sieitr Sémonville,
n'existent pas en Turc et que c'est ime invention dn drogman traducteur pour
llaller M. Choiseul. ( Sole de Gandin)
FMILl. C.Al'DIX ET LA POI.ITIOt'l-: FlîANlJAISK 249
atiiiliu, qui règne entre l'empire ollomaii et la cour de France, il
fût nommé à la place de sieur Semonville, un autre ambassadeur,
dont la sagesse, l'esprit et la prudence lui conciliassent toute
notre coniianee.
Les choses étant dans cet état m. l'ambassadeur noire anïi
a présenté deux mémoires dans les quelles il demande à la Su-
blime Porte la liberté de se ' retirer et de partir. Le sens et l'objet
de ces mémoires sont suffisament connus : mais m. l'ambassadeur
sait parfaitement bien qu'il est d'un usa^e constant que, lorsqu'un
des ministres des Cours Etrangères accrédités auprès de la
Sublime Porte est rappelle, il ne se retire pas avant l'arrivée
d'un autre ministre ou d'un chargé d'affaires, ou sans laisser à sa
place une personne qu'il aurait accrédité officiellement en qualité
de chargé d'affaires et qu'il continue à remplir les fonctions de
son ministère jusqu'à l'arrivée de son successeur. Il serait donc
absolument contraire à cet ancien usage et nuisible aux intérêts
des négotiants français établis dans cette capitale et dans les
autres villes de cet empire que m. l'ambassadeur notre ami exé-
cutât l'intention, dans laquelle il est de se retirer, sans que confor-
mément à la ditte lettre viziriale il fût venu un nouvel ambassa-
deur ou un chargé d'affaires de la -part de ht Cour de France
suiiHint les règles (inciennes et insaçie eosUmient pralitmc, ou sans
qu'il laissât à sa place - une personne (|u'il aurait accrédité
officiellement en qualité de chargé d'affaire.
Ces conditions exigent que l'on attende de savoir si, en consé-
quence de la sus ditte lettre viziriale, il viendra de la part de la
Cour de France ' un nouvel ambassadeur sniininl ' l'ancienne rètjlc
1. Que sig.lilii- CL-lk- rrasu?,La \>orW vciit-^-Ilc clin- qncll.- coiiiuiit ce qui s'est
passé en Franct- c-l qu'elle ne veut pas traiter de ee sujet, ou bien qu'elle a très
bien compris que .M. Choiseul ne voulait que faire du bruit pour épouvanter'/ Le
même ami Suédois me dit qu'il croit que celte frase est encore mal traduite,
que c'est une tournure très usitée en Turc, qui revient à dire : nous avons jiris
connaissance de ces méntoires, ce qui est très diii'érent. (\nlc de Gandin)
2. Examinez je vous prie que la .Sublime I^orte fournit a son très honorable
et lionoré ami un moien bien simple el bien prompt s'il avait eu cfl'ectivemenl
tant d'envie de partir dans li jours. (Sote de Gandin)
3. Je remarquerai qu'il n'est pas une seule fois question du Padischach ou
Empereur de France comme les Turcs le nomment toujours, mais de la Cour ;
le Turcs connaissaient la suspension : il est vrai qu'on peut dire qu'ils ne nom-
ment pas non plus leur Padischach ou Empereur. (Xolc de Gandin)
4. Fiiites bien attention a cette frase on l'a fait mettre à dessein pour vous
susciter auprès des ottomans superstitieux observateurs des anciennes usages
des Chicanes au sujet de la Hépublique. (?\'otc de Gandin)
250 REVUE HISTOItlQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
(■/ (i.s()(/f ronslamnwnl pratique ou si un l'ambassadeur notre ami
recevra uc nouveau les commissions d'ambassadeur, en témoi-
gnage de satisfaction de la conduite louable ' à tous ses égards
qu'il a tenu pendant le tems de son ambassade. En un mot il est
nécessaire que m. l'ambassadeur notre ami, pour empêcher le
derrangement des affaires des negotiants français, pour se con-
former aux anciennes règles et pour maintenir les traités et l'ami-
tié qui lient les deux Empires, ne parte pas de cette Cour, jusqu'à
ce que l'on sache quelle résolution aura prise la Cour de France
et qu'en attendant cette nouvelle il continue a faire et à traiter
les affaires de France - .
Le 1" de Rehiul ewel 1207
(le 16 8''"' 1792;
Choiseul ne se Ht pas répéter deux l'ois l'ordre de
rouvrir la chancellerie, à la grande joie des ennemis de la
France républicaine, pendant (juarrivaient les sinistres nou-
velles des défaites des alliés à la frontière française. El
pendant que ces diplomates perdaient leur temps à essayer
auprès de la Porte des jeux périlleux d'équilibre, les direc-
teurs suprêmes tlu gouvernement turc, rebelles à toutes ilat-
teries, figés dans une attitude impénétrable, portaient un
nouveau coup au poids en-combrant des capilulatioiis au
grand détriment bien entendu dn commerce étranger en
butte à l'indolence indigène et à la bureaucratie forma-
liste.
Quando ognuno, écrivait Foscarini le T'"^ Novembre ■' ,
credeva che non avessero più a succedere innovazioni sopra le
vaiuta/.ioni dei generi di coinmercio compresi nclle tariffe dellc
1. Quoique se petit coii[) tram'cnsoir pour M. Clioiseul soit tort mesquin, eu
égard à l'excessive prodigalité des asiatiques en lait de louange, je puis vous
.issurer que c'est encore nn orientalisme t(ïut jjur. (Xote de Gaudin)
2. Pour vous donner à connaître la eliarlatanerie des ministres diplomati-
ques d'ici je vous dirai que ce l'ut .M. l'inlerprète qui présenta le premier cette
pièce a M. Choiseul, eu l'euibrassaut avec de grandes démostrations de joie et
en lui disant : Tenez mon cher amhassadeur vous voilà de nouveau and)assa-
deur du Hoi de France nous nous attendions à i|uelqne chose d'extraordinaire à
une mesure fâcheuse ])"ur la France, juger de notre surprise lorsque nous
lûmes .ce Takrir.
Parturieut montes, uascelur ildiculus nuis. ^Yl>(.• </,■ Ciiiidin)
:i. Disimi-ri... p. TM , n. 2711.
ÉMII.K CAIDIN I;T I..\ POLITlyfi; KliANC.AISK 251
iKizioiii cominercianli o tlopn clio noi tutli ministri forestier'
ahliiaiiio più o meiio usato délie corlesie al G.-aii Doganiere, in
modo possihilmente soddisfacentc l'intéresse délie rispettive
na/.ioni, oggi viene di succedere iina novità che riuscirà incomo-
dissima a tutti li negozianli, che prevedo difficile di peter impe-
dire. Il Reis-EITendi disse al Ralli di parteciparmi che la Porta
aveva stabilité di voler che tutte le tariH'e avessero ad essere
regolate valutando le merci tutte al vero loro valore e gli aggiunse
che taie disciplina era giustissima, peichè non alterava il paga-
niento del tre percento volute dai trattati, ai quali la Porta voleva
strettamente attenersi, ma che se le antiche stime dei generi erano
troppo tenui in confronte dei prezzi attuali, non era giusto che le
dogane del Gran Signore avessero ad avère un taie discapito. Il
Ralli gli rispose, che non vedeva come avesse cio a succedere
dopo che mesi sone il Gran Doganiere aveva cie effettuato, rimar-
candogli che una tal nevità dispiacerebbe moltissimo a V. V.
E. E., Ma a cio il Reis-EtTendi gli disse che questa regelaziene
dovcva essere eseguita per tutti e che egli ne aveva avvertito li
Dragomani délie altre niissioni e che cesi essendo niuno avrebbe
motive di dolersi, ben lontana qual'é la Porta di far cosa dis-
piacevole alla Repuhblica, e termine dicendegli che il combina-
mente eseguito con il Gran Doganiere non era C[uelle che fosse
conveniente di fare.
Dacché seppi un tal faite non petei vedere l'ambasciatore di
Francia, ne tampoce ([uello d'Inghilterra, essendo essi in cempa-
gnia, ma se che il conte Choiseul ne é scontentissimo come le
sone tutti li negozianli francesi.
le frattanlo feci dire al Reis-Etïendi che, quando infalti la
legge fesse comune e non venissi in mode alcune alterato al
convcnuto nei trattati, supponevo che V. V. E. E. si adattereb-
i)ere al destine degli altri, ma che mi conveniva attendere quello
sarà convenuto con le altre principali Nazieni che commercianti,
suir esempio délie ([uali sarà in allorapiù facile di convenire '.
1. Traduction : « Alors qiu- iliaciin croyait qu'il n'y auiait plus d'innova-
tions au sujet de l'évaluation des divers genres de commerce compris dans le
tai-if des nations commerçantes et alors que nous tous, membres étrangers, avions
plus ou moins usé de courtoisie avec le chef des douanes, de façon à satisfaire
l'intérêt des nations respectives, il vient de paraître aujourd'hui une nouveauté qui
sera complètement incommode pour tous les négociants et cpi'il parait difficile
d'empéeher. Le Reiss-effendi a annoncé à Halli que la Porte avait décidé que
252 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION l'KAXÇAISE
La vieille (jnestion était donc remise en discussion :
grâce à une occasion propice el à Ilieiire de la grave crise,
(pii menaçail les PLtats européens, le gouvernement turc en
prolilail pour leur infliger dommages et humiliations. Le
bailli vénitien ' déclara (pie la Porte avait envoyé spécialement
ÏNIustafa Bey « Sui)crintendant de la cuisine impériale »,
Bechir-Bey, son seciélaire, et le chef des douanes, discuter
avec les représentants de chaque nation sur l'applicalion
d'un nouveau tarif auc|uel le corps di])loinati(pie résidant à
Constantinople, divisé et défiant, ne pouvait s'opposer. Les
missions russe et viennoise étaient disposées à la résistance
et refusaient de participer aux travaux de cette nouvelle
autant (ju'inutile conférence. Les drogmans d'Angleterre, de
France el de Hollande acceptaient pour éviter un mal pire
et la nation vénitienne, entre les unes et les autres, suivit le
chemin le moins mauvais, lâchant d'éviter par des retarils
rusés toute mesure précise, ^hns la conclusion de ces confé-
rences répétées, cjui se succédèrent, de novembre à mars,
sur cette question capitale, fut l'augmentation générale
et plutôt sensible du tarif il'importation, au sujet ducjuel
le corps diploiuatiipie ojjposa les protestations les plus
vaines et les plus inutiles. La Porte demeura maîtresse de
tous les tarifs SL-iaiful r.-giilaiiscs et (iiu- loutos li-s maiiliaiulisi-s scraifiil osli-
mées à Iciii- valpur. Il a ajinilr qu'une telle mesure était très juste parée quelle
ne supprimait pas le paiement du H 01) admis par les traites auxquels la Turquie
voulait se eoulormer eu tout. 11 a déelaré que si les estimations aneieuues élaieut
trop faibles en rapport des prix actuels il n'était pas juste «pu- la douane du
Grand l'ure en pàtit. Ralli lui répliqua qu'il ne eompreuail pas pourquoi ou
modiliait ce qu'avait fait depuis peu le chef des douanesel lui lit remarquer
qu'une telle nouveauté déplairait beaucoup à Vos Uxcellciues. .-^ ceci le Keiss-
etî'endi répondit que la nouvelle réglemeulalion était applicable à toutes les na-
tions, que les drogmans des autres missions avaient été avertis et que personne
n'aurait ainsi motif de se plaindre. Il déclara n'avoir en rien voulu froisser notre
république cl termina en disant que l'arrangemenl conclu avec le chef des
douanes n'aurait pas dû l'être. Dés que je connus le fait, j'essayais de voir l'am-
bassadeur de France el ceini d'.Vngleterre. .le ne le pus, ils élaient eu compagnie.
Mais j'ai appris que le comte de Choiseid eu était fort mécoulenl, de même que
tous les négociants français, .l'ai l'ail dire au Keiss-elVeudi que ipioicpu- la loi fut
commune et eu aucune façon contraire aux traités, je supposais que Vos hxcel-
lences se conformeraient au sort des autres mais qu'il me paraissait convenable
d'atlondre ce qui sera décidé par les autres nations conimerçanles sur l'exemple
desquelles il sera alors plus facile de se guider. «
1. nispani... f. 2:57, n" 'i.SO (S novembre 17!»'.>).
ÉMII.IC OAUUIN ET I-A rOLlTIQUi; l'IÎ ANÇAISP; 253
violer liailos cl capiliihilidiis, de léser les inlércls vitaux
(les (li\erses nations, vexant leur eommeice le plus important,
adoptant une attitude menaçante vis-à-vis des faibles,
insinuante et cauteleuse vis-à-vis des forts, mais au fond
également funeste aux uns comme aux autres. Cela est
suliisanl pour comprendre tout le dommage cpii en résultait
pour la nation française désorganisée, mal défendue par ses
propres rt'pi'ésentanls, sacrifiée aux anihilions dynastiques
de ses chefs. Par là on comprend les paroles amères du
fidèle représentant de la Révolution, qui sentait douloureu-
sement se répercuter les échos des sinistres événements teints
de sang de la patrie lointaine et ([ui voyait la hardiesse
turque prête à chasser sur terre et sur mer la puissance
commerciale de la grande nation française.
MOBERTO CeSSI.
Triiiluil de l'italien par M. Joseph C()^^îET.
(A siiiurc).
LETTRIvS L\ ÉDITES
DE
MARIE-CAROLINE
REINE DES DEUX-SICILES
AU MARQUIS DE GALLO
(1789-1806)
(Suile ')
Partie en noir.
CCLXXVIII
Porlici, le •!'.) scplombro lcS03, iV 3.
Commissions
Des fichus.
Des chemisettes,
Des mnnches courtes et maniehicks, mais larges,
Le tout de mousseline hrodée.
Des livres nouveaux :
L'opéra ou au moins le livre et les duos, airs, finales
sans-rccitatures (sic) de l'opéra de Sargines -.
Quelque chose de nouveau pour la nouvelle année ([ui
ne puisse outrepasser tout au |)lus ."î. (100 ducats.
Lettre écrite au citron et entre les li<jnes du noir
snr la première page
Je joins encore un pmi de mois. \'ous saurez déjà (jue
les Talerand retournent en France. Ils ont eu leurs biens.
1. V»ir />Vi..i,' /i/.s/,„/,,m' </<• hi ]i,-tH,l„li,m /■nuirais,- <!■■ j;.i.vioi-ni:irs 1911 .-l
miliu'rds SMivniilN.
•2. n snsil ilo lop,]-:! de P.ièr, reprisenlé à nresae(reiiseignenienl ilù :i l'o-
bligeance (Il mou ;imi .Alfred Soubies).
LETTRES INÉDni:S 1)1: MAHli;-CAROElNE 255
Ceci (iil, il exige acte de présenee ; mais ils ont l)eaiR'oii|)
d'iuimeiir bien que j'ai élé obligée de les averlir cjue leur
fils ' se permettait en public, tbéàtre, calé, les propos les
plus injurieux contre le roi, moi el eux-mêmes et faisait
peur ])ar les propos tenus sur eux. .le les ai avertis en
amie. Cela les a pic[ués. Ils ont renoncé pension et tout et
partent pour la France laissant leur fils à Vienne, crainte
de la réquisition. Je suis restée et serai toujours leur amie
prompte à tout l'aire pour eux, pour leur bien ; mais le voile
de l'illusion de leur amitié et de ma confiance est déchiré.
Cela rend bien misanthrope et fout triste. Mais A'oilà le
monde. Ils voulaient uniquement me diriger et seuls me
régler en tout, et ce manège, avec mon caractère, cela ne se
peut. Vous médirez sincèrement ce (|u'ils disent à Paris. Je
vous envoie inclus une lettre cpiiis m'ont ])riée de vous re-
mettre et, voulant être honnête jus(prau bout, je vous la
remets.
Ma santé a des hauts et des bas. Mais il faut prendre
patience. Mes chers enfants vont bien ; le roi aussi. Les affai-
res vont mal. Une lenteur contradictoire extrême. Ce pays-ci
aurait besoin d'une année de gouvernement de Bonaparte,
mais sans que. Dieu préserve, lui en soit le maître. Mais
fernielé, autorité, force, voilà ce (ju'il faudrait. Mais tout le
monde se plaint l'un contre l'autre. Rien ne se fait et tout
tombe en lambeaux. Les finances, le maudit argent, qui
mantjue partout et est le mobile qaii fait tout aller, man-
que partout et en tout. Medici trouve la besogne moins
agréable cju'il s'imaginait. Enfin une confusion générale. Je
ne souhaite que de marier mes filles, assurer notre sort à
Léopold et à moi et finir mes jours eu paix.
1. Talleyraud (Auguste-Louis, comte de), né en 1770, mort en 1832, fils du
baron de Talleyrand, accompagna en 1788 son père nommé ambassadeur à Na-
ples, et il ne rentra en France qu'en 1799. Il dut à sa parenté avec Tallej-rand,
d'abord la charge de chambellan de Napoléon, puis celle de Ministre plénipo-
tentiaire près du grand-duc de Bade et ensuite en Suisse. Maintenu dans ce
poste par Louis XVIII, il y resta jusqu'en 1823. Pair de France en 1825, il refusa
jp prêter serment à Louis-Philippe.
2Ô() REVLE HISTORIQIK DF. 1,A RÉVOLUTION FRANÇAISE
Je ne puis vous dire eoinjjieu je vis retirée par goût et
conviction. C'est au point que je dis souvent que je pren-
drai la faculté d'exprimer nos idées.
Ecrivez-moi donc jdus souvent, mais avec la sincé-
rité due à luie ancienne amie. Votre retenue me Ibrce à la
mienne, qu()i([u'avec peine, ("et hiver procurera de grands
événements. Dieu sait quels en seront les résultats.
Adieu, montrez-moi sincérité, confiance. Cela encoura-
gera la mienne et croyez-moi toujours votre sincère amie.
l'ortici, le 29 septembre 180;!. n" 'i.
Coinmissions
Un diadème dans le goût de celui envoyé au Roi pour
ma fille Antoinette avec des bracelets aussi, le tout à ]ieu
près pour 2.01)0 ducats.
Cela ilevrait être à Naples pour le 15 ou le 20 novembre
afin de l'envoyer à temjjs pour le 14 décembre à Madrid.
.l'eïjvoie les couleurs de mes cheveux pour règle.
Je me lecommande à l'excellent goût. C'est moi, mère,
qui l'envoie.
Livres nouveaux. — Ceci lait mon bonheur et mon uni-
(jue société sans ingratitudes.
Musique d'instruments à vent pour des concerts.
Deux pièces de mousseline claire unie pour les broder.
Du coton blanc fin pour broder.
Quchpies aunes de tulle.
Du Marly pour broder.
J'envoie un soulier et une pantoulle à moi. Je voudrais
une paire de souliers pour promener, trois paires de pantou-
fles pour parures de la dernière mode, élégance et l'orme
pour voir comme elle sont, les modes.
Pour 1.000 ducats à choix et bon goût des objets de
modes, mousseline, bonnets, fichus, chemises ou autres
choses pour à peu près ce prix, selon le bon goût connu.
On ouvrira d'abord le comj)te et j'en enverrai le jiaye-
nienl lois p;:r l'ois.
LEïTRHS INÉDITES DE MARIE-CAKOLINE 257
CCLXXIX
Poitici, le 21 novembre 1803, ii" 4, ehiffie
De celte façon, je vous parle plus clairement.
J'ai lu avec attention les offices deTalleyrand' . Ils me pa-
raissent plein d'humeur, cherchant querelle, les demi-pi-
quanteries contre le ministre anglais dans lequel il se
trompe très fort accusant Acton, car c'est nous qui pen-
sons ainsi. D'ailleurs, le désarmement de la Calabre est un
ridicule prétexte. Ils ne sont pas en armes, dont je suis bien
fâchée, et il faut que les héros de Tarente aient inspiré une
pareille peur au premier Consul. Le ton péremptoire est
celui avec lequel il obtient tout ce qu'il veut et épouvante
tout le monde. J'espère que l'eff'et ne suivra pas la menace.
Car s'il augmente le nombre des troupes, le roi est décidé.
Il part immédiatement pour la Sicile ; moi je reste avec mon
lils et famille, mais aurai bien soin de me faire donner les
points par écrit que. Dieu me voit, j'exécuterai, dussé-je en
être la victime. Je ne prise pas la vie et voudrais remettre
l'honneur. L'exemple du roi de Sardaigne, du grand-duc,
du pape, qui ont léché ces coquins chez eux et ont fini par
en être chassés, n'est pas encourageant. Je préférerais mou-
rir à vivre à charge à tout le monde de pensions dehors.
Ainsi, évitez cette nouvelle agression, encore plus injuste
que la première, puisque toute l'Europe sait que nous nour-
rissons ces laquais et les souffrons depuis presque une an-
née sans les inquiéter. On verra donc que c'est méchanceté
pure et prétexte pour nous faire mal.
Je vous envoie le Mémoire du pauvre Rey et une lettre à
moi qui l'accompagne. Je l'ai faite exprès pour que vous puis-
siez la montrer. Il y a bien quelques petits coups de patte,
mais en vérité, c'est bien peu à ce que je sens. Tâchez de bien
faire finir celte odieuse histoire . . .
Je vous envoie une lettre que vous me ferez le plaisir d'en-
1. Cf. AuRiOL, La France. l'Angleterre et Saples. i, 440-441. Ministre des
Relations Extérieures à Alquier, Paris, 15 octobre 1803, et Tallcvrand au Mar-
.[uis de Ciallo, 30 octobre 1803.
REV. HIST. DE LA htVOL. 17
258 REVUE HISTORIQUE DE LA KÉVOLUTIOX FRANÇAISE
voj'cr en exprès à Versailles et dire qu'on vous en porte la
réponse à un marquis de Saint-Clair '. C'est un brave, loyal
officier à notre service. II a perdu sa sœur et désire des nou-
velles de sa famille. Comme il ne veut employer aucun moyen
illégitime, je lui ai promis de faire passer sa lettre et de tâcher
de lui faire avoir la réponse. Je vous prie donc de vous en
occuper et de m'envoyer la réponse.
Pour lapaix, si jamais elle n'aura lieu, je vous recommande
qu'on détruise la Cisalpine et toute république en Italie et
qu'on remette les princes. J'ai mon projet tout fait, mais
aujourd'hui pas le temps à vous l'écrire, ce courrier partant
en toute hâte et me retrouvant avec un grand mal de tète.
Tâchez de nous aviser à temps de tout, parlez-moi libre-
ment comme je le fais. J'espère que ces prétextes finiront,
que l'on ne nous inquiète plus.
Je vous recommande l'affaire de Rey. Je ferai mon possible
pour vos affaires pécuniaires et vous causer quelque commo-
dité, agréments.
Adieu, comptez sur ma sincère, vraie amitié et confiance
qui durera autant que ma vie.
CCLXXX
Porlici, le 30 novembre 1803. n" 5.
Lettre en noir. — Je ne vous écris que peu de lignes par
le courrier d'Espagne qui laissera cette lettre à Aix, d'où elle
vous parviendra par la poste. J'ai parlé au Roi pour le paye-
ment des 9.400 francs pour son diadème. Il veut le compte
pour en ordonner le payement, .\insi veuillez bien me l'en-
voyer.
Vous pouvez juger avec quel empressement j'attends vos
nouvelles qui doivent être intéressantes. D'ici rien de nou-
veau, mais tout à attendre.
Adieu, crovcz-moi, avec de la reconnaissance.
1. Le même qui fut le premier iiïinistre de la (nierre de Ferdinand II, Icrs
de In Restauration en ISl.'i.
LETTRES INÉDITES DE M.VRIE-CAKOI.INE 259
Lettre au citron écrite entre les Ii</ nés jusqu'à la fin du noir.
— Je profile du courrier d'Espagne (jui laissera celte lettre à
Aix et j'espère qu'elle vous parviendra intacte. Vous me ferez
plaisir de m'en aviser pour me tranquilliser et pouvoir plus
fréquemment en profiter... Nous sommes d'un moment à
l'autre à attendre un de nos courriers. Chaque jour des nou-
velles se débitent. Ce que je crois de plus vrai, et selon ma
conviction, de sûr, c'est que ces Messieurs nous chercheront
noise pour trouver à nous attaquer. .Je crois même qu'ils se
trouvent fâchés, embarrassés par notre extrême bonté et con-
descendance de ne point trouver un motif plausible pour nous
chercher querelle. Ils en chercheront partout. La persécution
très injuste contre Acton en sera un et ne réussira point.
Le Roi n'y cédera jamais et il se le doit et aux mânes de son
père. — Enfin nous continuons à être inquiets, mais résolus
à braver l'orage . . .
Je crois les Talerand conseillés par leur fils, neveu du
Ministre, de ne point rentrer en France, mais de s'arrêter
où ils se trouveront jusqu'au printemps.
Tout le monde cette année en France passe l'hiver à la
campagne. Cela démontre quelque crainte.
Je le désire bien vivement. Car ce n'est qu'en étant bien
inquiets et tourmentés chez eux, qu'ils laisseront les autres
tranquilles et je désire bien l'être.
Adieu, mon cher Gallo. Si cette lettre, (|ui n'est qu'une
demi-feuille pour la faire moins grosse, arrive à bon port, je
profiterai plus souvent des courriers d'Espagne qui partent
sûrement tous les quinze jours.
Lechi et Verdier sont à Naples '. Personne ne les a vus,
ni verra. On devrait calculer ce procédé; maison ne calcule
rien. On ne sait que commander et pas tout le monde a le
goût d'obéir.
Adieu, mandez-moi de vos nouvelles et comptez sur toute
ma reconnaissance.
1. Il y a là une erreur de la Kcine. Aucun des deux généraux ne vint à Naples
à ce niomeut.
260 REVIK HISTORIQLK DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
CCLXXXI
N'aples, le 20 décembre 1803, n» 5.
J'ai reçu avec une vraie reconnaissance en même temps
que votre lettre du 30 novembre le diadème pour Antoi-
nette, à qui je l'enverrai par le premier courrier, la musique
instrumentale religieuse et les modes. Je vous remercie de
cet envoi, plus encore de tout ce que vous me dites et comme
toujours de votre bon goût et de toute la peine que vous
vous donnez. Prière de m'envoyer le compte de ce qui vous
est dû pour tous ces objets, compte qui sera immédiatement
réglé. Je ne puis avancer les fonds : car je vis strictement
de ma pension mensuelle et sans le moindre espoir d'amé-
lioration. Le roi lui-même est gêné, et c'est ce qui nous
oblige à la plus grande économie.
Je parlerai de vos affaires, car je désire vous être utile,
vous n'en doutez pas.
Ma santé se soutient en dépit de certaines petites incom-
modités. Toute ma chère famille va bien. I,e Roi est depuis
hier à la chasse à Persano. Il s'y livre de nouveau avec
ardeur depuis que les autres exercices, tels que voyages, vi-
sites de fabriques et d'établissements, manœuvres, marches
militaires ont presque entièrement pris fin.
Vous pouvez vous figurer avec quelle impatience nous
attendons les événements qui sont en train de se dérouler et
les conséquences qui en résulteront. Je ne désire qu'une
paix tranquille, honnête, durable, et rien, plus rien que
cela. J'espère qu'on finira par nous ôter cette occupation
entretenue à nos frais en dépit de tout droit et de toute jus-
tice. J'espère que grâce à votre zèle on se rendra à l'évi-
dence et que vous réussirez à faire table rase de tous ces
absurdes prétextes, tels que nos armements dans les Cala-
bres, notre travail en Italie et d'autres inventions non moins
grolescpies et ridicules, enfin que vous ferez obtenir cette
paix momentanée, ou. à défaut de cette paix, qu'on n'aug-
mente i)as nos charges et nos inquiétudes.
LETTRES INÉDITES I)E MARIE-CAROLINE 2(51
Je compte sur votre dévouement et votre vigilance i)our
nous tenir au courant de tout en des moments d'une
pareille importance pour nous.
Je m'arrête bien que j'aie encore une foule de choses à
vous dire; mais le temps me manque à cause d'une excur-
sion à Pompéi que je dois faire ce matin avec mes chers
enfants pour assister aux fouilles dans une maison (ju'on
vient de découvrir.
Adieu. Donnez-moi souvent de vos nouvelles. Les cir-
constances sont trop graves et trop intéressantes pour que
vous nous laissiez rien ignorer, d'autant plus que chacun
fabrique ici des nouvelles d'après ses sentiments, ses désirs
et sa fantaisie.
Adieu, prenez soin de votre santé. Je vous souhaite une
bonne année plus heureuse que celle qui va finir.
Adieu, croyez moi avec une vraie et éternelle reconnais-
sance votre sincère et reconnaissante amie.
Caroline.
Viennent deux feuilles en chiffre.
Une pour votre épouse.
Une lettre pour la Vintimilla.
Une pour M. Fouache, au Havre de Grâce.
Je vous recommande la commission des livres. Qu'ils
soient nouveaux et intéressants. C'est là mon unique société
dans ma solitude. Envoyez-moi le compte de ce que je vous
dois afin que je m'acquitte immédiatement envers vous.
CCLXXXII
N.Qplcs, le 28 jnnvior 1S(M, n" 1, chiffre.
Lettre en noir.
Je vous écris cette courte lettre par la poste pour vous
annoncer d'avoir reçu celle du 23 décembre que vous m'avez
écrite par la poste. Je vous remercie l)ien sincèrement des
vœux que vous faites pour mon bonheur. Dans cette année-
ci les choses en sont à un point que je n'espère ni même ne
2()2 HEVUK mSTORlyUE DE LA RKVOLITION FRANÇAISE
puis plus être heureuse dans ma vie. Tout ce que je
souhaite, c'est trautjuillité, repos et ne plus souffrir de grands
sacrifices auxquels ma santé ne pourrait plus résister, tant
elle est détruite.
Ma chère i'amille, grâce à Dieu, se porte bien. Nous
avons un temps de printemps. Tous les arbres fruitiers sont
en fleur, ce qui me fait craindre qu'une gelée tardive vienne
tout détruire. Actuellement nous sommes en Carnaval. Les
jeunes gens s'amusent et je contribue le plus que je puis à
leur plaisir. Ma vie au reste est très monotone.
Comptez sur toute mon estime et reconnaissance. Donnez-
moi souvent de vos nouvelles et croyez-moi pour la vie votre
sincère amie.
Lettre au citron dont la première partie est écrite entre les
lignes en noir.
Je prends la plume pour vous dire qu'il y a deux heures
est arrivé Schultz. Je vous remercie de toutes vos commis-
sions déjà dépaquetées et de votre lettre. Je n'ai encore vu
aucune dépêche et suis en suspens ne pouvant vous parler
d'affaires. De ce que vous m'annoncez, il paraît que les
choses prennent pour nous un moins méchant pli. Je vous
répète, je n'ai encore lu aucune dépêche, ainsi j'ignore abso-
lument tout. Mais si jamais les circonstances portaient la
paix, je vous recommaiule, ayez soin de parler aux ministres
prépondérants, soit anglais, russes ou allemands, pour la
délivrance de l'Italie entière et la destruction de cette Ci-
salpine qui est un serpent qui à la longue dévorera tout.
L'Italie à peu près dans son ancien système ne sera jamais
(|ue des petits farbfes princes reconnaissants à qui les aura
remis et je crois cjue ce serait la convenance du Premier
Consul et ferait son bonheur. Piémont à son roi avec Gênes
en récompense de la Savoie qui resterait à la France. Le
Milanais donné au roi des Lombards. Le petit d'Etrurie,
avec la réversion à l'Kspagne; Mantoue et le Mantouan à
l'empereur comme clef de défense; Modenaiset portion de la
LETTRES INÉDITES DE MAHIE-CAnoUXE 263
lerrc ferme maritime ou tel arrondissement à la fille du duc
de Modène et ses enfants. Toscane, Lucques, Bologne au
pauvre grand-duc; à nous Ancône et la juste frontière. A
l'Empereur, Salzburg et le Brisgau et les terres de sa famille
en Italie. L'Angleterre y gagnerait d'ôter l'Italie province fran-
çaise et pour son commerce; la Russie, d'ôter les Français
maîtres des deux mers et débouchés du Levant ; l'empereur,
de remettre pied et influence en Italie et les indemnisations
allemandes ; l'Espagne, le roi lombard et réversibilité ; la
France, de détruire la Cisalpine qui tôt ou tard peut faire
réveiller l'esprit républicain en France et de contenter tout
le monde, tant de petits princes tenant à la France, obligés
de leur rentrée dans leurs Etats et elle aura un voisin faible
j)rès d'elle et dont la variété de pensées et d'intérêts ne fera
jamais un ennemi puissant. Enfin, je crois que tout le monde
y gagnerait et je le désirerais bien vivement. Mais je n'ai rien
vu, aucune dépêche et parle comme un aveugle des couleurs.
Je vous envoie ce soir une lettre sur l'affaire de Rey. Cet
honnête homme est une victime de plus et sûrement une
victime de l'apostat Talleyrand. Tâchez de persuader le Pre-
mier Consul de le laisser mourir en repos, d'autant plus
qu'il n'a commis aucun des crimes qu'on lui attribue. Le
héros Bonaparte est bien petit d'être si vindicatif pour Rey.
.Je suis convaincue que c'est une injustice positive. Ma lettre
est modérée et ostensible.
Je vous remercie des lettres de Vintimille et de M. de
Saint-Clair, très brave officier à notre service et auquel je les
ferai parvenir.
Je chercherai la première occasion de vous faire parvenir
mes payements et la réponse à ce courrier. Continuez-moi
vos nouvelles. Elles sont bien intéressantes et comptez sur
mon éternelle reconnaissance.
CCLXXXIII
Naples. le 20 février 1804. N» 2.
Le courrier part si à la hâte que j'ai à peine eu le temps
264 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
de vous écrire. Le Ministre vous expliquera quel est le motif
de cette expédition ; je ne puis que m'y soumettre.
Notre position est bien désagréable et pénible et menace
de plus en plus à encore empirer, les armements de Toulon,
mille autres indices faisant tout craindre. Il me paraît aussi
que l'on cherche à chicaner et trouver quelque mauvais
prétexte. Mais de tout cela le Ministre vous parlera.
Le roi se retrouve à Caserte. Il a des chasses. .le crois
qu'il faudra un de ces jours m'y rendre. — Mon fils a été
légèrement incommodé du mal de gorge qui, comme il est
très sanguin, a forcé à le saigner. Ma belle-fille a été légère-
ment incommodée de maux de dents, mais je le crois un
heureux indice, la supposant, avec quelque espoir, enceinte.
Ce sera une bien jeune mère.
Nous vivons beaucoup en famille. Le carnaval a été très
bruyant, mais moi je préfère le repos à tout.
Je désirerais avoir de ma fille en Espagne les mêmes
nouvelles d'espoir de grossesse comme je les ai de ma belle-
fille. Ce serait bien nécessaire pour son bonheur et état futur ;
mais jusqu'à présent, il n'y a rien. L'Imiiératrice est
derechef enceinte. — Pour mes filles, aucun mariage. Je
leur désire bien vivement un heureux établissement. Voilà
toutes mes nouvelles et ce qui m'intéresse, ne voulant pas
parler politique.
Adieu. Mandez-moi toutes vos nouvelles et les comptes
de mes dettes. J'ose en faire encore des nouvelles par la liste
des commissions que je vous envoie.
Adieu. Mandez-moi tout bien sincèrement et comptez
sur l'éternelle, vraie et sincère amitié de votre reconnaissante
Charlotte
Viennent deux feuilles en chiffres :
Une lettre pour la Marquise votre épouse ;
Une feuille de commissions.
Une lettre qui m'a été recommandée et de laquelle vous
m'enverrez la réi)onse.
LETTHKS 1NÉDIT1:S DE MAlilK-CAHOLIMC 265
CCLXXXIV
Naplcs, !<• 27 mars 1804, n" :>
En toute hâte je vous informe qu'hier soir j'ai reçu par
le courrier Giannini votre lettre, celle de votre épouse, ainsi
que les paquets dont je vous remercie.
Je me garderai bien d'intervenir en ce moment dans ce
que vous me mandez. J'aurais bien des choses à dire, mais
je préfère garder le silence le plus complet.
J'ai beaucoup souffert d'un rhume terriblement obstiné
et c'est seulement grâce à l'emploi de l'opium que j'ai pu
avoir un peu de repos.
Ma bru, qui continue heureusement sa grossesse étant au
troisième mois, s'est fait saigner ce matin ayant souffert
cette nuit d'une congestion violente et imprévue, dont elle
est remise ce soir.
J'ai reçu aussi la lettre de San Teodoro que vous m'avez
envoyée et dont je vous remercie.
Je vous prie de m'envoyer chaque semaine le Moniteur et
le Journal des Débats et le meilleur des autres journaux qui
parle des affaires de Paris.
Mes compliments à votre femme, et croyez-moi toujours
avec une estime véritable.
Une lettre pour Yentimiglia.
Pour ne point récrire la lettre, comme dans l'autre feuille
il y avait de l'écrit, j'ai dû la déchirer et la laisser moitié.
CCLXXXV
Naplcs, 8 avril 1804, ii" fi.
...Je me résume de toute cette longue et pénible lettre,
le Roi, mon époux, m'ayant chargé de vous dire ses senti-
ments. Nous voulons être et serons toujours neutres. Nous
désirons, pour pouvoir l'être, nos roj'auines libres de troupes
étrangères. Nous ne serons jamais ni tributaires, ni préfet.
Nous renoncerons plutôt à tout qu'à une pareille existence
honteuse.
266 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Les attaques contre le ministre Acton, bon serviteur du
Roi, sont des prétextes du despotisme qu'on use dans toute
l'Europe et qu'on a la faiblesse de souffrir. Mais on ne peut
rien articuler contre lui. Cet honnête homme désire, de-
mande sa démission. Où est l'homme d'honneur qui dans
ces temps désire responsabilité ?
Les attaques infâmes de tout genre contre moi, je les
méprise. Elles tiennent à ma famille, et mon caractère est
de ne point être au niveau des actuels souverains élevés
pour être subjugués. Je méprise ces attaques et m'estime
trop moi-même pour dépendre de l'opinion, tle tels jugements
comme de ceux qui me favorisent.
Voyez donc, mon cher Gallo, de calmer, remettre nos
alî'aires et sachez que nous avons assez d'âme pour périr
avec honneur. Mais comme cela entraînerait des malheurs
à nos innocents peuples, je préfère la mesure de céder au
torrent dévastateur, nous retirer, non par faiblesse ou crainte,
mais par honnêteté, et finir nos jours tranquillement en
paix et jouissant encore dans notre vie, le premier tourbillon
passé, de la satisfaction de nous voir rendre justice, ce qui
arrivera indubitablement.
Mon cœur, mon âme est ulcérée ; mais elle acquiert force
à mesure qu'on l'opprime.
Donnez à lire, lisez-leur ou dites-leur au Premier Consul,
à Talleyrand ' ces sentiments de ma part. Ils sont gravés
dans mon âme. — J'ai une chose bien sûre en ma faveur
et que jamais ils ne pourront m'ôter : Je n'ai point de
remords et cela console dans tous les malheurs.
Adieu, votre amie jusqu'au tombeau. Continuez à me tout
dire. Adieu, votre reconnaissante
Charlotte.
1. 'GalIo communiqua à Tallevrand les passngcs de celte lettre relatifs aux nô-
goeiatious qu'on accusait la nine d'avoir onlamées avec plusieurs cours. Cf. Mar-
quis de Gallo à Sa Majesté la Heine. Paris, 10 mai 1804. (Archiivs piirlicnllèrrs
Gallo).
LE'l'TKLS INÉDITES IJi; M AIII IC-CAHOl.INE 267
CCLXXXVI
l'ortici, 27 avril 1804, n" 7.
(]e courrier n'a eu que peu d'heures et surtout pour nous
(\u'\ sommes à Portici. Aussi vous n'aurez que bien impar-
faitement mes nouvelles, quoicjue ma confiance en vous me
donnerait l'envie d'écrire bien au long.
Vous saurez par le Ministre le motif de l'envoi, et je ne
veux point vous répliquer ces odieux motifs. Je vous en
parle un peu dans le chiffre que, je crains, vous ne pourrez
point lire, l'ayant griffonné à la hâte. Je vous prie de me
rassurer sur ce point et de me dire s'ils ont été intelligibles.
Nous sommes tous à Portici. Quand le temps, qui est
très changeant, le permet, je me promène avec mes enfants
et passe la soirée avec eux, étant l'unique objet qui m'attache
à ce monde.
Nous attendons toujours vos nouvelles et celles du monde
avec une vive impatience, quoique je ne m'attende qu'à mal.
Je vais encore être indiscrète par une feuille de commis-
sion, mais je me fie à votre complaisance et amitié et à celle
de votre épouse, à laquelle je vous prie de faire tous mes
compliments et excuses que le temps me manque pour lui
écrire, mais que je fie à son bon goût et complaisance.
Je ne vous parle point des affaires. Il n'y aura plus
qu'obéir et non commander.
Adieu, donnez-moi bien souvent et détaillé de vos nouvel-
les et croyez-moi avec une vraie confiance et amitié votre
très sincère et reconnaissante amie.
(Charlotte
Deux feuilles en chiffre.
Une feuille de commission.
Une petite lettre pour les Talérand (sic).
Une boite avec encre Chine pour elle.
Son boiteux de neveu, le Grand Empereur et le Grand
Juge peuvent, s'ils ont envie, visiter l'un et l'autre. Je con-
nais trop pour que cela ne soit ainsi.
268 REVUE h:stoiîiqle de la révolution française
CCLXXXVII
Portici, le 30 avril 1804, n" 8.
Je profite de l'occasion du courrier d'Elspagne pour vous
écrire ce peu de lignes. J'attends avec bien de l'impatience
vos nouvelles, dans le moment actuel tout étant si intéres-
sant.
Nous sommes tous à Portici. Je sais que le Roi vous
écrit et vous donne plus particulièrement nos nouvelles.
Vous dire comme je suis est impossible. Je vis du jour au
jour péniblement et désagréablement en attendant toujours
quelques nouveautés.
Adieu, ne manquez point de m'écrire bien en détail et
croyez-moi pour la vie votre sincère amie.
Mes compliments à votre épouse. Je vous inclus une
lettre pour Madame...
Lettre au citron et écrite entre les lignes jusqu'à la fin du noir.
Vous voyez, mon cher Gallo, par la lettre du Roi qui
vous envoie les pièces originales et copiées tout ce qui est
arrivé et qui est bien désagréable. Je suis convaincu qu'Al-
quier n'aurait pas fait tout ce train s'il n'avait pas en poche
de son gouvernement l'ordre de rompre en visière. Cela me
fait peine, procure et procurera mille désagréments ; mais il
n'y a pas de remède. Je désire que cet arrangement de Mi-
cheroux, intérim directeur, marche et que l'on en soit con-
tent. Moi, je ne désire que paix et repos. Je crois que de
cette affaire nous perdrons Alquier et ce sera un mal. Car
tout autre sera pire et plus violent.
Voilà mon opinion. Du reste mon parti est pris.
J'attends sans m'en tourmenter les événements que l'on
ne peut ni réparer, ni empêcher. Je vous assure que la pro-
fondité de. mon désespoir m'a rondue indifférente à tout. Le
Roi parle d'abdication et cela il le cond)ine avec les idées
les plus baro(|ues, les moins exécutables et les plus pénibles.
J'espère que cela n'aura jamais lieu ; et si cela doit être, qu'il
LETTUES INÉDITKS DE MARIE-CAKOLINE 269
prenne les arrangements les plus probes et sûrs pour son
contentement, celui de sa famille et le bonheur de ses peuples.
Je vous recommande si jamais Alquier obtient la démis-
sion que, je crois, il sollicite, (jue nous ayons un homme
sage, tranquille et non un bout-de-feu (aie), car bien des
maux en pourraient dériver...
Ecrivez-moi, mon cher Gallo, tout exactement : car je
compte toujours sur vous comme vous pouvez compter sur
mon attention à tout détruire ce que je reçois.
Je vous recommande mes commissions pour Thérèse au
plutôt afin que le (5 de juin elle les puisse avoir. Que d'obli-
gation je vous dois.
Adieu, mandez-moi tout. Croyez bien que vous me trouve-
rez au calme et tranquillité, bien changée, mais toujours au-
tant que je vivrai votre sincère, vraie et reconnaissante amie.
Commission
Pour l'Impératrice qui doit accoucher à la fin du mois
et dont le jour de naissance est au 6 juin, j'aurais besoin,
par le premier courrier, soit un élégant négligé ou porcelai-
nes ou modes ou bijouterie pour la valeur de 1.500 ou 2.000
ducats.
Des petites bijouteries de goûts dififérents tant pour hom-
mes que femmes, comme déjà vous m'avez une fois envoyé
et qui sont toutes déjà données pour à peu près la même
valeur de 2.000, tout au plus 3.000 ducats.
Livres nouveaux pour moi.
Comédies ou livres à élever l'àme, le cœur, de Bayard ou
autre homme de cœur, ouvrage pour Léopold.
Les gazettes. Débats, Moniteur, chaque poste à moi.
De bonnes cartes géographiques.
D'autres livres, estampes pour élever le cœur, l'àme de
Léopold, très susceptiljle.
Ce qui doit servir pour Thérèse devrait venir par le
premier courrier.
(A suivre)
MÉLANGES P:ï DOCUMENTS
Comment on jugeait les affaires de France, en septembre 1792,
dans l'entourage des Constituants émigrés à Londres
Nous publions ici trois lettres, conservées à la Bibliothèque
publi(]ue et universitaire de Genève ' , adressées à Etienne
Dumont, lancien collaborateur de Mirabeau, par un correspon-
dant qui signe « G. ».
Cette initiale signifie certainement Gallois ; en effet, de trois
autres lettres écrites de la même main à Etienne Dumont, deux
portent ce nom en toutes lettres (celles de 1815 et de 1817 ; celle
de 1802 est également signée « G »).
Le seul personnage connu ([ui pourrait avoir écrit les lettres
en question est Jean-Antoine Gallois, dit Gauvin, 17551822.
Mais a-t-il été en Angleterre à la date indiquée ? Rien ne le dé-
montre. Il nous a néanmoins semblé que ces pièces étaient assez
intéressantes, même à défaut d'un correspondant identifié, pour
être reproduites.
O. Karmin
V-
Kensinglon. 2} seplenthre 179'2.
L'arrivée de M. de Talleijrand m'a fail retarder, mon cher ami, le
plaisir d'aller passer avec vous et votre aimable société quelques
jours agréables. Présentez, je vous prie, à Lord Lansdown, avec
mes remerciements de son obligeante invitation, toute l'espression de
mes regrets. J'espère que nous irons bientôt, M. de Tallegrand et
moi, chercher à Bowood * la consolation et la force que les vrais
1. Ms I). 33. Coriospondaïui- II.
li. Ortî'.o^rr.plie inodi^rnc.
3. Propriété de Lord Lansdown.
MÉLANGES ET DOCIMENTS 271
amis de la liberté peuvent seuls se donner réciproquement dans les
circonstances actuelles.
Les nouvelles de Paris sont toujours très mauvaises. La faction
Robespierre subjugue tout. Dans le corps électoral de Paris, que
domine ce farouche Puritain, on a parlé ouvertement de la loi
agraire ; on a dit qu'il était plus que temps de changer le système de
la propriété, bn a disertement établi la grande différence qu'il y a
entre la propriété territoriale qui n'est qu'une usurpation aristo-
cratique et la propriété industrielle qui est la seule vraie pro-
priété parce qu'elle est celle tfes sans-culottes. La plus sombre ter-
reur règne dans Paris. 500 personnes ont été de nouveau précipitées
dans la Bastille populaire appelée l'abbaye Saint-Germain, et on
n'attend, sans doute, pour les égorger, qu'un coup d'œil ou un mot de
Robespierre. La plus grande partie de ces malheureux ont été jetés
dansée gouffre sans aucun ordre émané d'un simulacre même d'auto-
rité publique. Des individus, de leur autorité privée, y ont conduit
d'autres individus, et plus d'un scélérat a sans doute trouvé que ces
en,prisonnemcnls étaient un assez bon moyend' éteindre des rentes via-
gères. On frémit d'indignation et d' horreur en songeant à l'état actuel
de la France et au.v misérables et abjects scélérats qui la gouvernent.
•Jamais l'union de la bassesse et du crime ne s'est montrée d'une ma-
nière plus frappante. Januds on n'a mieux vu combien un petit nom-
bre de hriçjcnds peut comprimer par la terreur des millions d'hom-
mes. 300 hommes de cette espèce, parmi lesquels sont 40 assassins,
ont fait tout ce que vous ave: vu, et vont, dit-on, le surpasser par
d'autres crimes plus épouvantables encore. On parle d'un système de
meurtre, d'incendie et de pillage, qui doit s'exécuter incessamment.
Les murs sont couverts d'affiches incendiaires, de listes de proscri-
ption. On s'occupe avec beaucoup de soin des moyens d'exterminer
WO députés de l'assemblée actuelle, lorsque la première séance de
la Convention aura fait cesser leur inviolabilité. Ce bruit et ces
menaces ont acquis une si grande consistance que l'assemblée a cru
devoir publier une adresse au peuple que je viens de voir aujourd'hui
dans le Moniteur du 20, par lequel (sic) elle cherche à conjurer cet
orage. Nous nous trouvons si bien, depuis 3 ou 4 ans,de cette nouvelle
espèce rfe gouvernement par adresses, qu'il ne serait pas extraordi-
naire que le peuple en fût aussi touché qu'il l'a été jusqu'aujourd'hui.
Brissot, Condorcet et leur parti, qui voit (sic) le gouvernail prêt
à se briserdans leurs mains, et qui sont encore restés assez en arrière
272 BEVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
pour croire bonnement qu'il faut une autorité, après avoir établi
tous les principes et commis tous les actes qui doivent les détruire
dans un pays tel que la France, et avec des hommes tels que les
Français, Brissot, Condorcet, eta., sont en ce moment les véritables
aristocrates du parti contraire qui les dénonce chaque jour, et dans
les places publiques, et dans le corps électoral, à la proscription du
peuple. Je les tiens pour les plus heureux des hommes si dans 15
jours ou 3 semaines leurs têtes ne sont pas portées dans les rues de
Paris, au bout d'une pique, par les satellites de Robespierre et de
Ma rat.
Pour vous donner une idée de l'état de Paris, je vous envoie ci-
joint un morceau qui vient de paraître dans la Chronique ' . La
source n'est pas suspecte.
Adieu, mon cher et respectable ami. C'est dans un moment
comme celui-ci qu'on a besoin de voir et d'entendre les gens de bien,
les amis de la justice et de la liberté. C'est vous dire combien je dé-
sire vous voir, et de trouver dans votre bon esprit et dans votre bon
cœur les idées et les sentiments qui peuvent rattacher à la vie, au
milieu de cette horde de tigres et de fripons qui la remplissent
d'amertume pour les honnêtes gens.
Mes compliments à votre excellent ami M. Romilly - , et mes res-
pectueuses civilités à Lord Lansdown. Je vous embrasse de tout
mon cœur.
G.
La maison Chauvel ' me charge de vous dire bien des choses.
II
Conformément à votre dernière lettre, mon cher ami, nous par-
tirons d'ici pour Bou<ood le 21 de ce mois. Tous les naufragés cons-
titutionnels qui étaient successivement arrivés à Kensington et dans
cette maison ont fait leur établissement en règle, ou dans la campa-
gne ou en ville, et nous ne sommes plus dans l'hospice général que
trois, M. de Talleyrand, M. de Beaiimet: * et moi.
Je vous demanderai à propos de cela, mon cher ami, si vous ne
1 . Non consor\é.
2. L'ami de li.ntham.
3. David Chauvet. de Gi'iicve, pasteur, l'un des proscrits de 1782. C'est chez
lui que se rcncontraieul ios autres Genevois exilés en 1782 (Keybaz, Etienne
Dumont, François U'Ivcrnois, etc.), ainsi que leurs amis français.
4. Bon-Albert Briois de Beaumez, l'ancien Constituant.
MÉLANGES ET DOCUMENTS 273
croi/e: pas que, dans les usages du pays, il y ait de l'indiscrétion à
M. de Talleyrand de mener à Bowood M. de Beaumelz, pour le pré-
senter à Lord Lansdown. Ce dernier, dans sa lettre à M. de Tal-
leyrand. annonce le désir de voir ses amis, on ici ou à Bowood,
comme il conviendra à M. de Talleyrand. Croyez-vous que d'après
cette phrase et les procédés d'usage nous puissions, sans autre céré-
monie, mener avec nous M. de Beaumetz ? Je vous prie de savoir
cela et de me l'écrire le plus tôt possible.
Point d'autres nouvelles que celles que vous savez par les jour-
nau.Y.
L'affaire de Genève ' finira très probablement par la tournure
de la négociation. Elle a envoyé à Paris 2 commissaires pour trai-
ter avec le Con.'seil exécutif. On croit qu'elle renverra sa garnison
suisse et que tout sera dit. Je crois, comme vous, que vos magistrats
ont mis dans leur réquisition aux Suisses une précipitation presque
française, et cette précipitation est une étourderie très blâmable,
lorsqu'on a affaire avec des voisins liargnen.v qui ont la force de
leur côté.
Vous savez peut-être que notre ami Garât - vient d'être nommé
ministre de la justice. \ous connaissez son antipathie pour tout ce
qui s'appelle détails d'afl'aircs. Jugez de l'humeur, de l'ennui et de
toutes les migraines qui l'attendent dans une place qui n'est compo-
sée que de détails, et où il n'y a presque pas lieu à rétablissement d'un
principe. Ce que je vois de meilleur en tout cela, c'est qu'il purifiera
par sa probité la place qu'avait infectée Danton.
Vous attendiez-vous à tous ces succès et à toutes ces bonnes for-
tunes de la France ? Auriez-vous cru surtout que ce fameux Duc de
1. Lors de l'envahissement de la Savoie par le général Montcsquiou, en au-
tomne 1792, l'aristocratie genevoise, redoutant une attaque des Français et un
soulèvement des « égaliseurs i> à Genève, avait fait appel à l'intervention mili-
taire de Zurich et de Berne (24 septembre 1792). M. de Chateauneuf, résident
de France à Genève, protesta contre cette mesure comme contraire au traité de
1782 (27 septembre). Néanmoins des troupes suisses prirent garnison à Genève
(à partir du 29 septembre). La Convention s'en émut et ordonna à Montesquieu
de marcher contre Genève. Pour détourner l'orage, les autorités genevoises en-
voyèrent à Paris lé pasteur Esaïe Gasc et Sautter-Martin. Us y arrivèrent le
12 octobre, et virent, entre autres, Clavière, Brissot et Le Brun. En même temps
.). F. Prévost, Ami LuUin et François U'ivernois traitèrent avec le général Mon-
tcsquiou. Les tractactions passèrent par différentes vicissitudes et Bnalement une
convention fut conclue le 22 octobre à Carouge, entre Montesquiou et les délégués
genevois, d'après laquelle la garnison suisse devait se retirer de Genève et les
troupes françaises respecteraient le territoire genevois.
2. Joseph-Dominique Garât, 1749-1833, remplaça Danton au ministère de la
.lustice à partir du 10 octobre 1792.
REV. HIST. DR LA RKVO L. 1**
274 KEVUE HISTORIQUE DE LA KÉVOLUTION FHANÇAISE
Bruiiswick, dont on a dit je ne sais où que la nature avait employé
pour le faire toute la matière qui aurait suffi pour former un très
grand monarque, fût la dupe de Dumouriez ? Dumouriez m'écrivait de
Niort en Poitou dans le mois de janvier dernier, quoiqu'on fasse,
tout ceci ne finira pas sans moi. Je riais alors beaucoup de cette
phrase ; à présent je ris d'avoir ri ; et mon opinion sur Dumouriez
est restée la même, parce que j'ai été pendant deux mois en présence
de l'objet, et que rien de ce qui est en lui ne m'a échappé.
Adieu, mon cher ami, présentez, je vous prie, mes respectueuses
civilités à Lord Lansdown, et répondez moi tout de suite sur ce dont
je vous ai parlé.
La maison Chauvet me charge de vous dire bien des choses. M.
de La Roche et sa famille sont arrivés hier. Nous dinons demain
pour la seconde fois chez notre ami Bentham, avec MM. de Talley-
rand, Montmorency et Beaumetz.
[pas de signature] 1
III
J'ai causé, mon cher ami, avec Chauvet - sur le voyage qu'on
vous avait conseillé de faire. Nous sommes tombés d'accord. Chauvet,
M. Reibat ■' et moi, qu'il n'était nullement nécessaire que vous fissiez
cette démarche. Clavicre ' a déjà reçu tous les moyens possibles
d'instruction sur cette affaire, soit par le mémoire de Du Rove-
ray ' que vous avez vu, soit par une lettre de M. Reibat '' . On a fait
valoir auprès de lui toutes les raisons de justice et de convenance.
et s'il ne sait ou ne veut pas les entendre, il est incontestablement
animé de sentiments haineu.v que votre présence ne détruira pas. Je
crois fort, néanmoins, que tout ceci finira par un arrangement, et
qu'au défaut de principes de justice, le Conseil e.récutif pourra
écouter la voix de son propre intérêt, en écartant une mesure hos-
tile qui pourrait susciter contre la France de nouveau.v et formida-
1. Cette lettre est postérieure au 12 oelobre (arrivé des délégués genevois à
Paris), probablement même au 14. en tenant compte de la lenteur des commu-
nications. Elle est antérieure au 21 octobre (début de la lettre).
2. David Chauvet.
3. Le Genevois Salomon Reybaz. l'ancien collaborateur de Mirabeau.
4. Etienne Clavière, 1 735- 1 7!(.*î, (ienevois également, alors ministre des Fi-
nances.
5. Jacques-Antoine Dnro\er;iy, de Genève, an» de Mirabeau.
6. Il s'agit évidemment du conllil franco-genevois, à propos de l'arrivée des
troupes suisses à Genève.
MÉLANGKS F.T nOCUMKNTS 275
/»/('.< ennciuis, au moment où ion a les plus grandes probahililés que
la guerre va finir sur les bords du Rhin.
D'après une sommation faite par M. de Cusline au général de
l'armée du Roi de Prusse, Verdun a été évacué '. En peu de jours le
territoire français sera entièrement délivré des cohortes ennemies.
Dumouriez va faire une campagne d'hiver dans les Pays Bas autri-
chiens, où l'on assure que tout est prêt pour une insurrection générale
et subite. Avant une année peut-être la maison d'Autriche verra
s'écrouler tout l'édifice de sa puissance et de cette grande fortune
politique, dont Frédéric II avait pendant si longtemps, mais si inu-
tilement, voulu opérer la destruction de concert avec la France.
Adieu, mon cher ami, j'ai bien de ! impatience de vous voir et de
causer cwec vous de tout ceci.
G.
Vendredi 2
Billaud-VareRHe esclavagiste
Nous avons retracé, dans une étude antérieure ', le voyage que
fit Billaud-Varenne aux Etats-Unis d'Amérique en 181(5, avant de
s'installer à Port-au-Prince. Les éléments de cette étude étaient
tirés, comme nous l'avons dit, de la correspondance inédite de
Billaud-Varenne avec son ami Siégert ^. C'est à la même source
que nous empruntons aujourd'hui les détails qui suivent, et qui
nous montrent l'ancien conventionnel sous un jour assez inattendu.
On ne verra pas, en effet, sans une certaine surprise, Billaud-
Varenne devenu, au mépris de ses anciennes théories égalitaires,
le partisan le plus résolu de l'esclavage des nègres, et propriétaire
lui-même, en Guyane, d'une équipe de travailleurs noirs, dont il
fait l'objet d'incessantes transactions.
On sait que l'esclavage avait été rétabli dans les colonies par la
loi du 30 floréal an X. Billaud-Varenne en avait même profité pour
1. Le 13 octobre.
2. La convention de Garouge étant du 22 octobre, et le Comité cxéculif ayant,
dès le 17 octobre, prévu un arrangement amiable avec Genève, ce vendredi ne
peut être que le 19 octobre, lanouvelle delà reprise de Verdun ayant dû arriver
à Londres à cette date.
3. Billaud- Varenne aux États-Unis (5 mai-18 juillet 1816) dans la Revue histo-
rique de la Révolution française d'avril-juin 1911.
4. Ces lettres s'échelonnent sur cinq années, de 1812 à 1816.
276 REVIE HISTORIQUE DE LA RÉVOLITION FRANÇAISE
acheter une jeune négresse, Virginie, qui habitait sous son toit
depuis plusieurs années, et pour lui donner la liberté, tout en la
conservant pour compagne. En l'an XIII, il s'était installé, non
loin de Cayenne, dans un domaine en friche, qu'il avait dénommé
l'Hennilagc, en souvenir de Jean-Jacques Rousseau, et qu'il avait
entrepris de mettre en valeur.
Dans une lettre du 16 juin 1813, il explique à son ami l'attitude
qu'il a adoptée vis-à-vis de ses nègres, et qui est faite à la fois de
sévérité et de justice :
« Exerçant, dit-il, depuis plus de quatorze ans la profession
d'agriculteur, qui, pour ma tranquillité, m'a placé trop près des
nègres, et ayant eu le temps de les observer et de les étudier, je
crois donc bien les connaître. Malheureusement, je n'ai que trop
appris que ces gens-là, nés avec beaucoup de vices, et mal élevés,
devenaient d'autant plus difficiles à conduire que, manquant à la
fois de raison et de sentiments, il n'est que le ressort conlractif de
la crainte qui soit capable de les contenir et de les activer. Partant
de là, et sans être avec eux d'une sévérité outrée, je les tiens dans
le devoir, autant qu'il dépend de moi, parce que le désordre devient
une source de perte infaillible. Mais je suis juste, ne voulant point
qu'ils soient fondés à se plaindre, leur accordant, à cet effet,
même au-delà de ce qu'ils peuvent prétendre. »
Billaud-Varenne entre alors dans de longs détails sur la façon
dont ses nègres sont traités et nourris, et il conclut: «Je ne pense
donc pas qu'il y ait beaucoup d'habitants qui en fassent autant
pour leurs nègres. »
Cette bienveillance ne l'empêche pas d'être perpétuellement
harcelé d'ennuis. Le chef de son «atelier», Jean-Baptiste, n'a
aucune des qualités indispensables pour cet emploi. Il manque de
fidélité à l'égard de son maître, il fait preuve de faiblesse à l'égard
des nègres qui lui sont subordonnés, il encourage le brigandage et
les larcins, il est d'une paresse inguérissable. Car il s'agit, sur ce
dernier point, non d'une paresse accidentelle, mais d'une véritable
maladie. Et, à lire les détails que donne Billaud-Varenne, il
semble bien que nous nous trouvions ici en présence d'un curieux
cas de maladie du sommeil, car les symptômes et les manifestations
de la maladie de Jean-Baptiste, notamment l'enflure, sont singu-
lièrement identiques à ceux qui ont été constatés, au cours de ces
dernières années, chez les indigènes du Congo frappés de ce
MELANGES ET DOCUMENTS 277
terrible mal. « Non content, dit Biilaud-Varenne, de passer les
samedis et les dimanches à dormir, les jours sur semaines, il se
couche dans l'abattis, soit sur un bois, soit à terre, et dort encore.
Vue goutte d'eau ne peut seulement jjas le toucher; c'est pire qu'un
chat. Aussi est-il attaqué d'une maladie, suite ordinaire d'une si
excessive indolence, qu'on appelle ici : mal d'estomac. De sorte
que ce que nous avions pris à Cayenne pour de l'embonpoint était
uniquement de l'enflure, sj'mptôme de cette maladie, ce qui a
obligé ma ménagère de lui faire une tisane très spécifique qui l'a
déjà entièrement désenflé '. »
Les nègres en esclavage ont un désir bien naturel de s'évader
pour aller rejoindre les nègres marons, qui vivent dans la brousse.
Les tentalivesd'évasion sont donc nombreuses, et troublent inces-
samment la tranquillité de Biilaud-Varenne. En avril 1813, Siégert
lui procure deux nègres et une négresse, qui paraissent actifs et
dociles. La négresse n'est cependant venue à l'Hermitage qu'avec
le plus grand chagrin. Elle a laissé à Cayenne un amant et un fils.
Mais, ajoute Biilaud-Varenne, « comme l'un est aisé à remplacer
et que l'autre n'est qu'à une faible distance, cette affliction assez
naturelle dans les premiers instants ne peut pas être intermina-
ble -'.» Moins de deux mois plus tard, le 16 juin, toutes les espé-
rances de Biilaud-Varenne se sont évanouies. La négresse s'est
enfuie pour aller rejoindre un jeune noir d'une des fermes voisines,
et les deux autres nègres n'ont aucune des qualités dont on les
supposait doués.
Fatigué par de continuelles déconvenues, Biilaud-Varenne se
décide, en novembre 1813, à mettre en vente tous ses nègres, pour
renouveler complètement son personnel « à l'arrivée du premier
négrier » '. A ce moment, ce personnel se compose de huit sujets :
5 hommes, 2 femmes et une petite fille. Il en communique la liste
nominale à son ami Siégert, et le charge des négociations de ce
marché. On essaiera d'abord une vente à l'amiable, qui éviterait
de recourir à un encan. Sur les observations de Siégert, qui lui
montre les inconvénients qu'il y aurait à rester sans nègres pen-
dant un certain temps, Biilaud-Varenne accepte de reprendre les
1. Lctlie du ir> juin ISIU.
2. Lettre du 2i) avril IHIH.
.^. Lettre du 15 novembre 18i:^
278 HKVL'R HISTOUIQUi; DU I-A KÉVOLUTION FRANÇAISE
nègres qu'il avait avant ceux-là et qui se trouvent aux fers à
Cayenne, à l'exception cependant de l'un d'entre eux, nommé
Lindor, qu'il veut maintenir en prison jusqu'à ce qu'il ait trouvé
l'occasion de s'en défaire. Mais voici qu'au moment même où il
se dispose à renvoyer à Cayenne les nègres dont il ne veut plus,
ceux-ci s'évadent tous ensemble, le 27 novembre.
Dans les mois qui suivent, Billaud-Varenne s'entretient avec
Siégert de la vente du nègre Lindor, resté en prison. Pour le
reste, il jouit d'une tranquillité relative. En juin 1814, il achète,
au prix de 3.800 livres, un nègre nommé Etienne, dont il se
déclare fort satisfait. Quelques semaines après, à l'arrivée
d'un convoi de nègres, il demande à son ami de lui procurer une
jeune négresse.
« Je vous félicite d'autant plus, dit-il, de l'arrivée de votre
négrier, que c'est une spéculation qui ne réussit pas toujours. Je
vous remercie bien sincèrement de l'offre obligeante que vous me
faites à ce sujet. Mais j'ai trop de raison pour ne pas écouter
plutôt l'exiguilé de mes facultés que l'étendue de mes besoins.
Sachant donc les restreindre à l'étroit nécessaire, c'est unique-
ment sous ce rapport que je songe [à] profiter de votre bonne
volonté, en me fondant sur la proposition que M. Sénat m'avait
faite à mon dernier voyage à Ca3-enne, de me donner un esclave
de la cargaison que vous attendiez alors, à la place de Lindor. Si
cet arrangement vous paroît praticable, dans ce cas j'ai recours
à votre bienveillance pour le choix d'une négre[sse] qui me serait
d'autant plus utile que les deux derniers individus que j'ai reçus
de votre précédent négrier ne sent vraiment propres à rien, et
l'ineptie de la jeune négresse surtout, que je destinais au service
de la maison, est cause que je n'ai encore personne pour cet
emploi. Je ne sais que trop que l'acquisition d'un nègre est un
billet de loterie. Ainsi, quand je me plains de celle-ci, ce n'est
certainement point à titre de reproche, puisque celui qui vend
ne peut pas plus deviner la qualité du sujet que celui qui achète.
Seulement les nations sont à considérer, parce qu'il en est dont
on ne peut tirer aucun parti, tandis que d'autres sont assez géné-
ralement bonnes, telles que celle qu'on nomme cabari ; et le coup
d'œil chez celles-ci devient aussi parfois une propice indication. En
supposant donc qu'il soit possible d'avoir pour Lindor une né-
gresse, je la désireniis d'environ quinze à seize ans, étant plus facile
MÉLANGES ET DOCITMENTS 279
à former dans le jeune âge, m'en reposant pour le surplus du choix,
sur votre attachement qui m'oblige constamment avec trop de zèle,
pour ne pas être certain que vous ferez comme pour vous-même.' »
Un peu plus tard, le 26 août, il a re(,'u la négresse
qu'il désirait. « Ne me demandez pas, écrit-il à son ami, si je suis
content de la petite négresse que vous avez eu la bonté de
m'envoj'er. Il suffit qu'elle soit du choix de votre amitié, et qu'elle
me vienne de votre main, pour ne pas manquer d'en être infini-
ment satisfait. D'ailleurs, son extérieur très agréable prévient
assez en sa faveur, et même, quant au moral, elle parait très
douce et très docile, ce qui est toujours une indication de bon
augure. Cependant peu s'en est fallu que je n'aye pas seulement
goûté le plaisir de contempler ce nouveau témoignage de vos
affectueux soins. Car le désespoir s'étant emparé de cette petite
négresse quand, séparée de sa compagnie, elle s'est vue isolée
dans un canot, elle a voulu se jeter dans la rivière, ce qui a
d'autant plus embarrassé Etienne qu'il était seul. Arrivée ici,
quoique son chagrin se soit montré plus calme, elle n'en a pas
moins été désolée pendant tout le jour du lendemain. Enfin, à
force de bons traitements, sa douleur s'est apaisée, et maintenant,
loin de paraître y songer, tout annonce chez elle un parfait con-
tentement. - » Bien qu'il ait l'habitude de se montrer assez vite
mécontent de ses nouveaux serviteurs, Billaud-Varenne ne repro-
che encore à sa jeune négresse, le 10 décembre suivant, qu'un
peu de paresse. Il n'en est pas de même du nègre Etienne, dont
il était enchanté au début, et dont il dit, le 6 octobre 1814 : « Loin
de répondre à mon attente, il me prouve de plus en plus que je
ne pouvais faire un plus mauvais choix. » C'est encore d'Etienne
qu'il se plaint, dans les termes les plus amers, le 21 mai 1815,
au cours d'une longue lettre où il expose à son ami son intention
de quitter la Guyane :
(( La nécessité de me procurer un homme capable de conduire
ce travail [l'exploitation des terres basses] m'a fait tomber sur un
de ces scélérats trop communs dans cette colonie, qui, loin de
maintenir l'ordre dans mon atelier, comme c'était son devoir, a
achevé de pervertir mes nègres, en les incitant à toutes sortes de
1. Lclli-e du 5 août 1814.
2. Lettre du 2G août 1814.
280 REVUE HISTORIQUE UE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
brigandages, qui même ne s'est pas contenté de me faire perdre
mon temps et mes déboursés, et qui, dans l'espérance de s'emparer
de moi et de mon habitation, a empoisonné une femme de confiance
qui est avec moi depuis dix-huit ans, et que j'ai eu bien de la
peine à tirer des bras de la mort. Mon ami, n'y aurait-il que
l'effroyable perspective d'être exposé sur mes derniers jours à
me trouver à la merci de la noirceur des nègres, pire pour moi
que pour qui que ce soit dans l'isolement où je vis, que la crainte
de ce malheur qui, en mettant le comble à tous ceux qui n'ont
cessé de m'accabler, me réduirait au désespoir, que c'en serait
assez pour me faire, je crois, traverser des charbons ardents,
afin de l'éviter. «
A cette époque, en effet, il est à la fois si excédé par ses
ennuis et si inquiet à la suite des nouvelles politiques qui viennent
de France, qu'il est déterminé à abandonner l'Hermitage pour
gagner la Louisiane, où l'attendent, espère-t-il, des jours plus
heureux. Il cherche un acquéreur pour son domaine, puis, devant
l'insuccès de ses premières démarches, il prend la résolution,
pour faciliter les choses, de vendre les nègres à part. Le 5 février
1816, il a trouvé deux acquéreurs. L'un paraît décidé à acheter
les sept nègres à raison de 2.500 livres chacun, offre, pour le
paiement, avec l'acquit des engagements de Billaud-Varenne à
son égard, un versement immédiat de 5.000 livres, et demande
pour le surplus un terme d'une année. L'autre offre un paiement
au comptant, sans spécification tle prix.
Les pourparlers se poursuivent avec le premier acquéreur,
non sans difficultés, durant tout le mois de février et tout le mois
de mars. Ce n'est que le 27 de ce mois que l'affaire se trouve
définitivement conclue.
Cet acte de vente met fin à ces étranges transactions de Bil-
laud-Varenne. Au cours de toute cette correspondance, qui s'é-
chelonne sur plus de quatre années, on chercherait en vain un
mot de réprobation contre l'esclavage des nègres, un mot même
d'explication sur les nécessités auxquelles avait pu obéir l'ancien
conventionnel. Il ne semble pas qu'à aucun moment il ait souf-
fert de cet attentat quotidien aux principes qu'avait proclamés
la Révolution et auxquels il avait lui-même applaudi.
Charles Vellay.
.MÉLANfiES ET DOCIMENTS 'J>S1
Deux rapports de police sur le Congrès de Vienne
(2(S' oclobre cl /'' novembre 181 'i )
Qu'augurait-on du Congrès ? Quel était, à la veille de son
ouverture, non seulement le courant de l'opinion publique ix
Vienne, mais aussi l'impression la plus généralement répandue
dans le monde diplomatique ? C'est là ce qu'on ne sera peut-être
pas fâché, je n'ose dire, d'apprendre, mais d'entrevoir, grâce
aux deux rapports qu'adressait au baron Hager un de ses meil-
leurs agents. Il me semble inutile d'insister sur le fait qu'il s'agit
là d'une note émanant, non pas d'un policier ordinaire, mais d'un
homme que la reconnaissance attachait depuis de longues an-
nées à la famille impériale qui l'avait protégé en faisant repré-
senter ses pièces sur le Théâtre Impérial de Monza, de l'auteur
des Hagdines, de l'homme qui, presqu'au même moment et tout
en s'occupant des affaires du Congrès, revendique hautement
et énergiquement la propriété d'une œuvre littéraire que Sten-
dhal n'avait pas craint de s'approprier. C'est, en effet, du pseu-
donyme de Nola, qu'on trouve en bas de tous ses rapports rédi-
gés en français, que se sert un homme foncièrement dévoué,
d'abord à l'archiduc Ferdinand, son bienfaiteur, puis à sa veuve,
l'archiduchesse Béatrice, la mère de l'Impératrice d'Autriche,
un homme reçu dans la plus haute société de Vienne, connu et
apprécié par les hommes d'Etat étrangers, le poète, le musi-
cien Joseph Carpani.
Commandant Weil.
I
Vienne, '2S octobre 1SH. 1.
Nola à Hager (en français).
On perd de plus en pins l'espoir de voir le Congrès finir comme
on le voiidrail et comme on le crogait d'abord. On dit que le Congrès
n'a pas de principes et que, s'il en a. c'en sont de bien mauvais. Loi.i
de donner et chacun ce qui lui est du, on va prendre à d'autres ce
qui leur appartient légitimement. La Russie va se pousser sur l'Alle-
magne : la Prusse veut en dominer le Word, cl l'Autriche le Midi.
1. Vienne. Archiv. des Minhteriums dex Innern. Ohersie Polhei Hofstelle.
Akten des Wiener Congresses. F 3, 4170 ad 3565.
282 REVUE HISTORIQUE UE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Les pclils lùdis iiHriudnds en fn'missciil. s'unilcnl et se désespèrent.
Lue Coiifcdèralion de l'AUennmne paruil un rèin'. une iinpossibililé
qu on cherehe et (pi on ne Ironvera pas. Kn (jénéral. tout le monde
frémit du partage de la Sa.ve !
On ob.fcrve partout un mouvement fatal de rues et d'intérêts cl
une mésintellifiencc prononcée, même parmi ceux qui denwndcnl et
désirent la même chose. J'en citerai un seul c.vemple :
La Fnmce demande la conservation de la Saxe [à son roi et que
la Pologne ne soit pas toute o la Russie.
Nous demandons la même chose, et nous nous plaifinons de la
France qui veut se mêler de ce qui ne la regarde pas.
■ Tout ceci fait que quand on parle du Congrès et de son issue, on
sourit d'un air de compassion et tout le monde dit : u Cela finira
par une paix d'Amiens. On so séparera amis en ayant la guerre
en projet. »
Lord Casilereagh a répondu sèchement à la dépulation de Gênes
qui invoquait son iq)pui : « Qu ils n'avaient qu'à s'adresser au roi
de Sardaigne et à tâcher d'obtenir de bonnes conditions et pri-
vilèges. »
En dépit de cela, Hrignolc espère toujours.
Pozzo di Borgo est le héros du moment. Pour les honnêtes gens,
il parle comme Démostlièiw et raisonne comme Caton. Il tonne en
faveur de la justice, du droit cl des véritables intérêts des têtes cou-
ronnées et coalisées. On est surpris de son audace, vu que les princi-
pes qu'il proclame ne s'accordent pas cu>cc ce que fait et prétend le
Cabinet auquel il est attaché. Aussi l'on croit, ou que la Cour de
Russie deviendra plus modérée et plus sage, ou qu'elle se défera de
lui, — ('/ alors, étant né en Corse et sujet français, il rentrera au
service de son ancien roi qui lui doit déjèi tant, puisqu'il est remonté
sur son trône en dépit de toutes les (qjparences et de toutes les com-
binaisons.
II
Vienne. I" novembre tSti 1
Xota à Hagcr (en français)
L'opinion publi(pu' est toujours mauvaise par rapport tut Congrès.
Partout on dit qu'on n'est pas d'accord : qu'il ne s'agit plus de rétablir
l'ordre et la justice, mais de forcer la main, de prendre chaoun le
1. Vienne, AnhitK des Ministerimns des Inn.rn. Obersie l'olizei Hafslelle. .4A(.-n
des ll'ieiipr f.'ongresscs, F. li, ail H5().).
MÉLANGES ET DOCUMENTS !28i{
plus qu'il peut et qu'on se prrparc à une (jucrrc (jvnvrnlc qui ne
lardera pas à éclaler.
L'affaire de la Saxe blesse tout le monde. Celle de Murât, qu'on
croit que notre Cour (l'Autriche) (;(■((/ conserver, ne dcplail pas
moins. On dit ouvertement qu'Alexandre ne peut pas souffrir Metler-
nicli ; que Talleijrand est le seul qui parle raison à présent et que
l'Evamjile, s'il était prêché par le diable, ne cesserait j)as d'être
l'Evang'de. cl c'est le cas. car « Talleijrand ne demande rien pour
la France. Il ne veut que justice, équilibre, modération, tranquillité
sur les saintes bases du droit et de la raison ».
En général, le publ'ic, et celui de Vienne, par c.vcellence, a un
certain bon sens qui le porte à bien juger les choses cl à éviter toute
passion dans ses jugements. Cela fait que les Français gagnent à
présent dans les sociétés et dans la classe du milieu ce que les Russes
cl les Prussiens et notre Ministère lui-même perdent dans l'opinion
publique.
On est fatigué de tant d'amusemcnls. peiné de tant de dépenses,
après lesquelles nous aurons attiré les Russes dans l'oreille de la
Hongrie et perdu dans peu d'années notre Galicie, détrôné le plus
ancien roi de l'Allemagne cl établi à perpétuité une haine irréconci-
liable entre les Saxons et les Prussiens, mis ceux-ci irrévocablement
A la merci de la Russie qui, maitresse de la Pologne, peut, en quatre
jours, arriver ci Berlin et attaquer, quand elle le voudra, le cœur de
l'A llemagne.
Au-dessus de cela nous cmrons, si nous le pouvons, sanctionné
l'Usurpateur de Naples, récompensé en Mural les crimes que nous
avons punis en Bonaparte, scandalisé le monde par la plus infâme
politique qu'on ait jamais faite et que les Russes, Anglais, Prussiens,
Français, Espagnols, Italiens, enfin toute l'Europe mettra exclusi-
vement sur notre compte et spécialement sur celui du seul prince de
Mctternich, qui, je suis féiché de le dire, perd tous les jours de plus
en plus la faveur de l'opinion publique, et cela, au point que j'ai dû
moi-même prendre son parti contre des gens qui le disaient acheté
par Mural, ce qui prouve à quel point on est irrité contre lui.
Pour Alexandre, on peut dire qu'on le connaît bien à présent à
Vienne. On le croit un fourbe qui fait le philanthrope avec les hon-
nêtes gens, mais qui veut bien s'attacher la canaille pour avoir tout
le monde pour lui. On le croit faux, .lans morale pratique, tout en
parlant religion comme un saint et en conservant avec affectation
284 REVL'E HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
toutes les apparences. Ce monarque . non seulement n'est pas aimé
ici, mais méprisé et délesté.
Les Prussiens n'ont pas de lui une inilre idée que les Viennois,
mais ils cachent leurs sentinn^nls cm ])ublic et parlent très clair (/a/i.s
les petites coteries.
Vendredi dernier (le 2S octobre), l'ambassadeur d'Anc/leterre '
était cliez la duchesse de Saçjan le soir. Tout à coup, cet original
s adressa à elle et lui dit : « Que pensez-vous d'Ale.randre ? Pour
moi. je le crois un fou. lunbilieu.v. imposteur. Voilà mon opinion.
Et vous, comment le trouvez-vous ? Qu'en dites-vous '.' »
La duchesse, frappée de ce propos tenu devant di.r personnes et
très embarrassée, commença par sourire, puis elle lui dit : « Je trouve.
Mijlord, que vous prenez le mors aux dents, comme le cheval que
vous avez donné ce malin à ma S(vur Dorothée -'. (/((/ (/ UKmqué de
se casser le cou (Ui Prater. >>
Puis elle se leva et alla c(uiser avec une autre. Je tiens cette anec-
dote de quelqu'un qui était présent.
On n'espère plus trop non plus de cette Confédération d Alle-
magne sans chef. On dit d'avance quelle n'ira pas. enfin que le
Congrès finira parce qu'il faut fmir. mais qu'il laissera les choses
plus embrouillées qu'elles ne l'étaient ci son ouverture.
Ce qui me blesse au cœur, c'est que les peuples qui. par les succès,
la sincérité et la noblesse de cette belle Coalition, avaient conçu tant
d'estime et d'altachement pour leurs chefs, voijant comme ils oublient
ce qu'ils avaient promis solennellement, la justice, l'ordre, la pai.v
fondée sur l'équilibre et la légitimité des possessions, finiront par ne
plus aimer leurs chefs et ne plus avoir confiance en leurs principes
et leurs promesses, et alors, où irons-nous'.'
Le tableau est bien triste. La logaulé. la fermeté, la justice pou-
vaient seules encore nous sauver.
Les Prussiens, de leur cé>lé. léichent de sauver leur roi et disent
partout èi l'oreille que le roi est très féiché de devoir prendre la
Sa.i'c : (pic cela lui coûte infiniment ilc ficine et (pi il aimerail mieii.i-
rei>rendre sa Pologne quoi(iu il n dit pas de raison d'armer les Polo-
nais.
Tel est le résultat de ce que j'entends dire du matin (Ui .'ioir. <t
1. Lot a Chnrles Sto«:iiL
2. La comtesse de TaIleyraiui-I*i'rigor(L
MÉLANGES ET UOCrMENTS 28')
l)rcscnl (jiic je suis assc: pousse dans le nioiulc et an point que je ne
nois pas moins d'une eeut<nne de personrws de di/jërentes élusses et
nations dans une jouriu'e.
La princesse de (ialles a été très (féiirreuse et ti'ès prodiçjue de
sa figure à Milan, mais très éeonnnie de sa honrse. Elle n a rien
donne à i)ersonne. malgré (ju'elle ait gêné bien du monde et visité
tous les endroits où tout étranger donne quelque ehose aux gens.
L'esprit public dans les départements de l'Est en mai 1815
Les deux lettres que nous donnons ici lurent adressées, en
mai 1815, au comte d'Aure, intendant général de l'armée du Nord,
par le général Saint-Michel, commandant d'armes de Strasbourg,
et l'ordonnateur Boismont, du corps d'observation du Jura. On
remarquera l'éloge que fait celui-ci des Gardes Nationales de la
Franche-Comté «bataillons superbes, composés d'hommes dans
la force de l'âge ». Il compare l'élan populaire à celui des plus
belles époques de la Révolution. L'esprit est le même à Stras-
bourg, où les Alsaciens «font des sacrifices immenses ».
Il ressort également de ces deux lettres que l'esprit public
était alors nettement hostile à l'idée royaliste.
A. T.
I
lielfort, /.) mai 1S15
Mon général.
Votre correspondance avec l'Ordonnateur Combes m'apprend
que vous êtes nommé Intendant général de l'armée ; il faut avouer
que j'ai joué de malheur d'avoir quitté Paris au moment même où
j'aurais pu voir s'accomplir le vœu que je formais depuis si long-
temps de travailler avec vous. Depuis douze jours nous sommes en
voyage, privés de journaux, sans recevoir de nouvelles de Paris, et
c'est ce qui fait que j'ai ignoré jusqu'à ce moment votre nomination.
M. Combes avait d'abord été envoyé à Cliambéry au 1^ corps d'ar-
mée, mais à peine arrivé il reçut l'ordre de se rendre sans délai à
Belforl où nous sommes arrivés avant-hier : il me comble de bontés,
je cherche à les justifier par mon travail et par toute l'activité dont
je suis capable, mais quel que soit l'agrément dont je jouisse auprès
286 JiKVUE lUSTOHiyCE DE l-A RÉVOI ITION l'HANÇ.MSE
de lui, vous comprendre: sans peine, mon (jénéral, que je désire ar-
demment d'aller iwus joindre. Dès longtemps je vous suis dévoué,
et depuis la mort du brave général Reynier, votre digne ami, vous
êtes devenu mon unique protecteur, et c'est en vous seul que je mets
tout mon espoir. J'attendrai toutefois vos ordres pour partir ; l'Or-
donnateur n'a d'ailleurs personne auprès de lui dans ce moment, et
je lui ai trop d'obligations pour le quitter aussi brusquement. Je vous
supplie même, mon général, dans le cas ou vous m'appelleriez près
de vous, d'avoir la bonté de lui écrire un mot pour l'en prévenir. Si.
contre mon attente, il ne vous était plus possible de me faire venir,
je compte assez sur votre bienveillante protection pour me faire
nommer adjoint im.r commi.'isaires des guerres, en m'altachant au
corps d'armée où je me trouve. Vous savez, mon général, que de
tous les Napolitains rentrés je suis sans contredit le plus maltraité, et
cependant Je crois avoir rempli mes devoirs avec le dernier scrupule.
J'attends votre réponse avec la plus vive impatience ; je connais votre
bonté et je suis bien certain que vous n'aurez pas oublié le plus dévoué
de vos serviteurs. Je crois n'avoir pas besoin de vous parler de mon ac-
tivité en campagne : vous savez que les deu.r Reynier m'ont passa-
blement e.vercé en Calabre ; la dernière campagne d'Italie m'a remis
en baleine, et le bonheur de iwus servir doublera encore mon zèle.
Vous ne pouvez vous faire une idée, mon général, de l'enthou-
siasme qui règne dans les pays que je viens de parcourir ; la poli-
tique occupe toutes les têtes, agite tous les esprits ; dans une
mauvaise écurie de poste comme dans les salons de Paris, les événe-
ments du jour sont l'objet de la conversation générale, avec cette
différence que les politiques de la capitale se bornent à causer et
que ceu.r des campagnes agissent avec un élan dont peut-être aucune
époque de la Révolution ne fournit d'e.remplc. Les routes de la
Bourgogne et de la Franche-Comté sont couvertes de gardes natio-
nales qui se rendent à leur destination respective aux cris de Vive
l'Empereur ! ; ces bataillons sont superbes, composés d'hommes dans
toute la force de l'âge, et généralement d'une très belle taille. Ceu.v
qui restent dans les villages sont décidés à périr tous plutôt que de
laisser boire leur vin par des Cosaques. Le petit nombre de Roya-
listes disséminés dans les départements cherchent à répandre de
fau.r bruits, tantôt sur ce qui se passe à Paris, tantôt sur des événe-
ments militaires qu'ils supposent avoir eu lieu sur les frontières.
Cette lactique, qu'ils parai.^sent avoir adojjtée partout, inquiète les po-
MÉLANGtS ET DOCl'MENTS 287
piilations, les irrite et pourrait cienenir funeste (tux imprudents qui
en font usu(]e. J'ai la conviction qu'an premier coup de clnelie /es
nobles seraient sacrifiés si l'on Doutait exciter un nuiuuenwnt contre
eux, et telle est la situation générale des esprits, qu'un revers de
notre (wmèe déterminerait peut-être ce mouvement.
Xous sonunes assc: bien à Belfort ; le corps d'armée n'est encore
composé que de quatre régiments d'infanterie et de trois régiments
de cavalerie. Le général Lecourbe inspire beaucoup de confiance, c'est
le héros de la Franche-Comté, et l'on assure que les Suisses, qu'il a
déjà instrumentés assez sévèrement, le redoutent extrêmement.
Veuillez, mon général, mettre le comble au.v bontés dont vous
n} avez toujours honoré en daignant m'écrire quelques mots pour me
faire connaître votre décision à mon égard, cl agréez, je vous prie,
Ihommage de mon respectueux dévouement. Permettez-moi d'y
joindre celui d'un attachement sans bornes.
BOISMOXT
Prés t'Ordonnateur en Chef du corpx
d'observation du Jura, à BelforI
II
CiyQVIÊMK DIVISJOy MILITAIRE
CIdadelte de Slrasl'riurg, te 22 mai' 1S15.
Le Commandant d'armes, à Monsieur..., etc....
Rien de tel que d'être commandant déplace, autrement dit cul de
plomb ; on a des lettres imprimées et presque faites d'avcmce, où il
n'g a plus qu'à signer. Vraiment, c'est charmant : vous devriez venir
voir le commandant, il vous offre logement, place au feu et à la chan-
delle, et à sa table... Certes, la table dans la Citadelle de Stras-
bourg, où il n'y a qu'un mauvais cuisinier qui fasse un tantinet de
cuisine, n'est pas à dédaigner. . . Surtout quand, à la suite de cela,
on vous ferait voir des bastions, des demi-lunes et, tenant à ces demi-
lunes, de jolis petits réduits, des ouvrages à cornes, et j'ai remarqué
que vous avez une prédiction pour ces derniers.
Je suis passablement établi ici ; grâce à 30 bouteilles de bon Bor-
deaux que j'ai apportées de Paris, et du vin du Rhin que je me suis
procuré, et quelques amis, les journées se passent avec assez de rapi-
dité.
Depuis deux heures de Paris jusqu'ici, j'ai trouvé l'esprit e.rcel-
lent ; les payssans crient partout : Vive l'Empereur ! tout est sous les
28S UEVIE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
arincfs el purfaitcincnl dispose ù repousser rnfjressioti de ees hordes
d'esehwes et de hriçiunds, el même si l'ennemi s'avanee sur nos lerres
il esl des eonlrées oùîes femmes doivent emjilnijer Inus leurs moip-ns
pour cdder les (trmées ù les éreinter.
Il arrine sons eessc des gurdes nalioncdes ; elles font une guerre
cruelle aux éteignoirs et girouettes ; vous devriez bien nous envoyer
les matins du faubourg Saint-Germain, on les mettrait bien vile à la
raison. C'est au point que, dans un village peu distant d'ici, un vol-
tii^eur ayant voulu discourir sur les événements du mois de mars a
été assailli par les gardes nationaux et eût été lue sans des personnes
qui l'ont arraché de leurs mains.
A Beljort. les officiers des gardes nationales ont à leurs frais
fait faire plusieurs enseignes ayant pour titre l'Empereur. Marie-
Louise ou le Roi de Rome : ensuite, ont arraché celles de certains
négoeianls qui ne leur convenineiil pas et. de force ou de gré, ont mis
les leurs en pUu'e : vous seriez enchanté si vous étiez dans ce pays,
les Alsaciens font des sacri/iees immenses. .lai sous mes ordres le
bataillon de Mulhouse, qui a un drapeau très beau ; c'est un cadeau
fait parles demoiselles de leur ville, qui toutes ont voulu y travailler,
en promettant d'être fidèles à l'engagement qu'elles avaient pris pré-
cédemment de n'épouser ou même de n'aimer que des hommes ayant
servi la patrie dansées dernières circonstances. Aussi le bataillon est-
il très nomhreu.v el parfaitement composé.
Vous devriez bien me donner quelques nouvelles de la guerre
ou de la pai.v : je suis en face des Autrichiens et je n'en suis pas
plus avancé.
S.\ l\r-MirHEI..
Les papiers de Boissy d'Anglas
Le samedi 13 juin 1914, à l'iiotcl Drouot, ont cté veiulus aux
enchères publiques 178 lots de documents historiques et de lettres
autOLiraplios ', provenant des archives de la famille Boissy d'An-
I-. V iiiinpi'is un \'olt;iin', l'ililioii <li- Ki'hl, avec annotations manuscrites,
notices, compliinenls, etc.. île la main de François-Antoine lîoissy d'Anglas
(n"17.'.).
MliLANGES ET DOCUMENTS 289
^las. Le catalogue en avait été distribué par l'expert, M'' S. Kra,
(i, rue Blanche ' .
François-Antoine Boissy d'Anglas naquit en 1726 près An-
nonay. Bourgeois lettré, académicien de terroir, puis avocat au
Parlement de Paris, il plaida peu. Il acquit une charge de cour
qui l'attachait à la maison du comte de Provence, frère de Louis
XVL Aussi, en 1789, fut-il élu aux Etats-généraux par le tiers
d'Annonay, qui ne lui tint pas rigueur de ses velléités nobiliai-
res. « L'éloquence des Mirabeau et des Barnave, dit un de ses
biographes, le tint éloigné de la tribune. » Le fait est que, en
1791, ce prudent révolutionnaire était encore « maître d'hôtel
ordinaire de Monsieur ».
C'est à cette première phase de sa carrière que se rapportent
les n''- 22, 23, 25, 56, 57, 84, 90, 164 du Catalogue : comptes, rôles,
états, etc., de divers hôtels royaux ou princiers, pièces d'archives,
par conséquent, et qui n'ont pu venir aux mains de leur détenteur
qu'à titre de documents surannés, bons tout au plus à brûler sur
l'autel de la Patrie.
Le 19 avril 1791, au lendemain de sa tentative manquée de
départ pour Sainl-Cloud, Louis XVI se rendit à l'Assemblée na-
tionale et y lut quelques phrases : « Messieurs, je viens au milieu
de vous avec la confiance queje vous ai toujours témoignée. Yous
êtes instruits de la résistance qu'on a apportée hier à mon départ
pour Saint-Cloud » etc. Boissy d'Anglas était ce jour-là secrétaire
de l'Assemblée. Le roi lui remit son manuscrit autographe pour
le faire imprimer et distribuer dans Paris, ce qui fut fait. « Et le
manuscrit nie resta - », note en marge le dépositaire. La Consti-
tuante avait cependant ses Archives.
On sait qu'avant de se séparer, elle interdit à ses membres de
faire partie de la Législative. Mais ceux qui avaient siégé jusqu'à la
fin ne rentrèrent pas dans la vie privée. La plupart briguèrent et
obtinrent des fonctions départementales : Boissy d'Anglas fut,
pendant un an, procureur-syndic de l'Ardèche, primus interpares
(1791-1792) ; le même département le nomma représentant du
peuple à la Convention. Dans le procès de Louis XVI, il vota
1. Vente publique n" 2. Catalogue des lettres autographes et documents historiques
dont la vente aura lieu à Paris, hôtel Drouot, Salle n» 9, le samedi 13 juin 191i...
In-16 de 56 p. Imprimerie de l'Ouest, La Floche-sur- Yon.
2. N» 85 du Catalogue.
RLV. HIST. DE LA BEVDL. 1''
290 REVIE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
pour l'appel au peuple, pour la détention jusqu'à la paix, et, quand
la sentence de murt l'eut emporté, pour le sursis à l'exécution. Il
eut donc le courage de ses opinions royalistes ; mais au lendemain
du 21 janvier 1793 il imprimait : «J'ai eu tort, puisque la majorité
de l'Assemblée a pensé autrement. » Il se déclara solidaire de
ses collègues : « Nous avons brûlé nos vaisseaux. Il faut vouer à
l'infamie celui qui aurait conçu l'espoir de retrouver un esquif
pour lui-même. » Sur quoi, il se mit à genoux devant la Mon-
tagne. A propos de la Fête de l'Etre suprême, il écrivit que Ro-
bespierre lui rappelait « Orphée enseignant aux hommes les
premiers éléments de la Civilisation et de la Morale. » Apôtre
convaincu de la Religion civique et des fêles décadaires, c'est à
lui que Florian adresse, pour le recommander auprès des puissants
du jour, son Hj'mne à l'Amitié '.Roissy répond par l'envoi d'un
de ses ouvrages, « très beau et très utile » dit Florian (16 messidor
an II). - Il s'agit évidemment de VEssai sur les fêtes nationales
(Paris, in 8', an II) d'où est extraite la phrase célèbre sur Robes-
pierre-Orphée ^ .
Après le 9 thermidor, Boissj' d'Anglas fit son ineù ctilpâ,
déclama contre le Tyran, l'hypocrite, le faux pontife, les triumvirs,
les décemvirs. Il eut tôt fait, dans le parti thermidorien, de
gagner ses éperons. Président de l'Assemblée au l''" prairial an
III, on sait qu'un des envahisseurs vint lui présenter, au bout
d'une pique, la tête du député Féraud. Il crut voir celle de Fox,
adjudant-général, auquel il venait, un peu tard, de donner l'ordre
écrit d'user de la force armée. Se jugeant perdu, il se découvrit
pour saluer la sanglante vision. Geste d'héroïsme ? de désespoir
résigné ? de stupeur ? On n'en sait rien au juste *. Mais la lâcheté
de la Réaction avait besoin d'un héros, et Roissy- passa pour tel.
Son royalisme immanent, si timide et si honteux qu'il fût, lui
1. N"M.
2. X» 52.
3. \'oir, dans In Grande Encyclopédie, l'article « Fêles nationales », où nous
traitons la question avec plus de détails.
4. Les priiicîpaux témoignages sont dans les Mémoires de La Réveillière-Lc-
pcaux (t. l, p. 220), et dans ceux de Thiliaudeau (t. l, p. 163-164). Ni l'un ni
l'autre ne parlent de Fox, de l'ordre écrit. M.ais, à tout considérer, il n'y a pas de
motif sérieux pour rejeter la légende du geste. Louis Blanc lui a donné une
certaine autorité (Hisl. de la Rcvntiiliun, t. XII, p. 1.Ï9), d'après une communi-
cation manuscrite du baron 13oissy d'.Auglas. lils du conventionnel. Le héros
lui-même n'a nulle part tixé ce souvenir, du moins à notre connaissance.
MÉLANCnS ET DOCUMENTS 291
valut, comme membre influent des Cinq-Cenls, d'être proscrit au
18 fructidor an V. Il réussit à s'échapper.
Dans le Catalogue, nous ne trouvons pas de numéro qui se
rapporte à l'époque du Directoire ni aux jours de la proscription.
Les Souvenirs (n° 13) ne sont que des notes rapides (48 p.), et
plutôt malveillantes, sur un certain nombre de révolutionnaires,
entre autres Sieyès.
Le n" 131 est-il le triste épilogue de la journée héroïque de
Boissj' ? Il y a lieu d'en douter. Quoi qu'il en soit, c'est une lettre
de supplication d'une prisonnière de Saint-Lazare, Charlotte
Migeli, identifiée par le Catalogue avec « Aspasie » Carie Migelli,
qui, d'après Jules Claretie (Les Derniers Monlatinards, p. 153),
aurait tiré le coup de pistolet auquel succomba Féraud, qu'elle
avait pris pour Fréron. Le Cafaloçjuc dit, mais ne prouve pas,
qu'elle avait aussi tenté d'assassiner Boiss}'. Il la qualifie « exaltée,
imitatrice de Charlotte Corday. »La lettre étant datée 1"^'' thermidor,
sans l'année, ne peut avoir de rapport avec l'événement du
1''' prairial. Il n'en est pas de même du n" 135, ordre de Roullois,
accusateur public, en vue de l'exécution de Jean Tinel, qui avait
porté sur une pique la tète de Féraud.
Comme président de la Convention, Boissy d'Anglas reçut le
baron Eric-Magnus de Staël-Holstein, gendre de Necker, ministre
plénipotentiaire de Suéde, qui fit un discours à la Convention :
« II est enfin arrivé, le moment où les Suédois, ces Français du
Nord, ne formeront pour ainsi dire qu'un peuple de frères avec
les Français du Midi... » Boissy garda le manuscrit autographe
de ce discours, pour sa collection (n" 159).
En revanche, c'est dans les papiers de Daunou que sont les
travaux préparatoires et l'avant-projet de la Constitution de l'an
III, sur lequel Boissy lut le Rapport surnomn:é par les plaisants
« Ba, be, bi, bo, bu, » parce qu'il bégaj'ait un peu.
Boissy ne rentra en France que lorsque cette Constitution,
ébranlée par trois coups d'Etat, fut balayée par le quatrième, aux
18 et 19 brumaire an VIII. Bonaparte lui procura cet « esquif»
sauveur contre l'idée duquel il avait si noblement protesté en 1793.
En quoi il agit d'ailleurs comme un fort grand nombre d'ex-con-
ventionnels. Le voilà tribun, président du tribunat, et, sous
l'empire, sénateur, comte, commissaire extraordinaire en 1814
lors de la première invasion. A la période impériale se rapportent
292 REVUE HISTOIilQlE DE LA KÉVOLUTION FRANÇAISE
(n" 112) soixante-six rapports d'observateurs au préfet de police,
la plupart sans signature ni adresse. Les titres en sont curieux, et
les renseignements sans doute aussi indignes de foi qu'il est pos-
sible : les agents subalternes de la police politique n'ayant pres-
que jamais songé qu'à faire peur à leurs maîtres, et à se faire
valoir. On ne nous dit pas comment le comte Boissj' d'Anglas est
entré en possession de ces redoutables secrets : projet de rétablir
la République avec un triumvirat ! accaparement de sucre par le
sénateur Chaptal ! rétablissement du royaume de Pologne pour
les Bourbons ! etc.
En 1S14, c'est le royaume de France que recouvra Louis XVIII,
et l'ancien maître d'hôtel du comte de Provence fut élevé à la di-
gnité de Pair de France. Il conserva néanmoins dans ses papiers
une lettre de Carnot, et l'épreuve typographique, avec deux cor-
rections et signature autographes, du manifeste de l'Impératrice
des Français, daté de Blois, 3 avril 1814. Cette relique porte le
n'93.
AuxCent-Jours, le comte d'Empire redevient commissaire im-
périal pour la Gironde, les Landes et les Basses-Pyrénées. C'est
de Bordeaux qu'il adressa — ou n'adressa pas — un rapport con-
fidentiel daté du 25 mai : « L'esprit public est fort mauvais, on
appelle à grands cris l'étranger » (n' 14).
L'étranger ne se fit pas attendre. Un mois après, Louis XVIII,
de nouveau restauré, se montra plein d'indulgence — de confiance
même — pour des royalistes qui n'avaient pas été des parangons
de fidélité. Il est vrai que Boissv' fut éliminé de la Chambre des
Pairs (24 juillet 1815). Mais la pénitence fut de courte durée : trois
semaines après il était réintégré. Orateur « libéral », membre de
l'Institut (1816), il était en coquetterie réglée avec le duc d'Orléans
quand la mort interrompit (20 déc. 1826) cette suprême évolution.
Haag, dans sa France proleslanle, a fait un bel éloge de cet an-
cêtre : « On s'étonne, dit-il, de la facilité avec laquelle il passait
d'un gouvernement à un autre. Etait-ce manque de principes ?...
Ce devait être plutôt par une sorte d'abnégation », dès que « ses
opinions politiques étaient en opposition avec l'intérêt général ».
L'abnégation, ù laquelle s'accole généralement l'épithète de
« chrétienne », passe pour une vertu des plus rares. Au compte de
Haag, que de saints et de martyrs dans le fameux Dictionnaire des
girouellcs ! Les girouettes ont ceci de bon, qu'elles ne démolissent
MÉLANGES ET DOCUMENTS 293
pas les maisons, elles les ornent. Elles ornent aussi les régimes
politiques, quels qu'ils soient ; et Ihuile de la faveur les empêche
de grincer.
Sous la Restauration, Boissy d'Anglaseut du moins l'occasion
de tendre une main secourable à nombre d'anciens révolution-
naires, la plupart ses collègues de la Convention ou du Conseil des
Cinq-Cents. Il était comme leur intermédiaire juré auprès du trône.
Citons, par ordre alphabétique : Alquier (n° 116 du Calalogiie),
Barère, lîonnesœur-Bourginières, Bordas, Corbel de Squirio, Es-
chassériaux, Finot, Jacques Foucher, Gamon, Gleizal, Guezno de
Botsey, Isoré, Lapparent, Lemalliaud de Kerhamos (n°* 118 à 130),
Pellisier, Plet-Beauprey, Rabaut-Pomier (n°* 132 à 134), Saint-Prix
(n° 136). Boissy paraît avoir réussi auprès du roi dans la plupart
de SCS démarches, quand il ne s'agissait que d'hommes obscurs,
qui n'avaient pas voté la mort sans phrase. Les lettres de remer-
ciementsqu'il en avait conservées lui appartenaient bien en propre;
c'étaient de vrais titres de famille.
H. MONIN.
NOTES ET GLANES
Le vol des diamants de Madame du Barry en janvier 1791. —
« Depuis la révolution, la dame du Barry n'a cessé d'employer
tout l'ascendant que lui donnent de grandes richesses acquises,
on sait comme, à faire régner la mésintelligence entre les habitans
des environs de Lucienne et les Suisses de Courbevoj-e. Ses
menées sourdes concertées avec les principaux olSciers, n'ont
pas eu tout le succès désiré. Tout au contraire, on est prévenu si
peu favorablement sur le compte de la maîtresse du château de
Lucienne, qu'on ne craint pas d'élever des doutes sur la réalité
du vol de ses diamans ; la réduction considérable dont les re-
venus de ladite dame sont menacés lui a fait naître l'idée, dit-on,
de se rendre intéressante en se donnant pour victime d'un événe-
ment fâcheux, et en se procurant un titre à l'indulgence de l'in-
exorable assemblée nationale.
« Quoi qu'il en soif, sa conduite dans la position où elle s'an-
nonce n'est guère propre à la faire plaindre. Ladite dame don-
noit des appointemens fort honnêtes à un soldat suisse pour lui
servir comme de concierge à Lucienne. Le gardien actuel est un
jeune homme de dix-huit ans, d'une figure aimable, et très-hon-
nête. A la nouvelle de l'enlèvement de ses pierreries, la première
démarche de la maîtresse du château est de se transporter dans
une voiture à quatre chevaux chez le commandant des Suisses à
Courbevoye ; elle en obtient sans peine cinquante grenadiers qui
viennent aussi-tôt, mais â regret, s'emparer de la personne du
jeune suisse, estimé généralement et chéri de tous ses camarades. ■
Il est conduit dans les prisons de Ruelle, où les ordres sont en m
mÔHio temps donnés de le mettre aux fers dans le plus noir des
cachots.
<' Nous tenons ces détails de la bouche d'un Suisse de Cour-
NOTES ET GLANES 295
bevoye, jeune homme candide, qui nous apprend en même temps
que toute la compagnie du détenu, quitte des devoirs de la disci-
pline militaire, se propose de prendre à partie la dame du Barry
et de lui demander raison, en justice, de la violence exercée à sa
sollicitation, sur la personne d'un soldat tout au plus soupçonné.
« Le vol de tous les diamans de Golconde ne justifieroit pas
cette atteinte portée aux droits de l'homme et du citoj'en. Et d'ail-
leurs est-il délit assez grave pour mériter le supplice d'être mis
aux fers sur le simple soupçon d'une femme, fière encore d'avoir
été un moment la première des courtisanes de l'empire ? ^^(Ré-
volutions de Paris.., n° 81 ; du 29 janvier 1791 ; pp. 143-144). —
G. V.
Deux épigrammes sur le couronnement de Napoléon. — Sur un
recueil manuscrit d'anecdotes ' de la fin du xviii'^ et du commen-
cement du xix« siècle, nous avons relevé les passages suivants :
« On a lu dans Paris, la veille du couronnement, l'affiche
suivante :
Le Sénat conservateur, et autres comédiens ordinaires de S. M.
donneront dimanche prochain, 2 décembre, au bénéfice d'une fa-
mille indigente de Corse, la première représentation de :
L'Empereur malgré tout le monde
Comédie, parade à grand spectacle, ornée de chants, évolutions
et costumes.
N.-B. — Un artiste célèbre de Rome remplira l'un des premiers
rôles forcés.
Et cet autre :
Billet d'enterrement
de très haute et très puissante citoyenne
République Française, une, indivisible et impérissable.
Floréal an XIL
Citoyens héros et amis
. Partisans de la république.
Grands raisonneurs en politique
Dont je partage la douleur.
Venez assister en famille
Au grand convoi de votre fille
1. Collection Olto Karniin.
296 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Morte en couche d'un empereur.
L'indivisible citoyenne.
Qui ne devait jamais périr.
N'a pu supporter sans mourir
L'opération césarienne.
Mais vous ne perdrez presque rien
O vous, que cet accident touche !
Car si la mère est morte en couche.
L'enfant du moins ce porte bien i.
De profnndis.
« De la part de Bertrantl Barrère, ouvrier-directeur de la fa-
brication des monnaies républicaines, place de la Révolufion,
tuteur de la défunte, et des CC. Fouché, Rœderer, Real, etc.,
etc., ses proches parents. Le convoi funèbre aura lieu le 14 juil-
let an XII au palais du Sénat... conservateur de la défunte -. »
1. Il y n aussi, dans ce recueil, une variante plus courte de cette pièce. La
voici :
L'indiiiîsihle citoyenne
Qui ne devait Jamais finir
S'a pu supporter sans mourir
L'opération césarienne.
Combien je plains votre douleur
Grands partisans de Hépuhliques,
Grands discuteurs. grands politiques,
'\'enez assister en famille
Au grand convoi de votre fille,
Morte en couche d'un Empereur.
N.-B. - L'enfant se porte tris bien.
2. Communiqué par M. Otto Karmin.
BIBLIOGRAPHIE
F. UzuREAu, Andegaviana (12'' série). Paris, A. Picard, 1912.
In-8 de 572 pages.
Parmi les documents ou réimpressions qui, dans ce volume,
concernent la période révolutionnaire, signalons : l'Université
d'Angers et les Etats généraux de 1789, p. 1 ; les cahiers des
paroisses de la sénéchaussée d'Angers, p. 42 ; plusieurs études
sur le clergé angevin, p. 260, 134, 283, 364, 479, 507 ; les Socié-
tés à Angers, p. 377 (Sociétés politiques, dans le nombre, en déc.
1791, mars 1793, mars 1799) ; la famille d'Armaillé, p. 392. Les
réflexions (1797) d'un « patriote angevin », professeur d'histoire
à l'école centrale, que M. Uzureau a extraites des Affiches d'An-
gers, sont vraiment curieuses (p. 315-319J.
H. M.
Lettres et documents pour servira riiistoire deJoachim Murât (1767-
1815), publiés par S. A. le prince Murât, avec une intro-
duction et des notes par Paul Le Brethon. Tome VIII,
Royaume de Naples (9 septembre 1809-6 août 1810). Paris,
Pion, 1914. In-8° de 598 p.. avec gravures.
Le tome VIII des Lellres et documents pour servir à l'histoire
de Joachim Mnrat nous mène du 9 septembre 1809 au 6 août 1810.
Dans cette période, nous voyons Murât continuer l'organisation
de son royamme, et préparer ce fameux débarquement de Sicile
qui lui tient tant au cœur. Ses lettres aux généraux, et surtout à
d'Aure, ministre à la fois de la Guerre, de la Marine et de la
Police générale, et qui porte, comme tel, toute la responsabilité
de l'expédition, nous montrent le Roi un peu agité, mais appliqué
au détail, prévoyant, l'esprit toujours en éveil, et, somme toute,
bon administrateur. Dans une seule lettre, il donne vingt près-
298 KEVLE HISTORIQUE UE I.A RÉVOLUTION FRANÇAISE
criptions touchant des objets différents. Pas de phrases inutiles :
des ordres nets, et des questions bien posées. On sent qu'il a été
formé à l'école de Napoléon. Il entend commander, et ne veut être
mené par aucun de ses subordonnés. Il refuse de signer un travail
sur l'artillerie, que lui envoie le ministre de la Guerre, parce que
les états de service n'y sont pas joints et qu'il ne veut pas être
obligé de signer en aveugle (n° 4.684).
De nombreuses lettres à Clarke font comprendre quelques-
unes des difficultés delà situation de Murât, qui reçoit des ordres
du ministre de la Guerre en France, et subit l'inspection de ses
contrôleurs et de ses officiers. L'Empereur le traite, non en roi,
mais comme un général de son armée.
L'antagonisme s'accentue entre Murât et Napoléon. Le roi ne
peut pas remplir ses obligations : « Sire, le commerce de mon
royaume est absolument nul ; les greniers, magasins et dépôts
sont encombrés de nos denrées ; les terres restent incultes, la
récolte mûre ne se fait pas entièrement et les contributions par
conséquent ne se perçoivent pas ; en un mot, je suis dans un
embarras qui ne se conçoit pas ; je ne sais plus comment payer les
troupes et faire marcher le gouvernement. » (n° 4.507)
Et pourtant, Murât fait ce qu'il peut pour développer le
commerce et l'industrie. Il écrit à Belliard de hâter l'envoi de
mille mérinos d'Espagne, indispensables pour en propager l'es-
pèce dans son roj-aume où le commerce des laines est une des
principales branches de l'industrie nationale (n" 4.564).
Il proteste contre la volonté de l'Empereur de voir exempter
de droits, à leur entrée dans le royaume, le drap de France : ce
sera, non seulement la ruine de ses finances, mais celle de ses
manufactures.
On trouvera, dans une lettre de Caroline à son mari (n" 5.168),
une expression parfaitement nette de la pensée de l'Empereur au
sujet des royaumes qu'il avait donnés à ses frères. On peut la
rapprocher de ce que Saliceti avait écrit de son côté à Murât
(T. VII, n" 3.835). Si celui-ci ne se conforme pas à la volonté du
maître, ce n'est pas faute d'avoir été averti. Pourtant, Caroline lui
fait valoir un argument qui devrait le toucher : « Quel est ton but?
C'est de te maintenir où nous sommes et de conserver le
Royaume ». Et elle ajoute aussitôt : « Il faut donc faire ce qu'il
désire, et ne pas le fâcher lorsqu'il demande quelque chose, car
il est le plus fort et tu ne peux rien contre lui. »
Cette lettre de Caroline à Murât, du 5 août 1810. dénote une
merveilleuse clairvoyance, alliée à la plus ferme raison. Elle dit
BiBi.ioiiiiAi'Hii; 299
les choses crûment : « Toute l'Europe est écrasée sous le joug de
la France... » Murât est encore le moins mal traité : « Je t'engage
donc à t'accommoder à la situation où tu te trouves. »
L'intérêt principal du volume réside dans ces lettres de la
reine de Naples. Au nombre de Gô, elles nous donnent, sur l'état
d'esprit du ménage, sur la psychologie de Murât, sur les dispo-
sitions de l'Empereur à son égard, les renseignements les plus
précieux. On ne saurait trop insister sur leur importance. Quelle
femme habile ! Elle recommande à son mari de mettre tous ses
soins à éviter ce qui pourrait choquer Napoléon : l'Empereur veut
qu'on pense comme lui ; à quoi bon lui faire une opposition qui
ne peut servir à rien et qui deviendrait suspecte à ses yeux ? Que
Murât lui écrive donc une lettre charmante pour s'excuser, s'il ne
peut absolument pas venir au mariage impérial, et surtout, qu'il
ne montre pas un entêtement déplacé ! (n° 4.780)
Elle fait tous ses efforts pour calmer l'agitation de son mari.
Elle lui répète les paroles aimables de Napoléon : <( J'espère que
le Roi et moi ne sommes plus brouillés, dites-lui bien des choses
de ma part. » (n" 5031) L'Empereur gai, charmant, lui demande
tous les jours si elle a reçu des nouvelles du roi des lazzaroni
(n" 5097).
Il n'est pas plus exigeant pour Murât que pour ses autres
frères, mais jamais les finances de l'Empire n'ont été aussi mal
qu'elles sont maintenant, et il ne sait plus où trouver de l'argent.
« Je désire que lu fasses attention à tout ce que je te dis, que tu
voies un peu dans le présent, et que tu ne te tourmentes pas,
comme tu fais toujours, pour l'avenir... Nous pouvons être heu-
reux, mais pour cela, il faut nous contenter de ce que nous avons ;
il faut que lu calmes un peu ta tête, qui s'échauffe si facile-
ment... » (n" 5168) Comme elle le juge bien 1 Une autre fois,
écrivant à Agar, elle lui dit : « L'Empereur est choqué de le voir
(Mural) éluder l'article avec sa finesse ordinaire. » (n° 4729)
Que de bon sens dans cet avis : « Je viens de lire avec peine
que tu avais changé le nom de la Tour de l'Annonciade pour celui
de Joachim. Il me semble, mon ami, qu'on doit avoir un certain
respect pour toutes les anciennes inscriptions, et que c'est un
avertissement aux générations suivantes à laisser subsister celles
que le roi régnant fait faire, et qu'il ne faut pas imiter les peuples
destructeurs, qui ne respectent rien du pays qu'il ont conquis et
qui donnent un nouvel exemple de destruction. Je vois que dans
ce moment on improuve beaucoup l'Empereur qui a fait effacer
toutes les lettres qui se trouvent sur le Louvre, et partout, pour
300 REVUE HISTORIQUE I)E I..\ RÉVOLUTION FRANÇAISE
y faire mellre deux NN. Il aurait été plus grand d'y laisser les
traces des autres dynasties, afin de donner un grand exemple du
respect qu'on doit aux anciens monuments. C'est l'avis de tout le
monde ; je te donne aussi le mien par le grand intérêt que je te
porte. Tout ce que tu fais de bien, je me l'approprie, et c'est pour
cela que je ne veux pas que tu fasses quelque chose qui ne puisse
avoir l'approbation générale. Du reste, voilà un article plus long M
que je ne voulais le faire, mais tu sais combien je t'aime, et par V
cette raison aussi combien j'aime à être franche avec toi. »
(n° 4709)
La reine pense à tout. Elle intervient en faveur de deux nou-
veaux mariés, pour qu'ils ne soient pas séparés par l'envoi du
mari comme ambassadeur à Saint-Pétersbourg (n° 451C). Elle
rappelle à Mural qu'il faut doter M"= Baudus : « Nous devons
bien cela à M. Baudus, pour tous les soins qu'il prend d'Achille.»
(n" 4852)
Son esprit méthodique se montre jusque dans la manière dont
elle recommande à son mari de dater ses lettres, ce que ce brouil-
lon de Murât oubliait souvent (n-' 5166 et 5167).
Elle entremêle ces conseils de tendres effusions conjugales :
« Je ne puis t'exprimer, mon cher ami, combien je suis affligée de
te savoir du chagrin. Je donnerais tout au monde pour te calmer...
Je ne puis te dire combien je suis malheureuse par l'idée que tu
es contrarié. Tu m'as fait passer une mauvaise journée hier et
une plus mauvaise nuit. Je voudrais savoir ce que tu vas faire.
Je suis bien inquiète et triste, surtout te sachant malheureux et
moi éloignée de loi. Mais permets-moi de te dire que tu t'aftliges
trop et que ton attachement pour l'Empereur fait que la chose la
plus simple, tu l'exagères... » (n°5059)
« Le bonheur de notre intérieur nous dédommagera de bien
des peines et tu trouveras auprès de moi, auprès de nos enlants
et de tous ceux que nous aimons sincèrement, des jouissances qui
valent toutes les autres. » (n° 5.067)
Elle ne cesse de penser à ses enfants, et d'en parler : « J ai
soupiré à la description que tu me fais de ton dîner avec nos
chers enfants et je suis bien sûre que vous avez pensé à moi ;
mon cœur et mon âme toute entière vont continuellement au
milieu et avec vous... » (n' 4.814)
Un autre jour: « Il est bien triste d'être dans une aussi grande
distance des personnes qu'on aime. Je t'assure que tous les sou-
venirs sont mélangés de peine. Que fail-on ? Comment se porte-
t-on ? Voilà la jiensée habituelle. Je te vois le promenant sur ta
UIBLIOUIiAl'llIE 301
longue terrasse ', écrivant avec tes ministres ou faisant venir nos
chers enfants près de toi et parlant à chaque instant de leur ma-
man. Ecris-moi si je devine juste, et si vous me rendez tous mes
souvenirs.»
Une soirée que Caroline passe à Neuilly, chez Paulette, lui
rappelle « ses pauvres enfants ». Elle croit les voir accourir
dans la grande allée qui conduisait à Villiers. « Comme la pen-
sée est rapide et combien elle vous rapproche de l'objet de vos
atTections, malgré la distance, malgré tout ! »
Quand Murât revient seul à Naples : « Je te regrette bien. Je
pense aussi à nos pauvres enfants ; je n'ose un instant arrêter ma
pensée sur eux, et cependant, elle revient toujours. Je vois encore
leur joie en te voyant, et leurs pleurs couler en ne voyant pas
encore arriver leur maman. Embrasse-les bien pour moi, presse-
les bien l'un après l'autre, et dis-leur combien je me trouve affli-
gée de ne pas me trouver auprès de vous. » (n° 4849)
M J'ai reçu enfin ta lettre du 27 qui m'annonce ton arrivée à
Naples. Je ne puis te dire combien elle m'a fait du bien et du
mal. Mes pauvres enfants ! Les voir entre tes bras te redeman-
der leur mère est une image qui m'a fait verser des larmes.
Mon Dieu, lorsque nous serons une fois réunis, il ne faudra plus
nous séparer. Tu les as donc trouvés grandis, charmants, juge
ce qu'ils me paraîtront après une bien plus longue absence !
Embrasse-les bien pour moi, répète-leur bien que leur mère ne
sera jamais parfaitement heureuse loin d'eux, loin de toi... )>
(00 4.883)
Une des lettres les plus curieuses du volume est celle où Ma-
dame Mère reproche à Murât d'avoir ôté, sans aucun motif, la
place de consul général en Corse au sieur Braccini, c'est-à-dire
au fils d'un ami et bon serviteur de la famille depuis plus de cin-
quante ans : « C'est un trait d'ingratitude bien marqué de la part
de Caroline, qui n'ignore pas toutes ces circonstances, et un
affront personnel que vous et elle avez fait à Joseph et à moi.
Adieu, je continue à être contente de ma santé... » (n° 4.580)
On y trouvera des détails intéressants sur l'opposition que fit
Murât au mariage de l'Empereur avec une Autrichienne, et quel-
ques indications sur les rapports entretenus avec la Cour de
Palerme, par l'intermédiaire des espions Cassetti et Brunetti.
1. A propos de cette terrasse, M. Le Brethon cite les Mémoires de Lamartine,
à qui l'on montre n le roi Murât lisant dans un cabinet aérien une lettre de Bo-
naparte ». Dans une lettre du 24 juillet 1809. d'Aubusson la Feuillade écrit à
Champagny qu' « on a vu le roi, qui paraissait fort en colère, se promenant
seul avec vivacité sur ses terrasses >».
302 REVIE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Signalons enfin une lettre de Murât à Maghella (n" 5.010),
d'où il résulte que celui-ci cherchait à détourner le roi du débar-
quement en Sicile. Murât voit dans la conduite de son préfet de
police de « l'inconséquence ». Tout ce qu'on sait de Maghella
permet de penser qu'il calculait trop bien ses actes pour agir à
la légère.
Les quelques extraits que nous en avons cités montrent la
valeur de cette publication. Ceux qui s'intéressent à l'histoire du
règne de Murât à Naples, et la connaissent déjà, ont le plaisir
d'y retrouver, éclairée et complétée par beaucoup d'autres docu-
ments 1, la correspondance du roi avec son ministre de la Guerre
et avec l'Empereur, qu'il fallait chercher aux Archives Nationales,
aux Archives de la Guerre et des Affaires étrangères. Mais le
public doit prendre également un vif intérêt à la lecture de ces
lettres, dont l'ensemble forme le « Journal » le plus complet, le
plus vivant qu'on puisse souhaiter : il y a même la note intime
et sentimentale.
A. T.
L'Invasion de 1814-1815 en Champagne, Souvenirs inédits, publiés
avec une introduction et des notes par Octave Beuve, ancien
élève de l'Ecole des Chartes, conservateur de la Bibliothèque,
des Archives et du Musée de la ville de Chàlons. Un volume
in-8, de xxii-187 pages. Paris, Berger-Levrault, 1914.
Mieux placé que personne au monde pour retrouver des do-
cuments ignorés et qu'il serait déplorable de laisser dans l'oubli,
M. Beuve à eu l'heureuse idée de livrer à la publicité trois mé-
moires qui, écrits par deux témoins oculaires des événements de
1814-1815, sont d'autant plus intéressants à consulter que leurs
auteurs ne cachent ni leurs sentiments, ni leurs préférences et ne
peuvent être, pas plus l'un que l'autre, soupçonnés de partialité
envers l'Empereur.
Pierre-Charles Finot, l'auteur du premier des Mémoires dont
l'original a été si heureusement découvert par M. O. Beuve, ré-
gisseur au moment de l'invasion du château d'Arcis, propriété
du comte de Labrilïe, chambellan de l'Empereur et de plus adjoint
au maire, loin d'être, comme l'abbé Virguin, le rédacteur des piè-
ces historiques qui figurent dans les Archives de la Marne, un
cl dont un .i-crtain
1. Entre tous ces docunu-nt'
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proviennent dos papiers perso
nnels .
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le .Moslx.i
nombre sont donnés eu note.
BIBLIOOliAPHlE ^03
royaliste ardent et un adversaire déclaré de celui qu'il appelle
l'Usurpateur, est, en dépit des mauvais traitements qu'il eut à
endurer de la part des Alliés, un narrateur modéré, un témoin
oculaire qui retrace avec une rare bonne foi et une grande simpli-
cité les événements qu'il a vus se dérouler devant lui. C'est à
bon droit qu'il peut dire (page 24) : « Je n'exagère rien, les faits
ni les dangers. Les faits, j'en ai été témoin ; les dangers, je les ai
partagés et j'ai été à portée d'apprécier les uns et les autres puisque
je me suis trouvé pendant trois mois forcé de prendre une part très
active à tous les événements que je rappelle. » On lira donc avec
plaisir et intérêt cette courte notice qu'il y aurait eu de toute
façon intérêt à faire connaître, ne serait-ce qu'à cause du récit
que Finoty fait de l'entretien qu'il eut le 20 mars 1814 avec Napo-
léon lors de son arrivée au château d'Arcis.
Les deux précis historiques que l'abbé Yirguin a consacrés,
l'un, de beaucoup le plus long, aux événements de la guerre en 1813
et 1814 par rapport à Chàlons, l'autre à ce qui s'est passé à Chà-
lons depuis le retour de Napoléon en France (20 mars 1815), pré-
sentent un intérêt d'un tout autre genre. Les pages écrites par
l'abbé Virguin sont assurément une utile, une curieuse contribu-
tion à l'étude de l'état des esprits pendant cette terrible crise. Il
importe toutefois de n'accepter que sous toutes réserves les affir-
mations de l'abbé, de condamner, de réprouver énergiquement
les tirades auxquelles il se laisse aller, soit, comme le fait re-
marquer si justement ^L Beuve, qu'il s'apitoie sur les malheu-
reuses victimes de l'esprit de conquête, soit qu'il proclame k qu'il
ne fallait pas s'armer», soit qu'il affirme «que l'imagination souriait
à l'idée de l'humiliation prochaine de Napoléon », soit lorsqu'il
prétend que « seuls coururent aux armes parmi les Châlonnais
ceux qui n'avaient rien à perdre... » L'abbé Virguin a beau déclarer
que tout le monde était las de la guerre, il est injuste envers les
populations de la Champagne. Les Champenois ont heureusement
eu une altitude autrement patriotique, autrement digne que celle
que la municipalité de Chàlons eut la faiblesse d'adopter à l'égard
des troupes alliées et de leurs chefs.
M. Octave Beuve a enrichi la publication de ces documents d'un
Index très complet et d'une quantité de notes faites avec un soin
tout particulier. II nous permettra cependant d'appeler son atten-
tion sur deux ou trois points qui mériteraient d'être dans une pro-
chaine édition l'objet d'une mention spéciale. C'est ainsi que, page
110, il serait peut-être bon de faire remarquer que lorsque l'abbé
Virguin parle des 1.300 Français prisonniers à l'affaire deSézanne,
304 KEVLE HISTOKIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
il fait en réalité allusion au combat de Fère Champenoise. Page 156,
c'est évidemment de l'empereur François I''' qu'il s'agit, bien que
l'abbé Virguin ait écrit Joseph II.
Enfin il me semble difficile que (page 175) Bliicherait dans
sa proclamation de Chàlons, en date du 17 février 1814, menacé
les communes d'envoyer en Sibérie les otages pris parmi les habi-
tants dans le cas où dans les 24 heures on ne dénoncerait pas les
auteurs des coups de feu tirés dans leur quartier.
M. H.
Mémoires de Barthélémy, 1768-1819, publiés par Jacques de Dam-
pierre. Avec un portrait é\ un fac-similé d'autographe. Paris,
Plon-Nourrit, 1914. In-S" de xvi-434 p.
Il y a vingt ans, M. Jean Kaulek achevait la publication des
Papiers de Barlhélemy. ambassadeur de France en Suisse, 179'2-
1797, sous les auspices de la Commission des archives diplo-
matiques (Paris, Alcan, 1886-1895, 5 vol. in-8"). Ces volu-
mes correspondent, soit in-cxlenso, soit sous forme analytique, à
une série de seize volumes en feuilles conserves au ministère des
affaires étrangères.
Les documents remis au comte d'Hauterive en 1820 compre-
naient encore quinze autres volumes, et divers dossiers de cor-
respondances. Le tout, inédit, a été réparti dans la série « corres-
pondance générale», aux Affaires étrangères.
Quant aux Mémoires de Barthélémy, le manuscrit appartient
aujourd'hui à son arrière-neveu, M. le marquis Pierre de Barthé-
lémy, explorateur distingué.
L'éditeur descend lui-même d'une nièce de Barthélenij-, épouse
du marquis Elle de Dampierre. Son titre d'archiviste paléogra-
phe nous est une précieuse garantie, quant à la valeur scientifi-
que de son travail. L.'Imh\v des noms de lieux et de personnes
en rend facile la consullation. Mais aucune note ne vient éclairer
un texte qui aurait parfois besoin d'indications complémentaires.
La « Préface » de Barthélémy, datée de Hambourg, octobre j
1799 (à son retour de Cayenne), indique fort clairement que le ■
déporté de fructidor s'attendait à une restauration monarchique
et qu'il l'appelait de tous ses vœux. Aussi fait-il valoir assez lon-
guement (pp. 1 à 90) les services plutôt obscurs qu'il avait rendus j
sous l'ancien régime, « presque toujours employé auprès de su- m
périeurs peu habiles. » Il ne ménage pas, comme on peut le ^
croire, Reubell, La Réveillière. Barras, ni même le général
i
niui.ioGKAPniE 305
Hoche, sur lequel le royalisme avait compté en même temps que
sur Pichegru. Il exalte son propre mérite comme négociateur
des traités de Bàle, et ne donne la part qui convient, ni aux vic-
toires républicaines, ni aux lumineuses directions du Comité de
salut public, en particulier de Siej'és.
Au cours des pp. 168 à 2tJ8, les traces sont fréquentes du res-
sentiment de Barthélémy envers les collègues qui l'avaient déporté
dans 'a pestilentielle Guyane, où il n'a pas tenu à eux qu'il ne
pérît. Le ton est violent et maladroit. L'auteur oublie d'expliquer
pourquoi il est entré au Directoire ; pourquoi il y est resté, en si
mauvaise compagnie. Il est possible que Reubell ait eu la voix et
l'aspect d'un boucher ; que Barras ait été ignorant, léger, fourbe.
Il est invraisemblable que La Réveillière ait été à la fois hypo-
crite et fanatique. Carnot lui-même, proscrit de fructidor comme
Barthélémy, ne trouve pas grâce : «on lisait dans ses yeux le re-
mords de ses crimes. »
Ces chapitres nous apportent cependant quelques précisions :
sur la méthode de travail du Directoire, analogue à celle du
Comité de salut public ; sur les négociations de Lille, où le dédain
républicain des formes diplomaticjues fit suspecter les intentions
pacifistes de la France; enfin, sur le coup d'PZtat du 18 fructidor.
Barthélémy ne croit pas à la conspiration royaliste. De fait, l'on
n'en fit pas la preuve juridique. Le plus vraisemblable est que
la Contre-Révolution escomptait le prochain renouvellement du
tiers; elle ne s'en cachait nullement dans ses très nombreux orga-
nes. Les Français n'ont jamais su véritablement conspirer, à
l'italienne.
Si les Mémoires n'ont pas été publiés dans la dernière année
du dix-huitième siècle, c'est que Barthélémy obtint du Consulat
d'être rayé de la liste des déportés et des émigrés. Le dix-huit
brumaire, qui lui rouvrit les portes de la France, le fit bientôt
sénateur et commandant — nous disons aujourd'hui comman-
deur — de la Légion d'honneur. Il contribua dans sa sphère à
l'établissement du Consulat à vie, puis de l'Empire : Napoléon le
fit comte, et vice-président du Sénat.
C'est au nom de ce même Sénat qu'en 1814 il alla porter les
compliments de la France vaincue au «magnanime vainqueur»
le tzar Alexandre. Louis XVIII le fit pair de France et grand-
officier de la Légion d'honneur. Il s'éclipsa pendant les Cent-Jours.
Trois mois et demi après Waterloo, il devint marquis de la
seconde Restauration (5 oct. 1815). Il le méritait. Il avait « sauté
pour tout le monde ». Comme beaucoup d'autres, comme Talley-
306 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
rand lui-même, il avait «servi la France sous tous les régimes».
Entre temps, il avait pu polir et repolir la rédaction primitive
de ses Mémoires, dater, corriger, etc., en se reportant aux pa-
piers, lettres, documents authentiques qu'il avait retrouvés en
France. « Les cahiers de Hambourg, dit l'éditeur, furent, de sa
propre main, copieusement surchargés et munis d'intercalaires,
qui en modifient sensiblement le texte. » Est-ce uniquement dans
l'intention d'une plus rigoureuse exactitude? M. de Dampierre ne
nous l'affirme pas, et nous aurions quelque peine, d'ailleurs, à le
croire. 11 eut été intéressant — mais délicat peut-être — de donner
une idée des versions primitives, si du moins il en est encore de
lisibles. Toutefois, pour un parent, il y a là une question de cons-
cience. Ces Mémoires, demeurés si longtemps posthumes, sont
comme un testament : le dernier texte est le seul qui compte. Bar-
thélémy avait d'ailleurs cru devoir ajouter un bref épilogue (pp.
406 à 417) à ses Mémoires de 1799. C'est en douze pages qu'il pré-
sente le tableau des vingt dernières années de sa carrière! Les
Mémoires auraient certes gagné à la suppression de ce chapitre
écrit in extremis. L'avoir donné malgré son insignifiance, malgré
ses réticences, c'est, de la part de M. de Dampierre, un acte
méritoire de probité historique.
H. MoNIN.
Elisabeth Pioi.a-Caselli, Un Ministro Toscano al Congresso di Vienna
(1814-1815). Un volume in-S° de xiii-138 pages. Florence,
Ufficio délia Rassegna Nazionale, 1914.
Appelé à Vienne par son souverain, le Grand-Duc Ferdinand
III, pour y défendre les intérêts de la Toscane, don Neri Corsini
ne pouvait, par la force même des choses, }• jouer qu'un rôle
secondaire.
On ne doit donc pas s'attendre à trouver, dans l'intéressante
et consciencieuse étude que Mme Piola-Caselli a consacrée à
cette période de la vie politique de l'homme d'P>tat toscan, des
révélations sensationnelles. En entreprenant son œuvre l'auteur
s'était dès le principe tracé un programme qui n'avait rien de
bruyant et de prétentieux, mais qu'en revanche Mme Piola-
Caselli s'est appliquée ;\ suivre et à développer avec une attention,
avee une exactitude que plus d'un historien pourrait à bon droit
lui envier. C'est ainsi qu'à force de patience, de recherches aussi
intelligentes que minutieuses, elle a en fin de compte réussi à
lilBLIOGRAl'HlE 307
mettre en pleine lumière la tâche, plus délicate cl bien autrement
compliquée qu'on ne le pense en général, à laquelle Corsini n'a
cessé de se vouer pendant les longs mois de cet étrange et drama-
tic[ue Congrès. Sinspirant de la ténacité du personnage dont elle
avait décidé de nous retracer les faits et gestes, Mme Piola-Caselli
ne s'est pas laissé arrêter en route par la déception qu'elle a dû
éprouver et que nous partageons avec elle, le jour où elle a su
que les Archives particulières de la famille des princes Corsini,
dans lesquelles elle pouvait, à bon droit, espérer faire une abon-
dante récolte de documents inédits, et de pièces d'autant plus
curieuses qu'elles n'auraient eu aucun caractère officiel, ne con-
tenaient, hélas, que des communications dénuées de toute es-
pèce de valeur ou d'intérêt historique. Avec une énergie dont on
ne saurait trop la louer, elle a plus attentivement, plus scrupu-
leusement que jamais, procédé au dépouillement des riches dos-
siers politiques et secrets du /?. Àirchivio di Stalo de Florence et
c'est grâce au travail intelligent et éclairé auquel elle s'est livrée,
qu'elle a pu réussir à retracer avec la plus parfaite exactitude et
la plus remarquable impartialité le rôle joué à Vienne par le
représentant du Grand-Duc Ferdinand III.
Dans l'impossibilité de pouvoir, faute de place, insister sur les
passages les plus marquants du livre de Mme Piola-Caselli, je me
contenterai de recommander à tous ceux qui s'intéressent à l'his-
toire des différents personnages qui ont pris part au Congrès de
Vienne, le chapitre dans lequel l'auteur étudie et soumet à une ana-
lyse approfondie le caractère de la correspondance que Neri Corsini
échangea à ce moment d'une part avec son souverain, de l'autre
avec Fossombroni, correspondance qu'elle a eu l'heureuse idée
de comparer avec celle, bien autrement connue, de deux des plus
célèbres hommes d'Etat italiens de celte époque, le Marquis de
Saint-Marsan et le Cardinal Consalvi.
M. H.
Livres Nouveaux
Ellen H. Adams, Billaud-Varenne in the French Révolution
(Thèse de l'Université Cornell, à Ithaca ; 1913). — H. Packwood
Adams, The French Révolution. London, Methuen, 1914. In-8
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Saint-Prix, La commune de Thuret pendant la Révolution, 1789-
308 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
1814. Riom, Impr. Jouvet, 1913. In-8 de 236 p. — L'Invasion de
1814-1815 en Champagne. Souvenirs inédits, publiés, avec une
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1814-1816. Genève. Atar. ln-16 de 175 p. ; 2 fr. — Cahiers de
doléances du bailliage de Cotentin (Coutances ,et secondaires)
pour les Etats généraux de 1789, publiés par Emile Bridrey.
TomellL Paris, Leroux, 1914. In-8 de 656 p. — Noël Cadéot, La
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8 de 90 p. — G. Caviglioli, La preccdenza del matrimonio civile
durante il regno italico nella diocesi di Novara (1806-1814). No-
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toire de Mont-l'Evèque de 1788 à 1802. Senlis, Impr. Vignon,
1913. In-8de 74 p. — Clary Ceccarelli, La morte di Luigi XVI
narrata in un manoscritto inedito del secolo xviii. Faenza, tip.
Novelli, 1913. In-4 de 14 p. — Arthur Chuquet, Historiens et
marchands d'histoire. Paris, Fontemoing, 1914. In-16 ;3 fr. 50. —
Arthur Chuquet, Dumouriez. Paris, Hachette, 1914. In-8 de 287
p., avec illustr. ; 7 fr. 50. — Prince Charles de Clary et Aldrin-
gen. Trois mois à Paris lors du mariage de l'empereur Napoléon
l" et de l'archiduchesse Marie-Louise. Souvenirs, publiés par le
baron de Mitis et le comte de Pimodan. Paris, Pion, 1914. In-8dc
xvi-428 p. ; 7 fr. 50. — Lieutenant-colonel Colin, Napoléon.
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de Toulouse. Toulouse, Privât, 1914. In-8 de 177 p., avec 2
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de 81 p. — L. Ginetti, Sull'insurrezione dell'alto Piacentino nel
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12 fr. 50. — E. M. Goriainov, Lettres interceptées par les Russes
durant la campagne de 1812, publiées et annotées par L. Hennet
et le Com' E. Martin. Paris, La Sabretache, 1913. In-8dexvi-
440 p. ; 10 fr. — Vice-amiral baron Grivel, Mémoires : Révolu-
tion, Empire. Paris. Pion, 1914. In-8 de vn-423 p. ; 7 fr. 50. —
D. Guerrini, Gl' Italiani nella guerra di Russia (1812). Milano,
Cogliati, 1913. In-4 de 79 p. et fig. ; 5 fr. — Johannes Heiiman.
Robespierre. Stockholm, Bonnier, 1913. In-8dc 100 p.; 2fr.25.—
F. Hirii, Geschichte Tirols von 1809-1814. Innsbruck, Schwick,
1914. In 8 de ix-635 p. ; 15 fr. —M. R. vonHoen, Befreiungskrieg
1813 und 1814. V (Feldzug von Leipzig). Wien, Seidel, 1913. In-
8 de x-746 p. et fig. ; 25 fr. — J. Fr. Ho3', Die Medialisierten-
frage in den Jahren 1813-1815. Berlin, Rothschild, 1913. In-8 de
xii-127 p. ; 5 fr. — The 7.s7n;i(/ of Elba up to the time of Napo-
310 REVUE HISTOIilQL'E DE LA RÉVOI.LTION" FU\NÇAISE
leon. Portoferraio, Tip. Ilva, 1914. In-8 de 24 p. —Jehan d'Ivray,
Bonaparte et l'Egypte. Paris, Lemerre, 1914. In-18 ; 3 fr. 50. —
Raoul de La Giraudière, Une petite commune rurale de Sologne
pendant la Révolution (1792-1805). Orléans, Impr. Goût, 1914. In-
8 de 24 p, — Notes et Souvenirs de Théodore de Lameth, publiés
par Eugène Welvert. Paris, Fontemoing, 1914. In-8; 7fr. 50. —
Commandant Jean de La Tour, Les prémices de l'alliance franco-
russe : Deux missions de Barthélémy de Lesseps à Saint-Péters-
bourg (1806-1807), d'après sa correspondance inédile. Paris,
Perrin, 1914. Inl6 de 319 p.. avec portr ; 3 fr. 50. — C. Lecigne,
Joseph de Maistre. Paris, Lelhielleux, 1914. In-12 ; 3 fr. 50. —
André Lesort, Le pavillon de Madame à Montreuil. Versailles,
Dubois, 1913. Ih-8 de 22 p. — E. Lomier, Histoire des régiments
de gardes d honneur, 1813-1814. Paris, Champion, 1914. Deux
vol. in-8; 25 fr. — G. Marchesini. L'educazione naturale nella dot-
trina di G. G. Rousseau enelTetà nostra. Milano, Albrighi, Segati
e C, 1913. In-16 de 150 p. ; 1 fr. 50. — Marcel Marion, Histoire
financière de la France depuis 1715. Tome I (1715-1789). Paris,
Rousseau, 1914. In-8 de xii-480 p. ; 12 fr. 50. — Alfred Marqui-
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1914. In-16 de 113 p. — Lucien Misermont, Les vénérables Filles
de la Charité d'Arras, dernières victimes de Joseph Lebon à
Cambrai. Paris, Gabalda, 1914. In-18 de vin-226 p. — H. Monin,
La Montansier, femme galante et femme d'atTaires, directrice et
fondatrice de théâtres (1730-1820). Paris, aux bureaux de la Reimc
historique de la Révolution française, 1914. In-8 de 61 p. — Vio-
lette M. Montagu, The abbé Edgeworth and his friends. Londonj
Jenkins, 1913. In-8 de 328 p. ; 16 fr. — Abbé Jacques Moulard,
Lettres inédites du comte Camille de Tournon, préfet de Rome,
1809-1814. Paris, Champion, 1914. In-8 de xvi-287 p. — R. Pal-
mai'OCû'rii, Le riforme di Gioacchino Murât nel primo anno di
regno. Roma, Loescher, 1914. In-8 de 47 p. — J. Pambrun, Inven-
taire sommaire des fonds de documents relatifs ;\ l'histoire éco-
nomique et sociale de la Révolution conservés dans les archives
communales de Vic-Bigorre, 1789-anvui Tarbes, Impr. Les-
bordes, 1914. In-8 de 8 p. — D'^ G. Patrigeon, Comment on ache-
tait et comment on paj-ait un bien national sous la grande Révo-
lution. Les biens nationaux du département de l'Indre, ventes,
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ciaire à Angers au début de la Révolution ; Les débuts de la guerre
de Vendée (mars 1793) ; La bataille de Saumur (9 juin 1793)
[lettre écrite, le 14 juin 1793, par le citoyen Cailleau, maire de
Saumur, aux administrateurs du département de Maine-et-Loire] ;
Le district de Saint-Florent-le-Vieil (mai 1795) ; Enquête admi-
nistrative sur le clergé de Maine-et-Loire avant le 18 fructidor ;
Le canton de Chemillé (1798) ; L'Ecole secondaire de Saint-Mau-
rice, à Angers (1801-1807) ; La paroisse de Saint-Léonard, à
Angers (1804) ; L'avènement de Louis XVIIl et les Angevins. —
Mai-juin : Le district de Segré (1790-179Ô) ; Bannissement des
prêtres angevins en Espagne (1792) ; Le général Moulin aîné en
Vendée ; La ville d'Angers en 1798 ; Etat du canton de Pouancé
après le 18 brumaiie [rapport adressé, le 19 janvier 1800, par le
citoj'cn Gault, commissaire du gouvernement près l'administration
municipale du canton de Pouancé, au commissaire du gouverne-
ment près l'administration centrale de Maine-et-Loire] ; Le général
Thiébault et Mgr Bernier (1804) ; L'école ecclésiastique de M.
Forest à Saumur (1806-1831) ; Le mariage de l'Empereur et les
Angevins (1810) ; Manifestations d'amour pour les gouvernements
à Angers (1813-1815).
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Sociétés populaires de la région avec celle de Chàlons [lettres
émanant des Sociétés populaires de Braj'-sur-Seine, Chauny,
Cheppes, Coudé-sur-Marne, Cormicy, Courtisols, Epernay, et
toutes datées de l'an II] ; Une lettre inédite de Bailly, maire de
Paris, adressée à la municipalité de Troj-es (23 août 1789) réponse
à une lettre de félicitations adressée par la municipalité deTroyes
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L'opéra del Gioeni giudicata atlraverso le letteri inédite degl'
scienziati del tempo [lettres s'échelonnant de 1780 à 1819]. — XI
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Hauslehrers, 1794-1790.
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l"^'' régiment des Gardes d'honneur (11 juin 1813 • 14 juillet 1814)
(suite en juin et juillet) ; A. Depréaux, Souvenirs militaires de
Pierre Auvray, sous-lieutenant au 23" régiment de dragons
(1807-1815) (suite en juin et juillet); Général de Maindreville,
Incendie de Méry-sur-Seine (22 février 1814). — Juin : Général
Plantey, Le chef d'escadron d'artillerie de Lassus-Marcilly (1788-
1859) ; Lieutenant-colonel Brosselard, Portrait de Murât par
Gérard. — Juillet : E. Tattet, A propos d'un cachet du 22" ré-
giment de chasseurs à cheval, 1793 ou 1794.
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de Rome. — 15 juin: Une station thermale pendant la Révolu-
tion. — 15 juillet: P. Sérieux et L. Lihert, L'assistance et le trai-
tement des maladies mentales au temps de Louis XVI ; Larrey à
Waterloo.
Contemporains (Les). — ,'i mai 19H : F. Normand, Général
Montholon (1783-1853), compagnon d'exil de Napoléon à Sainte-
Hélène. — 2'i mai : Brichambeau, Lariboisière, premier inspecteur
général d'artillerie (1759-1812). — 7 juin : E. Leterrier, Charles
de ChènedoUé, poète français (1769-1833).
Correspondant (Le). — '25 avril 191i : R. Palluat de Besset,
Les ancêtres du nouveau roi d'Albanie : les princes de Wied-
Neuvvied au dix-huitième siècle. — 25 mai : Y)' d'ANKREViLLE de
LA Salle, Le centenaire du traité du 30 mai 1814 : la naissance
d'un Empire [notre colonie sénégalaise]. — 10 juin : René Bran-
couR, Le bi-centenaire de Gluck. — 25 juin : Amédée Britsch,
Les courses de chevaux sous Louis XVI : les prix du roi. — 10
juillet : Albert Vogt, La restauration du catholicisme à Genève
sous la domination française. — 25 juillet : Amédée Britsch,
Charles-Joseph, prince de Ligne (1735-1814) ; Alfred Marquiset,
L^n héros de juillet : le général Dubourg.
Daheim. — L (1913), 3 : U. Krieger, Graber in der Volker-
schlacht 1813 Gefallener.
Deutsche Revue. — Novembre 1913 : V. d. Goltz, 1813 : Nach-
kliinge. — Janvier 191i : V. Auerswald, Freiherr v. Stein und
Landhofmeister v. Auerswald.
Deutschrechtliche Beitrage. — IX (1913), 3 : Paul Lenel,
Wilhelm von Huraboldt und die Anfange der preussischen Ver-
fassung.
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318 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
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hunclert Jahren. — 10: M. Barth, Ein kleiner Beitrag /,ur Wcin-
kultur in Borsch, 1782-1813. — U : Albert Fuchs, Die ersle Tele-
graphenlinie in Elsass-Lolhringen : Chappes Luftlelegraph Paris-
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léons I (suite dans le n° 72) ; D'' Caesar, Belohnung und Tnler-
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l'invasion ; M. Furcv-Raynaud, Un marin de l'an II ; G. Vau-
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à Hambourg (traduit par le commandant Minart) (suite les 1''
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l'Empire. — P' juin : J. d'AuBRivES, Rome et la France sous
Louis XV et Louis XVI ; G. Vauthier, Les cérémonies des écoles
centrales ; J. Durieux, Un marin de l'an II ; F. Baldensperger,
Deux lettres de La Tour du Pin au colonel Hamilton ; R. Reuss,
Une dépêche de Raslatt ; L. Maureu, Avant léna : le capitaine
Beaulieu ; F. Larcher, Deux petits-neveux de Corneille ; J. Du-
rieux, Le général d'Anglars ; A. Chuquet, Un discours de Napo-
léon aux troupes saxonnes ; E. Welvert, Celui qui découvrit
Hoche ; P. Bart, Le poète Pierre Lebrun, sénateur. — 1" juillet :
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préfet du département de l'Oise |né à Lorient, le 2 octobre 1749,
Cambry fut successivement président du district de Quimperlé en
1794 et 1795, président de l'administration centrale du Finistère
du 17 fructidor an IV au 14 prairial an V, administrateur suppléant
du département de la Seine du 9 brumaire au 19 germinal an VII,
et enfin préfet de l'Oise le 11 ventôse an VIII ; il occupa ce poste
jusqu'au 23 germinal an X] ; Abbé L. Meister, Un champion de
la royauté au début de la Révolution : François-Louis Suleau
(1758-1792).
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abgehaltenen Friedensfeste ; G. Glatzel, Brandschatzung der
Stadt Tarnowitz durch franzôsische und polnischc Streifkorps,
1806 und 1807 ; G. Glatzel, Die Opferfreudigkeit derTarnowitzer,
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Musikpsedagogische Zeitschrift. — IV (1913). 1 : Th. Bolte,
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Neue Jahrbiicher fiir das klassische Altertum, Geschichte... und
Pœdagogik. — XXXII (1913). 9 : Friedrich Cauer, 1806-1813,
Gesiclitspunkte fur die Behandlung im Unterricht.
Neue Jahrhndert (Das ).— V (1913), 39: H. A. Fischex, Gœthe
als Bibeikritiker.
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schen Subsidien fur Tirol im Jahre 1809 ; Oktober 1813 in Tirol.
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Rheinbundtruppen in der Niederlausitz, 1807.
BEV. HIST. DE LA BtVOL. -1
322 BEVUE HISTOIÎIQUE DE LA UÉVOLUTION FRANÇAISE
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zôsische GeneralJoubert ;P. Mahlek, Der Ucberfall bci Kitzen ;
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sischen Briefstiis |de 1798 à 1803, les formules religieuses furent
supprimées, et remplacées par les mots »c salut et fraternité »
ou d'autres formules analogues].
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ligung der hoheren Scbulen Preussens an der Erhcbung im .labre
1813; H. Walsejiann, Schleiermacber und die Frauen.
Pro Cultura. — IV (1913), 6: G. Bertagnolli, G. B. Maistrelli
e le idée di un conservatore Irentino sull' edueazione al tempo
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du Mans en l'an II et en l'an IH (suite en az^WZ-jH;';!) ,• P. Blin,
Ephcmérides sarthoises pendant la Révolution : Année 1790
(suite en avril-juin).
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vement pour la réforme électorale (1S3S-1841) ; Léon DÉRiÈs,Une
élection dans l'arrondissement deValognes sous la monarchie de
Juillet ; J.-G. Prod'homme, La musicpie et les musiciens en 1848.
Revue (La). — P^ mai 191i: Baron A. de ^Lxricourt, Le che-
valier d'Elbreuil. — /;î mai : A. Chuquet, Un prisonnier prussien
en 1814. — 1" juin : A. Cahuet, Napoléon délivré.
Revue catholique des institutions et du droit. — Mai 1914 : L.
Prieur, Les aliénés criminels sous l'ancien régime : La Bastille,
asile de sûreté.
Revue catholique et royaliste. — '20 mai 191 'i : G. de Rk.ault
d'Héricailt, La Révolution de Thermidor (suite le 20 Juin).
Revue critique des idées et des livres (La). — 10 juin 191i: M.
de Roux, Notes pour le centenaire de 1814 ; François Renié, Le
cas de conscience de Barthélémy [à propos de la publication de
ses Mémoires par M. Jacques de Dampierre].
Revue d'Auvergne. — Mars-avril 191 i : M. Lange, Poètes et
journalistes en Auvergne sous la monarchie de Juillet (suite en
mai-juin) ; Sous-intcndant Marcheix, Les prisonniers de guerre
autrichiens, hollandais et piémontais dans le département du
Puy-de-Dôme, de 1794 à 1796.
Revue de Belgique. — 15 février 191i : E. Buisset, Un anniver-
saire : Waterloo.
324 REVLE HISTOIilyrE DE LA RÉVOLITION FRANÇAISE
Revue de Bretagne. — Janvier 191'i : Ad. Oraix, La Chouan-
nerie en 1830 d:ins l'iirrondissement de Vitré. — Février : Maurice
Le Daii.t, L'entreprise coloniale du comte de Puisaye (1798-
1799).
Revue de Gascogne. — Mai WH : .]. Lestrade, L'évêque de
Coniminges et l'argenterie des églises de son diocèse en 1789;
A. Laifont, L'école à Mauvezin pendant la Révolution.
Revue de Hongrie. — /J juin 191i : Henri Welschinger,
André Cbénier d'après les manuscrits originaux et ses œuvres
inédites (suite le 15 juillet).
Revue de l'Agenais. — Mars-cwril 191i : J. Amblahd, Un cente-
naire (12 avril 1814) ; R. Bonnat, Crj'ptographie agenaise, ou
Journal secret d'Agen, depuis le l'''"n]ars 1814 jusques à pareil jour
1817, de ,lean-Florimond Boudon de Saint-Amans (suite en mai-
jain).
Revue de l'Anjou. ■ — Mars-avril 191'f : O. Ragienkt de Saint-
Aluin, Livres des pensionnaires et des externes à l'Académie
d'équitation d'Angers au XYIIL" siècle (1755-1790), d'après un do-
cument inédit (suite en mai-juin).
Revue de l'histoire des colonies françaises. — Avril-juin 19H:
H. Déhéhain, Une enquête de Silvestre de Sacy sur la langue du
Maroc en l'an \\\.
Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise. — Février
19i^: A. DiBOis, Les ambulances versaillaises de 1814; R. du
Lac, l'U sous-préfet de Rambouillet sous la Restauration.
Revue de linguistique et de philologie comparée. — /.) avril 191 'f:
J. V., Madame do Talioyrand, princesse de Bénévent.
Revue des cours et conférences. — ',''> mai 191 't : M. Mahios,
L'abbé Tcrray.
Revue des études historiques. — Mai-juin 19H : G. Gaitherot,
Un démolisseur jacobin : François Daujon (1792-1799) ; A. Au-
zoLX, Un incident diplomatique entre l'Espagne et le Directoire,
(1798-1799); Vicomte de Riciset, M'"*^ deGenlis et ses historiens.
Revue des études napoléoniennes. — Mars-avril 191 'n L. Haute-
cœur, Les origines de l'art Empire; M. Handelsmanx, Napoléon
et la Pologne ; Lieutenant Bucqvoy, Les dragons à pied sous le
premier Empire ; P. Marmottan, Les Anglais en Toscane (1813);
F. Massox, Le rôle de l'Autriche en 1812.
Revue des Facultés catholiques de l'Ouest. — Octobre 1913 :
Abbé F. UzuREAU, Les derniers jours de l'ancienne Université
d'Angers (1790-1793).
Revue d'histoire. — Janvier 191'f : M. S., L'organisation de la
PÉRIODIQUES 323
Grande Armée de 1813 (suite en février, mars et avril); R. J.,
Cam'pat^ne de 1814 : les corj)s d'observation d'Oudinot et de
Victor du 9 au lô lévrier (suite en février) ; A. L., L'armée et la
nation à la fin de l'ancien régime (suile en février). — Avril: ¥.
B., Campagne de 1807 : la manœuvre d'I^'lau (suite en mai, juin
eljiiillcl).
Revue d'histoire économique et sociale. —Juillrl-scplcmbre l!)13:
Charles Schmidt, Les débuts de l'industrie cotonnière en France,
de 1786 à 1806 (suite en jam>icr-mars l!)li); Ed. Allix, La riva-
lité entre la pro])nété foncière et la fortune mobilière sous la
Révolution. — Octobre-décembre : G. Bouh(;in, Mutualisme et
coopération sous le Directoire et le Consulat. — Jamncr-mars
191'i : Henri Siii;, La question de la vaine pâture en France à la
tin lie l'ancien régime.
■ Revue d'histoire moderne et contemporaine. — Mars-jnin l!)li :
M. Mauiox, Les rôles des vingtièmes et les statistiques de la
propriété territoriale sous l'ancien régime; (>li. Ballot, La poli-
tique extérieure du Directoire, d'après des ouvrages récents.
Revue du Bas-Poitou. — Avril-juin lf)H: Marquis d'ELBÉE,
Missions d'émigrés en Vendée : Le colonel d'Angely ; E. Remaud,
La guillotine et le peloton d'exécution aux Sables d'Olonne pen-
dant la Révolution ; L. Troussieh, La commune de Noirmoutier
pendant la Révolution : Prisons et prisonniers (5 pluviôse an II
et 19 pluviôse an III).
Revue du Foyer. — /.) avril 1!)H : G. Lacoik-Gayet, L'aurore
de la Révolution (suite les /"'' et /.) mai, ï''' et 15 juin).
Ravue générale. — Juin 191 i : E. Choumigorsky, La mort de
l'enqiereur Paul I''.
Revue germanique. — X{lDl'i). '; : Maurice Lanoike, Paris en
1801-1802, d'après le journal du Révérend Dawson Warren.
Revue historique. — .luillel-aoùl l'Jli : P. Caron, Un témoi-
gnage sur les événements de juillet 1789 [sept lettres de la mar-
quise de Lostanges, datées des 1'', 3, 7, 8, 10, 14 juillet et 28
août 1789, et une lettre du banquier de la marquise, M. de Seve-
linge, datée du 20 juillet 1789].
CHRONIQUE
Paul Feuillàtre. — Un de nos plus chers amis et collabora-
ieurs, Paul Feuillàtre, vient de trouver une mort glorieuse, le 22
septembre dernier, au combat de Lironville (Weurthe-et-Moselle).
Lieutenant au 356'^ régiment d'infanterie, il participa aux opéra-
tions militaires dès le début de la guerre, et il est tombé au champ
d'honneur, à peine âgé de 33 ans.
Attaché à la Grande Chancellerie de la Légion d'Honneur, où
il s'occupait plus spécialement du classement et du service des
Archives, il avait conquis la sympathie et l'amitié de tous ceux qui
l'approchaient, par l'inépuisable obligeance dont il donnait des
preuves quotidiennes. En outre de divers travaux littéraires, il
avait publié, en mettant à contribution les précieux dossiers de
la Légion d Honneur, plusieurs études historiques, parmi les-
quelles l'une des plus curieuses et des plus nouvelles est certai-
nement celle qu'il j)ublia, dans le numéro de juillet-septembre
1910 de notre Revue, sous ce titre : Mcda h'fjionnairc.
Nous perdons en lui un ami dévoué dont la fidélité ne se
démentit pas un seul instant ; mais la consolation qui nous reste
est de penser qu'il est mort pour la plus noble et hi plus sainte
des causes, et qu'il aura coiilrijjué par son sacrifice à hâter l'iieure
du triomphe de la justice.
Société Robespierre. — Le Comité directeur de la Société Ro-
bespierre nous comnuinique le manifeste suivant, qu'il vient de
publier :
I.;i Si)cii'té Robespierre, outrée des procédés sauvages de l'Allemagne
(|ui, ;iii nom de la culture, réédite les agissements des hordes i)arbaresdcs
premiers siècles, tient à exprimer sa profonde sympathie aux nations alliées
et amies qui, avec la France, combattent pour la civilisation éternelle.
La Société lîohcsplcrre proteste avec indignation contre l'odieux
l)oml)arilcmcnt d'Arras, \ ille natale du grand patriote Ahiximilien Robes-
pierre,
Cette guerre immense, qui mol aux prises la tyrannie et la liberté,
rappelle les immortelles campagnes do la lîôvolution où, comme aujour-
CHROXiyLF. 327
d'hui, la France Hépul)licaiiu-, syinbi>U' <iu Droit, luttait contre l'Alle-
magiic féodale.
Les grands souvenirs de cette niéniorable époque de l'histoire sont
plus que jamais vibrants en notre cifur.
La Société Robespierre, qui a déjà eu la douleur et l'honneur de perdre
deux de ses membres les plus dévoués, engagés volontaires tués à l'ennemi
adresse à tous ses adhérents et amis mobilisés son salut le plus fraternel,
sa pensée la plus fidèle.
Pour le Comité Directeur:
S. Relda-Galland,
Secrétaire GéniMale.
A travers les journaux. — Parmi les articles d'histoire publiés
au cours de ces derniers mois (du 1"' mai au 31 juillet 1914),
dans les journaux quotidiens, nous relevons les titres suivants :
Le 20 juin 779?, par M. A. Lestra, dans l'Aclion française du
21 juin: La Rcvohilion vienl-elle de la Réforme ? par M. L. de Mon-
tesquiou (ibicl., 22 juin) ;
Souvenirs elbois : Napoléon arrive à iilc d'Elbe, par M. E.
Martin, dans la Croix du 3-4 mai ; La Révolution et les églises de
Paris, par M. le Chanoine Pisani (ibid., 6, 19, 26, 31 mai, et 1"'
juin) ; Les éç/lises de France sous la Révolution, par M. le Cha-
noine Pisani (ibid., 7-8. 16, 18 et 24 juin) ; Souvenirs elbois :
Napoléon organise son royaume, par M. E. Martin {ibid., 7 juillet);
Hoche cl la réaction, par M. H. Monin, dans la Dépêche du 30
juin ;
Un coup d'œil sur la Convention, par M. Charles Foley, dans
l'Echo de Paris du 31 mai ; Marie-Louise à Saint-Quentin, par M.
Frédéric Masson {ibid., 21 juin) ; Le Prince de Ligne (1735-ISIi),
par M. le comte Ernest de Ganay (ibid., 16 juillet) ;
La mort de Joséphine fut-elle mystérieuse ? par M. Georges
Montorgueil, dans l'Eclair du 20 mai ; Un buste du Dauphin, par
M. Georges Montorgueil (ibid., 4 juin) ;
Autour de Danton, par M. E.Daudet, dans le Figaro du 7 ']mn;Un
document /rag((/((efDanton],parM. Georges Gain (ibid. , 14 juin) ;
Um Napoléon : Briefe aus dem Kriegsjahre 1S13, dans la Frank-
furter Zeitung du 20 mai ; Hegel ah Jouriialist, 1807-1808, par M.
B. Mùnz (ibid.. 21 mai) ; Der Franzosc (1812-1813) im deutschen
Kinderspiel (ibid., 8 juin) : Aus den Kriegsjahren 181 A und 1815,
par M. Philippson ((6/(/., 14 juin) •,Belgiens Tribut an die Her:oge
von Wellington {ibid., 26 juin) ; Napoléon in Berlin 1806 (ibid., 13
juillet) ; Eine Kabinctlsordcr Friedrich Wilhelm III :ur Militar-
slrafgerichlsbarkeit (1808) (ibid.. 25 juillet); Gœlhe i'iber die Wehr-
stener [lettre inédite du 13 avril 1808; (ibid., et même date) ;
328 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Napoléon et le préfet de la Vendée, par M. Frédéric Masson,
dans le Gaulois du 2 mai ; Vers Vile d'Elbe, par M. l'rançois de
Nion (ihid.. 8 mai) ; L'impératrice Joséphine, par M. L. Vaudoyer
(ibid., 28 mai) ; Le mariage du prince Eugène, par M. Frédéric
Masson (ibid., 29 mai) ; Axel de Ferscn. par M. François de Nion
(ibid., 3 juin) ; Dcsaix, par M. le lieutenant-colonel Roussel (ibid..
15 juin); L'armée de 1813, par M. le général Bonnal (ibid., 24
juin); Les journées de juillet 17<S9 à Versailles, par 'SI. François de
Nion((t;(/., 20 juillet);
L'entrée du Roi (ISli), par M, G. de Céli, dans la Gazette de
France du 5 mai ; « L'aristocratie » du Directoii'e, par M. A.
d'Halbret (ibid., 18 juin) ; Trois rapports de police inédits relatifs
au.v éuènemcnts de juin 1792, par M. P. de Vaissière (ibid., 23 juin) ;
Le lu.re et l'impiété sous le Directoire, par M. A. d'Halbret (ibid.,
30 juin) ; (]ondorcet et les femmes, par M. G. de Céli (ibid., 7 juil-
let) ; Paris en 1810, par M. G. Malet (ibid., 13 juillet) ; Un prési-
dent des vainqueurs de la Bastille : son récit inédit de la prise de la
Bastille, par M. P. de Vaissière (/Z)/(/., lô juillet) ;
La dot de Genève, ISli, par M. Jules Carrara, dans le Genevois
du 14 juin ;
Une rébellion niililairc en 1193. par M. Henri Gucrlin, dans le
Journal des Débats du P' mai ; Le lieutenant Bonaparte. parM. H.
Welscliinger (ibid., 20 mai) ; Les fêles du centenaire de Xapoléon
souverain de Vile d'Elbe, par M. H. Welschinger (ibid., 23 mai) ;
Le centenaire de la mort de Joséphine (28 mai 18Ut), par M. H.
Welschinger ((è(<i., 30 mai); Florian révolutionnaire, par M. De-
maison (ibid., 31 mai) ; Fragonard révolutionnaire, par M. P. de
N'olhac (ibid., 10 juin) ; Le Prince de Ligne et Napoléon, par M.
H. Welschinger (ibid.. 22 juin) ; Le second mariage de Napoléon,
par M. H. Welschinger (ibid., 21 juillet) ; Le Prince de Ligne cor-
rigé par M""' de Staël, par M. H. Morand (ibid., 27 juillet); Danton:
Vaccusation de vénalité, par M. A. Albert-Petit (ibid.. 29 juillet) ;
En mai 181 't, par S\. Etienne Charles, dans la Liberté du 8
mai ; Bliichcr, par M. le lieutenant-colonel Roussel (ibid.. 16 juin) ;
Paris en 1810, par M. Etienne Charles (ibid.. 26 juin) ;
Danton, par M. Guy de Téramond, dans la Patrie du 20 juin ;
L'impératrice Joséphine, par M. Henri lîloch, dans le I^ester
Llogd du 29 mai ;
Un emprunt en 1789. par M. Paul Bosq. dans le Petit Journal
du 24 juin ;
.1 propos de Lazare Hoche, par M. T. Steeg, dans le Rappel
du Ojuillct ;
CHRONIQUE - ;{2Î)
La défensive catholique et la Vendée {1793), par M. Oscar Ha-
vard, dans le Soleil du 8 mai ; La nwrt d'une im/xi-atrice [José-
phine], par M. .1. Manlenay (ibid., 19 mai) ; Danton, par M. O.
Havard (ibid., 23 juin) ; La liberté de la presse sous le premier
Empire, par M. le général Reljillot (ibid., 24 juin) ; Danton et le
« salut de la France », par M. C). Havard (ibid., 27 juin) ;
Une Mirabeau émigrée : De Nice à Fossano, par M. Dauphin
Meunier, dans le Temps du 1'^'' mai ; La Jacquerie du Quercii en
1790. par M. Beaumont-Bernoss (ibid., 18 mai) ; La charrette de
Danton, par M. G. D. {ibid., 10 juin) ;
Nelson lo his wife : Icttcrs of loue and csiccm. 17S.1-1S0(J, dans
le Times du 8 juin ;
Les Favoris de Marie-Antoinette, par M. Gustave Gautherol,
dans l'Univers du 4-5 mai ; Napoléon dramaturge, par M. Saint-
Roman (ibid., 6 mai) ; Le collectivisnw sous Robespierre, par M.
G. Gautherot (ibid.. 11-12* mai) ; La politique de Danton, par M.
(j. Gautherot (ibid., l"^ et. 2 juin) ; Bandits et héros, par M. G.
Gautherot (ibid.. 10 juin) ; De Miùstrc eu face de la Révolution, par
M. C. Lecignc (ibid., 28 juin) ; Réflcvions sur le W juin /7,')2, par
M. A. Leslra (ibid., 2 juillet) ; La ]>ri.ie de la Bastille et les jour-
nau.v du temps, par M. Saint-Roman (ibid., 15-16 juillet) ;
L ancienne littcralure honjiroise sur Napoléon, par M. Léopold
Huttkaj', dans VUjsa<] du 17 mai ; Les dernières années de l im-
pératrice Joséphint:, par M. Henri Bloch (ibid., 29 mai).
Autographes et documents. — Le 8 juin 1914 a eu lieu, à l'Hôtel
Drouol, par les soins de M. Noël Charava}', une vente d'auto-
graphes, où la période de la Révolution et de l'Empire était
représentée par un certain nombre de documents, dont voici les
principaux : une lettre du Directoire au général Scherer, com-
mandant en chef de l'armée d'Italie, datée' de Paris, 2 pluviôse
an IV ; — une lettre d'Augereau, datée de Lyon, 1"^' septembre
1814, et fort intéressante pour la connaissance des vues et des
sentiments d'Augereau à cette époque ; — une lettre d'Alexandre
Berthier (quartier général d'Alexandrie, 16 messidor an VI); —
une lettre de Pauline Bonaparte (25 février 1810) ; — un manus-
crit autographe de Condorcet, intitulé : Sur la détermination des
fondions arbitraires qui entrent dans les intégrales des équations
au.v (li/férences partielles (56 pages in-4") ; — une lettre de Daru
(Paris, 30 pluviôse an XI), par laquelle il sollicite une place à
l'Académie ; — une lettre du duc Decrés, ministre de la Marine,
à l'amiral Villeneuve (Paris, 18 ventôse an XI); une pièce auto-
graphe de Duniouriez, donnant la nomenclature de ses états de
3iJU UEVLE HISTORIQUE DE L.\ RÉVOLUTION FRANÇAIS!;
service ; — une lettre de Fontanes à Lucien Bonaparte (29 floréal
an IX) ; une lettre de Laplace à Lavoisier (7 mars 1782) ; — une
lettre du maréchal Lefebvre à Barras (Strasbourg, 1'' brumaire
an VI) ; — une lettre de Napoléon I'"'' au général Ranipon (Le Caire,
hS l'rimaire an \'II);^ une lettre de Ney à Moreau (Burghausen,
28 pluviôse an IX) ; — une lettre de Tallej'rand (Valençaj', 11
août 1820), où il expose ses vues sur la situation de l'Europe ; —
une lettre de Chaumette (Paris, 11 décembre 1792) ; — une lettre
de Lavoisier à Parisis (Paris, 7 février 1791 ) ; — une lettre de Mar-
ceau au général Taponier (Waldorf, 30 vendémiaire an III).
— Dans une autre vente d'autographes qui a eu lieu le 15
juin, également à l'Hôtel Drouot et par les soins de M. Noël
Charavay, figuraient, entre autres, les pièces suivantes : une lettre
du général Caudaux aux administrateurs du département du Fi-
nistère (Saint-Brieuc, 8 décembre 1792); — une lettre de Marie-
Joseph Chénier à Barras (3 nivôse an IV) ; — une lettre de Fou-
quier-Tinville (Paris, 4 prairial an II) ; — une lettre du maréchal
.Tourdan au général Lefebvre (Paris, 16 fructidor an \'II); — une
lettre de l'amiral Nelson (7 septembre 1798); — une lettre de
Ney au général Dutaillis (Recques, 14 thermidor an XIII) ; — un
arrêté du Comité de salut public, signé par Robespierre, Carnot,
R. Lindet et Barère (Paris, 2 messidor an II) ; — une lettre du
général Savary à son père (Oberammenbergen, près Strasbourg,
22 octobre 1793), où il lui fait le récit des combats livrés entre
Strasbourg et Haguenau ; — une lettre de Wellington à Ney
(21 avril 1810).
TABLES
TOME î*;i:s^ii:me
Juillet-Décembre 1914
I
TAI'.LK DivS MATIERES'
l'nges
liAUIiEY (Frédéric) : I-\'lix DtsiinrUs et l;i rc'uniim ilc (icnOvc à l;i
France en 17!)S 23
Ci:ssi (Uohci-to) : lùiillc (imuliii et la i)oliti(|iie française ù C.onstan-
tlnoplc en 1792 2;i()
Favukt (P.-M.) : Le procès îles papiers <lc (a.urlols ( 1 S3 1 - 1 «:« ) . Hil
GuiLLOTiN : Lettres inédites à Benjamin Franklin (1787-17SS> . • ■>
Marie-Caroline, reine des Deux-Siciles : Lettres Inédites au mar-
quis de Gallo (1789-1S(>()) S2, 2:)4
Payenxevillk (U') : Marat et l'Académie de Koucn '>!
Pkise (Lucien) : Rovèi-e et le marcpils de Sade 70
Vauthiku ((tabrlel) ; Fourcroy, conseiller d'Ftat 213
Mélanges et documents
L'ne lettre de C.luirles de Lameth à la Société des Amis de la C.cms-
titution de Montauhan, 3 décembre 1790 (Emilie Téchiné) . . 99
Fahre d"Eglantinect les Rcroliitions de Paris au début de 1791 (C.liar-
lesVellay) 101)
La Loge de Verdun et le serment civique en mars 1791 (Otto Kar-
mln) 103
1. Les arlicl.-s de IVmd sont rangés par ordre alphaliélitiuo des noms des
auteurs, les mélanges et dociunenls par ordre eliroiiologique des nuitières, les
notes et glanes par ordre alphabétique des titres, lu bibliographie par ordre
alphabétique des noms des auteurs d<>s onvraf;i-s, les n.ites de chronique par
ordre alphabétique des titres.
332 REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Comment on jugeait les affaires tle France, en seplenibie 1~'.Y2. clans
l'entourage des Constituants émigrés à Londres (Otto Kurmin) . 27l)
Les Angevins patriotes, 1790-1793 (F. Uzureau) I(l7
Billaud-Varennc esclavagiste ((Charles Vellay) .... 27.")
Deux rapports de police sur le Congrès de Vienne, 2S octobre et 1' ''
novembre 1814 (Commandant Weil) 281
L"esprlt public dans les départements de l'Mst en mai 181,") (A. de
Tarlé) 2S,")
Les papiers de Bolssy d'Angias (11. Monin) 288
Notes et glanes
Diamants de Madamedu Bariy eii janxler 171)1 (Le vol des) . . 294
Elisabeth de .Saxe, 31) juin 1789 (Une lettre de la princesse) . . 112
Epigrammes sur le couronuemeut de Napoléon (Deux) ... 29.')
Rastadt (Des vers latins sur le CongrC-s de) 11!!
Bibliographie
(Les noms placés ciiln- pnrcllllloscs à la suih- îles lilrcs solll ceux
des auteurs des comptes icmliis.l
Bnrlhclcmi! (Mémoires de), 17()8-18!9, pul)llés par .lacques ilc
Dampierre (H. .Moulu) 'MW
Bcuvc (Octave), L'Invasion de 1S14-181.') en Champagne (M. H.) . 3()2
Bullcl (Maurice), Xap()léi)U aux cami)s de Boulogne ; la côte de
i'eret lestlottilles (A. de Tarlé) 11.")
Diimpicire (Y. Barthélcmij).
Friç/nel-Desprcdii.r (C.o](me]), Le Maréchal Mortier, duc de Trévise.
Tome I (A. de Tarlé) 111
Gr«ssc( (Capitaine A.), La guerre d'Espagne. 1807-1813 (A', de
Tarlé) IKi
Le Brcthon (V. Munit).
Mural (Priuce) et Paul Le Bn-lluiit. Lettres et documents pour ser-
vir à l'histoire de .loachim Murât, 17()7-181,'). Tome V111(A. de
Tarlé) 297
Piohi-Casclli (Elisabeth), l'u Ministro 4'oseano al Cougresso dl
Vlenua, 1814-181.') (M. H.) 3()(i
Vzuifdu (F.), Les victimes de la Terreur eu .\iijoii : liste des per-
sonnes déeédées dans les prisons d'Angers ( H. Moulu) 111
V:ure<iu (F.), .\ndegaviana, 12"^ série {H. Monin) 297
Yichil de lu Bl<iehc (Capitaine), L'évacuation de l'Espagne et l'In-
vasion dans le Midi, 1811^-1814 (M. IL) . ....... 119
TVe/cer/ (!'..), Na])oléou et la Police sous la première Hestauratloii,
d'après les rapports du comte Beuguot au roi Louis XVIll
iM. H.) l'io
Livres nouveaux 121). ;î1)7
Périodiques 127. 313
J
TABLES 333
Chronique
Aiitographcs et (IdciiiiRiits 154, 329
Bibliothèque de l;i lieviie liist<iric|iie de l;i Héviihitldii tVunçaise
et de l'Hinpire 149
Feuillâtre (Paul) 32()
Firmont au Icndeuialn de la uiort de Louis X\'l (Les iiupres-
sious de l'abbé Hdgewoith de) 159
Journaux (A travers les) 149, 327
Marie-Antoinette à la princesse de Land)allc (Autour d'une
lettre de) 151
Mirabeau (Quelques docnuients sur) 156
Hobespicrrc et la loi de prairial 160
Société Robespierre 326
INDEX ALPHAB1<:TI01 TE
Angevins : Les — patriotes (1790-
1793), p. 107.
AuRE (Comte d") : Lettre de l'or-
donnateur Boismont au — (lô
mai 1815), p. 285 ; Lettre du
général Saint-Michel au — (22
mai 1815), p. 287.
Ai;tographes : — et documents,
pp. 154, 329.
Barbey (Frédéric) : Féli.\ Despor-
tes et la réunion de (îcnève à la
France en 1798, p. 23.
B.\RRy (Madame du) : Le vol des
diamants de — en janvier 1791,
p. 294.
Bibliographie (Pour les comptes
rendus bibliographiques, xoir le
détail supra, à la Table des ma-
tières).
Billauu-Varenne : — esclavagiste,
p. 275.
BoisMONi : Lettre de — au comte
d'Aure (15 mai 1815), p. 285.
Boissv i) Angi.as : Les papiers de
— , p. 288.
(]ari>ani (Joseph) : Rapports de —
à Hager (28 octobre et 1'' no-
vembre 1814), pp. 281, 282.
(^lîssi (Roberto) : Emile Gaudin et
la politi((ue française à (^onstan-
tinople en 1792, p. 230.
(^.OMni:r (Joseph) : Emile Gaudin
et la politi(|ue française à Cons-
tantinople en 1792, par Roberto
Cessi, traduit par — , p. 236.
C'oNGHÈs : Des vers latins surle — de
Kastadt, p. 113; Deux rapports de
police sur le — de Vienne(28octo-
brect 1" novembre 1814), p. 281.
(^ONSTANTiNOPi-E : Emilc Gaudin et
la politique française à — en
1792, p. 230.
334
HEYL'E HISTORIQUE DE LA REVOLUTION FRANÇAISE
(loNSTiTiANTS : (^omiiiciit on jugeait
les afl'aircs de France, en septem-
bre 1792, clans l'entourage (les —
émigrés à Londres, p. 270.
Coinrois (Edme-Bonaveuture) : Le
procès des papiers de — (1S31-
1833), p. Kil.
Coi iiTois (Henri) ; Lettres de —
au Duc Deeazes (1'' mars 18,31,
11 avril 1831, 8 octobre 1832. 28
janvier 1833), pp. 162. 166, 169,
206 ; Lettre du duc Deeazes à —
(7 avril 1831). p. 16,').
("nETKT : Lettre de — à Napoléon
I''- (6 décembre 1808). p. 2.33.
Damboiunav : Lettre de Marat à —
(25 mai 1783), p. 56.
DivCAZES (Duc) : Lettres de Henri
Courtois au — (1'' mars 1831.11
avril 1831. 8 octobre 1832. 28
janvier 18.33), pp. 162. KiO. 1(59.
206 ; Lettre du — à Henri Cour-
tois (7 avril 1831). j). I(Î5; Fac-
tum du — dans le procès des pa-
piers de Courtois (8 novembre
1832», p. 171.
Dki'artfmexts: Lesprit public dans
les — de l'Est eu mai 181,"). p .28,).
Desi'Ohtes (Féli.x): — et la réunion
de Genève à la France en l/dS.
p. 23.
DntECTOlKE EXÉCITIF : Leitle (le
Talleyrand au — (17 IVimaire an
VI), p. 43 : .\rrèté du - (17 fri-
maire an VI). p. 43.
Di: Bauhv (Madame) (V. Hauhv).
DuMOXT (Etienne) : Lettres adres-
sées à — (septembre et octobre
1792), pp. 270. 272, 274.
Elisabeth i>e Sa.\e : L'ne lettre de
la princesse — (30 juin 1789), p.
112.
Fahhe d'Ec.i.antixe : — et les Révo-
hilions (le Piiris au début de 1791.
p. 10(1.
Fa\hi:t (P.-M.) : Le procès des pa-
piers de Courtois (1831-1833).
p. 161.
I'ei iLLATMi; (Paul) : — . p. ,32().
Fm.MOXT (I-ldgewortb de) : Les im-
pressions de l'abbé — au lende-
main de la mort de Louis XVI,
p. 1.59.
FoiRCROY : — , conseiller d'Etat,
p. 213.
France : Félix Desportes et la
réunion de (îcnève à la — en
1798, p. 23 ; Comment on jugeait
les affaires de — , en septembre
1792,dans l'entourage des Consti-
tuants émigrés à Londres, p. 270.
Franklin (Benjamin) : Lettres iné-
dites de C.uillolinà —(1787-1788),
p. 5.
Gallo (Manpiis de) : Lettres iné-
dites de Marie-{^aroline, reine
des Deux-.Sicilcs, au — (1789-
1806), pp. 82, 254.
Gaidin (Emile) : — et la politiipie
française à Constantinople en
1792. p. 2.'«;.
Genève : F'élix Desporles et la
réunion de — à la F'rance en 1798,
p. 23.
Gi ILLOTIN : Lettres inédites de —
à Benjamin FranUlln ( 1787-1788),
p. 5.
Hagkr (Baron): Rapports de.Iosepb
Carpaui au — (28 octol)re et 1''
novembre 1814), pp. 281, 282.
Joi KNAix : .\ travers les — . pp.
149, 327.
KAH>nN (Otto) : La Loge de Verdun
et le serment civique en mars
1791, p. 103 ; Comment on ju-
geait les affaires de France, en
septembre 1792, dans l'entourage
des Constituants émigrés à Lon-
dres, p. 270.
Lamballe (Princesse de) : Autour
d'une lettre de Marie-Antoinette
■lia-, p. 151.
Lamkth (Charles de) : Une lettre
tle — à la Société des Amis de la
('oiistitution de Moiitaiibaii (3 dé-
cembre I7i)()), p. 9i).
Loc.i-; : La — de Vei'duii et le ser-
ment ci\i(|iie en mars 17i)l, p.
103.
LoNDKKS : Comment on jugeait les
affaires de France, en septembre
1792, dans l'entourage des Consti-
tuants émigrés à — , p. 270.
Loiis XVI : Les impressions de
Tabbé l-'dge\\()rtb de Firmont au
lendemain de la mort de — , p.
159.
Mahat : —et l'Acadénile de Houen,
p. ôl ; Lettre de — à Dambour-
nay (2.") mai 1783), p. 7M.
Mahii:-Ant()Im;tïi; : .Xiilour d'une
lettre de — à la |)rincesse de
Lamballe, p. loi.
Mauik-Cauoi.ink, reine des Dcux-
Siciles : Lettres inédites de —
au marquis de Ciallo (17cS9-l.S0()),
pp. 82, 2,')4.
MiKAiiKAU : (J!uel(|ues documents sur
—, p. l.")!).
MoNiN (H.) : Les papiers de Hoissy
d'Anglas, p. 2.S8.
MoNTAi.iviîT : Lettre de — à \a-
poléon F"- (10 décembre 1809),
p. 233.
MoNTAiTBAN : Vile lettre de Charles
de Lamcth à la Société des Amis
de la Constitution de — (3 dé-
cembre 1790), p. 99.
Napoléon I'i : Lettre de Cretct ;i
— (6 décendjrc 1808), p. 233 ;
Lettre de Montalivet :i — (10 dé-
cembre 1809), p. 233 ; l)eu.\ épi-
grammes sur le couronnement de
—, p. 29,5.
Paye.\nevii.lk (1)1) : Marat et r,\ca-
démie de Houen, p. 51.
Peise (Lucien) : Rovère et le mar-
quis de Sade, p. 70.
•ES 335
l'oi.ici: : Deux ra])ports de — sur
le Congrès de Vienne (28 octobre
et F' novembre 1814), p. 281.
HAPi'oitTS : Deux — de police sni-
le Congrès de Vienne (28 octobre
et 1" novembre 1814), p. 281.
HAsrADT : Des vers latins sur le
Congrès de —, p. 113.
« lirvoi.UTioNS i)i; I'amis » : h'abi'e
d'l{glantine et les — au début de
1791, p. 100.
HonEsniîiuu; : — et la loi de prairial,
p. lOO: Société —, p. 32().
RocEN : Marat et l'Académie de —,
p. 51.
RovKHi-; : — et le mar(|uis de Sade,
p. 70 : Lettres du marquis de
Sade ;i — (22 vendémiaire, II
Iriniaii-e. I.'î IVimaire, 27 nivôse,
22 ventôse an V), pp. 72. 73. 74,
75.
Sadi-; (Mar([nis de) : lîovère et le
— , p. 70; Lettres du — à P.ovère
(22 vendémiaire, 11 frimaire, 13
frimaire, 27 nivôse, 22 ventôse
an V), pp. 72, l'.i. 74. 75.
Saint-Michhi. (Cénéi-al) : Lettre du
— au comte d'Aure (22 mai 1815),
p. 287.
Sa.m; (F!;iisabeth de) (V. Fi.isahkth
DE Saxe).
Seument c.nnji e : La Loge de Ver-
dun et le — en mars 1791, p. 103.
TAi.i.KViiANn : Lettre de — au Di-
rectoire exécutif (17 frimaire an
VI), p. 43.
Taiilé (A. de) : L'esprit public dans
les départements de l'F'st en mai
1815, p. 285.
Téchiné (Emilie) : Une lettre de
Charles de Laiiicth à la Société
des .Vuiis de la constitution de
Montauban (3 décembre 1790),
]). 99.
l'znu;AU (F.) : Le» Angevins pa-
triotes (1790-1793), 1). 107.
33()
REVUE HISTORIQUE DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE
Vai THiKii (Gabriel): Fourcroy, con-
seiller d'Etat, p. 213.
ViiLi-AY (C.harles) : Lettres inédites
de Guillotin ;i Benjamin Franklin
(1787-1788), publiées et annotées
par — , p. 5 : Fabre d'Kglantinc
et les liéi'olittions de l'aris au
début de 1791, p. 100 ; Billaud-
Varenne esclavagiste, p. 275.
Vkhdin : La Loge de — et le ser-
ment el\ i(|ue en mars 1791, p. 103.
ViKNXE : I)cu.\ rapports de police
sur le Congrès de — (28 octobre
et l'i novembre 1814), p. 281.
Wi:ii. (Commandant) : Lettres iné-
dites de Marie-Caroline, reine
des Deux-Siciles, au marquis de
(lallo (1789-18(10), publiées et
annotées par le — , pp. 82, 254 ;
Deux rapports de police sur le
Congrès de Vienne (28 octobre
et ï" novembre 1814). p. 281.
i
Le l)inrlciir-(ù'r(inl : Chaiu.k.s Vellay.
Laiii;[:n l'iKiu:. — iMpnniKuir. Ma/.ki. (!v Pi.axchkk
i